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L
Ci^H
CONGRÈS
INTERNATIONAL
D'ANTHROPOLOGIE & D'ARCHÉOLOGIE
PRÉHISTORIQUES
\ «VnsSENBRJCa
BRUXELLES.
CONGRÈS
INTERNATIONAL
D'ANTHROPOLOGIE & D'ARCHÉOLOGIE
PRÉHISTORIQUES
-♦♦-
COxMPTE RENDU
DE LA
6e SESSION, BRUXELLES, 1872
•^4'*
BRUXELLES
C. MUQPARDT, ÉDITEUR
"fi. ^ERZBACH, SUCCESSCUA
LIBRAIRE DE LA COUR ET DE S. A. R. LE COMTE DE FUIfDRE
1873
'ïfLiJ.n^
Ci /à
VT' l>
ObseirsUons complémentairaB par MM. l'abbé SOUMEOtS et VUOflil
SCHIIHT
Sur des silex taillés découverts dans les terrai^is miocène et plio-
cène du Portugal, par M. IIIEIIO. (Planches 3, 4 et 5) .
Discussion, par MM. l'abbé lOUIGEOIS et FUHKS
Sur laposlUon géologique des couches miocé'nes el pliocènes du Por-
tugal gui contiennent des silex taillés, par M. IIBElm).
Sur la cassure artificielle d^ossetnents recueillis dans U terrain
miocène de Pikermi, par M. le baron VON DUCKER ....
Discussion, par MM. UPELLim, VON DUCKER et OE IDITILIET .
Sur un crâne humain déemaiert en Californie dans un terrain con-
sidéré comme tertiaire. — Demande de renseignements, par
M. DE BUlIIEFiGES
Réponses, par MM. l'abbé IDUIGEOIS et DESDII
Sur de prétendus indices de tracail hiitnain signalés sur des dents
de Carchorodon du crag de Suffolk, par M, IDSK ....
II
GEOLOGIE DES TERRAINS QUATERKAiRES & DES TOURBIÈRES
Sur rantigulté de Thomme et sur tes phénomènes géologiques de
répogtie quaterttaire en Belgique, par M. DIPONT. (Planches
17 4 23, 28 a W, 31 â Met 73}
- 7 —
III
L'HOMME A L'ÉPOQUE QUATERNAIRE
Pages.
Note sur Thomme fossile des cavernes de Baoxissé Rousse y en Italie,
dites Grottes de Menton, par M. E. RIVIÈRE. (Planche 6). . . 164
Sur les grottes de Molfetta, par M. le professeur CAPELLINL (PI. 79). 175
Sur un squelette humain de Vàge du Renne découvert à Laugerie
Basse, par M. CARTAILHAC 182
Sur la cave^'ne de Vhotnme mort près Saint Pierre les Tripiés
{Lozère), par M. BROCA 182
Discussion, par MM. CAZALIS DE FONDOUCE et FRANKS 198
Comparaisons entre les ossements des cavernes de la Belgique et les
ossements des kjœkkenmœdding du Danemark, du Groenland
et delà Laponie, par M. J. STEENSTRUP. (Planche 78) . 199
Discussion, par MM. DUPONT et HAIY. (Planches 76, 77 et 78) . . 214
Sur remploi du fer météorique par les Esquimaux du Groenland,
par M. J. STEENSTRUP. (Planches 24, 25 et 26) 242
L'homme de Vàge du Mammouth dans la province de Sainaut, par
MM. F. L CORNET et A. BRIART. (Planches 29, 51, 52, 53, 54, 55 et 56). 250
Discussion, par MM. DESOR, CORNET, DE lORTILLET et D^OIALIUS . . 268
De Vextension géographique des populations primitives en Belgique
et dans le Nord de la France, par M. le docteur E. T. HAIY.
(Planches 17, 18, 51, 52, 53, 54, 55 et 56) 269
Sur Vemmanchure des silex, par M. REBOUX 278
IV
L'HOMME PENDANT L'AGE DE LA PIERRE POLIE
Sur Vàge de la pierre polie et les exploitations préhistoriques de
silex dans la province de Hainaut, par MM. F. L. CORNET et
A. BBIART. (Planches 29, 30, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66 et 67). 279
Sur les sépultures préhistoriques et sur un atelier de silex ouvrés
découverts sur le cap Blanc Nez, à EscaXles (Pas de Calais), par
M. E. LE JEUNE 299
Sur les ateliers de silex pendant tàge de la pierre polie en Angle-
terre, par M. lUGUSTUÏ W. FlilKS
Ateliers de fabrication iToutils de pierre dans la Saute Egypte, par
M. J. DELMOUE
NoHce sur Eastedon, par MU. UNDULD et DE IHDIGUEl. (Planches Ut,
69,70,80,81,816w,82.83,84etft5)
Sut la station de Cage de la pierre polie de Linciaua: (Cinet/), par
H. A. tECI)irET.(PlancheB71et72j
Stations nouvelles de Vâge de ta pierre polie en Belgique, par M. le
docteur CLOIIUET
Recherches préhistoriques et historiques dans la Capitanate, par
M. lecapitainallEELD JINEELUCCI
Sur des antiquités trouvées dans Vile dOstroico, par M. le comte
WEÏIEISKl
Vestiges de Texisteneedethomme préhistorique enGrèce, parM. ÏOI
DUCKER
Sur des Instruments en pierre provenant du Japon, par M. le mar-
quis DE ÏIBIAÏE. (Planches 13, 14, 15 et 10}
Sur les crânes, les mœurs et Viiulustrie des anciens Indiens de la
Plafa, par M. lURIEISTES
Surdes silex taillés en scie, par M. tOVtkU
Discussion, par MM. l'abbé lOUIGEOIS et CDTTEAU
Sur les haches en néphrite et enjadéite, par M. lESOR.
Diacuesion, par MM. DE lOBTILLET, DESOR, DE DUATREFIGES, SCHUFFHIUSEK,
CkPELLINI, l'abbé DELtURAT, LAGNEAU et LEEIANS
Sur les haches en jadéite découvertes en Belgique, par M. G. NAGE-
■AHS
— 9 —
Pages.
Les dolmens d'Afrique^ par M. le général FAiDHEBBE. (Planches 7, 8,
9, 10, 11 et 12) 406
Discasflion, par MM. WORSAAE, DESOR et DE QUATREFAGES .... 420
Note relative aux deux types du dolmen de Borrehy^ par M. DE QUA-
TREFAGES 425
Discassion, par M. CABTAILHAC 429
Sur des cités maritimes à Java, par M. le colonel WEITZEL . 430
CLASSIFICATION DES AGES DE LA PIERRE
Classification des diverses périodes de Tàge de la pierre, parM. GABRIEL
DE iORTILLET. (Planches 17, 18, 19, 20, 21, 22 et 23). ... 432
Discussion, par MM. rabbéSOURGEOiS, FRANKS, DE IORTILLET, CARTAILHAC,
DESOR, FRAAS, COTTEAU et HÉBERT .444
CUissement de Vàge de la pierre en Belgique, par M. i. DUPONT.
(Planclies27, 37 à 50, 51 à 56, 57 à 66, 67 à 72 et 88 à 89) . . 459
Sur les silex taillés des carrières de Levallois, par M. REBOUX . 479
Sur la divisio7i du Nord de VEiirope en proviyxces archéologiques
pour Vàge de la pierre polie, par M. HANS HILOEBRAND ... 479
Sur les migrations hunmines, par M. CH. TARDY 485
VI
L'AGE DD BRONZE & L'AGE DU FER
Sur rage du bronze, par M. S. NILSSON 492
Sur les sépultures de Vàge du bronze dans le Midi de la France, par
M. CAZAUS DE FONDOUCE 494
Sur rage du bronze en Orient, par M. OFFERT 496
Discussion, par MM. WORSAAE, OFFERT, LEEMANS, CONESTABILE, FRANKS,
l'abbé BOURGEOIS, RIBEIRO, V. SGHilOT et CAPELLINI 498
Sur la trouvaille dEygenbilsen et les trouvailles étrusques au
JVorc/t/r^ A(p€?5, parM. DESOR 506
Discussion, par MM. CONESTABILE, WORSAAE, HILOEBRAND, FRANKS et
DESOi 510
- 10 —
PMM.
Eisloire du fer dans te pays de Namur. — Les bas-ftmmtauas de
Lustin, par M. lEICHEl 519
DiKuseion, par M. VON DÙCKII 530
Sur un bas-relief d'un temple à Java, psiT M. t. LllMkK ... 530
VII
ANTHROPOLOGIE PRÉHISTORIQUE
Sur Fanthropologie préhistorique, par M. SCHUFFNiUSEM. (Planche 90).
DUcDBsiou, par MM. HlIT, DE WURIIBMD et VON Dil'CKEB.
Sur Us crânes de Furfooi, par M. le docteurS.lUBKEHU. (Plancha 74),
DUcussion, par MM. HIIT, DUPONT, VIRCNOW et UGHEiU. (PlancbeB 71,
75 et 86)
Sur Uscrânesdes cavernes de Chauvauie, de Sclaigneaux, etc., pu
M. N. flNCHOW
Sur rethnolûgie de la Belgique, par M. l. nninmiK .
DiscusBiOD.parM. LUMEID
Sur les pc^ulalions eteropéennes, par M>°* CL£lENCt NOTER .
Sur les races humaines de VEurope, par M. DE OUkTNEFAGES . .
Sur la classification des populations de la Grande Bretagne et de
rindoustan, par HTDE CLUKE
DiacDsaion.parMM. DEBDATIEFUESetV.tCHIIOT
Sur un crâne découvert à Coimbre, par M, Dl STLÏi
TABLE DES AUTEURS
Pages.
Anoblucci 329
Abnould 318, 370
Baye (de) 393
Becquet 326
Bblorand 132
Ben'eden (van) 94
Berchem 519
Bourgeois 81, 92, 94, 99, 100, 108
350, 444, 501
Briart 250, 279
Broca 182
BURMEISTBR 342
BusK 109
Capellini 92, 93, 106, 160, 175, 356
505
Cartailhac ... 93, 182, 429, 452
Cazalis de Fondouce . . 198, 494
Chierici 363
Clarke (Hyde) 587
Cloquet 327
conestabile .... 501,504,506
510
Cornet 250, 268, 279
CoTTEAU 350, 351, 456
Delanoûe 313
Delaunay 357
Desor 94, 108, 268, 351, 355, 369
421, 453, 506, 519
DacKER (von) 104, 106, 107, 335
530, 549
Dupont 58, 110, 153, 214, 459, 555
Engblhardt 94
Faidherbb 406
Fraas 94, 151, 454
Franr894,99, 199, 309,445,501,517
Pages.
HagemanS 359
Hamy . . . 109, 242, 269, 548, 553
Hébert 149, 456, 458
HiLDEBRAND(Hans) . . . 479, 516
Lagxeau .... 357, 549, 564, 573
Leemans 357, 499, 530
Le Jeune 299
MoRTiLLET (de) 106, 268, 354, 355
432, 444, 446, 458
Neyrinck 93
NiLSSON 492
Omalius (d') 57, 92, 93, 157, 269
Offert .... 162, 496, 499, 502
QuATREFAGES(de)93, 107, 355, 423
425, 580, 598
Radiguès (de) 318
Reboux 278, 479
RiBEiRO 95, 100, 503
Rivière 164
RoYER (M™« Clémence) . . . 574
SCHAAFFHAUSEN . . 356, 535, 549
ScHMiDT (Valdémar). 94, 505, 598
SOREIL 381
Steenstrup (J.). 93, 160, 199, 242
Sylva (da) 599
Tardy 485
Ubaghs 144
Vanderkinderb 569
ViBRAYE (de) 94, 337
ViRcaow 93, 560, 567
Weitzel 430
Wesiersky (le comte) .... 334
WoRSAAE. 94, 337, 420, 498, 513
WUrmbrand (de) 549
TABLE DES PLANCHES
AVEC L'INDICATION DES PAGES DES MÉMOIRES QUI EN TRAITENT
-o-<jJ^t>«-
Planchos. Puges.
1 Silex tertiaires de Thenay 81
^ — — — 81
3 Silex et qaartzites tertiaires du Portugal 95
4— — — — 95
5— - - — 95
6 Squelette humain des grottes de Menton * 164
7 Plan de la nécropole de Roknia 406
8 — — d'Aïn-Bou-Merzoug 406
9 — — d'Oued Berda 406
10 — — deTebessa 406
11 Spécimens des dolmens d'Afrique 406
12 — ' — — 406
13 Vases et instruments en pierre provenant du Japon 337
14 Instruments en pierre provenant du Japon
15 — — — — 337
16 — — - — 337
17 Silex de rétage acheuléen 110,269,432,459
18 — des étages acheuléen et moustiérien .110, 269, 432, 459
19 — de rétage moustiérien 110, 432, 459
20— - — 110, 432, 459
21 — — solutréen 110, 432, 459
22 — — magdalénien 110, 432, 459
23 — ~ — 110, 432, 459
•
> M. Bortier a fait exécuter en photollthngraphle. poar être distribuée aux meinhres
présents au Congrès, la planche photographique de M- Hiviere. \Ja nouveau tirage en a été
fait pour ce Compte rendu.
H Emploi du fer méUoriqne par lea Esquimaux
Cartes des excursions du ÇoDgrés 69, 71, 74, 41
Coupes du terrain quaternaire dans la province de Namur. . 1
Coupea géologiques des tranchées de Meavin et de Spiennes. 110, 2
8
I Coupes dans la tranchée de Spiennes moatraot le développô-
ment d'anciennes galeries d'exploitation du silex ... 2
Coupe géologique du trou do Frontal 1
— — — des Notons 1
— — — da Chalenx 1
— — — de la Naulettfi 1
Coupes géologiques des trous du Sureau et du Chéna, à Mon-
taigle 1
i Coupes géologiques du trou Madame et du trou de Qeudron. 110, 1
Silex taillés du trou du Sureau 110, 4
i— — — — 110, 4
— — de la caverae d'Engis 110, 4
— - — — 110, 4
— — - ~ 110, 4
— — du trou Magrite 110, 4
;-— -— .. 110, 4
— - — — 110, 4
— — dDtroisiëmeniveauossiréredelacaTernedeOojetllO, 4
— — dndeQxiéme — — — — 110, 4
~ — do premier — — — — 110, 4
1 — — — — — — — 110, 4
— — do trou de Chaleux 110,4
— — — — 110, 4
— — des alluTions quaternaires de MesTin 110,850,269,4
— 15 —
Planches. Pages.
65 Poinçons de Spiennes et d^antres localités da Hainaat . . 279, 459
66 Pointes de lances et de flèches de Spiennes et d*aatres localités
du Hainaut 279, 459
67 Silex onvré de Spiennes; haches polies de Trisogne et de
Marche les Dames (province de Namur) .... 279, 459
68 Silex taillés et hache en jade d'Hastedon 318,459
69 — d'Hastedon 318, 459
70 Instruments en pierre d*Hastedon 318, 459
71 Silex ouvrés de Lincianx et hache en jade de Marche les
Dames 326, 459
72 Silex ouvrés de Linciaux 326, 459
73 Carte hydrologique des vallées de la Meuse et de la Lesse dans
les environs de Dinant * 110
74 Crânes de Furfooz 549, 555, 560
75 Crânes esthoniens du Muséum de Paris' 558
76 Squelette d'ours 214
77 — de cheval 214
78 — de bœuf ... 199, 214
79 Instruments en pierre des grottes du Pulo de Molfetta. . 175
80 Plan du plateau d'Hastedon 318, 459
81 Coupes des tranchées pratiquées dans les retranchements du
camp d'Hastedon . 318
81*** Retranchements du camp d'Hastedon 318
82 Plan du camp de Bonne 318, 459
83 Coupes des tranchées dans les retranchements du camp de
Bonne 318
84 Plan du camp de Jemelle 318, 459
85 Plan du camp d'Olloy 318, 459
86 Crânes de la caverne de Sclaigneaux 370, 555
87 Silex ouvrés, os travaillé et coquille perforée de la caverne de
Sclaigneaux 370
88 Plans et coupe de la caverne de Sclaigneaux .... 370, 459
89 Plan du plateau de Chauvaux ; coupes et plans de la caverne ;
silex ouvrés du plateau et de la caverne 381,459
90 Diagrammes d'un crâne de Qorille et de crânes humains préhis-
toriques • . 535
I Cette carte a été exécutée par le Dépét de la guerre belge spécialement pour ce Compte
rendu,
s Cr&nes communiqués par M. de Quatrefages.
RÈGLEMENT GÉNÉRAL
>î<Koo-
Article h^. Un Congrès international et annuel d'Anthropologie
et d'Archéologie préhistoriques, faisant suite aux réunions qui ont
eu lieu en 1865, à la Spezzia, et en 1866, à Neuchâtel, a été défi-
nitivement constitué à Paris en 1867.
Art. II. Le Congrès ne pourra avoir lieu deux fois de suite dans
le même pays.
Art. in. Font partie du Congrès et ont droit à toutes ses publi-
cations les personnes qui en ont fait la demande et ont acquitté la
cotisation annuelle.
Art. rV. a la fin de chaque session, le Congrès désigne le Heu
où se tiendra la session suivante ; il choisit en outre, parmi les
savants résidant dans le pays désigné : 1^ le Président de la session
future, 2® plusieurs autres savants chargés de constituer, sous la
direction du Président, un Comité d'organisation.
Art. V. Le Comité d'organisation peut s'adjoindre, suivant ses
besoins, d'autres savants nationaux. Il demande en outre le con-
cours des savants étrangers qui lui paraissent pouvoir recueillir le
plus grand nombre d'adhésions en faveur du Congrès. Ceux-ci
prennent le titre de Membres correspondants du Comité.
Art. VI. Le Comité fixe l'époque de la session, le nombre des
séances, le taux de la cotisation ; il envoie les lettres de convo-
cation, recueille et concentre les adhésions et délivre les cartes des
membres. Il se charge de tous les soins matériels qui concernent
l'installation du Congrès et la tenue de ses séances.
— 18 -
Art. Vn. n prépare, publie et distribue, plusieurs mois à
l'avance, le programme des séances ; il peut fixer un certain
nombre de questions ; mais il devra toujoura réserver une partie
des séances poiir toutes autres questions non comprises dans le
programme, proposées par un membre du Congrès et approuvées
par le Conseil.
Art. Vm. Le Bureau du Comité remplit les fonctions de Bureau
provisoire dans la première séance de la session. Les membres du
Bureau définitifsont nommés dans cette première séance, àla majo-
rité relative, à l'exception du Président, qui est élu depuis l'année
précédente, et du Trésorier déjà institué par le Comité d'organi-
sation.
Art, IX, Le Bureau se compose : 1" d'un Président ; 2» de sis
Vice Présidents, dont deux au moins doivent être résidents; 3» d'un
Secrétaire général ; 4° de quatre Secrétaires ; 5" d'un Trésorier.
Art. X. Le Conseil se compose : 1° des membres du Bureau
déRnitif ; 2° de six membres nommés au scrutin de liste. Font en
outre, de droit, partie du Conseil : 1" les quatre membres fondateurs
du Congrès de la Spezzia ; 2» tous les anciens Présidents, qui con-
servent le titre de Présidents honoraires. — Les membres du
Comité d'organisation qui ne rentreraient pas dans l'une des caté-
gories précédentes, assistent aux séances du Conseil avec voix
consultative.
AfiT. XI. Toutes les demandes de communication survenues
pendant la session et toutes les réclamations sont soumises au
Conseil, qui statue déflnitivement. Le Conseil est en outre chargé
de proposer au vote du Congrès, conformément à l'article IV :
— 19 -
ART. Xm. S'il y a un reliquat, il sera reporté à l'actif de la
session suivante.
Art. XIV. Les objets offerts au Congrès pendant la session et
toutes les pièces de la correspondance, sont acquis au pays où la
la session a lieu. Leur destination est déterminée par le Conseil.
Art. XV. Le Comité de chaque session établit un règlement
particulier concernant toutes les dispositions sur lesquelles il n'est
pas statué dans le présent règlement général .
Art. XVL Toute proposition tendant à modifier le règlement
général devra être signée de dix membres au moins, déposée sur le
Bureau pendant le courant de la session, et soumise à Texamen du
Conseil. Celui-ci, après en avoir délibéré, prépare un rapport qui
est inséré, ainsi que la proposition, dans les publications du
Congrès, et qui est mis aux voix sans discussion, par oui ou par
non, dans la première séance de la session suivante.
Art. additionnel voté pendant la session de Bologne (1871). —
La langue française est seule admise pour les communications ver-
bales pendant les séances et dans la publication du Compte rendu
du Congrès et des mémoires qui y sont joints.
b- •
COMITÉ D'ORGANISATION
POUR LA SESSION DE 1872.
PRESIDENT.
MM.
OIALIUS D'HALIOT, J. (d'), sénateur, membre de l'Académie royale de Bel-
gique, correspondant de l'Institut de France. Château d'Halloy (Ciney).
VICE PRESIDENTS.
HAGEMANS, L., membre de la Chambre des représentants, président de TAca-
démie d^Archéologie de Belgique. Avenue de la Toison d*Or, 2. Bruxelles.
VERVOORT, 0., ancien président de la Chambre des représentants, président
du Cercle artistique et littéraire. Rue Saint Pierre, 43. Bruxelles.
TRESORIER.
PREUDHOMME DE BORRE, A., secrétaire de la Société entomologique, eonsenra-
teur secrétaire du Musée royal d'Histoire naturelle. Rue des Minimes, 19.
Bruxelles.
SECRÉTAIRE.
DUPONT, f., membre de TAcadémie royale de Belgique, directeur du Musée
royal d'Histoire naturelle. Rue Caroly, 12. Bruxelles.
2
MEMBRES DU COMITE.
UÏI.
àLTItïEI. J. J, professeur à rTInîTer-
sitô de lîriixelles. Boulevard de
Waterloo, 87. Brui elles.
ALVIN, L., menibrii de l'AcadAmie
royale de Belgique, consorvateur
en chef de la Diblinlhèque royale.
Rue dti Trône, ih. liruielles,
AISPtEN, I., bourgmestre do la ville
de Bniseliea , membre do la
Chambre des reprisa entauts. Rue
des Sables, 18. Bnixellea.
IHDULD, 8., ingi^nieur an Corps des
Mines. Namur.
BMLLET (le comte de), gouverneur ds
la proîince de Namur.
lECgUET, k., membre de la Société
archâologiqna do Namnr. Namur.
lEHOlT-FItBEIt, membre de la SoeUdA
arcbâologique, membre du Con-
seil provincial. Namur.
BERCHEI, ingénieur provincial au
Corps dos Mines. Namur,
ILOiME, »., secrétaire du Cercle ar-
cbâologiqUQ de Termonde. Ter-
IDRGIIET.J., secrétaire de la Société
archéologique de Namur, archi-
viste do la province. Nanaur.
gHETEIl {W lin, mumlire do la Société
MM.
CUDT (te chanoine), membre d» la
SociiHâarchâulogiquede Namur.
Nu mur.
CASTEIMUN, cnionel du génie, con-
seiller trésorier de l'Académie
d'Archéologie, Anvers.
CHklDN, R.j membre de l'Acadâmie
royale de Belgique. Rue de la
Si'nae, 40. Bruiellos.
CDLSEIU. ;., secrétaire do la Sociétâ
malacologique. Chaussée do Wa-
vre, 178. Bruielles.
CORKET, F., ingénieur. Cnesmes(Jem-
mapes).
CDUVHEUI, 1.. membre do ta Chambre
des représentants. Rue des Deux
Êijliaes, 2*. Bruielles.
DIKOM, L., membre de la députation
permanente de la. province de
Namur. Ciney.
DDEHÙ, E., conseiller de l'Acadé-
mie d'Archéologie de Belgique.
DUBQIS-TKDItN, F., gouverneur de la
province de Brabant. Au palais
provincial. Bruxelles.
, 1. , professeur à l'Univer-
Oand. Gand.
énieur en chef dea
— 23 —
MM.
QLUGE (le d^'), membre de TÀcadémie
royale de Belgique, professeur à
l'Université de Bruxelles. Rue
Joseph II, 7. Bruxelles.
GRANDGAGNAfiE, CH., sénateur, prési-
dent de l'Institut archéologique
liégeois. Liège.
GRANDGAGNAGE, J., membre de TAca-
déraie royale de Belgique. Liège.
HAUZEUR, M., membre de la Société
archéologique de Namur, juge de
paix honoraire. Ciney.
HOUZEAU DE LEHAYE, A., secrétaire de
la Société des Sciences, Lettres
et Beaux- Arts du Hainaut. Hyon
(Mons).
JUSTE, TH., membre de TAcadémie
royale de Belgique, conservateur
du Musée royal d'Antiquités et
d'Armures. Rue du Trône, 149.
Bruxelles.
KONINCK, L. (de), membre de l'Aca-
démie royale de Belgique, pro-
fesseur à l'Université de Liège.
Liège.
LE GRAND DE REULANDT, secrétaire per-
pétuel de l'Académie d'Archéolo-
gie de Belgique. Anvers.
LEUÈVRE, X., bourgmestre de la
ville de Namur, membre de la
Chambre des représentants. Na-
mur.
LEROY, A., membre de l'Acadé-
mie royale de Belgique, profes-
seur à l'Université de Liège.
Liège.
■ALAISE, C, correepondant de l'Aca-
démie royale de Belgique. Oem-
bloux.
■ARMGL, E. (del), président de la
Société archéologique de Namur.
Montaigle.
■ONTIGNY, CH., membre de l'Acadé-
mie royale de Belgique. Rue des
Palais, 102. Bruxelleg
MM.
NEIRYNCK, G., membre de la Société
dos Sciences, Lettres et Beaux-
Arts du Hainaut. Jemmapes.
MÈVE, membre de l'Académie royale
de Belgique, professeur â l'Uni-
versité de Louvain. Louvain.
OTREPPE DE ROUVETTE, A. (d'), président
d'honneur à vie de l'Institut ar-
chéologique liégeois, conseiller
honoraire à la cour de Liège et
au Conseil des Mines à Bruxelles.
Liège.
QUETELET, A., secrétaire perpétuel do
l'Académie royale de Belgique,
correspondant de l'Institut de
France, directeur de l'Observa-
toire royal. Bruxelles.
REUL, X. (de). Rue de Robiano, 64.
Bruxelles.
RGFFIAEN, F., artiste-peintre, membre
de la Société malacologiqae de
Belgique. Rue Godecharles, 16.
Bruxelles.
ROULEZ, J. E. G., membre de TAca-
demie royale de Belgique, admi-
nistrateur de l'Université do
Gand. Oand.
SClyS-LONGCHAMRS (le baron de), séna-
teur, membre de l'Académie
royale de Belgique. Liège.
TIRERGHIEN, G., professeur à l'Univer-
sité de Bruxelles. Rue de Liede-
kerke, 41. Bruxelles.
VAN REIMEL, E., professeur à l'Uni,
versité de Bruxelles. Rue Saint
Lazare, 25. Bruxelles.
VAN RENEDEN, P. J., membre de l'Aca-
démie royale de Belgique, corres-
pondant de l'Institut de France,
professeur à l'Université de Lou-
vain. Louvdin.
YANDENPEEREROOM, A., ministre d'Ëtat,
ancien ministre de l'intérieur.
Avenue de la Toison d'Or, 44.
nt VOIKEI, C, vice président de la
Société eutomologique. Boule-
vard du Régent, 32, Bnisellea.
VEIGKIES, k. (de), chef de division A
l'Adminiatratioii aomiQuaa.le de
Bruxelles. Bruxelles.
VETIT, professeur A l'Université de
BruxelleH. Rue Mercelis, 9. Brn-
WUEIEI, A., correspondaut de l'Aca-
démie royale de Belgique, pro-
fesseur a rUniverfité de Oaud.
Oand.
WETERS, J., membre des Sociétés
eutomologique et malacologique.
Rne du Persil, 3. Bruxelles.
WITTE (Ib baron de), membre de
l'Académie roj'ale de Belgique,
associé de l'iuatitnt de France.
Anvers.
ANCIENS PRESIDENTS & FONDATEURS.
MM.
UPELLINI, J. (le p'), président du
Congrès de la Spezzia, 1865 ; fon-
dateur. Bologne (Italie).
COIMALU, Emilio (le p--], directeur du
Muséede Milan; fondateur. Milan
(Italie).
lE lOITILLET, Gabriel, conserva-
teur-adjoint du Musée de Saint
Germain en Laye ; fondateur.
Saiut-Germain (Seine et Oise).
ÏTBPPim, Antonio (l'abbé), profes-
seur à. Milan; fondateur. Milan
(Italie).
MM.
DESOR, E. (le p'], président An Con-
grûa de Nencliâtel (Suisse).
LUIIO», John, baronet. ¥. R. S.,
président du Congrès de Nor-
wich et de Londres, 1868. High
Elms, Farnborougta (Kent).
WORSAC, J. J. A., président du Con-
grès de Copenhague, 1869. Châ-
teau de Rosenborg, Copenhague
(Danemark).
tOlZARIim (le comte), président du
Congrès de Bologne, 18T1. Bo-
logne (Italie).
MEMBRES CORRESPONDANTS ELUS.
ALLEMAGNE.
— 25 —
MM*
ESTOBFF, J. 0. C. (le baron von), cham-
bellan. Hanovre.
EWALD (le d'). Berlin.
Fias, 0. (le pi"). Stuttgart.
FOISTEB, E. (le d^). Munich.
FIANTZIUS (le d' von), secrétaire de la
Société anthropologique d'Alle-
magne. Heidelberg.
FOHLIOn (le pn. Elberfeld.
CEINITZ, N. B. (le p^-). Dresde.
CEILACH (le d^). Ërlangen.
GOEPPERT (le d""), cons. intime, prés,
de la Société silésienne. Breslau.
fiROTEFEND (le d'), directeur des ar-
chives. Hanovre.
6UIBEL, W. (le d'). Munich.
HANBELMANN (le p"* d^). Kiel.
HARTIANN (le p' d^-), secrétaire de la
Société d'Anthropologie. Berlin.
HASSLER (le d' p»"). Ulm.
HEFNER-ALTENECK, J. H. (le pi" von). Mu-
nich.
HOLBER (le d' de), conseiller intime.
Stuttgart.
HQBTSIANN (le d<-). Celle (Hanovre).
JAGQR (le d"*). Berlin.
UEPERS (le pi*). Berlin.
KLUfi (le d^. Lùbeck.
KQLLIANN (le p'-d'*). Munich.
lONEB (le p»- d'). Berlin.
KBOPFFLEISCH (le d^. Jéna.
IRU6 BE NIBA, directeur des Mines et
des Forges. Berlin.
LAZAROS (le p^- d''). Berlin.
LEBEBUR (le d'). Berlin.
LEPSIUS, R. (le p'), directeur du Mu-
sée Égyptien. Berlin.
LEUCIART, R. (lo p'). Leipzig.
LIRBERSCHMIT, L. (le à^), directeur du
Musée de Mayence. Darmstadt.
LISCH, F. (le d*"), directeur du Musée
et des Archives de Schwerin.
Mecklen bourg.
LUCiE (le p»" d'). Francfort.
LOSCMUi(le pO. Tûbingen.
MM.
■ASCH, directeur des Archives. De-
mern (Mecklenbourg).
■EHWALB, F. (le d'), Dresde.
■ERKEL, F. (le d-"). Oôttingen.
«ESTORF, J. (Mad"«). Hambourg.
MILBE, artiste peintre. Lubeck.
■ILLER, conseiller d'études. Hanovre.
«ULLERHOFF (le p' d»"). BerUn.
N0E66ERATH (le pO, président de la
Société des Antiq. rhénans.Bonn.
PA6ENSTECHER, A. (le p"*). Université de
Heidelberg.
PESCHEL (le p'). Leipzig.
PETERMANN (le d-"). Gotha.
PRURER-BEY (le d'). Pise (Italie).
QUAST (de), conseiller intime, con-
servateur général des monuments
historiques de la Prusse. Radens-
leben. Brandebourg.
OUERSTEBT (le p'). Tûbingen.
REICHERT (le p''). Berlin.
SANBBER6ER (le p'). WUrtzbourg.
SCHAFFHAUSEN,H. (le p^. conseiller in-
time, président de la Société
anthropologique d'Allemagne,
Bonn.
SCHUSTER,0., capitaine des chas-
seurs. Freiberg (Saxe).
SEMPER (le p^. Wûrtzbourg.
STEUBEL, A., pasteur. Ravensburg
(Wurtemberg).
STEIRTHAL (le p^ d'). Berlin.
VIRCHOW (le pi*), président de la So
ciété d'Anthropologie de Berlin,
correspondant de l'Institut de
France. Berlin.
WAGHER, M. (le p'). Munich.
WE!RTH, AUS'i. (le p»"), secrétaire de la
Société des antiq. rhénans.Bonn.
WEIRHOLB, K. (le p-"). Kiel.
WELCKLER (le p*-). Halle.
WIBEL, F. (le d»"). Hambourg.
WITTICH (le pr d' de). Kônigsberg.
ZITTEL (le p'), Munich.
ZECH, P. (le pO. Stuttgart.
MH.
JEITTIIEI.L. ll.[]epr}.St-PolUii,préB
VienDe.
HELLWtLD, FI. (le baroD). Vienaa.
HOCHITmEH, F. fie pr de). Vienne.
MLMDS (le i'). Brnnn.
KENNEIt, FI. Oe d'). Vienne.
LEPIOWSII, J. (le p'). CracoTie.
■ETKtlT (le p' A'). Vienne.
MM.
RMSkUEl, ingéniear. Linz.
SACKEH, El. (le baron von). Vienne.
SGNERZEI (le.cheT. de), conBeiller au-
lique, consul générai il'Antriclio-
Hongrie. Smyrne.
lEUtllHH (le pr-). Vienne.
KtDCEL, J. £. (le p'). Prague.
UM.
lAU, F. t., trésorier de la Bociété
royale des Antiquaires du Nord.
Copenhague.
lECH, k. ¥., veneur de la cour de
S. M. le Roi. Valdbygaard, préd
Slagelaa (Seeland).
BERTOUCH (de), venenr de la coui
S. M. le Roi de Danemark. Co-
penhague.
IDYE, V., archéologue. Copenhague
et Anderslev (Sfihlesvig).
DMRESJOLD' SAMSOE, 0. S. (le comte de),
directeur général dea postée du
royaume. Copenhague.
EMBELHIRDT, G. (le p'), secrétaire i
!a Socii5tâ royale de» Antiquités
du Nord. Copenhague.
FEHGEI, E. F. (le d'), ancien ministre,
conseiller intirao d'État. Copen-
hague.
lÙLLER, L. (le d'). conseiller d'iïtal,
directeur du Musée desAutiquitfi
gi'ecques et romaines, etc. Copen-
hague.
lOSENDERN-LEHII, 0. D. (le haron de),
ministre des aRkirea étrangères.
Copenhague.
SCHHIBT, F, T. (le d>']. professeur
d'aiiatomie à i' Uni vers ité, direc-
teur du Musée d'Anthropologie.
Copenhague.
SCliBlDT,V.(le p'). Palais dn Prince.
Copenhague.
STtERSTRIIF, J. 1. (le d'), conseiller
d'Etat, prorosaeur de zoologie
a l'Université, secrétaire de la
Société royale des Sciences,
directeur du Musée do Zoologie.
Copenhague.
STEINNtUER, t., consen-ateur-adjoint
— 27 —
WROBLEWSKt, J. J. (le d'), médecin mi-
litaire. Copenhague.
ZINCK, P., archéologue. Copenhague.
M.
ZYTPHEN-ADELER (le baron de), cham-
bellan de S. M.le Roi.Adelersborg
(Seeland).
ESPAGNE.
MM.
DE LA FUENTE, E. membre de TAca-
démie royale d'Histoire. Ma-
drid.
DEL 6AD0 JU60 , F. Calle Anchade ,
San Bernardo,50. Madrid.
■AGHADO, Antonio. Séville.
MM.
■AFFtOTTE, P. Santa Cruz de Tene-
rife (Canaries).
TUBIHO, F. ■. Duplo, S. Pedro, 6.
Madrid.
VILLAMOVA, J. (le p^*). Corredera-
Baja, 57. Madrid.
VIXCARRONDt, L. Madrid.
FINLANDE.
M.
ASPELIN, J. R., assistant aux archives
du Grand-Duché. Helsijigfors.
MM.
EUROP/EUS, A. J., curé. Libeli(z.
FREUDENTHAL, A. 0. (le d^. Helsingfors.
FRANCE.
MM.
ACY, E. (d'). Boulevard Malesherbes.
Paris.
ANCELON (le d'). Dieuze (Meurthe).
BARTHÉLEiY, A. (de), secrétaire de la
Commission de la Topographie
des Gaules. Rue d'Anjou Saint-
Honoré, 9. Paris.
RATAILLARD, P. Rue Notre Dame des
Champs, 41. Paris.
BEAUVOIS, E. Corberon (Côte d'Or).
BEL6RAND, E. , directeur du service des
eaux de la ville. Paris.
BERTILLON (le d'). Rue Blanche, 91.
Paris.
BERTRAND, A., censervateur du Musée
de Saint Germain. Saint Germain.
MM.
BOURGEOIS, L. (rabbé),directear du col-
lège de PontLevoy (Loiret Cher).
BOURGET (le d^). Saint Eugène, près
Alger.
BROCA, P. (d^*), secrétaire général
de la Société d'Anthropologie.
Rue des Saints Pères, 1. Paris.
CARRO, A. Meaux (Seine et Marne).
CARTAILHAC, P. E., directeur des Maté-
riaux pour Vhistoire de Vhomme,
Au Muséum. Toulouse (Haute
Garonne).
CAUMONT (de), président de l'Institut
des Provinces, correspondant de
l'Institut de France. Caen (Cal-
vados).
UZJiLIS DE FONDDUCE. Montpellier (Hé-
rault).
CH»JI£, F. Cl)&!c(n sur Saûno,
CHMITSE, ERN. Au Muséum d'hUtoire
oalurelle. Cours Morand. Lyon.
COLLOil, tu., Rue do Madame, 26.
COLIEIIOT. J. J. Semur(GOtn d'Or).
COm DE DEHUnEGIRD (le comte). Châ-
leau de Beau regard. Champ Cuay
(Haute Savoie).
COTTEHU, BUST., juge au trîbuDal.
Aiiierre (Yonne),
DILLT (le d'). Rue Lavaisler, 23.
DIIOUR, /t., correspondant de llnsti-
tut. Roe de îa Ferme des Mathu-
riuB, 10. Paris.
OiVT DE CUSSf, L, conservateur du
Musée de Vannes (Morbihan).
OEUNDIIE. Rue de la Pompe. Passy.
DELkUNAT, S. (l'abbé), professeur au
collège de Pont Levoy (Loir et
Cher).
OEIARST.IkRTH. Compiégno (Oise).
DE (U*TIIEF*6ES, membre de l'Insti-
tut, au Jardin des Plantes. Pitris.
DE»INS. Saint Quentin (Aisnej.
BEINDTtllS, J., membre do l'Institut,
professeur au Jardin des Plantes.
DUREilU,l.(led').RuedeLatourd'Au-
vergne, 10. Parie.
FltlDHERSE (le géni),en mission sciea-
ti tique en Egypte.
GOSSELH, J., professeur A la Faculté
des Scieneos. Lille.
HUIT (le d''), Boulevard Saint Ger-
main. Paris.
HfBEBT, professeur à la Sorbonne.
HDVEUCOUE.t. Rue Fléchter, 2. Paris.
JDLï, R., professeur. Toulouse (Haute
UlR, CK., membre de plusieui-a So-
ciétés savantes. Paria.
LIUKDE, PK. Brive (Correze).
UmT,L.,profesBeurai-lJcole de Mé-
decine, direct. du Muséum. Lyon.
LEGUkïE, L. Rue de la Saints Cba-
pelle, 3. Paris.
LEPROUI, arebiviste et paléographe.
Saiut Quentin (Aisne).
LETDURNEUX, conseiller à la Coui-.
Alger.
LIHAS, CH. (de). Arras (Pas de Calais).
LOUGPÉRIER, tDR. (de), membre de
rinst. Rue de Londres, 50. Paria.
KAHCHjIHB ( led'), directeur du Musée
d'histoire naturelle de Dijon
(Cfite d'Or).
■tRTIH, H., représentant. Rue Rone-
lagh, 54. Paris.
■ASSËNIL. El. Malemort (Corréiio).
HilURf, HF., membre de l'Iniititut,
directeur des Archives. Paris.
HIDAILUC (le marquis de), préfet des
Bas ses-Pyrû nées.
KOULET, profossenr. Toulouse (Haute
PECCADEAU DE L'ISIE. Lorlent (Finis-
— 29 —
SUA»
lEFFYE, V. (de), colonel, au Haras.
M eudon (Seine et Oise).
lEIlWALB, CH. Rue des Saints
Pères, 15. Paris.
lEVOR, L, conservateur du Musée
d'Annecy (Haute Savoie).
IHORË, A. Rue des Pyramides, 2.
Paris.
HALLE, 6ËR. (de), préfet des Basses
Alpes. Digne.
nVIÈRE.I.Menton (Alpes Maritimes).
lOUJOU, A. Choisyle Roi (Seine).
MLIOR, P. Rue Sedaine. Paris.
SfULCY (de}, membre de Hnstitut.
Paris.
SAUVAGE, P. (le d^. Rue Gay Lussac.
Paris.
MM.
TAROY, membre de la Société géolo-
gique de France. Paris.
TOURNAL, directeur du Musée de Nar-
bonne (Aude).
TRUTAT, E., conservateur du Musée
d'histoire naturelle de Toulouse
(Haute Garonne).
VERNEUIL, t. (de), membre de llnsti-
tut. Rue de Varenne, 36. Paris.
VILRRAYE (marquis de), correspon-
dant do l'Institut. Rue de Va-
renne, 56. Paris.
VOGUÉ (le comte de), membre de
l'Institut. Rue de l'Université, 93.
Paris.
WATELET, A. Soissons (Aisne).
GRANDE BRETAGNE & IRLANDE.
MM.
AIERIAR, J. Y., Esq., secrétaire de
la Société numismatique, etc.,
Abingdon. Berkshire.
ATRIHSOR, C. ■.,Esq. Earl's Court Gar-
dens Brompton. Londres. S. W.
ATEIRSOR, J. C. (le rév.). Danby,Yarm,
Whitby.
URRWELL, E. L. (le rév.). Melkham.
Wiltshire.
RECK,J.(lerév.). Storrington. Susses.
RUCKIORE, H. (le d'). Salisbury.
RLACKIORE, W., Esq., fondateur du
Musée Blackmore. Salisbury.
RUSK, G., Esq., F. R. S. Harley
Street, 15. Londres.
CARPERTER, (le d^. Londres.
CARTER RLAKE, C, Esq. HuU.
CROIPTDR, J. (le rév.). Bracondale,
Norwich.
RARWIR, CH., Esq. Queen AnnStreet,6.
Cavendish Square. Londres.
RAVIS, I. R., Esq., M. D. Shelton.
Stafibrdshire.
MM.
RAWKINS, W. R., Esq., F. R. S., con-
servateur du Musée d'histoire
naturelle. Manchester.
OAWSON, 6., Esq. Birmingham.
EVAHS, J., Esq., F. R. S. Nash Mills,
Hemel Hempstead.
FARRER, J., Esq. Ingleborough.
FERGUSSON, J., P:sq. Langham
Place, 20. Londres (W.).
FITCH, R., Esq. Norwich.
FLOWER, J. W.,Esq. Park Hill, Croy-
don.
FOX, LARE A. (le colonel), UpperPhil-
limore Gardens, 10. Kensington.
Londres.
FRARKS, A. W., Esq., conservateur des
Antiquités nationales et d'Ethno-
graphie au British Muséum,
Victoria Street, 103. Londres.
GORDOR, G. (le rév.), L. L. D. Elgin.
Scotland.
HAIGH, D. (le rév.). Erdington, prés
Birmingham.
UH.
HTDE-CUIIE, Eaq. Londres.
HOOKEl, J., Eaq., F. R. S., direc-
teur des Jardins royaux. Kew.
JIIESOK, E. F.,E3ii. Londres.
JONES. T. R., Eeq. Londrea.
LAIKS Ile d^). secrétaire de la Société
dos antiq. d'Ecosse. Edimbourg.
LTELL, C, baronet, F. R. S. Har-
ley Street, 73. Londres.
■ANIT, C. (le colonel). Harley
Street, 79. Londres.
■ATER, J., Esq. Liverpool.
HIGHOLSON, CN. (sir), bai-ouet. Devons-
bii'e Hlace, £6. Londres.
PDLLEM, G. A. i., Esq. South Kon-
sington Muséum. Londres.
PIESTWIGII,J. ,K. R. S. Sborcham. Kent.
SCDULER, J. Ile d--). Glasgow (Adr.
Smith aad Sou).
HM.
SIITH., C. I., Bsq. Strood. RoohMter
iKent).
SIEVEHS, J. E., Esq-, conservateor du
Musée Blackmore. Salisbur;.
STUARI, J., Esq., secrétaire de la So-
citïtâ d'Archéologie d'Ecosse.
Edimbourg.
THDIAS, R. 6., E\i\. LlanaoD, prés
LIanelly South Wales.
THURHAI (le d'). Devizes. 'fî'iltslûre.
TaOR, E. R., Esq. Lindenden, Wel-
lington. Sommersct.
WAIT, A.. Eaq. Wouliam Maoor, prés
Reigate.
WïLDE, W. (sir), vice président de
r.\cadftmie royale d'Irlande. Du-
blin.
WniE,W. ■ , Esq. Blackwater, Farn-
borough.
lASIHATES, G. Hermoupolîs. Syra.
SIEALLIA, i. (le comte do). Santorin.
TTFALOOS, G. t. (le A'). Athènes.
MM.
HEHSZLMINM. E. (le d'). Pcsth.
KUilNri, A. E., directeur du Maf^d»
oatioDul. l'esth.
KUBIRtI, F. (do), président de la So-
ciété géologique de la Hongrii
BDiïH.FL. (lep'). PostU.
SCHWARCI. J. (io û'}. Stuhlwel
— 31 —
BfM.
CAIESTIIII, 6. ae p'). Padoae.
6IIEIICI(l*abbépr), Reggio d'Emilia.
CORESTABILE, J. C. (le comte), profes-
sear d'Archéologie à TUniversité.
Pérouse.
filESPELARI, R. Modéne.
COCCHI, I. (le p'), directeur du Musée
de Géologie. Florence.
lALLA ROSA, I. (le p^. Parme.
lE ROSSIS, F. Ancône.
ERCOLAHl, J. R. (le comte), professeur
d*art vétérinaire. Bologne.
FABREHI, A. (le p'). Tarin.
FIORETTI, G. (le sén.), directeur des
fouilles de Pompéi. Naples.
FORESTI, R. Via Tornabuoni. Florence.
CARRIGLIEni, A. (le d^). Turin.
fiUTALRI, R. (le p^. Via Principe
Tommaso, 11. Turin.
REIIELLARO , 9. G. (le p^. Palerme.
GIACOIEHI, V. (le d^). Mantoue.
GDISCARRt, G. (le p>-). N^les.
ISSEL, A. (le pr). Via Caffaro , 7.
Oénes.
UHCIA RE RROLO, F. (le marquis).
Palerme.
UOY, P. (le d'). Vicence.
LUCIAHI, T. Venise.
■AHTE6AZZA (le p'). Florence.
■AHZONI, A. (le p'). Lugo (Province
de Ravenne).
MM.
■ARINONI, C. (le d^"). Milan.
■ARTINATI, P. P. (le d'). Vérone.
■ASf, F. (rabbé). Castel d* A rio (Man-
toue).
MENEGHINI, 6. (le p'). Pise.
NICOLUCGI, G. (le chevalier). Isola di
Sora. Naples.
OIBONI, 6. (le pi-). Padoue.
PERRANOO DEL 6RATIAS (le d^. Stella
S. Giustina.
PIGORINI, L. (le p^"). Musée d'Anti-
quités. Parme.
POHZI, 6. (le p'). Via Florida.
Rome.
REGNOLt (le d''). Pise.
ROCCHI, F., professeur d'archéologie
à l'Université. Bologne.
ROSA, C. (le d'). Corropoli.
ROSSI, ■. S. (le chevalier de). Piazza
Gesu, 46. Rome.
ROSSI SEOTTI, 6. R. (le comte de). Pe-
rugia.
SCARARELLI GOMII FLAIINl, 6. (le corn.),
sénateur. Imola.
SPANO, 6., sénateur. Cagliari.
STROREL, P., professeur à l'Univer-
sité. Parme.
TONIRI, L. (le com.), bibliothécaire
de la Gambalunga. Rimini.
TORESTI, L. (le d'). Bologne.
LUXEMBOURG (GRAND-DUCHÉ DE).
M.
COLRET R'HDART, ■., directeur général des finances du Grand-duché de
Luxembourg.
NORWÉGE.
BfM.
RU6GE, S. (le p'). Christiania.
RAA, L K. (le p*"). Christiania.
6JESSIRG, A., sous-directeur du Lycée
de Christiansand.
MM.
HENRICHSEN, i., directeur du Lycée.
Aalesund.
HOLMRLE, E. A. (le p'). Christiania.
WERULF, TH. (le p'). Christiania.
HM.
LOUNGE. A. L. Frederikshald.
IIGDLAYSEH, H., préaidentdola Société
Eircliéologiqae. Christiama.
NOIDI, t. G., négociant. Morten-
aaiBs. Fianmark.
MM.
FETEIIEN, S. ChristiaDia.
lYGH, DH.,directeurdu Musée archéo-
logique. TroDdhjem.
RTGII, D. jle p'). Christiania.
SUMDT, E., curé.Eidsvold.
IIIK, i. (le d'), avocat. Le.
LEEUINS.C.diructeur du MuGée royal
néerlandais d'Antiquités. Loydo.
■ElilODI, L S. P. (le d'). Amster-
dam.
MM.
■OLL,W. (le p''). Singe], hij de oude
Leliestraitt, i. Amsterdam.
SCHELTEIl, F. (le d'). Orouingue,
SIX. ilecregraclil. Amsterdam.
VEHIEULEN.P. J. L'trechC.
MM.
ALLME, E. A. Porto.
COSTA, F. A. F. {da). Larga de S.
Roque. Lisbonne.
MSTA lACEDD, J. (da), secré-
taire de l'AcadÈmie rovale de
LÎ8l".nnc.
DELGADO, J. F. M. Lisbonne.
MM.
IIIEIIO, C, clief des travaux géolo-
gi'iues et membre du Conseil dea
travaux publics et des mines.
Lisbonne.
SILVt, J. F. M. (da), architecte de
S. M. le roi de Portugal, arcliéo-
logue. Lia bon no.
KOPEtlHICKT, IS. (le d'). Bucbarest.
UREGHIA (le p'). Bucbarest.
HM.
AITEIJEF, A. J., vice-présldeut de la | i;HltllK0FF,ll1C.[dc).Rue (leCondé.ll.
Sociùté russe dWrchéologie. Mo!
- 33 —
MM.
SONZWO, président de la section ar-
chéologique des Amis de la na-
ture. Moscou.
TSCHUROWSKY. Moscou.
MM.
SRESNEVSKI,J.,conseiller d*Ëtat. Saint
Pétersbourg.
VEUAMINOF-ZERNOF (de), conseiller
d'État. Saint Pétersbourg.
SUÈDE.
MM.
AIINSON, professeur au Lycée Stren-
gnaes.
BERLIN, N. J., directeur du Collège
de santé. Stockholm.
BBUSEWITZ, 6., conservateur du Mu-
sée de Oothenbourg.
BRUZELiUS, N. 6. (le d'), directeur du
Lycée. Ystad.
DJURKLON, N. 6. (le baron), ancien
inspecteur des Monuments ar-
chéologiques. Orebro. Soerby.
BUBEN, 6. W. (le baron de), profes-
seur. Stockholm.
BYBECK, R. Stockholm.
O'ESSEN, 6. (le comte), grand-écuyer
de la cour. Upsal. Vik.
6AB0IE, A. (le comte de la). Helsing-
borg. Hamiltonhouse.
6YLLENSK0EL0 , F., secrétaire de la
Société archéologique d'Halland,
Laholm. Vallen.
HAIILTBN, 6. (le comte). Vesteras.
Hedensberga.
MERIEUN, 0. (le baron). Stockholm.
HILBEBBANB, B. E. (le d-"), antiquaire
du royaume et directeurdu Musée
royal archéologique. Stockholm.
HILBEBBANB, H. (le d'), conseryateur
au Musée royal archéologique.
Stockholm.
HOFBEBG, H., secrétaire de la Société
archéologique de Nerike. Orebro.
lfYLTER-CAVALLIUS,e. 0., ancien chargé
d'affaires. Lamhuch, Stora Malen
(Smaland).
KLINCSPON, C. A., secrétaire de la So-
MM.
ciété archéologique d'Upland.
Upsal.
KURCK,A. (le baron). Oesteras, Fidoe.
LANDBER6, L (le d"*), président de la
Société archéologique d'Helsin-
glaud. Hudiksvall, Delsbo.
UUNGSTROI, C. J., curé, secrétaire de
la Société archéologique de Ves-
trogothie. Rannum, Funhem.
MOELLER, P. (de), ancien chef d'esca-
dron. Skottorp, près Laholm.
iONTELIUS, 0. (le d»"), conservateur
du Musée royal archéologique.
Stockholm.
NiLSSON, S. (le p^). Lund.
SAEYE, CH. (le p^). Upsal.
SAEYE, P. (le d"^), ancien inspecteur
des Monuments archéologiques.
Visby.
SCHilBT, CH. Slofra, prés Nykoe-
ping.
SJOEKRONA, J., veneur de la cour. Hel-
singborg.
TE6NER, E. (le d»"), conservateur du
Musée archéologique. Lund.
TOiRERfi, C. J. (le d'). Lund.
TORELL, 0. (le p'). Stockholm.
WETTER, F. (le p'), curé. Skeninge.
WIRERG, C. F. (le d'), président de la
Société archéologique de Gestrik-
land. Gefle.
WIEDE, L. C, ancien secrétaire de la
Société archéologique d'Ostro-
gothie. V. Husby, prés Norr-
koeeping,
WITTLOCK, J. A. (le d'). Welioe.
MH.
BOISTEFFEH (le baron de). Eicheablltal,
préa Tlioiine.
ClrtHT (lo d';. Saint-AubiD (Neu-
ctlÂtol).
ESCKER DE Li UMTH (\« p'). Zilrich.
FtTIO, 1. (1» à'), directeur du Mu-
SKO Hrchéologlqiia de Vaud. Lau-
sanne.
FÂÏBE, kin. (lo pi"). OenôTe.
FOIEL, F. l. (lod'). Morgea (Vaud)
6DS1E J. (lo d'), directeur du Musée
archéologique de OonâTe.
UM.
HEEI, 0. (le p']. Zûricll.
HIS (In p']. Bdle.
KELIER, FEIB. (le d'). Zurich.
PIDTET.M. (le p';. Genève.
ROUGEMOHT F. (de), ancien conseillpr
d'Etat. Ncucliiltel.
HUTIIIETER(1ep>-J.p.'ile.
IHIOLT. Rue du RhAne. Oenéve.
UHllllNN,J.(lod').M<'iDchenbuachseo
(Berne).
VOIT, C. (le p'). Plaln-Patais.
Oenàve.
tlOULUHBET. (led'). Mosée de Cod-
Btantiaople,
I TkHSYK-EFFEIIt.Carrerourâ'Odâon,9.
I Parie.
I ■tBIEnE-IET, directeur du 1
I d'Antiquitéa. Au Caire.
BRUCE FÛOTE, R-, lîsri..(}éologi(;al Sin^
OLDNli, T.. Eaq., F. R. S., di-
i-eeleur du OéoiogioaL Survej-.
— 35 —
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE.
MM.
A6ASSIZ (le p'), correspondant de
l'Institut do Franco. Cambridge
(Massachusetts).
IARTLETT,J. R.,Esq., secrétaire d'État.
Providence (Rhode Island).
RBOWN, M. (le révérend). New York.
CHADROURNE, P.>A., professeur d'his-
toire naturelle.Brunswich (Maine).
LEYOY, J. (d*-). Filibert Street, 1302.
Philadelphie.
HEHRY, J., Esq., secrétaire du Smith-
sonian Institution. Washington.
■ARCOU,J.Cambridgo(Massachusetts}.
■ARSH, C. P., envoyé extraordinaire
des États-Unis. Florence.
MM.
OLMSTEAD, L. 6. (le é^), Moreau Sta-
tion. Sarago ta County(New York).
FEALE, F., Esq. Philadelphie.
PHILIPS, H., Esq., président do la
Société des Antiquaires de Phihi-
delphie.
SCHOOLCRAFT, H. R., L. L. D. New York.
SQUIER, E. G., Esq. 105, E, 37 th.
Street. New York.
WRITE, S. C. (dr). Jowa City (Jowa).
WIHTHROP , C. R. , L. L. D. , prési-
dent de la Société historique de
Massachusetts.
WYiAH, J. (dO. Cambridge (Massa-
chusetts).
BRÉSIL.
M. M.
LUND, P. V. (le d'), professeur. Lagoa I SILVA, ■., (le p>'d). Rio Janeiro.
Santa. |
CANADA.
M.
CHAUVAU, H., ministre de rinstruction
publique. Montréal.
MM.
WILSOM, D. (le p'). Toronto.
DAWSON, J. W., Esq. Montréal.
PROVINCES DE LA PLATA.
M.
OURIEISTER, CH. (le pi*), directeur du Musée public de Buenos Ayres.
DE LA SESSION DE 18/2.
PRESIDENT.
M. D'DliLIUS B-KILLOT, J.
PRÉSIDENTS HONORAIRES.
MM.
MFELLIHI, J.
DE HDRTIUn, t.
BESOR, E.
WDKUE, J. J. A.
Anciens présidents.
VICE PRÉSIDENTS.
BENEDEB. P. J, (van).
WIITEib,iroiiile).
KILSSnW. S.
— 37 -
SECRÉTAIRES.
MM.
BRIART, A.
CORNET, F.
MM.
■AUISE, C.
DE REUL, X.
SECRETAIRES ADJOINTS
MM.
COLBEAU, J.
WEYERS, J.
MM.
VAN HOREN, F.
■OURLON, ■.
MEMBRES DU CONSEIL.
MM.
lOURGEOIS (rabbé).
RROGA.
DA SILVA (le chevalier).
EN6ELHARDT.
FAIOHERBE (le général).
FRAAS.
NAGEIANS, G.
NfBERT.
MM.
HILDEBRAND.
LEEMANS, C.
OPPERT.
SGHAAFFHAUSEN.
SCHMIOT, V.
VERVOORT, C.
WURIBRAND (le comte).
LISTE DES MEMBRES.
SESSION DE (872, A BRUXELLES ',
-BUHEI (le baron von}. Cassel.
■BUMIII(ledO. Berlin.
ESTOIFF.J. 0. C.(lobur(tiivoii),cham-
bdlan. Hanovre.
■FIMÏ,D. (le p'). Stuttgart.
HANDELHNN (le p' d'). Kiel.
-■ESTDIF, J. (Mil"). Hambourg.
PRUHEH-IEY (le d"). Pise (Italie).
-SCHMFFHtUSEN (le p',', conseiller in-
time, prés! d' de la Société anthro-
pologique d '.Allemagne. Bonn.
-ICNUFFHAUSEN (Mil'). Bonn.
-VIRCHDW (le p'), président de la So-
ciété d'Anthropologie dcBerlin,
correspondant de l'Institut de
?'ra
ÎLTlin
WUNEI, 1. (le p--) Munich.
■WEÏIEIISÏT (le comte). Pudewictz.
— 30
DANEMARK.
MM.
BEITOUCN (de), veneur de la Cour de
S. M. le Roi de Danemark.
Copenhague.
'EN6ELHARDT, C. (le p^*), secrétaire de
la Société royale des antiquités
du Nord. Copenhague.
HERBST, C. E., secrétaire et archi-
viste du Musée des Antiquités du
Nord, etc. Palais du Prince. Co-
penhague.
•SCHilDT, V. (le p'). Pala\s du Prince.
Copenhague.
*STEENSTRUP, J. S. (le dn, conseiller
d*État, professeur de zoologie à
rUniversitô , secrétaire de la
Société royale des sciences, di-
MM.
recteur du Musée de Zoologie
Copenhague.
STRUNK, A., conservateur adjoint du
Musée des Antiq. du Nord, etc.
Palais du Prince. Copenhague.
•WICHFELDT, J. (de), chambellan de
S. M. le Roi. Engestofte (Laa-
land).
WICHFELDT (M"» de). Engestofte.
(Laaland).
*WORSAAE, J. J. A., conseiller d^Ëtat.
directeur des Musées d'Ethno
graphie et d'Antiquités. Copen-
hague.
*WROBLEWSKt, J. J. (le d')» médecin
militaire. Copenhague.
ESPAGNE.
M.
TDBINO, F. 1. (don). Duplo S. Pe-
dro, 6. Madrid.
M.
VILLANOVA, J. (le p''). Madrid.
FRANCE.
MM.
ACY, E. (d'j. Boulevard Malesherbes.
Paris.
AURÈS, L. A., ingénieur en chef des
Ponts et Chaussées. Nîmes.
*BARROiS, CH., préparateur de géo-
logie à la Faculté des sciences.
Lille.
'RARROIS,J., étudiant. Lille.
BARTHfLEir, A. (de), secrétaire de la
Commission de la topographie
des Gaules. Rue d'Anjou S* Ho-
noré, 9. Paris.
'BAODRE, H. Rue des Éperonniers, 3.
Bruxelles.
•BATE, J. (de). Baye (Marne).
MM.
*BEAUVOIS, E., maire de Corberon
(Côte d'Or).
*BEL6RAN0, E., directeur du service
des eaux de la ville. Paris.
'BELLY, F. Paris.
•BERTOT, J. A., vice-secrétaire de la
Société des sciences de Bayeux.
(Calvados).
•BERTOT,II.A., étudiant. Bayeux (Cal-
vados).
BERTRAND, A., conservateur du Musée
des Antiquités de S* Germain en
Laye (Seine et Oise).
•BIGOT, correspondant du Siècle,
Paris.
MM.
-BISCNOFFSMEII, B. Paris.
"BOrSStT. Cll..rMm-tfurc|ps Mondes.
■BOHIUL. Toulouse.
•BllROÉ{i-ab!.É}. Baya iMarne).
-■OUHBEOIS. L. (l'abbé), directeur du
Collage de Pont Levoy (Loir et
Cher).
'BlOCl, P. (le dr),Beci'i^taire général
de ia Société d'AnUlnuiologïe.
* CHIIPAII. Itt. , employé à l'imprimerie
Weitseubruch. Place de l'InduE-
trie, 15. Bruselles,
■CtlUILHlC,P. E., directeurdcB,Va((l-
riaiias poiiy Chisloire de t Homme.
Au Muséum. Toulouse (Haute
Oaronue).
UII»NT ,del, président da HuBtitut
dos ProTineos, correspondant de
l'Institut de France. Caoa (Cul-
ïadoa).
'CUHLII DE FONDOUCE. Montpellier
(HOranlf).
■CH»IITIE,EIII(.Au Muséum d'Histoire
naturelle. Lyon.
'GIIARVET,J.,nQmisraate.StOermDin-
■MnEHI), BUST.,jugfl au tribunal. Aa-
lerra (Yonne).
CDUEIN, L., préhideni de la Société
dnnkerquoisfl, oto-, inspecteur
de la Société rranfaise d'Archéo-
logie. Dunkerque.
UM.
Mines, professeur à l'École des
Mines et àl'IîcolB normale. Paris.
'DEIAHSY, IRTH. Compiégae (Oise).
' DE NOBTILIET, attaché au Musée des
Antiquités nationales ds St Oer-
miiitt en Laye (Seine et Oise).
'DE||UlTmmS,iiiembrodet'lQ8titDt,
professeuranJnrdindea Plantes.
Paris.
DESHIYES, professenr au Jardin <les
Plantes. Paris.
'DDLLFUS, G. R(.ubaii.
' DUMONT, t. Rue de Napics, 4. Paris.
DUREJIU.k.(ted'). Paris.
'ElOFF, *., géologue et naturaliste,
toembre de plusieurs Sociétés
savantes. Rue de l'Ëcole de Mé-
decine, 22. Paris.
•ElOff (M"'), Paris.
■fdlBHEBBE (le général). Lille.
fniNCHET, H. Cour CheTcny (Loir
et L'her).
•iHHTIER, *.. délégué do la Société
uaf ionalç arc Géologique du Midi
de la France, Toulouse.
BÀUIlRr. k., professeur do paléonto-
logia au Muséum. Paris,
■«DIDSCHMIDT. Boulevard Malesher-
bes,33. Paris.
'SOItRT, CH., homme de lettres.
St Quentin.
'GOSSELET, J., professeur âla Faculté
des Scieuces, Lille.
GUERNE, J. (de), étudiant. Douai.
— 41
MM.
*LAiR, CN., membre de plusieurs So-
ciétés savantes. Paris.
LALANOE, P. Rue Haute, Brive (Cor-
réze).
*LANCERAU, E., professeur agrégé à la
Faculté de Médecine des hôpi-
taux. Rue St Arnaud. Paris.
LANDRAN, membre de la Société dun-
kerquoise. Dunkerque.
•LAPATZ, F. Paris.
LARTET, L., professeur à l'École de
Médecine, directeur du Muséum.
Lyon.
LAURIÈRE, J. (de), inspecteur de la
Société franc. d'Archéol. Paris.
LECOCQ, clerc de notaire. Lille.
LEJEUNE, ERN., président de la So-
ciété philotechnique de Calais,
membre de la Société d'Archéo-
logie. Calais.
LE6AYE, L., trésorier de la Société
d'Anthropologie. Paris.
'LEPROUX, F., archiviste et paléo-
graphe. St Quentin (Aisne).
'LERAS, inspecteur d'Académie. Au-
xerre (Yonne).
•LIMAS. CH. (de). Arras.
•LUCAS, CH., directeur de la Bio-
graphie universelle des Archi-
tectes. Paris.
•LUCAS (M"»*). Paris.
LYMEAU, TH. Paris.
■AITRE, A., chef des ateliers du
Musée de St Germain en Laye
(Seine et Oise).
■ASSËMAT, E., manufacturier. Male-
mort (Corréze).
■AYRIEL, El. rue du Cirque, 5»>i8.
Paris.
■AYHIEL, H. (M««). Paris.
■AZARD, archéologue. St Germain
en Laye (Seine et Oise).
Musée des Antiquités nationales
de St Germain en Laye.
MM.
^OLLIEROEIARICHARD, J., archéologue
et membre delà Société d'Anthro-
pologie de Paris. Vallon (Ar-
dèche).
•OPPERT, professeur au Collège de
France. Paris.
•ORTLIER, J., chimiste. Croix (Rou-
baix).
PERROT, E. Laval (Mayenne).
•PICARD, ERI., ministre de France,
Place de l'Industrie, 14. Bru-
xelles.
POMRIEROL, maire de Veyre Mouton
(Puy de Dôme).
•REROUX. Paris.
•REIMWALD, CH., libr. éditeur. Paris.
•REIMWALD(M"»«). Paris.
RHONE. Paris.
•RIALLE, GÉR. (de) préfet des Basses
Alpes. Digne.
RIGAUX nis. H., membre de la Com-
miss. historique du Nord. Lille.
RIVIÈRE, M. Menton (Alpes Mari-
times).
ROUJOU, A. Choisy le Roi (Seine).
*ROYER, CL. (M"«). Paris.
*ROZET,A. Paris.
SALMON, P. Rue Sedaine. Paris.
•SAUVAGE, F. Rue Monge. Paris.
SAVOYE, E., chimiste. St Ohislain.
Société d'Anthropologie. Paris.
SPITAELS (le d'). Croix (Roubaix).
•SUPERSAC, J. Paris.
TARDY, membre de la Société géolo-
gique de France. Paris.
•TESSIER OU lOTAY. Rue de la Ra-
quette, 73. Paris.
•VERLIÈRE. Rue Rogier, 177. Bru-
xelles.
*VIRRAYE (le marquis de), correspon-
dant de rinstitut. Rue de Va-
renne, 56. Paris.
• WICKERSHEIIER,E. , ingénieur à FÉcole
des Mines. Paris.
GRANDE BRETAGNE & IRLANDE.
tTlINSON, G. i., Esq., Kirl's Coart
Ci irlctiis.BromptOD, 16. Londres.
S. W.
■mi, s., Esq., F. R. S. Harley
Street, 15. Londres.
EHIISTÏ ( colloclioQ ). Victoria
Sti-eut, 103. Londres.
BiWKINS, .W., BOITD. F. R. S., direc-
teur du Musée d'Histoirei natu-
relle dâ Mauuhestcr.
-BUNKIIt. ». J. Dartford. Kont,
■BUIKII (M^). Dartford- Kent.
EVtlS, J., F. R. S., Nash MitU,
Hempstead. Londres,
FEHGUSSDII, J., F. R. S. Langham
Place, 20. Londres.
fLOWÉB, W„ F. O, S. Park Hill.
CroydoD.
~0I, k. H. (le colonel), vice-président
de la Société des Antiquaires de
Londres. Upper Phillimore
Oardeus, 10. Kensington.
'FBANIS, Ik. W., conservateur d'anti-
quitéa nationales et d'ethnogra-
phieauBritish Muséum. Londres
JBNES, R. (le pO. F. 0- S. Sandhurst.
*Gk1, TH. British Muséum. Lon-
GBEENWEtL, W. (le râv.). Durhaiti.
MM.
GBITTIN, E. i., cousul d 'Angleterre.
Place du Meir, 5. Anvers.
HMLSTOME. EBW., P. S. A. Wallon
Hall. M'akofleld.
HOOKER, BR. J. B., F. R. S., directeur
des Jardins royaux. Kew.
* HYOE-CIABKE. S' Ueorge'a Square, 33.
LUBBB», J. (siH, Bart M. P., F. R.
S. Londres.
LÏELl, CH. B. (8ir), F. R. S. Harley
ytreut. Londres.
'NEWItH (M"*'. Wind Mill street.
Gravesand. Kent.
■tHBÏ, t. |le colonel). Londres.
DWEB (lu pr;.surintenàant d'histoire
naturelle au British Mnsaum.
rRESTWICH, J. F. R. 8. Shorehain.
■SlVIlLELUiLET.J., ministre d'Angle-
terre, rue du Trône, 42. Bru-
UTLEUR, GH. W., Lincolns Inn.
TU II US. Eloctham Lodge. Birmin-
gham.
WTUE. W. ■., Esq. Blackwater.
Faruborough,
— 43 -
MM.
la Société anthropologique et
ethnographique. Cento.
BOSIS, F. (de). Ancône.
'BOTTI. U., (le chev.). Lecce.
'CAPELLINI, G. (le corn.), professeur à
rUniversit«5. Bologne.
'CHIERICI (l'ahbéU professeur. Reggio
d'Emilia.
•COIIESTABILE, J. C. (le comte), profes-
seur d'archéologie à l'Université.
Pérouse.
'GONESTABILE, CH. Pérouse.
CORNALIA, E. (le p»";, directeur du
Musée. Milan.
'FABIETTI, A. ;le p"*), consei*vateur du
Musée d'Antiquités, membre do
l'Académie royale des Sciences.
Turin.
F08ESTI (le d»"). Bologne.
•fiABOVAGLIO, A., secrétaire de la Com-
mission d'j^\xchéologie de la pro-
MM.
vince de Cômo (Lombardie), Me-
naggio (Lac de Côme).
60ZZADINI (1^ comte), président du
Congrès de Bologne en 1871.
Bologne.
iARINONI, C. lie d*"), adjointau Musée.
Milan.
iARTINATI, P. P. (le d^). Vérone.
OMBONI, G. (le p"-). Padoue.
OMBONI (M"»'). Padoue.
PERRANDO DEL GRATIAS (le d>-). Sasstdlo.
PIGORINI, L. (le p^. Au Musée d'An-
titiuités, Parme.
RAFFAELLI, F., bibliothécaire com-
munal. Fermo.
ROSSI SEOTTI, J. B. (le comte de). Pe-
rugia.
SCARABELLI GOMMI FLAilNI, G. (lecom.),
sénateur. Imola.
STROBEL, P., professeur à l'Univer-
sité. Parme.
Z0N6HI, A., bibliothécaire. Ancône.
LUXEMBOURG (GRAND-DUCHÉ DE).
M.
iUNCHEN, conseiller d'État, membre des Sociétés archéologique et des
sciences naturelles. Luxembourg.
PAYS BAS.
MM.
'BINCKHOBST VAN DEN BINCKHOBST, J. E.
(van). Maestricht.
BOOT, J. F. G. (le d»"), secrétaire de
TAcadémie des Sciences. Amster-
dam.
OE MAN, J. C, docteur en médecine.
Middelbourg.
OE iAN, J. G., étudiant en philo-
sophie. Middelbourg.
'OIRRS, J. (le d»"), président de la So-
ciété d'Histoire, d'Antiquités,
etc., de la Frise, membre de l'Aca-
démie royale des Sciences des
Pays Bas. Leeuwarde.
'H00Ft'vAIIIDDEKIN6E,J. e. h. (le chev.),
MM.
associé étranger de la Société
royale de Numismatique belge,
directeur du Cabinet numisma-
tique de l'Université. Leyde. *
HULSEBOS, G. A. (led<). Utrecht.
*LEEMANS, G. (le d'), directeur du
Musée royal néerlandais d'Anti-
quités, chargé de la direction du
Musée royal néerlandais d'Eth-
nographie. Leyde.
PLEYTE, DR. W., conservateur du
Musée royal d'Antiquités. Leyde.
SCHUTZ, consul de l'Amérique du
Nord. Rotterdam.
*UBAGHS, C., naturaliste. Maestricht.
MM.
AUNE, E. k. Porto.
'RIIEIRO, chef des travani géolog.
etraembi'eduCoascil des travaux
publics et des rolues. Lisbonne.
■SIL«,J.P.». [da),archit«!U(leS.M.
)e Roi de Portugal, archéologue.
Lisbonne.
PROVINCES DE LA PLATA.
lUMEISTiR.C. "..directeurduMusée I lOIIEIII.F. F. Buenos Ayres.
public de Buenos Ayrea. |
UIECRIA (le p']. Buctaarest.
MM.
BIDELFUTEIOe comtede). Saint Pé-
tersbourg.
KUITZ, 1. (dej, membre de la Société
littéraii-e. Varaovie.
MM.
NATJIRSOII, L. (led'). Vai
SONZDW. Moacou.
'ZiWISU.J. Moscou.
SRUSEWITZ, fi., conaei-vntsur du
Musée. Ooth en bourg.
EWÏRT, *. T,, membre Je la Boti&U
d'Archéologie de Suéde. Oothen-
bourg.
-tlILOEBIIANO, H. (le d-j, arehiviate,
directeur du Musée royal arcbéo-
UHDIERG, t. (le d'). Stockholm.
UURGSTMI, curé. Rannum.
■OllTELI1IS,0.,conscrVBteurduMuaéc
royal ai-chéologique. SLockliolm.
HILSSDN.S. (lep'). Luud.
illLKOII(Mi'<). Lund.
QLiyEDIIOH* (d'). conseiller a la Cour
45 —
BELGIQUE.
MM.
âlâl, receveur des contributions.
St Hubert.
ALUIT (le d'). Chaussée d'Ktter-
beek, 12. Bruxelles.
ALTiEYER, J. J, professeur â l'Univer-
sité de Bruxelles. Boulevard de
Waterloo, 87. Bruxelles.
UVIN, L, membre de rAcadéraio
royale de Belgique, conservateur
en chef de la Bibliothèque royale.
Rue du Trône, 45. Bruxelles.
ANCY DE LANHOIS (le comte d*). Rue du
Mont de Piété, 15. Mous.
ANSPACN, J., bourgmestre de la ville
de Bruxelles, membre de la
Chambre des représentants. Rue
des Sables, 18. Bruxelles.
AlNOUhO, 6., ingénieur au Corps des
Mines. Namur.
ASTBUC, E. A., grand rabbin de
Belgique. Rue du Marais, 65.
Bruxelles.
AYOU, A., major du corps d'État major.
Rue de rAbondance,20. Bruxelles.
BACHENNE, architecte. St Hubert.
BAILLET (le comte de), gouverneur de
la province de Namur.
BALAI, architecte du Roi, membre de
l'Académie royale de Belgique.
Rue de Londres, 17. Bruxelles.
BABELLA, H. (le d'). Chapelle lez Her-
laimont.
BABBË, F., chef de la station du Midi.
Bruxelles.
BAUDE, E. Rua Belliard. Bruxelles.
BAUOUIN (le d'). Uccle.
BAUWENS, ËO. Rue des Minimes, 30.
Bruxelles.
BAYET, L., ingénieur. Walcourt.
DEC9DET, A., membre de la Société
archéologique de Namur. Namur.
BENB, J. (le baron). Rue Seûtin, 8.
Bruxelles.
MM.
BELLYHCK (le R. P.), associé de TAca-
démie royale de Belgique, profes-
seur au Collège N. D. de la Paix.
Namur.
BENOIT-FABER, membre de la Société
archéologique, membre du Con-
seil provincial. Namur.
BERCHEM, ingénieur provincial au
corps des Mines. Namur.
BER6Ë, H., professeur de chimie,
membre do la Chambre des repré-
sentants. Rue de la Poste, 176.
Bruxelles.
BESME, architecte. Rue Jourdan, 36.
Bruxelles.
BEST, E., vice président du tribunal
de V instance. Rue d'Edim-
bourg, 36. Bruxelles.
BISCHOFFSHEli, sénateur. Boulevard
de l'Observatoire. Bruxelles.
BLAUWE, J. (de), avocat. Rue de Ber-
lin, 31. Bruxelles.
BLOCHOUSE, R. (de), étudiant. Oem-
bloux.
BLOMIE, A., secrétaire du Cercle ar-
chéologique de Termonde. Ter-
monde.
BOODAERT, professeur à l'Université.
Gand.
BOiiER, J. E., professeur à l'Univer-
sité libre, conservateur au Jar-
din botanique do l'État. Rue de
la Chancellerie, 18. Bruxelles.
BONAilS,F., conducteur des Ponts et
Chaussées. Ciney.
BONNAUO (l'abbé). Anvers.
BONNET, sénateur. Tournay.
BONTEMPS, CM., homme de lettres.
Rue de Louvain, 9. Bruxelles.
BORCHGRAYE, E. (de), secrétaire de léga-
tion, chef du cabinet du ministre
des affaires étrangères, membre
correspondant de l'Académie
MM.
royale de Belgique, etc. Rue du
Commerce, 55. Bruiellea.
lORCKSIAVE l'ILTENt (le comte de)
secr^taireduRoi.RueBelliHrd,-!!.
Bruxelles.
BORCHGRHE D'UTEM, l. [le comte de),
au Château de Wodoraont (Visé).
SDIENET, J., secrûtHire de la Société
■rchêologique de Namur, archi-
viste de 1» province. Namur.
lORLËE, J.-lk., docteur en médecine et
professeur A l'Uiiiversité, Liège.
ROUANS, S., archiviste. Liage.
IBRTIER, horticulteur. Rue Royale, 43.
Bruxelles.
ROSERET,Juge de paix. Ciiiey.
ROSTEELS, L. [le tl'). Marché St
Jac<iufia, 37. Anvers.
RDUCguÊltU,E.,m<:'mbre delà Chambre
des itipréscntuntii. Place dus
Nations. 16. Bruiellea.
BOUCgUlC, J., avocat. MouUgne de la
Cour, 3. Bruxelles.
BOUILLON, k. Rue Br<>derode, 3.
BruxeUes.
BOUILLOI, professeur de botanique.
Couvin.
BDURBEOIS (led'). Rue du Trône, 171.
BOURSDK, t., ingi^nieur. Rue de Lou-
vain, 9. Brusylles.
tOUTET, major au corps d'État major.
Rue du Méridien. Bruxelles.
BNANDT, P. Anvers.
BBtTER (1" dn, niemiire
I membre de la .Suciélé paléouto-
logique et archéologique deChar-
leroi. Oilly.
I SniIHE, E., directeur de la Société de
I Corphatie. Iluy.
, SRDERS. F , avocat. Vieille rue de
' Bruxelles. Matines.
' BROU, CH. (de), & l'h6tel d'Arcnbei-g.
Place du Petit Sablon. Bruxelles.
I RROUCHIIN, t. Pnimeries.
I RRUGIANH. E., banquier. Rue d'.lren-
I berg, Bruxelles.
IULS, CH., secrétaire de la Ligue de
l'enseignement , Marché aux
j Herbes, 103. Bnixellcs.
; RURRURE.L. Ile chevalier de, membre
de IWcadémic royalede Belgique.
i Anvers.
. RUTS [lo d'). Rue de la Braii-, 14.
Bruxelles.
I RUZDU, A., pharmflcjnn. Rue Jo-
I sepb 11,05. Rrnxelles.
, CUDB, A., ai-chitocle, membi-e de la
Socii^tépalèontiilngiqucetarcbéo-
j logique de Cliarlei-oi. (^harleroi.
I CAPELLE, F., propriétaire. S»Uinne.
(Nar
ir).
CAFEROH, ■., homme de lettres. Rue
de Louvaiii, 9. Bruxelles.
CAREZ, ■., ingénieur en chef des
Ponts et CliauBsées du Brabiint.
CIRLIER, avocat. Rue de l'In-
dustrie, V2. Bnixelk'B.
MR?ENTIEB. E. ,1e if). Rua dos Peljts
— 47 —
MM.
CAnBEUX, L, chef de bureau à l'Ad-
ministration communale et sténo-
graphe. Rue Royale, 112. Bru-
xelles.
CEULENEEI, A. (de), membre corres-
pondant de l'Académie d'Archéo-
\o'^ïe de Belgique. Louvaiu.
CHALON, I., membre de TAcadémie
royale de Belgique. Rue du
Trône, 103. Bruxelles.
CHABUEI, E., docteur en médecine,
Faubourg St Gilles, 19. Liège.
CHARNEUX, A., journaliste. Rue du
Fer. Namur.
CHASSAINT, A., homme de lettres. Rue
de Louvain, 9. Bruxelles.
CHEVRON, professeur à l'Institut agri-
cole. Oembloux
GLAES, P., industriel. Lembecq.
CLOflUET (le d^, membre du Cercle
archéologique de Mons et de la
Société paléonfologique et archéo-
logique de Charleroi. Feluy.
MAEPS, H. Rue de l'Abricot, 8. Bru-
xelles.
COCHETEUX, colonel. Anvers.
COGELS. A. Place de Meir,72. Anvers.
C06ELS, P. Rue d'Arenberg, 27.
Anvers.
COLBEAU, J., secrétaire de la Société
malacologique. Chaussée de \Va-
vre, 178. Bruxelles.
COLINET, ËO. Rue du Commerce, 28.
Bruxelles.
COOiANS, L., pharmacien. Rue du
Poinçon, 62. Bruxelles.
COPPIN, E. (le baron de), conseiller
provincial. Ermeton sur Biert.
COQUILHART, général d'artill. Anvers.
CORNET, F., ingénieur. Cuesmes (Jem-
mapes).
COBB-VANOEB lAEREN, renfler. Chaussée
deVleurgat, 233.
COUSOT (le d'), membre del'Académie
royale de Médecine. Dinant.
MM.
COUVREUR, A., mt^mbre de la Chambre
des représentants. Rue des Deux
Églises, 24. Bruxelles.
CRÉPIR, F., conservateur au Musée
royal d'Histoire naturelle. Rue
du Commerce, 16. Bruxelles.
CROCO, professeur à l'Université libre.
Rue Royale, 110. Bruxelles.
CRUTS, G. Rue des Douze Apôtres, 11.
Bruxelles.
CUBIONT, J. Houffallze.
CUBIOHT, G., Place impériale. Alost.
CUTSAERT. Rue Verte, 102. Bruxelles.
OABISEAUX, AD., professeur à l'Institut
agricole. Gembloux.
O'AHDRIBIOHT, J., membre de la
Chambre des représentants. Rue
de la Charité, 53. Bruxelles.
DANSAERT. Rue Traversiôre, 38. Bru-
xelles.
DASTOT, négociant. Rue du Progrès.
Bruxelles.
OAUBIOUL (le dn. Sclayn (Namur).
DEBECKER, ingénieur. Rue Caroly, 38.
Bruxelles.
DE BOE, propriétaire. Ca/É^cterJ?»îp«-
re^ir. Anvers.
DE BONNE, avocat. Petite rue de
l'Écuyer, 19. Bruxelles.
DEBOVE, CH., industriel, membre du
Cercle archéologique de Mons.
Elouges (canton de Dour).
OEDEYN, E. Ninove.
OEFUISSEAUX, membre de la Chambre
des représentants. Place des Bar-
ricades, 6. Bruxelles.
DE GANO, rentier. Rue des Marais, 51.
Bruxelles.
DE 6AND , E. , avocat. Place de»
Nations, 3. Bruxelles.
DEJAER, avocat. Rue du Pépin. Brux.
OEJAER, E., ingénieur au corps des
Mines. Mons.
OEJARDIN, capitaine du génie. Rue
Fabry, 31. Liège.
N
MM.
OELEVOTE, L., étudiant. Rue de la
Paille, 16. BrusellsB.
DELHASSE, r., homme de leflres.
Chausséo d'Haectit. Brmelles.
DELL'ADDI)>, G., artiste peintre. Rue
du Priûce royal, 83. Bruxelles.
DELKDTIE, homme de lettres. Rue
Belliard, 104. Bruxelles.
OELVtUX, E. . lieutenunt au S'n^gîmeut
de lanciers. Rue des CapudnE,&7.
BE lAN. S., architecte. Rue du Pur-
nasae, 27. Bruxelles.
DEMESSE DUIQIS , propriâtaire. Ar-
quennes.
DEiEUR, 1., membre de la Chamtire
des repriseulants. Rue du Chump
do Mars, 15, Bruxelles,
OHAUX-DE BREYNE (le y). Dixmude.
DEHEItBOmeOedr). Cuesmes.
DEmS, H. Rue Goffart, 50. Bruxelles.
DESCmiPS. membre de la Chambre
des représenta uts. Rue de Nii-
mur, 52. Bruxelles.
OESCAIPS, A-, avocat. Rue de N'a-
mur, 52. Bruiolles.
DESGUIH, P., professeur i TÊcole
industrielle du Musée de rin-
dustrie. Bruxelles.
OE SUPEL, L., avocat. Warneton.
DE SKT, E. (le d'). Rue Royale, 05,
Bruxelles.
DE SIIET, J. (le •!'). Rue Bodon-,
mie d'Archëologie de Belgique.
Liège.
DOKGIIIEII, CM., directeur de la Société
minière de Veiiii (Sclaigneaux).
DUBOIS. A., conservateur bu Musée
royal d'Histoire naturelle. Rue
de MercL'lia, 51. Bruxelles,
DUBOIS. £., répétiteur â l'Université.
Oimd.
DUBOIS, V. (le d'). Place de l'Univer-
eité. Bruxelles.
OUIOIS-THOm, F., gouverneur de la
province de Brabant, Au palais
provincial, Ruo du Chêne, 22.
Bruxelles.
DUCHAINE.G., avocat. Rue du Midi.Ul.
Bruxelles.
DUCHATEIU. ED. Rue Van Orley, 5.
BruselleB.
DUFIIANE. Framerios.
DUGNIDLLE, ■., professeur i. l'Univer-
sitddeOand. Gand. -..
DUMaN, CH., ingénieur eu cï'^f dea
Pouls et Chaussées de la proï^ce
de Namnr.Namur.
OURDNCEAU DE BERGENDAEL, F. Rue
Marie de Bourgogne, 53. Bru-
DUMDNT (le d^). Qaod.
DUHDNT, inspecteur de renseigne-
ment moyen. Rue Mnntoyer.
Bi-uxelles.
DUPONT, A., professeur au Conserva-
- 49 -
ELOIR, J., notaire. Rue du Président.
Namur.
EMEIA, J., banquier. Rue Royale, 6.
Bruxelles.
EYERAIOI, C. Dinant.
EIIAIO, F., ingénieur des Mines. Rue
du Chemin de fer. Bruxelles.
FAY, F., chirurgien dentiste du comte
et de lu comtesse de Flandre.
Place du Musée, 12. Bruxelles.
FÉRM, E. , avocat. Rue Boden-
broeck, 15. Bruxelles.
FÉTIS, E., membre de l'Académie
royale de Belgique. Montagne
des Quatre Vents, 5. Bruxelles.
FiRIET, AO., ingénieur au corps des
Mines. Rue Ste Marie, 32. Liège.
FLAiACHE, ingénieur principal au
Corps des Mines. Mons.
FORTAIIAS, C. J., conseiller provincial
et échevin de la ville. Rue de
Ligne, 81. Bruxelles.
FORTAIPS, F. CL., sénateur, directeur
de la Banque de Belgique. Avenue
de la Toison d'Or. Bruxelles.
FRANS, échevin. Malines.
6ALESL00T, A., lieutenant colonel en
retraite. Bruxelles.
CARCIA DE LA VEGA, 0. (de). Flostoy.
6EEFS, G., membre de FAcadémie
royale de Belgique. Rue des
Palais, 22. Bruxelles.
GEELHAIO, E. Vieux Dieu (Anvers'.
GEELHAND, L., numismate et archéo*
logue, membre de la Société des
Archéologues de France. Rue du
Pont Neuf, 21. Bruxelles.
GENOERIEI, A. Rue de la Limite, C6.
Bruxelles.
GERAERTS, professeur. Hasselt.
GfRARO, L., ingénieur. Rue des Au-
gustins, 48. Liège.
GEILACME (de), propriétaire. Anvers.
GEUIEL, juge dlns traction honoraire.
Marche.
MM.
6EUREL, CH. J., lieutenant du génie.
Anvers.
GEURELLE, greffier de la justice de
paix. Ciney.
GEYERS, F., rentier. Vieux Dieu
(Anvers).
GiLLET, A., industriel, membre de la
Société paléontologique et archéo-
logique de Charleroi. Charleroi.
GiLLON, J., consul de la république de
Costa Rica. Rue de Bériot, 52.
Bruxelles.
GLU6E (le d»"), membre de l'Académie
royale de Belgique, professeur à
rUniv. libre. Rue Joseph II, 7.
Bruxelles.
GORERT, ingénieur en chef, directeur
au Ministère des travaux publics.
Bruxelles.
60RLET O'ALVIELLA, E. (le comte), con-
seiller provincial. Rue Zinner, 8.
Bruxelles.
GOEi AH, AD., rentier. Rue Royale, 200.
Bruxelles.
GOFFIN (le d"-). Mons.
60FFINET, 0. Jemmapes.
GOUTHIER, ÉD., ingénieur. Boulevard
Ad Aquam, 15. Namur.
6RAN0GAGNA6E, CH., sénateur, prési-
dent de rinstitut archéologique
liégeois. Liège.
GRANDGAGHA6E, J., membre de TAca-
demie royale de Belgique. Liège.
GREINOL, J., ministre résident, au
Ministère des affaii^s étrangères.
Rue de Marnix, 4. Bruxelles.
GUIHOTTE, L., directeur de la Société
de charbonnage de Mariemont.
GUIOT, L., fabricant. Rue d'Aren-
berg, 13. Bruxelles.
GUIOT, H. J., huissier. Rue des Boi-
teux, 6b««. Bruxelles.
HAGEiAHS, G., membre de la Chambre
des représentants, ancien prési-
dent de l'Académie d*Archéologie
*
:
MM.
de Belgique. Avenue de la Toison
d'Or, 2. Bruxellee,
NHHE DE STEENNUIZE. G. [d"), membre do
la Chambre dea rflprôaentants,
membre del'Iûstitutdeaprûïiiicea
de France, [i résident du Congrôa
de géographie d'Anvera un 18ÎI.
RIUIEII (le d'). Boulevard de Water-
loo, 119. Hfuiellea.
ma, F., imprimeur. Rue de l'Oran-
gorie. Bruxelles.
Ntll,CH.,éditour. RuedoJonck.er,54.
Bruxelles.
HENNEDUIH.E., capitaine d'État ranjor,
professeur de l'Ecole de guerre.
Rue du Canal, 75. Bruielles.
HENIiONET, colonel, chef du bureau
topographique au dâpôt de la
guerre. Ruo des Miaimea, 10.
Bruxolles.
HENRY. EUG.. banquier. Dinant.
HfNRT. r..indi]>'Irfel. Dinant.
HtKRÏ-DIIRAlIT, ingénieur. I^a Heatre
(Mariemonn.
HEUBHEBiERT, jiifîe émérite. Tournay.
HOlLtlIDERS, L. J., notaire. Louvaîn
HOUZEtU DE LEHitlE, i., aecrâtaire ds
la Société dea Sciencea, Lettres
et Beaui Ai-ta du Rainaut. Hyon
(Miius).
HUIDDBRD, C. G. (de), mîniatre du Chili.
Avenue Louise, 109. Brnsetliis,
jmiH, ancien ministre, directeur de
MM.
JOTTRIkMO {le d^), bourgmestre de
Saint Joaae ten Noode. Rue
Royale, 124. Bruxelles.
JDTTRIND, G., avocat, membre de la
Chambre des reiirâsentants, Place
de LoDvain.2. Bruxellea.
JUSTE, TH., membre do r.^cadémie
riiyale de Belgique, con.servateur
du Musâe royal d'AntiquitÉs et
d'Armures. Rue du Trône, H9.
Bruxelles.
KEINU, I. Rue île la Conatitution, 3i.
KDNINCK, L (de), membre de l'Aca-
démie royale de Belgique, pro-
fosaeur & l'Université de Liège.
Liéfie.
LàCDHSLË, 1., secrâtaii'e de la ville.
Bruxelles.
ULIEUI, L. (de), Chdteau de la Rocq,
d Feluy.
UMIRCHE, 0., industriel. Liège.
UMIERT, G., ineânieur itea Mines,
prof'' û l'Université de Lonvain,
Hue Traveraièi-e, 78. Bruxelles.
LtiOUETJuge de pais. Ninove.
LmUYE. 1. (de), directeur du Com|>-
toir d'eacompte. Bruxelles.
LHVELEYE. G. (de), directeur du Moni-
teur des IiiCéréts tnat^fiels. Rue
Slassart. Bruxelles.
LERDULtNGf, avocat. Rue du Champ
de ^fars. Bruxelles.
LE CmE, *., membi-e effectif de la
— 51 —
LE 6UID DE REUUNDT, secrétaire per-
pétuel de r Académie d'Archéolo-
gie de Belgique. Anvers.
LE HARDY DE DEAULIEU. Wavre.
LELIÈVRE , X. , bourgmestre de la
ville de Namur, membre de la
Chambre des représentants. Na-
mur.
LEIMEN, 6., ingénieur. Rue des Char-
bonniers, 33. Bruxelles.
LE ROY, k.y membre de l'Académie
royale de Belgique, professeur â
rUniversité de Liège.
LE POUTRE,L., avocat. Rue de Vienne,
20. Bruxelles.
LESOINN^, CH., ancien membre de la
Chambre des représentants, au
Val Benoît. Liège.
LETELLIER, i., avocat. Rue des Car-
mes, 20. Bruxelles.
LEYY, J. Rue Joseph II, 71. Bruxelles.
LEYOER, J., professeur à l'Institut
agricole de Gembloux.
LEYS, J. Rue Leys. Anvers.
LIEDEKERKE-BEAUFÔRT (le comte de),
membre de la Chambre des re-
présentants. Château de Noisy
(Celles, par Dinant).
UEDTS, gouverneur de la Société
générale. Bruxelles.
LIHSRACK, E., sténographe. Rue de
l'Alliance, 19. Bruxelles.
LOISEAU, V., propriétaire. Ragnies
(Thuin).
LOOiANS, recteur de l'Université.
Liège.
LOOZ- CORSWAREi , G. (le comte de),
membre de la Société malacolo-
gique, au château d'Avin, par
Burdinne (Liège).
LOOZ-GORSWAREi, G. (le prince de), au
château d'Ahin (Huy).
LORAU, architecte. Rue du Com-
merce, 28. Bruxelles.
LORARD, 6. Spy (Namur).
MM.
LU iAY, pharmacien. Rue Saint Jean,
115. Bruxelles.
■AAS, professeur. Bruxelles.
iAHAUX (le dO. Rue Thérésienne, 8^".
Bruxelles.
MAiLLEU DE ROY()e marquis de\ Ciney.
iAILLY, correspondant de l'Acadé-
mie royale de Belgique. Rue
Saint Alphonse, 31. Bruxelles.
iALAISE, C, correspondant de l'Aca-
démie royale de Belgique, prof,
à rinstitut agricole de Gembloux.
iALHERBE, R., ingénieur. Quai de la
Batte, 13. Liège.
MANSION, professeur à l'Université
deOand. Avenue de Margrave, 38.
Anvers.
iARCQ, ing»" des Ponts et Chaussées.
Rue aux Laines, 29. Bruxelles.
iARCQ (le à'). Carniéres.
MARINUS, G. D., architecte. Rue Ro-
gier. 227. Bruxelles.
MARMOL, E. (del), président de la
Société archéologique de Namur.
Montaigle (Dinant).
MARTHA (le d*"). Chaussée de Laeken.
Bruxelles.
MARTHA, E., notaire. Rue Royale, 98.
Bruxelles.
MARTINET, AD., chef de bureau au
Ministère des travaux publics.
Bruxelles.
MAUS, H., membre de l'Académie
royale de Belgique, inspecteur
général des Ponts et Chaussées.
Rue de Naples, 41. Bruxelles.
MAX (le di*), médecin de l'hospice
Pachéco. Rue Joseph II, 59.
Bruxelles.
MEDAETS, F., négociant. Rue de la
Princesse, 40, Quai de Marie-
mont. Bruxelles.
MEESTER DE RAVENSTEIN, E. (de), minis-
tre résident. Château de Raven-
stein (Maliues).
MM.
■ELSEMS, membre de l'Acsdéniie
royale de Belgique, examinateur
permsDeut A l'Ëcnlo militaire,
professeur à l'Ecole ïéti;riii:iire.
Rue de la Grosse Tour, 'Z9.
Bruxelles.
■ERCIEI, l., docteur en droit. Rue
des Deux Eglises. 50. Bruxelles.
■ERZMCH, H., libraire éditeur. Rue
Royale, i. Bruxellei".
■EOLEIANS, A., consul de la Répu-
blique de riiquateur. Rue du
Progréa. BruxellOB.
■EYER, J. B. (le d' de). Boom.
■EYNRE, avocat. Bruges.
■IMtl. Rue Marie Thérèse, 12.
Bruxelles.
■IGHIEIS, bourgmestre. Tongres.
KtHIELS, E., receveur de l'enregia-
trement. Alost.
■ICHOT, 1. L. (l'abbé), botaniste,
membre de |ilusieurs Sociétés sa-
vantes. Mons.
■ILKOWSKI, Z., homme de lettres.
Rua Malibran, 116. Bruxelles.
MLLER, N., m<'mbre de la Société
mdlacologiqne. Chaussée de Wa-
vre. 1S3. ISiuxolIes.
■DENS, J., avocat. Ledo (Alost).
■ONTEFIORE-LEVI, G., ingénieor. Place
de l'Industrie, 34. Bruxelles.
■ONTIENT, CH., membre de l'Acadé-
mie royale de Belgique, profess''
l'Atbéoée. Rue des l^al^
MM.
HOUnOII, CH., iogânieur. Rue Mou-
toyer, 6. Bruxelles.
■0(1111011. ■..coDservatenrau Musée
royal d'Hii^toire naturelle. Rue
MoQtoyer. 6. Bruxelles.
■OXHET, C. (Chaussée de Wavre. M.
Bruxelles.
■USUI (le maj--). Rue Longue Allée.
MEEF DE RDSSIUS, conseiller provin-
cial. Liégo.
NEIRTMCII, G., membre de la Société
des Sciences, Lettres et Beaux-
AHs du Haiuaut. Jemmapes.
NEISSEN, avocat. Boulevard de Wa-
terloo, 86. Bruxelles.
NrST, H., membre de l'AcadAmie
royale de Belgique, conservatciu-
au Musée royal d'Histoirs natu-
relle. Rue du Frontispice, 39.
Bruxelles.
DlIN, l., avocat. Chaussée de Chnr-
leroi, 14. Bruxelles.
OLLIVIER, F., libraire. Rue des Pa-
roissiens, 11. Bruxelles.
OHUIUS ITHALlOr, J. (d'), sénateur,
membre de l'Académie royale de
Belgique, correspondant de l'In-
stitut de France Château d'Hal-
loy [Cinoyl.
OTREFPE DE ROUVEnE, k. [d'), président
dlionneur ft vie de l'Institut ar-
chéologique liégeois, conseiller
— 53 —
MM.
KTTEAU, J., professeur À T Athénée.
Mons.
PICAIO, ALD.; avocat, président du
Conseil provincial du Brabant.
Rue du Champ de Mars , 3.
Bruxelles.
PILLOY, marchand grainier. Rue
d'Assaut, 5. Bruxelles.
PINTO, F. (le comte de). Hodbomont
(Theux).
PIBON VANOERTON,C., conseiller provin-
cial. Rue des Arts, 26. Bruxelles.
PITTEUIS, CH. (de), docteur en scien-
ces, au château de Zepperen.
(Saint Trond).
PLATEAU, F., correspondant de l'Aca-
démie royale de Belgique, profes-
seur à l'Université. Qand.
POTVIN. Rue des Palais,34. Bruxelles.
PIEUDHOMIE DE BORRE, A., secrétaire
de la Société entomologique ,
conservateur secrétaire au Musée
royal d'Histoire naturelle. Place
du Musée, 1. Bruxelles.
PBEUDHOliE DE BORRE, CH. Liège.
PBINS, A., avocat et homme de let-
tres. Boulevard Botanique, 90.
Bruxelles.
PBYDT, F. E. (de), président de la So-
ciété des Sciences. Mons.
BABI6UÉS, F. (de). S^ Croix (Namur).
lEINTJENS, sénatr. Rue des Arts, 11.
Bruxelles.
iERAID, lieutenant général. Rue des
Coteaux, 45. Bruxelles.
REOL, X. (de). Rue de Robiano, 64.
Bruxelles.
BtCMALO, E., étudiant. Rue du Par-
nasse, 29. Bruxelles.
RI60T, négociant. Rue de la Croix.
Namur.
BOBIAIO (le comte de), sénateur. Rue
de Namur, 45. Bruxelles.
BOBIE, artiste peintre. Chaussée de
Charleroi, 135. Bruxelles.
MM.
RODENBACH, C. Boulevard Frére-Or-
ban, 9. Gand.
ROELOFS,W., artiste peintre. Chaussée
d'Haecht, 218. Bruxelles.
ROFFIAEN, F., artiste peintre, membre
de la Société malacologique de
Belgique. Rue Godecharles, 16.
Bruxelles.
RONGÉ, J. (de), conseiller à la Cour
de cassation. Rue du Marteau, 17.
Bruxelles.
RONGÉ, G. (de), avocat. Rue Marie
Thérèse, 20. Bruxelles.
ROULEZ, J. E. G., membre de TAca-
démie royale de Belgique, admi-
nistrateur de l'Université de
Gand.
ROUVEZ. Mons.
RUELENS, chef de section à la Biblio-
thèque royale. Rue de la Li-
mite, 16* Bruxelles.
SARTON, professeur À l'Athénée royal
de Liège. Rue E vers, 12. Bruxelles.
SCHELER, A., associé de l'Académie
royale de Belgique. Rue de Mer-
celis, 66. Bruxelles.
SCHMiOT, F., négociant. Rue de la
Madeleine, 45. Bruxelles.
SCHOENFELO, H. (le d'). Rue du Prince
Royal. Bruxelles.
SCHOUPPE, avocat. Termonde.
SCHOUTEETEN DE TERVARENT (de), con-
seiller provincial , membre de
plusieurs Sociétés savantes. Saint
Nicolas.
SGHULTE, négociant. Rue du Chône,
llbi». Bruxelles.
SfLYS-LONGCHAMPS (le baron de), séna-
teur, membre de l'Académie
royale de Belgique. Longchamps
sur Geer.
SfLYS-LONGCHAIPS, W. (de), docteur en
droit. Liège.
SÎVE, A. négociant. Rue Philippe
le Bon. Bruxelles.
MM.
IIIET, membre de l'Académie da
Belgique. Saint Nicolas.
SLDET VIN OLDRUITEKIDRGH. I. (le bar"),
chambellan en service eilra ordi-
naire de S. M. te roi des Paya
Bas. Rae de rUnion, 17. Brustl-
lea.
Société dea Sciences, des Lettres et
dea Beaux Artadu Hainaut.
Société paléontologjquo et a relié 0-
logiqae de Charleroi.
iOLÏTNS, A. Place da Louvaio, 9.
Bruxelles.
SOIEIL, conducteur des Ponts et
C haussées. Namur.
tTAES. Rue du Canal, 36. Louvain.
STAES, naturaliste. Rua dus Deux
Ëglises. Bruxelles.
STAPPAEITS, F., membre correspon-
dant de l'Académie royale de Bel-
gique, professeur d'Archéologie
à l'Académie royale des Beaux
Arts de Bruiellea. Rue de la
Concorde, 35. Bruxelles.
STAÏ, membre de l'Académie royale
de Belgique. Rue Joncker, 13.
Bruxelles.
STÉUB, membre de l'Académie royale
de Belgique. Rue de Brabant, 20.
Bruxelles.
EUTTOIR, ingén. dos Ponta et Chaus-
sées. Rue Van Aa, ^. BruioUos.
TliROiEU,rédacteurderJnifi!pe)iiîa'icB
Belge. Bruxellea.
TiTM.
TIBERGHIEN, t., professeur â l'Uni-
versité. Rue da Liedekerke, 41.
Bruxelles.
TIRÏ, 1., premier secrétaire de la
légation de France. Rue de la
Loi, 30. Bruielles.
TIIIERIAHS, G., substitut du procu-
reur du Roi. Termonde.
TOUBEtU. candidat notaire. Mons.
TOUSSAINT, J. Rue du T^l^ne, 2H.
Uruï tilles.
TRIPPENIERS. A., architecte et cooseil-
lei- communal de Bruxelles. Rne
Van Orley, 10. Bruxelles.
TBAZEGNIU. E. (le comte dé), arocat.
Rue de l'Industrie, 38, Bruxelles.
T'SERCLAES, E. (!e comte de), avocat.
Rued6nndustrie,38. Bruxelles.
TIIPELS, routier. Rue Traversiére,
ion. Bruxelles.
VAR BISTELAER, D. !.. pharmacien,
membre de l'Académie de Méde-
cine, président de la Société pa-
léoutologique et archéologique de
Charleroi. Charleroi.
VAN lEIlEL, E., professeur A ITot-
Tersitâ libre. Rua S' Laiare, 25.
Bruxelles.
Ut BENEDEN, P. J., membre de l'Aca-
démie royale de Belgique, corres-
poudaut de l'Institut de France,
profeBS. A l'Université. Louvain.
VANDENÏHDECII, E., membre des Socié-
tés entomologiquo et malacolo-
- 55 -
MM.
lAIDENPEElElOOl, k., ministre d'État,
ancien ministre de Tintérieur.
ÀTenue de la Toison d*Or, 44.
Bruxelles.
lANBEI EUT, C. Roux (Charleroi).
lANOElHAEGHEN.H. Rue des Champs,68.
Gand.
VAI BEI NEYDEN. RuedelaRégence,10.
Bruxelles.
VAIOEI HYIEN. A., industriel. Au Val
Benoit. Liège.
f AI DER KINDEIE, L., agrégé à FUniver.
site. Chaussée d*Alsenberg. Brux.
VAI NOIEN, F., docteur en sciences.
R. de la Pépinière, 30. Bruxelles.
VAI lEENEN, J., avocat. Rue de la
Prévoyance, 34. Bruxelles.
VAI lAElÔOICH, J. (le d^. St Nicolas.
VAI SCHOOR, sénateur. RueRoyale,63.
Bruxelles.
VAI SEGVELT,E., pharmacien. Rue du
Serment. Malines.
VAI VOLXEI, C, vice-président de la
Société entomologique. Boule-
vard du Régent, 32. Bruxelles.
VAI VOLXEI, JEAI. Rue Zinner, 1.
Bruxelles.
VAI VOLXEI, JUL., propriétaire. Bou-
levard du Régent. 32. Bruxelles.
VAOCLEROI (le d' de). Mons.
VEIDIEI, J., homme de lettres. Rue
de Louvain, 9. Bruxelles.
VEIfillES, A. (de), chef de division
à TAdministration communale.
Bruxelles.
VERIAE6ER, 6., docteur en droit. Rue
du Commerce, 30. Bruxelles.
VEBIEY, Ail., rue Keyenveld, 13.
Bruxelles.
VEIVOGIT, D., ancien président de la
Chambre des représentants, pré-
sident du Cercle artistique et
littéraire. Rue Saint Pierre, 43.
Bruxelles.
MM.
VERWfE, A., artiste peintre. Rue Ro-
gier, 278. Bruxelles.
VEYDT, profess. à l'Université libre.
Rue de Mercelis, 9. Bruxelles.
VILLE-CHATEL, H. (de), ingénieur. Rue
de Birmingham, 51. Bruxelles.
VILLERS, L. (de). Parc, 1. Mons. •
ViSSCHERS, CH. Rue Joseph II, 46.
Bruxelles.
VISSCHERS, A., membre du Conseil des
Mines. R. Royale, 106. Bruxelles.
YGORTIAH, G. R.Royale,85. Bruxelles.
WAGENER, A., correspondant de l'Aca-
démie royale de Belgique, pro-
fesseur À l'Université. Oand.
VfALLER (M"«). Boulevard de Water-
loo, 19. Bruxelles.
WALSCHAERTS, E., employé. Rue de
Constantinople, 75. Bruxelles.
WASSEI6E, A., professeur à l'Univer-
sité. Liège.
WAUTERS, A., membre de l'Académie
royale de Belgique. Avenue de
Cortenberg, 121. Bruxelles.
WEILER, J., ingénieur. Morlanwelz.
WEV ERBER6 (le d>-). Rue de THôpital, 27.
Bruxelles.
VIfEYERS , J. L., membre des Sociétés
entomologique et malacologique.
Rue du Persil, 3. Bruxelles.
VIflLDE, P. (de), professeur À l'Univer-
sité libre. Rue Traversiére, 42.
Bruxelles.
VIflliER (le d'). RueduCommerce,51.
Bruxelles.
VIflIGOZ, G. Soignies.
WITTE (le baron de), membre de
l'Académie royale de Belgique,
associé de l'Institut de France.
Anvers.
WITTE, J. (de). Vieux-Dieu (Anvers).
VIfOUTERS (le d'). Frameries.
VIfYNS DE RAUCOUR. Avenue de la Toison
d'Or, 45. Bruxelles.
I
\
ORDRES DU JOUR DES SÉANCES
ET COMPTES-RENDUS DES EXCURSIONS.
!o^
JEUDI, 22 AOUT 1872.
La réception du Congrès a eu lieu, à midi, dans la salle du
Christ, à l'hôtel de ville de Bruxelles. M. l'échevin Orts,
accompagné du Conseil communal, a souhaité la-bienvenue
au Congrès. M. Hagemans, vice-président du Comité d'orga-
nisation, a remercié la ville de Bruxelles au nom du Comité,
et M. Worsaœ, au nom des membres étrangers.
SÉANCE D'OUVERTURE.
Présidence de M. d'OMALTOS d'HALLOT. président.
La séance est ouverte à 2 heures, en présence de
S. M.-LÉOPOLD II, roi des Belges, et d'une nombreuse
assistance de membres du Congrès.
M. LE Président prononce l'allocution suivante :
SIRE, Mesdames, Messieurs»
Il y a quelques mois, je témoignais le regret de voir
un vieillard nonagénaire chargé de présider une solen-
nité scientifique. Toutefois cela s'expliquait parce qu'il
s'agissait de célébrer le centenaire d'une Académie et que
l'on pouvait trouver convenable de mettre en évidence le
plus ancien des membres de cette compagnie ; mais cette
circonstance atténuante ne peut s'appliquer à la décision
du Congrès de Bologne qui m'a déféré l'honneur de pré-
sider la présente réunion. En effet, la Science qui nous
rassemble en ce moment est tout à fait nouvelle, et
l'heure de la retraite avait déjà sonné pour moi, avant
que l'on se doutât de son existence. C'était donc un jeune
homme qui devait diriger vos travaux ; aussi dès que j'ai
su que l'on pensait à moi, je me suis empressé d'écrire
que l'on allait faire fausse route, mais on m'a répondu
qu'il était trop tard.
Il ne me reste donc plus. Messieurs, qu'à réclamer
votre indulgence et à vous dire que si vous avez à vous
plaindre de votre Président, ce n'est pas à lui que vous
devez faire des reproches, mais à ceux qui l'ont nommé.
Je laisse, en conséquence, au jeune savant qui a ex-
ploré nos richesses préhistoriques, le soin de vous entre-
tenir des principaux objets qui pourront attirer votre
attention. Je me borne à vous souhaiter la bienvenue et à
prier les nombreux savants étrangers qui veulent bien
honorer mon pays de leur présence, de recevoir l'assurance
des sentiments de gratitude et d'affection que nous inspire
leur démarche.
— 59 —
blée, m'a confié une tâche bien honorable, mais que j'ai
acceptée avec un vif regret. Il appartenait en effet au
fondateur de la Géologie belge, à Téminent anthropo-
logiste, de vous exposer lui-même les travaux accomplis
par notre pays dans une science qui vous doit de si rapides
progrès. Avec quelle autorité sa parole magistrale eut su
en retracer les progrès, dus à son impulsion depuis le
commencement du siècle !
La Belgique n'est pas restée en arrière sur les autres
nations dans l'étude de l'anthropologie et de l'archéologie
préhistoriques. Plusieurs savants en ont fait l'objet de
leurs travaux; et les encouragements ne leur ont pas
manqué, comme le prouve encore la présence de l'auguste
Chef delà Nationalité belge à cette solennité.
Ces recherches sont même relativement anciennes dans
notre pays. Faut-il rappeler les travaux de Schmerling
annonçant, en 1830, avec de si sérieuses preuves à l'ap-
pui, l'existence simultanée de l'Homme et des espèces de
la Faune quaternaire dans les cavernes de la province de
Liège ? L'exploration de ces riches ossuaires, l'exhumation
de cette quantité innombrable de' débris d'une création
perdue, la présence d'ossements humains au milieu de
ces vestiges, les silex taillés recevant leur signification
véritable, sont des faits qui dépassent l'importance d'une
découverte isolée ; ils ont indiqué la voie que nous
avions à suivre et nous ont révélé les matériaux consi-
dérables que nous avions à notre portée.
Après ces travaux mémorables viennent ceux de
Spring. Ce savant que nous avons eu le malheur de per-
dre depuis notre dernière réunion, démontra que la main
de l'Homme fût pour beaucoup dans ces amas d'osse-
ments enfouis au fond des cavernes.
D'autres encore ont fourni des éléments à l'étude.
Ch. Morren découvrit des ossements humains dans les
tourbières ; Toilliez signala le gisement de Spiennes et
reconnut avec sagacité la cassure artificielle et l'âge
géologique des silex accumulés dans cette localité; enfin
notre confrère M. Malaise reprit l'exploration d'une des
cavernes de Schmerling et y constata de nouveau la pré-
sence d'ossements humains parmi les ossements de l'Ours
Cependant le mouvement général de la science et prin-
cipalement les découvertes d'Abbeville et du Périgord
firent reporter l'attention de nos savants sur les puissantes
ressources ethnographiques dont Schmerling avait si-
gnalé l'existence dans nos cavernes.
M. Van Beneden, dont la bienveillance m'a toujours
été si précieuse, voulut bien me désigner à l'Académie
pour entreprendre de nouvelles explorations. Un Ministre
éclairé que nous avons l'honneur de compter parmi les
membres du Congrès, M. Alphonse Vandenpeereboom,
saisit avec empressement la proposition de l'Académie et
le public suivit les recherches avec un intérêt dont les
nombreuses adhésions au Congrès sont une nouvelle
preuve. PÏous pouvons dire que cette science est devenue
populaire en Belgique.
Ce furent les cavernes de la province de Namur qui,
depuis ISfVl. ont été iiarticulii'rc.iiiont robjet. do mea
— 61 —
été réunis dans les galeries du Musée ; ils y sont soumis à
votre examen et nous espérons. Messieurs, que vos savan-
tes discussions pourront en tirer des déductions nouvelles.
Je dois encore signaler la découverte de silex travaillés
dans des enceintes fortifiées des mêmes régions. Hauzeur,
que nous avons aussi perdu récemment, observa d'abord
l'enceinte de Pont de Bonne; M. Limelette, celle d'Has-
tedon près de Namur.
Le Hainaut a été l'objet d'études pon moins impor-
tantes. Trois géologues de cette province, MM. Briart,
Cornet et Houzeau de Lehaie mirent au jour, dans les
alluvions quaternaires de Mesvin, près de Mons, des silex
taillés associés à des ossements de Mammouth et de Rhi-
nocéros. D'autre part, l'examen des silex de Spiennes dé-
montre que cet endroit était, à la fin des âges de la pierre,
le siège d'une véritable exploitation du silex et d'une fa-
brication importante de haches.
Un infatigable explorateur, M. Neyrinck, accomplit la
tâche de réunir tous les documents que présentait le
Hainaut sur ces phases, reculées de notre ethnogra-
phie, et forma une vaste collection de silex taillés et
polis qui nous fait connaître l'évolution du travail dans
cette province durant les âges de la pierre. Vous pourrez.
Messieurs, étudier cette riche collection que M. Neyrinck
a généreusement offerte au Musée.
Notre âge du bronze a été moins étudié jusqu'ici ;
mais des trouvailles relatives aux premiers temps de
l'âge du fer ont été faites en Belgique. Les produits des
exploitations de Louette S^ Pierre, dans la province de
Namur, dirigées par MM. Dejardin et Gravet, et la trou-
vaille d'Eygenbilsen qui, malgré sa date récente, est déjà
très connue dans la science, ne peuvent manquer d'attirer
votre sérieuse attention.
L'ensemble des questions préhistoriques a été résumé,
en 1866. par un de nos compatriotes, H. Le Hon. que,
cette année, déjà si. remplie de deuils, nous a enlevé.
Chacun se rappelle combien L'Homme Fossile, qui eut
rapidement deux éditions, a contribué à la diâiision de
notre science.
Ici se termine l'exposé des recherches qui concernent
le passé préhistorique de nos populations. De l'ensemble
den faits, )'ai cherché à déduire des principes que je désire
vous soumettre. Les uns paraissent positivement démon-
trés et je les offre à votre jugement avec l'espoir que
vous les confirmerez. Les autres, encore hypothétiques,
appellent vos lumières : vous les compléterez ou vous les
rejeterez, pour les remplacer par une coordination plus
exacte.
L'examen des silex taillés des cavernes de la province
de Namur et des silex taillés des alluvions de la tranchée
de Mesvin, dans le Hainaut, révèle des différences de
forme et d'origine à propos desquelles il me semble
de la plus haute importance de provoquer vos observa-
tions.
Les silex taillés de nos cavernes proviennent, sans ex-
iption cons(at(.'0. îles forraîiis m'Iacés siliics au siid do
— 63 —
fooz et à Chaleux, persister dans cette forme allongée,
mais en trahissant un travail moins parfait.
A Mesvin, au contraire, les silex taillés proviennent
du Hainaut même, et se rattachent, par la forme, aux
types, généralement tout différents, des silex taillés de la
Somme.
Ces populations de Namur et du Hainaut étaient pour-
tant contemporaines, car elles vivaient l'une et l'autre en
même temps que le Mammouth et les autres espèces
caractéristiques de cette époque et, ce qui précise encore
mieux leur âge, elles datent Tune et l'autre de la fin du
creusement de nos vallées, phénomène qui s'est terminé
vers l'époque de l'extinction du Mammouth.
Ces considérations confirment une judicieuse remarque
de M. Neyrinck : « Ces Hommes ne se sont jamais vus >»,
me disait-il un jour en confrontant les silex des deux
régions.
Je conclus donc à l'existence de deux populations dis-
tinctes habitant, pendant l'âge du Mammouth, l'une le
Hainaut, l'autre les provinces de Namur et de Liège.
Les peuplades du Hainaut taillaient le silex comme
leurs contemporaines de Saint Acheul, d'Abbeville et des
bords de la Tamise,
Les peuplades de nos cavernes avaient exactement les
mêmes mœurs et la même industrie que leurs contem-
poraines des Cévennes, du Périgord, des Pyrénées et des
Corn ouailles, au point que l'évolution de l'industrie de
toutes ces peuplades troglodytes correspond absolument
et peut être considérée comme identique.
Et cependant ces populations du Hainaut et de la pro-
vince de Namur, si voisines, restèrent sans relations
entre elles ; fait qui nous paraîtrait à peine croyable, si
les Esquimaux et les Peaux Rouges des bords de la Baie
d'Hudson ne nous fournissaient, presque de nos jours, un
exemple dé deux peuples absolument étrangers l'un à
l'autre bien que voisins.
Pendant l'âge de la pierre polie, nous voyons les ca-
vernes à peu près complètement abandonnées ; leur in-
dustrie est arrêtée et les plateaux des mêmes provinces
nous fournissaient alors les silex de Spiennes. Ce fait,
joint aux formes entièrement différentes données à ces
silex taillés, nous porterait à croire que ces plateaux
furent habités par des populations nouvelles, en rapport
d'industrie avec celles du Hainaut.
Un autre problème important est de savoir quelles
furent, pendant cette époque, les relations entre les peu-
plades des cavernes et celles des plateaux. Les premières
furent-elles subjuguées au point de n'avoir imposé aucune
de leurs coutumes aux vainqueurs? II est au moins certain
que rien, dans l'ethnographie des tribus de l'âge de la
pierre polie, ne rappelle les mœurs des Troglodytes, ni le
caractère de leur industrie.
A ces faits, viennent encore s'enjoindre d'autres. Les
enceintes fortifiées du Pont de Bonne et d'Hastedon prou-
vent, parleurs silex polis provenant de Spiennes, que le
peuple du Hainaut et de la Haute Belgique n'était peut-
être pas étranger à leur construction. Dans tous les cas,
— 65 —
C'est ici, Messieurs, que j'aurai surtout à recourir
à vos lumières. N'avez-vous pas été frappés de l'analogie
morphologique qui existe entre les silex taillés de la
Somme et les silex polis? Cette analogie ne se présente-
t-elle point à l'esprit comme l'évolution régulière d'une
industrie du silex? N'y trouvons-nous pas la filiation que
nous recherchions en vain pour l'âge de la pierre polie
dans les régions à cavernes de la France et de la Bel-
gique? En d'autres termes, la hache polie n est-elle pas
le dérivé des haches de Mesvin, de la Somme et de la
Tamise ?
Si cette question était résolue aflSrmativement, nous
verrions les populations quaternaires du bassin de Paris,
des bords de la Tamise et du Hainaut transformer leur
industrie et s'étendre à la fin sur des régions qu'avaient
habitées d'autres peuples.
Ce sont ces points que je me permets de soumettre
tout particulièrement à votre examen. J'espère que, grâce
à votre bienveillant concours, la solution se dégagera
aisément, et ce sera l'un des résultats importants de
notre réunion.
M. Capellini remet, au nom de la Municipalité de
Bologne, aux Présidents honoraires et aux Vice-Présidents
de la session de 1871, le diplôme de citoyen de la ville de
Bologne.
Cet honneur a été conféré à MM. Capellini, Comàlia et
de Mortillet, fondateurs; Desor, Worsaae, anciens présidents;
Scarabelli, Conestabile, de Quatrefages, Steenstrup, Cari
Vogt et Dupont, vice-présidents de cette session.
M. DE Quatrefages, se faisant l'interprète des membres
du Congrès qui viennent de recevoir cette haute distinction,
remercie la Municipalité de Bologne.
M. LE Secrétaire donne lecture des noms des membres
i au Congrès par leur Gouvernemeut ou par des
Sociétés et institutioua a
Ont été
MM.
WoBSAjj, par le Gouvernement du roi de Danemark,
RiOEiBO, par le Gouvernement du roi de Portugal.
Capellini, par l'Université de Bologne,
Général FAiDHEnnE et Gosselet, par la Société des
Sciences de Lille.
Landron et Cousin, par la Société dunkerquoise pour
l'encouragement des Sciences, des Lettres et des
Beaux Arts.
Ga-NTieh et E. Cartailhac, par la Société nationale
archéologique du Midi de la France.
Lucas, par la Société centrale des Architectes et la
Société lihre des Beaux Arts.
Vas Bastelaer, Cloquet, Le Maigre, Van rer Elst,
Amor, Gillet et Cadoh, par la Société paléontolo-
gique et archéologique de Charleroi.
M, LE Président annonce qu'il va être procédé au vote
pour la constitution du Bureau définitif et du Conseil.
Sur la proposition de plusieurs membres, l'Assemblée dé-
cide qu'elle ne procédera pas au vote par scrutin. Le Bureau
provisoire propose les noms suivants qui sont acclamés.
PRESIDENTS HONORAIRES :
J. Capellini,
A. Brïart.
F. Cornet.
J. COLBEAU.
J. Weyers.
— 67 —
SECRËTASrE général :
É. Dupont.
SECRÉTAIRES :
C. Malaise.
X. DE Reul.
SECRÉTAIRES-ADJOINTS :
F. Van Horkn
M. MOURLON.
MEMBRES DU CONSEIL :
Abbé Bourgeois.
Broc A.
CheV. DA SiLVA.
Engelhardt.
Général Faidherbe.
Fraas.
G. Hagemans.
HÉBERT.
HiLDEBRAND.
C. Leemans.
Oppert.
Schaffhausen.
Valdémar Schmidt.
D. Vervoort.
Comte WURMBRAND.
LE ROI se retire au milieu des acclamations de rassemblée.
La séance est levée à 3 heures.
)5^o^
VENDREDI, 23 AOUT.
DEUXIÈME SÉANCE.
Présidence de M. CAPELLINI, président honoraire.
La séance est ouverte à 10 heures.
Sur l'antiquité de l'homme et sur les phénomènes géolo-
giques deTépoque quaternaire en Belgique, par M. É. Dupont.
De l'extension géographique des populations primitives en
Belgique et dans le Nord de la France, par M. Hamy.
Sur les silex de Thenay ; demande de nomination d'une
commission d'examen, par M., l'abbé Bourgeois.
Observations, par M, Capellini.
Sur des dents de Carcharodon perforées, découvertes dans
le Crag de Norwich, par M. Bosk.
Observations, par MM, Hamy et Desor.
Sur l'homme préhistorique en Grèce, par M. von Dijcker.
Discussion par MM. Capellini, de Mortillet, von DOcker
et WoRSA^.
L'homme préhistorique de la Plata, par M. Burmeistbr.
Demande d'explications sur l'âge exact des sables de
l'Orléanais, par M. d'Oualius d'Hallot.
Réponse, par M. l'abbé Bourgeois.
Demande de renseignements sur un crâne humain décou-
vert, en Californie, dans un terrain considéré comme
tertiaire, par M. de Quatrefaoes.
Réponses, par MM. l'abbé BontoEois et Desor.
La séance est levée à midi et demi.
TROISIÈME SÉANCE.
Présidence de H. DESOR. présideni honoraire.
La séance est ouverte à deux heures.
Note sur l'homme fossile des cavernes de Baoussé- Rousse,
dites grottes de Menton, par M, Rivœre.
Classification des âges de la pierre, par M, de Mortillet.
— 69 —
SAMEDI, 24 AOUT.
EXCURSION DANS LA VALLÉE DE LA LESSE.
Cette journée étant consacrée à l'exploration des cavernes,
un train spécial, parti de Bruxelles à 7 heures, amène vers
11 heures à Dinant les membres du Congrès. Les voyageurs
sont reçus à la gare par le Conseil communal qui leur ofiFre
le vin d'honneur, tandis que M. l'échevin Bodard souhaite au
Congrès la bienvenue. Nous prenons place ensuite dans les
voitures qui doivent nous conduire aux cavernes de la Lesse.
La ville est pavoisée et le beau temps favorise ui^e excur-
sion très accidentée en raison des difficultés du terrain. Le
cortège, après avoir traversé le village d'Anseremme, doit
s'engager dans les chemins de traverse et passer à gué la
rivière cinq ou six fois de suite.
On se réunit d'abord à Pont à Lesse, en face du trou
Magrite, la plus ancienne habitation de l'âge du Mammouth.
M. Dupont expose dans la caverne le résultat de ses fouilles,
puis une collation champêtre nous rallie au bord de la
rivière. D'autres cavernes sont visitées et décrites : le trou
de la Naulette qui a fourni la célèbre mâchoire humaine ;
le trou Baïleux où des fouilles sont exécutées en présence
du Congrès. Ces fouilles ont produit quelques ossements
d'animaux et des silex taillés.
Continuant à marcher le long de la rivière, nous arrivons
en face des grottes de FurfooZy après avoir été salués au
passage par les autorités de la Commune. Un imposant
auditoire se presse dans la caverne du Frontal, puis dans le
trou des Nutons^ pour écouter les explications de M. Dupont.
Dans la tranchée des NutonSy les géologues ont pu se
rendre compte de l'origine des dépôts quaternaires et de leur
stratification. Ils ont eu l'occasion de constater à l'extérieur la
5
— 70 —
présence dea mâmes dépôts, en gravissant l'escarpement qui
conduit au camp romain d'Hautresaine.
La visite au camp retranché termine l'excursion scienti-
fique. Bemontaot en voiture, nous traversons les rliemiiis
décorés du village de Furfooz, pour revenir par les plateaux.
Un banquet de trois cents couverts, oi^anisé par les soins
du Comité, attend à Dinant les membres du Congrès.
Le retour à Bruxelles s'effectue à 11 heures.
DIMANCHE, 25 AOUT.
QUATRIÈME SËANCE.
Présidence de H. WORSA£, président honoraire.
La séance est ouverte à 10 heures.
Sur l'anthropologie préhistorique, par M. Schaffhausen.
Observations, par M. Haut.
Observations, par M. von DOcker.
Sur les haches en jade et en néphrite, par M. Desob.
Discussion, par MM. db Mobtillet, de Qcatbepages,
ScHAFFHAcsEN , Capellini , l'abbé Dhlaunat , Laqneau et
Lebmans.
Stratigraphie des cavernes de la Belgique et géologie de
l'époque quaternaire, par M. Dupont.
La séance est levée à midi.
- 71 —
Les cavernes d'Angleterre, à propos des communications
précédentes, par M. Franks.
Observations, par M. Desor.
Sur l'emploi nécessaire de la géologie pour déterminer l'an-
tiquité relative des populations quaternaires, par M. Hkbkrt.
Sur le remplissage des cavernes, par M. Fraas.
Discussion, par MM. Dupont, d'Omalius et Capellini.
Comparaison des débris de cuisine dans les cavernes de
la Belgique et dans les kjoekkenmoeddings, par M. Stekn-
STRUP.
La séance est levée à 5 heures et demie.
LUNDI, 26 AOUT.
EXCURSION A MESVIN ET A SPIENNES.
Le départ de Bruxelles a lieu à 10 heures à la gare du
Midi. Ail heures, les membres du Congrès descendent dans
la tranchée de Spiennes, en face même du Camp à cayanXy
le principal attrait de cette journée. Cette localité, comme
on sait, fut, à l'âge de la pierre polie, l'emplacement d'un
vaste atelier destiné à la fabrication des silex. Aussi les
voyageurs ont-ils bientôt gravi le talus pour se répandre
sur le champ et y recueillir les déchets de l'ancienne exploi»
tation. Après cette exploration, nous arrivons par le ravin
de la Trouille à la source dite de la Vallière. Un déjeuner
offert par quelques membres du Congrès habitant les envi-
rons, y attend la société. M. Houzeau de Lehaie, de son côté,
avait fait apporter un tombereau de haches ébauchées.
Nous pénétrons ensuite, sous la conduite de MM. Cornet et
Briart, dans la tranchée de Spiennes. Au bas de l'un des
talus, on aperçoit dans la craie blanche deux galeries
creusées par l'homme de l'âge de la pierre polie. Ces galeries
— 72 —
ont été soi^eusement déblayées en prévision de notre visite,
tandis que l'autre escarpement, mis & nu dès le matin, sur
une longueur de cinq mètres, montre la coupe complète des
terrains quaternaires.
Gravissant le talus, M. Cornet démontre par cette coupe
l'existence de deux %es de la pierre dans le pays de Spiennes.
Il constate en outre que, pendant l'âge le plus récent, les
peuplades du Hainaut ont traversé, par des puits verticaux,
les couches quaternaires et tertiaires pour creuser dans la
craie sous-jacente des galeries d'exploitation du silex.
Après avoir visité ces galeries, on se dirige vers la
tranchée de Mesvin où de nouvelles explications sont données
par M, Cornet.
Le retour & Bruxelles a lieu à 5 heures.
MARDI, 27 AOUT.
SIXIÈME SËANÇB.
PrésideEce de H. le comte CONESTABUE, râe-présideiit.
Discussion de la communication faite par M. Steenstrup
dans la cinquième séance, par MM, Dupont et Hamy.
Les Dolmens de l'Algérie, par M. le général Faidherde.
Discussion, par MM. Wghsa^, Desob, nE Quatrbfaqes
— 73 —
SEPTIÈME SÉANCE.
Présidence de M. FRANKS, vice-président,
La séance est ouverte à 2 heures.
Sur une date préhistorique (suite), par M. Oppert.
Sur des instruments en pierre provenant du Japon, par
M. le marquis de Vibraye.
Sur la grotte de Morfetta, par M. Capellini.
Sur des silex taillés découverts dans les terrains miocène
et pliocène du Portugal, par M. Ribeiro.
Observations, par M. Tabbé Bourgeois.
Sur la grotte de Chauvaux, par M. Soreil.
Sur la grotte de Sclaigneaux, par M. Arnould.
Sur des sacrifices humains à Tâge de la pierre polie, par
M. Tabbé Chierici.
Recherches préhistoriques et historiques dans la Capita-
nate, par M. Angelucci.
Observations sur la communication de l'abbé Chierici, par
M. Desor.
Sur des ateliers de silex en Angleterre, par M. Franks.
Expériences sur l'emmanchure et l'emploi des silex taillés,
par M. Reboux.
Sur les silex ouvrés du Limbourg, par M. Ubaghs.
Sur les crânes de Furfooz, par M. Lagneau.
Discussion, par MM. Hamy, Dupont, Virchow et Lagneau.
Sur l'ethnologie belge, par M. Vanderjcindere.
Observations, par M. Lagneau.
Recherches préhistoriques dans le duché de Posen, par
M. Wesiebskt.
La séance est levée à 5 heures et demie.
MERCREDI, 28 AOUT.
EXCURSION A HAMUR ET AU CAMP D'HASTEDOH. "
Cette excursion qui se rattache à l'une des questions
proposées au Congrès, réunit également un grand nombre
d'adhérents. 4 9 heures, plus de 300 membres, arrivés de
Bruxelles par train spécial, se pressent à la gare de Namur où
les attend le Conseil communal. Dans une allocution chau-
dement accueillie, M. le bourgmestre Leliëvre souhaite aux
arrivants la bienvenue et se félicite de voir à leur tét« notre
vénérable président M. d'Omalius, ancien gouverneur de la
province de Namur. Une collation nous est offerte ensuite
au buffet de la gare ; puis les membres dn Congrès se mettent
en route pour le camp d'Hastedon, les uns h pied, les autres
en voiture, un grand nombre d'équipages ayant été mis h
notre disposition par les habitants de Namur.
Nous gravissons le plateau d'Hastedon, Dans la ceinture
des retranchements, diverses tranchées avaient été ouvertes
la veille, par les soins de MM. de Radigiiez et Amould, afin
de rendre manifeste le mode de construction du camp,
attribué aux derniers temps de l'âge de la pierre polie. Ces
tranchées font d'abord l'objet d'explications intéressantes
de la part de MM. Arnould et Soreil. Prenant la parole
à son tour, M. Dupont fait ressortir les contrastes qui
existent entre les peuplades quaternaires et les peuplades de
— 75 —
Nous sommes introduits par le Président de la Société,
M. Del Marmol, qui fait aux membres du Congrès les
honneurs du Musée. Outre la riche collection d'objets
Francs et Gallo-Romains qui sollicitent l'attention des visi-
teurs, d'autres restes plus anciens, comme les squelettes de
Sclaigneaux et de Chauvaux, provenant de sépultures de
Tâge de la pierre polie, ont donné également lieu à des
discussions intéressantes.
Au sortir du Musée, le Congrès, sur l'invitation gracieuse
des Sœurs de Notre Dame, se rend au couvent de ces reli-
gieuses pour y visiter un trésor, renfermant des objets curieux
d'orfèvrerie qui datent du moyen âge.
La journée se termine par un banquet de trois cents
couverts offert, au foyer du Théâtre, par une souscription des
habitants de Namur, grâce à l'initiative de M. le comte de
Baillet, gouverneur de la Province. Après le dessert, la salle
de spectacle s'ouvre devant nous ; nous sommes conviés à une
soirée des plus piquantes : un concert humoristique donné
par la Société des Moncrdbeaux.
Le retour à Bruxelles a lieu à 10 heures.
JEUDI, 29 AOUT.
HUITIÈME SÉANCE.
Présidence de M. VIRCHOW. vice-président.
La séance est ouverte à 10 heures.
Sur les relations entre les populations des cavernes helges,
celles de Mesvin et celles de l'âge de la pierre polie, par
M. Dupont.
Observations, par M. Rbboux.
Sur les crânes des cavernes de Sclaigneaux et de Chau-
vaux, par M. ViRCHOW.
- 76 -
ObserratioDB, par M. de Qiiatbbfa.qes.
Sur les populations européennes, par M™ Koybb.
L'époque quaternaire dans le bassin de Paris, par M. Bei.-
GBAND.
La séance est levée à midi et demi.
NEUVIÈME SÉANCE.
PrÉsidence de H. VAH BENEDEH, vice-président.
La séance est ouverte à deux heures.
Sur les tourbières du Danemark, par M. Steenstbup.
Conclusions de la Commission chaînée de l'examen des
silex présentés par M, l'abbé Bourgeois.
Complément d'observations sur le gisement de ces silex,
par M. l'abbé Boubgeois.
Observations, par M. Valdémar Schmidt.
Opinion de M. FBANKssurles silex présentés parM. Eibeiro.
Sur les haches en jade trouvées en Belgique, par M. Haoe-
MANS.
Sur l'âge de bronze, par M. Nilsson.
Sur les sépultures de l'âge de bronze du midi de la France,
par M. Cazalis DK FoNnouCE.
Sur la trouvaille d'Eygenbilsen et les trouvailles étrusques
au nord des Alpes, par M. Desob.
Di.-icu.^sii.ii, ii:ir AHI. Ci'NFKTALULr^AVoBs.^^, Hn.i
— 77 — ■
VENDREDI, 30 AOUT.
DIXIÈME SÉANCE.
Présidence de M. DE QUATREFAGES, vice-président.
La séance est ouverte à 10 heures.
Sur les silex tertiaires présentés par M. Ribeiro, par
M. l'abbé Bourgeois.
Observations complémentaires sur leur gisement, par
M. RiBEIBO.
Sur une cité maritime à Java, par M. le colonel Weitzel.
Sur des fourneaux préhistoriques découverts dans la vallée
de la Meuse, par M. Bebchem.
Sur le squelette humain découvert dans la grotte de
Laugerie Basse, par M. Cartailhac.
Sur l'âge du bronze en Orient, par M. Oppert.
Discussion, par MM. Worsa^, Oppert, Leemans, Cones-
TABiLE, VON DùCKER, Franks, l'abbé Bourgeois, Ribeibo,
ScHMiDT et Capellini.
Sur l'emploi du fer météorique par les Esquimaux du
Groenland, par M. Steenstbup.
Sur la classification des populations préhistoriques de la
Grande Bretagne et de l'Indoustan, par M. Hyde Clabke.
Discussion , par MM. de Quatbefages et Valdémar
SCHMIDT.
M. LE Président appelle au bureau CoUard et GoflBin,
ouvriers employés depuis 1864 à l'exploration des cavernes.
M. Capellini leur adresse les paroles suivantes :
« Le Congrès a pu apprécier le zèle que vous avez apporté
€ dans l'exploration des cavernes.
« La Belgique possède un ordre du mérite pour les ou-
« vriers. lie Congrès l'a sollicité pour vous et S. M. a daigné
- 78 -
« vous accorder h vous, Aug. Collard, la décoration ouvrière
• de 1° classe, et à vous, Aug. Goffiu, la décoration ouvrière
■ de 2* classe.
1 Recevez-en nos meilleures félicitations. •
Les ouvriers reçoivent leur dipldme et leur décoration des
mains de MM. de Quatrefages et Capellini.
Communication surlecrânedeCoïmbra, par M. da Sylva.
M, Vesvoobt, membre du Conseil, donne communication
de la lettre suivante adressée au Congrès par M. G. Geefs :
Messieurs ,
« J'ai appris que ni le portrait, ni le buste de M. d'Oma-
• lius d'Halloy n'avaient été faits, el j'en ai vu manifester
" souvent de profonds regrets. Je n'ai pas voulu que les sa-
« vants qui ressentent pour l'illustre maître tant de vénéra-
« tion et d'admiration, restassent sans ie souvenir auquel
» ils aspirent. J'ai donc fait le buste de votre Président à son
• insu et dans le but de l'offrir à l'imposante assemblée in-
" teraationale qui est venue honorer mon pays de sa visite
> et de ses savants débats. »
M. OB Q0ATKEFA9ES remercie M. Geefs, au nom du Con-
grès, d'avoir employé son génie et son immense talent à
l'exécution d'une œuvre que tous les hommes de science
— 79 —
M. Dewalque invite par lettre les membres du Congrès à
visiter les collections de l'Université de Liège.
M. LE Président propose, au nom du Conseil, de décider
que la septième session aura lieu à Stockholm ; de nommer
Président de cette session, S. A. R. Monseigneur le prince
Oscar, duc d'Ostrogothie , et membres du Comité d'organi-
sation, MM. Nilsson, Hildebrand père, de Dùben, Montelius
et Hans Hildebrand.
Ces propositions sont votées par acclamation.
M. Hildebrand remercie le Congrès d'avoir choisi son
pays pour siège de la prochaine réunion.
Le Secrétaire général annonce que le Gouvernement
belge a fait frapper une médaille commémorative du Congrès
de Bruxelles et qu'un exemplaire en sera remis aux membres
étrangers.
L'assemblée vote l'envoi de la médaille, comme témoi-
gnage de sympathie, à l'Association française pour la pro-
pagation et l'avancement des sciences, et aux villes de
l'étranger et de la Belgique qui ont si bien accueilli le Con-
grès pendant sa session.
M. Franks se fait l'organe du Congrès pour remercier le
Comité d'organisation de l'accueil qui a été fait à l'assemblée.
M. LE Président prie les membres du Congrès de recevoir
ses félicitations sur le développement des travaux de cette
session, ainsi que sur l'ordre et la convenance qui ont pré-
sidé aux délibérations.
Il déclare close la 6« session du Congrès international d'an-
thropologie et d'archéologie préhistoriques.
FÊTES OFFERTES AU CONGRÈS.
LE ROI a honoré, le samedi 31 août, d'une invitation à
la Cour, les membres du Bureau et du Conseil.
Plusieurs Sociétés se sont associées au Comité d'orgïini-
sation pour faire le plus cordial iiccueil aux membres du
Congrès.
Le Cercle artistique et littéraire leur a ouvert ses salons,
pendant la durée de la session, et leur a offert une soirée
le 22 août.
Le libre accès du Salon leur a été accordé par la Com-
mission de l'Exposition triennale des Beaux Arts.
Surla présentation de leur carte.ils ont été reçus au Jardin
zoologique par la Société royale de zoologie et d'horticul-
ture, et la Société des artistes musiciens du Théâtre royal
de la Monnaie en a agi de môme pour les concerts du
COMMUNICATIONS & DISCUSSIONS.
I
INDICES DE UEXISTENCE DE UHOMME A LtPOQDE TERTIAIRE.
Sur les Silex considérés comme portant les marques éCv/n
travail humain et découverts dans le terrain miocène de
TTienay, par M. l'abbé Boubgeois.
M..rabbé Bourgeois. Je n'avais pas l'intention de prendre
la parole, mais M. Dupont, notre savant secrétaire général,
a voulu que je vous présentasse moi-même un projet que je
l'avais prié de vous communiquer.
En 1867, au Congrès de Paris, j'ai signalé, non sans
y avoir longuement et mûrement réfléchi, un fait bien
étrange: j'ai dit que j'avais trouvé des débris de l'indus-
trie humaine dans le terrain tertiaire miocène, à la base du
calcaire de Beauce.
Parmi les savants qui examinèrent les pièces que j'avais
apportées, quelques uns, entre autres M. Worsaœ, partagè-
rent ma conviction et reconnurent le travail de l'homme ;
d'autres le nièrent et enfin le groupe le plus nombreux resta
dans la neutralité.
Deux questions se posaient naturellement, celle de V action
de VJiom/me et celle du gisement.
La première ne pouvait être résolue définitivement que par
Texamen de ma collection complète.
La seconde exigeiait des observationa géologiques faites
sur le terrain même.
Bon nombre d'hommes compétents vinrent de France,
d'Angleterre et du Danemark, pour étudier sérieusement un
fait dont ils comprenaient toute la gravité. Plusieurs s'en ,
allèrent complètement convaincus et trois d'entre eux,
MM. de Mortillet, Valdémar Schmidt, Raulin, exprimè-
rent leur opinion devant la Société géologique de France.
Ceux qui, tout en étant fortement ébranlés, restèrent dans le
doute, considérèrent le fait comme très important et très
digne d'attention. Ainsi qu'il arrive toujours, les plus ardents
pour la négation furent ceux qui ne vinrent pas voir.
Vous savez que, lorsqu'il s'agit de porter un jugement
en dehors du cercle spécial de nos connai.ssance3 , nous
avons recours à l'autorité des maîtres dans la matière.
Voilà pourquoi je viens prier le Congrès de vouloir bien
nommer une commission composée d'hommes compétents,
dont l'opinion réglera celle de ceux qui ne peuvent pas juger
par eux-mêmes. J'entends par des hommes compétents, non
pas des académiciens, non pas môme des archéologues qui ont
recueilli de belles haches polies ou de jolies flèches barbelées,
mais des hommes qui ont ramassé les silex taillés par mil-
liers, qui les ont étudiés sous toutes les formes, à tous les
états, depuis le travail le plus brut jusqu'à l'art le plus délicat.
Afin de mieux vous démontrer la nécessite des connaissances
expérimentales pour juger dans une question de ce genre.
- 83 —
Les hommes compétents ne manquent pas dans cette as-
semblée, composée d'archéologues venus de tous les points
du monde . Nous avons Thonneur de posséder parmi nous
MM. Worsaae, Steenstrup, Engelhardt, Valdémar Schmidt,
Dupont, Franks, Capellini, Desor, de Quatrefagefi, de Vibraye,
Cartailhac, Hamy, de Mortillet, l'abbé Delaunay, Franchet et
plusieurs autres sans doute dont la présence ne m'a pas
encore été signalée.
Puisque les éléments ne vous manquent pas, veuillez donc
nommer une Commission qui vous donnera son avis, non
pas sur le gisement qu'elle ne peut étudier, mais sur les ma-
tériaux que je lui soumettrai.
Mon intention était de m'arrêter ici, mais M. Dupont
demande que je vous donne quelques détails sur Vhomme
tertiaire.
Pour vous faire apprécier l'importance du fait en question
relativement à l'antiquité de l'homme, je dois d'abord vous
exposer en quelques mots la composition géologique du sol
dans la commune de Thenay (Loir et Cher), où les silex
qu'il s'agit d'examiner ont été trouvés.
(Les deux coupes, figurées par M. l'abbé Bourgeois dans
le Bulletin du Congrès de Paris, en 1867, sont reproduites
ci-contre.)
Nous allons suivre la série des couches de bas en haut.
Sur le terrain crétacé (craie à silex, craie à Spondylus
spinosus) repose le calcaire de Beauce qui se divise en deux
assises : l'une inférieure, présentant d'abord des lits de marne
et d'argile, puis des lits de marne avec nodules de calcaire ;
l'autre supérieure, composée de calcaire compacte. La faune
de ce terrain comprend : deux carnassiers du genre Am-
phicyon, un tapir, un suinien {Palœochœrus?)^ un rumi-
nant à grandes canines, voisin des chevrotains {AmpMtra-
gulus eleganSy Pomel), une sorte de rhinocéros sans corne
sur le nez et nommé à cause de cela Acerotheriumj un cro-
codile et enfin plusieurs espèces de mollusques décrites par
U. Deshayes. Ce qui distingue cette faune de la faune sui-
vante, c'est l'absence du mastodonte et du dinotherium.
Fig. 4 — Coupe pnae à 1 entrée du chemin qni conduit
à ChoDssy commune de Thenay (Loir et Cher)
Fig. S Coupa prise k la mamière de M A Chaumais,
flOP la nve gauche du ru aseau & Thena;
9 AltavloD qoaMrnalre btsc illei polla et allei dn Irpe de Saint Acbaul.
— 85 —
qui partait du plateau central. Ses traces n'ont été observées
jusqu'à présent que 'dans les départements du Loiret et du
Loir et Cher, qu'il traversait en passant par les communes
de Neuville, Orléans, Ingré, Beaugency (Loiret), Avaray,
Menars, Cheverny, Thenay (Loir et Cher). Le régime des
eaux était bien différent de ce qu'il est aujourd'hui, car la
Loire n'existait pas.
La faune qui habitait les contrées arrosées par ce fleuve
tertiaire, était très remarquable à tous points de vue. Il serait
trop long d'énumérer toutes les espèces que j'y ai recueillies
pendant plus de 30 années de recherches ; je citerai seule-
ment les principales, savoir : un singe anthropomorphe, de
la famille des gibbons, {Hylohates anUquus)^\Q^^ce\Q,^\\i^
ancienne parmi les quadrumanes; plusieurs carnassiers, parmi
lesquels le chien gigantesque de Cuvier {Ampliicyon gigan--
tevs) ; un rongeur voisin du castor, le SteneoJiheT suhpyre-
naicus ; le MacrotheHum sansamiensCy paresseux colossal ;
deux espèces de dinotherium, le Dinotherium Cuvieri^ et le
Dinoth^rtum havariense^ qui dépassait d'un tiers la taille de
nos éléphants actuels ; trois espèces de mastodontes {Mas-
todon angustideitSf M. tapiroides et M.pyrenaicus) qui, avec
les dinotherium, ouvrent l'ère des grands proboscidiens ;
sept espèces de rhinocéros dont la plus connue est le RJiino-
ceros brachypus; VAnchitherium qui tient du cheval et du
paléotherium ; plusieurs suiniens (AntAracotkerium palao-
choeruSy etc.) ; beaucoup de petits animaux de la taille du
chevreuil {Hyœmoschus crassus, etc.) ; des crocodiles, des
tortues, des mollusques terrestres et fluviaux. Tous ces ani-
maux vivaient sous un climat très chaud, comme l'attestent
les palmiers dont nous rencontrons si fréquemment les
débris.
Les sables de l'Orléanais sont recouverts par un dépôt
marin, bien connu sous le nom de /aluns de Touraine. Au
premier abord, on pourrait croire que la faune des mam-
mifères est presque identique à la précédente ; mais il est
6
- 8G —
facile de se convaincre que les mammifères terrestres des
falmis appartieiiuent à la formation précédente et qu'ils ne
sont là qu'eu vertu d'un remaniement. Je ue connais qu'un
seul mammifère évidemment falnnien, c'est VHalitkeriKm,
cétacé voisin des dugongs. On y trouve environ 40 espèces de
poissous, entre autres, un grand squale dont je parlerai
bientôt, le Carcharodon megalodon, et au moins 400 espèces
de coquilles.bryozoaîres et polypiers. Dans quelques localités,
la mer des faluns a complètement détruit les sables de l'Or-
léanais et alors ses dépôts sont en contact immédiat avec le
calcaire de Beauce. C'est pour cela que la surface de ce cal-
caire est souvent criblée de trous où sont encore logées les
coquilles perforantes. Ce phénomène indique un ancien rivage.
Les limites des faluns et du ca.caire de Beauce coïncident
parfaitement près de l'endroit où j'ai fait mes explorations.
Le pliocène manque dans la contrée. Des faluns nous pas-
sons de suite au^L dépôts quaternaires du plateau qui domino
les petites vallées. Ces couches de sable limoneux n'ont
jamais fourni aucun fossile caractéristique , mais non loin
de là, à Vallières, j'ai recueilli, dans une brèche osseuse,
l'hyène et le grand chat des cavernes, le rhinocéros à narines
cloisonnées, le grand cerf, le renne, enfin toute la faune de
cette époque.
Telle est la série des formations géologiques dans la com-
mune de Thenay. Je crois pouvoir en garantir l'exactitude,
car il ne s'agit pas d'une localité visitée en courant, comme
éluder
— 87 —
Ainsi que partout ailleurs et à toutes les époques subsé-
quentes, ce sont des outils pour couper, percer, racler ou
frapper.
Mais de môme qu'à Saint-Prest, je n'y ai pas rencontré la
forme classique de Saint- Acheul.
Ces instruments, très grossiers dans leur ensemble, pré-
sentent cependant des retouches fines et régulières. On ne
trouve pas de lames bien détachées du nucléus et les bulbes
de percussion sont rares. Cela peut provenir de ce que les
silex de la localité, qui ont été exclusivement employés, sont
caverneux et à cassure esquilleuse.
Beaucoup de silex (2 sur 100) ont été déformés par le feu
ou sont craquelés. Ceux qui présentent ce phénomène, se
trouvant au milieu d'un grand nombre d'autres parfaite-
ment intacts, il est impossible de voir là une action de la
foudre.
Un savant académicien, qui n'est pas venu constater les
faits par lui-même, prétend que les silex tertiaires de Thenay
n'ont pas subi l'action du feu, et il en donne pour raison
qu'ils sont transparents. Moi, qui les ai recueillis, qui les ai
soumis à l'examen le plus scrupuleux, j'affirme qu'ils sont
tous d'une opacité complète. Je dirai de plus qu'il m'est dé-
montré par des expériences nombreuses qu'un silex ne perd
pas complètement sa transparence quand il est soumis à l'ac-
tion d'un feu modéré.
Du reste, par une combustion artificielle à diflFérents
degrés, j'ai obtenu des phénomènes complètement identi-
ques à ceux qui sont en question. Pourquoi donc proclamer
sans cesse la méthode expérimentale de Bacon et ne jamais
la mettre en pratique!
Quelquefois les arêtes sont vives à la partie de l'instru-
ment tenue par la main ou qui devait recevoir le manche, et
la partie destinée à frapper, à racler ou à percer, a été polie
par l'usage. J'ai recueilli, dans nos ateliers de fabrication
ou dans nos stations, une grande quantité d'instruments dç
pierre présentantdés traces d'usure, espérant arriver par là
à connaître leur destination; c'est pourquoi j'ai pu établir
sous ce rapport des comparaisons qui ne laissent plus aucun
doute.
Je puis dire que nous sommes en possession de tous les
signes auxquels on reconnaît le travail de l'homme, savoir :
les retouches, les entailles symétriques, les entailles artifi-
cielles produites pour correspondre à une entaille naturelle,
les bulbes de percussion quoique rares, les traces de percus-
sion et d'usure, l'actiou du feu, enfin la reproduction multi-
pliée de certaines formes parfaitement connues. La gelée
peut faire éclater un silex et le diviser en prismes épais et
grossiers; le soleil, dit-on, produit des effets analogues
dans les régions ob la température est très élevée ; mais ces
causes naturelles ne pourront jamais déterminer une série de
retouches régulières, évidemment destinées à produire une
forme compliquée. Je n'ai jamais rien trouvé de semblable
non plus BOUS le marteau du casseur de pierres.
Pour se créer une conviction éclairée dans cette question,
il ne suffit pas de considérer quelques instruments, il faut
voir et longuement exîiminer des séries nombreuses et
établir des comparaisons avec des types qui ne sont pas con-
testés.
Les Planches 1 et 2 représentent quelques unes des prin-
cipales formes des silex taiUés du calcaire de Beauce, à
'fhenay.
— 89 —
ques points. Cette fonne de marteau, bien connue de ceux qui
ont beaucoup étudié les silex taillés, est commune, à Thenay,
dans le calcaire de Beauce.
Fig. 3. — Marteau présentant sur une des arêtes des mar-
ques de percussion très évidentes, que le dessin rend d'une
manière imparfaite.
Fig. 4. — Sorte de perçoir à base très large. La pointe
a été obtenue au moyen de retouches très régulières. Type
commun à toutes les époques.
Sur le côté opposé, le bulbe de percussion, assez rare dans
les silex tertiaires de Thenay, se montre bien caractérisé.
Fig. 5. — Perçoir comme le n" 4, mais plus aigu et avec
retouches plus fines.
Fig. 6. — Perçoir à base grossière et irrégulière. Retou-
ches bien marquées sur le côté qui a dû être échancré pour
produire la pointe.
Planche 2, Jig. 1 et 2. — Grattoir irrégulier. Les retouches
sont très apparentes et n'existent que là où elles doivent exis-
ter pour former cet instrument.
Fig. 3. — Fragment très régulier d'un de ces éclats, dési-
gnés vulgairement sous le nom de couteaux. L'arête médiane
qui existe sur la partie convexe, prouve que d'autres lames
ont été enlevées antérieurement. On observe sur les bords les
retouches ordinaires à cet instrument. Le côté non visible
présente le bulbe de percussion.
Fig. 4. — Pointe de flèche ? perçoir? On y voit des arêtes
vives qui prouvent que plusieurs éclats ont été détachés de
la partie convexe. Les retouches ont eu pour but de la rendre
plus aiguë.
Fig. 5. — Nucléus dont les deux extrémités ont été
retouchées dans le but, sans doute, de l'utiliser. L'arête la
plus saillante, probablement pour qu elle ne gênât pas la
main, a été diminuée par une série de chocs artificiels. Les
autres arêtes sont restées intactes, ce qui prouve qu'il ne faut
pas voir là un efiFet produit par le roulement.
- 90 -
Fig. 6. — Grattoir court, avec retouches ntnnlireuses et
très mHrquées, en tout semblable à ceux qne nous recueillons
chaque jour à la surface du sol. II présente comme eux, à la
partie non visible, deux échancrurea correspondantes et It;
bulbe de percussion.
Fig. 7. — Silex en forme de prisme triangulaire. Les
augfles de l'une des extrémités ont été arrondis au moyen de
retoucha, comme dans la figure précédente. L'arête supé-
rieureasubi un travail qui ne peutéchapper à unceilexercé.
J'ai rencontré le môme type dans les dépôt? quaternaires de
Vendôme.
Il est difficile du re.ste de juger une question aussi grave
d'après de simples figures ; mais je tiens des séries nom-
breuses k la disposition des personnes qui voudront venir
faire sur les lieux un sérieux examen.
Quant à la question du gisement, quoiqu'elle me parût
claire pour tout géologue exercé', j'ai poussé le scrupule
jusqu'à faire creuser un puits vertical sur la colline dan.s le
but de renverser toute supposition d'affouillement par lea
eaux de la vallée. Après les couclies superficielles, nous
avons trouvé le falun, puis la partie compacte du calcaire de
Beauce (les sables de l'Orléanais manquent en cet endroit) ;
cette partie supérieure est perforée par des coquilles litho-
phages, Aprèsl'avoir enlevée péniblement, nous avons attaqué
les lits nombreux de marne avec nodules calcaires et nous
sommes arrivés à la couche d'argile qui renferme les silex
— 91 —
J ai donné la coupe de ce puits, dans le Bulletin de la
Société géologique de France. Elle a été également relevée
par M. de Mortillet qui Ta exposée dans le Musée de Saint
Germain.
Est-il besoin maintenant de dire que j'ai trouvé également
des silex taillés dans les formations supérieures, c'est* à dire,
dans les sables de l'Orléanais et les faluns? Je me bornerai à
faire observer que les silex taillés, associés aux débris du
mastodonte et du dinotherium, puis plus tard, à ceux de
l'halitherium, n'accusent pas le moindre progrès. Ceux de
Saint Prest que j'ai trouvés dans les sables à Eléphant méri-
dional et qui ont été admis sans difficulté, parce qu'ils ne
dérangeaient pas trop certaines idées préconçues, ne me pa-
raissent pas mieux travaillés non plus que ceux du calcaire
de Beauce. Pour arriver à des instruments largement taillés
et façonnés avec une certaine élégance , il faut remonter
jusqu'à la période quaternaire.
Je dois encore ajouter quelques mots pour rectifier une
erreur, car je cherche sincèrement la vérité et, quand je vois
que je me suis trompé, je ne crains pas de le dire. Au moment
où j'allais lire mon Mémoire sur l'homme tertiaire, devant
les membres du Congrès, en 1867, M. l'abbé Delaunay, mon
collègue et mon ami, présenta des ossements d'halitherium
qu'il rapportait des faluns du Maine et Loire et sur lesquels
on voyait des incisions profondes. Comme beaucoup d'autres,
je crus voir là une confirmation du fait grave que je signa-
lais, et j'attribuai ces incisions à l'action de l'homme, avec
une précipitation de jugement que j'avais été loin de mettre
dans l'examen des silex. M. Hébert, notre savant professeur
de géologie à la Sorbonne, émit l'opinion qu'elles pouvaient
bien être l'œuvre d'un squale. Je n'eus pas connaissance de
cette parole. Plus tard, M. Delfortrie, de Bordeaux, dé-
montra que ce squale était le Carcharodon megalodon. Je lui
écrivis de .suite que je partageais son avis. J'aurais pu
ajouter que j'avais entre les mains des preuves eacore plus
convaincantes (jtie celles (ju'il a [miduites. Mais je u'eu
conclus pas, contrairement à cet habile observateur, que les
preuves de l'existence de l'homme à l'époque tertiaire sont
renversées, car sa conclusion est plus étendue que les pré-
misses et par conséquent illogique.
Si l'on m'expliquait ainsi, par une autre cause que par une
cause humaine, les phénomènes observés sur les silex ter-
tiaires de Thenay, je renoncerais de suite à mon opinion et
je croirais m'honorer en avouant franchement mon erreur,
car, je le répète, je ne cherche que la vérité. Mais l'amour de
cette vérité m'oblige à dire que toutes mes nouvelles explo-
rations, toutes mes nouvelles découvertes, m'ont confirmé de
plus en plus dans ma conviction que nous sommes là en
présence des traces de l'homme.
Sont nommés membres de la Commission pour l'examen
des silex présentés par M. l'abbé Boui^eois :
MM. Steenstrup, Virchow, Neirynck, d'Omalius, de
Quatrefages, Cartailhac, Capellini, Fraas, WorsajE, Van
Beneden, Desor, Engelhardt, V, Schmidt, de Vibraye,
P'rauks.
M. Capellini. Je félicite M. l'abbé Bourgeois d'être revenu
sur son opinion, relative aux entailles que pré.sentent les
ossements d'halitherium. Je possède beaucoup d'o-ssement*
portant des entailles semblables et je n'ai jamais pu admettriî
— 93 —
quelques années que, dans la commune de Thenay, ils sont
nettement superposés. Je puis ajouter que les coquilles
fluviales et terrestres qui se trouvent mélangées aux
coquilles marines dans les faluns, ne sont pas identiques h
celles que j'ai recueillies à Suèvres, près Blois, dans les
sables de l'Orléanais. Ces sables, par leur faune, se ratta-
chent plutôt au calcaire de Beauce. La non-contemporanéité
est donc établie par des preuves stratigraphiques et paléon-
tologiques.
Conclusions de la Commission chargée de Vexamen des silex
de Thenay.
La commission chargée de l'examen des silex recueillis par
M. l'abbé Bourgeois dans les terrains miocènes de Thenay
s'est réunie, le 27 août, sous la présidence de M. Capellini.
M. l'abbé Bourgeois a présenté bon nombre de silex disposés
en série, et, après avoir donné tous les renseignements
nécessaires pour éclairer la question, il s'est retiré.
Les membres de la commission ont examiné avec un soin
minutieux tous les objets qui leur étaient remis et, tout
en faisant des réserves sur le gisement, ils ont formulé
personnellement leur opinion de la manière suivante :
M. Steenstkup ne peut admettre que les séries exposées
fournissent des traces évidentes de la main de l'homme.
M. ViBCHOw partage cette opinion.
M. Neirynck est du môme avis.
M. d'Omalius reconnaît l'œuvre de l'homme dans quelques
uns des silex.
M. DK QuATBEFAGEs acccpte Ics poinçous et les racloirs.
M. DE Cartailhac les accepte également comme ayant été
taillés de main d'homme.
M. Capellini admet la taille pour quelques couteaux et
poinçous; mais il voudrait qu'une commission fût nommée
I
pour faire sur place de nouvelles recherches et se prononcer
ensuite comme on l'a fait pour Abbeville.
M. Fra\s n'a pu remarquer aucune trace de la main
humaine sur les silex présentés.
M. WoHSA^ en admet plusieurs comme travaillés par la
main de l'homme.
M. Van BENiioiîN déclare ne pouvoir se prononcer.
M. DiisoR n'admet pas le travail humain.
M. Engelhardt accepte l'origine humaine de plusieurs de
ces séries et y reconnaît des grattoirs, des poinçons et des
hachettes.
M. V. ScHMiuT en accepte un certain nombre comme
fabriqués de main d'homme.
M, Dic VitiRAïE croit (jue la question géologique demande
il être étudiée avec plus de détail en vue de la question des
eaux thermales et des phénomènes du métamorphisme en
^néral , Il accepte avec réserve le travail humain de quelques
spécimens.
M. Frasks accepte l'authenticité du gisement et l'origine
humaine A'un spécimen ; le g^rattoir trouvé dans la coupe
du gisement.
M. l'arui'. BouROHOis.La Comrais.'îion chaînée de l'examen
des silex tjue j'ai recueillis, n'a pu se prononcer sur la ques-
tion du gisement ; cela lui était en effet impossible ; mais je
regrette que M. Belgrand nous ait quitté. Il a vu le gisement.
— 95 —
Sut de^ silex taillés^ découverts daris les terrains miocène et
pliocène du Portugal, par M. Ribeiro.
Au moment où la certitude de lexistence de Thomrne qua-
ternaire commençait à se fortifier, une nouvelle question,
aussi remarquable qu'inttîressante pour la géologie et Tliis-
toire, vint agiter le monde scientifique.
Les heureux résultats qui avaient couronné les recherches
auxquelles MM. Desnoyers et l'abbé Bourgeois s'étaient livrés,
dans le calcaire de Beauce, à Saint Prest, dans le départe-
ment d'Eure et Loire, prouvèrent que l'homme préhis-
torique appartient à une époque géologique bien plus
reculée que celle qui se nomme diluviale ou quaternaire;
c'est à dire, que l'homme a fait partie, non seulement de la
faune pliocène, mais encore de la faune miocène.
Dans la séance du Congrès du 23 août, j'ai éprouvé
un véritable plaisir en entendant M. l'abbé Bourgeois
afl5.rmer avec cette conviction que seuls peuvent donner
l'étude et l'examen consciencieux des faits, qu'au dessous des
couches du calcaire de Beauce, évidemment miocènes, il a
trouvé des silex taillés.
Je crois que c'est la seconde fois que M. l'abbé Bourgeois
soutient, devant le Congrès d'anthropologie et d'archéologie
préhistoriques, la tlièse de l'existence de l'homme miocène
et qu'il afl5.rme cette existence, alors que la plupart des
savants se sont maintenus dans une prudente réserve et ont
attendu de nouvelles découvertes.
On se demandait notamment si le fait des silex taillés, ren-
contrés dans le calcaire de Beauce, était unique, si ce fait
ne s'était pas reproduit ailleurs et restait circonscrit à un
coin de la France, si, en un mot, de semblables indices de
la présence de l'homme n'existaient, au sein des couches
du même âge, ni dans aucune autn» partie de l'Europe, ni eu
Amérique, ni dans aucune autre contrée.
Les explorations des couches tertiaires, qui furent alors
dirigées en Portugal à ce point de vue, ont donné, me paraît-
il, une preuve évidente de la présence de l'homme aux époques
pliocène et miocène.
En ma qualité de délégué officiel de la section géologique
du Portugal à ce Congrès, je raepermettrai d'exposer quelques
faits relatifs à ce sujet et qui viendront corroborer, je crois,
ceux qui nous ont été exposés par M. l'abbé Bourgeois.
Les faits dont je vais vous entretenir, méritent d'autant
plus la bienveillante et sérieuse attention de tous les savants
géologues qui sont ici présents, qu'ils ont été observés, dans
une contrée éloignée dé la France, bien avant ceux que
M. l'abbé Bourgeois a observés à Saint-Prest, dans le cal-
caire de Beauce.
Mais avant d'entrer dans quelques détails et afin de mieux
faire comprendre la situation géologique de quelques exem-
plaires de pierres taillées que j'ai recueillis dans les couches
tertiaires de mon pays et que j'ai eu l'honneur de présenter
ici, il serait utile de donner tout d'abord quelques explica-
tions que je tâcherai de rendre aussi brèves que possible.
Lorsque je fus nommé, en 1857, directeur de la carte géo-
logique du Portugal.je réunis, sous une même dénomination
de terrains tertiaires, toutes les couches de calcaire, de
marnes, d'argiles et de grès, à stratification bien définie,
qui se trouvent dans ce pays et qui sont placées géologique-
ment, au dessus du terrain crétacé. Ces couches, qui forment
— 97 —
C'est alors que j'appris que, dans les couches tertiaires qui
se trouvent entre Canegado et Alemquer, deux petits vil-
lages situés de 35 à 40 kilomètres au N N E de Lisbonne,
il se trouvait des silex taillés.
Je fis immédiatement des recherches dans cet endroit; je
les poussai dans plusieurs directions et je trouvai, dans l'in-
térieur même des couches de calcaire, de marne et de grès,
des éclats de silex et de quartzite travaillés.
Ma surprise fut grande quand j'arrachai, de ma propre
main, des silex taillés, du sein de couches de calcaire qui
avaient 30 et 50 degrés d'inclinaison et dans lesquelles
les mouvements du sol avaient jeté une profonde pertur-
bation.
A cette époque, l'homme quaternaire était encore un fait
fort controversé ; comment donc aurais-je été reçu si j'étais
venu annoncer l'homme tertiaire !
Mon embarras était d'autant plus grand, que je n'avais pas
encore, comme à présent, découvert de silex taillés dans les
couches qui forment l'étage sur lequel se développe la série
de couches miocènes marines.
Je me trouvai en présence d'un dilemme dont les deux
alternatives m'effrayaient : ou rejeter mon propre témoi-
gnage, c'est à dire, nier que les pierres taillées que j'avais
ramassées dans ces dépôts tertiaires, aient jamais passé
par la main de l'homme, ou affirmer que l'immense dépôt
que j'avais devant moi, appartenait à la période quater-
naire.
Un préjugé m'engagea à admettre la seconde partie de ce
dilemme; et cependant ma raison et ma conscience me disaient
que j'étais dans le faux.
« L'homme, enseignait-on, ne peut pas être plus ancien
que la période quaternaire. » L'enseignement scientifique
était là et je m'y soumettais.
Et pourtant les faits aussi étaient là et les observations
géologiques auxquelles je m'étais livré ,me disaient constam-
f »
— 98 —
meut : > l'homme est pins ancien et de beaucoup, que la
période quaternaire! »
On va voir où cela m'a conduit.
Nous avons commencé, en 1866, la publication de quel-
ques feuilles de notre carte géologique. Nous fondant sur
cette opinion que la science nous disait de croire et que
ma conscience se refusait à admettre, nous avons désigné, au
moyen d'une coloration, comme terrains quaternaires, toute
une surface dont la plu.s grande partie, nous le reconnais-
sons aujourd'hui, doit être considérée comme pliocène et
miocène.
Nous avons fait graver ces cartes et nous avons fait tirer
un grand nombre d'exemplaires de ce travail défectueux, inu-
tile et qui ne peut plus être considéré à présent, que comme
vieux papiers.
En 1867, M. de Vemeuil me demanda quelques rensei-
gnements sur le terrain quaternaire de mon pays.
Persistant malgré moi dans cette même opinion erronée,
j'envoyai à ce savant la note qu'il a lue à la séance du
17 juin 1867, à la Société de Géologie de France.
Toutefois, ce ne fût pas sans observations que M. de Ver-
neuil put admettre un t«rraîn quaternaire qui lui semblait,
disait-il, fort extraordinaire.
Cet homme, si distingué par ses connaissances, me faisait
part des motifs de ses doutes dans une lettre qu'il m'adressa
au mois de juillet suivant. Mais ses observations, loin de
m'émouvoir, me rassurèrent et je fus amené à rejeter la
— 99 —
Voici la léfçende des pierres taillées, figurées PI. 3, 4 et 5.
PI. 3.
Fig. 1
3
Silex taillé.
Qaartzite taillé.
Idem.
Idem.
Idem.
PK4.
Fig. C
»» i
Silex taillé.
Idem.
PI.
»•
Fig. 8
Idem.
»• 9
Idem.
• 10
Idem.
Grés pliocènes avec
une faible incli-
naison vers SS£.
Idem.
Grés rouges plio-
cènes.
Grés miocènes (?)
Calcaire le plus in-
férieur de la sé-
rie miocène d'eau
douce.
Marnes et grés mio-
cènes plongeant
de 160 vers SSE.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
A Al faite, rive gauche du
Tago, au sud de Lis-
bonne.
A Aldéa Galega, 18 kil.
en amont d'Alfeiie.
A Chamusca, rive gauche
du Tage, 95 kilom. au
NNE' de Lisbonne.
A Barquinha, rive droite
du Tage, 103 kilom. au
NNE do Lisbonne.
A 3 kil. au nord du village
iVAletnquer^ ou 8,5 kil.
au NNO du Carregado.
A 1,5 kilom. ONG du Car-
rcgado, 36 kil. au NNE
de Lisbonne.
A Ottay 6 kilom. au nord
d'AZefwgucr.
A Monte Redondo, colline
à 2,5 kilomèt. au NNE
à'Otta.
Idem.
A Oiia,
M. l'abbé Bourgbois. J'aurais intérêt à reconnaître des
silex taillés dans les silex que M. Ribeiro nous présente comme
provenant des terrains tertiaires du Portugal, mais, après les
avoir examinés, je dois à la vérité de déclarer que je ne con-
sidère pas un seul de ceux qui nous ont été mis sous les yeux,
comme présentant des traces du travail humain.
M. Fbanks déclare qu'à son avis, plusieurs des silex des
environs de Lisbonne, présentés par M. Ribeiro, ont été
taillés de mains d'homme , mais il fait ses réserves sur le
gisement.
■ 100 —
M. l'abbé BonHQROis. Hier, quand M. Ribeiro a présenté
son travail sur les silex présumés tertiaires, j'ai déclaré que
je ne reconnaissais le travail de l'homme sur aucun d'eux.
Mais il y avait un silex que je n'avais pas vu. M. Ribeiro
me l'a mis sous les yeux et je dois reconnaître qu'il est im-
possible de nier sur cet échantillon le travail de l'homme.
Toutefois, comme la couche dans laquelle il a été trouvé, ne
présentait pas d'éléments paléontologiques et stratigraphî-
quea détenninés, je réserve la question de gisement comme
l'a fait M. Franks-.
Sur la position géologique des couches miocènes et pltocènes
du Portugal qui contiennent des silex taillés, par
M. KiBGIRO.
J'ai été heureux d'entendre la lecture du rapport de la
Commission chaîne par le Congrès d'examiner les silex
taillés découverts par M. l'abbé Bourgisois dans le calcaire
miocène de Beauce. Ce rapport dit, en effet, que la majorité
de la Commission s'est prononcée en faveur de la taille de
ces silex par l'homme.
La déclaration de M. Franks, relative aux résultats de
l'examen qu'il a fait de quelques uns des silex que j'avais eu
l'honneur de présenter au Congrès, ne m'a pas fait un moin-
dre plaisir ; car ce savant si compétent reconnaît aussi les
Irar-i's ih- ht nmin (h> l'honinic -tiir cv? silex. Tonte fo i
Le premier point peut
être considéré comme ré-
solu pour quelques uns de
ces silex. Je n'ai donc pas
à insister sur ce sujet.
Reste le second point,
c'est à dire, la situation
géologique exacte des
couches dans lesquelles
j'ai trouvé des silex taillés,
dont l'authenticité s été
reconnue p&r U. Franbs
et par d'autres membres
du Congrès. L'un de ces
silex a été découvert dans
les couches plioeènes de
grès rougeàtre et jau-
n&tre, sur la rive gauche
du Tage, au sud de
Lisbonne. Ces couches
recouvraient des dépôts
miocènes marins en stra-
tiâcatioD concordante.
La figure ci-jointe vous
donnera une idée de la
disposition de ces couches
tertiaires au sud et au
nord de Lisbonne et de
la position dans laquelle
se trouvait ce silex.
Les couches aa, au
nord de Lisbonne, con-
tiennent des moules de
coquilles marines des
genres CerUhium, Area,
■ 102 -
Cardium, etc., et des débris de végétaux parmi lesquels on
reconiiatt des feuilles de Salix et de Quercvs. De l'autre
côté du fleuve, à Alfeite , la série (ta est identique par ses
caractères minéralogiques et atratigraphiques, mais on n'y voit
paa de fossiles animaux , bien qu'on j trouve des indices de
vé^taux fossiles. Les couches de cette formation, de même
que les dépôts miocènes marins, ont été coupées simultané-
ment par l'ouverture de la vallée du Tage, phénomène qui a
dérangé leur position horizontale, et elles sont presque com-
plètement enlevées au nord de Lisbonne. C'est ainsi que dans
toute la zone occidentale, située au nord de cette ville, et sur
une longueur de plus de 100 kilomètres, ce terrain n'est
représenté que par quelques petits lambeaux, comme à
Arroios, Paço de Lumiar, Charneca, etc., tandis que de
l'autre côté du fleuve, au sud et au sud-est de Lisbomie, il
se développe uniformément sur une longueur de plusieurs
dizaines de kilomètres.
Ce ne sont pas seulement les faits que nous pouvons ob-
server dans les environs de Lisbonne, qui prouvent les dislo-
cations que ces couches ont subies; les mêmes faits et d'autres
analogues se reproduisent dans plusieurs autres parties de
notre pays, où se trouve le terrain pliocène. Ils démontrent
& l'évidence que cette formation a été bouleversée plusieurs
fois par des mouvements du sol. On peut également en
induire que les couches où ce silex taillé a été découvert,
sont très anciennes; à mon avis, elles appartiennent sans
— 103 —
la figure 4, que j'ai trouvé les silex taillés qui ont évi-
demment passé par la main de rhomme, avant d'avoir été
ensevelis dans ces couches.
Grand'ro te de Lisbonne i7.„,„v„«« a^ n^^
à Caldaa da Ralnha. Espinhaço de Cao.
Fig, 4, — Coupe des terrains miocènes du Portugal.
a. Calcaire, 1
h. Marnes et grès, [ terrain miocène Jacostre.
c. Calcaire, )
J. Terrain Jurassique.
Celles-ci, ainsi que la figure l'indique, s'étendent au des-
sous de la série des couches calcaires ce qui se prolongent au
Nord, à l'Est et au^Sud et dans lesquelles on trouve à plu-
sieurs places des fossiles : Planorbe,Limnée, Hélice, etc. Ces
couches calcaires, dont j'ai suivi la continuité dans la direc-
tion du Nord au Sud, jusqu'au point (tout près de Villa-
Franca) où les caractères minéralogiques du terrain commen-
cent à changer et où la faune miocène marine, représentée
par des fossiles des genres Cerithium^ Lutraria, Ostrea,
Balanus et autres, commence à paraître. On ne peut donc
révoquer en doute que ces silex taillés proviennent de cou-
ches au moins miocènes.
J'aurais bien d'autres faits à vous signaler sur ce sujet
important, mais je crois devoir me borner aux observations
que je viens de développer, d'autant plus qu'elles peuvent
vous convaincre de l'authenticité du gisement de ces très
anciens vestiges de l'existence de l'homme en Portugal.
Sur la cassure artificielle d'ossements recueillis dans le terrain
miocène de Pikermi, par M. le baron von Docker.
Je pense que la présence de l'homme en Grèce remonte à
une époque fort reculée.
Je déduis cette supposition de caractères que j'ai re-
marqués sur un grand nombre d'ossements fossiles du
dépAt bien connu de Pikermi,
Lorsque le savant professeur Gaudry examina ce dépôt,
il y a dix-sept ans, pour publier son excellent ouvrage sur
cette matière, l'attention des géologues ne s'était pas encore
portée sur les faits qui maintenant nous fout reconnaître
l'existence ancienne de l'homme.
En examinant au Musée d'Athènes une grande masse d'os-
sements, non classés, provenant de Pikermi, je fusétonnéde
remarquer qu'un très grand nombre avaient été fracturés
de la manière usitée par l'homme préhistorique.
J'ai pu promptement mettre à part 34 mâchoires d'hippa-
rions et d'antilopes, 1 9 fragments de tibias et 22 autres frag-
ments d'os, dont quelques uns de rhinocéros, portant tous
les traces d'une fracture pratiquée méthodiquement pour en
— 105 —
de sorte que j*ai pu observer que la majeure partie de
ces ossements avaient été cassés avant d'être déposés dans le
lieu où ils ont été trouvés.
Je m'assurai auprès du personnel du Musée que ni des
outils, ni des pierres, ni des traces du feu n'avaient été
trouvés avec les ossements. Aussi fis-je naturellement tous
mes efforts pour visiter le dépôt en place.
n se trouve à 15 kilomètres au nord-est d'Athènes.
Je le visitai deux fois, mais chaque fois pour peu d'heures
seulement. Je n'ai pu fouiller que quelques pieds cubes du
dépôt, que les eaux du ravin ont rendu assez difficile à
aborder, car un amas d'argile et de cailloux roulés de 5 à
6 mètres est superposé horizontalement à la couche d'ar-
gile rouge et sablonneuse qui contient les ossements.
Je recueillis plusieurs douzaines de fragments d'os, pro-
venant surtout d'hipparions et d'antilopes et dont un quart
à peu près porte des traces plus ou moins distinctes de cas-
sures faites d'une manière intelligente, ainsi que je viens de
l'exposer.
Je trouvai aussi, parmi les ossements, une pierre de la
grandeur d'une poignée. Elle est pointue d'un côté et
s'adapte parfaitement aux lésions des os.
La seconde fouille fut faite en présence d'un des membres
fondateurs de notre Congrès, M. le professeur Capellini, de
Bologne. Ce savant, n'admettant pas en principe que le mode
de la cassure des os puisse seul démontrer la présence de
l'homme, n'a pas attaché à ces circonstances la même impor-
tance que moi. Cependant il a dû reconnaître que les frac-
tures étaient en partie antérieures au dépôt des ossements
dans le limon .
Quoiqu'il en soit, je demeure convaincu que le dépôt de
Pikermi est en général formé par les débris de repas d'un
être intelligent, c'est k dire, assez intelligent pour casser des
ossements par des coups de pierre dans le but d'en extraire
la moelle.
— 106 —
Il est probable que si ce dépôt, classé par M. Gaudry à la
fin de l'époque tertiaire (classement douteux pour moi, parce
que lé dépôt est superposé en discordance sur des couches
redressées du terrain tertiaire), pouvait être fouillé, au point
de vue de l'anthropologie, avec autant de soins et d'intelli-
gence que le furent ceux des Kjoekkenmoeddings du Dane-
mark et des cavernes de la France et de la Belgique, la
science acquerrait de nouvelles preuves relatives à une ancien-
neté prodigieusement reculée de la présence d'êtres intelli-
gents sur notre globe.
M. Capellini. J'ai visité la Grèce, au mois d'avril der-
nier, pour juger des importants gisements de mammifères
fossiles de Pikermî, et j'en suis revenu avec une opinion
.absolument différente de celle de M, le baron von Dûcker.
Y a-t-il dans ces gisements miocènes des ossements cassés
par la main de l'homme ou bien se sont-ils tous brisés d'une
manière accidentelle?
J'ai examiné soigneusementlescoUectîonsdu Musée d'Athè-
nes et je ne puis admettre que la plupart des ossements dé-
couverts aient été, comme le croit M. von Dûcker, cassés pitr
la main de l'homme. Au contraire, je dois dire que j'ai été
étonné de trouver là tant d'ossements en bon état, tant de
crânes et de membres entiers. Je dirai même que, dans le
Val d'Arno, si célèbre pour ses ossements plioeènes, on retire
peu d'ossements aussi complets ; et cependant personne n'a
jamais songé à y voir des ossements déposés, par des hommes
— 107 —
époque de Timportance au mode de fracture, inconnu alors,
qui avait été usité en vue de l'extraction de la moelle.
L'opinion de M. Capellini ne modifie aucunement la
mienne qui s'est formée par un examen souvent renou-
velé et prolongé pendant plusieurs mois, tandis que le
savant professeur de Bologne n'a fait que jeter, pendant
quelques minutes, un regard sur les nombreuses collections
du Musée d'Athènes aussi bien que sur une des fouilles que
je fis à Pikermi.
M. DE MoRTiLLET. Cette question a de l'importance. Le mé-
moire de M. le baron von Dûcker a été présenté à M. Gaudry
qui, après en avoir pris connaissance et après avoir revu
tous les ossements, a acquis la conviction qu'ils avaient été
cassés naturellement et non par la main de l'homme. On ne
peut donc en induire, d'après lui, la trace de la main de
l'homme ou d'un être intelligent qui les aurait cassés avec un
instrument quelconque. M. Gaudry a eu l'obligeance de m'in-
viter à examiner ces ossements; j'y suis allé et, après un
examen attentif, j'ai partagé l'opinion de MM. Capellini et
Gaudry.
M. VON Dûcker. J'ai communiqué mes observations à
M. Gaudry ; il m'a dit : « Je trouve parfois des cassures d'os
qui semblent avoir été faites par la main de l'homme; mais
Q m'est difficile de l'admettre. »
Sur un crâTie humain découvert en Californie dans un
terrain considéré comme tertiaire.
M. DE QuATREFAGES. Lcs membres qui ont assisté au
Congrès de Paris, se souviendront de l'émotion que nous
avons éprouvée quand on est venu nous apprendre qu'on
avait trouvé un crâne humain dans le terrain tertiaire de la
Cahfomie.
Depuis lors, plusieurs personnes ont cherché à avoir des
renseignemeots sur un fait aussi capital, mais ils n'oot pu en
obtenir.
Je verrais donc avec plaisir le Congrès adresser une inter-
pellation, afin d'obt«nir des détails précis sur cette question.
M. l'abbé Bourgeois. Avant que le fait eût été signalé
pw le président de la Société géologique, il m'avait déjà été
annoncé par un de mes élèves, M. Auguste Rémond, membre
de la commission géologique nommée pour l'exploration de
la Califomie.et ravi à la science depuis peu de temps par une
mort prématurée, n m'a envoyé une coupe, faite par lui-
même, du terrain où les ouvriers préfendent avoir trouvé le
cr&ne. Si les affirmations de ces ouvriers sont exactes, le crftne
serait pliocène, car il aurait été associé à des plantes que le
savant botaniste Newberry dit être de cette époque. Je tiens
la coupe & la disposition de ceux qui voudraient en prendre
connaissance. M. Rémond termine sa lettre en disant que
M. Wbitney se propose d'étudier sérieusement cette grave
question.
M. Dbsor. Je suis très satisfait de voir le bureau adresser
une sorte de mise en demeure à M. Wbitaey, non qu'il y ait
lieu de douter de son caractère sérieux et de sa bonne foi,
mais parce que la première nouvelle de sa découverte s'est
produite en Europe par mon intermédiaire et que j'y trouve
l'occasion de donner quelques détails nouveaux.
Ayant été longtemps le compagnon d'études de M. Whit-
ney, je me trouvais autorisé à émettre des doutes au sujet de
sa dt'cnnvprte. Aussi jt> ne nit' suis pus l'^iit ïnwtc i1';i'Tiiiihi|it
— 109 —
Quant à la seconde question : « Le crâne est-il bien un
crâne humain?» , j'ai pu me renseigner auprès de M. Pourta-
lès qui a eu l'occasion d'examiner ce crâne. Il m'a assuré
qu'il ne pouvait y avoir de doute ; que c'était bien un crâne
humain, empâté dans une gangue limoneuse qui semblait
naturelle. Ce crâne devait encore être dégagé de sa gangue,
et cette opération n'a pas encore été faite.
J'ai écrit de nouveau à M. "V^Tiitney pour lui rappeler qu'il
avait eu l'obligeance de me communiquer sa découverte, et
lui dire que le public, qui en avait été informé, était impa-
tient d'obtenir des renseignements ultérieurs à cause de l'im-
portance de ce fait au point de vue scientifique.
M. Whitney me répondit l'année dernière. Il ne voulait
pas à ce moment entrer dans des détails ; mais il annonçait
que dans le second volume de sa Géologie de la Cali/ornie^qui
était sur le point d'être publié, il ferait paraître tous les dé-
tails nécessaires , ainsi que les dessins et les coupes.
J'espère que cette publication ne tardera pas à voir le jour
et que nous pourrons ainsi nous rendre un compte exact de
cette découverte. D'ailleurs je pense que M .Whitney sera flatté
d'apprendre que le Congrès s'est occupé de sa découverte, et
nous pouvons espérer qu'il y trouvera un nouveau stimulant.
Sur de prétendus indices de travail humain signalés sur des
dents de CarcTiarodon du crag de Sujfolky par M. Busk»
On a annoncé récemment que des dents de CarcJiarodon
qui paraissaient être percées par la main de l'homme,
avaient été découvertes dans le terrain pliocène si connu
sous le nom de Crag de Suffolk. J'ai examiné ces dents et je
partage absolument l'avis de M. T. M. Hughes qui, dans le
Geological Magazine^ vol. IX, juin 1872, démontre que ces
perforations sont dues à des causes naturelles, et sans doute
à des moUusquas lithophages de la mer pliocène.
M. Hamy partage cette opinion.
GÉOLOGIE DES TERRAISS QUATERNAIRES à DES TOURBIÈRES.
Sur Tantiquité de THomme et sur les phénomènes géologiques
de Vépoque quaternaire en Belgique, par M. É. Dupont.
Lorsque Schmerling annonça ses découvertes dans les
cavernes de la province de Liég^, on ne se rendit pas immé-
diatement à l'évidence de sa démonstration de l'antiquité de
l'homme. L'&ge des dépAts dans lesquels il recueillit, avec des
ossements de la faune quaternaire, des ossements humains
et des éclats artificiels de silex, n'était pas déterminé. Les
traces de l'action de l'homme sur les ossements de cette faune
n'y avaient égfalement pas encore été observées. Enfin,
comme ses découvertes comptent parmi les premières qui
aient été faites sur les âges de la pierre, il ne pouvait s'ap-
puyer sur un ensemble de faits démontrés dans d'autres
pays. Comme preuves, il indiquait l'association de ces
divers restes dans des terrains qui n'avaient pas subi de
remaniements.
La question du remplissage des cavernes est incontesta-
blement Tune des plus compliquées de la géologie. Leurs ter-
— 111 —
fissures à parois corrodées, qui sont souvent remplies par de
l'argile compacte de diverses nuances. Nos filons de limonite
sont toujours accompagnés par cette argile, mais la réci-
proque est loin d'être la règle générale. On est assez d'accord
pour attribuer une origine interne à l'argile présentant ces
dispositions. Elle a été appelée par M. d'Omalius argile
iijaculation. Dumont la faisait entrer dans ses terrains gey-t
siriefiSj qui correspondent au terrain sidérolithique d'autres
auteurs.
Ces argiles compactes, de couleur jaune ou rouge, se
trouvent toujours sur la paroi inférieure de nos cavernes.
Tantôt, elles y forment de petits filons (pi. 31, 34 et 35),
tantôt elles y constituent des dépôts épais de plusieurs
mètres, visiblement stratifiés (pi. 32 et 33). Cette argile n'a
fourni en aucune circonstance ni silex taillés ni ossements.
Les dépôts quaternaires qui recouvrent les plateaux et les
flancs des vallées de ces provinces, peuvent toujours se rap-
porter à l'un des quatre dépôts suivants (pi. 28) :
1" Le plus inférieur est formé de cailloux roulés, mélan-
gés à du sable et à du gravier. Les cailloux proviennent des
roches siluriennes et dévoniennes de l'Ardenne, et l'on n'y
rencontre jamais que des débris des terrains traversés
par les vallées du bassin hydrographique où ils se trouvent.
La stratification de ce dépôt est lenticulaire comme celle
des dépôts fluviaux. Les ossements y sont très rares dans la
province de Namur; on n'a encore signalé qu'un fragment
de défense de Mammouth.
2* Un dépôt de limon fin, argilo-sablonneux, également
stratifié en lentilles, lui succède, tantôt directement, tantôt
avec l'intermédiaire d'un dépôt de sable. Des veines de cail-
loux roulés ou subanguleux, provenant des roches situées en
amont, se présentent à plusieurs niveaux dans ces terrains ;
comme le limon , ils ont une disposition irrégulière et dis-
continue.
Ce limon est en tout point semblable aux alluvions limo-
112 -
neuses que nos cours d'eau formest sous nos yeux. Cette
identité est tellement évidente que nous pouvons appeler
sans hésitation le limon quaternaire alîwvion Jluviale , en le
caractérisant ainsi par son origine même.
Des mollusques , Succinea ohhnga, ffelix concinna, etc.,
s'y rencontrent quelquefois , mais je n'y ai pas encore
trouvé d'ossements,
3° Dépôt d'argile renfermant des cailloux anguleux ([ui
proviennent du voisinage immédiat du gisement. 11 n'est
pas stratifié. L'argile reste janne quand ces cailloux angu-
leux ou blocaux sont en calcaire; mais s'ils sont en psara-
mite, l'argile devient terreuse et d'un gris brunâtre; s'ils
sont en schistes de la Famenne, elle est d'un gris légère-
ment verdâtre, et elle passe au rouge, si les blocaux pro-
viennent de schistes colorés par de Toligiste.
Ce dépôt, lorsqu'il est à ciel ouvert, ne peut se rapporter,
d'après moi, à un âge nettement déterminé que lorsqu'il
est recouvert par le dépôt suivant ou qu'on peut le suivre
avec continuité à partir d'un point où sa position stratigra-
phique est bien établie. Je n'y ai également pas rencontré
d'ossements, à l'extérieur des cavernes,
4° Limon fin recherehé comme terre à briques. Il est de
couleur jaune-rougeàtre ou brunâtre, non stratifié, et ren-
ferme accidentellement des coquilles comme le deuxième
dépôt.
Les terrains modernes sont loin d'avoir la constance et le
— 113 ~
explorée, mais elle prend un grand développement dans les
Flandres, dans laCampine et dans les Fagnes.
Nous retrouvons dans les cavernes de la province de Namur
plusieurs termes de cette série de terrains, ainsi que nous
pouvons l'établir par l'observation des caractères stratigra-
phiques et minéralogiques des dépôts. En voici Ténumération:
1" Le dépôt de cailloux roulés est parfaitement développé
dans le Trou du Frontal (pi. 31), dans le Trou Magrite et
dans le Trou des Allemands. Il l'est moins dans le Trou de la
Naulette (pi. 34) et dans le Trou du Sureau (pi. 35), où il
est surtout remplacé par du gravier et du sable.
Ce dépôt n'a été observé que dans les cavernes à ouver-
ture large et dirigée vers l'amont. Je n'y ai rencontré qu'une
canine de grand Ours.
2** Le limon argilo-sablonneux est de beaucoup le dépôt
le plus constant de nos cavernes. Il a les caractères du limon
argilo-sablonneux de l'extérieur que j'ai appelé limon Jlv/cial
quaternaire. Comme lui, il renferme quelquefois des veines
irrégulières de cailloux roulés et de gravier. (Trou des Nu-
tons, pi. 32; Trou du Frontal, pi. 31 ; Trou de Chaleux,
pi. 33.) D'autres fois, ces veines de cailloux sont remplacées
par des nappes successives de stalagmite (Trou de la Nau-
lette, pi. 34 ; Caverne de Goyet, etc.) et plus souvent encore
par des couches ossifères avec silex taillés et autres indices
de l'existence de l'homme.
Le raccordement de ce dépôt de limon au limon fluvial
quaternaire s'impose au géologue par l'identité de leurs ca-
ractères minéralogiques, et par leur position stratigraphique
entre le dépôt de cailloux roulés et l'argile à blocaux. L'élé-
vation de ces cavernes au dessus des cours d'eau actuels ne
permet évidemment pas d'y voir un dépôt moderne.
Or, c'est dans ce dépôt, dont l'âge est ainsi défini par la
géologie, que se trouvent les riches gîtes d'ossements qui ont
tant contribué à rendre nos cavernes célèbres.
— 114 —
Le» niveaux ossifëres, avons-nous dit, y sont d'ordinaire
successifs et séparés par du limon fluvial, quelquefois aussi
par des nappes de stalagmite. Nous rechercherons plus loin
l'interprétation de ces séries alternantes. Je me borne à dire
ici que chaque couche de limon, répétée dans la masse du
dépôt, prouve autant de crues des cours d'eau, de même que
les nappes de stalagmite et les niveaux ossifëres témoignent
d'autant d'émersions de la caverne.
Les ossements, répartis par couches distinctes à diffé-
rentes hauteurs dans ce dépAt fluvial, sont toujours de
l'âge du Mammouth. Ils appartiennent à de nombreuses
espèces, comme on pourra en juger par la liste suivante :
l'Erinaceus europwus.
2 Talpa europiea.
3 Ursus spela'us,
4 — arctos.
5 — feroi.
6 Mêles taxus.
7 Muatela foina.
8 — putorius.
10 — vulgaris.
11 Gulo luscus.
12 Caiiia familiaris.
13 — lupus,
14 — vulpes.
25 Arvicola agrestis.
26 Cricetus frumentarius.
27 Lemmus
28 Castor fiber.
29 Lcpus timidus.
30 Lagomys
31 Elephas primigeniuR.
32 Rhinocéros ticliorinus.
33 Sus scrofa.
34 Equus caballus.
35 Cervus alws,
36 — megaceros.
37 — tarandiis, »
38 — canadensis.
— 115 —
Cette nombreuse faune, dont l'espèce la plus remarquable,
surtout par son abondance, est \Elephas primigenius, se
distingue par l'association de types qui, de nos jours, vivent
dans des latitudes très différentes. Ainsi on y voit le Lion et
l'Hyène se développer à côté du Renne, du Glouton, du
Chamois, de l'Antilope saïga et de l'Ours de Califomie.
Néanmoins toutes les espèces des régions tempérées, le Cerf,
le Loup, l'Aurochs et autres y existent déjà.
Cette association singulière d'espèces constitue ce qu'on
doit entendre en Belgique iphr faune de F âge du Mammouth,
et l'explication de son existence donne lieu à un problème
climatologique important dont la solution peut être tentée
aujourd'hui ^ La faune de l'époque suivante ou faune de
Tâge du Renne se caractérise par opposition ; elle ne com-
prend plus les espèces perdues, ni les espèces refoulées au
Midi. Dans la faune de la troisième époque ou faune de
Tâge de la pierre polie, on ne trouve plus les espèces dont la
patrie actuelle est le Nord, l'Est ou les hauts sommets de
l'Europe.
Mais la faune de l'âge du Mammouth se présente dans les
divers niveaux ossifères des cavernes avec des compositions
et des conditions bien différentes :
Tantôt les ossements appartiennent à des carnassiers —
lions, ours et hyènes — qui ont établi leurs repaires
dans ces cavernes, et alors on rencontre les diverses parties
de leurs squelettes réunies en nombre normal, souvent
groupées dans leurs connexions naturelles. En outre, si c'est
un repaire d'Hyènes, on y trouve de nombreux ossements
d'herbivores rongés par ce carnassier.
Tantôt les ossements sont brisés et se rapportent presque
exclusivement au crâne et aux os des membres d'espèces
variées. De nombreux silex taillés, des os travaillés, etc., y
sont mélangés, ainsi que quelques ossements humains.
1 VHomme pendant les âges de la pieiTe dans les environs de Dinant-
fur-Meuae, 2« édit., 1872, p. 45.
— 116 —
n arrive qu'une caverne a servi exclusivement de repwre
à des carnassiers. Mais il est plus fréquent d'y rencontrer
en même temps les traces d'un séjour postérieur de l'homme.
D'ordinaire, pendant l'ftge du Mammouth, le souterrain fut
d'abord occupé par l'Hyène, puis par l'Ours et enfin par
l'Homme.
Nous pouvons trouver dans les observations qui viennent
d'être exposées, les éléments d'une démonstration complète
de l'antiquité de l'homme en Belgique.
Les silex taillés et autres produits de l'industrie humaine
sont répartis dans le Jimon fluvial des cavernes en niveaux
nettement séparés. Les cavernes qui renferment ce dépôt
fluvial, sont échelonnées depuis l'étiage jusqu'au sommet
des flancs des vallées. Le limon est surmonté d'un dépôt,
également quaternaire, mais plus récent (argile à blocaux).
Des traces nombreuses et incontestables de l'existence de
l'homme se manifestent, par conséquent, dans des dépôts
formés à l'époque od nos cours d'eau déposaient leurs allu-
vious à ces hauteurs, et cette époque est nettement déter-
miuée dans l'échelle des temps géologiques.
Beaucoup d'ossementâ de la faune de r%e du Mammouth,
découverts dans ces couches h silex taillés, portent des
entailles et autres indices d'une action artificielle. Les osse-
ments h moelle ont été fendus méthodiquement et on y con-
stat* la trace des coups portés à cet effet, comme M. Steen-
strup l'a établi pour les ossements des kjoekkenmoedding . Ou
— 117 —
Au dessus de ces dépôts se trouve l'argile jaune à blo-
caux avec tous les caractères géologiques qu'elle possède à
ciel ouvert. Seulement elle est tout à fait stérile à l'extérieur ;
mais dans les cavernes elle contient les restes de la faune de
l'âge du Renne avec des produits de l'industrie de l'homme
(trou des Nutons, trou du Frontal, trou de Chaleux, trou du
Sureau, etc.). Ces restes y sont répartis à la base du dépôt,
qui ne présente pas, contrairement au précédent, de niveaux
ossifères étages ; quelle que soit son épaisseur, je n'y ai ren-
contré d'ossements qu'à la base.
Le limon terre à briques n'est pas bien constaté dans nos
cavernes. Le trou de Chaleux seul offrait un mince dépôt
qu'on pouvait à la rigueur lui rapporter.
La faune de l'âge du Renne comprend en Belgique les
espèces suivantes :
1 Erinaceus europaeus.
2 Talpa europsea.
3 Ursus arctos.
4 Mêles taxus.
5 Mustela foïna.
6 — putorius.
7 — erminea.
8 — vulgaris.
9 Guloluscus.
10 Canis familiaris.
il — lupus.
12 — vulpes.
13 — lagopus.
14 Felis antiqua.
15 — catus.
16 — lynx.
17 Sciurus vulgaris.
18 Myoxus niteia.
19 Arctomys marmotta.
20 Mus sylvaticus.
21 Arvicola amphibius.
22 — agrestis.
23 Cricetus frumentarius,
24 Lemnus
25 Castor fiber.
26 Lepus timidus.
27 Lagomys
28 Sus scrofa.
29 Equus caballus.
30 Cervus alces.
31 -- tarandus.
32 — elaphus.
33 — capreolus.
34 Antilope saïga.
35 — rupicapra.
36 Capra ibex.
37 Bison europoeus.
38 Bos primigenius.
39 Bos ..... .
Les silex taillés sont figurés pi. 49 et 50.
8
- 118 —
Les silex de l'âge de la pierre polie se trouvent, dans la
province de Namur, aussi bien à l'extérieur que dans les
cavernes. Mais ils sont très rares dans celles-ci et toujours,
dans l'un et l'autre gisements, ils sont supérieurs aux dépôts
quaternaires qui viennent d'ôtre décrits.
Le trou des Nutons en contenait à la surface de ses dépôts;
le trou du Sureau et le trou de PontàLesse, dans des
éboulis; le trou de Gendron, dans un humus superficiel avec
des ossements humains (pi. 36); le trou des Allemands,
dans des alluvions de notre époque.
A l'extérieur, ces silex sont très fréquents sur les plateaux
où ils se rencontrent à la surface du sol.
Les environs de Mons ne possèdent pas de cavernes. Les
traces de l'homme quaternaire ne pouvaient donc être décou-
vertes que dans les dépôts extérieurs. Les géologues du Hai-
naut ont recueilli beaucoup de silex taillés dans les alluvions
fluviales des tranchées de Mesvin, qui seront décrites dans ce
compte-rendu par MM . Cornet et Briart (pi. 29). Des ossements
de Mammouth, de Rhinocéros, de Lion, de Renne, etc., s'y
trouvaient mélangés, et les caractères des silex taillés sont
ceux des silex qu'on recueille dans les dépôts quaternaires de
haut niveau des vallées de la ^mme et de la Seine. (PI. 17
et 18 et pi. 51-56).
L'âge de la pierre polie s'y manifeste très fréquemment k
la surface du sol comme dans les provinces de Liège et de
— 119 —
même des ossements de Cerfs ou d'Élan ; des entailles faites
avec du silex y sont fréquentes, surtout sur les bois de Cerfs
si abondants dans nos tourbières, qui renferment aussi des
silex de l'âge de la pierre polie.
Ainsi l'existence de l'homme, en Belgique, à l'époque
quaternaire, a été démontrée par trois procédés différents :
Par la découverte de ses ossements et des restes de son
industrie dans des dépôts qui sont incontestablement des
dépôts quaternaires ;
Par l'association des restes de l'homme aux ossements
des espèces caractéristiques de l'époque quaternaire ; par la
preuve de Faction de l'homme sur un grand nombre de ces
ossements, et notamment par leur transport intentionnel
dans les cavernes ;
Enfin par la comparaison archéologique des produits de
son industrie avec ceux qui ont été découverts dans les
cavernes du Périgord et dans la vallée de la Somme.
Nous chercherons maintenant à définir les phénomènes
géologiques dont nous avons vu les résultats ; nous exami-
nerons comment des terrains de même nature se sont formés
dans des gisements aussi différents.
Dans ce but, nous passerons en revue les terrains décrits
ci-dessus comme se trouvant dans les cavernes et à la sur-
face du pays, et nous tâcherons d'analyser les conditions
dans lesquelles chacun d'eux s'est formé. Nous pourrons ainsi
nous rendre compte du mode de remplissage des cavernes,
question qui sollicite si vivement les méditations des explo-
rateurs de ces souterrains.
I. Une ai^ile compacte, jaune ou rouge, recouvre, avons-
nous vu, la paroi inférieure des cavernes. Elle affecte tantôt
la disposition des argiles de filon (trou du Frontal, pi. 31,
trou de la Naulette, pi. 34, trous du Sureau et du Chêne,
pi. 35) ; tantôt elle forme un épais dépôt dont la stratifica-
tion, malgré son irrégularité et sa discontinuité, n'est pas
120 -
moins nette (trou des Nutons, pi. 32; trou de Chaleux,
pi. 33).
Nous devons remarquer qu'une fissure, d'ordinaire très
visible, découpe le rocher qui recouvre la cavité et qu'elle
suit le souterrain dans le sens de sa longueur. Ces failles
sont orientées dans la direction N. O., mais, dans la ca-
verne de Goyet, un système de fissures, disposées presque
à angle droit, se combine au système de fissures N. O., et
la cavité passe plusieurs fois, sur une longueur de 200 mètres,
d'une direction à l'autre, ce qui produit la disposition en zig-
zags qui distiogue cette remarquable caverne.
Les parois des fissures ont été décomposées par un agent
corrosif, et la formation des cavernes est le résultat de cette
corrosion. Ce sont les cavernes de Montaigle qui montrent
le mieux ce phénomène.
De même nous devons voir dans les amas d'argile com-
pacte, jaune et rouge, le produit du dépôt des eaux par
lesquelles ces cavités ont été creusées.
Ainsi la fissure qui se trouve sur l'axe longitudinal de la
caverne, la corrosion des parois de cette fissure et dès lors
la formation de la caverne elle-même, les amas d'ai^ile com-
pacte dans le souterrain, seraient les manifestations diverses
d'un phénomène interne.
Nous pouvons le comparer à celui qui se produit encore de
nos jours dans la région de Spa. On y signale des tremble-
ments de terre suivant une direction approximative E. 0,, et
— 121 —
tions, analogues à ceux que Tinduction nous indiquait comme
ayant donné naissance à nos cavernes.
Quant à Tépoque où ces actions internes auraient eu lieu
dans nos calcaires carbonifères et dévoniens, nous ne pou-
vons arriver à la déterminer que d'une manière approxima-
tive. Le phénomène est évidemment postérieur à la période
primaire, car ces calcaires ont subi des perturbations méca-
niques considérables; la direction des fissures des cavernes
est absolument indépendante de cette dislocation et nous
avons vu que la direction de la caverne est subordonnée à la
direction des failles qui en découpent la voûte.
D'un autre côté, des dépôts quaternaires seuls recouvrent
la paroi inférieure où se trouvent les amas d'argile compacte.
Le phénomène aurait donc agi entre les périodes primaire
et (juaternaire.
Dumont a remarqué l'analogie minéralogique de nos argiles
de filons avec d'épais amas d'argile qui, dans le Hainaut, sont
recouverts par le Grès vert et qu'on considère comme apparte-
nant à l'époque crétacée, sinon comme représentant à la fois
dans cette région la période jurassique et le commencement
de la période crétacée ^ . On serait donc tenté de rapporter
la formation de nos cavernes à ces temps. Mais comme une
action semblable à celle qui dut leur donner naissance, se
produit encore dans les environs de Spa, il y a lieu d'être
circonspect pour fixer la date exacte de ce phénomène sou-
terrain, dans la province de Namur. D'autres faits, du reste,
indiqueraient peut-être le commencement de l'époque quater-
naire pour l'époque du dépôt d'argile compacte dans plu-
sieurs cavernes.
II. Les analogies de structure du dépôt de cailloux roulés
et du limon qui le surmonte, ont été signalées plus haut. Cette
structure est celle des alluvions fluviales, comme nous l'avons
également remarqué, et ce n'est pas là un fait nouveau.
' Bkiart et Cornet. — Description de V étage inférieur du terrain cré-
tacé du HainauU (Mém. cour. deTAcad. roy. deBelgique,t.xxxni,l867.)
— 122 -
Depuis longtemps, d'Archiac a appelé alîuvions anciennes
ces dépôts dans l'Europe occidentale,etlfis principaux auteurs
qui les ont décrites, les ont également considérés comme dus
à des cours d'eau. Nous devons donc en déduire que la déter-
mination des conditions dans lesquelles ces dépôts se sont
formés, est un problème d'hydrographie fluviale, ainsi, du
reste, que nous l'indiquent les grands travaux de MM. Prest-
■wich et Belgrand sur les vallées de la Tamise, de la Somme
et de la Seine.
Quand on suit le raccordement des terrains primaires sur
les deu\ flancs de ces vallées, on remarque, dans certains cas,
une dénivellation qui dénote l'existence d'une faille sur la
direction delà vallée. C'est ce que notre vénérable Président
avait déjà constaté, il y a plus de quarante ans, par
des considérations hypsométriques. La Meuse traverse en
Ardenne des plateaux de quartzites et d'ardoises qui ont plus
de 500 mètres de hauteur, au lieu de traverser les dépôts
crétacés du bassin de Paria qui sont beaucoup moins cohé-
rents et qui n'ont guère que 400 mètres d'altitude. La Meuse
n'eut pas pris cette voie, dit M. d'Omalius, si elle n'avait
trouvé dîins les plateaux de l' Ardenne des fentes toutes pré-
parées pour son écoulement'.
Mais les lèvres de ces fentes ont subi de si profondes modi-
fications que ce n'est que par des considérations analogues
aux précédentes qu'on peut s'assurer de la préexistence d'une
fracture. Nous en avons la démonstration évidente dans la
— 123 —
260 mètres ; il s'incline rapidement de 30 mètres ; puis Tin-
clinaison n'est que de 50 mètres sur une longueur moyenne
de 1,500 mètres. Cette pente se reproduit sur les deux rives.
Je n'ai jamais rencontré des cailloux roulés de l'Ardenne sur
les altitudes de 260 mètres entre Givet et Namur, mais bien
à l'altitude de 230 mètres et à tous les niveaux inférieurs k
cette côte jusqu'au fond des vallées ; en d'autres termes, ces
cailloux se trouvent non-seulement sur les flancs de celles-ci,
mais encore jusqu'à une hauteur de 140 mètres au-dessus de
l'étiage.
La vallée proprement dite qui échancre cette large dépres-
^ioD, est profondément encaissée. Ainsi, entre Namur et
Dînant, elle n'a d'ordinaire à son sommet qu'une largeur
de 6fK) à 800 mètres, tandis qu'au niveau de l'étiage,
eDe atteint rarement 400 mètres. Sa profondeur est de
90 mètres.
La vaJlt^ de la Meuse, définie par ces escarpements, est
anaeose.mais la vallée de laLesse l'est bien davantage, quoi-
qu'elle 5cît naoini» large encore. Or, la disposition de leur»
iàis/rs^ e?t 'ïoîimiie, dans leurs sinuosités, à la loi des méan-
dres : ie £anr concave (par rapport à l'axe de la vallée) e^^t
fi-TVsaçtt es^rarpé; le flanc convexe l'est beaucoup moins.
î^icf <lev-c.Cî5 déjà en déduire qu'une action fluviale très con-
ikut m »2d peur la formation de ces vallées.
À? fjkn^ on vexe piésente une autre disposition »pé-
GÛt rïi :^'a V^ é»^Lapper aux membres du Congre» dani*
r*x?z^:r: *nx carreriie? de la Lesse. Une terrasse, d^/nt la
ks't'iT Ti j^^Ti'a prêr de 100 mètres, sV ét^md à 30 mètres
91 ttie^ïii? i: rér:A^«r. La furface de cette terrasse e^t d*ordi*
lÊ» r:»r^-er:c 5t *::kî7y.ix r*>Tilés quaternaires.
Lîîr V.rft* ^ 'a frhrvij^ cii a déterminé la' direction #fe
A
iiif r.fiz-r r-Est-. zd i:ir* r:;b: un ùàr.oin^metït f:f/wr.iéTa}A^
m
mz ^nzTT^r: ^^z, T^fs^é: â un rmfemeîît total, c'est à dire qo^
124 —
Mais comment ce creusement, s'est-il effectué? Il serait dif-
ficile de contester qu'il a été successif, que le cours d'eau a
progressivement approfondi son lit. En effet, nous remar-
quons que le façoanemeut des vallées a db se faire sous l'ac-
tion de plusieurs phénomènes hydrologiques, comme le met
en évidence la disposition des abords et des flancs de ces
vallées.
Les dépressions symétriques des plateaux dans le voisi-
nage des échancrures nous montrent l'action d'un cours
d'eau puissant, large de 4,000 à 6,000 mètres, creusant un
sillon de 80 mètres de profondeur suivant une direction
presque rectiligne, ainsi qu'on pourra s'en assurer par la
planche,en joignant, dans le sens de la Meuse et delà Lesse,
les points d'altitude de 260 mètres, soit la courbe de 140 mètres
au dessus de l'étiage. Les solutions de continuité que ce
raccordement supprime d'une manière idéale, sont dues
ordinairement à la formation postérieure de ravins qui ont
échancré les plateaux. Des cailloux roulés recouvrent le fond
de cette dépression et sont les mêmes que les cailloux roulés
de l'époque quaternaire, ce qui tend à montrer que ce large-
sillon s'est formé durant cette époque, et je ne sais sur quels
argumenta on se fonderait pour croire qu'ils sont plus
anciens.
Mais après la formation de cette dépression, l'action des
puissants cours d'eau changea complètement, car elle se
manifesta d'une manière bien différente. Ils échancrent pro-
— 125 —
ou moins escarpés, suivant qu'ils coïncident avec une conca-
vité ou une convexité de la vallée.
Le fond de ce sillon est recouvert de cailloux roulés et de
limon fluvial, au milieu desquels se trouve le lit de la Meuse
mesurant une largeur de 80 à 100 mètres à la hauteur de
Dinant.
n est donc évident que l'action des fleuves qui ont causé
ces érosions, s'est produite sous des aspects différents, et
qu'ils ont approfondi leur lit sur une grande échelle.
Un cours d'eau entame le sol de deux manières diffé-
rentes, n use le terrain par le frottement de ses eaux et surtout
par les cailloux qu'elles entraînent, et c'est à cette cause que
nous pouvons attribuer la formation des larges dépressions
aux abords des vallées; ou bien, lorsqu'il traverse des roches
dures et qu'il a une pente suffisante, il forme des cataractes,
commele font le Rhin, à Schaffhausen, et leNiagara. Il donne
alors naissance à des échancrures à bords souvent verticaux,
dont le lit est très accidenté. C'est le cas également pour
les ravins profondément encaissés de la province de Namur.
Mais si les vallées de nos terrains primaires ont été creu-
sées par des cataractes, nous devrions admettre qu'il y en
avait constamment deux à des hauteurs différentes : la su-
périeure avait une chute de 60 mètres, et l'autre, de 30 mètres.
Nous devrions admettre encore que les bords verticaux de
ces échancrures ont été ensuite fortement façonnés , de
manière à manifester les lois des méandres auxquelles les
vallées de nos principaux cours d'eau sont toujours sou-
mises, ce qui n'est pas le cas ordinaire pour les ravins. Cette
question est du reste encore à élucider. Mais la théorie
hydrologique se complète, quand on l'applique à l'interpréta-
tion du remplissage des cavernes.
Les cavernes sont situées à toutes hauteurs sur le flanc
des vallées. Il était à prévoir que le grand phénomène fluvial
qui a opéré le creusement, comme nous venons de le démon-
trer, eût laissé des traces de son action dans ces cavernes :
les dépote fluviaux, formés dans les vallées par les anciens
fleuves, ont dû aussi se former dans les cavités qui s'ouvrent
sur les vallées. C'est pourquoi nous y retrouvons les dépôts
de cailloux roulés et le limon fluvial de l'extérieur.
Nous savons qu'un cours d'eau ne dépose pas ses sédi-
ments au hasard. S'il lui faut une vitesse déterminée pour
entamer le roc, il lui en faut une non moins déterminée pour
transporter les cailloux roulés, le g-ravier, le sable ou le
limon.
Le dépôt de cailloux roulés est toujours un dépôt de fond,
mais le limon se dépose sur les berges et, pendant les crues,
aux abords des berges.
Les cailloux roulés ont été rencontrés dans les cavernes
suivantes :
Trou de la Naulette. (28 mètres au dessus de l'étiage).
Trou Magrite . . (25 ■ — ).
Trou du Frontal. . (14 — ).
Trou des Allemands. (3 — ).
Ces cavernes sont largement ouvertes, sauf le Trou de la
Naulette où l'on ne trouve du reste des cailloux roulés que
dans les poches de l'entrée; les cailloux y sont remplacés
dans l'intérieur par du gravier et du sable. C'est aussi le cas
pour le Trou du Sureau.
Dans les autres cavernes dont l'entrée est plus étroite, les
cailloux et le sable sont remplacés par du limon. Celui-ci
fàe
— 127 —
ossements y furent introduits. Mais comme ces niveaux ossi-
fères alternent avec du limon fluvial , il est évident que les
eaux sont revenues à plusieurs reprises dans la caverne. Par
conséquent, le cours d eau qui déposa ce limon, était sujet à
des crues considérables.
Le Trou de la Naulette contient sept nappes de stalagmite
bien cristallisée, alternant avec autant de nappes de limon
fluvial. C'est encore la preuve d'une série de crues et de
retraits de la Lesse à l'époque quaternaire. Remarquons aussi
que les stalagmites et les stalactites ne se forment que très
exceptionnellement aujourd'hui. Elles sont, dans toutes les
cavernes que j'ai fouillées, presque entièrement de l'époque
quaternaire.
Il est donc facile de démontrer que les fleuves quaternaires
avaient un régime torrentiel. Ils étaient sujets à se gonfler
sur une grande échelle, et, dans ces temps de crues, la puis-
sance d'approfondir leur lit était sans doute augmentée.
Gomme les ossements qu'on rencontre dans le limon fluvial
des cavernes, appartiennent toujours à l'âge du Mammouth,
de même que ceux que l'on rencontre dans le limon fluvial
de l'extérieur, il s'en suit que ce creusement a eu lieu pen-
dant une époque parfaitement définie.
Telle est en résumé l'interprétation de ces phénomènes
quaternaires : une action fluviale puissante a creusé les
vallées, a déposé sur leurs flancs des alluvions caillouteuses
et limoneuses, a ouvert les cavernes et y a introduit les
mêmes alluvions. Les cavernes les plus élevées ont étéouvertes
les premières et les vestiges de l'existence de l'homme qui s'y
trouvent dans les alluvions fluviales, sont sans doute d'autant
plus anciens que la caverne est plus élevée. Ces fleuves qua-
ternaires enfin étaient soumis à des crues répétées qui ont
produit les alternances des couches ossifères et des couches
stériles, alternances qui sont l'un des faits les plus saillants
de nos cavernes.
III. Au dessus de ces dépôts fluviaux , l'argile à blocaux
- 128 -
apparaît dans plusieurs cavernes quelle que soit la hauteur de
celles-ci au dessus des étiages. Je n'ai pu me rendre compte
de son mode de formation ni à ciel ouvert, ni dans les ca-
vernes où elle renferme à sa base la faune de l'âge du Kenne.
Il faut donc qu'elle appartienne & un autre âge que le limon
fluvial et ainsi nous ne pouvons la rattacher au grand phé-
nomène hydrologique dont nous venons de faire l'étude. Cette
ai^ile n'a du reste pas le caractère d'un dépôt d'eau cou-
rante.
IV. Les cavernes étant creusées dans des roches très fis-
surées, on comprend queleséboulis y soient fréquents. Le plus
remarquable est celui du Trou de Chaleux, qui s'est produit
pendant l'âge du Renne (pi. 33). Celui du Trou du Sureau
(pi. 35) est récent et a moins d'importance,
V. Les ossements humains de la sépulture de Gendron se
trouvaient dans un humus végétal qu'on peut considérer
comme produit par des feuilles apportées par l'homme pour
entourer les cadavres (pi. 36).
VI. Plusieurs cavernes se trouvent en communication avec
l'e.ttérieur par une seconde ouverture. Des cours d'eau y
pénètrent quelquefois comme dans la célèbre grotte de Han,
mais il arrive aussi que la seconde ouverture est creusée dans
la voûte du souterrain. Il se forme ainsi un entonnoir par
lequel les terres de la surface sont entraînées lors des pluie.<
ou de la fonte des neiges et viennent produire, dans la
caverne, des amas d'ai^ile et de pierres anguleuses sous la
— 129 —
3. Argile à blocaux,
4. Éboulis,
5. Matières introduites par rhommeou par les animaux,
6. Dépôts formés par les eaux superficielles qui s'intro-
duisent dans les cavernes par des fissures.
Le mode d'introduction des ossements a été également
déterminé dans presque tous les cas. Le voici pour nos prin-
cipales cavernes :
CAVERNE d'hASTIÈRE.
*r niveau ossifère. Repaire d'hyènes et d'Urmis ferox. Limon flu-
vial. Age du mammouth.
4^' >^ Repaire d'hyènes et d'ours des cavernes. Limon
"^ fluvial. Age du mammouth.
3^ )) Repaire d'hyènes et habitation de l'homme.
Limon fluvial. Age du mammouth.
2' î» Habitation de l'homme. Limon fluvial. Age du
mammouth.
P^ » Habitation de l'homme. Limon fluvial. Age du
mammouth.
TROU DE l'Érable.
Habitation de l'homme. Limon fluvial. Age du mammouth.
TROU DU CHÊNE (PL. 35).
3^ niveau ossifère. Habitation de l'homme. Limon fluvial. Age du
mammouth.
2^ » Habitation de l'homme. Argile à blocaux. Age
du renne.
1*''' f> Habitation de l'homme. Age de la pierre polie.
TROU DU SUREAU (PL. 35).
4' niveau ossifère. Habitation de l'homme. Limon fluvial. Age du
mammouth.
3« » Habitation de l'homme. Limon fluvial. Age du
mammouth.
2« » Habitation de l'homme. Argile à blocaux. Age
du renne.
!«■' niveau ossifère. Habitation de l'homme. Éboulis. Age de la
pierre polie.
TROU DE OENDRON (PL. 36).
S' niveau osRif^re. Repaire d'hyènes. Limon fluvial. Age du mam-
mouth.
2^ }> Sépulture humaine. Humus. Age de la pierre
polie.
TROU DES MUTONS fPL. 3Z).
2< niveau ossifere. Mode d'introduction? Limon fluvial. Age du
mammouth.
I^r » Habitation de l'homme. Argile à blocaux. Age
TROU DU FRONTAL (PL. 31).
2« niveau ossiiere. Gite de Castor. Limon fluvial. Age du mam-
mouth.
1" » Sépulture humaine. Argile à blocaux. Age du
renne.
TROU REUVIAU.
Habitation de l'homme. Age du renne.
TROU ROSETTE.
Mode d'introduction non déterminé. Argile à blocaux. Age du
renne.
TROU DB CHALEUX (PL. 3
— 131 —
2^ niveau ossifère. Mode d'introduction? Limon fluvial. Age du
mammouth.
1'^ > Habitation de Thomme. Argile à blocaux. Age
du renne.
TROU DE l'hyène.
Repaire d'hyènes. Limon fluvial. Age du mammouth.
TROU MAGRITE.
Les 4 niveaux ossifères. Habitation de Thomme. Limon fluvial.
Age du mammouth.
TROU DE PONT A LESSE.
Habitation de Fhomme. Éboulis. Age de la pierre polie.
2® CAVERNE DE GOYET.
Habitation de Thomme. Limon fluvial. Age du mammouth.
3® CAVERNE DE GOYET.
i>' niveau ossifere. Repaire de lions et d*ours. Limon fluvial. Age
du mammouth.
4" » Repaire d'hyènes et d'ours. Limon fluvial. Age
du mammouth.
3»^ » Habitation de l'homme. Limon fluvial. Age du
mammouth.
2^ » Habitation de l'homme. Limon fluvial. Age du
mammouth.
1er 9 Habitation de l'homme. Limon fluvial. Age du
mammouth.
4'' CAVERNE DE GOYET.
2^ niveau ossifere. Repaire d'hyènes et d'ours et habitation de
l'homme. Limon fluvial. Age du mam-
mouth.
l^r ï) Habitation de l'homme. Limon fluvial. Age du
mammouth.
CAVERNE DE MODAVE.
&* niveau ossifere. Repaire d'hyènes. Limon fluvial. Age du mam-
mouth.
— 132 -
r><= niveau OA.sif^re. Habitation de l'homme. Umon fluvial. Age du
mummouth.
4* H Kepaire d'oui's des cavernes. Limon fluvial. Age
du mammouth.
;> » Habitation de l'homme. Limon Ruvial. Age du
mammouth.
2' 11 Habitation de l'homme. Limon fluvial. Age ilu
mammouth.
1" » Habitation de l'homme. Limon fluvial. Age du
mammouth.
CAVERNE d'ENGIS.
'> niveau ossifère. Repaire d'hyènes. Limon fluvial. Age du mam-
mouth.
i" )> Sépulture humaine? Limon tluvinl. Age du
mammoutli.
L'époqve quaternaire dans le bassin de Paris,
par M. BGLOEAMn.
On sait que les terrains quaternaires du Nord de la France
et de la Belgi(iue ont été déposés par les eaux courantes aux
points où nous les voyons aujourd'hui; c'est en cela préci-
sément qu'ils diffèrent des terrains sédimentaires qui, en
général , se sont déposés au fond d'une mer ou d'un lac , et
des terrains quaternaires de l'Allemagne du Nord, de la Po-
logne, de la Russie et de quelques points de l'Angleterre
qui , en partie au moins , ont été transportés par des glaces
— 133 —
appelle une allnfnon. Lorsque l'alluvion atteint le niveau de
lancienne rive , elle se couvre de matières limoneuses dans
lesquelles la végétation ne tarde pas à s'établir et, arrivée
à cet état, elle appartient, d'après la loi française, au pro-
priétaire riverain. D'après cela, la rive concave corrodée est
disposée en pente rapide , la rive convexe alluvionnée est
au contraire disposée en pente douce. Cette loi se vérifie pour
tous les cours d'eau, grands ou petits, pour peu que leur ré-
gime soit violent.
Elle est vraie aussi pour toutes les vallées d'érosion.
Lorsque, à chaque tournant, le coteau concave d'une vallée
est en pente rapide et le coteau convexe en pente douce, on
peut affirmer que la vallée doit son dernier modelé au pas-
sage d'un cours d'eau violent. Telles sont toutes les vallées
du bassin de la Seine et du Nord de la France; j'ai reconnu,
à notre excursion à Namur, que les vallées de la Belgique
qui longent le chemin de fer, étaient disposées de même.
Beaucoup d'autres faits tendent à prouver qu'une grande
masse d'eau a sillonné les plaines du Nord de la France et
de la Belgique. Je ne veux pas dire qu'il n'existait pas de
vallées dans ces plaines, mais toutes portent l'empreinte du
passage d'une eau violente : je me borne à indiquer ici cette
loi des tournants qui est caractéristique.
Ces courants diluviens étaient destructeurs et par consé-
quent chargés d'une grande quantité de limon ; c'était
une véritable mer de boue qui se déplaçait. Or, il est
un fait bien établi par les travaux de Dubuat : tant qu'une
eau courante est animée d'une vitesse dépassant 0™20 par
seconde, les limons en suspension ne se déposent pas. Dès
que la vitesse s'abaisse au dessous de 0"20, il se forme brus-
quement un premier dépôt de limon grossier, puis les limons
fins s'abaissent lentement, comme un nuage, et forment un
second dépôt au dessus du premier.
Les courants diluviens qui modelaient les vallées, ont
passé par dessus toutes les plaines du Nord de la France et
9
■ 134 -
de la Belgique, et, lorsque, par suite de l'abaissement des
eaux, ces courants ont perdu leur vitesse, ils ont laiss'é tomber
cette double couche de limon, grossière à la base, fine à la
surface. Les plateaux peu accidentés comme ceux de la Bel-
gique, de la Flandre française, de la Picardie, du pays de
Caux, du Vexin français et normand, de la Brie, de la
Beauce, etc., ont conservé ce dépôt limoneux, habituelle-
ment d'une couleur ocreuse et qu'on a appelé limon rouge.
La couche supérieure forme la terre végétale de ces riches
contrées ; c'est aussi la terre k briques de la Belgique et du
Nord de la France.
Ces mêmes limons ont passé sur des contrées plus acci-
dentées, telles que la Bout^ogne et la Champagne ; on n'eu
saurait douter puisqu'on en trouve çà et là des traces ; mais
en général les limons abandonnés par les eaux courantes ne
restent pas sur les pentes; le batillage de l'eau les fait des-
cendre jusqu'au fond des vallées. C'est, eu effet, au fond des
vallées sèches de la Bourg-og^ne, qu'on trouve des traces de
ces dépôts. Les pays montagneux, tels que la Bourgogne, ou
simplement couverts de collines, comme la Champagne, ne se
sont donc pas couverts de limon rouge.
Je ne puis traiter plus longuement cette question, qui
m'entraînerait au delà des limites de cet article.
Les courants qui creusaient les vallées, ont jeté sur les
coteaux convexes des tournants les materiaux solides déte-
chés des coteaux concaves ou entraînés par l'eau au fond de
— 135 —
roches du voisinage, surtout des pentes des coteaux concaves
des tournants.
Ces phénomènes se sont accomplis à Torigine de l'époque
quaternaire.
TERBAINS QUATERNAIRES.
Les courants diluviens ont été remplacés par des cours
d'eau permanents, qui ont remanié les déjections solides
déposées au fond des vallées. Ces cours d'eau étaient consi-
dérables. La Seine, à Paris, dans l'origine, n'avait pas moins
de six kilomètres de largeur; elle coulait alors à 37 mètres
environ au dessus de son lit actuel. Mais, par suite du relè-
vement lent du continent, qui se continue encore de nos jours
dans le nord de l'Europe, elle a abaissé peu à peu son lit en
le resserrant dans une vallée plus étroite. Ce travail d'abais-
sèment est caractérisé par des dépôts de matériaux solides et
limoneux. Des terrains de transport analogues se sont formés
dans la vallée de la Somme et ont été étudiés avec beaucoup
de soin par M. Prestwich, qui a désigné les plus élevés sous
le nom de dépôts des hauts niveaux^ et les plus bas, sous le
nom de dépôts des bas niveaiix. J'ai adopté les mêmes noms
pour la vallée de la Seine. Des phénomènes analogues se
sont accomplis dans toutes les vallées du bassin de la
Seine.
Ces terrains se distinguent des déjections diluviennes par
les caractères suivants :
1* Ils contiennent du sable de rivière, c'est à dire, un sable
sec, graveleux, qui ne tache pas les doigts et qui est propre
à la confection des maçonneries.
2" Les cailloux sont beaucoup plus roulés et ne se composent
plus seulement des débris des roches du voisinage; le cours
d'eau, étant permanent, a eu le temps de transporter des
détritus provenant des points les plus éloignés de son bassin.
C'est ainsi que la Seine, à Paris, renferme des débris du
granit du Morvan.
136 —
3' Ces grands fleuves étaient soumis aux lois d'alhivîon-
nement décrites ci-dessus. Ils corrodaient leurs rives con-
caves dans les tournants et jetaient les alluvions, soit sur
leurs rives convexes, soit dans les anses formées par l'expan-
sion de leurs lits.
4* C'était également en ces points d'alluvionneraent que
les corps flottants , notamment les cadavres des animaux
noyés et les coquilles terrestres entraînées par l'eau, venaient
tournoyer et atterrir. C'était sur les pentes douces que s'éta-
blissaient les abreuvoirs naturels des animaux de l'hge de la
pierre et que ces animaux se noyaient quand, poussés par
la soif, ils se précipitaient tumultueusement vers le fleuve,
comme le font encore les herbivores de l'Amérique méridio-
nale.
Ces plages de gravier étaient certainement accessibles, en
temps de basses eaux, comme le sont encore, dans les cours
d'eau modernes, les graviers du côté où se portentles alluvions ;
et lesbommes de l'âgedelapierrey descendaient, pour y tailler
ïes grossiers outils que nous y recueillons en abondance.
Les coquilles fluviatiles pouvaient vivre dans ces eaux tran-
quilles; puis ces ossements, ces coquilles fluviatiles -et ter-
restres , ces silex taillés ont été recouverts par l'alluvîon,
lorsque le fleuve a abaissé et rétréci son lit en remplissant
les parties devenues inutiles. Le petit cours d'eau moderne
est resté collé contre la rive concave. Cette démonstration est
rigoureusement exacte et s'applique à l'un quelconque des
— 137 —
5' Si Ton fait la coupe d'une sablière, non seulement à
Paris, le long des berges du fleuve, mais dans la vallée d'un
affluent quelconque de la Seine, on voit que cette coupe se
décompose ainsi :
A . Au fond de la sablière, zones alternantes de graviers
et de sables, qui, lors de leur dépôt, étaient au dessous du
niveau moyen des eaux de la rivière et, par conséquent, tapis-
saient le fond du lit. Dans les anses, sur la rive convexe des
tournants du fleuve, ces terrains de transport renferment sou-
vent des ossements de grands animaux de race éteinte, des
coquilles terrestres et fluviatiles et des silex taillés. Je donne
le nom de gravier de fond à ces couches inférieures.
Si elles font partie d'un lit rectiligne ou si elles ont été
déposées en plein courant, les ossements, les coquilles terres-
tres ou fluviatiles y sont rares.
Cette première partie des graviers a rarement plus de
4 mètres de hauteur dans les sablières de Paris.
B. Au dessus du gravier de fond vient un dépôt, que j'appel-
lerai alluvion, dépôt composé de graviers en général de moins
en moins volumineux à mesure qu'on s'élève au dessus du fond
de la carrière, alternant avec des zones de sable et acciden-
tellement avec des bandes de limon gris. L'alluvion, d'après
la définition donnée ci-dessus, s'élevait au dessus du niveau
des eaux moyennes et, par conséquent, comme dans nos cours
d'eau modernes, ne faisait plus partie du lit. Lorsque l'allu-
vion atteint le niveau des rives, ses dernières couches se
composent habituellement de sable terreux dans lequel la
végétation s'établit immédiatement : c'est un fait connu de
tout le monde. Les géologues ont donné le nom de sable gras
à cette partie de l'alluvion ; je conserve ce nom qui me paraît
excellent.
En réalité, il est impossible d'indiquer avec précision, dans
une sablière, la ligne de séparation du gravier de fond et de
l'alluvion. Je maintiens néanmoins cette division un peu
théorique, parce qu'elle est commode : les ossements et les
silex taillés ne se trouvant habituellement qu'au fond des
carrières, au dessous de l'alluvion.
C. Au dessus de l'alluvion, zone, en général assez mince,
de petits cailloux peu roulés.
Cette zone se trouve aussi en dehors du lit et à peu de dis-
tance des rives de la plupart de nos grands cours d'eau mo-
dernes; les eaux de débordement, en rentrant dans le lit,
enlèvent toutes les parties meubles ou sableuses et laissent
seulement des débris solides qui forment ainsi une couche
de cailloux peu roulés.
D. Couche de limon de couleur ocreuse, relais des eaux
de débordement. Pour bien comprendre ce dépôt, il faut se
rappeler que l'alluvion rétrécissait le lit d'un côté au fur et
à mesure que le fleuve l'abaissait de l'autre, et formait ainsi
une berge nouvelle de plus en plus éloignée de la berge pri-
mitive. Les eaux de débordement recouvraient cette plage
de gravier, qui ne faisait plus partie du lit, et y déposaient
une couche de limon, absolument comme nos cours d"eau
modernes lorsqu'ils débordent sur les plaines voisines de
leur lit.
Je donne le nom de gravier et limon de débordement à ces
zones supérieures des sablières. C'est cette dernière zone peu
épaisse de limon qui correspond au Loess des grandes val-
lées du Rhin et du Rhône.
On a méconnu jusqu'ici cette loi du remplissage du lit des
cours d'eau de l'âge de la pierre, loi bien simple et qui se
— 139 —
Enfin on a admis un dernier déluge qui aurait déposé
la couche de petits cailloux non roulés et le limon rouge
qui recouvrent toutes nos sablières.
Je viens de démontrer que ces terrains de transport étaient
purement fluviaux. Je puis maintenant rentrer dans la
question qui est en ce moment discutée devant le Congrès.
On a découvert des dépôts d'ossements dans la plupart des
grandes vallées du bassin de la Seine, tous dans les condi-
tions indiquées ci-dessus. Les dépôts de silex taillés sont plus
rares, par une raison bien simple : les peuplades qui han-
taient les bords des rivières, n'y descendaient, pour tailler
leurs outils, que lorsque les silex manquaient hors de l'eau, à
la surface du sol.
A Paris, on a trouvé plusieurs de ces dépôts fluviatiles;
trois sont particulièrement remarquables. L'un, que j'ai
appelé anse de Montreuil, appartient aux hauts niveaux.
Les deux autres, qui se trouvent sur la rive convexe des deux
grands tournants que la Seine forme à Paris, les plages de
gravier de Grenelle et de Levallois, appartiennent aux bas
niveaux. On a recueilli d'immenses quantités d'ossements
dans les trois dépôts, toujours au fond des sablières, c'est à
dire sous des couches d'alluvion qui ont jusqu'à trois mètres
d'épaisseur.
Chose bien singulière, ces ossements, déterminés par
Lartet, ont prouvé que les trois faunes étaient presque
identiques ; de sorte que, pendant toute la durée de l'âge de
la pierre, les mêmes animaux ont vécu sur les plateaux di*
voisinage de Paris. Il y a cependant certaines différences et
elles sont caractéristiques.
Le Benne a été découvert à Levallois par M. Rebouxet par
moi ; dans les sablières des bords de l'Yonne, près de Sens,
par M. Tingénieur Hemblot, et sur les bords de l'Oise, par
M. Alph. Milne Edwards ; en somme, il n'est pas rare dans les
sablières des bas niveaux.
n manque, au contraire, dans toutes les sablières des hauts
— 140-
niveaux, non seulement àMontreuil, mais à Saint Acheul,
sablière des hauts niveaux de la Somme ; à Saint Prest,
sablière des hauts niveaux de l'Eure ; à Auxerre, sablière des
hauts niveaux de l'Yonne. Les couche? ossifères des cavernes
où l'on trouve le renne, paraissent donc correspondre aux
sablières des bas niveaux de nos rivières'.
Les sablières des hauts niveaux de la Cure et de l'Yonne,
dont des restes ont été trouvés à Arcy, h Vermenton et à
Auxerre, sont plus élevées que les grottes d'Arcy; par con-
séquent elles remontent h une époque où l'ours des cavernes
n'habitait pas encore les grottes où ses ossements ont été
trouvés en si grande quantité.
Les ossements du grand ours sont extrêmement rares dans
les sablières ; j'en ai découvert une molaire dans les haute
niveaux de Montreuil ; Lartet, qui l'a déterminée , m'a
affirmé que c'était le seul ossement de ce carnassier, prove-
nant des terrains de transport, qui fût authentique à ses
yeux.
Traces du travail de Thomme. — Je n'ai pas trouvé de silex
taillés dans les sablières des hauts niveaux de Montreuil. Mais,
dans les sablières des haute niveaux de la Somme, on a été
plus heureux. Je reprends les trois moulages qui ont été pré-
sentés par notre confrère M. Dupont ; les deux outils qui se
terminent en pointe, sont semblables à ceux qu'on a décou-
verts en quantité innombrable dans la couche épaisse d'allu-
vions que la Somme a jetée dans son aocieo lit de Saint
Acheul, avant de l'abandonner. Ces silex sont taillés sur les
— 141 —
polie, exprimait l'opinion que cette fabrication était peut-
être arrivée sur place, par un progrès continu, aux formes
les plus parfaites des derniers temps de la pierre. Il vous a
montré ce troisième moulage, de forme presque rectangulaire,
trouvé dans la même localité et qui, sauf la forme, est taillé
identiquement de la même manière. Jamais, suivant lui, on
n'a trouvé ces perfectionnements dans le travail des peu-
plades troglodytes, qui semblent avoir conservé obstinément
les mêmes formes.
Je dois vous faire remarquer d'abord que le troisième mou-
lage appartient réellement à l'âge de la pierre polie, qu'il n'a
jamais été enfoui sous la couche épaisse des alluvions ; je suis
bien certain que si notre confrère M. de Mortillet était ici, il
ne me démentirait pas ^
L'opinion de M.. Dupont me paraît très séduisante. J'hé-
site cependant à l'adopter ; voici pourquoi :
En quittant les hauts niveaux de Saint Acheul, la Somme
a abaissé son lit en le reportant vers sa rive concave, c'est à
dire, sur la rive droite. Elle a continué à jeter ses graviers et
ses sables sur la rjve gauche, notamment à Montières, à
30 mètres au moins au dessous du niveau de Saint Acheul.
Les silex taillés sont assez rares dans les graviers des bas
niveaux. M. Louis Lartet, qui en a recueilli quelques-uns,
m'a dit qu'ils étaient taillés d'un côté seulement, qu'ils
étaient en un mot de la forme dite de Mousiiers, Néanmoins
ces pièces sont trop peu nombreuses pour pouvoir servir de
base à un système.
Mais les graviers des bas niveaux de la Seine, à Paris,
sont incomparablement plus riches que ceux de la Somme, à
Montières. M. Reboux, à Levallois, et M. Martin, à Grenelle,
1 L*original se trouve au Musée de S^ Germain et a été découvert dans
le terrain quaternairede la vallée de la Somme. Je tiens ce renseignement
de M. de Mortillet lui-même, qui m'a remis ce moulage comme représen-
tant Tun des types remarquables des silex taillés de cette époque. Il res-
semble beaucoup au silex de Tàge de la pierre polie figuré sur la pi. 59.
É. Dupont.
142 -
ont découvert une immense quantité de silex taillés, toujours
dans les graviers de fond, c'est à dire, sous une épaisse couche
d'alluvion. La plupart de ces silex sont taillés sur une face
seulement et ont été détachés du nucléus par un coup de
marteau qui laisse l'autre face plane avec bulbe de percus-
sion. Beaucoup appartiennent au type dit de Moustiers. Les
silex taillés sur les deux faces y sont relativement rar^î :
sur 4,000 pièces trouvées par M. Reboux, à peine en compte-
t-on une trentaine qui appartiennent à ce type.
Or les graviers des hauts niveaux de Saint Acheul, comme
ceux de Paris, sont plus anciens que les graviers des bas
niveaux. Si donc on considère comme plus parfaits les silex
de Saint Acheul, il faut aussi déclarer que les peuplades qui
habitaient les bords de la Seine à l'époque des bas niveaux,
étaient en décadence ; mais cela ne nous semble nullement
démontré. Le silex de Saint Acheul n'est qu'une arme gros-
sière. Le silex taillé sur une face seulement se prête, dans ses
formes variées, àtous les besoins d'une peuplade de chasseurs
sauvages, et cela est si vrai qu'à l'ftge des dolmens, beaucoup
de ces formes, telles que celles des grattoirs, couteaux, etc. ,
ont été conservées.
Ces silex des bas niveaux de Paris, taillés sur une face
seulement, ressemblent beaucoup à ceux des cavernes de
l'époque du renne. Ainsi non seulement les troglodytes de la
Belgique, des bords de la Vésère,delaCure, del'Ariège, etc.,
étaient contemporains des peuplades qui hantaient les rives
— 143 —
ment, nos petits glaciers de 15 à 20 kilomètres au plus se
seraient-ils développés jusque dans les plaines de la Bresse et
jusqu en aval de Lyon, dans la vallée du Rhône?
Tous les cours d'eau de Tâge de la pierre taillée étaient
donc violents, et la tourbe ne pouvait se développer sur leurs
bords, puisque, dans leurs crues, ils emportaient tous les
végétaux dont l'accumulation forme la tourbe, ou les empor-
taient dans les limons qu'ils déposaient sur leurs rives.
Il y a donc eu une grande révolution météorologique qui,
en diminuant l'intensité des pluies, a réduit les grands cours
d'eau aux proportions de nos ruisseaux actuels, et qui a
permis à la tourbe de se développer dans certaines condi-
tions que je vais indiquer sommairement.
Certains terrains sont imperméables. Tels sont, dans le
bassin de la Seine, le granit, le Lias, le terrain crétacé infé-
rieur. Les eaux pluviales, ruisselant à la surface de ces ter-
rains, arrivent avec une grande rapidité aux thalwegs ; les
cours d'eau qui en résultent, sont donc restés violents et
limoneux, et, pas plus que dam Vâge de la pierre taillée, la
tourbe ne peut aujourd'hui se développer sur leurs bords.
D'autres terrains sont perméables , et les eaux pluviales
n'arrivent aux thalwegs qu'en passant par les sources. Les
crues des cours d'eau alimentés par ces sources, montent
lentement et régulièrement et restent limpides ; la tourbe,
depuis l'âge de la pierre, a donc pu se développer sur les
bords de ces ruisseaux tranquilles. Ces terrains perméables
sont, dans le bassin de la Seine, la craie blanche, le calcaire
grossier, les sables de Fontainebleau et le calcaire de Beauce.
A l'époque de la pierre taillée, les pluies tombaient avec
assez d'abondance pour n'être pas absorbées sur place ; les
cours d'eau étaient donc violents.
J'ai déjà cité la Somme, rivière de la craie blanche, qui,
à Amiens, roulait autrefois des cailloux, et qui aujourd'hui
est si tranquille qu'elle a rempli son dernier grand lit de
l'âge de la pierre avec de la tourbe.
J'ai exécuté des travaux considérables dans une autre
vallée de la craie blanche, celle de la Vanne. Xai été conduit
à faire une coupe de l'ancien Ut de cette rivière, aujourd'hui
rempli de tourbe. La Vanne roulait alors du gravier et du
limon, et son lit avait 300à400 mètres de largeur moyenne.
Aujourd'hui la rivière est' alimentée uniquement par des
sources, et son lit a 1 1 mètres de largeur.
L'époque quaternaire a donc commencé par une grande
submersion générale, par un déluge d'eau courante, et s'est
terminée par une révolution météorologique.
Sur les cailloux roulés des dépôts quaternaires et sur les
antiquités préhistoriques du duché de Limbourg, par
M. Casimib Ubaohs.
On sait que, dans le duché de Limboui^, la vallée de la
Meuse et les hauteurs euvironnantes sont recouvertes par le
diluvium ou terrain de transport de l'époque quaternaire. Ce
dépôt est composé de fragments roulés de différentes roches.
Il présente des couches fort irrégulières et très variées
BOUS le rapport de leur composition. L'une de ces couches,
qui est d'une épaisseur considérable, se compose de quart-
zites, de psammites, de fragments de roches dévoniennes
et carbonifères, de grès houillera, de schistes et d'une pro-
digieuse quantité de siles, parmi lesquels on reconnaît le
silex gris, en plaques et en rognons, qui caractérise la
— 145 -
grands pachydennes, tels que le Mammouth, le Rhinocé-
ros, etc.
Sur le versant oriental du plateau de la célèbre montagne
Saint Pierre, près de Maestricht, on observe des faits d'un
intérêt particulier. Ce plateau est couvert par le dépôt de
cailloux roulés, et ce dernier l'est à son tour par le limon ou
Loess. Dans certaines localités, la couche du limon est fort
mince sur une étendue assez considérable; dans d'autres
même, elle fait complètement défaut, laissant à nu le gravier
quaternaire. En ces endroits, la charrue, après avoir traversé
la couche de terre végétale , attaque la partie supérieure du
dépôt de cailloux roulés et amène à la surface une quantité
considérable de ce gravier, au milieu duquel on trouve beau-
coup d'éclats de silex, ainsi que des silex grossièrement tra-
vaillés par la main de l'homme. Parmi ces outils , les uns
sont en silex gris, à structure grossière; d'autres sont en
silex noir-grisâtre pyromaque, à structure plus fine ; d'autres
enfin sont en silex corné gris-blanchâtre. On trouve ces ya-
riétés de silex en grande quantité dans le dépôt caillouteux
de ce plateau. Ici se présente naturellement la question : d'où
vient ce silex que l'on trouve en si grande quantité dans le
terrain quaternaire du Limbourg? Les premiers habitants
qui ont occupé cette contrée et dont on retrouve aujourd'hui
les outils , sont-ils allés chercher ailleurs le silex qui a servi
à la fabrication de leurs outils , ou ont-ils employé le silex
du terrain même où les silex taillés se retrouvent au-
jourd'hui ?
Les silex qu'on trouve dans le terrain quaternaire du Lim-
bourg, appartiennent au terrain crétacé, ainsi qu'il résulte
des fossiles qu'ils renferment. J'ai publié antérieurement^
une liste des fossiles que j'ai rencontrés avec ces silex. Elle
comprend quatre-vingt-dix-sept espèces. Je me bornerai à
> Beobachtungen Uber die chemische und mechanische Zersetzung der
Ki*eide Limburg'Sy nebst einigen Bemerkungen Uber die diluvial und
Feuerstein Ablagerungen^ von C. Ubaghs, Valkenburg, 1859.
citer celles qui sont caractéristiques pour le tuffeau de
Maesti'iclit. Ce sont :
Oncopareia Bredat Bosq.
» lieterodon Bosq^
Nautitus Dekayi Morton.
Terebratella pectiniformia Schloth.
Ostrea vesiculaiHs var. tninor Bosq.
Oslrea larva Goldf,
Peclai lœvis Nilss.
Crassatella Bosqueltana D'Orb.
Denlalium Mosœ Bronn.
Voluta deperdita Goldf,
Hemipnetistes striato-radiatus Lesk.
Hemiaster pruneUa Desor.
Cassidvltts lapis-cancri Lesk.
Trochosmilia Faujasi Edw, et Haim.
AplosastrcBa geminala D'Orb.
Stepkanocœnia angulosa D'Orb,
Orhitoliles macropora Lamk.
Slellocavea Franqana D'Orb,
ainsi que plusieurs espèces de bryozoaires.
Par son caractère pétrographique , le silex gris du ter-
rain quaternaire se montre identique à celui qui se trouve
encore aujourd'hui dans le tuffeau. J'ai observé sur le pla-
teau de la montagne Saint Pierre, entre la ruine de Lichten-
bei^ et le château de Castert, sur le versant qui s'incline vers
la Meuse, une plaque de silex gris&tre d'une longueur de
prfa (i-? :) 1
— 147 —
«
quaternaire du duché de Limbourg. Le silex gris-blanchâtre
ou jaunâtre (silex corné) qu'on trouve en abondance dans
le dépôt quaternaire du Limbourg, appartient, comme son
caractère paléontologique le prouve, à la craie blanche ou
étage sénonien. J'ai publié, en 1859, le résultat de mes
observations sur le gîte primitif de ce silex dans le Lim-
bourg et la Belgique , où je lai trouvé en place dans plu-
sieurs localités, formant toujours la partie supérieure de
la craie marneuse ou de la craie blanche. Ces silex, aux
formes tuberculeuses et cylindriques, à la texture compacte,
et dont la cassure est droite ou imparfaitement conchoïde,
sont ordinairement de couleur pâle, blanchâtre, gris-jau-
nâtre ou gris-bleuâtre; parfois on trouve ces différentes
nuances dans la même couche ; fait que M. Ignaz Beissel a
constaté aussi pour les environs d'Aix la Chapelle.
On trouve une quantité considérable de ces silex dans le
dépôt quaternaire de la Meuse. Quelques-uns d'entre eux
sont travaillés par la main de l'homme.
D'où vient donc le silex corné qui se trouve en si grande
quantité dans le terrain quaternaire du Limbourg?
En suivant le plateau de la montagne sur la rive gauche
de la Meuse, dans la direction sud, on arrive à Halembaye,
à 2 1/2 lieues de Maestricht, et, un peu plus loin, à Wonck.
En ces deux endroits, la partie supérieure du plateau est
composée d'une couche de silex corné de 1 à 2 mètres
d'épaisseur. Ce silex présente en général l'aspect décrit
plus haut. Comme il a les caractères pétrographiques du
silex du terrain quaternaire, il semble permis de conclure,
avec une grande probabilité, que c'est là que le courant qua-
ternaire a enlevé ces silex blanchâtres pour les déposer à
l'endroit où ils se trouvent aujourd'hui.
Selon moi, le silex corné du dépôt quaternaire du Lim-
bourg provient donc en grande partie de la destruction de
la partie supérieure des dépôts crétacés du plateau qui s'étend
sur la rive gauche de la Meuse, entre Liège et Maestricht.
- 148 -
Reste le silex pjromaque noif'^risfttre , dont Ift structure
est compacte et la cassure conchoïde, qui se brise facilement
en fragments à bords tranchants, et qui a servi a la confec-
tioa des outils trouvés sur le plateau. Ce silex est infiniment
plus rare dans le terrain qui nous occupe. II présente une
grande analogie avec celui de la craie blanche, qui forme la
partie inférieure du plateau delà montagne Saint Pierre, et la
partie moyenne et supérieure du plateau situé près de Lanaye
et de Halembaye. On peut donc admettre que le silex pyro-
maque gris et noir provient de la craie blanche et principa-
lement de ces deux localités.
J'ai dit que c'est sur le même plateau de la montagne
Saint Pierre, dans la partie supérieure du dépàt quaternaire,
que l'on découvre, aux environs de Maestricht, les premières
traces de la présence de l'homme. Elles consistent dans des
silex grossièrement taillés. J'ai scrupuleusement examiné,
dans nos environs, les diverses coupes du terrain quaternaire;
jamais je n'ai trouvé les objets travaillés par l'homme que
dans la partie supérieure du limon, à la surface du sol et
dans la partie supérieure des tourbières.
L'existence de l'homme des âges de la pierre ne s'est donc
encore révélée sur le plateau de la montagne Saint Pierre
que pour une époque postérieure au dépôt des cailloux rou-
lés; et je puis coaclure que ces hommes ont cherché le silex
dont ils avaient besoin, dans la partie supérieure du gravier
quaternaire, sur le plateau.
— 149 —
ses nuances, le grès, la serpentine, le psammite, etc. Il en
est qui sont faits de cailloux roulés et dont la partie anté-
rieure seule est polie, aiguisée et tranchante. On en trouve
plusieurs échantillons dans la riche collection de M. Ch. Guil-
Ion, de Roermond.
Comme lieux où se font surtout ces trouvailles, nous cite-
rons le plateau de Berg, près Maestricht ; Nieuwstadt , près
Sittard; les tourbières de Montfort, entre Roermond et Echt;
Oirsbeek, les environs de Roermond, Swalmen, Renver,
Herkenbosch et Maasniel.
Ainsi se constatent , dans les environs de Maestricht et
dans le duché de Limbourg, les traces de peuplades qui,
si Ton en juge d'après les outils arrivés jusqu'à nous, étaient
contemporaines des habitants des cités lacustres de la Suisse,
et nous ne serions nullement étonnés si quelque jour le
hasard faisait découvrir, dans nos environs, des traces de ces
habitations primitives.
Les objets de l'âge de bronze présentent aussi , dans nos
contrées, une grande analogie avec ceux qu'on a trouvés dans
les stations lacustres de la Suisse. Un certain nombre d'entre
eux ont été découverts par des ouvriers qui nettoyaient les
fossés du château de Pietersheim, propriété de M. le comte
de Mérode située non loin de Maestricht. Les autres objets
en bronze ont été découverts dans les environs de Maestricht,
à Montfort, et dans les environs de Roermond et de Venloo.
Comparaison entre les terrains quaternaires ^ du Nord de
la France, de la vallée de la Lesse et du Danemark,
par M. HÉBBKT.
#*
Les terrains quaternaires du*- Nord de la ^France - sont
formés par trois catégories de dépôts. Le premftr se compose
de caiUoux roulés, de gravier et de sable, provenant des
roches que la vallée a traversées ; il s'étend dans les vallées
et sur leurs abords ; les ossements de Mammouth et de Rhi-
10
nocéros. y sont fréquente; ses Bilex taillés sont ceux qu'on
trouve à Â1)beTille et k Saint Âcheul. Le second dépôt est
le limon calcarifëre. Lié au précédent par des couches ai^lo-
f^blonneuses de passage , il est constitué en haut par du
limon pur. Il contient aussi, outre des coquilles terrestres
et lacustres, des ossements de Mammouth et de Rhinocéros et
des silex taillés semblables aux précédents. D s'élève jusqu'à
180 mètres d'altitude. Le troisième dépôt est une argile
rouge, non calcarifère, carîtctérisée par des fragments angu-
leux de silex; il ne renferme ni débris oi^aniques, ni silex
taillés, mais il s'élève plus haut encore que le précédent; il
s'étend sur les plateaux bas et ravine les dépôts quaternaires
sous-jacents ou les couches tertiHÎres.
Pour plusieurs géologues, ces trois dépôts ne sont que des
manifestations diflférentes d'un grand phénomène âuvial.
Ils seraient donc dépendants l'un de l'autre; mais je suis con-
vaincu que lep maîtres qui ont établi leur indépendance,
avaient raison : ces trois classes de dépôts correspondent aux
trois époques successives de la période quaternaire.
La vallée de la Lesse renferme la même succession de dé-
pôts. D'abord les cailloux roulés, formés de quartzites de l'Ar-
denne. Le sable en est plus argileux, parce qu'il provient de
la trituration et de la décomposition de schistes. Puis du
limon se liant aussi au dépôt de cailloux roulés. Il est plus
argileux que celui du Nord de la France; il contient aussi le
Mammouth et le Rhinocéros ; mais ses silex taillés sont de
— 151 —
complète, mais il 7 a une grande probabilité en faveur de
cette opinion.
Un lien très précieux s'établit donc entre les phénomènes
erratiques généraux de l'Europe occidentale et ceux que
M. Dupont a reconnus dans la vallée de la Lesse. Ces phéno-
mènes s'y sont développés partout de la môme manière.
On peut aussi reconnaître de Tanalogie entre ces dépôts et
les dépôts quaternaires du Danemark, où Ton observe la série
suivante :
1* Cailloux roulés avec ossements de Mammouth ;
2* Formation erratique avec blocs non roulés ;
3* Tourbières anciennes, semblables à celles qui existent
sur les dépôts quaternaires dans le Nord de la France et en
Belgique.
L'analogie est moins définie que celle que j'ai formulée plus
haut, mais il m'a paru qu'il était bon d'appeler l'attention
des géologues sur ces séries parallèles de deux régions éloi-
gnées l'une de l'autre.
Sur le remplissage des cavernes par M. Fbaas.
M. Hébert a basé sur la stratigraphie les subdivisiops
généralement adoptées pour Tâge de la pierre, et M. Dupont,
en déterminant l'âge des cavernes, a tenu compte de leur
élévation au dessus de l'étiage actuel de la rivière. La dis-
cussion se trouve ainsi placée sur le terrain de la géologie,
et la question de l'ancienneté de Tàge de la pierre devient
du ressort des géologues.
C'est comme géologue que je prends parole. Je ne puis
m'empêcher d'émettre des doutes, non sur l'exactitude des
observations faites dans les cavernes, exactitude que hier
nous avons pu constater, mais sur l'interprétation essayée
par MM. Hébert et Dupont, qui considèrent le gravier et le
limon de ces cavernes comme des dépôts formés par la rivière
de la vallée.
A mon am, les cailloux dont se compose le gravier infé-
rieur des trous Magrite et dii Frontal, n'ont rien de commun
avec les cailloux roulés par la Lesse. Ainsi qu'on pourra s'en
convaincre surleplateaudeFurfooz, ils sont plutôt identiques
aux cailloux du gravier tertiaire, qui montre dans toute la
contrée, un développement si considérable. Lorsqu'une ouver-
ture primitive ou des fissures du terrain ont mis la caverne en
communication avec ce gravier, celui-ci s'est engagé dans les
crevasses, etaes caiUouxsout allés couvrirlefond de la caverne.
L'on peut assurer avec plus de certitude encore que le
limon fin et manifestement stratifié qui recouvre les cailloux,
provient de la décomposition de la roche dans laquelle la
caverne a été creusée. Un fragment de la paroi, détaché à
l'aide d'un coup de marteau, suffit pour le démoutrer. A l'in-
térieur, on y voit un noyau de calcaire intact ; plus h l'exté-
rieur, la roche se montre corrodée et devient friable ; euGn,
à la superficie, elle s'est transformée en une poussière com-
plètement identique à celle qui, par l'effet sans doute de la
pluie et de l'humidité, s'est déposée, en couche feuilletée,
sur le versant de la caverne. Je ne conteste pas que la dispo-
sition régulièrp de ces détritus ne puisse éveiller l'idée d'un
dépôt par les eaux; mais quiconque a brisé un fragment des-
séché d'une houe formée sous la seule influence de la pluie,
a pu se convaincre que cette dernière suffit pour donner
naissance à la disposition feuilletée. Il devient donc superflu
de faire appel aux eaux de la Lesse pour expliquer la strati-
— 153 —
Les trois catégories de matériaux qui composent le sol des
cayernes, ne peuvent donc être considérées comme représen-
tant chacune une époque distincte. Ce ne sont que trois ma-
nières d'être des détritus, et la décomposition dont ces couches
sont le produit, n'a pas été limitée à une époque géologique
unique et déterminée.
Pour ces motifs, je voudrais voir les anthropologistes
remettre à plus tard la répartition de l'âge de la pierre en
différentes époques. Les raisons que les honorahles préopi-
nants ont fait valoir en faveur des subdivisions reçues, sont
elles-mêmes encore sujettes à discussion. Évitons, par consé-
quent, d'introduire dès aujourd'hui, dans la doctrine scien-
tifique, un fait, possible tout au plus, mais non définitivement
acquis.
M. Dupont. L'explication du remplissage de nos cavernes
que M. Fraas vient de nous présenter, s'applique difficile-
ment aux faits observés. Il reconnaît, dans ces cavernes,
€ trois catégories de matériaux, trois dépôts, dit-il, qui ne
peuvent être considérés comme représentant chacun une
époque distincte. Ce ne sont que trois manières d'être des
détritus, et la décomposition dont ces couches sont le produit,
n'a pas été limitée à une époque géologique unique et déter-
minée. >
Cette conclusion est absolument l'opposé de celle [que j'ai
cru devoir tirer de mes observations.
Je rappellerai d'abord qu'il y a, dans nos cavernes, quatre
catégories principales de dépôts : des amas d'argile compacte,
stratifiée ou non, que nous avons vus, dans les cavernes de la
Lesse, inférieurs à tous les autres dépôts; puis, dans leur
ordre de succession, les cailloux roulés, le limon stratifié
et l'argile à blocaux. Les caractères des trois derniers ter-
rains ont été décrits plus haut et peuvent être résumés
ainsi :
Ds se présentent toujours dans le même ordre stratigra-
phique ;
■ 164 -
Ils BODt identiques, par leur suj^rposition, leur composi-
tion et leur structure, aux terrains quaternaires âe l'exté-
rieur;
Les dépôts de cailloux roulés et de limon stratifié ont absolu-
ment la même composition et la même structureque les dépôts
de cailloux roulés et de limon que la Meuse et la Lesse
forment aujourd'hui;
Le limon stratifié contient seul la faune de V&gs du Mam-
mouth; la base de l'argile à blocaux renferme la faune de
r&ge du Renne ; les témoins de V&ge de la pierre polie sont
toujours supérieurs à cette argile à Mocaux.
Ces foits sont évidents dans toutes les cavernes que j'ai
fouillées jusqu'à présent, et le nombre de ces cavernes s'élève
à une soixantaine. Il est incontestable qu'on ne peut recher-
cher les causes de leur remplissage, sans tenir compte de ces
données fondamentales, qui paraissent prouver , d'une ma-
nière évidente, l'existence d'époques successives durant les-
quelles les phénomènes furent très caractérisés et spéciaux
pour chacune d'elles.
Voici d'autres points sur lesquels il m'est difficile d'être
d'accord avec notre savant confrère :
1° M. Fraas nous dit que les cailloux roulés du trou Ma-
grite et du trou du Frontal ne sont pas les mêmes que ceux
de la vallée de la Lesse ; qu'ils sont, au contraire, identiques
à ceux qui recouvrent les abords de cette vallée. ..
Or, les uns et les autres ne présentent en réalité aucune
— 155 —
gies avec le dépôt des cailloux roulés des vallées et des
cavernes, fournissent, semble-t-il, des raisons concluantes
pour croire qu'ils ont été déposés durant la même époque.
n fait ensuite descendre ces cailloux dans les cavernes
« par une ouverture primitive de celles-ci ou par des fissures
du terrain »
Comment le dépôt aurait-il pris alors la structure si
caractéristique des dépôts fluviaux et comment ne peut-on
pas le suivre vers les entonnoirs auxquels notre confrère
fait appel? Rappelons que, dans les cas où une partie du
remplissage d'une caverne s'est faite par ces entonnoirs,
on reconnaît avec facilité le terrain ainsi formé : il
a une composition, une structure et une disposition à ca-
ractères très tranchés et spéciaux. (Voyez page 128 et plan-
che 36.)
2** Le limon qui surmonte les cailloux roulés de ces souter-
rains, ne serait pas plus d'origine fluviale que le dépôt de
cailloux roulés. Il représente simplement, déclare le savant
explorateur de la station de Schussenried et de la caverne
d'Holefels, le produit de la décomposition lente des parois
delà caverne....
Dans ce cas, le limon serait constitué surtout par du cal-
caire pulvérulent ou en décomposition, puisque les cavernes
sont creusées dans nos grands dépôts de calcaire paléozoïque.
n est, au contraire, avant tout argileux et sablonneux, ce
qui ne peut naturellement être le résultat de la transformar
tion d'une roche calcaire en dépôts d'argile sablonneuse
presque pure.
c La faible épaisseur des zones de stratification de ce
limon protesterait encore contre l'origine fluviale qui lui est
assignée.... »
La principale œuvre classique en géologie nous apprend
cependant que les fleuves, dans leurs crues, forment quel-
quefois des strates plus minces encore; sir Charles Lyell
nous dit notamment que le limon du Mississipi n'est pas
— 156 —
stratiâé, tant est ÏDfime la couche déposée par les crues an-
nuelles.
La Meuse et la Lesse déposent leur limon en couches
ayant l'épaisseur de celles du limon des cavernes, et ces deux
limons ne présentent de différence, ni dans leur structure,
ni dans leur composition.
Je ne puis me rendre compte du mode qu'eût employé
la pluie pour pénétrer dans les cavernes, sinon par les enton-
noirs auxquels il a déjà été fait allusion, — et ici l'inter-
vention de ces entonnoirs n'est pas admissible, — ou bien
par les suintements de la voûte, et ces suintements ne pro-
duisent pas du limon, mais de la stalagmite.
3* Reste l'explication de l'argile à blocaux,
La destruction et la décomposition des parois de la caverne
en fournissent aussi les éléments. Comme le mode de forma-
tion de ce terrain est encore très problématique, tonte intei^
prétation qui le concerne peut être acceptée, pourvu que cette
interprétation ne soit pas contraire aux faits fondamentaux
mentionnés ci-dessus.
Pour conclure, l'interprétation du remplissage descavemes
par l'accumulation de résidus des roches formant les parois
de la caverne on par l'entrée des temdns meubles qui recou-
vrent les escarpements, n'est applicable qu'à des cas particu-
liers et d'importance très secondaire. Mais elle ne peut ren-
dre compte du mode de formation et du mode d'introduction
des principaux dépàts qui sont souvent si riches eu osse-
— 157 —
M. D*OicAiJUs d*Hallot. L'explication des' phénomènes
qui ont déterminé la fbnnation de notre globe, laisse encore
beaucoup de place à l'imagination ; aussi est-il rare de trou-
ver deux géol<^xies qui soient complètement d'accord sur
ces questions. Les deux savants confrères qui viennent de
se rasseoir, ne trouveront donc pas mauvais que je ne par-
tage pas toutes lés opinions qu'ils ^ont émises. C^est toutefois
une chose à remarquer que la période de Thistoire de la terre
qui est la plus proche de nous, soit précisément celle sur la-
quelle les opinions sont les plus divergentes.
n y a eu, pendant cette période, que nous appelons qua-
ternaire, de violents mouvements d'eaux, qui ont déposé des
cailloux roulés et des limons sur des sols aujourd'hui émer-
gés. Nous n'avons pas à nous occuper ici des causes qui ont
produit ces grands mouvements des eaux ; mais, comme on
a émis l'opinion que ces eaux ont creusé les vallées que nous
avons visitées hier, je me permets de faire quelques observa-
tions à ce sujet.
Je suis loin de contester que les eaux aient pu creuser
des vallées dans des roches peu cohérentes ; mais je ne puis
admettre cette origine pour les parties des vallées de la
Lesse et de la Meuse où nous voyons des rochers perpendi-
culaires, conservant des arêtes encore très vives, et d'autres
qui résistent, sans être entamés, aux attaques continuelles
des eaux. Je pense, en consé:juence, que ces vallées sont le
résultat de grandes fentes, par lesquelles les eaux se sont
écoulées en modifiant les parties où elles rencontraient des
roches meubles ou peu cohérentes. Cette idée de fentes ne
doit pas vous paraître trop hasardée, lorsque l'on se rappelle
que cette Meuse que vous avez traversée hier, prend sa
source en Lorraine, à l'altitude de 375 mètres, et que, si elle
n'avait pas trouvé une fente dans le plateau entre Mézières
et Givet, haut de plus de 500 iiètres, elle se serait dirigée
vers le bassin de la Seine, dont elle n'est séparée que par une
arête de moins de 400 mètres.
"D'an autre cAté, les couches verticales que tous avez tra-
versées à la Boche & Bayard et que tous avez roTues diffé-
rentes foie le long de la Lesse, vous ont mis k môme d'appré-
cier les houleversemeute et les dislocations qu'ont éprouvés
nos terrains primaires. Ce n'est pas toutefois que je veuille
rapporter les fentes que représentent nos Tallées, à l'époque
où nos terrains primaires ont été disloqués. Celle-ci est beau-
coup plus ancienne et antérieure à la formation des premiers
terrains secondaires qui reposent, ainsi que les terrains ter-
tiaires, en stratiScation horizontale sur nos terrains primaires
et remplissent les dépressions qu'ils présentaient. On serait
tent^ de dire que les mouvements souterrains qui, chez nous,
ont si complètement bouleversé le sol, ne pouvaient plus faire
que de longues fentes pendant la période tertiaire, et ne font
plus maintenant que les petites fentes qui résultent quelque-
fois de nos tremblements de terre actuels et de nos éruptions
volcaniques.
Les formes affectées par les cavernes que tous avez vues,
ont dû TOUS convaincre qu'elles ne peuvent aToir été creusées
par l'action des eaux superficielles, mais qu'elles doirent pro-
bablement leur origine à des éjaculations d'eaux intérieures,
qui devaient être assez acidulées pour dissoudre du calcaire.
Vous avez pu remarquer, en effet, que toutes ces cavernes
sont dans le calcaire, et qu'il n'y en a pas dans les massifs de
psammites que vous avez pu trouTer à côté des massifs de
calcaire, et sur lesquels l'acide carbonique ne peut exercer
— 159 —
avant que M. Dupont m'eût fait voir des stratifications régu-
lières.
n est probable que, à l'époque où les eaux quaternaires ont
déposé sur nos plaines des cailloux roulés et des limons, nos
contrées avaient quelque ressemblance avec l'état actuel
du Canada, où il existe d'immenses lacs et de puissants fleuves
qui coulent presque au niveau des plaines. De sorte que nos
vallées devaient être aussi, à cette époque, les lits de puis-
sants fleuves presque aussi élevés que les plaines supérieures
et dont le niveau, en s'abaissant, a permis aux troglodytes
de venir habiter les cavernes. Mais comme il devait y avoir
alors, comme à présent, des moments où les eaux s'élevaient,
il a pu se former de nouveaux dépôts dans des cavernes qui
avaient déjà été habitées, ce qui explique les stratifications
découvertes par M. Dupont, et que depuis lors on a retrouvées
dans d'autres pays ^
^ En remettant au Secrétariat le texte de cette communication, qu'il ve-
nait de réviser, M. d*Omalius engagea M. Dupont à indiquer, dans une
note, les différences qui pourraient encore exister dans leur manière de
voir, relativement aux phénomènes quaternaires. Celui-ci s*est empressé
de 86 rendre à une invitation aussi bienveillante. Ses recherches, dans la
province de Namur, ne lui laissent pas de doute que les vallées y ont été
creusées par des eaux fluviales à Fépoque quaternaire. La fracture dont
M. d*Omalius a le premier prouvé Texistence, a seulement dirigé le cou-
rant de ces eaux. Il admet sans restriction la comparaison établie par
M. d'Omalius entre les fleuves qui déposèrent les cailloux roulés et le limon
des plateaux, et la partie du Niagara qui s*étend en amont des chutes.
Mais il pense qu'il y aurait peut-être lieu de compléter leparaUèle, en con-
sidérant les vaUées de la province de Namur comme creusées par l'action
de cataractes, de la même manière que la vallée du Niagara s'est formée
entre les chutes et Queenstown. Cette comparaison rendrait compte d'une
série importante de phénomènes géologiques de nos vallées namuroises,
et les opinions seraient aussi conformes que le permettent les observa-
tions recueillies Jusqu'à ce Jour. Les études comparatives ne sont au sur-
plus pas assez complètes pour que M. Dupont croie pouvoir se prononcer
déânitivement sur cette interprétation ; mais il lui parait que la ligne à
suivre ultérieurement serait l'étude des grandes vallées encore en voie de
formation, telles que celle du Niagara et surtout celle du Rhin à Schaffhau-
sen. Des observations analytiques, faites dans ce but, nous mettraient sans
doute en mesure de nous prononcer avec certitude.
~ 160 —
M. Capbllini. Je désire ajouter quelques mots à ce qui
vient d'être dit.afin de chercheràmettre d'accord MM. d'Oma-
lius, Dupont et Hébert.
A propos de l'origine des cavernes, notre maître, M. d'Oma-
lius, a dit que, sur ce point, il n'y avait pas deux géologues
qui fussent de la même opinion. A mon avis, la raison en
est simple. Quand un géologue a étudié une localité quel-
conque, il prétend que toutes les parties du globe doivent
être exactement semblables & celle qu'il a explorée. Or, les
cavernes doivent leur origine à des causes différentes selon
les époques et selon les localités.
Les unes proviennent simplement du mouvement des cou-
ches; d'autres sont dues h une érosion produite par l'infil-
tration des eaux pluviales; enfin il en est qui ont pris nais-
sance par l'effet combiné de ces deux phénomènes.
C'est à chacune de ces causes, prises isolément, que les
différents géologues ont successivement attribué l'origine
de teut«s les cavernes en général. Il importe, au contraire,'
d'examiner, pour chaque cas spécial, à quel degré chacune
des causes probables peut être intervenue.
Belativement à la vallée de la Lesse, je pense, avec
MM. d'Omalius et Hébert, qu'elle s'est ouverte antérieure-
ment à l'époque quaternaire. Cette opinion me sépare de
M. Dupont ; mais je me trouve d'accord avec lui dans la ques-
tion du remplissage des cavernes. Comme lui, je pense que
les cailloux des cavernes ont été déposés par la Lesse, & une
— 161 —
Entre ces dépôts glaciaires et la tourbe, on rencontre une
couche argilo-sablonneuse, de deux à cinq pieds d'épaisseur
et dont les éléments dérivent du terrain erratique. Ses cail-
loux, toujours anguleux, dénoteraient qu'elle n'est pas d'ori-
gine fluviale. Elle renferme, d'après les récentes recherches
de MM. Steenstrup etNathorst, les restes d'une végétation
principalement composée de Salix herbacea^ Salix polaris^
Salix reticulata, Betula nana, Dryas octopetala. Cette flore
caractérise, à notre époque, les régions arctiques qui précè-
dent immédiatement la zone glaciale. Elle croît en Laponie
au niveau de la mer. Il en résulte que le climat du Dane-
mark a dû subir des modifications considérables, puisque
ce pays s'élève peu au dessus de la mer. Ce serait de cette
même couche que proviendraient les ossements de Renne
découverts en Danemark. On y a aussi recueilli des osse-
ments d'élans, mais ceux-ci ne lui soiit pas exclusifs : il
s'en trouve également dant la tourbe. M. Steenstrup y a,
en outre, reconnu l'existence de silex taillés qui, jusqu'à pré-
sent, semblaient caractériser seulement une époque posté-
rieure.
Les tourbières danoises ont été réparties en trois classes,
d'après la composition de la tourbe :
Les Skovmoser (Marais à forêts),
Les Kjœrmoser (Marais à prairies),
Les Lyngmoser (Marais à bruyères ou à mousses).
Les skovmoser présentent une stratification très distincte,
ce qui permet d'établir rigoureusement une succession dans
la formation de ces tourbières. On peut ainsi déterminer
l'ordre d'après lequel les essences forestières se sont déve-
loppées en Danemark, et, comme ses marais renferment des
ossements d'animaux, il y a lieu d'espérer qu'on fixera exac-
tement les relations d'époques entre les diverses espèces de
la faune, et l'évolution de la végétation pendant la formation
des skovmoser. Les bords des bassins offrent à cet égard des
données plus précises. Voici l'ordre dans lequel apparaissent
les essences qu'on y rencontre :
Tremble (Populus tremulaj.
Pin (Pinus sylveslris),
Chfine (Querciis sesxiliflora).
Aune (Ahuis ghitinosa),
Hfttre (Fagus sylvaiica}.
Le hêtre forme aujourd'hui, comme on sait, le fond de la
végétation arborescente du Danemark .
Sur une date préhistorique, par M. Oppkbt.
Des faits, puisés dans le calendrier des Égyptiens et des
Chaldéens, tendent h faire remontrer la civilisation orientale
à une époque reculée.
1" Les Egyptiens avaient une année vague de 365 jours,
et, pour compenser la perte d'un quart de jour environ qui
faisait avancer le commencement de leur année, comptée
par le livre héliaque du Sirius ou Sotliis, ils établirent
une période de 1460 années (4 X 365), pendant laquelle le
commencement de l'année fait le tour des saisons. Cette
période, nommée salkiaqve. — selon un célèbre passage
de Censorin {De die notait) — finit le 20 juillet 139
après J.-C.
2° Les Chaldéens avaient une période lunaire de 22335
I 1805uinu'vs iiillnmcs. mniiis.', 1/3 i..urs ClgOr>
— 163 —
deux rois, et 34080 pour 84 autres)a Or, ce laps de temps se
décompose ainsi :
12 périodes égyptiennes sothiaques à 1460 = 17520
12 périodes lunaires chaldéennes à 1805 «= 21660
39180
4* En faisant maintenant le calcul en remontant, on arrive
à une même année.
Cycle sothlaque. Cycle lunaire.
139ap. J.C. Retranchez de 1460 712 av. J. C. Ajoutez 1805
1322 av. J. C. Ajoutez 1460 2517 — — —
2782 — — — 4322 — — —
4242 — — — 6127 — — —
5702 __ _ __ 7932 — — —
7162 — — — 9737 — — —
8622 — — — 11542 —
10082 — — —
11542 - — —
Les deux cycles se rencontrent donc en Tan 11542 avant
l'ère chrétienne et ont dû, par conséquent, avoir pour origine
commune un phénomène astronomique, tel que celui d'une
éclipse importante. Cette éclipse a pu avoir lieu le 27 avril
julien , 29 janvier grégorien. Mais, à cette époque, Sirius
n'est pas visible au lever du soleil en Egypte, et il est com-
plètement invisible à l'horizon de la Chaldée. Il faut admettre
que dans une ville méridionale, telle que Thèbes, Sirius ait
été aperçu grâce à l'obscuration produite par une éclipse du
soleil.
C'est de cette époque que les Égyptiens et les Chaldéens
ont compté leurs périodes, et, par des raisons mythologiques,
je crois que c'est l'Egypte qui apporta la civilisation à la
Chaldée. Les Chaldéens, mus par des sentiments de vanité
nationale, avaient soin de faire remonter leur civilisation à
une époque plus reculée encore.
Il a donc existé une civilisation ancienne qui a permis
de conserver la mémoire, non pas d'une observation astrono-
mique, mais de l'apparition pure et simple d'un phénomène
céleste.
iir
L'HOMME A L'ËPÛQUE QUATERNAIRE,
Note sur l'homme fossile des cavernes de Baoussé Roussi, en
Italie, dites Grottes de Menton, par M. E. Rivière.
Les cavernes de Baoussé Rousse dont j'ai déjà eu l'hon-
neur d'entretenir le Congrès l'an dernier, à Bologne, ont été
de nouveau explorées par moi, depuis cette époque, en vertu
d'une mission qui me fut conBée à cet effet par le Gouver-
nement français.
Ces grottes, situées au bord de la mer, dans la province
de Port-Maurice, commune de Ventimiglia, en Italie, à
quelques centaines de mètres de la frontière française, sont
des failles naturelles de la montagne connue sous le nom de
Montagne des Rochers ronges. Elles sont creusées dans le
calcaire compacte que MM. Ëlie de Beaumont et Dufrénoy
rapportent au crétacé inférieur. J'y avais recueilli un grand
nombre d'objets, tels que des instruments en silex et en os ,
riin;^ i:^t lorrr'slrcs, di's osseiiu'uts. des rurne>.
— 165 —
Jusqu'alors aucun ossement d'homme n'avait été trouvé dans
les grottes de Menton.
La caverne du Cavillon, ou quatrième caverne, ne présente
ni stalagmites, ni stalactites. Son niveau avait déjà subi
quelques modifications par suite de fouilles antérieures aux
miennes, parmi lesquelles je citerai principalement celles de
M. F. Forel (de Morges, en Suisse). Elle mesure 9 mètres de
largeur à l'entrée, IS^QO de profondeur, et 15 à 16 mètres
de hauteur. Le sol en est formé par un mélange de parcelles
de charbon, de cendres et de terre demi-compacte, humide,
et noirâtre, seulement sur les parties latérales et dans le fond,
qui constituent un véritable foyer. Au milieu de ce foyer, on
trouve les débris osseux et autres, cités plus haut ; à l'entrée,
des pierres éboulées; plus loin, quelques blocs détachés de la
voûte ou des parois le long desquelles ils ont glissé, gisent
à des profondeurs variables.
Le squelette humain, sujet de cette étude (PI. 6) , était couché
sur le côté gauche, dans le sens longitudinal de la caverne,
à 7 mètres environ de l'entrée et près de la paroi latérale
droite. Son attitude était celle du repos, celle d'un homme
que la mort aurait surpris pendant le sommeil. Au devant
de la bouche et des fosses nasales, à 0"*06 environ de ces
ouvertures, était creusé un sillon long de 0"*18, large de
0"'04 et profond de 0"035. Ce sillon était rempli par une
matière' d'un gris brillant, qui n'était autre que du fer oli-
giste en poudre, fer que je n'ai jamais trouvé ailleurs qu'à
la surface des os du squelette, auxquels il a* donné, en
s'hydratant, une coloration rouge très marquée.
La tête, un peu plus élevée que le reste du corps et légè-
rement inclinée, regardait le fond de la caverne ; elle
reposait sur le sol par la partie latérale gauche du crâne et
de la face ; le maxillaire inférieur était appuyé sur les der-
nières phalanges de la main gauche, ainsi que l'indique
la planche photographique tirée dans la caverne même.
La base du crâne, ainsi que la région postérieure du tronc
II
jusqu'au baaain, était appuyée contre quelques pierres plus
ou moins Tolumineuses, oon taillées, de formes irréguliëres et
paraissant avoir servi de poÎDt d'appui au corps, pendant le
sommeil.
Le squelette — quoi qu'il ait été dit — est à peu près com-
plet et en très bon état. Sa conservation est désormais assurée
par le procédé de consolidation dont s'est servi à cet effet
l'habile mouleur du Muséum d'Histoire naturelle de Paris,
M. Stahl. Il ne lui manque, en effet, que quelques uns des
ossements des pieds, ainsi que l'extrémité inférieure du tibia
gauche et l'estrémité postérieure du calcanéum du même
cûté, lesquelles ont été brisées par le coup de pioche qui a
révélé la présence de l'homme.
La mensuration aussi exacte que possible des pièces les
plus importantes du squelette m'a donné les résultats sui-
vants :
Oaunwpts. Longueur.
Humérus 0.342
Cubitus 0.283
Radius 0.263
Clavicule 0.158
Fémur ; . 0.464
Tibia 0.412
Péroné (à peu près entier) 0.390
Calcanéum. .. . ■ 0.089
Calcanéum et astragale réunis .... 0.162
Tarse 0.138
1«r Métatarsien 0.0
— 167 —
(crâne n* 1) trouvé à Cro Ma^non, en 1868, est allongé,
très dolichocéphale, bombé au sommet, moins volumineux
que celui-ci , et moins large aussi à la région postérieure ou
occipitale ; le front est également un peu plus étroit ; les
tempes sont aplaties. Parmi les sutures du crâne, toutes sou-
dées, la suture sagittale, le commencement de la suture
lambdoïde, et la suture temporo-pariétale sont seules appa-
rentes. La suture fronto-pariétaJe est cachée par la croûte
ferrugineuse épaisse qui recouvre la surface du crâne. Le
trou pariétal est très apparente L'orbite est extrêmement
remarquable par sa forme allongée, et présente une ressem-
blance frappante avec lorbite du vieillard de Cro Magnon ;
son diamètre transverse, très étendu, est de O^OéS, son dia-
mètre vertical, très réduit, est de 0™027, ce qui donne un
indice orbitaire de 62,79. Le bord orbitaire supérieur est
mince et tranchant, moins cependant que sur le crâne n"* 1 de
Cro Magnon ; de même, le bord orbitaire inférieur est moins
épais que sur ce dernier. Le trou sus-orbitaire est relative-
ment assez large, le trou sous-orbitaire étroit. La fosse canine
des maxillaires supérieurs est très peu profonde ; la face ne
présente aucun prognathisme. La branche montante du
maxillaire inférieur est très peu inclinée ; le condyle paraît
assez épais ; l'apophyse coronoïde est & peine saillante ;
l'échancrure sigmoïde, large et peu profonde ; l'angle de la
mâchoire, arrondi.
Toutes les dents que la position de la tête permet de voir,
c'est à dire celles du maxillaire supérieur droit et celles de la
moitié droite du maxillaire inférieur, existent, et sans aucune
carie. Elles sont très remarquables : leur surface triturante
ne présente ni saillies, ni tubercules, mais est complètement
rasée, parfaitement plane, sans aucune obliquité pas plus
sur les incisives et les canines, que sur les molaires ; pas
plus sur les supérieures que sur les inférieures. Cette usure
^ Toutes ces indications se rapportent plus spécialement à la moitié
latérale droite du crâne et de la face.
. 168 -
est-elle l'indice d'un &ge avaocé? L'aspect des sutures du crftne,
bien qu'elles soient soudées, semble s'y opposer. Est-elle un
caractère de race? ou bien est-elle le résultat d'une alimen-
tation plus végétale qu'animale? La quantité énorme d'osse-
ments d'animaux, trouvés dans la caverne et brisés de main
d'homme, ossements qui ne sont pour la plupart, ainsi que
je l'ai déjà dit, que des débris de cuisine, paraissent devoir
faire repousser cette idée.
lie cr&ne était orné d'une parure formée par un très grand
nombredecoquiUesméditerranéennes, perforées par l'homme,
(j'en ai recueilli plus de deux cents, c'étaient des Nassa ou
Cyclonassa nerilea), et par une vingtaine de dents canines de
cerf, également perforées de main d'homme ; ces dernières se
trouvaient principalement appliquées contre la région tempo-
rale droite . Cette parure devait coiffer la tète à la manière d' une
véritable résille. De plus, un instrument ou arme en bs, long
de 0°173, était placé sur le cr&ne en travers du front ; taillé
dans un radius de cerf, il présente la forme d'un poignard
se terminant par une pointe très bien conservée. En arrière
du crâne et contre l'occipital étaient placées deux lames
triangulaires en silex, toutes deux brisées à la base, mais à
pointe & peu près intacte et à bords accidentellement den-
telés. La plus grande mesurait O^OQS de longueur, l'autre,
COSS. Ces lames et le poignard décrits ci-dessus devaient,
par la position qu'ils occupaient sur la tête, compléter la .pa-
rure du cr&ne.
— 169 —
la main droite retombe sur Tavant-bras gauche, tandis que
la main gauche semble encore soutenir la tête.
Le thorax est complètement écrasé et les côtes plus ou
moins brisées, en raison de la compression due à la hauteur
des foyers qui recouvraient le squelette. L'appendice xyphoïde
du sternum a disparu.
Les vertèbres cervicales sont parfaitement conservées et
dans leur position normale ; les vertèbres dorsales sont mas-
quées par les côtes ; les lombaires sont plus ou moins écrasées.
A la région lombaire est encore adhérente une astragale de
cerf. Le sacrum est entier ; ses surfaces articulaires ne sont
plus en rapport immédiat avec les surfaces correspondantes
des os iliaques, mais en sont légèrement éloignées.
Les os iliaques, très friables, ont un peu souffert et présen-
tent quelques fractures, surtout au niveau du pubis.
Les membres inférieurs, à demi fléchis, s'entrecroisent
légèrement et reposent l'un sur l'autre. Les fémurs sont bien
conservés ; ils sont longs et forts et présentent une courbure
de torsion assez marquée, tandis que la courbure antéro-
postérieure est à peu près normale. Le col est court ; sa briè-
veté a fait croire à un écrasement. Les trochanters ont un
volume ordinaire. La ligne âpre est très accentuée; sa lèvre
externe surtout est saillante. Les condyles sont forts et leur
épaisseur est de 0"*084.
Les rotules sont bien développées et fortes.
Les tibias sont massifs^ et leurs extrémités inférieures
et supérieures sont surtout développées. Leur face externe
est assez fortement incurvée et creusée plus profondément
qu'on ne le remarque ordinairement. Sa profondeur étant
en raison directe du volume du muscle jambier antérieur,
auquel elle donne attache dans toute son étendue, ce muscle
devait être très puissant. Les péronés sont également volu-
mineux; la malléole externe est plus massive, plus arrondie
' Ils présentent la forme en lame de sabre des tibias de Cro-Magnon.
■ 170 -
et moins triangulaire qu'elle ne l'est d'habitude. Lkr os des
extrémités inférieures étaient donc certainement attachés
à des muscles très forts et en rapport avec les exercices de
marche imposés aux peuplades dont faisait partie l'homme
fossile des Baoussé Eouasé.
Au dessous de l'extrémité supérieure du tibia et du péroné
gauches, c'est à dire, sur le devant, au niveau du jarret, j'ai
recueilli 41 coquilles perforées de main d'homme; ces
coquilles, les mêmes Ndssa ou Cydortassa nerilea qui furent
trouvées sur la tëte, devaient former un bracelet de la jambe,
ou jambelet.
Le pied est grand, fort et très développé. Le talon est haut
(la hauteur la plus grande du calcanéum est de 0~045) ; sa
face postérieure est presque droite, verticale et présente à la
partie moyenne comme un bourrelet, formé par des rugo-
sités très marquées d'insertions musculaires.
En résumé, l'homme des cavernes de Menton devait être
d'une grande taille, taille dont je crois pouvoir fixer le
minimum à bien près d'un mètre et quatre-vingt-dix centi-
mètres. Son angle facial est beau et doit se rapprocher du
chiffre de 85 degrés.
L'étude des objets trouvés dans la 4° caverne et principa-
lement des débris osseux ou dentaires comprend deux par-
ties : la première comporte les pièces recueillies dans le
voisinage le plus immédiat du squelette, lesquelles, en indi-
quant sa contemporanéité avec certaines espèces animales,
— 171 —
3' Ruminants : Bos primigenius, Oervus alces^ Cervus
elaphuSy Cervus canadensis, Cervus plus petit que Télaphe,
peut-être le Cervus corsicanus, Cervus capreolus, Capra pri-
migenia^y Antilope rupicapra ou Chamois.
4" Rongeurs : Lepus cuniculus.
Parmi les divers animaux dont je viens de faire l'énu-
mération, trois surtout, le Felis spelaa, YUrsus spelaus et le
Rhinocéros^ par leur présence auprès du squelette, présence
que j'avais déjà constatée dans la même caverne et à un
niveau supérieur à celui où j'ai trouvé l'homme des Baoussé
Rousse, démontrent sa haute antiquité.
Quant au Renne, il n'existe pas dans les cavernes de
Menton et semble également faire défaut dans les autres
cavernes de l'Italie. Vivait-il cependant, à la même époque,
dans les autres parties de l'Europe où il paraît avoir persisté
plus longtemps que la plupart des autres espèces animales
caractéristiques de cet âge ? Dans la grotte d'Arcy, M. de
Vibraye l'a signalé principalement dans l'assise moyenne,
où l'on ne trouve plus les restes de l'Hyène, du Grand
Ours, etc.
Les mollusques trouvés auprès de l'homme se composent
des espèces suivantes : Cardium tuberculatum^ — l'une de ces
coquilles est perforée de main d'homme, — Pecten jacobmis,
Pecten maximus, espèce qui ne se trouve pas dans la Médi-
terranée, mais paraît provenir des eaux de l'Océan ; Pec-
tunculus glycimeris, Mytilus edulis, Nassa neritea : ces der-
nières perforées par l'homme.
Quant aux instruments, soit en os, soit en silex, qui se
trouvaient auprès du squelette humain, ce sont : 1° le poi-
gnard en os déjà décrit; deux poinçons également en os, à
pointe à peu près intacte ; 2° un grand nombre de silex taillés
' Nom donné par M. le professeur Gervais à une chèvre plus grande et
plus trapue que la chèvre actuelle. Elle avait été signalée par M. Forel,
dans les grottes de Menton, comme un mouton supérieur en dimensions
au mouton actuel.
sous forme de grattoirs, de pointes de lances ou de Sèches,
de pointerolleâ , de lames et de scies, ainsi que quelques
nucléus.
Parmi les lames en silex, je citerai celles accolées h l'occi-
pital, que j'ai déjà indiquées en décrivant le cr&ne de
l'homme. Ces deux instruments, ainsi que le poignard en os,
les canines de cerf perforées, les I^assa neritea de la téfe et
du jambelet, présentent la coloration rouge que j'ai signalée
SOT toutes les pièces du squelette et principalement surla tête.
Cette coloration est due au peroxyde de fer, peroxyde formé
par l'hydratation du fer oligiste dont toute la surface du
corps avait dû être recouverte après la mort, et dont j'ai
recueilli une certaine quantité non hydratée dans le sillon
creusé au devant de la bouche et des fosses nasales. Cette
coloration indiquerait une inhumation de l'homme, mais sans
aucun déplacement du corps après la mort. En effet, l'atti-
tude si curieuse du squelette démontre, sans contestetion pos-
sible, je croîs, que l'homme est mort à la place où je
l'ai découvert, c'est à dire sur un sol fonné de cendres, de
charbon et de pierres calcinées, au milieu d'un véritable
foyer et entouré des détritus de la vie de chaque jour. H a dû
mourir pendant son sommeil, soit qu'il se soit réfugié dans
la caverne à la suite d'une blessure, soit qu'il ait éte surpris
par une mort subite, soit qu'il ait succombé à une maladie,
mais sans agonie violente. Je n'ai trouvé aucune trace
d'éboulement, et la série des pierres contre lesquelles le sque-
-. 173 —
devant de la bouche, soit de la patine d'un rouge ocreux qui
recouvrait le crâne, soit encore de quelques coprolithes
d'hyène ; je me bornerai seulement ici à citer le résultat de
Texamen microscopique de la terre prise en divers endroits et
notamment dans la r^ion dorsale du squelette. M. le pro-
fesseur Gérardin, docteur es sciences, et moi, nous y avons
reconnu très distinctement la présence d'un certain nombre
de poils. Ces poils diffèrent des poils humains ; ils ont un
diamètre égal au quart ou au cinquième d'un cheveu et on
ne peut les attribuer qu'à quelque peau de bête, qui aurait
servi de couche ou de vêtement.
Je me bornerai également ici, en terminant cette notice,
à donner la nomenclature des diverses espèces animales con-
stituant la faune trouvée par moi dans la quatrième caverne,
pendant mes recherches antérieures à la découverte du sque-
lette humain ; faune pour la détermination de laquelle
MM. les professeurs Gervais et Deshayes et M. le docteur Sé-
néchal m'ont prêté le plus bienveillant concours.
A. Mammifères.
1* Carnassiers : Felis spelaa, Felis antigua, Felis lynx y
Felis catuSy Ursus spelausy Ursus arctos, Hyena spelœa^
Canis lupusy Canis vulpes, Mustela^ Talpa.
2* Pachydermes : Rhinocéros tichorhinv^y Equus caballus,
Sus scrofa,
3" Ruminants : Bos primigenius, Cerous alces, Cervus
canadensiSy Cervus elaphuSy Cervus corsicanus? , Cervus ca-
preolus, Capra primigenia.
4' Rongeurs : Arctomys primigenia, Lepus cuniculuSy
Mus tectorum, Mus arvalis^ Mus muscardintcs.
B. Oiseaux.
]• Rapaces : Falco.
2^ Passereaux : Ils sont représentés par un as^ez grand
— 174 —
nombre d'ossements appartenant à un oiseau de la famille
des Corvidés.
3° GallinacéB : Ile peuvent 8e diviser en Gallinacés pro-
prement dits et Columbidés.
C, Poissons.
Je n'ai trouvé jusqu'à présent que deux vertèbres, pouvant
appartenir h un poisson de petite dimension, et deux supports
épineux de nageoire dorsale, provenant certainement d'un
poisson de la taille d'un grand saumon.
T). Crustacés.
Le seul débris de crustacé que j'aie pu recueillir, est trop
informe pour déterminer même approximativement l'espèce
& laquelle il appartenait.
Ë. Mollusques. *
Les mollusques sont en quantité considérable et appartien-
nent à un grand nombre d'espèces. Ils devaient servir pour la
plupart à la nourriture de l'homme. Quelques coquilles ont
été perforées par l'homme pour servir d'objets de parure.
Deux autres présentent ce caractère particulier qu'elles sont
des coquillesde l'océan ; ce sont le PectenmaximiiS, dont j'&i
déjà parlé, et le Cerithium eomu-copia, déterminé par M. le
professeur Deshayes et considéré par lui comme provenant
— 175 -
Trochus, TurbiTiellay CheiiopriSf CeritAium^ Turritella,
Naticaj Nassa, Scalarta, Buccinum^ Cassidaria^ Cassis y
Fusus, ConuSy Littorina, Purpura, Cyprœa, Columbella,
Mitra, Pleurât orna.
•Tai trouvé aussi quelques nummulites et un fragment de
polypier.
Sur les grottes de Molfetta, par M. le prof' G. Capellini.
A deux kilomètres environ de la ville de Molfetta, dans
la province de Bari (Italie) et à 500 mètres de la mer, les
calcaires crétacés des Fouilles, en couches presque horizon-
tales, présentent un effondrement connu dans le pays sous
le nom de Pulo^
Le Pulo de Molfetta a la forme d'un cylindre de 500 mè-
tres environ de circonférence et 40 mètres de profondeur.
Ses parois escarpées sont, à différents étages, criblées de
trous et de grandes ouvertures; le fond est encombré par
des éboulis et des débris de toute sorte.
Les ouvertures servent d'entrée à des grottes plus ou moins
sinueuses, qui pénètrent dans l'intérieur de la masse du cal-
caire stratifié. L'allure et la superposition des couches de
cette roche peuvent être étudiées dans les parois mêmes dS
l'effondrement.
Quelques unes de ces grottes ont jusqu'à 3 mètres de hau-
teur et 50 mètres de longueur, et se ramifient en plusieurs
galeries aboutissant à différents orifices; l'une d'elles, si-
gnalée déjà parZimmermann, en 1788, compte 18 ouvertures.
Le Pulo de Molfetta fut pendant longtemps un objet de
simple curiosité pour les habitants du pays, qui le considé-
raient comme un cratère volcanique. H attira d'abord l'atten-
tion de l'abbé G. M. Giovene, naturaliste de Molfetta, qui,
1 Dans la Pouille, on appelle Pulo toute cavité qui se trouve dans la
plaine ou dans les collines. Dans la province de Terra cCOtranto, qui est
à côté de celle de Bari, des effondrements analogues sont appelés Vorg.
— 176 —
dana le dernier siècle, s'est occupé spécialement d'agriculture
et de botanique, et a donné un catalogue des plantes qu'on
trouve dans l'intérieur et dans le voisinage du Pulo.
En 1783, l'abbé Fortia, guidé par Giovene, visita le Pulo
et le premier avança l'opinion que ce n'était pas un cratère
volcanique. Son attention fut surtout attirée par un lam-
beau de pierre nitreuse, dont il imagina qu'on aurait pu tirer
quelques avantages pour l'industrie.
Depuis ce temps-là, plusieurs savants naturalistes visitè-
rent le Pulo de Molfetta au point de vue industriel, et des
travaux furent entrepris pour en exploiter le nitre.
En 1788, Zimmermann fît un voyage à la nitrière artifi-
cielle de Molfetta, dont il publia plus tard une description.
C'est dans le récit de ce voyage que, pour la première fois,
il est question d'une quantité d'ossements, rencontrés dans
les grottes qui se trouvent dans l'inférieur de la rocbe strati-
fiée et dont les ouvertures aboutissent aux parois du Pulo'.
Zimmermann ne fait aucune mention d'armes et outils en
pierre, trouvés avec les poteries et les ossements ; cependant,
comme nous allons voir, la découverte en était déjà faîte
par le premier explorateur du Pulo, l'abbé G. M. Giovene,
En efi'et, ce savant naturaliste, dans une description des
travaux exécutés pour retirer le nitre du calcaire du Pulo,
parle de poteries grossières, d'armes et d'outils en pierre
trouvés dans lesdites grottes et qui avaient des rapports avec
les instruments des habitants de 111e de Taïti.
~ 177 —
faite au moment où Von entreprit les premières opérations
dans le Pulo. Pendant qu'on déblayait les terres et les
pierres amoncelées et adossées aux parois de ce cylindre,
et pendant qu'on vidait quelques unes des grottes encore
encombrées par des tas des mômes pierres, on trouva des
poteries d'argile certainement faites à la main^ très impar-
faitement modelées, sans aucun vernis et cuites jusqu'à
être noircies. Mais ce qui est plus extraordinaire, c'est qu'on
trouva une quantité très remarquable de couteaux dont la
plupart étaient en pierre à fusil, et un petit nombre, en
verre volcanique noir. En outre, on trouva aussi quelques
huches en jade verdâtre et très dur, toutes aiguisées et
tranchantes, un peu convexes à une extrémité et finissant
en pointe à l'autre. Lorsque, dans le Musée du célèbre Poli,
à Naples, je vis les haches des insulaires de Taïti, je fus
étonné de leur ressemblance parfaite avec celles du Pulo
de Molfetta. »
Impossible, à mon avis, de mieux caractériser les objets
trouvés dans le Pulo (poteries grossières, couteaux en silex
et en obsidienne, haches en jadéite) et d'en préciser davan-
tage les analogies. Aussi faut-il s'étonner qu'aucun des natu-
ralistes qui ont relaté les premières découvertes préhistoriques
faites en Italie, n'ait rappelé la belle découverte de l'abbé Gio-
vene, faisant suite, pour ainsi dire, à celles de Mercati et
d'Aldrovandi.
En 1868, lors d'une excursion géologique au Cap de Leu-
ca, dans la terre d'Otrante, je fus obligé de m'arrêter à Mel-
pignano pour y passer la nuit, et le D' Giorgi, mon compa-
gnon de voyage, me présenta chez ses amis les B""" de Luca,
pour leur demander l'hospitalité.
Dans cette circonstance, comme je causais du but de mon
voyage, des grottes du Cap de Leuca et des effondrements
qu'on trouve près de Barbarano et qu'on appelle le Vore, le
baron D. Joseph de Luca, professeur de physique au sémi-
naire de Molfetta, s'intéressant vivement à mes recherches,
— 178 —
eut l'obligeance de m'inviter & aller visiter le Pulo et me
parla des outils en pierre, trouvés jadis par l'abbé GiovcDe
et déposés dans le Musée du séminaire.
Comme Molfetta se trouve sur la route de Lecce à
Bologne, je promis de m'y arrêter à mon passage et, quel-
ques jours après, je fus bien aise de tenir ma promesse.
Guidé par le professeur de Luca et M. de Judierbus, syndic
de Molfetta, je me rendis au Pulo, le 8 novembre 1868, et,
par une échaucrure existant dans les parois du cylindre,
nous descendîmes dans le fond, qui est maintenant changé
en jardin potager.
Après avoir jeté un coup d'œil sur les restes des construc-
tions et des appareils de l'ancienne fabrique de nitre, j'en-
trepris des fouilles dans le tas de pierres adossé aux parois
de l'effondrement, et je pénétrai dans l'une des grottes les
plus accessibles.
Bien que, d'après ce que nous savons par le rapport de
Giovene, les grottes du Pulo aient été fouillées et déblayées
depuis longtemps, je fus assez heureux pour trouver, sinon
des couteaux en silex et des haches, du moins de nombreux
débris de poterie et une grande quantité de cendres. Ces ob-
servations ont déjà été mentionnées dans une note publiée
Sur le sol et dans les fissures des parois des grottes, j'ai
rencontré une ai^ile ferrugineuse qui rappelle d'une manière
frappante l'argile des grottes des bords de la Lesse, si bien
— 179 —
En effet, on ne doit point voir dans le Pulo un cratère
d'explosion, mais un véritable effondrement d'une voûte cal-
caire, qui recouvrait une énorme caverne. Les bouches des
grottes habitées plus tard par l'homme préhistorique déver-
sèrent dans cette caverne les eaux des sources thermales
ferrugineuses, qui avaient déjà puissamment contribué à
l'agrandissement des grottes mêmes.
Lorsqu'on a eu l'occasion d'étudier les corrosions opé-
rées par les sources thermales qui existent encore aujour-
d'hui, on se rend compte sans peine des phénomènes ana-
logues qui se sont passés à une époque fort éloignée de la
nôtre.
La présence d'argiles ferrugineuses, telles que celles des
grottes du Pulo et de la vallée de la Lesse, constitue le témoi-
gnage le plus sûr de l'existence d'anciennes sources ferrugi-
neuses, auxquelles est intimement liée l'érosion du calcaire
et, par conséquent, l'agrandissement d'anciennes fentes, c'est
à dire la principale origine de ces grottes.
Le Vore de Barbarano doit avoir eu une origine ana-
logue, et, sans sortir de la province de Terra éPOtranto^ on
peut étudier, dans le calcaire à Hippurites de Santa Cesaria,
les érosions formées de nos jours par les sources thermales
et les dépôts ferrugineux plus ou moins grossiers, ou terrain
Hdirolithiquey qui en dépendent.
Un bel exemple d'une caverne formée par les sources ther-
males a été mis en évidence par les travaux faits aux sources
thermales d'Aix, en Savoie, il y a quelques années ^ Les
pouhons de Spa sont assez célèbres et il suffit de les rap-
peler pour songer aux rapports qu'ils pourraient avoir avec
rorigine des cavernes des bords de la Lesse. Comme les
sources thermales de Santa Cesaria nous donnent l'image
des agents qui creusèrent le calcaire de la Terre d'Otrante
et des provinces voisines, ainsi les pouhons de Spa doivent
ï Capbllini. Ricordi di un viaggio sdentifico nelV America settentrio^
nale. Bologne, 1867.
être considérés comme les derniers repr^entants de la cause
principale des érosions calcaires et de l'agrandissement des
grottes des bords de la Lesae. Ce point a été déjà exposé par
M. Dupont'.
Après avoir interprété l'origine des grottes du Pulo et in-
diqué l'époque à laquelle elles ont été fouillées pour la
première fois, je reviens à l'examen de ce qu'on y a trouvé
depuis le siècle dernier.
Les publications de Giovene etdeZimmermaun nous attes-
tent que, dans les grottes du Pulo, il y avait une grande quan-
tité d'ossements, des poteries grossières, des couteaux en silex
et en obsidienne, des haches en jadéite. Quelques unes des
haches recueillies par l'abbé Giovene se trouvent encore
dans les Musées d'Italie. J'ai l'honneur de présenter les
moulages de celles qu'on a pu voir à l'exposition préhisto-
rique h Bologne et qui appartiennent au Musée de Mol-
fetta. (Voir pi. 79, fig. 1.)
Les fouilles que j'ai personnellement exécutées et celles
du professeur de Luca,deM. Ferrari, chefdegare à Molfetta,
du professeur de Romita et d'autres, ont fourni bon nombre
de couteaux et grattoirs en silex gris&tre, quelques petits
couteaux en obsidienne et une toute petite hache en diorite
granitoïde, laquelle ne pèse que 10,5 grammes.
Les débris de poterie se trouvent en très grande quantité
dans les grottes, teélés à des cendres, et dans les déblais
adossés aux parois du Pulo, au pied des ouvertures des grottes.
— 181 —
labbé Giovene, en 1787, et déposée au Musée de Molfetta, a
la forme typique des haches polies qu'on trouve en Italie et
en Grèce ; elle est longue de 0"1 1 ; large, à la base, de 0"05;
pointue à l'une des extrémités.
Dans le môme Musée, il y a une hache cassée, en chloro-
mélanite et un beau couteau en silex grisâtre, de 0'"115 de
longueur, qui aurait pu servir comme pointe de lance. Tous
les deux faisaient aussi partie de la collection de Giovene.
Le Musée de Bologne possède quelques couteaux et grat-
toirs en silex, donnés par M. Foresti et recueillis par le pro-
fesseur de Romita; et plusieurs beaux spécimens de couteaux
et grattoirs en silex et en obsidienne se trouvent aussi dans
la collection de M. l'ingénieur Zedrighini, à Ancône. Le
plus grand nombre, à part ceux trouvés par Giovene, ont
été recueillis récemment parmi les anciens déblais qui sont
dans le fond du Pulo, et tout porte à croire qu'il y aurait
encore à trouver beaucoup d'objets, si l'on faisait des feuilles
soigneuses.
n résulte de ce rapide exposé :
*
1" Le Pulo de Molfetta et ses grottes doivent leur princi-
pale origine à d'anciennes sources thermales, lesquelles ont
déposé de l'argile ferrugineuse. Cette argile, comme celle des
grottes des bords de la Lesse, a beaucoup de rapports avec
la terre de Sienne, bien connue des peintres et dont j'ai étu-
dié le gisement au Monte Amiata, en Toscane.
2^ Les grottes du Pulo ont été habitées par l'homme à
Yâge de la pierre polie. On peut le constater par les instru-
ments qu'il a laissés et par les débris de son industrie et de
ses repas, dont ces grottes étaient en partie comblées.
3" La découverte des débris de l'industrie humaine dans
ces grottes doit se rapporter à l'époque des premiers tra-
vaux faits pour exploiter le nitre du Pulo, en 1783.
4*» L'abbé G. M. Giovene, à qui revient le mérite de
la découverte, a aussi indiqué, d'une manière très exacte, la
nature des objets rencontrés dans les grottes du Pulo, et il a
12
montré leur analogie avec les armes et outils des habitants
de llle de Taïli. Il aurait été impossible de mieux décrire
et de mieux caractériser ces objets, si la découverte eût été
faite de nos jours, après tous les progrès accomplis par notre
nouvelle science et malgré les découvertes faites depuis en
Danemark, en Suède, en France, en Belgitjue, en Suisse, en
Italie même et ailleurs.
Sur un squelette humain de Vâg« du Rome découvert à
Laugerie Basse, par M. Cabtailhac.
(Ce texte, râdigé par le secrétariat, a été soumis A rant«ur
avant rimpresaion.]
MM. Cartailhac, Massénat et Lalande ont découvert ré-
cemment un squelette humain dans un abri sous roche à
Laugerie Basse (Dordogne), Une couche de près de trois
mètres d'épaisseur recouvrait un bloc de rocher sous lequel
se trouvait le squelette. Elle contenait des débris de l'âge
du Renne et des zones de bois carbonisé mélangé à des
terres ayant subi l'action du feu. Ces anciens foyers démon-
trent que la couche n'a pas subi de remaniement, et, par
conséquent, l'antiquité du squelette découvert au dessous
n'est pas contestable.
Les explorateurs ont déduit de la position du squelette,
qu'on doit le considérer comme les restes d'un homme de
l'âge du Benne, victime d'un ébonlement.
Des Cyprées qui proviennent de la Méditerranée, ont été
— 183 —
chapitre V). Ce qui fait l'intérêt de cette classification, c'est
qu'elle ne repose pas sur un seul ordre de caractères, mais
sur la réunion de tous les caractères géologiques, paléonto-
logiques, archéologiques et anthropologiques. Je n'ai pas
l'intention de la discuter dans son ensemble ; je me bornerai
à attirer l'attention du Congrès sur un seul point.
En étudiant par ordre chronologique les diverses époques
qui se sontsuccédées depuis celle de Saint Acheul jusqu'à celle
des dolmens, notre savant collègue a signalé dans cette série
un hiatus subit et profond. A un certain moment, la chaîne
des temps semble brusquement rompue, et lorsque notre main
peut la ressaisir , l'ancien ordre de choses a disparu entière-
ment ; à sa place, nous trouvons un ordre de choses tout nou-
veau, sans qu'aucune transition établisse un passage de l'un
à l'autre.
A la suite de cette intéressante communication, M. le pro-
fesseur Hébert nous a dit, à son tour, que la géologie confir-
mait l'existence de Thiatus signalé par M. de Mortillet, et
qu'il s'était produit, pendant l'époque quaternaire, un phéno-
mène de très longue durée qui avait rompu la continuité des
couches paléontologiques.
Il semble au premier abord que ces deux opinions se prê-
tent un mutuel appui ; tandis qu'au contraire elles sont en
désaccord complet.
M. Hébert place la solution de continuité au milieu de
l'époque quaternaire. Il a dessiné sur le tableau une coupe
du terrain de Saint Acheul et divisé en trois couches les dé-
pôts quaternaires de la vallée de la Somme. La plus infé-
rieure renferme des silex ouvrés et de nombreux ossements
fossiles; la couche supérieure renferme également des fos-
siles et des silex; mais entre les deux existe une couche inter-
médiaire fort épaisse , qui paraît être (cela n'est pourtant
pas certain) d'origine glaciaire; qui, d'après sa grande épais-
seur, doit correspondre à une période fort longue, et qui est
caractérisée par l'absence totale de tout débris organique, de
- 184 -
tout produit de l'industrie bumaioe. Ce n*e3t donc pas à la
fin de l'époque quaternaire, mais au milieu de cette époque,
entre l'âge du Mammouth et l'âge du Eenne, que correspond
la lacune indiquée par M. Hébert.
Pour M. de Mortillet, au contraire, l'âge du Mammouth
et l'ftge du Kenne se succèdent sans interruption. De Saint
Acheul au Mouatier, du Moustier à Solutré et à la Made-
leine, l'industrie du silex se modifie sans doute, mais gra-
duellement; tandis que, lorsqu'on arrive k la fin de l'âge du
Benne et qu'on passe à l'époque moderne, on trouve tout à
coup la pierre polie et, avec elle, des sociétés humaines
entièrement différentes de celles de l'époque de la pierre
taillée.
C'est là le changement sans transition dont M. de Mor-
tillet nous a parlé.
Les communications de nos deux collègues ne se rappor-
tent donc pas au même fait. On ne peut pas dire qu'elles se
confirment réciproquement. Tout ce qu'on pourrait en con-
clure, c'est qu'il y a eu, dans l'évolution préhistorique
de l'homme, deux solutions de continuité au lieu d'une seule.
Mais, d'une part.M, de Mortillet constate dans les cavernes
l'existence de l'homme et de ses œuvres pendant toute la
durée de l'époque quaternaire. Il comble donc la lacune
signalée par M. Hébert. Pendant que se déposait, au dessus
de la première couche quaternaire, la couche qui ne renferme
ni débris fossiles, ni silex taillés, l'homme n'habitait évidem-
— 185 —
Le fait que je viens soumettre au Congrès, me paraît de
nature à établir que le passage de l'époque de la pierre tail-
lée à l'époque de la pierre polie ne s'est pas effectué sans
transition.
La distinction de ces deux époques ne repose pas seule-
ment sur la présence ou l'absence des silex polis, mais sur
un ensemble de caractères que M. de Mortillet nous a expo-
sés, et que je résume rapidement :
1* Les hommes de l'époque de la pierre taillée vivaient
au milieu d'un faune différente de notre faune actuelle;
leurs stations les plus récentes renferment encore les osse-
ments du Renne et de plusieurs autres espèces aujourd'hui
émigrées.
2" Ils n'avaient pas d'animaux domestiques.
3" fls avaient des armes et des instruments en silex taillé,
en os et en bois de Renne, mais ils n'avaient pas de silex
polis.
4* Ils n'avaient pas de poteries (Cette proposition est trop
générale. M. Dupont à constaté que les troglodytes belges
faisaient déjà de la poterie à l'âge du Mammouth , et qu'ils
ont continué à en fabriquer jusqu'à la fin de l'âge du Renne).
5** Ils établissaient leurs stations dans des cavernes. A ces
caractères, j'en ajouterai un autre dont M. de Mortillet n'a
pas parlé, mais qu'il connaît certainement, c'est que les tro-
glodytes, lorsqu'ils donnaient la sépulture à leurs morts, les
déposaient dans des cavernes peu éloignées des cavernes
d'habitation. Leurs rites funéraires durent varier suivant les
temps et suivant les lieux ; ils ne sont pas tous connus, mais
il me suffira de rappeler la description de la célèbre sépul-
ture d'Aurignac, si bien étudiée par Edouard Lartet.
Les corps étaient déposés dans la partie profonde et rétré-
cie d'une caverne dont l'ouverture étroite était fermée par
une dalle de pierre, et, au devant de cette ouverture, sur une
plate-forme plus large abritée par le rocher, on faisait le repas
des funérailles.
/■:-
A l'époque de la pierre polie, ces caractères sont remplacés
par les suivants :
1' H n'y a plus dans la faune que nos espèces actuelles.
2" On a des animaux domestiques.
3° On se sert toujours des silex taillés, mais on a en outi-e
des silex polis.
4° L'usage de la poterie est général.
5° On n'habite plus les cavernes.
Enfin, aux cavernes sépulcrales ont succédé des monu-
ments mégalithiques, sorte de cavernes artificielles que l'on
construisait avec de grandes pierres, et que l'on recouvrait
ensuite de terre pour simuler une caverne.
La station que je vais décrire participe à la fois de ces
deux séries de caractères. Un fragment de silex poli la rat-
tache à l'époque de la pierre polie, La faune est celle de nos
jours; la poterie est en usage; mais il n'est pas certain qu'on
ait des animaux domestiques. On habite dans les cavernes,
et l'on dépose les morts dans des cavernes sépulcrales exacte-
ment semblables à celle d'Aurignac. Enfin la population
appartient à une race entièrement différente de celle dont
on trouve les ossements dans les dolmens de la même région.
Cette station est située dans la partie méridionale et occi-
dentale du département de la Lozère, sur le territoire de la
. commune de Saint Pierre des Triplés, au fond d'une gorge
sauvage qui va déboucher dans la vallée de la Joute.
A quelques lieues de là, en remontant le cours de la Jonte,
— 187 —
On ne sait depuis quand ce lieu s'appelle ainsi; il est pos-
sible qu'un léger éboulement ait mis autrefois à découvert
une tête d'homme ; peut-être aussi est-ce un pâtre qui , en
fouillant avec son bâton, rencontra les débris d'un squelette
et s'en alla, épouvanté , raconter qu'un homme avait été tué
là. Ce qui, je pense, n est pas douteux, c'est que ce nom de
Y Homme mort est venu de quelque circonstance se rappor-
tant à la caVerne.
L'ouverture de la caverne était en grande partie obstruée
par un amas de sable. Il y a deux ans environ, un paysan,
propriétaire de la caverne, 'essaya d'en déblayer l'ouverture
pour se procurer un abri pendant les fortes chaleurs. Il re-
jeta ainsi une grande quantité de sable et mit à découvert
bon nombre d'os humains, qu'il jeta dans un ravin voisin,
afin , dit-il , qu'ils ne fissent pas peur à ses enfants. Mais
bientôt eflErayé lui-même, il abandonna la partie.
Avertis de ce fait, le curé de Saint Pierre et son vicaire
se rendirent à Y Homme mort\ les paysans, enhardis par leur
présence , remuèrent encore le sable près de l'ouverture ; de
nouveaux crânes furent déterrés et recueillis cette fois par
le vicaire.
Quelque temps après , un ecclésiastique , ami du vicaire ,
rencontra, à Marvéjols, M. le docteur Prunières, l'infatigable
explorateur des dolmens de la Lozère , et lui signala l'exis-
tence de l'ossuaire de Y Homme mort ; M. Prunières se mit
aussitôt en route. De Marvéjols à Saint Pierre les Triplés
il n'y a guère plus de dix lieues ; mais les communications
sont si difficiles que le trajet dure toute une journée. M. Pru-
nières, ne pouvant prolonger son absence, dut se borner à
fouiller une partie de la caverne. Il se proposait de revenir
bientôt , mais sur ces entrefaites la guerre éclata et sa se-
conde expédition fut ajournée.
On lui avait promis de ne pas continuer les fouilles en
son absence. On avait compté sans les chercheurs de trésors.
Bon nombre de crânes et d'ossements extraits par ces naïfs
spéculateurs furent jetés duiB un ravin ; ils s'y brisèrent et
les eaux pluviales finirent par en emporter les débris.
Cependant M. Prauières m'avait expédié à Paris une caisse
contenant le produit des premières fouillea, et j'avais pu me
convaiDcre que le type des crftnes était entièrement différent
de celui de nos populations actuelles. Frappé de l'importance
de ce fait, je priai M. Prunières de vouloir bien attendre,
pour reprendre et terminer les fouillea, le moment où mes
occupations me permettraient d'y prendre part avec lui. Il
eut la bonté de se rendre à mes désirs. C'est donc seule-
ment k la fin du mois d'avril dernier, pendant les vacances
de Pâques, que nous avons fait ensemble le voyage de Saint
Pierre des Tripiés.
Le vénérable curé de cette paroisse nous donna l'hospita-
lité au presbytère. Il nous aplanit toutes les difficultés et,
non content de nous procurer des ouvriers, il travailla aux
fouilles de ses propres mains. Je ne saurais trop remercier
ce digne ecclésiastique; sans lui, notre expédition aurait
certainement échoué, parce que la paysanne à qui appar-
tient la caverne, était convaincue que des gens venus de si
loin ne pouvaient avoir d'autre but que de s'emparer d'un
trésor caché. Il fallut toute l'éloquence du curé et du vicaire
pour la décider à accepter notre marché, et encore esigea-
t-elle que toutes les opérations se fissent en sa présence.
Lorsqu'elle allait prendre ses repas, sa fille nous surveillait
à sa place.
tit h l;i di'S
— 189 —
et au bout de laquelle on aperçoit l'ouverture d'une caverne
très spacieuse qui servait d'habitation aux troglodytes. Au
dessous de cette pelouse , la gorge se rétrécit rapidement et
là commence brusquement un ravin étroit, profond et escarpé
qui descend presque en droite ligne jusqu'à la Jonte.Ce ravin
est ordinairement à sec; il ne charrie que les eaux provenant
de la fonte des neiges ou des pluies d'orage.
C'est sur la rive droite ou occidentale du ravin, à 15 mètres
environ de son bord à pic et tout près du point où il com-
mence, qu'est située la caverne de Y Homme mort, dont l'ou-
verture est par conséquent dirigée vers Test. Avant les pre-
mières fouilles, cette ouverture était en grande partie obstruée;
aujourd'hui la caverne est entièrement déblayée et présente
les caractères suivants.
Elle est précédée d'une plate-forme abritée sous roche,
longue d'une dizaine de mètres, et large de 3 mètres à peine,
mais sans doute plus large autrefois, car les ébouli& qui en
proviennent, ont formé un tahis qui descend jusqu'au ravin
sous un angle d'environ 45 degrés.
La caverne proprement dite débouche sur le fond de la
plate-forme par une ouverture large de l™30et hautede 1"50.
Elle s'élargit ensuite peu à peu et, à 6 mètres do l'ouverture,
elle a un peu plus de 2 mètres de largeur sur 2"50 de hau-
teur ; puis elle se rétrécit brusquement et se bifurque en deux
boyaux étroits et impraticables, qui vont aboutir, de l'autre
côté du rocher, à de petites crevasses. Le sol de la caverne est
horizontal , mais les deux boyaux sont en pente et les eaux
qui les ont traversés, ont pu apporter le sable qui forme, dans
]b, caverne, une couche d'un mètre environ d'épaisseur. C'est
dans cette couche que se trouvaient les ossements humains.
Une couche épaisse de cendres et de charbons, renfermant
des objets en silex et des débris de repas, recouvrait le sol de
la plate-forme et s'arrêtait tout à coupàl'entrée de la caverne.
Cette disposition est toute semblable à celle de la sépulture
d'Aurignac : sur le devant, une large plate-forme exclusi-
— 190 —
vemeiit consacrée au festin funéraire et, dans le fond, une
caverne étroite où l'on déposait les corps.
Mais, à Aurignac, une grande dalle verticale, une vraie
porte de pierre, bouchait l'ouverture de la caverne propre-
ment dite et séparait la demeure des morts de celle des
vivants, tandis qu'ici l'ouverture paraissait libre; nous
n'avons pu retrouver les débris de la dalle ni sur la plate-
forme, ni sur le talus qui en descend ; mais, en poursuivant
la fouille, nous avons découvert des assises de pierre, évi-
demmeutdestinéesàsupporterie poids d'une portetrès lourde.
C'étaient de gros moellons, très grossièrement équarris,
partant des deux borda de l'ouverture et formant deux petits
murs parallèles, longs de 50 centimètres, hauts de 30, avec
un*petit retour transversal de chaque côté. Ces moellons
reposaient sur le roc ; la terre s'était infiltrée entre eux, mais
ils n'étaient pas autrement cimentés. Leurs bords supérieurs
étaient sur un môme niveau horizontal. Cette construction
ne pouvait être autre chose que la base sur laquelle reposait
la clôture. H y avait donc une séparation, au niveau de l'ou-
verture de la caverne, entre la sépulture proprement dite et
la plate-forme sur laquelle on faisait le repas des funérailles.
De quelle nature était la clôture? Le paysan qui a fait les
premières fouilles, a raconté que, dans le sable qu'il enlevait,
se trouvaient de gros moellons qui paraissaient former à l'en-
trée une sorte de mur en pierres sèches. Je n'ai pu interroger
cet homme, qui était absent lorsque je suis allé à SaintPierre.
— 191 —
bornés à fermer la caverne sépulcrale avec de grosses
pierres superposées, plus faciles à écarter, au moment de
chaque cérémonie funéraire, qu'une dalle d'une seule pièce.
Ces diverses hypothèses peuvent se discuter ; mais ce qui est
certain, dans tous les cas, c'est l'existence d'une clôture repo-
sant sur les assises de pierre qui ont été retrouvées à l'entrée
de la caverne.
Immédiatement en arrière de cette ligne de démarcati(»n
commençaient les ossements humains, contenus dans une
épaisse couche de sable extrêmement sec, qui les avait con-
servés d'une manière remarquable.
Ces ossements étaient loin d'être répartis d'une manière
uniforme dans la caverne. Celle-ci, comme je l'ai déjà dit,
a une profondeur d'environ 6 mètres. Les ossements éta]j(?nt
peu nombreux dans les 2 premiers mètres, à partir de Fou-
verture; ils étaient très nombreux au contraire dans les
2 mètres suivants et surtout dans le 5" mètre, où ont été
trouvés la plupart des crânes. Enfin, à 1 mètre environ du
fond de la caverne, ils cessaient tout à coup.
D est permis d'en conclure que l'inhumation se faisait
chaque fois dans la partie de la caverne la plus rapprochée
de l'ouverture et que, pour faire place au corps, on rejetait
vers le fond de la caverne les débris des corps précédents.
Pour que cette conclusion fût tout à fait certaine, il fau-
drait qu'on eût trouvé près de l'ouverture un squelette encore
en position, avec ses os placés bout à bout. Malheureusement
cette première partie de la caverne n'a pas été fouillée métho-
diquement. Avant le premier voyage de M. Prunières, elle
avait déjà été, sinon tout à fait déblayée, du moins entière-
ment bouleversée par le paysan dont j'ai parlé, et celui-ci ne
put déterminer les rapports dans lesquels il avait trouvé les
os de la couche la plus superficielle du sable. Mais ce que
M. Prunières constata bien nettement, c'est que, dans la
seconde partie de la caverne, les os étaient répartis sans
aucun ordre et que, par conséquent, ils y avaient été repous-
192 -
ses et entassés pêle-mêle après la destruction complète des
chairs.
Dans le premier tiers de la caverne gisaient deux poin-
çons en os et une pointe de flèche en silex, sans le moindre
débris de charbons, de poteries ou d'ossements d'animaux.
Aucun objet quelconque, autre que les os humains, n'a été
trouvé dans le reste de la caverne, quoique M. Prunières,
un foiiilleur comme il y en a peu, ait tamisé tout le sable de
ses propres mains.
C'est exclusivement, je le répète, dans le sol de la plate-
forme qu'existaient les foyers et les débris des festins, for-
mant une couche d'environ 40 centimètres d'épaisseur. Dans
cette couche, nous avons trouvé une grande quantité de cen-
dres et de détritus de charbon, au moins sept foyers avec
leurs pierres, des couteaux et grattoirs de silex, une belle
pointe de lance en silex, des ossements d'animaux brisés
comme le sont les restes do cuisine, enfin plusieurs grands
vases en poterie très grossière, très épais, très plats et très
larges.
Tous les silex étaient taillés; mais l'un d'eux, la pointe de
lance, avait été fabriqué aux dépens d'une vieille hache
polie. Une partie de la surface polie de cette hache s'aperce-
vait encore sur l'une des faces de la flèche.
Ce dernier fait suffit parfaitement pour prouver que la
caverne de l'Homme mort est une sépulture de l'âge de la
pierre polie. Et cela découlait déjà d'ailleurs de l'étude des
— 193 —
par un habitant de Merrucys, et je le regrette beaucoup, car
la question de savoir si les troglodytes de YRomme mort
avaient des animaux domestiques reste douteuse.
Parmi ces ossements, nous avons trouvé deux petits os hu-
mains, savoir : un court fragment de radius et un cuboïde
provenant d'une jeune femme. Sur Tune des extrémités du
radius et sur l'une des faces du cuboïde, on apercevait des
traces incontestables de carbonisation. Mais cela ne suffit
pas sans doute pour prouver l'anthropophagie. Ces deux
petits os ont très bien pu, pendant une inhumation, rouler
de l'ouverture de la caverne, se perdre dans le sol de la plate-
forme et se trouver ensuite fortuitement en contact avec le
feu d'un festin.
n résulte, je pense, de la description précédente que la
sépulture de \ Homme mort est très semblable à celle d'Au-
rignac, qu'on y pratiquait les mômes funérailles, suivant les
mêmes rites, que par conséquent les hommes de ce temps-là
avaient conservé les mœurs des troglodytes de l'époque qua-
ternaire.
Il était bien probable, dès lors, que nous trouverions, à
peu de distance de la caverne sépulcrale, une caverne d'ha-
bitation. C'est ce qui n'a pas manqué. A 400 mètres de là, à
l'extrémité septentrionale de la gorge de \ Homme mort, au
bout de la pelouse que j'ai déjà décrite et qui était assez vaste
pour servir aux ébats d'une tribu nombreuse, existe une
grande et haute caverne, dont l'ouverture, large de 7 à 8 mè-
tres, regarde directement vers le sud.
A l'entrée de cette caverne, un énorme bloc de pierre,
détaché de la voûte, forme une grande table horizontale et
transversale, haute de 1"20, large de l^SOetlongue de 2"'50.
Cette table existait déjà lorsque la caverne était habitée, car
sur sa face supérieure, près de l'un de ses bords et du côté
de la caverne, existe une rainure artificielle, dont les bords,
usés par le frottement , paraissent avoir servi à polir des
haches ou plutôt à en raviver le tranchant. C'était un meuble
194 -
naturel, qui devait être fort commode, aussi bien pour dé-
poser des objets, que pour faciliter la défense de l'habitation.
Le sol de la caverne est formé par le roc; la voûte est
sèche, sans fissures ; il n'y a point de stalactites et l'absence
d'infiltration explique pourquoi il ne s'est pas déposé de cou-
ches terreuses dans la caverne. Celle-ci sert encore aujour-
d'hui de refuge aux pâtres ; en temps d'orage, on y abrite
aisément tout un troupeau ; une clôture incomplète en pierres
sèches et en branchages, qui a été établie par les pâtres,
derrière la table de pierre, empêche le vent de s'y engouffrer
avec trop de force. On y fait souvent du feu, car la voûte
est enfumée, et cependant c'est h peine si l'on trouve çà et ià
8ur le sol quelques débris de ces foyers modernes. Il faut
croire que, pour se mettre à l'aise, les pâtres ont plus d'une
fois balayé le sol, et c'est pour cela sans doute que les traces
de l'habitation troglodytique ont presque entièrement dis-
paru.
Mais en quelques points où le sol est un peu inégal, prin-
cipalement près des parois et sur les bords de la dalle de
pierre, existent des couches de terre de 20 à 25 centimètres
d'épaisseur ; quelques couteaux de silex, quelques débris d'os-
sements d'animaux et de poteries, trouvés dans ces minces
couches, suffisent pour prouver que la caverne a été réelle-
ment habitée. Les couteaux sont semblables à ceux qui ont
été extraits de la plate-forme de Vffomvie mort, et il est dès
lors très probable que la grande caverne était l'habitation de
— 195 —
lorsqu*on la Toit reparaître à de? époques différentes, on ii*a
pas le droit d>n oonclare que ce soit Tefiet d^une transmis-
sion non interrompae. 3klais la similitiide des rit^s funêraiTe>
ne peut s*explîqaer que par rimitation ou par la filiation. Et
lorsque nous retrouvons chez les troglodyte? de Y Homme
wuni une sépoltore en tout pareille à celle d'Aorignac* nous
pouvons en conclure, je pense, que cette coïncidence parfaite
n'est pas leffet du hasard.
Les races humaines de Tépoque quaternaire n ont donc
pas subitement disparu. Vaincues, eiterminées même peut-
être sur certains points par la race qui possédait la hache
polie, elles ont pu se maintenir longtemps encore eu d*autres
lieux mieux défendus par la nature ou mal appropriés au
genre de vie des nouveau-venus ; et 1 on conçoit très bien
que ces survivants d'un autre âge aient conservé les moeurs
de leurs ancêtres, tout en adoptant, par imitation, l'usage
des silex polis.
Ces probabilités, déjà si grandes lorsqu'on ne considère
que les faits archéologiques, se changent presque en certitude
lorsqu'on fait intervenir les faits anthropologiques. Je dirai
donc quelques mots, en terminant, sur les crânes et les osse-
ments de la caverne de Y Homme mort.
On peut évaluer à une cinquantaine, au moins, le nombre
des corps que renfermait cette sépulture. J'ai déjà dit que
beaucoup d'ossements ont été perdus; beaucoup d'autres sans
doute s'étaient depuis longtemps détruits dans le sol, et
cependant il reste encore 19 crânes presque complets, sans
compter de nombreux fragments qui n'ont pu étrcjippa-
reillés et qui proviennent au moins de 10 têtes différentes.
Cette collection si précieuse par le nombre des crânes, par
leur degré remarquable de conservation et par la constance
de leur type, m'a été généreusement donnée par M. Prunières,
pour le laboratoire d'anthropologie de l'École des Hautes
Études. Ilne s'est réservé, pour sa collection particulière,
que 4 crânes qu'il m'a permis de faire mouler et dont j'ai
apporté des exemplaires, destinés au Musée d'Histoire natu-
relle de Bruxelles,
Je vous présente une épreuve de ces 4 crânes. Vous voyez
combien ils sont semblables entre eux. Ils ne sont pas moins
semblables aux autres, car ils n'ont pas été choisis. C'est le
hasard seul qui les a groupés; ce sont simplement les
4 derniers crânes extraits de la sépulture.
La collection comprend 7 hommes, 6 femmes, 3 enfants
d'une douzaine d'années et enfin 3 crânes dont le sexe est
incertain (l'un probablement masculin, les 2 autres probable-
ment féminins).
Tous sont remarquables par la douceur de leurs traits, par
la pureté de leurs contours, par la minceur de leurs parois,
par le peu de saillie des attaches musculaires, par la
forme orthognate du visa^.La capacité en estconsidérable :
1 ,544 centim. cubes en moyenne ; le front est large et haut,
le vertex est bien arrondi et les tempes sont peu saillantes.
La face et la région antérieure du crâne sont très peu varia-
bles. Ce qui présente le moins de fîxité, c'est le degré de
saillie de la région occipitale, qui est d'ailleurs toujours
arrondie et assez étroite. De cette cause, plus que de toute
autre, dépendent les variations de l'indice céphalîque, qui
(lont comprises entre 68 et 78 "/«. L'indice céphalique moyen
de toute la série n'est que de 73.22 "/»■
C'est dire que la race de l'Homme mort est très dolichocé-
phale. Elle diffère beaucoup, sous ce rapport, de toutes les
populations actuelles de la France, de toutes nos populations
— 197 —
Sur les plateaux des Causses, non pas dans la commune
de Saint Pierre, mais à peu de distance de là, se trouvent de
nombreux dolmens. Ces monuments que M. le docteur Pru-
nières a exploré avec une activité peu commune, occupent
presque toute l'étendue de la grande région des plateaux cal-
caires désignés dans la Lozère et TAveyron sous le nom de
Causses. Les plus modernes renferment des ornements en
bronze et en verre, d'origine très probablement phénicienne.
Les plus anciens ne recèlent que des objets en pierre et nous
ne savons s'ils remontent jusqu'à l'époque des troglodytes
de V Homme mort. Cela n'est pas sans vraisemblance. Il est
assez probable que la race qui éleva les dolmens et la race de
VHomm4 mort vécurent quelque temps juxtaposées dans ces
deux régions voisines. Mais ce qui est certain, c'est que ces
races différaient entièrement l'une de l'autre. Les crânes
extraits des dolmens par M. Prunières sont beaucoup plus
épais que ceux de VHomvie mort. Ils sont beaucoup moins
dolichocéphales et bon nombre sont même plus ou moins
brachycéphales. Leurs traits et leurs contourssont plus durs,
moins harmoniques; les empreintes musculaires et le volume
des mâchoires annoncent une race plus puissante. L'étude
des os des membres confirme pleinement ces difiFérences. La
taille des troglodytes est moins élevée que celle des hommes
des dolmens. Leur ossature est beaucoup moins massive;
leurs membres sont plus grêles, leurs rotules plus petites.
Il est évident, en un mot, que la race des dolmens était beau-
coup mieux partagée sous le rapport de la force physique.
La disparition de la race de V Homme mort ne saurait
donc nous surprendre. Comment et quand s'est-elle eflFectuée?
Nous l'ignorons ; nous ne savons pas non plus si d'autres
débris des populations quaternaires ont survécu plus long-
temps, en d'autres lieux, à l'état de tribus distinctes. Mais ce
qui, je pense, doit être considéré comme extrêmement pro-
bable, c'est que la tribu des troglodytes de \ Homme mort
appartenait à une race antérieure à celle qui a construit les
13
198 -
dolmens et qu'elle continua à représenter quelque temps
encore, pendant la période de la pieiTe polie, les populations
de l'époque de la pierre taillée.
M. Cazalis de Fondouce. J'ai été heureux d'entendre
M. Broca développer et soutenir une opinion que j'avais
formulée déjà depuis longtemps , mais j'ai été surpris de
l'entendre dire que la grotte sépulcrale de Yffomme mort est
peut-être la plus récente que l'on connaisse. Dans un travail
publié en 1867, j'ai décrit la grotte sépulcrale de Saint Jean
d'Alcas (Avejron), qui est de l'âge de la pierre polie et qui
contenait même quelques objets en métal. J'ai établi, par la
comparaison de son mobilier funéraire avec celui des dol-
mens voisins, qu'ils étaient exactement identiques et par
suite de la môme époque, et que les populations qui enter-
raient leurs morts dans les dolmens, avaient conservé l'habi-
tude de les ensevelir aussi dans des grottes. En même temps,
je faisais ressortir la continuité de cette tradition, qui me
paraissait être une preuve que, parmi les hommes de l'âge
de la pierre polie, se trouvaient les descendants de ceux des
âges précédents. Je vois encore des preuves de ce fait dans
l'observation faîte par MM. de Quatrefages, Hamy et d'autres
anthropologistea, que l'on retrouve, dans nos populations
actuelles, des individus reproduisant les types de la Naulette,
du Néandertha!, etc., et dans la reproduction des formes des
silex de Solutré et de Laugerie par les flèches et les lances
de l'âge de la pierre polie. On a même trouvé, dans une
— 199 —
danà le Midi de la France que celles qui leur ont servi de
sépulture. H y a déjà plusieurs années que M. OUier de Ma-
richard a fait connaître celles de Vallon (Ardèche), et je
décris moi-môme, dans un travail qui est en ce moment
sous presse, une de ces grottes située sur les bords du Gardon.
Ma conviction est que le peuple des dolmens, en venant dans
nos pays, s'est uni avec les vieux habitants du sol en pré-
sence desquels il s est trouvé et qu'il a fini par les absorber.
Comme à M. Broca, il ne me paraît point que la lacune
signalée par M. de Mortillet ait réellement existé.
M. Franks. Des grottes sépulcrales du même genre que
celles décrites par M. Broca ont été trouvées au Nord du pays
de Galles. Ces grottes ont été décrites par M. Boyd Dawkins
et par M.Busk dans le « Journal of the Ethnological Society
of London» (1871), II, p. 440, sous le titre « Platycnemic
men in Denbighshire. »
Quant aux cavernes de l'Angleterre, c'est vers la fin de
roccupation romaine qu'elles ont été le plus habitées; peut-
être les Bretons romanisés s'y sont-ils réfugiés au moment
de l'invasion saxonne.
Comparaisons entre les ossements des cavernes de la Belgique
et les ossements des hjoekkenmoedding du Danemark^ du
Groenland et de la Laponie, par M. J. Steenstrup.
A la fin de la discussion soulevée par la question du mode
de remplissage des cavernes et de l'antiquité de leurs couches,
la parole m'a été donnée pour indiquer le résultat de quel-
ques comparaisons entre les innombrables os d'animaux qui
ont été extraits des cavernes de la Belgique et qui sont, pour
la plupart, considérés comme des restes de repas des tro-
glodytes, et les os, également très nombreux, que nous
avons retirés en Danemark des kjoekkenmoedding de l'âge
de la pierre ou qui ont été recueillis au Groenland dans des
amas de même nature formés par les Esquimaux, peuple dont
toute la manière de vivre a souvent suggéré & M. É. Dupont
un parallélisme avec les habitants des cavernes de la
Belgique. II vadonc de soi que, pour aujourd'hui, je me boi>
nerai h l'examen de quelques points qui sont en connexion
plus ou moins directe avec la principale question à l'ordre
du jour, à savoir la nouvelle et intéressante démonstration
géologique que M. Dupont adonnée de l'histoire des cavernes.
Mais, avant de développer ces points, je demanderai la
permission de lui soumettre quelques remarques. Pour
éviter tout malentendu, je dois en effet prévenir que mon opi-
nion sur le contenu des cavernes belges ne s'appuie pas sur
les observations que j'ai pu faire, depuis notre arrivée au
Congrès, sur les grandes richesses mises au jour par les
fouilles de ces cavernes ; mais eUe est basée sur une étude
antérieure à laquelle je me suis livré dans un but déterminé,
n y a environ deux mois, je me suis en effet rendu &
Bruxelles dans le but spécial d'examiner les trésors paléon-
tologiques que les publications de M. Dupont ont rendus
célèbres, et j'ai consacré une semaine exclusivemetft à cet
examen ; car, bien que je me sois occupé pendant plusieurs
années de sujets analogues ou identiques sur les cavernes des
autres pays de l'Europe, cette étude préliminaire des trou-
vailles des cavernes belges m'était tout à fait indispensable
pour pouvoir, comme je le désirais, suivre avec fruit les dis-
cussions du futur Congrès. C'est pour moi un devoir, que je
remplis avefc une vive satisfaction, de remercier notre secré-
— 201 —
subventionnées par l'État belge, mais aussi arranger, éti-
queter les innombrables objets extraits des cavernes et les
disposer suivant une méthode qui, tout en permettant d'en
saisir facilement 'l'ensemble, fournit sur beaucoup d'entre
eux des renseignements spéciaux et empêche toute confu-
sion. Sans parler des crânes nombreux d'animaux, les
personnes même les plus étrangères à la science ne peuvent
sans surprise voir des raretés comme la série des squelettes
du Lion et de l'Ours des cavernes à partir de l'état de fœtus.
Néanmoins quelque précieux que ces objets soient pour
la science, ils doivent céder le pas à la grande masse
d'os isolés et de fragments d'os que renferment les collec-
tions et qui ne peuvent avoir de l'intérêt que pour le savant.
Mais celui-ci ne saurait non plus utiliser sérieusement ces
collections sans reconnaître que, même dans le cas où plu-
sieurs des résultats auxquels l'étude de ces ossements a con-
duit M. Dupont, viendraient, dans le cours des temps,
lorsque toutes les cavernes de l'Europe seront mieux con-
nues, à subir quelques modifications essentielles, il n'en res-
tera pas moins constant que de ces grandes et riches trou-
vailles datera une ère de remarquables progrès dans nos
connaissances relativement aux cavernes et surtout à la série
des faunes qui se sont succédées dans les dernières phases
géologiques de notre planète.
En ce qui concerne mes recherches sur les kjoekkenmoed-
ding desEsquimaux du Groenland, je ferai seulement observer
que je ne les ai pas entreprises dans le but d'établir des
comparaisons entre ces amas et ceux d'autres peuples, par
exemple les troglodytes des cavernes de l'Europe, mais pour
comparer les renseignements qu'ils peuvent fournir, avec
ceux que nous donnent les écrits et les relations qui ont été
publiés sur les Esquimaux ou ceux que nous avons pu obtenir
en vivant au milieu d'eux.
En considérant, d'une part, l'importance qu'ont acquise
dans ces dernières années, comme sources pour l'histoire des
anciens peuples, les recherches concernant les kjoekkenmoed-
ding, les palafittes, les terramares et le contenu des cavernes
qui ont servi de séjour ou d'habitation à d'anciennes popu-
lations, et, d'autre part, l'assurance avec laquelle, à l'aide des
données fournies par ces monuments, mais peut-être souvent
recueillies sans aucun plan arrêté, on a cherché à recom-
poser un tableau général de la vie et de la civilisation de tels
peuples; en considérant, dis-je, ces deux faits, il m'a semblé
que plus ils étaient évidents, plua il y avait aussi lieu de
regretter qu'on n'eût pas comparé directement les temoi-
guages des kjoekkenmoedding d'un peuple sauvage ou demi-
sauvage encore existent avec des traditions précises, suscep-
tibles d'être enrichies et rectifiées, et qu'on ne se fût pas
ainsi convaincu jusqu'à quel point le tableau, fourni par ces
monuments, pouvait être complet ou défectueux.
J'ai pensé que les kjoekkeumoedding du Groenland et de la
Laponie se prêteraient, de préférence pour nous, babitents
du Nord, à une expérience de ce genre et c'est dans ce but
que j'ai entrepris ces recherches.
Je passe maintenant à ma communication proprement
dite, qui fournira peut-être des points de comparaison
instructifs avec les restes de repas qui ont été trouvés dans
les cavernes ' .
M. É. Dupont, dans ses remarquables travaux sur les
cavernes belges, nous a donné les listes des os d'animaux
qui ont été recueillis dans chacune d'elles. En comparant
notamment les listes des animaux qui ont été trouvés dans
— 203 —
tion que ces repas semblent présenter. Es forment par là un
contraste frappant avec nos kjoekkenmoedding de l'âge de
la pierre ou avec ce que j'ai pu constater, pour une époque
beaucoup plus récente, dans les amas analogues des Esqui-
maux du Groenland, peuple dont M. Dupont met cependant
la manière de vivre en parallèle avec celle de ses Mongo-
loïdes des cavernes de la Belgique. Aussi bien au Groenland
qu'en Danemark, un nombre restreint d'espèces constituent
le fond invariable de la nourriture animale ; là, le Renne, les
Phoques et quelques palmipèdes (mouettes, eiders); ici, le
Cerf, le Chevreuil, le Sanglier et quelques oiseaux aquati-
ques. Parmi les cavernes de la Belgique , il y en a bien
quelques unes où, d'après les listes, ces restes de repas se
composent essentiellement d'un élément principal, le Renne
ou le Cheval ou tous les deux à la fois, mais dans le plus
grand nombre, ils consistent en un singulier mélange des
animaux les plus divers, de sorte qu'en face d'une alimenta-
tion si variée, il est assez difficile de distinguer à quoi, en
définitive, se rattachait principalement l'existence de ces
peuples primitifs. Cette variabilité d'aliments va même si
loin, qu'il y a des cavernes dont les habitants, d'après les
listes, auraient vécu aussi bien d'animaux carnassiers que
d'autres animaux, et, ce qui rend la chose encore plus extra-
ordinaire, c'est qu'on peut observer une variation si grande
dans des cavernes assez voisines les unes des autres.
Ce fait est en opposition non seulement avec l'identité de
composition que nos kjoekkenmoedding et ceux des Esqui-
maux présentent d'une localité à l'autre, mais aussi, que je
sache, avec ce qu'on a d'ailleurs observé chez les peuples
peu avancés en civilisation. En face de cette singularité des
troglodytes belges, on est donc déjà forcé de se demander si
les ossements contenus dans les couches des cavernes et
parmi lesquels figurent incontestablement des restes de
repas, peuvent, à bon droit, par le fait seul de leur présence
dans les couches, être tous rangés parmi ces restes ou consi-
déres conune ajant été introduits dans les cavernes au même
tamp» et daos le même but.
La questioii peut d'autant moins être écartée qu'elle s'im-
puM. comme nous venons de le voir, non seulement par des
«MiBÎdéntions d'anthropologie, mais aussi par les faunes.
Les restes d'animaux qu'on trouve dans les amas du Groen-
land appartiennent en effet à une faune arctique, unique et
aatorelle ; de même ceux de nos kjoekkenmoedding de l'âge
de la pierre ne représentent que des animaux d'une seule et
même faune. Dans les cavernes belges, les animaux dont les
«figurent parmi les restes, dits de repas, sont bien supposés
appartenir à une faune homogène, mais à une faune qui,
dans le cours des temps, serait devenue tout autre, c'est à
dire beaucoup plus pauvre, et cela, remarquons-le bien, sui-
vant un procédé déterminé et, je ne puis le nier, d'après
moi assez singulier. On suppose, en effet, que les éléments
moins anciens de la faune, qui, pendant un très long espace '
de temps, lui ont imprimé un caractère presque arctique, en
ont également fait partie à une époque plus reculée, et ont
par suite été absolument contemporains des grands animaux,
depuis lorsdisparus, qui donnaient à cette faune un caractère
tout diffirent de celui d'une faune subarctique, à savoir le
Mammouth, le Rhinocéros, l'Hyène et en partie le Lion des
cavernes, etc. Les restes de ces animaux ontété incontestable-
ment extraits des mêmes cavernes et souventau même niveau
que ceux des animaux subarctiques, mais aont^ils aussi réel-
— 205 —
faune boréale ou boréo-orientale , comprenant le Renne, le
Canis lagopus, le Lemmns TwrvegictcSy le Tetrao lagopus, etc.,
et cela sur un territoire aussi restreint que Test aujourd'hui
celui de la Belgique, pour ne pas parler de ce qu'il était
alors. Il craint constamment que les singularités, que présen-
tent les cavernes dans l'accumulation et l'association de leurs
ossements et qui lui imposent des combinaisons si difficiles,
ne soient dues à quelque mystification temporaire que la na-
ture aurait ménagée au naturaliste, ou bien que le naturaliste
se serait, par inadvertance, préparée à lui-même.
n ne m'appartient pas de répondre pour les autres zoolo-
gistes, mais, quant à moi, qu'il me soit permis de déclarer
que je suis hors d'état d'établir les conditions d'une faune
ayant la composition de celle que les archéologues considè-
rent comme contemporaine des hommes qui les premiers
cherchèrent un refuge dans les cavernes.
Un autre point de comparaison important que présentent
les kjœkkenmoedding du Nord et les cavernes, est le traite-
ment des os, soit par les carnassiers, soit par la main de
lliomme. A cet égard cependant, il semble aussi, à côté de
grandes ressemblances, y avoir de grandes dissemblances.
Pour être bref, je renverrai à la planche 78, représentant
le squelette d'un grand animal (un bœuf), dont les parties
teintées en bleu indiquent les os ou portions d'os qui ne sont
pour ainsi dire jamais attaquées par les animaux carnassiers
(à moins que l'animal ne soit très jeune), et les os ou portions
d'os qui, au contraire, sont presque toujours dévorées par les
carnassiers, et enfin les parties du squelette, renfermant une
cavité médullaire, que l'on trouve fendues ou brisées par la
main de l'homme à cause de la moelle : dans le cas où l'ani-
mal est de ceux à la moelle desquels l'homme attache du prix.
A l'aide d'une pareille figure, on peut donc d'un coup d'œil
embrasser l'histoire des os et de leurs différentes parties.
On voit ainsi que, dans nos kjoekkenmoedding, les os de
tous les ruminants (Gerous elaphus^ C. capreolus, Bos) et du
— 206 ■
Sanglier (Sus scro/à) sont brisés; mais que tel n'est pas le
cas quant aux os des carnassiers, pas même du Chien, bien
qu'il semble avoir été un aoîmal alimentaire, ni des pho-
ques dont les os ne reufenuent pas de cavité médullaire,
mais seulement un diploë. Dans les amas des Esquimaux, oii
les os des phoques, des morses (Rosmanis) et de certaines
baleines (le Béluga, p. ex,) figurent pour une si grande part,
les os de ces animaux ne semblent pas non plus avoir été
brisés pour en tirer les matières grasses, et il en est de marne,
que je sache, de ceux du Chien. Les os du Renne, au con-
traire, sont fendus par un procédé qui est si identique k
celui que constatent nos kjoekkenmoedding, que la figure
dont il a été question plus haut, donne une image générale
du mode de traitement des os à moelle tout aussi bien chez
les Esquimaux que chez notre population primitive, et, à ce
qu'il semble, également chez les Lapons. Je dois cependant,
à cet égard, indiquer une différence dans la direction suivant
laquelle les Esquimaux et les Lapons fendent un dés os à
moelle du Renne. Tandis que le métatarse et le métacarpe des
ruminants sont invariablement fendus perpendiculairement
au plan médian par notre population de l'ftge de la pierre,
les peuples dont il s'agit divisent généralement les os corres-
pondants du Benne d'avant en arrière, ou parallèlement au
même plan. Cettedifférence toutefois ne se rattache à aucune
particularité ethnographique, mais, autant que j'en puis
juger, à une différence dans la structure de ces os chez le
Renne'.
— 207 —
maux, ne semblent pas être aussi communes que dans nos
kjoekkenmoedding; mais ce sont les mêmes parties des os ou
des parties analogues qui ont été dévorées par eux^
Si nous passons aux os des oiseaux, dont le nombre est
également si considérable, un dessin, qui représente un
squelette de Canard, composé d'après les os de nos kjoekken-
moedding, donnerait une image fidèle de la manière dont ils
se présentent dans les amas des Esquimaux. Les parties cou-
vertes de hachures indiquent les parties des os qui ont été
mangées par les chiens, et celles qui n'en ont pas, les os res-
tants. Je dois cependant, en ce qui concerne les oiseaux,
faire une remarque analogue à celle qui a été exposée plus
haut à propos du Renne. L*humérus, dont les deux bouts,
comme ceux des autres os longs, sont d'ailleurs dévorés
parles carnassiers, conserve ses extrémités intactes chez
un nombre proportionnellement très grand de Tétras et
d'Alcacées qu'on trouve dans les amas desGroenlandais.il est
facile de se convaincre que les os ont une dureté plus grande
dans ces deux familles. On voit par là que c'était plus qu'un
heureux hasard, comme je le croyais alors, que les humérus
de quelques oiseaux entièrement disparus de notre pays
(Tetrao urogallus et A Ica impennis)^ que j'avais recueillis
dans nos kjoekkenmoedding, eussent gardé leurs extrémités
> Ces parties ne constituent pas essentiellement des épiphyses. Â. cette
occasion, Je dois rappeler qu'il s'est produit de grands malentendus, parce
qu'on a avancé que les chiens et les carnassiers s'attaquaient aux épi-
physes et laissaient les diaphyses. J'ai, dés l'origine, fait expressément
obsenrer qu'ils entament l'os là où il présente le tissu le moins dur, et où
par conséquent il est le plus spongieux, et c'est précisément pour ce mo-
tif que l'attaque commence d'ordinaire à la limite entre l'épiphyse et la
diaphyse, mais eUe se poursuit généralement bien plus avant dans la dia-
physe que dans l'épiphyse. Un seul coup d'œil jeté sur la figure fait voir
clairement que les épiphyses inférieures du tibia ne sont pas attaquées, et
U en est de môme des deux épiphyses du métatarse, du métacarpe et du
radios. On s'exprime encore moins exactement en disant que les épiphyses
des os d'oiseaux ont été dévorées par les chiens et les carnassiers, puisque
les 08 des oiseaux n'ont pas d'épiphyses.
intactes (Voir Det hgl, danske Vid. Seîsk. Otersigter, 1856,
plaoche).
Telles sont en résumé les particularités que présentent les
amas du Nord au point de vue de l'état de conservation des
08. Comme comparaison, je vais, d'après l'exposé de M. Du-
pont et l'examen que j'ai fait des richesses du Musée de
Bruxelles, indiquer les principales différences que j'ai consta-
tées sous ce rapport , entre ces amas et ceux des cavernes
belges.
En général, l'état de conservation des os dans ces cavernes
est beaucoup plus variable, ce qui conduira peut-être à les
classer plus tard en groupes. Le temps ne me permet pas
aujourd'hui de m'occuper des milliers d'os appartenant à
de petits manimifôres comme les campagnols, les taupes, les
lemmings.les marmottes, etc.Ces restes ont certainement une
très grande valeur au point de vue zoologique, et ils consti-
tuent, suivant moi, une des parties les plus belles et les plus
instructives des collections du Musée; mais, malgré leur
abondance, je croîs cependant que leur importance, pour
l'histoire des Troglodytes des cavernes, est plus que douteuse.
Relativement à l'état où se trouvent les os du Chevreuil, du
Cerf,du Renne et d'autres animaux analogues,je me bornerai
à remarquer, qu'en somme, ils ressemblent assez & ceque j'ai
vu ailleurs; mais lorsque nous arrivons au Cheval, il se mani-
feste un écart, et cet écart mérite une mention spéciale tant
à cause du fait en lui-même que par considération de la
théorie nue M. Dupont a i!'niisc à Ift
— 209 —
plate; de sorte que, suivant lui, le phénomène devient tout
autre et demande une explication toute différente. Et nous qui
sommes familiers avec ses écrits, nous savons aussi quelles
conséquences importantes cette explication entraîne pour notre
archéologie préhistorique. Dans nos kjoekkenmoedding ,
c'étaient, en effet, les carnassiers qu'on supposait avoir enlevé
toutes les parties manquantes du squelette, car les os restants
portaient si souvent les marques de leurs dents, qu'on en
devait naturellement conclure que tout ce qui manquait, avait
disparu de cette manière, conclusion qui, d'après ce que j'ai
observé plus tard, va peut-être en quelques cas trop loin.
Mais, sur les os de chevaux provenant des cavernes, on re-
marque très rarement ces traces de dents des carnassiers, et
M. Dupont insiste en même temps sur ce fait que les extré-
mités des os sont bien conservées. Il fait dériver toutes ces
différences d'un traitement particulier de la part de la popula-
tion, et, autant que j'en puis juger par l'examen des os, les
faits, en ce qui concerne le point principal, semblent donner
raison à notre honorable collègue. Mais devons-nous égale-
ment lui donner raison quant à l'interprétation de ce traite-
ment particulier et à la conclusion qu'il en tire? A cet égard,
je ne puis m'empêcher d'avoir quelques doutes que je crois
devoir exposer en raison de l'importance scientifique de la
question.
Notre collègue belge explique d'une manière très ingé-
nieuse l'absence des os du tronc par la circonstance que ses
Mongoloïdes ont tué les chevaux à la chasse, loin des cavernes,
et qu'ils n'y ont transporté que les têtes et les membres, les
premières surtout à cause de la cervelle, et les seconds, pour
la moelle, tandis qu'ils n'ont pris que la chair du tronc, et
laissé le reste sur place. M. Dupont voit dans cette combi-
naison d'idées la meilleure preuve que le Cheval ne se trou-
vait en Belgique qu'à l'état sauvage, et, comme des particu-
larités à peu près analogues s'observent pour les os du Renne,
il en tire une conclusion semblable, à savoir que cet animal n'a
aussi vécu en Belgique qu'à l'état sauvage, et non dans un
état de demi-domesticité comme chez les Lapons et les Sa-
moyèdes ; il s'ensuit que c'est essentiellement sur son hypo-
thèse concernant le Cheval qu'il a basé son opinion relati-
vement à l'état de civilisation des Mongoloïdes et à l'absence
complète chez eux d'animaux alimentaires domestiques. Mais
ce n'est pas tout! Si je ne me trompe , la même hypothèse
fournit aussi en grande partie à M. Dupont la preuve que le
Mammouth, le Rhinocéros, etc., étaient contemporains des
Mongoloïdes, puisque ceux-ci les tuaient fréquemment à la
chasse tout comme les autres animaux sauvages. De ces
grands pachydermes, on ne trouveen effet dans las cavernes
que des restes des mêmes parties, à savoir de latét«, les dents,
et des membres, quelques fragments insignifiants. Or, comme
ces restes ne constituent pas ordinairement 1/20 ou même
1/30 de la masse osseuse qui entre dans la composition d'un
membre ou d'une tête, M. Dupont et, avec lui, plusieurs ar-
chéologues, supposent que les 19/20 ou 29/30 restants de ces
ont été broyés avec de grosses pierres pour en extraire en-
suite la graisse. Mais une pareille explication ne soulève-
t-elle pas immédiatement l'objection que voici : pourquoi
alors ne pas supposer également que les 19/20 ou 29/30 des
vertèbres, du bassin, etc., du Cheval ou du Renne ont été
broyés pour en extraire la graisse et ont disparu précisé-
ment pour ce motif, au lieu d'avoir dès l'origine été aban-
donnés sur le terrain de la chasse?
— 211 —
lisent les vertèbres et les autres os moins durs pour l'extrac-
tion de la graisse, et c'est ce que j'avais en vue en disant
plus haut que j'étais peut-être en quelques cas allé trop
loin dans mes conclusions relativement à l'absence des os du
tronc dans les kjoekkenmoedding.
Mais un examen plus approfondi de cette faune si riche
des cavernes que M. Dupont a mise au jour, fait ressortir
un troisième contraste non moins étonnant, celui des ani-
maux domestiques que ces anciennes populations auraient
possédés.
Tandis que les kjoekkenmoedding des Esquimaux du
Groenland et de la population de l'âge de la pierre en Dane-
mark, ne renferment que des restes d'un seul animal domes-
tique, le Chien, qui certainement était très souvent au Groen-
land un animal de consommation, et servait peut-être au
même usage en Danemark, les traces du Chien dans les
cavernes sont si peu nombreuses et si incertaines, que
M. Dupont n'admet qu'en hésitant que les populations des
âges du Mammouth et du Renne aient été en possession de
cet excellent compagnon. Mais ce n'est là qu'un côté du con-
traste, n est bien plus grand encore! Parmi les os qui, avec
ceux des anciens pachydermes, ont été extraits de couches
dont on fait positivement remonter l'origine à ces deux pé-
riodes de la civilisation, il s'en trouve un assez grand nombre
appartenant à nos autres animaux domestiques : le Bœuf, la
Chèvre, la Brebis, le Porc. Quant à moi, je n'ai pu distinguer
ces os de ceux de ces espèces, ni lorsque je les ai examinés
pendant mon premier séjour en Belgique, ni lorsque plus
tard j'ai comparé mes notes avec les collections de Copen-
hague; mais j'ai cette fois apporté avec moi quelques os, afin
d'établir une comparaison plus exacte avec ce contenu peut-
être assez inattendu des cavernes, et, si cet examen doit mo-
hoc agit, humi Mdet^et iupercorium rangiferimim, quod in gremio expan^
sum hahet, ossa matteo confHngit, confractaque elixanda curât, donec,
qQidquid pinguedinis in iUis residuum fuerit, extractum sit. •• p. 119.
- 212-
di£er mes premiers résultats, je ne manquerai pas de le
communiquer dans une des prochaînes réunions.
En face de ces trouvailles, qui sont pour moi des fails
zoologiques, et en face de ces stratifications dans les cavernes,
qui constituent, au contraire, pour notre ami, M. Dupont,
des faits géognostiques sur lesquels le savant établit son
ordre et son calcul chronologiques pour tous les restes orga-
niques des cavernes, je ne puis arriver qu'à ce résultat : si je
dois accepter les couches fluviales de M. Dupont et la déter-
mination d'âge qui en résulte, il me faut aussi admettre que
ces restes d'animaux domestiques remontent à la môme
époque que leMammouth, etc., et, par conséquent, queles po-
pulations des âges du Mammouth et du Renne ont possédé
eux-mêmes la plupart de nos animaux domestiques, ou ont
pu se les procurer chez des peuplades voisines , par exemple
en les volant. Mais de quelque manière que ces animaux
domestiques soient venus en leur possession, la présence de
leurs restes dans les cavernes prouve , il me semble , assez
clairement que la civilisation de la période du Mammouth et
du Renne ne peut guère avoir ni la physionomie qu'on lui
prête, ni remonter aussi haut qu'on l'a supposé.
Pour donner à mes assertions une base plus objective, je
vais indiquer quels sont, dans ces riches collections, les os
qui m'ont imposé une opinion si décidée. Je pourrai le faire
très brièvement, grâce encore aux efforts de M. Dupont
pour arranger, de la manière la plus claire et la plus com-
— 213 —
Capra sp. et que M. Dupont et ses aides ont, jusqu'à nou-
vel ordre, laissés en partie indéterminés.
Je ne saurais cependant me dissimuler qu'il est souvent
peu facile, souvent même très difficile de distinguer avec
certitude des os d'animaux sauvages de ceux des animaux
domestiques, et il est donc possible que je me sois trompé, ce
que pourtant je ne crois pas. Toutefois, j'admets volontiers
cette possibilité et je demande seulement qu'en revanche on
m'accorde que cette erreur, si elle existe, ne peut dépasser
certaines limites. Jusqu'à quel point donc ai-je pu m'écarter
de la vérité? D'après la forme, la texture et l'état de conser-
vation de ces os, je dois maintenir que les os de Bœuf n'ont
appartenu à aucune des espèces reconnues jusqu'ici comme
sauvages du grand genre Bos (ni le Bison europaus, ni le
Bos primigeniuSy ni YOvibos) et que ceux de chèvre et de
porc ne peuvent provenir des fortes espèces sauvages de
Capra ou de Su^, mais ont, au contraire, appartenu à des
formes de ces trois genres, qui non seulement sont beaucoup
plus voisines de nos formes domestiques que des espèces
sauvages, mais en sont même si voisines que, suivant moi,
elles n'en peuvent être distinguées. En d'autres termes, même
en les considérant comme saiivages^ ce sont des espèces iden-
tiques à nos animaux domestiques actuels de ces trois genres.
Et si, au premier coup d'œil, il peut sembler que, parmi
les os portés sur la liste sous la désignation de Capra sp.,
par exemple, il y en a beaucoup qui indiquent des varia-
tions trop grandes dans une seule et môme espèce, ou qui
diffèrent d'une manière assez notable de ceux des races de
chèvres que l'on connaît \ la raison en est simplement qu'un
assez grand nombre de ces os n'appartiennent en réalité
pas au genre Capra, mais au genre Ovis, distinction qui
ne peut être faite, il est vrai, sans des connaissances toutes
spéciales. C'est pour ce motif que j'ai plus haut mentionné '
> Qa*on compare par ezinnple les métatarses, les métacarpes, les
mandibules et les dents,
U
-214 —
la brebis parmi les animaux domestiques qu'il fallait attri-
buer aux Mongoloïdes de la période du Mammouth et du
B«Dne.
Par conséquent, la seule modification de mon assertion
que puisse, suivant moi, produire une erreur commise dans
la détermination des espèces sauvages et domestiques, c'est
que les 03 des cavernes, au lieu d'appartenir à nos animaux
domestiques, seraient ceux d'espèces identiques à nos espèces
domestiques, mais non apprivoisées. Si l'on suppose mainte-
nant que les peuples de cette période chassaient ces ani-
maux comme les autres bêtes sauvages, on peut bien avoir
raison en les considérant comme des peuples chasseurs
privés de bétail ; mais le fait de la contemporanéité entre
ces formes et les grands pachydermes indique h lui seul,
ce me semble, que l'âge du Mammouth ne peut être aussi
reculé qu'on l'a supposé.
La zoologie doit aboutir h Tune de ces deux alternatives,
si elle ficcepte les explications géologiques données par
M. Dupont relativement aux couches dites fluviales des
cavernes et au mode de remplissage de celles-ci. Ni l'une,
ni l'autre cependant ne peut paraître très naturelle au
zoologue, tant qu'il ne sera pas convaincu de ce qu'il y a de
fondé dans la théorie géologique ; jusque là, ce ne sera qu'un
moyen plausible d'écarter les trop grandes dissonances entre
ce que, de divers côtés, oh regarde comme des faits. Mais si
la dernière alternative semble devoir être préférée, — pour
— 215 —
constituent certainement Tun des sujets les plus importants
qui aient été traités pendant ce Congrès. Les vestiges de
l'existence de l'homme des âges de la pierre se retrouvtent
dans presque toutes les cavernes en Europe, et ces cavernes
sont l'un de leurs gisements les plus fréquents et les plus
explorés. A part les silex taillés et d'autres objets d'indus-
trie, ces vestiges comprennent surtout de nombreux frag-
ments d'os d'animaux, au moyen desquels on détermine
souvent leur âge géologique et l'on cherche à définir les
mœurs des populations anciennes. Chacun a admiré la pro-
fonde sagacité qui a été apportée dans l'étude des kjoekken-
moedding du Danemark. Ces recherches ont été réellement
le point de départ d'une reconstitution rationnelle pour les
mœurs des peuplades des âges de la pierre. Nous voyons
en toutes circonstances que l'étude de ces mœurs puise plu-
sieurs de ses bases dans les principes mis en lumière par
M. Steenstrup, et qu'elle se conforme à la méthode d'inves-
tigation et de déduction du savant danois. Mais comme il est
toujours difficile de s'assimiler les vues d'autrui au point de
pouvoir en faire l'application avec rectitude et sûreté, je me
suis particulièrement félicité de voir un savant, compétent à
un si haut degré, examiner les collections de nos cavernes et
contrôler, sur les objets eux-mêmes, l'interprétation qui en a
été faite. Il vient de présenter au Congrès quelques résultats
de ses observations, et les compare à ceux que lui ont fourni
les kjoekkenmoedding danois et groenlandais. Qu'il me soit
permis d'entretenir à mon tour l'assemblée de quelques unes
de ces questions.
A cAté d'analogies fondamentales qui sont très saillantes,
M. Steenstrup observe, entre les ossements des cavernes et
ceux des kjoekkenmoedding, des contrastes de plusieurs ca-
tégories, n porte d*abord son attention sur la multiplicité des
espèces auxquelles les ossements des cavernes se rapportent. Il
y constate sur ce point une première différence avec les restes
des repas des Esquimaux et des hommes des kjoekkenmoed-
ding danois, qui se composent d'un nombre beaucoup plus
limité d'espèces. A mon avis, ce contraste s'explique par les
différences existant entre les faunes elles-mêmes au milieu
desquelles ces populations ont vécu. Les kjoekkenmoedding
danois contenaient des ossements de presque tous les mam-
mifères qui existaient alors dans cette région. M. Steenstrup
y cite 18 espèces, & savoir' :
DelpbînuB phocœna,
Bos primigeaius,
Cervus elaphus,
— capreolus,
Sus scrofa,
Arvicola amphibius,
Castor fiber,
Helichœrus grypus,
Felis catus.
Felis lynx,
Ganis vulpes,
s- lupus,
— familiarïs,
Lutra vulgaris,
Mustela foin a,
, — martes,
Ursus arctos,
Erinaceus europseus.
Le Bison et l'Ëlan, retrouvés dans les tourbières, sont les
seuls mammifères terrestres dont on n'ait pas rencontré de
débris dans tes kjoekkenmoedding.
Cette faune est certes beaucoup moins nombreuse que celle
des cavernes, qui compte non moins de 48 espèces ayant
toutes servi, d'après mes observations, à l'alimentation des
troglodytes belges. Les listes, publiées pages 114 et 117,
fournissent les éléments de comparaison de ces faunes. Mais,
en réalité, j'ai rarement rencontré plus de la moitié de ces 48
— 217 —
CAVERNES.
NIVEAUX
ÛSSIFÈRES.
NOIBRE
D'£8PâC£S
■élaiféci
aux
SILEX TAILLÉS.
ESPECES
LBS PLUS ABONDANTES.
Trou
du Sureau.
4«
Trou
Magrite.
Lm4
■iTeaoi
•uifèrti.
3»
Caverne
de Goyet.
2e
AGE DU MAMMOUTH.
Renne . . . .
Rhinocéros . .
Mammouth . .
14 espèces.^ Cheval . . . .
Hyène ....
Ours des cavern.
Renard ordinaire.
Renne ....
Chèvre. . . .
Rhinocéros . .
_, , . Mammouth . .
26 espèces.^ ci^g^^
Hyène ....
Ours des cavern^.
Renard ordinaire.
Renne. . . .
Chèvre ....
Rhinocéros . .
, Mammouth
espèces.
Hyène .
Ours des cavern.
Renard ordinaire.
Renne . .
Chèvre . .
Rhinocéros
, Mammouth
spèces,
Hyène ....
Ours des cavern.
Renardordinaire.
10 md.
4
1
7
8 »
45 r>
10 »
30 ind.
10 »
8 »
3 »
17 »
4 »
5 »
11 »
20 ind.
2
»
4
»
7
»
18
»
12 »
26 »
3 »
4 ind.
2 >
2 »
2 »
25 »
7 »
20 »
6 >
* La mention de rOurs des cavernes n*a pas été faite, par suite d*ane
— 218
_
NOMIRE
NIVEAUX
D'aSPÉCKS
ESPÈCES
CAVEEINES,
miîisss
SILEt TiULliS.
LB8 PLUS ABOSDA.NTEa.
AGE DU MAMMOUTH [Suilc]-
/Renne .... 11 ind. |
l Chèvre. . .
11 J,
\ Rhinocéros .
2 «
Caverne
18 espèces. M^'"'"""^ ■
' Cheval. . .
3 ),
de Goyet.
i"'
14 »
Hyène. . .
5 »
Ours des cavern
9 »
\ Renard ordiiiairu
3 «
AfSE DU RENNE.
Renne .... 3 ind,
Chèvre . . .
6 !>
Bceufsp. . .
15 «
Trmi
(leChaleux.
Cheval . . .
56 «
l"
25 espèces, Sanglier . .
5 «
Lernming . .
60 >i
Rat d'eau . .
19 »
Lièvre . . .
13 B
Renard ordinaire
16 s
Renne . . .
5 ind.
Chèvre. . .
15 11
Bœufsp. ., .
2 y\
Cheval. . .
5 11
Trou
— 219 —
Pendant l'âge du Mammouth, l'Ours des cavernes, le Renne
et le Cheval furent donc, avec quatre ou cinq autres espèces,
Talimentation principale de nos troglodytes. Pendant l'âge du
Renne , cette alimentation varia davantage d une caverne à
l'autre, d'après l'exploration du Trou de Chaleux et du Trou
des Nutons; cependant, quoique les chiffres maxima ne por-
tent pas sur les mêmes espèces, le fond de la nourriture y
était fourni par le même groupe d'animaux. Quant aux au-
tres espèces, elles sont plus ou moins accidentelles, puis-
qu'elles ne sont souvent représentées, parmi ces restes, que
par des ossements d'un ou de deux individus et qu'elles ne se
présentent pas dans toutes les cavernes. Du reste, aucune
des peuplades de l'âge du Mammouth que j'ai étudiées dans
les environs de Dinant, n'était rigoureusement contempo-
raine des autres. Il est probable qu'il en était de même pour
celles de Chaleux et de Furfooz. On pourrait dès lors admet-
tre qu'on a affaire, dans chacun des cas, à des générations
différentes, dont les mœurs auraient subi des mutations plus
ou moins sensibles. Cette argumentation n'est que complé-
mentaire, car on voit, par une étude analytique, que la varia-
bilité dans la nourriture de nos troglodytes est plus appa-
rente que réelle pendant une même époque. Elle dépend
surtout de leur genre de vie : ces hommes étant, selon moi,
exclusivement chasseurs, comme je pense pouvoir le démon-
trer de nouveau dans les pages suivantes. Il serait intéressant
aussi de bien constater si une variabilité d'alimentation, ana-
logue à celle qui vient d'être définie, ne se reproduit pas
dans les kjoekkenmoedding du Danemark, delà Laponieet du
Groenland. Des listes, où le nombre d'espèces et d'individus
serait noté pour chaque amas , donneraient immédiatement
l'évidence. Au surplus, si nos troglodytes se nourrissaient
ordinairement ou accidentellement de presque toutes les
espèces animales qui existaient dans le pays, ils restaient
certainement dans le cas des peuplades des kjoekkenmoed-
ding danois^ qui, d'après le compte-rendu du Congrès de
Copenhague, s'y nourrirent, sauTpeu d'exceptions, de toutes
les espèces vivant alors en Danemark. De notre côté, l'Hip-
popotame, VEUphas antiquus, la Loutre et le Grand Cerf
d'Irlande sont lea seules espèces quaternaires dont les osse-
ments, trouvés dans les repaires d'hyènes ou dans les dépAts
extérieurs de la basse Belgique qui appartiennent à cette
époque, ne se soient pas présentées dans nos cavernea avec
des silex taillés et autres vestiges de l'existence de l'homme.
D y a donc lieu de croire qu'entre les ossements des cavernes
et ceux des l^oekkenmoedding, les contrastes de cett« sorte
sont moins sensibles qu'on ne serait porté à le croire après
une première étude'.
Cette question aurait, il est vrai, une importance assez
> Ce Biu^t a Mé examiné par M. da MortiUet pour lea caverneB du Péri-
gord et a reçu une interprétation digne de remarque [BvU. Soc. Anthrop.
de Paris, 1873, 2> sér. , t. VII, p. 490) : > Ils (les débris de DOurriture) se
■ rapportent presque exclusivement A deui ou trois espèces parstation-O
■ aontcea espèces qui occupaient le pays au moment de l'année où l'homme
•> y venait. Comme l'homme, les animaux sauvages, dans les pays libres
• et primitifs, sontéminemment nomadas.Ila émigrent A certaines époques
■ et changent de lieu d'habitation suivantlea saisons; parfois ils exécutent
a en masse de forts longs voyages. Les Baffles en présentent de remsr-
■ qnables exemples en Amérique, et, dans les forêtsde laRusBie.on voyait
■• encore naguère le Renne quitter pendant l'hiver les régions glacées du
• Nord et descendre A degrandes diBtancesversleMidi. Rennes et Bœufs
■ sont justement les deuxgenres d'animaux qui abondent dans les stations
■• de Tayac Si l'homme avait habité toute l'année les cavernes de ce pays,
a sa nourriture aurait été beaucoup plus variée. ' Cette argamentation,
basée sur des faits assez en désaccord avec les observations faites dans
I, tend donc A montrer les troglodytes comme nomades
— 221 —
médiocre, si elle ne venait corroborer les doutes que font
naître, dans l'esprit de notre éminent confrère, la richesse
et l'association d'espèces qui constituent la faune de l'âge
du Mammouth. Il est certain qu'affirmer l'existence de 52
espèces de mammifères en Belgique à une môme époque, que
déclarer qu'aux espèces qui y habitent encore de nos jours,
étaient adjointes 28 espèces dont les types génériques ou spé-
cifiques ne vivent plus que dans d'autres régions très distinc-
tes^, c'est poser un problème de géographie zoologique bien
étrange et évidemment des plus compliqués, car ses données
vont à rencontre des faits fondamentaux de la répartition
actuelle des êtres. Le Renne, au lieu de la Gazelle, y devient
la proie du Lion ! A côté des types qui, comme l'Hippopotame,
sont exclus par le froid prolongé et intense, se seraient
trouvés le Renard polaire et le Glouton qui caractérisent les
régions arctiques ! Ce sont cependant autant de faits définiti-
vement démontrés, dont nous devons désormais chercher
l'explication et non tenter de montrer l'impossibilité.
En voici la démonstration géologique * :
La caverne de Goyet contenait cinq niveaux ossifères,
séparés par des couches de limon stratifié. Les deux niveaux
ossifères inférieurs ne contenaient pas de silex taillés; les
trois niveaux supérieurs ont fourni de nombreux restes de
l'industrie humaine.
Dans le cinquième niveau (le pltis inférieur), se trou-
vaient les ossements de quatre F élis speîea, espèce incontes-
tablement la même que le Lion de nos jours. J'ai pu en faire
reconstruire un squelette, et, si tous les ossements n'en étaient
pas restés réunis et dans leurs connexions naturelles , c'est
par une circonstance accidentelle , la prise de possession du
1 Ce nombre doit encore être augmenté : les Chéiroptères dont M. Van
Beneden a fait Fétude en 1872 sur les collections de Schmerling, n'y étant
pas compris. J'ai dû remettre à plus tard, à cause de retendue de Tensem-
ble des collections à mettre en ordre, la détermination des restes de ce
gronpe recueillis dans les cavernes que j'ai explorées.
s L^ Homme pendant les âges de la pierre , p. 123.
souterrain par l'Ours des cavernes avant que ces ossements
eussent été recouverts parle limon; plusieurs parties du
squelette de ce Lion , plusieurs os d'une patte et 9 vertèbres
de la queue furent trouvés dans leurs relations anatomiques,
au lieu que les autres ossements étaient disjoints et dissé-
minés. Le Lion habita donc la caverne de Go jet à une époque
facile k déterminer par rapport à l'introduction des osse-
ments dans les autres couches. Le Grand Ours l'habita dans
les mêmes conditions, témoins le squelette d'un fœtus, un
squelette d'adulte et des portions notables de squelettes, dé-
couverts avec leurs ossements placés k côté les uns des
autres, comme ils devaient l'être normalement.
Dans le quatrième niveau ossifère, les ossements de l'Hyène
remplacent ceux du Lion et y sont mélangés à de nombreux
débris de 14 espèces, portant presque tous la trace évidente
de ses dents. Nous sommes donc ici en présence des témoins
d'un repaire d'Hyène. Or , parmi les ossements qu'elle a
rongés, figurent ceux du Rhinocéros, du Mammouth, du
Benne, du Cerf, etc. De nombreux ossements, souvent nor-
malement groupés, de l'Ours des cavernes se trouvaient au
milieu de ces débris et, par les mêmes évidences que dans le
cinquième niveau, démontrait la prise de possession du sou-
terrain par cette espèce, avant que les restes de l'Hyène
eussent été enfouis sous le limon.
Dans chacun des trois niveaux supérieurs, nous voyons,
au milieu de silex taillés, d'os carbonisés, etc., réapparaître
(le iiiiDibri'iiv o.^seiiieiits ài'-^ i"Ji"'ces riri'ci'(k'nt(?s. Hvène.
— 223 —
d une époque plus ancienne que les autres dans le même ni-
veau ossifëre, n'a pas été amené dans la caverne par un
remaniement quelconque.
Comment, dans ces circonstances, ces ossements se repré-
senteraient-ils constamment dans ces niveaux successifs,
séparés par des terrains nettement stratifiés, si les espèces
auxquelles ils appartiennent, n'avaient pas coexisté dans le
pays? Puisque les restes de cette faune gisent dans plusieurs
niveaux stratigraphiques que rendent très distincts des cou-
ches intercalées de limon stratifié, il fallait que les ossements
du 5* niveau fussent introduits avant ceux du 4", ceux-ci,
avant ceux du 3" et ainsi de suite. Il fallait aussi que ces
espèces eussent vécu ensemble dans le pays pour que leurs
ossements, dont aucun n'a été remanié, se soient répétés
dans plusieurs de ces niveaux superposés. Il n'y a pas
d'équivoque possible dans ces faits qui ont une rigueur ma-
thématique, comme toute démonstration par la stratigraphie.
Et quand nous ajoutons que, loin de se borner à la caverne
de Goyet, ils se représentent dans tous les dépôts de l'âge du
Mammouth de nos principales cavernes, nous pouvons affir-
mer sans hésitation, comme point définitivement acquis,
que des espèces de la faune arctique vivaient en Belgique à
l'époque quaternaire avec des espèces de la faune tropicale
et en même temps que les espèces qui existent de nos jours
dans l'Europe tempérée.
Voici, d'un autre côté, la démonstration zoologique de ce
fait.
Dans plusieurs cavernes, on a recueilli des ossements
d'Hyènes qui, en général, étaient plus entiers que dans
d'autres; ils sont alors accompagnés d'ossements de rumi-
nants , de pachydermes et même de carnassiers , portant les
traces très visibles de la dent d'un carnassier de forte taille.
On ne rencontre pas de silex taillés au milieu d'eux. J'ai fait
ronger des ossements de bœuf et de cheval par une Hyène au
Jardin zoologique de Bruxelles, et elle entama ces os de la
même manière , eolevant les parties spongîeuEeB et laissant
eur les parties compactes de larges raies entrecroisées , sem-
blables à celles observées sur les ossemeuts des cavernes. Ces
derniers se rapportent aux principales espèces de notre faune
de l'âge du Mammouth, dont l'association inspire un étonne-
ment bien naturel. Ainsi l'Hyène ne se nourrissait pas seule-
ment de l'Éléphant et du Rhinocéros, comme elle peut encore
le faire aujourd'hui, mais même du Benne dont l'habitat est,
de nos jours, séparé du sien par toute la zone tempérée
septentrionale, ce qui en fait, aux yeux du zoologiste, un
des types caractéristiques d'un climat diamétralement opposé
k l'autre.
Le tableau suivant indique les espèces qui furent sa proie
dans cinq de ses treize repaires que j'ai explorés :
TROU DE l'hyène,
& Wkum.
Rhinocéros,
Mammouth,
Cheval,
Renne,
Cerf élaphe,
Bœuf unis.
CAVERNE DE GOYET,
Rhinocéros,
Mammouth,
Cheval,
Cerf d'Irlande,
Cerf du Canada,
Renne,
Cerf élaphe.
Bœuf unis.
CAVERNE D'HASTIÈRES.
CA\TRNE DEMODAVE.
~ 225 —
de véritables antithèses fauniques, se trouvaient réunies à cer-
taine époque en une seule faune en Belgique. Cette démon-
stration ne me paraît pas laisser plus de prise au doute que
la démonstration géologique.
Nous pouvons y ajouter une troisième démonstration
basée sur l'ethnographie. Rappelons que nos troglodytes de
Tàge du Mammouth ont fendu les crânes et les os à
moelle des mêmes espèces ; que la présence et Tabsence con-
stantes de parties déterminées du squelette indiquent une
action intelligente; que ces débris se trouvent associés à des
silex taillés et, si nous nous reportons aux cavernes du Péri-
gord, que l'homme a figuré avec un art égal le Mammouth
et le Eenne. Mais ces faits prouvent la contemporanéité de
l'homme et de ces espèces, plutôt que la coexistence de ces
espèces dans un même milieu. Pour démontrer cette dernière
question par l'ethnographie, il faut combiner les données de
celle-ci avec les éléments géologiques, comme je l'ai fait plus
haut; cette combinaison de preuves donne l'évidence absolue.
On ne doit pas perdre de vue que la faune, dite de
Tâge du Mammouth, qui comprenait en Belgique plus
de 52 espèces de mammifères, n'était pas spéciale à notre
région. On sait qu'on la retrouve dans les alluvions exté-
rieures et dans les cavernes, en Angleterre, en France, dans
le Nord de l'Italie, en Autriche, dans les environs d'Odessa,
en Allemagne et jusqu'en Sibérie.
Puisque son existence est démontrée, au point que tous
les naturalistes qui se sont occupés de l'époque quaternaire,
la considèrent depuis longtemps comme un fait acquis , il
importait de rechercher les causes d'une association qui, pour
la géographie zoologique de notre époque, présente tant
d'anomalies. On songea d'abord aux cataclysmes, et l'on
voyait même, dans ces mélanges étranges, une preuve de la
réalité de ces phénomènes imaginaires. On pensa aussi, par
réaction contre ces opinions exagérées, que cette faune était
la faune naturelle de notre latitude, mais que l'homme l'avait
décimée et en avait fait disparaître successÎTemeiit les espèces
nuisibles pour les remplacer par des eapèces domestiquées.
Cette opinion dut céder devant les faits. Les grandes réduc-
tions subies par la faune de l'âge du Mammouth ne corres-
pondent pas aux progrès de la civilisation. Il s'en faut de
beaucoup : les types génériques et spécifiques qui donnaient
à une partie de cette faune un aspect tropical, disparaissent
vers la fin du creusement des vallées, quand l'homme était
encore troglodyte chez nous et qu'il avait le degré d'avance-
ment que les cavernes de Furfooz et de Chaleux nous font
connaître. Le Benne avec des espèces du Nord, le Chamois
avec les espèces alpines, disparaissent, à leur tour, vers
l'époque de la formation de l'argile à blocaux, alors que nos
populations n'avaient pas encore su atteindre à la pierre
polie. Ces troglodytes n'étaient pas aussi avancés que les tri-
bus subarctiques; cependant ces dernières n'ont pas décimé
la faune de leurs régions. Os étaient nou moins évidemment
en arrière sur les sauvages de l'Afrique, qui n'ont anéanti
ni l'Éléphant, ni le Rhinocéros, ni l'Hippopotame, ni le
Lion, ni l'Hyène. La faune, réduite comme nous venons de
le voir, se conserva pendant un certain nombre de siècles
sans nouvelles disparitions d'espèces. César signale l'exis-
tence de rUrus et de l'Élan dans nos forêts; l'Ours brun
existait encore dans le Hainaut au xii° siècle de notre ère.
Cela nous conduit en pleine période historique : la civili-
sation avait considérablement progressé et était loin de l'état
— 227 —
sens à la faune quaternaire, en faisant appel aux lois géné-
rales de la climatologie ^ ; il la compléta plus tard par Tappli-
cation d'observations sur les migrations annuelles ou acci-
dentelles de mammifères à notre époque*. Lartet entreprit
ensuite l'analyse plus complète du problème^, en faisant
remarquer que les espèces qui sont aujourd'hui exclusive-
ment arctiques, pourraient supporter nos hivers, mais non
nos étés; que, par opposition, les espèces que les régions tro-
picales possèdent seules de notre temps , sont exclues des
régions plus septentrionales non par Tété, mais par l'hiver.
D'où il tirait la conséquence que la faune n'entraînait pas
un climat plus froid ou plus chaud que le nôtre, mais des
hivers moins froids et des étés moins chauds; en d'autres
termes, un climat plus uniforme. Comme ce senties climats
maritimes et insulaires qui n'éprouvent pas de grands écarts
de température dans les saisons extrêmes, il concluait que
telles devaient être les conditions du climat de l'Europe
occidentale à cette époque. Adoptant ces vues pour notre
faune quaternaire et recherchant en même temps les causes
du climat actuel de la Belgique^, j'ai tenté, par l'application
de la théorie des vents alizés, de spécifier nos conditions
météorologiques qui ont permis l'existence de cette faune et
qui ont amené ses réductions successives. Que de telles
recherches aient encore à réaliser des progrès importants, il
n'y a pas à en douter, puisqu'elles ne prétendent à rien
moins qu'à reconstituer la géographie physique d'une époque
reculée, où les causes naturelles agissaient avec des mani-
festations bien différentes de celles de nos jours. Mais, dès
aujourd'hui, la question ne peut plus être présentée comme
un problème incompréhensible et insoluble : ses données
* Principes de géologie.
' Antiquité de Vhomme.
3 Ann. des Se. nat., 5« sér., t. VIII, p. 157, 1867. M. Vogt formula une
opinion analogue au Congrès de Paris (Compte-retidu, p. 279).
* L'Homme pendant les âges de la pierre, 2« édit., p. 45.
^^■a"*-
sont assez positives et leur coordînatioQ eu rend compte
d'une manière assez rationnelle, pour qu'on n'ait pas à
craindre de s'être engagé dans une fausse voie.
D'autres contrastes entre les ossements de nos cavernes et
les ossements des Iqoekkenmoedding danois et groenlan-
dais sont signalés par M. Steenstmp. Certaines portions du
squelette se trouvent dans les unes et pas dans les autres, et
vice-versft. Comme il y a, dans l'interprétation de ces ftiits,
quelques points sur lesquels un léger désaccord semble exis-
ter, je crois devoir développer ici les observations que j'ai
faites sur ce sujet compliqué, de manière à ce que la ques-
tion soit simultanément posée par ceux qui ont étudié plus
spécialement ces deux classes de gisements.
Les ossements se présentent habituellement dans nos
cavernes avec trois catégories de caractères très différents :
1° Des accumulations d'ossements humains, depuis ceux
du vieillard jusqu'à ceux de l'enfant, se rencontrent dans de
petites cavités avec quelques silex taillés et autres objets.
Toutes les parties du squelette ; sont représentées et souvent
disposées avec un certain ordre. Ce sont les sépultures de
nos peuplades des âges de la pierre.
n arrive aussi qu'on découvre une grande quantité d'os-
sements de carnassiers, Lion, Hyène et Ours, dans les parties
obscures des cavernes. On y constate généralement tous les
figes individuels, ainsi que toutes les parties du squelette,
— 229 —
enlevées et les parties dures portent la trace des dents de ce
Carnivore. Des bois de Renne ont été fréquemment rongés;
un fragment de défense de Mammouth est aussi dans ce cas.
Enfin on y trouve des coprolithes d*Hyènes. Soit que l'Ours
se nourrisse surtout de matières végétales, soit que le Lion ne
porte pas sa proie dans son antre, je n'ai pas observé, dans
les repaires -de ces carnassiers , d ossements qu'ils eussent
rongés.
3° Une grande quantité d'ossements d'animaux sont mé-
langés à des silex taillés, à d'autres produits de l'industrie
humaine, à des os carbonisés, etc. Ces ossements sont
presque toujours à l'état de fragments ; il est très rare d'en
trouver d'entiers sauf pour les animaux de la taille du Renard
et au dessous, dont on recueille souvent les os des membres
intacts et des vertèbres. Si l'on observe de plus près, on
remarque que ces fragments se rapportent presque exclusi-
vement au crâne et aux membres. On constate ensuite que
les cassures des crânes et des os des membres sont systéma-
tiques ; souvent même on remarque, sur le bord des frag-
ments, des traces de coups portés pour fendre ces os. Par
contraste avec le gisement des restes d'animaux des deux
autres catégories, ceux-ci se trouvent dans la partie éclairée
de la caverne. Ce sont de tels débris que l'on considère comme
les restes des repas de l'homme et comme l'indication de
lliabitation de la caverne par une peuplade des âges de la
pierre.
Si nous nous livrons à une étude plus approfondie de ces
ossements, nous voyons d'abord que s'ils se rapportent à un
grand nombre d'espèces, sept ou huit types sont en nombre
prédominant pendant l'âge du Mammouth : le Grand Ours,
le Renard, l'Hyène, le Renne, la Chèvre, le Rhinocéros et le
Cheval; pendant l'âge du Renne, c'est, outre les petits
rongeurs, le Cheval, le Sanglier et le Bœuf de petite
taiUe.
Presque toutes ces espèces ne sont représentées que par les
15
mêmes parties du squelette; les autres parties manquent
presque constamment.
Voici les ossements du Grand Ours qu'on y recueille ordi-
nairement (PI. 76) : toutes les parties du crâne, souvent rédui-
tes en petits fragments, comme le montrent les traite tracés sur
cette planche; les c6tes, ordinairement brisées, sont moins
nombreuses que ne le comporte le nombre des cdtes du sque-
lette; les articles du sternum et les côtes sternales; les os
des membres représentés par leurs extrémités détacbées du
corps de l'os qui est divisé en fragments, comme la planche
le montre également; les extrémités avec tous leurs os, même
les sésajnoïâes, enfin l'os pénial. Au contraire, les vertèbres et
les fragmenta d'omoplates et d'os iliaques y sont une rareté.
Si nous comparons à ceux-là les parties des squelettes de
Chevaux rencontrés dans ces cavernes, nous observons cer-
tains contrastes à côté d'analogies fondamentales (PI. 77) :
le crâne également brisé suivant une règle à peu près con-
stante; quelquefois la première vertèbre dorsale; un assez
grand nombre de fragments de côtes, ainsi que des articles
du sternum et des côtes stemales; la partie de l'omoplate
comprise entre l'articulation et l'acromion; des fragments du
bassin ; les os des membres dont les épîphjses sont toujours
séparées des fragments de la diaphyse ; les os du carpe et du
tarse entier ; les canons brisés comme les os des membres ; les
phalanges ; les os sésamoïdes ; les vertèbres caudales, à pariir
de la deuxième.
— 231 -
maxillaire supérieur et de la branche droite du maxillaire
inférieur; pour les vertèbres : Tatlas, l'axis et les apophyses
épineuses de la 7* vertèbre cervicale et des vertèbres dorsales;
pour les membres antérieurs : l'omoplate sauf le bord supé-
rieur, l'humérus sauf la têto, le radius, le cubitus sauf l'ex-
trémité de lolécrâne, les os du carpe, les canons, les pha-
langes et les os des tendons ; pour le membre postérieur : le
bassin, sauf les bords de Tilion et de l'ischion, la diaphyse
du fémur, le tibia sauf l'épiphyse fémorale, les os du tarse
sauf l'extrémité du calcanéum, les canons, les phalanges et
les os sésamoïdes. Les os à moelle sont fendus et portent les
traces des coups portés dans ce but, mode de cassure que
nous avons aussi constaté dans les cavernes.
Ainsi toutes les parties spongieuses du squelette disparais-
sent dans les kjoekkenmoedding ; les parties dures et com-
pactes y sont seules conservées. Ce n'est pas tout : ces
ossements durs sont rongés jusqu'à un certain point par un
Carnivore. M. Steenstrup a déduit, avec une grande sagacité,
de ces observations, qu'un Carnivore \âvait aux dépens des
débris de repas des peuplades qui formèrent les kjoek-
kenmoedding, qu'il mangeait toutes les parties spongieuses
des ossements d'animaux abandonnés par ces peuplades et
rongeait les parties dures des ossements. En outre, comme
ces observations se répétèrent, non seulement dans tous les
kjoekkenmoedding, mais dans toutes les parties du kjoek-
kenmoedding, il en conclut que ce Carnivore accompagnait
l'homme partout et constamment, qu'il était son commensal
permanent et conséquemment qu'il était domestique. Des
ossements de Chien se trouvent souvent dans ces amas et cet
animal a dû être le canivore en question, car les chiens entar
ment précisément les ossements d'un squelette comme l'ont
été ceux des kjoekkenmoedding.
Une telle interprétation est inapplicable à nos cavernes.
Lartet l'avait déjà fait remarquer pour les cavernes du Péri-
gord. Des parties spongieuses du squelette y sont toujours
- 232-
conservées comme les parties dures. En voici l'explicatioa :
Les ossements d'Ours, recueillis dans les babitatioas de nos
troglodytes, sont surtout ceux qui contiennent la cervelle et
la moelle, substances que recherchaient incontestablement
ces troglodytes. En effet, un crâne ou un os des membres
entier est une rareté extrême dans leurs habitations, tandis
qu'on y voit presque toujours ces pièces du squelette brisées mé-
thodiquement pour en e^ïtraire la matière cérébrale et médul-
leùre, et elles portent les marques des coups qui les ont brisées.
La rotule et les os des extrémités qui ne contiennent pas de
moelle, sont presque toujours entiers. L'Ours, étant un animal
que l'homme n'a jamais réduit à l'état domestique, devait
naturellement être tué à la chasse. Et, dans la constatation
des oasements retrouvés et des ossements manquants, nous
devons voir le mode de dépècement en usage pour le gros
gibier; l'homme abandonnait sur place les vertèbres et les
parties de la bête qu'il n'utilisait pas, et apportait dans sa
demeure le crâne et les membres où il trouvait la cervelle et
la moelle dont il tirait toujours parti. Ces observations se
représentent sur le Lion, l'Hyène, le Cerf élapbe et autres,
qui sont toujours restés à l'état sauvage.
Ces espèces, n'étant pas à ce point de vue sujettes à dis-
cussion, peuvent nous servir de terme de comparaison pour
l'étude des conditions d'existence d'autres espèces, aujour-
d'hui soumises & la domesticité, et dont nous retrouvons les
débris au milieu des repas des troglodytes. Le Cheval, cer-
— 233 —
quaternaire habita, sont les mêmes que celles de TOurs : les
cr&nes, les os des membres et des extrémités ont été traités
de même pour l'une et l'autre espèces et en sont les débris les
plus abondants. Nous devons en déduire le même mode de
dépècement pour le Cheval et pour l'Ours, par conséquent le
dépècement loin de la caverne; en d'autres termes, que c'était
par la chasse que les anciens naturels se procuraient les che-
vaux qu'ils mangeaient. La présence d'autres parties du
squelette, conservées chez une espèce et non chez l'autre,
s'explique aisément dans plusieurs cas. Pour l'Ours, on
trouve en plus l'os pénial que le Cheval ne possède pas.
Pour le Cheval, ce sont des portions de l'omoplate et du
bassin 9 une vertèbre dorsale et les vertèbres caudales : la
portion d'omoplate est toujours la partie comprise entre l'arti-
culation et l'acromion où elle porte la marque de coups
portés avec un instrument contondant, comme si l'homme,
en dépeçant l'animal, avait préféré briser l'omoplate à l'en-
droit où l'os présente peu de résistance, que de trancher les
solides tendons de l'épaule ; la présence des vertèbres cau-
dales semble due à l'enlèvement de la queue du cheval pour
employer le crin^ Il est évident que si le Cheval avait été
domestique, il eût toujours été à proximité des troglodytes,
tant pour leur facilité que pour être protégé contre les car-
nassiers, lions, hyènes, loups, etc., qui remplissaient le pays.
Dans ce cas, on ne comprendrait pas que, quand l'homme en
tuait pour s'en nourrir, il en eût constamment rejeté une
grande partie ; conclusion qu'il faudrait admettre, puisque,
au milieu des innombrables débris de ses repas, il ne se
trouve jamais que les mêmes parties du squelette du Cheval,
à l'exclusion constante des autres. Or, comme ces parties con-
servées sont dans l'ensemble les mêmes que celles de l'Ours,
nous sommes amenés à considérer les conditions d'existence du
Cheval comme les mêmes que celles de l'Ours, et à conclure
1 Les temps préhistoriques en Belgique^ p. 173.
qu'a était sauvage. On comprend alors le mode de dépèce-
ment pratiqué sur ce solipëde, car il devitit être impossible à
ces hommes de transporter à de longues distances, dans un
pays accidenté, un fardeau comme le cadavre d'un Cheval ou
d'un Ours. Du reste, dans un pays sauvage où le gros gibier
abonde, comme c'était le cas pour notre pays, les hommes
prodiguent toujours ce gibier et n'utilisent que les meilleures
parties de la bête. Ces parties utilisées sont alors les mêmes
que eeUea que nos troglodytes apportaient dans leurs de-
meures. Le gros gibier était-il plus rare en Danemark à
l'époque des kjoekkenmoedding? L'homme s'en emparait-il
plus difficilement ou bien avail^il des moyens de le trans-
porter avec moins de peine? Quelle qu'en soit la raison, ces
peuplades danoises utilisaient plus complètement le gros
gibier qu'elles tuaient : les Bœufs, aussi bien que les Cerfs,
sont représentés, outre les portions du crâne et des pattes,
par les os du bassin, les omoplates et les apophyses épi-
neuses des vertèbres dorsales (PI. 78) ; ce qui dénote que ces
animaux étaient transportés presque entièrement. Leur dé-
pècement était donc différent de celui pratiqué par les tro-
glodytes.
Les observations décrites ci-dessus se répètent dans nos ca-
vernes, sauf exceptions accidentelles, pour tous les animaux,
adultes d'une taille supérieure au Renard et au Blaireau. Ces
derniers, les petits carnassiers, les rongeurs, les insectivores,
les oiseaux sont plus souvent représentés par les os des mem-
— 235 —
et des membres sont abondants ^ Je conclus de ces données
ethnographiques que les ossements d'animaux adultes de
grande et de moyenne taille qu'on rencontre dans les habita-
tions des troglodytes en Belgique, portent les traces non
contestables de coutumes de chasse et par conséquent
^[m' aucun d'eux n'était domestique.
Mais, en continuant l'exposé des résultats de l'examen
auquel il s'est livré sur les collections des cavernes belges,
M. Steenstrup fait remarquer que les ossements des Éléphants
et des Rhinocéros, ne contenant pas de cavité médullaire,
n'ont pu être brisés dans le même but que les ossements
d'animaux qui ont cette cavité. Il paraît cependant disposé à
admettre que ces pachydermes ont servi à la nourriture de
l'homme, mais le petit nombre des ossements qu'on rencontre
dans les cavernes, proviendrait de ce que les troglodytes,
comme le font les Lapons pour d'autres espèces, avaient
peut-être l'habitude de les broyer pour la graisse qu'ils con-
tenaient. Cette manière de voir pourrait dès lors s'appliquer
1 Lartbt et Christt (Reliquiœ Aquitanicce, fasc. I, p. 6) ont fait des
observations analogues dans les cavernes du Périgord : « Il y a complète
« absence des os du tronc (back-bones) du Bœuf et du Cheval dans les
« diverses stations, excepté à La Madeleine où quelques vertèbres dor-
« sales et lombaires d'un jeune Aurochs (?) ont été recueillies. Nous pou-
•• vons en conclure que les grands animaux (Bœufs et Chevaux), après
M avoir été tués par les chasseurs aborigènes, étaient dépecés sur place
* et que leurs extrémités seulement, avec les parties charnues et les os à
M moelle, étaient toigours transportés dans leurs demeures.
« Les os du tronc des animaux plus petits et spécialement du Renne
« sont en nombre considérable dans toutes ces stations. Dans la caverne
« des Eyzies, nous avons plusieurs fois observé que les vertèbres dorsales
« étaient restées en série. D'où nous pouvons présumer que ces animaux
« y étaient apportés entiers.
« La tête de toutes ces espèces a toujours été transportée dans le lieu
» de réunion, probablement par goût pour la cervelle. Elle est presque
« toujours brisée et les fragments seuls s*y retrouvent. »
Les ossements des espèces de la taille du Renne et au dessous appartien-
nent donc à toutes les parties du squelette dans les cavernes du Périgord.
En Belgique, ce cas se présente seulement à partir des animaux de la
taille dn renard.
aux autres espèces, pour expliquer Tal^eace permanente de
certaines parties du squelette.
Ces réflexions, faites par une autorité aussi compétente,
ont porté spécialement mon attention sur les traces de
l'homme que pouvaient offrir tes ossements de Mammouth et
de Rhinocéros et sur le traitement qu'ils auraient subi. Des
sections ont été d'abord pratiquées sur les ossements d'un
Éléphant adulte mort récemment au Jardin zoologique de
Bruxelles. Le tissu osseux qui se trouve au centre de l'os, est
très large et tendre ; dans ses cavités, se trouve beaucoup de
moelle ; on enlève sans effort, au moyen d'une lame tran-
chante, la matière osseuse centrale avec sa moelle, et ces sub-
stances sont naturellement en quantité considérable dans des
os aussi volumineux. Nos troglodytes pouvaient certainement
tirer parti de cette moelle, mais était-il bien nécessaire de
broyer les os pour l'obtenir ? L'opération eut incontes-
tablement été plus longue que celle de les fendre suivant le
procédéordinaireet, lorsqi*Sla étaient fendus, l'extraction du
tissu central devait se faire avec facilite. Or, si l'on recueille
dans nos cavernes beaucoup de dents isolées de Rhinocéros
et de Mammouth, on y rencontre aussi d'assez nombreux
fragments d'os des membres, surtout de l'humérus qui a
un plus grand diamètre et qui renferme par conséquent le
plus de tissus spongieux à moelle. La présence des débris
de cet 03 des membres a déjà de la signification, puisqu'ils
sont plus fréquents que les autres et qu'ils contiennent plus
de matière alimentaire. Ils dénotent que nos indigènes choi-
— 237 —
pas de raison pour admettre que ces ossements aient été traités
par un procédé différent de la coutume ordinaire. Ce procédé
aurait-il été réservé aux vertèbres, au bassin, aux omoplates?
Il faudrait alors que ces os eussent été broyés avec tant
de soins que presque aucun de leurs débris n'eût échappé,
pas même les apophyses épineuses des vertèbres dorsales, qui
ont cependant un tissu compacte et renferment par consé-
quent peu de graisse. Ce cas, répétons-le encore, se reproduit
pour les os similaires de tout animal d'un poids trop grand
pour que r homme puisse le transporter à de longues dis-
tances : absence presque générale des vertèbres, des bassins,
des omoplates; présence constante des autres os, qu'ils soient
spongieux ou durs. Les portions d omoplate et les vertèbres
caudales de Cheval sont des exceptions à cette règle et nous
en avons vu la signification. Mais, dans cette discussion, la
présence de ces fragments d'omoplates a de l'importance,
puisqu'elle prouve que celles-ci n'ont pas été broyées, con-
trairement à l'opinion suggérée ; la partie conservée de l'omo-
plate y est toujours la même et c'est celle dont le tissu
est spongieux, tandis que la portion élargie manque
et précisément, étant en tissu dur, elle renferme peu de
matières grasses. Ces constatations me paraissent de nature
à ne pas laisser la question en suspens et empêchent d'ap-
pliquer, comme règle générale, l'hypothèse du broyement,
invoquée pour expliquer l'absence constante de certaines
parties du squelette des animaux dont nos troglodydes se
sont nourris. Si l'on admet cette hypothèse, ce ne peut-être
que comme exception, au lieu d'y voir le procédé prépondé-
rant du traitement des os par l'homme.
En faisant classer les ossements constituant ces restes
de repas, je n'ai pas cru devoir déterminer spécifiquement
les os de Chèvre et de petits Bœufs, dont les analogies avec
les espèces domestiques se révélaient par leur confronta-
tion avec les squelettes de ces espèces, employés comme
moyen de détermination. J'avaiB remis à plus tard cette étude,
dont je sentais les difficultés et qui nécessite de grands ma-
tériaux de comparaison, non réunis au Musée. Je m'étais donc
borné aux déterminations génériques Bos etC^a^a.Ënoutre,
bien que leur séparation n'ait pas été faite dans les collec-
tions, la présence d'os de Mouton, au milieu de ceux de la
Chèvre, avait été remarquée pendant les opérations de la mise
en ordre, et leur distinction avait également été réservée
pour des études ultérieures.
Ce sont ces pointa difficiles que M. Steenstrup a abordés.
Les ossements de Bos sp., de Gapra sp., à'Ovis, ainsi qu'une
partie des os de Sus scro/a, sont si voisins, d'après lui, des
espèces domestiques correspondantes, par leur forme, leur
texture et leur état de conservation, que l'éminent spécialiste
se déclare impuissant à les en distinguer ; ils différeraient
aussi des espèces sauvages par la taille, ce qui pourrait peut-
être paraître plus concluant que les caractères précédents, qui
sont en réalité assez difficiles à reconnaître avec une précision
décisive. Ou bien, fait-il remarquer, ces espèces étaient déjà
domestiquées, et alors ces phases de la civilisation n'auraient
pas la physionomie qu'on leur prête ; ou bien elles étaient la
souche véritable de nos espèces domestiques, et nous aurions
enfin rencontré l'origine, si douteuse jusqu'ici, de ces espèces
qu'on avait pour la plupart fait descendre de types étrangers
aux régions occidentales.
La première hypothèse est opposée aux observations ethno-
— 239 —
plutôt théoriques que pratiques, dont la vérification ne porte
pas -sur des points rigoureusement définis. On distingue
évidemment sans difficulté les ossements d un bœuf de Dur-
ham ou d'un bœuf de distillerie de ceux d'un bœuf rendu à
l'état sauvage dans Ips Pampas ou des petites races de mon-
tagne; leurs tissus sont bien différents. Mais quand il s'agit
des animaux domestiques de populations non civilisées, je
ne puis que concevoir des doutes sur la possibilité de les
reconnaître de leur souche primitive par la texture des os.
Les insertions des muscles sont certainement moins accusées
chez les animaux captifs et domestiques que chez les animaux
sauvages, cependant, jusqu'à ce que ce caractère se pro-
nonce à un degré suffisamment marqué, il y a des intermé-
diaires dont la détermination doit être bien entourée d'incer-
titude, quand la domestication n'est pas poussée très loin ou
lorsque la captivité n'est pas prolongée. La taille elle-même
ne pourrait être que difficilement citée à l'appui de cette
opinion, car, si la souche de nos espèces domestiques est
inconnue, comment pouvons-nous comparer à priori leur
taille originelle à la taille que les régimes artificiels ont su
leur donner ? Mais la seconde manière de voir me paraît
mieux s'adapter aux autres conditions relevées par l'observa-
tion. Elle nous fait entrevoir que le Bœuf, la Chèvre, le
Mouton et le Porc domestiques, au lieu d'avoir une origine
souvent complexe^ et d'avoir été amenés des régions orien-
tales par des migrations de peuples, suivant l'opinion géné-
ralement adoptée, auraient été obtenus directement dans
nos régions mêmes par la transformation d'espèces sauvages
indigènes. Si ce point de vue se confirme, nos idées sur nos
races domestiques primitives seraient donc complètement
modifiées et nos méthodes pour leur étude seraient conçues
dans un esprit tout différent. Aussi ne pouvons-nous que
' Voyez notamment l'ouvrage de M. Darwin, De la variation des ani-
maux et des plantes, 1868, où le grand naturaliste expose les opinions
émises jusqu'alors sur les origines des espèces domestiques.
— 240 -
rendre hommage en cette circonstance au savant qui a su
nous ouvrir cette voie féconde dans des recherches où la
science n'avait encore pu vraisemblablement trouver sa
direction.
L'existence, pendant l'époque quatemaire.de races sauvages
indigènes dont l'homme aurait fait postérieurement nos races
domestiques, ne pourrait cependant tendre à réduire l'anti-
quité de l'époque quaternaire. En effet, ces espèces fiont dans le
cas d'un grand nombre d'autres qui habitaient l'Europe occi-
dentale à cette époque et qui l'habitent encore, sans avoir
éprouvé de modifications morphologiques sensibles. Vingt
de ces tjpes ont éte découverts dans nos cavernes : le Cerf,
le Chevreuil, le Sanglier, tous nos carnassiers, nos rongeurs '
et nos insectivores. Le ïtenne quaternaire est le même que le
Benne actuel. VÂntilope saiga et XUrsusferox des cavernes
s'identifient avec VÂntilope saiga de la Caspienne et l'Ours
gris des Montagnes Rocheuses. Beaucoup d'ossements d'oi-
seaux, recueillis dans nos cavernes, ne diffèrent pas de ceux
des espèces qui vivent aujourd'hui en Belgique. M. Van
Beneden a fait connaître récemment que les Cheiropteres sont
dans le même cas. Ces circonstances se répètent pour les
autres classes, surtout pour les mollusques dont l'étude est
jdus avancée . Ainsi l'association des espèces actuelles de nos cli-
mats aux espèces émigrées ou éteintes ne prouve pas contre
les opinions reçues sur l'antiquité de l'époque quaternaire,
mais elle nous donne cette notion importante que les mam-
— 241 —
le dépôt de nos vastes nappes d'alluvions fluviales quater-
naires a eu lieu. C'est après tous ces changements et la
manifestation de ces phénomènes que nos tourbières ont pris
naissance et que les kjoekkenmoedding se sont formés.
Il semble qu'il y a là tous les indices d'une durée très
grande pour l'époque quaternaire et subsidiairement d'une
antiquité correspondante pour les hommes de nos cavernes.
Comme nous ne constatons de modifications organiques
dans aucune des espèces de cette faune jusqu'à nos jours,
— si les espèces se transforment, comme beaucoup de
naturalistes paraissent disposés à le penser, — c'est avec
une grande lenteur. La faune ne s'est modifiée que numé-
riquement par l'élimination de plusieurs groupes d'espèces,
les uns à la fin de l'âge du Mammouth : les genres et les
espèces aujourd'hui tropicaux et une espèce américaine (JJr-
sus ferox) ; les autres, à la fin de l'âge du Renne : les
espèces arctiques et alpines et une espèce orientale {Antilope
saiga). Des phénomènes d'extinction totale et d'émigra-
tion ou extinction locale ont donc seuls changé cette faune,
tant que l'homme, a'ugmentant la puissance de ses moyens,
n'est pas intervenu pour domestiquer certaines espèces et
en anéantir d'autres. Néanmoins quand nous remarquons
que les mammifères terrestres de l'époque pliocène diffèrent
de leurs congénères des époques quaternaires et récentes,
tout en conservant avec ceux-ci des attaches très intimes ,
nous ne pouvons que penser, que le temps qui s'est écoulé
depuis le commencement de Tâge du Mammouth, n'a pas
encore été suffisamment long pour transformer les espèces
qui se sont perpétuées depuis lors. Il me semble que ce
serait dépasser les indications des faits, si l'on s'appuyait
sur cette inertie morphologique de la faune quaternaire pour
déclarer, comme point définitivement acquis, que les espèces
ne se transforment pas dans la nature. Je déduis aussi
de ces considérations que des changements dans l'état
physique d'une région, tels que ceux que j'ai définis,
tendent Don h modifier les types, mais à amener l'extinc-
tion ou à changer l'aire géographique des espèces. Ces phé-
nomènes sont des plus saillants pendant l'époque quaternaire
et peuvent nous fournir de nouvelles lumières, pour for-
muler les lois régissant les variations des faunes dans le
temps.
M. Hamy rappelle que les anciens voyageurs dans l'Amé-
rique du Nord , Heame en particulier , nous montrent les
chasseurs Peaux-Rouges utilisant partiellement leur proie
h la façon des troglodytes de la Lesse. n serait aisé d'ex-
traire des vieux récits un grand nombre de textes qui vien-
draient à l'appui de ce rapprochement.
Svr remploi du fer météorique par les Esquimaux du
Groenland, par M. J. Stebnstbup.
A l'occasion de l'intéressante discussion que la question
de l'antiquité relative de l'âge du bronze et de l'âge du fer a
soulevée dans cette enceinte, je désire communiquer des
observations sur l'existence d'un double âge du fer chez
un seul et même peuple. J'hésite d'autant moins à disposer de
quelques moments du temps précieux que nous avons encore,
à rester réunis, que ces observations se rapportent aux habi-
tants des régions arctiques, à ces Esquimaux auxquels notre
secrétaire général, M. É, Dupont, a si souvent fait allusion
dans ses admirables mémoires sur les cavernes et la popula-
tion primitive de la Belgique; car, dans son opinion, c'est
— 243 —
initié, par ces derniers, à un âge du fer tout différent et plus
réel, et cette initiation remonte peut-être aux anciens Norvé-
giens et aux pécheurs de baleines qui abordèrent les premiers
dans ces parages. Mais l'introduction de nos métaux est due
principalement aux colonies danoises qui, depuis le temps
d'Égède, ont été s'établir sur la côte occidentale du Groen-
land. L'âge dont je veux parler se distingue de l'âge actuel
du fer chez les Esquimaux autant par son caractère que par
Tordre des temps.
Les kjoekkenmoedding, comme les anciens tombeaux du
Groenland, prouvent en effet qu'à une époque reculée, les ha-
bitants de ce pays se servaient d'un fer essentiellement diffé-
rent de celui que les peuples civilisés ont fabriqué exclusi-
vement par la fusion des minerais et ont introduit au Groen-
land, n ne peut donc avoir une origine européenne. Il a été
en outre employé d'une manière si particulière pour la fabri-
cation des divers ustensiles, qu'on y reconnaît au premier
coup d'oeil un groupe spécial d'armes et d'outils primitifs.
Les instruments dont je parle, sont d'abord (PL 24, fig.
1-2) des couteaux en os ou en bois de Renne, formés plus
ou moins distinctement de deux parties , un manche et une
lame; mais cette lame présente la particularité qu'elle est
munie, sur l'un de ses bords ou^ sur tous les deux, d'une
rainure où un tranchant en fer est implanté. Ce tranchant
n'est pas formé d'un morceau de fer continu , comme une
bande de cerceau, ainsi que l'ont avancé ceux qui ont pris
ces couteaux pour de simples imitations de nos couteaux
fabriquées avec des bouts de fer obtenus des Européens.
n se compose de petits morceaux de fer à peu près égaux,
ayant la forme de plaques ou d'écaillés imbriquées ; cette
disposition permet de les fixer solidement dans la rainure.
n en résulte une légère dentelure du bord qui contribue peut-
être à rendre l'instrument plus tranchant.
Telle est également la construction des « Ullut* » ou cou-
1 UUo au singulier, Ullut au pluriel.
teaux à cuir que représf;nte la planche 26, et dont se servent
exclusivement les femmes pour la préparation et le travail
des cuirs. Qu'ils soient formés d'os seulement (fig. 2-3,)
ou d'os et de bois (fig. 4) unis avec une habileté étonnante
par des chevilles ou des cordons passant dans des trous régu-
lièrement percés, on y trouve toujours une rainure mince
et profonde avec des écailles en fer imbriqvdes, à peu près
de la même grandeur.
Cette catégorie d'instruments comprend aussi la pointe
de flèche représentée PI. 24, âg. 3,£n comparant cetta figure
avec la flg. 4 de la môme planche, qui représente la même
arme de chassa faite toute en os, on verra immédiatement
que la penne, formée par l'os dans cette dernière arme, est
formée d'écaillés enfer dans la première.
J'ai pu examiner plus de vingt instruments munis d'une
rainure destinée à recevoir un tranchant en fer imbriqué, et
contenant encore les écailles en fer ou au moins les traces
de rouille qu'elles y avaient laissées. Le fer que j'ai retrouvé
dans un assez grand nombre d'entre eux', s'est montré à
l'analyse chimique, faite par U. F. Jobnstrup, professeur
de minéralogie à l'Université de Copenhague, être du fer
natif ou météorique. Il contenait jusqu'à 3 p. c. de nickel,
et on a même pu constater, par le polissage et par l'action des
acides, que les écailles, quoique martelées, présentaient encore
des figures assez nettes de Widmannstàtten. Par conséquent,
ce n'est pas seulement le mode d'emploi du fer qui oflfre ici
r.'ti'tère tuut si^i.^ci;il. mais iui^si le métal hii-ia6me. de
— 245 —
des temps reculés du paganisme, indique que, dans le Groen-
land danois, ils ne peuvent appartenir à l'époque récente.
C'est ce que confirme encore la circonstance de n'avoir été
mentionnés ni dans nos anciennes relations de voyage au
Groenland, ni dans la remarquable série de traditions que
nous devons à notre compatriote, le docteur Rink, l'auteur
de l'excellente description des glaciers intérieurs du Groen-
land.
Mais ce n'est pas le seul indice que nous possédions d'une
assez haute antiquité de cet aspect de la civilisation des Esqui-
maux du Groenland. Si nous demandons où ces Esquimaux
se sont procuré le fer qu'ils ont employé à la confection de
leurs armes et de leurs outils, cette question pourra peut-être,
au premier abord, paraître un peu oiseuse, aujourd'hui surtout
qu'il est tant parlé des masses de fer natif ou météorique qui ont
été trouvées au Groenland et transportées en Danemark et en
Suède. Elle semblera avoir encore moins besoin de réponse,
lorsqu'on remarquera que ces armes et ces outils, à ce qu'il
semble, proviennent exclusivement du Groenland septentrio-
nal, c'est à dire, de la même région que les masses elles-mêmes
de fer météorique. La question n'en est pas moins parfaite-
ment motivée. Voici les localités du Groenland où Ton a
constaté du fer météorique :
a. Niakomakj dans le district de Jacobshavn, par M. Rink, 1847
(Musée de Copenhague).
b. Fariunehay, près de Godhavn, par M. Rudolph, 1852 (Musée
de Copenhague).
c. Jacohshavn, par MM. Pfaff-Œberg, 1870 (Mus. de Stockholm).
d. Vifak, par M. Nordenskjœld, 1869-71 (Musées de Stockholm
et de Copenhague).
Cest un fer nickéliffere , dur et cassant , qui ne se laisse
ni marteler, ni forger et qui , par ses propriétés physiques,
diffère donc notablement, malgré la similitude de composition
chimique, du fer blanc , mou et malléable , employé par nos
16
- 246 -
Esquimaux. En conséquence, si le fer natif et soi-disant
météorique venait à être découvert dans de nouvelles loca-
lités du Groenland, et qu'il fût le même que celui qu'on y a
recueilli jusqu'à présent dans les localités énumérées ci-
dessus, il y aurait lieu de supposer que le fer de nos Esqui-
maux provient de contrées situées hors des possessions danoises
actuelles, c'est à dire, au Nord du 73* lat. Nord, et qu'il
a peut-4tre été apporté par les Esquimaux qui immigrèrent
les premiers dans le Groenland.
On se rappelle que le célèbre capitaine John Ross, pen-
dant son voyage arctique en 1816, par 75''55 lat. Nord et
65<'32 long. Ouest, rencontra une tribu d'Esquimaux qui non
seulement n'avaient aucune relation avec nos Esquimaux du
Nord du Groenland, mais qui étaient aussi ignorants de leur
existence que de celle des Européens. Il les trouva néanmoins
en possession de harpons et de couteaux avec un tranchant
métallique composé de petites écailles d'un fer blanc et
écroui, implantées dans une rainure, et, après le retour de
l'expédition en Angleterre, on reconnut que c'était du fer
météorique. Les Esquimaux lui racontèrent qu'ils allaient
prendre ce fer malléable & Savalik (montagne k fer), situé
au nord-ouest du Cap York (par 76-10 lat. Nord et 65-30
long. Ouest), et en taillaient des morceaux dans une pierre
ou masse rocheuse de couleur noire. Pour se le procurer, ils
faisaient de temps en temps de longues excursions jusqu'à un
endroit qui leur fournissait des pierres assez dures pour
— 247 —
trouva, pendant son hivernage à Port-Foulke (lat. 78"17
Nord, long. 73" Ouest), des Esquimaux qui se servaient de
la même espèce de fer, employé de la même manière et, selon
leur explication, ce fer tirait son origine de la mêmelocalité^
A 50 milles environ de nos colonies septentrionales, il
existe donc un point où l'on doit supposer que les tribus des
Esquimaux se rendent encore aujourd'hui, pour y chercher
des morceaux de cette matière, qui a tant d'importance pour
eux. Mais s'il est évident que les couteaux du Groenland à
tranchant en fer météorique constituent un groupe d'instru-
ments à part, — en ce sens que, par leur construction et les
matériaux qui les composent, ils diffèrent d'autres instru-
ments groenlandais du même genre, et sont au contraire
identiques avec les couteaux trouvés par le capitaine Ross
chez ses « arctic Highlandér, » — il est tout aussi naturel de
supposer que cette identité va encore plus loin, même jusqu'à
Forigine commune de la matière métallique qui a servi à
les fabriquer. N'est-ce pas en tout cas une coïncidence assez
remarquable que les Groenlandais aient toujours mentionné
et mentionnent encore, dans leurs traditions, que l'Ile de
Disco et les environs du Waigat — précisément les contrées
d'où proviennent nos instruments en fer météorique — sont
les premières parties du Groenland où ils aient demeuré,
et qu'ils habitaient auparavant une région plus septentrio-
nale? Les faits pourront peut-être un jour se grouper de
telle manière que ces instruments métalliques, devenus
pour ainsi dire comme des feuillets perdus du journal d'im-
migration de ce peuple, indiqueront, par leur provenance,
la route par laquelle les Esquimaux ont pénétré dans le pays,
ou la direction qu'ont prise leurs relations les plus an-
ciennes.
Mais l'archéologie ne peut s'arrêter ici sans poser encore
la question suivante : employait-on le fer sous la forme
> Voir Sillimànn*s American Journal of Science and Arts, 1866, p. 249.
d'écaillés, parce qu'on n'était pas en état de produire et de
marteler de plus gros morceaux? Employait-on, pour ces
écailles, la disposition imbriquée, parce que leur petitesse ne
permettait pas de les bien fixer d'une autre manière? On
peut répondre que ces explications n'ont pour elles que la
possibilité. Mais quand on se rappelle avec quelle ténacité
les peuples, peu avancés en civilisation, tiennent & k forme
et au mode de fabrication auxquels ils sont habitués pour
leurs ustensiles , et surtout combien ce trait de caractère est
marqué chez les Esquimaux, on aéra porté à penser que nous
devons plutôt y voir la stricte imitation d'une forme anté-
rieure et anciennement adoptée pour ces mêmes ustensiles.
Lorsqu'on compare les figures 1-2 (PI. 24) de nos couteaux
à fer météorique avec le couteau que le capitaine Graah
trouva chez les Esquimaux de la côte orientale du Groen-
land — peuplade qui n'avait eu pour ainsi dire aucun con-
tact avec les Européens ' — en même temps qu'on les
compare avec les figures l"-!* (PI. 25), qui reproduisent
un couteau exactement de même construction, recueilli
dans un ancien tombeau puen de la région la plus sep-
tentrionale du Groenland danois, n'est-on pas tenté de
croire que ces cout«aux sont les prototypes des couteaux en
fer météorique? Et qu'est-ce qui forme ici le tranchant?
C'est, chezlesdeux derniers, une rangée de dents de ce grand
requin, le Leiche du Nord ou Scymnus horealis H. qui
donne lieu, chez les Esquimaux, à une pèche considérable à
— 249 —
même dans les contrées qu'il habite aujourd'hui au milieu
des glaces du cercle polaire.
Pour finir, je dois me demander, abstraction faite de la
dissemblance des deux pays et de la différence qui en résulte
dans la manière de vivre, quel serait le résultat d'une com-
jiaraison comme celle que notre ami, M. Dupont, trouve na-
turel d'établir entre le degré de civilisation des Esquimaux
et celui de ses € Mongoloïdes » des cavernes de la Belgique?
Mon impression est que les Esquimaux, même les plus
arriérés, sont de beaucoup supérieurs aux troglodytes belges
dans la faculté de tirer bon parti des objets qui les entourent
et dans l'art de travailler la pierre, les os et les bois de renne.
du moins en les supposant tels que nous devons nous les
représenter d'après la description de notre collègue. Mais,
pour ne pas être injuste envers les t Mongoloïdes » , n'ou-
blions pas deux choses dans cette comparaison. La première,
c'est qu'il est évident, pour moi, que la description qui a été
donnée de leur savoir faire et de leur manière de vivre ne leur
rend pas pleinement justice, car quels que soient les rensei-
gnements que les fouilles grandioses, opérées en Belgique,
nous aient fournis sur ces habitants des cavernes , les don-
nées que nous possédons, sont cependant encore trop peu
nombreuses et trop incomplètes pour en tirer des conclusions
justes. Quelques-unes d'entre elles même ne me paraissent
pas avoir été suffisamment appréciées. Ici je ne mentionnerai
que ce qui est en relation plus directe avec l'objet de cette
communication, à savoir : les éclats, dont on a enlevé la
moitié de la largeur par une retouche bien faite. Ces demi-
éclats ou demi-poinçons \ qu'on a recueillis en si grand nombre
dans les cavernes et que je regarde comme les instruments
en silex les plus intéressants que M. Dupont ait découverts,
peuvent-ils être considérés comme autre chose que des divi-
sions ou articles de tranchants composés et assez longs, ana-
* Voir É. Dupont, Les temps préhistoriques en Belgique, %• édition,
Bruxelles 1872, p. 148, Ûg. 23.
— Zoo-
logue, à ceux que portent certaines de nos lances et de nos
flèches ea silex? Et, s'il en est ainsi, ne témoigneat-ils pas
de l'existence de toute une série d'instruments pour la chasse
ou les usages domestiques, dont il n'a nullement été tenu
compte? Mais quelle qu'ait été la destination de ces • demi-
silex, > ils n'en prouvent pas moins que les > Mongoloïdes >
travaillaient la pierre avec une habileté hien plus grande
qu'on n'a voulu le reconnaître. Quant au second point, qu'il
ne faut pas oublier en comparant ces deux peuples, c'est
que l'emploi et le travail du fer natif par les Esquimaux ne
leur donnent pas une réelle supériorité, car, s'ils savaient
marteler le fer , ils le traitaient essentiellement comme une
pierre en fer, une pierre excellente et d'un grand prix, il est
vrai; absolument comme les Indiens de l'Amérique du Nord
ne voyaient, dans le cuivre natif, qu'une pierre en cuivre.
Par l'emploi du métal, ni les uns ni les autres ne sont, à vrai
' dire, sortis de l'&ge de la pierre où ils se trouvaient.
L'homme de l'âge du Mammouth dans la province de SainatU,
par MM. F. L. Cornbt et A. Bbiabt.
§ 1". — CBEUSBHENT RD BASSIN DE LA HAINE.
La petite rivière la Saine, qui a donné son nom à la pro-
vince de Hainaut, prend sa source près du villag;e d'Ander-
lues, et, coulant de Test à l'ouest, elle se jette dans l'Escaut
h Coudé (France), après un parcours d'environ 55 kilomètres,
— 251 —
coulent du sud au nord. La Trouille a pour affluents princi-
paux le By et la rivière de Nouvelles.
Le bassin de la Haine est limité au nord par la ligne de
faîtes qui le sépare des bassins de deux autres affluents de
l'Escaut : la Dendre et la Senne. A Test et au sud, il se termine
à la grande ligne orographique qui fait le partage des eaux
des bassins de l'Escaut et de la Meuse. Sur l'entier développe-
ment de ces limites, le relief du sol est déterminé par l'exis-
tence de couches tertiaires reposant, dans la plupart des
points, sur les terrains primaires, et, en quelques endroits,
sur le terrain crétacé.
L'altitude des différents points de la limite du bassin est
assez variable. Cependant, si on ne considère que l'ensemble,
on peut dire qu'elle diminue de l'est à l'ouest, c'est à dire,
dans le sens de l'écoulement général des eaux. Le maximum
(212 mètres) est atteint près du hameau du Planty, au sud-
ouest d'Anderlues, non loin des sources de la Haine. Dans le
méridien de la ville de Mons, on trouve au nord 90 mètres
et au sud 160 mètres pour la hauteur des lignes de faîtes au
dessus du niveau de l'Océan. Enfin, le sommet de la colline
de Bon Secours, où la limite septentrionale du bassin traverse
la frontière française, est à l'altitude d'environ 60 mètres.
L'inclinaison du thalweg du bassin est plus considérable
que celle des lignes de partage, principalement dans la partie
orientale. La Haine, dont la source est à l'altitude de 180 mè-
tres, se trouve à 78 mètres dans le village de Haine Saint
Pierre, situé à 8 kilomètres en aval. La partie supérieure de
son cours présente donc une pente moyenne de 12 millimè-
tres par mètre, si l'on ne tient pas compte de ses sinuosités,
d'ailleurs peu importantes. De Haine Saint Pierre à Mons
(ait. 30"), la pente moyenne ne dépasse guère 2 millimè-
tres. Elle est moins forte encore entre Mons et Condé
(ait. 18"), où la rivière ne présente, pour un parcours de
27 kilomètres, qu'une différence de niveau de 12 mètres, soit
une moyenne inférieure à un demi-millimètre par mètre.
A l'iotérieurdolaceinture de colliuea tertiaires qui entoure
au nord, à l'est et au sud, le bassin hydrographique de la
Haine, on trouve la plus grande partie du terrain crétacé
du Hainaut. Ce terrain se montre à découvert sous une
épaisseur peu considérable de dépôts modernes ou quaternai-
res, principalement dans la région orientale du bassin. Mais
entre la frontière française et Mons, ainsi que sur une cer-
taine surface à l'est de cette ville, le terrain crétacé disparaît
presque entièrement sous des dépôts tertiaires, qui gisent à
des altitudes bien inférieures à celles des limites septentrio-
nales et méridionales du bassin.
L'étude géologique de notre contrée prouve, de la manière la
plusévidente,qu'à une certaine époque,toutrintervallecompri8
entre les lignes de partage qui circonscrivent le bassin de la
Haine.était occupé par des couches tertiaires dont l'épaiaseur,
au dessus du sol actuel, dépassait 70 mètres près de Mons et
100 mètres à Haine Saint Pierre. Notre bassin doit sa forma-
tion à une importante dénudatlon qui a enlevé la plus grande
partie deces dépôts tertiaires, en laissant, comme des tëmoins
de son action, les collines argilo-sableuses qui avoisinent la
ville de Mons et celle sur laquelle la ville môme est asaise.
La dénudation a non seulement emporté les couches tertiai-
res, mais, sur certains points, elle a profondément entamé le
terrain crétacé et même les assises primaires.
A quelle époque cette dénudation a-t-elle commencé?
Quand s'est-elle terminée et par quel agent s'est-elle opérée?
— 253 —
partie supérieure du Mont Panisel qui lavoisine au nord, est
constitué par une puissante assise de grès et de sables glauco-
nifères que Dumont a prise pour type de son Système Panise-
lien. Cette assise n'existe en aucun autre point du bassin de
la Haine, mais on la retrouve vers la partie supérieure d'une
rangée de collines isolées qui s'étend, au nord de notre pro-
vince, entre l'Escaut et la Dendre, principalement aux envi-
rons de Renaix. Dans ces collines, qui sont, comme le Mont
Panisel, les témoins d'une importante dénudation qui a donné
aux plaines flamandes leur configuration actuelle, les couches
paniseliennes ont des caractères paléontologiques, minéralo-
giqueset stratigraphiques tellement identiques à ceux qu'elles
présentent près de Mons, qu'on ne peut douter que les colli-
nes des Flandres n'aient été réunies jadis à celles du Mont
Panisel et du Bois de Mons, par une nappe continue de terrain
tertiaire.
Le Mont de la Musique, qui est la colline la plus élevée des
environs de Eenaix (ait. 155 "*), n'est pas, comme les collines
montoises, couronné par les couches de sables et de grès pa-
niseliens. Au dessus de celles-ci, on trouve des sables avec
grès quartzeux qui ont été rapporté aux Systèmes Bruxellien
et Laekenien,et enfin le sommet du Mont est constitué par des
sables ferrugineux appartenant au Système Diestien^
Rien de semblable à ces dépôts ne se montre sur le som-
met des collines de Mons. Mais le plateau qui limite à l'est
le bassin de la Haine, et qui atteint, au hameau du Planty,
l'altitude de 212 mètres, est formé d'une couche de sable avec
grès du Système Bruxellien, qui se termine brusquement sur
le flanc des coteaux, vers le bassin de la Haine. Cette nappe
de terrain tertiaire s'est évidemment étendue jadis plus avant
qu'aujourd'hui au dessus de notre bassin, et il nous semble
certain qu'elle se réunissait à celle des collines de Renaix en
passant au dessus du Mont Panisel.
> Cartes géologiques de Dumont. — Oktlikb et Chellonex, Études des
collines tertiaires du Départ, du Nord comparées à celles de la Belgique,
- 254 -
Rien ne semble prouver que les couches laeteniennes et
diestienoes se soient jamais étendues au dessus de notre
baKsin. Cependant l'épaisseur considérable qu'elles présentent
au Uont de la Musique permet d'affirmer qu'elles se sont jadis
prolongées bien plus au sud qu'actuellement. Leur présence
a d'ailleurs été démontrée près de Tournai, dans la partie su-
périeure du Mont de la Trinité dont le sommet, qui se trouve
à l'altitude de 146 mètres, domine d'environ 135 mètres le
fond de la vallée de l'Escaut, que l'on peut considérer comme
le prolongement du bassin de la Haine. L'existence, en ce
point et fa une telle hauteur, des couches laekeniennes et
diestiennes est une forte présomption en faveur de l'hypo-
thèse qui admet qu'elles ont, à une certaine époque, recou-
vert les assises tertiaires sous-jacentes dans la partie de notre
pays qui forme aujourd'hui le bassin de la Haine.
Les sables fossilifères d'Anvers, qui constituent le Système
Scaldisien de Dumont, sont les dépAts tertiaires les plus récents
de notre pays. Ils paraissent avoir succédé immédiatement
aux sables ferrugineux diestiens; mais tout fait croire qu'ils
ne sont guère étendus vers le sud, au delà de leur limite ac-
tuelle. On n'en a, jusqu'à ce jour, rencontré aucun indice
sur les nombreuses collines du Département du Nord, des
Flandres et du Brabant, couronnées par le sable de Biest. La
mer qui les a déposés se trouvait, relativement à ces collines,
à peu près au niveau de la mer actuelle.
Nous admettons donc que la province de Hainaut, comme
la plupart do.s autres lociiiiti's de la Belgique, fût émei^t
— 255 —
par suite de rirrégularité que Ton remarque dans les dépôts
marins, si on les étudie sur de grandes étendues. Ces cours
d'eau ont probablement approfondi ou élargi les sillons et les
dépressions pendant que les sables fossilifères d'Anvers se
déposaient sur la côte méridionale de la mer du Nord. Nous
sommes donc d'avis que la grande érosion de nos couches ter-
tiaires n'a pu commencer que vers la fin de l'époque pliocène.
Si la mer a, pendant son retrait, creusé des sillons dans les
couches tertiaires, elle a dû y laisser des témoins de son pas-
sage ou de son séjour plus ou moins prolongé. Les cours
d'eau pliocènes, en suivant et en élargissant peut-être ces
sillons ont dû, de même, y déposer des alluvions. Cependant
on n'a, jusqu'à ce jour, rencontré, dans nos contrées, aucun
dépôt marin ou fluvial que l'on puisse rapporter à l'époque
pliocène. Les plus anciens dépôts que nous trouvons sur nos
couches tertiaires, renferment une faune malacologique fos-
sile qui nous les fait rapporter à une époque postérieure aux
couches tertiaires les plus récentes de la Belgique. Cette
faune, qui ne se compose que d'espèces terrestres identiques
à celles qui habitent encore le pays, a dû vivre sous un climat
différent du climat sous lequel ont vécu les coquilles
des sables d'Anvers et du Crag de Suffolk. Les dépôts, dans
lesquels on la rencontre, occupent les points les plus élevés
des lignes de partage qui séparent le bassin de la Haine des
bassins voisins.
De ces diverses circonstances, nous pouvons conclure que
si la mer a creusé, en se retirant, des sillons dans nos couches
tertiaires, et si ces sillons ont reçu, après l'émersion, des cours
d'eau qui les ont approfondis et élargis, la dénudation n'a pas
été assez importante, pendant la période pliocène, pour enle-
ver les couches jusqu'au niveau des lignes de partage actuel-
les. Le creusement s'est continué pendant la période qui a
suivi, c'est à dire, pendant la période quaternaire, et il a détruit
tous les vestiges de la première phase de l'opération, si ces
vestiges ont jamais existé,
Le creusement du bassin de la Haine, tel que nous te trou-
vons aujourd'hui, s'est donc opéré h partir d'un certain
moment de la période quaternaire.
Plus on étudie les dépAts postérieurs au terrain tertiaire,
qui recouvrent les limites, comme les versants, du bassin de
la Haine, plus on est convaincu qu'ils n'ont pu être déposés
par des eaux marines. Leur nature, leurs caractères strati-
graphîques et les fossiles qu'ils renferment excluent toute
idée de l'intervention de la mer dans leur mode de formation.
Ils n'ont pu être déposés que par des cours d'eau, et ils pré-
sentent en effet tant de ressemblance avec les alluvions de nos
rivières, qu'on ne pourrait les en distinguer, s'ils ne se trou-
vaient, dans la plupart des cas, bien au dessus du niveau des
cours d'eau actuels.
Les dépôts quaternaires s'étendent sur les versants de notre
bassin, à partir des lignes de partage jusqu'au niveau des ri-
vières, aux alluvions desquelles ils se relient quelquefois si
intimement que la distinction n'est pas possible. Les coquilles
qu'ils renferment sont partout identiques aux espèces qui
vivent encore dans notre province, mais on y rencontre des
ossements de grands mammifères, dont quelques-uns ont
appartenu à des espèces éteintes comme YElephas primige-
nitts, le Rhinocéros tiehorhinns, etc. Les gisements dans
lesquels on a recueilli ces espèces perdues, se trouvent,
dans la plupart des cas, à de grandes hauteurs au dessus
fie r^li.'i^^i' iii'tupl lies rivières, ijuràqu'ih soii;iit cuiir^lilui'r
- 257 —
son approfondissement actuel. Nous verrons plus loin qu'il a
été également habité, à cette époque, par ITiomme, dont nous
retrouvons les grossiers instruments en silex dans les gra-
viers qui nous fournissent les ossements de Mammouth et de
Rhinocéros.
Nous avons dit que les dépôts quaternaires recouvrent les
lignes limitant le bassin et qu'ils s'étendent sur les versants
jusqu'au niveau des alluvions formées par les rivières actuel-
les. Ces alluvions occupent la partie la plus basse des vallées,
où elles sont toujours étendues en nappes horizontales dont
le niveau dépasse peu l'étiage. Elles reposent sur des couches
tertiaires, crétacées ou primaires, dont la surface détermine
la profondeur à laquelle le creusement de la vallée s est
terminé pendant une époque peu antérieure au dépôt des
alluvions qui recouvrent cette surface. Or, toutes les recher-
ches opérées dans ces alluvions n'y ont fait découvrir, jus-
qu'à ce jour, les restes d'aucune espèce perdue. Les coquilles
terrestres et d'eau douce que l'on y rencontre sont toutes iden-
tiques à nos coquilles actuelles et tous les ossements appartien-
nent à des espèces qui vivent encore dans nos contrées ou qui
n'en ont disparu que depuis les temps historiques. Les instru-
ments en silex, assez nombreux, que l'on recueille avec ces
coquilles et ces os, appartiennent tous à l'âge de la pierre polie.
Pour résumer cette première partie de notre travail, nous
dirons :
Le creusement du bassin de la Haine, en dessous du
niveau des lignes de faîtes actuelles, a commencé à s'opérer
pendant la période quaternaire. Il est dû à l'action de cours
d'eau. Bien avant qu'il fût terminé, l'homme, contempo-
rain du Mammouth, du Rhinocéros et d'autres espèces per-
dues, a habité nos contrées. Enfin la fin du creusement date
d'une époque géologique peu éloignée de celle où l'homme
de l'âge de la pierre polie vivait dans notre bassin avec une
faune identique à celle de nos jours.
■ 258 -
Avant de passer à d'autres considérations, nous ferons re-
marquer que les conclusions précédentes sont presque rigou-
reusement liis mêmes que celles posées par divers savants qui
ont étudié le terrain quaternaire, principalement au point de
vue stratigraphique, notamment M. Prestwich dans ses études
des dépôts des vallées de la Somme et de la Tamise, M. Bel-
grand dans 80U travail sur le bassin de la Seine et enfin
M. Dupont dans ses différents 'travaux sur les cavernes et le
terrain quaternaire de la province de Namur. Cette coïnci-
dence nous semble prouver, de la manière la plus évidente,
que les phénomènes qui ont présidé à la formation des dépôts
quaternaires du Hainaut, n'ont pas borné leur action à notre
province, mais l'ont étendue à une notable partie de l'Europe
occidentale. Comme il est hors de doute que ces dépôts ne
sont que des alluvions fluviales, on doit admettre que pour
creuser leurs lits, comme elles l'ont fait, les rivières quater-
naires charriaient un volume d'eau hors de proportion avec
leur débit actuel. Cependant nous prouverons plus loin
qu'elles avaient, comme ceus-ci, leurs sources dans les
limites du même bassin , du moins à partir de l'époque où
Tapprofondissement fut descendu en dessous du niveau de
ces limites. Leur débit si considérable ne peut donc être
attribué qu'& ce que le bassin recevait incomparablement
plus d'eau pluviale qu'aujourd'hui. Les conditions climaté-
riques dans lesquelles se trouvait alors la province de Hai-
naut, étaient donc bien différentes de celles de notre époque,
259
S 2. — COMPOSITION DU TERRAIN QUATERNAIHE DANS LE
BASSIN DE LA HAINE.
Quel que soit le point où on Tétudie, sur les lignes de faîtes
comme sur les versants, le terrain quaternaire du bassin de
la Haine se montre partout constitué, quand il est complet,
par trois termes qui sont en commençant par la partie supé-
rieure (PI. 29, fig. 1, 3, 4) :
A . Un limon brun-jaunâtre, non calcareux, ne présentant
aucun indice de stratification et très propre à la fabrication
des briques. Vers la surface, ce limon, mélangé à une certaine
quantité dTiumus, constitue une terre végétale éminemment
fertile.
B. Une alluvion fluviale, toujours stratifiée en feuillets
très minces. Dans la plupart des cas, elle est constituée par un
limon jaune, souvent calcareux, impropre à la fabrication
des briques et connu sous le nom d'Frgeron. Les champs
dans lesquels ce limon affleure sont peu fertiles.
A sa partie inférieure, TErgeron devient ordinairement
sableux et quelquefois il passe à un sable plus ou moins
limoneux. Ce cas se présente presque toujours dans le voisi-
nage d'assises tertiaires sableuses, et Ion reconnaît souvent
alors, par la nature du sable, que ces assises ont été partielle-
ment remaniées par les cours d'eau quaternaires. Le rema-
niement devient surtout évident quand le terrain quaternaire
repose sur des couches argileuses, comme l'assise inférieure
du Système Ypresien. La partie inférieure de l'Ergeron a sou-
vent acquis, dans ce cas, des caractères tellement semblables
à ceux de l'argile tertiaire, qu'il est très difficile de l'en dis-
tinguer.
C. Un dépôt caillouteux et graveleux, formé de débris plus
ou moins roulés de roches de différentes natures, parmi les-
quelles dominent la craie blanche, le silex crétacé et le phta-
nîte houiller. Ces débris, quoique parfois mélangés assez
confusément, présentent plus souvent une stratification irré-
guliëre, indiquant que le dépdt s'est effectué dans un courant
rapide.
Le terrain quaternaire est toujours nettement séparé des
assises sur lesquelles il repose. La surface de contact eat fré-
quemment dénudée profondément.
L* passage du dépôt caillouteux C à l'alluvion fluviale
JB se fait brusquement, quand l'Ergeron proprement dit con-
stitue seul cette dernière assise. Mais la transition d'une
assise à l'autre est insensible, quand du sable est intercalé
entre l'Ergeron et le gravier C.
Entre les limons A et 3, la démarcation est brusque et la
surface de contact présente toujours des ondulations quelque-
fois très profondes.
La puissance de chacune des trois assises de notre terrain
quaternaire est très variable. Généralement celle de la
seconde l'emporte de beaucoup. Nous avons constaté la pré-
sence de 16 mètres d'Ergeron en certains points de notre
pays. La terre à briques a rarement plus de 1°50 à 2"00 de
puissance. Quant au dépAt caillouteux, si son épaisseur
atteint 3 à 4 mètres en quelques endroits, le plus souvent
elle n'a que quelques décimètres.
Notre terrain quaternaire se présente assez rarement avec
les trois assises dont nous venons de parler. Le dépAt cail-
louteux inférieur est souvent absent ou simplement repré-
senté par quelques centimètres de gravier. Dans quelques
, il existe seul et s'élève alors iafiqu'à la .surface du w
— 261 —
de silex mélangés à de nombreux galets de craie, mais le
phtanite houiller se rencontre seulement sur le versant sep-
tentrional du bassin, tandis que les roches dévoniennes ne se
montrent que sur le versant méridional. Les points où Ion
rencontre ces roches dans les graviers quaternaires, se trou-
vent, sans aucune exception constatée, entre le thalweg du
bassin et les endroits où elles existent en place sur les affleu-
rements. L'assise des phtanites houillers ne se montre que
vers la limite septentrionale du bassin, et les étages dévoniens,
vers la limite opposée. Le transport des graviers, dans le bas-
sin de la Haine, s*est donc toujours opéré dans le sens actuel
de l'écoulement des eaux : les affluents quaternaires de la
rive droite ont charrié leurs cailloux du nord au sud et ceux
de la rive gauche les ont transportés du sud au nord. Ces dif-
férents cours d'eau avaient leurs sources à l'intérieur des
lignes de faites actuelles, car, malgré toutes nos recherches,
nous ne sommes pas parvenus à découvrir, dans les dépôts
caillouteux quaternaires, un seul fragment de roche étran-
gère à notre bassin.
Le terrain quaternaire, représenté généralement par ses
deux termes supérieurs, recouvre partout les lignes de par-
tage qui limitent le bassin de la Haine, excepté les col-
lines tertiaires entre Bon Secours à Grandglise et entre Veil-
lereille lez Brayeux et la route de Mons à Chimay. A partir
de ces lignes, il s'étend sur les versants, en suivant toutes les
ondulations des {daines, jusque près des alluvions modernes
qui occupent le fond du bassin, où elles sont étendues en
nappes horizontales. Le terrain quaternaire se relie, en quel-
ques endroits, si intimement à ces alluvions, qu'il est impos-
sible de tracer une ligne de démarcation quelconque entre
eux. Mais la liaison ne se fait que par la terre à briques et
le limon des inondations modernes ; en aucun point, nous
n'avons constaté le passage de l'Ergeron aux alluvions plus
ou moins sableuses qui se trouvent en dessous du limon
d'inondation des cours d'eau actuels. Ces alluvions se sont
17
marne déposées, en certains endroits, dans des rsTinements
de l'Ei^ron.
Le limon d'inondation, qui occupe le fond de nos vallées,
où il s'épaissit à chaque grande crue des cours d'eau, présente
la plus grande ressemblance avec le limon supérieur des ver-
sants du bassin. Il n'y a dans ce fait rien qui doive nous
étonner. Quiconque a observé la surface de nos plaines et
les flancs de nos collines recouverts de terrain quaternaire,
a db être frappé de la facilité et de la rapidité avec lesquelles
l'eau creuse dans le sol de profondes rigoles. Le limon ainsi
enlevé est entraîné par les cours d'eau et, dans les moments
de crue, il se dépose en partie sur le fond des vallées. La
terre à briques est surtout d'une extrême mobilité. Aussi
n'existe-elle plus ouest-eHeréduiteàune très mince épaisseur
sur beaucoup de nos collines, mais on lui trouve, dans toutes
les déclivités de la surface, des puissances considérables qui
s'épaississent après chaque grande pluie. Ces déplacements
du limon supérieur sont tellement considérables qu'on ne
peut affirmer que la terre à briques que l'on observe sur un
point, soit bien celle qui y a été déposée à l'époque quater-
naire. L'ErgeroD résiste mieux que le limon supérieur à
l'érosion des eaux pluviales. Cependant il a été emporté,
comme celui-ci, en bien des endroits où nous trouvons au-
jourd'hui le terrain sous-jacent mis à nu ou recouvert
par le dépôt caillouteux. Cest peut-être à une érosion
semblable que le terrain quaternaire doit le faciès partî-
culier qu'il présente sur le versant septentrional du bassi
— 263 —
points, principalement vers le bas du versant, les couches
limoneuses quaternaires et même les alluvions modernes.
Ce que nous avons dit plus haut de la facilité avec laquelle
le limon supérieur ou terre à briques est entraîné par les
eaux pluviales, ne permet pas d'attacher une valeur pa-
léontologique aux coquilles, aux ossements et aux ustensiles
de l'homme qu'on peut y rencontrer et qui y sont d'ailleurs
très rares, excepté dans les déclivités de la surface où l'on
trouve assez souvent des os, ayant appartenu à des espèces
qui vivent encore dans nos contrées, des ustensiles en silex
de l'âge de la pierre polie et même des débris de briques et
de poterie romaine.
Les coquilles fossiles sont assez abondantes sur certains
points dans l'Ergeron. Nous avons constaté la présence, dans
cette assise, depuis les lignes de partage à l'altitude de
190 mètres jusqu'à peu de hauteur au dessus du thalweg
du bassin, des espèces suivantes qui vivent encore dans nos
localités !
Sixcinea ohlonga,
Hélix concinna,
ndix hispida,
Hélix ohvoluta,
Pupa avenuy
Achaiina lubrica.
Parmi ces espèces, la Succinea oblonga est celle dont les
spécimens sont les plus nombreux.
Un fragment de valve d' Unio est le seul reste de coquille
d*eau douce que nous y ayons rencontré, excepté dans un gi-
sement particulier dont il sera dit quelques mots plus loin.
On a aussi recueilli, dans la seconde assise quaternaire, des
ossements dUElephas primigenius et de Rhinocéros ticho-
rhinuSj mais généralement dans un état de décomposition
très avancée. On n'y a pas encore, à notre connaissance,
trouvé des silex taillés, ni d'autres indices de l'existence de
l'homme.
Mais lee preuves de cette existence ont été rencontrées avec
assez d'abondance dans le terme inférieur de notre terrain
quaternaire, c'est à dire, dans le dépAt caillouteux. On a en
effet recueilli, dans cette assise, de nombreux silex taillés des
^pes les plus divers et toujours dans des positions telles,
relativement à la surface du sol, qu'il est impossible d'ad-
mettre qu'un remaniement postérieur les ait enfouis dans
le gravier des rivières anciennes de notre bassin. Avec ces
ustensiles, on a rencontré des ossements ayant appartenu,
pour la plupart, à de grandes espèces perdues, mais la faune
malacologique n'a fourni, jusqu'à ce jour, qu'une seule
espèce, VHelix erieetorvm lliiller.
Uais, tandis que les coquilles terrestres dont nous avons
donné la liste plus haut, se rencontrent à toutes les hauteurs
au dessus de l'étiage de nos rivières, depuis les lig;nes de
partage, jusqu'au niveau des alluvions modernes qui recou-
vrent le fond du bassin, les silex taillés et les ossements de
mammifères n'ont pas encore été rencontrés à des hauteurs
de plus de 25 mètres au dessus de l'étiage des cours d'eau
dans la vallée duquel sa trouve le gisement.
La présence d'ossements ou de silex taillés dans le dépôt
caillouteux quaternaire du bassin de la Haine, a été con-
statée jusqu'aujourd'hm en six endroits dans les environs de
Mons : dans une tranchée du chemin de fer de Uons à Dour
près de la station de P&turages, dans la tranchée de la sta-
tion d'Havre, dans le déblai de la Garenne sur la route pavée
d'Havre à Bouasut. dans les deux tranchées de Mesvin et de
— 265 —
HAUTKUR
œURS D'EâU
LOCAXITÉS.
n deuos
OBJETS RECTTK1IJ.1.S.
VOISINS.
DE L'fTIAGE
Tranchée
Rien
25«00
Silex taillés.— Dente d'ÏJr-
de PAturages.
du Cœur.
sus speUeus.
Station d'Uavré.
La Haine.
12
00
Ossemente divers diEUphas
primigeniiÂS,
Tranchée de la
La Haine.
16
00
Silex taillés. — Molaire
Garenne.
■
à^Elephas primigenius.
Tranchée de Mes-
LeBy.
10
00
Molaires &"Elephas primi-
vin (partie occi-
geniics et de Rhinocéros
dentale).
tic?iorhinus.
Tranchée de Mes-
Rivière de
20
00
Silex taillés. — Ossemente
vin (partie orien-
Nouvelles.
divers de:
tale).
n
Elephas primigenius.
Rhinocéros iichorhinus,
Ursus spelœuSf
Felis spelœa,
Megaceros hibemicus,
Cervus iarandus.
Bison europasus,
Equus caballus,
Coquilles d*Eelix ericeto-
rum.
Tranchée
ItA Trouille.
24
00
Silex teilles. — Ossemente
de Spiennes.
divers de :
Elephas primigenius^
Equus cabaUus,
Bos primigenius.
Bandoor.
Ruisseau de
10
00
Molaire et omoplate d'Ele-
la Grande.
phas primigenius.
Pour connaître la hauteur dont nos vallées se sont appro-
fondies depuis l'époque où les cours d eau quaternaires ont
formé les dépôts caillouteux indiqués dans le tableau précé-
dent, il faudrait évidemment ajouter, aux chiffres que nous
avons donnés, l'épaisseur du remplissage qui s'est opéré
depuis, BUT le fond de ces Tallées. Ces épaisseurs soQt quel-
quefois considérables et dépassent 15 mètres en certains
points de la vallée de la Haine, notamment près de la
station d'Havre.
L'espace nous manque pour donner ici la descriptioa du
terrain quaternaire pour chacune des six localités du Hai-
naut indiquées dans le tableau précédent. Nous nous borne-
rons adonner celle delà tranchée deMesvin, qui a été visitée
par le Congrès pendant son excursion du 26 août. Elle est
d'ailleurs la plus remarquable de nos coupes, au point de vue
de la composition du terrain quaternaire. La tranchée de
Spiennes sera décrite dans un article consacré principalement
aux Faits relatifs k l'&ge de la pierre polie.
Description de la tranchée de Mesvin. La tranchée de
Mesvin, représentée par les figures 1 , 3 et 4 de la
planche 39, est ouverte, pour le passage du chemin de fer,
dans la colline qui sépare le ravin de la rivière de Nouvelles
de la vallée où coule le' By. Elle a 1,000 mètres environ
de longueur et une profondeur maximum de 6 mètres.
Sur l'entier développement de cette tranchée, on peut
observer le terrain quaternaire, reposant sur du sable vert ter-
tiaire profondément raviné.
Latfirre à briques^ se montre d'une extrémité & l'autre.
Elle recouvre partout l'Ergeron B, excepté sur le versant du
ravin de Nouvelles, où elle repose immédiatement sur le
dépôt caillouteux C.
— 267 —
B^. Sable limoneux avec des boudins de sable tertiaire
remanié, le tout stratifié obliquement. On a recueilli une mo-
laire à^ Rhinocéros tichorhimcs au point x et des plaques de
molaires de Mammouth au point y,
B^. Lit très mince de silex anguleux.
D. Sable tertiaire.
Vers l'extrémité orientale, la coupe de la tranchée présente
de notables différences avec celle que nous venons de décrire.
C'est cette partie qui fut visitée le 26 août par les membres
du Congrès. A cette occasion, le limon, entraîné sur les talus
par les eaux pluviales, avait été enlevé sur une certaine lon-
gueur de manière à rendre bien visible la succession des
assises.
On a observé en ce point (PI. 29, fig. 4) :
A . Terre à briques. — On y a rencontré au point A les
restes d'un foyer avec quelques fragments de poterie peu
cuite et non tournée.
B, Limon jaune ou Ergeron avec de minces lits de petits
fragments de silex à angles aigus ou peu émoussés.
C et C^. Dépôt caillouteux. — C. Amas de petits galets d,e
craie avec quelques fragments de silex. — C^. Débris de silex
anguleux et subanguleux avec quelques galets de silex et de
nombreux galets de craie ; on y a rencontré des fragments
de grès dévonien et de grès tertiaire, dont quelques-uns
avaient un volume de 15 à 20 décimètres cubes.
D. Sable tertiaire.
Le dépôt caillouteux CqXC^ ^ fourni une grande quantité
d'ossements appartenant aux espèces suivantes : Elephas
primigenius, Rhinocéros tichorhinus, Ursus spelaus, Felis
spelaUj Megaceros hibernicus^ Cerrus tarandus. Bison euro-
jkBuSy Equus caballuSy etc. On y a aussi rencontré quelques
coquilles à! Hélix ericetorum. Enfin, avec ces débris de la
faune quaternaire de notre bassin, on a recueilli un grand
nombre de silex taillés (PI. 51-56). Les premiers ont été
trouvés par nous , lors de la construction du chemin de fer.
Depuis lors, M. Neyrinck, ayant continué des recherches très
actives, est parvenu è recueilUr une importante collection
de ces ustensiles de Yige du Mammouth.
Lors de la visite du Gongrës dans la tranchée de Mesvin,
M. Desob fit remarquer, au contact du sable tertiaire et du
dépôt caillouteux, une mince couche brune qu'il dit avoir déjà
observée ailleurs k la base des graviers quaternaires.
D'après M. Desor, elle pourrait être l'indice de l'existence
d'un ancien sol végétal qui aurait précédé le dépût des cou-
ches quaternaires.
M. CoBNBTdéclare avoir plusieurs fois rencontré, dans cette
couche brune, des fragments de bois silicifié qui pourraient
cependant provenir des couches tertiaires, dans lesquelles des
parties de troncs d'arhres pétrifiés se rencontrent assez com-
munément.
Une discussion fut ensuite soulevée à propos d'un bloc
très volumineux de grès d'origine tertiaire que l'on remarque
& la partie supérieure du dépAt caillouteux, sur le talus, au
point où s'étaient arrêtés les membres du Congrès pour étu-
dier la coupe de la tranchée de Mesvin.
M. CoENBT, en affirmant avoir rencontré dans cette tran-
chée une dizaine de blocs semblables, dit que certains géolo-
gues, notamment M. Prestwitcb qui a visité avec lui les
tranchées de Mesvin et de Spiennes, attribuent le transport
de ces blocs à des glaces flottantes, charriées par les cours
d'eau. M. Coriiot, sans nier iiue le fait peut M'expliiiiier de
— 269 —
port de gros blocs de roche, comme on Tobserve encore sur
certaines rivières de TAmérique du Nord.
M. d'Omalius d'Halloy ne rejette aucune des hypothèses
indiquées par MM. de Mortillet et Comet, mais il est d'avis
que, dans le cas dont on s'occupe pour le moment, la pré-
sence d'un bloc de grès tertiaire dans le dépôt caillouteux
de la tranchée de Mesvin, peut s'expliquer autrement. Il
existe encore et, par conséquent il existait dans la localité
lors du dépôt des couches quaternaires, des collines de sable
tertiaire landenien renfermant des bancs et des masses iso-
lées de grès. Il a pu exister une semblable colline au point où
se trouve actuellement la tranchée de Mesvin, puisque le
fond de cette tranchée est creusé dans du sable tertiaire. Le
cours d'eau quaternaire s'est ouvert un lit dans cette colline
en rongeant constamment ses berges. Un bloc s'est détaché
de l'une de celles-ci et est tombé dans le fond de la rivière,
sur le gravier où nous le trouvons aujourd'hui, tandis que
l'érosion a fait disparaître entièrement les berges.
De Vewtension géographique des populations primitives en
Belgique et dans le Nord de la France, par M. le docteur
E. T. Hamy.
Dans l'intéressant résumé qui a servi d'introduction aux
travaux du présent Congrès, notre Secrétaire général attirait
particulièrement l'attention des observateurs sur les instru-
ments en silex taillés, découverts dans les alluvions quater-
naires des environs de Mons et dont le Musée d'Histoire
naturelle de Bruxelles possède actuellement une collection
considérable.
M. Dupont, analysant aujourd'hui les documents relatifs à
l'ancienneté de l'homme en Belgique, est revenu sur les
découvertes de Mesvin, de Nouvelles et de Spiennes. Après
nous avoir fait assister aux persévérantes recherches des
géologues et des archéologues de Mons, il a rapidement
montré la coexistence de l'homme avec une partie de la
première faune quaternaire, trouvée dans le diluvium gris
des mêmes localités. Cette démonstration qui a résolu, dès
1867, le problème de la contemporanéité de l'homme et des
animaux éteints dans le Hainaut belge, ne laisse rien à
désirer et je n'aurais pas pris la parole, s'il ne m'avait semblé
utile de chercher la concordance des intéressantes décou-
vertes de MM. Briart, Cornet, Houzeau de Lehaye et Ney-
rinck, avec celles qu'on avait précédemment faites dans des
régions voisines et particulièrement avec les heureuses trou-
Tailles, dont nos départements du Pas de Calais et de l'Aisne
ont été le théâtre depuis sept ans. En coordonnant les résul-
tats de ces observations toutes récentes, je n'ai pas la préten-
tion de fixer quoique ce soit de définitif: l'avenir nous réserve,
espérons-le du moins, bien d'autres révélations. Cependant
comme il est bon de préciser l'état de la question, en raison
des conclusions que l'on s'empresse de tirer des faits qui
nous ont été exposés, je crois devoir m'eflforcer de leur assi-
gner leur véritable valeur en les encadrant au milieu d'obser-
vations nombreuses, recueillies dans des provinces voisines,
ayant d'ailleurs avec le Hainaut des affinités étroites.
Les trois premiers observateurs précédemment nommés
avaient, sans hésitation, assimilé les assises quaternaires
qu'ils mettaient à jour, à celles dont les géologues anglais et
français avaient, les premiers, abordé l'étude dans la vallée de
la Somme'. La faune qu'ils rencontrèrent à Spiennes et à
Mesviii, ilifférait à peine delacrlrlin.' ffimi'' <1i' MmK'hecnurt.
-- 271 —
Les mêmes analogies se retrouvaient dans quelques pro-
duits de Tindustrie rudimentaire qui, à défaut d*ossements,
accusent, dans ce terrain, la présence de l'homme. « La
forme de la pièce et le mode de la taille, disent nos auteurs,
rapprochent les haches de Mesvin de celles que Ton a trouvées
aux environs d'Abbeville dans une position géologique iden-
tique ^ • Cette proposition est exacte dans ce qu'elle a de
général. On a, sans aucun doute, trouvé aux environs de
Mons, à Mesvin en particulier, plusieurs de ces haches carac-
téristiques des stations quaternaires de la Somme : nos
collègues en citent quelques-unes dans leur intéressante bro-
chure. Mais dans l'importante série recueillie par M. Neyrinck
et déposée au Musée de Bruxelles, les silex taillés de Mesvin,
de Nouvelles et de Spiennes (voyez les Planches 51-56), plus
ou moins comparables à ceux des collections de RigoUot ou
de Boucher de Perthes, sont extrêmement rares, et ceux-là
même qui rappellent les haches lancéolées ou amygdaloïdes
(voyez les Planches 17-18), restent bien inférieurs aux pro-
duits industriels auxquels on a donné d'abord ces noms. Le
reste de la série ne se compose, à part quelques couteaux,
que de fort grossières ébauches sur lesquelles on ne découvre
€ après un examen attentif • que « quelques petits éclats
enlevés par percussion* » sur les arêtes plus ou moins fes-
tonnées.
J*ai entendu invoquer, pour expliquer cette différence dans
les produits des fouilles de Mons et de celles de la Somme,
cette circonstance, toute à l'avantage des premières, que
M. Neyrinck, faisant de sa personne les recherches dans les
tranchées, recueillait tout ce qui lui paraissait porter l'em-
preinte de la maiù humaine, tandis que, dans les terrasse-
ments des environs d'Abbeville, les trouvailles avaient été
accomplies en grande partie par des ouvriers ne ramassant
que les pièces qui les frappaient par la perfection relative
1 Rapport précité, p. 11.
* X. OK Rbul, loc. cit, p. 21.
du tnTail. Je n'hésite pas k reconnaître tout ce que cette
comparaison a d'exact et d'honorable pour l'infatigable
M. Neyrinck.
Maia il me semble que si l'explication que je viens de rap-
peler, rend compte du ^rand nombre d'ébauches trouvées au
sud de Mons, elle ne résout pas d'une manière satisfaisante
la difSculté qui résulte, pour l'identification, du très petit
nombre absolu et relatif des instruments de formes définies,
fournis par le diluvium gris dans ces régions '.Ne pourrait-on
pas attribuer plutôt cette infériorité si frappante, dans la
production industrielle de la peuplade primitive du Hainaut,
à la situation géographique que celle-ci occupait par rapport
aux autres peuplades du même &ge? Placée comme une avant-
garde de la race vers le Nord-Est, isolée des tribus congé-
nères par un assez vaste espace de terrain , la tribu de Mesvin ,
entièrement livrée à eUe-mâme, luttant péniblement pour
l'existence, serait demeurée stetionnaire et n'aurait pas atteint
le développement relatif dont M. Beboux nous montre les
diverses phases dans son intéressant Musée des industries
primitives de la vallée de la Seine.
Je mets sous vos yeux une petite carte qui indique, dans
l'état actud de nos connaissances, la limite septentrionale
atteinte en France par le peuple sauvage qui taillait la pierre
suivant les types de Saint Acheul, d'Abbeville, ete.
Une ligne oblique, tracée du N.-O. au S.-E., circonscrit
la région paléolithique dont il est ici question, et laisse Mona
— 273 —
qués risolement de la peuplade de Mesvin et, par suite, son
infériorité industrielle. Je soumets cette interprétation à mes
savants collègues et je passe de suite à l'étude détaillée des
stations-limites dont j'ai indiqué les noms sur la carte ci-
jointe.
SvlenntM
Fig, 5. Carte indiquant l'extension géographique des populations
primitives en Belgique et dans le Nord de la France.
Localités dans lesquelles les Instraroents de silex des types de la Somme ont été
trooYés dans le dllaylnro gris.
■ Ligne droonscrlTant les stations les plus septentrionales des types de Saint
AsSbBJil^ eto., otservéM en France.
Ligne circonscrivant, entra les stations précédentes, ceUes des environs de Mon s.
La population, la plus dense ou plutôt la moins clairsemée
à Tépoque paléolithique, parait avoir vécu au voisinage des
274 -
grands fleuves qui corresponâ&ient à la Somme et à la Seine
et vers la partie moyenne de leurs cours. Lorsqu'on s'éloigne,
dans une direction quelconque, de ces deux centres d'ha-
bitat , on voit les témoignages de l'existence de llionmie
se raréGer de plus en plus vers les frontières de ces peu-
plades fossiles. Aussi ne rencontrons-nous, sur la ligne de
démarcation tracée plus haut, que des stations de peu d'im-
portance.
La première au N.-E. est celle de Sangatte, qui relie
topographiquement nos populations primitives à celles de la
Grande Bretagne. Ce nom de Sangatte est depuis longtemps
familier aux géologues qui s'occupent spécialement des ter-
rains post-pliocènes. Phillips, d'Archiac et, plus récemment,
MM. J. Prestwich et GodwinAuaten* se sont occupés de cette
localité et y ont reconnu la superposition des quatre étages,
dont l'ensemble constitue le terrain quaternaire dans nos con-
trées. Ce n'est pas ici le lieu de revenir sur la description
que ces auteurs en ont tracée. Il me suffira de dire que
l'ensemble des couches qui représentent k Sangatte le dilu-
vium gris, dépasse 16 mètres de puissance. Moins heureux
que bien d'autres, les explorateurs de Sangatte n'y ont pas
encore rencontré les débris d'animaux éteints, qui sont si
nombreux dans la couche similaire de la côte d'Angleterre.
Mais, dans «ne excursion faite en 1866, MM. Topley et
Whitakeront trouvé, au voisinage de cette célèbre coupe, un
silex taillé de forme lancéolée, anciennement épointé et qui
leur a iKini avuir vté entraîui' iiar les pluies dans le v
— 275 ^
plet et de même forme , près de Wissant , à proximité d'un
gisement analogue étudié par M. Day.
Si, du premier de ces deux villages, pris comme point de
départ, nous nous dirigeons au Sud-Est, nous rencontrerons,
à quelques lieues de là, une troisième station de l'homme qua-
ternaire, daps laquelle les preuves de sa coexistence avec les
animaux éteints ne laisseront rien à désirer. Cette station est
celle de Balinghen (canton d'Asdres); j'en ai fait la décou-
verte en 1869^ Depuis longtemps, cette localité avait attiré
l'attention par l'abondance des dents de Mammouth que les
ouvriers extrayaient chaque année des carrières à silex. Sous
le lit de cailloux roulés qui contient en si grande abondance
des débris d'Éléphant primitif , à un peu moins d'un mètre
au dessous de leur gisement habituel et à près de 4 mètres de
la surface du sol, se trouvent de temps en temps des instru-
ments d'un assez beau travail. Je vous présente le meilleur
des trois silex taillés que je possède de ces carrières. C'est une
grande hache de 157 millimètres de longueur sur 92 de lar-
geur et 36 d'épaisseur maxima. Elle est taillée en amande, à
larges éclats, d'une manière assez habile; elle présente un
tranchant presque continu et est revêtue d'une belle patine
d'un jaune cireux. Mes deux autres pièces sont une hachette
de même forme, mais cassée, et une petite pointe dite
du Moustier.
Je laisse, sur la droite, le quaternaire de Pihen où, dans la
même couche à ossements, se trouvent le Rhinocéros et un
grand Bœuf, mais où l'homme fait encore défaut, — pour des-
cendre aux abords de Saint Omer. Presque aux portes de
cette ville, Arques et Blandecques ont fourni en grande
abondance les débris de la faune éteinte , et le premier de
ces deux gisements produit de temps à autre , suivant
M. Em. Sauvage , des haches en silex*.
' Buil, Soc, Anthrop. de Paris, 2« sér., t. VI, 4« fasc. Sous presse.
' Em . Sautaob, Étude sur le terrain quaternaire de Blandecques (Pas
de Calais). Boulogne 1865, in-8», p. 5.
- 276 -
Plus bas encore, sur aoti« carte, et toujoars dans la même
direction, "nous rencontrerons la station la plus riche du Nord
de la France, Vaudricourt, étudié par M. Danglure dèa 1865 '.
Maints silex taillés y sont enfouis dans la couche caillouteuse
nommée bief par les ouvriers. Ces pierres sont travîiillées
suivant le type de Saint Âcheul, et enduites d'un vernis
rouge&tre semblable à celui de la hacbe que vous avez devant
vous. Les unes ont les angles émoussés et semblent avoir été
assez fortement roulées ; les autres, au contraire, présentent
des arêtes très vives, et leurs cassures sont tellement fraîches
qu'on les dirait faites d'hier*. M. Danglure en possède plu-
sieurs; M. J. Oharvet, qui a visité Vaudricourt eu décembre
1865, en a rapporté quelques beaux spécimens; en6n
MU. de Baulaincourt et de Teming en ont recueilli un cer-
tain nombre^.
Au Sud de Vaudricourt, la ligne de démarcation décrit
une courbe à connexité occidentale , pour se rapprocher des
stations de la Somme, sur lesquelles je n'ai aucun détail
nouveau à faire connaître. Elle laisse à l'Est le Cambrésis
avec ses gisements d'.£'fe^A4M^m^cflîiM,de/W»f^2i7a,etc.,
Servignj, Vellers Plouich, Vendhuile', dans lesquels on n'a
pas constaté la trace de l'homme. Puis, reprenant sa direction
première, elle gagne Viry Noureuil dans la vallée de l'Oise.
La station quaternaire de Viry Noureuil, que MM. Watelet
et de Saint-Marceaux nous eut fait connaître^, caractérisée
paléontologiquement par YElephas primigenins, le Rkino-
— 277 —
ceros iiehorhinuSy VUrsus spelauSf XHyœna spélaa^ un
Canis^ un cheval, un bœuf, un cerf et un rongeur indé-
terminés, a fourni, à ses explorateurs, des haches, des cou-
teaux , des pointes de lances et des grattoirs.
Au Sud-Est encore , dans la vallée de l'Aisne, se trouvent
les gisements de Soissons, de Cauvres et de Givry, où
MM. Buvignier, Calland et Lambert ont trouvé des haches
en silex dans le diluvium gris et fort en dedans de notre
démarcation. Priey sur Oise, oi M. Élie Petit a trouvé, en
1858, une hachette associée à une dent d'Éléphant ^ et Creill,
où M. Badiguel a fait, l'année suivante, semblable décou-
verte*.
Si nous continuions le tracé que nous venons de suivre ,
il nous faudrait, suivant toujours la même direction N.-
O.-S.-E., gagner la Haute Seine, où, dans les grèves^
on avait découvert , dès 1842, des silex taillés^ et le cours
de TArmançon où le diluvium de Saint Florentin a fourni à
feu Goubert une hache travaillée , pour joindre enfin le cé-
lèbre gisement de Charbonnières en M&connais, exploité dans
ces derniers temps par H. de Ferry ^.
J'arrête ici cet exposé déjà trop long. Du rapprochement
des observations que je viens d'analyser, il m'avait paru
résulter que la limite des territoires occcupés, dans nos con-
trées, parles premiers hommes quaternaires, pouvait être tout
au moins esquissée. Cet essai de géographie préhistorique
jetera-t-il quelque lumière sur l'histoire des vieilles tribus
qui vivaient dans le Hainaut avec les grands mammifères
éteints? Permettez-moi de l'espérer, et soyez indulgents pour
1 Ch. Ltbll, Uancienneté de Vhomme prouvée par la géologie^ ^^ éd. fr.
Paris 1870, in-8», p. 167.
< CocHBT, Archéologie f Hachettes diluviennes du bassin de la Somme.
Paris 1S60, in-8^, p. 4. — G. db Mortillbt, L'homme fossile, 1 v. in-S^,
1862.
3 Mém, Soc. Acad. du département de VAube, 3«8ér.,t. I, p. 24. Troyes
1864, in-S».
* Le Maçonnais préhistorique, etc.
18
cette tentative qui emprunte, au but qu'elle poursuit, son
principal intérêt.
Sur remmanehwe des silex, par M. Reboux.
Depuis treize ans, je m'occupe de recherches dans les ter-
rains quaternaires de Paris, pour découvrir les instruments
de l'homme. J'en aï trouvé un très grand nombre et de formes
bien variées.
Xai pu en classer plus de vingt mille trouvés à différentes
profondeurs des carrières. Ces instruments étaient dispersés
et mêlés aux débris d'ossements et de dents de trente-six
espèces ou variétés d'animaux, les uns éteints, les autres
émigrés. Presque tous ces animaux ont été déterminés par
Edouard Lartet.
J'ai découvertnon seulement lesinstrumentSfmaisjl'homme
lui-même dans cinq localités différentes ; j'y ai trouvé de nom-
breux débris humains qui ont été étudiés et déterminés par
M. le docteur Hamy. Il y a reconnu trois races d'hommes
dont une inconnue jusqu'alors. J'ai offert ces trouvailles au
Muséum, et elles serontpubliées, avec tous leurs détails, dans
un grand ouvrage de MM. de Quatrefages et Hamy.
J'ai voulu me rendre compte de la manière dont nos ancê-
tres se servaient de ces instruments rudimentaires, car on
se demande comment ils pouvaient suffire aux nécessités de
— 279 —
sauvages aïeux étaient donc obligés de recourir aux matières
animales.
Avec des silex recueillis dans les carrières de Levallois et •
de Clichy,j'ai écorché un morceau de bœuf; j'ai enlevé d'un
côté la chair de la peau, et de l'autre côté, le poil; j'ai en-
suite fendu la branche du bois et placé l'instrument dans la
fente; puis j'ai fait la ligature avec une bande de la peau
fraîche, ou bien encore avec des intestins d'animaux. Il est
facile de couper du bois avec ce silex enmanché.
Je suis loin d'être de l'avis des honorables collègues qui ont
parlé avant moi et qui prétendent que les anciens n'avaient
qu'un seul et même instrument pour tous leurs besoins. Pour
ma part, je trouve, dans le quaternaire parisien, vingt-trois
formes différentes d'armes, instruments et outils bien carac-
térisés et étant répétés en double plusieurs fois.
IV
L'HOMME PENDANT L*AGE DE LA PIERRE POLIE.
Sut Tâge de la pierre polie et les exploitations préhistoriques
de Silex dans la province de JETainaut, par MM . F . L . Cobnbt
et A. Bbiabt.
Dans un article précédent (p. 250), nous avons prouvé
que des hommes, contemporains du Mammouth et du Rhino-
céros à narines cloisonnées, ont vécu dans notre province
avant que le bassin de la Haine eût acquis la profondeur
que nous lui trouvons aujourd'hui, c'est à dire, à une
époque où des cours deau, bien plus importants que nos
rivières, coulaient à la hauteur de nos plaines actuelles qu'ils
ont recouvertes de graviers et de limon. Dans le présent
travail^ nous venons apporter les preuves que les mêmes loca-
lités ont été habitées par des être humains, après l'approfon-
dissement du bassin et à une époque appartenant k l'&ge de
la pierre polie.
Les populations de l'&ge delà pierre polie ont laissé, comme
traces de leur existence, de nombreux ustensiles en pierre
et des décbets de fabrication, quelques iBStruments en os ou
en corne de cerf, de rares rebuta de cuisine et d'anciens
travaux qu'elles ont exécutés pour exploiter le silex, dont
elles se sont servies principalement pour la confection de
leurs outils.
Les ustensiles de l'Age de la pierre polie se rencontrent
dans quatre positions différentes : 1° A la surface du sol ou à
peu de profondeur dans la terre végétale; 2° dans des décli-
vités de la surface, oùils sont recouverts par de la terre à bri-
ques entraînée des hauteurs par les eaux pluviales ; 3° dans
les alluvions modernes et dans la tourbe qui recouvrent le
fond de quelques-unes de nos vallées ; et 4" à l'intérieur des
puits et des galeries qui ont été creusés pour l'exploitation
du silex.
A la surface du sol, on n'a recueilli, jusqu'à ce jour, que
des instruments eu pierre et des éclats provenant de leur
fabrication. Ces instruments consistent principalement en
haches, dont quelques-unes sont bien polies, en couteaux,
grattoirs, pointes de lances et de flèches. Mais on a ren-
contré une foule d'autres ustensiles de formes peu connues,
dont il est difficile de deviner l'usage. On peut se faire une
idée de la diversité de ces formes en étudiant la collection
•quable de silex taillés du Haioaut. dont M. Neyrinck
— 281 —
nos contrées est entraîné par les eaux pluviales, explique
Tensevelissement des silex taillés de l'âge de la pierre polie
sous d'épaisses couches de terre à briques, dans des décli-
vités de la surface. On a souvent rencontré des ossements
gisant dans la même position, mais ils appartiennent à des
espèces qui vivent encore dans nos contrées. D'ailleurs on a
recueilli, dans de semblables déclivités, des armes et des
poteries romaines, recouvertes par plus de 2 mètres de terre
à briques.
Dans la partie basse de la vallée de la Haine, principale-
ment en aval de Mons, le sol est constitué par des dépôts
modernes d'alluvions et de tourbe, dont l'ensemble présente
une puissance variable, dépassant parfois 15 mètres. Sous
une certaine épaisseur de limon d'inondation, ayant la
plus grande ressemblance avec la terre à briques quater-
naire, on trouve généralement une couche de tourbe formée
par des débris de végétaux aquatiques, avec des fragments
de bouleaux, de chênes, de coudriers, de saules, etc. Cette
tourbe est superposée à un sable fluvial gris, renfermant
de nombreux grains de craie et reposant sur une couche de
gravier constitué par des fragments roulés de phtanite
houiller, de silex et de grès tertiaire.
Ce gravier et le sable fluvial qui le recouvre, représen-
tent les dépôts qui se sont effectués dans la vallée de la
Haine, immédiatement après le creusement du bassin. Les
cours d'eau de cette époque n'avaient probablement plus
l'importance de ceux qui ont charrié les graviers à ossements
de Mammouth, mais ils étaient certainement plus puissants
que ceux d'aujourd'hui. La Haine et la Trouille , dans la
partie basse de leur cours, ne charrient plus guère que du
limon, même pendant l^urs plus fortes crues.
Le sable fluvial, dont nous parlons, renferme de nom-
breuses coquilles d'espèces vivant encore dans les eaux cou-
rantes de la Belgique. Elles appartiennent principalement
aux .genres Cyclas, Unio et Nentina. La tourbe et la partie
inférieure du limon d'inondation, contiennent d'abondantes
coquilles palustrea des genres Pîanorhis, Lymnaa, Paludina,
Cyclas, ÂnodotUa, etc., avec des ossements de Cheval, de
Bœuf, de Cerf, de Sanglier, de Loutre, de Castor, etc. ; mais
on n'y a pas, & notre connaissance, rencontré des restes de
mammifères éteints. Dans la partie supérieure du limon
d'inondation, ou ne trouve guère que des coquilles terrestres
des genres ffelix, Cychstomc, Succinea, etc.
Le sable fluvial, de la vallée de la Haine n'a fourni,
jusqu'à ce jour, aucun reste de l'industrie humaine. Il est
vrai que les travaux, qui l'ont mis à découvert, sont si peu
nombreux et si peu importants, qu'ils n'en ont pas permis
l'exploration sur plus de 300 à 400 mètres carrés. On a été
plus heureux pour la tourbe, àaas laqueUe on a recueilli
quelques ustensiles en corne de cerf et en os, et plusieurs
haches polies. Dans la partie inférieure de l'alluvion limo-
neuse, on a rencontré, sur le territoire des communes de
Quaregnon et de Wasmuel, d'assez nombreux silex taUlés
' dont quelques-uns polis, des restes de foyers et des frag-
ments de poterie brune, travaillée à la main et dont la p&te
est mélangée à ud grand nombre de très petits fragments de
silex.
La plus grande partie des ustensiles de l'ftge de la pierre
polie, que l'on a rencontrés dans le Hainaut, ont été
recueillis sur l'emplacement d'anciens ateliers de fabrication
ou dans les travaux auxquels l'exploitation du silex a donné
lieu. Ce fut vers 1840 queTalteEtion de (|uelfjues personnes
— 283 —
d'autres localités, fut exposée en vente à la fin de Tannée
1865. Il est très regrettable, pour notre pays, qu'elle n'ait pas
été acquise, soit par le Cercle archéologique de Mons, soit
par le Musée de cette ville. Elle se trouve aujourd'hui en la
possession de M. John Evans.
En 1860, l'attention du monde savant fut, pour la pre-
mière fois, attirée sur les silex ouvrés de Spiennes, par
une lettre de Toilliez communiquée, par M. le professeur
de Koninck,à la Classe des sciences de l'Académie royale de
Belgique ^ Dans cette lettre, Toilliez déclare que le lit
superficiel de cailloux môles de silex travaillés, que Ion
remarque aux environs de Spiennes, repose sur le limon de
la localité et qu'il est l'emplacement d'un vaste atelier de
fabrication de haches en silex » dont la surface dépassait une
cinquantaine d'hectares.
Des éboulements, qui s'étaient produits à différentes
reprises dans les champs de Spiennes, avaient permis à
Toilliez de reconnaître l'existence, dans la craie, d'an-
ciennes galeries, dont il attribuait le creusement aux hommes
qui ont fabriqué les silex taillés épars à la surface. Des
exploitations de silex pour les faïenceries, qui ont lieu dans
la localité depuis plusieurs années, avaient aussi rencontré
assez fréquemment de ces anciennes exploitations de l'âge
de la pierre, dont on avait retiré quelques outils en silex et
en corne de cerf. Mais le peu d'importance des extractions
actuelles de silex ne permettait pas d'étudier avec facilité les
travaux d'exploitation des antiques mineurs.
Les choses en étaient à ce point, lorsqu'en 1867, on com-
mença la construction du chemin de fer de Mons à Charleroi
par Binche. Sachant que pour l'exécution de cette voie
ferrée, on devait creuser de profondes tranchées dans les
champs de Spiennes, la Société des Sciences ^ des Arts et des
Lettres d,uHainaut chargea M. A. Houzeau de Lehaye et nous
1 BuUetin de CAcadéfnie royale^ 2« série, t. X, p. 513.
- 284 -
de suivre les travaux et de lai faire rapport aur les décou-
vertea auxquelles ils donneraient lieu. Ce rapjKirt fut pré-
senté et inaéré dans les Mémoires et pvèlicalions de la Société
(3" série, t. II). C'est ce travail que les auteurs ont fait réim-
primer en 1872 et qu'ils ont distribué aux membres du Con-
grès.
Les découvertes faites à Spiennes en 1867, ont démontré :
1' Que les couches quaternaires de la localité renferment
des ossements de Mammoutb et d'autres espèces perdues,
associés à des silex taillés de main d'homme.
2* Que les hommes de l'&ge de la pierre polie ont traversé
cescouches quaternaires et les sables tertiaires, pour atteindre
la craie blanche sous-jacente, dans laquelle ils ont développé
d'importante travaux d'exploitetion de silex.
Le désir de mettre les membres du Congrès en mesure
de vérifier ces faite, a motivé l'excursion du 26 août, dans
laquelle on a exploré la tranchée deMesvin,dont nous avons
donné la description dans notre article relatif au terrain
quaternaire (p. 250), ainsi que la tranchée de Spiennes qui
sera décrite plus loin, après quelques considérations géné-
rales sur les gisements de silex dans le Hainaut.
Les ustensiles en pierre des temps préhistoriques que l'on
rencontre dans le Hainant, sont généralement en silex ou en
grès. Quelques haches en basalte et en porphyre ont bien été
recueillies, mais on peut les considérer comme d'une ex-
trême rarete.
— 285 —
noyaux dans notre calcaire carbonifère. H n'a pas non plus
utilisé le quartz que l'on rencontre à l'état de galets, quel-
quefois assez volumineux, dans divers gisements. C'est le
silex qui fut presque exclusivement employé.
Cette substance, qui avait pour les populations de l'âge de
la pierre, une utilité comparable à celle qu'a le fer pour les
peuples de notre époque, est répandue dans notre province
avec une extrême abondance. A l'état remanié et résultant
de la destruction des couches crétacées, on la rencontre dans
les dépôts caillouteux quaternaires; mais nous avons des
raisons de croire que l'homme ancien a peu utilisé les silex
de cette provenance, qui sont d'ailleurs le plus souvent brisés.
C'est aux couches crétacées mêmes qu'il a enlevé les maté-
riaux dont il s'est servi pour fabriquer ses nombreux usten-
sUes de types si divers.
Nous avons établi, dans le terrain crétacé du Hainaut^ les
divisions suivantes indiquées de bas en haut :
!««' Ëtage. — Argiles et sables avec lignite, renfermant des amas
de gravier constitué par des galets de quaitz et des
fragments de phtanite houiller remaniés.
2« Étage. — Grès verts ou Meules de Bracquegnies et de Bemis-
sart. On y rencontre des rognons quelquefois très
volumineux de calcédoine.
3^ Étage. — Poudingue fossilifère connu sous le nom de Tourtia
de Tournai et de Montignies stir Roc» Il renferme
des galets de grès et de phtanite.
4» Étage. — Marne simple ou glauconifère, passant vers le haut
à une craie grossière renfermant des bancs massifs
et de volumineux rognons de silex. Cette partie
supérieure de l'étage constitue l'assise dite des
Rabots.
5» Étage. — Craie blanche avec ou sans silex.
1 Description du terrain crétacé de la province du Haiuaut. {Mémoires
et pubUcatUms de la Société des Sciences du Hainaut, 3" série, t. I.)
Cet étage a été sabdiviaé par dous comme suit ' :
A. Craie de S' Vaast. Elle renferme de nombreux et
petits rognons de silex bigarré de blanc, de gris et
de noir.
B. Craie d'Obourg. On y trouve, en quelques endroits,
des rognons de silex noir peu volumineux.
C. Craie de Nouvelles. Elle renfenne des rognons de
silex noirs tissez petits et peu abondants.
D. Craie de Spiermes. Elle présente des bancs massifs
de silex gris-brun dont l'épaisseur dépasse quel-
quefois 0^50 et de très nombreux et volumineux
rognons disséminés ou disposés en lits continus.
6* Étage. — Craie brune grossière sans silex surmontée d'une
assise de craie grossière, jaunâtre, connue sous le
nom de Tuffeau de Ciply et correspondant au Tuf-
feau de Maeatricht. Cette partie supérieure ren-
ferme quelques rognons assez volumineux de silex
gris.
Les couches crétacées du Hainaut, étemt disposée en
bassin, se montrent en affleurements autour du golfe crétacé
de Mons. En beaucoup de points, ces affleurements sont
recouverts par des épaisseurs plus ou moins grandes de ter-
rain tertiaire; en d'autres, ils sont masqués par des dépôts
quaternaires. Cependant de nombreuses tranchées natu-
relles, qui donnent passage aux cours d'eau, ont mis ces
affleurements à découvert en divers endroits. Cette circon-
stance a dû évidemment favoriser les recherches des hommes
— 287 —
la craie de Nouvelles ; mais c'est dans l'assise des rabots et
dans la craie de Spiennes, que les anciennes populations du
Hainaut ont extrait les matériaux dont elles se sont servies
pour confectionner ces nombreux ustensiles en silex que l'on
rencontre (PL 57-72) non seulement dans notre province,
mais dans beaucoup d'autres localités de la Belgique, à Vex-
ception des cavernes. VshonàBLUce des rognons, dans ces assises,
est telle qu'une grande quantité de matière première pouvait
ôtre accumulée à l'aide d'un travail peu considérable. C'est
probablement là le motif principal pour lequel l'immense
majorité de nos silex taillés de Tâge de la pierre polie, pro-
viennent de l'assise des rabots ou de la craie de Spiennes.
Non seulement les silex taillés de l'âge de la pierre polie
ont été fabriqués avec la rocbe extraite des rabots ou de la
craie de Spiennes, mais il en est de même de ceux de Tâge
du Mammouth dont nous avons parlé dans notre précédent
travail.
Les dépôts caillouteux qui renferment ces derniers, se trou-
vent à des hauteurs de 10 à 25 mètres au dessus du niveau
des cours d'eau les plus voisins, de l'époque actuelle. Lors-
qu'ils ont été déposés dans le lit des courants quaternaires,
la topographie et le relief de nos contrées étaient bien diffé-
rents de ce que nous voyons maintenant, puisque, sur les
plateaux qui forment aujourd'hui la séparation des petites
vallées où coulent les affluents de la Haine, se trouvaient les
lits des anciennes rivières qui y ont laissé des témoins irré-
cusables de leur passage. Si,|[nous transportant sur le plateau
de Spiennes au bord de la grande tranchée du chemin de fer,
nous jetons autour de nous un regard circulaire, en nous
reportant, par un effort de la pensée, à l'époque où un cours
d'eau considérable venant du sud ou du sud-est, a déposé
le gravier à silex taillés et à ossements de Mammouth que l'on
y observe, nous serons convaincus que, pour amener la con-
figuration actuelle du sol, bien des dénudations ont dû s'opé-
rer et bien des lambeaux de couches ont dû être emportés
par les eaux; il nous semblera évident qu'à cette époque
l'assise de la craie de Spiennes, qui actuellement se termine
brusquement à l'escarpement de la rive droite de la Trouille,
se prolongeait bien au midi sur la rive gauche de la rivière.
L'importance des dénudations qui se sont opérées dans les
couches relativement peu résistantes de notre terrain crétacé,
depuis l'époque où vivaient les hommes qui ont taillé les silex
quaternaires de Spiennes et de Mesvin, est telle que nous ne
pouvons espérer de jamais rencontrer la trace des exploita-
tions qu'ont dû ouvrir ces hommes, pour retirer de la craie
la matière première de leur fabrication.
Mais les populations de l'&ge de la pierre polie, qui ont
vécu à une époque postérieure à tout changement important
de la topc^aphie dans nos contrées, y ont laissé des preuves
indiscutables de leur séjour. Nous trouvons ces preuves non
seulement dans les nombreux silex taillés qui gisent épars à
la surface de nos champs, mais dans les vestiges d'impor-
tants travaux d'exploitation qu'ils ont ouverts au sein de nos
couches crétacées.
C'est sur le territoire de la commune dentelle porte le nom,
que la craie de Spiennes se montre le mieux développée et
qu'elle présente le plus de facilité pour l'ouverture des tra-
vaux. Aussi, c'est à Spiennes, aux environs deMonsSquel'on
rencontre les plus importantes exploitations de silex de l'âge
de la pierre polie. Les premières excavations furent prati-
quées à ciel ouvert sur les plateaux, là où la craie n'est que
point recouverte par dca Jéjjûts yosti-rieui-ri, ou dan;
— 289 —
de galeries débouchant dans ce ravin. Les amas de blocs de
craie, mélangés à des silex ébauchés et à des éclats, que Ion
9
trouve des deux côtés de la Trouille, sous la terre végétale
qui recouvre les berges, ne sont probablement que les déchets
de ces exploitations.
Là ne se sont pas bornés les travaux des anciens mi-
neurs de Spiennes. Ayant acquis, par le creusement de
leurs excavations à ciel ouvert et de leurs galeries, la
preuve que la craie à silex se prolongeait sous les couches
tertiaires et quaternaires qui constituent les plateaux de la
rive droite et de la rive gauche, ils ont commencé des ex-
ploitations par la surface des plateaux mêmes, c'est à dire,
qu'ils ont atteint la craie par des puits verticaux traversant
les trois assises quaternaires et le sable tertiaire. Ces puits,
dont plusieurs ont dépassé la profondeur de 12 mètres, ont
des sections circulaires parfaites de 0"60 à 0'"80 de diamètre.
Ils ne sont pas éboulés; mais les uns se sont remplis de
sable et de limon, les autres, de blocs de craie mélangés à
quelques silex taillés ébauchés ; d'autres enfin sont entière-
ment comblés d'éclats de silex, parmi lesquels nous avons
recueilli quelques pièces bien finies.
Au bas des puits, des galeries d'exploitation ont été creu-
sées dans divers sens, mais principalement en suivant la di-
rection des lits de rognons de silex. Elles sont aujourd'hui
presque entièrement éboulées, mais les travaux de déblai
nous ont fait retrouver les outils du mineur préhistorique ,
c'est à dire, des ustensiles en corne de cerf, des marteaux en
grès, de grossiers et très nombreux pics en silex qui
montrent encore, de la manière la plus évidente, la trace des
coups qu'ils ont portés, coups dont les empreintes sont d'ail-
leurs parfaitement visibles sur les parois de craie que les
éboulements ont respectées.. L'absence complète d'éclats de
silex dans les galeries nous porte à croire que ces pics, quoi-
que très grossiers, n'étaient pas confectionnés dans la mine,
mais à la surface.
De nombreuses galeries et plus de 25 puits furent reneon-
tréa dans la tranchée dont notis donnons les coupes (PI. 39,
fîg. 3 et pi. 30, fig. 1, 2 et 3). Les éboulements de limon
masquent aujourd'hui les sections elliptiques que ces puits
ont laissées sur les talus inclinés; mais, lors de la visite du
Congrès, des travaux de déblai avaient rendu praticables
quelques galeries et deux puits dans le talus méridional de la
tranchée; tandis que le talus opposé, débarrassé, sur quel-
ques mètres de lai^ur, du limon entraîné par les pluies,
laissait voir une coupe qui est peut-être la plus remarquable
qui ait été observée dans les études relatives à l'homme des
temps préhistoriques. Cette coupe présente les assises suivan-
tes en commençant par le haut, en dessous de la terre végé-
tale (Voy. pi. 29. fig. 2) :
A. Limon brun non stratifié ou terre à briques ... 1 » 50
B. Limon jaune stratifié ou Ei^eron 4 00
C. DépAt caillouteux 1 50
D. Sable vert tertiaire reposant sur un lit de galets et de
gros blocs de silex arrachés à la craie. Nous le rap-
portons au système landenien de Dumont ... 2 50
E. Craie blanche avec silex dans laquelle sont ouvertes
les anciennes galeries d'exploitation.
Les assises quaternaires A, SetC ont des caractères iden-
tiques & celles de la tranchée de Mesvin décrite dans notre
article précédent (p. 266). Le dépôt caillouteux C a fourni,
: taillés et de^
— 291 —
Des coquilles à^ Hélix et de Succinea, un fragment de
valve SUniOy des ossements de Mammouth et de Rhinocéros,
ont été recueillis par nous dans ce sable.
La coupe (fig. 1, pi. 30) a été prise obliquement à la direc-
tion du chemin de fer, à 80 mètres environ de l'extrémité
orientale de la tranchée. Elle montre le développement
d*une ancienne galerie d'exploitation 00 qui a été trouvée
par nous remplie de blocs de craie. Des pics en silex
y ont été recueillis, ainsi qu'un silex taillé et un outil
en corne de cerf. La galerie, indiquée sur cette coupe,
communiquait à droite avec la surface, par une large ouver-
ture comblée à la partie inférieure par des blocs de craie et
plus haut par un amas Fà^ débris de toutes natures, s'éten-
dant superficiellement jusqu'à l'extrémité de la tranchée où
il recouvre directement la craie. Ce dépôt de recouvrement,
qui doit son existence aux travaux d'exploitation et de taille
du silex, est constitué par un mélange confus de sable, de
limon, de blocs de craie, de rognons et d'éclats de silex. Nous
y avons recueilli des ossements de divers animaux ; des frag-
ments de poterie brune, non tournée, peu cuite, à pâte mé-
langée de petits grains de silex; des instruments en os et en
corne de cerf; et une quantité innombrable d'ustensiles en
silex pour la plupart ébauchés, mais dont quelques-uns ce-
pendant étaient soigneusement taiUés.
Une excavation remarquable fut rencontrée à peu de dis-
tance du point où la coupe précédente fut observée. Au fond
d'un large entonnoir (fig. 2, pi. 30), produit par l'enlève-
ment des couches quaternaires et du sable landenien, se trou-
vait un lit incliné H formé de limon noir mélangé à du
charbon de bois. Nous y avons trouvé deux couteaux, un
grattoir et une hachette en silex, une m&choire et des frag-
ments de bois de cerf, un crâne de lapin ou de lièvre, un
crâne de jeune sanglier, divers autres ossements à moitié
calcinés et un grand fragment de poterie grossière fabriquée
à la main et très peu cuite.
Tou8 ces objetsBont évidemmeDt des déchets de evisive qui
ont été jetés au fond d'un trou qui fut eosuite remblayé avec
des blocs de craie.
La fîg. 3 de la pi. 30 représente d'autres excavations qui
ont été observées à peu près au même point que celle dont
noua venons de parler.
Pour terminer ce que nous avons à dire de la trancbée de
Spiennes, nous rappellerons que, lors de la description que l'un
de nous en a faite aux membres du Congrès rassemblés sur
la voie ferrée, il a fait remarquer que • si l'on n'avait pas
" rencontré en d'autres points la preuve qu'il a existé deux
■ âges de la pierre, on aurait trouvé cette preuve dans la
« tranchée de Spiennes, précisément au point observé par le
- Congrès. En efifet, à l'époque où le dépôt caillouteux fut
1 déposé par le cours d'eau quaternaire dont la Trouille d'au-
" jourd'hui est l'humble descendant, des hommes habitaient
" la contrée, comme le prouve laprésence de leursoutils en
• pierre dans ce dépAt caillouteux. Plus tard, lorsque le lit
« de la rivière se fut amoindri et approfondi, d'autres
■■ hommes sont venus exploiter le silex, précisément en dea-
« sous de l'ancien lit, et, pour atteindre la craie, ils ont tra-
ie versé, par des puite, les alluvions fluviales et le gra-
« vier quatern^res. Les premiers de ces hommes ne
« polissaient pas le silex et étaient contemporaiift du Mam-
• mouth, du Rhinocéros et d'autres espèces perdues de l'épo-
■ que quaternaire. La faune qui vivait avec les seconds était
. identique à celle oui habite eucore uos contrées, à l'excen-
— 293 —
€ la certitude que les hommes qui les ont taillées, vivaient
« à cette époque que l'on désigne sous le nom à!âge de la
« pierre polie. »
Comme nous Ta dit M. Dupont, la comparaison qui a été
faite des silex rencontrés dans le dépôt caillouteux quater-
naire de la tranchée de Spiennes et dans son prolongement
dans la tranchée de Mesvin, avec les silex de l'âge de la pierre
polie, tend à faire croire que ceux-ci, quoique plus perfection-
nés que les premiers, sont les produits d'un travail qui a suivi
une évolution régulière, dans cette localité, depuis l'époque
quaternaire. S'il en est bien ainsi, nous devons admettre que
les hommes qui ont creusé les puits et les galeries de Spien-
nes, étaient les descendants naturels de ceux dont nous retrou-
vons les outils, avec des ossements du Mammouth et du
Rhinocéros, dansles graviers quaternaires des mêmes localités.
Cependant les deux époques ont été séparées par un laps
de temps considérable, suffisant pour amener l'extinction par-
tielle de la faune, l'approfondissement du lit des cours d'eau et
peut-être le dépôt d'une partie des couches d'alluvion et de
tourbe qui remplissent horizontalement le fond de nos val-
lées. En ajoutant l'épaisseur de ces couches, qui est à Spiennes
d'environ 6 mètres, à la différence de niveau qui sépare le
dépôt caillouteux quaternaire de l'étiage actuel de la rivière,
on trouve qhe l'approfondissement de la vallée s'est opéré
sar une hauteur de 25 mètres avant que le remplissage
commençât.
Nous ferons remarquer ici que, si les recherches faites par
M. Dupont dans les cavernes de la province de Namur, prou-
vent l'existence, dans cette partie de la Belgique, de popula-
tions plus jeunes que celles de la première époque quaternaire,
mais plus anciennes que celles de l'âge de la pierre polie,
rien de semblable n'a, jusqu'à ce jour, été découvert dans la
localité que nous étudions. Aucun indice de l'existence de
l'homme de Yâge du Renne n'a été rencontré aux environs de
Mons.
19
294
Les anciens travaux d'exploitation du silex de l'&ge de la
pierre polie existent près de Spiennes, non seulement dans la
tranchée du chemin de fer, mais sous une vaste surface à
droite et à gauche de la rivière. Les exploitations actuelles
de silex pour les faïenceries ont démontré, ainsi que de nom-
breux éboulements qui se sont produits dans les champs, que,
des deux côtés de la Trouille, une surface, mesurant environ
25 hectares, a été sillonnée par les galeries des mineurs de
l'âge de la pierre. Presque toute cette surface est recouverte
d'éclats de silex tellement abondants que le plateau de la rive
droite en a reçu le nom de Camp à cayaux (Champ à cail-
loux). Ces débris, parmi lesquels on rencontre fréquemment
des haches ébauchées et d'autres ustensiles, sont accumulés
en certains points sur plus d'un mètre de hauteur, malgré
tout ce que les cultivateurs ont pu faire pour en débarrasser
leurs champs.
Le gris-hrun est la teinte naturelle du silex de la craie de
Spiennes, teinte que les pièces travaillées et les fragments,
enfouis profondément dans le sol ou rencontrés dans les an-
ciens travaux, ont conservée sans altération très sensible ;
mais les éclats, les haches, les couteaux, etc., gisant à la sur-
face ou à peu de profondeur dans le sol remué chaque année
par la charrue, ont acquis une patine blanche, sur laquelle
se montrent plusieurs taches de rouille provenant de l'oxida-
tion du fer que le frottement des instruments agricoles n
laissé sur la surface du silex. Cette patine blanche est carac-
inue du ijilex de la craie de Spiennes. Nou.s ne
— 295 —
silex. A l'ouest du ravin, la craie de Spiennes disparaît sous
une épaisseur considérable de terrain quaternaire et de sable
tertiaire, qui forment l'ondulation dans laquelle est creusée
la tranchée de Mesvin dont nous avons parlé ailleurs.
La craie de Spiennes n'existe pas dans la tranchée de
Mesvin; elle affleure à quelques centaines de mètres au
sud, en face du village de Nouvelles. De ce point, l'affleu-
rement se dirige vers le sud-ouest, mais il disparaît bientôt
sous la craie brune qui forme l'escarpement du petit bois de
Ciply. A la partie supérieure de cet escarpement dont la hau-
teur est de 20 à 25 mètres, on trouve un plateau, limité au
nord par la route de Mons àMaubeuge, à l'ouest par l'ancienne
chaussée romaine et au sud par le bois. Sur la surface de ce
plateau, qui est occupée par des champs cultivés, nous avons
reconnu l'existence de silex taillés et d'éclats assez nombreux
pour nous faire admettre qu'il y eût autrefois, en cet endroit,
un atelier de fabrication d'ustensiles en silex d'une impor-
tance que l'on ne peut toutefois comparer à celle de l'ate-
lier de Spiennes.
Le sous-sol du plateau de Ciply est constitué par le tuf eau
et par la craie brune. L'épaisseur de ces assises est telle
qu'il nous semble peu probable que l'homme de l'âge de la
pierre polie les ait jamais traversées par des puits, pour
atteindre la craie de Spiennes sous-jacente. C'est par des
galeries débouchant à la surface qu'il a procédé, en profitant
de l'énorme entaille faite dans le terrain crétacé au sud du pla-
teau dans le bois de Ciply. On voit, en effet, au pied de l'es-
carpement, les ouvertures de plusieurs galeries plus ou
moins encombrées par les éboulements et qui portent, dans la
localité, le nom de Trous des Sarrasins, Elles sont creusées
dans la craie brune et sont généralement dirigées vers le
nord, c'est à dire, dans le sens de l'inclinaison des couches,
avec une pente vers le même point de l'horizon. A une ving-
taine de mètres de l'entrée, une faille assez importante, qui a
produit un remontement des terrains, a placé les couches de la
craie de Spiennes en face de celles de la craie brune et a
permis ainsi, à l'antique mineur, de commencer son exploita-
tion de silex.
Les Trous des Sarrasins de Cîply ont été utilisés, il y a
qnelquea années, pour l'extraction des ailex employés par les
faïenceries. La découverte qu'on y a faite, à cette époque,
d'outils en corne de cerf et de silex taillés, ne permet pas de
douter qu'ils ont été primitivement creusés par les hommes
de l'âge de la pierre polie. Nous avons même lieu de penser
qu'ils ont servi de lieux d'habitation ou de sépulture;
mais des fouilles seraient nécessaires pour résoudre cette
question.
La craie de Spiennes se prolonge souterrainement au
nordnauest de Ciply ; elle est partout recouverte par des
épaisseurs considérables de dépôts postérieurs crétacés, ter-
tiaires et quaternaires. Cependant certains indices nous font
croire que les rognons de silex qu'elle renferme, furent ex-
ploités par puits, dans les temps préhistoriques, sous la partie
occidentale de la commune de Cuesmes.
L'assise des rabots affleure sur les deux versants du bassin
crétacé de Mons. Dans l'affleurement septentrional, elle est
constituée par des bancs massifs et très épais |de silex blan-
ch&tre, reposant sur de la craie grossière, dans laquelle de
nombreux et volumineux rognons de silex noir sont em-
pâtés.
Le silex blanchâtre des bancs massifs, quoique se trouvant
— 297 —
rieure de l'assise, possède, comme le silex de la craie de
Spiennes, quoiqu'à un moindre degré, la propriété de se
tailler avec facilité. Aussi trouve-t-on le long de l'affleure-
ment septentrional d'assez nombreux éclats et des pièces
taillées et même polies qui en proviennent; mais nous n'a-
vons pas, jusqu'à ce jour, rencontré, dans cette partie de
notre bassin, des traces d'anciennes exploitations qui n'ont
peut-être consisté qu'en excavations à ciel ouvert, à cause
de la faible profondeur où gît le silex en place.
Sur l'affleurement méridional, l'assise des rabots ne ren-
ferme pas de bancs massifs de silex. Elle est constituée,
comme la partie inférieure du versant septentrional, par de
la craie grossière empâtant d'énormes rognons de silex noir,
passant souvent au gris et renfermant fréquemment des
noyaux blanchâtres.
Le territoire du Flenu, en dessous duquel des milliers
d'ouvriers mineurs, travaillant à plus de 500 mètres de
profondeur, sont occupés aujourd'hui à l'extraction de la
houille, substance aussi indispensable aux populations
modernes que l'était le silex pour les populations primitives,
le territoire du Flenu, disons-nous, est constitué, dans sa
partie méridionale, par une épaisseur considérable, dépassant
quelquefois 10 mètres, de terrain quaternaire reposant sur
l'assise des rabots. Aucun indice ne permet de soupçonner la
présence souterraine de cette assise. Cependant les hommes
de l'âge de la pierre polie l'ont atteinte par des puits et en ont
extrait les rognons de silex. Les travaux, exécutés pour les
chemins de fer de Mons à Dour et de Frameries à Saint
Ghislain, nous ont démontré l'existence de sept de ces puits,
qui sont d'un petit diamètre comme ceux de Spiennes, et
remplis d'éclats de silex au milieu desquels on a rencontré
plusieurs haches ébauchées.
Les tranchées des chemins de fer, qui n'ont que quelques
mètres de profondeur aux points où les parties supérieures
des puits ont été mises à découvert, n'ont pas atteint la base
del'Ei^roQ. Nous ne savoDs donc pas si, comme àSpiennes,
des galeries ont été ouvertes dans les rabots. Ces exploita-
tions ont dû cependant acquérir une certaine importance, car,
sur une surface de sept à huit hectaren avoisinant les puita,
on rencontre une quantité assez importante d'éclatset de silex
taillés, dont M. Neyrinck est parvenu à former une collection
remarquable. La patine de ces silex est tellement différente
de celle du silex de la craie de Spiennes, que l'on peut, à pre-
mière vue et sans hésitation, distinguer deâ éclats et des
pièces taillées provenant des deux localités. Par leur exposi-
tion à l'air, les silex du Flenu ont acquis une teinte roussà-
tre, héterogëne, sur laquelle tranchent des traces d'un gris
sale qui correspondent aux noyaux blanchâtres que la roche
renferme souvent. Des taches de rouille dues au frottement
des instruments aratoires s'y font aussi remarquer.
La commune d'Élouges, située à dix kilomètres k l'ouest
du village du Flenu, est b&tie, comme celui-ci, sur une
épaisseur considérable de terrain quaternaire recouvrant
l'assise des rabots, qui ne se montre en affleurement sur
aucun point. On n'y a pas, jusqu'aujourd'hui, constaté l'exis-
tence d'anciens travaux d'exploitation de silex. Mais la ren-
contre qu'a faite M. Charles Debove de nombreux silex taillés
et d'éclats rassemblés à la surface des champs, suivant une
ligne sinueuse parallèle à l'affleurement des rabots, ne per-
met pas de douter qu'il y ait eu, en ces lieux, à l'Âge de la
pierre polie, des exploitations de silex assez importantes.
Suivant toutes probabilités, les exploitations de silex, dont
— 299 —
ne se rencontre guère en Belgique qu'aux environs de Mons,
et qu'il est rare dans la partie de la France qui nous avoisine
immédiatement, nous devrons admettre que les peuplades qui
occupaient le bassin de la Haine pendant Tâge de la pierre,
avaient, sur les autres, un avantage marqué dans la lutte pour
l'existence. Se procurant avec une facilité relative les usten-
siles nécessaires aux choses ordinaires de la vie, pouvant
remplacer rapidement les armes perdues à la chasse et dans
les combats, les hommes du Hainaut ont pris peu à peu, sur
leurs voisins, une grande prépondérance physique et morale.
Mais, comme tous les peuples à l'état sauvage ou de barbarie,
ils n'auront pas tardé à abuser de cette prépondérance en
exterminant ou refoulant devant eux les populations mal
armées qui les entouraient. C'est probablement ainsi qu'ils ont
été amenés à envahir, comme le pense M. Dupont, la pro-
vince de Namur jusqu'alors habitée par des peuples troglo-
dytes.
Sur les sépultures préhistorique et sur un atelier de silex
ouvrés découverts sur le cap Blanc Nez, à Escalles {Pas
de Calais), par M.. E. Le Jeune.
Vers le mois de septembre 1871, M. Antonio Lassubez
nous disait avoir trouvé, près du cap Blanc Nez, une certaine
quantité de silex taillés.
Voulant de suite vérifier le fait, nous ne tardâmes pas,
après quelques recherches, à remarquer un champ inculte,
situé sur le versant d'Escalles et où ces vestiges de l'indus-
trie primitive de Thomme se trouvaient en quantité consi-
dérable.
Comme constitution géologique du sol, nous avons trouvé,
en cet endroit, le terrain crétacé, sur lequel un lit de silex
affleure et couvre presque toute la surface.
Nous avons immédiatement constaté que ce champ, situé
presque au sommet du cap Blanc Nez, à 130"00 environ, au
— 300 -
dessus du niveau de la mer, avait été jadis le siège d'un ate-
lier de r&ge de la pierre. Nous y recueillîmes, ea effet, tous
les types, plus ou moins ébauchés, plus ou moins nidimen-
taires, mais parfaitement définis, des outils de pierre décrits
dans les ouvrages spéciaux. Ces instruments se trouvent à
la surface du sol et portent cette enveloppe blanche, ayant
l'apparence de la porcelaine, à laquelle on a donné le nom
de patine.
Les traces de la fabrication , les nuclei , les pièces inache-
vées ou défectueuses, s'y rencontrent à chaque pas. Parmi les
échantillons remarquables, nous avons pu recueillir : un
grand nombre de haches de toutes grandeurs, de toutes
formes et surtout présentemt un degré de perfection très
variable, depuis la hache la plus grossière jusqu'à la hache
polie; un grand nombre de têtes de flèches; plusieurs types,
dits /ers de lances, dont quelques uns de forme très élé-
gante; des couteaux & trois et quatre faces, dont quelques
uns atteignent 13 et 14 centimètres; des tnallei; une ving-
taine de petits disques ronds ou ovales, taillés k très petits
coups sur tout leur pourtour, d'une perfection de travail
remarquable et nous paraissant devoir se rapprocher de
types analogues, trouvés, en 1865, par MM. Hamy et
Sauvage, h Alpreck près de Boulogne sur Mer.
Un type fréquent dans l'atelier d'Ëscalles nous a frappé,
parcequ'il n'est pas décrit dans les ouvrages spéciaux. Il con-
siste en un morceau de silex présentant d'un cfité Un taillant
senti-circulaire, semblable h celui (tes huches, et de l'autre.
- 301 —
naturelle du silex, forme qui était utilisée dans bien des cas.
Ce qu'il y a de plus remarquable dans latelier d'Escalles,
c'est non pas le degré si variable de la perfection dans le tra-
vail, caractère qui se rencontre partout où il y a eu fabrica-
tion, mais surtout la multiplicité des types qu'on y rencontre.
M. l'abbé Moigno,à qui nous avons eu l'honneur de soumettre
quelques échantillons des haches d'Escalles, a été principa-
lement frappé de la ressemblance qu'avaient quelques unes
d'entre elles avec le type dit de Saint Acheul, type qui
cependant appartient à une tout autre époque. Il est pourtant
incontestable pour nous, qu'il est toujours téméraire de vou-
loir assigner un âge à un atelier ou à un gisement d'instru-
ments de pierre, en ne s appuyant que sur les formes ou types
qu'on y rencontre. Si les besoins de l'homme changeaient
peu, les ustensiles bien appropriés à ses besoins devaient
aussi peu changer. Les haches, caractéristiques du quater-
naire inférieur, servaient évidemment aux mêmes usages
que celles de l'époque qui nous occupe. Cette similitude
d'usage devait nécessairement entraîner une similitude dans
les formes de loutil et si Ion songe en outre combien il
est aisé de rapprocher, en passant par des variétés de forme
dont les différences sont à peine sensibles, les deux types de
haches les plus opposés, on ne s'étonnera pas de pouvoir
assigner une seule et même époque à des instruments de
types différents. Le cas est bien distinct, lorsqu'il s'agit
de pierre polie. Le polissage indique plus qu'un travail exé-
cuté dans un but exclusivement pratique ; à l'idée purement
utilitaire, vient alors s'ajouter une intention artistique, et ce
seul fait détermine l'avènement d'une nouvelle époque.
Une distinction chronologique peut donc être faite entre
la pierre polie et la pierre taillée, mais, à notre avis, là doit
s'arrêter toute classification qui ne s'appuierait que sur la
seule différence des formes.
Lorsque nous eûmes acquis la certitude que nous étions
en présence, non pas d'un simple gisement ou dépôt d'instru-
- 302 -
ments de silex, mais d'un véritable et important atelier de
fabrication, notre premier soin fut de rechercher si des ves-
tiges quelconques des temps préhistoriques avaient déjà été
découverts dans nos régions.
Nos recherches nous mirent sous les yeux la brochure
de l'honorable Président de la Société Dunkerquoise ,
M. L. Cousin', dans laquelle celui-ci rend compte de la
découverte, faite par lui à Escalles en 1864, de quatre
tumuli qui se trouvent précisément près de ce champ, re-
conna par nous comme le siège d'un atelier de silex ouvrés.
Les fouilles n'avaient été exécutées dans ces tumuli que
pour en constater la présence; aussi leur exploration n'avait-
elle eu lieu qu'au centre, en laissant de cdté toute recherche
paléontologique. M. Cousin n'avait d'ailleurs aucune raison
de rattacher ces sépultures aux silex ouvrés, qui, à plusieurs
reprises déjà, avaient été trouvés isolément dans la contrée,
mais qui, jusqu'à cette époque, n'avaient pas encore été rap-
portés à une source importante de fabrication localisée.
C'est alors que nous résolûmes de recommencer, d'une ma-
nière méthodique, l'exploration des quatre tumuli d'Escalles,
en nous attachant surtout à rechercher tout ce qui pouvait
conduire à les admettre comme contemporains de l'atelier, sur
l'emplacement duquel ils avaient été élevés. Dans le cours
de ce travail, entrepris en mars dernier, noua avons recueilli
les observations suivantes :
Les quatre tumuli étaient alignés dans la direction
N.NO-S.SE. et étaient recouverts d'une couche de lerrt
- 303 —
ron 0'"25 de profondeur, nous avons immédiatement retrouvé
le squelette de la jeune femme signalé par M. Cousin,
squelette dont nous avons recueilli soigneusement les osse-
ments. Ayant alors élargi et approfondi la tranchée qui
avait été faite lors de la première fouille, nous avons trouvé,
près du premier squelette, deux fémurs, un tibia et un
fragment de mâchoire inférieure qui avaient dû appartenir
& un enfant, âgé à peine de quelques mois. Devons-nous,
nous appuyant sur une idée émise par M. Lubbock, en con-
clure que la jeune femme était morte au moment où elle
allaitait encore son enfant et que cet enfant avait été enterré
vivant avec elle? Près de la tête de la jeune femme, était
un vase formé d'une poterie très grossière et non cuite,
dont nous donnerons plus loin la description.
Nous étions à peine arrivé à ce point de notre travail, que
nous avions déjà acquis la certitude que ces tumuli étaient
contemporains de l'atelier de silex décrit plus haut. Les ou-
vriers ramenaient, en effet, presque à chaque pelletée, un
certain nombre de silex ouvrés, d'un travail plus ou moins
fini, mais incontestable. Les rognons de silex qui, comme
nous le verrons tout à l'heure, composaient la majeure partie
des matériaux ayant servi à ériger le tumulus, portaient
presque tous les traces de tailles indiquant qu'on en avait
retiré des éclats destinés à servir de couteaux ou de racloirs,
circonstance qui permettait de les ranger dans la catégorie
des nuclei.
Enfin, les silex que nous ramenions au jour, avaient tous
des arêtes d'une netteté remarquable et indiquant un travail
récemment opéré, ce qui confirma d'une manière évidente la
contemporanéité que nous cherchions à établir. De plus, ces
silex ne portaient plus cette patine blanche et épaisse, obser-
vée sur toutes les pièces recueillies à la surface du sol, mais
bien une simple couche hyaline de couleur laiteuse très su-
perficielle et déterminée, sinon toujours par une cassure
fraîchement faite, du moins par une courte exposition à l'air
ou par un séjour dans un milieu crayeux, depuis qu'ils
avaient été enfouis dans les tumuli.
En prolongeant la tranchée du centre h la cipconférence,
noua avons trouvé, à 0"35 de profondeur et à 4"'50 du point
central, le squelette d'un individu dont les ossements étaient
trop incomplets pour qu'il nous ait été possible d'en déter-
miner l'ftge et le sexe, D en a été de même pour un autre
squelette trouvé h S^OO du précédent et toujours à 4''50 du
centre. A la même distance de ce point et à 2"00 du corps
précédent, nous avons rencontré les ossements d'un enfant
de 5 à 6 ans. Poursuivant nos recherches, nous avons dé-
couvert, à des distancer semblables et daus te môme cercle,
le squelette d'un individu qu'il nous a été permis d'observer
et d'étudier d'une façon complète. Cet individu devait être
de grande taille; son fémur mesure 0°'485. Nous avons alors
achevé d'abattre l'autre moitié du tumulus, mais nous n'y
avons rien rencontré.
Les quatre individus, découverts à 4"'50 du centre, avaient
donc été déposés d'un seul et même côté. Cette remarque
nous porte à croire que ces dernières inhumations ont dû
être faites successivement et postérieurement à celle de la
jeune femme qui occupait le centre et que la portion du
cercle qui ne contenait aucun débris humain, était destinée
à de nouvelles sépultures.
n y a donc tout lieu de penser qu'un tumulus était érigé,
dans ses dimensions définitives, à la suite d'un premier cas
— 305 —
Enfin au centre du N** 4, nous avons mis à jour le sque-
lette d'un homme de très grande taille , signalé déjà par
M. Cousin. Nous avons fouillé sans aucun résultat le restant
du tumulus.
Passons maintenant à l'étude des caractères généraux
observés dans les quatre tumuli. La position et l'attitude des
corps ont pu être observées et reconnues identiques pour
4 squelettes : Téboulement des terres nous ayant empêché
de trouver en place les ossements des autres individus.
Les extrémités inférieures des fémurs et supérieures des
tibias, les extrémités inférieures des humérus et supérieures
des cubitus, étaient réunies en un même point. D'autre part,
les ossements des mains ont été trouvés près des clavicules.
Le cubitus et le radius d'un des bras formaient une croix
avec leurs similaires de l'autre bras. Le crâne et les mâ-
choires présentaient leurs parties gauches. Tous ces carac-
tères indiqutmt l'attitude repliée, souvent remarquée dans
les sépultures de la pierre polie; mais, de plus, le corps est
couché sur le flanc droit, les bras en croix et les mains re-
levées vers les épaules. L'axe de tous les squelettes avait la
môme direction que l'alignement des quatre tumuli, c'est à
dire, N.NO-S.SE.
Quant au mode d'inhumation, voici ce qui a été observé
dans chaque sépulture. Les corps, placés sur le terrain na-
turel, étaient recouverts d'une couche de rognons de silex,
parmi lesquels, comme nous l'avons dit, se trouvaient
queh^ues instruments inachevés ou brisés, mais fort peu
d'un travail fini. C'est cette dernière considération qui nous
a empêché d'admettre, d'une manière générale, l'opinion
émise par un de nos archéologues qui considère le jet de
pierre, fait sur le cadavre, comme une pratique religieuse
et surtout comme le sacrifice, fait par chacun en l'honneur
du défunt, d'un instrument en pierre taillée. Nous croyons
plutôt devoir admettre que les pierres n'étaient placées sur
le corps que pour empêcher toute profanation de la part des
-306 -
animaux, coutume qui s'est perpétuée, du reste, chez cer-
tains peuples dans les temps historiques.
Le fait d'une pierre, jetée par chacun, doit être plutôt con-
sidéré comme l'indice d'une œuvre commune, dans un temps
où, vu le manque de moyens pratiques de transport, nous ne
pouvons expliquer que par le concours de tous, les ouvrages
et les terrassements quelquefois si importants qui nous ont
été laissés. Ajoutons que, sous le bassin de chaque sque-
lette, se trouvait un silex plat d'environ 30 centimètres de
diamètre et taillé en forme de polygone.
Nous avons signalé tout à l'heure les vases trouvés près
de la tête de quelques individus. Ces vases étaient d'une
poterie grossière, composée probablement d'une argile du
terrain tertiaire que l'on rencontre dans le voisinage sur une
colline appelée Noire Jlfotle. I! est facile de distinguer, dana
la pflte, des grains assez gros de grès ferrugineux. La poterie
n'était pas cuite; elle était façonnée à la main et simple-
ment séchée au soleil. Cependant, sur une partie exterieure
du vase, se trouvent des fragments qui ont subi un commen-
cement de cuisson. Cette cuisson n'est évidemment qu'acci-
dentelle; elle provient probablement du feu allumé lors des
inhumations. Des fragments de charbon, des silex craque-
lés et des os fendillés, rencontrés par nous à Escalles, nous
prouvent que du feu y fut allumé, soit dans un but de puri-
fication mystique, soit pour combattre les miasmes résultant
des sépultures précédentes.
L'absence, dans les tumuli d'Escailes. d'obiets en uierre. en
— 307 —
santé d'assurer son existence, préoccupation qui ne laissait
place à aucune idée artistique.
Nous ne craignons pas d*étendre notre argument en une
règle générale, en aflEirmant que, dans l'observation des ves-
tiges préhistoriques, on remarque les traces d'une indus-
trie d'autant plus artistique et plus perfectionnée, que les
lieux dans lesquels on les trouve ont, naturellement et
par eux-mêmes, offert, à ceux qui les habitaient, une vie
matérielle plus facile. De là donc l'absence complète, dans
nos tumuli, d'ornements quels qu'ils soient et même de co-
quilles perforées de Cardium edvle et d'autres espèces si
communes sur nos côtes et que l'on devait s'attendre à trou-
ver à Escalles, utilisées comme colliers. Nous attribuons
à la même cause le petit nombre relatif de haches polies que
l'on y trouve.
La raison, qui dans les temps préhistoriques, a fait choisir
le cap Blanc Nez comme station, doit donc plutôt se trouver
dans sa position d'une défense facile, dans son voisinage de
la mer et surtout dans la facilité qu'il y avait pour l'homme
primitif d'y trouver en abondance le silex avec lequel il con-
fectionnait ses armes et ses outils.
Pour en revenir à nos tumuli, disons que nous y avons
constamment observé les traces d'un repas fait lors de l'in-
humation. Des ossements d'animaux ont été trouvés en grand
nombre dans chacun d'eux. Tous les os contenant de la
moelle étaient fendus ; les autres étaient intacts. Quelques
uns d'entre eux portaient les traces de l'instrument qui avait
servi à dépecer l'animal. Les espèces dont les ossements ont
été déterminés à la Faculté des sciences de Lille, par les
soins obligeants et éclairés de M. Barrois, sont le £os tau-
ruSf dont les indvidus étaient de petite taille, le Cervus eUh
phuSy YOvis aries, le Porc et le Sanglier.
D'après les caractères que nous venons d'énumérer, nous
devons rapporter à l'époque dite de la pierre polie les ves-
tiges préhistoriques que nous avons découverts à Escalles.
Quelques obseirvatioQS snatomiques nous permettront peut-
être de détennîner la race liumaine k laquelle ils ont appar-
tenu.
Les caractères observés sur un des crânes sont les sui-
vants:
L'indice céphalique est de 719 mm. ce qui indique le
type dolicliocéphale pur. La protubérance occipitale externe
est très saillante. Les apophyses géui se présentent sous
forme d'épines très aiguës, La courbe borizontale totale est
de 515 mm.; le diamètre frontal minimum 91 mm. La
courbe frontale 132 mm. dont : sous-cérébrale, 26 mm. et
cérébrale 106 mm. La crête frontale externe est remarqua-
blement développée et tranchante. Les arcades sourcilières
sont très proéminentes, principalement celle de gauche.
La crête qui limite la partie intérieure de la fosse temporale,
est très saillante.
L'examen de plusieurs mâchoires inférieures a donné les
résultats suivants : la m&choire, tout en étant orthognathe,
présente un prognathisme alvéolaire très marqué. Le menton
est très saillant. Les dents sont toutes très usées et l'usure
est circulaire. Les tubercules dentaires des grosses molaires
sont au nombre de 4 et séparés par une dépression cruciale
très marquée.
Nous terminerons en disant que, d'après les différents ca-
ractères anatomiques que nous venons d'essayer de décrire,
nous croyons pouvoir faire remonter à la race aryenne pré-
celtique, les individus qui composaient les tribus habitant
— 309 —
rait être comparé à l'atelier d'Escalles et peut ôtre rapporté
à la même époque. L'agglomération d'habitants que com-
porte le siège d'un atelier, doit nécessairement faire soup-
çonner l'existence de tumuli dans le voisinage. Si pareille
recherche n'a pas encore été faite près de Spiennes, ne serait-
il pas utile de l'entreprendre ? Si la culture des terres a dû
faire abattre et niveler les tumuli qui auraient pu exister, ne
pourrait-on pas, se basant sur lobservation faite à Escalles,
rechercher ces tumuli, en observant les accumulations de
silex qui ont pu être disséminées par la charrue , mais qui
cependant doivent être encore visibles ? C'est grâce à ces ca-
ractères que nous avons pu découvrir à Wissant, près du
Mont de Couple, un tumulus dont cependant la saillie avait
complètement disparue
Pouvons-nous maintenant assigner aux tribus d'Escalles,
qui ne composaient leurs tumuli que d'une simple accumula-
tion de cailloux et de terre, une antiquité plus reculée ou une
civilisation moins avancée, qu'aux peuples qui, dans des
contrées voisines, érigeaient les sépultures dites mégalithiques?
C'est là une thèse à soutenir qui appartient à une parole
plus autorisée que la nôtre.
Sur Us ateliers de silex pendant l'âge de la pierre polie en
Angleterre, par M. Augustus W. Fbanks.
Je n'ai pas l'intention de vous soumettre des réflexions
sur l'intéressante localité que nous avons visitée, mais celle
de vous communiquer des faits étudiés en Angleterre et ana-
logues à ceux qui ont été observés à Spiennes. Après les
excellents travaux de M. Malaise et de MM. Briart, Cornet et
Houzeau de Lehaye, les observations d'un étranger qui n'a
visité qu'en passant l'atelier de Spiennes, seraient peu utiles,
' Le tumulus le plus rapproché de Spiennes en est distant de 8 kilo-
mètres. Il se trouve à l'est de Oivry, non loin du camp romain de Rouve-
roy. {Note de MM. Briart et Cornet^ secrétaires,)
20
- 310 ■
surtout après les renseignements que U. Cornet nous a don-
nés avec tant de netteté et d'obligeance.
Je désire seulement attirer votre attention sur les décou-
vertes du même genre qui ont été faites en Angleterre. Cest
d'ailleurs là un véritable devoir pour moi, car le but de notre
Congrès international est de comparer les recherches exécu-
tées dans différents pays.
Dans le comté de Susses, & très peu de distance de
Brighton, où vient de se réunir l'Association Britannique , il
existe un camp fortifié très ancien, qui peut avoir été
occupé par plusieurs populations qui se sont succédé jus-
qu'au temps des Bomains.
Cette localité connue sous le nom de Cissbury Hill,
a attiré l'attention de plusieurs archéologues. Mon ami, le
colonel A. Lane Fox, qui s'en est surtout occupé spéciale-
ment, en a publié une deBcription détaillée dans les Mémoires
de la Société des Antiquaires de Londres (Archœologia,
vol. Xni). Je possède ici un exemplaire de ce travail que
j'oflfre avec beaucoup de plaisir au Congrès.
A peu de distance de la petite ville de Wortbing, se
trouve la colline fortifiée connue sous le nom de Cissbury;
les remparts de ce camp suivent les contours de la colline et
entourent un espace d'environ 25 hectares (60 acres); sur le
côté nord-oueat du cemp, on observe une série de puits,
qu'au premier abord on a pris pour des habitations. En faî-
— 311 —
Les puits de Cissbury sont au Dombre d'environ cin-
quante; leurs dimensions sont très variées; les plus grands
ont environ 23 mètres de circonférence sur 4 mètres de pro-
fondeur. Le colonel Lane Fox a examiné 30 de ces puits qui
ont présenté, pour la plupart, les mêmes caractères.
Le colonel Lane Fox, après un sérieux examen de ces
puits, est disposé à croire qu'ils ont été creusés d'abord pour
extraire le silex; mais .qu'étant situés au milieu d'une enceinte
fortifiée, ils auraient servi aux indigènes d'ateliers de fabri-
cation et peut-être même d'habitations.
Je suis convaincu que des résultats semblables se présen-
teraient dans le grand camp de Hod Hill, dans le comté de
Dorset, s'il était exploré avec soin. Des ébauches de haches et
des traces de puits ont été trouvées dans ce camp ; mais elles
n'ont pas autant attiré l'attention que les restes très précieux
qu'on y a recueillis, d'une occupation Britanno-Romaine dont
M. Durden a rassemblé une belle collection à Blandfood^
La forme des camps de Cissbury et de Hod Hill ne nous
permet pas de les considérer comme ayant été tracés à
l'époque Romaine. Mais à cause de leurs fortes positions, les
Bretons romanisés, ou les Romains eux-mêmes, ont pu s'en
servir en cas de besoin. J'ai prié M. Durden de faire l'explo-
ration des puits qui, je n'en doute pas, se trouveront en tout
semblables à ceux de Cissbury.
Une découverte plus importante a été faite dans une autre
partie de l'Angleterre près de Brandon, comté de Norfolk.
CeliQu est assez connu par la fabrication des pierres à fusil
qui s'y fait encore. Le silex de cette localité est fort beau.
A peu de distance de Brandon, dans la paroisse de Wee-
ting, on rencontre, à la surface du sol, une grande quantité
de dépressions rondes, dont Tantiquité est dénotée par leur
nom € Grimes Graves » , c'est à dire, les tombeaux de Grim,
géant mythologique à qui on attribue, chez nous, beau-
coup de monuments préhistoriques. Ces dépressions sont au
1 Voir RoACH Smith, CoUectanea Aniiqua^ t. VI, p. 1.
□ombre de 250 au moÎDS et ont un diamètre de 7 à 20 mè-
tres. Une Société de province a commencé à fouiller une de
ces dépressions, mais les frais, exigés pour le déblaiement
complet du puits, l'ont forcé & abandonner le travail. Un
de nos archéologues les plus distingués, M. le chanoine,
Greenwell, de Durham, s'est décidé h continuer les fouilles.
Après un travail très considérable, il s pu les mener à
bonne fin. Le puitsgu'il avait choisi pour ses recherches, avait
environ 9 mètres de diamètre au bord et se réduisait en bas
à un diamètre de 4 mètres. Il avait k peu près 13 mètres
de profondeur. Les 4 premiers mètres avaient été percés à
travers une couche de sable. On avait alors trouvé la craie
blanche et une couche de silex de qualité secondaire. Ce
silex n'avait été extrait que dans la circonscription même du
puits; mais on avait continué à creuser celui-ci jusqu'& une
couche de magnifique silex, celui dont se servent de nos
jours les fabricants de pierres à fusil. Arrivés & cette profon-
deur, les anciens travailleurs avaient percé des galeries d'en-
viron un mètre de hauteur dans différentes directions, afin de
suivre ta couche de silex.
Cee galeries avaient été faites au moyen de pics en bois
de cerf, dont la plupart des andouillers avaient été enlevés
d'avance i>our faciliter le travail. L'andouiller le plus rap-
proché de la couronne du bois, ou andouiller basilaiie,
avait été conservé, et sa pointe montrait les traces d'un usage
prolongé.
— 313 —
dois signaler de petites coupes en craie blanche qui ont pu
servir comme lampes, une épingle en os^ et un objet arrondi
également en os dont on se serait servi , d*après l'opinion de
M. Greenwell, pour opérer les petites retouches sur les silex.
Les détails de cette exploration si intéressante ont été
publiés par M. Greenwell dans le Journal de la Société Eth-
nologique S et un résumé en a été donné par M. Evans dans
le bel ouvrage « Ancient Stone Implements of Great Britain »
qu'il vient de publier.
Les différences qu'on peut noter entre cette découverte de
Grimes Graves et celle de Spiennes, consistent dans l'emploi
de pics en corne de cerf, au lieu qu'à Spiennes, ce sont les
marteaux qui sont faits en cette matière, et dans un plus
grand nombre d'ébauches de haches trouvées à Spiennes.
Les éclats à Grimes Graves étaient assez nombreux ; mais
il est possible que les indigènes aient porté chez eux les silex
pour les travailler, comme le font encore les ouvriers en
pierres à fusil. A Spiennes, au contraire, ils ont fait les
ébauches des haches surplace.
Tel est le résultat de nos recherches, en Angleterre, sur les
ateliers de l'âge de la pierre polie, et je crois pouvoir affirmer
que leur ressemblance avec les découvertes belges sont assez
frappantes. Il est à désirer que. d'autres puits de Grimes
Graves soient fouillés. Malheureusement les frais de telles
fouilles sont assez considérables, d'autant plus que le pro-
priétaire réclame le remplissage des puits après qu'on les a
vidés.
Ateliers de fabrication d'outils de pierre dans la
Haute Egypte^ par J. Delanoûb.
§ 1. — Silex taillas.
L'Egypte est une longue et unique vallée creusée au
milieu d'un désert immense. Mais cette vallée est si plantu-
1 1871, 9* série, vol. II, p. 419.
reuse qu'elle a dû néceesairement attirer et 6xer les premières
immigrations de l'homme. Comment ae fait-il donc qu'étant
ainsi une des contrées les plus anciennement habitas, elle
n'Elit offert, jusqu'à présent, aux nombreux archéotog^ues qui
l'ont explorée, aucune station humaine préhistorique, ni
aucun silex ébauché, en place dans le diluvium, comme à
Saint Acheul, par exemple? Cela s'explique aisément, par ce
fait qu'il n'y a presque pas de terrain quaternaire visible
en Egypte. Je sais bien que plusieurs géologues ont affirmé
l'existence de terrasses anciennes tout le long du Nil. Le fait
est exact, mais tout à fait exceptionnel, et on a eu tort de le
généraliser.
Le Nil qui a creusé une si grande vallée, avait évidem-
ment jadis un bien plus grand volume et une hauteur plus
considérable; mais il n'est pas resté de traces de ses hauts ni-
veaux. Les dépAts accidentels de graviers et de limon que les
voyageurs ont depuis longtemps signalés à 10, 15 et 30 mè-
tres au dessus des plus grandes crues, sont tous située auprès
des anciens barrages naturels, aujourd'hui démantelés. Ib
sont donc purement locaux et accidentels. C'est là seulement
que le vrai quaternaire peut être observé à la surface du sol
et que l'on peut trouver en place des outils de silex. C'est,
en effet, dans une position semblable que j'ai recueilli un
fragment de couteau, en silex blond, dont voici la figure de
grandeur naturelle.
— 315 —
la ChaÎDe). Il y a là, en effet, en travers de la vallée, une
longue chaîne qui court de Test à l'ouest et que M. Linant-
bey et les ingénieurs les plus compétents regardent comme
une ancienne digue rompue par le fleuve ^ J'ai reconnu, de
mon côté, que ce barrage transversal était dû à une immense
faille ou fracture allant de l'est à l'ouest et relevant le grès
de NvMe à environ 200 mètres au dessus de sa position
normale. Cette ancienne barrière avait formé là une espèce
de lac et une cataracte, jusqu'à ce que le Nil, démolissant
Tobstacle, soit descendu au niveau actuel, laissant gravier,
coquilles et limon à la hauteur de son ancien lit. Les mêmes
causes locales ont produit les mêmes terrasses accidentelles à
Ouadi Alfa, Assouane, Djebel Ein, etc.
Partout ailleurs, le Nil continue de recouvrir, d'un man-
teau de limon, chaque année plus épais, le diluvium, les
stations humaines préhistoriques et jusqu'aux vestiges des
civilisations diverses qui s'y sont succédé.
Le sable voyageur de Lybie vient aussi contribuer, de son
côté, à cet ensevelissement continu des bas-fonds; mais il est
rare sur les plateaux immenses et inhabitables qui longent le
Nil ; et si les hommes quaternaires y ont exploité des bancs
de silex, on doit retrouver leurs ateliers à peu près intacts.
C'est ce que j'ai eu le bonheur de constater sur quelques
points et admirablement bien à Chersouna à 12 kilomètres
sud-est d'Esné.
Le grand village de Chersouna n'est pas indiqué sur les
cartes géographiques; le plateau qui le domine au nord porte
le nom de Djebel Kélabié. Sa hauteur au dessus du Nil est
de 85 mètres. Il se compose de bas en haut de grès de NvMe,
puis d'argiles et enfin de calcaire nummulitique, couronné au
sommet par une assise horizontale de silex, souvent calcari-
fère, d'un demi mètre à un mètre d'épaisseur. Ce banc de
1 M. Linant-bey, qui a étudié, mieux que tout autre, Tliydrographie
dn Nil, n*a vu aussi, en Egypte et en Nubie, que des terrasses locales dues,
comme à Selsilé, à des accidents de terrain.
eilexaété exploité sur place, comme le prouve l'innombrable
quantité d'éclats, d'outils brisés ou ébauchés, et jamais polis,
qui couvrent tout le plateau dont la superficie est d'envi-
ron un kilomètre carré. Ce silex contient plus ou moins de
carbonates de chaux, de fer et de manganèse. Les influences
atmosphériques dissolvant le calcaire et suroxydant les deux
métaux, il en résulte que la patine, au lieu d'être blanche,
est d'un brun plus ou moins foncé.
Le calcaire adjacent contient quelques rognons de silex
pur, parfaitement sphériques, à couches concentriques, qui
y ont été employés comme outils de percussion.
J'ai fait deux parts de tous les outils que j'ai recueillis;
j'ai remis l'une au Musée de Boulok, su Caire, et l'autre à
mon excellent ami, M. G. de Mortîllet, qui a eu la boute d'en
faire la description consciencieuse qui suit, avant d'en faire
don au Musée de Saint Germain.
§ 2. — MaBTB&UX de CABBIBBBS.
Lorsque j'habitais Âssouane' en mars 1872, le hasard m'a
fait rencontrer, à 10 kilomètres sud-est, sur un petit plateau
de grès de Nviie, une quantité incalculable de fragments et
d'éclats de granit à petite grains, de dîorite verte, de por-
phyre brun, de pétrosilex et d'autres roches, toutes étrangè-
res à la localite, et toutes plus dures les unes que les autres.
Ces débris portaient des traces évidentes de percussion et
révélaient ainsi l'existence d'une ancienne fabrique de pro-
Je me suis empressé, h mon retour au Caire, de remettre
tous ces échantilIoDs h M. Mariette-bey, pour le beau Musée
de Boulak. Je me suis demandé alors si les carrièreB voisines
de grès dur du Djebel Akmar (Mont Bouge) ne contien-
draient pas les mêmes vestiges. Je n'ai pas pu y découvrir
d'atelier; ce qui n'est pas étonnant, vu le bouleversement in-
cessant de cette colline par les exploitations anciennes et
modernes. J'ai trouvé, en revanche, des fragments de roches
dures, étrangëresàlalocalité et enfin deux marteaux entiers,
presque tout neufs, en diorite vert, tenace et à petits grains,
en tout semblables à ceux d'Assouane et devant provenir des
mêmes carrières entre le Nil et la mer Bouge vers Coaséir.
Leur poids et leur forme indiquent que l'ouvrier s'en servait
à deux mains pour frapper sur ses outils, ses coins, etc. Ce
sont descjlindres très légèrement coniques, à sommet arrondi,
ayant 0''22 de hauteur et 0~17 de diamètre & la base comme
l'indique la figure suivante.
Plg. 7. — Marteau en diorite
trouvé i Djebel Akinar.
Étant & la veille de mon retour en France, j'ai remis, à un
ami, ces curieux spécimens en le chaînant de donner l'un
des deux au Musée de Boulak, où sa place était naturellement
marquée.
Pour que ces découvertes m'aient été si faciles, il faut
bien qu'il existe une grande quantité de ces marteaux au
— 318 —
r^ebel Âkmar, et aussi dans lea innombrables carrières ou-
vertes par les anciens. Il est probable qu'il a existé de mftme
des ateliers d'outils en pierre partout où il y a des bancs de
silex de bonne qualité. Maintenant que les paléoethnologues
sont avertis, j'espère que les découvertes ne se feront pas
attendre.
Notice swffastedon, par MM. Q. Abnocld et de Ii;A.DiGTiBS.
Les tranchées faites, dans les fortifications d'Hastedon,
lors de la visite des membres du Congrès, avaient fourni
quelques données sur le mode de construction de ces anciens
retranchements. Les fouilles ont étô continuées après la clô-
ture du Congrès et elles ont mis en évidence des faits plus
ïmportAnts.
Le but de la présente notice est de signaler l'ensemble de
ces découvertes, en ce qui concerne Hastedon, et de les rap-
procher de faits analogues que nous avons pu constater dans
d'avitres localités ; notamment dans le camp de Bonne, près
de Modave.
Soit que les populations, devenues plus nombreuses pen^
dant r&ge de la pierre polie, aient dû abandonner des refuges
trop petits pour les contenir, soit que des peuplades envahis-
santes aient apporté des habitudes étrangères aux premiers
occupante, ilestcertain qu'à l'ftge de la pierre polie, l'homme,
en Belgique, avait presque complètement cessé d'habiter les
e fixer plus apécialement sur les plateaux
— 319 —
vaux de défense, mais le séjour de Thomme y est atteste par
des fragments d'une poterie caractéristique et par de nom-
breux silex taillés et polis.
Les points occupés sur les plateaux ont une disposition
topographique spéciale. Situés dans le voisinage de sources
ou de cours d'eau, ils présentent une surface aride et ils sont
souvent isolés, sur une grande partie de leur pourtour, par
des ravins escarpés qui en rendent l'accès difficile. Un isthme
étroit les réunit seul aux plateaux. Ces défenses naturelles
ont été, dans plusieurs cas, complétées par des retranche-
ments.
Le camp d'Hastedon (PI. 80) offre cette disposition en
presqu'île.
Un isthme le relie, par une pente douce, au plateau
occupé aujourd'hui par le village de Saint Marc, et il n'a, à
sa partie la plus étroite, que 75 à 78 mètres de largeur.
Au sud et à l'ouest, il est défendu par des rochers escarpés,
s'élevant de 35 à 40 mètres au dessus du ruisseau du
Houyoux qui en baigne les pieds dans ces deux directions.
A l'est, il est limité par un ravin profond qui se prolonge
jusqu'au delà de l'isthme.
Le ruisseau de Rhisle, tributaire du premier, est séparé de
ce ravin par une colline qui s'élève, de leur confluent, jus-
qu'au plateau de Saint Marc. Un étroit vallon, dans lequel
coule le Houyoux, sépare Hastedon des collines qui, sur la
rive gauche de ce ruisseau, atteignent la hauteur du camp
dans les directions du sud et de l'ouest. Les collines qui bor-
dent la rive gauche du ruisseau de Rhisle, forment, avec les
précédentes, un peu en aval du confluent des deux cours
d'eau, une gorge étroite, où prend naissance le vallon dans
lequel les ruisseaux réunis s'écoulent vers la Meuse. Le pla-
teau d'Hastedon présente, du nord au sud, une pente très
faible qui s'accuse également de l'ouest à l'est. Du centre
du plateau, on en domine tous les contours, excepté vers
l'isthme où le terrain se relève suivant la pente générale
du plateau. La superficie du camp, mesurée h l'intérieur des
ratranchemeQta, comprend au moins 13 hectares'.
Les objets trouvés sur le plateau d'Hast^don consistent en
poteries anciennes, en médailles romaines et Éa une très
grande quantité de silex. Nous croyons rester beaucoup en
dessous de la réalité, en évaluant à dix mille le nombre de
ces silex recueillis dans l'intérieur du camp. Ce chiffre
dénote évidemment un long- séjour des populations qui ont
fobriqué, sur tes lieux, une partie de leurs instruments. Les
résidus de la taille forment environ 60 p. c. de l'ensemble
des silex trouvés, les couteaux IBp. c, les grattoirs 9 p. c,
les débris de haches, 2 p. c. , et les pointes de flèches, 2 p. c.
Trois haches entières seulement y ont été trouvées, mais on
en rencontra beaucoup de fragments d'une certaine grosseur,
qui ont souvent servi de marteaux ou qui ontété transformés
en d'autres instruments.
La plupart des outils offrent une taille extrêmement soi-
gnée. Les planches 68, 69 et 70 permettent d'en juger.
n s'en faut de beaucoup que le camp d'Hastedon offrit, il
y a quelques années, le même aspect qu'aujourd'hui. On
y a comblé de nombreuses excavations, pour te livrer & la
culture.
Des murs élevés de distance en distance, avec des pierres
provenant des retranchements, eoatiennent, sur les flancs de
la colline, des jardins ou des terrains cultivés. Ces derniers
ont envahi, depuis longtemps, les versante sud et est du -
pour les agrandir, on a enlevé, sur plusieurs
— 321 —
berge de la prairie étroite qui occupe le vallon, n'a que 0"80
à l'"00 de hauteur, on admettra, sans peine, que le vallon
devait être marécageux, lorsque ces cours d'eau avaient un
débit plus fort.
Aux défenses naturelles du plateau, les habitants d'Has-
tedon ont ajouté des fortifications qui s'élevaient sur tout son
périmètre. Les membres du Congrès ont pu constater que les
tranchées, pratiquées dans ces retranchements, offraient un
mélange de pierres calcinées de diverses grosseurs, de
charbon de bois et très peu de débris arénacés (PI. 81). L'en-
semble était recouvert de pierres ne présentant pas de trace
de calcination.
De ces faits, on pouvait déjà conclure que le bois et la
pierre avaient été les principaux matériaux de ces fortifica-
tions, et qu'aucun mortier n'en reliait les différentes parties.
Les fouilles, continuées pendant le mois de septembre dans
le mur sud du camp, dans le fossé et dans le retranchement
de l'isthme, ont jeté une nouvelle lumière sur leur mode de
construction.
Dans le retranchement sud, longeant un champ cultivé,
on observa un grillage composé de trois pièces de bois,
parallèles aux fortifications, et de sept traverses perpendicu-
laires aux premières. (PI. 8lbis). Le grillage était recouvert
de terres et de petits fragments de pierre, sur une épaisseur
de 0*25 k 0"*30 centimètres, au dessus desquels étaient des
amas de pierres éboulées du retranchement ou provenant
des champs cultivés qui s'étendent sur le versant de la col-
line jusqu'à 30 centimètres du retranchement.
Les bois étaient carbonisés, mais nous avons pu parfaite-
ment mesurer la longueur de chaque pièce, leurs distances
respectives et, pour quelques unes, la largeur de l'emplace-
ment que chaque pièce occupait encore.
Dans le fossé qui coupe l'isthme et dans le retranche-
ment, nous n'avons découvert que de l'argile compacte mêlée
à des débris de charbons, quelques morceaux de poterie très
ancienne et quelques pierres de petites dimensions. Ses
habitants de la localité qui ont démoli, il 7 a 30 à 35 ans, le
retranchement en cet endroit, nous ont affirmé qu'il était
entièrement composé de bois calcinés et d'argile.
Les faits que nous avons constatés, semblent faire remonter
& l'épdque des populations gauloises, les retranchements
d'Hastedon. Le grillage découvert est semblable à ceux dont
les Gaulois se servaient dans la construction de leurs oppi-
dum et décrits par César*. Nous ne nous arrêterons pas à
l'objection que les traverses dépassent peu, il est vrai, la
pièce longitudinale, ce qui ne concorde pas avec la descrip-
tion que cet auteur a donnée, mais nous devons rappeler
que le versant a été cultivé jusque près de cette pièce de
bois, ce qui a db en faire disparaître les traverses.
Quant k l'emploi de trois pièces longitudinales, au lieu de
deux que César indique, il est motivé par un versant moins
rapide, et par une dépression du sol, circonstances qui ren-
daient ce point plus attaquable et qui exigeaient un mur
plus élevé, et par conséquent plus lai^. Nous pouvons
ajouter un témoignage important. M. Dinon nous a affirmé
avoir vu, il y a longues années, sur certains points d'Has-
tedon, les débris de deux rangs de pièces longitudinales,
séparées par des pierres et mises à jour par les cultivateurs
pour agrandir leur culture, aux dépens des retranchements.
De toutes les anciennes fortifications connues jusqu'à
ce jour dans cette partie du pays, le camp d'Hastedon
ienle rL'useinhle le plii^ i;oiii;i]et di-'.'^
— 323 —
donne comme emplacement de cet oppidum, une partie seu-
lement de la citadelle de Namur, qui n'a pas, en surface,
les trois cinquièmes de la superficie d'Hastedon.
Les considérations qui tendent à faire regarder Hastedon
comme Toppidum des Atuatiques, sont les suivantes : on y
trouve les défenses naturelles etTisthme indiqués par César;
sa superficie est plus grande que celle des autres emplace-
ments proposés jusqu'à ce jour (13 hectares); les fortifica-
tions présentent le caractère des retranchements gaulois
décrits par le général romain; une ligne, entourant Has-
tedon en suivant les hauteurs qui bordent la rive gauche
du ruisseau de Ehisle et qui longent la rive droite du
Houyoux, puis traversant ce ruisseau pour se relever vers le
plateau de Saint Marc en suivant la colline sur la rive
gauche du Tienne den Pren, et se reliant enfin à son point
de départ très peu en amont de la fabrique de Ehisle, com-
porte le même développement que la circonvallation faite
par César ; elle laisse, en outre, entre le camp et cette der-
i^ière, l'espace nécessaire pour les sorties des assiégés et
pour les combats préliminaires dont il parle.
Après avoir fouillé les retranchements d'Hastedon, nous
avons été portés à rechercher si les fortifications d'autres
camps, signalés depuis longtemps dans la même région,
offraient le même mode de construction.
Nous avons pu explorer le camp de Bonne, commune de
Modave, objet des recherches antérieures de feu Hauzeur,
membre de la Société Archéologique de Namur. La destruc-
tion moins avancée des remparts qui le défendaient nous
donne l'espoir que des investigations étendues projeteraient
de nouvelles lumières sur ces anciennes fortifications.
La position de ce camp est analogue à celle d'Hastedon
(PI. 82). Défendu au sud, à l'ouest et au nord par des
rochers abruptes qui baignent leurs pieds dans le Hoyoux
et dans la Bonne, il n'est relié à un plateau vers l'est, que
par un isthme très étroit. Sa superficie est d'environ 4 hec-
tares. Ou y a recueilli une grande quantité de silex taillés,
de la poterie et des médailles romaines. Â l'extérieur, se
trouvent de nombreuses excavations disposées par lignes
Deux tranchées y ont été faîtes dans le rempart sud, une
dans celui de l'isthme. La tranchée la plus éloignée de l'isthme
(FI. 83) n'a offert qu'un mélange de terre et de pierres, sans
trace de calcination.
Dans la plus rapprochée (à 100 mètres environ de
l'isllime), le mfime mélange reposait sur des pierres cal-
cinées et sur des traces de charbon, au niveau du rocher.
Sur le bord de ce dernier, s'élève un mur en maçonne-
rie à mortier, avec vestiges de parement à l'extérieur
du camp. Les moellons calcaires de ce mur proviennent
des rochers sur lesquels il est établi. Au pied de ce mur, on
a trouvé desclous rouilles, en fer forgé, longs de 14 & 19 cen-
timètres. Dans le retranchement de l'isthme, assis sur les
rochers, s'élèvent deux murs parallèles, h pierres sèches, cons-
truits en dalles de grès de 4 & 9 centimètres d'épaisseur,
larges de 40 à 50 centimètres, et d'une longueur variable.
Tous deux présentent, à l'extérieur du camp, un parement
demeuré à peu près vertical. L'espace compris entre ces
murs est rempli de petita fragments de pierres, dont un
grand nombre ont subi une calcination , et cet amas
repose, au niveau du rocher, sur des triices nombreuses de
charbon. Au drasus du mur intérieur, gisent les débris
d'une maçonnerie calcaire semljlaWe ii celle trouvée dans la
— 325 —
Des médailles romaines, des objets en bronze, trouvés
dans le camp ou dans ses environs, indiquent aussi le séjour
de populations plus récentes. Les rochers escarpés, défenses
naturelles du camp, au sud, à Touest et au nord, les ruis-
seaux qui en baignent les pieds, et l'isthme extrêmement
étroit qui le relie à la colline, désignaient cet emplacement
comme un lieu propre à servir de retraite.
Les traces de charbon et de pierres calcinées, les murs en
grès à pierres sèches, les murs en maçonnerie calcaire à
mortier et dans les débris de laquelle on retrouve des clous
fortement rouilles, indiqueraient-ils trois espèces de fortifi-
cations qui se sont succédé?
La disposition des traces de charbon est la môme à Bonne
et à Hastedon. Leur gisement, dans la première localité, en
dessus des murs à pierres sèches et en maçonnerie, porte à
croire que les premiers retranchements de ce camp étaient
analogues à ceux d'Hastedon.
Des fouilles plus étendues pourraient peut-être jeter quel-
que jour sur l'époque de la construction des murs en pierres
sèches, des maçonneries à mortier, et sur l'usage des clous
que Ton rencontre dans ces dernières.
Le camp de Jemelle et d'Olloy (PI. 84 et 85) offrent cette
particularité que l'isthme est défendu par deux retranche-
ments successifs, laissant entre eux un assez vaste espace où
sont creusées un grand nombre d'excavations. Les fossés qui
traversent l'isthme, et des amas de pierres, disposés régu-
lièrement, indiquent l'emplacement de ces fortifications;
mais des défenses artificielles n'existent plus sur le reste du
périmètre de ces camps.
La rivière de la Lomme et un ruisseau baignent les pieds
du premier camp au nord et à l'ouest (PI. 84); le Viroin
contourne le second dans les mêmes directions (PI. 85). Dans
tous les deux, on a recueilli des silex taillés, et dans celui de
Jemelle, un fragment de meule romaine en téphrine d'Ander-
nacht. Jusqu'à ce jour, aucune fouille n'a été faite dans les
21
ruines de retranchements qui existent encore dans ces deux
camps.
Sur la station de tâge de la pierre polie de Linciaux (Ciney),
par M. A. Bbcqdet.
Entre les gares de Ciney et de Haversin , sur le chemin
de fer du LuxemlMurg, le terrain se développe, comme dans
une partie du Coudrez, en grandes ondulations dont les
collines arrondies, allant du sud-ouest au nord-est, portent
dans le pays le nom de ■ Tiges > .
A l'extrémité de la section de Linciaux, qui fait partie de
la commune de Ciney, se trouvent une maison de campagne
et une ferme appelées le • Pays de Liège » . Elles sont bâties
sur un c Tige » , d'où l'on jouit d'une vue étendue sur les
hauts sommets de l'Ârdenne. Tout autour de la ferme, sur
un petit plateau, mais surtout vers l'est et vers l'ouest, furent
trouvés une grande partie des silex travaillés quî sont indi-
qués, au Musée archéologique de Namur, sous le nom de
. Silex de Linciaux » (PI. 71 et 72).
n serait peut-être difficile, quant ji présent, de reconnaître
les raisons qui ont pu attirer l'homme de l'âge de la pierre
polie dans cet endroit. Le terrain n'y offre nulle part d'es-
carpements et l'on chercherait en vain, dans le voisinage,
un point où l'homme, s'aidant de la configuration du sol,
eut pu établir des travaux de défense. Mais plusieurs belles
— 327 —
Stations nouvelles de Vâge de la pierre polie en Belgique ^
par M. le docteur Cloquet.
Nous avons Thonneur de signaler au Congrès quelques
stations nouvelles de Tâge de la pierre polie en Belgique.
Au nord-ouest du village d*Arquennes, situé dans le Hai-
naut, sur la limite du Brabant et près de la lisière de l'an-
cienne Forêt Charbonnière, s'élève un plateau sableux qui
nous a fourni de nombreux vestiges de cette époque. Les
fouilles ont mis à découvert des silex taillés très nombreux et
très variés de forme et de nature; des broyeurs ou concas-
seurs en grès ; des plaques de foyer en psammite ; une quan-
tité considérable de charbon de bois, mélangé avec le sol, et
enfin, des poteries très grossières, faites à la main, tantôt
cuites, tantôt simplement durcies au soleil, et dont la pâte
contient des fragments de quartz.
Ce plateau est entouré de chemins creux. D'accord avec
plusieurs archéologues distingués, nous le considérons
comme un véritable oppidum j lieu de refuge ou de retraite.
A 6 kilomètres de distance, près du bois de la Houssière,
se trouve un autre plateau, très vaste, dont les trois sommets,
comparables à autant de bastions, commandent les vallées
voisines. Ces trois éminences sont Notre Dame de Grâce,
l'Observatoire et Virginal Samme. Ici encore des chemins,
profondément ravinés, entourent les retranchements. Entre
Virginal et Eonquières, au dessus du Bois des Roches, existe
un plateau qui semble avoir été un fort avancé de la même
station. Dans toutes ces localités, nous avons trouvé de nom-
breux silex.
Une colline de sable, nommée Troupette à z'arires et
située entre Manage, Fayt et Bois d'Haine, présente un
grand nombre de silex disséminés à la surface du sol.
Des échantillons intéressants de ces instruments primitifs
de l'homme ont été rencontrés dans les environs des com-
munes de Buzet, Obaix, Rêves, Frasnes lez Gosselies, dans
le canton de Seneffe; d'Écaussines et d'Horrues, dans le
canton de Soigniea; de Saint Gilles et de Woluwe Saint
Lambert, près de Bruxelles ; de Braine Lalleud et Beaulers ,
dans le canton de Nivelles.
L'oppidum du bois de la Garenne n'est qu'à trois kilo-
mètres de Nivelles et cette ville elle-même a été considérée,
par quelques auteurs, comme ayant été la résidence des chefs
Nerviens. Près de ces localités, commence la vallée de la
Dyle. Nous l'avons parcourue jusqu'au delà deWavre, et nous
avons trouvé des instruments en pierre à La Hutte (Wajs),
près de Genappes, à Court Saint Etienne, près du Ch&teau de
la Barsette, à Wavre, et sur les collines de sable de Gastuche.
Enfin, nous avons reconnu les marques du travail de
l'homme au milieu des amas considérables de silex brisés qui
recouvrent tous les terrains des bords de la Sambre, entre
CharleroietTbuin.
Comme on le voit, les peuples qui habitaient la Bel-
gique, à l'époque de la pierre polie, s'établissaient dans les
mêmes conditions que les peuples contemporains du centre
de la France. Ils se fixaient de préférence sur des plateaux
dénudés, stériles et offirant de vastes clairières. Ces peuples
évitaient ainsi de pénibles défrichements. Quelques retran-
chements en terre, quelques blocs de pierre superposés, suffi-
saient pour compléter le système de défense des forts naturels
qui leur servaient de refuge. De ces éminences, les regards
embrassent un vaste horizon; les attaques d'un ennemi
étaient iirôvucri rt puuvaiout L^lre si;j:nalL'L's aux habitants de^
— 329 —
instruments sont tous de petites dimensions et contrastent,
par ce caractère, avec ceux de Spiennes qui sont tous de
dimensions assez grandes. L'exiguité de ces objets fut pro-
bablement causée par la diflEiculté avec laquelle ces tribus se
procuraient la matière première. En effet, elles employaient,
conjointement avec le silex de Mons, les cailloux roulés et
les roches qu'elles trouvaient sur les lieux mêmes.
Ainsi le phtanite, le phyllade, le quartzite, le psammite
dévonien et le calcaire anthraxifère , bien que d'un travail
difficile et d'une résistance peu considérable, étaient égale-
ment utilisés. Nous avons même trouvé des pierres retaillées
après la formation d'une première patine, fait que M. Cornet
nous a dit avoir aussi constaté.
Des molettes en grès que nous avons recueillies, montrent
la ressemblance la plus complète avec celles des cités lacus-
tres de la Suisse.
Cette similitude tend à faire attribuer, aux peuples de cette
époque, ce même caractère nomade que l'on observe encore
de nos jours chez les sauvages, et qui détermine également,
chez ces derniers, une grande uniformité dans leurs outils et
leurs mœurs.
Recherches préhistoriques et historiques dans la Capitanate,
par M. le capitaine Angelo Angelucci.
La sixième session du Congrès m'offre une heureuse occa-
sion de résumer ici les explorations que je viens d'entrepren-
dre dans l'ancienne Apulie, dans la région appelée Daunia,
aujourd'hui la Capitanate. Je diviserai ce résumé en deux
parties : l'âge préhistorique et l'âge historique.
Age préhistorique, — Le 4 avril, en compagnie de M. le
professeur Nigri, je visitai le lac de Salpi {Salapina palus),
à 60 kilomètres nord-est de Foggia. Cependant je n'espérais
pas y trouver de palafittes, parce que, jusqu'aux temps his-
toriques, ce lac n a été qu'une baie de la mer Adriatique où
330 —
s'élevait l'ancîeDne Satapia. Salapia, aujourd'hui détruite,
était le débouché commercial de Cauosa (Canusium) et de la
ville d'Ârpi qui n'existe plus. Le lac de Salpi a une profon-
deur de 0"^0; à aon pourtour, les eaux sont si basses que les
batauxà fond plat ne peuvent s'approcher du rivage. Près
de l'emboucliure, M. Nigri trouva un silex taillé ; je recueillis
moi-même un cailloux en grès.ovale etaplati.avec une échan-
crure circulaire sur le petit diamètre et eu tout semblable à
deux pierres venues d'Amérique que le Musée d'Artillerie
possède. Un objet analogue se trouve aussi figuré dans le
catalogue illustré du Musée de Copenhague (Nordisie Old-
sager), faxM.WoKaae, pi. 18, fig. 88.
Cette trouvaille me donna l'idée que je n'étais pas loin d'une
station d'hommes de l'âge de la pierre. J'appris en effet que,
l'anoée précédente, pendant une crue du lac, les eaux, se
précipitant vers l'embouchure, y avaient mis à découvert
300 pieux dont les têtes avaient 40 centimètre de diamètre.
J'en conclus à l'existence de palafittes en cet endroit.
Peu de temps après, j'appris que des silex ouvrés avaient
été trouvés sur le promontoire Gargano et je me rendis &
San Marco in Lamis au nord-est de Foggia. San Marco est
situé dans une gorge, sur le penchant méridional d'une mon-
tagne du groupe de Gargano, lequel est entièrement formé
de calcaire compacte et isolé comme s'il fut sorti du sein de
la mer. Je cherchai néanmoins, tout en gravissant la hau-
teur à l'est de San Marco, espérant rencontrer des silex
— 331 —
faite, à mon insu, par M. le docteur Bosa, pour les stations
découvertes par lui dans les vallées délia Vibrata.
Sur la contre-pente, on trouva une hache en silex blond
(PI. I, n** 1, de mes RicercJie preistoriché). Je nose me pro-
noncer sur l'époque de cette hache, trouvée à fleur de terre
et semblable à celles d'Abbeville. Dans le même champ,
je recueillis aussi 52 exemplaires de couteaux et pointes de
javelots brisés ou entiers; 38 objets du môme genre furent
trouvés par d'autres personnes, ainsi qu'un couteau retouché.
Enfin, à Tre Querci, sur le territoire de San Nicandro,
on trouva d'autres silex. Je ne doutai plus qu'il y eût eu, aux
environs, un atelier de fabrication de silex ou une station
humaine, et je dirigeai mes explorations vers la partie
septentrionale du promontoire. Ajoutons que de Carpino à
Vico, on trouve du silex en bancs et en rognons; on en fait
du macadam pour la réparation des routes. Passant d'abord
à Varisce, j'y recueillis une douzaine de silex ouvrés. A Sca-
rica Farina, dans un champ labouré, je trouvai plus de
cent objets : silex, haches, pointes de lances, couteaux et
grattoirs. Le lendemain, à laMaddalena, près de Vico, mon
guide découvrit une hache taillée en amande et recouverte
d'une patine blanchâtre. Sur une hauteur voisine, nous trou-
vâmes, en très peu de temps, deux cents silex taillés, presque
tous recouverts de patine. Il y avait, parmi les objets, des
haches de différentes formes , des pointes de lances, des cou-
teaux, des nuclei travaillés, retouchés, etc.
En ce qui concerne les silex taillés en général, je suis
d'avis que le mode de travail ne suffit pas pour en fixer
l'époque, sans le concours de quelque autre circonstance,
telle que le gisement ou les restes d'une faune. On pourrait
en conclure que les silex taillés du Largo del Cotino et de
Carpino peuvent ne pas être de la période paléolithique,
parcecju'ils ont été trouvés à fleur de terre, mais il n'en est
pas ainsi. Loin de là, ces objets pour la plupart portent avec
eux la preuve la plus certaine de leur ancienneté dans la
patine qui les recouvre, patine produite par Taction de nom-
breux siècles. Cette patine vaut pour moi le gisement des
hachea d'Atbeville. J'espère qu'on partagera mon opinion,
quand je dirai que les instruments et les armes en silex
taillés, trouvés à Gargano, sont paléolithiques et qu'il faut
reconnaître, pour leurs ouvriers, les autochtliones ou abo-
rigènes, sinon de toute l'Italie, au moins des régions méri-
dionales de la Péninsule.
Mes dernières recherches furent faites sur le versant est
du Gargano à Monte San Ângelo. Bien que le silex s'y trouve
abondamment en bancs et en rognons d'une p&te très fine,
je n'y ai trouvé que deux pointes de flèches,
A Matinata, j'ai recueilli, dans un champ, quelques lames,
de couteaux, des nuclei, des racloirs, et£., plus une jolie^
flèche barbelée qui me fut donnée par l'archiprêtre du vil-
lage. Ce champ est situé dans une vallée au pied d'une mon-
tiigne de silex, le Monte Klice, corruption du latin Mons
Silicis, d'où les ouvriers tiraient le silex pour fabriquer des
pierres à fusil. Cependant, malgré d'activés recherches, je
n'y ai pas constaté de silex travaillés.
Age historique. — J'ai fouillé des tombeaux à Ordona,
petit village situé sur une colline vis à vis de l'Herdonia des
anciens. Tous les environs de l'ancienne enceinte, au nord, &
l'est et à l'ouest, forment une vaste nécropole. Les tombeaux
sont creusés sous un banc de calcaire tendre, appelé Crosta
dans le pays, ou dans une agglomération de gravier, ou dans
\efi s^ilili>riiiii''ivs. {Ji)cli-|iir<-iiii^ .le c>:^ r,.in)>r
— 333 —
des fers de javelots, des essieux, le tout en fer. Par ceci, nous
voyons que les armes défensives sont en bronze, tandis que
les armes offensives sont en fer, circonstance qui me semble
mériter Tattention. On v a trouvé aussi des ornements et ob-
jets de parure: bagues^ fibules, colliers, diadèmes en fer, en
bronze, en terre cuite émaillée, en argent, en ambre; enfin
dés bassins ou boucliers — peut-être Tumbelle (umbo) — en
tôle de bronze, cassés et presque méconnaissables. J'ai vu les
firagments d*une fibule composée de deux disques, formés
chacun d'une espèce de volute en fil de bronze et placés Tun
en sens contraire de Tautre. On peut en voir la figrure dans
les groupes de fibules méridionales et précisément dans celui
de Hallstatt, publié par notre honorable collègue M. le doc-
teur Hans Hildebrand.
A Ischitella et à Matinata, j'ai visité des hypogées taillés
dans la roche calcaire. Il s'en trouve quatre à Ischitella ap-
pelés Grottes des Payens; Ton deux est figuré à la plan-
che ni de mon ouvrage. Les tombeaux taillés dans la roche
sont de forme parallélipipède de 1"77 de longueur, 0"45 de
largeur et 0"38 à O^éO de profondeur. Le couvercle était
formé d'une dalle de la même pierre, mais ces couvercles
n'existent plus : les tombeaux ayant été dépouillés.
Les deux hypogées de Matinata n'ont pas un plan régulier
comme ceux mentionnés plus haut, mais les tombeaux ont
les mêmes formes et dimensions. De ces hypogées, provient
un petit trophée militaire en bronze que je crois être de
l'époque romaine.
Sur la langue de terre qui sépare le lac Varano de la mer,
l'Isola, on a découvert, en labourant, quelques tombeaux dont
je possède plusieurs objets : une pointe de lance, des fibules et
trois épingles à cheveux. D'autres objets en bronze ou en fer
ont également été trouvés en labourant un champ à Mont
'Enaro, sur le territoire de San Marco in Lemis.
iSw des antiquités trouvées dans l'tte d'Ostromo,
par M. le comte Wbsibrski.
J'habite le Grand Duché de Posen, sur ia frontière russe,
près de Gnesen, l'ancienne capitale des rois de Po]og:ne. J'y
possède des terres et une Ue lacustre d'eaviron 430 arpents
de Prusse. Cette lie, nommée Ostrowo, n'a pas été cultivée
depuis des siècles ; du moins on n'y voit pas de traces de cul-
ture. Elle renferme une quantité de crânes et d'ossements
humains, ainsi que des ossements de divers animaux, notam-
ment de Sanglier, de Cerf, de Cheval, de Bœuf, etc. J'y ai
trouvé aussi des débris d'urnes d'une épaisseur énorme.
Le chroniqueur Anonimus de Silésie rapporte qu'au sei-
zième siècle, on rencontrait, dans cette Ue, d'anciennes ruines;
il présume qu'elles appartenaient au Caslrum in Ostow où le
roi Boleslas I" reçut, vers l'an 1000, l'empereur Otton III,
venu à Gnesen pour visiter le tombeau de Saint Albert.
La structure de ces ruines est très curieuse. Elles sont
formées de, pierres d'une grandeur énorme, taillées en hexa-
gone. Les' décorations sont faites d'une pierre qui ne se
trouve pas dans notre pays et qu'on nomme en Italie Tra-
vertino. J'ai, en outre, trouvé dans l'île beaucoup d'objets
ressemblant à ceux que j'ai vus, dans le Musée de Bologne,
porter l'indication « Ossa lavorate di piccola cassetta trovati
a Certosa i ; un peigne ornementé , ainsi que des tibias, qui
.servirait -niriciiiii'iiiPiil <!i.' troiniK'ttcs.
— 335 —
n y a deux ans, j'ai envoyé à M. le professeur Virchow
plusieurs crânes provenant de cette île. Il croit qu'un de ces
crânes pourrait être de race slave et un autre, de race ger-
manique, mais il ajoute que chez d'autres on pourrait y voir
le typetartare ou mongole.
Vestiges de Vexistence de Thomme préhistorique e7i Grèce,
par M. le baron von Dûckeb.
Me trouvant en Grèce Thiver dernier, j'ai profité de
Toccasion pour rechercher s'il existe des traces de Thomme
préhistorique dans ce pays, si favorisé par la configuration
de ses côtes et par son climat. Je fus obligé de subir la qua-
rantaine dans Tîle de Saint Georges, qui est l'ancienne île de
Platée dans le golfe de Salamine et j'y ai trouvé, sur la côte
méridionale, un amas de coquillages appartenant principale-
ment à une espèce de Murex qui est encore commune dans
la Méditerranée. Ces coquillages étaient tous brisés de la
môme façon, par des coups de pierre, pour en extraire le
mollusque. L'amas mesurait de 20 à 30 mètres de long, sur
10 à 20 mètres de large et 2 à 3 mètres de haut.
J'y fis quelques fouilles, à la profondeur d'un mètre
environ, qui me firent découvrir, au milieu des coquillages,
un assez grand nombre de pierres qui sans doute avaient
servi à les casser. J'y trouvai aussi des débris d'une poterie
très simple, décorée de stries et de points. Le savant profes-
seur d'archéologie, M. Rousopoulos, d'Athènes, la reconnut
comme étant antérieure à la poterie de l'époque historique
de la Grèce. Il y avait en outre un éclat de quartz usé, pro-
venant d'une roche étrangère à l'île.
Ces débris, accumulés sur un point, m'ont porté à sup-
poser que c'était un kjoekkenmoedding préhistorique, c'est
à dire, datant d'une période antérieure à l'histoire de la
Grèce.
Plus tard, arrivé à Athènes, j'y vis, dans la collection
— 336 —
d'uD anglais, U. Finlay, plus de 300 outila en pierre,
dont le plus grand nombre se composait de haches en
pierre polie, de pointes de flèches et de petites lames en
obsidienne. Ces haches ne surpassent que rarement la lon-
gueur de 6 à 8 centimètres sur 3 à 5 centimètres de largeur
et 2 à 3 centimètres d'épaiaseur ; l'un de leurs bords est tran-
chant, l'autre est arrondi en forme de cône.
Quant h la nature de pierres, elles sont en schiste siliceux
noir, en minerais de fer, en quartz vert, ressemblant & la
néphrite, en gneiss, et quelques-unes très petites sont même
en caméole. Ces substances sont pour la plupart connues en
Grèce : le sUex y est trte rare.
H. Finlay, qui habite la Grèce depuis la guerre de l'indé-
pendance, a commencé à recueillir cette collection, il y a
36 ans, et par conséquent il fut un des premiers qui ont
porté leur attention sur les objets de cette nature. Il a trouvé
la plupart des haches dans les mains des paysans qui y atta-
chent souvent des idées superstitieuses; d'un autre côté, il a
trouvé lui-même beaucoup d'éclats d'obsidienne dans diffé-
rentes parties de la Grèce.
Pendant mes excursions dans l'Âttique et dans l'Archipel,
je n'ai trouvé que quelques petits éclats d'obsidienne près
d'Athènes et dans 111e de Naxos. Dans une petite baie près de
la ville de Naxos, j'ai reconnu les preuves d'un soulèvement
du sol, dénoté par plusieurs terrasses superposées, représen-
tant autant d'anciennes plages. Les outils en pierre éclatée
:■ la pbiCT artiielle, msn^ i^iir \ef
— 337 —
•Tai obtenu, tant par cadeaux, que par achat, une petite
collection de haches du môme genre que celles de M. Finlay,
ainsi que des lances et des nuclei en obsidienne, provenant
de l'île d'Eubée, de la plaine de Marathon et surtout des
environs de Missolounghi.
Je regrette infiniment de ne pouvoir présenter cette col-
lection au Congrès, mais les caisses qui la renferment, par-
ties du Piréele 5 mai, ne me sont pas encore parvenues. Le
Musée d'Athènes, ainsi que MM. Rousopoulos et de Heldreich
possèdent des collections du même genre.
Le silence des auteurs classiques sur ces outils autorise à
croire qu'ils leur étaient inconnus ou du moins qu'ils ne les
appréciaient pas, et par conséquent, qu'ils peuvent être con-
sidérés comme réellement préhistoriques et datant de l'âge
de la pierre polie.
M. WoRSAAE. Nous possédons au Musée ethnographique
de Cîopenhague plusieurs objets en pierre provenant de la
Grèce. Il y a notamment de très petites haches dont le type
est particulier ; l'une d'elles se rapproche du type espagnol et
italien, mais elle diffère du type Scandinave. Je crois donc
qu'on pourrait arriver à tracer successivement, pour les dif-
férents pays, le développement des instruments pendant
l'âge de la pierre.
J'aurai peut-être l'occasion de revenir sur les différences très
prononcées qui existent entre les divers monuments de l'âge
de la pierre. Ces différences pourraient permettre de suivre
peu à peu la marche des populations de ces temps reculés,
depuis la Méditerranée jusqu'au Nord.
Sv/r des instruments en pierre provenant du Japon, par
M. le marquis de Vibra ye.
Les instruments de pierre qui font aujourd'hui l'objet de
cette note, proviennent d'envois successifs que je dois à
l'obligeance de M. le D' Savatier, médecin de !'• classe de la
marine françaîae, attaché depuis 1866 à l'areenal d'Iokoska.
L'intéressante communication, faite par M. Franks, au Con-
grès de Norwich, sur le même sujet, me dispense de rien
ajouter sur l'origine, l'usage et le symbolisme de ces objets,
qu'ils proviennent de la Chine ou du Japon. Toutefois, il n'est
pas, àmon sens, inutile de compléter, en y ajoutant quelques
nouveaux détails, les descriptions précédemment données
par von Siebold, Mohnike et M. Franks lui-même, puisque
les objets dont je présente ici la reproduction photogra-
phique, n'ont jamais éié ni vus, ni décrits'.
Les pierres travaillées, recueillies au Japon parM. Savatier
et qui font, dès à présent, partie de ma collection et de celle
de M. de Rochebrune, d'Angouléme,sont au nombre de 86.
Je crois devoir provisoirement les classer d'après leurs for-
mes et leur usage présumé : haches polies, 28; hachettes ou
très probablement amulettes en forme de haches, 32; pointes
de flèches, 17 ; pointes de lances, 2; éclats peu retouchés, 2;
objete divers, 5.
Les haches de la 1" catégorie sont de formes très variées.
Les unes peuvent être IdentiSéea à celles que nous rencon-
trons communément en Europe dans les stations, les ateliers,
et les sépultures de Tépoque aujourd'hui qualifiée de mégali-
thique. D'autres s'en écartent visiblement; au lieu d'être
régulièrement terminées en coin, elles sont plus générale-
ment tronquées au sommet. Un petit nombre se rapprochent
de la forme quadrangulaire ; ce dernier type rencontre des
diii]s coi-taiiiL's liaclies ilf pruvciiitin'o nie^icaine et
— 339 —
peine 15 millimètres de longueur, sur 7 ou 8 millimètres de
largeur. Il est évident qu'en raison de Texiguité de leurs
dimensions, elles ne peuvent avoir été d'aucune utilité pra-
tique. Plusieurs de ces hachettes sont percées d'un trou
destiné sans aucun doute à les suspendre en guise d'orne-
ment. Chez l'une de ces hachettes, que j'ai l'honneur de
présenter à l'examen du Congrès, la perforation est opérée
dans le sens de sa largeur, ce qui permettait à ce bijou de
s'étaler à plat sur le cou de son bienheureux possesseur.
Presque tous les types connus de flèches sont représentés
dans l'envoi de M. Savatier. Quelques unes sont pourvues
d'un pédoncule et de deux ailerons latéraux (PI. 13, fig. 3);
d'autres sont triangulaires avec un seul prolongement en
forme de queue (Id., fig. 4); plusieurs enfin présentent à la
base une échancrure plus ou moins profonde, sans trace de
pédoncule (Id., fig. 5 et 6); ce sont invariablement les plus
délicatement travaillées. Il existe un autre type qui paraît se
rencontrer assez communément et dont M. Franks fait aussi
mention. Ce sont des pointes allongées, fusiformes, con-
vexes et retouchées à petits coups sur les deux faces. Cette
forme passe, au moyen de nombreux intermédiaires, à la
flèche en losange, dont M. Savatier m'a fait parvenir un cer-
tain nombre de spécimens.
La pointe de lance (PI. 14, fig. 1), comme la photographie
permettra d'en juger, est fort belle et mesure 0"14 de lon-
gueur sur 0™03 de largeur. Son pédoncule, de 2 centimètres,
en est habilement séparé par deux entailles.
Je dois encore citer un éclat en silex brun passant
au jaspe, dont je ne retrouve pas la matière analogue en
Europe; il est assez finement retouché sur les bords et tran-
chant au sommet ; sa base est pourvue d'une double échan-
crure et d'un assez long pédoncule. Je ne saurais douter que
ce ne soit l'extrémité d'une lance, dont j'ai du reste dans
ma collection l'analogue en obsidienne encore pourvue de sa
hampe de bois.
Je dois encore mentioaner un instrument (PI. 13, fi^. 3),
sorte de hache épaisse en jade vert, échancrée en V renversé
dans le tiers de aa longueur; ce n'est point une arme ; c'est
peut-être un outil, ou même uue amulette.
Toutes les pointes de lances et de flèches sont en silex, en
quartz résinite, en grès lustré ; une seule est en obsidienne
noire, substance fort commune au Japon comme chacun
peut le savoir. La matière dont on a fait usage pour la
fabrication des haches, est aussi diverse que leurs formes.
Néanmoins le jade vert ou blanc prédomine. J'en possède
quelques unes en aphanite, en diorite, en pétrosiles et mâme
en obsidienne. M. Damour a bien voulu se charger d'exa-
miner celles d'un premier envoi. C'est d'après lui que j'ai
tracé le tableau suivant établissant la densité d'un certain
nombre d'entre elles.
Jade noir (n° 15) . . . 2.85
Jade noir 2.87
Jade noir 2.88
Jade bleu&tre .... 2.92
Jade brun (n" 16) . . . 2.92
Jade noir 2.94
Jade bleuâtre (n" 13). . 2.95
Jade gris 2.96
Jade brun-jaune (n" 20). 2.96
Jade vert (m 12) . . . 2.99
Jade vert-olive (n» 27) . 3.02
Diorite (a» 26) . . . . 3.04
La provenance de ces divers instruments ne saurait être
précisée.Toutesles haches et hachettes furent acquises à Yédo,
sur l'indication de M.Shioda Sabouro, interprète de la léga-
tion françai.se. ha aériL^ do fit-che-s provient ('gaiement d'Yédu
— 341 —
raison de l'ignorance où nous sommes de l'histoire de ce pays ,
un synchronisme , fut-il provisoire , est plus diflEicile à éta-
blir que partout ailleurs. M. Franks cite les livres de Confu-
cius en ce qui concerne la Chine; au Japon, M. Savatier n'a
pu se procurer que des renseignements extrêmement vagues.
M. Shioda lui répétait souvent « que ces armes étaient fort
« anciennes, mais bien certainement de fabrication japo-
« naise ; qu on les trouvait rarement sur le sol, plus souvent
« dans les anciens tombeaux; que toutefois elles étaient
« encore en usage dans certaines provinces du Nord et dans
« les lies Kourilles. Il ajoutait que du reste, au Japon, on
« savait parfaitement distinguer les pierres anciennes de
« celles encore en usage ou récemment fabriquées : les pre-
« mières seules étant un objet de superstition et recherchées
« des collectionneurs. »
Ces documents beaucoup trop vagues et superficiels, dif-
fèrent peu de ceux fournis par M. Franks d'après les recher-
ches de von Siebold et du docteur Mohnike.
Je dois parler, en terminant, de deux vases trouvés
dans la province d'Owari ou de Choshiou. L'un, d'une pâte
et d'une fabrication assez grossières, paraît avoir été façonné
complètement à la main. Il est dépourvu d'ornements ex-
térieurs et ne manque pas d'analogie, par sa base arrondie
très ventrue, par la forme de sa large ouverture , avec cer-
tains produits céramiques trouvés dans les stations lacustres
de Suisse et d'Italie. Quant au second (PI. 13, fig. 1), il
est très différent de ce que nous connaissons en Europe;
peut-être se rapprocherait-il davantage des poteries péru-
viennes ou mexicaines. H présente également une base con-
vexe, mais il est très comprimé sur les faces et terminé par
un goulot s'évasant en entonnoir. Ce dernier vase est pourvu
de deux anses; sa pâte est plus fine que celle du premier.
Extérieurement, il offre des boursouflures dues sans doute à
la cuisson. Il est orné de stries fines régulièrement concen-
triques semblant indiquer qu'il aurait peut-être été fait au
22
- 342 -
tour. Je dois ajouter qu'il offre des traces évidentes d'une
couverte vitrifiée.
Les anciens tombeaux japonais ont encore fourni, à
M. Savatier, trois objets de parure. Ce sont : 1" un petit
cylindre en jade verdâtre semi-opaque, transpercé dans le
sens de la longueur; 2" une larme, également perforée, d'un
beau poli, dont la matière appartient au quartz enfumé;
3* un anneau de cuivre rouge, non fermé comme on peut
l'observer pour la plupart des torques ou bracelets de l'ère
celtique ou même gauloise et gallo-romaine.
J'ai hâte d'en finir avec ces descriptions qui devien-
draient fastidieuses en se prolongeant. Aussi bien tes pho-
tographies que j'ai l'honneur de mettre sous les yeux du
Congrès, devront très utilement y suppléer et feront plus
rapidement apprécier la forme de ces différents objets, re-
cueillis avec un zèle infatigable par M. Savatier, pendant
le cours des six années de son séjour au Japon. Je fais des
vœux pour que ses recherches ultérieures se montrent de
plus en plus fructueuses et permettent enfin de soulever le
voile qui nous dérobe, au Japon, comme sur tant d'autres
points de la surface du globe, l'histoire encore inédite de
nos ancêtres. Si, d'une part, tes sciences préhistoriques
doivent quelque reconnaissance à M. Savatier, je ne doia
pas laisser ignorer, en terminant, qu'il a doté la science de
manuscrits et A'Ico-nes japonais très importants pour la bots-
nique et la conchyliologie, de précieux herbiers et qu'il
— 343 —
d'assez nombreuses pointes de flèches et de lances en pierre
rencontrées au sud de Buenos Ayres sur différents points du
Rio Negro, et dans d'autres provinces de la Confédération
Argentine, notamment dans la province de San Juan. J'ai
vu des pointes de flèches semblables dans cette province au
pied des Cordillères, près d'un ancien village indien, nommé
Caligasta.
C'est M. Darwin qui, le premier, parle de ces pierres tra-
vaillées par nos Indiens (voir son Voyage, vol. I, à la fin du
chapitre V), en disant qu'il avait vu, entre les mains d'un
soldat, un silex taillé ressemblant à une pointe de flèche, et
que ce soldat lui avait dit qu'on trouvait des pierres sem-
blables dans l'intérieur du pays, près de l'île Colechel, formée
par un des bras du Rio Negro.
Plus tard, mon ami, M. P. Strobel, a donné, avec des figu-
rcs exactes, une description de quelques unes de ces pierres
travaillées 1 qu'il avait trouvées près du village El Carmen,
dans la partie septentrionale du cours du Rio Negro, en un
lieu nommé : Paradero de Aquirre.
Nous possédons, au Musée de Buenos Ayres, des instru-
ments semblables, provenant d'une localité voisine, qui
paraît être un cimetière indien d'une époque antérieure à la
conquête espagnole. Ce cimetière se trouve au sud d'un
autre village appelé Mercedes, situé vis à vis de El Carmen,
sur la rive méridionale du Rio Negro, entre ce village et
une chaîne de petites collines, distante de deux lieues de la
rivière. On y voit un nombre considérable de squelettes
d'hommes, de femmes et d'enfants, les uns régulièrement
déposés dans une position longitudinale, les autres jetés
pèle mêle dans une grande fosse commune. A ces squelettes,
sont mêlées des pointes de lances et de flèches, ainsi que
quel(|ues autres objets de l'ancienne industrie de ce peuple.
Les pointes de flèches sont en pyrite de diverses variétés et
1 Second fascicule de ses : Materialidi Paletnologia comparata, Parma.
Décembre 1868.
— 344 —
assez différentes entre elles par leur forme. Un jeune homme
de mes amis, M, François Moreno, a extrait, de la rielie
collection qu'il possède, une douzaine de ces pointes, qu'il
m'a données pour les envoyer au Congrès international.
Nous possédons, au Musée de Buenos Ayres, les mômes
formes. Quelquefois les instruments, un peu plus grands, ont
2 1/2 pouces de long. Deux d'entre eux méritent une des-
cription particulière.
L'un est un silex gris, assez clair, très bien travaillé et
terminé parune pointe très fine. Sa longueurest de 1 pouce 3/4.
La pointe a quatre angles, deux plus aigus sur les côtés et
deux autres aux tacea supérieure et inférieure, s'élargis-
simt à la base en deux ailes divergentes, qui sont plus fai-
bles, plus laides et régulièrement arrondies à l'extrémité. Ces
instruments sont assez rares; nous n'en possédons que deux
au Musée, mais ils ont absolument la môme forme.
Le silex de l'autre est un peu plus jaune; il est également
taillé en pointe, mais sans ailes dans le bas et par conséquent
plus court (3/4 pouce de long). Il me paraît être une pointe
de la même forme que les précédentes, mais qui aurait été
n n'y a aucun doute que ces pointes, faites avec les ro-
ches que la rivière voisine roule dans son lit et qu'elle a
transportées de la chaîne des Cordillères, étaient attachées au
moyen d'une forte ligature àrextrémité d'un morceau de bois
fendu.
— 345 —
Un écrivain allemand, Ullrich Schmidt^ qui accompa-
gnait don Pedro de Mendoza en 1535, dans sa grande expé-
dition au Rio de la Plata, a écrit les aventures de son séjour
de 20 ans dans ce pays. Il dit positivement que les Indiens
ont brûlé les navires et les maisons du premier établissement
de Buenos Ayres au moyen de leurs flèches, auxquelles ils
avaient attaché des substances enflammées. Il est vraisem-
blable que leurs lances et leurs flèches étaient faites sur le
même modèle qu'aujourd'hui, c'est à dire, qu'elles avaient
aussi une tige en roseau, mais plus mince que celle de
leurs lances. Ils se servaient sans doute à cet effet de la
grande graminée très commune dans tous les marais des
Pampas et nommée actuellement par les indigènes : FoUoras
(Gynerium Neesii).
On trouve encore dans la môme localité, outre ces pointes
de flèches, quelques autres objets de l'industrie des Indiens,
et, principalement, de grandes pierres granitiques de 1 1/2
à 2 pieds de diamètre, sur une des faces desquelles est
creusé un petit bassin. A ces grandes pierres, sont mêlées
d'autres plus petites et de même substance, de forme ronde et
plate, comme un petit fromage. Elles ont 4 pouces de dia-
mètre. On croit généralement ici que deux pierres réu-
nies formaient une sorte de moulin. Une petite, à laquelle
on imprimait, avec les mains, un mouvement de rota-
tion dans le creux d'une grande, aurait servi à moudre les
grains de maïs. Mais cette hypothèse me paraît peu vrai-
semblable, car les Indiens de l'époque antérieure à la con-
quête espagnole ne connaissaient pas \^ culture des plantes
alimentaires, et vivaient exclusivement de la chasse et de la
pêche ; comme le dit positivement, pour tous les Indieas du
Paraguay méridional, Ullrich Schmidt dans son ouvrage,
c'est dans notre région seulement qu'on trouvait des Indiens
se nourrissant de substance végétale.
> Nommé généralement Schmiedel, à cause d'une erreur du premier
traducteur de son ouvrage publié à Nuremberg en 1558.
Ud autre ustensile de ménage des ancieus Indiens, re-
cueilli 8U milieu des squelettes, est une grande coquille, du
genre Volute, très commune sur la côte voisine. Les Indiens
s'en servaient comme d'une coupe, et chacun d'eux en trans-
portait toujours une avec lui. Aujourd'hui encore, les Indiens
de la Patagonie, descendants de ceux qui vivaient & l'époque
de la conquête espagnole, n'ont pas d'autre récipient.
Mesures de quatre tites d^aneietts Indiens.
DÉSIGNATION.
I.
II.
lil.
IV.
Hauteur ilu crâne entre le condj-le
-occipital et le sommet. . . .
Diamôtra transversal leplnsgrand
entre les os pariétaux. . . .
Diamâtre longitudinal entre la
glabelle et l'ocoipiUl . . . .
Diamètre transversal antre les
arcs îj-gomatiques
Dianëtre transversal du front au
dessus de Tarcade aourcUiôre .
Longueur du palais
Largeur du mCme avec la qua-
trième mâcheliére
Diamètre Iranoversal do la face
0 150
0 164
0 133
0 0»
0 055
0 ow
0 1(13
0-153
0 13S
0 ne
0 133
0 OM
0 058
0 062
U 10-1
0">I39
0 136
0 100
0 13S
0 005
0 058
0 088
0 lU-J
o-^isa
0 133
0 175
0 122
0 0g5
0 053
0 060
^M
— 347 —
Un crâne de ces anciens Indiens a une forme extraordi-
naire (crâne I du tableau), et pour mieux prouver son carac-
tère exceptionnel, je joins à ses mensurations, celles de trois
autres crânes (crânes II, III et IV) de notre Musée.
La figure régulière du crâne des Indiens en question est
celle relevée sous le n" II; les mensurations du n" I montrent
un crâne remarquablement court et large, et le n? III, un
crâne très allongé en arrière et comprimé sur les côtés. Le
n** IV doit être celui d'une femme, parceque ses contours sont
plus délicats, les os plus minces, les dents moins fortes et
toutes ses dimensions plus petites. Il a presque exactement
la même hauteur que les autres. Le crâne n° III, le plus
allongé, est un peu plus aplati que les autres, probablement
à cause de son grand développement en arrière.
On peut admettre que la manière de vivre de ces Indiens,
principalement en ce qui concerne leurs habitations et leurs
vêtements, était la même que celles des Indiens modernes de
la Patagonie.
Ceux-ci ont Thabitude de s'entourer la tête d'un fort ban-
dage. Il me paraît vraisemblable que cette coutume existait
aussi chez leurs prédécesseurs, ce qui pourrait peut-être
expliquer la difformité exceptionnelle des crânes dont je
viens de parler. Je ne doute pas que les deux crânes n^'Iet III
n'aient été déformés artificiellement, et qu'ils ne représen-
tent en aucune façon la forme normale du type.
A la seconde catégorie d'objets ayant uniquement servi
aux Indiens de notre pays, appartiennent les grandes urnes
en poterie, qu'on trouve au nord de Buenos Ayres, dans les
lies qui sont à Tembouchure du Rio Parana, en face du
village Las Couchas. Ces îles sont des dépôts formés dans
la rivière et elles sont placées à un niveau si bas, que, par
certaines années, quand il se produit des crues un peu consi-
dérables, elles sont complètement inondées. La plupart de
CCS îles portent de grands saules au moins sur leurs bords.
On a découvert, dans l'une d'elles, un cimetière indien d'une
- 348 —
construction toute différente du précédent. Les squelettes
y sont déposés non pas dans la terre même, mais renfermés
dans de grandes urnes. Le travail de celles-ci est si complète-
ment exécuté dans les règles de l'art du potier, qu'il esta peine
croyable, qu'elles étaient fabriquées par un peuple aussi sau-
va^ que les anciens Indiens.
La matière de ces urnes est une argile plastique noire,
ayant subi une cuisson très superficielle; leurs surfaces ont
seules été à peine roupies par le feu. Cette cuisson incomplète
fait que ces urnes se brisent presque toujours, quand on les
sort de terre : celle-ci étant constamment imbibée d'eau. Sur
une centaine, une seule, jusqu'à présent, a pu être retirée in-
tacte; elle est en possession d'un négociant français, M. Ra-
mus, qui m'a permis de l'examiner dans le but de recons-
truire, BU moyen des débris conservés au Musée, la forme
générale de ces vases. L'urne complète a 18 1/2 pouces de
hauteur et un diamètre de plus de 22 1/2 pouces; elle
est parfaitement circulaire, comme eut pu la façonner
un habile ouvrier. La partie inférieure se rétrécit peu à peu
jusqu'à 3 pouces de sa base ; mais la partie supérieure s'in-
fléchit plus rapidement vers lecentre, de manière à former une
sorte de col de 2 pouces de hauteur, laissant une ouver-
ture de 10 1/2 pouces de diamètre, terminée par un rebord
de 1 1/3 pouce de haut. Ce rebord, le col et la surface su-
périeure de l'urne sont peints en blanc, et décorés de lignes
rouges, formant des demi carrés emboîtés l'un dans l'autre.
— 349 —
entre les bras sur la poitrine, les genoux relevés à la hau-
teur de la tête; mais ces squelettes sont si complètement
décomposés par l'influence de l'eau, qui inonde ces terrains,
qu'il est impossible de conserver un os complet, et encore
moins une tête.
Les urnes devaient différer entre elles jusqu'à certain
point, et être probablement de diverses grandeurs. Nous ne
connaissons malheureusement rien d'exact sur ces diffé-
rences, parce que tout les spécimens sont brisés. Nous en
conservons cependant, au Musée de Buenos Ayres, des débris
nombreux qui me permettent de prouver, que la forme était
généralement la même : les détails seuls variaient. Toutes
paraissent avoir eu un col qui, chez quelques unes, semble
avoir été privé du rebord saillant. La plupart des débris que
nous possédons ont un demi pouce d'épaisseur. Nous en
avons d'autres qui ont seulement un quart de pouce, tandis
que quelques uns ont presque un pouce d'épaisseur.
Le genre de décoration extérieure est aussi varié; la
peinture y est plus rarement employée que les sculptures
rudimentaires. Nous possédons beaucoup de débris dé-
corés en bas-reliefs représentant des ondulations ou des
écailles.
n me semble que la coutume de déposer les mort.s dans
des urnes, était pratiquée chez beaucoup d'anciens Indiens
habitant au nord de Buenos Ayres. Je sais, par un ami,
qu'on a trouvé, dans la province de Tucuman, au fond d'un
précipice, deux urnes toutes semblables à celles-là, mais ces
urnes, qui étaient en parfait état avec leur squelette à l'in-
térieur, ont été détruites par des gens ignorants. Un autre
de mes amis m'a dit que dans la province de Rioja, on
trouve quelquefois des corps d'Indiens enfermés dans une
sorte de corbeille et dans la môme position que ceux dé-
posés dans les urnes. Ces corbeilles sont, paraît-il, toujours
placées dans de petites cavernes naturelles sur des monta-
gnes d'une altitude considérable.
— 350 —
On sait que le climat des provinces occidentales du nord
de la République Ai^entiue est très sec, ce qui permet de
conserver les morts sans le secours d'aucun art. Il en est de
même en Bolivie et au Pérou, où ces momies naturelles se
conservent en grand nombre. Mais dans les provinces orien-
tales, où les pluies sont abondantes, on était forcé d'enfermer
les morts dans des urnes, et cet usage s'étendait jusque dans
le voisinage de Buenos Ajres.
Quoique cett« communication ait un caractère assez som-
maire, mes autres études ne me permettant pas de m'occu-
per spécialement des objets en question, j'ai cm devoir
envoyer ces notes au Congrès international, dans l'espoir
que les savants qui s'occupent de Ces sortes de recherches,
pourront prendre quelque intérêt à des observations qui
auraient pu échapper à leur attention à cause de l'éloigne-
ment des contrées où elles ont été faites.
M. CoTTEAU met sous les yeux du Congrès trois silex,
taillés en forme de scie et recueillis à la surface du sol, par
notre confrère, M. Salmon, à Coulours, aux environs de
Brienon (Yonne).
Ces instruments, moins finis et moins délicats que ceux
qu'on rencontre dans les cavernes du Périgord, présentent
ce singulier caractère (jue les dents sont formées par des
éclats enlevés alternativement k droite et à gauche. Leur
forme générale, leur aspect et la physionomie des cassures
et des r-tuiirlL.'s foi.t ]k-h^c\- k M. Cnlto;
— 351 —
remarquer que les dents de ces scies sont trop fraîches pour
être anciennes. J'y vois l'œuvre d'un faussaire qui, pour
fabriquer ces instruments, a utilisé un ancien éclat de
silex.
M. CoTTEAU. Il est possible que les objets aient été pris h
la surface du sol. Quoiqu'il en soit, il n'en est pas moins
établi que ces scies ont été taillées par la main de l'homme,
et jusqu'ici des instruments de cette forme n'ont pas encore
été signalés.
Sur les Mclies en néphrite et en jadéite, par M. Desob.
L'âge de la pierre polie a été étudié d'une maiière si
complète, qu'on peut dire qu'on en connaît l'économie géné-
rale. Aussi je ne veux vous parler que d'une espèce particu-
lière de hache, des haches en néphrite et en jadéite. Comme
on le sait, la jadéite diffère de la néphrite uniquement en ce
que la magnésie y est remplacée par l'alumine.
Les haches de cette espèce ne sont pas nombreuses et sont
en général très petites. Souvent elles n'ont que 2 ou 3 cen-
timètres de diamètre. Elles sont taillées avec beaucoup de
soin et l'on voit, à la manière dont elles sont enmanchées,
qu elles devaient être des objets précieux.
Si l'on additionne toutes celles que l'on connaît en Suisse,
on arrivera peut-être à 2 ou 3 douzaines, en comptant les
plus petits morceaux. Je me suis enquis de leur fréquence
ailleurs et j'ai appris qu'il n'en existe point dans le Nord, à
l'exception d'une seule pointe de flèche que j'ai vue à Copen-
hague et qui doit provenir du Groenland. Il est remarquable
qu'on n'en trouve pas en Allemîigne, où les fouilles ont cepen-
dant été pratiquées avec tant de soins, et je doute fort
qu'elles soient nombreuses en Italie. C'est le long des Alpes
qu'on en découvre le plus, depuis le lac de Constance jus-
qu'au lac du Bourget, et, d'après ce que vient de me dire
— 352 —
M, Cartailhac, on en trouve anssi dans le midi de la
France.
Ce qui est certain, c'e8t que la néphrite et la jadéite con-
stituent une roche qui est assez abondante en Orient, spécia-
lement en Chine, où on la tient en grande estime ; on la
trouve aussi en assez grande abondance , à ce qu'il parait,
dans la Nouvelle Zélande.
Un chimiste suisse, M. de Fellenberg, s'étant chargé de
faire l'analyse comparative d'une hache en néphrite, trouvée
dans le lac de Neuchâtel, et d'une espèce de serre-papier
qui provenait du palais de l'Empereur de Chine, a constaté
que ces deux objets présentaient exactement la même com-
position. On devait dès lorg se demander si les haches qu'on
trouve en Europe n'y ont pas été apportées par un ancien
commerce avec l'Orient, Ou s'est arrêté un instant à cette
solution, qui n'est cependant pas aussi satisfaisante qu'elle
le parait au premier abord. Il est difficile, en effet, de se
représenter un commerce avec l'Orient qui n'aurait apporté
que ces pierres et qui aurait laissé de côté tant d'autres
objets qui, par leur beauté, leur richesse, leur éclat, sont
beaucoup plus de nature k séduire l'œil que ces pierres. Tels
sont l'or, les rubis, l'ivoire, etc. Pour ma part, je n'ai pu
admettre une hypothèse aussi peu vraisemblable, et pendant
longtemps j'ai pensé, avec M. de Mortillet, que ces roches
devaient se trouver dans les Alpes mômes. Mais voici tantôt
vingt ans que nous cherchons sans rien découvrir.
— 353 —
dit n*avoir découvert aucun gisement auquel on peut attri-
buer la pierre de nos haches.
Que faut-il donc conclure de tout cela? Voici une expli-
cation que je donne à défaut d'une meilleure.
Je me demande si, étant donné, d'une part, que ces roches
n'existent ni dans les Alpes, ni dans les dépôts erratiques,
et, d'autre part, qu'il est difl5.cile de comprendre comment
elles auraient été amenées par le commerce , je me demande,
dis-je, s'il n'est pas permis de se poser cette question : Ne
seraient-ce point des objets apportés par les populations de
l'Orient elles-mêmes, lors de leurs plus anciennes immigra-
tions? Ne seraient-ce pas des reliques des temps anciens? Il
faut une solution à la question, et il me semble que celle-ci
en vaut une autre. Seulement, j'ai presque peur de l'articuler,
parce qu'elle donnerait à ces objets une valeur telle qu'il
faudrait les tenir sous clef.
Les haches que je présente aux membres du Congrès, sont
les plus beaux spécimens qui existent. La plus grande n'est
pas aussi bien taillée, ni aussi achevée que l'autre, dont la
tranche est extraordinairement finie et soignée. Un des
caractères de ces haches, c'est que l'un des côtés est plat et
que l'autre est généralement bombé. Ce caractère n'est pas
propre seulement aux haches que je tiens ici; je l'ai con-
staté également dans des haches faites des roches ordi-
naires.
L'on me demandera peut-être si ces haches étaient des outils?
Je ne le crois pas. Ces objets me paraissent plutôt avoir été
des armes de parade et ce qui me confirme dans cette opinion,
c'est qu'on les retrouve toujours intacts : je n'en ai jamais
vu qui fussent ébréchés.
Ma conclusion que j'émets à défaut d'autres, est donc
celle-ci : Ces haches, vu leur petit nombre, vu leur admira-
ble état de conservation, sont des reliques des temps les plus
anciens; elles ont été apportées d'Orient par les premiers
colons qui ont succédé aux peuplades de la pierre taillée.
- 354 —
M. DE MoHTiLLHT. M. Desor vient de vous montrer des
haches qui out réellement excité la curiosité de tous les
hommes compétents. L'origine de ces haches est un problème
qui nest pas encore résolu ; mais je crois que dans son
exposition même M. Desor nous a, jusqu'à un certain point,
indiqué la voie qu'on doit suivre pour arriver à une solution.
11 a expliqué que cette admirable néphrite travaillée ne se
trouve que dans la région des Hautes Alpes. Effectivement,
ces haches ne se rencontrent que dans ces régions. Mais il
en est de la néphrite comme de tous les autres corps natu-
rels, comme de tous les genres; il y a des espèces et des
variétés. De même qu'il y a des bœufs de différentes espèces,
de même la néphrite et la jadéite ne sont pas toujours les
mêmes; elles ont des caractères variés.
La jadéite de la hache que M. Desor nous a montrée et qui
est réellement le plus beau spécimen qu'on connaisse, n'a
éfé découverte, comme il l'a dit, que dans les Hautes Alpes.
Mais lorsque vous sortez de ces régions, vous observez cepen-
dant encore de la jadéite ; seulement elle a un autre carac-
tère. Ainsi, dans le midi de la France, on trouve aussi des
spécimens de cette substance, mais elle est impure et n'a pas
la transparence de celle qui vient de vous être soumise. Elle
a la même composition chimique, mais, pour le minéralogiste
qui tient compte des caracteres physiques, elle offre de nom-
lireuses variétés. Ces haches en jadéite impure, presque
opaque, sont fort nombreuses dans le midi de la France et
iLm-;],- ii..rd ,lo rit;ili,.'. Tnutv h LÎL-iirir, ti.uH-.- \.-< Allies
— 355 —
variétés. Ainsi encore, on a trouvé, dans la forêt de Sénart,
de magnifiques haches en jadéite qui était de la jadéite pail-
letée. La jadéite pailletée suit la vallée de la Somme et
remonte môme, je crois, très près de la Belgique, puisqu'on
en a trouvé dans le Pas de Calais. Si cette jadéite avait été
apportée de loin, je crois qu'elle ne serait pas aussi répandue
sur notre sol, puisque chaque région en a présenté une
variété différente de celle qu'on rencontre dans les lacs de
la région alpine. Nous n'avons pas encore rencontré leurs
gisements, cela est vrai, mais tout espoir n'est pas perdu. Il
y a beaucoup d'autres roches pour lesquelles le môme cas
s'est présenté. Tout d'abord, on n'avait pas rencontré des gise-
ments qu'on a fini par découvrir. Il est probable qu'il en
sera de môme pour la néphrite et la jadéite, car je ne crois
pas que les populations anciennes, dans leurs émigrations,
aient cru devoir se charger d'une masse de pierres.
M. Desor. Il n'y en a pas tant.
M. DE MoRTiLLKT. Il y cu a assez bien. Je reconnais
qu'elles sont assez rares en Allemagne, mais je pense que dans
les régions dont je vous parle, en Italie, en Suisse, en
Espagne, en France, en Belgique, en Angleterre, où elles
sont assez nombreuses, on finira par découvrir les gisements
dont on a tiré les matières premières.
M. DE QuATREFAGKS. Daus cos problèmes difficiles que
nous pose la civilisation de l'âge de la pierre, je crois que
nous pouvons quelquefois recueillir des renseignements en
examinant ce qui existe encore chez les peuples sauvages.
Pour le cas qui nous occupe, en présence de l'insuccès des
recherches faites jusqu'ici, pour retrouver les gisements d'où
aurait pu être retirée la matière de ces haches, je ne vois
aucune raison sérieuse à opposer aux hypothèses qui ont été
posées avec tant de réserves par M. Desor; je reconnais que
ces (luestions si difficiles nous imposent une certaine pru-
dence, mais on peut au moins voir dans quelle voie les re-
cherches peuvent être poussées.
- 356 -
M. Desor s'est demandé comment il serait possible de sup-
poser que le commerce ait amené chez nous ces pierres, ces
haches, ce jade, alors qu'il n'y avait apporté ni or, ni rubîs.
Je ferai remarquer que, pour les sauvages, la jadéite avait
beaucoup plus de valeur que l'or, le rubis, ou le diamant.
C'était le fer qui avait pour eux, lorsqu'ils se sont trouvés
en contact avec les Européens, une tout autre valeur que les
métaux précieux si recherchés par noua. Nous savons le
prix énorme que certaines populations attachaient à cea
petits outils qui ne sont pour nous que des curiosités ; nous
savons qu'il s'est élevé, chez des nations qui existent encore
aujourd'hui, des guerres pour leur possession. Dans la Nou-
velle Zélande, des tribus entières ont été attaquées et dé-
truites, parce qu'on voulait s'emparer d'un de ces outils. Je
ne vois donc aucune difficulté b. admettre que les premiers
peuples venant de l'Orient aient apporté avec eux ces objets
en néphrite et en jadéite, ces outils qui, à leurs yeux, avaient
tant de prix.
M. ScHAAFFHAUSEN. Je ne veux ajouter qu'une simple
observation à ce qui vient d'être dit. Le Musée de Bonn pos-
sède un très beau spécimen de hache eu jade. Cette hache
est comme neuve; elle est extrêmement polie et ne paraît pas
avoir servi. On l'a trouvée parmi des antiquités romaines. Il
y a d'autres haches semblables au Musée de Mayence; celles-
ci ont été découvertes au milieu d'anciennes fortifications
romaines. C'est pour cela que je les considère comme ayant
1 iliTuièro ixTi'j(ki Jl' Và'r<f de l;i ])ierre. Ji-
— 357 -
jadéite qui, du reste, se trouve en assez grande abondance
en Italie.
M. l'abbk Delaunay. M. Desor croit que les haches en
jadéite sont très rares en France. Cependant dans notre
modeste collection de Pont Levoy, nous en avons plusieurs.
Ces haches en jadéite ont différentes formes. Il y en a qui
ressemblent un peu à celles -qui ont été présentées au Con-
grès; mais d'autres sont absolument semblables aux haches
jJolies en silex, bombées des deux côtés. Nous en avons
trois de cette forme. Dans le département de Loir et Cher,
on a trouvé une trentaine de haches en jadéite, sans parler
de celles qui existent dans la remarquable collection de
M. de Vibraye.
J ai pensé que ces remarques pourraient peut-être modifier
les observations de M. Desor et ses conclusions.
M. L AGNEAU. Les haches de jadéite ne se rencontrent,
d'après M. Desor, que dans une région très limitée de TEuropô
occidentale. Comment, si M. Desor croit à leur importation
par des peuples asiatiques, ne s*en trouve-t-il pas dans les ré-
gions intermédiaires à TAsie et à notre Occident, régions que
ces peuples auraient dû parcourir pour se rendre dans le
voisinage des Alpes? Vu les conditions géographiques, les
peuples préliistoriques ont dû vraisemblablement suivre les
mômes voies que suivirent plus tard les peuples des temps
historiques, c'est à dire, les bassins du Dniester, du Dnieper,
du Danube, ou les régions septentrionales. Or, jusqu'à plus
ample exploration archéologique, ces régions, d'après M. De-
sor, ne sembleraient pas présenter de ces objets en jadéite.
M. Leemans. Je me permettrai de faire une observation
au sujet du transport d'objets en jadéite ou en néphrite, pen-
dant les temps préhistoriques, dans l'Asie méridionale, en
Europe et particulièrement en Suisse.
Est-il bien certain que les deux haches apportées de la
Suisse par M. Desor, aient été trouvées dans la môme couche
que les objets provenant des habitations lacustres du lac de
23
- 358 —
Neuch&tel? La personne qui a donné ce» haches à M. Desor,
en a-t-elle fait elle-même la découverte et cette découverte
ne serait-elle pas elle-même sujette k caution? Il est arrivé
souvent, en effet, que des objets de provenance et d'antiquité
tout à fait différentes avaient été réunis par mégarde et con-
sidérés comme appartenant à une même trouvaille.
Dans la belle collection de Majence, on voit deux outils
eD bronze que M. Lindenschmidt indique, dans son ouvrage,
comme ayant été trouvés en Allemagne et qui, il l'a reconnu
lui-même plus tard, doivent être considérés comme provenant
de Java. Ces outils furent acquis avec d'autres objets à la
mort d'un fonctionnaire, qui avait passé quelques années
dans cette lie au service du Gouvernement néerlandais .
On sait encore qu'un illustre explorateur de l'Egypte, un
égyptologue distingué, a trouvé dans un tombeau du temps
des Psammétique, qui n'avait jamais été ouvert, des flacons
en porcelaine portant des caractères chinois. Ces caractères
offraient, comme il a été constaté ultérieurement par les
orientalistes, des citations d'un poète chinois qui vécut quel-
ques siècles après Jésus-Christ, Les flacons avaient donc été
déposés dans le tombeau par les Fellahs employés par notre
explorateur, pour l'aider dans ses fouilles. On pourrait multi-
plier ces exemples, et il ne serait peut-être pas impossible de
s'expliquer ainsi la présence en Suisse de deux haches en jade.
L'une de celles-ci présente une forme tout à fait analogue
à celles que l'on trouve en abondance à Java. Or, on sait
1 .-iviiid mmiliiv d,.' .■:-:],hiU de l'ann,',, juV-rl-iiidnirie
— 359 —
Des haches en jadéite ou néphrite se rencontrent à Java,
quoique phis rarement que celles faites avec d'autres ma-
tièras. La riche section d'antiquités javanaises du Musée
archéologique de TEtat à Leide en possède quelques exem-
plaires. Toutefois il est très remarquable qu'une des haches
apportées par M. Desor, présenta un des types spéciaux et
caractéristiques de ces objets dans l'île de Java. A cette
occasion, je pourrai, sans trop m'éloigner du sujet en ques-
tion, mentionner le Yucatan, au Mexique, comme un des
pays dans lesquels le jade ou la néphrite a été connue an-
ciennement. Une personne de ma connaissance, habitant
Amhem, possède quelques objets trouvés lors du creusement
d'un canal à une très grande profondeur dans le Yucatan.
Trois de ces objets, dont le Musée néerlandais possède le
fac simile, sont travaillés dans cette pierre et sont remar-
quables, tant par leur forme que par le fini de leur exécution.
L'un est une sorte de coin ou de hache large et arrondie vers
la tranche et se rétrécissant vers l'autre bout. La longueur
est d'environ 0'"20 ; la partie inférieure ou la tranche, de
O^OS à 0'"06; l'épaisseur vers le centre est à peu près
de O'-OOS.
L'autre objet est une plaque oblongue, un peu arrondie
aux quatre coins, longue d'environ 0™25, large de O^OS à
0"*10 et d'une épaisseur d'environ 0™005. L'une des faces
porte l'image d'une divinité, l'autre, une inscription en carac-
tères mexicains hiéroglyphiques. Le troisième objet repré-
sente une petite tête humaine, ayant servi probablement
d'ornement ou d'amulette.
Sur les haches en jadéite découvertes en Belgique,
par^l. G. Hagkmans.
M. Desor a fait une très intéressante communication sur
les hj^ches en jadéite qui se trouvent en Europe. En énumé-
rant les différents pays où l'on a découvert ces rares et
curieux instrumenta, il a négligé de citer la Belgique. C'est
à ce sujet que j'avais demandé la parole. Des haches en
néphrite ou jadéite se sont en effet rencontrées dans notre
pays, mais, il est vrai, en nombre très restreint. J'en
citerai deux exemplaires qui se trouvent au Musée royal
d'Antiquités,
L'une d'elles est de dimensions et d'une beauté remarqua-
bles. Elle avait déjà vivement attiré l'attention d'un savant
du siècle dernier, Burtin, médecin conseiller du duc Charles
de Lorraine, qui l'a décrite et figurée dans son Oryetogra-
phie de Bruxelles ou description des fossiles tant naturels
qu'accidentels, découverts jusqu'à ce jour (1784) dans le.i
environs de cette ville.
n commence, à propos de cette hache, par faire quelques
réflexions générales sur les instruments en pierre, et comme
il est assez intéressant de connaître l'opinion des savants de
cette époque sur cette matière, je me permettrai de citer les
lignes suivantes : • Quoique les haches de pierre, dit Burtin,
< qui ne doivent leur forme qu'à la main des hommes, sem-
« blent, au premier abord, ne pas faire partie des objets
• relatifs àl'oryctogpaphie, leur substance pierreuse, le lieu
« où on les trouve et surtout leur rapport singulier avec
■ l'histoire physique et morale de notre globe leur assignent
« à juste titre une place ici. »
11 cite ensuite Walleriua, qui range ces instruments parmi
les pierres fgurées artificiellement {lithoglyphi figurait arte
— 361 —
Mais pour en revenir plus particulièrement à la hache de
jadéite , voici ce qu'il en dit ; « Cette hache a étë trouvée
« dans la carrière du moulin de Loo (commune deDieghem),
« qu'on exploite aujourd'hui. Les moellons de pierre à chaux
•< qu'on en tire sont disposés régulièrement sur un même
« plan, mais ils laissent entre eux assez d'espace pour prou-
H ver qu'ils n'ont jamais fait corps ensemble. Avant d'y par-
« venir, on rencontre une couche assez épaisse de sable pur,
« entremôh^e de quelques veines de sable chargé de terre
« calcaire, qui fait aussi les séparations entre les couches des
« moellons, dont on n'en tire que trois, parce qu'on y ren-
• contre l'eau à moins de 19 pieds de profondeur; encore la
« dernière couche s'exploite sous l'eau. On trouve dans les
0 trois couches, soit entre les pierres, soit dans les pierres
a mêmes, des pétrifications d'une conservation parfaite, dont
« plusieurs des plus intéressantes. Telles sont la tortue, des
a huitres, des tarets de différentes espèces, des cocos ^ des
a nautilites, etc. Notre hache de pierre y a été trouvée en-
ci castrée dans la partie inférieure d'un moellon de la troi-
« sième couche. »
« Cette situation, sous trois couches de pétrifications, est
cr intéressante. Elle mène, ajoute l'auteur, à des conséquences
« si singulières, en un mot, elle en dit tant à l'homme qui
« pense que j'ai cru devoir prendre les précautions les plus
« minutieuses ])our la vérifier. Heureusement que les trois
(t ouvriers qui travaillaient dans la carrière, lors de cette
« découverte, sont encore tous vivants et prêts à en attester
« la réalité à ceux qui le désireront. »
Ceci ce passait en 1784 et il est à croire que les ouvriers
cités ne pourraient plus rien venir attester du tout. Mais, par
miracle, vécussent-ils encore, ils ne jDourraient venir nous
prouver que l'homme vivait h l'époque éocène, ainsi que ten-
drait à le démontrer la description que je viens de rappeler.
* Fruits rapportés aujourd'hui au genre Nipaditcs.
Aussi, comme le fait, à juste titre, remarquer le majoF
Le HoD , dont la science déplore si vivemeut la perte, ■ il faut
que les ouvriers aient trompé Burtin. »
Je n'ajouterai qu'un mot au sujet de cette découverte,
c'est qu'à Bieghem, où cette hache a été recueillie, on a
trouvé beaucoup d'objets de l'^e de la pierre polie.
Ce remarquable témoin d'un âge si reculé est d'uD m^iii-
fîque travail. Il est en jade d'un beau vert transparent et
mesure 20 centimètres de longueur sur 9 de largeur du côté
du tranchant; le côté opposé se termine en pointe arrondie.
J'engage beaucoup les savants étrangers à aller voir cette
belle hache au Musée de la Porte de Haï. Ils y verront un
autre instrument de même nature, mais d'une jadéite moins
transparente. D'après une note qui accompagne cet objet,
il a été trouvé en 1861 dans une mare contiguë à l'extrémité
de la gare de Maffles. « Cette hache, dit la note, se trouvait
« au fond d'une ancienne mare, au dessus de nombreux
« débris de végétaux, chênes, aulnes, hêtres, etc. On a ren-
« contré aussi, dans le même dépôt, des défenses de sanglier
« à 5 mètres de profondeur. « Elle mesure 16 centimètres
de longueur sur 7 de largeur du côté du tranchant ; le côté
opposé se termine en pointe comme celle de Bieghem, avec
laquelle elle a de grands rapports de ressemblance.
On m'a cité encore deux autres haches en jadéite ou né-
phrite trouvées dans la province de Namur, l'une au camp
d'Hastedon, l'autre à Marche le.s Bames. Elles se trouvent
— 363 —
venirs sacrés transportés des lointaines contrées de TOrient,
leur patrie primitive.
En signalant ces quelques haches, mon but est surtout
d'attirer, sur des objets de même nature, l'attention de tous,
avec l'espoir qu on pourra peut-être nous signaler d'autres
instruments en jadéite également trouvés en Belgique.
Il sera intéressant d'avoir aussi une liste complète des
haches de cotte matière trouvées en Europe, avec la dési-
gnation des localités où les découvertes ont eu lieu. On en
pourrait déduire d'importantes observations sur nos origines
et sur les migrations des races primitives.
Si(/r des sacrifices hmnains à Tâ^e de la pierre polie y par
M. l'abbé Chierici.
On se rappelle que Spring avait cru reconnaître, dans une
caverne de la Belgique, les traces de l'action de l'homme sur
des ossements humains de l'âge de la pierre polie. Une explo-
ration que je fis jadis dans une caverne de la province de
Reggio (Emilie), me conduisit à des conclusions semblables.
Je viens donc appuyer l'opinion de Spring, opinion émise
d'ailleurs également par M. Regnoli, à propos de l'une des
cavernes de l'Apulie. Ma découverte établit un nouveau rap-
port entre les peuples préhistoriques de l'Italie et ceux des
régions plus occidentales. Elle permet en outre de soulever
un coin du voile qui a couvert, jusqu'aujourd'hui, le culte
professé, à une époque reculée, en Italie et peut-être dans la
Belgique elle-même.
La caverne de Reggio est creusée dans un rocher de gypse,
au pied du versant septentrional des Apennins. Il serait su-
perflu d'en donner une description détaillée; je me bornerai
à dire que, de môme que plusieurs autres cavernes gypseu-
ses, elle me semble avoir été formée par des courants souter-
rains. Ces courants se produisirent peut-être à l'époque des
grandes alluvions, lorscjuc la roche était baignée par les eaux
- 364 -
à une hauteur de soixante dix mètres au dessus de leur étiage
actuel.
La caverne a deux étagea qui communiquent entre eux,
mais dont l'inférieur n'a pas fourni le moindre vestige de la
présence de l'homme. Le supérieur a ^x neuf mètres de lon-
gueur; sa laideur moyenne est de trois mètres et sa hauteur
de cinq. Le sol, tout encombré de blocs ang-uleux de gypse,
s'élève, par une pente fortement inclinée, depuis l'entrée jus-
qu'au fond de cet étage. Dans cette dernière partie, l'ébouHs
de gypse était recouvert d'un terrain introduit par les cre-
vasses primitives de la voûte.
C'est dans le sol de l'étage supérieur qu'on .a rencontré les
traces et les restes de l'homme. Depuis son dépôt, ce sol était
resté presque intact : nue seule fouille de peu d'importance
y avait été entreprise par un amateur d'histoire naturelle.
Les trouvailles faites par celui-ci firent entrevoir l'intérêt
que présenteraient des recherches plus approfondies. Il au-
rait trouvé sept haches en pierre, un poinçon en os, des
fragments de poterie et des ossements d'animaux ou de
l'homme.
Des fouilles pratiquées dans le sens longitudinal de la
caverne permirent de constater les particularités les plus mi-
nutieuses. L'éboulîs gypseux formait un sol inégal et, le long
de la paroi, de gros blocs, placés verticalement, constituaient
une estrade de la hauteur d'un demi-mètre environ, sur une
longueur de cinq mètres et une largeur qui variait d'un
demi-mètre à un mètre et demi. La forme de cette estrade
365
jusqu'au dessus de leur niveau. Au devant de Testrade, il
s'était borné à niveler le sol. Aucun vestige humain, autre
que le charbon, n'a été rencontré dans le dépôt; mais je crois
devoir y rapporter des fragments de deux mâchoires infé-
rieures et quelques ossements humains, parmi lesquels 'se
trouve un crâne brûlé. Tous ces ossements ont été trouvés
dans une partie dont la continuité n'a pu être établie d'une
façon rigoureuse.
La partie supérieure du dépôt enveloppait Testrade et la
surpassait à peu près de quatre vingts centimètres. Elle se
fait remarquer par trois lignes de charbon qui s'étendent sur
toute l'étendue de la fouille et se continuent avec un amas de
charbon placé sur l'estrade. Cet amas présente une épaisseur
moyenne de quarante centimètres. Le limon dont l'estrade
était couverte, portait la trace du feu. Des fragments de
gypse calciné étaient môles avec les charbons, et le feu avait
attaqué la surface des blocs de l'estrade elle-même, ainsi que
la partie surplombante de la voûte. Tous ces caractères suffi-
sent pour faire reconnaître, sur cette estrade, l'existence d'un
ancien foyer.
Les lignes de charbon se détachaient de ce foyer à trois
hauteurs différentes et affectaient une direction presque ho-
rizontale. Elles étaient séparées par des couches limoneuses,
épaisses en moyenne de dix centimètres. On peut voir, dans
cette alternance, l'indice de trois émersions suivies chacune de
la formation d'un étage nouveau autour du foyer. Tous les
objets qu'on a recueillis, provenaient de ces amas de charbon.
Un terrain meuble, non stratifié, mêlé de gros blocs de gypse,
recouvrait la dernière ligne charbonneuse. Il se présente
comme un éboulis de date très ancienne.
Voici rénumération des objets découverts sur le foyer :
Quatre haches en pierre.
Un petit clou en bronze, rivé à ses extrémités, ayant peut-
être servi à fixer une lame à son emmanchure.
Des fragments de quatre ou cinq vases.
Quelt^ues 03 d'animaux et des ossements humains, les uns
et les autres brûlés. Parmi ces derniers, plusieurs appartien-
nent à un squelette d'enfant. On y remarque aussi une mâ-
choire inférieure. Des neuf m&choires trouvées dans la
caverne, c'est la seule qui porte les traces du feu.
Au devant du foyer, dans la première veine de cliarbon,
on n'a trouvé qu'un poinçon, un ciseau en os, une pierre fine
à aiguiser et un fragment de poterie.
Dans la seconde veine qui, sur quelques points, se confon-
dait avec la troisième, se trouvaient des ossements humains,
éparpillés sans aucun ordre, mais tous entiers. Six. mâchoires
inférieures en faisaient partie.
Un petit nombre des ossements et notamment un fragment
de cr&ne étaient altérés par le feu. Parmi ces restes humains,
j'ai recueilli, d'un côté du foyer, deux haches en pierre, une
fusaiole d'ai^ile et un fragment de meule en molasse. De
l'autre côté du foyer, il y avait une hache en pierre et une
terrine en bronze. Devant le foyer, se trouvaient les objets
suivants :
Un couteau en silex, façonné en fer de lance et travaillé à
petits éclats sur une longueur de douze centimètres.
Une scie en silex.
Un dentale fossile.
Onze objets en os, travaillés avec soin. C'étaient des ci-
seaux, des poinçons, des spatules ; quelques-uns ressemblaient
itdes sifflets.
Deux t'rnLfmentg de eriliie.
— 367 —
distribution des objets indépendante de leur poids et la pré-
sence des charbons du foyer, ne pennettent d'admettre ni
transports violents, ni remaniements. Grâce aux sédiments
que des eaux paisibles ont déposés par intervalles dans la
caverne, les objets ont échappé à toute perturbation et dis-
persion. L'éboulis sunenu plus tard a contribué encore a la
protection de ces couches. Aussi ces dernières sont-elles res-
tées parfaitement intactes et les ossements ne portent aucune
marque de la dent des carnassiers. Quant aux objets super-
posés au foyer, il est certain qu'ils n'ont subi aucun dépla-
cement.
Jetons maintenant un coup d'œil sur l'ensemble des objets
recueillis. Les haches, bien polies, sont en serpentine ou en
roches de composition analogue. Les fragments de poterie
appartiennent à seize vases environ faits à la main. Parmi
ces vases, il en est qui offrent la singularité d'être formés
par un cordon d'argile disposé en spirale. Quelques frag-
ments rappellent la poterie de l'âge du bronze. Les ossements
des animaux sont en petit nombre comparativement aux
ossements humains. Ils appartiennent au Porc, au Chien
et au Mouton. Les os à moelle, étant tous cassés, indiquent
des restes de repas. Les ossements humains représentent au
moins dix huit individus : six enfants, quatre adolescents,
sept adultes et un vieillard. Les pièces de chaque squelette
sont toutefois peu nombreuses. Par exemple, on n'a trouvé
que six fémurs, trois tibias et deux péronés. Comme je l'ai
dit antérieurement, les restes de crânes étaient tous brûlés.
La seule mâchoire inférieure qui ait été soumise à l'action du
feu, gisait sur le foyer.
Les faits décrits permettent de juger si Thypothèse de
sacrijfices humains repose sur une base suflSsante. Quant à
moi, je ne trouve pas d'explication plus plausible. La caverne
contient, en effet, tous les éléments nécessaires pour repré-
senter de semblables sacrifices. Pour dire toute ma pensée,
je pense qu'au sacrifice s'ajoutait la distribution des mem-
- 368 —
bres de la victime, ce qui expliquerait la confusion et la
dispersion des ossements.
Les déductions que je viens d'émettre, sont confirmées et
complétées par la tradition. Rappelona-nous le célèbre oracle
de Dodone aux Pélasges qui allaient émîgrer vers Tltalie :
« Allez chercher une terre (iSaittmia) des Sicules et un
refuge (xotuÎ.tiv, sinum) d'aborigènes où sumc^e une lie.
Conjointement avec ces aborigènes, vous enverrez la dlme
à Zébus et vous offrirez des Wtes au Ténébreux (Dites) et
des enfants mftles au père {Satumus). > Macrobe ajoute
qu'en effet les Pélasges établis en Italie < diu humanis capi-
tibus Diteœ et vivorum victimis Satumum placare se cre-
derent. * Et nous avons aussi, chez les Latins, la formule
exécratoire : « hominem, caput consecrare. » Virginius,
levant son poignard, s'écriait vers Âppius Claudius : a Te
tuumque caput hoc sanguine consecro. » En outre, on sait
que les sacrifices à Dites se faisaient in. loco abdito, sub
efossa humo.
Plus tard, des mœurs adoucies ont substitué aux têtes
humaines des petites têtes d'argile (les oscilla) et, aux victi-
mes des saturnales, des effigies qu'on jetait chaque année dans
le Tibre, après les avoir exposées en public. Il est curieux de
constater qu'un usage semblable s'est conservé dans ma
patrie, même jusqu'à nos jours.
Deux observations encore sur l'oracle de Dodone. H dit
expressément que les Pélasges devaient accomplir les sacri-
ficcs il J)H<^s ot il SiituruHS avec lo coacours dos aborii
— 369 —
L'accord si remarquable qu'on retrouve, jusque dans les
moindres détails, entre les faits observés et l'une de nos plus
anciennes traditions, m'a convaincu que, sur l'estrade de la
caverne de Reggio, s'est accompli le rite prescrit pour le
cult€ de Dites et Saturnn^. J'ajouterai qu'à mon avis, ces
sacrifices doivent être rapportés à l'expiration de l'âge de la
pierre polie, vers le commencement de l'âge du bronze.
Dans d'autres cavernes de l'Europe occidentale qui ont
offert des ossements humains et des traces de foyers, on a
trouvé des mâchoires humaines sans les autres parties de la
tête. On pourra juger s'il faut voir, dans ces faits, l'indica-
tion du même culte.
Avant de finir, je ne puis me dispenser d'ajouter que
M. Biondelli, auquel j'ai fait part de mes observations, croit
devoir considérer la caverne de Reggio comme un antre
mythique. Il ne m'a pas encore appris les motifs qui lui sug-
gèrent cette opinion.
M. Desor. Il est difficile d'émettre une appréciation sur la
communication qui vient d'être faite sans avoir scrupuleu-
sement examiné tous les faits.
Néanmoins, je dois faire remarquer qu'en semblable
matière, il faut être extrêmement réservé, et pour faire com-
prendre combien il est dangereux de s'aventurer à la légère
dans de semblables questions, je rappellerai ce qui s'est passé
avec les pierres à écuelle, qui sont nombreuses dans le Jura,
en Suisse et dans l'est de la France. On a décrit ces pierres
comme ayant servi aux sacrifices humains; on les avait con-
sidérées comme les récipients du sang. Cette erreur est
devenue populaire et cependant on sait aujourd'hui combien
cela est faux. Il faut donc mettre beaucoup de réserve dans
les matières de ce genre et ne s'avancer qu'avec prudence et
avec toutes les preuves à l'appui.
Sur la grotte de Sdaigneaux, par M. G. Aenould.
Sclaigneaux est ud hameau dépendant de la commune de
Vezin et situé sur la rive gauche de la Meuse, à 14 kilomè-
tres de Namur ; c'est la troisième gare du chemin de fer par-
tant de cette ville vers Liège.
A 300 mètres en amont de la gare et au niveau de la voie
ferrée, soit à 6 mètres 70 centimètres au dessus de l'étiage
du fleuve, on observe, dans un petit jardin, au pied de rochers
dolomitiques, très élevés et verticaux, d'énormes blocs de
mémo nature détachés de la masse; ceux- ci, lors de leur
chute, ont laissé entre eus un espace vide de 12 k 14 mètres
carrés de surface. Le rocher formant la paroi du fond de
l'excavation, un bloc à droite, un autre à gauche soutenu par
le premier et un troisième reposant sur les deux autres, telle
est à peu près la caverne de Sclaigneaux. On voit parfaite-
ment dans l'escarpement, à environ 12 mètres du sol, l'em-
placement occupé primitivement par ces blocs. Dans leur
position actuelle, ils présentent des joints de stratification
en discordance complète les uns avec les autres.
Cette excavation offrait plusieurs ouvertures, dont quatre
ont pu autrefois en permettre l'accès, mais des éboulis suc-
cesssifs, puis la formation d'une stalagmite qui a cimenté les
pierres, sont venus obstruer certaines fissures et il n'existe
plus aujourd'hui que deux passages accessibles : l'un, d'une
largeur de 75 centimètres sur 2 mètres 30 centimètres de
bïiuifiii: furiJL..' riuLl'im.' L'iitivi; au niveau du
— 371 —
Namur, les employés de roctroi y reconnurent des restes
liumaius et dressèrent procès-verbal ; mais, grâce à Tinter-
vention du bourgmestre de Vezin, il fut constaté que ces
débris provenaient de la grotte de Sclaigneaux et non d'une
sépulture moderne.
Lorsque je visitai les lieux pour la première fois, le 3 juin
1872, l'ouverture principale était bouchée par une muraille
faite de gros moellons de dolomie réunis par un mortier de
chaux ; il ne restait, à la partie supérieure, qu'un espace
libre de 50 centimètres environ. Tout le sol de l'excavation
était en déclivité très prononcée vers cette entrée. La
seconde ouverture de la grotte était masquée par des pierres
et des terres.
Cette première exploration me permit de recueillir deux
fragments de crânes humains et divers autres ossements.
Dans la première partie antérieure de Texcavation, se
trouvait une couche de 10 centimètres composée de débris
modernes de toute espèce : morceaux de verres, de tuiles, de
pots et autres objets mêlés avec des pierres et des cailloux ;
mais, en dessous, on n y découvrait plus que des fragments
de dolomie, de la poussière de la môme roche et aucun reste
de l'industrie actuelle. Mes recherches ultérieures ont con-
firmé ce premier point important.
Avant d'aborder plus complètement la relation des faits
constatés par les fouilles, il est nécessaire de connaître la
disposition de la caverne telle qu'elle a dû se présenter.
L'entrée principale, au niveau du sol, forme un couloir
de 1 mètre 90 centimètres de longueur; la roche naturelle
.^e trouve à 2 mètres de ce point, mais la caverne s'étend à
droite et à gauche sur une longueur d'environ 3 mètres
50 centimètres de chaque côté. A droite, existe un gros
quartier de roc de 1 mètre 75 centimètres de hauteur,
sur lequel repose verticalement un autre bloc. Dans l'extrôme
partie gauche, une grosse pierre divise la caverne, laissant
du côté du rocher un espace libre de 40 centimètres, qui
doDne accès à la partie supérieure et, du côté opposé, un
vide d'environ 1 mètre de largeur. C'est contre le rocher que
se présente partout le maximum de hauteur de l'excavation ;
le toit s'incline ensuite fortement vers la partie antérieure.
Le sol était recouvert de pierres assez volumineuses mélan-
gées avec des fragments plus petits; presque en face de l'en-
trée, un bloc de 1 mètre de largeur sur 1 mètre 70 centimè-
tres de longueur et 20 à 30 centimètres d'épaisseur, 'reposait
sur elles (voyez la coupe PI. 88).
C'est sur ces amas que l'on a rencontré des ossements
au devant et mâme dans les couloirs, mais surtout dans la
partie gauche de la caverne. Fendant la première période
des fouilles, on trouvait les ossements gisant pèle mêle,
sans ordre, sans stratification, au milieu de petits blocs de
dolomie, de pierres et de pierrailles de même substance et
dépoussière âolomitique. On remarquait non seulement un
mélange des 'diverses parties du corps, mais l'association
d'ossements d'adultes avec ceux d'enfants, et même avec des
ossements d'animaux.
La caverne était très sèche et le moindre choc faisait
ébouler toute la masse, dont on peut évaluer le volume à
13 mètres cubes environ. Plus tard cependant, j'ai reconnu
plus d'ordre dans le gisement. En un premier point d'abord,
j'ai découvert de nombreux ossements d'enfants contre la paroi
du fond et k peu de distance de l'ouverture supérieure ; puis,
dans l'extrême partie gauche, les fouilles ont fait découvrir
viiij^taiue iKi li^li'.-^. I/i iiuiitiuii occujh'c par les yiaMiiièrew
— 373 —
strictement nécessaire pour y loger deux têtes. A 50 centi-
mètres plus loin, se trouvait, parallèlement à cette première
ligne, la deuxième rangée de 5 tôtes, placées sur une lar-
geur de 1 mètre 10 centimètres comprise entre les parois de
l'excavation. Enfin, à 30 centimètres de cette seconde ligne
et contre le fond de la caverne, existait la troisième rangée
composée de 3 têtes presque contiguës à gauche et séparée
de deux autres par une pierre vers la paroi droite.
Malgré les plus grandes précautions, il a été impossible de
les retirer toutes complètes ; il a même été constaté que plu-
sieurs d'entre elles étaient fracturées avant leur extraction. Ce
fait s'explique aisément par la nature même du terrain qui
contenait ces têtes. On n'a pu retrouver en place tous les
débris ; plusieurs mâchoires entre autres manquaient.
L'intervalle, compris entre les rangées de têtes, était
rempli par des ossements de diverses parties du corps,
associés à de petites pierres et à de la poussière dolomi-
tique.
La quantité de débris humains, rencontrée dans l'excava-
tion, peut être évaluée à près de 2 mètres cubes; aucun d'eux
ne présente de traces de coups portés pour les briser. On a
trouvé quelques ossements humains ayant subi l'action du feu,
mais leur nombre est si faible eu égard à celui des ossements
intacts, que Ton ne peut y voir un indice d'anthropophagie ;
au raste, d'illustres savants, MM. Virchow et Steenstrup, ont
reconnu, h l'époque de la visite du Congrès à Namur, que la
calcination est récente pour plusieurs d'entre eux.
Les ossements d'animaux sont relativement peu nombreux
et appartiennent à des espèces vivant encore actuellement
dans notre pays. M. De Pauw, préparateur au Musée de
Bruxelles, est venu les déterminer. Voici d'après lui les
espèces principales :
Hérisson,
Blaireau,
Fouine,
Putois,
Renard,
Chien,
24
Chat,
Lièvre,
Lapin,
Bœuf,
Chèvre,
Cerf,
Sanglier,
Cheval,
Rongeurs divers,
Oiseaux divers,
Batraciens,
Poissons divers.
Oq a en outre recueilli, au milieu d^ la masse, des silex
taillés en furme de couteaux et une admirable pointe de
flèche d'un travail remarquable (PI. 87, Gg. 3) et qui est,
sans contredit, le pins beau spécimen de ce genre trouvé eu
Belgique. On y rencontra aussi deux aiguilles en os, deux
poinçons également en os (id-, fig. 1 et 2) , une petite pointe
en corne évidée (id. fig, 4) une valve à'Uiiio perforée de deux
trous près de la charnière (fig. 5), enfin des fragments d'une
poterie grossière non cuite, dans laquelle on observe des
grains de spath calcaire.
La caverne n'a pu servir d'habitation ; elle était trop petite
et surtout trop incommode à cause des nombreux hloca de
roche qui l'encombraient. Elle a servi uniquement de lieu
d'inhumation. La pointe de flèche, les silex et la poterie gros-
sière, rencontrés dans cette sépulture, permetteat d'en pré-
ciser l'époque ; on doit la rapporter évidemment à l'âge de la
pierre polie. On ne pourrait la faire remonter à une date
plus reculée, puisque les dépôts des âges du Renne et du
Mammouth y font défaut.
La découverte de cette excavation portait à croire que le
campement de la peuplade ne devait pas être éloigné. Mes
— 375 —
pierre polie, sont situés sur des plateaux dont les escarpe-
ments, garnis de rochers à pic, sont d'un accès difficile. L'un
d eux est limité au midi par la Meuse, h l'ouest et vers le
nord par le ruisseau de Somme, à l'est par un autre ruis-
seau ; au nord-est, cette montagne se relie aux vastes pla-
teaux de la Hesbayt?. Le second campement, situé au nord
du premier, est borné au sud par le ruisseau de Somme et à
Test et à l'ouest, par des ravins.
La planche 88 montre les rapports des campements et de
la sépulture.
H m'est impossible d'aborder complètement les questions
anthropologiques relatives à la sépulture de Sclaignaux;
elles sortent du cadre de mes études ordinaires et ne pour-
ront être traitées qu'après la reconstitution des crânes et des
ossements recueillis dans l'excavation. Elles feront, je l'es-
père, l'objet d'un travail par un homme compétent. Je ne
signalerai donc que les faits les plus saillants.
Il était d'abord important de chercher h déterminer le
nombre de squelettes déposés dans la caverne et, à cet eiïet,
j'ai compté toutes les parties caractéristiques des ossements,
telles que les frontaux, les temporaux, les mâchoires, les
atlas et les axis, les clavicules, les extrémités des membres
supérieurs et inférieurs dont voici le tableau :
Nombre.
Frontaux presque complets 23
-, l droits 48
Temporaux { , or»
' f gauches 36
presque complètes 08
Mâchoires inférieures { portions de maxillaires droits . . 17
— — gauches . 18
presque complètes 19
Mâchoires supérieures [ portions de maxillaires droits . . 15
— — gauches . 17
Atlas 39
Axis 40
Clavicules droites (extrémités externes) 44
— gauches ( — — ) 49
p, l extrémités supérieures 54
j — inférieures 38
„., . l extrémités supérieures 20
I — inférieures 20
p, , l extrémités supérieures 37
1 — inférieures 25
„ , ( extrémités supérieures 89
Humérus! . -V- ,„
( — inférieures 48
cubiiis ('""■»"* ■"'"*"''"™!SS'-:»i .... 105
I — inférieures 39
j, .. l extrémités supérieures 76
f — inférieures 45
Comme on devait s'y attendre, dans un gisement tel que
celui que j'ai décrit, la plupart des crânes étaient brisés ; le
nombre de leurs fragments disséminés dans la masse est con-
sidérable ; la face est conservée dans quatre d'entre eux seu-
lement. A l'inspection du tableau, on remarquera d'abord
une énorme disproportion entre le chiffre des mâchoires
supérieures et celui des m&choires inférieures. On rencontre
encore cette disproportion en comparant le nombre de mo-
laires recueillies isolément et appartenant aux maxiUaires
inférieurs avec le nombre des dents correspondantes supé-
rieures. Le nombre des extrémités des os des membres est,
comme on peut le voir, très variable. Doit-on en chercher
l'explication dans la différence des tissus qui rend les unes
— 377 —
mâchoires supérieures, donne seulement le chiffre de 49,
égralement trop élevé. Le nombre de temporaux correspond
à 48 squelettes et celui des atlas à 40. Prenons maintenant
les extrémités les pins nombreuses : colles des humérus nous
donneront 44 individus ; celles des cubitus ganclies, 55, et
les extrémités externes des clavicules, 49. Nous voyons
donc, qu'à l'exception du nombre donné par les mâchoires
inférieures, on arrive à une proportion variant de 40 à
55 squelettes.
Il m'a paru également intéressant de déterminer approxi-
mativement l'âge relatif des individus déjiosés dans la
caverne; c'est ce que fait ressortir le tableau suivant, que
j'ai dressé d'aprùs la quantité de mâchoires recueillies.
DKSIGNATIO.N.
MACHMHES INfÉ
tS".
NAMOIRES SUPÉHIEUKES. |
II
n «mu
l
1
1
S,
1 UtiUlllEf 1
1
1
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1
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4
3
-
6
'
.
3
4
. 2
11
4
3
3
4
G
G
AdultesposséOaiittesdouxgroBaea
m<jluii'e<j
Adultes p.jssMaiil loB trois grosaoe
niolairaa
Totaux. . . .
18 6
Il 4
Un éminent spécialiste, M. le professeur Virchow, lors de
hi visite du Congriis ii Namur, a pris les mesures de quelques
crânas de Sclaignaux ; elles sont consignées dans le tableau
suivant.
DESIGNATION,
■
Il
°i
^1
1
1
1
i
i
s
1
i
1
1
4
11
"s
1
1
1
1
INDICK. 1
1
1
Crâno n» la .
5S6
341
18G
16-1
137.3
102
03
lT.i1
22
48':
134 i
133;
106
88.1
73.7
Crâne tt" St.
-
101
15*51
135
loi;
94
1301
21
531
132 1
132
-
B1.6
70.(j
CrAoe ii° 3 .
S14
175
151
-
-
-
122
™
Crâna n" 4 .
-
176
"
-
-
120
125
développie», h>p1 r
■ ■«<
umnids daru lu (ontuDelLo pai(i>rleure. L
1 BU dsHUi do la racins «lu no*. Lm rten
1 prntDhèrsoeca snrclIKtrss. trts
s tanl un peu ukb» i 1b daroliro
1
De mon côté, j'ai pris sur les frontaux certaines mesures,
qui sont consignées dans le tableau ci-dessous.
aUCONFÉREIlCE
ft-oatak.
longueur.
Itt bane.
Frontal a" 1
134
ll'J
102
— n- a
134 i
120
9.i
- 11-3
123
1111
04
— u" 4
123
108
^H
— 379 —
On remarquera de légères différences avec les dimensions
prises par M. Vircliow; elles tiennent uniquement à l'imper-
fection de l'instrument d'emprunt dont s'est servi l'illustre
savant.
Ces divers tableaux et l'inspection des crânes montrent les
caractères principaux de la peuplade de Sclaignaux (PL 8G).
1° Elle appartient franchement au type bracliycépliale ;
2** Le front est généralement déprimé et plus spéciale-
ment dans les cn\nes n"^ 2, 3, 19, 21: et 22;
3" On remarque un aplatissement du sommet assez pro-
noncé dans les crânes n**' 1, 6, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 15 et
18, moins accusé dans ceux portant les n°* 4, 5, 7, 10 et
17; les crânes n"" 2, 3 et 16 ne présentent pas ce ca-
ractère ^;
4° Les bosses pariétales sont généralement très dévelop-
pées, ce qui donne au crâne une très grande largeur ;
5" D'après M. le docteur Daubioul, qui m'a tant secondé
pendant l'exécution des fouilles et h qui je tiens à témoigner
ici ma gratidude, le grand diamètre transversal est reporté
très en arrière ;
6° Les arcades surcilières sont généralement assez fortes ;
7° On observe, dans certains crânes, un redressement re-
marquable des os nasaux ;
8" Enfin le diamètre bimalaire est assez fort.
Quant aux mâchoires, l'usure des incisives est très pro-
noncée, de môme que celle des molaires. Chez les individus
âgés, on n'observe presque plus les tubercules et la couronne
est fortement entamée. Cette usure est proportionnelle à
l'âge des individus. L'obliquité des branches est très variable,
de môme que l'épaisseur, la hauteur et la saillie du
menton.
1 M. Dupont a étuiliô ces crânes aprôs la visite de M. Virchow. Il a re-
connu que cette (léformation était artiliciello et avait eu pour effet do
rejeter au dehors les parties latérales des pariétaux, de l'occipital et du
frontal, en aplatissant le sommet.
M. le docteur Daubioul a reconnu des traces de rachi-
tisme sur dea vertèbres déformées, ainsi que sur des tibias
qui présentent souvent du reste la forme dite < en lame de
sabre.(P1.87, fig. 6etPl. 88.)
A l'exception de quelques grottes, dans lesquelles on a
rencontré de rares ossements humains associés à des silex
caracteristiques de l'ftge de la pierre polie, on ne connaissait,
en Belgique, que deux sépultures de cet âge : celle de Gen-
dron et celle de Chauvaux.
La première, fouillée par notre Secrétaire général,
M. É. Dupont, contenait 17 squelettes étendus par séries
successives de deux et de trois individus; après les 4'
et 5' rangées, se trouvait un squelette placé transversa-
lement.
La grotte de Chauvaux, fouillée par l'illustre et regrette
Spring, n'avaitdonné d'abord aucune indication bien précise ;
la plupart des gisements trouvés par lui étaient emp&tés dans
une épaisse couche de stalagmite. Elle fait l'objet de nou-
velles recherches dirigées par mon ami M. Soreil, qui a eu
l'heureuse chance de trouver en place deux squelettes com-
plets repliés avec les jambes croisées.
Enâo les fouilles de Sclaignaux viennent de révéler un
mode d'inhumation tout particulier, bien différent des
deux précédents. Il importe d'exposer mes observations sur
ce sujet, t
On a observé d'abord un étrange désordre parmi les osse-
— 381 —
longueur de 1 mètre 10 centimètres, et d'ailleurs l'espace
compris entre les rangées de cadavres (0"30 et O^SO) n'était
pas suffisant pour les contenir, en admettant même qu'ils
fussent repliés.
Je rappellerai encore la grande quantité d'ossemeuts
trouvés dans la partie gauche de l'excavation sous l'ouver-
ture supérieure, qui est si étroite qu'un homme de force
moyenne ne peut y passer.
On se souviendra enfin de tous les objets qui ont été ren-
contrés dans l'excavation : cette belle pointe de flèche, ces
silex, ces aiguilles en os, ces poinçons, ce fragment de corne,
cette coquille perforée, cette poterie caractéristique.
Tels senties faits ; mais, avant de conclure, il faut attendre
que de nouvelles découvertes soient venues confirmer cette
singulière sépulture.
Je ferai remarquer, eu terminant, qu'on aie droit s'étonner
de voir qu'à l'époque de la pierre polie, il existait, dans des
localités aussi rapprochées que Sclaignaux, Chauvaux et
Gendron, des modes d'inhumation aussi diflPerents.
Beaucoup d'autres sépultures de cette époque doivent se
trouver dans le pays, car un très grand nombre de nos pla-
teaux ont servi de campement aux populations primitives.
On rencontre eu effet sur beaucoup d'entre eux quantité de
silex taillés et polis. Chacune de ces stations avait-elle son
heu de sépulture? De nouvelles recherches pourront élucider
cette question, expliquer peut-être la diversité des modes de
sépulture signalée plus haut, jeter leur lumière sur bien
d'autres points encore obscurs et enfin permettre de recon-
stituer lethnographie de ces populations préhistoriques.
l:inr une nonrelk exploration de la caverne de ChanxauXy
par M. SoREiL.
En ï'ACQ de Rivière, village situé sur la rive gauche de la
Meuse entre Namur et Dinant, se dressent presque perpendi-
culairement les rochers de Chauvaux, entrecoupés de ravins
et recouverts en partie de végétation (PI. 27). Le sommet en
est couronné par un plateau qui ee relie aux plateaux du
Condroz. Vers la base, à 18 mètres au dessus de l'étiage de
la Meuse, se trouve la caverne de Chauvaus, rendue célèbre
par les travaux du savant et regretté Spring. La caverne
proprement dite est petite (4 mètres de longueur sur 1"50 de
laideur), mais la paroi de gauche se prolonge latéralement
et forme, de ce côté, un abri sous roche assez étendu.
En 1837-38, le colonel Dandehn signalait déjà la pré-
sence d'ossements dans la caverne de Chauvaux. En 1842,
Spring , la visitant pour la première fois, y faisait des fouilles
et en 1853, il rendait compte de ses recherches à l'Académie
de Belgique ' .
En dessous d'une couche de limon de 0"03 & 0"20, se
trouvait « une couche de stalagmite très dure et transpa-
i rente, épaisse de 0°'45 à l'entrée de la grotte et de O^IS au
i fond » . C'est en dessous de cette stalagmite, à droite que
la brèche osseuse a été rencontrée. * Cette brèche, écrivait le
< docteur Spring, contenait péle mêle et dans le plus grand
• désordre, des ossements humains, des os de divers ani-
• maux domestiques et de chasse, tels que cerfs, élans,
» aurochs, lièvres, martes, oiseaux, etc., pour autant qu'il
» était possible de les déterminer. Ces os étaient extrème-
• ment fragiles, friables même et la plupart brisés en mor-
i ceaux plus ou moins grands, sans que leur cassure fût
— 383 —
valent identiquement dans les mêmes conditions que ceux
des animaux, qu'ils étaient plus nombreux que ceux-ci et
que tous les os humains trouvés ont appartenu h des femmes,
à des jeunes hommes et à des enfants. Enfin, il signale,
dans le gisement, la présence de charbon de bois et de bri-
ques ou d'argile calcinée.
Spring avait aussi recueilli « un os pariétal enchâssé dans
« de la stalagmite et offrant une fracture opérée par un
« instrument contondant. L'instrument lui-même se trou-
< vait enchâssé dans la même portion de brèche. C'était une
€ hache en pierre, d'un travail grossier et sans trou pour y
« adapter un manche. » Cette hache et une autre brisée,
près de sa grosse extrémité, sont les seuls instruments trou-
vés dans cette fouille.
De ces faits, le savant professeur concluait que l'on devait
voir dans les os que contenait la caverne de Chauvaux, les
restes d'un festin de cannibales.
La découverte de Spring était considérable; elle faisait
faire un pas à la science, aussi eut-elle tout le retentissement
qu'elle méritait. Comme le fait remarquer M. Dupont i, le
professeur de Liège fut un des premiers à émettre des idées
rationnelles sur le mode d'introduction des ossements dans
les cavernes.
Plus tard^, il revint sur le môme sujet et s'efforça de
défendre sa conclusion, ([ui avait rencontré des objections.
Il signale l'existence d'une quantité considérable d'os hu-
mains en partie calcinés ; il insiste de nouveau sur ces deux
faits, que les os longs sont exactement brisés comme ceux
des animaux et que pas un os humain n'offre manifestement
les caractères de ceux d'hommes adultes, et il arrive à con-
clure que ces ossements indiquent, non pas « des anthropo-
* Annales de la Soc iéU^. archéologique de Xamur^ 1871, p. 212 ai Llluninie
pendant les âges de la pierre ^ dans les environs de Dînant, 2« éd., p. 20.
« BulL de VAcadémie de Ik-lgique, 2« séi-., t. XVIII, 1S«34 et t. XXII,
1866.
« phages d'occasioa ou de aécessité, mais de vrais canni-
> baies, mangeant de la chair hiunaine jiar goût, choisissant
« ce qu'il y a de mieux et soumettant peut-être leurs vie-
« times k un engraissement préalable, comme font encore
« aujourd'hui les Battas à Sumatra; les Orang Tudongues
« à Bornéo et d'autres cannibales raffinés, i
n fautle reconnaître, les raisons données par Spring étaient
sérieuses. Cependant, malgré toute l'autorité de ce savant,
. un doute demeurait dans l'esprit lorsqu'on remarquait que,
dans toutes les fouilles de cavernes faites postérieurement,
aucune trace manifeste de cannibalisme n'avait été con-
statée. En Belgique notamment, les fouilles de M. Dupont,
n'avaient pas fourni de faits qu'on put expliquer comme
l'avaîeut été ceux de Chauvaux. La tribu de Chauvaux
aurait-elle eu d'autres mœurs que ses voisines? Aurait-elle
été une exception? Rieu, d'après M. Dupont, ne semblait le
prouver et il interpréta les restes découverts i Chauvaux
comme ceux d'une sépulture de l'âge de la pierre polie'.
J'étais donc porté à croire qu'une nouvelle exploration de
cette grotte était désirable, afin de réunir d'antres éléments
de solution.
Mes doutes prirent plus de consistance lorsque, au com-
mencement de l'été dernier, en parcourant le plateau qui
couronne l'escarpement de la cuverne, je trouvai des silex
taillés disséminés sur le sol. Quelques recherches m'en firent
bientôt découvrir d'autres, et, après peu de temps, j'en avais
— 385 —
d'un gazon court et peu abondant; quelques buissons rabou-
gris y croissent' avec peine.
L'agriculture n'a pu s'emparer de ce terrain aride, où la
roche est presque à nu et où, par conséquent, jamais végé-
tation vigoureuse n'a pu exister. Le plateau de Cliauvaux
devait donc être une clairière, alors que tous les environs
étaient couverts de forêts. Or, la plupart des stations de
l'âge de la pierre polie de la province de Namur, et elles sont
en grand nombre, se trouvent dans les mômes conditions.
Il semblerait donc que ces populations primitives habitaient
de préférence les clairières, surtout lorsque celles-ci se trou-
vaient dans les conditions topographiques spéciales qui ont
été indiquées. On a observé, en effet, que généralement les
restes de cet âge se rencontrent sur des plateaux avoisinant
les cours d'eau, élevés de 50 à 70 mètres au dessus du fond
de la vallée, et d'un accès impossible ou difficile au moins de
trois côtés. Ils ne sont généralement reliés aux hauteurs
voisines que d'un seul côté. C'est le cas de Chauvaux, borné
vers l'ouest par les escarpements de la Meuse, au sud et au
nord par deux petites vallées secondaires.
Avant d'aller plus loin, je ferai remarquer que le plus grand '
nombre des silex se trouvait sur les bords du plateau, ce qui
semblerait indiquer que les anciens propriétaires habitaient
ces endroits de préférence.
Après la découverte de cette station, je devais me deman-
der s'il n'existait aucune corrélation entre elle et la caverne
en dessous. Il importait donc de faire de nouvelles recherches
dans celle ci, d'autant plus qu'il était visible qu'elle n'avait
été fouillée qu'incomplètement. Je fis une proposition dans
ce sens à la Société archéologique de Namur, qui me fit
l'honneur de me confier la direction des fouilles.
Feu M. Wala, propriétaire de la caverne, m'autorisa
immédiatement à faire tous les travaux nécessaires et à dis-
poser, en faveur du Musée de Namur, des objets que je trou-
verais.
Les fouilles commencèrent le 3 juin dernier. Primitive-
ment, la coucLe de stalagmite s'étendait jusqu'à l'eutrée de
la caverne. On en voit encore des traces contre la paroi de
droite; on voit aussi, au même endroit, les fourneaux des
mines que le docteur Spring a dû battre pour la faire sauter.
Elle a été presque entièrement enlevée par ce savant explo-
rateur, qui n'en a laissé qu'une petite partie intacte au fond
de l'excavation (Voyez, PI. 89, le n" 4 de la coupe ver-
ticale).
Dans l'abri sous roche, la couche supérieure (n" 4) con-
sistait en une terre assez meuble, noir&tre, légère, contenant
beaucoup de fragments anguleux de calcaire détachés de la
roche surplombant sur la stalag;mite et détachés probablement
pendant la fouille, ou quand la cavité servit de magasin h
poudre pendant la construction du chemin de fer.
Cette première couche, d'origine moderne, avait, du reste,
été en partie remaniée il y a quelques années : le proprié-
taire ayant fait exécuter quelques travaux de nivellement k
l'entrée de la caverne pour en faciliter l'accès.
Les fouilles ont mis ensuite à découvert une seconde couche
(n° 2), composée de fragments anguleux et de gros blocs
ayant la même origine que les précédents, empâtés dans une
gangue blanche, très cohérente. Cette couche s'étendait, en
diminuant d'épaisseur, sous la couche de stalagmite, dont
elle prenait insensiblement les caractères. Elle avait toute
l'apparence d'une brèche ou plutôt d'un béton; souvent il
t'-tiiit 1res difficile do l'iittaquer avec la pioche
— 387 —
Je décrirai d abord les objets des deux uiveaux inférieurs,
qui n'offrent pas, à beaucoup près, le môme intérêt que celui
qui leur est superposé.
J'ai dit que la couche n** 3 devait être rapportée à Targile
h blocaux. Elle en a tous les caractères minéralogiques et
occupe la même position stratigraphique en dessous des
dépôts modernes. Elle contenait des éclats de silex, un
caillou roulé ardennais, et des ossements d'animaux que l'on
doit rapporter aux espèces suivantes^ : Lièvre, Renard,
Sanglier, Cerf, Chevreuil, Bœuf. Ces ossements, outre un
certain nombre non déterminés, étaient tous brisés.
J'ai aussi recueilli, dans ce niveau, au fond de la caverne,
la moitié d'un fémur humain cassé transversalement par le
milieu, et quelques petits fragments de crâne. Aucun de ces
os ne portait de traces de coups.
On ne pourrait que faire des hypothèses plus ou moins
hasardées, pour expliquer la présence de ces ossements hu-
mains au fond de la caverne. Du reste, aussi bien que les
ossements d'animaux et les éclats de silex, ils sont en petit
nombre. Doit-on y voir l'indice d'une occupation de courte
durée, ou bien le phénomène qui a mis fin à l'âge du Renne
et déposé Targile à blocaux, a-t-il emporté une partie des osse-
ments existant dans la caverne? Les deux hypothèses sont
admissibles, car la caverne est étroite, peu profonde, partant
d'une habitation difficile et incommode; d'un autre côté,
l'action des eaux pouvait se faire sentir jusqu'à son extrémité.
De plus, le roc qui en formait primitivement le sol, est in-
cliné vers la vallée.
L'étage intermédiaire n" 2 est parfaitement distinct des
deux autres dans l'abri sous roche, mais il passe à la stalag-
mite dans la caverne. A peu de distance de l'entrée de celle-
ci, on remarquait de gros blocs détachés du rocher de la
caverne. Cet étage contenait, outre des ossements indéter-
1 Je dois la détermination des espèces animales à M. De Pauw, pré-
parateur au Musée d'Histoire naturelle de Bruxelles.
minables, les restes des espèces suivantes : Lièvre, Renard,
Sanglier, Cerf, Chèvre, Bœuf, rongeurs et oiseaux. J'y ai
recueilli aussi des couteaux et des éclats de silex, des char-
bons de bois et des fragments de poterie rouge, grossière et
contenant des grains de spath.
A l'entrée de la caverne, cette couche contenait quelques
ossements humains, notamment des os du pied et un humérus
cassé transversalement près de son extrémité supérieure.
Aucun de ces os ne portait de traces de coups. On remarque,
au contraire, sur un fragment d'un os long de Bœuf, la trace
évidente d'un coup porté par un instrument contondant, qui
en a déterminé la cassure longitudinale. On ne peut donc
douter que les os d'animaux n'aient été introduits par l'homme
et ne soient les restes de ses repas.
Des silex étaient disséminés dans toute l'épaisseur de la
couche, mais le plus grand nombre se rencontrait au contact
de l'ai^ile à blocaux. En certains points, une ligne noirâtre
très visible, de 2 centimètres d'épaisseur, séparait les deux
couches.
Bien que je n'aie trouvé ni haches polies, ni pointes de flè-
ches, ni aucun autre objet caractéristique, je dois rapporter,
k l'époque de la pierre polie, la peuplade qui a laissé là ces
restes. La position de ceux-ci au dessus de l'argile à blocaux,
ne peut, me paralt^il, laisser de doutes h, cet égard. Au reste,
le petit nombre d'objets recueillis prouve qu'il n'y a pas eu
séjour prolongé et continu pendant tout le temps de la for-
mation ilii tL'p'if ijul imns o''fu|ii.'. La triliu, OU une partie
— 389 —
nombreux silex, des os humains et d animaux, mais la
principale découverte fut faite au milieu du mois de juin
dernier. Les ouvriers découvrirent, dans labri sous roche,
deux squelettes complets adossés au rocher et entourés de
pierres assez grosses. J'ai retiré moi-même ces ossements, et
j'ai pu m'assurer, par leurs dispositions que les cadavres
avaient été déposés, les jambes repliées sous le corps, dans
une position accroupie. Les têtes, inclinées sur les bras,
étaient au dessus des autres ossements et avaient la face
tournée vers la vallée. Tous ces os étaient entiers ; des éclats
de silex se trouvaient mêlés avec la terre qui les entourait.
Les deux squelettes étaient à côté l'un de l'autre et repo-
saient dans de petites fosses creusées dans le dépôt intermé-
diaire.
Les fouilles furent continuées après cette exploration; mais
les ossements humains que je trouvai encore étaient dissé-
minés sans ordre dans l'épaisseur de la couche : ils étaient
plus nombreux près du rocher.
Le bord alvéolaire d une mâchoire inférieure est complète-
ment atrophié : il ne lui reste qu'une seule alvéole. Je citerai
aussi plusieurs fragments de mâchoires, dont un a conservé
trois molaires ; d'autres, dont les dents sont très usées et enfin
quelques-uns provenant d'individus plus jeunes.
Je n'ai pas trouvé de ha'ches ou de fragments de haches
polies, mais deux pointes de flèches, dont une à ailerons
(PI. 89), des perçoirs, des couteaux, des nuclei et des cen-
taines d'éclats. Un andouiller de cerf a été perforé latérale-
ment et porte des entailles faites à l'aide d'un instrument en
silex. Un autre morceau du bois du même animal a été
façonné en perle de la grosseur d'une noisette et perforée.
Cette couche a aussi fourni du charbon et de la poterie
grossière contenant des grains de spath calcaire.
Les os d'animaux étaient nombreux et doivent être rap-
portés aux espèces suivantes : Castor, Hamster et autres
petits rongeurs. Lièvre, Blaireau, Renard, Sanglier, Cerf,
25
Chevreuil, Chèvre, Bœuf et oiseaux. Les ossements des
petites espèces. Renard, Lièvre, ainsi que les mâchoires, c'est
à dire, les os qui ne contiennent pas de moelle sont entiers;
au contraire, tous les os longs de Bœuf et de Cerf sont inva-
riablement brisés. On voit parfaitement, sur un os long de
Bœuf, des entailles faites à l'aide d'un instrument en silex,
et la trace du coup qui l'a fendu longitudinalement. Un
autre os de Bœuf et une canine de Sanglier ont une de leurs
extrémités brblée.
Ces circonstances et l'association de tous ces débris d'ani-
maux à des instruments en silex, à de la poterie et du char-
bon ne me permettent pas de douter qu'ils n'aient été
apportés par l'homme et qu'ils ne soient les restes de ses
repas.
Peu d'objets ont été recueillis dans la caverne proprement
dite; ils se trouvaient presque tous à l'entrée et principalement
dans l'abri sous roche. Les fouilles, faites dans ce qui restait
de stalagmite au fond de l'excavation, ne m'ont donné ni des
silex, ni des os d'animaux ; je n'y ai trouvé que des ossements
humains, notamment un fémur, des côtes, des os du carpe
et du tarse et quelques autres os qu'il m'a été impossible de
dégager sans les briser. Les os longs que j'ai pu observer,
n'étaient pas fendus longitudinalement et il m'a même été
possible d'obtenir un fémur parfaitement entier.
Voici quelques données sur les ossements humains dé-
couverts dans l'abri. L'un des crânes est parfaitement
conservi!' ni tiiMi' t-tmlit' piirM. VircLuw, qui, iivei.' ui»? bien-
- 391 ■
crftne sont encore plus oblitérées; les tables externes dea
pariétaux se sont rapprochées des tables internes, ce quia eu
pour effet de produire des dépressions extérieures considéra-
bles et de déformer le crâne. Le bord alvéolaire est aussi atro-
phié ; il ne reste que deux dents du côté gauche, mais la mâ-
choire n'est pas complète.
Voici le tableau que l'illustre savantdont Je viens de parler,
a bien voulu me communiquer.
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m
03
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iO
51
139
129
115
71.8
ILS
La distance des lignes courbes qui circonscrivaient les
fos.ses temporales dans la région de la suture coronaire,
mesure 115.
Les crânes de Chauvaux sont complètement différents de
ceux de Furfooz et de Sclaignaux. S'ils sont de races dif-
férentes, il semblerait aussi que cette peuplade ait eu des
moeurs toutes différentes, si on en juge du moins parle mode
de sépulture. En effet, la position accroupie des squelettes,
commune dans les dolmens, n'a jamais été observée dans les
cavernes de'la Belgique, ni dans d'autres en Europe.
A quelle époque faut-il rapporterles anciens habitants de cette
caverne? La position atratigrapLique du niveau qui recelait
leurs restes, la présence d'une pointe de âèche à ailerons et
les deux haches découvertes par Spring prouvent, d'une
manière certaine, que nous avons affiiire à une population de
l'âge de la pierre polie. D'un autre côté, M. Cornet a reconnu
que les silex de la caverne, aussi bien que ceux du plateau,
qui ne sont pas recouverts d'une patine trop épaisse, provien-
nent du Hainaut. On sait que, dans la province de Namur,
les hommes de l'&ge du Mammouth et du Renne ne parais-
sent pas avoir connu ce gisement, mais les recherches de
M. Dupont montrent que le silex du Hainaut y fut employé
pendant l'âge de la pierre polie.
La position des squelettes ne permet pas non plus de
douter que l'excavation qui nous occupe n'ait été une sépul-
ture. Non seulement cette caverne ne recelait pas seulement
des os de femmes et d'enfants, comme Spring l'avait cru,
mais deux squelettes complets, ayant tous les caractères d'une
extrême sénilité, une mâchoire ég^aiement de vieillard, une
autre d'adulte, et plusieurs dont les dents sont usées.
Contrairement k ce qu'on remarque pour les os d'animaux,
les ossements humains sont entiers ou seulement cassés
transversalement: pas un seul ne porte de traces de coups. Je
ne puis donc voir & Chauvaux aucun vestige de cannibalisme,
et je dois me ranger h l'idée qu'avait émise M. Dupont, que
cette caverne a été un lieu de sépulture de l'âge de la pierre
polie. J'ajouterai que c'est probablement le lieu de sépulture
de la peuplade qui a habité le plateau.
L'excavation n'était pas assez grande pour recevoir tous
les cadavres et l'abri a sans doute été utilisé quand la
première fut devenue insuffisante.
La différence qui se remarque dans la disposition et l'état
de conservation des ossements à l'intérieur et à l'extérieur de
la caverne, s'explique par leur situation même. L'excavation
— 393 —
intentionnellement, dans le but de préserver les cadavres de
l'atteinte des bêtes fauves, tandis que lentrée de la caverne
n'a été fermée qu'imparfaitement et a pu être forcée plus
tard? Ce sont des points qui ne sont pas élucidés.
Je ferai remarquer enfin que les travaux de nivelle-
ment dont j ai parlé plus haut, ont eu pour résultat de détruire
une partie de la sépulture. Des ouvriers m ont rapporté que
lors de la construction du chemin de fer, un crâne humain a
traîné longtemps devant la caverne. Il y aurait donc eu
plus de deux cadavres inhumés dans l'abri sous roche et
dès lors on s'explique parfaitement la présence d'un grand
nombre d'ossements, ne se rapportant pas aux deux squelettes
retrouvés entiers.
Il reste un dernier point à examiner. Doit-on voir, dans
les débris d'animaux, les restes de festins funéraires?
Les blocs matrices, ainsi que les nombreux éclats de silex ne
me permettent pas de le croire. Il a pu y avoir des festins
funéraires, mais je pense que la plus grande partie des restes
de repas qne j'ai recueillis a une autre origine. En même
temps que l'excavation servait de sépulture, l'abri sous roche
a pu servir de refuge, dans les mauvais temps, à la peu-
plade ou à une partie de la peuplade, qui faisait là ses repas
et y taillait des instruments en silex. Le grand nombre
d'éclats s'explique de cette manière, ce qui serait bien diffi-
cile par l'hypothèse contraire.
Sur les cavernes sépulcrales dans le département de la Marne,
par M. Joseph de Baye.
A l'extrémité sud du canton de Montmort, département de
la Marne, la montagne de Toulon attire l'attention en s'éle-
vant graduellement jusque vers la vallée du Petit Morin,
qu'elle domine complètement. Le regard du spectateur, placé
au point culminant du versant de la montagne, embrasse un
vaste hémicycle formé d'une chaîne de collines dont le centre
est le Mont Août et qui se termine, d'un côté, par le Mont
Aimé, et de l'autre, par les collines de Saint Prix. Entre le
Mont Août et la montagne de Toulon, se trouve la commune
de Coizard. Le versant méridional de la montagne, appelé
Razet, est le point d'où la vue s'étend le plus largement. Là,
se trouvent les hypogées préhistoriques découverts au com-
mencement du mois d'avril dernier.
Lesgrottes de Courjeonnet sont situées à 3 kilomètres, dans
Iç même prolongement. Elles s'ouvrent dans des monticules,
qui forment une chaîne secondaire de collines.
Les deux groupes de Coizard et de Couijeonnet, composés
d'un nombre considérable de grottes, attestent un séjour pro-
longé des peuplades anciennes.
Iln'existe point de traditions locales relatives à ces grottes.
Celles qui avaient été découvertes par hasard, n'avaient pas
éveillé l'attention ; leur antique origine n'avait pas même été
soupçonnée. Les habitants de la contrée y avaient vu sim-
plement des « caves > et des i corps morts » .
Les premières constatations des données préhistoriques,
dans ces localités, furent la trouvaille de l'atelier de silex
de la Vieille Andecy. Elle amena la découverte des grottes
de Courjeonnet; et celles-ci, par leur ressemblance avec les
deux grottes trouvées par des cultivateurs de Coizard, en 1842
et en 1858, nous portèrent h étudier les grottes de Razet.
Nous remarquerons d'abord que toutes ont été creusées par
l'homme dans la craie. Celles de Courjeonnet sont situées
— 395 —
de charbon suivi d'une couche de cendre et enfin de la craie
pilée et solidifiée qui fut peut-être de la craie calcinée, éteinte
par les infiltrations des pluies, opinion que la forme conique
du foyer semble confirmer. Deux des grottes sont à deux
compartiments; la troisième est simple. Il est fort difficile de
juger si elles ont été habitées; car les éboulements qui s'y
sont produits y rendent les observations difficiles.
Le second groupe de Courjeonnet est formé de dix grottes
de grandeur et de forme différentes. Six ont deux comparti-
ments ; quatre sont simples. Le genre de sépulture est loin
d'être identique dans toutes les grottes; les trois modes, dont
nous parlerons plus loin, s'y retrouvent avec leurs caractères
spéciaux. Plusieurs grottes ont indubitablement servi d'ha-
bitations avant d'être transformées en tombeaux. Une de ces
cavernes porte, sur la paroi de l'anti-grotte qui fait face à
l'entrée, un bas-relief, représentant une hache emmanchée, et
taillé dans la craie vive sur un autre essai de sculpture.
Les grottes de Coizard, au contraire, sont réunies sur le
même versant au nombre de trente cinq. Elles paraissent, à
première vue, se ressembler toutes ; mais l'observation atten-
tive fait distinguer des particularités qui les spécialisent et
qui ne permett<3nt pas de les confondre. Ces grottes sont creu-
sées dans la craie vive ; les traces des instruments en silex y
sont multipliées et d'une évidence frappante.
La forme et les dimensions des grottes varient; les unes
sont simples et d'autres comprennent deux compartiments.
Quelques-unes servirent aussi d'habitations avant d'être uti-
lisées comme sépultures. La grandeur est tellement variée
qu'il ne s'en trouve pas deux ayant exactement la même
étendue. La plus petite des grottes simples mesure 1 mètre
90 centimètres sur 2 mètres ; la plus grande, 3 mètres 92 cen-
timètres sur 3 mètres 60 centimètres. La plus petite, parmi
celles qui ont deux compartiments, mesure 2 mètres 40 cen-
timètres avec une même largeur. La hauteur de la voûte,
dans la moins considérable, est de 1 mètre 10 centimètres;
— 396 —
la voûte la plus élevée est de 1 mètre 70 centimètrea. Toutes
les autres se rapprochent plus ou moins de ces mesures.
Les grottes-habitations sout faciles à reconnaître; elles
sont plus commodes, plus profondes et l'accès en est plus
facile. Les portes sont pourvues de rainures destinées
à faciliter une exacte fermeture. Certaines grottes sont
munies de crochets pratiqués dans la craie des parois, cro-
chets qui permettaient de suspendre aisément beaucoup d'ob-
jets d'un usage fréquent. Des séparations, ménagées dans la
craie même, les caractérisent souvent. Les entrées et les parois
ont un poli qui dénote qu'elles ont subi un frottement réi-
téré, preuve évidente d'un séjour prolongé. Dans quelques-
unes, deux marches inclinées témoignent de l'intention d'en
rendre l'entrée facile. Dans plusieurs, une couche noirâtre,
adhérente 6 la voûte et produite par la fumée et la pous-
sière, atteste aussi un long séjour de l'homme. Les étagères
et les sculptures le démontrent également. Des caractères
informes, comme les enfants ont coutume d'en tracer sur les
murs, sopt encore l'indice d'une habitation journalière. Nous
effleurons le sujet, mais nous publierons plus tard d'autres
détails et des dessins qui viendront & l'appui de nos asser-
tions.
Les grottes qui ont servi uniquement de sépultures, sont
généralement moins grandes et moins soignées, tandis que
le séjour prolongé avait permis de retailler et de perfec-
tionner, suivant les besoins, les grottes habitées. Ces grottes
sépulcrales .sont du resle dépourvues de tout o- ijni pouvait
— 397 —
levier pour les ouvrir. Elles ne recelaient pas non plus,
comme les autres, des ustensiles ordinaires de ménage.
La pierre énorme, assez fréquemment placée dans les tran-
chées, était, semble-t-il, tout à la fois une fermeture solide
et un monument destiné à signaler la sépulture. Les anti-
grottes, dans les habitations, ont aussi reçu des dépouilles
mortelles. L'une d elles contenait six individus. Ces sépul-
tures étaient évidemment postérieures à celles de la grotte
même. Ce n'est pas là une conclusion hasardée, mais le
résultat d'observations positives. L'absence d'objets apparte-
nant à l'art primitif étaient notamment presque générale
dans les anti-grottes.
Nous sommes amené naturellement à parler de l'état des
grottes au moment où nous les avons ouvertes. Comme il est
impossible d'en donner ici une idée complète, nous nous bor-
nerons seulement à quelques généralités. Toutes les grottes-
habitations, h l'exception des deux qui avaient été décou-
vertes fortuitement par l'enlèvement des pierres des tranchées
qui gênaient la culture, étaient intactes. Les corps y étaient
recouverts de terre et de cendre. On y retrouvait partout une
disposition intentionnelle. Une seule grotte fait exception ;
elle avait été visitée postérieurement aux temps préhisto-
riques et l'entrée n'en était pas fermée par des pierres.
Les corps étaient réguUèrement disposés dans les grottes
sépulcrales ; ce qui montre qu'elles n'avaient point été réou-
vertes depuis le moment où les cadavres y furent placés,
et il est difficile d'admettre, pour plusieurs d'entre elles, des
inhumations successives. Les grottes sépulcrales étaient
donc dans leur état primitif. Les pierres de l'entrée, leur
scellement, la disposition des squelettes, la situation des
objets, l'état des parois à l'entrée et dans l'intérieur, l'attes-
taient d'une manière évidente. Mais l'ouverture moins bien
w
fermée, des traces de visites répétées, des dépôts superposés,
attestaient aussi dans d'autres grottes, ayant servi d'habita-
tions, des séjours successifs pendant l'époque préhistorique.
Au moment de leur exploration, les grottes oflFraîent des
caractères variés résultant du mode même d'inhumation,
qu'on peut répartir en trois catégories. Dana un certain
nombre de grottes, on ne découvre, près des ossements,
aucune trace de tissu ou de peau, mais seulement une
couche brunâtre, pulvérulente, résultat probable de la
décomposition des chairs. Les corps, inhumés dans ces con-
ditions, affectaient invariablement deux modes d'arrange-
ment.
1° Dans les grottes-habitations, ils étaient disposés hori-
zontalement, complètement étendus le long des deux parois
latérales, la tête dirigée vers l'entrée et les bras allongés
près du corps et jamais croisés. Un espace libre avait été
laissé au milieu de la grotte entre ces deux rangées. Les
individus, ainsi inhumés, étaient du reste généralement
moins nombreux, et, rappelons-le, on ne rencontre ce mode
de sépulture que dans les grottes-habitations. La deuxième
entrée, donnant accès de l'anti-grotte dans la grotte môme,
était bien fermée. Les corps déposés dans l'anti-grotte ne
rappelaient généralement pas le même mode de sépulture.
Bien que l'inhumation y fût également préhistorique, elle
n'était pas de la même époque que la première ; c'était pro-
bablement d'impérieuses nécessités qui avaient obligé à utili-
ser les anti-grottes, ainsi qu'on l'avait fait pour les tranchées
elles-mêmes.
Les sépultures offraient un mélange de sujets des deux
— 399 —
reconnaître. La régularité dans la position des corps et les
objets déposés près de ceux-ci, ainsi que la fermeture des
grottes, témoignaient des soins affectueux qui avaient pré-
sidé aux inhumations.
2** D autres corps étaient déposés en plus grand nombre, sui-
vant le môme mode d'inhumation. Nous en avons compté
vingt cinq, trente, trente cinq et jusqu'à quarante dans une
même grotte. Ils avaient dû être placés simultanément, et
leur nombre avait nécessité une disposition particulière. Les
têtes étaient non seulement dirigées vers l'entrée à droite et
à gauche, mais aussi au fond vers les deux parois latérales.
Les plus grands sujets avaient été placés les premiers ; puis
venaient ceux de moyenne taille et, enfin, ceux de taille
petite ; de telle manière qu'il y avait une suite de têtes, par-
tant de la paroi et descendant jusqu'à la moitié du corps des
premiers placés. Là, plus de mélange de sexe; il n'y avait
que des hommes, vieux et jeunes, et chez ces derniers la
dent de sagesse était souvent encore dans son alvéole.
Le mélange des os ne permet pas d'admettre des inhuma-
tions successives. Il était facile de constater que les cadavres
avaient été superposés en même temps et que leur décompo-
sition avaient créé des espaces vides, car les ossements supé-
rieurs étaient adhérents et comme suspendus à la paroi. Il est
probable que ces grottes ne renfermaient que des guerriers,
qui avaient succombés dans des combats : leur nombre, leur
âge, les armes nombreuses, le grand nombre de flèches sous
les ossements, semblent le démontrer. Un soin spécial avait
présidé à la sépulture de ces guerriers. Dans le second mode
de sépulture, les corps avaient été recouverts de cendre de
deux manières différentes ; ils étaient déposés dans une
couche de cendre épaisse d'un mètre cinquante à deux mètres
environ, et alors on peut admettre que les corps avaient
été déposés successivement. L'aire de la grotte était couverte
sur toute son étendue. Certains corps étaient accroupis, les
côtes affaisées sur elles-mêmes et formant comme une série
de cercles concentriques surmontée du crâne. Dans d'autres
circonstances, il était évident que les ossements avaient été
apportés après un séjour dans un autre endroit. Ils étaient
en petit nombre, sans connexions anatomiques, et ne por-
taient aucune trace d'incinération; quelquefois ils étaient
rangés par groupes, comme s'ils avaient été apportés dans
une corbeille dont on avait versé le contenu avec soin ; ils
sont dans ce cas calcinés.
Dans plusieurs grottes, on observait un troisième mode
d'inhumation. Les corps avaient été recouverts d'une terre
pulvérulente choisie et préparée. On n'y rencontrait que les
pierres destinées à asseoir et à assujettir les corps. Les dispo-
sitions étaient les mêmes que celles constatées dans les sépul-
tures faîtes dans la cendre. Les cr&nes humains, trouvés dans
ces grottes en bon état de conservation, sont nombreux. Le
type brachycéphale y prédomine ; cependant il affecte des
nuances qui se rapprochent plus ou moins du type pur. Plu-
sieurs cr&nes appartiennent à d'autres types. Nous avons
aussi constaté quelques particularités que nous ne ferons que
muitionner, car l'étude seule des crânes comporterait des
développements dans lesquels nous ne pouvons- entrer ici.
Les autres ossements humains sont aussi dignes d'attention
et offi^nt un grand intérêt scientifique.
Avant de parler des objets recueillis, signalons leurs posi-
tions dans les sépultures. Un bon nombre de ces objets
étaient dispersés sans ordre ; toutefois, la plus grande
iiiiutité se retnjin;iit. fRH|ueiriinent daus les mêmes coiidi-
0
— 401 —
contre lesquelles les haches avaient été posées et qui auraient
cessé de soutenir TinstrumeDt.
Dans les sépultures recouvertes, il était plus difficile de
bien constater la position des instruments. Cependant elle
semble avoir été généralement analogue. Toutefois quand les
matières pulvérulentes pouvaient soutenir les haches, celles-
ci n'étaient plus du côté de la paroi, mais toujours à côté des
individus.
Les couteaux ne paraissent pas avoir eu de position fixe ;
ils étaient répandus partout. Les flèches à tranchant trans-
versal et les autres se trouvaient sous les corps. Nous note-
rons cependant une exception. Une flèche en losange de
grandes dimensions se trouvait vers les membres inférieurs
du corps, dans une position parallèle aux tibias. Elle avait
été incontestablement placée ainsi avec intention.
Le manche d'un instrument, cylindrique et en os, a été
trouvé dans la main droite d*un des squelettes. Le bras était
allongé et les phalanges de la main, n^aintenues dans leur
connexion anatomique, entouraient encore Tinstrument. Les
objets en os étaient mélangés avec la cendre ou avec de la
terre pulvérulente. C'est probablement à ces conditions qu'on
est redevable de leur conservation. Les grains de collier se
trouvaient invariablement dans les régions cervicales. Les
petits coquillages servant de parure les accompagnaient quel-
quefois, ou se troïivaient seuls dans la môme région du corps.
Les grands coquillages percés et taillés étaient dispersés sur
toute rétendue du corps. Les fragments de poteries étaient
confondus sans ordre avec la cendre ou la terre. Le seul vase
entier en terre cuite que nous ayons trouvé, recouvrait le
crâne d'un individu inhumé dans la tranchée d'une grotte
profonde. Il semble que le mort en avait été comme coiffé.
Après ces indications sommaires, nous avons à signaler
les sculptures observées dans les cavernes. Trois grottes,
qui avaient servi d'habitations avant d'être utilisées comme
sépultures, sont ornées de sculptures en demi-relief. La pre-
'■ - ^B.
_.J.* -
miëre sculpture découverte se trouve dans une grotte du
deuxième groupe de Courjeonnet. Elle représente une hache
emmanchée grossièrement exécutée; le dessin eu est très
imparfait. Cette hache en demi-relief cache la partie infé-
rieure d'un sujet que nous avons retrouvé plus tard, et qui
paraît être l'image d'une Déesse.
Dans les hypogées de Coizart, les sculptures sont plus
nombreuses et plus soignées: l'art y affecte même une cer-
taine prétention. On y voit, dans une anti-grotte, un bas-
relief représentant probablement aussi une Déesse. Cette
figure est haute de 44 centimètres et large de 23. La région
du cou est ornée d'un collier formé de grains oblongs et por-
tant un médaillon conservant des traces d'une teinte jaune
qui parait avoir été de l'ocre. Le visage n'est véritablement
qu'une ébauche i le nez, très saillant et flanqué de deux
points noirs, l'occupe presque en entier. Les seins sont proé-
minents, n serait fort intéressant d'établir des rapproche-
ments entre cett« image et celles de divinités plus connues ;
la comparaison fournirait peut-être quelques renseignements
sur l'origine de la tribu qui creusa ces grottes. A l'intérieur
de la même cavité, sur les parois antérieures à droite et à
gauche de l'entrée, deux haches sont représentées avec leur
manche. Dans celle de droite, le manche a 32 centimètres
de longueur; la gaine, 15 centimètres, et la partie représen-
tant le trimchant de la hache, 5 centimètres. La hauteur
totale mesure 26 centimètres et l'on en compte 21 du sommet
de la pointe à l'extrémité de la gaine. La partie figurant le
— 403 —
accusées. Ce sujet mesure 49 centimètres de hauteur sur
32 de largeur. Mais, sur la paroi latérale à gauche de la
même anti-grotte, on voit une image qui rappelle la Déesse
dont nous avons déjà parlé, quoique certaines différences
dans le dessin inspirent quelques doutes sur l'identité du
sujet. Elle est comme embéguinée dans des plis qui entourent
la figure. Les parois y sont encore, à droite et à gauche
de l'entrée, ornées de deux haches sculptées. La hache de
droite qui est mutilée, a 32 centimètres de hauteur; celle
de gauche, représentant une hache emmanchée, a 33 centi-
mètres.
Dans l'intérieur, un instrument mesurant 24 centimètres
de hauteur sur une largeur de 6 centimètres qui diminue
graduellement jusqu'à un centimètre, a été représenté avec
beaucoup de soin. Sa destination nous^st inconnue.
n est inutile de faire remarquer que ces sculptures soulè-
veront plusieurs questions relatives au culte et aux mœurs
des habitants de nos grottes.
Parmi les objets en silex trouvés dans les grottes, nous
devons tout d'abord parler des flèches à tranchant transver-
sal. Ces armes ont été trouvées en plus ou moins grand nom-
bre dans toutes les cavernes ; mais elles étaient particulière-
ment abondantes dans les sépultures où les corps avaient été
déposés à découvert. Elles jonchaient le sol sous les squelettes
dans la couche de poussière brunâtre. Elles étaient plus nom-
breuses dans la région du sacrum. Nous en avons recueilli
plus de sept cents. Elles varient beaucoup pour le poids et la
longueur. La plus légère et la plus petite pèse un gramme ;
elle est longue de 16 millimètres. La plus grande pèse six
grammes ; elle est longue de 4 centimètres. Entre ces dimen-
sions extrêmes, il y a une multitude de variétés intermé-
diaires qui semblent indiquer un système de balistique
parfaitement raisonné. On sait, en effet, que la trajectoire et
la puissance des flèches se calculent sur leurs proportions
et leur poids. Il peut paraître toutefois diflicile d'admettre
- 404 -
que nos troglodytes n'employaient que des flèches dont la
pointe est si artistement travaillée.
Une vertèbre humaine, trouvée le 10 juin dernier, dans
une des grottes de Courjeonnet, est percée d'une de ces flè-
ches encore enfoncée profondément dans l'os. Ce fait prouve
suffisamment l'usage de ces flèches et les mœurs guerrières
de la tribu.
Dans une fouille faite, le 11 juin, dans une grotte de
Coizart, nous avons découvert une autre vertèbre humaine
percée d'un silex qui s'éloigne par sa forme des flèches con-
nues les plus parfaites et du type h tranchant transversal.
Ce silex appartient au genre couteau-lancette. Nous avions
déjà recueilli plusieurs de ces instruments formant une lame
fine et allongée. Cette vertebre établit, d'une manière in-
discutable, l'emploi de l'arme comme trait. La balistique
préhistorique n'employait donc pas seulement des flèches
finement travaillées qui affectent la forme sagittée dans toute
sa purete, mais elle admettait encore d'autres formes plus
simples.
Nos recherches nous ont aussi mis en possession d'un
grattoir échancré aux deux extrémités qui appartient au
type du Grand Pressigny. Ces grattoirs n'avaient été, jus-
qu'à présent, trouvés qu'à la surface du sol. Leur présence
dans les grottes du département de la Marne les classe d'une
manière positive et les rattache à l'âge de la pierre polie, tout
en établissant un nouveau lien entre les tribus, dont on
retrouve les témoins dans des gisements si différents.
— 405 —
Plus de deux cents couteaux, dont plusieurs sont fort re-
marquables, des grattoirs bien caractérisés et très soigneu-
sement retaillés, des flèches à soie, à ailes , en losange et en
amande, des pointes de lances d'un travail remarquable, des
écrasoirs et une multitude d'autres objets d'un travail gros-
sier, mais incontestable, composent la collection des instru-
ments en silex que nous avons extraits des grottes. Quelques
pierres à aiguiser sont aussi dignes d'être signalées.
Les instruments en os sont loin d'être aussi nombreux,
mais cependant ils sont en quantité considérable. Deux man-
ches formés de fémurs de ruminants, des gaines parfaitement
polies, des poinçons de formes et de dimensions très variées,
des lissoirs, une houe, une massue, des manches cylindri-
ques courts, représentent à peu près ce genre d'industrie
des grottes du département de la Marne. Un os qui paraît
être un tibia, est armé, à ses deux extrémités, de deux
canines de porc. La grotte où cet instrument a été trouvé
contenait plusieurs de ces dents. C'est là un fait à peu près
unique dans nos grottes. Les Matériaux pour servir à
l'histoire de Vhomme ont parlé d'un objet semblable. H y
est désigné sous le nom de tranchet, et son authenticité a été
mise en doute. Une aiguille à chas a été également recueillie,
ainsi que des fragments d'os qui avaient subi un commence-
ment de travail.
Les objets de parure n'étaient pas moins nombreux. Plus
de cent cinquante coquillages appartenant à divers genres ont
été fournis par nos cavernes. Ces coquillages sont tous percés
et un grand nombre sont même taillés. Leur détermination
et leur provenance semblent devoir autoriser d'intéressants
rapprochements. Deux cent cinquante grains de collier formés
de craie et de pétoncles étaient mélangés avec les coquillages.
De nombreuses pendeloques en schiste et en marbre, des
dents percées, dès bélemnites polies et perforées, complètent
la série des ornements.
La céramique y est représentée par un vase que nous
26
avpDB pu conserver intact. Ce vase est d'une facture gros-
sière et est mal contourné. Nous possédons également une
portion remarquable d'un autre vase d'une moindre capacité.
Une quantité considérable de fragments accusent d'autres
formes et d'autres procédés de fabrication. Ces fragments
portent des dessins grossiers indiquant tout à fait l'enfance
de l'art.
Nous avons été contraint de garder le silence sur un grand
nombre de faits, afin de ne pas dépasser les limites assignées
h cette communication. Mais comme les découvertes dont
nous avons donné un aperçu, fixeront sans doute l'attention
du monde savant, nous nous proposons de les traiter plus
amplement dans un prochain mémoire.
Les dolmens ^À/rigue, par M. le général Faidhehbe.
Le Congrès anthropologique de Bruxelles en étant arrivé,
d'après l'ordre de son programme, h V&ge de la pierre polie,
H. le Secrétaire général nous a demandé de faire une com-
munication sur leadolmeos, monuments qu'on rattache géné-
ralement à cet âge.
Ce n'est que sur les dolmens d'Afrique que nous pouvons
fournir des observations, mais nous sommes de ceux qui
pensent que la question des dolmens est une.
Si la Belgique n'a plus aujourd'hui de dolmens, cela peut
tenir & ce que ces monuments ont été détruits dans cette
contrée. (4ui a toujoura eu une population très dense.
— 407 —
moins reculée que celle de l'homme paléolithique, et c'est
même tout au plus si les dolmens d'Afrique ont encore leurs
entrées au Congrès préhistorique, puisque l'époque où ils ont
probablement été élevés, est aujourd'hui devenue historique
pour la contrée voisine, l'Egypte, grâce à l'admirable décou-
verte de Champollion et aux savants travaux de MM. de Rou-
ge, Brugsch, Mariette Birch, et autres savants, qui ont
permis de lire les inscriptions hiéroglyphiques. Cela nous
procurera l'avantage de pouvoir étayer indirectement nos
observations de documents historiques, avantages que n'au-
ront probablement jamais ailleurs les recherches sur l'homme
des terrains quaternaires.
Vous savez que des populations de l'Europe occidentale
parlant des langues celtiques ont donné le nom de dolmens,
signifiant tables de pierre, aux monuments dont nous nous
occupons, à cause de leur forme. Et, soit dit en passant, si
ces monuments avaient été élevés, comme on l'a dit, par des
populations celtiques, il serait étonnant que la tradition s'en
fût perdue au point que les descendants de ces populations,
parlant encore la même langue dans les mêmes lieux, leur
eussent donné, dans cette langue, un nom indiquant qu'ils
n'en connaissaient même plus la destination ; car les dolmens
ne sont ni des tables, malgré leur nom breton, ni des autels
druidiques, comme l'avaient déclaré des savants : ce sont des
tombeaux et rien que des tombeaux.
On en trouve d'une manière presque continue depuis la
Poméranie jusqu'au désert de Barka, en suivant les rivages
de la Baltique, de la mer du Nord, du canal d'Irlande, de
l'Océan atlantique et de la Méditerranée. Il serait très impor-
tant de vérifier, si, comme on nous l'a assuré, il y en a en
grand nombre au Maroc ^
Quant à ceux qu'on a signalés, à plusieurs reprises, dans
1 Postérieurement au Congrès de Bruxelles, nous avons acquis la certi-
tude qu'il y a des dolmens aux environs de Tanger.
- 408 —
des pays plus ou moins lointains en dehors de cette grande
ligne continue que nous venons d'indiquer, nous avouons
que, pour un bon nombre, nous nous défîoas un peu de l'as-
similation.
Les dolmens d'Afrique, eux-mêmes, sont-ils bien des mo-
numents identiques avec ceux de l'Europe nord-occidentale?
Le dolmen simple, le dolmen type, c'est un carré long,
formé par des pierres brutes, généralement fichées en terre,
de champ et recouvertes par une pierre posée à plat, de la plus
forte dimension que le permettaient les ressources de la loca-
lité et les moyens des constructeurs. Quand il ne se trouve
de supports que de deux ou de trois côtés, nous sommes per-
suadé que cela tient simplement à ce qu'uu des petits côtés,
ou tous les deux ont été enlevés. Toutes ces pierres sont
plus ou moins régulières suivant la nature de la roche ; elles
sont rarement dégrossies et ne portent jamais d'inscriptions.
Cette définition donnée, nous répondrons sans hésiter à la
question que nous nous sommes posée : Oui ! les dolmens
d'Afrique sont les mêmes monuments que ceux d'Europe ; et
notre opinion, à. cet égard, a d'autant plus de valeur que nous
avons d'abord exprimé et publié l'opinion contraire, au sujet
des dolmens de Boknia, disant que ce mode de sépulture avait
pu être imaginé spontanément par des indigènes troglodytes
d^Afirique, sans relations avec les populations qui avaient
élevé des tombeaux analogues dans d'autres contrées.
Lorsque nous avons avancé cette opinion, nous n'avions
vu que les dolmens de Iloknia, construits avec des blocs in-
— 409 —
vaincu que le dolmen est un monument spécial, qui n'a pas
été imaginé en des lieux divers par des populations sans
relations entre elles ; et, par suite, nous sommes porté à croire
que, depuis la Poméranie jusqu'à la Tunisie, les dolmens
ont été élevés par un môme peuple. De plus, conformément
aux raisons données par M. Bonstetten, nous pensons que
l'usage des dolmens a été importé du Nord au Sud et non en
sens inverse. Maintenant, ce peuple ayant subjugué, sur sa
route, les populations du territoire desquelles il s'emparait et
s'étant indubitablement croisé avec elles, on doit trouver,
dans les dolmens des différents pays, des échantillons de
races diverses, et le problème consiste à distinguer, parmi
elles, l'élément constant qu'il faut attribuer aux construc-
teurs de dolmens.
Quel nom trouvons-nous à ces monuments, dans le nord
de l'Afrique? Là, les populations actuelles, berbères ou ara-
bes, ne les ont appelés ni tables, ni autels ; elles les appellent
des tombeaux; et, comme elles sont musulmanes et qu'elles
savent que ces sépultures sont antérieures à l'Islam, elles
les appellent les tombeaux des Djouhala, c'est à dire en arabe,
les a tombeaux des ignorants, des idolâtres » , et, grâce à des
traditions suffisamment conservées, elles distinguent ces ido-
lâtres des Latins et des Grecs payens ou chrétiens, et des
Phéniciens qui tous ont laissé des traces et des tombeaux si
nombreux dans le pays.
Nous n'avons trouvé, dans les dolmens d'Afrique, avec les
corps (qui ne sont pas incinérés), que des vases assez gros-
siers en terre cuite et, rarement, des bracelets ou anneaux en
fil de bronze. M. Bourguignat y a trouvé quelques petits objets
en argent et il paraît que M. Berbrugger a recueilli, dans
ceux de Guiotville, près d'Alger, quelques silex taillés. ■ •
Généralement, nous avons trouvé, dans chaque dolmen,
autant de vases que de corps, que ce fussent des corps
d'hommes, de femmes ou d'enfants. Nous n'avons pu nous
expliquer d'une manière satisfaisante les inhumations multi-
410 -
pies dans des tombes trop petites pour contenir, à l'état com-
plet, le nombre des corps dont nous retrouvions les débris.
On est forcément amené h admettre des inhumations succes-
sives, malgré la répugnance qu'on éprouve k croire que des
gens qui avaient un tel culte des morts, pouvaient déranger,
bouleverser, dans ce dernier asile, un ou plusieurs cadavres
plus ou moins décomposés, pour faire place à un nouveau
venu.
Contrairement à l'opinion de M. Bourguignat, nous avons
la conviction que les dolmens d'Afrique n'étaient pas recou-
verts d'un tumulus : nous n'en avons vu nulle part la moin-
dre trace. Presque partout, il y avait impossibilité matérielle
k l'existence d'un tumulus, par suite de la situation des dol-
mens sur des pentes accidentées ou du manque de terre sur
les plateaux rocheux où il se trouvent. A Guiotville, contre
les quelques dolmens qui subsistent encore, il y a des tas de
pierres, mais ce sont tout simplement les débris des dolmens
voisins dont les colons se sont débarassés en défrichant leurs
concessions.
Maintenant, quel est le peuple qui a élevé ces dolmens*^
Le point de départ bien constaté des grands groupes est
sur les bords de la Baltique, patrie de la race blonde depuis
les tempà historiques, et leur point de terminaison est eu
Afrique, c'est à dire, dans une partie du monde où les habi-
tants ne sont rien moins que blonds. Cela serait embarassant,
sans trois circonstances qui viennent, au contraire, porter la
lumière d<liis la ijiicstiuii
— 411 —
D'après cela, il est évident, pour nous, que ce sont les
blonds du Nord de l'Europe qui ont laissé cette traînée con-
tinue de dolmens jusqu'en Afrique, dans des temps qui,
d'après les annales égyptiennes, doivent être reculés jusqu'à
plus de 1500 ans avant J.-C. Mais il est possible que l'usage
ne s'en soit pas conservé dans des temps plus récents.
M. Bonstetten annonçait, dans son ouvrage sur les dol-
mens, d'après des observations faites sur les dolmens Scan-
dinaves, que la race dont on y trouvait les restes, était
petite, brachycéphale et devait être rattachée aux Finnois.
Mais des recherches postérieures n'ont pas confirmé cette
assertion et ont indiqué plusieurs types différents.
En Afrique, à Roknia, en particulier, on trouve des corps
tant qu'on en veut et on obtient des crânes bien entiers, pour
peu que Ton prenne, en les extrayant de la terre, les
précautions nécessaires et bien connues des anthropolo-
gistes.
Nous avons donc pu observer parfaitement la race des dol-
mens de ce pays. Or, nos observations nous donnent des
résultats tout à fait opposés à ceux qu'avait signalés
M. Bonstetten. Nous trouvons une race dolichocéphale et très
grande, et ceci s'accorde avec les légendes locales qui disent
que les constructeurs des dolmens étaient des espèces de
géants d'une force extraordinaire.
En effet, si nous examinons le contenu des quatorze dol-
mens fouillés méthodiquement par nous ^ nous pouvons à
peu près apprécier le nombre de corps qui s'y trouvent et,
assez généralement, il nous est possible, par des os longs
conservés entiers, de déterminer approximativement la taille
des individus auxquels ils appartiennent, en nous servant
de la table d'Orfila^ que nous trouvons dans le Manuel de
médecine légale de Briand. Nous savons bien que les rapports
* Voir nos RecJierches anthropologiques sur les tombeaux mégalithiques
de Roknia. Bône (Algérie) 1868.
des grandeurs des membres entre eux, et avec la taille totale,
sont variables d'un individu à l'autre, et qu'ils peuvent l'être
surtout d'une race à une autre. Mais y eut-il erreur de
quelques centimètres en plua ou en moins, nos résultats sont
tels qu'il n'en subsisterait pas moins : que les hommes des
dolmens de Rokrtia étaient d'une taille remarquablement
grande. Nous allons le démontrer, en passant en revue le
contenu des quatorze dolmens.
La tombe 1 renfermait 4 corps, les os longs indiquant les
tailles de 1"77. 1"70, l'-Ql, 1"63;
La tombe 2 renfermait 2 corps de 1-85 et 1"81 ;
La tombe 3 renfermait 3 corps, l'un de 1"90 et les deux
autres de l^Qh environ ;
La tombe 4 renfermait 2 corps de l'"54 environ ;
La tombe 5 ne renfermait qu'un corps et il ne s'y trouvait
pas d'os long en assez bon état pour en apprécier la
taille;
La tombe 6 renfermait 3 corps. Une seule paire de fémurs
entiers indique un individu de 1°'64;
Dans la tombe 7, se trouvait une fête d'enfant de 8 à 12 ans,
mais U y avait absence d'os longs entiers ;
La tombe 8 renfermait deux corps, dont un d'enfant et
l'autre d'une taille de 1 "'71 ;
Dans la tombe 9, se trouvaient 7 corps. Un seul fémur
incomplet indique un homme de l''80 environ. Sur les sept
crânes, îl y en a 5 de vieilles femmes et un que nous croyons
être nigritique; le septième crftna incomplet est assez épais
— 413 —
l'autre de femme sans doute, à cause des bracelets en bronze,
d'une taille de 1"49.
En récapitulant, nous trouvons que ces quatorze tombes
lenfermaient 35 corps, dont trois enfants, et que sur les
32 adultes, il n'a été possible d'observer les tailles que de 20.
La moyenne générale de ces tailles est de 1™69 ; mais, si nous
retianchons les cinq femmes des tombes 4, 10, 12, 13 et 14,
dont les tailles donnent une moyenne de 1"55, la taille
moyenne pour les 15 restants, parmi lesquels il n'est pas
bien sûr qu'il ne puisse y avoir encore quelques femmes, est
de 1"74. Or, la taille moyenne en Belgique est aujourd'hui
1°'65; cette moyenne de 1"74 est donc considérable et
remarquons surtout que, sur 15 individus non choisis, nous
en avons 6 dont les tailles sont l^OO, 1"85, l-^SS, l^Sl,
l^SO, 1™77, c'est à dire, qu'ils sont plus grands que nos cara-
biniers, dont la taille minimum est de 1"76. On s'explique
comment, l'éloignement grossissant les choses, les légendes
parlent de ces gens là comme de géants.
Quant aux crânes, nous avons pu en mesurer 20 plus ou
moins complètement, mais l'indice céphalique n'a pu être pris
que sur 18. L'indice maximum est 853 et le minimum 705 ;
la moyenne des dix huit est 75. On peut donc les dire en bloc
dolichocéphales.
Si nous adoptons la classification de M. le docteur Broca,
nous en trouvons : dix dolichocéphales au dessous de 75, quatre
sous-dolichocéphales de 75 à 776, deux mésaticéphales de 777
à 799, deux sous-brachycéphales de 80 à 849, et il n'y en a
aucun de complètement brachycéphale à 85 et au dessus.
Les crânes mésaticéphales et sous-brachycéphales sem-
blent être des crânes de femmes, de sorte que nous pouvons
dire que tous nos grands sujets mâles étaient dolichocéphales
et qu'en définitive, les dolmens de Roknia dénotent une race
très grande et franchement dolichocéphale. Ajoutons que les
crânes sont beaux pour la plupart et nous indiquent des pro-
fils que ne renieraient pas nos plus belles races du Nord.
Le crâne mésaticéphale n" 4, de la tombe 9, h l'indice
78, et le crftne sous-brachycéphale n" 2, de la tombe 10, à
l'indice 80, sont dea crânes de femmes. Quant au crâne
n" 10, de la tombe 11, le plus brachycéphale de tous, k l'io-
dice 84, on ne sait trop k 15 ni l'attribuer ; en effet, il y a daas
cette tombe sept fémurs, dont un seul entier indiquant une
taille de l^BO et un très grand tibia indiquant une taille de
l^SS. Le crâne n' 10, dont la capacité n'est que de l,275cen-
timëtres cubes, est bien petit pour l'attribuer à l'individu de
l^SS, d'autant plus qu'il y a dans cette tombe un autre
cr&ne, dont la capacité, un peu supérieure, est de 1,300 cen-
timètrea cubes et qu'il y manque un quatrième crâne.
Nous admettons doncquelespeuptadesdesdolmensd'Âfrique
étaient de cette race grande et blonde qui nous est signalée,
dès les premiers temps de l'histoire, dans le Nord de l'Europe,
race dont nous voyons les caractères physiques si énergique-
ment accusés sur cette peinture de la salle du Palais ducal,
représentant les premiers habitants de la Belgique et dont,
jKiur notre part, nous ne regardons pas la provenance asiatique
comme démontrée, ni même comme probable.
Voyons maintenant ce que les documents égyptiens nous
apprendront sur ces blonds de la Libye, car ils ont joué un
rôle très important dans l'histoire de l'Egypte,
Les Égyptiens donnent le nom générique de Tamahou aux
envahisseurs blonds qui leur arrivaient de l'Ouest, du pays
des Tahennou, c'estàdire, du pays des montagnes nuageuses;
et, d'npiv';s <'L' que mms a dit, M. Brugsch, ce mot Taiimliou
— 415 —
berbère, désignait tout simplement, pour les Égyptiens, les
populations qui parlaient cette langue.
Les blonds qui envahirent TÉgypte parlaient donc berbère ;
mais aujourd'hui, il est reconnu que le berbère a une parenté
sérieuse avec le copte ou égyptien, qu'il a, comme ce dernier,
quelques rapports avec les langues sémitiques, et qu'on en
trouve des traces dans le sud de l'Arabie. Ce ne pourrait donc
pas être là la langue maternelle des blonds aux dolmens, venus
du Nord de l'Europe; et il faut admettre que ceux-ci, à leur
arrivée en Afrique, avaient trouvé, établie dans le pays, une
population, les Rebou ou Lébou des textes égyptiens, de
même souche que les Égyptiens eux-mêmes et que les Cous-
chites d'Asie, et que les envahisseurs avaient adopté la langue
de ces Lébou, en perdant la leur, phénomène, comme on le
sait, très commun dans l'histoire.
L'universalité de la langue berbère dans l'Afrique septen-
trionale, de l'Egypte à l'Océan et de la Méditerranée au Sou-
dan, est encore une preuve que cette langue était celle des
indigènes et non des conquérants étrangers.
Les Libyens' (Lébou) n'étaient devenus redoutables pour
les Égyptiens et ne les avaient attaqués sérieusement que
lorsqu'ils avaient été renforcés par ces gens du Nord. Quant
aux Égyptiens, frappés des caractères physiques de ces der-
niers, caractères étranges pour eux, ils n'avaient pas manqué
de les reproduire dans leurs dessins et leurs peintures ; ce
qui fait que nous possédons aujourd'hui les portraits coloriés
des gens qui élevaient les dolmens, il y a plus de trois mille
ans.
De nos jours, les Touaregs semblent être un des restes
conservés les plus purs de ces antiques Tamahou ; leur langue
est la moins altérée, comme nous l'avons dit. Ils l'appellent
encore Tamahoug ou Tamahag ou Tamacheq; ils se servent
encore des caractères graphiques, avec lesquels l'écrivaient,
il y a deux mille ans, les Numides, descendants directs de
ces Tamahou, de cette tribu des Maschasch, qui fournissait
- 416 —
les plus forts contingents aux envahisseurs du Delta sous la
19° dynastie et qui perdit plus de 6,000 hommes dans une
seule bataille contre les Égyptiens , sous Méremptah,
1,400 ans avant J.-C. , Maschasch dont eux, Numides,
présentaient encore, dans beaucoup de leurs noms propres
d'hommes ou de tribus, le Mas ou Masch initial caracté-
ristique.
Les Touaregs sont de très grande taille ; beaucoup d'entre
eux ont les yeux clairs, d'après ce que nous a dit M. Duvey-
gnier, qui a visité le Hoggar; mais leur teint et leurs poils
ont bruni par un long séjour dans le Sahara et, sans doute
aussi par des croisements. Ds affectionnent encore les lon-
gues épées & deux mains qui rappellent les épées des
Maschasch de 3 et de 5 coudées'.
Sous le rapport des cheveux blonds et des yeux bleus, c'est
dans les montagnes du Maroc et de l'Algérie et spécialement
dans l'Aurés qu'on trouve des descendants des Tamahou
ayant conservé ces caractères des hommes du Nord*.
Mais, en fait de descendants de cette antique race, nous
avons h signaler un cas plus singulier. Dans les contrées du
haut Sénégal et du haut Niger, vers le 15° degré de latitude
nord, existaient, il y a douze ans encore, deux puissants
États nègres idolâtres, le Kaarta et le Ségou, aujourd'hui
démembrés et subjugués par les Pouls musulmans. C'étaient
des monarchies très fortement constituées, guerrières et
ayant des espèces d'armées permanentes, composées en
.iide partie d'esclaves. Les habitants de cea États sont les
— 417 —
tants du pays, prétend descendre d'ancêtres blancs venus,
il y a très longtemps, de bien loin dans le Nord, du côté de
rÉgypte et chassés vers le Soudan par des guerres intestines
et surtout par l'invasion arabe. Dans ce mot Massassi, IV final
exprime la nationalité par une règle arabe, usitée dans toute
l'Afrique du nord : biskri, un homme de Biskra; a^kriy un
homme des Ouled Askeur; soudani, sahariy un homme du
Soudan, du Sahara. Le radical du mot est donc Massas; mais
les Soudaniens ne peuvent prononcer la chuintante; en fran-
çais, ils disent Sarles pour Charles, cien pour chien; en
arabe, aïça pour Aicha, Asra pour Achera. Ce mot qu'ils pro-
noncent aujourd'hui Massas représente donc exactement le
nom Maschasch de la tribu de Tamahou . On sait qu'une longue
tresse recourbée, passant par devant l'oreille et retombant
jusque sur l'épaule, est la coiffure caractéristique des Mas-
chasch sur les monuments, et Hérodote (livre IV, p. 191)
nous apprend que les Libyens, Maxyès, continuateurs des
Maschasch, se rasaient un côté de la tête et laissaient pousser
leurs cheveux de l'autre côté. Eh bien ! aujourd'hui encore,
les Massassi se rasent la moitié de la téte et portent les che-
veux de l'autre moitié, tombant en tresse sur l'épaule, avec
un lourd anneau d'or. Ce qui prouve, soit dit en passant,
qu'il y a des modes qui durent longtemps, puisque voilà une
coiffure qui se maintient depuis 4,000 ans. Comme caractère
physique, nous avons remarqué le nez long et cartilagineux
des chefs Bambara, contrastant avec le nez court et mou des
autres Nègres. Quant à leur haute taille, elle ne prouverait
pas grand'chose, car il y a des races noires de très grande
taille dans cette contrée. Toutes ces circonstances réunies,
n'autorisent-elles pas à penser qu'une fraction des descen-
dants des antiques Maschasch a été fonder, à une époque dif-
ficile à déterminer, mais probablement postérieure à l'inva-
sion arabe, un empire sur les bords du Niger? Nous ne
mçntionnons que pour mémoire, parce que nous la croyons
hasardée, l'opinion deSid-el-Hadj-Bou-El-Moghdad, assesseur
du Cadi, de SaÎDt Louis (Sénégal), que le mot Bambara lui-
même est la corruption de Béni-Bar, Beni-Ber, nom donné
par les Arabes aux indigènes qu'ils trouvèrent en Afrique,
pour indiquer leur descendance de Ber (d'où le nom Berbère);
Ibn-KhaldouQ donne des détails sur cette généalogie plus ou
moins sérieuse.
On trouvera peut-être bien étrange que des peuplades ori-
ginaires des contrées septentrionales, où siège cette année le
Congrès préhistorique, soient devenues la souche d'une
dynastie nègre en plein Soudan ! Mais quelles limites assi-
gner aux pérégrinations des races humaines sur la surface
du globe même depuis les derniers grands changements? Il
n'y a pas plus loin de la Baltique au Soudan que de ta Mon-
golie & Chftions, où nous savons histonquement que les
hordes d'Attila sont venues se heurter contre les habitants
de la Gaule.
Quant aux changements physiques, noua croyons à une cer-
taine influence des milieux ; mais les croisements qui résultent
des déplacements ont certainement une influence infiniment
plus grande. Nous pensons que l'anthropologiste qui s'occupe
du classement des races humaines, doit surtout tenir compte,
à peine de tirer des conclusions hasardées, de la fréquence des
croisements qu'amenaient les invasions et la violence dans les
temps de barbarie et qu'amène la facilita des communications
dans les temps de civilisation. Que l'on réfléchisse à l'extrême
— 419 —
de 60 ans, et par conséquent de son tirant^ un descen-
dant direct présentant les caractères de race les plus opposés
aux siens propres dans lechelle de l'espèce humaine, descen-
dant qui sera grand, si lui est petit; qui sera dolichocéphale,
si lui est brachvcéphale ; qui sera prognate, si lui est ortho-
gnate; qui sera noir, si lui est blanc ; dont les cheveux seront
laineux, si les siens sont lisses?
Aussi y a-t-il presque partout une confusion extrême de
caractères physi^jues; aussi avons-nous trouvé des formes de
crânes très diverses dans les tombeaux de Roknia, de même
que chez les Berbères vivants que nous avons observés.
Nous avons mis sous vos yeux un des crânes complets
provenant de nos fouilles. Il faut que nous vous en disions
quelques mots. Ce crâne ne représente pas la moyenne de la
série; il est même un peu exceptionnel. Ses dimensions et sa
capacité sont considérables; en somme, c'est un très beau crâne
au front élevé. Il est dolichocéphale, à l'indice 72; sa capacité
dépasse 500 centimètres cubes; sa longueur est de 190 milli-
mètres; il a les apophyses mastoïdes volumineuses et les fos-
settes massétérines très prononcées par le déjètement en
dehors des angles de la mâchoire. Le sujet devait avoir une
puissance remarquable de mastication. C'était du reste un
homme qui avait une taille de 1"85, c'est à dire, plus de six
pieds anglais.
Si vous demandez à quelle race il se rapporte, nous
ne sommes guère capable de répondre à cette question.
Tout d'abord qu'est-ce qu'une race? Pour les uns, ce n'est
qu'un état de l'espèce momentanément fixé par l'action des
circonstances ambiantes; pour d'autres, les races, les princi-
pales au moins, tirent leurs caractères héréditairement de
souches différentes; pour d'autres enfin, et c'est ce qu'il y a
de plus probable, les caractères de la race sont une résul-
tante des deux causes énoncées ci-dessus, lliérédité et l'action
des milieux. — Mais tout cela n'est pas encore parfaitement
clair et il faut encore beaucoup d'observations et d'expé-
- 420 -
riencea avant de pouvoir poser des règles certaioes et établir
des classifications incontestables.
Cependant rien, suivant nous, ne s'oppose à ee que la plu-
part des crânes de Roknia soient attribués à la g^rande race
blonde du Nord de l'Europe, race qui était plus distincte, il y
a quelques milliers d'années qu'aujourd'hui, où tous les peu-
ples civilisés se fondent un peu les uns dans les autres, race
qui a de nombreux représentants en Belgique et dans le Nord
de la France, celles des anciens Belges de César, des Anglo-
Saxons, des Scandinaves, des Allemands du Nord, etc.
M. WoBSAAB. M. le général Faidherbe, dans sa communi-
cation, a soulevé une question très importante, celle de l'ori-
gine des peuples des dolmens. Il est d'avis que le peuple des
dolmens est descendu de la Scandinavie vers le Midi.
Je crois qu'il y aurait de graves difficultés k admettre ce
système. Si l'on compare les trouvailles faites dans les dolmens
du Nord avec celles des monuments semblables du reste de
l'Europe, on verra que les objets de nos dolmens sont les plus
perfectionnés. On trouve dans ceux-ci des instruments en
silex travaillés avec un soin tout à fait remarquable, tandis
que de pareils objets ne se découvrent pas dans d'autres
contrées.
Je pourrais vous donner une idée de ces silex en vous mon-
trant ici UQ ouvrage qui vient de paraître en Suède. On
rencontre, par exemple, des poignards , dont le manche est
souvent orné, mais ces objets disparaissent à mesure que l'on
descend vers le Midi. Eu Angleterre et en France, les tyi
— 421 -
déjà lors de son arrivée dans les régions de la Baltique, avait
une civilisation assez avancée, et je crois que cette civilisa-
tion a été développée ultérieurement dans notre pays.
Je n*ose pas décider si le peuple, qui a élevé les dolmens
de l'Afrique, est venu du midi de la France, mais je crois
cependant qu'on ne doit pas attribuer tous les dolmens à un
seul et même peuple. Je crois que les dolmens sont une forme
assez naturelle pour les tombeaux. On en retrouve encore aux
Indes dans les temps très modernes, et j'estime que les dol-
mens des différentes parties du monde ont été élevés par des
peuples de diverses races.
M. Desor. Je suis parfaitement d'accord avec M. le général
Faidherbe, et je pense avec lui que nous ne sommes pas
autorisés à admettre plusieurs centres de dolmens. A mesure
que la science progresse, les constructions mégalithiques
se retrouvent dans des régions nouvelles et, à mon avis, leur
ensemble doit être envisagé comme un seul et même grand
phénomène.
Au Congrès de Copenhague et, antérieurement dans
diverses publications faites en Allemagne, j'ai émis l'opinion
que la marche des dolmens s'était produite du Midi au Nord.
Comment se fait-il que, sous ce rapport , je sois si fort en
désaccord avec l'éminent Général Faidherbe? H vous a dé-
claré qu'il avait suivi la méthode de M. Bonstetten. Je con-
nais beaucoup M. Bonstetten ; j'ai eu des relations très sui-
vies avec lui et nous avons souvent discuté cette question.
n faut se reporter à l'époque à laquelle cette théorie a été
émise. En ce temps, on n'avait encore guère signalé de dol-
mens en Afrique, tandis qu'on en avait découvert en quan-
tité considérable dans le Nord. En voyant leur nombre dimi-
nuer à mesure que l'on descendait vers le Midi, on en avait
conclu que l'émigration était partie du Nord pour descendre
vers le Midi , en longeant les côtes occidentales pour se ter-
miner sur les côtes d'Afrique. On s'imaginait qu'il n'y
avait en Afrique que de rares dolmens isolés, tels que ceux
27
- 422 —
des environa d'Alger, que l'on considéra quelque temps
comme les tombeaux des légious romaines.
Depuis que cetta théorie a été émise, on a constaté, en
Afrique, la présence de dolmens dans des endroits où. les Ro-
mains n'avaient jamMs pénétré, et ils y sont plus nombreux
que dans aucune autre partie du globe. A la suite de cette con-
statation, le système qui avait été adopté, dut être abandonné.
Si M. Bonstetten était ici, je suis convaincu qu'il déclare-
rait lui-même y avoir renoncé.
L'opinion de ce savant a été soutenue par K. Bertrand;
mais j'ai pu constater, par mes discussions avec cet archéo-
logue, qu'il ne maintient pas non plus ce système d'une ma-
nière absolue. C'est une question ouverte; elle est très inté-
ressante. Quant à moi, je pense que l'on peut être autorisé à
faire venir du Nord les constructeurs des dolmens du Midi, et
qu'ainsi, l'antériorité du phénomène est déplacée.
M. le général Faidherbe a encore avancé gue les dolmens
d'Afrique devaient remonter à 12 ou 15 siècles avant notre
ère; or, siles constructeurs de dolmens sont venus du Nord,
il faut que les dolmens d'Europe soient encore beaucoup
plus anciens. Si nous nous en rapportons aux notions très
vagues que nous possédons sur ces temps reculés, nos con-
trées étaient, à cette époque, très peu favorables à des migra-
tions considérables.
n me semble donc qu'on est tout aussi autorisé à conclure
que le mouvement est parti du Midi et qu'il a suivi les côtes.
Quant h ce (li.'niit.'r iHiiiit (|iii l'-l d'u
- 423 —
migration supposée, et Ton n'imagine pas qu'un peuple,
sachant construire des monuments, ait pu venir de la mer
Caspienne et traverser la grande étendue de pays qui la
sépare de la partie occidentale de l'Europe, sans y avoir
laissé la moindre trace de son passage.
M. DE QuATREFAGEs. Ou vieut de dire que l'époque des ori-
gines des populations qui ont élevé les dolmens et celle
pendant laquelle s'étaient faites les migrations, étaient des
questions ouvertes. Je dirai qu'il en est de même de la
question anthropologique. Quelle est la race fondamentale
qui a créé les dolmens?
M. le général Faidherbe nous a dit que, dans le Midi, il a
trouvé des traces de mélange de races; cependant, dit-il, la
race brachycéphale y domine.
Dans le Nord, nous avons pu voir les magnifiques collec-
tions de Copenhague. Là aussi on constate le mélange des
types humains; mais les termes sont presque renversés. Je
n'ai pas besoin de rappeler, à ce sujet, les recherches et les
découvertes faites à Borreby ; l'examen que j'ai pu faire de
ces fouilles, si remarquables à tant d'égards, m'a montré des
phénomènes analogues. Plusieurs d'entre vous savent que
les crânes de Borreby ont acquis une réputation considérable
par suite des comparaisons qu on en a faites avec les crânes
anciens, représentés comme les types les plus inférieurs des
restes humains.
J'ai étudié avec soin ces types de Borreby et, en particulier,
celui qui a été reproduit à diverses reprises, notamment dans
l'ouvrage de sir Charles Lyell.
A côté de ce type, j'en ai trouvé un autre distinct du premier
par la forme du crâne, par la nature des os et par la taille
des individus. Déjà M. Schaaffhausen, dont je regrette l'ab-^
sence en ce moment, a publié les mesures qu'il a prises sur
ces crânes de Borreby, et lui aussi a été amené à admettre
deux types.
Pour moi, ce sont deux races parfaitement distinctes.
La différence des têtes et des ossements est très nette
entre les deux races, et il est impossible de les confondre,
quand on compare les pièces qui se trouvent au Musée de
D'une part, nous trouvonsdescràneset des ossements gros-
siers, ayant appartenu à des hommes de très grande taille ;
d'autre part, des cr&nes et des os des membres remarquables par
leur^nesse et accusantdes proportions très sensiblement moin-
dres. Ce n'est là une question ni d'ôge, ni de sexe. Parmi
ces 03, il en est d'hommes et de femmes, ce qu'il est facile de
constater en étudiant les bassins. Or, ces derniers présentent
les mêmes différences générales que les têtes elles-mêmes. Il
en est ainsi des fémurs, par exemple. Je me rappelle, entre
autres, le fémur d'un hommo chez lequel tout accusait la jeu-
nesse et qui n'en présentait pas moins les dimensions et la
structure que devaient faire supposer les têtes les plus gros-
sières. C'est l'os de la cuisse d'un jeune géant. Il contrastait
de la manière la plus frappante avec un autre fémur d'adulte,
mais à la texture fine et dense rappelant celle de certaines
têtes.
Tout concourt donc à faire admettre que ce dolmen de
Borreby renferme les restes d'une population se rattachant à
deux types distincts. L'un, le type grossier, est celui dont on a
tant parlé; l'autre, le ti/pe fin, me parait mériter aussi & tous
égards l'attention des anthropologistes. Si le Congrès veut
bien le permettre, j'ajouterai plus tard quelques détails et
lolnues (.■hifiVe.-i ;i cvs jj-i-iuTulitis. Xcsivi-i--. iusliiïer
— 425 —
Note relatwe aux deux types du dolmen de Borrehy^ par
M. DE QUATREFAGES.
Indépendamment de ses merveilleuses collections d'archéo-
logie préhistorique, le Musée d'Antiquités de Copenhague
possédait, à l'époque de mon séjour en Danemark, une collec-
tion de 49 têtes humaines plus ou moins complètes, une
dixaine de calottes ou fragments de crânes assez considéra-
bles pour pouvoir se prêter à l'étude et quelques os des mem-
bres ; le tout extrait des tombes explorées par les savants
Scandinaves. Sur les 49 têtes, 42 appartiennent à l'âge de
la pierre, 2 à l'âge du bronze, 3 à l'ancien âge du fer, 2 à
l'âge du fer récent (âge des Vikinds). Comme les objets d'in-
dustrie, ces ossements sont classés par trouvailles. La plus
importante de celles-ci, au point de vue anthropologique, est
sans contredit celle de Borreby, point situé à l'est de l'île
de Seeland, au sud de Korsœr. Elles comprend 24 têtes
ayant la face et le crâne plus ou moins intacts, 7 crânes assez
entiers, mais sans face^ 6 bassins et quelques os des mem-
bres.
Lorsqu'on place» les têtes osseuses à côté les unes des autres,
on est immédiatement frappé des différences qui les distin-
guent et les partagent en deux groupes répondant à autant
de types. Le premier comprend des têtes plus volumineuses,
à la face très développée, d'un aspect rude et sauvage, for-
mées d'os épais à structure grossière; dans le second, les
têtes sont moins grandes, le crâne présente un développe-
ment proportionnellement supérieur, les os. ont quelque chose
de plus fin, la structure en est évidemment plus serrée, plus
dense, de manière à présenter une résistance peut être égale
sous un volume beaucoup moindre.
Le premier groupe représente, pour moi, le type grossier de
Borreby. C'est lui qui a attiré jusqu'ici l'attention des an-
thropologistes. Le second groupe appartient à ce que j'appel-
lerai le type fin de Borreby, tJn examen même sommaire
permet de reconoattre que les deux groupes renferment des
cr&nes masculins et des crânes féminins.
Dans le premier, je signalerai, comme ayant appartenu à
des hommes, les a." V, VIII, IX. Le n'Xll, au contraire, qui
présente exactement les mâmea caractères, mais sensible-
ment adoucis, me parait être iQcontestablemeQt un cr&ne
féminin.
Comme exemple de crftne masculin appartenant au type
fin, je signalerai surtout le n' XV et le n°XVII. Ce dernier a
probablement appartenu à un Jeune homme. Tous deux ont
d'ailleurs les mâmes caractères que ies crftnes portant les
n" VI, XIX et XXI, plus fins, plus délicats et qui proviennent
évidemment de femmes.
Entre ces deux groupes, il n'y a pas de véritable transi-
tion. Les crânes du type grossier sont tous sensiblement plus
raccourcis que les autres et, & la simple vue, on dirait que la
dureté des traita, la saillie des bosses surcilières.la massiveté
des pommettes, croissent dans le même rapport que la bra-
chycéphalie. Même lorsque l'&ge ou le sexe amène un adou-
cissement, ces têtes gardent leurs proportious générales, leur
ossature rude et grossière, leur front fuyant et étroit ; pres-
que toujours, le menton reste massif et souvent le cr&ne pré-
sente une carène plus ou moins accusée.
Cest seulement parmi les tètes du type fin qu'on en ren-
contre de comparables aux belles tetes dolichocéphales de la
collection Panum. Même dans celles dont l'aspect rappelle le
— 427 —
Bvoir été celle d'un homme ayant dépassé le milieu de la
vie. Voici les notes que j'avais prises relativement à toutes
deux pendant mon séjour à Copenhague. Je les repro-
duits sans y rien changer. Il en est autrement des mesures.
Celles-ci ont dû être prises entièrement à nouveau ; car, depuis
mon retour de Copenhague, j'ai reconnu que mon compas
avait été faussé par quelque accident de voyage et m'avait
donné par suite des indications fausses. La correction a pu
être faite grâce à l'obligeance de M. Worsaae qui a bien
voulu me confier ces deux têtes pour les faire figurer dans
l'atlas de l'ouvrage auquel nous travaillons M. Hamy et moi.
J'ai donc à remercier doublement l'éminent Directeur des
Musées royaux de Copenhague et je m'acquitte bien cordia-
lement de ce devoir.
Type fin (tête n° XV). — Courbe supérieure très belle, très
régulière jusqu'à la suture occipitale où le développement de
la bosse cause une ondulation très marquée ; front haut, pres-
que bombé. — Courbe horizontale (norma verticalis) très
belle, d'un ovale allongé, rétréci en arrière par suite de la
saillie que fait la bosse occipitale; bosses occipitales à peine
indiquées; le haut du front cache le bord supérieur des orbi-
tes, sauf sur les côtés; on ne voit pas les arcades. — Surface
du crâne très régulière; nulle trace de carène. — Sutures très
simples ; synostose sur les côtés de la coronale. — Glabelle peu
marquée, fondue avec les bosses surcilières à peine indi-
quées. — Bord orbitaire se relevant extérieurement. — Os
du nez larges, s'unissant sous un angle assez ouvert ; épine
nasale médiocre. — Fosses canines évidées surtout à droite.
— Os malaire moyen; arcades fines, très peu arquées. — Pro-
gnathisme très marqué. — Plusieurs dents manquent en haut;
celles qui restent très usées ; il en était tombé pendant la vie
et l'os s'est cicatrisé. — Mâchoire inférieure relativement forte,
mais de porportions justes, d'un aspect dense et solide. —
Menton étroit, coupé carré, saillie symphysaire très marquée,
saillante. — Apophyse géni hérissée de saillies. — Angle des
branches courbé en dedans et tuberculeux. — Gouttière assez
prononcée. — La mâchoire inférieure n'a perdu que 3 incisi-
ves; toutes les dents, même les dernières molaires, sont
TÈTES OSSEUSES DE BORREIiY.
fin FI».
TYPE GIDSSIEil.
Circonféreuce
519
535
DiuDâtra antéro-posWrienr
( maiimum. . . .
185
186
150
( frontal
9<S
96
Diamétro vertical. . .- *. .
138
145
totale . . .
1S3
125
frontale
cérébrale. ,
110
91
Courbe supérieure pariétale
115
115
( BQpérieure .
12
66
occipitale t
( inférieure .
51
I Hauteur (alTéolo-glabellaire) . . .
Face
87
130
S- Or.
101
144
g. il.
\ xjor^Qiu ^vi4>j£utueLui|utj uxax.j
(Hauteur
29 28
31 33
OrbitcB
Ï7,5 38
38.5 41
Mâchoire supérieure ; largeur (areado) . .
Indicé horizontal
GO
15.67
67,5
PO.fiJ
■1
— 429 —
Type grossier (tête n** V) . — Courbe supérieure presque con-
tinue; ondulations peu marquées, si ce n*est vers le milieu
de la sagittale, où elle s'enfléchit assez brusquement.— Front
fuyant. — Courbe horizontale {norma verticalis) régulière,
très sensiblement renflée en arrière; bosses pariétales à peine
marquées ; on distingue l'énorme saillie des bosses orbitaires,
à peine les arcades zygomatiques, pas du tout les os du nez.
— Sutures très compliquées ; nulle trace de synostose ; la
suture médio-frontale a laissé une légère saillie plane. —
Pariétaux se joignant en carène peu accusée. — Bosses sur-
cilières très considérables, s'étendant jusqu'au tiers externe
de l'orbite, profondément séparéas à la glabelle qui est très
marquée. — Orbites presque quadrilatéraux. — Os du nez se
joignant sous un angle aigu, hardiment relevé. — Épine
nasale fracturée, elle devait être très grande. — Os malaire
développé, large; arcades fortes, peu courbées. — Maxillaire
supérieur robuste ; racines de la canine peu marquées. — Les
dents présentent à peine des traces d'usure ; les quatre der-
nières molaires, pas du tout. — Prognathisme médiocrement
accusé (les incisives manquent). — Menton arrondi, à saillie
triangulaire bien marquée. — Apophyse géni indiquée par
des empreintes musculaires. — Angles de la mâchoire légère-
ment tournés en dedans (exceptionnel). — Gouttière de la
glande sous-maxillaire large .
M. Cartailhac fait remarquer qu'il y a dans les dolmens
de France un fait très significatif qui indique le sens de la
migration du peuple des dolmens. Les tombeaux en pierres
brutes du midi de la France contiennent de nombreux objets
en métal. Il est établi depuis plusieurs années, par les tra-
vaux de MM. Cazalis de Fondouce et Cartailhac, que ces
monuments ont été élevés aux derniers moments de l'âge de
la pierre polie. — A l'aurore de l'âge du métal, les dolmens
du Centre et du Nord de la France , les grottes sépulcrales
qui les remplacent souvent, ne renferment les traces que de
l'âge de la pierre pure, sans mélange du métal.
Faudrait-il croire que les hommes des dolmens aient
perdu, en montant vers le Nord, la connaissance du métal?
N'est-il pas beaucoup plus vraisemblable dédire que les peu-
plades guerrières, plus civilisées du Midi, sont plus récentes
que dans le Nord de la France.
n n'est pas tout à fait exact de dire que les dolmens sont
répandus le long des côtes et des rivières. Il y a des milliers
de dolmens au sud du plateau central de la France : Âvey-
ron, Lozère, Hérault, Gard. Ils abondent dans l'Ârdèche.
Sur des cités maritimes à Java, par M. le colonel Weitzkl.
D'après le désir que m'a exprimé M. Jhr. van Binckhorst
van den Binckhorst, je communique par écrit, au Congrès,
les détails suivants, concernant l'existence de cités maritime.'^
dans rile de Java.
En 1854, comme j'étais attaché & l'état-major du com-
mandant en chef de notre armée aux Indes Orientales, mon
service m'amena h Tsilatsap, sur la côte méridionale de
rUe de Java.
Tsilatsap est, comme on sait, un port maritime protégé
par des fortifications. Le port proprement dit est formé par
un bras de mer, entre l'Ile de Java et la petite île de Noessu
Kembangan (l'Ile des Fleurs), sauvage et inhabitée. On y
aborde donc de deux côtés, h l'ouest et à l'est.
L'entrée par l'ouest, très peu profonde, est impraticable
— 431 —
rivage et entièrement bâti sur pilotis. Nous y abordâmes et
nos domestiques nous y préparèrent à dîner.
A cette époque, on n'avait pas encore signalé les restes
de cités lacustres qu'on a découvertes dans les derniers temps
en Suisse ou ailleurs. Mais lorsque nous eûmes lu leur des-
cription, nous nous rappelâmes de suite le village sur pilo-
tis, près de Noessa Kembangan, car les descriptions des
palafittes se rapportaient exactement à ce que nous y avions vu.
Les habitants du village avaient l'habitude d'allumer leurs
feux sur des morceaux de trachyte, dont ils avaient, pour
ainsi dire, pavé une partie de leurs demeures. Tous les restes
de cuisine et les immondices étaient jetés dans la mer par
des ouvertures faites exprès dans le plancher. Ils vivaient
principalement de pêche et s'y livraient dans des barques
nommées djoekongs et faites de troncs d'arbres creusés. Ils
se servaient de filets faits de Rotang (écorce d'arbres) ; ils se
procuraient le riz et d'autres vivres, ainsi que des étoffes
pour s'habiller, sur la côte voisine de Java, en échange du
poisson dont ils n'avaient pas besoin eux-mêmes. Quelques-
uns d'entre eux possédaient aussi à Noessa Kembangan des
ladangs ou champs de riz secs, et ils y cultivaient en outre
le tsaté (cassicum), mais ils n'osaient y passer la nuit de peur
des tigres, dont l'île fourmille.
La communication avec le continent n'avait lieu qu'au
moyen de ces djoekongs.
Un vieillard qui, à en juger par ses récits, devait avoir
atteint l'âge, rare à Java, d'au moins quatre vingts ans,
nous raconta que ses parents avait déjà habité le village et
qu'ils y étaient morts. Notre question lui parut étrange,
lorsque nous lui demandâmes pourquoi il avait choisi une si
singulière demeure et pourquoi il continuait à l'habiter. Il
semblait trouver fort naturelle la vie qu'il y menait avec les
autres habitants, parce qu'il pouvait échapper aux tigres et
se livrer plus facilement à la pêche.
Le village est situé près des remarquables grottes à stalac-
tites qu'on trouve à Noessa Kembangan.
V
CLASSIFICATION DES AGES DE U PIERRE.
Classi^cation des diverses périodes de tâge de la pierre,
par M. G&BBiBL de Mobtillbt.
Bien que toutes nouvelles, les études préhistoriques ont
marché h pas de géant. Nous ne sommes heureusement plus
au temps où il fallait prouver l'existence de l'âge de la pierre.
Des recherches patientes, des observations' précises, des tra-
vaux nombreux, sont venus éclairer tous ceux qui n'ont pas
peur de la lumière. L'ftge de la pierre s'est retrouvé partout,
précédant toutes les civilisations, mâme les plus anciennes,
n a été reconnu non seulement dans toute l'Europe du
centre et du nord et à plus forte raison chez tous les peu-
ples sauvages, mais encore en Italie, en Grèce, en Palestine,
en Assyrie, en Chine, dans l'Inde et en Egypte, Des recher-
ches faites successivement dans tous ces pays, ont montré
que les instruments de pierre ont été employés dans chacun
d'eux bien longtemps avant les métaux.
Les observations sont devenues si nombreuses, les faits se
sont tellement multipliés, que pour les grouper et les classer
tous, il a fallu créer îles subdivisions dans l'âge de la pierre.
Dans les temps les plus anciens, du moins pour ce qui
, l'iiuiiimo se riintciitn de t:ii
— 433 —
La période de la pierre polie ou néolithique, la plus
récente, est bien circonscrite. Son étendue comme temps ne
paraît pas trop vaste et elle présente un tout assez homo-
gène. Elle n'a donc pas, au moins pour le moment, besoin
d'être subdivisée. .»
n n'en est pas de même de la période, plus ancienne, de
la pierre taillée ou paléolithique, à laquelle les Anglais
avaient d'abord donné le nom d'archéolithiquey nom qui a
été abandonné. Cette période d'une longueur immense, pen-
dant laquelle l'industrie, la faune, la climatologie, la dispo-
sition des terres et des mers , ont éprouvé de grands chan-
gements, demande à être divisée en plusieurs époques.
Mais sur quoi baser ces divisions?
Jusqu'à présent, adoptant la méthode des géologues et des
paléontologues, les savants qui se sont occupés d'études pré-
historiques ont cherché à caractériser les diverses époques
paléolithiques par les modifications de la faune. C'est ainsi
que mon excellent et très regretté maître Edouard Lartet
admettait trois époques pour la pierre taillée :
1* L'époque du grand Ours des Cavernes, la plus ancienne,
caractérisée par le développement eî^trômement abondant de
r Urstis spelœus ;
2** L'époque du Mammouth, intermédiaire, pendant la-
quelle YElepTias primigenius était très commun ;
3** L'époque du Renne, la plus récente des trois, tirant
son nom du Renne ou Cervus tarandus^ alors fort multiplié
en France, en Belgique et en Angleterre,
M. Dawkins vient tout récemment, à la Société géolo-
gique de Londres, de critiquer et de changer les trois épo-
ques proposées par Lartet. Notre collègue du Congrès,
M. Hamy avait déjà précédemment modifié ces divisions
et nous voyons notre savant et actif Secrétaire général,
M. É. Dupont, réduire à deux les époques de la pierre
taillée :
1" L'époque du Mammouth et du grand Ours réunis.
qu'il désig'oe bous le nom d'époque des animaux éteints, la
plus ancienne.
2° L'époque du Benne, qu'il nomme époque des animaux
émigrés, la plus récente.
Cette divergence d'opinions, entre des paléontologues de
premier ordre, suffit pour démontrer qu'il n'est pas possible
d'établir, pour la période de la pierre taillée, des divisions
nettement caractérisées par la faune. Cela tient à ce que la
faune a peu varié dans son ensemble et que le Renne, le
Mammouth, même le grand Ours, paraissent avoir vécu pen-
dant toute cette longue période. Us ne peuvent donc pas
servir à caractériser des époques. Ils étaient, dit-on, plus ou
moins abondants. Mais comment apprécier le degré d'abon-
dance?
Si l'on étudie des dépôts d'alluvion, on trouve naturelle-
ment en grande abondance des débris d'Hippopotame, de
Rhinocéros et de Mammouth, animaux qui venaient vivre et
mourir auprès des cours d'eau, et on rencontre fort peu de
restes d'Ours qui vivent dans des cavernes loin des fleuves.
Si, au contraire, on fouille des grottes, c'est l'inverse qui se
produit. On y rencontre en très grande quantité les osse-
ments des habitants naturels de ces grottes, l'Ours et l'Hyène.
Ou bien, si les grottes ont ét^ habitées par l'homme, il y a
grande accumulation d'ossements d'animaux lui ayant servi
de nourriture, tels que Bœuf, Cheval, Cerf, et surtout Veaux
que l'homme d'alors semblait préférer à tous les autres ani-
maux. Dans tous les cas, les ossemente d'Hippopotame,
- 435 -
et toute l'industrie de ce qu'on appelle communément l'époque
du Renne, n'ont pas montré de traces de cet animal. Voilà
donc une localité très nettement caractérisée de l'époque du
Renne qui n'a jamais eu de Renne.
Il faut donc renoncer à baser de bonnes divisions sur la
faune. C'est ce qui m'a décidé à tourner mes regards vers
l'industrie. Laissant de côté la méthode paléonthologique,
j'ai fait appel à la méthode archéologique. En effet, en
archéologie n'est-ce pas toujours par les produits industriels
qu'on détermine les époques? L'époque étrusque, l'époque
grecque, l'époque romaine, l'époque mérovingienne, le
moyen âge, la renaissance, ne sont-ils pas bien caractérisés
et sans contestation par leurs produits divers?
Du reste, que cherchons-nous? Nous cherchons à retracer
les diverses phases du développement et de l'histoire de
l'homme. N'est-il pas dès lors plus naturel de caractériser
ces phases par les œuvres de l'homme lui-même que par des
faits extérieurs.
Ce qui est arrivé dans les études préhistoriques me donne
pleinement raison. Danois et Suédois, les premiers, subdi-
visent les temps préhistoriques ; ils créent, d'après la matière
la plus importante, l'âge de la pierre, l'âge du bronze, le
premier âge du fer. Cette première classification basée sur
l'industrie, ce coup d'essai, pour ainsi dire, se maintient sans
conteste.
Plus tard, en se basant toujours sur l'industrie, on a
subdivisé l'âge de la pierre, en période de la pierre taillée et
période de la pierre polie. Ces subdivisions, admises par tout
le monde, subsistent encore.
Les divisions paléontologiques, au contraire, comme nous
l'avons vu, sont contestées, instables et changeantes, parce
qu'elles sont sans base solide.
Cela suffit parfaitement pour démontrer qu'il faut rejeter
les divisions basées sur la faune, et en établir de nouvelles
sur des données industrielles. C'est ce que j'ai fait.
- 436 -
En étudiant avec soin la période de la pierre taillée ou
période paléolithique, j'ai reconnu qu'elle pouvait trèa bien
former deus grandes subdivisions industrielles.
La première, la plus longue et la plus ancienne, pen-
dant laquelle l'homme ne se servait que d'instruments en
pierre.
La seconde, plus récente, caractérisée par l'apparition
d'instruments en os et en bois de cervidés, qui ont pris un
grand développement et remplacé en partie les instrumenta
en pierre.
Cette partie de la période paléolithique avec instruments
en os, offre un ensemble assez homogène pour ne former
qu'une époque.
L'autre partie de la période paléolithique, c'est à dire,
celle qui ne fournit que des instruments en pierre, est plus
variée et peut se subdiviser encore en trois époques bien
distinctes, ce qui porte à cinq les époques de l'âge de la
pierre.
Si je repousse complètement, et pour cause comme on l'a
vu, la méthode géologico-paléontologique, pour caractériaer
les époques, je l'adopte, au contraire, pour ce qui concerne
les noms. Je donne h chaque époque le nom de la localité
typique la mieux connue, et je simplifie' la désignation en la
réduisant en un seul mot, comme on fait en géologie.
Voici l'énumération détaillée de mes cinq époques, en par-
tant de la plus vieille et remontant nécessairement jusqu'à la
moins ancienne.
— 437 —
premier disciple de Boucher de Perthes, est plus caractérisée,
plus facile à étudier, et a fourni un plus grand nombre de
pièces.
Les instruments caractéristiques de TAcheuléense trouvent
dans les alluvions des hauts niveaux : Saint Acheul, à la
porte d'Abbeville et Thenne (Somme), Sotte ville les Rouen
(Seine Inférieure), Vaudricourt (Pas de Calais).
Sur les plateaux et les terrasses trop élevées pour que les
alluvions quaternaires aient pu y parvenir, les instruments
types de l'Acheuléen se rencontrent à la surface du sol mêlés
avec des objets de tous les ftges. Tels sont les gisements de
Beaumont (Vienne) et de Tilly (Allier). On pourait multi-
plier les citations. A la Ganterie (Côtes du Nord) et sur les
terrasses latérales des vallées de la Saune et de la Ceillonne
(Haute Garonne), ces instruments sont en quartzite au lieu
d'être en silex.
2« Époque de Moustiers oyxMoustiirien ÇP\. 18-20), carac-
térisé par des pointes retaillées d'un seul côté et générale-
ment à un seul bout, et par des racloirsplus ou moins grands,
également tout unis sur une de leurs faces. Ces racloirs rem-
placent le véritable grattoir, qui fait défaut. Les haches ou
instruments typiques de l'Acheuléen viennent s'éteindre à
cette époque, comme les pointes moustiériennes commen-
çaient déjà à apparaître dans l'Acheuléen. La localité-type
qui a donné son nom à l'époque, est la grotte et le plateau de
Moustiers (Dordogne).
Les produits de cette époque se rencontrent dans les allu-
vions des bas niveaux, comme Grenelle, Levallois, Clichy
(Seine) , le Pecq (Seine et Oise) , Montguillain (Oise) . Mais dans
ce genre de gisements, il y a souvent mélange et incertitude.
Les gisements les plus caractérisés sont ceux des grottes
et de certaines stations en plein air. On peut citer le gise-
ment de Chez Pourré à Brive (Corrèze); les grottes de la Mar-
tinière et de l'Ermitage (Vienne), de la Mère Grand (Saône et
Loire), de Buoux (Vaucluse), de Néron (Ardôche); la fameuse
28
station de Cœuvres (Aisne) ; les brèches de Genay et Héné-
treux le Pitois (Côte d'Or).
3" Époque de Solutréo\i Solutréen. Le travail grossier etpri-
mïtif du Moufitiérien se transforme et fait place à un travail de
la pierre beaucoup plus perfectionné, tellement perfectionné
mdmequequelques personnes ont cru que cette époque devait
servir de transition entre la pierre taillée et la pierre polie,
enbv le paléolithique et le néolithique. Mais cette supposition
n'a paa de fondement. D'abord les stations solutréennes ne
renferment pas d'instruments en os ou en bois de cervidés ;
ensuite la faune est encore largement quaternaire. Du reste
la superposition vient trancher la question d'une manière
irrécusable.
- Conpe da Laagerie.
1 on plarre poUs (nMittilqna).
1 d» Luigsrtfl BatH.
3. Solotréen de Idugsrla B*aM.
A Langerie Haute, commune de Tayac, on a exploité un
riche gisement solutréen. Sur ce gisement n" 3, du moins en
partie, s'étendait l'extrémité supérieure d'un autre gisement
— 439 —
Dans le Solutréen (PI. 21), les racloîre moustiériens font
place aux véritables grattoirs qui, à partir de là, prennent
un grand développement, qui se maintient pendant les deux
époques suivantes. Les pièces caractéristiques du Solutréen
sont les pointes en forme de feuilles de laurier, finement re-
taillées des deux côtés et aux deux bouts. Il y a aussi d'autres
pièces finement retaillées. On commence à trouver des objets
d'art, sculptures, mais en pierre.
La première station solutréenne signalée a été celle de
Laugerie Haute, qui a fourni de riches séries à Lartet et
Christy et à M. de Vibraye. Mais, comme à Laugerie Basse
il y a une riche station de l'époque suivante, j'ai abandonné
le nom de Laugerie, afin d*éviter toute équivoque, et j'ai pris
celui de Solutré (Saône et Loire), où se trouve un gisement
plus net, fort riche, publié par de Ferry et Arcelin.
Les stations solutréennes ne sont pas nombreuses. Outre
les précédentes, on peut encore citer Badegols et Saint Mar-
tin d'Encideuil (Dordogne).
4** Époque de la Madeleine ou Magdalénien (PI. 22-23).
Aux instruments uniquement en pierre, se mêlent en assez
grande abondance ceux en os et en bois de cervidés ; de là,
décadence de la taille de la pierre. On ne trouve plus les jolies
pointes qui caractérisent l'époque précédente. Les lames de
silex servant de couteaux, de scies, de frottoirs, de perçoirs,
deviennent fort nombreuses, parce que c'est avec elles qu'on
façonnait l'os et les bois de cervidés.
L'art, gravure et sculpture, se développe, et, ainsi que
l'industrie, il emploie, comme matières premières, l'ivoire et
les bois de cervidés.
Cette époque tire son nom de la Madeleine, station sous
abri, des bords de la Vésère, commune de Tursac (Dor-
dogne), parfaitement explorée par Lartet et Christy, et l'une
des mieux connues.
Le Magdalénien est très répandu. C'est lui qui abonde le
plus dans les collections. On le retrouve surtout à l'entrée des
' grottes et soub lea abria. Nous citerons les Eyzies et Lauge-
rie Basse (Dordogne); Bniniquel (Tarn et Garonne); Mus-
sat (Ariège) ; Montrejeau (Haute Garonne) ; Âuransan
(Hautes Pyrénées); Murceint (Lot); les Morts, Champs et le
Puy de Lacan (Corrèze); le Plucard (Charente); Arcy
(Yonne); Salève (Haute Savoie); le Scé (Vaud); Baoussé
Rousse (Vintimille) ; Furfooz (Dinant).
Le Magdalénien se trouve aussi parfois à l'air libre. La
station de Schussenried, dans le Wurtemberg, en est un
très bel exemple.
Précédemment, sur l'autorité d'Edouard Lartet, j'avais
établi une coupure entre le Solutréen et le Magdalénien :
l'époque d'Aurignac. J'ai reconnu depuis que cette coupure,
mal définie, n'a pas tant de valeur. C'est tout au plus une
transition, ou mieux encore le commencement du Magdalé-
nien. Les instruments en os sont déjà abondants, et l'indus-
trie ne pouvait se caractériser que par une différence dans la
forme des pointes de lances et de flèches en os. A l'époque
d'Aurignac, ces pointes sont fendues à la base et la hampe ou
manche entre dans la pointe, tandis qu'à la belle époque de
la Madeleine, c'est l'inverse qui a lieu : les pointes ont leur
base taillée en biseau ou en coin pour entrer dans la hampe.
C'est un caractère insuffisant pour déterminer une époque ;
et puis il a été reconnu que la localité typique, Aurignac,
présenta un mélange de Bobenhausien ou pierre polie, de
Magdalénien et même probablement de Moustiérien.
5* Époque de Rohenhausen ou Hobenhausien , parfaite-
— 441 —
le paléolithique et le néolithique, entre le Magdalénien et le
Robenhausien. Il y a là une large et profonde lacune, un
grand hiatus; il y a une transformation complète.
Avec le Magdalénien, disparaissent les animaux quater-
naires, le Grand Ours, le Mammouth, le Mégacère ; avec le
Magdalénien, émigrent les espèces des régions froides qui
peuplaient nos plaines; le Renne, le Glouton, le Bœuf
musqué, remontent vers le pôle ; le Chamois, le Bouquetin,
la Marmotte, gagnent le sommet neigeux de nos monta-
gnes.
Avec le Robenhausien, ont apparu non seulement les
instruments en pierre polie, mais encore la poterie, les mo-
numents, dolmens et menhirs, les animaux domestiques et
Tagriculture. C'est donc un changement complet.
Je donne à cette époque le nom de Robenhausien, parce que
c'est dans les environs de Robenhausen, canton de Zurich,
qu'on a découvert les documents les plus complets sur l'in-
dustrie et la vie de cette époque , documents admirablement
étudiés par M. le docteur F. Keller.
Les stations principales du Robenhausien sont les habita-
tions lacustres dans les lacs et marais, tels que Meilen
(Zurich), Mooseedorf (Berne), Saint Aubin (Neuchâtel),
Concise (Vaud); Clairvaux (Jura); Wangen (lac de Con-
stance) ; — les dolmens du Morbihan et de toute la Breta-
gne , les allées couvertes d'Argenteuil et de la Justice (Seine
et Oise), qui ont servi de sépultures; — les ateliers où l'on
taillait les instruments en pierre comme ceux du Grand
Pressigny (Indre et Loire), du Camp Barbet (Oise), de Lon-
dinières (Seine Inférieure), de Spiennes (Hainaut); — les
aires d'habitation : vallée de la Vibrata (Ascoli); — les camps
ou oppidums, qui servaient de lieux de défense : Chassay
(Saône et Loire), Hastedon (Namur).
Pour bien faire suivre d'un seul coup d'œil cette classifica-
tion, je la résume dans le tableau suivant :
— 442 —
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1
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DOMESTIQUES.
Races humaines
déjà
fort mêlées,
brachyeéphales
et dolichocéphales,
analogues
aux actuelles.
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Il
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1
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Habitations lacustres : Robenhausen, Meileo
châtel) ; Conciae (Vaud) ; Clairvaux (Jura); Wan-
gen (lac de Constance),
Dolmens : le Morbihan et tonte la Bretagne ;
Argenteuil et la JuaUoa (Seine et Oise).
Ateliers : Grand Preseigny (Indi-e et Loire) ;
Canip Barbet (Oise) ; Londiniéres (Seine Infé-
rieure) ; Spiennes (Hainaut).
La Vibrata (Aacoli).
Haatedon (Naiour).
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Je joins, en regard de chaque époque, lea stations princi-
pales qui s'y rapportent; puis, pour compléter l'œuvre, j'in-
dique, dans les deux dernières colonnes, d'une part, les
changements cUmatologiques qui probablement ont eu lieu ;
de l'autre , les principales modifications survenues dans la
faune, surtout en ce qui concerne l'homme. Sous ce rapport,
nous avons malheureusement encore bien peu de documents.
Pourtant ceux que nous possédons, suffisent jwur montrer
qu'avant le développement de nos races actuelles, nos régions
ont été occupées par une race ou espèce humaine d'un type
très inférieur, presque bestial, dont les calottes cr&niennes
de Neanderthal et Eguiaheim, la mâchoire inférieure de la
Naulette et le frontal de Denize, sont des témoins irrécu-
sables.
M. l'abbé Bodbgeois. n m'a semblé que M. de Mortillet,
en parlant de la h&che de Saint Âcheul, la signalait comme
l'unique outil de l'époque qu'elle caractérise.
M. dbMobtillet. â peu près.
M. l'&bbé BouBGBOi^.Je ne sais si l'on doit appeler la h&che
de Saint Acheul un outil, mais toujours est-il qu'en dehors
de ce type, il existe beaucoup d'autres formes de silex taillés
de la mâme époque.
En général, les ouvriers auxquels on s'adresse pour obte-
nir ces objets, ne recueillent que certaines formes plus volu-
mineuses ou mieux travaillées ; mais un œil exercé peut re-
cueillir des types très variés. Pendant sept semaines entières,
j'ai exploré une tranchée ouverte, au milieu des alluvions
— 445 —
Je ferai maintenant une autre observation qui servira de
complément à ce qui a été dit relativement au progrès de
l'industrie pendant l'âge de la pierre. Si Ton compare les
observations faites dans les cavernes de France avec celles
qui ont été faites en Belgique par M. Dupont et qui se
trouvent consignées, avec tant de méthode, dans son excel-
lent ouvrage, on verra que le développement de la civilisa-
tion ne présente pas un parallélisme parfait. En Belgique*
on trouve, à l'époque du Mammouth, des aiguilles nom-
breuses et bien façonnées, des harpons ou flèches en bois de
Renne qui, en France, ne se montrent qu'à l'âge suivant.
A l'époque du Renne, la poterie est connue en Belgique et ne
l'est pas encore en France. Les spécimens de la variété pré-
historique ne sont pas les mêmes non plus dans les deux
contrées à la même époque. En Belgique, les coquilles qui
entrent dans la composition des colliers, sont assez souvent
percées par frottement, tandis que, dans les cavernes de
France, elles sont toujours percées par un instrument perfo-
rant et que les coquilles percées par frottement au crochet, ne
s'y montrent qu'avec la pierre polie.
M. Franks. Je puis confirmer ce que M. l'abbé Bour-
geois vient de dire à propos de la découverte, dans les
couches quaternaires, d'autres types d'instruments en silex
que les haches ordinaires. En Angleterre, on a trouvé, dans
ces couches, des lames ou couteaux usés sur les deux bords,
des grattoirs et même des percuteurs ou marteaux qui ont
servi à produire les éclats.
Je dois faire remarquer que, dans plusieurs grottes de la
France, on a trouvé des fragments de poterie; mais on a
douté de leur ancienneté, tant la découverte était inattendue.
Ces doutes devraient disparaître devant les découvertes du
même genre faites en Belgique.
Je voudrais ajouter quelques observations à propos de
l'usage des instruments en silex qu'on appelle « grattoirs » .
Des objets de la même forme, mais en obsidienne, soat encore
de nos jours employés par lea Patagona, pour gratter ou pré-
parer les peaux. Ba sont emmanchés avec un morceau de
bois plié. Uusters les a décrits et en a donné une gravure
sur une très petite échelle '. Un de ces grattoirs se trouve
au Musée ethnographique de Berlin et un autre, dana la col-
lection Chrisly.
Mais les Esquimaux, bien qu'ils employent des instru-
ments de la même forme , s'en servent d'une tout autre
manière. Ces pierres sont emmanchées sur ivoire ou sur bois
découpé pour bien s'adapter à la main. Selon sir Edward
Belcher', qui a recueilli bon nombre de ces instrumenta
chez les Esquimaux, les indigènes ne s'en servent pas comme
de grattoirs, mais comme de rabots^.
Un troisième usage des objets en silex de la même forme
nous a été révélé parles recherches deM.Greenwell dana les
tumulus du Yorkshire. Il a trouvé, près d'un squelette, un
poignard en bronze, des objets en jayet, un morceau hémis-
phérique de pyrite et un grattoir très usé sur la partie
arrondie. La pyrite était très usée sur la partie plate et il est
évident que ces objets ont servi à faire du feu. M. Evans
a publié dans ■ Ancient Stone Imptements ■ , p. 284, d'excel-
lents dessins de ces deux objets.
M. DE MoKTiLLET. Le nombre d'observations et d'objec-
tions qu'a soulevé ma classiScation de l'âge de la pierre,
prouve qu'on en a -compris toute l'importance. Je demande
la permission de répondre quelques mots aux principales.
.Te fn-:n ■V:>h>
— 447 —
ne se trouve nettement tranché. C'est tellement vrai que,
lorsqu'il en est autrement, comme entre le poléolithique et le
néolithique, nous restons étonnés, surpris, et nous nous em-
pressons de chercher comment on peut combler la lacune. Il
est donc tout naturel qu entre les diverses divisions, il y ait
des points de contact, et même des enchevêtrements et du
mélange. L'important, c'est que les groupes, dans leur
ensemble, soient bien tranchés et bien caractérisés, et qu'ils
permettent ainsi de réunir, d'une manière logique, ration-
nelle et chronologique, tous les faits observés, toutes les
découvertes. C'est ce que j'ai cherché; c'est le résultat que je
crois avoir obtenu.
Que ma classification s'applique dans tous ses détails à
l'univers entier, je ne le crois pas. Mais qu'elle soit exacte
pour la France, la Suisse, les régions du Rhin, la Belgique et
môme l'Angleterre, j'en suis persuadé. De môme que, pour
ce groupe de pays, les temps historiques peuvent nettement
et clairement se diviser en époque celtique, époque romaine,
époque mérovingienne, époque carolingienne, moyen âge et
renaissance, avec des points de contact, des enchevêtrements
et des dates d'apparition plus ou moins récentes ou tardives,
de môme aussi mes diverses divisions de l'époque de la pierre
peuvent s'appliquer à tout le groupe, avec de légères varia-
tions de détails et de dates.
Comme exemple d'enchevêtrement et de modification
locale, je puis citer l'Acheuléen. Dans mon tableau, à la
colonne météorologie, je l'ai indiqué comme préglaciaire.
C'est que, dans son ensemble, il appartient, en eflEet, à la
période qui a précédé la grande extension des glaciers. Pour-
tant à Hoxne, par exemple, la localité la plus anciennement
signalée en Angleterre, les haches acheuléennes se trouvent
au dessus des argiles caillouteuses glaciaires. Cela tient peut-
être à ce qu'en Angleterre la civilisation et, par conséquent,
l'époque acheuléenne a pu se prolonger plus tard que sur le
continent. Cela tient surtout à ce que le phénomène gla-
■448 —
ciaire d'Hoxne, rinvasion des glaces apportées par la mer du
Nord, parait antérieur au phénomèiie glaciaire de Suisse et
de France , la grande extension des glaciers de montagnes.
Qu'il soit donc bien entendu que ma classiScation n'est
pas un cadre fixe et rigide dans lequel doivent forcé-
ment s'encastrer toutes les données de la science. Elle n'a
pas de si hautes prétentions, qui, du reste, ne sauraient se
justifier. Il faut simplement la considérer comme un meu-
ble à tiroirs, dans lequel se placent facilement et commodé-
ment, à des niveaux différents, tous les faits et toutes les
observations.
Éprouvée au Musée de Saint Germain, j'ai reconnu que
ma classification offrait ce grand avantage.
Passons à une autre objection.
Ou m'a reproché d'avoir dit que l'art, très développé à
l'époque de la Madeleine, avait disparu à l'époque de la
pierre polie. Ce que j'ai dit, je le maintiens et je pense être
dans le vrai.
Dans le Magdalénien, nous trouvons en grand nombre et
dans des localités fort diverses : la Madeleine, Laugerie
Basse, les Eyzîes et Corniac (Dordogne), La Chaise (Cha-
rente), Chaffaud (Vienne), Bruniquel (Tarn et Garonne),
Massât et la Vache (Ariège), Auransan (Hautes Pyrénées),
Montrejeau (Haute Garonne), le Salève (Haute Savoie),
Goyet et Pont à Lesse (Belgique), des gravures en creux,
des bas-reliefs et de vraies sculptures en ronde bosse. C'est
de l'iirl. sim;ik' 'A iiiTif, inni- vlrin rie ~i'iitini"iit ot dp. Vf^riti^;
— 449 —
la vannerie, des objets en bois, des céréales, de la poterie,
etc. Eh bien ! retrouvons-nous là des objets d'art? Non,
aucun ; car on ne peut qualifier d'objets d'art, des poteries
dont lornementation ne consiste qu'en combinaisons diverses
et peu variées de points et de lignes. Certains dolmens excep-
tionnels présentent aussi des lignes isolées ou diversement
groupées, affectant des formes bizarres; mais ces grossières
sculptures en creux ne sont pas de l'art. Pour s'en convain-
cre, il suffit d'examiner le dolmen de Gavr'innis (Morbihan),
le plus sculpté de tous. Les nombreuses pierres de ce dolmen
sont couvertes de gravures. Que peut-on reconnaître au
milieu de tout cela? Peut-ôtre quelques haches, dont une
emmanchée.
Ai-je donc tort de dire que le sentiment de l'art, très déve-
loppé dans le Magdalénien, manque complètement dans le
Robenhausien ?
M. l'abbé Bourgeois conteste ma division en deux épo-
ques : Acheuléen et Moustiérien , pour ce qui concerne les
alluvions quateniaires. Cette division, dit-il, n'existe pas à
Vendôme. Les types moustiériens et acheuléens y auraient
été trouvés associés ensemble dans les mômes niveaux.
Je dois d'abord faire remarquer que dans les alluvions
quaternaires, il y a eu de nombreux remaniements anciens,
qui ont souvent mêlé les deux époques vraiment quater-
naires : Acheuléen et Moustiérien.
Pour ce qui est de Vendôme, ce mélange ne me paraissait
pas avoir eu lieu, car, d'après les observations publiées par
M. l'abbé Bourgeois lui-môme, lorsqu'on a fait la tranchée
du chemin de fer, on a trouvé de nombreux silex pouvant se
rapporter au Moustiérien. Les instruments en silex du type
acheuléen n'auraient été recueillis que plus tard, quand,
pour creuser des fosses le long de la voie, on travaillait dans
des couches plus profondes d'alluvions. Il y avait donc bien
dans ces alluvions quaternaires, au jiiveau le plus bas, le type
acheuléen et, un peu plus haut, le type moustiérien.
— 450 -
La même superposition s'observe très nettement & Saint
Acheul. Dans les graviers et les Bables du bas, les gros
instruments amygdaloïdes, dits haches de Saint Âcheul ou
langues de chat, sont très abondants; au contraire, les lames
et les autres instruments sont rares. C'est aussi là que se ren-
contre la faune la pins ancienne. Au Mammouth (Elephas
primigenius), s'associent l'Éléphant antique (E. arUiquus)
et le Rhinocéros. Dans un niveau bien supérieur, exploité
pour les briqueteries, les haches amygdaloïdes se retrouvent
encore, mais en petit nombre et associées à des lames nom-
breuses et à des instruments variés; c'est le Moustiérien.
Par suite d'une altération différente, qui donne aux pièces des
deux niveaus un aspect tout à fait distinct, les erreurs^ dans
la détermination du gisement, ne sont paa h craindre.
Dans les alluvions quaternaires de Paris, à Levallois, à
Clîchy, le même fait se produit. Les instruments typiques de
l'Acheuléen se rencontrent tout h fait au bas des dépAtâ,
mêlés aux débris de THippopotame, du Ehinocéros et de
l'Éléphant antique. Les silex du Moustiérien sont disséminés
abondamment dans les couches plus élevées.
Quant à l'assertion qu'il existait une différence entre les
populations des cavernes de la Belgique et ceUes des cavernes
du Midi de la France, je ne la crois pas soutenable. Les habi-
tants des cavernes belges aimaient, dit-on, beaucoup plus la
parure que leurs contemporains de France, et pour cela ils
possédaient en abondance des coquilles trouées, comme l'a
— 451 —
ornement une vingtaine de coquilles marines . réunies par
couples : deux couples sur le front, une près de chaque
humérus, quatre dans la région des genoux, deux sur chaque
pied. C'était bien là une parure complète.
Ce qu'il y a surtout d'intéressant, c'est que les coquilles
formant cette parure sont des Cyprea lurida L. et des Cyprœa
pyrum Gméi. ou rufa Lam., les deux plus grosses porce-
laines ou cyprées de la Méditerranée, espèces qui ne se
trouvent pas dans l'Océan. Ainsi, par amour de la parure,
pour avoir des coquilles aux reflets brillants et aux couleurs
vives : la Cypraa lurida étant d'un joli gris de souris, et
la Cyprœa rvfa d'un beau fauve, comme son nom l'indique,
les habitants de Laugerie Basse, voisins de l'océan, ne crai-
gnaient pas d'entreprendre de lointains voyages jusqu'à la
Méditerranée. Il n'y a là rien de bien étonnant, car les popu-
lations primitives, les sauvages, que rien n'attache au sol, se
déplacent facilement, vont et viennent continuellement.
L'homme de l'époque de la Madeleine faisait comme les
Peaux Rouges de l'Amérique avant que la civilisation leur
eût enlevé la jouissance du sol et les eût parqués dans des
régions restreintes. On les voyait, chaque année et môme
plusieurs fois par an, parcourir des espaces beaucoup plus
étendus que la France entière, pour suivre les Buffles et autres
gibiers qui forment leur chasse favorite.
Tout à l'heure , M. Rivière vous racontait l'intéressante
découverte qu'il a faite, dans les grottes de Baoussé Rousse,
du squelette complet d'un homme qui , comme celui de Lau-
gerie Basse , appartient au Magdalénien. Cet homme avait le
crâne recouvert de très nombreuses petites coquilles mari-
nes, appartenant à une espèce brillante et vivement colorée,
la Nassa neriûea L. Toutes ces coquilles, dont il y avait
plusieurs centaines, étaient percées artificiellement et avaient
évidemment fait partie d'une coiflfure, espèce de résille,
garnie tout au pourtour de canines de cerf, dont la racine était
également percée intentionnellement. En outre, l'homme de
Baoussé Boussé portait, au dessous du ^nou gauche, une
jarretière ou jambière formée de quarante et une Nassa
ncritea percées et enfilées.
Ces deux obserrations sufBsent pour démontrer que les
hommes des cavernes aimaient la parure, aussi bien dans
le midi de la France qu'en Belgique. Tout porte à admettre
qu'aux diverses époques de l'âge de la pierre, les deux pays
ont suivi les mSmes développements et avaient les mêmes
populations.
Je répète, en finissant, ce que j'ai dit, au début de ma com-
munication, sur le classement de l'ftge de la pierre. Cet âge
a été ou ne peut plus général; il a existé partout; il a pré-
cédé toutes les civilisations les plus grandes et les plus
anciennes. Pour bien établir la vérité de ce fait, j'ai déposé,
sur le bureau du Congrès, une note d'un de mes bons amis,
M. Delanoûe, qui, dans un voyage récent en Egypte, a
exploré de nouveaux ateliers de silex taillés et est ainsi venu
corroborer les découvertes de MU. Arcelîn , Hamj et Lenor-
mant.
a. Caetailuac assure que la classification de M. G. de
Mortillet lui paraît excellente pour le Sud-Ouest de la
France. Dans la région dont Toulouse est le centre, la pre-
mière époque de la période archéolithique est représentée par
des pointes identiques k celles de Saint Acheul; seulement
elles ne sont pas en silex , mais bien en quartz , quartzito,
eurit« et autres roches qui constituent les cailloux roulés de
la Garonne. Tantât ces instruments se trouvent, comme à
— 453 —
les deux faces de Laugerie Haute, Solutré, Badegols,etc., sont
antérieures à la dernière époque archéolithique. Dans le Midi
et dans le Sud-Ouest de la France, Tabîme qui sépare l'âge de
la pierre taillée de l'âge de la pierre polie est nettement
marqué. Les grottes et peut-être le pays lui-même paraissent
avoir été un moment privés d'habitants. Les populations
nouvelles sont pastorales. Il n'y a aucune analogie, aucun
point de contact, entre elles et leurs prédécesseurs de l'âge du
Renne. Ce sont elles qui, pour la première fois, introduisent
la poterie. M. Cartailhac considère volontiers comme plus ou
moins remaniés les gisements arcbéolithiques ayant livré
quelquefois de très minimes tessons. Quand, la poterie fut
connue, on en fabriqua énormément; il n'est pas admissible
qu'une population en possession de cette précieuse invention
n'ait à peine fait qu'un ou deux vases par station. D'ailleurs,
on pourrait dire encore que la poterie, pendant ce temps-là,
pendant cet âge du Renne, était inventée et perfectionnée
quelque part sur la terre, et que des vases n'ayant pas été
faits par les hommes contemporains du Renne pouvaient se
trouver cependant entre leurs mains. La sépulture d'Au-
rignac ne peut pas servir à contredire cette opinion, que
M, Cartailhac ne soutient du reste que pour le Sud-Ouest
de la France.
Pendant que les populations pastorales occupent le pays,
des chasseurs et des guerriers arrivent à leur tour. Ces nou-
veaux venus font refleurir l'art de la taille du silex à peu
près ignoré des sauvages agriculteurs avec lesquels ils se
fusionneront plus ou moins.
M. Desor. Il est incontestable qu'en France, il existe plu-
sieurs séries d'ébauches de Tâge de la pierre taillée. Ces séries
peuvent correspondre à certaines associations d'animaux, qui
représentent autant de phases de l'âge paléolithique. Mais il
ne faut pas s'exagérer l'importance de ces distinctions. Si la
phase du Mammouth est, en général, plus ancienne que celle
du Renne, il n'en est pas moins vrai qu'ailleurs les différents
29
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types se trouvent confondus dans un même dépôt. C'est ce
qui résulte, en particulier, des belles découvertes faites ré-
cemment dans la g^rotte de Hohlefels, près d'UIm, dans les
Alpes wurtembergeoises, et dont, j'espère, M. le professeur
Fraas entretiendra le Congrès. Nous avons ici l'analogue
de ce qui se passe en géologie. Il est tel pays où une forma-
tion peut se trouver divisée en plusieurs zones ou étages
ayant leurs espèces distinctes, taudis qu'ailleurs ces mêmes
espèces se trouvent réparties dans toute la formation. C'est
en particulier le cas de la formation néocomienne de Suisse,
comparée à celle de la Bourgogne.
M. Fhaas. Je ne puis être de l'avis de l'honorable
préopinant, M. de Mortillet, lorsque, parlant de l'âge de la
pierre, il la divise en différentes époques : âge glaciaire, âge
du Mammouth, âge du lïenne, etc. En m'écartaut de cettfi
opinion, je sais bien que je suis en contradiction avec la
manière de voir adoptée en France et en Belgique, mais les
faits valent mieux que les raisons et je vais vous opposer des
faits observés en Allemf^ne. On ne peut baser un système
général sur l'observation de quelques localités; chaque fait
connu exige son interprétation.
C'est ainsi que, dans la caverne de Hohlefels, explorée par
moi et l'un de mes amis, nous avons trouvé, sous une couche
intacte de stalagmite , des lames de silex taillées, comme
celles de la Dordogne, réunies à des dents de Mammouth
entaillées pour former des piques, ainsi qu'& des os de Renne,
d'Ours ['t d'ntitrr^ <T.iiinaii\ luii no vivi_'i;t i)lu;
— 455 —
introduction par Teau, il n'en peut être question; pas une
pierre, pas un os, n'accuse la moindre trace d'inondation. En
un mot, l'on dirait que ces ossements, ces ustensiles, gisent
encore au lieu et place où ils ont été rejetés par les habitants
de la caverne : telle est Timpression qu'ils produisent sur le
visiteur. Une observation très curieuse s'applique à la mâ-
choire inférieure de FOurs des Cavernes qui a servi de hache
pour ouvrir les os à moelle. L'impression exacte du coup est
marquée sur plus de 200 os appartenant à l'Ours, au Renne,
ensuite au Cheval, au Bos moschatus. On n'y a recueilli de
l'Éléphant que de l'ivoire brisé et raclé par le silex, excep-
tionnellement aussi des phalanges brisées du pied ; cela tient
à cette circonstance que le cadavre de l'Éléphant n'était pas
transportable.
MM. l'abbé Bourgeois et Cartailhac ont parlé de silex
quaternaires. Je suis étonné de ces mots. C'est là une expres-
sion géologique. Quand on parle de Miocène ou de Pliocène^
il s'agit de l'époque à laquelle les couches de la terre se sont
formées au fond de la mer et des lacs, là où l'homme ne
pouvait habiter. Il ne faut pas confondre la formation des
couches avec les phénomènes qui se* produisirent quand la
croûte terrestre eut déjà été formée.
M. Cartailhac faisait remarquer qu'au temps du Mam-
mouth, l'homme ne se servait pas encore de poterie. A cela,
je répondrai que, dans les grottes de toute l'Allemagne, les
fragments de poterie se trouvent mélangés avec les restes des
animaux précités. Il suffira, du reste, d'examiner la magni-
fique collection du Musée de Bruxelles, pour se convaincre que
ces objets accompagnèrent aussi, en Belgique, l'homme de
l'âge du Mammouth. Je ne suis donc pas d'accord avec les
orateurs qui ont parlé dans cette discussion, car les circon-
stances que nous avons constatées chez nous et celles dont il
a été parlé sont totalement différentes. Et cependant les objets
trouvés en France, en Belgique, en Allemagne : os à moelle,
silex, bois de Renne, ivoire, etc., ont une telle ressemblance
entre eox, que l'on serait tenté d'attribuer les divergences
d'opinions, non pas à la diversité des circonstances, mais aux
différentes manières de les envisager.
M. CoTTEAU pense que les divisions établies par M. de Mor-
tillet sont peut-être un peu absolues. Il a rencontré, dans les
grottes d'ArcysurEure(Yonne), au sein d'undépôt où les osse-
ments d'Ours abondent et où les débris de Benne sont extrê-
mement rares, deux os taillés en forme de poinçons et une
petite dent d'Ours percée, destinée sans doute à servir d'or-
nement.
La couche qui les renferme, caractérisée par l'Ours , l'Hyène,
le Bhinocéros et l'Éléphant, est certainement plus ancienne
que celle à laquelle M. de Mortillet attribue exclusivement la
présence des os travaillés.
(Voir, BDr lo même si^et, la cotumnnicatîon de M. Broca, page 182, et
caUe de U. Cazalis de Fondonce, page 1S8.)
M. Hébebt. Il y a un tel nombre de questions intéressantes
dans le domaine des sciences préhistoriques que réellement la
confusion naîtrait, si les études stratigraphiques n'avaient
mis les géologues en possession delà méthode la plus sûre pour
arriver à des conclusions précises et certaines, en fixant le
cadre dans lequel les observations doivent tendre à se placer.
C'est de ce cadre d'études que je veux parler, et je répondrai
en même temps aux objections qui viennent d'être pré-
D'abord, tous les faits prennent place dans deux grandes
— 457 —
je voudrais voir classer les observations sur rarchéologie
préhistorique.
Dans une communication (p. 149), j'ai exposé quels étaient
les principaux phénomènes de la période quaternaire. J'en ai
cité trois d'après la nature et la superposition constante des
dépôts, et la preuve de leur manifestation en Belgique nous a
été donnée pendant notre excursion dans la vallée de la Lesse.
Le dépôt le plus inférieur est formé de cailloux roulés, de
gravier et de sable ; il contient la faune dite de l'âge du
Mammouth et souvent des silex taillés, notamment dans la
vallée de la Somme. Il est recouvert par du limon qui con-
tient les restes de la même faune et qui recelait, dans les
cavernes de la vallée de la Lesse, beaucoup de silex taillés.
Enfin un dépôt argileux surmonte ces couches, qu'il ravine
souvent ; il renferme de nombreux cailloux et des blocs dont
les angles sont toujours à arêtes vives, et on y trouve, dans
les cavernes de la province de Namur, des silex taillés et la
faune de l'âge du Renne.
En adoptant ce cadre, nous pourrons donc arriver à classer
les objets des époques correspondant à la formation de ces
dépôts, d'après l'ordre de leur succession. Là, les données
sont précises, peu sujettes à discussion, et c'est le point de
départ que je voudrais voir suivre dans les recherches sur
l'ethnographie des âges de la pierre. On peut du reste
remarquer que les géologues ont reconnu trois époques pour
ces âges, comme l'ont fait les paléontologistes.
Mais il ne faut pas perdre de vue que la fin de l'époque
quaternaire est caractérisée non seulement par la disparition
des phénomènes qui avaient produit ces dépôts, mais aussi
par la formation des tourbières, qui a eu lieu pendant l'époque
actuelle, et par des phénomènes biologiques tout différents.
Or, on ne rencontre de haches polies que dans les terrains
qui ont pris naissance après l'époque quaternaire. On n'en
trouve pas dans les dépôts plus anciens. Il semble donc que
cet hiatus ethnographique que M. de Mortillet vient de rap-
peler, coïncide avec le changement si marqué qui s'est mani-
festé dans les phénomènes géologiques, lors du passage de
l'époque quaternaire à l'époque moderne. Cependant il 7 a
lieu de placer les restes ethnographiques de la plupart des
cavernes dans la seconde époque, quand ils ne sont pas
recouverts de dépôts quaternaires. D'ailleurs, Lartet, qui a
surtout étudié les cavernes très anciennes du Périgord, ne
voyait aucune différence entre les faits géologiques qu'il ;
a ohservés et ceux de la période actuelle. Il n'admettait pas
la séparation de la période quaternaire et de la période
actuelle. C'est cette hmite qui reste à tracer.
M. DE MoBTiLLET. Je rappellerai au souvenir de M. Héhert
que Lartet, qui fut Président de la section préhistorique de
l'Exposition universelle de 1867, à Paria, séparait tellement
l'époque des cavernes etjl'époque de la pierre polie, qu'il avait
fait mettre à droite les objets se rattachant à l'une des épo-
ques, et h gauche les objets se rattachant à l'autre, tellement
il comprenait qu'il y avait un hiatus entre ces deux périodes.
C'est d'ailleurs Lartet qui m'a fait marcher dans cette voie;
et j'espère que l'hiatus qui existe, ira toujours en dimi-
nuant. Les archéologues danois sont d'ailleurs déjà très
loin, par l'étude de leurs kjoekkenmoedding, dans la voie
qui doit nous conduire à ce résultat.
M, HéfiEBT. J'ai été mal compris ou je me suis mal
exprimé. Je sais que Lartet a établi une différence très nette
entre les deux époques dont on parle, mais on doit remarquer
que ce savant n'attachait pas une assez grande importance
— 459 —
grande vitrine contenant des haches polies trouvées dans les
tourbières. Je crois me souvenir qu'elles ont été trouvées
à 15 mètres en dessous de la surface.
J'ajouterai que, si l'on admet ces résultats, le silex taillé
ne constitue pas un caractère suffisant pour établir une clas-
sification de l'époque quaternaire.
Classement des âges de la pierre en Belgique,
par M. É. Dupont.
Dans la séance d'ouverture, j'ai eu l'honneur d'exposer au
Congrès les rapports que j'ai cru pouvoir établir entre les
populations qui habitèrent la Belgique pendant les divers
âges de la pierre (p. 58). Cette coordination repose sur des
observations géologiques, sur la paléontologie, sur les
mœurs et sur l'industrie de ces populations. Et, comme les
témoins de nos âges de la pierre se trouvent dans des loca-
lités et des gisements très différents, c'est dans le but de
faire apprécier plus complètement leurs points communs et
leurs contrastes que les excursions de la Lesse, de Spiennes
et Mesvin, et de Namur ont été organisées (PI. 27). Ces
localités présentent, en effet, les principaux éléments carac-
téristiques dechaque catégorie de gisements et peuvent donner
une idée précise des aspects multiples sous lesquels se pré-
sentent, en Belgique, ces premières phases de la civili-
sation.
Nosalluvions quaternaires ont fourni des silex taillés, dans
des milieux qui diffèrent avec les régions naturelles où elles
se trouvent en Belgique. Dans les provinces de Liège et de
Namur, les silex taillés de Tépoque quaternaire n'ont encore
été recueillis que dans les cavernes; les dépôts extérieurs
n'en contiennent pas, si nous en jugeons toutefois parles
recherches qui y ont été faites pendant le creusement des
nombreuses tranchées de chemins de fer. L'inverse a lieu
dans le Hainaut : les cavernes n'y existent pas, mais les
alluvions quaternaires k ciel ouvert renferment des silex
taillés.
Il s'agit d'abord d'élucider les relations qui existent entra
ces alluvions quaternaires du Hainaut et les dépôts de même
nature que l'on rencontre avec tant de constance, dans les
cavernes des deux autres provinces. Le dépôt de ces alluvions
s'est-il fait simultanément, ou bien a-t-il eu lieu à des
époques différentes? La simultanéité, à mou avis, n'est pas
douteuse, et voici comment on peut l'établir.
Ainsi que les démonstrations en ont éte données plus haut
(pp. 110 et 250), ces alluvions, qu'elles soient dans les cavei^
nés ou & ciel ouvert, ont les mêmes caractères géologiques
dans la province de Namur et dans le Hainaut. Leur dépAt
a toujours coïncidé avec le creusement des vallées de ces
provinces et doit être considéré comme un phénomène con-
comitant de ce creusement. Il dénote un état météorologique
particulier et susceptible d'une définition précise. Comme
ces provinces se touchent, qu'elles sont d'une étendue rela-
tivement peu considérable et que leur altitude diffère à peine,
nous devons en déduire que les conditions climatériques de
l'une devaient être celles de l'autre; ensuite, comme ces phé-
nomènes climatériques sont la cause du creusement des val-
lées et du dépôt des alluvions anciennes, nous devons, en
outre, admettre la simultanéité de la formation des vallées
dans ces provinces et des atterrissemente qui l'ont accompa-
gnée.
Ou remarquera que les géologues qui se sont particuliè-
— 461 —
l'extension de ces glaciers est due à l'existence de sembla-
bles conditions climatériques pendant la môme époque.
Mais, outre ces indications stratigraphiques, hydrogra-
phiques et météorologiques, la paléontologie conduit égale-
ment à la simultanéité des dépôts dans les cavernes et à ciel
ouvert.
Les alluvions de Mesvin, situées à 20 mètres au dessus
du cours de la rivière de Nouvelles , ont fourni des osse-
ments appartenant aux espèces suivantes :
Ursus spelaeus,
Felis spelaea,
Elephas primigenius,
Rhinocéros tichorhinus,
Eqnus caballus,
Cervus megaceros,
— tarandus,
Bison europsDUs.
Or, ces huit espèces ont été recueillies dans nos cavernes.
Trois d'entre elles, il est vrai, Félîs spelœa, Cervus megaceros
et Bison europaiis, n'ont été rencontrées que dans quatre h
liuit gisements et en petit nombre ; mais les cinq autres sont
les espèces constantes et abondantes de nos alluvions flu-
viales souterraines et, par conséquent, les espèces caracté-
ristiques de ces couches (voyez p. 217). Il n'est pas moins
significatif que la faune n'a changé que postérieurement à
la formation de ces alluvions, comme le prouvent les ca-
vernes de la vallée de la Lesse.
Je crois donc pouvoir conclure, sans hésitation, à la con-
temporanéité du dépôt des couches fluviales quaternaires
dans le Hainaut et des couches fluviales des cavernes dans
les provinces de Namur et de Liège.
L'importance de cette constatation est considérable pour
l'ethnographie ancienne de notre pays, à cause des diffé-
rences que l'on observe dans les formes des silex taillés et
dans la provenance du silex employé, suivant que ces
témoins de l'industrie humaine ont été recueillis dans les
alluvions fluviales du Hainaut ou dans les cavernes.
Les planches 37-50 représentent les principales formes de
silex taillés dans dos cavernes. Ds sont classés dans l'ordre
de succession que j'admets pour l'ancienneté relative des
restes fournis par ces gisements souterrains. Voici cet ordre
de succession , k partir des plus anciens, pour les silex de
quelques cavernes importantes :
Trou du Sureau (Montaigle),
Trou Magrite (Walzîn),
Caverne de Goyet,
Trou de Ohaleux.
Lorsque les matériaux provenant des cavernes de la pro-
vince de Namur ont été classés au Musée d'Histoire natu-
relle, j'ai admis, pour l'époque quaternaire, ces quatre sub-
divisions, dans lesquelles j'ai fait rentrer tous les restes de
nos troglodytes.
Ces quatre subdivisions ne doivent être prises que comme
des points de repère établis sur des localités types. Elles
m'ont paru suffisantes pour le moment; mais je pense que
d'autres recherches les uniront plus complètement et que de
nouvelles subdivisions seront surtout établies pour la partie
de r&ge du Mammouth antérieure à l'époque où le trou du
Sureau reçut ses atluvions fluviales.
Les caractères des silex de Montaigle sont (PI. 37-38) :
la rareté des lames ou couteaux et l'abondance relative des
formes lancéolées dont l'une des faces est plane avec bulbe
de percussion, tandis que l'autre a été l'objet de retouches
nombreuses. On y a aussi recueilli une pointe de dard en
— 463 —
de dards ont encore la forme de losange allongé ou bien une
forme cylindrique biseautée à un bout et appointée à l'autre.
Les canines trouées de Renards et de Cerfs y sont assez nom-
breuses, ainsi que les morceaux d'oligiste et les fragments de
poterie. On y rencontre aussi les indices d'un art très archaï-
que relativement à certains objets observés dans d'autres
cavernes dupays^
A Goyet, nous voyons la somme de travail dont le frag-
ment de silex était l'objet, diminuer de plus en plus
(PI. 47-48). Le couteau de 5 à 12 centimètres devient
l'ustensile ordinaire, et, comme je l'ai dit ailleurs, c'est là
un véritable progrès, car il y a à la fois matière économisée,
production de bords plus tranchants et diminution de tra-
vail. Les « bâtons de commandement » avec représentation
d'un animal qu'on peut spécifier*, le harpon au travail soi-
gné^, les nombreux objets de parure, la forme donnée à la
poterie, font, de cette partie de l'âge du Mammouth, l'époque
où l'industrie fut la plus perfectionnée chez nos tro-
glodytes.
Le Mammouth, le Rhinocéros, l'Hyène, le Grand Ours,
étaient cependant alors bien abondants en Belgique, car
l'homme a laissé, dans les couches de la caverne de Goyet
qui contenaient les nombreux restes de son industrie, les
débris de 12 Mammouths, de 8 Rhinocéros, de plus de
50 Ours des Cavernes, de 24 Hyènes, de 2 Lions. Les mêmes
espèces étaient représentées, dans le trou Magrite, par 3 Mam-
mouths, 8 Rhinocéros, 5 Ours des Cavernes*, 4 Hyènes,
1 Lion ; dans le trou du Sureau, par 1 Mammouth, 4 Rhino-
céros, 45 Ours des Cavernes, 8 Hyènes, 1 Lion.
Mais, pendant notre âge du Renne, alors que ces espèces
semblent avoir complètement disparu de notre pays, l'in-
' V Homme pendant les âges de lapierre^ etc., pp. 92-93, fig. 8 et 9.
2 Ibid.,p. 117, fig. 15.
3 Ibid., p. 120, fig. 16.
* Voyez la note de la page 217.
dustrie du silex parait entrer en décadence. Si la forme
lancéolée n'y existe plus, le couteau n'a pas, à Chaleux et à
Furfooz (PI. 49-50), la longueur qu'il avait dans la caverne
de Goyet — celui dessiné PI. 50, fîg. 5, dépasse déjà la
moyenne. — L'appropriation de ces lames h des usages dé-
terminés se montre surtout sous trois aspects ' : le grattoir
(PI. 49, fig. 3, 4 et 9), le poinçon (id.. fig. 1, 6 et 7) et le
racloir pour produire des aiguilles (id. , fig. 5) ou des pointas
de dards (id., fig. 8). Les ossements y sont nombreux, ainsi
que la poterie, et une plaque de psammîte porte le dessin
gravé d'un îmimal qui semble être le Bison.
Là s'arrêtent les vestiges du savoir-faire de nos véritables
troglodytes.
En somme, nous constatons que leur travail du silex a
subi une évolution graduelle et continue, depuis les peu-
plades de Montaigle jusqu'à celles de Chaleux et de Furfooz.
L'industrie de chacune de ces peuplades procède, par des
rapports intimes de forme et de fabrication, de l'industrie
troglodytique qui l'a précédée, et nous pouvons suivre, dans
leurs produits successivement modifiés, les variations des
mœurs et les tendances du développement des populations de
nos cavernes. Mais, lorsque nous comparons ce travail à
celui des silex ouvrés que la géologie indique comme posté-
rieurs et qui ne sont autres que les témoins de l'âge de la
pierre polie, une solution de continuité se prononce immé-
diatement en ce point dans la série : il est absolument
impassible de faire procéder, par voie de perfectionne-
— 465 —
quand on remarque, ainsi que je vais l'exposer, que le silex
employé dans toutes les cavernes des provinces de Namur et
de Liège provient toujours de localités champenoises situées
à plus de 35 lieues du centre de ces provinces, tandis que le
silex dont les populations firent usage, pendant l'âge de la
pierre polie, dans cette môme région à cavernes, a été extrait
des couches crétacées du Hainaut, Nous constatons donc en
Belgique, par des faits très concluants, Thiatus ethnogra-
phique signalé en France par Edouard Lartet, et confirmé
par M. de Mortillet.
Les terrains primaires belges ne renferment pas de silex
proprement dit. On y trouve seulement du phtanite, en
rognons ou en couches, dans le calcaire carbonifère et à la
base du terrain houiller. Le silex dont nos troglodytes se sont
servis pour leurs ustensiles, provenait donc d'une région
autre que celle qu'ils habitaient.
Ce massif des terrains primaires est borné au nord, sur
les limites de la Moyenne et de la Haute Belgique, par des
lambeaux de terrain crétacé, qui contiennent notamment la
craie blanche à silex. Celle-ci afl3.eure principalement dans
le Hainaut et dans la province de Liège. Or, toutes les variétés
de silex de cette craie blanche des terrains belges sont diffé-
rentes du silex qui a été taillé dans nos cavernes : MM. Cornet
et Briart le reconnaissent positivement pour le Hainaut
(p. 287), et la comparaison des silex taillés des cavernes
avec des collections minéralogiques formées, spécialement
dans ce but, dans le Limbourg et dans la Hesbaye ne laisse
pas non plus de doutes sur les dissemblances de la matière.
Nous pouvons donc affirmer que les relations de nos troglo-
dytes, pour se procurer le silex, n'avaient pas lieu avec la
région crétacée, située au nord du massif montagneux qu'ils
occupaient.
Je fus mis immédiatement sur la voie du gisement pri-
mitif de ce silex par une série d'objets recueillis dans nos
cavernes et provenant de localités faciles à reconnaître.
C'étaient d'abord des coquillea tertiaires au nombre de 69 exem-
plaires. Leur état de conservation, l'association des types
spécifiques et la présence du Cerithium gigaïUeum qui, à
proprement parler, ne se trouve pas dans les terrains ter-
tiaires belges, montraient qu'elles devaient avoir été recueil-
lies dans les couches de l'étage du calcaire grossier, et
notamment dans le gîte si connu de Courtagnon , près de
Reims. Ces coijuilles fossiles ont été souvent perforées, ce
qui les fait envisager comme des objets de parure de nos
anciens aborigènes. Des moules silicifiés de Turritelles, dont
ces hommes avaient fait un collier dans la caverne de Goyet,
sont également semblables à ceux que l'on rencontre, à la -
surface du sol, dans les couches tertiaires décomposées de la
montagne de Reims. Plusieurs esemplsires du Polypier
Qyrea spiraîis dénotaient des relations avec les environs de
Vouziers (dépairtement des Ardennes), où le grès vert est
caractérisé par ce fossile. Du jayet indiquait une autre étape
plus rapprochée des cavernes; il doit proveuir des marnes
liasiques qui affleurent sur le bord méridional de l'Ardenne.
Enfin, des morceaux d'ardoise, par leur couleur violette,
témoignent également de relations avec un point situé au
milieu de l'Ardenne môme, le long de la Meuse.
Nous obtenons ainsi, en quelque sorte, le jalonnement de
la route suivie dans les communications de nos troglodytes
belges avec le centre de la Champagne actuelle. Comme cette
dernière région est géologiquement caractérisée par la craie
blanche, il y avait lieu de croire que des recherches entre-
— 467 —
par une disposition en plaques soudées de moins d'un centi-
mètre d'épaisseur. Ces gisements de silex se trouvent sur la
rangée de collines qui s'étend à l'ouest de Vertus, depuis le
Mont Aimé jusqu'à Jéricho. Le silex cireux a été rencontré
près de la métairie La Madeleine. Ainsi, le silex dont les
troglodytes firent un si grand usage dans nos provinces de
Liège et de Namur, pendant toute la durée des âges du Mam-
mouth et du Renne, est d'une provenance bien déterminée.
Ce n'est cependant pas sans étonnement qu'on constate
Téloignement du gisement de la matière première, alors que
nos indigènes en avaient presque à leur portée. Si les caver-
nes de la vallée de la Lesse sont éloignées d'environ 60 kilo-
mètres des gisements de silex de la Moyenne Belgique, cette
distance est bien moindre pour les cavernes de Goyet et pour
les cavernes de la province de Liège. La caverne d'Engis
notamment se trouve à côté du terrain crétacé, et cependant
ses silex sont de même provenance que les silex des troglo-
dytes de la Lesse. A ces circonstances déjà si singulières,
s'ajoute l'absence d'obstacles orographiques notables entre la
Moyenne Belgique et nos régions à cavernes, tandis qu'une
arôte montagneuse, l'Ardenne, sépare ces cavernes des plai-
nes de la Champagne.
Je ferai encore remarquer : que nos troglodytes employè-
rent exclusivement le silex champenois pendant toute la
durée de la période représentée par l'âge du Mammouth et
par l'âge du Renne, c'est à dire, pendant toute la durée de
l'évolution de l'industrie de nos troglodytes citée plus haut ;
que je reste en dessous de la réalité, quand j'évalue à quatre
vingt mille le nombre d'éclats de silex champenois que nos
cavernes m'ont fourni, et à 250 kilogrammes le poids de ces
éclats; enfin que les silex taillés sont plus abondants encore
dans les cavernes habitées pendant l'âge du Renne que dans
les couches de l'âge eu Mammouth, puisque la seule caverne
de Chaleux m'a fourni plus de trente mille éclats.
Ces relations avec le sud de la Champagne sont donc un
det) traits ethnographiques les plus saillants des troglodytes
belges.
J'ai expliqué le transport de ce silex dans nos cavemes
par un trafic fait par des tribus de colporteurs'. Je ne puis,
en eËfet, admettre que nos troglodytes aient exécuté des
voyages de 35 à 50 lieues à travers l'Ardenne et la Cham-
pagne, pour se procurer du silex en si grande quantité, qu'ils
n'en prenaient presque aucun souci. Nous avons d'ailleurs
encore de nos jours, des exemples de semblables trafics chez
des peuplades habitant l'Amérique équatoriale. Je ne puis non
plus admettre que ces troglodytes fussent nomades et que le
transport du silex champenois dans nos cavernes ne fût que
le produit de leurs pérégrinations permanentes ; car nous
nous étannerions à bon droit que ces hommes, au lieu de
taiUer le silex sur son gisement même, en eussent transporté
des blocs à de pareilles distances, pour le débiter en éclats
quand il avait perdu son eau de carrière et que, devenu dé-
fectueux pour la taille, il formait de nombreux déchets
inutiUsables.
Quelle que soit du reste l'opinion qu'on adopte sur la
manière dont le silex de Vertus parvenait dans la région
située au nord de l'Ardenne, il ne reste pas moins prouvé que
nos troglodytes ne se servirent pas du silex de la Moyenne
Belgique, qui était cependant plus k leur portée et qui y est
beaucoup plus abondant que ne Test cette substance dans le
voisinage de la Haute Marne. Nous devons évidemment
conclure àuneabsence complète de relations entre les plaines
— 469 —
La Moyenne Belgique était cependant habitée par Thomme
pendant l'âge du Mammouth.
Les géologues du Hainaut ont découvert, aux environs de
Mons, quatre gisements de silex taillés dans les alluvions
fluviales à ossements de Mammouth et autres espèces carac-
téristiques de cet âge.
Mais ce n'était pas le silex de la Champagne que l'homme
y employait; c'était le silex du Hainaut lui-même. MM. Cor-
net et Briart croient môme que ce silex y était alors déjà
exploité par galeries souterraines (p. 288). Mais, à une pro-
venance différente de la matière première, ne se bornent pas
les contrastes entre les silex taillés quaternaires du Hainaut
et ceux de nos cavernes. Leurs formes sont absolument diffé-
rentes, comme on peut en juger par les planches 51-56, qui
représentent les principaux types de silex taillés recueillis
par M. Neyrinck dans les alluvions quaternaires de la tran-
chée de Mesvin, et qui n'ont pas d'analogie avec ceux des
cavernes figurés sur les planches 37-50. Les formes plus
variées de ces silex taillés du Hainaut annoncent, en outre,
des usages et une industrie s'étendant à plus d'objets.
n est difficile, à mon avis, de contester que l'industrie
dénotée par ces silex de Mesvin ne peut procéder ,' par voie
de filiation directe, de l'industrie que nous font connaître les
silex taillés des cavernes, et, vice versa, qu'on ne peut voir
davantage dans l'âge de la pierre polie, une phase de l'évo-
lution graduelle de l'industrie de nos troglodytes. Cette der-
nière ne se rattache à aucune des autres et resta isolée
tant qu'elle dura.
Nous nous trouvons donc en présence d'un développement
parallèle et séparé de deux industries contemporaines et j ux-
taposées pendant l'âge du Mammouth. Les populations du
Hainaut et les populations des provinces de Namur et de
Liège, si nous en jugeons par le caractère de leurs silex
taillés, avaient alors chacune leur mouvement propre et
devaient avoir, par conséquent, des mœurs très différentes.
30
Les endroits qtt'eUee choisissaient poar leurs séjours, for-
maïeDt do reste nne grande opposition, puisque les mtee
habitaient les cavernes et qne les antres séjournaient sans
abris naturels sor les bords des cours d'eau. Si ces dernières
y étaient forcées par l'absence de cavernes dans la Moyoïne
Belgique, rien n'obligeait les peuplades de Namur et de
Liège à s'établir conetamment dans des antres tnalgaîna et
humides, d'où les crues fréquentes des fleuves les chassaient
par intermittence pendant une époque géologique.
£n concluant, pour l'époque quaternaire, à l'existence, en
Belgique, de deux populations distinctes qui n'entretenaient
pas de rapports mutuels, je formulerais une hypothèse
qui paraîtrait peut-être quelque peu hasardée, si je ne pou-
vais m'appuyer sur une démonstration directe. Il est en e^t
certain, comme nous l'avons vu, que les troglodytes n'em-
ployaient que le silex du sud de la Champagne, malgré
l'éloignement de son gisement et la proximité des gisements
qui se trouvent au nord de la région habitée par eux.
MM. Cornet et Briart nous montrent, au contraire, que le
silex mis en œuvre par les populations de l'âge du Mam-
mouth dans le Hainaut était exclusivement celui de la
r^on que celles-ci habitaient. C'est la preuve que ces tri-
bus, bien qu'elles vécussent pendant la même époque géolo-
gique, restaient complètement isolées l'une de l'autre.
Cette constatation est fondamentale pour la connaissance
de nos populations pendit l'époque quaternaire.
n importait aussL de chercher à confirmer cette conclusion
— 471 —
geurs du siècle dernier, les Peaux Rouges guettaient les
Esquimaux et cernaient leurs campements, lorsqu'ils parve-
naient à les découvrir; ils traitaient alors les Esquimaux
comme des animaux immondes et malfaisants , les massa-
craient quels que fussent l'âge et le sexe, et se retiraient
sans rien emporter des campements.
Mais, si nous comparons l'industrie de nos deux popula-
tions quaternaires à l'industrie des populations de l'âge de la
pierre polie, qui leur succédèrent dans les mêmes régions,
nous observons de nouvelles circonstances qui sont dénature
à établir, dans notre pays au moins, une corrélation spé-
ciale pour ces tribus antérieures à l'époque de l'emploi des
métaux.
Lartet fut le premier à constater que l'industrie de l'âge
de la pierre polie ne pouvait, par un développement régulier,
dériver de celle d^ peuplades troglodytes. Toutes les recher-
ches ultérieures ont confirmé cette appréciation : un hiatus
très accentué s'observe, en France, entre l'industrie des troglo-
dytes de l'âge du Renne et l'industrie des peuplades de l'âge
de la pierre polie. C'est ce que M. de Mortillet vient de con-
stater de nouveau et avec une grande netteté, et nous avons
vu plus haut que cette conclusion s'applique complètement
à la Belgique.
M. Franks tenta, en 1867, de faire disparaître cette solu-
tion de continuité. Il remarqua que les silex taillés de Lau-
gerie Haute (PI. 21) se rapprochaient, par leurs formes et les
caractères de la taille, des silex du dernier âge de la pierre,
et il suggéra l'opinion qu'ils formaient la transition recher-
chée. Mais comme plusieurs silex taillés découverts à Pont
à Lesse offraient des ressemblances avec ceux de Laugerie
Haute, on devait déduire, des observations géologiques et
paléontologiques, qu'ils étaient plus anciens que les silex de
Furfooz, qui sont de l'âge du Renne et dont les caractères se
rapprochent de ceux de la caverne de la Madeleine dans le
Périgord. n y avait ainsi lieu de croire que les silex de Lau-
gerie Haute ne tenninaientpaa l'évolution de ceux des troglo-
dytes périgourdius. M. de Mortillet fît bientôt connaître, de
Bon côté, que des observations stratigrapbiques confirmaient,
en Dordogne, cette déduction, et l'hiatus fut maintenu.
Des observations plus récentes semblent venir à l'appui de
l'opinion de Lartet, plutôt que l'infirmer; car si la coutume
d'inhumer les morte dans les cavernes persista, pendant l'Age
de la pierre polie, en France comme en Belgique, on n'a pas
encore signalé de passage entre l'industrie des troglodytes
et l'industrie de ce dernier &ge. Ces deux genres d'industrie
restent distincts, sans qu'on ait pu constater de filiation entre
eux, et l'art; de polir le silex, dont l'apparition est accompa-
gnée d'une série d'instruments étrangers aux troglodytes,
parait évidemment avoir pris naissance, dans l'Europe occi-
dentale, sous une influence tout autre que les progrès des
peuplades qui choisissaient les cavernes pour demeures.
Mais ces contrastes morphologiques dans l'industrie des
troglodytes et des peuplades de l'âge de la pierre polie sont-
ils aussi frappants quand on compare, aux instruments de
ces dernières, les silex taillés des peuplades quaternaires qui
habitaient le Hainaut, les bords de la Somme, de la Seine et
de la Tamise? On doit certes y reconnaître une analc^e
marquée dans leur caractère fondamental, et, lorsqu'on met
en regard des séries d'instruments de ces deux &ges suc-
cessifs, l'on est conduit à faire dériver les premières mani-
festations de l'âge de la pierre polie, du travail progressif des
peuplades plus anciennes qui habitaient ces régions sans ca-
— 473 —
M. Neyrinck (PI. 51-56), avec ceux qu'il a recueillis sur le
champ de Spiennes, où, comme le Congrès a pu s'en assurer
rhomme de Tâge de la pierre polie a ébauché ses instruments
en silex (PL 57-66), rend évidente, à mon avis, la descen-
dance de rindustrie de cet âge de la pierre polie de Tin-
dustrie des peuplades quaternaires de la môme région. Les
similitudes vont jusqu'à certains instruments de formes très
spéciales, dont on rechercherait en vain des traces dans les
cavernes. On remarque notamment que les armes triangu-
laires (PI. 51, fig. 1 et PI. 66, fig. 1) et les racloirs (PI. 56
et PI. 64, fig. 1), objets communs aux deux âges, ont bien
le même caractère et ont dû avoir la môme destination. Ces
ressemblances proviennent évidemment, pour beaucoup d'ob-
jets, de la circonstance que les silex de Spiennes sont tou-
jours des ébauches. Et c'est là que je puise un de mes
principaux arguments pour affirmer la filiation. On doit, en
effet, rechercher, non pas dans le travail perfectionné, mais
dans le travail préparatoire, les ressemblances entre Tindus
trie d'une phase de développement plus avancé et l'industrie
plus grossière d'une époque antérieure. Le parallèle entre
ces deux phases est ici des plus évidents.
Remarquons enfin que le silex employé par ces deux popu-
lations successives du Hainaut provient entièrement des
environs de Mons ^
Le caractère des instruments de Tâge de la pierre polie est
le môme dans les provinces de Namur et de Liège et dans le
Hainaut, aussi bien du reste que dans toute la Belgique. Le
silex qui a servi à en fabriquer la plus grande partie, est le
silex du Hainaut. Ainsi, tandis que nos troglodytes se ser-
vaient du silex champenois, les peuplades de l'âge de la pierre
polie qui habitèrent la môme région, n'employèrent que le
silex de Spiennes ; ce qui rend plus profonde encore la solu-
tion de continuité qui se présente entre ces peuplades.
1 Voyez les communications de MM. Cornet et Briart, pp. 250 et 279.
— 474 -
Mais l'absence absolue de relations que nous constations
entre les populations de la Haute et de la Moyenne Belgique
pendant l'Âge de la pierre taillée, se transforme ici en rela-
tions intimes, dénotées tant par la forme des silex que par
l'origine elle-même de la matière première. C'est là certes un
second fait des plus caractéristiques de notre ethnographie
ancienne.
A ces contrastes entre les troglodytes et les tribus de l'&ge
de la pierre polie dans les provinces de Namur et de Liège, je
puis encore ajouter l'abandon des cavernes, comme habitations
de l'bomme, h l'époque de l'^e de la pierre polie : les nou-
velles populations des provinces de Namur et de Liège éta-
blissent leur demeure à ciel ouvert, quelquefois sur les bords
des fleuves et des rivières comme le faisaient les habitants
quaternaires du Hainaut, plus souvent, sur les plateaux qui
couronnent les vallées. Ce dernier cas était assez inattendu,
car l'habitation de ces plateaux entraîne une installation peu
commode. Ils sont d'un accès difficile et l'on ne s'y procure
de l'eau qu'avec difficulté. Si aujourd'hui un grand nombre
de villages et de fermes sont bfttis sur des points élevés, c'est
pour répondre aux besoins de l'agriculture. Mais, en suppo-
sant que nos peuplades de l'ftge de la pierre polie eussent pu
cultiver des céréales, elles ne pouvaient le faire que sur une
petite échelle, et le fond des vallées, naturellement fertile,
devait leur suffire à cet effet. Je suis donc amené h croire
que leur habitation sur les hauteurs était dict^ par des né-
— 476 —
«
complètement le mamelon, qui n*a ordinairement qu'une sur-
face de quelques hectares. Les planches 80, 82, 84, 85, 88
et 89, jointes aux mémoires de MM. Amould, de Radiguès
et Soreil (pp. 318, 370 et 38), représentent plusieurs de ces
positions.
On rencontre, au sommet de ces mamelons, des éclats de
silex, des pointes de flèches barbelées, des haches ou des
fragments de haches polies. Le silex de ces instrwnents pro-
vient toujours du Hainaut.
Dans plusieurs cas, des retranchements, d'un caractère
particulier, sont venus s'ajouter aux défenses naturelles des
lieux. MM. Amould et de Radiguès en ont fait une étude
très sérieuse (p. 318), de laquelle il paraît résulter claire-
ment que quelques-uns des escarpements qui avaient servi au
campement des peuplades de Tâge de la pierre polie, furent
habités par des populations plus récentes, qui doivent être
les Gallo-Belges, car les retranchements ont les caractères de
ceux que César décrit, lorsqu'il parle du système de fortifi-
cations en usage parmi les habitants de nos régions.
Les positions où s'établit l'homme de la pierre polie dans la
province de Namur, semblent évidemment indiquer qu'il eût à
y soutenir des luttes. C'est là encore l'un des résultats les plus
intéressants des études faites dans notre pays sur les âges de
la pierre, et nous pouvons espérer que des recherches persé-
vérantes pourront élucider plusieurs points importants de
cette phase de notre civilisation. Pour rester dans le sujet,
je dois seulement constater l'extrême contraste que ces
témoins de luttes prolongées, pendant le dernier âge de la
pierre, présentent avec le caractère pacifique de nos troglo-
dytes, et celui qui existe, non moins marqué, entre leurs
lieux d'habitation dans les mêmes localités. Les cavernes
étaient à la fois le lieu d'habitation et le lieu de sépulture
des populations quaternaires; elles ne servent plus que de
sépulture pendant l'âge de la pierre polie, et les plateaux sont
alors les points sur lesquels l'homme s'étabUt principalement.
— 476 —
Cinq grottes sépulcrales de ce deroier âge ont été explo-
rées dans la province de Namur, en y comprenant celles qui
furent récemment découvertes, & Hastière et à Maurenne, par
Auguste Collard. Ces dernières sont analogues à la sépultnie
de Sclaignaux et leurs types anthropologiques sont égale-
ment semblables, au moins si l'on s'en rapporte aux défor-
mations artificielles qu'on y constate sur les crânes. Mais les
crânes de Chauvaux diffèrent beaucoup de ceux-là et il sem-
ble que les hommes inhumés à Gendron avaient aussi des
caractères différents. Ces observations tendent à montrer que
l'étude de l'ethnographie générale de notre âge de la pierre
polie comprendra des éléments compliqués, dus, sans doute,
à une succession d'événements qui se sont produits parmi
les populations de cette époque et que nous ne devons pas
désespérer de pouvoir classer un jour.
En résumé, ces considérations tendent à établir que, pen-
dant l'époque quaternaire, deux populations dont les mœurs
étaient entièrement différentes et qui n'entretenaient entre
elles aucune relation, coexistaient en Belgique. L'une, dans
les provinces de Namur et de Liège, n'habitait que les
cavernes, employait le silex du sud de la Champagne pour
fabriquer ses instruments et subit un développement propre
et régulier, dont on peut suivre l'évolution. L'autre, dont les
instruments étaient tout différents de ceux-là et fabriqués
avec le silex des environs de Mons, habitait à la même épo-
que le Hainaut ; elle serait arrivée par des progrès successifs
— 477 —
tillet et des planches 37-50 nous montre une singulière
similitude dans les formes des silex taillés des cavernes de la
France et de la Belgique. Ces formes correspondent souvent
pièce par pièce, de sorte qu'un parallélisme évident s'établit
entre les produits des troglodytes du Périgord et ceux des
troglodytes de notre pays.
Mais, à côté de ces analogies, nous voyons des contrastes
géologiques et paléontologiques qu'il importe de bien préci-
ser, car ils seront sans doute, pendant longtemps, un obstacle
à une interprétation applicable à la fois aux deux régions.
Les cavernes du Périgord ne semblent contenir que très
exceptionnellement des couches quaternaires et, parmi les
débris des repas de l'homme, Lartet, Christy et les autres
explorateurs de ces célèbres gisements n'ont signalé que
quelques débris d'espèces perdues^.
Par opposition, les cavernes belges renferment d'épais
amas de couches semblables à celles qui se trouvent sur le
flanc des vallées dans la Haute et dans la Moyenne Bel-
gique, et les espèces perdues y prédominent dans les niveaux
ossifères dont l'industrie correspond d'une manière souvent
frappante à celle des cavernes de Moustiers, de Laugerie
Haute et de la Madeleine. La faune des cavernes de Chaleux
et de Furfooz, où se termine l'évolution des troglodytes
belges, est seule à peu près la même que la faune des ca-
vernes périgourdines.
Mais, dans la vallée de la Somme et dans la vallée de la
Haine, les analogies les plus intimes se remarquent entre les
couches, sous le rapport des caractères géologiques, de la
faune et de l'ethnographie, de sorte que si l'on assigne un
âge à l'un de ces gisements, relativement aux troglodytes, on
devra l'admettre pour l'autre. Les savants français, et je dois
surtout citer, parmi les plus compétents sur la matière, MM . de
Mortillet et Belgrand, considèrent l'homme des vallées de la
* Reliquiœ Aquitanicœ, fasc. I, p. 6.
— 478-
Somme et de la Seine comme le précurseur des trc^lodytes.
Cette opinion s'appuie sur deux faite importants : l'extrême
rareté des débris des espèces perdues dans les cavernes du
Périgord et leur abondance dans les alluvions quaternaires &
silex taillés du Bassin de Paris, ce qui semblerait indiquer
que celles-ci sont plus anciennes que l'époque des troglodytes
de l'ancienne Aquitaine. D parait en outre que les formes
amjgdaloldea, si caractéristiques des silex taiUés des vallées
du Bassin de Paris, ne s'y trouvent en abondance que dans
les hauts niveaux, tandis que, dans les bas niveaux, elles se
rapprochent des formes de la caveme de Mouatiers , ce qni
semblerait indiquer un acheminement de l'industrie de ces
peuplades parisiennes vers l'industrie des troglodytes.
La première constatation est absolument contraire aux
observations constantes faites dans les cavernes de la Bel-
gique; la conclusion qui en est tirée, ne peut donc s'appli-
quer à notre pays. Quant à la seconde, il serait à désirer que
tous les éléments d'appréciation fussent publiés, aSn de pou-
voir définir avec précision les rapports gui existent entre les
formes des silex taillés des bas niveaux et des plus anciennes
cavernes du Périgord. Un fait parait en effet peu contes-
table, c'est l'analogie fondamentale des formes bien caracté-
risées, qu'elles soient de l'&ge de la pierre polie ou qu'elles
proviennent des alluvions quaternaires des vallées de la
Seiue, de la Somme ou de la Haine. Cette ressemblance
semble dénoter entre ces produits d'&ges, évidemment suc-
— 479 —
Quoiqu'il en soit, la théorie d'une série linéaire» reliant
d'une manière continue les peuplades des hauts niveétux aux
peuplades qui habitèrent les cavernes des Eyzies, de la Ma-
deleine et de Bruniquel, avec une interruption entre celles-ci
et les tribus de Tâge de la pierre polie, ne s'appliquerait pas,
d'une manière satisfaisante , à l'ensemble des observations
faites en Belgique sur les âges de la pierre. Ces observations
m'ont conduit à admettre le dualisme de nos populations
quaternaires. Sans prétendre que ce système puisse s'ap-
pliquer aux âges de la pierre en France, il me paraît coor-
donner rationnellement les résultats de nos recherches et
nous fournit un classement qui satisfait à toutes les données
recueillies jusqu'à ce jour en Belgique.
(Voir, sur le même sujet, la communication de M. Belgrand, page 132.)
M. Reboux expose une collection de silex qu'il a recueillis
dans les carrières de Levallois et indique leur superposition
dans ces gisements.
Il les fait rentrer dans trois époques, qui sont les suivantes,
en commençant par la plus ancienne :
1** Époque paléolithique ou de la pierre éclatée. Les silex
rapportés à cette époque se trouvent associés aux restes du
Mammouth et de l'Ours des Cavernes.
2** Époque mésolithique ou de la pierre taillée. Avec les
silex de cette époque, se trouve entremêlée la faune de l'âge
du Renne.
3** Époque néolithique ou de la pierre polie. C'est l'âge des
dolmens.
fSw la division du Nord de VEwrope en provinces
archéologiques pour F âge de la pierre polie, par M. H ans
HiLDEBBAND.
Les découvertes faites à Spiennes prouvent qu'en Bel-
gique le silex a été d'une importance vitale pour les popula-
tions de Tftge de la pierre polie. Mais il n'en est pas ainsi
partout. Je citerai tout 6 l'heure des contrées où les haches
de silex sont très rares, tandis que les pointes de lances et
de flèches faites en cette substance sont communes. Il est
d'autres pays encore où le silex n'a pas été employé du tout.
Or, pour l'Age de la pierre polie, le silex a eu la même
importance vitale en Angleterre et en Suède. En comparant
entre elles les formes des instruments de cette époque, dans les
trois pays, nous reconnaissons de suite une affinité intime
entre la Belgique et l'Angleterre, tandis que les antiquités
du groupe belge diffèrent essentiellement de ce qui se ren-
contre constanmient en Suède. La matière première, le silex
surtout est commun aux deux pays, mais, dans l'un et l'autre,
on s'est plu à donner aux instruments des formes différentes
et les différences sont constantes. Voilà donc deux provinces
de Tige de la pierre polie : l'une comprend l'Angleterre, la
Belgique et une portion considérable de la France ; l'autre
comprend la Suède.
Les deux faces de la hache en silex que l'on trouve si
communément en Belgique et en Angleterre, forment, en se
rencontrant, un bord plus ou moins aigu, et la coupe trans-
versale de la hache a la forme d'un ovale dont les pointes
sont quelquefois coupées par des facettes. Des exemplaires
de ce type ont été trouvés en Suède, il est vrai, mais rare-
ment. Celui-ci ne prend place dans nos séries que comme
exception et ne peut servir, en Suède, à déterminer le carac-
— 48] —
signe les distingue des instruments du même genre que Ton
observe dans les parties occidentales de l'Europe.
Si vous parcourez Touvrage de mon illustre compatriote
M. Nilsson, sur Tâge de la pierre en Suède, — le premier
ouvrage qui ait traité scientifiquement de cet âge pour les
régions européennes — vous y verrez que non seulement les
haches, les lances et les flèches ne sont pas les mêmes que
celles de la Belgique, mais aussi que nous avons en Suède
bien des objets qui ne se rencontrent ni en Belgique, ni en
Angleterre, notamment nos couteaux ou grands poignards
avec la poignée très développée ou quadrangulaire, aux
bords ornés ou arrondis, nos scies, nos grattoirs en forme
de vrilles, etc., etc.
La Belgique et la Suède étant éloignées l'une de l'autre,
il n'est pas étonnant que la civilisation de l'âge de la
pierre polie s'y soit développée différemment. La distance
même a produit l'isolement, et, dans cet isolement, l'un et
l'autre peuples ont eu leurs besoins et leurs goûts à l'abri de
toute influence réciproque.
Mais voici d'autres faits.
La civilisation qui caractérise la Suède, se retrouve dans
la Norvège méridionale, en Danemark, dans le Mecklem-
bourg,' en Poméranie, dans la Prusse occidentale et, de l'autre
côté, dans les parties septentrionales du Hanovre et dans les
Pays-Bas, c'est à dire, dans une contrée qui de la Vistule
s'étend jusqu'à la mer du Nord et jusqu'aux frontières de la
province anglo-belge. Ainsi, il n'y a donc pas entre ces deux
provinces une bien grande distance et c'est là ce qui con-
stitue leur caractère le plus remarquable.
La province que j'ai nommée en commençant la province
suédoise, mais qui, en réalité, est trop étendue pour recevoir
cette qualification, se continue dans une autre direction. Nous
pouvons la suivre, vers l'est, jusqu'en Pologne, en Moravie
et en Galicie, où les haches en silex ont la même forme qu'en
Suède. Celles-ci ont été trouvées à côté de squelettes placés
- 482 ~
dans Is position assiBe, dans de grandes chambres sépul-
cntles. n est probable qne l'on réussira un jo'ur & suivre les
méuLea types de silex et les mômes usages dans les parties
voisines de la Russie occidentale.
On peut, en général, dans une province archéologique,
distinguer une partie principale d'une autre moins impor-
tante. La première était mieux appropriée aux besoins de la
population, plus fertile eu objets de première nécessité; la
seconde, plus éloignée des régions primitivement occupées, a
reçu des émigrations, des colonies, ou a subi toute uitre in-
fluence extérieure.
Le cas se présente dans notre provioce septentrionale, où
se trouve une région secondaire ainsi éloignée. Le domaine
des haches en silex qui s'étend le long de la mer Baltique
et de la mer du Nord, laisse entre lui et les montagnes
qui traversent l'Allemagûe un espace assez étendu, où les
haches en silex deviennent rares, tandis que l'on j fabrique
encore des objets de moindres dimeosioDS, comme des
pointes de flèches, etc. Il ne faut cependant pas considérer
cette région comme une région archéologique peu intéres-
sante ou accessoire, car elle est caractérisée par des formes
spéciales d'instruments.
Dans les collections saxonnes et daus celles des pays voi-
sins, on trouve des haches perforées, noires, grosses et mas-
sives , obliques à leur partie supérieure ; d'autres haches
perforées, plus gracieuses, plus courtes et présentant
des facettes ; certaines haches non perforées , très grosses,
- 483 —
on a trouvé dans TAutriche proprement dite les mêmes types
d'instruments. Des exemplaires en sont conservés au Cabinet
impérial de Vienne. Mais ces types n'ont jamais été décou-
verts dans la partie sud-ouest de rAllemagne, ni en Suisse.
En Suède même, nous pouvons distinguer une région
principale et une région secondaire, qui dépendent de causes
parfaitement naturelles. Le terrain à silex, exceptionnel chez
nous, n'existe pour ainsi dire qu'en Scanie, c'est à dire, dans
la partie la plus méridionale du royaume. On y constate ce-
pendant, dans d'autres parties^ la présence de silex travaillés :
vers l'est et vers le nord, par exemple, dans la province de
Visigothie si riche en dolmens et en instruments d'un âge
de la pierre polie vraiment florissant. En l'absence de nuttiëre
première, il a dû s'établir, en ces temps reculés, i;n com-
merce de silex, commerce important, car l'existence des
tribus éloignées en dépendait. Plus la distance était grande,
plus la matière devenait précieuse. Et, en effet, les -Bilex
qu'on trouve vers la frontière de la Norvège, dans les pro-
vinces de Dal et de Wermland, sont petits. Quand ils étaient
usés, on les retaillait et repolissait plusieurs fois, jusqu'à leur
donner une forme trapue et peu élégante.
Cependant il existe des rapports intimes entre les diffé-
rentes parties de la grande province néolithique suédoise,
malgré les distances très grandes et les obstacles qui les sépa-
raient. Toutefois je suis en mesure de constater une exception
à ce fait. La Vistule, quoique assez large vers son embou-
chure , n'a pas dû offrir un obstacle sérieux au commerce
entre les peuples des deux rives, et, malgré cela, on ne ren-
contre que très peu de silex ouvrés du côté de la Prusse
orientale, tandis qu'ils sont nombreux sur la rive occidentale
du fleuve. Dans les collections de Koenigsberg, il n'y a qu'un
silex sur 35 objets en diorite, etc. Cette nouvelle province,
caractérisée par ce manque de silex, se continue à travers
les provinces baltiques de la Russie et la Finlande; elle
s'étend de l'autre côté de la mer en englobant les parties
— 484 —
septentrionales de la Suède et àe la Norvège, ^es pointes de
lances et de fiëehes ne sont plus en silex, mais en phjllade,
substance commune dans ces contrées. Les collections de ces
pays offrent, aux visiteurs, un aspect assez pauvre, bien que
r^e de la pierre 7 soit parfaitement établi. Dana les pro-
vinces Baltiquea et en Finlande, on retrouve les mômes
formes, mais les matériaux varient suivant les ressources
naturelles du pays.
En résumé, nous venons de voir que des rapports intimes
existaient, pendant l'âge de la pierre, entre la Belgique et
l'Angleterre, tandis que la civilisation du même &ge s'était
développée différemment dans d'autres régions. J'ai indi-
qué les deux grandes provinces où l'âge de la pierre polie
se définit avec netteté; je dois ajouter ici une petite obser-
vation. Le Pas de Calais n'a pas formé un obstacle entre la
Belgique et les Ûes Britanniques ; la Belgique et les pro-
vinces septentrionales des Pays-Bas, au contraire, sont restées
isolées entre elles. De mâme, la mer Baltique et le Kattegat
n'ont pas empêché les rapports entre les tribus suédoises et
les tribus allemandes, bien que la Vistule ait été ailleurs
un obstacle. N'est-il pas à supposer qu'il y avait, dans ce
dernier cas, d'autres obstacles plus sérieux qu'un fleuve?
Les provinces dont je vous ai esquissé le caractère et les
limites, ne sont pas les seules qu'on puisse distinguer. L'ex-
position préhistorique que nous avons vue à Bologne , l'an
dernier, nous a montré une série d'objets en pierre qu'on ne
trouve ni en Suède, ni en Allemagne, ni en Autriche, ni en
— 485 —
époque, tenir compte de rinfluence exercée par les âges
antérieurs.
Sur les migrations humainesy par M. Ch. Tabdy.
Après avoir publié dans les Bulletins de la Société géolo-
gique de France, en juin 1872, diverses notes sur la géologie
et les phénomènes quaternaires, il ma semblé qu'il serait
intéressant de rechercher quelles relations pouvaient exister
entre les migrations humaines et ces phénomènes, tels que je
les ai compris et décrits.
Pour étudier ces migrations et leurs résultats généraux,
et pouvoir en déduire quelques indications sur les races
anciennes, sur leur degré de civilisation, sur leurs mœurs,
etc., il faut d'abord étudier, à grands traits, les diverses
phases par lesquelles a passé, depuis son origine, un de ces
peuples émigrants. Les Francs, si nous en jugeons par le
rôle qu'ils ont joué dans l'histoire, ont, dès leur première
apparition, constitué yn peuple homogène. Le choix que je
fais de ce peuple, est d'autant mieux justifié, que les Francs
ont habité le pays dont le présent Congrès doit s'occuper de
préférence.
Les Francs apparaissent d'abord comme un peuple sau-
vage, guerroyant sur les frontières de l'Empire romain. Au
début, l'invasion est repoussée et contenue ; mais bientôt le
grand flot de l'émigration déborde par le Nord de l'Europe
et refoule devant lui les premiers arrivés. Les Francs enva-
hissent l'Empire, s'y établissent et vivent en tribus séparées.
Le chef de l'une d'entre elles prend de l'ascendant sur les
autres chefs; il arrête la fin du mouvement de l'invasion,
qui s'annonce par une recrudescence, deux siècles après
la première invasion. L'un de ces chefs, dont le nom restera
légendaire, fonde une dynastie qui transforme les autres
chefs en vassaux ; il fait de petites conquêtes, et il agrandit
31
-486 -
surtout son domaine , eu lui donnant une importance crois-
sante.
Peu de temps avant l'affaissement du sol de Ravenne, on
voit la civilisation se former ; les historiens prosateurs
deviennent nombreux et prennent la place des historiens-
poètes des légendes des temps antérieurs ; la puissance mili-
taire s'accroît. Alors apparaît un souverain qui porte la civi-
lisation et la puissance militaire des Francs à son apogée.
Après Charlemagne, recommence le mouvement des nations
du Nord. Ce sont d'abord de petites incursions normandes,
hongroises, etc. La décadence de l'empire carolingien com-
mence et bientôt elle s'accentue de plus en plus. C'est alors
que le sol de Ravenne arrive à son maximum d'affaissement.
Après un siècle de troubles, une nouvelle invasion s'avance
de l'Orient, et, en même temps, un nouvel ordre social
commence dans le pays des Francs.
Si, au lieu d'un peuple unique, on étudie toute l'histoire,
en la réduisant à ses grands traits, à des tableaux chrono-
logiques, et en groupant les faits d'un même ordre, on ne
tarde pas, comme je l'ai remarqué, à voir que le cadre de
l'histoire des Francs s'applique en tout ou en partie à l'his-
toire de tous les peuples. Dans ce classement, on verra aussi
que les événements similaires se suivent à huit ou neuf cents
ans de distance, comme les âeu\ phénomènes d'affaissement
constatés, l'un au lac de Varèse, l'autre à Ravenne. C'est
ainsi que, pour les Romains, la république était au deuxième
état social, tandis que leurs rois étaient la fin du premier.
— 487 —
Si, du général, on passe aux détails, on reconnaîtra aussi
que les événements de Thistoire particulière d une nation
précèdent ou suivent ceux de même nature de la vie d'une
autre nation de même race et de même émigration, et cela
suivant Tordre d'arrivée de ces diverses nations dans le pays
où elles se sont développées.
Ainsi, dans le temps, Tordre d'arrivée détermine Tordre de
Theure de la plus grande puissance, de même que Tordre de
l'heure de la mort, et de celle de la rénovation, lorsqu'elle a
lieu. On pourrait encore pousser plus loin les conséquences de
cette étude comparée de l'histoire; mais les conclusions précé-
dentes suffisent pour le but à atteindre. Seulement, il faut
encore remarquer que, tandis que les Chinois se sont main-
tenus fort compacts dans une sorte de presqu'île fermée au
sud par TOcéan, au contraire, dans l'Europe qui touche au
sud à TAfrique et à l'Asie, les migrations ont dépassé la mer
Méditerranée et se sont répandues dans ces continents
méridionaux.
Les Francs, en envahissant la Gaule, ont pris la religion
des vaincus et leur langue. Ils ont pris beaucoup et n'ont fait
que modifier un peu la langue. Il s'en suit que, de leur langue,
il ne faut pas conclure à leur origine; mais plutôt conclure
qu'ils sont les vainqueurs d'une race qui parlait une langue
analogue à la leur, à celle qu'ils ont parlée depuis dans cette
nouvelle station. Ce fait, constaté ici, doit être vrai pour les
diverses autres invasions successives qui seront représentées
par des langues dérivant les unes des autres sur le même sol,
ou dans une nouvelle aire géographique, aire dans laquelle
s'est arrêtée la première invasion sur le sol inhabité. Puisque
toutes les invasions historiques (Turcs, Barbares, Gaulois, Hel-
lènes) se sont dirigées du Nord vers le Sud, il est naturel de
penser que les autres ont suivi la même direction. Aussi,
peut-on penser qu'avant la période glaciaire miocène,
l'homme habitait les régions tempérées du Nord de nos
continents.
\
Dès la première époque glaciaire, les migrations commen-
cèrent ; les premiers glaciers refoulèrent les premiers peuples
dans des régions plus habitables. Là, ces premières nations
se développèrent et, se civilisant de plus en plus, elles produi-
sirent, avant l'afFaissement maximum du sol survenu à leur
époque, des œuvres de génie qui, pour les âges anciens, ne
sont que la perfection dans la forme et la fabrication de leurs
armes.
A chaque phase, il y a progrès, soit qu'on établisse la
chronologie des silex les plus beaux ou des autres œuvres
d'art, lorsqu'il y en aura, par la stratigraphie géologique, soit
qu'on prenne la clironologie du développement moral par
l'histoire. Ëtant, par une théorie, soudés à l'affaissementdu
sol de Eavenne, les deux systèmes chronologiques marchent
parallèlement l'un à l'autre et donnent des résultats iden-
tiques. En sorte que je crois que l'histoire et la géologie qua-
ternaire peuvent s'expliquer l'une par l'autre, et que l'une
peut aider à compléter l'autre.
Comme les premiers silex taillés apparaissent avant les
glaciers miocènes, il faut en conclure que les sauvages,
dont ces silex représentent naturellement l'état de première
civilisation, doivent être d'origine éocène.
Depuis cette première population éocène et miocène infé-
rieure, l'arrivée des puissants glaciers du miocène moyen a
dû déterminer une première invasion. Puis, de nouvelles
invasions se sont produites après raffaissement du miocène
— 489 —
de riiistoire et la stratigraphie géologique, on voit que cette
invasion de Babel est celle qui suit d'un siècle la formation de
la terrasse qui, en It?|lie, se trouve à six cents mètres d altitude
au dessus du niveau de la mer. Cette terrasse est la première
de Tépoque quaternaire; c*est celle qui repose sur la faune de
YElepltas meridiortalis, et dont les limons couvrent les hauts
plateaux. Ce seraient ainsi les indices du déluge de Noé.
La seule histoire que nous puissions consulter pour les pé-
riodes antérieures, est la Bible; mais son récit n'est qu'un
résumé bien laconique et bien incertain en apparence. Ce-
pendant, si Ton prend une chronologie moyenne, on trouve
deux faits dont les dates sont, par leur distance, les dates des
autres invasions précitées, et dans le rapport voulu. Ce sont
d'abord l'enlèvement d'Hénoch et ensuite la naissance de
Seth. Ici, il convient de noter que chaque patriarche antédi-
luvien vit environ neuf cents ans, autant que la première
société franque. Il se pourrait donc que la Bible n'ait voulu
citer que les noms des anciennes nations et les traits généraux
de leur histoire. Cette idée a déjà été savamment défendue
par des arguments différents. Si l'on admet cette inter-
prétation, on. pourra supposer que l'enlèvement d'Hénoch est
la dispersion d'un peuple, soit émigrant lui-même, soit
fuyant devant une autre invasion, et que la naissance de Seth
est l'apparition d'une nation nouvelle sortant de la souche
commune. Par la juxtaposition des deux systèmes de chro-
nologie géologique et historique, on pourra conclure que
Hénoch représente l'invasion qui suit l'affaissement maximum
du sol à l'époque pliocène, et que Seth représente celle qui
doit suivre d'un siècle l'affaissement du miocène supérieur*.
Postérieurement aux glaciers du miocène moyen et avant
l'affaissement du miocène supérieur, il a dû se produire une
époque de civilisation. Et, en effet, la Bible dit qu'un des fils
de Caïn construisit une ville, et que d'autres furent habiles
en divers genres. Antérieurement, chassés par les puissants
glaciers miocènes, ces peuples durent exécuter une rapide
iBtaâaa, qui, sor^wensnt des peuples paisibles, resta entachée
d'une idée ciiiniDelle. Enfin, antériememeot à lorigine du
nouYel ordre de choses naturelles, les hoDunes qui, jusque-
là, avaient récn dans les régions circnmpolaireâ tempérées,
émîgraient et colonisaient des terres vierges, où les surprit
plas tard la première invasion.
L'histoire de l'homme et la géologie miocène, pliocène,
quaternaire et moderne semblent donc être d'accord.
Si l'on étodie les types actuellement les plus pars des races
dont les invasions sont historiqdes, on pourra reconnaître
certaines relations entre les ^pes d'invasions successives. Et,
si l'on cherehe à établir une sorte de progression entre ces
types, soit par la couleur des cheveux ou celle du teint,
soit par la forme de la tête, etc., on sera conduit à penser
que les races rouges on cuivrées de l'Afrique, et les N^ies
africains, mélanésiens, australiens, forment une série natu-
relle.
Ce premier aperçu tendrait à faire attribuer, à ces races,
les invasions de l'époque tertiaire. Ainsi, le climat polaire
aurait-il agi sur l'homme comme sur les animaux, pour mo-
difier l'espèce et préparer les races des invasions successives?
Ces populations, marchant toutes du Nord an Sud, doivent
partir d'une même zone et alors s'échelonner suivant un
méridien terrestre ou suivant une ligne qui s'en écarte peu,
et conserver, sur le sol, leur ordre chronologique d'invasion.
En Europe, les races s'échelonnent suivant une ligne qui
part des régions froides et se rend vers des pays plus chauds.
— 491 —
lorsqu'elles sont déjà fixées depuis cinq à six siècles sur le sol
étranger.
Il résulte de cet exposé : 1° que l'époque préhistorique finit
dens une région lorsqu'à l'époque du développement de la
civilisation, il se trouve, sur le sol, un peuple assez avancé
intellectuellement, pour qu'il puisse avoir des historiens;
2** que la limite entre l'historique et le préhistorique devra
suivre et suit, en effet, dans le temps et dans l'espace, une
marche en rapport avec le degré de latitude des différents
lieux où se sont arrêtées les invasions successives. Ainsi ce
qui est au Nord, était encore récemment préhistorique, tandis
que ce qui est au Sud, est depuis longtemps historique. Ce-
pendant il doit y avoir une limite et elle semble devoir être
placée vers la fin de l'époque tertiaire ; car il me semble
admis que les Égyptiens avaient une histoire avant l'inva-
sion des Ycsos, qui, je crois, est la fin delà première invasion
de l'époque quaternaire. En sorte que l'histoire de la civili-
sation marche du Sud au Nord à l'inverse des invasions,
mais en raison directe de la diminution d'amplitude des os-
cillations des hémisphères polaires, amplitude dont une par-
tie peut se mesurer par la hauteur des terrasses.
La civilisation se développe aujourd'hui dans les pays du
travail, c'est à dire, dans les pays tempérés, et elle tend à se
perdre dans les pays chauds. En généralisant cette idée, on
conclurait que l'Egypte était autrefois tempérée. Si,
des dates, on passe à la stratigraphie géologique, on voit qu'à
l'époque de l'oppression des Israélites et de la construction
des pyramides , on se trouvait à deux siècles environ
avant le maximum d'affaissement de la seconde phase qua-
ternaire, celle des ElepTias antiquus et primigenius, celle
dont le limon a recouvert le pied de la moraine de Rivoli , en
Italie. Le glacier de la vallée de Suse était peut-être encore
en train de parachever cette moraine. Par conséquent, à
cett€ époque, la civilisation étrusque n'aurait pas pu exister
en Italie.
Je crois donc pouvoir coDclure que les lois naturelles qui
régissent les époques glaciaires, ont réagi sur la nature
vivante, sur l'homme surtout, comme je viens d'essayer de
le démontrer. Sur les animaux, il en fut évidemment de
même ; seulement les migrations des animaux et leur des-
truction n'ont dft se produire naturellement qu'après les mi-
grations des hommes, qui sont plus voyageurs. C'est, en
effet, ce qui a eu lieu, et cela explique pourquoi les légendes
de tous les peuples parlent d'animaux fantastiques et monâ-
trueux.
VI
L'AGE DO BRONZE & L'AGE DU FER.
Sur rage du brome, par M. S. Nilsson.
La plupart des membres du Congrès connaissent probable-
ment les travaux que nous avons publiés sur l'âge de la
pierre en Scandinavie et sur l'âge du bronze.
Notre ouvrage sur l'âge du bronze a été publié de 1862 à
1864; mais une nouvelle édition de ce livre est sous presse.
Cette édition, faite sur un plan nouveau, est enrichie de nom-
breuses et importantes additions.
La première partie, que nous avons l'honneur de mettre
sous les yeux du Congrès, traite des questions suivantes.
— 493 —
3° Ce peuple est d'origine phénicienne, et, aux preuves qui
ont été données depuis longtemps, on peut ajouter celles
qui résultent des observations faites par M. Fr. Lenormant,
dans son ouvrage intitulé : La légende de Cadmus et les éta-
blissements pJiénicieiis en Orècey etc. Tous les ornements phé-
niciens décrits de cette région par M. Lenormant, se
retrouvent sur le bronze antique delà Scandinavie. Ces orne-
ments sont reproduits dans notre ouvrage, pages 17, 18 et
suivantes. Ils sont sculptés sur les ruines des temples de
Paphos (Chypre), Mycène, Gozo (Malte) et jusqu'en Irlande.
Ces temples étaient élevés d'après un plan tout à fait sem-
blable. 11 n'est pas jusqu'aux vases servant dans les temples
au lavement des pieds, qui ne soient les mômes.
4° Un chapitre étendu traite du culte religieux du peuple
de l'âge debronze,etles déductions qu'on tire de son examen
conduisent aux mêmes conclusions.
5° Le chapitre V est consacré à l'étude des armes recueil-
lies dans les monuments de l'âge du bronze en Scandinavie,
que nous considérons, par suite de comparaisons conscien-
cieuses, comme tout à fait semblables à celles décrites par
Homère dans l'Iliade.
6° La richesse des ornements de cette époque annonce un
haut degré de civilisation, comme le prouvent ceux qui sont
représentés aux pages 115 et 117. Ces ornements dénotent
une origine orientale. Ce peuple commerçait par mer, comme
l'indiquent les figures de vaisseaux que l'on trouve sur le
bronze. Il se livrait à la chasse, à l'agriculture, à l'élevage
des bestiaux. Des dessins de chars traînés par des chevaux
(pages 75, 85 et 133) prouvent que cet animal servait déjà
aux mômes usages que chez nous.
7" Le chapitre VII traite des monnaies de cuir en usage
à cette époque, comme chez les Carthaginois; et, enfin, le
chapitre VIII décrit le voyage de Dithéos au Nord.
Sur les sépultures de Vâge du brome dans le Midi de la France,
par M. Cazalis de Fondouce.
II y a dans les environs d'Arles, en Provence, plusieurs
petits massifs de calcaires tertiaires, en partie éocène, mais
surtout miocène, s'élevant comme des lies au milieu des
marais desséchés qui forment le sol de cette contrée. Dans
l'un de ces Ilots de calcaire, appelé la Montagne de Cordes,
on connaissait depuis longtemps une galerie creusée de main
d'homme, à laquelle le peuple donne le nom de Grotte des
Fées et que l'on a considérée jusqu'à présent comme l'oeuvre
des Sarrasins. Un historien d'Arles, Auibert, a publié, sur
ce sujet, en 1779 , une longue dissertation , accompagnée
d'un plan de la grotte, pour établir cette opinion.
Cette grotte est formée par une tranchée creusée dans le
rocher miocène. On descend d'abord par des escaliers fort
grossiers dans une avant-cour, aujourd'hui découverte, qui
s'étend en croix sur la direction générale, comme la g^rde
d'une épée. De là, on pénètre, par une galerie voûtée
de 6 mètres de longueur, dans la grotte proprement dite.
Celle-ci, large de S^SO à l'entrée, va en se rétrécissant et
n'a plus que S^SS à son extrémité. Ses parois sont en sur-
plomb, au lieu d'être verticales, de sorte que la largeur est
moindre au tflit que sur le sol. Cette tranchée, qui a 24 mètres
de longueur, est recouverte par des dalles rapportées, et le
tout est surmonté d'un tumulus aujourd'hui bien amoindri.
— 495 —
» Elle a été emplacée sur le sommet d'une montagne isolée,
* au milieu d un marais, creusée en gaine et à ciel ouvert
» dans la roche, couverte de larges dalles terrassées avec soin
» et qui la cachent aux regards. »
Personne ne songeait plus à s'occuper de la Grotte des
Fées, lorsqu'il y a quelques années, un propriétaire de Font-
ville découvrit deux grottes semblables dans un autre îlot
de calcaire miocène voisin de la Montagne de Cordes.
Informé cette année de cette circonstance, par un de mes
savants collègues de l'Académie de Montpelliers, M. Duval-
Jouve, je me suis rendu sur les lieux. J'ai examiné les trois
grottes, dont j'ai reconnu l'identité de type ; j'ai vu chez le
propriétaire les objets provenant de ses fouilles et reçu de
lui, sur celles-ci, tous les renseignements que j'ai pu désirer.
L'une de ces grottes était remplie, jusqu'à une hauteur
de 60 centimètres, de terre et de cailloux roulés de quartz
blanc, tout à fait différents des cailloux alpins de quartzite
roux qui composent la crav, d'Arles. Pour retrouver des cail-
loux semblables, il faut aller jusque dans la vallée du Gar-
don, dont les alluvions anciennes proviennent des Cévennes.
Sur ces cailloux, étaient déposés des ossements humains avec
divers objets, notamment un poignard en bronze, rappelant
le type B des épées du « projet de classification > , quelques
pointes de javelots en silex parfaitement taillées et une coupe
en poterie assez fine, faite à la main, qui portait, sur son
fond, quatre impressions disposées en forme de croix, rap-
pellant l'ornementation de certaines poteries des terramares
de l'Italie.
La grotte, moins importante que celle de la Montagne de
Cordes, puisqu'elle n'avait en tout que 19 mètres de longueur,
offrait un mode de fermeture tout particulier et digne d'at-
tention. En avant de l'entrée, était un mur bâti en pierres
sèches, en forme de cavalier, qui diminuait de moitié la hau-
teur de la porte et permettait de boucher complètement celle-
ci avec une seule pierre. De cette façon, il suflBisait, lorsqu'on
voulait pénétrer dans la sépulture, d'enlever cette dsUe,
Bana déblayer et ouvrir toute grande l'entrée principale.
n est iocontestable, d'après cela, que nous avons affaire
ici h des sépultures de l'âge du bronze qui présentent un type
tout nouveau et spécial au pays situé au sud. Ces sépultures
ont aussi une certaine analogie, comme l'avait pressenti
Estrangins, avec les tombes de Géants de la Sardeigne. 11
existe une quatrième grotte qui n'a pas encore été fouillée.
J'espère obtenir l'autorisation de l'explorer et pouvoir alors
établir mes conclusions sur ce que j'aurai vu moi-même.
Je me suis demandé où habitaient les hommes qui, à l'âge
du bronze, enterraient ainsi leurs morts dans des Ilots situés
au milieu des marais, et j'ai peusé qu'ils auraient bien pu
habiter dans des palafittes au dessus de ces marais mêmes.
Aussi ai-je recommandé, à plusieurs cultivateurs de ce pays,
de bien remarquer si, lorsqu'ils labourent leurs terres, le soc
de la charrue ne ramène pas parfois, k la surface du sol, des
fragments de bois carbonisé ou des moreeaux de pilotis.
Sur Vâge du bronze en Orieni,par M. Oppebt.
On a dit avec raison qu'avant de bâtir une maison,
il fallait en réunir tous les matériaux. C'est là ce que je me
propose de faire; car ma communication est plutôt une
mise en demeure qu'une véritable communication scienti-
fique.
Jo vais parler de l'âge du bronze. Le bronze est composé
— 497 —
Mais, par ce fait, la question n'est pas épuisée. Puisque
je représente ici presque seul l'archéologie de l'Asie occi-
dentale, contrée où j'ai passé plusieurs années, je dirai que
j'y ai trouvé le fer à une époque aussi reculée que l'âge du
bronze.
Pour faire du bronze, il a toujours fallu de l'étain, et d'où
tirait-on ce dernier métal dans les temps anciens? A cet
égard, nous trouvons des inscriptions assyriennes remontant
au x® siècle avant J.-C. Ces inscriptions sont extrêmement
curieuses ; elles nous disent que les rois d'Assyrie imposaient
aux villes de Phénicie surtout de forts tributs d'étain.
Comme il fallait de l'étain pour faire le bronze, on s'est
demandé où les anciens allaient le prendre et l'on a prétendu,
dans ces derniers temps, qu'il provenait de l'Inde.
Je crois néanmoins qu'il y a de grandes difficultés à main-
tenir cette opinion, et en voici le motif:
L'Inde, où le bronze est très ancien, a de l'étain, mais
on ne le trouve que dans des contrées difficilement acces-
sibles.
L'île de Banca en contient même un minerai très riche; et
à Sumatra il y en a également. Or, puisque les Assyriens,
imposant des tributs aux Phéniciens, n'oubliaient jamais
l'étain, on peut penser que ceux-ci possédaient des dépôts
d'étain; mais remarquons qu'il était plus facile aux Phéniciens
d'aller prendre ce métal en Angleterre que dans les îles éloi-
gnées de l'Océan indien.
Je crois doue que le bronze est essentiellement une décou-
verte du Nord de l'Europe. Généralement, on ne fait pas,
dans l'histoire, deux fois la môme découverte, et, si le bronze
se trouve véritablement dans le Nord de l'Europe, on peut
conclure que c'est d'une ancienne civilisation de ce pays que
provient le bronze, et non de l'Inde.
Il est vrai que l'on a fabriqué également du bronze au
moyen du plomb ; car, dans une ancienne inscription assy-
rienne, nous voyons que l'on dit, en parlant du dieu du Feu,
qu'il mêle le cuivre et le plomb. Le premier bronze était
donc, dans ce paya, un mélange de cuivre et de plomb.
Je voudrais que, d'abord, l'on se mît d'accord sur la compo-
sition du bronze, car, jusqu'ici, on a pas encore établi esac-
tement ce qu'était cet alliag-e.
Je ferai remarquer que, pour l'Asie, le fer est mentionné
au commencement de la Genèse, et que dans des inscriptions
anciennes, remontant à une époque antérieure à la connais-
sance de l'étain, du bronze et du cuivre, le dieu Mars était
représenté par le fer, et Saturne, par le plomb.
On peut donc dire que, en Asie, l'antériorilé de l'âge du
bronze sur l'âge du fer est discutable, et que l'opinion con-
traire peut être soutenue.
Sans vouloir moi-môme tirer de conclusions, j'ai désiré
attirer, sur cette question, l'attention des savants compétents.
J'ai aussi en vue de provoquer les recherches des chimistes
sur le bronzei^des anciens.
M. WoESAAH. Je crois devoir me défendre d'une opi-
nion qui me ferait dire que le bronze est une découverte du
Nord.
Je ne pense pas avoir rien dit de semblable, car ce serait
contraire à tonales faits observés jusqu'ici.
Dans ma pensée, le bronze vient de l'Asie mineure. L'al-
liage du bronze est très bien connu en Europe. Il diffère un
peu selon les pays.
On s'en servait déjà, en Asie dans le temps où le bronze
fsl;u-nvrtbiii-^le i-cnlre Jr rEurniie ef (tr; là vers le Nord. La
— 499 —
Ton peut espérer que le moment viendra où Ton pourra fixer
répoque très reculée de Tâge du bronze en Egypte.
Il serait peu prudent de se former une opinion sur cette
question avant d'avoir un travail spécial sur lequel repo-
seraient des conclusions pratiques.
Si Ton pouvait montrer, par des types provenant ^de
TAsie et par des fouilles méthodiques, que le bronze est su-
perposé au fer, alors la question serait tranchée. Quant à
moi, je ne connais rien de semblable et cela me paraît con-
traire à la vraisemblance, je dirai même contre nature. Il
ne faut pas, comme Ta dit fort spirituellement un auteur
français, faire engendrer les pères par leurs fils.
M. Oppert. On dit que la possibilité de Tantériorité du
fer sur le bronze est contre nature. Je proteste contre cette
opinion. La fer se trouve dans le sol et n'a pas besoin de
découverte pour être produit, tandis que pour obtenir du
bronze il faut une découverte.
Je n'ai pas parlé de la question au point de vue du Nord.
Cette question y est du reste toute tranchée par les couches
superposées contenant le silex, le bronze et le fer.
Je n'ai parlé qu'au point de vue de l'Asie, où j'ai étudié
cette question et où je ne trouve pas la même série de faits.
Au contraire, je vois dans des documents remontant à deux
et trois mille ans avant J.-C, qu'il y a toujours eu du fer,
et on peut dire que ce qui est vrai pour l'Europe, ne Test
pas pour l'Asie.
Je n'ai pas tranché la question ; je l'ai posée et j'ai appelé
sur elle l'attention des savants compétents.
Je suis d'accord avec M. Worsaae pour dire qu'il faut
avant tout interroger les faits ; mais je déclare qu'autant
son opinion est justifiée pour le Nord, autant elle l'est peu
pour l'Asie.
M. Leemans. En ce qui concerne les Indes et l'Archipel
indien, l'usage du fer ne semble pas remonter bien haut dans
l'antiquité. Les fouilles pratiquées dans les ruines des tem-
- 500 -
pies n'ont pas, que je sache, produit jusqu'à présent des
objets de ce métal, tandis que le bronze y abonde.
Le Mahavansi, un des livres saints des Bouddhistes de
Ceylan, contient le récit de la consécration d'une grande
Pagode dans cette île, et d'un dépôt de reliques dans l'inté-
rieur du monument. Parmi les divers objets, destinés à être
enfermés avec ces reliques pour ne .plus jamais voir le jour,
il n'est fait aucune mention d'objets en fer.
En Egypte, l'alliage de cuivre avec 12 à 14 p. c. d'étain
a été pratiqué depuis les temps les plus anciens. Les objets
en fer y sont rares et ne datent que d'une période postérieure,
. H ne s'ensuit cependant pas que ce métal n'ait pas été connu
en Egypte, même dans les siècles de l'ancien empire ; seule-
ment, les objets en fer ont pu ne pas résister aussi bien que
ceux en bronze ou en autre métal aux effets destructeurs de
l'oxydation, etc.
Les outils et les autres objets en fer datant des temps an-
ciens ont été détruits ; mais les inscriptions du moyen empire
font souvent mention du fer, ainsi que d'instruments ou
d'outils de ce métal. De même, les monuments de ces siècles
nous offrent les représentations d'objets en bronze et en fer
d'une manière qui ne laisse aucun doute sur leur nature.
Dans les représentations de l'ancien empire, les instruments,
meubles, outils, etc., en métal sont tous de bronze, coloriés
en brun clair ou en rouge ; les couleurs bleues ou vertes, qui
, le fer ou l'acier, ne s'y montrent pas. Dans les
lidr- df hjiyAi. ]\I. IIn\v;ird Vvsc n. si y- me
— 501 —
Israélites, au moins au temps de la construction du temple
de Salomon et peut probablement être admis pour Tâge des
Juges et même de Josué^
M. CoNESTABiLE. Il cst possiblc que les âges du bronze et
du fer se présentent en Asie avec des caractères qu'on ne
leur retrouve pas en Europe ; mais, pour nos contrées, il est
établi que l'âge de la pierre a précédé l'âge du bronze et que
l'âge du bronze a précédé celui du fer.
M. Oppert nous a dit aussi qu'anciennement Tétain man-
quait aux Phéniciens. Mais les historiens nous apprennent
qu'on tirait Tétain des lies Cassitérides, et antérieurement
les Phéniciens ont pu obtenir leur étain du Caucase, pays
avec lequel ils étaient en relations dès la plus haute anti-
quité.
M. Franks. Bien que les Phéniciens doivent avoir tiré de
l'Angleterre une partie de Tétain dont ils ont fait le com-
merce, il faut se souvenir que ce métal se trouve dans des
contrées encore plus à leur portée que les Iles Britanniques.
Des mines d'étain assez considérables se trouvent en
Espagne, où des compagnies se sont formées pour l'ex-
ploiter. Ce métal se trouve aussi, je crois, en Portugal et en
Bretagne. M. Hildebrand m'a assuré qu'on peut se le
procurer en Perse. Les Phéniciens ont naturellement caché
autant que possible la provenance de ce métal, pour écarter
les concurrents.
M. l'abbé Bourgeois. M. Oppert a dit que l'on pouvait
s'appuyer sur des inscriptions anciennes pour établir que le
fer est antérieur au bronze, mais il me semble qu'on pour-
rait aussi produire des textes qui prouvent le contraire.
Il y a quelques années, j'ai lu très attentivement l'Hiade
ï Pour de plus amples informations, surtout en ce qui concerne TÉgypte,
on consultera avec fruit le savant mémoire de M. le docteur Lepsius,
de Berlin, sur les métaux dans les inscriptions égyptiennes, publié
récemment dans les Mémoires de l'Académie royale des Sciences de
Berlin.
32
d'Homère dans le but d'arriver à la solution de cette ques-
tion.
Je reconnais que si l'on s'en rapporte aux traductions, le
grand poète parle souvent du fer. Mais si on lit le texte ori-
ginal, on se convaincra facilement qu'il ne nomme le fer que
dans quatre ou cinq circonstances, dont une me revient à la
mémoire en ce moment.
Les Grecs manquant de vin, il leur en fut envoyé mille
barriques f^fXia \iixpn) par le roi d'une lie voisine. Une bar-
rique fut offerte à Agamemnon. L'armée se procura les
autres en donnant en échange du bronze et dufer èrillant
{''A),Xoi [jièv x*^¥> «ï-^oi (Ji^v S'affluvi mS-r.p^), L'usage de la
monnaie n'existait pas encore.
Le bronze, au contraire, est cité fréquemment; les mots
ycàx6i, yxkxsoi, se retrouvent à chaque pag%. Les armes des
héros étaient en bronze. Or, il est évident que si le fer eût
été commun , les guerriers auraient préféré le fer. Le bronze
était employé aussi pour la fabrication des outils, Homère
parle d'ouvriers qui furent envoyés sur le Mont Ida pour
couper des arbres avec des haches de bronze.
M. Oppebt. m. l'abbé Bourgeois a dit que dans l'Iliade,
quand il est parlé des armes, il n'est presque jamais question
du fer. Cependant dans le 4° livre, quand il est question de
pointes de flèches, de l'arc bandé, le poëte dit (IV, 123) :
Nïupijv jiiv (laÇ^ Ttftaffw, xriïtjj Eè oiSijpov,
a II rapprocha la corde de la poitrine, et le fer de l'arc, s
— 503 —
que Ton trouvait en Bretagne de grands gâteaux de cuivre
et que Ton fabriquait le bronze sur place. Ce fait milite en
faveur de lopinion généralement reçue et fondée sur des
textes précis.
Je conviens que le sujet réclame encore de nouvelles
études ; niais mon intention n'a été que d'appeler l'attention
de mes honorables confrères sur une question qui, je le
répète, n'est pas entièrement élucidée.
M. RiBEiRO. La discussion que je viens d'entendre, prouve
bien que les limites de l'âge du fer et de l'âge du bronze
ne sont pas encore tracées, au moins au point de vue du
développement de l'ancienne industrie humaine dans les
différentes parties de l'Europe.
Je ne suis pas à même, en prenant la parole, de jeter une
lumière nouvelle sur la question qui s'agite, mais j'ai cru
devoir vous donner connaissance de quelques faits que j'ai
observés dans mon pays et qui peuvent se rattacher à
ce sujet. Je tiens d'autant plus à exposer ces faits, que
M. Franks a fait ses réserves pour le Portugal.
Non loin des grandes mines de pyrite de fer cuivreux qui
sont aujourd'hui en pleine exploitation dans la province
d'Alentejo et dans le Sud-Ouest de l'Espagne , et qui ont
dû l'être également pendant les temps reculés, se trouvent
des couches de scories dont les inférieures, en apparence
très anciennes, contiennent encore beaucoup de cuivre. Ce
fait démontre assez que les hommes qui ont jadis exploité
ces mines et traité ces minerais, n'avaient que des connais-
sances très imparfaites sur les procédés métallurgiques. Au
dessus de ces couches, se trouvent d'autres scories, mais
bien plus modernes et qui, soumises à l'analyse chimique,
ont été reconnues très pauvres en résidus métalliques, ce qui
dénote des procédés métallurgiques bien supérieurs. En effet,
des monnaies et d'autres produits de l'industrie, trouvés
principalement dans les travaux souterrains, prouvent qu'il
faut attribuer aux Romains les scories plus modernes, réâidus
des minerais de cuivre. II est évident que les couches infé-
rieures de scories sont des restes de l'industrie d'une civi-
lisation bien plus reculée, de celle des Phéniciens, par
exemple, ou de peuples plus anciens encore qui ont habité la
Péninsule hispanique.
Quoiqu'il en soit, le fer ne se trouve jamais, au moins
que je sache, parmi les plus anciens débris de l'industrie
des métaux de notre pays. Mais ce fait négatif ne prouve
pas que le fer ait été inconnu aux premiers peuples qui ont
envahi le Portugal et l'Espagne. Voici d'autres faits qui font
présumer que le fer a été connu à une époque plus reculée.
Dans la caverne que je fis explorer, il y a sept ans, dans
le voisinage du bourg d'Otta, à 40 kilomètres au N.-N.-E.
de Lisbonne, j'ai trouvé, dans le sol, un fragment de fer
semblable àun morceau de clou, avec des os brisés d'animaux
actuels et des silex taillés, le tout réuni dans une brèche
composée de calcaire et d'argile rougeàtre. Ces restes sont
évidemment post-quatemaires ; mais quel est l'&ge de ce
dépôt? Voilà une question que de nouvelles explorations
seules peuvent élucider.
Je citerai encore une autre observation. Sur le versant
occidental de la montagne du Buzaco, au N.-N.-E. de la
ville de Coimbre, j'ai également trouvé des scories de fer,
recouvertes d'un limon rougeâtre, qui a beaucoup de ressem-
blance avec le limon rougeâtre de la partie supérieure du
terrain quaternaire. C'est un fait de l'époque récente, je le
sais bien, mais les apparences font croire que le remanie-
— 505 —
traire à un texte qu'il a cité précédemment. Si Ton considère
ce texte comme sanscrit, je ferai remarquer que le fait
mentionné doit se rapporter à une époque de beaucoup anté-
rieure à celle d'Hérodote, car les livres sanscrits remontent
à plus d'un siècle avant la naissance de l'historien grec.
M. V. ScHMiDT. Je désire présenter quelques observations
dans cette intéressante discussion. Je voudrais d'abord de-
mander si les rois d'Assyrie ne se faisaient jamais donner de
l'étain par d'autres peuples que par le^ Phéniciens. Il est
possible que les Égyptiens, 4,000 ans avant J.-C. , aient
reçu leur étain des îles Cassitérides, mais je voudrais de-
mander aux géologues qui se sont occupés de l'Afrique, s'ils
n'ont jamais trouvé de l'étain dans les pays voisins de
l'Egypte.
Je ferai ensuite remarquer que la connaissance du fer
n'est pas l'âge du fer.
A l'âge du bronze, dans un certain nombre de pays, on
avait connaissance du fer, et, comme on l'a dit, on en faisait
des ornements.
Je crois que le fer et le bronze étaient connus à la même
époque, sans que le fer ait pu détruire l'usage du bronze
pour les objets tranchants.
Les objets du xvi* siècle avant J.-C. que l'on trouve
en Egypte, sont encore en bronze. Ce n'est que beaucoup plus
tard que le fer a fait délaisser le bronze.
L'année dernière, lorsque nous étions en Italie, nous avons
pu voir à Villanova la transition du bronze au fer. H y avait
encore une grande quantité d'objets en bronze et l'on y trou-
vait les mêmes objets en fer. Les habitants de Villanova ont
donc connu le fer, sans en apprécier la valeur au point de
vue de Tusage qu'ils pouvaient en tirer pour leurs besoins
journaliers.
En remontant plus au Nord, on voit que tous les objets
sont en fer et les ornements seuls sont en bronze.
M. Capellini. Je n'ai pas l'habitude de traiter des ques-
• 506 —
tions se rapportant h d'autres âges que celui de la pierre, mais
je veux cependant rappeler que non seulement à VillanoTa,
mais encore à Bologne, il y a deux nécropoles qui permettent
de juger du moment où le fer s'est développé progressive-
ment pour se substituer au bronze.
Du reste, M. le comte Conestabile pourrait utilement pren-
dre la parole sur cette question.
M. CoNBSTABiLB. Je ue puis qu'appuyer l'observation qui
vient d'6tre présentée par M. Capellini.
Sur la troumille ^EygtnUîscn et Us trouvatUes étnsçva
au Norâ, des A Ipes, par M. Desor.
En présence des magnifiques découvertes qui ont été faite»
en Belgique, aussi bien dans le domaine de l'ftge de la pierre
taillée que dans celui dp la pierre polie, il était naturel de
placer à l'arrière plan la question des %es postérieurs et
notamment celle de l'âge du bronze, qui fut le point essentiel
de la discussion ^.u Congrès de Bologne. Cependant l'intérêt
de ce dernier ordre de recherches, qui permet de rentrer dans
l'étude de l'époque préhistorique, existe toujours et je puis
même dire qu'il va se développant.
Quand on examine aujourd'hui les collections déjà nom-
breuses de l'ftge du bronze, une première question se pose.
Ces objets sont-ils d'origine locale ou sont-ils venus d'ail-
leurs? Pendant longtemps, on a hésité. Depuis quelques
Ki-t cenendaut. on a trouvé dans différents tumulus. mais
— 507 —
l'Amérique du Nord et une autre en France ou en Belgique,
que le modèle de ces haches a dû être apporté de Tun de ces
pays dans Tautre. Il est évident, au contraire, que l'homme
a commencé par se faire une arme de la pierre et que peu à
peu il l'a perfectionnée. Il est naturel aussi qu'il taillera la
pierre pour en faire une pointe de flèche et qu'il arrivera
ainsi à la forme triangulaire. On peut aller plus loin et
affirmer que, si, de la pierre, il passe au bronze, du moment
qu'il verra le bronze se prêter plus facilement que la pierre à
toute espèce de formes, il finira par trouver celle qui s'adap-
tera le mieux au manche, j Toutes ces formes peuvent s'ob-
server dans les différents pays, sans qu'on soit autorisé
à prétendre qu'il y ait eu des relations de peuple à peuple.
A côté des objets de première nécessité que j'attribue en
partie, au moins, à l'initiative de tous les peuples et tels sont
le couteau, la hache, le ciseau, etc., il en est d'autres à l'é-
gard desquels on ne peut pas se faire le même raisonnement.
Ce sont les objets de fantaisie, de parure. Si, dans des locali-
tés éloignées les unes des autres, nous trouvons, la fibule,
cette forme bizarre qui n'est fondée sur aucune nécessité
rationnelle, et que cette forme se retrouve sur des points très
éloignés; si, sur d'autres objets, se présentent des dessins et
que ces dessins soient les mêmes dans les diverses localités,
alors la question change de face et l'on doit se demander
d'où sont venus ces objets ou du moins les formes et les des-
sins qui ont çervi de modèles. On connaît une quantité d'ob-
jets semblables; il en existe dans les galgals de France, dans
les tumulus et tombelles de la Suisse, de la Savoie, dans les
cimetières de l'Allemagne et de l'Autriche, spécialement
dans celui de Hallstadt. Partout nous découvrons certaines
formes bizarres et constantes.
Cette question fut traitée à Copenhague, et en même temps
on en posa une autre, qui est celle-ci. Où donc faut-il cher-
cher le siège de cette fabrication? On avait le pressentiment
que ce siège devait se trouver quelque part dans le Midi,
probablement en Italie, et ce fut un des motifs qui engagea
1© Congrès à accepter la gracieuse invitation qui lui fut faite
par le Gouvernement italien. Noua nous sommes donc réunis
en Italie et nous y avons rencontré des choses merveilleuses,
qui ont jeté un jour tout nouveau sur cette grande question.
Nous avons reconnu que c'était bien à l'Étrurie que se ratta-
chent une foule de ces objets qui excitèrent notre admiration
et notre étonnement dans beaucoup de Musées. Nous avons
reconnu que ce sont bien les Étrusques qui ont été les fabri-
cants, les industriels, de cette époque, et qu'ils se livrèrent k
une industrie extraordinairement active. Mais en Italie, dans
l'Étrurie mâme, l'élémeot étrusque se présente sous plu-
sieurs aspects, n y a d'abord le type de la grande époque
étrusque, qui se caractérise essentiellement par ses beaux
vases en terre cuite, représentant des scènes de la mythologie
et portant, tantAt des figures rouges sur fond noir, tantôt des
figures noires sur fond rouge.
Mais une objection devait surgir immédiatement. Pour-
quoi ne trouvons-nous pas de vases étrusques dans les tumulus
au nord des Alpes? Cette question est, en effet, très intéres-
sante. Peut-être la solution du problème sera-t-elle facilitée,
quand il sera bien établi que les vases soi-disant étrusques
ne sont pas fabriqués en Ëtrurie, mais qu'ils proviennent de
la Grande Grèce.
Après notre visite à Bologne, nous avons dfi admettre un
autre type d'antiquités étrusques. Il se trouve dans les hypo-
1 l'on bnMaît les morts et où l'on ne rent^ontre guère
— 509 —
archaïque et le type de Villanova, C est ce dernier qui nous
paraît représenter véritablement l'époque industrielle.
Il s'agissait de savoir si nous découvririons ailleurs encore
qu'en Italie des cryptes renfermant des objets étrusques. Nous
en avons, en effet, trouvé en Suisse. On n'a pas contesté ce
fait, mais on a prétendu que néanmoins, suivant les appa-
rences, ces objets ne devaient pas s'étendre au delà de la lisière
des Alpes. Cependant on en rencontre plus loin et l'autre
jour, quand je passai par Mayence, M. Lindenscbraidt m'a
fait voir une vitrine qui renferme des objets tout à fait carac-
téristiques. Mais ce n'est pas tout. H en existe en Belgique.
Je puis m'en référer à une autre vitrine qui se trouve au
Musée de la Porte de HaP, et dont les objets proviennent
d'une localité de la province belge de Limbourg, d'Eygen-
bilsen. Chose remarquable! il y a là une œnochoé ou cruche
à vin qui est exactement le pendant de celle qui se trouve à
Mayence et appartient au vrai type étrusque ; il y a surtout
une cyste, c'est à dire, ce seau à côtes qui est tout ce qu'il
y a de plus étrusque; puis on y voit des objets d'or avec des
dessins et des estampures également très caractéristiques.
J'ai dit que nous en avons encore observé ailleurs. J'ai ici
quelques objets dont je ne montrerai qu'un seul. C'est un
mors de cheval en bronze qui a été recueilli dans une localité
de la. Suisse, dans le lac de Bienne.
Aujourd'hui que les fouilles sont devenues plus faciles,
on a découvert dans cette localité, qui paraît avoir été excep-
tionnellement favorisée, des objets remarquables. Au nombre
de ceux-ci, se trouvent des bracelets d'une rare beauté, des
fibules, des haches, des lances, des épées ; plus, des objets
bizarres, tels qu'une espèce de stylet trop long pour avoir
servi d'épingle à cheveux. En Sicile, je crois, on porte encore
des épingles très longues, mais elles n'atteignent pourtant
pas la dimension de ce stylet. Dans tous les cas, un autre
» Musée royal d'Antiquités et d*Armures de Belgique, à Bruxelles.
— 510 -
stjlet de la même fonne ne peut avoir servi k cet usage,
sa longueur étant de 86 centimètres.
Quant au mors, il m'a fait éprouver quelque hésitation. Je
me suis demandé si on ne l'avait pas laissé tomber à l'en-
droit où il a été trouvé; et je n'aurais pas osé le produire si
on n'en avait pas recueilli un second, qui est au Musée de
Berne. Ce mors est fait d'après les véritables principes de l'art
hippique.Ilaétédécouvert par M.le docteur Gros, de laNeu-
veville. En l'examinant de près, on peut voir qu'il est plus
petit que le mors ordinaire, et qu'il ne peut pas s'appliquer à
nos chevaux, qui ont la bouche plus large. Il en est de même
de l'autre. Malgré ce caractère, des doutes pourraient encore
subsister et l'on pourrait me demander quel rapport je trouve
entre ces objets et les antiquités étrusques? Ce qui m'encou-
rage à le soumettre aux membres du Congrès, c'est qu'il s'en
trouve un à peu près semblable dans un tombeau étrusque
du Tyrol méridional, dont M. le comte Conestabile doit vous
entretenir tout à l'heure.
M. Conestabile. Le sort nous a réellement favorisés, en
fournissant, avant la session de Bruxelles, par la décou-
verte d'Eygenbilsen, l'occasion de parler, avec plus d'intérêt
et sur des données plus positives, de l'&ge du bronze et du
fer en Belgique. On peut comparer les objets découverts
par M. Schuermaos aux trouvailles faites dans les pays
rhénans, dans le Hanovre, à Hallstadt et surtout à Wald-
Algesheim. Aussi ne puis-je émettre qu'une opinion complé-
— 511 —
suivies pour se rendre sur les bords de la mer Baltique. Cet
éloignement, sur lequel on a insisté, est si peu considérable
qu'il ne semble pas pouvoir être pris comme argument
sérieux contre la thèse soutenue par M. Desor et par moi.
L'autre difficulté dérive du texte de César, qui dit que les
Belges interdisaient l'accès de leur territoire aux marchands
étrangers. Cependant, l'interprétation stricte et exclusive
que ce texte a reçue de quelques archéologues, ne me semble
pas conforme aux termes dont César s'est servi, ni à l'idée
qu'ils sont destinés à traduire. L'auteur des « Commentaires »
n'a pas voulu prétendre, semble-t-il, que toute espèce de
communication avec les marchands étrangers fût absolu-
ment défendue. Du reste, la trouvaille d'Eygenbilsen se com-
pose d'objets formant un fond assez simple et assez modeste
pour qu'on ne doive pas conclure de sa présence à des traces
de cette démoralisation et de cette corruption contre les-
quelles les anciens habitants de la Belgique voulaient se
mettre en garde, en évitant tous rapports avec les marchands
étrangers.
L'opinion la plus générale considère le transport des objets
étrusques dans les pays du Nord comme la conséquence du
commerce de l'ambre de la Baltique. Ce commerce ne peut
guère remonter au delà du x" ou du xii" siècle avant J.-C.
Mais la trouvaille d'Eygenbilsen ne représente que la der-
nière époque de l'influence de l'industrie étrusque sur les
pays du Nord. Elle nous donne le droit de ranger la Bel-
gique parmi les régions qui ont ressenti plus ou moins direc-
tement les conséquences du commerce et de l'industrie des
Étrusques, et elle peut nous autoriser à conjecturer que,
même avant l'époque assignée à ces objets , cette influence
italienne avait fait sentir ses effets dans les régions sep-
tentrionales. Mais, en réalité, les objets de cette trouvaille
sont relativement récents et se placent à la limite de l'âge du
bronze et du fer. Espérons que d'autres découvertes, ayant un
cachet plus archaïque, pourront élargir le champ parcouru
— 512 —
par nos Étrusques et Banctionner les conclusions précé-
dentes.
J'ai dit que les objete d'Ejgenbilsen sont relativement
récents. C'est, bien entendu, relativement à l'âge auquel on
peut faire remonter le commencement de l'inâuence du Sud
de l'Europe sur le Nord. Nous touchons ainsi au point capi-
tal de la question.
n est admis que dès le xi' siècle au moins avant J.-C.
les Étrusques avaient subjugué le Nord de la Péninsule.
Aussi, la seconde influence des Étrusques de cette époque
sur les pays septentrionaux, influence dont j'ai parlé, peut
bien recevoir cette date comme limite la plus reculée pour
son point de départ. Villanova est le type étrusque le plus
ancien que nous connaissions encore en Italie, et le viii* siècle
que je lui ai assigné provisoirement, n'est pas l'Age le plus
ancien qu'on puisse lui attribuer; je serais même porté &
reculer Villanova jusqu'au ix' siècle. Il y a donc chrono-
logiquement une distance considérable entre Villanova et
Ëygenbilsen, distance qui disparaît presque complètement
entre Villanova et certaines séries' d'objets découverts à
Hallstadt (dans le Tyrol) et ailleurs.
Mais cette influence italienne sur le Nord vient se placer
au second rang, car je ne crois plus maintenant pouvoir
nier , ou du moins mettre en doute une influence , une
émanation artistique plus ancienne sur ces pays septentrio-
naux. Ceci me sépare un peu des idées de M. Desor. L'an
— 513 —
venue de TOrient et de l'Asie mineure et due au môme art
qui s'est manifesté en Grèce et en Italie. Mais, tandis qu'en
Grèce l'art se développait par un mouvement, un élan, qui lui
était propre, tandis que l'art étrusque prenait un caractère
particulier, dans lequel à l'élément oriental et à l'élément
indigène s'associaient des types et des idées provenant des
rapports avec le monde hellénique, le Nord Scandinave resta
stationnaire jusqu'au temps où nous y apercevons les traces
d'une nouvelle injlîience, venue cette fois de l'Étrurie et que
les différentes et nombreuses trouvailles nous permettent de
suivre du Pô et des Alpes jusqu'à la Baltique. Le môme
art qui a influencé d'abord la Grèce et le Nord de l'Europe,
a influencé aussi l'Italie, par l'intermédiaire probable du
même peuple toscan, dans les temps les plus reculés de son
empire. Pour prouver ce fait , je présente au Congrès deux
disques en bronze, récemment découverts en Italie, dans
le pays des Eques, et déposés au Musée de Pérouse. Ces
disques, qui servaient peut-être comnje phalères dans un
harnais de cheval, offrent un admirable travail d'ornemen-
tation, qui rappelle le travail oriental de tissage et de tapisse-
rie. Cette ornementation asiatique semble précisément avoir
inspiré l'ornementation des plus anciens monuments de la
Grèce et du Nord de l'Europe. Ces disques ont vivement
frappé MM. Worsaae, W. Schmidtet Engelhart.
M.WoRSAAE. Hya quelques jours, notre illustre Président
a dit qu'il est très rare de rencontrer deux géologues de la
même opinion. Les archéologues sont aussi dans ce cas.
C'est pourquoi j'éprouve un grand plaisir à pouvoir vous
dire qu'en général je suis d'accord avec M. Conestabile,
qui vient de présenter certaines observations dans le sens
de celles que j'ai soumises au Congrès de Bologne sur l'ori-
gine générale de l'âge du bronze, après avoir fait une com-
paraison entre les antiquités du Midi et les antiquités du
Nord. Quant à la question qui vient d'être traitée par
M. Desor et qui est relative aux antiquités étrusques, je crois
qu'elle doit se diviser en deux : la première question doit être
celle de l'origine de ces antiquités, et la seconde, l'origine de
Tftge du bronze. Il est peut-être vrai que ces antiquités datant
de quelques siècles avant la naissance de J.-C. Quant
à moi, je crois qu'on peut même les considérer comme étant
plus modernes, car le même grand courant de commerce qui
a fait parvenir ces objets en Belgique, a aussi porté une
grande quantité d'objets de nature semblable vers le Nord.
J'ai trouvé, au Musée de Copenhague, des objets qui rap-
pellent les objets étrusques.
Je pense que le mot étrusque est souvent fort mal appliqué
et que l'on a confondu, sous ce nom, beaucoup d'objets dont
l'origine était inconnue. C'était un nom assez commode;
lorsqu'on ne connaissait pas l'origine d'un objet, on le qua-
lifiait d'étrusque. A mon avis, beaucoup d'objets de cette
sorte se trouvent dans plusieurs parties de l'Italie.
Mais enfin, si l'on veut admettre que ces antiquités datent
de trois siècles avant J.-C, cela n'a aucune influence
sur la question de l'origine du bronze, Cbez nous, au Nord,
où l'âge du bronze est déterminé et où l'on a trouvé une
quantité énorme d'antiquités en bronze, il est impossible de
s'imaginer" que l'âge du bronze a pu y être introduit par ce
commerce. Je croia que l'&ge du bronze a eu une durée
très grande au Nord, qu'il s'y est prolongé peufrêtre des mil-
liers d'années. Nous avons, au Musée de Copenhague, 700 à
800 épées en bronze, et si l'on examine les plus anciens de ces'
uVwt-i tnmvi'S J^uis li.'.-. lombeiiiix A mui >!■ r^]in>fuolii?ot le
— 515 —
Il y a encore un fait très curieux, c'est que dans le pays
qui entoure la Baltique, on ne rencontre presque jamais de
monnaies grecques ; la plus ancienne monnaie qu'on y ait
déterrée, date du 1'*^ siècle après J.-C, du temps où les
Eomains avaient déjà fait la conquête de la Germanie et de
la Gaule. Il est dès lors fort naturel que la civilisation romaine
et le commerce du Midi devaient avoir, à cette époque, une
influence assez considérable sur le Nord.
Vous remarquerez donc que les pays du Nord ont été sans
relations avec les régions méditerranéennes pendant de longs
siècles et qu'il est probable que, lorsque la civilisation romaine
a envahi nos régions, la civilisation de Tâge du bronze y
avait déjà atteint un développement considérable.
Je crois, comme M. Conestabile, que la civilisation du
bronze a été importée par l'Asie mineure et qu'elle s'est
divisée en deux : un flot s'est porté vers la Grèce et un autre
flot, vers la Hongrie. Naturellement, ils avançaient très len-
tement vers le Nord, à cause des forêts vierges immenses et
des vastes marais qu'on devait traverser. Arrivée chez nous,
cette civilisation s'est élevée à une grande hauteur et c'est
seulement au temps où elle tombait en décadence, vers la fin
de l'âge du bronze, que la remarquable influence étrusque
signalée a commencé à se montrer en Danemark. La trou-
vaille de Hallstadt, dont on parle si souvent aujourd'hui,
date, selon moi, comme celle de Villanova, du temps où le
fer avait déjà envahi l'ancienne civilisation du bronze. En
sorte que je crois qu'on peut arriver à cette conclusion, que
les civilisations de l'âge du bronze , dans le Nord et dans le
Midi, sont sœurs, jusqu'à un certain degré, mais qu'elles
restèrent séparées dès leur commencement. Si l'on compare,
par exemple, les objets que l'on a trouvés dslns les deux pays,
on verra des ornements qui sont absolument les mêmes au
Nord et au Midi. Mais, d'un autre côté, on remarquera qu'il
y a certaines nuances de forme et de décoration qui se trou-
vent dans le Midi sans se trouver dans le Nord, ce qui s'ex-
- 516 -
plique fort naturellement par la raison que chaque peuple a
donné, aux objets qu'il fabriquait, son cachet particulier.
Une autre preuve et celle-ci est importante et décisive, car
elle démontre l'origine indigène de toutes les antiquités en
bronze trouvées dans le Nord, c'est qu'on a découvert partout
des moules ayant servi h fabriquer ces objets. H y en a un
bon nombre au Musée de Copenhague. On trouve également,
k cAté des culots de métaux qui n'ont pas été fondus, des
objete qui ne sont pas entièrement finis et des objets qui sont
complètement achevés.
Nous avons retrouvé, en Danemark, les instruments les
plus délicats dans cet état, et, par conséquent, à l'époque la
plus ancienne déjà, ces objets ont été fabriqués dans le pays
même.
M. H1LDBBBA.ND. Je me trouve sous plusieurs points de
vue en désaccord avec M. Desor. Il a parlé des objets que
M. Conestabile considère comme étrusques; il en a tiré des
conclusions sur l'origine de l'&ge du bronze. Je ne sais si
j'ai bien compris M. Desor, mais je dois faire remarquer que
la plupart des armes trouvées avec ces antiquités étrusques
sont généralement en fer. J'ai ici des poignards découverts
avec des vases étrusques dans la vallée du Rhin; j'ai copié,
au Musée de Mayence , les dessins de plusieurs formes
d'épées, de fourreaux et d'ornements qui ont la plus grande
ressemblance avec la forme des poignards trouvés en Angle-
terre, en Hollande et en Suisse. Les ornements sont 1
— 517 —
guer deux éléments bien distincts : l'un de ces éléments est
tout à fait étrusque et Tautre ne Test pas. Il regarde comme
gaulois les objets qu'on a trouvés à Schwarzenbacli,et comme
celtes, les objets du même style qu on a découverts en Angle-
terre. J ai copié un motif qui se trouve sur un collier en or
recueilli avec des vases étrusques près de Trêves et apparte-
nant à la trouvaille que M. Lindenschmidt a décrite, et je
puis montrer d'autres objets qui tous ont été recueillis dans
les pays celtiques (gaulois ou britanniques) et sur lesquels
se retrouvait identiquement le môme motif.
M. Franks. J'appuie entièrement les opinions émises par
M. Hildebrand, à propos de l'origine des objets en bronze,
tels que ceux d'Eygenbilsen. L'œnochoé en bronze de cette
trouvaille me paraît certainement italien; le seau en bronze
a probablement la même origine; pour les autres bronzes,
je n'oserais me prononcer, mais la bande d'or est pour moi
incontestablement de travail barbare. Elle ressemble assez
à l'ornement en or trouvé avec un œnochoé en bronze à
Weisskirchen, près de Trêves ^ aussi bien qu'aux ornements
du même métal recueillis à Schwarzenbach, et avec lesquels
M. le professeur Ans 'm Weerth a pu, sur mes indications,
restaurer un casque.
n y a plusieurs années que je m'occupe de cette ques-
tion, l'envisageant surtout au point de vue de mon pays.
Nous possédons, en Angleterre et en Irlande, de nombreux
objets en bronze d'un travail remarquable, d'un dessin
bizarre, et qui sont évidemment de l'âge du fer. Nous ne
pouvons considérer ces objets que comme celtiques, et les
enroulements étrangers qu'ils portent se sont continués dans
les manuscrits et l'orfèvrerie irlandaise, jusqu'à ce qu'ils aient
été remplacés par les entrelacs introduits probablement en
Irlande par le christianisme.
On trouve quelquefois sur ces objets, et surtout sur ceux
Lindenschmidt, Abbildungen von Mainzer Alterthûmern, IV. 1852.
33
qui BOnt les plua ancieas, des traces de motifs grecs. Ces
motifs, je les crois obtenus de seconde main, peut-être en
imitant des bronzes étrusques apportés au Nord de l'Europe
par le commerce.
C'est, à dire vrai, la répétition de l'histoire de l'art moné-
taire chez les Celtes ^. Les monnaies en or de Philippe de
Macédoine étant très bien connues et très estimées par les
peuples voisins ; les barbares ont commencé à les imiter,
même avec le nom du roi, et c'est seulement par le travail
grossier qu'on peut distinguer les imitations des originaux.
Peu à peu l'emploi de ces monnaies se répand; on s'écarte de
plus en plus du type original et, après avoir traversé la Gaule,
la monnaie arrive en Angleterre. Là, de la t^te d'Apollon
qui parait sur l'envers de la monnaie de Philippe, il ne reste
que des lambeaux, principalement la couronne de laurier ; de
la Victoire dans son char, figurée sur le revers de la pièce,
nous ne trouvons qu'un cheval et une roue. Les types ayant
perdu leur signification, on transforme, en Angleterre, la
couronne d'Apollon en épi d'orge! 11 en est de même pour
les bronzes dont nous parlons. Une extrémité de la chaîne
se trouve dans les bronzes étrusques, qui sont venus par le
commerce en Allemagne ; l'autre extrémité se trouve dans les
bronzes celtiques de l'Angleterre et de l'Irlande. Entre ces
deux points, ou peut placer lesautres bronzes duméme genre,
selon qu'ils s'écartent plus ou moins de ces types.
Maintenant, il faut dire que, dans ces provinces éloignées,
cet art celtique a réagi sur l'ornementation romaine d'une
— 519 —
que le passage de Philostrate, le seul texte ancien connu qui
se rapporte à Témaillure, attribue cet art aux barbares de
rOcéan que Ton peut très bien considérer comme les anciens
habitants des Iles Britanniques.
J ai réuni quelques détails à ce sujet dans la descrip-
tion des planches qui accompagnent l'ouvrage de Kemble,
« Horse Ferales », et si mes occupations me le permettent,
j'espère y insérer un travail plus étendu.
M. Desor. mm. Hildebrand et Franks ont protesté contre
ce que j'ai dit, comme si j'avais prétendu que le bronze du
Nord était d'origine étrusque. Cette opinion n'est pas la
mienne. J'ai seulement établi que l'élément étrusque avait
été reconnu et constaté au pied des Alpes, puis sur les
bords du Rhin et aujourd'hui en Belgique. Que ce soit
mon sentiment qu'on finira par le découvrir encore ail-
leurs, je ne le conteste pas, mais ce n'est pas la thèse que
j'ai soutenue. Je la discuterai peut-être dans quelques années,
car, d'ici là, je pense que nous trouverons encore, dans
d'autres localités, des preuves tout aussi authentiques que
celles que vient de nous fournir la Belgique. Pour le
moment, je me borne à faire remarquer que je n'ai pas con-
sidéré le Nord comme ayant subi l'influence des Étrusques.
Histoire du fer dans le pays de Namur. — Les has-fourneaux
de Lustinj par M. Bebchem, ingénieur principal au Corps
des mines.
Au mois d'octobre 1870, le hasard amena une découverte
très intéressante pour l'histoire de la fabrication du fer dans
le pays de Namur, déjà si riche en vestiges de l'ancienne
industrie sidérurgique.
Un terrain situé sur la rive droite de la Meuse, à Lustin,
entre Namur et Dinant, fut acquis pour le compte de l'État,
à l'occasion de la construction d'une écluse. En y extrayant
Targile nécessaire à la confection des briques, on mit à dé-
couTfirt, à 0-70 environ aouB le sol actuel, deux cavités qui
avaient évidemment servi à une opération métallui^ique.
Ces cavités, en forme de cônes tronqués, renversés et à base
elliptique, étaient de dimensions à peu près égales; elles
étaient situées h 10 mètres l'une de l'autre et à 2 mètres
seulement du bord de la Meuse.
Les parois de la cavité du nord étaient en grande partie
détruites; la cavité du sud, à peu près intacte, présentait les
dimensions suivantes : grand axe h l'oriSce du cône, 4'°30 ;
petit axe, 3"20; profondeur, l-OO environ.
Ces cuves étaient simplement creusées dans l'argile, sans
aucun revêtement; leurs parois, calcinées par le feu, avaient
conservé une cquleur rouge brique. La partie calcinée, plus
épaisse à l'oriËce des cuves, allait en diminuant d'épais-
seur vers le fond, lequel, formé d'ai^ile à l'état naturel, n'of-
frait aucun indice de ce qu'on pourrait appeler un creuset.
Certaines parties des parois étaient couvertes d'une légère
couche de matières vitrifiées d'une couleur bleu-verdâtre.
Chaque cuve était pourvue d'un canal à section quadraugu-
laire de 0°15 à O-SO de côté, creusé également dans l'argile,
suivant la pente du cône et dans la direction du grand axe, -
de façon à occuper la même position dans les deux cuves et
à avoir son orifice supérieur tourné du même côté, c'est à
dire, vers le sud-ouest, direction des vents dominants dans
la contrée. Ce canal était revêtu de pierres plates, les unes
posées de champ, les autres servant de couverture.
)ril^ dcfl cuves, on recueillit
— 521 —
substances métalliques, n'était donc pas une scorie, mais con-
stituait un culot imparfait, le produit et le but de Topération.
Un de ces culots a été recueilli par M. Soreil ^ dans lun
des deux fourneaux ; un fragment du poids de deux kilo-
grammes environ a été mis à ma disposition et soumis à
un examen minutieux.
Sous le rapport des caractères physiques, ce fragment se
trouve composé de trois couches de nature différente, irré-
gulièrement superposées.
La couche inférieure, qui porte lempreinte du lit de cen-
dres ou de terre argileuse sur lequel elle a reposé au fond du
fourneau, présente une épaisseur de 10 à 15 millimètres et
consiste en une masse homogène, peu malléable, d'une
texture cristalline, à larges facettes, d une couleur blanche
et d'un bel éclat métallique. L'échantillon ayant été trempé
dans leau, la surface cristalline s'est couverte immédiate-
ment d'une épaisse couche de rouille. *
La couche moyenne du fragment, de 0'"02 à 0"03 d'épais-
seur, est composée d'éléments moins homogènes, présentant
en masse une structure compacte ou caverneuse, un aspect
terne et une couleur brun-noirâtre. Elle est aussi composée,
en grande partie du moins, de substances métalliques, mais
d'une nature moins pure et moins dense que celles de la
couche inférieure; c'est cette partie moyenne qui renferme
principalement les traces de matières vitrifiées.
Enfin, la couche supérieure, encore plus irrégulière sous
le rapport de l'épaisseur et de la composition, ne paraît ren-
fermer que des parties terreuses et des fragments de roche
calcinés.
L'échantillon, pris en masse, a une pesanteur spécifique
de 5, indice évident de sa grande richesse en fer.
* M. Soreil, conducteur des ponts et chaussées, chargé de la surveillance
des travaux de l'écluse de Burnot, a, le premier, signalé la découverte
et présidé au déblai des deux cuves, afin de leur conserver leur forme et
leur aspect primitifs.
Quant à sa compoeition chimique, les analyses con-
sciencieuses auxquelles il a été soumis ', ont fourni des résul-
tats très intéressants. 11 s'agissait surtout de doser la quantité
de carbone allié au métal et de savoir si ce dernier se trouve
dans la masse à. l'état de fer métallique ou à l'état de car-
bure; ce dosage, comme on sait, présente les plus grandes
difficultés et n'a pu être effectué, avec une exactitude à peu
près complète, qu'à l'aide d'un nouveau procédé d'électrolyse.
La couche inférieure est composée de :
Fer métallique 93,48
Carbone 0,37
Matières vitrifiables 4,94
Soufre, phosphore et traces de manganèse. 1,21
100,00
La feible proportion de carbone indique d'abord que la
partie de l'échantillon, que je considère comme étant le
produit principal de l'opération, est du fer et non de la fonte,
ni même de l'acier, mais c'est un fer qui n'a plus son analo-
gue dans aucun de nos produits sidérurgiques actuels, & moins
que, TU la quantité de siHce contenue dans les matières vitri-
fiables, on ne le range dans la catégorie des fers, dits irt?^ ou
aciéreux. Ses caractères physiques, ainsi que sa composition
chimique, concordent, en effet, suffisamment pour lui donner
cette qualification; su contenance en silice devait surtout
le rendre see et cassant à froid.
- 523 -
mine, soufre, phosphore et manganèse. Sur ma demande,
M. Petermann a toutefois établi la proportion du fer contenu
dans la masse ; elle est de 35 à 40 p. c. Ce fer est à l'état de
carbure ou d'oxyde et forme la presque totalité de la partie
moyenne du fragment, ce qui prouve que la chaleur du
fourneau n'a pas été d'une intefasité ou d'une durée suffi-
sante pour obtenir une réduction complète de tout le minerai
employé et pour séparer les matières vitrifiées, qui sont
restées disséminées dans toute la masse. Ces matières, qui
proviennent de la silice, de la chaux, de l'alumine, etc., con-
tenues dans le minerai, étaient en trop petite quantité pour
former des scories ou laitiers proprement dits : Ton ne con-
naissait du reste pas encore l'emploi des fondants.
Voici comment devaient procéder ces antiques forgerons
pour obtenir le fer ou l'acier, car ils fabriquaient l'un ou
l'autre de la même manière, et souvent sans pouvoir se
rendre compte du résultat obtenu. On sait que la fonte était
alors inconnue.
Après avoir enlevé les résidus d'une opération précédente,
sauf un lit de cendres, on remplissait le fourneau de charbon
ou peut-être de bois cru, auquel on mettait le feu ; sur le bra-
sier ardent, on chargeait le minerai par portions, en ajoutant
continuellement du combustible. Celui-ci était sans doute
amoncelé, sous forme de meule, au dessus de l'orifice de la
cuve et, vers la fin de l'opération, on le recouvrait peut-être
d'argile, de terre ou de cendres, afin de concentrer la cha-
leur, en laissant toutefois une ouverture au sommet pour
entretenir un fort courant d'air. Ce courant d'air était amené
au centre du foyer par le canal que j'ai décrit plus haut
et qui, en vue d'augmenter le tirage, avait son orifice supé-
rieur tourné dans le sens du vent dominant.
N'était-ce pas encore dans le même but que les fours de
Lustin étaient installés au bord de la rivière, c'est à dire, là
où le vent du sud- ouest venait s'engouffrer, entre les deux
versants élevés de la vallée de la Meuse? La forme et les
dimensions du canal, relativement à la grandeur du foyer,
ne permettent pas, du reste, d'admettre qu'il ait servi à
transmettre au fond du fourneau l'air comprimé d'unsoufflet.
On peut néanmoins se demander si, à l'aide d'un simple
tirage, on pouvait obtenir une température assez élevée pour
amener la fusion du métal. La texture cristalline de la
couche inférieure de l'échantillon soumis à mon examen,
prouve, en effet, que cette partie a été fondue. On admettra
la possibilité de cette fusion, lorsque l'on considère le petit
volume de la masse métallique qu'il s'agissait d'obtenir au
milieu d'un brasier de plus de 4 mètres de diamètre et d'une
hauteur proportionnelle; puis, comme ou le verra plus loin,
les forgerons du pays trouvaient le combustible k discrétion
dans les vastes forêts qui couvraient les deux rives de la
Meuse.
A la fin de l'opération, on démontait la meule et l'on
recherchait le culot métallique parmi les débris de la com-
bustion.
A quelles manipulations ultérieures le métal obtenu
était-il soumis pour être mis en œuvre? Était-il remanié
dans un second foyer? Subissait-il l'action du marteau et
plusieurs chaudes successives pour en améliorer la qualité?
Je ne puis répondre à ces questions : aucun objet, témoin
ou instrument de semblables opérations, n'ayant été ren-
contré dans le voisinage de notre forge primitive.
Lors de la découverte des fourneaux de Lustin, plusieurs
!rsonne.s parlcrent de forgre catalane, comme si cette dési-
— 525 —
de TAriège, une seule opération, qui dure environ six
heures, est divisée en cinq périodes distinctes, pendant les-
quelles Touvrier doit faire preuve d'une grande habileté pour
régler la force du vent et l'emploi du combustible, charger
le minerai, séparer les scories, etc. Le seul rapport qui
existe entre cette méthode assez compliquée et le produit
tout à fait élémentaire de notre forge de Lustin, c'est l'affi-
nage immédiat des minerais. Si ce procédé peut être con-
sidéré comme étant la forgerie catalane dans l'enfance de
Fart, on doit au moins admettre qu'il s'est peut-être écoulé
des milliers d'années entre l'époque de son emploi et la
méthode perfectionnée actuelle.
Il serait cependant peu rationnel de prétendre déterminer,
même approximativement, en se basant uniquement sur
rimperfection du procédé, l'époque absolue à laquelle se rap-
porte cette antique forgerie.
Les procédés les plus primitifs sont encore suivis aujour-
d'hui-par des peuplades à demi sauvages, tandis que des
progrès remarquables, dans certaines industries, ont été
obtenus, aux époques les plus reculées de Thistoire, par des
nations jouissant d'une certaine civilisation.
Chaque pays aura donc son archéologie industrielle propre,
dont les différents âges n'auront aucun rapport avec ceux
d'autres contrées.
Le dépôt de limon qui recouvrait les fourneaux de Lustin,
appartient aux alluvions modernes, aussi bien que l'argile
dans laquelle ces fourneaux ont été creusés. Si l'époque à
laquelle se rapporte le dépôt supérieur était connue, le mini-
mum de l'âge de ces fourneaux le serait aussi. Toutes les
grandes crues de la Meuse laissent, après la retraite des eaux,
des alluvions limoneuses souvent d'une épaisseur considéra-
ble. Des documents historiques ont conservé le souvenir de
plus de quarante inondations remarquables, survenues pen-
dant les neuf derniers siècles; dans des mémoires manuscrits
cités par Galliot, on trouve entre autres cette citation :
- 626 —
« 1463. Inondation qm porta la désolation dans tous les quar-
■ tîerB de la villa (de Namur) qui regorgeait si prodig^euse-
■ ment d'eaux boueuses, qu'après qu'elles furent retirées, elles
f laissèrent dans certains endroits un limon de la hauteur
« de plus de six pieds. ■ '
Pendant le premier millénaire de notre ère et pendant les
époques précédentes, les crues de ta Meuse ont sans doute été
aussi nombreuses et les alluvions non moins considérables.
Les fiùts géologiques ne peuvent donc nous fournir, jus-
qu'ici, que des indications très vagues*. Il ne nous reste qu'A
baser nos supputations sur le degré de civilisation relative du
pays et sur la grande importance que l'industrie sidénii^que
a eue de tout t«mps dans ces contrées.
Sïms vouloir remonter aux légendes bibliques ou mytho-
logiques, à Tubal-Caïn ouàVutcain et auxCyclopes,légendea
qui peuvent avoir un fond de vérité pour l'Orient, d'où l'usage
du fer parait nous avoir été importé; sans vouloir même, en
ce qui concerne spécialement le pays de Namur, remonter
aux Notons, ces nains habiles à travailler les métaux, noos
devons eidmettre que l'emploi du fer y était connu depuis la
plus haute antiquité. Il paraît, il est vrai, qne l'art d'extraire
ce métal de ses minerais est resté stationnaire pendant l'es-
pace de milliers d'années; mais, dès le x' siècle, les usines
de la Belgique étaient prospères. La mise en œuvre du fer et
de l'acier y était poussée jusqu'à la perfection, et les travaux
ingénieux que les Belges exécutèrent dans l'emploi de ces
— 527 —
Des traces de deux ou trois de ces derniers fourneaux ont
été découvertes, il y a quelques années, à Vodecée, dans
l'Entre Sambre et Meuse, lors de l'exploitation, parla Société
de Thy le Château, de Timmense amas d'anciennes scories de
fer dites Crayats de Sarrasins^, Voici comment M. Quoilin,
ingénieur des mines, à Philippe ville, décrit les restes de ces
fourneaux : Un creuset de forme hémisphérique, de O^OO de
diamètre et de 0"40 à 0™50 de profondeur, construit en pier-
res plates réfractaires ou même en scories et revêtu d'une
couche d*argile, formait la base du fourneau. Au dessus de
ce creuset, on élevait le fourneau proprement dit, d'une
forme cylindrique ou conique et d'une hauteur en rapport
avec les dimensions de la partie inférieure. Une ouverture
était ménagée au dessus du creuset, pour l'introduction du
vent qu'on effectuait sans doute à l'aide d'outrés en peau.
Après chaque opération, on démontait la partie supérieure
du fourneau, pour recueillir, dans le creuset, une loupe, un
culot métallique, qui n'était à proprement parler ni du fer, ni
de la fonte. La grande richesse en fer des Crayats de Sarra-
sins prouve que les minerais étaient mal préparés, que les
procédés employés étaient des plus primitifs.
D'après des médailles et d'autres objets d'antiquité trouvés
dans la localité, on croit pouvoir faire remonter au 3" siècle
l'époque de ces opérations métallurgiques. Nous ne possédons
pas de renseignements écrits sur ce sujet : les historiens ont
dédaigné de s'occuper du fer ; de sorte que cette époque, au
point de vue qui nous occupe, appartient de droit au domaine
des sciences préhistoriques.
Les anciens documents qui font mention de la Belgique, à
propos de la production du fer, doivent se rapporter générale-
ment au pays de Namur. Là, en effet, toutes les circonstances
' Quelques personnes croient que cette désignation est synonyme de
Nutons ; je pense qu'elle est moins légendaire et qu'elle s'applique
aux anciens habitants du pays non aborigènes, peut-être aux Qallo-Ro-
mains et généralement aux peuplades non chrétiennes.
se réunissaieot pour provoquer la création et favoriser le
développement de cette industrie. Des gisements de minerais
de fer, qui paraissent inépuisables, sillonnent le pays dans
toute son étendue; ces minerais, qui appartiennent surtout
à. la section hydroxyde, c'est à dire, à la plus fusible, venaient
affleurer & la surface du sol et formaient, dans beaucoup de
localités, d'immenses amas superficiels. De vastes forêts,
produisant les meilleures essences de bois de chauffage, cou-
vraient la presque totalité de la contrée; deux cours d'eau
principaux, la Sambre et la Meuse, facilitaient le transport
des minerais et du combustible d'un point à un autre, et une
foule de petites rivières ou ruisseaux mettaient en mouve-
ment les roues des souffleries, des marteaux et des bocards.
A ces avantages géologiques et topographiques, venaient
s'ajouter les usages locaux, les lois et règlements, qui tous
avaient pour but de faire fleurir l'industrie sidérurgique, en
accordant des droits, franchises et privilèges aux maîtres de
forges et h leurs ouvriers.
On counalt cette fameuse charte que Guillaume I, comte de
Namur, octroya, en 1 345, à ses ferons (forgerons) de Marche
sur Meuse et qui porte entre autres : « Qu'ils (les ferons)
« soyent quiets de tailles, de corvée, de tournier, de cous-
« tume et de tous autres services indeuz et ne payeront
< de leur fier point de poix par toute notre comt^ et les
« dits ferons et mineurs de leur mestier doivent avoir en nos
■ bois estaches de bois et tout ce qui leur faura de bois pour
— 529 —
parler, dans le domaine public et à la disposition de tous les
ferons, qui n'avaient à payer, au propriétaire du sol, que le
droit de terrage, lequel était du dixième de la valeur des
mines. Les ferons, une fois admis comme tels, après une
prestation de serment, cessaient d'être justiciables de la juri-
diction ordinaire ; mais les privilèges, dépendant de la qua-
lité de féron, étaient accordés aussi aux maîtres ouvriers
travaillant dans les fonderies ou platineries, branche d'in-
dustrie nouvelle au moment de la publication du règlement.
Les maîtres de forges, leurs femmes et leurs enfants étaient
exempts du droit de morte-main.
Les ferons pouvaient prendre le sable dans les bois royaux,
ainsi que les pierres trouvées au jour et qui pouvaient leur
servir à réparer leurs fourneaux.
Ils pouvaient faire prendre, dans les bois royaux, le bois
dont ils avaient besoin pour lier et assurer leurs fosses d'ex-
traction, etc.
Telles étaient quelques-unes des dispositions de ce règle-
ment, où l'on voit dominer des idées de justice et d'intérêt pu-
blic ^ Doit-on s'étonner que, dans de semblables conditions et
avec des encouragements pareils, la production du fer ait
acquis une aussi prodigieuse importance' dans le pays de
Namur?
Pour se faire, du reste, une idée de l'importance de
cette ancienne industrie, on n'a qu'à voir ce qui se passe
sous nos yeux. D'immenses dépôts de Crayats de Sarra-
sins se rencontrent dans toute l'étendue du pays; ils for-
ment le sol des chemins, remplissent le fond des vallées,
constituent le fond de villages entiers. Aujourd'hui, on abat
des châteaux, des églises, on démolit des villages, pour re-
cueillir ces scories, qui redeviennent des minerais d'un nou-
veau genre. Ces ekpholades du Laurium namurois sont
actuellement une source de prospérité pour nos communes de
' Delbbbcque, Traité sur la législation des mines, minières^ etc.
- 530 —
l'Entre Sambre et Meuse. L'inauSsance de nos mines de fèr
fait rechercher ces scories, pour servir d'aliment à nos hants-
foumeauz actuels, à ces gigantesques appareils dont un seul
coûte un demi million de francs et produit 100,000 kîl. de
fonte pfir jour. Quel contraste avec les bas-foumeaux de Lus-
tin, dans lesquels on élaborait par jour quelques kilogrammes
d'un métal imparfait, et encore lorsque le veut était favo-
rable! Mais ceux-ci et ceux-là ne sonHb pas les termes ex-
trêmes de la sidérotechnie ? De leurs contrastes mêmes, ne
doit^n pas déduire la haute antiquité de notre foi^ nidi-
mentaire de Lustin ?
M. VON DiiCKEB. Au sujet de la fabrication du fer, je
tiens à dire que, dans ces dernières années, j'ai rencontré,
en Silésie, près de Breslau, une grande quantité de scories
provenant de la fabrication du fer. Ces scories étaient
répandues sur une surface de trois ou quatre hectares, h
deux ou trois mètres sous le sol au milieu d'une masse cen-
dreuse.
Je n'ai pas pu obtenir d'objets en métal, mais j'ai décoo-
vert des débris d'une poterie très primitive dont des fng-
ments étaient dispersés partout.
J'en ai conclu que dans ces régions, où le bronze a été
connu très tard et oà l'on n'avait pas les éléments de sa fabri-
cation, il y avait eu déjà une fabrication du fer à des époques
très reculées.
J'ai publié, l'année dernière, la description de mes obser-
vations et mon rapport a été déposé aux archives de la Société
— 531 —
du jour en parlant d'un monument qui ne remonte qu'au
III* siècle de notre ère environ. Au reste, je ne crois pas que
nous devions attribuer à l'expression préhistorique ou plutôt
arUéhistorique une signification trop restreinte. Les sauvages
de nos temps et les nations qui ne possèdent pas encore une
histoire, peuvent très bien rentrer dans le cadre de nos
études, au moins pour ce qui concerne leurs usages et leurs
coutumes. J'ai déjà eu Thonneur de parler des outils en
pierre datant d'une période antérieure et en quelque sorte an-
téhistorique de l'île de Java. Ces objets, trop longtemps né-
gligés, ont, dans les dernières années, attiré Tattention
des savants et des amateurs. Le Musée d'Antiquités confié à
ma direction en possède une série très remarquable, tant par
les matières qui les composent, que parles différentes formes
qu'ils affectent et dont quelques-unes les différencient de
ceux de tous les autres pays. Comme partout ailleurs, les
habitants leur attribuent une vertu préservative, protectrice ;
mais ils ne savent rien nous dire quant à leur usage et à
leur destination.
Parmi les Javanais des classes supérieures, il en est qui
supposent que quelques-uns de ces instruments ont servi de
polissoire, pour lisser les feuilles de palmier ou autres ma-
tières destinées à écrire. Il faut convenir qu'ils peuvent
rendre de grands services aux dessinateurs qui veulent tracer
des dessins très fins sur notre papier moderne. £n général,
les formes diverses, données à ces instruments, indiquent
assez les différents usages auxquels ils ont été destinés. Il
y a plusieurs années, j'ai publié^ un mémoire qui paraît avoir
obtenu l'approbation des ethnologistes français. Mais je ne
savais pas alors que les monuments antiques de Java nous
offriraient des renseignements d'autant plus précieux qu'ils
sont très rares et ne laissent aucun doute sur le sujet qui
nous occupe.
* Annuaire de Tlnstitut royal néerlandais (classe des sciences nata-
reUes).
— 532 —
Le plus beau et le plus intéressant de tous les nombreux
monumeiits de Java, c'est celui de B6r6-Boudour, situé dans
la régence de Radou, à une distance d'environ 19,5 kilo-
mètres de la capitale de Djoejuhasta. Construit sur une col-
line qui en constitue pour ainsi dire le noyau, il est dédié à la
mémoire de Bouddha et est destiné à conserver les saintes
reliques du Prophète.
L'ensemble de la construction offre la forme d'une
pyramide à quatre faces égales et s'élève à 63 mètres au
dessus du sol, en y comprenant la hauteur de la colline qui
est de 47 mètres. Chaque face mesure, vers la partie infé-
rieure, 151 à 152 mètres. Au dessus de deux terrasses,
s'élèvent cinq galeries l'une au dessus de l'autre, séparées par
un nombre égal de murs d'enceinte. De la dernière galerie,
on monte & quatre autres terrasses, dont les trois supé-
rieures ont une forme circulaire et portent un grand nombre
de coupoles ou des globes travaillés à jour et contenant cha-
cun une statue de Bouddha.
Le centre de la quatrième terrasse est occupé par une très
grande coupole de 16 mètres de hauteur, fermée et destinée
à contenir une statue de Bouddha avec ses prétendues reli-
ques et les objets qui lui sont dédiés. Tous les murs d'en-
ceinte sont couronnés de coupoles, d'autres constructions
archi tectoniques et de niches qui toutes renfermentdes statues
du Bouddha. Les parois des galeries sont toutes couvertes
d'ornements sculptés et d'innombrables bas -reliefs d'un
travail admirable. Ces has-reliefa sont relatifs au culte
L'un de ces bas-reliefs se rencontre dans la série inférieure
sur la paroi du fond de la seconde galerie ; l'autre, dans
la série supérieure de la paroi de devant de la môme galerie.
L'instrument et la manière de fixer la hache dans le manche
ressemblent assez h ce qui se voit et se pratique encore de
nos jours dans quelques autres îles de l'Archipel indien-
uéerlandais.
Fig. 9. — Bas-relief du temple da BArA-Bondour, à Java.
M. van Binckhorst van den Binckhorst a communiqué au
Congrès une not« très intéressante d'un de ses amis sur des
palaâttes existant aujourd'hui encore dans une petite lie au
34
bord de la mer, h Tsilatsap, dans l'Ue de Java (p. 430). Ceci
me condttit à faire remarquer que dans les bas-reliefs du
même monument de Bôrô-Boudour, on voit des représenta-
it;. 10. — HacheB en pierre âgurées snr les baa-reliers du temple
de BQrO-Boudour, & Java.
tions de maisons bâties sur pilotis, très ressemblantes à celles
qu'on trouve encore sur les côtes de la mer et aux embou-
chures des rivières de plusieurs autres îles de notre Archipel
indien et mâme dans l'Ue de Java, où la population sonda-
noise a encore conservé ce mode de bâtir. Les représenta-
tions en question sont ofiFertes par des bas-reliefs sculptés
de la série inférieure de la paroi du fond de la seconde
galerie, eùdsï que de la série inférieure de la paroi
antérieure de la même g-alerîe. Ces bas reliefs sont probable-
ment destinés à perpétuer le souvenir des voyages entrepris
narles missionnaires bouddhistes du coutineut t
— 535 —
dessinateurs du génie, M. F. C. Urlsen, assisté d'un autre
employé du même corps. M. Urlsen a l'inappréciable
mérite d'avoir, le premier, trouvé le fil conducteur pour se
guider dans le labyrinthe des bas-reliefs de Bôrô-Boudour,
et c'est lui qui a proposé de voir, dans les tableaux repré-
sentés, les particularités de l'histoire du Bouddha^.
VII
ANTHROPOLOGIE PRÉHISTORIQUE.
Sur T Anthropologie préhistorique , par M. Schaaffhausen.
J'ai eu d'abord l'intention de parler uniquement de quel-
ques restes fossiles de l'homme qu'on a récemment décou-
verts, mais l'examen des trouvailles faites dans les cavernes
me fournit l'occasion d'ajouter quelques mots sur d'autres
fouilles qui ont été mentionnées. Le troglodyte de Menton
fut trouvé le 26 mars de cette année. On m'avait envoyé le
« Courrier de Menton » du 7 avril 1872, où se trouve im-
primée la même photographie qui a été distribuée hier par
le bureau de notre Congrès (voir PI. 6). J'ai donné la pre-
mière notice sur cette trouvaille dans la réunion des natura-
listes rhénans à Wetzlar, le 21 mai. J'ai lu ensuite la note
de M. le docteur Rivière, que M. de Quatrefages a commu-
niquée à l'Académie de Paris* et une lettre du même auteur
qui est publiée dans la Revue scientifique, N** 41, du
1 L'ouvrage qui fera connaître au monde savant le monument dans tous
ses détails, contiendra un atlas de 400 planches grand in-f*>, avec un vo-
lume de 700 pages in-8<^ et une vingtaine de planches intercalées dans le
texte. Il paraîtra probablement vers la Un de cette année ou au commen-
cement de 1873. Il ne manquera certainement pas de faire honneur au
Gouvernement néerlandais, qui ne s*est pas laissé effrayer par les frais
énormes d'une entreprise scientifique aussi considérable.
* Comptes-rendus t 29 avril.
- 636 -
4 mai 1872. Dans une réunion de la Société des naturalistes
du Baa Bhin, tenue à Bonn le 3 juin, je pus communiquer
enfin le rapport d'un témoin oculaire de cette trouvaille.
C'était la lettre suivante, que M. le docteur Vougo adressait
à M. Neumau, professeur à l'Académie de Neuchâtel :
« Vous me demandez des renseignements précis sur l'ex-
humation du squelette de troglodyte des grottes de Menton,
qui, après avoir mis en émoi toute la population de l'ex-prin-
cipauté de Monaco, intéresse maintenant le monde savant.
Ayant assisté moi-même aux fouilles que M. le docteur Rivière
a pratiquées avec un soin particulier depuis l'automne der-
nier, j'ai vu apparaître, os après os, toutes les parties de ce
squelette extraordinaire, enfoui soua 2 mètres 50 centimètres
d'une terre très légère et friable, s'élevant en nuages gris-
brun BOUS le courant d'air du soufflet que l'on dirige sur elle.
Des pierres anguleuses calcaires évidemment éboulées de la
voût« élevée de cette grotte, — largement ouverte à 1 5 mètres
au dessus du chemin de fer de Ligurie qui domine lui-même
de 30 mètres à peu près le niveau actuel de la mer — sont
mélangées à cette terre poudreuse, qui renferme en même
temps des ossements d'animaux, de Cerf, d'Hyène, de Bœuf,
les uns fracturés, les autres usés et appointés artificiellement
pour en faire des poinçons. L'un de ces os de bœuf, perforé
d'un grand trou artificiel près de l'épipbyse et trouvé près de
la paroi, est, pourM. Rivière, un cb&ton de commandement*
— 537 —
se trouvait donc à 2"50 de profondeur, couché sur le flanc
gauche, la tête orientée au sud, vers l'entrée de la caverne,
à 3 mètres en dedans du bord où l'eau de pluie peut encore
avoir accès, en sorte qu'il était parfaitement à sec. Une
large pierre appuyait le dos et une autre soutenait la tête.
Les deux avant bras, plies au coude, étaient ramenés sur la
poitrine, et, chose étrange, ils étaient cassés dans la partie
moyenne, ainsi que Thumérus du bras droit. Les côtes étaient
enfoncées par la pression des terres, ainsi que le bassin; les
corps des vertèbres étaient en partie détruits dans leur portion
spongieuse et un astragale de Cerf se trouvait parfaitement
conservé au dessus et en avant de la 2* vertèbre lombaire.
Les fémurs, remarquables par un col très court, étaient
légèrement portés en avant ; les genoux avaient également
fléchis, de sorte que la jambe droite se croisait sur la gauche.
Ces os, comme ceux des deux pieds, étaient parfaitement
intacts. Le squelette, qui mesurait 1 mètre 56 centimètres du
calcanéum au sinciput, c'est à dire, environ 1"80 de longueur
réelle, était dans la position d'un homme dormant sur le flanc
gauche. Le crâne, parfaitement conser\'^é, était dolichocé-
phale, bien conformé, enduit à la surface d'une croûte rou-
geâtre, dans laquelle étaient empâtées de petites coquilles du
volume d'un gros pois. Toutes ces coquilles, de même espèce
(du genre Nassa), étaient percées d'un trou et au milieu
d'elles se rencontraient quelques dents à deux racines éga-
lement perforées. Évidemment ces coquilles et ces dents
avaient formé un chapelet ayant entouré la tête de plusieuib
tours. La calotte crânienne était déplacée par la pression
qu'avait subie la face, où plutôt cette dernière s'était affaissée
en laissant la boîte crânienne appuyée sur la pierre à la
même place. Les mâchoires inférieure et supérieure étaient
encore munies de toutes leurs dents, mais celles-ci étaient
usées jusqu'au bord alvéolaire^ preuve de l'âge avancé du
sujet. Les branches ascendantes des maxillaires inférieurs
se relevaient à angle droit. A peu de distance de la bouche,
on trouva un petit taa de sulfure d'antimoine, qui avait évi-
demment dû être renfermé dans un petit sac. Une épingle à
cheveux en os, de 16 à 17 centimètres de longueur, proba-
blement placée sur le front du mort, se trouvait tout près
de la tète en avant, ainsi que plusieurs grattoirs eu silex.
« Deux tranchées furent creusées le long des deux côtés du
squelette et celui-ci, dégagé eu dessous, put être enfermé dans
une caisse, sans que rien fût dérangé dans sa position. La
caisse qui contenait ces précieux restes, fut suspendue dans
un fourgon et parvint h Paris sous la conduite de M. Rivière.
* De nombreuses photographies, prises sur place et parfai-
tement réussies, donnent l'image exacte de la position de ce
cadavre et illustreront un travail complet publié par M. Ri-
vière sur ses recherches et ses fouilles.
« Tout fait présumer que ce cadavre n'est pas celui d'un
homme endormi, écrasé par un éboulement, mais un cadavre
inhumé dans cette grotte et recouvert de cette terre pou-
dreuse, qui possède évidemment des propriétés conserva-
trices et dont la sécheresse du lieu à encore augmenté l'effet.
n n'y avait pas de tuff dans cette grotte, qui continua, après
l'inhumation, à être visitée et peut-être habitée pendant les
siècles nécessaires à l'accumulation de 2 mètres de poussière,
mélangée de pierres calcaires détachées de la voûte, de silex,
d'ossements d'animaux évidemment apportés dans la grotte
et de charbons. Ces derniers témoignent du feu que l'on y
faisait. Je ne crois pas que des objets de bronze aient été
découverts à la surface du sol.
— 539 —
couche de plus de 40 centimètres d'une terre poudreuse iden-
tique à celle de Menton, que Ton croyait être formée essen-
tiellement de cendres de foyers. Cette terre jouit d une pro-
priété conservatrice pour les matières organiques, — feuilles,
débris de bois, ossements, — propriété qu'elle ne paraît pas
devoir exclusivement à sa sécheresse, mais aussi à sa con-
stitution chimique que lanalyse fera découvrir. Quant à son
origine, qui m avait déjà préoccupé à Menton, je crois l'avoir
découverte dans la grotte du Four, large excavation protégée
par un rocher en saillie et creusée dans la formation crétacée
inférieure (Valangien) qui, chose étrange, est la même qu'à
Menton. En examinant cette voûte, aux endroits où je pus
l'atteindre en me hissant sur des amas de dalles calcaires
éboulées, je la trouvai couverte d'une couche de l'épaisseur
d'un doigt formée de Lichens gris pulvérulents, qui se déta-
chaient par plaques au moindre attouchement. Ces Lichens
tombent évidemment d'eux-mêmes sur le sol de la grotte, où,
en se décomposant incomplètement à sec, ils deviennents pul-
vérulents et forment la couche que Ton croyait composée des
cendres d'anciens foyers. J'ai pu m'assurer du fait en trou-
vant effectivement de ces cendres parfaitement conservées
en amas sous la couche pulvérulente, là où des feux avaient
été allumés et où abondent précisément les fragments d'an-
cienne poterie. La différence d'épaisseur de cette couche, 40
à 50 centimètres au Four, 2"50 à Menton, s'expliquerait par
le fait qu'au Four la couche ne date que de la fin de l'époque
glaciaire, qui a charrié ses galets alpins dans le fond de la
grotte, pendant qu'à Menton, où cette époque n'a pas existé,
la grotte, n'ayant pas été envahie par les glaciers et leurs
moraines, continua à se remplir de cette poussière et
des pierres de la voûte, depuis l'époque du soulèvement
qui a élevé, non loin de là, au Castel d'Appio, les coquilles
modernes et le poudingue de la Roya à 300 mètres au dessus
de la mer. Quant aux silex taillés de la grotte de Menton,
ils paraissent provenir de rognons jaspoïdes que l'on rencon-
tre dans le Tuisinage immédiat, au Ciotti, dans une couche
de 2 mètres d'épaisseur de poudingue comprise dans la for-
mation du calcaire nummulitique, qui est admirablement
représenté dans ces contrées.
■ En résumé, le squelette de Menton me parait appartenir
à l'époque préhistorique comprise entre l'âge de la pierre
taillée et celui de la pierre polie. La belle conformation du
cr&ne n'a rien de celle qui caractérise celui de Neaoderthal
et dénote une antiquité moins reculée. L'examen des osse-
ments élucidera la question de savoir s'il s'y trouve des
restes du Rhinocéros ticAorhtnus, de l'Ours des Cavernes et
du Renne, ce dont je doute. Le squelette, — si bien conservé et
évidemment inhumé, — ee trouvant à 40 mètres au dessus
de la mer, ne peut remonter à l'époque tertiaire, comme on
l'a prétendu.
■ Tels sont. Monsieur, les renseignements positifs que je
puis vous fournir sur ce sujet*, i
Ce rapport confirme d'une manière détaillée tout ce que
M. Rivière a communiqué jusqu'ici sur ce fait. Seule, la
m&choire inférieure de ce crâne a quelques caractères primi-
tifs, et si l'on compare ce crâne avec ceux de Cro Magnon,
dont la capacité est de 1590 ce, et avec les crânes des cavernes
de la Belgique et de la Westphalie , on doit conclure que,
dans le voisinage de la Méditerranée, des peuples plus civi-
lisés que ceux des contrées plus septentrionales de l'Europe
ont vécu avec des animaux éteinte. À propos du chapelet
— 541 —
Dans la dernière session de TAssociation Britannique,
M. Moggridge a annoncé que la substance métallique trouvée
près des dents du crâne de Menton , devait être un fétiche
ou un charme, que Ton avait mis dans la bouche du mort.
Quant au crâne trouvé en Californie à une grande profon-
deur dans le sol, sous différentes couches trachytiques, il y a
six ans que j ai reçu la première nouvelle de sa trouvaille
par le « Californie Advertiser » du 21 juillet 1866, qui
annonçait la découverte d*un crâne humain dans une couche
miocène près d*Angelis (CalaverasCounty). L'importance de
ce fait m engagea à me procurer des renseignements plus pré-
cis par l'intermédiaire de M. Otto Schmitz, qui séjournait alors
à Aukland. Dans sa lettre du 24 décembre, celui-ci confirma
le rapport de la gazette californienne, qui était l'extrait d'un
discours de M. Whitney, lu le 16 juillet, à l'Académie de
Californie ^ Il restait de ce crâne : un os frontal, l'os nasal,
le maxillaire supérieur droit, une partie du temporal gauche
avec l'apophyse mastoïde et l'arcade zygomatique et les deux
orbites. Ces parties furent trouvées par M. Matson dans un
puits d'une profondeur de 130 pieds. Elles se trouvaient
dans une couche des galets, au dessus de laquelle existaient
quatre couches de cendres volcaniques durcies, qui sont
séparées par des formations fluviales. Les ossements sont
forts et épais, cimentés au moyen d'une brèche calcaire et
des morceaux de lave.
M. WTiitney croyait que la couche qui renfermait le crâne
fossile, était plus ancienne *que la période glaciaire, que le
Mammouth et le Mastodonte, et contemporaine des éruptions
volcaniques de la Sierra Nevada. Mais, sur ce point, M. Otto
Schmitz m'exprimait déjà des doutes et se demandait si la
détermination géologique de ce terrain et de toutes les con-
trées de la Sierra Nevada sous 38** L. N., est bien exacte.
M. Whitney regarde le type du crâne comme le même que
1 Proceedings ofCalif.Acad. Nat, Sc.^ III, p. 277 et Sïlliman's Journal^
1867, no 43, p. 265.
celui des Indiens qui habitent aujourd'hui les pentes de la
Sierra Nevada ; il dit que l'angle facial n'indique aucune
infériorité de développemetit et que la coquille qui est atta-
chée aux ossements, est, d'après la détermination de M. Coo-
par, celle àeYMelixmormonim, qui vit encore dans les mêmes
contrées.
Dans une réunion de la Société des naturalistes du Bas ïthin,
leTjuin 1867', j'ai donné communication de tous ces rensei-
gnements, en résumant les raisons qui assignent à ce cr&ne un
âge moins ancien. Postérieurement, on a discuté cette fouille
dans l'Assemblée des naturalistes américains, à Chicago, les
5-12 août 1868. M. le professeur Wyman constata que le
crâne d'Angelis est très ressemblant k celui des Californiens
actuels, mais qu'il s'en éloigne par quelques traits qui le
rapprochent dn crâne des Esquimaux*. M. Whitney déclarS
qu'il ne doutait pas de l'authenticité de ce crâne, bien qu'il
eût passé par plusieurs mains avant de lui avoir été
remis. Après avoir écrit plusieurs fois, mais vainement, &
M. Whîtney, pour me procurer un moule de ce crâne, je char-
geai, il y deux ans, un jeune antbropologiste allemand,
M, le docteur Schmiât, de s'informer de toutes les circon-
stances de cette fouille. M. Schmidt a dernièrement publié
ses recherches sur l'histoire préhistorique de l'Amérique'.
D'après lui, la couche où fut trouvé le crâne ne peut être
déterminée avec certitude comme diluvienne. Il n'a pas vu le
crâne, parce que M. "Whitney était absent et sa collection
fermée.
— 543 —
vaient aussi des pièces de bois pétrifié. Les restes du Masto-
donte trouvés par M. Silliman étaient inférieurs à la lave
de la Œ Table Mountain » ; ils sont donc plus anciens que les
débris humains qui étaient compris entre deux couches vol-
caniques. Ce fait trouve son analogue dans celui de la Cam-
pagne de Rome, où Ton a découvert, sous des couches vol-
caniques, dont la formation, n'a laissé aucun souvenir dans
l'histoire, des poteries et d'autres produits de l'industrie de
l'homme, qui portent les caractères du style étrusque ^
Une troisième trouvaille a été faite en Autriche. Il y a
quelques mois, les anthropologistes de Vienne furent mis en
émoi par la découverte d'un squelette humain, trouvé à
Brûx, en Bohême, dans le sable diluvien, à une profondeur
de 4 1/2 pieds et à 3 pieds au dessus du lignite. A 2 pieds
au dessus du squelette, on découvrit une hache en pierre bien
travaillée^. M. Eokitansky déclara que ce crâne était d'un
type inférieur à celui de Neanderthal.
Je dois le moule et le contour de ce crâne à la com-
plaisance de M. Luschan, de Vienne, qui m'a donné aussi
les détails suivants. Le fragment se compose, d'après l'opi-
nion du M. le professeur Langer, du frontal et du pariétal.
Salongueur est de 200 millimètres, sa plus grande largeur, de
120 millimètres. L'indice n'est que de 60 millimètres; mais
la largeur du fragment n'est pas la largeur du crâne, que
Ton peut estimer à 140 millimètres. M. Langer croit que la
synostose de la suture sagittale avait produit la forme
allongée de ce crâne, mais l'ossification des sutures ne doit
pas être regardée comme la seule cause qui détermine la con-
formation des crânes. La suture sagittale a disparu entière-
ment, ainsi que la suture lambdoïde ; la suture coronale est
encore visible, mais la soudure commençait à l'envahir. Le
crâne et les autres parties du squelette portent les traces
d'une profonde altération pathologique; les os du crâne, sur-
* Voyez la discussion sur ce sujet, p. 107.
* Mittheilungeii der anthrop, Gesellschaft in WUn, II, 1872, n^ 1.
— 544 -
tout les pariétaux, paraissent avoir été ramollis et corrodés
par suppuration. Il est impossible de se pronoucer, d'après le
seul aspect du moule, sur la nature de cette affectipn :
M. Langer en fera l'objet d'une étude spéciale. De la lon-
gueur considérable des fémurs, on peut conclure qu'ils
appartiennent & un individu de grande taille. Si j'envisage
le type de ce crftne, je lui trouve une ressemblance générale
avec celui du crâne de Neanderthal et de quelques autres
cr&nes fossiles. L'infériorité typique, quoique prononcée à
différents degrés, que nous constatons aujourd'hui dans
plusieurs cr&nes fossiles découverts sur plusieurs points
de l'Europe, constitue, pour moi, un fait de la plus haute
importance. (PI. 90).
Ces crftnes sont : 1° le crâne de Neanderthal ; 2* le crâne
de Brûx; 3° le crftne trouvé à Forbes' Quarry ', près de
Gibraltar, dans un gisement extrêmement ancien, qui est
remarquable par un front petit et très fuyant, par des arcades
surcilières extrêmement saillantes, par une largeur consi-
dérable des orbites, le prognathisme et la forme simienne de
l'arcade dentaire; 4' le cr&ne d'Eguisheim *, qui, d'après les
recherches de M. Scheurer-Restner, présente une composition
chimique tout à fait conforme à celle des ossements du Mam-
mouth de la même localité ; 5° enfin le crftne du Champ des
Mammouth près de Cannstadt. L'on est surpris de voir com-
bien la conformation de ce dernier crftne est semblable h
celui d'Eguisheim. Il fut trouvé, en 1700, dans un terrain
s de Ciinnstadf , où l'on nvait déterré uiie jjmude quantité
— 545 —
dant démontré que ces débris de Mammouth et de Thomme
ne sont pas de môme âge. L'emploi d'une liqueur chlorhy-
drique diluée dissout entièrement la substance osseuse des
débris de Mammouth, mais, des ossements humains, il reste
une substance gélatineuse et les éléments du tissu sont encore
visibles.
Ces crânes humains fossiles ont une conformation fort
inférieure à celle de la plupart des crânes des cavernes
et des plus anciennes sépultures ; mais le crâne de Neander-
thal n'est surpassé par aucun autre sous le rapport de la bes-
tialité de l'aspect. Les traits communs de ces crânes sont le
peu de hauteur et la profonde dépression du front, la proémi-
nence des arcades surcilières, la largeur de l'espace interor-
bitaire et la forme dolichocéphale. Mon savant collègue,
M. le professeur Virchow, a dernièrement examiné le crâne
et les ossements de Neanderthal et il y trouve des traces
d'une affection morbide ; 'mais quand même ce crâne por-
terait les traces d'une telle affection, c'est à dire, d'une dégé-
nérescence dans la nutrition du tissu osseux, jamais cette
affection n'eût pu produire cette conformation bestiale. Si
l'on scie, comme je l'ai fait, un crâne de Gorille femelle
suivant une ligne horizontale, qui correspond au bord infé-
rieur du crâne de Neanderthal, on est frappé de la ressem-
blance générale de ce crâne humain avec celui d'un singe
anthropomorphe. Il n'y a d'humain dans celui-là que sa
grandeur, que le volume de sa cavité. Sans doute, cette diffé-
rence est d'une importance capitale, mais la seule croissance
du cerveau pouvait la faire naître dans le cours des siècles.
En ce qui concerne l'homme tertiaire, je crois que les
preuves de son existence ne sont pas inattaquables; mais je
répète ce que j'ai dit antérieurement à Copenhague: «Quel-
ques restes humains fossiles, comparés avec d'autres qui se
sont trouvés à côté des espèces d'animaux éteints quater-
naires, montrent une si grande infériorité typique, que l'on
peut conclure qu'ils nous ont conservé un type plus ancien,
- 546 -
le type tertiaire. Je considère comme tel le ciine de Neui-
derthal et la mftchoipe de la Naulette. L'homme et les ani-
maux qui vivaient dans les cavernes et qui y ont laissé leurs
restes, ne peuvent appartenir qu'à l'époque quaternaire, vu
que les cavernes elles-mdmes se sont formées pendant cette
époque; il est toutefois possible que les dépôts des cavernes
renferment des ossements qui sont introduits par les eaux et
provenant de localités tertiaires. Il est en effet certain que
les dépôts des cavernes avec leur contenu sont souvent des
dépôts secondaires. >
Passant à un autre sujet, je présenta un petit instrument
en bois de cerf, provenant de la caverne de Balve, en West-
phalie. Cette forme d'outils est bien rare; je ne l'ai pas
observée dans beaucoup de collections. Cependant, il s'en
trouve un spécimen au Musée de Bruxelles ; il provient de
la caverne de Goyet et il est marqué : < bois de cerf, ayant
servi de lissoir i . M. Nilsaon donne une description et la gra-
vure d'un même instrument trouvé en Schonem, en Suède,
avec cette seule différence qu'il est percé d'un trou pour
servir à le pendre. Je ne crois pas, avec M. Nilsson, que ce
soit un instrument pour travailler la terre — il n'est pas assez
dur pour cela — ; mais il parait très convenable pour détacher
la peau des animaux de chasse. Un silex aurait déchiré la peau
par son tranchant. Un tel instrument est trop simple pour
avoir été un objet de commerce; son identité en différents
pays démontre la migration d'un même peuple de la Suède
— 547 —
nous devons user de prudence, en portant un jugement sur
les différents âges de leurs dépôts. Un observateur conscien-
cieux m'a envoyé le fragment d*une hache en dolomite, qui
fut trouvé dans une crevasse dune colline calcaire, à
Sporke,en Westphalie, parmi des cailloux roulés et des osse-
ments de Rhinocéros. Ces cailloux constituent la même cou-
che que celle que nous avons reconnue hier comme formant
le dépôt le plus profond des cavernes de la Belgique. On
pensait avoir la preuve de la contemporanéité de l'homme
et du Rhinocéros en Westphalie. De petites taches blan-
ches couvraient la surface de cette hache et l'observation
microscopique démontra que ces taches n'étaient pas une
incrustation calcaire, comme on le croyait, mais les restes
d'un Lichen qui couvre tous les rochers de cette montagne ;
or, il est impossible que ce Lichen se soit conservé pendant
des centaines d'années. Cette hache doit s'être introduite plus
tard et peut-être pendant les fouilles, entre les cailloux et les
débris de Rhinocéros, qui ne montrent aucune trace de
Lichen.
L'autre observation a été faite dans la célèbre grotte de
Balve, qui a déjà fourni tant d'ossements fossiles. Il y a quel-
ques mois, le contenu d'une fente de la voûte, que l'on
n'avait pas remarquée auparavant, tomba subitement sur le
fond de la caverne qu'il recouvrit de cailloux roulés et d'os-
sements de Mammouth, de façon que ceux-ci se trouvaient
au dessus des couches qui renferment les débris du Renne et
de rOurs. Un tel événement a pu se répéter plusieurs fois
dans le cours des siècles, de sorte que des débris anciens
peuvent être mêlés à ceux qui sont plus récents ou même
leur être superposés. Le limon qui remplit les cavernes sou-
vent jusqu'à la voûte, peut avoir été introduit, dans beau-
coup de cas, à travers des fentes semblables, par suite de
l'action des eaux. Des cailloux roulés analogues à ceux
des dépôts des cavernes, se trouvent en effet quelquefois
sur les hauteurs, comme je l'ai observé en Westphalie,
- 548 •
près de Grevenbrûck. L'on ne doit, en conséquence, pas
toujours r^Bfder ces dépôts comme formés par les inon-
dations des fleuves. Dans celles des cavernes de la West-
phalie oîi les dépôts se sont formés régulièrement, on
remarque, comme M . Dupont l'a observé en Belgique, que les
débris du Mammouth Bont placés dans les couches les plus
profondes, au dessus desquelles se rencontrent les restes de
l'Hyène, de l'Ours et du Renne.
A ces communications, qui concernent l'étude des temps
préhistoriques, j'ajouterai une observation touchant un point
de l'archéologie des premiers siècles de notre ère. On ne con-
naît pas encore l'origine des belles perles en mosaïque qui
se trouvent si fréquemment dans les tombeaux de la période
franco-romaine. Chose singulière pour l'histoire de l'indus-
trie humaine, la fabrication de ces perles existe encore. On
ne connaissait plus ces bijoux en Europe au moyen fige;
mais, aujourd'hui, ces mêmes perles sont fabriquées à Venise
et on les exporte pour l'Afrique, où elles servent à la parure
des peuples sauvages.
M. Hamy. Appuyant les propositions de If. Schaaffhauaen
en ce qui concerne le crâne de Briix, qu'un honorable corres-
pondant de Vienne lui avait fait connaître, je considère cette
pièce comme intermédiaire entre celle que M. Faudel a trou-
vée en France, è, Eguisheim, et le célèbre crâne de Neander-
thal décrit par MM. Fuhlrott, Schaaffhausen et d'autres
savants.
— 549 —
M. SchaafiThausen, en mentionnant la tête trouvée par
M. Wliitney en Californie, a indiqué vaguement des analo-
gies entre ce crâne et celui des Californiens actuels. Je de-
mande à laquelle des races californiennes ce fossile a été
comparé. Cette question me paraît avoir d autant plus d'im-
portance, quelesethnologistes ont, depuis longtemps, rappro-
ché Tune des races de cette partie de l'Amérique septentrio-
nale de cette même race australienne dont il vient d'être
parlé.
M. DK WuRMBRAND. Le crâuc était-il entier, lorsqu'on la
trouvé, ou bien était-il brisé? M. le professeur Schaaffhausen
a-t-il reconstitué Tautre partie? Cette question a son impor-
tance. Je crois, si mes souvenirs sont exacts, que la partie
frontale de la tête a seule été retrouvée.
M. Schaaffhausen. Non, il n'y a rien d'artificiel dans le
crâne qui est soumis à votre examen.
M. VON DucKEii. La grotte de Balve, en Westphalie, dont
a parlé M. Schaaffhausen, est située dans la vallée même
où je suis né. Depuis trente ans, des os découverts dans
cette grotte ont été envoyés aux Musées de Bonn, de Vienne
et d'autres villes; j'en ai retiré, il y a vingt ans, de la poterie
très primitive, des silex et même des ossements.
Jamais les géologues distingués qui ont examiné ces
ossements, n'y ont mentionné la trace laissée par la main
de l'homme. Aujourd'hui, on a enfin reconnu que la plus
grande partie de ces ossements constitue un véritable kjoek-
kenmoedding préhistorique.
J'ose espérer que le même avenir est réservé au dépôt de
Pikermi, dont j'ai entretenu le Congrès.
Sur les crânes de Furfooz, par M, le docteur G. Lagneau.
Dans notre Europe occidentale, et en particulier en Bel-
gique, dès les temps paléontologiques, dès les temps histo-
riques, il paraît avoir existé au moins deux ou trois races
85
humaines distinctes. Le crftne dolichocéphale d'Engis, au
coronal étroit, peu élevé, qui a été découvert par Scbmerlin^,
eu même temps que des ossements deBhinocéros et d'autrea
espèces quateraaires, diEFëre notablement des cr&nes mésati-
cépbales de Furfooz du l'&ge du Renne, découverts par
M. Dupont.
En outre, la très curieuse mâchoire de la Naulette, voire
même l'une de celles de Goyet, mais à un moindre degré,
diffèrent complètement, par l'absence ou le faible dévelop-
pement des apophyses g^éni et par l'absence de saillie
mentonnière de celles de toutes les races humaines de notre
Occident.
Mais, sans insister davantage sur la diversité et la multi-
plicité des anciens types ethnologiques de la Belgique, je
désire faire quelques remarques sur les restes humaios de
Furfooz.
Les ossements retirés par M. Dupont du trou du Frontal
ont été regardés par M. Priiner-Bey comme provenant d'une
race mongoloïde ', dénomination qui impliquerait des rap-
ports ethnologiques avec les peuples touraniens de l'Europe
orientale et de l'Asie. Quoique cette dénomination de mongo-
loïde ait été acceptée par plusieurs savants anthropologistea,
les caractères ostéologiques me paraissent peu la jus-
tifier.
L'une des têtes osseuses de Furfooz a l'ossature mince.
- 551 —
prognathisme alvéolaire, comme quelques types mongols,
elle oflPre, au contraire, un diamètre bimalaire peu con-
sidérable, un front bien développé, et son crâne, à région
occipitale assez relevée, est également mésaticéphale et n'a
nullement la forme pyramidale.
Quant aux fragments trouvés dans ce même trou du Fron-
tal, fragments dont on apu reconstituer une voûte crânienne,
ils paraissent avoir appartenu à un crâne remarquablement
dolichocéphale. En outre, on peut remarquer que deux
mâchoires inférieures, par leurs grandes proportions, ne
paraissent pouvoir être rapportées qu à des hommes grands
et à forte ossature.
En résumé, il semble donc que les hommes de Furfooz,
vraisemblablement de race déjà assez mêlée, au crâne, soit
mésaticéphale, soit dolichocéphale, mais nullement pyrami-
dal, ne peuvent pas être considérés comme provenant de races,
mongoloïdes ou touraniennes.
Les caractères de cette race, dite mongoloïde, auraient
également été retrouvés par M. Prûner-Bey dans les crânes
recueillis par M. le duc de Luynes et par M. Bourguignat
dans le département du Var, au sud-est de la France, et dans
ceux, d époque beaucoup plus récente, d'un couvent d'An-
necy, recueillis par M. G. de Mortillet^ Ce type serait com-
parable aux crânes figurés et décrits par M. Nicolucci^.
De même que pour les crânes de Furfooz, je n'ai pu recon-
naître un type mongoloïde dans aucun de ces crânes que
j*ai eu l'occasion de voir. Nullement pyramidaux, ils m'ont
paru présenter un front assez développé, ainsi d'ailleurs
que M. Cari Vogt semble lavoir aussi observé chez le type
ligure ^.
Quant à cette dénomination de ligure, appliquée à cer-
» BulL de la Soc. d'Anthrop., t. VI, p. 189.
* LaStirpe ligure in Italia nei tempori antichi e moderni^ 1864. — Bull,
de la Soc. dAnthrop., t. VI, p. 259 et 2« sér., 1. 1, p. 40i).
3 Bull, de la Soc, d*Anthrop„ 2® sér., 1. 1, p. 90, etc.
— 552 -
tains crânes -de l'Italie, du sud-est de la France e
Belgique, est-elie plus justifiée?
Sous le rapport oatéologique, les anciens crânes re
dans le sud-est de la France, voire cei-taios ha
actuels de cette région paraissant présenter le mén:
crânien, semblent offrir une tête plus brach3'céphal
globuleuse que les mésaticéphales de Furfooz, dans le
d'ailleurs, je serais disposée voir également les asce
de certains habitants actuels de la région si sava
explorée par M. Dupont.
Sous le rapport ethnologique, je sais que plusieurs
graphes Moke ', M. le général Eenard *, Wave^, Prie
ont admis comme vraisemblable la présence des Lig-un
le nord-est de l'Europe. Le professeur Moke rattaeh
peuple, les Logres ou Loegpys, anciens habitants de;
de la Tamise. Prichard croit voir, dans raucieune déni
tion de la Loire, Liger, Ligyros ou plus exactement \t
le souvenir de cet ancien peuple. Enfin, MM. Roge
Belloguet rapportent, à cette race ligure, une grande
de la population de la France^. Sans insister ici au
opinion qui, outre certains passages de Denys le Péri
et deTacite'',surla présence des Ibères dans les Ues Br:
ques, trouve son principal appui danslepassage de Fastu
nus, nous montrant les Ligures chassés par les Celtes di
nage des lies Aatrynmides ^, actuellement les îles Sorli
origines gauloises, germaniques
— 553 —
on peut dire que, relativement à la Belgique, jusqu'à présent
aucun document historique n y signale la présence ancienne
des Ligures.
De nouvelles études ostéologiques des anciennes popu-
lations, Tétude anthropologique des populations actuelles
viendront-elles confirmer le rapprochement ethnologique
indiqué par M. Prûner-Bey, entre certains anciens peu-
ples de la Belgique et ceux de la Ligurie, du littoral médi-
terranéen? C'est ce que l'avenir nous apprendra.
M. Hamy expose succinctement les résultats de ses études
sur les races quaternaires de la Belgique. Dans ce pays,
comme en France, il reconnaît, au milieu des restes humains
fossiles recueillis avec tant de zèle par Schmerling,
par Crahay, par MM. Dupont et Malaise, trois races bien
distinctes.
La première et la plus ancienne, celle dont le prototype,
le célèbre crâne de Neanderthal, a suscité tant de contro-
verses et tant d'interprétations si différentes, lui paraît,
comme à M. Schaaffhausen, représentée par la mâchoire
de la Naulette, près de laquelle se place le numéro 1 de
Goyet.
M. Hamy avait adopté, en 1870, au sujet de cette remar-
quable pièce, la théorie si habilement développée par M. Du-
pont, en 1866, dans une note à l'Académie royale de Bel-
gique, suivant laquelle ce maxillaire étrange se rattacherait,
par des formes intermédiaires, à l'une des formes de Furfooz.
Trompé, comme l'honorable Secrétaire général du Congrès,
par des ressemblances de détail, l'orateur avait regardé la
mâchoire de la Naulette comme l'exagération d'un des
types mandibulaires de l'âge du Renne en Belgique.
De nouvelles recherches faites sur un fort grand nombre
de pièces jusqu'à présent négligées dans la comparaison des
races primitives de l'Europe, le portent aujourd'hui à consi-
dérer, au contraire, les maxillaires inférieurs de Tâge du
Renne et de la période néolithique, etc., qui reproduisent par-
tiellement les caractères de la mâchoire de la Naal
comme des pièces ataviques, que l'on rencontre de ci <
dans les grandes séries de têtes européennes, où se retrou
disséminés et confondus tous les types ethnologiques
se sont succédé dans nos contrées depuis les temps paléc
logiques.
Une deuxième race, celle qui peuple le Centre et le I
de la France pendant la période de transition qui relie 1
du Mammouth à celui du Benne (déhris humains de Cro
gnon, Bruniquel, Menton, Âurignac en partie, la M
leine, Montrejeau, Parîa-Grenelle) , se retrouve enBelg
dans les pièces d'Engis (Schmerling), d'Engihoul (Sch:
ling, Malaise), de Goyet N° 2 (Dupont).
Le maxillaire inférieur de Smeermass, près Maestr
(Crahay), rentre dans le même type, auquel, suiv
M. Broca, appartiendrait même un crâne de Furfooz, <
M. Pruner-Bey ne parait pas avoir tenu un compte suffi
dans la description des pièces du trou du Frontal. On
que les résultats auxquels M, Hamy est arrivé par l'an
mie, confirment ceux que l'archéologie préhistorique a
donnés à M. Dupont. Notre savant Secrétaire général pi
en effet, l'âge d'Engis sur le même rang que Montai
équivalent belge de Cro Magnon, etc. L'anatomie peut dén
trer l'identité des débris osseux des deux localités : argun
ethnologique très puissant en faveur de la sûreté des à
ordres de diagnoses.
d. Hamy ne s'arrête pas aux débris de la traisième i
— 555 —
de passer en revue. Il a été frappé, comme son honorable
collègue, de retrouver dans la vallée de la Lesse quelques
individus rappelant, par leurs traits, les troglodytes du trou
du Frontal, comme il avait déjà été vivement impressionné
de la vue de certains habitants du Hainaut reproduisant
d'une façon surprenante les traits de la race neanderthalienne.
M. Hamy, à Tappui de cette dernière assertion, fait circuler
dans l'Assemblée le profil d'une batelière des environs de
Mons, peint pour lui par M. Roujou et qui reproduit tout à
fait les contours osseux de la première des races humaines
dont il a parlé, et les caractères extérieurs (peau brune, mu-
queuses foncées, cheveux très abondants, ondulés et plantés
très bas, yeux noirs, etc.) des races des Vindhyas, ou de
certaines parties de la côte australienne.
M. Dupont. Les crânes découverts dans le trou du Frontal,
à Furfooz, ont été particulièrement étudiés par M. Prûner-
Bey. n s'est livré à ce sujet à des recherches considérables,
connues de tous les anthropologistes. La description détaillée
et les mensurations des ossements ont paru dans les pu-
blications de l'Académie royale de Belgique ^, et les ré-
sultats ethniques de ses études ont été exposés au Congrès
de 18672.
M. Prûner-Bey a reconnu que ces crânes sont mésaticé-
phales : celui qu'il considère comme appartenant à un jeune
homme (crâne N° 1, PL 74, fig. 1 a, b, c) a pour indice cé-
phalique811,etlecrâne, considéré comme celui d'une femme,
813 (crâne N° 2, PI. 74, fig. 2 a, b). Il a observé que le dia-
mètre bimalaire est élargi, notamment dans le premier; que
les orbites sont dirigés un peu en dehors. Les mensurations
de la plupart des éléments crâuiologiques, relevées dans le
sens horizontal, concordent d'une manière frappante.
Mais, h côté de ces ressemblances, se trouvent des con-
1 Mémoires in-8° de TAcadémie royale des Sciences, des Lettres et des
Beaux- Arts do Belgique, 18G7.
2 Cowpte rendu de la deuxième session du Congrès international dan-
thropologie et d'archéologie préhistoriques, p. 345.
— 556 -
trastes qu'on peut définir ainsi : le diamètre vertical du crftne
N" 1 est de 125; celui du cr&ne N" 2 est de 140. L'un est
donc platycéphale et l'autre, acrocéphale. Le premierale front
fuyant; le second a le front relevé. Le N" 1 est orthognathe;
le N" 2 est prognathe. Enfin le fragment de mâchoire infé-
rieure, rapporté au premier, a le menton pointu ; il est plus
large et un peu carré dans le second. La partie supérieure
ducr&ne est régulièrement arquée dans l'un; elle est sensible-
ment aplatie en avant dans l'autre. L'occiput est proéminent
dîins le premier crâne; il est aplati dans le second.
Les ressemblances l'emportent-elles sur les contrastes?
Certes, si l'on accorde aux mensurations une valeur prépon-
dérante, les points communs sont dans ces deux cr&nes plus
nombreux que les divergences, et dès lors on conclura h des
affinités intimes entre eux. Si l'on donne, au contraire, plus
d'importance aux caractères purement morphologiques, ces
restes doivent être considérés comme très différents et h
peine susceptibles de quelques rapprochements d'ordre se-
condaire.
Ces deux points de vue conduisent donc à des opinions
opposées, et, du désaccord entre ces données obtenues par
des méthodes différentes, il ne pouvait naître que des conclu-
sions tout h fait contraires. M, Prùuer-Bey a été frappé de?
similitudes que lui ont principalement révélées les mensura-
tions; il a donc été porté à voir une seule race dans ces deux
crânes et à n'accorder aux contrastes qu'une moindre impor-
tance, celle de caractères individuels. M. P. J. Van Beneden,
— 557 —
suggérèrent entre les populations de Tâge du Eenne dans la
vallée de la Lesse et les populations allophyles du rameau
mongolique. L'illustre maître trouvait la confirmation de
ses vues dans les crânes découverts par M. de Ferry, à
Solutré^
En 1866, M. de Quatrefages reçut de Saint Pétersbourg
trois crânes d'Estlioniens et y reconnut des analogies sé-
rieuses avec les crânes de Furfooz*. Il voulut bien me per-
mettre de les examiner. Les mêmes analogies me frappèrent
également. Ces observations étaient donc dans le sens des
affinités annoncées par M. Priiner-Bey et tendaient, de leur
côté, à rendre très légitime le nom de Mongoloïdes qu'il avait
donné aux peuplades mésaticéphales de Tâge du Benne.
Ainsi ai-je cru devoir partager l'opinion d'une étroite parenté
entre la peuplade de Furfooz et les races allophyles, parti-
culièrement les populations esthoniennes^.
M. de Quatrefages m'a communiqué, avec sa bienveillance
habituelle, les crânes esthoniens sur lesquels les comparai-
sons avaient porté et s'est empressé de m'autoriser à les faire
figurer dans l'Atlas de notre Compte rendu. Il les a accom-
pagnés de mensurations relevées par M. Hamy.
La planche 74 représente les deux crânes de Furfooz, de
manière à indiquer les analogies et les contrastes déformes.
Les contrastes l'empoi^tent de beaucoup, à ce point de vue,
sur les analogies. Mais si nous cherchons à définir ces crânes
par des mensurations, ces contrastes font place à des simili-
tudes qui dénoteraient un môme type. Le tableau complet a
été, ainsi qu'il a été dit plus haut, publié en 1867.
1 Compte rendu du Congrès de i867, loc. cit., ei Le Maçonnais préhis-
torique, ouvrage posthume, do H. de F'erry, avec notes, etc., par M. Akce-
LiN, et un supplément anthropologique, par M. PrOner-Bey.
* Bulletins de la Société anthropologique de Paris, t. I, p. 284, 1866, et
Rapport sur les progrès de V anthropologie, p. 260, 1867.
3 L Homme pendant les âges de la pierre dans les enviro7is de Dinant
sur Meuse, 'Z'^ éd., p. 141.
— 558 -
Voici quelques unes des doDDées principales :
CRANES DE FURFOOZ [mensuTatioDS de M. Pruner-Bey).
Crtoa N- I. Crtoa FI- t.
Diamètre antéro-postërieur . . . 175 17â
— transverse 142 150
— vertical 125 140
Indice de largeur 811 813
— de hauteur 704 813
La planche 75 représente, à son tour, deux des cr&nes
esthoniens, dont je dois la communication à U, de Quatre-
fages. On peut comparer le cr&ne ûg. 1 a, b, c, au crâne
N* 1 de Furfooz, et le cr&ne de Parma (fig. 2 a, b, c) au
crtae N*2.
Voici leurs mensurations, d'après les opérations de
M. Hamy,
CRANES ESTHONIENS (PI. 75).
Crlue d'DD uclen Crlna d« Ptnu
Wmb8Hl(Bg.l.,»,t). (Og.ï-.*.!).
Diamètre antëro-postérieur . . . 181 181
— transverae 147 149
— vertical 136 132
Indice de largeur 812 823
— de hauteur 751 729
Ainsi l'on observe, lorsque l'examen porte sur leurs di-
mensions, de sérieuses analogies entre ces quatre crânes, qui
sont, deux à deux, de localités et d'époques très différentes,
tandisquedes dissemblances, souvent considérables, s'y mani-
— 559 -
logique; mais, en réalité, ce n'est pas sur ses données seules
qu'on peut espérer voir reposer une science qui — les discus-
sions de cette session le témoignent assez — en est encore à
chercher sa véritable voie.
Plusieurs de nos confrères ont remarqué, parmi les osse-
ments humains du trou du Frontal, un crâne qui a été res-
tauré il y a quelques mois, et dont la partie supérieure
manque malheureusement. L'indice céphalique ne peut y être
relevé, mais on reconnaît, à première vue, que le crâne est
très dolichocéphale et diffère, sous plusieurs, autres rapports,
des crânes N°' 1 et 2 de la même caverne. Ce serait l'indi-
cation que les types étaient déjà mêlés pendant Tâge du
Renne dans la vallée de la Lesse, comme M. Van Beneden
avait déjà cru pouvoir le déduire, en 1865, de l'examen de
ces deux crânes ^
1 On se rappelle sans doute la calotte crânienne découverte dans le trou
Rosette, à Furfooz (Môm. in-S*» de TAcadémie royale de Belgique, loc.
cit). Elle a été décrite en m^^me temps que les crânes du trou du Frontal.
Son volume est considérable; son indice céphalique est approximativement
de 180/155 = 861. Elle a été considérée comme indiquant un cas patholo-
gique tenant de l'hydrocéphalie. La découverte de M. Arnould à Sclai-
gneaux (p. 370) nous fournit une autre interprétation. Les crânes de
Sclaigneaux ont été découverts dans une caverne sépulcrale de Tâge de
la pierre polie. On y remarque deux formes bien distinctes. Le sommet
de quelques crânes présente un bombement régulier; le front est plus
fuyant et les bosses pariétales, plus rejetées en avant, sont normalement
développées (PI. 86, fig. 2 a, 6 et fig. 3). La protubérance pariétale est
surtout atténuée dans le crâne flg. 2 ; aussi son indice céphalique n'est-il
environ que de 780 (Le côté gauche du crâne est incomplet). Les orbites
sont beaucoup moins grands et sont un peu tournés en dehors. Le
crâne flg. 3 est très brachycéphale (indice céphalique 862) ; les bosses
pariétales sont plus accusées et le front moins fuyant.
La plupart des autres crânes sont aussi nettement brachycéphales.
L'indice céphalique du crâne flg 1. a. 6, c = 877 ; celui du crâne flg. 4 =
848. Mais ici le sommet a subi un aplatissement très sensible; le front est
relevé ; les bosses pariétales sont rejetées en arriére et très prononcées ;
le crâne est comme écrasé sur un plan passant par les arcades surciliéres
et la jonction des sutures sagittale et lambdoïde (fig. 1). Ce sont là les
signes d'une déformation artificielle pendant la vie.
Ce cas, qui affecta presque tous les nombreux fragments de crânes
— 560 —
M. ViBCHOW. Je n'îii pu examiner qu'aujourd'hui les
cr&nes de Purfooz. II m'a donc été impossible de me préparer
longuement à la disctission qui est ouverte en ce moment.
Néanmoins, je ne puia m' empocher d'intervenir dans le débat.
Je m'associe pleinement h l'opinion de M. L&gne&n.
Comme lui, je pense qu'il est nécessaire de comparer ces
cr&nes avec ceux des populations actuelles. Aussi doit-on
regretter qu'on n'ait encore rassemblé à Bruxelles qu'une
très faible collection de crânes modernes. Pour me livrer
aux études nécessaires, je n'ai trouvé k ma disposition
qu'une série de cr&nes de criminels, exécuta dans les cin-
quante dernières années. Cette collection est possédée par
l'Université de Bruxelles etprésenta beaucoup d'intérêt. Elle
porte les indications de l'&ge, ainsi que du lieu et de la
date de naissance : indications qui sont très précieuses. ïies
cr&nes j sont accompagnés des moules de la physionomie,
pris après la mort. La comparaison de ces derniers avec les
cr&nes correspondants est fort instructive et donne des ré-
sultats surprenants.
recueillis A Sclaigneaox, se répète dans les fragments de crânes que
viennent de fournir deux autres cavités sépulcrales de même Age, décou-
vertes dans les environs de Dinant [p. 476).
Ce sont ces caractères de déformation artiUciello qu'on peut reconnaître
dans le crâne du trou Rosette, où les fouillea n'ont peut-étro pas été faites
avec assez de précision pour iju'on puisse affirmer la position stratîgra-
pbique de tous les restes qu'il contenait, ainsi que le noD-mèlange des
débris de l'âge de la pierre polio pendant l'exploration.
Quoiqu'il en soit, nous constatons que des indices d'une modidcation
— 561 —
Plusieurs crânes de cette collection ont une grande res-
remblance avec ceux de Furfooz.
Avant d'approfondir cette comparaison, je désire signaler
un principe qu'il ne faut pas perdre de vue, lorsqu'on discute
l'origine des races. Lorsque la généralisation n'est basée
que sur une seule pièce il est aisé de formuler des carac-
tères; mais quand le nombre des pièces devient plus con-
sidérable, des différences s'observent et la difficulté com-
mence.
En présence de plusieurs pièces, de plusieurs mâchoires,
par exemple, il est nécessaire de rechercher quels sont les
caractères typiques. Tel est le cas pour les mâchoires de la
caverne de Furfooz réunies par M. Dupont, qui diffèrent
notablement les unes des autres.
J ai fait remarquer ce fait à plusieurs de mes confrères
qui visitaient ce matin le Musée en même temps que moi.
Ils ont également constaté qu'il existe entre ces mâchoires
des différences considérables. Tandis que quelques-unes ne
montrent aucune trace de prognathisme, d'autres offrent un
prognathisme bien accusé. Le menton est tantôt pointu,
tantôt arrondi. Les deux moitiés de la mâchoire se rencon-
trent quelquefois sous un angle très aigu; d'autres fois,
sous une courbe à grand rayon. L'on doit se demander
quelle est ici la mâchoire typique?
En comparant ces différentes pièces à celles de la collec-
tion de l'Université de Bruxelles, on constate une grande
analogie. J'ai particulièrement observé un prognathisme très
frappant dans certains de ces crânes, et il me paraît remar-
quable que les crânes les plus prognathes sont des crânes
flamands, tandis que les crânes wallons ont un tout autre
type. Mais , même entre les crânes flamands, il existe des
différences assez fortes et les caractères extrêmes pourraient
être considérés comme mongoloïdes. En présence du petit
nombre des crânes,- ces différences sont difficiles à for-
muler. Il en est cependant quelques-uns qui permettent une
— 562 -
espèce de démonstratioD. Je choisirai trois mesures : 1" L'in-
dice céphalique; 2° la distance de la racine du nez au bord
antérieur du trou occipital (longueur de la base du cr&ne) ;
3° la distance de Tépine nasale inférieure au même point.
En mesurant trois crânes flamands, je trouve les nombres
suivants :
Van den Bosch ,
74,4
98
98
78,6
101
95
79,1
103
92
£n présence de ces mesures, on conviendra qu'il est dif-
ficile de choisir la forme typique.
Il exista aujourd'hui une certaine tendance à la comparai-
son des crinea préhistoriques avec ceux des races infé-
rieures. Cette tendance est sans doute logique; mais ici
encore il imporie de se mettre en garde contre de graves
préjugés. En général, on croit que la capacité du ciAne
donne la mesure certaine du développement du cerveau et
des facultés psychiques. Cependant la valeur de cette déduc-
tion est trèa douteuse.
Dernièrement la Société anthropologique de Berlin reçut
deux cr&nes provenant de fouilles faites à Athènes dans des
circonstances qui fournirent des données historiques bien
déterminées. Un tombeau qu'on découvrit, contenait une
inscription mentionnant le nom (rXuxepa) de la personne
inhumée, et l'on pouvait déterminer parfaitement, à l'eiide
— 563 —
aujourd'hui comme insuffisante pour donner un dévelop-
pement psychique nonnal. Sous ce rapport, il présente beau-
coup d'analogie avec les crânes des sauvages actuels delà
Nouvelle Hollande. Sa capacité n'est que de 11 50 centimètres
cubes. Le crâne masculin est un peu plus volumineux; il
jauge 1280 centimètres cubes; mais cette capacité est elle-
même en dessous du chiffre typique des races modernes de
l'Europe.
Si l'on examine les ossements de la femme, on y remarque
plusieurs caractères considérés comme typiques de la race
mongoloïde. Le tibia et le fémur sont très aplatis. Cette
femme ne peut néanmoins être considérée comme anomale,
car l'homme partageait avec elle plusieurs de ces traits. Sa
stature était peu élevée. En généralisant d'après ces données,
on devrait conclure que le peuple grec de l'époque macédo-
nienne était de petite taille et d'un développement inférieur.
Si l'un de ces individus avait été rencontré à Furfooz, il
aurait pu être considéré comme appartenant à quelque race
inférieure, telle que la soi-disant race mongoloïde. Mais il
me semble inadmissible que ces individus appartiennent à
une race inférieure. Ils étaient en effet inhumés au milieu
d'objets très précieux et dans un endroit très distingué de la
ville. Du reste, le crâne de c Glycera » porte beaucoup de
traits de beauté et tout nous autorise à croire que cette femme
n'appartenait pas à une peuplade étrangère. Dans le cas
actuel, il est donc évident que, pour établir notre opinion sur
les peuples qui habitaient la Grèce à l'époque de ces sépul-
tures, nous ne pouvons nous baser uniquement sur les restes
de ces deux individus, et que nous ne pouvons en tirer des
conclusions générales sur l'origine des peuples qui vécurent
jadis dans ce pays.
Les mêmes considérations s'appliquent aux races préhis-
toriques. Un ou deux crânes ne suffisent point pour établir
avec certitude les caractères d'une race semblable. Il importe
que les recherches soient faites sur une plus grande échelle;
que des collections plus étendues soient réunies et alors
seulement la question pourra être discutée avec fruit et avec
succès.
A mon avis, dans l'étude des crânes préhistoriques , on
doit s'attacher avant tout à rechercher et à établir la relation
existant entre les populations actuelles et les restes des an-
ciennes populations qui ont habité le même territoire. Dans
le cas seulement où les types ne se correspondent pas, il
faut pousser ses recherches plus loin et comparer les indivi-
dus fossiles avec les peuples plus éloignés.
Au Congrès récent de Stuttgart, la même question a été
discutée dans ses rapports avec l'Allemagne et l'on a prouvé
également que, dans toutes les parties de l'AUemag'ne, il y
avait deux types parfaitement distincts : un type dolichocé-
phale et un type brachycéphale. C'est le type brachycéphale
qui domine principalement dans les parties méridionales. Il
en est de même en Italie. On n'a pas encore établi d'une
manière décisive lequel de ces deux types est supérieur k
l'autre. Quant àmoi, je regarde le type brachycéphale comme
le plus favorable au développement du cerveau, et je consi-
dère comme une grave erreur d'assimiler les peuples & tête
courte aux races arriérées.
M. Laqnbau. Ainsi que M. Virchow, je pense que pour
déterminer les caractères ethnologiques d'une race, il ne
suffit pas de quelques crânes comme ceux retirés du trou
du Frontal, ni comme les quelques crânes esthoniens,
■ h
- 565 —
en losange de la face, au diamètre bimalaire considérable, et
par la forme pyramidale du crâne.
Tandis que, chez certains habitants actuels des bords de la
Lesse, M. Haray et moi remarquions la même conformation
céphalique que sur les crânes du trou du Frontal, je vois
que M. Virchow retrouvait également, dans certains crânes
flamands de l'époque actuelle, cette même conformation,
accompagnée aussi d'un léger prognathisme.
A propos des rapports ethnologiques de ces Flamands avec
la race germanique, M. Virchow fait remarquer que la plu-
part des Allemands du Midi sont brachycéphales. Semblable
remarque a déjà été faite par de nombreux observateurs,
entre autres par MM. Prïmer-Bey, de JouvenceP, His, Broca*.
Pareillement, môme dans l'Allemagne du Nord, bon nombre
d'habitants ont les cheveux de couleur foncée, comme le
remarque M. Prichard^, comme M. Mayer met à même de le
reconnaître statistiquement*. Les brachycéphales à la che-
velure de couleur foncée ne sont certes pas les descendants
des Germains, qui, selon Tacite, constituaient une race pure
de tout croisement étranger, remarquablement uniforme,
caractérisée par des yeux bleus et farouches, des cheveux
roux, de grands corps, une grande impétuosité^.
La faible proportion des Allemands présentant actuelle-
ment le véritable type germain, des Allemands de race véri-
* Bull, de la Soc, dAnthrop. de Paris, t. II, p. 649 et 2« série, t. II,
p. 14.
* Congrès intern. d'Anthrop. de Paris en 4867, p. 374, 1868.
^ Hist. naturelle de Vhomme, t. I, p. 266, trad. de Roulin. Paris, 1843.
* Louis Mayer, dans son Exposé statistique de la menstruation dans
V Allemagne septentrionale et centrale^ parle de 1470 flUes brunes et de
1941 tilles blondes. {Congrès médical iyitemational de Paris en 4867, p.
212, 1868.)
• ^ Germanise populos nuUis aliis aliarum nationum connubiis infectos,
propriam, et sincerara, et tantûm sui similem gentem exstitisse arbitran-
tur. Undé habitus quoque corporum, quanquam in tante hominum numé-
ro, idem omnibus : truces et cœrulei oculi, rutilse comse, magna corpora,
et tantùm ad impetum valida... Taoitus, De Mar, Germ., IV.
36
\
- 566 -
tablement germanique, peut d'ailleurs, en partie, s'expliquer
par les nombreux peuples qui, à des époques plus ou moins
reculées, concoururent k la formation de la population alle-
mande actuelle.
Non seulement Hérodote' et Dion Cassius* nous montrent
les Celtes habitant auprès de la source du Danube et sur la
rive orientale du Ehin aussi bien que sur la rive occidentale;
mais aussi plusieurs auteurs nous signalent des migrations
de peuples des Gaules en Germanie. ïl suffit ici de rappeler
les migrations des Boïes, des Helvètes, des Tectosag-es. Tacite
parle des Helvètes et des Boïes, qui, sortis de notre pays,
aUèrent se fixer, les premiers, entre la forêt Hercynienne, le
Rhin et le Mein, bien au Nord de la région qu'ils occupent
actuellement; les seconds, plus loin, dans la région qui
depuis a conservé le nom de Bohême, Boio-hemum, Boïes-
beim, Bôhmen, demeure des Boïes^. Plus au midi, les noms
de Soioaria, la Bavière actuelle et de Boiodurum, actuelle-
ment Innstadt, faubourg de Passau, rappellent encore éga-
lement la présence de Boïes dans cette région.
Pareillement César nous montre les Volces tectosages,
anciens habitants des environs de Toulouse, envoyant au
delà du Rhin une partie de leur population, devenue trop
nombreuse, pour aller occuper des terres très fertiles auprès
de la forôt Hercynienne' .
— 567 —
Sut les crânes des cavernes de Chauvaux, de Sclaigneaux, etc.,
par M. R. Virchow.
(Co texte, rédigé par le Secrétariat, a été soumis à M. Virchow, avant
l'impression.)
L'excursion à Namur m'a permis d'étudier une série de
crânes dont quelques uns présentent des faits nouveaux
et d'un grand intérêt. Ces crânes proviennent de Chauvaux,
de Marche les Dames , de Sclaigneaux et du Trou Madame,
à Bouvignes.
Crâne de Cliav/oatix. Je mentionnerai d'abord celui trouvé
par M. Soreil, à Chauvaux. Ce crâne est le plus dolichocé-
phale qui ait été jusqu'ici trouvé en Europe. Sa mensuration
donne les chiffres suivants, mis en regard de ceux fournis
par les crânes de Furfooz.
Indice cèphallque. Indice de hauteur.
Crâne de Chauvaux . . 71 .8 71 .8
Crânes de Furfooz
81.8 71.5
81.3 79.1
Le crâne de Chauvaux ne trouverait pas son analogue chez
les habitants actuels de la Belgique. Ceux de Furfooz, au
contraire, se rapprochent des crânes modernes. Un crâne,
appartenant à la collection de l'Université de Bruxelles, rap-
pelle entièrement celui de l'adolescent, et, dans la même
collection, une série de crânes, de plus en plus brachycépha-
les, conduisent à celui de la femme.
La caverne de Chauvaux est celle où Spring avait cru
reconnaître des indices de cannibalisme. Après les nouvelles
découvertes de M. Soreil, cette opinion devient insoutena-
ble. Les squelettes étaient dans une position qui indique une
sépulture régulière.
Crânes de Marche les Dames. L'indice de hauteur de ces
cr&nea reste en dessous de celui de la femme de Furfoo». Us
fouroisseat les nombres suivants :
IndidS cApbtllqn*. lodlca de hantenr.
79.4 73.9
82.4 73.1
Cr&MS de Sclaigneaux. Ces crines sont brachycéphales.
Deux d'entre eux ont offert :
lodlca oipluUqna. lodLcs ds hanlaar.
81.6 70.6
88.1 73.7
Crâ/M du Trou Madame, à Boutignes. La mensuration de
ce crâne a donné :
Indice eépballqoe. iDdjce de hanleur.
75.9 71.8
Les nombres précédents diffèrent trop chez une même peu-
plade pour que nous puissions y voir des caractères de race.
Ils représentent des variations purement individuelles et l'on
sait que ces variations peuvent s'étendre à l'iuSoi.
Les variations individuelles ont été attribuées à l'atavisme.
Conformément è. cette interprétation, il aurait existé, à l'ori-
gine, un grand nombre de races différentes, et leur mélange
aurait produit les peuples actuels, dont les individus ten-
draient & Reproduire les traita caractéristiques des races pre-
— 569 —
Sur V ethnologie de la Belgique ^ par M. L.Vander Kindere.
L'ethnologie de la Belgique, c'est à dire, l'étude scienti-
fique des populations qui, actuellement, habitent notre pays,
a été jusqu'à ce jour fort négligée. On s'est borné généra-
lement à rassembler les passages dans lesquels César, Tacite,
Strabon, Pline, etc., parlent de nos ancêtres, et, comme
ces passages sont assez obscurs, quelquefois contradictoires
et toujours insuffisants, on a pu discuter sur eux à perte de
vue, sans arriver à des conclusions définitives.
Cependant, l'ethnologie s'appuie sur d'autres témoignages
que ceux de l'histoire : la philologie lui prête un secours puis-
sant par l'interprétation des noms de lieux, qui sont comme
l'empreinte fixée sur le sol par ses occupants successifs ; enfin,
l'étude anthropologique directe, l'observation de l'homme
lui-même, de sa taille, de la conformation du visage et du
crâne, de la couleur des yeux et des cheveux, est la vérita-
ble pierre de touche qui permet de reconnaître les divers
éléments d'une population mélangée.
J'ai cherché, en m'appuyant sur l'exemple autorisé de ce
que le savant M. Broca a fait pour la France, à réunir en
un faisceau, pour la Belgique, les données multiples du pro-
blème, n me serait impossible de présenter ici dans tous leurs
développements les résultats auxquels cette étude m'a con-
duit, mais j'essayerai de les résumer brièvement, en ren-
voyant pour les détails et pour les preuves à mes Recherches
sur Vethnologie de la Belgique (Bruxelles 1872).
Chacun sait que deux langues, le flamand et le wallon,
sont parlées dans notre pays. On peut affirmer qu'à ces deux
idiomes distincts , correspondent deux groupes ethniques,
distincts aussi par leur origine. Les Wallons ont pour souche
les anciens Belges, Belga de César, c'est à dire, un rameau
celtique ; les Flamands sont les descendants des conquérants
germaniques. Les premiers ont réussi à se maintenir dans
les régions de la Belgique moyenne et de la Haute Belgique,
- 570 -
où ils avaient fondé depuis longtemps des établissements
solides ; ils ont été balayés, au contraire, de la Basse Belgique,
ouverte de tous côtés aux envahisseurs, et où le sol ingrat
ne leur avait pas permis en quelque sorte de jeter de pro-
fondes racines.
Mais, ou ne l'ignore pas, Celtes et Germains sont frères;
les uns et les autres appartiennent au rameau aryen; leurs
langues mêmes sont étroitement alliées, et, quant à leur type
physique, les auteurs anciens sont d'accord pour nous les
représenter tous deux comme blonds et d'une taille élevée.
Aujourd'hui encore, ce sont là les traits qui prédominent
là où la race est à peu près pure, et généralement les yeux
y sont bleus ou au moins de couleur claire.
Toutefois, une observation attentive fait découvrir quel-
ques particularités propres à chacune de ces deux branches
et qui peuvent servir à les distinguer. C'est ainsi que les
Wallons blonds sont généralement dolichocéphales, avec le
visage allongé et anguleux; leur taille est celle des Fran-
çais du Nord, d'origine belgt, comme eux. C'est ce que
prouvent les chiffres fournis par la statistique et basés sur
la mensuration des conscrits. Nulle part, en effet, la taille
n'est aussi élevée que dans les régions celtiques des provinces
de Namuret de Luxembourg.
Sur 1,000 conscrits, pendant la période 1851-1860,
82 seulement dans la province de Namur, 93 dans le Luxem-
bourg, n'atteignaient pas l^SÔl.
Lea Flamande, au contraire, surtout ceux dea deux Flan-
— 571 —
On peut se demander cependant avec doute si les Ger-
mains primitifs étaient moins grands que les Celtes, ou s'il
faut songer ici à un mélange avec des races allophyles. Ce
qui semblerait militer en faveur de cette hypothèse, ce sont les
dispositions au prognathisme que j'ai remarquées souvent
parmi nos blonds, et dont le savant professeur de Berlin,
M. Virchow, vient encore de nous fournir la preuve dans sa
communication sur les crânes de quelques criminels.
Parlerai-je à cette occasion des Mongoloïdes, qui font tant
de bruit aujourd'hui? Cette question délicate me paraît
encore insoluble.
Mais, à côté des blonds d'origine non aryenne, la popula-
tion belge possède un deuxième élément préhistorique très
considérable, ce sont les Ligures, c'est à dire, les hommes aux
cheveux et aux yeux noirs, dont la tète est généralement
arrondie et la taille moins élevée que celle des races aryennes.
On se demandait tout à l'heure ce qui pouvait autoriser à
signaler des Ligures dans notre pays. Sans doute, nous ne
possédons aucun témoignage historique qui atteste leur pré-
sence ; il n'y a pas, à ma connaissance, un seul auteur ancien
qui en fasse mention sur notre sol. Mais mon attention a été
attirée par un document qui prouve , d'une manière irréfu-
table, qu'au moyen âge encore, on ne considérait pas les
noirs en Flandre comme de véritables Flamands. Ce docu-
ment, c'est une légende, la vie de Sainte Godelive, insérée
Sans les Acta Sanctoncm (6 juillet), et dont le caractère
même prouve Tancienneté.
Godelive était née dans le Boulonnais; elle était d'une
beauté remarquable, et le seul, reproche qu'on pût lui faire,
dit son biographe, c'est qu'elle avait les yeux et les cheveux
noirs « Nisi quod fortassis maligni homines in ea vituperare
potuerint nigros capillos et ejiisdem coloris supercilia ».
Malgré ces imperfections , un jeune homme de Ghistelles,
dans la Flandre occidentale, s'éprend d'elle et l'épouse; mais
quand il la ramène chez lui et qu'il la présente à sa mère,
celle-ci s'indig^ne d'une pareille alliance et la reproche sévè-
rement k son fils. Pourquoi, lui dit-elle, es-tu allé chercher
une corneille 8ur la terre étrangère, et comment oses-tu, eu
épousant cette fîlle noire, souiller ton antique race genns-
nique € alti tui sanguinis fœdare natalia • ?
On voit, k n'en pas douter, qu'à l'époque où se forma cette
légende, c'est k dire, avant la fin du XI' siècle, on avait
parfaitement conscience en Flandre de la différence d'origine
des blonds et des noirs, et que, pour la race des conquérants
germains, l'alliance avec les aborigènes aux cheveux som-
bres n'était pas considérée comme honorable.
Maintenant, avons-nous le droit d'appeler ces aborigènes
des Ligures? Peut-être, puisque c'est là le nom que l'on
donne aujourd'hui, non seulement aux populations noires du
nord de l'Italie, mais encore à celles de la France et même
des Iles Britanniques.
En résumé, on est amené k distinguer en Belgique les
groupes suivants :
A. Artems. — 1' Celtes : la plus grande partie des
Wallons.
2" Germains : la plus grande partie des
Flamands.
n va de soi que ces deux groupes se
sont fréquemment mêlés entre eux.
£. Non-Aeykns. — 3° Les Meîanochroi de Huxley, qu'on'
les appelle Atlantes avec beaucoup
— 573 —
C'est sur ces derniers éléments surtout que devront porter
les recherches ultérieures, mais pour résoudre d'une manière
définitive les difficiles problèmes de nos origines ethniques,
il faudra que l'on ait recours à un procédé fort négligé jus-
qu'ici en Belgique, c'est la mensuration des crânes. A ce
point de vue, il serait à souhaiter que la session actuelle du
Congrès d'anthropologie préhistorique inspirât, à quelques-
uns de nos compatriotes, l'idée de fonder une Société d'an-
thropologie, analogue à celles qui ont rendu tant de services
dans les pays voisins. C'est en combinant, en effet, tous les
efforts qu'on arrivera à formuler, sur la question des races,
des conclusions certaines et d'un caractère véritablement
scientifique.
M. L AGNEAU. Relativement aux Celtes, si leurs langues
peuvent être considérées comme dérivées des langues
aryennes asiatiques, ainsi qu'on l'admet généralement, sur-
tout depuis les recherches linguistiques de M. Pictet^; au
point de vue ethnologique, avec le Président du Congrès,
M. d'Omalius d'Halloy et avec M. J. N. Périer^, je crois
que leur provenance, leur origine asiatique, n'est nullement
prouvée.
Quant à la taille des Celtes, ainsi que M. Vander Kindere,
je sais que la plupart des auteurs anciens nous les dépei-
gnent comme étant de très haute stature. Toutefois, d'une
part, Diodore de Sicile a grand soin de différencier les
Celtes , KeXTOL, des Gaëls, FaXaTai, qu'il dit présenter une
taille élevée, une chair molle, une peau blanche et des
cheveux blonds^. Et Suétone nous montre Caligula choisis-
sant nos compatriotes les plus grands et les obligeant à se
' De r affinité des langues Celtiques avec le Sanscrit^ Paris, 1837. — Les
origines Indo Européennes ouïes Aryos primitifs ^ 2vol.,gr. in-S®, 1859-
1863.
2 Bull, de la Soc. dAnthrop. de Paris, t. V, pp. 187, 264, 590 624, etc.
3 Diodore de Sicile, Histoire univ^s,,\. V, ch. xxvin et xxxii, texte et
trad. de MiOT, 1834.
teindre les cheveux en rouge pour simuler des Germains ',
Ces documents sembleraient impliquer que les Celtes avaient
une taille peu élevée et des cheveux de couleur foncée.
D'autre part, les recherches statistiques de Boudin et de
M. Broca sur les exemptions du service militaire pour défaut
de tailleet sur les recrues de hautestature', déplus de I~732,
taille minimum de nos cuirassiers, permettent de reconnaître
que les habitants de la plupart des départements correspon-
dant à l'ancienne Celtique, eu particulier ceux de notre Bre-
tagne, où se parlent encore des dialectes celtiques, et ceux du
centre de la France, présentent beaucoup d'exemptés pour
défaut de taille, peu de recrues de haute stature et censé-
quemment une taille moyenne peu élevée.
Svr Us populations européennes, par W* Clémence Rotbe.
Nous pensons, comme M. Virchow, que l'on possède en-
core un trop petit nombre de faits pour pouvoir formuler des
conclusions précises au sujet des habitants de l'Europe qua-
ternaire; mais, avec M. de Quatrefages, nous espérons ce-
pendant qu'on arrivera prochainement à quelques résultats
' généraux, certains et définitifs. Comme M. de Quatrefages,
nous croyons que, dès k présent, la multiplicité des races
qui ont habité les cavernes, est suffisamment établie ; mais,
avec M. Virchow, nous ne pensons pas que cette diversité
ethnologique ait pour conséquence nécessaire la multiplicité
— 575 —
éloignée que la période quaternaire, nous force à reculer plus
loin encore les origines de Thomme, et peut-être jusqu'à
Taube de l'époque tertiaire.
Les trois types, si bien classés et définis par M. Hamy,
sont tous les trois inférieurs, par leurs caractères, aux habi-
tants actuels des mêmes contrées. Ds montrent également
entre eux, non seulement des différences typiques, mais des
degrés divers de développement. Le type de Neanderthal,
dont M. Hamy a rapproché la mâchoire de la Naulette, le
crâne de Gibraltar et plusieurs crânes trouvés dans la vallée
du Rhin, sont inférieurs au type d'Engis, de Borreby, de Cro
Magnon surtout; et ce dernier paraît encore inférieur, par
certains de ses caractères, sinon par tous, au type de
Furfooz.
Les races se sont évidemment mêlées, et nous devons, par
cela même, nous attendre à trouver entre elles beaucoup de
formes de transition, et même toutes les formes possibles de
transition. De là, l'impossibilité d'une classification rigou-
reuse des spécimens que nous découvrons.
Nous admettons du reste, comme M. de Quatrefages, que
nos populations européennes actuelles sont la postérité directe
des Européens des cavernes, dont l'atavisme et les croise-
ments successifs peuvent faire reparaître les types jusque
chez nos 'contemporains. Mais, en somme, les Européens
actuels accusent un progrès marqué, évident, sur leurs an-
cêtres des cavernes , dont les caractères inférieurs n'appa-
raissent plus que par exception au milieu de nous, comme le
souvenir effacé d'un temps qui n'est plus.
Les Européens actuels ont tous les caractères des métis ;
ils sont le produit de races très diverses dont l'heureux mé-
lange a fait naître des types supérieurs. Tous les peuples
qui ont successivement envahi l'Europe depuis les temps
historiques, comme auparavant, ont contribué à les produire.
i\ est très vrai, comme l'a dit M. de Quatrefages, que
l'homme est beaucoup plus voyiageur qu'on ne pense, et que
- 576 -
partout où des races diverses se rencontrent, elles se mêlent
par d'inévitables croisements.
Aujourd'hui encore, on ne rencontre des types bien carac-
térisés, bien distincts, que dans les provinces g-éog^aphiques
parfaitement limitées par des frontières infranchissables,
comme une Ile, un massif de montagnes, ou l'extrémité d'un
continent. Tels sont les Myngopies, les Tasmaniens, les
Fapuas, dans les lies océaniques; tels sont en&n les Basques,
dans nos Pyrénées. On peut encore citer certaines peuplades
des vallées du Caucase, les Lapons au Nord de l'Europe,
les Patagons au Sud de l'Amérique, et les Uottentots au
Sud de l'Afrique.
Mais partout où un mélange a été possible, il s'est effec-
tué ; il a donné heu à des races métises, à des types inter-
médiaires. Ainsi l'Australie nous montre deux races bien
distinctes, mais offrant entre elles une série de nuances in-
sensibles, comme on le constate également en Afrique,
entre les Hottentots et les Buscbmens,. et entre ceux-ci et les
Nègres.
Or, l'Europe nous offre, dans son histoire géologique, dans
les changements apportés à la configuration de ses terres,
toutes les conditions nécessaires pour que nous y retrouvions
les traces de types bien définis, quoique alliés, qui, depuis
leur formation par l'isolement, ont encore été mélangés par
le croisement.
Il résulte des beaux travaux du professeur Bamsay sur les
;ini'ii.'niies liLTiiori de l'ijtc.-^ (ili.-i.'[-v('(i-; daii.^ li's lies [îrifiii
— 577 —
de YElepItas meridionalis, les Iles Britanniques ont été réu-
nies au continent. Par suite d'un soulèvement de tout le Nord-
Ouest de TEurope, lequel doit avoir eu pour conséquence la
réunion du Jutland à la Suède, la Baltique pouvait, à cette
époque , communiquer avec TOcéan glacial par la mer
Blanche.
Ce premier état continental a dû mêler les types humains
déjà préexistants en Europe, et les ramener vers Tunité, en
supposant qu'ils s'en fussent déjà écartés.
Mais, à une époque postérieure, un abaissement général
de toute la môme partie de notre continent la transforma
en archipel, de sorte que tous nos massifs de montagnes,
seuls émergés, purent devenir des centres de création ethno-
logique, c'est à dire, que des types distincts purent s'y former.
Toujours d'après M. Ch. Lyell, une seconde période
continentale suivit cette période de submersion. Bien
que le mouvement d'immersion paraisse avoir été moins
considérable, il suffit cependant à relier une seconde
fois le Sud de l'Angleterre à la France, en changeant en
terre le Pas de Calais. Les types ethnologiques déjà formés
purent donc se mélanger de nouveau et nous offrir ces
nuances intermédiaires qui nous frappent, et qui nous font
conclure à tort à Tunité de race, tandis qu'ils ne sont que le
résultat de croisements ethnologiques.
Une dernière oscillation, entraînant un nouveau morcelle-
ment de la surface émergée en nombreuses îles, s'est termi-
née par l'état géographique actuel, de date peut-être en-
core trop récente pour que des types bien définis aient eu le
temps de se former de nouveau dans nos diverses provinces
géographiques nettement délimitées, avant que l'homme, par
son industrie et la découverte de la navigation, ait réussi
à en franchir les frontières.
Aujourd'hui encore en Europe, n'avons nous pas des
types bien définis et dont il nous est aisé de reconnaître les
traces?
— 578 —
Ce qui nous semble évident, c'est que, considérée
masse dans son unité, notre population européenne indigi
est Honde. S'il y a des bruns en Europe, c'est qu'ils y s
venus d'ailleurs ; s'il y a des blonds autre part, c'est qu'il
sont allés.
Cette langue aryenne, dont on est parvenu à reconstru
les éléments primitifs, et qui bientôt retrouvera une litté
ture, c'est en Europe qu'elle est née, en Europe qu'elle a
parlée originairement, et non dans l'Inde, où elle est vei
de la Perse, non dans la Perse, où elle est peut ôtre vet
du Caucase. On ne trouve d'indigènes dans l'Inde et dan?
Perse que des populations brunes ; celles qui parlent ou <
parlé des dialectes aryens étaient seulement moins brunes
ai des peuples bruns parlent des langues aryennes, c'est qu'
les ont apprises d'émigrauta européens blonds à l'origii
mais qui se sont fondus dans la race bruue indigène.
Si, en Europe, nous avons tm grand nombre d'individ
bruns, et une majorité de châtains, fruits d'un très anci
métissage, presque tous nos enfanta sont blonds et surtt
naissent blonds avant de devenir bruns, tandis que ce
qui, par exception, naissent bruns, ne deviennent pn
que jamais blonds, bien que le fait se soit, nous croyoi
produit quelquefois.
Or, d'après les lois maintenant bien connues du dévelc
pement embryogénique, les phases successives de la '
embryonnaire reproduisent en raccourci toute l'histoire (
I de développement subies ou traversées par la
— 579 —
L'une, d'un blond cendré, qui, chez les enfants, part
presque du blanc-gris et passe par tous les tons du blond
argenté jusqu'à un châtain foncé, presque noir parfois, est
généralement de petite taille, à tête ronde ou ovale, souvent
brachycéphale, à ossature délicate, aux traits petits et fins,
aux yeux d'un bleu pervenche, qui peuvent passer du gris
au -noir velouté.
L'autre, partant chez l'enfant d'un blanc-jaunâtre, passe,
par tous les tons du blond soufre et du blond ardent, jus-
qu'au châtain doré ; mais si elle arrive parfois au noir, c'est
par un saut brusque accompli vers l'âge adulte, et où se re-
connaît l'influence d'un croisement récent, d'un atavisme
prochain. Cette race est de plus haute taille; elle a la car-
rure plus large, les membres plus forts, la tête et la face
plus longues, les traits plus accentués, le système pileux
plus développé, une carnation plus riche, une nuance de
peau qui, chez la femme surtout, acquiert un incomparable
éclat, et des yeux qui passent du bleu faïence, au vert et à
l'orange.
Elle est plus septentrionale que l'autre. On la retrouve
surtout, avec tousses caractères, en Ecosse, en Scandinavie,
dans l'Allemagne du Nord. Il est toutefois certain qu'elle a
fourni, aux populations de l'Europe moyenne, où domine
le type blond cendré, de très nombreux éléments ethnologi-
ques, auxquels se sont alliés des éléments bruns venus du
Midi. Cela explique comment parfois l'atavisme fait naître
de deux bruns un enfant parfaitement rouge, lorsque les
deux généalogies, par suite de croisements successifs, con-
vergent vers deux lignes ancestrales d'un blond ardent ; et
comment cet enfant rouge revêt à l'âge adulte, par une
rapide métamorphose, la couleur brune de ses parents plus
immédiats.
fHur les races humaines de l'Europe, par il. de Quatbbfages.
C'est avec un très grand plaisir que je viens d'écooter
M. Virchow. Je crois qu'à quelques nuances près, nous
sommes bien près de nous entendre, et, dans tous les cas, je
pense qu'il restera de ces discussions quelques résultats très
importants et des indications non moins précieuses. Tout
d'abord, je dirai qu'avec M. Virchow, je ne crois pas que les
variétés extraordinaires que nous remarquons cbez nos ani-
maux domestiques et chez la race humaine, soient toutes
dues à des faits d'atavisme. En effet, nous pouvons dire
aujourd'hui avec certitude qu'un certain nombre des races
.si diverses que présentent nos auimau\ domestiques, sont
nécessairement le résultat d'actions intercurrentes, car,
parmi les espèces domestiques, il en est dont nous cunnais-
Bons la souche sauva^ ; il en est dont la domestication
remonte à des dates historiques connues et, par conséquent,
quelle que soit l'étendue des variations présentées par les
races actuelles, il faut bien admettre qu'elles ont pris nais-
sance à un moment donné en dehors de toute inâuence due
au sangd'un ancêtrequelconque. Lorsqu'il s'agit de l'homme,
nous manquons d'ordinaire, il est vrai, de ces données posi-
tives. Ce fait 8'expli(]ue aisément. L'attention n'est éveillée
que depuis peu sur les phénomènes de ce genre. Or, dans
ces sortes de questions , ce n'est pas par années qu'il
faut compter, c'est par générations, et le chiffre des années.
■il'
— 581 —
stances, en particulier par celle-ci : c'est que la génération
humaine demande environ 25 fois plus de temps. Lorsque
nous comptons, depuis l'époque des grandes découvertes, à
peine douze à quinze générations humaines, depuis l'époque
de la colonisation européenne en Amérique, le bœuf en
compte au moins cent cinquante. S'il s'agissait de l'espèce
humaine, ce nombre de générations représenterait près de
quatre mille ans. C'est là un fait que Ton oublie beaucoup
trop souvent dans les comparaisons que l'on établit entre
l'homme et les animaux.
Ainsi, nous nous accordons sur ce point que les variations
plus 0 1 moins erratiques, présentées par les populations
humaines, ne peuvent toutes être attribuées à l'atavisme. Les
causes qui peuvent les produire, sont d'ailleurs très nom-
breuses et je n'ai pas h revenir ici sur ce que j'ai dit ailleurs
à ce sujet. Je me borne à rappeler que, dans bien des cas, on
doit les attribuer au croisement des races préexistantes.
Je crois que le croisement s est opéré entre les populations
humaines infiniment plus qu'on ne se le figure d'ordinaire.
L'homme a été de tout temps beaucoup plus voyageur, beau-
coup plus coureur qu'on ne le croyait naguère, qu'on ne le
croit encore en général. L'homme s'est transporté volontai-
rement de tous temps d'un point du globe à l'autre.
Les accidents sont venus ajouter des conditions de mé-
lange à celles (pii résultaient de la volonté de l'homme. Per-
mettez-moi de vous en citer un exemple bien remarquable.
Il y a, en plein golfe du Bengale, de petites îles protégées
contre l'invasion par beaucoup de causes, parmi lesquelles je
citerai seulement la réputation de férocité de leurs habi-
tants et l'absence du Cocotier : ce senties îles Andaman.
Grâce à cet ensemble de circcmstances, ces îles sont habitées
par une population ayant des caractères d'uniformité remar-
(juables, à en juger par les spécimens que nous commençons
à posséder. Les Andamaniens ou Myngopies sont de race
uègre et se distinguent entre autres par la petitesse de la
37
i
— 582 -
0
taille, qui s'abaisse & des proportions que nous serions
& regarder comme incroyables. Or, un navire ang'lais,
eu & toucher à ces lies, dut combattre une tribu dont
avait 6 pieds de haut; déplus, danscette lie, où lesind
sont absolument rudimentaires, où ne se fait aucune
de commerce, on trouva une hutte très différente de
des indigènes, surmontee d'une sorte de drapeau en
semblable à celle qu'on fabrique à Madras. N'est-il p.
dent que cet homme de 6 pieds n'était pas un mjng-t
que ce tissu, fruit d'une industrie avancée, n'était j
fabrication indigène? Sans doute, il avait été apport
l'étranger, que sa supériorité physique éleva plus tai
rang de chef. Mais celui-ci, une fois établi dans l'île
certainement croisé avec les femmes du pays. Ce fait ex;
les quelques cas de mélange qui ont été constatés plus r
ment encore sur quelques autres points de ces terres.
Ainsi, jusque dans ces lies Andaman qui semblaie
bien protégées contre les invasions des Européens ,
trouvez le croisement. En présence de faits de ce gen
crois qu'il est bien permis de regarder la variabilit*
types comme due en partie au mélange plus ou moins a
des races. En ce qui touche spécialement nos populi
européennes, si, aux faits historiques depuis longf
connus, vous ajoutez ceux que nous révèlent les études
historiques, vous comprendrez facilement que ces po
tlons ne peuvent qu'être aujourd'hui partout mêlées et qu
— 583 —
convaincu que cette part est très grande et qu'une bonne
partie de nos contemporains se compose des descendants des
hommes fossiles que nous étudions ici en ce moment.
Je reconnais, avec mon éminent collègue, toute la diffi-
culté de cette étude. Nous n'avons découvert encore que fort
peu d'ossements de ces populations préhistoriques; pourtant
quelques résultats importants et très nets ressorte nt déjà de
l'étude de ces ossements. Sans encourir le reproche d'agir
à la légère ou avec précipitation, nous pouvons affirmer que,
dès les époques qui nous occupent, dès les époques du Mam-
mouth et du Eenne, il y avait des races très distinctes en
Europe. Et il ne s'agit pas seulement de races plus ou moins
voisines, mais bien de types très différents. Certainement,
abstraction faite de toute espèce de théorie, nul ne pourra
rapprocher l'homme de Cro Magnon de celui de Furfooz.
Tout diffère chez ces deux hommes : la forme du crâne, le
tissu même des os; l'un est grand, l'autre est petit ou de
taille moyenne. Or, en présence de ce que nous voyons
aujourd'hui, on aurait pu présumer à priori que ces types
généraux devaient être représentés par un plus grand
nombre de types secondaires. Les recherches de M. Hamy,
qui a distingué l'homme de la vallée du Rhin de l'homme de
Cro Magnon, confirme cette vue théorique pour nos ancê-
tres de grande taille. Une partie des ossements recueillis par
M. Dupont conduisent à la même conclusion pour les hommes
fossiles de petite taille. Dès ces temps reculés, la population
européenne n'était rien moins qu'homogène et la population
actuelle ne peut que porter l'empreinte de cette lointaine
variété.
Comme ses contemporains, l'homme de Furfooz doit avoir
ses représentants dans les populations modernes et en par-
ticulier dans les populations belges. Ce fait a été constaté,
m'a-t-on dit, dans une des dernières séances à laquelle des
circonstances imprévues m'ont empêché de prendre part,
comme un travail obligatoire m'a empêché d'assister à celle
- 584 -
d'hier. J'ai fait, de mon cAté, des observations analog'ues pen-
dant mes divers séjours dans ce pays, en particulier à
Anvers. Si ce qu'on m'a rapporté est exact, j "ai le plaisir de
me trouver d'accord avec mes collègues sur un point impor-
tant. Les uns et les autres, noua arrivions à cette conclusion
que la partie féminine de la population compte plus de
représentants du tjpe, tel que nous pouvons nous le figurer
d'après les restes recueillis dans la vallée de la Lesse. Ou m'a
dit aussi ce matin que l'un de mes collègues avait signalé
la présence de ces types comme plus fréquente chez les
populations des Flandres que chez celles des vallées de la
Lesse. Cette observation concorde également avec les
miennes. Sur le marché d'Anvers, j'ai rencontré un assez
grand nombre d'hommes et de femmes qu'on pouvait rat-
tacher au type de Furfooz. Dans notre excursion de l'autre
jour, au contraire, je n'ai aperçu qu'un fort petit nombre de
femmes qui, par l'ensemble de leurs traits, me paraissent ee
rapprocher plus ou moins de ce type.
Permettez-moi d'insister un instant sur l'importance que
présente l'étude de la population féminine au point de
vue qui nous occupe. Depuis longtemps, on a reconnu, — et
' M. d'Eichthal est, je crois, un des premiers qui aient appelé
l'attention sur ce point, — que la femme conserve plus que
l'homme le type de la race à laquelle elle se rattache. Dans
le cours de mes observations sur la persistance des types
paléontologiques, j'ai pu constater ce fait à diverses reprises.
— 585 —
appelé l'attention dans mes cours et ailleurs. Bien convaincu,
dès cette époque que, les hommes des t^mps paléontologi-
ques n'avaient pu disparaître en totalité , j'ai trouvé tout
simple qu'ils eussent transmis, à leurs descendants, un de
leurs caractères les plus frappants. Mais il n'en est pas moins
digne de remarque que ce caractère se soit conservé presque
exclusivement chez les femmes ; du moins je ne l'ai trouvé
encore au même degré chez aucun homme.
Je le répète, c'est avec la plus grande prudence que nous
devons procéder dans les recherches dont il s'agit ici.
Pourtant, nous pouvons faire pour notre propre espèce ce que
nous faisons pour nos animaux domestiques. Or, lorsqu'il y
a eu croisement entre des races très distinctes, nous savons
bien suivre les traces de ces croisements et reconnaître,
tantôt la fusion, tantôt et plus fréquemment la juxtaposi-
tion des caractères dans les métis. En prenant pour guide
l'expérience acquise chez les animaux, nous parviendrons,
au bout d'un certain temps, à démêler les origines pre-
mières de nos populations européennes. Je crois môme, et
peut-être en cela vais-je plus loin que mon honorable col-
lègue, que, dès à présent, nous pouvons faire le partage et
rattacher, à chacun des grands types préhistoriques connus,
soit des individus, soit des groupes, dont les caractères sont
bien accusés. Après avoir étudié avec soin, à Copenhague, les
crânes et les ossements de ces hommes de Borreby dont on
a tant parlé, j'ai cherché, dans lespopulations, si je ne retrou-
verais pas ce type remarquable. Je ne l'ai rencontré qu'une
fois, mais cette fois si accusé qu'il était impossible de le
méconnaître, et cette fois encore c'était chez une femme.
Après avoir examiné l'homme de CroMagnon, j'ai recherché,
dans le Midi de la France, si je ne rencontrerais pas quelques
traces de ce type également si tranché. Je ne l'ai rencontré
aussi qu'une fois et d'une manière bien nette. C'était encore
chez une femme, au milieu de la population des Landes.
Depuis cette époque, on sait que M. Hamy l'a retrouvé ail-
leurs. Puisque nous retrouvons ces types grands, nous pou-
vons aussi retrouver les types petits. Personne certainement
ne voudrait les confondre, pas plus dans le présent que dans
le passé. Remarquez que je ne parle pas des subdivisions de
ces types. C'est en procédant ainsi que l'on sera, je pense, de
plus en plus amené à rattacher, au type petit, une portion et
probablement la très grande majorité des hommes de taille
moyenne ou petite et h tête brachycépbale ou mésaticéphale,
que nous rencontrons dans les populations actuelles.
Remarquez qu'en ce moment, je ne signale que les deux
caractères tirés de la taille et de la forme du crâne. Ce sont
les plus tranchés et ils se distinguent k première vue. Mais,
dans les études de cette nature, on ne s'en tient pas là et on
cherche à se rendre compte de tout l'ensemble des caractères;
on entre dans les moindres détails. J'espère que, grâce à cette
étude, nous arriverons plus vite que ne le croit M. Virchow
& voir un peu clair dans la composition primitive de nos
populations européennes.
Je ne me dissimule d'ailleurs aucune des difficultés de
cette entreprise. Je sais, en particulier, qu'il y a à tenir
grand compte des actions de milieu. C'est une des considéra-
tions qui rendent le plus délicate la tâche des anthropolo-
gist«3. Sur ce point, je m'accorde avec M. Virchow. Nous
ne savons pas encore au juste jusqu'à quel point et dans quelle
direction ces actions peuvent transformer un type. Nous
voyons, en outre, l'accident jouer parfois un rôle important
et devenir le point de départ d'une race nouvelle. L'histoire
— 587 —
Sur la classification des populations de la Grande Bretagne
et de VIndoustan, par M. Hyde Clarke.
Pour satisfaire au désir exprimé par M. de Quatrefages,
j'ai l'honneur de communiquer au Congrès le résumé d'un
mémoire que je viens de lire à Brighton, dans la section
d'anthropologie de l'Association Britannique.
Plusieurs communications y ont accompagné la mienne.
C'est d'ahord le discours d'ouverture de M. le colonel Lane
Fox, président de la section. Il a fait ressortir Tuniformité du
caractère des armes et surtout du Boomerang parmi les
nations nègres et négroïdes de l'Australie, de Tlndoustan et
du Nord-Ouest de l'Afrique. Il y a aussi rappelé les théories
de M. le professeur Huxley sur les relations qui ont dû
exister entre les habitants de ces trois régions si dis-
tantes ^
M. le chanoine Greenwell a présenté deux mémoires sur
les fouilles qu'il a entreprises depuis dix ans dans les « Wolds »
du Yorkshire. L'examen des crânes qu'il y a recueillis, a
été fait par M. le professeur RoUeston, d'Oxford; celui-ci y
a reconnu des crânes dolichocéphales, à front étroit, et de
petite dimension. Le type le plus voisin de ces crânes doli-
chocéphales serait, d'après M. Rolleston, celui d'un crâne
de paria de l'Indoustan central.
Le même savant trouve également des rapports entre ces
crânes et ceux d'autres parias, les Veddas de Ceylan. Il est
d'avis que ces dolichocéphales du Yorkshire n'appartiennent
pas à des races douées d'une culture intellectuelle élevée et
qu'on doit les attribuer à des races de petite taille, comme
les Kamtchadales, les Esquimaux, etc. Il paraît du reste dis-
posé, comme d'autres anthropologistes, à assigner aux Bas-
ques une large part dans la constitution de la population
» Journal ofthe Anthropological Institute y imliet 1871, n» l,vol. II.
— 588 -
préhistorique de l'Europe; mais il n'ose se prononcer i
nature des populations antérieures.
Je passerai maintenant k mes propres travaux sur la
sification des populations préhistoriques de la Grand*
tagne et de celles de l'Indoustan.
Dans mon mémoire sur la classification philolo^iqu
populations du Caucase, j'ai examiné si cette région doi
considérée comme un centre de dispersion des peupl
simplement comme un lieu de passage. J'y ai rech
si les races primitives du Caucase étaient noires ou blaa
Nous sommes tellement préoccupés par le tenu
Caucasien, donné par Blumenhach à la race blanche, d'
un crâne qu'il considère comme provenant de la Géoi^
dont il a fait le type de cette race hétérogène, qu'on
généralement abstenu, depuis lors, de rechercher ce que
les Caucasiens proprement dits.
Nous devons nous rappeler un fait qui est d'autant
important qu'il est historique ou plutôt protohistorique,
vaut la terminologie que j'ai proposée. C'est la relatio:
second livre d'Hérodote, où l'historien grec indique
détail l'identité des Colchidiens et des Égyptiens. Quo
cette relation soit très connue, elle n'a guère été pris
considération, parce que nous ne connaissons, dans le (
cause, aucune population noire, et que l'on n'y soupçon
point de langue à parenté africaine.
L'étude philologique m'a permis de constater la vérit
ce passiige de l'historien grec, et même de donner du
— 589 —
Je comparai tout d'abord cette dernière langue avec toutes
les langues voisines et avec celles de l'Asie ; puis, en vue de
vérifier le récit d'Hérodote, je la comparai aussi avec les lan-
gues des bords du Nil. Cette dernière comparaison a révélé de
sérieuses analogies entre la langue Udeet la langue Copte. La
conformité repose sur les racines primaires et à la fois sur les
formes grammaticales et la structure de la langue.
Udo.
Copte.
Œil
pul
bal
Cheveux
pop
bo
Oreille
imukh
maake
Tête
bul
ate
Pied
tur
rat
Visage
co
ho
Étoile
kabun
phni
Jour
ghi
hu
Nuit
chu
kuchi
Arbre
khod
khof
Terre
kul
kah
Sable
cha
cho
Ce n'est pas ici le lieu d'entrer avec détail dans les formes
grammaticales, bien qu'il soit intéressant de montrer les
bases d'une grammaire comparée de la langue égyptienne,
restée jusqu'à présent isolée ^
1 La ressemblance pour les prénoms est digne d'être mentionnée et elle
jette quelque lumière sur une question soulevée par l'égyptologue
M. 0. Maspero {Journal Asiatique^ 1871). Les mutations des radicaux
s*opôrent de la même manière dans les deux classes, pendant que des
voyelles sont bien conservées, surtout VO. On peut signaler les verbes
redoublés comme aiai, bechboch, borbor (CoPTK), kuchkuch, tchutchup,
kalkala (Ude). M. Champollion-Figeac désigne comme caractéristique du
Copte le grand nombre des racines monosyllabiques ; j'en ai déjà énuméré
pour i'Ude plus de 250. M. le docteur Abel, de Berlin (Transactions ofthe
Philological Society y 1855, p. 157), fait remarquer qu'en Copte, un mot peut
posséder plusieurs significations et qu'en Ude, ces diverses significations
se trouvent distinguées par des nuances en voyelles très difQcUes à com-
prendre par des Européens,
Haintenant, passons à un autre fait relatif au Caucase.
J'avais déjà reconnu qu'il existait dea rapports entre les
langues et dialectes de l'Absné, des Âbkhassiens, des Cau-
casiens les plus septentrionaux du Euban, et des langues
des bords du Nil, des Agaws, des Agawmidr, des Falachas
(ou Juifs noirs de l'Abyssinie), des Cbankalis, de Fertel, de
Dlzzéla, etc. Un nouvel examen a conGrmé ces rapports.
Hérodote constate la môme affinité. Il insiste sur l'identité
établie entre les deux peuples, par le teint, les cheveux, les
mœurs et la langue. Il attribue l'origine des Colchidiens à
une colonie de Sésostris.
Supposons qu'une armée, envoyée de l'Egypte par Sésos-
tris, par ses prédécesseurs, ou même par le vice-roi actuel,
ait amené avec elle des auxiliaires de la vallée du Nil, et
nous trouverions naturellement, dans le Caucase, les deux
races établies côte à côte. Selon moi, il est plus probable
que des Agaws ont conduit Sésostris. vers l'un des anciens
berceaux de leur race.
Le temps me manque pour suivre la chaîne historique qui
s'étend depuis les époques reculées jusqu'à notre ère. Les
Udes ne comptent actuellement pas plus de mille familles ;
leur population s'éteint et se fusionne. Les Abkhansiens sont
bien plus nombreux. Le nom d'Abkhass est le même qu'Av-
khass des Byzantins et, par permutation de consonnes, le
même qu'Agaw des bords du Nil; il correspond assurément
à celui d'Achnloi, l'ancienne désignation des populations des
côtes de la Colchide. Je suis disposé à relier, à cette souche.
— 591 —
effacés, les caractères linguistiques se sont conservés. J'ap-
puie sur ces faits, parce que, panni les crâniologues, il y a
une tendance à concéder une importance prédominante aux
caractères anthropologiques et à discréditer la valeur de la
linguistique et de la philologie comparée. La philologie n est
nullement aussi vague que mon collègue, M. le colonel Fox,
Ta prétendu dans son discours d'ouverture.
Comme dans toutes les î utres branches des sciences, nous
voyons, dans le développement des langues, une grande
fixité se joindre à la tendance à la variation. La philologie
ne peut jamais dicter un jugement absolu sur l'origine d'un
peuple; mais elle permet d'assurer qu'à une époque connue
telle langue a subi l'influence d'une telle autre langue. Pour
l'histoire de la civilisation, la philologie est d'une importance
plus grande encore.
La langue influe plus que la race sur la marche de la civi-
lisation. Ainsi, dans l'Archipel indien, une tribu négroïde,
parlant le Galela, aurait moins d'aptitude pour la civilisation
qu'une tribu de môme race parlant une langue malaisienne,
et nous en trouvons la preuve en Afri(Jue chez les tribus des
colonies anglaises qui parlent l'anglais.
Pour appliquer ces principes au Caucase, nous avons
premièrement à constater que, pendant les époques préhisto-
riques, sinon protohistoriques, il y avait des populations
noires dans le Caucase, sur la frontière européenne et sur le
parallèle de l'Aquitaine, pays rapproché du Yorkshire et
théî\tre des recherches de MM. Greenwell et Rolleston^ On
peut aussi bien admettre l'existence d'hommes noirs au
Nord, que celle des Éléphants en Sibérie, d'autant plus
que les Tasmaniens se sont répandus au pôle austral.
* A l'Association Britannique, j'ai fait remarquer que TAquitaine signifie
le pays dos Aqui, comme Lusitanie et Mauritanie, pays des Liisi et des
Mauri. Aqiii correspond à Aquitaine, comme Achaioin, Akhaioi, à Col-
chide, Achaioiy Achivi, à la Grèce, et AgaWy à la région du Nil. Tous ces
vocables signifient hommes.
Pour coQuattre la distributioD de la race que, pou
moment, nous désignons comme Agaw, nous adopteroc
voie de la philologie, et uou3 laisserons à d'autres le soit
recherclier les témoignages ethnologiques.
Nous en avons déjà retrouvé un groupe important dan
région du Nil. D'autres traces se poursuivent à l'occic
jusque sur les cotes de l'Afrique, où nous eu trouvons
preuves dans les langues des Bajon, Pati, Bagba, Bal
Bamon du Gabon.
Pour déterminer l'extension orientale, nous devons pa
du Caucase, où nous retrouvons le berceau des Abkhassif
Dans la Haute Asie, nous trouvons la langue Kaju
langue non encore classée; dans l'Indoustan, nous av
une langue très remarquable qui diffère des autres lang
non aryennes^ ainsi que des langues kolarienaes et dn
diennes. Cette langue non classée doit être attribuée i
race des Agaws. Nous sommes ici dans la région d'où \
viennent les crânes de parias étudiés par M. le profess
RoUeston .
ACeylan, nous trouvons des vestiges non aryens dan
langue des Rodiyas, parias de Ceylan, comme les Vedda
Ici encore nous trouvons des crâuea voisins de ceux étui
par M. Rolleston.
La langue des lies Maldives se rapproche de celle
M, A. R. Wallace* a trouvé dans presque toutes les
de l'Archipel australien des langues indigènes
— 593 —
Tchuktchi, Kamtchadales, Ukah, etc., présentent également
des rapports avec celle qui nous occupe, mais je. ne suis pas
encore parvenu à coordonner tous les éléments nécessaires
pour bien établir les relations de ces deux langues. Je signa-
lerai pourtant un fait remarquable, offert par le jargon que
parlent les Thugs,lesétrangleurs de l'Inde, et qui se compose
des restes d'une langue antique. Le mot cinq se traduit par
molu, main, paryo7i^,et, dans le DuchanThug,^owa signifie
cinq et main.
Dans les langues Koriak et Tchuktchi, cinq et main sont
exprimés par :
Cinq. Main.
Thug molu gona molu gona.
Koriak myllanga mynnagalgen.
Koriak du Kolyma myllangin mylgalgen.
Koriak de Karaga millangan mylgalgen.
Tchuktchi millgin mingilgin.
Kamtchadalo kumnak tono.
De plus, il y a des rapports entre les langues Koriak et
Kamtchadalejes langues Savara des sources de TOrisse dans
rindoustan, d'autres langues parlées dans Tlndoustan et
dans rindo-Chine, le Rodiya et TAgaw. Tout indique que des
relations très suivies doivent avoir existé entre les races
inférieures du Midi et celles du Nord de l'Asie.'
Il est d'un grand intérêt anthropologique de suivre,
jusqu'en Amérique, ces migrations de langues et de
nations.
Nous connaissons l'aire de distribution des Esquimaux,
mais on n'a pas suffisamment recherché les rapports qui
peuvent exister entre leur langue et celles de l'Asie. Les
Esquimaux furent séparés, à une certaine époque, des autres
peuples de l'Asie par l'invasion des Koriales et des Kamtcha-
dales; ce n'est qu'à l'Ouest qu'ils maintinrent leur connexion,
par l'intermédiaire de l'Yenipseien.
Une autre émigration est celle des langues Agaw. Nous
- 594 -
[
distinguons celle-ci en deux groupes. L'un renfern
Sekumne. le Tasmak et le Pujuni ; l'autre, en partie A
basksn, renferme le Skwali, le Kovelitsk, l'Atna et le
kawa. L'Attakaha du Texas en est une branche méridioi
A ce propos, il sera utile de remarquer que le même
nomëne s'observe pour la famille dravidienne. Je rel
cette grande famille la Circassie de la Basse Asie. Le
vidien a également ses représentants daus l'Afrique i
dentale et centrale. Ces représentants sont nombreux,
principaux sont les langues d'Aa-Hanti, de Dahomey et c
des Fanti et des Mandiogo. Plus loin, je reviendrai si
déyeloppement de cette famille ; mais, pour le momen
sufBt de signaler ses rapports avec le Tchetematcha (Cl
mâcha) de l'Amérique du Nord.
Ainsi, on peut reconnaître que l'Amérique a participé
grandes migrations des races et à la distribution de la •
lisation jusqu'à l'époque où la route par la Chine se trou
fermée, les grandes langues de la civilisation, le Sémit
et l'Aryen ne purent y pénétrer. 11 en est résulté qu
temps les plus ancieus, on connaissait mieux l'Amer
qu'au temps des Grecs et des Romains. La tradition d
fait s'était pourtant conservée, mais l'interprétation en i
perdue ' .
' L'Écolede Pergamâ a euseigné qu'il; avait Gurleglobeqaatrerao:
Notre continent s'arrêtait A l'éqaateur et se trouvait contre- bals nci
le monde austral. Une zone di- mers entourait le globe aui pOles e:
autre l'entourait i, l'âquati^ur. Notre monda et le monda austral et
— 595 -
Pour appliquer ces faits au Caucase, je suis porté à recon-
naître que ce pays servit de passage à des populations, mais
qu'il ne fut nullement le centre de leur séjour.
Poursuivons la classification des langues du Caucase. Nous
trouvons au Midi les langues géorgiennes: le Géorgien, le
Suan et le Laze, s'étendant jusque dans l'Asie mineure.
M. Bryan Nodssen a rapporté ces langues au groupe tibé-
tain , auquel je les ai réunies sous le nom de Caucaso-
Tibétain.
L'ère de cette race a une relation intime avec Tère de la
constitution des langues de la mythologie et de la civilisation
moderne, h laquelle se rapportent les époques sémitiques et
aryennes. Les noms les plus anciens des rivières, des mon-
tagnes, des peuples et des villes se montrent identiques pour
tous les pays, depuis la Grande-Bretagne et la Mauritanie
jusqu'à rinde et môme jusqu'à la Chersonèse taurique^
Il y a eu, en effet, une époque où, pour employer la
phrase biblique, tout le monde a eu la même langue
et cette langue était celle d'un empire ou d'une confédération
d'empires.
Dans cette grande race dominatrice, je range non seule-
ment la race géorgienne, mais encore les races arménienne,
persane et toutes ces populations orientales, qui, bien
que rapportées à la race aryenne, n'ont nulle ressemblance
avec les Aryens de l'Europe occidentale. Cela se reconnaît
facilement, et j'en ai vu faire la remarque par des Orien-
taux eux-mêmes.
Lors de l'invasion des Aryens, cette population a adopté
le joug et la langue de ses envahisseurs, à l'exception
toutefois des Géorgiens, refoulés dans le Caucase. C'est ainsi
que la grande anomalie ethnologique que l'on constate
J Les détails se trouvent dans plusieurs mémoires que j'ai publiés dans
\e Journal of the Palestine Exploration Fund^Q.yv\\ 1871, p. 98, octobre 1871,
p. 176, et dans le Journal of the Anthropological histitute^ vol. I, et dans
les Proceedings ofthe Society of Antiquaries, June, 1871.
- 596 —
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dans le Caucase, trouve sou e'ipUcatioD par
fait.
Il faut placer dans le même groupe les Etrusi
Grecs à physionomie orientale, dont la populatii
de Scio nous offre un exemple et pour laquelle <
ché une origine juive.
En traitant l'ethnologie de la Grande Breta^
Belgique, de la France, de l'Espagne et de l'Itali
par conséquent, faire d.es réserves pour les anciem
tants de cette race et pour ceux qui ont survécu
manière, jjn expliquerait ces belles formes de l'Irli
de la même manière que nous pouvons explitmer
d'autres prototypes, pour les formes qui se rappr
Lapons etde3 races inférieures.
D'autre part, il importe de faire des réserves pou:
basque, lequel, jusqu'àpréseut, a généralement set
pour trancher toutes les questions d'anthropologi
rique de l'Europe occidentale,
L'extension des Basques est très restreinte. Lei
présente des rapports avec la famille dravidienne
possède néanmoins des particularités qui lui sont ]
La plupart des racines primaires basques se reco
il est vrai, dans les langues dravidiennes ; mais ]
lions sont tellement nombreuses qu'elles déroute
lologue. Ces exceptions se retrouvent pourtant
langues kolariennes. Actuellement, les populatio
— 597 —
Il est à présumer qu'en Europe, les Basques se sont trouvés
eu contact avec des Kolariens et il est très probable que les
Kolariens sont représentés par les Ligures.
Les phénomènes linguistiques observés dans les contrées
du Caucase peuvent s'expliquer par la distribution des po-
pulations. Au Nord des montagnes du* Caucase, d'après les
observations de M. Howorth, ainsi qu'au Sud, d'après mes
propres recherches, habitent les populations les plus ré-
centes : au nord, la race turque, et au mîdi, la race géor-
gienne. Les hautes vallées de la chaîne sont habitées parles
restes des plus anciennes peuplades qui ont survécu aux
invasions successives.
Il fut incontestablement un temps où non' seulement dans
le Caucase, mais en Europe et probablement dans le monde
entier, la population était noire. A la suite des temps, cette
race noire vint à se modifier, et, en diverses contrées, elle a
passé du noir au brun, au jaune et enfin elle est devenue
blanche.
La race noire que Ton trouvait dans le Caucase et la Col-
chide au temps d'Hérodote et de Pindare, se retrouve dans la
région du Nil. Il y a eu, dans les pays cités, une sorte de-
dénudation anthropologique très considérable, et une dénu-
dation semblable s'est vraisemblablement produite dans les
contrées plus septentrionales.
Dans le Caucase, ces populations noires ont été remplacées
par une race blanche, mais les langues négritiques ont sur-
vécu, de même que les traits anthropologiques desAgaws.
C'est par des études plus suivies et plus approfondies que
nous parviendrons probablement un jour à recueillir, en
faveur du même principe, des témoignages plus nombreux,
non seulement pour le Caucase, mais même pour notre
propre pays.
Déjà des témoignages fournis par plusieurs branches dis-
tinctes de la science indiquent une connexion préhistorique
parmi les races noires, et ces témoignages reposent sur les
38
— 599 —
des documents contemporains, et il est bien établi que les
Égyptiens ne sont jamais allés aussi loin. Il y eut un courant
de populations qui a pénétré jusqu'en Egypte et un autre qui
est allé jusqu'aux bords de la mer Noire; mais il n'y a pas
eu une émigration d'Égyptiens jusqu'aux côtes de la mer
Noire.
Sut un crâne découvert à Coimbre, par M. da Sylva.
Au mois de mai dernier, dans une carrière située près de
Condeixa, à trois kilomètres de la ville de Coimbre , des ou-
vriers, en voulant extraire un gros bloc de roche, ont
découvert un crâne humain, à quatre mètres de profondeur.
Ce crâne, qui était étroitement appliqué contre les aspérités
de la roche, avait subi l'action de l'acide carbonique, qui
en avait beaucoup aminci les os. Malheureusement, ce crâne
a été fracturé pendant son extraction : les ouvriers, n'étant pas
prévenus de cette curieuse trouvaille, n'avaient pu prendre
les précautions nécessaires pour obtenir ces restes humains
intacts.
La ville de Condeixa est bâtie sur un calcaire concrétionné
(calcaire d'eau douce) de l'époque crétacée. En considérant
la nature de ce calcaire, on peut supposer qu'il a été déposé
avant le creusement de la vallée du Mondego et avant que le
relief de la province de Beira fût tel qu'il se présente aujour-
d'hui, et que ce sont les eaux de la Cernache et de la
Condeixa qui ont successivement déposé les couches de
calcaire concrétionné, sur lesquelles est élevée la ville de
Condeixa.
Pour expliquer la présence du crâne en question, on peut
supposer, ou qu'il a existé d'antiques sépultures dans le voi-
sinage de Condeixa, ou que les eaux y ont entraîné des osse-
ments inhumés primitivement ailleurs.
Déjà en 1854, on avait découvert, près de cette ville, trois
cavernes dans lesquelles s'étaient trouvés des ossements hu-
— 600 —
mains. Ces cavernes, appelées ^/r» Pedrinha, ont des
très étroites et d'an accès difficile. Les ossements <
penfennaient et qui étaient dans un parfait état dé coi
lion, étaient empâtés dans une brèche calcaire ; on diati
très bien la ligne de séparation qui existait eutre ce
ments et la roche contre laquelle ils étaient appliqui
fragments de crftnea trouvés dans ces mêmes cavernes
recou verts d'une incrustfltion cristalline de môme comp
que la roche; la substance même dea os était intin
unie à des éléments calcaires.
Il a fallu sans doute une longue suite de siècles pot
rerle dépôt des quatre mètres de couches sédimeutal]
recouvraient le crâne découvert au mois de mai derr
La trouvaille de celui-ci m"a paru constituer u
assez important pour attirer sur lui l'attention du
Conçtes-rendoB i\i Cci\Sfès préhistorique .
daijreô litbop
SIIEX TERTIAIRES DE THENAY. (jrmdtur iiaturell»].
i Mémoirt d( M L'ABBÉ BOURGEOIS,
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SIIEX TERTIAIRES DE THENAY (êrjudeur naturell.l
( Mémoire d. M. L'ABBÉ BOURGEOIS )
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S^omptPi-ra'iTis ÔaC-mÈ'èf nrebsvcrii^e
SILEX TERTIAIRE? DU PORTUGAL
(Mémoire deM.RIBEIRO ) '^
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SiLEX TERTIAIRES DU PORTUGAL
, (Candeur naturelle'
.. Mprnoire -ie M. RlBElRO'j
Compces-rentlus in Contres prehisionque.
LEVE AVUE DE LA NECROPOLE DE ROKNIA (Algérie)
Environ 3ooo dolmens
(Mémoire de KFÏf. Général Faidharbe)
ipiL-.-i-i'i'nV"'^ '"'1 C';;ifc"ïî préliistcnqiw
Lith de Simontu «T Ti>invy
LEVÉ A VUE DE LA NÉCROPOLE D'AIN- B0U-MER20U&
\ rtyi. heuE3 au sud- sud-esc de Oonstantine enviroa 2ooo dolmens,
(Kémoirn de H^le Général Faidherbe.)
rîiptes-rc.-Laus iu ■v:4re5 prehisior;.
LrVE ;. \';!E DE :.A NECHOPCiLE DE LUUED BERDA 1 Mazela)
I .lyrj heues aun:! f-'.t de '■■initanuiie rj.ivircn 2ooo dolmens
Ci-niptps-reniius {k Congrès prehistonque.
LEVE A VUE DE LA NECROPOLE DE TEBESSA
à cinquante lieiies mi sud de Bône ( Aliène ) débrie d'environ 5oo dolmeiis
(Mémoire de iCle Gâiéral Faidherbel
'::iiptes-rmc!us du Congés prétistonque .
LEVE A VUE DE LA NECROPOLE DE TEBESSA
â cinquante lieues ml sud de Bône ( Algérie ) débris d'environ 5où dolmeas
(Mémoire de lP"le General Faidterbe)
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SPECIMENS DES DOLMENS DAFRIQUE
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(.Mémoire de M''leGâiéral Faidherbe)
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COUPES DES TRANCHÉES
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£ Chcu^oa de bon
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i . Piirra da irtramiunuHit .
f . Pieira prwtnaat dt la ailture .
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Camp de Bonne.
(Mémoire àp MMArnoiild et dBRadiguBsy
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ÛJBprei nbAij dn Conqrss jféhi nnqu"
Plan du Camp de -JeTnelle,
( Mraoïre îe M M Anw'aid rt is Rââijuw).
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ùmiftïE-Tsnliu diCmgris pnhi)ton^u«
Plan dn Carap d'Olloy,
( Wraona de M.M.Amiulii et âe îaài^s)
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.fnirT^f-rtnèis du Con^s préhistorique
AGE DE LA PIERRE POLIE
CHÂNEE LE LA CAv LESE DE ÎLL/LLIIEAUX
! Mémoire de M ARNODLD '
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Comptes -rendus du Congés préhistorique
AGE DE LA PIERRE POLIE
dena la. province de Namur.
(K-m-'ir.. -îd WArnouM 1
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Conipt»=j--rendus du r lorfs i"r*'i i f r'qi
flAVKRNE DF: SCLAiGNEAUX
{Mémoire de M Amould)
C'ijiipN:s-r<'i"l'is fin Cciiipres pcluslitrM|ii
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CONGRÈS
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D'wmiRflPûLOGiE k ïi'kmimm
l'RÉHISTORI'
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