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Full text of "Congrès international d'anthropologie & d'archéologie préhistoriques. Compte rendu"

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L 


Ci^H 


CONGRÈS 


INTERNATIONAL 


D'ANTHROPOLOGIE  &  D'ARCHÉOLOGIE 


PRÉHISTORIQUES 


\  «VnsSENBRJCa 
BRUXELLES. 


CONGRÈS 


INTERNATIONAL 


D'ANTHROPOLOGIE  &  D'ARCHÉOLOGIE 


PRÉHISTORIQUES 


-♦♦- 


COxMPTE  RENDU 


DE   LA 


6e  SESSION,   BRUXELLES,  1872 


•^4'* 


BRUXELLES 

C.  MUQPARDT,  ÉDITEUR 

"fi.    ^ERZBACH,    SUCCESSCUA 

LIBRAIRE  DE  LA  COUR  ET  DE  S.  A.  R.  LE  COMTE  DE  FUIfDRE 

1873 


'ïfLiJ.n^ 


Ci  /à 


VT'  l> 


ObseirsUons  complémentairaB  par  MM.  l'abbé  SOUMEOtS  et  VUOflil 
SCHIIHT 

Sur  des  silex  taillés  découverts  dans  les  terrai^is  miocène  et  plio- 
cène du  Portugal,  par  M.  IIIEIIO.  (Planches  3,  4  et  5) . 

Discussion,  par  MM.  l'abbé  lOUIGEOIS  et  FUHKS 

Sur  laposlUon  géologique  des  couches  miocé'nes  el  pliocènes  du  Por- 
tugal gui  contiennent  des  silex  taillés,  par  M.  IIBElm). 

Sur  la  cassure  artificielle  d^ossetnents   recueillis  dans  U  terrain 
miocène  de  Pikermi,  par  M.  le  baron  VON  DUCKER    .... 
Discussion,  par  MM.  UPELLim,  VON  DUCKER  et  OE  IDITILIET    . 

Sur  un  crâne  humain  déemaiert  en  Californie  dans  un  terrain  con- 
sidéré comme  tertiaire.  —  Demande  de  renseignements,  par 
M.  DE  BUlIIEFiGES 

Réponses,  par  MM.  l'abbé  IDUIGEOIS  et  DESDII 

Sur  de  prétendus  indices  de  tracail  hiitnain  signalés  sur  des  dents 
de  Carchorodon  du  crag  de  Suffolk,  par  M,  IDSK  .... 


II 

GEOLOGIE  DES  TERRAINS  QUATERKAiRES  &  DES  TOURBIÈRES 


Sur  rantigulté  de  Thomme  et  sur  tes  phénomènes  géologiques  de 
répogtie  quaterttaire  en  Belgique,  par  M.  DIPONT.  (Planches 
17  4  23,  28  a  W,  31  â  Met  73} 


-  7  — 


III 

L'HOMME  A  L'ÉPOQUE  QUATERNAIRE 

Pages. 
Note  sur  Thomme  fossile  des  cavernes  de  Baoxissé  Rousse  y  en  Italie, 

dites  Grottes  de  Menton,  par  M.  E.  RIVIÈRE.  (Planche  6).     .       .       164 

Sur  les  grottes  de  Molfetta,  par  M.  le  professeur  CAPELLINL  (PI.  79).       175 

Sur  un  squelette  humain  de  Vàge  du  Renne  découvert  à  Laugerie 

Basse,  par  M.  CARTAILHAC 182 

Sur  la  cave^'ne  de  Vhotnme  mort  près  Saint  Pierre  les  Tripiés 

{Lozère),  par  M.  BROCA 182 

Discussion,  par  MM.  CAZALIS  DE  FONDOUCE  et  FRANKS 198 

Comparaisons  entre  les  ossements  des  cavernes  de  la  Belgique  et  les 
ossements  des  kjœkkenmœdding  du  Danemark,  du  Groenland 
et  delà  Laponie,  par  M.  J.  STEENSTRUP.  (Planche  78)   .  199 

Discussion,  par  MM.  DUPONT  et  HAIY.  (Planches  76,  77  et  78)     .       .       214 

Sur  remploi  du  fer  météorique  par  les  Esquimaux  du  Groenland, 

par  M.  J.  STEENSTRUP.  (Planches  24,  25  et  26) 242 

L'homme  de  Vàge  du  Mammouth  dans  la  province  de  Sainaut,  par 

MM.  F.  L  CORNET  et  A.  BRIART.  (Planches  29,  51, 52, 53, 54, 55 et 56).      250 

Discussion,  par  MM.  DESOR,  CORNET,  DE  lORTILLET  et  D^OIALIUS      .       .       268 

De  Vextension  géographique  des  populations  primitives  en  Belgique 
et  dans  le  Nord  de  la  France,  par  M.  le  docteur  E.  T.  HAIY. 
(Planches  17, 18, 51, 52,  53,  54, 55  et  56) 269 

Sur  Vemmanchure  des  silex,  par  M.  REBOUX 278 


IV 


L'HOMME  PENDANT  L'AGE  DE  LA  PIERRE  POLIE 

Sur  Vàge  de  la  pierre  polie  et  les  exploitations  préhistoriques  de 
silex  dans  la  province  de  Hainaut,  par  MM.  F.  L.  CORNET  et 
A.  BBIART.  (Planches  29, 30, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66  et  67).      279 

Sur  les  sépultures  préhistoriques  et  sur  un  atelier  de  silex  ouvrés 
découverts  sur  le  cap  Blanc  Nez,  à  EscaXles  (Pas  de  Calais),  par 
M.  E.  LE  JEUNE 299 


Sur  les  ateliers  de  silex  pendant  tàge  de  la  pierre  polie  en  Angle- 
terre, par  M.  lUGUSTUÏ  W.  FlilKS 

Ateliers  de  fabrication  iToutils  de  pierre  dans  la  Saute  Egypte,  par 
M.  J.  DELMOUE 

NoHce  sur  Eastedon,  par  MU.  UNDULD  et  DE  IHDIGUEl.  (Planches  Ut, 

69,70,80,81,816w,82.83,84etft5) 

Sut  la  station  de  Cage  de  la  pierre  polie  de  Linciaua:  (Cinet/),  par 
H.  A.  tECI)irET.(PlancheB71et72j 

Stations  nouvelles  de  Vâge  de  ta  pierre  polie  en  Belgique,  par  M.  le 

docteur  CLOIIUET 

Recherches  préhistoriques  et  historiques  dans  la  Capitanate,  par 

M.  lecapitainallEELD  JINEELUCCI 

Sur  des  antiquités  trouvées  dans  Vile  dOstroico,  par  M.   le  comte 
WEÏIEISKl 

Vestiges  de  Texisteneedethomme  préhistorique  enGrèce,  parM.  ÏOI 
DUCKER 

Sur  des  Instruments  en  pierre  provenant  du  Japon,  par  M.  le  mar- 
quis DE  ÏIBIAÏE.  (Planches  13,  14,  15  et  10} 

Sur  les  crânes,  les  mœurs  et  Viiulustrie  des  anciens  Indiens  de  la 
Plafa,  par  M.  lURIEISTES 

Surdes  silex  taillés  en  scie,  par  M.  tOVtkU 

Discussion,  par  MM.  l'abbé  lOUIGEOIS  et  CDTTEAU 

Sur  les  haches  en  néphrite  et  enjadéite,  par  M.  lESOR. 
Diacuesion,  par  MM.  DE  lOBTILLET,  DESOR,  DE  DUATREFIGES,  SCHUFFHIUSEK, 

CkPELLINI,  l'abbé  DELtURAT,  LAGNEAU  et  LEEIANS 

Sur  les  haches  en  jadéite  découvertes  en  Belgique,  par  M.  G.  NAGE- 

■AHS 


—  9  — 

Pages. 
Les  dolmens  d'Afrique^  par  M.  le  général  FAiDHEBBE.  (Planches  7,  8, 

9,  10, 11  et  12) 406 

Discasflion,  par  MM.  WORSAAE,  DESOR  et  DE  QUATREFAGES  ....  420 

Note  relative  aux  deux  types  du  dolmen  de  Borrehy^  par  M.  DE  QUA- 

TREFAGES 425 

Discassion,  par  M.  CABTAILHAC 429 

Sur  des  cités  maritimes  à  Java,  par  M.  le  colonel  WEITZEL  .  430 


CLASSIFICATION  DES  AGES  DE  LA  PIERRE 

Classification  des  diverses  périodes  de  Tàge  de  la  pierre, parM.  GABRIEL 

DE  iORTILLET.  (Planches  17, 18,  19,  20,  21,  22  et  23).      ...       432 

Discussion,  par  MM.  rabbéSOURGEOiS,  FRANKS,  DE  IORTILLET,  CARTAILHAC, 

DESOR,  FRAAS,  COTTEAU  et  HÉBERT .444 

CUissement  de  Vàge  de   la  pierre  en  Belgique,  par  M.  i.  DUPONT. 

(Planclies27,  37  à  50,  51  à  56,  57  à  66,  67  à  72  et  88  à  89)    .       .       459 

Sur  les  silex  taillés  des  carrières  de  Levallois,  par  M.  REBOUX  .  479 

Sur  la  divisio7i  du  Nord  de  VEiirope  en  proviyxces  archéologiques 

pour  Vàge  de  la  pierre  polie,  par  M.  HANS  HILOEBRAND     ...       479 

Sur  les  migrations  hunmines,  par  M.  CH.  TARDY 485 


VI 

L'AGE  DD  BRONZE  &  L'AGE  DU  FER 

Sur  rage  du  bronze,  par  M.  S.  NILSSON 492 

Sur  les  sépultures  de  Vàge  du  bronze  dans  le  Midi  de  la  France,  par 

M.  CAZAUS  DE  FONDOUCE 494 

Sur  rage  du  bronze  en  Orient,  par  M.  OFFERT 496 

Discussion,  par  MM.  WORSAAE,  OFFERT,  LEEMANS,  CONESTABILE,  FRANKS, 

l'abbé  BOURGEOIS,  RIBEIRO,  V.  SGHilOT  et  CAPELLINI 498 

Sur  la    trouvaille  dEygenbilsen  et   les   trouvailles  étrusques  au 

JVorc/t/r^  A(p€?5,  parM.  DESOR 506 

Discussion,   par   MM.  CONESTABILE,   WORSAAE,  HILOEBRAND,   FRANKS  et 

DESOi 510 


-  10  — 

PMM. 

Eisloire  du  fer  dans  te  pays  de  Namur.  —  Les  bas-ftmmtauas  de 

Lustin,  par  M.  lEICHEl 519 

DiKuseion,  par  M.  VON  DÙCKII 530 

Sur  un  bas-relief  d'un  temple  à  Java,  psiT  M.  t.  LllMkK    ...  530 


VII 
ANTHROPOLOGIE  PRÉHISTORIQUE 

Sur  Fanthropologie  préhistorique,  par  M.  SCHUFFNiUSEM.  (Planche  90). 
DUcDBsiou,  par  MM.  HlIT,  DE  WURIIBMD  et  VON  Dil'CKEB. 

Sur  Us  crânes  de Furfooi,  par  M.  le  docteurS.lUBKEHU.  (Plancha  74), 

DUcussion,  par  MM.  HIIT,  DUPONT,  VIRCNOW  et  UGHEiU.  (PlancbeB  71, 

75  et  86) 

Sur  Uscrânesdes  cavernes  de  Chauvauie,  de  Sclaigneaux, etc.,  pu 
M.  N.  flNCHOW 

Sur  rethnolûgie de  la  Belgique,  par  M.  l.  nninmiK    . 
DiscusBiOD.parM.  LUMEID 

Sur  les  pc^ulalions  eteropéennes,  par  M>°*  CL£lENCt  NOTER  . 

Sur  les  races  humaines  de  VEurope,  par  M.  DE  OUkTNEFAGES  .      . 

Sur  la  classification  des  populations  de  la  Grande  Bretagne  et  de 

rindoustan,  par  HTDE  CLUKE 

DiacDsaion.parMM.  DEBDATIEFUESetV.tCHIIOT 

Sur  un  crâne  découvert  à  Coimbre,  par  M,  Dl  STLÏi 


TABLE  DES  AUTEURS 


Pages. 
Anoblucci 329 

Abnould 318,  370 

Baye  (de) 393 

Becquet 326 

Bblorand 132 

Ben'eden  (van) 94 

Berchem 519 

Bourgeois  81,  92,  94,  99,  100,  108 

350,  444,  501 

Briart 250,  279 

Broca 182 

BURMEISTBR 342 

BusK 109 

Capellini  92, 93,  106, 160, 175,  356 

505 
Cartailhac  ...  93,  182,  429,  452 
Cazalis  de  Fondouce  .   .     198,  494 

Chierici 363 

Clarke  (Hyde) 587 

Cloquet     327 

conestabile  ....    501,504,506 

510 

Cornet 250,  268,  279 

CoTTEAU 350,  351,  456 

Delanoûe 313 

Delaunay 357 

Desor    94,  108,  268,  351,  355,  369 

421,  453,  506,  519 
DacKER  (von)    104,  106,  107,  335 

530,  549 
Dupont  58,  110, 153,  214,  459,  555 

Engblhardt 94 

Faidherbb 406 

Fraas 94,  151,  454 

Franr894,99,  199,  309,445,501,517 


Pages. 
HagemanS 359 

Hamy  .   .    .  109,  242,  269,  548,  553 

Hébert 149,  456,  458 

HiLDEBRAND(Hans)  .   .   .    479,  516 

Lagxeau  ....  357,  549,  564,  573 

Leemans 357,  499,  530 

Le  Jeune 299 

MoRTiLLET  (de)  106,  268,  354,  355 

432,  444,  446,  458 

Neyrinck 93 

NiLSSON 492 

Omalius  (d')  57,    92,    93,  157,  269 

Offert  ....  162,  496,  499,  502 

QuATREFAGES(de)93,  107,  355,  423 

425,  580,  598 

Radiguès  (de) 318 

Reboux 278,  479 

RiBEiRO 95,  100,  503 

Rivière 164 

RoYER  (M™«  Clémence)   .   .   .     574 

SCHAAFFHAUSEN    .    .     356,  535,  549 

ScHMiDT  (Valdémar).     94,  505,  598 

SOREIL 381 

Steenstrup  (J.).    93,  160,  199,  242 

Sylva  (da) 599 

Tardy 485 

Ubaghs 144 

Vanderkinderb 569 

ViBRAYE  (de) 94,  337 

ViRcaow 93,  560,  567 

Weitzel 430 

Wesiersky  (le  comte)  ....     334 

WoRSAAE.      94,  337,  420,  498,  513 

WUrmbrand  (de) 549 


TABLE    DES    PLANCHES 


AVEC  L'INDICATION  DES  PAGES  DES  MÉMOIRES  QUI   EN  TRAITENT 


-o-<jJ^t>«- 


Planchos.  Puges. 

1    Silex  tertiaires  de  Thenay 81 

^       —  —  —  81 

3    Silex  et  qaartzites  tertiaires  du  Portugal 95 

4—  —  —  — 95 

5—  -  -  — 95 

6  Squelette  humain  des  grottes  de  Menton  * 164 

7  Plan  de  la  nécropole  de  Roknia 406 

8  —  —         d'Aïn-Bou-Merzoug 406 

9  —  —         d'Oued  Berda 406 

10  —  —         deTebessa 406 

11  Spécimens  des  dolmens  d'Afrique 406 

12  —  '  —  —  406 

13  Vases  et  instruments  en  pierre  provenant  du  Japon  337 

14  Instruments  en  pierre  provenant  du  Japon 

15  —  —  —  — 337 

16  —  —  -  — 337 

17  Silex  de  rétage  acheuléen 110,269,432,459 

18  —     des  étages  acheuléen  et  moustiérien  .110,  269,  432,  459 

19  —    de  rétage  moustiérien 110,  432,  459 

20—  -  —  110,  432,  459 

21  —  —        solutréen 110,  432,  459 

22  —  —        magdalénien 110,  432,  459 

23  —  ~  —  110,  432,  459 

• 

>  M.  Bortier  a  fait  exécuter  en  photollthngraphle.  poar  être  distribuée  aux  meinhres 
présents  au  Congrès,  la  planche  photographique  de  M-  Hiviere.  \Ja  nouveau  tirage  en  a  été 
fait  pour  ce  Compte  rendu. 


H    Emploi  du  fer  méUoriqne  par  lea  Esquimaux 


Cartes  des  excursions  du  ÇoDgrés  69,  71,  74,  41 

Coupes  du  terrain  quaternaire  dans  la  province  de  Namur.      .     1 
Coupea  géologiques  des  tranchées  de  Meavin  et  de  Spiennes.  110,  2 

8 
I    Coupes  dans  la  tranchée  de  Spiennes  moatraot  le  développô- 
ment  d'anciennes  galeries  d'exploitation  du  silex     ...     2 
Coupe  géologique  du  trou  do  Frontal 1 

—  —  —       des  Notons 1 

—  —  —       da  Chalenx 1 

—  —  —       de  la  Naulettfi 1 

Coupes  géologiques  des  trous  du  Sureau  et  du  Chéna,  à  Mon- 

taigle 1 

i    Coupes  géologiques  du  trou  Madame  et  du  trou  de  Qeudron.  110,  1 

Silex  taillés  du  trou  du  Sureau 110,  4 

i—       —  —  — 110,  4 

—  —      de  la  caverae  d'Engis 110,  4 

—  -  —  —  110,  4 

—  —  -  ~  110,  4 

—  —      du  trou  Magrite 110,  4 

;-—  -—      ..  110,  4 

—  -  —  — 110,  4 

—  —     dDtroisiëmeniveauossiréredelacaTernedeOojetllO,  4 

—  —     dndeQxiéme    —         —  —  —     110,  4 
~       —     do  premier      —         —              —  —      110,  4 

1      —       —  —  —         —  —  —     110,  4 

—  —     do  trou  de  Chaleux 110,4 

—  —  —  —  110,  4 

—  —     des  alluTions  quaternaires  de  MesTin    110,850,269,4 


—  15  — 

Planches.  Pages. 

65  Poinçons  de  Spiennes  et  d^antres  localités  da  Hainaat .      .    279,  459 

66  Pointes  de  lances  et  de  flèches  de  Spiennes  et  d*aatres  localités 

du  Hainaut 279,  459 

67  Silex  onvré   de  Spiennes;  haches   polies  de  Trisogne  et  de 

Marche  les  Dames  (province  de  Namur)       ....    279,  459 

68  Silex  taillés  et  hache  en  jade  d'Hastedon 318,459 

69  —  d'Hastedon 318,  459 

70  Instruments  en  pierre  d*Hastedon 318,  459 

71  Silex  ouvrés  de  Lincianx  et  hache  en  jade    de    Marche  les 

Dames 326,  459 

72  Silex  ouvrés  de  Linciaux 326,  459 

73  Carte  hydrologique  des  vallées  de  la  Meuse  et  de  la  Lesse  dans 

les  environs  de  Dinant  * 110 

74  Crânes  de  Furfooz 549,  555,  560 

75  Crânes  esthoniens  du  Muséum  de  Paris' 558 

76  Squelette  d'ours 214 

77  —        de  cheval 214 

78  —        de  bœuf    ...  199,  214 

79  Instruments  en  pierre  des  grottes  du  Pulo  de  Molfetta.  .      175 

80  Plan  du  plateau  d'Hastedon 318,  459 

81  Coupes  des  tranchées  pratiquées  dans  les  retranchements  du 

camp  d'Hastedon  .  318 

81***  Retranchements  du  camp  d'Hastedon 318 

82  Plan  du  camp  de  Bonne 318,  459 

83  Coupes  des  tranchées  dans  les  retranchements  du  camp  de 

Bonne 318 

84  Plan  du  camp  de  Jemelle 318,  459 

85  Plan  du  camp  d'Olloy 318,  459 

86  Crânes  de  la  caverne  de  Sclaigneaux 370,  555 

87  Silex  ouvrés,  os  travaillé  et  coquille  perforée  de  la  caverne  de 

Sclaigneaux 370 

88  Plans  et  coupe  de  la  caverne  de  Sclaigneaux  ....    370,  459 

89  Plan  du  plateau  de  Chauvaux  ;  coupes  et  plans  de  la  caverne  ; 

silex  ouvrés  du  plateau  et  de  la  caverne 381,459 

90  Diagrammes  d'un  crâne  de  Qorille  et  de  crânes  humains  préhis- 

toriques         •      .     535 

I  Cette  carte  a  été  exécutée  par  le  Dépét  de  la  guerre  belge  spécialement  pour  ce  Compte 
rendu, 
s  Cr&nes  communiqués  par  M.  de  Quatrefages. 


RÈGLEMENT    GÉNÉRAL 


>î<Koo- 


Article  h^.  Un  Congrès  international  et  annuel  d'Anthropologie 
et  d'Archéologie  préhistoriques,  faisant  suite  aux  réunions  qui  ont 
eu  lieu  en  1865,  à  la  Spezzia,  et  en  1866,  à  Neuchâtel,  a  été  défi- 
nitivement constitué  à  Paris  en  1867. 

Art.  II.  Le  Congrès  ne  pourra  avoir  lieu  deux  fois  de  suite  dans 
le  même  pays. 

Art.  in.  Font  partie  du  Congrès  et  ont  droit  à  toutes  ses  publi- 
cations les  personnes  qui  en  ont  fait  la  demande  et  ont  acquitté  la 
cotisation  annuelle. 

Art.  rV.  a  la  fin  de  chaque  session,  le  Congrès  désigne  le  Heu 
où  se  tiendra  la  session  suivante  ;  il  choisit  en  outre,  parmi  les 
savants  résidant  dans  le  pays  désigné  :  1^  le  Président  de  la  session 
future,  2®  plusieurs  autres  savants  chargés  de  constituer,  sous  la 
direction  du  Président,  un  Comité  d'organisation. 

Art.  V.  Le  Comité  d'organisation  peut  s'adjoindre,  suivant  ses 
besoins,  d'autres  savants  nationaux.  Il  demande  en  outre  le  con- 
cours des  savants  étrangers  qui  lui  paraissent  pouvoir  recueillir  le 
plus  grand  nombre  d'adhésions  en  faveur  du  Congrès.  Ceux-ci 
prennent  le  titre  de  Membres  correspondants  du  Comité. 

Art.  VI.  Le  Comité  fixe  l'époque  de  la  session,  le  nombre  des 
séances,  le  taux  de  la  cotisation  ;  il  envoie  les  lettres  de  convo- 
cation, recueille  et  concentre  les  adhésions  et  délivre  les  cartes  des 
membres.  Il  se  charge  de  tous  les  soins  matériels  qui  concernent 
l'installation  du  Congrès  et  la  tenue  de  ses  séances. 


—  18  - 

Art.  Vn.  n  prépare,  publie  et  distribue,  plusieurs  mois  à 
l'avance,  le  programme  des  séances  ;  il  peut  fixer  un  certain 
nombre  de  questions  ;  mais  il  devra  toujoura  réserver  une  partie 
des  séances  poiir  toutes  autres  questions  non  comprises  dans  le 
programme,  proposées  par  un  membre  du  Congrès  et  approuvées 
par  le  Conseil. 

Art.  Vm.  Le  Bureau  du  Comité  remplit  les  fonctions  de  Bureau 
provisoire  dans  la  première  séance  de  la  session.  Les  membres  du 
Bureau  définitifsont  nommés  dans  cette  première  séance,  àla  majo- 
rité relative,  à  l'exception  du  Président,  qui  est  élu  depuis  l'année 
précédente,  et  du  Trésorier  déjà  institué  par  le  Comité  d'organi- 
sation. 

Art,  IX,  Le  Bureau  se  compose  :  1"  d'un  Président  ;  2»  de  sis 
Vice  Présidents,  dont  deux  au  moins  doivent  être  résidents;  3» d'un 
Secrétaire  général  ;  4°  de  quatre  Secrétaires  ;  5"  d'un  Trésorier. 

Art.  X.  Le  Conseil  se  compose  :  1°  des  membres  du  Bureau 
déRnitif  ;  2°  de  six  membres  nommés  au  scrutin  de  liste.  Font  en 
outre,  de  droit,  partie  du  Conseil  :  1"  les  quatre  membres  fondateurs 
du  Congrès  de  la  Spezzia  ;  2»  tous  les  anciens  Présidents,  qui  con- 
servent le  titre  de  Présidents  honoraires.  —  Les  membres  du 
Comité  d'organisation  qui  ne  rentreraient  pas  dans  l'une  des  caté- 
gories précédentes,  assistent  aux  séances  du  Conseil  avec  voix 
consultative. 

AfiT.  XI.  Toutes  les  demandes  de  communication  survenues 
pendant  la  session  et  toutes  les  réclamations  sont  soumises  au 
Conseil,  qui  statue  déflnitivement.  Le  Conseil  est  en  outre  chargé 
de  proposer  au  vote  du  Congrès,  conformément  à  l'article  IV  : 


—  19  - 

ART.  Xm.  S'il  y  a  un  reliquat,  il  sera  reporté  à  l'actif  de  la 
session  suivante. 

Art.  XIV.  Les  objets  offerts  au  Congrès  pendant  la  session  et 
toutes  les  pièces  de  la  correspondance,  sont  acquis  au  pays  où  la 
la  session  a  lieu.  Leur  destination  est  déterminée  par  le  Conseil. 

Art.  XV.  Le  Comité  de  chaque  session  établit  un  règlement 
particulier  concernant  toutes  les  dispositions  sur  lesquelles  il  n'est 
pas  statué  dans  le  présent  règlement  général . 

Art.  XVL  Toute  proposition  tendant  à  modifier  le  règlement 
général  devra  être  signée  de  dix  membres  au  moins,  déposée  sur  le 
Bureau  pendant  le  courant  de  la  session,  et  soumise  à  Texamen  du 
Conseil.  Celui-ci,  après  en  avoir  délibéré,  prépare  un  rapport  qui 
est  inséré,  ainsi  que  la  proposition,  dans  les  publications  du 
Congrès,  et  qui  est  mis  aux  voix  sans  discussion,  par  oui  ou  par 
non,  dans  la  première  séance  de  la  session  suivante. 

Art.  additionnel  voté  pendant  la  session  de  Bologne  (1871). — 
La  langue  française  est  seule  admise  pour  les  communications  ver- 
bales pendant  les  séances  et  dans  la  publication  du  Compte  rendu 
du  Congrès  et  des  mémoires  qui  y  sont  joints. 


b-    • 


COMITÉ  D'ORGANISATION 


POUR  LA  SESSION  DE  1872. 


PRESIDENT. 

MM. 

OIALIUS  D'HALIOT,  J.  (d'),  sénateur,  membre  de  l'Académie  royale  de  Bel- 
gique, correspondant  de  l'Institut  de  France.  Château  d'Halloy  (Ciney). 


VICE  PRESIDENTS. 

HAGEMANS,  L.,  membre  de  la  Chambre  des  représentants,  président  de  TAca- 
démie  d^Archéologie  de  Belgique.  Avenue  de  la  Toison  d*Or,  2.  Bruxelles. 

VERVOORT,  0.,  ancien  président  de  la  Chambre  des  représentants,  président 
du  Cercle  artistique  et  littéraire.  Rue  Saint  Pierre,  43.  Bruxelles. 


TRESORIER. 

PREUDHOMME  DE  BORRE,  A.,  secrétaire  de  la  Société  entomologique,  eonsenra- 
teur  secrétaire  du  Musée  royal  d'Histoire  naturelle.  Rue  des  Minimes,  19. 
Bruxelles. 

SECRÉTAIRE. 

DUPONT,  f.,  membre  de  TAcadémie  royale  de  Belgique,  directeur  du  Musée 
royal  d'Histoire  naturelle.  Rue  Caroly,  12.  Bruxelles. 

2 


MEMBRES  DU  COMITE. 


UÏI. 

àLTItïEI.  J.  J,  professeur  à  rTInîTer- 
sitô  de  lîriixelles.  Boulevard  de 
Waterloo,  87.  Brui elles. 

ALVIN,  L.,  menibrii  de  l'AcadAmie 
royale  de  Belgique,  consorvateur 
en  chef  de  la  Diblinlhèque  royale. 
Rue  dti  Trône,  ih.  liruielles, 

AISPtEN,  I.,  bourgmestre  do  la  ville 
de  Bniseliea ,  membre  do  la 
Chambre  des  reprisa entauts.  Rue 
des  Sables,  18.  Bnixellea. 

IHDULD,  8.,  ingi^nieur  an  Corps  des 
Mines.  Namur. 

BMLLET  (le  comte  de),  gouverneur  ds 
la  proîince  de  Namur. 

lECgUET,  k.,  membre  de  la  Société 
archâologiqna  do  Namnr.  Namur. 

lEHOlT-FItBEIt,  membre  de  la  SoeUdA 
arcbâologique,  membre  du  Con- 
seil provincial.  Namur. 

BERCHEI,  ingénieur  provincial  au 
Corps  dos  Mines.  Namur, 

ILOiME,  ».,  secrétaire  du  Cercle  ar- 
cbâologiqUQ  de  Termonde.  Ter- 

IDRGIIET.J.,  secrétaire  de  la  Société 
archéologique  de  Namur,  archi- 
viste do  la  province.  Nanaur. 

gHETEIl  {W  lin,  mumlire  do  la  Société 


MM. 

CUDT  (te  chanoine),  membre  d»  la 

SociiHâarchâulogiquede  Namur. 

Nu  mur. 
CASTEIMUN,  cnionel   du  génie,  con- 
seiller  trésorier  de  l'Académie 

d'Archéologie,  Anvers. 
CHklDN,  R.j  membre  de  l'Acadâmie 

royale  de  Belgique.   Rue  de   la 

Si'nae,  40.  Bruiellos. 
CDLSEIU.  ;.,  secrétaire  do  la  Sociétâ 

malacologique.  Chaussée  do  Wa- 

vre,  178.  Bruielles. 
CORKET,  F., ingénieur.  Cnesmes(Jem- 

mapes). 
CDUVHEUI,  1..  membre  do  ta  Chambre 

des  représentants.  Rue  des  Deux 

Êijliaes,  2*.  Bruielles. 
DIKOM,  L.,  membre  de  la  députation 

permanente  de  la.  province  de 

Namur.  Ciney. 
DDEHÙ,  E.,  conseiller  de   l'Acadé- 
mie d'Archéologie  de  Belgique. 

DUBQIS-TKDItN,  F.,  gouverneur  de  la 
province  de  Brabant.  Au  palais 
provincial.  Bruxelles. 

,  1. ,  professeur  à  l'Univer- 
Oand.  Gand. 

énieur  en  chef  dea 


—  23  — 


MM. 

QLUGE  (le  d^'),  membre  de  TÀcadémie 
royale  de  Belgique,  professeur  à 
l'Université  de  Bruxelles.    Rue 
Joseph  II,  7.  Bruxelles. 
GRANDGAGNAfiE,  CH.,   sénateur,   prési- 
dent de  l'Institut  archéologique 
liégeois.  Liège. 
GRANDGAGNAGE,  J.,  membre  de  TAca- 
déraie  royale  de  Belgique.  Liège. 
HAUZEUR,  M.,  membre  de  la  Société 
archéologique  de  Namur,  juge  de 
paix  honoraire.  Ciney. 
HOUZEAU  DE  LEHAYE,  A.,   secrétaire  de 
la  Société  des  Sciences,  Lettres 
et  Beaux- Arts  du  Hainaut.  Hyon 
(Mons). 
JUSTE,  TH.,  membre  de  TAcadémie 
royale  de  Belgique,  conservateur 
du  Musée  royal  d'Antiquités  et 
d'Armures.  Rue  du  Trône,  149. 
Bruxelles. 
KONINCK,  L.  (de),  membre  de  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique,  pro- 
fesseur à  l'Université  de  Liège. 
Liège. 
LE  GRAND  DE  REULANDT,  secrétaire  per- 
pétuel de  l'Académie  d'Archéolo- 
gie de  Belgique.  Anvers. 
LEUÈVRE,   X.,   bourgmestre    de    la 
ville  de  Namur,  membre  de  la 
Chambre  des  représentants.  Na- 
mur. 
LEROY,   A.,    membre    de    l'Acadé- 
mie royale  de  Belgique,  profes- 
seur  à    l'Université   de    Liège. 
Liège. 
■ALAISE,  C,  correepondant  de  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique.  Oem- 
bloux. 
■ARMGL,  E.  (del),   président   de   la 
Société  archéologique  de  Namur. 
Montaigle. 
■ONTIGNY,  CH.,  membre  de  l'Acadé- 
mie royale  de  Belgique.  Rue  des 
Palais,  102.  Bruxelleg 


MM. 

NEIRYNCK,  G.,  membre  de  la  Société 
dos  Sciences,  Lettres  et  Beaux- 
Arts  du  Hainaut.  Jemmapes. 
MÈVE,  membre  de  l'Académie  royale 
de  Belgique,  professeur  â  l'Uni- 
versité de  Louvain.  Louvain. 
OTREPPE  DE  ROUVETTE,  A.  (d'),  président 
d'honneur  à  vie  de  l'Institut  ar- 
chéologique liégeois,   conseiller 
honoraire  à  la  cour  de  Liège  et 
au  Conseil  des  Mines  à  Bruxelles. 
Liège. 
QUETELET,  A.,  secrétaire  perpétuel  do 
l'Académie  royale  de  Belgique, 
correspondant    de    l'Institut   de 
France,  directeur  de  l'Observa- 
toire royal.  Bruxelles. 
REUL,  X.  (de).  Rue  de  Robiano,  64. 

Bruxelles. 
RGFFIAEN,  F.,  artiste-peintre,  membre 
de  la  Société  malacologiqae  de 
Belgique.  Rue  Godecharles,  16. 
Bruxelles. 
ROULEZ,  J.  E.  G.,  membre  de  TAca- 
demie  royale  de  Belgique,  admi- 
nistrateur   de    l'Université    do 
Gand.  Oand. 
SClyS-LONGCHAMRS  (le  baron  de),  séna- 
teur,   membre    de    l'Académie 
royale  de  Belgique.  Liège. 
TIRERGHIEN,  G.,  professeur  à  l'Univer- 
sité de  Bruxelles.  Rue  de  Liede- 
kerke,  41.  Bruxelles. 
VAN  REIMEL,  E.,  professeur  à  l'Uni, 
versité  de  Bruxelles.  Rue  Saint 
Lazare,  25.  Bruxelles. 
VAN  RENEDEN,  P.  J.,  membre  de  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique,  corres- 
pondant de  l'Institut  de  France, 
professeur  à  l'Université  de  Lou- 
vain. Louvdin. 
YANDENPEEREROOM,  A.,  ministre  d'Ëtat, 
ancien   ministre   de   l'intérieur. 
Avenue  de  la  Toison  d'Or,  44. 


nt  VOIKEI,  C,  vice  président  de  la 
Société  eutomologique.  Boule- 
vard du  Régent,  32,  Bnisellea. 

VEIGKIES,  k.  (de),  chef  de  division  A 
l'Adminiatratioii  aomiQuaa.le  de 
Bruxelles.  Bruxelles. 

VETIT,  professeur  A  l'Université  de 
BruxelleH.  Rue  Mercelis,  9.  Brn- 

WUEIEI,  A.,  correspondaut  de  l'Aca- 


démie royale  de  Belgique,  pro- 
fesseur a  rUniverfité  de  Oaud. 
Oand. 

WETERS,  J.,  membre  des  Sociétés 
eutomologique  et  malacologique. 
Rne  du  Persil,  3.  Bruxelles. 

WITTE  (Ib  baron  de),  membre  de 
l'Académie  roj'ale  de  Belgique, 
associé  de  l'iuatitnt  de  France. 
Anvers. 


ANCIENS  PRESIDENTS  &  FONDATEURS. 


MM. 

UPELLINI,  J.  (le  p'),  président  du 
Congrès  de  la  Spezzia,  1865  ;  fon- 
dateur. Bologne  (Italie). 

COIMALU,  Emilio  (le  p--],  directeur  du 
Muséede Milan;  fondateur. Milan 
(Italie). 

lE  lOITILLET,  Gabriel,  conserva- 
teur-adjoint du  Musée  de  Saint 
Germain  en  Laye  ;  fondateur. 
Saiut-Germain  (Seine  et  Oise). 

ÏTBPPim,  Antonio  (l'abbé),  profes- 
seur à.  Milan;  fondateur.  Milan 
(Italie). 


MM. 

DESOR,  E.  (le  p'],  président  An  Con- 
grûa  de  Nencliâtel  (Suisse). 

LUIIO»,  John,  baronet.  ¥.  R.  S., 
président  du  Congrès  de  Nor- 
wich  et  de  Londres,  1868.  High 
Elms,  Farnborougta  (Kent). 

WORSAC,  J.  J.  A.,  président  du  Con- 
grès de  Copenhague,  1869.  Châ- 
teau de  Rosenborg,  Copenhague 
(Danemark). 

tOlZARIim  (le  comte),  président  du 
Congrès  de  Bologne,  18T1.  Bo- 
logne (Italie). 


MEMBRES  CORRESPONDANTS  ELUS. 

ALLEMAGNE. 


—  25  — 


MM* 

ESTOBFF,  J.  0.  C.  (le  baron  von),  cham- 
bellan. Hanovre. 
EWALD  (le  d').  Berlin. 
Fias,  0.  (le  pi").  Stuttgart. 
FOISTEB,  E.  (le  d^).  Munich. 
FIANTZIUS  (le  d'  von),  secrétaire  de  la 
Société  anthropologique   d'Alle- 
magne. Heidelberg. 
FOHLIOn  (le  pn.  Elberfeld. 
CEINITZ,  N.  B.  (le  p^-).  Dresde. 
CEILACH  (le  d^).  Ërlangen. 
GOEPPERT  (le  d""),  cons.  intime,  prés, 
de  la  Société  silésienne.  Breslau. 
fiROTEFEND  (le  d'),  directeur  des  ar- 
chives. Hanovre. 
6UIBEL,  W.  (le  d').  Munich. 
HANBELMANN  (le  p"*  d^).  Kiel. 
HARTIANN  (le  p'  d^-),  secrétaire  de  la 
Société  d'Anthropologie.  Berlin. 
HASSLER  (le  d'  p»").  Ulm. 
HEFNER-ALTENECK,  J.  H.  (le  pi"  von).  Mu- 
nich. 
HOLBER  (le  d'  de),  conseiller  intime. 

Stuttgart. 
HQBTSIANN  (le  d<-).  Celle  (Hanovre). 
JAGQR  (le  d"*).  Berlin. 
UEPERS  (le  pi*).  Berlin. 
KLUfi  (le  d^.  Lùbeck. 
KQLLIANN  (le  p'-d'*).  Munich. 
lONEB  (le  p»-  d').  Berlin. 
KBOPFFLEISCH  (le  d^.  Jéna. 
IRU6  BE  NIBA,  directeur  des  Mines  et 

des  Forges.  Berlin. 
LAZAROS  (le  p^-  d'').  Berlin. 
LEBEBUR  (le  d').  Berlin. 
LEPSIUS,  R.  (le  p'),  directeur  du  Mu- 
sée Égyptien.  Berlin. 
LEUCIART,  R.  (lo  p').  Leipzig. 
LIRBERSCHMIT,  L.  (le  à^),  directeur  du 
Musée  de  Mayence.  Darmstadt. 
LISCH,  F.  (le  d*"),  directeur  du  Musée 
et    des  Archives    de    Schwerin. 
Mecklen  bourg. 
LUCiE  (le  p»"  d').  Francfort. 
LOSCMUi(le  pO.  Tûbingen. 


MM. 

■ASCH,  directeur  des  Archives.  De- 

mern  (Mecklenbourg). 
■EHWALB,  F.  (le  d'),  Dresde. 
■ERKEL,  F.  (le  d-").  Oôttingen. 

«ESTORF,  J.  (Mad"«).  Hambourg. 

MILBE,  artiste  peintre.  Lubeck. 

■ILLER,  conseiller  d'études.  Hanovre. 

«ULLERHOFF  (le  p'  d»").  BerUn. 

N0E66ERATH  (le  pO,  président  de  la 
Société  des  Antiq.  rhénans.Bonn. 

PA6ENSTECHER,  A.  (le  p"*).  Université  de 
Heidelberg. 

PESCHEL  (le  p').  Leipzig. 

PETERMANN  (le  d-").  Gotha. 

PRURER-BEY  (le  d').  Pise  (Italie). 

QUAST  (de),  conseiller  intime,  con- 
servateur général  des  monuments 
historiques  de  la  Prusse.  Radens- 
leben.  Brandebourg. 

OUERSTEBT  (le  p').  Tûbingen. 

REICHERT  (le  p'').  Berlin. 

SANBBER6ER  (le  p').  WUrtzbourg. 

SCHAFFHAUSEN,H.  (le  p^.  conseiller  in- 
time, président  de  la  Société 
anthropologique  d'Allemagne, 
Bonn. 

SCHUSTER,0.,  capitaine  des  chas- 
seurs. Freiberg  (Saxe). 

SEMPER  (le  p^.  Wûrtzbourg. 

STEUBEL,  A.,  pasteur.  Ravensburg 
(Wurtemberg). 

STEIRTHAL  (le  p^  d').  Berlin. 

VIRCHOW  (le  pi*),  président  de  la  So 
ciété  d'Anthropologie  de  Berlin, 
correspondant    de    l'Institut    de 
France.  Berlin. 

WAGHER,  M.  (le  p').  Munich. 

WE!RTH,  AUS'i.  (le  p»"),  secrétaire  de  la 
Société  des  antiq.  rhénans.Bonn. 

WEIRHOLB,  K.  (le  p-").  Kiel. 

WELCKLER  (le  p*-).  Halle. 

WIBEL,  F.  (le  d»").  Hambourg. 

WITTICH  (le  pr  d'  de).  Kônigsberg. 

ZITTEL  (le  p'),  Munich. 

ZECH,  P.  (le  pO.  Stuttgart. 


MH. 

JEITTIIEI.L.  ll.[]epr}.St-PolUii,préB 

VienDe. 
HELLWtLD,  FI.  (le  baroD).  Vienaa. 
HOCHITmEH,  F.  fie  pr  de).  Vienne. 
MLMDS  (le  i').  Brnnn. 
KENNEIt,  FI.  Oe  d').  Vienne. 
LEPIOWSII,  J.  (le  p').  CracoTie. 
■ETKtlT  (le  p'  A').  Vienne. 


MM. 

RMSkUEl,  ingéniear.  Linz. 
SACKEH,  El.  (le  baron  von).  Vienne. 
SGNERZEI  (le.cheT.  de),  conBeiller  au- 

lique,  consul  générai  il'Antriclio- 

Hongrie.  Smyrne. 
lEUtllHH  (le  pr-).  Vienne. 
KtDCEL,  J.  £.  (le  p').  Prague. 


UM. 

lAU,  F.  t.,  trésorier  de  la  Bociété 

royale  des  Antiquaires  du  Nord. 

Copenhague. 
lECH,   k.  ¥.,   veneur  de   la  cour  de 

S.  M.  le  Roi.  Valdbygaard,  préd 

Slagelaa  (Seeland). 
BERTOUCH  (de),  venenr  de  la  coui 

S.  M.  le  Roi  de  Danemark.  Co- 
penhague. 
IDYE,  V.,  archéologue.   Copenhague 

et  Anderslev  (Sfihlesvig). 
DMRESJOLD'  SAMSOE,  0.  S.  (le  comte  de), 

directeur  général  dea  postée  du 

royaume.  Copenhague. 
EMBELHIRDT,  G.  (le  p'),  secrétaire  i 

!a  Socii5tâ  royale  de»  Antiquités 

du  Nord.  Copenhague. 
FEHGEI,  E.  F.  (le  d'),  ancien  ministre, 

conseiller  intirao  d'État.  Copen- 

hague. 


lÙLLER,  L.  (le  d').  conseiller  d'iïtal, 
directeur  du  Musée  desAutiquitfi 
gi'ecques  et  romaines,  etc.  Copen- 
hague. 

lOSENDERN-LEHII,  0.  D.  (le  haron  de), 
ministre  des  aRkirea  étrangères. 
Copenhague. 

SCHHIBT,  F,  T.  (le  d>'].  professeur 
d'aiiatomie  à  i' Uni  vers  ité,  direc- 
teur du  Musée  d'Anthropologie. 
Copenhague. 

SCliBlDT,V.(le  p').  Palais  dn  Prince. 
Copenhague. 

STtERSTRIIF,  J.  1.  (le  d'),  conseiller 
d'Etat,  prorosaeur  de  zoologie 
a  l'Université,  secrétaire  de  la 
Société  royale  des  Sciences, 
directeur  du  Musée  do  Zoologie. 
Copenhague. 

STEINNtUER,  t.,  consen-ateur-adjoint 


—  27  — 


WROBLEWSKt,  J.  J.  (le  d'),  médecin  mi- 
litaire. Copenhague. 
ZINCK,  P.,  archéologue.  Copenhague. 


M. 

ZYTPHEN-ADELER  (le  baron  de),  cham- 
bellan de  S.  M.le  Roi.Adelersborg 
(Seeland). 


ESPAGNE. 


MM. 

DE  LA  FUENTE,  E.  membre  de  TAca- 
démie  royale  d'Histoire.  Ma- 
drid. 

DEL  6AD0  JU60 ,  F.  Calle  Anchade , 
San  Bernardo,50.  Madrid. 

■AGHADO,  Antonio.  Séville. 


MM. 

■AFFtOTTE,  P.  Santa  Cruz  de  Tene- 

rife  (Canaries). 
TUBIHO,  F.  ■.   Duplo,  S.  Pedro,   6. 

Madrid. 
VILLAMOVA,    J.    (le   p^*).    Corredera- 

Baja,  57.  Madrid. 
VIXCARRONDt,  L.  Madrid. 


FINLANDE. 


M. 

ASPELIN,  J.  R.,  assistant  aux  archives 

du  Grand-Duché.  Helsijigfors. 


MM. 

EUROP/EUS,  A.  J.,  curé.  Libeli(z. 
FREUDENTHAL,  A.  0.  (le  d^.  Helsingfors. 


FRANCE. 


MM. 

ACY,  E.  (d').  Boulevard  Malesherbes. 

Paris. 
ANCELON  (le  d').  Dieuze  (Meurthe). 
BARTHÉLEiY,  A.  (de),  secrétaire  de  la 

Commission  de  la  Topographie 

des  Gaules.  Rue  d'Anjou  Saint- 

Honoré,  9.  Paris. 
RATAILLARD,  P.  Rue  Notre  Dame  des 

Champs,  41.  Paris. 
BEAUVOIS,  E.  Corberon  (Côte  d'Or). 
BEL6RAND,  E. ,  directeur  du  service  des 

eaux  de  la  ville.  Paris. 
BERTILLON  (le  d').  Rue  Blanche,  91. 

Paris. 
BERTRAND,  A.,  censervateur  du  Musée 

de  Saint  Germain.  Saint  Germain. 


MM. 

BOURGEOIS,  L.  (rabbé),directear  du  col- 
lège de  PontLevoy  (Loiret  Cher). 

BOURGET  (le  d^).  Saint  Eugène,  près 
Alger. 

BROCA,  P.  (d^*),  secrétaire  général 
de  la  Société  d'Anthropologie. 
Rue  des  Saints  Pères,  1.  Paris. 

CARRO,  A.  Meaux  (Seine  et  Marne). 

CARTAILHAC,  P.  E.,  directeur  des  Maté- 
riaux pour  Vhistoire  de  Vhomme, 
Au  Muséum.  Toulouse  (Haute 
Garonne). 

CAUMONT  (de),  président  de  l'Institut 
des  Provinces,  correspondant  de 
l'Institut  de  France.  Caen  (Cal- 
vados). 


UZJiLIS  DE  FONDDUCE.  Montpellier  (Hé- 
rault). 

CH»JI£,  F.  Cl)&!c(n  sur  Saûno, 

CHMITSE,  ERN.  Au  Muséum  d'hUtoire 
oalurelle.  Cours   Morand.  Lyon. 

COLLOil,  tu.,  Rue  do  Madame,   26. 

COLIEIIOT.  J.  J.  Semur(GOtn  d'Or). 
COm  DE  DEHUnEGIRD  (le  comte).  Châ- 

leau  de  Beau  regard.  Champ  Cuay 

(Haute  Savoie). 
COTTEHU,  BUST.,  juge  au   trîbuDal. 

Aiiierre  (Yonne), 
DILLT  (le  d').  Rue   Lavaisler,   23. 

DIIOUR,  /t.,  correspondant  de  llnsti- 
tut.  Roe  de  îa  Ferme  des  Mathu- 
riuB,  10.  Paris. 

OiVT  DE  CUSSf,  L,  conservateur  du 
Musée  de  Vannes  (Morbihan). 

OEUNDIIE.  Rue  de  la  Pompe.  Passy. 

DELkUNAT,  S.  (l'abbé),  professeur  au 
collège  de  Pont  Levoy  (Loir  et 
Cher). 

OEIARST.IkRTH.  Compiégno  (Oise). 

DE  (U*TIIEF*6ES,  membre  de  l'Insti- 
tut, au  Jardin  des  Plantes.  Pitris. 

DE»INS.  Saint  Quentin  (Aisnej. 

BEINDTtllS,  J.,  membre  do  l'Institut, 
professeur  au  Jardin  des  Plantes. 

DUREilU,l.(led').RuedeLatourd'Au- 

vergne,  10.  Parie. 
FltlDHERSE  (le  géni),en  mission  sciea- 

ti tique  en  Egypte. 


GOSSELH,  J.,  professeur  A  la  Faculté 
des  Scieneos.  Lille. 

HUIT  (le  d''),  Boulevard  Saint  Ger- 
main. Paris. 

HfBEBT,  professeur  à  la  Sorbonne. 

HDVEUCOUE.t.  Rue  Fléchter,  2.  Paris. 
JDLï,  R.,  professeur. Toulouse  (Haute 

UlR,  CK.,  membre  de  plusieui-a  So- 
ciétés savantes.  Paria. 

LIUKDE,  PK.  Brive  (Correze). 

UmT,L.,profesBeurai-lJcole  de  Mé- 
decine, direct. du  Muséum.  Lyon. 

LEGUkïE,  L.  Rue  de  la  Saints  Cba- 
pelle,  3.  Paris. 

LEPROUI,  arebiviste  et  paléographe. 
Saiut  Quentin  (Aisne). 

LETDURNEUX,  conseiller  à  la  Coui-. 
Alger. 

LIHAS,  CH.  (de).  Arras (Pas  de  Calais). 

LOUGPÉRIER,  tDR.  (de),  membre  de 
rinst.  Rue  de  Londres, 50.  Paria. 

KAHCHjIHB  (  led'),  directeur  du  Musée 
d'histoire  naturelle  de  Dijon 
(Cfite  d'Or). 

■tRTIH,  H.,  représentant.  Rue  Rone- 
lagh,  54.  Paris. 

■ASSËNIL.  El.  Malemort  (Corréiio). 

HilURf,  HF.,  membre  de  l'Iniititut, 
directeur  des  Archives.  Paris. 

HIDAILUC  (le  marquis  de),  préfet  des 
Bas  ses-Pyrû  nées. 

KOULET,  profossenr. Toulouse  (Haute 

PECCADEAU  DE  L'ISIE.  Lorlent  (Finis- 


—  29  — 


SUA» 

lEFFYE,  V.  (de),  colonel,  au  Haras. 

M eudon  (Seine  et  Oise). 
lEIlWALB,     CH.     Rue     des  Saints 

Pères,  15.  Paris. 
lEVOR,  L,  conservateur  du  Musée 

d'Annecy  (Haute  Savoie). 
IHORË,  A.   Rue  des  Pyramides,  2. 

Paris. 
HALLE,  6ËR.  (de),  préfet  des  Basses 

Alpes.  Digne. 
nVIÈRE.I.Menton  (Alpes  Maritimes). 
lOUJOU,  A.  Choisyle  Roi  (Seine). 
MLIOR,  P.  Rue  Sedaine.  Paris. 
SfULCY  (de},  membre  de  Hnstitut. 

Paris. 
SAUVAGE,  P.  (le  d^.  Rue  Gay  Lussac. 

Paris. 


MM. 

TAROY,  membre  de  la  Société  géolo- 
gique de  France.  Paris. 

TOURNAL,  directeur  du  Musée  de  Nar- 
bonne  (Aude). 

TRUTAT,  E.,  conservateur  du  Musée 
d'histoire  naturelle  de  Toulouse 
(Haute  Garonne). 

VERNEUIL,  t.  (de),  membre  de  llnsti- 
tut.  Rue  de  Varenne,  36.  Paris. 

VILRRAYE  (marquis  de),  correspon- 
dant do  l'Institut.  Rue  de  Va- 
renne,  56.  Paris. 

VOGUÉ  (le  comte  de),  membre  de 
l'Institut.  Rue  de  l'Université, 93. 
Paris. 

WATELET,  A.  Soissons  (Aisne). 


GRANDE  BRETAGNE  &  IRLANDE. 


MM. 

AIERIAR,  J.  Y.,  Esq.,   secrétaire  de 

la   Société    numismatique,  etc., 

Abingdon.  Berkshire. 
ATRIHSOR,  C.  ■.,Esq.  Earl's  Court  Gar- 

dens  Brompton.  Londres.  S.  W. 
ATEIRSOR,  J.  C. (le  rév.).  Danby,Yarm, 

Whitby. 
URRWELL,  E.  L.  (le  rév.).  Melkham. 

Wiltshire. 
RECK,J.(lerév.).  Storrington.  Susses. 
RUCKIORE,  H.  (le  d').  Salisbury. 
RLACKIORE,  W.,  Esq.,  fondateur  du 

Musée  Blackmore.  Salisbury. 
RUSK,   G.,   Esq.,   F.   R.   S.   Harley 

Street,  15.  Londres. 
CARPERTER,  (le  d^.  Londres. 
CARTER  RLAKE,  C,  Esq.  HuU. 
CROIPTDR,  J.  (le  rév.).  Bracondale, 

Norwich. 
RARWIR,  CH.,  Esq.  Queen  AnnStreet,6. 

Cavendish  Square.  Londres. 
RAVIS,  I.  R.,   Esq.,  M.   D.  Shelton. 

Stafibrdshire. 


MM. 

RAWKINS,  W.  R.,  Esq.,  F.  R.  S.,  con- 
servateur du  Musée  d'histoire 
naturelle.  Manchester. 

OAWSON,  6.,  Esq.  Birmingham. 

EVAHS,  J.,  Esq.,  F.  R.  S.  Nash  Mills, 
Hemel  Hempstead. 

FARRER,  J.,  Esq.  Ingleborough. 

FERGUSSON,  J.,  P:sq.  Langham 
Place,  20.  Londres  (W.). 

FITCH,  R.,  Esq.  Norwich. 

FLOWER,  J.  W.,Esq.  Park  Hill,  Croy- 
don. 

FOX,  LARE  A.  (le  colonel),  UpperPhil- 
limore  Gardens,  10.  Kensington. 
Londres. 

FRARKS,  A.  W.,  Esq.,  conservateur  des 
Antiquités  nationales  et  d'Ethno- 
graphie au  British  Muséum, 
Victoria  Street,  103.  Londres. 

GORDOR,  G.  (le  rév.),  L.  L.  D.  Elgin. 
Scotland. 

HAIGH,  D.  (le  rév.).  Erdington,  prés 
Birmingham. 


UH. 

HTDE-CUIIE,  Eaq.  Londres. 
HOOKEl,  J.,  Eaq.,  F.  R.  S.,  direc- 
teur des  Jardins  royaux.    Kew. 
JIIESOK,  E.  F.,E3ii.  Londres. 
JONES.  T.  R.,  Eeq.  Londrea. 
LAIKS  Ile  d^).  secrétaire  de  la  Société 

dos  antiq.  d'Ecosse.  Edimbourg. 
LTELL,  C,  baronet,  F.  R.   S.  Har- 

ley  Street,  73.  Londres. 
■ANIT,     C.     (le    colonel).     Harley 

Street,  79.  Londres. 
■ATER,  J.,  Esq.  Liverpool. 
HIGHOLSON,  CN.  (sir),  bai-ouet.  Devons- 

bii'e  Hlace,  £6.  Londres. 
PDLLEM,  G.  A.  i.,   Esq.    South  Kon- 

sington  Muséum.  Londres. 
PIESTWIGII,J.  ,K.  R.  S.  Sborcham.  Kent. 
SCDULER,  J.  Ile  d--).   Glasgow  (Adr. 

Smith  aad  Sou). 


HM. 

SIITH.,  C.  I.,  Bsq.  Strood.  RoohMter 

iKent). 
SIEVEHS,  J.  E.,  Esq-,  conservateor  du 

Musée  Blackmore.  Salisbur;. 

STUARI,  J.,  Esq.,  secrétaire  de  la  So- 
citïtâ  d'Archéologie  d'Ecosse. 
Edimbourg. 

THDIAS,  R.  6.,  E\i\.  LlanaoD,  prés 
LIanelly   South  Wales. 

THURHAI  (le  d').  Devizes.  'fî'iltslûre. 

TaOR,  E.  R.,  Esq.  Lindenden,  Wel- 
lington. Sommersct. 

WAIT,  A..  Eaq.  Wouliam  Maoor,  prés 
Reigate. 

WïLDE,  W.  (sir),  vice  président  de 
r.\cadftmie  royale  d'Irlande.  Du- 
blin. 

WniE,W.  ■  ,  Esq.  Blackwater,  Farn- 
borough. 


lASIHATES,  G.  Hermoupolîs.  Syra. 
SIEALLIA,  i.  (le  comte  do).  Santorin. 


TTFALOOS,  G.  t.  (le  A').  Athènes. 


MM. 

HEHSZLMINM.  E.  (le  d').  Pcsth. 

KUilNri,  A.  E.,  directeur  du   Maf^d» 

oatioDul.  l'esth. 
KUBIRtI,  F.  (do),  président  de  la  So- 


ciété géologique  de  la  Hongrii 


BDiïH.FL.  (lep').  PostU. 
SCHWARCI.  J.   (io  û'}.   Stuhlwel 


—  31  — 


BfM. 

CAIESTIIII,  6.  ae  p').  Padoae. 
6IIEIICI(l*abbépr),  Reggio  d'Emilia. 
CORESTABILE,  J.  C.  (le  comte),  profes- 

sear  d'Archéologie  à  TUniversité. 

Pérouse. 
filESPELARI,  R.  Modéne. 
COCCHI,  I.  (le  p'),  directeur  du  Musée 

de  Géologie.  Florence. 
lALLA  ROSA,  I.  (le  p^.  Parme. 
lE  ROSSIS,  F.  Ancône. 
ERCOLAHl,  J.  R.  (le  comte),  professeur 

d*art  vétérinaire.  Bologne. 
FABREHI,  A.  (le  p').  Tarin. 
FIORETTI,  G.  (le  sén.),  directeur  des 

fouilles  de  Pompéi.  Naples. 
FORESTI,  R.  Via  Tornabuoni.  Florence. 
CARRIGLIEni,  A.  (le  d^).  Turin. 
fiUTALRI,  R.  (le  p^.    Via    Principe 

Tommaso,  11.  Turin. 
REIIELLARO ,  9.  G.  (le  p^.  Palerme. 
GIACOIEHI,  V.  (le  d^).  Mantoue. 
GDISCARRt,  G.  (le  p>-).  N^les. 
ISSEL,  A.  (le  pr).  Via  Caffaro ,  7. 

Oénes. 
UHCIA  RE    RROLO,   F.   (le  marquis). 

Palerme. 
UOY,  P.  (le  d').  Vicence. 
LUCIAHI,  T.  Venise. 
■AHTE6AZZA  (le  p').  Florence. 
■AHZONI,  A.  (le  p').  Lugo  (Province 

de  Ravenne). 


MM. 

■ARINONI,  C.  (le  d^").  Milan. 

■ARTINATI,  P.  P.  (le  d').  Vérone. 

■ASf,  F.  (rabbé).  Castel  d* A rio  (Man- 
toue). 

MENEGHINI,  6.  (le  p').  Pise. 

NICOLUCGI,  G.  (le  chevalier).  Isola  di 
Sora.  Naples. 

OIBONI,  6.  (le  pi-).  Padoue. 

PERRANOO  DEL  6RATIAS  (le  d^.  Stella 
S.  Giustina. 

PIGORINI,  L.  (le  p^").  Musée  d'Anti- 
quités. Parme. 

POHZI,  6.  (le  p').  Via  Florida. 
Rome. 

REGNOLt  (le  d'').  Pise. 

ROCCHI,  F.,  professeur  d'archéologie 
à  l'Université.  Bologne. 

ROSA,  C.  (le  d').  Corropoli. 

ROSSI,  ■.  S.  (le  chevalier  de).  Piazza 
Gesu,  46.  Rome. 

ROSSI  SEOTTI,  6.  R.  (le  comte  de).  Pe- 
rugia. 

SCARARELLI  GOMII  FLAIINl,  6.  (le  corn.), 
sénateur.  Imola. 

SPANO,  6.,  sénateur.  Cagliari. 

STROREL,  P.,  professeur  à  l'Univer- 
sité. Parme. 

TONIRI,  L.  (le  com.),  bibliothécaire 
de  la  Gambalunga.  Rimini. 

TORESTI,  L.  (le  d').  Bologne. 


LUXEMBOURG  (GRAND-DUCHÉ  DE). 


M. 


COLRET  R'HDART,  ■.,  directeur  général  des  finances  du    Grand-duché   de 
Luxembourg. 

NORWÉGE. 


BfM. 

RU6GE,  S.  (le  p').  Christiania. 
RAA,  L  K.  (le  p*").  Christiania. 
6JESSIRG,  A.,  sous-directeur  du  Lycée 
de  Christiansand. 


MM. 

HENRICHSEN,  i.,  directeur  du  Lycée. 

Aalesund. 
HOLMRLE,  E.  A.  (le  p').  Christiania. 
WERULF,  TH.  (le  p').  Christiania. 


HM. 

LOUNGE.  A.  L.  Frederikshald. 
IIGDLAYSEH,  H.,  préaidentdola  Société 

Eircliéologiqae.  Christiama. 
NOIDI,    t.  G.,   négociant.    Morten- 

aaiBs.  Fianmark. 


MM. 

FETEIIEN,  S.  ChristiaDia. 

lYGH,  DH.,directeurdu Musée  archéo- 
logique. TroDdhjem. 
RTGII,  D.  jle  p').  Christiania. 
SUMDT,  E.,  curé.Eidsvold. 


IIIK,  i.  (le  d'),  avocat.  Le. 

LEEUINS.C.diructeur  du  MuGée  royal 
néerlandais  d'Antiquités.  Loydo. 

■ElilODI,  L  S.  P.  (le  d').  Amster- 
dam. 


MM. 
■OLL,W.  (le  p'').  Singe],  hij  de  oude 

Leliestraitt,  i.  Amsterdam. 
SCHELTEIl,  F.  (le  d').  Orouingue, 
SIX.  ilecregraclil.  Amsterdam. 
VEHIEULEN.P.  J.  L'trechC. 


MM. 

ALLME,  E.  A.  Porto. 

COSTA,  F.  A.  F.  {da).  Larga  de  S. 
Roque.  Lisbonne. 

MSTA  lACEDD,  J.  (da),  secré- 
taire de  l'AcadÈmie  rovale  de 
LÎ8l".nnc. 

DELGADO,  J.  F.  M.  Lisbonne. 


MM. 

IIIEIIO,  C,  clief  des  travaux  géolo- 
gi'iues  et  membre  du  Conseil  dea 
travaux  publics  et  des  mines. 
Lisbonne. 

SILVt,  J.  F.  M.  (da),  architecte  de 
S.  M.  le  roi  de  Portugal,  arcliéo- 
logue.  Lia  bon  no. 


KOPEtlHICKT,  IS.  (le  d').  Bucbarest. 
UREGHIA  (le  p').  Bucbarest. 


HM. 

AITEIJEF,  A.  J.,  vice-présldeut  de  la   |  i;HltllK0FF,ll1C.[dc).Rue  (leCondé.ll. 
Sociùté  russe  dWrchéologie.  Mo! 


-  33  — 


MM. 

SONZWO,  président  de  la  section  ar- 
chéologique des  Amis  de  la  na- 
ture. Moscou. 

TSCHUROWSKY.  Moscou. 


MM. 

SRESNEVSKI,J.,conseiller  d*Ëtat.  Saint 

Pétersbourg. 
VEUAMINOF-ZERNOF    (de),   conseiller 

d'État.  Saint  Pétersbourg. 


SUÈDE. 


MM. 

AIINSON, professeur  au  Lycée  Stren- 
gnaes. 

BERLIN,  N.  J.,  directeur  du  Collège 
de  santé.  Stockholm. 

BBUSEWITZ,  6.,  conservateur  du  Mu- 
sée de  Oothenbourg. 

BRUZELiUS,  N.  6.  (le  d'),  directeur  du 
Lycée.  Ystad. 

DJURKLON,  N.  6.  (le  baron),  ancien 
inspecteur  des  Monuments  ar- 
chéologiques. Orebro.  Soerby. 

BUBEN,  6.  W.  (le  baron  de),  profes- 
seur. Stockholm. 

BYBECK,  R.  Stockholm. 

O'ESSEN,  6.  (le  comte),  grand-écuyer 
de  la  cour.  Upsal.  Vik. 

6AB0IE,  A.  (le  comte  de  la).  Helsing- 
borg.  Hamiltonhouse. 

6YLLENSK0EL0 ,  F.,  secrétaire  de  la 
Société  archéologique  d'Halland, 
Laholm.  Vallen. 

HAIILTBN,  6.  (le  comte).  Vesteras. 
Hedensberga. 

MERIEUN,  0.  (le  baron).  Stockholm. 

HILBEBBANB,  B.  E.  (le  d-"),  antiquaire 
du  royaume  et  directeurdu  Musée 
royal  archéologique.  Stockholm. 

HILBEBBANB,  H.  (le  d'),  conseryateur 
au  Musée  royal  archéologique. 
Stockholm. 

HOFBEBG,  H.,  secrétaire  de  la  Société 
archéologique  de  Nerike.  Orebro. 

lfYLTER-CAVALLIUS,e.  0.,  ancien  chargé 
d'affaires.  Lamhuch,  Stora  Malen 
(Smaland). 

KLINCSPON,  C.  A.,  secrétaire  de  la  So- 


MM. 

ciété    archéologique    d'Upland. 

Upsal. 
KURCK,A.  (le  baron).  Oesteras,  Fidoe. 
LANDBER6,  L  (le  d"*),  président  de  la 

Société  archéologique  d'Helsin- 

glaud.  Hudiksvall,  Delsbo. 
UUNGSTROI,  C.  J.,  curé,  secrétaire  de 

la  Société  archéologique  de  Ves- 

trogothie.  Rannum,  Funhem. 
MOELLER,  P.  (de),  ancien  chef  d'esca- 
dron.   Skottorp,    près  Laholm. 
iONTELIUS,  0.  (le  d»"),  conservateur 

du  Musée  royal  archéologique. 

Stockholm. 
NiLSSON,  S.  (le  p^).  Lund. 
SAEYE,  CH.  (le  p^).  Upsal. 
SAEYE,  P.  (le  d"^),  ancien  inspecteur 

des  Monuments  archéologiques. 

Visby. 
SCHilBT,  CH.    Slofra,  prés    Nykoe- 

ping. 
SJOEKRONA,  J.,  veneur  de  la  cour.  Hel- 

singborg. 
TE6NER,  E.  (le  d»"),  conservateur  du 

Musée  archéologique.  Lund. 
TOiRERfi,  C.  J.  (le  d').  Lund. 
TORELL,  0.  (le  p').  Stockholm. 
WETTER,  F.  (le  p'),  curé.  Skeninge. 
WIRERG,  C.  F.  (le  d'),  président  de  la 

Société  archéologique  de  Gestrik- 

land.  Gefle. 
WIEDE,  L.  C,  ancien  secrétaire  de  la 

Société    archéologique    d'Ostro- 

gothie.  V.    Husby,    prés    Norr- 

koeeping, 
WITTLOCK,  J.  A.  (le  d').  Welioe. 


MH. 

BOISTEFFEH  (le  baron  de).  Eicheablltal, 

préa  Tlioiine. 
ClrtHT  (lo  d';.    Saint-AubiD  (Neu- 

ctlÂtol). 

ESCKER  DE  Li  UMTH  (\«  p').  Zilrich. 

FtTIO,  1.  (1»  à'),  directeur  du  Mu- 
SKO  Hrchéologlqiia  de  Vaud.  Lau- 
sanne. 

FÂÏBE,  kin.  (lo  pi").  OenôTe. 

FOIEL,  F.  l.  (lod').  Morgea  (Vaud) 

6DS1E  J.  (lo  d'),  directeur  du  Musée 
archéologique  de  OonâTe. 


UM. 

HEEI,  0.  (le  p'].  Zûricll. 

HIS  (In  p'].  Bdle. 

KELIER,  FEIB.  (le  d').  Zurich. 

PIDTET.M.  (le  p';.  Genève. 

ROUGEMOHT  F.  (de),  ancien  conseillpr 

d'Etat.  Ncucliiltel. 
HUTIIIETER(1ep>-J.p.'ile. 
IHIOLT.  Rue  du  RhAne.  Oenéve. 
UHllllNN,J.(lod').M<'iDchenbuachseo 

(Berne). 
VOIT,    C.    (le    p').    Plaln-Patais. 

Oenàve. 


tlOULUHBET.  (led').  Mosée  de  Cod- 

Btantiaople, 


I  TkHSYK-EFFEIIt.Carrerourâ'Odâon,9. 
I      Parie. 


I  ■tBIEnE-IET,  directeur   du   1 
I      d'Antiquitéa.  Au  Caire. 


BRUCE  FÛOTE,  R-,  lîsri..(}éologi(;al  Sin^ 


OLDNli,    T..    Eaq.,    F.    R.    S.,    di- 
i-eeleur   du    OéoiogioaL    Survej-. 


—  35  — 


ÉTATS-UNIS  D'AMÉRIQUE. 


MM. 

A6ASSIZ  (le  p'),  correspondant  de 
l'Institut  do  Franco.  Cambridge 
(Massachusetts). 

IARTLETT,J.  R.,Esq.,  secrétaire  d'État. 
Providence  (Rhode  Island). 

RBOWN,  M.  (le  révérend).  New  York. 

CHADROURNE,  P.>A.,  professeur  d'his- 
toire naturelle.Brunswich  (Maine). 

LEYOY,  J.  (d*-).  Filibert  Street,  1302. 
Philadelphie. 

HEHRY,  J.,  Esq.,  secrétaire  du  Smith- 
sonian  Institution.  Washington. 

■ARCOU,J.Cambridgo(Massachusetts}. 

■ARSH,  C.  P.,  envoyé  extraordinaire 
des  États-Unis.  Florence. 


MM. 

OLMSTEAD,  L.  6.  (le  é^),  Moreau  Sta- 
tion. Sarago  ta  County(New  York). 

FEALE,  F.,  Esq.  Philadelphie. 

PHILIPS,  H.,  Esq.,  président  do  la 
Société  des  Antiquaires  de  Phihi- 
delphie. 

SCHOOLCRAFT,  H.  R.,  L.  L.  D.  New  York. 

SQUIER,  E.  G.,  Esq.  105,  E,  37  th. 
Street.  New  York. 

WRITE,  S.  C.  (dr).  Jowa  City  (Jowa). 

WIHTHROP  ,  C.  R. ,  L.  L.  D. ,  prési- 
dent de  la  Société  historique  de 
Massachusetts. 

WYiAH,  J.  (dO.  Cambridge  (Massa- 
chusetts). 


BRÉSIL. 

M.  M. 

LUND,  P.  V.  (le  d'),  professeur.  Lagoa  I  SILVA,  ■.,  (le  p>'d).  Rio  Janeiro. 
Santa.  | 

CANADA. 


M. 

CHAUVAU,  H.,  ministre  de  rinstruction 
publique.  Montréal. 


MM. 

WILSOM,  D.  (le  p').  Toronto. 
DAWSON,  J.  W.,  Esq.  Montréal. 


PROVINCES  DE  LA  PLATA. 


M. 


OURIEISTER,  CH.  (le  pi*),  directeur  du  Musée  public  de  Buenos  Ayres. 


DE  LA  SESSION  DE  18/2. 


PRESIDENT. 
M.  D'DliLIUS  B-KILLOT,  J. 

PRÉSIDENTS  HONORAIRES. 


MM. 
MFELLIHI,  J. 
DE  HDRTIUn,  t. 

BESOR,  E. 
WDKUE,  J.  J.  A. 


Anciens  présidents. 


VICE  PRÉSIDENTS. 


BENEDEB.  P.  J,  (van). 
WIITEib,iroiiile). 
KILSSnW.  S. 


—  37  - 


SECRÉTAIRES. 


MM. 

BRIART,  A. 
CORNET,  F. 


MM. 

■AUISE,  C. 
DE  REUL,  X. 


SECRETAIRES  ADJOINTS 


MM. 

COLBEAU,  J. 
WEYERS,  J. 


MM. 

VAN  HOREN,  F. 
■OURLON,  ■. 


MEMBRES  DU  CONSEIL. 


MM. 

lOURGEOIS  (rabbé). 

RROGA. 

DA  SILVA  (le  chevalier). 

EN6ELHARDT. 

FAIOHERBE  (le  général). 

FRAAS. 

NAGEIANS,  G. 

NfBERT. 


MM. 

HILDEBRAND. 
LEEMANS,  C. 
OPPERT. 

SGHAAFFHAUSEN. 
SCHMIOT,  V. 
VERVOORT,  C. 
WURIBRAND  (le  comte). 


LISTE  DES  MEMBRES. 


SESSION  DE  (872,  A  BRUXELLES ', 


-BUHEI  (le  baron  von}.  Cassel. 
■BUMIII(ledO.  Berlin. 

ESTOIFF.J.  0.  C.(lobur(tiivoii),cham- 

bdlan.  Hanovre. 
■FIMÏ,D.  (le  p').  Stuttgart. 

HANDELHNN  (le  p'  d').  Kiel. 
-■ESTDIF,  J.  (Mil").  Hambourg. 

PRUHEH-IEY  (le  d").  Pise  (Italie). 
-SCHMFFHtUSEN  (le  p',',  conseiller  in- 


time, prés!  d' de  la  Société  anthro- 
pologique d '.Allemagne.    Bonn. 

-ICNUFFHAUSEN  (Mil').  Bonn. 

-VIRCHDW  (le  p'),  président  de  la  So- 
ciété d'Anthropologie  dcBerlin, 
correspondant  de   l'Institut  de 


?'ra 


ÎLTlin 


WUNEI,  1.  (le  p--)  Munich. 
■WEÏIEIISÏT  (le  comte).  Pudewictz. 


—  30 


DANEMARK. 


MM. 

BEITOUCN  (de),  veneur  de  la  Cour  de 
S.  M.  le  Roi  de  Danemark. 
Copenhague. 

'EN6ELHARDT,  C.  (le  p^*),  secrétaire  de 
la  Société  royale  des  antiquités 
du  Nord.  Copenhague. 
HERBST,  C.  E.,  secrétaire  et  archi- 
viste du  Musée  des  Antiquités  du 
Nord,  etc.  Palais  du  Prince.  Co- 
penhague. 

•SCHilDT,  V.  (le  p').  Pala\s  du  Prince. 
Copenhague. 

*STEENSTRUP,  J.  S.  (le  dn,  conseiller 
d*État,  professeur  de  zoologie  à 
rUniversitô ,  secrétaire  de  la 
Société  royale  des  sciences,  di- 


MM. 

recteur  du  Musée  de  Zoologie 

Copenhague. 
STRUNK,  A.,  conservateur  adjoint  du 

Musée  des  Antiq.  du  Nord,  etc. 

Palais  du  Prince.   Copenhague. 
•WICHFELDT,  J.   (de),   chambellan  de 

S.  M.  le  Roi.  Engestofte  (Laa- 

land). 
WICHFELDT    (M"»    de).    Engestofte. 

(Laaland). 
*WORSAAE,  J.  J.  A.,  conseiller  d^Ëtat. 

directeur  des  Musées  d'Ethno 

graphie  et  d'Antiquités.  Copen- 
hague. 
*WROBLEWSKt,  J.  J.  (le  d')»  médecin 

militaire.  Copenhague. 


ESPAGNE. 


M. 
TDBINO,  F.  1.  (don).  Duplo  S.  Pe- 
dro, 6.  Madrid. 


M. 

VILLANOVA,  J.  (le  p'').  Madrid. 


FRANCE. 


MM. 

ACY,  E.  (d'j.  Boulevard  Malesherbes. 

Paris. 
AURÈS,  L.  A.,  ingénieur  en  chef  des 
Ponts  et  Chaussées.  Nîmes. 

*BARROiS,  CH.,  préparateur  de  géo- 
logie à  la  Faculté  des  sciences. 
Lille. 

'RARROIS,J.,  étudiant.  Lille. 
BARTHfLEir,  A.  (de),  secrétaire  de  la 
Commission  de  la  topographie 
des  Gaules.  Rue  d'Anjou  S*  Ho- 
noré, 9.  Paris. 

'BAODRE,  H.  Rue  des  Éperonniers,  3. 
Bruxelles. 

•BATE,  J.  (de).  Baye  (Marne). 


MM. 

*BEAUVOIS,  E.,  maire   de    Corberon 

(Côte  d'Or). 
*BEL6RAN0,  E.,  directeur  du  service 

des  eaux  de  la  ville.  Paris. 
'BELLY,  F.  Paris. 
•BERTOT,  J.  A.,  vice-secrétaire  de  la 

Société  des  sciences  de  Bayeux. 

(Calvados). 
•BERTOT,II.A.,  étudiant.  Bayeux  (Cal- 
vados). 
BERTRAND,  A.,  conservateur  du  Musée 

des  Antiquités  de  S*  Germain  en 

Laye  (Seine  et  Oise). 
•BIGOT,    correspondant    du    Siècle, 

Paris. 


MM. 

-BISCNOFFSMEII,  B.  Paris. 

"BOrSStT.  Cll..rMm-tfurc|ps  Mondes. 

■BOHIUL.  Toulouse. 
•BllROÉ{i-ab!.É}.  Baya  iMarne). 
-■OUHBEOIS.  L.  (l'abbé),  directeur  du 

Collage  de  Pont  Levoy  (Loir  et 

Cher). 
'BlOCl,  P.  (le  dr),Beci'i^taire  général 

de   ia   Société  d'AnUlnuiologïe. 

*  CHIIPAII.  Itt. ,  employé  à  l'imprimerie 

Weitseubruch.  Place  de  l'InduE- 

trie,  15.  Bruselles, 
■CtlUILHlC,P.  E.,  directeurdcB,Va((l- 

riaiias  poiiy  Chisloire  de  t  Homme. 

Au  Muséum.  Toulouse    (Haute 

Oaronue). 
UII»NT  ,del,  président  da  HuBtitut 

dos  ProTineos,  correspondant  de 

l'Institut  de  France.  Caoa  (Cul- 

ïadoa). 
'CUHLII    DE    FONDOUCE.     Montpellier 

(HOranlf). 
■CH»IITIE,EIII(.Au  Muséum  d'Histoire 

naturelle.  Lyon. 
'GIIARVET,J.,nQmisraate.StOermDin- 

■MnEHI),  BUST.,jugfl  au  tribunal.  Aa- 

lerra  (Yonne). 
CDUEIN,  L.,  préhideni  de  la  Société 
dnnkerquoisfl,    oto-,   inspecteur 
de  la  Société  rranfaise  d'Archéo- 
logie. Dunkerque. 


UM. 

Mines,  professeur  à  l'École  des 
Mines  et  àl'IîcolB  normale.  Paris. 

'DEIAHSY,  IRTH.  Compiégae  (Oise). 

'  DE  NOBTILIET,  attaché  au  Musée  des 
Antiquités  nationales  ds  St  Oer- 
miiitt  en  Laye  (Seine  et  Oise). 

'DE||UlTmmS,iiiembrodet'lQ8titDt, 
professeuranJnrdindea  Plantes. 
Paris. 
DESHIYES,  professenr  au  Jardin  <les 
Plantes.  Paris. 

'DDLLFUS,  G.  R(.ubaii. 

'  DUMONT,  t.  Rue  de  Napics,  4.  Paris. 
DUREJIU.k.(ted').  Paris. 

'ElOFF,  *.,  géologue  et  naturaliste, 
toembre  de  plusieurs  Sociétés 
savantes.  Rue  de  l'Ëcole  de  Mé- 
decine, 22.  Paris. 

•ElOff  (M"'),  Paris. 

■fdlBHEBBE  (le  général).  Lille. 
fniNCHET,  H.    Cour  CheTcny    (Loir 
et  L'her). 

•iHHTIER,  *..  délégué  do  la  Société 
uaf  ionalç  arc  Géologique  du  Midi 
de  la  France,  Toulouse. 
BÀUIlRr.  k.,  professeur  do  paléonto- 
logia  au  Muséum.  Paris, 

■«DIDSCHMIDT.  Boulevard  Malesher- 
bes,33.  Paris. 

'SOItRT,  CH.,  homme  de  lettres. 
St  Quentin. 

'GOSSELET,  J.,  professeur  âla  Faculté 

des  Scieuces,  Lille. 
GUERNE,  J.  (de),  étudiant.  Douai. 


—  41 


MM. 

*LAiR,  CN.,  membre  de  plusieurs  So- 
ciétés savantes.  Paris. 

LALANOE,  P.  Rue  Haute,  Brive  (Cor- 

réze). 
*LANCERAU,  E.,  professeur  agrégé  à  la 
Faculté  de  Médecine  des  hôpi- 
taux. Rue  St  Arnaud.  Paris. 

LANDRAN,  membre  de  la  Société  dun- 

kerquoise.  Dunkerque. 
•LAPATZ,  F.  Paris. 

LARTET,  L.,  professeur  à  l'École  de 
Médecine,  directeur  du  Muséum. 
Lyon. 

LAURIÈRE,  J.  (de),  inspecteur  de  la 
Société  franc.  d'Archéol.  Paris. 

LECOCQ,  clerc  de  notaire.  Lille. 

LEJEUNE,  ERN.,  président  de  la  So- 
ciété philotechnique  de  Calais, 
membre  de  la  Société  d'Archéo- 
logie. Calais. 

LE6AYE,  L.,  trésorier  de  la  Société 

d'Anthropologie.  Paris. 
'LEPROUX,    F.,   archiviste  et   paléo- 
graphe. St  Quentin  (Aisne). 
'LERAS,  inspecteur  d'Académie.  Au- 

xerre  (Yonne). 
•LIMAS.  CH.  (de).  Arras. 
•LUCAS,   CH.,  directeur    de  la  Bio- 
graphie universelle  des  Archi- 
tectes. Paris. 
•LUCAS  (M"»*).  Paris. 

LYMEAU,  TH.  Paris. 

■AITRE,  A.,  chef  des  ateliers  du 
Musée  de  St  Germain  en  Laye 
(Seine  et  Oise). 

■ASSËMAT,  E.,  manufacturier.  Male- 
mort  (Corréze). 

■AYRIEL,  El.  rue  du  Cirque,  5»>i8. 
Paris. 

■AYHIEL,  H.  (M««).  Paris. 

■AZARD,  archéologue.  St  Germain 
en  Laye  (Seine  et  Oise). 

Musée  des  Antiquités  nationales 
de  St  Germain  en  Laye. 


MM. 

^OLLIEROEIARICHARD,  J.,  archéologue 
et  membre  delà  Société  d'Anthro- 
pologie  de  Paris.  Vallon  (Ar- 
dèche). 
•OPPERT,  professeur  au  Collège  de 

France.  Paris. 
•ORTLIER,  J.,  chimiste.  Croix  (Rou- 

baix). 
PERROT,  E.  Laval  (Mayenne). 
•PICARD,   ERI.,  ministre  de   France, 
Place  de   l'Industrie,  14.   Bru- 
xelles. 
POMRIEROL,  maire  de  Veyre  Mouton 
(Puy  de  Dôme). 
•REROUX.  Paris. 

•REIMWALD,  CH.,  libr.  éditeur.  Paris. 
•REIMWALD(M"»«).  Paris. 
RHONE.  Paris. 
•RIALLE,  GÉR.  (de)  préfet  des  Basses 

Alpes.  Digne. 
RIGAUX  nis.  H.,  membre  de  la  Com- 
miss.  historique  du  Nord.  Lille. 
RIVIÈRE,  M.    Menton  (Alpes   Mari- 
times). 
ROUJOU,  A.  Choisy  le  Roi  (Seine). 
*ROYER,  CL.  (M"«).  Paris. 
*ROZET,A.  Paris. 
SALMON,  P.  Rue  Sedaine.  Paris. 
•SAUVAGE,  F.  Rue  Monge.  Paris. 
SAVOYE,  E.,  chimiste.  St  Ohislain. 
Société  d'Anthropologie.  Paris. 
SPITAELS  (le  d').  Croix  (Roubaix). 
•SUPERSAC,  J.  Paris. 
TARDY,  membre  de  la  Société  géolo- 
gique de  France.  Paris. 
•TESSIER  OU    lOTAY.  Rue  de  la  Ra- 
quette, 73.  Paris. 
•VERLIÈRE.   Rue  Rogier,    177.    Bru- 
xelles. 
*VIRRAYE  (le  marquis  de),  correspon- 
dant de  rinstitut.  Rue  de  Va- 
renne,  56.  Paris. 
•  WICKERSHEIIER,E. ,  ingénieur  à  FÉcole 
des  Mines.  Paris. 


GRANDE  BRETAGNE  &  IRLANDE. 


tTlINSON,  G.  i.,  Esq.,  Kirl's  Coart 
Ci  irlctiis.BromptOD,  16.  Londres. 
S.  W. 
■mi,  s.,  Esq.,    F.   R.   S.   Harley 
Street,  15.  Londres. 

EHIISTÏ     (  colloclioQ  ).        Victoria 
Sti-eut,    103.    Londres. 

BiWKINS,  .W.,  BOITD.  F.  R.  S.,  direc- 
teur du  Musée  d'Histoirei  natu- 
relle dâ  Mauuhestcr. 
-BUNKIIt.  ».  J.  Dartford.  Kont, 
■BUIKII  (M^).  Dartford-  Kent. 

EVtlS,   J.,   F.   R.   S.,  Nash  MitU, 
Hempstead.  Londres, 

FEHGUSSDII,  J.,  F.  R.  S.  Langham 
Place,  20.  Londres. 

fLOWÉB,  W„  F.  O,  S.  Park  Hill. 
CroydoD. 

~0I,  k.  H.  (le  colonel),  vice-président 
de  la  Société  des  Antiquaires  de 
Londres.  Upper  Phillimore 
Oardeus,  10.  Kensington. 
'FBANIS,  Ik.  W.,  conservateur  d'anti- 
quitéa  nationales  et  d'ethnogra- 
phieauBritish  Muséum. Londres 

JBNES,  R.  (le  pO.  F.  0-  S.  Sandhurst. 
*Gk1,    TH.     British  Muséum.  Lon- 

GBEENWEtL,  W.  (le  râv.).  Durhaiti. 


MM. 
GBITTIN,  E.  i.,  cousul  d 'Angleterre. 

Place  du  Meir,  5.  Anvers. 
HMLSTOME.  EBW.,  P.  S.  A.  Wallon 

Hall.  M'akofleld. 
HOOKER,  BR.  J.  B.,  F.  R.  S.,  directeur 
des  Jardins  royaux.  Kew. 
*  HYOE-CIABKE.  S' Ueorge'a  Square,  33. 

LUBBB»,  J.  (siH,  Bart  M.  P.,  F.  R. 

S.  Londres. 
LÏELl,  CH.  B.  (8ir),  F.  R.  S.  Harley 

ytreut.  Londres. 
'NEWItH   (M"*'.  Wind  Mill    street. 

Gravesand.   Kent. 
■tHBÏ,  t.  |le  colonel).  Londres. 
DWEB  (lu pr;.surintenàant  d'histoire 

naturelle  au    British   Mnsaum. 

rRESTWICH,  J.  F.  R.  8.  Shorehain. 

■SlVIlLELUiLET.J.,  ministre  d'Angle- 
terre,  rue   du  Trône,  42.  Bru- 

UTLEUR,    GH.  W.,    Lincolns    Inn. 

TU  II  US.  Eloctham  Lodge.  Birmin- 
gham. 
WTUE.    W.  ■.,   Esq.    Blackwater. 

Faruborough, 


—  43  - 


MM. 

la  Société    anthropologique   et 
ethnographique.  Cento. 
BOSIS,  F.  (de).  Ancône. 

'BOTTI.  U.,  (le  chev.).  Lecce. 

'CAPELLINI,  G.  (le  corn.),  professeur  à 
rUniversit«5.  Bologne. 

'CHIERICI  (l'ahbéU  professeur. Reggio 
d'Emilia. 

•COIIESTABILE,  J.  C.  (le  comte),  profes- 
seur d'archéologie  à  l'Université. 
Pérouse. 

'GONESTABILE,  CH.  Pérouse. 
CORNALIA,   E.   (le   p»";,   directeur  du 
Musée.  Milan. 

'FABIETTI,  A.  ;le  p"*),  consei*vateur  du 
Musée  d'Antiquités,  membre  do 
l'Académie  royale  des  Sciences. 
Turin. 
F08ESTI  (le  d»").  Bologne. 

•fiABOVAGLIO,  A.,  secrétaire  de  la  Com- 
mission d'j^\xchéologie  de  la  pro- 


MM. 

vince  de  Cômo  (Lombardie),  Me- 
naggio  (Lac  de  Côme). 

60ZZADINI  (1^  comte),  président  du 
Congrès  de  Bologne  en  1871. 
Bologne. 

iARINONI,  C. lie  d*"),  adjointau  Musée. 
Milan. 

iARTINATI,  P.  P.  (le  d^).  Vérone. 

OMBONI,  G.  (le  p"-).  Padoue. 

OMBONI  (M"»').  Padoue. 

PERRANDO  DEL  GRATIAS  (le  d>-).  Sasstdlo. 

PIGORINI,  L.  (le  p^.  Au  Musée  d'An- 
titiuités,  Parme. 

RAFFAELLI,  F.,  bibliothécaire  com- 
munal. Fermo. 

ROSSI  SEOTTI,  J.  B.  (le  comte  de).  Pe- 
rugia. 

SCARABELLI  GOMMI  FLAilNI,  G.  (lecom.), 
sénateur.  Imola. 

STROBEL,  P.,  professeur  à  l'Univer- 
sité. Parme. 

Z0N6HI,  A.,  bibliothécaire.  Ancône. 

LUXEMBOURG  (GRAND-DUCHÉ  DE). 


M. 


iUNCHEN,  conseiller  d'État,  membre  des  Sociétés  archéologique  et  des 
sciences  naturelles.  Luxembourg. 


PAYS  BAS. 


MM. 


'BINCKHOBST  VAN  DEN  BINCKHOBST,  J.  E. 

(van).  Maestricht. 

BOOT,  J.  F.  G.  (le  d»"),  secrétaire  de 
TAcadémie  des  Sciences.  Amster- 
dam. 

OE  MAN,  J.  C,  docteur  en  médecine. 
Middelbourg. 

OE  iAN,  J.  G.,  étudiant  en  philo- 
sophie. Middelbourg. 
'OIRRS,  J.  (le  d»"),  président  de  la  So- 
ciété d'Histoire,  d'Antiquités, 
etc.,  de  la  Frise,  membre  de  l'Aca- 
démie royale  des  Sciences  des 
Pays  Bas.  Leeuwarde. 
'H00Ft'vAIIIDDEKIN6E,J.  e.  h.  (le  chev.), 


MM. 

associé  étranger  de  la  Société 
royale  de  Numismatique  belge, 
directeur  du  Cabinet  numisma- 
tique de  l'Université.  Leyde.  * 

HULSEBOS,  G.  A.  (led<).  Utrecht. 
*LEEMANS,  G.  (le  d'),  directeur  du 
Musée  royal  néerlandais  d'Anti- 
quités, chargé  de  la  direction  du 
Musée  royal  néerlandais  d'Eth- 
nographie. Leyde. 

PLEYTE,    DR.    W.,    conservateur  du 
Musée  royal  d'Antiquités.  Leyde. 

SCHUTZ,  consul  de  l'Amérique  du 

Nord.  Rotterdam. 
*UBAGHS,  C.,  naturaliste.  Maestricht. 


MM. 

AUNE,  E.  k.  Porto. 
'RIIEIRO,   chef  des  travani  géolog. 
etraembi'eduCoascil  des  travaux 
publics  et  des  rolues.  Lisbonne. 


■SIL«,J.P.».  [da),archit«!U(leS.M. 
)e  Roi  de  Portugal,  archéologue. 
Lisbonne. 


PROVINCES  DE  LA  PLATA. 


lUMEISTiR.C.  "..directeurduMusée  I    lOIIEIII.F.  F.  Buenos  Ayres. 
public  de  Buenos  Ayrea.  | 


UIECRIA  (le  p'].  Buctaarest. 


MM. 
BIDELFUTEIOe  comtede). Saint  Pé- 

tersbourg. 
KUITZ,  1.  (dej,  membre  de  la  Société 
littéraii-e.  Varaovie. 


MM. 

NATJIRSOII,  L.  (led').  Vai 

SONZDW.  Moacou. 
'ZiWISU.J.  Moscou. 


SRUSEWITZ,    fi.,    conaei-vntsur    du 

Musée.  Ooth  en  bourg. 
EWÏRT,  *.  T,,  membre  Je  la  Boti&U 

d'Archéologie  de  Suéde. Oothen- 

bourg. 
-tlILOEBIIANO,  H.   (le  d-j,    arehiviate, 

directeur  du  Musée  royal  arcbéo- 


UHDIERG,  t.  (le  d').  Stockholm. 
UURGSTMI,  curé.  Rannum. 
■OllTELI1IS,0.,conscrVBteurduMuaéc 

royal  ai-chéologique.  SLockliolm. 
HILSSDN.S.  (lep').  Luud. 
illLKOII(Mi'<).  Lund. 
QLiyEDIIOH*  (d').  conseiller  a  la  Cour 


45  — 


BELGIQUE. 


MM. 

âlâl,  receveur   des    contributions. 

St  Hubert. 
ALUIT    (le   d').    Chaussée    d'Ktter- 

beek,  12.  Bruxelles. 
ALTiEYER,  J.  J,  professeur  â  l'Univer- 
sité de  Bruxelles.  Boulevard  de 

Waterloo,  87.  Bruxelles. 
UVIN,    L,    membre  de  rAcadéraio 

royale  de  Belgique,  conservateur 

en  chef  de  la  Bibliothèque  royale. 

Rue  du  Trône,  45.  Bruxelles. 
ANCY  DE  LANHOIS  (le  comte  d*).  Rue  du 

Mont  de  Piété,  15.  Mous. 
ANSPACN,  J.,  bourgmestre  de  la  ville 

de    Bruxelles,    membre    de    la 

Chambre  des  représentants.  Rue 

des  Sables,  18.  Bruxelles. 
AlNOUhO,  6.,  ingénieur  au  Corps  des 

Mines.  Namur. 
ASTBUC,   E.    A.,    grand     rabbin    de 

Belgique.   Rue    du    Marais,  65. 

Bruxelles. 
AYOU,  A., major  du  corps  d'État  major. 

Rue  de  rAbondance,20.  Bruxelles. 
BACHENNE,  architecte.  St  Hubert. 
BAILLET  (le  comte  de),  gouverneur  de 

la  province  de  Namur. 
BALAI,  architecte  du  Roi,  membre  de 

l'Académie  royale   de  Belgique. 

Rue  de  Londres,  17.  Bruxelles. 
BABELLA,  H.  (le  d').  Chapelle  lez  Her- 

laimont. 
BABBË,  F.,  chef  de  la  station  du  Midi. 

Bruxelles. 
BAUDE,  E.  Rua  Belliard.  Bruxelles. 
BAUOUIN  (le  d').  Uccle. 
BAUWENS,  ËO.  Rue  des  Minimes,  30. 

Bruxelles. 
BAYET,  L.,  ingénieur.  Walcourt. 
DEC9DET,  A.,  membre  de  la  Société 

archéologique  de  Namur.  Namur. 
BENB,  J.  (le  baron).  Rue  Seûtin,  8. 

Bruxelles. 


MM. 

BELLYHCK  (le  R.  P.),  associé  de  TAca- 
démie  royale  de  Belgique,  profes- 
seur au  Collège  N.  D.  de  la  Paix. 
Namur. 

BENOIT-FABER,  membre  de  la  Société 
archéologique,  membre  du  Con- 
seil provincial.  Namur. 

BERCHEM,  ingénieur  provincial  au 
corps  des  Mines.  Namur. 

BER6Ë,  H.,  professeur  de  chimie, 
membre  do  la  Chambre  des  repré- 
sentants. Rue  de  la  Poste,  176. 
Bruxelles. 

BESME,  architecte.  Rue  Jourdan,  36. 
Bruxelles. 

BEST,  E.,  vice  président  du  tribunal 
de  V  instance.  Rue  d'Edim- 
bourg, 36.  Bruxelles. 

BISCHOFFSHEli,  sénateur.  Boulevard 
de  l'Observatoire.  Bruxelles. 

BLAUWE,  J.  (de),  avocat.  Rue  de  Ber- 
lin, 31.  Bruxelles. 

BLOCHOUSE,  R.  (de),  étudiant.  Oem- 
bloux. 

BLOMIE,  A.,  secrétaire  du  Cercle  ar- 
chéologique de  Termonde.  Ter- 
monde. 

BOODAERT,  professeur  à  l'Université. 
Gand. 

BOiiER,  J.  E.,  professeur  à  l'Univer- 
sité libre,  conservateur  au  Jar- 
din botanique  do  l'État.  Rue  de 
la  Chancellerie,  18.  Bruxelles. 

BONAilS,F.,  conducteur  des  Ponts  et 
Chaussées.  Ciney. 

BONNAUO  (l'abbé).  Anvers. 

BONNET,  sénateur.  Tournay. 

BONTEMPS,  CM.,  homme  de  lettres. 
Rue  de  Louvain,  9.  Bruxelles. 

BORCHGRAYE,  E.  (de),  secrétaire  de  léga- 
tion, chef  du  cabinet  du  ministre 
des  affaires  étrangères,  membre 
correspondant     de      l'Académie 


MM. 

royale  de  Belgique,  etc.   Rue  du 

Commerce,  55.  Bruiellea. 
lORCKSIAVE   l'ILTENt    (le    comte    de) 

secr^taireduRoi.RueBelliHrd,-!!. 

Bruxelles. 
BORCHGRHE  D'UTEM,  l.  [le  comte  de), 

au  Château  de  Wodoraont  (Visé). 
SDIENET,  J.,  secrûtHire  de  la  Société 

■rchêologique  de  Namur,  archi- 
viste de  1»  province.  Namur. 
lORLËE,  J.-lk.,  docteur  en  médecine  et 

professeur  A  l'Uiiiversité,  Liège. 
ROUANS,  S.,  archiviste.  Liage. 
IBRTIER,  horticulteur.  Rue  Royale,  43. 

Bruxelles. 
ROSERET,Juge  de  paix.  Ciiiey. 
ROSTEELS,    L.    [le    tl').     Marché    St 

Jac<iufia,  37.  Anvers. 
RDUCguÊltU,E.,m<:'mbre  delà  Chambre 

des    itipréscntuntii.     Place     dus 

Nations.  16.  Bruiellea. 
BOUCgUlC,  J.,  avocat.  MouUgne  de  la 

Cour,  3.  Bruxelles. 
BOUILLON,    k.    Rue    Br<>derode,    3. 

BruxeUes. 
BOUILLOI,  professeur  de  botanique. 

Couvin. 
BDURBEOIS  (led').  Rue  du  Trône,  171. 
BOURSDK,  t.,  ingi^nieur.  Rue  de  Lou- 

vain,  9.  Brusylles. 
tOUTET,  major  au  corps  d'État  major. 

Rue  du  Méridien.  Bruxelles. 
BNANDT,  P.  Anvers. 
BBtTER  (1"  dn,  niemiire 


I       membre  de  la  .Suciélé  paléouto- 

logique  et  archéologique  deChar- 

leroi.  Oilly. 
I  SniIHE,  E.,  directeur  de  la  Société  de 
I       Corphatie.  Iluy. 
,  SRDERS.  F ,  avocat.  Vieille  rue  de 
'       Bruxelles.  Matines. 
'  BROU,  CH.  (de),  &  l'h6tel  d'Arcnbei-g. 

Place  du  Petit  Sablon.  Bruxelles. 
I  RROUCHIIN,  t.  Pnimeries. 
I  RRUGIANH.  E.,  banquier.  Rue  d'.lren- 
I      berg,  Bruxelles. 
IULS,  CH.,  secrétaire  de  la  Ligue  de 

l'enseignement ,     Marché     aux 
j      Herbes,  103.  Bnixellcs. 
;  RURRURE.L.  Ile  chevalier  de,  membre 

de  IWcadémic  royalede  Belgique. 
i      Anvers. 
.   RUTS  [lo  d').   Rue   de  la   Braii-,   14. 

Bruxelles. 
I  RUZDU,    A.,    pharmflcjnn.    Rue   Jo- 
I      sepb  11,05.  Rrnxelles. 
,  CUDB,  A.,  ai-chitocle,  membi-e  de  la 

Socii^tépalèontiilngiqucetarcbéo- 
j  logique  de  Cliarlei-oi.  (^harleroi. 
I  CAPELLE,  F.,  propriétaire.  S»Uinne. 


(Nar 


ir). 


CAFEROH,  ■.,  homme  de  lettres.  Rue 
de  Louvaiii,  9.  Bruxelles. 

CAREZ,  ■.,  ingénieur  en  chef  des 
Ponts  et  CliauBsées  du  Brabiint. 

CIRLIER,  avocat.  Rue  de  l'In- 
dustrie, V2.  Bnixelk'B. 

MR?ENTIEB.  E.  ,1e  if).  Rua  dos  Peljts 


—  47  — 


MM. 

CAnBEUX,  L,  chef  de  bureau  à  l'Ad- 

ministration  communale  et  sténo- 
graphe. Rue  Royale,  112.  Bru- 
xelles. 

CEULENEEI,  A.  (de),  membre  corres- 
pondant de  l'Académie  d'Archéo- 
\o'^ïe  de  Belgique.  Louvaiu. 

CHALON,  I.,  membre  de  TAcadémie 
royale  de  Belgique.  Rue  du 
Trône,  103.  Bruxelles. 

CHABUEI,  E.,  docteur  en  médecine, 
Faubourg  St  Gilles,  19.  Liège. 

CHARNEUX,  A.,  journaliste.  Rue  du 
Fer.  Namur. 

CHASSAINT,  A.,  homme  de  lettres.  Rue 
de  Louvain,  9.  Bruxelles. 

CHEVRON,  professeur  à  l'Institut  agri- 
cole. Oembloux 

GLAES,  P.,  industriel.  Lembecq. 

CLOflUET  (le  d^,  membre  du  Cercle 
archéologique  de  Mons  et  de  la 
Société  paléonfologique  et  archéo- 
logique de  Charleroi.  Feluy. 

MAEPS,  H.  Rue  de  l'Abricot,  8.  Bru- 
xelles. 

COCHETEUX,  colonel.  Anvers. 

COGELS.  A.  Place  de  Meir,72.  Anvers. 

C06ELS,  P.  Rue  d'Arenberg,  27. 
Anvers. 

COLBEAU,  J.,  secrétaire  de  la  Société 
malacologique.  Chaussée  de  \Va- 
vre,  178.  Bruxelles. 

COLINET,  ËO.  Rue  du  Commerce,  28. 
Bruxelles. 

COOiANS,  L.,  pharmacien.  Rue  du 
Poinçon,  62.  Bruxelles. 

COPPIN,  E.  (le  baron  de),  conseiller 
provincial.  Ermeton  sur  Biert. 

COQUILHART,  général  d'artill.  Anvers. 

CORNET,  F.,  ingénieur.  Cuesmes  (Jem- 
mapes). 

COBB-VANOEB  lAEREN,  renfler.  Chaussée 
deVleurgat,  233. 

COUSOT  (le  d'),  membre del'Académie 
royale  de  Médecine.  Dinant. 


MM. 

COUVREUR,  A.,  mt^mbre  de  la  Chambre 

des  représentants.  Rue  des  Deux 

Églises,  24.  Bruxelles. 

CRÉPIR,  F.,  conservateur  au  Musée 
royal  d'Histoire  naturelle.  Rue 
du  Commerce,  16.  Bruxelles. 

CROCO,  professeur  à  l'Université  libre. 
Rue  Royale,  110.  Bruxelles. 

CRUTS,  G.  Rue  des  Douze  Apôtres,  11. 
Bruxelles. 

CUBIONT,  J.  Houffallze. 

CUBIOHT,  G.,  Place  impériale.  Alost. 

CUTSAERT.  Rue  Verte,  102.  Bruxelles. 

OABISEAUX,  AD.,  professeur  à  l'Institut 
agricole.  Gembloux. 

O'AHDRIBIOHT,  J.,  membre  de  la 
Chambre  des  représentants.  Rue 
de  la  Charité,  53.  Bruxelles. 

DANSAERT.  Rue  Traversiôre,  38.  Bru- 
xelles. 

DASTOT,  négociant.  Rue  du  Progrès. 

Bruxelles. 
OAUBIOUL  (le  dn.  Sclayn  (Namur). 
DEBECKER,  ingénieur.  Rue  Caroly,  38. 

Bruxelles. 
DE  BOE,  propriétaire.  Ca/É^cterJ?»îp«- 

re^ir.  Anvers. 
DE  BONNE,   avocat.    Petite    rue    de 

l'Écuyer,  19.  Bruxelles. 
DEBOVE,  CH.,  industriel,  membre  du 

Cercle   archéologique   de  Mons. 

Elouges  (canton  de  Dour). 
OEDEYN,  E.  Ninove. 
OEFUISSEAUX,  membre  de  la  Chambre 

des  représentants.  Place  des  Bar- 
ricades, 6.  Bruxelles. 
DE  GANO,  rentier.  Rue  des  Marais,  51. 

Bruxelles. 
DE   6AND ,    E. ,    avocat.     Place     de» 

Nations,  3.  Bruxelles. 
DEJAER,  avocat.  Rue  du  Pépin.  Brux. 
OEJAER,  E.,  ingénieur  au   corps  des 

Mines.  Mons. 
OEJARDIN,  capitaine  du   génie.  Rue 

Fabry,  31.  Liège. 


N 


MM. 

OELEVOTE,  L.,  étudiant.   Rue  de  la 

Paille,  16.  BrusellsB. 
DELHASSE,    r.,    homme   de   leflres. 

Chausséo  d'Haectit.  Brmelles. 
DELL'ADDI)>,   G.,  artiste  peintre.  Rue 

du  Priûce  royal,  83.  Bruxelles. 
DELKDTIE,   homme   de  lettres.   Rue 

Belliard,  104.  Bruxelles. 
OELVtUX,  E. .  lieutenunt  au  S'n^gîmeut 

de  lanciers.  Rue  des  CapudnE,&7. 

BE  lAN.  S.,  architecte.  Rue  du  Pur- 

nasae,  27.  Bruxelles. 
DEMESSE  DUIQIS ,     propriâtaire.     Ar- 

quennes. 
DEiEUR,  1.,  membre  de  la  Chamtire 

des  repriseulants.  Rue  du  Chump 

do  Mars,  15,  Bruxelles, 
OHAUX-DE  BREYNE  (le  y).  Dixmude. 
DEHEItBOmeOedr).  Cuesmes. 
DEmS,  H.  Rue  Goffart,  50.  Bruxelles. 
DESCmiPS.   membre   de  la  Chambre 

des  représenta uts.   Rue  de   Nii- 

mur,  52.  Bruxelles. 
OESCAIPS,  A-,  avocat.  Rue  de  N'a- 
mur,  52.  Bruiolles. 
DESGUIH,    P.,    professeur    i    TÊcole 

industrielle  du   Musée    de    rin- 

dustrie.  Bruxelles. 
OE  SUPEL,  L.,  avocat.  Warneton. 
DE  SKT,  E.  (le  d').  Rue  Royale,  05, 

Bruxelles. 
DE  SIIET,   J.    (le  •!').     Rue    Bodon-, 


mie  d'Archëologie  de  Belgique. 

Liège. 
DOKGIIIEII,  CM.,  directeur  de  la  Société 

minière  de  Veiiii   (Sclaigneaux). 
DUBOIS.  A.,   conservateur  bu  Musée 

royal  d'Histoire  naturelle.    Rue 

de  MercL'lia,  51.  Bruxelles, 
DUBOIS.  £.,  répétiteur  â  l'Université. 

Oimd. 
DUBOIS,  V.  (le  d').  Place  de  l'Univer- 

eité.  Bruxelles. 
OUIOIS-THOm,  F.,  gouverneur  de  la 

province  de  Brabant,  Au  palais 

provincial,  Ruo  du  Chêne,   22. 

Bruxelles. 
DUCHAINE.G.,  avocat.  Rue  du  Midi.Ul. 

Bruxelles. 
DUCHATEIU.  ED.  Rue  Van  Orley,  5. 

BruselleB. 
DUFIIANE.  Framerios. 
DUGNIDLLE,  ■.,  professeur  i.  l'Univer- 

sitddeOand.  Gand.     -.. 
DUMaN,  CH.,  ingénieur  eu  cï'^f  dea 

Pouls  et  Chaussées  de  la  proï^ce 

de  Namnr.Namur. 
OURDNCEAU    DE    BERGENDAEL,    F.     Rue 

Marie  de  Bourgogne,   53.   Bru- 

DUMDNT  (le  d^).  Qaod. 

DUHDNT,  inspecteur  de  renseigne- 
ment moyen.  Rue  Mnntoyer. 
Bi-uxelles. 

DUPONT,  A.,  professeur  au  Conserva- 


-  49    - 


ELOIR,  J.,  notaire.  Rue  du  Président. 

Namur. 
EMEIA,  J.,  banquier.  Rue  Royale,  6. 

Bruxelles. 
EYERAIOI,  C.  Dinant. 
EIIAIO,  F.,  ingénieur  des  Mines.  Rue 

du  Chemin  de  fer.  Bruxelles. 
FAY,  F.,  chirurgien  dentiste  du  comte 

et  de  lu  comtesse    de    Flandre. 

Place  du  Musée,  12.  Bruxelles. 
FÉRM,    E. ,     avocat.    Rue     Boden- 

broeck,  15.  Bruxelles. 
FÉTIS,  E.,  membre   de    l'Académie 

royale  de    Belgique.    Montagne 

des  Quatre  Vents,  5.  Bruxelles. 
FiRIET,  AO.,  ingénieur  au  corps  des 

Mines.  Rue  Ste  Marie,  32.  Liège. 
FLAiACHE,   ingénieur    principal    au 

Corps  des  Mines.  Mons. 
FORTAIIAS,  C.  J.,  conseiller  provincial 

et  échevin   de  la  ville.  Rue  de 

Ligne,  81.  Bruxelles. 
FORTAIPS,  F.  CL.,  sénateur,  directeur 

de  la  Banque  de  Belgique.  Avenue 

de  la  Toison  d'Or.  Bruxelles. 
FRANS,  échevin.  Malines. 
6ALESL00T,  A.,  lieutenant  colonel  en 

retraite.  Bruxelles. 
CARCIA  DE  LA  VEGA,  0.  (de).  Flostoy. 
6EEFS,  G.,  membre    de    FAcadémie 

royale    de    Belgique.    Rue    des 

Palais,  22.  Bruxelles. 
GEELHAIO,  E.  Vieux  Dieu  (Anvers'. 
GEELHAND,  L.,  numismate  et  archéo* 

logue,  membre  de  la  Société  des 

Archéologues  de  France.  Rue  du 

Pont  Neuf,  21.  Bruxelles. 
GENOERIEI,  A.  Rue  de  la  Limite,  C6. 

Bruxelles. 
GERAERTS,  professeur.  Hasselt. 
GfRARO,  L.,  ingénieur.  Rue  des  Au- 

gustins,  48.  Liège. 
GEILACME  (de),  propriétaire.  Anvers. 
GEUIEL,  juge  dlns traction  honoraire. 

Marche. 


MM. 

6EUREL,  CH.  J.,  lieutenant  du  génie. 
Anvers. 

GEURELLE,  greffier  de  la  justice  de 
paix.  Ciney. 

GEYERS,  F.,  rentier.  Vieux  Dieu 
(Anvers). 

GiLLET,  A.,  industriel,  membre  de  la 
Société  paléontologique  et  archéo- 
logique de  Charleroi.  Charleroi. 

GiLLON,  J.,  consul  de  la  république  de 
Costa  Rica.  Rue  de  Bériot,  52. 
Bruxelles. 

GLU6E  (le  d»"),  membre  de  l'Académie 
royale  de  Belgique,  professeur  à 
rUniv.  libre.  Rue  Joseph  II,  7. 
Bruxelles. 

GORERT,  ingénieur  en  chef,  directeur 
au  Ministère  des  travaux  publics. 
Bruxelles. 

60RLET  O'ALVIELLA,  E.  (le  comte),  con- 
seiller provincial.  Rue  Zinner,  8. 
Bruxelles. 

GOEi AH,  AD., rentier.  Rue  Royale, 200. 
Bruxelles. 

GOFFIN  (le  d"-).  Mons. 

60FFINET,  0.  Jemmapes. 

GOUTHIER,  ÉD.,  ingénieur.  Boulevard 
Ad  Aquam,  15.  Namur. 

6RAN0GAGNA6E,  CH.,  sénateur,  prési- 
dent de  rinstitut  archéologique 
liégeois.  Liège. 

GRANDGAGHA6E,  J.,  membre  de  TAca- 
demie  royale  de  Belgique.  Liège. 

GREINOL,  J.,  ministre  résident,  au 
Ministère  des  affaii^s  étrangères. 
Rue  de  Marnix,  4.  Bruxelles. 

GUIHOTTE,  L.,  directeur  de  la  Société 
de  charbonnage  de  Mariemont. 

GUIOT,  L.,  fabricant.  Rue  d'Aren- 
berg,  13.  Bruxelles. 

GUIOT,  H.  J.,  huissier.  Rue  des  Boi- 
teux, 6b««.  Bruxelles. 

HAGEiAHS,  G.,  membre  de  la  Chambre 
des  représentants,  ancien  prési- 
dent de  l'Académie  d*Archéologie 


* 


: 


MM. 

de  Belgique.  Avenue  de  la  Toison 
d'Or,  2.  Bruxellee, 
NHHE  DE  STEENNUIZE.  G.  [d"),  membre  do 
la  Chambre  dea  rflprôaentants, 
membre  del'Iûstitutdeaprûïiiicea 
de  France,  [i résident  du  Congrôa 
de  géographie  d'Anvera  un  18ÎI. 

RIUIEII  (le  d').  Boulevard  de  Water- 
loo, 119.  Hfuiellea. 
ma,  F., imprimeur.  Rue  de  l'Oran- 

gorie.  Bruxelles. 
Ntll,CH.,éditour.  RuedoJonck.er,54. 

Bruxelles. 
HENNEDUIH.E.,  capitaine  d'État  ranjor, 

professeur  de  l'Ecole  de  guerre. 

Rue  du  Canal,  75.  Bruielles. 
HENIiONET,  colonel,  chef  du   bureau 

topographique    au    dâpôt    de  la 

guerre.    Ruo    des    Miaimea,  10. 

Bruxolles. 
HENRY.  EUG..  banquier.  Dinant. 
HfNRT.  r..indi]>'Irfel.  Dinant. 
HtKRÏ-DIIRAlIT,  ingénieur.  I^a  Heatre 

(Mariemonn. 
HEUBHEBiERT,  jiifîe  émérite.  Tournay. 
HOlLtlIDERS,  L.  J.,  notaire.  Louvaîn 
HOUZEtU  DE  LEHitlE,  i.,    aecrâtaire  ds 

la  Société  dea  Sciencea,   Lettres 

et  Beaui  Ai-ta  du  Rainaut.  Hyon 

(Miius). 
HUIDDBRD,  C.  G.  (de),  mîniatre  du  Chili. 

Avenue  Louise,  109.  Brnsetliis, 
jmiH,  ancien  ministre,  directeur  de 


MM. 

JOTTRIkMO  {le  d^),  bourgmestre  de 
Saint  Joaae  ten  Noode.  Rue 
Royale,  124.  Bruxelles. 

JDTTRIND,  G.,  avocat,  membre  de  la 
Chambre  des  reiirâsentants, Place 
de  LoDvain.2.  Bruxellea. 

JUSTE,  TH.,  membre  do  r.^cadémie 
riiyale  de  Belgique,  con.servateur 
du  Musâe  royal  d'AntiquitÉs  et 
d'Armures.  Rue  du  Trône,  H9. 
Bruxelles. 

KEINU,  I.  Rue  île  la  Conatitution,  3i. 

KDNINCK,  L  (de),  membre  de  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique,  pro- 
fosaeur  &  l'Université  de  Liège. 
Liéfie. 

LàCDHSLË,  1.,  secrâtaii'e  de  la  ville. 
Bruxelles. 

ULIEUI,  L.  (de),  Chdteau  de  la  Rocq, 
d  Feluy. 

UMIRCHE,  0.,  industriel.  Liège. 

UMIERT,  G.,  ineânieur  itea  Mines, 
prof''  û  l'Université  de  Lonvain, 
Hue  Traveraièi-e,  78.  Bruxelles. 

LtiOUETJuge  de  pais.  Ninove. 

LmUYE.  1.  (de),  directeur  du  Com|>- 
toir  d'eacompte.  Bruxelles. 

LHVELEYE.  G.  (de),  directeur  du  Moni- 
teur des  IiiCéréts  tnat^fiels.  Rue 
Slassart.  Bruxelles. 

LERDULtNGf,  avocat.  Rue  du  Champ 
de  ^fars.  Bruxelles. 

LE  CmE,  *.,  membi-e  effectif  de  la 


—  51  — 


LE  6UID  DE  REUUNDT,  secrétaire  per- 
pétuel de  r Académie  d'Archéolo- 
gie de  Belgique.  Anvers. 

LE  HARDY  DE  DEAULIEU.  Wavre. 

LELIÈVRE ,  X. ,  bourgmestre  de  la 
ville  de  Namur,  membre  de  la 
Chambre  des  représentants.  Na- 
mur. 

LEIMEN,  6.,  ingénieur.  Rue  des  Char- 
bonniers, 33.  Bruxelles. 

LE  ROY,  k.y  membre  de  l'Académie 
royale  de  Belgique,  professeur  â 
rUniversité  de  Liège. 

LE POUTRE,L., avocat. Rue  de  Vienne, 
20.  Bruxelles. 

LESOINN^,  CH.,  ancien  membre  de  la 
Chambre  des  représentants,  au 
Val  Benoît.  Liège. 

LETELLIER,  i.,  avocat.  Rue  des  Car- 
mes, 20.  Bruxelles. 

LEYY,  J.  Rue  Joseph  II,  71.  Bruxelles. 

LEYOER,  J.,  professeur  à  l'Institut 
agricole  de  Gembloux. 

LEYS,  J.  Rue  Leys.  Anvers. 

LIEDEKERKE-BEAUFÔRT  (le  comte  de), 
membre  de  la  Chambre  des  re- 
présentants. Château  de  Noisy 
(Celles,  par  Dinant). 

UEDTS,  gouverneur  de  la  Société 
générale.  Bruxelles. 

LIHSRACK,  E.,  sténographe.  Rue  de 
l'Alliance,  19.  Bruxelles. 

LOISEAU,  V.,  propriétaire.  Ragnies 
(Thuin). 

LOOiANS,  recteur  de  l'Université. 
Liège. 

LOOZ- CORSWAREi ,  G.  (le  comte  de), 
membre  de  la  Société  malacolo- 
gique,  au  château  d'Avin,  par 
Burdinne  (Liège). 

LOOZ-GORSWAREi,  G.  (le  prince  de),  au 
château  d'Ahin  (Huy). 

LORAU,  architecte.  Rue  du  Com- 
merce, 28.  Bruxelles. 

LORARD,  6.  Spy  (Namur). 


MM. 

LU iAY,  pharmacien.  Rue  Saint  Jean, 
115.  Bruxelles. 

■AAS,  professeur.  Bruxelles. 

iAHAUX  (le  dO.  Rue  Thérésienne,  8^". 
Bruxelles. 

MAiLLEU  DE  ROY()e marquis  de\  Ciney. 

iAILLY,  correspondant  de  l'Acadé- 
mie royale  de  Belgique.  Rue 
Saint  Alphonse,  31.  Bruxelles. 

iALAISE,  C,  correspondant  de  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique,  prof, 
à  rinstitut  agricole  de  Gembloux. 

iALHERBE,  R.,  ingénieur.  Quai  de  la 
Batte,  13.  Liège. 

MANSION,  professeur  à  l'Université 
deOand.  Avenue  de  Margrave,  38. 
Anvers. 

iARCQ,  ing»"  des  Ponts  et  Chaussées. 
Rue  aux  Laines,  29.  Bruxelles. 

iARCQ  (le  à').  Carniéres. 

MARINUS,  G.  D.,  architecte.  Rue  Ro- 
gier.  227.  Bruxelles. 

MARMOL,  E.  (del),  président  de  la 
Société  archéologique  de  Namur. 
Montaigle  (Dinant). 

MARTHA  (le  d*").  Chaussée  de  Laeken. 
Bruxelles. 

MARTHA,  E.,  notaire.  Rue  Royale,  98. 
Bruxelles. 

MARTINET,  AD.,  chef  de  bureau  au 
Ministère  des  travaux  publics. 
Bruxelles. 

MAUS,  H.,  membre  de  l'Académie 
royale  de  Belgique,  inspecteur 
général  des  Ponts  et  Chaussées. 
Rue  de  Naples,  41.  Bruxelles. 

MAX  (le  di*),  médecin  de  l'hospice 
Pachéco.  Rue  Joseph  II,  59. 
Bruxelles. 

MEDAETS,  F.,  négociant.  Rue  de  la 
Princesse,  40,  Quai  de  Marie- 
mont.  Bruxelles. 

MEESTER  DE  RAVENSTEIN,  E.  (de),  minis- 
tre résident.  Château  de  Raven- 
stein  (Maliues). 


MM. 

■ELSEMS,  membre  de  l'Acsdéniie 
royale  de  Belgique,  examinateur 
permsDeut  A  l'Ëcnlo  militaire, 
professeur  à  l'Ecole  ïéti;riii:iire. 
Rue  de  la  Grosse  Tour,  'Z9. 
Bruxelles. 

■ERCIEI,  l.,  docteur  en  droit.  Rue 
des  Deux  Eglises.  50.   Bruxelles. 

■ERZMCH,  H.,  libraire  éditeur.  Rue 
Royale,  i.  Bruxellei". 

■EOLEIANS,  A.,  consul  de  la  Répu- 
blique de  riiquateur.  Rue  du 
Progréa.  BruxellOB. 

■EYER,  J.  B.  (le  d'  de).  Boom. 

■EYNRE,  avocat.  Bruges. 

■IMtl.  Rue  Marie  Thérèse,  12. 
Bruxelles. 

■IGHIEIS,  bourgmestre.  Tongres. 

KtHIELS,  E.,  receveur  de  l'enregia- 
trement.  Alost. 

■ICHOT,  1.  L.  (l'abbé),  botaniste, 
membre  de  |ilusieurs  Sociétés  sa- 
vantes. Mons. 

■ILKOWSKI,  Z.,  homme  de  lettres. 
Rua  Malibran,  116.  Bruxelles. 

MLLER,  N.,  m<'mbre  de  la  Société 
mdlacologiqne.  Chaussée  de  Wa- 
vre.  1S3.  ISiuxolIes. 

■DENS,  J.,  avocat.  Ledo  (Alost). 

■ONTEFIORE-LEVI,  G.,  ingénieor.  Place 
de  l'Industrie,  34.  Bruxelles. 

■ONTIENT,  CH.,  membre  de  l'Acadé- 
mie royale  de  Belgique,  profess'' 
l'Atbéoée.  Rue  des  l^al^ 


MM. 

HOUnOII,  CH.,  iogânieur.  Rue  Mou- 

toyer,  6.  Bruxelles. 
■0(1111011.  ■..coDservatenrau  Musée 

royal   d'Hii^toire   naturelle.   Rue 

MoQtoyer.  6.  Bruxelles. 
■OXHET,  C.  (Chaussée  de  Wavre.  M. 

Bruxelles. 
■USUI  (le  maj--).  Rue  Longue  Allée. 

MEEF  DE  RDSSIUS,  conseiller  provin- 
cial. Liégo. 

NEIRTMCII,  G.,  membre  de  la  Société 
des  Sciences,  Lettres  et  Beaux- 
AHs  du  Haiuaut.  Jemmapes. 

NEISSEN,  avocat.  Boulevard  de  Wa- 
terloo, 86.  Bruxelles. 

NrST,  H.,  membre  de  l'AcadAmie 
royale  de  Belgique,  conservatciu- 
au  Musée  royal  d'Histoirs  natu- 
relle. Rue  du  Frontispice,  39. 
Bruxelles. 

DlIN,  l.,  avocat.  Chaussée  de  Chnr- 
leroi,  14.  Bruxelles. 

OLLIVIER,  F.,  libraire.  Rue  des  Pa- 
roissiens, 11.  Bruxelles. 

OHUIUS  ITHALlOr,  J.  (d'),  sénateur, 
membre  de  l'Académie  royale  de 
Belgique,  correspondant  de  l'In- 
stitut de  France  Château  d'Hal- 
loy  [Cinoyl. 

OTREFPE  DE  ROUVEnE,  k.  [d'),  président 
dlionneur  ft  vie  de  l'Institut  ar- 
chéologique liégeois,   conseiller 


—  53  — 


MM. 

KTTEAU,  J.,  professeur  À  T Athénée. 
Mons. 

PICAIO,  ALD.;  avocat,  président  du 
Conseil  provincial  du  Brabant. 
Rue  du  Champ  de  Mars ,  3. 
Bruxelles. 

PILLOY,  marchand  grainier.  Rue 
d'Assaut,  5.  Bruxelles. 

PINTO,  F.  (le  comte  de).  Hodbomont 
(Theux). 

PIBON  VANOERTON,C.,  conseiller  provin- 
cial. Rue  des  Arts,  26.  Bruxelles. 

PITTEUIS,  CH.  (de),  docteur  en  scien- 
ces, au  château  de  Zepperen. 
(Saint  Trond). 

PLATEAU,  F.,  correspondant  de  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique,  profes- 
seur à  l'Université.  Qand. 

POTVIN.  Rue  des  Palais,34.  Bruxelles. 

PIEUDHOMIE  DE  BORRE,  A.,  secrétaire 
de  la  Société  entomologique , 
conservateur  secrétaire  au  Musée 
royal  d'Histoire  naturelle.  Place 
du  Musée,  1.  Bruxelles. 

PBEUDHOliE  DE  BORRE,  CH.  Liège. 

PBINS,  A.,  avocat  et  homme  de  let- 
tres. Boulevard  Botanique,  90. 
Bruxelles. 

PBYDT,  F.  E.  (de),  président  de  la  So- 
ciété des  Sciences.  Mons. 

BABI6UÉS,  F.  (de).  S^  Croix  (Namur). 

lEINTJENS,  sénatr.  Rue  des  Arts,  11. 
Bruxelles. 

iERAID,  lieutenant  général.  Rue  des 
Coteaux,  45.  Bruxelles. 

REOL,  X.  (de).  Rue  de  Robiano,  64. 
Bruxelles. 

BtCMALO,  E.,  étudiant.  Rue  du  Par- 
nasse, 29.  Bruxelles. 

RI60T,  négociant.  Rue  de  la  Croix. 
Namur. 

BOBIAIO  (le  comte  de),  sénateur.  Rue 
de  Namur,  45.  Bruxelles. 

BOBIE,  artiste  peintre.  Chaussée  de 
Charleroi,  135.  Bruxelles. 


MM. 

RODENBACH,  C.  Boulevard  Frére-Or- 
ban,  9.  Gand. 

ROELOFS,W., artiste  peintre.  Chaussée 
d'Haecht,  218.  Bruxelles. 

ROFFIAEN,  F.,  artiste  peintre,  membre 
de  la  Société  malacologique  de 
Belgique.  Rue  Godecharles,  16. 
Bruxelles. 

RONGÉ,  J.  (de),  conseiller  à  la  Cour 
de  cassation.  Rue  du  Marteau,  17. 
Bruxelles. 

RONGÉ,  G.  (de),  avocat.  Rue  Marie 
Thérèse,  20.  Bruxelles. 

ROULEZ,  J.  E.  G.,  membre  de  TAca- 
démie  royale  de  Belgique,  admi- 
nistrateur de  l'Université  de 
Gand. 

ROUVEZ.  Mons. 

RUELENS,  chef  de  section  à  la  Biblio- 
thèque royale.  Rue  de  la  Li- 
mite, 16*  Bruxelles. 

SARTON,  professeur  À  l'Athénée  royal 
de  Liège.  Rue  E  vers,  12.  Bruxelles. 

SCHELER,  A.,  associé  de  l'Académie 
royale  de  Belgique.  Rue  de  Mer- 
celis,  66.  Bruxelles. 

SCHMiOT,  F.,  négociant.  Rue  de  la 
Madeleine,  45.  Bruxelles. 

SCHOENFELO,  H.  (le  d').  Rue  du  Prince 
Royal.  Bruxelles. 

SCHOUPPE,  avocat.  Termonde. 

SCHOUTEETEN  DE  TERVARENT  (de),  con- 
seiller provincial ,  membre  de 
plusieurs  Sociétés  savantes.  Saint 
Nicolas. 

SGHULTE,  négociant.  Rue  du  Chône, 
llbi».  Bruxelles. 

SfLYS-LONGCHAMPS  (le  baron  de), séna- 
teur, membre  de  l'Académie 
royale  de  Belgique.  Longchamps 
sur  Geer. 

SfLYS-LONGCHAIPS,  W.  (de),  docteur  en 
droit.  Liège. 

SÎVE,  A.  négociant.  Rue  Philippe 
le  Bon.  Bruxelles. 


MM. 

IIIET,  membre  de  l'Académie  da 
Belgique.  Saint  Nicolas. 

SLDET  VIN  OLDRUITEKIDRGH.  I.  (le  bar"), 
chambellan  en  service  eilra ordi- 
naire de  S.  M.  te  roi  des  Paya 
Bas.  Rae  de  rUnion,  17.  Brustl- 
lea. 

Société  dea  Sciences, des  Lettres  et 
dea  Beaux  Artadu  Hainaut. 

Société  paléontologjquo  et  a  relié  0- 
logiqae  de  Charleroi. 

iOLÏTNS,  A.  Place  da  Louvaio,  9. 
Bruxelles. 

SOIEIL,  conducteur  des  Ponts  et 
C haussées.  Namur. 

tTAES.  Rue  du  Canal,  36.  Louvain. 

STAES,  naturaliste.  Rua  dus  Deux 
Ëglises.  Bruxelles. 

STAPPAEITS,  F.,  membre  correspon- 
dant de  l'Académie  royale  de  Bel- 
gique, professeur  d'Archéologie 
à  l'Académie  royale  des  Beaux 
Arts  de  Bruiellea.  Rue  de  la 
Concorde,  35.  Bruxelles. 

STAÏ,  membre  de  l'Académie  royale 
de  Belgique.  Rue  Joncker,  13. 
Bruxelles. 

STÉUB,  membre  de  l'Académie  royale 
de  Belgique.  Rue  de  Brabant,  20. 
Bruxelles. 

EUTTOIR,  ingén.  dos  Ponta  et  Chaus- 
sées. Rue  Van  Aa,  ^.  BruioUos. 

TliROiEU,rédacteurderJnifi!pe)iiîa'icB 
Belge.  Bruxellea. 


TiTM. 

TIBERGHIEN,  t.,  professeur  â  l'Uni- 
versité. Rue  da  Liedekerke,  41. 
Bruxelles. 

TIRÏ,  1.,  premier  secrétaire  de  la 
légation  de  France.  Rue  de  la 
Loi,  30.  Bruielles. 

TIIIERIAHS,  G.,  substitut  du  procu- 
reur du  Roi.  Termonde. 

TOUBEtU.  candidat  notaire.  Mons. 

TOUSSAINT,  J.  Rue  du  T^l^ne,  2H. 
Uruï  tilles. 

TRIPPENIERS.  A.,  architecte  et  cooseil- 
lei-  communal  de  Bruxelles.  Rne 
Van  Orley,  10.  Bruxelles. 

TBAZEGNIU.  E.  (le  comte  dé),  arocat. 
Rue  de  l'Industrie,  38,  Bruxelles. 

T'SERCLAES,  E.  (!e  comte  de),  avocat. 
Rued6nndustrie,38.  Bruxelles. 

TIIPELS,  routier.  Rue  Traversiére, 
ion.  Bruxelles. 

VAR  BISTELAER,  D.  !..  pharmacien, 
membre  de  l'Académie  de  Méde- 
cine, président  de  la  Société  pa- 
léoutologique  et  archéologique  de 
Charleroi.  Charleroi. 

VAN  lEIlEL,  E.,  professeur  A  ITot- 
Tersitâ  libre.  Rua  S'  Laiare,  25. 
Bruxelles. 

Ut  BENEDEN,  P.  J.,  membre  de  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique,  corres- 
poudaut  de  l'Institut  de  France, 
profeBS.  A  l'Université.  Louvain. 

VANDENÏHDECII,  E.,  membre  des  Socié- 
tés entomologiquo  et  malacolo- 


-  55  - 


MM. 

lAIDENPEElElOOl,  k.,  ministre  d'État, 
ancien  ministre  de  Tintérieur. 
ÀTenue  de  la  Toison  d*Or,  44. 
Bruxelles. 

lANBEI  EUT,  C.  Roux  (Charleroi). 

lANOElHAEGHEN.H.  Rue  des  Champs,68. 
Gand. 

VAI  BEI  NEYDEN.  RuedelaRégence,10. 
Bruxelles. 

VAIOEI  HYIEN.  A.,  industriel.  Au  Val 
Benoit.  Liège. 

f AI  DER  KINDEIE,  L.,  agrégé  à  FUniver. 
site.  Chaussée  d*Alsenberg.  Brux. 

VAI  NOIEN,  F.,  docteur  en  sciences. 
R.  de  la  Pépinière,  30.  Bruxelles. 

VAI  lEENEN,  J.,  avocat.  Rue  de  la 
Prévoyance,  34.  Bruxelles. 

VAI  lAElÔOICH,  J.  (le  d^.  St  Nicolas. 

VAI  SCHOOR,  sénateur.  RueRoyale,63. 
Bruxelles. 

VAI  SEGVELT,E.,  pharmacien.  Rue  du 
Serment.  Malines. 

VAI  VOLXEI,  C,  vice-président  de  la 
Société  entomologique.  Boule- 
vard du  Régent,  32.  Bruxelles. 

VAI  VOLXEI,  JEAI.  Rue  Zinner,  1. 
Bruxelles. 

VAI  VOLXEI,  JUL.,  propriétaire.  Bou- 
levard du  Régent.  32.  Bruxelles. 

VAOCLEROI  (le  d'  de).  Mons. 

VEIDIEI,  J.,  homme  de  lettres.  Rue 
de  Louvain,  9.  Bruxelles. 

VEIfillES,  A.  (de),  chef  de  division 
à  TAdministration  communale. 
Bruxelles. 

VERIAE6ER,  6.,  docteur  en  droit.  Rue 
du  Commerce,  30.  Bruxelles. 

VEBIEY,  Ail.,  rue  Keyenveld,  13. 
Bruxelles. 

VEIVOGIT,  D.,  ancien  président  de  la 
Chambre  des  représentants,  pré- 
sident du  Cercle  artistique  et 
littéraire.  Rue  Saint  Pierre,  43. 
Bruxelles. 


MM. 

VERWfE,  A.,  artiste  peintre.  Rue  Ro- 
gier,  278.  Bruxelles. 

VEYDT,  profess.  à  l'Université  libre. 
Rue  de  Mercelis,  9.  Bruxelles. 

VILLE-CHATEL,  H.  (de),  ingénieur.  Rue 
de  Birmingham,  51.  Bruxelles. 

VILLERS,  L.  (de).  Parc,  1.  Mons.  • 

ViSSCHERS,  CH.  Rue  Joseph  II,  46. 
Bruxelles. 

VISSCHERS,  A.,  membre  du  Conseil  des 
Mines.  R.  Royale,  106.  Bruxelles. 

YGORTIAH,  G.  R.Royale,85.  Bruxelles. 

WAGENER,  A.,  correspondant  de  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique,  pro- 
fesseur À  l'Université.  Oand. 

VfALLER  (M"«).  Boulevard  de  Water- 
loo, 19.  Bruxelles. 

WALSCHAERTS,  E.,  employé.  Rue  de 
Constantinople,  75.  Bruxelles. 

WASSEI6E,  A.,  professeur  à  l'Univer- 
sité. Liège. 

WAUTERS,  A.,  membre  de  l'Académie 
royale  de  Belgique.  Avenue  de 
Cortenberg,  121.  Bruxelles. 

WEILER,  J.,  ingénieur.  Morlanwelz. 

WEV ERBER6  (le  d>-).  Rue  de  THôpital,  27. 
Bruxelles. 

VIfEYERS ,  J.  L.,  membre  des  Sociétés 
entomologique  et  malacologique. 
Rue  du  Persil,  3.  Bruxelles. 

VIflLDE,  P.  (de),  professeur  À  l'Univer- 
sité libre.  Rue  Traversiére,  42. 
Bruxelles. 

VIflliER  (le  d').  RueduCommerce,51. 
Bruxelles. 

VIflIGOZ,  G.  Soignies. 

WITTE  (le  baron  de),  membre  de 
l'Académie  royale  de  Belgique, 
associé  de  l'Institut  de  France. 
Anvers. 

WITTE,  J.  (de).  Vieux-Dieu  (Anvers). 

VIfOUTERS  (le  d').  Frameries. 

VIfYNS  DE  RAUCOUR.  Avenue  de  la  Toison 
d'Or,  45.  Bruxelles. 


I 


\ 


ORDRES  DU  JOUR  DES  SÉANCES 

ET  COMPTES-RENDUS  DES  EXCURSIONS. 


!o^ 


JEUDI,  22  AOUT  1872. 

La  réception  du  Congrès  a  eu  lieu,  à  midi,  dans  la  salle  du 
Christ,  à  l'hôtel  de  ville  de  Bruxelles.  M.  l'échevin  Orts, 
accompagné  du  Conseil  communal,  a  souhaité  la-bienvenue 
au  Congrès.  M.  Hagemans,  vice-président  du  Comité  d'orga- 
nisation, a  remercié  la  ville  de  Bruxelles  au  nom  du  Comité, 
et  M.  Worsaœ,  au  nom  des  membres  étrangers. 

SÉANCE  D'OUVERTURE. 

Présidence  de  M.  d'OMALTOS  d'HALLOT.  président. 

La  séance  est  ouverte  à  2  heures,  en  présence  de 
S.  M.-LÉOPOLD  II,  roi  des  Belges,  et  d'une  nombreuse 
assistance  de  membres  du  Congrès. 

M.  LE  Président  prononce  l'allocution  suivante  : 

SIRE,  Mesdames,  Messieurs» 

Il  y  a  quelques  mois,  je  témoignais  le  regret  de  voir 
un  vieillard  nonagénaire  chargé  de  présider  une  solen- 
nité scientifique.  Toutefois  cela  s'expliquait  parce  qu'il 


s'agissait  de  célébrer  le  centenaire  d'une  Académie  et  que 
l'on  pouvait  trouver  convenable  de  mettre  en  évidence  le 
plus  ancien  des  membres  de  cette  compagnie  ;  mais  cette 
circonstance  atténuante  ne  peut  s'appliquer  à  la  décision 
du  Congrès  de  Bologne  qui  m'a  déféré  l'honneur  de  pré- 
sider la  présente  réunion.  En  effet,  la  Science  qui  nous 
rassemble  en  ce  moment  est  tout  à  fait  nouvelle,  et 
l'heure  de  la  retraite  avait  déjà  sonné  pour  moi,  avant 
que  l'on  se  doutât  de  son  existence.  C'était  donc  un  jeune 
homme  qui  devait  diriger  vos  travaux  ;  aussi  dès  que  j'ai 
su  que  l'on  pensait  à  moi,  je  me  suis  empressé  d'écrire 
que  l'on  allait  faire  fausse  route,  mais  on  m'a  répondu 
qu'il  était  trop  tard. 

Il  ne  me  reste  donc  plus.  Messieurs,  qu'à  réclamer 
votre  indulgence  et  à  vous  dire  que  si  vous  avez  à  vous 
plaindre  de  votre  Président,  ce  n'est  pas  à  lui  que  vous 
devez  faire  des  reproches,  mais  à  ceux  qui  l'ont  nommé. 

Je  laisse,  en  conséquence,  au  jeune  savant  qui  a  ex- 
ploré nos  richesses  préhistoriques,  le  soin  de  vous  entre- 
tenir des  principaux  objets  qui  pourront  attirer  votre 
attention.  Je  me  borne  à  vous  souhaiter  la  bienvenue  et  à 
prier  les  nombreux  savants  étrangers  qui  veulent  bien 
honorer  mon  pays  de  leur  présence,  de  recevoir  l'assurance 
des  sentiments  de  gratitude  et  d'affection  que  nous  inspire 
leur  démarche. 


—  59  — 

blée,  m'a  confié  une  tâche  bien  honorable,  mais  que  j'ai 
acceptée  avec  un  vif  regret.  Il  appartenait  en  effet  au 
fondateur  de  la  Géologie  belge,  à  Téminent  anthropo- 
logiste,  de  vous  exposer  lui-même  les  travaux  accomplis 
par  notre  pays  dans  une  science  qui  vous  doit  de  si  rapides 
progrès.  Avec  quelle  autorité  sa  parole  magistrale  eut  su 
en  retracer  les  progrès,  dus  à  son  impulsion  depuis  le 
commencement  du  siècle  ! 

La  Belgique  n'est  pas  restée  en  arrière  sur  les  autres 
nations  dans  l'étude  de  l'anthropologie  et  de  l'archéologie 
préhistoriques.  Plusieurs  savants  en  ont  fait  l'objet  de 
leurs  travaux;  et  les  encouragements  ne  leur  ont  pas 
manqué,  comme  le  prouve  encore  la  présence  de  l'auguste 
Chef  delà  Nationalité  belge  à  cette  solennité. 

Ces  recherches  sont  même  relativement  anciennes  dans 
notre  pays.  Faut-il  rappeler  les  travaux  de  Schmerling 
annonçant,  en  1830,  avec  de  si  sérieuses  preuves  à  l'ap- 
pui, l'existence  simultanée  de  l'Homme  et  des  espèces  de 
la  Faune  quaternaire  dans  les  cavernes  de  la  province  de 
Liège  ?  L'exploration  de  ces  riches  ossuaires,  l'exhumation 
de  cette  quantité  innombrable  de'  débris  d'une  création 
perdue,  la  présence  d'ossements  humains  au  milieu  de 
ces  vestiges,  les  silex  taillés  recevant  leur  signification 
véritable,  sont  des  faits  qui  dépassent  l'importance  d'une 
découverte  isolée  ;  ils  ont  indiqué  la  voie  que  nous 
avions  à  suivre  et  nous  ont  révélé  les  matériaux  consi- 
dérables que  nous  avions  à  notre  portée. 

Après  ces  travaux  mémorables  viennent  ceux  de 
Spring.  Ce  savant  que  nous  avons  eu  le  malheur  de  per- 
dre depuis  notre  dernière  réunion,  démontra  que  la  main 
de  l'Homme  fût  pour  beaucoup  dans  ces  amas  d'osse- 
ments enfouis  au  fond  des  cavernes. 
D'autres   encore  ont  fourni  des  éléments  à  l'étude. 


Ch.  Morren  découvrit  des  ossements  humains  dans  les 
tourbières  ;  Toilliez  signala  le  gisement  de  Spiennes  et 
reconnut  avec  sagacité  la  cassure  artificielle  et  l'âge 
géologique  des  silex  accumulés  dans  cette  localité;  enfin 
notre  confrère  M.  Malaise  reprit  l'exploration  d'une  des 
cavernes  de  Schmerling  et  y  constata  de  nouveau  la  pré- 
sence d'ossements  humains  parmi  les  ossements  de  l'Ours 


Cependant  le  mouvement  général  de  la  science  et  prin- 
cipalement les  découvertes  d'Abbeville  et  du  Périgord 
firent  reporter  l'attention  de  nos  savants  sur  les  puissantes 
ressources  ethnographiques  dont  Schmerling  avait  si- 
gnalé l'existence  dans  nos  cavernes. 

M.  Van  Beneden,  dont  la  bienveillance  m'a  toujours 
été  si  précieuse,  voulut  bien  me  désigner  à  l'Académie 
pour  entreprendre  de  nouvelles  explorations.  Un  Ministre 
éclairé  que  nous  avons  l'honneur  de  compter  parmi  les 
membres  du  Congrès,  M.  Alphonse  Vandenpeereboom, 
saisit  avec  empressement  la  proposition  de  l'Académie  et 
le  public  suivit  les  recherches  avec  un  intérêt  dont  les 
nombreuses  adhésions  au  Congrès  sont  une  nouvelle 
preuve.  PÏous  pouvons  dire  que  cette  science  est  devenue 
populaire  en  Belgique. 

Ce  furent  les  cavernes  de  la  province  de  Namur  qui, 
depuis  ISfVl.  ont  été  iiarticulii'rc.iiiont  robjet.  do  mea 


—  61  — 

été  réunis  dans  les  galeries  du  Musée  ;  ils  y  sont  soumis  à 
votre  examen  et  nous  espérons.  Messieurs,  que  vos  savan- 
tes discussions  pourront  en  tirer  des  déductions  nouvelles. 

Je  dois  encore  signaler  la  découverte  de  silex  travaillés 
dans  des  enceintes  fortifiées  des  mêmes  régions.  Hauzeur, 
que  nous  avons  aussi  perdu  récemment,  observa  d'abord 
l'enceinte  de  Pont  de  Bonne;  M.  Limelette,  celle  d'Has- 
tedon  près  de  Namur. 

Le  Hainaut  a  été  l'objet  d'études  pon  moins  impor- 
tantes. Trois  géologues  de  cette  province,  MM.  Briart, 
Cornet  et  Houzeau  de  Lehaie  mirent  au  jour,  dans  les 
alluvions  quaternaires  de  Mesvin,  près  de  Mons,  des  silex 
taillés  associés  à  des  ossements  de  Mammouth  et  de  Rhi- 
nocéros. D'autre  part,  l'examen  des  silex  de  Spiennes  dé- 
montre que  cet  endroit  était,  à  la  fin  des  âges  de  la  pierre, 
le  siège  d'une  véritable  exploitation  du  silex  et  d'une  fa- 
brication importante  de  haches. 

Un  infatigable  explorateur,  M.  Neyrinck,  accomplit  la 
tâche  de  réunir  tous  les  documents  que  présentait  le 
Hainaut  sur  ces  phases,  reculées  de  notre  ethnogra- 
phie, et  forma  une  vaste  collection  de  silex  taillés  et 
polis  qui  nous  fait  connaître  l'évolution  du  travail  dans 
cette  province  durant  les  âges  de  la  pierre.  Vous  pourrez. 
Messieurs,  étudier  cette  riche  collection  que  M.  Neyrinck 
a  généreusement  offerte  au  Musée. 

Notre  âge  du  bronze  a  été  moins  étudié  jusqu'ici  ; 
mais  des  trouvailles  relatives  aux  premiers  temps  de 
l'âge  du  fer  ont  été  faites  en  Belgique.  Les  produits  des 
exploitations  de  Louette  S^  Pierre,  dans  la  province  de 
Namur,  dirigées  par  MM.  Dejardin  et  Gravet,  et  la  trou- 
vaille d'Eygenbilsen  qui,  malgré  sa  date  récente,  est  déjà 
très  connue  dans  la  science,  ne  peuvent  manquer  d'attirer 
votre  sérieuse  attention. 


L'ensemble  des  questions  préhistoriques  a  été  résumé, 
en  1866.  par  un  de  nos  compatriotes,  H.  Le  Hon.  que, 
cette  année,  déjà  si.  remplie  de  deuils,  nous  a  enlevé. 
Chacun  se  rappelle  combien  L'Homme  Fossile,  qui  eut 
rapidement  deux  éditions,  a  contribué  à  la  diâiision  de 
notre  science. 


Ici  se  termine  l'exposé  des  recherches  qui  concernent 
le  passé  préhistorique  de  nos  populations.  De  l'ensemble 
den  faits,  )'ai  cherché  à  déduire  des  principes  que  je  désire 
vous  soumettre.  Les  uns  paraissent  positivement  démon- 
trés et  je  les  offre  à  votre  jugement  avec  l'espoir  que 
vous  les  confirmerez.  Les  autres,  encore  hypothétiques, 
appellent  vos  lumières  :  vous  les  compléterez  ou  vous  les 
rejeterez,  pour  les  remplacer  par  une  coordination  plus 
exacte. 

L'examen  des  silex  taillés  des  cavernes  de  la  province 
de  Namur  et  des  silex  taillés  des  alluvions  de  la  tranchée 
de  Mesvin,  dans  le  Hainaut,  révèle  des  différences  de 
forme  et  d'origine  à  propos  desquelles  il  me  semble 
de  la  plus  haute  importance  de  provoquer  vos  observa- 
tions. 

Les  silex  taillés  de  nos  cavernes  proviennent,  sans  ex- 

iption  cons(at(.'0.  îles  forraîiis  m'Iacés  siliics  au  siid  do 


—  63  — 

fooz  et  à  Chaleux,  persister  dans  cette  forme  allongée, 
mais  en  trahissant  un  travail  moins  parfait. 

A  Mesvin,  au  contraire,  les  silex  taillés  proviennent 
du  Hainaut  même,  et  se  rattachent,  par  la  forme,  aux 
types,  généralement  tout  différents,  des  silex  taillés  de  la 
Somme. 

Ces  populations  de  Namur  et  du  Hainaut  étaient  pour- 
tant contemporaines,  car  elles  vivaient  l'une  et  l'autre  en 
même  temps  que  le  Mammouth  et  les  autres  espèces 
caractéristiques  de  cette  époque  et,  ce  qui  précise  encore 
mieux  leur  âge,  elles  datent  Tune  et  l'autre  de  la  fin  du 
creusement  de  nos  vallées,  phénomène  qui  s'est  terminé 
vers  l'époque  de  l'extinction  du  Mammouth. 

Ces  considérations  confirment  une  judicieuse  remarque 
de  M.  Neyrinck  :  «  Ces  Hommes  ne  se  sont  jamais  vus  >», 
me  disait-il  un  jour  en  confrontant  les  silex  des  deux 
régions. 

Je  conclus  donc  à  l'existence  de  deux  populations  dis- 
tinctes habitant,  pendant  l'âge  du  Mammouth,  l'une  le 
Hainaut,  l'autre  les  provinces  de  Namur  et  de  Liège. 

Les  peuplades  du  Hainaut  taillaient  le  silex  comme 
leurs  contemporaines  de  Saint  Acheul,  d'Abbeville  et  des 
bords  de  la  Tamise, 

Les  peuplades  de  nos  cavernes  avaient  exactement  les 
mêmes  mœurs  et  la  même  industrie  que  leurs  contem- 
poraines des  Cévennes,  du  Périgord,  des  Pyrénées  et  des 
Corn  ouailles,  au  point  que  l'évolution  de  l'industrie  de 
toutes  ces  peuplades  troglodytes  correspond  absolument 
et  peut  être  considérée  comme  identique. 

Et  cependant  ces  populations  du  Hainaut  et  de  la  pro- 
vince de  Namur,  si  voisines,  restèrent  sans  relations 
entre  elles  ;  fait  qui  nous  paraîtrait  à  peine  croyable,  si 
les  Esquimaux  et  les  Peaux  Rouges  des  bords  de  la  Baie 


d'Hudson  ne  nous  fournissaient,  presque  de  nos  jours,  un 
exemple  dé  deux  peuples  absolument  étrangers  l'un  à 
l'autre  bien  que  voisins. 

Pendant  l'âge  de  la  pierre  polie,  nous  voyons  les  ca- 
vernes à  peu  près  complètement  abandonnées  ;  leur  in- 
dustrie est  arrêtée  et  les  plateaux  des  mêmes  provinces 
nous  fournissaient  alors  les  silex  de  Spiennes.  Ce  fait, 
joint  aux  formes  entièrement  différentes  données  à  ces 
silex  taillés,  nous  porterait  à  croire  que  ces  plateaux 
furent  habités  par  des  populations  nouvelles,  en  rapport 
d'industrie  avec  celles  du  Hainaut. 

Un  autre  problème  important  est  de  savoir  quelles 
furent,  pendant  cette  époque,  les  relations  entre  les  peu- 
plades des  cavernes  et  celles  des  plateaux.  Les  premières 
furent-elles  subjuguées  au  point  de  n'avoir  imposé  aucune 
de  leurs  coutumes  aux  vainqueurs?  II  est  au  moins  certain 
que  rien,  dans  l'ethnographie  des  tribus  de  l'âge  de  la 
pierre  polie,  ne  rappelle  les  mœurs  des  Troglodytes,  ni  le 
caractère  de  leur  industrie. 

A  ces  faits,  viennent  encore  s'enjoindre  d'autres.  Les 
enceintes  fortifiées  du  Pont  de  Bonne  et  d'Hastedon  prou- 
vent, parleurs  silex  polis  provenant  de  Spiennes,  que  le 
peuple  du  Hainaut  et  de  la  Haute  Belgique  n'était  peut- 
être  pas  étranger  à  leur  construction.  Dans  tous  les  cas, 


—  65  — 

C'est  ici,  Messieurs,  que  j'aurai  surtout  à  recourir 
à  vos  lumières.  N'avez-vous  pas  été  frappés  de  l'analogie 
morphologique  qui  existe  entre  les  silex  taillés  de  la 
Somme  et  les  silex  polis?  Cette  analogie  ne  se  présente- 
t-elle  point  à  l'esprit  comme  l'évolution  régulière  d'une 
industrie  du  silex?  N'y  trouvons-nous  pas  la  filiation  que 
nous  recherchions  en  vain  pour  l'âge  de  la  pierre  polie 
dans  les  régions  à  cavernes  de  la  France  et  de  la  Bel- 
gique? En  d'autres  termes,  la  hache  polie  n  est-elle  pas 
le  dérivé  des  haches  de  Mesvin,  de  la  Somme  et  de  la 
Tamise  ? 

Si  cette  question  était  résolue  aflSrmativement,  nous 
verrions  les  populations  quaternaires  du  bassin  de  Paris, 
des  bords  de  la  Tamise  et  du  Hainaut  transformer  leur 
industrie  et  s'étendre  à  la  fin  sur  des  régions  qu'avaient 
habitées  d'autres  peuples. 

Ce  sont  ces  points  que  je  me  permets  de  soumettre 
tout  particulièrement  à  votre  examen.  J'espère  que,  grâce 
à  votre  bienveillant  concours,  la  solution  se  dégagera 
aisément,  et  ce  sera  l'un  des  résultats  importants  de 
notre  réunion. 

M.  Capellini  remet,  au  nom  de  la  Municipalité  de 
Bologne,  aux  Présidents  honoraires  et  aux  Vice-Présidents 
de  la  session  de  1871,  le  diplôme  de  citoyen  de  la  ville  de 
Bologne. 

Cet  honneur  a  été  conféré  à  MM.  Capellini,  Comàlia  et 
de  Mortillet,  fondateurs;  Desor,  Worsaae,  anciens  présidents; 
Scarabelli,  Conestabile,  de  Quatrefages,  Steenstrup,  Cari 
Vogt  et  Dupont,  vice-présidents  de  cette  session. 

M.  DE  Quatrefages,  se  faisant  l'interprète  des  membres 
du  Congrès  qui  viennent  de  recevoir  cette  haute  distinction, 
remercie  la  Municipalité  de  Bologne. 

M.  LE  Secrétaire  donne  lecture  des  noms  des  membres 


i  au  Congrès  par  leur  Gouvernemeut  ou  par  des 
Sociétés  et  institutioua  a 


Ont  été 


MM. 


WoBSAjj,  par  le  Gouvernement  du  roi  de  Danemark, 
RiOEiBO,  par  le  Gouvernement  du  roi  de  Portugal. 
Capellini,  par  l'Université  de  Bologne, 
Général  FAiDHEnnE  et  Gosselet,  par  la  Société  des 

Sciences  de  Lille. 
Landron  et  Cousin,  par  la  Société  dunkerquoise  pour 

l'encouragement  des  Sciences,  des  Lettres   et  des 

Beaux  Arts. 
Ga-NTieh   et  E.   Cartailhac,  par  la  Société  nationale 

archéologique  du  Midi  de  la  France. 
Lucas,  par   la   Société   centrale  des  Architectes  et  la 

Société  lihre  des  Beaux  Arts. 
Vas  Bastelaer,  Cloquet,  Le  Maigre,  Van  rer  Elst, 

Amor,  Gillet  et  Cadoh,  par  la  Société  paléontolo- 

gique  et  archéologique  de  Charleroi. 

M,  LE  Président  annonce  qu'il  va  être  procédé  au  vote 
pour  la  constitution  du  Bureau  définitif  et  du  Conseil. 

Sur  la  proposition  de  plusieurs  membres,  l'Assemblée  dé- 
cide qu'elle  ne  procédera  pas  au  vote  par  scrutin.  Le  Bureau 
provisoire  propose  les  noms  suivants  qui  sont  acclamés. 

PRESIDENTS  HONORAIRES  : 
J.  Capellini, 


A.  Brïart. 
F.  Cornet. 

J.    COLBEAU. 

J.  Weyers. 


—  67  — 

SECRËTASrE  général  : 

É.  Dupont. 

SECRÉTAIRES  : 

C.  Malaise. 
X.  DE  Reul. 

SECRÉTAIRES-ADJOINTS  : 

F.  Van  Horkn 

M.    MOURLON. 
MEMBRES  DU  CONSEIL  : 


Abbé  Bourgeois. 
Broc A. 

CheV.    DA    SiLVA. 

Engelhardt. 

Général  Faidherbe. 

Fraas. 

G.  Hagemans. 

HÉBERT. 


HiLDEBRAND. 

C.  Leemans. 
Oppert. 
Schaffhausen. 
Valdémar  Schmidt. 

D.  Vervoort. 

Comte   WURMBRAND. 


LE  ROI  se  retire  au  milieu  des  acclamations  de  rassemblée. 
La  séance  est  levée  à  3  heures. 


)5^o^ 


VENDREDI,  23  AOUT. 

DEUXIÈME  SÉANCE. 

Présidence  de  M.  CAPELLINI,  président  honoraire. 

La  séance  est  ouverte  à  10  heures. 

Sur  l'antiquité  de  l'homme  et  sur  les  phénomènes  géolo- 
giques deTépoque  quaternaire  en  Belgique,  par  M.  É.  Dupont. 

De  l'extension  géographique  des  populations  primitives  en 
Belgique  et  dans  le  Nord  de  la  France,  par  M.  Hamy. 


Sur  les  silex  de  Thenay  ;  demande  de  nomination  d'une 
commission  d'examen,  par  M.,  l'abbé  Bourgeois. 

Observations,  par  M,  Capellini. 

Sur  des  dents  de  Carcharodon  perforées,  découvertes  dans 
le  Crag  de  Norwich,  par  M.  Bosk. 

Observations,  par  MM,  Hamy  et  Desor. 

Sur  l'homme  préhistorique  en  Grèce,  par  M.  von  Dijcker. 

Discussion  par  MM.  Capellini,  de  Mortillet,  von  DOcker 
et  WoRSA^. 

L'homme  préhistorique  de  la  Plata,  par  M.  Burmeistbr. 

Demande  d'explications  sur  l'âge  exact  des  sables  de 
l'Orléanais,  par  M.  d'Oualius  d'Hallot. 

Réponse,  par  M.  l'abbé  Bourgeois. 

Demande  de  renseignements  sur  un  crâne  humain  décou- 
vert, en  Californie,  dans  un  terrain  considéré  comme 
tertiaire,  par  M.  de  Quatrefaoes. 

Réponses,  par  MM.  l'abbé  BontoEois  et  Desor. 

La  séance  est  levée  à  midi  et  demi. 


TROISIÈME  SÉANCE. 

Présidence  de  H.  DESOR.  présideni  honoraire. 
La  séance  est  ouverte  à  deux  heures. 
Note  sur  l'homme  fossile  des  cavernes  de  Baoussé- Rousse, 
dites  grottes  de  Menton,  par  M,  Rivœre. 
Classification  des  âges  de  la  pierre,  par  M,  de  Mortillet. 


—  69  — 


SAMEDI,  24  AOUT. 

EXCURSION  DANS  LA  VALLÉE  DE  LA  LESSE. 

Cette  journée  étant  consacrée  à  l'exploration  des  cavernes, 
un  train  spécial,  parti  de  Bruxelles  à  7  heures,  amène  vers 
11  heures  à  Dinant  les  membres  du  Congrès.  Les  voyageurs 
sont  reçus  à  la  gare  par  le  Conseil  communal  qui  leur  ofiFre 
le  vin  d'honneur,  tandis  que  M.  l'échevin  Bodard  souhaite  au 
Congrès  la  bienvenue.  Nous  prenons  place  ensuite  dans  les 
voitures  qui  doivent  nous  conduire  aux  cavernes  de  la  Lesse. 

La  ville  est  pavoisée  et  le  beau  temps  favorise  ui^e  excur- 
sion très  accidentée  en  raison  des  difficultés  du  terrain.  Le 
cortège,  après  avoir  traversé  le  village  d'Anseremme,  doit 
s'engager  dans  les  chemins  de  traverse  et  passer  à  gué  la 
rivière  cinq  ou  six  fois  de  suite. 

On  se  réunit  d'abord  à  Pont  à  Lesse,  en  face  du  trou 
Magrite,  la  plus  ancienne  habitation  de  l'âge  du  Mammouth. 
M.  Dupont  expose  dans  la  caverne  le  résultat  de  ses  fouilles, 
puis  une  collation  champêtre  nous  rallie  au  bord  de  la 
rivière.  D'autres  cavernes  sont  visitées  et  décrites  :  le  trou 
de  la  Naulette  qui  a  fourni  la  célèbre  mâchoire  humaine  ; 
le  trou  Baïleux  où  des  fouilles  sont  exécutées  en  présence 
du  Congrès.  Ces  fouilles  ont  produit  quelques  ossements 
d'animaux  et  des  silex  taillés. 

Continuant  à  marcher  le  long  de  la  rivière,  nous  arrivons 
en  face  des  grottes  de  FurfooZy  après  avoir  été  salués  au 
passage  par  les  autorités  de  la  Commune.  Un  imposant 
auditoire  se  presse  dans  la  caverne  du  Frontal,  puis  dans  le 
trou  des  Nutons^  pour  écouter  les  explications  de  M.  Dupont. 

Dans  la  tranchée  des  NutonSy  les  géologues  ont  pu  se 
rendre  compte  de  l'origine  des  dépôts  quaternaires  et  de  leur 
stratification.  Ils  ont  eu  l'occasion  de  constater  à  l'extérieur  la 

5 


—  70  — 

présence  dea  mâmes  dépôts,  en  gravissant  l'escarpement  qui 
conduit  au  camp  romain  d'Hautresaine. 

La  visite  au  camp  retranché  termine  l'excursion  scienti- 
fique. Bemontaot  en  voiture,  nous  traversons  les  rliemiiis 
décorés  du  village  de  Furfooz,  pour  revenir  par  les  plateaux. 
Un  banquet  de  trois  cents  couverts,  oi^anisé  par  les  soins 
du  Comité,  attend  à  Dinant  les  membres  du  Congrès. 

Le  retour  à  Bruxelles  s'effectue  à  11  heures. 

DIMANCHE,  25  AOUT. 

QUATRIÈME  SËANCE. 

Présidence  de  H.  WORSA£,  président  honoraire. 

La  séance  est  ouverte  à  10  heures. 

Sur  l'anthropologie  préhistorique,  par  M.  Schaffhausen. 

Observations,  par  M.  Haut. 

Observations,  par  M.  von  DOcker. 

Sur  les  haches  en  jade  et  en  néphrite,  par  M.  Desob. 

Discussion,  par  MM.  db  Mobtillet,  de  Qcatbepages, 
ScHAFFHAcsEN ,  Capellini  ,  l'abbé  Dhlaunat  ,  Laqneau  et 
Lebmans. 

Stratigraphie  des  cavernes  de  la  Belgique  et  géologie  de 
l'époque  quaternaire,  par  M.  Dupont. 

La  séance  est  levée  à  midi. 


-  71  — 

Les  cavernes  d'Angleterre,  à  propos  des  communications 
précédentes,  par  M.  Franks. 

Observations,  par  M.  Desor. 

Sur  l'emploi  nécessaire  de  la  géologie  pour  déterminer  l'an- 
tiquité relative  des  populations  quaternaires,  par  M.  Hkbkrt. 

Sur  le  remplissage  des  cavernes,  par  M.  Fraas. 

Discussion,  par  MM.  Dupont,  d'Omalius  et  Capellini. 

Comparaison  des  débris  de  cuisine  dans  les  cavernes  de 
la  Belgique  et  dans  les  kjoekkenmoeddings,  par  M.  Stekn- 

STRUP. 

La  séance  est  levée  à  5  heures  et  demie. 


LUNDI,  26  AOUT. 

EXCURSION  A  MESVIN  ET  A  SPIENNES. 

Le  départ  de  Bruxelles  a  lieu  à  10  heures  à  la  gare  du 
Midi.  Ail  heures,  les  membres  du  Congrès  descendent  dans 
la  tranchée  de  Spiennes,  en  face  même  du  Camp  à  cayanXy 
le  principal  attrait  de  cette  journée.  Cette  localité,  comme 
on  sait,  fut,  à  l'âge  de  la  pierre  polie,  l'emplacement  d'un 
vaste  atelier  destiné  à  la  fabrication  des  silex.  Aussi  les 
voyageurs  ont-ils  bientôt  gravi  le  talus  pour  se  répandre 
sur  le  champ  et  y  recueillir  les  déchets  de  l'ancienne  exploi» 
tation.  Après  cette  exploration,  nous  arrivons  par  le  ravin 
de  la  Trouille  à  la  source  dite  de  la  Vallière.  Un  déjeuner 
offert  par  quelques  membres  du  Congrès  habitant  les  envi- 
rons, y  attend  la  société.  M.  Houzeau  de  Lehaie,  de  son  côté, 
avait  fait  apporter  un  tombereau  de  haches  ébauchées. 

Nous  pénétrons  ensuite,  sous  la  conduite  de  MM.  Cornet  et 
Briart,  dans  la  tranchée  de  Spiennes.  Au  bas  de  l'un  des 
talus,  on  aperçoit  dans  la  craie  blanche  deux  galeries 
creusées  par  l'homme  de  l'âge  de  la  pierre  polie.  Ces  galeries 


—  72  — 

ont  été  soi^eusement  déblayées  en  prévision  de  notre  visite, 
tandis  que  l'autre  escarpement,  mis  &  nu  dès  le  matin,  sur 
une  longueur  de  cinq  mètres,  montre  la  coupe  complète  des 
terrains  quaternaires. 

Gravissant  le  talus,  M.  Cornet  démontre  par  cette  coupe 
l'existence  de  deux  %es  de  la  pierre  dans  le  pays  de  Spiennes. 
Il  constate  en  outre  que,  pendant  l'âge  le  plus  récent,  les 
peuplades  du  Hainaut  ont  traversé,  par  des  puits  verticaux, 
les  couches  quaternaires  et  tertiaires  pour  creuser  dans  la 
craie  sous-jacente  des  galeries  d'exploitation  du  silex. 

Après  avoir  visité  ces  galeries,  on  se  dirige  vers  la 
tranchée  de  Mesvin  où  de  nouvelles  explications  sont  données 
par  M,  Cornet. 

Le  retour  &  Bruxelles  a  lieu  à  5  heures. 

MARDI,  27  AOUT. 

SIXIÈME  SËANÇB. 

PrésideEce  de  H.  le  comte  CONESTABUE,  râe-présideiit. 


Discussion  de  la  communication  faite  par  M.  Steenstrup 
dans  la  cinquième  séance,  par  MM,  Dupont  et  Hamy. 
Les  Dolmens  de  l'Algérie,  par  M.  le  général  Faidherde. 
Discussion,  par  MM.  Wghsa^,  Desob,  nE  Quatrbfaqes 


—  73  — 


SEPTIÈME  SÉANCE. 

Présidence  de  M.  FRANKS,  vice-président, 

La  séance  est  ouverte  à  2  heures. 

Sur  une  date  préhistorique  (suite),  par  M.  Oppert. 

Sur  des  instruments  en  pierre  provenant  du  Japon,  par 
M.  le  marquis  de  Vibraye. 

Sur  la  grotte  de  Morfetta,  par  M.  Capellini. 

Sur  des  silex  taillés  découverts  dans  les  terrains  miocène 
et  pliocène  du  Portugal,  par  M.  Ribeiro. 

Observations,  par  M.  Tabbé  Bourgeois. 

Sur  la  grotte  de  Chauvaux,  par  M.  Soreil. 

Sur  la  grotte  de  Sclaigneaux,  par  M.  Arnould. 

Sur  des  sacrifices  humains  à  Tâge  de  la  pierre  polie,  par 
M.  Tabbé  Chierici. 

Recherches  préhistoriques  et  historiques  dans  la  Capita- 
nate,  par  M.  Angelucci. 

Observations  sur  la  communication  de  l'abbé  Chierici,  par 
M.  Desor. 

Sur  des  ateliers  de  silex  en  Angleterre,  par  M.  Franks. 

Expériences  sur  l'emmanchure  et  l'emploi  des  silex  taillés, 
par  M.  Reboux. 

Sur  les  silex  ouvrés  du  Limbourg,  par  M.  Ubaghs. 

Sur  les  crânes  de  Furfooz,  par  M.  Lagneau. 

Discussion,  par  MM.  Hamy,  Dupont,  Virchow  et  Lagneau. 

Sur  l'ethnologie  belge,  par  M.  Vanderjcindere. 

Observations,  par  M.  Lagneau. 

Recherches  préhistoriques  dans  le  duché  de  Posen,  par 
M.  Wesiebskt. 

La  séance  est  levée  à  5  heures  et  demie. 


MERCREDI,  28  AOUT. 

EXCURSION  A  HAMUR  ET  AU  CAMP  D'HASTEDOH.  " 

Cette  excursion  qui  se  rattache  à  l'une  des  questions 
proposées  au  Congrès,  réunit  également  un  grand  nombre 
d'adhérents.  4  9  heures,  plus  de  300  membres,  arrivés  de 
Bruxelles  par  train  spécial,  se  pressent  à  la  gare  de  Namur  où 
les  attend  le  Conseil  communal.  Dans  une  allocution  chau- 
dement accueillie,  M.  le  bourgmestre  Leliëvre  souhaite  aux 
arrivants  la  bienvenue  et  se  félicite  de  voir  à  leur  tét«  notre 
vénérable  président  M.  d'Omalius,  ancien  gouverneur  de  la 
province  de  Namur.  Une  collation  nous  est  offerte  ensuite 
au  buffet  de  la  gare  ;  puis  les  membres  dn  Congrès  se  mettent 
en  route  pour  le  camp  d'Hastedon,  les  uns  h  pied,  les  autres 
en  voiture,  un  grand  nombre  d'équipages  ayant  été  mis  h 
notre  disposition  par  les  habitants  de  Namur. 

Nous  gravissons  le  plateau  d'Hastedon,  Dans  la  ceinture 
des  retranchements,  diverses  tranchées  avaient  été  ouvertes 
la  veille,  par  les  soins  de  MM.  de  Radigiiez  et  Amould,  afin 
de  rendre  manifeste  le  mode  de  construction  du  camp, 
attribué  aux  derniers  temps  de  l'âge  de  la  pierre  polie.  Ces 
tranchées  font  d'abord  l'objet  d'explications  intéressantes 
de  la  part  de  MM.  Arnould  et  Soreil.  Prenant  la  parole 
à  son  tour,  M.  Dupont  fait  ressortir  les  contrastes  qui 
existent  entre  les  peuplades  quaternaires  et  les  peuplades  de 


—  75  — 

Nous  sommes  introduits  par  le  Président  de  la  Société, 
M.  Del  Marmol,  qui  fait  aux  membres  du  Congrès  les 
honneurs  du  Musée.  Outre  la  riche  collection  d'objets 
Francs  et  Gallo-Romains  qui  sollicitent  l'attention  des  visi- 
teurs, d'autres  restes  plus  anciens,  comme  les  squelettes  de 
Sclaigneaux  et  de  Chauvaux,  provenant  de  sépultures  de 
Tâge  de  la  pierre  polie,  ont  donné  également  lieu  à  des 
discussions  intéressantes. 

Au  sortir  du  Musée,  le  Congrès,  sur  l'invitation  gracieuse 
des  Sœurs  de  Notre  Dame,  se  rend  au  couvent  de  ces  reli- 
gieuses pour  y  visiter  un  trésor,  renfermant  des  objets  curieux 
d'orfèvrerie  qui  datent  du  moyen  âge. 

La  journée  se  termine  par  un  banquet  de  trois  cents 
couverts  offert,  au  foyer  du  Théâtre,  par  une  souscription  des 
habitants  de  Namur,  grâce  à  l'initiative  de  M.  le  comte  de 
Baillet,  gouverneur  de  la  Province.  Après  le  dessert,  la  salle 
de  spectacle  s'ouvre  devant  nous  ;  nous  sommes  conviés  à  une 
soirée  des  plus  piquantes  :  un  concert  humoristique  donné 
par  la  Société  des  Moncrdbeaux. 

Le  retour  à  Bruxelles  a  lieu  à  10  heures. 


JEUDI,  29  AOUT. 

HUITIÈME  SÉANCE. 

Présidence  de  M.  VIRCHOW.  vice-président. 

La  séance  est  ouverte  à  10  heures. 

Sur  les  relations  entre  les  populations  des  cavernes  helges, 
celles  de  Mesvin  et  celles  de  l'âge  de  la  pierre  polie,  par 
M.  Dupont. 

Observations,  par  M.  Rbboux. 

Sur  les  crânes  des  cavernes  de  Sclaigneaux  et  de  Chau- 
vaux, par  M.  ViRCHOW. 


-  76  - 


ObserratioDB,  par  M.  de  Qiiatbbfa.qes. 

Sur  les  populations  européennes,  par  M™  Koybb. 

L'époque  quaternaire  dans  le  bassin  de  Paris,  par  M.  Bei.- 

GBAND. 

La  séance  est  levée  à  midi  et  demi. 

NEUVIÈME  SÉANCE. 

PrÉsidence  de  H.  VAH  BENEDEH,  vice-président. 


La  séance  est  ouverte  à  deux  heures. 

Sur  les  tourbières  du  Danemark,  par  M.  Steenstbup. 

Conclusions  de  la  Commission  chaînée  de  l'examen  des 
silex  présentés  par  M,  l'abbé  Bourgeois. 

Complément  d'observations  sur  le  gisement  de  ces  silex, 
par  M.  l'abbé  Boubgeois. 

Observations,  par  M.  Valdémar  Schmidt. 

Opinion  de  M.  FBANKssurles  silex  présentés  parM.  Eibeiro. 

Sur  les  haches  en  jade  trouvées  en  Belgique,  par  M.  Haoe- 

MANS. 

Sur  l'âge  de  bronze,  par  M.  Nilsson. 

Sur  les  sépultures  de  l'âge  de  bronze  du  midi  de  la  France, 
par  M.  Cazalis  DK  FoNnouCE. 

Sur  la  trouvaille  d'Eygenbilsen  et  les  trouvailles  étrusques 
au  nord  des  Alpes,  par  M.  Desob. 

Di.-icu.^sii.ii,  ii:ir  AHI.  Ci'NFKTALULr^AVoBs.^^,  Hn.i 


—  77  —  ■ 

VENDREDI,  30  AOUT. 

DIXIÈME  SÉANCE. 

Présidence  de  M.  DE  QUATREFAGES,  vice-président. 

La  séance  est  ouverte  à  10  heures. 

Sur  les  silex  tertiaires  présentés  par  M.  Ribeiro,  par 
M.  l'abbé  Bourgeois. 

Observations    complémentaires  sur  leur  gisement,  par 

M.  RiBEIBO. 

Sur  une  cité  maritime  à  Java,  par  M.  le  colonel  Weitzel. 

Sur  des  fourneaux  préhistoriques  découverts  dans  la  vallée 
de  la  Meuse,  par  M.  Bebchem. 

Sur  le  squelette  humain  découvert  dans  la  grotte  de 
Laugerie  Basse,  par  M.  Cartailhac. 

Sur  l'âge  du  bronze  en  Orient,  par  M.  Oppert. 

Discussion,  par  MM.  Worsa^,  Oppert,  Leemans,  Cones- 
TABiLE,  VON  DùCKER,  Franks,  l'abbé  Bourgeois,  Ribeibo, 
ScHMiDT  et  Capellini. 

Sur  l'emploi  du  fer  météorique  par  les  Esquimaux  du 
Groenland,  par  M.  Steenstbup. 

Sur  la  classification  des  populations  préhistoriques  de  la 
Grande  Bretagne  et  de  l'Indoustan,  par  M.  Hyde  Clabke. 

Discussion ,   par    MM.   de    Quatbefages   et    Valdémar 

SCHMIDT. 

M.  LE  Président  appelle  au  bureau  CoUard  et  GoflBin, 
ouvriers  employés  depuis  1864  à  l'exploration  des  cavernes. 

M.  Capellini  leur  adresse  les  paroles  suivantes  : 

«  Le  Congrès  a  pu  apprécier  le  zèle  que  vous  avez  apporté 
€  dans  l'exploration  des  cavernes. 

«  La  Belgique  possède  un  ordre  du  mérite  pour  les  ou- 
«  vriers.  lie  Congrès  l'a  sollicité  pour  vous  et  S.  M.  a  daigné 


-  78  - 


«  vous  accorder  h  vous,  Aug.  Collard,  la  décoration  ouvrière 
•  de  1°  classe,  et  à  vous,  Aug.  Goffiu,  la  décoration  ouvrière 
■  de  2*  classe. 

1  Recevez-en  nos  meilleures  félicitations.  • 

Les  ouvriers  reçoivent  leur  dipldme  et  leur  décoration  des 
mains  de  MM.  de  Quatrefages  et  Capellini. 

Communication  surlecrânedeCoïmbra,  par  M.  da  Sylva. 

M,  Vesvoobt,  membre  du  Conseil,  donne  communication 
de  la  lettre  suivante  adressée  au  Congrès  par  M.  G.  Geefs  : 

Messieurs , 


«  J'ai  appris  que  ni  le  portrait,  ni  le  buste  de  M.  d'Oma- 

•  lius  d'Halloy  n'avaient  été  faits,  el  j'en  ai  vu  manifester 
"  souvent  de  profonds  regrets.  Je  n'ai  pas  voulu  que  les  sa- 
«  vants  qui  ressentent  pour  l'illustre  maître  tant  de  vénéra- 
«  tion  et  d'admiration,  restassent  sans  ie  souvenir  auquel 
»  ils  aspirent.  J'ai  donc  fait  le  buste  de  votre  Président  à  son 

•  insu  et  dans  le  but  de  l'offrir  à  l'imposante  assemblée  in- 
"  teraationale  qui  est  venue  honorer  mon  pays  de  sa  visite 
>  et  de  ses  savants  débats.  » 

M.  OB  Q0ATKEFA9ES  remercie  M.  Geefs,  au  nom  du  Con- 
grès, d'avoir  employé  son  génie  et  son  immense  talent  à 
l'exécution    d'une   œuvre  que  tous  les    hommes  de  science 


—  79  — 

M.  Dewalque  invite  par  lettre  les  membres  du  Congrès  à 
visiter  les  collections  de  l'Université  de  Liège. 

M.  LE  Président  propose,  au  nom  du  Conseil,  de  décider 
que  la  septième  session  aura  lieu  à  Stockholm  ;  de  nommer 
Président  de  cette  session,  S.  A.  R.  Monseigneur  le  prince 
Oscar,  duc  d'Ostrogothie ,  et  membres  du  Comité  d'organi- 
sation, MM.  Nilsson,  Hildebrand  père,  de  Dùben,  Montelius 
et  Hans  Hildebrand. 

Ces  propositions  sont  votées  par  acclamation. 

M.  Hildebrand  remercie  le  Congrès  d'avoir  choisi  son 
pays  pour  siège  de  la  prochaine  réunion. 

Le  Secrétaire  général  annonce  que  le  Gouvernement 
belge  a  fait  frapper  une  médaille  commémorative  du  Congrès 
de  Bruxelles  et  qu'un  exemplaire  en  sera  remis  aux  membres 
étrangers. 

L'assemblée  vote  l'envoi  de  la  médaille,  comme  témoi- 
gnage de  sympathie,  à  l'Association  française  pour  la  pro- 
pagation et  l'avancement  des  sciences,  et  aux  villes  de 
l'étranger  et  de  la  Belgique  qui  ont  si  bien  accueilli  le  Con- 
grès pendant  sa  session. 

M.  Franks  se  fait  l'organe  du  Congrès  pour  remercier  le 
Comité  d'organisation  de  l'accueil  qui  a  été  fait  à  l'assemblée. 

M.  LE  Président  prie  les  membres  du  Congrès  de  recevoir 
ses  félicitations  sur  le  développement  des  travaux  de  cette 
session,  ainsi  que  sur  l'ordre  et  la  convenance  qui  ont  pré- 
sidé aux  délibérations. 

Il  déclare  close  la  6«  session  du  Congrès  international  d'an- 
thropologie et  d'archéologie  préhistoriques. 


FÊTES  OFFERTES  AU  CONGRÈS. 


LE  ROI  a  honoré,  le  samedi  31  août,  d'une  invitation  à 
la  Cour,  les  membres  du  Bureau  et  du  Conseil. 

Plusieurs  Sociétés  se  sont  associées  au  Comité  d'orgïini- 
sation  pour  faire  le  plus  cordial  iiccueil  aux  membres  du 
Congrès. 

Le  Cercle  artistique  et  littéraire  leur  a  ouvert  ses  salons, 
pendant  la  durée  de  la  session,  et  leur  a  offert  une  soirée 
le  22  août. 

Le  libre  accès  du  Salon  leur  a  été  accordé  par  la  Com- 
mission de  l'Exposition  triennale  des  Beaux  Arts. 

Surla  présentation  de  leur  carte.ils  ont  été  reçus  au  Jardin 
zoologique  par  la  Société  royale  de  zoologie  et  d'horticul- 
ture, et  la  Société  des  artistes  musiciens  du  Théâtre  royal 
de  la  Monnaie  en  a  agi  de  môme  pour  les  concerts  du 


COMMUNICATIONS  &  DISCUSSIONS. 


I 


INDICES  DE  UEXISTENCE  DE  UHOMME  A  LtPOQDE  TERTIAIRE. 

Sur  les  Silex  considérés  comme  portant  les  marques  éCv/n 
travail  humain  et  découverts  dans  le  terrain  miocène  de 
TTienay,  par  M.  l'abbé  Boubgeois. 

M..rabbé  Bourgeois.  Je  n'avais  pas  l'intention  de  prendre 
la  parole,  mais  M.  Dupont,  notre  savant  secrétaire  général, 
a  voulu  que  je  vous  présentasse  moi-même  un  projet  que  je 
l'avais  prié  de  vous  communiquer. 

En  1867,  au  Congrès  de  Paris,  j'ai  signalé,  non  sans 
y  avoir  longuement  et  mûrement  réfléchi,  un  fait  bien 
étrange:  j'ai  dit  que  j'avais  trouvé  des  débris  de  l'indus- 
trie humaine  dans  le  terrain  tertiaire  miocène,  à  la  base  du 
calcaire  de  Beauce. 

Parmi  les  savants  qui  examinèrent  les  pièces  que  j'avais 
apportées,  quelques  uns,  entre  autres  M.  Worsaœ,  partagè- 
rent ma  conviction  et  reconnurent  le  travail  de  l'homme  ; 
d'autres  le  nièrent  et  enfin  le  groupe  le  plus  nombreux  resta 
dans  la  neutralité. 

Deux  questions  se  posaient  naturellement,  celle  de  V action 
de  VJiom/me  et  celle  du  gisement. 

La  première  ne  pouvait  être  résolue  définitivement  que  par 
Texamen  de  ma  collection  complète. 


La  seconde  exigeiait  des  observationa  géologiques  faites 
sur  le  terrain  même. 

Bon  nombre  d'hommes  compétents  vinrent  de  France, 
d'Angleterre  et  du  Danemark,  pour  étudier  sérieusement  un 
fait  dont  ils  comprenaient  toute  la  gravité.  Plusieurs  s'en  , 
allèrent  complètement  convaincus  et  trois  d'entre  eux, 
MM.  de  Mortillet,  Valdémar  Schmidt,  Raulin,  exprimè- 
rent leur  opinion  devant  la  Société  géologique  de  France. 
Ceux  qui,  tout  en  étant  fortement  ébranlés,  restèrent  dans  le 
doute,  considérèrent  le  fait  comme  très  important  et  très 
digne  d'attention.  Ainsi  qu'il  arrive  toujours,  les  plus  ardents 
pour  la  négation  furent  ceux  qui  ne  vinrent  pas  voir. 

Vous  savez  que,  lorsqu'il  s'agit  de  porter  un  jugement 
en  dehors  du  cercle  spécial  de  nos  connai.ssance3 ,  nous 
avons  recours  à  l'autorité  des  maîtres  dans  la  matière. 
Voilà  pourquoi  je  viens  prier  le  Congrès  de  vouloir  bien 
nommer  une  commission  composée  d'hommes  compétents, 
dont  l'opinion  réglera  celle  de  ceux  qui  ne  peuvent  pas  juger 
par  eux-mêmes.  J'entends  par  des  hommes  compétents,  non 
pas  des  académiciens,  non  pas  môme  des  archéologues  qui  ont 
recueilli  de  belles  haches  polies  ou  de  jolies  flèches  barbelées, 
mais  des  hommes  qui  ont  ramassé  les  silex  taillés  par  mil- 
liers, qui  les  ont  étudiés  sous  toutes  les  formes,  à  tous  les 
états,  depuis  le  travail  le  plus  brut  jusqu'à  l'art  le  plus  délicat. 
Afin  de  mieux  vous  démontrer  la  nécessite  des  connaissances 
expérimentales  pour  juger  dans  une  question  de  ce  genre. 


-  83  — 

Les  hommes  compétents  ne  manquent  pas  dans  cette  as- 
semblée, composée  d'archéologues  venus  de  tous  les  points 
du  monde .  Nous  avons  Thonneur  de  posséder  parmi  nous 
MM.  Worsaae,  Steenstrup,  Engelhardt,  Valdémar  Schmidt, 
Dupont,  Franks,  Capellini,  Desor,  de  Quatrefagefi,  de  Vibraye, 
Cartailhac,  Hamy,  de  Mortillet,  l'abbé  Delaunay,  Franchet  et 
plusieurs  autres  sans  doute  dont  la  présence  ne  m'a  pas 
encore  été  signalée. 

Puisque  les  éléments  ne  vous  manquent  pas,  veuillez  donc 
nommer  une  Commission  qui  vous  donnera  son  avis,  non 
pas  sur  le  gisement  qu'elle  ne  peut  étudier,  mais  sur  les  ma- 
tériaux que  je  lui  soumettrai. 

Mon  intention  était  de  m'arrêter  ici,  mais  M.  Dupont 
demande  que  je  vous  donne  quelques  détails  sur  Vhomme 
tertiaire. 

Pour  vous  faire  apprécier  l'importance  du  fait  en  question 
relativement  à  l'antiquité  de  l'homme,  je  dois  d'abord  vous 
exposer  en  quelques  mots  la  composition  géologique  du  sol 
dans  la  commune  de  Thenay  (Loir  et  Cher),  où  les  silex 
qu'il  s'agit  d'examiner  ont  été  trouvés. 

(Les  deux  coupes,  figurées  par  M.  l'abbé  Bourgeois  dans 
le  Bulletin  du  Congrès  de  Paris,  en  1867,  sont  reproduites 
ci-contre.) 

Nous  allons  suivre  la  série  des  couches  de  bas  en  haut. 

Sur  le  terrain  crétacé  (craie  à  silex,  craie  à  Spondylus 
spinosus)  repose  le  calcaire  de  Beauce  qui  se  divise  en  deux 
assises  :  l'une  inférieure,  présentant  d'abord  des  lits  de  marne 
et  d'argile,  puis  des  lits  de  marne  avec  nodules  de  calcaire  ; 
l'autre  supérieure,  composée  de  calcaire  compacte.  La  faune 
de  ce  terrain  comprend  :  deux  carnassiers  du  genre  Am- 
phicyon,  un  tapir,  un  suinien  {Palœochœrus?)^  un  rumi- 
nant à  grandes  canines,  voisin  des  chevrotains  {AmpMtra- 
gulus  eleganSy  Pomel),  une  sorte  de  rhinocéros  sans  corne 
sur  le  nez  et  nommé  à  cause  de  cela  Acerotheriumj  un  cro- 
codile et  enfin  plusieurs  espèces  de  mollusques  décrites  par 


U.  Deshayes.  Ce  qui  distingue  cette  faune  de  la  faune  sui- 
vante, c'est  l'absence  du  mastodonte  et  du  dinotherium. 


Fig.  4  —  Coupe  pnae  à  1  entrée  du  chemin  qni  conduit 
à  ChoDssy  commune  de  Thenay  (Loir  et  Cher) 


Fig.  S    Coupa  prise  k  la  mamière  de  M    A    Chaumais, 
flOP  la  nve  gauche  du  ru  aseau  &  Thena; 


9    AltavloD  qoaMrnalre  btsc  illei  polla  et  allei  dn  Irpe  de  Saint  Acbaul. 


—  85  — 

qui  partait  du  plateau  central.  Ses  traces  n'ont  été  observées 
jusqu'à  présent  que  'dans  les  départements  du  Loiret  et  du 
Loir  et  Cher,  qu'il  traversait  en  passant  par  les  communes 
de  Neuville,  Orléans,  Ingré,  Beaugency  (Loiret),  Avaray, 
Menars,  Cheverny,  Thenay  (Loir  et  Cher).  Le  régime  des 
eaux  était  bien  différent  de  ce  qu'il  est  aujourd'hui,  car  la 
Loire  n'existait  pas. 

La  faune  qui  habitait  les  contrées  arrosées  par  ce  fleuve 
tertiaire,  était  très  remarquable  à  tous  points  de  vue.  Il  serait 
trop  long  d'énumérer  toutes  les  espèces  que  j'y  ai  recueillies 
pendant  plus  de  30  années  de  recherches  ;  je  citerai  seule- 
ment les  principales,  savoir  :  un  singe  anthropomorphe,  de 
la  famille  des  gibbons,  {Hylohates  anUquus)^\Q^^ce\Q,^\\i^ 
ancienne  parmi  les  quadrumanes;  plusieurs  carnassiers,  parmi 
lesquels  le  chien  gigantesque  de  Cuvier  {Ampliicyon  gigan-- 
tevs)  ;  un  rongeur  voisin  du  castor,  le  SteneoJiheT  suhpyre- 
naicus  ;  le  MacrotheHum  sansamiensCy  paresseux  colossal  ; 
deux  espèces  de  dinotherium,  le  Dinotherium  Cuvieri^  et  le 
Dinoth^rtum  havariense^  qui  dépassait  d'un  tiers  la  taille  de 
nos  éléphants  actuels  ;  trois  espèces  de  mastodontes  {Mas- 
todon  angustideitSf  M.  tapiroides  et  M.pyrenaicus)  qui,  avec 
les  dinotherium,  ouvrent  l'ère  des  grands  proboscidiens  ; 
sept  espèces  de  rhinocéros  dont  la  plus  connue  est  le  RJiino- 
ceros  brachypus;  VAnchitherium  qui  tient  du  cheval  et  du 
paléotherium  ;  plusieurs  suiniens  (AntAracotkerium  palao- 
choeruSy  etc.)  ;  beaucoup  de  petits  animaux  de  la  taille  du 
chevreuil  {Hyœmoschus  crassus,  etc.)  ;  des  crocodiles,  des 
tortues,  des  mollusques  terrestres  et  fluviaux.  Tous  ces  ani- 
maux vivaient  sous  un  climat  très  chaud,  comme  l'attestent 
les  palmiers  dont  nous  rencontrons  si  fréquemment  les 
débris. 

Les  sables  de  l'Orléanais  sont  recouverts  par  un  dépôt 
marin,  bien  connu  sous  le  nom  de  /aluns  de  Touraine.  Au 
premier  abord,  on  pourrait  croire  que  la  faune  des  mam- 
mifères est  presque   identique  à  la  précédente  ;  mais  il  est 

6 


-  8G  — 


facile  de  se  convaincre  que  les  mammifères  terrestres  des 
falmis  appartieiiuent  à  la  formation  précédente  et  qu'ils  ne 
sont  là  qu'eu  vertu  d'un  remaniement.  Je  ue  connais  qu'un 
seul  mammifère  évidemment  falnnien,  c'est  VHalitkeriKm, 
cétacé  voisin  des  dugongs.  On  y  trouve  environ  40  espèces  de 
poissous,  entre  autres,  un  grand  squale  dont  je  parlerai 
bientôt,  le  Carcharodon  megalodon,  et  au  moins  400  espèces 
de  coquilles.bryozoaîres  et  polypiers.  Dans  quelques  localités, 
la  mer  des  faluns  a  complètement  détruit  les  sables  de  l'Or- 
léanais et  alors  ses  dépôts  sont  en  contact  immédiat  avec  le 
calcaire  de  Beauce.  C'est  pour  cela  que  la  surface  de  ce  cal- 
caire est  souvent  criblée  de  trous  où  sont  encore  logées  les 
coquilles  perforantes.  Ce  phénomène  indique  un  ancien  rivage. 
Les  limites  des  faluns  et  du  ca.caire  de  Beauce  coïncident 
parfaitement  près  de  l'endroit  où  j'ai  fait  mes  explorations. 

Le  pliocène  manque  dans  la  contrée.  Des  faluns  nous  pas- 
sons de  suite  au^L  dépôts  quaternaires  du  plateau  qui  domino 
les  petites  vallées.  Ces  couches  de  sable  limoneux  n'ont 
jamais  fourni  aucun  fossile  caractéristique ,  mais  non  loin 
de  là,  à  Vallières,  j'ai  recueilli,  dans  une  brèche  osseuse, 
l'hyène  et  le  grand  chat  des  cavernes,  le  rhinocéros  à  narines 
cloisonnées,  le  grand  cerf,  le  renne,  enfin  toute  la  faune  de 
cette  époque. 

Telle  est  la  série  des  formations  géologiques  dans  la  com- 
mune de  Thenay.  Je  crois  pouvoir  en  garantir  l'exactitude, 
car  il  ne  s'agit  pas  d'une  localité  visitée  en  courant,  comme 

éluder 


—  87  — 

Ainsi  que  partout  ailleurs  et  à  toutes  les  époques  subsé- 
quentes, ce  sont  des  outils  pour  couper,  percer,  racler  ou 
frapper. 

Mais  de  môme  qu'à  Saint-Prest,  je  n'y  ai  pas  rencontré  la 
forme  classique  de  Saint- Acheul. 

Ces  instruments,  très  grossiers  dans  leur  ensemble,  pré- 
sentent cependant  des  retouches  fines  et  régulières.  On  ne 
trouve  pas  de  lames  bien  détachées  du  nucléus  et  les  bulbes 
de  percussion  sont  rares.  Cela  peut  provenir  de  ce  que  les 
silex  de  la  localité,  qui  ont  été  exclusivement  employés,  sont 
caverneux  et  à  cassure  esquilleuse. 

Beaucoup  de  silex  (2  sur  100)  ont  été  déformés  par  le  feu 
ou  sont  craquelés.  Ceux  qui  présentent  ce  phénomène,  se 
trouvant  au  milieu  d'un  grand  nombre  d'autres  parfaite- 
ment intacts,  il  est  impossible  de  voir  là  une  action  de  la 
foudre. 

Un  savant  académicien,  qui  n'est  pas  venu  constater  les 
faits  par  lui-même,  prétend  que  les  silex  tertiaires  de  Thenay 
n'ont  pas  subi  l'action  du  feu,  et  il  en  donne  pour  raison 
qu'ils  sont  transparents.  Moi,  qui  les  ai  recueillis,  qui  les  ai 
soumis  à  l'examen  le  plus  scrupuleux,  j'affirme  qu'ils  sont 
tous  d'une  opacité  complète.  Je  dirai  de  plus  qu'il  m'est  dé- 
montré par  des  expériences  nombreuses  qu'un  silex  ne  perd 
pas  complètement  sa  transparence  quand  il  est  soumis  à  l'ac- 
tion d'un  feu  modéré. 

Du  reste,  par  une  combustion  artificielle  à  diflFérents 
degrés,  j'ai  obtenu  des  phénomènes  complètement  identi- 
ques à  ceux  qui  sont  en  question.  Pourquoi  donc  proclamer 
sans  cesse  la  méthode  expérimentale  de  Bacon  et  ne  jamais 
la  mettre  en  pratique! 

Quelquefois  les  arêtes  sont  vives  à  la  partie  de  l'instru- 
ment tenue  par  la  main  ou  qui  devait  recevoir  le  manche,  et 
la  partie  destinée  à  frapper,  à  racler  ou  à  percer,  a  été  polie 
par  l'usage.  J'ai  recueilli,  dans  nos  ateliers  de  fabrication 
ou  dans  nos  stations,  une  grande  quantité  d'instruments  dç 


pierre  présentantdés  traces  d'usure,  espérant  arriver  par  là 
à  connaître  leur  destination;  c'est  pourquoi  j'ai  pu  établir 
sous  ce  rapport  des  comparaisons  qui  ne  laissent  plus  aucun 
doute. 

Je  puis  dire  que  nous  sommes  en  possession  de  tous  les 
signes  auxquels  on  reconnaît  le  travail  de  l'homme,  savoir  : 
les  retouches,  les  entailles  symétriques,  les  entailles  artifi- 
cielles produites  pour  correspondre  à  une  entaille  naturelle, 
les  bulbes  de  percussion  quoique  rares,  les  traces  de  percus- 
sion et  d'usure,  l'actiou  du  feu,  enfin  la  reproduction  multi- 
pliée de  certaines  formes  parfaitement  connues.  La  gelée 
peut  faire  éclater  un  silex  et  le  diviser  en  prismes  épais  et 
grossiers;  le  soleil,  dit-on,  produit  des  effets  analogues 
dans  les  régions  ob  la  température  est  très  élevée  ;  mais  ces 
causes  naturelles  ne  pourront  jamais  déterminer  une  série  de 
retouches  régulières,  évidemment  destinées  à  produire  une 
forme  compliquée.  Je  n'ai  jamais  rien  trouvé  de  semblable 
non  plus  BOUS  le  marteau  du  casseur  de  pierres. 

Pour  se  créer  une  conviction  éclairée  dans  cette  question, 
il  ne  suffit  pas  de  considérer  quelques  instruments,  il  faut 
voir  et  longuement  exîiminer  des  séries  nombreuses  et 
établir  des  comparaisons  avec  des  types  qui  ne  sont  pas  con- 
testés. 

Les  Planches  1  et  2  représentent  quelques  unes  des  prin- 
cipales formes  des  silex  taiUés  du  calcaire  de  Beauce,  à 
'fhenay. 


—  89  — 

ques  points. Cette  fonne  de  marteau,  bien  connue  de  ceux  qui 
ont  beaucoup  étudié  les  silex  taillés,  est  commune,  à  Thenay, 
dans  le  calcaire  de  Beauce. 

Fig.  3.  —  Marteau  présentant  sur  une  des  arêtes  des  mar- 
ques de  percussion  très  évidentes,  que  le  dessin  rend  d'une 
manière  imparfaite. 

Fig.  4.  —  Sorte  de  perçoir  à  base  très  large.  La  pointe 
a  été  obtenue  au  moyen  de  retouches  très  régulières.  Type 
commun  à  toutes  les  époques. 

Sur  le  côté  opposé,  le  bulbe  de  percussion,  assez  rare  dans 
les  silex  tertiaires  de  Thenay,  se  montre  bien  caractérisé. 

Fig.  5.  —  Perçoir  comme  le  n"  4,  mais  plus  aigu  et  avec 
retouches  plus  fines. 

Fig.  6.  —  Perçoir  à  base  grossière  et  irrégulière.  Retou- 
ches bien  marquées  sur  le  côté  qui  a  dû  être  échancré  pour 
produire  la  pointe. 

Planche  2,  Jig.  1  et  2.  —  Grattoir  irrégulier.  Les  retouches 
sont  très  apparentes  et  n'existent  que  là  où  elles  doivent  exis- 
ter pour  former  cet  instrument. 

Fig.  3.  —  Fragment  très  régulier  d'un  de  ces  éclats,  dési- 
gnés vulgairement  sous  le  nom  de  couteaux.  L'arête  médiane 
qui  existe  sur  la  partie  convexe,  prouve  que  d'autres  lames 
ont  été  enlevées  antérieurement.  On  observe  sur  les  bords  les 
retouches  ordinaires  à  cet  instrument.  Le  côté  non  visible 
présente  le  bulbe  de  percussion. 

Fig.  4.  —  Pointe  de  flèche  ?  perçoir?  On  y  voit  des  arêtes 
vives  qui  prouvent  que  plusieurs  éclats  ont  été  détachés  de 
la  partie  convexe.  Les  retouches  ont  eu  pour  but  de  la  rendre 
plus  aiguë. 

Fig.  5.  —  Nucléus  dont  les  deux  extrémités  ont  été 
retouchées  dans  le  but,  sans  doute,  de  l'utiliser.  L'arête  la 
plus  saillante,  probablement  pour  qu  elle  ne  gênât  pas  la 
main,  a  été  diminuée  par  une  série  de  chocs  artificiels.  Les 
autres  arêtes  sont  restées  intactes,  ce  qui  prouve  qu'il  ne  faut 
pas  voir  là  un  efiFet  produit  par  le  roulement. 


-  90  - 


Fig.  6.  —  Grattoir  court,  avec  retouches  ntnnlireuses  et 
très  mHrquées,  en  tout  semblable  à  ceux  qne  nous  recueillons 
chaque  jour  à  la  surface  du  sol.  II  présente  comme  eux,  à  la 
partie  non  visible,  deux  échancrurea  correspondantes  et  It; 
bulbe  de  percussion. 

Fig.  7.  —  Silex  en  forme  de  prisme  triangulaire.  Les 
augfles  de  l'une  des  extrémités  ont  été  arrondis  au  moyen  de 
retoucha,  comme  dans  la  figure  précédente.  L'arête  supé- 
rieureasubi  un  travail  qui  ne  peutéchapper  à  unceilexercé. 
J'ai  rencontré  le  môme  type  dans  les  dépôt?  quaternaires  de 
Vendôme. 

Il  est  difficile  du  re.ste  de  juger  une  question  aussi  grave 
d'après  de  simples  figures  ;  mais  je  tiens  des  séries  nom- 
breuses k  la  disposition  des  personnes  qui  voudront  venir 
faire  sur  les  lieux  un  sérieux  examen. 

Quant  à  la  question  du  gisement,  quoiqu'elle  me  parût 
claire  pour  tout  géologue  exercé',  j'ai  poussé  le  scrupule 
jusqu'à  faire  creuser  un  puits  vertical  sur  la  colline  dan.s  le 
but  de  renverser  toute  supposition  d'affouillement  par  lea 
eaux  de  la  vallée.  Après  les  couclies  superficielles,  nous 
avons  trouvé  le  falun,  puis  la  partie  compacte  du  calcaire  de 
Beauce  (les  sables  de  l'Orléanais  manquent  en  cet  endroit)  ; 
cette  partie  supérieure  est  perforée  par  des  coquilles  litho- 
phages,  Aprèsl'avoir  enlevée  péniblement,  nous  avons  attaqué 
les  lits  nombreux  de  marne  avec  nodules  calcaires  et  nous 
sommes  arrivés  à  la  couche  d'argile  qui  renferme  les  silex 


—  91  — 

J  ai  donné  la  coupe  de  ce  puits,  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  géologique  de  France.  Elle  a  été  également  relevée 
par  M.  de  Mortillet  qui  Ta  exposée  dans  le  Musée  de  Saint 
Germain. 

Est-il  besoin  maintenant  de  dire  que  j'ai  trouvé  également 
des  silex  taillés  dans  les  formations  supérieures,  c'est*  à  dire, 
dans  les  sables  de  l'Orléanais  et  les  faluns?  Je  me  bornerai  à 
faire  observer  que  les  silex  taillés,  associés  aux  débris  du 
mastodonte  et  du  dinotherium,  puis  plus  tard,  à  ceux  de 
l'halitherium,  n'accusent  pas  le  moindre  progrès.  Ceux  de 
Saint  Prest  que  j'ai  trouvés  dans  les  sables  à  Eléphant  méri- 
dional et  qui  ont  été  admis  sans  difficulté,  parce  qu'ils  ne 
dérangeaient  pas  trop  certaines  idées  préconçues,  ne  me  pa- 
raissent pas  mieux  travaillés  non  plus  que  ceux  du  calcaire 
de  Beauce.  Pour  arriver  à  des  instruments  largement  taillés 
et  façonnés  avec  une  certaine  élégance ,  il  faut  remonter 
jusqu'à  la  période  quaternaire. 

Je  dois  encore  ajouter  quelques  mots  pour  rectifier  une 
erreur,  car  je  cherche  sincèrement  la  vérité  et,  quand  je  vois 
que  je  me  suis  trompé,  je  ne  crains  pas  de  le  dire.  Au  moment 
où  j'allais  lire  mon  Mémoire  sur  l'homme  tertiaire,  devant 
les  membres  du  Congrès,  en  1867,  M.  l'abbé  Delaunay,  mon 
collègue  et  mon  ami,  présenta  des  ossements  d'halitherium 
qu'il  rapportait  des  faluns  du  Maine  et  Loire  et  sur  lesquels 
on  voyait  des  incisions  profondes.  Comme  beaucoup  d'autres, 
je  crus  voir  là  une  confirmation  du  fait  grave  que  je  signa- 
lais, et  j'attribuai  ces  incisions  à  l'action  de  l'homme,  avec 
une  précipitation  de  jugement  que  j'avais  été  loin  de  mettre 
dans  l'examen  des  silex.  M.  Hébert,  notre  savant  professeur 
de  géologie  à  la  Sorbonne,  émit  l'opinion  qu'elles  pouvaient 
bien  être  l'œuvre  d'un  squale.  Je  n'eus  pas  connaissance  de 
cette  parole.  Plus  tard,  M.  Delfortrie,  de  Bordeaux,  dé- 
montra que  ce  squale  était  le  Carcharodon  megalodon.  Je  lui 
écrivis  de  .suite  que  je  partageais  son   avis.   J'aurais   pu 
ajouter  que  j'avais  entre  les  mains  des  preuves  eacore  plus 


convaincantes  (jtie  celles  (ju'il  a  [miduites.  Mais  je  u'eu 
conclus  pas,  contrairement  à  cet  habile  observateur,  que  les 
preuves  de  l'existence  de  l'homme  à  l'époque  tertiaire  sont 
renversées,  car  sa  conclusion  est  plus  étendue  que  les  pré- 
misses et  par  conséquent  illogique. 

Si  l'on  m'expliquait  ainsi,  par  une  autre  cause  que  par  une 
cause  humaine,  les  phénomènes  observés  sur  les  silex  ter- 
tiaires de  Thenay,  je  renoncerais  de  suite  à  mon  opinion  et 
je  croirais  m'honorer  en  avouant  franchement  mon  erreur, 
car,  je  le  répète,  je  ne  cherche  que  la  vérité.  Mais  l'amour  de 
cette  vérité  m'oblige  à  dire  que  toutes  mes  nouvelles  explo- 
rations, toutes  mes  nouvelles  découvertes,  m'ont  confirmé  de 
plus  en  plus  dans  ma  conviction  que  nous  sommes  là  en 
présence  des  traces  de  l'homme. 

Sont  nommés  membres  de  la  Commission  pour  l'examen 
des  silex  présentés  par  M.  l'abbé  Boui^eois  : 

MM.  Steenstrup,  Virchow,  Neirynck,  d'Omalius,  de 
Quatrefages,  Cartailhac,  Capellini,  Fraas,  WorsajE,  Van 
Beneden,  Desor,  Engelhardt,  V,  Schmidt,  de  Vibraye, 
P'rauks. 

M.  Capellini.  Je  félicite  M.  l'abbé  Bourgeois  d'être  revenu 
sur  son  opinion,  relative  aux  entailles  que  pré.sentent  les 
ossements  d'halitherium.  Je  possède  beaucoup  d'o-ssement* 
portant  des  entailles  semblables  et  je  n'ai  jamais  pu  admettriî 


—  93  — 

quelques  années  que,  dans  la  commune  de  Thenay,  ils  sont 
nettement  superposés.  Je  puis  ajouter  que  les  coquilles 
fluviales  et  terrestres  qui  se  trouvent  mélangées  aux 
coquilles  marines  dans  les  faluns,  ne  sont  pas  identiques  h 
celles  que  j'ai  recueillies  à  Suèvres,  près  Blois,  dans  les 
sables  de  l'Orléanais.  Ces  sables,  par  leur  faune,  se  ratta- 
chent plutôt  au  calcaire  de  Beauce.  La  non-contemporanéité 
est  donc  établie  par  des  preuves  stratigraphiques  et  paléon- 
tologiques. 

Conclusions  de  la  Commission  chargée  de  Vexamen  des  silex 

de  Thenay. 

La  commission  chargée  de  l'examen  des  silex  recueillis  par 
M.  l'abbé  Bourgeois  dans  les  terrains  miocènes  de  Thenay 
s'est  réunie,  le  27  août,  sous  la  présidence  de  M.  Capellini. 
M.  l'abbé  Bourgeois  a  présenté  bon  nombre  de  silex  disposés 
en  série,  et,  après  avoir  donné  tous  les  renseignements 
nécessaires  pour  éclairer  la  question,  il  s'est  retiré. 

Les  membres  de  la  commission  ont  examiné  avec  un  soin 
minutieux  tous  les  objets  qui  leur  étaient  remis  et,  tout 
en  faisant  des  réserves  sur  le  gisement,  ils  ont  formulé 
personnellement  leur  opinion  de  la  manière  suivante  : 

M.  Steenstkup  ne  peut  admettre  que  les  séries  exposées 
fournissent  des  traces  évidentes  de  la  main  de  l'homme. 

M.  ViBCHOw  partage  cette  opinion. 

M.  Neirynck  est  du  môme  avis. 

M.  d'Omalius  reconnaît  l'œuvre  de  l'homme  dans  quelques 
uns  des  silex. 

M.  DK  QuATBEFAGEs  acccpte  Ics  poinçous  et  les  racloirs. 

M.  DE  Cartailhac  les  accepte  également  comme  ayant  été 
taillés  de  main  d'homme. 

M.  Capellini  admet  la  taille  pour  quelques  couteaux  et 
poinçous;  mais  il  voudrait  qu'une  commission  fût  nommée 


I 


pour  faire  sur  place  de  nouvelles  recherches  et  se  prononcer 
ensuite  comme  on  l'a  fait  pour  Abbeville. 

M.  Fra\s  n'a  pu  remarquer  aucune  trace  de  la  main 
humaine  sur  les  silex  présentés. 

M.  WoHSA^  en  admet  plusieurs  comme  travaillés  par  la 
main  de  l'homme. 

M.  Van  BENiioiîN  déclare  ne  pouvoir  se  prononcer. 

M.  DiisoR  n'admet  pas  le  travail  humain. 

M.  Engelhardt  accepte  l'origine  humaine  de  plusieurs  de 
ces  séries  et  y  reconnaît  des  grattoirs,  des  poinçons  et  des 
hachettes. 

M.  V.  ScHMiuT  en  accepte  un  certain  nombre  comme 
fabriqués  de  main  d'homme. 

M,  Dic  VitiRAïE  croit  (jue  la  question  géologique  demande 
il  être  étudiée  avec  plus  de  détail  en  vue  de  la  question  des 
eaux  thermales  et  des  phénomènes  du  métamorphisme  en 
^néral ,  Il  accepte  avec  réserve  le  travail  humain  de  quelques 
spécimens. 

M.  Frasks  accepte  l'authenticité  du  gisement  et  l'origine 
humaine  A'un  spécimen  ;  le  g^rattoir  trouvé  dans  la  coupe 
du  gisement. 

M.  l'arui'.  BouROHOis.La  Comrais.'îion  chaînée  de  l'examen 
des  silex  tjue  j'ai  recueillis,  n'a  pu  se  prononcer  sur  la  ques- 
tion du  gisement  ;  cela  lui  était  en  effet  impossible  ;  mais  je 
regrette  que  M.  Belgrand  nous  ait  quitté.  Il  a  vu  le  gisement. 


—  95  — 


Sut  de^  silex  taillés^  découverts  daris  les  terrains  miocène  et 
pliocène  du  Portugal,  par  M.  Ribeiro. 

Au  moment  où  la  certitude  de  lexistence  de  Thomrne  qua- 
ternaire commençait  à  se  fortifier,  une  nouvelle  question, 
aussi  remarquable  qu'inttîressante  pour  la  géologie  et  Tliis- 
toire,  vint  agiter  le  monde  scientifique. 

Les  heureux  résultats  qui  avaient  couronné  les  recherches 
auxquelles  MM.  Desnoyers  et  l'abbé  Bourgeois  s'étaient  livrés, 
dans  le  calcaire  de  Beauce,  à  Saint  Prest,  dans  le  départe- 
ment d'Eure  et  Loire,  prouvèrent  que  l'homme  préhis- 
torique appartient  à  une  époque  géologique  bien  plus 
reculée  que  celle  qui  se  nomme  diluviale  ou  quaternaire; 
c'est  à  dire,  que  l'homme  a  fait  partie,  non  seulement  de  la 
faune  pliocène,  mais  encore  de  la  faune  miocène. 

Dans  la  séance  du  Congrès  du  23  août,  j'ai  éprouvé 
un  véritable  plaisir  en  entendant  M.  l'abbé  Bourgeois 
afl5.rmer  avec  cette  conviction  que  seuls  peuvent  donner 
l'étude  et  l'examen  consciencieux  des  faits,  qu'au  dessous  des 
couches  du  calcaire  de  Beauce,  évidemment  miocènes,  il  a 
trouvé  des  silex  taillés. 

Je  crois  que  c'est  la  seconde  fois  que  M.  l'abbé  Bourgeois 
soutient,  devant  le  Congrès  d'anthropologie  et  d'archéologie 
préhistoriques,  la  tlièse  de  l'existence  de  l'homme  miocène 
et  qu'il  afl5.rme  cette  existence,  alors  que  la  plupart  des 
savants  se  sont  maintenus  dans  une  prudente  réserve  et  ont 
attendu  de  nouvelles  découvertes. 

On  se  demandait  notamment  si  le  fait  des  silex  taillés,  ren- 
contrés dans  le  calcaire  de  Beauce,  était  unique,  si  ce  fait 
ne  s'était  pas  reproduit  ailleurs  et  restait  circonscrit  à  un 
coin  de  la  France,  si,  en  un  mot,  de  semblables  indices  de 
la  présence  de  l'homme  n'existaient,  au  sein  des  couches 
du  même  âge,  ni  dans  aucune  autn»  partie  de  l'Europe,  ni  eu 
Amérique,  ni  dans  aucune  autre  contrée. 


Les  explorations  des  couches  tertiaires,  qui  furent  alors 
dirigées  en  Portugal  à  ce  point  de  vue,  ont  donné,  me  paraît- 
il,  une  preuve  évidente  de  la  présence  de  l'homme  aux  époques 
pliocène  et  miocène. 

En  ma  qualité  de  délégué  officiel  de  la  section  géologique 
du  Portugal  à  ce  Congrès,  je  raepermettrai  d'exposer  quelques 
faits  relatifs  à  ce  sujet  et  qui  viendront  corroborer,  je  crois, 
ceux  qui  nous  ont  été  exposés  par  M.  l'abbé  Bourgeois. 

Les  faits  dont  je  vais  vous  entretenir,  méritent  d'autant 
plus  la  bienveillante  et  sérieuse  attention  de  tous  les  savants 
géologues  qui  sont  ici  présents,  qu'ils  ont  été  observés,  dans 
une  contrée  éloignée  dé  la  France,  bien  avant  ceux  que 
M.  l'abbé  Bourgeois  a  observés  à  Saint-Prest,  dans  le  cal- 
caire de  Beauce. 

Mais  avant  d'entrer  dans  quelques  détails  et  afin  de  mieux 
faire  comprendre  la  situation  géologique  de  quelques  exem- 
plaires de  pierres  taillées  que  j'ai  recueillis  dans  les  couches 
tertiaires  de  mon  pays  et  que  j'ai  eu  l'honneur  de  présenter 
ici,  il  serait  utile  de  donner  tout  d'abord  quelques  explica- 
tions que  je  tâcherai  de  rendre  aussi  brèves  que  possible. 

Lorsque  je  fus  nommé,  en  1857,  directeur  de  la  carte  géo- 
logique du  Portugal.je  réunis,  sous  une  même  dénomination 
de  terrains  tertiaires,  toutes  les  couches  de  calcaire,  de 
marnes,  d'argiles  et  de  grès,  à  stratification  bien  définie, 
qui  se  trouvent  dans  ce  pays  et  qui  sont  placées  géologique- 
ment,  au  dessus  du  terrain  crétacé.  Ces  couches,  qui  forment 


—  97  — 

C'est  alors  que  j'appris  que,  dans  les  couches  tertiaires  qui 
se  trouvent  entre  Canegado  et  Alemquer,  deux  petits  vil- 
lages situés  de  35  à  40  kilomètres  au  N  N  E  de  Lisbonne, 
il  se  trouvait  des  silex  taillés. 

Je  fis  immédiatement  des  recherches  dans  cet  endroit;  je 
les  poussai  dans  plusieurs  directions  et  je  trouvai,  dans  l'in- 
térieur même  des  couches  de  calcaire,  de  marne  et  de  grès, 
des  éclats  de  silex  et  de  quartzite  travaillés. 

Ma  surprise  fut  grande  quand  j'arrachai,  de  ma  propre 
main,  des  silex  taillés,  du  sein  de  couches  de  calcaire  qui 
avaient  30  et  50  degrés  d'inclinaison  et  dans  lesquelles 
les  mouvements  du  sol  avaient  jeté  une  profonde  pertur- 
bation. 

A  cette  époque,  l'homme  quaternaire  était  encore  un  fait 
fort  controversé  ;  comment  donc  aurais-je  été  reçu  si  j'étais 
venu  annoncer  l'homme  tertiaire  ! 

Mon  embarras  était  d'autant  plus  grand,  que  je  n'avais  pas 
encore,  comme  à  présent,  découvert  de  silex  taillés  dans  les 
couches  qui  forment  l'étage  sur  lequel  se  développe  la  série 
de  couches  miocènes  marines. 

Je  me  trouvai  en  présence  d'un  dilemme  dont  les  deux 
alternatives  m'effrayaient  :  ou  rejeter  mon  propre  témoi- 
gnage, c'est  à  dire,  nier  que  les  pierres  taillées  que  j'avais 
ramassées  dans  ces  dépôts  tertiaires,  aient  jamais  passé 
par  la  main  de  l'homme,  ou  affirmer  que  l'immense  dépôt 
que  j'avais  devant  moi,  appartenait  à  la  période  quater- 
naire. 

Un  préjugé  m'engagea  à  admettre  la  seconde  partie  de  ce 
dilemme;  et  cependant  ma  raison  et  ma  conscience  me  disaient 
que  j'étais  dans  le  faux. 

«  L'homme,  enseignait-on,  ne  peut  pas  être  plus  ancien 
que  la  période  quaternaire.  »  L'enseignement  scientifique 
était  là  et  je  m'y  soumettais. 

Et  pourtant  les  faits  aussi  étaient  là  et  les  observations 
géologiques  auxquelles  je  m'étais  livré  ,me  disaient  constam- 


f  » 


—  98  — 

meut  :  >  l'homme  est  pins  ancien  et  de  beaucoup,  que  la 
période  quaternaire!  » 

On  va  voir  où  cela  m'a  conduit. 

Nous  avons  commencé,  en  1866,  la  publication  de  quel- 
ques feuilles  de  notre  carte  géologique.  Nous  fondant  sur 
cette  opinion  que  la  science  nous  disait  de  croire  et  que 
ma  conscience  se  refusait  à  admettre,  nous  avons  désigné,  au 
moyen  d'une  coloration,  comme  terrains  quaternaires,  toute 
une  surface  dont  la  plu.s  grande  partie,  nous  le  reconnais- 
sons aujourd'hui,  doit  être  considérée  comme  pliocène  et 
miocène. 

Nous  avons  fait  graver  ces  cartes  et  nous  avons  fait  tirer 
un  grand  nombre  d'exemplaires  de  ce  travail  défectueux,  inu- 
tile et  qui  ne  peut  plus  être  considéré  à  présent,  que  comme 
vieux  papiers. 

En  1867,  M.  de  Vemeuil  me  demanda  quelques  rensei- 
gnements sur  le  terrain  quaternaire  de  mon  pays. 

Persistant  malgré  moi  dans  cette  même  opinion  erronée, 
j'envoyai  à  ce  savant  la  note  qu'il  a  lue  à  la  séance  du 
17  juin  1867,  à  la  Société  de  Géologie  de  France. 

Toutefois,  ce  ne  fût  pas  sans  observations  que  M.  de  Ver- 
neuil  put  admettre  un  t«rraîn  quaternaire  qui  lui  semblait, 
disait-il,  fort  extraordinaire. 

Cet  homme,  si  distingué  par  ses  connaissances,  me  faisait 
part  des  motifs  de  ses  doutes  dans  une  lettre  qu'il  m'adressa 
au  mois  de  juillet  suivant.  Mais  ses  observations,  loin  de 
m'émouvoir,  me  rassurèrent  et  je  fus  amené  à  rejeter  la 


—  99  — 


Voici  la  léfçende  des  pierres  taillées,  figurées  PI.  3,  4  et  5. 

PI.  3. 


Fig.  1 


3 


Silex  taillé. 


Qaartzite  taillé. 


Idem. 


Idem. 


Idem. 


PK4. 


Fig.  C 


»»    i 


Silex  taillé. 


Idem. 


PI. 

»• 

Fig.  8 

Idem. 

»•     9 

Idem. 

•    10 

Idem. 

Grés  pliocènes  avec 
une  faible  incli- 
naison vers  SS£. 

Idem. 

Grés   rouges   plio- 
cènes. 

Grés  miocènes  (?) 

Calcaire  le  plus  in- 
férieur de  la  sé- 
rie miocène  d'eau 
douce. 


Marnes  et  grés  mio- 
cènes plongeant 
de  160  vers  SSE. 

Idem. 


Idem. 

Idem. 
Idem. 


A  Al  faite,  rive  gauche  du 
Tago,  au  sud  de  Lis- 
bonne. 

A  Aldéa  Galega,  18  kil. 
en  amont  d'Alfeiie. 

A  Chamusca,  rive  gauche 
du  Tage,  95  kilom.  au 
NNE'  de  Lisbonne. 

A  Barquinha,  rive  droite 
du  Tage,  103  kilom.  au 
NNE  do  Lisbonne. 

A  3  kil.  au  nord  du  village 
iVAletnquer^  ou  8,5  kil. 
au  NNO  du  Carregado. 


A  1,5  kilom.  ONG  du  Car- 
rcgado,  36  kil.  au  NNE 
de  Lisbonne. 

A  Ottay  6  kilom.  au  nord 
d'AZefwgucr. 


A  Monte  Redondo,  colline 
à  2,5  kilomèt.  au  NNE 
à'Otta. 

Idem. 

A  Oiia, 


M.  l'abbé  Bourgbois.  J'aurais  intérêt  à  reconnaître  des 
silex  taillés  dans  les  silex  que  M.  Ribeiro  nous  présente  comme 
provenant  des  terrains  tertiaires  du  Portugal,  mais,  après  les 
avoir  examinés,  je  dois  à  la  vérité  de  déclarer  que  je  ne  con- 
sidère pas  un  seul  de  ceux  qui  nous  ont  été  mis  sous  les  yeux, 
comme  présentant  des  traces  du  travail  humain. 

M.  Fbanks  déclare  qu'à  son  avis,  plusieurs  des  silex  des 
environs  de  Lisbonne,  présentés  par  M.  Ribeiro,  ont  été 
taillés  de  mains  d'homme ,  mais  il  fait  ses  réserves  sur  le 
gisement. 


■  100  — 


M.  l'abbé  BonHQROis.  Hier,  quand  M.  Ribeiro  a  présenté 
son  travail  sur  les  silex  présumés  tertiaires,  j'ai  déclaré  que 
je  ne  reconnaissais  le  travail  de  l'homme  sur  aucun  d'eux. 
Mais  il  y  avait  un  silex  que  je  n'avais  pas  vu.  M.  Ribeiro 
me  l'a  mis  sous  les  yeux  et  je  dois  reconnaître  qu'il  est  im- 
possible de  nier  sur  cet  échantillon  le  travail  de  l'homme. 
Toutefois,  comme  la  couche  dans  laquelle  il  a  été  trouvé,  ne 
présentait  pas  d'éléments  paléontologiques  et  stratigraphî- 
quea  détenninés,  je  réserve  la  question  de  gisement  comme 
l'a  fait  M.  Franks-. 


Sur  la  position  géologique  des  couches  miocènes  et  pltocènes 
du  Portugal  qui  contiennent   des   silex    taillés,  par 

M.  KiBGIRO. 


J'ai  été  heureux  d'entendre  la  lecture  du  rapport  de  la 
Commission  chaîne  par  le  Congrès  d'examiner  les  silex 
taillés  découverts  par  M.  l'abbé  Bourgisois  dans  le  calcaire 
miocène  de  Beauce.  Ce  rapport  dit,  en  effet,  que  la  majorité 
de  la  Commission  s'est  prononcée  en  faveur  de  la  taille  de 
ces  silex  par  l'homme. 

La  déclaration  de  M.  Franks,  relative  aux  résultats  de 
l'examen  qu'il  a  fait  de  quelques  uns  des  silex  que  j'avais  eu 
l'honneur  de  présenter  au  Congrès,  ne  m'a  pas  fait  un  moin- 
dre plaisir  ;  car  ce  savant  si  compétent  reconnaît  aussi  les 
Irar-i's  ih-  ht  nmin  (h>  l'honinic  -tiir  cv?  silex.  Tonte fo i 


Le  premier  point  peut 
être  considéré  comme  ré- 
solu pour  quelques  uns  de 
ces  silex.  Je  n'ai  donc  pas 
à  insister  sur  ce  sujet. 

Reste  le  second  point, 
c'est  à  dire,  la  situation 
géologique  exacte  des 
couches  dans  lesquelles 
j'ai  trouvé  des  silex  taillés, 
dont  l'authenticité  s  été 
reconnue  p&r  U.  Franbs 
et  par  d'autres  membres 
du  Congrès.  L'un  de  ces 
silex  a  été  découvert  dans 
les  couches  plioeènes  de 
grès  rougeàtre  et  jau- 
n&tre,  sur  la  rive  gauche 
du  Tage,  au  sud  de 
Lisbonne.  Ces  couches 
recouvraient  des  dépôts 
miocènes  marins  en  stra- 
tiâcatioD  concordante. 

La  figure  ci-jointe  vous 
donnera  une  idée  de  la 
disposition  de  ces  couches 
tertiaires  au  sud  et  au 
nord  de  Lisbonne  et  de 
la  position  dans  laquelle 
se  trouvait  ce  silex. 

Les  couches  aa,  au 
nord  de  Lisbonne,  con- 
tiennent des  moules  de 
coquilles  marines  des 
genres  CerUhium,  Area, 


■  102  - 


Cardium,  etc.,  et  des  débris  de  végétaux  parmi  lesquels  on 
reconiiatt  des  feuilles  de  Salix  et  de  Quercvs.  De  l'autre 
côté  du  fleuve,  à  Alfeite ,  la  série  (ta  est  identique  par  ses 
caractères  minéralogiques  et  atratigraphiques,  mais  on  n'y  voit 
paa  de  fossiles  animaux ,  bien  qu'on  j  trouve  des  indices  de 
vé^taux  fossiles.  Les  couches  de  cette  formation,  de  même 
que  les  dépôts  miocènes  marins,  ont  été  coupées  simultané- 
ment par  l'ouverture  de  la  vallée  du  Tage,  phénomène  qui  a 
dérangé  leur  position  horizontale,  et  elles  sont  presque  com- 
plètement enlevées  au  nord  de  Lisbonne.  C'est  ainsi  que  dans 
toute  la  zone  occidentale,  située  au  nord  de  cette  ville,  et  sur 
une  longueur  de  plus  de  100  kilomètres,  ce  terrain  n'est 
représenté  que  par  quelques  petits  lambeaux,  comme  à 
Arroios,  Paço  de  Lumiar,  Charneca,  etc.,  tandis  que  de 
l'autre  côté  du  fleuve,  au  sud  et  au  sud-est  de  Lisbomie,  il 
se  développe  uniformément  sur  une  longueur  de  plusieurs 
dizaines  de  kilomètres. 

Ce  ne  sont  pas  seulement  les  faits  que  nous  pouvons  ob- 
server dans  les  environs  de  Lisbonne,  qui  prouvent  les  dislo- 
cations que  ces  couches  ont  subies;  les  mêmes  faits  et  d'autres 
analogues  se  reproduisent  dans  plusieurs  autres  parties  de 
notre  pays,  où  se  trouve  le  terrain  pliocène.  Ils  démontrent 
&  l'évidence  que  cette  formation  a  été  bouleversée  plusieurs 
fois  par  des  mouvements  du  sol.  On  peut  également  en 
induire  que  les  couches  où  ce  silex  taillé  a  été  découvert, 
sont  très  anciennes;  à  mon  avis,  elles  appartiennent  sans 


—  103  — 

la  figure  4,  que  j'ai  trouvé  les  silex  taillés  qui  ont  évi- 
demment passé  par  la  main  de  rhomme,  avant  d'avoir  été 
ensevelis  dans  ces  couches. 


Grand'ro  te  de  Lisbonne    i7.„,„v„««  a^  n^^ 
à  Caldaa  da  Ralnha.        Espinhaço  de  Cao. 


Fig,  4,  —  Coupe  des  terrains  miocènes  du  Portugal. 

a.  Calcaire,  1 

h.  Marnes  et  grès,  [  terrain  miocène  Jacostre. 

c.  Calcaire,  ) 

J.  Terrain  Jurassique. 

Celles-ci,  ainsi  que  la  figure  l'indique,  s'étendent  au  des- 
sous de  la  série  des  couches  calcaires  ce  qui  se  prolongent  au 
Nord,  à  l'Est  et  au^Sud  et  dans  lesquelles  on  trouve  à  plu- 
sieurs places  des  fossiles  :  Planorbe,Limnée, Hélice,  etc.  Ces 
couches  calcaires,  dont  j'ai  suivi  la  continuité  dans  la  direc- 
tion du  Nord  au  Sud,  jusqu'au  point  (tout  près  de  Villa- 
Franca)  où  les  caractères  minéralogiques  du  terrain  commen- 
cent à  changer  et  où  la  faune  miocène  marine,  représentée 
par  des  fossiles  des  genres  Cerithium^  Lutraria,  Ostrea, 
Balanus  et  autres,  commence  à  paraître.  On  ne  peut  donc 
révoquer  en  doute  que  ces  silex  taillés  proviennent  de  cou- 
ches au  moins  miocènes. 

J'aurais  bien  d'autres  faits  à  vous  signaler  sur  ce  sujet 
important,  mais  je  crois  devoir  me  borner  aux  observations 


que  je  viens  de  développer,  d'autant  plus  qu'elles  peuvent 
vous  convaincre  de  l'authenticité  du  gisement  de  ces  très 
anciens  vestiges  de  l'existence  de  l'homme  en  Portugal. 


Sur  la  cassure  artificielle  d'ossements  recueillis  dans  le  terrain 
miocène  de  Pikermi,  par  M.  le  baron  von  Docker. 

Je  pense  que  la  présence  de  l'homme  en  Grèce  remonte  à 
une  époque  fort  reculée. 

Je  déduis  cette  supposition  de  caractères  que  j'ai  re- 
marqués sur  un  grand  nombre  d'ossements  fossiles  du 
dépAt  bien  connu  de  Pikermi, 

Lorsque  le  savant  professeur  Gaudry  examina  ce  dépôt, 
il  y  a  dix-sept  ans,  pour  publier  son  excellent  ouvrage  sur 
cette  matière,  l'attention  des  géologues  ne  s'était  pas  encore 
portée  sur  les  faits  qui  maintenant  nous  fout  reconnaître 
l'existence  ancienne  de  l'homme. 

En  examinant  au  Musée  d'Athènes  une  grande  masse  d'os- 
sements, non  classés,  provenant  de  Pikermi,  je  fusétonnéde 
remarquer  qu'un  très  grand  nombre  avaient  été  fracturés 
de  la  manière  usitée  par  l'homme  préhistorique. 

J'ai  pu  promptement  mettre  à  part  34  mâchoires  d'hippa- 
rions  et  d'antilopes,  1 9  fragments  de  tibias  et  22  autres  frag- 
ments d'os,  dont  quelques  uns  de  rhinocéros,  portant  tous 
les  traces  d'une  fracture  pratiquée  méthodiquement  pour  en 


—  105  — 

de  sorte  que  j*ai  pu  observer  que  la  majeure  partie  de 
ces  ossements  avaient  été  cassés  avant  d'être  déposés  dans  le 
lieu  où  ils  ont  été  trouvés. 

Je  m'assurai  auprès  du  personnel  du  Musée  que  ni  des 
outils,  ni  des  pierres,  ni  des  traces  du  feu  n'avaient  été 
trouvés  avec  les  ossements.  Aussi  fis-je  naturellement  tous 
mes  efforts  pour  visiter  le  dépôt  en  place. 

n  se  trouve  à  15  kilomètres  au  nord-est  d'Athènes. 
Je  le  visitai  deux  fois,  mais  chaque  fois  pour  peu  d'heures 
seulement.  Je  n'ai  pu  fouiller  que  quelques  pieds  cubes  du 
dépôt,  que  les  eaux  du  ravin  ont  rendu  assez  difficile  à 
aborder,  car  un  amas  d'argile  et  de  cailloux  roulés  de  5  à 
6  mètres  est  superposé  horizontalement  à  la  couche  d'ar- 
gile rouge  et  sablonneuse  qui  contient  les  ossements. 

Je  recueillis  plusieurs  douzaines  de  fragments  d'os,  pro- 
venant surtout  d'hipparions  et  d'antilopes  et  dont  un  quart 
à  peu  près  porte  des  traces  plus  ou  moins  distinctes  de  cas- 
sures faites  d'une  manière  intelligente,  ainsi  que  je  viens  de 
l'exposer. 

Je  trouvai  aussi,  parmi  les  ossements,  une  pierre  de  la 
grandeur  d'une  poignée.  Elle  est  pointue  d'un  côté  et 
s'adapte  parfaitement  aux  lésions  des  os. 

La  seconde  fouille  fut  faite  en  présence  d'un  des  membres 
fondateurs  de  notre  Congrès,  M.  le  professeur  Capellini,  de 
Bologne.  Ce  savant,  n'admettant  pas  en  principe  que  le  mode 
de  la  cassure  des  os  puisse  seul  démontrer  la  présence  de 
l'homme,  n'a  pas  attaché  à  ces  circonstances  la  même  impor- 
tance que  moi.  Cependant  il  a  dû  reconnaître  que  les  frac- 
tures étaient  en  partie  antérieures  au  dépôt  des  ossements 
dans  le  limon . 

Quoiqu'il  en  soit,  je  demeure  convaincu  que  le  dépôt  de 
Pikermi  est  en  général  formé  par  les  débris  de  repas  d'un 
être  intelligent,  c'est  k  dire,  assez  intelligent  pour  casser  des 
ossements  par  des  coups  de  pierre  dans  le  but  d'en  extraire 
la  moelle. 


—  106  — 


Il  est  probable  que  si  ce  dépôt,  classé  par  M.  Gaudry  à  la 
fin  de  l'époque  tertiaire  (classement  douteux  pour  moi,  parce 
que  lé  dépôt  est  superposé  en  discordance  sur  des  couches 
redressées  du  terrain  tertiaire),  pouvait  être  fouillé,  au  point 
de  vue  de  l'anthropologie,  avec  autant  de  soins  et  d'intelli- 
gence que  le  furent  ceux  des  Kjoekkenmoeddings  du  Dane- 
mark et  des  cavernes  de  la  France  et  de  la  Belgique,  la 
science  acquerrait  de  nouvelles  preuves  relatives  à  une  ancien- 
neté prodigieusement  reculée  de  la  présence  d'êtres  intelli- 
gents sur  notre  globe. 

M.  Capellini.  J'ai  visité  la  Grèce,  au  mois  d'avril  der- 
nier, pour  juger  des  importants  gisements  de  mammifères 
fossiles  de  Pikermî,  et  j'en  suis  revenu  avec  une  opinion 
.absolument  différente  de  celle  de  M,  le  baron  von  Dûcker. 

Y  a-t-il  dans  ces  gisements  miocènes  des  ossements  cassés 
par  la  main  de  l'homme  ou  bien  se  sont-ils  tous  brisés  d'une 
manière  accidentelle? 

J'ai  examiné  soigneusementlescoUectîonsdu  Musée  d'Athè- 
nes et  je  ne  puis  admettre  que  la  plupart  des  ossements  dé- 
couverts aient  été,  comme  le  croit  M.  von  Dûcker,  cassés  pitr 
la  main  de  l'homme.  Au  contraire,  je  dois  dire  que  j'ai  été 
étonné  de  trouver  là  tant  d'ossements  en  bon  état,  tant  de 
crânes  et  de  membres  entiers.  Je  dirai  même  que,  dans  le 
Val  d'Arno,  si  célèbre  pour  ses  ossements  plioeènes,  on  retire 
peu  d'ossements  aussi  complets  ;  et  cependant  personne  n'a 
jamais  songé  à  y  voir  des  ossements  déposés,  par  des  hommes 


—  107  — 

époque  de  Timportance  au  mode  de  fracture,  inconnu  alors, 
qui  avait  été  usité  en  vue  de  l'extraction  de  la  moelle. 

L'opinion  de  M.  Capellini  ne  modifie  aucunement  la 
mienne  qui  s'est  formée  par  un  examen  souvent  renou- 
velé et  prolongé  pendant  plusieurs  mois,  tandis  que  le 
savant  professeur  de  Bologne  n'a  fait  que  jeter,  pendant 
quelques  minutes,  un  regard  sur  les  nombreuses  collections 
du  Musée  d'Athènes  aussi  bien  que  sur  une  des  fouilles  que 
je  fis  à  Pikermi. 

M.  DE  MoRTiLLET.  Cette  question  a  de  l'importance.  Le  mé- 
moire de  M.  le  baron  von  Dûcker  a  été  présenté  à  M.  Gaudry 
qui,  après  en  avoir  pris  connaissance  et  après  avoir  revu 
tous  les  ossements,  a  acquis  la  conviction  qu'ils  avaient  été 
cassés  naturellement  et  non  par  la  main  de  l'homme.  On  ne 
peut  donc  en  induire,  d'après  lui,  la  trace  de  la  main  de 
l'homme  ou  d'un  être  intelligent  qui  les  aurait  cassés  avec  un 
instrument  quelconque.  M.  Gaudry  a  eu  l'obligeance  de  m'in- 
viter  à  examiner  ces  ossements;  j'y  suis  allé  et,  après  un 
examen  attentif,  j'ai  partagé  l'opinion  de  MM.  Capellini  et 
Gaudry. 

M.  VON  Dûcker.  J'ai  communiqué  mes  observations  à 
M.  Gaudry  ;  il  m'a  dit  :  «  Je  trouve  parfois  des  cassures  d'os 
qui  semblent  avoir  été  faites  par  la  main  de  l'homme;  mais 
Q  m'est  difficile  de  l'admettre.  » 

Sur  un  crâTie  humain  découvert  en  Californie  dans  un 
terrain  considéré  comme  tertiaire. 

M.  DE  QuATREFAGES.  Lcs  membres  qui  ont  assisté  au 
Congrès  de  Paris,  se  souviendront  de  l'émotion  que  nous 
avons  éprouvée  quand  on  est  venu  nous  apprendre  qu'on 
avait  trouvé  un  crâne  humain  dans  le  terrain  tertiaire  de  la 
Cahfomie. 

Depuis  lors,  plusieurs  personnes  ont  cherché  à  avoir  des 


renseignemeots  sur  un  fait  aussi  capital,  mais  ils  n'oot  pu  en 
obtenir. 

Je  verrais  donc  avec  plaisir  le  Congrès  adresser  une  inter- 
pellation, afin  d'obt«nir  des  détails  précis  sur  cette  question. 

M.  l'abbé  Bourgeois.  Avant  que  le  fait  eût  été  signalé 
pw  le  président  de  la  Société  géologique,  il  m'avait  déjà  été 
annoncé  par  un  de  mes  élèves, M.  Auguste  Rémond,  membre 
de  la  commission  géologique  nommée  pour  l'exploration  de 
la  Califomie.et  ravi  à  la  science  depuis  peu  de  temps  par  une 
mort  prématurée,  n  m'a  envoyé  une  coupe,  faite  par  lui- 
même,  du  terrain  où  les  ouvriers  préfendent  avoir  trouvé  le 
cr&ne.  Si  les  affirmations  de  ces  ouvriers  sont  exactes,  le  crftne 
serait  pliocène,  car  il  aurait  été  associé  à  des  plantes  que  le 
savant  botaniste  Newberry  dit  être  de  cette  époque.  Je  tiens 
la  coupe  &  la  disposition  de  ceux  qui  voudraient  en  prendre 
connaissance.  M.  Rémond  termine  sa  lettre  en  disant  que 
M.  Wbitney  se  propose  d'étudier  sérieusement  cette  grave 
question. 

M.  Dbsor.  Je  suis  très  satisfait  de  voir  le  bureau  adresser 
une  sorte  de  mise  en  demeure  à  M.  Wbitaey,  non  qu'il  y  ait 
lieu  de  douter  de  son  caractère  sérieux  et  de  sa  bonne  foi, 
mais  parce  que  la  première  nouvelle  de  sa  découverte  s'est 
produite  en  Europe  par  mon  intermédiaire  et  que  j'y  trouve 
l'occasion  de  donner  quelques  détails  nouveaux. 

Ayant  été  longtemps  le  compagnon  d'études  de  M.  Whit- 
ney,  je  me  trouvais  autorisé  à  émettre  des  doutes  au  sujet  de 
sa  dt'cnnvprte.  Aussi  jt>  ne  nit'  suis  pus  l'^iit  ïnwtc  i1';i'Tiiiihi|it 


—  109  — 

Quant  à  la  seconde  question  :  «  Le  crâne  est-il  bien  un 
crâne  humain?» ,  j'ai  pu  me  renseigner  auprès  de  M.  Pourta- 
lès  qui  a  eu  l'occasion  d'examiner  ce  crâne.  Il  m'a  assuré 
qu'il  ne  pouvait  y  avoir  de  doute  ;  que  c'était  bien  un  crâne 
humain,  empâté  dans  une  gangue  limoneuse  qui  semblait 
naturelle.  Ce  crâne  devait  encore  être  dégagé  de  sa  gangue, 
et  cette  opération  n'a  pas  encore  été  faite. 

J'ai  écrit  de  nouveau  à  M.  "V^Tiitney  pour  lui  rappeler  qu'il 
avait  eu  l'obligeance  de  me  communiquer  sa  découverte,  et 
lui  dire  que  le  public,  qui  en  avait  été  informé,  était  impa- 
tient d'obtenir  des  renseignements  ultérieurs  à  cause  de  l'im- 
portance de  ce  fait  au  point  de  vue  scientifique. 

M.  Whitney  me  répondit  l'année  dernière.  Il  ne  voulait 
pas  à  ce  moment  entrer  dans  des  détails  ;  mais  il  annonçait 
que  dans  le  second  volume  de  sa  Géologie  de  la  Cali/ornie^qui 
était  sur  le  point  d'être  publié,  il  ferait  paraître  tous  les  dé- 
tails nécessaires ,  ainsi  que  les  dessins  et  les  coupes. 

J'espère  que  cette  publication  ne  tardera  pas  à  voir  le  jour 
et  que  nous  pourrons  ainsi  nous  rendre  un  compte  exact  de 
cette  découverte.  D'ailleurs  je  pense  que  M  .Whitney  sera  flatté 
d'apprendre  que  le  Congrès  s'est  occupé  de  sa  découverte,  et 
nous  pouvons  espérer  qu'il  y  trouvera  un  nouveau  stimulant. 

Sur  de  prétendus  indices  de  travail  humain  signalés  sur  des 
dents  de  CarcTiarodon  du  crag  de  Sujfolky  par  M.  Busk» 

On  a  annoncé  récemment  que  des  dents  de  CarcJiarodon 
qui  paraissaient  être  percées  par  la  main  de  l'homme, 
avaient  été  découvertes  dans  le  terrain  pliocène  si  connu 
sous  le  nom  de  Crag  de  Suffolk.  J'ai  examiné  ces  dents  et  je 
partage  absolument  l'avis  de  M.  T.  M.  Hughes  qui,  dans  le 
Geological  Magazine^  vol.  IX,  juin  1872,  démontre  que  ces 
perforations  sont  dues  à  des  causes  naturelles,  et  sans  doute 
à  des  moUusquas  lithophages  de  la  mer  pliocène. 

M.  Hamy  partage  cette  opinion. 


GÉOLOGIE  DES  TERRAISS  QUATERNAIRES  à  DES  TOURBIÈRES. 

Sur  Tantiquité  de  THomme  et  sur  les  phénomènes  géologiques 
de  Vépoque  quaternaire  en  Belgique,  par  M.  É.  Dupont. 


Lorsque  Schmerling  annonça  ses  découvertes  dans  les 
cavernes  de  la  province  de  Liég^,  on  ne  se  rendit  pas  immé- 
diatement à  l'évidence  de  sa  démonstration  de  l'antiquité  de 
l'homme.  L'&ge  des  dépAts  dans  lesquels  il  recueillit, avec  des 
ossements  de  la  faune  quaternaire,  des  ossements  humains 
et  des  éclats  artificiels  de  silex,  n'était  pas  déterminé.  Les 
traces  de  l'action  de  l'homme  sur  les  ossements  de  cette  faune 
n'y  avaient  égfalement  pas  encore  été  observées.  Enfin, 
comme  ses  découvertes  comptent  parmi  les  premières  qui 
aient  été  faites  sur  les  âges  de  la  pierre,  il  ne  pouvait  s'ap- 
puyer sur  un  ensemble  de  faits  démontrés  dans  d'autres 
pays.  Comme  preuves,  il  indiquait  l'association  de  ces 
divers  restes  dans  des  terrains  qui  n'avaient  pas  subi  de 
remaniements. 

La  question  du  remplissage  des  cavernes  est  incontesta- 
blement Tune  des  plus  compliquées  de  la  géologie.  Leurs  ter- 


—  111  — 

fissures  à  parois  corrodées,  qui  sont  souvent  remplies  par  de 
l'argile  compacte  de  diverses  nuances.  Nos  filons  de  limonite 
sont  toujours  accompagnés  par  cette  argile,  mais  la  réci- 
proque est  loin  d'être  la  règle  générale.  On  est  assez  d'accord 
pour  attribuer  une  origine  interne  à  l'argile  présentant  ces 
dispositions.  Elle  a  été  appelée  par  M.  d'Omalius  argile 
iijaculation.  Dumont  la  faisait  entrer  dans  ses  terrains  gey-t 
siriefiSj  qui  correspondent  au  terrain  sidérolithique  d'autres 
auteurs. 

Ces  argiles  compactes,  de  couleur  jaune  ou  rouge,  se 
trouvent  toujours  sur  la  paroi  inférieure  de  nos  cavernes. 
Tantôt,  elles  y  forment  de  petits  filons  (pi.  31,  34  et  35), 
tantôt  elles  y  constituent  des  dépôts  épais  de  plusieurs 
mètres,  visiblement  stratifiés  (pi.  32  et  33).  Cette  argile  n'a 
fourni  en  aucune  circonstance  ni  silex  taillés  ni  ossements. 

Les  dépôts  quaternaires  qui  recouvrent  les  plateaux  et  les 
flancs  des  vallées  de  ces  provinces,  peuvent  toujours  se  rap- 
porter à  l'un  des  quatre  dépôts  suivants  (pi.  28)  : 

1"  Le  plus  inférieur  est  formé  de  cailloux  roulés,  mélan- 
gés à  du  sable  et  à  du  gravier.  Les  cailloux  proviennent  des 
roches  siluriennes  et  dévoniennes  de  l'Ardenne,  et  l'on  n'y 
rencontre  jamais  que  des  débris  des  terrains  traversés 
par  les  vallées  du  bassin  hydrographique  où  ils  se  trouvent. 
La  stratification  de  ce  dépôt  est  lenticulaire  comme  celle 
des  dépôts  fluviaux.  Les  ossements  y  sont  très  rares  dans  la 
province  de  Namur;  on  n'a  encore  signalé  qu'un  fragment 
de  défense  de  Mammouth. 

2*  Un  dépôt  de  limon  fin,  argilo-sablonneux,  également 
stratifié  en  lentilles,  lui  succède,  tantôt  directement,  tantôt 
avec  l'intermédiaire  d'un  dépôt  de  sable.  Des  veines  de  cail- 
loux roulés  ou  subanguleux,  provenant  des  roches  situées  en 
amont,  se  présentent  à  plusieurs  niveaux  dans  ces  terrains  ; 
comme  le  limon ,  ils  ont  une  disposition  irrégulière  et  dis- 
continue. 

Ce  limon  est  en  tout  point  semblable  aux  alluvions  limo- 


112  - 


neuses  que  nos  cours  d'eau  formest  sous  nos  yeux.  Cette 
identité  est  tellement  évidente  que  nous  pouvons  appeler 
sans  hésitation  le  limon  quaternaire  alîwvion  Jluviale ,  en  le 
caractérisant  ainsi  par  son  origine  même. 

Des  mollusques ,  Succinea  ohhnga,  ffelix  concinna,  etc., 
s'y  rencontrent  quelquefois ,  mais  je  n'y  ai  pas  encore 
trouvé  d'ossements, 

3°  Dépôt  d'argile  renfermant  des  cailloux  anguleux  ([ui 
proviennent  du  voisinage  immédiat  du  gisement.  11  n'est 
pas  stratifié.  L'argile  reste  janne  quand  ces  cailloux  angu- 
leux ou  blocaux  sont  en  calcaire;  mais  s'ils  sont  en  psara- 
mite,  l'argile  devient  terreuse  et  d'un  gris  brunâtre;  s'ils 
sont  en  schistes  de  la  Famenne,  elle  est  d'un  gris  légère- 
ment verdâtre,  et  elle  passe  au  rouge,  si  les  blocaux  pro- 
viennent de  schistes  colorés  par  de  Toligiste. 

Ce  dépôt,  lorsqu'il  est  à  ciel  ouvert,  ne  peut  se  rapporter, 
d'après  moi,  à  un  âge  nettement  déterminé  que  lorsqu'il 
est  recouvert  par  le  dépôt  suivant  ou  qu'on  peut  le  suivre 
avec  continuité  à  partir  d'un  point  où  sa  position  stratigra- 
phique  est  bien  établie.  Je  n'y  ai  également  pas  rencontré 
d'ossements,  à  l'extérieur  des  cavernes, 

4°  Limon  fin  recherehé  comme  terre  à  briques.  Il  est  de 
couleur  jaune-rougeàtre  ou  brunâtre,  non  stratifié,  et  ren- 
ferme accidentellement  des  coquilles  comme  le  deuxième 
dépôt. 

Les  terrains  modernes  sont  loin  d'avoir  la  constance  et  le 


—  113  ~ 

explorée,  mais  elle  prend  un  grand  développement  dans  les 
Flandres,  dans  laCampine  et  dans  les  Fagnes. 

Nous  retrouvons  dans  les  cavernes  de  la  province  de  Namur 
plusieurs  termes  de  cette  série  de  terrains,  ainsi  que  nous 
pouvons  l'établir  par  l'observation  des  caractères  stratigra- 
phiques  et  minéralogiques  des  dépôts.  En  voici  Ténumération: 

1"  Le  dépôt  de  cailloux  roulés  est  parfaitement  développé 
dans  le  Trou  du  Frontal  (pi.  31),  dans  le  Trou  Magrite  et 
dans  le  Trou  des  Allemands.  Il  l'est  moins  dans  le  Trou  de  la 
Naulette  (pi.  34)  et  dans  le  Trou  du  Sureau  (pi.  35),  où  il 
est  surtout  remplacé  par  du  gravier  et  du  sable. 

Ce  dépôt  n'a  été  observé  que  dans  les  cavernes  à  ouver- 
ture large  et  dirigée  vers  l'amont.  Je  n'y  ai  rencontré  qu'une 
canine  de  grand  Ours. 

2**  Le  limon  argilo-sablonneux  est  de  beaucoup  le  dépôt 
le  plus  constant  de  nos  cavernes.  Il  a  les  caractères  du  limon 
argilo-sablonneux  de  l'extérieur  que  j'ai  appelé  limon  Jlv/cial 
quaternaire.  Comme  lui,  il  renferme  quelquefois  des  veines 
irrégulières  de  cailloux  roulés  et  de  gravier.  (Trou  des  Nu- 
tons,  pi.  32;  Trou  du  Frontal,  pi.  31  ;  Trou  de  Chaleux, 
pi.  33.)  D'autres  fois,  ces  veines  de  cailloux  sont  remplacées 
par  des  nappes  successives  de  stalagmite  (Trou  de  la  Nau- 
lette, pi.  34  ;  Caverne  de  Goyet,  etc.)  et  plus  souvent  encore 
par  des  couches  ossifères  avec  silex  taillés  et  autres  indices 
de  l'existence  de  l'homme. 

Le  raccordement  de  ce  dépôt  de  limon  au  limon  fluvial 
quaternaire  s'impose  au  géologue  par  l'identité  de  leurs  ca- 
ractères minéralogiques,  et  par  leur  position  stratigraphique 
entre  le  dépôt  de  cailloux  roulés  et  l'argile  à  blocaux.  L'élé- 
vation de  ces  cavernes  au  dessus  des  cours  d'eau  actuels  ne 
permet  évidemment  pas  d'y  voir  un  dépôt  moderne. 

Or,  c'est  dans  ce  dépôt,  dont  l'âge  est  ainsi  défini  par  la 
géologie,  que  se  trouvent  les  riches  gîtes  d'ossements  qui  ont 
tant  contribué  à  rendre  nos  cavernes  célèbres. 


—  114  — 

Le»  niveaux  ossifëres,  avons-nous  dit,  y  sont  d'ordinaire 
successifs  et  séparés  par  du  limon  fluvial,  quelquefois  aussi 
par  des  nappes  de  stalagmite.  Nous  rechercherons  plus  loin 
l'interprétation  de  ces  séries  alternantes.  Je  me  borne  à  dire 
ici  que  chaque  couche  de  limon,  répétée  dans  la  masse  du 
dépôt,  prouve  autant  de  crues  des  cours  d'eau,  de  même  que 
les  nappes  de  stalagmite  et  les  niveaux  ossifëres  témoignent 
d'autant  d'émersions  de  la  caverne. 

Les  ossements,  répartis  par  couches  distinctes  à  diffé- 
rentes hauteurs  dans  ce  dépAt  fluvial,  sont  toujours  de 
l'âge  du  Mammouth.  Ils  appartiennent  à  de  nombreuses 
espèces,  comme  on  pourra  en  juger  par  la  liste  suivante  : 


l'Erinaceus  europwus. 

2  Talpa  europiea. 

3  Ursus  spela'us, 

4  —     arctos. 

5  —     feroi. 

6  Mêles  taxus. 

7  Muatela  foina. 

8  —       putorius. 


10  —      vulgaris. 

11  Gulo  luscus. 

12  Caiiia  familiaris. 

13  —    lupus, 

14  —    vulpes. 


25  Arvicola  agrestis. 

26  Cricetus  frumentarius. 

27  Lemmus 

28  Castor  fiber. 

29  Lcpus  timidus. 

30  Lagomys 

31  Elephas  primigeniuR. 

32  Rhinocéros  ticliorinus. 

33  Sus  scrofa. 

34  Equus  caballus. 

35  Cervus  alws, 

36  —     megaceros. 

37  —      tarandiis,     » 

38  —      canadensis. 


—  115  — 

Cette  nombreuse  faune,  dont  l'espèce  la  plus  remarquable, 
surtout  par  son  abondance,  est  \Elephas  primigenius,  se 
distingue  par  l'association  de  types  qui,  de  nos  jours,  vivent 
dans  des  latitudes  très  différentes.  Ainsi  on  y  voit  le  Lion  et 
l'Hyène  se  développer  à  côté  du  Renne,  du  Glouton,  du 
Chamois,  de  l'Antilope  saïga  et  de  l'Ours  de  Califomie. 
Néanmoins  toutes  les  espèces  des  régions  tempérées,  le  Cerf, 
le  Loup,  l'Aurochs  et  autres  y  existent  déjà. 

Cette  association  singulière  d'espèces  constitue  ce  qu'on 
doit  entendre  en  Belgique  iphr  faune  de  F  âge  du  Mammouth, 
et  l'explication  de  son  existence  donne  lieu  à  un  problème 
climatologique  important  dont  la  solution  peut  être  tentée 
aujourd'hui  ^  La  faune  de  l'époque  suivante  ou  faune  de 
Tâge  du  Renne  se  caractérise  par  opposition  ;  elle  ne  com- 
prend plus  les  espèces  perdues,  ni  les  espèces  refoulées  au 
Midi.  Dans  la  faune  de  la  troisième  époque  ou  faune  de 
Tâge  de  la  pierre  polie,  on  ne  trouve  plus  les  espèces  dont  la 
patrie  actuelle  est  le  Nord,  l'Est  ou  les  hauts  sommets  de 
l'Europe. 

Mais  la  faune  de  l'âge  du  Mammouth  se  présente  dans  les 
divers  niveaux  ossifères  des  cavernes  avec  des  compositions 
et  des  conditions  bien  différentes  : 

Tantôt  les  ossements  appartiennent  à  des  carnassiers  — 
lions,  ours  et  hyènes  —  qui  ont  établi  leurs  repaires 
dans  ces  cavernes,  et  alors  on  rencontre  les  diverses  parties 
de  leurs  squelettes  réunies  en  nombre  normal,  souvent 
groupées  dans  leurs  connexions  naturelles.  En  outre,  si  c'est 
un  repaire  d'Hyènes,  on  y  trouve  de  nombreux  ossements 
d'herbivores  rongés  par  ce  carnassier. 

Tantôt  les  ossements  sont  brisés  et  se  rapportent  presque 
exclusivement  au  crâne  et  aux  os  des  membres  d'espèces 
variées.  De  nombreux  silex  taillés,  des  os  travaillés,  etc.,  y 
sont  mélangés,  ainsi  que  quelques  ossements  humains. 

1  VHomme  pendant  les  âges  de  la  pieiTe  dans  les  environs  de  Dinant- 
fur-Meuae,  2«  édit.,  1872,  p.  45. 


—  116  — 


n  arrive  qu'une  caverne  a  servi  exclusivement  de  repwre 
à  des  carnassiers.  Mais  il  est  plus  fréquent  d'y  rencontrer 
en  même  temps  les  traces  d'un  séjour  postérieur  de  l'homme. 
D'ordinaire,  pendant  l'ftge  du  Mammouth,  le  souterrain  fut 
d'abord  occupé  par  l'Hyène,  puis  par  l'Ours  et  enfin  par 
l'Homme. 

Nous  pouvons  trouver  dans  les  observations  qui  viennent 
d'être  exposées,  les  éléments  d'une  démonstration  complète 
de  l'antiquité  de  l'homme  en  Belgique. 

Les  silex  taillés  et  autres  produits  de  l'industrie  humaine 
sont  répartis  dans  le  Jimon  fluvial  des  cavernes  en  niveaux 
nettement  séparés.  Les  cavernes  qui  renferment  ce  dépôt 
fluvial,  sont  échelonnées  depuis  l'étiage  jusqu'au  sommet 
des  flancs  des  vallées.  Le  limon  est  surmonté  d'un  dépôt, 
également  quaternaire,  mais  plus  récent  (argile  à  blocaux). 
Des  traces  nombreuses  et  incontestables  de  l'existence  de 
l'homme  se  manifestent,  par  conséquent,  dans  des  dépôts 
formés  à  l'époque  od  nos  cours  d'eau  déposaient  leurs  allu- 
vious  à  ces  hauteurs,  et  cette  époque  est  nettement  déter- 
miuée  dans  l'échelle  des  temps  géologiques. 

Beaucoup  d'ossementâ  de  la  faune  de  r%e  du  Mammouth, 
découverts  dans  ces  couches  h  silex  taillés,  portent  des 
entailles  et  autres  indices  d'une  action  artificielle.  Les  osse- 
ments h  moelle  ont  été  fendus  méthodiquement  et  on  y  con- 
stat* la  trace  des  coups  portés  à  cet  effet,  comme  M.  Steen- 
strup  l'a  établi  pour  les  ossements  des  kjoekkenmoedding .  Ou 


—  117  — 


Au  dessus  de  ces  dépôts  se  trouve  l'argile  jaune  à  blo- 
caux  avec  tous  les  caractères  géologiques  qu'elle  possède  à 
ciel  ouvert.  Seulement  elle  est  tout  à  fait  stérile  à  l'extérieur  ; 
mais  dans  les  cavernes  elle  contient  les  restes  de  la  faune  de 
l'âge  du  Renne  avec  des  produits  de  l'industrie  de  l'homme 
(trou  des  Nutons,  trou  du  Frontal,  trou  de  Chaleux,  trou  du 
Sureau,  etc.).  Ces  restes  y  sont  répartis  à  la  base  du  dépôt, 
qui  ne  présente  pas,  contrairement  au  précédent,  de  niveaux 
ossifères  étages  ;  quelle  que  soit  son  épaisseur,  je  n'y  ai  ren- 
contré d'ossements  qu'à  la  base. 

Le  limon  terre  à  briques  n'est  pas  bien  constaté  dans  nos 
cavernes.  Le  trou  de  Chaleux  seul  offrait  un  mince  dépôt 
qu'on  pouvait  à  la  rigueur  lui  rapporter. 

La  faune  de  l'âge  du  Renne  comprend  en  Belgique  les 
espèces  suivantes  : 


1  Erinaceus  europaeus. 

2  Talpa  europsea. 

3  Ursus  arctos. 

4  Mêles  taxus. 

5  Mustela  foïna. 

6  —      putorius. 

7  —      erminea. 

8  —      vulgaris. 

9  Guloluscus. 

10  Canis  familiaris. 
il     —     lupus. 

12  —     vulpes. 

13  —     lagopus. 

14  Felis  antiqua. 

15  —    catus. 

16  —    lynx. 

17  Sciurus  vulgaris. 

18  Myoxus  niteia. 

19  Arctomys  marmotta. 

20  Mus  sylvaticus. 


21  Arvicola  amphibius. 

22  —      agrestis. 

23  Cricetus  frumentarius, 

24  Lemnus 

25  Castor  fiber. 

26  Lepus  timidus. 

27  Lagomys 

28  Sus  scrofa. 

29  Equus  caballus. 

30  Cervus  alces. 

31  --      tarandus. 

32  —      elaphus. 

33  —     capreolus. 

34  Antilope  saïga. 

35  —       rupicapra. 

36  Capra  ibex. 

37  Bison  europoeus. 

38  Bos  primigenius. 

39  Bos  .....  . 


Les  silex  taillés  sont  figurés  pi.  49  et  50. 


8 


-  118  — 

Les  silex  de  l'âge  de  la  pierre  polie  se  trouvent,  dans  la 
province  de  Namur,  aussi  bien  à  l'extérieur  que  dans  les 
cavernes.  Mais  ils  sont  très  rares  dans  celles-ci  et  toujours, 
dans  l'un  et  l'autre  gisements,  ils  sont  supérieurs  aux  dépôts 
quaternaires  qui  viennent  d'ôtre  décrits. 

Le  trou  des  Nutons  en  contenait  à  la  surface  de  ses  dépôts; 
le  trou  du  Sureau  et  le  trou  de  PontàLesse,  dans  des 
éboulis;  le  trou  de  Gendron,  dans  un  humus  superficiel  avec 
des  ossements  humains  (pi.  36);  le  trou  des  Allemands, 
dans  des  alluvions  de  notre  époque. 

A  l'extérieur,  ces  silex  sont  très  fréquents  sur  les  plateaux 
où  ils  se  rencontrent  à  la  surface  du  sol. 


Les  environs  de  Mons  ne  possèdent  pas  de  cavernes.  Les 
traces  de  l'homme  quaternaire  ne  pouvaient  donc  être  décou- 
vertes que  dans  les  dépôts  extérieurs.  Les  géologues  du  Hai- 
naut  ont  recueilli  beaucoup  de  silex  taillés  dans  les  alluvions 
fluviales  des  tranchées  de  Mesvin,  qui  seront  décrites  dans  ce 
compte-rendu  par  MM .  Cornet  et  Briart  (pi.  29).  Des  ossements 
de  Mammouth,  de  Rhinocéros,  de  Lion,  de  Renne,  etc.,  s'y 
trouvaient  mélangés,  et  les  caractères  des  silex  taillés  sont 
ceux  des  silex  qu'on  recueille  dans  les  dépôts  quaternaires  de 
haut  niveau  des  vallées  de  la  ^mme  et  de  la  Seine.  (PI.  17 
et  18  et  pi.  51-56). 

L'âge  de  la  pierre  polie  s'y  manifeste  très  fréquemment  k 
la  surface  du  sol  comme  dans  les  provinces  de  Liège  et  de 


—  119  — 

même  des  ossements  de  Cerfs  ou  d'Élan  ;  des  entailles  faites 
avec  du  silex  y  sont  fréquentes,  surtout  sur  les  bois  de  Cerfs 
si  abondants  dans  nos  tourbières,  qui  renferment  aussi  des 
silex  de  l'âge  de  la  pierre  polie. 

Ainsi  l'existence  de  l'homme,  en  Belgique,  à  l'époque 
quaternaire,  a  été  démontrée  par  trois  procédés  différents  : 

Par  la  découverte  de  ses  ossements  et  des  restes  de  son 
industrie  dans  des  dépôts  qui  sont  incontestablement  des 
dépôts  quaternaires  ; 

Par  l'association  des  restes  de  l'homme  aux  ossements 
des  espèces  caractéristiques  de  l'époque  quaternaire  ;  par  la 
preuve  de  Faction  de  l'homme  sur  un  grand  nombre  de  ces 
ossements,  et  notamment  par  leur  transport  intentionnel 
dans  les  cavernes  ; 

Enfin  par  la  comparaison  archéologique  des  produits  de 
son  industrie  avec  ceux  qui  ont  été  découverts  dans  les 
cavernes  du  Périgord  et  dans  la  vallée  de  la  Somme. 

Nous  chercherons  maintenant  à  définir  les  phénomènes 
géologiques  dont  nous  avons  vu  les  résultats  ;  nous  exami- 
nerons comment  des  terrains  de  même  nature  se  sont  formés 
dans  des  gisements  aussi  différents. 

Dans  ce  but,  nous  passerons  en  revue  les  terrains  décrits 
ci-dessus  comme  se  trouvant  dans  les  cavernes  et  à  la  sur- 
face du  pays,  et  nous  tâcherons  d'analyser  les  conditions 
dans  lesquelles  chacun  d'eux  s'est  formé.  Nous  pourrons  ainsi 
nous  rendre  compte  du  mode  de  remplissage  des  cavernes, 
question  qui  sollicite  si  vivement  les  méditations  des  explo- 
rateurs de  ces  souterrains. 

I.  Une  ai^ile  compacte,  jaune  ou  rouge,  recouvre,  avons- 
nous  vu,  la  paroi  inférieure  des  cavernes.  Elle  affecte  tantôt 
la  disposition  des  argiles  de  filon  (trou  du  Frontal,  pi.  31, 
trou  de  la  Naulette,  pi.  34,  trous  du  Sureau  et  du  Chêne, 
pi.  35)  ;  tantôt  elle  forme  un  épais  dépôt  dont  la  stratifica- 
tion, malgré  son  irrégularité  et  sa  discontinuité,  n'est  pas 


120  - 


moins  nette  (trou  des  Nutons,  pi.  32;  trou  de  Chaleux, 
pi.  33). 

Nous  devons  remarquer  qu'une  fissure,  d'ordinaire  très 
visible,  découpe  le  rocher  qui  recouvre  la  cavité  et  qu'elle 
suit  le  souterrain  dans  le  sens  de  sa  longueur.  Ces  failles 
sont  orientées  dans  la  direction  N.  O.,  mais,  dans  la  ca- 
verne de  Goyet,  un  système  de  fissures,  disposées  presque 
à  angle  droit,  se  combine  au  système  de  fissures  N.  O.,  et 
la  cavité  passe  plusieurs  fois,  sur  une  longueur  de  200  mètres, 
d'une  direction  à  l'autre,  ce  qui  produit  la  disposition  en  zig- 
zags qui  distiogue  cette  remarquable  caverne. 

Les  parois  des  fissures  ont  été  décomposées  par  un  agent 
corrosif,  et  la  formation  des  cavernes  est  le  résultat  de  cette 
corrosion.  Ce  sont  les  cavernes  de  Montaigle  qui  montrent 
le  mieux  ce  phénomène. 

De  même  nous  devons  voir  dans  les  amas  d'argile  com- 
pacte, jaune  et  rouge,  le  produit  du  dépôt  des  eaux  par 
lesquelles  ces  cavités  ont  été  creusées. 

Ainsi  la  fissure  qui  se  trouve  sur  l'axe  longitudinal  de  la 
caverne,  la  corrosion  des  parois  de  cette  fissure  et  dès  lors 
la  formation  de  la  caverne  elle-même,  les  amas  d'ai^ile  com- 
pacte dans  le  souterrain,  seraient  les  manifestations  diverses 
d'un  phénomène  interne. 

Nous  pouvons  le  comparer  à  celui  qui  se  produit  encore  de 
nos  jours  dans  la  région  de  Spa.  On  y  signale  des  tremble- 
ments de  terre  suivant  une  direction  approximative  E.  0,,  et 


—  121  — 

tions,  analogues  à  ceux  que  Tinduction  nous  indiquait  comme 
ayant  donné  naissance  à  nos  cavernes. 

Quant  à  Tépoque  où  ces  actions  internes  auraient  eu  lieu 
dans  nos  calcaires  carbonifères  et  dévoniens,  nous  ne  pou- 
vons arriver  à  la  déterminer  que  d'une  manière  approxima- 
tive. Le  phénomène  est  évidemment  postérieur  à  la  période 
primaire,  car  ces  calcaires  ont  subi  des  perturbations  méca- 
niques considérables;  la  direction  des  fissures  des  cavernes 
est  absolument  indépendante  de  cette  dislocation  et  nous 
avons  vu  que  la  direction  de  la  caverne  est  subordonnée  à  la 
direction  des  failles  qui  en  découpent  la  voûte. 

D'un  autre  côté,  des  dépôts  quaternaires  seuls  recouvrent 
la  paroi  inférieure  où  se  trouvent  les  amas  d'argile  compacte. 

Le  phénomène  aurait  donc  agi  entre  les  périodes  primaire 
et  (juaternaire. 

Dumont  a  remarqué  l'analogie  minéralogique  de  nos  argiles 
de  filons  avec  d'épais  amas  d'argile  qui,  dans  le  Hainaut,  sont 
recouverts  par  le  Grès  vert  et  qu'on  considère  comme  apparte- 
nant à  l'époque  crétacée,  sinon  comme  représentant  à  la  fois 
dans  cette  région  la  période  jurassique  et  le  commencement 
de  la  période  crétacée  ^ .  On  serait  donc  tenté  de  rapporter 
la  formation  de  nos  cavernes  à  ces  temps.  Mais  comme  une 
action  semblable  à  celle  qui  dut  leur  donner  naissance,  se 
produit  encore  dans  les  environs  de  Spa,  il  y  a  lieu  d'être 
circonspect  pour  fixer  la  date  exacte  de  ce  phénomène  sou- 
terrain, dans  la  province  de  Namur.  D'autres  faits,  du  reste, 
indiqueraient  peut-être  le  commencement  de  l'époque  quater- 
naire pour  l'époque  du  dépôt  d'argile  compacte  dans  plu- 
sieurs cavernes. 

II.  Les  analogies  de  structure  du  dépôt  de  cailloux  roulés 
et  du  limon  qui  le  surmonte,  ont  été  signalées  plus  haut.  Cette 
structure  est  celle  des  alluvions  fluviales,  comme  nous  l'avons 
également  remarqué,  et  ce  n'est  pas  là  un  fait  nouveau. 

'  Bkiart  et  Cornet.  —  Description  de  V étage  inférieur  du  terrain  cré- 
tacé du  HainauU  (Mém.  cour.  deTAcad.  roy.  deBelgique,t.xxxni,l867.) 


—  122  - 


Depuis  longtemps,  d'Archiac  a  appelé  alîuvions  anciennes 
ces  dépôts  dans  l'Europe  occidentale,etlfis  principaux  auteurs 
qui  les  ont  décrites,  les  ont  également  considérés  comme  dus 
à  des  cours  d'eau.  Nous  devons  donc  en  déduire  que  la  déter- 
mination des  conditions  dans  lesquelles  ces  dépôts  se  sont 
formés,  est  un  problème  d'hydrographie  fluviale,  ainsi,  du 
reste, que  nous  l'indiquent  les  grands  travaux  de  MM.  Prest- 
■wich  et  Belgrand  sur  les  vallées  de  la  Tamise,  de  la  Somme 
et  de  la  Seine. 

Quand  on  suit  le  raccordement  des  terrains  primaires  sur 
les  deu\  flancs  de  ces  vallées,  on  remarque,  dans  certains  cas, 
une  dénivellation  qui  dénote  l'existence  d'une  faille  sur  la 
direction  delà  vallée.  C'est  ce  que  notre  vénérable  Président 
avait  déjà  constaté,  il  y  a  plus  de  quarante  ans,  par 
des  considérations  hypsométriques.  La  Meuse  traverse  en 
Ardenne  des  plateaux  de  quartzites  et  d'ardoises  qui  ont  plus 
de  500  mètres  de  hauteur,  au  lieu  de  traverser  les  dépôts 
crétacés  du  bassin  de  Paria  qui  sont  beaucoup  moins  cohé- 
rents et  qui  n'ont  guère  que  400  mètres  d'altitude.  La  Meuse 
n'eut  pas  pris  cette  voie,  dit  M.  d'Omalius,  si  elle  n'avait 
trouvé  dîins  les  plateaux  de  l' Ardenne  des  fentes  toutes  pré- 
parées pour  son  écoulement'. 

Mais  les  lèvres  de  ces  fentes  ont  subi  de  si  profondes  modi- 
fications que  ce  n'est  que  par  des  considérations  analogues 
aux  précédentes  qu'on  peut  s'assurer  de  la  préexistence  d'une 
fracture.  Nous  en  avons  la  démonstration  évidente  dans  la 


—  123  — 

260  mètres  ;  il  s'incline  rapidement  de  30  mètres  ;  puis  Tin- 
clinaison  n'est  que  de  50  mètres  sur  une  longueur  moyenne 
de  1,500  mètres.  Cette  pente  se  reproduit  sur  les  deux  rives. 
Je  n'ai  jamais  rencontré  des  cailloux  roulés  de  l'Ardenne  sur 
les  altitudes  de  260  mètres  entre  Givet  et  Namur,  mais  bien 
à  l'altitude  de  230  mètres  et  à  tous  les  niveaux  inférieurs  k 
cette  côte  jusqu'au  fond  des  vallées  ;  en  d'autres  termes,  ces 
cailloux  se  trouvent  non-seulement  sur  les  flancs  de  celles-ci, 
mais  encore  jusqu'à  une  hauteur  de  140  mètres  au-dessus  de 
l'étiage. 

La  vallée  proprement  dite  qui  échancre  cette  large  dépres- 
^ioD,  est  profondément  encaissée.  Ainsi,  entre  Namur  et 
Dînant,  elle  n'a  d'ordinaire  à  son  sommet  qu'une  largeur 
de  6fK)  à  800  mètres,  tandis  qu'au  niveau  de  l'étiage, 
eDe  atteint  rarement  400  mètres.  Sa  profondeur  est  de 
90  mètres. 

La  vaJlt^  de  la  Meuse,  définie  par  ces  escarpements,  est 
anaeose.mais  la  vallée  de  laLesse  l'est  bien  davantage,  quoi- 
qu'elle 5cît  naoini»  large  encore.  Or,  la  disposition  de  leur» 
iàis/rs^  e?t  'ïoîimiie,  dans  leurs  sinuosités,  à  la  loi  des  méan- 
dres :  ie  £anr  concave  (par  rapport  à  l'axe  de  la  vallée)  e^^t 
fi-TVsaçtt  es^rarpé;  le  flanc  convexe  l'est  beaucoup  moins. 
î^icf  <lev-c.Cî5  déjà  en  déduire  qu'une  action  fluviale  très  con- 
ikut  m  »2d  peur  la  formation  de  ces  vallées. 

À?  fjkn^  on  vexe  piésente  une  autre  disposition  »pé- 
GÛt  rïi  :^'a  V^  é»^Lapper  aux  membres  du  Congre»  dani* 
r*x?z^:r:  *nx  carreriie?  de  la  Lesse.  Une  terrasse,  d^/nt  la 
ks't'iT  Ti  j^^Ti'a  prêr  de  100  mètres,  sV  ét^md  à  30  mètres 
91  ttie^ïii?  i:  rér:A^«r.  La  furface  de  cette  terrasse  e^t  d*ordi* 
lÊ»  r:»r^-er:c  5t  *::kî7y.ix  r*>Tilés  quaternaires. 
Lîîr  V.rft*  ^  'a  frhrvij^  cii  a  déterminé  la' direction  #fe 

A 

iiif  r.fiz-r  r-Est-.  zd  i:ir*  r:;b:  un  ùàr.oin^metït  f:f/wr.iéTa}A^ 

m 

mz  ^nzTT^r:  ^^z,  T^fs^é:  â  un  rmfemeîît  total,  c'est  à  dire  qo^ 


124  — 


Mais  comment  ce  creusement,  s'est-il  effectué?  Il  serait  dif- 
ficile de  contester  qu'il  a  été  successif,  que  le  cours  d'eau  a 
progressivement  approfondi  son  lit.  En  effet,  nous  remar- 
quons que  le  façoanemeut  des  vallées  a  db  se  faire  sous  l'ac- 
tion de  plusieurs  phénomènes  hydrologiques,  comme  le  met 
en  évidence  la  disposition  des  abords  et  des  flancs  de  ces 
vallées. 

Les  dépressions  symétriques  des  plateaux  dans  le  voisi- 
nage des  échancrures  nous  montrent  l'action  d'un  cours 
d'eau  puissant,  large  de  4,000  à  6,000  mètres,  creusant  un 
sillon  de  80  mètres  de  profondeur  suivant  une  direction 
presque  rectiligne,  ainsi  qu'on  pourra  s'en  assurer  par  la 
planche,en  joignant,  dans  le  sens  de  la  Meuse  et  delà  Lesse, 
les  points  d'altitude  de  260  mètres,  soit  la  courbe  de  140  mètres 
au  dessus  de  l'étiage.  Les  solutions  de  continuité  que  ce 
raccordement  supprime  d'une  manière  idéale,  sont  dues 
ordinairement  à  la  formation  postérieure  de  ravins  qui  ont 
échancré  les  plateaux.  Des  cailloux  roulés  recouvrent  le  fond 
de  cette  dépression  et  sont  les  mêmes  que  les  cailloux  roulés 
de  l'époque  quaternaire,  ce  qui  tend  à  montrer  que  ce  large- 
sillon  s'est  formé  durant  cette  époque,  et  je  ne  sais  sur  quels 
argumenta  on  se  fonderait  pour  croire  qu'ils  sont  plus 
anciens. 

Mais  après  la  formation  de  cette  dépression,  l'action  des 
puissants  cours  d'eau  changea  complètement,  car  elle  se 
manifesta  d'une  manière  bien  différente.  Ils  échancrent  pro- 


—  125  — 

ou  moins  escarpés,  suivant  qu'ils  coïncident  avec  une  conca- 
vité ou  une  convexité  de  la  vallée. 

Le  fond  de  ce  sillon  est  recouvert  de  cailloux  roulés  et  de 
limon  fluvial,  au  milieu  desquels  se  trouve  le  lit  de  la  Meuse 
mesurant  une  largeur  de  80  à  100  mètres  à  la  hauteur  de 
Dinant. 

n  est  donc  évident  que  l'action  des  fleuves  qui  ont  causé 
ces  érosions,  s'est  produite  sous  des  aspects  différents,  et 
qu'ils  ont  approfondi  leur  lit  sur  une  grande  échelle. 

Un  cours  d'eau  entame  le  sol  de  deux  manières  diffé- 
rentes, n  use  le  terrain  par  le  frottement  de  ses  eaux  et  surtout 
par  les  cailloux  qu'elles  entraînent,  et  c'est  à  cette  cause  que 
nous  pouvons  attribuer  la  formation  des  larges  dépressions 
aux  abords  des  vallées;  ou  bien,  lorsqu'il  traverse  des  roches 
dures  et  qu'il  a  une  pente  suffisante,  il  forme  des  cataractes, 
commele  font  le  Rhin,  à  Schaffhausen,  et  leNiagara.  Il  donne 
alors  naissance  à  des échancrures  à  bords  souvent  verticaux, 
dont  le  lit  est  très  accidenté.  C'est  le  cas  également  pour 
les  ravins  profondément  encaissés  de  la  province  de  Namur. 

Mais  si  les  vallées  de  nos  terrains  primaires  ont  été  creu- 
sées par  des  cataractes,  nous  devrions  admettre  qu'il  y  en 
avait  constamment  deux  à  des  hauteurs  différentes  :  la  su- 
périeure avait  une  chute  de  60  mètres,  et  l'autre,  de  30  mètres. 
Nous  devrions  admettre  encore  que  les  bords  verticaux  de 
ces  échancrures  ont  été  ensuite  fortement  façonnés ,  de 
manière  à  manifester  les  lois  des  méandres  auxquelles  les 
vallées  de  nos  principaux  cours  d'eau  sont  toujours  sou- 
mises, ce  qui  n'est  pas  le  cas  ordinaire  pour  les  ravins. Cette 
question  est  du  reste  encore  à  élucider.  Mais  la  théorie 
hydrologique  se  complète,  quand  on  l'applique  à  l'interpréta- 
tion du  remplissage  des  cavernes. 

Les  cavernes  sont  situées  à  toutes  hauteurs  sur  le  flanc 
des  vallées.  Il  était  à  prévoir  que  le  grand  phénomène  fluvial 
qui  a  opéré  le  creusement,  comme  nous  venons  de  le  démon- 
trer, eût  laissé  des  traces  de  son  action  dans  ces  cavernes  : 


les  dépote  fluviaux,  formés  dans  les  vallées  par  les  anciens 
fleuves,  ont  dû  aussi  se  former  dans  les  cavités  qui  s'ouvrent 
sur  les  vallées.  C'est  pourquoi  nous  y  retrouvons  les  dépôts 
de  cailloux  roulés  et  le  limon  fluvial  de  l'extérieur. 

Nous  savons  qu'un  cours  d'eau  ne  dépose  pas  ses  sédi- 
ments au  hasard.  S'il  lui  faut  une  vitesse  déterminée  pour 
entamer  le  roc,  il  lui  en  faut  une  non  moins  déterminée  pour 
transporter  les  cailloux  roulés,  le  g-ravier,  le  sable  ou  le 
limon. 

Le  dépôt  de  cailloux  roulés  est  toujours  un  dépôt  de  fond, 
mais  le  limon  se  dépose  sur  les  berges  et,  pendant  les  crues, 
aux  abords  des  berges. 

Les  cailloux  roulés  ont  été  rencontrés  dans  les  cavernes 
suivantes  : 

Trou  de  la  Naulette.  (28  mètres  au  dessus  de  l'étiage). 
Trou  Magrite     .     .  (25  ■  —  ). 

Trou  du  Frontal.     .  (14  —  ). 

Trou  des  Allemands.  (3  —  ). 

Ces  cavernes  sont  largement  ouvertes,  sauf  le  Trou  de  la 
Naulette  où  l'on  ne  trouve  du  reste  des  cailloux  roulés  que 
dans  les  poches  de  l'entrée;  les  cailloux  y  sont  remplacés 
dans  l'intérieur  par  du  gravier  et  du  sable.  C'est  aussi  le  cas 
pour  le  Trou  du  Sureau. 

Dans  les  autres  cavernes  dont  l'entrée  est  plus  étroite,  les 
cailloux  et  le  sable  sont  remplacés  par  du  limon.  Celui-ci 
fàe 


—  127  — 

ossements  y  furent  introduits.  Mais  comme  ces  niveaux  ossi- 
fères  alternent  avec  du  limon  fluvial ,  il  est  évident  que  les 
eaux  sont  revenues  à  plusieurs  reprises  dans  la  caverne.  Par 
conséquent,  le  cours  d  eau  qui  déposa  ce  limon,  était  sujet  à 
des  crues  considérables. 

Le  Trou  de  la  Naulette  contient  sept  nappes  de  stalagmite 
bien  cristallisée,  alternant  avec  autant  de  nappes  de  limon 
fluvial.  C'est  encore  la  preuve  d'une  série  de  crues  et  de 
retraits  de  la  Lesse  à  l'époque  quaternaire.  Remarquons  aussi 
que  les  stalagmites  et  les  stalactites  ne  se  forment  que  très 
exceptionnellement  aujourd'hui.  Elles  sont,  dans  toutes  les 
cavernes  que  j'ai  fouillées,  presque  entièrement  de  l'époque 
quaternaire. 

Il  est  donc  facile  de  démontrer  que  les  fleuves  quaternaires 
avaient  un  régime  torrentiel.  Ils  étaient  sujets  à  se  gonfler 
sur  une  grande  échelle,  et,  dans  ces  temps  de  crues,  la  puis- 
sance d'approfondir  leur  lit  était  sans  doute  augmentée. 
Gomme  les  ossements  qu'on  rencontre  dans  le  limon  fluvial 
des  cavernes,  appartiennent  toujours  à  l'âge  du  Mammouth, 
de  même  que  ceux  que  l'on  rencontre  dans  le  limon  fluvial 
de  l'extérieur,  il  s'en  suit  que  ce  creusement  a  eu  lieu  pen- 
dant une  époque  parfaitement  définie. 

Telle  est  en  résumé  l'interprétation  de  ces  phénomènes 
quaternaires  :  une  action  fluviale  puissante  a  creusé  les 
vallées,  a  déposé  sur  leurs  flancs  des  alluvions  caillouteuses 
et  limoneuses,  a  ouvert  les  cavernes  et  y  a  introduit  les 
mêmes  alluvions.  Les  cavernes  les  plus  élevées  ont  étéouvertes 
les  premières  et  les  vestiges  de  l'existence  de  l'homme  qui  s'y 
trouvent  dans  les  alluvions  fluviales,  sont  sans  doute  d'autant 
plus  anciens  que  la  caverne  est  plus  élevée.  Ces  fleuves  qua- 
ternaires enfin  étaient  soumis  à  des  crues  répétées  qui  ont 
produit  les  alternances  des  couches  ossifères  et  des  couches 
stériles,  alternances  qui  sont  l'un  des  faits  les  plus  saillants 
de  nos  cavernes. 

III.  Au  dessus  de  ces  dépôts  fluviaux ,  l'argile  à  blocaux 


-  128  - 


apparaît  dans  plusieurs  cavernes  quelle  que  soit  la  hauteur  de 
celles-ci  au  dessus  des  étiages.  Je  n'ai  pu  me  rendre  compte 
de  son  mode  de  formation  ni  à  ciel  ouvert,  ni  dans  les  ca- 
vernes où  elle  renferme  à  sa  base  la  faune  de  l'âge  du  Kenne. 
Il  faut  donc  qu'elle  appartienne  &  un  autre  âge  que  le  limon 
fluvial  et  ainsi  nous  ne  pouvons  la  rattacher  au  grand  phé- 
nomène hydrologique  dont  nous  venons  de  faire  l'étude.  Cette 
ai^ile  n'a  du  reste  pas  le  caractère  d'un  dépôt  d'eau  cou- 
rante. 

IV.  Les  cavernes  étant  creusées  dans  des  roches  très  fis- 
surées, on  comprend  queleséboulis  y  soient  fréquents.  Le  plus 
remarquable  est  celui  du  Trou  de  Chaleux,  qui  s'est  produit 
pendant  l'âge  du  Renne  (pi.  33).  Celui  du  Trou  du  Sureau 
(pi.  35)  est  récent  et  a  moins  d'importance, 

V.  Les  ossements  humains  de  la  sépulture  de  Gendron  se 
trouvaient  dans  un  humus  végétal  qu'on  peut  considérer 
comme  produit  par  des  feuilles  apportées  par  l'homme  pour 
entourer  les  cadavres  (pi.  36). 

VI.  Plusieurs  cavernes  se  trouvent  en  communication  avec 
l'e.ttérieur  par  une  seconde  ouverture.  Des  cours  d'eau  y 
pénètrent  quelquefois  comme  dans  la  célèbre  grotte  de  Han, 
mais  il  arrive  aussi  que  la  seconde  ouverture  est  creusée  dans 
la  voûte  du  souterrain.  Il  se  forme  ainsi  un  entonnoir  par 
lequel  les  terres  de  la  surface  sont  entraînées  lors  des  pluie.< 
ou  de  la  fonte  des  neiges  et  viennent  produire,  dans  la 
caverne,  des  amas  d'ai^ile  et  de  pierres  anguleuses  sous  la 


—  129  — 

3.  Argile  à  blocaux, 

4.  Éboulis, 

5.  Matières  introduites  par  rhommeou  par  les  animaux, 

6.  Dépôts  formés  par  les  eaux  superficielles  qui  s'intro- 

duisent dans  les  cavernes  par  des  fissures. 

Le  mode  d'introduction  des  ossements  a  été  également 
déterminé  dans  presque  tous  les  cas.  Le  voici  pour  nos  prin- 
cipales cavernes  : 

CAVERNE   d'hASTIÈRE. 

*r  niveau  ossifère.  Repaire  d'hyènes  et  d'Urmis  ferox.  Limon  flu- 
vial. Age  du  mammouth. 

4^'  >^  Repaire  d'hyènes  et  d'ours  des  cavernes.  Limon 

"^  fluvial.  Age  du  mammouth. 

3^  ))  Repaire  d'hyènes   et   habitation  de  l'homme. 

Limon  fluvial.  Age  du  mammouth. 

2'  î»  Habitation  de  l'homme.  Limon  fluvial.  Age  du 

mammouth. 

P^  »  Habitation  de  l'homme.  Limon  fluvial.  Age  du 

mammouth. 

TROU  DE  l'Érable. 

Habitation  de  l'homme.  Limon  fluvial.  Age  du  mammouth. 

TROU    DU    CHÊNE   (PL.   35). 

3^  niveau  ossifère.  Habitation  de  l'homme.  Limon  fluvial.  Age  du 

mammouth. 
2^  »  Habitation  de  l'homme.  Argile  à  blocaux.  Age 

du  renne. 
1*'''  f>  Habitation  de  l'homme.  Age  de  la  pierre  polie. 

TROU    DU    SUREAU    (PL.  35). 

4'  niveau  ossifère.  Habitation  de  l'homme.  Limon  fluvial.  Age  du 

mammouth. 
3«  »  Habitation  de  l'homme.  Limon  fluvial.  Age  du 

mammouth. 
2«  »  Habitation  de  l'homme.  Argile  à  blocaux.  Age 

du  renne. 


!«■' niveau  ossifère.  Habitation  de  l'homme.  Éboulis.  Age  de  la 
pierre  polie. 

TROU  DE  OENDRON  (PL.  36). 

S'  niveau  osRif^re.  Repaire  d'hyènes.  Limon  fluvial.  Age  du  mam- 
mouth. 

2^  }>  Sépulture  humaine.  Humus.  Age  de  la  pierre 

polie. 

TROU   DES   MUTONS   fPL.   3Z). 

2<  niveau  ossifere.  Mode  d'introduction?  Limon  fluvial.  Age  du 

mammouth. 
I^r  »  Habitation  de  l'homme.  Argile  à  blocaux.  Age 


TROU    DU   FRONTAL   (PL.  31). 

2«  niveau  ossiiere.  Gite  de  Castor.  Limon  fluvial.  Age  du  mam- 
mouth. 

1"  »  Sépulture  humaine.  Argile  à  blocaux.  Age  du 

renne. 

TROU   REUVIAU. 
Habitation  de  l'homme.  Age  du  renne. 

TROU   ROSETTE. 

Mode  d'introduction  non  déterminé.  Argile  à  blocaux.  Age  du 
renne. 


TROU   DB   CHALEUX   (PL.  3 


—  131  — 

2^  niveau  ossifère.  Mode  d'introduction?  Limon  fluvial.  Age  du 

mammouth. 
1'^  >  Habitation  de  Thomme.  Argile  à  blocaux.  Age 

du  renne. 

TROU   DE   l'hyène. 

Repaire  d'hyènes.  Limon  fluvial.  Age  du  mammouth. 

TROU    MAGRITE. 

Les  4  niveaux  ossifères.  Habitation  de  Thomme.  Limon  fluvial. 

Age  du  mammouth. 

TROU    DE   PONT   A    LESSE. 

Habitation  de  Fhomme.  Éboulis.   Age  de  la  pierre  polie. 

2®   CAVERNE    DE    GOYET. 
Habitation  de  Thomme.  Limon  fluvial.  Age  du  mammouth. 

3®   CAVERNE   DE   GOYET. 

i>'  niveau  ossifere.  Repaire  de  lions  et  d*ours.  Limon  fluvial.  Age 

du  mammouth. 
4"  »  Repaire  d'hyènes  et  d'ours.  Limon  fluvial.  Age 

du  mammouth. 
3»^  »  Habitation  de  l'homme.  Limon  fluvial.  Age  du 

mammouth. 
2^  »  Habitation  de  l'homme.  Limon  fluvial.  Age  du 

mammouth. 
1er  9  Habitation  de  l'homme.  Limon  fluvial.  Age  du 

mammouth. 

4''    CAVERNE  DE   GOYET. 

2^  niveau  ossifere.  Repaire  d'hyènes  et  d'ours  et  habitation  de 

l'homme.  Limon  fluvial.  Age  du  mam- 
mouth. 

l^r  ï)  Habitation  de  l'homme.  Limon  fluvial.  Age  du 

mammouth. 

CAVERNE  DE  MODAVE. 

&*  niveau  ossifere.  Repaire  d'hyènes.  Limon  fluvial.  Age  du  mam- 
mouth. 


—  132  - 

r><=  niveau  OA.sif^re.  Habitation  de  l'homme.  Umon  fluvial.  Age  du 

mummouth. 
4*  H  Kepaire  d'oui's  des  cavernes.  Limon  fluvial.  Age 

du  mammouth. 
;>  »  Habitation  de  l'homme.  Limon  Ruvial.  Age  du 

mammouth. 
2'  11  Habitation  de  l'homme.  Limon  fluvial.  Age  ilu 

mammouth. 
1"  »  Habitation  de  l'homme.  Limon  fluvial.  Age  du 

mammouth. 

CAVERNE  d'ENGIS. 

'>  niveau  ossifère.  Repaire  d'hyènes.  Limon  fluvial.  Age  du  mam- 
mouth. 

i"  )>  Sépulture  humaine?  Limon   tluvinl.   Age  du 

mammoutli. 


L'époqve  quaternaire  dans  le  bassin  de  Paris, 
par  M.  BGLOEAMn. 

On  sait  que  les  terrains  quaternaires  du  Nord  de  la  France 
et  de  la  Belgi(iue  ont  été  déposés  par  les  eaux  courantes  aux 
points  où  nous  les  voyons  aujourd'hui;  c'est  en  cela  préci- 
sément qu'ils  diffèrent  des  terrains  sédimentaires  qui,  en 
général ,  se  sont  déposés  au  fond  d'une  mer  ou  d'un  lac ,  et 
des  terrains  quaternaires  de  l'Allemagne  du  Nord,  de  la  Po- 
logne, de  la  Russie  et  de  quelques  points  de  l'Angleterre 
qui ,  en  partie  au  moins ,  ont  été  transportés  par  des  glaces 


—  133  — 

appelle  une  allnfnon.  Lorsque  l'alluvion  atteint  le  niveau  de 
lancienne  rive ,  elle  se  couvre  de  matières  limoneuses  dans 
lesquelles  la  végétation  ne  tarde  pas  à  s'établir  et,  arrivée 
à  cet  état,  elle  appartient,  d'après  la  loi  française,  au  pro- 
priétaire riverain.  D'après  cela,  la  rive  concave  corrodée  est 
disposée  en  pente  rapide ,  la  rive  convexe  alluvionnée  est 
au  contraire  disposée  en  pente  douce.  Cette  loi  se  vérifie  pour 
tous  les  cours  d'eau,  grands  ou  petits,  pour  peu  que  leur  ré- 
gime soit  violent. 

Elle  est  vraie  aussi  pour  toutes  les  vallées  d'érosion. 
Lorsque,  à  chaque  tournant,  le  coteau  concave  d'une  vallée 
est  en  pente  rapide  et  le  coteau  convexe  en  pente  douce,  on 
peut  affirmer  que  la  vallée  doit  son  dernier  modelé  au  pas- 
sage d'un  cours  d'eau  violent.  Telles  sont  toutes  les  vallées 
du  bassin  de  la  Seine  et  du  Nord  de  la  France;  j'ai  reconnu, 
à  notre  excursion  à  Namur,  que  les  vallées  de  la  Belgique 
qui  longent  le  chemin  de  fer,  étaient  disposées  de  même. 

Beaucoup  d'autres  faits  tendent  à  prouver  qu'une  grande 
masse  d'eau  a  sillonné  les  plaines  du  Nord  de  la  France  et 
de  la  Belgique.  Je  ne  veux  pas  dire  qu'il  n'existait  pas  de 
vallées  dans  ces  plaines,  mais  toutes  portent  l'empreinte  du 
passage  d'une  eau  violente  :  je  me  borne  à  indiquer  ici  cette 
loi  des  tournants  qui  est  caractéristique. 

Ces  courants  diluviens  étaient  destructeurs  et  par  consé- 
quent chargés  d'une  grande  quantité  de  limon  ;  c'était 
une  véritable  mer  de  boue  qui  se  déplaçait.  Or,  il  est 
un  fait  bien  établi  par  les  travaux  de  Dubuat  :  tant  qu'une 
eau  courante  est  animée  d'une  vitesse  dépassant  0™20  par 
seconde,  les  limons  en  suspension  ne  se  déposent  pas.  Dès 
que  la  vitesse  s'abaisse  au  dessous  de  0"20,  il  se  forme  brus- 
quement un  premier  dépôt  de  limon  grossier,  puis  les  limons 
fins  s'abaissent  lentement,  comme  un  nuage,  et  forment  un 
second  dépôt  au  dessus  du  premier. 

Les  courants  diluviens  qui  modelaient  les  vallées,  ont 
passé  par  dessus  toutes  les  plaines  du  Nord  de  la  France  et 

9 


■  134  - 


de  la  Belgique,  et,  lorsque,  par  suite  de  l'abaissement  des 
eaux,  ces  courants  ont  perdu  leur  vitesse,  ils  ont  laiss'é  tomber 
cette  double  couche  de  limon,  grossière  à  la  base,  fine  à  la 
surface.  Les  plateaux  peu  accidentés  comme  ceux  de  la  Bel- 
gique, de  la  Flandre  française,  de  la  Picardie,  du  pays  de 
Caux,  du  Vexin  français  et  normand,  de  la  Brie,  de  la 
Beauce,  etc.,  ont  conservé  ce  dépôt  limoneux,  habituelle- 
ment d'une  couleur  ocreuse  et  qu'on  a  appelé  limon  rouge. 
La  couche  supérieure  forme  la  terre  végétale  de  ces  riches 
contrées  ;  c'est  aussi  la  terre  k  briques  de  la  Belgique  et  du 
Nord  de  la  France. 

Ces  mêmes  limons  ont  passé  sur  des  contrées  plus  acci- 
dentées, telles  que  la  Bout^ogne  et  la  Champagne  ;  on  n'eu 
saurait  douter  puisqu'on  en  trouve  çà  et  là  des  traces  ;  mais 
en  général  les  limons  abandonnés  par  les  eaux  courantes  ne 
restent  pas  sur  les  pentes;  le  batillage  de  l'eau  les  fait  des- 
cendre jusqu'au  fond  des  vallées.  C'est,  eu  effet,  au  fond  des 
vallées  sèches  de  la  Bourg-og^ne,  qu'on  trouve  des  traces  de 
ces  dépôts.  Les  pays  montagneux,  tels  que  la  Bourgogne,  ou 
simplement  couverts  de  collines,  comme  la  Champagne,  ne  se 
sont  donc  pas  couverts  de  limon  rouge. 

Je  ne  puis  traiter  plus  longuement  cette  question,  qui 
m'entraînerait  au  delà  des  limites  de  cet  article. 

Les  courants  qui  creusaient  les  vallées,  ont  jeté  sur  les 
coteaux  convexes  des  tournants  les  materiaux  solides  déte- 
chés  des  coteaux  concaves  ou  entraînés  par  l'eau  au  fond  de 


—  135  — 

roches  du  voisinage,  surtout  des  pentes  des  coteaux  concaves 
des  tournants. 

Ces  phénomènes  se  sont  accomplis  à  Torigine  de  l'époque 
quaternaire. 

TERBAINS    QUATERNAIRES. 

Les  courants  diluviens  ont  été  remplacés  par  des  cours 
d'eau  permanents,  qui  ont  remanié  les  déjections  solides 
déposées  au  fond  des  vallées.  Ces  cours  d'eau  étaient  consi- 
dérables. La  Seine,  à  Paris,  dans  l'origine,  n'avait  pas  moins 
de  six  kilomètres  de  largeur;  elle  coulait  alors  à  37  mètres 
environ  au  dessus  de  son  lit  actuel.  Mais,  par  suite  du  relè- 
vement lent  du  continent,  qui  se  continue  encore  de  nos  jours 
dans  le  nord  de  l'Europe,  elle  a  abaissé  peu  à  peu  son  lit  en 
le  resserrant  dans  une  vallée  plus  étroite.  Ce  travail  d'abais- 
sèment  est  caractérisé  par  des  dépôts  de  matériaux  solides  et 
limoneux.  Des  terrains  de  transport  analogues  se  sont  formés 
dans  la  vallée  de  la  Somme  et  ont  été  étudiés  avec  beaucoup 
de  soin  par  M.  Prestwich,  qui  a  désigné  les  plus  élevés  sous 
le  nom  de  dépôts  des  hauts  niveaux^  et  les  plus  bas,  sous  le 
nom  de  dépôts  des  bas  niveaiix.  J'ai  adopté  les  mêmes  noms 
pour  la  vallée  de  la  Seine.  Des  phénomènes  analogues  se 
sont  accomplis  dans  toutes  les  vallées  du  bassin  de  la 
Seine. 

Ces  terrains  se  distinguent  des  déjections  diluviennes  par 
les  caractères  suivants  : 

1*  Ils  contiennent  du  sable  de  rivière,  c'est  à  dire,  un  sable 
sec,  graveleux,  qui  ne  tache  pas  les  doigts  et  qui  est  propre 
à  la  confection  des  maçonneries. 

2"  Les  cailloux  sont  beaucoup  plus  roulés  et  ne  se  composent 
plus  seulement  des  débris  des  roches  du  voisinage;  le  cours 
d'eau,  étant  permanent,  a  eu  le  temps  de  transporter  des 
détritus  provenant  des  points  les  plus  éloignés  de  son  bassin. 
C'est  ainsi  que  la  Seine,  à  Paris,  renferme  des  débris  du 
granit  du  Morvan. 


136  — 


3'  Ces  grands  fleuves  étaient  soumis  aux  lois  d'alhivîon- 
nement  décrites  ci-dessus.  Ils  corrodaient  leurs  rives  con- 
caves dans  les  tournants  et  jetaient  les  alluvions,  soit  sur 
leurs  rives  convexes,  soit  dans  les  anses  formées  par  l'expan- 
sion de  leurs  lits. 

4*  C'était  également  en  ces  points  d'alluvionneraent  que 
les  corps  flottants ,  notamment  les  cadavres  des  animaux 
noyés  et  les  coquilles  terrestres  entraînées  par  l'eau,  venaient 
tournoyer  et  atterrir.  C'était  sur  les  pentes  douces  que  s'éta- 
blissaient les  abreuvoirs  naturels  des  animaux  de  l'hge  de  la 
pierre  et  que  ces  animaux  se  noyaient  quand,  poussés  par 
la  soif,  ils  se  précipitaient  tumultueusement  vers  le  fleuve, 
comme  le  font  encore  les  herbivores  de  l'Amérique  méridio- 
nale. 

Ces  plages  de  gravier  étaient  certainement  accessibles,  en 
temps  de  basses  eaux,  comme  le  sont  encore,  dans  les  cours 
d'eau  modernes, les  graviers  du  côté  où  se  portentles  alluvions  ; 
et  lesbommes  de  l'âgedelapierrey  descendaient,  pour  y  tailler 
ïes  grossiers  outils  que  nous  y  recueillons  en  abondance. 
Les  coquilles  fluviatiles  pouvaient  vivre  dans  ces  eaux  tran- 
quilles; puis  ces  ossements,  ces  coquilles  fluviatiles -et  ter- 
restres ,  ces  silex  taillés  ont  été  recouverts  par  l'alluvîon, 
lorsque  le  fleuve  a  abaissé  et  rétréci  son  lit  en  remplissant 
les  parties  devenues  inutiles.  Le  petit  cours  d'eau  moderne 
est  resté  collé  contre  la  rive  concave.  Cette  démonstration  est 
rigoureusement  exacte  et  s'applique  à  l'un  quelconque  des 


—  137  — 

5'  Si  Ton  fait  la  coupe  d'une  sablière,  non  seulement  à 
Paris,  le  long  des  berges  du  fleuve,  mais  dans  la  vallée  d'un 
affluent  quelconque  de  la  Seine,  on  voit  que  cette  coupe  se 
décompose  ainsi  : 

A .  Au  fond  de  la  sablière,  zones  alternantes  de  graviers 
et  de  sables,  qui,  lors  de  leur  dépôt,  étaient  au  dessous  du 
niveau  moyen  des  eaux  de  la  rivière  et,  par  conséquent,  tapis- 
saient le  fond  du  lit.  Dans  les  anses,  sur  la  rive  convexe  des 
tournants  du  fleuve,  ces  terrains  de  transport  renferment  sou- 
vent des  ossements  de  grands  animaux  de  race  éteinte,  des 
coquilles  terrestres  et  fluviatiles  et  des  silex  taillés.  Je  donne 
le  nom  de  gravier  de  fond  à  ces  couches  inférieures. 

Si  elles  font  partie  d'un  lit  rectiligne  ou  si  elles  ont  été 
déposées  en  plein  courant,  les  ossements,  les  coquilles  terres- 
tres ou  fluviatiles  y  sont  rares. 

Cette  première  partie  des  graviers  a  rarement  plus  de 
4  mètres  de  hauteur  dans  les  sablières  de  Paris. 

B.  Au  dessus  du  gravier  de  fond  vient  un  dépôt,  que  j'appel- 
lerai alluvion,  dépôt  composé  de  graviers  en  général  de  moins 
en  moins  volumineux  à  mesure  qu'on  s'élève  au  dessus  du  fond 
de  la  carrière,  alternant  avec  des  zones  de  sable  et  acciden- 
tellement avec  des  bandes  de  limon  gris.  L'alluvion,  d'après 
la  définition  donnée  ci-dessus,  s'élevait  au  dessus  du  niveau 
des  eaux  moyennes  et,  par  conséquent,  comme  dans  nos  cours 
d'eau  modernes,  ne  faisait  plus  partie  du  lit.  Lorsque  l'allu- 
vion atteint  le  niveau  des  rives,  ses  dernières  couches  se 
composent  habituellement  de  sable  terreux  dans  lequel  la 
végétation  s'établit  immédiatement  :  c'est  un  fait  connu  de 
tout  le  monde.  Les  géologues  ont  donné  le  nom  de  sable  gras 
à  cette  partie  de  l'alluvion  ;  je  conserve  ce  nom  qui  me  paraît 
excellent. 

En  réalité,  il  est  impossible  d'indiquer  avec  précision,  dans 
une  sablière,  la  ligne  de  séparation  du  gravier  de  fond  et  de 
l'alluvion.  Je  maintiens  néanmoins  cette  division  un  peu 
théorique,  parce  qu'elle  est  commode  :  les  ossements  et  les 


silex  taillés  ne  se  trouvant  habituellement  qu'au  fond  des 
carrières,  au  dessous  de  l'alluvion. 

C.  Au  dessus  de  l'alluvion,  zone,  en  général  assez  mince, 
de  petits  cailloux  peu  roulés. 

Cette  zone  se  trouve  aussi  en  dehors  du  lit  et  à  peu  de  dis- 
tance des  rives  de  la  plupart  de  nos  grands  cours  d'eau  mo- 
dernes; les  eaux  de  débordement,  en  rentrant  dans  le  lit, 
enlèvent  toutes  les  parties  meubles  ou  sableuses  et  laissent 
seulement  des  débris  solides  qui  forment  ainsi  une  couche 
de  cailloux  peu  roulés. 

D.  Couche  de  limon  de  couleur  ocreuse,  relais  des  eaux 
de  débordement.  Pour  bien  comprendre  ce  dépôt,  il  faut  se 
rappeler  que  l'alluvion  rétrécissait  le  lit  d'un  côté  au  fur  et 
à  mesure  que  le  fleuve  l'abaissait  de  l'autre,  et  formait  ainsi 
une  berge  nouvelle  de  plus  en  plus  éloignée  de  la  berge  pri- 
mitive. Les  eaux  de  débordement  recouvraient  cette  plage 
de  gravier,  qui  ne  faisait  plus  partie  du  lit,  et  y  déposaient 
une  couche  de  limon,  absolument  comme  nos  cours  d"eau 
modernes  lorsqu'ils  débordent  sur  les  plaines  voisines  de 
leur  lit. 

Je  donne  le  nom  de  gravier  et  limon  de  débordement  à  ces 
zones  supérieures  des  sablières.  C'est  cette  dernière  zone  peu 
épaisse  de  limon  qui  correspond  au  Loess  des  grandes  val- 
lées du  Rhin  et  du  Rhône. 

On  a  méconnu  jusqu'ici  cette  loi  du  remplissage  du  lit  des 
cours  d'eau  de  l'âge  de  la  pierre,  loi  bien  simple  et  qui  se 


—  139  — 

Enfin  on  a  admis  un  dernier  déluge  qui  aurait  déposé 
la  couche  de  petits  cailloux  non  roulés  et  le  limon  rouge 
qui  recouvrent  toutes  nos  sablières. 

Je  viens  de  démontrer  que  ces  terrains  de  transport  étaient 
purement  fluviaux.  Je  puis  maintenant  rentrer  dans  la 
question  qui  est  en  ce  moment  discutée  devant  le  Congrès. 

On  a  découvert  des  dépôts  d'ossements  dans  la  plupart  des 
grandes  vallées  du  bassin  de  la  Seine,  tous  dans  les  condi- 
tions indiquées  ci-dessus.  Les  dépôts  de  silex  taillés  sont  plus 
rares,  par  une  raison  bien  simple  :  les  peuplades  qui  han- 
taient les  bords  des  rivières,  n'y  descendaient,  pour  tailler 
leurs  outils,  que  lorsque  les  silex  manquaient  hors  de  l'eau, à 
la  surface  du  sol. 

A  Paris,  on  a  trouvé  plusieurs  de  ces  dépôts  fluviatiles; 
trois  sont  particulièrement  remarquables.  L'un,  que  j'ai 
appelé  anse  de  Montreuil,  appartient  aux  hauts  niveaux. 
Les  deux  autres,  qui  se  trouvent  sur  la  rive  convexe  des  deux 
grands  tournants  que  la  Seine  forme  à  Paris,  les  plages  de 
gravier  de  Grenelle  et  de  Levallois,  appartiennent  aux  bas 
niveaux.  On  a  recueilli  d'immenses  quantités  d'ossements 
dans  les  trois  dépôts,  toujours  au  fond  des  sablières,  c'est  à 
dire  sous  des  couches  d'alluvion  qui  ont  jusqu'à  trois  mètres 
d'épaisseur. 

Chose  bien  singulière,  ces  ossements,  déterminés  par 
Lartet,  ont  prouvé  que  les  trois  faunes  étaient  presque 
identiques  ;  de  sorte  que,  pendant  toute  la  durée  de  l'âge  de 
la  pierre,  les  mêmes  animaux  ont  vécu  sur  les  plateaux  di* 
voisinage  de  Paris.  Il  y  a  cependant  certaines  différences  et 
elles  sont  caractéristiques. 

Le  Benne  a  été  découvert  à  Levallois  par  M.  Rebouxet  par 
moi  ;  dans  les  sablières  des  bords  de  l'Yonne,  près  de  Sens, 
par  M.  Tingénieur  Hemblot,  et  sur  les  bords  de  l'Oise,  par 
M.  Alph.  Milne  Edwards  ;  en  somme,  il  n'est  pas  rare  dans  les 
sablières  des  bas  niveaux. 

n  manque,  au  contraire,  dans  toutes  les  sablières  des  hauts 


—  140- 


niveaux,  non  seulement  àMontreuil,  mais  à  Saint  Acheul, 
sablière  des  hauts  niveaux  de  la  Somme  ;  à  Saint  Prest, 
sablière  des  hauts  niveaux  de  l'Eure  ;  à  Auxerre,  sablière  des 
hauts  niveaux  de  l'Yonne.  Les  couche?  ossifères  des  cavernes 
où  l'on  trouve  le  renne,  paraissent  donc  correspondre  aux 
sablières  des  bas  niveaux  de  nos  rivières'. 

Les  sablières  des  hauts  niveaux  de  la  Cure  et  de  l'Yonne, 
dont  des  restes  ont  été  trouvés  à  Arcy,  h  Vermenton  et  à 
Auxerre,  sont  plus  élevées  que  les  grottes  d'Arcy;  par  con- 
séquent elles  remontent  h  une  époque  où  l'ours  des  cavernes 
n'habitait  pas  encore  les  grottes  où  ses  ossements  ont  été 
trouvés  en  si  grande  quantité. 

Les  ossements  du  grand  ours  sont  extrêmement  rares  dans 
les  sablières  ;  j'en  ai  découvert  une  molaire  dans  les  haute 
niveaux  de  Montreuil  ;  Lartet,  qui  l'a  déterminée ,  m'a 
affirmé  que  c'était  le  seul  ossement  de  ce  carnassier,  prove- 
nant des  terrains  de  transport,  qui  fût  authentique  à  ses 
yeux. 

Traces  du  travail  de  Thomme.  —  Je  n'ai  pas  trouvé  de  silex 
taillés  dans  les  sablières  des  hauts  niveaux  de  Montreuil.  Mais, 
dans  les  sablières  des  haute  niveaux  de  la  Somme,  on  a  été 
plus  heureux.  Je  reprends  les  trois  moulages  qui  ont  été  pré- 
sentés par  notre  confrère  M.  Dupont  ;  les  deux  outils  qui  se 
terminent  en  pointe,  sont  semblables  à  ceux  qu'on  a  décou- 
verts en  quantité  innombrable  dans  la  couche  épaisse  d'allu- 
vions  que  la  Somme  a  jetée  dans  son  aocieo  lit  de  Saint 
Acheul,  avant  de  l'abandonner.  Ces  silex  sont  taillés  sur  les 


—  141  — 

polie,  exprimait  l'opinion  que  cette  fabrication  était  peut- 
être  arrivée  sur  place,  par  un  progrès  continu,  aux  formes 
les  plus  parfaites  des  derniers  temps  de  la  pierre.  Il  vous  a 
montré  ce  troisième  moulage,  de  forme  presque  rectangulaire, 
trouvé  dans  la  même  localité  et  qui,  sauf  la  forme,  est  taillé 
identiquement  de  la  même  manière.  Jamais,  suivant  lui,  on 
n'a  trouvé  ces  perfectionnements  dans  le  travail  des  peu- 
plades troglodytes,  qui  semblent  avoir  conservé  obstinément 
les  mêmes  formes. 

Je  dois  vous  faire  remarquer  d'abord  que  le  troisième  mou- 
lage appartient  réellement  à  l'âge  de  la  pierre  polie,  qu'il  n'a 
jamais  été  enfoui  sous  la  couche  épaisse  des  alluvions  ;  je  suis 
bien  certain  que  si  notre  confrère  M.  de  Mortillet  était  ici,  il 
ne  me  démentirait  pas  ^ 

L'opinion  de  M..  Dupont  me  paraît  très  séduisante.  J'hé- 
site cependant  à  l'adopter  ;  voici  pourquoi  : 

En  quittant  les  hauts  niveaux  de  Saint  Acheul,  la  Somme 
a  abaissé  son  lit  en  le  reportant  vers  sa  rive  concave,  c'est  à 
dire,  sur  la  rive  droite.  Elle  a  continué  à  jeter  ses  graviers  et 
ses  sables  sur  la  rjve  gauche,  notamment  à  Montières,  à 
30  mètres  au  moins  au  dessous  du  niveau  de  Saint  Acheul. 
Les  silex  taillés  sont  assez  rares  dans  les  graviers  des  bas 
niveaux.  M.  Louis  Lartet,  qui  en  a  recueilli  quelques-uns, 
m'a  dit  qu'ils  étaient  taillés  d'un  côté  seulement,  qu'ils 
étaient  en  un  mot  de  la  forme  dite  de  Mousiiers,  Néanmoins 
ces  pièces  sont  trop  peu  nombreuses  pour  pouvoir  servir  de 
base  à  un  système. 

Mais  les  graviers  des  bas  niveaux  de  la  Seine,  à  Paris, 
sont  incomparablement  plus  riches  que  ceux  de  la  Somme,  à 
Montières.  M.  Reboux,  à  Levallois,  et  M.  Martin,  à  Grenelle, 

1  L*original  se  trouve  au  Musée  de  S^  Germain  et  a  été  découvert  dans 
le  terrain  quaternairede  la  vallée  de  la  Somme.  Je  tiens  ce  renseignement 
de  M.  de  Mortillet  lui-même,  qui  m'a  remis  ce  moulage  comme  représen- 
tant Tun  des  types  remarquables  des  silex  taillés  de  cette  époque.  Il  res- 
semble beaucoup  au  silex  de  Tàge  de  la  pierre  polie  figuré  sur  la  pi.  59. 

É.  Dupont. 


142  - 


ont  découvert  une  immense  quantité  de  silex  taillés,  toujours 
dans  les  graviers  de  fond,  c'est  à  dire,  sous  une  épaisse  couche 
d'alluvion.  La  plupart  de  ces  silex  sont  taillés  sur  une  face 
seulement  et  ont  été  détachés  du  nucléus  par  un  coup  de 
marteau  qui  laisse  l'autre  face  plane  avec  bulbe  de  percus- 
sion. Beaucoup  appartiennent  au  type  dit  de  Moustiers.  Les 
silex  taillés  sur  les  deux  faces  y  sont  relativement  rar^î  : 
sur  4,000  pièces  trouvées  par  M.  Reboux,  à  peine  en  compte- 
t-on  une  trentaine  qui  appartiennent  à  ce  type. 

Or  les  graviers  des  hauts  niveaux  de  Saint  Acheul,  comme 
ceux  de  Paris,  sont  plus  anciens  que  les  graviers  des  bas 
niveaux.  Si  donc  on  considère  comme  plus  parfaits  les  silex 
de  Saint  Acheul,  il  faut  aussi  déclarer  que  les  peuplades  qui 
habitaient  les  bords  de  la  Seine  à  l'époque  des  bas  niveaux, 
étaient  en  décadence  ;  mais  cela  ne  nous  semble  nullement 
démontré.  Le  silex  de  Saint  Acheul  n'est  qu'une  arme  gros- 
sière. Le  silex  taillé  sur  une  face  seulement  se  prête,  dans  ses 
formes  variées,  àtous  les  besoins  d'une  peuplade  de  chasseurs 
sauvages,  et  cela  est  si  vrai  qu'à  l'ftge  des  dolmens,  beaucoup 
de  ces  formes,  telles  que  celles  des  grattoirs,  couteaux,  etc. , 
ont  été  conservées. 

Ces  silex  des  bas  niveaux  de  Paris,  taillés  sur  une  face 
seulement,  ressemblent  beaucoup  à  ceux  des  cavernes  de 
l'époque  du  renne.  Ainsi  non  seulement  les  troglodytes  de  la 
Belgique,  des  bords  de  la  Vésère,delaCure,  del'Ariège,  etc., 
étaient  contemporains  des  peuplades  qui  hantaient  les  rives 


—  143  — 

ment,  nos  petits  glaciers  de  15  à  20  kilomètres  au  plus  se 
seraient-ils  développés  jusque  dans  les  plaines  de  la  Bresse  et 
jusqu  en  aval  de  Lyon,  dans  la  vallée  du  Rhône? 

Tous  les  cours  d'eau  de  Tâge  de  la  pierre  taillée  étaient 
donc  violents,  et  la  tourbe  ne  pouvait  se  développer  sur  leurs 
bords,  puisque,  dans  leurs  crues,  ils  emportaient  tous  les 
végétaux  dont  l'accumulation  forme  la  tourbe,  ou  les  empor- 
taient dans  les  limons  qu'ils  déposaient  sur  leurs  rives. 

Il  y  a  donc  eu  une  grande  révolution  météorologique  qui, 
en  diminuant  l'intensité  des  pluies,  a  réduit  les  grands  cours 
d'eau  aux  proportions  de  nos  ruisseaux  actuels,  et  qui  a 
permis  à  la  tourbe  de  se  développer  dans  certaines  condi- 
tions que  je  vais  indiquer  sommairement. 

Certains  terrains  sont  imperméables.  Tels  sont,  dans  le 
bassin  de  la  Seine,  le  granit,  le  Lias,  le  terrain  crétacé  infé- 
rieur. Les  eaux  pluviales,  ruisselant  à  la  surface  de  ces  ter- 
rains, arrivent  avec  une  grande  rapidité  aux  thalwegs  ;  les 
cours  d'eau  qui  en  résultent,  sont  donc  restés  violents  et 
limoneux,  et,  pas  plus  que  dam  Vâge  de  la  pierre  taillée,  la 
tourbe  ne  peut  aujourd'hui  se  développer  sur  leurs  bords. 

D'autres  terrains  sont  perméables ,  et  les  eaux  pluviales 
n'arrivent  aux  thalwegs  qu'en  passant  par  les  sources.  Les 
crues  des  cours  d'eau  alimentés  par  ces  sources,  montent 
lentement  et  régulièrement  et  restent  limpides  ;  la  tourbe, 
depuis  l'âge  de  la  pierre,  a  donc  pu  se  développer  sur  les 
bords  de  ces  ruisseaux  tranquilles.  Ces  terrains  perméables 
sont,  dans  le  bassin  de  la  Seine,  la  craie  blanche,  le  calcaire 
grossier,  les  sables  de  Fontainebleau  et  le  calcaire  de  Beauce. 

A  l'époque  de  la  pierre  taillée,  les  pluies  tombaient  avec 
assez  d'abondance  pour  n'être  pas  absorbées  sur  place  ;  les 
cours  d'eau  étaient  donc  violents. 

J'ai  déjà  cité  la  Somme,  rivière  de  la  craie  blanche,  qui, 
à  Amiens,  roulait  autrefois  des  cailloux,  et  qui  aujourd'hui 
est  si  tranquille  qu'elle  a  rempli  son  dernier  grand  lit  de 
l'âge  de  la  pierre  avec  de  la  tourbe. 


J'ai  exécuté  des  travaux  considérables  dans  une  autre 
vallée  de  la  craie  blanche,  celle  de  la  Vanne.  Xai  été  conduit 
à  faire  une  coupe  de  l'ancien  Ut  de  cette  rivière,  aujourd'hui 
rempli  de  tourbe.  La  Vanne  roulait  alors  du  gravier  et  du 
limon,  et  son  lit  avait  300à400  mètres  de  largeur  moyenne. 
Aujourd'hui  la  rivière  est' alimentée  uniquement  par  des 
sources,  et  son  lit  a  1 1  mètres  de  largeur. 

L'époque  quaternaire  a  donc  commencé  par  une  grande 
submersion  générale,  par  un  déluge  d'eau  courante,  et  s'est 
terminée  par  une  révolution  météorologique. 

Sur  les  cailloux  roulés  des  dépôts  quaternaires  et  sur  les 
antiquités  préhistoriques  du  duché  de  Limbourg,  par 
M.  Casimib  Ubaohs. 


On  sait  que,  dans  le  duché  de  Limboui^,  la  vallée  de  la 
Meuse  et  les  hauteurs  euvironnantes  sont  recouvertes  par  le 
diluvium  ou  terrain  de  transport  de  l'époque  quaternaire.  Ce 
dépôt  est  composé  de  fragments  roulés  de  différentes  roches. 
Il  présente  des  couches  fort  irrégulières  et  très  variées 
BOUS  le  rapport  de  leur  composition.  L'une  de  ces  couches, 
qui  est  d'une  épaisseur  considérable,  se  compose  de  quart- 
zites,  de  psammites,  de  fragments  de  roches  dévoniennes 
et  carbonifères,  de  grès  houillera,  de  schistes  et  d'une  pro- 
digieuse quantité  de  siles,  parmi  lesquels  on  reconnaît  le 
silex  gris,   en  plaques  et  en  rognons,  qui  caractérise  la 


—  145   - 

grands  pachydennes,  tels  que  le  Mammouth,  le  Rhinocé- 
ros, etc. 

Sur  le  versant  oriental  du  plateau  de  la  célèbre  montagne 
Saint  Pierre,  près  de  Maestricht,  on  observe  des  faits  d'un 
intérêt  particulier.  Ce  plateau  est  couvert  par  le  dépôt  de 
cailloux  roulés,  et  ce  dernier  l'est  à  son  tour  par  le  limon  ou 
Loess.  Dans  certaines  localités,  la  couche  du  limon  est  fort 
mince  sur  une  étendue  assez  considérable;  dans  d'autres 
même,  elle  fait  complètement  défaut,  laissant  à  nu  le  gravier 
quaternaire.  En  ces  endroits,  la  charrue,  après  avoir  traversé 
la  couche  de  terre  végétale ,  attaque  la  partie  supérieure  du 
dépôt  de  cailloux  roulés  et  amène  à  la  surface  une  quantité 
considérable  de  ce  gravier,  au  milieu  duquel  on  trouve  beau- 
coup d'éclats  de  silex,  ainsi  que  des  silex  grossièrement  tra- 
vaillés par  la  main  de  l'homme.  Parmi  ces  outils ,  les  uns 
sont  en  silex  gris,  à  structure  grossière;  d'autres  sont  en 
silex  noir-grisâtre  pyromaque,  à  structure  plus  fine  ;  d'autres 
enfin  sont  en  silex  corné  gris-blanchâtre.  On  trouve  ces  ya- 
riétés  de  silex  en  grande  quantité  dans  le  dépôt  caillouteux 
de  ce  plateau.  Ici  se  présente  naturellement  la  question  :  d'où 
vient  ce  silex  que  l'on  trouve  en  si  grande  quantité  dans  le 
terrain  quaternaire  du  Limbourg?  Les  premiers  habitants 
qui  ont  occupé  cette  contrée  et  dont  on  retrouve  aujourd'hui 
les  outils ,  sont-ils  allés  chercher  ailleurs  le  silex  qui  a  servi 
à  la  fabrication  de  leurs  outils ,  ou  ont-ils  employé  le  silex 
du  terrain  même  où  les  silex  taillés  se  retrouvent  au- 
jourd'hui ? 

Les  silex  qu'on  trouve  dans  le  terrain  quaternaire  du  Lim- 
bourg, appartiennent  au  terrain  crétacé,  ainsi  qu'il  résulte 
des  fossiles  qu'ils  renferment.  J'ai  publié  antérieurement^ 
une  liste  des  fossiles  que  j'ai  rencontrés  avec  ces  silex.  Elle 
comprend  quatre-vingt-dix-sept  espèces.  Je  me  bornerai  à 

>  Beobachtungen  Uber  die  chemische  und  mechanische  Zersetzung  der 
Ki*eide  Limburg'Sy  nebst  einigen  Bemerkungen  Uber  die  diluvial  und 
Feuerstein  Ablagerungen^  von  C.  Ubaghs,  Valkenburg,  1859. 


citer  celles   qui  sont  caractéristiques  pour  le  tuffeau  de 
Maesti'iclit.  Ce  sont  : 

Oncopareia  Bredat  Bosq. 

»  lieterodon  Bosq^ 

Nautitus  Dekayi  Morton. 
Terebratella  pectiniformia  Schloth. 
Ostrea  vesiculaiHs  var.  tninor  Bosq. 
Oslrea  larva  Goldf, 
Peclai  lœvis  Nilss. 
Crassatella  Bosqueltana  D'Orb. 
Denlalium  Mosœ  Bronn. 
Voluta  deperdita  Goldf, 
Hemipnetistes  striato-radiatus  Lesk. 
Hemiaster  pruneUa  Desor. 
Cassidvltts  lapis-cancri  Lesk. 
Trochosmilia  Faujasi  Edw,  et  Haim. 
AplosastrcBa  geminala  D'Orb. 
Stepkanocœnia  angulosa  D'Orb, 
Orhitoliles  macropora  Lamk. 
Slellocavea  Franqana  D'Orb, 

ainsi  que  plusieurs  espèces  de  bryozoaires. 

Par  son  caractère  pétrographique ,  le  silex  gris  du  ter- 
rain quaternaire  se  montre  identique  à  celui  qui  se  trouve 
encore  aujourd'hui  dans  le  tuffeau.  J'ai  observé  sur  le  pla- 
teau de  la  montagne  Saint  Pierre,  entre  la  ruine  de  Lichten- 
bei^  et  le  château  de  Castert,  sur  le  versant  qui  s'incline  vers 
la  Meuse,  une  plaque  de  silex  gris&tre  d'une  longueur  de 
prfa  (i-?  :)  1 


—  147  — 

« 

quaternaire  du  duché  de  Limbourg.  Le  silex  gris-blanchâtre 
ou  jaunâtre  (silex  corné)  qu'on  trouve  en  abondance  dans 
le  dépôt  quaternaire  du  Limbourg,  appartient,  comme  son 
caractère  paléontologique  le  prouve,  à  la  craie  blanche  ou 
étage  sénonien.  J'ai  publié,  en  1859,  le  résultat  de  mes 
observations  sur  le  gîte  primitif  de  ce  silex  dans  le  Lim- 
bourg et  la  Belgique ,  où  je  lai  trouvé  en  place  dans  plu- 
sieurs localités,  formant  toujours  la  partie  supérieure  de 
la  craie  marneuse  ou  de  la  craie  blanche.  Ces  silex,  aux 
formes  tuberculeuses  et  cylindriques,  à  la  texture  compacte, 
et  dont  la  cassure  est  droite  ou  imparfaitement  conchoïde, 
sont  ordinairement  de  couleur  pâle,  blanchâtre,  gris-jau- 
nâtre ou  gris-bleuâtre;  parfois  on  trouve  ces  différentes 
nuances  dans  la  même  couche  ;  fait  que  M.  Ignaz  Beissel  a 
constaté  aussi  pour  les  environs  d'Aix  la  Chapelle. 

On  trouve  une  quantité  considérable  de  ces  silex  dans  le 
dépôt  quaternaire  de  la  Meuse.  Quelques-uns  d'entre  eux 
sont  travaillés  par  la  main  de  l'homme. 

D'où  vient  donc  le  silex  corné  qui  se  trouve  en  si  grande 
quantité  dans  le  terrain  quaternaire  du  Limbourg? 

En  suivant  le  plateau  de  la  montagne  sur  la  rive  gauche 
de  la  Meuse,  dans  la  direction  sud,  on  arrive  à  Halembaye, 
à  2  1/2  lieues  de  Maestricht,  et,  un  peu  plus  loin,  à  Wonck. 
En  ces  deux  endroits,  la  partie  supérieure  du  plateau  est 
composée  d'une  couche  de  silex  corné  de  1  à  2  mètres 
d'épaisseur.  Ce  silex  présente  en  général  l'aspect  décrit 
plus  haut.  Comme  il  a  les  caractères  pétrographiques  du 
silex  du  terrain  quaternaire,  il  semble  permis  de  conclure, 
avec  une  grande  probabilité,  que  c'est  là  que  le  courant  qua- 
ternaire a  enlevé  ces  silex  blanchâtres  pour  les  déposer  à 
l'endroit  où  ils  se  trouvent  aujourd'hui. 

Selon  moi,  le  silex  corné  du  dépôt  quaternaire  du  Lim- 
bourg provient  donc  en  grande  partie  de  la  destruction  de 
la  partie  supérieure  des  dépôts  crétacés  du  plateau  qui  s'étend 
sur  la  rive  gauche  de  la  Meuse,  entre  Liège  et  Maestricht. 


-  148  - 


Reste  le  silex  pjromaque  noif'^risfttre ,  dont  Ift  structure 
est  compacte  et  la  cassure  conchoïde,  qui  se  brise  facilement 
en  fragments  à  bords  tranchants,  et  qui  a  servi  a  la  confec- 
tioa  des  outils  trouvés  sur  le  plateau.  Ce  silex  est  infiniment 
plus  rare  dans  le  terrain  qui  nous  occupe.  II  présente  une 
grande  analogie  avec  celui  de  la  craie  blanche,  qui  forme  la 
partie  inférieure  du  plateau  delà  montagne  Saint  Pierre, et  la 
partie  moyenne  et  supérieure  du  plateau  situé  près  de  Lanaye 
et  de  Halembaye.  On  peut  donc  admettre  que  le  silex  pyro- 
maque  gris  et  noir  provient  de  la  craie  blanche  et  principa- 
lement de  ces  deux  localités. 

J'ai  dit  que  c'est  sur  le  même  plateau  de  la  montagne 
Saint  Pierre,  dans  la  partie  supérieure  du  dépàt  quaternaire, 
que  l'on  découvre,  aux  environs  de  Maestricht,  les  premières 
traces  de  la  présence  de  l'homme.  Elles  consistent  dans  des 
silex  grossièrement  taillés.  J'ai  scrupuleusement  examiné, 
dans  nos  environs,  les  diverses  coupes  du  terrain  quaternaire; 
jamais  je  n'ai  trouvé  les  objets  travaillés  par  l'homme  que 
dans  la  partie  supérieure  du  limon,  à  la  surface  du  sol  et 
dans  la  partie  supérieure  des  tourbières. 

L'existence  de  l'homme  des  âges  de  la  pierre  ne  s'est  donc 
encore  révélée  sur  le  plateau  de  la  montagne  Saint  Pierre 
que  pour  une  époque  postérieure  au  dépôt  des  cailloux  rou- 
lés; et  je  puis  coaclure  que  ces  hommes  ont  cherché  le  silex 
dont  ils  avaient  besoin,  dans  la  partie  supérieure  du  gravier 
quaternaire,  sur  le  plateau. 


—  149  — 

ses  nuances,  le  grès,  la  serpentine,  le  psammite,  etc.  Il  en 
est  qui  sont  faits  de  cailloux  roulés  et  dont  la  partie  anté- 
rieure seule  est  polie,  aiguisée  et  tranchante.  On  en  trouve 
plusieurs  échantillons  dans  la  riche  collection  de  M.  Ch.  Guil- 
Ion,  de  Roermond. 

Comme  lieux  où  se  font  surtout  ces  trouvailles,  nous  cite- 
rons le  plateau  de  Berg,  près  Maestricht  ;  Nieuwstadt ,  près 
Sittard;  les  tourbières  de  Montfort,  entre  Roermond  et  Echt; 
Oirsbeek,  les  environs  de  Roermond,  Swalmen,  Renver, 
Herkenbosch  et  Maasniel. 

Ainsi  se  constatent ,  dans  les  environs  de  Maestricht  et 
dans  le  duché  de  Limbourg,  les  traces  de  peuplades  qui, 
si  Ton  en  juge  d'après  les  outils  arrivés  jusqu'à  nous,  étaient 
contemporaines  des  habitants  des  cités  lacustres  de  la  Suisse, 
et  nous  ne  serions  nullement  étonnés  si  quelque  jour  le 
hasard  faisait  découvrir,  dans  nos  environs,  des  traces  de  ces 
habitations  primitives. 

Les  objets  de  l'âge  de  bronze  présentent  aussi ,  dans  nos 
contrées,  une  grande  analogie  avec  ceux  qu'on  a  trouvés  dans 
les  stations  lacustres  de  la  Suisse.  Un  certain  nombre  d'entre 
eux  ont  été  découverts  par  des  ouvriers  qui  nettoyaient  les 
fossés  du  château  de  Pietersheim,  propriété  de  M.  le  comte 
de  Mérode  située  non  loin  de  Maestricht.  Les  autres  objets 
en  bronze  ont  été  découverts  dans  les  environs  de  Maestricht, 
à  Montfort,  et  dans  les  environs  de  Roermond  et  de  Venloo. 

Comparaison  entre  les  terrains  quaternaires  ^  du  Nord  de 

la  France,  de  la  vallée  de  la  Lesse  et  du  Danemark, 

par  M.  HÉBBKT. 

#* 

Les  terrains  quaternaires  du*-  Nord  de  la  ^France  -  sont 
formés  par  trois  catégories  de  dépôts.  Le  premftr  se  compose 
de  caiUoux  roulés,  de  gravier  et  de  sable,  provenant  des 
roches  que  la  vallée  a  traversées  ;  il  s'étend  dans  les  vallées 
et  sur  leurs  abords  ;  les  ossements  de  Mammouth  et  de  Rhi- 

10 


nocéros.  y  sont  fréquente;  ses  Bilex  taillés  sont  ceux  qu'on 
trouve  à  Â1)beTille  et  k  Saint  Âcheul.  Le  second  dépôt  est 
le  limon  calcarifëre.  Lié  au  précédent  par  des  couches  ai^lo- 
f^blonneuses  de  passage ,  il  est  constitué  en  haut  par  du 
limon  pur.  Il  contient  aussi,  outre  des  coquilles  terrestres 
et  lacustres,  des  ossements  de  Mammouth  et  de  Rhinocéros  et 
des  silex  taillés  semblables  aux  précédents.  D  s'élève  jusqu'à 
180  mètres  d'altitude.  Le  troisième  dépôt  est  une  argile 
rouge,  non  calcarifère,  carîtctérisée  par  des  fragments  angu- 
leux de  silex;  il  ne  renferme  ni  débris  oi^aniques,  ni  silex 
taillés,  mais  il  s'élève  plus  haut  encore  que  le  précédent;  il 
s'étend  sur  les  plateaux  bas  et  ravine  les  dépôts  quaternaires 
sous-jacents  ou  les  couches  tertiHÎres. 

Pour  plusieurs  géologues,  ces  trois  dépôts  ne  sont  que  des 
manifestations  diflférentes  d'un  grand  phénomène  âuvial. 
Ils  seraient  donc  dépendants  l'un  de  l'autre;  mais  je  suis  con- 
vaincu que  lep  maîtres  qui  ont  établi  leur  indépendance, 
avaient  raison  :  ces  trois  classes  de  dépôts  correspondent  aux 
trois  époques  successives  de  la  période  quaternaire. 

La  vallée  de  la  Lesse  renferme  la  même  succession  de  dé- 
pôts. D'abord  les  cailloux  roulés,  formés  de  quartzites  de  l'Ar- 
denne.  Le  sable  en  est  plus  argileux,  parce  qu'il  provient  de 
la  trituration  et  de  la  décomposition  de  schistes.  Puis  du 
limon  se  liant  aussi  au  dépôt  de  cailloux  roulés.  Il  est  plus 
argileux  que  celui  du  Nord  de  la  France;  il  contient  aussi  le 
Mammouth  et  le  Rhinocéros  ;  mais  ses  silex  taillés  sont  de 


—  151  — 

complète,  mais  il  7  a  une  grande  probabilité  en  faveur  de 
cette  opinion. 

Un  lien  très  précieux  s'établit  donc  entre  les  phénomènes 
erratiques  généraux  de  l'Europe  occidentale  et  ceux  que 
M.  Dupont  a  reconnus  dans  la  vallée  de  la  Lesse.  Ces  phéno- 
mènes s'y  sont  développés  partout  de  la  môme  manière. 

On  peut  aussi  reconnaître  de  Tanalogie  entre  ces  dépôts  et 
les  dépôts  quaternaires  du  Danemark,  où  Ton  observe  la  série 
suivante  : 

1*  Cailloux  roulés  avec  ossements  de  Mammouth  ; 

2*  Formation  erratique  avec  blocs  non  roulés  ; 

3*  Tourbières  anciennes,  semblables  à  celles  qui  existent 
sur  les  dépôts  quaternaires  dans  le  Nord  de  la  France  et  en 
Belgique. 

L'analogie  est  moins  définie  que  celle  que  j'ai  formulée  plus 
haut,  mais  il  m'a  paru  qu'il  était  bon  d'appeler  l'attention 
des  géologues  sur  ces  séries  parallèles  de  deux  régions  éloi- 
gnées l'une  de  l'autre. 

Sur  le  remplissage  des  cavernes  par  M.  Fbaas. 

M.  Hébert  a  basé  sur  la  stratigraphie  les  subdivisiops 
généralement  adoptées  pour  Tâge  de  la  pierre,  et  M.  Dupont, 
en  déterminant  l'âge  des  cavernes,  a  tenu  compte  de  leur 
élévation  au  dessus  de  l'étiage  actuel  de  la  rivière.  La  dis- 
cussion se  trouve  ainsi  placée  sur  le  terrain  de  la  géologie, 
et  la  question  de  l'ancienneté  de  Tàge  de  la  pierre  devient 
du  ressort  des  géologues. 

C'est  comme  géologue  que  je  prends  parole.  Je  ne  puis 
m'empêcher  d'émettre  des  doutes,  non  sur  l'exactitude  des 
observations  faites  dans  les  cavernes,  exactitude  que  hier 
nous  avons  pu  constater,  mais  sur  l'interprétation  essayée 
par  MM.  Hébert  et  Dupont,  qui  considèrent  le  gravier  et  le 
limon  de  ces  cavernes  comme  des  dépôts  formés  par  la  rivière 
de  la  vallée. 


A  mon  am,  les  cailloux  dont  se  compose  le  gravier  infé- 
rieur des  trous  Magrite  et  dii  Frontal,  n'ont  rien  de  commun 
avec  les  cailloux  roulés  par  la  Lesse.  Ainsi  qu'on  pourra  s'en 
convaincre  surleplateaudeFurfooz,  ils  sont  plutôt  identiques 
aux  cailloux  du  gravier  tertiaire,  qui  montre  dans  toute  la 
contrée,  un  développement  si  considérable.  Lorsqu'une  ouver- 
ture primitive  ou  des  fissures  du  terrain  ont  mis  la  caverne  en 
communication  avec  ce  gravier,  celui-ci  s'est  engagé  dans  les 
crevasses, etaes  caiUouxsout  allés  couvrirlefond  de  la  caverne. 

L'on  peut  assurer  avec  plus  de  certitude  encore  que  le 
limon  fin  et  manifestement  stratifié  qui  recouvre  les  cailloux, 
provient  de  la  décomposition  de  la  roche  dans  laquelle  la 
caverne  a  été  creusée.  Un  fragment  de  la  paroi,  détaché  à 
l'aide  d'un  coup  de  marteau,  suffit  pour  le  démoutrer.  A  l'in- 
térieur, on  y  voit  un  noyau  de  calcaire  intact  ;  plus  h  l'exté- 
rieur, la  roche  se  montre  corrodée  et  devient  friable  ;  euGn, 
à  la  superficie,  elle  s'est  transformée  en  une  poussière  com- 
plètement identique  à  celle  qui,  par  l'effet  sans  doute  de  la 
pluie  et  de  l'humidité,  s'est  déposée,  en  couche  feuilletée, 
sur  le  versant  de  la  caverne.  Je  ne  conteste  pas  que  la  dispo- 
sition régulièrp  de  ces  détritus  ne  puisse  éveiller  l'idée  d'un 
dépôt  par  les  eaux;  mais  quiconque  a  brisé  un  fragment  des- 
séché d'une  houe  formée  sous  la  seule  influence  de  la  pluie, 
a  pu  se  convaincre  que  cette  dernière  suffit  pour  donner 
naissance  à  la  disposition  feuilletée.  Il  devient  donc  superflu 
de  faire  appel  aux  eaux  de  la  Lesse  pour  expliquer  la  strati- 


—  153  — 

Les  trois  catégories  de  matériaux  qui  composent  le  sol  des 
cayernes,  ne  peuvent  donc  être  considérées  comme  représen- 
tant chacune  une  époque  distincte.  Ce  ne  sont  que  trois  ma- 
nières d'être  des  détritus,  et  la  décomposition  dont  ces  couches 
sont  le  produit,  n'a  pas  été  limitée  à  une  époque  géologique 
unique  et  déterminée. 

Pour  ces  motifs,  je  voudrais  voir  les  anthropologistes 
remettre  à  plus  tard  la  répartition  de  l'âge  de  la  pierre  en 
différentes  époques.  Les  raisons  que  les  honorahles  préopi- 
nants ont  fait  valoir  en  faveur  des  subdivisions  reçues,  sont 
elles-mêmes  encore  sujettes  à  discussion.  Évitons,  par  consé- 
quent, d'introduire  dès  aujourd'hui,  dans  la  doctrine  scien- 
tifique, un  fait,  possible  tout  au  plus,  mais  non  définitivement 
acquis. 

M.  Dupont.  L'explication  du  remplissage  de  nos  cavernes 
que  M.  Fraas  vient  de  nous  présenter,  s'applique  difficile- 
ment aux  faits  observés.  Il  reconnaît,  dans  ces  cavernes, 
€  trois  catégories  de  matériaux,  trois  dépôts,  dit-il,  qui  ne 
peuvent  être  considérés  comme  représentant  chacun  une 
époque  distincte.  Ce  ne  sont  que  trois  manières  d'être  des 
détritus,  et  la  décomposition  dont  ces  couches  sont  le  produit, 
n'a  pas  été  limitée  à  une  époque  géologique  unique  et  déter- 
minée. > 

Cette  conclusion  est  absolument  l'opposé  de  celle  [que  j'ai 
cru  devoir  tirer  de  mes  observations. 

Je  rappellerai  d'abord  qu'il  y  a,  dans  nos  cavernes,  quatre 
catégories  principales  de  dépôts  :  des  amas  d'argile  compacte, 
stratifiée  ou  non,  que  nous  avons  vus,  dans  les  cavernes  de  la 
Lesse,  inférieurs  à  tous  les  autres  dépôts;  puis,  dans  leur 
ordre  de  succession,  les  cailloux  roulés,  le  limon  stratifié 
et  l'argile  à  blocaux.  Les  caractères  des  trois  derniers  ter- 
rains ont  été  décrits  plus  haut  et  peuvent  être  résumés 
ainsi  : 

Ds  se  présentent  toujours  dans  le  même  ordre  stratigra- 

phique  ; 


■  164  - 


Ils  BODt  identiques,  par  leur  suj^rposition,  leur  composi- 
tion et  leur  structure,  aux  terrains  quaternaires  âe  l'exté- 
rieur; 

Les  dépôts  de  cailloux  roulés  et  de  limon  stratifié  ont  absolu- 
ment la  même  composition  et  la  même  structureque  les  dépôts 
de  cailloux  roulés  et  de  limon  que  la  Meuse  et  la  Lesse 
forment  aujourd'hui; 

Le  limon  stratifié  contient  seul  la  faune  de  V&gs  du  Mam- 
mouth; la  base  de  l'argile  à  blocaux  renferme  la  faune  de 
r&ge  du  Renne  ;  les  témoins  de  V&ge  de  la  pierre  polie  sont 
toujours  supérieurs  à  cette  argile  à  Mocaux. 

Ces  foits  sont  évidents  dans  toutes  les  cavernes  que  j'ai 
fouillées  jusqu'à  présent,  et  le  nombre  de  ces  cavernes  s'élève 
à  une  soixantaine.  Il  est  incontestable  qu'on  ne  peut  recher- 
cher les  causes  de  leur  remplissage,  sans  tenir  compte  de  ces 
données  fondamentales,  qui  paraissent  prouver ,  d'une  ma- 
nière  évidente,  l'existence  d'époques  successives  durant  les- 
quelles les  phénomènes  furent  très  caractérisés  et  spéciaux 
pour  chacune  d'elles. 

Voici  d'autres  points  sur  lesquels  il  m'est  difficile  d'être 
d'accord  avec  notre  savant  confrère  : 

1°  M.  Fraas  nous  dit  que  les  cailloux  roulés  du  trou  Ma- 
grite  et  du  trou  du  Frontal  ne  sont  pas  les  mêmes  que  ceux 
de  la  vallée  de  la  Lesse  ;  qu'ils  sont,  au  contraire,  identiques 
à  ceux  qui  recouvrent  les  abords  de  cette  vallée. .. 

Or,  les  uns  et  les  autres  ne  présentent  en  réalité  aucune 


—  155  — 

gies  avec  le  dépôt  des  cailloux  roulés  des  vallées  et  des 
cavernes,  fournissent,  semble-t-il,  des  raisons  concluantes 
pour  croire  qu'ils  ont  été  déposés  durant  la  même  époque. 

n  fait  ensuite  descendre  ces  cailloux  dans  les  cavernes 
«  par  une  ouverture  primitive  de  celles-ci  ou  par  des  fissures 
du  terrain » 

Comment  le  dépôt  aurait-il  pris  alors  la  structure  si 
caractéristique  des  dépôts  fluviaux  et  comment  ne  peut-on 
pas  le  suivre  vers  les  entonnoirs  auxquels  notre  confrère 
fait  appel?  Rappelons  que,  dans  les  cas  où  une  partie  du 
remplissage  d'une  caverne  s'est  faite  par  ces  entonnoirs, 
on  reconnaît  avec  facilité  le  terrain  ainsi  formé  :  il 
a  une  composition,  une  structure  et  une  disposition  à  ca- 
ractères très  tranchés  et  spéciaux.  (Voyez  page  128  et  plan- 
che 36.) 

2**  Le  limon  qui  surmonte  les  cailloux  roulés  de  ces  souter- 
rains, ne  serait  pas  plus  d'origine  fluviale  que  le  dépôt  de 
cailloux  roulés.  Il  représente  simplement,  déclare  le  savant 
explorateur  de  la  station  de  Schussenried  et  de  la  caverne 
d'Holefels,  le  produit  de  la  décomposition  lente  des  parois 
delà  caverne.... 

Dans  ce  cas,  le  limon  serait  constitué  surtout  par  du  cal- 
caire pulvérulent  ou  en  décomposition,  puisque  les  cavernes 
sont  creusées  dans  nos  grands  dépôts  de  calcaire  paléozoïque. 
n  est,  au  contraire,  avant  tout  argileux  et  sablonneux,  ce 
qui  ne  peut  naturellement  être  le  résultat  de  la  transformar 
tion  d'une  roche  calcaire  en  dépôts  d'argile  sablonneuse 
presque  pure. 

c  La  faible  épaisseur  des  zones  de  stratification  de  ce 
limon  protesterait  encore  contre  l'origine  fluviale  qui  lui  est 
assignée....  » 

La  principale  œuvre  classique  en  géologie  nous  apprend 
cependant  que  les  fleuves,  dans  leurs  crues,  forment  quel- 
quefois des  strates  plus  minces  encore;  sir  Charles  Lyell 
nous  dit  notamment  que  le  limon  du  Mississipi  n'est  pas 


—  156  — 


stratiâé,  tant  est  ÏDfime  la  couche  déposée  par  les  crues  an- 
nuelles. 

La  Meuse  et  la  Lesse  déposent  leur  limon  en  couches 
ayant  l'épaisseur  de  celles  du  limon  des  cavernes,  et  ces  deux 
limons  ne  présentent  de  différence,  ni  dans  leur  structure, 
ni  dans  leur  composition. 

Je  ne  puis  me  rendre  compte  du  mode  qu'eût  employé 
la  pluie  pour  pénétrer  dans  les  cavernes,  sinon  par  les  enton- 
noirs auxquels  il  a  déjà  été  fait  allusion,  —  et  ici  l'inter- 
vention de  ces  entonnoirs  n'est  pas  admissible,  —  ou  bien 
par  les  suintements  de  la  voûte,  et  ces  suintements  ne  pro- 
duisent pas  du  limon,  mais  de  la  stalagmite. 

3*  Reste  l'explication  de  l'argile  à  blocaux, 

La  destruction  et  la  décomposition  des  parois  de  la  caverne 
en  fournissent  aussi  les  éléments.  Comme  le  mode  de  forma- 
tion de  ce  terrain  est  encore  très  problématique,  tonte  intei^ 
prétation  qui  le  concerne  peut  être  acceptée,  pourvu  que  cette 
interprétation  ne  soit  pas  contraire  aux  faits  fondamentaux 
mentionnés  ci-dessus. 

Pour  conclure,  l'interprétation  du  remplissage  descavemes 
par  l'accumulation  de  résidus  des  roches  formant  les  parois 
de  la  caverne  on  par  l'entrée  des  temdns  meubles  qui  recou- 
vrent les  escarpements,  n'est  applicable  qu'à  des  cas  particu- 
liers et  d'importance  très  secondaire.  Mais  elle  ne  peut  ren- 
dre compte  du  mode  de  formation  et  du  mode  d'introduction 
des  principaux  dépàts  qui  sont  souvent  si  riches  eu  osse- 


—  157  — 

M.  D*OicAiJUs  d*Hallot.  L'explication  des' phénomènes 
qui  ont  déterminé  la  fbnnation  de  notre  globe,  laisse  encore 
beaucoup  de  place  à  l'imagination  ;  aussi  est-il  rare  de  trou- 
ver deux  géol<^xies  qui  soient  complètement  d'accord  sur 
ces  questions.  Les  deux  savants  confrères  qui  viennent  de 
se  rasseoir,  ne  trouveront  donc  pas  mauvais  que  je  ne  par- 
tage pas  toutes  lés  opinions  qu'ils  ^ont  émises.  C^est  toutefois 
une  chose  à  remarquer  que  la  période  de  Thistoire  de  la  terre 
qui  est  la  plus  proche  de  nous,  soit  précisément  celle  sur  la- 
quelle les  opinions  sont  les  plus  divergentes. 

n  y  a  eu,  pendant  cette  période,  que  nous  appelons  qua- 
ternaire,  de  violents  mouvements  d'eaux,  qui  ont  déposé  des 
cailloux  roulés  et  des  limons  sur  des  sols  aujourd'hui  émer- 
gés. Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  ici  des  causes  qui  ont 
produit  ces  grands  mouvements  des  eaux  ;  mais,  comme  on 
a  émis  l'opinion  que  ces  eaux  ont  creusé  les  vallées  que  nous 
avons  visitées  hier,  je  me  permets  de  faire  quelques  observa- 
tions à  ce  sujet. 

Je  suis  loin  de  contester  que  les  eaux  aient  pu  creuser 
des  vallées  dans  des  roches  peu  cohérentes  ;  mais  je  ne  puis 
admettre  cette  origine  pour  les  parties  des  vallées  de  la 
Lesse  et  de  la  Meuse  où  nous  voyons  des  rochers  perpendi- 
culaires, conservant  des  arêtes  encore  très  vives,  et  d'autres 
qui  résistent,  sans  être  entamés,  aux  attaques  continuelles 
des  eaux.  Je  pense,  en  consé:juence,  que  ces  vallées  sont  le 
résultat  de  grandes  fentes,  par  lesquelles  les  eaux  se  sont 
écoulées  en  modifiant  les  parties  où  elles  rencontraient  des 
roches  meubles  ou  peu  cohérentes.  Cette  idée  de  fentes  ne 
doit  pas  vous  paraître  trop  hasardée,  lorsque  l'on  se  rappelle 
que  cette  Meuse  que  vous  avez  traversée  hier,  prend  sa 
source  en  Lorraine,  à  l'altitude  de  375  mètres,  et  que,  si  elle 
n'avait  pas  trouvé  une  fente  dans  le  plateau  entre  Mézières 
et  Givet,  haut  de  plus  de  500  iiètres,  elle  se  serait  dirigée 
vers  le  bassin  de  la  Seine,  dont  elle  n'est  séparée  que  par  une 
arête  de  moins  de  400  mètres. 


"D'an  autre  cAté,  les  couches  verticales  que  tous  avez  tra- 
versées à  la  Boche  &  Bayard  et  que  tous  avez  roTues  diffé- 
rentes foie  le  long  de  la  Lesse,  vous  ont  mis  k  môme  d'appré- 
cier les  houleversemeute  et  les  dislocations  qu'ont  éprouvés 
nos  terrains  primaires.  Ce  n'est  pas  toutefois  que  je  veuille 
rapporter  les  fentes  que  représentent  nos  Tallées,  à  l'époque 
où  nos  terrains  primaires  ont  été  disloqués.  Celle-ci  est  beau- 
coup plus  ancienne  et  antérieure  à  la  formation  des  premiers 
terrains  secondaires  qui  reposent,  ainsi  que  les  terrains  ter- 
tiaires, en  stratiScation  horizontale  sur  nos  terrains  primaires 
et  remplissent  les  dépressions  qu'ils  présentaient.  On  serait 
tent^  de  dire  que  les  mouvements  souterrains  qui,  chez  nous, 
ont  si  complètement  bouleversé  le  sol,  ne  pouvaient  plus  faire 
que  de  longues  fentes  pendant  la  période  tertiaire,  et  ne  font 
plus  maintenant  que  les  petites  fentes  qui  résultent  quelque- 
fois de  nos  tremblements  de  terre  actuels  et  de  nos  éruptions 
volcaniques. 

Les  formes  affectées  par  les  cavernes  que  tous  avez  vues, 
ont  dû  TOUS  convaincre  qu'elles  ne  peuvent  aToir  été  creusées 
par  l'action  des  eaux  superficielles,  mais  qu'elles  doirent  pro- 
bablement leur  origine  à  des  éjaculations  d'eaux  intérieures, 
qui  devaient  être  assez  acidulées  pour  dissoudre  du  calcaire. 
Vous  avez  pu  remarquer,  en  effet,  que  toutes  ces  cavernes 
sont  dans  le  calcaire,  et  qu'il  n'y  en  a  pas  dans  les  massifs  de 
psammites  que  vous  avez  pu  trouTer  à  côté  des  massifs  de 
calcaire,  et  sur  lesquels  l'acide  carbonique  ne  peut  exercer 


—  159  — 

avant  que  M.  Dupont  m'eût  fait  voir  des  stratifications  régu- 
lières. 

n  est  probable  que,  à  l'époque  où  les  eaux  quaternaires  ont 
déposé  sur  nos  plaines  des  cailloux  roulés  et  des  limons,  nos 
contrées  avaient  quelque  ressemblance  avec  l'état  actuel 
du  Canada,  où  il  existe  d'immenses  lacs  et  de  puissants  fleuves 
qui  coulent  presque  au  niveau  des  plaines.  De  sorte  que  nos 
vallées  devaient  être  aussi,  à  cette  époque,  les  lits  de  puis- 
sants fleuves  presque  aussi  élevés  que  les  plaines  supérieures 
et  dont  le  niveau,  en  s'abaissant,  a  permis  aux  troglodytes 
de  venir  habiter  les  cavernes.  Mais  comme  il  devait  y  avoir 
alors,  comme  à  présent,  des  moments  où  les  eaux  s'élevaient, 
il  a  pu  se  former  de  nouveaux  dépôts  dans  des  cavernes  qui 
avaient  déjà  été  habitées,  ce  qui  explique  les  stratifications 
découvertes  par  M.  Dupont,  et  que  depuis  lors  on  a  retrouvées 
dans  d'autres  pays  ^ 

^  En  remettant  au  Secrétariat  le  texte  de  cette  communication,  qu'il  ve- 
nait de  réviser,  M.  d*Omalius  engagea  M.  Dupont  à  indiquer,  dans  une 
note,  les  différences  qui  pourraient  encore  exister  dans  leur  manière  de 
voir,  relativement  aux  phénomènes  quaternaires.  Celui-ci  s*est  empressé 
de  86  rendre  à  une  invitation  aussi  bienveillante.  Ses  recherches,  dans  la 
province  de  Namur,  ne  lui  laissent  pas  de  doute  que  les  vallées  y  ont  été 
creusées  par  des  eaux  fluviales  à  Fépoque  quaternaire.  La  fracture  dont 
M.  d*Omalius  a  le  premier  prouvé  Texistence,  a  seulement  dirigé  le  cou- 
rant de  ces  eaux.  Il  admet  sans  restriction  la  comparaison  établie  par 
M.  d'Omalius  entre  les  fleuves  qui  déposèrent  les  cailloux  roulés  et  le  limon 
des  plateaux,  et  la  partie  du  Niagara  qui  s*étend  en  amont  des  chutes. 
Mais  il  pense  qu'il  y  aurait  peut-être  lieu  de  compléter  leparaUèle,  en  con- 
sidérant les  vaUées  de  la  province  de  Namur  comme  creusées  par  l'action 
de  cataractes,  de  la  même  manière  que  la  vallée  du  Niagara  s'est  formée 
entre  les  chutes  et  Queenstown.  Cette  comparaison  rendrait  compte  d'une 
série  importante  de  phénomènes  géologiques  de  nos  vallées  namuroises, 
et  les  opinions  seraient  aussi  conformes  que  le  permettent  les  observa- 
tions recueillies  Jusqu'à  ce  Jour.  Les  études  comparatives  ne  sont  au  sur- 
plus pas  assez  complètes  pour  que  M.  Dupont  croie  pouvoir  se  prononcer 
déânitivement  sur  cette  interprétation  ;  mais  il  lui  parait  que  la  ligne  à 
suivre  ultérieurement  serait  l'étude  des  grandes  vallées  encore  en  voie  de 
formation,  telles  que  celle  du  Niagara  et  surtout  celle  du  Rhin  à  Schaffhau- 
sen.  Des  observations  analytiques,  faites  dans  ce  but,  nous  mettraient  sans 
doute  en  mesure  de  nous  prononcer  avec  certitude. 


~  160  — 


M.  Capbllini.  Je  désire  ajouter  quelques  mots  à  ce  qui 
vient  d'être  dit.afin  de  chercheràmettre  d'accord  MM.  d'Oma- 
lius,  Dupont  et  Hébert. 

A  propos  de  l'origine  des  cavernes,  notre  maître,  M.  d'Oma- 
lius,  a  dit  que,  sur  ce  point,  il  n'y  avait  pas  deux  géologues 
qui  fussent  de  la  même  opinion.  A  mon  avis,  la  raison  en 
est  simple.  Quand  un  géologue  a  étudié  une  localité  quel- 
conque, il  prétend  que  toutes  les  parties  du  globe  doivent 
être  exactement  semblables  &  celle  qu'il  a  explorée.  Or,  les 
cavernes  doivent  leur  origine  à  des  causes  différentes  selon 
les  époques  et  selon  les  localités. 

Les  unes  proviennent  simplement  du  mouvement  des  cou- 
ches; d'autres  sont  dues  h  une  érosion  produite  par  l'infil- 
tration des  eaux  pluviales;  enfin  il  en  est  qui  ont  pris  nais- 
sance par  l'effet  combiné  de  ces  deux  phénomènes. 

C'est  à  chacune  de  ces  causes,  prises  isolément,  que  les 
différents  géologues  ont  successivement  attribué  l'origine 
de  teut«s  les  cavernes  en  général.  Il  importe,  au  contraire,' 
d'examiner,  pour  chaque  cas  spécial,  à  quel  degré  chacune 
des  causes  probables  peut  être  intervenue. 

Belativement  à  la  vallée  de  la  Lesse,  je  pense,  avec 
MM.  d'Omalius  et  Hébert,  qu'elle  s'est  ouverte  antérieure- 
ment à  l'époque  quaternaire.  Cette  opinion  me  sépare  de 
M.  Dupont  ;  mais  je  me  trouve  d'accord  avec  lui  dans  la  ques- 
tion du  remplissage  des  cavernes.  Comme  lui,  je  pense  que 
les  cailloux  des  cavernes  ont  été  déposés  par  la  Lesse,  &  une 


—  161  — 

Entre  ces  dépôts  glaciaires  et  la  tourbe,  on  rencontre  une 
couche  argilo-sablonneuse,  de  deux  à  cinq  pieds  d'épaisseur 
et  dont  les  éléments  dérivent  du  terrain  erratique.  Ses  cail- 
loux, toujours  anguleux,  dénoteraient  qu'elle  n'est  pas  d'ori- 
gine fluviale.  Elle  renferme,  d'après  les  récentes  recherches 
de  MM.  Steenstrup  etNathorst,  les  restes  d'une  végétation 
principalement  composée  de  Salix  herbacea^  Salix  polaris^ 
Salix  reticulata,  Betula  nana,  Dryas  octopetala.  Cette  flore 
caractérise,  à  notre  époque,  les  régions  arctiques  qui  précè- 
dent immédiatement  la  zone  glaciale.  Elle  croît  en  Laponie 
au  niveau  de  la  mer.  Il  en  résulte  que  le  climat  du  Dane- 
mark a  dû  subir  des  modifications  considérables,  puisque 
ce  pays  s'élève  peu  au  dessus  de  la  mer.  Ce  serait  de  cette 
même  couche  que  proviendraient  les  ossements  de  Renne 
découverts  en  Danemark.  On  y  a  aussi  recueilli  des  osse- 
ments d'élans,  mais  ceux-ci  ne  lui  soiit  pas  exclusifs  :  il 
s'en  trouve  également  dant  la  tourbe.  M.  Steenstrup  y  a, 
en  outre,  reconnu  l'existence  de  silex  taillés  qui,  jusqu'à  pré- 
sent, semblaient  caractériser  seulement  une  époque  posté- 
rieure. 

Les  tourbières  danoises  ont  été  réparties  en  trois  classes, 
d'après  la  composition  de  la  tourbe  : 

Les  Skovmoser  (Marais  à  forêts), 

Les  Kjœrmoser  (Marais  à  prairies), 

Les  Lyngmoser  (Marais  à  bruyères  ou  à  mousses). 

Les  skovmoser  présentent  une  stratification  très  distincte, 
ce  qui  permet  d'établir  rigoureusement  une  succession  dans 
la  formation  de  ces  tourbières.  On  peut  ainsi  déterminer 
l'ordre  d'après  lequel  les  essences  forestières  se  sont  déve- 
loppées en  Danemark,  et,  comme  ses  marais  renferment  des 
ossements  d'animaux,  il  y  a  lieu  d'espérer  qu'on  fixera  exac- 
tement les  relations  d'époques  entre  les  diverses  espèces  de 
la  faune,  et  l'évolution  de  la  végétation  pendant  la  formation 
des  skovmoser.  Les  bords  des  bassins  offrent  à  cet  égard  des 


données  plus  précises.  Voici  l'ordre  dans  lequel  apparaissent 
les  essences  qu'on  y  rencontre  : 

Tremble  (Populus  tremulaj. 
Pin  (Pinus  sylveslris), 
Chfine  (Querciis  sesxiliflora). 
Aune  (Ahuis  ghitinosa), 
Hfttre  (Fagus  sylvaiica}. 

Le  hêtre  forme  aujourd'hui,  comme  on  sait,  le  fond  de  la 
végétation  arborescente  du  Danemark . 

Sur  une  date  préhistorique,  par  M.  Oppkbt. 

Des  faits,  puisés  dans  le  calendrier  des  Égyptiens  et  des 
Chaldéens,  tendent  h  faire  remontrer  la  civilisation  orientale 
à  une  époque  reculée. 

1"  Les  Egyptiens  avaient  une  année  vague  de  365  jours, 
et,  pour  compenser  la  perte  d'un  quart  de  jour  environ  qui 
faisait  avancer  le  commencement  de  leur  année,  comptée 
par  le  livre  héliaque  du  Sirius  ou  Sotliis,  ils  établirent 
une  période  de  1460  années  (4  X  365),  pendant  laquelle  le 
commencement  de  l'année  fait  le  tour  des  saisons.  Cette 
période,  nommée  salkiaqve.  —  selon  un  célèbre  passage 
de  Censorin  {De  die  notait)  —  finit  le  20  juillet  139 
après  J.-C. 

2°  Les  Chaldéens  avaient  une  période  lunaire  de  22335 
I  1805uinu'vs  iiillnmcs.  mniiis.',  1/3  i..urs ClgOr> 


—  163  — 

deux  rois,  et  34080  pour  84  autres)a  Or,  ce  laps  de  temps  se 
décompose  ainsi  : 

12  périodes  égyptiennes  sothiaques  à  1460  =  17520 
12  périodes  lunaires  chaldéennes  à  1805  «=  21660 

39180 

4*  En  faisant  maintenant  le  calcul  en  remontant,  on  arrive 
à  une  même  année. 

Cycle  sothlaque.  Cycle  lunaire. 

139ap.  J.C.  Retranchez  de  1460  712  av.  J.  C.  Ajoutez  1805 
1322  av.  J.  C.  Ajoutez  1460   2517    —     —   — 
2782    —     —   —   4322   —     —   — 
4242    —     —    —   6127    —     —   — 
5702    __     _    __    7932    —     —   — 

7162  —  —  —   9737    —     —    — 

8622  —  —  —      11542        — 

10082  —  —  — 

11542  -  —  — 

Les  deux  cycles  se  rencontrent  donc  en  Tan  11542  avant 
l'ère  chrétienne  et  ont  dû,  par  conséquent,  avoir  pour  origine 
commune  un  phénomène  astronomique,  tel  que  celui  d'une 
éclipse  importante.  Cette  éclipse  a  pu  avoir  lieu  le  27  avril 
julien ,  29  janvier  grégorien.  Mais,  à  cette  époque,  Sirius 
n'est  pas  visible  au  lever  du  soleil  en  Egypte,  et  il  est  com- 
plètement invisible  à  l'horizon  de  la  Chaldée.  Il  faut  admettre 
que  dans  une  ville  méridionale,  telle  que  Thèbes,  Sirius  ait 
été  aperçu  grâce  à  l'obscuration  produite  par  une  éclipse  du 
soleil. 

C'est  de  cette  époque  que  les  Égyptiens  et  les  Chaldéens 
ont  compté  leurs  périodes,  et,  par  des  raisons  mythologiques, 
je  crois  que  c'est  l'Egypte  qui  apporta  la  civilisation  à  la 
Chaldée.  Les  Chaldéens,  mus  par  des  sentiments  de  vanité 
nationale,  avaient  soin  de  faire  remonter  leur  civilisation  à 
une  époque  plus  reculée  encore. 

Il  a  donc  existé  une  civilisation  ancienne  qui  a  permis 


de  conserver  la  mémoire,  non  pas  d'une  observation  astrono- 
mique, mais  de  l'apparition  pure  et  simple  d'un  phénomène 

céleste. 


iir 


L'HOMME  A  L'ËPÛQUE  QUATERNAIRE, 


Note  sur  l'homme  fossile  des  cavernes  de  Baoussé  Roussi,  en 
Italie,  dites  Grottes  de  Menton,  par  M.  E.  Rivière. 


Les  cavernes  de  Baoussé  Rousse  dont  j'ai  déjà  eu  l'hon- 
neur d'entretenir  le  Congrès  l'an  dernier,  à  Bologne,  ont  été 
de  nouveau  explorées  par  moi,  depuis  cette  époque,  en  vertu 
d'une  mission  qui  me  fut  conBée  à  cet  effet  par  le  Gouver- 
nement français. 

Ces  grottes,  situées  au  bord  de  la  mer,  dans  la  province 
de  Port-Maurice,  commune  de  Ventimiglia,  en  Italie,  à 
quelques  centaines  de  mètres  de  la  frontière  française,  sont 
des  failles  naturelles  de  la  montagne  connue  sous  le  nom  de 
Montagne  des  Rochers  ronges.  Elles  sont  creusées  dans  le 
calcaire  compacte  que  MM.  Ëlie  de  Beaumont  et  Dufrénoy 
rapportent  au  crétacé  inférieur.  J'y  avais  recueilli  un  grand 
nombre  d'objets,  tels  que  des  instruments  en  silex  et  en  os , 
riin;^  i:^t  lorrr'slrcs,  di's  osseiiu'uts.  des  rurne>. 


—  165  — 

Jusqu'alors  aucun  ossement  d'homme  n'avait  été  trouvé  dans 
les  grottes  de  Menton. 

La  caverne  du  Cavillon,  ou  quatrième  caverne,  ne  présente 
ni  stalagmites,  ni  stalactites.  Son  niveau  avait  déjà  subi 
quelques  modifications  par  suite  de  fouilles  antérieures  aux 
miennes,  parmi  lesquelles  je  citerai  principalement  celles  de 
M.  F.  Forel  (de  Morges,  en  Suisse).  Elle  mesure  9  mètres  de 
largeur  à  l'entrée,  IS^QO  de  profondeur,  et  15  à  16  mètres 
de  hauteur.  Le  sol  en  est  formé  par  un  mélange  de  parcelles 
de  charbon,  de  cendres  et  de  terre  demi-compacte,  humide, 
et  noirâtre,  seulement  sur  les  parties  latérales  et  dans  le  fond, 
qui  constituent  un  véritable  foyer.  Au  milieu  de  ce  foyer,  on 
trouve  les  débris  osseux  et  autres,  cités  plus  haut  ;  à  l'entrée, 
des  pierres  éboulées;  plus  loin,  quelques  blocs  détachés  de  la 
voûte  ou  des  parois  le  long  desquelles  ils  ont  glissé,  gisent 
à  des  profondeurs  variables. 

Le  squelette  humain,  sujet  de  cette  étude  (PI.  6) ,  était  couché 
sur  le  côté  gauche,  dans  le  sens  longitudinal  de  la  caverne, 
à  7  mètres  environ  de  l'entrée  et  près  de  la  paroi  latérale 
droite.  Son  attitude  était  celle  du  repos,  celle  d'un  homme 
que  la  mort  aurait  surpris  pendant  le  sommeil.  Au  devant 
de  la  bouche  et  des  fosses  nasales,  à  0"*06  environ  de  ces 
ouvertures,  était  creusé  un  sillon  long  de  0"*18,  large  de 
0"'04  et  profond  de  0"035.  Ce  sillon  était  rempli  par  une 
matière'  d'un  gris  brillant,  qui  n'était  autre  que  du  fer  oli- 
giste  en  poudre,  fer  que  je  n'ai  jamais  trouvé  ailleurs  qu'à 
la  surface  des  os  du  squelette,  auxquels  il  a*  donné,  en 
s'hydratant,  une  coloration  rouge  très  marquée. 

La  tête,  un  peu  plus  élevée  que  le  reste  du  corps  et  légè- 
rement inclinée,  regardait  le  fond  de  la  caverne  ;  elle 
reposait  sur  le  sol  par  la  partie  latérale  gauche  du  crâne  et 
de  la  face  ;  le  maxillaire  inférieur  était  appuyé  sur  les  der- 
nières phalanges  de  la  main  gauche,  ainsi  que  l'indique 
la  planche  photographique  tirée  dans  la  caverne  même. 
La  base  du  crâne,  ainsi  que  la  région  postérieure  du  tronc 

II 


jusqu'au  baaain,  était  appuyée  contre  quelques  pierres  plus 
ou  moins  Tolumineuses,  oon  taillées,  de  formes  irréguliëres  et 
paraissant  avoir  servi  de  poÎDt  d'appui  au  corps,  pendant  le 
sommeil. 

Le  squelette  —  quoi  qu'il  ait  été  dit  —  est  à  peu  près  com- 
plet et  en  très  bon  état.  Sa  conservation  est  désormais  assurée 
par  le  procédé  de  consolidation  dont  s'est  servi  à  cet  effet 
l'habile  mouleur  du  Muséum  d'Histoire  naturelle  de  Paris, 
M.  Stahl.  Il  ne  lui  manque,  en  effet,  que  quelques  uns  des 
ossements  des  pieds,  ainsi  que  l'extrémité  inférieure  du  tibia 
gauche  et  l'estrémité  postérieure  du  calcanéum  du  même 
cûté,  lesquelles  ont  été  brisées  par  le  coup  de  pioche  qui  a 
révélé  la  présence  de  l'homme. 

La  mensuration  aussi  exacte  que  possible  des  pièces  les 
plus  importantes  du  squelette  m'a  donné  les  résultats  sui- 
vants : 

Oaunwpts.  Longueur. 

Humérus 0.342 

Cubitus 0.283 

Radius 0.263 

Clavicule 0.158 

Fémur ;     .  0.464 

Tibia 0.412 

Péroné  (à  peu  près  entier) 0.390 

Calcanéum.     ..    .     ■ 0.089 

Calcanéum  et  astragale  réunis   ....  0.162 

Tarse 0.138 

1«r  Métatarsien 0.0 


—  167  — 

(crâne  n*  1)  trouvé  à  Cro  Ma^non,  en  1868,  est  allongé, 
très  dolichocéphale,  bombé  au  sommet,  moins  volumineux 
que  celui-ci ,  et  moins  large  aussi  à  la  région  postérieure  ou 
occipitale  ;  le  front  est  également  un  peu  plus  étroit  ;  les 
tempes  sont  aplaties.  Parmi  les  sutures  du  crâne,  toutes  sou- 
dées, la  suture  sagittale,  le  commencement  de  la  suture 
lambdoïde,  et  la  suture  temporo-pariétale  sont  seules  appa- 
rentes. La  suture  fronto-pariétaJe  est  cachée  par  la  croûte 
ferrugineuse  épaisse  qui  recouvre  la  surface  du  crâne.  Le 
trou  pariétal  est  très  apparente  L'orbite  est  extrêmement 
remarquable  par  sa  forme  allongée,  et  présente  une  ressem- 
blance frappante  avec  lorbite  du  vieillard  de  Cro  Magnon  ; 
son  diamètre  transverse,  très  étendu,  est  de  O^OéS,  son  dia- 
mètre vertical,  très  réduit,  est  de  0™027,  ce  qui  donne  un 
indice  orbitaire  de  62,79.  Le  bord  orbitaire  supérieur  est 
mince  et  tranchant,  moins  cependant  que  sur  le  crâne  n"*  1  de 
Cro  Magnon  ;  de  même,  le  bord  orbitaire  inférieur  est  moins 
épais  que  sur  ce  dernier.  Le  trou  sus-orbitaire  est  relative- 
ment assez  large,  le  trou  sous-orbitaire  étroit.  La  fosse  canine 
des  maxillaires  supérieurs  est  très  peu  profonde  ;  la  face  ne 
présente  aucun  prognathisme.  La  branche  montante  du 
maxillaire  inférieur  est  très  peu  inclinée  ;  le  condyle  paraît 
assez  épais  ;  l'apophyse  coronoïde  est  &  peine  saillante  ; 
l'échancrure  sigmoïde,  large  et  peu  profonde  ;  l'angle  de  la 
mâchoire,  arrondi. 

Toutes  les  dents  que  la  position  de  la  tête  permet  de  voir, 
c'est  à  dire  celles  du  maxillaire  supérieur  droit  et  celles  de  la 
moitié  droite  du  maxillaire  inférieur,  existent,  et  sans  aucune 
carie.  Elles  sont  très  remarquables  :  leur  surface  triturante 
ne  présente  ni  saillies,  ni  tubercules,  mais  est  complètement 
rasée,  parfaitement  plane,  sans  aucune  obliquité  pas  plus 
sur  les  incisives  et  les  canines,  que  sur  les  molaires  ;  pas 
plus  sur  les  supérieures  que  sur  les  inférieures.  Cette  usure 

^  Toutes  ces  indications  se  rapportent  plus  spécialement  à  la  moitié 
latérale  droite  du  crâne  et  de  la  face. 


.  168  - 


est-elle  l'indice  d'un  &ge  avaocé?  L'aspect  des  sutures  du  crftne, 
bien  qu'elles  soient  soudées,  semble  s'y  opposer.  Est-elle  un 
caractère  de  race?  ou  bien  est-elle  le  résultat  d'une  alimen- 
tation plus  végétale  qu'animale?  La  quantité  énorme  d'osse- 
ments d'animaux,  trouvés  dans  la  caverne  et  brisés  de  main 
d'homme,  ossements  qui  ne  sont  pour  la  plupart,  ainsi  que 
je  l'ai  déjà  dit,  que  des  débris  de  cuisine,  paraissent  devoir 
faire  repousser  cette  idée. 

lie  cr&ne  était  orné  d'une  parure  formée  par  un  très  grand 
nombredecoquiUesméditerranéennes,  perforées  par  l'homme, 
(j'en  ai  recueilli  plus  de  deux  cents,  c'étaient  des  Nassa  ou 
Cyclonassa  nerilea),  et  par  une  vingtaine  de  dents  canines  de 
cerf,  également  perforées  de  main  d'homme  ;  ces  dernières  se 
trouvaient  principalement  appliquées  contre  la  région  tempo- 
rale droite .  Cette  parure  devait  coiffer  la  tète  à  la  manière  d' une 
véritable  résille.  De  plus,  un  instrument  ou  arme  en  bs,  long 
de  0°173,  était  placé  sur  le  cr&ne  en  travers  du  front  ;  taillé 
dans  un  radius  de  cerf,  il  présente  la  forme  d'un  poignard 
se  terminant  par  une  pointe  très  bien  conservée.  En  arrière 
du  crâne  et  contre  l'occipital  étaient  placées  deux  lames 
triangulaires  en  silex,  toutes  deux  brisées  à  la  base,  mais  à 
pointe  &  peu  près  intacte  et  à  bords  accidentellement  den- 
telés. La  plus  grande  mesurait  O^OQS  de  longueur,  l'autre, 
COSS.  Ces  lames  et  le  poignard  décrits  ci-dessus  devaient, 
par  la  position  qu'ils  occupaient  sur  la  tête,  compléter  la  .pa- 
rure du  cr&ne. 


—  169  — 

la  main  droite  retombe  sur  Tavant-bras  gauche,  tandis  que 
la  main  gauche  semble  encore  soutenir  la  tête. 

Le  thorax  est  complètement  écrasé  et  les  côtes  plus  ou 
moins  brisées,  en  raison  de  la  compression  due  à  la  hauteur 
des  foyers  qui  recouvraient  le  squelette.  L'appendice  xyphoïde 
du  sternum  a  disparu. 

Les  vertèbres  cervicales  sont  parfaitement  conservées  et 
dans  leur  position  normale  ;  les  vertèbres  dorsales  sont  mas- 
quées par  les  côtes  ;  les  lombaires  sont  plus  ou  moins  écrasées. 
A  la  région  lombaire  est  encore  adhérente  une  astragale  de 
cerf.  Le  sacrum  est  entier  ;  ses  surfaces  articulaires  ne  sont 
plus  en  rapport  immédiat  avec  les  surfaces  correspondantes 
des  os  iliaques,  mais  en  sont  légèrement  éloignées. 

Les  os  iliaques,  très  friables,  ont  un  peu  souffert  et  présen- 
tent quelques  fractures,  surtout  au  niveau  du  pubis. 

Les  membres  inférieurs,  à  demi  fléchis,  s'entrecroisent 
légèrement  et  reposent  l'un  sur  l'autre.  Les  fémurs  sont  bien 
conservés  ;  ils  sont  longs  et  forts  et  présentent  une  courbure 
de  torsion  assez  marquée,  tandis  que  la  courbure  antéro- 
postérieure  est  à  peu  près  normale.  Le  col  est  court  ;  sa  briè- 
veté a  fait  croire  à  un  écrasement.  Les  trochanters  ont  un 
volume  ordinaire.  La  ligne  âpre  est  très  accentuée;  sa  lèvre 
externe  surtout  est  saillante.  Les  condyles  sont  forts  et  leur 
épaisseur  est  de  0"*084. 

Les  rotules  sont  bien  développées  et  fortes. 

Les  tibias  sont  massifs^  et  leurs  extrémités  inférieures 
et  supérieures  sont  surtout  développées.  Leur  face  externe 
est  assez  fortement  incurvée  et  creusée  plus  profondément 
qu'on  ne  le  remarque  ordinairement.  Sa  profondeur  étant 
en  raison  directe  du  volume  du  muscle  jambier  antérieur, 
auquel  elle  donne  attache  dans  toute  son  étendue,  ce  muscle 
devait  être  très  puissant.  Les  péronés  sont  également  volu- 
mineux; la  malléole  externe  est  plus  massive,  plus  arrondie 

'  Ils  présentent  la  forme  en  lame  de  sabre  des  tibias  de  Cro-Magnon. 


■  170  - 


et  moins  triangulaire  qu'elle  ne  l'est  d'habitude.  Lkr  os  des 
extrémités  inférieures  étaient  donc  certainement  attachés 
à  des  muscles  très  forts  et  en  rapport  avec  les  exercices  de 
marche  imposés  aux  peuplades  dont  faisait  partie  l'homme 
fossile  des  Baoussé  Eouasé. 

Au  dessous  de  l'extrémité  supérieure  du  tibia  et  du  péroné 
gauches,  c'est  à  dire,  sur  le  devant,  au  niveau  du  jarret,  j'ai 
recueilli  41  coquilles  perforées  de  main  d'homme;  ces 
coquilles,  les  mêmes  Ndssa  ou  Cydortassa  nerilea  qui  furent 
trouvées  sur  la  tëte,  devaient  former  un  bracelet  de  la  jambe, 
ou  jambelet. 

Le  pied  est  grand,  fort  et  très  développé.  Le  talon  est  haut 
(la  hauteur  la  plus  grande  du  calcanéum  est  de  0~045)  ;  sa 
face  postérieure  est  presque  droite,  verticale  et  présente  à  la 
partie  moyenne  comme  un  bourrelet,  formé  par  des  rugo- 
sités très  marquées  d'insertions  musculaires. 

En  résumé,  l'homme  des  cavernes  de  Menton  devait  être 
d'une  grande  taille,  taille  dont  je  crois  pouvoir  fixer  le 
minimum  à  bien  près  d'un  mètre  et  quatre-vingt-dix  centi- 
mètres. Son  angle  facial  est  beau  et  doit  se  rapprocher  du 
chiffre  de  85  degrés. 

L'étude  des  objets  trouvés  dans  la  4°  caverne  et  principa- 
lement des  débris  osseux  ou  dentaires  comprend  deux  par- 
ties :  la  première  comporte  les  pièces  recueillies  dans  le 
voisinage  le  plus  immédiat  du  squelette,  lesquelles,  en  indi- 
quant sa  contemporanéité  avec  certaines  espèces  animales, 


—  171  — 

3'  Ruminants  :  Bos  primigenius,  Oervus  alces^  Cervus 
elaphuSy  Cervus  canadensis,  Cervus  plus  petit  que  Télaphe, 
peut-être  le  Cervus  corsicanus,  Cervus  capreolus,  Capra  pri- 
migenia^y  Antilope  rupicapra  ou  Chamois. 

4"  Rongeurs  :  Lepus  cuniculus. 

Parmi  les  divers  animaux  dont  je  viens  de  faire  l'énu- 
mération,  trois  surtout,  le  Felis  spelaa,  YUrsus  spelaus  et  le 
Rhinocéros^  par  leur  présence  auprès  du  squelette,  présence 
que  j'avais  déjà  constatée  dans  la  même  caverne  et  à  un 
niveau  supérieur  à  celui  où  j'ai  trouvé  l'homme  des  Baoussé 
Rousse,  démontrent  sa  haute  antiquité. 

Quant  au  Renne,  il  n'existe  pas  dans  les  cavernes  de 
Menton  et  semble  également  faire  défaut  dans  les  autres 
cavernes  de  l'Italie.  Vivait-il  cependant,  à  la  même  époque, 
dans  les  autres  parties  de  l'Europe  où  il  paraît  avoir  persisté 
plus  longtemps  que  la  plupart  des  autres  espèces  animales 
caractéristiques  de  cet  âge  ?  Dans  la  grotte  d'Arcy,  M.  de 
Vibraye  l'a  signalé  principalement  dans  l'assise  moyenne, 
où  l'on  ne  trouve  plus  les  restes  de  l'Hyène,  du  Grand 
Ours,  etc. 

Les  mollusques  trouvés  auprès  de  l'homme  se  composent 
des  espèces  suivantes  :  Cardium  tuberculatum^ —  l'une  de  ces 
coquilles  est  perforée  de  main  d'homme,  —  Pecten  jacobmis, 
Pecten  maximus,  espèce  qui  ne  se  trouve  pas  dans  la  Médi- 
terranée, mais  paraît  provenir  des  eaux  de  l'Océan  ;  Pec- 
tunculus  glycimeris,  Mytilus  edulis,  Nassa  neritea  :  ces  der- 
nières perforées  par  l'homme. 

Quant  aux  instruments,  soit  en  os,  soit  en  silex,  qui  se 
trouvaient  auprès  du  squelette  humain,  ce  sont  :  1°  le  poi- 
gnard en  os  déjà  décrit;  deux  poinçons  également  en  os,  à 
pointe  à  peu  près  intacte  ;  2°  un  grand  nombre  de  silex  taillés 

'  Nom  donné  par  M.  le  professeur  Gervais  à  une  chèvre  plus  grande  et 
plus  trapue  que  la  chèvre  actuelle.  Elle  avait  été  signalée  par  M.  Forel, 
dans  les  grottes  de  Menton,  comme  un  mouton  supérieur  en  dimensions 
au  mouton  actuel. 


sous  forme  de  grattoirs,  de  pointes  de  lances  ou  de  Sèches, 
de  pointerolleâ ,  de  lames  et  de  scies,  ainsi  que  quelques 
nucléus. 

Parmi  les  lames  en  silex,  je  citerai  celles  accolées  h  l'occi- 
pital, que  j'ai  déjà  indiquées  en  décrivant  le  cr&ne  de 
l'homme.  Ces  deux  instruments,  ainsi  que  le  poignard  en  os, 
les  canines  de  cerf  perforées,  les  I^assa  neritea  de  la  téfe  et 
du  jambelet,  présentent  la  coloration  rouge  que  j'ai  signalée 
SOT  toutes  les  pièces  du  squelette  et  principalement  surla  tête. 
Cette  coloration  est  due  au  peroxyde  de  fer,  peroxyde  formé 
par  l'hydratation  du  fer  oligiste  dont  toute  la  surface  du 
corps  avait  dû  être  recouverte  après  la  mort,  et  dont  j'ai 
recueilli  une  certaine  quantité  non  hydratée  dans  le  sillon 
creusé  au  devant  de  la  bouche  et  des  fosses  nasales.  Cette 
coloration  indiquerait  une  inhumation  de  l'homme,  mais  sans 
aucun  déplacement  du  corps  après  la  mort.  En  effet,  l'atti- 
tude si  curieuse  du  squelette  démontre,  sans  contestetion  pos- 
sible, je  croîs,  que  l'homme  est  mort  à  la  place  où  je 
l'ai  découvert,  c'est  à  dire  sur  un  sol  fonné  de  cendres,  de 
charbon  et  de  pierres  calcinées,  au  milieu  d'un  véritable 
foyer  et  entouré  des  détritus  de  la  vie  de  chaque  jour.  H  a  dû 
mourir  pendant  son  sommeil,  soit  qu'il  se  soit  réfugié  dans 
la  caverne  à  la  suite  d'une  blessure,  soit  qu'il  ait  éte  surpris 
par  une  mort  subite,  soit  qu'il  ait  succombé  à  une  maladie, 
mais  sans  agonie  violente.  Je  n'ai  trouvé  aucune  trace 
d'éboulement,  et  la  série  des  pierres  contre  lesquelles  le  sque- 


-.  173  — 

devant  de  la  bouche,  soit  de  la  patine  d'un  rouge  ocreux  qui 
recouvrait  le  crâne,  soit  encore  de  quelques  coprolithes 
d'hyène  ;  je  me  bornerai  seulement  ici  à  citer  le  résultat  de 
Texamen  microscopique  de  la  terre  prise  en  divers  endroits  et 
notamment  dans  la  r^ion  dorsale  du  squelette.  M.  le  pro- 
fesseur Gérardin,  docteur  es  sciences,  et  moi,  nous  y  avons 
reconnu  très  distinctement  la  présence  d'un  certain  nombre 
de  poils.  Ces  poils  diffèrent  des  poils  humains  ;  ils  ont  un 
diamètre  égal  au  quart  ou  au  cinquième  d'un  cheveu  et  on 
ne  peut  les  attribuer  qu'à  quelque  peau  de  bête,  qui  aurait 
servi  de  couche  ou  de  vêtement. 

Je  me  bornerai  également  ici,  en  terminant  cette  notice, 
à  donner  la  nomenclature  des  diverses  espèces  animales  con- 
stituant la  faune  trouvée  par  moi  dans  la  quatrième  caverne, 
pendant  mes  recherches  antérieures  à  la  découverte  du  sque- 
lette humain  ;  faune  pour  la  détermination  de  laquelle 
MM.  les  professeurs  Gervais  et  Deshayes  et  M.  le  docteur  Sé- 
néchal m'ont  prêté  le  plus  bienveillant  concours. 

A.  Mammifères. 

1*  Carnassiers  :  Felis  spelaa,  Felis  antigua,  Felis  lynx  y 
Felis  catuSy  Ursus  spelausy  Ursus  arctos,  Hyena  spelœa^ 
Canis  lupusy  Canis  vulpes,  Mustela^  Talpa. 

2*  Pachydermes  :  Rhinocéros  tichorhinv^y  Equus  caballus, 
Sus  scrofa, 

3"  Ruminants  :  Bos  primigenius,  Cerous  alces,  Cervus 
canadensiSy  Cervus  elaphuSy  Cervus  corsicanus? ,  Cervus  ca- 
preolus,  Capra  primigenia. 

4'  Rongeurs  :  Arctomys  primigenia,  Lepus  cuniculuSy 
Mus  tectorum,  Mus  arvalis^  Mus  muscardintcs. 

B.  Oiseaux. 

]•  Rapaces  :  Falco. 

2^  Passereaux  :  Ils  sont  représentés  par  un  as^ez  grand 


—  174  — 


nombre  d'ossements  appartenant  à  un  oiseau  de  la  famille 
des  Corvidés. 

3°  GallinacéB  :  Ile  peuvent  8e  diviser  en  Gallinacés  pro- 
prement dits  et  Columbidés. 

C,  Poissons. 

Je  n'ai  trouvé  jusqu'à  présent  que  deux  vertèbres,  pouvant 
appartenir  h  un  poisson  de  petite  dimension, et  deux  supports 
épineux  de  nageoire  dorsale,  provenant  certainement  d'un 
poisson  de  la  taille  d'un  grand  saumon. 

T).  Crustacés. 

Le  seul  débris  de  crustacé  que  j'aie  pu  recueillir,  est  trop 
informe  pour  déterminer  même  approximativement  l'espèce 
&  laquelle  il  appartenait. 

Ë.  Mollusques.  * 

Les  mollusques  sont  en  quantité  considérable  et  appartien- 
nent à  un  grand  nombre  d'espèces.  Ils  devaient  servir  pour  la 
plupart  à  la  nourriture  de  l'homme.  Quelques  coquilles  ont 
été  perforées  par  l'homme  pour  servir  d'objets  de  parure. 
Deux  autres  présentent  ce  caractère  particulier  qu'elles  sont 
des  coquillesde  l'océan  ;  ce  sont  le  PectenmaximiiS,  dont  j'&i 
déjà  parlé,  et  le  Cerithium  eomu-copia,  déterminé  par  M.  le 
professeur  Deshayes  et  considéré  par  lui  comme  provenant 


—  175  - 

Trochus,  TurbiTiellay  CheiiopriSf  CeritAium^  Turritella, 
Naticaj  Nassa,  Scalarta,  Buccinum^  Cassidaria^  Cassis  y 
Fusus,  ConuSy  Littorina,  Purpura,  Cyprœa,  Columbella, 
Mitra,  Pleurât  orna. 

•Tai  trouvé  aussi  quelques  nummulites  et  un  fragment  de 
polypier. 

Sur  les  grottes  de  Molfetta,  par  M.  le  prof'  G.  Capellini. 

A  deux  kilomètres  environ  de  la  ville  de  Molfetta,  dans 
la  province  de  Bari  (Italie)  et  à  500  mètres  de  la  mer,  les 
calcaires  crétacés  des  Fouilles,  en  couches  presque  horizon- 
tales, présentent  un  effondrement  connu  dans  le  pays  sous 
le  nom  de  Pulo^ 

Le  Pulo  de  Molfetta  a  la  forme  d'un  cylindre  de  500  mè- 
tres environ  de  circonférence  et  40  mètres  de  profondeur. 
Ses  parois  escarpées  sont,  à  différents  étages,  criblées  de 
trous  et  de  grandes  ouvertures;  le  fond  est  encombré  par 
des  éboulis  et  des  débris  de  toute  sorte. 

Les  ouvertures  servent  d'entrée  à  des  grottes  plus  ou  moins 
sinueuses,  qui  pénètrent  dans  l'intérieur  de  la  masse  du  cal- 
caire stratifié.  L'allure  et  la  superposition  des  couches  de 
cette  roche  peuvent  être  étudiées  dans  les  parois  mêmes  dS 
l'effondrement. 

Quelques  unes  de  ces  grottes  ont  jusqu'à  3  mètres  de  hau- 
teur et  50  mètres  de  longueur,  et  se  ramifient  en  plusieurs 
galeries  aboutissant  à  différents  orifices;  l'une  d'elles,  si- 
gnalée déjà  parZimmermann,  en  1788,  compte  18  ouvertures. 

Le  Pulo  de  Molfetta  fut  pendant  longtemps  un  objet  de 
simple  curiosité  pour  les  habitants  du  pays,  qui  le  considé- 
raient comme  un  cratère  volcanique.  H  attira  d'abord  l'atten- 
tion de  l'abbé  G.  M.  Giovene,  naturaliste  de  Molfetta,  qui, 

1  Dans  la  Pouille,  on  appelle  Pulo  toute  cavité  qui  se  trouve  dans  la 
plaine  ou  dans  les  collines.  Dans  la  province  de  Terra  cCOtranto,  qui  est 
à  côté  de  celle  de  Bari,  des  effondrements  analogues  sont  appelés  Vorg. 


—  176  — 


dana  le  dernier  siècle,  s'est  occupé  spécialement  d'agriculture 
et  de  botanique,  et  a  donné  un  catalogue  des  plantes  qu'on 
trouve  dans  l'intérieur  et  dans  le  voisinage  du  Pulo. 

En  1783,  l'abbé  Fortia,  guidé  par  Giovene,  visita  le  Pulo 
et  le  premier  avança  l'opinion  que  ce  n'était  pas  un  cratère 
volcanique.  Son  attention  fut  surtout  attirée  par  un  lam- 
beau de  pierre  nitreuse,  dont  il  imagina  qu'on  aurait  pu  tirer 
quelques  avantages  pour  l'industrie. 

Depuis  ce  temps-là,  plusieurs  savants  naturalistes  visitè- 
rent le  Pulo  de  Molfetta  au  point  de  vue  industriel,  et  des 
travaux  furent  entrepris  pour  en  exploiter  le  nitre. 

En  1788,  Zimmermann  fît  un  voyage  à  la  nitrière  artifi- 
cielle de  Molfetta,  dont  il  publia  plus  tard  une  description. 
C'est  dans  le  récit  de  ce  voyage  que,  pour  la  première  fois, 
il  est  question  d'une  quantité  d'ossements,  rencontrés  dans 
les  grottes  qui  se  trouvent  dans  l'inférieur  de  la  rocbe  strati- 
fiée et  dont  les  ouvertures  aboutissent  aux  parois  du  Pulo'. 
Zimmermann  ne  fait  aucune  mention  d'armes  et  outils  en 
pierre,  trouvés  avec  les  poteries  et  les  ossements  ;  cependant, 
comme  nous  allons  voir,  la  découverte  en  était  déjà  faîte 
par  le  premier  explorateur  du  Pulo,  l'abbé  G.  M.  Giovene, 

En  efi'et,  ce  savant  naturaliste,  dans  une  description  des 
travaux  exécutés  pour  retirer  le  nitre  du  calcaire  du  Pulo, 
parle  de  poteries  grossières,  d'armes  et  d'outils  en  pierre 
trouvés  dans  lesdites  grottes  et  qui  avaient  des  rapports  avec 
les  instruments  des  habitants  de  111e  de  Taïti. 


~  177  — 

faite  au  moment  où  Von  entreprit  les  premières  opérations 
dans  le  Pulo.  Pendant  qu'on  déblayait  les  terres  et  les 
pierres  amoncelées  et  adossées  aux  parois  de  ce  cylindre, 
et  pendant  qu'on  vidait  quelques  unes  des  grottes  encore 
encombrées  par  des  tas  des  mômes  pierres,  on  trouva  des 
poteries  d'argile  certainement  faites  à  la  main^  très  impar- 
faitement modelées,  sans  aucun  vernis  et  cuites  jusqu'à 
être  noircies.  Mais  ce  qui  est  plus  extraordinaire,  c'est  qu'on 
trouva  une  quantité  très  remarquable  de  couteaux  dont  la 
plupart  étaient  en  pierre  à  fusil,  et  un  petit  nombre,  en 
verre  volcanique  noir.  En  outre,  on  trouva  aussi  quelques 
huches  en  jade  verdâtre  et  très  dur,  toutes  aiguisées  et 
tranchantes,  un  peu  convexes  à  une  extrémité  et  finissant 
en  pointe  à  l'autre.  Lorsque,  dans  le  Musée  du  célèbre  Poli, 
à  Naples,  je  vis  les  haches  des  insulaires  de  Taïti,  je  fus 
étonné  de  leur  ressemblance  parfaite  avec  celles  du  Pulo 
de  Molfetta.  » 

Impossible,  à  mon  avis,  de  mieux  caractériser  les  objets 
trouvés  dans  le  Pulo  (poteries  grossières,  couteaux  en  silex 
et  en  obsidienne,  haches  en  jadéite)  et  d'en  préciser  davan- 
tage les  analogies.  Aussi  faut-il  s'étonner  qu'aucun  des  natu- 
ralistes qui  ont  relaté  les  premières  découvertes  préhistoriques 
faites  en  Italie,  n'ait  rappelé  la  belle  découverte  de  l'abbé  Gio- 
vene,  faisant  suite,  pour  ainsi  dire,  à  celles  de  Mercati  et 
d'Aldrovandi. 

En  1868,  lors  d'une  excursion  géologique  au  Cap  de  Leu- 
ca,  dans  la  terre  d'Otrante,  je  fus  obligé  de  m'arrêter  à  Mel- 
pignano  pour  y  passer  la  nuit,  et  le  D'  Giorgi,  mon  compa- 
gnon de  voyage,  me  présenta  chez  ses  amis  les  B"""  de  Luca, 
pour  leur  demander  l'hospitalité. 

Dans  cette  circonstance,  comme  je  causais  du  but  de  mon 
voyage,  des  grottes  du  Cap  de  Leuca  et  des  effondrements 
qu'on  trouve  près  de  Barbarano  et  qu'on  appelle  le  Vore,  le 
baron  D.  Joseph  de  Luca,  professeur  de  physique  au  sémi- 
naire de  Molfetta,  s'intéressant  vivement  à  mes  recherches, 


—  178  — 

eut  l'obligeance  de  m'inviter  &  aller  visiter  le  Pulo  et  me 
parla  des  outils  en  pierre,  trouvés  jadis  par  l'abbé  GiovcDe 
et  déposés  dans  le  Musée  du  séminaire. 

Comme  Molfetta  se  trouve  sur  la  route  de  Lecce  à 
Bologne,  je  promis  de  m'y  arrêter  à  mon  passage  et,  quel- 
ques jours  après,  je  fus  bien  aise  de  tenir  ma  promesse. 
Guidé  par  le  professeur  de  Luca  et  M.  de  Judierbus,  syndic 
de  Molfetta,  je  me  rendis  au  Pulo,  le  8  novembre  1868,  et, 
par  une  échaucrure  existant  dans  les  parois  du  cylindre, 
nous  descendîmes  dans  le  fond,  qui  est  maintenant  changé 
en  jardin  potager. 

Après  avoir  jeté  un  coup  d'œil  sur  les  restes  des  construc- 
tions et  des  appareils  de  l'ancienne  fabrique  de  nitre,  j'en- 
trepris des  fouilles  dans  le  tas  de  pierres  adossé  aux  parois 
de  l'effondrement,  et  je  pénétrai  dans  l'une  des  grottes  les 
plus  accessibles. 

Bien  que,  d'après  ce  que  nous  savons  par  le  rapport  de 
Giovene,  les  grottes  du  Pulo  aient  été  fouillées  et  déblayées 
depuis  longtemps,  je  fus  assez  heureux  pour  trouver,  sinon 
des  couteaux  en  silex  et  des  haches,  du  moins  de  nombreux 
débris  de  poterie  et  une  grande  quantité  de  cendres.  Ces  ob- 
servations ont  déjà  été  mentionnées  dans  une  note  publiée 


Sur  le  sol  et  dans  les  fissures  des  parois  des  grottes,  j'ai 
rencontré  une  ai^ile  ferrugineuse  qui  rappelle  d'une  manière 
frappante  l'argile  des  grottes  des  bords  de  la  Lesse,  si  bien 


—  179  — 

En  effet,  on  ne  doit  point  voir  dans  le  Pulo  un  cratère 
d'explosion,  mais  un  véritable  effondrement  d'une  voûte  cal- 
caire, qui  recouvrait  une  énorme  caverne.  Les  bouches  des 
grottes  habitées  plus  tard  par  l'homme  préhistorique  déver- 
sèrent dans  cette  caverne  les  eaux  des  sources  thermales 
ferrugineuses,  qui  avaient  déjà  puissamment  contribué  à 
l'agrandissement  des  grottes  mêmes. 

Lorsqu'on  a  eu  l'occasion  d'étudier  les  corrosions  opé- 
rées par  les  sources  thermales  qui  existent  encore  aujour- 
d'hui, on  se  rend  compte  sans  peine  des  phénomènes  ana- 
logues qui  se  sont  passés  à  une  époque  fort  éloignée  de  la 
nôtre. 

La  présence  d'argiles  ferrugineuses,  telles  que  celles  des 
grottes  du  Pulo  et  de  la  vallée  de  la  Lesse,  constitue  le  témoi- 
gnage le  plus  sûr  de  l'existence  d'anciennes  sources  ferrugi- 
neuses, auxquelles  est  intimement  liée  l'érosion  du  calcaire 
et,  par  conséquent,  l'agrandissement  d'anciennes  fentes,  c'est 
à  dire  la  principale  origine  de  ces  grottes. 

Le  Vore  de  Barbarano  doit  avoir  eu  une  origine  ana- 
logue, et,  sans  sortir  de  la  province  de  Terra  éPOtranto^  on 
peut  étudier,  dans  le  calcaire  à  Hippurites  de  Santa  Cesaria, 
les  érosions  formées  de  nos  jours  par  les  sources  thermales 
et  les  dépôts  ferrugineux  plus  ou  moins  grossiers,  ou  terrain 
Hdirolithiquey  qui  en  dépendent. 

Un  bel  exemple  d'une  caverne  formée  par  les  sources  ther- 
males a  été  mis  en  évidence  par  les  travaux  faits  aux  sources 
thermales  d'Aix,  en  Savoie,  il  y  a  quelques  années  ^  Les 
pouhons  de  Spa  sont  assez  célèbres  et  il  suffit  de  les  rap- 
peler pour  songer  aux  rapports  qu'ils  pourraient  avoir  avec 
rorigine  des  cavernes  des  bords  de  la  Lesse.  Comme  les 
sources  thermales  de  Santa  Cesaria  nous  donnent  l'image 
des  agents  qui  creusèrent  le  calcaire  de  la  Terre  d'Otrante 
et  des  provinces  voisines,  ainsi  les  pouhons  de  Spa  doivent 

ï  Capbllini.  Ricordi  di  un  viaggio  sdentifico  nelV America  settentrio^ 
nale.  Bologne,  1867. 


être  considérés  comme  les  derniers  repr^entants  de  la  cause 
principale  des  érosions  calcaires  et  de  l'agrandissement  des 
grottes  des  bords  de  la  Lesae.  Ce  point  a  été  déjà  exposé  par 
M.  Dupont'. 

Après  avoir  interprété  l'origine  des  grottes  du  Pulo  et  in- 
diqué l'époque  à  laquelle  elles  ont  été  fouillées  pour  la 
première  fois,  je  reviens  à  l'examen  de  ce  qu'on  y  a  trouvé 
depuis  le  siècle  dernier. 

Les  publications  de  Giovene  etdeZimmermaun  nous  attes- 
tent que,  dans  les  grottes  du  Pulo,  il  y  avait  une  grande  quan- 
tité d'ossements,  des  poteries  grossières,  des  couteaux  en  silex 
et  en  obsidienne,  des  haches  en  jadéite.  Quelques  unes  des 
haches  recueillies  par  l'abbé  Giovene  se  trouvent  encore 
dans  les  Musées  d'Italie.  J'ai  l'honneur  de  présenter  les 
moulages  de  celles  qu'on  a  pu  voir  à  l'exposition  préhisto- 
rique h  Bologne  et  qui  appartiennent  au  Musée  de  Mol- 
fetta.  (Voir  pi.  79,  fig.  1.) 

Les  fouilles  que  j'ai  personnellement  exécutées  et  celles 
du  professeur  de  Luca,deM.  Ferrari,  chefdegare  à  Molfetta, 
du  professeur  de  Romita  et  d'autres,  ont  fourni  bon  nombre 
de  couteaux  et  grattoirs  en  silex  gris&tre,  quelques  petits 
couteaux  en  obsidienne  et  une  toute  petite  hache  en  diorite 
granitoïde,  laquelle  ne  pèse  que  10,5  grammes. 

Les  débris  de  poterie  se  trouvent  en  très  grande  quantité 
dans  les  grottes,  teélés  à  des  cendres,  et  dans  les  déblais 
adossés  aux  parois  du  Pulo,  au  pied  des  ouvertures  des  grottes. 


—  181  — 

labbé  Giovene,  en  1787,  et  déposée  au  Musée  de  Molfetta, a 
la  forme  typique  des  haches  polies  qu'on  trouve  en  Italie  et 
en  Grèce  ;  elle  est  longue  de  0"1 1  ;  large,  à  la  base,  de  0"05; 
pointue  à  l'une  des  extrémités. 

Dans  le  môme  Musée,  il  y  a  une  hache  cassée,  en  chloro- 
mélanite  et  un  beau  couteau  en  silex  grisâtre,  de  0'"115  de 
longueur,  qui  aurait  pu  servir  comme  pointe  de  lance.  Tous 
les  deux  faisaient  aussi  partie  de  la  collection  de  Giovene. 

Le  Musée  de  Bologne  possède  quelques  couteaux  et  grat- 
toirs en  silex,  donnés  par  M.  Foresti  et  recueillis  par  le  pro- 
fesseur de  Romita;  et  plusieurs  beaux  spécimens  de  couteaux 
et  grattoirs  en  silex  et  en  obsidienne  se  trouvent  aussi  dans 
la  collection  de  M.  l'ingénieur  Zedrighini,  à  Ancône.  Le 
plus  grand  nombre,  à  part  ceux  trouvés  par  Giovene,  ont 
été  recueillis  récemment  parmi  les  anciens  déblais  qui  sont 
dans  le  fond  du  Pulo,  et  tout  porte  à  croire  qu'il  y  aurait 
encore  à  trouver  beaucoup  d'objets,  si  l'on  faisait  des  feuilles 
soigneuses. 

n  résulte  de  ce  rapide  exposé  : 

* 

1"  Le  Pulo  de  Molfetta  et  ses  grottes  doivent  leur  princi- 
pale origine  à  d'anciennes  sources  thermales,  lesquelles  ont 
déposé  de  l'argile  ferrugineuse.  Cette  argile,  comme  celle  des 
grottes  des  bords  de  la  Lesse,  a  beaucoup  de  rapports  avec 
la  terre  de  Sienne,  bien  connue  des  peintres  et  dont  j'ai  étu- 
dié le  gisement  au  Monte  Amiata,  en  Toscane. 

2^  Les  grottes  du  Pulo  ont  été  habitées  par  l'homme  à 
Yâge  de  la  pierre  polie.  On  peut  le  constater  par  les  instru- 
ments qu'il  a  laissés  et  par  les  débris  de  son  industrie  et  de 
ses  repas,  dont  ces  grottes  étaient  en  partie  comblées. 

3"  La  découverte  des  débris  de  l'industrie  humaine  dans 
ces  grottes  doit  se  rapporter  à  l'époque  des  premiers  tra- 
vaux faits  pour  exploiter  le  nitre  du  Pulo,  en  1783. 

4*»  L'abbé  G.  M.  Giovene,  à  qui  revient  le  mérite  de 
la  découverte,  a  aussi  indiqué,  d'une  manière  très  exacte,  la 
nature  des  objets  rencontrés  dans  les  grottes  du  Pulo,  et  il  a 

12 


montré  leur  analogie  avec  les  armes  et  outils  des  habitants 
de  llle  de  Taïli.  Il  aurait  été  impossible  de  mieux  décrire 
et  de  mieux  caractériser  ces  objets,  si  la  découverte  eût  été 
faite  de  nos  jours,  après  tous  les  progrès  accomplis  par  notre 
nouvelle  science  et  malgré  les  découvertes  faites  depuis  en 
Danemark,  en  Suède,  en  France,  en  Belgitjue,  en  Suisse,  en 
Italie  même  et  ailleurs. 

Sur  un  squelette  humain  de  Vâg«  du  Rome  découvert  à 
Laugerie  Basse,  par  M.  Cabtailhac. 

(Ce  texte,  râdigé  par  le  secrétariat,  a  été  soumis  A  rant«ur 

avant  rimpresaion.] 

MM.  Cartailhac,  Massénat  et  Lalande  ont  découvert  ré- 
cemment un  squelette  humain  dans  un  abri  sous  roche  à 
Laugerie  Basse  (Dordogne),  Une  couche  de  près  de  trois 
mètres  d'épaisseur  recouvrait  un  bloc  de  rocher  sous  lequel 
se  trouvait  le  squelette.  Elle  contenait  des  débris  de  l'âge 
du  Renne  et  des  zones  de  bois  carbonisé  mélangé  à  des 
terres  ayant  subi  l'action  du  feu.  Ces  anciens  foyers  démon- 
trent que  la  couche  n'a  pas  subi  de  remaniement,  et,  par 
conséquent,  l'antiquité  du  squelette  découvert  au  dessous 
n'est  pas  contestable. 

Les  explorateurs  ont  déduit  de  la  position  du  squelette, 
qu'on  doit  le  considérer  comme  les  restes  d'un  homme  de 
l'âge  du  Benne,  victime  d'un  ébonlement. 

Des  Cyprées  qui  proviennent  de  la  Méditerranée,  ont  été 


—  183  — 

chapitre  V).  Ce  qui  fait  l'intérêt  de  cette  classification,  c'est 
qu'elle  ne  repose  pas  sur  un  seul  ordre  de  caractères,  mais 
sur  la  réunion  de  tous  les  caractères  géologiques,  paléonto- 
logiques,  archéologiques  et  anthropologiques.  Je  n'ai  pas 
l'intention  de  la  discuter  dans  son  ensemble  ;  je  me  bornerai 
à  attirer  l'attention  du  Congrès  sur  un  seul  point. 

En  étudiant  par  ordre  chronologique  les  diverses  époques 
qui  se  sontsuccédées depuis  celle  de  Saint  Acheul  jusqu'à  celle 
des  dolmens,  notre  savant  collègue  a  signalé  dans  cette  série 
un  hiatus  subit  et  profond.  A  un  certain  moment,  la  chaîne 
des  temps  semble  brusquement  rompue,  et  lorsque  notre  main 
peut  la  ressaisir ,  l'ancien  ordre  de  choses  a  disparu  entière- 
ment ;  à  sa  place,  nous  trouvons  un  ordre  de  choses  tout  nou- 
veau, sans  qu'aucune  transition  établisse  un  passage  de  l'un 
à  l'autre. 

A  la  suite  de  cette  intéressante  communication,  M.  le  pro- 
fesseur Hébert  nous  a  dit,  à  son  tour,  que  la  géologie  confir- 
mait l'existence  de  Thiatus  signalé  par  M.  de  Mortillet,  et 
qu'il  s'était  produit, pendant  l'époque  quaternaire,  un  phéno- 
mène de  très  longue  durée  qui  avait  rompu  la  continuité  des 
couches  paléontologiques. 

Il  semble  au  premier  abord  que  ces  deux  opinions  se  prê- 
tent un  mutuel  appui  ;  tandis  qu'au  contraire  elles  sont  en 
désaccord  complet. 

M.  Hébert  place  la  solution  de  continuité  au  milieu  de 
l'époque  quaternaire.  Il  a  dessiné  sur  le  tableau  une  coupe 
du  terrain  de  Saint  Acheul  et  divisé  en  trois  couches  les  dé- 
pôts quaternaires  de  la  vallée  de  la  Somme.  La  plus  infé- 
rieure renferme  des  silex  ouvrés  et  de  nombreux  ossements 
fossiles;  la  couche  supérieure  renferme  également  des  fos- 
siles et  des  silex;  mais  entre  les  deux  existe  une  couche  inter- 
médiaire fort  épaisse ,  qui  paraît  être  (cela  n'est  pourtant 
pas  certain)  d'origine  glaciaire;  qui,  d'après  sa  grande  épais- 
seur, doit  correspondre  à  une  période  fort  longue,  et  qui  est 
caractérisée  par  l'absence  totale  de  tout  débris  organique,  de 


-  184  - 


tout  produit  de  l'industrie  bumaioe.  Ce  n*e3t  donc  pas  à  la 
fin  de  l'époque  quaternaire,  mais  au  milieu  de  cette  époque, 
entre  l'âge  du  Mammouth  et  l'âge  du  Eenne,  que  correspond 
la  lacune  indiquée  par  M.  Hébert. 

Pour  M.  de  Mortillet,  au  contraire,  l'âge  du  Mammouth 
et  l'ftge  du  Kenne  se  succèdent  sans  interruption.  De  Saint 
Acheul  au  Mouatier,  du  Moustier  à  Solutré  et  à  la  Made- 
leine, l'industrie  du  silex  se  modifie  sans  doute,  mais  gra- 
duellement; tandis  que,  lorsqu'on  arrive  k  la  fin  de  l'âge  du 
Benne  et  qu'on  passe  à  l'époque  moderne,  on  trouve  tout  à 
coup  la  pierre  polie  et,  avec  elle,  des  sociétés  humaines 
entièrement  différentes  de  celles  de  l'époque  de  la  pierre 
taillée. 

C'est  là  le  changement  sans  transition  dont  M.  de  Mor- 
tillet nous  a  parlé. 

Les  communications  de  nos  deux  collègues  ne  se  rappor- 
tent donc  pas  au  même  fait.  On  ne  peut  pas  dire  qu'elles  se 
confirment  réciproquement.  Tout  ce  qu'on  pourrait  en  con- 
clure, c'est  qu'il  y  a  eu,  dans  l'évolution  préhistorique 
de  l'homme,  deux  solutions  de  continuité  au  lieu  d'une  seule. 

Mais,  d'une  part.M,  de  Mortillet  constate  dans  les  cavernes 
l'existence  de  l'homme  et  de  ses  œuvres  pendant  toute  la 
durée  de  l'époque  quaternaire.  Il  comble  donc  la  lacune 
signalée  par  M.  Hébert.  Pendant  que  se  déposait,  au  dessus 
de  la  première  couche  quaternaire,  la  couche  qui  ne  renferme 
ni  débris  fossiles,  ni  silex  taillés,  l'homme  n'habitait  évidem- 


—  185  — 

Le  fait  que  je  viens  soumettre  au  Congrès,  me  paraît  de 
nature  à  établir  que  le  passage  de  l'époque  de  la  pierre  tail- 
lée à  l'époque  de  la  pierre  polie  ne  s'est  pas  effectué  sans 
transition. 

La  distinction  de  ces  deux  époques  ne  repose  pas  seule- 
ment sur  la  présence  ou  l'absence  des  silex  polis,  mais  sur 
un  ensemble  de  caractères  que  M.  de  Mortillet  nous  a  expo- 
sés, et  que  je  résume  rapidement  : 

1*  Les  hommes  de  l'époque  de  la  pierre  taillée  vivaient 
au  milieu  d'un  faune  différente  de  notre  faune  actuelle; 
leurs  stations  les  plus  récentes  renferment  encore  les  osse- 
ments du  Renne  et  de  plusieurs  autres  espèces  aujourd'hui 
émigrées. 

2"  Ils  n'avaient  pas  d'animaux  domestiques. 

3"  fls  avaient  des  armes  et  des  instruments  en  silex  taillé, 
en  os  et  en  bois  de  Renne,  mais  ils  n'avaient  pas  de  silex 
polis. 

4*  Ils  n'avaient  pas  de  poteries  (Cette  proposition  est  trop 
générale.  M.  Dupont  à  constaté  que  les  troglodytes  belges 
faisaient  déjà  de  la  poterie  à  l'âge  du  Mammouth ,  et  qu'ils 
ont  continué  à  en  fabriquer  jusqu'à  la  fin  de  l'âge  du  Renne). 

5**  Ils  établissaient  leurs  stations  dans  des  cavernes.  A  ces 
caractères,  j'en  ajouterai  un  autre  dont  M.  de  Mortillet  n'a 
pas  parlé,  mais  qu'il  connaît  certainement,  c'est  que  les  tro- 
glodytes, lorsqu'ils  donnaient  la  sépulture  à  leurs  morts,  les 
déposaient  dans  des  cavernes  peu  éloignées  des  cavernes 
d'habitation.  Leurs  rites  funéraires  durent  varier  suivant  les 
temps  et  suivant  les  lieux  ;  ils  ne  sont  pas  tous  connus,  mais 
il  me  suffira  de  rappeler  la  description  de  la  célèbre  sépul- 
ture d'Aurignac,  si  bien  étudiée  par  Edouard  Lartet. 
Les  corps  étaient  déposés  dans  la  partie  profonde  et  rétré- 
cie  d'une  caverne  dont  l'ouverture  étroite  était  fermée  par 
une  dalle  de  pierre,  et,  au  devant  de  cette  ouverture,  sur  une 
plate-forme  plus  large  abritée  par  le  rocher,  on  faisait  le  repas 
des  funérailles. 


/■:- 


A  l'époque  de  la  pierre  polie,  ces  caractères  sont  remplacés 
par  les  suivants  : 

1'  H  n'y  a  plus  dans  la  faune  que  nos  espèces  actuelles. 

2"  On  a  des  animaux  domestiques. 

3°  On  se  sert  toujours  des  silex  taillés,  mais  on  a  en  outi-e 
des  silex  polis. 

4°  L'usage  de  la  poterie  est  général. 

5°  On  n'habite  plus  les  cavernes. 

Enfin,  aux  cavernes  sépulcrales  ont  succédé  des  monu- 
ments mégalithiques,  sorte  de  cavernes  artificielles  que  l'on 
construisait  avec  de  grandes  pierres,  et  que  l'on  recouvrait 
ensuite  de  terre  pour  simuler  une  caverne. 

La  station  que  je  vais  décrire  participe  à  la  fois  de  ces 
deux  séries  de  caractères.  Un  fragment  de  silex  poli  la  rat- 
tache à  l'époque  de  la  pierre  polie,  La  faune  est  celle  de  nos 
jours;  la  poterie  est  en  usage;  mais  il  n'est  pas  certain  qu'on 
ait  des  animaux  domestiques.  On  habite  dans  les  cavernes, 
et  l'on  dépose  les  morts  dans  des  cavernes  sépulcrales  exacte- 
ment semblables  à  celle  d'Aurignac.  Enfin  la  population 
appartient  à  une  race  entièrement  différente  de  celle  dont 
on  trouve  les  ossements  dans  les  dolmens  de  la  même  région. 

Cette  station  est  située  dans  la  partie  méridionale  et  occi- 
dentale du  département  de  la  Lozère,  sur  le  territoire  de  la 
.  commune  de  Saint  Pierre  des  Triplés,  au  fond  d'une  gorge 
sauvage  qui  va  déboucher  dans  la  vallée  de  la  Joute. 

A  quelques  lieues  de  là,  en  remontant  le  cours  de  la  Jonte, 


—  187  — 

On  ne  sait  depuis  quand  ce  lieu  s'appelle  ainsi;  il  est  pos- 
sible qu'un  léger  éboulement  ait  mis  autrefois  à  découvert 
une  tête  d'homme  ;  peut-être  aussi  est-ce  un  pâtre  qui ,  en 
fouillant  avec  son  bâton,  rencontra  les  débris  d'un  squelette 
et  s'en  alla,  épouvanté ,  raconter  qu'un  homme  avait  été  tué 
là.  Ce  qui,  je  pense,  n  est  pas  douteux,  c'est  que  ce  nom  de 
Y  Homme  mort  est  venu  de  quelque  circonstance  se  rappor- 
tant à  la  caVerne. 

L'ouverture  de  la  caverne  était  en  grande  partie  obstruée 
par  un  amas  de  sable.  Il  y  a  deux  ans  environ,  un  paysan, 
propriétaire  de  la  caverne, 'essaya  d'en  déblayer  l'ouverture 
pour  se  procurer  un  abri  pendant  les  fortes  chaleurs.  Il  re- 
jeta ainsi  une  grande  quantité  de  sable  et  mit  à  découvert 
bon  nombre  d'os  humains,  qu'il  jeta  dans  un  ravin  voisin, 
afin ,  dit-il ,  qu'ils  ne  fissent  pas  peur  à  ses  enfants.  Mais 
bientôt  eflErayé  lui-même,  il  abandonna  la  partie. 

Avertis  de  ce  fait,  le  curé  de  Saint  Pierre  et  son  vicaire 
se  rendirent  à  Y  Homme  mort\  les  paysans,  enhardis  par  leur 
présence ,  remuèrent  encore  le  sable  près  de  l'ouverture  ;  de 
nouveaux  crânes  furent  déterrés  et  recueillis  cette  fois  par 
le  vicaire. 

Quelque  temps  après ,  un  ecclésiastique ,  ami  du  vicaire , 
rencontra,  à  Marvéjols,  M.  le  docteur  Prunières, l'infatigable 
explorateur  des  dolmens  de  la  Lozère ,  et  lui  signala  l'exis- 
tence de  l'ossuaire  de  Y  Homme  mort  ;  M.  Prunières  se  mit 
aussitôt  en  route.  De  Marvéjols  à  Saint  Pierre  les  Triplés 
il  n'y  a  guère  plus  de  dix  lieues  ;  mais  les  communications 
sont  si  difficiles  que  le  trajet  dure  toute  une  journée.  M.  Pru- 
nières, ne  pouvant  prolonger  son  absence,  dut  se  borner  à 
fouiller  une  partie  de  la  caverne.  Il  se  proposait  de  revenir 
bientôt ,  mais  sur  ces  entrefaites  la  guerre  éclata  et  sa  se- 
conde expédition  fut  ajournée. 

On  lui  avait  promis  de  ne  pas  continuer  les  fouilles  en 
son  absence.  On  avait  compté  sans  les  chercheurs  de  trésors. 
Bon  nombre  de  crânes  et  d'ossements  extraits  par  ces  naïfs 


spéculateurs  furent  jetés  duiB  un  ravin  ;  ils  s'y  brisèrent  et 
les  eaux  pluviales  finirent  par  en  emporter  les  débris. 

Cependant  M.  Prauières  m'avait  expédié  à  Paris  une  caisse 
contenant  le  produit  des  premières  fouillea,  et  j'avais  pu  me 
convaiDcre  que  le  type  des  crftnes  était  entièrement  différent 
de  celui  de  nos  populations  actuelles.  Frappé  de  l'importance 
de  ce  fait,  je  priai  M.  Prunières  de  vouloir  bien  attendre, 
pour  reprendre  et  terminer  les  fouillea,  le  moment  où  mes 
occupations  me  permettraient  d'y  prendre  part  avec  lui.  Il 
eut  la  bonté  de  se  rendre  à  mes  désirs.  C'est  donc  seule- 
ment k  la  fin  du  mois  d'avril  dernier,  pendant  les  vacances 
de  Pâques,  que  nous  avons  fait  ensemble  le  voyage  de  Saint 
Pierre  des  Tripiés. 

Le  vénérable  curé  de  cette  paroisse  nous  donna  l'hospita- 
lité au  presbytère.  Il  nous  aplanit  toutes  les  difficultés  et, 
non  content  de  nous  procurer  des  ouvriers,  il  travailla  aux 
fouilles  de  ses  propres  mains.  Je  ne  saurais  trop  remercier 
ce  digne  ecclésiastique;  sans  lui,  notre  expédition  aurait 
certainement  échoué,  parce  que  la  paysanne  à  qui  appar- 
tient la  caverne,  était  convaincue  que  des  gens  venus  de  si 
loin  ne  pouvaient  avoir  d'autre  but  que  de  s'emparer  d'un 
trésor  caché.  Il  fallut  toute  l'éloquence  du  curé  et  du  vicaire 
pour  la  décider  à  accepter  notre  marché,  et  encore  esigea- 
t-elle  que  toutes  les  opérations  se  fissent  en  sa  présence. 
Lorsqu'elle  allait  prendre  ses  repas,  sa  fille  nous  surveillait 
à  sa  place. 

tit  h  l;i  di'S 


—  189  — 

et  au  bout  de  laquelle  on  aperçoit  l'ouverture  d'une  caverne 
très  spacieuse  qui  servait  d'habitation  aux  troglodytes.  Au 
dessous  de  cette  pelouse ,  la  gorge  se  rétrécit  rapidement  et 
là  commence  brusquement  un  ravin  étroit,  profond  et  escarpé 
qui  descend  presque  en  droite  ligne  jusqu'à  la  Jonte.Ce  ravin 
est  ordinairement  à  sec;  il  ne  charrie  que  les  eaux  provenant 
de  la  fonte  des  neiges  ou  des  pluies  d'orage. 

C'est  sur  la  rive  droite  ou  occidentale  du  ravin,  à  15  mètres 
environ  de  son  bord  à  pic  et  tout  près  du  point  où  il  com- 
mence, qu'est  située  la  caverne  de  Y  Homme  mort,  dont  l'ou- 
verture est  par  conséquent  dirigée  vers  Test.  Avant  les  pre- 
mières fouilles,  cette  ouverture  était  en  grande  partie  obstruée; 
aujourd'hui  la  caverne  est  entièrement  déblayée  et  présente 
les  caractères  suivants. 

Elle  est  précédée  d'une  plate-forme  abritée  sous  roche, 
longue  d'une  dizaine  de  mètres,  et  large  de  3  mètres  à  peine, 
mais  sans  doute  plus  large  autrefois,  car  les  ébouli&  qui  en 
proviennent,  ont  formé  un  tahis  qui  descend  jusqu'au  ravin 
sous  un  angle  d'environ  45  degrés. 

La  caverne  proprement  dite  débouche  sur  le  fond  de  la 
plate-forme  par  une  ouverture  large  de  l™30et  hautede  1"50. 
Elle  s'élargit  ensuite  peu  à  peu  et,  à  6  mètres  do  l'ouverture, 
elle  a  un  peu  plus  de  2  mètres  de  largeur  sur  2"50  de  hau- 
teur ;  puis  elle  se  rétrécit  brusquement  et  se  bifurque  en  deux 
boyaux  étroits  et  impraticables,  qui  vont  aboutir,  de  l'autre 
côté  du  rocher,  à  de  petites  crevasses.  Le  sol  de  la  caverne  est 
horizontal ,  mais  les  deux  boyaux  sont  en  pente  et  les  eaux 
qui  les  ont  traversés,  ont  pu  apporter  le  sable  qui  forme,  dans 
]b,  caverne,  une  couche  d'un  mètre  environ  d'épaisseur.  C'est 
dans  cette  couche  que  se  trouvaient  les  ossements  humains. 

Une  couche  épaisse  de  cendres  et  de  charbons,  renfermant 
des  objets  en  silex  et  des  débris  de  repas,  recouvrait  le  sol  de 
la  plate-forme  et  s'arrêtait  tout  à  coupàl'entrée  de  la  caverne. 
Cette  disposition  est  toute  semblable  à  celle  de  la  sépulture 
d'Aurignac  :  sur  le  devant,  une  large  plate-forme  exclusi- 


—  190  — 


vemeiit  consacrée  au  festin  funéraire  et,  dans  le  fond,  une 
caverne  étroite  où  l'on  déposait  les  corps. 

Mais,  à  Aurignac,  une  grande  dalle  verticale,  une  vraie 
porte  de  pierre,  bouchait  l'ouverture  de  la  caverne  propre- 
ment dite  et  séparait  la  demeure  des  morts  de  celle  des 
vivants,  tandis  qu'ici  l'ouverture  paraissait  libre;  nous 
n'avons  pu  retrouver  les  débris  de  la  dalle  ni  sur  la  plate- 
forme, ni  sur  le  talus  qui  en  descend  ;  mais,  en  poursuivant 
la  fouille,  nous  avons  découvert  des  assises  de  pierre,  évi- 
demmeutdestinéesàsupporterie  poids  d'une  portetrès lourde. 
C'étaient  de  gros  moellons,  très  grossièrement  équarris, 
partant  des  deux  borda  de  l'ouverture  et  formant  deux  petits 
murs  parallèles,  longs  de  50  centimètres,  hauts  de  30,  avec 
un*petit  retour  transversal  de  chaque  côté.  Ces  moellons 
reposaient  sur  le  roc  ;  la  terre  s'était  infiltrée  entre  eux,  mais 
ils  n'étaient  pas  autrement  cimentés.  Leurs  bords  supérieurs 
étaient  sur  un  môme  niveau  horizontal.  Cette  construction 
ne  pouvait  être  autre  chose  que  la  base  sur  laquelle  reposait 
la  clôture.  H  y  avait  donc  une  séparation,  au  niveau  de  l'ou- 
verture de  la  caverne,  entre  la  sépulture  proprement  dite  et 
la  plate-forme  sur  laquelle  on  faisait  le  repas  des  funérailles. 
De  quelle  nature  était  la  clôture?  Le  paysan  qui  a  fait  les 
premières  fouilles,  a  raconté  que,  dans  le  sable  qu'il  enlevait, 
se  trouvaient  de  gros  moellons  qui  paraissaient  former  à  l'en- 
trée une  sorte  de  mur  en  pierres  sèches.  Je  n'ai  pu  interroger 
cet  homme,  qui  était  absent  lorsque  je  suis  allé  à  SaintPierre. 


—  191  — 

bornés  à  fermer  la  caverne  sépulcrale  avec  de  grosses 
pierres  superposées,  plus  faciles  à  écarter,  au  moment  de 
chaque  cérémonie  funéraire,  qu'une  dalle  d'une  seule  pièce. 
Ces  diverses  hypothèses  peuvent  se  discuter  ;  mais  ce  qui  est 
certain,  dans  tous  les  cas,  c'est  l'existence  d'une  clôture  repo- 
sant sur  les  assises  de  pierre  qui  ont  été  retrouvées  à  l'entrée 
de  la  caverne. 

Immédiatement  en  arrière  de  cette  ligne  de  démarcati(»n 
commençaient  les  ossements  humains,  contenus  dans  une 
épaisse  couche  de  sable  extrêmement  sec,  qui  les  avait  con- 
servés d'une  manière  remarquable. 

Ces  ossements  étaient  loin  d'être  répartis  d'une  manière 
uniforme  dans  la  caverne.  Celle-ci,  comme  je  l'ai  déjà  dit, 
a  une  profondeur  d'environ  6  mètres.  Les  ossements  éta]j(?nt 
peu  nombreux  dans  les  2  premiers  mètres,  à  partir  de  Fou- 
verture;  ils  étaient  très  nombreux  au  contraire  dans  les 
2  mètres  suivants  et  surtout  dans  le  5"  mètre,  où  ont  été 
trouvés  la  plupart  des  crânes.  Enfin,  à  1  mètre  environ  du 
fond  de  la  caverne,  ils  cessaient  tout  à  coup. 

D  est  permis  d'en  conclure  que  l'inhumation  se  faisait 
chaque  fois  dans  la  partie  de  la  caverne  la  plus  rapprochée 
de  l'ouverture  et  que,  pour  faire  place  au  corps,  on  rejetait 
vers  le  fond  de  la  caverne  les  débris  des  corps  précédents. 

Pour  que  cette  conclusion  fût  tout  à  fait  certaine,  il  fau- 
drait qu'on  eût  trouvé  près  de  l'ouverture  un  squelette  encore 
en  position,  avec  ses  os  placés  bout  à  bout.  Malheureusement 
cette  première  partie  de  la  caverne  n'a  pas  été  fouillée  métho- 
diquement. Avant  le  premier  voyage  de  M.  Prunières,  elle 
avait  déjà  été,  sinon  tout  à  fait  déblayée,  du  moins  entière- 
ment bouleversée  par  le  paysan  dont  j'ai  parlé,  et  celui-ci  ne 
put  déterminer  les  rapports  dans  lesquels  il  avait  trouvé  les 
os  de  la  couche  la  plus  superficielle  du  sable.  Mais  ce  que 
M.  Prunières  constata  bien  nettement,  c'est  que,  dans  la 
seconde  partie  de  la  caverne,  les  os  étaient  répartis  sans 
aucun  ordre  et  que,  par  conséquent,  ils  y  avaient  été  repous- 


192  - 


ses  et  entassés  pêle-mêle  après  la  destruction  complète  des 
chairs. 

Dans  le  premier  tiers  de  la  caverne  gisaient  deux  poin- 
çons en  os  et  une  pointe  de  flèche  en  silex,  sans  le  moindre 
débris  de  charbons,  de  poteries  ou  d'ossements  d'animaux. 
Aucun  objet  quelconque,  autre  que  les  os  humains,  n'a  été 
trouvé  dans  le  reste  de  la  caverne,  quoique  M.  Prunières, 
un  foiiilleur  comme  il  y  en  a  peu,  ait  tamisé  tout  le  sable  de 
ses  propres  mains. 

C'est  exclusivement,  je  le  répète,  dans  le  sol  de  la  plate- 
forme qu'existaient  les  foyers  et  les  débris  des  festins,  for- 
mant une  couche  d'environ  40  centimètres  d'épaisseur.  Dans 
cette  couche,  nous  avons  trouvé  une  grande  quantité  de  cen- 
dres et  de  détritus  de  charbon,  au  moins  sept  foyers  avec 
leurs  pierres,  des  couteaux  et  grattoirs  de  silex,  une  belle 
pointe  de  lance  en  silex,  des  ossements  d'animaux  brisés 
comme  le  sont  les  restes  do  cuisine,  enfin  plusieurs  grands 
vases  en  poterie  très  grossière,  très  épais,  très  plats  et  très 
larges. 

Tous  les  silex  étaient  taillés;  mais  l'un  d'eux,  la  pointe  de 
lance,  avait  été  fabriqué  aux  dépens  d'une  vieille  hache 
polie.  Une  partie  de  la  surface  polie  de  cette  hache  s'aperce- 
vait encore  sur  l'une  des  faces  de  la  flèche. 

Ce  dernier  fait  suffit  parfaitement  pour  prouver  que  la 
caverne  de  l'Homme  mort  est  une  sépulture  de  l'âge  de  la 
pierre  polie.  Et  cela  découlait  déjà  d'ailleurs  de  l'étude  des 


—  193  — 

par  un  habitant  de  Merrucys,  et  je  le  regrette  beaucoup,  car 
la  question  de  savoir  si  les  troglodytes  de  YRomme  mort 
avaient  des  animaux  domestiques  reste  douteuse. 

Parmi  ces  ossements,  nous  avons  trouvé  deux  petits  os  hu- 
mains, savoir  :  un  court  fragment  de  radius  et  un  cuboïde 
provenant  d'une  jeune  femme.  Sur  Tune  des  extrémités  du 
radius  et  sur  l'une  des  faces  du  cuboïde,  on  apercevait  des 
traces  incontestables  de  carbonisation.  Mais  cela  ne  suffit 
pas  sans  doute  pour  prouver  l'anthropophagie.  Ces  deux 
petits  os  ont  très  bien  pu,  pendant  une  inhumation,  rouler 
de  l'ouverture  de  la  caverne,  se  perdre  dans  le  sol  de  la  plate- 
forme et  se  trouver  ensuite  fortuitement  en  contact  avec  le 
feu  d'un  festin. 

n  résulte,  je  pense,  de  la  description  précédente  que  la 
sépulture  de  \ Homme  mort  est  très  semblable  à  celle  d'Au- 
rignac,  qu'on  y  pratiquait  les  mômes  funérailles,  suivant  les 
mêmes  rites,  que  par  conséquent  les  hommes  de  ce  temps-là 
avaient  conservé  les  mœurs  des  troglodytes  de  l'époque  qua- 
ternaire. 

Il  était  bien  probable,  dès  lors,  que  nous  trouverions,  à 
peu  de  distance  de  la  caverne  sépulcrale,  une  caverne  d'ha- 
bitation. C'est  ce  qui  n'a  pas  manqué.  A  400  mètres  de  là,  à 
l'extrémité  septentrionale  de  la  gorge  de  \ Homme  mort,  au 
bout  de  la  pelouse  que  j'ai  déjà  décrite  et  qui  était  assez  vaste 
pour  servir  aux  ébats  d'une  tribu  nombreuse,  existe  une 
grande  et  haute  caverne,  dont  l'ouverture,  large  de  7  à  8  mè- 
tres, regarde  directement  vers  le  sud. 

A  l'entrée  de  cette  caverne,  un  énorme  bloc  de  pierre, 
détaché  de  la  voûte,  forme  une  grande  table  horizontale  et 
transversale,  haute  de  1"20,  large  de  l^SOetlongue  de  2"'50. 
Cette  table  existait  déjà  lorsque  la  caverne  était  habitée,  car 
sur  sa  face  supérieure,  près  de  l'un  de  ses  bords  et  du  côté 
de  la  caverne,  existe  une  rainure  artificielle,  dont  les  bords, 
usés  par  le  frottement ,  paraissent  avoir  servi  à  polir  des 
haches  ou  plutôt  à  en  raviver  le  tranchant.  C'était  un  meuble 


194  - 


naturel,  qui  devait  être  fort  commode,  aussi  bien  pour  dé- 
poser des  objets,  que  pour  faciliter  la  défense  de  l'habitation. 

Le  sol  de  la  caverne  est  formé  par  le  roc;  la  voûte  est 
sèche,  sans  fissures  ;  il  n'y  a  point  de  stalactites  et  l'absence 
d'infiltration  explique  pourquoi  il  ne  s'est  pas  déposé  de  cou- 
ches terreuses  dans  la  caverne.  Celle-ci  sert  encore  aujour- 
d'hui de  refuge  aux  pâtres  ;  en  temps  d'orage,  on  y  abrite 
aisément  tout  un  troupeau  ;  une  clôture  incomplète  en  pierres 
sèches  et  en  branchages,  qui  a  été  établie  par  les  pâtres, 
derrière  la  table  de  pierre,  empêche  le  vent  de  s'y  engouffrer 
avec  trop  de  force.  On  y  fait  souvent  du  feu,  car  la  voûte 
est  enfumée,  et  cependant  c'est  h  peine  si  l'on  trouve  çà  et  ià 
8ur  le  sol  quelques  débris  de  ces  foyers  modernes.  Il  faut 
croire  que,  pour  se  mettre  à  l'aise,  les  pâtres  ont  plus  d'une 
fois  balayé  le  sol,  et  c'est  pour  cela  sans  doute  que  les  traces 
de  l'habitation  troglodytique  ont  presque  entièrement  dis- 
paru. 

Mais  en  quelques  points  où  le  sol  est  un  peu  inégal,  prin- 
cipalement près  des  parois  et  sur  les  bords  de  la  dalle  de 
pierre,  existent  des  couches  de  terre  de  20  à  25  centimètres 
d'épaisseur  ;  quelques  couteaux  de  silex,  quelques  débris  d'os- 
sements d'animaux  et  de  poteries,  trouvés  dans  ces  minces 
couches,  suffisent  pour  prouver  que  la  caverne  a  été  réelle- 
ment habitée.  Les  couteaux  sont  semblables  à  ceux  qui  ont 
été  extraits  de  la  plate-forme  de  Vffomvie  mort,  et  il  est  dès 
lors  très  probable  que  la  grande  caverne  était  l'habitation  de 


—  195  — 


lorsqu*on  la  Toit  reparaître  à  de?  époques  différentes,  on  ii*a 
pas  le  droit  d>n  oonclare  que  ce  soit  Tefiet  d^une  transmis- 
sion non  interrompae.  3klais  la  similitiide  des  rit^s  funêraiTe> 
ne  peut  s*explîqaer  que  par  rimitation  ou  par  la  filiation.  Et 
lorsque  nous  retrouvons  chez  les  troglodyte?  de  Y  Homme 
wuni  une  sépoltore  en  tout  pareille  à  celle  d'Aorignac*  nous 
pouvons  en  conclure,  je  pense,  que  cette  coïncidence  parfaite 
n'est  pas leffet  du  hasard. 

Les  races  humaines  de  Tépoque  quaternaire  n  ont  donc 
pas  subitement  disparu.  Vaincues,  eiterminées  même  peut- 
être  sur  certains  points  par  la  race  qui  possédait  la  hache 
polie,  elles  ont  pu  se  maintenir  longtemps  encore  eu  d*autres 
lieux  mieux  défendus  par  la  nature  ou  mal  appropriés  au 
genre  de  vie  des  nouveau-venus  ;  et  1  on  conçoit  très  bien 
que  ces  survivants  d'un  autre  âge  aient  conservé  les  moeurs 
de  leurs  ancêtres,  tout  en  adoptant,  par  imitation,  l'usage 
des  silex  polis. 

Ces  probabilités,  déjà  si  grandes  lorsqu'on  ne  considère 
que  les  faits  archéologiques,  se  changent  presque  en  certitude 
lorsqu'on  fait  intervenir  les  faits  anthropologiques.  Je  dirai 
donc  quelques  mots,  en  terminant,  sur  les  crânes  et  les  osse- 
ments de  la  caverne  de  Y  Homme  mort. 

On  peut  évaluer  à  une  cinquantaine,  au  moins,  le  nombre 
des  corps  que  renfermait  cette  sépulture.  J'ai  déjà  dit  que 
beaucoup  d'ossements  ont  été  perdus;  beaucoup  d'autres  sans 
doute  s'étaient  depuis  longtemps  détruits  dans  le  sol,  et 
cependant  il  reste  encore  19  crânes  presque  complets,  sans 
compter  de  nombreux  fragments  qui  n'ont  pu  étrcjippa- 
reillés  et  qui  proviennent  au  moins  de  10  têtes  différentes. 

Cette  collection  si  précieuse  par  le  nombre  des  crânes,  par 
leur  degré  remarquable  de  conservation  et  par  la  constance 
de  leur  type,  m'a  été  généreusement  donnée  par  M.  Prunières, 
pour  le  laboratoire  d'anthropologie  de  l'École  des  Hautes 
Études.  Ilne  s'est  réservé,  pour  sa  collection  particulière, 
que  4  crânes  qu'il  m'a  permis  de  faire  mouler  et  dont  j'ai 


apporté  des  exemplaires,  destinés  au  Musée  d'Histoire  natu- 
relle de  Bruxelles, 

Je  vous  présente  une  épreuve  de  ces  4  crânes.  Vous  voyez 
combien  ils  sont  semblables  entre  eux.  Ils  ne  sont  pas  moins 
semblables  aux  autres,  car  ils  n'ont  pas  été  choisis.  C'est  le 
hasard  seul  qui  les  a  groupés;  ce  sont  simplement  les 
4  derniers  crânes  extraits  de  la  sépulture. 

La  collection  comprend  7  hommes,  6  femmes,  3  enfants 
d'une  douzaine  d'années  et  enfin  3  crânes  dont  le  sexe  est 
incertain  (l'un  probablement  masculin,  les  2  autres  probable- 
ment féminins). 

Tous  sont  remarquables  par  la  douceur  de  leurs  traits,  par 
la  pureté  de  leurs  contours,  par  la  minceur  de  leurs  parois, 
par  le  peu  de  saillie  des  attaches  musculaires,  par  la 
forme  orthognate  du  visa^.La  capacité  en estconsidérable  : 
1 ,544  centim.  cubes  en  moyenne  ;  le  front  est  large  et  haut, 
le  vertex  est  bien  arrondi  et  les  tempes  sont  peu  saillantes. 
La  face  et  la  région  antérieure  du  crâne  sont  très  peu  varia- 
bles. Ce  qui  présente  le  moins  de  fîxité,  c'est  le  degré  de 
saillie  de  la  région  occipitale,  qui  est  d'ailleurs  toujours 
arrondie  et  assez  étroite.  De  cette  cause,  plus  que  de  toute 
autre,  dépendent  les  variations  de  l'indice  céphalîque,  qui 
(lont  comprises  entre  68  et  78  "/«.  L'indice  céphalique  moyen 
de  toute  la  série  n'est  que  de  73.22  "/»■ 

C'est  dire  que  la  race  de  l'Homme  mort  est  très  dolichocé- 
phale. Elle  diffère  beaucoup,  sous  ce  rapport,  de  toutes  les 
populations  actuelles  de  la  France,  de  toutes  nos  populations 


—  197  — 

Sur  les  plateaux  des  Causses,  non  pas  dans  la  commune 
de  Saint  Pierre,  mais  à  peu  de  distance  de  là,  se  trouvent  de 
nombreux  dolmens.  Ces  monuments  que  M.  le  docteur  Pru- 
nières  a  exploré  avec  une  activité  peu  commune,  occupent 
presque  toute  l'étendue  de  la  grande  région  des  plateaux  cal- 
caires désignés  dans  la  Lozère  et  TAveyron  sous  le  nom  de 
Causses.  Les  plus  modernes  renferment  des  ornements  en 
bronze  et  en  verre,  d'origine  très  probablement  phénicienne. 
Les  plus  anciens  ne  recèlent  que  des  objets  en  pierre  et  nous 
ne  savons  s'ils  remontent  jusqu'à  l'époque  des  troglodytes 
de  V Homme  mort.  Cela  n'est  pas  sans  vraisemblance.  Il  est 
assez  probable  que  la  race  qui  éleva  les  dolmens  et  la  race  de 
VHomm4  mort  vécurent  quelque  temps  juxtaposées  dans  ces 
deux  régions  voisines.  Mais  ce  qui  est  certain,  c'est  que  ces 
races  différaient  entièrement  l'une  de  l'autre.  Les  crânes 
extraits  des  dolmens  par  M.  Prunières  sont  beaucoup  plus 
épais  que  ceux  de  VHomvie  mort.  Ils  sont  beaucoup  moins 
dolichocéphales  et  bon  nombre  sont  même  plus  ou  moins 
brachycéphales.  Leurs  traits  et  leurs  contourssont  plus  durs, 
moins  harmoniques;  les  empreintes  musculaires  et  le  volume 
des  mâchoires  annoncent  une  race  plus  puissante.  L'étude 
des  os  des  membres  confirme  pleinement  ces  difiFérences.  La 
taille  des  troglodytes  est  moins  élevée  que  celle  des  hommes 
des  dolmens.  Leur  ossature  est  beaucoup  moins  massive; 
leurs  membres  sont  plus  grêles,  leurs  rotules  plus  petites. 
Il  est  évident,  en  un  mot,  que  la  race  des  dolmens  était  beau- 
coup mieux  partagée  sous  le  rapport  de  la  force  physique. 

La  disparition  de  la  race  de  V Homme  mort  ne  saurait 
donc  nous  surprendre.  Comment  et  quand  s'est-elle  eflFectuée? 
Nous  l'ignorons  ;  nous  ne  savons  pas  non  plus  si  d'autres 
débris  des  populations  quaternaires  ont  survécu  plus  long- 
temps, en  d'autres  lieux,  à  l'état  de  tribus  distinctes.  Mais  ce 
qui,  je  pense,  doit  être  considéré  comme  extrêmement  pro- 
bable, c'est  que  la  tribu  des  troglodytes  de  \ Homme  mort 
appartenait  à  une  race  antérieure  à  celle  qui  a  construit  les 

13 


198  - 


dolmens  et  qu'elle  continua  à  représenter  quelque  temps 
encore,  pendant  la  période  de  la  pieiTe  polie,  les  populations 
de  l'époque  de  la  pierre  taillée. 

M.  Cazalis  de  Fondouce.  J'ai  été  heureux  d'entendre 
M.  Broca  développer  et  soutenir  une  opinion  que  j'avais 
formulée  déjà  depuis  longtemps ,  mais  j'ai  été  surpris  de 
l'entendre  dire  que  la  grotte  sépulcrale  de  Yffomme  mort  est 
peut-être  la  plus  récente  que  l'on  connaisse.  Dans  un  travail 
publié  en  1867,  j'ai  décrit  la  grotte  sépulcrale  de  Saint  Jean 
d'Alcas  (Avejron),  qui  est  de  l'âge  de  la  pierre  polie  et  qui 
contenait  même  quelques  objets  en  métal.  J'ai  établi,  par  la 
comparaison  de  son  mobilier  funéraire  avec  celui  des  dol- 
mens voisins,  qu'ils  étaient  exactement  identiques  et  par 
suite  de  la  môme  époque,  et  que  les  populations  qui  enter- 
raient leurs  morts  dans  les  dolmens,  avaient  conservé  l'habi- 
tude de  les  ensevelir  aussi  dans  des  grottes.  En  même  temps, 
je  faisais  ressortir  la  continuité  de  cette  tradition,  qui  me 
paraissait  être  une  preuve  que,  parmi  les  hommes  de  l'âge 
de  la  pierre  polie,  se  trouvaient  les  descendants  de  ceux  des 
âges  précédents.  Je  vois  encore  des  preuves  de  ce  fait  dans 
l'observation  faîte  par  MM.  de  Quatrefages,  Hamy  et  d'autres 
anthropologistea,  que  l'on  retrouve,  dans  nos  populations 
actuelles, des  individus  reproduisant  les  types  de  la  Naulette, 
du  Néandertha!,  etc.,  et  dans  la  reproduction  des  formes  des 
silex  de  Solutré  et  de  Laugerie  par  les  flèches  et  les  lances 
de  l'âge  de  la  pierre  polie.  On  a  même  trouvé,  dans  une 


—  199  — 

danà  le  Midi  de  la  France  que  celles  qui  leur  ont  servi  de 
sépulture.  H  y  a  déjà  plusieurs  années  que  M.  OUier  de  Ma- 
richard  a  fait  connaître  celles  de  Vallon  (Ardèche),  et  je 
décris  moi-môme,  dans  un  travail  qui  est  en  ce  moment 
sous  presse,  une  de  ces  grottes  située  sur  les  bords  du  Gardon. 
Ma  conviction  est  que  le  peuple  des  dolmens,  en  venant  dans 
nos  pays,  s'est  uni  avec  les  vieux  habitants  du  sol  en  pré- 
sence desquels  il  s  est  trouvé  et  qu'il  a  fini  par  les  absorber. 
Comme  à  M.  Broca,  il  ne  me  paraît  point  que  la  lacune 
signalée  par  M.  de  Mortillet  ait  réellement  existé. 

M.  Franks.  Des  grottes  sépulcrales  du  même  genre  que 
celles  décrites  par  M.  Broca  ont  été  trouvées  au  Nord  du  pays 
de  Galles.  Ces  grottes  ont  été  décrites  par  M.  Boyd  Dawkins 
et  par  M.Busk  dans  le  «  Journal  of  the  Ethnological  Society 
of  London»  (1871),  II,  p.  440,  sous  le  titre  «  Platycnemic 
men  in  Denbighshire.  » 

Quant  aux  cavernes  de  l'Angleterre,  c'est  vers  la  fin  de 
roccupation  romaine  qu'elles  ont  été  le  plus  habitées;  peut- 
être  les  Bretons  romanisés  s'y  sont-ils  réfugiés  au  moment 
de  l'invasion  saxonne. 

Comparaisons  entre  les  ossements  des  cavernes  de  la  Belgique 
et  les  ossements  des  hjoekkenmoedding  du  Danemark^  du 
Groenland  et  de  la  Laponie,  par  M.  J.  Steenstrup. 

A  la  fin  de  la  discussion  soulevée  par  la  question  du  mode 
de  remplissage  des  cavernes  et  de  l'antiquité  de  leurs  couches, 
la  parole  m'a  été  donnée  pour  indiquer  le  résultat  de  quel- 
ques comparaisons  entre  les  innombrables  os  d'animaux  qui 
ont  été  extraits  des  cavernes  de  la  Belgique  et  qui  sont,  pour 
la  plupart,  considérés  comme  des  restes  de  repas  des  tro- 
glodytes, et  les  os,  également  très  nombreux,  que  nous 
avons  retirés  en  Danemark  des  kjoekkenmoedding  de  l'âge 
de  la  pierre  ou  qui  ont  été  recueillis  au  Groenland  dans  des 
amas  de  même  nature  formés  par  les  Esquimaux,  peuple  dont 


toute  la  manière  de  vivre  a  souvent  suggéré  &  M.  É.  Dupont 
un  parallélisme  avec  les  habitants  des  cavernes  de  la 
Belgique.  II  vadonc  de  soi  que,  pour  aujourd'hui,  je  me  boi> 
nerai  h  l'examen  de  quelques  points  qui  sont  en  connexion 
plus  ou  moins  directe  avec  la  principale  question  à  l'ordre 
du  jour,  à  savoir  la  nouvelle  et  intéressante  démonstration 
géologique  que  M.  Dupont  adonnée  de  l'histoire  des  cavernes. 
Mais,  avant  de  développer  ces  points,  je  demanderai  la 
permission  de  lui  soumettre  quelques  remarques.  Pour 
éviter  tout  malentendu,  je  dois  en  effet  prévenir  que  mon  opi- 
nion sur  le  contenu  des  cavernes  belges  ne  s'appuie  pas  sur 
les  observations  que  j'ai  pu  faire,  depuis  notre  arrivée  au 
Congrès,  sur  les  grandes  richesses  mises  au  jour  par  les 
fouilles  de  ces  cavernes  ;  mais  eUe  est  basée  sur  une  étude 
antérieure  à  laquelle  je  me  suis  livré  dans  un  but  déterminé, 
n  y  a  environ  deux  mois,  je  me  suis  en  effet  rendu  & 
Bruxelles  dans  le  but  spécial  d'examiner  les  trésors  paléon- 
tologiques  que  les  publications  de  M.  Dupont  ont  rendus 
célèbres,  et  j'ai  consacré  une  semaine  exclusivemetft  à  cet 
examen  ;  car,  bien  que  je  me  sois  occupé  pendant  plusieurs 
années  de  sujets  analogues  ou  identiques  sur  les  cavernes  des 
autres  pays  de  l'Europe,  cette  étude  préliminaire  des  trou- 
vailles des  cavernes  belges  m'était  tout  à  fait  indispensable 
pour  pouvoir,  comme  je  le  désirais,  suivre  avec  fruit  les  dis- 
cussions du  futur  Congrès.  C'est  pour  moi  un  devoir,  que  je 
remplis  avefc  une  vive  satisfaction,  de  remercier  notre  secré- 


—  201  — 

subventionnées  par  l'État  belge,  mais  aussi  arranger,  éti- 
queter les  innombrables  objets  extraits  des  cavernes  et  les 
disposer  suivant  une  méthode  qui,  tout  en  permettant  d'en 
saisir  facilement 'l'ensemble,  fournit  sur  beaucoup  d'entre 
eux  des  renseignements  spéciaux  et  empêche  toute  confu- 
sion. Sans  parler  des  crânes  nombreux  d'animaux,  les 
personnes  même  les  plus  étrangères  à  la  science  ne  peuvent 
sans  surprise  voir  des  raretés  comme  la  série  des  squelettes 
du  Lion  et  de  l'Ours  des  cavernes  à  partir  de  l'état  de  fœtus. 
Néanmoins  quelque  précieux  que  ces  objets  soient  pour 
la  science,  ils  doivent  céder  le  pas  à  la  grande  masse 
d'os  isolés  et  de  fragments  d'os  que  renferment  les  collec- 
tions et  qui  ne  peuvent  avoir  de  l'intérêt  que  pour  le  savant. 
Mais  celui-ci  ne  saurait  non  plus  utiliser  sérieusement  ces 
collections  sans  reconnaître  que,  même  dans  le  cas  où  plu- 
sieurs des  résultats  auxquels  l'étude  de  ces  ossements  a  con- 
duit M.  Dupont,  viendraient,  dans  le  cours  des  temps, 
lorsque  toutes  les  cavernes  de  l'Europe  seront  mieux  con- 
nues, à  subir  quelques  modifications  essentielles,  il  n'en  res- 
tera pas  moins  constant  que  de  ces  grandes  et  riches  trou- 
vailles datera  une  ère  de  remarquables  progrès  dans  nos 
connaissances  relativement  aux  cavernes  et  surtout  à  la  série 
des  faunes  qui  se  sont  succédées  dans  les  dernières  phases 
géologiques  de  notre  planète. 

En  ce  qui  concerne  mes  recherches  sur  les  kjoekkenmoed- 
ding  desEsquimaux  du  Groenland,  je  ferai  seulement  observer 
que  je  ne  les  ai  pas  entreprises  dans  le  but  d'établir  des 
comparaisons  entre  ces  amas  et  ceux  d'autres  peuples,  par 
exemple  les  troglodytes  des  cavernes  de  l'Europe,  mais  pour 
comparer  les  renseignements  qu'ils  peuvent  fournir,  avec 
ceux  que  nous  donnent  les  écrits  et  les  relations  qui  ont  été 
publiés  sur  les  Esquimaux  ou  ceux  que  nous  avons  pu  obtenir 
en  vivant  au  milieu  d'eux. 

En  considérant,  d'une  part,  l'importance  qu'ont  acquise 
dans  ces  dernières  années,  comme  sources  pour  l'histoire  des 


anciens  peuples,  les  recherches  concernant  les  kjoekkenmoed- 
ding,  les  palafittes,  les  terramares  et  le  contenu  des  cavernes 
qui  ont  servi  de  séjour  ou  d'habitation  à  d'anciennes  popu- 
lations, et,  d'autre  part,  l'assurance  avec  laquelle,  à  l'aide  des 
données  fournies  par  ces  monuments,  mais  peut-être  souvent 
recueillies  sans  aucun  plan  arrêté,  on  a  cherché  à  recom- 
poser un  tableau  général  de  la  vie  et  de  la  civilisation  de  tels 
peuples;  en  considérant,  dis-je,  ces  deux  faits,  il  m'a  semblé 
que  plus  ils  étaient  évidents,  plua  il  y  avait  aussi  lieu  de 
regretter  qu'on  n'eût  pas  comparé  directement  les  temoi- 
guages  des  kjoekkenmoedding  d'un  peuple  sauvage  ou  demi- 
sauvage  encore  existent  avec  des  traditions  précises,  suscep- 
tibles d'être  enrichies  et  rectifiées,  et  qu'on  ne  se  fût  pas 
ainsi  convaincu  jusqu'à  quel  point  le  tableau,  fourni  par  ces 
monuments,  pouvait  être  complet  ou  défectueux. 

J'ai  pensé  que  les  kjoekkeumoedding  du  Groenland  et  de  la 
Laponie  se  prêteraient,  de  préférence  pour  nous,  babitents 
du  Nord,  à  une  expérience  de  ce  genre  et  c'est  dans  ce  but 
que  j'ai  entrepris  ces  recherches. 

Je  passe  maintenant  à  ma  communication  proprement 
dite,  qui  fournira  peut-être  des  points  de  comparaison 
instructifs  avec  les  restes  de  repas  qui  ont  été  trouvés  dans 
les  cavernes  ' . 

M.  É.  Dupont,  dans  ses  remarquables  travaux  sur  les 
cavernes  belges,  nous  a  donné  les  listes  des  os  d'animaux 
qui  ont  été  recueillis  dans  chacune  d'elles.  En  comparant 
notamment  les  listes  des  animaux  qui  ont  été  trouvés  dans 


—  203  — 

tion  que  ces  repas  semblent  présenter.  Es  forment  par  là  un 
contraste  frappant  avec  nos  kjoekkenmoedding  de  l'âge  de 
la  pierre  ou  avec  ce  que  j'ai  pu  constater,  pour  une  époque 
beaucoup  plus  récente,  dans  les  amas  analogues  des  Esqui- 
maux du  Groenland,  peuple  dont  M.  Dupont  met  cependant 
la  manière  de  vivre  en  parallèle  avec  celle  de  ses  Mongo- 
loïdes des  cavernes  de  la  Belgique.  Aussi  bien  au  Groenland 
qu'en  Danemark,  un  nombre  restreint  d'espèces  constituent 
le  fond  invariable  de  la  nourriture  animale  ;  là,  le  Renne,  les 
Phoques  et  quelques  palmipèdes  (mouettes,  eiders);  ici,  le 
Cerf,  le  Chevreuil,  le  Sanglier  et  quelques  oiseaux  aquati- 
ques. Parmi  les  cavernes  de  la  Belgique ,  il  y  en  a  bien 
quelques  unes  où,  d'après  les  listes,  ces  restes  de  repas  se 
composent  essentiellement  d'un  élément  principal,  le  Renne 
ou  le  Cheval  ou  tous  les  deux  à  la  fois,  mais  dans  le  plus 
grand  nombre,  ils  consistent  en  un  singulier  mélange  des 
animaux  les  plus  divers,  de  sorte  qu'en  face  d'une  alimenta- 
tion si  variée,  il  est  assez  difficile  de  distinguer  à  quoi,  en 
définitive,  se  rattachait  principalement  l'existence  de  ces 
peuples  primitifs.  Cette  variabilité  d'aliments  va  même  si 
loin,  qu'il  y  a  des  cavernes  dont  les  habitants,  d'après  les 
listes,  auraient  vécu  aussi  bien  d'animaux  carnassiers  que 
d'autres  animaux,  et,  ce  qui  rend  la  chose  encore  plus  extra- 
ordinaire, c'est  qu'on  peut  observer  une  variation  si  grande 
dans  des  cavernes  assez  voisines  les  unes  des  autres. 

Ce  fait  est  en  opposition  non  seulement  avec  l'identité  de 
composition  que  nos  kjoekkenmoedding  et  ceux  des  Esqui- 
maux présentent  d'une  localité  à  l'autre,  mais  aussi,  que  je 
sache,  avec  ce  qu'on  a  d'ailleurs  observé  chez  les  peuples 
peu  avancés  en  civilisation.  En  face  de  cette  singularité  des 
troglodytes  belges,  on  est  donc  déjà  forcé  de  se  demander  si 
les  ossements  contenus  dans  les  couches  des  cavernes  et 
parmi  lesquels  figurent  incontestablement  des  restes  de 
repas,  peuvent,  à  bon  droit,  par  le  fait  seul  de  leur  présence 
dans  les  couches,  être  tous  rangés  parmi  ces  restes  ou  consi- 


déres  conune  ajant  été  introduits  dans  les  cavernes  au  même 
tamp»  et  daos  le  même  but. 

La  questioii  peut  d'autant  moins  être  écartée  qu'elle  s'im- 
puM.  comme  nous  venons  de  le  voir,  non  seulement  par  des 
«MiBÎdéntions  d'anthropologie,  mais  aussi  par  les  faunes. 

Les  restes  d'animaux  qu'on  trouve  dans  les  amas  du  Groen- 
land appartiennent  en  effet  à  une  faune  arctique,  unique  et 
aatorelle  ;  de  même  ceux  de  nos  kjoekkenmoedding  de  l'âge 
de  la  pierre  ne  représentent  que  des  animaux  d'une  seule  et 
même  faune.  Dans  les  cavernes  belges,  les  animaux  dont  les 
«figurent  parmi  les  restes,  dits  de  repas,  sont  bien  supposés 
appartenir  à  une  faune  homogène,  mais  à  une  faune  qui, 
dans  le  cours  des  temps,  serait  devenue  tout  autre,  c'est  à 
dire  beaucoup  plus  pauvre,  et  cela,  remarquons-le  bien,  sui- 
vant un  procédé  déterminé  et,  je  ne  puis  le  nier,  d'après 
moi  assez  singulier.  On  suppose,  en  effet,  que  les  éléments 
moins  anciens  de  la  faune,  qui,  pendant  un  très  long  espace  ' 
de  temps,  lui  ont  imprimé  un  caractère  presque  arctique,  en 
ont  également  fait  partie  à  une  époque  plus  reculée,  et  ont 
par  suite  été  absolument  contemporains  des  grands  animaux, 
depuis lorsdisparus,  qui  donnaient  à  cette  faune  un  caractère 
tout  diffirent  de  celui  d'une  faune  subarctique,  à  savoir  le 
Mammouth,  le  Rhinocéros,  l'Hyène  et  en  partie  le  Lion  des 
cavernes,  etc.  Les  restes  de  ces  animaux  ontété  incontestable- 
ment extraits  des  mêmes  cavernes  et  souventau  même  niveau 
que  ceux  des  animaux  subarctiques,  mais  aont^ils  aussi  réel- 


—  205  — 

faune  boréale  ou  boréo-orientale ,  comprenant  le  Renne,  le 
Canis  lagopus,  le  Lemmns  TwrvegictcSy  le  Tetrao  lagopus,  etc., 
et  cela  sur  un  territoire  aussi  restreint  que  Test  aujourd'hui 
celui  de  la  Belgique,  pour  ne  pas  parler  de  ce  qu'il  était 
alors.  Il  craint  constamment  que  les  singularités,  que  présen- 
tent les  cavernes  dans  l'accumulation  et  l'association  de  leurs 
ossements  et  qui  lui  imposent  des  combinaisons  si  difficiles, 
ne  soient  dues  à  quelque  mystification  temporaire  que  la  na- 
ture aurait  ménagée  au  naturaliste,  ou  bien  que  le  naturaliste 
se  serait,  par  inadvertance,  préparée  à  lui-même. 

n  ne  m'appartient  pas  de  répondre  pour  les  autres  zoolo- 
gistes, mais,  quant  à  moi,  qu'il  me  soit  permis  de  déclarer 
que  je  suis  hors  d'état  d'établir  les  conditions  d'une  faune 
ayant  la  composition  de  celle  que  les  archéologues  considè- 
rent comme  contemporaine  des  hommes  qui  les  premiers 
cherchèrent  un  refuge  dans  les  cavernes. 

Un  autre  point  de  comparaison  important  que  présentent 
les  kjœkkenmoedding  du  Nord  et  les  cavernes,  est  le  traite- 
ment des  os,  soit  par  les  carnassiers,  soit  par  la  main  de 
lliomme.  A  cet  égard  cependant,  il  semble  aussi,  à  côté  de 
grandes  ressemblances,  y  avoir  de  grandes  dissemblances. 

Pour  être  bref,  je  renverrai  à  la  planche  78,  représentant 
le  squelette  d'un  grand  animal  (un  bœuf),  dont  les  parties 
teintées  en  bleu  indiquent  les  os  ou  portions  d'os  qui  ne  sont 
pour  ainsi  dire  jamais  attaquées  par  les  animaux  carnassiers 
(à  moins  que  l'animal  ne  soit  très  jeune),  et  les  os  ou  portions 
d'os  qui,  au  contraire,  sont  presque  toujours  dévorées  par  les 
carnassiers,  et  enfin  les  parties  du  squelette,  renfermant  une 
cavité  médullaire,  que  l'on  trouve  fendues  ou  brisées  par  la 
main  de  l'homme  à  cause  de  la  moelle  :  dans  le  cas  où  l'ani- 
mal est  de  ceux  à  la  moelle  desquels  l'homme  attache  du  prix. 
A  l'aide  d'une  pareille  figure,  on  peut  donc  d'un  coup  d'œil 
embrasser  l'histoire  des  os  et  de  leurs  différentes  parties. 

On  voit  ainsi  que,  dans  nos  kjoekkenmoedding,  les  os  de 
tous  les  ruminants  (Gerous  elaphus^  C.  capreolus,  Bos)  et  du 


—  206  ■ 


Sanglier  (Sus  scro/à)  sont  brisés;  mais  que  tel  n'est  pas  le 
cas  quant  aux  os  des  carnassiers,  pas  même  du  Chien,  bien 
qu'il  semble  avoir  été  un  aoîmal  alimentaire,  ni  des  pho- 
ques dont  les  os  ne  reufenuent  pas  de  cavité  médullaire, 
mais  seulement  un  diploë.  Dans  les  amas  des  Esquimaux,  oii 
les  os  des  phoques,  des  morses  (Rosmanis)  et  de  certaines 
baleines  (le  Béluga,  p.  ex,)  figurent  pour  une  si  grande  part, 
les  os  de  ces  animaux  ne  semblent  pas  non  plus  avoir  été 
brisés  pour  en  tirer  les  matières  grasses,  et  il  en  est  de  marne, 
que  je  sache,  de  ceux  du  Chien.  Les  os  du  Renne,  au  con- 
traire, sont  fendus  par  un  procédé  qui  est  si  identique  k 
celui  que  constatent  nos  kjoekkenmoedding,  que  la  figure 
dont  il  a  été  question  plus  haut,  donne  une  image  générale 
du  mode  de  traitement  des  os  à  moelle  tout  aussi  bien  chez 
les  Esquimaux  que  chez  notre  population  primitive,  et,  à  ce 
qu'il  semble,  également  chez  les  Lapons.  Je  dois  cependant, 
à  cet  égard,  indiquer  une  différence  dans  la  direction  suivant 
laquelle  les  Esquimaux  et  les  Lapons  fendent  un  dés  os  à 
moelle  du  Renne.  Tandis  que  le  métatarse  et  le  métacarpe  des 
ruminants  sont  invariablement  fendus  perpendiculairement 
au  plan  médian  par  notre  population  de  l'ftge  de  la  pierre, 
les  peuples  dont  il  s'agit  divisent  généralement  les  os  corres- 
pondants du  Benne  d'avant  en  arrière,  ou  parallèlement  au 
même  plan.  Cettedifférence  toutefois  ne  se  rattache  à  aucune 
particularité  ethnographique,  mais,  autant  que  j'en  puis 
juger,  à  une  différence  dans  la  structure  de  ces  os  chez  le 
Renne'. 


—  207  — 

maux,  ne  semblent  pas  être  aussi  communes  que  dans  nos 
kjoekkenmoedding;  mais  ce  sont  les  mêmes  parties  des  os  ou 
des  parties  analogues  qui  ont  été  dévorées  par  eux^ 

Si  nous  passons  aux  os  des  oiseaux,  dont  le  nombre  est 
également  si  considérable,  un  dessin,  qui  représente  un 
squelette  de  Canard,  composé  d'après  les  os  de  nos  kjoekken- 
moedding, donnerait  une  image  fidèle  de  la  manière  dont  ils 
se  présentent  dans  les  amas  des  Esquimaux.  Les  parties  cou- 
vertes de  hachures  indiquent  les  parties  des  os  qui  ont  été 
mangées  par  les  chiens,  et  celles  qui  n'en  ont  pas,  les  os  res- 
tants. Je  dois  cependant,  en  ce  qui  concerne  les  oiseaux, 
faire  une  remarque  analogue  à  celle  qui  a  été  exposée  plus 
haut  à  propos  du  Renne.  L*humérus,  dont  les  deux  bouts, 
comme  ceux  des  autres  os  longs,  sont  d'ailleurs  dévorés 
parles  carnassiers,  conserve  ses  extrémités  intactes  chez 
un  nombre  proportionnellement  très  grand  de  Tétras  et 
d'Alcacées  qu'on  trouve  dans  les  amas  desGroenlandais.il  est 
facile  de  se  convaincre  que  les  os  ont  une  dureté  plus  grande 
dans  ces  deux  familles.  On  voit  par  là  que  c'était  plus  qu'un 
heureux  hasard,  comme  je  le  croyais  alors,  que  les  humérus 
de  quelques  oiseaux  entièrement  disparus  de  notre  pays 
(Tetrao  urogallus  et  A Ica  impennis)^  que  j'avais  recueillis 
dans  nos  kjoekkenmoedding,  eussent  gardé  leurs  extrémités 


>  Ces  parties  ne  constituent  pas  essentiellement  des  épiphyses.  Â.  cette 
occasion,  Je  dois  rappeler  qu'il  s'est  produit  de  grands  malentendus,  parce 
qu'on  a  avancé  que  les  chiens  et  les  carnassiers  s'attaquaient  aux  épi- 
physes et  laissaient  les  diaphyses.  J'ai,  dés  l'origine,  fait  expressément 
obsenrer  qu'ils  entament  l'os  là  où  il  présente  le  tissu  le  moins  dur,  et  où 
par  conséquent  il  est  le  plus  spongieux,  et  c'est  précisément  pour  ce  mo- 
tif que  l'attaque  commence  d'ordinaire  à  la  limite  entre  l'épiphyse  et  la 
diaphyse,  mais  eUe  se  poursuit  généralement  bien  plus  avant  dans  la  dia- 
physe  que  dans  l'épiphyse.  Un  seul  coup  d'œil  jeté  sur  la  figure  fait  voir 
clairement  que  les  épiphyses  inférieures  du  tibia  ne  sont  pas  attaquées,  et 
U  en  est  de  môme  des  deux  épiphyses  du  métatarse,  du  métacarpe  et  du 
radios.  On  s'exprime  encore  moins  exactement  en  disant  que  les  épiphyses 
des  os  d'oiseaux  ont  été  dévorées  par  les  chiens  et  les  carnassiers,  puisque 
les  08  des  oiseaux  n'ont  pas  d'épiphyses. 


intactes  (Voir  Det  hgl,  danske  Vid.  Seîsk.  Otersigter,  1856, 
plaoche). 

Telles  sont  en  résumé  les  particularités  que  présentent  les 
amas  du  Nord  au  point  de  vue  de  l'état  de  conservation  des 
08.  Comme  comparaison,  je  vais,  d'après  l'exposé  de  M.  Du- 
pont et  l'examen  que  j'ai  fait  des  richesses  du  Musée  de 
Bruxelles,  indiquer  les  principales  différences  que  j'ai  consta- 
tées sous  ce  rapport ,  entre  ces  amas  et  ceux  des  cavernes 
belges. 

En  général,  l'état  de  conservation  des  os  dans  ces  cavernes 
est  beaucoup  plus  variable,  ce  qui  conduira  peut-être  à  les 
classer  plus  tard  en  groupes.  Le  temps  ne  me  permet  pas 
aujourd'hui  de  m'occuper  des  milliers  d'os  appartenant  à 
de  petits  manimifôres  comme  les  campagnols,  les  taupes,  les 
lemmings.les  marmottes,  etc.Ces  restes  ont  certainement  une 
très  grande  valeur  au  point  de  vue  zoologique,  et  ils  consti- 
tuent, suivant  moi,  une  des  parties  les  plus  belles  et  les  plus 
instructives  des  collections  du  Musée;  mais,  malgré  leur 
abondance,  je  croîs  cependant  que  leur  importance,  pour 
l'histoire  des  Troglodytes  des  cavernes,  est  plus  que  douteuse. 
Relativement  à  l'état  où  se  trouvent  les  os  du  Chevreuil,  du 
Cerf,du  Renne  et  d'autres  animaux  analogues,je  me  bornerai 
à  remarquer,  qu'en  somme,  ils  ressemblent  assez  &  ceque  j'ai 
vu  ailleurs;  mais  lorsque  nous  arrivons  au  Cheval,  il  se  mani- 
feste un  écart,  et  cet  écart  mérite  une  mention  spéciale  tant 
à  cause  du  fait  en  lui-même  que  par  considération  de  la 
théorie  nue  M.  Dupont  a  i!'niisc  à  Ift 


—  209  — 

plate;  de  sorte  que,  suivant  lui,  le  phénomène  devient  tout 
autre  et  demande  une  explication  toute  différente.  Et  nous  qui 
sommes  familiers  avec  ses  écrits,  nous  savons  aussi  quelles 
conséquences  importantes  cette  explication  entraîne  pour  notre 
archéologie  préhistorique.  Dans  nos  kjoekkenmoedding , 
c'étaient,  en  effet,  les  carnassiers  qu'on  supposait  avoir  enlevé 
toutes  les  parties  manquantes  du  squelette,  car  les  os  restants 
portaient  si  souvent  les  marques  de  leurs  dents,  qu'on  en 
devait  naturellement  conclure  que  tout  ce  qui  manquait,  avait 
disparu  de  cette  manière,  conclusion  qui,  d'après  ce  que  j'ai 
observé  plus  tard,  va  peut-être  en  quelques  cas  trop  loin. 
Mais,  sur  les  os  de  chevaux  provenant  des  cavernes,  on  re- 
marque très  rarement  ces  traces  de  dents  des  carnassiers,  et 
M.  Dupont  insiste  en  même  temps  sur  ce  fait  que  les  extré- 
mités des  os  sont  bien  conservées.  Il  fait  dériver  toutes  ces 
différences  d'un  traitement  particulier  de  la  part  de  la  popula- 
tion, et,  autant  que  j'en  puis  juger  par  l'examen  des  os,  les 
faits,  en  ce  qui  concerne  le  point  principal,  semblent  donner 
raison  à  notre  honorable  collègue.  Mais  devons-nous  égale- 
ment lui  donner  raison  quant  à  l'interprétation  de  ce  traite- 
ment particulier  et  à  la  conclusion  qu'il  en  tire?  A  cet  égard, 
je  ne  puis  m'empêcher  d'avoir  quelques  doutes  que  je  crois 
devoir  exposer  en  raison  de  l'importance  scientifique  de  la 
question. 

Notre  collègue  belge  explique  d'une  manière  très  ingé- 
nieuse l'absence  des  os  du  tronc  par  la  circonstance  que  ses 
Mongoloïdes  ont  tué  les  chevaux  à  la  chasse,  loin  des  cavernes, 
et  qu'ils  n'y  ont  transporté  que  les  têtes  et  les  membres,  les 
premières  surtout  à  cause  de  la  cervelle,  et  les  seconds,  pour 
la  moelle,  tandis  qu'ils  n'ont  pris  que  la  chair  du  tronc,  et 
laissé  le  reste  sur  place.  M.  Dupont  voit  dans  cette  combi- 
naison d'idées  la  meilleure  preuve  que  le  Cheval  ne  se  trou- 
vait en  Belgique  qu'à  l'état  sauvage,  et,  comme  des  particu- 
larités à  peu  près  analogues  s'observent  pour  les  os  du  Renne, 
il  en  tire  une  conclusion  semblable,  à  savoir  que  cet  animal  n'a 


aussi  vécu  en  Belgique  qu'à  l'état  sauvage,  et  non  dans  un 
état  de  demi-domesticité  comme  chez  les  Lapons  et  les  Sa- 
moyèdes  ;  il  s'ensuit  que  c'est  essentiellement  sur  son  hypo- 
thèse concernant  le  Cheval  qu'il  a  basé  son  opinion  relati- 
vement à  l'état  de  civilisation  des  Mongoloïdes  et  à  l'absence 
complète  chez  eux  d'animaux  alimentaires  domestiques.  Mais 
ce  n'est  pas  tout!  Si  je  ne  me  trompe ,  la  même  hypothèse 
fournit  aussi  en  grande  partie  à  M.  Dupont  la  preuve  que  le 
Mammouth,  le  Rhinocéros,  etc.,  étaient  contemporains  des 
Mongoloïdes,  puisque  ceux-ci  les  tuaient  fréquemment  à  la 
chasse  tout  comme  les  autres  animaux  sauvages.  De  ces 
grands  pachydermes,  on  ne  trouveen  effet  dans  las  cavernes 
que  des  restes  des  mêmes  parties,  à  savoir  de  latét«,  les  dents, 
et  des  membres,  quelques  fragments  insignifiants.  Or,  comme 
ces  restes  ne  constituent  pas  ordinairement  1/20  ou  même 
1/30  de  la  masse  osseuse  qui  entre  dans  la  composition  d'un 
membre  ou  d'une  tête,  M.  Dupont  et,  avec  lui,  plusieurs  ar- 
chéologues, supposent  que  les  19/20  ou  29/30  restants  de  ces 
ont  été  broyés  avec  de  grosses  pierres  pour  en  extraire  en- 
suite la  graisse.  Mais  une  pareille  explication  ne  soulève- 
t-elle  pas  immédiatement  l'objection  que  voici  :  pourquoi 
alors  ne  pas  supposer  également  que  les  19/20  ou  29/30  des 
vertèbres,  du  bassin,  etc.,  du  Cheval  ou  du  Renne  ont  été 
broyés  pour  en  extraire  la  graisse  et  ont  disparu  précisé- 
ment pour  ce  motif,  au  lieu  d'avoir  dès  l'origine  été  aban- 
donnés sur  le  terrain  de  la  chasse? 


—  211  — 

lisent  les  vertèbres  et  les  autres  os  moins  durs  pour  l'extrac- 
tion de  la  graisse,  et  c'est  ce  que  j'avais  en  vue  en  disant 
plus  haut  que  j'étais  peut-être  en  quelques  cas  allé  trop 
loin  dans  mes  conclusions  relativement  à  l'absence  des  os  du 
tronc  dans  les  kjoekkenmoedding. 

Mais  un  examen  plus  approfondi  de  cette  faune  si  riche 
des  cavernes  que  M.  Dupont  a  mise  au  jour,  fait  ressortir 
un  troisième  contraste  non  moins  étonnant,  celui  des  ani- 
maux domestiques  que  ces  anciennes  populations  auraient 
possédés. 

Tandis  que  les  kjoekkenmoedding  des  Esquimaux  du 
Groenland  et  de  la  population  de  l'âge  de  la  pierre  en  Dane- 
mark, ne  renferment  que  des  restes  d'un  seul  animal  domes- 
tique, le  Chien,  qui  certainement  était  très  souvent  au  Groen- 
land un  animal  de  consommation,  et  servait  peut-être  au 
même  usage  en  Danemark,  les  traces  du  Chien  dans  les 
cavernes  sont  si  peu  nombreuses  et  si  incertaines,  que 
M.  Dupont  n'admet  qu'en  hésitant  que  les  populations  des 
âges  du  Mammouth  et  du  Renne  aient  été  en  possession  de 
cet  excellent  compagnon.  Mais  ce  n'est  là  qu'un  côté  du  con- 
traste, n  est  bien  plus  grand  encore!  Parmi  les  os  qui,  avec 
ceux  des  anciens  pachydermes,  ont  été  extraits  de  couches 
dont  on  fait  positivement  remonter  l'origine  à  ces  deux  pé- 
riodes de  la  civilisation,  il  s'en  trouve  un  assez  grand  nombre 
appartenant  à  nos  autres  animaux  domestiques  :  le  Bœuf,  la 
Chèvre,  la  Brebis,  le  Porc.  Quant  à  moi,  je  n'ai  pu  distinguer 
ces  os  de  ceux  de  ces  espèces,  ni  lorsque  je  les  ai  examinés 
pendant  mon  premier  séjour  en  Belgique,  ni  lorsque  plus 
tard  j'ai  comparé  mes  notes  avec  les  collections  de  Copen- 
hague; mais  j'ai  cette  fois  apporté  avec  moi  quelques  os,  afin 
d'établir  une  comparaison  plus  exacte  avec  ce  contenu  peut- 
être  assez  inattendu  des  cavernes,  et,  si  cet  examen  doit  mo- 

hoc  agit,  humi  Mdet^et  iupercorium  rangiferimim,  quod  in  gremio  expan^ 
sum  hahet,  ossa  matteo  confHngit,  confractaque  elixanda  curât,  donec, 
qQidquid  pinguedinis  in  iUis  residuum  fuerit,  extractum  sit.  ••  p.  119. 


-  212- 


di£er  mes  premiers  résultats,  je  ne  manquerai  pas  de  le 
communiquer  dans  une  des  prochaînes  réunions. 

En  face  de  ces  trouvailles,  qui  sont  pour  moi  des  fails 
zoologiques,  et  en  face  de  ces  stratifications  dans  les  cavernes, 
qui  constituent,  au  contraire,  pour  notre  ami,  M.  Dupont, 
des  faits  géognostiques  sur  lesquels  le  savant  établit  son 
ordre  et  son  calcul  chronologiques  pour  tous  les  restes  orga- 
niques des  cavernes,  je  ne  puis  arriver  qu'à  ce  résultat  :  si  je 
dois  accepter  les  couches  fluviales  de  M.  Dupont  et  la  déter- 
mination d'âge  qui  en  résulte,  il  me  faut  aussi  admettre  que 
ces  restes  d'animaux  domestiques  remontent  à  la  môme 
époque  que  leMammouth,  etc., et,  par  conséquent, queles  po- 
pulations des  âges  du  Mammouth  et  du  Renne  ont  possédé 
eux-mêmes  la  plupart  de  nos  animaux  domestiques,  ou  ont 
pu  se  les  procurer  chez  des  peuplades  voisines ,  par  exemple 
en  les  volant.  Mais  de  quelque  manière  que  ces  animaux 
domestiques  soient  venus  en  leur  possession,  la  présence  de 
leurs  restes  dans  les  cavernes  prouve ,  il  me  semble ,  assez 
clairement  que  la  civilisation  de  la  période  du  Mammouth  et 
du  Renne  ne  peut  guère  avoir  ni  la  physionomie  qu'on  lui 
prête,  ni  remonter  aussi  haut  qu'on  l'a  supposé. 

Pour  donner  à  mes  assertions  une  base  plus  objective,  je 
vais  indiquer  quels  sont,  dans  ces  riches  collections,  les  os 
qui  m'ont  imposé  une  opinion  si  décidée.  Je  pourrai  le  faire 
très  brièvement,  grâce  encore  aux  efforts  de  M.  Dupont 
pour  arranger,  de  la  manière  la  plus  claire  et  la  plus  com- 


—  213  — 

Capra  sp.  et  que  M.  Dupont  et  ses  aides  ont,  jusqu'à  nou- 
vel ordre,  laissés  en  partie  indéterminés. 

Je  ne  saurais  cependant  me  dissimuler  qu'il  est  souvent 
peu  facile,  souvent  même  très  difficile  de  distinguer  avec 
certitude  des  os  d'animaux  sauvages  de  ceux  des  animaux 
domestiques,  et  il  est  donc  possible  que  je  me  sois  trompé,  ce 
que  pourtant  je  ne  crois  pas.  Toutefois,  j'admets  volontiers 
cette  possibilité  et  je  demande  seulement  qu'en  revanche  on 
m'accorde  que  cette  erreur,  si  elle  existe,  ne  peut  dépasser 
certaines  limites.  Jusqu'à  quel  point  donc  ai-je  pu  m'écarter 
de  la  vérité?  D'après  la  forme,  la  texture  et  l'état  de  conser- 
vation de  ces  os,  je  dois  maintenir  que  les  os  de  Bœuf  n'ont 
appartenu  à  aucune  des  espèces  reconnues  jusqu'ici  comme 
sauvages  du  grand  genre  Bos  (ni  le  Bison  europaus,  ni  le 
Bos  primigeniuSy  ni  YOvibos)  et  que  ceux  de  chèvre  et  de 
porc  ne  peuvent  provenir  des  fortes  espèces  sauvages  de 
Capra  ou  de  Su^,  mais  ont,  au  contraire,  appartenu  à  des 
formes  de  ces  trois  genres,  qui  non  seulement  sont  beaucoup 
plus  voisines  de  nos  formes  domestiques  que  des  espèces 
sauvages,  mais  en  sont  même  si  voisines  que,  suivant  moi, 
elles  n'en  peuvent  être  distinguées.  En  d'autres  termes,  même 
en  les  considérant  comme  saiivages^  ce  sont  des  espèces  iden- 
tiques à  nos  animaux  domestiques  actuels  de  ces  trois  genres. 
Et  si,  au  premier  coup  d'œil,  il  peut  sembler  que,  parmi 
les  os  portés  sur  la  liste  sous  la  désignation  de  Capra  sp., 
par  exemple,  il  y  en  a  beaucoup  qui  indiquent  des  varia- 
tions trop  grandes  dans  une  seule  et  môme  espèce,  ou  qui 
diffèrent  d'une  manière  assez  notable  de  ceux  des  races  de 
chèvres  que  l'on  connaît  \  la  raison  en  est  simplement  qu'un 
assez  grand  nombre  de  ces  os  n'appartiennent  en  réalité 
pas  au  genre  Capra,  mais  au  genre  Ovis,  distinction  qui 
ne  peut  être  faite,  il  est  vrai,  sans  des  connaissances  toutes 
spéciales.  C'est  pour  ce  motif  que  j'ai  plus  haut  mentionné  ' 

>  Qa*on  compare  par  ezinnple  les  métatarses,  les  métacarpes,  les 
mandibules  et  les  dents, 

U 


-214  — 


la  brebis  parmi  les  animaux  domestiques  qu'il  fallait  attri- 
buer aux  Mongoloïdes  de  la  période  du  Mammouth  et  du 
B«Dne. 

Par  conséquent,  la  seule  modification  de  mon  assertion 
que  puisse,  suivant  moi,  produire  une  erreur  commise  dans 
la  détermination  des  espèces  sauvages  et  domestiques,  c'est 
que  les  03  des  cavernes,  au  lieu  d'appartenir  à  nos  animaux 
domestiques,  seraient  ceux  d'espèces  identiques  à  nos  espèces 
domestiques,  mais  non  apprivoisées.  Si  l'on  suppose  mainte- 
nant que  les  peuples  de  cette  période  chassaient  ces  ani- 
maux comme  les  autres  bêtes  sauvages,  on  peut  bien  avoir 
raison  en  les  considérant  comme  des  peuples  chasseurs 
privés  de  bétail  ;  mais  le  fait  de  la  contemporanéité  entre 
ces  formes  et  les  grands  pachydermes  indique  h  lui  seul, 
ce  me  semble,  que  l'âge  du  Mammouth  ne  peut  être  aussi 
reculé  qu'on  l'a  supposé. 

La  zoologie  doit  aboutir  h  Tune  de  ces  deux  alternatives, 
si  elle  ficcepte  les  explications  géologiques  données  par 
M.  Dupont  relativement  aux  couches  dites  fluviales  des 
cavernes  et  au  mode  de  remplissage  de  celles-ci.  Ni  l'une, 
ni  l'autre  cependant  ne  peut  paraître  très  naturelle  au 
zoologue,  tant  qu'il  ne  sera  pas  convaincu  de  ce  qu'il  y  a  de 
fondé  dans  la  théorie  géologique  ;  jusque  là,  ce  ne  sera  qu'un 
moyen  plausible  d'écarter  les  trop  grandes  dissonances  entre 
ce  que,  de  divers  côtés,  oh  regarde  comme  des  faits.  Mais  si 
la  dernière  alternative  semble  devoir  être  préférée,  —  pour 


—  215  — 

constituent  certainement  Tun  des  sujets  les  plus  importants 
qui  aient  été  traités  pendant  ce  Congrès.  Les  vestiges  de 
l'existence  de  l'homme  des  âges  de  la  pierre  se  retrouvtent 
dans  presque  toutes  les  cavernes  en  Europe,  et  ces  cavernes 
sont  l'un  de  leurs  gisements  les  plus  fréquents  et  les  plus 
explorés.  A  part  les  silex  taillés  et  d'autres  objets  d'indus- 
trie, ces  vestiges  comprennent  surtout  de  nombreux  frag- 
ments d'os  d'animaux,  au  moyen  desquels  on  détermine 
souvent  leur  âge  géologique  et  l'on  cherche  à  définir  les 
mœurs  des  populations  anciennes.  Chacun  a  admiré  la  pro- 
fonde sagacité  qui  a  été  apportée  dans  l'étude  des  kjoekken- 
moedding  du  Danemark.  Ces  recherches  ont  été  réellement 
le  point  de  départ  d'une  reconstitution  rationnelle  pour  les 
mœurs  des  peuplades  des  âges  de  la  pierre.  Nous  voyons 
en  toutes  circonstances  que  l'étude  de  ces  mœurs  puise  plu- 
sieurs de  ses  bases  dans  les  principes  mis  en  lumière  par 
M.  Steenstrup,  et  qu'elle  se  conforme  à  la  méthode  d'inves- 
tigation et  de  déduction  du  savant  danois.  Mais  comme  il  est 
toujours  difficile  de  s'assimiler  les  vues  d'autrui  au  point  de 
pouvoir  en  faire  l'application  avec  rectitude  et  sûreté,  je  me 
suis  particulièrement  félicité  de  voir  un  savant,  compétent  à 
un  si  haut  degré,  examiner  les  collections  de  nos  cavernes  et 
contrôler,  sur  les  objets  eux-mêmes,  l'interprétation  qui  en  a 
été  faite.  Il  vient  de  présenter  au  Congrès  quelques  résultats 
de  ses  observations,  et  les  compare  à  ceux  que  lui  ont  fourni 
les  kjoekkenmoedding  danois  et  groenlandais.  Qu'il  me  soit 
permis  d'entretenir  à  mon  tour  l'assemblée  de  quelques  unes 
de  ces  questions. 

A  cAté  d'analogies  fondamentales  qui  sont  très  saillantes, 
M.  Steenstrup  observe,  entre  les  ossements  des  cavernes  et 
ceux  des  kjoekkenmoedding,  des  contrastes  de  plusieurs  ca- 
tégories, n  porte  d*abord  son  attention  sur  la  multiplicité  des 
espèces  auxquelles  les  ossements  des  cavernes  se  rapportent.  Il 
y  constate  sur  ce  point  une  première  différence  avec  les  restes 
des  repas  des  Esquimaux  et  des  hommes  des  kjoekkenmoed- 


ding  danois,  qui  se  composent  d'un  nombre  beaucoup  plus 
limité  d'espèces.  A  mon  avis,  ce  contraste  s'explique  par  les 
différences  existant  entre  les  faunes  elles-mêmes  au  milieu 
desquelles  ces  populations  ont  vécu.  Les  kjoekkenmoedding 
danois  contenaient  des  ossements  de  presque  tous  les  mam- 
mifères qui  existaient  alors  dans  cette  région.  M.  Steenstrup 
y  cite  18  espèces,  &  savoir'  : 


DelpbînuB  phocœna, 
Bos  primigeaius, 
Cervus  elaphus, 

—    capreolus, 
Sus  scrofa, 
Arvicola  amphibius, 
Castor  fiber, 
Helichœrus  grypus, 
Felis  catus. 


Felis  lynx, 

Ganis  vulpes, 
s-  lupus, 
—     familiarïs, 

Lutra  vulgaris, 

Mustela  foin  a, 
, —      martes, 

Ursus  arctos, 

Erinaceus  europseus. 


Le  Bison  et  l'Ëlan,  retrouvés  dans  les  tourbières,  sont  les 
seuls  mammifères  terrestres  dont  on  n'ait  pas  rencontré  de 
débris  dans  tes  kjoekkenmoedding. 

Cette  faune  est  certes  beaucoup  moins  nombreuse  que  celle 
des  cavernes,  qui  compte  non  moins  de  48  espèces  ayant 
toutes  servi,  d'après  mes  observations,  à  l'alimentation  des 
troglodytes  belges.  Les  listes,  publiées  pages  114  et  117, 
fournissent  les  éléments  de  comparaison  de  ces  faunes.  Mais, 
en  réalité,  j'ai  rarement  rencontré  plus  de  la  moitié  de  ces  48 


—  217  — 


CAVERNES. 


NIVEAUX 

ÛSSIFÈRES. 


NOIBRE 

D'£8PâC£S 

■élaiféci 

aux 

SILEX  TAILLÉS. 


ESPECES 


LBS  PLUS  ABONDANTES. 


Trou 
du  Sureau. 


4« 


Trou 
Magrite. 


Lm4 

■iTeaoi 

•uifèrti. 


3» 


Caverne 
de  Goyet. 


2e 


AGE  DU  MAMMOUTH. 

Renne  .  .  .  . 
Rhinocéros  .  . 
Mammouth  .  . 
14  espèces.^  Cheval .  .  .  . 
Hyène  .... 
Ours  des  cavern. 
Renard  ordinaire. 

Renne  .... 

Chèvre.     .     .     . 

Rhinocéros     .     . 

_,        ,        .  Mammouth    .     . 
26  espèces.^  ci^g^^ 

Hyène  .... 
Ours  des  cavern^. 
Renard  ordinaire. 

Renne.      .     .     . 

Chèvre .... 

Rhinocéros    .     . 

,  Mammouth 
espèces. 

Hyène  . 

Ours  des  cavern. 

Renard  ordinaire. 

Renne  .     . 

Chèvre .     . 

Rhinocéros 

,  Mammouth 
spèces, 

Hyène  .... 
Ours  des  cavern. 
Renardordinaire. 


10  md. 
4 


1 

7 

8  » 

45  r> 

10  » 

30  ind. 

10  » 
8  » 

3  » 
17  » 

4  » 

5  » 

11  » 


20  ind. 

2 

» 

4 

» 

7 

» 

18 

» 

12  » 

26  » 

3  » 

4  ind. 
2  > 

2  » 

2  » 

25  » 

7  » 

20  » 

6  > 


*  La  mention  de  rOurs  des  cavernes  n*a  pas  été  faite,  par  suite  d*ane 


—  218 

_ 

NOMIRE 

NIVEAUX 

D'aSPÉCKS 

ESPÈCES 

CAVEEINES, 

miîisss 

SILEt  TiULliS. 

LB8  PLUS  ABOSDA.NTEa. 

AGE  DU  MAMMOUTH  [Suilc]- 

/Renne  ....    11   ind.  | 

l  Chèvre.     .     . 

11   J, 

\  Rhinocéros     . 

2    « 

Caverne 

18  espèces.   M^'"'"""^    ■ 
'           Cheval.     .     . 

3     ), 

de  Goyet. 

i"' 

14     » 

Hyène.     .     . 

5     » 

Ours  des  cavern 

9    » 

\  Renard  ordiiiairu 

3     « 

AfSE  DU  RENNE. 

Renne  ....      3  ind, 

Chèvre .     .     . 

6     !> 

Bceufsp.   .     . 

15    « 

Trmi 
(leChaleux. 

Cheval .     .     . 

56    « 

l" 

25  espèces,   Sanglier    .     . 

5    « 

Lernming  .     . 

60    >i 

Rat  d'eau  .     . 

19     » 

Lièvre  .     .     . 

13       B 

Renard  ordinaire 

16    s 

Renne  .     .     . 

5  ind. 

Chèvre.     .     . 

15     11 

Bœufsp.   .,    . 

2     y\ 

Cheval.     .     . 

5     11 

Trou 

—  219  — 

Pendant  l'âge  du  Mammouth,  l'Ours  des  cavernes,  le  Renne 
et  le  Cheval  furent  donc,  avec  quatre  ou  cinq  autres  espèces, 
Talimentation  principale  de  nos  troglodytes.  Pendant  l'âge  du 
Renne ,  cette  alimentation  varia  davantage  d  une  caverne  à 
l'autre,  d'après  l'exploration  du  Trou  de  Chaleux  et  du  Trou 
des  Nutons;  cependant,  quoique  les  chiffres  maxima  ne  por- 
tent pas  sur  les  mêmes  espèces,  le  fond  de  la  nourriture  y 
était  fourni  par  le  même  groupe  d'animaux.  Quant  aux  au- 
tres espèces,  elles  sont  plus  ou  moins  accidentelles,  puis- 
qu'elles ne  sont  souvent  représentées,  parmi  ces  restes,  que 
par  des  ossements  d'un  ou  de  deux  individus  et  qu'elles  ne  se 
présentent  pas  dans  toutes  les  cavernes.  Du  reste,  aucune 
des  peuplades  de  l'âge  du  Mammouth  que  j'ai  étudiées  dans 
les  environs  de  Dinant,  n'était  rigoureusement  contempo- 
raine des  autres.  Il  est  probable  qu'il  en  était  de  même  pour 
celles  de  Chaleux  et  de  Furfooz.  On  pourrait  dès  lors  admet- 
tre qu'on  a  affaire,  dans  chacun  des  cas,  à  des  générations 
différentes,  dont  les  mœurs  auraient  subi  des  mutations  plus 
ou  moins  sensibles.  Cette  argumentation  n'est  que  complé- 
mentaire, car  on  voit,  par  une  étude  analytique,  que  la  varia- 
bilité dans  la  nourriture  de  nos  troglodytes  est  plus  appa- 
rente que  réelle  pendant  une  même  époque.  Elle  dépend 
surtout  de  leur  genre  de  vie  :  ces  hommes  étant,  selon  moi, 
exclusivement  chasseurs,  comme  je  pense  pouvoir  le  démon- 
trer de  nouveau  dans  les  pages  suivantes.  Il  serait  intéressant 
aussi  de  bien  constater  si  une  variabilité  d'alimentation,  ana- 
logue à  celle  qui  vient  d'être  définie,  ne  se  reproduit  pas 
dans  les  kjoekkenmoedding  du  Danemark,  delà  Laponieet  du 
Groenland.  Des  listes,  où  le  nombre  d'espèces  et  d'individus 
serait  noté  pour  chaque  amas ,  donneraient  immédiatement 
l'évidence.  Au  surplus,  si  nos  troglodytes  se  nourrissaient 
ordinairement  ou  accidentellement  de  presque  toutes  les 
espèces  animales  qui  existaient  dans  le  pays,  ils  restaient 
certainement  dans  le  cas  des  peuplades  des  kjoekkenmoed- 
ding danois^  qui,  d'après  le  compte-rendu  du  Congrès  de 


Copenhague,  s'y  nourrirent,  sauTpeu  d'exceptions,  de  toutes 
les  espèces  vivant  alors  en  Danemark.  De  notre  côté,  l'Hip- 
popotame, VEUphas  antiquus,  la  Loutre  et  le  Grand  Cerf 
d'Irlande  sont  lea  seules  espèces  quaternaires  dont  les  osse- 
ments, trouvés  dans  les  repaires  d'hyènes  ou  dans  les  dépAts 
extérieurs  de  la  basse  Belgique  qui  appartiennent  à  cette 
époque,  ne  se  soient  pas  présentées  dans  nos  cavernea  avec 
des  silex  taillés  et  autres  vestiges  de  l'existence  de  l'homme. 
D  y  a  donc  lieu  de  croire  qu'entre  les  ossements  des  cavernes 
et  ceux  des  l^oekkenmoedding,  les  contrastes  de  cett«  sorte 
sont  moins  sensibles  qu'on  ne  serait  porté  à  le  croire  après 
une  première  étude'. 

Cette  question  aurait,  il  est  vrai,  une  importance  assez 

>  Ce  Biu^t  a  Mé  examiné  par  M.  da  MortiUet  pour  lea  caverneB  du  Péri- 

gord  et  a  reçu  une  interprétation  digne  de  remarque  [BvU.  Soc.  Anthrop. 

de  Paris,  1873,  2>  sér. ,  t.  VII,  p.  490)  :  >  Ils  (les  débris  de  DOurriture)  se 

■  rapportent  presque  exclusivement  A  deui  ou  trois  espèces  parstation-O 

■  aontcea  espèces  qui  occupaient  le  pays  au  moment  de  l'année  où  l'homme 
•>  y  venait.  Comme  l'homme,  les  animaux  sauvages,  dans  les  pays  libres 

•  et  primitifs,  sontéminemment  nomadas.Ila  émigrent  A  certaines  époques 

■  et  changent  de  lieu  d'habitation  suivantlea  saisons;  parfois  ils  exécutent 
a  en  masse  de  forts  longs  voyages.  Les  Baffles  en  présentent  de  remsr- 

■  qnables  exemples  en  Amérique,  et,  dans  les  forêtsde  laRusBie.on  voyait 
■•  encore  naguère  le  Renne  quitter  pendant  l'hiver  les  régions  glacées  du 

•  Nord  et  descendre  A  degrandes  diBtancesversleMidi.  Rennes  et  Bœufs 

■  sont  justement  les  deuxgenres  d'animaux  qui  abondent  dans  les  stations 
■•  de  Tayac  Si  l'homme  avait  habité  toute  l'année  les  cavernes  de  ce  pays, 
a  sa  nourriture  aurait  été  beaucoup  plus  variée.  '  Cette  argamentation, 
basée  sur  des  faits  assez  en  désaccord  avec  les  observations  faites  dans 

I,  tend  donc  A  montrer  les  troglodytes  comme  nomades 


—  221  — 

médiocre,  si  elle  ne  venait  corroborer  les  doutes  que  font 
naître,  dans  l'esprit  de  notre  éminent  confrère,  la  richesse 
et  l'association  d'espèces  qui  constituent  la  faune  de  l'âge 
du  Mammouth.  Il  est  certain  qu'affirmer  l'existence  de  52 
espèces  de  mammifères  en  Belgique  à  une  môme  époque,  que 
déclarer  qu'aux  espèces  qui  y  habitent  encore  de  nos  jours, 
étaient  adjointes  28  espèces  dont  les  types  génériques  ou  spé- 
cifiques ne  vivent  plus  que  dans  d'autres  régions  très  distinc- 
tes^, c'est  poser  un  problème  de  géographie  zoologique  bien 
étrange  et  évidemment  des  plus  compliqués,  car  ses  données 
vont  à  rencontre  des  faits  fondamentaux  de  la  répartition 
actuelle  des  êtres.  Le  Renne,  au  lieu  de  la  Gazelle,  y  devient 
la  proie  du  Lion  !  A  côté  des  types  qui,  comme  l'Hippopotame, 
sont  exclus  par  le  froid  prolongé  et  intense,  se  seraient 
trouvés  le  Renard  polaire  et  le  Glouton  qui  caractérisent  les 
régions  arctiques  !  Ce  sont  cependant  autant  de  faits  définiti- 
vement démontrés,  dont  nous  devons  désormais  chercher 
l'explication  et  non  tenter  de  montrer  l'impossibilité. 

En  voici  la  démonstration  géologique  *  : 

La  caverne  de  Goyet  contenait  cinq  niveaux  ossifères, 
séparés  par  des  couches  de  limon  stratifié.  Les  deux  niveaux 
ossifères  inférieurs  ne  contenaient  pas  de  silex  taillés;  les 
trois  niveaux  supérieurs  ont  fourni  de  nombreux  restes  de 
l'industrie  humaine. 

Dans  le  cinquième  niveau  (le  pltis  inférieur),  se  trou- 
vaient les  ossements  de  quatre  F  élis  speîea,  espèce  incontes- 
tablement la  même  que  le  Lion  de  nos  jours.  J'ai  pu  en  faire 
reconstruire  un  squelette,  et,  si  tous  les  ossements  n'en  étaient 
pas  restés  réunis  et  dans  leurs  connexions  naturelles ,  c'est 
par  une  circonstance  accidentelle ,  la  prise  de  possession  du 

1  Ce  nombre  doit  encore  être  augmenté  :  les  Chéiroptères  dont  M.  Van 
Beneden  a  fait  Fétude  en  1872  sur  les  collections  de  Schmerling,  n'y  étant 
pas  compris.  J'ai  dû  remettre  à  plus  tard,  à  cause  de  retendue  de  Tensem- 
ble  des  collections  à  mettre  en  ordre,  la  détermination  des  restes  de  ce 
gronpe  recueillis  dans  les  cavernes  que  j'ai  explorées. 

s  L^ Homme  pendant  les  âges  de  la  pierre ,  p.  123. 


souterrain  par  l'Ours  des  cavernes  avant  que  ces  ossements 
eussent  été  recouverts  parle  limon;  plusieurs  parties  du 
squelette  de  ce  Lion ,  plusieurs  os  d'une  patte  et  9  vertèbres 
de  la  queue  furent  trouvés  dans  leurs  relations  anatomiques, 
au  lieu  que  les  autres  ossements  étaient  disjoints  et  dissé- 
minés. Le  Lion  habita  donc  la  caverne  de  Go  jet  à  une  époque 
facile  k  déterminer  par  rapport  à  l'introduction  des  osse- 
ments dans  les  autres  couches.  Le  Grand  Ours  l'habita  dans 
les  mêmes  conditions,  témoins  le  squelette  d'un  fœtus,  un 
squelette  d'adulte  et  des  portions  notables  de  squelettes,  dé- 
couverts avec  leurs  ossements  placés  k  côté  les  uns  des 
autres,  comme  ils  devaient  l'être  normalement. 

Dans  le  quatrième  niveau  ossifère,  les  ossements  de  l'Hyène 
remplacent  ceux  du  Lion  et  y  sont  mélangés  à  de  nombreux 
débris  de  14  espèces,  portant  presque  tous  la  trace  évidente 
de  ses  dents.  Nous  sommes  donc  ici  en  présence  des  témoins 
d'un  repaire  d'Hyène.  Or ,  parmi  les  ossements  qu'elle  a 
rongés,  figurent  ceux  du  Rhinocéros,  du  Mammouth,  du 
Benne,  du  Cerf,  etc.  De  nombreux  ossements,  souvent  nor- 
malement groupés,  de  l'Ours  des  cavernes  se  trouvaient  au 
milieu  de  ces  débris  et,  par  les  mêmes  évidences  que  dans  le 
cinquième  niveau,  démontrait  la  prise  de  possession  du  sou- 
terrain par  cette  espèce,  avant  que  les  restes  de  l'Hyène 
eussent  été  enfouis  sous  le  limon. 

Dans  chacun  des  trois  niveaux  supérieurs,  nous  voyons, 
au  milieu  de  silex  taillés,  d'os  carbonisés,  etc.,  réapparaître 
(le  iiiiDibri'iiv  o.^seiiieiits   ài'-^   i"Ji"'ces   riri'ci'(k'nt(?s.    Hvène. 


—  223  — 

d  une  époque  plus  ancienne  que  les  autres  dans  le  même  ni- 
veau ossifëre,  n'a  pas  été  amené  dans  la  caverne  par  un 
remaniement  quelconque. 

Comment,  dans  ces  circonstances,  ces  ossements  se  repré- 
senteraient-ils constamment  dans  ces  niveaux  successifs, 
séparés  par  des  terrains  nettement  stratifiés,  si  les  espèces 
auxquelles  ils  appartiennent,  n'avaient  pas  coexisté  dans  le 
pays?  Puisque  les  restes  de  cette  faune  gisent  dans  plusieurs 
niveaux  stratigraphiques  que  rendent  très  distincts  des  cou- 
ches intercalées  de  limon  stratifié,  il  fallait  que  les  ossements 
du  5*  niveau  fussent  introduits  avant  ceux  du  4",  ceux-ci, 
avant  ceux  du  3"  et  ainsi  de  suite.  Il  fallait  aussi  que  ces 
espèces  eussent  vécu  ensemble  dans  le  pays  pour  que  leurs 
ossements,  dont  aucun  n'a  été  remanié,  se  soient  répétés 
dans  plusieurs  de  ces  niveaux  superposés.  Il  n'y  a  pas 
d'équivoque  possible  dans  ces  faits  qui  ont  une  rigueur  ma- 
thématique, comme  toute  démonstration  par  la  stratigraphie. 
Et  quand  nous  ajoutons  que,  loin  de  se  borner  à  la  caverne 
de  Goyet,  ils  se  représentent  dans  tous  les  dépôts  de  l'âge  du 
Mammouth  de  nos  principales  cavernes,  nous  pouvons  affir- 
mer sans  hésitation,  comme  point  définitivement  acquis, 
que  des  espèces  de  la  faune  arctique  vivaient  en  Belgique  à 
l'époque  quaternaire  avec  des  espèces  de  la  faune  tropicale 
et  en  même  temps  que  les  espèces  qui  existent  de  nos  jours 
dans  l'Europe  tempérée. 

Voici,  d'un  autre  côté,  la  démonstration  zoologique  de  ce 
fait. 

Dans  plusieurs  cavernes,  on  a  recueilli  des  ossements 
d'Hyènes  qui,  en  général,  étaient  plus  entiers  que  dans 
d'autres;  ils  sont  alors  accompagnés  d'ossements  de  rumi- 
nants ,  de  pachydermes  et  même  de  carnassiers ,  portant  les 
traces  très  visibles  de  la  dent  d'un  carnassier  de  forte  taille. 
On  ne  rencontre  pas  de  silex  taillés  au  milieu  d'eux.  J'ai  fait 
ronger  des  ossements  de  bœuf  et  de  cheval  par  une  Hyène  au 
Jardin  zoologique  de  Bruxelles,  et  elle  entama  ces  os  de  la 


même  manière ,  eolevant  les  parties  spongîeuEeB  et  laissant 
eur  les  parties  compactes  de  larges  raies  entrecroisées ,  sem- 
blables à  celles  observées  sur  les  ossemeuts  des  cavernes.  Ces 
derniers  se  rapportent  aux  principales  espèces  de  notre  faune 
de  l'âge  du  Mammouth,  dont  l'association  inspire  un  étonne- 
ment  bien  naturel.  Ainsi  l'Hyène  ne  se  nourrissait  pas  seule- 
ment de  l'Éléphant  et  du  Rhinocéros,  comme  elle  peut  encore 
le  faire  aujourd'hui,  mais  même  du  Benne  dont  l'habitat  est, 
de  nos  jours,  séparé  du  sien  par  toute  la  zone  tempérée 
septentrionale,  ce  qui  en  fait,  aux  yeux  du  zoologiste,  un 
des  types  caractéristiques  d'un  climat  diamétralement  opposé 
k  l'autre. 

Le  tableau  suivant  indique  les  espèces  qui  furent  sa  proie 
dans  cinq  de  ses  treize  repaires  que  j'ai  explorés  : 


TROU  DE  l'hyène, 

&  Wkum. 
Rhinocéros, 
Mammouth, 
Cheval, 
Renne, 
Cerf  élaphe, 
Bœuf  unis. 


CAVERNE  DE  GOYET, 

Rhinocéros, 

Mammouth, 

Cheval, 

Cerf  d'Irlande, 

Cerf  du  Canada, 

Renne, 

Cerf  élaphe. 

Bœuf  unis. 


CAVERNE  D'HASTIÈRES. 


CA\TRNE  DEMODAVE. 


~  225  — 

de  véritables  antithèses  fauniques,  se  trouvaient  réunies  à  cer- 
taine époque  en  une  seule  faune  en  Belgique.  Cette  démon- 
stration ne  me  paraît  pas  laisser  plus  de  prise  au  doute  que 
la  démonstration  géologique. 

Nous  pouvons  y  ajouter  une  troisième  démonstration 
basée  sur  l'ethnographie.  Rappelons  que  nos  troglodytes  de 
Tàge  du  Mammouth  ont  fendu  les  crânes  et  les  os  à 
moelle  des  mêmes  espèces  ;  que  la  présence  et  Tabsence  con- 
stantes de  parties  déterminées  du  squelette  indiquent  une 
action  intelligente;  que  ces  débris  se  trouvent  associés  à  des 
silex  taillés  et,  si  nous  nous  reportons  aux  cavernes  du  Péri- 
gord,  que  l'homme  a  figuré  avec  un  art  égal  le  Mammouth 
et  le  Eenne.  Mais  ces  faits  prouvent  la  contemporanéité  de 
l'homme  et  de  ces  espèces,  plutôt  que  la  coexistence  de  ces 
espèces  dans  un  même  milieu.  Pour  démontrer  cette  dernière 
question  par  l'ethnographie,  il  faut  combiner  les  données  de 
celle-ci  avec  les  éléments  géologiques,  comme  je  l'ai  fait  plus 
haut;  cette  combinaison  de  preuves  donne  l'évidence  absolue. 

On  ne  doit  pas  perdre  de  vue  que  la  faune,  dite  de 
Tâge  du  Mammouth,  qui  comprenait  en  Belgique  plus 
de  52  espèces  de  mammifères,  n'était  pas  spéciale  à  notre 
région.  On  sait  qu'on  la  retrouve  dans  les  alluvions  exté- 
rieures et  dans  les  cavernes,  en  Angleterre,  en  France,  dans 
le  Nord  de  l'Italie,  en  Autriche,  dans  les  environs  d'Odessa, 
en  Allemagne  et  jusqu'en  Sibérie. 

Puisque  son  existence  est  démontrée,  au  point  que  tous 
les  naturalistes  qui  se  sont  occupés  de  l'époque  quaternaire, 
la  considèrent  depuis  longtemps  comme  un  fait  acquis ,  il 
importait  de  rechercher  les  causes  d'une  association  qui,  pour 
la  géographie  zoologique  de  notre  époque,  présente  tant 
d'anomalies.  On  songea  d'abord  aux  cataclysmes,  et  l'on 
voyait  même,  dans  ces  mélanges  étranges,  une  preuve  de  la 
réalité  de  ces  phénomènes  imaginaires.  On  pensa  aussi,  par 
réaction  contre  ces  opinions  exagérées,  que  cette  faune  était 
la  faune  naturelle  de  notre  latitude,  mais  que  l'homme  l'avait 


décimée  et  en  avait  fait  disparaître  successÎTemeiit  les  espèces 
nuisibles  pour  les  remplacer  par  des  eapèces  domestiquées. 
Cette  opinion  dut  céder  devant  les  faits.  Les  grandes  réduc- 
tions subies  par  la  faune  de  l'âge  du  Mammouth  ne  corres- 
pondent pas  aux  progrès  de  la  civilisation.  Il  s'en  faut  de 
beaucoup  :  les  types  génériques  et  spécifiques  qui  donnaient 
à  une  partie  de  cette  faune  un  aspect  tropical,  disparaissent 
vers  la  fin  du  creusement  des  vallées,  quand  l'homme  était 
encore  troglodyte  chez  nous  et  qu'il  avait  le  degré  d'avance- 
ment que  les  cavernes  de  Furfooz  et  de  Chaleux  nous  font 
connaître.  Le  Benne  avec  des  espèces  du  Nord,  le  Chamois 
avec  les  espèces  alpines,  disparaissent,  à  leur  tour,  vers 
l'époque  de  la  formation  de  l'argile  à  blocaux,  alors  que  nos 
populations  n'avaient  pas  encore  su  atteindre  à  la  pierre 
polie.  Ces  troglodytes  n'étaient  pas  aussi  avancés  que  les  tri- 
bus subarctiques;  cependant  ces  dernières  n'ont  pas  décimé 
la  faune  de  leurs  régions.  Os  étaient  nou  moins  évidemment 
en  arrière  sur  les  sauvages  de  l'Afrique,  qui  n'ont  anéanti 
ni  l'Éléphant,  ni  le  Rhinocéros,  ni  l'Hippopotame,  ni  le 
Lion,  ni  l'Hyène.  La  faune,  réduite  comme  nous  venons  de 
le  voir,  se  conserva  pendant  un  certain  nombre  de  siècles 
sans  nouvelles  disparitions  d'espèces.  César  signale  l'exis- 
tence de  rUrus  et  de  l'Élan  dans  nos  forêts;  l'Ours  brun 
existait  encore  dans  le  Hainaut  au  xii°  siècle  de  notre  ère. 

Cela  nous  conduit  en  pleine  période  historique  :  la  civili- 
sation avait  considérablement  progressé  et  était  loin  de  l'état 


—  227  — 

sens  à  la  faune  quaternaire,  en  faisant  appel  aux  lois  géné- 
rales de  la  climatologie  ^  ;  il  la  compléta  plus  tard  par  Tappli- 
cation  d'observations  sur  les  migrations  annuelles  ou  acci- 
dentelles de  mammifères  à  notre  époque*.  Lartet  entreprit 
ensuite  l'analyse  plus  complète  du  problème^,  en  faisant 
remarquer  que  les  espèces  qui  sont  aujourd'hui  exclusive- 
ment arctiques,  pourraient  supporter  nos  hivers,  mais  non 
nos  étés;  que,  par  opposition,  les  espèces  que  les  régions  tro- 
picales possèdent  seules  de  notre  temps ,  sont  exclues  des 
régions  plus  septentrionales  non  par  Tété,  mais  par  l'hiver. 
D'où  il  tirait  la  conséquence  que  la  faune  n'entraînait  pas 
un  climat  plus  froid  ou  plus  chaud  que  le  nôtre,  mais  des 
hivers  moins  froids  et  des  étés  moins  chauds;  en  d'autres 
termes,  un  climat  plus  uniforme.  Comme  ce  senties  climats 
maritimes  et  insulaires  qui  n'éprouvent  pas  de  grands  écarts 
de  température  dans  les  saisons  extrêmes,  il  concluait  que 
telles  devaient  être  les  conditions  du  climat  de  l'Europe 
occidentale  à  cette  époque.  Adoptant  ces  vues  pour  notre 
faune  quaternaire  et  recherchant  en  même  temps  les  causes 
du  climat  actuel  de  la  Belgique^,  j'ai  tenté,  par  l'application 
de  la  théorie  des  vents  alizés,  de  spécifier  nos  conditions 
météorologiques  qui  ont  permis  l'existence  de  cette  faune  et 
qui  ont  amené  ses  réductions  successives.  Que  de  telles 
recherches  aient  encore  à  réaliser  des  progrès  importants,  il 
n'y  a  pas  à  en  douter,  puisqu'elles  ne  prétendent  à  rien 
moins  qu'à  reconstituer  la  géographie  physique  d'une  époque 
reculée,  où  les  causes  naturelles  agissaient  avec  des  mani- 
festations bien  différentes  de  celles  de  nos  jours.  Mais,  dès 
aujourd'hui,  la  question  ne  peut  plus  être  présentée  comme 
un  problème  incompréhensible  et  insoluble  :  ses  données 


*  Principes  de  géologie. 
'  Antiquité  de  Vhomme. 

3  Ann.  des  Se.  nat.,  5«  sér.,  t.  VIII,  p.  157, 1867.  M.  Vogt  formula  une 
opinion  analogue  au  Congrès  de  Paris  (Compte-retidu,  p.  279). 

*  L'Homme  pendant  les  âges  de  la  pierre,  2«  édit.,  p.  45. 


^^■a"*- 


sont  assez  positives  et  leur  coordînatioQ  eu  rend  compte 
d'une  manière  assez  rationnelle,  pour  qu'on  n'ait  pas  à 
craindre  de  s'être  engagé  dans  une  fausse  voie. 

D'autres  contrastes  entre  les  ossements  de  nos  cavernes  et 
les  ossements  des  Iqoekkenmoedding  danois  et  groenlan- 
dais  sont  signalés  par  M.  Steenstmp.  Certaines  portions  du 
squelette  se  trouvent  dans  les  unes  et  pas  dans  les  autres,  et 
vice-versft.  Comme  il  y  a,  dans  l'interprétation  de  ces  ftiits, 
quelques  points  sur  lesquels  un  léger  désaccord  semble  exis- 
ter, je  crois  devoir  développer  ici  les  observations  que  j'ai 
faites  sur  ce  sujet  compliqué,  de  manière  à  ce  que  la  ques- 
tion soit  simultanément  posée  par  ceux  qui  ont  étudié  plus 
spécialement  ces  deux  classes  de  gisements. 

Les  ossements  se  présentent  habituellement  dans  nos 
cavernes  avec  trois  catégories  de  caractères  très  différents  : 

1°  Des  accumulations  d'ossements  humains,  depuis  ceux 
du  vieillard  jusqu'à  ceux  de  l'enfant,  se  rencontrent  dans  de 
petites  cavités  avec  quelques  silex  taillés  et  autres  objets. 
Toutes  les  parties  du  squelette  ;  sont  représentées  et  souvent 
disposées  avec  un  certain  ordre.  Ce  sont  les  sépultures  de 
nos  peuplades  des  âges  de  la  pierre. 

n  arrive  aussi  qu'on  découvre  une  grande  quantité  d'os- 
sements de  carnassiers,  Lion,  Hyène  et  Ours,  dans  les  parties 
obscures  des  cavernes.  On  y  constate  généralement  tous  les 
figes  individuels,  ainsi  que  toutes  les  parties  du  squelette, 


—  229  — 

enlevées  et  les  parties  dures  portent  la  trace  des  dents  de  ce 
Carnivore.  Des  bois  de  Renne  ont  été  fréquemment  rongés; 
un  fragment  de  défense  de  Mammouth  est  aussi  dans  ce  cas. 
Enfin  on  y  trouve  des  coprolithes  d*Hyènes.  Soit  que  l'Ours 
se  nourrisse  surtout  de  matières  végétales,  soit  que  le  Lion  ne 
porte  pas  sa  proie  dans  son  antre,  je  n'ai  pas  observé,  dans 
les  repaires  -de  ces  carnassiers ,  d  ossements  qu'ils  eussent 
rongés. 

3°  Une  grande  quantité  d'ossements  d'animaux  sont  mé- 
langés à  des  silex  taillés,  à  d'autres  produits  de  l'industrie 
humaine,  à  des  os  carbonisés,  etc.  Ces  ossements  sont 
presque  toujours  à  l'état  de  fragments  ;  il  est  très  rare  d'en 
trouver  d'entiers  sauf  pour  les  animaux  de  la  taille  du  Renard 
et  au  dessous,  dont  on  recueille  souvent  les  os  des  membres 
intacts  et  des  vertèbres.  Si  l'on  observe  de  plus  près,  on 
remarque  que  ces  fragments  se  rapportent  presque  exclusi- 
vement au  crâne  et  aux  membres.  On  constate  ensuite  que 
les  cassures  des  crânes  et  des  os  des  membres  sont  systéma- 
tiques ;  souvent  même  on  remarque,  sur  le  bord  des  frag- 
ments, des  traces  de  coups  portés  pour  fendre  ces  os.  Par 
contraste  avec  le  gisement  des  restes  d'animaux  des  deux 
autres  catégories,  ceux-ci  se  trouvent  dans  la  partie  éclairée 
de  la  caverne.  Ce  sont  de  tels  débris  que  l'on  considère  comme 
les  restes  des  repas  de  l'homme  et  comme  l'indication  de 
lliabitation  de  la  caverne  par  une  peuplade  des  âges  de  la 
pierre. 

Si  nous  nous  livrons  à  une  étude  plus  approfondie  de  ces 
ossements,  nous  voyons  d'abord  que  s'ils  se  rapportent  à  un 
grand  nombre  d'espèces,  sept  ou  huit  types  sont  en  nombre 
prédominant  pendant  l'âge  du  Mammouth  :  le  Grand  Ours, 
le  Renard,  l'Hyène,  le  Renne,  la  Chèvre,  le  Rhinocéros  et  le 
Cheval;  pendant  l'âge  du  Renne,  c'est,  outre  les  petits 
rongeurs,  le  Cheval,  le  Sanglier  et  le  Bœuf  de  petite 
taiUe. 

Presque  toutes  ces  espèces  ne  sont  représentées  que  par  les 

15 


mêmes  parties  du  squelette;  les  autres  parties  manquent 
presque  constamment. 

Voici  les  ossements  du  Grand  Ours  qu'on  y  recueille  ordi- 
nairement (PI.  76)  :  toutes  les  parties  du  crâne,  souvent  rédui- 
tes en  petits  fragments,  comme  le  montrent  les  traite  tracés  sur 
cette  planche;  les  c6tes,  ordinairement  brisées,  sont  moins 
nombreuses  que  ne  le  comporte  le  nombre  des  cdtes  du  sque- 
lette; les  articles  du  sternum  et  les  côtes  sternales;  les  os 
des  membres  représentés  par  leurs  extrémités  détacbées  du 
corps  de  l'os  qui  est  divisé  en  fragments,  comme  la  planche 
le  montre  également;  les  extrémités  avec  tous  leurs  os,  même 
les  sésajnoïâes,  enfin  l'os  pénial.  Au  contraire,  les  vertèbres  et 
les  fragmenta  d'omoplates  et  d'os  iliaques  y  sont  une  rareté. 

Si  nous  comparons  à  ceux-là  les  parties  des  squelettes  de 
Chevaux  rencontrés  dans  ces  cavernes,  nous  observons  cer- 
tains contrastes  à  côté  d'analogies  fondamentales  (PI.  77)  : 
le  crâne  également  brisé  suivant  une  règle  à  peu  près  con- 
stante; quelquefois  la  première  vertèbre  dorsale;  un  assez 
grand  nombre  de  fragments  de  côtes,  ainsi  que  des  articles 
du  sternum  et  des  côtes  stemales;  la  partie  de  l'omoplate 
comprise  entre  l'articulation  et  l'acromion;  des  fragments  du 
bassin  ;  les  os  des  membres  dont  les  épîphjses  sont  toujours 
séparées  des  fragments  de  la  diaphyse  ;  les  os  du  carpe  et  du 
tarse  entier  ;  les  canons  brisés  comme  les  os  des  membres  ;  les 
phalanges  ;  les  os  sésamoïdes  ;  les  vertèbres  caudales,  à  pariir 
de  la  deuxième. 


—  231    - 

maxillaire  supérieur  et  de  la  branche  droite  du  maxillaire 
inférieur;  pour  les  vertèbres  :  Tatlas,  l'axis  et  les  apophyses 
épineuses  de  la  7*  vertèbre  cervicale  et  des  vertèbres  dorsales; 
pour  les  membres  antérieurs  :  l'omoplate  sauf  le  bord  supé- 
rieur, l'humérus  sauf  la  têto,  le  radius,  le  cubitus  sauf  l'ex- 
trémité de  lolécrâne,  les  os  du  carpe,  les  canons,  les  pha- 
langes et  les  os  des  tendons  ;  pour  le  membre  postérieur  :  le 
bassin,  sauf  les  bords  de  Tilion  et  de  l'ischion,  la  diaphyse 
du  fémur,  le  tibia  sauf  l'épiphyse  fémorale,  les  os  du  tarse 
sauf  l'extrémité  du  calcanéum,  les  canons,  les  phalanges  et 
les  os  sésamoïdes.  Les  os  à  moelle  sont  fendus  et  portent  les 
traces  des  coups  portés  dans  ce  but,  mode  de  cassure  que 
nous  avons  aussi  constaté  dans  les  cavernes. 

Ainsi  toutes  les  parties  spongieuses  du  squelette  disparais- 
sent dans  les  kjoekkenmoedding  ;  les  parties  dures  et  com- 
pactes y  sont  seules  conservées.  Ce  n'est  pas  tout  :  ces 
ossements  durs  sont  rongés  jusqu'à  un  certain  point  par  un 
Carnivore.  M.  Steenstrup  a  déduit,  avec  une  grande  sagacité, 
de  ces  observations,  qu'un  Carnivore  \âvait  aux  dépens  des 
débris  de  repas  des  peuplades  qui  formèrent  les  kjoek- 
kenmoedding, qu'il  mangeait  toutes  les  parties  spongieuses 
des  ossements  d'animaux  abandonnés  par  ces  peuplades  et 
rongeait  les  parties  dures  des  ossements.  En  outre,  comme 
ces  observations  se  répétèrent,  non  seulement  dans  tous  les 
kjoekkenmoedding,  mais  dans  toutes  les  parties  du  kjoek- 
kenmoedding, il  en  conclut  que  ce  Carnivore  accompagnait 
l'homme  partout  et  constamment,  qu'il  était  son  commensal 
permanent  et  conséquemment  qu'il  était  domestique.  Des 
ossements  de  Chien  se  trouvent  souvent  dans  ces  amas  et  cet 
animal  a  dû  être  le  canivore  en  question,  car  les  chiens  entar 
ment  précisément  les  ossements  d'un  squelette  comme  l'ont 
été  ceux  des  kjoekkenmoedding. 

Une  telle  interprétation  est  inapplicable  à  nos  cavernes. 
Lartet  l'avait  déjà  fait  remarquer  pour  les  cavernes  du  Péri- 
gord.  Des  parties  spongieuses  du  squelette  y  sont  toujours 


-  232- 


conservées  comme  les  parties  dures.  En  voici  l'explicatioa  : 
Les  ossements  d'Ours,  recueillis  dans  les  babitatioas  de  nos 
troglodytes,  sont  surtout  ceux  qui  contiennent  la  cervelle  et 
la  moelle,  substances  que  recherchaient  incontestablement 
ces  troglodytes.  En  effet,  un  crâne  ou  un  os  des  membres 
entier  est  une  rareté  extrême  dans  leurs  habitations,  tandis 
qu'on  y  voit  presque  toujours  ces  pièces  du  squelette  brisées  mé- 
thodiquement pour  en  e^ïtraire  la  matière  cérébrale  et  médul- 
leùre,  et  elles  portent  les  marques  des  coups  qui  les  ont  brisées. 
La  rotule  et  les  os  des  extrémités  qui  ne  contiennent  pas  de 
moelle,  sont  presque  toujours  entiers.  L'Ours,  étant  un  animal 
que  l'homme  n'a  jamais  réduit  à  l'état  domestique,  devait 
naturellement  être  tué  à  la  chasse.  Et,  dans  la  constatation 
des  oasements  retrouvés  et  des  ossements  manquants,  nous 
devons  voir  le  mode  de  dépècement  en  usage  pour  le  gros 
gibier;  l'homme  abandonnait  sur  place  les  vertèbres  et  les 
parties  de  la  bête  qu'il  n'utilisait  pas,  et  apportait  dans  sa 
demeure  le  crâne  et  les  membres  où  il  trouvait  la  cervelle  et 
la  moelle  dont  il  tirait  toujours  parti.  Ces  observations  se 
représentent  sur  le  Lion,  l'Hyène,  le  Cerf  élapbe  et  autres, 
qui  sont  toujours  restés  à  l'état  sauvage. 

Ces  espèces,  n'étant  pas  à  ce  point  de  vue  sujettes  à  dis- 
cussion, peuvent  nous  servir  de  terme  de  comparaison  pour 
l'étude  des  conditions  d'existence  d'autres  espèces,  aujour- 
d'hui soumises  &  la  domesticité,  et  dont  nous  retrouvons  les 
débris  au  milieu  des  repas  des  troglodytes.  Le  Cheval,  cer- 


—  233  — 

quaternaire  habita,  sont  les  mêmes  que  celles  de  TOurs  :  les 
cr&nes,  les  os  des  membres  et  des  extrémités  ont  été  traités 
de  même  pour  l'une  et  l'autre  espèces  et  en  sont  les  débris  les 
plus  abondants.  Nous  devons  en  déduire  le  même  mode  de 
dépècement  pour  le  Cheval  et  pour  l'Ours,  par  conséquent  le 
dépècement  loin  de  la  caverne;  en  d'autres  termes,  que  c'était 
par  la  chasse  que  les  anciens  naturels  se  procuraient  les  che- 
vaux qu'ils  mangeaient.  La  présence  d'autres  parties  du 
squelette,  conservées  chez  une  espèce  et  non  chez  l'autre, 
s'explique  aisément  dans  plusieurs  cas.  Pour  l'Ours,  on 
trouve  en  plus  l'os  pénial  que  le  Cheval  ne  possède  pas. 
Pour  le  Cheval,  ce  sont  des  portions  de  l'omoplate  et  du 
bassin  9  une  vertèbre  dorsale  et  les  vertèbres  caudales  :  la 
portion  d'omoplate  est  toujours  la  partie  comprise  entre  l'arti- 
culation et  l'acromion  où  elle  porte  la  marque  de  coups 
portés  avec  un  instrument  contondant,  comme  si  l'homme, 
en  dépeçant  l'animal,  avait  préféré  briser  l'omoplate  à  l'en- 
droit où  l'os  présente  peu  de  résistance,  que  de  trancher  les 
solides  tendons  de  l'épaule  ;  la  présence  des  vertèbres  cau- 
dales semble  due  à  l'enlèvement  de  la  queue  du  cheval  pour 
employer  le  crin^  Il  est  évident  que  si  le  Cheval  avait  été 
domestique,  il  eût  toujours  été  à  proximité  des  troglodytes, 
tant  pour  leur  facilité  que  pour  être  protégé  contre  les  car- 
nassiers, lions,  hyènes,  loups,  etc.,  qui  remplissaient  le  pays. 
Dans  ce  cas,  on  ne  comprendrait  pas  que,  quand  l'homme  en 
tuait  pour  s'en  nourrir,  il  en  eût  constamment  rejeté  une 
grande  partie  ;  conclusion  qu'il  faudrait  admettre,  puisque, 
au  milieu  des  innombrables  débris  de  ses  repas,  il  ne  se 
trouve  jamais  que  les  mêmes  parties  du  squelette  du  Cheval, 
à  l'exclusion  constante  des  autres.  Or,  comme  ces  parties  con- 
servées sont  dans  l'ensemble  les  mêmes  que  celles  de  l'Ours, 
nous  sommes  amenés  à  considérer  les  conditions  d'existence  du 
Cheval  comme  les  mêmes  que  celles  de  l'Ours,  et  à  conclure 

1  Les  temps  préhistoriques  en  Belgique^  p.  173. 


qu'a  était  sauvage.  On  comprend  alors  le  mode  de  dépèce- 
ment pratiqué  sur  ce  solipëde,  car  il  devitit  être  impossible  à 
ces  hommes  de  transporter  à  de  longues  distances,  dans  un 
pays  accidenté,  un  fardeau  comme  le  cadavre  d'un  Cheval  ou 
d'un  Ours.  Du  reste,  dans  un  pays  sauvage  où  le  gros  gibier 
abonde,  comme  c'était  le  cas  pour  notre  pays,  les  hommes 
prodiguent  toujours  ce  gibier  et  n'utilisent  que  les  meilleures 
parties  de  la  bête.  Ces  parties  utilisées  sont  alors  les  mêmes 
que  eeUea  que  nos  troglodytes  apportaient  dans  leurs  de- 
meures. Le  gros  gibier  était-il  plus  rare  en  Danemark  à 
l'époque  des  kjoekkenmoedding?  L'homme  s'en  emparait-il 
plus  difficilement  ou  bien  avail^il  des  moyens  de  le  trans- 
porter avec  moins  de  peine?  Quelle  qu'en  soit  la  raison,  ces 
peuplades  danoises  utilisaient  plus  complètement  le  gros 
gibier  qu'elles  tuaient  :  les  Bœufs,  aussi  bien  que  les  Cerfs, 
sont  représentés,  outre  les  portions  du  crâne  et  des  pattes, 
par  les  os  du  bassin,  les  omoplates  et  les  apophyses  épi- 
neuses des  vertèbres  dorsales  (PI.  78)  ;  ce  qui  dénote  que  ces 
animaux  étaient  transportés  presque  entièrement.  Leur  dé- 
pècement était  donc  différent  de  celui  pratiqué  par  les  tro- 
glodytes. 

Les  observations  décrites  ci-dessus  se  répètent  dans  nos  ca- 
vernes, sauf  exceptions  accidentelles,  pour  tous  les  animaux, 
adultes  d'une  taille  supérieure  au  Renard  et  au  Blaireau.  Ces 
derniers,  les  petits  carnassiers,  les  rongeurs,  les  insectivores, 
les  oiseaux  sont  plus  souvent  représentés  par  les  os  des  mem- 


—  235  — 

et  des  membres  sont  abondants  ^  Je  conclus  de  ces  données 
ethnographiques  que  les  ossements  d'animaux  adultes  de 
grande  et  de  moyenne  taille  qu'on  rencontre  dans  les  habita- 
tions des  troglodytes  en  Belgique,  portent  les  traces  non 
contestables  de  coutumes  de  chasse  et  par  conséquent 
^[m' aucun  d'eux  n'était  domestique. 

Mais,  en  continuant  l'exposé  des  résultats  de  l'examen 
auquel  il  s'est  livré  sur  les  collections  des  cavernes  belges, 
M.  Steenstrup  fait  remarquer  que  les  ossements  des  Éléphants 
et  des  Rhinocéros,  ne  contenant  pas  de  cavité  médullaire, 
n'ont  pu  être  brisés  dans  le  même  but  que  les  ossements 
d'animaux  qui  ont  cette  cavité.  Il  paraît  cependant  disposé  à 
admettre  que  ces  pachydermes  ont  servi  à  la  nourriture  de 
l'homme,  mais  le  petit  nombre  des  ossements  qu'on  rencontre 
dans  les  cavernes,  proviendrait  de  ce  que  les  troglodytes, 
comme  le  font  les  Lapons  pour  d'autres  espèces,  avaient 
peut-être  l'habitude  de  les  broyer  pour  la  graisse  qu'ils  con- 
tenaient. Cette  manière  de  voir  pourrait  dès  lors  s'appliquer 

1  Lartbt  et  Christt  (Reliquiœ  Aquitanicce,  fasc.  I,  p.  6)  ont  fait  des 
observations  analogues  dans  les  cavernes  du  Périgord  :  «  Il  y  a  complète 
«  absence  des  os  du  tronc  (back-bones)  du  Bœuf  et  du  Cheval  dans  les 
«  diverses  stations,  excepté  à  La  Madeleine  où  quelques  vertèbres  dor- 
«  sales  et  lombaires  d'un  jeune  Aurochs  (?)  ont  été  recueillies.  Nous  pou- 
••  vons  en  conclure  que  les  grands  animaux  (Bœufs  et  Chevaux),  après 
M  avoir  été  tués  par  les  chasseurs  aborigènes,  étaient  dépecés  sur  place 
*  et  que  leurs  extrémités  seulement,  avec  les  parties  charnues  et  les  os  à 
M  moelle,  étaient  toigours  transportés  dans  leurs  demeures. 

«  Les  os  du  tronc  des  animaux  plus  petits  et  spécialement  du  Renne 
«  sont  en  nombre  considérable  dans  toutes  ces  stations.  Dans  la  caverne 
«  des  Eyzies,  nous  avons  plusieurs  fois  observé  que  les  vertèbres  dorsales 
«  étaient  restées  en  série.  D'où  nous  pouvons  présumer  que  ces  animaux 
«  y  étaient  apportés  entiers. 

«  La  tête  de  toutes  ces  espèces  a  toujours  été  transportée  dans  le  lieu 
»  de  réunion,  probablement  par  goût  pour  la  cervelle.  Elle  est  presque 
«  toujours  brisée  et  les  fragments  seuls  s*y  retrouvent.  » 

Les  ossements  des  espèces  de  la  taille  du  Renne  et  au  dessous  appartien- 
nent donc  à  toutes  les  parties  du  squelette  dans  les  cavernes  du  Périgord. 
En  Belgique,  ce  cas  se  présente  seulement  à  partir  des  animaux  de  la 
taille  dn  renard. 


aux  autres  espèces,  pour  expliquer  Tal^eace  permanente  de 
certaines  parties  du  squelette. 

Ces  réflexions,  faites  par  une  autorité  aussi  compétente, 
ont  porté  spécialement  mon  attention  sur  les  traces  de 
l'homme  que  pouvaient  offrir  tes  ossements  de  Mammouth  et 
de  Rhinocéros  et  sur  le  traitement  qu'ils  auraient  subi.  Des 
sections  ont  été  d'abord  pratiquées  sur  les  ossements  d'un 
Éléphant  adulte  mort  récemment  au  Jardin  zoologique  de 
Bruxelles.  Le  tissu  osseux  qui  se  trouve  au  centre  de  l'os,  est 
très  large  et  tendre  ;  dans  ses  cavités,  se  trouve  beaucoup  de 
moelle  ;  on  enlève  sans  effort,  au  moyen  d'une  lame  tran- 
chante, la  matière  osseuse  centrale  avec  sa  moelle,  et  ces  sub- 
stances sont  naturellement  en  quantité  considérable  dans  des 
os  aussi  volumineux.  Nos  troglodytes  pouvaient  certainement 
tirer  parti  de  cette  moelle,  mais  était-il  bien  nécessaire  de 
broyer  les  os  pour  l'obtenir  ?  L'opération  eut  incontes- 
tablement été  plus  longue  que  celle  de  les  fendre  suivant  le 
procédéordinaireet,  lorsqi*Sla  étaient  fendus,  l'extraction  du 
tissu  central  devait  se  faire  avec  facilite.  Or,  si  l'on  recueille 
dans  nos  cavernes  beaucoup  de  dents  isolées  de  Rhinocéros 
et  de  Mammouth,  on  y  rencontre  aussi  d'assez  nombreux 
fragments  d'os  des  membres,  surtout  de  l'humérus  qui  a 
un  plus  grand  diamètre  et  qui  renferme  par  conséquent  le 
plus  de  tissus  spongieux  à  moelle.  La  présence  des  débris 
de  cet  03  des  membres  a  déjà  de  la  signification,  puisqu'ils 
sont  plus  fréquents  que  les  autres  et  qu'ils  contiennent  plus 
de  matière  alimentaire.  Ils  dénotent  que  nos  indigènes  choi- 


—  237  — 

pas  de  raison  pour  admettre  que  ces  ossements  aient  été  traités 
par  un  procédé  différent  de  la  coutume  ordinaire.  Ce  procédé 
aurait-il  été  réservé  aux  vertèbres,  au  bassin,  aux  omoplates? 
Il  faudrait  alors  que  ces  os  eussent  été  broyés  avec  tant 
de  soins  que  presque  aucun  de  leurs  débris  n'eût  échappé, 
pas  même  les  apophyses  épineuses  des  vertèbres  dorsales,  qui 
ont  cependant  un  tissu  compacte  et  renferment  par  consé- 
quent peu  de  graisse.  Ce  cas,  répétons-le  encore,  se  reproduit 
pour  les  os  similaires  de  tout  animal  d'un  poids  trop  grand 
pour  que  r homme  puisse  le  transporter  à  de  longues  dis- 
tances :  absence  presque  générale  des  vertèbres,  des  bassins, 
des  omoplates;  présence  constante  des  autres  os,  qu'ils  soient 
spongieux  ou  durs.  Les  portions  d  omoplate  et  les  vertèbres 
caudales  de  Cheval  sont  des  exceptions  à  cette  règle  et  nous 
en  avons  vu  la  signification.  Mais,  dans  cette  discussion,  la 
présence  de  ces  fragments  d'omoplates  a  de  l'importance, 
puisqu'elle  prouve  que  celles-ci  n'ont  pas  été  broyées,  con- 
trairement à  l'opinion  suggérée  ;  la  partie  conservée  de  l'omo- 
plate y  est  toujours  la  même  et  c'est  celle  dont  le  tissu 
est  spongieux,  tandis  que  la  portion  élargie  manque 
et  précisément,  étant  en  tissu  dur,  elle  renferme  peu  de 
matières  grasses.  Ces  constatations  me  paraissent  de  nature 
à  ne  pas  laisser  la  question  en  suspens  et  empêchent  d'ap- 
pliquer, comme  règle  générale,  l'hypothèse  du  broyement, 
invoquée  pour  expliquer  l'absence  constante  de  certaines 
parties  du  squelette  des  animaux  dont  nos  troglodydes  se 
sont  nourris.  Si  l'on  admet  cette  hypothèse,  ce  ne  peut-être 
que  comme  exception,  au  lieu  d'y  voir  le  procédé  prépondé- 
rant du  traitement  des  os  par  l'homme. 

En  faisant  classer  les  ossements  constituant  ces  restes 
de  repas,  je  n'ai  pas  cru  devoir  déterminer  spécifiquement 
les  os  de  Chèvre  et  de  petits  Bœufs,  dont  les  analogies  avec 
les  espèces  domestiques  se  révélaient  par  leur  confronta- 
tion avec  les  squelettes  de  ces  espèces,  employés  comme 


moyen  de  détermination.  J'avaiB  remis  à  plus  tard  cette  étude, 
dont  je  sentais  les  difficultés  et  qui  nécessite  de  grands  ma- 
tériaux de  comparaison,  non  réunis  au  Musée.  Je  m'étais  donc 
borné  aux  déterminations  génériques  Bos  etC^a^a.Ënoutre, 
bien  que  leur  séparation  n'ait  pas  été  faite  dans  les  collec- 
tions,  la  présence  d'os  de  Mouton,  au  milieu  de  ceux  de  la 
Chèvre,  avait  été  remarquée  pendant  les  opérations  de  la  mise 
en  ordre,  et  leur  distinction  avait  également  été  réservée 
pour  des  études  ultérieures. 

Ce  sont  ces  pointa  difficiles  que  M.  Steenstrup  a  abordés. 
Les  ossements  de  Bos  sp.,  de  Gapra  sp.,  à'Ovis,  ainsi  qu'une 
partie  des  os  de  Sus  scro/a,  sont  si  voisins,  d'après  lui,  des 
espèces  domestiques  correspondantes,  par  leur  forme,  leur 
texture  et  leur  état  de  conservation,  que  l'éminent  spécialiste 
se  déclare  impuissant  à  les  en  distinguer  ;  ils  différeraient 
aussi  des  espèces  sauvages  par  la  taille,  ce  qui  pourrait  peut- 
être  paraître  plus  concluant  que  les  caractères  précédents,  qui 
sont  en  réalité  assez  difficiles  à  reconnaître  avec  une  précision 
décisive.  Ou  bien,  fait-il  remarquer,  ces  espèces  étaient  déjà 
domestiquées,  et  alors  ces  phases  de  la  civilisation  n'auraient 
pas  la  physionomie  qu'on  leur  prête  ;  ou  bien  elles  étaient  la 
souche  véritable  de  nos  espèces  domestiques,  et  nous  aurions 
enfin  rencontré  l'origine,  si  douteuse  jusqu'ici,  de  ces  espèces 
qu'on  avait  pour  la  plupart  fait  descendre  de  types  étrangers 
aux  régions  occidentales. 

La  première  hypothèse  est  opposée  aux  observations  ethno- 


—  239  — 

plutôt  théoriques  que  pratiques,  dont  la  vérification  ne  porte 
pas  -sur  des  points  rigoureusement  définis.   On   distingue 
évidemment  sans  difficulté  les  ossements  d  un  bœuf  de  Dur- 
ham  ou  d'un  bœuf  de  distillerie  de  ceux  d'un  bœuf  rendu  à 
l'état  sauvage  dans  Ips  Pampas  ou  des  petites  races  de  mon- 
tagne; leurs  tissus  sont  bien  différents.  Mais  quand  il  s'agit 
des  animaux  domestiques  de  populations  non  civilisées,  je 
ne  puis  que  concevoir  des  doutes  sur  la  possibilité  de  les 
reconnaître  de  leur  souche  primitive  par  la  texture  des  os. 
Les  insertions  des  muscles  sont  certainement  moins  accusées 
chez  les  animaux  captifs  et  domestiques  que  chez  les  animaux 
sauvages,  cependant,  jusqu'à  ce  que  ce  caractère  se  pro- 
nonce à  un  degré  suffisamment  marqué,  il  y  a  des  intermé- 
diaires dont  la  détermination  doit  être  bien  entourée  d'incer- 
titude, quand  la  domestication  n'est  pas  poussée  très  loin  ou 
lorsque  la  captivité  n'est  pas  prolongée.  La  taille  elle-même 
ne  pourrait  être  que  difficilement  citée  à  l'appui  de  cette 
opinion,   car,  si  la  souche  de  nos  espèces  domestiques  est 
inconnue,  comment  pouvons-nous  comparer  à  priori  leur 
taille  originelle  à  la  taille  que  les  régimes  artificiels  ont  su 
leur  donner  ?  Mais  la  seconde  manière  de  voir  me  paraît 
mieux  s'adapter  aux  autres  conditions  relevées  par  l'observa- 
tion. Elle  nous  fait  entrevoir  que  le  Bœuf,  la  Chèvre,  le 
Mouton  et  le  Porc  domestiques,  au  lieu  d'avoir  une  origine 
souvent  complexe^  et  d'avoir  été  amenés  des  régions  orien- 
tales par  des  migrations  de  peuples,  suivant  l'opinion  géné- 
ralement adoptée,  auraient  été  obtenus  directement  dans 
nos  régions  mêmes  par  la  transformation  d'espèces  sauvages 
indigènes.  Si  ce  point  de  vue  se  confirme,  nos  idées  sur  nos 
races  domestiques  primitives  seraient  donc  complètement 
modifiées  et  nos  méthodes  pour  leur  étude  seraient  conçues 
dans  un  esprit  tout  différent.  Aussi  ne  pouvons-nous  que 

'  Voyez  notamment  l'ouvrage  de  M.  Darwin,  De  la  variation  des  ani- 
maux et  des  plantes,  1868,  où  le  grand  naturaliste  expose  les  opinions 
émises  jusqu'alors  sur  les  origines  des  espèces  domestiques. 


—  240  - 


rendre  hommage  en  cette  circonstance  au  savant  qui  a  su 
nous  ouvrir  cette  voie  féconde  dans  des  recherches  où  la 
science  n'avait  encore  pu  vraisemblablement  trouver  sa 
direction. 

L'existence,  pendant  l'époque  quatemaire.de  races  sauvages 
indigènes  dont  l'homme  aurait  fait  postérieurement  nos  races 
domestiques,  ne  pourrait  cependant  tendre  à  réduire  l'anti- 
quité de  l'époque  quaternaire.  En  effet,  ces  espèces  fiont  dans  le 
cas  d'un  grand  nombre  d'autres  qui  habitaient  l'Europe  occi- 
dentale à  cette  époque  et  qui  l'habitent  encore,  sans  avoir 
éprouvé  de  modifications  morphologiques  sensibles.  Vingt 
de  ces  tjpes  ont  éte  découverts  dans  nos  cavernes  :  le  Cerf, 
le  Chevreuil,  le  Sanglier,  tous  nos  carnassiers,  nos  rongeurs  ' 
et  nos  insectivores.  Le  ïtenne  quaternaire  est  le  même  que  le 
Benne  actuel.  VÂntilope  saiga  et  XUrsusferox  des  cavernes 
s'identifient  avec  VÂntilope  saiga  de  la  Caspienne  et  l'Ours 
gris  des  Montagnes  Rocheuses.  Beaucoup  d'ossements  d'oi- 
seaux, recueillis  dans  nos  cavernes,  ne  diffèrent  pas  de  ceux 
des  espèces  qui  vivent  aujourd'hui  en  Belgique.  M.  Van 
Beneden  a  fait  connaître  récemment  que  les  Cheiropteres  sont 
dans  le  même  cas.  Ces  circonstances  se  répètent  pour  les 
autres  classes,  surtout  pour  les  mollusques  dont  l'étude  est 
jdus  avancée .  Ainsi  l'association  des  espèces  actuelles  de  nos  cli- 
mats aux  espèces  émigrées  ou  éteintes  ne  prouve  pas  contre 
les  opinions  reçues  sur  l'antiquité  de  l'époque  quaternaire, 
mais  elle  nous  donne  cette  notion  importante  que  les  mam- 


—  241  — 

le  dépôt  de  nos  vastes  nappes  d'alluvions  fluviales  quater- 
naires a  eu  lieu.  C'est  après  tous  ces  changements  et  la 
manifestation  de  ces  phénomènes  que  nos  tourbières  ont  pris 
naissance  et  que  les  kjoekkenmoedding   se  sont  formés. 
Il  semble  qu'il  y  a  là  tous  les  indices  d'une   durée   très 
grande  pour  l'époque  quaternaire  et  subsidiairement  d'une 
antiquité  correspondante  pour  les  hommes  de  nos  cavernes. 
Comme    nous   ne  constatons  de  modifications  organiques 
dans  aucune  des  espèces  de  cette  faune  jusqu'à  nos  jours, 
—   si  les  espèces  se  transforment,  comme   beaucoup   de 
naturalistes  paraissent  disposés  à  le  penser,  —  c'est  avec 
une  grande  lenteur.  La  faune  ne  s'est  modifiée  que  numé- 
riquement par  l'élimination  de  plusieurs  groupes  d'espèces, 
les  uns  à  la  fin  de  l'âge  du  Mammouth  :  les  genres  et  les 
espèces  aujourd'hui  tropicaux  et  une  espèce  américaine  (JJr- 
sus  ferox)  ;    les  autres,  à  la  fin  de  l'âge  du  Renne  :  les 
espèces  arctiques  et  alpines  et  une  espèce  orientale  {Antilope 
saiga).   Des  phénomènes   d'extinction  totale   et  d'émigra- 
tion ou  extinction  locale  ont  donc  seuls  changé  cette  faune, 
tant  que  l'homme,  a'ugmentant  la  puissance  de  ses  moyens, 
n'est  pas  intervenu  pour  domestiquer  certaines  espèces  et 
en  anéantir  d'autres.  Néanmoins  quand  nous  remarquons 
que  les  mammifères  terrestres  de  l'époque  pliocène  diffèrent 
de  leurs  congénères  des  époques  quaternaires  et  récentes, 
tout  en  conservant  avec  ceux-ci  des  attaches  très  intimes , 
nous  ne  pouvons  que  penser,  que  le  temps  qui  s'est  écoulé 
depuis  le  commencement  de  Tâge  du  Mammouth,  n'a  pas 
encore  été  suffisamment  long  pour  transformer  les  espèces 
qui  se  sont  perpétuées  depuis  lors.  Il   me  semble  que  ce 
serait  dépasser  les  indications  des  faits,  si  l'on  s'appuyait 
sur  cette  inertie  morphologique  de  la  faune  quaternaire  pour 
déclarer,  comme  point  définitivement  acquis,  que  les  espèces 
ne  se  transforment  pas  dans  la  nature.   Je  déduis  aussi 
de   ces  considérations   que   des   changements  dans  l'état 
physique  d'une  région,  tels   que  ceux  que  j'ai  définis, 


tendent  Don  h  modifier  les  types,  mais  à  amener  l'extinc- 
tion ou  à  changer  l'aire  géographique  des  espèces.  Ces  phé- 
nomènes sont  des  plus  saillants  pendant  l'époque  quaternaire 
et  peuvent  nous  fournir  de  nouvelles  lumières,  pour  for- 
muler les  lois  régissant  les  variations  des  faunes  dans  le 
temps. 

M.  Hamy  rappelle  que  les  anciens  voyageurs  dans  l'Amé- 
rique du  Nord ,  Heame  en  particulier ,  nous  montrent  les 
chasseurs  Peaux-Rouges  utilisant  partiellement  leur  proie 
h  la  façon  des  troglodytes  de  la  Lesse.  n  serait  aisé  d'ex- 
traire des  vieux  récits  un  grand  nombre  de  textes  qui  vien- 
draient à  l'appui  de  ce  rapprochement. 

Svr  remploi  du  fer  météorique  par  les  Esquimaux  du 
Groenland,  par  M.  J.  Stebnstbup. 

A  l'occasion  de  l'intéressante  discussion  que  la  question 
de  l'antiquité  relative  de  l'âge  du  bronze  et  de  l'âge  du  fer  a 
soulevée  dans  cette  enceinte,  je  désire  communiquer  des 
observations  sur  l'existence  d'un  double  âge  du  fer  chez 
un  seul  et  même  peuple.  J'hésite  d'autant  moins  à  disposer  de 
quelques  moments  du  temps  précieux  que  nous  avons  encore, 
à  rester  réunis,  que  ces  observations  se  rapportent  aux  habi- 
tants des  régions  arctiques,  à  ces  Esquimaux  auxquels  notre 
secrétaire  général,  M.  É,  Dupont,  a  si  souvent  fait  allusion 
dans  ses  admirables  mémoires  sur  les  cavernes  et  la  popula- 
tion primitive  de  la  Belgique;  car,  dans  son  opinion,  c'est 


—  243  — 

initié,  par  ces  derniers,  à  un  âge  du  fer  tout  différent  et  plus 
réel,  et  cette  initiation  remonte  peut-être  aux  anciens  Norvé- 
giens et  aux  pécheurs  de  baleines  qui  abordèrent  les  premiers 
dans  ces  parages.  Mais  l'introduction  de  nos  métaux  est  due 
principalement  aux  colonies  danoises  qui,  depuis  le  temps 
d'Égède,  ont  été  s'établir  sur  la  côte  occidentale  du  Groen- 
land. L'âge  dont  je  veux  parler  se  distingue  de  l'âge  actuel 
du  fer  chez  les  Esquimaux  autant  par  son  caractère  que  par 
Tordre  des  temps. 

Les  kjoekkenmoedding,  comme  les  anciens  tombeaux  du 
Groenland,  prouvent  en  effet  qu'à  une  époque  reculée,  les  ha- 
bitants de  ce  pays  se  servaient  d'un  fer  essentiellement  diffé- 
rent de  celui  que  les  peuples  civilisés  ont  fabriqué  exclusi- 
vement par  la  fusion  des  minerais  et  ont  introduit  au  Groen- 
land, n  ne  peut  donc  avoir  une  origine  européenne.  Il  a  été 
en  outre  employé  d'une  manière  si  particulière  pour  la  fabri- 
cation des  divers  ustensiles,  qu'on  y  reconnaît  au  premier 
coup  d'oeil  un  groupe  spécial  d'armes  et  d'outils  primitifs. 

Les  instruments  dont  je  parle,  sont  d'abord  (PL  24,  fig. 
1-2)  des  couteaux  en  os  ou  en  bois  de  Renne,  formés  plus 
ou  moins  distinctement  de  deux  parties ,  un  manche  et  une 
lame;  mais  cette  lame  présente  la  particularité  qu'elle  est 
munie,  sur  l'un  de  ses  bords  ou^  sur  tous  les  deux,  d'une 
rainure  où  un  tranchant  en  fer  est  implanté.  Ce  tranchant 
n'est  pas  formé  d'un  morceau  de  fer  continu ,  comme  une 
bande  de  cerceau,  ainsi  que  l'ont  avancé  ceux  qui  ont  pris 
ces  couteaux  pour  de  simples  imitations  de  nos  couteaux 
fabriquées  avec  des  bouts  de  fer  obtenus  des  Européens. 
n  se  compose  de  petits  morceaux  de  fer  à  peu  près  égaux, 
ayant  la  forme  de  plaques  ou  d'écaillés  imbriquées  ;  cette 
disposition  permet  de  les  fixer  solidement  dans  la  rainure. 
n  en  résulte  une  légère  dentelure  du  bord  qui  contribue  peut- 
être  à  rendre  l'instrument  plus  tranchant. 

Telle  est  également  la  construction  des  «  Ullut*  »  ou  cou- 

1  UUo  au  singulier,  Ullut  au  pluriel. 


teaux  à  cuir  que  représf;nte  la  planche  26,  et  dont  se  servent 
exclusivement  les  femmes  pour  la  préparation  et  le  travail 
des  cuirs.  Qu'ils  soient  formés  d'os  seulement  (fig.  2-3,) 
ou  d'os  et  de  bois  (fig.  4)  unis  avec  une  habileté  étonnante 
par  des  chevilles  ou  des  cordons  passant  dans  des  trous  régu- 
lièrement percés,  on  y  trouve  toujours  une  rainure  mince 
et  profonde  avec  des  écailles  en  fer  imbriqvdes,  à  peu  près 
de  la  même  grandeur. 

Cette  catégorie  d'instruments  comprend  aussi  la  pointe 
de  flèche  représentée  PI.  24,  âg.  3,£n  comparant  cetta  figure 
avec  la  flg.  4  de  la  môme  planche,  qui  représente  la  même 
arme  de  chassa  faite  toute  en  os,  on  verra  immédiatement 
que  la  penne,  formée  par  l'os  dans  cette  dernière  arme,  est 
formée  d'écaillés  enfer  dans  la  première. 

J'ai  pu  examiner  plus  de  vingt  instruments  munis  d'une 
rainure  destinée  à  recevoir  un  tranchant  en  fer  imbriqué,  et 
contenant  encore  les  écailles  en  fer  ou  au  moins  les  traces 
de  rouille  qu'elles  y  avaient  laissées.  Le  fer  que  j'ai  retrouvé 
dans  un  assez  grand  nombre  d'entre  eux',  s'est  montré  à 
l'analyse  chimique,  faite  par  U.  F.  Jobnstrup,  professeur 
de  minéralogie  à  l'Université  de  Copenhague,  être  du  fer 
natif  ou  météorique.  Il  contenait  jusqu'à  3  p.  c.  de  nickel, 
et  on  a  même  pu  constater,  par  le  polissage  et  par  l'action  des 
acides,  que  les  écailles,  quoique  martelées,  présentaient  encore 
des  figures  assez  nettes  de  Widmannstàtten.  Par  conséquent, 
ce  n'est  pas  seulement  le  mode  d'emploi  du  fer  qui  oflfre  ici 
r.'ti'tère  tuut  si^i.^ci;il.  mais  iui^si  le  métal  hii-ia6me.  de 


—  245  — 

des  temps  reculés  du  paganisme,  indique  que,  dans  le  Groen- 
land danois,  ils  ne  peuvent  appartenir  à  l'époque  récente. 
C'est  ce  que  confirme  encore  la  circonstance  de  n'avoir  été 
mentionnés  ni  dans  nos  anciennes  relations  de  voyage  au 
Groenland,  ni  dans  la  remarquable  série  de  traditions  que 
nous  devons  à  notre  compatriote,  le  docteur  Rink,  l'auteur 
de  l'excellente  description  des  glaciers  intérieurs  du  Groen- 
land. 

Mais  ce  n'est  pas  le  seul  indice  que  nous  possédions  d'une 
assez  haute  antiquité  de  cet  aspect  de  la  civilisation  des  Esqui- 
maux du  Groenland.  Si  nous  demandons  où  ces  Esquimaux 
se  sont  procuré  le  fer  qu'ils  ont  employé  à  la  confection  de 
leurs  armes  et  de  leurs  outils,  cette  question  pourra  peut-être, 
au  premier  abord,  paraître  un  peu  oiseuse,  aujourd'hui  surtout 
qu'il  est  tant  parlé  des  masses  de  fer  natif  ou  météorique  qui  ont 
été  trouvées  au  Groenland  et  transportées  en  Danemark  et  en 
Suède.  Elle  semblera  avoir  encore  moins  besoin  de  réponse, 
lorsqu'on  remarquera  que  ces  armes  et  ces  outils,  à  ce  qu'il 
semble,  proviennent  exclusivement  du  Groenland  septentrio- 
nal, c'est  à  dire,  de  la  même  région  que  les  masses  elles-mêmes 
de  fer  météorique.  La  question  n'en  est  pas  moins  parfaite- 
ment motivée.  Voici  les  localités  du  Groenland  où  Ton  a 
constaté  du  fer  météorique  : 

a.  Niakomakj  dans  le  district  de  Jacobshavn,  par  M.  Rink,  1847 

(Musée  de  Copenhague). 

b.  Fariunehay,  près  de  Godhavn,  par  M.  Rudolph,  1852  (Musée 

de  Copenhague). 

c.  Jacohshavn,  par  MM.  Pfaff-Œberg,  1870  (Mus.  de  Stockholm). 

d.  Vifak,  par  M.  Nordenskjœld,  1869-71  (Musées  de  Stockholm 

et  de  Copenhague). 

Cest  un  fer  nickéliffere ,  dur  et  cassant ,  qui  ne  se  laisse 
ni  marteler,  ni  forger  et  qui ,  par  ses  propriétés  physiques, 
diffère  donc  notablement,  malgré  la  similitude  de  composition 
chimique,  du  fer  blanc ,  mou  et  malléable ,  employé  par  nos 

16 


-  246  - 


Esquimaux.  En  conséquence,  si  le  fer  natif  et  soi-disant 
météorique  venait  à  être  découvert  dans  de  nouvelles  loca- 
lités du  Groenland,  et  qu'il  fût  le  même  que  celui  qu'on  y  a 
recueilli  jusqu'à  présent  dans  les  localités  énumérées  ci- 
dessus,  il  y  aurait  lieu  de  supposer  que  le  fer  de  nos  Esqui- 
maux provient  de  contrées  situées  hors  des  possessions  danoises 
actuelles,  c'est  à  dire,  au  Nord  du  73*  lat.  Nord,  et  qu'il 
a  peut-4tre  été  apporté  par  les  Esquimaux  qui  immigrèrent 
les  premiers  dans  le  Groenland. 

On  se  rappelle  que  le  célèbre  capitaine  John  Ross,  pen- 
dant son  voyage  arctique  en  1816,  par  75''55  lat.  Nord  et 
65<'32  long.  Ouest,  rencontra  une  tribu  d'Esquimaux  qui  non 
seulement  n'avaient  aucune  relation  avec  nos  Esquimaux  du 
Nord  du  Groenland,  mais  qui  étaient  aussi  ignorants  de  leur 
existence  que  de  celle  des  Européens.  Il  les  trouva  néanmoins 
en  possession  de  harpons  et  de  couteaux  avec  un  tranchant 
métallique  composé  de  petites  écailles  d'un  fer  blanc  et 
écroui,  implantées  dans  une  rainure,  et,  après  le  retour  de 
l'expédition  en  Angleterre,  on  reconnut  que  c'était  du  fer 
météorique.  Les  Esquimaux  lui  racontèrent  qu'ils  allaient 
prendre  ce  fer  malléable  &  Savalik  (montagne  k  fer),  situé 
au  nord-ouest  du  Cap  York  (par  76-10  lat.  Nord  et  65-30 
long.  Ouest),  et  en  taillaient  des  morceaux  dans  une  pierre 
ou  masse  rocheuse  de  couleur  noire.  Pour  se  le  procurer,  ils 
faisaient  de  temps  en  temps  de  longues  excursions  jusqu'à  un 
endroit  qui  leur  fournissait  des  pierres  assez  dures  pour 


—  247  — 

trouva,  pendant  son  hivernage  à  Port-Foulke  (lat.  78"17 
Nord,  long.  73"  Ouest),  des  Esquimaux  qui  se  servaient  de 
la  même  espèce  de  fer,  employé  de  la  même  manière  et,  selon 
leur  explication,  ce  fer  tirait  son  origine  de  la  mêmelocalité^ 

A  50  milles  environ  de  nos  colonies  septentrionales,  il 
existe  donc  un  point  où  l'on  doit  supposer  que  les  tribus  des 
Esquimaux  se  rendent  encore  aujourd'hui,  pour  y  chercher 
des  morceaux  de  cette  matière,  qui  a  tant  d'importance  pour 
eux.  Mais  s'il  est  évident  que  les  couteaux  du  Groenland  à 
tranchant  en  fer  météorique  constituent  un  groupe  d'instru- 
ments à  part,  —  en  ce  sens  que,  par  leur  construction  et  les 
matériaux  qui  les  composent,  ils  diffèrent  d'autres  instru- 
ments groenlandais  du  même  genre,  et  sont  au  contraire 
identiques  avec  les  couteaux  trouvés  par  le  capitaine  Ross 
chez  ses  «  arctic  Highlandér,  »  —  il  est  tout  aussi  naturel  de 
supposer  que  cette  identité  va  encore  plus  loin,  même  jusqu'à 
Forigine  commune  de  la  matière  métallique  qui  a  servi  à 
les  fabriquer.  N'est-ce  pas  en  tout  cas  une  coïncidence  assez 
remarquable  que  les  Groenlandais  aient  toujours  mentionné 
et  mentionnent  encore,  dans  leurs  traditions,  que  l'Ile  de 
Disco  et  les  environs  du  Waigat  —  précisément  les  contrées 
d'où  proviennent  nos  instruments  en  fer  météorique  —  sont 
les  premières  parties  du  Groenland  où  ils  aient  demeuré, 
et  qu'ils  habitaient  auparavant  une  région  plus  septentrio- 
nale? Les  faits  pourront  peut-être  un  jour  se  grouper  de 
telle  manière  que  ces  instruments  métalliques,  devenus 
pour  ainsi  dire  comme  des  feuillets  perdus  du  journal  d'im- 
migration de  ce  peuple,  indiqueront,  par  leur  provenance, 
la  route  par  laquelle  les  Esquimaux  ont  pénétré  dans  le  pays, 
ou  la  direction  qu'ont  prise  leurs  relations  les  plus  an- 
ciennes. 

Mais  l'archéologie  ne  peut  s'arrêter  ici  sans  poser  encore 
la  question  suivante  :  employait-on  le  fer  sous  la  forme 

>  Voir  Sillimànn*s  American  Journal  of  Science  and  Arts,  1866,  p.  249. 


d'écaillés,  parce  qu'on  n'était  pas  en  état  de  produire  et  de 
marteler  de  plus  gros  morceaux?  Employait-on,  pour  ces 
écailles,  la  disposition  imbriquée,  parce  que  leur  petitesse  ne 
permettait  pas  de  les  bien  fixer  d'une  autre  manière?  On 
peut  répondre  que  ces  explications  n'ont  pour  elles  que  la 
possibilité.  Mais  quand  on  se  rappelle  avec  quelle  ténacité 
les  peuples,  peu  avancés  en  civilisation,  tiennent  &  k  forme 
et  au  mode  de  fabrication  auxquels  ils  sont  habitués  pour 
leurs  ustensiles ,  et  surtout  combien  ce  trait  de  caractère  est 
marqué  chez  les  Esquimaux,  on  aéra  porté  à  penser  que  nous 
devons  plutôt  y  voir  la  stricte  imitation  d'une  forme  anté- 
rieure et  anciennement  adoptée  pour  ces  mêmes  ustensiles. 
Lorsqu'on  compare  les  figures  1-2  (PI.  24)  de  nos  couteaux 
à  fer  météorique  avec  le  couteau  que  le  capitaine  Graah 
trouva  chez  les  Esquimaux  de  la  côte  orientale  du  Groen- 
land —  peuplade  qui  n'avait  eu  pour  ainsi  dire  aucun  con- 
tact avec  les  Européens  '  —  en  même  temps  qu'on  les 
compare  avec  les  figures  l"-!*  (PI.  25),  qui  reproduisent 
un  couteau  exactement  de  même  construction,  recueilli 
dans  un  ancien  tombeau  puen  de  la  région  la  plus  sep- 
tentrionale du  Groenland  danois,  n'est-on  pas  tenté  de 
croire  que  ces  cout«aux  sont  les  prototypes  des  couteaux  en 
fer  météorique?  Et  qu'est-ce  qui  forme  ici  le  tranchant? 
C'est,  chezlesdeux  derniers,  une  rangée  de  dents  de  ce  grand 
requin,  le  Leiche  du  Nord  ou  Scymnus  horealis  H.  qui 
donne  lieu,  chez  les  Esquimaux,  à  une  pèche  considérable  à 


—  249  — 

même  dans  les  contrées  qu'il  habite  aujourd'hui  au  milieu 
des  glaces  du  cercle  polaire. 

Pour  finir,  je  dois  me  demander,  abstraction  faite  de  la 
dissemblance  des  deux  pays  et  de  la  différence  qui  en  résulte 
dans  la  manière  de  vivre,  quel  serait  le  résultat  d'une  com- 
jiaraison  comme  celle  que  notre  ami,  M.  Dupont,  trouve  na- 
turel d'établir  entre  le  degré  de  civilisation  des  Esquimaux 
et  celui  de  ses  €  Mongoloïdes  »  des  cavernes  de  la  Belgique? 
Mon  impression  est  que  les  Esquimaux,  même  les  plus 
arriérés,  sont  de  beaucoup  supérieurs  aux  troglodytes  belges 
dans  la  faculté  de  tirer  bon  parti  des  objets  qui  les  entourent 
et  dans  l'art  de  travailler  la  pierre,  les  os  et  les  bois  de  renne. 
du  moins  en  les  supposant  tels  que  nous  devons  nous  les 
représenter  d'après  la  description  de  notre  collègue.  Mais, 
pour  ne  pas  être  injuste  envers  les  t  Mongoloïdes  » ,  n'ou- 
blions pas  deux  choses  dans  cette  comparaison.  La  première, 
c'est  qu'il  est  évident,  pour  moi,  que  la  description  qui  a  été 
donnée  de  leur  savoir  faire  et  de  leur  manière  de  vivre  ne  leur 
rend  pas  pleinement  justice,  car  quels  que  soient  les  rensei- 
gnements que  les  fouilles  grandioses,  opérées  en  Belgique, 
nous  aient  fournis  sur  ces  habitants  des  cavernes ,  les  don- 
nées que  nous  possédons,  sont  cependant  encore  trop  peu 
nombreuses  et  trop  incomplètes  pour  en  tirer  des  conclusions 
justes.  Quelques-unes  d'entre  elles  même  ne  me  paraissent 
pas  avoir  été  suffisamment  appréciées.  Ici  je  ne  mentionnerai 
que  ce  qui  est  en  relation  plus  directe  avec  l'objet  de  cette 
communication,  à  savoir  :  les  éclats,  dont  on  a  enlevé  la 
moitié  de  la  largeur  par  une  retouche  bien  faite.  Ces  demi- 
éclats  ou  demi-poinçons  \  qu'on  a  recueillis  en  si  grand  nombre 
dans  les  cavernes  et  que  je  regarde  comme  les  instruments 
en  silex  les  plus  intéressants  que  M.  Dupont  ait  découverts, 
peuvent-ils  être  considérés  comme  autre  chose  que  des  divi- 
sions ou  articles  de  tranchants  composés  et  assez  longs,  ana- 

*  Voir  É.  Dupont,  Les  temps  préhistoriques  en  Belgique,  %•  édition, 
Bruxelles  1872,  p.  148,  Ûg.  23. 


—  Zoo- 
logue, à  ceux  que  portent  certaines  de  nos  lances  et  de  nos 
flèches  ea  silex?  Et,  s'il  en  est  ainsi,  ne  témoigneat-ils  pas 
de  l'existence  de  toute  une  série  d'instruments  pour  la  chasse 
ou  les  usages  domestiques,  dont  il  n'a  nullement  été  tenu 
compte?  Mais  quelle  qu'ait  été  la  destination  de  ces  •  demi- 
silex,  >  ils  n'en  prouvent  pas  moins  que  les  >  Mongoloïdes  > 
travaillaient  la  pierre  avec  une  habileté  hien  plus  grande 
qu'on  n'a  voulu  le  reconnaître.  Quant  au  second  point,  qu'il 
ne  faut  pas  oublier  en  comparant  ces  deux  peuples,  c'est 
que  l'emploi  et  le  travail  du  fer  natif  par  les  Esquimaux  ne 
leur  donnent  pas  une  réelle  supériorité,  car,  s'ils  savaient 
marteler  le  fer ,  ils  le  traitaient  essentiellement  comme  une 
pierre  en  fer,  une  pierre  excellente  et  d'un  grand  prix,  il  est 
vrai;  absolument  comme  les  Indiens  de  l'Amérique  du  Nord 
ne  voyaient,  dans  le  cuivre  natif,  qu'une  pierre  en  cuivre. 
Par  l'emploi  du  métal,  ni  les  uns  ni  les  autres  ne  sont,  à  vrai 
'  dire,  sortis  de  l'&ge  de  la  pierre  où  ils  se  trouvaient. 


L'homme  de  l'âge  du  Mammouth  dans  la  province  de  SainatU, 
par  MM.  F.  L.  Cornbt  et  A.  Bbiabt. 

§   1".   —  CBEUSBHENT   RD   BASSIN   DE   LA   HAINE. 

La  petite  rivière  la  Saine,  qui  a  donné  son  nom  à  la  pro- 
vince de  Hainaut,  prend  sa  source  près  du  villag;e  d'Ander- 
lues,  et,  coulant  de  Test  à  l'ouest,  elle  se  jette  dans  l'Escaut 
h  Coudé  (France),  après  un  parcours  d'environ  55  kilomètres, 


—  251  — 

coulent  du  sud  au  nord.  La  Trouille  a  pour  affluents  princi- 
paux le  By  et  la  rivière  de  Nouvelles. 

Le  bassin  de  la  Haine  est  limité  au  nord  par  la  ligne  de 
faîtes  qui  le  sépare  des  bassins  de  deux  autres  affluents  de 
l'Escaut  :  la  Dendre  et  la  Senne.  A  Test  et  au  sud,  il  se  termine 
à  la  grande  ligne  orographique  qui  fait  le  partage  des  eaux 
des  bassins  de  l'Escaut  et  de  la  Meuse.  Sur  l'entier  développe- 
ment de  ces  limites,  le  relief  du  sol  est  déterminé  par  l'exis- 
tence de  couches  tertiaires  reposant,  dans  la  plupart  des 
points,  sur  les  terrains  primaires,  et,  en  quelques  endroits, 
sur  le  terrain  crétacé. 

L'altitude  des  différents  points  de  la  limite  du  bassin  est 
assez  variable.  Cependant,  si  on  ne  considère  que  l'ensemble, 
on  peut  dire  qu'elle  diminue  de  l'est  à  l'ouest,  c'est  à  dire, 
dans  le  sens  de  l'écoulement  général  des  eaux.  Le  maximum 
(212  mètres)  est  atteint  près  du  hameau  du  Planty,  au  sud- 
ouest  d'Anderlues,  non  loin  des  sources  de  la  Haine.  Dans  le 
méridien  de  la  ville  de  Mons,  on  trouve  au  nord  90  mètres 
et  au  sud  160  mètres  pour  la  hauteur  des  lignes  de  faîtes  au 
dessus  du  niveau  de  l'Océan.  Enfin,  le  sommet  de  la  colline 
de  Bon  Secours,  où  la  limite  septentrionale  du  bassin  traverse 
la  frontière  française,  est  à  l'altitude  d'environ  60  mètres. 

L'inclinaison  du  thalweg  du  bassin  est  plus  considérable 
que  celle  des  lignes  de  partage,  principalement  dans  la  partie 
orientale.  La  Haine,  dont  la  source  est  à  l'altitude  de  180  mè- 
tres, se  trouve  à  78  mètres  dans  le  village  de  Haine  Saint 
Pierre,  situé  à  8  kilomètres  en  aval.  La  partie  supérieure  de 
son  cours  présente  donc  une  pente  moyenne  de  12  millimè- 
tres par  mètre,  si  l'on  ne  tient  pas  compte  de  ses  sinuosités, 
d'ailleurs  peu  importantes.  De  Haine  Saint  Pierre  à  Mons 
(ait.  30"),  la  pente  moyenne  ne  dépasse  guère  2  millimè- 
tres. Elle  est  moins  forte  encore  entre  Mons  et  Condé 
(ait.  18"),  où  la  rivière  ne  présente,  pour  un  parcours  de 
27  kilomètres,  qu'une  différence  de  niveau  de  12  mètres,  soit 
une  moyenne  inférieure  à  un  demi-millimètre  par  mètre. 


A  l'iotérieurdolaceinture  de  colliuea  tertiaires  qui  entoure 
au  nord,  à  l'est  et  au  sud,  le  bassin  hydrographique  de  la 
Haine,  on  trouve  la  plus  grande  partie  du  terrain  crétacé 
du  Hainaut.  Ce  terrain  se  montre  à  découvert  sous  une 
épaisseur  peu  considérable  de  dépôts  modernes  ou  quaternai- 
res, principalement  dans  la  région  orientale  du  bassin.  Mais 
entre  la  frontière  française  et  Mons,  ainsi  que  sur  une  cer- 
taine surface  à  l'est  de  cette  ville,  le  terrain  crétacé  disparaît 
presque  entièrement  sous  des  dépôts  tertiaires,  qui  gisent  à 
des  altitudes  bien  inférieures  à  celles  des  limites  septentrio- 
nales et  méridionales  du  bassin. 

L'étude  géologique  de  notre  contrée  prouve,  de  la  manière  la 
plusévidente,qu'à  une  certaine  époque,toutrintervallecompri8 
entre  les  lignes  de  partage  qui  circonscrivent  le  bassin  de  la 
Haine.était  occupé  par  des  couches  tertiaires  dont  l'épaiaseur, 
au  dessus  du  sol  actuel,  dépassait  70  mètres  près  de  Mons  et 
100  mètres  à  Haine  Saint  Pierre.  Notre  bassin  doit  sa  forma- 
tion à  une  importante  dénudatlon  qui  a  enlevé  la  plus  grande 
partie  deces  dépôts  tertiaires,  en  laissant,  comme  des  tëmoins 
de  son  action,  les  collines  argilo-sableuses  qui  avoisinent  la 
ville  de  Mons  et  celle  sur  laquelle  la  ville  môme  est  asaise. 
La  dénudation  a  non  seulement  emporté  les  couches  tertiai- 
res, mais,  sur  certains  points,  elle  a  profondément  entamé  le 
terrain  crétacé  et  même  les  assises  primaires. 

A  quelle  époque  cette  dénudation  a-t-elle  commencé? 
Quand  s'est-elle  terminée  et  par  quel  agent  s'est-elle  opérée? 


—  253  — 

partie  supérieure  du  Mont  Panisel  qui  lavoisine  au  nord,  est 
constitué  par  une  puissante  assise  de  grès  et  de  sables  glauco- 
nifères  que  Dumont  a  prise  pour  type  de  son  Système  Panise- 
lien.  Cette  assise  n'existe  en  aucun  autre  point  du  bassin  de 
la  Haine,  mais  on  la  retrouve  vers  la  partie  supérieure  d'une 
rangée  de  collines  isolées  qui  s'étend,  au  nord  de  notre  pro- 
vince, entre  l'Escaut  et  la  Dendre,  principalement  aux  envi- 
rons de  Renaix.  Dans  ces  collines,  qui  sont,  comme  le  Mont 
Panisel,  les  témoins  d'une  importante  dénudation  qui  a  donné 
aux  plaines  flamandes  leur  configuration  actuelle,  les  couches 
paniseliennes  ont  des  caractères  paléontologiques,  minéralo- 
giqueset  stratigraphiques  tellement  identiques  à  ceux  qu'elles 
présentent  près  de  Mons,  qu'on  ne  peut  douter  que  les  colli- 
nes des  Flandres  n'aient  été  réunies  jadis  à  celles  du  Mont 
Panisel  et  du  Bois  de  Mons,  par  une  nappe  continue  de  terrain 
tertiaire. 

Le  Mont  de  la  Musique,  qui  est  la  colline  la  plus  élevée  des 
environs  de  Eenaix  (ait.  155  "*),  n'est  pas,  comme  les  collines 
montoises,  couronné  par  les  couches  de  sables  et  de  grès  pa- 
niseliens.  Au  dessus  de  celles-ci,  on  trouve  des  sables  avec 
grès  quartzeux  qui  ont  été  rapporté  aux  Systèmes  Bruxellien 
et  Laekenien,et  enfin  le  sommet  du  Mont  est  constitué  par  des 
sables  ferrugineux  appartenant  au  Système  Diestien^ 

Rien  de  semblable  à  ces  dépôts  ne  se  montre  sur  le  som- 
met des  collines  de  Mons.  Mais  le  plateau  qui  limite  à  l'est 
le  bassin  de  la  Haine,  et  qui  atteint,  au  hameau  du  Planty, 
l'altitude  de  212  mètres,  est  formé  d'une  couche  de  sable  avec 
grès  du  Système  Bruxellien,  qui  se  termine  brusquement  sur 
le  flanc  des  coteaux,  vers  le  bassin  de  la  Haine.  Cette  nappe 
de  terrain  tertiaire  s'est  évidemment  étendue  jadis  plus  avant 
qu'aujourd'hui  au  dessus  de  notre  bassin,  et  il  nous  semble 
certain  qu'elle  se  réunissait  à  celle  des  collines  de  Renaix  en 
passant  au  dessus  du  Mont  Panisel. 

>  Cartes  géologiques  de  Dumont.  —  Oktlikb  et  Chellonex,  Études  des 
collines  tertiaires  du  Départ,  du  Nord  comparées  à  celles  de  la  Belgique, 


-  254  - 


Rien  ne  semble  prouver  que  les  couches  laeteniennes  et 
diestienoes  se  soient  jamais  étendues  au  dessus  de  notre 
baKsin.  Cependant  l'épaisseur  considérable  qu'elles  présentent 
au  Uont  de  la  Musique  permet  d'affirmer  qu'elles  se  sont  jadis 
prolongées  bien  plus  au  sud  qu'actuellement.  Leur  présence 
a  d'ailleurs  été  démontrée  près  de  Tournai,  dans  la  partie  su- 
périeure du  Mont  de  la  Trinité  dont  le  sommet,  qui  se  trouve 
à  l'altitude  de  146  mètres,  domine  d'environ  135  mètres  le 
fond  de  la  vallée  de  l'Escaut,  que  l'on  peut  considérer  comme 
le  prolongement  du  bassin  de  la  Haine.  L'existence,  en  ce 
point  et  fa  une  telle  hauteur,  des  couches  laekeniennes  et 
diestiennes  est  une  forte  présomption  en  faveur  de  l'hypo- 
thèse qui  admet  qu'elles  ont,  à  une  certaine  époque,  recou- 
vert les  assises  tertiaires  sous-jacentes  dans  la  partie  de  notre 
pays  qui  forme  aujourd'hui  le  bassin  de  la  Haine. 

Les  sables  fossilifères  d'Anvers,  qui  constituent  le  Système 
Scaldisien  de  Dumont,  sont  les  dépAts  tertiaires  les  plus  récents 
de  notre  pays.  Ils  paraissent  avoir  succédé  immédiatement 
aux  sables  ferrugineux  diestiens;  mais  tout  fait  croire  qu'ils 
ne  sont  guère  étendus  vers  le  sud,  au  delà  de  leur  limite  ac- 
tuelle. On  n'en  a,  jusqu'à  ce  jour,  rencontré  aucun  indice 
sur  les  nombreuses  collines  du  Département  du  Nord,  des 
Flandres  et  du  Brabant,  couronnées  par  le  sable  de  Biest.  La 
mer  qui  les  a  déposés  se  trouvait,  relativement  à  ces  collines, 
à  peu  près  au  niveau  de  la  mer  actuelle. 

Nous  admettons  donc  que  la  province  de  Hainaut,  comme 
la  plupart  do.s  autres  lociiiiti's  de  la  Belgique,  fût  émei^t 


—  255  — 

par  suite  de  rirrégularité  que  Ton  remarque  dans  les  dépôts 
marins,  si  on  les  étudie  sur  de  grandes  étendues.  Ces  cours 
d'eau  ont  probablement  approfondi  ou  élargi  les  sillons  et  les 
dépressions  pendant  que  les  sables  fossilifères  d'Anvers  se 
déposaient  sur  la  côte  méridionale  de  la  mer  du  Nord.  Nous 
sommes  donc  d'avis  que  la  grande  érosion  de  nos  couches  ter- 
tiaires n'a  pu  commencer  que  vers  la  fin  de  l'époque  pliocène. 

Si  la  mer  a,  pendant  son  retrait,  creusé  des  sillons  dans  les 
couches  tertiaires,  elle  a  dû  y  laisser  des  témoins  de  son  pas- 
sage ou  de  son  séjour  plus  ou  moins  prolongé.  Les  cours 
d'eau  pliocènes,  en  suivant  et  en  élargissant  peut-être  ces 
sillons  ont  dû,  de  même,  y  déposer  des  alluvions.  Cependant 
on  n'a,  jusqu'à  ce  jour,  rencontré,  dans  nos  contrées,  aucun 
dépôt  marin  ou  fluvial  que  l'on  puisse  rapporter  à  l'époque 
pliocène.  Les  plus  anciens  dépôts  que  nous  trouvons  sur  nos 
couches  tertiaires,  renferment  une  faune  malacologique  fos- 
sile qui  nous  les  fait  rapporter  à  une  époque  postérieure  aux 
couches  tertiaires  les  plus  récentes  de  la  Belgique.  Cette 
faune,  qui  ne  se  compose  que  d'espèces  terrestres  identiques 
à  celles  qui  habitent  encore  le  pays,  a  dû  vivre  sous  un  climat 
différent  du  climat  sous  lequel  ont  vécu  les  coquilles 
des  sables  d'Anvers  et  du  Crag  de  Suffolk.  Les  dépôts,  dans 
lesquels  on  la  rencontre,  occupent  les  points  les  plus  élevés 
des  lignes  de  partage  qui  séparent  le  bassin  de  la  Haine  des 
bassins  voisins. 

De  ces  diverses  circonstances,  nous  pouvons  conclure  que 
si  la  mer  a  creusé,  en  se  retirant,  des  sillons  dans  nos  couches 
tertiaires,  et  si  ces  sillons  ont  reçu,  après  l'émersion,  des  cours 
d'eau  qui  les  ont  approfondis  et  élargis,  la  dénudation  n'a  pas 
été  assez  importante,  pendant  la  période  pliocène,  pour  enle- 
ver les  couches  jusqu'au  niveau  des  lignes  de  partage  actuel- 
les. Le  creusement  s'est  continué  pendant  la  période  qui  a 
suivi,  c'est  à  dire,  pendant  la  période  quaternaire,  et  il  a  détruit 
tous  les  vestiges  de  la  première  phase  de  l'opération,  si  ces 
vestiges  ont  jamais  existé, 


Le  creusement  du  bassin  de  la  Haine,  tel  que  nous  te  trou- 
vons aujourd'hui,  s'est  donc  opéré  h  partir  d'un  certain 
moment  de  la  période  quaternaire. 

Plus  on  étudie  les  dépAts  postérieurs  au  terrain  tertiaire, 
qui  recouvrent  les  limites,  comme  les  versants,  du  bassin  de 
la  Haine,  plus  on  est  convaincu  qu'ils  n'ont  pu  être  déposés 
par  des  eaux  marines.  Leur  nature,  leurs  caractères  strati- 
graphîques  et  les  fossiles  qu'ils  renferment  excluent  toute 
idée  de  l'intervention  de  la  mer  dans  leur  mode  de  formation. 
Ils  n'ont  pu  être  déposés  que  par  des  cours  d'eau,  et  ils  pré- 
sentent en  effet  tant  de  ressemblance  avec  les  alluvions  de  nos 
rivières,  qu'on  ne  pourrait  les  en  distinguer,  s'ils  ne  se  trou- 
vaient, dans  la  plupart  des  cas,  bien  au  dessus  du  niveau  des 
cours  d'eau  actuels. 

Les  dépôts  quaternaires  s'étendent  sur  les  versants  de  notre 
bassin,  à  partir  des  lignes  de  partage  jusqu'au  niveau  des  ri- 
vières, aux  alluvions  desquelles  ils  se  relient  quelquefois  si 
intimement  que  la  distinction  n'est  pas  possible.  Les  coquilles 
qu'ils  renferment  sont  partout  identiques  aux  espèces  qui 
vivent  encore  dans  notre  province,  mais  on  y  rencontre  des 
ossements  de  grands  mammifères,  dont  quelques-uns  ont 
appartenu  à  des  espèces  éteintes  comme  YElephas  primige- 
nitts,  le  Rhinocéros  tiehorhinns,  etc.  Les  gisements  dans 
lesquels  on  a  recueilli  ces  espèces  perdues,  se  trouvent, 
dans  la  plupart  des  cas,  à  de  grandes  hauteurs  au  dessus 
fie  r^li.'i^^i'  iii'tupl   lies  rivières,   ijuràqu'ih  soii;iit  cuiir^lilui'r 


-  257  — 

son  approfondissement  actuel.  Nous  verrons  plus  loin  qu'il  a 
été  également  habité,  à  cette  époque,  par  ITiomme,  dont  nous 
retrouvons  les  grossiers  instruments  en  silex  dans  les  gra- 
viers qui  nous  fournissent  les  ossements  de  Mammouth  et  de 
Rhinocéros. 

Nous  avons  dit  que  les  dépôts  quaternaires  recouvrent  les 
lignes  limitant  le  bassin  et  qu'ils  s'étendent  sur  les  versants 
jusqu'au  niveau  des  alluvions  formées  par  les  rivières  actuel- 
les. Ces  alluvions  occupent  la  partie  la  plus  basse  des  vallées, 
où  elles  sont  toujours  étendues  en  nappes  horizontales  dont 
le  niveau  dépasse  peu  l'étiage.  Elles  reposent  sur  des  couches 
tertiaires,  crétacées  ou  primaires,  dont  la  surface  détermine 
la  profondeur  à  laquelle  le  creusement  de  la  vallée  s  est 
terminé  pendant  une  époque  peu  antérieure  au  dépôt  des 
alluvions  qui  recouvrent  cette  surface.  Or,  toutes  les  recher- 
ches opérées  dans  ces  alluvions  n'y  ont  fait  découvrir,  jus- 
qu'à ce  jour,  les  restes  d'aucune  espèce  perdue.  Les  coquilles 
terrestres  et  d'eau  douce  que  l'on  y  rencontre  sont  toutes  iden- 
tiques à  nos  coquilles  actuelles  et  tous  les  ossements  appartien- 
nent à  des  espèces  qui  vivent  encore  dans  nos  contrées  ou  qui 
n'en  ont  disparu  que  depuis  les  temps  historiques.  Les  instru- 
ments en  silex,  assez  nombreux,  que  l'on  recueille  avec  ces 
coquilles  et  ces  os,  appartiennent  tous  à  l'âge  de  la  pierre  polie. 

Pour  résumer  cette  première  partie  de  notre  travail,  nous 
dirons  : 

Le  creusement  du  bassin  de  la  Haine,  en  dessous  du 
niveau  des  lignes  de  faîtes  actuelles,  a  commencé  à  s'opérer 
pendant  la  période  quaternaire.  Il  est  dû  à  l'action  de  cours 
d'eau.  Bien  avant  qu'il  fût  terminé,  l'homme,  contempo- 
rain du  Mammouth,  du  Rhinocéros  et  d'autres  espèces  per- 
dues, a  habité  nos  contrées.  Enfin  la  fin  du  creusement  date 
d'une  époque  géologique  peu  éloignée  de  celle  où  l'homme 
de  l'âge  de  la  pierre  polie  vivait  dans  notre  bassin  avec  une 
faune  identique  à  celle  de  nos  jours. 


■  258  - 


Avant  de  passer  à  d'autres  considérations,  nous  ferons  re- 
marquer que  les  conclusions  précédentes  sont  presque  rigou- 
reusement liis  mêmes  que  celles  posées  par  divers  savants  qui 
ont  étudié  le  terrain  quaternaire,  principalement  au  point  de 
vue  stratigraphique,  notamment  M.  Prestwich  dans  ses  études 
des  dépôts  des  vallées  de  la  Somme  et  de  la  Tamise,  M.  Bel- 
grand  dans  80U  travail  sur  le  bassin  de  la  Seine  et  enfin 
M.  Dupont  dans  ses  différents 'travaux  sur  les  cavernes  et  le 
terrain  quaternaire  de  la  province  de  Namur.  Cette  coïnci- 
dence nous  semble  prouver,  de  la  manière  la  plus  évidente, 
que  les  phénomènes  qui  ont  présidé  à  la  formation  des  dépôts 
quaternaires  du  Hainaut,  n'ont  pas  borné  leur  action  à  notre 
province,  mais  l'ont  étendue  à  une  notable  partie  de  l'Europe 
occidentale.  Comme  il  est  hors  de  doute  que  ces  dépôts  ne 
sont  que  des  alluvions  fluviales,  on  doit  admettre  que  pour 
creuser  leurs  lits,  comme  elles  l'ont  fait,  les  rivières  quater- 
naires charriaient  un  volume  d'eau  hors  de  proportion  avec 
leur  débit  actuel.  Cependant  nous  prouverons  plus  loin 
qu'elles  avaient,  comme  ceus-ci,  leurs  sources  dans  les 
limites  du  même  bassin ,  du  moins  à  partir  de  l'époque  où 
Tapprofondissement  fut  descendu  en  dessous  du  niveau  de 
ces  limites.  Leur  débit  si  considérable  ne  peut  donc  être 
attribué  qu'&  ce  que  le  bassin  recevait  incomparablement 
plus  d'eau  pluviale  qu'aujourd'hui.  Les  conditions  climaté- 
riques  dans  lesquelles  se  trouvait  alors  la  province  de  Hai- 
naut, étaient  donc  bien  différentes  de  celles  de  notre  époque, 


259 


S  2.     —    COMPOSITION    DU    TERRAIN     QUATERNAIHE    DANS    LE 

BASSIN    DE   LA   HAINE. 

Quel  que  soit  le  point  où  on  Tétudie,  sur  les  lignes  de  faîtes 
comme  sur  les  versants,  le  terrain  quaternaire  du  bassin  de 
la  Haine  se  montre  partout  constitué,  quand  il  est  complet, 
par  trois  termes  qui  sont  en  commençant  par  la  partie  supé- 
rieure (PI.  29,  fig.  1,  3,  4)  : 

A .  Un  limon  brun-jaunâtre,  non  calcareux,  ne  présentant 
aucun  indice  de  stratification  et  très  propre  à  la  fabrication 
des  briques.  Vers  la  surface,  ce  limon,  mélangé  à  une  certaine 
quantité  dTiumus,  constitue  une  terre  végétale  éminemment 
fertile. 

B.  Une  alluvion  fluviale,  toujours  stratifiée  en  feuillets 
très  minces.  Dans  la  plupart  des  cas,  elle  est  constituée  par  un 
limon  jaune,  souvent  calcareux,  impropre  à  la  fabrication 
des  briques  et  connu  sous  le  nom  d'Frgeron.  Les  champs 
dans  lesquels  ce  limon  affleure  sont  peu  fertiles. 

A  sa  partie  inférieure,  TErgeron  devient  ordinairement 
sableux  et  quelquefois  il  passe  à  un  sable  plus  ou  moins 
limoneux.  Ce  cas  se  présente  presque  toujours  dans  le  voisi- 
nage d'assises  tertiaires  sableuses,  et  Ion  reconnaît  souvent 
alors,  par  la  nature  du  sable,  que  ces  assises  ont  été  partielle- 
ment remaniées  par  les  cours  d'eau  quaternaires.  Le  rema- 
niement devient  surtout  évident  quand  le  terrain  quaternaire 
repose  sur  des  couches  argileuses,  comme  l'assise  inférieure 
du  Système  Ypresien.  La  partie  inférieure  de  l'Ergeron  a  sou- 
vent acquis,  dans  ce  cas,  des  caractères  tellement  semblables 
à  ceux  de  l'argile  tertiaire,  qu'il  est  très  difficile  de  l'en  dis- 
tinguer. 

C.  Un  dépôt  caillouteux  et  graveleux,  formé  de  débris  plus 
ou  moins  roulés  de  roches  de  différentes  natures,  parmi  les- 
quelles dominent  la  craie  blanche,  le  silex  crétacé  et  le  phta- 
nîte  houiller.  Ces  débris,  quoique  parfois  mélangés  assez 
confusément,  présentent  plus  souvent  une  stratification  irré- 


guliëre,  indiquant  que  le  dépdt  s'est  effectué  dans  un  courant 
rapide. 

Le  terrain  quaternaire  est  toujours  nettement  séparé  des 
assises  sur  lesquelles  il  repose.  La  surface  de  contact  eat  fré- 
quemment dénudée  profondément. 

L*  passage  du  dépôt  caillouteux  C  à  l'alluvion  fluviale 
JB  se  fait  brusquement,  quand  l'Ergeron  proprement  dit  con- 
stitue seul  cette  dernière  assise.  Mais  la  transition  d'une 
assise  à  l'autre  est  insensible,  quand  du  sable  est  intercalé 
entre  l'Ergeron  et  le  gravier  C. 

Entre  les  limons  A  et  3,  la  démarcation  est  brusque  et  la 
surface  de  contact  présente  toujours  des  ondulations  quelque- 
fois  très  profondes. 

La  puissance  de  chacune  des  trois  assises  de  notre  terrain 
quaternaire  est  très  variable.  Généralement  celle  de  la 
seconde  l'emporte  de  beaucoup.  Nous  avons  constaté  la  pré- 
sence de  16  mètres  d'Ergeron  en  certains  points  de  notre 
pays.  La  terre  à  briques  a  rarement  plus  de  1°50  à  2"00  de 
puissance.  Quant  au  dépAt  caillouteux,  si  son  épaisseur 
atteint  3  à  4  mètres  en  quelques  endroits,  le  plus  souvent 
elle  n'a  que  quelques  décimètres. 


Notre  terrain  quaternaire  se  présente  assez  rarement  avec 
les  trois  assises  dont  nous  venons  de  parler.  Le  dépAt  cail- 
louteux inférieur  est  souvent  absent  ou  simplement  repré- 
senté par  quelques  centimètres  de  gravier.  Dans  quelques 

,  il  existe  seul  et  s'élève  alors  iafiqu'à  la  .surface  du  w 


—  261  — 

de  silex  mélangés  à  de  nombreux  galets  de  craie,  mais  le 
phtanite  houiller  se  rencontre  seulement  sur  le  versant  sep- 
tentrional du  bassin,  tandis  que  les  roches  dévoniennes  ne  se 
montrent  que  sur  le  versant  méridional.  Les  points  où  Ion 
rencontre  ces  roches  dans  les  graviers  quaternaires,  se  trou- 
vent, sans  aucune  exception  constatée,  entre  le  thalweg  du 
bassin  et  les  endroits  où  elles  existent  en  place  sur  les  affleu- 
rements. L'assise  des  phtanites  houillers  ne  se  montre  que 
vers  la  limite  septentrionale  du  bassin,  et  les  étages  dévoniens, 
vers  la  limite  opposée.  Le  transport  des  graviers,  dans  le  bas- 
sin de  la  Haine,  s*est  donc  toujours  opéré  dans  le  sens  actuel 
de  l'écoulement  des  eaux  :  les  affluents  quaternaires  de  la 
rive  droite  ont  charrié  leurs  cailloux  du  nord  au  sud  et  ceux 
de  la  rive  gauche  les  ont  transportés  du  sud  au  nord.  Ces  dif- 
férents cours  d'eau  avaient  leurs  sources  à  l'intérieur  des 
lignes  de  faites  actuelles,  car,  malgré  toutes  nos  recherches, 
nous  ne  sommes  pas  parvenus  à  découvrir,  dans  les  dépôts 
caillouteux  quaternaires,  un  seul  fragment  de  roche  étran- 
gère à  notre  bassin. 

Le  terrain  quaternaire,  représenté  généralement  par  ses 
deux  termes  supérieurs,  recouvre  partout  les  lignes  de  par- 
tage qui  limitent  le  bassin  de  la  Haine,  excepté  les  col- 
lines tertiaires  entre  Bon  Secours  à  Grandglise  et  entre  Veil- 
lereille  lez  Brayeux  et  la  route  de  Mons  à  Chimay.  A  partir 
de  ces  lignes,  il  s'étend  sur  les  versants,  en  suivant  toutes  les 
ondulations  des  {daines,  jusque  près  des  alluvions  modernes 
qui  occupent  le  fond  du  bassin,  où  elles  sont  étendues  en 
nappes  horizontales.  Le  terrain  quaternaire  se  relie,  en  quel- 
ques endroits,  si  intimement  à  ces  alluvions,  qu'il  est  impos- 
sible de  tracer  une  ligne  de  démarcation  quelconque  entre 
eux.  Mais  la  liaison  ne  se  fait  que  par  la  terre  à  briques  et 
le  limon  des  inondations  modernes  ;  en  aucun  point,  nous 
n'avons  constaté  le  passage  de  l'Ergeron  aux  alluvions  plus 
ou  moins  sableuses  qui  se  trouvent  en  dessous  du  limon 
d'inondation  des  cours  d'eau  actuels.  Ces  alluvions  se  sont 

17 


marne  déposées,  en  certains  endroits,  dans  des  rsTinements 
de  l'Ei^ron. 

Le  limon  d'inondation,  qui  occupe  le  fond  de  nos  vallées, 
où  il  s'épaissit  à  chaque  grande  crue  des  cours  d'eau,  présente 
la  plus  grande  ressemblance  avec  le  limon  supérieur  des  ver- 
sants du  bassin.  Il  n'y  a  dans  ce  fait  rien  qui  doive  nous 
étonner.  Quiconque  a  observé  la  surface  de  nos  plaines  et 
les  flancs  de  nos  collines  recouverts  de  terrain  quaternaire, 
a  db  être  frappé  de  la  facilité  et  de  la  rapidité  avec  lesquelles 
l'eau  creuse  dans  le  sol  de  profondes  rigoles.  Le  limon  ainsi 
enlevé  est  entraîné  par  les  cours  d'eau  et,  dans  les  moments 
de  crue,  il  se  dépose  en  partie  sur  le  fond  des  vallées.  La 
terre  à  briques  est  surtout  d'une  extrême  mobilité.  Aussi 
n'existe-elle  plus  ouest-eHeréduiteàune  très  mince  épaisseur 
sur  beaucoup  de  nos  collines,  mais  on  lui  trouve,  dans  toutes 
les  déclivités  de  la  surface,  des  puissances  considérables  qui 
s'épaississent  après  chaque  grande  pluie.  Ces  déplacements 
du  limon  supérieur  sont  tellement  considérables  qu'on  ne 
peut  affirmer  que  la  terre  à  briques  que  l'on  observe  sur  un 
point,  soit  bien  celle  qui  y  a  été  déposée  à  l'époque  quater- 
naire. L'ErgeroD  résiste  mieux  que  le  limon  supérieur  à 
l'érosion  des  eaux  pluviales.  Cependant  il  a  été  emporté, 
comme  celui-ci,  en  bien  des  endroits  où  nous  trouvons  au- 
jourd'hui le  terrain  sous-jacent  mis  à  nu  ou  recouvert 
par  le  dépôt  caillouteux.  Cest  peut-être  à  une  érosion 
semblable  que  le  terrain  quaternaire  doit  le  faciès  partî- 
culier  qu'il  présente  sur  le  versant  septentrional  du  bassi 


—  263  — 

points,  principalement  vers  le  bas  du  versant,  les  couches 
limoneuses  quaternaires  et  même  les  alluvions  modernes. 

Ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  de  la  facilité  avec  laquelle 
le  limon  supérieur  ou  terre  à  briques  est  entraîné  par  les 
eaux  pluviales,  ne  permet  pas  d'attacher  une  valeur  pa- 
léontologique  aux  coquilles,  aux  ossements  et  aux  ustensiles 
de  l'homme  qu'on  peut  y  rencontrer  et  qui  y  sont  d'ailleurs 
très  rares,  excepté  dans  les  déclivités  de  la  surface  où  l'on 
trouve  assez  souvent  des  os,  ayant  appartenu  à  des  espèces 
qui  vivent  encore  dans  nos  contrées,  des  ustensiles  en  silex 
de  l'âge  de  la  pierre  polie  et  même  des  débris  de  briques  et 
de  poterie  romaine. 

Les  coquilles  fossiles  sont  assez  abondantes  sur  certains 
points  dans  l'Ergeron.  Nous  avons  constaté  la  présence,  dans 
cette  assise,  depuis  les  lignes  de  partage  à  l'altitude  de 
190  mètres  jusqu'à  peu  de  hauteur  au  dessus  du  thalweg 
du  bassin,  des  espèces  suivantes  qui  vivent  encore  dans  nos 
localités  ! 


Sixcinea  ohlonga, 
Hélix  concinna, 
ndix  hispida, 


Hélix  ohvoluta, 
Pupa  avenuy 
Achaiina  lubrica. 


Parmi  ces  espèces,  la  Succinea  oblonga  est  celle  dont  les 
spécimens  sont  les  plus  nombreux. 

Un  fragment  de  valve  d' Unio  est  le  seul  reste  de  coquille 
d*eau  douce  que  nous  y  ayons  rencontré,  excepté  dans  un  gi- 
sement particulier  dont  il  sera  dit  quelques  mots  plus  loin. 

On  a  aussi  recueilli,  dans  la  seconde  assise  quaternaire,  des 
ossements  dUElephas  primigenius  et  de  Rhinocéros  ticho- 
rhinuSj  mais  généralement  dans  un  état  de  décomposition 
très  avancée.  On  n'y  a  pas  encore,  à  notre  connaissance, 
trouvé  des  silex  taillés,  ni  d'autres  indices  de  l'existence  de 
l'homme. 


Mais  lee  preuves  de  cette  existence  ont  été  rencontrées  avec 
assez  d'abondance  dans  le  terme  inférieur  de  notre  terrain 
quaternaire,  c'est  à  dire,  dans  le  dépAt  caillouteux.  On  a  en 
effet  recueilli,  dans  cette  assise,  de  nombreux  silex  taillés  des 
^pes  les  plus  divers  et  toujours  dans  des  positions  telles, 
relativement  à  la  surface  du  sol,  qu'il  est  impossible  d'ad- 
mettre qu'un  remaniement  postérieur  les  ait  enfouis  dans 
le  gravier  des  rivières  anciennes  de  notre  bassin.  Avec  ces 
ustensiles,  on  a  rencontré  des  ossements  ayant  appartenu, 
pour  la  plupart,  à  de  grandes  espèces  perdues,  mais  la  faune 
malacologique  n'a  fourni,  jusqu'à  ce  jour,  qu'une  seule 
espèce,  VHelix  erieetorvm  lliiller. 

Uais,  tandis  que  les  coquilles  terrestres  dont  nous  avons 
donné  la  liste  plus  haut,  se  rencontrent  à  toutes  les  hauteurs 
au  dessus  de  l'étiage  de  nos  rivières,  depuis  les  lig;nes  de 
partage,  jusqu'au  niveau  des  alluvions  modernes  qui  recou- 
vrent le  fond  du  bassin,  les  silex  taillés  et  les  ossements  de 
mammifères  n'ont  pas  encore  été  rencontrés  à  des  hauteurs 
de  plus  de  25  mètres  au  dessus  de  l'étiage  des  cours  d'eau 
dans  la  vallée  duquel  sa  trouve  le  gisement. 

La  présence  d'ossements  ou  de  silex  taillés  dans  le  dépôt 
caillouteux  quaternaire  du  bassin  de  la  Haine,  a  été  con- 
statée jusqu'aujourd'hm  en  six  endroits  dans  les  environs  de 
Mons  :  dans  une  tranchée  du  chemin  de  fer  de  Uons  à  Dour 
près  de  la  station  de  P&turages,  dans  la  tranchée  de  la  sta- 
tion d'Havre,  dans  le  déblai  de  la  Garenne  sur  la  route  pavée 
d'Havre  à  Bouasut.  dans  les  deux  tranchées  de  Mesvin  et  de 


—  265  — 


HAUTKUR 

œURS  D'EâU 

LOCAXITÉS. 

n  deuos 

OBJETS  RECTTK1IJ.1.S. 

VOISINS. 

DE  L'fTIAGE 

Tranchée 

Rien 

25«00 

Silex  taillés.—  Dente  d'ÏJr- 

de  PAturages. 

du  Cœur. 

sus  speUeus. 

Station  d'Uavré. 

La  Haine. 

12 

00 

Ossemente  divers  diEUphas 
primigeniiÂS, 

Tranchée  de  la 

La  Haine. 

16 

00 

Silex  taillés.   —  Molaire 

Garenne. 

■ 

à^Elephas  primigenius. 

Tranchée  de  Mes- 

LeBy. 

10 

00 

Molaires  &"Elephas  primi- 

vin  (partie  occi- 

geniics et  de  Rhinocéros 

dentale). 

tic?iorhinus. 

Tranchée  de  Mes- 

Rivière  de 

20 

00 

Silex  taillés.  —  Ossemente 

vin  (partie  orien- 

Nouvelles. 

divers  de: 

tale). 

n 

Elephas  primigenius. 

Rhinocéros  iichorhinus, 

Ursus  spelœuSf 

Felis  spelœa, 

Megaceros  hibemicus, 

Cervus  iarandus. 

Bison  europasus, 

Equus  caballus, 

Coquilles  d*Eelix  ericeto- 
rum. 

Tranchée 

ItA  Trouille. 

24 

00 

Silex  teilles.  —  Ossemente 

de  Spiennes. 

divers  de  : 
Elephas  primigenius^ 
Equus  cabaUus, 
Bos  primigenius. 

Bandoor. 

Ruisseau  de 

10 

00 

Molaire  et  omoplate  d'Ele- 

la  Grande. 

phas  primigenius. 

Pour  connaître  la  hauteur  dont  nos  vallées  se  sont  appro- 
fondies depuis  l'époque  où  les  cours  d  eau  quaternaires  ont 
formé  les  dépôts  caillouteux  indiqués  dans  le  tableau  précé- 
dent, il  faudrait  évidemment  ajouter,  aux  chiffres  que  nous 
avons  donnés,  l'épaisseur  du  remplissage  qui  s'est  opéré 


depuis,  BUT  le  fond  de  ces  Tallées.  Ces  épaisseurs  soQt  quel- 
quefois considérables  et  dépassent  15  mètres  en  certains 
points  de  la  vallée  de  la  Haine,  notamment  près  de  la 
station  d'Havre. 

L'espace  nous  manque  pour  donner  ici  la  descriptioa  du 
terrain  quaternaire  pour  chacune  des  six  localités  du  Hai- 
naut  indiquées  dans  le  tableau  précédent.  Nous  nous  borne- 
rons adonner  celle  delà  tranchée  deMesvin,  qui  a  été  visitée 
par  le  Congrès  pendant  son  excursion  du  26  août.  Elle  est 
d'ailleurs  la  plus  remarquable  de  nos  coupes,  au  point  de  vue 
de  la  composition  du  terrain  quaternaire.  La  tranchée  de 
Spiennes  sera  décrite  dans  un  article  consacré  principalement 
aux  Faits  relatifs  k  l'&ge  de  la  pierre  polie. 

Description  de  la  tranchée  de  Mesvin.  La  tranchée  de 
Mesvin,  représentée  par  les  figures  1 ,  3  et  4  de  la 
planche  39,  est  ouverte,  pour  le  passage  du  chemin  de  fer, 
dans  la  colline  qui  sépare  le  ravin  de  la  rivière  de  Nouvelles 
de  la  vallée  où  coule  le'  By.  Elle  a  1,000  mètres  environ 
de  longueur  et  une  profondeur  maximum  de  6  mètres. 

Sur  l'entier  développement  de  cette  tranchée,  on  peut 
observer  le  terrain  quaternaire,  reposant  sur  du  sable  vert  ter- 
tiaire profondément  raviné. 

Latfirre  à  briques^  se  montre  d'une  extrémité  &  l'autre. 
Elle  recouvre  partout  l'Ergeron  B,  excepté  sur  le  versant  du 
ravin  de  Nouvelles,  où  elle  repose  immédiatement  sur  le 
dépôt  caillouteux  C. 


—  267  — 

B^.  Sable  limoneux  avec  des  boudins  de  sable  tertiaire 
remanié,  le  tout  stratifié  obliquement.  On  a  recueilli  une  mo- 
laire à^  Rhinocéros  tichorhimcs  au  point  x  et  des  plaques  de 
molaires  de  Mammouth  au  point  y, 

B^.  Lit  très  mince  de  silex  anguleux. 

D.  Sable  tertiaire. 

Vers  l'extrémité  orientale,  la  coupe  de  la  tranchée  présente 
de  notables  différences  avec  celle  que  nous  venons  de  décrire. 
C'est  cette  partie  qui  fut  visitée  le  26  août  par  les  membres 
du  Congrès.  A  cette  occasion,  le  limon, entraîné  sur  les  talus 
par  les  eaux  pluviales,  avait  été  enlevé  sur  une  certaine  lon- 
gueur de  manière  à  rendre  bien  visible  la  succession  des 
assises. 

On  a  observé  en  ce  point  (PI.  29,  fig.  4)  : 

A .  Terre  à  briques.  —  On  y  a  rencontré  au  point  A  les 
restes  d'un  foyer  avec  quelques  fragments  de  poterie  peu 
cuite  et  non  tournée. 

B,  Limon  jaune  ou  Ergeron  avec  de  minces  lits  de  petits 
fragments  de  silex  à  angles  aigus  ou  peu  émoussés. 

C  et  C^.  Dépôt  caillouteux.  —  C.  Amas  de  petits  galets  d,e 
craie  avec  quelques  fragments  de  silex. —  C^.  Débris  de  silex 
anguleux  et  subanguleux  avec  quelques  galets  de  silex  et  de 
nombreux  galets  de  craie  ;  on  y  a  rencontré  des  fragments 
de  grès  dévonien  et  de  grès  tertiaire,  dont  quelques-uns 
avaient  un  volume  de  15  à  20  décimètres  cubes. 

D.  Sable  tertiaire. 

Le  dépôt  caillouteux  CqXC^  ^  fourni  une  grande  quantité 
d'ossements  appartenant  aux  espèces  suivantes  :  Elephas 
primigenius,  Rhinocéros  tichorhinus,  Ursus  spelaus,  Felis 
spelaUj  Megaceros  hibernicus^  Cerrus  tarandus.  Bison  euro- 
jkBuSy  Equus  caballuSy  etc.  On  y  a  aussi  rencontré  quelques 
coquilles  à! Hélix  ericetorum.  Enfin,  avec  ces  débris  de  la 
faune  quaternaire  de  notre  bassin,  on  a  recueilli  un  grand 
nombre  de  silex  taillés  (PI.  51-56).  Les  premiers  ont  été 


trouvés  par  nous ,  lors  de  la  construction  du  chemin  de  fer. 
Depuis  lors,  M.  Neyrinck,  ayant  continué  des  recherches  très 
actives,  est  parvenu  è  recueilUr  une  importante  collection 
de  ces  ustensiles  de  Yige  du  Mammouth. 

Lors  de  la  visite  du  Gongrës  dans  la  tranchée  de  Mesvin, 
M.  Desob  fit  remarquer,  au  contact  du  sable  tertiaire  et  du 
dépôt  caillouteux,  une  mince  couche  brune  qu'il  dit  avoir  déjà 
observée  ailleurs  k  la  base  des  graviers  quaternaires. 
D'après  M.  Desor,  elle  pourrait  être  l'indice  de  l'existence 
d'un  ancien  sol  végétal  qui  aurait  précédé  le  dépût  des  cou- 
ches quaternaires. 

M.  CoBNBTdéclare  avoir  plusieurs  fois  rencontré,  dans  cette 
couche  brune,  des  fragments  de  bois  silicifié  qui  pourraient 
cependant  provenir  des  couches  tertiaires,  dans  lesquelles  des 
parties  de  troncs  d'arhres  pétrifiés  se  rencontrent  assez  com- 
munément. 

Une  discussion  fut  ensuite  soulevée  à  propos  d'un  bloc 
très  volumineux  de  grès  d'origine  tertiaire  que  l'on  remarque 
&  la  partie  supérieure  du  dépAt  caillouteux,  sur  le  talus,  au 
point  où  s'étaient  arrêtés  les  membres  du  Congrès  pour  étu- 
dier la  coupe  de  la  tranchée  de  Mesvin. 

M.  CoENBT,  en  affirmant  avoir  rencontré  dans  cette  tran- 
chée une  dizaine  de  blocs  semblables,  dit  que  certains  géolo- 
gues, notamment  M.  Prestwitcb  qui  a  visité  avec  lui  les 
tranchées  de  Mesvin  et  de  Spiennes,  attribuent  le  transport 
de  ces  blocs  à  des  glaces  flottantes,  charriées  par  les  cours 
d'eau.  M.   Coriiot,  sans  nier  iiue  le  fait  peut  M'expliiiiier  de 


—  269  — 

port  de  gros  blocs  de  roche,  comme  on  Tobserve  encore  sur 
certaines  rivières  de  TAmérique  du  Nord. 

M.  d'Omalius  d'Halloy  ne  rejette  aucune  des  hypothèses 
indiquées  par  MM.  de  Mortillet  et  Comet,  mais  il  est  d'avis 
que,  dans  le  cas  dont  on  s'occupe  pour  le  moment,  la  pré- 
sence d'un  bloc  de  grès  tertiaire  dans  le  dépôt  caillouteux 
de  la  tranchée  de  Mesvin,  peut  s'expliquer  autrement.  Il 
existe  encore  et,  par  conséquent  il  existait  dans  la  localité 
lors  du  dépôt  des  couches  quaternaires,  des  collines  de  sable 
tertiaire  landenien  renfermant  des  bancs  et  des  masses  iso- 
lées de  grès.  Il  a  pu  exister  une  semblable  colline  au  point  où 
se  trouve  actuellement  la  tranchée  de  Mesvin,  puisque  le 
fond  de  cette  tranchée  est  creusé  dans  du  sable  tertiaire.  Le 
cours  d'eau  quaternaire  s'est  ouvert  un  lit  dans  cette  colline 
en  rongeant  constamment  ses  berges.  Un  bloc  s'est  détaché 
de  l'une  de  celles-ci  et  est  tombé  dans  le  fond  de  la  rivière, 
sur  le  gravier  où  nous  le  trouvons  aujourd'hui,  tandis  que 
l'érosion  a  fait  disparaître  entièrement  les  berges. 

De  Vewtension  géographique  des  populations  primitives  en 
Belgique  et  dans  le  Nord  de  la  France,  par  M.  le  docteur 
E.  T.  Hamy. 

Dans  l'intéressant  résumé  qui  a  servi  d'introduction  aux 
travaux  du  présent  Congrès,  notre  Secrétaire  général  attirait 
particulièrement  l'attention  des  observateurs  sur  les  instru- 
ments en  silex  taillés,  découverts  dans  les  alluvions  quater- 
naires des  environs  de  Mons  et  dont  le  Musée  d'Histoire 
naturelle  de  Bruxelles  possède  actuellement  une  collection 
considérable. 

M.  Dupont,  analysant  aujourd'hui  les  documents  relatifs  à 
l'ancienneté  de  l'homme  en  Belgique,  est  revenu  sur  les 
découvertes  de  Mesvin,  de  Nouvelles  et  de  Spiennes.  Après 
nous  avoir  fait  assister  aux  persévérantes  recherches  des 
géologues  et  des  archéologues  de  Mons,  il  a  rapidement 


montré  la  coexistence  de  l'homme  avec  une  partie  de  la 
première  faune  quaternaire,  trouvée  dans  le  diluvium  gris 
des  mêmes  localités.  Cette  démonstration  qui  a  résolu,  dès 
1867,  le  problème  de  la  contemporanéité  de  l'homme  et  des 
animaux  éteints  dans  le  Hainaut  belge,  ne  laisse  rien  à 
désirer  et  je  n'aurais  pas  pris  la  parole,  s'il  ne  m'avait  semblé 
utile  de  chercher  la  concordance  des  intéressantes  décou- 
vertes de  MM.  Briart,  Cornet,  Houzeau  de  Lehaye  et  Ney- 
rinck,  avec  celles  qu'on  avait  précédemment  faites  dans  des 
régions  voisines  et  particulièrement  avec  les  heureuses  trou- 
Tailles,  dont  nos  départements  du  Pas  de  Calais  et  de  l'Aisne 
ont  été  le  théâtre  depuis  sept  ans.  En  coordonnant  les  résul- 
tats de  ces  observations  toutes  récentes,  je  n'ai  pas  la  préten- 
tion de  fixer  quoique  ce  soit  de  définitif:  l'avenir  nous  réserve, 
espérons-le  du  moins,  bien  d'autres  révélations.  Cependant 
comme  il  est  bon  de  préciser  l'état  de  la  question,  en  raison 
des  conclusions  que  l'on  s'empresse  de  tirer  des  faits  qui 
nous  ont  été  exposés,  je  crois  devoir  m'eflforcer  de  leur  assi- 
gner leur  véritable  valeur  en  les  encadrant  au  milieu  d'obser- 
vations nombreuses,  recueillies  dans  des  provinces  voisines, 
ayant  d'ailleurs  avec  le  Hainaut  des  affinités  étroites. 

Les  trois  premiers  observateurs  précédemment  nommés 
avaient,  sans  hésitation,  assimilé  les  assises  quaternaires 
qu'ils  mettaient  à  jour,  à  celles  dont  les  géologues  anglais  et 
français  avaient,  les  premiers,  abordé  l'étude  dans  la  vallée  de 
la  Somme'.  La  faune  qu'ils  rencontrèrent  à  Spiennes  et  à 
Mesviii,  ilifférait  à  peine  delacrlrlin.' ffimi''  <1i' MmK'hecnurt. 


--  271  — 

Les  mêmes  analogies  se  retrouvaient  dans  quelques  pro- 
duits de  Tindustrie  rudimentaire  qui,  à  défaut  d*ossements, 
accusent,  dans  ce  terrain,  la  présence  de  l'homme.  «  La 
forme  de  la  pièce  et  le  mode  de  la  taille,  disent  nos  auteurs, 
rapprochent  les  haches  de  Mesvin  de  celles  que  Ton  a  trouvées 
aux  environs  d'Abbeville  dans  une  position  géologique  iden- 
tique ^  •  Cette  proposition  est  exacte  dans  ce  qu'elle  a  de 
général.  On  a,  sans  aucun  doute,  trouvé  aux  environs  de 
Mons,  à  Mesvin  en  particulier,  plusieurs  de  ces  haches  carac- 
téristiques des  stations  quaternaires  de  la  Somme  :  nos 
collègues  en  citent  quelques-unes  dans  leur  intéressante  bro- 
chure. Mais  dans  l'importante  série  recueillie  par  M.  Neyrinck 
et  déposée  au  Musée  de  Bruxelles,  les  silex  taillés  de  Mesvin, 
de  Nouvelles  et  de  Spiennes  (voyez  les  Planches  51-56),  plus 
ou  moins  comparables  à  ceux  des  collections  de  RigoUot  ou 
de  Boucher  de  Perthes,  sont  extrêmement  rares,  et  ceux-là 
même  qui  rappellent  les  haches  lancéolées  ou  amygdaloïdes 
(voyez  les  Planches  17-18),  restent  bien  inférieurs  aux  pro- 
duits industriels  auxquels  on  a  donné  d'abord  ces  noms.  Le 
reste  de  la  série  ne  se  compose,  à  part  quelques  couteaux, 
que  de  fort  grossières  ébauches  sur  lesquelles  on  ne  découvre 
€  après  un  examen  attentif  •  que  «  quelques  petits  éclats 
enlevés  par  percussion*  »  sur  les  arêtes  plus  ou  moins  fes- 
tonnées. 

J*ai  entendu  invoquer,  pour  expliquer  cette  différence  dans 
les  produits  des  fouilles  de  Mons  et  de  celles  de  la  Somme, 
cette  circonstance,  toute  à  l'avantage  des  premières,  que 
M.  Neyrinck,  faisant  de  sa  personne  les  recherches  dans  les 
tranchées,  recueillait  tout  ce  qui  lui  paraissait  porter  l'em- 
preinte de  la  maiù  humaine,  tandis  que,  dans  les  terrasse- 
ments des  environs  d'Abbeville,  les  trouvailles  avaient  été 
accomplies  en  grande  partie  par  des  ouvriers  ne  ramassant 
que  les  pièces  qui  les  frappaient  par  la  perfection  relative 

1  Rapport  précité,  p.  11. 
*  X.  OK  Rbul,  loc.  cit,  p.  21. 


du  tnTail.  Je  n'hésite  pas  k  reconnaître  tout  ce  que  cette 
comparaison  a  d'exact  et  d'honorable  pour  l'infatigable 
M.  Neyrinck. 

Maia  il  me  semble  que  si  l'explication  que  je  viens  de  rap- 
peler, rend  compte  du  ^rand  nombre  d'ébauches  trouvées  au 
sud  de  Mons,  elle  ne  résout  pas  d'une  manière  satisfaisante 
la  difSculté  qui  résulte,  pour  l'identification,  du  très  petit 
nombre  absolu  et  relatif  des  instruments  de  formes  définies, 
fournis  par  le  diluvium  gris  dans  ces  régions '.Ne  pourrait-on 
pas  attribuer  plutôt  cette  infériorité  si  frappante,  dans  la 
production  industrielle  de  la  peuplade  primitive  du  Hainaut, 
à  la  situation  géographique  que  celle-ci  occupait  par  rapport 
aux  autres  peuplades  du  même  &ge?  Placée  comme  une  avant- 
garde  de  la  race  vers  le  Nord-Est,  isolée  des  tribus  congé- 
nères par  un  assez  vaste  espace  de  terrain ,  la  tribu  de  Mesvin , 
entièrement  livrée  à  eUe-mâme,  luttant  péniblement  pour 
l'existence,  serait  demeurée  stetionnaire  et  n'aurait  pas  atteint 
le  développement  relatif  dont  M.  Beboux  nous  montre  les 
diverses  phases  dans  son  intéressant  Musée  des  industries 
primitives  de  la  vallée  de  la  Seine. 

Je  mets  sous  vos  yeux  une  petite  carte  qui  indique,  dans 
l'état  actud  de  nos  connaissances,  la  limite  septentrionale 
atteinte  en  France  par  le  peuple  sauvage  qui  taillait  la  pierre 
suivant  les  types  de  Saint  Acheul,  d'Abbeville,  ete. 

Une  ligne  oblique,  tracée  du  N.-O.  au  S.-E.,  circonscrit 
la  région  paléolithique  dont  il  est  ici  question,  et  laisse  Mona 


—  273  — 

qués  risolement  de  la  peuplade  de  Mesvin  et,  par  suite,  son 
infériorité  industrielle.  Je  soumets  cette  interprétation  à  mes 
savants  collègues  et  je  passe  de  suite  à  l'étude  détaillée  des 
stations-limites  dont  j'ai  indiqué  les  noms  sur  la  carte  ci- 
jointe. 


SvlenntM 


Fig,  5.  Carte  indiquant  l'extension  géographique  des  populations 
primitives  en  Belgique  et  dans  le  Nord  de  la  France. 

Localités  dans  lesquelles  les  Instraroents  de  silex  des  types  de  la  Somme  ont  été 
trooYés  dans  le  dllaylnro  gris. 
■     Ligne  droonscrlTant  les  stations  les  plus  septentrionales  des  types  de  Saint 
AsSbBJil^  eto.,  otservéM  en  France. 
Ligne  circonscrivant,  entra  les  stations  précédentes,  ceUes  des  environs  de  Mon  s. 


La  population,  la  plus  dense  ou  plutôt  la  moins  clairsemée 
à  Tépoque  paléolithique,  parait  avoir  vécu  au  voisinage  des 


274  - 


grands  fleuves  qui  corresponâ&ient  à  la  Somme  et  à  la  Seine 
et  vers  la  partie  moyenne  de  leurs  cours.  Lorsqu'on  s'éloigne, 
dans  une  direction  quelconque,  de  ces  deux  centres  d'ha- 
bitat ,  on  voit  les  témoignages  de  l'existence  de  llionmie 
se  raréGer  de  plus  en  plus  vers  les  frontières  de  ces  peu- 
plades fossiles.  Aussi  ne  rencontrons-nous,  sur  la  ligne  de 
démarcation  tracée  plus  haut,  que  des  stations  de  peu  d'im- 
portance. 

La  première  au  N.-E.  est  celle  de  Sangatte,  qui  relie 
topographiquement  nos  populations  primitives  à  celles  de  la 
Grande  Bretagne.  Ce  nom  de  Sangatte  est  depuis  longtemps 
familier  aux  géologues  qui  s'occupent  spécialement  des  ter- 
rains post-pliocènes.  Phillips,  d'Archiac  et,  plus  récemment, 
MM.  J.  Prestwich  et  GodwinAuaten*  se  sont  occupés  de  cette 
localité  et  y  ont  reconnu  la  superposition  des  quatre  étages, 
dont  l'ensemble  constitue  le  terrain  quaternaire  dans  nos  con- 
trées. Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  revenir  sur  la  description 
que  ces  auteurs  en  ont  tracée.  Il  me  suffira  de  dire  que 
l'ensemble  des  couches  qui  représentent  k  Sangatte  le  dilu- 
vium  gris,  dépasse  16  mètres  de  puissance.  Moins  heureux 
que  bien  d'autres,  les  explorateurs  de  Sangatte  n'y  ont  pas 
encore  rencontré  les  débris  d'animaux  éteints,  qui  sont  si 
nombreux  dans  la  couche  similaire  de  la  côte  d'Angleterre. 
Mais,  dans  «ne  excursion  faite  en  1866,  MM.  Topley  et 
Whitakeront  trouvé,  au  voisinage  de  cette  célèbre  coupe,  un 
silex  taillé  de  forme  lancéolée,  anciennement  épointé  et  qui 
leur  a  iKini  avuir  vté  entraîui'  iiar  les  pluies  dans  le  v 


—  275  ^ 

plet  et  de  même  forme ,  près  de  Wissant ,  à  proximité  d'un 
gisement  analogue  étudié  par  M.  Day. 

Si,  du  premier  de  ces  deux  villages,  pris  comme  point  de 
départ,  nous  nous  dirigeons  au  Sud-Est,  nous  rencontrerons, 
à  quelques  lieues  de  là,  une  troisième  station  de  l'homme  qua- 
ternaire, daps  laquelle  les  preuves  de  sa  coexistence  avec  les 
animaux  éteints  ne  laisseront  rien  à  désirer.  Cette  station  est 
celle  de  Balinghen  (canton  d'Asdres);  j'en  ai  fait  la  décou- 
verte en  1869^  Depuis  longtemps,  cette  localité  avait  attiré 
l'attention  par  l'abondance  des  dents  de  Mammouth  que  les 
ouvriers  extrayaient  chaque  année  des  carrières  à  silex.  Sous 
le  lit  de  cailloux  roulés  qui  contient  en  si  grande  abondance 
des  débris  d'Éléphant  primitif ,  à  un  peu  moins  d'un  mètre 
au  dessous  de  leur  gisement  habituel  et  à  près  de  4  mètres  de 
la  surface  du  sol,  se  trouvent  de  temps  en  temps  des  instru- 
ments d'un  assez  beau  travail.  Je  vous  présente  le  meilleur 
des  trois  silex  taillés  que  je  possède  de  ces  carrières.  C'est  une 
grande  hache  de  157  millimètres  de  longueur  sur  92  de  lar- 
geur et  36  d'épaisseur  maxima.  Elle  est  taillée  en  amande,  à 
larges  éclats,  d'une  manière  assez  habile;  elle  présente  un 
tranchant  presque  continu  et  est  revêtue  d'une  belle  patine 
d'un  jaune  cireux.  Mes  deux  autres  pièces  sont  une  hachette 
de  même  forme,  mais  cassée,  et  une  petite  pointe  dite 
du  Moustier. 

Je  laisse,  sur  la  droite,  le  quaternaire  de  Pihen  où,  dans  la 
même  couche  à  ossements,  se  trouvent  le  Rhinocéros  et  un 
grand  Bœuf,  mais  où  l'homme  fait  encore  défaut, — pour  des- 
cendre aux  abords  de  Saint  Omer.  Presque  aux  portes  de 
cette  ville,  Arques  et  Blandecques  ont  fourni  en  grande 
abondance  les  débris  de  la  faune  éteinte ,  et  le  premier  de 
ces  deux  gisements  produit  de  temps  à  autre ,  suivant 
M.  Em.  Sauvage ,  des  haches  en  silex*. 

'  Buil,  Soc,  Anthrop.  de  Paris,  2«  sér.,  t.  VI,  4«  fasc.  Sous  presse. 
'  Em .  Sautaob,  Étude  sur  le  terrain  quaternaire  de  Blandecques  (Pas 
de  Calais).  Boulogne  1865,  in-8»,  p.  5. 


-  276  - 


Plus  bas  encore,  sur  aoti«  carte,  et  toujoars  dans  la  même 
direction,  "nous  rencontrerons  la  station  la  plus  riche  du  Nord 
de  la  France,  Vaudricourt,  étudié  par  M.  Danglure  dèa  1865  '. 
Maints  silex  taillés  y  sont  enfouis  dans  la  couche  caillouteuse 
nommée  bief  par  les  ouvriers.  Ces  pierres  sont  travîiillées 
suivant  le  type  de  Saint  Âcheul,  et  enduites  d'un  vernis 
rouge&tre  semblable  à  celui  de  la  hacbe  que  vous  avez  devant 
vous.  Les  unes  ont  les  angles  émoussés  et  semblent  avoir  été 
assez  fortement  roulées  ;  les  autres,  au  contraire,  présentent 
des  arêtes  très  vives,  et  leurs  cassures  sont  tellement  fraîches 
qu'on  les  dirait  faites  d'hier*.  M.  Danglure  en  possède  plu- 
sieurs; M.  J.  Oharvet,  qui  a  visité  Vaudricourt  eu  décembre 
1865,  en  a  rapporté  quelques  beaux  spécimens;  en6n 
MU.  de  Baulaincourt  et  de  Teming  en  ont  recueilli  un  cer- 
tain nombre^. 

Au  Sud  de  Vaudricourt,  la  ligne  de  démarcation  décrit 
une  courbe  à  connexité  occidentale ,  pour  se  rapprocher  des 
stations  de  la  Somme,  sur  lesquelles  je  n'ai  aucun  détail 
nouveau  à  faire  connaître.  Elle  laisse  à  l'Est  le  Cambrésis 
avec  ses  gisements  d'.£'fe^A4M^m^cflîiM,de/W»f^2i7a,etc., 
Servignj,  Vellers  Plouich,  Vendhuile',  dans  lesquels  on  n'a 
pas  constaté  la  trace  de  l'homme.  Puis,  reprenant  sa  direction 
première,  elle  gagne  Viry  Noureuil  dans  la  vallée  de  l'Oise. 
La  station  quaternaire  de  Viry  Noureuil,  que  MM.  Watelet 
et  de  Saint-Marceaux  nous  eut  fait  connaître^,  caractérisée 
paléontologiquement  par  YElephas  primigenins,  le  Rkino- 


—  277  — 

ceros  iiehorhinuSy  VUrsus  spelauSf  XHyœna  spélaa^  un 
Canis^  un  cheval,  un  bœuf,  un  cerf  et  un  rongeur  indé- 
terminés, a  fourni,  à  ses  explorateurs,  des  haches,  des  cou- 
teaux ,  des  pointes  de  lances  et  des  grattoirs. 

Au  Sud-Est  encore ,  dans  la  vallée  de  l'Aisne,  se  trouvent 
les  gisements  de  Soissons,  de  Cauvres  et  de  Givry,  où 
MM.  Buvignier,  Calland  et  Lambert  ont  trouvé  des  haches 
en  silex  dans  le  diluvium  gris  et  fort  en  dedans  de  notre 
démarcation.  Priey  sur  Oise,  oi  M.  Élie  Petit  a  trouvé,  en 
1858,  une  hachette  associée  à  une  dent  d'Éléphant  ^  et  Creill, 
où  M.  Badiguel  a  fait,  l'année  suivante,  semblable  décou- 
verte*. 

Si  nous  continuions  le  tracé  que  nous  venons  de  suivre , 
il  nous  faudrait,  suivant  toujours  la  même  direction  N.- 
O.-S.-E.,  gagner  la  Haute  Seine,  où,  dans  les  grèves^ 
on  avait  découvert ,  dès  1842,  des  silex  taillés^  et  le  cours 
de  TArmançon  où  le  diluvium  de  Saint  Florentin  a  fourni  à 
feu  Goubert  une  hache  travaillée ,  pour  joindre  enfin  le  cé- 
lèbre gisement  de  Charbonnières  en  M&connais,  exploité  dans 
ces  derniers  temps  par  H.  de  Ferry  ^. 

J'arrête  ici  cet  exposé  déjà  trop  long.  Du  rapprochement 
des  observations  que  je  viens  d'analyser,  il  m'avait  paru 
résulter  que  la  limite  des  territoires  occcupés,  dans  nos  con- 
trées, parles  premiers  hommes  quaternaires,  pouvait  être  tout 
au  moins  esquissée.  Cet  essai  de  géographie  préhistorique 
jetera-t-il  quelque  lumière  sur  l'histoire  des  vieilles  tribus 
qui  vivaient  dans  le  Hainaut  avec  les  grands  mammifères 
éteints?  Permettez-moi  de  l'espérer,  et  soyez  indulgents  pour 

1  Ch.  Ltbll,  Uancienneté  de  Vhomme  prouvée  par  la  géologie^  ^^  éd.  fr. 
Paris  1870,  in-8»,  p.  167. 

<  CocHBT,  Archéologie f  Hachettes  diluviennes  du  bassin  de  la  Somme. 
Paris  1S60,  in-8^,  p.  4.  —  G.  db  Mortillbt,  L'homme  fossile,  1  v.  in-S^, 
1862. 

3  Mém,  Soc.  Acad.  du  département  de  VAube,  3«8ér.,t.  I,  p.  24.  Troyes 
1864,  in-S». 

*  Le  Maçonnais  préhistorique,  etc. 

18 


cette  tentative  qui  emprunte,  au  but  qu'elle  poursuit,  son 
principal  intérêt. 


Sur  remmanehwe  des  silex,  par  M.  Reboux. 

Depuis  treize  ans,  je  m'occupe  de  recherches  dans  les  ter- 
rains quaternaires  de  Paris,  pour  découvrir  les  instruments 
de  l'homme.  J'en  aï  trouvé  un  très  grand  nombre  et  de  formes 
bien  variées. 

Xai  pu  en  classer  plus  de  vingt  mille  trouvés  à  différentes 
profondeurs  des  carrières.  Ces  instruments  étaient  dispersés 
et  mêlés  aux  débris  d'ossements  et  de  dents  de  trente-six 
espèces  ou  variétés  d'animaux,  les  uns  éteints,  les  autres 
émigrés.  Presque  tous  ces  animaux  ont  été  déterminés  par 
Edouard  Lartet. 

J'ai  découvertnon  seulement  lesinstrumentSfmaisjl'homme 
lui-même  dans  cinq  localités  différentes  ;  j'y  ai  trouvé  de  nom- 
breux débris  humains  qui  ont  été  étudiés  et  déterminés  par 
M.  le  docteur  Hamy.  Il  y  a  reconnu  trois  races  d'hommes 
dont  une  inconnue  jusqu'alors.  J'ai  offert  ces  trouvailles  au 
Muséum,  et  elles  serontpubliées,  avec  tous  leurs  détails,  dans 
un  grand  ouvrage  de  MM.  de  Quatrefages  et  Hamy. 

J'ai  voulu  me  rendre  compte  de  la  manière  dont  nos  ancê- 
tres se  servaient  de  ces  instruments  rudimentaires,  car  on 
se  demande  comment  ils  pouvaient  suffire  aux  nécessités  de 


—  279  — 

sauvages  aïeux  étaient  donc  obligés  de  recourir  aux  matières 
animales. 

Avec  des  silex  recueillis  dans  les  carrières  de  Levallois  et  • 
de  Clichy,j'ai  écorché  un  morceau  de  bœuf;  j'ai  enlevé  d'un 
côté  la  chair  de  la  peau,  et  de  l'autre  côté,  le  poil;  j'ai  en- 
suite fendu  la  branche  du  bois  et  placé  l'instrument  dans  la 
fente;  puis  j'ai  fait  la  ligature  avec  une  bande  de  la  peau 
fraîche,  ou  bien  encore  avec  des  intestins  d'animaux.  Il  est 
facile  de  couper  du  bois  avec  ce  silex  enmanché. 

Je  suis  loin  d'être  de  l'avis  des  honorables  collègues  qui  ont 
parlé  avant  moi  et  qui  prétendent  que  les  anciens  n'avaient 
qu'un  seul  et  même  instrument  pour  tous  leurs  besoins.  Pour 
ma  part,  je  trouve,  dans  le  quaternaire  parisien,  vingt-trois 
formes  différentes  d'armes,  instruments  et  outils  bien  carac- 
térisés et  étant  répétés  en  double  plusieurs  fois. 


IV 


L'HOMME  PENDANT  L*AGE  DE  LA  PIERRE  POLIE. 

Sut  Tâge  de  la  pierre  polie  et  les  exploitations  préhistoriques 
de  Silex  dans  la  province  de  JETainaut,  par  MM .  F .  L .  Cobnbt 
et  A.  Bbiabt. 

Dans  un  article  précédent  (p.  250),  nous  avons  prouvé 
que  des  hommes,  contemporains  du  Mammouth  et  du  Rhino- 
céros à  narines  cloisonnées,  ont  vécu  dans  notre  province 
avant  que  le  bassin  de  la  Haine  eût  acquis  la  profondeur 
que  nous  lui  trouvons  aujourd'hui,  c'est  à  dire,  à  une 
époque  où  des  cours  deau,  bien  plus  importants  que  nos 
rivières,  coulaient  à  la  hauteur  de  nos  plaines  actuelles  qu'ils 
ont  recouvertes  de  graviers  et  de  limon.  Dans  le  présent 
travail^  nous  venons  apporter  les  preuves  que  les  mêmes  loca- 
lités ont  été  habitées  par  des  être  humains,  après  l'approfon- 


dissement  du  bassin  et  à  une  époque  appartenant  k  l'&ge  de 
la  pierre  polie. 

Les  populations  de  l'&ge  delà  pierre  polie  ont  laissé,  comme 
traces  de  leur  existence,  de  nombreux  ustensiles  en  pierre 
et  des  décbets  de  fabrication,  quelques  iBStruments  en  os  ou 
en  corne  de  cerf,  de  rares  rebuta  de  cuisine  et  d'anciens 
travaux  qu'elles  ont  exécutés  pour  exploiter  le  silex,  dont 
elles  se  sont  servies  principalement  pour  la  confection  de 
leurs  outils. 

Les  ustensiles  de  l'Age  de  la  pierre  polie  se  rencontrent 
dans  quatre  positions  différentes  :  1°  A  la  surface  du  sol  ou  à 
peu  de  profondeur  dans  la  terre  végétale;  2°  dans  des  décli- 
vités de  la  surface,  oùils  sont  recouverts  par  de  la  terre  à  bri- 
ques entraînée  des  hauteurs  par  les  eaux  pluviales  ;  3°  dans 
les  alluvions  modernes  et  dans  la  tourbe  qui  recouvrent  le 
fond  de  quelques-unes  de  nos  vallées  ;  et  4"  à  l'intérieur  des 
puits  et  des  galeries  qui  ont  été  creusés  pour  l'exploitation 
du  silex. 

A  la  surface  du  sol,  on  n'a  recueilli,  jusqu'à  ce  jour,  que 
des  instruments  eu  pierre  et  des  éclats  provenant  de  leur 
fabrication.  Ces  instruments  consistent  principalement  en 
haches,  dont  quelques-unes  sont  bien  polies,  en  couteaux, 
grattoirs,  pointes  de  lances  et  de  flèches.  Mais  on  a  ren- 
contré une  foule  d'autres  ustensiles  de  formes  peu  connues, 
dont  il  est  difficile  de  deviner  l'usage.  On  peut  se  faire  une 
idée  de  la  diversité  de  ces  formes  en  étudiant  la  collection 
•quable  de  silex  taillés  du  Haioaut.  dont  M.  Neyrinck 


—  281  — 

nos  contrées  est  entraîné  par  les  eaux  pluviales,  explique 
Tensevelissement  des  silex  taillés  de  l'âge  de  la  pierre  polie 
sous  d'épaisses  couches  de  terre  à  briques,  dans  des  décli- 
vités de  la  surface.  On  a  souvent  rencontré  des  ossements 
gisant  dans  la  même  position,  mais  ils  appartiennent  à  des 
espèces  qui  vivent  encore  dans  nos  contrées.  D'ailleurs  on  a 
recueilli,  dans  de  semblables  déclivités,  des  armes  et  des 
poteries  romaines,  recouvertes  par  plus  de  2  mètres  de  terre 
à  briques. 

Dans  la  partie  basse  de  la  vallée  de  la  Haine,  principale- 
ment en  aval  de  Mons,  le  sol  est  constitué  par  des  dépôts 
modernes  d'alluvions  et  de  tourbe,  dont  l'ensemble  présente 
une  puissance  variable,  dépassant  parfois  15  mètres.  Sous 
une  certaine  épaisseur  de  limon  d'inondation,  ayant  la 
plus  grande  ressemblance  avec  la  terre  à  briques  quater- 
naire, on  trouve  généralement  une  couche  de  tourbe  formée 
par  des  débris  de  végétaux  aquatiques,  avec  des  fragments 
de  bouleaux,  de  chênes,  de  coudriers,  de  saules,  etc.  Cette 
tourbe  est  superposée  à  un  sable  fluvial  gris,  renfermant 
de  nombreux  grains  de  craie  et  reposant  sur  une  couche  de 
gravier  constitué  par  des  fragments  roulés  de  phtanite 
houiller,  de  silex  et  de  grès  tertiaire. 

Ce  gravier  et  le  sable  fluvial  qui  le  recouvre,  représen- 
tent les  dépôts  qui  se  sont  effectués  dans  la  vallée  de  la 
Haine,  immédiatement  après  le  creusement  du  bassin.  Les 
cours  d'eau  de  cette  époque  n'avaient  probablement  plus 
l'importance  de  ceux  qui  ont  charrié  les  graviers  à  ossements 
de  Mammouth,  mais  ils  étaient  certainement  plus  puissants 
que  ceux  d'aujourd'hui.  La  Haine  et  la  Trouille ,  dans  la 
partie  basse  de  leur  cours,  ne  charrient  plus  guère  que  du 
limon,  même  pendant  l^urs  plus  fortes  crues. 

Le  sable  fluvial,  dont  nous  parlons,  renferme  de  nom- 
breuses coquilles  d'espèces  vivant  encore  dans  les  eaux  cou- 
rantes de  la  Belgique.  Elles  appartiennent  principalement 
aux  .genres  Cyclas,  Unio  et  Nentina.  La  tourbe  et  la  partie 


inférieure  du  limon  d'inondation,  contiennent  d'abondantes 
coquilles  palustrea  des  genres  Pîanorhis,  Lymnaa,  Paludina, 
Cyclas,  ÂnodotUa,  etc.,  avec  des  ossements  de  Cheval,  de 
Bœuf,  de  Cerf,  de  Sanglier,  de  Loutre,  de  Castor,  etc.  ;  mais 
on  n'y  a  pas,  &  notre  connaissance,  rencontré  des  restes  de 
mammifères  éteints.  Dans  la  partie  supérieure  du  limon 
d'inondation,  ou  ne  trouve  guère  que  des  coquilles  terrestres 
des  genres  ffelix,  Cychstomc,  Succinea,  etc. 

Le  sable  fluvial,  de  la  vallée  de  la  Haine  n'a  fourni, 
jusqu'à  ce  jour,  aucun  reste  de  l'industrie  humaine.  Il  est 
vrai  que  les  travaux,  qui  l'ont  mis  à  découvert,  sont  si  peu 
nombreux  et  si  peu  importants,  qu'ils  n'en  ont  pas  permis 
l'exploration  sur  plus  de  300  à  400  mètres  carrés.  On  a  été 
plus  heureux  pour  la  tourbe,  àaas  laqueUe  on  a  recueilli 
quelques  ustensiles  en  corne  de  cerf  et  en  os,  et  plusieurs 
haches  polies.  Dans  la  partie  inférieure  de  l'alluvion  limo- 
neuse, on  a  rencontré,  sur  le  territoire  des  communes  de 
Quaregnon  et  de  Wasmuel,  d'assez  nombreux  silex  taUlés 
'  dont  quelques-uns  polis,  des  restes  de  foyers  et  des  frag- 
ments de  poterie  brune,  travaillée  à  la  main  et  dont  la  p&te 
est  mélangée  à  ud  grand  nombre  de  très  petits  fragments  de 
silex. 

La  plus  grande  partie  des  ustensiles  de  l'ftge  de  la  pierre 
polie,  que  l'on  a  rencontrés  dans  le  Hainaut,  ont  été 
recueillis  sur  l'emplacement  d'anciens  ateliers  de  fabrication 
ou  dans  les  travaux  auxquels  l'exploitation  du  silex  a  donné 
lieu.  Ce  fut  vers  1840  queTalteEtion  de  (|uelfjues  personnes 


—  283  — 

d'autres  localités,  fut  exposée  en  vente  à  la  fin  de  Tannée 
1865.  Il  est  très  regrettable,  pour  notre  pays,  qu'elle  n'ait  pas 
été  acquise,  soit  par  le  Cercle  archéologique  de  Mons,  soit 
par  le  Musée  de  cette  ville.  Elle  se  trouve  aujourd'hui  en  la 
possession  de  M.  John  Evans. 

En  1860,  l'attention  du  monde  savant  fut,  pour  la  pre- 
mière fois,  attirée  sur  les  silex  ouvrés  de  Spiennes,  par 
une  lettre  de  Toilliez  communiquée,  par  M.  le  professeur 
de  Koninck,à  la  Classe  des  sciences  de  l'Académie  royale  de 
Belgique  ^  Dans  cette  lettre,  Toilliez  déclare  que  le  lit 
superficiel  de  cailloux  môles  de  silex  travaillés,  que  Ion 
remarque  aux  environs  de  Spiennes,  repose  sur  le  limon  de 
la  localité  et  qu'il  est  l'emplacement  d'un  vaste  atelier  de 
fabrication  de  haches  en  silex  »  dont  la  surface  dépassait  une 
cinquantaine  d'hectares. 

Des  éboulements,  qui  s'étaient  produits  à  différentes 
reprises  dans  les  champs  de  Spiennes,  avaient  permis  à 
Toilliez  de  reconnaître  l'existence,  dans  la  craie,  d'an- 
ciennes galeries,  dont  il  attribuait  le  creusement  aux  hommes 
qui  ont  fabriqué  les  silex  taillés  épars  à  la  surface.  Des 
exploitations  de  silex  pour  les  faïenceries,  qui  ont  lieu  dans 
la  localité  depuis  plusieurs  années,  avaient  aussi  rencontré 
assez  fréquemment  de  ces  anciennes  exploitations  de  l'âge 
de  la  pierre,  dont  on  avait  retiré  quelques  outils  en  silex  et 
en  corne  de  cerf.  Mais  le  peu  d'importance  des  extractions 
actuelles  de  silex  ne  permettait  pas  d'étudier  avec  facilité  les 
travaux  d'exploitation  des  antiques  mineurs. 

Les  choses  en  étaient  à  ce  point,  lorsqu'en  1867,  on  com- 
mença la  construction  du  chemin  de  fer  de  Mons  à  Charleroi 
par  Binche.  Sachant  que  pour  l'exécution  de  cette  voie 
ferrée,  on  devait  creuser  de  profondes  tranchées  dans  les 
champs  de  Spiennes,  la  Société  des  Sciences ^  des  Arts  et  des 
Lettres  d,uHainaut  chargea  M.  A.  Houzeau  de  Lehaye  et  nous 

1  BuUetin  de  CAcadéfnie  royale^  2«  série,  t.  X,  p.  513. 


-  284  - 

de  suivre  les  travaux  et  de  lai  faire  rapport  aur  les  décou- 
vertea  auxquelles  ils  donneraient  lieu.  Ce  rapjKirt  fut  pré- 
senté et  inaéré  dans  les  Mémoires  et  pvèlicalions  de  la  Société 
(3"  série,  t.  II).  C'est  ce  travail  que  les  auteurs  ont  fait  réim- 
primer en  1872  et  qu'ils  ont  distribué  aux  membres  du  Con- 
grès. 

Les  découvertes  faites  à  Spiennes  en  1867,  ont  démontré  : 

1'  Que  les  couches  quaternaires  de  la  localité  renferment 
des  ossements  de  Mammoutb  et  d'autres  espèces  perdues, 
associés  à  des  silex  taillés  de  main  d'homme. 

2*  Que  les  hommes  de  l'&ge  de  la  pierre  polie  ont  traversé 
cescouches  quaternaires  et  les  sables  tertiaires,  pour  atteindre 
la  craie  blanche  sous-jacente,  dans  laquelle  ils  ont  développé 
d'importante  travaux  d'exploitetion  de  silex. 

Le  désir  de  mettre  les  membres  du  Congrès  en  mesure 
de  vérifier  ces  faite,  a  motivé  l'excursion  du  26  août,  dans 
laquelle  on  a  exploré  la  tranchée  deMesvin,dont  nous  avons 
donné  la  description  dans  notre  article  relatif  au  terrain 
quaternaire  (p.  250),  ainsi  que  la  tranchée  de  Spiennes  qui 
sera  décrite  plus  loin,  après  quelques  considérations  géné- 
rales sur  les  gisements  de  silex  dans  le  Hainaut. 


Les  ustensiles  en  pierre  des  temps  préhistoriques  que  l'on 
rencontre  dans  le  Hainant,  sont  généralement  en  silex  ou  en 
grès.  Quelques  haches  en  basalte  et  en  porphyre  ont  bien  été 
recueillies,  mais  on  peut  les  considérer  comme  d'une  ex- 
trême rarete. 


—  285  — 

noyaux  dans  notre  calcaire  carbonifère.  H  n'a  pas  non  plus 
utilisé  le  quartz  que  l'on  rencontre  à  l'état  de  galets,  quel- 
quefois assez  volumineux,  dans  divers  gisements.  C'est  le 
silex  qui  fut  presque  exclusivement  employé. 

Cette  substance,  qui  avait  pour  les  populations  de  l'âge  de 
la  pierre,  une  utilité  comparable  à  celle  qu'a  le  fer  pour  les 
peuples  de  notre  époque,  est  répandue  dans  notre  province 
avec  une  extrême  abondance.  A  l'état  remanié  et  résultant 
de  la  destruction  des  couches  crétacées,  on  la  rencontre  dans 
les  dépôts  caillouteux  quaternaires;  mais  nous  avons  des 
raisons  de  croire  que  l'homme  ancien  a  peu  utilisé  les  silex 
de  cette  provenance,  qui  sont  d'ailleurs  le  plus  souvent  brisés. 
C'est  aux  couches  crétacées  mêmes  qu'il  a  enlevé  les  maté- 
riaux dont  il  s'est  servi  pour  fabriquer  ses  nombreux  usten- 
sUes  de  types  si  divers. 

Nous  avons  établi,  dans  le  terrain  crétacé  du  Hainaut^  les 
divisions  suivantes  indiquées  de  bas  en  haut  : 

!««'  Ëtage.  —  Argiles  et  sables  avec  lignite,  renfermant  des  amas 

de  gravier  constitué  par  des  galets  de  quaitz  et  des 
fragments  de  phtanite  houiller  remaniés. 

2«  Étage.  —  Grès  verts  ou  Meules  de  Bracquegnies  et  de  Bemis- 

sart.  On  y  rencontre  des  rognons  quelquefois  très 
volumineux  de  calcédoine. 

3^  Étage.  —  Poudingue  fossilifère  connu  sous  le  nom  de  Tourtia 

de  Tournai  et  de  Montignies  stir  Roc»  Il  renferme 
des  galets  de  grès  et  de  phtanite. 

4»  Étage.  —  Marne  simple  ou  glauconifère,  passant  vers  le  haut 

à  une  craie  grossière  renfermant  des  bancs  massifs 
et  de  volumineux  rognons  de  silex.  Cette  partie 
supérieure  de  l'étage  constitue  l'assise  dite  des 
Rabots. 

5»  Étage.  —  Craie  blanche  avec  ou  sans  silex. 


1  Description  du  terrain  crétacé  de  la  province  du  Haiuaut.  {Mémoires 
et  pubUcatUms  de  la  Société  des  Sciences  du  Hainaut,  3"  série,  t.  I.) 


Cet  étage  a  été  sabdiviaé  par  dous  comme  suit  '  : 

A.  Craie  de  S'  Vaast.  Elle  renferme  de  nombreux  et 

petits  rognons  de  silex  bigarré  de  blanc,  de  gris  et 
de  noir. 

B.  Craie  d'Obourg.  On  y  trouve,  en  quelques  endroits, 

des  rognons  de  silex  noir  peu  volumineux. 

C.  Craie  de  Nouvelles.  Elle  renfenne  des  rognons  de 

silex  noirs  tissez  petits  et  peu  abondants. 

D.  Craie  de  Spiermes.  Elle  présente  des  bancs  massifs 

de  silex  gris-brun  dont  l'épaisseur  dépasse  quel- 
quefois 0^50  et  de  très  nombreux  et  volumineux 
rognons  disséminés  ou  disposés  en  lits  continus. 
6*  Étage.  —  Craie  brune  grossière  sans  silex  surmontée  d'une 
assise  de  craie  grossière,  jaunâtre,  connue  sous  le 
nom  de  Tuffeau  de  Ciply  et  correspondant  au  Tuf- 
feau  de  Maeatricht.  Cette  partie  supérieure  ren- 
ferme quelques  rognons  assez  volumineux  de  silex 
gris. 

Les  couches  crétacées  du  Hainaut,  étemt  disposée  en 
bassin,  se  montrent  en  affleurements  autour  du  golfe  crétacé 
de  Mons.  En  beaucoup  de  points,  ces  affleurements  sont 
recouverts  par  des  épaisseurs  plus  ou  moins  grandes  de  ter- 
rain tertiaire;  en  d'autres,  ils  sont  masqués  par  des  dépôts 
quaternaires.  Cependant  de  nombreuses  tranchées  natu- 
relles, qui  donnent  passage  aux  cours  d'eau,  ont  mis  ces 
affleurements  à  découvert  en  divers  endroits.  Cette  circon- 
stance  a  dû  évidemment  favoriser  les  recherches  des  hommes 


—  287  — 

la  craie  de  Nouvelles  ;  mais  c'est  dans  l'assise  des  rabots  et 
dans  la  craie  de  Spiennes,  que  les  anciennes  populations  du 
Hainaut  ont  extrait  les  matériaux  dont  elles  se  sont  servies 
pour  confectionner  ces  nombreux  ustensiles  en  silex  que  l'on 
rencontre  (PL  57-72)  non  seulement  dans  notre  province, 
mais  dans  beaucoup  d'autres  localités  de  la  Belgique,  à  Vex- 
ception  des  cavernes. VshonàBLUce  des  rognons,  dans  ces  assises, 
est  telle  qu'une  grande  quantité  de  matière  première  pouvait 
ôtre  accumulée  à  l'aide  d'un  travail  peu  considérable.  C'est 
probablement  là  le  motif  principal  pour  lequel  l'immense 
majorité  de  nos  silex  taillés  de  Tâge  de  la  pierre  polie,  pro- 
viennent de  l'assise  des  rabots  ou  de  la  craie  de  Spiennes. 

Non  seulement  les  silex  taillés  de  l'âge  de  la  pierre  polie 
ont  été  fabriqués  avec  la  rocbe  extraite  des  rabots  ou  de  la 
craie  de  Spiennes,  mais  il  en  est  de  même  de  ceux  de  Tâge 
du  Mammouth  dont  nous  avons  parlé  dans  notre  précédent 
travail. 

Les  dépôts  caillouteux  qui  renferment  ces  derniers,  se  trou- 
vent à  des  hauteurs  de  10  à  25  mètres  au  dessus  du  niveau 
des  cours  d'eau  les  plus  voisins,  de  l'époque  actuelle.  Lors- 
qu'ils ont  été  déposés  dans  le  lit  des  courants  quaternaires, 
la  topographie  et  le  relief  de  nos  contrées  étaient  bien  diffé- 
rents de  ce  que  nous  voyons  maintenant,  puisque,  sur  les 
plateaux  qui  forment  aujourd'hui  la  séparation  des  petites 
vallées  où  coulent  les  affluents  de  la  Haine,  se  trouvaient  les 
lits  des  anciennes  rivières  qui  y  ont  laissé  des  témoins  irré- 
cusables de  leur  passage.  Si,|[nous  transportant  sur  le  plateau 
de  Spiennes  au  bord  de  la  grande  tranchée  du  chemin  de  fer, 
nous  jetons  autour  de  nous  un  regard  circulaire,  en  nous 
reportant,  par  un  effort  de  la  pensée,  à  l'époque  où  un  cours 
d'eau  considérable  venant  du  sud  ou  du  sud-est,  a  déposé 
le  gravier  à  silex  taillés  et  à  ossements  de  Mammouth  que  l'on 
y  observe,  nous  serons  convaincus  que,  pour  amener  la  con- 
figuration actuelle  du  sol,  bien  des  dénudations  ont  dû  s'opé- 
rer et  bien  des  lambeaux  de  couches  ont  dû  être  emportés 


par  les  eaux;  il  nous  semblera  évident  qu'à  cette  époque 
l'assise  de  la  craie  de  Spiennes,  qui  actuellement  se  termine 
brusquement  à  l'escarpement  de  la  rive  droite  de  la  Trouille, 
se  prolongeait  bien  au  midi  sur  la  rive  gauche  de  la  rivière. 

L'importance  des  dénudations  qui  se  sont  opérées  dans  les 
couches  relativement  peu  résistantes  de  notre  terrain  crétacé, 
depuis  l'époque  où  vivaient  les  hommes  qui  ont  taillé  les  silex 
quaternaires  de  Spiennes  et  de  Mesvin,  est  telle  que  nous  ne 
pouvons  espérer  de  jamais  rencontrer  la  trace  des  exploita- 
tions qu'ont  dû  ouvrir  ces  hommes,  pour  retirer  de  la  craie 
la  matière  première  de  leur  fabrication. 

Mais  les  populations  de  l'&ge  de  la  pierre  polie,  qui  ont 
vécu  à  une  époque  postérieure  à  tout  changement  important 
de  la  topc^aphie  dans  nos  contrées,  y  ont  laissé  des  preuves 
indiscutables  de  leur  séjour.  Nous  trouvons  ces  preuves  non 
seulement  dans  les  nombreux  silex  taillés  qui  gisent  épars  à 
la  surface  de  nos  champs,  mais  dans  les  vestiges  d'impor- 
tants travaux  d'exploitation  qu'ils  ont  ouverts  au  sein  de  nos 
couches  crétacées. 

C'est  sur  le  territoire  de  la  commune  dentelle  porte  le  nom, 
que  la  craie  de  Spiennes  se  montre  le  mieux  développée  et 
qu'elle  présente  le  plus  de  facilité  pour  l'ouverture  des  tra- 
vaux. Aussi,  c'est  à  Spiennes,  aux  environs  deMonsSquel'on 
rencontre  les  plus  importantes  exploitations  de  silex  de  l'âge 
de  la  pierre  polie.  Les  premières  excavations  furent  prati- 
quées à  ciel  ouvert  sur  les  plateaux,  là  où  la  craie  n'est  que 
point  recouverte  par  dca  Jéjjûts  yosti-rieui-ri,  ou  dan; 


—  289  — 

de  galeries  débouchant  dans  ce  ravin.  Les  amas  de  blocs  de 
craie,  mélangés  à  des  silex  ébauchés  et  à  des  éclats,  que  Ion 

9 

trouve  des  deux  côtés  de  la  Trouille,  sous  la  terre  végétale 
qui  recouvre  les  berges,  ne  sont  probablement  que  les  déchets 
de  ces  exploitations. 

Là  ne  se  sont  pas  bornés  les  travaux  des  anciens  mi- 
neurs de  Spiennes.  Ayant  acquis,  par  le  creusement  de 
leurs  excavations  à  ciel  ouvert  et  de  leurs  galeries,  la 
preuve  que  la  craie  à  silex  se  prolongeait  sous  les  couches 
tertiaires  et  quaternaires  qui  constituent  les  plateaux  de  la 
rive  droite  et  de  la  rive  gauche,  ils  ont  commencé  des  ex- 
ploitations par  la  surface  des  plateaux  mêmes,  c'est  à  dire, 
qu'ils  ont  atteint  la  craie  par  des  puits  verticaux  traversant 
les  trois  assises  quaternaires  et  le  sable  tertiaire.  Ces  puits, 
dont  plusieurs  ont  dépassé  la  profondeur  de  12  mètres,  ont 
des  sections  circulaires  parfaites  de  0"60  à  0'"80  de  diamètre. 
Ils  ne  sont  pas  éboulés;  mais  les  uns  se  sont  remplis  de 
sable  et  de  limon,  les  autres,  de  blocs  de  craie  mélangés  à 
quelques  silex  taillés  ébauchés  ;  d'autres  enfin  sont  entière- 
ment comblés  d'éclats  de  silex,  parmi  lesquels  nous  avons 
recueilli  quelques  pièces  bien  finies. 

Au  bas  des  puits,  des  galeries  d'exploitation  ont  été  creu- 
sées dans  divers  sens,  mais  principalement  en  suivant  la  di- 
rection des  lits  de  rognons  de  silex.  Elles  sont  aujourd'hui 
presque  entièrement  éboulées,  mais  les  travaux  de  déblai 
nous  ont  fait  retrouver  les  outils  du  mineur  préhistorique , 
c'est  à  dire,  des  ustensiles  en  corne  de  cerf,  des  marteaux  en 
grès,  de  grossiers  et  très  nombreux  pics  en  silex  qui 
montrent  encore,  de  la  manière  la  plus  évidente,  la  trace  des 
coups  qu'ils  ont  portés,  coups  dont  les  empreintes  sont  d'ail- 
leurs parfaitement  visibles  sur  les  parois  de  craie  que  les 
éboulements  ont  respectées..  L'absence  complète  d'éclats  de 
silex  dans  les  galeries  nous  porte  à  croire  que  ces  pics,  quoi- 
que très  grossiers,  n'étaient  pas  confectionnés  dans  la  mine, 
mais  à  la  surface. 


De  nombreuses  galeries  et  plus  de  25  puits  furent  reneon- 
tréa  dans  la  tranchée  dont  notis  donnons  les  coupes  (PI.  39, 
fîg.  3  et  pi.  30,  fig.  1,  2  et  3).  Les  éboulements  de  limon 
masquent  aujourd'hui  les  sections  elliptiques  que  ces  puits 
ont  laissées  sur  les  talus  inclinés;  mais,  lors  de  la  visite  du 
Congrès,  des  travaux  de  déblai  avaient  rendu  praticables 
quelques  galeries  et  deux  puits  dans  le  talus  méridional  de  la 
tranchée;  tandis  que  le  talus  opposé,  débarrassé,  sur  quel- 
ques mètres  de  lai^ur,  du  limon  entraîné  par  les  pluies, 
laissait  voir  une  coupe  qui  est  peut-être  la  plus  remarquable 
qui  ait  été  observée  dans  les  études  relatives  à  l'homme  des 
temps  préhistoriques.  Cette  coupe  présente  les  assises  suivan- 
tes en  commençant  par  le  haut,  en  dessous  de  la  terre  végé- 
tale (Voy.  pi.  29.  fig.  2)  : 

A.  Limon  brun  non  stratifié  ou  terre  à  briques  ...  1  »  50 

B.  Limon  jaune  stratifié  ou  Ei^eron 4    00 

C.  DépAt  caillouteux 1    50 

D.  Sable  vert  tertiaire  reposant  sur  un  lit  de  galets  et  de 

gros  blocs  de  silex  arrachés  à  la  craie.  Nous  le  rap- 
portons au  système  landenien  de  Dumont  ...      2     50 

E.  Craie  blanche  avec  silex  dans  laquelle  sont  ouvertes 

les  anciennes  galeries  d'exploitation. 

Les  assises  quaternaires  A,  SetC  ont  des  caractères  iden- 
tiques &  celles  de  la  tranchée  de  Mesvin  décrite  dans  notre 
article  précédent  (p.  266).  Le  dépôt  caillouteux  C  a  fourni, 

:  taillés  et  de^ 


—  291  — 

Des  coquilles  à^ Hélix  et  de  Succinea,  un  fragment  de 
valve  SUniOy  des  ossements  de  Mammouth  et  de  Rhinocéros, 
ont  été  recueillis  par  nous  dans  ce  sable. 

La  coupe  (fig.  1,  pi.  30)  a  été  prise  obliquement  à  la  direc- 
tion du  chemin  de  fer,  à  80  mètres  environ  de  l'extrémité 
orientale  de  la  tranchée.  Elle  montre  le  développement 
d*une  ancienne  galerie  d'exploitation  00  qui  a  été  trouvée 
par  nous  remplie  de  blocs  de  craie.  Des  pics  en  silex 
y  ont  été  recueillis,  ainsi  qu'un  silex  taillé  et  un  outil 
en  corne  de  cerf.  La  galerie,  indiquée  sur  cette  coupe, 
communiquait  à  droite  avec  la  surface,  par  une  large  ouver- 
ture comblée  à  la  partie  inférieure  par  des  blocs  de  craie  et 
plus  haut  par  un  amas  Fà^  débris  de  toutes  natures,  s'éten- 
dant  superficiellement  jusqu'à  l'extrémité  de  la  tranchée  où 
il  recouvre  directement  la  craie.  Ce  dépôt  de  recouvrement, 
qui  doit  son  existence  aux  travaux  d'exploitation  et  de  taille 
du  silex,  est  constitué  par  un  mélange  confus  de  sable,  de 
limon,  de  blocs  de  craie,  de  rognons  et  d'éclats  de  silex.  Nous 
y  avons  recueilli  des  ossements  de  divers  animaux  ;  des  frag- 
ments de  poterie  brune,  non  tournée,  peu  cuite,  à  pâte  mé- 
langée de  petits  grains  de  silex;  des  instruments  en  os  et  en 
corne  de  cerf;  et  une  quantité  innombrable  d'ustensiles  en 
silex  pour  la  plupart  ébauchés,  mais  dont  quelques-uns  ce- 
pendant étaient  soigneusement  taiUés. 

Une  excavation  remarquable  fut  rencontrée  à  peu  de  dis- 
tance du  point  où  la  coupe  précédente  fut  observée.  Au  fond 
d'un  large  entonnoir  (fig.  2,  pi.  30),  produit  par  l'enlève- 
ment des  couches  quaternaires  et  du  sable  landenien,  se  trou- 
vait un  lit  incliné  H  formé  de  limon  noir  mélangé  à  du 
charbon  de  bois.  Nous  y  avons  trouvé  deux  couteaux,  un 
grattoir  et  une  hachette  en  silex,  une  m&choire  et  des  frag- 
ments de  bois  de  cerf,  un  crâne  de  lapin  ou  de  lièvre,  un 
crâne  de  jeune  sanglier,  divers  autres  ossements  à  moitié 
calcinés  et  un  grand  fragment  de  poterie  grossière  fabriquée 
à  la  main  et  très  peu  cuite. 


Tou8  ces  objetsBont  évidemmeDt  des  déchets  de  evisive  qui 
ont  été  jetés  au  fond  d'un  trou  qui  fut  eosuite  remblayé  avec 
des  blocs  de  craie. 

La  fîg.  3  de  la  pi.  30  représente  d'autres  excavations  qui 
ont  été  observées  à  peu  près  au  même  point  que  celle  dont 
noua  venons  de  parler. 

Pour  terminer  ce  que  nous  avons  à  dire  de  la  trancbée  de 
Spiennes,  nous  rappellerons  que,  lors  de  la  description  que  l'un 
de  nous  en  a  faite  aux  membres  du  Congrès  rassemblés  sur 
la  voie  ferrée,  il  a  fait  remarquer  que  •  si  l'on  n'avait  pas 
"  rencontré  en  d'autres  points  la  preuve  qu'il  a  existé  deux 

■  âges  de  la  pierre,  on  aurait  trouvé  cette  preuve  dans  la 
«  tranchée  de  Spiennes,  précisément  au  point  observé  par  le 
-  Congrès.  En  efifet,  à  l'époque  où  le  dépôt  caillouteux  fut 
1  déposé  par  le  cours  d'eau  quaternaire  dont  la  Trouille  d'au- 
"  jourd'hui  est  l'humble  descendant,  des  hommes  habitaient 
"  la  contrée,  comme  le  prouve  laprésence  de  leursoutils  en 

•  pierre  dans  ce  dépAt  caillouteux.  Plus  tard,  lorsque  le  lit 
«  de  la  rivière  se  fut  amoindri  et  approfondi,  d'autres 
■■  hommes  sont  venus  exploiter  le  silex,  précisément  en  dea- 
«  sous  de  l'ancien  lit,  et,  pour  atteindre  la  craie,  ils  ont  tra- 
ie versé,  par  des  puite,  les  alluvions  fluviales  et  le  gra- 
«  vier  quatern^res.  Les  premiers  de  ces  hommes  ne 
«  polissaient  pas  le  silex  et  étaient  contemporaiift  du  Mam- 

•  mouth,  du  Rhinocéros  et  d'autres  espèces  perdues  de  l'épo- 

■  que  quaternaire.  La  faune  qui  vivait  avec  les  seconds  était 
.  identique  à  celle  oui  habite  eucore  uos  contrées,  à  l'excen- 


—  293  — 

€  la  certitude  que  les  hommes  qui  les  ont  taillées,  vivaient 
«  à  cette  époque  que  l'on  désigne  sous  le  nom  à!âge  de  la 
«  pierre  polie.  » 

Comme  nous  Ta  dit  M.  Dupont,  la  comparaison  qui  a  été 
faite  des  silex  rencontrés  dans  le  dépôt  caillouteux  quater- 
naire de  la  tranchée  de  Spiennes  et  dans  son  prolongement 
dans  la  tranchée  de  Mesvin,  avec  les  silex  de  l'âge  de  la  pierre 
polie,  tend  à  faire  croire  que  ceux-ci,  quoique  plus  perfection- 
nés que  les  premiers,  sont  les  produits  d'un  travail  qui  a  suivi 
une  évolution  régulière,  dans  cette  localité,  depuis  l'époque 
quaternaire.  S'il  en  est  bien  ainsi,  nous  devons  admettre  que 
les  hommes  qui  ont  creusé  les  puits  et  les  galeries  de  Spien- 
nes, étaient  les  descendants  naturels  de  ceux  dont  nous  retrou- 
vons les  outils,  avec  des  ossements  du  Mammouth  et  du 
Rhinocéros,  dansles  graviers  quaternaires  des  mêmes  localités. 

Cependant  les  deux  époques  ont  été  séparées  par  un  laps 
de  temps  considérable,  suffisant  pour  amener  l'extinction  par- 
tielle de  la  faune,  l'approfondissement  du  lit  des  cours  d'eau  et 
peut-être  le  dépôt  d'une  partie  des  couches  d'alluvion  et  de 
tourbe  qui  remplissent  horizontalement  le  fond  de  nos  val- 
lées. En  ajoutant  l'épaisseur  de  ces  couches,  qui  est  à  Spiennes 
d'environ  6  mètres,  à  la  différence  de  niveau  qui  sépare  le 
dépôt  caillouteux  quaternaire  de  l'étiage  actuel  de  la  rivière, 
on  trouve  qhe  l'approfondissement  de  la  vallée  s'est  opéré 
sar  une  hauteur  de  25  mètres  avant  que  le  remplissage 
commençât. 

Nous  ferons  remarquer  ici  que,  si  les  recherches  faites  par 
M.  Dupont  dans  les  cavernes  de  la  province  de  Namur,  prou- 
vent l'existence,  dans  cette  partie  de  la  Belgique,  de  popula- 
tions plus  jeunes  que  celles  de  la  première  époque  quaternaire, 
mais  plus  anciennes  que  celles  de  l'âge  de  la  pierre  polie, 
rien  de  semblable  n'a,  jusqu'à  ce  jour,  été  découvert  dans  la 
localité  que  nous  étudions.  Aucun  indice  de  l'existence  de 
l'homme  de  Yâge  du  Renne  n'a  été  rencontré  aux  environs  de 
Mons. 

19 


294 


Les  anciens  travaux  d'exploitation  du  silex  de  l'&ge  de  la 
pierre  polie  existent  près  de  Spiennes,  non  seulement  dans  la 
tranchée  du  chemin  de  fer,  mais  sous  une  vaste  surface  à 
droite  et  à  gauche  de  la  rivière.  Les  exploitations  actuelles 
de  silex  pour  les  faïenceries  ont  démontré,  ainsi  que  de  nom- 
breux éboulements  qui  se  sont  produits  dans  les  champs,  que, 
des  deux  côtés  de  la  Trouille,  une  surface,  mesurant  environ 
25  hectares,  a  été  sillonnée  par  les  galeries  des  mineurs  de 
l'âge  de  la  pierre.  Presque  toute  cette  surface  est  recouverte 
d'éclats  de  silex  tellement  abondants  que  le  plateau  de  la  rive 
droite  en  a  reçu  le  nom  de  Camp  à  cayaux  (Champ  à  cail- 
loux). Ces  débris,  parmi  lesquels  on  rencontre  fréquemment 
des  haches  ébauchées  et  d'autres  ustensiles,  sont  accumulés 
en  certains  points  sur  plus  d'un  mètre  de  hauteur,  malgré 
tout  ce  que  les  cultivateurs  ont  pu  faire  pour  en  débarrasser 
leurs  champs. 

Le  gris-hrun  est  la  teinte  naturelle  du  silex  de  la  craie  de 
Spiennes,  teinte  que  les  pièces  travaillées  et  les  fragments, 
enfouis  profondément  dans  le  sol  ou  rencontrés  dans  les  an- 
ciens travaux,  ont  conservée  sans  altération  très  sensible  ; 
mais  les  éclats,  les  haches,  les  couteaux,  etc.,  gisant  à  la  sur- 
face ou  à  peu  de  profondeur  dans  le  sol  remué  chaque  année 
par  la  charrue,  ont  acquis  une  patine  blanche,  sur  laquelle 
se  montrent  plusieurs  taches  de  rouille  provenant  de  l'oxida- 
tion  du  fer  que  le  frottement  des  instruments  agricoles  n 
laissé  sur  la  surface  du  silex.  Cette  patine  blanche  est  carac- 
inue  du  ijilex  de  la  craie  de  Spiennes.  Nou.s  ne 


—  295  — 

silex.  A  l'ouest  du  ravin,  la  craie  de  Spiennes  disparaît  sous 
une  épaisseur  considérable  de  terrain  quaternaire  et  de  sable 
tertiaire,  qui  forment  l'ondulation  dans  laquelle  est  creusée 
la  tranchée   de   Mesvin   dont   nous    avons  parlé  ailleurs. 

La  craie  de  Spiennes  n'existe  pas  dans  la  tranchée  de 
Mesvin;  elle  affleure  à  quelques  centaines  de  mètres  au 
sud,  en  face  du  village  de  Nouvelles.  De  ce  point,  l'affleu- 
rement se  dirige  vers  le  sud-ouest,  mais  il  disparaît  bientôt 
sous  la  craie  brune  qui  forme  l'escarpement  du  petit  bois  de 
Ciply.  A  la  partie  supérieure  de  cet  escarpement  dont  la  hau- 
teur est  de  20  à  25  mètres,  on  trouve  un  plateau,  limité  au 
nord  par  la  route  de  Mons  àMaubeuge,  à  l'ouest  par  l'ancienne 
chaussée  romaine  et  au  sud  par  le  bois.  Sur  la  surface  de  ce 
plateau,  qui  est  occupée  par  des  champs  cultivés,  nous  avons 
reconnu  l'existence  de  silex  taillés  et  d'éclats  assez  nombreux 
pour  nous  faire  admettre  qu'il  y  eût  autrefois,  en  cet  endroit, 
un  atelier  de  fabrication  d'ustensiles  en  silex  d'une  impor- 
tance que  l'on  ne  peut  toutefois  comparer  à  celle  de  l'ate- 
lier de  Spiennes. 

Le  sous-sol  du  plateau  de  Ciply  est  constitué  par  le  tuf  eau 
et  par  la  craie  brune.  L'épaisseur  de  ces  assises  est  telle 
qu'il  nous  semble  peu  probable  que  l'homme  de  l'âge  de  la 
pierre  polie  les  ait  jamais  traversées  par  des  puits,  pour 
atteindre  la  craie  de  Spiennes  sous-jacente.  C'est  par  des 
galeries  débouchant  à  la  surface  qu'il  a  procédé,  en  profitant 
de  l'énorme  entaille  faite  dans  le  terrain  crétacé  au  sud  du  pla- 
teau dans  le  bois  de  Ciply.  On  voit,  en  effet,  au  pied  de  l'es- 
carpement, les  ouvertures  de  plusieurs  galeries  plus  ou 
moins  encombrées  par  les  éboulements  et  qui  portent,  dans  la 
localité,  le  nom  de  Trous  des  Sarrasins,  Elles  sont  creusées 
dans  la  craie  brune  et  sont  généralement  dirigées  vers  le 
nord,  c'est  à  dire,  dans  le  sens  de  l'inclinaison  des  couches, 
avec  une  pente  vers  le  même  point  de  l'horizon.  A  une  ving- 
taine de  mètres  de  l'entrée,  une  faille  assez  importante,  qui  a 
produit  un  remontement  des  terrains,  a  placé  les  couches  de  la 


craie  de  Spiennes  en  face  de  celles  de  la  craie  brune  et  a 
permis  ainsi,  à  l'antique  mineur,  de  commencer  son  exploita- 
tion de  silex. 

Les  Trous  des  Sarrasins  de  Cîply  ont  été  utilisés,  il  y  a 
qnelquea  années,  pour  l'extraction  des  ailex  employés  par  les 
faïenceries.  La  découverte  qu'on  y  a  faite,  à  cette  époque, 
d'outils  en  corne  de  cerf  et  de  silex  taillés,  ne  permet  pas  de 
douter  qu'ils  ont  été  primitivement  creusés  par  les  hommes 
de  l'âge  de  la  pierre  polie.  Nous  avons  même  lieu  de  penser 
qu'ils  ont  servi  de  lieux  d'habitation  ou  de  sépulture; 
mais  des  fouilles  seraient  nécessaires  pour  résoudre  cette 
question. 

La  craie  de  Spiennes  se  prolonge  souterrainement  au 
nordnauest  de  Ciply  ;  elle  est  partout  recouverte  par  des 
épaisseurs  considérables  de  dépôts  postérieurs  crétacés,  ter- 
tiaires et  quaternaires.  Cependant  certains  indices  nous  font 
croire  que  les  rognons  de  silex  qu'elle  renferme,  furent  ex- 
ploités par  puits,  dans  les  temps  préhistoriques,  sous  la  partie 
occidentale  de  la  commune  de  Cuesmes. 

L'assise  des  rabots  affleure  sur  les  deux  versants  du  bassin 
crétacé  de  Mons.  Dans  l'affleurement  septentrional,  elle  est 
constituée  par  des  bancs  massifs  et  très  épais  |de  silex  blan- 
ch&tre,  reposant  sur  de  la  craie  grossière,  dans  laquelle  de 
nombreux  et  volumineux  rognons  de  silex  noir  sont  em- 
pâtés. 

Le  silex  blanchâtre  des  bancs  massifs,  quoique  se  trouvant 


—  297  — 

rieure  de  l'assise,  possède,  comme  le  silex  de  la  craie  de 
Spiennes,  quoiqu'à  un  moindre  degré,  la  propriété  de  se 
tailler  avec  facilité.  Aussi  trouve-t-on  le  long  de  l'affleure- 
ment septentrional  d'assez  nombreux  éclats  et  des  pièces 
taillées  et  même  polies  qui  en  proviennent;  mais  nous  n'a- 
vons pas,  jusqu'à  ce  jour,  rencontré,  dans  cette  partie  de 
notre  bassin,  des  traces  d'anciennes  exploitations  qui  n'ont 
peut-être  consisté  qu'en  excavations  à  ciel  ouvert,  à  cause 
de  la  faible  profondeur  où  gît  le  silex  en  place. 

Sur  l'affleurement  méridional,  l'assise  des  rabots  ne  ren- 
ferme pas  de  bancs  massifs  de  silex.  Elle  est  constituée, 
comme  la  partie  inférieure  du  versant  septentrional,  par  de 
la  craie  grossière  empâtant  d'énormes  rognons  de  silex  noir, 
passant  souvent  au  gris  et  renfermant  fréquemment  des 
noyaux  blanchâtres. 

Le  territoire  du  Flenu,  en  dessous  duquel  des  milliers 
d'ouvriers  mineurs,  travaillant  à  plus  de  500  mètres  de 
profondeur,  sont  occupés  aujourd'hui  à  l'extraction  de  la 
houille,  substance  aussi  indispensable  aux  populations 
modernes  que  l'était  le  silex  pour  les  populations  primitives, 
le  territoire  du  Flenu,  disons-nous,  est  constitué,  dans  sa 
partie  méridionale,  par  une  épaisseur  considérable,  dépassant 
quelquefois  10  mètres,  de  terrain  quaternaire  reposant  sur 
l'assise  des  rabots.  Aucun  indice  ne  permet  de  soupçonner  la 
présence  souterraine  de  cette  assise.  Cependant  les  hommes 
de  l'âge  de  la  pierre  polie  l'ont  atteinte  par  des  puits  et  en  ont 
extrait  les  rognons  de  silex.  Les  travaux,  exécutés  pour  les 
chemins  de  fer  de  Mons  à  Dour  et  de  Frameries  à  Saint 
Ghislain,  nous  ont  démontré  l'existence  de  sept  de  ces  puits, 
qui  sont  d'un  petit  diamètre  comme  ceux  de  Spiennes,  et 
remplis  d'éclats  de  silex  au  milieu  desquels  on  a  rencontré 
plusieurs  haches  ébauchées. 

Les  tranchées  des  chemins  de  fer,  qui  n'ont  que  quelques 
mètres  de  profondeur  aux  points  où  les  parties  supérieures 
des  puits  ont  été  mises  à  découvert,  n'ont  pas  atteint  la  base 


del'Ei^roQ.  Nous  ne  savoDs  donc  pas  si,  comme  àSpiennes, 
des  galeries  ont  été  ouvertes  dans  les  rabots.  Ces  exploita- 
tions ont  dû  cependant  acquérir  une  certaine  importance,  car, 
sur  une  surface  de  sept  à  huit  hectaren  avoisinant  les  puita, 
on  rencontre  une  quantité  assez  importante  d'éclatset  de  silex 
taillés,  dont  M.  Neyrinck  est  parvenu  à  former  une  collection 
remarquable.  La  patine  de  ces  silex  est  tellement  différente 
de  celle  du  silex  de  la  craie  de  Spiennes,  que  l'on  peut,  à  pre- 
mière vue  et  sans  hésitation,  distinguer  deâ  éclats  et  des 
pièces  taillées  provenant  des  deux  localités.  Par  leur  exposi- 
tion à  l'air,  les  silex  du  Flenu  ont  acquis  une  teinte  roussà- 
tre,  héterogëne,  sur  laquelle  tranchent  des  traces  d'un  gris 
sale  qui  correspondent  aux  noyaux  blanchâtres  que  la  roche 
renferme  souvent.  Des  taches  de  rouille  dues  au  frottement 
des  instruments  aratoires  s'y  font  aussi  remarquer. 

La  commune  d'Élouges,  située  à  dix  kilomètres  k  l'ouest 
du  village  du  Flenu,  est  b&tie,  comme  celui-ci,  sur  une 
épaisseur  considérable  de  terrain  quaternaire  recouvrant 
l'assise  des  rabots,  qui  ne  se  montre  en  affleurement  sur 
aucun  point.  On  n'y  a  pas,  jusqu'aujourd'hui,  constaté  l'exis- 
tence d'anciens  travaux  d'exploitation  de  silex.  Mais  la  ren- 
contre qu'a  faite  M.  Charles  Debove  de  nombreux  silex  taillés 
et  d'éclats  rassemblés  à  la  surface  des  champs,  suivant  une 
ligne  sinueuse  parallèle  à  l'affleurement  des  rabots,  ne  per- 
met pas  de  douter  qu'il  y  ait  eu,  en  ces  lieux,  à  l'Âge  de  la 
pierre  polie,  des  exploitations  de  silex  assez  importantes. 

Suivant  toutes  probabilités,  les  exploitations  de  silex,  dont 


—  299  — 

ne  se  rencontre  guère  en  Belgique  qu'aux  environs  de  Mons, 
et  qu'il  est  rare  dans  la  partie  de  la  France  qui  nous  avoisine 
immédiatement,  nous  devrons  admettre  que  les  peuplades  qui 
occupaient  le  bassin  de  la  Haine  pendant  Tâge  de  la  pierre, 
avaient,  sur  les  autres,  un  avantage  marqué  dans  la  lutte  pour 
l'existence.  Se  procurant  avec  une  facilité  relative  les  usten- 
siles nécessaires  aux  choses  ordinaires  de  la  vie,  pouvant 
remplacer  rapidement  les  armes  perdues  à  la  chasse  et  dans 
les  combats,  les  hommes  du  Hainaut  ont  pris  peu  à  peu,  sur 
leurs  voisins,  une  grande  prépondérance  physique  et  morale. 
Mais,  comme  tous  les  peuples  à  l'état  sauvage  ou  de  barbarie, 
ils  n'auront  pas  tardé  à  abuser  de  cette  prépondérance  en 
exterminant  ou  refoulant  devant  eux  les  populations  mal 
armées  qui  les  entouraient.  C'est  probablement  ainsi  qu'ils  ont 
été  amenés  à  envahir,  comme  le  pense  M.  Dupont,  la  pro- 
vince de  Namur  jusqu'alors  habitée  par  des  peuples  troglo- 
dytes. 

Sur  les  sépultures  préhistorique  et  sur  un  atelier  de  silex 
ouvrés  découverts  sur  le  cap  Blanc  Nez,  à  Escalles  {Pas 
de  Calais),  par  M..  E.  Le  Jeune. 

Vers  le  mois  de  septembre  1871,  M.  Antonio  Lassubez 
nous  disait  avoir  trouvé,  près  du  cap  Blanc  Nez,  une  certaine 
quantité  de  silex  taillés. 

Voulant  de  suite  vérifier  le  fait,  nous  ne  tardâmes  pas, 
après  quelques  recherches,  à  remarquer  un  champ  inculte, 
situé  sur  le  versant  d'Escalles  et  où  ces  vestiges  de  l'indus- 
trie primitive  de  Thomme  se  trouvaient  en  quantité  consi- 
dérable. 

Comme  constitution  géologique  du  sol,  nous  avons  trouvé, 
en  cet  endroit,  le  terrain  crétacé,  sur  lequel  un  lit  de  silex 
affleure  et  couvre  presque  toute  la  surface. 

Nous  avons  immédiatement  constaté  que  ce  champ,  situé 
presque  au  sommet  du  cap  Blanc  Nez,  à  130"00  environ,  au 


—  300  - 


dessus  du  niveau  de  la  mer,  avait  été  jadis  le  siège  d'un  ate- 
lier de  r&ge  de  la  pierre.  Nous  y  recueillîmes,  ea  effet,  tous 
les  types,  plus  ou  moins  ébauchés,  plus  ou  moins  nidimen- 
taires,  mais  parfaitement  définis,  des  outils  de  pierre  décrits 
dans  les  ouvrages  spéciaux.  Ces  instruments  se  trouvent  à 
la  surface  du  sol  et  portent  cette  enveloppe  blanche,  ayant 
l'apparence  de  la  porcelaine,  à  laquelle  on  a  donné  le  nom 
de  patine. 

Les  traces  de  la  fabrication ,  les  nuclei ,  les  pièces  inache- 
vées ou  défectueuses,  s'y  rencontrent  à  chaque  pas. Parmi  les 
échantillons  remarquables,  nous  avons  pu  recueillir  :  un 
grand  nombre  de  haches  de  toutes  grandeurs,  de  toutes 
formes  et  surtout  présentemt  un  degré  de  perfection  très 
variable,  depuis  la  hache  la  plus  grossière  jusqu'à  la  hache 
polie;  un  grand  nombre  de  têtes  de  flèches;  plusieurs  types, 
dits  /ers  de  lances,  dont  quelques  uns  de  forme  très  élé- 
gante; des  couteaux  &  trois  et  quatre  faces,  dont  quelques 
uns  atteignent  13  et  14  centimètres;  des  tnallei;  une  ving- 
taine de  petits  disques  ronds  ou  ovales,  taillés  k  très  petits 
coups  sur  tout  leur  pourtour,  d'une  perfection  de  travail 
remarquable  et  nous  paraissant  devoir  se  rapprocher  de 
types  analogues,  trouvés,  en  1865,  par  MM.  Hamy  et 
Sauvage,  h  Alpreck  près  de  Boulogne  sur  Mer. 

Un  type  fréquent  dans  l'atelier  d'Ëscalles  nous  a  frappé, 
parcequ'il  n'est  pas  décrit  dans  les  ouvrages  spéciaux.  Il  con- 
siste en  un  morceau  de  silex  présentant  d'un  cfité  Un  taillant 
senti-circulaire,  semblable  h  celui  (tes  huches,  et  de  l'autre. 


-  301  — 

naturelle  du  silex,  forme  qui  était  utilisée  dans  bien  des  cas. 
Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans  latelier  d'Escalles, 
c'est  non  pas  le  degré  si  variable  de  la  perfection  dans  le  tra- 
vail, caractère  qui  se  rencontre  partout  où  il  y  a  eu  fabrica- 
tion, mais  surtout  la  multiplicité  des  types  qu'on  y  rencontre. 
M.  l'abbé  Moigno,à  qui  nous  avons  eu  l'honneur  de  soumettre 
quelques  échantillons  des  haches  d'Escalles,  a  été  principa- 
lement frappé  de  la  ressemblance  qu'avaient  quelques  unes 
d'entre  elles  avec  le  type  dit  de  Saint  Acheul,  type  qui 
cependant  appartient  à  une  tout  autre  époque.  Il  est  pourtant 
incontestable  pour  nous,  qu'il  est  toujours  téméraire  de  vou- 
loir assigner  un  âge  à  un  atelier  ou  à  un  gisement  d'instru- 
ments de  pierre,  en  ne  s  appuyant  que  sur  les  formes  ou  types 
qu'on  y  rencontre.  Si  les  besoins  de  l'homme  changeaient 
peu,  les  ustensiles  bien  appropriés  à  ses  besoins  devaient 
aussi  peu  changer.  Les  haches,  caractéristiques  du  quater- 
naire inférieur,  servaient  évidemment  aux  mêmes  usages 
que  celles  de  l'époque  qui  nous  occupe.  Cette  similitude 
d'usage  devait  nécessairement  entraîner  une  similitude  dans 
les  formes  de  loutil  et  si  Ion  songe  en  outre  combien  il 
est  aisé  de  rapprocher,  en  passant  par  des  variétés  de  forme 
dont  les  différences  sont  à  peine  sensibles,  les  deux  types  de 
haches  les  plus  opposés,  on  ne  s'étonnera  pas  de  pouvoir 
assigner  une  seule  et  même  époque  à  des  instruments  de 
types  différents.  Le  cas  est  bien  distinct,  lorsqu'il  s'agit 
de  pierre  polie.  Le  polissage  indique  plus  qu'un  travail  exé- 
cuté dans  un  but  exclusivement  pratique  ;  à  l'idée  purement 
utilitaire,  vient  alors  s'ajouter  une  intention  artistique,  et  ce 
seul  fait  détermine  l'avènement  d'une  nouvelle  époque. 

Une  distinction  chronologique  peut  donc  être  faite  entre 
la  pierre  polie  et  la  pierre  taillée,  mais,  à  notre  avis,  là  doit 
s'arrêter  toute  classification  qui  ne  s'appuierait  que  sur  la 
seule  différence  des  formes. 

Lorsque  nous  eûmes  acquis  la  certitude  que  nous  étions 
en  présence,  non  pas  d'un  simple  gisement  ou  dépôt  d'instru- 


-  302  - 


ments  de  silex,  mais  d'un  véritable  et  important  atelier  de 
fabrication,  notre  premier  soin  fut  de  rechercher  si  des  ves- 
tiges quelconques  des  temps  préhistoriques  avaient  déjà  été 
découverts  dans  nos  régions. 

Nos  recherches  nous  mirent  sous  les  yeux  la  brochure 
de  l'honorable  Président  de  la  Société  Dunkerquoise , 
M.  L.  Cousin',  dans  laquelle  celui-ci  rend  compte  de  la 
découverte,  faite  par  lui  à  Escalles  en  1864,  de  quatre 
tumuli  qui  se  trouvent  précisément  près  de  ce  champ,  re- 
conna  par  nous  comme  le  siège  d'un  atelier  de  silex  ouvrés. 
Les  fouilles  n'avaient  été  exécutées  dans  ces  tumuli  que 
pour  en  constater  la  présence;  aussi  leur  exploration  n'avait- 
elle  eu  lieu  qu'au  centre,  en  laissant  de  cdté  toute  recherche 
paléontologique.  M.  Cousin  n'avait  d'ailleurs  aucune  raison 
de  rattacher  ces  sépultures  aux  silex  ouvrés,  qui,  à  plusieurs 
reprises  déjà,  avaient  été  trouvés  isolément  dans  la  contrée, 
mais  qui,  jusqu'à  cette  époque,  n'avaient  pas  encore  été  rap- 
portés à  une  source  importante  de  fabrication  localisée. 

C'est  alors  que  nous  résolûmes  de  recommencer,  d'une  ma- 
nière méthodique,  l'exploration  des  quatre  tumuli  d'Escalles, 
en  nous  attachant  surtout  à  rechercher  tout  ce  qui  pouvait 
conduire  à  les  admettre  comme  contemporains  de  l'atelier,  sur 
l'emplacement  duquel  ils  avaient  été  élevés.  Dans  le  cours 
de  ce  travail,  entrepris  en  mars  dernier,  noua  avons  recueilli 
les  observations  suivantes  : 

Les  quatre  tumuli  étaient  alignés  dans  la  direction 
N.NO-S.SE.  et  étaient  recouverts  d'une  couche  de  lerrt 


-  303  — 

ron  0'"25  de  profondeur,  nous  avons  immédiatement  retrouvé 
le  squelette  de  la  jeune  femme  signalé  par  M.  Cousin, 
squelette  dont  nous  avons  recueilli  soigneusement  les  osse- 
ments. Ayant  alors  élargi  et  approfondi  la  tranchée  qui 
avait  été  faite  lors  de  la  première  fouille,  nous  avons  trouvé, 
près  du  premier  squelette,  deux  fémurs,  un  tibia  et  un 
fragment  de  mâchoire  inférieure  qui  avaient  dû  appartenir 
&  un  enfant,  âgé  à  peine  de  quelques  mois.  Devons-nous, 
nous  appuyant  sur  une  idée  émise  par  M.  Lubbock,  en  con- 
clure que  la  jeune  femme  était  morte  au  moment  où  elle 
allaitait  encore  son  enfant  et  que  cet  enfant  avait  été  enterré 
vivant  avec  elle?  Près  de  la  tête  de  la  jeune  femme,  était 
un  vase  formé  d'une  poterie  très  grossière  et  non  cuite, 
dont  nous  donnerons  plus  loin  la  description. 

Nous  étions  à  peine  arrivé  à  ce  point  de  notre  travail,  que 
nous  avions  déjà  acquis  la  certitude  que  ces  tumuli  étaient 
contemporains  de  l'atelier  de  silex  décrit  plus  haut.  Les  ou- 
vriers ramenaient,  en  effet,  presque  à  chaque  pelletée,  un 
certain  nombre  de  silex  ouvrés,  d'un  travail  plus  ou  moins 
fini,  mais  incontestable.  Les  rognons  de  silex  qui,  comme 
nous  le  verrons  tout  à  l'heure,  composaient  la  majeure  partie 
des  matériaux  ayant  servi  à  ériger  le  tumulus,  portaient 
presque  tous  les  traces  de  tailles  indiquant  qu'on  en  avait 
retiré  des  éclats  destinés  à  servir  de  couteaux  ou  de  racloirs, 
circonstance  qui  permettait  de  les  ranger  dans  la  catégorie 
des  nuclei. 

Enfin,  les  silex  que  nous  ramenions  au  jour,  avaient  tous 
des  arêtes  d'une  netteté  remarquable  et  indiquant  un  travail 
récemment  opéré,  ce  qui  confirma  d'une  manière  évidente  la 
contemporanéité  que  nous  cherchions  à  établir.  De  plus,  ces 
silex  ne  portaient  plus  cette  patine  blanche  et  épaisse,  obser- 
vée sur  toutes  les  pièces  recueillies  à  la  surface  du  sol,  mais 
bien  une  simple  couche  hyaline  de  couleur  laiteuse  très  su- 
perficielle et  déterminée,  sinon  toujours  par  une  cassure 
fraîchement  faite,  du  moins  par  une  courte  exposition  à  l'air 


ou  par  un  séjour  dans  un  milieu  crayeux,  depuis  qu'ils 
avaient  été  enfouis  dans  les  tumuli. 

En  prolongeant  la  tranchée  du  centre  h  la  cipconférence, 
noua  avons  trouvé,  à  0"35  de  profondeur  et  à  4"'50  du  point 
central,  le  squelette  d'un  individu  dont  les  ossements  étaient 
trop  incomplets  pour  qu'il  nous  ait  été  possible  d'en  déter- 
miner l'ftge  et  le  sexe,  D  en  a  été  de  même  pour  un  autre 
squelette  trouvé  h  S^OO  du  précédent  et  toujours  à  4''50  du 
centre.  A  la  même  distance  de  ce  point  et  à  2"00  du  corps 
précédent,  nous  avons  rencontré  les  ossements  d'un  enfant 
de  5  à  6  ans.  Poursuivant  nos  recherches,  nous  avons  dé- 
couvert, à  des  distancer  semblables  et  daus  te  môme  cercle, 
le  squelette  d'un  individu  qu'il  nous  a  été  permis  d'observer 
et  d'étudier  d'une  façon  complète.  Cet  individu  devait  être 
de  grande  taille;  son  fémur  mesure  0°'485.  Nous  avons  alors 
achevé  d'abattre  l'autre  moitié  du  tumulus,  mais  nous  n'y 
avons  rien  rencontré. 

Les  quatre  individus,  découverts  à  4"'50  du  centre,  avaient 
donc  été  déposés  d'un  seul  et  même  côté.  Cette  remarque 
nous  porte  à  croire  que  ces  dernières  inhumations  ont  dû 
être  faites  successivement  et  postérieurement  à  celle  de  la 
jeune  femme  qui  occupait  le  centre  et  que  la  portion  du 
cercle  qui  ne  contenait  aucun  débris  humain,  était  destinée 
à  de  nouvelles  sépultures. 

n  y  a  donc  tout  lieu  de  penser  qu'un  tumulus  était  érigé, 
dans  ses  dimensions  définitives,  à  la  suite  d'un  premier  cas 


—  305  — 

Enfin  au  centre  du  N**  4,  nous  avons  mis  à  jour  le  sque- 
lette d'un  homme  de  très  grande  taille ,  signalé  déjà  par 
M.  Cousin.  Nous  avons  fouillé  sans  aucun  résultat  le  restant 
du  tumulus. 

Passons  maintenant  à  l'étude  des  caractères  généraux 
observés  dans  les  quatre  tumuli.  La  position  et  l'attitude  des 
corps  ont  pu  être  observées  et  reconnues  identiques  pour 
4  squelettes  :  Téboulement  des  terres  nous  ayant  empêché 
de  trouver  en  place  les  ossements  des  autres  individus. 

Les  extrémités  inférieures  des  fémurs  et  supérieures  des 
tibias,  les  extrémités  inférieures  des  humérus  et  supérieures 
des  cubitus,  étaient  réunies  en  un  même  point.  D'autre  part, 
les  ossements  des  mains  ont  été  trouvés  près  des  clavicules. 
Le  cubitus  et  le  radius  d'un  des  bras  formaient  une  croix 
avec  leurs  similaires  de  l'autre  bras.  Le  crâne  et  les  mâ- 
choires présentaient  leurs  parties  gauches.  Tous  ces  carac- 
tères indiqutmt  l'attitude  repliée,  souvent  remarquée  dans 
les  sépultures  de  la  pierre  polie;  mais,  de  plus,  le  corps  est 
couché  sur  le  flanc  droit,  les  bras  en  croix  et  les  mains  re- 
levées vers  les  épaules.  L'axe  de  tous  les  squelettes  avait  la 
môme  direction  que  l'alignement  des  quatre  tumuli,  c'est  à 
dire,  N.NO-S.SE. 

Quant  au  mode  d'inhumation,  voici  ce  qui  a  été  observé 
dans  chaque  sépulture.  Les  corps,  placés  sur  le  terrain  na- 
turel, étaient  recouverts  d'une  couche  de  rognons  de  silex, 
parmi  lesquels,  comme  nous  l'avons  dit,  se  trouvaient 
queh^ues  instruments  inachevés  ou  brisés,  mais  fort  peu 
d'un  travail  fini.  C'est  cette  dernière  considération  qui  nous 
a  empêché  d'admettre,  d'une  manière  générale,  l'opinion 
émise  par  un  de  nos  archéologues  qui  considère  le  jet  de 
pierre,  fait  sur  le  cadavre,  comme  une  pratique  religieuse 
et  surtout  comme  le  sacrifice,  fait  par  chacun  en  l'honneur 
du  défunt,  d'un  instrument  en  pierre  taillée.  Nous  croyons 
plutôt  devoir  admettre  que  les  pierres  n'étaient  placées  sur 
le  corps  que  pour  empêcher  toute  profanation  de  la  part  des 


-306  - 


animaux,  coutume  qui  s'est  perpétuée,  du  reste,  chez  cer- 
tains peuples  dans  les  temps  historiques. 

Le  fait  d'une  pierre,  jetée  par  chacun,  doit  être  plutôt  con- 
sidéré comme  l'indice  d'une  œuvre  commune,  dans  un  temps 
où,  vu  le  manque  de  moyens  pratiques  de  transport,  nous  ne 
pouvons  expliquer  que  par  le  concours  de  tous,  les  ouvrages 
et  les  terrassements  quelquefois  si  importants  qui  nous  ont 
été  laissés.  Ajoutons  que,  sous  le  bassin  de  chaque  sque- 
lette, se  trouvait  un  silex  plat  d'environ  30  centimètres  de 
diamètre  et  taillé  en  forme  de  polygone. 

Nous  avons  signalé  tout  à  l'heure  les  vases  trouvés  près 
de  la  tête  de  quelques  individus.  Ces  vases  étaient  d'une 
poterie  grossière,  composée  probablement  d'une  argile  du 
terrain  tertiaire  que  l'on  rencontre  dans  le  voisinage  sur  une 
colline  appelée  Noire  Jlfotle.  I!  est  facile  de  distinguer,  dana 
la  pflte,  des  grains  assez  gros  de  grès  ferrugineux.  La  poterie 
n'était  pas  cuite;  elle  était  façonnée  à  la  main  et  simple- 
ment séchée  au  soleil.  Cependant,  sur  une  partie  exterieure 
du  vase,  se  trouvent  des  fragments  qui  ont  subi  un  commen- 
cement de  cuisson.  Cette  cuisson  n'est  évidemment  qu'acci- 
dentelle; elle  provient  probablement  du  feu  allumé  lors  des 
inhumations.  Des  fragments  de  charbon,  des  silex  craque- 
lés et  des  os  fendillés,  rencontrés  par  nous  à  Escalles,  nous 
prouvent  que  du  feu  y  fut  allumé,  soit  dans  un  but  de  puri- 
fication mystique,  soit  pour  combattre  les  miasmes  résultant 
des  sépultures  précédentes. 

L'absence,  dans  les  tumuli  d'Escailes.  d'obiets  en  uierre.  en 


—  307  — 

santé  d'assurer  son  existence,  préoccupation  qui  ne  laissait 
place  à  aucune  idée  artistique. 

Nous  ne  craignons  pas  d*étendre  notre  argument  en  une 
règle  générale,  en  aflEirmant  que,  dans  l'observation  des  ves- 
tiges préhistoriques,  on  remarque  les  traces  d'une  indus- 
trie d'autant  plus  artistique  et  plus  perfectionnée,  que  les 
lieux  dans  lesquels  on  les  trouve  ont,  naturellement  et 
par  eux-mêmes,  offert,  à  ceux  qui  les  habitaient,  une  vie 
matérielle  plus  facile.  De  là  donc  l'absence  complète,  dans 
nos  tumuli,  d'ornements  quels  qu'ils  soient  et  même  de  co- 
quilles perforées  de  Cardium  edvle  et  d'autres  espèces  si 
communes  sur  nos  côtes  et  que  l'on  devait  s'attendre  à  trou- 
ver à  Escalles,  utilisées  comme  colliers.  Nous  attribuons 
à  la  même  cause  le  petit  nombre  relatif  de  haches  polies  que 
l'on  y  trouve. 

La  raison,  qui  dans  les  temps  préhistoriques,  a  fait  choisir 
le  cap  Blanc  Nez  comme  station,  doit  donc  plutôt  se  trouver 
dans  sa  position  d'une  défense  facile,  dans  son  voisinage  de 
la  mer  et  surtout  dans  la  facilité  qu'il  y  avait  pour  l'homme 
primitif  d'y  trouver  en  abondance  le  silex  avec  lequel  il  con- 
fectionnait ses  armes  et  ses  outils. 

Pour  en  revenir  à  nos  tumuli,  disons  que  nous  y  avons 
constamment  observé  les  traces  d'un  repas  fait  lors  de  l'in- 
humation. Des  ossements  d'animaux  ont  été  trouvés  en  grand 
nombre  dans  chacun  d'eux.  Tous  les  os  contenant  de  la 
moelle  étaient  fendus  ;  les  autres  étaient  intacts.  Quelques 
uns  d'entre  eux  portaient  les  traces  de  l'instrument  qui  avait 
servi  à  dépecer  l'animal.  Les  espèces  dont  les  ossements  ont 
été  déterminés  à  la  Faculté  des  sciences  de  Lille,  par  les 
soins  obligeants  et  éclairés  de  M.  Barrois,  sont  le  £os  tau- 
ruSf  dont  les  indvidus  étaient  de  petite  taille,  le  Cervus  eUh 
phuSy  YOvis  aries,  le  Porc  et  le  Sanglier. 

D'après  les  caractères  que  nous  venons  d'énumérer,  nous 
devons  rapporter  à  l'époque  dite  de  la  pierre  polie  les  ves- 
tiges préhistoriques  que  nous  avons  découverts  à  Escalles. 


Quelques  obseirvatioQS  snatomiques  nous  permettront  peut- 
être  de  détennîner  la  race  liumaine  k  laquelle  ils  ont  appar- 
tenu. 

Les  caractères  observés  sur  un  des  crânes  sont  les  sui- 
vants: 

L'indice  céphalique  est  de  719  mm.  ce  qui  indique  le 
type  dolicliocéphale  pur.  La  protubérance  occipitale  externe 
est  très  saillante.  Les  apophyses  géui  se  présentent  sous 
forme  d'épines  très  aiguës,  La  courbe  borizontale  totale  est 
de  515  mm.;  le  diamètre  frontal  minimum  91  mm.  La 
courbe  frontale  132  mm.  dont  :  sous-cérébrale,  26  mm.  et 
cérébrale  106  mm.  La  crête  frontale  externe  est  remarqua- 
blement développée  et  tranchante.  Les  arcades  sourcilières 
sont  très  proéminentes,  principalement  celle  de  gauche. 
La  crête  qui  limite  la  partie  intérieure  de  la  fosse  temporale, 
est  très  saillante. 

L'examen  de  plusieurs  mâchoires  inférieures  a  donné  les 
résultats  suivants  :  la  m&choire,  tout  en  étant  orthognathe, 
présente  un  prognathisme  alvéolaire  très  marqué. Le  menton 
est  très  saillant.  Les  dents  sont  toutes  très  usées  et  l'usure 
est  circulaire.  Les  tubercules  dentaires  des  grosses  molaires 
sont  au  nombre  de  4  et  séparés  par  une  dépression  cruciale 
très  marquée. 

Nous  terminerons  en  disant  que,  d'après  les  différents  ca- 
ractères anatomiques  que  nous  venons  d'essayer  de  décrire, 
nous  croyons  pouvoir  faire  remonter  à  la  race  aryenne  pré- 
celtique, les  individus  qui  composaient  les  tribus  habitant 


—  309  — 

rait  être  comparé  à  l'atelier  d'Escalles  et  peut  ôtre  rapporté 
à  la  même  époque.  L'agglomération  d'habitants  que  com- 
porte le  siège  d'un  atelier,  doit  nécessairement  faire  soup- 
çonner l'existence  de  tumuli  dans  le  voisinage.  Si  pareille 
recherche  n'a  pas  encore  été  faite  près  de  Spiennes,  ne  serait- 
il  pas  utile  de  l'entreprendre  ?  Si  la  culture  des  terres  a  dû 
faire  abattre  et  niveler  les  tumuli  qui  auraient  pu  exister,  ne 
pourrait-on  pas,  se  basant  sur  lobservation  faite  à  Escalles, 
rechercher  ces  tumuli,  en  observant  les  accumulations  de 
silex  qui  ont  pu  être  disséminées  par  la  charrue ,  mais  qui 
cependant  doivent  être  encore  visibles  ?  C'est  grâce  à  ces  ca- 
ractères que  nous  avons  pu  découvrir  à  Wissant,  près  du 
Mont  de  Couple,  un  tumulus  dont  cependant  la  saillie  avait 
complètement  disparue 

Pouvons-nous  maintenant  assigner  aux  tribus  d'Escalles, 
qui  ne  composaient  leurs  tumuli  que  d'une  simple  accumula- 
tion de  cailloux  et  de  terre,  une  antiquité  plus  reculée  ou  une 
civilisation  moins  avancée,  qu'aux  peuples  qui,  dans  des 
contrées  voisines,  érigeaient  les  sépultures  dites  mégalithiques? 

C'est  là  une  thèse  à  soutenir  qui  appartient  à  une  parole 
plus  autorisée  que  la  nôtre. 

Sur  Us  ateliers  de  silex  pendant  l'âge  de  la  pierre  polie  en 
Angleterre,  par  M.  Augustus  W.  Fbanks. 

Je  n'ai  pas  l'intention  de  vous  soumettre  des  réflexions 
sur  l'intéressante  localité  que  nous  avons  visitée,  mais  celle 
de  vous  communiquer  des  faits  étudiés  en  Angleterre  et  ana- 
logues à  ceux  qui  ont  été  observés  à  Spiennes.  Après  les 
excellents  travaux  de  M.  Malaise  et  de  MM.  Briart,  Cornet  et 
Houzeau  de  Lehaye,  les  observations  d'un  étranger  qui  n'a 
visité  qu'en  passant  l'atelier  de  Spiennes,  seraient  peu  utiles, 

'  Le  tumulus  le  plus  rapproché  de  Spiennes  en  est  distant  de  8  kilo- 
mètres. Il  se  trouve  à  l'est  de  Oivry,  non  loin  du  camp  romain  de  Rouve- 
roy.  {Note  de  MM.  Briart  et  Cornet^  secrétaires,) 

20 


-  310  ■ 


surtout  après  les  renseignements  que  U.  Cornet  nous  a  don- 
nés avec  tant  de  netteté  et  d'obligeance. 

Je  désire  seulement  attirer  votre  attention  sur  les  décou- 
vertes du  même  genre  qui  ont  été  faites  en  Angleterre.  Cest 
d'ailleurs  là  un  véritable  devoir  pour  moi,  car  le  but  de  notre 
Congrès  international  est  de  comparer  les  recherches  exécu- 
tées dans  différents  pays. 

Dans  le  comté  de  Susses,  &  très  peu  de  distance  de 
Brighton,  où  vient  de  se  réunir  l'Association  Britannique ,  il 
existe  un  camp  fortifié  très  ancien,  qui  peut  avoir  été 
occupé  par  plusieurs  populations  qui  se  sont  succédé  jus- 
qu'au temps  des  Bomains. 

Cette  localité  connue  sous  le  nom  de  Cissbury  Hill, 
a  attiré  l'attention  de  plusieurs  archéologues.  Mon  ami,  le 
colonel  A.  Lane  Fox,  qui  s'en  est  surtout  occupé  spéciale- 
ment, en  a  publié  une  deBcription  détaillée  dans  les  Mémoires 
de  la  Société  des  Antiquaires  de  Londres  (Archœologia, 
vol.  Xni).  Je  possède  ici  un  exemplaire  de  ce  travail  que 
j'oflfre  avec  beaucoup  de  plaisir  au  Congrès. 

A  peu  de  distance  de  la  petite  ville  de  Wortbing,  se 
trouve  la  colline  fortifiée  connue  sous  le  nom  de  Cissbury; 
les  remparts  de  ce  camp  suivent  les  contours  de  la  colline  et 
entourent  un  espace  d'environ  25  hectares  (60  acres);  sur  le 
côté  nord-oueat  du  cemp,  on  observe  une  série  de  puits, 
qu'au  premier  abord  on  a  pris  pour  des  habitations.  En  faî- 


—  311  — 

Les  puits  de  Cissbury  sont  au  Dombre  d'environ  cin- 
quante; leurs  dimensions  sont  très  variées;  les  plus  grands 
ont  environ  23  mètres  de  circonférence  sur  4  mètres  de  pro- 
fondeur. Le  colonel  Lane  Fox  a  examiné  30  de  ces  puits  qui 
ont  présenté,  pour  la  plupart,  les  mêmes  caractères. 

Le  colonel  Lane  Fox,  après  un  sérieux  examen  de  ces 
puits,  est  disposé  à  croire  qu'ils  ont  été  creusés  d'abord  pour 
extraire  le  silex;  mais  .qu'étant  situés  au  milieu  d'une  enceinte 
fortifiée,  ils  auraient  servi  aux  indigènes  d'ateliers  de  fabri- 
cation et  peut-être  même  d'habitations. 

Je  suis  convaincu  que  des  résultats  semblables  se  présen- 
teraient dans  le  grand  camp  de  Hod  Hill,  dans  le  comté  de 
Dorset,  s'il  était  exploré  avec  soin.  Des  ébauches  de  haches  et 
des  traces  de  puits  ont  été  trouvées  dans  ce  camp  ;  mais  elles 
n'ont  pas  autant  attiré  l'attention  que  les  restes  très  précieux 
qu'on  y  a  recueillis,  d'une  occupation  Britanno-Romaine  dont 
M.  Durden  a  rassemblé  une  belle  collection  à  Blandfood^ 

La  forme  des  camps  de  Cissbury  et  de  Hod  Hill  ne  nous 
permet  pas  de  les  considérer  comme  ayant  été  tracés  à 
l'époque  Romaine.  Mais  à  cause  de  leurs  fortes  positions,  les 
Bretons  romanisés,  ou  les  Romains  eux-mêmes,  ont  pu  s'en 
servir  en  cas  de  besoin.  J'ai  prié  M.  Durden  de  faire  l'explo- 
ration des  puits  qui,  je  n'en  doute  pas,  se  trouveront  en  tout 
semblables  à  ceux  de  Cissbury. 

Une  découverte  plus  importante  a  été  faite  dans  une  autre 
partie  de  l'Angleterre  près  de  Brandon,  comté  de  Norfolk. 
CeliQu  est  assez  connu  par  la  fabrication  des  pierres  à  fusil 
qui  s'y  fait  encore.  Le  silex  de  cette  localité  est  fort  beau. 

A  peu  de  distance  de  Brandon,  dans  la  paroisse  de  Wee- 
ting,  on  rencontre,  à  la  surface  du  sol,  une  grande  quantité 
de  dépressions  rondes,  dont  Tantiquité  est  dénotée  par  leur 
nom  €  Grimes  Graves  » ,  c'est  à  dire,  les  tombeaux  de  Grim, 
géant  mythologique  à  qui  on  attribue,  chez  nous,  beau- 
coup de  monuments  préhistoriques.  Ces  dépressions  sont  au 

1  Voir  RoACH  Smith,  CoUectanea  Aniiqua^  t.  VI,  p.  1. 


□ombre  de  250  au  moÎDS  et  ont  un  diamètre  de  7  à  20  mè- 
tres. Une  Société  de  province  a  commencé  à  fouiller  une  de 
ces  dépressions,  mais  les  frais,  exigés  pour  le  déblaiement 
complet  du  puits,  l'ont  forcé  &  abandonner  le  travail.  Un 
de  nos  archéologues  les  plus  distingués,  M.  le  chanoine, 
Greenwell,  de  Durham,  s'est  décidé  h  continuer  les  fouilles. 

Après  un  travail  très  considérable,  il  s  pu  les  mener  à 
bonne  fin.  Le  puitsgu'il  avait  choisi  pour  ses  recherches,  avait 
environ  9  mètres  de  diamètre  au  bord  et  se  réduisait  en  bas 
à  un  diamètre  de  4  mètres.  Il  avait  k  peu  près  13  mètres 
de  profondeur.  Les  4  premiers  mètres  avaient  été  percés  à 
travers  une  couche  de  sable.  On  avait  alors  trouvé  la  craie 
blanche  et  une  couche  de  silex  de  qualité  secondaire.  Ce 
silex  n'avait  été  extrait  que  dans  la  circonscription  même  du 
puits;  mais  on  avait  continué  à  creuser  celui-ci  jusqu'&  une 
couche  de  magnifique  silex,  celui  dont  se  servent  de  nos 
jours  les  fabricants  de  pierres  à  fusil.  Arrivés  &  cette  profon- 
deur, les  anciens  travailleurs  avaient  percé  des  galeries  d'en- 
viron un  mètre  de  hauteur  dans  différentes  directions,  afin  de 
suivre  ta  couche  de  silex. 

Cee  galeries  avaient  été  faites  au  moyen  de  pics  en  bois 
de  cerf,  dont  la  plupart  des  andouillers  avaient  été  enlevés 
d'avance  i>our  faciliter  le  travail.  L'andouiller  le  plus  rap- 
proché de  la  couronne  du  bois,  ou  andouiller  basilaiie, 
avait  été  conservé,  et  sa  pointe  montrait  les  traces  d'un  usage 
prolongé. 


—  313  — 

dois  signaler  de  petites  coupes  en  craie  blanche  qui  ont  pu 
servir  comme  lampes,  une  épingle  en  os^  et  un  objet  arrondi 
également  en  os  dont  on  se  serait  servi ,  d*après  l'opinion  de 
M.  Greenwell,  pour  opérer  les  petites  retouches  sur  les  silex. 

Les  détails  de  cette  exploration  si  intéressante  ont  été 
publiés  par  M.  Greenwell  dans  le  Journal  de  la  Société  Eth- 
nologique S  et  un  résumé  en  a  été  donné  par  M.  Evans  dans 
le  bel  ouvrage  «  Ancient  Stone  Implements  of  Great  Britain  » 
qu'il  vient  de  publier. 

Les  différences  qu'on  peut  noter  entre  cette  découverte  de 
Grimes  Graves  et  celle  de  Spiennes,  consistent  dans  l'emploi 
de  pics  en  corne  de  cerf,  au  lieu  qu'à  Spiennes,  ce  sont  les 
marteaux  qui  sont  faits  en  cette  matière,  et  dans  un  plus 
grand  nombre  d'ébauches  de  haches  trouvées  à  Spiennes. 

Les  éclats  à  Grimes  Graves  étaient  assez  nombreux  ;  mais 
il  est  possible  que  les  indigènes  aient  porté  chez  eux  les  silex 
pour  les  travailler,  comme  le  font  encore  les  ouvriers  en 
pierres  à  fusil.  A  Spiennes,  au  contraire,  ils  ont  fait  les 
ébauches  des  haches  surplace. 

Tel  est  le  résultat  de  nos  recherches,  en  Angleterre,  sur  les 
ateliers  de  l'âge  de  la  pierre  polie,  et  je  crois  pouvoir  affirmer 
que  leur  ressemblance  avec  les  découvertes  belges  sont  assez 
frappantes.  Il  est  à  désirer  que.  d'autres  puits  de  Grimes 
Graves  soient  fouillés.  Malheureusement  les  frais  de  telles 
fouilles  sont  assez  considérables,  d'autant  plus  que  le  pro- 
priétaire réclame  le  remplissage  des  puits  après  qu'on  les  a 
vidés. 

Ateliers  de  fabrication  d'outils  de  pierre  dans  la 
Haute  Egypte^  par  J.  Delanoûb. 

§  1.  —  Silex  taillas. 

L'Egypte  est  une  longue  et  unique  vallée  creusée  au 
milieu  d'un  désert  immense.  Mais  cette  vallée  est  si  plantu- 

1  1871, 9*  série,  vol.  II,  p.  419. 


reuse  qu'elle  a  dû  néceesairement  attirer  et  6xer  les  premières 
immigrations  de  l'homme.  Comment  ae  fait-il  donc  qu'étant 
ainsi  une  des  contrées  les  plus  anciennement  habitas,  elle 
n'Elit  offert,  jusqu'à  présent,  aux  nombreux  archéotog^ues  qui 
l'ont  explorée,  aucune  station  humaine  préhistorique,  ni 
aucun  silex  ébauché,  en  place  dans  le  diluvium,  comme  à 
Saint  Acheul,  par  exemple?  Cela  s'explique  aisément,  par  ce 
fait  qu'il  n'y  a  presque  pas  de  terrain  quaternaire  visible 
en  Egypte.  Je  sais  bien  que  plusieurs  géologues  ont  affirmé 
l'existence  de  terrasses  anciennes  tout  le  long  du  Nil.  Le  fait 
est  exact,  mais  tout  à  fait  exceptionnel,  et  on  a  eu  tort  de  le 
généraliser. 

Le  Nil  qui  a  creusé  une  si  grande  vallée,  avait  évidem- 
ment jadis  un  bien  plus  grand  volume  et  une  hauteur  plus 
considérable;  mais  il  n'est  pas  resté  de  traces  de  ses  hauts  ni- 
veaux. Les  dépAts  accidentels  de  graviers  et  de  limon  que  les 
voyageurs  ont  depuis  longtemps  signalés  à  10,  15  et  30  mè- 
tres au  dessus  des  plus  grandes  crues,  sont  tous  située  auprès 
des  anciens  barrages  naturels,  aujourd'hui  démantelés.  Ib 
sont  donc  purement  locaux  et  accidentels.  C'est  là  seulement 
que  le  vrai  quaternaire  peut  être  observé  à  la  surface  du  sol 
et  que  l'on  peut  trouver  en  place  des  outils  de  silex.  C'est, 
en  effet,  dans  une  position  semblable  que  j'ai  recueilli  un 
fragment  de  couteau,  en  silex  blond,  dont  voici  la  figure  de 
grandeur  naturelle. 


—  315  — 

la  ChaÎDe).  Il  y  a  là,  en  effet,  en  travers  de  la  vallée,  une 
longue  chaîne  qui  court  de  Test  à  l'ouest  et  que  M.  Linant- 
bey  et  les  ingénieurs  les  plus  compétents  regardent  comme 
une  ancienne  digue  rompue  par  le  fleuve ^  J'ai  reconnu,  de 
mon  côté,  que  ce  barrage  transversal  était  dû  à  une  immense 
faille  ou  fracture  allant  de  l'est  à  l'ouest  et  relevant  le  grès 
de  NvMe  à  environ  200  mètres  au  dessus  de  sa  position 
normale.  Cette  ancienne  barrière  avait  formé  là  une  espèce 
de  lac  et  une  cataracte,  jusqu'à  ce  que  le  Nil,  démolissant 
Tobstacle,  soit  descendu  au  niveau  actuel,  laissant  gravier, 
coquilles  et  limon  à  la  hauteur  de  son  ancien  lit.  Les  mêmes 
causes  locales  ont  produit  les  mêmes  terrasses  accidentelles  à 
Ouadi  Alfa,  Assouane,  Djebel  Ein,  etc. 

Partout  ailleurs,  le  Nil  continue  de  recouvrir,  d'un  man- 
teau de  limon,  chaque  année  plus  épais,  le  diluvium,  les 
stations  humaines  préhistoriques  et  jusqu'aux  vestiges  des 
civilisations  diverses  qui  s'y  sont  succédé. 

Le  sable  voyageur  de  Lybie  vient  aussi  contribuer,  de  son 
côté,  à  cet  ensevelissement  continu  des  bas-fonds;  mais  il  est 
rare  sur  les  plateaux  immenses  et  inhabitables  qui  longent  le 
Nil  ;  et  si  les  hommes  quaternaires  y  ont  exploité  des  bancs 
de  silex,  on  doit  retrouver  leurs  ateliers  à  peu  près  intacts. 
C'est  ce  que  j'ai  eu  le  bonheur  de  constater  sur  quelques 
points  et  admirablement  bien  à  Chersouna  à  12  kilomètres 
sud-est  d'Esné. 

Le  grand  village  de  Chersouna  n'est  pas  indiqué  sur  les 
cartes  géographiques;  le  plateau  qui  le  domine  au  nord  porte 
le  nom  de  Djebel  Kélabié.  Sa  hauteur  au  dessus  du  Nil  est 
de  85  mètres.  Il  se  compose  de  bas  en  haut  de  grès  de  NvMe, 
puis  d'argiles  et  enfin  de  calcaire  nummulitique,  couronné  au 
sommet  par  une  assise  horizontale  de  silex,  souvent  calcari- 
fère,  d'un  demi  mètre  à  un  mètre  d'épaisseur.  Ce  banc  de 

1  M.  Linant-bey,  qui  a  étudié,  mieux  que  tout  autre,  Tliydrographie 
dn  Nil,  n*a  vu  aussi,  en  Egypte  et  en  Nubie,  que  des  terrasses  locales  dues, 
comme  à  Selsilé,  à  des  accidents  de  terrain. 


eilexaété  exploité  sur  place,  comme  le  prouve  l'innombrable 
quantité  d'éclats,  d'outils  brisés  ou  ébauchés,  et  jamais  polis, 
qui  couvrent  tout  le  plateau  dont  la  superficie  est  d'envi- 
ron un  kilomètre  carré.  Ce  silex  contient  plus  ou  moins  de 
carbonates  de  chaux,  de  fer  et  de  manganèse.  Les  influences 
atmosphériques  dissolvant  le  calcaire  et  suroxydant  les  deux 
métaux,  il  en  résulte  que  la  patine,  au  lieu  d'être  blanche, 
est  d'un  brun  plus  ou  moins  foncé. 

Le  calcaire  adjacent  contient  quelques  rognons  de  silex 
pur,  parfaitement  sphériques,  à  couches  concentriques,  qui 
y  ont  été  employés  comme  outils  de  percussion. 

J'ai  fait  deux  parts  de  tous  les  outils  que  j'ai  recueillis; 
j'ai  remis  l'une  au  Musée  de  Boulok,  su  Caire,  et  l'autre  à 
mon  excellent  ami,  M.  G.  de  Mortîllet,  qui  a  eu  la  boute  d'en 
faire  la  description  consciencieuse  qui  suit,  avant  d'en  faire 
don  au  Musée  de  Saint  Germain. 


§  2.    —   MaBTB&UX  de  CABBIBBBS. 

Lorsque  j'habitais  Âssouane'  en  mars  1872,  le  hasard  m'a 
fait  rencontrer,  à  10  kilomètres  sud-est,  sur  un  petit  plateau 
de  grès  de  Nviie,  une  quantité  incalculable  de  fragments  et 
d'éclats  de  granit  à  petite  grains,  de  dîorite  verte,  de  por- 
phyre brun,  de  pétrosilex  et  d'autres  roches,  toutes  étrangè- 
res à  la  localite,  et  toutes  plus  dures  les  unes  que  les  autres. 
Ces  débris  portaient  des  traces  évidentes  de  percussion  et 
révélaient  ainsi  l'existence  d'une  ancienne  fabrique  de  pro- 


Je  me  suis  empressé,  h  mon  retour  au  Caire,  de  remettre 
tous  ces  échantilIoDs  h  M.  Mariette-bey,  pour  le  beau  Musée 
de  Boulak.  Je  me  suis  demandé  alors  si  les  carrièreB  voisines 
de  grès  dur  du  Djebel  Akmar  (Mont  Bouge)  ne  contien- 
draient pas  les  mêmes  vestiges.  Je  n'ai  pas  pu  y  découvrir 
d'atelier;  ce  qui  n'est  pas  étonnant,  vu  le  bouleversement  in- 
cessant de  cette  colline  par  les  exploitations  anciennes  et 
modernes.  J'ai  trouvé,  en  revanche,  des  fragments  de  roches 
dures,  étrangëresàlalocalité  et  enfin  deux  marteaux  entiers, 
presque  tout  neufs,  en  diorite  vert,  tenace  et  à  petits  grains, 
en  tout  semblables  à  ceux  d'Assouane  et  devant  provenir  des 
mêmes  carrières  entre  le  Nil  et  la  mer  Bouge  vers  Coaséir. 
Leur  poids  et  leur  forme  indiquent  que  l'ouvrier  s'en  servait 
à  deux  mains  pour  frapper  sur  ses  outils,  ses  coins,  etc.  Ce 
sont  descjlindres  très  légèrement  coniques,  à  sommet  arrondi, 
ayant  0''22  de  hauteur  et  0~17  de  diamètre  &  la  base  comme 
l'indique  la  figure  suivante. 


Plg.  7.  —  Marteau  en  diorite 

trouvé  i  Djebel  Akinar. 

Étant  &  la  veille  de  mon  retour  en  France,  j'ai  remis,  à  un 
ami,  ces  curieux  spécimens  en  le  chaînant  de  donner  l'un 
des  deux  au  Musée  de  Boulak,  où  sa  place  était  naturellement 
marquée. 

Pour  que  ces  découvertes  m'aient  été  si  faciles,  il  faut 
bien  qu'il  existe  une  grande  quantité  de  ces  marteaux  au 


—  318  — 

r^ebel  Âkmar,  et  aussi  dans  lea  innombrables  carrières  ou- 
vertes par  les  anciens.  Il  est  probable  qu'il  a  existé  de  mftme 
des  ateliers  d'outils  en  pierre  partout  où  il  y  a  des  bancs  de 
silex  de  bonne  qualité.  Maintenant  que  les  paléoethnologues 
sont  avertis,  j'espère  que  les  découvertes  ne  se  feront  pas 
attendre. 

Notice  swffastedon,  par  MM.  Q.  Abnocld  et  de  Ii;A.DiGTiBS. 

Les  tranchées  faites,  dans  les  fortifications  d'Hastedon, 
lors  de  la  visite  des  membres  du  Congrès,  avaient  fourni 
quelques  données  sur  le  mode  de  construction  de  ces  anciens 
retranchements.  Les  fouilles  ont  étô  continuées  après  la  clô- 
ture du  Congrès  et  elles  ont  mis  en  évidence  des  faits  plus 
ïmportAnts. 

Le  but  de  la  présente  notice  est  de  signaler  l'ensemble  de 
ces  découvertes,  en  ce  qui  concerne  Hastedon,  et  de  les  rap- 
procher de  faits  analogues  que  nous  avons  pu  constater  dans 
d'avitres  localités  ;  notamment  dans  le  camp  de  Bonne,  près 
de  Modave. 

Soit  que  les  populations,  devenues  plus  nombreuses  pen^ 
dant  r&ge  de  la  pierre  polie,  aient  dû  abandonner  des  refuges 
trop  petits  pour  les  contenir,  soit  que  des  peuplades  envahis- 
santes aient  apporté  des  habitudes  étrangères  aux  premiers 
occupante,  ilestcertain  qu'à  l'ftge  de  la  pierre  polie,  l'homme, 
en  Belgique,  avait  presque  complètement  cessé  d'habiter  les 
e  fixer  plus  apécialement  sur  les  plateaux 


—  319  — 

vaux  de  défense,  mais  le  séjour  de  Thomme  y  est  atteste  par 
des  fragments  d'une  poterie  caractéristique  et  par  de  nom- 
breux silex  taillés  et  polis. 

Les  points  occupés  sur  les  plateaux  ont  une  disposition 
topographique  spéciale.  Situés  dans  le  voisinage  de  sources 
ou  de  cours  d'eau,  ils  présentent  une  surface  aride  et  ils  sont 
souvent  isolés,  sur  une  grande  partie  de  leur  pourtour,  par 
des  ravins  escarpés  qui  en  rendent  l'accès  difficile.  Un  isthme 
étroit  les  réunit  seul  aux  plateaux.  Ces  défenses  naturelles 
ont  été,  dans  plusieurs  cas,  complétées  par  des  retranche- 
ments. 

Le  camp  d'Hastedon  (PI.  80)  offre  cette  disposition  en 
presqu'île. 

Un  isthme  le  relie,  par  une  pente  douce,  au  plateau 
occupé  aujourd'hui  par  le  village  de  Saint  Marc,  et  il  n'a,  à 
sa  partie  la  plus  étroite,  que  75  à  78  mètres  de  largeur. 
Au  sud  et  à  l'ouest,  il  est  défendu  par  des  rochers  escarpés, 
s'élevant  de  35  à  40  mètres  au  dessus  du  ruisseau  du 
Houyoux  qui  en  baigne  les  pieds  dans  ces  deux  directions. 
A  l'est,  il  est  limité  par  un  ravin  profond  qui  se  prolonge 
jusqu'au  delà  de  l'isthme. 

Le  ruisseau  de  Rhisle,  tributaire  du  premier,  est  séparé  de 
ce  ravin  par  une  colline  qui  s'élève,  de  leur  confluent,  jus- 
qu'au plateau  de  Saint  Marc.  Un  étroit  vallon,  dans  lequel 
coule  le  Houyoux,  sépare  Hastedon  des  collines  qui,  sur  la 
rive  gauche  de  ce  ruisseau,  atteignent  la  hauteur  du  camp 
dans  les  directions  du  sud  et  de  l'ouest.  Les  collines  qui  bor- 
dent la  rive  gauche  du  ruisseau  de  Rhisle,  forment,  avec  les 
précédentes,  un  peu  en  aval  du  confluent  des  deux  cours 
d'eau,  une  gorge  étroite,  où  prend  naissance  le  vallon  dans 
lequel  les  ruisseaux  réunis  s'écoulent  vers  la  Meuse.  Le  pla- 
teau d'Hastedon  présente,  du  nord  au  sud,  une  pente  très 
faible  qui  s'accuse  également  de  l'ouest  à  l'est.  Du  centre 
du  plateau,  on  en  domine  tous  les  contours,  excepté  vers 
l'isthme  où  le  terrain  se  relève  suivant  la  pente  générale 


du  plateau.  La  superficie  du  camp,  mesurée  h  l'intérieur  des 
ratranchemeQta,  comprend  au  moins  13  hectares'. 

Les  objets  trouvés  sur  le  plateau  d'Hast^don  consistent  en 
poteries  anciennes,  en  médailles  romaines  et  Éa  une  très 
grande  quantité  de  silex.  Nous  croyons  rester  beaucoup  en 
dessous  de  la  réalité,  en  évaluant  à  dix  mille  le  nombre  de 
ces  silex  recueillis  dans  l'intérieur  du  camp.  Ce  chiffre 
dénote  évidemment  un  long-  séjour  des  populations  qui  ont 
fobriqué,  sur  tes  lieux,  une  partie  de  leurs  instruments.  Les 
résidus  de  la  taille  forment  environ  60  p.  c.  de  l'ensemble 
des  silex  trouvés,  les  couteaux  IBp.  c,  les  grattoirs  9  p.  c, 
les  débris  de  haches,  2  p.  c. ,  et  les  pointes  de  flèches,  2  p.  c. 
Trois  haches  entières  seulement  y  ont  été  trouvées,  mais  on 
en  rencontra  beaucoup  de  fragments  d'une  certaine  grosseur, 
qui  ont  souvent  servi  de  marteaux  ou  qui  ontété  transformés 
en  d'autres  instruments. 

La  plupart  des  outils  offrent  une  taille  extrêmement  soi- 
gnée. Les  planches  68,  69  et  70  permettent  d'en  juger. 

n  s'en  faut  de  beaucoup  que  le  camp  d'Hastedon  offrit,  il 
y  a  quelques  années,  le  même  aspect  qu'aujourd'hui.  On 
y  a  comblé  de  nombreuses  excavations,  pour  te  livrer  &  la 
culture. 

Des  murs  élevés  de  distance  en  distance,  avec  des  pierres 
provenant  des  retranchements,  eoatiennent,  sur  les  flancs  de 
la  colline,  des  jardins  ou  des  terrains  cultivés.  Ces  derniers 
ont  envahi,  depuis  longtemps,  les  versante  sud  et  est  du  - 
pour  les   agrandir,   on  a  enlevé,  sur  plusieurs 


—  321  — 

berge  de  la  prairie  étroite  qui  occupe  le  vallon,  n'a  que  0"80 
à  l'"00  de  hauteur,  on  admettra,  sans  peine,  que  le  vallon 
devait  être  marécageux,  lorsque  ces  cours  d'eau  avaient  un 
débit  plus  fort. 

Aux  défenses  naturelles  du  plateau,  les  habitants  d'Has- 
tedon  ont  ajouté  des  fortifications  qui  s'élevaient  sur  tout  son 
périmètre.  Les  membres  du  Congrès  ont  pu  constater  que  les 
tranchées,  pratiquées  dans  ces  retranchements,  offraient  un 
mélange  de  pierres  calcinées  de  diverses  grosseurs,  de 
charbon  de  bois  et  très  peu  de  débris  arénacés  (PI.  81).  L'en- 
semble était  recouvert  de  pierres  ne  présentant  pas  de  trace 
de  calcination. 

De  ces  faits,  on  pouvait  déjà  conclure  que  le  bois  et  la 
pierre  avaient  été  les  principaux  matériaux  de  ces  fortifica- 
tions, et  qu'aucun  mortier  n'en  reliait  les  différentes  parties. 
Les  fouilles,  continuées  pendant  le  mois  de  septembre  dans 
le  mur  sud  du  camp,  dans  le  fossé  et  dans  le  retranchement 
de  l'isthme,  ont  jeté  une  nouvelle  lumière  sur  leur  mode  de 
construction. 

Dans  le  retranchement  sud,  longeant  un  champ  cultivé, 
on  observa  un  grillage  composé  de  trois  pièces  de  bois, 
parallèles  aux  fortifications,  et  de  sept  traverses  perpendicu- 
laires aux  premières.  (PI.  8lbis).  Le  grillage  était  recouvert 
de  terres  et  de  petits  fragments  de  pierre,  sur  une  épaisseur 
de  0*25  k  0"*30  centimètres,  au  dessus  desquels  étaient  des 
amas  de  pierres  éboulées  du  retranchement  ou  provenant 
des  champs  cultivés  qui  s'étendent  sur  le  versant  de  la  col- 
line jusqu'à  30  centimètres  du  retranchement. 

Les  bois  étaient  carbonisés,  mais  nous  avons  pu  parfaite- 
ment mesurer  la  longueur  de  chaque  pièce,  leurs  distances 
respectives  et,  pour  quelques  unes,  la  largeur  de  l'emplace- 
ment que  chaque  pièce  occupait  encore. 

Dans  le  fossé  qui  coupe  l'isthme  et  dans  le  retranche- 
ment, nous  n'avons  découvert  que  de  l'argile  compacte  mêlée 
à  des  débris  de  charbons,  quelques  morceaux  de  poterie  très 


ancienne  et  quelques  pierres  de  petites  dimensions.  Ses 
habitants  de  la  localité  qui  ont  démoli,  il  7  a  30  à  35  ans,  le 
retranchement  en  cet  endroit,  nous  ont  affirmé  qu'il  était 
entièrement  composé  de  bois  calcinés  et  d'argile. 

Les  faits  que  nous  avons  constatés,  semblent  faire  remonter 
&  l'épdque  des  populations  gauloises,  les  retranchements 
d'Hastedon.  Le  grillage  découvert  est  semblable  à  ceux  dont 
les  Gaulois  se  servaient  dans  la  construction  de  leurs  oppi- 
dum et  décrits  par  César*.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à 
l'objection  que  les  traverses  dépassent  peu,  il  est  vrai,  la 
pièce  longitudinale,  ce  qui  ne  concorde  pas  avec  la  descrip- 
tion que  cet  auteur  a  donnée,  mais  nous  devons  rappeler 
que  le  versant  a  été  cultivé  jusque  près  de  cette  pièce  de 
bois,  ce  qui  a  db  en  faire  disparaître  les  traverses. 

Quant  k  l'emploi  de  trois  pièces  longitudinales,  au  lieu  de 
deux  que  César  indique,  il  est  motivé  par  un  versant  moins 
rapide,  et  par  une  dépression  du  sol,  circonstances  qui  ren- 
daient ce  point  plus  attaquable  et  qui  exigeaient  un  mur 
plus  élevé,  et  par  conséquent  plus  lai^.  Nous  pouvons 
ajouter  un  témoignage  important.  M.  Dinon  nous  a  affirmé 
avoir  vu,  il  y  a  longues  années,  sur  certains  points  d'Has- 
tedon, les  débris  de  deux  rangs  de  pièces  longitudinales, 
séparées  par  des  pierres  et  mises  à  jour  par  les  cultivateurs 
pour  agrandir  leur  culture,  aux  dépens  des  retranchements. 

De  toutes  les  anciennes  fortifications  connues  jusqu'à 
ce  jour  dans  cette  partie  du  pays,  le  camp  d'Hastedon 
ienle  rL'useinhle  le  plii^  i;oiii;i]et  di-'.'^ 


—  323  — 

donne  comme  emplacement  de  cet  oppidum,  une  partie  seu- 
lement de  la  citadelle  de  Namur,  qui  n'a  pas,  en  surface, 
les  trois  cinquièmes  de  la  superficie  d'Hastedon. 

Les  considérations  qui  tendent  à  faire  regarder  Hastedon 
comme  Toppidum  des  Atuatiques,  sont  les  suivantes  :  on  y 
trouve  les  défenses  naturelles  etTisthme  indiqués  par  César; 
sa  superficie  est  plus  grande  que  celle  des  autres  emplace- 
ments proposés  jusqu'à  ce  jour  (13  hectares);  les  fortifica- 
tions présentent  le  caractère  des  retranchements  gaulois 
décrits  par  le  général  romain;  une  ligne,  entourant  Has- 
tedon en  suivant  les  hauteurs  qui  bordent  la  rive  gauche 
du  ruisseau  de  Ehisle  et  qui  longent  la  rive  droite  du 
Houyoux,  puis  traversant  ce  ruisseau  pour  se  relever  vers  le 
plateau  de  Saint  Marc  en  suivant  la  colline  sur  la  rive 
gauche  du  Tienne  den  Pren,  et  se  reliant  enfin  à  son  point 
de  départ  très  peu  en  amont  de  la  fabrique  de  Ehisle,  com- 
porte le  même  développement  que  la  circonvallation  faite 
par  César  ;  elle  laisse,  en  outre,  entre  le  camp  et  cette  der- 
i^ière,  l'espace  nécessaire  pour  les  sorties  des  assiégés  et 
pour  les  combats  préliminaires  dont  il  parle. 

Après  avoir  fouillé  les  retranchements  d'Hastedon,  nous 
avons  été  portés  à  rechercher  si  les  fortifications  d'autres 
camps,  signalés  depuis  longtemps  dans  la  même  région, 
offraient  le  même  mode  de  construction. 

Nous  avons  pu  explorer  le  camp  de  Bonne,  commune  de 
Modave,  objet  des  recherches  antérieures  de  feu  Hauzeur, 
membre  de  la  Société  Archéologique  de  Namur.  La  destruc- 
tion moins  avancée  des  remparts  qui  le  défendaient  nous 
donne  l'espoir  que  des  investigations  étendues  projeteraient 
de  nouvelles  lumières  sur  ces  anciennes  fortifications. 

La  position  de  ce  camp  est  analogue  à  celle  d'Hastedon 
(PI.  82).  Défendu  au  sud,  à  l'ouest  et  au  nord  par  des 
rochers  abruptes  qui  baignent  leurs  pieds  dans  le  Hoyoux 
et  dans  la  Bonne,  il  n'est  relié  à  un  plateau  vers  l'est,  que 
par  un  isthme  très  étroit.  Sa  superficie  est  d'environ  4  hec- 


tares.  Ou  y  a  recueilli  une  grande  quantité  de  silex  taillés, 
de  la  poterie  et  des  médailles  romaines.  Â  l'extérieur,  se 
trouvent  de  nombreuses  excavations  disposées  par  lignes 


Deux  tranchées  y  ont  été  faîtes  dans  le  rempart  sud,  une 
dans  celui  de  l'isthme.  La  tranchée  la  plus  éloignée  de  l'isthme 
(FI.  83)  n'a  offert  qu'un  mélange  de  terre  et  de  pierres,  sans 
trace  de  calcination. 

Dans  la  plus  rapprochée  (à  100  mètres  environ  de 
l'isllime),  le  mfime  mélange  reposait  sur  des  pierres  cal- 
cinées et  sur  des  traces  de  charbon,  au  niveau  du  rocher. 
Sur  le  bord  de  ce  dernier,  s'élève  un  mur  en  maçonne- 
rie à  mortier,  avec  vestiges  de  parement  à  l'extérieur 
du  camp.  Les  moellons  calcaires  de  ce  mur  proviennent 
des  rochers  sur  lesquels  il  est  établi.  Au  pied  de  ce  mur,  on 
a  trouvé  desclous  rouilles,  en  fer  forgé,  longs  de  14  &  19  cen- 
timètres. Dans  le  retranchement  de  l'isthme,  assis  sur  les 
rochers,  s'élèvent  deux  murs  parallèles,  h  pierres  sèches,  cons- 
truits en  dalles  de  grès  de  4  &  9  centimètres  d'épaisseur, 
larges  de  40  à  50  centimètres,  et  d'une  longueur  variable. 
Tous  deux  présentent,  à  l'extérieur  du  camp,  un  parement 
demeuré  à  peu  près  vertical.  L'espace  compris  entre  ces 
murs  est  rempli  de  petita  fragments  de  pierres,  dont  un 
grand  nombre  ont  subi  une  calcination ,  et  cet  amas 
repose,  au  niveau  du  rocher,  sur  des  triices  nombreuses  de 
charbon.  Au  drasus  du  mur  intérieur,  gisent  les  débris 
d'une  maçonnerie  calcaire  semljlaWe  ii  celle  trouvée  dans  la 


—  325  — 

Des  médailles  romaines,  des  objets  en  bronze,  trouvés 
dans  le  camp  ou  dans  ses  environs,  indiquent  aussi  le  séjour 
de  populations  plus  récentes.  Les  rochers  escarpés,  défenses 
naturelles  du  camp,  au  sud,  à  Touest  et  au  nord,  les  ruis- 
seaux qui  en  baignent  les  pieds,  et  l'isthme  extrêmement 
étroit  qui  le  relie  à  la  colline,  désignaient  cet  emplacement 
comme  un  lieu  propre  à  servir  de  retraite. 

Les  traces  de  charbon  et  de  pierres  calcinées,  les  murs  en 
grès  à  pierres  sèches,  les  murs  en  maçonnerie  calcaire  à 
mortier  et  dans  les  débris  de  laquelle  on  retrouve  des  clous 
fortement  rouilles,  indiqueraient-ils  trois  espèces  de  fortifi- 
cations qui  se  sont  succédé? 

La  disposition  des  traces  de  charbon  est  la  môme  à  Bonne 
et  à  Hastedon.  Leur  gisement,  dans  la  première  localité,  en 
dessus  des  murs  à  pierres  sèches  et  en  maçonnerie,  porte  à 
croire  que  les  premiers  retranchements  de  ce  camp  étaient 
analogues  à  ceux  d'Hastedon. 

Des  fouilles  plus  étendues  pourraient  peut-être  jeter  quel- 
que jour  sur  l'époque  de  la  construction  des  murs  en  pierres 
sèches,  des  maçonneries  à  mortier,  et  sur  l'usage  des  clous 
que  Ton  rencontre  dans  ces  dernières. 

Le  camp  de  Jemelle  et  d'Olloy  (PI.  84  et  85)  offrent  cette 
particularité  que  l'isthme  est  défendu  par  deux  retranche- 
ments successifs,  laissant  entre  eux  un  assez  vaste  espace  où 
sont  creusées  un  grand  nombre  d'excavations.  Les  fossés  qui 
traversent  l'isthme,  et  des  amas  de  pierres,  disposés  régu- 
lièrement, indiquent  l'emplacement  de  ces  fortifications; 
mais  des  défenses  artificielles  n'existent  plus  sur  le  reste  du 
périmètre  de  ces  camps. 

La  rivière  de  la  Lomme  et  un  ruisseau  baignent  les  pieds 
du  premier  camp  au  nord  et  à  l'ouest  (PI.  84);  le  Viroin 
contourne  le  second  dans  les  mêmes  directions  (PI. 85). Dans 
tous  les  deux,  on  a  recueilli  des  silex  taillés,  et  dans  celui  de 
Jemelle,  un  fragment  de  meule  romaine  en  téphrine  d'Ander- 
nacht.  Jusqu'à  ce  jour,  aucune  fouille  n'a  été  faite  dans  les 

21 


ruines  de  retranchements  qui  existent  encore  dans  ces  deux 
camps. 

Sur  la  station  de  tâge  de  la  pierre  polie  de  Linciaux  (Ciney), 
par  M.  A.  Bbcqdet. 

Entre  les  gares  de  Ciney  et  de  Haversin ,  sur  le  chemin 
de  fer  du  LuxemlMurg,  le  terrain  se  développe,  comme  dans 
une  partie  du  Coudrez,  en  grandes  ondulations  dont  les 
collines  arrondies,  allant  du  sud-ouest  au  nord-est,  portent 
dans  le  pays  le  nom  de  ■  Tiges  > . 

A  l'extrémité  de  la  section  de  Linciaux,  qui  fait  partie  de 
la  commune  de  Ciney,  se  trouvent  une  maison  de  campagne 
et  une  ferme  appelées  le  •  Pays  de  Liège  » .  Elles  sont  bâties 
sur  un  c  Tige  » ,  d'où  l'on  jouit  d'une  vue  étendue  sur  les 
hauts  sommets  de  l'Ârdenne.  Tout  autour  de  la  ferme,  sur 
un  petit  plateau,  mais  surtout  vers  l'est  et  vers  l'ouest,  furent 
trouvés  une  grande  partie  des  silex  travaillés  quî  sont  indi- 
qués, au  Musée  archéologique  de  Namur,  sous  le  nom  de 
.  Silex  de  Linciaux  »  (PI.  71  et  72). 

n  serait  peut-être  difficile,  quant  ji  présent,  de  reconnaître 
les  raisons  qui  ont  pu  attirer  l'homme  de  l'âge  de  la  pierre 
polie  dans  cet  endroit.  Le  terrain  n'y  offre  nulle  part  d'es- 
carpements et  l'on  chercherait  en  vain,  dans  le  voisinage, 
un  point  où  l'homme,  s'aidant  de  la  configuration  du  sol, 
eut  pu  établir  des  travaux  de  défense.  Mais  plusieurs  belles 


—  327  — 

Stations  nouvelles  de  Vâge  de  la  pierre  polie  en  Belgique ^ 

par  M.  le  docteur  Cloquet. 

Nous  avons  Thonneur  de  signaler  au  Congrès  quelques 
stations  nouvelles  de  Tâge  de  la  pierre  polie  en  Belgique. 

Au  nord-ouest  du  village  d*Arquennes,  situé  dans  le  Hai- 
naut,  sur  la  limite  du  Brabant  et  près  de  la  lisière  de  l'an- 
cienne Forêt  Charbonnière,  s'élève  un  plateau  sableux  qui 
nous  a  fourni  de  nombreux  vestiges  de  cette  époque.  Les 
fouilles  ont  mis  à  découvert  des  silex  taillés  très  nombreux  et 
très  variés  de  forme  et  de  nature;  des  broyeurs  ou  concas- 
seurs  en  grès  ;  des  plaques  de  foyer  en  psammite  ;  une  quan- 
tité considérable  de  charbon  de  bois,  mélangé  avec  le  sol,  et 
enfin,  des  poteries  très  grossières,  faites  à  la  main,  tantôt 
cuites,  tantôt  simplement  durcies  au  soleil,  et  dont  la  pâte 
contient  des  fragments  de  quartz. 

Ce  plateau  est  entouré  de  chemins  creux.  D'accord  avec 
plusieurs  archéologues  distingués,  nous  le  considérons 
comme  un  véritable  oppidum j  lieu  de  refuge  ou  de  retraite. 

A  6  kilomètres  de  distance,  près  du  bois  de  la  Houssière, 
se  trouve  un  autre  plateau,  très  vaste,  dont  les  trois  sommets, 
comparables  à  autant  de  bastions,  commandent  les  vallées 
voisines.  Ces  trois  éminences  sont  Notre  Dame  de  Grâce, 
l'Observatoire  et  Virginal  Samme.  Ici  encore  des  chemins, 
profondément  ravinés,  entourent  les  retranchements.  Entre 
Virginal  et  Eonquières,  au  dessus  du  Bois  des  Roches,  existe 
un  plateau  qui  semble  avoir  été  un  fort  avancé  de  la  même 
station.  Dans  toutes  ces  localités,  nous  avons  trouvé  de  nom- 
breux silex. 

Une  colline  de  sable,  nommée  Troupette  à  z'arires  et 
située  entre  Manage,  Fayt  et  Bois  d'Haine,  présente  un 
grand  nombre  de  silex  disséminés  à  la  surface  du  sol. 

Des  échantillons  intéressants  de  ces  instruments  primitifs 
de  l'homme  ont  été  rencontrés  dans  les  environs  des  com- 
munes de  Buzet,  Obaix,  Rêves,  Frasnes  lez  Gosselies,  dans 


le  canton  de  Seneffe;  d'Écaussines  et  d'Horrues,  dans  le 
canton  de  Soigniea;  de  Saint  Gilles  et  de  Woluwe  Saint 
Lambert,  près  de  Bruxelles  ;  de  Braine  Lalleud  et  Beaulers , 
dans  le  canton  de  Nivelles. 

L'oppidum  du  bois  de  la  Garenne  n'est  qu'à  trois  kilo- 
mètres de  Nivelles  et  cette  ville  elle-même  a  été  considérée, 
par  quelques  auteurs,  comme  ayant  été  la  résidence  des  chefs 
Nerviens.  Près  de  ces  localités,  commence  la  vallée  de  la 
Dyle.  Nous  l'avons  parcourue  jusqu'au  delà  deWavre,  et  nous 
avons  trouvé  des  instruments  en  pierre  à  La  Hutte  (Wajs), 
près  de  Genappes,  à  Court  Saint  Etienne,  près  du  Ch&teau  de 
la  Barsette,  à  Wavre,  et  sur  les  collines  de  sable  de  Gastuche. 

Enfin,  nous  avons  reconnu  les  marques  du  travail  de 
l'homme  au  milieu  des  amas  considérables  de  silex  brisés  qui 
recouvrent  tous  les  terrains  des  bords  de  la  Sambre,  entre 
CharleroietTbuin. 

Comme  on  le  voit,  les  peuples  qui  habitaient  la  Bel- 
gique, à  l'époque  de  la  pierre  polie,  s'établissaient  dans  les 
mêmes  conditions  que  les  peuples  contemporains  du  centre 
de  la  France.  Ils  se  fixaient  de  préférence  sur  des  plateaux 
dénudés,  stériles  et  offirant  de  vastes  clairières.  Ces  peuples 
évitaient  ainsi  de  pénibles  défrichements.  Quelques  retran- 
chements en  terre,  quelques  blocs  de  pierre  superposés,  suffi- 
saient pour  compléter  le  système  de  défense  des  forts  naturels 
qui  leur  servaient  de  refuge.  De  ces  éminences,  les  regards 
embrassent  un  vaste  horizon;  les  attaques  d'un  ennemi 
étaient  iirôvucri  rt  puuvaiout  L^lre  si;j:nalL'L's  aux  habitants  de^ 


—  329  — 

instruments  sont  tous  de  petites  dimensions  et  contrastent, 
par  ce  caractère,  avec  ceux  de  Spiennes  qui  sont  tous  de 
dimensions  assez  grandes.  L'exiguité  de  ces  objets  fut  pro- 
bablement causée  par  la  diflEiculté  avec  laquelle  ces  tribus  se 
procuraient  la  matière  première.  En  effet,  elles  employaient, 
conjointement  avec  le  silex  de  Mons,  les  cailloux  roulés  et 
les  roches  qu'elles  trouvaient  sur  les  lieux  mêmes. 

Ainsi  le  phtanite,  le  phyllade,  le  quartzite,  le  psammite 
dévonien  et  le  calcaire  anthraxifère ,  bien  que  d'un  travail 
difficile  et  d'une  résistance  peu  considérable,  étaient  égale- 
ment utilisés.  Nous  avons  même  trouvé  des  pierres  retaillées 
après  la  formation  d'une  première  patine,  fait  que  M.  Cornet 
nous  a  dit  avoir  aussi  constaté. 

Des  molettes  en  grès  que  nous  avons  recueillies,  montrent 
la  ressemblance  la  plus  complète  avec  celles  des  cités  lacus- 
tres de  la  Suisse. 

Cette  similitude  tend  à  faire  attribuer,  aux  peuples  de  cette 
époque,  ce  même  caractère  nomade  que  l'on  observe  encore 
de  nos  jours  chez  les  sauvages,  et  qui  détermine  également, 
chez  ces  derniers,  une  grande  uniformité  dans  leurs  outils  et 
leurs  mœurs. 

Recherches  préhistoriques  et  historiques  dans  la  Capitanate, 
par  M.  le  capitaine  Angelo  Angelucci. 

La  sixième  session  du  Congrès  m'offre  une  heureuse  occa- 
sion de  résumer  ici  les  explorations  que  je  viens  d'entrepren- 
dre dans  l'ancienne  Apulie,  dans  la  région  appelée  Daunia, 
aujourd'hui  la  Capitanate.  Je  diviserai  ce  résumé  en  deux 
parties  :  l'âge  préhistorique  et  l'âge  historique. 

Age  préhistorique,  —  Le  4  avril,  en  compagnie  de  M.  le 
professeur  Nigri,  je  visitai  le  lac  de  Salpi  {Salapina  palus), 
à  60  kilomètres  nord-est  de  Foggia.  Cependant  je  n'espérais 
pas  y  trouver  de  palafittes,  parce  que,  jusqu'aux  temps  his- 
toriques, ce  lac  n  a  été  qu'une  baie  de  la  mer  Adriatique  où 


330  — 


s'élevait  l'ancîeDne  Satapia.  Salapia,  aujourd'hui  détruite, 
était  le  débouché  commercial  de  Cauosa  (Canusium)  et  de  la 
ville  d'Ârpi  qui  n'existe  plus.  Le  lac  de  Salpi  a  une  profon- 
deur de  0"^0;  à  aon  pourtour,  les  eaux  sont  si  basses  que  les 
batauxà  fond  plat  ne  peuvent  s'approcher  du  rivage.  Près 
de  l'emboucliure,  M.  Nigri  trouva  un  silex  taillé  ;  je  recueillis 
moi-même  un  cailloux  en  grès.ovale  etaplati.avec  une  échan- 
crure  circulaire  sur  le  petit  diamètre  et  eu  tout  semblable  à 
deux  pierres  venues  d'Amérique  que  le  Musée  d'Artillerie 
possède.  Un  objet  analogue  se  trouve  aussi  figuré  dans  le 
catalogue  illustré  du  Musée  de  Copenhague  (Nordisie  Old- 
sager),  faxM.WoKaae,  pi.  18,  fig.  88. 

Cette  trouvaille  me  donna  l'idée  que  je  n'étais  pas  loin  d'une 
station  d'hommes  de  l'âge  de  la  pierre.  J'appris  en  effet  que, 
l'anoée  précédente,  pendant  une  crue  du  lac,  les  eaux,  se 
précipitant  vers  l'embouchure,  y  avaient  mis  à  découvert 
300  pieux  dont  les  têtes  avaient  40  centimètre  de  diamètre. 
J'en  conclus  à  l'existence  de  palafittes  en  cet  endroit. 

Peu  de  temps  après,  j'appris  que  des  silex  ouvrés  avaient 
été  trouvés  sur  le  promontoire  Gargano  et  je  me  rendis  & 
San  Marco  in  Lamis  au  nord-est  de  Foggia.  San  Marco  est 
situé  dans  une  gorge,  sur  le  penchant  méridional  d'une  mon- 
tagne du  groupe  de  Gargano,  lequel  est  entièrement  formé 
de  calcaire  compacte  et  isolé  comme  s'il  fut  sorti  du  sein  de 
la  mer.  Je  cherchai  néanmoins,  tout  en  gravissant  la  hau- 
teur à  l'est  de  San  Marco,  espérant  rencontrer  des  silex 


—  331  — 

faite,  à  mon  insu,  par  M.  le  docteur  Bosa,  pour  les  stations 
découvertes  par  lui  dans  les  vallées  délia  Vibrata. 

Sur  la  contre-pente,  on  trouva  une  hache  en  silex  blond 
(PI.  I,  n**  1,  de  mes  RicercJie  preistoriché).  Je  nose  me  pro- 
noncer sur  l'époque  de  cette  hache,  trouvée  à  fleur  de  terre 
et  semblable  à  celles  d'Abbeville.  Dans  le  même  champ, 
je  recueillis  aussi  52  exemplaires  de  couteaux  et  pointes  de 
javelots  brisés  ou  entiers;  38  objets  du  môme  genre  furent 
trouvés  par  d'autres  personnes,  ainsi  qu'un  couteau  retouché. 
Enfin,  à  Tre  Querci,  sur  le  territoire  de  San  Nicandro, 
on  trouva  d'autres  silex.  Je  ne  doutai  plus  qu'il  y  eût  eu,  aux 
environs,  un  atelier  de  fabrication  de  silex  ou  une  station 
humaine,  et  je  dirigeai  mes  explorations  vers  la  partie 
septentrionale  du  promontoire.  Ajoutons  que  de  Carpino  à 
Vico,  on  trouve  du  silex  en  bancs  et  en  rognons;  on  en  fait 
du  macadam  pour  la  réparation  des  routes.  Passant  d'abord 
à  Varisce,  j'y  recueillis  une  douzaine  de  silex  ouvrés.  A  Sca- 
rica  Farina,  dans  un  champ  labouré,  je  trouvai  plus  de 
cent  objets  :  silex,  haches,  pointes  de  lances,  couteaux  et 
grattoirs.  Le  lendemain,  à  laMaddalena,  près  de  Vico,  mon 
guide  découvrit  une  hache  taillée  en  amande  et  recouverte 
d'une  patine  blanchâtre.  Sur  une  hauteur  voisine,  nous  trou- 
vâmes, en  très  peu  de  temps,  deux  cents  silex  taillés,  presque 
tous  recouverts  de  patine.  Il  y  avait,  parmi  les  objets,  des 
haches  de  différentes  formes ,  des  pointes  de  lances,  des  cou- 
teaux, des  nuclei  travaillés,  retouchés,  etc. 

En  ce  qui  concerne  les  silex  taillés  en  général,  je  suis 
d'avis  que  le  mode  de  travail  ne  suffit  pas  pour  en  fixer 
l'époque,  sans  le  concours  de  quelque  autre  circonstance, 
telle  que  le  gisement  ou  les  restes  d'une  faune.  On  pourrait 
en  conclure  que  les  silex  taillés  du  Largo  del  Cotino  et  de 
Carpino  peuvent  ne  pas  être  de  la  période  paléolithique, 
parcecju'ils  ont  été  trouvés  à  fleur  de  terre,  mais  il  n'en  est 
pas  ainsi.  Loin  de  là,  ces  objets  pour  la  plupart  portent  avec 
eux  la  preuve  la  plus  certaine  de  leur  ancienneté  dans  la 


patine  qui  les  recouvre,  patine  produite  par  Taction  de  nom- 
breux siècles.  Cette  patine  vaut  pour  moi  le  gisement  des 
hachea  d'Atbeville.  J'espère  qu'on  partagera  mon  opinion, 
quand  je  dirai  que  les  instruments  et  les  armes  en  silex 
taillés,  trouvés  à  Gargano,  sont  paléolithiques  et  qu'il  faut 
reconnaître,  pour  leurs  ouvriers,  les  autochtliones  ou  abo- 
rigènes, sinon  de  toute  l'Italie,  au  moins  des  régions  méri- 
dionales de  la  Péninsule. 

Mes  dernières  recherches  furent  faites  sur  le  versant  est 
du  Gargano  à  Monte  San  Ângelo.  Bien  que  le  silex  s'y  trouve 
abondamment  en  bancs  et  en  rognons  d'une  p&te  très  fine, 
je  n'y  ai  trouvé  que  deux  pointes  de  flèches, 

A  Matinata,  j'ai  recueilli,  dans  un  champ,  quelques  lames, 
de  couteaux,  des  nuclei,  des  racloirs,  et£.,  plus  une  jolie^ 
flèche  barbelée  qui  me  fut  donnée  par  l'archiprêtre  du  vil- 
lage. Ce  champ  est  situé  dans  une  vallée  au  pied  d'une  mon- 
tiigne  de  silex,  le  Monte  Klice,  corruption  du  latin  Mons 
Silicis,  d'où  les  ouvriers  tiraient  le  silex  pour  fabriquer  des 
pierres  à  fusil.  Cependant,  malgré  d'activés  recherches,  je 
n'y  ai  pas  constaté  de  silex  travaillés. 

Age  historique.  —  J'ai  fouillé  des  tombeaux  à  Ordona, 
petit  village  situé  sur  une  colline  vis  à  vis  de  l'Herdonia  des 
anciens.  Tous  les  environs  de  l'ancienne  enceinte,  au  nord,  & 
l'est  et  à  l'ouest,  forment  une  vaste  nécropole.  Les  tombeaux 
sont  creusés  sous  un  banc  de  calcaire  tendre,  appelé  Crosta 
dans  le  pays,  ou  dans  une  agglomération  de  gravier,  ou  dans 
\efi   s^ilili>riiiii''ivs.  {Ji)cli-|iir<-iiii^  .le  c>:^  r,.in)>r 


—  333  — 

des  fers  de  javelots,  des  essieux,  le  tout  en  fer.  Par  ceci,  nous 
voyons  que  les  armes  défensives  sont  en  bronze,  tandis  que 
les  armes  offensives  sont  en  fer,  circonstance  qui  me  semble 
mériter  Tattention.  On  v  a  trouvé  aussi  des  ornements  et  ob- 
jets  de  parure:  bagues^  fibules,  colliers,  diadèmes  en  fer,  en 
bronze,  en  terre  cuite  émaillée,  en  argent,  en  ambre;  enfin 
dés  bassins  ou  boucliers  —  peut-être  Tumbelle  (umbo)  —  en 
tôle  de  bronze,  cassés  et  presque  méconnaissables.  J'ai  vu  les 
firagments  d*une  fibule  composée  de  deux  disques,  formés 
chacun  d'une  espèce  de  volute  en  fil  de  bronze  et  placés  Tun 
en  sens  contraire  de  Tautre.  On  peut  en  voir  la  figrure  dans 
les  groupes  de  fibules  méridionales  et  précisément  dans  celui 
de  Hallstatt,  publié  par  notre  honorable  collègue  M.  le  doc- 
teur Hans  Hildebrand. 

A  Ischitella  et  à  Matinata,  j'ai  visité  des  hypogées  taillés 
dans  la  roche  calcaire.  Il  s'en  trouve  quatre  à  Ischitella  ap- 
pelés Grottes  des  Payens;  Ton  deux  est  figuré  à  la  plan- 
che ni  de  mon  ouvrage.  Les  tombeaux  taillés  dans  la  roche 
sont  de  forme  parallélipipède  de  1"77  de  longueur,  0"45  de 
largeur  et  0"38  à  O^éO  de  profondeur.  Le  couvercle  était 
formé  d'une  dalle  de  la  même  pierre,  mais  ces  couvercles 
n'existent  plus  :  les  tombeaux  ayant  été  dépouillés. 

Les  deux  hypogées  de  Matinata  n'ont  pas  un  plan  régulier 
comme  ceux  mentionnés  plus  haut,  mais  les  tombeaux  ont 
les  mêmes  formes  et  dimensions.  De  ces  hypogées,  provient 
un  petit  trophée  militaire  en  bronze  que  je  crois  être  de 
l'époque  romaine. 

Sur  la  langue  de  terre  qui  sépare  le  lac  Varano  de  la  mer, 
l'Isola,  on  a  découvert,  en  labourant,  quelques  tombeaux  dont 
je  possède  plusieurs  objets  :  une  pointe  de  lance,  des  fibules  et 
trois  épingles  à  cheveux.  D'autres  objets  en  bronze  ou  en  fer 
ont  également  été  trouvés  en  labourant  un  champ  à  Mont 
'Enaro,  sur  le  territoire  de  San  Marco  in  Lemis. 


iSw  des  antiquités  trouvées  dans  l'tte  d'Ostromo, 
par  M.  le  comte  Wbsibrski. 

J'habite  le  Grand  Duché  de  Posen,  sur  ia  frontière  russe, 
près  de  Gnesen,  l'ancienne  capitale  des  rois  de  Po]og:ne.  J'y 
possède  des  terres  et  une  Ue  lacustre  d'eaviron  430  arpents 
de  Prusse.  Cette  lie,  nommée  Ostrowo,  n'a  pas  été  cultivée 
depuis  des  siècles  ;  du  moins  on  n'y  voit  pas  de  traces  de  cul- 
ture. Elle  renferme  une  quantité  de  crânes  et  d'ossements 
humains,  ainsi  que  des  ossements  de  divers  animaux,  notam- 
ment de  Sanglier,  de  Cerf,  de  Cheval,  de  Bœuf,  etc.  J'y  ai 
trouvé  aussi  des  débris  d'urnes  d'une  épaisseur  énorme. 

Le  chroniqueur  Anonimus  de  Silésie  rapporte  qu'au  sei- 
zième siècle,  on  rencontrait,  dans  cette  Ue,  d'anciennes  ruines; 
il  présume  qu'elles  appartenaient  au  Caslrum  in  Ostow  où  le 
roi  Boleslas  I"  reçut,  vers  l'an  1000,  l'empereur  Otton  III, 
venu  à  Gnesen  pour  visiter  le  tombeau  de  Saint  Albert. 

La  structure  de  ces  ruines  est  très  curieuse.  Elles  sont 
formées  de,  pierres  d'une  grandeur  énorme,  taillées  en  hexa- 
gone. Les'  décorations  sont  faites  d'une  pierre  qui  ne  se 
trouve  pas  dans  notre  pays  et  qu'on  nomme  en  Italie  Tra- 
vertino.  J'ai,  en  outre,  trouvé  dans  l'île  beaucoup  d'objets 
ressemblant  à  ceux  que  j'ai  vus,  dans  le  Musée  de  Bologne, 
porter  l'indication  «  Ossa  lavorate  di  piccola  cassetta  trovati 
a  Certosa  i  ;  un  peigne  ornementé ,  ainsi  que  des  tibias,  qui 
.servirait  -niriciiiii'iiiPiil  <!i.'  troiniK'ttcs. 


—  335  — 

n  y  a  deux  ans,  j'ai  envoyé  à  M.  le  professeur  Virchow 
plusieurs  crânes  provenant  de  cette  île.  Il  croit  qu'un  de  ces 
crânes  pourrait  être  de  race  slave  et  un  autre,  de  race  ger- 
manique, mais  il  ajoute  que  chez  d'autres  on  pourrait  y  voir 
le  typetartare  ou  mongole. 

Vestiges  de  Vexistence  de  Thomme  préhistorique  e7i  Grèce, 

par  M.  le  baron  von  Dûckeb. 

Me  trouvant  en  Grèce  Thiver  dernier,  j'ai  profité  de 
Toccasion  pour  rechercher  s'il  existe  des  traces  de  Thomme 
préhistorique  dans  ce  pays,  si  favorisé  par  la  configuration 
de  ses  côtes  et  par  son  climat.  Je  fus  obligé  de  subir  la  qua- 
rantaine dans  Tîle  de  Saint  Georges,  qui  est  l'ancienne  île  de 
Platée  dans  le  golfe  de  Salamine  et  j'y  ai  trouvé,  sur  la  côte 
méridionale,  un  amas  de  coquillages  appartenant  principale- 
ment à  une  espèce  de  Murex  qui  est  encore  commune  dans 
la  Méditerranée.  Ces  coquillages  étaient  tous  brisés  de  la 
môme  façon,  par  des  coups  de  pierre,  pour  en  extraire  le 
mollusque.  L'amas  mesurait  de  20  à  30  mètres  de  long,  sur 
10  à  20  mètres  de  large  et  2  à  3  mètres  de  haut. 

J'y  fis  quelques  fouilles,  à  la  profondeur  d'un  mètre 
environ,  qui  me  firent  découvrir,  au  milieu  des  coquillages, 
un  assez  grand  nombre  de  pierres  qui  sans  doute  avaient 
servi  à  les  casser.  J'y  trouvai  aussi  des  débris  d'une  poterie 
très  simple,  décorée  de  stries  et  de  points.  Le  savant  profes- 
seur d'archéologie,  M.  Rousopoulos,  d'Athènes,  la  reconnut 
comme  étant  antérieure  à  la  poterie  de  l'époque  historique 
de  la  Grèce.  Il  y  avait  en  outre  un  éclat  de  quartz  usé,  pro- 
venant d'une  roche  étrangère  à  l'île. 

Ces  débris,  accumulés  sur  un  point,  m'ont  porté  à  sup- 
poser que  c'était  un  kjoekkenmoedding  préhistorique,  c'est 
à  dire,  datant  d'une  période  antérieure  à  l'histoire  de  la 
Grèce. 

Plus  tard,  arrivé  à  Athènes,  j'y  vis,  dans  la  collection 


—  336  — 


d'uD  anglais,  U.  Finlay,  plus  de  300  outila  en  pierre, 
dont  le  plus  grand  nombre  se  composait  de  haches  en 
pierre  polie,  de  pointes  de  flèches  et  de  petites  lames  en 
obsidienne.  Ces  haches  ne  surpassent  que  rarement  la  lon- 
gueur de  6  à  8  centimètres  sur  3  à  5  centimètres  de  largeur 
et  2  à  3  centimètres  d'épaiaseur  ;  l'un  de  leurs  bords  est  tran- 
chant, l'autre  est  arrondi  en  forme  de  cône. 

Quant  h  la  nature  de  pierres,  elles  sont  en  schiste  siliceux 
noir,  en  minerais  de  fer,  en  quartz  vert,  ressemblant  &  la 
néphrite,  en  gneiss,  et  quelques-unes  très  petites  sont  même 
en  caméole.  Ces  substances  sont  pour  la  plupart  connues  en 
Grèce  :  le  sUex  y  est  trte  rare. 

H.  Finlay,  qui  habite  la  Grèce  depuis  la  guerre  de  l'indé- 
pendance, a  commencé  à  recueillir  cette  collection,  il  y  a 
36  ans,  et  par  conséquent  il  fut  un  des  premiers  qui  ont 
porté  leur  attention  sur  les  objets  de  cette  nature.  Il  a  trouvé 
la  plupart  des  haches  dans  les  mains  des  paysans  qui  y  atta- 
chent souvent  des  idées  superstitieuses;  d'un  autre  côté,  il  a 
trouvé  lui-même  beaucoup  d'éclats  d'obsidienne  dans  diffé- 
rentes parties  de  la  Grèce. 

Pendant  mes  excursions  dans  l'Âttique  et  dans  l'Archipel, 
je  n'ai  trouvé  que  quelques  petits  éclats  d'obsidienne  près 
d'Athènes  et  dans  111e  de  Naxos.  Dans  une  petite  baie  près  de 
la  ville  de  Naxos,  j'ai  reconnu  les  preuves  d'un  soulèvement 
du  sol,  dénoté  par  plusieurs  terrasses  superposées,  représen- 
tant autant  d'anciennes  plages.  Les  outils  en  pierre  éclatée 
:■  la  pbiCT  artiielle,  msn^  i^iir  \ef 


—  337  — 

•Tai  obtenu,  tant  par  cadeaux,  que  par  achat,  une  petite 
collection  de  haches  du  môme  genre  que  celles  de  M.  Finlay, 
ainsi  que  des  lances  et  des  nuclei  en  obsidienne,  provenant 
de  l'île  d'Eubée,  de  la  plaine  de  Marathon  et  surtout  des 
environs  de  Missolounghi. 

Je  regrette  infiniment  de  ne  pouvoir  présenter  cette  col- 
lection au  Congrès,  mais  les  caisses  qui  la  renferment,  par- 
ties du  Piréele  5  mai,  ne  me  sont  pas  encore  parvenues.  Le 
Musée  d'Athènes,  ainsi  que  MM.  Rousopoulos  et  de  Heldreich 
possèdent  des  collections  du  même  genre. 

Le  silence  des  auteurs  classiques  sur  ces  outils  autorise  à 
croire  qu'ils  leur  étaient  inconnus  ou  du  moins  qu'ils  ne  les 
appréciaient  pas,  et  par  conséquent,  qu'ils  peuvent  être  con- 
sidérés comme  réellement  préhistoriques  et  datant  de  l'âge 
de  la  pierre  polie. 

M.  WoRSAAE.  Nous  possédons  au  Musée  ethnographique 
de  Cîopenhague  plusieurs  objets  en  pierre  provenant  de  la 
Grèce.  Il  y  a  notamment  de  très  petites  haches  dont  le  type 
est  particulier  ;  l'une  d'elles  se  rapproche  du  type  espagnol  et 
italien,  mais  elle  diffère  du  type  Scandinave.  Je  crois  donc 
qu'on  pourrait  arriver  à  tracer  successivement,  pour  les  dif- 
férents pays,  le  développement  des  instruments  pendant 
l'âge  de  la  pierre. 

J'aurai  peut-être  l'occasion  de  revenir  sur  les  différences  très 
prononcées  qui  existent  entre  les  divers  monuments  de  l'âge 
de  la  pierre.  Ces  différences  pourraient  permettre  de  suivre 
peu  à  peu  la  marche  des  populations  de  ces  temps  reculés, 
depuis  la  Méditerranée  jusqu'au  Nord. 

Sv/r  des  instruments  en  pierre  provenant  du  Japon,  par 

M.  le  marquis  de  Vibra ye. 

Les  instruments  de  pierre  qui  font  aujourd'hui  l'objet  de 
cette  note,  proviennent  d'envois  successifs  que  je  dois  à 
l'obligeance  de  M.  le  D' Savatier,  médecin  de  !'•  classe  de  la 


marine  françaîae,  attaché  depuis  1866  à  l'areenal  d'Iokoska. 
L'intéressante  communication, faite  par  M.  Franks,  au  Con- 
grès de  Norwich,  sur  le  même  sujet,  me  dispense  de  rien 
ajouter  sur  l'origine,  l'usage  et  le  symbolisme  de  ces  objets, 
qu'ils  proviennent  de  la  Chine  ou  du  Japon.  Toutefois,  il  n'est 
pas,  àmon  sens,  inutile  de  compléter,  en  y  ajoutant  quelques 
nouveaux  détails,  les  descriptions  précédemment  données 
par  von  Siebold,  Mohnike  et  M.  Franks  lui-même,  puisque 
les  objets  dont  je  présente  ici  la  reproduction  photogra- 
phique, n'ont  jamais  éié  ni  vus,  ni  décrits'. 

Les  pierres  travaillées,  recueillies  au  Japon  parM.  Savatier 
et  qui  font,  dès  à  présent,  partie  de  ma  collection  et  de  celle 
de  M.  de  Rochebrune,  d'Angouléme,sont  au  nombre  de  86. 
Je  crois  devoir  provisoirement  les  classer  d'après  leurs  for- 
mes et  leur  usage  présumé  :  haches  polies,  28;  hachettes  ou 
très  probablement  amulettes  en  forme  de  haches,  32;  pointes 
de  flèches,  17  ;  pointes  de  lances,  2;  éclats  peu  retouchés,  2; 
objete  divers,  5. 

Les  haches  de  la  1"  catégorie  sont  de  formes  très  variées. 
Les  unes  peuvent  être  IdentiSéea  à  celles  que  nous  rencon- 
trons communément  en  Europe  dans  les  stations,  les  ateliers, 
et  les  sépultures  de  Tépoque  aujourd'hui  qualifiée  de  mégali- 
thique. D'autres  s'en  écartent  visiblement;  au  lieu  d'être 
régulièrement  terminées  en  coin,  elles  sont  plus  générale- 
ment tronquées  au  sommet.  Un  petit  nombre  se  rapprochent 
de  la  forme  quadrangulaire  ;  ce  dernier  type  rencontre  des 
diii]s  coi-taiiiL's  liaclies  ilf  pruvciiitin'o  nie^icaine  et 


—  339  — 

peine  15  millimètres  de  longueur,  sur  7  ou  8  millimètres  de 
largeur.  Il  est  évident  qu'en  raison  de  Texiguité  de  leurs 
dimensions,  elles  ne  peuvent  avoir  été  d'aucune  utilité  pra- 
tique. Plusieurs  de  ces  hachettes  sont  percées  d'un  trou 
destiné  sans  aucun  doute  à  les  suspendre  en  guise  d'orne- 
ment. Chez  l'une  de  ces  hachettes,  que  j'ai  l'honneur  de 
présenter  à  l'examen  du  Congrès,  la  perforation  est  opérée 
dans  le  sens  de  sa  largeur,  ce  qui  permettait  à  ce  bijou  de 
s'étaler  à  plat  sur  le  cou  de  son  bienheureux  possesseur. 

Presque  tous  les  types  connus  de  flèches  sont  représentés 
dans  l'envoi  de  M.  Savatier.  Quelques  unes  sont  pourvues 
d'un  pédoncule  et  de  deux  ailerons  latéraux  (PI.  13,  fig.  3); 
d'autres  sont  triangulaires  avec  un  seul  prolongement  en 
forme  de  queue  (Id.,  fig.  4);  plusieurs  enfin  présentent  à  la 
base  une  échancrure  plus  ou  moins  profonde,  sans  trace  de 
pédoncule  (Id.,  fig.  5  et  6);  ce  sont  invariablement  les  plus 
délicatement  travaillées.  Il  existe  un  autre  type  qui  paraît  se 
rencontrer  assez  communément  et  dont  M.  Franks  fait  aussi 
mention.  Ce  sont  des  pointes  allongées,  fusiformes,  con- 
vexes et  retouchées  à  petits  coups  sur  les  deux  faces.  Cette 
forme  passe,  au  moyen  de  nombreux  intermédiaires,  à  la 
flèche  en  losange,  dont  M.  Savatier  m'a  fait  parvenir  un  cer- 
tain nombre  de  spécimens. 

La  pointe  de  lance  (PI.  14,  fig.  1),  comme  la  photographie 
permettra  d'en  juger,  est  fort  belle  et  mesure  0"14  de  lon- 
gueur sur  0™03  de  largeur.  Son  pédoncule,  de  2  centimètres, 
en  est  habilement  séparé  par  deux  entailles. 

Je  dois  encore  citer  un  éclat  en  silex  brun  passant 
au  jaspe,  dont  je  ne  retrouve  pas  la  matière  analogue  en 
Europe;  il  est  assez  finement  retouché  sur  les  bords  et  tran- 
chant au  sommet  ;  sa  base  est  pourvue  d'une  double  échan- 
crure et  d'un  assez  long  pédoncule.  Je  ne  saurais  douter  que 
ce  ne  soit  l'extrémité  d'une  lance,  dont  j'ai  du  reste  dans 
ma  collection  l'analogue  en  obsidienne  encore  pourvue  de  sa 
hampe  de  bois. 


Je  dois  encore  mentioaner  un  instrument  (PI.  13,  fi^.  3), 
sorte  de  hache  épaisse  en  jade  vert,  échancrée  en  V  renversé 
dans  le  tiers  de  aa  longueur;  ce  n'est  point  une  arme  ;  c'est 
peut-être  un  outil,  ou  même  uue  amulette. 

Toutes  les  pointes  de  lances  et  de  flèches  sont  en  silex,  en 
quartz  résinite,  en  grès  lustré  ;  une  seule  est  en  obsidienne 
noire,  substance  fort  commune  au  Japon  comme  chacun 
peut  le  savoir.  La  matière  dont  on  a  fait  usage  pour  la 
fabrication  des  haches,  est  aussi  diverse  que  leurs  formes. 
Néanmoins  le  jade  vert  ou  blanc  prédomine.  J'en  possède 
quelques  unes  en  aphanite,  en  diorite,  en  pétrosiles  et  mâme 
en  obsidienne.  M.  Damour  a  bien  voulu  se  charger  d'exa- 
miner celles  d'un  premier  envoi.  C'est  d'après  lui  que  j'ai 
tracé  le  tableau  suivant  établissant  la  densité  d'un  certain 
nombre  d'entre  elles. 


Jade  noir  (n°  15)  .     .     .  2.85 

Jade  noir 2.87 

Jade  noir 2.88 

Jade  bleu&tre  ....  2.92 

Jade  brun  (n"  16) .     .    .  2.92 

Jade  noir 2.94 


Jade  bleuâtre  (n"  13).     .  2.95 

Jade  gris 2.96 

Jade  brun-jaune  (n"  20).  2.96 

Jade  vert  (m  12)  .     .     .  2.99 

Jade  vert-olive  (n»  27)  .  3.02 

Diorite  (a»  26) .    .    .    .  3.04 


La  provenance  de  ces  divers  instruments  ne  saurait  être 
précisée.Toutesles  haches  et  hachettes  furent  acquises  à  Yédo, 
sur  l'indication  de  M.Shioda  Sabouro,  interprète  de  la  léga- 
tion françai.se.  ha  aériL^  do  fit-che-s  provient  ('gaiement  d'Yédu 


—  341  — 

raison  de  l'ignorance  où  nous  sommes  de  l'histoire  de  ce  pays , 
un  synchronisme ,  fut-il  provisoire ,  est  plus  diflEicile  à  éta- 
blir que  partout  ailleurs.  M.  Franks  cite  les  livres  de  Confu- 
cius  en  ce  qui  concerne  la  Chine;  au  Japon,  M.  Savatier  n'a 
pu  se  procurer  que  des  renseignements  extrêmement  vagues. 
M.  Shioda  lui  répétait  souvent  «  que  ces  armes  étaient  fort 
«  anciennes,  mais  bien  certainement  de  fabrication  japo- 
«  naise  ;  qu  on  les  trouvait  rarement  sur  le  sol,  plus  souvent 
«  dans  les  anciens  tombeaux;  que  toutefois  elles  étaient 
«  encore  en  usage  dans  certaines  provinces  du  Nord  et  dans 
«  les  lies  Kourilles.  Il  ajoutait  que  du  reste,  au  Japon,  on 
«  savait  parfaitement  distinguer  les  pierres  anciennes  de 
«  celles  encore  en  usage  ou  récemment  fabriquées  :  les  pre- 
«  mières  seules  étant  un  objet  de  superstition  et  recherchées 
«  des  collectionneurs.  » 

Ces  documents  beaucoup  trop  vagues  et  superficiels,  dif- 
fèrent peu  de  ceux  fournis  par  M.  Franks  d'après  les  recher- 
ches de  von  Siebold  et  du  docteur  Mohnike. 

Je  dois  parler,  en  terminant,  de  deux  vases  trouvés 
dans  la  province  d'Owari  ou  de  Choshiou.  L'un,  d'une  pâte 
et  d'une  fabrication  assez  grossières,  paraît  avoir  été  façonné 
complètement  à  la  main.  Il  est  dépourvu  d'ornements  ex- 
térieurs et  ne  manque  pas  d'analogie,  par  sa  base  arrondie 
très  ventrue,  par  la  forme  de  sa  large  ouverture ,  avec  cer- 
tains produits  céramiques  trouvés  dans  les  stations  lacustres 
de  Suisse  et  d'Italie.  Quant  au  second  (PI.  13,  fig.  1),  il 
est  très  différent  de  ce  que  nous  connaissons  en  Europe; 
peut-être  se  rapprocherait-il  davantage  des  poteries  péru- 
viennes ou  mexicaines.  H  présente  également  une  base  con- 
vexe, mais  il  est  très  comprimé  sur  les  faces  et  terminé  par 
un  goulot  s'évasant  en  entonnoir.  Ce  dernier  vase  est  pourvu 
de  deux  anses;  sa  pâte  est  plus  fine  que  celle  du  premier. 
Extérieurement,  il  offre  des  boursouflures  dues  sans  doute  à 
la  cuisson.  Il  est  orné  de  stries  fines  régulièrement  concen- 
triques semblant  indiquer  qu'il  aurait  peut-être  été  fait  au 

22 


-  342  - 


tour.  Je  dois  ajouter  qu'il  offre  des  traces  évidentes  d'une 
couverte  vitrifiée. 

Les  anciens  tombeaux  japonais  ont  encore  fourni,  à 
M.  Savatier,  trois  objets  de  parure.  Ce  sont  :  1"  un  petit 
cylindre  en  jade  verdâtre  semi-opaque,  transpercé  dans  le 
sens  de  la  longueur;  2"  une  larme,  également  perforée,  d'un 
beau  poli,  dont  la  matière  appartient  au  quartz  enfumé; 
3*  un  anneau  de  cuivre  rouge,  non  fermé  comme  on  peut 
l'observer  pour  la  plupart  des  torques  ou  bracelets  de  l'ère 
celtique  ou  même  gauloise  et  gallo-romaine. 

J'ai  hâte  d'en  finir  avec  ces  descriptions  qui  devien- 
draient fastidieuses  en  se  prolongeant.  Aussi  bien  tes  pho- 
tographies que  j'ai  l'honneur  de  mettre  sous  les  yeux  du 
Congrès,  devront  très  utilement  y  suppléer  et  feront  plus 
rapidement  apprécier  la  forme  de  ces  différents  objets,  re- 
cueillis avec  un  zèle  infatigable  par  M.  Savatier,  pendant 
le  cours  des  six  années  de  son  séjour  au  Japon.  Je  fais  des 
vœux  pour  que  ses  recherches  ultérieures  se  montrent  de 
plus  en  plus  fructueuses  et  permettent  enfin  de  soulever  le 
voile  qui  nous  dérobe,  au  Japon,  comme  sur  tant  d'autres 
points  de  la  surface  du  globe,  l'histoire  encore  inédite  de 
nos  ancêtres.  Si,  d'une  part,  tes  sciences  préhistoriques 
doivent  quelque  reconnaissance  à  M.  Savatier,  je  ne  doia 
pas  laisser  ignorer,  en  terminant,  qu'il  a  doté  la  science  de 
manuscrits  et  A'Ico-nes  japonais  très  importants  pour  la  bots- 
nique  et  la  conchyliologie,  de  précieux  herbiers  et  qu'il 


—  343  — 

d'assez  nombreuses  pointes  de  flèches  et  de  lances  en  pierre 
rencontrées  au  sud  de  Buenos  Ayres  sur  différents  points  du 
Rio  Negro,  et  dans  d'autres  provinces  de  la  Confédération 
Argentine,  notamment  dans  la  province  de  San  Juan.  J'ai 
vu  des  pointes  de  flèches  semblables  dans  cette  province  au 
pied  des  Cordillères,  près  d'un  ancien  village  indien,  nommé 
Caligasta. 

C'est  M.  Darwin  qui,  le  premier,  parle  de  ces  pierres  tra- 
vaillées par  nos  Indiens  (voir  son  Voyage,  vol.  I,  à  la  fin  du 
chapitre  V),  en  disant  qu'il  avait  vu,  entre  les  mains  d'un 
soldat,  un  silex  taillé  ressemblant  à  une  pointe  de  flèche,  et 
que  ce  soldat  lui  avait  dit  qu'on  trouvait  des  pierres  sem- 
blables dans  l'intérieur  du  pays,  près  de  l'île  Colechel,  formée 
par  un  des  bras  du  Rio  Negro. 

Plus  tard,  mon  ami,  M.  P.  Strobel,  a  donné,  avec  des  figu- 
rcs  exactes,  une  description  de  quelques  unes  de  ces  pierres 
travaillées  1  qu'il  avait  trouvées  près  du  village  El  Carmen, 
dans  la  partie  septentrionale  du  cours  du  Rio  Negro,  en  un 
lieu  nommé  :  Paradero  de  Aquirre. 

Nous  possédons,  au  Musée  de  Buenos  Ayres,  des  instru- 
ments semblables,  provenant  d'une  localité  voisine,  qui 
paraît  être  un  cimetière  indien  d'une  époque  antérieure  à  la 
conquête  espagnole.  Ce  cimetière  se  trouve  au  sud  d'un 
autre  village  appelé  Mercedes,  situé  vis  à  vis  de  El  Carmen, 
sur  la  rive  méridionale  du  Rio  Negro,  entre  ce  village  et 
une  chaîne  de  petites  collines,  distante  de  deux  lieues  de  la 
rivière.  On  y  voit  un  nombre  considérable  de  squelettes 
d'hommes,  de  femmes  et  d'enfants,  les  uns  régulièrement 
déposés  dans  une  position  longitudinale,  les  autres  jetés 
pèle  mêle  dans  une  grande  fosse  commune.  A  ces  squelettes, 
sont  mêlées  des  pointes  de  lances  et  de  flèches,  ainsi  que 
quel(|ues  autres  objets  de  l'ancienne  industrie  de  ce  peuple. 
Les  pointes  de  flèches  sont  en  pyrite  de  diverses  variétés  et 

1  Second  fascicule  de  ses  :  Materialidi  Paletnologia  comparata,  Parma. 
Décembre  1868. 


—  344  — 

assez  différentes  entre  elles  par  leur  forme.  Un  jeune  homme 
de  mes  amis,  M,  François  Moreno,  a  extrait,  de  la  rielie 
collection  qu'il  possède,  une  douzaine  de  ces  pointes,  qu'il 
m'a  données  pour  les  envoyer  au  Congrès  international. 

Nous  possédons,  au  Musée  de  Buenos  Ayres,  les  mômes 
formes.  Quelquefois  les  instruments,  un  peu  plus  grands,  ont 
2  1/2  pouces  de  long.  Deux  d'entre  eux  méritent  une  des- 
cription particulière. 

L'un  est  un  silex  gris,  assez  clair,  très  bien  travaillé  et 
terminé  parune  pointe  très  fine.  Sa  longueurest  de  1  pouce  3/4. 
La  pointe  a  quatre  angles,  deux  plus  aigus  sur  les  côtés  et 
deux  autres  aux  tacea  supérieure  et  inférieure,  s'élargis- 
simt  à  la  base  en  deux  ailes  divergentes,  qui  sont  plus  fai- 
bles, plus  laides  et  régulièrement  arrondies  à  l'extrémité.  Ces 
instruments  sont  assez  rares;  nous  n'en  possédons  que  deux 
au  Musée,  mais  ils  ont  absolument  la  môme  forme. 

Le  silex  de  l'autre  est  un  peu  plus  jaune;  il  est  également 
taillé  en  pointe,  mais  sans  ailes  dans  le  bas  et  par  conséquent 
plus  court  (3/4  pouce  de  long).  Il  me  paraît  être  une  pointe 
de  la  même  forme  que  les  précédentes,  mais  qui  aurait  été 


n  n'y  a  aucun  doute  que  ces  pointes,  faites  avec  les  ro- 
ches que  la  rivière  voisine  roule  dans  son  lit  et  qu'elle  a 
transportées  de  la  chaîne  des  Cordillères,  étaient  attachées  au 
moyen  d'une  forte  ligature  àrextrémité  d'un  morceau  de  bois 
fendu. 


—  345  — 

Un  écrivain  allemand,  Ullrich  Schmidt^  qui  accompa- 
gnait don  Pedro  de  Mendoza  en  1535,  dans  sa  grande  expé- 
dition au  Rio  de  la  Plata,  a  écrit  les  aventures  de  son  séjour 
de  20  ans  dans  ce  pays.  Il  dit  positivement  que  les  Indiens 
ont  brûlé  les  navires  et  les  maisons  du  premier  établissement 
de  Buenos  Ayres  au  moyen  de  leurs  flèches,  auxquelles  ils 
avaient  attaché  des  substances  enflammées.  Il  est  vraisem- 
blable que  leurs  lances  et  leurs  flèches  étaient  faites  sur  le 
même  modèle  qu'aujourd'hui,  c'est  à  dire,  qu'elles  avaient 
aussi  une  tige  en  roseau,  mais  plus  mince  que  celle  de 
leurs  lances.  Ils  se  servaient  sans  doute  à  cet  effet  de  la 
grande  graminée  très  commune  dans  tous  les  marais  des 
Pampas  et  nommée  actuellement  par  les  indigènes  :  FoUoras 
(Gynerium  Neesii). 

On  trouve  encore  dans  la  môme  localité,  outre  ces  pointes 
de  flèches,  quelques  autres  objets  de  l'industrie  des  Indiens, 
et,  principalement,  de  grandes  pierres  granitiques  de  1  1/2 
à  2  pieds  de  diamètre,  sur  une  des  faces  desquelles  est 
creusé  un  petit  bassin.  A  ces  grandes  pierres,  sont  mêlées 
d'autres  plus  petites  et  de  même  substance,  de  forme  ronde  et 
plate,  comme  un  petit  fromage.  Elles  ont  4  pouces  de  dia- 
mètre. On  croit  généralement  ici  que  deux  pierres  réu- 
nies formaient  une  sorte  de  moulin.  Une  petite,  à  laquelle 
on  imprimait,  avec  les  mains,  un  mouvement  de  rota- 
tion dans  le  creux  d'une  grande,  aurait  servi  à  moudre  les 
grains  de  maïs.  Mais  cette  hypothèse  me  paraît  peu  vrai- 
semblable, car  les  Indiens  de  l'époque  antérieure  à  la  con- 
quête espagnole  ne  connaissaient  pas  \^  culture  des  plantes 
alimentaires,  et  vivaient  exclusivement  de  la  chasse  et  de  la 
pêche  ;  comme  le  dit  positivement,  pour  tous  les  Indieas  du 
Paraguay  méridional,  Ullrich  Schmidt  dans  son  ouvrage, 
c'est  dans  notre  région  seulement  qu'on  trouvait  des  Indiens 
se  nourrissant  de  substance  végétale. 

>  Nommé  généralement  Schmiedel,  à  cause  d'une  erreur  du  premier 
traducteur  de  son  ouvrage  publié  à  Nuremberg  en  1558. 


Ud  autre  ustensile  de  ménage  des  ancieus  Indiens,  re- 
cueilli 8U  milieu  des  squelettes,  est  une  grande  coquille,  du 
genre  Volute,  très  commune  sur  la  côte  voisine.  Les  Indiens 
s'en  servaient  comme  d'une  coupe,  et  chacun  d'eux  en  trans- 
portait toujours  une  avec  lui.  Aujourd'hui  encore,  les  Indiens 
de  la  Patagonie,  descendants  de  ceux  qui  vivaient  &  l'époque 
de  la  conquête  espagnole,  n'ont  pas  d'autre  récipient. 

Mesures  de  quatre  tites  d^aneietts  Indiens. 


DÉSIGNATION. 

I. 

II. 

lil. 

IV. 

Hauteur  ilu  crâne  entre  le  condj-le 
-occipital  et  le  sommet.    .    .    . 

Diamôtra  transversal  leplnsgrand 
entre  les  os  pariétaux.    .     .    . 

Diamâtre  longitudinal    entre   la 
glabelle  et  l'ocoipiUl   .     .     .     . 

Diamètre  transversal    antre    les 
arcs  îj-gomatiques 

Dianëtre  transversal  du  front  au 
dessus  de  Tarcade  aourcUiôre  . 

Longueur  du  palais 

Largeur  du  mCme  avec  la  qua- 
trième mâcheliére 

Diamètre  Iranoversal  do  la  face 

0     150 

0     164 

0     133 

0    0» 
0    055 

0  ow 

0     1(13 

0-153 
0     13S 

0   ne 

0     133 

0    OM 

0    058 

0    062 
U     10-1 

0">I39 

0     136 

0     100 

0    13S 

0    005 
0    058 

0    088 

0     lU-J 

o-^isa 

0    133 
0     175 

0     122 

0    0g5 
0    053 

0    060 

^M 

—  347  — 

Un  crâne  de  ces  anciens  Indiens  a  une  forme  extraordi- 
naire (crâne  I  du  tableau),  et  pour  mieux  prouver  son  carac- 
tère exceptionnel,  je  joins  à  ses  mensurations,  celles  de  trois 
autres  crânes  (crânes  II,  III  et  IV)  de  notre  Musée. 

La  figure  régulière  du  crâne  des  Indiens  en  question  est 
celle  relevée  sous  le  n"  II;  les  mensurations  du  n"  I  montrent 
un  crâne  remarquablement  court  et  large,  et  le  n?  III,  un 
crâne  très  allongé  en  arrière  et  comprimé  sur  les  côtés.  Le 
n**  IV  doit  être  celui  d'une  femme,  parceque  ses  contours  sont 
plus  délicats,  les  os  plus  minces,  les  dents  moins  fortes  et 
toutes  ses  dimensions  plus  petites.  Il  a  presque  exactement 
la  même  hauteur  que  les  autres.  Le  crâne  n°  III,  le  plus 
allongé,  est  un  peu  plus  aplati  que  les  autres,  probablement 
à  cause  de  son  grand  développement  en  arrière. 

On  peut  admettre  que  la  manière  de  vivre  de  ces  Indiens, 
principalement  en  ce  qui  concerne  leurs  habitations  et  leurs 
vêtements,  était  la  même  que  celles  des  Indiens  modernes  de 
la  Patagonie. 

Ceux-ci  ont  Thabitude  de  s'entourer  la  tête  d'un  fort  ban- 
dage. Il  me  paraît  vraisemblable  que  cette  coutume  existait 
aussi  chez  leurs  prédécesseurs,  ce  qui  pourrait  peut-être 
expliquer  la  difformité  exceptionnelle  des  crânes  dont  je 
viens  de  parler.  Je  ne  doute  pas  que  les  deux  crânes  n^'Iet  III 
n'aient  été  déformés  artificiellement,  et  qu'ils  ne  représen- 
tent en  aucune  façon  la  forme  normale  du  type. 

A  la  seconde  catégorie  d'objets  ayant  uniquement  servi 
aux  Indiens  de  notre  pays,  appartiennent  les  grandes  urnes 
en  poterie,  qu'on  trouve  au  nord  de  Buenos  Ayres,  dans  les 
lies  qui  sont  à  Tembouchure  du  Rio  Parana,  en  face  du 
village  Las  Couchas.  Ces  îles  sont  des  dépôts  formés  dans 
la  rivière  et  elles  sont  placées  à  un  niveau  si  bas,  que,  par 
certaines  années,  quand  il  se  produit  des  crues  un  peu  consi- 
dérables, elles  sont  complètement  inondées.  La  plupart  de 
CCS  îles  portent  de  grands  saules  au  moins  sur  leurs  bords. 
On  a  découvert,  dans  l'une  d'elles,  un  cimetière  indien  d'une 


-  348  — 


construction  toute  différente  du  précédent.  Les  squelettes 
y  sont  déposés  non  pas  dans  la  terre  même,  mais  renfermés 
dans  de  grandes  urnes.  Le  travail  de  celles-ci  est  si  complète- 
ment exécuté  dans  les  règles  de  l'art  du  potier,  qu'il  esta  peine 
croyable,  qu'elles  étaient  fabriquées  par  un  peuple  aussi  sau- 
va^ que  les  anciens  Indiens. 

La  matière  de  ces  urnes  est  une  argile  plastique  noire, 
ayant  subi  une  cuisson  très  superficielle;  leurs  surfaces  ont 
seules  été  à  peine  roupies  par  le  feu.  Cette  cuisson  incomplète 
fait  que  ces  urnes  se  brisent  presque  toujours,  quand  on  les 
sort  de  terre  :  celle-ci  étant  constamment  imbibée  d'eau.  Sur 
une  centaine,  une  seule,  jusqu'à  présent,  a  pu  être  retirée  in- 
tacte; elle  est  en  possession  d'un  négociant  français,  M.  Ra- 
mus,  qui  m'a  permis  de  l'examiner  dans  le  but  de  recons- 
truire, BU  moyen  des  débris  conservés  au  Musée,  la  forme 
générale  de  ces  vases.  L'urne  complète  a  18  1/2  pouces  de 
hauteur  et  un  diamètre  de  plus  de  22  1/2  pouces;  elle 
est  parfaitement  circulaire,  comme  eut  pu  la  façonner 
un  habile  ouvrier.  La  partie  inférieure  se  rétrécit  peu  à  peu 
jusqu'à  3  pouces  de  sa  base  ;  mais  la  partie  supérieure  s'in- 
fléchit plus  rapidement  vers  lecentre,  de  manière  à  former  une 
sorte  de  col  de  2  pouces  de  hauteur,  laissant  une  ouver- 
ture de  10  1/2  pouces  de  diamètre,  terminée  par  un  rebord 
de  1  1/3  pouce  de  haut.  Ce  rebord,  le  col  et  la  surface  su- 
périeure de  l'urne  sont  peints  en  blanc,  et  décorés  de  lignes 
rouges,  formant  des  demi  carrés  emboîtés  l'un  dans  l'autre. 


—  349  — 

entre  les  bras  sur  la  poitrine,  les  genoux  relevés  à  la  hau- 
teur de  la  tête;  mais  ces  squelettes  sont  si  complètement 
décomposés  par  l'influence  de  l'eau,  qui  inonde  ces  terrains, 
qu'il  est  impossible  de  conserver  un  os  complet,  et  encore 
moins  une  tête. 

Les  urnes  devaient  différer  entre  elles  jusqu'à  certain 
point,  et  être  probablement  de  diverses  grandeurs.  Nous  ne 
connaissons  malheureusement  rien  d'exact  sur  ces  diffé- 
rences, parce  que  tout  les  spécimens  sont  brisés.  Nous  en 
conservons  cependant,  au  Musée  de  Buenos  Ayres,  des  débris 
nombreux  qui  me  permettent  de  prouver,  que  la  forme  était 
généralement  la  même  :  les  détails  seuls  variaient.  Toutes 
paraissent  avoir  eu  un  col  qui,  chez  quelques  unes,  semble 
avoir  été  privé  du  rebord  saillant.  La  plupart  des  débris  que 
nous  possédons  ont  un  demi  pouce  d'épaisseur.  Nous  en 
avons  d'autres  qui  ont  seulement  un  quart  de  pouce,  tandis 
que  quelques  uns  ont  presque  un  pouce  d'épaisseur. 

Le  genre  de  décoration  extérieure  est  aussi  varié;  la 
peinture  y  est  plus  rarement  employée  que  les  sculptures 
rudimentaires.  Nous  possédons  beaucoup  de  débris  dé- 
corés en  bas-reliefs  représentant  des  ondulations  ou  des 
écailles. 

n  me  semble  que  la  coutume  de  déposer  les  mort.s  dans 
des  urnes,  était  pratiquée  chez  beaucoup  d'anciens  Indiens 
habitant  au  nord  de  Buenos  Ayres.  Je  sais,  par  un  ami, 
qu'on  a  trouvé,  dans  la  province  de  Tucuman,  au  fond  d'un 
précipice,  deux  urnes  toutes  semblables  à  celles-là,  mais  ces 
urnes,  qui  étaient  en  parfait  état  avec  leur  squelette  à  l'in- 
térieur, ont  été  détruites  par  des  gens  ignorants.  Un  autre 
de  mes  amis  m'a  dit  que  dans  la  province  de  Rioja,  on 
trouve  quelquefois  des  corps  d'Indiens  enfermés  dans  une 
sorte  de  corbeille  et  dans  la  môme  position  que  ceux  dé- 
posés dans  les  urnes.  Ces  corbeilles  sont,  paraît-il,  toujours 
placées  dans  de  petites  cavernes  naturelles  sur  des  monta- 
gnes d'une  altitude  considérable. 


—  350  — 

On  sait  que  le  climat  des  provinces  occidentales  du  nord 
de  la  République  Ai^entiue  est  très  sec,  ce  qui  permet  de 
conserver  les  morts  sans  le  secours  d'aucun  art.  Il  en  est  de 
même  en  Bolivie  et  au  Pérou,  où  ces  momies  naturelles  se 
conservent  en  grand  nombre.  Mais  dans  les  provinces  orien- 
tales, où  les  pluies  sont  abondantes,  on  était  forcé  d'enfermer 
les  morts  dans  des  urnes,  et  cet  usage  s'étendait  jusque  dans 
le  voisinage  de  Buenos  Ajres. 

Quoique  cett«  communication  ait  un  caractère  assez  som- 
maire, mes  autres  études  ne  me  permettant  pas  de  m'occu- 
per  spécialement  des  objets  en  question,  j'ai  cm  devoir 
envoyer  ces  notes  au  Congrès  international,  dans  l'espoir 
que  les  savants  qui  s'occupent  de  Ces  sortes  de  recherches, 
pourront  prendre  quelque  intérêt  à  des  observations  qui 
auraient  pu  échapper  à  leur  attention  à  cause  de  l'éloigne- 
ment  des  contrées  où  elles  ont  été  faites. 


M.  CoTTEAU  met  sous  les  yeux  du  Congrès  trois  silex, 
taillés  en  forme  de  scie  et  recueillis  à  la  surface  du  sol,  par 
notre  confrère,  M.  Salmon,  à  Coulours,  aux  environs  de 
Brienon  (Yonne). 

Ces  instruments,  moins  finis  et  moins  délicats  que  ceux 
qu'on  rencontre  dans  les  cavernes  du  Périgord,  présentent 
ce  singulier  caractère  (jue  les  dents  sont  formées  par  des 
éclats  enlevés  alternativement  k  droite  et  à  gauche.  Leur 
forme  générale,  leur  aspect  et  la  physionomie  des  cassures 
et  des  r-tuiirlL.'s  foi.t  ]k-h^c\-  k  M.  Cnlto; 


—  351  — 

remarquer  que  les  dents  de  ces  scies  sont  trop  fraîches  pour 
être  anciennes.  J'y  vois  l'œuvre  d'un  faussaire  qui,  pour 
fabriquer  ces  instruments,  a  utilisé  un  ancien  éclat  de 
silex. 

M.  CoTTEAU.  Il  est  possible  que  les  objets  aient  été  pris  h 
la  surface  du  sol.  Quoiqu'il  en  soit,  il  n'en  est  pas  moins 
établi  que  ces  scies  ont  été  taillées  par  la  main  de  l'homme, 
et  jusqu'ici  des  instruments  de  cette  forme  n'ont  pas  encore 
été  signalés. 

Sur  les  Mclies  en  néphrite  et  en  jadéite,  par  M.  Desob. 

L'âge  de  la  pierre  polie  a  été  étudié  d'une  maiière  si 
complète,  qu'on  peut  dire  qu'on  en  connaît  l'économie  géné- 
rale. Aussi  je  ne  veux  vous  parler  que  d'une  espèce  particu- 
lière de  hache,  des  haches  en  néphrite  et  en  jadéite.  Comme 
on  le  sait,  la  jadéite  diffère  de  la  néphrite  uniquement  en  ce 
que  la  magnésie  y  est  remplacée  par  l'alumine. 

Les  haches  de  cette  espèce  ne  sont  pas  nombreuses  et  sont 
en  général  très  petites.  Souvent  elles  n'ont  que  2  ou  3  cen- 
timètres de  diamètre.  Elles  sont  taillées  avec  beaucoup  de 
soin  et  l'on  voit,  à  la  manière  dont  elles  sont  enmanchées, 
qu  elles  devaient  être  des  objets  précieux. 

Si  l'on  additionne  toutes  celles  que  l'on  connaît  en  Suisse, 
on  arrivera  peut-être  à  2  ou  3  douzaines,  en  comptant  les 
plus  petits  morceaux.  Je  me  suis  enquis  de  leur  fréquence 
ailleurs  et  j'ai  appris  qu'il  n'en  existe  point  dans  le  Nord,  à 
l'exception  d'une  seule  pointe  de  flèche  que  j'ai  vue  à  Copen- 
hague et  qui  doit  provenir  du  Groenland.  Il  est  remarquable 
qu'on  n'en  trouve  pas  en  Allemîigne,  où  les  fouilles  ont  cepen- 
dant été  pratiquées  avec  tant  de  soins,  et  je  doute  fort 
qu'elles  soient  nombreuses  en  Italie.  C'est  le  long  des  Alpes 
qu'on  en  découvre  le  plus,  depuis  le  lac  de  Constance  jus- 
qu'au lac  du  Bourget,  et,  d'après  ce  que  vient  de  me  dire 


—  352  — 


M,  Cartailhac,  on  en  trouve  anssi  dans  le  midi  de  la 
France. 

Ce  qui  est  certain,  c'e8t  que  la  néphrite  et  la  jadéite  con- 
stituent une  roche  qui  est  assez  abondante  en  Orient,  spécia- 
lement en  Chine,  où  on  la  tient  en  grande  estime  ;  on  la 
trouve  aussi  en  assez  grande  abondance ,  à  ce  qu'il  parait, 
dans  la  Nouvelle  Zélande. 

Un  chimiste  suisse,  M.  de  Fellenberg,  s'étant  chargé  de 
faire  l'analyse  comparative  d'une  hache  en  néphrite,  trouvée 
dans  le  lac  de  Neuchâtel,  et  d'une  espèce  de  serre-papier 
qui  provenait  du  palais  de  l'Empereur  de  Chine,  a  constaté 
que  ces  deux  objets  présentaient  exactement  la  même  com- 
position. On  devait  dès  lorg  se  demander  si  les  haches  qu'on 
trouve  en  Europe  n'y  ont  pas  été  apportées  par  un  ancien 
commerce  avec  l'Orient,  Ou  s'est  arrêté  un  instant  à  cette 
solution,  qui  n'est  cependant  pas  aussi  satisfaisante  qu'elle 
le  parait  au  premier  abord.  Il  est  difficile,  en  effet,  de  se 
représenter  un  commerce  avec  l'Orient  qui  n'aurait  apporté 
que  ces  pierres  et  qui  aurait  laissé  de  côté  tant  d'autres 
objets  qui,  par  leur  beauté,  leur  richesse,  leur  éclat,  sont 
beaucoup  plus  de  nature  k  séduire  l'œil  que  ces  pierres.  Tels 
sont  l'or,  les  rubis,  l'ivoire,  etc.  Pour  ma  part,  je  n'ai  pu 
admettre  une  hypothèse  aussi  peu  vraisemblable,  et  pendant 
longtemps  j'ai  pensé,  avec  M.  de  Mortillet,  que  ces  roches 
devaient  se  trouver  dans  les  Alpes  mômes.  Mais  voici  tantôt 
vingt  ans  que  nous  cherchons  sans  rien  découvrir. 


—  353  — 

dit  n*avoir  découvert  aucun  gisement  auquel  on  peut  attri- 
buer la  pierre  de  nos  haches. 

Que  faut-il  donc  conclure  de  tout  cela?  Voici  une  expli- 
cation que  je  donne  à  défaut  d'une  meilleure. 

Je  me  demande  si,  étant  donné,  d'une  part,  que  ces  roches 
n'existent  ni  dans  les  Alpes,  ni  dans  les  dépôts  erratiques, 
et,  d'autre  part,  qu'il  est  difl5.cile  de  comprendre  comment 
elles  auraient  été  amenées  par  le  commerce ,  je  me  demande, 
dis-je,  s'il  n'est  pas  permis  de  se  poser  cette  question  :  Ne 
seraient-ce  point  des  objets  apportés  par  les  populations  de 
l'Orient  elles-mêmes,  lors  de  leurs  plus  anciennes  immigra- 
tions? Ne  seraient-ce  pas  des  reliques  des  temps  anciens?  Il 
faut  une  solution  à  la  question,  et  il  me  semble  que  celle-ci 
en  vaut  une  autre.  Seulement,  j'ai  presque  peur  de  l'articuler, 
parce  qu'elle  donnerait  à  ces  objets  une  valeur  telle  qu'il 
faudrait  les  tenir  sous  clef. 

Les  haches  que  je  présente  aux  membres  du  Congrès,  sont 
les  plus  beaux  spécimens  qui  existent.  La  plus  grande  n'est 
pas  aussi  bien  taillée,  ni  aussi  achevée  que  l'autre,  dont  la 
tranche  est  extraordinairement  finie  et  soignée.  Un  des 
caractères  de  ces  haches,  c'est  que  l'un  des  côtés  est  plat  et 
que  l'autre  est  généralement  bombé.  Ce  caractère  n'est  pas 
propre  seulement  aux  haches  que  je  tiens  ici;  je  l'ai  con- 
staté également  dans  des  haches  faites  des  roches  ordi- 
naires. 

L'on  me  demandera  peut-être  si  ces  haches  étaient  des  outils? 
Je  ne  le  crois  pas.  Ces  objets  me  paraissent  plutôt  avoir  été 
des  armes  de  parade  et  ce  qui  me  confirme  dans  cette  opinion, 
c'est  qu'on  les  retrouve  toujours  intacts  :  je  n'en  ai  jamais 
vu  qui  fussent  ébréchés. 

Ma  conclusion  que  j'émets  à  défaut  d'autres,  est  donc 
celle-ci  :  Ces  haches,  vu  leur  petit  nombre,  vu  leur  admira- 
ble état  de  conservation,  sont  des  reliques  des  temps  les  plus 
anciens;  elles  ont  été  apportées  d'Orient  par  les  premiers 
colons  qui  ont  succédé  aux  peuplades  de  la  pierre  taillée. 


-  354  — 


M.  DE  MoHTiLLHT.  M.  Desor  vient  de  vous  montrer  des 
haches  qui  out  réellement  excité  la  curiosité  de  tous  les 
hommes  compétents.  L'origine  de  ces  haches  est  un  problème 
qui  nest  pas  encore  résolu  ;  mais  je  crois  que  dans  son 
exposition  même  M.  Desor  nous  a,  jusqu'à  un  certain  point, 
indiqué  la  voie  qu'on  doit  suivre  pour  arriver  à  une  solution. 

11  a  expliqué  que  cette  admirable  néphrite  travaillée  ne  se 
trouve  que  dans  la  région  des  Hautes  Alpes.  Effectivement, 
ces  haches  ne  se  rencontrent  que  dans  ces  régions.  Mais  il 
en  est  de  la  néphrite  comme  de  tous  les  autres  corps  natu- 
rels, comme  de  tous  les  genres;  il  y  a  des  espèces  et  des 
variétés.  De  même  qu'il  y  a  des  bœufs  de  différentes  espèces, 
de  même  la  néphrite  et  la  jadéite  ne  sont  pas  toujours  les 
mêmes;  elles  ont  des  caractères  variés. 

La  jadéite  de  la  hache  que  M.  Desor  nous  a  montrée  et  qui 
est  réellement  le  plus  beau  spécimen  qu'on  connaisse,  n'a 
éfé  découverte,  comme  il  l'a  dit,  que  dans  les  Hautes  Alpes. 
Mais  lorsque  vous  sortez  de  ces  régions,  vous  observez  cepen- 
dant encore  de  la  jadéite  ;  seulement  elle  a  un  autre  carac- 
tère. Ainsi,  dans  le  midi  de  la  France,  on  trouve  aussi  des 
spécimens  de  cette  substance,  mais  elle  est  impure  et  n'a  pas 
la  transparence  de  celle  qui  vient  de  vous  être  soumise.  Elle 
a  la  même  composition  chimique,  mais,  pour  le  minéralogiste 
qui  tient  compte  des  caracteres  physiques,  elle  offre  de  nom- 
lireuses  variétés.  Ces  haches  en  jadéite  impure,  presque 
opaque,  sont  fort  nombreuses  dans  le  midi  de  la  France  et 
iLm-;],-  ii..rd  ,lo  rit;ili,.'.    Tnutv  h  LÎL-iirir,  ti.uH-.-  \.-<  Allies 


—  355  — 

variétés.  Ainsi  encore,  on  a  trouvé,  dans  la  forêt  de  Sénart, 
de  magnifiques  haches  en  jadéite  qui  était  de  la  jadéite  pail- 
letée. La  jadéite  pailletée  suit  la  vallée  de  la  Somme  et 
remonte  môme,  je  crois,  très  près  de  la  Belgique,  puisqu'on 
en  a  trouvé  dans  le  Pas  de  Calais.  Si  cette  jadéite  avait  été 
apportée  de  loin,  je  crois  qu'elle  ne  serait  pas  aussi  répandue 
sur  notre  sol,  puisque  chaque  région  en  a  présenté  une 
variété  différente  de  celle  qu'on  rencontre  dans  les  lacs  de 
la  région  alpine.  Nous  n'avons  pas  encore  rencontré  leurs 
gisements,  cela  est  vrai,  mais  tout  espoir  n'est  pas  perdu.  Il 
y  a  beaucoup  d'autres  roches  pour  lesquelles  le  môme  cas 
s'est  présenté.  Tout  d'abord,  on  n'avait  pas  rencontré  des  gise- 
ments qu'on  a  fini  par  découvrir.  Il  est  probable  qu'il  en 
sera  de  môme  pour  la  néphrite  et  la  jadéite,  car  je  ne  crois 
pas  que  les  populations  anciennes,  dans  leurs  émigrations, 
aient  cru  devoir  se  charger  d'une  masse  de  pierres. 

M.  Desor.  Il  n'y  en  a  pas  tant. 

M.  DE  MoRTiLLKT.  Il  y  cu  a  assez  bien.  Je  reconnais 
qu'elles  sont  assez  rares  en  Allemagne,  mais  je  pense  que  dans 
les  régions  dont  je  vous  parle,  en  Italie,  en  Suisse,  en 
Espagne,  en  France,  en  Belgique,  en  Angleterre,  où  elles 
sont  assez  nombreuses,  on  finira  par  découvrir  les  gisements 
dont  on  a  tiré  les  matières  premières. 

M.  DE  QuATREFAGKS.  Daus  cos  problèmes  difficiles  que 
nous  pose  la  civilisation  de  l'âge  de  la  pierre,  je  crois  que 
nous  pouvons  quelquefois  recueillir  des  renseignements  en 
examinant  ce  qui  existe  encore  chez  les  peuples  sauvages. 
Pour  le  cas  qui  nous  occupe,  en  présence  de  l'insuccès  des 
recherches  faites  jusqu'ici,  pour  retrouver  les  gisements  d'où 
aurait  pu  être  retirée  la  matière  de  ces  haches,  je  ne  vois 
aucune  raison  sérieuse  à  opposer  aux  hypothèses  qui  ont  été 
posées  avec  tant  de  réserves  par  M.  Desor;  je  reconnais  que 
ces  (luestions  si  difficiles  nous  imposent  une  certaine  pru- 
dence, mais  on  peut  au  moins  voir  dans  quelle  voie  les  re- 
cherches peuvent  être  poussées. 


-  356  - 


M.  Desor  s'est  demandé  comment  il  serait  possible  de  sup- 
poser que  le  commerce  ait  amené  chez  nous  ces  pierres,  ces 
haches,  ce  jade,  alors  qu'il  n'y  avait  apporté  ni  or,  ni  rubîs. 
Je  ferai  remarquer  que,  pour  les  sauvages,  la  jadéite  avait 
beaucoup  plus  de  valeur  que  l'or,  le  rubis,  ou  le  diamant. 
C'était  le  fer  qui  avait  pour  eux,  lorsqu'ils  se  sont  trouvés 
en  contact  avec  les  Européens,  une  tout  autre  valeur  que  les 
métaux  précieux  si  recherchés  par  noua.  Nous  savons  le 
prix  énorme  que  certaines  populations  attachaient  à  cea 
petits  outils  qui  ne  sont  pour  nous  que  des  curiosités  ;  nous 
savons  qu'il  s'est  élevé,  chez  des  nations  qui  existent  encore 
aujourd'hui,  des  guerres  pour  leur  possession.  Dans  la  Nou- 
velle Zélande,  des  tribus  entières  ont  été  attaquées  et  dé- 
truites, parce  qu'on  voulait  s'emparer  d'un  de  ces  outils.  Je 
ne  vois  donc  aucune  difficulté  b.  admettre  que  les  premiers 
peuples  venant  de  l'Orient  aient  apporté  avec  eux  ces  objets 
en  néphrite  et  en  jadéite,  ces  outils  qui,  à  leurs  yeux,  avaient 
tant  de  prix. 

M.  ScHAAFFHAUSEN.  Je  ne  veux  ajouter  qu'une  simple 
observation  à  ce  qui  vient  d'être  dit.  Le  Musée  de  Bonn  pos- 
sède un  très  beau  spécimen  de  hache  eu  jade.  Cette  hache 
est  comme  neuve;  elle  est  extrêmement  polie  et  ne  paraît  pas 
avoir  servi.  On  l'a  trouvée  parmi  des  antiquités  romaines.  Il 
y  a  d'autres  haches  semblables  au  Musée  de  Mayence;  celles- 
ci  ont  été  découvertes  au  milieu  d'anciennes  fortifications 
romaines.  C'est  pour  cela  que  je  les  considère  comme  ayant 
1  iliTuièro  ixTi'j(ki  Jl'  Và'r<f  de  l;i  ])ierre.  Ji- 


—  357  - 

jadéite  qui,  du  reste,  se  trouve  en  assez  grande  abondance 
en  Italie. 

M.  l'abbk  Delaunay.  M.  Desor  croit  que  les  haches  en 
jadéite  sont  très  rares  en  France.  Cependant  dans  notre 
modeste  collection  de  Pont  Levoy,  nous  en  avons  plusieurs. 

Ces  haches  en  jadéite  ont  différentes  formes.  Il  y  en  a  qui 
ressemblent  un  peu  à  celles -qui  ont  été  présentées  au  Con- 
grès; mais  d'autres  sont  absolument  semblables  aux  haches 
jJolies  en  silex,  bombées  des  deux  côtés.  Nous  en  avons 
trois  de  cette  forme.  Dans  le  département  de  Loir  et  Cher, 
on  a  trouvé  une  trentaine  de  haches  en  jadéite,  sans  parler 
de  celles  qui  existent  dans  la  remarquable  collection  de 
M.  de  Vibraye. 

J  ai  pensé  que  ces  remarques  pourraient  peut-être  modifier 
les  observations  de  M.  Desor  et  ses  conclusions. 

M.  L AGNEAU.  Les  haches  de  jadéite  ne  se  rencontrent, 
d'après  M.  Desor,  que  dans  une  région  très  limitée  de  TEuropô 
occidentale.  Comment,  si  M.  Desor  croit  à  leur  importation 
par  des  peuples  asiatiques,  ne  s*en  trouve-t-il  pas  dans  les  ré- 
gions intermédiaires  à  TAsie  et  à  notre  Occident,  régions  que 
ces  peuples  auraient  dû  parcourir  pour  se  rendre  dans  le 
voisinage  des  Alpes?  Vu  les  conditions  géographiques,  les 
peuples  préliistoriques  ont  dû  vraisemblablement  suivre  les 
mômes  voies  que  suivirent  plus  tard  les  peuples  des  temps 
historiques,  c'est  à  dire,  les  bassins  du  Dniester,  du  Dnieper, 
du  Danube,  ou  les  régions  septentrionales.  Or,  jusqu'à  plus 
ample  exploration  archéologique,  ces  régions,  d'après  M.  De- 
sor, ne  sembleraient  pas  présenter  de  ces  objets  en  jadéite. 

M.  Leemans.  Je  me  permettrai  de  faire  une  observation 
au  sujet  du  transport  d'objets  en  jadéite  ou  en  néphrite,  pen- 
dant les  temps  préhistoriques,  dans  l'Asie  méridionale,  en 
Europe  et  particulièrement  en  Suisse. 

Est-il  bien  certain  que  les  deux  haches  apportées  de  la 
Suisse  par  M.  Desor,  aient  été  trouvées  dans  la  môme  couche 
que  les  objets  provenant  des  habitations  lacustres  du  lac  de 

23 


-  358  — 


Neuch&tel?  La  personne  qui  a  donné  ce»  haches  à  M.  Desor, 
en  a-t-elle  fait  elle-même  la  découverte  et  cette  découverte 
ne  serait-elle  pas  elle-même  sujette  k  caution?  Il  est  arrivé 
souvent,  en  effet,  que  des  objets  de  provenance  et  d'antiquité 
tout  à  fait  différentes  avaient  été  réunis  par  mégarde  et  con- 
sidérés comme  appartenant  à  une  même  trouvaille. 

Dans  la  belle  collection  de  Majence,  on  voit  deux  outils 
eD  bronze  que  M.  Lindenschmidt  indique,  dans  son  ouvrage, 
comme  ayant  été  trouvés  en  Allemagne  et  qui,  il  l'a  reconnu 
lui-même  plus  tard,  doivent  être  considérés  comme  provenant 
de  Java.  Ces  outils  furent  acquis  avec  d'autres  objets  à  la 
mort  d'un  fonctionnaire,  qui  avait  passé  quelques  années 
dans  cette  lie  au  service  du  Gouvernement  néerlandais  . 

On  sait  encore  qu'un  illustre  explorateur  de  l'Egypte,  un 
égyptologue  distingué,  a  trouvé  dans  un  tombeau  du  temps 
des  Psammétique,  qui  n'avait  jamais  été  ouvert,  des  flacons 
en  porcelaine  portant  des  caractères  chinois.  Ces  caractères 
offraient,  comme  il  a  été  constaté  ultérieurement  par  les 
orientalistes,  des  citations  d'un  poète  chinois  qui  vécut  quel- 
ques siècles  après  Jésus-Christ,  Les  flacons  avaient  donc  été 
déposés  dans  le  tombeau  par  les  Fellahs  employés  par  notre 
explorateur,  pour  l'aider  dans  ses  fouilles.  On  pourrait  multi- 
plier ces  exemples,  et  il  ne  serait  peut-être  pas  impossible  de 
s'expliquer  ainsi  la  présence  en  Suisse  de  deux  haches  en  jade. 

L'une  de  celles-ci  présente  une  forme  tout  à  fait  analogue 
à  celles  que  l'on  trouve  en  abondance  à  Java.  Or,  on  sait 
1    .-iviiid    mmiliiv  d,.'    .■:-:],hiU  de   l'ann,',,    juV-rl-iiidnirie 


—  359  — 

Des  haches  en  jadéite  ou  néphrite  se  rencontrent  à  Java, 
quoique  phis  rarement  que  celles  faites  avec  d'autres  ma- 
tièras.  La  riche  section  d'antiquités  javanaises  du  Musée 
archéologique  de  TEtat  à  Leide  en  possède  quelques  exem- 
plaires. Toutefois  il  est  très  remarquable  qu'une  des  haches 
apportées  par  M.  Desor,  présenta  un  des  types  spéciaux  et 
caractéristiques  de  ces  objets  dans  l'île  de  Java.  A  cette 
occasion,  je  pourrai,  sans  trop  m'éloigner  du  sujet  en  ques- 
tion, mentionner  le  Yucatan,  au  Mexique,  comme  un  des 
pays  dans  lesquels  le  jade  ou  la  néphrite  a  été  connue  an- 
ciennement. Une  personne  de  ma  connaissance,  habitant 
Amhem,  possède  quelques  objets  trouvés  lors  du  creusement 
d'un  canal  à  une  très  grande  profondeur  dans  le  Yucatan. 
Trois  de  ces  objets,  dont  le  Musée  néerlandais  possède  le 
fac  simile,  sont  travaillés  dans  cette  pierre  et  sont  remar- 
quables, tant  par  leur  forme  que  par  le  fini  de  leur  exécution. 
L'un  est  une  sorte  de  coin  ou  de  hache  large  et  arrondie  vers 
la  tranche  et  se  rétrécissant  vers  l'autre  bout.  La  longueur 
est  d'environ  0'"20  ;  la  partie  inférieure  ou  la  tranche,  de 
O^OS  à  0'"06;  l'épaisseur  vers  le  centre  est  à  peu  près 
de  O'-OOS. 

L'autre  objet  est  une  plaque  oblongue,  un  peu  arrondie 
aux  quatre  coins,  longue  d'environ  0™25,  large  de  O^OS  à 
0"*10  et  d'une  épaisseur  d'environ  0™005.  L'une  des  faces 
porte  l'image  d'une  divinité,  l'autre,  une  inscription  en  carac- 
tères mexicains  hiéroglyphiques.  Le  troisième  objet  repré- 
sente une  petite  tête  humaine,  ayant  servi  probablement 
d'ornement  ou  d'amulette. 

Sur  les  haches  en  jadéite  découvertes  en  Belgique, 

par^l.  G.  Hagkmans. 

M.  Desor  a  fait  une  très  intéressante  communication  sur 
les  hj^ches  en  jadéite  qui  se  trouvent  en  Europe.  En  énumé- 
rant  les  différents  pays  où  l'on  a  découvert   ces  rares  et 


curieux  instrumenta,  il  a  négligé  de  citer  la  Belgique.  C'est 
à  ce  sujet  que  j'avais  demandé  la  parole.  Des  haches  en 
néphrite  ou  jadéite  se  sont  en  effet  rencontrées  dans  notre 
pays,  mais,  il  est  vrai,  en  nombre  très  restreint.  J'en 
citerai  deux  exemplaires  qui  se  trouvent  au  Musée  royal 
d'Antiquités, 

L'une  d'elles  est  de  dimensions  et  d'une  beauté  remarqua- 
bles. Elle  avait  déjà  vivement  attiré  l'attention  d'un  savant 
du  siècle  dernier,  Burtin,  médecin  conseiller  du  duc  Charles 
de  Lorraine,  qui  l'a  décrite  et  figurée  dans  son  Oryetogra- 
phie  de  Bruxelles  ou  description  des  fossiles  tant  naturels 
qu'accidentels,  découverts  jusqu'à  ce  jour  (1784)  dans  le.i 
environs  de  cette  ville. 

n  commence,  à  propos  de  cette  hache,  par  faire  quelques 
réflexions  générales  sur  les  instruments  en  pierre,  et  comme 
il  est  assez  intéressant  de  connaître  l'opinion  des  savants  de 
cette  époque  sur  cette  matière,  je  me  permettrai  de  citer  les 
lignes  suivantes  :  •  Quoique  les  haches  de  pierre,  dit  Burtin, 
<  qui  ne  doivent  leur  forme  qu'à  la  main  des  hommes,  sem- 
«  blent,  au  premier  abord,  ne  pas  faire  partie  des  objets 
•  relatifs  àl'oryctogpaphie,  leur  substance  pierreuse,  le  lieu 
«  où  on  les  trouve  et  surtout  leur  rapport  singulier  avec 
■  l'histoire  physique  et  morale  de  notre  globe  leur  assignent 
«  à  juste  titre  une  place  ici.  » 

11  cite  ensuite  Walleriua,  qui  range  ces  instruments  parmi 
les  pierres  fgurées  artificiellement  {lithoglyphi  figurait  arte 


—  361  — 

Mais  pour  en  revenir  plus  particulièrement  à  la  hache  de 
jadéite ,  voici  ce  qu'il  en  dit  ;  «  Cette  hache  a  étë  trouvée 
«  dans  la  carrière  du  moulin  de  Loo  (commune  deDieghem), 
«  qu'on  exploite  aujourd'hui.  Les  moellons  de  pierre  à  chaux 
•<  qu'on  en  tire  sont  disposés  régulièrement  sur  un  même 
«  plan,  mais  ils  laissent  entre  eux  assez  d'espace  pour  prou- 
H  ver  qu'ils  n'ont  jamais  fait  corps  ensemble.  Avant  d'y  par- 
«  venir,  on  rencontre  une  couche  assez  épaisse  de  sable  pur, 
«  entremôh^e  de  quelques  veines  de  sable  chargé  de  terre 
«  calcaire,  qui  fait  aussi  les  séparations  entre  les  couches  des 
«  moellons,  dont  on  n'en  tire  que  trois,  parce  qu'on  y  ren- 
•  contre  l'eau  à  moins  de  19  pieds  de  profondeur;  encore  la 
«  dernière  couche  s'exploite  sous  l'eau.  On  trouve  dans  les 
0  trois  couches,  soit  entre  les  pierres,  soit  dans  les  pierres 
a  mêmes,  des  pétrifications  d'une  conservation  parfaite,  dont 
«  plusieurs  des  plus  intéressantes.  Telles  sont  la  tortue,  des 
a  huitres,  des  tarets  de  différentes  espèces,  des  cocos  ^  des 
a  nautilites,  etc.  Notre  hache  de  pierre  y  a  été  trouvée  en- 
ci  castrée  dans  la  partie  inférieure  d'un  moellon  de  la  troi- 
«  sième  couche.  » 

«  Cette  situation,  sous  trois  couches  de  pétrifications,  est 
cr  intéressante.  Elle  mène,  ajoute  l'auteur,  à  des  conséquences 
«  si  singulières,  en  un  mot,  elle  en  dit  tant  à  l'homme  qui 
«  pense  que  j'ai  cru  devoir  prendre  les  précautions  les  plus 
«  minutieuses  ])our  la  vérifier.  Heureusement  que  les  trois 
(t  ouvriers  qui  travaillaient  dans  la  carrière,  lors  de  cette 
«  découverte,  sont  encore  tous  vivants  et  prêts  à  en  attester 
«  la  réalité  à  ceux  qui  le  désireront.  » 

Ceci  ce  passait  en  1784  et  il  est  à  croire  que  les  ouvriers 
cités  ne  pourraient  plus  rien  venir  attester  du  tout.  Mais,  par 
miracle,  vécussent-ils  encore,  ils  ne  jDourraient  venir  nous 
prouver  que  l'homme  vivait  h  l'époque  éocène,  ainsi  que  ten- 
drait à  le  démontrer  la  description  que  je  viens  de  rappeler. 

*  Fruits  rapportés  aujourd'hui  au  genre  Nipaditcs. 


Aussi,  comme  le  fait,  à  juste  titre,  remarquer  le  majoF 
Le  HoD ,  dont  la  science  déplore  si  vivemeut  la  perte,  ■  il  faut 
que  les  ouvriers  aient  trompé  Burtin.  » 

Je  n'ajouterai  qu'un  mot  au  sujet  de  cette  découverte, 
c'est  qu'à  Bieghem,  où  cette  hache  a  été  recueillie,  on  a 
trouvé  beaucoup  d'objets  de  l'^e  de  la  pierre  polie. 

Ce  remarquable  témoin  d'un  âge  si  reculé  est  d'uD  m^iii- 
fîque  travail.  Il  est  en  jade  d'un  beau  vert  transparent  et 
mesure  20  centimètres  de  longueur  sur  9  de  largeur  du  côté 
du  tranchant;  le  côté  opposé  se  termine  en  pointe  arrondie. 

J'engage  beaucoup  les  savants  étrangers  à  aller  voir  cette 
belle  hache  au  Musée  de  la  Porte  de  Haï.  Ils  y  verront  un 
autre  instrument  de  même  nature,  mais  d'une  jadéite  moins 
transparente.  D'après  une  note  qui  accompagne  cet  objet, 
il  a  été  trouvé  en  1861  dans  une  mare  contiguë  à  l'extrémité 
de  la  gare  de  Maffles.  «  Cette  hache,  dit  la  note,  se  trouvait 
«  au  fond  d'une  ancienne  mare,  au  dessus  de  nombreux 
«  débris  de  végétaux,  chênes,  aulnes,  hêtres,  etc.  On  a  ren- 
«  contré  aussi,  dans  le  même  dépôt,  des  défenses  de  sanglier 
«  à  5  mètres  de  profondeur.  «  Elle  mesure  16  centimètres 
de  longueur  sur  7  de  largeur  du  côté  du  tranchant  ;  le  côté 
opposé  se  termine  en  pointe  comme  celle  de  Bieghem,  avec 
laquelle  elle  a  de  grands  rapports  de  ressemblance. 

On  m'a  cité  encore  deux  autres  haches  en  jadéite  ou  né- 
phrite trouvées  dans  la  province  de  Namur,  l'une  au  camp 
d'Hastedon,  l'autre  à  Marche  le.s  Bames.  Elles  se  trouvent 


—  363  — 

venirs  sacrés  transportés  des  lointaines  contrées  de  TOrient, 
leur  patrie  primitive. 

En  signalant  ces  quelques  haches,  mon  but  est  surtout 
d'attirer,  sur  des  objets  de  même  nature,  l'attention  de  tous, 
avec  l'espoir  qu  on  pourra  peut-être  nous  signaler  d'autres 
instruments  en  jadéite  également  trouvés  en  Belgique. 

Il  sera  intéressant  d'avoir  aussi  une  liste  complète  des 
haches  de  cotte  matière  trouvées  en  Europe,  avec  la  dési- 
gnation des  localités  où  les  découvertes  ont  eu  lieu.  On  en 
pourrait  déduire  d'importantes  observations  sur  nos  origines 
et  sur  les  migrations  des  races  primitives. 

Si(/r  des  sacrifices  hmnains  à  Tâ^e  de  la  pierre  polie  y  par 

M.  l'abbé  Chierici. 

On  se  rappelle  que  Spring  avait  cru  reconnaître,  dans  une 
caverne  de  la  Belgique,  les  traces  de  l'action  de  l'homme  sur 
des  ossements  humains  de  l'âge  de  la  pierre  polie.  Une  explo- 
ration que  je  fis  jadis  dans  une  caverne  de  la  province  de 
Reggio  (Emilie),  me  conduisit  à  des  conclusions  semblables. 
Je  viens  donc  appuyer  l'opinion  de  Spring,  opinion  émise 
d'ailleurs  également  par  M.  Regnoli,  à  propos  de  l'une  des 
cavernes  de  l'Apulie.  Ma  découverte  établit  un  nouveau  rap- 
port entre  les  peuples  préhistoriques  de  l'Italie  et  ceux  des 
régions  plus  occidentales.  Elle  permet  en  outre  de  soulever 
un  coin  du  voile  qui  a  couvert,  jusqu'aujourd'hui,  le  culte 
professé,  à  une  époque  reculée,  en  Italie  et  peut-être  dans  la 
Belgique  elle-même. 

La  caverne  de  Reggio  est  creusée  dans  un  rocher  de  gypse, 
au  pied  du  versant  septentrional  des  Apennins.  Il  serait  su- 
perflu d'en  donner  une  description  détaillée;  je  me  bornerai 
à  dire  que,  de  môme  que  plusieurs  autres  cavernes  gypseu- 
ses,  elle  me  semble  avoir  été  formée  par  des  courants  souter- 
rains. Ces  courants  se  produisirent  peut-être  à  l'époque  des 
grandes  alluvions,  lorscjuc  la  roche  était  baignée  par  les  eaux 


-  364  - 


à  une  hauteur  de  soixante  dix  mètres  au  dessus  de  leur  étiage 
actuel. 

La  caverne  a  deux  étagea  qui  communiquent  entre  eux, 
mais  dont  l'inférieur  n'a  pas  fourni  le  moindre  vestige  de  la 
présence  de  l'homme.  Le  supérieur  a  ^x  neuf  mètres  de  lon- 
gueur; sa  laideur  moyenne  est  de  trois  mètres  et  sa  hauteur 
de  cinq.  Le  sol,  tout  encombré  de  blocs  ang-uleux  de  gypse, 
s'élève,  par  une  pente  fortement  inclinée,  depuis  l'entrée  jus- 
qu'au fond  de  cet  étage.  Dans  cette  dernière  partie,  l'ébouHs 
de  gypse  était  recouvert  d'un  terrain  introduit  par  les  cre- 
vasses primitives  de  la  voûte. 

C'est  dans  le  sol  de  l'étage  supérieur  qu'on  .a  rencontré  les 
traces  et  les  restes  de  l'homme.  Depuis  son  dépôt,  ce  sol  était 
resté  presque  intact  :  nue  seule  fouille  de  peu  d'importance 
y  avait  été  entreprise  par  un  amateur  d'histoire  naturelle. 
Les  trouvailles  faites  par  celui-ci  firent  entrevoir  l'intérêt 
que  présenteraient  des  recherches  plus  approfondies.  Il  au- 
rait trouvé  sept  haches  en  pierre,  un  poinçon  en  os,  des 
fragments  de  poterie  et  des  ossements  d'animaux  ou  de 
l'homme. 

Des  fouilles  pratiquées  dans  le  sens  longitudinal  de  la 
caverne  permirent  de  constater  les  particularités  les  plus  mi- 
nutieuses. L'éboulîs  gypseux  formait  un  sol  inégal  et,  le  long 
de  la  paroi,  de  gros  blocs,  placés  verticalement,  constituaient 
une  estrade  de  la  hauteur  d'un  demi-mètre  environ,  sur  une 
longueur  de  cinq  mètres  et  une  largeur  qui  variait  d'un 
demi-mètre  à  un  mètre  et  demi.  La  forme  de  cette  estrade 


365 


jusqu'au  dessus  de  leur  niveau.  Au  devant  de  Testrade,  il 
s'était  borné  à  niveler  le  sol.  Aucun  vestige  humain,  autre 
que  le  charbon,  n'a  été  rencontré  dans  le  dépôt;  mais  je  crois 
devoir  y  rapporter  des  fragments  de  deux  mâchoires  infé- 
rieures et  quelques  ossements  humains,  parmi  lesquels  'se 
trouve  un  crâne  brûlé.  Tous  ces  ossements  ont  été  trouvés 
dans  une  partie  dont  la  continuité  n'a  pu  être  établie  d'une 
façon  rigoureuse. 

La  partie  supérieure  du  dépôt  enveloppait  Testrade  et  la 
surpassait  à  peu  près  de  quatre  vingts  centimètres.  Elle  se 
fait  remarquer  par  trois  lignes  de  charbon  qui  s'étendent  sur 
toute  l'étendue  de  la  fouille  et  se  continuent  avec  un  amas  de 
charbon  placé  sur  l'estrade.  Cet  amas  présente  une  épaisseur 
moyenne  de  quarante  centimètres.  Le  limon  dont  l'estrade 
était  couverte,  portait  la  trace  du  feu.  Des  fragments  de 
gypse  calciné  étaient  môles  avec  les  charbons,  et  le  feu  avait 
attaqué  la  surface  des  blocs  de  l'estrade  elle-même,  ainsi  que 
la  partie  surplombante  de  la  voûte.  Tous  ces  caractères  suffi- 
sent pour  faire  reconnaître,  sur  cette  estrade,  l'existence  d'un 
ancien  foyer. 

Les  lignes  de  charbon  se  détachaient  de  ce  foyer  à  trois 
hauteurs  différentes  et  affectaient  une  direction  presque  ho- 
rizontale. Elles  étaient  séparées  par  des  couches  limoneuses, 
épaisses  en  moyenne  de  dix  centimètres.  On  peut  voir,  dans 
cette  alternance,  l'indice  de  trois  émersions  suivies  chacune  de 
la  formation  d'un  étage  nouveau  autour  du  foyer.  Tous  les 
objets  qu'on  a  recueillis,  provenaient  de  ces  amas  de  charbon. 
Un  terrain  meuble,  non  stratifié,  mêlé  de  gros  blocs  de  gypse, 
recouvrait  la  dernière  ligne  charbonneuse.  Il  se  présente 
comme  un  éboulis  de  date  très  ancienne. 

Voici  rénumération  des  objets  découverts  sur  le  foyer  : 

Quatre  haches  en  pierre. 

Un  petit  clou  en  bronze,  rivé  à  ses  extrémités,  ayant  peut- 
être  servi  à  fixer  une  lame  à  son  emmanchure. 

Des  fragments  de  quatre  ou  cinq  vases. 


Quelt^ues  03  d'animaux  et  des  ossements  humains,  les  uns 
et  les  autres  brûlés.  Parmi  ces  derniers,  plusieurs  appartien- 
nent à  un  squelette  d'enfant.  On  y  remarque  aussi  une  mâ- 
choire inférieure.  Des  neuf  m&choires  trouvées  dans  la 
caverne,  c'est  la  seule  qui  porte  les  traces  du  feu. 

Au  devant  du  foyer,  dans  la  première  veine  de  cliarbon, 
on  n'a  trouvé  qu'un  poinçon,  un  ciseau  en  os,  une  pierre  fine 
à  aiguiser  et  un  fragment  de  poterie. 

Dans  la  seconde  veine  qui,  sur  quelques  points,  se  confon- 
dait avec  la  troisième,  se  trouvaient  des  ossements  humains, 
éparpillés  sans  aucun  ordre,  mais  tous  entiers.  Six.  mâchoires 
inférieures  en  faisaient  partie. 

Un  petit  nombre  des  ossements  et  notamment  un  fragment 
de  cr&ne  étaient  altérés  par  le  feu.  Parmi  ces  restes  humains, 
j'ai  recueilli,  d'un  côté  du  foyer,  deux  haches  en  pierre,  une 
fusaiole  d'ai^ile  et  un  fragment  de  meule  en  molasse.  De 
l'autre  côté  du  foyer,  il  y  avait  une  hache  en  pierre  et  une 
terrine  en  bronze.  Devant  le  foyer,  se  trouvaient  les  objets 
suivants  : 

Un  couteau  en  silex,  façonné  en  fer  de  lance  et  travaillé  à 
petits  éclats  sur  une  longueur  de  douze  centimètres. 

Une  scie  en  silex. 

Un  dentale  fossile. 

Onze  objets  en  os,  travaillés  avec  soin.  C'étaient  des  ci- 
seaux, des  poinçons,  des  spatules  ;  quelques-uns  ressemblaient 
itdes  sifflets. 

Deux  t'rnLfmentg  de  eriliie. 


—  367  — 

distribution  des  objets  indépendante  de  leur  poids  et  la  pré- 
sence des  charbons  du  foyer,  ne  pennettent  d'admettre  ni 
transports  violents,  ni  remaniements.  Grâce  aux  sédiments 
que  des  eaux  paisibles  ont  déposés  par  intervalles  dans  la 
caverne,  les  objets  ont  échappé  à  toute  perturbation  et  dis- 
persion. L'éboulis  sunenu  plus  tard  a  contribué  encore  a  la 
protection  de  ces  couches.  Aussi  ces  dernières  sont-elles  res- 
tées parfaitement  intactes  et  les  ossements  ne  portent  aucune 
marque  de  la  dent  des  carnassiers.  Quant  aux  objets  super- 
posés au  foyer,  il  est  certain  qu'ils  n'ont  subi  aucun  dépla- 
cement. 

Jetons  maintenant  un  coup  d'œil  sur  l'ensemble  des  objets 
recueillis.  Les  haches,  bien  polies,  sont  en  serpentine  ou  en 
roches  de  composition  analogue.  Les  fragments  de  poterie 
appartiennent  à  seize  vases  environ  faits  à  la  main.  Parmi 
ces  vases,  il  en  est  qui  offrent  la  singularité  d'être  formés 
par  un  cordon  d'argile  disposé  en  spirale.  Quelques  frag- 
ments rappellent  la  poterie  de  l'âge  du  bronze.  Les  ossements 
des  animaux  sont  en  petit  nombre  comparativement  aux 
ossements  humains.  Ils  appartiennent  au  Porc,  au  Chien 
et  au  Mouton.  Les  os  à  moelle,  étant  tous  cassés,  indiquent 
des  restes  de  repas.  Les  ossements  humains  représentent  au 
moins  dix  huit  individus  :  six  enfants,  quatre  adolescents, 
sept  adultes  et  un  vieillard.  Les  pièces  de  chaque  squelette 
sont  toutefois  peu  nombreuses.  Par  exemple,  on  n'a  trouvé 
que  six  fémurs,  trois  tibias  et  deux  péronés.  Comme  je  l'ai 
dit  antérieurement,  les  restes  de  crânes  étaient  tous  brûlés. 
La  seule  mâchoire  inférieure  qui  ait  été  soumise  à  l'action  du 
feu,  gisait  sur  le  foyer. 

Les  faits  décrits  permettent  de  juger  si  Thypothèse  de 
sacrijfices  humains  repose  sur  une  base  suflSsante.  Quant  à 
moi,  je  ne  trouve  pas  d'explication  plus  plausible.  La  caverne 
contient,  en  effet,  tous  les  éléments  nécessaires  pour  repré- 
senter de  semblables  sacrifices.  Pour  dire  toute  ma  pensée, 
je  pense  qu'au  sacrifice  s'ajoutait  la  distribution  des  mem- 


-  368  — 


bres  de  la  victime,  ce  qui  expliquerait  la  confusion  et  la 
dispersion  des  ossements. 

Les  déductions  que  je  viens  d'émettre,  sont  confirmées  et 
complétées  par  la  tradition.  Rappelona-nous  le  célèbre  oracle 
de  Dodone  aux  Pélasges  qui  allaient  émîgrer  vers  Tltalie  : 
«  Allez  chercher  une  terre  (iSaittmia)  des  Sicules  et  un 
refuge  (xotuÎ.tiv,  sinum)  d'aborigènes  où  sumc^e  une  lie. 
Conjointement  avec  ces  aborigènes,  vous  enverrez  la  dlme 
à  Zébus  et  vous  offrirez  des  Wtes  au  Ténébreux  (Dites)  et 
des  enfants  mftles  au  père  {Satumus).  >  Macrobe  ajoute 
qu'en  effet  les  Pélasges  établis  en  Italie  <  diu  humanis  capi- 
tibus  Diteœ  et  vivorum  victimis  Satumum  placare  se  cre- 
derent.  *  Et  nous  avons  aussi,  chez  les  Latins,  la  formule 
exécratoire  :  «  hominem,  caput  consecrare.  »  Virginius, 
levant  son  poignard,  s'écriait  vers  Âppius  Claudius  :  a  Te 
tuumque  caput  hoc  sanguine  consecro.  »  En  outre,  on  sait 
que  les  sacrifices  à  Dites  se  faisaient  in.  loco  abdito,  sub 
efossa  humo. 

Plus  tard,  des  mœurs  adoucies  ont  substitué  aux  têtes 
humaines  des  petites  têtes  d'argile  (les  oscilla)  et,  aux  victi- 
mes des  saturnales,  des  effigies  qu'on  jetait  chaque  année  dans 
le  Tibre,  après  les  avoir  exposées  en  public.  Il  est  curieux  de 
constater  qu'un  usage  semblable  s'est  conservé  dans  ma 
patrie,  même  jusqu'à  nos  jours. 

Deux  observations  encore  sur  l'oracle  de  Dodone.  H  dit 
expressément  que  les  Pélasges  devaient  accomplir  les  sacri- 
ficcs  il  J)H<^s  ot  il  SiituruHS  avec  lo  coacours  dos  aborii 


—  369  — 

L'accord  si  remarquable  qu'on  retrouve,  jusque  dans  les 
moindres  détails,  entre  les  faits  observés  et  l'une  de  nos  plus 
anciennes  traditions,  m'a  convaincu  que,  sur  l'estrade  de  la 
caverne  de  Reggio,  s'est  accompli  le  rite  prescrit  pour  le 
cult€  de  Dites  et  Saturnn^.  J'ajouterai  qu'à  mon  avis,  ces 
sacrifices  doivent  être  rapportés  à  l'expiration  de  l'âge  de  la 
pierre  polie,  vers  le  commencement  de  l'âge  du  bronze. 

Dans  d'autres  cavernes  de  l'Europe  occidentale  qui  ont 
offert  des  ossements  humains  et  des  traces  de  foyers,  on  a 
trouvé  des  mâchoires  humaines  sans  les  autres  parties  de  la 
tête.  On  pourra  juger  s'il  faut  voir,  dans  ces  faits,  l'indica- 
tion du  même  culte. 

Avant  de  finir,  je  ne  puis  me  dispenser  d'ajouter  que 
M.  Biondelli,  auquel  j'ai  fait  part  de  mes  observations,  croit 
devoir  considérer  la  caverne  de  Reggio  comme  un  antre 
mythique.  Il  ne  m'a  pas  encore  appris  les  motifs  qui  lui  sug- 
gèrent cette  opinion. 

M.  Desor.  Il  est  difficile  d'émettre  une  appréciation  sur  la 
communication  qui  vient  d'être  faite  sans  avoir  scrupuleu- 
sement examiné  tous  les  faits. 

Néanmoins,  je  dois  faire  remarquer  qu'en  semblable 
matière,  il  faut  être  extrêmement  réservé,  et  pour  faire  com- 
prendre combien  il  est  dangereux  de  s'aventurer  à  la  légère 
dans  de  semblables  questions,  je  rappellerai  ce  qui  s'est  passé 
avec  les  pierres  à  écuelle,  qui  sont  nombreuses  dans  le  Jura, 
en  Suisse  et  dans  l'est  de  la  France.  On  a  décrit  ces  pierres 
comme  ayant  servi  aux  sacrifices  humains;  on  les  avait  con- 
sidérées comme  les  récipients  du  sang.  Cette  erreur  est 
devenue  populaire  et  cependant  on  sait  aujourd'hui  combien 
cela  est  faux.  Il  faut  donc  mettre  beaucoup  de  réserve  dans 
les  matières  de  ce  genre  et  ne  s'avancer  qu'avec  prudence  et 
avec  toutes  les  preuves  à  l'appui. 


Sur  la  grotte  de  Sdaigneaux,  par  M.  G.  Aenould. 

Sclaigneaux  est  ud  hameau  dépendant  de  la  commune  de 
Vezin  et  situé  sur  la  rive  gauche  de  la  Meuse,  à  14  kilomè- 
tres de  Namur  ;  c'est  la  troisième  gare  du  chemin  de  fer  par- 
tant de  cette  ville  vers  Liège. 

A  300  mètres  en  amont  de  la  gare  et  au  niveau  de  la  voie 
ferrée,  soit  à  6  mètres  70  centimètres  au  dessus  de  l'étiage 
du  fleuve,  on  observe,  dans  un  petit  jardin,  au  pied  de  rochers 
dolomitiques,  très  élevés  et  verticaux,  d'énormes  blocs  de 
mémo  nature  détachés  de  la  masse;  ceux-  ci,  lors  de  leur 
chute,  ont  laissé  entre  eus  un  espace  vide  de  12  k  14  mètres 
carrés  de  surface.  Le  rocher  formant  la  paroi  du  fond  de 
l'excavation,  un  bloc  à  droite,  un  autre  à  gauche  soutenu  par 
le  premier  et  un  troisième  reposant  sur  les  deux  autres,  telle 
est  à  peu  près  la  caverne  de  Sclaigneaux.  On  voit  parfaite- 
ment dans  l'escarpement,  à  environ  12  mètres  du  sol,  l'em- 
placement occupé  primitivement  par  ces  blocs.  Dans  leur 
position  actuelle,  ils  présentent  des  joints  de  stratification 
en  discordance  complète  les  uns  avec  les  autres. 

Cette  excavation  offrait  plusieurs  ouvertures,  dont  quatre 
ont  pu  autrefois  en  permettre  l'accès,  mais  des  éboulis  suc- 
cesssifs,  puis  la  formation  d'une  stalagmite  qui  a  cimenté  les 
pierres,  sont  venus  obstruer  certaines  fissures  et  il  n'existe 
plus  aujourd'hui  que  deux  passages  accessibles  :  l'un,  d'une 
largeur  de  75  centimètres  sur  2  mètres  30  centimètres  de 
bïiuifiii:    furiJL..'  riuLl'im.'  L'iitivi;  au  niveau  du 


—  371  — 

Namur,  les  employés  de  roctroi  y  reconnurent  des  restes 
liumaius  et  dressèrent  procès-verbal  ;  mais,  grâce  à  Tinter- 
vention  du  bourgmestre  de  Vezin,  il  fut  constaté  que  ces 
débris  provenaient  de  la  grotte  de  Sclaigneaux  et  non  d'une 
sépulture  moderne. 

Lorsque  je  visitai  les  lieux  pour  la  première  fois,  le  3  juin 
1872,  l'ouverture  principale  était  bouchée  par  une  muraille 
faite  de  gros  moellons  de  dolomie  réunis  par  un  mortier  de 
chaux  ;  il  ne  restait,  à  la  partie  supérieure,  qu'un  espace 
libre  de  50  centimètres  environ.  Tout  le  sol  de  l'excavation 
était  en  déclivité  très  prononcée  vers  cette  entrée.  La 
seconde  ouverture  de  la  grotte  était  masquée  par  des  pierres 
et  des  terres. 

Cette  première  exploration  me  permit  de  recueillir  deux 
fragments  de  crânes  humains  et  divers  autres  ossements. 

Dans  la  première  partie  antérieure  de  Texcavation,  se 
trouvait  une  couche  de  10  centimètres  composée  de  débris 
modernes  de  toute  espèce  :  morceaux  de  verres,  de  tuiles,  de 
pots  et  autres  objets  mêlés  avec  des  pierres  et  des  cailloux  ; 
mais,  en  dessous,  on  n  y  découvrait  plus  que  des  fragments 
de  dolomie,  de  la  poussière  de  la  môme  roche  et  aucun  reste 
de  l'industrie  actuelle.  Mes  recherches  ultérieures  ont  con- 
firmé ce  premier  point  important. 

Avant  d'aborder  plus  complètement  la  relation  des  faits 
constatés  par  les  fouilles,  il  est  nécessaire  de  connaître  la 
disposition  de  la  caverne  telle  qu'elle  a  dû  se  présenter. 

L'entrée  principale,  au  niveau  du  sol,  forme  un  couloir 
de  1  mètre  90  centimètres  de  longueur;  la  roche  naturelle 
.^e  trouve  à  2  mètres  de  ce  point,  mais  la  caverne  s'étend  à 
droite  et  à  gauche  sur  une  longueur  d'environ  3  mètres 
50  centimètres  de  chaque  côté.  A  droite,  existe  un  gros 
quartier  de  roc  de  1  mètre  75  centimètres  de  hauteur, 
sur  lequel  repose  verticalement  un  autre  bloc.  Dans  l'extrôme 
partie  gauche,  une  grosse  pierre  divise  la  caverne,  laissant 
du  côté  du  rocher  un  espace  libre  de  40  centimètres,  qui 


doDne  accès  à  la  partie  supérieure  et,  du  côté  opposé,  un 
vide  d'environ  1  mètre  de  largeur.  C'est  contre  le  rocher  que 
se  présente  partout  le  maximum  de  hauteur  de  l'excavation  ; 
le  toit  s'incline  ensuite  fortement  vers  la  partie  antérieure. 

Le  sol  était  recouvert  de  pierres  assez  volumineuses  mélan- 
gées avec  des  fragments  plus  petits;  presque  en  face  de  l'en- 
trée, un  bloc  de  1  mètre  de  largeur  sur  1  mètre  70  centimè- 
tres de  longueur  et  20  à  30  centimètres  d'épaisseur,  'reposait 
sur  elles  (voyez  la  coupe  PI.  88). 

C'est  sur  ces  amas  que  l'on  a  rencontré  des  ossements 
au  devant  et  mâme  dans  les  couloirs,  mais  surtout  dans  la 
partie  gauche  de  la  caverne.  Fendant  la  première  période 
des  fouilles,  on  trouvait  les  ossements  gisant  pèle  mêle, 
sans  ordre,  sans  stratification,  au  milieu  de  petits  blocs  de 
dolomie,  de  pierres  et  de  pierrailles  de  même  substance  et 
dépoussière  âolomitique.  On  remarquait  non  seulement  un 
mélange  des  'diverses  parties  du  corps,  mais  l'association 
d'ossements  d'adultes  avec  ceux  d'enfants,  et  même  avec  des 
ossements  d'animaux. 

La  caverne  était  très  sèche  et  le  moindre  choc  faisait 
ébouler  toute  la  masse,  dont  on  peut  évaluer  le  volume  à 
13  mètres  cubes  environ.  Plus  tard  cependant,  j'ai  reconnu 
plus  d'ordre  dans  le  gisement.  En  un  premier  point  d'abord, 
j'ai  découvert  de  nombreux  ossements  d'enfants  contre  la  paroi 
du  fond  et  k  peu  de  distance  de  l'ouverture  supérieure  ;  puis, 
dans  l'extrême  partie  gauche,  les  fouilles  ont  fait  découvrir 
viiij^taiue  iKi  li^li'.-^.  I/i  iiuiitiuii  occujh'c  par  les  yiaMiiièrew 


—  373  — 

strictement  nécessaire  pour  y  loger  deux  têtes.  A  50  centi- 
mètres plus  loin,  se  trouvait,  parallèlement  à  cette  première 
ligne,  la  deuxième  rangée  de  5  tôtes,  placées  sur  une  lar- 
geur de  1  mètre  10  centimètres  comprise  entre  les  parois  de 
l'excavation.  Enfin,  à  30  centimètres  de  cette  seconde  ligne 
et  contre  le  fond  de  la  caverne,  existait  la  troisième  rangée 
composée  de  3  têtes  presque  contiguës  à  gauche  et  séparée 
de  deux  autres  par  une  pierre  vers  la  paroi  droite. 

Malgré  les  plus  grandes  précautions,  il  a  été  impossible  de 
les  retirer  toutes  complètes  ;  il  a  même  été  constaté  que  plu- 
sieurs d'entre  elles  étaient  fracturées  avant  leur  extraction. Ce 
fait  s'explique  aisément  par  la  nature  même  du  terrain  qui 
contenait  ces  têtes.  On  n'a  pu  retrouver  en  place  tous  les 
débris  ;  plusieurs  mâchoires  entre  autres  manquaient. 

L'intervalle,  compris  entre  les  rangées  de  têtes,  était 
rempli  par  des  ossements  de  diverses  parties  du  corps, 
associés  à  de  petites  pierres  et  à  de  la  poussière  dolomi- 
tique. 

La  quantité  de  débris  humains,  rencontrée  dans  l'excava- 
tion, peut  être  évaluée  à  près  de  2  mètres  cubes;  aucun  d'eux 
ne  présente  de  traces  de  coups  portés  pour  les  briser.  On  a 
trouvé  quelques  ossements  humains  ayant  subi  l'action  du  feu, 
mais  leur  nombre  est  si  faible  eu  égard  à  celui  des  ossements 
intacts,  que  Ton  ne  peut  y  voir  un  indice  d'anthropophagie  ; 
au  raste,  d'illustres  savants,  MM.  Virchow  et  Steenstrup,  ont 
reconnu,  h  l'époque  de  la  visite  du  Congrès  à  Namur,  que  la 
calcination  est  récente  pour  plusieurs  d'entre  eux. 

Les  ossements  d'animaux  sont  relativement  peu  nombreux 
et  appartiennent  à  des  espèces  vivant  encore  actuellement 
dans  notre  pays.  M.  De  Pauw,  préparateur  au  Musée  de 
Bruxelles,  est  venu  les  déterminer.  Voici  d'après  lui  les 
espèces  principales  : 


Hérisson, 
Blaireau, 
Fouine, 


Putois, 

Renard, 

Chien, 


24 


Chat, 

Lièvre, 

Lapin, 

Bœuf, 

Chèvre, 

Cerf, 


Sanglier, 
Cheval, 

Rongeurs  divers, 
Oiseaux  divers, 
Batraciens, 
Poissons  divers. 


Oq  a  en  outre  recueilli,  au  milieu  d^  la  masse,  des  silex 
taillés  en  furme  de  couteaux  et  une  admirable  pointe  de 
flèche  d'un  travail  remarquable  (PI.  87,  Gg.  3)  et  qui  est, 
sans  contredit,  le  pins  beau  spécimen  de  ce  genre  trouvé  eu 
Belgique.  On  y  rencontra  aussi  deux  aiguilles  en  os,  deux 
poinçons  également  en  os  (id-,  fig.  1  et  2) ,  une  petite  pointe 
en  corne  évidée  (id.  fig,  4)  une  valve  à'Uiiio  perforée  de  deux 
trous  près  de  la  charnière  (fig.  5),  enfin  des  fragments  d'une 
poterie  grossière  non  cuite,  dans  laquelle  on  observe  des 
grains  de  spath  calcaire. 

La  caverne  n'a  pu  servir  d'habitation  ;  elle  était  trop  petite 
et  surtout  trop  incommode  à  cause  des  nombreux  hloca  de 
roche  qui  l'encombraient.  Elle  a  servi  uniquement  de  lieu 
d'inhumation.  La  pointe  de  flèche,  les  silex  et  la  poterie  gros- 
sière, rencontrés  dans  cette  sépulture,  permetteat  d'en  pré- 
ciser l'époque  ;  on  doit  la  rapporter  évidemment  à  l'âge  de  la 
pierre  polie.  On  ne  pourrait  la  faire  remonter  à  une  date 
plus  reculée,  puisque  les  dépôts  des  âges  du  Renne  et  du 
Mammouth  y  font  défaut. 

La  découverte  de  cette  excavation  portait  à  croire  que  le 
campement  de  la  peuplade  ne  devait  pas  être  éloigné.  Mes 


—  375  — 

pierre  polie,  sont  situés  sur  des  plateaux  dont  les  escarpe- 
ments, garnis  de  rochers  à  pic,  sont  d'un  accès  difficile.  L'un 
d  eux  est  limité  au  midi  par  la  Meuse,  h  l'ouest  et  vers  le 
nord  par  le  ruisseau  de  Somme,  à  l'est  par  un  autre  ruis- 
seau ;  au  nord-est,  cette  montagne  se  relie  aux  vastes  pla- 
teaux de  la  Hesbayt?.  Le  second  campement,  situé  au  nord 
du  premier,  est  borné  au  sud  par  le  ruisseau  de  Somme  et  à 
Test  et  à  l'ouest,  par  des  ravins. 

La  planche  88  montre  les  rapports  des  campements  et  de 
la  sépulture. 

H  m'est  impossible  d'aborder  complètement  les  questions 
anthropologiques  relatives  à  la  sépulture  de  Sclaignaux; 
elles  sortent  du  cadre  de  mes  études  ordinaires  et  ne  pour- 
ront être  traitées  qu'après  la  reconstitution  des  crânes  et  des 
ossements  recueillis  dans  l'excavation.  Elles  feront,  je  l'es- 
père, l'objet  d'un  travail  par  un  homme  compétent.  Je  ne 
signalerai  donc  que  les  faits  les  plus  saillants. 

Il  était  d'abord  important  de  chercher  h  déterminer  le 
nombre  de  squelettes  déposés  dans  la  caverne  et,  à  cet  eiïet, 
j'ai  compté  toutes  les  parties  caractéristiques  des  ossements, 
telles  que  les  frontaux,  les  temporaux,  les  mâchoires,  les 
atlas  et  les  axis,  les  clavicules,  les  extrémités  des  membres 
supérieurs  et  inférieurs  dont  voici  le  tableau  : 

Nombre. 

Frontaux  presque  complets 23 

-,  l  droits 48 

Temporaux  {          ,  or» 

'  f  gauches 36 

presque  complètes 08 

Mâchoires  inférieures  {  portions  de  maxillaires  droits  .     .  17 

—  —          gauches    .  18 
presque  complètes 19 

Mâchoires  supérieures  [  portions  de  maxillaires  droits  .     .  15 

—  —  gauches  .  17 

Atlas 39 

Axis 40 


Clavicules  droites  (extrémités  externes) 44 

—       gauches  (     —  —      ) 49 

p,  l  extrémités  supérieures 54 

j        —         inférieures 38 

„., .        l  extrémités  supérieures 20 

I        —         inférieures 20 

p,      ,    l  extrémités  supérieures 37 

1        —         inférieures 25 

„      ,      (  extrémités  supérieures 89 

Humérus!                  .  -V-  ,„ 

(       —        inférieures 48 

cubiiis  ('""■»"*  ■"'"*"''"™!SS'-:»i   ....    105 

I        —         inférieures 39 

j,   ..        l  extrémités  supérieures 76 

f        —         inférieures 45 

Comme  on  devait  s'y  attendre,  dans  un  gisement  tel  que 
celui  que  j'ai  décrit,  la  plupart  des  crânes  étaient  brisés  ;  le 
nombre  de  leurs  fragments  disséminés  dans  la  masse  est  con- 
sidérable ;  la  face  est  conservée  dans  quatre  d'entre  eux  seu- 
lement. A  l'inspection  du  tableau,  on  remarquera  d'abord 
une  énorme  disproportion  entre  le  chiffre  des  mâchoires 
supérieures  et  celui  des  m&choires  inférieures.  On  rencontre 
encore  cette  disproportion  en  comparant  le  nombre  de  mo- 
laires recueillies  isolément  et  appartenant  aux  maxiUaires 
inférieurs  avec  le  nombre  des  dents  correspondantes  supé- 
rieures. Le  nombre  des  extrémités  des  os  des  membres  est, 
comme  on  peut  le  voir,  très  variable.  Doit-on  en  chercher 
l'explication  dans  la  différence  des  tissus  qui  rend  les  unes 


—  377  — 

mâchoires  supérieures,  donne  seulement  le  chiffre  de  49, 
égralement  trop  élevé.  Le  nombre  de  temporaux  correspond 
à  48  squelettes  et  celui  des  atlas  à  40.  Prenons  maintenant 
les  extrémités  les  pins  nombreuses  :  colles  des  humérus  nous 
donneront  44  individus  ;  celles  des  cubitus  ganclies,  55,  et 
les  extrémités  externes  des  clavicules,  49.  Nous  voyons 
donc,  qu'à  l'exception  du  nombre  donné  par  les  mâchoires 
inférieures,  on  arrive  à  une  proportion  variant  de  40  à 
55  squelettes. 

Il  m'a  paru  également  intéressant  de  déterminer  approxi- 
mativement l'âge  relatif  des  individus  déjiosés  dans  la 
caverne;  c'est  ce  que  fait  ressortir  le  tableau  suivant,  que 
j'ai  dressé  d'aprùs  la  quantité  de  mâchoires  recueillies. 


DKSIGNATIO.N. 

MACHMHES  INfÉ 

tS". 

NAMOIRES  SUPÉHIEUKES.    | 

II 

n  «mu 

l 

1 

1 

S, 

1  UtiUlllEf  1 

1 

1 

1 

î 

1 
1 

13 

1C 

SI 
12 

62 

2 
4 

11 

n 

4 
3 

- 

6 

' 
. 

3 

4 
.  2 

11 

4 

3 

3 

4 

G 
G 

AdultesposséOaiittesdouxgroBaea 
m<jluii'e<j 

Adultes  p.jssMaiil  loB  trois  grosaoe 
niolairaa     

Totaux.     .     .     . 

18    6 

Il      4 

Un  éminent  spécialiste,  M.  le  professeur  Virchow,  lors  de 
hi  visite  du  Congriis  ii  Namur,  a  pris  les  mesures  de  quelques 
crânas  de  Sclaignaux  ;  elles  sont  consignées  dans  le  tableau 
suivant. 


DESIGNATION, 

■ 

Il 

°i 

^1 

1 

1 
1 

i 

i 

s 

1 

i 
1 

1 

4 
11 

"s 

1 

1 

1 
1 

INDICK.    1 

1 

1 

Crâno  n»  la  . 

5S6 

341 

18G 

16-1 

137.3 

102 

03 

lT.i1 

22 

48': 

134  i 

133; 

106 

88.1 

73.7 

Crâne  tt"  St. 

- 

101 

15*51 

135 

loi; 

94 

1301 

21 

531 

132  1 

132 

- 

B1.6 

70.(j 

CrAoe  ii°  3  . 

S14 

175 

151 

- 

- 

- 

122 

™ 

Crâna  n"  4  . 

- 

176 

" 

- 

- 

120 

125 

développie»,  h>p1  r 

■  ■«< 

umnids  daru  lu  (ontuDelLo  pai(i>rleure.  L 
1  BU  dsHUi  do  la  racins  «lu  no*.  Lm  rten 

1  prntDhèrsoeca  snrclIKtrss.  trts 
s  tanl  un  peu  ukb»  i  1b  daroliro 

1 

De  mon  côté,  j'ai  pris  sur  les  frontaux  certaines  mesures, 
qui  sont  consignées  dans  le  tableau  ci-dessous. 


aUCONFÉREIlCE 

ft-oatak. 

longueur. 

Itt  bane. 

Frontal  a"    1 

134 

ll'J 

102 

—      n-    a 

134  i 

120 

9.i 

-      11-3 

123 

1111 

04 

—      u"    4 

123 

108 

^H 

—  379  — 

On  remarquera  de  légères  différences  avec  les  dimensions 
prises  par  M.  Vircliow;  elles  tiennent  uniquement  à  l'imper- 
fection de  l'instrument  d'emprunt  dont  s'est  servi  l'illustre 
savant. 

Ces  divers  tableaux  et  l'inspection  des  crânes  montrent  les 
caractères  principaux  de  la  peuplade  de  Sclaignaux  (PL  8G). 

1°  Elle  appartient  franchement  au  type  bracliycépliale  ; 

2**  Le  front  est  généralement  déprimé  et  plus  spéciale- 
ment dans  les  cn\nes  n"^  2,  3,  19,  21:  et  22; 

3"  On  remarque  un  aplatissement  du  sommet  assez  pro- 
noncé dans  les  crânes  n**'  1,  6,  8,  9,  11,  12,  13,  14,  15  et 
18,  moins  accusé  dans  ceux  portant  les  n°*  4,  5,  7,  10  et 
17;  les  crânes  n""  2,  3  et  16  ne  présentent  pas  ce  ca- 
ractère ^; 

4°  Les  bosses  pariétales  sont  généralement  très  dévelop- 
pées, ce  qui  donne  au  crâne  une  très  grande  largeur  ; 

5"  D'après  M.  le  docteur  Daubioul,  qui  m'a  tant  secondé 
pendant  l'exécution  des  fouilles  et  h  qui  je  tiens  à  témoigner 
ici  ma  gratidude,  le  grand  diamètre  transversal  est  reporté 
très  en  arrière  ; 

6°  Les  arcades  surcilières  sont  généralement  assez  fortes  ; 

7°  On  observe,  dans  certains  crânes,  un  redressement  re- 
marquable des  os  nasaux  ; 

8"  Enfin  le  diamètre  bimalaire  est  assez  fort. 

Quant  aux  mâchoires,  l'usure  des  incisives  est  très  pro- 
noncée, de  môme  que  celle  des  molaires.  Chez  les  individus 
âgés,  on  n'observe  presque  plus  les  tubercules  et  la  couronne 
est  fortement  entamée.  Cette  usure  est  proportionnelle  à 
l'âge  des  individus.  L'obliquité  des  branches  est  très  variable, 
de  môme  que  l'épaisseur,  la  hauteur  et  la  saillie  du 
menton. 

1  M.  Dupont  a  étuiliô  ces  crânes  aprôs  la  visite  de  M.  Virchow.  Il  a  re- 
connu que  cette  (léformation  était  artiliciello  et  avait  eu  pour  effet  do 
rejeter  au  dehors  les  parties  latérales  des  pariétaux,  de  l'occipital  et  du 
frontal,  en  aplatissant  le  sommet. 


M.  le  docteur  Daubioul  a  reconnu  des  traces  de  rachi- 
tisme sur  dea  vertèbres  déformées,  ainsi  que  sur  des  tibias 
qui  présentent  souvent  du  reste  la  forme  dite  <  en  lame  de 
sabre.(P1.87,  fig.  6etPl.  88.) 

A  l'exception  de  quelques  grottes,  dans  lesquelles  on  a 
rencontré  de  rares  ossements  humains  associés  à  des  silex 
caracteristiques  de  l'ftge  de  la  pierre  polie,  on  ne  connaissait, 
en  Belgique,  que  deux  sépultures  de  cet  âge  :  celle  de  Gen- 
dron  et  celle  de  Chauvaux. 

La  première,  fouillée  par  notre  Secrétaire  général, 
M.  É.  Dupont,  contenait  17  squelettes  étendus  par  séries 
successives  de  deux  et  de  trois  individus;  après  les  4' 
et  5'  rangées,  se  trouvait  un  squelette  placé  transversa- 
lement. 

La  grotte  de  Chauvaux,  fouillée  par  l'illustre  et  regrette 
Spring,  n'avaitdonné  d'abord  aucune  indication  bien  précise  ; 
la  plupart  des  gisements  trouvés  par  lui  étaient  emp&tés  dans 
une  épaisse  couche  de  stalagmite.  Elle  fait  l'objet  de  nou- 
velles recherches  dirigées  par  mon  ami  M.  Soreil,  qui  a  eu 
l'heureuse  chance  de  trouver  en  place  deux  squelettes  com- 
plets repliés  avec  les  jambes  croisées. 

Enâo  les  fouilles  de  Sclaignaux  viennent  de  révéler  un 
mode  d'inhumation  tout  particulier,  bien  différent  des 
deux  précédents.  Il  importe  d'exposer  mes  observations  sur 
ce  sujet,  t 

On  a  observé  d'abord  un  étrange  désordre  parmi  les  osse- 


—  381  — 

longueur  de  1  mètre  10  centimètres,  et  d'ailleurs  l'espace 
compris  entre  les  rangées  de  cadavres  (0"30  et  O^SO)  n'était 
pas  suffisant  pour  les  contenir,  en  admettant  même  qu'ils 
fussent  repliés. 

Je  rappellerai  encore  la  grande  quantité  d'ossemeuts 
trouvés  dans  la  partie  gauche  de  l'excavation  sous  l'ouver- 
ture supérieure,  qui  est  si  étroite  qu'un  homme  de  force 
moyenne  ne  peut  y  passer. 

On  se  souviendra  enfin  de  tous  les  objets  qui  ont  été  ren- 
contrés dans  l'excavation  :  cette  belle  pointe  de  flèche,  ces 
silex,  ces  aiguilles  en  os,  ces  poinçons,  ce  fragment  de  corne, 
cette  coquille  perforée,  cette  poterie  caractéristique. 

Tels  senties  faits  ;  mais,  avant  de  conclure,  il  faut  attendre 
que  de  nouvelles  découvertes  soient  venues  confirmer  cette 
singulière  sépulture. 

Je  ferai  remarquer,  eu  terminant,  qu'on  aie  droit  s'étonner 
de  voir  qu'à  l'époque  de  la  pierre  polie,  il  existait,  dans  des 
localités  aussi  rapprochées  que  Sclaignaux,  Chauvaux  et 
Gendron,  des  modes  d'inhumation  aussi  diflPerents. 

Beaucoup  d'autres  sépultures  de  cette  époque  doivent  se 
trouver  dans  le  pays,  car  un  très  grand  nombre  de  nos  pla- 
teaux ont  servi  de  campement  aux  populations  primitives. 
On  rencontre  eu  effet  sur  beaucoup  d'entre  eux  quantité  de 
silex  taillés  et  polis.  Chacune  de  ces  stations  avait-elle  son 
heu  de  sépulture?  De  nouvelles  recherches  pourront  élucider 
cette  question,  expliquer  peut-être  la  diversité  des  modes  de 
sépulture  signalée  plus  haut,  jeter  leur  lumière  sur  bien 
d'autres  points  encore  obscurs  et  enfin  permettre  de  recon- 
stituer lethnographie  de  ces  populations  préhistoriques. 

l:inr  une  nonrelk  exploration  de  la  caverne  de  ChanxauXy 

par  M.  SoREiL. 

En  ï'ACQ  de  Rivière,  village  situé  sur  la  rive  gauche  de  la 
Meuse  entre  Namur  et  Dinant,  se  dressent  presque  perpendi- 


culairement  les  rochers  de  Chauvaux,  entrecoupés  de  ravins 
et  recouverts  en  partie  de  végétation  (PI.  27).  Le  sommet  en 
est  couronné  par  un  plateau  qui  ee  relie  aux  plateaux  du 
Condroz.  Vers  la  base,  à  18  mètres  au  dessus  de  l'étiage  de 
la  Meuse,  se  trouve  la  caverne  de  Chauvaus,  rendue  célèbre 
par  les  travaux  du  savant  et  regretté  Spring.  La  caverne 
proprement  dite  est  petite  (4  mètres  de  longueur  sur  1"50  de 
laideur),  mais  la  paroi  de  gauche  se  prolonge  latéralement 
et  forme,  de  ce  côté,  un  abri  sous  roche  assez  étendu. 

En  1837-38,  le  colonel  Dandehn  signalait  déjà  la  pré- 
sence d'ossements  dans  la  caverne  de  Chauvaux.  En  1842, 
Spring ,  la  visitant  pour  la  première  fois,  y  faisait  des  fouilles 
et  en  1853,  il  rendait  compte  de  ses  recherches  à  l'Académie 
de  Belgique  ' . 

En  dessous  d'une  couche  de  limon  de  0"03  &  0"20,  se 
trouvait  «  une  couche  de  stalagmite  très  dure  et  transpa- 
i  rente,  épaisse  de  0°'45  à  l'entrée  de  la  grotte  et  de  O^IS  au 
i  fond  » .  C'est  en  dessous  de  cette  stalagmite,  à  droite  que 
la  brèche  osseuse  a  été  rencontrée.  *  Cette  brèche,  écrivait  le 
<  docteur  Spring,  contenait  péle  mêle  et  dans  le  plus  grand 

•  désordre,  des  ossements  humains,  des  os  de  divers  ani- 

•  maux  domestiques  et  de  chasse,  tels  que  cerfs,  élans, 
»  aurochs,  lièvres,  martes,  oiseaux,  etc.,  pour  autant  qu'il 
»  était  possible  de  les  déterminer.  Ces  os  étaient  extrème- 

•  ment  fragiles,  friables  même  et  la  plupart  brisés  en  mor- 
i  ceaux  plus  ou  moins  grands,  sans  que  leur  cassure  fût 


—  383  — 

valent  identiquement  dans  les  mêmes  conditions  que  ceux 
des  animaux,  qu'ils  étaient  plus  nombreux  que  ceux-ci  et 
que  tous  les  os  humains  trouvés  ont  appartenu  h  des  femmes, 
à  des  jeunes  hommes  et  à  des  enfants.  Enfin,  il  signale, 
dans  le  gisement,  la  présence  de  charbon  de  bois  et  de  bri- 
ques ou  d'argile  calcinée. 

Spring  avait  aussi  recueilli  «  un  os  pariétal  enchâssé  dans 
«  de  la  stalagmite  et  offrant  une  fracture  opérée  par  un 
«  instrument  contondant.  L'instrument  lui-même  se  trou- 
<  vait  enchâssé  dans  la  même  portion  de  brèche.  C'était  une 
€  hache  en  pierre,  d'un  travail  grossier  et  sans  trou  pour  y 
«  adapter  un  manche.  »  Cette  hache  et  une  autre  brisée, 
près  de  sa  grosse  extrémité,  sont  les  seuls  instruments  trou- 
vés dans  cette  fouille. 

De  ces  faits,  le  savant  professeur  concluait  que  l'on  devait 
voir  dans  les  os  que  contenait  la  caverne  de  Chauvaux,  les 
restes  d'un  festin  de  cannibales. 

La  découverte  de  Spring  était  considérable;  elle  faisait 
faire  un  pas  à  la  science,  aussi  eut-elle  tout  le  retentissement 
qu'elle  méritait.  Comme  le  fait  remarquer  M.  Dupont i,  le 
professeur  de  Liège  fut  un  des  premiers  à  émettre  des  idées 
rationnelles  sur  le  mode  d'introduction  des  ossements  dans 
les  cavernes. 

Plus  tard^,  il  revint  sur  le  môme  sujet  et  s'efforça  de 
défendre  sa  conclusion,  ([ui  avait  rencontré  des  objections. 
Il  signale  l'existence  d'une  quantité  considérable  d'os  hu- 
mains en  partie  calcinés  ;  il  insiste  de  nouveau  sur  ces  deux 
faits,  que  les  os  longs  sont  exactement  brisés  comme  ceux 
des  animaux  et  que  pas  un  os  humain  n'offre  manifestement 
les  caractères  de  ceux  d'hommes  adultes,  et  il  arrive  à  con- 
clure que  ces  ossements  indiquent,  non  pas  «  des  anthropo- 

*  Annales  de  la  Soc iéU^.  archéologique  de  Xamur^  1871,  p.  212  ai  Llluninie 
pendant  les  âges  de  la  pierre ^  dans  les  environs  de  Dînant,  2«  éd.,  p.  20. 

«  BulL  de  VAcadémie  de  Ik-lgique,  2«  séi-.,  t.  XVIII,  1S«34  et  t.  XXII, 
1866. 


«  phages  d'occasioa  ou  de  aécessité,  mais  de  vrais  canni- 
>  baies,  mangeant  de  la  chair  hiunaine  jiar  goût,  choisissant 
«  ce  qu'il  y  a  de  mieux  et  soumettant  peut-être  leurs  vie- 
«  times  k  un  engraissement  préalable,  comme  font  encore 
«  aujourd'hui  les  Battas  à  Sumatra;  les  Orang  Tudongues 
«  à  Bornéo  et  d'autres  cannibales  raffinés,  i 

n  fautle  reconnaître,  les  raisons  données  par  Spring  étaient 
sérieuses.  Cependant,  malgré  toute  l'autorité  de  ce  savant, 
.  un  doute  demeurait  dans  l'esprit  lorsqu'on  remarquait  que, 
dans  toutes  les  fouilles  de  cavernes  faites  postérieurement, 
aucune  trace  manifeste  de  cannibalisme  n'avait  été  con- 
statée. En  Belgique  notamment,  les  fouilles  de  M.  Dupont, 
n'avaient  pas  fourni  de  faits  qu'on  put  expliquer  comme 
l'avaîeut  été  ceux  de  Chauvaux.  La  tribu  de  Chauvaux 
aurait-elle  eu  d'autres  mœurs  que  ses  voisines?  Aurait-elle 
été  une  exception?  Rieu,  d'après  M.  Dupont,  ne  semblait  le 
prouver  et  il  interpréta  les  restes  découverts  i  Chauvaux 
comme  ceux  d'une  sépulture  de  l'âge  de  la  pierre  polie'. 
J'étais  donc  porté  à  croire  qu'une  nouvelle  exploration  de 
cette  grotte  était  désirable,  afin  de  réunir  d'antres  éléments 
de  solution. 

Mes  doutes  prirent  plus  de  consistance  lorsque,  au  com- 
mencement de  l'été  dernier,  en  parcourant  le  plateau  qui 
couronne  l'escarpement  de  la  cuverne,  je  trouvai  des  silex 
taillés  disséminés  sur  le  sol.  Quelques  recherches  m'en  firent 
bientôt  découvrir  d'autres,  et,  après  peu  de  temps,  j'en  avais 


—  385  — 

d'un  gazon  court  et  peu  abondant;  quelques  buissons  rabou- 
gris y  croissent' avec  peine. 

L'agriculture  n'a  pu  s'emparer  de  ce  terrain  aride,  où  la 
roche  est  presque  à  nu  et  où,  par  conséquent,  jamais  végé- 
tation vigoureuse  n'a  pu  exister.  Le  plateau  de  Cliauvaux 
devait  donc  être  une  clairière,  alors  que  tous  les  environs 
étaient  couverts  de  forêts.  Or,  la  plupart  des  stations  de 
l'âge  de  la  pierre  polie  de  la  province  de  Namur,  et  elles  sont 
en  grand  nombre,  se  trouvent  dans  les  mômes  conditions. 
Il  semblerait  donc  que  ces  populations  primitives  habitaient 
de  préférence  les  clairières,  surtout  lorsque  celles-ci  se  trou- 
vaient dans  les  conditions  topographiques  spéciales  qui  ont 
été  indiquées.  On  a  observé,  en  effet,  que  généralement  les 
restes  de  cet  âge  se  rencontrent  sur  des  plateaux  avoisinant 
les  cours  d'eau,  élevés  de  50  à  70  mètres  au  dessus  du  fond 
de  la  vallée,  et  d'un  accès  impossible  ou  difficile  au  moins  de 
trois  côtés.  Ils  ne  sont  généralement  reliés  aux  hauteurs 
voisines  que  d'un  seul  côté.  C'est  le  cas  de  Chauvaux,  borné 
vers  l'ouest  par  les  escarpements  de  la  Meuse,  au  sud  et  au 
nord  par  deux  petites  vallées  secondaires. 

Avant  d'aller  plus  loin,  je  ferai  remarquer  que  le  plus  grand  ' 
nombre  des  silex  se  trouvait  sur  les  bords  du  plateau,  ce  qui 
semblerait  indiquer  que  les  anciens  propriétaires  habitaient 
ces  endroits  de  préférence. 

Après  la  découverte  de  cette  station,  je  devais  me  deman- 
der s'il  n'existait  aucune  corrélation  entre  elle  et  la  caverne 
en  dessous.  Il  importait  donc  de  faire  de  nouvelles  recherches 
dans  celle  ci,  d'autant  plus  qu'il  était  visible  qu'elle  n'avait 
été  fouillée  qu'incomplètement.  Je  fis  une  proposition  dans 
ce  sens  à  la  Société  archéologique  de  Namur,  qui  me  fit 
l'honneur  de  me  confier  la  direction  des  fouilles. 

Feu  M.  Wala,  propriétaire  de  la  caverne,  m'autorisa 
immédiatement  à  faire  tous  les  travaux  nécessaires  et  à  dis- 
poser, en  faveur  du  Musée  de  Namur,  des  objets  que  je  trou- 
verais. 


Les  fouilles  commencèrent  le  3  juin  dernier.  Primitive- 
ment, la  coucLe  de  stalagmite  s'étendait  jusqu'à  l'eutrée  de 
la  caverne.  On  en  voit  encore  des  traces  contre  la  paroi  de 
droite;  on  voit  aussi,  au  même  endroit,  les  fourneaux  des 
mines  que  le  docteur  Spring  a  dû  battre  pour  la  faire  sauter. 
Elle  a  été  presque  entièrement  enlevée  par  ce  savant  explo- 
rateur, qui  n'en  a  laissé  qu'une  petite  partie  intacte  au  fond 
de  l'excavation  (Voyez,  PI.  89,  le  n"  4  de  la  coupe  ver- 
ticale). 

Dans  l'abri  sous  roche,  la  couche  supérieure  (n"  4)  con- 
sistait en  une  terre  assez  meuble,  noir&tre,  légère,  contenant 
beaucoup  de  fragments  anguleux  de  calcaire  détachés  de  la 
roche  surplombant  sur  la  stalag;mite  et  détachés  probablement 
pendant  la  fouille,  ou  quand  la  cavité  servit  de  magasin  h 
poudre  pendant  la  construction  du  chemin  de  fer. 

Cette  première  couche,  d'origine  moderne,  avait,  du  reste, 
été  en  partie  remaniée  il  y  a  quelques  années  :  le  proprié- 
taire ayant  fait  exécuter  quelques  travaux  de  nivellement  k 
l'entrée  de  la  caverne  pour  en  faciliter  l'accès. 

Les  fouilles  ont  mis  ensuite  à  découvert  une  seconde  couche 
(n°  2),  composée  de  fragments  anguleux  et  de  gros  blocs 
ayant  la  même  origine  que  les  précédents,  empâtés  dans  une 
gangue  blanche,  très  cohérente.  Cette  couche  s'étendait,  en 
diminuant  d'épaisseur,  sous  la  couche  de  stalagmite,  dont 
elle  prenait  insensiblement  les  caractères.  Elle  avait  toute 
l'apparence  d'une  brèche  ou  plutôt  d'un  béton;  souvent  il 
t'-tiiit  1res  difficile  do  l'iittaquer  avec  la  pioche 


—  387  — 

Je  décrirai  d  abord  les  objets  des  deux  uiveaux  inférieurs, 
qui  n'offrent  pas,  à  beaucoup  près,  le  môme  intérêt  que  celui 
qui  leur  est  superposé. 

J'ai  dit  que  la  couche  n**  3  devait  être  rapportée  à  Targile 
h  blocaux.  Elle  en  a  tous  les  caractères  minéralogiques  et 
occupe  la  même  position  stratigraphique  en  dessous  des 
dépôts  modernes.  Elle  contenait  des  éclats  de  silex,  un 
caillou  roulé  ardennais,  et  des  ossements  d'animaux  que  l'on 
doit  rapporter  aux  espèces  suivantes^  :  Lièvre,  Renard, 
Sanglier,  Cerf,  Chevreuil,  Bœuf.  Ces  ossements,  outre  un 
certain  nombre  non  déterminés,  étaient  tous  brisés. 

J'ai  aussi  recueilli,  dans  ce  niveau,  au  fond  de  la  caverne, 
la  moitié  d'un  fémur  humain  cassé  transversalement  par  le 
milieu,  et  quelques  petits  fragments  de  crâne.  Aucun  de  ces 
os  ne  portait  de  traces  de  coups. 

On  ne  pourrait  que  faire  des  hypothèses  plus  ou  moins 
hasardées,  pour  expliquer  la  présence  de  ces  ossements  hu- 
mains au  fond  de  la  caverne.  Du  reste,  aussi  bien  que  les 
ossements  d'animaux  et  les  éclats  de  silex,  ils  sont  en  petit 
nombre.  Doit-on  y  voir  l'indice  d'une  occupation  de  courte 
durée,  ou  bien  le  phénomène  qui  a  mis  fin  à  l'âge  du  Renne 
et  déposé  Targile  à  blocaux,  a-t-il  emporté  une  partie  des  osse- 
ments existant  dans  la  caverne?  Les  deux  hypothèses  sont 
admissibles,  car  la  caverne  est  étroite,  peu  profonde,  partant 
d'une  habitation  difficile  et  incommode;  d'un  autre  côté, 
l'action  des  eaux  pouvait  se  faire  sentir  jusqu'à  son  extrémité. 
De  plus,  le  roc  qui  en  formait  primitivement  le  sol,  est  in- 
cliné vers  la  vallée. 

L'étage  intermédiaire  n"  2  est  parfaitement  distinct  des 
deux  autres  dans  l'abri  sous  roche,  mais  il  passe  à  la  stalag- 
mite dans  la  caverne.  A  peu  de  distance  de  l'entrée  de  celle- 
ci,  on  remarquait  de  gros  blocs  détachés  du  rocher  de  la 
caverne.  Cet  étage  contenait,  outre  des  ossements  indéter- 

1  Je  dois  la  détermination  des  espèces  animales  à  M.  De  Pauw,  pré- 
parateur au  Musée  d'Histoire  naturelle  de  Bruxelles. 


minables,  les  restes  des  espèces  suivantes  :  Lièvre,  Renard, 
Sanglier,  Cerf,  Chèvre,  Bœuf,  rongeurs  et  oiseaux.  J'y  ai 
recueilli  aussi  des  couteaux  et  des  éclats  de  silex,  des  char- 
bons de  bois  et  des  fragments  de  poterie  rouge,  grossière  et 
contenant  des  grains  de  spath. 

A  l'entrée  de  la  caverne,  cette  couche  contenait  quelques 
ossements  humains,  notamment  des  os  du  pied  et  un  humérus 
cassé  transversalement  près  de  son  extrémité  supérieure. 
Aucun  de  ces  os  ne  portait  de  traces  de  coups.  On  remarque, 
au  contraire,  sur  un  fragment  d'un  os  long  de  Bœuf,  la  trace 
évidente  d'un  coup  porté  par  un  instrument  contondant,  qui 
en  a  déterminé  la  cassure  longitudinale.  On  ne  peut  donc 
douter  que  les  os  d'animaux  n'aient  été  introduits  par  l'homme 
et  ne  soient  les  restes  de  ses  repas. 

Des  silex  étaient  disséminés  dans  toute  l'épaisseur  de  la 
couche,  mais  le  plus  grand  nombre  se  rencontrait  au  contact 
de  l'ai^ile  à  blocaux.  En  certains  points,  une  ligne  noirâtre 
très  visible,  de  2  centimètres  d'épaisseur,  séparait  les  deux 
couches. 

Bien  que  je  n'aie  trouvé  ni  haches  polies,  ni  pointes  de  flè- 
ches, ni  aucun  autre  objet  caractéristique,  je  dois  rapporter, 
k  l'époque  de  la  pierre  polie,  la  peuplade  qui  a  laissé  là  ces 
restes.  La  position  de  ceux-ci  au  dessus  de  l'argile  à  blocaux, 
ne  peut,  me  paralt^il,  laisser  de  doutes  h,  cet  égard.  Au  reste, 
le  petit  nombre  d'objets  recueillis  prouve  qu'il  n'y  a  pas  eu 
séjour  prolongé  et  continu  pendant  tout  le  temps  de  la  for- 
mation ilii  tL'p'if  ijul  imns  o''fu|ii.'.  La  triliu,  OU  une  partie 


—  389  — 

nombreux  silex,  des  os  humains  et  d  animaux,  mais  la 
principale  découverte  fut  faite  au  milieu  du  mois  de  juin 
dernier.  Les  ouvriers  découvrirent,  dans  labri  sous  roche, 
deux  squelettes  complets  adossés  au  rocher  et  entourés  de 
pierres  assez  grosses.  J'ai  retiré  moi-même  ces  ossements,  et 
j'ai  pu  m'assurer,  par  leurs  dispositions  que  les  cadavres 
avaient  été  déposés,  les  jambes  repliées  sous  le  corps,  dans 
une  position  accroupie.  Les  têtes,  inclinées  sur  les  bras, 
étaient  au  dessus  des  autres  ossements  et  avaient  la  face 
tournée  vers  la  vallée.  Tous  ces  os  étaient  entiers  ;  des  éclats 
de  silex  se  trouvaient  mêlés  avec  la  terre  qui  les  entourait. 
Les  deux  squelettes  étaient  à  côté  l'un  de  l'autre  et  repo- 
saient dans  de  petites  fosses  creusées  dans  le  dépôt  intermé- 
diaire. 

Les  fouilles  furent  continuées  après  cette  exploration;  mais 
les  ossements  humains  que  je  trouvai  encore  étaient  dissé- 
minés sans  ordre  dans  l'épaisseur  de  la  couche  :  ils  étaient 
plus  nombreux  près  du  rocher. 

Le  bord  alvéolaire  d  une  mâchoire  inférieure  est  complète- 
ment atrophié  :  il  ne  lui  reste  qu'une  seule  alvéole.  Je  citerai 
aussi  plusieurs  fragments  de  mâchoires,  dont  un  a  conservé 
trois  molaires  ;  d'autres,  dont  les  dents  sont  très  usées  et  enfin 
quelques-uns  provenant  d'individus  plus  jeunes. 

Je  n'ai  pas  trouvé  de  ha'ches  ou  de  fragments  de  haches 
polies,  mais  deux  pointes  de  flèches,  dont  une  à  ailerons 
(PI.  89),  des  perçoirs,  des  couteaux,  des  nuclei  et  des  cen- 
taines d'éclats.  Un  andouiller  de  cerf  a  été  perforé  latérale- 
ment et  porte  des  entailles  faites  à  l'aide  d'un  instrument  en 
silex.  Un  autre  morceau  du  bois  du  même  animal  a  été 
façonné  en  perle  de  la  grosseur  d'une  noisette  et  perforée. 
Cette  couche  a  aussi  fourni  du  charbon  et  de  la  poterie 
grossière  contenant  des  grains  de  spath  calcaire. 

Les  os  d'animaux  étaient  nombreux  et  doivent  être  rap- 
portés aux  espèces  suivantes  :  Castor,  Hamster  et  autres 
petits  rongeurs.  Lièvre,  Blaireau,  Renard,  Sanglier,  Cerf, 

25 


Chevreuil,  Chèvre,  Bœuf  et  oiseaux.  Les  ossements  des 
petites  espèces.  Renard,  Lièvre,  ainsi  que  les  mâchoires,  c'est 
à  dire,  les  os  qui  ne  contiennent  pas  de  moelle  sont  entiers; 
au  contraire,  tous  les  os  longs  de  Bœuf  et  de  Cerf  sont  inva- 
riablement brisés.  On  voit  parfaitement,  sur  un  os  long  de 
Bœuf,  des  entailles  faites  à  l'aide  d'un  instrument  en  silex, 
et  la  trace  du  coup  qui  l'a  fendu  longitudinalement.  Un 
autre  os  de  Bœuf  et  une  canine  de  Sanglier  ont  une  de  leurs 
extrémités  brblée. 

Ces  circonstances  et  l'association  de  tous  ces  débris  d'ani- 
maux à  des  instruments  en  silex,  à  de  la  poterie  et  du  char- 
bon ne  me  permettent  pas  de  douter  qu'ils  n'aient  été 
apportés  par  l'homme  et  qu'ils  ne  soient  les  restes  de  ses 
repas. 

Peu  d'objets  ont  été  recueillis  dans  la  caverne  proprement 
dite;  ils  se  trouvaient  presque  tous  à  l'entrée  et  principalement 
dans  l'abri  sous  roche.  Les  fouilles,  faites  dans  ce  qui  restait 
de  stalagmite  au  fond  de  l'excavation,  ne  m'ont  donné  ni  des 
silex,  ni  des  os  d'animaux  ;  je  n'y  ai  trouvé  que  des  ossements 
humains,  notamment  un  fémur,  des  côtes,  des  os  du  carpe 
et  du  tarse  et  quelques  autres  os  qu'il  m'a  été  impossible  de 
dégager  sans  les  briser.  Les  os  longs  que  j'ai  pu  observer, 
n'étaient  pas  fendus  longitudinalement  et  il  m'a  même  été 
possible  d'obtenir  un  fémur  parfaitement  entier. 

Voici  quelques  données  sur  les  ossements  humains  dé- 
couverts dans  l'abri.  L'un  des  crânes  est  parfaitement 
conservi!'  ni  tiiMi'  t-tmlit'  piirM.  VircLuw,  qui,  iivei.'  ui»?  bien- 


-  391  ■ 


crftne  sont  encore  plus  oblitérées;  les  tables  externes  dea 
pariétaux  se  sont  rapprochées  des  tables  internes,  ce  quia  eu 
pour  effet  de  produire  des  dépressions  extérieures  considéra- 
bles et  de  déformer  le  crâne.  Le  bord  alvéolaire  est  aussi  atro- 
phié ;  il  ne  reste  que  deux  dents  du  côté  gauche,  mais  la  mâ- 
choire n'est  pas  complète. 

Voici  le  tableau  que  l'illustre  savantdont  Je  viens  de  parler, 
a  bien  voulu  me  communiquer. 


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124 

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51 

139 

129 

115 

71.8 

ILS 

La  distance  des  lignes  courbes  qui  circonscrivaient  les 
fos.ses  temporales  dans  la  région  de  la  suture  coronaire, 
mesure  115. 

Les  crânes  de  Chauvaux  sont  complètement  différents  de 
ceux  de  Furfooz  et  de  Sclaignaux.  S'ils  sont  de  races  dif- 
férentes, il  semblerait  aussi  que  cette  peuplade  ait  eu  des 
moeurs  toutes  différentes,  si  on  en  juge  du  moins  parle  mode 
de  sépulture.  En  effet,  la  position  accroupie  des  squelettes, 
commune  dans  les  dolmens,  n'a  jamais  été  observée  dans  les 
cavernes  de'la  Belgique,  ni  dans  d'autres  en  Europe. 

A  quelle  époque  faut-il  rapporterles  anciens  habitants  de  cette 
caverne?  La  position  atratigrapLique  du  niveau  qui  recelait 
leurs  restes,  la  présence  d'une  pointe  de  âèche  à  ailerons  et 
les  deux  haches  découvertes  par  Spring  prouvent,  d'une 
manière  certaine,  que  nous  avons  affiiire  à  une  population  de 
l'âge  de  la  pierre  polie.  D'un  autre  côté,  M.  Cornet  a  reconnu 
que  les  silex  de  la  caverne,  aussi  bien  que  ceux  du  plateau, 


qui  ne  sont  pas  recouverts  d'une  patine  trop  épaisse,  provien- 
nent du  Hainaut.  On  sait  que,  dans  la  province  de  Namur, 
les  hommes  de  l'&ge  du  Mammouth  et  du  Renne  ne  parais- 
sent pas  avoir  connu  ce  gisement,  mais  les  recherches  de 
M.  Dupont  montrent  que  le  silex  du  Hainaut  y  fut  employé 
pendant  l'âge  de  la  pierre  polie. 

La  position  des  squelettes  ne  permet  pas  non  plus  de 
douter  que  l'excavation  qui  nous  occupe  n'ait  été  une  sépul- 
ture. Non  seulement  cette  caverne  ne  recelait  pas  seulement 
des  os  de  femmes  et  d'enfants,  comme  Spring  l'avait  cru, 
mais  deux  squelettes  complets,  ayant  tous  les  caractères  d'une 
extrême  sénilité,  une  mâchoire  ég^aiement  de  vieillard,  une 
autre  d'adulte,  et  plusieurs  dont  les  dents  sont  usées. 

Contrairement  k  ce  qu'on  remarque  pour  les  os  d'animaux, 
les  ossements  humains  sont  entiers  ou  seulement  cassés 
transversalement:  pas  un  seul  ne  porte  de  traces  de  coups.  Je 
ne  puis  donc  voir  &  Chauvaux  aucun  vestige  de  cannibalisme, 
et  je  dois  me  ranger  h  l'idée  qu'avait  émise  M.  Dupont,  que 
cette  caverne  a  été  un  lieu  de  sépulture  de  l'âge  de  la  pierre 
polie.  J'ajouterai  que  c'est  probablement  le  lieu  de  sépulture 
de  la  peuplade  qui  a  habité  le  plateau. 

L'excavation  n'était  pas  assez  grande  pour  recevoir  tous 
les  cadavres  et  l'abri  a  sans  doute  été  utilisé  quand  la 
première  fut  devenue  insuffisante. 

La  différence  qui  se  remarque  dans  la  disposition  et  l'état 
de  conservation  des  ossements  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur  de 
la  caverne,  s'explique  par  leur  situation  même.  L'excavation 


—  393  — 

intentionnellement,  dans  le  but  de  préserver  les  cadavres  de 
l'atteinte  des  bêtes  fauves,  tandis  que  lentrée  de  la  caverne 
n'a  été  fermée  qu'imparfaitement  et  a  pu  être  forcée  plus 
tard?  Ce  sont  des  points  qui  ne  sont  pas  élucidés. 

Je  ferai  remarquer  enfin  que  les  travaux  de  nivelle- 
ment dont  j  ai  parlé  plus  haut,  ont  eu  pour  résultat  de  détruire 
une  partie  de  la  sépulture.  Des  ouvriers  m  ont  rapporté  que 
lors  de  la  construction  du  chemin  de  fer,  un  crâne  humain  a 
traîné  longtemps  devant  la  caverne.  Il  y  aurait  donc  eu 
plus  de  deux  cadavres  inhumés  dans  l'abri  sous  roche  et 
dès  lors  on  s'explique  parfaitement  la  présence  d'un  grand 
nombre  d'ossements,  ne  se  rapportant  pas  aux  deux  squelettes 
retrouvés  entiers. 

Il  reste  un  dernier  point  à  examiner.  Doit-on  voir,  dans 
les  débris  d'animaux,  les  restes  de  festins  funéraires? 
Les  blocs  matrices,  ainsi  que  les  nombreux  éclats  de  silex  ne 
me  permettent  pas  de  le  croire.  Il  a  pu  y  avoir  des  festins 
funéraires,  mais  je  pense  que  la  plus  grande  partie  des  restes 
de  repas  qne  j'ai  recueillis  a  une  autre  origine.  En  même 
temps  que  l'excavation  servait  de  sépulture,  l'abri  sous  roche 
a  pu  servir  de  refuge,  dans  les  mauvais  temps,  à  la  peu- 
plade ou  à  une  partie  de  la  peuplade,  qui  faisait  là  ses  repas 
et  y  taillait  des  instruments  en  silex.  Le  grand  nombre 
d'éclats  s'explique  de  cette  manière,  ce  qui  serait  bien  diffi- 
cile par  l'hypothèse  contraire. 

Sur  les  cavernes  sépulcrales  dans  le  département  de  la  Marne, 

par  M.  Joseph  de  Baye. 

A  l'extrémité  sud  du  canton  de  Montmort,  département  de 
la  Marne,  la  montagne  de  Toulon  attire  l'attention  en  s'éle- 
vant  graduellement  jusque  vers  la  vallée  du  Petit  Morin, 
qu'elle  domine  complètement.  Le  regard  du  spectateur,  placé 
au  point  culminant  du  versant  de  la  montagne,  embrasse  un 
vaste  hémicycle  formé  d'une  chaîne  de  collines  dont  le  centre 


est  le  Mont  Août  et  qui  se  termine,  d'un  côté,  par  le  Mont 
Aimé,  et  de  l'autre,  par  les  collines  de  Saint  Prix.  Entre  le 
Mont  Août  et  la  montagne  de  Toulon,  se  trouve  la  commune 
de  Coizard.  Le  versant  méridional  de  la  montagne,  appelé 
Razet,  est  le  point  d'où  la  vue  s'étend  le  plus  largement.  Là, 
se  trouvent  les  hypogées  préhistoriques  découverts  au  com- 
mencement du  mois  d'avril  dernier. 

Lesgrottes  de  Courjeonnet  sont  situées  à  3  kilomètres,  dans 
Iç  même  prolongement.  Elles  s'ouvrent  dans  des  monticules, 
qui  forment  une  chaîne  secondaire  de  collines. 

Les  deux  groupes  de  Coizard  et  de  Couijeonnet,  composés 
d'un  nombre  considérable  de  grottes,  attestent  un  séjour  pro- 
longé des  peuplades  anciennes. 

Iln'existe  point  de  traditions  locales  relatives  à  ces  grottes. 
Celles  qui  avaient  été  découvertes  par  hasard,  n'avaient  pas 
éveillé  l'attention  ;  leur  antique  origine  n'avait  pas  même  été 
soupçonnée.  Les  habitants  de  la  contrée  y  avaient  vu  sim- 
plement des  «  caves  >  et  des  i  corps  morts  » . 

Les  premières  constatations  des  données  préhistoriques, 
dans  ces  localités,  furent  la  trouvaille  de  l'atelier  de  silex 
de  la  Vieille  Andecy.  Elle  amena  la  découverte  des  grottes 
de  Courjeonnet;  et  celles-ci,  par  leur  ressemblance  avec  les 
deux  grottes  trouvées  par  des  cultivateurs  de  Coizard,  en  1842 
et  en  1858,  nous  portèrent  h  étudier  les  grottes  de  Razet. 

Nous  remarquerons  d'abord  que  toutes  ont  été  creusées  par 
l'homme  dans  la  craie.  Celles  de  Courjeonnet  sont  situées 


—  395  — 

de  charbon  suivi  d'une  couche  de  cendre  et  enfin  de  la  craie 
pilée  et  solidifiée  qui  fut  peut-être  de  la  craie  calcinée,  éteinte 
par  les  infiltrations  des  pluies,  opinion  que  la  forme  conique 
du  foyer  semble  confirmer.  Deux  des  grottes  sont  à  deux 
compartiments;  la  troisième  est  simple.  Il  est  fort  difficile  de 
juger  si  elles  ont  été  habitées;  car  les  éboulements  qui  s'y 
sont  produits  y  rendent  les  observations  difficiles. 

Le  second  groupe  de  Courjeonnet  est  formé  de  dix  grottes 
de  grandeur  et  de  forme  différentes.  Six  ont  deux  comparti- 
ments ;  quatre  sont  simples.  Le  genre  de  sépulture  est  loin 
d'être  identique  dans  toutes  les  grottes;  les  trois  modes,  dont 
nous  parlerons  plus  loin,  s'y  retrouvent  avec  leurs  caractères 
spéciaux.  Plusieurs  grottes  ont  indubitablement  servi  d'ha- 
bitations avant  d'être  transformées  en  tombeaux.  Une  de  ces 
cavernes  porte,  sur  la  paroi  de  l'anti-grotte  qui  fait  face  à 
l'entrée,  un  bas-relief, représentant  une  hache  emmanchée,  et 
taillé  dans  la  craie  vive  sur  un  autre  essai  de  sculpture. 

Les  grottes  de  Coizard,  au  contraire,  sont  réunies  sur  le 
même  versant  au  nombre  de  trente  cinq.  Elles  paraissent,  à 
première  vue,  se  ressembler  toutes  ;  mais  l'observation  atten- 
tive fait  distinguer  des  particularités  qui  les  spécialisent  et 
qui  ne  permett<3nt  pas  de  les  confondre.  Ces  grottes  sont  creu- 
sées dans  la  craie  vive  ;  les  traces  des  instruments  en  silex  y 
sont  multipliées  et  d'une  évidence  frappante. 

La  forme  et  les  dimensions  des  grottes  varient;  les  unes 
sont  simples  et  d'autres  comprennent  deux  compartiments. 
Quelques-unes  servirent  aussi  d'habitations  avant  d'être  uti- 
lisées comme  sépultures.  La  grandeur  est  tellement  variée 
qu'il  ne  s'en  trouve  pas  deux  ayant  exactement  la  même 
étendue.  La  plus  petite  des  grottes  simples  mesure  1  mètre 
90  centimètres  sur  2  mètres  ;  la  plus  grande,  3  mètres  92  cen- 
timètres sur  3  mètres  60  centimètres.  La  plus  petite,  parmi 
celles  qui  ont  deux  compartiments,  mesure  2  mètres  40  cen- 
timètres avec  une  même  largeur.  La  hauteur  de  la  voûte, 
dans  la  moins  considérable,  est  de  1  mètre  10  centimètres; 


—  396  — 


la  voûte  la  plus  élevée  est  de  1  mètre  70  centimètrea.  Toutes 
les  autres  se  rapprochent  plus  ou  moins  de  ces  mesures. 

Les  grottes-habitations  sout  faciles  à  reconnaître;  elles 
sont  plus  commodes,  plus  profondes  et  l'accès  en  est  plus 
facile.  Les  portes  sont  pourvues  de  rainures  destinées 
à  faciliter  une  exacte  fermeture.  Certaines  grottes  sont 
munies  de  crochets  pratiqués  dans  la  craie  des  parois,  cro- 
chets qui  permettaient  de  suspendre  aisément  beaucoup  d'ob- 
jets d'un  usage  fréquent.  Des  séparations,  ménagées  dans  la 
craie  même,  les  caractérisent  souvent.  Les  entrées  et  les  parois 
ont  un  poli  qui  dénote  qu'elles  ont  subi  un  frottement  réi- 
téré, preuve  évidente  d'un  séjour  prolongé.  Dans  quelques- 
unes,  deux  marches  inclinées  témoignent  de  l'intention  d'en 
rendre  l'entrée  facile.  Dans  plusieurs,  une  couche  noirâtre, 
adhérente  6  la  voûte  et  produite  par  la  fumée  et  la  pous- 
sière, atteste  aussi  un  long  séjour  de  l'homme.  Les  étagères 
et  les  sculptures  le  démontrent  également.  Des  caractères 
informes,  comme  les  enfants  ont  coutume  d'en  tracer  sur  les 
murs,  sopt  encore  l'indice  d'une  habitation  journalière.  Nous 
effleurons  le  sujet,  mais  nous  publierons  plus  tard  d'autres 
détails  et  des  dessins  qui  viendront  &  l'appui  de  nos  asser- 
tions. 

Les  grottes  qui  ont  servi  uniquement  de  sépultures,  sont 
généralement  moins  grandes  et  moins  soignées,  tandis  que 
le  séjour  prolongé  avait  permis  de  retailler  et  de  perfec- 
tionner, suivant  les  besoins,  les  grottes  habitées.  Ces  grottes 
sépulcrales  .sont  du  resle  dépourvues  de  tout  o-  ijni  pouvait 


—  397  — 

levier  pour  les  ouvrir.  Elles  ne  recelaient  pas  non  plus, 
comme  les  autres,  des  ustensiles  ordinaires  de  ménage. 

La  pierre  énorme,  assez  fréquemment  placée  dans  les  tran- 
chées, était,  semble-t-il,  tout  à  la  fois  une  fermeture  solide 
et  un  monument  destiné  à  signaler  la  sépulture.  Les  anti- 
grottes, dans  les  habitations,  ont  aussi  reçu  des  dépouilles 
mortelles.  L'une  d  elles  contenait  six  individus.  Ces  sépul- 
tures étaient  évidemment  postérieures  à  celles  de  la  grotte 
même.  Ce  n'est  pas  là  une  conclusion  hasardée,  mais  le 
résultat  d'observations  positives.  L'absence  d'objets  apparte- 
nant à  l'art  primitif  étaient  notamment  presque  générale 
dans  les  anti-grottes. 

Nous  sommes  amené  naturellement  à  parler  de  l'état  des 
grottes  au  moment  où  nous  les  avons  ouvertes.  Comme  il  est 
impossible  d'en  donner  ici  une  idée  complète,  nous  nous  bor- 
nerons seulement  à  quelques  généralités.  Toutes  les  grottes- 
habitations,  h  l'exception  des  deux  qui  avaient  été  décou- 
vertes fortuitement  par  l'enlèvement  des  pierres  des  tranchées 
qui  gênaient  la  culture,  étaient  intactes.  Les  corps  y  étaient 
recouverts  de  terre  et  de  cendre.  On  y  retrouvait  partout  une 
disposition  intentionnelle.  Une  seule  grotte  fait  exception  ; 
elle  avait  été  visitée  postérieurement  aux  temps  préhisto- 
riques et  l'entrée  n'en  était  pas  fermée  par  des  pierres. 

Les  corps  étaient  réguUèrement  disposés  dans  les  grottes 
sépulcrales  ;  ce  qui  montre  qu'elles  n'avaient  point  été  réou- 
vertes depuis  le  moment  où  les  cadavres  y  furent  placés, 
et  il  est  difficile  d'admettre,  pour  plusieurs  d'entre  elles,  des 
inhumations  successives.  Les  grottes  sépulcrales  étaient 
donc  dans  leur  état  primitif.  Les  pierres  de  l'entrée,  leur 
scellement,  la  disposition  des  squelettes,  la  situation  des 
objets,  l'état  des  parois  à  l'entrée  et  dans  l'intérieur,  l'attes- 
taient d'une  manière  évidente.  Mais  l'ouverture  moins  bien 

w 

fermée,  des  traces  de  visites  répétées,  des  dépôts  superposés, 
attestaient  aussi  dans  d'autres  grottes,  ayant  servi  d'habita- 
tions, des  séjours  successifs  pendant  l'époque  préhistorique. 


Au  moment  de  leur  exploration,  les  grottes  oflFraîent  des 
caractères  variés  résultant  du  mode  même  d'inhumation, 
qu'on  peut  répartir  en  trois  catégories.  Dana  un  certain 
nombre  de  grottes,  on  ne  découvre,  près  des  ossements, 
aucune  trace  de  tissu  ou  de  peau,  mais  seulement  une 
couche  brunâtre,  pulvérulente,  résultat  probable  de  la 
décomposition  des  chairs.  Les  corps,  inhumés  dans  ces  con- 
ditions, affectaient  invariablement  deux  modes  d'arrange- 
ment. 

1°  Dans  les  grottes-habitations,  ils  étaient  disposés  hori- 
zontalement, complètement  étendus  le  long  des  deux  parois 
latérales,  la  tête  dirigée  vers  l'entrée  et  les  bras  allongés 
près  du  corps  et  jamais  croisés.  Un  espace  libre  avait  été 
laissé  au  milieu  de  la  grotte  entre  ces  deux  rangées.  Les 
individus,  ainsi  inhumés,  étaient  du  reste  généralement 
moins  nombreux,  et,  rappelons-le,  on  ne  rencontre  ce  mode 
de  sépulture  que  dans  les  grottes-habitations.  La  deuxième 
entrée,  donnant  accès  de  l'anti-grotte  dans  la  grotte  môme, 
était  bien  fermée.  Les  corps  déposés  dans  l'anti-grotte  ne 
rappelaient  généralement  pas  le  même  mode  de  sépulture. 
Bien  que  l'inhumation  y  fût  également  préhistorique,  elle 
n'était  pas  de  la  même  époque  que  la  première  ;  c'était  pro- 
bablement d'impérieuses  nécessités  qui  avaient  obligé  à  utili- 
ser les  anti-grottes,  ainsi  qu'on  l'avait  fait  pour  les  tranchées 
elles-mêmes. 

Les  sépultures  offraient  un  mélange  de  sujets  des  deux 


—  399  — 

reconnaître.  La  régularité  dans  la  position  des  corps  et  les 
objets  déposés  près  de  ceux-ci,  ainsi  que  la  fermeture  des 
grottes,  témoignaient  des  soins  affectueux  qui  avaient  pré- 
sidé aux  inhumations. 

2**  D  autres  corps  étaient  déposés  en  plus  grand  nombre,  sui- 
vant le  môme  mode  d'inhumation.  Nous  en  avons  compté 
vingt  cinq,  trente,  trente  cinq  et  jusqu'à  quarante  dans  une 
même  grotte.  Ils  avaient  dû  être  placés  simultanément,  et 
leur  nombre  avait  nécessité  une  disposition  particulière.  Les 
têtes  étaient  non  seulement  dirigées  vers  l'entrée  à  droite  et 
à  gauche,  mais  aussi  au  fond  vers  les  deux  parois  latérales. 
Les  plus  grands  sujets  avaient  été  placés  les  premiers  ;  puis 
venaient  ceux  de  moyenne  taille  et,  enfin,  ceux  de  taille 
petite  ;  de  telle  manière  qu'il  y  avait  une  suite  de  têtes,  par- 
tant de  la  paroi  et  descendant  jusqu'à  la  moitié  du  corps  des 
premiers  placés.  Là,  plus  de  mélange  de  sexe;  il  n'y  avait 
que  des  hommes,  vieux  et  jeunes,  et  chez  ces  derniers  la 
dent  de  sagesse  était  souvent  encore  dans  son  alvéole. 

Le  mélange  des  os  ne  permet  pas  d'admettre  des  inhuma- 
tions successives.  Il  était  facile  de  constater  que  les  cadavres 
avaient  été  superposés  en  même  temps  et  que  leur  décompo- 
sition avaient  créé  des  espaces  vides,  car  les  ossements  supé- 
rieurs étaient  adhérents  et  comme  suspendus  à  la  paroi.  Il  est 
probable  que  ces  grottes  ne  renfermaient  que  des  guerriers, 
qui  avaient  succombés  dans  des  combats  :  leur  nombre,  leur 
âge,  les  armes  nombreuses,  le  grand  nombre  de  flèches  sous 
les  ossements,  semblent  le  démontrer.  Un  soin  spécial  avait 
présidé  à  la  sépulture  de  ces  guerriers.  Dans  le  second  mode 
de  sépulture,  les  corps  avaient  été  recouverts  de  cendre  de 
deux  manières  différentes  ;  ils  étaient  déposés  dans  une 
couche  de  cendre  épaisse  d'un  mètre  cinquante  à  deux  mètres 
environ,  et  alors  on  peut  admettre  que  les  corps  avaient 
été  déposés  successivement.  L'aire  de  la  grotte  était  couverte 
sur  toute  son  étendue.  Certains  corps  étaient  accroupis,  les 
côtes  affaisées  sur  elles-mêmes  et  formant  comme  une  série 


de  cercles  concentriques  surmontée  du  crâne.  Dans  d'autres 
circonstances,  il  était  évident  que  les  ossements  avaient  été 
apportés  après  un  séjour  dans  un  autre  endroit.  Ils  étaient 
en  petit  nombre,  sans  connexions  anatomiques,  et  ne  por- 
taient aucune  trace  d'incinération;  quelquefois  ils  étaient 
rangés  par  groupes,  comme  s'ils  avaient  été  apportés  dans 
une  corbeille  dont  on  avait  versé  le  contenu  avec  soin  ;  ils 
sont  dans  ce  cas  calcinés. 

Dans  plusieurs  grottes,  on  observait  un  troisième  mode 
d'inhumation.  Les  corps  avaient  été  recouverts  d'une  terre 
pulvérulente  choisie  et  préparée.  On  n'y  rencontrait  que  les 
pierres  destinées  à  asseoir  et  à  assujettir  les  corps.  Les  dispo- 
sitions étaient  les  mêmes  que  celles  constatées  dans  les  sépul- 
tures faîtes  dans  la  cendre.  Les  cr&nes  humains,  trouvés  dans 
ces  grottes  en  bon  état  de  conservation,  sont  nombreux.  Le 
type  brachycéphale  y  prédomine  ;  cependant  il  affecte  des 
nuances  qui  se  rapprochent  plus  ou  moins  du  type  pur.  Plu- 
sieurs cr&nes  appartiennent  à  d'autres  types.  Nous  avons 
aussi  constaté  quelques  particularités  que  nous  ne  ferons  que 
muitionner,  car  l'étude  seule  des  crânes  comporterait  des 
développements  dans  lesquels  nous  ne  pouvons- entrer  ici. 
Les  autres  ossements  humains  sont  aussi  dignes  d'attention 
et  offi^nt  un  grand  intérêt  scientifique. 

Avant  de  parler  des  objets  recueillis,  signalons  leurs  posi- 
tions dans  les  sépultures.  Un  bon  nombre  de  ces  objets 
étaient  dispersés  sans  ordre  ;  toutefois,  la  plus  grande 
iiiiutité  se  retnjin;iit.  fRH|ueiriinent  daus  les  mêmes  coiidi- 


0 


—  401  — 

contre  lesquelles  les  haches  avaient  été  posées  et  qui  auraient 
cessé  de  soutenir  TinstrumeDt. 

Dans  les  sépultures  recouvertes,  il  était  plus  difficile  de 
bien  constater  la  position  des  instruments.  Cependant  elle 
semble  avoir  été  généralement  analogue.  Toutefois  quand  les 
matières  pulvérulentes  pouvaient  soutenir  les  haches,  celles- 
ci  n'étaient  plus  du  côté  de  la  paroi,  mais  toujours  à  côté  des 
individus. 

Les  couteaux  ne  paraissent  pas  avoir  eu  de  position  fixe  ; 
ils  étaient  répandus  partout.  Les  flèches  à  tranchant  trans- 
versal et  les  autres  se  trouvaient  sous  les  corps.  Nous  note- 
rons cependant  une  exception.  Une  flèche  en  losange  de 
grandes  dimensions  se  trouvait  vers  les  membres  inférieurs 
du  corps,  dans  une  position  parallèle  aux  tibias.  Elle  avait 
été  incontestablement  placée  ainsi  avec  intention. 

Le  manche  d'un  instrument,  cylindrique  et  en  os,  a  été 
trouvé  dans  la  main  droite  d*un  des  squelettes.  Le  bras  était 
allongé  et  les  phalanges  de  la  main,  n^aintenues  dans  leur 
connexion  anatomique,  entouraient  encore  Tinstrument.  Les 
objets  en  os  étaient  mélangés  avec  la  cendre  ou  avec  de  la 
terre  pulvérulente.  C'est  probablement  à  ces  conditions  qu'on 
est  redevable  de  leur  conservation.  Les  grains  de  collier  se 
trouvaient  invariablement  dans  les  régions  cervicales.  Les 
petits  coquillages  servant  de  parure  les  accompagnaient  quel- 
quefois, ou  se  troïivaient  seuls  dans  la  môme  région  du  corps. 
Les  grands  coquillages  percés  et  taillés  étaient  dispersés  sur 
toute  rétendue  du  corps.  Les  fragments  de  poteries  étaient 
confondus  sans  ordre  avec  la  cendre  ou  la  terre.  Le  seul  vase 
entier  en  terre  cuite  que  nous  ayons  trouvé,  recouvrait  le 
crâne  d'un  individu  inhumé  dans  la  tranchée  d'une  grotte 
profonde.  Il  semble  que  le  mort  en  avait  été  comme  coiffé. 

Après  ces  indications  sommaires,  nous  avons  à  signaler 
les  sculptures  observées  dans  les  cavernes.  Trois  grottes, 
qui  avaient  servi  d'habitations  avant  d'être  utilisées  comme 
sépultures,  sont  ornées  de  sculptures  en  demi-relief.  La  pre- 


'■     - ^B. 


_.J.*      - 


miëre  sculpture  découverte  se  trouve  dans  une  grotte  du 
deuxième  groupe  de  Courjeonnet.  Elle  représente  une  hache 
emmanchée  grossièrement  exécutée;  le  dessin  eu  est  très 
imparfait.  Cette  hache  en  demi-relief  cache  la  partie  infé- 
rieure d'un  sujet  que  nous  avons  retrouvé  plus  tard,  et  qui 
paraît  être  l'image  d'une  Déesse. 

Dans  les  hypogées  de  Coizart,  les  sculptures  sont  plus 
nombreuses  et  plus  soignées:  l'art  y  affecte  même  une  cer- 
taine prétention.  On  y  voit,  dans  une  anti-grotte,  un  bas- 
relief  représentant  probablement  aussi  une  Déesse.  Cette 
figure  est  haute  de  44  centimètres  et  large  de  23.  La  région 
du  cou  est  ornée  d'un  collier  formé  de  grains  oblongs  et  por- 
tant un  médaillon  conservant  des  traces  d'une  teinte  jaune 
qui  parait  avoir  été  de  l'ocre.  Le  visage  n'est  véritablement 
qu'une  ébauche  i  le  nez,  très  saillant  et  flanqué  de  deux 
points  noirs,  l'occupe  presque  en  entier.  Les  seins  sont  proé- 
minents, n  serait  fort  intéressant  d'établir  des  rapproche- 
ments entre  cett«  image  et  celles  de  divinités  plus  connues  ; 
la  comparaison  fournirait  peut-être  quelques  renseignements 
sur  l'origine  de  la  tribu  qui  creusa  ces  grottes.  A  l'intérieur 
de  la  même  cavité,  sur  les  parois  antérieures  à  droite  et  à 
gauche  de  l'entrée,  deux  haches  sont  représentées  avec  leur 
manche.  Dans  celle  de  droite,  le  manche  a  32  centimètres 
de  longueur;  la  gaine,  15  centimètres,  et  la  partie  représen- 
tant le  trimchant  de  la  hache,  5  centimètres.  La  hauteur 
totale  mesure  26  centimètres  et  l'on  en  compte  21  du  sommet 
de  la  pointe  à  l'extrémité  de  la  gaine.  La  partie  figurant  le 


—  403  — 

accusées.  Ce  sujet  mesure  49  centimètres  de  hauteur  sur 
32  de  largeur.  Mais,  sur  la  paroi  latérale  à  gauche  de  la 
même  anti-grotte,  on  voit  une  image  qui  rappelle  la  Déesse 
dont  nous  avons  déjà  parlé,  quoique  certaines  différences 
dans  le  dessin  inspirent  quelques  doutes  sur  l'identité  du 
sujet.  Elle  est  comme  embéguinée  dans  des  plis  qui  entourent 
la  figure.  Les  parois  y  sont  encore,  à  droite  et  à  gauche 
de  l'entrée,  ornées  de  deux  haches  sculptées.  La  hache  de 
droite  qui  est  mutilée,  a  32  centimètres  de  hauteur;  celle 
de  gauche,  représentant  une  hache  emmanchée,  a  33  centi- 
mètres. 

Dans  l'intérieur,  un  instrument  mesurant  24  centimètres 
de  hauteur  sur  une  largeur  de  6  centimètres  qui  diminue 
graduellement  jusqu'à  un  centimètre,  a  été  représenté  avec 
beaucoup  de  soin.  Sa  destination  nous^st  inconnue. 

n  est  inutile  de  faire  remarquer  que  ces  sculptures  soulè- 
veront plusieurs  questions  relatives  au  culte  et  aux  mœurs 
des  habitants  de  nos  grottes. 

Parmi  les  objets  en  silex  trouvés  dans  les  grottes,  nous 
devons  tout  d'abord  parler  des  flèches  à  tranchant  transver- 
sal. Ces  armes  ont  été  trouvées  en  plus  ou  moins  grand  nom- 
bre dans  toutes  les  cavernes  ;  mais  elles  étaient  particulière- 
ment abondantes  dans  les  sépultures  où  les  corps  avaient  été 
déposés  à  découvert.  Elles  jonchaient  le  sol  sous  les  squelettes 
dans  la  couche  de  poussière  brunâtre.  Elles  étaient  plus  nom- 
breuses dans  la  région  du  sacrum.  Nous  en  avons  recueilli 
plus  de  sept  cents.  Elles  varient  beaucoup  pour  le  poids  et  la 
longueur.  La  plus  légère  et  la  plus  petite  pèse  un  gramme  ; 
elle  est  longue  de  16  millimètres.  La  plus  grande  pèse  six 
grammes  ;  elle  est  longue  de  4  centimètres.  Entre  ces  dimen- 
sions extrêmes,  il  y  a  une  multitude  de  variétés  intermé- 
diaires qui  semblent  indiquer  un  système  de  balistique 
parfaitement  raisonné.  On  sait,  en  effet,  que  la  trajectoire  et 
la  puissance  des  flèches  se  calculent  sur  leurs  proportions 
et  leur  poids.  Il  peut  paraître  toutefois  diflicile  d'admettre 


-  404  - 


que  nos  troglodytes  n'employaient  que  des  flèches  dont  la 
pointe  est  si  artistement  travaillée. 

Une  vertèbre  humaine,  trouvée  le  10  juin  dernier,  dans 
une  des  grottes  de  Courjeonnet,  est  percée  d'une  de  ces  flè- 
ches encore  enfoncée  profondément  dans  l'os.  Ce  fait  prouve 
suffisamment  l'usage  de  ces  flèches  et  les  mœurs  guerrières 
de  la  tribu. 

Dans  une  fouille  faite,  le  11  juin,  dans  une  grotte  de 
Coizart,  nous  avons  découvert  une  autre  vertèbre  humaine 
percée  d'un  silex  qui  s'éloigne  par  sa  forme  des  flèches  con- 
nues les  plus  parfaites  et  du  type  h  tranchant  transversal. 
Ce  silex  appartient  au  genre  couteau-lancette.  Nous  avions 
déjà  recueilli  plusieurs  de  ces  instruments  formant  une  lame 
fine  et  allongée.  Cette  vertebre  établit,  d'une  manière  in- 
discutable, l'emploi  de  l'arme  comme  trait.  La  balistique 
préhistorique  n'employait  donc  pas  seulement  des  flèches 
finement  travaillées  qui  affectent  la  forme  sagittée  dans  toute 
sa  purete,  mais  elle  admettait  encore  d'autres  formes  plus 
simples. 

Nos  recherches  nous  ont  aussi  mis  en  possession  d'un 
grattoir  échancré  aux  deux  extrémités  qui  appartient  au 
type  du  Grand  Pressigny.  Ces  grattoirs  n'avaient  été,  jus- 
qu'à présent,  trouvés  qu'à  la  surface  du  sol.  Leur  présence 
dans  les  grottes  du  département  de  la  Marne  les  classe  d'une 
manière  positive  et  les  rattache  à  l'âge  de  la  pierre  polie,  tout 
en  établissant  un  nouveau  lien  entre  les  tribus,  dont  on 
retrouve  les  témoins  dans  des  gisements  si  différents. 


—  405  — 

Plus  de  deux  cents  couteaux,  dont  plusieurs  sont  fort  re- 
marquables, des  grattoirs  bien  caractérisés  et  très  soigneu- 
sement retaillés,  des  flèches  à  soie,  à  ailes ,  en  losange  et  en 
amande,  des  pointes  de  lances  d'un  travail  remarquable,  des 
écrasoirs  et  une  multitude  d'autres  objets  d'un  travail  gros- 
sier, mais  incontestable,  composent  la  collection  des  instru- 
ments en  silex  que  nous  avons  extraits  des  grottes.  Quelques 
pierres  à  aiguiser  sont  aussi  dignes  d'être  signalées. 

Les  instruments  en  os  sont  loin  d'être  aussi  nombreux, 
mais  cependant  ils  sont  en  quantité  considérable.  Deux  man- 
ches formés  de  fémurs  de  ruminants,  des  gaines  parfaitement 
polies,  des  poinçons  de  formes  et  de  dimensions  très  variées, 
des  lissoirs,  une  houe,  une  massue,  des  manches  cylindri- 
ques courts,  représentent  à  peu  près  ce  genre  d'industrie 
des  grottes  du  département  de  la  Marne.  Un  os  qui  paraît 
être  un  tibia,  est  armé,  à  ses  deux  extrémités,  de  deux 
canines  de  porc.  La  grotte  où  cet  instrument  a  été  trouvé 
contenait  plusieurs  de  ces  dents.  C'est  là  un  fait  à  peu  près 
unique  dans  nos  grottes.  Les  Matériaux  pour  servir  à 
l'histoire  de  Vhomme  ont  parlé  d'un  objet  semblable.  H  y 
est  désigné  sous  le  nom  de  tranchet,  et  son  authenticité  a  été 
mise  en  doute.  Une  aiguille  à  chas  a  été  également  recueillie, 
ainsi  que  des  fragments  d'os  qui  avaient  subi  un  commence- 
ment de  travail. 

Les  objets  de  parure  n'étaient  pas  moins  nombreux.  Plus 
de  cent  cinquante  coquillages  appartenant  à  divers  genres  ont 
été  fournis  par  nos  cavernes.  Ces  coquillages  sont  tous  percés 
et  un  grand  nombre  sont  même  taillés.  Leur  détermination 
et  leur  provenance  semblent  devoir  autoriser  d'intéressants 
rapprochements.  Deux  cent  cinquante  grains  de  collier  formés 
de  craie  et  de  pétoncles  étaient  mélangés  avec  les  coquillages. 
De  nombreuses  pendeloques  en  schiste  et  en  marbre,  des 
dents  percées,  dès  bélemnites  polies  et  perforées,  complètent 
la  série  des  ornements. 

La  céramique  y  est  représentée  par  un  vase  que  nous 

26 


avpDB  pu  conserver  intact.  Ce  vase  est  d'une  facture  gros- 
sière et  est  mal  contourné.  Nous  possédons  également  une 
portion  remarquable  d'un  autre  vase  d'une  moindre  capacité. 
Une  quantité  considérable  de  fragments  accusent  d'autres 
formes  et  d'autres  procédés  de  fabrication.  Ces  fragments 
portent  des  dessins  grossiers  indiquant  tout  à  fait  l'enfance 
de  l'art. 

Nous  avons  été  contraint  de  garder  le  silence  sur  un  grand 
nombre  de  faits,  afin  de  ne  pas  dépasser  les  limites  assignées 
h  cette  communication.  Mais  comme  les  découvertes  dont 
nous  avons  donné  un  aperçu,  fixeront  sans  doute  l'attention 
du  monde  savant,  nous  nous  proposons  de  les  traiter  plus 
amplement  dans  un  prochain  mémoire. 

Les  dolmens  ^À/rigue,  par  M.  le  général  Faidhehbe. 

Le  Congrès  anthropologique  de  Bruxelles  en  étant  arrivé, 
d'après  l'ordre  de  son  programme,  h  V&ge  de  la  pierre  polie, 
H.  le  Secrétaire  général  nous  a  demandé  de  faire  une  com- 
munication sur  leadolmeos,  monuments  qu'on  rattache  géné- 
ralement à  cet  âge. 

Ce  n'est  que  sur  les  dolmens  d'Afrique  que  nous  pouvons 
fournir  des  observations,  mais  nous  sommes  de  ceux  qui 
pensent  que  la  question  des  dolmens  est  une. 

Si  la  Belgique  n'a  plus  aujourd'hui  de  dolmens,  cela  peut 
tenir  &  ce  que  ces  monuments  ont  été  détruits  dans  cette 
contrée.    (4ui    a    toujoura    eu    une    population   très   dense. 


—  407  — 

moins  reculée  que  celle  de  l'homme  paléolithique,  et  c'est 
même  tout  au  plus  si  les  dolmens  d'Afrique  ont  encore  leurs 
entrées  au  Congrès  préhistorique,  puisque  l'époque  où  ils  ont 
probablement  été  élevés,  est  aujourd'hui  devenue  historique 
pour  la  contrée  voisine,  l'Egypte,  grâce  à  l'admirable  décou- 
verte de  Champollion  et  aux  savants  travaux  de  MM.  de  Rou- 
ge, Brugsch,  Mariette  Birch,  et  autres  savants,  qui  ont 
permis  de  lire  les  inscriptions  hiéroglyphiques.  Cela  nous 
procurera  l'avantage  de  pouvoir  étayer  indirectement  nos 
observations  de  documents  historiques,  avantages  que  n'au- 
ront probablement  jamais  ailleurs  les  recherches  sur  l'homme 
des  terrains  quaternaires. 

Vous  savez  que  des  populations  de  l'Europe  occidentale 
parlant  des  langues  celtiques  ont  donné  le  nom  de  dolmens, 
signifiant  tables  de  pierre,  aux  monuments  dont  nous  nous 
occupons,  à  cause  de  leur  forme.  Et,  soit  dit  en  passant,  si 
ces  monuments  avaient  été  élevés,  comme  on  l'a  dit,  par  des 
populations  celtiques,  il  serait  étonnant  que  la  tradition  s'en 
fût  perdue  au  point  que  les  descendants  de  ces  populations, 
parlant  encore  la  même  langue  dans  les  mêmes  lieux,  leur 
eussent  donné,  dans  cette  langue,  un  nom  indiquant  qu'ils 
n'en  connaissaient  même  plus  la  destination  ;  car  les  dolmens 
ne  sont  ni  des  tables,  malgré  leur  nom  breton,  ni  des  autels 
druidiques,  comme  l'avaient  déclaré  des  savants  :  ce  sont  des 
tombeaux  et  rien  que  des  tombeaux. 

On  en  trouve  d'une  manière  presque  continue  depuis  la 
Poméranie  jusqu'au  désert  de  Barka,  en  suivant  les  rivages 
de  la  Baltique,  de  la  mer  du  Nord,  du  canal  d'Irlande,  de 
l'Océan  atlantique  et  de  la  Méditerranée.  Il  serait  très  impor- 
tant de  vérifier,  si,  comme  on  nous  l'a  assuré,  il  y  en  a  en 
grand  nombre  au  Maroc  ^ 

Quant  à  ceux  qu'on  a  signalés,  à  plusieurs  reprises,  dans 

1  Postérieurement  au  Congrès  de  Bruxelles,  nous  avons  acquis  la  certi- 
tude qu'il  y  a  des  dolmens  aux  environs  de  Tanger. 


-  408  — 


des  pays  plus  ou  moins  lointains  en  dehors  de  cette  grande 
ligne  continue  que  nous  venons  d'indiquer,  nous  avouons 
que,  pour  un  bon  nombre,  nous  nous  défîoas  un  peu  de  l'as- 
similation. 

Les  dolmens  d'Afrique,  eux-mêmes,  sont-ils  bien  des  mo- 
numents identiques  avec  ceux  de  l'Europe  nord-occidentale? 

Le  dolmen  simple,  le  dolmen  type,  c'est  un  carré  long, 
formé  par  des  pierres  brutes,  généralement  fichées  en  terre, 
de  champ  et  recouvertes  par  une  pierre  posée  à  plat,  de  la  plus 
forte  dimension  que  le  permettaient  les  ressources  de  la  loca- 
lité et  les  moyens  des  constructeurs.  Quand  il  ne  se  trouve 
de  supports  que  de  deux  ou  de  trois  côtés,  nous  sommes  per- 
suadé que  cela  tient  simplement  à  ce  qu'uu  des  petits  côtés, 
ou  tous  les  deux  ont  été  enlevés.  Toutes  ces  pierres  sont 
plus  ou  moins  régulières  suivant  la  nature  de  la  roche  ;  elles 
sont  rarement  dégrossies  et  ne  portent  jamais  d'inscriptions. 

Cette  définition  donnée,  nous  répondrons  sans  hésiter  à  la 
question  que  nous  nous  sommes  posée  :  Oui  !  les  dolmens 
d'Afrique  sont  les  mêmes  monuments  que  ceux  d'Europe  ;  et 
notre  opinion,  à.  cet  égard,  a  d'autant  plus  de  valeur  que  nous 
avons  d'abord  exprimé  et  publié  l'opinion  contraire,  au  sujet 
des  dolmens  de  Boknia,  disant  que  ce  mode  de  sépulture  avait 
pu  être  imaginé  spontanément  par  des  indigènes  troglodytes 
d^Afirique,  sans  relations  avec  les  populations  qui  avaient 
élevé  des  tombeaux  analogues  dans  d'autres  contrées. 

Lorsque  nous  avons  avancé  cette  opinion,  nous  n'avions 
vu  que  les  dolmens  de  Iloknia,  construits  avec  des  blocs  in- 


—  409  — 

vaincu  que  le  dolmen  est  un  monument  spécial,  qui  n'a  pas 
été  imaginé  en  des  lieux  divers  par  des  populations  sans 
relations  entre  elles  ;  et,  par  suite,  nous  sommes  porté  à  croire 
que,  depuis  la  Poméranie  jusqu'à  la  Tunisie,  les  dolmens 
ont  été  élevés  par  un  môme  peuple.  De  plus,  conformément 
aux  raisons  données  par  M.  Bonstetten,  nous  pensons  que 
l'usage  des  dolmens  a  été  importé  du  Nord  au  Sud  et  non  en 
sens  inverse.  Maintenant,  ce  peuple  ayant  subjugué,  sur  sa 
route,  les  populations  du  territoire  desquelles  il  s'emparait  et 
s'étant  indubitablement  croisé  avec  elles,  on  doit  trouver, 
dans  les  dolmens  des  différents  pays,  des  échantillons  de 
races  diverses,  et  le  problème  consiste  à  distinguer,  parmi 
elles,  l'élément  constant  qu'il  faut  attribuer  aux  construc- 
teurs de  dolmens. 

Quel  nom  trouvons-nous  à  ces  monuments,  dans  le  nord 
de  l'Afrique?  Là,  les  populations  actuelles,  berbères  ou  ara- 
bes, ne  les  ont  appelés  ni  tables,  ni  autels  ;  elles  les  appellent 
des  tombeaux;  et,  comme  elles  sont  musulmanes  et  qu'elles 
savent  que  ces  sépultures  sont  antérieures  à  l'Islam,  elles 
les  appellent  les  tombeaux  des  Djouhala,  c'est  à  dire  en  arabe, 
les  a  tombeaux  des  ignorants,  des  idolâtres  » ,  et,  grâce  à  des 
traditions  suffisamment  conservées,  elles  distinguent  ces  ido- 
lâtres des  Latins  et  des  Grecs  payens  ou  chrétiens,  et  des 
Phéniciens  qui  tous  ont  laissé  des  traces  et  des  tombeaux  si 
nombreux  dans  le  pays. 

Nous  n'avons  trouvé,  dans  les  dolmens  d'Afrique,  avec  les 
corps  (qui  ne  sont  pas  incinérés),  que  des  vases  assez  gros- 
siers en  terre  cuite  et,  rarement,  des  bracelets  ou  anneaux  en 
fil  de  bronze.  M.  Bourguignat  y  a  trouvé  quelques  petits  objets 
en  argent  et  il  paraît  que  M.  Berbrugger  a  recueilli,  dans 
ceux  de  Guiotville,  près  d'Alger,  quelques  silex  taillés.     ■     • 

Généralement,  nous  avons  trouvé,  dans  chaque  dolmen, 
autant  de  vases  que  de  corps,  que  ce  fussent  des  corps 
d'hommes,  de  femmes  ou  d'enfants.  Nous  n'avons  pu  nous 
expliquer  d'une  manière  satisfaisante  les  inhumations  multi- 


410  - 


pies  dans  des  tombes  trop  petites  pour  contenir,  à  l'état  com- 
plet, le  nombre  des  corps  dont  nous  retrouvions  les  débris. 
On  est  forcément  amené  h  admettre  des  inhumations  succes- 
sives, malgré  la  répugnance  qu'on  éprouve  k  croire  que  des 
gens  qui  avaient  un  tel  culte  des  morts,  pouvaient  déranger, 
bouleverser,  dans  ce  dernier  asile,  un  ou  plusieurs  cadavres 
plus  ou  moins  décomposés,  pour  faire  place  à  un  nouveau 
venu. 

Contrairement  à  l'opinion  de  M.  Bourguignat,  nous  avons 
la  conviction  que  les  dolmens  d'Afrique  n'étaient  pas  recou- 
verts d'un  tumulus  :  nous  n'en  avons  vu  nulle  part  la  moin- 
dre trace.  Presque  partout,  il  y  avait  impossibilité  matérielle 
k  l'existence  d'un  tumulus,  par  suite  de  la  situation  des  dol- 
mens sur  des  pentes  accidentées  ou  du  manque  de  terre  sur 
les  plateaux  rocheux  où  il  se  trouvent.  A  Guiotville,  contre 
les  quelques  dolmens  qui  subsistent  encore,  il  y  a  des  tas  de 
pierres,  mais  ce  sont  tout  simplement  les  débris  des  dolmens 
voisins  dont  les  colons  se  sont  débarassés  en  défrichant  leurs 
concessions. 

Maintenant,  quel  est  le  peuple  qui  a  élevé  ces  dolmens*^ 
Le  point  de  départ  bien  constaté  des  grands  groupes  est 
sur  les  bords  de  la  Baltique,  patrie  de  la  race  blonde  depuis 
les  tempà  historiques,  et  leur  point  de  terminaison  est  eu 
Afrique,  c'est  à  dire,  dans  une  partie  du  monde  où  les  habi- 
tants ne  sont  rien  moins  que  blonds.  Cela  serait  embarassant, 
sans  trois  circonstances  qui  viennent,  au  contraire,  porter  la 
lumière  d<liis  la  ijiicstiuii 


—  411  — 

D'après  cela,  il  est  évident,  pour  nous,  que  ce  sont  les 
blonds  du  Nord  de  l'Europe  qui  ont  laissé  cette  traînée  con- 
tinue de  dolmens  jusqu'en  Afrique,  dans  des  temps  qui, 
d'après  les  annales  égyptiennes,  doivent  être  reculés  jusqu'à 
plus  de  1500  ans  avant  J.-C.  Mais  il  est  possible  que  l'usage 
ne  s'en  soit  pas  conservé  dans  des  temps  plus  récents. 

M.  Bonstetten  annonçait,  dans  son  ouvrage  sur  les  dol- 
mens, d'après  des  observations  faites  sur  les  dolmens  Scan- 
dinaves, que  la  race  dont  on  y  trouvait  les  restes,  était 
petite,  brachycéphale  et  devait  être  rattachée  aux  Finnois. 
Mais  des  recherches  postérieures  n'ont  pas  confirmé  cette 
assertion  et  ont  indiqué  plusieurs  types  différents. 

En  Afrique,  à  Roknia,  en  particulier,  on  trouve  des  corps 
tant  qu'on  en  veut  et  on  obtient  des  crânes  bien  entiers,  pour 
peu  que  Ton  prenne,  en  les  extrayant  de  la  terre,  les 
précautions  nécessaires  et  bien  connues  des  anthropolo- 
gistes. 

Nous  avons  donc  pu  observer  parfaitement  la  race  des  dol- 
mens de  ce  pays.  Or,  nos  observations  nous  donnent  des 
résultats  tout  à  fait  opposés  à  ceux  qu'avait  signalés 
M.  Bonstetten.  Nous  trouvons  une  race  dolichocéphale  et  très 
grande,  et  ceci  s'accorde  avec  les  légendes  locales  qui  disent 
que  les  constructeurs  des  dolmens  étaient  des  espèces  de 
géants  d'une  force  extraordinaire. 

En  effet,  si  nous  examinons  le  contenu  des  quatorze  dol- 
mens fouillés  méthodiquement  par  nous  ^  nous  pouvons  à 
peu  près  apprécier  le  nombre  de  corps  qui  s'y  trouvent  et, 
assez  généralement,  il  nous  est  possible,  par  des  os  longs 
conservés  entiers,  de  déterminer  approximativement  la  taille 
des  individus  auxquels  ils  appartiennent,  en  nous  servant 
de  la  table  d'Orfila^  que  nous  trouvons  dans  le  Manuel  de 
médecine  légale  de  Briand.  Nous  savons  bien  que  les  rapports 

*  Voir  nos  RecJierches  anthropologiques  sur  les  tombeaux  mégalithiques 
de  Roknia.  Bône  (Algérie)  1868. 


des  grandeurs  des  membres  entre  eux,  et  avec  la  taille  totale, 
sont  variables  d'un  individu  à  l'autre,  et  qu'ils  peuvent  l'être 
surtout  d'une  race  à  une  autre.  Mais  y  eut-il  erreur  de 
quelques  centimètres  en  plua  ou  en  moins,  nos  résultats  sont 
tels  qu'il  n'en  subsisterait  pas  moins  :  que  les  hommes  des 
dolmens  de  Rokrtia  étaient  d'une  taille  remarquablement 
grande.  Nous  allons  le  démontrer,  en  passant  en  revue  le 
contenu  des  quatorze  dolmens. 

La  tombe  1  renfermait  4  corps,  les  os  longs  indiquant  les 
tailles  de  1"77.  1"70,  l'-Ql,  1"63; 

La  tombe  2  renfermait  2  corps  de  1-85  et  1"81  ; 

La  tombe  3  renfermait  3  corps,  l'un  de  1"90  et  les  deux 
autres  de  l^Qh  environ  ; 

La  tombe  4  renfermait  2  corps  de  l'"54  environ  ; 

La  tombe  5  ne  renfermait  qu'un  corps  et  il  ne  s'y  trouvait 
pas  d'os  long  en  assez  bon  état  pour  en  apprécier  la 
taille; 

La  tombe  6  renfermait  3  corps.  Une  seule  paire  de  fémurs 
entiers  indique  un  individu  de  1°'64; 

Dans  la  tombe  7,  se  trouvait  une  fête  d'enfant  de  8  à  12  ans, 
mais  U  y  avait  absence  d'os  longs  entiers  ; 

La  tombe  8  renfermait  deux  corps,  dont  un  d'enfant  et 
l'autre  d'une  taille  de  1  "'71  ; 

Dans  la  tombe  9,  se  trouvaient  7  corps.  Un  seul  fémur 
incomplet  indique  un  homme  de  l''80  environ.  Sur  les  sept 
crânes,  îl  y  en  a  5  de  vieilles  femmes  et  un  que  nous  croyons 
être  nigritique;  le  septième  crftna  incomplet  est  assez  épais 


—  413  — 

l'autre  de  femme  sans  doute,  à  cause  des  bracelets  en  bronze, 
d'une  taille  de  1"49. 

En  récapitulant,  nous  trouvons  que  ces  quatorze  tombes 
lenfermaient  35  corps,  dont  trois  enfants,  et  que  sur  les 
32  adultes,  il  n'a  été  possible  d'observer  les  tailles  que  de  20. 
La  moyenne  générale  de  ces  tailles  est  de  1™69  ;  mais,  si  nous 
retianchons  les  cinq  femmes  des  tombes  4,  10,  12,  13  et  14, 
dont  les  tailles  donnent  une  moyenne  de  1"55,  la  taille 
moyenne  pour  les  15  restants,  parmi  lesquels  il  n'est  pas 
bien  sûr  qu'il  ne  puisse  y  avoir  encore  quelques  femmes,  est 
de  1"74.  Or,  la  taille  moyenne  en  Belgique  est  aujourd'hui 
1°'65;  cette  moyenne  de  1"74  est  donc  considérable  et 
remarquons  surtout  que,  sur  15  individus  non  choisis,  nous 
en  avons  6  dont  les  tailles  sont  l^OO,  1"85,  l-^SS,  l^Sl, 
l^SO,  1™77,  c'est  à  dire,  qu'ils  sont  plus  grands  que  nos  cara- 
biniers, dont  la  taille  minimum  est  de  1"76.  On  s'explique 
comment,  l'éloignement  grossissant  les  choses,  les  légendes 
parlent  de  ces  gens  là  comme  de  géants. 

Quant  aux  crânes,  nous  avons  pu  en  mesurer  20  plus  ou 
moins  complètement,  mais  l'indice  céphalique  n'a  pu  être  pris 
que  sur  18.  L'indice  maximum  est  853  et  le  minimum  705  ; 
la  moyenne  des  dix  huit  est  75.  On  peut  donc  les  dire  en  bloc 
dolichocéphales. 

Si  nous  adoptons  la  classification  de  M.  le  docteur  Broca, 
nous  en  trouvons  :  dix  dolichocéphales  au  dessous  de  75,  quatre 
sous-dolichocéphales  de  75  à  776,  deux  mésaticéphales  de  777 
à  799,  deux  sous-brachycéphales  de  80  à  849,  et  il  n'y  en  a 
aucun  de  complètement  brachycéphale  à  85  et  au  dessus. 

Les  crânes  mésaticéphales  et  sous-brachycéphales  sem- 
blent être  des  crânes  de  femmes,  de  sorte  que  nous  pouvons 
dire  que  tous  nos  grands  sujets  mâles  étaient  dolichocéphales 
et  qu'en  définitive,  les  dolmens  de  Roknia  dénotent  une  race 
très  grande  et  franchement  dolichocéphale.  Ajoutons  que  les 
crânes  sont  beaux  pour  la  plupart  et  nous  indiquent  des  pro- 
fils que  ne  renieraient  pas  nos  plus  belles  races  du  Nord. 


Le  crâne  mésaticéphale  n"  4,  de  la  tombe  9,  h  l'indice 
78,  et  le  crftne  sous-brachycéphale  n"  2,  de  la  tombe  10,  à 
l'indice  80,  sont  dea  crânes  de  femmes.  Quant  au  crâne 
n"  10,  de  la  tombe  11,  le  plus  brachycéphale  de  tous,  k  l'io- 
dice  84,  on  ne  sait  trop  k  15 ni  l'attribuer  ;  en  effet,  il  y  a  daas 
cette  tombe  sept  fémurs,  dont  un  seul  entier  indiquant  une 
taille  de  l^BO  et  un  très  grand  tibia  indiquant  une  taille  de 
l^SS.  Le  crâne  n'  10,  dont  la  capacité  n'est  que  de  l,275cen- 
timëtres  cubes,  est  bien  petit  pour  l'attribuer  à  l'individu  de 
l^SS,  d'autant  plus  qu'il  y  a  dans  cette  tombe  un  autre 
cr&ne,  dont  la  capacité,  un  peu  supérieure,  est  de  1,300  cen- 
timètrea  cubes  et  qu'il  y  manque  un  quatrième  crâne. 

Nous  admettons  doncquelespeuptadesdesdolmensd'Âfrique 
étaient  de  cette  race  grande  et  blonde  qui  nous  est  signalée, 
dès  les  premiers  temps  de  l'histoire,  dans  le  Nord  de  l'Europe, 
race  dont  nous  voyons  les  caractères  physiques  si  énergique- 
ment  accusés  sur  cette  peinture  de  la  salle  du  Palais  ducal, 
représentant  les  premiers  habitants  de  la  Belgique  et  dont, 
jKiur  notre  part,  nous  ne  regardons  pas  la  provenance  asiatique 
comme  démontrée,  ni  même  comme  probable. 

Voyons  maintenant  ce  que  les  documents  égyptiens  nous 
apprendront  sur  ces  blonds  de  la  Libye,  car  ils  ont  joué  un 
rôle  très  important  dans  l'histoire  de  l'Egypte, 

Les  Égyptiens  donnent  le  nom  générique  de  Tamahou  aux 
envahisseurs  blonds  qui  leur  arrivaient  de  l'Ouest,  du  pays 
des  Tahennou,  c'estàdire,  du  pays  des  montagnes  nuageuses; 
et,  d'npiv';s  <'L'  que  mms  a  dit,  M.  Brugsch,  ce  mot  Taiimliou 


—  415  — 

berbère,  désignait  tout  simplement,  pour  les  Égyptiens,  les 
populations  qui  parlaient  cette  langue. 

Les  blonds  qui  envahirent  TÉgypte  parlaient  donc  berbère  ; 
mais  aujourd'hui,  il  est  reconnu  que  le  berbère  a  une  parenté 
sérieuse  avec  le  copte  ou  égyptien,  qu'il  a,  comme  ce  dernier, 
quelques  rapports  avec  les  langues  sémitiques,  et  qu'on  en 
trouve  des  traces  dans  le  sud  de  l'Arabie.  Ce  ne  pourrait  donc 
pas  être  là  la  langue  maternelle  des  blonds  aux  dolmens,  venus 
du  Nord  de  l'Europe;  et  il  faut  admettre  que  ceux-ci,  à  leur 
arrivée  en  Afrique,  avaient  trouvé,  établie  dans  le  pays,  une 
population,  les  Rebou  ou  Lébou  des  textes  égyptiens,  de 
même  souche  que  les  Égyptiens  eux-mêmes  et  que  les  Cous- 
chites  d'Asie,  et  que  les  envahisseurs  avaient  adopté  la  langue 
de  ces  Lébou,  en  perdant  la  leur,  phénomène,  comme  on  le 
sait,  très  commun  dans  l'histoire. 

L'universalité  de  la  langue  berbère  dans  l'Afrique  septen- 
trionale, de  l'Egypte  à  l'Océan  et  de  la  Méditerranée  au  Sou- 
dan, est  encore  une  preuve  que  cette  langue  était  celle  des 
indigènes  et  non  des  conquérants  étrangers. 

Les  Libyens'  (Lébou)  n'étaient  devenus  redoutables  pour 
les  Égyptiens  et  ne  les  avaient  attaqués  sérieusement  que 
lorsqu'ils  avaient  été  renforcés  par  ces  gens  du  Nord.  Quant 
aux  Égyptiens,  frappés  des  caractères  physiques  de  ces  der- 
niers, caractères  étranges  pour  eux,  ils  n'avaient  pas  manqué 
de  les  reproduire  dans  leurs  dessins  et  leurs  peintures  ;  ce 
qui  fait  que  nous  possédons  aujourd'hui  les  portraits  coloriés 
des  gens  qui  élevaient  les  dolmens,  il  y  a  plus  de  trois  mille 
ans. 

De  nos  jours,  les  Touaregs  semblent  être  un  des  restes 
conservés  les  plus  purs  de  ces  antiques  Tamahou  ;  leur  langue 
est  la  moins  altérée,  comme  nous  l'avons  dit.  Ils  l'appellent 
encore  Tamahoug  ou  Tamahag  ou  Tamacheq;  ils  se  servent 
encore  des  caractères  graphiques,  avec  lesquels  l'écrivaient, 
il  y  a  deux  mille  ans,  les  Numides,  descendants  directs  de 
ces  Tamahou,  de  cette  tribu  des  Maschasch,  qui  fournissait 


-  416  — 


les  plus  forts  contingents  aux  envahisseurs  du  Delta  sous  la 
19°  dynastie  et  qui  perdit  plus  de  6,000  hommes  dans  une 
seule  bataille  contre  les  Égyptiens ,  sous  Méremptah, 
1,400  ans  avant  J.-C. ,  Maschasch  dont  eux,  Numides, 
présentaient  encore,  dans  beaucoup  de  leurs  noms  propres 
d'hommes  ou  de  tribus,  le  Mas  ou  Masch  initial  caracté- 
ristique. 

Les  Touaregs  sont  de  très  grande  taille  ;  beaucoup  d'entre 
eux  ont  les  yeux  clairs,  d'après  ce  que  nous  a  dit  M.  Duvey- 
gnier,  qui  a  visité  le  Hoggar;  mais  leur  teint  et  leurs  poils 
ont  bruni  par  un  long  séjour  dans  le  Sahara  et,  sans  doute 
aussi  par  des  croisements.  Ds  affectionnent  encore  les  lon- 
gues épées  &  deux  mains  qui  rappellent  les  épées  des 
Maschasch  de  3  et  de  5  coudées'. 

Sous  le  rapport  des  cheveux  blonds  et  des  yeux  bleus,  c'est 
dans  les  montagnes  du  Maroc  et  de  l'Algérie  et  spécialement 
dans  l'Aurés  qu'on  trouve  des  descendants  des  Tamahou 
ayant  conservé  ces  caractères  des  hommes  du  Nord*. 

Mais,  en  fait  de  descendants  de  cette  antique  race,  nous 
avons  h  signaler  un  cas  plus  singulier.  Dans  les  contrées  du 
haut  Sénégal  et  du  haut  Niger,  vers  le  15°  degré  de  latitude 
nord,  existaient,  il  y  a  douze  ans  encore,  deux  puissants 
États  nègres  idolâtres,  le  Kaarta  et  le  Ségou,  aujourd'hui 
démembrés  et  subjugués  par  les  Pouls  musulmans.  C'étaient 
des  monarchies  très  fortement  constituées,  guerrières  et 
ayant  des  espèces  d'armées    permanentes,    composées  en 

.iide  partie  d'esclaves.  Les  habitants  de  cea  États  sont  les 


—  417  — 

tants  du  pays,  prétend  descendre  d'ancêtres  blancs  venus, 
il  y  a  très  longtemps,  de  bien  loin  dans  le  Nord,  du  côté  de 
rÉgypte  et  chassés  vers  le  Soudan  par  des  guerres  intestines 
et  surtout  par  l'invasion  arabe.  Dans  ce  mot  Massassi,  IV  final 
exprime  la  nationalité  par  une  règle  arabe,  usitée  dans  toute 
l'Afrique  du  nord  :  biskri,  un  homme  de  Biskra;  a^kriy  un 
homme  des  Ouled  Askeur;  soudani,  sahariy  un  homme  du 
Soudan,  du  Sahara.  Le  radical  du  mot  est  donc  Massas;  mais 
les  Soudaniens  ne  peuvent  prononcer  la  chuintante;  en  fran- 
çais, ils  disent  Sarles  pour  Charles,  cien  pour  chien;  en 
arabe,  aïça  pour  Aicha,  Asra  pour  Achera.  Ce  mot  qu'ils  pro- 
noncent aujourd'hui  Massas  représente  donc  exactement  le 
nom  Maschasch  de  la  tribu  de  Tamahou .  On  sait  qu'une  longue 
tresse  recourbée,  passant  par  devant  l'oreille  et  retombant 
jusque  sur  l'épaule,  est  la  coiffure  caractéristique  des  Mas- 
chasch sur  les  monuments,  et  Hérodote  (livre  IV,  p.  191) 
nous  apprend  que  les  Libyens,  Maxyès,  continuateurs  des 
Maschasch,  se  rasaient  un  côté  de  la  tête  et  laissaient  pousser 
leurs  cheveux  de  l'autre  côté.  Eh  bien  !  aujourd'hui  encore, 
les  Massassi  se  rasent  la  moitié  de  la  téte  et  portent  les  che- 
veux de  l'autre  moitié,  tombant  en  tresse  sur  l'épaule,  avec 
un  lourd  anneau  d'or.  Ce  qui  prouve,  soit  dit  en  passant, 
qu'il  y  a  des  modes  qui  durent  longtemps,  puisque  voilà  une 
coiffure  qui  se  maintient  depuis  4,000  ans.  Comme  caractère 
physique,  nous  avons  remarqué  le  nez  long  et  cartilagineux 
des  chefs  Bambara,  contrastant  avec  le  nez  court  et  mou  des 
autres  Nègres.  Quant  à  leur  haute  taille,  elle  ne  prouverait 
pas  grand'chose,  car  il  y  a  des  races  noires  de  très  grande 
taille  dans  cette  contrée.  Toutes  ces  circonstances  réunies, 
n'autorisent-elles  pas  à  penser  qu'une  fraction  des  descen- 
dants des  antiques  Maschasch  a  été  fonder,  à  une  époque  dif- 
ficile à  déterminer,  mais  probablement  postérieure  à  l'inva- 
sion arabe,  un  empire  sur  les  bords  du  Niger?  Nous  ne 
mçntionnons  que  pour  mémoire,  parce  que  nous  la  croyons 
hasardée,  l'opinion  deSid-el-Hadj-Bou-El-Moghdad,  assesseur 


du  Cadi,  de  SaÎDt  Louis  (Sénégal),  que  le  mot  Bambara  lui- 
même  est  la  corruption  de  Béni-Bar,  Beni-Ber,  nom  donné 
par  les  Arabes  aux  indigènes  qu'ils  trouvèrent  en  Afrique, 
pour  indiquer  leur  descendance  de  Ber  (d'où le  nom  Berbère); 
Ibn-KhaldouQ  donne  des  détails  sur  cette  généalogie  plus  ou 
moins  sérieuse. 

On  trouvera  peut-être  bien  étrange  que  des  peuplades  ori- 
ginaires des  contrées  septentrionales,  où  siège  cette  année  le 
Congrès  préhistorique,  soient  devenues  la  souche  d'une 
dynastie  nègre  en  plein  Soudan  !  Mais  quelles  limites  assi- 
gner aux  pérégrinations  des  races  humaines  sur  la  surface 
du  globe  même  depuis  les  derniers  grands  changements?  Il 
n'y  a  pas  plus  loin  de  la  Baltique  au  Soudan  que  de  ta  Mon- 
golie &  Chftions,  où  nous  savons  histonquement  que  les 
hordes  d'Attila  sont  venues  se  heurter  contre  les  habitants 
de  la  Gaule. 

Quant  aux  changements  physiques,  noua  croyons  à  une  cer- 
taine influence  des  milieux  ;  mais  les  croisements  qui  résultent 
des  déplacements  ont  certainement  une  influence  infiniment 
plus  grande.  Nous  pensons  que  l'anthropologiste  qui  s'occupe 
du  classement  des  races  humaines,  doit  surtout  tenir  compte, 
à  peine  de  tirer  des  conclusions  hasardées,  de  la  fréquence  des 
croisements  qu'amenaient  les  invasions  et  la  violence  dans  les 
temps  de  barbarie  et  qu'amène  la  facilita  des  communications 
dans  les  temps  de  civilisation.  Que  l'on  réfléchisse  à  l'extrême 


—  419  — 

de  60  ans,  et  par  conséquent  de  son  tirant^  un  descen- 
dant direct  présentant  les  caractères  de  race  les  plus  opposés 
aux  siens  propres  dans  lechelle  de  l'espèce  humaine,  descen- 
dant qui  sera  grand, si  lui  est  petit;  qui  sera  dolichocéphale, 
si  lui  est  brachvcéphale  ;  qui  sera  prognate,  si  lui  est  ortho- 
gnate;  qui  sera  noir,  si  lui  est  blanc  ;  dont  les  cheveux  seront 
laineux,  si  les  siens  sont  lisses? 

Aussi  y  a-t-il  presque  partout  une  confusion  extrême  de 
caractères  physi^jues;  aussi  avons-nous  trouvé  des  formes  de 
crânes  très  diverses  dans  les  tombeaux  de  Roknia,  de  même 
que  chez  les  Berbères  vivants  que  nous  avons  observés. 

Nous  avons  mis  sous  vos  yeux  un  des  crânes  complets 
provenant  de  nos  fouilles.  Il  faut  que  nous  vous  en  disions 
quelques  mots.  Ce  crâne  ne  représente  pas  la  moyenne  de  la 
série;  il  est  même  un  peu  exceptionnel.  Ses  dimensions  et  sa 
capacité  sont  considérables;  en  somme,  c'est  un  très  beau  crâne 
au  front  élevé.  Il  est  dolichocéphale,  à  l'indice  72;  sa  capacité 
dépasse  500  centimètres  cubes;  sa  longueur  est  de  190  milli- 
mètres; il  a  les  apophyses  mastoïdes  volumineuses  et  les  fos- 
settes massétérines  très  prononcées  par  le  déjètement  en 
dehors  des  angles  de  la  mâchoire.  Le  sujet  devait  avoir  une 
puissance  remarquable  de  mastication.  C'était  du  reste  un 
homme  qui  avait  une  taille  de  1"85,  c'est  à  dire,  plus  de  six 
pieds  anglais. 

Si  vous  demandez  à  quelle  race  il  se  rapporte,  nous 
ne  sommes  guère  capable  de  répondre  à  cette  question. 

Tout  d'abord  qu'est-ce  qu'une  race?  Pour  les  uns,  ce  n'est 
qu'un  état  de  l'espèce  momentanément  fixé  par  l'action  des 
circonstances  ambiantes;  pour  d'autres,  les  races,  les  princi- 
pales au  moins,  tirent  leurs  caractères  héréditairement  de 
souches  différentes;  pour  d'autres  enfin,  et  c'est  ce  qu'il  y  a 
de  plus  probable,  les  caractères  de  la  race  sont  une  résul- 
tante des  deux  causes  énoncées  ci-dessus,  lliérédité  et  l'action 
des  milieux.  —  Mais  tout  cela  n'est  pas  encore  parfaitement 
clair  et  il  faut  encore  beaucoup   d'observations  et  d'expé- 


-  420  - 


riencea  avant  de  pouvoir  poser  des  règles  certaioes  et  établir 
des  classifications  incontestables. 

Cependant  rien,  suivant  nous,  ne  s'oppose  à  ee  que  la  plu- 
part des  crânes  de  Roknia  soient  attribués  à  la  g^rande  race 
blonde  du  Nord  de  l'Europe,  race  qui  était  plus  distincte,  il  y 
a  quelques  milliers  d'années  qu'aujourd'hui,  où  tous  les  peu- 
ples civilisés  se  fondent  un  peu  les  uns  dans  les  autres,  race 
qui  a  de  nombreux  représentants  en  Belgique  et  dans  le  Nord 
de  la  France,  celles  des  anciens  Belges  de  César,  des  Anglo- 
Saxons,  des  Scandinaves,  des  Allemands  du  Nord,  etc. 

M.  WoBSAAB.  M.  le  général  Faidherbe,  dans  sa  communi- 
cation, a  soulevé  une  question  très  importante,  celle  de  l'ori- 
gine des  peuples  des  dolmens.  Il  est  d'avis  que  le  peuple  des 
dolmens  est  descendu  de  la  Scandinavie  vers  le  Midi. 

Je  crois  qu'il  y  aurait  de  graves  difficultés  k  admettre  ce 
système.  Si  l'on  compare  les  trouvailles  faites  dans  les  dolmens 
du  Nord  avec  celles  des  monuments  semblables  du  reste  de 
l'Europe,  on  verra  que  les  objets  de  nos  dolmens  sont  les  plus 
perfectionnés.  On  trouve  dans  ceux-ci  des  instruments  en 
silex  travaillés  avec  un  soin  tout  à  fait  remarquable,  tandis 
que  de  pareils  objets  ne  se  découvrent  pas  dans  d'autres 
contrées. 

Je  pourrais  vous  donner  une  idée  de  ces  silex  en  vous  mon- 
trant ici  UQ  ouvrage  qui  vient  de  paraître  en  Suède.  On 
rencontre,  par  exemple,  des  poignards ,  dont  le  manche  est 
souvent  orné,  mais  ces  objets  disparaissent  à  mesure  que  l'on 
descend  vers  le  Midi.  Eu  Angleterre  et  en  France,  les  tyi 


—  421  - 

déjà  lors  de  son  arrivée  dans  les  régions  de  la  Baltique,  avait 
une  civilisation  assez  avancée,  et  je  crois  que  cette  civilisa- 
tion a  été  développée  ultérieurement  dans  notre  pays. 

Je  n*ose  pas  décider  si  le  peuple,  qui  a  élevé  les  dolmens 
de  l'Afrique,  est  venu  du  midi  de  la  France,  mais  je  crois 
cependant  qu'on  ne  doit  pas  attribuer  tous  les  dolmens  à  un 
seul  et  même  peuple.  Je  crois  que  les  dolmens  sont  une  forme 
assez  naturelle  pour  les  tombeaux.  On  en  retrouve  encore  aux 
Indes  dans  les  temps  très  modernes,  et  j'estime  que  les  dol- 
mens des  différentes  parties  du  monde  ont  été  élevés  par  des 
peuples  de  diverses  races. 

M.  Desor.  Je  suis  parfaitement  d'accord  avec  M.  le  général 
Faidherbe,  et  je  pense  avec  lui  que  nous  ne  sommes  pas 
autorisés  à  admettre  plusieurs  centres  de  dolmens.  A  mesure 
que  la  science  progresse,  les  constructions  mégalithiques 
se  retrouvent  dans  des  régions  nouvelles  et,  à  mon  avis,  leur 
ensemble  doit  être  envisagé  comme  un  seul  et  même  grand 
phénomène. 

Au  Congrès  de  Copenhague  et,  antérieurement  dans 
diverses  publications  faites  en  Allemagne,  j'ai  émis  l'opinion 
que  la  marche  des  dolmens  s'était  produite  du  Midi  au  Nord. 

Comment  se  fait-il  que,  sous  ce  rapport ,  je  sois  si  fort  en 
désaccord  avec  l'éminent  Général  Faidherbe?  H  vous  a  dé- 
claré qu'il  avait  suivi  la  méthode  de  M.  Bonstetten.  Je  con- 
nais beaucoup  M.  Bonstetten  ;  j'ai  eu  des  relations  très  sui- 
vies avec  lui  et  nous  avons  souvent  discuté  cette  question. 

n  faut  se  reporter  à  l'époque  à  laquelle  cette  théorie  a  été 
émise.  En  ce  temps,  on  n'avait  encore  guère  signalé  de  dol- 
mens en  Afrique,  tandis  qu'on  en  avait  découvert  en  quan- 
tité considérable  dans  le  Nord.  En  voyant  leur  nombre  dimi- 
nuer à  mesure  que  l'on  descendait  vers  le  Midi,  on  en  avait 
conclu  que  l'émigration  était  partie  du  Nord  pour  descendre 
vers  le  Midi ,  en  longeant  les  côtes  occidentales  pour  se  ter- 
miner sur  les  côtes  d'Afrique.  On  s'imaginait  qu'il  n'y 
avait  en  Afrique  que  de  rares  dolmens  isolés,  tels  que  ceux 

27 


-  422  — 


des  environa  d'Alger,  que  l'on  considéra  quelque  temps 
comme  les  tombeaux  des  légious  romaines. 

Depuis  que  cetta  théorie  a  été  émise,  on  a  constaté,  en 
Afrique,  la  présence  de  dolmens  dans  des  endroits  où.  les  Ro- 
mains n'avaient  jamMs  pénétré,  et  ils  y  sont  plus  nombreux 
que  dans  aucune  autre  partie  du  globe.  A  la  suite  de  cette  con- 
statation, le  système  qui  avait  été  adopté,  dut  être  abandonné. 

Si  M.  Bonstetten  était  ici,  je  suis  convaincu  qu'il  déclare- 
rait lui-même  y  avoir  renoncé. 

L'opinion  de  ce  savant  a  été  soutenue  par  K.  Bertrand; 
mais  j'ai  pu  constater,  par  mes  discussions  avec  cet  archéo- 
logue, qu'il  ne  maintient  pas  non  plus  ce  système  d'une  ma- 
nière absolue.  C'est  une  question  ouverte;  elle  est  très  inté- 
ressante.  Quant  à  moi,  je  pense  que  l'on  peut  être  autorisé  à 
faire  venir  du  Nord  les  constructeurs  des  dolmens  du  Midi,  et 
qu'ainsi,  l'antériorité  du  phénomène  est  déplacée. 

M.  le  général  Faidherbe  a  encore  avancé  gue  les  dolmens 
d'Afrique  devaient  remonter  à  12  ou  15  siècles  avant  notre 
ère;  or,  siles  constructeurs  de  dolmens  sont  venus  du  Nord, 
il  faut  que  les  dolmens  d'Europe  soient  encore  beaucoup 
plus  anciens.  Si  nous  nous  en  rapportons  aux  notions  très 
vagues  que  nous  possédons  sur  ces  temps  reculés,  nos  con- 
trées étaient,  à  cette  époque,  très  peu  favorables  à  des  migra- 
tions considérables. 

n  me  semble  donc  qu'on  est  tout  aussi  autorisé  à  conclure 
que  le  mouvement  est  parti  du  Midi  et  qu'il  a  suivi  les  côtes. 
Quant  h  ce  (li.'niit.'r  iHiiiit   (|iii  l'-l  d'u 


-  423  — 

migration  supposée,  et  Ton  n'imagine  pas  qu'un  peuple, 
sachant  construire  des  monuments,  ait  pu  venir  de  la  mer 
Caspienne  et  traverser  la  grande  étendue  de  pays  qui  la 
sépare  de  la  partie  occidentale  de  l'Europe,  sans  y  avoir 
laissé  la  moindre  trace  de  son  passage. 

M.  DE  QuATREFAGEs.  Ou  vieut  de  dire  que  l'époque  des  ori- 
gines des  populations  qui  ont  élevé  les  dolmens  et  celle 
pendant  laquelle  s'étaient  faites  les  migrations,  étaient  des 
questions  ouvertes.  Je  dirai  qu'il  en  est  de  même  de  la 
question  anthropologique.  Quelle  est  la  race  fondamentale 
qui  a  créé  les  dolmens? 

M.  le  général  Faidherbe  nous  a  dit  que,  dans  le  Midi,  il  a 
trouvé  des  traces  de  mélange  de  races;  cependant,  dit-il,  la 
race  brachycéphale  y  domine. 

Dans  le  Nord,  nous  avons  pu  voir  les  magnifiques  collec- 
tions de  Copenhague.  Là  aussi  on  constate  le  mélange  des 
types  humains;  mais  les  termes  sont  presque  renversés.  Je 
n'ai  pas  besoin  de  rappeler,  à  ce  sujet,  les  recherches  et  les 
découvertes  faites  à  Borreby  ;  l'examen  que  j'ai  pu  faire  de 
ces  fouilles,  si  remarquables  à  tant  d'égards,  m'a  montré  des 
phénomènes  analogues.  Plusieurs  d'entre  vous  savent  que 
les  crânes  de  Borreby  ont  acquis  une  réputation  considérable 
par  suite  des  comparaisons  qu  on  en  a  faites  avec  les  crânes 
anciens,  représentés  comme  les  types  les  plus  inférieurs  des 
restes  humains. 

J'ai  étudié  avec  soin  ces  types  de  Borreby  et,  en  particulier, 
celui  qui  a  été  reproduit  à  diverses  reprises,  notamment  dans 
l'ouvrage  de  sir  Charles  Lyell. 

A  côté  de  ce  type,  j'en  ai  trouvé  un  autre  distinct  du  premier 
par  la  forme  du  crâne,  par  la  nature  des  os  et  par  la  taille 
des  individus.  Déjà  M.  Schaaffhausen,  dont  je  regrette  l'ab-^ 
sence  en  ce  moment,  a  publié  les  mesures  qu'il  a  prises  sur 
ces  crânes  de  Borreby,  et  lui  aussi  a  été  amené  à  admettre 
deux  types. 

Pour  moi,  ce    sont  deux  races  parfaitement  distinctes. 


La  différence  des  têtes  et  des  ossements  est  très  nette 
entre  les  deux  races,  et  il  est  impossible  de  les  confondre, 
quand  on  compare  les  pièces  qui  se  trouvent  au  Musée  de 


D'une  part,  nous  trouvonsdescràneset  des  ossements  gros- 
siers, ayant  appartenu  à  des  hommes  de  très  grande  taille  ; 
d'autre  part,  des  cr&nes  et  des  os  des  membres  remarquables  par 
leur^nesse  et  accusantdes  proportions  très  sensiblement  moin- 
dres. Ce  n'est  là  une  question  ni  d'ôge,  ni  de  sexe.  Parmi 
ces  03,  il  en  est  d'hommes  et  de  femmes,  ce  qu'il  est  facile  de 
constater  en  étudiant  les  bassins.  Or,  ces  derniers  présentent 
les  mêmes  différences  générales  que  les  têtes  elles-mêmes.  Il 
en  est  ainsi  des  fémurs,  par  exemple.  Je  me  rappelle,  entre 
autres,  le  fémur  d'un  hommo  chez  lequel  tout  accusait  la  jeu- 
nesse et  qui  n'en  présentait  pas  moins  les  dimensions  et  la 
structure  que  devaient  faire  supposer  les  têtes  les  plus  gros- 
sières. C'est  l'os  de  la  cuisse  d'un  jeune  géant.  Il  contrastait 
de  la  manière  la  plus  frappante  avec  un  autre  fémur  d'adulte, 
mais  à  la  texture  fine  et  dense  rappelant  celle  de  certaines 
têtes. 

Tout  concourt  donc  à  faire  admettre  que  ce  dolmen  de 
Borreby  renferme  les  restes  d'une  population  se  rattachant  à 
deux  types  distincts.  L'un,  le  type  grossier,  est  celui  dont  on  a 
tant  parlé;  l'autre,  le  ti/pe  fin,  me  parait  mériter  aussi  &  tous 
égards  l'attention  des  anthropologistes.  Si  le  Congrès  veut 
bien  le  permettre,  j'ajouterai  plus  tard  quelques  détails  et 

lolnues  (.■hifiVe.-i  ;i  cvs  jj-i-iuTulitis.  Xcsivi-i--.  iusliiïer 


—  425  — 

Note  relatwe  aux  deux  types  du  dolmen  de  Borrehy^  par 

M.   DE   QUATREFAGES. 

Indépendamment  de  ses  merveilleuses  collections  d'archéo- 
logie préhistorique,  le  Musée  d'Antiquités  de  Copenhague 
possédait,  à  l'époque  de  mon  séjour  en  Danemark,  une  collec- 
tion de  49  têtes  humaines  plus  ou  moins  complètes,  une 
dixaine  de  calottes  ou  fragments  de  crânes  assez  considéra- 
bles pour  pouvoir  se  prêter  à  l'étude  et  quelques  os  des  mem- 
bres ;  le  tout  extrait  des  tombes  explorées  par  les  savants 
Scandinaves.  Sur  les  49  têtes,  42  appartiennent  à  l'âge  de 
la  pierre,  2  à  l'âge  du  bronze,  3  à  l'ancien  âge  du  fer,  2  à 
l'âge  du  fer  récent  (âge  des  Vikinds).  Comme  les  objets  d'in- 
dustrie, ces  ossements  sont  classés  par  trouvailles.  La  plus 
importante  de  celles-ci,  au  point  de  vue  anthropologique,  est 
sans  contredit  celle  de  Borreby,  point  situé  à  l'est  de  l'île 
de  Seeland,  au  sud  de  Korsœr.  Elles  comprend  24  têtes 
ayant  la  face  et  le  crâne  plus  ou  moins  intacts,  7  crânes  assez 
entiers,  mais  sans  face^  6  bassins  et  quelques  os  des  mem- 
bres. 

Lorsqu'on  place»  les  têtes  osseuses  à  côté  les  unes  des  autres, 
on  est  immédiatement  frappé  des  différences  qui  les  distin- 
guent et  les  partagent  en  deux  groupes  répondant  à  autant 
de  types.  Le  premier  comprend  des  têtes  plus  volumineuses, 
à  la  face  très  développée,  d'un  aspect  rude  et  sauvage,  for- 
mées d'os  épais  à  structure  grossière;  dans  le  second,  les 
têtes  sont  moins  grandes,  le  crâne  présente  un  développe- 
ment proportionnellement  supérieur,  les  os.  ont  quelque  chose 
de  plus  fin,  la  structure  en  est  évidemment  plus  serrée,  plus 
dense,  de  manière  à  présenter  une  résistance  peut  être  égale 
sous  un  volume  beaucoup  moindre. 

Le  premier  groupe  représente,  pour  moi,  le  type  grossier  de 
Borreby.  C'est  lui  qui  a  attiré  jusqu'ici  l'attention  des  an- 
thropologistes.  Le  second  groupe  appartient  à  ce  que  j'appel- 
lerai le  type  fin  de  Borreby,  tJn  examen  même  sommaire 


permet  de  reconoattre  que  les  deux  groupes  renferment  des 
cr&nes  masculins  et  des  crânes  féminins. 

Dans  le  premier,  je  signalerai,  comme  ayant  appartenu  à 
des  hommes,  les  a."  V,  VIII,  IX.  Le  n'Xll,  au  contraire,  qui 
présente  exactement  les  mâmea  caractères,  mais  sensible- 
ment adoucis,  me  parait  être  iQcontestablemeQt  un  cr&ne 
féminin. 

Comme  exemple  de  crftne  masculin  appartenant  au  type 
fin,  je  signalerai  surtout  le  n' XV  et  le  n°XVII.  Ce  dernier  a 
probablement  appartenu  à  un  Jeune  homme.  Tous  deux  ont 
d'ailleurs  les  mâmes  caractères  que  ies  crftnes  portant  les 
n"  VI,  XIX  et  XXI,  plus  fins,  plus  délicats  et  qui  proviennent 
évidemment  de  femmes. 

Entre  ces  deux  groupes,  il  n'y  a  pas  de  véritable  transi- 
tion. Les  crânes  du  type  grossier  sont  tous  sensiblement  plus 
raccourcis  que  les  autres  et,  &  la  simple  vue,  on  dirait  que  la 
dureté  des  traita,  la  saillie  des  bosses  surcilières.la  massiveté 
des  pommettes,  croissent  dans  le  même  rapport  que  la  bra- 
chycéphalie.  Même  lorsque  l'&ge  ou  le  sexe  amène  un  adou- 
cissement, ces  têtes  gardent  leurs  proportious  générales,  leur 
ossature  rude  et  grossière,  leur  front  fuyant  et  étroit  ;  pres- 
que toujours,  le  menton  reste  massif  et  souvent  le  cr&ne  pré- 
sente une  carène  plus  ou  moins  accusée. 

Cest  seulement  parmi  les  tètes  du  type  fin  qu'on  en  ren- 
contre de  comparables  aux  belles  tetes  dolichocéphales  de  la 
collection  Panum.  Même  dans  celles  dont  l'aspect  rappelle  le 


—  427  — 

Bvoir  été  celle  d'un  homme  ayant  dépassé  le  milieu  de  la 
vie.  Voici  les  notes  que  j'avais  prises  relativement  à  toutes 
deux  pendant  mon  séjour  à  Copenhague.  Je  les  repro- 
duits sans  y  rien  changer.  Il  en  est  autrement  des  mesures. 
Celles-ci  ont  dû  être  prises  entièrement  à  nouveau  ;  car,  depuis 
mon  retour  de  Copenhague,  j'ai  reconnu  que  mon  compas 
avait  été  faussé  par  quelque  accident  de  voyage  et  m'avait 
donné  par  suite  des  indications  fausses.  La  correction  a  pu 
être  faite  grâce  à  l'obligeance  de  M.  Worsaae  qui  a  bien 
voulu  me  confier  ces  deux  têtes  pour  les  faire  figurer  dans 
l'atlas  de  l'ouvrage  auquel  nous  travaillons  M.  Hamy  et  moi. 
J'ai  donc  à  remercier  doublement  l'éminent  Directeur  des 
Musées  royaux  de  Copenhague  et  je  m'acquitte  bien  cordia- 
lement de  ce  devoir. 

Type  fin  (tête  n°  XV).  —  Courbe  supérieure  très  belle,  très 
régulière  jusqu'à  la  suture  occipitale  où  le  développement  de 
la  bosse  cause  une  ondulation  très  marquée  ;  front  haut,  pres- 
que bombé.  —  Courbe  horizontale  (norma  verticalis)  très 
belle,  d'un  ovale  allongé,  rétréci  en  arrière  par  suite  de  la 
saillie  que  fait  la  bosse  occipitale;  bosses  occipitales  à  peine 
indiquées;  le  haut  du  front  cache  le  bord  supérieur  des  orbi- 
tes, sauf  sur  les  côtés;  on  ne  voit  pas  les  arcades.  —  Surface 
du  crâne  très  régulière;  nulle  trace  de  carène. — Sutures  très 
simples  ;  synostose  sur  les  côtés  de  la  coronale.  —  Glabelle  peu 
marquée,  fondue  avec  les  bosses  surcilières  à  peine  indi- 
quées. —  Bord  orbitaire  se  relevant  extérieurement.  —  Os 
du  nez  larges,  s'unissant  sous  un  angle  assez  ouvert  ;  épine 
nasale  médiocre.  —  Fosses  canines  évidées  surtout  à  droite. 
—  Os  malaire  moyen;  arcades  fines,  très  peu  arquées.  —  Pro- 
gnathisme très  marqué.  —  Plusieurs  dents  manquent  en  haut; 
celles  qui  restent  très  usées  ;  il  en  était  tombé  pendant  la  vie 
et  l'os  s'est  cicatrisé. — Mâchoire  inférieure  relativement  forte, 
mais  de  porportions  justes,  d'un  aspect  dense  et  solide.  — 
Menton  étroit,  coupé  carré,  saillie  symphysaire  très  marquée, 
saillante.  — Apophyse  géni  hérissée  de  saillies.  — Angle  des 


branches  courbé  en  dedans  et  tuberculeux.  —  Gouttière  assez 
prononcée. — La  mâchoire  inférieure  n'a  perdu  que  3  incisi- 
ves; toutes  les  dents,  même  les  dernières  molaires,  sont 


TÈTES   OSSEUSES    DE    BORREIiY. 

fin  FI». 

TYPE  GIDSSIEil. 

Circonféreuce 

519 

535 

DiuDâtra  antéro-posWrienr 

(  maiimum.    .    .     . 

185 

186 
150 

(  frontal 

9<S 

96 

Diamétro  vertical.    .    .- *.    . 

138 

145 

totale  .    .    . 

1S3 

125 

frontale 

cérébrale.    , 

110 

91 

Courbe  supérieure    pariétale 

115 

115 

(  BQpérieure . 

12 

66 

occipitale  t 

(  inférieure  . 

51 

I  Hauteur  (alTéolo-glabellaire)   .    .    . 
Face 

87 

130 

S-           Or. 

101 

144 

g.        il. 

\  xjor^Qiu  ^vi4>j£utueLui|utj  uxax.j 

(Hauteur 

29        28 

31       33 

OrbitcB 

Ï7,5     38 

38.5     41 

Mâchoire  supérieure  ;  largeur  (areado)    .    . 
Indicé  horizontal 

GO 
15.67 

67,5 
PO.fiJ 

■1 

—  429  — 

Type  grossier  (tête  n**  V) .  —  Courbe  supérieure  presque  con- 
tinue; ondulations  peu  marquées,  si  ce  n*est  vers  le  milieu 
de  la  sagittale,  où  elle  s'enfléchit  assez  brusquement.— Front 
fuyant.  —  Courbe  horizontale  {norma  verticalis)  régulière, 
très  sensiblement  renflée  en  arrière;  bosses  pariétales  à  peine 
marquées  ;  on  distingue  l'énorme  saillie  des  bosses  orbitaires, 
à  peine  les  arcades  zygomatiques,  pas  du  tout  les  os  du  nez. 
—  Sutures  très  compliquées  ;  nulle  trace  de  synostose  ;  la 
suture  médio-frontale  a  laissé  une  légère  saillie  plane.  — 
Pariétaux  se  joignant  en  carène  peu  accusée.  —  Bosses  sur- 
cilières  très  considérables,  s'étendant  jusqu'au  tiers  externe 
de  l'orbite,  profondément  séparéas  à  la  glabelle  qui  est  très 
marquée.  —  Orbites  presque  quadrilatéraux.  —  Os  du  nez  se 
joignant  sous  un  angle  aigu,  hardiment  relevé.  —  Épine 
nasale  fracturée,  elle  devait  être  très  grande.  —  Os  malaire 
développé,  large;  arcades  fortes,  peu  courbées.  — Maxillaire 
supérieur  robuste  ;  racines  de  la  canine  peu  marquées. — Les 
dents  présentent  à  peine  des  traces  d'usure  ;  les  quatre  der- 
nières molaires,  pas  du  tout.  — Prognathisme  médiocrement 
accusé  (les  incisives  manquent).  — Menton  arrondi,  à  saillie 
triangulaire  bien  marquée.  —  Apophyse  géni  indiquée  par 
des  empreintes  musculaires.  —  Angles  de  la  mâchoire  légère- 
ment tournés  en  dedans  (exceptionnel).  —  Gouttière  de  la 
glande  sous-maxillaire  large . 

M.  Cartailhac  fait  remarquer  qu'il  y  a  dans  les  dolmens 
de  France  un  fait  très  significatif  qui  indique  le  sens  de  la 
migration  du  peuple  des  dolmens.  Les  tombeaux  en  pierres 
brutes  du  midi  de  la  France  contiennent  de  nombreux  objets 
en  métal.  Il  est  établi  depuis  plusieurs  années,  par  les  tra- 
vaux de  MM.  Cazalis  de  Fondouce  et  Cartailhac,  que  ces 
monuments  ont  été  élevés  aux  derniers  moments  de  l'âge  de 
la  pierre  polie.  —  A  l'aurore  de  l'âge  du  métal,  les  dolmens 
du  Centre  et  du  Nord  de  la  France ,  les  grottes  sépulcrales 
qui  les  remplacent  souvent,  ne  renferment  les  traces  que  de 
l'âge  de  la  pierre  pure,  sans  mélange  du  métal. 


Faudrait-il  croire  que  les  hommes  des  dolmens  aient 
perdu,  en  montant  vers  le  Nord,  la  connaissance  du  métal? 

N'est-il  pas  beaucoup  plus  vraisemblable  dédire  que  les  peu- 
plades guerrières,  plus  civilisées  du  Midi,  sont  plus  récentes 
que  dans  le  Nord  de  la  France. 

n  n'est  pas  tout  à  fait  exact  de  dire  que  les  dolmens  sont 
répandus  le  long  des  côtes  et  des  rivières.  Il  y  a  des  milliers 
de  dolmens  au  sud  du  plateau  central  de  la  France  :  Âvey- 
ron,  Lozère,  Hérault,  Gard.  Ils  abondent  dans  l'Ârdèche. 

Sur  des  cités  maritimes  à  Java,  par  M.  le  colonel  Weitzkl. 

D'après  le  désir  que  m'a  exprimé  M.  Jhr.  van  Binckhorst 
van  den  Binckhorst,  je  communique  par  écrit,  au  Congrès, 
les  détails  suivants,  concernant  l'existence  de  cités  maritime.'^ 
dans  rile  de  Java. 

En  1854,  comme  j'étais  attaché  &  l'état-major  du  com- 
mandant en  chef  de  notre  armée  aux  Indes  Orientales,  mon 
service  m'amena  h  Tsilatsap,  sur  la  côte  méridionale  de 
rUe  de  Java. 

Tsilatsap  est,  comme  on  sait,  un  port  maritime  protégé 
par  des  fortifications.  Le  port  proprement  dit  est  formé  par 
un  bras  de  mer,  entre  l'Ile  de  Java  et  la  petite  île  de  Noessu 
Kembangan  (l'Ile  des  Fleurs),  sauvage  et  inhabitée.  On  y 
aborde  donc  de  deux  côtés,  h  l'ouest  et  à  l'est. 

L'entrée  par  l'ouest,  très  peu  profonde,  est  impraticable 


—  431  — 

rivage  et  entièrement  bâti  sur  pilotis.  Nous  y  abordâmes  et 
nos  domestiques  nous  y  préparèrent  à  dîner. 

A  cette  époque,  on  n'avait  pas  encore  signalé  les  restes 
de  cités  lacustres  qu'on  a  découvertes  dans  les  derniers  temps 
en  Suisse  ou  ailleurs.  Mais  lorsque  nous  eûmes  lu  leur  des- 
cription, nous  nous  rappelâmes  de  suite  le  village  sur  pilo- 
tis, près  de  Noessa  Kembangan,  car  les  descriptions  des 
palafittes  se  rapportaient  exactement  à  ce  que  nous  y  avions  vu. 

Les  habitants  du  village  avaient  l'habitude  d'allumer  leurs 
feux  sur  des  morceaux  de  trachyte,  dont  ils  avaient,  pour 
ainsi  dire,  pavé  une  partie  de  leurs  demeures.  Tous  les  restes 
de  cuisine  et  les  immondices  étaient  jetés  dans  la  mer  par 
des  ouvertures  faites  exprès  dans  le  plancher.  Ils  vivaient 
principalement  de  pêche  et  s'y  livraient  dans  des  barques 
nommées  djoekongs  et  faites  de  troncs  d'arbres  creusés.  Ils 
se  servaient  de  filets  faits  de  Rotang  (écorce  d'arbres)  ;  ils  se 
procuraient  le  riz  et  d'autres  vivres,  ainsi  que  des  étoffes 
pour  s'habiller,  sur  la  côte  voisine  de  Java,  en  échange  du 
poisson  dont  ils  n'avaient  pas  besoin  eux-mêmes.  Quelques- 
uns  d'entre  eux  possédaient  aussi  à  Noessa  Kembangan  des 
ladangs  ou  champs  de  riz  secs,  et  ils  y  cultivaient  en  outre 
le  tsaté  (cassicum),  mais  ils  n'osaient  y  passer  la  nuit  de  peur 
des  tigres,  dont  l'île  fourmille. 

La  communication  avec  le  continent  n'avait  lieu  qu'au 
moyen  de  ces  djoekongs. 

Un  vieillard  qui,  à  en  juger  par  ses  récits,  devait  avoir 
atteint  l'âge,  rare  à  Java,  d'au  moins  quatre  vingts  ans, 
nous  raconta  que  ses  parents  avait  déjà  habité  le  village  et 
qu'ils  y  étaient  morts.  Notre  question  lui  parut  étrange, 
lorsque  nous  lui  demandâmes  pourquoi  il  avait  choisi  une  si 
singulière  demeure  et  pourquoi  il  continuait  à  l'habiter.  Il 
semblait  trouver  fort  naturelle  la  vie  qu'il  y  menait  avec  les 
autres  habitants,  parce  qu'il  pouvait  échapper  aux  tigres  et 
se  livrer  plus  facilement  à  la  pêche. 

Le  village  est  situé  près  des  remarquables  grottes  à  stalac- 
tites  qu'on  trouve  à  Noessa  Kembangan. 


V 

CLASSIFICATION  DES  AGES  DE  U  PIERRE. 

Classi^cation  des  diverses  périodes  de  tâge  de  la  pierre, 
par  M.  G&BBiBL  de  Mobtillbt. 

Bien  que  toutes  nouvelles,  les  études  préhistoriques  ont 
marché  h  pas  de  géant.  Nous  ne  sommes  heureusement  plus 
au  temps  où  il  fallait  prouver  l'existence  de  l'âge  de  la  pierre. 
Des  recherches  patientes,  des  observations' précises,  des  tra- 
vaux nombreux,  sont  venus  éclairer  tous  ceux  qui  n'ont  pas 
peur  de  la  lumière.  L'ftge  de  la  pierre  s'est  retrouvé  partout, 
précédant  toutes  les  civilisations,  mâme  les  plus  anciennes, 
n  a  été  reconnu  non  seulement  dans  toute  l'Europe  du 
centre  et  du  nord  et  à  plus  forte  raison  chez  tous  les  peu- 
ples sauvages,  mais  encore  en  Italie,  en  Grèce,  en  Palestine, 
en  Assyrie,  en  Chine,  dans  l'Inde  et  en  Egypte,  Des  recher- 
ches faites  successivement  dans  tous  ces  pays,  ont  montré 
que  les  instruments  de  pierre  ont  été  employés  dans  chacun 
d'eux  bien  longtemps  avant  les  métaux. 

Les  observations  sont  devenues  si  nombreuses,  les  faits  se 
sont  tellement  multipliés,  que  pour  les  grouper  et  les  classer 
tous,  il  a  fallu  créer  îles  subdivisions  dans  l'âge  de  la  pierre. 

Dans  les  temps  les  plus  anciens,  du  moins  pour  ce  qui 
,  l'iiuiiimo  se  riintciitn  de  t:ii 


—  433  — 

La  période  de  la  pierre  polie  ou  néolithique,  la  plus 
récente,  est  bien  circonscrite.  Son  étendue  comme  temps  ne 
paraît  pas  trop  vaste  et  elle  présente  un  tout  assez  homo- 
gène. Elle  n'a  donc  pas,  au  moins  pour  le  moment,  besoin 
d'être  subdivisée.      .» 

n  n'en  est  pas  de  même  de  la  période,  plus  ancienne,  de 
la  pierre  taillée  ou  paléolithique,  à  laquelle  les  Anglais 
avaient  d'abord  donné  le  nom  d'archéolithiquey  nom  qui  a 
été  abandonné.  Cette  période  d'une  longueur  immense,  pen- 
dant laquelle  l'industrie,  la  faune,  la  climatologie,  la  dispo- 
sition des  terres  et  des  mers ,  ont  éprouvé  de  grands  chan- 
gements, demande  à  être  divisée  en  plusieurs  époques. 

Mais  sur  quoi  baser  ces  divisions? 

Jusqu'à  présent,  adoptant  la  méthode  des  géologues  et  des 
paléontologues,  les  savants  qui  se  sont  occupés  d'études  pré- 
historiques ont  cherché  à  caractériser  les  diverses  époques 
paléolithiques  par  les  modifications  de  la  faune.  C'est  ainsi 
que  mon  excellent  et  très  regretté  maître  Edouard  Lartet 
admettait  trois  époques  pour  la  pierre  taillée  : 

1*  L'époque  du  grand  Ours  des  Cavernes,  la  plus  ancienne, 
caractérisée  par  le  développement  eî^trômement  abondant  de 
r  Urstis  spelœus  ; 

2**  L'époque  du  Mammouth,  intermédiaire,  pendant  la- 
quelle YElepTias  primigenius  était  très  commun  ; 

3**  L'époque  du  Renne,  la  plus  récente  des  trois,  tirant 
son  nom  du  Renne  ou  Cervus  tarandus^  alors  fort  multiplié 
en  France,  en  Belgique  et  en  Angleterre, 

M.  Dawkins  vient  tout  récemment,  à  la  Société  géolo- 
gique de  Londres,  de  critiquer  et  de  changer  les  trois  épo- 
ques proposées  par  Lartet.  Notre  collègue  du  Congrès, 
M.  Hamy  avait  déjà  précédemment  modifié  ces  divisions 
et  nous  voyons  notre  savant  et  actif  Secrétaire  général, 
M.  É.  Dupont,  réduire  à  deux  les  époques  de  la  pierre 
taillée  : 

1"  L'époque  du  Mammouth  et  du  grand  Ours  réunis. 


qu'il  désig'oe  bous  le  nom  d'époque  des  animaux  éteints,  la 
plus  ancienne. 

2°  L'époque  du  Benne,  qu'il  nomme  époque  des  animaux 
émigrés,  la  plus  récente. 

Cette  divergence  d'opinions,  entre  des  paléontologues  de 
premier  ordre,  suffit  pour  démontrer  qu'il  n'est  pas  possible 
d'établir,  pour  la  période  de  la  pierre  taillée,  des  divisions 
nettement  caractérisées  par  la  faune.  Cela  tient  à  ce  que  la 
faune  a  peu  varié  dans  son  ensemble  et  que  le  Renne,  le 
Mammouth,  même  le  grand  Ours,  paraissent  avoir  vécu  pen- 
dant toute  cette  longue  période.  Us  ne  peuvent  donc  pas 
servir  à  caractériser  des  époques.  Ils  étaient,  dit-on,  plus  ou 
moins  abondants.  Mais  comment  apprécier  le  degré  d'abon- 
dance? 

Si  l'on  étudie  des  dépôts  d'alluvion,  on  trouve  naturelle- 
ment en  grande  abondance  des  débris  d'Hippopotame,  de 
Rhinocéros  et  de  Mammouth,  animaux  qui  venaient  vivre  et 
mourir  auprès  des  cours  d'eau,  et  on  rencontre  fort  peu  de 
restes  d'Ours  qui  vivent  dans  des  cavernes  loin  des  fleuves. 
Si,  au  contraire,  on  fouille  des  grottes,  c'est  l'inverse  qui  se 
produit.  On  y  rencontre  en  très  grande  quantité  les  osse- 
ments des  habitants  naturels  de  ces  grottes,  l'Ours  et  l'Hyène. 
Ou  bien,  si  les  grottes  ont  ét^  habitées  par  l'homme,  il  y  a 
grande  accumulation  d'ossements  d'animaux  lui  ayant  servi 
de  nourriture,  tels  que  Bœuf,  Cheval,  Cerf,  et  surtout  Veaux 
que  l'homme  d'alors  semblait  préférer  à  tous  les  autres  ani- 
maux. Dans  tous  les  cas,  les  ossemente  d'Hippopotame, 


-  435  - 

et  toute  l'industrie  de  ce  qu'on  appelle  communément  l'époque 
du  Renne,  n'ont  pas  montré  de  traces  de  cet  animal.  Voilà 
donc  une  localité  très  nettement  caractérisée  de  l'époque  du 
Renne  qui  n'a  jamais  eu  de  Renne. 

Il  faut  donc  renoncer  à  baser  de  bonnes  divisions  sur  la 
faune.  C'est  ce  qui  m'a  décidé  à  tourner  mes  regards  vers 
l'industrie.  Laissant  de  côté  la  méthode  paléonthologique, 
j'ai  fait  appel  à  la  méthode  archéologique.  En  effet,  en 
archéologie  n'est-ce  pas  toujours  par  les  produits  industriels 
qu'on  détermine  les  époques?  L'époque  étrusque,  l'époque 
grecque,  l'époque  romaine,  l'époque  mérovingienne,  le 
moyen  âge,  la  renaissance,  ne  sont-ils  pas  bien  caractérisés 
et  sans  contestation  par  leurs  produits  divers? 

Du  reste,  que  cherchons-nous?  Nous  cherchons  à  retracer 
les  diverses  phases  du  développement  et  de  l'histoire  de 
l'homme.  N'est-il  pas  dès  lors  plus  naturel  de  caractériser 
ces  phases  par  les  œuvres  de  l'homme  lui-même  que  par  des 
faits  extérieurs. 

Ce  qui  est  arrivé  dans  les  études  préhistoriques  me  donne 
pleinement  raison.  Danois  et  Suédois,  les  premiers,  subdi- 
visent les  temps  préhistoriques  ;  ils  créent,  d'après  la  matière 
la  plus  importante,  l'âge  de  la  pierre,  l'âge  du  bronze,  le 
premier  âge  du  fer.  Cette  première  classification  basée  sur 
l'industrie,  ce  coup  d'essai,  pour  ainsi  dire,  se  maintient  sans 
conteste. 

Plus  tard,  en  se  basant  toujours  sur  l'industrie,  on  a 
subdivisé  l'âge  de  la  pierre,  en  période  de  la  pierre  taillée  et 
période  de  la  pierre  polie.  Ces  subdivisions,  admises  par  tout 
le  monde,  subsistent  encore. 

Les  divisions  paléontologiques,  au  contraire,  comme  nous 
l'avons  vu,  sont  contestées,  instables  et  changeantes,  parce 
qu'elles  sont  sans  base  solide. 

Cela  suffit  parfaitement  pour  démontrer  qu'il  faut  rejeter 
les  divisions  basées  sur  la  faune,  et  en  établir  de  nouvelles 
sur  des  données  industrielles.  C'est  ce  que  j'ai  fait. 


-  436  - 


En  étudiant  avec  soin  la  période  de  la  pierre  taillée  ou 
période  paléolithique,  j'ai  reconnu  qu'elle  pouvait  trèa  bien 
former  deus  grandes  subdivisions  industrielles. 

La  première,  la  plus  longue  et  la  plus  ancienne,  pen- 
dant laquelle  l'homme  ne  se  servait  que  d'instruments  en 
pierre. 

La  seconde,  plus  récente,  caractérisée  par  l'apparition 
d'instruments  en  os  et  en  bois  de  cervidés,  qui  ont  pris  un 
grand  développement  et  remplacé  en  partie  les  instrumenta 
en  pierre. 

Cette  partie  de  la  période  paléolithique  avec  instruments 
en  os,  offre  un  ensemble  assez  homogène  pour  ne  former 
qu'une  époque. 

L'autre  partie  de  la  période  paléolithique,  c'est  à  dire, 
celle  qui  ne  fournit  que  des  instruments  en  pierre,  est  plus 
variée  et  peut  se  subdiviser  encore  en  trois  époques  bien 
distinctes,  ce  qui  porte  à  cinq  les  époques  de  l'âge  de  la 
pierre. 

Si  je  repousse  complètement,  et  pour  cause  comme  on  l'a 
vu,  la  méthode  géologico-paléontologique,  pour  caractériaer 
les  époques,  je  l'adopte,  au  contraire,  pour  ce  qui  concerne 
les  noms.  Je  donne  h  chaque  époque  le  nom  de  la  localité 
typique  la  mieux  connue,  et  je  simplifie'  la  désignation  en  la 
réduisant  en  un  seul  mot,  comme  on  fait  en  géologie. 

Voici  l'énumération  détaillée  de  mes  cinq  époques,  en  par- 
tant de  la  plus  vieille  et  remontant  nécessairement  jusqu'à  la 
moins  ancienne. 


—  437  — 

premier  disciple  de  Boucher  de  Perthes,  est  plus  caractérisée, 
plus  facile  à  étudier,  et  a  fourni  un  plus  grand  nombre  de 
pièces. 

Les  instruments  caractéristiques  de  TAcheuléense  trouvent 
dans  les  alluvions  des  hauts  niveaux  :  Saint  Acheul,  à  la 
porte  d'Abbeville  et  Thenne  (Somme),  Sotte  ville  les  Rouen 
(Seine  Inférieure),  Vaudricourt  (Pas  de  Calais). 

Sur  les  plateaux  et  les  terrasses  trop  élevées  pour  que  les 
alluvions  quaternaires  aient  pu  y  parvenir,  les  instruments 
types  de  l'Acheuléen  se  rencontrent  à  la  surface  du  sol  mêlés 
avec  des  objets  de  tous  les  ftges.  Tels  sont  les  gisements  de 
Beaumont  (Vienne)  et  de  Tilly  (Allier).  On  pourait  multi- 
plier les  citations.  A  la  Ganterie  (Côtes  du  Nord)  et  sur  les 
terrasses  latérales  des  vallées  de  la  Saune  et  de  la  Ceillonne 
(Haute  Garonne),  ces  instruments  sont  en  quartzite  au  lieu 
d'être  en  silex. 

2«  Époque  de  Moustiers  oyxMoustiirien  ÇP\.  18-20),  carac- 
térisé par  des  pointes  retaillées  d'un  seul  côté  et  générale- 
ment à  un  seul  bout,  et  par  des  racloirsplus  ou  moins  grands, 
également  tout  unis  sur  une  de  leurs  faces.  Ces  racloirs  rem- 
placent le  véritable  grattoir,  qui  fait  défaut.  Les  haches  ou 
instruments  typiques  de  l'Acheuléen  viennent  s'éteindre  à 
cette  époque,  comme  les  pointes  moustiériennes  commen- 
çaient déjà  à  apparaître  dans  l'Acheuléen.  La  localité-type 
qui  a  donné  son  nom  à  l'époque,  est  la  grotte  et  le  plateau  de 
Moustiers  (Dordogne). 

Les  produits  de  cette  époque  se  rencontrent  dans  les  allu- 
vions des  bas  niveaux,  comme  Grenelle,  Levallois,  Clichy 
(Seine) ,  le  Pecq  (Seine  et  Oise) ,  Montguillain  (Oise) .  Mais  dans 
ce  genre  de  gisements,  il  y  a  souvent  mélange  et  incertitude. 

Les  gisements  les  plus  caractérisés  sont  ceux  des  grottes 
et  de  certaines  stations  en  plein  air.  On  peut  citer  le  gise- 
ment de  Chez  Pourré  à  Brive  (Corrèze);  les  grottes  de  la  Mar- 
tinière  et  de  l'Ermitage  (Vienne),  de  la  Mère  Grand  (Saône  et 
Loire),  de  Buoux  (Vaucluse),  de  Néron  (Ardôche);  la  fameuse 

28 


station  de  Cœuvres  (Aisne)  ;  les  brèches  de  Genay  et  Héné- 
treux  le  Pitois  (Côte  d'Or). 

3"  Époque  de  Solutréo\i  Solutréen.  Le  travail  grossier  etpri- 
mïtif  du  Moufitiérien  se  transforme  et  fait  place  à  un  travail  de 
la  pierre  beaucoup  plus  perfectionné,  tellement  perfectionné 
mdmequequelques  personnes  ont  cru  que  cette  époque  devait 
servir  de  transition  entre  la  pierre  taillée  et  la  pierre  polie, 
enbv  le  paléolithique  et  le  néolithique.  Mais  cette  supposition 
n'a  paa  de  fondement.  D'abord  les  stations  solutréennes  ne 
renferment  pas  d'instruments  en  os  ou  en  bois  de  cervidés  ; 
ensuite  la  faune  est  encore  largement  quaternaire.  Du  reste 
la  superposition  vient  trancher  la  question  d'une  manière 
irrécusable. 


-  Conpe  da  Laagerie. 

1  on  plarre  poUs  (nMittilqna). 
1  d»  Luigsrtfl  BatH. 
3.  Solotréen  de  Idugsrla  B*aM. 


A  Langerie  Haute,  commune  de  Tayac,  on  a  exploité  un 
riche  gisement  solutréen.  Sur  ce  gisement  n"  3,  du  moins  en 
partie,  s'étendait  l'extrémité  supérieure  d'un  autre  gisement 


—  439  — 

Dans  le  Solutréen  (PI.  21),  les  racloîre  moustiériens  font 
place  aux  véritables  grattoirs  qui,  à  partir  de  là,  prennent 
un  grand  développement,  qui  se  maintient  pendant  les  deux 
époques  suivantes.  Les  pièces  caractéristiques  du  Solutréen 
sont  les  pointes  en  forme  de  feuilles  de  laurier,  finement  re- 
taillées des  deux  côtés  et  aux  deux  bouts.  Il  y  a  aussi  d'autres 
pièces  finement  retaillées.  On  commence  à  trouver  des  objets 
d'art,  sculptures,  mais  en  pierre. 

La  première  station  solutréenne  signalée  a  été  celle  de 
Laugerie  Haute,  qui  a  fourni  de  riches  séries  à  Lartet  et 
Christy  et  à  M.  de  Vibraye.  Mais,  comme  à  Laugerie  Basse 
il  y  a  une  riche  station  de  l'époque  suivante,  j'ai  abandonné 
le  nom  de  Laugerie,  afin  d*éviter  toute  équivoque,  et  j'ai  pris 
celui  de  Solutré  (Saône  et  Loire),  où  se  trouve  un  gisement 
plus  net,  fort  riche,  publié  par  de  Ferry  et  Arcelin. 

Les  stations  solutréennes  ne  sont  pas  nombreuses.  Outre 
les  précédentes,  on  peut  encore  citer  Badegols  et  Saint  Mar- 
tin d'Encideuil  (Dordogne). 

4**  Époque  de  la  Madeleine  ou  Magdalénien  (PI.  22-23). 
Aux  instruments  uniquement  en  pierre,  se  mêlent  en  assez 
grande  abondance  ceux  en  os  et  en  bois  de  cervidés  ;  de  là, 
décadence  de  la  taille  de  la  pierre.  On  ne  trouve  plus  les  jolies 
pointes  qui  caractérisent  l'époque  précédente.  Les  lames  de 
silex  servant  de  couteaux,  de  scies,  de  frottoirs,  de  perçoirs, 
deviennent  fort  nombreuses,  parce  que  c'est  avec  elles  qu'on 
façonnait  l'os  et  les  bois  de  cervidés. 

L'art,  gravure  et  sculpture,  se  développe,  et,  ainsi  que 
l'industrie,  il  emploie,  comme  matières  premières,  l'ivoire  et 
les  bois  de  cervidés. 

Cette  époque  tire  son  nom  de  la  Madeleine,  station  sous 
abri,  des  bords  de  la  Vésère,  commune  de  Tursac  (Dor- 
dogne), parfaitement  explorée  par  Lartet  et  Christy,  et  l'une 
des  mieux  connues. 

Le  Magdalénien  est  très  répandu.  C'est  lui  qui  abonde  le 
plus  dans  les  collections.  On  le  retrouve  surtout  à  l'entrée  des 


'  grottes  et  soub  lea  abria.  Nous  citerons  les  Eyzies  et  Lauge- 
rie  Basse  (Dordogne);  Bniniquel  (Tarn  et  Garonne);  Mus- 
sat  (Ariège)  ;  Montrejeau  (Haute  Garonne)  ;  Âuransan 
(Hautes  Pyrénées);  Murceint  (Lot);  les  Morts,  Champs  et  le 
Puy  de  Lacan  (Corrèze);  le  Plucard  (Charente);  Arcy 
(Yonne);  Salève  (Haute  Savoie);  le  Scé  (Vaud);  Baoussé 
Rousse  (Vintimille)  ;  Furfooz  (Dinant). 

Le  Magdalénien  se  trouve  aussi  parfois  à  l'air  libre.  La 
station  de  Schussenried,  dans  le  Wurtemberg,  en  est  un 
très  bel  exemple. 

Précédemment,  sur  l'autorité  d'Edouard  Lartet,  j'avais 
établi  une  coupure  entre  le  Solutréen  et  le  Magdalénien  : 
l'époque  d'Aurignac.  J'ai  reconnu  depuis  que  cette  coupure, 
mal  définie,  n'a  pas  tant  de  valeur.  C'est  tout  au  plus  une 
transition,  ou  mieux  encore  le  commencement  du  Magdalé- 
nien. Les  instruments  en  os  sont  déjà  abondants,  et  l'indus- 
trie ne  pouvait  se  caractériser  que  par  une  différence  dans  la 
forme  des  pointes  de  lances  et  de  flèches  en  os.  A  l'époque 
d'Aurignac,  ces  pointes  sont  fendues  à  la  base  et  la  hampe  ou 
manche  entre  dans  la  pointe,  tandis  qu'à  la  belle  époque  de 
la  Madeleine,  c'est  l'inverse  qui  a  lieu  :  les  pointes  ont  leur 
base  taillée  en  biseau  ou  en  coin  pour  entrer  dans  la  hampe. 
C'est  un  caractère  insuffisant  pour  déterminer  une  époque  ; 
et  puis  il  a  été  reconnu  que  la  localité  typique,  Aurignac, 
présenta  un  mélange  de  Bobenhausien  ou  pierre  polie,  de 
Magdalénien  et  même  probablement  de  Moustiérien. 

5*  Époque  de  Rohenhausen  ou  Hobenhausien ,  parfaite- 


—  441  — 

le  paléolithique  et  le  néolithique,  entre  le  Magdalénien  et  le 
Robenhausien.  Il  y  a  là  une  large  et  profonde  lacune,  un 
grand  hiatus;  il  y  a  une  transformation  complète. 

Avec  le  Magdalénien,  disparaissent  les  animaux  quater- 
naires, le  Grand  Ours,  le  Mammouth,  le  Mégacère  ;  avec  le 
Magdalénien,  émigrent  les  espèces  des  régions  froides  qui 
peuplaient  nos  plaines;  le  Renne,  le  Glouton,  le  Bœuf 
musqué,  remontent  vers  le  pôle  ;  le  Chamois,  le  Bouquetin, 
la  Marmotte,  gagnent  le  sommet  neigeux  de  nos  monta- 
gnes. 

Avec  le  Robenhausien,  ont  apparu  non  seulement  les 
instruments  en  pierre  polie,  mais  encore  la  poterie,  les  mo- 
numents, dolmens  et  menhirs,  les  animaux  domestiques  et 
Tagriculture.  C'est  donc  un  changement  complet. 

Je  donne  à  cette  époque  le  nom  de  Robenhausien,  parce  que 
c'est  dans  les  environs  de  Robenhausen,  canton  de  Zurich, 
qu'on  a  découvert  les  documents  les  plus  complets  sur  l'in- 
dustrie et  la  vie  de  cette  époque ,  documents  admirablement 
étudiés  par  M.  le  docteur  F.  Keller. 

Les  stations  principales  du  Robenhausien  sont  les  habita- 
tions lacustres  dans  les  lacs  et  marais,  tels  que  Meilen 
(Zurich),  Mooseedorf  (Berne),  Saint  Aubin  (Neuchâtel), 
Concise  (Vaud);  Clairvaux  (Jura);  Wangen  (lac  de  Con- 
stance) ;  —  les  dolmens  du  Morbihan  et  de  toute  la  Breta- 
gne ,  les  allées  couvertes  d'Argenteuil  et  de  la  Justice  (Seine 
et  Oise),  qui  ont  servi  de  sépultures;  —  les  ateliers  où  l'on 
taillait  les  instruments  en  pierre  comme  ceux  du  Grand 
Pressigny  (Indre  et  Loire),  du  Camp  Barbet  (Oise),  de  Lon- 
dinières  (Seine  Inférieure),  de  Spiennes  (Hainaut);  —  les 
aires  d'habitation  :  vallée  de  la  Vibrata  (Ascoli);  —  les  camps 
ou  oppidums,  qui  servaient  de  lieux  de  défense  :  Chassay 
(Saône  et  Loire),  Hastedon  (Namur). 

Pour  bien  faire  suivre  d'un  seul  coup  d'œil  cette  classifica- 
tion, je  la  résume  dans  le  tableau  suivant  : 


—  442  — 

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DOMESTIQUES. 

Races  humaines 

déjà 

fort  mêlées, 

brachyeéphales 

et  dolichocéphales, 

analogues 

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Habitations  lacustres  :  Robenhausen,  Meileo 

châtel)  ;  Conciae  (Vaud)  ;  Clairvaux  (Jura);  Wan- 
gen  (lac  de  Constance), 

Dolmens  :  le  Morbihan  et  tonte  la  Bretagne  ; 
Argenteuil  et  la  JuaUoa  (Seine  et  Oise). 

Ateliers  :  Grand  Preseigny  (Indi-e  et  Loire)  ; 
Canip  Barbet  (Oise)  ;  Londiniéres  (Seine  Infé- 
rieure) ;  Spiennes  (Hainaut). 

La  Vibrata  (Aacoli). 

Haatedon  (Naiour). 

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Je  joins,  en  regard  de  chaque  époque,  lea  stations  princi- 
pales  qui  s'y  rapportent;  puis,  pour  compléter  l'œuvre,  j'in- 
dique, dans  les  deux  dernières  colonnes,  d'une  part,  les 
changements  cUmatologiques  qui  probablement  ont  eu  lieu  ; 
de  l'autre ,  les  principales  modifications  survenues  dans  la 
faune,  surtout  en  ce  qui  concerne  l'homme.  Sous  ce  rapport, 
nous  avons  malheureusement  encore  bien  peu  de  documents. 
Pourtant  ceux  que  nous  possédons,  suffisent  jwur  montrer 
qu'avant  le  développement  de  nos  races  actuelles,  nos  régions 
ont  été  occupées  par  une  race  ou  espèce  humaine  d'un  type 
très  inférieur,  presque  bestial,  dont  les  calottes  cr&niennes 
de  Neanderthal  et  Eguiaheim,  la  mâchoire  inférieure  de  la 
Naulette  et  le  frontal  de  Denize,  sont  des  témoins  irrécu- 
sables. 

M.  l'abbé  Bodbgeois.  n  m'a  semblé  que  M.  de  Mortillet, 
en  parlant  de  la  h&che  de  Saint  Âcheul,  la  signalait  comme 
l'unique  outil  de  l'époque  qu'elle  caractérise. 

M.  dbMobtillet.  â  peu  près. 

M.  l'&bbé  BouBGBOi^.Je  ne  sais  si  l'on  doit  appeler  la  h&che 
de  Saint  Acheul  un  outil,  mais  toujours  est-il  qu'en  dehors 
de  ce  type,  il  existe  beaucoup  d'autres  formes  de  silex  taillés 
de  la  mâme  époque. 

En  général,  les  ouvriers  auxquels  on  s'adresse  pour  obte- 
nir ces  objets,  ne  recueillent  que  certaines  formes  plus  volu- 
mineuses ou  mieux  travaillées  ;  mais  un  œil  exercé  peut  re- 
cueillir des  types  très  variés.  Pendant  sept  semaines  entières, 
j'ai  exploré  une  tranchée  ouverte,  au  milieu  des  alluvions 


—  445  — 

Je  ferai  maintenant  une  autre  observation  qui  servira  de 
complément  à  ce  qui  a  été  dit  relativement  au  progrès  de 
l'industrie  pendant  l'âge  de  la  pierre.  Si  Ton  compare  les 
observations  faites  dans  les  cavernes  de  France  avec  celles 
qui  ont  été  faites  en  Belgique  par  M.  Dupont  et  qui  se 
trouvent  consignées,  avec  tant  de  méthode,  dans  son  excel- 
lent ouvrage,  on  verra  que  le  développement  de  la  civilisa- 
tion ne  présente  pas  un  parallélisme  parfait.  En  Belgique* 
on  trouve,  à  l'époque  du  Mammouth,  des  aiguilles  nom- 
breuses et  bien  façonnées,  des  harpons  ou  flèches  en  bois  de 
Renne  qui,  en  France,  ne  se  montrent  qu'à  l'âge  suivant. 
A  l'époque  du  Renne,  la  poterie  est  connue  en  Belgique  et  ne 
l'est  pas  encore  en  France.  Les  spécimens  de  la  variété  pré- 
historique ne  sont  pas  les  mêmes  non  plus  dans  les  deux 
contrées  à  la  même  époque.  En  Belgique,  les  coquilles  qui 
entrent  dans  la  composition  des  colliers,  sont  assez  souvent 
percées  par  frottement,  tandis  que,  dans  les  cavernes  de 
France,  elles  sont  toujours  percées  par  un  instrument  perfo- 
rant et  que  les  coquilles  percées  par  frottement  au  crochet,  ne 
s'y  montrent  qu'avec  la  pierre  polie. 

M.  Franks.  Je  puis  confirmer  ce  que  M.  l'abbé  Bour- 
geois vient  de  dire  à  propos  de  la  découverte,  dans  les 
couches  quaternaires,  d'autres  types  d'instruments  en  silex 
que  les  haches  ordinaires.  En  Angleterre,  on  a  trouvé,  dans 
ces  couches,  des  lames  ou  couteaux  usés  sur  les  deux  bords, 
des  grattoirs  et  même  des  percuteurs  ou  marteaux  qui  ont 
servi  à  produire  les  éclats. 

Je  dois  faire  remarquer  que,  dans  plusieurs  grottes  de  la 
France,  on  a  trouvé  des  fragments  de  poterie;  mais  on  a 
douté  de  leur  ancienneté,  tant  la  découverte  était  inattendue. 
Ces  doutes  devraient  disparaître  devant  les  découvertes  du 
même  genre  faites  en  Belgique. 

Je  voudrais  ajouter  quelques  observations  à  propos  de 
l'usage  des  instruments  en  silex  qu'on  appelle  «  grattoirs  » . 
Des  objets  de  la  même  forme,  mais  en  obsidienne,  soat  encore 


de  nos  jours  employés  par  lea  Patagona,  pour  gratter  ou  pré- 
parer les  peaux.  Ba  sont  emmanchés  avec  un  morceau  de 
bois  plié.  Uusters  les  a  décrits  et  en  a  donné  une  gravure 
sur  une  très  petite  échelle  '.  Un  de  ces  grattoirs  se  trouve 
au  Musée  ethnographique  de  Berlin  et  un  autre,  dana  la  col- 
lection Chrisly. 

Mais  les  Esquimaux,  bien  qu'ils  employent  des  instru- 
ments de  la  même  forme ,  s'en  servent  d'une  tout  autre 
manière.  Ces  pierres  sont  emmanchées  sur  ivoire  ou  sur  bois 
découpé  pour  bien  s'adapter  à  la  main.  Selon  sir  Edward 
Belcher',  qui  a  recueilli  bon  nombre  de  ces  instrumenta 
chez  les  Esquimaux,  les  indigènes  ne  s'en  servent  pas  comme 
de  grattoirs,  mais  comme  de  rabots^. 

Un  troisième  usage  des  objets  en  silex  de  la  même  forme 
nous  a  été  révélé  parles  recherches  deM.Greenwell  dana  les 
tumulus  du  Yorkshire.  Il  a  trouvé,  près  d'un  squelette,  un 
poignard  en  bronze,  des  objets  en  jayet,  un  morceau  hémis- 
phérique de  pyrite  et  un  grattoir  très  usé  sur  la  partie 
arrondie.  La  pyrite  était  très  usée  sur  la  partie  plate  et  il  est 
évident  que  ces  objets  ont  servi  à  faire  du  feu.  M.  Evans 
a  publié  dans  ■  Ancient  Stone  Imptements  ■ ,  p.  284,  d'excel- 
lents dessins  de  ces  deux  objets. 

M.  DE  MoKTiLLET.  Le  nombre  d'observations  et  d'objec- 
tions qu'a  soulevé  ma  classiScation  de  l'âge  de  la  pierre, 
prouve  qu'on  en  a -compris  toute  l'importance.  Je  demande 
la  permission  de  répondre  quelques  mots  aux  principales. 

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—  447  — 

ne  se  trouve  nettement  tranché.  C'est  tellement  vrai  que, 
lorsqu'il  en  est  autrement,  comme  entre  le  poléolithique  et  le 
néolithique,  nous  restons  étonnés,  surpris,  et  nous  nous  em- 
pressons de  chercher  comment  on  peut  combler  la  lacune.  Il 
est  donc  tout  naturel  qu  entre  les  diverses  divisions,  il  y  ait 
des  points  de  contact,  et  même  des  enchevêtrements  et  du 
mélange.  L'important,  c'est  que  les  groupes,  dans  leur 
ensemble,  soient  bien  tranchés  et  bien  caractérisés,  et  qu'ils 
permettent  ainsi  de  réunir,  d'une  manière  logique,  ration- 
nelle et  chronologique,  tous  les  faits  observés,  toutes  les 
découvertes.  C'est  ce  que  j'ai  cherché;  c'est  le  résultat  que  je 
crois  avoir  obtenu. 

Que  ma  classification  s'applique  dans  tous  ses  détails  à 
l'univers  entier,  je  ne  le  crois  pas.  Mais  qu'elle  soit  exacte 
pour  la  France,  la  Suisse,  les  régions  du  Rhin,  la  Belgique  et 
môme  l'Angleterre,  j'en  suis  persuadé.  De  môme  que,  pour 
ce  groupe  de  pays,  les  temps  historiques  peuvent  nettement 
et  clairement  se  diviser  en  époque  celtique,  époque  romaine, 
époque  mérovingienne,  époque  carolingienne,  moyen  âge  et 
renaissance,  avec  des  points  de  contact,  des  enchevêtrements 
et  des  dates  d'apparition  plus  ou  moins  récentes  ou  tardives, 
de  môme  aussi  mes  diverses  divisions  de  l'époque  de  la  pierre 
peuvent  s'appliquer  à  tout  le  groupe,  avec  de  légères  varia- 
tions de  détails  et  de  dates. 

Comme  exemple  d'enchevêtrement  et  de  modification 
locale,  je  puis  citer  l'Acheuléen.  Dans  mon  tableau,  à  la 
colonne  météorologie,  je  l'ai  indiqué  comme  préglaciaire. 
C'est  que,  dans  son  ensemble,  il  appartient,  en  eflEet,  à  la 
période  qui  a  précédé  la  grande  extension  des  glaciers.  Pour- 
tant à  Hoxne,  par  exemple,  la  localité  la  plus  anciennement 
signalée  en  Angleterre,  les  haches  acheuléennes  se  trouvent 
au  dessus  des  argiles  caillouteuses  glaciaires.  Cela  tient  peut- 
être  à  ce  qu'en  Angleterre  la  civilisation  et,  par  conséquent, 
l'époque  acheuléenne  a  pu  se  prolonger  plus  tard  que  sur  le 
continent.  Cela  tient  surtout  à  ce  que  le  phénomène  gla- 


■448  — 


ciaire  d'Hoxne,  rinvasion  des  glaces  apportées  par  la  mer  du 
Nord,  parait  antérieur  au  phénomèiie  glaciaire  de  Suisse  et 
de  France ,  la  grande  extension  des  glaciers  de  montagnes. 

Qu'il  soit  donc  bien  entendu  que  ma  classiScation  n'est 
pas  un  cadre  fixe  et  rigide  dans  lequel  doivent  forcé- 
ment s'encastrer  toutes  les  données  de  la  science.  Elle  n'a 
pas  de  si  hautes  prétentions,  qui,  du  reste,  ne  sauraient  se 
justifier.  Il  faut  simplement  la  considérer  comme  un  meu- 
ble à  tiroirs,  dans  lequel  se  placent  facilement  et  commodé- 
ment, à  des  niveaux  différents,  tous  les  faits  et  toutes  les 
observations. 

Éprouvée  au  Musée  de  Saint  Germain,  j'ai  reconnu  que 
ma  classification  offrait  ce  grand  avantage. 

Passons  à  une  autre  objection. 

Ou  m'a  reproché  d'avoir  dit  que  l'art,  très  développé  à 
l'époque  de  la  Madeleine,  avait  disparu  à  l'époque  de  la 
pierre  polie.  Ce  que  j'ai  dit,  je  le  maintiens  et  je  pense  être 
dans  le  vrai. 

Dans  le  Magdalénien,  nous  trouvons  en  grand  nombre  et 
dans  des  localités  fort  diverses  :  la  Madeleine,  Laugerie 
Basse,  les  Eyzîes  et  Corniac  (Dordogne),  La  Chaise  (Cha- 
rente), Chaffaud  (Vienne),  Bruniquel  (Tarn  et  Garonne), 
Massât  et  la  Vache  (Ariège),  Auransan  (Hautes  Pyrénées), 
Montrejeau  (Haute  Garonne),  le  Salève  (Haute  Savoie), 
Goyet  et  Pont  à  Lesse  (Belgique),  des  gravures  en  creux, 
des  bas-reliefs  et  de  vraies  sculptures  en  ronde  bosse.  C'est 
de  l'iirl.  sim;ik'  'A  iiiTif,  inni-  vlrin  rie  ~i'iitini"iit  ot  dp.  Vf^riti^; 


—  449  — 

la  vannerie,  des  objets  en  bois,  des  céréales,  de  la  poterie, 
etc.  Eh  bien  !  retrouvons-nous  là  des  objets  d'art?  Non, 
aucun  ;  car  on  ne  peut  qualifier  d'objets  d'art,  des  poteries 
dont  lornementation  ne  consiste  qu'en  combinaisons  diverses 
et  peu  variées  de  points  et  de  lignes.  Certains  dolmens  excep- 
tionnels présentent  aussi  des  lignes  isolées  ou  diversement 
groupées,  affectant  des  formes  bizarres;  mais  ces  grossières 
sculptures  en  creux  ne  sont  pas  de  l'art.  Pour  s'en  convain- 
cre, il  suffit  d'examiner  le  dolmen  de  Gavr'innis  (Morbihan), 
le  plus  sculpté  de  tous.  Les  nombreuses  pierres  de  ce  dolmen 
sont  couvertes  de  gravures.  Que  peut-on  reconnaître  au 
milieu  de  tout  cela?  Peut-ôtre  quelques  haches,  dont  une 
emmanchée. 

Ai-je  donc  tort  de  dire  que  le  sentiment  de  l'art,  très  déve- 
loppé dans  le  Magdalénien,  manque  complètement  dans  le 
Robenhausien  ? 

M.  l'abbé  Bourgeois  conteste  ma  division  en  deux  épo- 
ques :  Acheuléen  et  Moustiérien ,  pour  ce  qui  concerne  les 
alluvions  quateniaires.  Cette  division,  dit-il,  n'existe  pas  à 
Vendôme.  Les  types  moustiériens  et  acheuléens  y  auraient 
été  trouvés  associés  ensemble  dans  les  mômes  niveaux. 

Je  dois  d'abord  faire  remarquer  que  dans  les  alluvions 
quaternaires,  il  y  a  eu  de  nombreux  remaniements  anciens, 
qui  ont  souvent  mêlé  les  deux  époques  vraiment  quater- 
naires :  Acheuléen  et  Moustiérien. 

Pour  ce  qui  est  de  Vendôme,  ce  mélange  ne  me  paraissait 
pas  avoir  eu  lieu,  car,  d'après  les  observations  publiées  par 
M.  l'abbé  Bourgeois  lui-môme,  lorsqu'on  a  fait  la  tranchée 
du  chemin  de  fer,  on  a  trouvé  de  nombreux  silex  pouvant  se 
rapporter  au  Moustiérien.  Les  instruments  en  silex  du  type 
acheuléen  n'auraient  été  recueillis  que  plus  tard,  quand, 
pour  creuser  des  fosses  le  long  de  la  voie,  on  travaillait  dans 
des  couches  plus  profondes  d'alluvions.  Il  y  avait  donc  bien 
dans  ces  alluvions  quaternaires,  au  jiiveau  le  plus  bas,  le  type 
acheuléen  et,  un  peu  plus  haut,  le  type  moustiérien. 


—  450  - 


La  même  superposition  s'observe  très  nettement  &  Saint 
Acheul.  Dans  les  graviers  et  les  Bables  du  bas,  les  gros 
instruments  amygdaloïdes,  dits  haches  de  Saint  Âcheul  ou 
langues  de  chat,  sont  très  abondants;  au  contraire,  les  lames 
et  les  autres  instruments  sont  rares.  C'est  aussi  là  que  se  ren- 
contre la  faune  la  pins  ancienne.  Au  Mammouth  (Elephas 
primigenius),  s'associent  l'Éléphant  antique  (E.  arUiquus) 
et  le  Rhinocéros.  Dans  un  niveau  bien  supérieur,  exploité 
pour  les  briqueteries,  les  haches  amygdaloïdes  se  retrouvent 
encore,  mais  en  petit  nombre  et  associées  à  des  lames  nom- 
breuses et  à  des  instruments  variés;  c'est  le  Moustiérien. 
Par  suite  d'une  altération  différente,  qui  donne  aux  pièces  des 
deux  niveaus  un  aspect  tout  à  fait  distinct,  les  erreurs^  dans 
la  détermination  du  gisement,  ne  sont  paa  h  craindre. 

Dans  les  alluvions  quaternaires  de  Paris,  à  Levallois,  à 
Clîchy,  le  même  fait  se  produit.  Les  instruments  typiques  de 
l'Acheuléen  se  rencontrent  tout  h  fait  au  bas  des  dépAtâ, 
mêlés  aux  débris  de  THippopotame,  du  Ehinocéros  et  de 
l'Éléphant  antique.  Les  silex  du  Moustiérien  sont  disséminés 
abondamment  dans  les  couches  plus  élevées. 

Quant  à  l'assertion  qu'il  existait  une  différence  entre  les 
populations  des  cavernes  de  la  Belgique  et  ceUes  des  cavernes 
du  Midi  de  la  France,  je  ne  la  crois  pas  soutenable.  Les  habi- 
tants des  cavernes  belges  aimaient,  dit-on,  beaucoup  plus  la 
parure  que  leurs  contemporains  de  France,  et  pour  cela  ils 
possédaient  en  abondance  des  coquilles  trouées,  comme  l'a 


—  451  — 

ornement  une  vingtaine  de  coquilles  marines .  réunies  par 
couples  :  deux  couples  sur  le  front,  une  près  de  chaque 
humérus,  quatre  dans  la  région  des  genoux,  deux  sur  chaque 
pied.  C'était  bien  là  une  parure  complète. 

Ce  qu'il  y  a  surtout  d'intéressant,  c'est  que  les  coquilles 
formant  cette  parure  sont  des  Cyprea  lurida  L.  et  des  Cyprœa 
pyrum  Gméi.  ou  rufa  Lam.,  les  deux  plus  grosses  porce- 
laines ou  cyprées  de  la  Méditerranée,  espèces  qui  ne  se 
trouvent  pas  dans  l'Océan.  Ainsi,  par  amour  de  la  parure, 
pour  avoir  des  coquilles  aux  reflets  brillants  et  aux  couleurs 
vives  :  la  Cypraa  lurida  étant  d'un  joli  gris  de  souris,  et 
la  Cyprœa  rvfa  d'un  beau  fauve,  comme  son  nom  l'indique, 
les  habitants  de  Laugerie  Basse,  voisins  de  l'océan,  ne  crai- 
gnaient pas  d'entreprendre  de  lointains  voyages  jusqu'à  la 
Méditerranée.  Il  n'y  a  là  rien  de  bien  étonnant,  car  les  popu- 
lations primitives,  les  sauvages,  que  rien  n'attache  au  sol,  se 
déplacent  facilement,  vont  et  viennent  continuellement. 
L'homme  de  l'époque  de  la  Madeleine  faisait  comme  les 
Peaux  Rouges  de  l'Amérique  avant  que  la  civilisation  leur 
eût  enlevé  la  jouissance  du  sol  et  les  eût  parqués  dans  des 
régions  restreintes.  On  les  voyait,  chaque  année  et  môme 
plusieurs  fois  par  an,  parcourir  des  espaces  beaucoup  plus 
étendus  que  la  France  entière,  pour  suivre  les  Buffles  et  autres 
gibiers  qui  forment  leur  chasse  favorite. 

Tout  à  l'heure ,  M.  Rivière  vous  racontait  l'intéressante 
découverte  qu'il  a  faite,  dans  les  grottes  de  Baoussé  Rousse, 
du  squelette  complet  d'un  homme  qui ,  comme  celui  de  Lau- 
gerie Basse ,  appartient  au  Magdalénien.  Cet  homme  avait  le 
crâne  recouvert  de  très  nombreuses  petites  coquilles  mari- 
nes, appartenant  à  une  espèce  brillante  et  vivement  colorée, 
la  Nassa  neriûea  L.  Toutes  ces  coquilles,  dont  il  y  avait 
plusieurs  centaines,  étaient  percées  artificiellement  et  avaient 
évidemment  fait  partie  d'une  coiflfure,  espèce  de  résille, 
garnie  tout  au  pourtour  de  canines  de  cerf,  dont  la  racine  était 
également  percée  intentionnellement.  En  outre,  l'homme  de 


Baoussé  Boussé  portait,  au  dessous  du  ^nou  gauche,  une 
jarretière  ou  jambière  formée  de  quarante  et  une  Nassa 
ncritea  percées  et  enfilées. 

Ces  deux  obserrations  sufBsent  pour  démontrer  que  les 
hommes  des  cavernes  aimaient  la  parure,  aussi  bien  dans 
le  midi  de  la  France  qu'en  Belgique.  Tout  porte  à  admettre 
qu'aux  diverses  époques  de  l'âge  de  la  pierre,  les  deux  pays 
ont  suivi  les  mSmes  développements  et  avaient  les  mêmes 
populations. 

Je  répète,  en  finissant,  ce  que  j'ai  dit,  au  début  de  ma  com- 
munication, sur  le  classement  de  l'ftge  de  la  pierre.  Cet  âge 
a  été  ou  ne  peut  plus  général;  il  a  existé  partout;  il  a  pré- 
cédé toutes  les  civilisations  les  plus  grandes  et  les  plus 
anciennes.  Pour  bien  établir  la  vérité  de  ce  fait,  j'ai  déposé, 
sur  le  bureau  du  Congrès,  une  note  d'un  de  mes  bons  amis, 
M.  Delanoûe,  qui,  dans  un  voyage  récent  en  Egypte,  a 
exploré  de  nouveaux  ateliers  de  silex  taillés  et  est  ainsi  venu 
corroborer  les  découvertes  de  MU.  Arcelîn ,  Hamj  et  Lenor- 
mant. 

a.  Caetailuac  assure  que  la  classification  de  M.  G.  de 
Mortillet  lui  paraît  excellente  pour  le  Sud-Ouest  de  la 
France.  Dans  la  région  dont  Toulouse  est  le  centre,  la  pre- 
mière époque  de  la  période  archéolithique  est  représentée  par 
des  pointes  identiques  k  celles  de  Saint  Acheul;  seulement 
elles  ne  sont  pas  en  silex ,  mais  bien  en  quartz ,  quartzito, 
eurit«  et  autres  roches  qui  constituent  les  cailloux  roulés  de 
la  Garonne.  Tantât  ces  instruments  se  trouvent,  comme  à 


—  453  — 

les  deux  faces  de  Laugerie  Haute,  Solutré,  Badegols,etc.,  sont 
antérieures  à  la  dernière  époque  archéolithique.  Dans  le  Midi 
et  dans  le  Sud-Ouest  de  la  France,  Tabîme  qui  sépare  l'âge  de 
la  pierre  taillée  de  l'âge  de  la  pierre  polie  est  nettement 
marqué.  Les  grottes  et  peut-être  le  pays  lui-même  paraissent 
avoir  été  un  moment  privés  d'habitants.  Les  populations 
nouvelles  sont  pastorales.  Il  n'y  a  aucune  analogie,  aucun 
point  de  contact,  entre  elles  et  leurs  prédécesseurs  de  l'âge  du 
Renne.  Ce  sont  elles  qui,  pour  la  première  fois,  introduisent 
la  poterie.  M.  Cartailhac  considère  volontiers  comme  plus  ou 
moins  remaniés  les  gisements  arcbéolithiques  ayant  livré 
quelquefois  de  très  minimes  tessons.  Quand,  la  poterie  fut 
connue,  on  en  fabriqua  énormément;  il  n'est  pas  admissible 
qu'une  population  en  possession  de  cette  précieuse  invention 
n'ait  à  peine  fait  qu'un  ou  deux  vases  par  station.  D'ailleurs, 
on  pourrait  dire  encore  que  la  poterie,  pendant  ce  temps-là, 
pendant  cet  âge  du  Renne,  était  inventée  et  perfectionnée 
quelque  part  sur  la  terre,  et  que  des  vases  n'ayant  pas  été 
faits  par  les  hommes  contemporains  du  Renne  pouvaient  se 
trouver  cependant  entre  leurs  mains.  La  sépulture  d'Au- 
rignac  ne  peut  pas  servir  à  contredire  cette  opinion,  que 
M,  Cartailhac  ne  soutient  du  reste  que  pour  le  Sud-Ouest 
de  la  France. 

Pendant  que  les  populations  pastorales  occupent  le  pays, 
des  chasseurs  et  des  guerriers  arrivent  à  leur  tour.  Ces  nou- 
veaux venus  font  refleurir  l'art  de  la  taille  du  silex  à  peu 
près  ignoré  des  sauvages  agriculteurs  avec  lesquels  ils  se 
fusionneront  plus  ou  moins. 

M.  Desor.  Il  est  incontestable  qu'en  France,  il  existe  plu- 
sieurs séries  d'ébauches  de  Tâge  de  la  pierre  taillée.  Ces  séries 
peuvent  correspondre  à  certaines  associations  d'animaux,  qui 
représentent  autant  de  phases  de  l'âge  paléolithique.  Mais  il 
ne  faut  pas  s'exagérer  l'importance  de  ces  distinctions.  Si  la 
phase  du  Mammouth  est,  en  général,  plus  ancienne  que  celle 
du  Renne,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'ailleurs  les  différents 

29 


-■454  - 


types  se  trouvent  confondus  dans  un  même  dépôt.  C'est  ce 
qui  résulte,  en  particulier,  des  belles  découvertes  faites  ré- 
cemment dans  la  g^rotte  de  Hohlefels,  près  d'UIm,  dans  les 
Alpes  wurtembergeoises,  et  dont,  j'espère,  M.  le  professeur 
Fraas  entretiendra  le  Congrès.  Nous  avons  ici  l'analogue 
de  ce  qui  se  passe  en  géologie.  Il  est  tel  pays  où  une  forma- 
tion peut  se  trouver  divisée  en  plusieurs  zones  ou  étages 
ayant  leurs  espèces  distinctes,  taudis  qu'ailleurs  ces  mêmes 
espèces  se  trouvent  réparties  dans  toute  la  formation.  C'est 
en  particulier  le  cas  de  la  formation  néocomienne  de  Suisse, 
comparée  à  celle  de  la  Bourgogne. 

M.  Fhaas.  Je  ne  puis  être  de  l'avis  de  l'honorable 
préopinant,  M.  de  Mortillet,  lorsque,  parlant  de  l'âge  de  la 
pierre,  il  la  divise  en  différentes  époques  :  âge  glaciaire,  âge 
du  Mammouth,  âge  du  lïenne,  etc.  En  m'écartaut  de  cettfi 
opinion,  je  sais  bien  que  je  suis  en  contradiction  avec  la 
manière  de  voir  adoptée  en  France  et  en  Belgique,  mais  les 
faits  valent  mieux  que  les  raisons  et  je  vais  vous  opposer  des 
faits  observés  en  Allemf^ne.  On  ne  peut  baser  un  système 
général  sur  l'observation  de  quelques  localités;  chaque  fait 
connu  exige  son  interprétation. 

C'est  ainsi  que,  dans  la  caverne  de  Hohlefels,  explorée  par 
moi  et  l'un  de  mes  amis,  nous  avons  trouvé,  sous  une  couche 
intacte  de  stalagmite ,  des  lames  de  silex  taillées,  comme 
celles  de  la  Dordogne,  réunies  à  des  dents  de  Mammouth 
entaillées  pour  former  des  piques,  ainsi  qu'&  des  os  de  Renne, 
d'Ours  ['t  d'ntitrr^  <T.iiinaii\  luii  no  vivi_'i;t  i)lu; 


—  455  — 

introduction  par  Teau,  il  n'en  peut  être  question;  pas  une 
pierre,  pas  un  os,  n'accuse  la  moindre  trace  d'inondation.  En 
un  mot,  l'on  dirait  que  ces  ossements,  ces  ustensiles,  gisent 
encore  au  lieu  et  place  où  ils  ont  été  rejetés  par  les  habitants 
de  la  caverne  :  telle  est  Timpression  qu'ils  produisent  sur  le 
visiteur.  Une  observation  très  curieuse  s'applique  à  la  mâ- 
choire inférieure  de  FOurs  des  Cavernes  qui  a  servi  de  hache 
pour  ouvrir  les  os  à  moelle.  L'impression  exacte  du  coup  est 
marquée  sur  plus  de  200  os  appartenant  à  l'Ours,  au  Renne, 
ensuite  au  Cheval,  au  Bos  moschatus.  On  n'y  a  recueilli  de 
l'Éléphant  que  de  l'ivoire  brisé  et  raclé  par  le  silex,  excep- 
tionnellement aussi  des  phalanges  brisées  du  pied  ;  cela  tient 
à  cette  circonstance  que  le  cadavre  de  l'Éléphant  n'était  pas 
transportable. 

MM.  l'abbé  Bourgeois  et  Cartailhac  ont  parlé  de  silex 
quaternaires.  Je  suis  étonné  de  ces  mots.  C'est  là  une  expres- 
sion géologique.  Quand  on  parle  de  Miocène  ou  de  Pliocène^ 
il  s'agit  de  l'époque  à  laquelle  les  couches  de  la  terre  se  sont 
formées  au  fond  de  la  mer  et  des  lacs,  là  où  l'homme  ne 
pouvait  habiter.  Il  ne  faut  pas  confondre  la  formation  des 
couches  avec  les  phénomènes  qui  se*  produisirent  quand  la 
croûte  terrestre  eut  déjà  été  formée. 

M.  Cartailhac  faisait  remarquer  qu'au  temps  du  Mam- 
mouth, l'homme  ne  se  servait  pas  encore  de  poterie.  A  cela, 
je  répondrai  que,  dans  les  grottes  de  toute  l'Allemagne,  les 
fragments  de  poterie  se  trouvent  mélangés  avec  les  restes  des 
animaux  précités.  Il  suffira,  du  reste,  d'examiner  la  magni- 
fique collection  du  Musée  de  Bruxelles,  pour  se  convaincre  que 
ces  objets  accompagnèrent  aussi,  en  Belgique,  l'homme  de 
l'âge  du  Mammouth.  Je  ne  suis  donc  pas  d'accord  avec  les 
orateurs  qui  ont  parlé  dans  cette  discussion,  car  les  circon- 
stances que  nous  avons  constatées  chez  nous  et  celles  dont  il 
a  été  parlé  sont  totalement  différentes.  Et  cependant  les  objets 
trouvés  en  France,  en  Belgique,  en  Allemagne  :  os  à  moelle, 
silex,  bois  de  Renne,  ivoire,  etc.,  ont  une  telle  ressemblance 


entre  eox,  que  l'on  serait  tenté  d'attribuer  les  divergences 
d'opinions,  non  pas  à  la  diversité  des  circonstances,  mais  aux 
différentes  manières  de  les  envisager. 

M.  CoTTEAU  pense  que  les  divisions  établies  par  M.  de  Mor- 
tillet  sont  peut-être  un  peu  absolues.  Il  a  rencontré,  dans  les 
grottes  d'ArcysurEure(Yonne),  au  sein  d'undépôt où  les  osse- 
ments d'Ours  abondent  et  où  les  débris  de  Benne  sont  extrê- 
mement rares,  deux  os  taillés  en  forme  de  poinçons  et  une 
petite  dent  d'Ours  percée,  destinée  sans  doute  à  servir  d'or- 
nement. 

La  couche  qui  les  renferme,  caractérisée  par  l'Ours ,  l'Hyène, 
le  Bhinocéros  et  l'Éléphant,  est  certainement  plus  ancienne 
que  celle  à  laquelle  M.  de  Mortillet  attribue  exclusivement  la 
présence  des  os  travaillés. 

(Voir,  BDr  lo  même  si^et,  la  cotumnnicatîon  de  M.  Broca,  page  182,  et 
caUe  de  U.  Cazalis  de  Fondonce,  page  1S8.) 

M.  Hébebt.  Il  y  a  un  tel  nombre  de  questions  intéressantes 
dans  le  domaine  des  sciences  préhistoriques  que  réellement  la 
confusion  naîtrait,  si  les  études  stratigraphiques  n'avaient 
mis  les  géologues  en  possession  delà  méthode  la  plus  sûre  pour 
arriver  à  des  conclusions  précises  et  certaines,  en  fixant  le 
cadre  dans  lequel  les  observations  doivent  tendre  à  se  placer. 
C'est  de  ce  cadre  d'études  que  je  veux  parler,  et  je  répondrai 
en  même  temps  aux  objections  qui  viennent  d'être  pré- 


D'abord,  tous  les  faits  prennent  place  dans  deux  grandes 


—  457  — 

je  voudrais  voir  classer  les  observations  sur  rarchéologie 
préhistorique. 

Dans  une  communication  (p.  149),  j'ai  exposé  quels  étaient 
les  principaux  phénomènes  de  la  période  quaternaire.  J'en  ai 
cité  trois  d'après  la  nature  et  la  superposition  constante  des 
dépôts,  et  la  preuve  de  leur  manifestation  en  Belgique  nous  a 
été  donnée  pendant  notre  excursion  dans  la  vallée  de  la  Lesse. 
Le  dépôt  le  plus  inférieur  est  formé  de  cailloux  roulés,  de 
gravier  et  de  sable  ;  il  contient  la  faune  dite  de  l'âge  du 
Mammouth  et  souvent  des  silex  taillés,  notamment  dans  la 
vallée  de  la  Somme.  Il  est  recouvert  par  du  limon  qui  con- 
tient les  restes  de  la  même  faune  et  qui  recelait,  dans  les 
cavernes  de  la  vallée  de  la  Lesse,  beaucoup  de  silex  taillés. 
Enfin  un  dépôt  argileux  surmonte  ces  couches,  qu'il  ravine 
souvent  ;  il  renferme  de  nombreux  cailloux  et  des  blocs  dont 
les  angles  sont  toujours  à  arêtes  vives,  et  on  y  trouve,  dans 
les  cavernes  de  la  province  de  Namur,  des  silex  taillés  et  la 
faune  de  l'âge  du  Renne. 

En  adoptant  ce  cadre,  nous  pourrons  donc  arriver  à  classer 
les  objets  des  époques  correspondant  à  la  formation  de  ces 
dépôts,  d'après  l'ordre  de  leur  succession.  Là,  les  données 
sont  précises,  peu  sujettes  à  discussion,  et  c'est  le  point  de 
départ  que  je  voudrais  voir  suivre  dans  les  recherches  sur 
l'ethnographie  des  âges  de  la  pierre.  On  peut  du  reste 
remarquer  que  les  géologues  ont  reconnu  trois  époques  pour 
ces  âges,  comme  l'ont  fait  les  paléontologistes. 

Mais  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  la  fin  de  l'époque 
quaternaire  est  caractérisée  non  seulement  par  la  disparition 
des  phénomènes  qui  avaient  produit  ces  dépôts,  mais  aussi 
par  la  formation  des  tourbières,  qui  a  eu  lieu  pendant  l'époque 
actuelle,  et  par  des  phénomènes  biologiques  tout  différents. 
Or,  on  ne  rencontre  de  haches  polies  que  dans  les  terrains 
qui  ont  pris  naissance  après  l'époque  quaternaire.  On  n'en 
trouve  pas  dans  les  dépôts  plus  anciens.  Il  semble  donc  que 
cet  hiatus  ethnographique  que  M.  de  Mortillet  vient  de  rap- 


peler,  coïncide  avec  le  changement  si  marqué  qui  s'est  mani- 
festé dans  les  phénomènes  géologiques,  lors  du  passage  de 
l'époque  quaternaire  à  l'époque  moderne.  Cependant  il  7  a 
lieu  de  placer  les  restes  ethnographiques  de  la  plupart  des 
cavernes  dans  la  seconde  époque,  quand  ils  ne  sont  pas 
recouverts  de  dépôts  quaternaires.  D'ailleurs,  Lartet,  qui  a 
surtout  étudié  les  cavernes  très  anciennes  du  Périgord,  ne 
voyait  aucune  différence  entre  les  faits  géologiques  qu'il  ; 
a  ohservés  et  ceux  de  la  période  actuelle.  Il  n'admettait  pas 
la  séparation  de  la  période  quaternaire  et  de  la  période 
actuelle.  C'est  cette  hmite  qui  reste  à  tracer. 

M.  DE  MoBTiLLET.  Je  rappellerai  au  souvenir  de  M.  Héhert 
que  Lartet,  qui  fut  Président  de  la  section  préhistorique  de 
l'Exposition  universelle  de  1867,  à  Paria,  séparait  tellement 
l'époque  des  cavernes  etjl'époque  de  la  pierre  polie,  qu'il  avait 
fait  mettre  à  droite  les  objets  se  rattachant  à  l'une  des  épo- 
ques, et  h  gauche  les  objets  se  rattachant  à  l'autre,  tellement 
il  comprenait  qu'il  y  avait  un  hiatus  entre  ces  deux  périodes. 
C'est  d'ailleurs  Lartet  qui  m'a  fait  marcher  dans  cette  voie; 
et  j'espère  que  l'hiatus  qui  existe,  ira  toujours  en  dimi- 
nuant. Les  archéologues  danois  sont  d'ailleurs  déjà  très 
loin,  par  l'étude  de  leurs  kjoekkenmoedding,  dans  la  voie 
qui  doit  nous  conduire  à  ce  résultat. 

M,  HéfiEBT.  J'ai  été  mal  compris  ou  je  me  suis  mal 
exprimé.  Je  sais  que  Lartet  a  établi  une  différence  très  nette 
entre  les  deux  époques  dont  on  parle,  mais  on  doit  remarquer 
que  ce  savant  n'attachait  pas  une  assez  grande  importance 


—  459  — 

grande  vitrine  contenant  des  haches  polies  trouvées  dans  les 
tourbières.  Je  crois  me  souvenir  qu'elles  ont  été  trouvées 
à  15  mètres  en  dessous  de  la  surface. 

J'ajouterai  que,  si  l'on  admet  ces  résultats,  le  silex  taillé 
ne  constitue  pas  un  caractère  suffisant  pour  établir  une  clas- 
sification de  l'époque  quaternaire. 

Classement  des  âges  de  la  pierre  en  Belgique, 
par  M.  É.  Dupont. 

Dans  la  séance  d'ouverture,  j'ai  eu  l'honneur  d'exposer  au 
Congrès  les  rapports  que  j'ai  cru  pouvoir  établir  entre  les 
populations  qui  habitèrent  la  Belgique  pendant  les  divers 
âges  de  la  pierre  (p.  58).  Cette  coordination  repose  sur  des 
observations  géologiques,  sur  la  paléontologie,  sur  les 
mœurs  et  sur  l'industrie  de  ces  populations.  Et,  comme  les 
témoins  de  nos  âges  de  la  pierre  se  trouvent  dans  des  loca- 
lités et  des  gisements  très  différents,  c'est  dans  le  but  de 
faire  apprécier  plus  complètement  leurs  points  communs  et 
leurs  contrastes  que  les  excursions  de  la  Lesse,  de  Spiennes 
et  Mesvin,  et  de  Namur  ont  été  organisées  (PI.  27).  Ces 
localités  présentent,  en  effet,  les  principaux  éléments  carac- 
téristiques dechaque  catégorie  de  gisements  et  peuvent  donner 
une  idée  précise  des  aspects  multiples  sous  lesquels  se  pré- 
sentent, en  Belgique,  ces  premières  phases  de  la  civili- 
sation. 

Nosalluvions  quaternaires  ont  fourni  des  silex  taillés,  dans 
des  milieux  qui  diffèrent  avec  les  régions  naturelles  où  elles 
se  trouvent  en  Belgique.  Dans  les  provinces  de  Liège  et  de 
Namur,  les  silex  taillés  de  Tépoque  quaternaire  n'ont  encore 
été  recueillis  que  dans  les  cavernes;  les  dépôts  extérieurs 
n'en  contiennent  pas,  si  nous  en  jugeons  toutefois  parles 
recherches  qui  y  ont  été  faites  pendant  le  creusement  des 
nombreuses  tranchées  de  chemins  de  fer.  L'inverse  a  lieu 
dans   le  Hainaut  :  les  cavernes  n'y  existent  pas,  mais  les 


alluvions  quaternaires  k  ciel  ouvert  renferment  des  silex 
taillés. 

Il  s'agit  d'abord  d'élucider  les  relations  qui  existent  entra 
ces  alluvions  quaternaires  du  Hainaut  et  les  dépôts  de  même 
nature  que  l'on  rencontre  avec  tant  de  constance,  dans  les 
cavernes  des  deux  autres  provinces.  Le  dépôt  de  ces  alluvions 
s'est-il  fait  simultanément,  ou  bien  a-t-il  eu  lieu  à  des 
époques  différentes?  La  simultanéité,  à  mou  avis,  n'est  pas 
douteuse,  et  voici  comment  on  peut  l'établir. 

Ainsi  que  les  démonstrations  en  ont  éte  données  plus  haut 
(pp.  110  et  250),  ces  alluvions,  qu'elles  soient  dans  les  cavei^ 
nés  ou  &  ciel  ouvert,  ont  les  mêmes  caractères  géologiques 
dans  la  province  de  Namur  et  dans  le  Hainaut.  Leur  dépAt 
a  toujours  coïncidé  avec  le  creusement  des  vallées  de  ces 
provinces  et  doit  être  considéré  comme  un  phénomène  con- 
comitant de  ce  creusement.  Il  dénote  un  état  météorologique 
particulier  et  susceptible  d'une  définition  précise.  Comme 
ces  provinces  se  touchent,  qu'elles  sont  d'une  étendue  rela- 
tivement peu  considérable  et  que  leur  altitude  diffère  à  peine, 
nous  devons  en  déduire  que  les  conditions  climatériques  de 
l'une  devaient  être  celles  de  l'autre;  ensuite,  comme  ces  phé- 
nomènes climatériques  sont  la  cause  du  creusement  des  val- 
lées et  du  dépôt  des  alluvions  anciennes,  nous  devons,  en 
outre,  admettre  la  simultanéité  de  la  formation  des  vallées 
dans  ces  provinces  et  des  atterrissemente  qui  l'ont  accompa- 
gnée. 

Ou  remarquera  que  les  géologues  qui  se  sont  particuliè- 


—  461  — 

l'extension  de  ces  glaciers  est  due  à  l'existence  de  sembla- 
bles conditions  climatériques  pendant  la  môme  époque. 

Mais,  outre  ces  indications  stratigraphiques,  hydrogra- 
phiques et  météorologiques,  la  paléontologie  conduit  égale- 
ment à  la  simultanéité  des  dépôts  dans  les  cavernes  et  à  ciel 
ouvert. 

Les  alluvions  de  Mesvin,  situées  à  20  mètres  au  dessus 
du  cours  de  la  rivière  de  Nouvelles ,  ont  fourni  des  osse- 
ments appartenant  aux  espèces  suivantes  : 


Ursus  spelaeus, 
Felis  spelaea, 
Elephas  primigenius, 
Rhinocéros  tichorhinus, 


Eqnus  caballus, 
Cervus  megaceros, 

—     tarandus, 
Bison  europsDUs. 


Or,  ces  huit  espèces  ont  été  recueillies  dans  nos  cavernes. 
Trois  d'entre  elles,  il  est  vrai,  Félîs  spelœa,  Cervus  megaceros 
et  Bison  europaiis,  n'ont  été  rencontrées  que  dans  quatre  h 
liuit  gisements  et  en  petit  nombre  ;  mais  les  cinq  autres  sont 
les  espèces  constantes  et  abondantes  de  nos  alluvions  flu- 
viales souterraines  et,  par  conséquent,  les  espèces  caracté- 
ristiques de  ces  couches  (voyez  p.  217).  Il  n'est  pas  moins 
significatif  que  la  faune  n'a  changé  que  postérieurement  à 
la  formation  de  ces  alluvions,  comme  le  prouvent  les  ca- 
vernes de  la  vallée  de  la  Lesse. 

Je  crois  donc  pouvoir  conclure,  sans  hésitation,  à  la  con- 
temporanéité  du  dépôt  des  couches  fluviales  quaternaires 
dans  le  Hainaut  et  des  couches  fluviales  des  cavernes  dans 
les  provinces  de  Namur  et  de  Liège. 

L'importance  de  cette  constatation  est  considérable  pour 
l'ethnographie  ancienne  de  notre  pays,  à  cause  des  diffé- 
rences que  l'on  observe  dans  les  formes  des  silex  taillés  et 
dans  la  provenance  du  silex  employé,  suivant  que  ces 
témoins  de  l'industrie  humaine  ont  été  recueillis  dans  les 
alluvions  fluviales  du  Hainaut  ou  dans  les  cavernes. 

Les  planches  37-50  représentent  les  principales  formes  de 


silex  taillés  dans  dos  cavernes.  Ds  sont  classés  dans  l'ordre 
de  succession  que  j'admets  pour  l'ancienneté  relative  des 
restes  fournis  par  ces  gisements  souterrains.  Voici  cet  ordre 
de  succession ,  k  partir  des  plus  anciens,  pour  les  silex  de 
quelques  cavernes  importantes  : 

Trou  du  Sureau  (Montaigle), 
Trou  Magrite  (Walzîn), 
Caverne  de  Goyet, 
Trou  de  Ohaleux. 

Lorsque  les  matériaux  provenant  des  cavernes  de  la  pro- 
vince de  Namur  ont  été  classés  au  Musée  d'Histoire  natu- 
relle, j'ai  admis,  pour  l'époque  quaternaire,  ces  quatre  sub- 
divisions, dans  lesquelles  j'ai  fait  rentrer  tous  les  restes  de 
nos  troglodytes. 

Ces  quatre  subdivisions  ne  doivent  être  prises  que  comme 
des  points  de  repère  établis  sur  des  localités  types.  Elles 
m'ont  paru  suffisantes  pour  le  moment;  mais  je  pense  que 
d'autres  recherches  les  uniront  plus  complètement  et  que  de 
nouvelles  subdivisions  seront  surtout  établies  pour  la  partie 
de  r&ge  du  Mammouth  antérieure  à  l'époque  où  le  trou  du 
Sureau  reçut  ses  atluvions  fluviales. 

Les  caractères  des  silex  de  Montaigle  sont  (PI.  37-38)  : 
la  rareté  des  lames  ou  couteaux  et  l'abondance  relative  des 
formes  lancéolées  dont  l'une  des  faces  est  plane  avec  bulbe 
de  percussion,  tandis  que  l'autre  a  été  l'objet  de  retouches 
nombreuses.  On  y  a  aussi  recueilli  une  pointe  de  dard  en 


—  463  — 

de  dards  ont  encore  la  forme  de  losange  allongé  ou  bien  une 
forme  cylindrique  biseautée  à  un  bout  et  appointée  à  l'autre. 
Les  canines  trouées  de  Renards  et  de  Cerfs  y  sont  assez  nom- 
breuses, ainsi  que  les  morceaux  d'oligiste  et  les  fragments  de 
poterie.  On  y  rencontre  aussi  les  indices  d'un  art  très  archaï- 
que relativement  à  certains  objets  observés  dans  d'autres 
cavernes  dupays^ 

A  Goyet,  nous  voyons  la  somme  de  travail  dont  le  frag- 
ment de  silex  était  l'objet,  diminuer  de  plus  en  plus 
(PI.  47-48).  Le  couteau  de  5  à  12  centimètres  devient 
l'ustensile  ordinaire,  et,  comme  je  l'ai  dit  ailleurs,  c'est  là 
un  véritable  progrès,  car  il  y  a  à  la  fois  matière  économisée, 
production  de  bords  plus  tranchants  et  diminution  de  tra- 
vail. Les  «  bâtons  de  commandement  »  avec  représentation 
d'un  animal  qu'on  peut  spécifier*,  le  harpon  au  travail  soi- 
gné^, les  nombreux  objets  de  parure,  la  forme  donnée  à  la 
poterie,  font,  de  cette  partie  de  l'âge  du  Mammouth,  l'époque 
où  l'industrie  fut  la  plus  perfectionnée  chez  nos  tro- 
glodytes. 

Le  Mammouth,  le  Rhinocéros,  l'Hyène,  le  Grand  Ours, 
étaient  cependant  alors  bien  abondants  en  Belgique,  car 
l'homme  a  laissé,  dans  les  couches  de  la  caverne  de  Goyet 
qui  contenaient  les  nombreux  restes  de  son  industrie,  les 
débris  de  12  Mammouths,  de  8  Rhinocéros,  de  plus  de 
50  Ours  des  Cavernes,  de  24  Hyènes,  de  2  Lions.  Les  mêmes 
espèces  étaient  représentées,  dans  le  trou  Magrite,  par  3  Mam- 
mouths, 8  Rhinocéros,  5  Ours  des  Cavernes*,  4  Hyènes, 
1  Lion  ;  dans  le  trou  du  Sureau,  par  1  Mammouth,  4  Rhino- 
céros, 45  Ours  des  Cavernes,  8  Hyènes,  1  Lion. 

Mais,  pendant  notre  âge  du  Renne,  alors  que  ces  espèces 
semblent  avoir  complètement  disparu  de  notre  pays,  l'in- 

'  V Homme  pendant  les  âges  de  lapierre^  etc.,  pp.  92-93,  fig.  8  et  9. 

2  Ibid.,p.  117,  fig.  15. 

3  Ibid.,  p.  120,  fig.  16. 

*  Voyez  la  note  de  la  page  217. 


dustrie  du  silex  parait  entrer  en  décadence.  Si  la  forme 
lancéolée  n'y  existe  plus,  le  couteau  n'a  pas,  à  Chaleux  et  à 
Furfooz  (PI.  49-50),  la  longueur  qu'il  avait  dans  la  caverne 
de  Goyet  —  celui  dessiné  PI.  50,  fîg.  5,  dépasse  déjà  la 
moyenne.  —  L'appropriation  de  ces  lames  h  des  usages  dé- 
terminés se  montre  surtout  sous  trois  aspects  '  :  le  grattoir 
(PI.  49,  fig.  3,  4  et  9),  le  poinçon  (id..  fig.  1,  6  et  7)  et  le 
racloir  pour  produire  des  aiguilles  (id. ,  fig.  5)  ou  des  pointas 
de  dards  (id.,  fig.  8).  Les  ossements  y  sont  nombreux,  ainsi 
que  la  poterie,  et  une  plaque  de  psammîte  porte  le  dessin 
gravé  d'un  îmimal  qui  semble  être  le  Bison. 

Là  s'arrêtent  les  vestiges  du  savoir-faire  de  nos  véritables 
troglodytes. 

En  somme,  nous  constatons  que  leur  travail  du  silex  a 
subi  une  évolution  graduelle  et  continue,  depuis  les  peu- 
plades de  Montaigle  jusqu'à  celles  de  Chaleux  et  de  Furfooz. 
L'industrie  de  chacune  de  ces  peuplades  procède,  par  des 
rapports  intimes  de  forme  et  de  fabrication,  de  l'industrie 
troglodytique  qui  l'a  précédée,  et  nous  pouvons  suivre,  dans 
leurs  produits  successivement  modifiés,  les  variations  des 
mœurs  et  les  tendances  du  développement  des  populations  de 
nos  cavernes.  Mais,  lorsque  nous  comparons  ce  travail  à 
celui  des  silex  ouvrés  que  la  géologie  indique  comme  posté- 
rieurs et  qui  ne  sont  autres  que  les  témoins  de  l'âge  de  la 
pierre  polie,  une  solution  de  continuité  se  prononce  immé- 
diatement en  ce  point  dans  la  série  :  il  est  absolument 
impassible  de   faire    procéder,   par   voie  de    perfectionne- 


—  465  — 

quand  on  remarque,  ainsi  que  je  vais  l'exposer,  que  le  silex 
employé  dans  toutes  les  cavernes  des  provinces  de  Namur  et 
de  Liège  provient  toujours  de  localités  champenoises  situées 
à  plus  de  35  lieues  du  centre  de  ces  provinces,  tandis  que  le 
silex  dont  les  populations  firent  usage,  pendant  l'âge  de  la 
pierre  polie,  dans  cette  môme  région  à  cavernes,  a  été  extrait 
des  couches  crétacées  du  Hainaut,  Nous  constatons  donc  en 
Belgique,  par  des  faits  très  concluants,  Thiatus  ethnogra- 
phique signalé  en  France  par  Edouard  Lartet,  et  confirmé 
par  M.  de  Mortillet. 

Les  terrains  primaires  belges  ne  renferment  pas  de  silex 
proprement  dit.  On  y  trouve  seulement  du  phtanite,  en 
rognons  ou  en  couches,  dans  le  calcaire  carbonifère  et  à  la 
base  du  terrain  houiller.  Le  silex  dont  nos  troglodytes  se  sont 
servis  pour  leurs  ustensiles,  provenait  donc  d'une  région 
autre  que  celle  qu'ils  habitaient. 

Ce  massif  des  terrains  primaires  est  borné  au  nord,  sur 
les  limites  de  la  Moyenne  et  de  la  Haute  Belgique,  par  des 
lambeaux  de  terrain  crétacé,  qui  contiennent  notamment  la 
craie  blanche  à  silex.  Celle-ci  afl3.eure  principalement  dans 
le  Hainaut  et  dans  la  province  de  Liège.  Or,  toutes  les  variétés 
de  silex  de  cette  craie  blanche  des  terrains  belges  sont  diffé- 
rentes du  silex  qui  a  été  taillé  dans  nos  cavernes  :  MM.  Cornet 
et  Briart  le  reconnaissent  positivement  pour  le  Hainaut 
(p.  287),  et  la  comparaison  des  silex  taillés  des  cavernes 
avec  des  collections  minéralogiques  formées,  spécialement 
dans  ce  but,  dans  le  Limbourg  et  dans  la  Hesbaye  ne  laisse 
pas  non  plus  de  doutes  sur  les  dissemblances  de  la  matière. 
Nous  pouvons  donc  affirmer  que  les  relations  de  nos  troglo- 
dytes, pour  se  procurer  le  silex,  n'avaient  pas  lieu  avec  la 
région  crétacée,  située  au  nord  du  massif  montagneux  qu'ils 
occupaient. 

Je  fus  mis  immédiatement  sur  la  voie  du  gisement  pri- 
mitif de  ce  silex  par  une  série  d'objets  recueillis  dans  nos 
cavernes  et  provenant  de  localités   faciles  à  reconnaître. 


C'étaient  d'abord  des  coquillea  tertiaires  au  nombre  de  69  exem- 
plaires.  Leur  état  de  conservation,  l'association  des  types 
spécifiques  et  la  présence  du  Cerithium  gigaïUeum  qui,  à 
proprement  parler,  ne  se  trouve  pas  dans  les  terrains  ter- 
tiaires belges,  montraient  qu'elles  devaient  avoir  été  recueil- 
lies dans  les  couches  de  l'étage  du  calcaire  grossier,  et 
notamment  dans  le  gîte  si  connu  de  Courtagnon ,  près  de 
Reims.  Ces  coijuilles  fossiles  ont  été  souvent  perforées,  ce 
qui  les  fait  envisager  comme  des  objets  de  parure  de  nos 
anciens  aborigènes.  Des  moules  silicifiés  de  Turritelles,  dont 
ces  hommes  avaient  fait  un  collier  dans  la  caverne  de  Goyet, 
sont  également  semblables  à  ceux  que  l'on  rencontre,  à  la  - 
surface  du  sol,  dans  les  couches  tertiaires  décomposées  de  la 
montagne  de  Reims.  Plusieurs  esemplsires  du  Polypier 
Qyrea  spiraîis  dénotaient  des  relations  avec  les  environs  de 
Vouziers  (dépairtement  des  Ardennes),  où  le  grès  vert  est 
caractérisé  par  ce  fossile.  Du  jayet  indiquait  une  autre  étape 
plus  rapprochée  des  cavernes;  il  doit  proveuir  des  marnes 
liasiques  qui  affleurent  sur  le  bord  méridional  de  l'Ardenne. 
Enfin,  des  morceaux  d'ardoise,  par  leur  couleur  violette, 
témoignent  également  de  relations  avec  un  point  situé  au 
milieu  de  l'Ardenne  môme,  le  long  de  la  Meuse. 

Nous  obtenons  ainsi,  en  quelque  sorte,  le  jalonnement  de 
la  route  suivie  dans  les  communications  de  nos  troglodytes 
belges  avec  le  centre  de  la  Champagne  actuelle.  Comme  cette 
dernière  région  est  géologiquement  caractérisée  par  la  craie 
blanche,  il  y  avait  lieu  de  croire  que  des  recherches  entre- 


—  467  — 

par  une  disposition  en  plaques  soudées  de  moins  d'un  centi- 
mètre d'épaisseur.  Ces  gisements  de  silex  se  trouvent  sur  la 
rangée  de  collines  qui  s'étend  à  l'ouest  de  Vertus,  depuis  le 
Mont  Aimé  jusqu'à  Jéricho.  Le  silex  cireux  a  été  rencontré 
près  de  la  métairie  La  Madeleine.  Ainsi,  le  silex  dont  les 
troglodytes  firent  un  si  grand  usage  dans  nos  provinces  de 
Liège  et  de  Namur,  pendant  toute  la  durée  des  âges  du  Mam- 
mouth et  du  Renne,  est  d'une  provenance  bien  déterminée. 

Ce  n'est  cependant  pas  sans  étonnement  qu'on  constate 
Téloignement  du  gisement  de  la  matière  première,  alors  que 
nos  indigènes  en  avaient  presque  à  leur  portée.  Si  les  caver- 
nes de  la  vallée  de  la  Lesse  sont  éloignées  d'environ  60  kilo- 
mètres des  gisements  de  silex  de  la  Moyenne  Belgique,  cette 
distance  est  bien  moindre  pour  les  cavernes  de  Goyet  et  pour 
les  cavernes  de  la  province  de  Liège.  La  caverne  d'Engis 
notamment  se  trouve  à  côté  du  terrain  crétacé,  et  cependant 
ses  silex  sont  de  même  provenance  que  les  silex  des  troglo- 
dytes de  la  Lesse.  A  ces  circonstances  déjà  si  singulières, 
s'ajoute  l'absence  d'obstacles  orographiques  notables  entre  la 
Moyenne  Belgique  et  nos  régions  à  cavernes,  tandis  qu'une 
arôte  montagneuse,  l'Ardenne,  sépare  ces  cavernes  des  plai- 
nes de  la  Champagne. 

Je  ferai  encore  remarquer  :  que  nos  troglodytes  employè- 
rent exclusivement  le  silex  champenois  pendant  toute  la 
durée  de  la  période  représentée  par  l'âge  du  Mammouth  et 
par  l'âge  du  Renne,  c'est  à  dire,  pendant  toute  la  durée  de 
l'évolution  de  l'industrie  de  nos  troglodytes  citée  plus  haut  ; 
que  je  reste  en  dessous  de  la  réalité,  quand  j'évalue  à  quatre 
vingt  mille  le  nombre  d'éclats  de  silex  champenois  que  nos 
cavernes  m'ont  fourni,  et  à  250  kilogrammes  le  poids  de  ces 
éclats;  enfin  que  les  silex  taillés  sont  plus  abondants  encore 
dans  les  cavernes  habitées  pendant  l'âge  du  Renne  que  dans 
les  couches  de  l'âge  eu  Mammouth,  puisque  la  seule  caverne 
de  Chaleux  m'a  fourni  plus  de  trente  mille  éclats. 

Ces  relations  avec  le  sud  de  la  Champagne  sont  donc  un 


det)  traits  ethnographiques  les  plus  saillants  des  troglodytes 
belges. 

J'ai  expliqué  le  transport  de  ce  silex  dans  nos  cavemes 
par  un  trafic  fait  par  des  tribus  de  colporteurs'.  Je  ne  puis, 
en  eËfet,  admettre  que  nos  troglodytes  aient  exécuté  des 
voyages  de  35  à  50  lieues  à  travers  l'Ardenne  et  la  Cham- 
pagne, pour  se  procurer  du  silex  en  si  grande  quantité,  qu'ils 
n'en  prenaient  presque  aucun  souci.  Nous  avons  d'ailleurs 
encore  de  nos  jours,  des  exemples  de  semblables  trafics  chez 
des  peuplades  habitant  l'Amérique  équatoriale.  Je  ne  puis  non 
plus  admettre  que  ces  troglodytes  fussent  nomades  et  que  le 
transport  du  silex  champenois  dans  nos  cavernes  ne  fût  que 
le  produit  de  leurs  pérégrinations  permanentes  ;  car  nous 
nous  étannerions  à  bon  droit  que  ces  hommes,  au  lieu  de 
taiUer  le  silex  sur  son  gisement  même,  en  eussent  transporté 
des  blocs  à  de  pareilles  distances,  pour  le  débiter  en  éclats 
quand  il  avait  perdu  son  eau  de  carrière  et  que,  devenu  dé- 
fectueux pour  la  taille,  il  formait  de  nombreux  déchets 
inutiUsables. 

Quelle  que  soit  du  reste  l'opinion  qu'on  adopte  sur  la 
manière  dont  le  silex  de  Vertus  parvenait  dans  la  région 
située  au  nord  de  l'Ardenne,  il  ne  reste  pas  moins  prouvé  que 
nos  troglodytes  ne  se  servirent  pas  du  silex  de  la  Moyenne 
Belgique,  qui  était  cependant  plus  k  leur  portée  et  qui  y  est 
beaucoup  plus  abondant  que  ne  Test  cette  substance  dans  le 
voisinage  de  la  Haute  Marne.  Nous  devons  évidemment 
conclure  àuneabsence  complète  de  relations  entre  les  plaines 


—  469  — 

La  Moyenne  Belgique  était  cependant  habitée  par  Thomme 
pendant  l'âge  du  Mammouth. 

Les  géologues  du  Hainaut  ont  découvert,  aux  environs  de 
Mons,  quatre  gisements  de  silex  taillés  dans  les  alluvions 
fluviales  à  ossements  de  Mammouth  et  autres  espèces  carac- 
téristiques de  cet  âge. 

Mais  ce  n'était  pas  le  silex  de  la  Champagne  que  l'homme 
y  employait;  c'était  le  silex  du  Hainaut  lui-même.  MM.  Cor- 
net et  Briart  croient  môme  que  ce  silex  y  était  alors  déjà 
exploité  par  galeries  souterraines  (p.  288).  Mais,  à  une  pro- 
venance différente  de  la  matière  première,  ne  se  bornent  pas 
les  contrastes  entre  les  silex  taillés  quaternaires  du  Hainaut 
et  ceux  de  nos  cavernes.  Leurs  formes  sont  absolument  diffé- 
rentes, comme  on  peut  en  juger  par  les  planches  51-56,  qui 
représentent  les  principaux  types  de  silex  taillés  recueillis 
par  M.  Neyrinck  dans  les  alluvions  quaternaires  de  la  tran- 
chée de  Mesvin,  et  qui  n'ont  pas  d'analogie  avec  ceux  des 
cavernes  figurés  sur  les  planches  37-50.  Les  formes  plus 
variées  de  ces  silex  taillés  du  Hainaut  annoncent,  en  outre, 
des  usages  et  une  industrie  s'étendant  à  plus  d'objets. 

n  est  difficile,  à  mon  avis,  de  contester  que  l'industrie 
dénotée  par  ces  silex  de  Mesvin  ne  peut  procéder ,'  par  voie 
de  filiation  directe,  de  l'industrie  que  nous  font  connaître  les 
silex  taillés  des  cavernes,  et,  vice  versa,  qu'on  ne  peut  voir 
davantage  dans  l'âge  de  la  pierre  polie,  une  phase  de  l'évo- 
lution graduelle  de  l'industrie  de  nos  troglodytes.  Cette  der- 
nière ne  se  rattache  à  aucune  des  autres  et  resta  isolée 
tant  qu'elle  dura. 

Nous  nous  trouvons  donc  en  présence  d'un  développement 
parallèle  et  séparé  de  deux  industries  contemporaines  et  j  ux- 
taposées  pendant  l'âge  du  Mammouth.  Les  populations  du 
Hainaut  et  les  populations  des  provinces  de  Namur  et  de 
Liège,  si  nous  en  jugeons  par  le  caractère  de  leurs  silex 
taillés,  avaient  alors  chacune  leur  mouvement  propre  et 
devaient  avoir,  par  conséquent,  des  mœurs  très  différentes. 

30 


Les  endroits  qtt'eUee  choisissaient  poar  leurs  séjours,  for- 
maïeDt  do  reste  nne  grande  opposition,  puisque  les  mtee 
habitaient  les  cavernes  et  qne  les  antres  séjournaient  sans 
abris  naturels  sor  les  bords  des  cours  d'eau.  Si  ces  dernières 
y  étaient  forcées  par  l'absence  de  cavernes  dans  la  Moyoïne 
Belgique,  rien  n'obligeait  les  peuplades  de  Namur  et  de 
Liège  à  s'établir  conetamment  dans  des  antres  tnalgaîna  et 
humides,  d'où  les  crues  fréquentes  des  fleuves  les  chassaient 
par  intermittence  pendant  une  époque  géologique. 

£n  concluant,  pour  l'époque  quaternaire,  à  l'existence,  en 
Belgique,  de  deux  populations  distinctes  qui  n'entretenaient 
pas  de  rapports  mutuels,  je  formulerais  une  hypothèse 
qui  paraîtrait  peut-être  quelque  peu  hasardée,  si  je  ne  pou- 
vais m'appuyer  sur  une  démonstration  directe.  Il  est  en  e^t 
certain,  comme  nous  l'avons  vu,  que  les  troglodytes  n'em- 
ployaient que  le  silex  du  sud  de  la  Champagne,  malgré 
l'éloignement  de  son  gisement  et  la  proximité  des  gisements 
qui  se  trouvent  au  nord  de  la  région  habitée  par  eux. 
MM.  Cornet  et  Briart  nous  montrent,  au  contraire,  que  le 
silex  mis  en  œuvre  par  les  populations  de  l'âge  du  Mam- 
mouth dans  le  Hainaut  était  exclusivement  celui  de  la 
r^on  que  celles-ci  habitaient.  C'est  la  preuve  que  ces  tri- 
bus, bien  qu'elles  vécussent  pendant  la  même  époque  géolo- 
gique, restaient  complètement  isolées  l'une  de  l'autre. 

Cette  constatation  est  fondamentale  pour  la  connaissance 
de  nos  populations  pendit  l'époque  quaternaire. 

n  importait  aussL  de  chercher  à  confirmer  cette  conclusion 


—  471  — 

geurs  du  siècle  dernier,  les  Peaux  Rouges  guettaient  les 
Esquimaux  et  cernaient  leurs  campements,  lorsqu'ils  parve- 
naient à  les  découvrir;  ils  traitaient  alors  les  Esquimaux 
comme  des  animaux  immondes  et  malfaisants ,  les  massa- 
craient quels  que  fussent  l'âge  et  le  sexe,  et  se  retiraient 
sans  rien  emporter  des  campements. 

Mais,  si  nous  comparons  l'industrie  de  nos  deux  popula- 
tions quaternaires  à  l'industrie  des  populations  de  l'âge  de  la 
pierre  polie,  qui  leur  succédèrent  dans  les  mêmes  régions, 
nous  observons  de  nouvelles  circonstances  qui  sont  dénature 
à  établir,  dans  notre  pays  au  moins,  une  corrélation  spé- 
ciale pour  ces  tribus  antérieures  à  l'époque  de  l'emploi  des 
métaux. 

Lartet  fut  le  premier  à  constater  que  l'industrie  de  l'âge 
de  la  pierre  polie  ne  pouvait,  par  un  développement  régulier, 
dériver  de  celle  d^  peuplades  troglodytes.  Toutes  les  recher- 
ches ultérieures  ont  confirmé  cette  appréciation  :  un  hiatus 
très  accentué  s'observe,  en  France,  entre  l'industrie  des  troglo- 
dytes de  l'âge  du  Renne  et  l'industrie  des  peuplades  de  l'âge 
de  la  pierre  polie.  C'est  ce  que  M.  de  Mortillet  vient  de  con- 
stater de  nouveau  et  avec  une  grande  netteté,  et  nous  avons 
vu  plus  haut  que  cette  conclusion  s'applique  complètement 
à  la  Belgique. 

M.  Franks  tenta,  en  1867,  de  faire  disparaître  cette  solu- 
tion de  continuité.  Il  remarqua  que  les  silex  taillés  de  Lau- 
gerie  Haute  (PI.  21)  se  rapprochaient,  par  leurs  formes  et  les 
caractères  de  la  taille,  des  silex  du  dernier  âge  de  la  pierre, 
et  il  suggéra  l'opinion  qu'ils  formaient  la  transition  recher- 
chée. Mais  comme  plusieurs  silex  taillés  découverts  à  Pont 
à  Lesse  offraient  des  ressemblances  avec  ceux  de  Laugerie 
Haute,  on  devait  déduire,  des  observations  géologiques  et 
paléontologiques,  qu'ils  étaient  plus  anciens  que  les  silex  de 
Furfooz,  qui  sont  de  l'âge  du  Renne  et  dont  les  caractères  se 
rapprochent  de  ceux  de  la  caverne  de  la  Madeleine  dans  le 
Périgord.  n  y  avait  ainsi  lieu  de  croire  que  les  silex  de  Lau- 


gerie  Haute  ne  tenninaientpaa  l'évolution  de  ceux  des  troglo- 
dytes périgourdius.  M.  de  Mortillet  fît  bientôt  connaître,  de 
Bon  côté,  que  des  observations  stratigrapbiques  confirmaient, 
en  Dordogne,  cette  déduction,  et  l'hiatus  fut  maintenu. 

Des  observations  plus  récentes  semblent  venir  à  l'appui  de 
l'opinion  de  Lartet,  plutôt  que  l'infirmer;  car  si  la  coutume 
d'inhumer  les  morte  dans  les  cavernes  persista,  pendant  l'Age 
de  la  pierre  polie,  en  France  comme  en  Belgique,  on  n'a  pas 
encore  signalé  de  passage  entre  l'industrie  des  troglodytes 
et  l'industrie  de  ce  dernier  &ge.  Ces  deux  genres  d'industrie 
restent  distincts,  sans  qu'on  ait  pu  constater  de  filiation  entre 
eux,  et  l'art;  de  polir  le  silex,  dont  l'apparition  est  accompa- 
gnée d'une  série  d'instruments  étrangers  aux  troglodytes, 
parait  évidemment  avoir  pris  naissance,  dans  l'Europe  occi- 
dentale, sous  une  influence  tout  autre  que  les  progrès  des 
peuplades  qui  choisissaient  les  cavernes  pour  demeures. 

Mais  ces  contrastes  morphologiques  dans  l'industrie  des 
troglodytes  et  des  peuplades  de  l'âge  de  la  pierre  polie  sont- 
ils  aussi  frappants  quand  on  compare,  aux  instruments  de 
ces  dernières,  les  silex  taillés  des  peuplades  quaternaires  qui 
habitaient  le  Hainaut,  les  bords  de  la  Somme,  de  la  Seine  et 
de  la  Tamise?  On  doit  certes  y  reconnaître  une  analc^e 
marquée  dans  leur  caractère  fondamental,  et,  lorsqu'on  met 
en  regard  des  séries  d'instruments  de  ces  deux  &ges  suc- 
cessifs, l'on  est  conduit  à  faire  dériver  les  premières  mani- 
festations de  l'âge  de  la  pierre  polie,  du  travail  progressif  des 
peuplades  plus  anciennes  qui  habitaient  ces  régions  sans  ca- 


—  473  — 

M.  Neyrinck  (PI.  51-56),  avec  ceux  qu'il  a  recueillis  sur  le 
champ  de  Spiennes,  où,  comme  le  Congrès  a  pu  s'en  assurer 
rhomme  de  Tâge  de  la  pierre  polie  a  ébauché  ses  instruments 
en  silex  (PL  57-66),  rend  évidente,  à  mon  avis,  la  descen- 
dance de  rindustrie  de  cet  âge  de  la  pierre  polie  de  Tin- 
dustrie  des  peuplades  quaternaires  de  la  môme  région.  Les 
similitudes  vont  jusqu'à  certains  instruments  de  formes  très 
spéciales,  dont  on  rechercherait  en  vain  des  traces  dans  les 
cavernes.  On  remarque  notamment  que  les  armes  triangu- 
laires (PI.  51,  fig.  1  et  PI.  66,  fig.  1)  et  les  racloirs  (PI.  56 
et  PI.  64,  fig.  1),  objets  communs  aux  deux  âges,  ont  bien 
le  même  caractère  et  ont  dû  avoir  la  môme  destination.  Ces 
ressemblances  proviennent  évidemment,  pour  beaucoup  d'ob- 
jets, de  la  circonstance  que  les  silex  de  Spiennes  sont  tou- 
jours des  ébauches.  Et  c'est  là  que  je  puise  un  de  mes 
principaux  arguments  pour  affirmer  la  filiation.  On  doit,  en 
effet,  rechercher,  non  pas  dans  le  travail  perfectionné,  mais 
dans  le  travail  préparatoire,  les  ressemblances  entre  Tindus 
trie  d'une  phase  de  développement  plus  avancé  et  l'industrie 
plus  grossière  d'une  époque  antérieure.  Le  parallèle  entre 
ces  deux  phases  est  ici  des  plus  évidents. 

Remarquons  enfin  que  le  silex  employé  par  ces  deux  popu- 
lations successives  du  Hainaut  provient  entièrement  des 
environs  de  Mons  ^ 

Le  caractère  des  instruments  de  Tâge  de  la  pierre  polie  est 
le  môme  dans  les  provinces  de  Namur  et  de  Liège  et  dans  le 
Hainaut,  aussi  bien  du  reste  que  dans  toute  la  Belgique.  Le 
silex  qui  a  servi  à  en  fabriquer  la  plus  grande  partie,  est  le 
silex  du  Hainaut.  Ainsi,  tandis  que  nos  troglodytes  se  ser- 
vaient du  silex  champenois,  les  peuplades  de  l'âge  de  la  pierre 
polie  qui  habitèrent  la  môme  région,  n'employèrent  que  le 
silex  de  Spiennes  ;  ce  qui  rend  plus  profonde  encore  la  solu- 
tion de  continuité  qui  se  présente  entre  ces  peuplades. 

1  Voyez  les  communications  de  MM.  Cornet  et  Briart,  pp.  250  et  279. 


—  474  - 


Mais  l'absence  absolue  de  relations  que  nous  constations 
entre  les  populations  de  la  Haute  et  de  la  Moyenne  Belgique 
pendant  l'Âge  de  la  pierre  taillée,  se  transforme  ici  en  rela- 
tions intimes,  dénotées  tant  par  la  forme  des  silex  que  par 
l'origine  elle-même  de  la  matière  première.  C'est  là  certes  un 
second  fait  des  plus  caractéristiques  de  notre  ethnographie 
ancienne. 

A  ces  contrastes  entre  les  troglodytes  et  les  tribus  de  l'&ge 
de  la  pierre  polie  dans  les  provinces  de  Namur  et  de  Liège,  je 
puis  encore  ajouter  l'abandon  des  cavernes,  comme  habitations 
de  l'bomme,  h  l'époque  de  l'^e  de  la  pierre  polie  :  les  nou- 
velles populations  des  provinces  de  Namur  et  de  Liège  éta- 
blissent leur  demeure  à  ciel  ouvert,  quelquefois  sur  les  bords 
des  fleuves  et  des  rivières  comme  le  faisaient  les  habitants 
quaternaires  du  Hainaut,  plus  souvent,  sur  les  plateaux  qui 
couronnent  les  vallées.  Ce  dernier  cas  était  assez  inattendu, 
car  l'habitation  de  ces  plateaux  entraîne  une  installation  peu 
commode.  Ils  sont  d'un  accès  difficile  et  l'on  ne  s'y  procure 
de  l'eau  qu'avec  difficulté.  Si  aujourd'hui  un  grand  nombre 
de  villages  et  de  fermes  sont  bfttis  sur  des  points  élevés,  c'est 
pour  répondre  aux  besoins  de  l'agriculture.  Mais,  en  suppo- 
sant que  nos  peuplades  de  l'ftge  de  la  pierre  polie  eussent  pu 
cultiver  des  céréales,  elles  ne  pouvaient  le  faire  que  sur  une 
petite  échelle,  et  le  fond  des  vallées,  naturellement  fertile, 
devait  leur  suffire  à  cet  effet.  Je  suis  donc  amené  h  croire 
que  leur  habitation  sur  les  hauteurs  était  dict^  par  des  né- 


—  476  — 

« 

complètement  le  mamelon,  qui  n*a  ordinairement  qu'une  sur- 
face de  quelques  hectares.  Les  planches  80,  82,  84,  85,  88 
et  89,  jointes  aux  mémoires  de  MM.  Amould,  de  Radiguès 
et  Soreil  (pp.  318,  370  et  38),  représentent  plusieurs  de  ces 
positions. 

On  rencontre,  au  sommet  de  ces  mamelons,  des  éclats  de 
silex,  des  pointes  de  flèches  barbelées,  des  haches  ou  des 
fragments  de  haches  polies.  Le  silex  de  ces  instrwnents  pro- 
vient  toujours  du  Hainaut. 

Dans  plusieurs  cas,  des  retranchements,  d'un  caractère 
particulier,  sont  venus  s'ajouter  aux  défenses  naturelles  des 
lieux.  MM.  Amould  et  de  Radiguès  en  ont  fait  une  étude 
très  sérieuse  (p.  318),  de  laquelle  il  paraît  résulter  claire- 
ment que  quelques-uns  des  escarpements  qui  avaient  servi  au 
campement  des  peuplades  de  Tâge  de  la  pierre  polie,  furent 
habités  par  des  populations  plus  récentes,  qui  doivent  être 
les  Gallo-Belges,  car  les  retranchements  ont  les  caractères  de 
ceux  que  César  décrit,  lorsqu'il  parle  du  système  de  fortifi- 
cations en  usage  parmi  les  habitants  de  nos  régions. 

Les  positions  où  s'établit  l'homme  de  la  pierre  polie  dans  la 
province  de  Namur,  semblent  évidemment  indiquer  qu'il  eût  à 
y  soutenir  des  luttes.  C'est  là  encore  l'un  des  résultats  les  plus 
intéressants  des  études  faites  dans  notre  pays  sur  les  âges  de 
la  pierre,  et  nous  pouvons  espérer  que  des  recherches  persé- 
vérantes pourront  élucider  plusieurs  points  importants  de 
cette  phase  de  notre  civilisation.  Pour  rester  dans  le  sujet, 
je  dois  seulement  constater  l'extrême  contraste  que  ces 
témoins  de  luttes  prolongées,  pendant  le  dernier  âge  de  la 
pierre,  présentent  avec  le  caractère  pacifique  de  nos  troglo- 
dytes, et  celui  qui  existe,  non  moins  marqué,  entre  leurs 
lieux  d'habitation  dans  les  mêmes  localités.  Les  cavernes 
étaient  à  la  fois  le  lieu  d'habitation  et  le  lieu  de  sépulture 
des  populations  quaternaires;  elles  ne  servent  plus  que  de 
sépulture  pendant  l'âge  de  la  pierre  polie,  et  les  plateaux  sont 
alors  les  points  sur  lesquels  l'homme  s'étabUt  principalement. 


—  476  — 

Cinq  grottes  sépulcrales  de  ce  deroier  âge  ont  été  explo- 
rées dans  la  province  de  Namur,  en  y  comprenant  celles  qui 
furent  récemment  découvertes,  &  Hastière  et  à  Maurenne,  par 
Auguste  Collard.  Ces  dernières  sont  analogues  à  la  sépultnie 
de  Sclaignaux  et  leurs  types  anthropologiques  sont  égale- 
ment semblables,  au  moins  si  l'on  s'en  rapporte  aux  défor- 
mations artificielles  qu'on  y  constate  sur  les  crânes.  Mais  les 
crânes  de  Chauvaux  diffèrent  beaucoup  de  ceux-là  et  il  sem- 
ble que  les  hommes  inhumés  à  Gendron  avaient  aussi  des 
caractères  différents.  Ces  observations  tendent  à  montrer  que 
l'étude  de  l'ethnographie  générale  de  notre  âge  de  la  pierre 
polie  comprendra  des  éléments  compliqués,  dus,  sans  doute, 
à  une  succession  d'événements  qui  se  sont  produits  parmi 
les  populations  de  cette  époque  et  que  nous  ne  devons  pas 
désespérer  de  pouvoir  classer  un  jour. 


En  résumé,  ces  considérations  tendent  à  établir  que,  pen- 
dant l'époque  quaternaire,  deux  populations  dont  les  mœurs 
étaient  entièrement  différentes  et  qui  n'entretenaient  entre 
elles  aucune  relation,  coexistaient  en  Belgique.  L'une,  dans 
les  provinces  de  Namur  et  de  Liège,  n'habitait  que  les 
cavernes,  employait  le  silex  du  sud  de  la  Champagne  pour 
fabriquer  ses  instruments  et  subit  un  développement  propre 
et  régulier,  dont  on  peut  suivre  l'évolution.  L'autre,  dont  les 
instruments  étaient  tout  différents  de  ceux-là  et  fabriqués 
avec  le  silex  des  environs  de  Mons,  habitait  à  la  même  épo- 
que le  Hainaut  ;  elle  serait  arrivée  par  des  progrès  successifs 


—  477  — 

tillet  et  des  planches  37-50  nous  montre  une  singulière 
similitude  dans  les  formes  des  silex  taillés  des  cavernes  de  la 
France  et  de  la  Belgique.  Ces  formes  correspondent  souvent 
pièce  par  pièce,  de  sorte  qu'un  parallélisme  évident  s'établit 
entre  les  produits  des  troglodytes  du  Périgord  et  ceux  des 
troglodytes  de  notre  pays. 

Mais,  à  côté  de  ces  analogies,  nous  voyons  des  contrastes 
géologiques  et  paléontologiques  qu'il  importe  de  bien  préci- 
ser, car  ils  seront  sans  doute,  pendant  longtemps,  un  obstacle 
à  une  interprétation  applicable  à  la  fois  aux  deux  régions. 
Les  cavernes  du  Périgord  ne  semblent  contenir  que  très 
exceptionnellement  des  couches  quaternaires  et,  parmi  les 
débris  des  repas  de  l'homme,  Lartet,  Christy  et  les  autres 
explorateurs  de  ces  célèbres  gisements  n'ont  signalé  que 
quelques  débris  d'espèces  perdues^. 

Par  opposition,  les  cavernes  belges  renferment  d'épais 
amas  de  couches  semblables  à  celles  qui  se  trouvent  sur  le 
flanc  des  vallées  dans  la  Haute  et  dans  la  Moyenne  Bel- 
gique, et  les  espèces  perdues  y  prédominent  dans  les  niveaux 
ossifères  dont  l'industrie  correspond  d'une  manière  souvent 
frappante  à  celle  des  cavernes  de  Moustiers,  de  Laugerie 
Haute  et  de  la  Madeleine.  La  faune  des  cavernes  de  Chaleux 
et  de  Furfooz,  où  se  termine  l'évolution  des  troglodytes 
belges,  est  seule  à  peu  près  la  même  que  la  faune  des  ca- 
vernes périgourdines. 

Mais,  dans  la  vallée  de  la  Somme  et  dans  la  vallée  de  la 
Haine,  les  analogies  les  plus  intimes  se  remarquent  entre  les 
couches,  sous  le  rapport  des  caractères  géologiques,  de  la 
faune  et  de  l'ethnographie,  de  sorte  que  si  l'on  assigne  un 
âge  à  l'un  de  ces  gisements,  relativement  aux  troglodytes,  on 
devra  l'admettre  pour  l'autre.  Les  savants  français,  et  je  dois 
surtout  citer,  parmi  les  plus  compétents  sur  la  matière,  MM .  de 
Mortillet  et  Belgrand,  considèrent  l'homme  des  vallées  de  la 

*  Reliquiœ  Aquitanicœ,  fasc.  I,  p.  6. 


—  478- 


Somme  et  de  la  Seine  comme  le  précurseur  des  trc^lodytes. 
Cette  opinion  s'appuie  sur  deux  faite  importants  :  l'extrême 
rareté  des  débris  des  espèces  perdues  dans  les  cavernes  du 
Périgord  et  leur  abondance  dans  les  alluvions  quaternaires  & 
silex  taillés  du  Bassin  de  Paris,  ce  qui  semblerait  indiquer 
que  celles-ci  sont  plus  anciennes  que  l'époque  des  troglodytes 
de  l'ancienne  Aquitaine.  D  parait  en  outre  que  les  formes 
amjgdaloldea,  si  caractéristiques  des  silex  taiUés  des  vallées 
du  Bassin  de  Paris,  ne  s'y  trouvent  en  abondance  que  dans 
les  hauts  niveaux,  tandis  que,  dans  les  bas  niveaux,  elles  se 
rapprochent  des  formes  de  la  caveme  de  Mouatiers ,  ce  qni 
semblerait  indiquer  un  acheminement  de  l'industrie  de  ces 
peuplades  parisiennes  vers  l'industrie  des  troglodytes. 

La  première  constatation  est  absolument  contraire  aux 
observations  constantes  faites  dans  les  cavernes  de  la  Bel- 
gique; la  conclusion  qui  en  est  tirée,  ne  peut  donc  s'appli- 
quer à  notre  pays.  Quant  à  la  seconde,  il  serait  à  désirer  que 
tous  les  éléments  d'appréciation  fussent  publiés,  aSn  de  pou- 
voir définir  avec  précision  les  rapports  gui  existent  entre  les 
formes  des  silex  taillés  des  bas  niveaux  et  des  plus  anciennes 
cavernes  du  Périgord.  Un  fait  parait  en  effet  peu  contes- 
table, c'est  l'analogie  fondamentale  des  formes  bien  caracté- 
risées, qu'elles  soient  de  l'&ge  de  la  pierre  polie  ou  qu'elles 
proviennent  des  alluvions  quaternaires  des  vallées  de  la 
Seiue,  de  la  Somme  ou  de  la  Haine.  Cette  ressemblance 
semble  dénoter  entre  ces  produits  d'&ges,  évidemment  suc- 


—  479  — 

Quoiqu'il  en  soit,  la  théorie  d'une  série  linéaire»  reliant 
d'une  manière  continue  les  peuplades  des  hauts  niveétux  aux 
peuplades  qui  habitèrent  les  cavernes  des  Eyzies,  de  la  Ma- 
deleine et  de  Bruniquel,  avec  une  interruption  entre  celles-ci 
et  les  tribus  de  Tâge  de  la  pierre  polie,  ne  s'appliquerait  pas, 
d'une  manière  satisfaisante ,  à  l'ensemble  des  observations 
faites  en  Belgique  sur  les  âges  de  la  pierre.  Ces  observations 
m'ont  conduit  à  admettre  le  dualisme  de  nos  populations 
quaternaires.  Sans  prétendre  que  ce  système  puisse  s'ap- 
pliquer aux  âges  de  la  pierre  en  France,  il  me  paraît  coor- 
donner rationnellement  les  résultats  de  nos  recherches  et 
nous  fournit  un  classement  qui  satisfait  à  toutes  les  données 
recueillies  jusqu'à  ce  jour  en  Belgique. 

(Voir,  sur  le  même  sujet,  la  communication  de  M.  Belgrand,  page  132.) 

M.  Reboux  expose  une  collection  de  silex  qu'il  a  recueillis 
dans  les  carrières  de  Levallois  et  indique  leur  superposition 
dans  ces  gisements. 

Il  les  fait  rentrer  dans  trois  époques,  qui  sont  les  suivantes, 
en  commençant  par  la  plus  ancienne  : 

1**  Époque  paléolithique  ou  de  la  pierre  éclatée.  Les  silex 
rapportés  à  cette  époque  se  trouvent  associés  aux  restes  du 
Mammouth  et  de  l'Ours  des  Cavernes. 

2**  Époque  mésolithique  ou  de  la  pierre  taillée.  Avec  les 
silex  de  cette  époque,  se  trouve  entremêlée  la  faune  de  l'âge 
du  Renne. 

3**  Époque  néolithique  ou  de  la  pierre  polie.  C'est  l'âge  des 
dolmens. 

fSw   la    division    du   Nord   de   VEwrope    en  provinces 
archéologiques  pour  F  âge  de  la  pierre  polie,  par  M.  H  ans 

HiLDEBBAND. 

Les  découvertes  faites  à  Spiennes  prouvent  qu'en  Bel- 
gique le  silex  a  été  d'une  importance  vitale  pour  les  popula- 


tions  de  Tftge  de  la  pierre  polie.  Mais  il  n'en  est  pas  ainsi 
partout.  Je  citerai  tout  6  l'heure  des  contrées  où  les  haches 
de  silex  sont  très  rares,  tandis  que  les  pointes  de  lances  et 
de  flèches  faites  en  cette  substance  sont  communes.  Il  est 
d'autres  pays  encore  où  le  silex  n'a  pas  été  employé  du  tout. 

Or,  pour  l'Age  de  la  pierre  polie,  le  silex  a  eu  la  même 
importance  vitale  en  Angleterre  et  en  Suède.  En  comparant 
entre  elles  les  formes  des  instruments  de  cette  époque,  dans  les 
trois  pays,  nous  reconnaissons  de  suite  une  affinité  intime 
entre  la  Belgique  et  l'Angleterre,  tandis  que  les  antiquités 
du  groupe  belge  diffèrent  essentiellement  de  ce  qui  se  ren- 
contre constanmient  en  Suède.  La  matière  première,  le  silex 
surtout  est  commun  aux  deux  pays,  mais,  dans  l'un  et  l'autre, 
on  s'est  plu  à  donner  aux  instruments  des  formes  différentes 
et  les  différences  sont  constantes.  Voilà  donc  deux  provinces 
de  Tige  de  la  pierre  polie  :  l'une  comprend  l'Angleterre,  la 
Belgique  et  une  portion  considérable  de  la  France  ;  l'autre 
comprend  la  Suède. 

Les  deux  faces  de  la  hache  en  silex  que  l'on  trouve  si 
communément  en  Belgique  et  en  Angleterre,  forment,  en  se 
rencontrant,  un  bord  plus  ou  moins  aigu,  et  la  coupe  trans- 
versale de  la  hache  a  la  forme  d'un  ovale  dont  les  pointes 
sont  quelquefois  coupées  par  des  facettes.  Des  exemplaires 
de  ce  type  ont  été  trouvés  en  Suède,  il  est  vrai,  mais  rare- 
ment. Celui-ci  ne  prend  place  dans  nos  séries  que  comme 
exception  et  ne  peut  servir,  en  Suède,  à  déterminer  le  carac- 


—  48]  — 

signe  les  distingue  des  instruments  du  même  genre  que  Ton 
observe  dans  les  parties  occidentales  de  l'Europe. 

Si  vous  parcourez  Touvrage  de  mon  illustre  compatriote 
M.  Nilsson,  sur  Tâge  de  la  pierre  en  Suède,  —  le  premier 
ouvrage  qui  ait  traité  scientifiquement  de  cet  âge  pour  les 
régions  européennes  —  vous  y  verrez  que  non  seulement  les 
haches,  les  lances  et  les  flèches  ne  sont  pas  les  mêmes  que 
celles  de  la  Belgique,  mais  aussi  que  nous  avons  en  Suède 
bien  des  objets  qui  ne  se  rencontrent  ni  en  Belgique,  ni  en 
Angleterre,  notamment  nos  couteaux  ou  grands  poignards 
avec  la  poignée  très  développée  ou  quadrangulaire,  aux 
bords  ornés  ou  arrondis,  nos  scies,  nos  grattoirs  en  forme 
de  vrilles,  etc.,  etc. 

La  Belgique  et  la  Suède  étant  éloignées  l'une  de  l'autre, 
il  n'est  pas  étonnant  que  la  civilisation  de  l'âge  de  la 
pierre  polie  s'y  soit  développée  différemment.  La  distance 
même  a  produit  l'isolement,  et,  dans  cet  isolement,  l'un  et 
l'autre  peuples  ont  eu  leurs  besoins  et  leurs  goûts  à  l'abri  de 
toute  influence  réciproque. 

Mais  voici  d'autres  faits. 

La  civilisation  qui  caractérise  la  Suède,  se  retrouve  dans 
la  Norvège  méridionale,  en  Danemark,  dans  le  Mecklem- 
bourg,'  en  Poméranie,  dans  la  Prusse  occidentale  et,  de  l'autre 
côté,  dans  les  parties  septentrionales  du  Hanovre  et  dans  les 
Pays-Bas,  c'est  à  dire,  dans  une  contrée  qui  de  la  Vistule 
s'étend  jusqu'à  la  mer  du  Nord  et  jusqu'aux  frontières  de  la 
province  anglo-belge.  Ainsi,  il  n'y  a  donc  pas  entre  ces  deux 
provinces  une  bien  grande  distance  et  c'est  là  ce  qui  con- 
stitue leur  caractère  le  plus  remarquable. 

La  province  que  j'ai  nommée  en  commençant  la  province 
suédoise,  mais  qui,  en  réalité,  est  trop  étendue  pour  recevoir 
cette  qualification,  se  continue  dans  une  autre  direction.  Nous 
pouvons  la  suivre,  vers  l'est,  jusqu'en  Pologne,  en  Moravie 
et  en  Galicie,  où  les  haches  en  silex  ont  la  même  forme  qu'en 
Suède.  Celles-ci  ont  été  trouvées  à  côté  de  squelettes  placés 


-  482  ~ 


dans  Is  position  assiBe,  dans  de  grandes  chambres  sépul- 
cntles.  n  est  probable  qne  l'on  réussira  un  jo'ur  &  suivre  les 
méuLea  types  de  silex  et  les  mômes  usages  dans  les  parties 
voisines  de  la  Russie  occidentale. 

On  peut,  en  général,  dans  une  province  archéologique, 
distinguer  une  partie  principale  d'une  autre  moins  impor- 
tante. La  première  était  mieux  appropriée  aux  besoins  de  la 
population,  plus  fertile  eu  objets  de  première  nécessité;  la 
seconde,  plus  éloignée  des  régions  primitivement  occupées,  a 
reçu  des  émigrations,  des  colonies,  ou  a  subi  toute  uitre  in- 
fluence extérieure. 

Le  cas  se  présente  dans  notre  provioce  septentrionale,  où 
se  trouve  une  région  secondaire  ainsi  éloignée.  Le  domaine 
des  haches  en  silex  qui  s'étend  le  long  de  la  mer  Baltique 
et  de  la  mer  du  Nord,  laisse  entre  lui  et  les  montagnes 
qui  traversent  l'Allemagûe  un  espace  assez  étendu,  où  les 
haches  en  silex  deviennent  rares,  tandis  que  l'on  j  fabrique 
encore  des  objets  de  moindres  dimeosioDS,  comme  des 
pointes  de  flèches,  etc.  Il  ne  faut  cependant  pas  considérer 
cette  région  comme  une  région  archéologique  peu  intéres- 
sante ou  accessoire,  car  elle  est  caractérisée  par  des  formes 
spéciales  d'instruments. 

Dans  les  collections  saxonnes  et  daus  celles  des  pays  voi- 
sins, on  trouve  des  haches  perforées,  noires,  grosses  et  mas- 
sives ,  obliques  à  leur  partie  supérieure  ;  d'autres  haches 
perforées,  plus  gracieuses,  plus  courtes  et  présentant 
des  facettes  ;  certaines  haches  non  perforées ,  très  grosses, 


-  483  — 

on  a  trouvé  dans  TAutriche  proprement  dite  les  mêmes  types 
d'instruments.  Des  exemplaires  en  sont  conservés  au  Cabinet 
impérial  de  Vienne.  Mais  ces  types  n'ont  jamais  été  décou- 
verts dans  la  partie  sud-ouest  de  rAllemagne,  ni  en  Suisse. 

En  Suède  même,  nous  pouvons  distinguer  une  région 
principale  et  une  région  secondaire,  qui  dépendent  de  causes 
parfaitement  naturelles.  Le  terrain  à  silex,  exceptionnel  chez 
nous,  n'existe  pour  ainsi  dire  qu'en  Scanie,  c'est  à  dire,  dans 
la  partie  la  plus  méridionale  du  royaume.  On  y  constate  ce- 
pendant, dans  d'autres  parties^  la  présence  de  silex  travaillés  : 
vers  l'est  et  vers  le  nord,  par  exemple,  dans  la  province  de 
Visigothie  si  riche  en  dolmens  et  en  instruments  d'un  âge 
de  la  pierre  polie  vraiment  florissant.  En  l'absence  de  nuttiëre 
première,  il  a  dû  s'établir,  en  ces  temps  reculés,  i;n  com- 
merce de  silex,  commerce  important,  car  l'existence  des 
tribus  éloignées  en  dépendait.  Plus  la  distance  était  grande, 
plus  la  matière  devenait  précieuse.  Et,  en  effet,  les  -Bilex 
qu'on  trouve  vers  la  frontière  de  la  Norvège,  dans  les  pro- 
vinces de  Dal  et  de  Wermland,  sont  petits.  Quand  ils  étaient 
usés,  on  les  retaillait  et  repolissait  plusieurs  fois,  jusqu'à  leur 
donner  une  forme  trapue  et  peu  élégante. 

Cependant  il  existe  des  rapports  intimes  entre  les  diffé- 
rentes parties  de  la  grande  province  néolithique  suédoise, 
malgré  les  distances  très  grandes  et  les  obstacles  qui  les  sépa- 
raient. Toutefois  je  suis  en  mesure  de  constater  une  exception 
à  ce  fait.  La  Vistule,  quoique  assez  large  vers  son  embou- 
chure ,  n'a  pas  dû  offrir  un  obstacle  sérieux  au  commerce 
entre  les  peuples  des  deux  rives,  et,  malgré  cela,  on  ne  ren- 
contre que  très  peu  de  silex  ouvrés  du  côté  de  la  Prusse 
orientale,  tandis  qu'ils  sont  nombreux  sur  la  rive  occidentale 
du  fleuve.  Dans  les  collections  de  Koenigsberg,  il  n'y  a  qu'un 
silex  sur  35  objets  en  diorite,  etc.  Cette  nouvelle  province, 
caractérisée  par  ce  manque  de  silex,  se  continue  à  travers 
les  provinces  baltiques  de  la  Russie  et  la  Finlande;  elle 
s'étend  de  l'autre  côté  de  la  mer  en  englobant  les  parties 


—  484  — 

septentrionales  de  la  Suède  et  àe  la  Norvège,  ^es  pointes  de 
lances  et  de  fiëehes  ne  sont  plus  en  silex,  mais  en  phjllade, 
substance  commune  dans  ces  contrées.  Les  collections  de  ces 
pays  offrent,  aux  visiteurs,  un  aspect  assez  pauvre,  bien  que 
r^e  de  la  pierre  7  soit  parfaitement  établi.  Dana  les  pro- 
vinces Baltiquea  et  en  Finlande,  on  retrouve  les  mômes 
formes,  mais  les  matériaux  varient  suivant  les  ressources 
naturelles  du  pays. 

En  résumé,  nous  venons  de  voir  que  des  rapports  intimes 
existaient,  pendant  l'âge  de  la  pierre,  entre  la  Belgique  et 
l'Angleterre,  tandis  que  la  civilisation  du  même  &ge  s'était 
développée  différemment  dans  d'autres  régions.  J'ai  indi- 
qué les  deux  grandes  provinces  où  l'âge  de  la  pierre  polie 
se  définit  avec  netteté;  je  dois  ajouter  ici  une  petite  obser- 
vation. Le  Pas  de  Calais  n'a  pas  formé  un  obstacle  entre  la 
Belgique  et  les  Ûes  Britanniques  ;  la  Belgique  et  les  pro- 
vinces septentrionales  des  Pays-Bas,  au  contraire,  sont  restées 
isolées  entre  elles.  De  mâme,  la  mer  Baltique  et  le  Kattegat 
n'ont  pas  empêché  les  rapports  entre  les  tribus  suédoises  et 
les  tribus  allemandes,  bien  que  la  Vistule  ait  été  ailleurs 
un  obstacle.  N'est-il  pas  à  supposer  qu'il  y  avait,  dans  ce 
dernier  cas,  d'autres  obstacles  plus  sérieux  qu'un  fleuve? 

Les  provinces  dont  je  vous  ai  esquissé  le  caractère  et  les 
limites,  ne  sont  pas  les  seules  qu'on  puisse  distinguer.  L'ex- 
position préhistorique  que  nous  avons  vue  à  Bologne ,  l'an 
dernier,  nous  a  montré  une  série  d'objets  en  pierre  qu'on  ne 
trouve  ni  en  Suède,  ni  en  Allemagne,  ni  en  Autriche,  ni  en 


—  485  — 


époque,   tenir  compte  de  rinfluence  exercée  par  les  âges 
antérieurs. 


Sur  les  migrations  humainesy  par  M.  Ch.  Tabdy. 

Après  avoir  publié  dans  les  Bulletins  de  la  Société  géolo- 
gique de  France,  en  juin  1872,  diverses  notes  sur  la  géologie 
et  les  phénomènes  quaternaires,  il  ma  semblé  qu'il  serait 
intéressant  de  rechercher  quelles  relations  pouvaient  exister 
entre  les  migrations  humaines  et  ces  phénomènes,  tels  que  je 
les  ai  compris  et  décrits. 

Pour  étudier  ces  migrations  et  leurs  résultats  généraux, 
et  pouvoir  en  déduire  quelques  indications  sur  les  races 
anciennes,  sur  leur  degré  de  civilisation,  sur  leurs  mœurs, 
etc.,  il  faut  d'abord  étudier,  à  grands  traits,  les  diverses 
phases  par  lesquelles  a  passé,  depuis  son  origine,  un  de  ces 
peuples  émigrants.  Les  Francs,  si  nous  en  jugeons  par  le 
rôle  qu'ils  ont  joué  dans  l'histoire,  ont,  dès  leur  première 
apparition,  constitué  yn  peuple  homogène.  Le  choix  que  je 
fais  de  ce  peuple,  est  d'autant  mieux  justifié,  que  les  Francs 
ont  habité  le  pays  dont  le  présent  Congrès  doit  s'occuper  de 
préférence. 

Les  Francs  apparaissent  d'abord  comme  un  peuple  sau- 
vage, guerroyant  sur  les  frontières  de  l'Empire  romain.  Au 
début,  l'invasion  est  repoussée  et  contenue  ;  mais  bientôt  le 
grand  flot  de  l'émigration  déborde  par  le  Nord  de  l'Europe 
et  refoule  devant  lui  les  premiers  arrivés.  Les  Francs  enva- 
hissent l'Empire,  s'y  établissent  et  vivent  en  tribus  séparées. 
Le  chef  de  l'une  d'entre  elles  prend  de  l'ascendant  sur  les 
autres  chefs;  il  arrête  la  fin  du  mouvement  de  l'invasion, 
qui  s'annonce  par  une  recrudescence,  deux  siècles  après 
la  première  invasion.  L'un  de  ces  chefs,  dont  le  nom  restera 
légendaire,  fonde  une  dynastie  qui  transforme  les  autres 
chefs  en  vassaux  ;  il  fait  de  petites  conquêtes,  et  il  agrandit 

31 


-486  - 


surtout  son  domaine ,  eu  lui  donnant  une  importance  crois- 
sante. 

Peu  de  temps  avant  l'affaissement  du  sol  de  Ravenne,  on 
voit  la  civilisation  se  former  ;  les  historiens  prosateurs 
deviennent  nombreux  et  prennent  la  place  des  historiens- 
poètes  des  légendes  des  temps  antérieurs  ;  la  puissance  mili- 
taire s'accroît.  Alors  apparaît  un  souverain  qui  porte  la  civi- 
lisation et  la  puissance  militaire  des  Francs  à  son  apogée. 
Après  Charlemagne,  recommence  le  mouvement  des  nations 
du  Nord.  Ce  sont  d'abord  de  petites  incursions  normandes, 
hongroises,  etc.  La  décadence  de  l'empire  carolingien  com- 
mence et  bientôt  elle  s'accentue  de  plus  en  plus.  C'est  alors 
que  le  sol  de  Ravenne  arrive  à  son  maximum  d'affaissement. 
Après  un  siècle  de  troubles,  une  nouvelle  invasion  s'avance 
de  l'Orient,  et,  en  même  temps,  un  nouvel  ordre  social 
commence  dans  le  pays  des  Francs. 

Si,  au  lieu  d'un  peuple  unique,  on  étudie  toute  l'histoire, 
en  la  réduisant  à  ses  grands  traits,  à  des  tableaux  chrono- 
logiques, et  en  groupant  les  faits  d'un  même  ordre,  on  ne 
tarde  pas,  comme  je  l'ai  remarqué,  à  voir  que  le  cadre  de 
l'histoire  des  Francs  s'applique  en  tout  ou  en  partie  à  l'his- 
toire de  tous  les  peuples.  Dans  ce  classement,  on  verra  aussi 
que  les  événements  similaires  se  suivent  à  huit  ou  neuf  cents 
ans  de  distance,  comme  les  âeu\  phénomènes  d'affaissement 
constatés,  l'un  au  lac  de  Varèse,  l'autre  à  Ravenne.  C'est 
ainsi  que,  pour  les  Romains,  la  république  était  au  deuxième 
état  social,  tandis  que  leurs  rois  étaient  la  fin  du  premier. 


—  487  — 

Si,  du  général,  on  passe  aux  détails,  on  reconnaîtra  aussi 
que  les  événements  de  Thistoire  particulière  d  une  nation 
précèdent  ou  suivent  ceux  de  même  nature  de  la  vie  d'une 
autre  nation  de  même  race  et  de  même  émigration,  et  cela 
suivant  Tordre  d'arrivée  de  ces  diverses  nations  dans  le  pays 
où  elles  se  sont  développées. 

Ainsi,  dans  le  temps,  Tordre  d'arrivée  détermine  Tordre  de 
Theure  de  la  plus  grande  puissance,  de  même  que  Tordre  de 
l'heure  de  la  mort,  et  de  celle  de  la  rénovation,  lorsqu'elle  a 
lieu.  On  pourrait  encore  pousser  plus  loin  les  conséquences  de 
cette  étude  comparée  de  l'histoire;  mais  les  conclusions  précé- 
dentes suffisent  pour  le  but  à  atteindre.  Seulement,  il  faut 
encore  remarquer  que,  tandis  que  les  Chinois  se  sont  main- 
tenus fort  compacts  dans  une  sorte  de  presqu'île  fermée  au 
sud  par  TOcéan,  au  contraire,  dans  l'Europe  qui  touche  au 
sud  à  TAfrique  et  à  l'Asie,  les  migrations  ont  dépassé  la  mer 
Méditerranée  et  se  sont  répandues  dans  ces  continents 
méridionaux. 

Les  Francs,  en  envahissant  la  Gaule,  ont  pris  la  religion 
des  vaincus  et  leur  langue.  Ils  ont  pris  beaucoup  et  n'ont  fait 
que  modifier  un  peu  la  langue.  Il  s'en  suit  que,  de  leur  langue, 
il  ne  faut  pas  conclure  à  leur  origine;  mais  plutôt  conclure 
qu'ils  sont  les  vainqueurs  d'une  race  qui  parlait  une  langue 
analogue  à  la  leur,  à  celle  qu'ils  ont  parlée  depuis  dans  cette 
nouvelle  station.  Ce  fait,  constaté  ici,  doit  être  vrai  pour  les 
diverses  autres  invasions  successives  qui  seront  représentées 
par  des  langues  dérivant  les  unes  des  autres  sur  le  même  sol, 
ou  dans  une  nouvelle  aire  géographique,  aire  dans  laquelle 
s'est  arrêtée  la  première  invasion  sur  le  sol  inhabité.  Puisque 
toutes  les  invasions  historiques  (Turcs,  Barbares,  Gaulois,  Hel- 
lènes) se  sont  dirigées  du  Nord  vers  le  Sud,  il  est  naturel  de 
penser  que  les  autres  ont  suivi  la  même  direction.  Aussi, 
peut-on  penser  qu'avant  la  période  glaciaire  miocène, 
l'homme  habitait  les  régions  tempérées  du  Nord  de  nos 
continents. 


\ 


Dès  la  première  époque  glaciaire,  les  migrations  commen- 
cèrent ;  les  premiers  glaciers  refoulèrent  les  premiers  peuples 
dans  des  régions  plus  habitables.  Là,  ces  premières  nations 
se  développèrent  et,  se  civilisant  de  plus  en  plus,  elles  produi- 
sirent, avant  l'afFaissement  maximum  du  sol  survenu  à  leur 
époque,  des  œuvres  de  génie  qui,  pour  les  âges  anciens,  ne 
sont  que  la  perfection  dans  la  forme  et  la  fabrication  de  leurs 
armes. 

A  chaque  phase,  il  y  a  progrès,  soit  qu'on  établisse  la 
chronologie  des  silex  les  plus  beaux  ou  des  autres  œuvres 
d'art,  lorsqu'il  y  en  aura,  par  la  stratigraphie  géologique,  soit 
qu'on  prenne  la  clironologie  du  développement  moral  par 
l'histoire.  Ëtant,  par  une  théorie,  soudés  à  l'affaissementdu 
sol  de  Eavenne,  les  deux  systèmes  chronologiques  marchent 
parallèlement  l'un  à  l'autre  et  donnent  des  résultats  iden- 
tiques. En  sorte  que  je  crois  que  l'histoire  et  la  géologie  qua- 
ternaire peuvent  s'expliquer  l'une  par  l'autre,  et  que  l'une 
peut  aider  à  compléter  l'autre. 

Comme  les  premiers  silex  taillés  apparaissent  avant  les 
glaciers  miocènes,  il  faut  en  conclure  que  les  sauvages, 
dont  ces  silex  représentent  naturellement  l'état  de  première 
civilisation,  doivent  être  d'origine  éocène. 

Depuis  cette  première  population  éocène  et  miocène  infé- 
rieure, l'arrivée  des  puissants  glaciers  du  miocène  moyen  a 
dû  déterminer  une  première  invasion.  Puis,  de  nouvelles 
invasions  se  sont  produites  après  raffaissement  du  miocène 


—  489  — 

de  riiistoire  et  la  stratigraphie  géologique,  on  voit  que  cette 
invasion  de  Babel  est  celle  qui  suit  d'un  siècle  la  formation  de 
la  terrasse  qui,  en  It?|lie,  se  trouve  à  six  cents  mètres  d  altitude 
au  dessus  du  niveau  de  la  mer.  Cette  terrasse  est  la  première 
de  Tépoque  quaternaire;  c*est  celle  qui  repose  sur  la  faune  de 
YElepltas  meridiortalis,  et  dont  les  limons  couvrent  les  hauts 
plateaux.  Ce  seraient  ainsi  les  indices  du  déluge  de  Noé. 

La  seule  histoire  que  nous  puissions  consulter  pour  les  pé- 
riodes antérieures,  est  la  Bible;  mais  son  récit  n'est  qu'un 
résumé  bien  laconique  et  bien  incertain  en  apparence.  Ce- 
pendant, si  Ton  prend  une  chronologie  moyenne,  on  trouve 
deux  faits  dont  les  dates  sont,  par  leur  distance,  les  dates  des 
autres  invasions  précitées,  et  dans  le  rapport  voulu.  Ce  sont 
d'abord  l'enlèvement  d'Hénoch  et  ensuite  la  naissance  de 
Seth.  Ici,  il  convient  de  noter  que  chaque  patriarche  antédi- 
luvien vit  environ  neuf  cents  ans,  autant  que  la  première 
société  franque.  Il  se  pourrait  donc  que  la  Bible  n'ait  voulu 
citer  que  les  noms  des  anciennes  nations  et  les  traits  généraux 
de  leur  histoire.  Cette  idée  a  déjà  été  savamment  défendue 
par  des  arguments  différents.  Si  l'on  admet  cette  inter- 
prétation, on.  pourra  supposer  que  l'enlèvement  d'Hénoch  est 
la  dispersion  d'un  peuple,  soit  émigrant  lui-même,  soit 
fuyant  devant  une  autre  invasion,  et  que  la  naissance  de  Seth 
est  l'apparition  d'une  nation  nouvelle  sortant  de  la  souche 
commune.  Par  la  juxtaposition  des  deux  systèmes  de  chro- 
nologie géologique  et  historique,  on  pourra  conclure  que 
Hénoch  représente  l'invasion  qui  suit  l'affaissement  maximum 
du  sol  à  l'époque  pliocène,  et  que  Seth  représente  celle  qui 
doit  suivre  d'un  siècle  l'affaissement  du  miocène  supérieur*. 

Postérieurement  aux  glaciers  du  miocène  moyen  et  avant 
l'affaissement  du  miocène  supérieur,  il  a  dû  se  produire  une 
époque  de  civilisation.  Et,  en  effet,  la  Bible  dit  qu'un  des  fils 
de  Caïn  construisit  une  ville,  et  que  d'autres  furent  habiles 
en  divers  genres.  Antérieurement,  chassés  par  les  puissants 
glaciers  miocènes,  ces  peuples  durent  exécuter  une  rapide 


iBtaâaa,  qui,  sor^wensnt  des  peuples  paisibles,  resta  entachée 
d'une  idée  ciiiniDelle.  Enfin,  antériememeot  à  lorigine  du 
nouYel  ordre  de  choses  naturelles,  les  hoDunes  qui,  jusque- 
là,  avaient  récn  dans  les  régions  circnmpolaireâ  tempérées, 
émîgraient  et  colonisaient  des  terres  vierges,  où  les  surprit 
plas  tard  la  première  invasion. 

L'histoire  de  l'homme  et  la  géologie  miocène,  pliocène, 
quaternaire  et  moderne  semblent  donc  être  d'accord. 

Si  l'on  étodie  les  types  actuellement  les  plus  pars  des  races 
dont  les  invasions  sont  historiqdes,  on  pourra  reconnaître 
certaines  relations  entre  les  ^pes  d'invasions  successives.  Et, 
si  l'on  cherehe  à  établir  une  sorte  de  progression  entre  ces 
types,  soit  par  la  couleur  des  cheveux  ou  celle  du  teint, 
soit  par  la  forme  de  la  tête,  etc.,  on  sera  conduit  à  penser 
que  les  races  rouges  on  cuivrées  de  l'Afrique,  et  les  N^ies 
africains,  mélanésiens,  australiens,  forment  une  série  natu- 
relle. 

Ce  premier  aperçu  tendrait  à  faire  attribuer,  à  ces  races, 
les  invasions  de  l'époque  tertiaire.  Ainsi,  le  climat  polaire 
aurait-il  agi  sur  l'homme  comme  sur  les  animaux,  pour  mo- 
difier l'espèce  et  préparer  les  races  des  invasions  successives? 
Ces  populations,  marchant  toutes  du  Nord  an  Sud,  doivent 
partir  d'une  même  zone  et  alors  s'échelonner  suivant  un 
méridien  terrestre  ou  suivant  une  ligne  qui  s'en  écarte  peu, 
et  conserver,  sur  le  sol,  leur  ordre  chronologique  d'invasion. 
En  Europe,  les  races  s'échelonnent  suivant  une  ligne  qui 
part  des  régions  froides  et  se  rend  vers  des  pays  plus  chauds. 


—  491  — 

lorsqu'elles  sont  déjà  fixées  depuis  cinq  à  six  siècles  sur  le  sol 
étranger. 

Il  résulte  de  cet  exposé  :  1°  que  l'époque  préhistorique  finit 
dens  une  région  lorsqu'à  l'époque  du  développement  de  la 
civilisation,  il  se  trouve,  sur  le  sol,  un  peuple  assez  avancé 
intellectuellement,  pour  qu'il  puisse  avoir  des  historiens; 
2**  que  la  limite  entre  l'historique  et  le  préhistorique  devra 
suivre  et  suit,  en  effet,  dans  le  temps  et  dans  l'espace,  une 
marche  en  rapport  avec  le  degré  de  latitude  des  différents 
lieux  où  se  sont  arrêtées  les  invasions  successives.  Ainsi  ce 
qui  est  au  Nord,  était  encore  récemment  préhistorique,  tandis 
que  ce  qui  est  au  Sud,  est  depuis  longtemps  historique.  Ce- 
pendant il  doit  y  avoir  une  limite  et  elle  semble  devoir  être 
placée  vers  la  fin  de  l'époque  tertiaire  ;  car  il  me  semble 
admis  que  les  Égyptiens  avaient  une  histoire  avant  l'inva- 
sion des  Ycsos,  qui,  je  crois,  est  la  fin  delà  première  invasion 
de  l'époque  quaternaire.  En  sorte  que  l'histoire  de  la  civili- 
sation marche  du  Sud  au  Nord  à  l'inverse  des  invasions, 
mais  en  raison  directe  de  la  diminution  d'amplitude  des  os- 
cillations des  hémisphères  polaires,  amplitude  dont  une  par- 
tie peut  se  mesurer  par  la  hauteur  des  terrasses. 

La  civilisation  se  développe  aujourd'hui  dans  les  pays  du 
travail,  c'est  à  dire,  dans  les  pays  tempérés,  et  elle  tend  à  se 
perdre  dans  les  pays  chauds.  En  généralisant  cette  idée,  on 
conclurait  que  l'Egypte  était  autrefois  tempérée.  Si, 
des  dates,  on  passe  à  la  stratigraphie  géologique,  on  voit  qu'à 
l'époque  de  l'oppression  des  Israélites  et  de  la  construction 
des  pyramides ,  on  se  trouvait  à  deux  siècles  environ 
avant  le  maximum  d'affaissement  de  la  seconde  phase  qua- 
ternaire, celle  des  ElepTias  antiquus  et  primigenius,  celle 
dont  le  limon  a  recouvert  le  pied  de  la  moraine  de  Rivoli ,  en 
Italie.  Le  glacier  de  la  vallée  de  Suse  était  peut-être  encore 
en  train  de  parachever  cette  moraine.  Par  conséquent,  à 
cett€  époque,  la  civilisation  étrusque  n'aurait  pas  pu  exister 
en  Italie. 


Je  crois  donc  pouvoir  coDclure  que  les  lois  naturelles  qui 
régissent  les  époques  glaciaires,  ont  réagi  sur  la  nature 
vivante,  sur  l'homme  surtout,  comme  je  viens  d'essayer  de 
le  démontrer.  Sur  les  animaux,  il  en  fut  évidemment  de 
même  ;  seulement  les  migrations  des  animaux  et  leur  des- 
truction n'ont  dft  se  produire  naturellement  qu'après  les  mi- 
grations des  hommes,  qui  sont  plus  voyageurs.  C'est,  en 
effet,  ce  qui  a  eu  lieu,  et  cela  explique  pourquoi  les  légendes 
de  tous  les  peuples  parlent  d'animaux  fantastiques  et  monâ- 
trueux. 

VI 

L'AGE  DO  BRONZE  &  L'AGE  DU  FER. 
Sur  rage  du  brome,  par  M.  S.  Nilsson. 

La  plupart  des  membres  du  Congrès  connaissent  probable- 
ment les  travaux  que  nous  avons  publiés  sur  l'âge  de  la 
pierre  en  Scandinavie  et  sur  l'âge  du  bronze. 

Notre  ouvrage  sur  l'âge  du  bronze  a  été  publié  de  1862  à 
1864;  mais  une  nouvelle  édition  de  ce  livre  est  sous  presse. 
Cette  édition,  faite  sur  un  plan  nouveau,  est  enrichie  de  nom- 
breuses et  importantes  additions. 

La  première  partie,  que  nous  avons  l'honneur  de  mettre 
sous  les  yeux  du  Congrès,  traite  des  questions  suivantes. 


—  493  — 

3°  Ce  peuple  est  d'origine  phénicienne,  et,  aux  preuves  qui 
ont  été  données  depuis  longtemps,  on  peut  ajouter  celles 
qui  résultent  des  observations  faites  par  M.  Fr.  Lenormant, 
dans  son  ouvrage  intitulé  :  La  légende  de  Cadmus  et  les  éta- 
blissements pJiénicieiis  en  Orècey  etc.  Tous  les  ornements  phé- 
niciens décrits  de  cette  région  par  M.  Lenormant,  se 
retrouvent  sur  le  bronze  antique  delà  Scandinavie.  Ces  orne- 
ments sont  reproduits  dans  notre  ouvrage,  pages  17,  18  et 
suivantes.  Ils  sont  sculptés  sur  les  ruines  des  temples  de 
Paphos  (Chypre),  Mycène,  Gozo  (Malte)  et  jusqu'en  Irlande. 
Ces  temples  étaient  élevés  d'après  un  plan  tout  à  fait  sem- 
blable. 11  n'est  pas  jusqu'aux  vases  servant  dans  les  temples 
au  lavement  des  pieds,  qui  ne  soient  les  mômes. 

4°  Un  chapitre  étendu  traite  du  culte  religieux  du  peuple 
de  l'âge  debronze,etles  déductions  qu'on  tire  de  son  examen 
conduisent  aux  mêmes  conclusions. 

5°  Le  chapitre  V  est  consacré  à  l'étude  des  armes  recueil- 
lies dans  les  monuments  de  l'âge  du  bronze  en  Scandinavie, 
que  nous  considérons,  par  suite  de  comparaisons  conscien- 
cieuses, comme  tout  à  fait  semblables  à  celles  décrites  par 
Homère  dans  l'Iliade. 

6°  La  richesse  des  ornements  de  cette  époque  annonce  un 
haut  degré  de  civilisation,  comme  le  prouvent  ceux  qui  sont 
représentés  aux  pages  115  et  117.  Ces  ornements  dénotent 
une  origine  orientale.  Ce  peuple  commerçait  par  mer,  comme 
l'indiquent  les  figures  de  vaisseaux  que  l'on  trouve  sur  le 
bronze.  Il  se  livrait  à  la  chasse,  à  l'agriculture,  à  l'élevage 
des  bestiaux.  Des  dessins  de  chars  traînés  par  des  chevaux 
(pages  75,  85  et  133)  prouvent  que  cet  animal  servait  déjà 
aux  mômes  usages  que  chez  nous. 

7"  Le  chapitre  VII  traite  des  monnaies  de  cuir  en  usage 
à  cette  époque,  comme  chez  les  Carthaginois;  et,  enfin,  le 
chapitre  VIII  décrit  le  voyage  de  Dithéos  au  Nord. 


Sur  les  sépultures  de  Vâge  du  brome  dans  le  Midi  de  la  France, 
par  M.  Cazalis  de  Fondouce. 

II  y  a  dans  les  environs  d'Arles,  en  Provence,  plusieurs 
petits  massifs  de  calcaires  tertiaires,  en  partie  éocène,  mais 
surtout  miocène,  s'élevant  comme  des  lies  au  milieu  des 
marais  desséchés  qui  forment  le  sol  de  cette  contrée.  Dans 
l'un  de  ces  Ilots  de  calcaire,  appelé  la  Montagne  de  Cordes, 
on  connaissait  depuis  longtemps  une  galerie  creusée  de  main 
d'homme,  à  laquelle  le  peuple  donne  le  nom  de  Grotte  des 
Fées  et  que  l'on  a  considérée  jusqu'à  présent  comme  l'oeuvre 
des  Sarrasins.  Un  historien  d'Arles,  Auibert,  a  publié,  sur 
ce  sujet,  en  1779 ,  une  longue  dissertation ,  accompagnée 
d'un  plan  de  la  grotte,  pour  établir  cette  opinion. 

Cette  grotte  est  formée  par  une  tranchée  creusée  dans  le 
rocher  miocène.  On  descend  d'abord  par  des  escaliers  fort 
grossiers  dans  une  avant-cour,  aujourd'hui  découverte,  qui 
s'étend  en  croix  sur  la  direction  générale,  comme  la  g^rde 
d'une  épée.  De  là,  on  pénètre,  par  une  galerie  voûtée 
de  6  mètres  de  longueur,  dans  la  grotte  proprement  dite. 
Celle-ci,  large  de  S^SO  à  l'entrée,  va  en  se  rétrécissant  et 
n'a  plus  que  S^SS  à  son  extrémité.  Ses  parois  sont  en  sur- 
plomb, au  lieu  d'être  verticales,  de  sorte  que  la  largeur  est 
moindre  au  tflit  que  sur  le  sol.  Cette  tranchée,  qui  a  24  mètres 
de  longueur,  est  recouverte  par  des  dalles  rapportées,  et  le 
tout  est  surmonté  d'un  tumulus  aujourd'hui  bien  amoindri. 


—  495  — 

»  Elle  a  été  emplacée  sur  le  sommet  d'une  montagne  isolée, 
*  au  milieu  d  un  marais,  creusée  en  gaine  et  à  ciel  ouvert 
»  dans  la  roche,  couverte  de  larges  dalles  terrassées  avec  soin 
»  et  qui  la  cachent  aux  regards.  » 

Personne  ne  songeait  plus  à  s'occuper  de  la  Grotte  des 
Fées,  lorsqu'il  y  a  quelques  années,  un  propriétaire  de  Font- 
ville  découvrit  deux  grottes  semblables  dans  un  autre  îlot 
de  calcaire  miocène  voisin  de  la  Montagne  de  Cordes. 
Informé  cette  année  de  cette  circonstance,  par  un  de  mes 
savants  collègues  de  l'Académie  de  Montpelliers,  M.  Duval- 
Jouve,  je  me  suis  rendu  sur  les  lieux.  J'ai  examiné  les  trois 
grottes,  dont  j'ai  reconnu  l'identité  de  type  ;  j'ai  vu  chez  le 
propriétaire  les  objets  provenant  de  ses  fouilles  et  reçu  de 
lui,  sur  celles-ci,  tous  les  renseignements  que  j'ai  pu  désirer. 

L'une  de  ces  grottes  était  remplie,  jusqu'à  une  hauteur 
de  60  centimètres,  de  terre  et  de  cailloux  roulés  de  quartz 
blanc,  tout  à  fait  différents  des  cailloux  alpins  de  quartzite 
roux  qui  composent  la  crav,  d'Arles.  Pour  retrouver  des  cail- 
loux semblables,  il  faut  aller  jusque  dans  la  vallée  du  Gar- 
don, dont  les  alluvions  anciennes  proviennent  des  Cévennes. 
Sur  ces  cailloux,  étaient  déposés  des  ossements  humains  avec 
divers  objets,  notamment  un  poignard  en  bronze,  rappelant 
le  type  B  des  épées  du  «  projet  de  classification  > ,  quelques 
pointes  de  javelots  en  silex  parfaitement  taillées  et  une  coupe 
en  poterie  assez  fine,  faite  à  la  main,  qui  portait,  sur  son 
fond,  quatre  impressions  disposées  en  forme  de  croix,  rap- 
pellant  l'ornementation  de  certaines  poteries  des  terramares 
de  l'Italie. 

La  grotte,  moins  importante  que  celle  de  la  Montagne  de 
Cordes,  puisqu'elle  n'avait  en  tout  que  19  mètres  de  longueur, 
offrait  un  mode  de  fermeture  tout  particulier  et  digne  d'at- 
tention. En  avant  de  l'entrée,  était  un  mur  bâti  en  pierres 
sèches,  en  forme  de  cavalier,  qui  diminuait  de  moitié  la  hau- 
teur de  la  porte  et  permettait  de  boucher  complètement  celle- 
ci  avec  une  seule  pierre.  De  cette  façon,  il  suflBisait,  lorsqu'on 


voulait  pénétrer  dans  la  sépulture,  d'enlever  cette  dsUe, 
Bana  déblayer  et  ouvrir  toute  grande  l'entrée  principale. 

n  est  iocontestable,  d'après  cela,  que  nous  avons  affaire 
ici  h  des  sépultures  de  l'âge  du  bronze  qui  présentent  un  type 
tout  nouveau  et  spécial  au  pays  situé  au  sud.  Ces  sépultures 
ont  aussi  une  certaine  analogie,  comme  l'avait  pressenti 
Estrangins,  avec  les  tombes  de  Géants  de  la  Sardeigne.  11 
existe  une  quatrième  grotte  qui  n'a  pas  encore  été  fouillée. 
J'espère  obtenir  l'autorisation  de  l'explorer  et  pouvoir  alors 
établir  mes  conclusions  sur  ce  que  j'aurai  vu  moi-même. 

Je  me  suis  demandé  où  habitaient  les  hommes  qui,  à  l'âge 
du  bronze,  enterraient  ainsi  leurs  morts  dans  des  Ilots  situés 
au  milieu  des  marais,  et  j'ai  peusé  qu'ils  auraient  bien  pu 
habiter  dans  des  palafittes  au  dessus  de  ces  marais  mêmes. 
Aussi  ai-je  recommandé,  à  plusieurs  cultivateurs  de  ce  pays, 
de  bien  remarquer  si,  lorsqu'ils  labourent  leurs  terres,  le  soc 
de  la  charrue  ne  ramène  pas  parfois,  k  la  surface  du  sol,  des 
fragments  de  bois  carbonisé  ou  des  moreeaux  de  pilotis. 

Sur  Vâge  du  bronze  en  Orieni,par  M.  Oppebt. 


On  a  dit  avec  raison  qu'avant  de  bâtir  une  maison, 
il  fallait  en  réunir  tous  les  matériaux.  C'est  là  ce  que  je  me 
propose  de  faire;  car  ma  communication  est  plutôt  une 
mise  en  demeure  qu'une  véritable  communication  scienti- 
fique. 

Jo  vais  parler  de  l'âge  du  bronze.  Le  bronze  est  composé 


—  497  — 

Mais,  par  ce  fait,  la  question  n'est  pas  épuisée.  Puisque 
je  représente  ici  presque  seul  l'archéologie  de  l'Asie  occi- 
dentale, contrée  où  j'ai  passé  plusieurs  années,  je  dirai  que 
j'y  ai  trouvé  le  fer  à  une  époque  aussi  reculée  que  l'âge  du 
bronze. 

Pour  faire  du  bronze,  il  a  toujours  fallu  de  l'étain,  et  d'où 
tirait-on  ce  dernier  métal  dans  les  temps  anciens?  A  cet 
égard,  nous  trouvons  des  inscriptions  assyriennes  remontant 
au  x®  siècle  avant  J.-C.  Ces  inscriptions  sont  extrêmement 
curieuses  ;  elles  nous  disent  que  les  rois  d'Assyrie  imposaient 
aux  villes  de  Phénicie  surtout  de  forts  tributs  d'étain. 

Comme  il  fallait  de  l'étain  pour  faire  le  bronze,  on  s'est 
demandé  où  les  anciens  allaient  le  prendre  et  l'on  a  prétendu, 
dans  ces  derniers  temps,  qu'il  provenait  de  l'Inde. 

Je  crois  néanmoins  qu'il  y  a  de  grandes  difficultés  à  main- 
tenir cette  opinion,  et  en  voici  le  motif: 

L'Inde,  où  le  bronze  est  très  ancien,  a  de  l'étain,  mais 
on  ne  le  trouve  que  dans  des  contrées  difficilement  acces- 
sibles. 

L'île  de  Banca  en  contient  même  un  minerai  très  riche;  et 
à  Sumatra  il  y  en  a  également.  Or,  puisque  les  Assyriens, 
imposant  des  tributs  aux  Phéniciens,  n'oubliaient  jamais 
l'étain,  on  peut  penser  que  ceux-ci  possédaient  des  dépôts 
d'étain;  mais  remarquons  qu'il  était  plus  facile  aux  Phéniciens 
d'aller  prendre  ce  métal  en  Angleterre  que  dans  les  îles  éloi- 
gnées de  l'Océan  indien. 

Je  crois  doue  que  le  bronze  est  essentiellement  une  décou- 
verte du  Nord  de  l'Europe.  Généralement,  on  ne  fait  pas, 
dans  l'histoire,  deux  fois  la  môme  découverte,  et,  si  le  bronze 
se  trouve  véritablement  dans  le  Nord  de  l'Europe,  on  peut 
conclure  que  c'est  d'une  ancienne  civilisation  de  ce  pays  que 
provient  le  bronze,  et  non  de  l'Inde. 

Il  est  vrai  que  l'on  a  fabriqué  également  du  bronze  au 
moyen  du  plomb  ;  car,  dans  une  ancienne  inscription  assy- 
rienne, nous  voyons  que  l'on  dit,  en  parlant  du  dieu  du  Feu, 


qu'il  mêle  le  cuivre  et  le  plomb.  Le  premier  bronze  était 
donc,  dans  ce  paya,  un  mélange  de  cuivre  et  de  plomb. 

Je  voudrais  que,  d'abord,  l'on  se  mît  d'accord  sur  la  compo- 
sition du  bronze,  car,  jusqu'ici,  on  a  pas  encore  établi  esac- 
tement  ce  qu'était  cet  alliag-e. 

Je  ferai  remarquer  que,  pour  l'Asie,  le  fer  est  mentionné 
au  commencement  de  la  Genèse,  et  que  dans  des  inscriptions 
anciennes,  remontant  à  une  époque  antérieure  à  la  connais- 
sance de  l'étain,  du  bronze  et  du  cuivre,  le  dieu  Mars  était 
représenté  par  le  fer,  et  Saturne,  par  le  plomb. 

On  peut  donc  dire  que,  en  Asie,  l'antériorilé  de  l'âge  du 
bronze  sur  l'âge  du  fer  est  discutable,  et  que  l'opinion  con- 
traire peut  être  soutenue. 

Sans  vouloir  moi-môme  tirer  de  conclusions,  j'ai  désiré 
attirer,  sur  cette  question,  l'attention  des  savants  compétents. 
J'ai  aussi  en  vue  de  provoquer  les  recherches  des  chimistes 
sur  le  bronzei^des  anciens. 

M.  WoESAAH.  Je  crois  devoir  me  défendre  d'une  opi- 
nion qui  me  ferait  dire  que  le  bronze  est  une  découverte  du 
Nord. 

Je  ne  pense  pas  avoir  rien  dit  de  semblable,  car  ce  serait 
contraire  à  tonales  faits  observés  jusqu'ici. 

Dans  ma  pensée,  le  bronze  vient  de  l'Asie  mineure.  L'al- 
liage du  bronze  est  très  bien  connu  en  Europe.  Il  diffère  un 
peu  selon  les  pays. 

On  s'en  servait  déjà,  en  Asie  dans  le  temps  où  le  bronze 
fsl;u-nvrtbiii-^le  i-cnlre  Jr  rEurniie  ef  (tr;  là  vers  le  Nord.  La 


—  499  — 

Ton  peut  espérer  que  le  moment  viendra  où  Ton  pourra  fixer 
répoque  très  reculée  de  Tâge  du  bronze  en  Egypte. 

Il  serait  peu  prudent  de  se  former  une  opinion  sur  cette 
question  avant  d'avoir  un  travail  spécial  sur  lequel  repo- 
seraient des  conclusions  pratiques. 

Si  Ton  pouvait  montrer,  par  des  types  provenant ^de 
TAsie  et  par  des  fouilles  méthodiques,  que  le  bronze  est  su- 
perposé au  fer,  alors  la  question  serait  tranchée.  Quant  à 
moi,  je  ne  connais  rien  de  semblable  et  cela  me  paraît  con- 
traire à  la  vraisemblance,  je  dirai  même  contre  nature.  Il 
ne  faut  pas,  comme  Ta  dit  fort  spirituellement  un  auteur 
français,  faire  engendrer  les  pères  par  leurs  fils. 

M.  Oppert.  On  dit  que  la  possibilité  de  Tantériorité  du 
fer  sur  le  bronze  est  contre  nature.  Je  proteste  contre  cette 
opinion.  La  fer  se  trouve  dans  le  sol  et  n'a  pas  besoin  de 
découverte  pour  être  produit,  tandis  que  pour  obtenir  du 
bronze  il  faut  une  découverte. 

Je  n'ai  pas  parlé  de  la  question  au  point  de  vue  du  Nord. 
Cette  question  y  est  du  reste  toute  tranchée  par  les  couches 
superposées  contenant  le  silex,  le  bronze  et  le  fer. 

Je  n'ai  parlé  qu'au  point  de  vue  de  l'Asie,  où  j'ai  étudié 
cette  question  et  où  je  ne  trouve  pas  la  même  série  de  faits. 
Au  contraire,  je  vois  dans  des  documents  remontant  à  deux 
et  trois  mille  ans  avant  J.-C,  qu'il  y  a  toujours  eu  du  fer, 
et  on  peut  dire  que  ce  qui  est  vrai  pour  l'Europe,  ne  Test 
pas  pour  l'Asie. 

Je  n'ai  pas  tranché  la  question  ;  je  l'ai  posée  et  j'ai  appelé 
sur  elle  l'attention  des  savants  compétents. 

Je  suis  d'accord  avec  M.  Worsaae  pour  dire  qu'il  faut 
avant  tout  interroger  les  faits  ;  mais  je  déclare  qu'autant 
son  opinion  est  justifiée  pour  le  Nord,  autant  elle  l'est  peu 
pour  l'Asie. 

M.  Leemans.  En  ce  qui  concerne  les  Indes  et  l'Archipel 
indien,  l'usage  du  fer  ne  semble  pas  remonter  bien  haut  dans 
l'antiquité.  Les  fouilles  pratiquées  dans  les  ruines  des  tem- 


-  500  - 


pies  n'ont  pas,  que  je  sache,  produit  jusqu'à  présent  des 
objets  de  ce  métal,  tandis  que  le  bronze  y  abonde. 

Le  Mahavansi,  un  des  livres  saints  des  Bouddhistes  de 
Ceylan,  contient  le  récit  de  la  consécration  d'une  grande 
Pagode  dans  cette  île,  et  d'un  dépôt  de  reliques  dans  l'inté- 
rieur du  monument.  Parmi  les  divers  objets,  destinés  à  être 
enfermés  avec  ces  reliques  pour  ne  .plus  jamais  voir  le  jour, 
il  n'est  fait  aucune  mention  d'objets  en  fer. 

En  Egypte,  l'alliage  de  cuivre  avec  12  à  14  p.  c.  d'étain 
a  été  pratiqué  depuis  les  temps  les  plus  anciens.  Les  objets 
en  fer  y  sont  rares  et  ne  datent  que  d'une  période  postérieure, 
.  H  ne  s'ensuit  cependant  pas  que  ce  métal  n'ait  pas  été  connu 
en  Egypte,  même  dans  les  siècles  de  l'ancien  empire  ;  seule- 
ment, les  objets  en  fer  ont  pu  ne  pas  résister  aussi  bien  que 
ceux  en  bronze  ou  en  autre  métal  aux  effets  destructeurs  de 
l'oxydation,  etc. 

Les  outils  et  les  autres  objets  en  fer  datant  des  temps  an- 
ciens ont  été  détruits  ;  mais  les  inscriptions  du  moyen  empire 
font  souvent  mention  du  fer,  ainsi  que  d'instruments  ou 
d'outils  de  ce  métal.  De  même,  les  monuments  de  ces  siècles 
nous  offrent  les  représentations  d'objets  en  bronze  et  en  fer 
d'une  manière  qui  ne  laisse  aucun  doute  sur  leur  nature. 
Dans  les  représentations  de  l'ancien  empire,  les  instruments, 
meubles,  outils,  etc.,  en  métal  sont  tous  de  bronze,  coloriés 
en  brun  clair  ou  en  rouge  ;  les  couleurs  bleues  ou  vertes,  qui 
,  le  fer  ou  l'acier,  ne  s'y  montrent  pas.  Dans  les 
lidr-  df  hjiyAi.  ]\I.  IIn\v;ird  Vvsc  n.  si  y-  me 


—  501  — 

Israélites,  au  moins  au  temps  de  la  construction  du  temple 
de  Salomon  et  peut  probablement  être  admis  pour  Tâge  des 
Juges  et  même  de  Josué^ 

M.  CoNESTABiLE.  Il  cst  possiblc  que  les  âges  du  bronze  et 
du  fer  se  présentent  en  Asie  avec  des  caractères  qu'on  ne 
leur  retrouve  pas  en  Europe  ;  mais,  pour  nos  contrées,  il  est 
établi  que  l'âge  de  la  pierre  a  précédé  l'âge  du  bronze  et  que 
l'âge  du  bronze  a  précédé  celui  du  fer. 

M.  Oppert  nous  a  dit  aussi  qu'anciennement  Tétain  man- 
quait aux  Phéniciens.  Mais  les  historiens  nous  apprennent 
qu'on  tirait  Tétain  des  lies  Cassitérides,  et  antérieurement 
les  Phéniciens  ont  pu  obtenir  leur  étain  du  Caucase,  pays 
avec  lequel  ils  étaient  en  relations  dès  la  plus  haute  anti- 
quité. 

M.  Franks.  Bien  que  les  Phéniciens  doivent  avoir  tiré  de 
l'Angleterre  une  partie  de  Tétain  dont  ils  ont  fait  le  com- 
merce, il  faut  se  souvenir  que  ce  métal  se  trouve  dans  des 
contrées  encore  plus  à  leur  portée  que  les  Iles  Britanniques. 
Des  mines  d'étain  assez  considérables  se  trouvent  en 
Espagne,  où  des  compagnies  se  sont  formées  pour  l'ex- 
ploiter. Ce  métal  se  trouve  aussi,  je  crois,  en  Portugal  et  en 
Bretagne.  M.  Hildebrand  m'a  assuré  qu'on  peut  se  le 
procurer  en  Perse.  Les  Phéniciens  ont  naturellement  caché 
autant  que  possible  la  provenance  de  ce  métal,  pour  écarter 
les  concurrents. 

M.  l'abbé  Bourgeois.  M.  Oppert  a  dit  que  l'on  pouvait 
s'appuyer  sur  des  inscriptions  anciennes  pour  établir  que  le 
fer  est  antérieur  au  bronze,  mais  il  me  semble  qu'on  pour- 
rait aussi  produire  des  textes  qui  prouvent  le  contraire. 

Il  y  a  quelques  années,  j'ai  lu  très  attentivement  l'Hiade 

ï  Pour  de  plus  amples  informations,  surtout  en  ce  qui  concerne  TÉgypte, 
on  consultera  avec  fruit  le  savant  mémoire  de  M.  le  docteur  Lepsius, 
de  Berlin,  sur  les  métaux  dans  les  inscriptions  égyptiennes,  publié 
récemment  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  royale  des  Sciences  de 
Berlin. 

32 


d'Homère  dans  le  but  d'arriver  à  la  solution  de  cette  ques- 
tion. 

Je  reconnais  que  si  l'on  s'en  rapporte  aux  traductions,  le 
grand  poète  parle  souvent  du  fer.  Mais  si  on  lit  le  texte  ori- 
ginal, on  se  convaincra  facilement  qu'il  ne  nomme  le  fer  que 
dans  quatre  ou  cinq  circonstances,  dont  une  me  revient  à  la 
mémoire  en  ce  moment. 

Les  Grecs  manquant  de  vin,  il  leur  en  fut  envoyé  mille 
barriques  f^fXia  \iixpn)  par  le  roi  d'une  lie  voisine.  Une  bar- 
rique fut  offerte  à  Agamemnon.  L'armée  se  procura  les 
autres  en  donnant  en  échange  du  bronze  et  dufer  èrillant 
{''A),Xoi  [jièv  x*^¥>  «ï-^oi  (Ji^v  S'affluvi  mS-r.p^),  L'usage  de  la 
monnaie  n'existait  pas  encore. 

Le  bronze,  au  contraire,  est  cité  fréquemment;  les  mots 
ycàx6i,  yxkxsoi,  se  retrouvent  à  chaque  pag%.  Les  armes  des 
héros  étaient  en  bronze.  Or,  il  est  évident  que  si  le  fer  eût 
été  commun ,  les  guerriers  auraient  préféré  le  fer.  Le  bronze 
était  employé  aussi  pour  la  fabrication  des  outils,  Homère 
parle  d'ouvriers  qui  furent  envoyés  sur  le  Mont  Ida  pour 
couper  des  arbres  avec  des  haches  de  bronze. 

M.  Oppebt.  m.  l'abbé  Bourgeois  a  dit  que  dans  l'Iliade, 
quand  il  est  parlé  des  armes,  il  n'est  presque  jamais  question 
du  fer.  Cependant  dans  le  4°  livre,  quand  il  est  question  de 
pointes  de  flèches,  de  l'arc  bandé,  le  poëte  dit  (IV,  123)  : 

Nïupijv  jiiv  (laÇ^  Ttftaffw,  xriïtjj  Eè  oiSijpov, 
a  II  rapprocha  la  corde  de  la  poitrine,  et  le  fer  de  l'arc,  s 


—  503  — 

que  Ton  trouvait  en  Bretagne  de  grands  gâteaux  de  cuivre 
et  que  Ton  fabriquait  le  bronze  sur  place.  Ce  fait  milite  en 
faveur  de  lopinion  généralement  reçue  et  fondée  sur  des 
textes  précis. 

Je  conviens  que  le  sujet  réclame  encore  de  nouvelles 
études  ;  niais  mon  intention  n'a  été  que  d'appeler  l'attention 
de  mes  honorables  confrères  sur  une  question  qui,  je  le 
répète,  n'est  pas  entièrement  élucidée. 

M.  RiBEiRO.  La  discussion  que  je  viens  d'entendre,  prouve 
bien  que  les  limites  de  l'âge  du  fer  et  de  l'âge  du  bronze 
ne  sont  pas  encore  tracées,  au  moins  au  point  de  vue  du 
développement  de  l'ancienne  industrie  humaine  dans  les 
différentes  parties  de  l'Europe. 

Je  ne  suis  pas  à  même,  en  prenant  la  parole,  de  jeter  une 
lumière  nouvelle  sur  la  question  qui  s'agite,  mais  j'ai  cru 
devoir  vous  donner  connaissance  de  quelques  faits  que  j'ai 
observés  dans  mon  pays  et  qui  peuvent  se  rattacher  à 
ce  sujet.  Je  tiens  d'autant  plus  à  exposer  ces  faits,  que 
M.  Franks  a  fait  ses  réserves  pour  le  Portugal. 

Non  loin  des  grandes  mines  de  pyrite  de  fer  cuivreux  qui 
sont  aujourd'hui  en  pleine  exploitation  dans  la  province 
d'Alentejo  et  dans  le  Sud-Ouest  de  l'Espagne ,  et  qui  ont 
dû  l'être  également  pendant  les  temps  reculés,  se  trouvent 
des  couches  de  scories  dont  les  inférieures,  en  apparence 
très  anciennes,  contiennent  encore  beaucoup  de  cuivre.  Ce 
fait  démontre  assez  que  les  hommes  qui  ont  jadis  exploité 
ces  mines  et  traité  ces  minerais,  n'avaient  que  des  connais- 
sances très  imparfaites  sur  les  procédés  métallurgiques.  Au 
dessus  de  ces  couches,  se  trouvent  d'autres  scories,  mais 
bien  plus  modernes  et  qui,  soumises  à  l'analyse  chimique, 
ont  été  reconnues  très  pauvres  en  résidus  métalliques,  ce  qui 
dénote  des  procédés  métallurgiques  bien  supérieurs.  En  effet, 
des  monnaies  et  d'autres  produits  de  l'industrie,  trouvés 
principalement  dans  les  travaux  souterrains,  prouvent  qu'il 
faut  attribuer  aux  Romains  les  scories  plus  modernes,  réâidus 


des  minerais  de  cuivre.  II  est  évident  que  les  couches  infé- 
rieures de  scories  sont  des  restes  de  l'industrie  d'une  civi- 
lisation bien  plus  reculée,  de  celle  des  Phéniciens,  par 
exemple,  ou  de  peuples  plus  anciens  encore  qui  ont  habité  la 
Péninsule  hispanique. 

Quoiqu'il  en  soit,  le  fer  ne  se  trouve  jamais,  au  moins 
que  je  sache,  parmi  les  plus  anciens  débris  de  l'industrie 
des  métaux  de  notre  pays.  Mais  ce  fait  négatif  ne  prouve 
pas  que  le  fer  ait  été  inconnu  aux  premiers  peuples  qui  ont 
envahi  le  Portugal  et  l'Espagne.  Voici  d'autres  faits  qui  font 
présumer  que  le  fer  a  été  connu  à  une  époque  plus  reculée. 

Dans  la  caverne  que  je  fis  explorer,  il  y  a  sept  ans,  dans 
le  voisinage  du  bourg  d'Otta,  à  40  kilomètres  au  N.-N.-E. 
de  Lisbonne,  j'ai  trouvé,  dans  le  sol,  un  fragment  de  fer 
semblable  àun  morceau  de  clou,  avec  des  os  brisés  d'animaux 
actuels  et  des  silex  taillés,  le  tout  réuni  dans  une  brèche 
composée  de  calcaire  et  d'argile  rougeàtre.  Ces  restes  sont 
évidemment  post-quatemaires  ;  mais  quel  est  l'&ge  de  ce 
dépôt?  Voilà  une  question  que  de  nouvelles  explorations 
seules  peuvent  élucider. 

Je  citerai  encore  une  autre  observation.  Sur  le  versant 
occidental  de  la  montagne  du  Buzaco,  au  N.-N.-E.  de  la 
ville  de  Coimbre,  j'ai  également  trouvé  des  scories  de  fer, 
recouvertes  d'un  limon  rougeâtre,  qui  a  beaucoup  de  ressem- 
blance avec  le  limon  rougeâtre  de  la  partie  supérieure  du 
terrain  quaternaire.  C'est  un  fait  de  l'époque  récente,  je  le 
sais  bien,   mais  les  apparences  font  croire  que  le  remanie- 


—  505  — 

traire  à  un  texte  qu'il  a  cité  précédemment.  Si  Ton  considère 
ce  texte  comme  sanscrit,  je  ferai  remarquer  que  le  fait 
mentionné  doit  se  rapporter  à  une  époque  de  beaucoup  anté- 
rieure à  celle  d'Hérodote,  car  les  livres  sanscrits  remontent 
à  plus  d'un  siècle  avant  la  naissance  de  l'historien  grec. 

M.  V.  ScHMiDT.  Je  désire  présenter  quelques  observations 
dans  cette  intéressante  discussion.  Je  voudrais  d'abord  de- 
mander si  les  rois  d'Assyrie  ne  se  faisaient  jamais  donner  de 
l'étain  par  d'autres  peuples  que  par  le^  Phéniciens.  Il  est 
possible  que  les  Égyptiens,  4,000  ans  avant  J.-C. ,  aient 
reçu  leur  étain  des  îles  Cassitérides,  mais  je  voudrais  de- 
mander aux  géologues  qui  se  sont  occupés  de  l'Afrique,  s'ils 
n'ont  jamais  trouvé  de  l'étain  dans  les  pays  voisins  de 
l'Egypte. 

Je  ferai  ensuite  remarquer  que  la  connaissance  du  fer 
n'est  pas  l'âge  du  fer. 

A  l'âge  du  bronze,  dans  un  certain  nombre  de  pays,  on 
avait  connaissance  du  fer,  et,  comme  on  l'a  dit,  on  en  faisait 
des  ornements. 

Je  crois  que  le  fer  et  le  bronze  étaient  connus  à  la  même 
époque,  sans  que  le  fer  ait  pu  détruire  l'usage  du  bronze 
pour  les  objets  tranchants. 

Les  objets  du  xvi*  siècle  avant  J.-C.  que  l'on  trouve 
en  Egypte,  sont  encore  en  bronze.  Ce  n'est  que  beaucoup  plus 
tard  que  le  fer  a  fait  délaisser  le  bronze. 

L'année  dernière,  lorsque  nous  étions  en  Italie,  nous  avons 
pu  voir  à  Villanova  la  transition  du  bronze  au  fer.  H  y  avait 
encore  une  grande  quantité  d'objets  en  bronze  et  l'on  y  trou- 
vait les  mêmes  objets  en  fer.  Les  habitants  de  Villanova  ont 
donc  connu  le  fer,  sans  en  apprécier  la  valeur  au  point  de 
vue  de  Tusage  qu'ils  pouvaient  en  tirer  pour  leurs  besoins 
journaliers. 

En  remontant  plus  au  Nord,  on  voit  que  tous  les  objets 
sont  en  fer  et  les  ornements  seuls  sont  en  bronze. 

M.  Capellini.  Je  n'ai  pas  l'habitude  de  traiter  des  ques- 


•  506  — 


tions  se  rapportant  h  d'autres  âges  que  celui  de  la  pierre,  mais 
je  veux  cependant  rappeler  que  non  seulement  à  VillanoTa, 
mais  encore  à  Bologne,  il  y  a  deux  nécropoles  qui  permettent 
de  juger  du  moment  où  le  fer  s'est  développé  progressive- 
ment pour  se  substituer  au  bronze. 

Du  reste,  M.  le  comte  Conestabile  pourrait  utilement  pren- 
dre la  parole  sur  cette  question. 

M.  CoNBSTABiLB.  Je  ue  puis  qu'appuyer  l'observation  qui 
vient  d'6tre  présentée  par  M.  Capellini. 

Sur  la  troumille  ^EygtnUîscn  et  Us  trouvatUes  étnsçva 
au  Norâ,  des  A  Ipes,  par  M.  Desor. 

En  présence  des  magnifiques  découvertes  qui  ont  été  faite» 
en  Belgique,  aussi  bien  dans  le  domaine  de  l'ftge  de  la  pierre 
taillée  que  dans  celui  dp  la  pierre  polie,  il  était  naturel  de 
placer  à  l'arrière  plan  la  question  des  %es  postérieurs  et 
notamment  celle  de  l'âge  du  bronze,  qui  fut  le  point  essentiel 
de  la  discussion  ^.u  Congrès  de  Bologne.  Cependant  l'intérêt 
de  ce  dernier  ordre  de  recherches,  qui  permet  de  rentrer  dans 
l'étude  de  l'époque  préhistorique,  existe  toujours  et  je  puis 
même  dire  qu'il  va  se  développant. 

Quand  on  examine  aujourd'hui  les  collections  déjà  nom- 
breuses de  l'ftge  du  bronze,  une  première  question  se  pose. 
Ces  objets  sont-ils  d'origine  locale  ou  sont-ils  venus  d'ail- 
leurs? Pendant  longtemps,  on  a  hésité.  Depuis  quelques 
Ki-t  cenendaut.  on  a  trouvé  dans  différents  tumulus.  mais 


—  507  — 

l'Amérique  du  Nord  et  une  autre  en  France  ou  en  Belgique, 
que  le  modèle  de  ces  haches  a  dû  être  apporté  de  Tun  de  ces 
pays  dans  Tautre.  Il  est  évident,  au  contraire,  que  l'homme 
a  commencé  par  se  faire  une  arme  de  la  pierre  et  que  peu  à 
peu  il  l'a  perfectionnée.  Il  est  naturel  aussi  qu'il  taillera  la 
pierre  pour  en  faire  une  pointe  de  flèche  et  qu'il  arrivera 
ainsi  à  la  forme  triangulaire.  On  peut  aller  plus  loin  et 
affirmer  que,  si,  de  la  pierre,  il  passe  au  bronze,  du  moment 
qu'il  verra  le  bronze  se  prêter  plus  facilement  que  la  pierre  à 
toute  espèce  de  formes,  il  finira  par  trouver  celle  qui  s'adap- 
tera le  mieux  au  manche,  j Toutes  ces  formes  peuvent  s'ob- 
server dans  les  différents  pays,  sans  qu'on  soit  autorisé 
à  prétendre  qu'il  y  ait  eu  des  relations  de  peuple  à  peuple. 

A  côté  des  objets  de  première  nécessité  que  j'attribue  en 
partie,  au  moins,  à  l'initiative  de  tous  les  peuples  et  tels  sont 
le  couteau,  la  hache,  le  ciseau,  etc.,  il  en  est  d'autres  à  l'é- 
gard desquels  on  ne  peut  pas  se  faire  le  même  raisonnement. 
Ce  sont  les  objets  de  fantaisie,  de  parure.  Si,  dans  des  locali- 
tés éloignées  les  unes  des  autres,  nous  trouvons,  la  fibule, 
cette  forme  bizarre  qui  n'est  fondée  sur  aucune  nécessité 
rationnelle,  et  que  cette  forme  se  retrouve  sur  des  points  très 
éloignés;  si,  sur  d'autres  objets,  se  présentent  des  dessins  et 
que  ces  dessins  soient  les  mêmes  dans  les  diverses  localités, 
alors  la  question  change  de  face  et  l'on  doit  se  demander 
d'où  sont  venus  ces  objets  ou  du  moins  les  formes  et  les  des- 
sins qui  ont  çervi  de  modèles.  On  connaît  une  quantité  d'ob- 
jets semblables;  il  en  existe  dans  les  galgals  de  France,  dans 
les  tumulus  et  tombelles  de  la  Suisse,  de  la  Savoie,  dans  les 
cimetières  de  l'Allemagne  et  de  l'Autriche,  spécialement 
dans  celui  de  Hallstadt.  Partout  nous  découvrons  certaines 
formes  bizarres  et  constantes. 

Cette  question  fut  traitée  à  Copenhague,  et  en  même  temps 
on  en  posa  une  autre,  qui  est  celle-ci.  Où  donc  faut-il  cher- 
cher le  siège  de  cette  fabrication?  On  avait  le  pressentiment 
que  ce  siège  devait  se  trouver  quelque  part  dans  le  Midi, 


probablement  en  Italie,  et  ce  fut  un  des  motifs  qui  engagea 
1©  Congrès  à  accepter  la  gracieuse  invitation  qui  lui  fut  faite 
par  le  Gouvernement  italien.  Noua  nous  sommes  donc  réunis 
en  Italie  et  nous  y  avons  rencontré  des  choses  merveilleuses, 
qui  ont  jeté  un  jour  tout  nouveau  sur  cette  grande  question. 
Nous  avons  reconnu  que  c'était  bien  à  l'Étrurie  que  se  ratta- 
chent une  foule  de  ces  objets  qui  excitèrent  notre  admiration 
et  notre  étonnement  dans  beaucoup  de  Musées.  Nous  avons 
reconnu  que  ce  sont  bien  les  Étrusques  qui  ont  été  les  fabri- 
cants, les  industriels,  de  cette  époque,  et  qu'ils  se  livrèrent  k 
une  industrie  extraordinairement active.  Mais  en  Italie,  dans 
l'Étrurie  mâme,  l'élémeot  étrusque  se  présente  sous  plu- 
sieurs aspects,  n  y  a  d'abord  le  type  de  la  grande  époque 
étrusque,  qui  se  caractérise  essentiellement  par  ses  beaux 
vases  en  terre  cuite,  représentant  des  scènes  de  la  mythologie 
et  portant,  tantAt  des  figures  rouges  sur  fond  noir,  tantôt  des 
figures  noires  sur  fond  rouge. 

Mais  une  objection  devait  surgir  immédiatement.  Pour- 
quoi ne  trouvons-nous  pas  de  vases  étrusques  dans  les  tumulus 
au  nord  des  Alpes?  Cette  question  est,  en  effet,  très  intéres- 
sante. Peut-être  la  solution  du  problème  sera-t-elle  facilitée, 
quand  il  sera  bien  établi  que  les  vases  soi-disant  étrusques 
ne  sont  pas  fabriqués  en  Ëtrurie,  mais  qu'ils  proviennent  de 
la  Grande  Grèce. 

Après  notre  visite  à  Bologne,  nous  avons  dfi  admettre  un 
autre  type  d'antiquités  étrusques.  Il  se  trouve  dans  les  hypo- 
1  l'on  bnMaît  les  morts  et  où  l'on  ne  rent^ontre  guère 


—  509  — 

archaïque  et  le  type  de  Villanova,  C  est  ce  dernier  qui  nous 
paraît  représenter  véritablement  l'époque  industrielle. 

Il  s'agissait  de  savoir  si  nous  découvririons  ailleurs  encore 
qu'en  Italie  des  cryptes  renfermant  des  objets  étrusques.  Nous 
en  avons,  en  effet,  trouvé  en  Suisse.  On  n'a  pas  contesté  ce 
fait,  mais  on  a  prétendu  que  néanmoins,  suivant  les  appa- 
rences, ces  objets  ne  devaient  pas  s'étendre  au  delà  de  la  lisière 
des  Alpes.  Cependant  on  en  rencontre  plus  loin  et  l'autre 
jour,  quand  je  passai  par  Mayence,  M.  Lindenscbraidt  m'a 
fait  voir  une  vitrine  qui  renferme  des  objets  tout  à  fait  carac- 
téristiques. Mais  ce  n'est  pas  tout.  H  en  existe  en  Belgique. 
Je  puis  m'en  référer  à  une  autre  vitrine  qui  se  trouve  au 
Musée  de  la  Porte  de  HaP,  et  dont  les  objets  proviennent 
d'une  localité  de  la  province  belge  de  Limbourg,  d'Eygen- 
bilsen.  Chose  remarquable!  il  y  a  là  une  œnochoé  ou  cruche 
à  vin  qui  est  exactement  le  pendant  de  celle  qui  se  trouve  à 
Mayence  et  appartient  au  vrai  type  étrusque  ;  il  y  a  surtout 
une  cyste,  c'est  à  dire,  ce  seau  à  côtes  qui  est  tout  ce  qu'il 
y  a  de  plus  étrusque;  puis  on  y  voit  des  objets  d'or  avec  des 
dessins  et  des  estampures  également  très  caractéristiques. 

J'ai  dit  que  nous  en  avons  encore  observé  ailleurs.  J'ai  ici 
quelques  objets  dont  je  ne  montrerai  qu'un  seul.  C'est  un 
mors  de  cheval  en  bronze  qui  a  été  recueilli  dans  une  localité 
de  la. Suisse,  dans  le  lac  de  Bienne. 

Aujourd'hui  que  les  fouilles  sont  devenues  plus  faciles, 
on  a  découvert  dans  cette  localité,  qui  paraît  avoir  été  excep- 
tionnellement favorisée,  des  objets  remarquables.  Au  nombre 
de  ceux-ci,  se  trouvent  des  bracelets  d'une  rare  beauté,  des 
fibules,  des  haches,  des  lances,  des  épées  ;  plus,  des  objets 
bizarres,  tels  qu'une  espèce  de  stylet  trop  long  pour  avoir 
servi  d'épingle  à  cheveux.  En  Sicile,  je  crois,  on  porte  encore 
des  épingles  très  longues,  mais  elles  n'atteignent  pourtant 
pas  la  dimension  de  ce  stylet.  Dans  tous  les  cas,  un  autre 

»  Musée  royal  d'Antiquités  et  d*Armures  de  Belgique,  à  Bruxelles. 


—  510  - 


stjlet  de  la  même  fonne  ne  peut  avoir  servi  k  cet  usage, 
sa  longueur  étant  de  86  centimètres. 

Quant  au  mors,  il  m'a  fait  éprouver  quelque  hésitation.  Je 
me  suis  demandé  si  on  ne  l'avait  pas  laissé  tomber  à  l'en- 
droit où  il  a  été  trouvé;  et  je  n'aurais  pas  osé  le  produire  si 
on  n'en  avait  pas  recueilli  un  second,  qui  est  au  Musée  de 
Berne.  Ce  mors  est  fait  d'après  les  véritables  principes  de  l'art 
hippique.Ilaétédécouvert  par  M.le  docteur  Gros,  de  laNeu- 
veville.  En  l'examinant  de  près,  on  peut  voir  qu'il  est  plus 
petit  que  le  mors  ordinaire,  et  qu'il  ne  peut  pas  s'appliquer  à 
nos  chevaux,  qui  ont  la  bouche  plus  large.  Il  en  est  de  même 
de  l'autre.  Malgré  ce  caractère,  des  doutes  pourraient  encore 
subsister  et  l'on  pourrait  me  demander  quel  rapport  je  trouve 
entre  ces  objets  et  les  antiquités  étrusques?  Ce  qui  m'encou- 
rage à  le  soumettre  aux  membres  du  Congrès,  c'est  qu'il  s'en 
trouve  un  à  peu  près  semblable  dans  un  tombeau  étrusque 
du  Tyrol  méridional,  dont  M.  le  comte  Conestabile  doit  vous 
entretenir  tout  à  l'heure. 

M.  Conestabile.  Le  sort  nous  a  réellement  favorisés,  en 
fournissant,  avant  la  session  de  Bruxelles,  par  la  décou- 
verte d'Eygenbilsen,  l'occasion  de  parler,  avec  plus  d'intérêt 
et  sur  des  données  plus  positives,  de  l'&ge  du  bronze  et  du 
fer  en  Belgique.  On  peut  comparer  les  objets  découverts 
par  M.  Schuermaos  aux  trouvailles  faites  dans  les  pays 
rhénans,  dans  le  Hanovre,  à  Hallstadt  et  surtout  à  Wald- 
Algesheim.  Aussi  ne  puis-je  émettre  qu'une  opinion  complé- 


—  511  — 

suivies  pour  se  rendre  sur  les  bords  de  la  mer  Baltique.  Cet 
éloignement,  sur  lequel  on  a  insisté,  est  si  peu  considérable 
qu'il  ne  semble  pas  pouvoir  être  pris  comme  argument 
sérieux  contre  la  thèse  soutenue  par  M.  Desor  et  par  moi. 
L'autre  difficulté  dérive  du  texte  de  César,  qui  dit  que  les 
Belges  interdisaient  l'accès  de  leur  territoire  aux  marchands 
étrangers.  Cependant,  l'interprétation  stricte  et  exclusive 
que  ce  texte  a  reçue  de  quelques  archéologues,  ne  me  semble 
pas  conforme  aux  termes  dont  César  s'est  servi,  ni  à  l'idée 
qu'ils  sont  destinés  à  traduire. L'auteur  des  «  Commentaires  » 
n'a  pas  voulu  prétendre,  semble-t-il,  que  toute  espèce  de 
communication  avec  les  marchands  étrangers  fût  absolu- 
ment défendue. Du  reste, la  trouvaille  d'Eygenbilsen  se  com- 
pose d'objets  formant  un  fond  assez  simple  et  assez  modeste 
pour  qu'on  ne  doive  pas  conclure  de  sa  présence  à  des  traces 
de  cette  démoralisation  et  de  cette  corruption  contre  les- 
quelles les  anciens  habitants  de  la  Belgique  voulaient  se 
mettre  en  garde,  en  évitant  tous  rapports  avec  les  marchands 
étrangers. 

L'opinion  la  plus  générale  considère  le  transport  des  objets 
étrusques  dans  les  pays  du  Nord  comme  la  conséquence  du 
commerce  de  l'ambre  de  la  Baltique.  Ce  commerce  ne  peut 
guère  remonter  au  delà  du  x"  ou  du  xii"  siècle  avant  J.-C. 
Mais  la  trouvaille  d'Eygenbilsen  ne  représente  que  la  der- 
nière époque  de  l'influence  de  l'industrie  étrusque  sur  les 
pays  du  Nord.  Elle  nous  donne  le  droit  de  ranger  la  Bel- 
gique parmi  les  régions  qui  ont  ressenti  plus  ou  moins  direc- 
tement les  conséquences  du  commerce  et  de  l'industrie  des 
Étrusques,  et  elle  peut  nous  autoriser  à  conjecturer  que, 
même  avant  l'époque  assignée  à  ces  objets ,  cette  influence 
italienne  avait  fait  sentir  ses  effets  dans  les  régions  sep- 
tentrionales. Mais,  en  réalité,  les  objets  de  cette  trouvaille 
sont  relativement  récents  et  se  placent  à  la  limite  de  l'âge  du 
bronze  et  du  fer.  Espérons  que  d'autres  découvertes,  ayant  un 
cachet  plus  archaïque,  pourront  élargir  le  champ  parcouru 


—  512  — 

par  nos  Étrusques  et  Banctionner  les  conclusions  précé- 
dentes. 

J'ai  dit  que  les  objete  d'Ejgenbilsen  sont  relativement 
récents.  C'est,  bien  entendu,  relativement  à  l'âge  auquel  on 
peut  faire  remonter  le  commencement  de  l'inâuence  du  Sud 
de  l'Europe  sur  le  Nord.  Nous  touchons  ainsi  au  point  capi- 
tal de  la  question. 

n  est  admis  que  dès  le  xi'  siècle  au  moins  avant  J.-C. 
les  Étrusques  avaient  subjugué  le  Nord  de  la  Péninsule. 
Aussi,  la  seconde  influence  des  Étrusques  de  cette  époque 
sur  les  pays  septentrionaux,  influence  dont  j'ai  parlé,  peut 
bien  recevoir  cette  date  comme  limite  la  plus  reculée  pour 
son  point  de  départ.  Villanova  est  le  type  étrusque  le  plus 
ancien  que  nous  connaissions  encore  en  Italie,  et  le  viii*  siècle 
que  je  lui  ai  assigné  provisoirement,  n'est  pas  l'Age  le  plus 
ancien  qu'on  puisse  lui  attribuer;  je  serais  même  porté  & 
reculer  Villanova  jusqu'au  ix'  siècle.  Il  y  a  donc  chrono- 
logiquement une  distance  considérable  entre  Villanova  et 
Ëygenbilsen,  distance  qui  disparaît  presque  complètement 
entre  Villanova  et  certaines  séries'  d'objets  découverts  à 
Hallstadt  (dans  le  Tyrol)  et  ailleurs. 

Mais  cette  influence  italienne  sur  le  Nord  vient  se  placer 
au  second  rang,  car  je  ne  crois  plus  maintenant  pouvoir 
nier ,  ou  du  moins  mettre  en  doute  une  influence  ,  une 
émanation  artistique  plus  ancienne  sur  ces  pays  septentrio- 
naux. Ceci  me  sépare  un  peu  des  idées  de  M.  Desor.  L'an 


—  513  — 

venue  de  TOrient  et  de  l'Asie  mineure  et  due  au  môme  art 
qui  s'est  manifesté  en  Grèce  et  en  Italie.  Mais,  tandis  qu'en 
Grèce  l'art  se  développait  par  un  mouvement,  un  élan,  qui  lui 
était  propre,  tandis  que  l'art  étrusque  prenait  un  caractère 
particulier,  dans  lequel  à  l'élément  oriental  et  à  l'élément 
indigène  s'associaient  des  types  et  des  idées  provenant  des 
rapports  avec  le  monde  hellénique,  le  Nord  Scandinave  resta 
stationnaire  jusqu'au  temps  où  nous  y  apercevons  les  traces 
d'une  nouvelle  injlîience,  venue  cette  fois  de  l'Étrurie  et  que 
les  différentes  et  nombreuses  trouvailles  nous  permettent  de 
suivre  du  Pô  et  des  Alpes  jusqu'à  la  Baltique.  Le  môme 
art  qui  a  influencé  d'abord  la  Grèce  et  le  Nord  de  l'Europe, 
a  influencé  aussi  l'Italie,  par  l'intermédiaire  probable  du 
même  peuple  toscan,  dans  les  temps  les  plus  reculés  de  son 
empire.  Pour  prouver  ce  fait ,  je  présente  au  Congrès  deux 
disques  en  bronze,  récemment  découverts  en  Italie,  dans 
le  pays  des  Eques,  et  déposés  au  Musée  de  Pérouse.  Ces 
disques,  qui  servaient  peut-être  comnje  phalères  dans  un 
harnais  de  cheval,  offrent  un  admirable  travail  d'ornemen- 
tation, qui  rappelle  le  travail  oriental  de  tissage  et  de  tapisse- 
rie. Cette  ornementation  asiatique  semble  précisément  avoir 
inspiré  l'ornementation  des  plus  anciens  monuments  de  la 
Grèce  et  du  Nord  de  l'Europe.  Ces  disques  ont  vivement 
frappé  MM.  Worsaae,  W.  Schmidtet  Engelhart. 

M.WoRSAAE.  Hya  quelques  jours,  notre  illustre  Président 
a  dit  qu'il  est  très  rare  de  rencontrer  deux  géologues  de  la 
même  opinion.  Les  archéologues  sont  aussi  dans  ce  cas. 
C'est  pourquoi  j'éprouve  un  grand  plaisir  à  pouvoir  vous 
dire  qu'en  général  je  suis  d'accord  avec  M.  Conestabile, 
qui  vient  de  présenter  certaines  observations  dans  le  sens 
de  celles  que  j'ai  soumises  au  Congrès  de  Bologne  sur  l'ori- 
gine générale  de  l'âge  du  bronze,  après  avoir  fait  une  com- 
paraison entre  les  antiquités  du  Midi  et  les  antiquités  du 
Nord.  Quant  à  la  question  qui  vient  d'être  traitée  par 
M.  Desor  et  qui  est  relative  aux  antiquités  étrusques,  je  crois 


qu'elle  doit  se  diviser  en  deux  :  la  première  question  doit  être 
celle  de  l'origine  de  ces  antiquités,  et  la  seconde,  l'origine  de 
Tftge  du  bronze.  Il  est  peut-être  vrai  que  ces  antiquités  datant 
de  quelques  siècles  avant  la  naissance  de  J.-C.  Quant 
à  moi,  je  crois  qu'on  peut  même  les  considérer  comme  étant 
plus  modernes,  car  le  même  grand  courant  de  commerce  qui 
a  fait  parvenir  ces  objets  en  Belgique,  a  aussi  porté  une 
grande  quantité  d'objets  de  nature  semblable  vers  le  Nord. 
J'ai  trouvé,  au  Musée  de  Copenhague,  des  objets  qui  rap- 
pellent les  objets  étrusques. 

Je  pense  que  le  mot  étrusque  est  souvent  fort  mal  appliqué 
et  que  l'on  a  confondu,  sous  ce  nom,  beaucoup  d'objets  dont 
l'origine  était  inconnue.  C'était  un  nom  assez  commode; 
lorsqu'on  ne  connaissait  pas  l'origine  d'un  objet,  on  le  qua- 
lifiait d'étrusque.  A  mon  avis,  beaucoup  d'objets  de  cette 
sorte  se  trouvent  dans  plusieurs  parties  de  l'Italie. 

Mais  enfin,  si  l'on  veut  admettre  que  ces  antiquités  datent 
de  trois  siècles  avant  J.-C,  cela  n'a  aucune  influence 
sur  la  question  de  l'origine  du  bronze,  Cbez  nous,  au  Nord, 
où  l'âge  du  bronze  est  déterminé  et  où  l'on  a  trouvé  une 
quantité  énorme  d'antiquités  en  bronze,  il  est  impossible  de 
s'imaginer"  que  l'âge  du  bronze  a  pu  y  être  introduit  par  ce 
commerce.  Je  croia  que  l'&ge  du  bronze  a  eu  une  durée 
très  grande  au  Nord,  qu'il  s'y  est  prolongé  peufrêtre  des  mil- 
liers d'années.  Nous  avons,  au  Musée  de  Copenhague,  700  à 
800  épées  en  bronze,  et  si  l'on  examine  les  plus  anciens  de  ces' 
uVwt-i   tnmvi'S  J^uis  li.'.-.  lombeiiiix  A  mui  >!■  r^]in>fuolii?ot  le 


—  515  — 

Il  y  a  encore  un  fait  très  curieux,  c'est  que  dans  le  pays 
qui  entoure  la  Baltique,  on  ne  rencontre  presque  jamais  de 
monnaies  grecques  ;  la  plus  ancienne  monnaie  qu'on  y  ait 
déterrée,  date  du  1'*^  siècle  après  J.-C,  du  temps  où  les 
Eomains  avaient  déjà  fait  la  conquête  de  la  Germanie  et  de 
la  Gaule.  Il  est  dès  lors  fort  naturel  que  la  civilisation  romaine 
et  le  commerce  du  Midi  devaient  avoir,  à  cette  époque,  une 
influence  assez  considérable  sur  le  Nord. 

Vous  remarquerez  donc  que  les  pays  du  Nord  ont  été  sans 
relations  avec  les  régions  méditerranéennes  pendant  de  longs 
siècles  et  qu'il  est  probable  que,  lorsque  la  civilisation  romaine 
a  envahi  nos  régions,  la  civilisation  de  Tâge  du  bronze  y 
avait  déjà  atteint  un  développement  considérable. 

Je  crois,  comme  M.  Conestabile,  que  la  civilisation  du 
bronze  a  été  importée  par  l'Asie  mineure  et  qu'elle  s'est 
divisée  en  deux  :  un  flot  s'est  porté  vers  la  Grèce  et  un  autre 
flot,  vers  la  Hongrie.  Naturellement,  ils  avançaient  très  len- 
tement vers  le  Nord,  à  cause  des  forêts  vierges  immenses  et 
des  vastes  marais  qu'on  devait  traverser.  Arrivée  chez  nous, 
cette  civilisation  s'est  élevée  à  une  grande  hauteur  et  c'est 
seulement  au  temps  où  elle  tombait  en  décadence,  vers  la  fin 
de  l'âge  du  bronze,  que  la  remarquable  influence  étrusque 
signalée  a  commencé  à  se  montrer  en  Danemark.  La  trou- 
vaille de  Hallstadt,  dont  on  parle  si  souvent  aujourd'hui, 
date,  selon  moi,  comme  celle  de  Villanova,  du  temps  où  le 
fer  avait  déjà  envahi  l'ancienne  civilisation  du  bronze.  En 
sorte  que  je  crois  qu'on  peut  arriver  à  cette  conclusion,  que 
les  civilisations  de  l'âge  du  bronze ,  dans  le  Nord  et  dans  le 
Midi,  sont  sœurs,  jusqu'à  un  certain  degré,  mais  qu'elles 
restèrent  séparées  dès  leur  commencement.  Si  l'on  compare, 
par  exemple,  les  objets  que  l'on  a  trouvés  dslns  les  deux  pays, 
on  verra  des  ornements  qui  sont  absolument  les  mêmes  au 
Nord  et  au  Midi.  Mais,  d'un  autre  côté,  on  remarquera  qu'il 
y  a  certaines  nuances  de  forme  et  de  décoration  qui  se  trou- 
vent dans  le  Midi  sans  se  trouver  dans  le  Nord,  ce  qui  s'ex- 


-  516  - 


plique  fort  naturellement  par  la  raison  que  chaque  peuple  a 
donné,  aux  objets  qu'il  fabriquait,  son  cachet  particulier. 

Une  autre  preuve  et  celle-ci  est  importante  et  décisive,  car 
elle  démontre  l'origine  indigène  de  toutes  les  antiquités  en 
bronze  trouvées  dans  le  Nord,  c'est  qu'on  a  découvert  partout 
des  moules  ayant  servi  h  fabriquer  ces  objets.  H  y  en  a  un 
bon  nombre  au  Musée  de  Copenhague.  On  trouve  également, 
k  cAté  des  culots  de  métaux  qui  n'ont  pas  été  fondus,  des 
objete  qui  ne  sont  pas  entièrement  finis  et  des  objets  qui  sont 
complètement  achevés. 

Nous  avons  retrouvé,  en  Danemark,  les  instruments  les 
plus  délicats  dans  cet  état,  et,  par  conséquent,  à  l'époque  la 
plus  ancienne  déjà,  ces  objets  ont  été  fabriqués  dans  le  pays 
même. 

M.  H1LDBBBA.ND.  Je  me  trouve  sous  plusieurs  points  de 
vue  en  désaccord  avec  M.  Desor.  Il  a  parlé  des  objets  que 
M.  Conestabile  considère  comme  étrusques;  il  en  a  tiré  des 
conclusions  sur  l'origine  de  l'&ge  du  bronze.  Je  ne  sais  si 
j'ai  bien  compris  M.  Desor,  mais  je  dois  faire  remarquer  que 
la  plupart  des  armes  trouvées  avec  ces  antiquités  étrusques 
sont  généralement  en  fer.  J'ai  ici  des  poignards  découverts 
avec  des  vases  étrusques  dans  la  vallée  du  Rhin;  j'ai  copié, 
au  Musée  de  Mayence ,  les  dessins  de  plusieurs  formes 
d'épées,  de  fourreaux  et  d'ornements  qui  ont  la  plus  grande 
ressemblance  avec  la  forme  des  poignards  trouvés  en  Angle- 
terre, en  Hollande  et  en  Suisse.  Les  ornements  sont  1 


—  517  — 

guer  deux  éléments  bien  distincts  :  l'un  de  ces  éléments  est 
tout  à  fait  étrusque  et  Tautre  ne  Test  pas.  Il  regarde  comme 
gaulois  les  objets  qu'on  a  trouvés  à  Schwarzenbacli,et  comme 
celtes,  les  objets  du  même  style  qu  on  a  découverts  en  Angle- 
terre. J  ai  copié  un  motif  qui  se  trouve  sur  un  collier  en  or 
recueilli  avec  des  vases  étrusques  près  de  Trêves  et  apparte- 
nant à  la  trouvaille  que  M.  Lindenschmidt  a  décrite,  et  je 
puis  montrer  d'autres  objets  qui  tous  ont  été  recueillis  dans 
les  pays  celtiques  (gaulois  ou  britanniques)  et  sur  lesquels 
se  retrouvait  identiquement  le  môme  motif. 

M.  Franks.  J'appuie  entièrement  les  opinions  émises  par 
M.  Hildebrand,  à  propos  de  l'origine  des  objets  en  bronze, 
tels  que  ceux  d'Eygenbilsen.  L'œnochoé  en  bronze  de  cette 
trouvaille  me  paraît  certainement  italien;  le  seau  en  bronze 
a  probablement  la  même  origine;  pour  les  autres  bronzes, 
je  n'oserais  me  prononcer,  mais  la  bande  d'or  est  pour  moi 
incontestablement  de  travail  barbare.  Elle  ressemble  assez 
à  l'ornement  en  or  trouvé  avec  un  œnochoé  en  bronze  à 
Weisskirchen,  près  de  Trêves  ^  aussi  bien  qu'aux  ornements 
du  même  métal  recueillis  à  Schwarzenbach,  et  avec  lesquels 
M.  le  professeur  Ans  'm  Weerth  a  pu,  sur  mes  indications, 
restaurer  un  casque. 

n  y  a  plusieurs  années  que  je  m'occupe  de  cette  ques- 
tion, l'envisageant  surtout  au  point  de  vue  de  mon  pays. 
Nous  possédons,  en  Angleterre  et  en  Irlande,  de  nombreux 
objets  en  bronze  d'un  travail  remarquable,  d'un  dessin 
bizarre,  et  qui  sont  évidemment  de  l'âge  du  fer.  Nous  ne 
pouvons  considérer  ces  objets  que  comme  celtiques,  et  les 
enroulements  étrangers  qu'ils  portent  se  sont  continués  dans 
les  manuscrits  et  l'orfèvrerie  irlandaise,  jusqu'à  ce  qu'ils  aient 
été  remplacés  par  les  entrelacs  introduits  probablement  en 
Irlande  par  le  christianisme. 

On  trouve  quelquefois  sur  ces  objets,  et  surtout  sur  ceux 

Lindenschmidt,  Abbildungen  von  Mainzer  Alterthûmern,  IV.  1852. 

33 


qui  BOnt  les  plua  ancieas,  des  traces  de  motifs  grecs.  Ces 
motifs,  je  les  crois  obtenus  de  seconde  main,  peut-être  en 
imitant  des  bronzes  étrusques  apportés  au  Nord  de  l'Europe 
par  le  commerce. 

C'est,  à  dire  vrai,  la  répétition  de  l'histoire  de  l'art  moné- 
taire chez  les  Celtes  ^.  Les  monnaies  en  or  de  Philippe  de 
Macédoine  étant  très  bien  connues  et  très  estimées  par  les 
peuples  voisins  ;  les  barbares  ont  commencé  à  les  imiter, 
même  avec  le  nom  du  roi,  et  c'est  seulement  par  le  travail 
grossier  qu'on  peut  distinguer  les  imitations  des  originaux. 
Peu  à  peu  l'emploi  de  ces  monnaies  se  répand;  on  s'écarte  de 
plus  en  plus  du  type  original  et,  après  avoir  traversé  la  Gaule, 
la  monnaie  arrive  en  Angleterre.  Là,  de  la  t^te  d'Apollon 
qui  parait  sur  l'envers  de  la  monnaie  de  Philippe,  il  ne  reste 
que  des  lambeaux,  principalement  la  couronne  de  laurier  ;  de 
la  Victoire  dans  son  char,  figurée  sur  le  revers  de  la  pièce, 
nous  ne  trouvons  qu'un  cheval  et  une  roue.  Les  types  ayant 
perdu  leur  signification,  on  transforme,  en  Angleterre,  la 
couronne  d'Apollon  en  épi  d'orge!  11  en  est  de  même  pour 
les  bronzes  dont  nous  parlons.  Une  extrémité  de  la  chaîne 
se  trouve  dans  les  bronzes  étrusques,  qui  sont  venus  par  le 
commerce  en  Allemagne  ;  l'autre  extrémité  se  trouve  dans  les 
bronzes  celtiques  de  l'Angleterre  et  de  l'Irlande.  Entre  ces 
deux  points,  ou  peut  placer  lesautres  bronzes duméme  genre, 
selon  qu'ils  s'écartent  plus  ou  moins  de  ces  types. 

Maintenant,  il  faut  dire  que,  dans  ces  provinces  éloignées, 
cet  art  celtique  a  réagi  sur  l'ornementation  romaine  d'une 


—  519  — 

que  le  passage  de  Philostrate,  le  seul  texte  ancien  connu  qui 
se  rapporte  à  Témaillure,  attribue  cet  art  aux  barbares  de 
rOcéan  que  Ton  peut  très  bien  considérer  comme  les  anciens 
habitants  des  Iles  Britanniques. 

J  ai  réuni  quelques  détails  à  ce  sujet  dans  la  descrip- 
tion des  planches  qui  accompagnent  l'ouvrage  de  Kemble, 
«  Horse  Ferales  »,  et  si  mes  occupations  me  le  permettent, 
j'espère  y  insérer  un  travail  plus  étendu. 

M.  Desor.  mm.  Hildebrand  et  Franks  ont  protesté  contre 
ce  que  j'ai  dit,  comme  si  j'avais  prétendu  que  le  bronze  du 
Nord  était  d'origine  étrusque.  Cette  opinion  n'est  pas  la 
mienne.  J'ai  seulement  établi  que  l'élément  étrusque  avait 
été  reconnu  et  constaté  au  pied  des  Alpes,  puis  sur  les 
bords  du  Rhin  et  aujourd'hui  en  Belgique.  Que  ce  soit 
mon  sentiment  qu'on  finira  par  le  découvrir  encore  ail- 
leurs, je  ne  le  conteste  pas,  mais  ce  n'est  pas  la  thèse  que 
j'ai  soutenue.  Je  la  discuterai  peut-être  dans  quelques  années, 
car,  d'ici  là,  je  pense  que  nous  trouverons  encore,  dans 
d'autres  localités,  des  preuves  tout  aussi  authentiques  que 
celles  que  vient  de  nous  fournir  la  Belgique.  Pour  le 
moment,  je  me  borne  à  faire  remarquer  que  je  n'ai  pas  con- 
sidéré le  Nord  comme  ayant  subi  l'influence  des  Étrusques. 

Histoire  du  fer  dans  le  pays  de  Namur.  —  Les  has-fourneaux 
de  Lustinj  par  M.  Bebchem,  ingénieur  principal  au  Corps 
des  mines. 

Au  mois  d'octobre  1870,  le  hasard  amena  une  découverte 
très  intéressante  pour  l'histoire  de  la  fabrication  du  fer  dans 
le  pays  de  Namur,  déjà  si  riche  en  vestiges  de  l'ancienne 
industrie  sidérurgique. 

Un  terrain  situé  sur  la  rive  droite  de  la  Meuse,  à  Lustin, 
entre  Namur  et  Dinant,  fut  acquis  pour  le  compte  de  l'État, 
à  l'occasion  de  la  construction  d'une  écluse.  En  y  extrayant 
Targile  nécessaire  à  la  confection  des  briques,  on  mit  à  dé- 


couTfirt,  à  0-70  environ  aouB  le  sol  actuel,  deux  cavités  qui 
avaient  évidemment  servi  à  une  opération  métallui^ique. 
Ces  cavités,  en  forme  de  cônes  tronqués,  renversés  et  à  base 
elliptique,  étaient  de  dimensions  à  peu  près  égales;  elles 
étaient  situées  h  10  mètres  l'une  de  l'autre  et  à  2  mètres 
seulement  du  bord  de  la  Meuse. 

Les  parois  de  la  cavité  du  nord  étaient  en  grande  partie 
détruites;  la  cavité  du  sud,  à  peu  près  intacte,  présentait  les 
dimensions  suivantes  :  grand  axe  h  l'oriSce  du  cône,  4'°30  ; 
petit  axe,  3"20;  profondeur,  l-OO  environ. 

Ces  cuves  étaient  simplement  creusées  dans  l'argile,  sans 
aucun  revêtement;  leurs  parois,  calcinées  par  le  feu,  avaient 
conservé  une  cquleur  rouge  brique.  La  partie  calcinée,  plus 
épaisse  à  l'oriËce  des  cuves,  allait  en  diminuant  d'épais- 
seur vers  le  fond,  lequel,  formé  d'ai^ile  à  l'état  naturel,  n'of- 
frait aucun  indice  de  ce  qu'on  pourrait  appeler  un  creuset. 
Certaines  parties  des  parois  étaient  couvertes  d'une  légère 
couche  de  matières  vitrifiées  d'une  couleur  bleu-verdâtre. 
Chaque  cuve  était  pourvue  d'un  canal  à  section  quadraugu- 
laire  de  0°15  à  O-SO  de  côté,  creusé  également  dans  l'argile, 
suivant  la  pente  du  cône  et  dans  la  direction  du  grand  axe,  - 
de  façon  à  occuper  la  même  position  dans  les  deux  cuves  et 
à  avoir  son  orifice  supérieur  tourné  du  même  côté,  c'est  à 
dire,  vers  le  sud-ouest,  direction  des  vents  dominants  dans 
la  contrée.  Ce  canal  était  revêtu  de  pierres  plates,  les  unes 
posées  de  champ,  les  autres  servant  de  couverture. 

)ril^  dcfl  cuves,  on   recueillit 


—  521  — 

substances  métalliques,  n'était  donc  pas  une  scorie,  mais  con- 
stituait un  culot  imparfait,  le  produit  et  le  but  de  Topération. 

Un  de  ces  culots  a  été  recueilli  par  M.  Soreil ^  dans  lun 
des  deux  fourneaux  ;  un  fragment  du  poids  de  deux  kilo- 
grammes environ  a  été  mis  à  ma  disposition  et  soumis  à 
un  examen  minutieux. 

Sous  le  rapport  des  caractères  physiques,  ce  fragment  se 
trouve  composé  de  trois  couches  de  nature  différente,  irré- 
gulièrement superposées. 

La  couche  inférieure,  qui  porte  lempreinte  du  lit  de  cen- 
dres ou  de  terre  argileuse  sur  lequel  elle  a  reposé  au  fond  du 
fourneau,  présente  une  épaisseur  de  10  à  15  millimètres  et 
consiste  en  une  masse  homogène,  peu  malléable,  d'une 
texture  cristalline,  à  larges  facettes,  d  une  couleur  blanche 
et  d'un  bel  éclat  métallique.  L'échantillon  ayant  été  trempé 
dans  leau,  la  surface  cristalline  s'est  couverte  immédiate- 
ment d'une  épaisse  couche  de  rouille.  * 

La  couche  moyenne  du  fragment,  de  0'"02  à  0"03  d'épais- 
seur, est  composée  d'éléments  moins  homogènes,  présentant 
en  masse  une  structure  compacte  ou  caverneuse,  un  aspect 
terne  et  une  couleur  brun-noirâtre.  Elle  est  aussi  composée, 
en  grande  partie  du  moins,  de  substances  métalliques,  mais 
d'une  nature  moins  pure  et  moins  dense  que  celles  de  la 
couche  inférieure;  c'est  cette  partie  moyenne  qui  renferme 
principalement  les  traces  de  matières  vitrifiées. 

Enfin,  la  couche  supérieure,  encore  plus  irrégulière  sous 
le  rapport  de  l'épaisseur  et  de  la  composition,  ne  paraît  ren- 
fermer que  des  parties  terreuses  et  des  fragments  de  roche 
calcinés. 

L'échantillon,  pris  en  masse,  a  une  pesanteur  spécifique 
de  5,  indice  évident  de  sa  grande  richesse  en  fer. 

*  M.  Soreil,  conducteur  des  ponts  et  chaussées,  chargé  de  la  surveillance 
des  travaux  de  l'écluse  de  Burnot,  a,  le  premier,  signalé  la  découverte 
et  présidé  au  déblai  des  deux  cuves,  afin  de  leur  conserver  leur  forme  et 
leur  aspect  primitifs. 


Quant  à  sa  compoeition  chimique,  les  analyses  con- 
sciencieuses auxquelles  il  a  été  soumis  ',  ont  fourni  des  résul- 
tats très  intéressants.  11  s'agissait  surtout  de  doser  la  quantité 
de  carbone  allié  au  métal  et  de  savoir  si  ce  dernier  se  trouve 
dans  la  masse  à.  l'état  de  fer  métallique  ou  à  l'état  de  car- 
bure; ce  dosage,  comme  on  sait,  présente  les  plus  grandes 
difficultés  et  n'a  pu  être  effectué,  avec  une  exactitude  à  peu 
près  complète,  qu'à  l'aide  d'un  nouveau  procédé  d'électrolyse. 
La  couche  inférieure  est  composée  de  : 

Fer  métallique 93,48 

Carbone 0,37 

Matières  vitrifiables 4,94 

Soufre,  phosphore  et  traces  de  manganèse.       1,21 

100,00 

La  feible  proportion  de  carbone  indique  d'abord  que  la 
partie  de  l'échantillon,  que  je  considère  comme  étant  le 
produit  principal  de  l'opération,  est  du  fer  et  non  de  la  fonte, 
ni  même  de  l'acier,  mais  c'est  un  fer  qui  n'a  plus  son  analo- 
gue dans  aucun  de  nos  produits  sidérurgiques  actuels,  &  moins 
que,  TU  la  quantité  de  siHce  contenue  dans  les  matières  vitri- 
fiables, on  ne  le  range  dans  la  catégorie  des  fers,  dits  irt?^  ou 
aciéreux.  Ses  caractères  physiques,  ainsi  que  sa  composition 
chimique,  concordent,  en  effet,  suffisamment  pour  lui  donner 
cette  qualification;  su  contenance  en  silice  devait  surtout 
le  rendre  see  et  cassant  à  froid. 


-  523  - 

mine,  soufre,  phosphore  et  manganèse.  Sur  ma  demande, 
M.  Petermann  a  toutefois  établi  la  proportion  du  fer  contenu 
dans  la  masse  ;  elle  est  de  35  à  40  p.  c.  Ce  fer  est  à  l'état  de 
carbure  ou  d'oxyde  et  forme  la  presque  totalité  de  la  partie 
moyenne  du  fragment,  ce  qui  prouve  que  la  chaleur  du 
fourneau  n'a  pas  été  d'une  intefasité  ou  d'une  durée  suffi- 
sante pour  obtenir  une  réduction  complète  de  tout  le  minerai 
employé  et  pour  séparer  les  matières  vitrifiées,  qui  sont 
restées  disséminées  dans  toute  la  masse.  Ces  matières,  qui 
proviennent  de  la  silice,  de  la  chaux,  de  l'alumine,  etc.,  con- 
tenues dans  le  minerai,  étaient  en  trop  petite  quantité  pour 
former  des  scories  ou  laitiers  proprement  dits  :  Ton  ne  con- 
naissait du  reste  pas  encore  l'emploi  des  fondants. 

Voici  comment  devaient  procéder  ces  antiques  forgerons 
pour  obtenir  le  fer  ou  l'acier,  car  ils  fabriquaient  l'un  ou 
l'autre  de  la  même  manière,  et  souvent  sans  pouvoir  se 
rendre  compte  du  résultat  obtenu.  On  sait  que  la  fonte  était 
alors  inconnue. 

Après  avoir  enlevé  les  résidus  d'une  opération  précédente, 
sauf  un  lit  de  cendres,  on  remplissait  le  fourneau  de  charbon 
ou  peut-être  de  bois  cru,  auquel  on  mettait  le  feu  ;  sur  le  bra- 
sier ardent,  on  chargeait  le  minerai  par  portions,  en  ajoutant 
continuellement  du  combustible.  Celui-ci  était  sans  doute 
amoncelé,  sous  forme  de  meule,  au  dessus  de  l'orifice  de  la 
cuve  et,  vers  la  fin  de  l'opération,  on  le  recouvrait  peut-être 
d'argile,  de  terre  ou  de  cendres,  afin  de  concentrer  la  cha- 
leur, en  laissant  toutefois  une  ouverture  au  sommet  pour 
entretenir  un  fort  courant  d'air.  Ce  courant  d'air  était  amené 
au  centre  du  foyer  par  le  canal  que  j'ai  décrit  plus  haut 
et  qui,  en  vue  d'augmenter  le  tirage,  avait  son  orifice  supé- 
rieur tourné  dans  le  sens  du  vent  dominant. 

N'était-ce  pas  encore  dans  le  même  but  que  les  fours  de 
Lustin  étaient  installés  au  bord  de  la  rivière,  c'est  à  dire,  là 
où  le  vent  du  sud- ouest  venait  s'engouffrer,  entre  les  deux 
versants  élevés  de  la  vallée  de  la  Meuse?  La  forme  et  les 


dimensions  du  canal,  relativement  à  la  grandeur  du  foyer, 
ne  permettent  pas,  du  reste,  d'admettre  qu'il  ait  servi  à 
transmettre  au  fond  du  fourneau  l'air  comprimé  d'unsoufflet. 
On  peut  néanmoins  se  demander  si,  à  l'aide  d'un  simple 
tirage,  on  pouvait  obtenir  une  température  assez  élevée  pour 
amener  la  fusion  du  métal.  La  texture  cristalline  de  la 
couche  inférieure  de  l'échantillon  soumis  à  mon  examen, 
prouve,  en  effet,  que  cette  partie  a  été  fondue.  On  admettra 
la  possibilité  de  cette  fusion,  lorsque  l'on  considère  le  petit 
volume  de  la  masse  métallique  qu'il  s'agissait  d'obtenir  au 
milieu  d'un  brasier  de  plus  de  4  mètres  de  diamètre  et  d'une 
hauteur  proportionnelle;  puis,  comme  ou  le  verra  plus  loin, 
les  forgerons  du  pays  trouvaient  le  combustible  k  discrétion 
dans  les  vastes  forêts  qui  couvraient  les  deux  rives  de  la 
Meuse. 

A  la  fin  de  l'opération,  on  démontait  la  meule  et  l'on 
recherchait  le  culot  métallique  parmi  les  débris  de  la  com- 
bustion. 

A  quelles  manipulations  ultérieures  le  métal  obtenu 
était-il  soumis  pour  être  mis  en  œuvre?  Était-il  remanié 
dans  un  second  foyer?  Subissait-il  l'action  du  marteau  et 
plusieurs  chaudes  successives  pour  en  améliorer  la  qualité? 
Je  ne  puis  répondre  à  ces  questions  :  aucun  objet,  témoin 
ou  instrument  de  semblables  opérations,  n'ayant  été  ren- 
contré dans  le  voisinage  de  notre  forge  primitive. 

Lors  de  la  découverte  des  fourneaux  de  Lustin,  plusieurs 

!rsonne.s  parlcrent  de  forgre  catalane,  comme  si  cette  dési- 


—  525  — 

de  TAriège,  une  seule  opération,  qui  dure  environ  six 
heures,  est  divisée  en  cinq  périodes  distinctes,  pendant  les- 
quelles Touvrier  doit  faire  preuve  d'une  grande  habileté  pour 
régler  la  force  du  vent  et  l'emploi  du  combustible,  charger 
le  minerai,  séparer  les  scories,  etc.  Le  seul  rapport  qui 
existe  entre  cette  méthode  assez  compliquée  et  le  produit 
tout  à  fait  élémentaire  de  notre  forge  de  Lustin,  c'est  l'affi- 
nage immédiat  des  minerais.  Si  ce  procédé  peut  être  con- 
sidéré comme  étant  la  forgerie  catalane  dans  l'enfance  de 
Fart,  on  doit  au  moins  admettre  qu'il  s'est  peut-être  écoulé 
des  milliers  d'années  entre  l'époque  de  son  emploi  et  la 
méthode  perfectionnée  actuelle. 

Il  serait  cependant  peu  rationnel  de  prétendre  déterminer, 
même  approximativement,  en  se  basant  uniquement  sur 
rimperfection  du  procédé,  l'époque  absolue  à  laquelle  se  rap- 
porte cette  antique  forgerie. 

Les  procédés  les  plus  primitifs  sont  encore  suivis  aujour- 
d'hui-par des  peuplades  à  demi  sauvages,  tandis  que  des 
progrès  remarquables,  dans  certaines  industries,  ont  été 
obtenus,  aux  époques  les  plus  reculées  de  Thistoire,  par  des 
nations  jouissant  d'une  certaine  civilisation. 

Chaque  pays  aura  donc  son  archéologie  industrielle  propre, 
dont  les  différents  âges  n'auront  aucun  rapport  avec  ceux 
d'autres  contrées. 

Le  dépôt  de  limon  qui  recouvrait  les  fourneaux  de  Lustin, 
appartient  aux  alluvions  modernes,  aussi  bien  que  l'argile 
dans  laquelle  ces  fourneaux  ont  été  creusés.  Si  l'époque  à 
laquelle  se  rapporte  le  dépôt  supérieur  était  connue,  le  mini- 
mum de  l'âge  de  ces  fourneaux  le  serait  aussi.  Toutes  les 
grandes  crues  de  la  Meuse  laissent,  après  la  retraite  des  eaux, 
des  alluvions  limoneuses  souvent  d'une  épaisseur  considéra- 
ble. Des  documents  historiques  ont  conservé  le  souvenir  de 
plus  de  quarante  inondations  remarquables,  survenues  pen- 
dant les  neuf  derniers  siècles;  dans  des  mémoires  manuscrits 
cités  par  Galliot,  on  trouve  entre   autres  cette   citation  : 


-  626  — 


«  1463.  Inondation  qm  porta  la  désolation  dans  tous  les  quar- 

■  tîerB  de  la  villa  (de  Namur)  qui  regorgeait  si  prodig^euse- 

■  ment  d'eaux  boueuses,  qu'après  qu'elles  furent  retirées,  elles 
f  laissèrent  dans  certains  endroits  un  limon  de  la  hauteur 
«  de  plus  de  six  pieds.  ■  ' 

Pendant  le  premier  millénaire  de  notre  ère  et  pendant  les 
époques  précédentes,  les  crues  de  ta  Meuse  ont  sans  doute  été 
aussi  nombreuses  et  les  alluvions  non  moins  considérables. 

Les  fiùts  géologiques  ne  peuvent  donc  nous  fournir,  jus- 
qu'ici, que  des  indications  très  vagues*.  Il  ne  nous  reste  qu'A 
baser  nos  supputations  sur  le  degré  de  civilisation  relative  du 
pays  et  sur  la  grande  importance  que  l'industrie  sidénii^que 
a  eue  de  tout  t«mps  dans  ces  contrées. 

Sïms  vouloir  remonter  aux  légendes  bibliques  ou  mytho- 
logiques, à  Tubal-Caïn  ouàVutcain  et  auxCyclopes,légendea 
qui  peuvent  avoir  un  fond  de  vérité  pour  l'Orient,  d'où  l'usage 
du  fer  parait  nous  avoir  été  importé;  sans  vouloir  même,  en 
ce  qui  concerne  spécialement  le  pays  de  Namur,  remonter 
aux  Notons,  ces  nains  habiles  à  travailler  les  métaux,  noos 
devons  eidmettre  que  l'emploi  du  fer  y  était  connu  depuis  la 
plus  haute  antiquité.  Il  paraît,  il  est  vrai,  qne  l'art  d'extraire 
ce  métal  de  ses  minerais  est  resté  stationnaire  pendant  l'es- 
pace de  milliers  d'années;  mais,  dès  le  x'  siècle,  les  usines 
de  la  Belgique  étaient  prospères.  La  mise  en  œuvre  du  fer  et 
de  l'acier  y  était  poussée  jusqu'à  la  perfection,  et  les  travaux 
ingénieux  que  les  Belges  exécutèrent  dans  l'emploi  de  ces 


—  527  — 

Des  traces  de  deux  ou  trois  de  ces  derniers  fourneaux  ont 
été  découvertes,  il  y  a  quelques  années,  à  Vodecée,  dans 
l'Entre  Sambre  et  Meuse,  lors  de  l'exploitation,  parla  Société 
de  Thy  le  Château,  de  Timmense  amas  d'anciennes  scories  de 
fer  dites  Crayats  de  Sarrasins^,  Voici  comment  M.  Quoilin, 
ingénieur  des  mines,  à  Philippe  ville,  décrit  les  restes  de  ces 
fourneaux  :  Un  creuset  de  forme  hémisphérique,  de  O^OO  de 
diamètre  et  de  0"40  à  0™50  de  profondeur,  construit  en  pier- 
res plates  réfractaires  ou  même  en  scories  et  revêtu  d'une 
couche  d*argile,  formait  la  base  du  fourneau.  Au  dessus  de 
ce  creuset,  on  élevait  le  fourneau  proprement  dit,  d'une 
forme  cylindrique  ou  conique  et  d'une  hauteur  en  rapport 
avec  les  dimensions  de  la  partie  inférieure.  Une  ouverture 
était  ménagée  au  dessus  du  creuset,  pour  l'introduction  du 
vent  qu'on  effectuait  sans  doute  à  l'aide  d'outrés  en  peau. 
Après  chaque  opération,  on  démontait  la  partie  supérieure 
du  fourneau,  pour  recueillir,  dans  le  creuset,  une  loupe,  un 
culot  métallique,  qui  n'était  à  proprement  parler  ni  du  fer,  ni 
de  la  fonte.  La  grande  richesse  en  fer  des  Crayats  de  Sarra- 
sins prouve  que  les  minerais  étaient  mal  préparés,  que  les 
procédés  employés  étaient  des  plus  primitifs. 

D'après  des  médailles  et  d'autres  objets  d'antiquité  trouvés 
dans  la  localité,  on  croit  pouvoir  faire  remonter  au  3"  siècle 
l'époque  de  ces  opérations  métallurgiques.  Nous  ne  possédons 
pas  de  renseignements  écrits  sur  ce  sujet  :  les  historiens  ont 
dédaigné  de  s'occuper  du  fer  ;  de  sorte  que  cette  époque,  au 
point  de  vue  qui  nous  occupe,  appartient  de  droit  au  domaine 
des  sciences  préhistoriques. 

Les  anciens  documents  qui  font  mention  de  la  Belgique,  à 
propos  de  la  production  du  fer,  doivent  se  rapporter  générale- 
ment au  pays  de  Namur.  Là,  en  effet,  toutes  les  circonstances 

'  Quelques  personnes  croient  que  cette  désignation  est  synonyme  de 
Nutons  ;  je  pense  qu'elle  est  moins  légendaire  et  qu'elle  s'applique 
aux  anciens  habitants  du  pays  non  aborigènes,  peut-être  aux  Qallo-Ro- 
mains  et  généralement  aux  peuplades  non  chrétiennes. 


se  réunissaieot  pour  provoquer  la  création  et  favoriser  le 
développement  de  cette  industrie.  Des  gisements  de  minerais 
de  fer,  qui  paraissent  inépuisables,  sillonnent  le  pays  dans 
toute  son  étendue;  ces  minerais,  qui  appartiennent  surtout 
à.  la  section  hydroxyde,  c'est  à  dire,  à  la  plus  fusible,  venaient 
affleurer  &  la  surface  du  sol  et  formaient,  dans  beaucoup  de 
localités,  d'immenses  amas  superficiels.  De  vastes  forêts, 
produisant  les  meilleures  essences  de  bois  de  chauffage,  cou- 
vraient la  presque  totalité  de  la  contrée;  deux  cours  d'eau 
principaux,  la  Sambre  et  la  Meuse,  facilitaient  le  transport 
des  minerais  et  du  combustible  d'un  point  à  un  autre,  et  une 
foule  de  petites  rivières  ou  ruisseaux  mettaient  en  mouve- 
ment les  roues  des  souffleries,  des  marteaux  et  des  bocards. 

A  ces  avantages  géologiques  et  topographiques,  venaient 
s'ajouter  les  usages  locaux,  les  lois  et  règlements,  qui  tous 
avaient  pour  but  de  faire  fleurir  l'industrie  sidérurgique,  en 
accordant  des  droits,  franchises  et  privilèges  aux  maîtres  de 
forges  et  h  leurs  ouvriers. 

On  counalt  cette  fameuse  charte  que  Guillaume  I,  comte  de 
Namur,  octroya,  en  1 345,  à  ses  ferons  (forgerons)  de  Marche 
sur  Meuse  et  qui  porte  entre  autres  :  «  Qu'ils  (les  ferons) 
«  soyent  quiets  de  tailles,  de  corvée,  de  tournier,  de  cous- 

«  tume  et  de  tous  autres  services  indeuz et  ne  payeront 

<  de  leur  fier  point  de  poix  par  toute  notre  comt^ et  les 

«  dits  ferons  et  mineurs  de  leur  mestier  doivent  avoir  en  nos 
■  bois  estaches  de  bois  et  tout  ce  qui  leur  faura  de  bois  pour 


—  529  — 

parler,  dans  le  domaine  public  et  à  la  disposition  de  tous  les 
ferons,  qui  n'avaient  à  payer,  au  propriétaire  du  sol,  que  le 
droit  de  terrage,  lequel  était  du  dixième  de  la  valeur  des 
mines.  Les  ferons,  une  fois  admis  comme  tels,  après  une 
prestation  de  serment,  cessaient  d'être  justiciables  de  la  juri- 
diction ordinaire  ;  mais  les  privilèges,  dépendant  de  la  qua- 
lité de  féron,  étaient  accordés  aussi  aux  maîtres  ouvriers 
travaillant  dans  les  fonderies  ou  platineries,  branche  d'in- 
dustrie nouvelle  au  moment  de  la  publication  du  règlement. 

Les  maîtres  de  forges,  leurs  femmes  et  leurs  enfants  étaient 
exempts  du  droit  de  morte-main. 

Les  ferons  pouvaient  prendre  le  sable  dans  les  bois  royaux, 
ainsi  que  les  pierres  trouvées  au  jour  et  qui  pouvaient  leur 
servir  à  réparer  leurs  fourneaux. 

Ils  pouvaient  faire  prendre,  dans  les  bois  royaux,  le  bois 
dont  ils  avaient  besoin  pour  lier  et  assurer  leurs  fosses  d'ex- 
traction, etc. 

Telles  étaient  quelques-unes  des  dispositions  de  ce  règle- 
ment, où  l'on  voit  dominer  des  idées  de  justice  et  d'intérêt  pu- 
blic ^  Doit-on  s'étonner  que,  dans  de  semblables  conditions  et 
avec  des  encouragements  pareils,  la  production  du  fer  ait 
acquis  une  aussi  prodigieuse  importance'  dans  le  pays  de 
Namur? 

Pour  se  faire,  du  reste,  une  idée  de  l'importance  de 
cette  ancienne  industrie,  on  n'a  qu'à  voir  ce  qui  se  passe 
sous  nos  yeux.  D'immenses  dépôts  de  Crayats  de  Sarra- 
sins se  rencontrent  dans  toute  l'étendue  du  pays;  ils  for- 
ment le  sol  des  chemins,  remplissent  le  fond  des  vallées, 
constituent  le  fond  de  villages  entiers.  Aujourd'hui,  on  abat 
des  châteaux,  des  églises,  on  démolit  des  villages,  pour  re- 
cueillir ces  scories,  qui  redeviennent  des  minerais  d'un  nou- 
veau genre.  Ces  ekpholades  du  Laurium  namurois  sont 
actuellement  une  source  de  prospérité  pour  nos  communes  de 

'  Delbbbcque,  Traité  sur  la  législation  des  mines,  minières^  etc. 


-  530  — 


l'Entre  Sambre  et  Meuse.  L'inauSsance  de  nos  mines  de  fèr 
fait  rechercher  ces  scories,  pour  servir  d'aliment  à  nos  hants- 
foumeauz  actuels,  à  ces  gigantesques  appareils  dont  un  seul 
coûte  un  demi  million  de  francs  et  produit  100,000  kîl.  de 
fonte  pfir  jour.  Quel  contraste  avec  les  bas-foumeaux  de  Lus- 
tin,  dans  lesquels  on  élaborait  par  jour  quelques  kilogrammes 
d'un  métal  imparfait,  et  encore  lorsque  le  veut  était  favo- 
rable! Mais  ceux-ci  et  ceux-là  ne  sonHb  pas  les  termes  ex- 
trêmes de  la  sidérotechnie  ?  De  leurs  contrastes  mêmes,  ne 
doit^n  pas  déduire  la  haute  antiquité  de  notre  foi^  nidi- 
mentaire  de  Lustin  ? 

M.  VON  DiiCKEB.  Au  sujet  de  la  fabrication  du  fer, je 
tiens  à  dire  que,  dans  ces  dernières  années,  j'ai  rencontré, 
en  Silésie,  près  de  Breslau,  une  grande  quantité  de  scories 
provenant  de  la  fabrication  du  fer.  Ces  scories  étaient 
répandues  sur  une  surface  de  trois  ou  quatre  hectares,  h 
deux  ou  trois  mètres  sous  le  sol  au  milieu  d'une  masse  cen- 
dreuse. 

Je  n'ai  pas  pu  obtenir  d'objets  en  métal,  mais  j'ai  décoo- 
vert  des  débris  d'une  poterie  très  primitive  dont  des  fng- 
ments  étaient  dispersés  partout. 

J'en  ai  conclu  que  dans  ces  régions,  où  le  bronze  a  été 
connu  très  tard  et  oà  l'on  n'avait  pas  les  éléments  de  sa  fabri- 
cation, il  y  avait  eu  déjà  une  fabrication  du  fer  à  des  époques 
très  reculées. 

J'ai  publié,  l'année  dernière,  la  description  de  mes  obser- 
vations et  mon  rapport  a  été  déposé  aux  archives  de  la  Société 


—  531  — 

du  jour  en  parlant  d'un  monument  qui  ne  remonte  qu'au 
III*  siècle  de  notre  ère  environ.  Au  reste,  je  ne  crois  pas  que 
nous  devions  attribuer  à  l'expression  préhistorique  ou  plutôt 
arUéhistorique  une  signification  trop  restreinte.  Les  sauvages 
de  nos  temps  et  les  nations  qui  ne  possèdent  pas  encore  une 
histoire,  peuvent  très  bien  rentrer  dans  le  cadre  de  nos 
études,  au  moins  pour  ce  qui  concerne  leurs  usages  et  leurs 
coutumes.  J'ai  déjà  eu  Thonneur  de  parler  des  outils  en 
pierre  datant  d'une  période  antérieure  et  en  quelque  sorte  an- 
téhistorique  de  l'île  de  Java.  Ces  objets,  trop  longtemps  né- 
gligés, ont,  dans  les  dernières  années,  attiré  Tattention 
des  savants  et  des  amateurs.  Le  Musée  d'Antiquités  confié  à 
ma  direction  en  possède  une  série  très  remarquable,  tant  par 
les  matières  qui  les  composent,  que  parles  différentes  formes 
qu'ils  affectent  et  dont  quelques-unes  les  différencient  de 
ceux  de  tous  les  autres  pays.  Comme  partout  ailleurs,  les 
habitants  leur  attribuent  une  vertu  préservative,  protectrice  ; 
mais  ils  ne  savent  rien  nous  dire  quant  à  leur  usage  et  à 
leur  destination. 

Parmi  les  Javanais  des  classes  supérieures,  il  en  est  qui 
supposent  que  quelques-uns  de  ces  instruments  ont  servi  de 
polissoire,  pour  lisser  les  feuilles  de  palmier  ou  autres  ma- 
tières destinées  à  écrire.  Il  faut  convenir  qu'ils  peuvent 
rendre  de  grands  services  aux  dessinateurs  qui  veulent  tracer 
des  dessins  très  fins  sur  notre  papier  moderne.  £n  général, 
les  formes  diverses,  données  à  ces  instruments,  indiquent 
assez  les  différents  usages  auxquels  ils  ont  été  destinés.  Il 
y  a  plusieurs  années,  j'ai  publié^  un  mémoire  qui  paraît  avoir 
obtenu  l'approbation  des  ethnologistes  français.  Mais  je  ne 
savais  pas  alors  que  les  monuments  antiques  de  Java  nous 
offriraient  des  renseignements  d'autant  plus  précieux  qu'ils 
sont  très  rares  et  ne  laissent  aucun  doute  sur  le  sujet  qui 
nous  occupe. 

*  Annuaire  de  Tlnstitut  royal  néerlandais  (classe  des  sciences  nata- 
reUes). 


—  532  — 

Le  plus  beau  et  le  plus  intéressant  de  tous  les  nombreux 
monumeiits  de  Java,  c'est  celui  de  B6r6-Boudour,  situé  dans 
la  régence  de  Radou,  à  une  distance  d'environ  19,5  kilo- 
mètres de  la  capitale  de  Djoejuhasta.  Construit  sur  une  col- 
line qui  en  constitue  pour  ainsi  dire  le  noyau,  il  est  dédié  à  la 
mémoire  de  Bouddha  et  est  destiné  à  conserver  les  saintes 
reliques  du  Prophète. 

L'ensemble  de  la  construction  offre  la  forme  d'une 
pyramide  à  quatre  faces  égales  et  s'élève  à  63  mètres  au 
dessus  du  sol,  en  y  comprenant  la  hauteur  de  la  colline  qui 
est  de  47  mètres.  Chaque  face  mesure,  vers  la  partie  infé- 
rieure, 151  à  152  mètres.  Au  dessus  de  deux  terrasses, 
s'élèvent  cinq  galeries  l'une  au  dessus  de  l'autre,  séparées  par 
un  nombre  égal  de  murs  d'enceinte.  De  la  dernière  galerie, 
on  monte  &  quatre  autres  terrasses,  dont  les  trois  supé- 
rieures ont  une  forme  circulaire  et  portent  un  grand  nombre 
de  coupoles  ou  des  globes  travaillés  à  jour  et  contenant  cha- 
cun une  statue  de  Bouddha. 

Le  centre  de  la  quatrième  terrasse  est  occupé  par  une  très 
grande  coupole  de  16  mètres  de  hauteur,  fermée  et  destinée 
à  contenir  une  statue  de  Bouddha  avec  ses  prétendues  reli- 
ques et  les  objets  qui  lui  sont  dédiés.  Tous  les  murs  d'en- 
ceinte sont  couronnés  de  coupoles,  d'autres  constructions 
archi tectoniques  et  de  niches  qui  toutes  renfermentdes  statues 
du  Bouddha.  Les  parois  des  galeries  sont  toutes  couvertes 
d'ornements  sculptés  et  d'innombrables  bas -reliefs  d'un 
travail  admirable.  Ces  has-reliefa  sont  relatifs  au    culte 


L'un  de  ces  bas-reliefs  se  rencontre  dans  la  série  inférieure 
sur  la  paroi  du  fond  de  la  seconde  galerie  ;  l'autre,  dans 
la  série  supérieure  de  la  paroi  de  devant  de  la  môme  galerie. 
L'instrument  et  la  manière  de  fixer  la  hache  dans  le  manche 
ressemblent  assez  h  ce  qui  se  voit  et  se  pratique  encore  de 
nos  jours  dans  quelques  autres  îles  de  l'Archipel  indien- 
uéerlandais. 


Fig.  9.  —  Bas-relief  du  temple  da  BArA-Bondour,  à  Java. 


M.  van  Binckhorst  van  den  Binckhorst  a  communiqué  au 
Congrès  une  not«  très  intéressante  d'un  de  ses  amis  sur  des 
palaâttes  existant  aujourd'hui  encore  dans  une  petite  lie  au 

34 


bord  de  la  mer,  h  Tsilatsap,  dans  l'Ue  de  Java  (p.  430).  Ceci 
me  condttit  à  faire  remarquer  que  dans  les  bas-reliefs  du 
même  monument  de  Bôrô-Boudour,  on  voit  des  représenta- 


it;. 10.  —  HacheB  en  pierre  âgurées  snr  les  baa-reliers  du  temple 
de  BQrO-Boudour,  &  Java. 

tions  de  maisons  bâties  sur  pilotis,  très  ressemblantes  à  celles 
qu'on  trouve  encore  sur  les  côtes  de  la  mer  et  aux  embou- 
chures des  rivières  de  plusieurs  autres  îles  de  notre  Archipel 
indien  et  mâme  dans  l'Ue  de  Java,  où  la  population  sonda- 
noise  a  encore  conservé  ce  mode  de  bâtir.  Les  représenta- 
tions en  question  sont  ofiFertes  par  des  bas-reliefs  sculptés 
de  la  série  inférieure  de  la  paroi  du  fond  de  la  seconde 
galerie,  eùdsï  que  de  la  série  inférieure  de  la  paroi 
antérieure  de  la  même  g-alerîe.  Ces  bas  reliefs  sont  probable- 
ment destinés  à  perpétuer  le  souvenir  des  voyages  entrepris 
narles  missionnaires  bouddhistes  du  coutineut  t 


—  535  — 

dessinateurs  du  génie,  M.  F.  C.  Urlsen,  assisté  d'un  autre 
employé  du  même  corps.  M.  Urlsen  a  l'inappréciable 
mérite  d'avoir,  le  premier,  trouvé  le  fil  conducteur  pour  se 
guider  dans  le  labyrinthe  des  bas-reliefs  de  Bôrô-Boudour, 
et  c'est  lui  qui  a  proposé  de  voir,  dans  les  tableaux  repré- 
sentés, les  particularités  de  l'histoire  du  Bouddha^. 


VII 

ANTHROPOLOGIE  PRÉHISTORIQUE. 

Sur  T Anthropologie  préhistorique ,  par  M.  Schaaffhausen. 

J'ai  eu  d'abord  l'intention  de  parler  uniquement  de  quel- 
ques restes  fossiles  de  l'homme  qu'on  a  récemment  décou- 
verts, mais  l'examen  des  trouvailles  faites  dans  les  cavernes 
me  fournit  l'occasion  d'ajouter  quelques  mots  sur  d'autres 
fouilles  qui  ont  été  mentionnées.  Le  troglodyte  de  Menton 
fut  trouvé  le  26  mars  de  cette  année.  On  m'avait  envoyé  le 
«  Courrier  de  Menton  »  du  7  avril  1872,  où  se  trouve  im- 
primée la  même  photographie  qui  a  été  distribuée  hier  par 
le  bureau  de  notre  Congrès  (voir  PI.  6).  J'ai  donné  la  pre- 
mière notice  sur  cette  trouvaille  dans  la  réunion  des  natura- 
listes rhénans  à  Wetzlar,  le  21  mai.  J'ai  lu  ensuite  la  note 
de  M.  le  docteur  Rivière,  que  M.  de  Quatrefages  a  commu- 
niquée à  l'Académie  de  Paris*  et  une  lettre  du  même  auteur 
qui   est   publiée  dans  la  Revue  scientifique,   N**  41,   du 

1  L'ouvrage  qui  fera  connaître  au  monde  savant  le  monument  dans  tous 
ses  détails,  contiendra  un  atlas  de  400  planches  grand  in-f*>,  avec  un  vo- 
lume de  700  pages  in-8<^  et  une  vingtaine  de  planches  intercalées  dans  le 
texte.  Il  paraîtra  probablement  vers  la  Un  de  cette  année  ou  au  commen- 
cement de  1873.  Il  ne  manquera  certainement  pas  de  faire  honneur  au 
Gouvernement  néerlandais,  qui  ne  s*est  pas  laissé  effrayer  par  les  frais 
énormes  d'une  entreprise  scientifique  aussi  considérable. 

*  Comptes-rendus  t  29  avril. 


-  636  - 


4  mai  1872.  Dans  une  réunion  de  la  Société  des  naturalistes 
du  Baa  Bhin,  tenue  à  Bonn  le  3  juin,  je  pus  communiquer 
enfin  le  rapport  d'un  témoin  oculaire  de  cette  trouvaille. 
C'était  la  lettre  suivante,  que  M.  le  docteur  Vougo  adressait 
à  M.  Neumau,  professeur  à  l'Académie  de  Neuchâtel  : 

«  Vous  me  demandez  des  renseignements  précis  sur  l'ex- 
humation du  squelette  de  troglodyte  des  grottes  de  Menton, 
qui,  après  avoir  mis  en  émoi  toute  la  population  de  l'ex-prin- 
cipauté  de  Monaco,  intéresse  maintenant  le  monde  savant. 
Ayant  assisté  moi-même  aux  fouilles  que  M.  le  docteur  Rivière 
a  pratiquées  avec  un  soin  particulier  depuis  l'automne  der- 
nier, j'ai  vu  apparaître,  os  après  os,  toutes  les  parties  de  ce 
squelette  extraordinaire,  enfoui  soua  2  mètres  50  centimètres 
d'une  terre  très  légère  et  friable,  s'élevant  en  nuages  gris- 
brun  BOUS  le  courant  d'air  du  soufflet  que  l'on  dirige  sur  elle. 
Des  pierres  anguleuses  calcaires  évidemment  éboulées  de  la 
voût«  élevée  de  cette  grotte,  —  largement  ouverte  à  1 5  mètres 
au  dessus  du  chemin  de  fer  de  Ligurie  qui  domine  lui-même 
de  30  mètres  à  peu  près  le  niveau  actuel  de  la  mer  —  sont 
mélangées  à  cette  terre  poudreuse,  qui  renferme  en  même 
temps  des  ossements  d'animaux,  de  Cerf,  d'Hyène,  de  Bœuf, 
les  uns  fracturés,  les  autres  usés  et  appointés  artificiellement 
pour  en  faire  des  poinçons.  L'un  de  ces  os  de  bœuf,  perforé 
d'un  grand  trou  artificiel  près  de  l'épipbyse  et  trouvé  près  de 
la  paroi,  est, pourM. Rivière,  un  cb&ton  de  commandement* 


—  537  — 

se  trouvait  donc  à  2"50  de  profondeur,  couché  sur  le  flanc 
gauche,  la  tête  orientée  au  sud,  vers  l'entrée  de  la  caverne, 
à  3  mètres  en  dedans  du  bord  où  l'eau  de  pluie  peut  encore 
avoir  accès,  en  sorte  qu'il  était  parfaitement  à  sec.  Une 
large  pierre  appuyait  le  dos  et  une  autre  soutenait  la  tête. 
Les  deux  avant  bras,  plies  au  coude,  étaient  ramenés  sur  la 
poitrine,  et,  chose  étrange,  ils  étaient  cassés  dans  la  partie 
moyenne,  ainsi  que  Thumérus  du  bras  droit.  Les  côtes  étaient 
enfoncées  par  la  pression  des  terres,  ainsi  que  le  bassin;  les 
corps  des  vertèbres  étaient  en  partie  détruits  dans  leur  portion 
spongieuse  et  un  astragale  de  Cerf  se  trouvait  parfaitement 
conservé  au  dessus  et  en  avant  de  la  2*  vertèbre  lombaire. 
Les  fémurs,  remarquables  par  un  col  très  court,  étaient 
légèrement  portés  en  avant  ;  les  genoux  avaient  également 
fléchis,  de  sorte  que  la  jambe  droite  se  croisait  sur  la  gauche. 
Ces  os,  comme  ceux  des  deux  pieds,  étaient  parfaitement 
intacts.  Le  squelette,  qui  mesurait  1  mètre  56  centimètres  du 
calcanéum  au  sinciput,  c'est  à  dire,  environ  1"80  de  longueur 
réelle,  était  dans  la  position  d'un  homme  dormant  sur  le  flanc 
gauche.  Le  crâne,  parfaitement  conser\'^é,  était  dolichocé- 
phale, bien  conformé,  enduit  à  la  surface  d'une  croûte  rou- 
geâtre,  dans  laquelle  étaient  empâtées  de  petites  coquilles  du 
volume  d'un  gros  pois.  Toutes  ces  coquilles,  de  même  espèce 
(du  genre  Nassa),  étaient  percées  d'un  trou  et  au  milieu 
d'elles  se  rencontraient  quelques  dents  à  deux  racines  éga- 
lement perforées.  Évidemment  ces  coquilles  et  ces  dents 
avaient  formé  un  chapelet  ayant  entouré  la  tête  de  plusieuib 
tours.  La  calotte  crânienne  était  déplacée  par  la  pression 
qu'avait  subie  la  face,  où  plutôt  cette  dernière  s'était  affaissée 
en  laissant  la  boîte  crânienne  appuyée  sur  la  pierre  à  la 
même  place.  Les  mâchoires  inférieure  et  supérieure  étaient 
encore  munies  de  toutes  leurs  dents,  mais  celles-ci  étaient 
usées  jusqu'au  bord  alvéolaire^  preuve  de  l'âge  avancé  du 
sujet.  Les  branches  ascendantes  des  maxillaires  inférieurs 
se  relevaient  à  angle  droit.  A  peu  de  distance  de  la  bouche, 


on  trouva  un  petit  taa  de  sulfure  d'antimoine,  qui  avait  évi- 
demment dû  être  renfermé  dans  un  petit  sac.  Une  épingle  à 
cheveux  en  os,  de  16  à  17  centimètres  de  longueur,  proba- 
blement placée  sur  le  front  du  mort,  se  trouvait  tout  près 
de  la  tète  en  avant,  ainsi  que  plusieurs  grattoirs  eu  silex. 

«  Deux  tranchées  furent  creusées  le  long  des  deux  côtés  du 
squelette  et  celui-ci,  dégagé  eu  dessous,  put  être  enfermé  dans 
une  caisse,  sans  que  rien  fût  dérangé  dans  sa  position.  La 
caisse  qui  contenait  ces  précieux  restes,  fut  suspendue  dans 
un  fourgon  et  parvint  h  Paris  sous  la  conduite  de  M.  Rivière. 

*  De  nombreuses  photographies,  prises  sur  place  et  parfai- 
tement réussies,  donnent  l'image  exacte  de  la  position  de  ce 
cadavre  et  illustreront  un  travail  complet  publié  par  M.  Ri- 
vière sur  ses  recherches  et  ses  fouilles. 

«  Tout  fait  présumer  que  ce  cadavre  n'est  pas  celui  d'un 
homme  endormi,  écrasé  par  un  éboulement,  mais  un  cadavre 
inhumé  dans  cette  grotte  et  recouvert  de  cette  terre  pou- 
dreuse, qui  possède  évidemment  des  propriétés  conserva- 
trices et  dont  la  sécheresse  du  lieu  à  encore  augmenté  l'effet. 
n  n'y  avait  pas  de  tuff  dans  cette  grotte,  qui  continua,  après 
l'inhumation,  à  être  visitée  et  peut-être  habitée  pendant  les 
siècles  nécessaires  à  l'accumulation  de  2  mètres  de  poussière, 
mélangée  de  pierres  calcaires  détachées  de  la  voûte,  de  silex, 
d'ossements  d'animaux  évidemment  apportés  dans  la  grotte 
et  de  charbons.  Ces  derniers  témoignent  du  feu  que  l'on  y 
faisait.  Je  ne  crois  pas  que  des  objets  de  bronze  aient  été 
découverts  à  la  surface  du  sol. 


—  539  — 

couche  de  plus  de  40  centimètres  d'une  terre  poudreuse  iden- 
tique à  celle  de  Menton,  que  Ton  croyait  être  formée  essen- 
tiellement de  cendres  de  foyers.  Cette  terre  jouit  d  une  pro- 
priété conservatrice  pour  les  matières  organiques, — feuilles, 
débris  de  bois,  ossements,  —  propriété  qu'elle  ne  paraît  pas 
devoir  exclusivement  à  sa  sécheresse,  mais  aussi  à  sa  con- 
stitution chimique  que  lanalyse  fera  découvrir.  Quant  à  son 
origine,  qui  m  avait  déjà  préoccupé  à  Menton,  je  crois  l'avoir 
découverte  dans  la  grotte  du  Four,  large  excavation  protégée 
par  un  rocher  en  saillie  et  creusée  dans  la  formation  crétacée 
inférieure  (Valangien)  qui,  chose  étrange,  est  la  même  qu'à 
Menton.  En  examinant  cette  voûte,  aux  endroits  où  je  pus 
l'atteindre  en  me  hissant  sur  des  amas  de  dalles  calcaires 
éboulées,  je  la  trouvai  couverte  d'une  couche  de  l'épaisseur 
d'un  doigt  formée  de  Lichens  gris  pulvérulents,  qui  se  déta- 
chaient par  plaques  au  moindre  attouchement.  Ces  Lichens 
tombent  évidemment  d'eux-mêmes  sur  le  sol  de  la  grotte,  où, 
en  se  décomposant  incomplètement  à  sec,  ils  deviennents  pul- 
vérulents et  forment  la  couche  que  Ton  croyait  composée  des 
cendres  d'anciens  foyers.  J'ai  pu  m'assurer  du  fait  en  trou- 
vant effectivement  de  ces  cendres  parfaitement  conservées 
en  amas  sous  la  couche  pulvérulente,  là  où  des  feux  avaient 
été  allumés  et  où  abondent  précisément  les  fragments  d'an- 
cienne poterie.  La  différence  d'épaisseur  de  cette  couche,  40 
à  50  centimètres  au  Four,  2"50  à  Menton,  s'expliquerait  par 
le  fait  qu'au  Four  la  couche  ne  date  que  de  la  fin  de  l'époque 
glaciaire,  qui  a  charrié  ses  galets  alpins  dans  le  fond  de  la 
grotte,  pendant  qu'à  Menton,  où  cette  époque  n'a  pas  existé, 
la  grotte,  n'ayant  pas  été  envahie  par  les  glaciers  et  leurs 
moraines,  continua  à  se  remplir  de  cette  poussière  et 
des  pierres  de  la  voûte,  depuis  l'époque  du  soulèvement 
qui  a  élevé,  non  loin  de  là,  au  Castel  d'Appio,  les  coquilles 
modernes  et  le  poudingue  de  la  Roya  à  300  mètres  au  dessus 
de  la  mer.  Quant  aux  silex  taillés  de  la  grotte  de  Menton, 
ils  paraissent  provenir  de  rognons  jaspoïdes  que  l'on  rencon- 


tre  dans  le  Tuisinage  immédiat,  au  Ciotti,  dans  une  couche 
de  2  mètres  d'épaisseur  de  poudingue  comprise  dans  la  for- 
mation du  calcaire  nummulitique,  qui  est  admirablement 
représenté  dans  ces  contrées. 

■  En  résumé,  le  squelette  de  Menton  me  parait  appartenir 
à  l'époque  préhistorique  comprise  entre  l'âge  de  la  pierre 
taillée  et  celui  de  la  pierre  polie.  La  belle  conformation  du 
cr&ne  n'a  rien  de  celle  qui  caractérise  celui  de  Neaoderthal 
et  dénote  une  antiquité  moins  reculée.  L'examen  des  osse- 
ments élucidera  la  question  de  savoir  s'il  s'y  trouve  des 
restes  du  Rhinocéros  ticAorhtnus,  de  l'Ours  des  Cavernes  et 
du  Renne,  ce  dont  je  doute.  Le  squelette,  — si  bien  conservé  et 
évidemment  inhumé,  —  ee  trouvant  à  40  mètres  au  dessus 
de  la  mer,  ne  peut  remonter  à  l'époque  tertiaire,  comme  on 
l'a  prétendu. 

■  Tels  sont.  Monsieur,  les  renseignements  positifs  que  je 
puis  vous  fournir  sur  ce  sujet*,  i 

Ce  rapport  confirme  d'une  manière  détaillée  tout  ce  que 
M.  Rivière  a  communiqué  jusqu'ici  sur  ce  fait.  Seule,  la 
m&choire  inférieure  de  ce  crâne  a  quelques  caractères  primi- 
tifs, et  si  l'on  compare  ce  crâne  avec  ceux  de  Cro  Magnon, 
dont  la  capacité  est  de  1590 ce,  et  avec  les  crânes  des  cavernes 
de  la  Belgique  et  de  la  Westphalie ,  on  doit  conclure  que, 
dans  le  voisinage  de  la  Méditerranée,  des  peuples  plus  civi- 
lisés que  ceux  des  contrées  plus  septentrionales  de  l'Europe 
ont  vécu  avec  des  animaux  éteinte.  À  propos  du  chapelet 


—  541  — 

Dans  la  dernière  session  de  TAssociation  Britannique, 
M.  Moggridge  a  annoncé  que  la  substance  métallique  trouvée 
près  des  dents  du  crâne  de  Menton ,  devait  être  un  fétiche 
ou  un  charme,  que  Ton  avait  mis  dans  la  bouche  du  mort. 

Quant  au  crâne  trouvé  en  Californie  à  une  grande  profon- 
deur dans  le  sol,  sous  différentes  couches  trachytiques,  il  y  a 
six  ans  que  j  ai  reçu  la  première  nouvelle  de  sa  trouvaille 
par  le  «  Californie  Advertiser  »  du  21  juillet  1866,  qui 
annonçait  la  découverte  d*un  crâne  humain  dans  une  couche 
miocène  près  d*Angelis  (CalaverasCounty).  L'importance  de 
ce  fait  m  engagea  à  me  procurer  des  renseignements  plus  pré- 
cis par  l'intermédiaire  de  M.  Otto  Schmitz,  qui  séjournait  alors 
à  Aukland.  Dans  sa  lettre  du  24  décembre,  celui-ci  confirma 
le  rapport  de  la  gazette  californienne,  qui  était  l'extrait  d'un 
discours  de  M.  Whitney,  lu  le  16  juillet,  à  l'Académie  de 
Californie ^  Il  restait  de  ce  crâne  :  un  os  frontal,  l'os  nasal, 
le  maxillaire  supérieur  droit,  une  partie  du  temporal  gauche 
avec  l'apophyse  mastoïde  et  l'arcade  zygomatique  et  les  deux 
orbites.  Ces  parties  furent  trouvées  par  M.  Matson  dans  un 
puits  d'une  profondeur  de  130  pieds.  Elles  se  trouvaient 
dans  une  couche  des  galets,  au  dessus  de  laquelle  existaient 
quatre  couches  de  cendres  volcaniques  durcies,  qui  sont 
séparées  par  des  formations  fluviales.  Les  ossements  sont 
forts  et  épais,  cimentés  au  moyen  d'une  brèche  calcaire  et 
des  morceaux  de  lave. 

M.  WTiitney  croyait  que  la  couche  qui  renfermait  le  crâne 
fossile,  était  plus  ancienne *que  la  période  glaciaire,  que  le 
Mammouth  et  le  Mastodonte,  et  contemporaine  des  éruptions 
volcaniques  de  la  Sierra  Nevada.  Mais,  sur  ce  point,  M.  Otto 
Schmitz  m'exprimait  déjà  des  doutes  et  se  demandait  si  la 
détermination  géologique  de  ce  terrain  et  de  toutes  les  con- 
trées de  la  Sierra  Nevada  sous  38**  L.  N.,  est  bien  exacte. 
M.  Whitney  regarde  le  type  du  crâne  comme  le  même  que 

1  Proceedings  ofCalif.Acad.  Nat,  Sc.^  III,  p.  277  et  Sïlliman's  Journal^ 
1867,  no  43,  p.  265. 


celui  des  Indiens  qui  habitent  aujourd'hui  les  pentes  de  la 
Sierra  Nevada  ;  il  dit  que  l'angle  facial  n'indique  aucune 
infériorité  de  développemetit  et  que  la  coquille  qui  est  atta- 
chée aux  ossements,  est,  d'après  la  détermination  de  M.  Coo- 
par,  celle  àeYMelixmormonim,  qui  vit  encore  dans  les  mêmes 
contrées. 

Dans  une  réunion  de  la  Société  des  naturalistes  du  Bas  ïthin, 
leTjuin  1867',  j'ai  donné  communication  de  tous  ces  rensei- 
gnements, en  résumant  les  raisons  qui  assignent  à  ce  cr&ne  un 
âge  moins  ancien.  Postérieurement,  on  a  discuté  cette  fouille 
dans  l'Assemblée  des  naturalistes  américains,  à  Chicago,  les 
5-12  août  1868.  M.  le  professeur  Wyman  constata  que  le 
crâne  d'Angelis  est  très  ressemblant  k  celui  des  Californiens 
actuels,  mais  qu'il  s'en  éloigne  par  quelques  traits  qui  le 
rapprochent  dn  crâne  des  Esquimaux*.  M.  Whitney  déclarS 
qu'il  ne  doutait  pas  de  l'authenticité  de  ce  crâne,  bien  qu'il 
eût  passé  par  plusieurs  mains  avant  de  lui  avoir  été 
remis.  Après  avoir  écrit  plusieurs  fois,  mais  vainement,  & 
M.  Whîtney,  pour  me  procurer  un  moule  de  ce  crâne,  je  char- 
geai, il  y  deux  ans,  un  jeune  antbropologiste  allemand, 
M,  le  docteur  Schmiât,  de  s'informer  de  toutes  les  circon- 
stances de  cette  fouille.  M.  Schmidt  a  dernièrement  publié 
ses  recherches  sur  l'histoire  préhistorique  de  l'Amérique'. 
D'après  lui,  la  couche  où  fut  trouvé  le  crâne  ne  peut  être 
déterminée  avec  certitude  comme  diluvienne.  Il  n'a  pas  vu  le 
crâne,  parce  que  M.  "Whitney  était  absent  et  sa  collection 
fermée. 


—  543  — 

vaient  aussi  des  pièces  de  bois  pétrifié.  Les  restes  du  Masto- 
donte trouvés  par  M.  Silliman  étaient  inférieurs  à  la  lave 
de  la  Œ  Table  Mountain  »  ;  ils  sont  donc  plus  anciens  que  les 
débris  humains  qui  étaient  compris  entre  deux  couches  vol- 
caniques. Ce  fait  trouve  son  analogue  dans  celui  de  la  Cam- 
pagne de  Rome,  où  Ton  a  découvert,  sous  des  couches  vol- 
caniques, dont  la  formation,  n'a  laissé  aucun  souvenir  dans 
l'histoire,  des  poteries  et  d'autres  produits  de  l'industrie  de 
l'homme,  qui  portent  les  caractères  du  style  étrusque  ^ 

Une  troisième  trouvaille  a  été  faite  en  Autriche.  Il  y  a 
quelques  mois,  les  anthropologistes  de  Vienne  furent  mis  en 
émoi  par  la  découverte  d'un  squelette  humain,  trouvé  à 
Brûx,  en  Bohême,  dans  le  sable  diluvien,  à  une  profondeur 
de  4  1/2  pieds  et  à  3  pieds  au  dessus  du  lignite.  A  2  pieds 
au  dessus  du  squelette,  on  découvrit  une  hache  en  pierre  bien 
travaillée^.  M.  Eokitansky  déclara  que  ce  crâne  était  d'un 
type  inférieur  à  celui  de  Neanderthal. 

Je  dois  le  moule  et  le  contour  de  ce  crâne  à  la  com- 
plaisance de  M.  Luschan,  de  Vienne,  qui  m'a  donné  aussi 
les  détails  suivants.  Le  fragment  se  compose,  d'après  l'opi- 
nion du  M.  le  professeur  Langer,  du  frontal  et  du  pariétal. 
Salongueur  est  de  200  millimètres,  sa  plus  grande  largeur,  de 
120  millimètres.  L'indice  n'est  que  de  60  millimètres;  mais 
la  largeur  du  fragment  n'est  pas  la  largeur  du  crâne,  que 
Ton  peut  estimer  à  140  millimètres.  M.  Langer  croit  que  la 
synostose  de  la  suture  sagittale  avait  produit  la  forme 
allongée  de  ce  crâne,  mais  l'ossification  des  sutures  ne  doit 
pas  être  regardée  comme  la  seule  cause  qui  détermine  la  con- 
formation des  crânes.  La  suture  sagittale  a  disparu  entière- 
ment, ainsi  que  la  suture  lambdoïde  ;  la  suture  coronale  est 
encore  visible,  mais  la  soudure  commençait  à  l'envahir.  Le 
crâne  et  les  autres  parties  du  squelette  portent  les  traces 
d'une  profonde  altération  pathologique;  les  os  du  crâne,  sur- 

*  Voyez  la  discussion  sur  ce  sujet,  p.  107. 

*  Mittheilungeii  der  anthrop,  Gesellschaft  in  WUn,  II,  1872,  n^  1. 


—  544  - 


tout  les  pariétaux,  paraissent  avoir  été  ramollis  et  corrodés 
par  suppuration.  Il  est  impossible  de  se  pronoucer,  d'après  le 
seul  aspect  du  moule,  sur  la  nature  de  cette  affectipn  : 
M.  Langer  en  fera  l'objet  d'une  étude  spéciale.  De  la  lon- 
gueur considérable  des  fémurs,  on  peut  conclure  qu'ils 
appartiennent  &  un  individu  de  grande  taille.  Si  j'envisage 
le  type  de  ce  crftne,  je  lui  trouve  une  ressemblance  générale 
avec  celui  du  crâne  de  Neanderthal  et  de  quelques  autres 
cr&nes  fossiles.  L'infériorité  typique,  quoique  prononcée  à 
différents  degrés,  que  nous  constatons  aujourd'hui  dans 
plusieurs  cr&nes  fossiles  découverts  sur  plusieurs  points 
de  l'Europe,  constitue,  pour  moi,  un  fait  de  la  plus  haute 
importance.  (PI.  90). 

Ces  crftnes  sont  :  1°  le  crâne  de  Neanderthal  ;  2*  le  crâne 
de  Brûx;  3°  le  crftne  trouvé  à  Forbes'  Quarry ',  près  de 
Gibraltar,  dans  un  gisement  extrêmement  ancien,  qui  est 
remarquable  par  un  front  petit  et  très  fuyant,  par  des  arcades 
surcilières  extrêmement  saillantes,  par  une  largeur  consi- 
dérable des  orbites,  le  prognathisme  et  la  forme  simienne  de 
l'arcade  dentaire;  4'  le  cr&ne  d'Eguisheim  *,  qui,  d'après  les 
recherches  de  M.  Scheurer-Restner,  présente  une  composition 
chimique  tout  à  fait  conforme  à  celle  des  ossements  du  Mam- 
mouth de  la  même  localité  ;  5°  enfin  le  crftne  du  Champ  des 
Mammouth  près  de  Cannstadt.  L'on  est  surpris  de  voir  com- 
bien la  conformation  de  ce  dernier  crftne  est  semblable  h 
celui  d'Eguisheim.  Il  fut  trouvé,  en  1700,  dans  un  terrain 
s  de  Ciinnstadf ,  où  l'on  nvait  déterré  uiie  jjmude  quantité 


—  545  — 

dant  démontré  que  ces  débris  de  Mammouth  et  de  Thomme 
ne  sont  pas  de  môme  âge.  L'emploi  d'une  liqueur  chlorhy- 
drique  diluée  dissout  entièrement  la  substance  osseuse  des 
débris  de  Mammouth,  mais,  des  ossements  humains,  il  reste 
une  substance  gélatineuse  et  les  éléments  du  tissu  sont  encore 
visibles. 

Ces  crânes  humains  fossiles  ont  une  conformation  fort 
inférieure  à  celle  de  la  plupart  des  crânes  des  cavernes 
et  des  plus  anciennes  sépultures  ;  mais  le  crâne  de  Neander- 
thal  n'est  surpassé  par  aucun  autre  sous  le  rapport  de  la  bes- 
tialité de  l'aspect.  Les  traits  communs  de  ces  crânes  sont  le 
peu  de  hauteur  et  la  profonde  dépression  du  front,  la  proémi- 
nence des  arcades  surcilières,  la  largeur  de  l'espace  interor- 
bitaire  et  la  forme  dolichocéphale.  Mon  savant  collègue, 
M.  le  professeur  Virchow,  a  dernièrement  examiné  le  crâne 
et  les  ossements  de  Neanderthal  et  il  y  trouve  des  traces 
d'une  affection  morbide  ;  'mais  quand  même  ce  crâne  por- 
terait les  traces  d'une  telle  affection,  c'est  à  dire,  d'une  dégé- 
nérescence dans  la  nutrition  du  tissu  osseux,  jamais  cette 
affection  n'eût  pu  produire  cette  conformation  bestiale.  Si 
l'on  scie,  comme  je  l'ai  fait,  un  crâne  de  Gorille  femelle 
suivant  une  ligne  horizontale,  qui  correspond  au  bord  infé- 
rieur du  crâne  de  Neanderthal,  on  est  frappé  de  la  ressem- 
blance générale  de  ce  crâne  humain  avec  celui  d'un  singe 
anthropomorphe.  Il  n'y  a  d'humain  dans  celui-là  que  sa 
grandeur,  que  le  volume  de  sa  cavité.  Sans  doute,  cette  diffé- 
rence est  d'une  importance  capitale,  mais  la  seule  croissance 
du  cerveau  pouvait  la  faire  naître  dans  le  cours  des  siècles. 

En  ce  qui  concerne  l'homme  tertiaire,  je  crois  que  les 
preuves  de  son  existence  ne  sont  pas  inattaquables;  mais  je 
répète  ce  que  j'ai  dit  antérieurement  à  Copenhague:  «Quel- 
ques restes  humains  fossiles,  comparés  avec  d'autres  qui  se 
sont  trouvés  à  côté  des  espèces  d'animaux  éteints  quater- 
naires, montrent  une  si  grande  infériorité  typique,  que  l'on 
peut  conclure  qu'ils  nous  ont  conservé  un  type  plus  ancien, 


-  546  - 


le  type  tertiaire.  Je  considère  comme  tel  le  ciine  de  Neui- 
derthal  et  la  mftchoipe  de  la  Naulette.  L'homme  et  les  ani- 
maux qui  vivaient  dans  les  cavernes  et  qui  y  ont  laissé  leurs 
restes,  ne  peuvent  appartenir  qu'à  l'époque  quaternaire,  vu 
que  les  cavernes  elles-mdmes  se  sont  formées  pendant  cette 
époque;  il  est  toutefois  possible  que  les  dépôts  des  cavernes 
renferment  des  ossements  qui  sont  introduits  par  les  eaux  et 
provenant  de  localités  tertiaires.  Il  est  en  effet  certain  que 
les  dépôts  des  cavernes  avec  leur  contenu  sont  souvent  des 
dépôts  secondaires.  > 

Passant  à  un  autre  sujet,  je  présenta  un  petit  instrument 
en  bois  de  cerf,  provenant  de  la  caverne  de  Balve,  en  West- 
phalie.  Cette  forme  d'outils  est  bien  rare;  je  ne  l'ai  pas 
observée  dans  beaucoup  de  collections.  Cependant,  il  s'en 
trouve  un  spécimen  au  Musée  de  Bruxelles  ;  il  provient  de 
la  caverne  de  Goyet  et  il  est  marqué  :  <  bois  de  cerf,  ayant 
servi  de  lissoir  i .  M.  Nilsaon  donne  une  description  et  la  gra- 
vure d'un  même  instrument  trouvé  en  Schonem,  en  Suède, 
avec  cette  seule  différence  qu'il  est  percé  d'un  trou  pour 
servir  à  le  pendre.  Je  ne  crois  pas,  avec  M.  Nilsson,  que  ce 
soit  un  instrument  pour  travailler  la  terre  —  il  n'est  pas  assez 
dur  pour  cela — ;  mais  il  parait  très  convenable  pour  détacher 
la  peau  des  animaux  de  chasse.  Un  silex  aurait  déchiré  la  peau 
par  son  tranchant.  Un  tel  instrument  est  trop  simple  pour 
avoir  été  un  objet  de  commerce;  son  identité  en  différents 
pays  démontre  la  migration  d'un  même  peuple  de  la  Suède 


—  547  — 

nous  devons  user  de  prudence,  en  portant  un  jugement  sur 
les  différents  âges  de  leurs  dépôts.  Un  observateur  conscien- 
cieux m'a  envoyé  le  fragment  d*une  hache  en  dolomite,  qui 
fut  trouvé  dans  une  crevasse  dune  colline  calcaire,  à 
Sporke,en  Westphalie,  parmi  des  cailloux  roulés  et  des  osse- 
ments de  Rhinocéros.  Ces  cailloux  constituent  la  même  cou- 
che que  celle  que  nous  avons  reconnue  hier  comme  formant 
le  dépôt  le  plus  profond  des  cavernes  de  la  Belgique.  On 
pensait  avoir  la  preuve  de  la  contemporanéité  de  l'homme 
et  du  Rhinocéros  en  Westphalie.  De  petites  taches  blan- 
ches couvraient  la  surface  de  cette  hache  et  l'observation 
microscopique  démontra  que  ces  taches  n'étaient  pas  une 
incrustation  calcaire,  comme  on  le  croyait,  mais  les  restes 
d'un  Lichen  qui  couvre  tous  les  rochers  de  cette  montagne  ; 
or,  il  est  impossible  que  ce  Lichen  se  soit  conservé  pendant 
des  centaines  d'années.  Cette  hache  doit  s'être  introduite  plus 
tard  et  peut-être  pendant  les  fouilles,  entre  les  cailloux  et  les 
débris  de  Rhinocéros,  qui  ne  montrent  aucune  trace  de 
Lichen. 

L'autre  observation  a  été  faite  dans  la  célèbre  grotte  de 
Balve,  qui  a  déjà  fourni  tant  d'ossements  fossiles.  Il  y  a  quel- 
ques mois,  le  contenu  d'une  fente  de  la  voûte,  que  l'on 
n'avait  pas  remarquée  auparavant,  tomba  subitement  sur  le 
fond  de  la  caverne  qu'il  recouvrit  de  cailloux  roulés  et  d'os- 
sements de  Mammouth,  de  façon  que  ceux-ci  se  trouvaient 
au  dessus  des  couches  qui  renferment  les  débris  du  Renne  et 
de  rOurs.  Un  tel  événement  a  pu  se  répéter  plusieurs  fois 
dans  le  cours  des  siècles,  de  sorte  que  des  débris  anciens 
peuvent  être  mêlés  à  ceux  qui  sont  plus  récents  ou  même 
leur  être  superposés.  Le  limon  qui  remplit  les  cavernes  sou- 
vent jusqu'à  la  voûte,  peut  avoir  été  introduit,  dans  beau- 
coup de  cas,  à  travers  des  fentes  semblables,  par  suite  de 
l'action  des  eaux.  Des  cailloux  roulés  analogues  à  ceux 
des  dépôts  des  cavernes,  se  trouvent  en  effet  quelquefois 
sur  les  hauteurs,  comme  je  l'ai  observé  en  Westphalie, 


-  548  • 


près  de  Grevenbrûck.  L'on  ne  doit,  en  conséquence,  pas 
toujours  r^Bfder  ces  dépôts  comme  formés  par  les  inon- 
dations des  fleuves.  Dans  celles  des  cavernes  de  la  West- 
phalie  oîi  les  dépôts  se  sont  formés  régulièrement,  on 
remarque,  comme  M .  Dupont  l'a  observé  en  Belgique,  que  les 
débris  du  Mammouth  Bont  placés  dans  les  couches  les  plus 
profondes,  au  dessus  desquelles  se  rencontrent  les  restes  de 
l'Hyène,  de  l'Ours  et  du  Renne. 

A  ces  communications,  qui  concernent  l'étude  des  temps 
préhistoriques,  j'ajouterai  une  observation  touchant  un  point 
de  l'archéologie  des  premiers  siècles  de  notre  ère.  On  ne  con- 
naît pas  encore  l'origine  des  belles  perles  en  mosaïque  qui 
se  trouvent  si  fréquemment  dans  les  tombeaux  de  la  période 
franco-romaine.  Chose  singulière  pour  l'histoire  de  l'indus- 
trie humaine,  la  fabrication  de  ces  perles  existe  encore.  On 
ne  connaissait  plus  ces  bijoux  en  Europe  au  moyen  fige; 
mais,  aujourd'hui,  ces  mêmes  perles  sont  fabriquées  à  Venise 
et  on  les  exporte  pour  l'Afrique,  où  elles  servent  à  la  parure 
des  peuples  sauvages. 

M.  Hamy.  Appuyant  les  propositions  de  If.  Schaaffhauaen 
en  ce  qui  concerne  le  crâne  de  Briix,  qu'un  honorable  corres- 
pondant de  Vienne  lui  avait  fait  connaître,  je  considère  cette 
pièce  comme  intermédiaire  entre  celle  que  M.  Faudel  a  trou- 
vée en  France,  è,  Eguisheim,  et  le  célèbre  crâne  de  Neander- 
thal  décrit  par  MM.  Fuhlrott,  Schaaffhausen  et  d'autres 
savants. 


—  549  — 

M.  SchaafiThausen,  en  mentionnant  la  tête  trouvée  par 
M.  Wliitney  en  Californie,  a  indiqué  vaguement  des  analo- 
gies entre  ce  crâne  et  celui  des  Californiens  actuels.  Je  de- 
mande à  laquelle  des  races  californiennes  ce  fossile  a  été 
comparé.  Cette  question  me  paraît  avoir  d  autant  plus  d'im- 
portance, quelesethnologistes  ont,  depuis  longtemps,  rappro- 
ché Tune  des  races  de  cette  partie  de  l'Amérique  septentrio- 
nale de  cette  même  race  australienne  dont  il  vient  d'être 
parlé. 

M.  DK  WuRMBRAND.  Le  crâuc  était-il  entier,  lorsqu'on  la 
trouvé,  ou  bien  était-il  brisé?  M.  le  professeur  Schaaffhausen 
a-t-il  reconstitué  Tautre  partie?  Cette  question  a  son  impor- 
tance. Je  crois,  si  mes  souvenirs  sont  exacts,  que  la  partie 
frontale  de  la  tête  a  seule  été  retrouvée. 

M.  Schaaffhausen.  Non,  il  n'y  a  rien  d'artificiel  dans  le 
crâne  qui  est  soumis  à  votre  examen. 

M.  VON  DucKEii.  La  grotte  de  Balve,  en  Westphalie,  dont 
a  parlé  M.  Schaaffhausen,  est  située  dans  la  vallée  même 
où  je  suis  né.  Depuis  trente  ans,  des  os  découverts  dans 
cette  grotte  ont  été  envoyés  aux  Musées  de  Bonn,  de  Vienne 
et  d'autres  villes;  j'en  ai  retiré,  il  y  a  vingt  ans,  de  la  poterie 
très  primitive,  des  silex  et  même  des  ossements. 

Jamais  les  géologues  distingués  qui  ont  examiné  ces 
ossements,  n'y  ont  mentionné  la  trace  laissée  par  la  main 
de  l'homme.  Aujourd'hui,  on  a  enfin  reconnu  que  la  plus 
grande  partie  de  ces  ossements  constitue  un  véritable  kjoek- 
kenmoedding  préhistorique. 

J'ose  espérer  que  le  même  avenir  est  réservé  au  dépôt  de 
Pikermi,  dont  j'ai  entretenu  le  Congrès. 

Sur  les  crânes  de  Furfooz,  par  M,  le  docteur  G.  Lagneau. 

Dans  notre  Europe  occidentale,  et  en  particulier  en  Bel- 
gique, dès  les  temps  paléontologiques,  dès  les  temps  histo- 
riques, il  paraît  avoir  existé  au  moins  deux  ou  trois  races 

85 


humaines  distinctes.  Le  crftne  dolichocéphale  d'Engis,  au 
coronal  étroit,  peu  élevé,  qui  a  été  découvert  par  Scbmerlin^, 
eu  même  temps  que  des  ossements  deBhinocéros  et  d'autrea 
espèces  quateraaires,  diEFëre  notablement  des  cr&nes  mésati- 
cépbales  de  Furfooz  du  l'&ge  du  Renne,  découverts  par 
M.  Dupont. 

En  outre,  la  très  curieuse  mâchoire  de  la  Naulette,  voire 
même  l'une  de  celles  de  Goyet,  mais  à  un  moindre  degré, 
diffèrent  complètement,  par  l'absence  ou  le  faible  dévelop- 
pement des  apophyses  g^éni  et  par  l'absence  de  saillie 
mentonnière  de  celles  de  toutes  les  races  humaines  de  notre 
Occident. 

Mais,  sans  insister  davantage  sur  la  diversité  et  la  multi- 
plicité des  anciens  types  ethnologiques  de  la  Belgique,  je 
désire  faire  quelques  remarques  sur  les  restes  humaios  de 
Furfooz. 

Les  ossements  retirés  par  M.  Dupont  du  trou  du  Frontal 
ont  été  regardés  par  M.  Priiner-Bey  comme  provenant  d'une 
race  mongoloïde  ',  dénomination  qui  impliquerait  des  rap- 
ports ethnologiques  avec  les  peuples  touraniens  de  l'Europe 
orientale  et  de  l'Asie.  Quoique  cette  dénomination  de  mongo- 
loïde ait  été  acceptée  par  plusieurs  savants  anthropologistea, 
les  caractères  ostéologiques  me  paraissent  peu  la  jus- 
tifier. 

L'une  des  têtes  osseuses  de  Furfooz  a  l'ossature  mince. 


-  551  — 

prognathisme  alvéolaire,  comme  quelques  types  mongols, 
elle  oflPre,  au  contraire,  un  diamètre  bimalaire  peu  con- 
sidérable, un  front  bien  développé,  et  son  crâne,  à  région 
occipitale  assez  relevée,  est  également  mésaticéphale  et  n'a 
nullement  la  forme  pyramidale. 

Quant  aux  fragments  trouvés  dans  ce  même  trou  du  Fron- 
tal, fragments  dont  on  apu  reconstituer  une  voûte  crânienne, 
ils  paraissent  avoir  appartenu  à  un  crâne  remarquablement 
dolichocéphale.  En  outre,  on  peut  remarquer  que  deux 
mâchoires  inférieures,  par  leurs  grandes  proportions,  ne 
paraissent  pouvoir  être  rapportées  qu  à  des  hommes  grands 
et  à  forte  ossature. 

En  résumé,  il  semble  donc  que  les  hommes  de  Furfooz, 
vraisemblablement  de  race  déjà  assez  mêlée,  au  crâne,  soit 
mésaticéphale,  soit  dolichocéphale,  mais  nullement  pyrami- 
dal, ne  peuvent  pas  être  considérés  comme  provenant  de  races, 
mongoloïdes  ou  touraniennes. 

Les  caractères  de  cette  race,  dite  mongoloïde,  auraient 
également  été  retrouvés  par  M.  Prûner-Bey  dans  les  crânes 
recueillis  par  M.  le  duc  de  Luynes  et  par  M.  Bourguignat 
dans  le  département  du  Var,  au  sud-est  de  la  France,  et  dans 
ceux,  d  époque  beaucoup  plus  récente,  d'un  couvent  d'An- 
necy, recueillis  par  M.  G.  de  Mortillet^  Ce  type  serait  com- 
parable aux  crânes  figurés  et  décrits  par  M.  Nicolucci^. 
De  même  que  pour  les  crânes  de  Furfooz,  je  n'ai  pu  recon- 
naître un  type  mongoloïde  dans  aucun  de  ces  crânes  que 
j*ai  eu  l'occasion  de  voir.  Nullement  pyramidaux,  ils  m'ont 
paru  présenter  un  front  assez  développé,  ainsi  d'ailleurs 
que  M.  Cari  Vogt  semble  lavoir  aussi  observé  chez  le  type 
ligure  ^. 

Quant  à  cette  dénomination  de  ligure,  appliquée  à  cer- 

»  BulL  de  la  Soc.  d'Anthrop.,  t.  VI,  p.  189. 

*  LaStirpe  ligure  in  Italia  nei  tempori  antichi  e  moderni^  1864. —  Bull, 
de  la  Soc.  dAnthrop.,  t.  VI,  p.  259  et  2«  sér.,  1. 1,  p.  40i). 
3  Bull,  de  la  Soc,  d*Anthrop„  2®  sér.,  1. 1,  p.  90,  etc. 


—  552  - 


tains  crânes -de  l'Italie,  du  sud-est  de  la  France  e 
Belgique,  est-elie  plus  justifiée? 

Sous  le  rapport  oatéologique,  les  anciens  crânes  re 
dans  le  sud-est  de  la  France,  voire  cei-taios  ha 
actuels  de  cette  région  paraissant  présenter  le  mén: 
crânien,  semblent  offrir  une  tête  plus  brach3'céphal 
globuleuse  que  les  mésaticéphales  de  Furfooz,  dans  le 
d'ailleurs,  je  serais  disposée  voir  également  les  asce 
de  certains  habitants  actuels  de  la  région  si  sava 
explorée  par  M.  Dupont. 

Sous  le  rapport  ethnologique,  je  sais  que  plusieurs 
graphes  Moke  ',  M.  le  général  Eenard  *,  Wave^,  Prie 
ont  admis  comme  vraisemblable  la  présence  des  Lig-un 
le  nord-est  de  l'Europe.  Le  professeur  Moke  rattaeh 
peuple,  les  Logres  ou  Loegpys,  anciens  habitants  de; 
de  la  Tamise.  Prichard  croit  voir,  dans  raucieune  déni 
tion  de  la  Loire,  Liger,  Ligyros  ou  plus  exactement  \t 
le  souvenir  de  cet  ancien  peuple.  Enfin,  MM.  Roge 
Belloguet  rapportent,  à  cette  race  ligure,  une  grande 
de  la  population  de  la  France^.  Sans  insister  ici  au 
opinion  qui,  outre  certains  passages  de  Denys  le  Péri 
et  deTacite'',surla  présence  des  Ibères  dans  les  Ues  Br: 
ques,  trouve  son  principal  appui  danslepassage  de  Fastu 
nus,  nous  montrant  les  Ligures  chassés  par  les  Celtes  di 
nage  des  lies  Aatrynmides  ^,  actuellement  les  îles  Sorli 

origines  gauloises,  germaniques 


—  553  — 

on  peut  dire  que,  relativement  à  la  Belgique,  jusqu'à  présent 
aucun  document  historique  n  y  signale  la  présence  ancienne 
des  Ligures. 

De  nouvelles  études  ostéologiques  des  anciennes  popu- 
lations, Tétude  anthropologique  des  populations  actuelles 
viendront-elles  confirmer  le  rapprochement  ethnologique 
indiqué  par  M.  Prûner-Bey,  entre  certains  anciens  peu- 
ples de  la  Belgique  et  ceux  de  la  Ligurie,  du  littoral  médi- 
terranéen? C'est  ce  que  l'avenir  nous  apprendra. 

M.  Hamy  expose  succinctement  les  résultats  de  ses  études 
sur  les  races  quaternaires  de  la  Belgique.  Dans  ce  pays, 
comme  en  France,  il  reconnaît,  au  milieu  des  restes  humains 
fossiles  recueillis  avec  tant  de  zèle  par  Schmerling, 
par  Crahay,  par  MM.  Dupont  et  Malaise,  trois  races  bien 
distinctes. 

La  première  et  la  plus  ancienne,  celle  dont  le  prototype, 
le  célèbre  crâne  de  Neanderthal,  a  suscité  tant  de  contro- 
verses et  tant  d'interprétations  si  différentes,  lui  paraît, 
comme  à  M.  Schaaffhausen,  représentée  par  la  mâchoire 
de  la  Naulette,  près  de  laquelle  se  place  le  numéro  1  de 
Goyet. 

M.  Hamy  avait  adopté,  en  1870,  au  sujet  de  cette  remar- 
quable pièce,  la  théorie  si  habilement  développée  par  M.  Du- 
pont, en  1866,  dans  une  note  à  l'Académie  royale  de  Bel- 
gique, suivant  laquelle  ce  maxillaire  étrange  se  rattacherait, 
par  des  formes  intermédiaires,  à  l'une  des  formes  de  Furfooz. 
Trompé,  comme  l'honorable  Secrétaire  général  du  Congrès, 
par  des  ressemblances  de  détail,  l'orateur  avait  regardé  la 
mâchoire  de  la  Naulette  comme  l'exagération  d'un  des 
types  mandibulaires  de  l'âge  du  Renne  en  Belgique. 

De  nouvelles  recherches  faites  sur  un  fort  grand  nombre 
de  pièces  jusqu'à  présent  négligées  dans  la  comparaison  des 
races  primitives  de  l'Europe,  le  portent  aujourd'hui  à  consi- 
dérer, au  contraire,  les  maxillaires  inférieurs  de  Tâge  du 
Renne  et  de  la  période  néolithique,  etc.,  qui  reproduisent  par- 


tiellement  les  caractères  de  la  mâchoire  de  la  Naal 
comme  des  pièces  ataviques,  que  l'on  rencontre  de  ci  < 
dans  les  grandes  séries  de  têtes  européennes,  où  se  retrou 
disséminés  et  confondus  tous  les  types  ethnologiques 
se  sont  succédé  dans  nos  contrées  depuis  les  temps  paléc 
logiques. 

Une  deuxième  race,  celle  qui  peuple  le  Centre  et  le  I 
de  la  France  pendant  la  période  de  transition  qui  relie  1 
du  Mammouth  à  celui  du  Benne  (déhris  humains  de  Cro 
gnon,  Bruniquel,  Menton,  Âurignac  en  partie,  la  M 
leine,  Montrejeau,  Parîa-Grenelle) ,  se  retrouve  enBelg 
dans  les  pièces  d'Engis  (Schmerling),  d'Engihoul  (Sch: 
ling,  Malaise),  de  Goyet  N°  2  (Dupont). 

Le  maxillaire  inférieur  de  Smeermass,  près  Maestr 
(Crahay),  rentre  dans  le  même  type,  auquel,  suiv 
M.  Broca,  appartiendrait  même  un  crâne  de  Furfooz,  < 
M.  Pruner-Bey  ne  parait  pas  avoir  tenu  un  compte  suffi 
dans  la  description  des  pièces  du  trou  du  Frontal.  On 
que  les  résultats  auxquels  M,  Hamy  est  arrivé  par  l'an 
mie,  confirment  ceux  que  l'archéologie  préhistorique  a 
donnés  à  M.  Dupont.  Notre  savant  Secrétaire  général  pi 
en  effet,  l'âge  d'Engis  sur  le  même  rang  que  Montai 
équivalent  belge  de  Cro  Magnon,  etc.  L'anatomie  peut  dén 
trer  l'identité  des  débris  osseux  des  deux  localités  :  argun 
ethnologique  très  puissant  en  faveur  de  la  sûreté  des  à 
ordres  de  diagnoses. 

d.  Hamy  ne  s'arrête  pas  aux  débris  de  la  traisième  i 


—  555  — 

de  passer  en  revue.  Il  a  été  frappé,  comme  son  honorable 
collègue,  de  retrouver  dans  la  vallée  de  la  Lesse  quelques 
individus  rappelant,  par  leurs  traits,  les  troglodytes  du  trou 
du  Frontal,  comme  il  avait  déjà  été  vivement  impressionné 
de  la  vue  de  certains  habitants  du  Hainaut  reproduisant 
d'une  façon  surprenante  les  traits  de  la  race  neanderthalienne. 
M.  Hamy,  à  Tappui  de  cette  dernière  assertion,  fait  circuler 
dans  l'Assemblée  le  profil  d'une  batelière  des  environs  de 
Mons,  peint  pour  lui  par  M.  Roujou  et  qui  reproduit  tout  à 
fait  les  contours  osseux  de  la  première  des  races  humaines 
dont  il  a  parlé,  et  les  caractères  extérieurs  (peau  brune,  mu- 
queuses foncées,  cheveux  très  abondants,  ondulés  et  plantés 
très  bas,  yeux  noirs,  etc.)  des  races  des  Vindhyas,  ou  de 
certaines  parties  de  la  côte  australienne. 

M.  Dupont.  Les  crânes  découverts  dans  le  trou  du  Frontal, 
à  Furfooz,  ont  été  particulièrement  étudiés  par  M.  Prûner- 
Bey.  n  s'est  livré  à  ce  sujet  à  des  recherches  considérables, 
connues  de  tous  les  anthropologistes.  La  description  détaillée 
et  les  mensurations  des  ossements  ont  paru  dans  les  pu- 
blications de  l'Académie  royale  de  Belgique  ^,  et  les  ré- 
sultats ethniques  de  ses  études  ont  été  exposés  au  Congrès 
de  18672. 

M.  Prûner-Bey  a  reconnu  que  ces  crânes  sont  mésaticé- 
phales  :  celui  qu'il  considère  comme  appartenant  à  un  jeune 
homme  (crâne  N°  1,  PL  74,  fig.  1  a,  b,  c)  a  pour  indice  cé- 
phalique811,etlecrâne,  considéré  comme  celui  d'une  femme, 
813  (crâne  N°  2,  PI.  74,  fig.  2  a,  b).  Il  a  observé  que  le  dia- 
mètre bimalaire  est  élargi,  notamment  dans  le  premier;  que 
les  orbites  sont  dirigés  un  peu  en  dehors.  Les  mensurations 
de  la  plupart  des  éléments  crâuiologiques,  relevées  dans  le 
sens  horizontal,  concordent  d'une  manière  frappante. 

Mais,  h  côté  de  ces  ressemblances,  se  trouvent  des  con- 

1  Mémoires  in-8°  de  TAcadémie  royale  des  Sciences,  des  Lettres  et  des 
Beaux- Arts  do  Belgique,  18G7. 

2  Cowpte  rendu  de  la  deuxième  session  du  Congrès  international  dan- 
thropologie  et  d'archéologie  préhistoriques,  p.  345. 


—  556  - 


trastes  qu'on  peut  définir  ainsi  :  le  diamètre  vertical  du  crftne 
N"  1  est  de  125;  celui  du  cr&ne  N"  2  est  de  140.  L'un  est 
donc  platycéphale  et  l'autre,  acrocéphale.  Le  premierale  front 
fuyant;  le  second  a  le  front  relevé.  Le  N"  1  est  orthognathe; 
le  N"  2  est  prognathe.  Enfin  le  fragment  de  mâchoire  infé- 
rieure, rapporté  au  premier,  a  le  menton  pointu  ;  il  est  plus 
large  et  un  peu  carré  dans  le  second.  La  partie  supérieure 
ducr&ne  est  régulièrement  arquée  dans  l'un;  elle  est  sensible- 
ment aplatie  en  avant  dans  l'autre.  L'occiput  est  proéminent 
dîins  le  premier  crâne;  il  est  aplati  dans  le  second. 

Les  ressemblances  l'emportent-elles  sur  les  contrastes? 
Certes,  si  l'on  accorde  aux  mensurations  une  valeur  prépon- 
dérante, les  points  communs  sont  dans  ces  deux  cr&nes  plus 
nombreux  que  les  divergences,  et  dès  lors  on  conclura  h  des 
affinités  intimes  entre  eux.  Si  l'on  donne,  au  contraire,  plus 
d'importance  aux  caractères  purement  morphologiques,  ces 
restes  doivent  être  considérés  comme  très  différents  et  h 
peine  susceptibles  de  quelques  rapprochements  d'ordre  se- 
condaire. 

Ces  deux  points  de  vue  conduisent  donc  à  des  opinions 
opposées,  et,  du  désaccord  entre  ces  données  obtenues  par 
des  méthodes  différentes,  il  ne  pouvait  naître  que  des  conclu- 
sions tout  h  fait  contraires.  M,  Prùuer-Bey  a  été  frappé  de? 
similitudes  que  lui  ont  principalement  révélées  les  mensura- 
tions; il  a  donc  été  porté  à  voir  une  seule  race  dans  ces  deux 
crânes  et  à  n'accorder  aux  contrastes  qu'une  moindre  impor- 
tance, celle  de  caractères  individuels.  M.  P.  J.  Van  Beneden, 


—  557  — 

suggérèrent  entre  les  populations  de  Tâge  du  Eenne  dans  la 
vallée  de  la  Lesse  et  les  populations  allophyles  du  rameau 
mongolique.  L'illustre  maître  trouvait  la  confirmation  de 
ses  vues  dans  les  crânes  découverts  par  M.  de  Ferry,  à 
Solutré^ 

En  1866,  M.  de  Quatrefages  reçut  de  Saint  Pétersbourg 
trois  crânes  d'Estlioniens  et  y  reconnut  des  analogies  sé- 
rieuses avec  les  crânes  de  Furfooz*.  Il  voulut  bien  me  per- 
mettre de  les  examiner.  Les  mêmes  analogies  me  frappèrent 
également.  Ces  observations  étaient  donc  dans  le  sens  des 
affinités  annoncées  par  M.  Priiner-Bey  et  tendaient,  de  leur 
côté,  à  rendre  très  légitime  le  nom  de  Mongoloïdes  qu'il  avait 
donné  aux  peuplades  mésaticéphales  de  Tâge  du  Benne. 
Ainsi  ai-je  cru  devoir  partager  l'opinion  d'une  étroite  parenté 
entre  la  peuplade  de  Furfooz  et  les  races  allophyles,  parti- 
culièrement les  populations  esthoniennes^. 

M.  de  Quatrefages  m'a  communiqué,  avec  sa  bienveillance 
habituelle,  les  crânes  esthoniens  sur  lesquels  les  comparai- 
sons avaient  porté  et  s'est  empressé  de  m'autoriser  à  les  faire 
figurer  dans  l'Atlas  de  notre  Compte  rendu.  Il  les  a  accom- 
pagnés de  mensurations  relevées  par  M.  Hamy. 

La  planche  74  représente  les  deux  crânes  de  Furfooz,  de 
manière  à  indiquer  les  analogies  et  les  contrastes  déformes. 
Les  contrastes  l'empoi^tent  de  beaucoup,  à  ce  point  de  vue, 
sur  les  analogies.  Mais  si  nous  cherchons  à  définir  ces  crânes 
par  des  mensurations,  ces  contrastes  font  place  à  des  simili- 
tudes qui  dénoteraient  un  môme  type.  Le  tableau  complet  a 
été,  ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut,  publié  en  1867. 


1  Compte  rendu  du  Congrès  de  i867,  loc.  cit.,  ei  Le  Maçonnais  préhis- 
torique, ouvrage  posthume,  do  H.  de  F'erry,  avec  notes,  etc., par  M.  Akce- 
LiN,  et  un  supplément  anthropologique,  par  M.  PrOner-Bey. 

*  Bulletins  de  la  Société  anthropologique  de  Paris,  t.  I,  p.  284, 1866,  et 
Rapport  sur  les  progrès  de  V anthropologie,  p.  260,  1867. 

3  L Homme  pendant  les  âges  de  la  pierre  dans  les  enviro7is  de  Dinant 
sur  Meuse, 'Z'^  éd.,  p.  141. 


—  558  - 

Voici  quelques  unes  des  doDDées  principales  : 
CRANES  DE  FURFOOZ  [mensuTatioDS  de  M.  Pruner-Bey). 

Crtoa  N-  I.  Crtoa  FI-  t. 

Diamètre  antéro-postërieur  .     .     .  175  17â 

—  transverse 142  150 

—  vertical 125  140 

Indice  de  largeur 811  813 

—  de  hauteur 704  813 

La  planche  75  représente,  à  son  tour,  deux  des  cr&nes 
esthoniens,  dont  je  dois  la  communication  à  U,  de  Quatre- 
fages.  On  peut  comparer  le  cr&ne  ûg.  1  a,  b,  c,  au  crâne 
N*  1  de  Furfooz,  et  le  cr&ne  de  Parma  (fig.  2  a,  b,  c)  au 
crtae  N*2. 

Voici  leurs  mensurations,  d'après  les  opérations  de 
M.  Hamy, 

CRANES  ESTHONIENS  (PI.  75). 

Crlue  d'DD  uclen    Crlna  d«  Ptnu 

Wmb8Hl(Bg.l.,»,t).     (Og.ï-.*.!). 

Diamètre  antëro-postérieur  .     .     .  181  181 

—  transverae 147  149 

—  vertical 136  132 

Indice  de  largeur 812  823 

—  de  hauteur 751  729 

Ainsi  l'on  observe,  lorsque  l'examen  porte  sur  leurs  di- 
mensions, de  sérieuses  analogies  entre  ces  quatre  crânes,  qui 
sont,  deux  à  deux,  de  localités  et  d'époques  très  différentes, 
tandisquedes dissemblances,  souvent  considérables,  s'y  mani- 


—  559  - 

logique;  mais,  en  réalité,  ce  n'est  pas  sur  ses  données  seules 
qu'on  peut  espérer  voir  reposer  une  science  qui  —  les  discus- 
sions de  cette  session  le  témoignent  assez  —  en  est  encore  à 
chercher  sa  véritable  voie. 

Plusieurs  de  nos  confrères  ont  remarqué,  parmi  les  osse- 
ments humains  du  trou  du  Frontal,  un  crâne  qui  a  été  res- 
tauré il  y  a  quelques  mois,  et  dont  la  partie  supérieure 
manque  malheureusement.  L'indice  céphalique  ne  peut  y  être 
relevé,  mais  on  reconnaît,  à  première  vue,  que  le  crâne  est 
très  dolichocéphale  et  diffère,  sous  plusieurs, autres  rapports, 
des  crânes  N°'  1  et  2  de  la  même  caverne.  Ce  serait  l'indi- 
cation que  les  types  étaient  déjà  mêlés  pendant  Tâge  du 
Renne  dans  la  vallée  de  la  Lesse,  comme  M.  Van  Beneden 
avait  déjà  cru  pouvoir  le  déduire,  en  1865,  de  l'examen  de 
ces  deux  crânes  ^ 


1  On  se  rappelle  sans  doute  la  calotte  crânienne  découverte  dans  le  trou 
Rosette,  à  Furfooz  (Môm.  in-S*»  de  TAcadémie  royale  de  Belgique,  loc. 
cit).  Elle  a  été  décrite  en  m^^me  temps  que  les  crânes  du  trou  du  Frontal. 
Son  volume  est  considérable;  son  indice  céphalique  est  approximativement 
de  180/155  =  861.  Elle  a  été  considérée  comme  indiquant  un  cas  patholo- 
gique tenant  de  l'hydrocéphalie.  La  découverte  de  M.  Arnould  à  Sclai- 
gneaux  (p.  370)  nous  fournit  une  autre  interprétation.  Les  crânes  de 
Sclaigneaux  ont  été  découverts  dans  une  caverne  sépulcrale  de  Tâge  de 
la  pierre  polie.  On  y  remarque  deux  formes  bien  distinctes.  Le  sommet 
de  quelques  crânes  présente  un  bombement  régulier;  le  front  est  plus 
fuyant  et  les  bosses  pariétales,  plus  rejetées  en  avant,  sont  normalement 
développées  (PI.  86,  fig.  2  a,  6  et  fig.  3).  La  protubérance  pariétale  est 
surtout  atténuée  dans  le  crâne  flg.  2  ;  aussi  son  indice  céphalique  n'est-il 
environ  que  de  780  (Le  côté  gauche  du  crâne  est  incomplet).  Les  orbites 
sont  beaucoup  moins  grands  et  sont  un  peu  tournés  en  dehors.  Le 
crâne  flg.  3  est  très  brachycéphale  (indice  céphalique  862)  ;  les  bosses 
pariétales  sont  plus  accusées  et  le  front  moins  fuyant. 

La  plupart  des  autres  crânes  sont  aussi  nettement  brachycéphales. 
L'indice  céphalique  du  crâne  flg  1.  a.  6,  c  =  877  ;  celui  du  crâne  flg.  4  = 
848.  Mais  ici  le  sommet  a  subi  un  aplatissement  très  sensible;  le  front  est 
relevé  ;  les  bosses  pariétales  sont  rejetées  en  arriére  et  très  prononcées  ; 
le  crâne  est  comme  écrasé  sur  un  plan  passant  par  les  arcades  surciliéres 
et  la  jonction  des  sutures  sagittale  et  lambdoïde  (fig.  1).  Ce  sont  là  les 
signes  d'une  déformation  artificielle  pendant  la  vie. 

Ce  cas,  qui  affecta  presque  tous  les  nombreux  fragments  de  crânes 


—  560  — 


M.  ViBCHOW.  Je  n'îii  pu  examiner  qu'aujourd'hui  les 
cr&nes  de  Purfooz.  II  m'a  donc  été  impossible  de  me  préparer 
longuement  à  la  disctission  qui  est  ouverte  en  ce  moment. 
Néanmoins,  je  ne  puia  m' empocher  d'intervenir  dans  le  débat. 

Je  m'associe  pleinement  h  l'opinion  de  M.  L&gne&n. 
Comme  lui,  je  pense  qu'il  est  nécessaire  de  comparer  ces 
cr&nes  avec  ceux  des  populations  actuelles.  Aussi  doit-on 
regretter  qu'on  n'ait  encore  rassemblé  à  Bruxelles  qu'une 
très  faible  collection  de  crânes  modernes.  Pour  me  livrer 
aux  études  nécessaires,  je  n'ai  trouvé  k  ma  disposition 
qu'une  série  de  cr&nes  de  criminels,  exécuta  dans  les  cin- 
quante dernières  années.  Cette  collection  est  possédée  par 
l'Université  de  Bruxelles  etprésenta  beaucoup  d'intérêt.  Elle 
porte  les  indications  de  l'&ge,  ainsi  que  du  lieu  et  de  la 
date  de  naissance  :  indications  qui  sont  très  précieuses.  ïies 
cr&nes  j  sont  accompagnés  des  moules  de  la  physionomie, 
pris  après  la  mort.  La  comparaison  de  ces  derniers  avec  les 
cr&nes  correspondants  est  fort  instructive  et  donne  des  ré- 
sultats surprenants. 

recueillis  A  Sclaigneaox,  se  répète  dans  les  fragments  de  crânes  que 
viennent  de  fournir  deux  autres  cavités  sépulcrales  de  même  Age,  décou- 
vertes dans  les  environs  de  Dinant  [p.  476). 

Ce  sont  ces  caractères  de  déformation  artiUciello  qu'on  peut  reconnaître 
dans  le  crâne  du  trou  Rosette,  où  les  fouillea  n'ont  peut-étro  pas  été  faites 
avec  assez  de  précision  pour  iju'on  puisse  affirmer  la  position  stratîgra- 
pbique  de  tous  les  restes  qu'il  contenait,  ainsi  que  le  noD-mèlange  des 
débris  de  l'âge  de  la  pierre  polio  pendant  l'exploration. 

Quoiqu'il  en  soit,  nous  constatons  que  des  indices  d'une  modidcation 


—  561  — 

Plusieurs  crânes  de  cette  collection  ont  une  grande  res- 
remblance  avec  ceux  de  Furfooz. 

Avant  d'approfondir  cette  comparaison,  je  désire  signaler 
un  principe  qu'il  ne  faut  pas  perdre  de  vue,  lorsqu'on  discute 
l'origine  des  races.  Lorsque  la  généralisation  n'est  basée 
que  sur  une  seule  pièce  il  est  aisé  de  formuler  des  carac- 
tères; mais  quand  le  nombre  des  pièces  devient  plus  con- 
sidérable, des  différences  s'observent  et  la  difficulté  com- 
mence. 

En  présence  de  plusieurs  pièces,  de  plusieurs  mâchoires, 
par  exemple,  il  est  nécessaire  de  rechercher  quels  sont  les 
caractères  typiques.  Tel  est  le  cas  pour  les  mâchoires  de  la 
caverne  de  Furfooz  réunies  par  M.  Dupont,  qui  diffèrent 
notablement  les  unes  des  autres. 

J  ai  fait  remarquer  ce  fait  à  plusieurs  de  mes  confrères 
qui  visitaient  ce  matin  le  Musée  en  même  temps  que  moi. 
Ils  ont  également  constaté  qu'il  existe  entre  ces  mâchoires 
des  différences  considérables.  Tandis  que  quelques-unes  ne 
montrent  aucune  trace  de  prognathisme,  d'autres  offrent  un 
prognathisme  bien  accusé.  Le  menton  est  tantôt  pointu, 
tantôt  arrondi.  Les  deux  moitiés  de  la  mâchoire  se  rencon- 
trent quelquefois  sous  un  angle  très  aigu;  d'autres  fois, 
sous  une  courbe  à  grand  rayon.  L'on  doit  se  demander 
quelle  est  ici  la  mâchoire  typique? 

En  comparant  ces  différentes  pièces  à  celles  de  la  collec- 
tion de  l'Université  de  Bruxelles,  on  constate  une  grande 
analogie.  J'ai  particulièrement  observé  un  prognathisme  très 
frappant  dans  certains  de  ces  crânes,  et  il  me  paraît  remar- 
quable que  les  crânes  les  plus  prognathes  sont  des  crânes 
flamands,  tandis  que  les  crânes  wallons  ont  un  tout  autre 
type.  Mais ,  même  entre  les  crânes  flamands,  il  existe  des 
différences  assez  fortes  et  les  caractères  extrêmes  pourraient 
être  considérés  comme  mongoloïdes.  En  présence  du  petit 
nombre  des  crânes,-  ces  différences  sont  difficiles  à  for- 
muler. Il  en  est  cependant  quelques-uns  qui  permettent  une 


—  562  - 

espèce  de  démonstratioD.  Je  choisirai  trois  mesures  :  1"  L'in- 
dice céphalique;  2°  la  distance  de  la  racine  du  nez  au  bord 
antérieur  du  trou  occipital  (longueur  de  la  base  du  cr&ne)  ; 
3°  la  distance  de  Tépine  nasale  inférieure  au  même  point. 
En  mesurant  trois  crânes  flamands,  je  trouve  les  nombres 
suivants  : 


Van  den  Bosch  , 


74,4 

98 

98 

78,6 

101 

95 

79,1 

103 

92 

£n  présence  de  ces  mesures,  on  conviendra  qu'il  est  dif- 
ficile de  choisir  la  forme  typique. 

Il  exista  aujourd'hui  une  certaine  tendance  à  la  comparai- 
son des  crinea  préhistoriques  avec  ceux  des  races  infé- 
rieures. Cette  tendance  est  sans  doute  logique;  mais  ici 
encore  il  imporie  de  se  mettre  en  garde  contre  de  graves 
préjugés.  En  général,  on  croit  que  la  capacité  du  ciAne 
donne  la  mesure  certaine  du  développement  du  cerveau  et 
des  facultés  psychiques.  Cependant  la  valeur  de  cette  déduc- 
tion est  trèa  douteuse. 

Dernièrement  la  Société  anthropologique  de  Berlin  reçut 
deux  cr&nes  provenant  de  fouilles  faites  à  Athènes  dans  des 
circonstances  qui  fournirent  des  données  historiques  bien 
déterminées.  Un  tombeau  qu'on  découvrit,  contenait  une 
inscription  mentionnant  le  nom  (rXuxepa)  de  la  personne 
inhumée,  et  l'on  pouvait  déterminer  parfaitement,  à  l'eiide 


—  563  — 

aujourd'hui  comme  insuffisante  pour  donner  un  dévelop- 
pement psychique  nonnal.  Sous  ce  rapport,  il  présente  beau- 
coup d'analogie  avec  les  crânes  des  sauvages  actuels  delà 
Nouvelle  Hollande.  Sa  capacité  n'est  que  de  11 50  centimètres 
cubes.  Le  crâne  masculin  est  un  peu  plus  volumineux;  il 
jauge  1280  centimètres  cubes;  mais  cette  capacité  est  elle- 
même  en  dessous  du  chiffre  typique  des  races  modernes  de 
l'Europe. 

Si  l'on  examine  les  ossements  de  la  femme,  on  y  remarque 
plusieurs  caractères  considérés  comme  typiques  de  la  race 
mongoloïde.  Le  tibia  et  le  fémur  sont  très  aplatis.  Cette 
femme  ne  peut  néanmoins  être  considérée  comme  anomale, 
car  l'homme  partageait  avec  elle  plusieurs  de  ces  traits.  Sa 
stature  était  peu  élevée.  En  généralisant  d'après  ces  données, 
on  devrait  conclure  que  le  peuple  grec  de  l'époque  macédo- 
nienne était  de  petite  taille  et  d'un  développement  inférieur. 
Si  l'un  de  ces  individus  avait  été  rencontré  à  Furfooz,  il 
aurait  pu  être  considéré  comme  appartenant  à  quelque  race 
inférieure,  telle  que  la  soi-disant  race  mongoloïde.  Mais  il 
me  semble  inadmissible  que  ces  individus  appartiennent  à 
une  race  inférieure.  Ils  étaient  en  effet  inhumés  au  milieu 
d'objets  très  précieux  et  dans  un  endroit  très  distingué  de  la 
ville.  Du  reste,  le  crâne  de  c  Glycera  »  porte  beaucoup  de 
traits  de  beauté  et  tout  nous  autorise  à  croire  que  cette  femme 
n'appartenait  pas  à  une  peuplade  étrangère.  Dans  le  cas 
actuel,  il  est  donc  évident  que,  pour  établir  notre  opinion  sur 
les  peuples  qui  habitaient  la  Grèce  à  l'époque  de  ces  sépul- 
tures, nous  ne  pouvons  nous  baser  uniquement  sur  les  restes 
de  ces  deux  individus,  et  que  nous  ne  pouvons  en  tirer  des 
conclusions  générales  sur  l'origine  des  peuples  qui  vécurent 
jadis  dans  ce  pays. 

Les  mêmes  considérations  s'appliquent  aux  races  préhis- 
toriques. Un  ou  deux  crânes  ne  suffisent  point  pour  établir 
avec  certitude  les  caractères  d'une  race  semblable.  Il  importe 
que  les  recherches  soient  faites  sur  une  plus  grande  échelle; 


que  des  collections  plus  étendues  soient  réunies  et  alors 
seulement  la  question  pourra  être  discutée  avec  fruit  et  avec 
succès. 

A  mon  avis,  dans  l'étude  des  crânes  préhistoriques ,  on 
doit  s'attacher  avant  tout  à  rechercher  et  à  établir  la  relation 
existant  entre  les  populations  actuelles  et  les  restes  des  an- 
ciennes populations  qui  ont  habité  le  même  territoire.  Dans 
le  cas  seulement  où  les  types  ne  se  correspondent  pas,  il 
faut  pousser  ses  recherches  plus  loin  et  comparer  les  indivi- 
dus fossiles  avec  les  peuples  plus  éloignés. 

Au  Congrès  récent  de  Stuttgart,  la  même  question  a  été 
discutée  dans  ses  rapports  avec  l'Allemagne  et  l'on  a  prouvé 
également  que,  dans  toutes  les  parties  de  l'AUemag'ne,  il  y 
avait  deux  types  parfaitement  distincts  :  un  type  dolichocé- 
phale et  un  type  brachycéphale.  C'est  le  type  brachycéphale 
qui  domine  principalement  dans  les  parties  méridionales.  Il 
en  est  de  même  en  Italie.  On  n'a  pas  encore  établi  d'une 
manière  décisive  lequel  de  ces  deux  types  est  supérieur  k 
l'autre.  Quant  àmoi, je  regarde  le  type  brachycéphale  comme 
le  plus  favorable  au  développement  du  cerveau,  et  je  consi- 
dère comme  une  grave  erreur  d'assimiler  les  peuples  &  tête 
courte  aux  races  arriérées. 

M.  Laqnbau.  Ainsi  que  M.  Virchow,  je  pense  que  pour 
déterminer  les  caractères  ethnologiques  d'une  race,  il  ne 
suffit  pas  de  quelques  crânes  comme  ceux  retirés  du  trou 
du  Frontal,  ni  comme  les  quelques  crânes  esthoniens, 
■  h 


-  565  — 

en  losange  de  la  face,  au  diamètre  bimalaire  considérable,  et 
par  la  forme  pyramidale  du  crâne. 

Tandis  que,  chez  certains  habitants  actuels  des  bords  de  la 
Lesse,  M.  Haray  et  moi  remarquions  la  même  conformation 
céphalique  que  sur  les  crânes  du  trou  du  Frontal,  je  vois 
que  M.  Virchow  retrouvait  également,  dans  certains  crânes 
flamands  de  l'époque  actuelle,  cette  même  conformation, 
accompagnée  aussi  d'un  léger  prognathisme. 

A  propos  des  rapports  ethnologiques  de  ces  Flamands  avec 
la  race  germanique,  M.  Virchow  fait  remarquer  que  la  plu- 
part des  Allemands  du  Midi  sont  brachycéphales.  Semblable 
remarque  a  déjà  été  faite  par  de  nombreux  observateurs, 
entre  autres  par  MM.  Prïmer-Bey,  de  JouvenceP,  His,  Broca*. 
Pareillement,  môme  dans  l'Allemagne  du  Nord,  bon  nombre 
d'habitants  ont  les  cheveux  de  couleur  foncée,  comme  le 
remarque  M.  Prichard^,  comme  M.  Mayer  met  à  même  de  le 
reconnaître  statistiquement*.  Les  brachycéphales  à  la  che- 
velure de  couleur  foncée  ne  sont  certes  pas  les  descendants 
des  Germains,  qui,  selon  Tacite,  constituaient  une  race  pure 
de  tout  croisement  étranger,  remarquablement  uniforme, 
caractérisée  par  des  yeux  bleus  et  farouches,  des  cheveux 
roux,  de  grands  corps,  une  grande  impétuosité^. 

La  faible  proportion  des  Allemands  présentant  actuelle- 
ment le  véritable  type  germain,  des  Allemands  de  race  véri- 


*  Bull,  de  la  Soc,  dAnthrop.  de  Paris,  t.  II,  p.  649  et  2«  série,  t.  II, 
p.  14. 

*  Congrès  intern.  d'Anthrop.  de  Paris  en  4867,  p.  374,  1868. 

^  Hist.  naturelle  de  Vhomme,  t.  I,  p.  266,  trad.  de  Roulin.  Paris,  1843. 

*  Louis  Mayer,  dans  son  Exposé  statistique  de  la  menstruation  dans 
V Allemagne  septentrionale  et  centrale^  parle  de  1470  flUes  brunes  et  de 
1941  tilles  blondes.  {Congrès  médical  iyitemational  de  Paris  en  4867,  p. 
212,  1868.) 

•  ^  Germanise  populos  nuUis  aliis  aliarum  nationum  connubiis  infectos, 
propriam,  et  sincerara,  et  tantûm  sui  similem  gentem  exstitisse  arbitran- 
tur.  Undé  habitus  quoque  corporum,  quanquam  in  tante  hominum  numé- 
ro, idem  omnibus  :  truces  et  cœrulei  oculi,  rutilse  comse,  magna  corpora, 
et  tantùm  ad  impetum  valida...  Taoitus,  De  Mar,  Germ.,  IV. 

36 


\ 


-  566  - 

tablement  germanique,  peut  d'ailleurs,  en  partie,  s'expliquer 
par  les  nombreux  peuples  qui,  à  des  époques  plus  ou  moins 
reculées,  concoururent  k  la  formation  de  la  population  alle- 
mande actuelle. 

Non  seulement  Hérodote'  et  Dion  Cassius*  nous  montrent 
les  Celtes  habitant  auprès  de  la  source  du  Danube  et  sur  la 
rive  orientale  du  Ehin  aussi  bien  que  sur  la  rive  occidentale; 
mais  aussi  plusieurs  auteurs  nous  signalent  des  migrations 
de  peuples  des  Gaules  en  Germanie.  ïl  suffit  ici  de  rappeler 
les  migrations  des  Boïes,  des  Helvètes,  des  Tectosag-es.  Tacite 
parle  des  Helvètes  et  des  Boïes,  qui,  sortis  de  notre  pays, 
aUèrent  se  fixer,  les  premiers,  entre  la  forêt  Hercynienne,  le 
Rhin  et  le  Mein,  bien  au  Nord  de  la  région  qu'ils  occupent 
actuellement;  les  seconds,  plus  loin,  dans  la  région  qui 
depuis  a  conservé  le  nom  de  Bohême,  Boio-hemum,  Boïes- 
beim,  Bôhmen,  demeure  des  Boïes^.  Plus  au  midi,  les  noms 
de  Soioaria,  la  Bavière  actuelle  et  de  Boiodurum,  actuelle- 
ment Innstadt,  faubourg  de  Passau,  rappellent  encore  éga- 
lement la  présence  de  Boïes  dans  cette  région. 

Pareillement  César  nous  montre  les  Volces  tectosages, 
anciens  habitants  des  environs  de  Toulouse,  envoyant  au 
delà  du  Rhin  une  partie  de  leur  population,  devenue  trop 
nombreuse,  pour  aller  occuper  des  terres  très  fertiles  auprès 
de  la  forôt  Hercynienne' . 


—  567  — 


Sut  les  crânes  des  cavernes  de  Chauvaux,  de  Sclaigneaux,  etc., 

par  M.  R.  Virchow. 

(Co  texte,  rédigé  par  le  Secrétariat,  a  été  soumis  à  M.  Virchow,  avant 

l'impression.) 

L'excursion  à  Namur  m'a  permis  d'étudier  une  série  de 
crânes  dont  quelques  uns  présentent  des  faits  nouveaux 
et  d'un  grand  intérêt.  Ces  crânes  proviennent  de  Chauvaux, 
de  Marche  les  Dames ,  de  Sclaigneaux  et  du  Trou  Madame, 
à  Bouvignes. 

Crâne  de  Cliav/oatix.  Je  mentionnerai  d'abord  celui  trouvé 
par  M.  Soreil,  à  Chauvaux.  Ce  crâne  est  le  plus  dolichocé- 
phale qui  ait  été  jusqu'ici  trouvé  en  Europe.  Sa  mensuration 
donne  les  chiffres  suivants,  mis  en  regard  de  ceux  fournis 
par  les  crânes  de  Furfooz. 

Indice  cèphallque.    Indice  de  hauteur. 

Crâne  de  Chauvaux .     .  71 .8  71 .8 


Crânes  de  Furfooz 


81.8  71.5 

81.3  79.1 


Le  crâne  de  Chauvaux  ne  trouverait  pas  son  analogue  chez 
les  habitants  actuels  de  la  Belgique.  Ceux  de  Furfooz,  au 
contraire,  se  rapprochent  des  crânes  modernes.  Un  crâne, 
appartenant  à  la  collection  de  l'Université  de  Bruxelles,  rap- 
pelle entièrement  celui  de  l'adolescent,  et,  dans  la  même 
collection,  une  série  de  crânes,  de  plus  en  plus  brachycépha- 
les,  conduisent  à  celui  de  la  femme. 

La  caverne  de  Chauvaux  est  celle  où  Spring  avait  cru 
reconnaître  des  indices  de  cannibalisme.  Après  les  nouvelles 
découvertes  de  M.  Soreil,  cette  opinion  devient  insoutena- 
ble. Les  squelettes  étaient  dans  une  position  qui  indique  une 
sépulture  régulière. 

Crânes  de  Marche  les  Dames.  L'indice  de  hauteur  de  ces 


cr&nea  reste  en  dessous  de  celui  de  la  femme  de  Furfoo».  Us 
fouroisseat  les  nombres  suivants  : 

IndidS  cApbtllqn*.  lodlca  de  hantenr. 

79.4  73.9 

82.4  73.1 

Cr&MS  de  Sclaigneaux.  Ces  crines  sont  brachycéphales. 
Deux  d'entre  eux  ont  offert  : 

lodlca  oipluUqna.  lodLcs  ds  hanlaar. 

81.6  70.6 

88.1  73.7 

Crâ/M  du  Trou  Madame,  à  Boutignes.  La  mensuration  de 
ce  crâne  a  donné  : 

Indice  eépballqoe.  iDdjce  de  hanleur. 

75.9  71.8 

Les  nombres  précédents  diffèrent  trop  chez  une  même  peu- 
plade pour  que  nous  puissions  y  voir  des  caractères  de  race. 
Ils  représentent  des  variations  purement  individuelles  et  l'on 
sait  que  ces  variations  peuvent  s'étendre  à  l'iuSoi. 

Les  variations  individuelles  ont  été  attribuées  à  l'atavisme. 
Conformément  è.  cette  interprétation,  il  aurait  existé,  à  l'ori- 
gine, un  grand  nombre  de  races  différentes,  et  leur  mélange 
aurait  produit  les  peuples  actuels,  dont  les  individus  ten- 
draient &  Reproduire  les  traita  caractéristiques  des  races  pre- 


—  569  — 
Sur  V ethnologie  de  la  Belgique ^  par  M.  L.Vander  Kindere. 

L'ethnologie  de  la  Belgique,  c'est  à  dire,  l'étude  scienti- 
fique des  populations  qui,  actuellement,  habitent  notre  pays, 
a  été  jusqu'à  ce  jour  fort  négligée.  On  s'est  borné  généra- 
lement à  rassembler  les  passages  dans  lesquels  César,  Tacite, 
Strabon,  Pline,  etc.,  parlent  de  nos  ancêtres,  et,  comme 
ces  passages  sont  assez  obscurs,  quelquefois  contradictoires 
et  toujours  insuffisants,  on  a  pu  discuter  sur  eux  à  perte  de 
vue,  sans  arriver  à  des  conclusions  définitives. 

Cependant,  l'ethnologie  s'appuie  sur  d'autres  témoignages 
que  ceux  de  l'histoire  :  la  philologie  lui  prête  un  secours  puis- 
sant par  l'interprétation  des  noms  de  lieux,  qui  sont  comme 
l'empreinte  fixée  sur  le  sol  par  ses  occupants  successifs  ;  enfin, 
l'étude  anthropologique  directe,  l'observation  de  l'homme 
lui-même,  de  sa  taille,  de  la  conformation  du  visage  et  du 
crâne,  de  la  couleur  des  yeux  et  des  cheveux,  est  la  vérita- 
ble pierre  de  touche  qui  permet  de  reconnaître  les  divers 
éléments  d'une  population  mélangée. 

J'ai  cherché,  en  m'appuyant  sur  l'exemple  autorisé  de  ce 
que  le  savant  M.  Broca  a  fait  pour  la  France,  à  réunir  en 
un  faisceau,  pour  la  Belgique,  les  données  multiples  du  pro- 
blème, n  me  serait  impossible  de  présenter  ici  dans  tous  leurs 
développements  les  résultats  auxquels  cette  étude  m'a  con- 
duit, mais  j'essayerai  de  les  résumer  brièvement,  en  ren- 
voyant pour  les  détails  et  pour  les  preuves  à  mes  Recherches 
sur  Vethnologie  de  la  Belgique  (Bruxelles  1872). 

Chacun  sait  que  deux  langues,  le  flamand  et  le  wallon, 
sont  parlées  dans  notre  pays.  On  peut  affirmer  qu'à  ces  deux 
idiomes  distincts ,  correspondent  deux  groupes  ethniques, 
distincts  aussi  par  leur  origine.  Les  Wallons  ont  pour  souche 
les  anciens  Belges,  Belga  de  César,  c'est  à  dire,  un  rameau 
celtique  ;  les  Flamands  sont  les  descendants  des  conquérants 
germaniques.  Les  premiers  ont  réussi  à  se  maintenir  dans 
les  régions  de  la  Belgique  moyenne  et  de  la  Haute  Belgique, 


-  570  - 


où  ils  avaient  fondé  depuis  longtemps  des  établissements 
solides  ;  ils  ont  été  balayés,  au  contraire,  de  la  Basse  Belgique, 
ouverte  de  tous  côtés  aux  envahisseurs,  et  où  le  sol  ingrat 
ne  leur  avait  pas  permis  en  quelque  sorte  de  jeter  de  pro- 
fondes racines. 

Mais,  ou  ne  l'ignore  pas,  Celtes  et  Germains  sont  frères; 
les  uns  et  les  autres  appartiennent  au  rameau  aryen;  leurs 
langues  mêmes  sont  étroitement  alliées,  et,  quant  à  leur  type 
physique,  les  auteurs  anciens  sont  d'accord  pour  nous  les 
représenter  tous  deux  comme  blonds  et  d'une  taille  élevée. 
Aujourd'hui  encore,  ce  sont  là  les  traits  qui  prédominent 
là  où  la  race  est  à  peu  près  pure,  et  généralement  les  yeux 
y  sont  bleus  ou  au  moins  de  couleur  claire. 

Toutefois,  une  observation  attentive  fait  découvrir  quel- 
ques particularités  propres  à  chacune  de  ces  deux  branches 
et  qui  peuvent  servir  à  les  distinguer.  C'est  ainsi  que  les 
Wallons  blonds  sont  généralement  dolichocéphales,  avec  le 
visage  allongé  et  anguleux;  leur  taille  est  celle  des  Fran- 
çais du  Nord,  d'origine  belgt,  comme  eux.  C'est  ce  que 
prouvent  les  chiffres  fournis  par  la  statistique  et  basés  sur 
la  mensuration  des  conscrits.  Nulle  part,  en  effet,  la  taille 
n'est  aussi  élevée  que  dans  les  régions  celtiques  des  provinces 
de  Namuret  de  Luxembourg. 

Sur  1,000  conscrits,  pendant  la  période  1851-1860, 
82  seulement  dans  la  province  de  Namur,  93  dans  le  Luxem- 
bourg, n'atteignaient  pas  l^SÔl. 

Lea  Flamande,  au  contraire,  surtout  ceux  dea  deux  Flan- 


—  571  — 

On  peut  se  demander  cependant  avec  doute  si  les  Ger- 
mains primitifs  étaient  moins  grands  que  les  Celtes,  ou  s'il 
faut  songer  ici  à  un  mélange  avec  des  races  allophyles.  Ce 
qui  semblerait  militer  en  faveur  de  cette  hypothèse,  ce  sont  les 
dispositions  au  prognathisme  que  j'ai  remarquées  souvent 
parmi  nos  blonds,  et  dont  le  savant  professeur  de  Berlin, 
M.  Virchow,  vient  encore  de  nous  fournir  la  preuve  dans  sa 
communication  sur  les  crânes  de  quelques  criminels. 

Parlerai-je  à  cette  occasion  des  Mongoloïdes,  qui  font  tant 
de  bruit  aujourd'hui?  Cette  question  délicate  me  paraît 
encore  insoluble. 

Mais,  à  côté  des  blonds  d'origine  non  aryenne,  la  popula- 
tion belge  possède  un  deuxième  élément  préhistorique  très 
considérable,  ce  sont  les  Ligures,  c'est  à  dire, les  hommes  aux 
cheveux  et  aux  yeux  noirs,  dont  la  tète  est  généralement 
arrondie  et  la  taille  moins  élevée  que  celle  des  races  aryennes. 

On  se  demandait  tout  à  l'heure  ce  qui  pouvait  autoriser  à 
signaler  des  Ligures  dans  notre  pays.  Sans  doute,  nous  ne 
possédons  aucun  témoignage  historique  qui  atteste  leur  pré- 
sence ;  il  n'y  a  pas,  à  ma  connaissance,  un  seul  auteur  ancien 
qui  en  fasse  mention  sur  notre  sol.  Mais  mon  attention  a  été 
attirée  par  un  document  qui  prouve ,  d'une  manière  irréfu- 
table, qu'au  moyen  âge  encore,  on  ne  considérait  pas  les 
noirs  en  Flandre  comme  de  véritables  Flamands.  Ce  docu- 
ment, c'est  une  légende,  la  vie  de  Sainte  Godelive,  insérée 
Sans  les  Acta  Sanctoncm  (6  juillet),  et  dont  le  caractère 
même  prouve  Tancienneté. 

Godelive  était  née  dans  le  Boulonnais;  elle  était  d'une 
beauté  remarquable,  et  le  seul,  reproche  qu'on  pût  lui  faire, 
dit  son  biographe,  c'est  qu'elle  avait  les  yeux  et  les  cheveux 
noirs  «  Nisi  quod  fortassis  maligni  homines  in  ea  vituperare 
potuerint  nigros  capillos  et  ejiisdem  coloris  supercilia  ». 
Malgré  ces  imperfections ,  un  jeune  homme  de  Ghistelles, 
dans  la  Flandre  occidentale,  s'éprend  d'elle  et  l'épouse;  mais 
quand  il  la  ramène  chez  lui  et  qu'il  la  présente  à  sa  mère, 


celle-ci  s'indig^ne  d'une  pareille  alliance  et  la  reproche  sévè- 
rement k  son  fils.  Pourquoi,  lui  dit-elle,  es-tu  allé  chercher 
une  corneille  8ur  la  terre  étrangère,  et  comment  oses-tu,  eu 
épousant  cette  fîlle  noire,  souiller  ton  antique  race  genns- 
nique  €  alti  tui  sanguinis  fœdare  natalia  •  ? 

On  voit,  k  n'en  pas  douter,  qu'à  l'époque  où  se  forma  cette 
légende,  c'est  k  dire,  avant  la  fin  du  XI'  siècle,  on  avait 
parfaitement  conscience  en  Flandre  de  la  différence  d'origine 
des  blonds  et  des  noirs,  et  que,  pour  la  race  des  conquérants 
germains,  l'alliance  avec  les  aborigènes  aux  cheveux  som- 
bres n'était  pas  considérée  comme  honorable. 

Maintenant,  avons-nous  le  droit  d'appeler  ces  aborigènes 
des  Ligures?  Peut-être,  puisque  c'est  là  le  nom  que  l'on 
donne  aujourd'hui,  non  seulement  aux  populations  noires  du 
nord  de  l'Italie,  mais  encore  à  celles  de  la  France  et  même 
des  Iles  Britanniques. 

En  résumé,  on  est  amené  k  distinguer  en  Belgique  les 
groupes  suivants  : 

A.  Artems.        —  1'  Celtes  :  la  plus  grande  partie    des 

Wallons. 

2"  Germains  :  la  plus  grande  partie  des 

Flamands. 

n  va  de  soi  que  ces  deux  groupes  se 

sont  fréquemment  mêlés  entre  eux. 

£.  Non-Aeykns.  —  3°  Les  Meîanochroi  de  Huxley,  qu'on' 

les  appelle  Atlantes  avec  beaucoup 


—  573  — 

C'est  sur  ces  derniers  éléments  surtout  que  devront  porter 
les  recherches  ultérieures,  mais  pour  résoudre  d'une  manière 
définitive  les  difficiles  problèmes  de  nos  origines  ethniques, 
il  faudra  que  l'on  ait  recours  à  un  procédé  fort  négligé  jus- 
qu'ici en  Belgique,  c'est  la  mensuration  des  crânes.  A  ce 
point  de  vue,  il  serait  à  souhaiter  que  la  session  actuelle  du 
Congrès  d'anthropologie  préhistorique  inspirât,  à  quelques- 
uns  de  nos  compatriotes,  l'idée  de  fonder  une  Société  d'an- 
thropologie, analogue  à  celles  qui  ont  rendu  tant  de  services 
dans  les  pays  voisins.  C'est  en  combinant,  en  effet,  tous  les 
efforts  qu'on  arrivera  à  formuler,  sur  la  question  des  races, 
des  conclusions  certaines  et  d'un  caractère  véritablement 
scientifique. 

M.  L AGNEAU.  Relativement  aux  Celtes,  si  leurs  langues 
peuvent  être  considérées  comme  dérivées  des  langues 
aryennes  asiatiques,  ainsi  qu'on  l'admet  généralement,  sur- 
tout depuis  les  recherches  linguistiques  de  M.  Pictet^;  au 
point  de  vue  ethnologique,  avec  le  Président  du  Congrès, 
M.  d'Omalius  d'Halloy  et  avec  M.  J.  N.  Périer^,  je  crois 
que  leur  provenance,  leur  origine  asiatique,  n'est  nullement 
prouvée. 

Quant  à  la  taille  des  Celtes,  ainsi  que  M.  Vander  Kindere, 
je  sais  que  la  plupart  des  auteurs  anciens  nous  les  dépei- 
gnent comme  étant  de  très  haute  stature.  Toutefois,  d'une 
part,  Diodore  de  Sicile  a  grand  soin  de  différencier  les 
Celtes ,  KeXTOL,  des  Gaëls,  FaXaTai,  qu'il  dit  présenter  une 
taille  élevée,  une  chair  molle,  une  peau  blanche  et  des 
cheveux  blonds^.  Et  Suétone  nous  montre  Caligula  choisis- 
sant nos  compatriotes  les  plus  grands  et  les  obligeant  à  se 


'  De  r affinité  des  langues  Celtiques  avec  le  Sanscrit^  Paris,  1837.  —  Les 
origines  Indo  Européennes  ouïes  Aryos  primitifs ^  2vol.,gr.  in-S®,  1859- 
1863. 

2  Bull,  de  la  Soc.  dAnthrop.  de  Paris,  t.  V,  pp.  187,  264,  590  624,  etc. 

3  Diodore  de  Sicile,  Histoire  univ^s,,\.  V,  ch.  xxvin  et  xxxii,  texte  et 
trad.  de  MiOT,  1834. 


teindre  les  cheveux  en  rouge  pour  simuler  des  Germains  ', 
Ces  documents  sembleraient  impliquer  que  les  Celtes  avaient 
une  taille  peu  élevée  et  des  cheveux  de  couleur  foncée. 

D'autre  part,  les  recherches  statistiques  de  Boudin  et  de 
M.  Broca  sur  les  exemptions  du  service  militaire  pour  défaut 
de  tailleet  sur  les  recrues  de  hautestature',  déplus  de  I~732, 
taille  minimum  de  nos  cuirassiers,  permettent  de  reconnaître 
que  les  habitants  de  la  plupart  des  départements  correspon- 
dant à  l'ancienne  Celtique,  eu  particulier  ceux  de  notre  Bre- 
tagne, où  se  parlent  encore  des  dialectes  celtiques,  et  ceux  du 
centre  de  la  France,  présentent  beaucoup  d'exemptés  pour 
défaut  de  taille,  peu  de  recrues  de  haute  stature  et  censé- 
quemment  une  taille  moyenne  peu  élevée. 

Svr  Us  populations  européennes,  par  W*  Clémence  Rotbe. 


Nous  pensons,  comme  M.  Virchow,  que  l'on  possède  en- 
core un  trop  petit  nombre  de  faits  pour  pouvoir  formuler  des 
conclusions  précises  au  sujet  des  habitants  de  l'Europe  qua- 
ternaire; mais,  avec  M.  de  Quatrefages,  nous  espérons  ce- 
pendant qu'on  arrivera  prochainement  à  quelques  résultats 
'  généraux,  certains  et  définitifs.  Comme  M.  de  Quatrefages, 
nous  croyons  que,  dès  k  présent,  la  multiplicité  des  races 
qui  ont  habité  les  cavernes,  est  suffisamment  établie  ;  mais, 
avec  M.  Virchow,  nous  ne  pensons  pas  que  cette  diversité 
ethnologique  ait  pour  conséquence  nécessaire  la  multiplicité 


—  575  — 

éloignée  que  la  période  quaternaire,  nous  force  à  reculer  plus 
loin  encore  les  origines  de  Thomme,  et  peut-être  jusqu'à 
Taube  de  l'époque  tertiaire. 

Les  trois  types,  si  bien  classés  et  définis  par  M.  Hamy, 
sont  tous  les  trois  inférieurs,  par  leurs  caractères,  aux  habi- 
tants actuels  des  mêmes  contrées.  Ds  montrent  également 
entre  eux,  non  seulement  des  différences  typiques,  mais  des 
degrés  divers  de  développement.  Le  type  de  Neanderthal, 
dont  M.  Hamy  a  rapproché  la  mâchoire  de  la  Naulette,  le 
crâne  de  Gibraltar  et  plusieurs  crânes  trouvés  dans  la  vallée 
du  Rhin,  sont  inférieurs  au  type  d'Engis,  de  Borreby,  de  Cro 
Magnon  surtout;  et  ce  dernier  paraît  encore  inférieur,  par 
certains  de  ses  caractères,  sinon  par  tous,  au  type  de 
Furfooz. 

Les  races  se  sont  évidemment  mêlées,  et  nous  devons,  par 
cela  même,  nous  attendre  à  trouver  entre  elles  beaucoup  de 
formes  de  transition,  et  même  toutes  les  formes  possibles  de 
transition.  De  là,  l'impossibilité  d'une  classification  rigou- 
reuse des  spécimens  que  nous  découvrons. 

Nous  admettons  du  reste,  comme  M.  de  Quatrefages,  que 
nos  populations  européennes  actuelles  sont  la  postérité  directe 
des  Européens  des  cavernes,  dont  l'atavisme  et  les  croise- 
ments successifs  peuvent  faire  reparaître  les  types  jusque 
chez  nos  'contemporains.  Mais,  en  somme,  les  Européens 
actuels  accusent  un  progrès  marqué,  évident,  sur  leurs  an- 
cêtres des  cavernes ,  dont  les  caractères  inférieurs  n'appa- 
raissent plus  que  par  exception  au  milieu  de  nous,  comme  le 
souvenir  effacé  d'un  temps  qui  n'est  plus. 

Les  Européens  actuels  ont  tous  les  caractères  des  métis  ; 
ils  sont  le  produit  de  races  très  diverses  dont  l'heureux  mé- 
lange a  fait  naître  des  types  supérieurs.  Tous  les  peuples 
qui  ont  successivement  envahi  l'Europe  depuis  les  temps 
historiques,  comme  auparavant,  ont  contribué  à  les  produire. 
i\  est  très  vrai,  comme  l'a  dit  M.  de  Quatrefages,  que 
l'homme  est  beaucoup  plus  voyiageur  qu'on  ne  pense,  et  que 


-  576  - 


partout  où  des  races  diverses  se  rencontrent,  elles  se  mêlent 
par  d'inévitables  croisements. 

Aujourd'hui  encore,  on  ne  rencontre  des  types  bien  carac- 
térisés, bien  distincts,  que  dans  les  provinces  g-éog^aphiques 
parfaitement  limitées  par  des  frontières  infranchissables, 
comme  une  Ile,  un  massif  de  montagnes,  ou  l'extrémité  d'un 
continent.  Tels  sont  les  Myngopies,  les  Tasmaniens,  les 
Fapuas,  dans  les  lies  océaniques;  tels  sont  en&n  les  Basques, 
dans  nos  Pyrénées.  On  peut  encore  citer  certaines  peuplades 
des  vallées  du  Caucase,  les  Lapons  au  Nord  de  l'Europe, 
les  Patagons  au  Sud  de  l'Amérique,  et  les  Uottentots  au 
Sud  de  l'Afrique. 

Mais  partout  où  un  mélange  a  été  possible,  il  s'est  effec- 
tué ;  il  a  donné  heu  à  des  races  métises,  à  des  types  inter- 
médiaires. Ainsi  l'Australie  nous  montre  deux  races  bien 
distinctes,  mais  offrant  entre  elles  une  série  de  nuances  in- 
sensibles, comme  on  le  constate  également  en  Afrique, 
entre  les  Hottentots  et  les  Buscbmens,.  et  entre  ceux-ci  et  les 
Nègres. 

Or,  l'Europe  nous  offre,  dans  son  histoire  géologique,  dans 
les  changements  apportés  à  la  configuration  de  ses  terres, 
toutes  les  conditions  nécessaires  pour  que  nous  y  retrouvions 
les  traces  de  types  bien  définis,  quoique  alliés,  qui,  depuis 
leur  formation  par  l'isolement,  ont  encore  été  mélangés  par 
le  croisement. 

Il  résulte  des  beaux  travaux  du  professeur  Bamsay  sur  les 
;ini'ii.'niies  liLTiiori  de  l'ijtc.-^  (ili.-i.'[-v('(i-;  daii.^  li's  lies  [îrifiii 


—  577  — 

de  YElepItas  meridionalis,  les  Iles  Britanniques  ont  été  réu- 
nies au  continent.  Par  suite  d'un  soulèvement  de  tout  le  Nord- 
Ouest  de  TEurope,  lequel  doit  avoir  eu  pour  conséquence  la 
réunion  du  Jutland  à  la  Suède,  la  Baltique  pouvait,  à  cette 
époque ,  communiquer  avec  TOcéan  glacial  par  la  mer 
Blanche. 

Ce  premier  état  continental  a  dû  mêler  les  types  humains 
déjà  préexistants  en  Europe,  et  les  ramener  vers  Tunité,  en 
supposant  qu'ils  s'en  fussent  déjà  écartés. 

Mais,  à  une  époque  postérieure,  un  abaissement  général 
de  toute  la  môme  partie  de  notre  continent  la  transforma 
en  archipel,  de  sorte  que  tous  nos  massifs  de  montagnes, 
seuls  émergés,  purent  devenir  des  centres  de  création  ethno- 
logique, c'est  à  dire,  que  des  types  distincts  purent  s'y  former. 

Toujours  d'après  M.  Ch.  Lyell,  une  seconde  période 
continentale  suivit  cette  période  de  submersion.  Bien 
que  le  mouvement  d'immersion  paraisse  avoir  été  moins 
considérable,  il  suffit  cependant  à  relier  une  seconde 
fois  le  Sud  de  l'Angleterre  à  la  France,  en  changeant  en 
terre  le  Pas  de  Calais.  Les  types  ethnologiques  déjà  formés 
purent  donc  se  mélanger  de  nouveau  et  nous  offrir  ces 
nuances  intermédiaires  qui  nous  frappent,  et  qui  nous  font 
conclure  à  tort  à  Tunité  de  race,  tandis  qu'ils  ne  sont  que  le 
résultat  de  croisements  ethnologiques. 

Une  dernière  oscillation,  entraînant  un  nouveau  morcelle- 
ment de  la  surface  émergée  en  nombreuses  îles,  s'est  termi- 
née par  l'état  géographique  actuel,  de  date  peut-être  en- 
core trop  récente  pour  que  des  types  bien  définis  aient  eu  le 
temps  de  se  former  de  nouveau  dans  nos  diverses  provinces 
géographiques  nettement  délimitées,  avant  que  l'homme,  par 
son  industrie  et  la  découverte  de  la  navigation,  ait  réussi 
à  en  franchir  les  frontières. 

Aujourd'hui  encore  en  Europe,  n'avons  nous  pas  des 
types  bien  définis  et  dont  il  nous  est  aisé  de  reconnaître  les 
traces? 


—  578  — 


Ce  qui  nous  semble  évident,  c'est  que,  considérée 
masse  dans  son  unité,  notre  population  européenne  indigi 
est  Honde.  S'il  y  a  des  bruns  en  Europe,  c'est  qu'ils  y  s 
venus  d'ailleurs  ;  s'il  y  a  des  blonds  autre  part,  c'est  qu'il 
sont  allés. 

Cette  langue  aryenne,  dont  on  est  parvenu  à  reconstru 
les  éléments  primitifs,  et  qui  bientôt  retrouvera  une  litté 
ture,  c'est  en  Europe  qu'elle  est  née,  en  Europe  qu'elle  a 
parlée  originairement,  et  non  dans  l'Inde,  où  elle  est  vei 
de  la  Perse,  non  dans  la  Perse,  où  elle  est  peut  ôtre  vet 
du  Caucase.  On  ne  trouve  d'indigènes  dans  l'Inde  et  dan? 
Perse  que  des  populations  brunes  ;  celles  qui  parlent  ou  < 
parlé  des  dialectes  aryens  étaient  seulement  moins  brunes 
ai  des  peuples  bruns  parlent  des  langues  aryennes,  c'est  qu' 
les  ont  apprises  d'émigrauta  européens  blonds  à  l'origii 
mais  qui  se  sont  fondus  dans  la  race  bruue  indigène. 

Si,  en  Europe,  nous  avons  tm  grand  nombre  d'individ 
bruns,  et  une  majorité  de  châtains,  fruits  d'un  très  anci 
métissage,  presque  tous  nos  enfanta  sont  blonds  et  surtt 
naissent  blonds  avant  de  devenir  bruns,  tandis  que  ce 
qui,  par  exception,  naissent  bruns,  ne  deviennent  pn 
que  jamais  blonds,  bien  que  le  fait  se  soit,  nous  croyoi 
produit  quelquefois. 

Or,  d'après  les  lois  maintenant  bien  connues  du  dévelc 
pement  embryogénique,  les  phases  successives  de  la  ' 
embryonnaire  reproduisent  en  raccourci  toute  l'histoire  ( 
I  de  développement  subies  ou  traversées  par  la 


—  579  — 

L'une,  d'un  blond  cendré,  qui,  chez  les  enfants,  part 
presque  du  blanc-gris  et  passe  par  tous  les  tons  du  blond 
argenté  jusqu'à  un  châtain  foncé,  presque  noir  parfois,  est 
généralement  de  petite  taille,  à  tête  ronde  ou  ovale,  souvent 
brachycéphale,  à  ossature  délicate,  aux  traits  petits  et  fins, 
aux  yeux  d'un  bleu  pervenche,  qui  peuvent  passer  du  gris 
au -noir  velouté. 

L'autre,  partant  chez  l'enfant  d'un  blanc-jaunâtre,  passe, 
par  tous  les  tons  du  blond  soufre  et  du  blond  ardent,  jus- 
qu'au châtain  doré  ;  mais  si  elle  arrive  parfois  au  noir,  c'est 
par  un  saut  brusque  accompli  vers  l'âge  adulte,  et  où  se  re- 
connaît l'influence  d'un  croisement  récent,  d'un  atavisme 
prochain.  Cette  race  est  de  plus  haute  taille;  elle  a  la  car- 
rure plus  large,  les  membres  plus  forts,  la  tête  et  la  face 
plus  longues,  les  traits  plus  accentués,  le  système  pileux 
plus  développé,  une  carnation  plus  riche,  une  nuance  de 
peau  qui,  chez  la  femme  surtout,  acquiert  un  incomparable 
éclat,  et  des  yeux  qui  passent  du  bleu  faïence,  au  vert  et  à 
l'orange. 

Elle  est  plus  septentrionale  que  l'autre.  On  la  retrouve 
surtout,  avec  tousses  caractères,  en  Ecosse,  en  Scandinavie, 
dans  l'Allemagne  du  Nord.  Il  est  toutefois  certain  qu'elle  a 
fourni,  aux  populations  de  l'Europe  moyenne,  où  domine 
le  type  blond  cendré,  de  très  nombreux  éléments  ethnologi- 
ques, auxquels  se  sont  alliés  des  éléments  bruns  venus  du 
Midi.  Cela  explique  comment  parfois  l'atavisme  fait  naître 
de  deux  bruns  un  enfant  parfaitement  rouge,  lorsque  les 
deux  généalogies,  par  suite  de  croisements  successifs,  con- 
vergent vers  deux  lignes  ancestrales  d'un  blond  ardent  ;  et 
comment  cet  enfant  rouge  revêt  à  l'âge  adulte,  par  une 
rapide  métamorphose,  la  couleur  brune  de  ses  parents  plus 
immédiats. 


fHur  les  races  humaines  de  l'Europe,  par  il.  de  Quatbbfages. 


C'est  avec  un  très  grand  plaisir  que  je  viens  d'écooter 
M.  Virchow.  Je  crois  qu'à  quelques  nuances  près,  nous 
sommes  bien  près  de  nous  entendre,  et,  dans  tous  les  cas,  je 
pense  qu'il  restera  de  ces  discussions  quelques  résultats  très 
importants  et  des  indications  non  moins  précieuses.  Tout 
d'abord,  je  dirai  qu'avec  M.  Virchow,  je  ne  crois  pas  que  les 
variétés  extraordinaires  que  nous  remarquons  cbez  nos  ani- 
maux domestiques  et  chez  la  race  humaine,  soient  toutes 
dues  à  des  faits  d'atavisme.  En  effet,  nous  pouvons  dire 
aujourd'hui  avec  certitude  qu'un  certain  nombre  des  races 
.si  diverses  que  présentent  nos  auimau\  domestiques,  sont 
nécessairement  le  résultat  d'actions  intercurrentes,  car, 
parmi  les  espèces  domestiques,  il  en  est  dont  nous  cunnais- 
Bons  la  souche  sauva^  ;  il  en  est  dont  la  domestication 
remonte  à  des  dates  historiques  connues  et,  par  conséquent, 
quelle  que  soit  l'étendue  des  variations  présentées  par  les 
races  actuelles,  il  faut  bien  admettre  qu'elles  ont  pris  nais- 
sance à  un  moment  donné  en  dehors  de  toute  inâuence  due 
au  sangd'un  ancêtrequelconque.  Lorsqu'il  s'agit  de  l'homme, 
nous  manquons  d'ordinaire,  il  est  vrai,  de  ces  données  posi- 
tives. Ce  fait  8'expli(]ue  aisément.  L'attention  n'est  éveillée 
que  depuis  peu  sur  les  phénomènes  de  ce  genre.  Or,  dans 
ces  sortes  de  questions  ,  ce  n'est  pas  par  années  qu'il 
faut  compter,  c'est  par  générations,  et  le  chiffre  des  années. 


■il' 


—  581  — 

stances,  en  particulier  par  celle-ci  :  c'est  que  la  génération 
humaine  demande  environ  25  fois  plus  de  temps.  Lorsque 
nous  comptons,  depuis  l'époque  des  grandes  découvertes,  à 
peine  douze  à  quinze  générations  humaines,  depuis  l'époque 
de  la  colonisation  européenne  en  Amérique,  le  bœuf  en 
compte  au  moins  cent  cinquante.  S'il  s'agissait  de  l'espèce 
humaine,  ce  nombre  de  générations  représenterait  près  de 
quatre  mille  ans.  C'est  là  un  fait  que  Ton  oublie  beaucoup 
trop  souvent  dans  les  comparaisons  que  l'on  établit  entre 
l'homme  et  les  animaux. 

Ainsi,  nous  nous  accordons  sur  ce  point  que  les  variations 
plus  0  1  moins  erratiques,  présentées  par  les  populations 
humaines,  ne  peuvent  toutes  être  attribuées  à  l'atavisme.  Les 
causes  qui  peuvent  les  produire,  sont  d'ailleurs  très  nom- 
breuses et  je  n'ai  pas  h  revenir  ici  sur  ce  que  j'ai  dit  ailleurs 
à  ce  sujet.  Je  me  borne  à  rappeler  que,  dans  bien  des  cas,  on 
doit  les  attribuer  au  croisement  des  races  préexistantes. 

Je  crois  que  le  croisement  s  est  opéré  entre  les  populations 
humaines  infiniment  plus  qu'on  ne  se  le  figure  d'ordinaire. 
L'homme  a  été  de  tout  temps  beaucoup  plus  voyageur,  beau- 
coup plus  coureur  qu'on  ne  le  croyait  naguère,  qu'on  ne  le 
croit  encore  en  général.  L'homme  s'est  transporté  volontai- 
rement de  tous  temps  d'un  point  du  globe  à  l'autre. 

Les  accidents  sont  venus  ajouter  des  conditions  de  mé- 
lange à  celles  (pii  résultaient  de  la  volonté  de  l'homme.  Per- 
mettez-moi de  vous  en  citer  un  exemple  bien  remarquable. 
Il  y  a,  en  plein  golfe  du  Bengale,  de  petites  îles  protégées 
contre  l'invasion  par  beaucoup  de  causes,  parmi  lesquelles  je 
citerai  seulement  la  réputation  de  férocité  de  leurs  habi- 
tants et  l'absence  du  Cocotier  :  ce  senties  îles  Andaman. 
Grâce  à  cet  ensemble  de  circcmstances,  ces  îles  sont  habitées 
par  une  population  ayant  des  caractères  d'uniformité  remar- 
(juables,  à  en  juger  par  les  spécimens  que  nous  commençons 
à  posséder.  Les  Andamaniens  ou  Myngopies  sont  de  race 
uègre  et  se  distinguent  entre  autres  par  la  petitesse  de  la 

37 


i 


—  582  - 


0 


taille,  qui  s'abaisse  &  des  proportions  que  nous  serions 
&  regarder  comme  incroyables.  Or,  un  navire  ang'lais, 
eu  &  toucher  à  ces  lies,  dut  combattre  une  tribu  dont 
avait  6  pieds  de  haut;  déplus,  danscette  lie,  où  lesind 
sont  absolument  rudimentaires,  où  ne  se  fait  aucune 
de  commerce,  on  trouva  une  hutte  très  différente  de 
des  indigènes,  surmontee  d'une  sorte  de  drapeau  en 
semblable  à  celle  qu'on  fabrique  à  Madras.  N'est-il  p. 
dent  que  cet  homme  de  6  pieds  n'était  pas  un  mjng-t 
que  ce  tissu,  fruit  d'une  industrie  avancée,  n'était  j 
fabrication  indigène?  Sans  doute,  il  avait  été  apport 
l'étranger,  que  sa  supériorité  physique  éleva  plus  tai 
rang  de  chef.  Mais  celui-ci,  une  fois  établi  dans  l'île 
certainement  croisé  avec  les  femmes  du  pays.  Ce  fait  ex; 
les  quelques  cas  de  mélange  qui  ont  été  constatés  plus  r 
ment  encore  sur  quelques  autres  points  de  ces  terres. 

Ainsi,  jusque  dans  ces  lies  Andaman  qui  semblaie 
bien  protégées  contre  les  invasions  des  Européens , 
trouvez  le  croisement.  En  présence  de  faits  de  ce  gen 
crois  qu'il  est  bien  permis  de  regarder  la  variabilit* 
types  comme  due  en  partie  au  mélange  plus  ou  moins  a 
des  races.  En  ce  qui  touche  spécialement  nos  populi 
européennes,  si,  aux  faits  historiques  depuis  longf 
connus,  vous  ajoutez  ceux  que  nous  révèlent  les  études 
historiques,  vous  comprendrez  facilement  que  ces  po 
tlons  ne  peuvent  qu'être  aujourd'hui  partout  mêlées  et  qu 


—  583  — 

convaincu  que  cette  part  est  très  grande  et  qu'une  bonne 
partie  de  nos  contemporains  se  compose  des  descendants  des 
hommes  fossiles  que  nous  étudions  ici  en  ce  moment. 

Je  reconnais,  avec  mon  éminent  collègue,  toute  la  diffi- 
culté de  cette  étude.  Nous  n'avons  découvert  encore  que  fort 
peu  d'ossements  de  ces  populations  préhistoriques;  pourtant 
quelques  résultats  importants  et  très  nets  ressorte nt  déjà  de 
l'étude  de  ces  ossements.  Sans  encourir  le  reproche  d'agir 
à  la  légère  ou  avec  précipitation,  nous  pouvons  affirmer  que, 
dès  les  époques  qui  nous  occupent,  dès  les  époques  du  Mam- 
mouth et  du  Eenne,  il  y  avait  des  races  très  distinctes  en 
Europe.  Et  il  ne  s'agit  pas  seulement  de  races  plus  ou  moins 
voisines,  mais  bien  de  types  très  différents.  Certainement, 
abstraction  faite  de  toute  espèce  de  théorie,  nul  ne  pourra 
rapprocher  l'homme  de  Cro  Magnon  de  celui  de  Furfooz. 
Tout  diffère  chez  ces  deux  hommes  :  la  forme  du  crâne,  le 
tissu  même  des  os;  l'un  est  grand,  l'autre  est  petit  ou  de 
taille  moyenne.  Or,  en  présence  de  ce  que  nous  voyons 
aujourd'hui,  on  aurait  pu  présumer  à  priori  que  ces  types 
généraux  devaient  être  représentés  par  un  plus  grand 
nombre  de  types  secondaires.  Les  recherches  de  M.  Hamy, 
qui  a  distingué  l'homme  de  la  vallée  du  Rhin  de  l'homme  de 
Cro  Magnon,  confirme  cette  vue  théorique  pour  nos  ancê- 
tres de  grande  taille.  Une  partie  des  ossements  recueillis  par 
M.  Dupont  conduisent  à  la  même  conclusion  pour  les  hommes 
fossiles  de  petite  taille.  Dès  ces  temps  reculés,  la  population 
européenne  n'était  rien  moins  qu'homogène  et  la  population 
actuelle  ne  peut  que  porter  l'empreinte  de  cette  lointaine 
variété. 

Comme  ses  contemporains,  l'homme  de  Furfooz  doit  avoir 
ses  représentants  dans  les  populations  modernes  et  en  par- 
ticulier dans  les  populations  belges.  Ce  fait  a  été  constaté, 
m'a-t-on  dit,  dans  une  des  dernières  séances  à  laquelle  des 
circonstances  imprévues  m'ont  empêché  de  prendre  part, 
comme  un  travail  obligatoire  m'a  empêché  d'assister  à  celle 


-  584  - 


d'hier.  J'ai  fait,  de  mon  cAté,  des  observations  analog'ues  pen- 
dant mes  divers  séjours  dans  ce  pays,  en  particulier  à 
Anvers.  Si  ce  qu'on  m'a  rapporté  est  exact,  j  "ai  le  plaisir  de 
me  trouver  d'accord  avec  mes  collègues  sur  un  point  impor- 
tant. Les  uns  et  les  autres,  noua  arrivions  à  cette  conclusion 
que  la  partie  féminine  de  la  population  compte  plus  de 
représentants  du  tjpe,  tel  que  nous  pouvons  nous  le  figurer 
d'après  les  restes  recueillis  dans  la  vallée  de  la  Lesse.  Ou  m'a 
dit  aussi  ce  matin  que  l'un  de  mes  collègues  avait  signalé 
la  présence  de  ces  types  comme  plus  fréquente  chez  les 
populations  des  Flandres  que  chez  celles  des  vallées  de  la 
Lesse.  Cette  observation  concorde  également  avec  les 
miennes.  Sur  le  marché  d'Anvers,  j'ai  rencontré  un  assez 
grand  nombre  d'hommes  et  de  femmes  qu'on  pouvait  rat- 
tacher au  type  de  Furfooz.  Dans  notre  excursion  de  l'autre 
jour,  au  contraire,  je  n'ai  aperçu  qu'un  fort  petit  nombre  de 
femmes  qui,  par  l'ensemble  de  leurs  traits,  me  paraissent  ee 
rapprocher  plus  ou  moins  de  ce  type. 

Permettez-moi  d'insister  un  instant  sur  l'importance  que 
présente  l'étude  de  la  population  féminine  au  point  de 
vue  qui  nous  occupe.  Depuis  longtemps,  on  a  reconnu, — et 
'  M.  d'Eichthal  est,  je  crois,  un  des  premiers  qui  aient  appelé 
l'attention  sur  ce  point,  —  que  la  femme  conserve  plus  que 
l'homme  le  type  de  la  race  à  laquelle  elle  se  rattache.  Dans 
le  cours  de  mes  observations  sur  la  persistance  des  types 
paléontologiques,  j'ai  pu  constater  ce  fait  à  diverses  reprises. 


—  585  — 

appelé  l'attention  dans  mes  cours  et  ailleurs.  Bien  convaincu, 
dès  cette  époque  que,  les  hommes  des  t^mps  paléontologi- 
ques  n'avaient  pu  disparaître  en  totalité ,  j'ai  trouvé  tout 
simple  qu'ils  eussent  transmis,  à  leurs  descendants,  un  de 
leurs  caractères  les  plus  frappants.  Mais  il  n'en  est  pas  moins 
digne  de  remarque  que  ce  caractère  se  soit  conservé  presque 
exclusivement  chez  les  femmes  ;  du  moins  je  ne  l'ai  trouvé 
encore  au  même  degré  chez  aucun  homme. 

Je  le  répète,  c'est  avec  la  plus  grande  prudence  que  nous 
devons  procéder  dans  les  recherches  dont  il  s'agit  ici. 
Pourtant,  nous  pouvons  faire  pour  notre  propre  espèce  ce  que 
nous  faisons  pour  nos  animaux  domestiques.  Or,  lorsqu'il  y 
a  eu  croisement  entre  des  races  très  distinctes,  nous  savons 
bien  suivre  les  traces  de  ces  croisements  et  reconnaître, 
tantôt  la  fusion,  tantôt  et  plus  fréquemment  la  juxtaposi- 
tion des  caractères  dans  les  métis.  En  prenant  pour  guide 
l'expérience  acquise  chez  les  animaux,  nous  parviendrons, 
au  bout  d'un  certain  temps,  à  démêler  les  origines  pre- 
mières de  nos  populations  européennes.  Je  crois  môme,  et 
peut-être  en  cela  vais-je  plus  loin  que  mon  honorable  col- 
lègue, que,  dès  à  présent,  nous  pouvons  faire  le  partage  et 
rattacher,  à  chacun  des  grands  types  préhistoriques  connus, 
soit  des  individus,  soit  des  groupes,  dont  les  caractères  sont 
bien  accusés.  Après  avoir  étudié  avec  soin,  à  Copenhague,  les 
crânes  et  les  ossements  de  ces  hommes  de  Borreby  dont  on 
a  tant  parlé,  j'ai  cherché,  dans  lespopulations,  si  je  ne  retrou- 
verais pas  ce  type  remarquable.  Je  ne  l'ai  rencontré  qu'une 
fois,  mais  cette  fois  si  accusé  qu'il  était  impossible  de  le 
méconnaître,  et  cette  fois  encore  c'était  chez  une  femme. 
Après  avoir  examiné  l'homme  de  CroMagnon,  j'ai  recherché, 
dans  le  Midi  de  la  France,  si  je  ne  rencontrerais  pas  quelques 
traces  de  ce  type  également  si  tranché.  Je  ne  l'ai  rencontré 
aussi  qu'une  fois  et  d'une  manière  bien  nette.  C'était  encore 
chez  une  femme,  au  milieu  de  la  population  des  Landes. 
Depuis  cette  époque,  on  sait  que  M.  Hamy  l'a  retrouvé  ail- 


leurs.  Puisque  nous  retrouvons  ces  types  grands,  nous  pou- 
vons aussi  retrouver  les  types  petits.  Personne  certainement 
ne  voudrait  les  confondre,  pas  plus  dans  le  présent  que  dans 
le  passé.  Remarquez  que  je  ne  parle  pas  des  subdivisions  de 
ces  types.  C'est  en  procédant  ainsi  que  l'on  sera,  je  pense,  de 
plus  en  plus  amené  à  rattacher,  au  type  petit,  une  portion  et 
probablement  la  très  grande  majorité  des  hommes  de  taille 
moyenne  ou  petite  et  h  tête  brachycépbale  ou  mésaticéphale, 
que  nous  rencontrons  dans  les  populations  actuelles. 

Remarquez  qu'en  ce  moment,  je  ne  signale  que  les  deux 
caractères  tirés  de  la  taille  et  de  la  forme  du  crâne.  Ce  sont 
les  plus  tranchés  et  ils  se  distinguent  k  première  vue.  Mais, 
dans  les  études  de  cette  nature,  on  ne  s'en  tient  pas  là  et  on 
cherche  à  se  rendre  compte  de  tout  l'ensemble  des  caractères; 
on  entre  dans  les  moindres  détails.  J'espère  que,  grâce  à  cette 
étude,  nous  arriverons  plus  vite  que  ne  le  croit  M.  Virchow 
&  voir  un  peu  clair  dans  la  composition  primitive  de  nos 
populations  européennes. 

Je  ne  me  dissimule  d'ailleurs  aucune  des  difficultés  de 
cette  entreprise.  Je  sais,  en  particulier,  qu'il  y  a  à  tenir 
grand  compte  des  actions  de  milieu.  C'est  une  des  considéra- 
tions qui  rendent  le  plus  délicate  la  tâche  des  anthropolo- 
gist«3.  Sur  ce  point,  je  m'accorde  avec  M.  Virchow.  Nous 
ne  savons  pas  encore  au  juste  jusqu'à  quel  point  et  dans  quelle 
direction  ces  actions  peuvent  transformer  un  type.  Nous 
voyons,  en  outre,  l'accident  jouer  parfois  un  rôle  important 
et  devenir  le  point  de  départ  d'une  race  nouvelle.  L'histoire 


—  587  — 


Sur  la  classification  des  populations  de  la  Grande  Bretagne 
et  de  VIndoustan,  par  M.  Hyde  Clarke. 

Pour  satisfaire  au  désir  exprimé  par  M.  de  Quatrefages, 
j'ai  l'honneur  de  communiquer  au  Congrès  le  résumé  d'un 
mémoire  que  je  viens  de  lire  à  Brighton,  dans  la  section 
d'anthropologie  de  l'Association  Britannique. 

Plusieurs  communications  y  ont  accompagné  la  mienne. 

C'est  d'ahord  le  discours  d'ouverture  de  M.  le  colonel  Lane 
Fox,  président  de  la  section. Il  a  fait  ressortir  Tuniformité  du 
caractère  des  armes  et  surtout  du  Boomerang  parmi  les 
nations  nègres  et  négroïdes  de  l'Australie,  de  Tlndoustan  et 
du  Nord-Ouest  de  l'Afrique.  Il  y  a  aussi  rappelé  les  théories 
de  M.  le  professeur  Huxley  sur  les  relations  qui  ont  dû 
exister  entre  les  habitants  de  ces  trois  régions  si  dis- 
tantes ^ 

M.  le  chanoine  Greenwell  a  présenté  deux  mémoires  sur 
les  fouilles  qu'il  a  entreprises  depuis  dix  ans  dans  les  «  Wolds  » 
du  Yorkshire.  L'examen  des  crânes  qu'il  y  a  recueillis,  a 
été  fait  par  M.  le  professeur  RoUeston,  d'Oxford;  celui-ci  y 
a  reconnu  des  crânes  dolichocéphales,  à  front  étroit,  et  de 
petite  dimension.  Le  type  le  plus  voisin  de  ces  crânes  doli- 
chocéphales serait,  d'après  M.  Rolleston,  celui  d'un  crâne 
de  paria  de  l'Indoustan  central. 

Le  même  savant  trouve  également  des  rapports  entre  ces 
crânes  et  ceux  d'autres  parias,  les  Veddas  de  Ceylan.  Il  est 
d'avis  que  ces  dolichocéphales  du  Yorkshire  n'appartiennent 
pas  à  des  races  douées  d'une  culture  intellectuelle  élevée  et 
qu'on  doit  les  attribuer  à  des  races  de  petite  taille,  comme 
les  Kamtchadales,  les  Esquimaux,  etc.  Il  paraît  du  reste  dis- 
posé, comme  d'autres  anthropologistes,  à  assigner  aux  Bas- 
ques une  large  part  dans  la  constitution  de  la  population 

»  Journal  ofthe  Anthropological  Institute y  imliet  1871,  n»  l,vol.  II. 


—  588  - 


préhistorique  de  l'Europe;  mais  il  n'ose  se  prononcer  i 
nature  des  populations  antérieures. 

Je  passerai  maintenant  k  mes  propres  travaux  sur  la 
sification  des  populations  préhistoriques  de  la  Grand* 
tagne  et  de  celles  de  l'Indoustan. 

Dans  mon  mémoire  sur  la  classification  philolo^iqu 
populations  du  Caucase,  j'ai  examiné  si  cette  région  doi 
considérée  comme  un  centre  de  dispersion  des  peupl 
simplement  comme  un  lieu  de  passage.  J'y  ai  rech 
si  les  races  primitives  du  Caucase  étaient  noires  ou  blaa 

Nous  sommes  tellement  préoccupés  par  le  tenu 
Caucasien,  donné  par  Blumenhach  à  la  race  blanche,  d' 
un  crâne  qu'il  considère  comme  provenant  de  la  Géoi^ 
dont  il  a  fait  le  type  de  cette  race  hétérogène,  qu'on 
généralement  abstenu,  depuis  lors,  de  rechercher  ce  que 
les  Caucasiens  proprement  dits. 

Nous  devons  nous  rappeler  un  fait  qui  est  d'autant 
important  qu'il  est  historique  ou  plutôt  protohistorique, 
vaut  la  terminologie  que  j'ai  proposée.  C'est  la  relatio: 
second  livre  d'Hérodote,  où  l'historien  grec  indique 
détail  l'identité  des  Colchidiens  et  des  Égyptiens.  Quo 
cette  relation  soit  très  connue,  elle  n'a  guère  été  pris 
considération,  parce  que  nous  ne  connaissons,  dans  le  ( 
cause,  aucune  population  noire,  et  que  l'on  n'y  soupçon 
point  de  langue  à  parenté  africaine. 

L'étude  philologique  m'a  permis  de  constater  la  vérit 
ce  passiige  de  l'historien  grec,  et  même  de  donner  du 


—  589  — 

Je  comparai  tout  d'abord  cette  dernière  langue  avec  toutes 
les  langues  voisines  et  avec  celles  de  l'Asie  ;  puis,  en  vue  de 
vérifier  le  récit  d'Hérodote,  je  la  comparai  aussi  avec  les  lan- 
gues des  bords  du  Nil.  Cette  dernière  comparaison  a  révélé  de 
sérieuses  analogies  entre  la  langue  Udeet  la  langue  Copte.  La 
conformité  repose  sur  les  racines  primaires  et  à  la  fois  sur  les 
formes  grammaticales  et  la  structure  de  la  langue. 


Udo. 

Copte. 

Œil 

pul 

bal 

Cheveux 

pop 

bo 

Oreille 

imukh 

maake 

Tête 

bul 

ate 

Pied 

tur 

rat 

Visage 

co 

ho 

Étoile 

kabun 

phni 

Jour 

ghi 

hu 

Nuit 

chu 

kuchi 

Arbre 

khod 

khof 

Terre 

kul 

kah 

Sable 

cha 

cho 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'entrer  avec  détail  dans  les  formes 
grammaticales,  bien  qu'il  soit  intéressant  de  montrer  les 
bases  d'une  grammaire  comparée  de  la  langue  égyptienne, 
restée  jusqu'à  présent  isolée  ^ 


1  La  ressemblance  pour  les  prénoms  est  digne  d'être  mentionnée  et  elle 
jette  quelque  lumière  sur  une  question  soulevée  par  l'égyptologue 
M.  0.  Maspero  {Journal  Asiatique^  1871).  Les  mutations  des  radicaux 
s*opôrent  de  la  même  manière  dans  les  deux  classes,  pendant  que  des 
voyelles  sont  bien  conservées,  surtout  VO.  On  peut  signaler  les  verbes 
redoublés  comme  aiai,  bechboch,  borbor  (CoPTK),  kuchkuch,  tchutchup, 
kalkala  (Ude).  M.  Champollion-Figeac  désigne  comme  caractéristique  du 
Copte  le  grand  nombre  des  racines  monosyllabiques  ;  j'en  ai  déjà  énuméré 
pour  i'Ude  plus  de  250.  M.  le  docteur  Abel,  de  Berlin  (Transactions  ofthe 
Philological  Society  y  1855,  p.  157),  fait  remarquer  qu'en  Copte,  un  mot  peut 
posséder  plusieurs  significations  et  qu'en  Ude,  ces  diverses  significations 
se  trouvent  distinguées  par  des  nuances  en  voyelles  très  difQcUes  à  com- 
prendre par  des  Européens, 


Haintenant,  passons  à  un  autre  fait  relatif  au  Caucase. 
J'avais  déjà  reconnu  qu'il  existait  dea  rapports  entre  les 
langues  et  dialectes  de  l'Absné,  des  Âbkhassiens,  des  Cau- 
casiens les  plus  septentrionaux  du  Euban,  et  des  langues 
des  bords  du  Nil,  des  Agaws,  des  Agawmidr,  des  Falachas 
(ou  Juifs  noirs  de  l'Abyssinie),  des  Cbankalis,  de  Fertel,  de 
Dlzzéla,  etc.  Un  nouvel  examen  a  conGrmé  ces  rapports. 

Hérodote  constate  la  môme  affinité.  Il  insiste  sur  l'identité 
établie  entre  les  deux  peuples,  par  le  teint,  les  cheveux,  les 
mœurs  et  la  langue.  Il  attribue  l'origine  des  Colchidiens  à 
une  colonie  de  Sésostris. 

Supposons  qu'une  armée,  envoyée  de  l'Egypte  par  Sésos- 
tris, par  ses  prédécesseurs,  ou  même  par  le  vice-roi  actuel, 
ait  amené  avec  elle  des  auxiliaires  de  la  vallée  du  Nil,  et 
nous  trouverions  naturellement,  dans  le  Caucase,  les  deux 
races  établies  côte  à  côte.  Selon  moi,  il  est  plus  probable 
que  des  Agaws  ont  conduit  Sésostris.  vers  l'un  des  anciens 
berceaux  de  leur  race. 

Le  temps  me  manque  pour  suivre  la  chaîne  historique  qui 
s'étend  depuis  les  époques  reculées  jusqu'à  notre  ère.  Les 
Udes  ne  comptent  actuellement  pas  plus  de  mille  familles  ; 
leur  population  s'éteint  et  se  fusionne.  Les  Abkhansiens  sont 
bien  plus  nombreux.  Le  nom  d'Abkhass  est  le  même  qu'Av- 
khass  des  Byzantins  et,  par  permutation  de  consonnes,  le 
même  qu'Agaw  des  bords  du  Nil;  il  correspond  assurément 
à  celui  d'Achnloi,  l'ancienne  désignation  des  populations  des 
côtes  de  la  Colchide.  Je  suis  disposé  à  relier,  à  cette  souche. 


—  591  — 

effacés,  les  caractères  linguistiques  se  sont  conservés.  J'ap- 
puie sur  ces  faits,  parce  que,  panni  les  crâniologues,  il  y  a 
une  tendance  à  concéder  une  importance  prédominante  aux 
caractères  anthropologiques  et  à  discréditer  la  valeur  de  la 
linguistique  et  de  la  philologie  comparée.  La  philologie  n  est 
nullement  aussi  vague  que  mon  collègue,  M.  le  colonel  Fox, 
Ta  prétendu  dans  son  discours  d'ouverture. 

Comme  dans  toutes  les  î  utres  branches  des  sciences,  nous 
voyons,  dans  le  développement  des  langues,  une  grande 
fixité  se  joindre  à  la  tendance  à  la  variation.  La  philologie 
ne  peut  jamais  dicter  un  jugement  absolu  sur  l'origine  d'un 
peuple;  mais  elle  permet  d'assurer  qu'à  une  époque  connue 
telle  langue  a  subi  l'influence  d'une  telle  autre  langue.  Pour 
l'histoire  de  la  civilisation,  la  philologie  est  d'une  importance 
plus  grande  encore. 

La  langue  influe  plus  que  la  race  sur  la  marche  de  la  civi- 
lisation. Ainsi,  dans  l'Archipel  indien,  une  tribu  négroïde, 
parlant  le  Galela,  aurait  moins  d'aptitude  pour  la  civilisation 
qu'une  tribu  de  môme  race  parlant  une  langue  malaisienne, 
et  nous  en  trouvons  la  preuve  en  Afri(Jue  chez  les  tribus  des 
colonies  anglaises  qui  parlent  l'anglais. 

Pour  appliquer  ces  principes  au  Caucase,  nous  avons 
premièrement  à  constater  que,  pendant  les  époques  préhisto- 
riques, sinon  protohistoriques,  il  y  avait  des  populations 
noires  dans  le  Caucase,  sur  la  frontière  européenne  et  sur  le 
parallèle  de  l'Aquitaine,  pays  rapproché  du  Yorkshire  et 
théî\tre  des  recherches  de  MM.  Greenwell  et  Rolleston^  On 
peut  aussi  bien  admettre  l'existence  d'hommes  noirs  au 
Nord,  que  celle  des  Éléphants  en  Sibérie,  d'autant  plus 
que  les  Tasmaniens  se  sont  répandus  au  pôle  austral. 

*  A  l'Association  Britannique,  j'ai  fait  remarquer  que  TAquitaine  signifie 
le  pays  dos  Aqui,  comme  Lusitanie  et  Mauritanie,  pays  des  Liisi  et  des 
Mauri.  Aqiii  correspond  à  Aquitaine,  comme  Achaioin,  Akhaioi,  à  Col- 
chide,  Achaioiy  Achivi,  à  la  Grèce,  et  AgaWy  à  la  région  du  Nil.  Tous  ces 
vocables  signifient  hommes. 


Pour  coQuattre  la  distributioD  de  la  race  que,  pou 
moment,  nous  désignons  comme  Agaw,  nous  adopteroc 
voie  de  la  philologie,  et  uou3  laisserons  à  d'autres  le  soit 
recherclier  les  témoignages  ethnologiques. 

Nous  en  avons  déjà  retrouvé  un  groupe  important  dan 
région  du  Nil.  D'autres  traces  se  poursuivent  à  l'occic 
jusque  sur  les  cotes  de  l'Afrique,  où  nous  eu  trouvons 
preuves  dans  les  langues  des  Bajon,  Pati,  Bagba,  Bal 
Bamon  du  Gabon. 

Pour  déterminer  l'extension  orientale,  nous  devons  pa 
du  Caucase,  où  nous  retrouvons  le  berceau  des  Abkhassif 

Dans  la  Haute  Asie,  nous  trouvons  la  langue  Kaju 
langue  non  encore  classée;  dans  l'Indoustan,  nous  av 
une  langue  très  remarquable  qui  diffère  des  autres  lang 
non  aryennes^  ainsi  que  des  langues  kolarienaes  et  dn 
diennes.  Cette  langue  non  classée  doit  être  attribuée  i 
race  des  Agaws.  Nous  sommes  ici  dans  la  région  d'où  \ 
viennent  les  crânes  de  parias  étudiés  par  M.  le  profess 
RoUeston . 

ACeylan,  nous  trouvons  des  vestiges  non  aryens  dan 
langue  des  Rodiyas,  parias  de  Ceylan,  comme  les  Vedda 
Ici  encore  nous  trouvons  des  crâuea  voisins  de  ceux  étui 
par  M.  Rolleston. 

La  langue  des  lies  Maldives  se  rapproche  de  celle 


M,  A.  R.  Wallace*  a  trouvé  dans  presque  toutes  les 
de  l'Archipel  australien    des   langues    indigènes 


—  593  — 

Tchuktchi,  Kamtchadales,  Ukah,  etc.,  présentent  également 
des  rapports  avec  celle  qui  nous  occupe,  mais  je.  ne  suis  pas 
encore  parvenu  à  coordonner  tous  les  éléments  nécessaires 
pour  bien  établir  les  relations  de  ces  deux  langues.  Je  signa- 
lerai pourtant  un  fait  remarquable,  offert  par  le  jargon  que 
parlent  les  Thugs,lesétrangleurs  de  l'Inde,  et  qui  se  compose 
des  restes  d'une  langue  antique.  Le  mot  cinq  se  traduit  par 
molu,  main,  paryo7i^,et,  dans  le  DuchanThug,^owa  signifie 
cinq  et  main. 

Dans  les  langues  Koriak  et  Tchuktchi,  cinq  et  main  sont 
exprimés  par  : 

Cinq.  Main. 

Thug  molu  gona  molu  gona. 

Koriak  myllanga  mynnagalgen. 

Koriak  du  Kolyma  myllangin  mylgalgen. 

Koriak  de  Karaga  millangan  mylgalgen. 

Tchuktchi  millgin  mingilgin. 

Kamtchadalo  kumnak  tono. 

De  plus,  il  y  a  des  rapports  entre  les  langues  Koriak  et 
Kamtchadalejes  langues  Savara  des  sources  de  TOrisse  dans 
rindoustan,  d'autres  langues  parlées  dans  Tlndoustan  et 
dans  rindo-Chine,  le  Rodiya  et  TAgaw.  Tout  indique  que  des 
relations  très  suivies  doivent  avoir  existé  entre  les  races 
inférieures  du  Midi  et  celles  du  Nord  de  l'Asie.' 

Il  est  d'un  grand  intérêt  anthropologique  de  suivre, 
jusqu'en  Amérique,  ces  migrations  de  langues  et  de 
nations. 

Nous  connaissons  l'aire  de  distribution  des  Esquimaux, 
mais  on  n'a  pas  suffisamment  recherché  les  rapports  qui 
peuvent  exister  entre  leur  langue  et  celles  de  l'Asie.  Les 
Esquimaux  furent  séparés,  à  une  certaine  époque,  des  autres 
peuples  de  l'Asie  par  l'invasion  des  Koriales  et  des  Kamtcha- 
dales; ce  n'est  qu'à  l'Ouest  qu'ils  maintinrent  leur  connexion, 
par  l'intermédiaire  de  l'Yenipseien. 

Une  autre  émigration  est  celle  des  langues  Agaw.  Nous 


-  594  - 


[ 


distinguons  celle-ci  en  deux  groupes.  L'un  renfern 
Sekumne.  le  Tasmak  et  le  Pujuni  ;  l'autre,  en  partie  A 
basksn,  renferme  le  Skwali,  le  Kovelitsk,  l'Atna  et  le 
kawa.  L'Attakaha  du  Texas  en  est  une  branche  méridioi 

A  ce  propos,  il  sera  utile  de  remarquer  que  le  même 
nomëne  s'observe  pour  la  famille  dravidienne.  Je  rel 
cette  grande  famille  la  Circassie  de  la  Basse  Asie.  Le 
vidien  a  également  ses  représentants  daus  l'Afrique  i 
dentale  et  centrale.  Ces  représentants  sont  nombreux, 
principaux  sont  les  langues  d'Aa-Hanti,  de  Dahomey  et  c 
des  Fanti  et  des  Mandiogo.  Plus  loin,  je  reviendrai  si 
déyeloppement  de  cette  famille  ;  mais,  pour  le  momen 
sufBt  de  signaler  ses  rapports  avec  le  Tchetematcha  (Cl 
mâcha)  de  l'Amérique  du  Nord. 

Ainsi,  on  peut  reconnaître  que  l'Amérique  a  participé 
grandes  migrations  des  races  et  à  la  distribution  de  la  • 
lisation  jusqu'à  l'époque  où  la  route  par  la  Chine  se  trou 
fermée,  les  grandes  langues  de  la  civilisation,  le  Sémit 
et  l'Aryen  ne  purent  y  pénétrer.  11  en  est  résulté  qu 
temps  les  plus  ancieus,  on  connaissait  mieux  l'Amer 
qu'au  temps  des  Grecs  et  des  Romains.  La  tradition  d 
fait  s'était  pourtant  conservée,  mais  l'interprétation  en  i 
perdue ' . 

'  L'Écolede Pergamâ a euseigné qu'il; avait Gurleglobeqaatrerao: 
Notre  continent  s'arrêtait  A  l'éqaateur  et  se  trouvait  contre- bals nci 
le  monde  austral.  Une  zone  di-  mers  entourait  le  globe  aui  pOles  e: 
autre  l'entourait  i,  l'âquati^ur.  Notre  monda  et  le  monda  austral  et 


—  595  - 

Pour  appliquer  ces  faits  au  Caucase,  je  suis  porté  à  recon- 
naître que  ce  pays  servit  de  passage  à  des  populations,  mais 
qu'il  ne  fut  nullement  le  centre  de  leur  séjour. 

Poursuivons  la  classification  des  langues  du  Caucase.  Nous 
trouvons  au  Midi  les  langues  géorgiennes:  le  Géorgien,  le 
Suan  et  le  Laze,  s'étendant  jusque  dans  l'Asie  mineure. 
M.  Bryan  Nodssen  a  rapporté  ces  langues  au  groupe  tibé- 
tain ,  auquel  je  les  ai  réunies  sous  le  nom  de  Caucaso- 
Tibétain. 

L'ère  de  cette  race  a  une  relation  intime  avec  Tère  de  la 
constitution  des  langues  de  la  mythologie  et  de  la  civilisation 
moderne,  h  laquelle  se  rapportent  les  époques  sémitiques  et 
aryennes.  Les  noms  les  plus  anciens  des  rivières,  des  mon- 
tagnes, des  peuples  et  des  villes  se  montrent  identiques  pour 
tous  les  pays,  depuis  la  Grande-Bretagne  et  la  Mauritanie 
jusqu'à  rinde  et  môme  jusqu'à  la  Chersonèse  taurique^ 

Il  y  a  eu,  en  effet,  une  époque  où,  pour  employer  la 
phrase  biblique,  tout  le  monde  a  eu  la  même  langue 
et  cette  langue  était  celle  d'un  empire  ou  d'une  confédération 
d'empires. 

Dans  cette  grande  race  dominatrice,  je  range  non  seule- 
ment la  race  géorgienne,  mais  encore  les  races  arménienne, 
persane  et  toutes  ces  populations  orientales,  qui,  bien 
que  rapportées  à  la  race  aryenne,  n'ont  nulle  ressemblance 
avec  les  Aryens  de  l'Europe  occidentale.  Cela  se  reconnaît 
facilement,  et  j'en  ai  vu  faire  la  remarque  par  des  Orien- 
taux eux-mêmes. 

Lors  de  l'invasion  des  Aryens,  cette  population  a  adopté 
le  joug  et  la  langue  de  ses  envahisseurs,  à  l'exception 
toutefois  des  Géorgiens,  refoulés  dans  le  Caucase. C'est  ainsi 
que  la  grande  anomalie   ethnologique  que  l'on   constate 

J  Les  détails  se  trouvent  dans  plusieurs  mémoires  que  j'ai  publiés  dans 
\e  Journal of  the  Palestine  Exploration  Fund^Q.yv\\  1871,  p.  98,  octobre  1871, 
p.  176,  et  dans  le  Journal  of  the  Anthropological  histitute^  vol.  I,  et  dans 
les  Proceedings  ofthe  Society  of  Antiquaries,  June,  1871. 


-  596  — 


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dans  le  Caucase,   trouve  sou   e'ipUcatioD    par 
fait. 

Il  faut  placer  dans  le  même  groupe  les  Etrusi 
Grecs  à  physionomie  orientale,  dont  la  populatii 
de  Scio  nous  offre  un  exemple  et  pour  laquelle  < 
ché  une  origine  juive. 

En  traitant  l'ethnologie  de  la  Grande  Breta^ 
Belgique,  de  la  France,  de  l'Espagne  et  de  l'Itali 
par  conséquent,  faire  d.es  réserves  pour  les  anciem 
tants  de  cette  race  et  pour  ceux  qui  ont  survécu 
manière,  jjn  expliquerait  ces  belles  formes  de  l'Irli 
de  la  même  manière  que  nous  pouvons  explitmer 
d'autres  prototypes,  pour  les  formes  qui  se  rappr 
Lapons  etde3  races  inférieures. 

D'autre  part,  il  importe  de  faire  des  réserves  pou: 
basque,  lequel,  jusqu'àpréseut,  a  généralement  set 
pour  trancher  toutes  les  questions  d'anthropologi 
rique  de  l'Europe  occidentale, 

L'extension  des  Basques  est  très  restreinte.  Lei 
présente  des  rapports  avec  la  famille  dravidienne 
possède  néanmoins  des  particularités  qui  lui  sont  ] 

La  plupart  des  racines  primaires  basques  se  reco 
il  est  vrai,  dans  les  langues  dravidiennes  ;  mais  ] 
lions  sont  tellement  nombreuses  qu'elles  déroute 
lologue.  Ces  exceptions  se  retrouvent  pourtant 
langues  kolariennes.  Actuellement,  les  populatio 


—  597  — 

Il  est  à  présumer  qu'en  Europe,  les  Basques  se  sont  trouvés 
eu  contact  avec  des  Kolariens  et  il  est  très  probable  que  les 
Kolariens  sont  représentés  par  les  Ligures. 

Les  phénomènes  linguistiques  observés  dans  les  contrées 
du  Caucase  peuvent  s'expliquer  par  la  distribution  des  po- 
pulations. Au  Nord  des  montagnes  du*  Caucase,  d'après  les 
observations  de  M.  Howorth,  ainsi  qu'au  Sud,  d'après  mes 
propres  recherches,  habitent  les  populations  les  plus  ré- 
centes :  au  nord,  la  race  turque,  et  au  mîdi,  la  race  géor- 
gienne. Les  hautes  vallées  de  la  chaîne  sont  habitées  parles 
restes  des  plus  anciennes  peuplades  qui  ont  survécu  aux 
invasions  successives. 

Il  fut  incontestablement  un  temps  où  non' seulement  dans 
le  Caucase,  mais  en  Europe  et  probablement  dans  le  monde 
entier,  la  population  était  noire.  A  la  suite  des  temps,  cette 
race  noire  vint  à  se  modifier,  et,  en  diverses  contrées,  elle  a 
passé  du  noir  au  brun,  au  jaune  et  enfin  elle  est  devenue 
blanche. 

La  race  noire  que  Ton  trouvait  dans  le  Caucase  et  la  Col- 
chide  au  temps  d'Hérodote  et  de  Pindare,  se  retrouve  dans  la 
région  du  Nil.  Il  y  a  eu,  dans  les  pays  cités,  une  sorte  de- 
dénudation  anthropologique  très  considérable,  et  une  dénu- 
dation  semblable  s'est  vraisemblablement  produite  dans  les 
contrées  plus  septentrionales. 

Dans  le  Caucase,  ces  populations  noires  ont  été  remplacées 
par  une  race  blanche,  mais  les  langues  négritiques  ont  sur- 
vécu, de  même  que  les  traits  anthropologiques  desAgaws. 

C'est  par  des  études  plus  suivies  et  plus  approfondies  que 
nous  parviendrons  probablement  un  jour  à  recueillir,  en 
faveur  du  même  principe,  des  témoignages  plus  nombreux, 
non  seulement  pour  le  Caucase,  mais  même  pour  notre 
propre  pays. 

Déjà  des  témoignages  fournis  par  plusieurs  branches  dis- 
tinctes de  la  science  indiquent  une  connexion  préhistorique 
parmi  les  races  noires,  et  ces  témoignages  reposent  sur  les 

38 


—  599  — 

des  documents  contemporains,  et  il  est  bien  établi  que  les 
Égyptiens  ne  sont  jamais  allés  aussi  loin.  Il  y  eut  un  courant 
de  populations  qui  a  pénétré  jusqu'en  Egypte  et  un  autre  qui 
est  allé  jusqu'aux  bords  de  la  mer  Noire;  mais  il  n'y  a  pas 
eu  une  émigration  d'Égyptiens  jusqu'aux  côtes  de  la  mer 
Noire. 

Sut  un  crâne  découvert  à  Coimbre,  par  M.  da  Sylva. 

Au  mois  de  mai  dernier,  dans  une  carrière  située  près  de 
Condeixa,  à  trois  kilomètres  de  la  ville  de  Coimbre ,  des  ou- 
vriers, en  voulant  extraire  un  gros  bloc  de  roche,  ont 
découvert  un  crâne  humain,  à  quatre  mètres  de  profondeur. 
Ce  crâne,  qui  était  étroitement  appliqué  contre  les  aspérités 
de  la  roche,  avait  subi  l'action  de  l'acide  carbonique,  qui 
en  avait  beaucoup  aminci  les  os.  Malheureusement,  ce  crâne 
a  été  fracturé  pendant  son  extraction  :  les  ouvriers,  n'étant  pas 
prévenus  de  cette  curieuse  trouvaille,  n'avaient  pu  prendre 
les  précautions  nécessaires  pour  obtenir  ces  restes  humains 
intacts. 

La  ville  de  Condeixa  est  bâtie  sur  un  calcaire  concrétionné 
(calcaire  d'eau  douce)  de  l'époque  crétacée.  En  considérant 
la  nature  de  ce  calcaire,  on  peut  supposer  qu'il  a  été  déposé 
avant  le  creusement  de  la  vallée  du  Mondego  et  avant  que  le 
relief  de  la  province  de  Beira  fût  tel  qu'il  se  présente  aujour- 
d'hui, et  que  ce  sont  les  eaux  de  la  Cernache  et  de  la 
Condeixa  qui  ont  successivement  déposé  les  couches  de 
calcaire  concrétionné,  sur  lesquelles  est  élevée  la  ville  de 
Condeixa. 

Pour  expliquer  la  présence  du  crâne  en  question,  on  peut 
supposer,  ou  qu'il  a  existé  d'antiques  sépultures  dans  le  voi- 
sinage de  Condeixa,  ou  que  les  eaux  y  ont  entraîné  des  osse- 
ments inhumés  primitivement  ailleurs. 

Déjà  en  1854,  on  avait  découvert,  près  de  cette  ville,  trois 
cavernes  dans  lesquelles  s'étaient  trouvés  des  ossements  hu- 


—  600  — 

mains.  Ces  cavernes,  appelées ^/r»  Pedrinha,  ont  des 
très  étroites  et  d'an  accès  difficile.  Les  ossements  < 
penfennaient  et  qui  étaient  dans  un  parfait  état  dé  coi 
lion,  étaient  empâtés  dans  une  brèche  calcaire  ;  on  diati 
très  bien  la  ligne  de  séparation  qui  existait  eutre  ce 
ments  et  la  roche  contre  laquelle  ils  étaient  appliqui 
fragments  de  crftnea  trouvés  dans  ces  mêmes  cavernes 
recou verts  d'une  incrustfltion  cristalline  de  môme  comp 
que  la  roche;  la  substance  même  dea  os  était  intin 
unie  à  des  éléments  calcaires. 

Il  a  fallu  sans  doute  une  longue  suite  de  siècles  pot 
rerle  dépôt  des  quatre  mètres  de  couches  sédimeutal] 
recouvraient  le  crâne  découvert  au  mois  de  mai  derr 

La  trouvaille  de  celui-ci  m"a  paru  constituer  u 
assez  important  pour  attirer  sur  lui   l'attention   du 


Conçtes-rendoB  i\i  Cci\Sfès  préhistorique . 


daijreô  litbop 


SIIEX  TERTIAIRES  DE  THENAY.  (jrmdtur  iiaturell»]. 
i Mémoirt  d(  M  L'ABBÉ     BOURGEOIS, 


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'-^Lèis  du  Cernés  préhist^rjqiif 


SIIEX  TERTIAIRES  DE  THENAY  (êrjudeur  naturell.l 
(  Mémoire  d.  M.  L'ABBÉ    BOURGEOIS  ) 


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SILEX  TERTIAIRES  DU    PORTUGAL 
i  Mémoire  de  M  RIBEIRO^ 

■'erdiLiieur  r..^fiJT°lI-', 


S^omptPi-ra'iTis  ÔaC-mÈ'èf  nrebsvcrii^e 


SILEX  TERTIAIRE?  DU    PORTUGAL 
(Mémoire  deM.RIBEIRO  )  '^ 


'■■3r:,fiws-.-erii:=  i'i  Co^s  crehisconqui 


SiLEX  TERTIAIRES    DU    PORTUGAL 
,  (Candeur  naturelle' 


..  Mprnoire  -ie  M.  RlBElRO'j 


Compces-rentlus  in  Contres  prehisionque. 


LEVE  AVUE  DE  LA  NECROPOLE   DE  ROKNIA  (Algérie) 

Environ  3ooo  dolmens 

(Mémoire  de  KFÏf.  Général  Faidharbe) 


ipiL-.-i-i'i'nV"'^  '"'1  C';;ifc"ïî  préliistcnqiw 


Lith  de  Simontu  «T  Ti>invy 

LEVÉ  A  VUE    DE  LA  NÉCROPOLE  D'AIN- B0U-MER20U& 

\  rtyi.  heuE3  au  sud- sud-esc  de  Oonstantine   enviroa  2ooo  dolmens, 

(Kémoirn  de  H^le  Général  Faidherbe.) 


rîiptes-rc.-Laus  iu  ■v:4re5  prehisior;. 


LrVE  ;.  \';!E  DE  :.A  NECHOPCiLE  DE  LUUED  BERDA    1  Mazela) 
I  .lyrj  heues  aun:!  f-'.t  de   '■■initanuiie    rj.ivircn  2ooo  dolmens 


Ci-niptps-reniius  {k  Congrès  prehistonque. 


LEVE  A  VUE  DE  LA  NECROPOLE  DE  TEBESSA 

à  cinquante  lieiies  mi  sud  de  Bône  (  Aliène  )  débrie  d'environ  5oo  dolmeiis 

(Mémoire  de  iCle  Gâiéral  Faidherbel 


'::iiptes-rmc!us  du  Congés  prétistonque . 


LEVE  A  VUE  DE  LA  NECROPOLE  DE  TEBESSA 

â  cinquante  lieues  ml  sud  de  Bône  (  Algérie  )  débris  d'environ  5où  dolmeas 

(Mémoire  de  lP"le  General  Faidterbe) 


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SPECIMENS  DES  DOLMENS  DAFRIQUE 

Fig  let2,  Rokma,  T^.S.Oued  Berda. 

(.Mémoire  de  M''leGâiéral  Faidherbe) 


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(  l/Iénioirr  de  M  DE  ¥lERAÏEj 


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(Mémoire  de  M, DE  VIBRAVE  ; 


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(  Mémoire  de  M  DE  VIBRAVE  ; 


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(Meraoïre  it  M. de  Morrillit). 


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■ompies-'.mclus  du  CcriÇres  prêhisionque. 


"ni!ip;''î -rendus  du  Con^s  préliistoi 


AGE  DU  MAMMOUTH 

Trou  du  Sureau 

Qualn^me  nivMU  Oasiférp 

fûrandeurai 


.,GE   DU  MAMMOUTH 
Silex  uiliés    de  la   deuxième    CavA'ne   â  hu-S'-^ 


(  Exir.  les   Bull  de  l'Acidémit  royale  de  B^l^i-iue  ) 


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AC^E    DU  MAMKCUTH 
3ilex  tailles    de  ia  deiixiênis    Oiveine    d'Enifis. 

Grà3,  dear  n&tureÎJe 
{  R»r  des  Bull   de  1  Académie  royûe  de  Bel^iiiufl  ) 


AGE  DU  MAMMOUTH, 
Silex  i.aille's    de  la  deuxième    Caverne    d'Eiigls. 

Orandfut  mtiin/U 
(  Exir  des  Bull  de  l'Académie  royale  de  Belgique  ) 


j\P3i"piuius  du  ^iiiif.res  piéhisionqu! 


ADE  DU  MAMfWliTH 
:lex  tihlf;'   du  trou  Maente 


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Csmptes-rsiiaiis  du  Congrès  frëlristorique. 


Liih  Sioiorlu  rt  Toivey 

Silex  taillés   du  trou.  Mainte  f GrandeurnaturtSs) 


Gomptea-reiidus  du  Congrès  praùstonqtia. 


UA  d>  Sinoiuu  A  Togviy. 


A&E  DU  MAMMOUTH, 

Silea  taillés  delà  Caverne  de  Goyet . 

TVoisième  niveau.  Ossifere. 

/i&an  àèur  niOirel/eJ 


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■■  roihlLs  au  Ljnt;rfs  prefcL^tonque 


Uù,  ie  Simonm  ei  Te 


iptes-rm3us  du  Congrès  prélusioriiîue. 


Silex  Uilles  da  1°" niveau  ossifere  delà  Caverne  de  Ooyet 


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CûiïicLes  rfiikiu';  du  Oiu^tk^  nr»hi*ifnfnif 


AGE  DU  MAMMOUTH 
Silex  lailles  des  Allnvions    Qualernaires  A^  Hesvin. 
f  Gmndeur  mwrflli'  S 


liili-x  tdillcP  Je;;  AlluvjoiiK   Qiiatfimaires  de  Meaviti. 
!  Grondeur  MUir^le) 


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SOex  taillés  lies  Alluvi^us  Quaternaires  de  Kewm, 

t  Orandf'ur  naîurtllej 


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Silex  taillé  des  AUiinons  Quaternaires  de  Mesvm 

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CompUa -rendus  du  Conâ^s  préhûtonque. 


Liih.de  Simaiau  ti  Touvty 


AGE  DU  MAMMOUTH. 
Silex  tailles  des  Alluvions   Quaternaires  de  Mesvm. 
f  Orandeuraatarelle) 


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'iL;i>ir  ïi.i  '''•i^S-r^-;  Brehist^mr. 


AOB  DE  LA  nERRV^  tX'LIi::. 

IJUCLÉUb  DE  SPIKNNES. 

(grandeur  naturelle). 


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ACE  DE  LA  PIERRE  POLIE 
PIC  ET  SILEX  OUTOÉ  DU  HAINA'JT. 


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Coinptes-renèas  èi  Cot^s  préhistDri<iu9 


ACE  DE  LA  PIERRE  POLIE 
SILEX  OUVRÉ  DE  SPIENNES 


■  .mf  ;ïc;-rer.(ius  èiConfrès  DrehisCorioue, 


AGb;DE  LA  flhkRE  PuLIE, 

SILEX  OUVRES  DE  SPIENNES, 
flrandeur  naturelle) 


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■,-r-i.i'is  au  CiTi&ès  préhisCshqm 


.      A&E  DE  LA  PIERRE  POLfE, 
HACHE  ET  EBAUCHES  DE  HACHESDU  HAINAUT. 
(grandeur  naUireUe). 


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Cî-f-.es-rfnJui  (kCon^^î  prehisconque 


ÀOE  DE  LA  PIERKE  POLIE 
DAKSIEHAINAUT, 


CtKçies-renàjs  du  Cca^is  prehisCDrique 


AGE  DE  I.A  PIERRE  POLiE, 
COUTEAU  ET  HACHE  POLIE  DE  SPIENNES. 


Ciimptes-raièiE  du  Congés  préhistorique 


AOE  DE  LA  PIERRE  POLIE. 


SILEX  OUVRES  DE  SPIENNES. 
^^rdinleur-naUirallBi 


Ompus-renduE  du  Copiés  préliiEtorique. 


AGE  DE  LA  PIERRE  PDliE 

SIIEX  OUVRÉS  DÏSPIENNESET, 

D'AUTRES  LOCALITÉS  DUHAINAUT. 

(grandeur  naturelle] 


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ACE  DE  LA  PIERRE  POLIE 
POINTES  DE  LANCE  ET  DE  FLÈCHE  DU  HAINAUT 
(grandeur  naturelle) 


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Comptes -rendus  du  Can^s  prêhistonque. 


AGE  DE  LA  PIERRE  PCIUE 

dans  la  province   de  Namur 

Silex  tailles  et  hacha  en  Ja<îe  d'Hastedon 

I  Oi'snàfur  iialanlle) 


Comptes-rendus  du  Coii^s  préhistonque, 


h.d«  aimon»u  elTomey. 

ACE  DE  LA  PIERRE  POLIE 

dans  la  province    de  Naraur 

Silex  tailles  et  hache  en  Jade  d'Haatedon 

f  ffiandeur  naùmUxj 


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Comptes  rendus  du  Con^re^  preliistonqus. 


AOK  !>F,  1,A  FÏFRRK  POLIE 
i\m^  laproviiii:!^  ik  tlamur 
CiilfX  Uille's  d'Ffas'^ilon 


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Comptes  -  readuâ  du  Congrès  préhislonque. 


Litt>  Sifflontu  (t  Tbove/ 


a(;e  de  la  PiERHh;  colik 

Siipx  ouvres   de  Liiicianx  (Ciney) 


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CoTnpces  reiiàus  au  Oonérés  prêhiatorique. 


AGE  DE  LA  PIERRE  POLIE 

ilans  la  province  de  Namur 

Silex  ouvrés   de  Linciaux  (Cuiey  J 

/  Oraii  dmr  niuunik) 


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ooiîiptesr^naus  du  Unôrés  prehistonqiie. 


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AGE  DE  LA  PIERRE  POLIE 

dans  la  province  de  Namur 

Silex  ouvrés    de  Linciaux  (  Ciney  ) 


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Iiomptsi  riiiiis  di;  ',':nsrf 


.1  A  1^  la  .-rarii'.*::  nsi^irellsi 


Compus-TMiJas  du  t'.-:i<pê>  preïiisiori 


Crânes   d'Esthonlens. 

de  la  Galerie  du  Muséum  de  Pari^.i  y.  de  la  Grandenr  nc'urelle). 


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Comptci-rnidus  du  Congru  prékiston^e 


Ln).Si«.Mu.tT»> 


IHSTRUMEHTS     EN    SILEX 

des  grottes   dit  Pulo  de  Morfetta, 
(HÉmoir*  i»  If  Cajiellini.] 


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[raptes-naini  èi  Conpèi  prâoitonqds 


f.ë3.4S^.  Fmf^aeemtnts  Jet  tranArtt. 
£.  Etnpl^t/r^iaU  lia.  yrilùiae-. 


Plan  duPlatea-u  d'fîastedoTi . 

(McmnirB  d«  MU.  jmouldnâe  HadigiiésJ. 


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Ciniî«sniiiln!  lu  !!in^rÊj  prelii^sriçie 


TranchéeR   dans  le  retranatiemem  d'Hastedon. 

(UÀmoirt  Je  MM  Amonld  ei  dt  Raigaesl 


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Campuitmioi  h  Cim^i  pHlàttwiipit 


CAMP  DHASTEDOK 
Retranchements. 


Mémoire  de  MM. Artiouid  et  de  Radiguès.- 


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■s-ienfa!  ht  Cona»!  r.rflâsi&riipie . 


COUPES  DES  TRANCHÉES 
pratiipeeE  danî  Z°-3    l'etranehements 


£  Chcu^oa  de  bon 

S  Muit  m  if  m  à  firiTt3  stcJus 

4  Jtfur  m  naaiiuiifie  li  mertùr.  iécrmUj 

i  .  Piirra  da  irtramiunuHit . 

f  .  Pieira  prwtnaat  dt  la  ailture . 


KAtiit  acaij'cw-  / 


Camp    de  Bonne. 

(Mémoire  àp  MMArnoiild  et  dBRadiguBsy 


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ÛJBprei  nbAij  dn  Conqrss  jféhi   nnqu" 


Plan   du    Camp   de  -JeTnelle, 

(  Mraoïre  îe  M  M  Anw'aid  rt  is  Rââijuw). 


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ùmiftïE-Tsnliu  diCmgris  pnhi)ton^u« 


Plan    dn     Carap    d'Olloy, 

(  Wraona  de  M.M.Amiulii  et  âe  îaài^s) 


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.fnirT^f-rtnèis  du  Con^s  préhistorique 


AGE  DE  LA  PIERRE  POLIE 
CHÂNEE  LE  LA  CAv LESE  DE  ÎLL/LLIIEAUX 
!  Mémoire  de  M  ARNODLD  ' 


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Comptes -rendus  du  Congés  préhistorique 


AGE  DE  LA  PIERRE  POLIE 


dena  la.  province   de  Namur. 


(K-m-'ir..  -îd  WArnouM  1 


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Conipt»=j--rendus  du  r    lorfs  i"r*'i  i   f   r'qi 


flAVKRNE   DF:  SCLAiGNEAUX 
{Mémoire  de  M  Amould) 


C'ijiipN:s-r<'i"l'is  fin  Cciiipres  pcluslitrM|ii 


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CONGRÈS 


IVTFRXA'noV-U 


D'wmiRflPûLOGiE  k  ïi'kmimm 


l'RÉHISTORI' 


II-  iiiis:jin.i,  Hriii;^!:!  i 


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