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Full text of "De l'importance et du role de la chimie dans les sciences médicales"

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DE  L'IMPORTANCE   ET  DU  ROLE 


DE  LA  CHIMIE 


DANS 


LES  SCIENCES  MÉDICALES. 


THÈSE  DE  CONCOURS 

POUR   L'AGRÉGATION   EN    CHIMIE 

Soutenue  à  la  Facalté  de  médecine  de  Paris 


PAR 


LOUIS  FIGUIER, 

Docteur  en  médecine, 
Docteur  es   sciences,    agrégé  à  l'École  de   pharmacie   de  Paris. 


PARIS. 

LIBRAIRIE  DE  VICTOR  MASSON, 

PLACE    DE    l'école-de-médecine. 


DE  L'IMPORTANCE  ET  DU  ROLE 

DE  LA  CHIMIE 


DANS 


LES  SCIENCES  MEDICALES. 


THESE  DE  CONCOURS 

POUR   L'AGRÉGATION   EN    CHIMIE 
SoateDDe  à  (a  Faculté  de  médecine  de  Paris 


PAR 


LOUIS  FIGUIER, 

Docteur  en  médecine, 
Docteur  et   sciences,    agre'gé  à  l'École  de   pharmacie  de  Paris, 


PARIS. 

LIBRAIRIE  DE  VICTOR  MASSON, 

PLACE    DE    l'ÉCOLE-DE-MÉDEGINE. 

1853. 


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Imprimerie  de  L.  Martinet,  rue  Mignon,  y. 


DE  L'IMPORTANCE  ET  DU  ROLE 


DE   LA   CHIMIE 


DANS 


LES    SCIENCES   MÉDICALES. 


Depuis  Tépocjne  mémorable  où  le  génie  de  Lavoisier 
éleva  l'édifice  glorieux  de  la  chiuîie  rtioderne,  oti  s'est 
occupé  avec  aideur  d'appliquer  au  perfectionnement  de 
l'art  de  guérir  ces  vérités  nouvelles.  La  médecine  étant, 
en  définitive,  le  but  suprême  vers  lequel  convergent  les 
efforts  de  toute  la  science  luimaine,  on  dut  s'efforcer,  dès 
l'origine,  de  faire  participer  les  sciences  médicales  aux 
bienfaits  dont  les  découvertes  chijniqiies  avaient  enrichi 
le  domaine  tout  entier  de  la  philosophie  naturelle.  Des 
résultats  d'une  haute  importance  furent  le  fruit  des  nom- 
breux travaux  exécutés  dans  celte  direction.  Mais  tandis 
que  les  plus  illustres  de  nos  savants  s'avançaietit  avec 
bonheur  dans  cette  carrière  utile,  un  spectacle  affligeant 
venait  attrister  les  esprits. Une  cri  tique  amère,  impitoyable, 
s'attachait  à  contester  et  à  combattre  les  résultats  les 
mieux  établis  ;  on  essayait  d'accabler  les  chimistes  sous  le 
reproche  incessatnment  i  eproduit  d  incompétence  en  ma* 
lièie  de  médecine;  on  prétendait  opposer  à  leurs  tenta- 
tives une  barrière  infianchissable,  en  invoquant  une  sorte 


k 

(l'opposition  radicale  entre  les  phénomènes  des  corps 
vivants  et  les  réactions  des  corps  inertes  ;  contestant  le 
présent,  interdisant  l'avenir,  on  élevait  hautement  l'inten- 
tion de  hannir  à  jamais  la  science  chimique  du  sanctuaire 
d'Hippocrate.  issue  de  quelques  préjugés  trop  mollement 
combattus  à  l'origine ,  justifiée  en  apparence  par  des 
craintes  exagérées  à  dessein,  celte  pensée  a  grandi  peu  à 
peu,  grâce  à  l'indiflerence  universelle  ;  elle  est  aujourd'hui 
si  solidement  implantée ,  que  c'est  à  peine  si  l'on  juge 
nécessaire  de  chercher  des  preuves  à  son  appui.  Cela  est 
si  simple  en  effet,  cela  paraît  si  facile  d'accuser  et  de 
corï^battre  les  tendances  et  les  prétendus  envahissements 
de  la  chimie  ;  on  trouve ,  pour  les  besoins  de  cette  contes- 
tation vulgaire,  tant  d'arguments  tout  préparés  dans  le 
vieil  arsenal  d'une  certaine  philosophie  surannée  et  ba- 
nale, que  personne  ne  se  refuse  le  plaisir  d'aller  puiser  à 
pleines  mains  à  cette  source  toujours  ouverte.  De  là  est 
résultée  cette  défaveur  évidente  qui  frappe  aujourd'hui 
les  travaux  chimiques  appliqués  à  la  science  médicale.  On 
proclame  sur  tous  les  tons  l'incompétence  des  chimistes 
pour  aborder  l'étude  des  phénomènes  des  corps  vivants; 
on  leur  reproche  sans  fin  et  sans  cesse  de  ne  posséder 
qu'une  notion  incomplète  du  double  sujet  qu'il  faut  en- 
visager; en  conséquence,  on  repousse  leur  concours 
pour  l'élucidation  des  problèmes  qui  concernent  les  fonc- 
tions des  êtres  organisés.  Ainsi  la  chimie,  cette  arme  ad- 
mirable et  puissante,  qui  a  manqué  à  Haller,  et  qui  consti- 
tue la  base  la  plus  solide  des  forces  scientifiques  de  notre 
siècle,  la  chimie  est  considérée  dans  les  sciences  médicales 
comme  un  instrument  inutile,  comme  un  auxiliaire 
dangereux.  Cette  opinion,  injuste  à  tant  d'égards,  en- 
trave au  plus  haut  degré  et  compromet  l'avenir  de  la 
science;  elle  décourage  les  bonnes  dispositions  des  tra- 


5 

vailleurs,  elle  paralyse  et  déconcerte  leurs  efforts,  elle 
arrête  bien  des  progrès  sur  le  point  de  s'accomplir.  Aussi, 
je  Tavouerai  sans  détour,  je  m'estime  heureux  de  l'occa- 
sion qui  m'est  offerte  d'aborder  une  telle  question  en  face, 
et  pour  ainsi  dire  corps  à  corps.  Montrer  l'importance  de 
la  chimie  pour  le  perfectionnement  des  différentes  bran- 
ches de  l'art  de  guérir,  mettre  en  lumière  les  services 
principaux  qu'elle  leur  a  rendus  jusqu'à  ce  jour,  signaler 
les  progrès  qu'elle  leur  réserve,  préciser  le  rôle  que  notre 
science  doit  remplir  dans  le  cercle  de  travaux  et  d'études 
que  la  médecine  embrasse,  c'est  une  tâche  que  j'accepte 
avec  confiance  et  que  j'entreprends  avec  joie,  avec  la  joie 
du  soldat  qui  combat  pour  l'honneur  de  son  drapeau. 


.  Il  n'y  a  qu'une  seule  manière  de  traiter  la  question  qui 
nous  est  soumise.  Nous  devons  commencer  par  constater, 
au  moyen  de  l'analyse  et  de  la  revue  des  faits,  les  prin- 
cipaux secours  que  les  sciences  chimiques  ont  apportés 
au  perfectionnement  des  différentes  branches  de  la 
médecine.  De  l'examen  de  ces  faits,  nous  pourrons  dé- 
duire le  degré  d'importance  de  la  chimie  dans  les  scien- 
ces médicales,  et  fixer  ainsi  le  rôle  qu'elle  doit  y 
remplir. 


6 


Serwices  rendus  par  la  cltiniie  aux   différentes 
liranelies  de  la  science  médicale. 

Nous  considérerons  successivement  l'influence  que  les 
travaux  cliimicjues  ont  exercée  sur  les  progrès  de 

La  rhysiolo[>ie, 

La  Paiholo<;ie , 

La  Thérapeutique, 

L'Hy(jiène, 

Et  la  Toxicologie. 

Il  est  à  peine  nécessaire  de  faire  remarquer,  avant 
d'aborder  notre  sujet,  qu'un  inventaire  minutieux  de 
tous  les  faits  acijuis  à  la  science  ne  saurait  entrer 
dans  le  cadre  de  ce  travail.  Le  relevé  complet  de  tou- 
tes les  circonstances  dans  lesquelles  la  chimie  a  pu 
intervenir  avec  fruit  dans  les  (juestions  médicales,  ne 
répondrait  nia  Tesprit  ni  aux  termes  de  la  question  qui 
nous  est  soumise.  Si,  par  un  nombre  suffisant  de  faits  bien 
établis,  nous  parvenons  à  démontrer  Fétendue  immense 
des  secours  que  Fart  de  guérir  a  reçus  des  travaux  du 
laboratoire,  nous  croirons  avoir  accompli  la  tâche  qui 
nous  était  imposée,  et  nous  accepterons  sans  trop  d'in- 
quiétude le  reproche  d'omission. 

PHYSIOLOGIE. 

La  physiologie  était  considérée,  il  n'y  a  pas  bien  long- 
temps, comme  le  roman  de  la  médecine.  Grâce  au  concours 
de  la  chimie,  de  fanatomie  microscopique  et  des  vivisec- 
tions, ce  roman  est  aujourd'hui  devenu  une  histoire,  his- 
toire pleine  de  vérité  et  d'intérêt.  Que  la  chimie  organique 


7 

perfectionne  encore  davanta{je  sesméthocles  de  recherches, 
et  la  physiolo[jie  pourra  s'appeler  peut-être  \[i  géométrie  des 
sciences  médicales.  On  va  s'en  convaincre  par  l'analyse 
rapide  que  nous  allons  présenter  des  progrès  que  les 
recherches  chimiques  ont  introduits  dans  la  connaissance 
des  principales  de  nos  fonctions.  Pour  ne  pas  trop  étendre 
cette  analyse,  nous  nous  hornerons  à  considérer  à  ce 
point  de  vue,  les  fonctions  de  la  digestion,  de  la  respiration , 
de  Xabsorplion  et  des  sécrétions.  Nous  examinerons  ensuite 
le  rôle  qu'a  joué  la  chimie  dans  l'étude  des  faits  que  l'on 
peut  réunir,  avec  M.  le  professeur  Bérard,  sous  le  titre  de 
prolégomènes  de  la  physiologie. 

Digestion.  —  Si  l'on  jette  un  coup  d'oeil  sur  les  travaux 
des  anciens,  on  ne  trouve,  pour  l'explication  des  faits  (jui 
se  rapportent  à  la  digestion,  que  cette  série  ohligée  et  com- 
mune d'explications  générales  que  les  savants  des  der- 
niers siècles  appliquaient  à  tous  les  phénomènes  des  corps 
vivants.  La  digestion  était,  pour  eux,  une  coction,  wue  fer- 
mentation ,  une  putréfaction,  une  trituration  des  aliments: 
mots  vides  de  sens,  parce  que  les  auteurs  qui  les  em- 
ployaient n'attachaient  à  leur  signification  aucune  valeur 
précise.  Si  nous  considérons  aujourd'hui  les  principales 
phases  de  l'action  digestive  comme  se  rattachant  à  un 
phénomène  de  fermentation ,  nous  ne  reproduisons  nulle- 
ment les  opinions  de  nos  prédécesseurs ,  attendu  que  si 
nous  mettons  en  avant  lidée  de  fermentation ,  nous  savons 
fort  bien  de  quel  genre  de  phénomène  nous  voulons  par- 
ler, tandis  que  les  anciens  n'en  savaient  rien. 

La  digestion  était  considérée ,  il  y  a  peu  d'années  , 
comme  une  fonction  par  laquelle  les  animaux  convertis- 
sent les  différents  aliments,  en  un  produit  particulier 
nommé  c^/we,  duquel,  par  une  opération  ultérieure,  les 
organes  de  l'absorption  pouvaient  retirer  un  liquide  ap- 


8 
pelé  chyle ^  représentant  le  produit  éminemment  utile  de 
la  digestion.  Les  travaux  de  la  chimie  moderne  ont  com- 
plètement renversé  ce  système  de  vues,  si  longtemps  con- 
sidéré comme  une  vérité  incontestable.  Les  belles  re- 
cherches de  MM.  Bouchardat  et  Sandras,Eberle,Schwan, 
Pappenheim  ,  Deschamps,  Blondlot,  Mialhe,  Bernard  et 
Barreswill,  etc.,  ont  prouvé  que  la  matière  désignée  parles 
physiologistes  sous  le  nom  de  chyme,  n'est  qu'un  être  de 
raison  ,  et  que  le  chyle ,  par  sa  nature  et  par  son  rôle  dans 
l'économie,  ne  justifie  en  rien  le  rôle  important  qu'on  lui 
avait  si  longtemps  attribué. 

Les  erreurs  de  l'ancienne  physiologie  sur  le  mécanisme 
de  l'acte  digestif  tenaient  surtout  à  ce  que  l'on  avait  voulu 
rechercher  dans  l'estomac  l'existence  d'un  liquide  unique, 
susceptible  d'exercer  sur  les  divers  aliments  une  modifi- 
cation uniforme.  Les  travaux  des  chimistes  modernes  ont 
rectifié  cette  manière  vicieuse  d'interpréter  les  faits.  Les 
aliments  n'étant  point  uniques  dans  leur  nature,  nepeuvent 
être  tous  modifiés  par  une  même  substance;  ils  ont  besoin, 
pour  devenir  assimilables,  de  trouver  un  agent  approprié 
à  leurs  caractères  spéciaux.  Or,  la  chimie  moderne  a 
reconnu  que  les  aliments  dont  nous  faisons  communé- 
ment usage,  appartiennent  à  trois  groupes  différents  et 
bien  marqués  de  composés  chimiques  :  !<>  Les  matières 
albuminoïdes ,  substances  azotées  se  rapprochant  de  l'al- 
bumine par  leurs  caractères  et  leur  composition  ;  telles 
sont  l'albumine  animale  ou  végétale  ,  la  fibrine  animale 
ou  végétale  ,  la  caséine  animale  ou  végétale,  la  gélatine, 
l'hématosine,  la  légumine,  etc.  2**  Les  matières  grasses; 
telles  sont  les  huiles  et  les  graisses  fournies  par  les  ani- 
maux ou  les  plantes.  3°  Les  matières  amylacées,  substances 
privées  d'azote  et  se  rapprochant  de  la  fécule  par  leur  con- 
stitution; tels  sont  les  divers  sucres,  l'amidon,  la  gomme, 
la  pectine,  le  ligneux,  la  dextrine,  les  sucs  végétaux,  etc. 


9 

Ces  divers  groujDCS  de  substances,  en  raison  de  leur 
composition  particulière,  doivent  être  influencés  d'une 
manière  spéciale,  et  la  nature  a  su  répandre,  chacun  en 
son  lieu,  les  agents  propres  à  opérer  sur  ces  différentes 
matières ,  les  modifications  qui  ont  pour  résultat  de  les 
rendre  assimilables.  Les  substances  amylacées  se  trans- 
forment en  glucose,  par  Faction  de  la  diastase  animale , 
sorte  de  ferment  contenu  dans  la  salive  et  dans  le  suc  pan- 
créatique. Les  matières  grasses  demeurent  inaltérées  dans 
l'estomac,  et  passent  dans  l'intestin  sans  avoir  éprouvé  de 
modification  appréciable  ;  c'est  dans  les  replis  de  cet  or- 
gane que  leur  absorption  doit  s'effectuer.  Quant  aux  ma- 
tières albuminoïdes,  elles  sont  digérées  par  le  suc  gastri- 
que, ce  liquide  agissant  à  la  fois  par  son  acide  libre, 
et  par  une  substance  de  Tordre  des  ferments  que  l'on 
désigne  sous  le  nom  de  pepsine,  qui  a  la  propriété  d'exer- 
cer sur  les  matières  albuminoïdes  une  modification  molé- 
culaire qui  les  rend  solubles  et  assimilables. 

Que  l'on  compare  ces  résultats  si  tranchés  et  si  nets 
avec  les  vagues  notions  que  nous  avait  laissées  l'ancienne 
physiologie,  et  l'on  reconnaîtra  de  quelle  utilité  a  été  l'in- 
tervention des  études  chimiques  dans  l'analyse  de  l'unedes 
fonctions  les  plus  importantes  de  l'économie. 


Respiration.  —  Une  fonction  physiologique  qui,  dans 
l'ordre  d'importance,  ne  le  cède  en  rien  à  la  précédente,  la 
respiration,  a  reçu  son  explication  de  la  chimie.  Avant 
l'existence  des  sciences  chimiques,  un  profond  mystère 
cachait  le  mécanisme  de  cette  fonction.  La  chimie  paraît, 
et  tout  aussitôt  les  voiles  commencent  à  se  lever.  A  me- 
sure qu'elle  perfectionne  ses  méthodes,  les  premières 
erreurs  commises  à  l'origine  se  dissipent  peu  à  peu.  Enfin, 


10 

à  notre  époque,  une  théorie  complète  de  la  respiration 
vient  nous  rendre  com])te  de  rensemble  et  des  détails  du 
phénomène.  C'est  une  vérité  dont  il  sera  facile  de  se  con- 
vaincre, si  nous  déroulons  nipidement  les  faces  succes- 
sives de  cet  intéressant  tableau. 

M.  Bérard,  dans  son  Cours  de  physiologie,  peint  en 
termes  éloquents  le  vide  que  laissait  au  siècle  dernier 
l'absence  des  connaissances  chimiques  pour  l'explication 
des  phénomènes  respiratoires  : 

«  Si  quelques  personnes,  dit  M.  Bérard,  mettaient  en  doute 
M  les  services  rendus  a  la  physiologie  par  les  sciences  phy- 
»  sico  chimiques,  je  leur  conseillerais  de  chercher  dans  les 
»  écrits  des  auteurs  du  dernier  siècle  la  théorie  de  la  respi- 
»  ration.  Voyez  ce  que  dit  de  la  respiration  le  plus  grand,  le 
»  plus  érudit  des  physiologistes  du  xviii*siècle.  La  chimie  de 
»  son  temps  le  condamne  à  ignorer  Fessence  de  cette  im- 
h  portante  fonction.  C'est  un  spectacle  triste  et  cependant 
w  digue  d'intérêt,  que  de  voir  un  homme  de  génie  renfermé 
»  dans  un  cercle  qu'il  ne  peut  franchir,  et  s'agitant  de 
M  mille  manières  pour  porter  ses  regards  au  delà  du  petit 
»  horizon  cjui  le  borne.  Pourquoi  l'air  est-il  nécessaire  à 
»  tous  les  animaux?  Pourquoi  faut-il  (jue  l'expiration 
»  succède  à  l'inspiration?  Pourquoi  l'air  qui  a  été  respiré 
»  est-il  mortel?  Pourquoi  le  fœtus,  qui  tout  à  l'heure  vivait 
»  dans  l'eau  de  l'amnioSjtrouve-t-il  la  mort  dans  ce  milieu, 
»  si  on  l'y  replonge  après  lui  avoir  permis  d'attirer  l'air 
»  dans  ses  poumons?  Haller  essaie  de  toutes  les  explica- 
»  tions,  s'adresse  à  toutes  les  hypothèses,  et  il  les  rejette 
»  toutes,  car  aucune  ne  satisfait  sa  raison.  Il  n'a  point  de 
»  théorie  de  l'asphyxie,  car  ce  n'en  est  pas  une  de  dire  que 
M  l'air  déjà  respiré  est  mortel,  parce  qu'il  rty9e?^(/w5on  ressort, 
»  S'il  admet,  en  désespoir  de  cause,  que  l'utilité  de  la  res- 
»  piration  est  d'introduire  de  l'air  dans  le  sang,  le  méca- 


11 

»  nisnie  de  cette  introduction  lui  échappe,  car  il  ne  connaît 
»  pas  l'endosmose  des  (jaz  et  il  croit  même  que  ceux-ci  ne 
»  peuvent  [)énétier  au  travers  des  membranes  humides. 
»  Cet  air  admis  dans  le  sang,  il  ne  Temploie  ni  à  vivifier 
"  ce  fluide,  ni  à  brûler  pour  engendrer  la  chaleur,  les 
»  principes  immédiats  que  la  digestion  introduit  dans  nos 
»  humeurs;  il  lui  donne  le  rôle  d'unir, à  la  manière  d'une 
»  sorte  de  gluten,  les  éléments  terrestres  du  corps  (1)  !  » 

Mais  la  chimie  commence  à  se  constituer,  et  dès  son 
début,  elle  jette  sur  le  mécanisme  de  la  fonction  respira- 
toire, ces  iumièies  positives  que  le  génie  de  Haller  avait 
inutilement  demandéesà  la  science  de  son  temps.  Tout  le 
monde  saitquela  première  théorie  émise  sur  la  respiration 
appartient  à  Lavoisier,et  que  cette  théorie  fut  la  première 
application  de  la  découverte  de  ce  grand  fait  du  dégage- 
ment de  chaleur  qui  accompagne  la  combustion  ou 
Toxydation  des  corps.  Priestley  avait  entrevu  une  notion 
confuse  de  ce  j)hénomène;  mais  ce  fut  le  chimiste  fran- 
çais qui,  en  développant  ses  vues  par  une  longue  suite 
de  travaux,  et  en  s'entourant  de  démonstrations  rigou- 
reuses, puisées  dans  des  expériences  précises,  mérita 
d'être  considéré,  ainsi  que  nous  le  faisons  aujourd'hui, 
comme  le  prenner  créateur  de  cette  théorie. 

La  théorie  chimiquede  Lavoisierest  si  universellement 
connue  que  c'est  à  peine  s'il  est  nécessaire  de  la  rappeler. 
Le  sang  veineux,  disait  Lavoisier,  est  très  riche  en  hydro- 
gène et  en  charbon,  comme  semble  le  montrer  sa  colora- 
tion noire.  L'oxygène  de  1  air  brûle  une  partie  de  ce  char- 
bon et  de  cet  hydrogène.  L'eau  et  l'acide  carbonique  sont  le 
résultat  de  cette  oxydation.  La  chaleur  qui  distingue  les  ani- 
maux est  la  conséquence  de  celte  combustion  intérieure. 

(i)  Cours  de  physiologie^  t.  111,  p.  385. 


12 

Le  charme  que  la  simplicité  extraordinaire  de  la  théorie 
de  Lavoisier  sut  inspirer  aux  savants  de  son  époque  et 
aux  chimistes  qui  sont  venus  après  lui,  la^fit  adopter  uni> 
versellement.  Cependant,  il  était  facile  de  prévoir  que 
cette  opinion,  conçue  dès  les  premières  époques  de  la 
chimie,  donnerait  prise  à  des  objections  sérieuses  quand 
la  science  aurait  acquis  des  moyens  positifs  de  contrôle. 
C'est  en  effet  ce  qui  eut  heu,  et  Lavoisier  lui-même  Tavait 
bien  compris,  car  il  s'occupait  de  reprendre  ses  travaux  sur 
la  respiration  et  la  chaleur  animale,  lorsqu'il  fut  enlevé 
par  une  mort  déplorable  aux  sciences  et  à  l'humanité. 

Les  travaux  ultérieurs  des  chimistes,  en  particulier  les 
recherches  de  Lajjrange  et  Hassenfratz,  et  les  observations 
d'Edwards  aîné,  montrèrent  suffisamment  que  lathéoriede 
Lavoisier,  qui  fait  passer  dans  l'organe  pulmonaire  le 
phénomène  tout  entier  de  l'action  respiratoire,  ne  pouvait 
être  sérieusement  défendue.  L'extrême  simplicité  du  phé- 
nomène chimique  admis  par  Lavoisier  ne  put  résister  da- 
vantage au  contrôle  de  l'expérience.  On  n'a  pas  tardé  à 
reconnaître  que  ce  n'est  point  dans  le  poumon  seul  que  la 
respiration  s'effectue  ,  que  ce  n'est  point  simplement  du 
charbon  et  de  l'hydrogène  qui  sont  brûlés  durant  le  con- 
tact du  sang  et  de  l'air;  tout  le  monde  admet  aujourd'hui 
que  le  poumon  agit  comme  simple  organe  d'absor- 
ption pour  l'air  atmosphérique  ;  l'oxygène  et  l'azote  de  l'air 
pénètrent  à  travers  les  parois  infiniment  minces  des  cel- 
lules pulmonaires,  se  mêlent  au  sang,  et  sont  entraînés 
avec  lui  dans  la  masse  du  corps.  C  est  donc  dans  les 
ramifications  du  réseau  des  capillaires,  que  s'effectue 
la  véritable  respiration  ,  c'est-à-dire  l'action  chimique 
exercée  entre  l'oxygène  de  l'air  et  les  éléments  du  sang  : 
action  qui  a  pour  conséquence  visible  la  production  de 
l'acide  carbonique.  Ainsi  formé,  l'acide  carbonique  reste 


13 

dissous  dans  le  sang  et  circule  avec  lui,  jusqu'à  ce  qu  il 
puisse  s'échapper  au  dehors.  Les  poumons  offrant,  sous 
le  rapport  de  la  perméabilité  aux  gaz,  une  disposition 
anatomique  avantageuse,  c'est  par  la  voie  des  cellules 
pulmonaires  que  l'acide  carbonique  s'échappe  dans  l'air, 
au  moment  où  le  sang ,  arrivé  dans  cet  organe,  et  se  trou- 
vant en  contact  avec  l'air,  échange,  en  vertu  d'un  dé- 
ploiement mécanique  bien  connu  aujourdhui,  l'acide 
carbonique  qu'il  renferme,  pour  l'oxygène  et  l'azote  qui 
lui  sont  présentés. 

Mais  on  ne  s'en  est  pas  tenu  à  révoquer  en  doute  la 
simplicité  du  phénomène  chimique  de  la  combustion 
respiratoire  imaginé  par  Lavoisier ,  et  de  nos  jours  ,  une 
théorie  conçue  en  Allenïagne  par  MM.  Mitscherlich  et 
Tiedeman ,  est  venue  fournir  une  explication,  jusqu'à 
un  certain  point  satisfaisante,  de  toutes  les  circonstances 
de  l'acte  chimique  qui  s'accomplit  pendant  la  respiration. 

Pourcomprendre  la  théorie  chimique  de  M.  Mitscherlich 
relative  à  la  respiration,  il  suffit  de  se  reporter  à  ce  que 
nous  avons  dit  plus  haut,  à  propos  de  la  digestion,  sur  la 
distinction  des  aliments  en  trois  groupes ,  les  substances 
albuminoïdes,  les  substances  amylacées  et  les  corps  gras. 
On  a  vu  que  les  substances  albuminoïdes,  telles  que  l'al- 
bumine, la  fibrine  etlecasëum,  ne  subissent  de  la  part  des 
forces  de  l'organisme  aucune  modification  essentielle.  Ces 
matières  sont  assimilées  et  fixées  dans  la  composition  de 
nos  tissus,  telles  à  peu  près  que  l'aliment  les  fournit.  Mais 
il  n'en  est  pas  de  même  des  substances  amylacées  ;  ces 
dernières  se  trouvent  changées,  par  les  forces  de  la  diges- 
tion, en  un  produit  qui  résulte  très  souvent  de  l'action  de 
l'air  et  de  l'eau  sur  les  substances  végétales,  c'est-à  dire  en 
acide  lactique.  L'acide  lactique  est  donc  ainsi  amené  dans 
le  sang,  où,  par  suite  de  la  présence  de  la  soude  dans  ce 


14 

liquide,  il  donne  naissance  à  du  lactate  de  soude;  on  sait 
en  effet  cjue  le  lactate  de  soude  constitue  le  quart  des  élé- 
ments salins  tenus  en  dissolution  dans  le  sérum  du  sang. 
C'est  sur  ce  lactate  de  soude  (jue  se  passe,  d'après 
M.  Mitscherlicb)  le  phénomène  chimique  de  la  respira- 
tion. Sous  l'influence  de  l'oxygène  de  Tair,  ce  composé 
est  brûlé  et  changé  en  carbonate  de  soude  ;  mais  bientôt 
de  l'acide  lactique  nouvellement  formé  par  l'effet  de  la  di- 
gestion, arrivant  dans  le  sang,  ce  carbonate  de  soude  est 
décomposé,  il  se  forme  de  nouveau  du  lactate  de  soude; 
l'acide  carbonique,  provenant  de  cette  décomposition,  se 
dégage  et  s'échappe  au  dehors,  lorsque  le  sang  arrive 
au  tissu  pulmonaire.  Telle  est,  en(|uelcjuesmots,  la  théorie 
admise  par  M.  Mitscherlich  pour  expliquer  les  phéno- 
mènes chimiques  de  la  respiration. 

Dans  cette  double  étude  des  fonctions  digestive  et 
respiratoire,  la  chimie,  on  le  voit,  a  mis  en  évidence  un 
fait  d'harmonie  physiologique  bien  digne  d'intérêt.  Elle  a 
montré  que  ces  deux  grandes  fondions,  delà  digestion  et 
de  la  respiration,  sont  rattachées  l'une  à  l'autre  par  Un  lien 
indissoluble.  Pour  se  faire  une  idée  exacte  de  ces  deux 
fonctions,  il  faut  donc  les  considérer  chacune,  non  comme 
acte  isolé,  mais  comme  les  deux  faces  du  phénomène 
général  de  la  nutrition.  La  digestion  offre  deux  buts  dis- 
tincts chez  les  animaux  :  apporter  aux  organes  les  éléments 
dont  ils  ont  besoin  pour  réparer  leurs  pertes  journalières; 
fournir  à  la  respiration,  et  à  la  chaleur  qui  en  est  la  consé- 
quence ,  les  cléments  de  son  exercice  normal.  Réparation 
de  la  substance  organi(|ue,  maintien  de  la  chaleur  ani- 
male, tel  est  donc  le  double  but  de  la  digestion.  C  est  ainsi 
qu'a  mesure  que  la  chimie  nous  fait  pénétrer  plus  profon- 
dément dans  l'ctuue  des  grandes  fonctions  des  êtres  vi- 
vants, elle  nous  apprend  à  reconnaître  que  ces  fonctions 


15 

ne  sont  jamais  des  actes  isolés  et  indépendants  les  uns  des 
autres,  mais  qu'au  contraire,  étroitement  liées  par  d'intimes 
rapports,  elles  concourent  par  leur  harmonie  à  assurer 
l'exercice  permanent  et  régulier  de  l'activité  vitale. 

Absorption.  — C'est  en  grande  partie  aux  travaux  des 
chimistes  modernes  qu'appartient  l'honneur  d'avoir  recti- 
fié ces  opinions  inexactes  concernant  le  mécanisme  de 
l'absorption,  qui  n'ont  si  longtemps  régné  dans  la  science, 
que  pour  embarrasser  sa  marche,  et  que  quelques  physio- 
logistes, trop  en  arrière  du  mouvement  scientifique,  persis- 
tent encore  à  professer  de  nos  jours.  Après  la  découverte 
anatomique  de  l'absence,  dans  les  vaisseaux  lymphatiques, 
de  tout  orifice  destiné  à  donner  directement  accès  aux 
matières  absorbables,  après  la  découverte  physiologique 
des  lois  de  l'imbibition  et  de  l'endosmose,  les  observations 
des  chimistes  sont  venues  apporter  une  dernière  et  aussi 
positive  notion  sur  le  véritable  mécanisme  qui  préside  à 
l'accomplissement  de  l'absorption. 

Toute  substance  introduite  dans  l'économie  a  besoin, 
pour  être  absorbée,  d'être  soluble  dans  les  liquides  qu'elle 
y  rencontre,  ou  bien  de  devenir  soluble,  ou  si  l'on  veut, 
fluide,  par  suite  des  modifications  que  ces  liquides  lui  im- 
priment. Cette  loi  importante,  et  qui  a  servi  de  point  de 
départ  à  un  nombre  considérable  d'upplicaiions,  a  été  mise 
hors  de  doute  par  les  recherches  ingénieuses  de  M.  Mialhe. 
En  contestant  ces  résultats,  et  posant  nettement  la  ques- 
tion par  une  expérience  qui  permettait  de  la  trancher  sans 
réplique,  M.  OEsterlen,  de  Dorpat,  a  fourni  aux  chimistes 
l'occasion  de  démontrer,  une  fois  pour  toutes,  la  vérité  de 
la  loi  nouvelle  qui  découlait  de  leurs  travaux.  Une  commis- 
sion, instituée  par  l'Académie  de  médecine,  a  parfaitement 
reconnu  que  le  charbon  en  jioudre  mêlé  aux  aliments  ne 
peut  jamais  pénétrer  dans  le  torrent  circulatoire,  et  que  si, 


16 

dans  Texpérience  rapportée  par  le  physiologiste  deDorpat, 
on  a  pu  retrouver  des  parcelles  de  charbon  enjjagées  dans 
les  organes,  ce  corps  étranger  ne  s'y  était  introduit  que  par 
suite  de  la  déchirure,  de  Teffraction  des  parois  des  vais- 
seaux, et  nullement  selon  le  mode  ordinaire  de  Tabsor- 
ption.  En  parlant  des  services  rendus  par  la  chimie  à  la 
thérapeutique  et  à  la  toxicologie,  nous  trouverons  Tocca- 
sion  de  citer  d'importantes  applications  pratiques.des  tra- 
vaux modernes  qui  se  rapportent  à  l'absorption. 

Sécrétions.  —  L'étude  physiologique  des  sécrétions  se 
compose  de  l'examen  chimique  des  produits  de  sécrétion, 
ei  de  la  recherche  du  mécanisme  suivant  lequel  cette 
fonction  peut  s'opérer.  Il  serait  inutile  d'insister  pour 
établir  que  c'est  à  la  chimie  que  nous  devons  les  con- 
naissances précises  que  nous  possédons  aujourd  hui  sur 
la  composition  des  humeurs  de  l'économie  animale  et 
des  divers  produits  qui  s'y  forment.  Le  nombre  de  ces  pro- 
duits est  d'ailleurs  si  grand,  que  nous  devons  nous  interdire 
tout  développement  à  cet  égard.  Quant  au  mécanisme  des 
sécrétions,  la  chimie  n'a  jamais  sérieusement  prétendu  le 
dévoiler.  Cependant  la  belle  expérience  de  MM.  Prévost 
et  Dumas  sur  la  préexistence  de  l'urée  dans  le  sang  des 
animaux  auxquels  on  pratique  la  ligature  des  uretères, 
est  venue  éclairer  une  partie  de  la  question,  en  montrant 
que  c'est  dans  le  sang  que  paraissent  se  former  les 
produits  de  sécrétion  ;  le  rôle  des  glandes ,  se  réduisant 
d'après  cela, à  retirer  du  sang  les  produits  tout  formés  que 
lui  apporte  ce  liquide.  Ce  résultat  remarquable  a  été  con- 
firmé récemment  parles  travaux  de  M.  Verdeil,  qui  a  réussi 
à  retirer  du  sang  plusieurs  substances  qui  caractérisent 
spécialement  certaines  sécrétions  animales.  La  question 
du  mécanisme  des  sécrétions  a  donc  avancé  d'un  pas,  grâce 
aux  travaux  des  chimistes.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas 


17 

d  ailleurs  à  l'opinion  émise  par  Wollaston,et  reprise  dans 
ces  derniers  temps  par  M.  Matteucci,  sur  le  mécanisme 
des  sécrétions.  M.  Matteucci  prétend,  avec  le  chimiste 
anglais,  que  c'est  par  une  sorte  d'appareil  électrique,  re- 
présenté par  le  système  nerveux,  que  les  produits  conte- 
nus dans  le  sang  sont  séjjarés,  comme  par  l'effet  d'une  pile 
voltaïque.  C'est  là  sans  doute  un  effort  ingénieux  de 
l'esprit,  mais  c'est  un  effort  prématuré. 

Prolégomènes  de  la  physiologie.  —  Le  rôle  de  la  phy- 
siologie n'est  pas  exclusivement  borné  à  Tétude  de  nos 
fonctions.  Prise  à  un  point  plus  élevé,  cette  science  se 
préoccupe  aussi  d'examiner  le  rôle  général  de  la  matière 
dans  la  production  et  l'accroissement  des  êtres   vivants, 
de  rechercher  la  part  qu'elle  prend  à  l'accomplissement 
des   phénomènes  de  leur  existence,  et  les  rapports  de 
dépendance  mutuels  qui  relient  l'un  à  l'autre,  pendant 
l'exercice  de  leurs  fonctions  j  les  deux  grandes   classes 
des  êtres  organisés,  c'est-à-dire  les  animaux  et  les  plantes. 
C'est  aux   seuls  travaux  de  la  chimie,  et  à  des  travaux 
qui  touchent  à  notre  époque,   que  nous  devons  la  con- 
naissance de  ce  genre  de  faits,  si  dignes  d'intérêt  à  tant 
de  litres,  et  dont  la  notion  a  complètement  manqué  à 
Tancienne  physiologie.  MM.  Dumas  et  Boussingault  en 
France,  et  en  Allemagne,  M.  Liebig,  sont  les  créateurs  de 
cette  belle  application  des  sciences  chimiques  à  l'étude 
générale  des  êtres  vivants.  Il  nous  aurait  été  peut-être 
difficile  de  résumer  ici  ces  points  de  vue  si  curieux  et  si 
neufs.  Heureusement  M.  Dumas  a  pris  la  peine  d'en  tra- 
cer lui-même  un  tableau  sommaire    dans  sa  brochure 
publiée  en  18^1,  sous  le  titre  de  Leçon  sur  la  staticfue  chi- 
mique des  êtres  organisés  (l).I.l  nous  suffira,  pour  donner  un 

(i)    Leçon   sur  la   statique  chimique  des   êtres   organisés  ,   professée 

2 


18 
aperçu  des  idées  nouvelles  jetées  par  M.  Dumas  sur  cette 
partie  de  la  science,  de  reproduire  ici  quelques  pages  de 
cet  écrit  : 

a  Les  plantes,  les  animaux,  Thomme,  dit  M.  Dumas, 
»  renferment  de  la  matière.  D'où  vient-elle?  que  fait-elle 
»  dans  leurs  tissus  et  dans  les  liquides  qui  les  bai[]nent? 
»  où  va-t-elie  quand  la  mort  brise  les  liens  par  lesquels 
»  ses  diverses  parties  étaient  si  étroitement  unies? 

»  Nous  avons  constaté  ,  par  une  foule  de  résultats  , 
»  que  les  animaux  constituent,  au  point  de  vue  chi- 
»  mique,  de  véritables  appareils  de  combustion,  au  moyen 
»  desquels  du  carbone  brûlé  sans  cesse  retourne  à  Tatmos- 
»  pbère  sous  forme  d'acide  carbonique,  dans  lesquels  de 
»  Thydrogène  brûlé  sans  cesse,  de  son  côté,  entendre 
»  continuellement  de  Teau  ;  d'où  enfin  s'exbalent  sans 
»  cesse  par  la  respiration  de  Tazote  libre,  de  Tazole  à 
»  Tétat  d'oxyde  d'ammonium  par  les  urines. 

»  Ainsi  du  règne  animal  considéré  dans  son  ensemble, 
»  s'échappent  constamment  de  l'acide  carbonique,  de  la 
>»  vapeur  d'eau,  de  l'azote  et  de  l'oxyde  d'ammonium,  ma- 
»  tières  simples  et  peu  nombreuses,  dont  la  formation  se 
»  rattache  étroitement  à  l'histoire  de  l'air  lui-même. 

»  N'avons-nous  pas  constaté  d'autre  part  que  les  plan- 
»  tes,  dans  leur  vie  normale  ,  décomposent  l'acide  carbo- 
»  nique  pour  en  fixer  le  carbone  et  en  dé()a[jer  l'oxy- 
»  gène;  qu'elles  décomposent  l'eau  pour  s'emparer  de  son 
M  hydrogène  et  pour  en  dégager  aussi  l'oxygène;  qu'enfin 
»  elles  empruntent  tantôt  directement  de  l'azote  à  l'air, 
»  tantôt  indirectement  de  l'azote  à  l'oxvde  d'ammonium 


par  M.  Dumas,    pour   la   clôture  de  son  cours  à  l'École  de  médecine 
Paris,  1841. 


19 

»  ou  à  l'acide  nitrique,  fonctionnant  de  tout  point  ainsi 
»  (l'une  manière  inverse  de  celle  qui  appartient  aux  ani- 
»  maux?  Si  le  rcgne  animal  constitue  un  immense  appa- 
»  reil  de  combustion  ,  le  rè^jne  vé(]étal,  à  son  tour,  consti- 
»  tue  donc  un  immense  appared  de  réduction  ,  où  Tacide 
M  carbonique  réduit  laisse  son  cbarbon  ;  où  Teau  réduite 
»  laisse  son  hydrogène;  où  Toxyde  d'ammonium  et  Va- 
»  cide  azotique  réduits  laissent  leur  ammonium  ou  leur 
»  azote. 

w  Si  les  animaux  produisent  sans  cesse  de  Tacide  car- 
»  bonique,  de  Teau ,  de  l'azote,  de  l'oxyde  d'ammonium; 
»  les  plantes  consomment  donc  sans  cesse  de  l'oxyde 
M  d'ammonium,  de  l'azote,  de  l'eau,  de  l'acide  carbonique. 
»  Ce  que  les  uns  donnent  à  l'air,  les  auties  le  reprennent 
»  à  l'air,  de  sorte  qu'à  prendre  ces  faits  au  point  de  vue  le 
»  plus  élevé  de  la  physique  du  globe,  il  faudrait  dire 
»  qu'eu  ce  qui  touche  leurs  éléments  vraiment  organi- 
»  ques,  les  plantes,  les  animaux  dérivent  de  l'air,  ne  sont 
»  que  de  l'air  condensé;  et  que,  pour  se  faire  une  idée 
M  juste  et  vraie  de  la  constitution  de  l'atmosphère  aux 
M  époques  qui  ont  précédé  la  naissance  des  premiers  êtres 
»  organisés  à  la  surface  du  globe,  il  faudrait  rendre  à  l'air, 
»  par  le  calcul,  l'acide  carbonique  et  l'azote  dont  les 
»  plantes  et  les  animaux  se  sont  approprié  les  éléments. 

»  Les  plantes  et  les  animaux  viennent  donc  de  l'air  et 
»  y  retournent  ;  ce  sont  de  véritables  dépendances  de 
»  l'atmosphère. 

»  Les  plantes  reprennent  donc  sans  cesse  à  l'air  ce 
»  que  les  animaux  lui  fournissent,  c'est-à-dire  du  charbon, 
»  de  rhydrogèue  et  de  l'azote,  ou  plutôt  de  l'acide  carbo- 
»  nique,  de  l'eau  et  de  l'ammoniaque. 

»  Reste  à  préciser  maintenant  comment,  à  leur  tour,  les 
»  animaux  se  procurent  ces  éléments  qu'ils  restituent  à 


20 
»  l'atmosphère;  et  l'on  ne  peut  voir  sans  admiration  pour 
»  la  simplicité  sublime  de  toutes  ces  lois  de  la  nature,  que 
»  les   animaux  empruntent  toujours  ces  éléments  aux 
M  plantes  elles-mêmes. 

M  Nous  avons  reconnu ,  en  effet ,  par  des  résultats  de 
»  toute  évidence,  que  les  animaux  ne  créent  pas  de  véri- 
w  tables  matières  organiques,  mais  qu'ils  les  détruisent; 
»  que  les  plantes,  au  contraire,  créent  habituellement  ces 
))  mêmes  matières,  et  qu'elles  n'en  détruisent  que  peu 
»  et  pour  des  conditions  particulières  et  déterminées. 

»  Ainsi,  c'est  dans  le  règne  végétal  que  réside  le  grand 
M  laboratoire  de  la  vie  organique  ;  c*est  là  que  les  matières 
»  végétales  et  animales  se  forment,  et  elles  s'y  forment 
?>  aux  dépens  de  l'air. 

»  Des  végétaux ,  ces  matières  passent  toutes  formées 
«  dans  les  animaux  herbivores  qui  en  détruisent  une  par- 
»  tie  et  qui  accumulent  le  reste  dans  leurs  tissus. 

»  Des  animaux  herbivores,  elles  passent  toutes  formées 
»  dans  les  animaux  carnivores,  qui  en  détruisent  ou  en 
M  conservent  suivant  leurs  besoins. 

»  Enfin,  pendant  la  vie  de  ces  animaux  ou  après  leur 
»  mort,  ces  matières  organiques,  à  mesure  qu'elles  se  dé- 
»  truisent,  retournent  à  l'atmosphère  d'où  elles  provien- 
M  nent. 

»  Ainsi  se  ferme  ce  cercle  mystérieux  de  la  vie  orga- 
»  nique  à  la  surface  du  globe.  L'air  contient  ou  engendre 
M  des  produits  oxydés,  acide  carbonique,  eau,  acide  azo- 
»  tique,  oxyde  d'ammonium.  Les  plantes,  véritables  ap- 
»  pareils  réducteurs,  s'emparent  de  leurs  radicaux,  car- 
M  bone,  hydrogène,  azoïe,  ammonium.  Avec  ces  radicaux 
»  elles  façonnent  toutes  les  matières  organiques  ou  orga- 
/»  nisables  qu'elles  cèdent  aux  animaux.  Ceux-ci,  à  leur 
A  tour,  véritables  appareils  de  combustion  ,  reproduisent 


21 

»  à  leur  aide  l'acide  carbonique,  Teau,  l'oxyde  d'amino- 
»  nium  et  Tacide  azotique,  qui  retournent  à  Tair  pour  re- 
w  produire  de  nouveau  et  dans  riuimensité  des  siècles 
V  les  mêmes  phénomènes.  » 

a  L'atmosphère  nous  apparaît  donc  comme  renfermant 
«  les  matières  premières  de  toute  l'organisation  ;  les  volcans 
»  et  les  orafîes  comme  les  laboratoires  où  se  sont  l'aconnés 
•)  d'abord  l'acide  carbonique  et  l'azotate  d'ammoniaque, 
»  dont  la  vie  avait  besoin  pour  se  manifester  ou  se  multi- 
»  plier. 

»  A  leur  aide,  la  lumière  vient  développer  le  règne 
M  végétal,  producteur  immense  de  matière  organique;  les 
»  plantes  absorbent  la  force  chimique  qui  leur  vient  du 
»  soleil  pour  décomposer  l'acide  carbonique,  l'eau  et 
»  l'azotate  d'ammoniaque,  comme  si  les  plantes  réalisaient 
»  un  appareil  réductif  supérieur  à  tous  ceux  que  nous 
M  connaissons,  car  aucun  d'eux  ne  décomposerait  l'acide 
»  carbonique  à  froid. 

»  Viennent  ensuite  les  animaux ,  consommateurs  de 
»  matière  et  producteurs  de  chaleur  et  de  force,  véritables 
»  appareils  de  combustion.  C'est  en  eux  que  la  matière 
»  organisée  revêt  sa  plus  haute  expression  sans  doute; 
»  mais  ce  n'est  pas  sans  en  souffrir  qu'elle  devient  Tins- 
»  trument  du  sentiment  et  de  la  pensée;  sous  cette 
M  influence,  la  matière  organisée  se  brûle,  et,  en  produi- 
»  sant  cette  chaleur,  cette  électricité  qui  fait  notre  force  et 
w  qui  en  mesurent  le  pouvoir,  ces  matières  organisées  ou 
M  organiques  s'anéantissent  pour  retourner  à  l'atmosphère 
«  d'oii  elles  sortent. 

»  L  atmosphère  constitue  donc  le  chaînon  mystérieux 
»  qui  lie  le  règne  végétal  au  règne  animal. 

»  Les    végétaux    absorbent    donc    de    la  chaleur,  et 


22 

»  accumulent    de    la    matière   qu'ils    savent    organiser. 

»  Les  aninmux,  par  lesquels  cette  matière  organisée  ne 
»  fait  que  passer,  la  brûlent  ou  la  consomment  pour  pro- 
»  duire  à  son  aide  la  chaleur  et  les  diverses  forces  que 
»  leurs  mouvements  mettent  à  profit. 

»  Permettez  qu'empruntant  aux  sciences  modernes 
»  une  image  assez  grande  pour  supporter  la  compa- 
»  raison  avec  ces  grands  phénomènes,  nous  assimilions 
»  la  végétation  actuelle,  véritable  magasin  où  s'alimente 
»  la  vie  animale,  à  cet  autre  magasin  de  charbon  qui 
»  constitue  les  anciens  dépôts  de  houille,  et  qui,  brûlé  par 
»  le  génie  de  Papin  et  de  Watt,  vient  produire  aussi  de 
»  l'acide  carbonique,  de  l'eau,  de  la  chaleur,  du  mouve- 
»  ment,  on  dirait  presque  de  la  vie  et  de  l'intelligence. 

»  Pour  nous,  le  règne  végétal  coustitue  donc  un  im- 
»  mense  dé[)ôt  de  combustible,  destiné  à  être  consommé 
»  par  le  règne  animal,  et  où  ce  dernier  trouve  la  source 
M  de  la  chaleur  et  des  forces  locomotives  qu'il  met  à 
»  profit. 

»  Ainsi  un  lien  commun  entre  les  deux  règnes,  l'atmos- 
»  phère,  quatre  éléments  dans  les  plantes  et  dans  les 
M  animaux,  le  carbone,  Ihydrogène,  l'azote  et  l'oxygène; 
»  un  très  petit  nombre  de  formes  sous  lesquelles  les  végé- 
»  taux  les  accumulent,  sous  lesquelles  les  animaux  les 
»  consomment;  quelques  lois  très  simples  que  leur  en- 
M  chaînement  simplifie  encore,  tel  serait  le  tableau  de 
»  l'état  de  la  chimie  organique  la  plus  élevée  qui  résulte- 
»  rait  de  nos  conférences  de  cette  année 

»  Si  nous  nous  résumons,  nous  voyons  que  de  l'atmos- 
»  phère  primitive  de  la  terre  il  s'est  fait  trois  grandes 
»  parts  : 

»  L'une  qui  constitue  l'air  atmosphérique  actuel;  la  se- 


33 

»  conde,  qui  est  représentée  par  les  vé{jétaux,  la  troisième 

»  par  les  animaux. 

»  Entre  ces  trois  masses,   des  échanges  continuels  se 

»  passent  :  la  matière  descend  de  l'air  dans  les  plantes, 

»  pénètre  par  cette  voie  dans  les  animaux,  et  retourne  à 

»  Taira  mesure  que  ceux-ci  la  mettent  à  profit. 

»  Les  végétaux  verts  constituent  le  grand  laboratoire 

»  de  la  chimie  organique;  ce  sont  eux  qui,  avec  du  car- 
»  hone,  de  Thydrogène,  de  Tazoïe,  de  Teau  et  de  Toxyde 

»  d'ammonium,  construisent  lentement  toutes  les  matières 

»  organiques  les  plus  complexes. 

»  Ils  reçoivent  des  rayons  solaires,  sous  forme  de  cha- 
»  leur  ou  de  rayons  chimiques,  les  forces  nécessaires  à  ce 
»  travail. 

w  Les  animaux  s'assimilent  ou  absorbent  les  matières 
M  organiques  formées  par  les  plantes.  Ils  les  altèrent  peu 
M  à  peu,  ils  les  détruisent.  Dans  leurs  tissus  ou  leurs  vais- 
M  seaux,  des  matières  organiques  nouvelles  peuvent 
M  naître  ;  mais  ce  sont  toujours  des  matières  plus  simples, 
»  plus  rapprochées  de  Tétat  élémentaire  que  celles  qu'ils 
»  ont  reçues. 

»  Ils  défont  donc  peu  à  peu  ces  matières  organiques 
»  créées  lentement  par  les  plantes;  ils  les  ramènent  donc 
»  peu  à  peu  vers  l'état  d'acide  carbonique,  d'eau,  d'azote, 
u  d'ammoniaque,  état  qui  leur  permet  de  les  restituer  à 
»  l'air. 

V  En  brûlant  ou  en  détruisant  ces  matières  organiques, 
»  les  animaux  produisent  toujours  de  la  chaleur  qui, 
»  rayonnant  de  leurs  corps  dans  l'espace,  va  remplacer 
»  celle  que  les  végétaux  avaient  absorbée. 

V  Ainsi,  tout  ce  que  l'air  donne  aux  plantes,  les  plantes 
»  le  cèdent  aux  animaux,  les  animaux  le  rendent  à  l'air; 
»  cercle  éternel  dans  lequel  la  vie  s'agite  et  se   mani- 


24 

M  feste,  mais  où  la  matière  ne  fait  que  changer  de  place. 

»  La  matière  brute  de  l'air,  organisée  peu  à  peu  dans 
»  les  plantes ,  vient  donc  fonctionner  sans  changement 
»  dans  les  animaux,  et  servir  d'instrument  à  la  pensée  ; 
»  puis,  vaincue  par  cet  effort  et  comme  brisée,  elle  re- 
>»  tourne,  matière  brute,  au  grand  réservoir  d'où  elle  était 
w  sortie.  » 

On  nous  pardonnera  sans  doute  la  longueur  de  la 
citation  précédente.  Nous  n'avons  pas  osé  porter  la 
main  sur  ces  belles  pages,  la  plus  éloquente  expression 
des  sentiments  que  puisse  exciter  chez  l'homme  instruit 
la  contemplation  des  phénomènes  de  la  nature,  et  la  con- 
science des  admirables  rapports  qui  rattachent  l'un  à 
l'autre  les  deux  règnes  organisés.  Depuis  la  publication 
des  Harmonies  de  la  nature,  on  n'a  rien  écrit  d'aussi  élevé 
sur  un  sujet  de  ce  genre.  Encore  est-il  permis  d'affirmer 
qu'ici  la  pensée  impressionne  et  saisit  plus  vivement  que 
dans  le  livre  de  Bernardin  de  St-Pierre,  parce  que  la  vérité 
des  faits  et  l'exactitude  des  aperçus  nous  touche  davan- 
tage que  l'idéalité  des  sentiments  ou  les  contemplations 
abstraites  de  la  philosophie.  Il  est  permis  à  la  chimie 
de  s'enorgueillir  d'avoir  présidé  à  des  productions  d'un 
tel  ordre. 

PATHOLOGIE. 

Nous  croyons  nécessaire  de  rappeler,  en  abordant  cette 
partie  de  notre  travail, que  nous  ne  prétendons  nullement, 
dans  les  pages  qui  vont  suivre,  présenter  le  tableau  com- 
plet des  services  dont  la  pathologie  est  redevable  à  la 
cbimie.  La  nature  et  le  but  de  cette  dissertation  ne  justifie- 
raient point  uneanalyse  aussi  étendue.  Pour  faire  apprécier 
toute  l'importance  des  secours  que  la  pathologie  a  retirés 


25 

des  expériences  chimiques,  nous  nous  contenterons  de 
rapporter  les  faits  les  plus  saillants  en  ce  genre,  ceux  qu'un 
assentiment  unanime  a  mis  à  labri  de  toute  objection  rai- 
sonnable. Nous  nous  bornerons,  en  conséquence,  à  rap- 
peler les  services  que  la  chimie  a  rendus  à  la  médecine 
dans  les  circonstances  pathologiques  suivantes  : 

1°  L'inflammation  , 

2°  Les  fièvres, 

S»  Certaines  altérations  humorales, 

U°  Certaines  sécrétions  morbides, 

5°  Certains  corps  étrangersintroduits  dans  l'organisme, 
et  qui  y  deviennent  la  cause  déterminante  d'un  état  pa- 
thologique. 

Inflammation.  —  Avant  l'intervention  de  la  chimie,  les 
doctrines  mécaniques  appli([uées  par  Hoffmann  et  par 
Boerhaave  au  phénomène  de  l'inflammation,  n'avaient 
abouti  à  aucune  conclusion  positive  applicable  à  la  théorie 
ou  à  la  pratique.  Les  doctrines  de  Vobstmction  et  de  Verreur 
de  lieu,  qui  n'avaient  que  l'apparence  de  toucher  au  fond 
des  réalités  pathologiques,  n'étaient  que  des  hypothèses 
gratuites  et  sans  application  possible.  Les  médecins  qui  de 
nos  jours  ont  abordé  l'étude  des  phénomènes  inflamma- 
toires, en  se  laissant  guider  par  l'analyse  chimique,  ont 
au  contraire  amené  la  science  dans  une  voie  doublement 
féconde  sous  le  rapport  de  l'apphcation  et  de  la  théorie. 

Hunter,  Thomson,  Scudamore  et  M.  Lecanu,  avaient 
observé,  d'une  manière  plus  ou  moins  précise,  que  dans 
les  maladies  de  nature  inflammatoire,  la  proportion  de 
l'élément  fibrineux  du  sang  paraissait  s'accroître  d'une 
manière  sensible  ;  mais  c'est  aux  beaux  travaux  de 
MM.  Andral  et  Gavarret  qu'appartient,  comme  tout  le 
monde  le  sait,  l'honneur  d'avoir  mis  ce  fait  dans  tout  son 


26 

jour,  et  d'en  avoir  tiré  des  conhécjuences  dont  la  portée 
n'est  plus  contestée. 

L'application  des  méthodes  chimiques  à  l'étude  de  l'in- 
flammation a  éclairé  tout  à  la  fois  les  sijjnes,  le  diagnosiic, 
la  théorie  et  le  pronostic  de  l'inflammation. 

MM.  Andral  et  Gavairet  ont  reconnu  que  dans  toute 
ph]e(]raasie  ai[juë,  la  proportion  ordinaire  de  la  fibrine  du 
sang  se  trouve  augmentée.  Cette  substance,  qui  existe 
dans  le  sang  dans  la  proportion  de  3  millièmes  du  poids 
total,  peut,  par  le  développement  d'un  état  inflammatoire 
aigu,  s'élever  à  un  chiffre  plus  élevé,  et  cpii  oscille  entre 
7  et  9  millièmes  environ.  Ces  modifications  dans  l'état  du 
sang  ont  été  constatées  par  MM.  Andral  et  Gavarret 
dans  les  affections  suivantes  :  la  pneumonie ,  la  pleurésie  , 
la  bronchite,  1  amygdalite,  la  péritonite,  l'érysipèle,  la 
cystite,  certaines  périodes  de  la  phthisie  pulmonaire,  le 
rhumatisme  articulaire  aigu  et  l'inflammation  des  gan- 
glions lymphatiques. 

La  constance  de  cette  altération  dans  la  composition 
chimique  d'un  liquide  de  l'économie  ,  sous  l'influence 
d'un  état  morbide  particulier,  est  assurément  l'un  des 
faits  les  plus  curieux  que  la  médecine  ait  acquis  de  nos 
jours.  On  peut  regarder,  en  effet,  l'augmentation  de  la 
fibrine  dans  le  sang  comme  un  caractère  certain  de  l'état 
phlegmasique.  C'est  ce  qu'établissent  d'une  manière  très 
nette  les  résultats  que  nous  allons  rappeler. 

Les  recherches  de  MM.  Andial  et  Gavarret  ont  fiiit  voir 
que  l'excès  de  fibrine  introduit  dans  l'économie  par  le 
développement  d'un  état  inflammatoire,  disparaît  peu 
à  peu  à  mesure  que  lindividu  recouvre  la  santé;  après  la 
guérison,  la  proportion  de  la  fibrine  et  des  globules  re- 
monte au  chiffre  ordinaire.  Elles  ont  constaté  cet  autre 
fait  non  moins  important,  que  la  quantité  de  fibrine, 


27 

dans  un  sang  pathologique,  se  trouve  en  rapport  avec 
l'étendue  et  Tinlensité  du  travail  phlegmasique,  et  peut 
ainsi,  jusqu'à  un  certain  point,  servir  de  mesure  à  ce 
dernier  :  «  Lorsque  rinflammation  augmente,  dit  M,  An- 
M  dral,  la  fibrine  augmente  également  ou  diminue  avec 
»  elle;  elle  en  suit  absolument  toutes  les  phases.  Ainsi, 
M  dans  une  pneumonie  très  intense,  une  première  saignée 
)'  fournit  8,9  de  fibrine;  la  maladie  augmente,  deux  autres 
M  saignées  sont  pratiquées,  la  fibrine  est  à  10  ;  la  résolu- 
»  tien  commence,  etaussitôt  elle  tombe  à  5.  Toutes  les  fois 
*  que  lamaladie  présente  des  alternatives  d'exacerbation 
»  et  de  rémission,  la  fibrine  augmente  ou  s'abaisse  dans  la 
»  même  proportion.  Ainsi,  dans  un  rhumatisme  articulaire 
»  aigu,  première  saignée,  fibrine  6,2;  la  fièvre  cesse,  les 
»  douleurs  s'amendent,  fibrine  3,7  ;  rechute,  fibrine  5  ;  la 
»  maladie  passe  à  l'état  chronique,  retour  de  la  fibrine  à 
»  l'état  normal.  » 

Les  maladies  qui  se  développent  en  même  temps  qu  une 
phlegmasie,  n'empêchent  pas  la  fibrine  d'atteindre  un 
chiffre  élevé,  et  ce  caractère  ne  manque  pas  davantage  si 
la  phlegmasie  se  déclare  chez  un  individu  déjà  atteint 
d'une  affection  d'une  autre  nature.  Chez  une  chlorotique, 
dont  l'altération  sanguine  se  traduit  par  un  abaisse- 
ment sensible  dans  le  chiffre  de  la  fibrine  et  des  globules, 
s'il  survient  une  pneumonie,  la  fibrine  s'élève  promp- 
tementau  chiffre  qui  caractérise  les  maladies  inflamma- 
toires. 

Ainsi,  toutes  les  fois  que  dans  l'économie  un  état  in- 
flammatoire aigu  vient  à  se  déclarer,  il  se  révèle  par  une 
élévation  correspondante  dans  la  quantité  de  matière 
fibrineuse  du  sang.  Ce  résultat,  dû  à  1  application  des 
méthodes  chimiques,  est  acquis  à  la  science  d'une  manière 
irrévocable. 


28 

Ajoutons  que  la  fibrine  n'est  pas  le  seul  élément  dont 
laugmentation  dans  Féconomie  soit  liée  à  l'existence  d'un 
état  inflammatoire  aigu  ;  les  maladies  de  cet  ordre  peu- 
vent encore  provoquer  une  altération  de  quantité  portant 
sur  l'albumine  du  sang.  M.  Andral  a  constaté  que  dans 
l'inflammation,  l'albumine  peut  s'élever  de  la  proportion 
normale  de  68  millièmes  à  celle  de  90  à  92  millièmes. 

L'analyse  chimique  a  donc  manifestement  éclairé  les 
signes  de  Tétat  inflammatoire.  A  ce  propos,  on  nous  per- 
mettra de  dire  quelques  mots  d'une  question  qui  se  lie 
étroitement  à  la  précédente,  et  de  montrer  que  la  déter- 
mination de  la  valeur  séméiologique  de  la  couenne  dite 
inflammatoire f  a  reçu  également  une  solution  pratique 
utile  du  concours  de  la  chimie. 

La  véritable  signification  de  la  couenne,  dans  le  cours 
d'une  maladie,  était,  il  y  a  peu  d'années,  fort  diversement 
jugée  par  lespathologistes.Un  grand  nombre  de  médecins 
considéraient  ce  produit  comme  un  indice  certain  de  l'état 
phlegmasique;  d'autres  rejetaient  sa  liaison  étiologique 
avec  un  état  inflammatoire.  La  chimie,  en  étudiant  ce 
fait,  a  permis  de  prononcer  sur  la  question. 

Cette  science  a  fait  connaître  d'abord  la  véritable 
nature  de  la  couenne;  on  a  constaté  que  ce  produit  est 
uniquement  composé  de  fibrine,  et  ne  diffère  du  caillot 
qu'en  ce  qu'il  est  privé  des  globules  rouges  auxquels 
le  caillot  doit  sa  couleur.  Elle  nous  a  appris  ensuite  à 
nous  rendre  compte  de  son  mode  de  formation.  Il  est 
reconnu  aujourd'hui  que  l'apparition  de  la  couenne  ne 
lient  qu'à  un  simple  retard  survenu  dans  le  moment  de  la 
précipitation  de  la  fibrine.  Tout  le  monde  connaît  le  mode 
suivant  lequel  s'accomplit,  dans  le  cas  ordinaire,  le 
phénomène  de  la  coagulation  du  sang.  Dissoute  dans 
le  sang  en  état  de  circulation,  la  fibrine  s'en  sépare  quand 


29 

ce  liquide  se  trouve  soustrait  à  Tinfluence  de  la  vie;  mais 
en  se  concrétant  au  milieu  du  sérum,  la  fibrine  entraîne 
avec  elle  les  globules  suspendus  dans  la  masse  liquide,  et 
le  caillot  qui  se  forme  est  un  véritable  canevas  fibrineux, 
emprisonnant  les  globules  dans  les  mailles  de  cette  espèce 
de  réseau.  Concevons  maintenant  que,  par  une  cause 
quelconque,  la  séparation  de  la  fibrine  se  trouve  acciden- 
tellement retardée,  les  globules  auront  le  temps  de  tomber 
peu  à  peu  au  fond  du  vase,  avant  que  la  fibrine  vienne  les 
saisir  et  les  engager  dans  son  tissu  ;  quelques  instants 
après  la  fibrine  elle-même,  isolée  et  incolore,  viendra 
nager  à  la  surface  des  globules  précipités. 

Ainsi,  la  production  de  la  couenne  n'est  due  qu'à  un 
simple  retard  survenu  dans  le  phénomène  de  la  coagula- 
tion du  sang.  Il  serait  trop  long  de  rappeler  les  preuves  de 
ce  fait  aujourd'hui  généralement  admis.  Or,  comme  une 
série  de  causes  différentes  peuvent  produire  ce  retard  dans 
la  coagulation  du  sang,  il  en  résulte  qu'il  n'est  plus  permis 
de  considérer  l'apparition  de  la  couenne  comme  le  sym- 
ptôme certain  d'un  état  inflammatoire. 

La  théorie  de  l'inflammation  a  également  reçu  de  la  chi- 
mie un  secours  d'une  certaine  utilité.  On  se  rappelle  que 
MM.  Donné  etGendrin  avaient  essayé  d'établir  une  théo 
rie  de  l'inflammation  en  admettant  la  simple  transforma- 
tion de  chaque  globule  sanguin  en  un  globule  purulent. 
M.  Donné,  en  mettant  du  pus  en  contact  avec  du  sang  de 
grenouille,  avait  vu  le  sang  rester  incoagulable,  et  affecter 
ensuite  tous  les  caractères  que  ce  liquide  présente  dans  le 
cas  d'infection  purulente;  et  M.  Gendrin  avait  dit  :  ««  Si 
»)  l'on  irrite  de  diverses  manières  la  patte  ou  le  mésentère 
»  d'une  grenouille,  et  qu'on  observe  avec  le  microscope 
»  les  modifications  que  subit  le  cours  du  sang,  on  voit, 
»  lorsque  celui-ci  se  ralentit,  que  les  globules  se  vident 


30 

»  d  abord  en  se  débarrassant  de  leur  enveloppe  coloréèj 
M  puis  perdent  peu  à  peu  leur  transparetice  et  arrivent,  au 
»  point  où  l'irritation  est  la  plus  forte,  tous  transformés  en 
»  globules  purulents.  »  L'examen  cbimique  du  ])us  et  la 
comparaison  de  sa  composition  avec  celle  du  sang  nor- 
mal ou  bien  altéré  par  Teffet  de  son  mélange  avec  le  pus, 
dans  les  cas  de  phlébite  ou  de  métastase  purulente,  a  suffi 
pour  renverser  ce  système  d'idées;  et  Ton  trouve  là 
l'exemple  assez  curieux  d'une  théorie  fondée  sur  l'ins- 
pection microscopique,  renversée  par  le  contrôle  de  la 
chimie. 

Les  résultats  que  nous  venons  de  rappeler  ont  pu  s'ap- 
pliquer au  diagnostic  de  l'inflammation.  Sans  doute  il  se- 
rait difficile  de  recourir  à  un  tel  moyen  dans  les  cas  ha- 
bituels de  la  pratique  médicale,  mais  un  fait  qui  paraît 
démontré,  c'est  que,  de  tous  les  signes  de  l'inflammation, 
l'augmentation  de  la  quantité  de  fibrine  est  le  plus  constant, 
l'existence  d'un  état  phlegmasique  se  trouvant  liée,  sans 
qu'il  soit  possible  de  saisir  la  raison  de  cet  enchaînement 
de  causalité,  avec  une  production  anormale  de  matière 
organique.  C'est  ce  que  M.  A ndral  exprime  en  ces  termes  : 
«  L'augmentation  de  la  fibrine  est  un  caractère  telle- 
M  ment  sûr  de  l'inflammation,  que  si,  dans  une  maladie, 
»  on  rencontre  plus  de  5  en  fibrine,  on  peut  assurer 
»  hardiment  qu'il  y  a  dans  quelque  organe  une  |)hleg- 
»  masie.  Une  malade  entre  à  l'hôpital  avec  des  signes 
»  de  congestion  utérine;  une  saignée  montre  plus  de 
»  fibrine  qu'à  Tétat  normal  :  on  annonce  une  T)hlep^- 
»  masie,  dont  il  ne  se  manifeste  que  des  symj)tômes 
»  très  douteux  jusqu'à  la  mort;  on  trouve  alors  un  abcès 
»  entre  le  rectum  et  la  matrice.  Dans  un  autre  cas,  égale- 
»  ment  douteux,  on  trouve  7  en  fibrine;  il  existait  une 
»  pneumonie    bien   caractérisée.   Un   sujet   se    présente 


81 

»  avec  une  scarlatine,  et  son  sang  offre  9  1/2  en  fibrine, 
»  c'est-à-dire  une  augmeniation  de  fibrine  que  Ton  ne 
»  trouve  que  dans  les  phle(^masies.  La  mort  permet  de 
»  constater  le  développement  d'une  néphrite.  Nous  pour- 
»  rions  citer  un  grand  nombre  d'exemples  semblables  ; 
»  ils  prouvent  jusquà  l évidence  que  le  diagnostic  peut  être 
^)  fondé  sur  la  seule  connaissance  des  quantités  de  fibrine  que 
»  le  sang  a  offertes  (1).  » 

Fièvres. — Parmentier  et  Deyeux  entreprirent,  à  la  fin 
du  siècle  dernier,  l'analyse  du  sang  des  fiévreux.  Leurs  ré- 
sultats furent  négatifs.  Cette  circonstance,  jointe  au  soli- 
disme  exclusif  qui  régnait  alors  dans  les  écoles,  détourna 
longtemps  les  pathologistes  de  ce  genre  d'études.  Elles 
n'ont  été  reprises  que  dans  ces  dernières  années  ,  par 
MM.  Andral  etGavariet.  Ces  habiles  et  persévérants  ob- 
servateurs ont  fait  porter  leurs  recherches  sur  les  fièvres 
intermittentes  et  continues  ,  sur  la  fièvre  typhoïde  à  ses 
diverses  périodes,  sur  les  fièvres  éruptives  (variole,  rou- 
geole et  scarlatine).  Il  résulte  de  leurs  analyses,  que  la 
quantité  de  fibrine  du  sang  n'augmente  jamais  dans  les 
fièvres,  excepté  toutefois  lorscju'il  survient  une  complica- 
tion inflammatoire;  dans  toutes  les  pyrexies,  elle  se  main- 
tient au  chiffre  normal  ou  s'abaisse,  mais  ne  s'élève  jamais. 
M.  Andral  conclut  de  ce  fait,  que  ce  n'est  point  dans  une 
altération  du  sang  que  réside  la  nature  de  cette  maladie, 
mais  que  la  cause  spécifique  qui  lui  donne  naissance  agit 
sur  le  sang  de  telle  manière  qu'elle  tend  à  y  détruire  la 
matière  spontanément  coagulable,  tandis  que  dans  Tin- 
flammation,  au  contraire,  elle  tend  à  créer  dans  le  sang 
une  nouvelle  quantité  de  substance  plastique.»  Puisque  la 

(i)  Andral,  Cours  de  pathologie  a  la  Faculté  de  médecine. 


32 

»  diminution  de  la  fibrine,  dit  M.  Andral ,  n'est  pas  né- 
»  cessaire,  il  est  bien  clair  que  ce  n'est  pas  dans  cette 
M  altération  qu'il  faut  placerle  point  de  départ  des  pyrexies. 
»  Mais  ce  qui  semble  incontestable,  c'est  que  la  cause  spé- 
»  cifique  qui  leur  donne  naissance  agit  sur  le  san.Qf  de 
»  façon  à  ce  qu'elle  tende  à  y  détruire  la  matière  spontané- 
»  ment  coagulable.  Si  cette  cause  agit  avec  peu  d'énergie, 
»  et  que  l'économie  lui  résiste,  la  destruction  de  la  fibrine 
»  ne  s'accomplit  pas.  Si,  au  contraire,  la  cause  continue 
»  d'agir  avec  toute  son  intensité,  et  que  les  forces  de  Tor- 
»  ganisme  soient  en  défaut,  la  destruction  de  la  fibrine 
»  commence  soit,  dès  le  début  même  de  la  maladie,  ce  qui 
»  est  fort  rare,  soit  un  certain  temps  après  qu'elle  a  pris 
»  naissance.  «  L'éminent  pathologiste  explique,  par  ces 
considérations,  les  hémorrhagies,  les  stases  sanguines,  les 
épanchements  sous-cutanés  si  fréquents  dans  les  fièvres 
de  la  nature  des  typhus,  enfin,  le  ramollissement  des  tissus 
qui  est  une  conséquence  de  ces  accidents  morbides. 

Un  moment  contestées  par  MM.  Becquerel  et  Rodier, 
ces  conclusions  ont  été  confirmées  par  MM.  Léonard  , 
Foley  et  Abeille  (1).  M.  Andral  a  plus  tard  répondu  aux 
diverses  objections  que  ses  recherches  avaient  provoquées, 
et  il  est  revenu  sur  quelques  uns  de  ses  premiers  résultats. 
Mais  le  fait  général  du  maintien  de  la  fibrine  dans  ses 
limites  normales,  pendant  le  cours  des  pyrexies,  demeure 
définitivement  acquis  à  la  science. 

La  conséquence  de  ce  fait  est  bien  digne,  d'ailleurs,  de 
fixer  l'attention  des  pathologistes,etderéconcilierlesméde 
cins  d'une  certaine  école  avec  les  résultats  obtenus  parTinter, 
médiaire  de  la  chimie.  Confirmant  les  opinions  anciennes, 
les  analyses  du  sang  ont  fait  ressortir  une  différence  tran- 

(i)  Recueil  de  médecine  militaire,  \%^Ç>^  el  Revue  médicale^  1849. 


I 


33 

chée  entre  les  plile[|masies  et  les  fièvres.  L'existence  des 
fièvres  essentielles  ne  saurait  donc  être  révo(|uée  en  doute, 
et  c'est  inutilement  que  Ton  voudrait  les  ramener  à  la 
gastro-entérite  on  à  toute  antre  affection  de  nature 
inflammatoire.  De  là  découle  encore  cette  conséquence, 
que  le  traitement  des  pyrexies  n'est  pas  nécessaii  ement 
celui  de  rinfl.uumation ,  que  les  indications  llicra- 
*  peulicpies  ne  sauraient  cire  les  mêmes  dans  ces  deux 
ordres  d'états  morbides,  et  qu'on  ne  peut  espérer  d'en- 
rayer les  pyrexies  essentielles  avec  de  simples  émissions 
san^jnines.  i\insi,  dans  le  cas  cpn'  nous  occupe,  la  iliéra- 
peuii(piea  trouvé  dans  l'analyse  chimique  la  sanction  des 
préceptes  que  l'observation  clinique  avait  depuis  long- 
temps dévoilés. 

Altérations  humorales.  —  Nous  réunirons  sous  ce  titre 
les  faits  qui  se  rapportent  à  Y  anémie  ^  à  la  pléthore  et  au 
scorbut. 

Avant  l'application  de  l'analyse  chimique  à  l'étude  de  la 
pléthore,  on  regardait  cette  maladie  comme  un  état  dans 
lequel  le  sang  dépasse  en  quantité  ses  limites  physiolo- 
giques. MM.  Andral  et  Gavarret  ont  été  conduits  à  faire 
abandonner  ce  genre  de  vues.  Le  sang,  analysé  dans  la 
pléthore,  n'a  jamais  fourni  une  quantité  de  fibrine  supé- 
rieure à  la  moyenne  physiologique,  et,  selon  M.  Andral , 
c'est  l'augmentation  des  globules,  principe  excitateur  de 
l'organisme,  qui  constitue  le  caractère  de  cette  maladie. 
Le  chiffre  physiologique  des  globules  étant  de  127  , 
MM.  Andral  et  Gavari  et  ont  trouvé,  dans  trente  et  une  sai- 
gnées, le  chiffre  de  141  pour  moyenne,  et  celui  de  154  pour 
maximum. 

Si  l'augmentation  du  chiffre  des  globules  du  sang  est  le 
signe  qui  caractérise  la  pléthore,  sa  diminution  est  au 

3 


34 

contraire,  le  fait  symptomatique  de  Yanémie.  Étudiée  ])our 
la  première  fois  il  y  a  une  quinzaine  d'années,  sous  le  rap- 
port chimique,  par  MM.  Piorry  et  Lhéritier,  Andral, 
Marshall-Hall  et  Denis,  cette  maladie  a  été  plus  tard  sou- 
mise à  la  mémo  étude  par  MM.  Andral  et  Gavarret.  Les 
altérations  signalées  par  MM.  Andral  et  Gavarret  ont 
été  retrouvées  par  d'auties  observateurs,  particulièrement 
par  MM.  Bec{|uerei  etRodier;  ces  altérations  consistent 
essentiellement  dans  la  diminution  des  globules  sanguins. 
M.  Andral  a  vu  les  globules  descendre,  dans  cette  mala- 
die, au  chiffre  de  60,  de  50  et  même  seulement  de  21  mil- 
lièmes. Ces  l'ésultats  explitjuent  la  nature  toute  particu- 
lière que  présente  le  caillot  sanguin  dans  l'anémie  et  la 
chlorose;  ils  fixent  en  même  temps  le  rang  que  ces  ma- 
ladies doivent  occuper  dans  le  cadre  nosologique. 

La  cliimie  nous  a  encore  expliqué  Futilité  des  prépara- 
lions  ferrugineuses  dans  le  traitcuient  de  la  chlorose  et  de 
Tanéuiie,  en  démontrant  que  la  matière  colorante  des 
globules  du  sang  contient  du  fer,  et  que  ces  globules 
dimitHient  de  quantité  dans  ces  deux  maladies.  Ajoutons 
que  les  avantages  de  radmiuistration  du  manganèse  dans 
la  eldoro- anémie  s'expliquent  de  la  même  manière, 
M.Millon  ayant  réussi  à  découvrirdans  lesang,  des  quan- 
tités notables  de  manganèse  qui  accompagnent  le  fer  dans 
les  globules  colorés. 

Applicjuoe  à  Tétude  pathologique  du  scorbut,  l'analyse 
chimique  a  fourni  à  M.  Andral  plusieurs  résultats  intéres- 
sants. Mais  ces  faits  ayant  soulevé  des  discussions  ,  nous 
n'insisterons  pas  sur  ce  sujet. 

f^ices  de  s^'crétion.  —  Nous  réunirons  sous  ce  titre  le 
diabètes  et  Y  albuminurie. 

La  maladie  de  Bright  présente  un  exemple  si  frappant 


35 

de  Inutilité  de  la  chimie  dans  les  sciences  médicales,  qu'il 
y  aurait  de  la  puérilité  à  insister  sur  ce  point.  Une  modi- 
fication du  liquide  urinaire,  qui  n'est  appréciable  que  par 
un  examen  chimique,  constitue  le  caractère  padio^jnomo- 
nique  de  cette  alfection,  et  la  pratique  de  nos  hôpitaux 
montre  cha(jue  jour  toute  la  réalité  de  ce  fait.  Si  la  chimie 
est  impuissante  à  nous  éclairer  sur  les  causes  et  sur  le 
traitement  de  Talbuminurie,  elle  fournit  au  moins  le  seul 
moyen  dont  la  médecine  dispose  pour  le  diagnostic  de 
cette  altération  pathologi([ue.  Rappelons,  en  conséquence, 
le  moyeu  si  simple  qui  permet  de  constater  la  présence  de 
Talbumine  dans  Turine. 

L'albumine  ne  modifie  en  rien  les  propriétés  ordinaires 
de  l'urine;  aussi  rien  n'est-il  plus  facile  (\ue  de  constater 
sa  présence  dans  ce  liquide.  1. 'acide  nitrique  ou  la  cha- 
leur la  coagulent  aussitôt,  et  le  liquide  se  prend  quelque- 
fois en  masse.  Il  suffît  donc,  au  lit  du  malade,  d'ajouter 
un  peu  d'acide  nitrique  à  l'urine,  pour  voir  se  révéler  le 
signe  caractéristique  de  la  maladie  de  Bright. 

Si  la  présence  de  l'albumine  dans  l'urine  caractérise 
la  maladie  de  Bright,  l'existence  du  sucre  dans;le  même 
liquide  est  l'indice  pathognomonique  d'une^autre  affection 
beaucoup  plus  fréquente  qu'on  ne  l'avait  pensé  autrefois; 
nous  voulonsparlerdu  diabètes  sucré,  dont  la  connaissance 
a  reçu, dans  ces  derniers  temps, de  si  intéressants  secours 
des  investigations  de  la  chimie.  Sans  nous  arrêter  aux 
théories  étiologiques  émises  à  propos  de  cette  affection  , 
théories  entre  lesquelles  il  nous  paraît  difficile  de  se  |)ro- 
noncer  encore,  nous  rappellerons  que  la  chimie  a  éclairé 
d'une  manière  bien  évidente  le  traitement,  et  surtout  le 
diagnostic  du  diabètes.  Le  traitement  par  le  carbonate 
d'amnjoniaque  et  les  sudorifiques,  proposé  par  M.  Bou- 


36 

cliardat,  comme  application  de  sa  théorie  sur  l'origine  de 
celte  afCection,  et  le  tiaiteiiient  par  l'administration  inté- 
rieure des  préparations  alcalines  et  des  eanx  de  Vicliy, 
préconisé  par  M.  Miallio,  obtiennent  aujourd  hni,  dans  la 
tl)érapeutl(jne  de  cette  cruelle  aircciit)n,  des  succès  qu'il 
serait  injuste  de  méconnaître.  Nous  voyons,  depuis  quel- 
ques années,  les  diabélicpies  envoyés  à  Vichy,  en  revenir 
dans  un  état  de  santé  par(ai:e;  eî  si  Tonobjecie  (pie  la  ma- 
ladie est,  dans  ce  cas,  sujette  à  la  récidive,  on  peut  répon- 
dre en  demandant  à  la  médecine  dans  combien  de  cir- 
constances elle  peut  se  flatter  d'atteindre  à  la  guérison 
radicale  d'une  afFection  chronique.  Si  la  nouvelle  thé- 
rapeuticpie  appli(]uée  au  diabètes  a  permis  de  substi- 
tuer à  uneallection  inévitablement  mortelle  ,  une  simple 
disj)osition  morbide  ,  susce[)tible  d  être  conjurée  par  l  ad- 
ministration, à  quehjues  intervalles^  d'un  agent  aussi  sim- 
ple, aussi  commode  dans  son  emploi  que  les  préparations 
alcalines  ,  n'esi-i!  pas  permis  de  dire  que  cette  méthode  a 
bien  mérité  de  la  science  et  de  l'humanité? 

N'hésitons  pas  cependant  à  reconnaître  que  c'est  parti- 
culièrement dans  le  diagnostic  du  diabètes  que  la  chimie 
rend  d'importants  services,  et  ce  sujet  offrant  un  grand 
intérêt  au  point  de  vue  pratique,  nous  rappellerons  briè- 
vementles  moyens  qui  permettent  de  déceler  dans  l'urine 
l'existence  d'une   matière   sucrée. 

Quand  le  diabètes  est  bien  déclaré  ,  le  sucre  peut  être 
reconnu  »lans  l'urine  avec  une  facilité  extrême.  Les  malades 
peuvent  rendre  quehpiefois  jusqu'à  500  grammes  de 
sucre  par  jour,  et,  dans  ce  cas,  la  saveur  seule  du  li(]uide 
trahit  la  présence  de  ce  produit  étranger.  A  défaut  d'un  tel 
caractère,  il  suffirait  d'évaporerl'urinepour  en  obtenir  une 
sorte  de  sirop.  C'est  donc  seulement  à  l'origine  de  la  ma- 
ladie, et  quand  la  sécrétion  saccharine  est  faible  ou  dou- 


37 

teuse,  que  cette  recherche  peut  présenter  delà  difficulté 
au  point  de  vue  chimique  et  de  Tutilité  au  point  dé  vue 
médical. 

Pour  reconnaître  la  présence  de  petites  quantités  de 
sucre  dans  le  liquide  urinaire,  on  peut  recourir  à  plu- 
sieurs moyens :1a  fermentation,  la  cristallisation,  l'examen 
optique,  l'action  du  sulfate  de  cuivre  additionné  de  pu- 
tasse,  enfin  l'action  de  la  potasse  sur  le  liquide  urinaire 
porté  à  réballiiion. 

Da»s  le  premier  cas,  on  met  l'urine  en  contact  avec  de 
la  levure  de  bière,  préalablement  bien  lavée ,  afin  de  la 
débarrasser  de  petites  portions  de  sucre  encore  adhé- 
rentes à  sa  surface.  Mais  il  ne  suffit  pas  d'obtenir 
quelques  éprouvettes  d'acide  carbonique,  il  faut  recueillir 
l'alcool  par  la  distillation  du  liquide  fermenté,  car  plu- 
sieurs matières  animales,  sous  l'influence  de  la  levure, 
peuvent  fournir  de  l'acide  carboni(|ue. 

Pour  isoler  le  sucre  contenu  en  petite  proportion  dans 
une  urine,  il  faut  opérer  sur  un  litre,  au  moins,  de  liquide. 
On  y  verse  de  l'acétate  de  plomb,  et  on  enlève  l'excès 
de  ce  composé  par  un  courant  d'acide  sulfhydrirjue;  on 
évapore  ensuite;  on  reprend  parde  l'alcool,  qui  dissout  le 
sucre,  et  par  son  évaporation,  permet  de  l'obtenir  cris- 
tallisé, ou  du  moins  sous  forme  solide. 

L'examen  optique  de  l'uiine  s'exécute  avec  l'appareil 
de  polarisation  de  M.  Biot,  ou  le  saccharimètre  de  M.  So- 
leil. Mais  ces  instruments  sont  difficilement  mis  en  usage 
par  des  personnes  peu  expérimentées. 

L'emploi  du  sulfatede  cuivre, additionné  dépotasse,  ou 
bien  le  tartrate  de  potasse  et  de  cuivre,  avec  addition  de 
potasse,  mélan[;e  dé^i^jnésous  le  nom  de  liqueur  de  Barres- 
ivil ,  est  encore  d'un  usa(]e  avania^jeux  pour  la  recherche 
du  sucre.  Le  précipité  d'oxyde  rouge  de  cuivre,  que  l'on 


S8 

obtient  en  chauffant  le  liquide,  est  un  indice  très  com- 
mode et  très  sûr  de  la  présence  du  sucre. 

Un  dernier  caractère,  aussi  simple  que  le  précédent, 
consiste  à  faire  bouillir  Turine,  dans  un  tube  de  verre, 
avec  de  la  potasse.  Si  l'urine  renferme  du  sucre,  le  li- 
quide prend  une  couleur  brune,  par  suite  de  Taltéra- 
lion  chimique  que  le  glucose  subit,  sous  Tinfluence  des 
alcalis  libres,  à  la  température  de  Tébullition.  L'intensité 
plus  ou  moins  grande  de  cette  coloration  brune  peut  même 
servir  d'indice  de  la  quantité  de  sucre  qui  existe  dans  l'u- 
rine, et  Ton  peut  de  cette  manière  suivre  les  progi^ès  ou  la 
décroissance  des  symptômes  de  la  maladie. 

Cependant,  dans  les  circonstances  ordinaires,  une  urine 
diabétique  est  facile  à  reconnaître  sans  recourir  à  aucun 
des  moyens  précédents,  et  sans  quitter  le  lit  du  malade. 
Trois  caractères  ne  manquent  jamais,  quand  la  proportion 
de  sucre  est  un  peu  forte  dans  une  urine  :  1°  sa  sa- 
veur légèrement  sucrée ,  2°  la  pâleur  et  l'abondance  du 
liquide  sécrété,  3°  sa  densité  considérable.  Une  urine  dia- 
bétique est  caractérisée  d'une  manière  presque  suffisante 
par  sa  pâleur  et  la  densité  1,025  a  1,0/tO.  L'urine,  dont 
la  densité  moyenne  est  de  1,018  à  1,022,  peut  en  effet, 
atteindre  cette  augmentation  de  densité  dans  diverses  cir- 
constances morbides ,  mais  alors  cette  altération  dans  ses 
propriétés  physiques  est  due  à  la  présence  de  substances 
d'une  autre  nature,  et  le  liquide  est  fortement  coloré  au 
lieu  de  rester,  comme  dans  le  diabètes,  pâle  et  un  peu 
trouble. 

Corps  étrangers  dont  la  présence  détermine  dans  f économie 
un  état  pathologique.  —  Nous  comprenons  sous  ce  titre  les 
ealculs  delà  vessie  et  les  calculs  biliaires. 

La  nature  des  calculs  de  la  vessie^  le  diagnostic   de 


â9 

raffection  qu'ils  constituent,  le  traitement  qu'ils  récla- 
ment, ont  été  également  redevaUes  aux  tiavaux  des  chi- 
mistes. 

Avant  que  la  chimie  eût  appris  à  bien  connaître  la  com- 
position de  l'urine,  les  rapports  que  les  di\ers  éléments 
qu'elle  renferme  peuvent  alïecter  entre  eux,  et  la  modifi- 
cation que  ces  éh'Mnents  peuvent  subir  par  les  influences 
extérieures  ou  internes,  rien  ne  pouvait  rendre  compte, 
d'une  manière  saiislaisante,  de  ces  énormes  dépôts  acci- 
dentellement opérés  dans  la  profondeur  d'un  or(>ane  inac- 
cessible aux  yeux  du  médecin.  La  découverte  de  Tacide 
urique,  trouvé  dansTurine  en  17  7  G,  par  le  célèbre  Scheele, 
vint  enfin  expliquei-  ce  mystère  pathologicpie.  Les  travaux 
ultérieurs  des  chimistes  ont  confirmé  et  précisé  les  cir- 
constances de  ce  fait,  et  fourni  en  même  temps,  des  indica- 
tions dont  la  pratique  tire  le  j)liis  grand  parti. 

Le  mode  de  formation  des  calculs  de  la  vessie  est  expli- 
€jué  aujourd  hui  d'une  manière  qui  ne  peut  laisser  la  plus 
légère  prise  au  doute.  Un  calcul  a  piesque  toujours  son 
origine  dans  un  grain  d'acide  urique,  sécrété  en  excès  avec 
l'urine,  et  qui  s'est  précipité  de  ce  liquide  dans  le  rein 
lui-même.  Une  fois  descendu  dans  la  vessie,  ce  sédiment 
étranger  devient  comme  un  centre  d'attraction  pour  les 
éléments  solides  qui  se  trouvent  dissous  dans  l'urine;  la 
partie  la  moins  soluble  de  ces  éléments'se  précipite  peu  à 
peu  à  sa  surface,  et  grossit  successivement  son  volume 
par  la  superposition  de  couches  nouvelles.  C'est  ce  que 
Berzelius  nous  explique  en  ces  termes  : 

«  La  cause  de  la  formation  des  calculs  urinaires  tient, 
»  dit  ce  chimiste,  ou  bien  à  ce  que  des  substances  peu 
»  solubles  sont  produites  par  les  reins  en  quantité  trop 
»  grande  pour  rester  dissoutes  dans  l'urine  ,  ou  bien 
»  à  ce  que  l'acide  hbre  est  trop  peu  abondant  dans  l'urine 


40 

M  pour  tenir  les  phosphates   terreux  en  dissolution  ,  ou 

»  bien  enfin  à  ce  que,  par  suite  d'une  disposition    mala- 

»  dive  des  reins  ,  ces  or^janes  donnent  naissance  à  des 

»  substances  non  ordinaires  et  peu  solubles  dans  Turine, 

»  qui  se  déposent  sur-le-champ,  comme  par  exemple, 

»  l'oxalate  de  chaux.   La  précipitation  de  ces  substan- 

»  ces  peut   s'effectuer  de  plusieurs  manières   :   ou  bien 

»  elles  se  pi'écipiient  sous  forme   pulvérulente  ,    et  s'é- 

»  chappent  avec  Furine,  qu'elles  rendent  trouble  et  lai- 

»  teuse  ;    ou   elles  se  déposent  imu^édiatement  dans  le 

»  bassinet,  à  la  paroi  interne  duquel  ils  adhèrent  d'abord, 

V  et  dont  ensuite  ils  se  détachent,. au  bout  de  quelque 

»  temps,  pour,  au  milieu  de  coliques  plus  ou  moins  vives, 

»  descendre  le  lori^j  des  uretères  jusque  dans  la  vessie, 

M  d'où  ils  sortent  avec  l'urine  sous  la  forme  de  {jraviers. 

»  Mais  si   malheureusement  un  de  ces  petits  jjrains  reste 

w  dans  la  vessie,  il  devient  le  noyau  d'un  dépôt  lent  des 

»  substances  peu  solubles  de  l'urine,  dont  il  détermine 

»  la  cristallisation,  même  lorsque    cette  dernière    n'en 

»  contient  pas  plus  qu'à  l'ordinaire.  Dès  lors,  suivant  que 

»  les  chan^];ements  de  ré^jime  au(jmentent  à  diverses  épo- 

»  ques  la  quantité  de  l'un  ou  de    l'autre  des  principes 

»  constituants  peu  solubles   de  l'urine  ,  celui-là  se   dé- 

»  pose,  et  la  })ierre,  dont  le  volume  croît  sans  cesse,  se 

if  trouve  formée  de  substances  différentes,  disposées  par 

»  couches  concentriques  et  alternant  les  unes  avec  les 

»  autres,  jusqu'à  ce  que,  par  sa  j^^iosseur,  elle  détermine 

»  l'inflammation  et  la  {janjjrène  de  la  vessie,  auxquelles 

»  le  malade  succombe  enfin  Jiprès  de  longues  souffrances. 

»  C'est  là  en   peu  de  mots  l'histoire  de  la  maladie  cal- 

I»  culeuse.  » 

A  cette  explication  si  naturelle  et  si  claire  de  l'ori^^ine 
et  de  l'accroissement  successif  des  concrétions  vésicules, 


41 

comparez  les  opinions  vitalistes  professées  par  quelques 
médecins,  rapprochez  de  ce  raisonnement  si  logique,  les 
théories  sur  Virritatioriy  sur  la  perversion  de  faction  glandu- 
laire, sur  f  activité  anormale  des  capillaires  des  reins,  et  dites- 
nous  s'il  est  possihie  d'hésiter  un  instant  entre  ces  deux 
systèmes  d  interprétation. 

Si  rétio!o{jie  chimicpie  des  calculs  vésicaux  se  trouve 
à  Tabri  de  toute  objection,  on  ne  pourrait,  à  plus  forte 
raison,  contester  les  services  que  la  chimie  nous  a  rendus 
pour  faire  connaître  la  nature  de  ces  productions  patholo 
giques. 

Personne  n'ignore  que  la  thérapeutique  tire  de  pré- 
cieuses ressources  du  diagnostic  de  l'affection  calcu- 
leuse  ou  graveleuse,  basé  sur  l'analyse  chimique.  Les 
succès  obtenus  par  Temploi  des  préparations  et  des 
boissons  alcalines,  pour  combattj-e  la  gravelle,  ou  pour 
prévenir  la  formation  et  le  retour  des  calculs,  et  le  pré- 
cepte de  l'abstinence  des  aliments  azotés  dans  la  gravele 
urique,  sufliraient  à  eux  seuls  pour  établir  l'importance 
des  données  de  la  chimie  ap|)liquées  ù  la  médecine. 

La  chirurgie,  à  son  tour,  reçoit  de  la  chimie  de  pré- 
cieuses indications,  par  suite  de  la  connaissance  exacte 
de  la  nature  des  calculs,  connaissance  qui  peut  s'ac- 
quérir sans  peine,  par  l'examen  chimique  des  sédiments 
déposés  par  l'urine  du  malade  affecté  d  un  calcul.  Ce  n'est 
qu'après  une  constatation  suffisante  de  la  nature  de  la 
concrétion  renfermée  dans  la  vessie,  que  le  chirurgien 
peut  fixer  le  choix  de  ses  moyens  opératoires,  et  accordej 
la  préférence,  suivant  le  cas,  à  la  litliotritie  ou  à  la  taille. 
L'intérêt  de  ce  sujet  et  l'importance  de  ses  conséquences  , 
nous  engagent  à  raj)peler  ici  les  distinctions  que  l'analyse 
chimique  a  conduit  à  établir  parmi  la  variété  assez  grande 
des  calculs  vésicaux. 


42 

On  peut  distinguer  les  calculs  de  la  vessie  en  neuf 
groupes  différents  que  nous  énumérons  dans  Tordre  de 
leur  frét|uence  relative. 

1°  Calculs  uriques.  —  Ils  contiennent  de  Tacide  urique 
ou  bien  de  l'urate  d'ammoniaque  ou  de  soude.  Leurs  ca- 
ractères sont  les  suivants  :  aspect  lijjneux  ,  ressend^lant 
à  Tacajou,  couches  très  distinctes  pouvant  acquérir  du  |)oli 
par  le  frottement.  On  les  reconnaît  à  la  couleur  rouge  dé- 
veloppée par  Faction  de  l'acide  nitiique  et  de  l'ammo- 
niaque,  que  Ton  fait  agir  successivement  sur  eux  à  une 
température  élevée. 

2°  Calculs  fusibles.  —  Ils  sont  formés  de  phosphate 
ammoniaco-magnésien.  Caractères  :  fusibles  au  chalu- 
meau,  solubles  dans  la  potasse,  avec  dégagement  d'am- 
moniaque, très  solubles  dans  les  acides,  consistance 
assez  faible,  faciles  à  réduire  en  poudre.  Le  phosphate  de 
chaux  et  le  phos|}liate  ammoniaco-magnésien  sont  très 
souvent  mêlés,  et  constituent  une  autre  variété  de  calculs 
fusibles.  On  les  reconnaît  à  ce  qu'ils  fondent  plus  diffici- 
lement, et  à  ce  que  l'acide  acéticjue  étendu  dissout  le  phos- 
phate d'ammoniaque,  en  laissant  le  phosphate  de  chaux. 

3°  Calculs  de  terre  dos. —  Ils  sont  unicpiement  com- 
posés de  phosphate  de  chaux.  Analogues  aux  précédents 
par  leur  aspect ,  ils  s'en  distinguent  en  ce  que  la  potasse 
n'en  dégage  jias  d'ammoniaque,  et  que  la  chaleur  ne  dé- 
termine jamais  leur  fusion. 

h^  Calculs  muraux.  —  Constitués  par  de  l'oxalate  de 
chaux  ;  très  durs,  hérissés  d'aspérités,  de  couleur  brune 
due  au  sang  coagulé,  insolubles  à  froid  dans  les  acides  et 
les  alcalis  faibles,  laissant  de  la  chaux  vive  par  la  calci- 
nation. 

5°  Calculs  xanthiques.  —  Ils  ressemblent  aux  calculs 
uriques  par  leur  aspect,  et  leur  constitution  chimique  est 


43 

presque  identique.  Ils  s'en  distinguent  à  ce  caractère 
que  l'acide  carbonique  les  précij)ite  de  leur  dissolution 
dans  la  potasse,  et  à  ce  qu'ils  prennent  une  couleur  jaune 
quand  on  les  traite  par  Tacide  nitrique  et  Tamnioniaque. 
Cette  variété  de  calculs  est  plus  fréquente  qu'on  ne  le 
pense.  Il  arrive  souvent  que  des  calculs  que  Ton  considère 
connue  composés  d'acide  urique,  lorsqu'on  le  traite  par  l'a- 
cide nitrique  et  l'ammoniaque,  ne  rougissent  que  par  places 
ou  prennent  seulement  une  coloration  jaune  ;  il  est  pro- 
bable que  dans  ce  cas  le  calcul  est  formé  d'oxyde  xan- 
thique. 

6°  Calculs  cystiques.  — Très  rare  chez  l'homme,  ce 
genre  de  calcul  existe  assez  souvient  chez  le  chien.  Il  est 
soluble  dans  l'ammoniaque  faible,  son  caractère  distinctit" 
réside  dans  l'odeur  particulière  qu'il  développe  en  brû- 
lant. L'oxide  cystique  renferme  du  soufre  dans  sa  com- 
position ,  ce  qui  le  rend  reconnaissable  à  l'odeur  d'acide 
sulfureux  qu'il  exhale  par  sa  combustion. On  a  ,  dit-on  , 
remarqué  que  cette  nature  de  calculs  attaque  souvent  à  la 
fois  les  deux  frères  d'une  même  famille. 

7°  Calculs  de  carbonate  de  chaux.  —  Très  rares  chez 
l'homme,  mais  non  chez  les  animaux.  L'urine  du  lapin  et 
celle  du  cheval  sont  troublées  par  du  carbonate  de  chaux 
en  suspension  ;  la  vessie  des  rats  renferme  toujours  quel- 
ques concrétions  de  cette  espèce.  Ses  caractères  chimiques 
se  rapportent  à  ceux  du  carbonate  de  chaux. 

8°  Calculs  siliceux.  —  Ils  sont  excessivement  rares,  on 
en  a  vu  à  peine  deux  ou  trois,  mais  leur  formation  se  con- 
çoit, puisque  l'urine  contient  un  peu  de  silice. 

9°  Calculs  fibrineux.  • — •  M.  Marcet  a  désigne  sous  ce 
nom  un  calcul  qu'il  a  rencontré,  et  dont  la  production  sem- 
blait due  à  l'existence  d'une  blessure  de  la  vessie,  avec  épan- 
chement  sanguin  et  résorption  de  la  partie  liquide  du  sang. 


44 

Les  quatre  premiers  genres  de  calculs  que  nous  venons 
d'ënume'rcr,  offrent  seuls  de  Timportance  ;  les  autres  ne 
se  rencontri^nt  que  dans  des  circonstances  fort  rares. 

La  connaissance  de  la  composition  chimique  des  calculs 
a  éclairé,  avons-nous  dit  plus  haut,  le  traitement  de  Taf- 
fection  qu'ds  constituent.  Mais  la  chimie  a  voulu  aller  plus 
loin,  et  trouvant  peut-être  sa  part  trop  faihle  dans  un  pro- 
blème pathologique  si  digne  de  son  concours  et  si  appro- 
prié à  ses  méthodes,  elle  a  essayé  d'aborder,  avec  les  seuls 
moyens  dont  elle  dispose,  le  traitement  de  cette  maladie. 
Ce  ne  sont  guère  cjue  des  essais  et  des  efforts  en  germe  que 
nous  allons  rappeler,  mais  le  petit  nombre  de  résultats 
obtenus  jusqu'à  ce  moment  note  rien  à  Tuitérêt  qu'ils 
inspirent,  ni  à  leur  portée  future. 

Lorsque  le  médecin  ou  le  malade,  redoutant  Temploi 
des  moyens  chirurgicaux,  ont  essayé  d'entreprendre  le 
traitement  curatif  d'un  calcul  par  des  procédés  purement 
chimiques ,  ils  ont  eu  recours  à  l'un  des  moyens  que  nous 
allons  rappeler. 

1°  L  administration  des  carbonates  alcalins.  Bien  que 
disculée  depuis  longtemps  avec  ardeur  de  part  et  d'autre, 
la  question  de  l'utilité  des  carbonates  alcalins  dans  le  trai- 
tement des  calculs  est  encore  loin  d'être  résolue.  Ce  ré- 
sultat est  d'ailleurs  facile  à  comprendre;  les  partisans  des 
deux  opinions  étaient,  chacun  de  leur  côté,  trop  intéres- 
sés dans  la  question.  Ce  sont  des  chirurgiens  qui  ont 
contesté  l'utilité  des  eaux  alcalines  dans  le  traitement  des 
calculs,  ce  sont  des  chimistes  ou  des  médecins  d'eaux 
minérales  qui  ont  défendu  leuis  vertus. 

Sil  nous  est  permis  d'exprimer  ici  une  opinion  sur 
l'action  thérapeutique  des  alcalis  dans  le  traitement  de 
la  maladie  calculeuse,  voici  à  quelle  conclusion  nous  a 
conduit  l'examen  attentif  de  ces  faits  si  débattus.  Pré- 


45 

tendre  que  les  préparations  alcalines  ou  les  eaux  de  Vichy 
peuvent  ayir  par  dissolution  sur  un  calcul  existant  dans 
la  vessie,  serait  une  opinion  im|)ossil)le  a  soutenir,  attendu 
que,  d'une  part,  les  phosphates  terreux  qui  constituent 
Tune  des  csj)èces  les  plus  rré(]uentes  de  ces  concrétions, 
sont  insolubles  dans  les  carbonates  alcalins,  et  qu'il  n'est 
pas  bien  démontré,  d'autre  part,  que  les  calculs  formés 
d'acide  uri(pie  ou  durâtes  soient  parfaitement  solubîes 
dans  les  mêmes  liquides;  attendu,  enfin,  que  M.  Pelouze 
s'est  assuré  que  des  calculs  vésicaux  de  diflérente  nature, 
abar.donnés  pendant  une  année  entière  dans  l'eau  des 
sources  de  Vichy,  ou  dans  des  dissolutions  de  bicarbonate 
de  soude,  n'avaient  pas  ,  au  bout  de  ce  temps,  sensible- 
ment perdu  de  leur  poids.  Mais,  de  ce  que  les  eaux  de 
Vichy  n'agissent  point  en  dissolvant  les  éléments  des 
calculs  urinaircs,  il  ne  s'ensuit  point  qu'elles  ne  puissent 
exercer  sur  eux  aucune  sorte  d'action  chimique.  Il  y  a 
autre  chose,  en  effet,  dans  une  concrétion  vésicale,  que 
les  éléments  salins  qui  la  constituent  ;  il  y  a  encore  le 
mucus  (pii  maintient  et  qui  a  provoqué  l'adhérence  des 
dil^férentes  particules  salines  qui  la  composent.  Ce  mu- 
cus, qui  sert  de  ciment  et  de  lien  aux  matériaux  du 
calcul,  joue  dans  sa  formation  un  rôle  plus  important 
qu'on  ne  le  pense;  c'est  souvent  par  suite  de  la  nature 
plus  ou  moins  adbésive  du  mucus  sécrété  par  sa  vessie, 
qu'un  individu  peut  devenir  ou  ne  point  devenir  calcu- 
leux,  et,  poiu"  le  dire  en  passant,  les  médecins  qui  ont  mis 
en  avant  l'idée  de  dinthcse  calculeuse,  seraient  restés  mieux 
d'accord  avec  les  faits,  s  ils  avaient  désigné  sous  le  nom 
de  diat/ièse  muqueuse  la  disposition  morbide  qu'ils  vou- 
laient définir.  Or  ce  mucus,  dont  la  sécrétion  anormale 
ou  la  nature  particulière  a  déterminé  l'agglomération  des 
éléments  solides  de  l'urine,  et  consécutivement  la  produc- 


46 

tion  d*un  calcul ,  ce  mucus  est  soluble  dans  les  carbonates  et 
les  bicarbonates  alcalins,  et  particulièrement  dans  teau  de  Vi-  y 
chy.  C'est  donc  par  raclion  dissolvante  de  ces  eaux  sur  le 
mucus  de  la  vessie,  et  non  sur  les  particules  solides  des 
calculs,  qu'il  faudrait  expliquer,  selon  nous,  faction  in- 
contestable, dans  bien  des  cas,  de  Teau  de  Vichy  ,  dans  le 
traitement  de  l'affection  qui  nous  occupe. 

Si  cette  théorie  est  l'expression  de  la  vérité,  il  doit  en 
résulter: 

1°  Que  les  préparations  alcalines  et  les  eaux  de  Vichy 
doivent  avoir  peu  d'effet  sur  une  concrétion  anciennement 
formée  et  existant  dans  la  vessie,  le  mucus  du  calcul 
se  trouvant,  depuis  lon[jtemps,  hors  de  l'atteinte  de  l'a- 
gent de  dissolution. 

2°  Que  la  médication  alcaline  doit  être  efficace,  comme 
moyen  préventif  de  la  maladie,  soit  pour  s'opposer  à  la 
formation  des  calculs,  soit  pour  mettre  obstacle  à  la  re- 
production d'une  pierre  enlevée  par  le  chirur^âen,  soit 
enfin  pour  prévenir  la  transformation  de  la  gravelle  en  un 
véritable  calcul.  Dans  ces  divers  cas,  le  carbonate  alcalin, 
dissolvant  le  mucus  à  mesure  qu'il  apparaît,  l'empêche 
d'agglomérer  les  particules  salines  ou  les  graviers  déposés 
par  l'urine;  ce  liquide  s'échappe  dès  lors  trouble  et  conte- 
nant des  matières  en  suspension,  mais  ces  matières  ne 
peuvent  jamais  s'agglomérer  de  manière  à  devenir  le 
noyau   d'un  calcul. 

3°  Que  cette  médication  doit  être  utile  dans  le  trai- 
tement préservatif  de  l'affection  calculeuse,  quelle  que  soit 
d'ailleurs  la  nature  chimique  des  dépôts  laissés  par  l'urine. 

Ces  conséquences  sont  conformes,  nous  le  croyons, 
aux  faits  recueillis  par  l'expérience. 

Nous  livrons  cet  aperçu,  ou  cette  théorie  de  l'action 
thérapeutique  des  substances  alcalines,  aux   médecins- 


47 

inspecteurs  d'eaux  minérales,  persuadé  qu'ils  sauront 
en  tirer  bon  parti. 

^'^  Des  injections  dissolvantes  ont  été  employées  dans  letrai- 
tement  chimique  des  calculs,  en  faisant  usage  de  diverses 
substances,  dont  la  plus  active  était  certainement  l'eau  de 
chaux,  car  elle  faisait  passer  Tacide  urique  à  l'état  d'urate  de 
chaux  soluble.  Cette  médication  a  obtenu,  dii-on,  quelques 
bons  effets;  mais  elle  a  été  abandonnée  à  cause  de  la  len- 
teur de  l'action  du  liquide ,  bien  que  d'ailleurs  celui-ci  fût 
tout  à  fait  inoffensif  pour  la  vessie.  La  chaux  formait  la 
base  du  remède  bien  connu  de  Mlle  Stéphen. 

3°  Divers  médicaments  lithoniriptiques  ,   autres   que   les 
carbonates  alcalins^    ont  été  administrés  à  l'intérieur.   Il 
nous  suffira  de  citer  parmi  eux  la  ma^ijnésie  et  l'acide  ben- 
zoïqueqni  se  transforme,  dit-on,  dans  l'urine,  en  acide  hip- 
purique, lequel  constitue  des  sels  solubles,  et  qui  est  d'ail- 
leurs lui-même  plus  soluble  dans  l'eau  que  l'acide  uricjue. 
h^  On  a  eu  recours  encore  à  l'action  des  acides  très  dilués 
injectés  dans  la  vessie.  Si  un  calcul  éiait  uniquement  formé 
de  phosphates  terreux,   ce  moyen   pourrait  rendre  des 
services.  Il  faudrait  injecter  Tacide  par  l'urètre,  car  les 
acides  libres,  introduits  dans  l'estomac,  ne  parviennent  pas 
dans  la  vessie.  Mais  on  serait  limité  dans  le  choix  des 
acides,  qui  tous  sont  chimicpiement  inactifs,  ou  Irop  éner- 
giques pour  les  tissus  de  l'organe  avec  lequel  ils  doivent 
être  mis  en  contact.  Berzelius  a  employé,  pour  cet  usage, 
l'acide  phosphori(pie  étendu.  Il  vaudiait  mieux  cependant 
recourir  à  l'acide  lactique  qui  est  l'acide  libre  naturel  de 
l'urine:  la  limonade  d'acide  lactique  serait  donc  le  meilleur 
liquide  à  essayer. 

Il  faut  ajouter  que  les  phosphates  ne  constituant  qu'en- 
viron la  septième  partie  du  nombre  des  calculs,  les  cas 
d'application  de  ce  moyen  ne  sauraient  être  fréquents. 


48 

Si  les  calculs  de  carbonates  de  chaux  étaient  moins  rares, 
ce  procédé  aurait  pu  devenir  sérieux. 

5°  Enfin,  et  c'est  là  la  j)lus  intéressante  tentative  (|ue 
nous  ayons  à  rappeler  ici,  on  a  parlé  d'attaquer  les  calculs 
contenus  dans  la  vessie,  par  la  p'ie  vo/laïque,  qui  aurait 
poure(fetde  lesdésn(j>é[jerou  de  les  dissoudre.  M.  Dumas  a 
proposé,dans  une  doses  leçons  à  laFacuItédemédecine(l), 
d'introduire  dans  la  vessie  une  dissolution  étendue  de  ni- 
trate depoiasse,  et  de  décomposer  cette  dissolution  par 
une  pile  de  Voila  dont  les  deux  fils  conducteurs  seraient 
renfermés  dans  une  sonde.  Soiunise  à  l'action  de  la  pile,  la 
dissolution  de  nitrate  de  potasse  fournirait,  au  pôle  positif 
de  l'acide  nitrique  qui  creuserait  le  calcul,  en  dissolvant 
en  ce  point  le  phosphate,  au  pôle  né(jatif  de  la  potasse, 
laquelle  agirait  en  dissolvant  le  mucus  qui  sert  de  lien 
au  calcul.  Pour  les  concrétions  formées  d'acide  uricjue, 
ce  procédé  serait  moins  efficace,  car  l'acide  azotique  mis 
en  liberté  ne  pourrait  dissoudre  aucun  des  éléments  du 
calcul,  et  la  jiotasse  ne  pourrait  agir  que  sur  le  mucus. 
Quoi  qu'il  en  soit,  une  opération  de  ce  genre  serait  chirur- 
gicalement  praticable,  carMM.Prévostet  Dumas  ont  réussi, 
il  y  a  déjà  longtemps,  en  faisant  simplement  usage  d'eau 
comme  conducteur,  à  désagréger,  par  l'action  de  la  pile,  un 
calcul  de  phosphates  cpi'ils  avaient  introduit  dans  la  vessie 
d'une  chienne.  Il  serait  bien  à  désirer  que  la  belle  et  ingé- 
nieuse expérience  proposée  par  M.  Dumas  fût  soumise  à 
des  essais  attentifs.  Les  piles  à  courant  constant  que  nous 
possédons  aujourd'hui,  et  qui  permettent  d'obtenir  des 
courants  voltaïques  de  longue  durée  et  d'une  intensité 
que  Ton  peut  rjraduer  au  gré  de  l'opérateur,  faciliteraienr 
beaucoup  l'exécution  de  ces  tentatives,  dont  le  succès  en- 
traînerait des  conséquences  si  remarquables. 

(i)  Cours  de  184». 


49 

^  Calculs  biliaires.  —  La  nature  des  calculs  biliaires,  leur 
origine  et  leur  mode  de  formation,  sont  restés  inconnus 
jusqu'à  l'apparition  de  la  chimie.  Cependant  les  re- 
cherches n'avaient  pas  manqué  sur  ce  sujet.  On  peut 
s'en  convaincre  en  lisant,  dans  l'immense  traité  d'ana- 
tomie  pathologique  de  Morgagni,  sa  longue  monogra- 
jDhie  des  cholélithes  (1);  et  dans  le  grand  traité  de 
Haller  les  détails  que  ce  physiologiste  a  rassemblés  sur  le 
même  sujet  (2).  Ce  point  de  physiologie  pathologique 
avait  été  étudié  avec  un  tel  soin  par  Haller,  que  Prochaska, 
professeur  à  Vienne,  auteur  d'une  observation  et  d'un 
commentaire  intéressant  sur  un  cas  de  calcul  biliaire, 
s'était  abstenu  de  publier  une  monographie  sur  ce  sujet, 
disant  que  «  vouloir  écrire  après  Haller  sur  cette  maladie  , 
ce  serait  vouloir  composer  \ Iliade  après  Homère.  »  Une 
simple  observation  chimique,  faite  à  notre  époque,  a  dis- 
sipé en  un  moment  l'obscurité  qui ,  en  dépit  de  tous  les 
travaux  anciens,  continuait  de  couvrir  l'origine  de  ces 
productions  pathologiques.  En  1824,  M.  Chevreul,  décou- 
vrant dans  la  bile  la  présence  de  la  cholestérine,  fournit 
du  même  coup  l'explication  de  l'origine  et  du  mode  de 
formation  des  calculs  de  la  vésicule ,  comme  au  siècle 
précédent  le  chimiste  Schéele,  en  découvrant  l'acide  uri- 
que,  avait  en  même  temps  dévoilé  la  cause  des  calculs 
de  la  vessie. 

Les  concrétions  biliaires  sont  formées  de  cholestérine  et 
de  matièrecolorante,  unies  aune  certaine  quantitédelama- 
tière  propre  de  la  bile.  Cependant  l'une  de  ces  substances 
peut  exister  sans  l'autre ,  et  les  calculs  biliaires  sont 
quelquefois  formés   soit  de  cholestérine  pure,  soit  des 

(i)  Epist.  XXXVII. 

(2)   Elementa  physiologiœ^  f,  VI,  et  Opusc.  pathoU 

i 


50 

matériaux  de  la  bile,  unis  à  du  mucus.  Le  pbos|)hate, 
le  carbonate  de  chaux  ,  Toxyde  de  fer  et  la  magnésie  , 
viennent  quelquefois  s'adjoindre  aux  éléments  précé- 
dents. Si  l'on  compare  la  composition  chimique  des 
calculs  à  celle  de  la  bile,  on  reconnaît  entre  ces  deux 
produits  une  identité  de  nature  qui  fournit  l'explication 
naturelle  de  la  production  des  calculs  de  la  vésicule.  Par 
suite  d'états  morbides  particuliers,  la  matière  propre  de 
la  bile  ,  sa  matière  colorante  ou  sa  cbolestérine,  en  s'agré- 
geant  par  l'interposition  du  mucus,  peuvent  donner  nais- 
sance à  ces  dépôts,  qui  ne  sont  dès  lors  autre  chose  qu'une 
partie  concrétée  des  éléments  du  liquide  biliaire. 

On  a  essayé  de  fonder,  sur  la  composition  chimique 
des  calculs  de  la  vésicule,  une  méthode  thérapeutique     i 
appropriée  à  cette  affection.  La  cbolestérine  étant  soluble  fl 
dans  certains  liquides,  on  a  voulu  appliquer  ce  fait  au     > 
traitement  des  concrétions  biliaires.  Mais  l'obstacle  s'est 
rencontré  dans  la  difficulté  de  faire  pénétrer  jusqu'à  la  vési- 
cule les  agents  propres  à  opérer  cette  dissolution.  Le  remède 
de  Durande,  si  vanté  contre  cette  affection,  est,  comme 
on  le  sait,  un  mélange  d'essence  de  térébenthine  et  d'éther 
sulfurique.  Ses  avantages,  bien  constatés  dans  le  traite, 
ment  des  calculs  biliaires,  s'expli(juent  par  la  solubilité 
de  la  cbolestérine  dans  l'éther.  Quant  au  fait  de  la  péné- 
tration du  liquide  ingéré  par  l'estomac  jusque  dans  l'inté- 
rieur   de    la    vésicule,   une    expérience    ra|)portée    par 
M.  Bouisson  semble  parler  en  sa  faveur.  Ayant  introduit 
quelques  grammes  du  remède  de  Durande  dans  l'estomac 
d'un  chien.  M.  Bouisson  reconnut  cjue  la  bile  de  l'animal 
avait  contracté  une  odeur  très  prononcée  d'éther  (1). 
Il  serait  imjîoifànt  de  bien  connaître,  à  titre  de  prophy- 

(i)    De  la  bile,  de  ses  variétés  physiologiques^  de  ses  altérations  morbides 


51 

^  laxie  (le  celte  affection,  les  circonstances  qui  influent  sur 
la  prockiciion  des  calculs  biliaires.  M,  Bouchardat  admet 
(]ue  la  choleslcrine  résulte  de  la  modification  des  corps 
Ijras  qui  existent  dans  l'cconomie,  ou  de  ceux  fju  y  aj)- 
porte  l'alimentation.  De  là  le  précepte  donné  j)ar  fliabile 
tliérapcu liste ,  de  restreindre  le  plus  possible,  dans  le 
ré{;ime  des  malades  atteints  de  calculs  biliaires,  la  pro- 
portion des  corps  ^ras. 

11  est  encore  certaines  concrétions,  ou  dépôts  de  ma- 
tières solides,  que  nous  nous  bornerons  à  mentionner, 
parce  que  leur  examen  cbimique  n'a  pas  conduit  à  des  résul- 
tats qui  soient  particulièrement  dignes  d'être  cités.  Nous 
voulons  parler  :  —  des  dépôts  tophacés  qui  se  rencontrent 
quelquefois  autour  des  articulations  chez  les  goutteux.; 
ces  dépôts  sont  habituellement  formés  par  de  l'urate  de 
chaux  ou  de  magnésie,  ou  par  du  phosphate  de  chaux 
uni  à  une  certaine  quantité  de  matière  organique,  — des 
calculs  qui  peuvent  obstruer  les  conduits  des  glandes 
salivaires,  —  et  des  calculs  intestinaux,  qui  proviennent 
de  la  présence,  dans  Tintestin,  de  corps  étrangers  qui  s'y 
recouvrent  de  matières  salines,  principalement  de  phos- 
phates. Comme  on  n'a  pu  tirer  encore  aucune  induction 
[)Ositive  de  la  composition  chimique  de  ces  calculs,  nous 
n'entrerons  point  à  leur  sujet  dans  d'autres  détails, 

THÉRAPEUTIQUE. 

Considérée  dans  son  acception  la  plus  générale,  la 
thérapeutique  embrasse  :  1**  l'étude  des  agents  propres  à 
combattre  les  maladies,  c'est-à-dire  ce  que  l'on  a  appelé 
avec  raison,  la  madère  de  la  thérapeutlqiie ;  2"  le  mode  et  les 


5^2 

circonstances  de  Tapplication  de  ces  af^euts  dans  le  tiai- 
tement  des  maladies. 

C'est  particulièrement  dans  le  premier  de  ces  deux 
ordres  d'études,  que  la  chimie  a  rendu  de  grands  services 
à  la  médecine;  aussi  occupera-t-il  notre  attention  d'une 
manière  spéciale.  Quant  à  la  partie  de  la  thérapeutique 
qui  traite  du  choix  des  médicaments  au  point  de  vue  du 
traitement  des  maladies,  nous  avons  suffisamment  fait 
connaître  le  rôle  que  la  chimie  peut  y  remplir,  en  nous 
occupant  de  la  pathologie.  Bornons-nous  à  dire  que  la 
chimie,  en  permettant,  dans  les  cas  que  nous  avons  énu- 
mérés,  de  porter  un  diagnostic  certain,  a,  par  cela  même, 
éclairé  la  thérapeutique,  puisque  le  diagnostic  est  la 
seule  hase  sur  laquelle  on  puisse  fonder  un  traitement 
rationnel.  Revenir  sur  ces  sujets,  ce  serait  tomber  dans 
des  redites;  on  pourra  retrouver,  en  effet,  dans  les  divers 
chaj)itres  consacrés  à  chaque  ordre  de  maladies,  ce  qu'il  y 
d'utile  à  enregistrer  comme  application  à  leur  traitement. 

Arrivons  donc  aux  services  que  la  chimie  a  rendus  à 
l'art  de  guérir  dans  l'étude  des  agents  de  la  matière 
médicale. 

La  chimie  a  éclairé  l'étude  de  ces  agents  : 

1^  En  découvrant  des  médicaments  nouveaux; 

2"^  En  perfectionnant  leur  mode  d'administration. 

Parcourons  successivement  ces  deux  éléments  de  divi- 
sion. 

La  chimie  est  sans  aucun  doute,  de  toutes  les  sciences, 
celle  qui  a  fourni  à  la  thérapeutique  ses  médicaments  les 
plus  actifs,  les  agents  héroïques  par  excellence.  A  peine 
au  berceau,  et  toute  dominée  encore  par  ses  préoccu])a- 
tions  alchimiques,  elle  dotait  la  médecine  des  préparations 
d'antimoine,  de  fer,  de  mercure,  de  zinc,  de  phosphore, etc. 
Ces  médicarnenis  énergiques,  et  qui  ont  soulevé  de  si 


53 


lonfjues,  de  si  ardentes  discussions,  ont  traversé  les 
siècles,  et  nous  avons  pu  ,  de  nos  jours,  voir  des  partisans 
et  des  détracteurs  passionnés  du  Char  de  triomphe  de  l'anti' 
moine. 

Depuis  qu'elle  est  devenue  une  science  exacte,  la  chi- 
mie est  singulièrement  venue  en  aide  à  la  médecine  en  lui 
fournissant  des  remèdes  nouveaux,  et  en  lui  donnant  les 
moyens  de  mieux  apprécier  la  nature  de  médicaments 
depuis  longtemps  connus. 

Au  premier  rang  des  découvertes  qui  ont  marqué  dans 
la  thérapeutique  de  notre  époque,  il  faut  placer  celle  des 
alcalis  végétaux.  Bravant  le  préjugé  antique  qui  n'accor- 
dait d'action  qu'aux  médicaments  très  composés,  Sertuer- 
ner,  Desrone,  et  après  eux  Pelletier  et  Caventou,  rccher- 
clièrent  les  principes  actifs  de  Topium  et  du  quinquina, 
et  furent  ainsi  conduits  à  la  plus  hrillante,  à  la  plus  utile 
des  découvertes  de  la  thérapeutique  moderne.  N'hésitons 
])as  à  déclarer  que  les  savants  qui  ont  doté  la  médecine  des 
préj)arations  de  morphine,  de  codéine,  de  quinine,  de 
cinchonine,  de  strychnine,  d'émétine,  etc.,  ont  mérité  de 
voir  leurs  noms  inscrits  sur  la  liste  des  bienfaiteurs  de 
l'humanité. 

Certaines  substances  qui,  au  moment  de  leur  décou- 
verte, semblaient  tout  au  plus  destinées  à  s'appliquer  aux 
besoins  des  arts  ou  de  l'industrie,  n'ont  pas  tardé  à  devenir 
les  auxiliaires  les  plus  puissants  de  la  médecine.  Le  chlore, 
le  brome,  l'iode,  le  cyanogène,  soit  à  l'état  simple,  soit 
à  Téiat  de  combinaison,  nous  en  offrent  de  frappants 
exemples.  C'est  ainsi  que  l'iode ,  si  longtemps  méconnu, 
bien  qu'il  entrât  dans  une  foide  de  remèdes  populaires , 
bien  qu'il  fût  présent  dans  tous  les  milieux  qui  nous  en- 
tourent, dans  lair,  dans  les  eaux,  dans  les  aliments,  dans 
les  plantes,  employé  aujourd'hui  contre  les  plus  tristes, 


54 

contre  les  plus  rebelles  att-ections  qui  puissent  affli(jer 
l'espèce  huujnine,  rend  à  la  médecine  des  services  «]u'au- 
cun  auire  agent  ne  saurait  remplacer. 

A  celte  liste  sommaire  des  médicaments  nouveaux  dont 
la  chimie  a  enrichi  la  médecine  moderne,  ajoutons  Tadmi- 
rable  série  des  agents  anesthésivjues,  Téther  sulfuri(pie,  le 
chloroforme  et  l'éiher  chlorhydrique  chloré,  que  la  chimie 
peut  avec  raison  revendiquer  comme  issus  de  son  do- 
maine, et  qui  ont  introduit  dans  les  opérations  chirur- 
gicales la  révolution  la  plus  utile  et  la  plus  profonde 
qui  ait  marqué  Thistoire  de  cette  science  depuis  son 
origine. 

Et  comme  s'il  fallait  que  chacune  des  découvertes  de  la 
chimie  vînt  apporter  à  son  tour  son  tribut  aux  sciences 
métiicales,  rappelons  encore  le  collodion,  au  début,  simple 
objet  de  curiosité  scientifique ,  aujourd'hui  médicament 
d'un  usage  si  répaîidu  et  d  un  effet  si  avantageux  en  mé- 
decine et  en  chirurgie. 

Enfin,  les  eaux  minérales,  dont  l'action  thérapeutique 
était  considérée  depuis  des  siècles  comme  l'un  des  secrets 
de  la  nature,  sont  aujourd'hui  imitées  et  reproduites  dans 
nos  laboratoires,  sur  l'indication  de  la  chimie;  les  li- 
quides, ainsi  artificiellement  composés,  remplacent  avec 
avantage,  dans  bien  des  cas,  les  eaux  naturelles  aux- 
quelles 1  éloignement  ou  d'autres  obstacles  empêchent 
d'avoir  recours. 

Mais  le  rôle  de  la  chimie  ne  s'est  pas  borné  à  enrichir 
la  thérapeutique  d'un  certain  nombre  de  médicaments 
nouveaux.  Cette  science  nous  dicte  le  choix  que  nous 
devons  faire  parmi  les  diverses  préparations  d'une  même 
substance,  elle  en  guide  l'administration,  elle  en  suit  les 
modifications  jusque  dans  la  profondeur^  de  nos  organes. 


55 

Donner  des  règles  pour  administrer  Jes  médicaments, 
assurer  et  graduer  leurs  effets,  les  combiner  entre  eux,  tel 
est  le  but  de  Fart  de  formuler.  Livré  jusqu'à  ces  derniers 
teuips  à  une  sorte  d'empiiisme,  Fart  de  formuler  a  reçu, 
dans  les  dix  années  qui  viennent  de  s'écouler,  des  perfec- 
tionnements remarquables,  et  nous  allons  essayer  de  ré 
sumei-,  en  quelques  traits  rapides,  les  conquêtes  les  plus 
intéressantes  dont  la  chimie  soit  venue  enrichir,  sous 
ce  rapport,  la  pratique  médicale. 

Faire  choix  du  médicament  est  pour  le  thérapeutiste 
une  première  difficulté.  Ce  choix  fait,  il  reste  à  donner  à 
ce  médicament  une  forme  qui  en  conserve  les  propriétés, 
qui  les  modifie  ou  les  exalte  dans  une  proportion  prévue. 
Cest  ici  que  la  chimie  intervient  pour  nous  guider  dans 
la  connaissance  des  principes  actifs  qu'il  renferme , 
pour  nous  éclairer  sur  les  différentes  combinaisons  dans 
lesquelles  ces  principes  sont  engagés,  pour  apprécier 
les  changements  qu'ils  peuvent  subir  par  suite  des  ma- 
nipulations pharmaceutiques. 

Et  d'abord,  les  agents  thérapeutiques  conservent-ils, 
dans  l'économie,  la  forme  sous  laquelle  ils  sont  adminis- 
trés? ïja  chimie  nous  a  appris  que  les  médicaments  di- 
vers, introduits  dans  le  tube  digestif,  y  subissent  une  série 
de  modifications,  depuis  le  moment  de  leur  administration 
jusqu'à  celui  de  leur  élimination.  Elle  a,  de  plus,  souvent 
réussi  à  nous  rendre  compte  du  mécanisme  de  ces  muta- 
tions, et  à  préciser  ses  lois. 

M.  Mialhe  a  reconnu  le  premier  que  toute  substance 
médicamenteuse  ne  peut  être  absorbée  qu'autant  qu'elle 
est  soluble,  ou  susceptible  de  le  devenir  par  suite  d'une 
ou  de  plusieurs  réactions  chimicjues  opérées  dans  le 
sein  de  nos  organes.  Les  corps  solubles  sont  absorbés 
directement    quand   ils    ne   peuvent   éprouver ^    de    la 


56 
part  des  liquidos  animaux  qui  baignent  les  surfaces  ab- 
sorbantes, aucune  décomposition  capable  de  les  rendre 
insolubles.  Au  contraire,  tous  les  corps  insolubles  ont  be- 
soin de  Tintervention,  soit  d'un  ferment,  soit  d'un  acide, 
soit  d'un  alcali,  soit  d'un  composé  salin,  pour  éprouver  le 
phénomène  de  l'absorption. 

Des  agents  modificateurs  de  ce  genre  se  rencon- 
trent dans  l'économie  :  les  acides,  dans  le  suc  gastrique; 
les  alcalis,  dans  le  suc  intestinal;  les  composés  salins 
et  les  chlorures,  dans  toutes  les  humeurs  animales. 
Les  aliments  eux-mêmes,  ainsi  (|ue  nous  l'avons  dit 
en  parlant  de  la  digestion,  ne  deviennent  absorbables  et 
assimilables  qu'autant  qu'ils  ont  été  modifiés  par  l'action 
catalytiquede  ladiastase  animale,  du  suc  pancréatique  ou 
de  la  pepsine.  Mais  comme  la  quantité  d'acides,  d'alcalis, 
de  chlorures,  est  très  bornée  dans  les  liquides  animaux,  il 
en  résulte  que  l'action  des  médicaments  insolubles  est  en 
général  moins  énergique,  et  se  trouve  rarement  en  rapport 
avec  la  quantité  de  substance  ingérée.  La  portion  qui  est  res- 
tée sans  se  dissoudre  parcourt  toute  la  longueur  du  canal 
digestif,  et  se  trouve  expulsée  avec  les  fèces  ;  quelquefois 
elle  s'arrête  dans  son  cours,  se  loge  dans  quelques  replis  de 
la  muqueuse  intestinale,  où  elle  séjourne  un  temps  plus 
ou  moins  long,  de  manière  à  former  une  accumulation^  qui 
peut  beaucoup  s'accroître  si  l'ingestion  du  composé  qui 
lui  donne  naissance  est  prolongée  longtemps.  Ces  ac- 
cumulations ne  présentent  pas  toutes  le  même  danger  : 
celles  qui  sont  inattaquables  par  les  humeurs  vitales  n'a- 
gissent sur  les  surfaces,  avec  lesquelles  elles  se  trouvent 
en  contact,  qu'à  la  manière  d'un  corps  étranger,  c'est-à- 
dire  en  déterminant  une  certaine  irritation  ou  de  légers 
symptômes  d'inflammation.  Au  contraire,  les  composés 
susceptibles  de  devenir  solubles  par  suite  d'un  change- 


57 
ment  dans  la  quantité  ou  clans  la  composition  des  humeurs 
viscérales,  peuvent  prendre  des  propriétés  actives,  sou- 
vent toxiques,  et  par  leur  absorption,  déterminer  des  acci- 
dents très  fjraves,  quelquefois  mortels.  Le  calomel,  le  sul- 
fate de  quinine,  le  mercure  métallique,  la  dij;italinc,  etc., 
ont  ainsi  donné  lieu  à  des  effets  d'intoxication. 

Rappelons  quelques  uns  des  faits  qui  ont  servi  à  mettre 
en  évidence  ce  fait  curieux  de  V accumulation  d'un  médi- 
cament dans  le  canal  digestif  :  Chez  un  malade  qui 
avait  pris,  quelques  jours  auparavant,  du  protoxyde 
d'antimoine,  une  limonade  taririque,  en  transformant 
le  protoxyde  d'antimoine  en  tartrate  antimonique,  dé- 
termina des  vomissements  et  une  diarrhée.  —  De  Teau 
iodée  administrée  à  un  dartreux,  peu  de  temps  après 
la  cessation  d'un  traitement  par  le  calomel,  donna  lieu 
à  une  salivation  abondante:  effet  produit  parla  combi- 
naison de  Tiode  avec  le  protochlorure  de  mercure  et  par 
la  formation  d'un  sel  mercuriel  soluble  (proto-iodure  d'a- 
bord, et  consécutivement  deuto-iodure  de  mercure).  — 
Chez  un  étudiant  en  médecine  qui  avait  pris  pendant 
longtemps  de  l'iodure  de  potassium ,  un  ptyalisme  très 
abondant  se  déclara  après  l'ingestion  de  30  centigram- 
mes de  proto-iodure  de  mercure. 

Ce  qui  vient  d^étre  dit  sur  l'accumulation  des  médica- 
ments dans  l'organisme,  permet  d'expliquer  le  phéno- 
mène de  la  localisation  des  poisons. 

Le  fait  incontestable  delà  présence  des  poisons  en  plus  ou 
moins  grande  quantité  dans  certains  viscères  ne  peut  être 
attribué,  selon  M.  Mialhe,  à  une  sorte  d'élection  jdiysio- 
logique,  ainsi  qu'on  l'a  admis  ;  ce  phénomène  ne  saurait 
être  rapporté,  d'après  ce  chimiste,  qu'aune  stagnation 
momentanée  de  ces  substances,  effet  qui  peut  être  pro- 
voqué par  les  circonstances  suivantes  :  tantôt  c'est  une 


58 

cause  purement  pliysique  due  au  ralentissement  forcé 
qu'éprouve  le  sang,  quand  ce  liquide  traverse  certains 
organes  parenchymaienx  très  vasculaires,  tels  que  le 
foie  ou  la  rate;  tantôt  c'est  le  résultat  d'une  cause  chi- 
mi(jue.  Pendant  la  circulation  abdominale,  ces  sub- 
stances peuvent  rencontrer  dans  le  sang  certains  composés 
cbimiques  qui  les  précif)iient  sous  forme  insoluble,  ce  qui 
leur  permet  de  demeurer  un  temps  plus  ou  moins  long 
dans  les  viscères,  jusqu'à  ce  qu'une  autre  combinaison 
vienne  leur  rendre  leur  solubilité,  et  les  faire  entrer  de 
nouveau  dans  la  circulation  générale  (1) 

Dans  Xassoctntîon  des  médicaments,  la  médecine  agi- 
rait en  aveugle  si  elle  n'é:ait  guidée  par  la  connaissance 
des  réactions  chimi(|ues  qui  doivent  s'accomplir  dans 
l'économie  ;  elle  porterait  le  poison  à  la  place  du  re- 
mède, la  mort  à  la  place  de  la  santé.  Dans  nos  organes, 
eomme|  dans  les  appareils  de  nos  laboratoires,  certaines 
combinaisons  doivent  fatalement  s'effectuer,  et  le  phéno- 
mène s'accomplit  forcément  dès  que  les  conditions  qui 
peuvent  le  provoquer  se  trouvent  réunies.  C'est  ainsi  que 
nous  avons  vu  l'oxyde  d'antimoine  se  changer  enémétique 
par  suite  de  la  présence  de  l'acide  tartrique,  le  calomel, 
sous  l'influence  de  l'iode  ou  de  l'iodure  de  potassium, 
passer  à  l'état  de  deuto-iodure  de  mercure,  et  pro- 
duire ainsi  tous  les  effets  qui  résultent  de  l'administration 
d'un  sel  mercuriel  soluble. 

Bien  plus,  les  substances  les  plus  inoffensives  isolément 
peuvent,  étant  associées,  donner  naissance  à  des  poisons. 
Les  travaux  de  MM.  Robiquet  et  Boutron,  Liebig  et  Vœh- 
1er,  ont  prouvé  que  lemélange  des  deux  solutions  aqueuses 
d'amygdaline  et  d'émulsine,  substances  neutres  et  tout  à 

(  i)  Traité  de  l  art  de  formuler. 


59 
fait  inoffensives,  en(![endre  à  la  fois  de  l'huile  volatile  tl'a- 
inandes  amères,  de  Tacide  cyanliydrique,  et  d'autres  pro- 
duits. Le  loch  b!anc  du  Codex  renferme  une  petite  quantité 
d'amandes  amores;  si  ce  loch,  si  innocent  par  lui-même 
est  additionné  de(|uelques  centi(j[rammesdecalomel,  lemé- 
lan^^e  donne  naissance  à  du  bichlorure  et  à  du  bicyanure 
de  mercure,  el  peut  occasionner,  surtout  chez  les  enfants, 
des  accidents  phis  ou  moins  graves.  C'est  ce  qiie  l'expé- 
rience a  plus  d'une  fois  confirmé.  Un  lavement  avec  quel- 
ques grammes  de  sel  marin,  administré  à  un  individu 
souujis  peu  de  temps  auparavant  à  l'usage  du  mercure 
doux,  à  dose  un  peu  élevée,  a  déterminé  un  empoisoime- 
ment  mortel  :  le  protochlorure  de  mercure,  accumulé  et 
retenu  dans  la  muqueuse  intestinale,  avait  été  trans- 
formé, par  l'action  du  sel  marin,  en  bichlorure  de  mer- 
cure. 

L'expérience  a  appris  que,  lorsqu'on  administre  plu- 
sieurs médicaments  à  la  fois,  l'un  d'eux  accroît  l'activité 
de  l'autre,  ou  bien  ce  mélange  annihile  ou  détruit  leurs 
propriétés  réciproques.  M.  Mialhe,  dans  son  Traité  de  fart 
de  formuler^  a  donné  la  raison  de  quelques  uns  de  ces  faits. 

Dans  le  premier  cas,  voici  comment  M.  Mialhe  explique 
ce  résultat,  en  raisonnant  sur  quelques  exemples. 

L'action  purgative  des  résines  et  des  huiles  est  augmen- 
tée, comme  le  savent  les  praticiens,  lorsqu'on  les  associe 
avec  un  peu  de  magnésie.  Cela  tient  à  ce  que  la  magnésie, 
outre  son  action  purgative  propre,  a  pour  effet  de  satuî^er 
les  acides  de  lestomac.  Sans  cette  ciiconstance,  entraînés 
avec  les  résines  dans  l'intestin,  ces  acides  iraient  saturer, 
en  pure  perte  pour  l'action  médicale,  les  alcalis  du  tube  in- 
testinal qui  servent,  en  émulslonnant  ces  résines,  à  en 
provoquer  l'absorption. 

Vallisnieri    et    M.    Bretonneau   ont    fait    voir    qu'en 


60 

associant  certains    purgatifs  à    petite  dose,    tels  que    le 
calomel  et  le  jalap,  on  obtient  un  effet  beaucoup  plus  pro- 
noncé que  si  on  les  administrait   tous  deux  isolément, 
même  à  très  haute  dose.   Voici  l'explication  que  donne 
M.  Mialhe  de  ce  fait,  bien  constaté  par  Tobservation  clini- 
que. La  plupart  des  purgatifs  ont  besoin  d'un  dissolvant 
spécial  pour  exercer  leur  action.  Toutes  les  fois  donc  que 
Ton  associe  deux  purgatifs  qui  ne  s'adressent  pas  au  même 
agent  dissolvant,  l'action  purgative  est  portée  à  son  maxi- 
mum. Tel  est  le  cas  du  calomel  et  du  jalap;  car  Tun  a  be- 
soin  pour  se   dissoudre  de  Tintervention   des  chlorures 
alcalins,  l'autre  du  concours  des  alcalis.  i\.  dose  plus  éle- 
vée, l'action  de  ces  purgatifs  employés  isolément,  serait 
plus  faible,  parce  qu'il  n'existerait  pas  dans  le  tube  diges- 
tif une  quantité  de  dissolvant  suffisante pourles  influencer. 
Pour  le  second  cas,  c'est-à-dire  pour  le  cas  où  le  mélange 
des  médicaments  peut  contrarier  leur  action  respective, 
voici  comment  s'exprime  l'auteur  du    Traité  de  [art  de 
formuler  :  «  Tantôt  une  seule  des  substances  est  dissoute 
»  en  totalité,  et  l'autre  seiilement  en  partie  :  tel  est  le  cas 
»  du  carbonate  de  chaux  prescrit  à  une  dose  un  peu 
M  élevée,  concurremment  avec  le  carbonate  de  magnésie; 
»  le  carbonate  de  chaux  est  seul  dissous  en  totalité,  l'oxyde 
»  de  calcium  étant  plus  basique   que   celui  de  magné- 
»  sium.  Tel  est  encore  le  cas  de  l'association  de  la  magné- 
w  sie  et  du  sous-nitrate  de  bismuth:  ici  l'oxyde  de  magné- 
■  sium  est  seul  complètement  dissous.  Tantôt  une  seule 
M  des  substances  médicamenteuses  est  presque  exclusi- 
»  vement  attaquée,  l'autre  ne  l'étant  que  peu  ou  point; 
»  c'est  ce  qui  arrive  lorsqu'on  administre   ensemble  une 
«  faible  dose  de  quinine  ou  de  sulfate  de  quinine  avec  une 
»  forte  dose  de  magnésie  libre  ou  carbonatée  ;  cette  der- 
»  nière ,   épuisant   à  elle   seule  l'action  dissolvante  des 


61 

»  acides  ^aslriiiiies,  est  seule  dissoute.  L».  uiéine  chose  se 
»  présente  quand  on  donne  à  la  fois  Toxyde  de  bismuth 
»  à  petite  dose  et  la  magnésie  à  haute  dose;  c'est  encore 
»  1  oxyde  de  magnésium  qui  seul  éprouve  le  phénomène 
»  de  la  dissolution.  » 

Des  considérations  chimiques,  analogues  aux  précé- 
dentes, rendent  compte  de  ce  fait  thérapeutique  bien  con- 
staté que,  dans  un  grand  nombre  de  cas,  les  médicaments 
agissent  mieux  à  petite  dose  fractionnée  en  un  certain 
nombre  de  fois,  que  si  Ton  administre  tout  d'un  coup  la 
même  quantité  de  ce  médicament,  ou  une  dosephis  forte. 
Les  agents  chimiques  susceptibles  d'influencer  les  médica  - 
ments  de  manière  à  rendre  leur  absorption  possible , 
n'existent  dans  les  liquides  de  l'économie  qu'en  propor- 
tion assez  faible;  il  résulte  de  ce  fait  que  la  quantité  d'un 
médicament  insoluble  qui  peut  se  dissoudre  en  un  temps 
donné,  est  peu  considérable,  et  n'est  nullement  en  rapport 
avec  la  dose  administrée  d'un  seul  coup;  mais  si,  au  lieu 
de  donner  à  la  fois  la  dose  entière,  on  la  partage  en  un 
certain  nombre  de  doses  beaucoup  plus  faibles,  prises  à 
un  certain  intervalle,  l'action  chimique  qui  doit  en  provo- 
quer la  dissolution  s'établit  d'une  manière  bien  plus  effi- 
cace. Ainsi  U  grammes  de  limaille  de  fer  administrés  en  une 
seule  fois  ne  triomphent  souvent  de  la  chlorose  qu'après 
pkisieurs  mois  de  traitement,  tandis  que  1  gramme  de  ce 
métal  seulement,  prescrit  à  doses  fractionnées,  amène  lu 
guérison  beaucoup  plus  vite.  Un  gramme  de  kermès 
quelquefois  ne  détermine  point  de  vomissements,  ou  ne 
provoque  qu'un  effet  à  peine  sensible,  tandis  qu'une  dose 
moitié  moindre,  fractionnée,  produit  toujours  un  effet 
des  plus  marqués,  etc.  Cette  explication  de  l'action  des 
médicaments  employés  à  dose  fractionnée,  est  en  har- 
monie complète  avec  les  faits ,  et  peut,  dans  beaucoup 
de  cas,  fournir  au  praticien  des  renseignements  utiles. 


62 

Les  indications  de  In  cliimie  penvent  encore  venir  en 
aide  au  médecin  jîour  le  guider  dans  la  préférence  à 
accorder  à  tel  ou  tel  des  médicaments  auxquels  une  même 
substance  peut  donner  naissance.  Tous  les  sels  de  mer^ 
cure  peuvent  être  utilement  employés  dans  le  traitement 
de  la  syphi'is;  la  plupart  des  ferru^jiueux  peuvent  guérir 
la  cldorose;  cependant  il  est  souvent  nécessaire  de  sa- 
voir quel  est,  de  toute  la  série  des  composés  de  mercure 
ou  de  fer,  celui  qui  fournira,  dans  un  cas  donné,  les 
résultats  les  plus  avantageux.  La  chimie  vient  ici  ensei- 
gner au  praticien  qu'il  doit  s'adresser,  pour  obtenir  le 
maximum  d'effet,  au  sel  le  plus  soluble,  à  celui  qui  peut 
le  plus  facilement  s'absorber,  à  celui  qui  contient,  à  poids 
égal,  la  plus  grande  quantité  de  matière  active,  etc.  C'est 
d'après  ces  principes  qu'il  est  reconnu  que  le  bicblorure 
ou  le  cyanure  de  mercure  sont,  de  tous  les  mercu 
riaiix  ,  ceux  qui  conviennent  le  mieux  à  l'emploi  médical , 
et  que  le  tartrate  de  potasse  et  de  fer  est  le  composé 
ferrugineux  dont  la  pratique  doit  retirer  le  plus  d'avan- 
tages. En  prenant  ces  considérations  jiour  guide,  les 
praticiens  ont  à  leur  disposition  des  règles  sûres  et 
précises,  et  ils  peuvent  éviter  les  déceptions  trop  fré- 
quentes que  l'on  est  sujet  à  éprouver  dans  l'essai  de 
médicaments  nouveaux,  conçus  sans  principe  arrêté  et 
en  dehors  de  toute  prévision  chimique. 

Nous  n'abandonnerons  pas  ce  sujet  sans  rappeler  une 
curieuse  application  des  idées  chimicpies  à  l'explication 
de  certaines  idiosyncrasies .  Il  ne  s'agit  point,  on  le  com- 
prend, de  nier  l'existence  générale  de  ces  dispositions 
idiopathiques  de  l'économie,  mais  seulement  de  montrer 
que,  dans  un  certain  nombre  de  cas  où  cette  disposition 
est  invoquée ,  il  est  facile,  par  un  examen  plus  attentif, 
de  se  rendre  compte  de  ces  anomalies  en  ce  qui  touche 
l'action  des  médicaments. 


6â 

Selon  M.  Minllie,  c'est  principalement  aux  variations 
chimiques  (pii  peuvent  survenir  dans  la  composition  de 
liquides  deréconomie,fpi'il  faut  attribuer  un  [^rand  nombre 
de  ces  différences  d'action  médicale,  mises  par  les  prati- 
ciens sur  le  compte  d'une  idiosyncrasie.  Les  acides  son 
ils  plus  abondants  dans  les  premières  voies?  Les  médica- 
ments insolubles,  tels  que  le  fer  métallique,  les  oxydes  de 
fer,  de  zinc,  de  bismuth,  de  magnésium,  etc.,  qui  ont 
besoin,  pour  agir,  de  l'intervention  des  acides,  prennent 
un  surcroît  d'énergie.  Les  humeurs  n'offrent-elles  qu'un 
état  acide  très  faible,  neutre,  ou  même  alcalin  ?  L'action 
de  ces  composés  insolubles  devient  moindre  ou  complè- 
tement nulle.  La  quantité  de  chlorures,  dans  les  divers 
liquides  de  l'économie  animale, est  tout  aussi  variable  que 
celle  des  acides  et  des  alcalis  contenus  dans  les  sécrétions 
gastriques  et  intestinales,  et  cette  variation  entraîne,  dans 
l'effet  des  médicaments,  (!es  différences  que  l'on  attribue, 
à  tort,  ù  l'idiosyncrasie.  Si  le  calomel  a  une  action  assez 
faible  chez  les  enfants,  c'est  que  leurs  humeurs  sont 
peu  riches  en  chlorure  de  sodium.  Si,  chez  les  adultes, 
le  même  médicament  est  quelquefois  sujet  à  perdre, 
en  apparence  ,  son  action  thérapeutique  ,  cela  tient  à 
ce  que  la  diète  et  l'ingestion  prolongée  de  boissons 
aqueuses,  a  fini  par  priver  l'économie  d'une  partie  du 
sel  marin  et  du  sel  ammoniac,  dont  la  présence  est  né- 
cessaire pour  rendre  soluble,  et  par  conséquent  actif,  le 
protochlorure  de  mercure.  Enfin,  si  le  même  médicament 
peut  provoquer  chez  les  marins  des  accidents  très  graves, 
et  doit  même  être  banni  de  leur  médication,  cela  tient 
à  ce  que,  par  suite  de  leur  alimentation  avec  des  vian- 
des salées,  l'économie  est,  chez  eux,  sursaturée,  pour 
ainsi  dire,  de  chloruie  de  sodium.  La  qualité  et  la  quan- 
tité des  différentes  humeurs  animales,  en   variant  sous 


64 

l'iiiMuerice  de  l'àfje,  du  sexe,  du  tempérament,  des  pro- 
fessions,  du  genre  de  vie,  ou  de  laiimentation  des  ma- 
lades, feraient  donc  varier  les  idiosynciasies.  Il  suffit  de 
citer  ce  résultat,  pour  établir  l'exactitude  de  Texpli- 
cation  que  nous  venons  de  donner  de  cette  disposition 
de  l'économie  dans  les  circonstances  spéciales  que  nous 
avons  considérées. 

Si  les  faits  précédents  ont  suffi  à  démontrer  Tutilité 
des  precepteset.de  l'observation  cliimiques  appliqués  à 
l'art  de  formuler,  on  restera  convaincu,  que  la  chimie 
est  devenue  de  nos  jours  la  compagne  indispensable  et 
l'auxiliaire  le  plus  direct  de  la  médecine,  il  est  aussi 
difficile  au  médecin  de  marcher  aujourd'hui  sans  le 
secours  du  chimiste,  qu'il  est  difficile  au  chimiste  de 
prononcer  sur  les  propriétés  d'un  médicament,  ou  sur 
le  mérite  d'une  préparation  thérapeutique,  sans  avoir 
invoqué  les  lumières  du   praticien. 

HYGIÈNE. 

Il  nous  serait  impossible,  dans  les  limites  étroites  où 
le  temps  nous  force  de  nous  renfermer,  de  mettre  à  jour 
la  série  complète  des  applications  utiles  de  la  chimie  aux 
préceptes  de  l'hygiène.  Ne  pouvant  prêter  à  cette  partie  de 
notre  question  toute  l'extension  qu'elle  exigerait,  nous  nous 
contenterons  d'en  tracer  à  grands  traits  les  parties  essen- 
tielles. 

Les  services  que  la  chimie  a  rendus  à  l'hygiène  dans 
la  connaissance  de  l'air,  des  eaux,  des  aliments  et  des 
boissons,  enfin  dans  certaines  questions  qui  se  rappor- 
tent à  la  salubrité  publique  ou  à  Tassainissement  des  pro- 
fessions insalubres,  tels  sont  les  objets  principaux  sur 


65 

Icsrjuels  nous  croyons  devoir  appeler  raltcntlon  dans 
celte  partie  de  notre  travail. 

Depuis  l'cporpie  oïl  Lavoisier  dcconvrit  la  nature  et  la, 
véritable  constitution  de  Tair  at.nospliérique,  les  procédés 
pourfanalysedeVair  sesont  singulièrement  perfectionnés. 
Pai' une  opération  prompte,  simple  et  facile,  on  peut  au- 
jourd'hui déterminer,  avec  une  exactitude  suffisante,  la 
composition  de  ce  fluide.  Des  moyens  plus  parfaits  per- 
mettent d  apprécier,  dans  la  composition  de  Tair,  des  dif- 
férences très  faibles',  et  qui  exigent  pour  être  mises 
en  évidence,  Femploi  de  procédés  délicats  et  précis.  De 
nombreuses  expériences  exécutées  dans  ces  dernières 
conditions  et  répétées  à  diverses  hauteurs  et  sur  diffé- 
rents points  du  globe,  ont  prouvé  que  Tatmosphère 
renferme,  en  toute  région  et  à  toute  hauteur,  les  mê- 
mes éléments  unis  à  peu  près  dans  les  mêmes  proportions. 
On  a  de  plus  étudié  avec  grand  soin  les  causes  qui  font 
varier  la  composition  de  ce  fluide  dans  les  espaces  qui  ne 
se  renouvellent  pas,  c'est-à-dire  dans  Tair  confiné;  on  a 
reconnu  ainsi  que  la  combustion  des  matières  organiques 
et  la  respiration  des  animaux,  sont  les  causes  essentielles 
de  la  viciation  de  Tair  dans  une  enceinte  fermée.  C'est  sur 
ce  fait  que  l'on  a  fondé  l'emploi  des  ventilateurs. 

La  balance,  appliquée  à  déterminer  exactement  les 
quantités  d'eau  et  d'acide  carbonique  produites  pendant  la 
respiration,  a  permis  de  ])réciser  exactement  le  volume 
d\nr  qui  est  nécessaiie  à  chaque  individu  ou  à  une  réu- 
nion de  personnes,  pour  (|ue  leur  respiration  puisse  se 
faire  sans  difficidié:  de  là  des  règles  applicables  à  la  con- 
struction et  aux  dimensions  des  salles  et  amphiihéâires 
publics,  règles  qui,  pour  le  dire  en  passant,  sont  trop 
souvent  lettre  morte  poiu*  nos  architectes. 

Les  données  de  ce  genre  étant  géuéialoment  négligées 
ou  peu  connues,  nous  croyons  utile  de  ra[»pe!(.'r  les  résuU 


66 
tats  obtenus  par  les  chimistes  dans  l'évaluation  des  pro- 
portions d'air  nécessaires  à  la  respiration  de  chaque  in- 
dividu ou  d'une  réunion  de  personnes.  Dans  son  Traité  de 
chimie,  M.  Dumas  expose  ces  résultats  en  ces  termes: 

«  On  peut  admettre,  dit  M.  Dumas,  que  Ihommefait  pas- 
»  ser  7  à  8  mètres  cubes  d'air  par  jour  dans  ses  poumons; 
»  dans  un  air  raréfié  ou  condensé,  la  respiration,  accélérée 
»  ou  ralentie,  s'arrange  de  manière  à  fournir  au  poumon, 
»  dans  un  temps  donné,  une  quantité  d'oxy<^[ène  toujours 
»  égale  à  celle  que  ces  8  mètres  cubes  représentent;  mais 
»  on  commettrait  une  erreur  grave,  si  l'on  pensait  qu'un 
0  homme,  réduit  à  ne  recevoir  par  jour  que  8  mètres  cubes 
»  d'air,  continuerait  à  vivre  sans  souffrances. 

»  Supposons,  en  effet,  qu'un  certain  nombre  d'hommes 
n  étant  réunis  dans  une  salle  exactement  fermée,  chacun 
»  d'eux  ait  8  mètres  cubes  d'aii'  à  sa  disposition,  au  lieu  de 
»  respirer  à  l'aise  pendant  vingt-(juatre  heures,  on  verrait, 
»  après  un  temps  très  court,  des  symptômes  d'asphyxie 
»  se  déclarer  sur  nombre  d'entre  eux,  et  certes,  au  bout 
»  d'un  jour,  il  en  est  peu  qui  sortiraient  vivants  de  cette 
»  épreuve,  puisque  tout  l'air  de  l'enceinte  renfermerait 
»  alors  la  dose  d'acide  carbonique  contenu  dans  l'air 
»  même  que  notre  poumon  rejette  à  chaque  instant 
»  comme  nuisible. 

»  De  là  le  besoin  de  ventiler.  Des  expériences  nom 
»  breuses  prouvent  que,  si  l'on  cherche,  par  le  tâtonne- 
»  meut,  à  préciser  le  volume  d'airqu'il  convient  de  fournir 
»  à  des  hommes  réunis,  en  augmentant  ou  diminuant  la 
»  ventilation  selon  l'impression  éprouvée,  on  trouve  qu'un 
»  homme  a  besoin  de  6  à  10  mètres  cubes  d'air  frais  par 
»  heure. 

»  M.  Péclet,  qui  s'est  beaucoup  occupé  dans  ces  der- 
»  niers  temps  de  la  ventilation  des  salles  d'assemblée, 
»  des  écoles,  etc.,  est  arrivé,  après  quelques  tâtonnements, 


67 

M  à  adopter  ces  nombres,  comme  pouvant  servir  de  base 
»  à  un  système  de  ventilation  efficace.  A  ce  taux,  la  tem- 
»  pératiire  ne  s'élève  pas  d'une  manière  incommode,  et  les 
»  émanations  animales,  dont  on  ne  saurait  contester  Texis- 
»  teiice  dans  Tair  non  renouvelé,  n'exercent  pas  d'in- 
»  fluence  appréciable  sur  Todorat. 

»  Cette  quantité  d'air  est  énorme;  elle  est  vingt  ou 
»  trente  fois  supérieure  à  celle  qu'un  homme  vicie  coni- 
»  plétement  dans  une  journée. 

»  En  conséquence,  on  se  trouve  amené  à  conclure 
»  qu'indépendamment  de  l'acide  carbonique,  dont  Teffet 
»  nuisible  ne  peut  être  contesté,  il  y  a  dans  les  grandes 
»  réunions,  et  en  général  dans  les  lieux  habités,  d'autres 
»  causes  :  telles  que  l'accumulation  de  la  vapeur  aqueuse, 
»  l'élévation  de  la  température,  la  production  des  émana- 
»  tions  animales,  qui  rendent  indispensable  un  prompt  re- 
»  nouvellement  de  l'air. 

»  La  recherche  de  l'acide  carbonique  dans  l'air  des 
»  lieux  habités,  n'en  demeure  pas  moins  le  premier  et, 
»  jusqu'ici,  le  seul  moyen  de  mesurer  l'étendue  des  alté- 
»  rations  que  l'air  a  subies,  et  d'apprécier  l'efficacité  des 
»  méthodes  par  lesquelles  on  cherche  à  y  porter  remède. 

»  Voici  les  résultats  obtenus  par  M.  Leblanc,  dans  une 
M  série  de  recherches  relatives  à  la  composition  de  l'air, 
»  dans  ces  diverses  circonstances.  Dans  quelques  salles 
»  d'hôpitaux  de  Paris,  il  a  trouvé,  au  bout  d'une  nuit  de 
»  clôture,  l'air  des  dortoirs  chargé  d'une  quantité  d'acide 
M  carbonique  s'élevant  jusqu'à  1  pour  100.  A  coup  sûr, 
»  une  pareille  proportion  d'acide  carbonique  annonce 
»  dans  l'air  une  altération  qui  ne  permet  pas  de  le  consi- 
V  dérer  comme  salubre,  même  pour  un  temps  peu  pro- 
»  longé.  Pour  s'en  convaincre,  il  suffit  de  se  rappeler  que 
»  l'air  expiré  des  poumons  renferme  Z  à  U  pour  100  d'à- 


G8 

»  cide  carbonique,  et,  qn  a  cette  close,  il  paraît  réellement 
M  exercer  une  nciion  nuisible  sur  nos  orotuies,  puisque  la 
»  nécessité  de  Texjiulserse  fait  sentir  irupéi  ieuseuient. 

«  L'expéiience  a  prouvé  que  l'elfet  de  la  venti'ation 
»  naturelle  par  les  jointures  des  portes  et  des  fenêtres, 
»  dans  un  lieu  clos  et  qui  ne  renferme  pas  de  foyers  de 
»  nature  à  déterminer  un  appel  actif,  est  moins  marqué 
»  qu'on  n'est  ^généralement  porté  à  le  croire;  il  est  dans 
»  le  plus  ^rand  nombre  des  cas  tout  à  fait  insuffisant  pour 
»  neutraliser  les  elfets  nuisibles  de  la  respiration  dans  les 
n  lieux  babiiés  qui  ont  une  capacité  restreinte. 

»  Il  est  facile  de  voir,  d'après  cela,  combien  la  construc- 
»  tion  de  la  plupart  de  nos  am|)liiibcâtres  laisse  à  désirer. 
»  A  l'exception  des  tbéâtres  dans  lesquels  la  ventilation 
»  s'est  étal)lied'abord  par  basard  par  l'ouverture  placée  au- 
»  dessus  du  lustre,  et  pratiquée  pour  se  débarrasser  de 
»  l'odeur  des  lampes, on  peut  dire  que  les  salles  de  réunion 
»  sont  mal  disposées.  Les  arcbitectes  sont  d'autant  plus 
»  blâmables  à  cet  éyard,  qu'on  connaît  anjourd'bui  les 
»  rè(jles  qui  doivent  (juider  dans  les  applications  de  la  ven- 
»  tilation. 

»  Il  ne  suffit  pas  de  rendre  à  Tbomme  l'oxygène  qu'il 
»  consomme,  mais  il  faut  le  lui  offrir  convenablement  dé- 
»  layé  dans  de  i'air  pur. 

M  Partant  des  nombres  qui  précèdent,  il  devient  facile 
»  de  calcider  la  ventilation  qui  est  nécessaire  pour  des 
»  écoles,  des  caseriies,  des  liôj)itaux,  etc. 

M  Prenons  j)0ur  terme  de  comparaison  une  cbauibre  à 
wcoucbcr,  et  r;i|)pelo!is  nous  (pi'un  bomme  a  besoin 
»  di"  6  à  7  mètres  cubes  d'air  par  beure  au  moins.  Eu  ad- 
V  metiani  (ju'ii  j)asse  neuf  bcures  dans  sa  cbambre  à  cou- 
)»  cber,  il  lui  faudra  un  e?j)ace  de  C3  mètres  cubes,  ou  une 
»  cbauibro  repi  ésentant  un  cube  de  4  mètres  de  côté  ou 


69 

»  de   12  pieds  environ;  et   ceriaincinent  ces  condiiions 
»  sont  loin  d'être  remplies  pour  la  pinpari  des  iiulividirs. 

M  Jusqu'à  présent  nous  avens  re^arelé  Taeide  earho- 
»  nifjue  eomme  le  moyen  de  donner  la  mesure  des  e'fets 
»  nuisibles  qu'un  air  vicié  fait  éprouver  à  la  respiration. 
»  En  effet,  sa  proportion  nous  indique  pour  quelle  portion 
»  Tair  déjà  expiré  intervient  dans  le  mé'an<;e  (|U  on  exa- 
»  mine.  Cependant  il  est  bien  clair  que  l'acide  carboni(|ue 
»  n'est  pas  le  seul  produit  nuisible  qui  se  rencontre  dans 
»  Tair  vicié.  Il  (aut  tenir  cmïjUe  de  la  j)résence  incontcs- 
»  table  de  l'Iiydrojjène  su'furé  et  des  matières  animales 
»  puantes  que  1  air  des  lieux  babités  renferme  toujours.  Il 
»  y  a  tel  lieu  de  réunion  publique  oii  le  cundueleur  de 
»  cuivre  d'un  paratonnerre,  placé  près  des  tuyaux  cb;  dé- 
»  ga(jementderair  vicié  |)ar  la  respiration,  se  iro^ivetrans- 
»  formé,  au  bout  de  quelques  mois,  en  sulfure  de  cuivre. 
M  J'ai  vu,  dans  une  fête,  des  pompiers,  jeunes  et  robustes, 
»  placés  dans  une  .paierie  à  la  ])artie  supéiieure  d'une 
»  immense  salle  de  bal,  être  tellement  incommodés  par 
»  l'air  vicié  qui  leur  parvenait,  qu'ils  ne  pouvaient  guère 
»  y  rester  que  dix  ou  quinze  miruiies. 

»  Si  nous  ajoutons  à  ces  faits  la  conversion  plus  ou 
»  moins  rapide  du  carbonate  de  plomb  des  peintures  de 
»  nos  appartements,  en  sulfure  de  plomb  parlliydro^jène 
i>  sulfuré  de  l'air;  l'odeur  nauséabonde  qui  nous  fiappe 
M  quand  nous  pénétrons  le  matin  dans  le  dortoir  d'une 
M  caserne  ou  d'un  bôpilal  mal  aéié,  quand  nous  entrons  le 
»  soir  dans  ces  ateliers  où  I  industrie  accumule  souvent  un 
»  trop  grand  nombre  d'ouvriers,  il  ne  reste  aucun  doute 
»  sur  la  présence  de  ces  matières  nuisibles,  ainsi  que  sur 
»  la  nécessité  de  s'en  débai  rasser  promptement. 

»  Les  besoins  delà  ventilation  sont  donc  incontestables. 
»  Il  fout  l'effectuer,  soit  par  des  cheminées,  soit  par  des 


70 

»  poêles  bien  disposés  pour  les  petits  appartements,  soit 
»  enfin  par  des  appareils  particuliers  pour  les  lieux  con- 
V  sacrés  aux  (>randes  réunions,  c'est  à-dire  les  écoles,  les 
»  casernes,  les  hôpitaux  et  les  amphitlu'âires.  » 

L'analyse  chimique  a  démontré  que  l'air  renferme, 
dans  certaines  circonstances  ,  des  produits  étranjjers  pro- 
venant de  la  décomposition  spontanée  des  matières  orga- 
niques, sans  qu'il  ait  été  possible  cependant, de  déterminer 
la  nature  de  ces  émanations  que  Ton  dési[jne  sous  le  nom 
de  miasmes.  M.  Bracliet  assure  avoir  constaté  que  les 
miasmes  provenant  des  substances  vé^^étales  en  putré- 
faction, produisent  plus  s[)écialement  les  fièvres  inter- 
mittentes, tandis  fjue  les  diverses  fièvrrs  continues, 
décrites  sous  le  nom  de  tjp/ius,  déviaient  être  attribuées 
aux  émanations  des  substances  animales.  Cest  là  une 
opinion  dont  nous  laissons  à  son  auteur  la  respon- 
sabilité. 

Cependant  on  a  pu  saisir,  dans  certains  cas,  les  sources 
chimiques  de  la  viciation  de  Tatmosphère.  L'air  peut  être 
infecté  par  la  présence  de  l'ammoniaque,  de  l'acide  sull  hy- 
drique ou  de  l'hydrogène  carboné,  substances  dont  la 
chimie  démontre  aisément  l'existence,  et  que  les  moyens 
qu'elle  fournit  peuvent  parvenir  à  détruire. 

La  chimie  comprend  dans  son  domaine  toutes  les  ques- 
tions qui  se  rapportent  à  l'alimentation  ;  c'est  elle  (jui  nous 
a  appris  à  grouper  les  aliments  selon  leur  composition  et 
leur  nature;  c'est  elle  qui  a  rendu  compte  du  rôle  répa- 
rateur que  jouent  dans  quelques  aliments,  la  présence  de 
certaines  matières  minérales  telles  que  le  phosphate  de 
chaux,  et  du  rôle  tout  différent  d'autres  substances  sa- 
lines, telles  (jue  le  sel  marin,  qui  ne  peuvent  être  considé- 
rées que  comme  des  excitants  de  la  digestion. 

La  distinction  des  aliments ,  en  aliments  plastiques  et 


71 

respiratoires  y  distinction  si  féconde  en  conséquences  physio- 
lo^^iques  ,  le  rôle  différent  que  jouent  dans  la  difjestiori  les 
substances  ternaires  et  les  matières  aibuniinoïdes  azotées, 
les  relations  qui  existent  entre  les  aliments  du  règne  végé- 
tal etceux  du  règne  animal,  tous  ces  faits  d'une  nouveauté 
et  d'une  originalité  incontestables,  sont  dus  aux  seules  lu- 
mières de  la  chimie.  C'est  ainsi  que  Ton  a  été  conduite 
cette  découverte  intéressante,  que  les  végétaux  alimentai- 
res renferment  dos  principes  analogues  à  la  fibrine  et  à 
l'albumine  animale.  D'où  est  résulté  ce  principe,  que  les  ani 
maux,  pour  leur  entretien  et  leur  accroissement,  exigent 
d'autant  moins  de  nourriture  végétale,  que  celle-ci  est  plus 
chargée  de  principes  azotés,  et  cjue  toute  substance  végé- 
tale où  ujanquent  ces  principes,  est  insuffisante  pour  sub- 
venir à  la  nutrition  (1).  Il  existe  en  effet  très  peu  de  sub- 
stances nutritives  animales  dont  la  chimie  n'ait  trouvé 
quelques  analogues  dans  le  règne  végétal. 

Enfin,  c'est  par  une  conclusion  tirée  de  l'analyse  chi- 
mique, qu'il  est  aujourd'hui  démontré  (jue  le  lait,  cet 
aliment  indispensable  des  jeunes  mammifères,  est  le  type 
le  plus  complet  des  matières  alimentaires,  parce  qu'il 
offre  la  réunion  de  tous  les  principes  qui  forment  la  base 
d'une  bonne  nutrition;  il  mérite  donc,  à  ce  titre,  le 
nom  d'aliment  par  excellence  que  les  chimistes  lui  ont 
décerné. 

C'est  à  la  chimie  que  l'on  doit  les  règles  précisesqui  nous 
dirigent  dans  toutes  les  questions  qui  se  rapportent  à  l'ali- 
mentation de  l'homme  et  à  celle  des  animaux.  C'est  elle  qui 
a  assigné  à  chaque  espèce  animale  la  quantité  et  la  nature 
d'aliments  qui  se  trouvent  le  mieux  en  harmonie  avec  les 
besoins  de  son  accroissement  et  de  son  entretien;  elle  a 

(i)  Liebig,  Nouvelles  lettres  sur  la  chimie,  p.  iio. 


72 

pronvo  rlo  p'ns  cjiie  In  fjnaiiiité  do  sulistnnce  alimentaire 
(loil  vmior  ])()iir  cIkicjikî  espèce  selon  le  climat  et  les 
j)(M  tes  (pie  rindiviilii  jxiiit  é[)r()iivcr,  et  M.  Liehijj  a  pu  po- 
ser (•elt('  loi  :  La  j)n'!isaine  de  trnunU  (fu/t  animal  est  duis  un 
raiiiiort  déjini  avec  l excès  de  louniluie  qui  aufjniente  le 
poids  de  sou  corps ^  dans  lélat  de  repos  (I). 

Pour  donner  nne  i(]<'e  de  la  inanière  dont  j)rocède  la 
cbiini(îj)onrarriverîulcterniinerri^onreLisenienila(pianlilé 
d'aliments  nécessaires  à  la  nntrition  jjailaile  de  Tlionnne, 
dans  une  condition  donnée,  nous  emprunterons  au  ïraité 
de  chimie  de  M.  Dumas  le  passar[e  suivant,  dans  le(|uel 
l'auteur  évalue  la  cjuanlité  iliéoricpie  de  matière  aliu^en- 
taîre  que  lliomme  adulte  doit  lecevoir  charpie  jour  : 

«  L'aliment  le  plus  parfait,  sans  contredit,  c'est,  dit 
«  M.  Dumas,  l'alimejit  analo(]ue  au  lait,  qui  suffit  au  dé- 
»  veloppement  des  jeunes  anunaux;  or  le  lait  renferme: 

M  1»  Du  case'um,  matière  azotée;  2«  du  beurre,  matière 
»  grasse;  3°  du  sucre  de  lait,  matière  soluble. 

M  Ces  trois  substances  se  retrouvent  dans  tous  les  aîi- 
»  ments  pai  faits.  Le  chocolat  les  renferme.  Beaucoup  de 
»  semences,  et  en  particulier  les  semences  émulsives  les 
»  offrent  aussi. 

"  De  ces  trois  matières,  le  sucre,  ou  la  partie  soluble 
»  non  azotée,  est  celle  dont  les  animaux  se  passent  le 
M  mieux.  La  viande,  les  œufs,  n'offrent,  en  effet,  que  deux 
V  aliments  :  1'^ albumine,  fibrine,  matières  azotées  ;  2°(5rais- 
»  ses  diverses. 

»  Les  matières  sucrées,  gommeuses,  peuvent  donc  être 
»  remplacées  dans  l'alimentation;  mais  il  n'en  est  pas 
»  ainsi  des  matières  azotées. 

»  Ceci  posé,  introduisons  quelques  nombres  dans  Texa- 
»  men  des  questions  que  nous  venons  d'effleurer,  et  ils 

(i)  Nouvelles  lettres  sur  la  chimie^  p.  i33. 


73 

»  prouveront  tonfe  l'iinporiance  des  connaissances  que  la 
»  (chimie  pourra  foîiniir  un  jour  à  ['('cononne  polilicpie,  et 
M  le  secours  (ju'clles  prêieront  au  lé(jislateur,  lout  aussi 
»  bien  qu'au  pliysiolo(jiste. 

»  M.  I^ecanu  a  j)rouvé,  dans  une  suite  d'exprriences 
»  faites  avec  soin,  que,  lenne  moyen,  un  lioujuic  rend  par 
M  jour  une  cjuauiité  d'urine  contenant,  en  nombres  ronds, 
»  32  {pammes  d  uroe,  ou  15  (paiumes  d\izo:e  environ. 

M  D'après  mes  propres  expériences,  j'expire  par  jour  une 
»  quantité  d  acide  carboni(pie  qui  correspond  ,  au  mini- 
»  mum,  à  300  graumies  de  carbone  brûlé,  y  compris 
»  riiydro^<;ène,  que  nous  jjouvons  convertir  en  carbone 
»  par  le  calcul. 

«  Or,  si  Fentrelien  ré(^ulier  de  la  vie  cbez  l'bomme  pro- 
»  duit  une  élimination  de  15  grammes  d'azote  et  de 
»  300  jjrammes  de  carbone,  il  est  l'acile  de  voir  que  Ton 
»  modifierait  les  conditions  de  son  existence,  si  on  ne  lui 
»  procurait  pas  les  aliments  représentés  par  ces  produits 
M  de  nos  deux  grandes  fonctions,  la  res[)iration  et  la  sécré- 
»  tion  urinaire.  De  même  qu'on  peut  faire  mourir  un 
»  homme  d'inanition  en  quelques  jours,  de  même  aussi 
»  une  quantité  d'aliments  insuffisante  causerait  la  mort 
»  par  inanition  au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins  long. 

»  Les  conditions  de  l'hygiène  publique  seront  donc  al- 
»  térées  si  cet  état  de  souffrance  est  le  sort  d'une  partie 
»  de  la  population,  comme  cela  arrive  malheureusement 
»  assez  souvent. 

»  Au  moyen  des  deux  données  expérimentales  que  je 
»  viens  de  rappeler,  il  est  facile  de  dire  quel  est  le  mini- 
»  mum  d'aliments  convenable  à  un  homme,  et  quelle  espèce 
»  d'aliments  il  lui  laut;  car,  sachant,  d'une  part,  ce  qu'il 
»  doit  brûler  de  carbone,  ce  qui!  doit  brûler  d'ammo- 
»  nium;  ayant,  d'un  autre  côté,  déterminé  par  l'analyse  la 


n 

M  nature  des  aliments,  il  suffit  d'une  simple  équation  dans 
»  laquelle  les  aliments  divers,  placés  dans  Tun  des  nom- 
»  bres,  devront  équivaloir  à  300  grammes  de  carbone  et  à 
»  15  (grammes  d'azote,  contenus  dans  l'autre. 

»  On  retombe  ainsi  sur  des  nombres  qui  correspondent 
»  à  peu  près  à  la  ration  du  cavalier  français,  et  auxquels 
»  on  est  parvenu  sans  doute  après  bien  des  essais. 

»  La  ration  du  cavalier  se  compose,  en  effet,  de  : 

Matières      Matières 
azotées      non  azotées 
sèches.         sèches. 

Viande 285(5ram.    7  0  » 

Painde  munition.      .      750)       .,,__  ^,  ^^^ 

i>  •    I  1        j  o .  ^ }      1066  oa  596 

rain  blanc  de  soupe  .      316  j 

Légumes 200  20  150 


\5lx  7^6 


»  Or,  154  grammes  de  matières  azotées  sèches  corres- 
"  pondent  à  22,5  grammes  d'azote  et  80  grammes  de  car- 
»  bone;  7  46  grammes  de  matière  non  azotée  correspon- 
»  dent  à  328  grammes  de  carbone.  » 

C'est  pai-  un  genre  de  calculs  analogue  à  celui  dont  nous 
venons  de  donner  un  exemple,  que  la  chimie  peut  indiquer 
avec  précision  \a  quantité  d'aliments  nécessaire  pour  la 
parfaite  nutrition  des  diverses  espèces  animales. 

La  chimiea  présidé  aux  améliorations  utiles  introduites, 
dans  ces  derniers  temps,  dans  le  régime  des  marins.  On 
sait  combien  l'usage  des  viandes  salées  est  préjudiciable 
à  la  santé,  et  Ton  n'ignore  pas  que  ce  genre  d'alimen 
tation  peut,  dans  certains  cas  spéciaux  et  difficiles  à  ex- 
pliquer, donner  lieu  à  diverses  maladies,  et  même  à  un 
véritable  enq)Oisonnement.  Aussi  la  découverte  d'Appert, 
!(>our  la  conservation  des  matières  alimentaires,  peut-elle 


75 

être  citée  comme  un  éiiiinent  service  rendu  par  la  chimie 
aux  voya(jeurs  et  aux  marins.  Ce  proo(klé  si  simple  et  si 
curieux,  que  Ton  modifie  de  tant  de  manières,  est  entière- 
ment fondé  sur  les  belles  recherches  de  Gay-Lussac 
concernant  la  fermentation.  Ajoutons  que  Tingénieux 
appareil  tout  récemment  imagine  par  M.  Grandval  pour 
les  évaporations  à  basse  température,  permettra  d'obtenir 
des  extraits  secs  de  bouillon  ou  de  lait,  qui,  délayés  dans 
la  quantité  d'eau  que  révaj)oration  leur  avait  enlevée, 
pourront  reconstituer  le  liquide  alimentaire  primitif. 

On  sait  que  certaines  n)atières  colorantes  sont  em- 
ployées dans  la  confection  de  (juelques  aliments,  particu- 
lièrement pour  les  bonbons  préparés  chez  nos  confiseurs: 
c'est  ce  que  l'on  pourrait  appeler  les  condiments  de  [œil. 
Quelques  unes  de  ces  matières  n'offrent  pour  la  santé 
aucun  inconvénient,  mais  d'autres  peuvent  être  fort  nui- 
sibles,  et  quelques  unes  constituent  de  violents  poisons. 
La  chimie  a  désigné  celles  de  ces  substances  dont  on  peut 
faire  usage,  et  celles  dont  il  faut  proscrire  rem[)loi. 

Dans  un  autre  ordre  de  faits,  la  chimie  a  rendu  à 
l'hygiène  des  services  de  la  pins  hante  importance,  parce 
(ju  ils  sont  de  tous  les  jours  et  de  tous  les  instants;  nous 
voulons  parler  des  travaux  cpie  l'on  a  exécutés  à  propos 
de  la  nature  des  vases  et  ustensiles  destinés  à  la  prépa- 
ration des  aliments.  Un  grand  nombre  de  ces  ustensiles 
sont  susceptibles  d'être  attaqués  par  les  acides ,  par  les 
corps  gras  ou  par  les  solutions  salines.  La  chimie  a 
dicté  les  ordonnances  de  police  qui  prescrivent  les  pré- 
cautions à  prendre  à  cet  égard;  c'est  elle  qui  a  (ait 
proscrire  les  vases  de  plomb  chez  les  charcutiers,  mar- 
chands de  vins,  traiteurs,  etc.,  quia  défendu  l'emploi  des 
chaudières  et  des  balances  de  cuivre  pour  le  raffinage  du 
sel  marin. Cependant,  comme  il  n'est  pas  toujours  facilede 


76 

tenir  la  main  à  IVxécution  de  ces  ordonnances,  diverses 
malir-res  idimentaires  sont  encore  sujettes  à  conienir 
de  petites  cjuanlités  d  un  niélal  vénéneux;  c'est  ainsi  que 
certains  fruits  confits  dans  le  vinaijjre,  et  (]ui  sont  d'une  co- 
loration verte  prononcée,  renferment  des  quantités  nota- 
bles de  enivre. On  peut  encore  Ironverdu  cuivre  dansrpiel- 
ques  préjuirations  de  charcuterie,  entre  autres  dans  les 
boudins  ;  Vauquelin  avait  observé,  en  elFet,  que  le  san[î,  à 
la  température  de  réhullition,  peut  attaquer  les  vases  de 
cuivre  et  se  cliar^jer  d'une  certaine  quantité  de  ce  métal. 

Les  aliments  solides  sont  appelés  à  réj)arer  les  parties 
solides  de  Técononiie;  mais  il  faut  aussi  réparer  les  pertes 
provenant  de  l'évaporaiion  des  liquides  ,  c'est  ce  qui  nous 
conduit  à  dire  cjuelques  mots  de  l'eau  et  des  boissons 
aliujentaires 

Certains  caractères  physiques,  tels  que  la  saveur,  la 
coideur,  la  température,  l'absence  d'odeur,  etc.,  sont  des 
moyens  que  l'on  peut  communément  invoquer  pour  re- 
connaître une  eau  potable.  Mais  dans  la  plupart  des  cas, 
ces  caiactères  généraux  sont  insuffisants,  et  pour  s'as- 
surer des  (jualités  d'une  eau  destinée  aux  usages  publics, 
il  faut  recourir  à  l'analyse  chimique.  Nous  ne  pouvons 
entrer  ici  dans  aucun  détail  sur  les  moyens  que  l'on 
met  en  usage  pour  fixer  la  composition  des  eaux,  ni  sur 
les  caractères  qui  permettent  quekjuefois  de  s'assurer, 
par  un  essai  chimique  plus  court,  de  la  pureté  des  eaux 
destinées  à  la  boisson  ou  aux  emplois  industriels. 

La  chimie  a  rendu  à  1  hygiène  des  services  incontestables 
dans  toutes  les  questions  d'hydrologie.  Elle  a  établi  des  pré- 
ceptes relatifs  à  la  construction  des  citernes  et  à  la  nature 
des  vases  destinés  à  la  conservation  des  eaux.  C'est  ainsi 
qu'elle  a  reconnu  que  les  eaux  se  conservent  mieux  dans 
des  vases  de  boisa  essence  dure,  comme  le  hêtre,  le  chêne, 


77 

(surtout  si  on  les  a  dépouilles  de  leur  matière  extractive 
par  une  macération  prcalahlc),  f|ne  dans  des  vases  de  bois 
d'une  autre  essence,  qui  rendent  les  eaux  fétides  et  insa- 
lubres. Le  bois  carbonisé,  le  charbon  en  poudre  et  les 
vases  de  fer,  sont  les  matières  cpii  conviennent  le  mieux 
à  ce  genre  d'usage.  Ajoutons  que  c'est  encore  à  la  chimie 
que  Ton  est  redevable  des  piocédés  employés  pour  la 
purification  des  eaux  corrompues  ou  ahérées. 

Les  mélanges  réfiigérants  que  Ton  prépare  parle  mé- 
lange de  certains  sels  avec  des  acides,  j^ermettent  d'obte- 
nir de  la  glace  en  tout  temps  et  à  bon  marché.  C'est  encore 
là  une  application  utile  de  la  chimie  à  l'hygiène. 

Les  boissons  alcooliques  sont  toujours  des  produits  de 
fermenlalion,quij)rennent  différents  noms  selon  le  liquide 
qui  leur  a  donné  naissance;  ceux  qui  ont  subi  la  distilla- 
tion, comme  le  kirsch,  le  rhum,  l'eau-de-vie,  etc.,  ne  con- 
courent à  la  digestion  qu'à  titre  d'excitants.  Quant  à  ceux 
qui  n'ont  pas  été  distillés,  tels  que  le  vin,  la  bière,  le  cidre, 
le  poiré,  1  hydromel ,  ils  contiennent  différents  principes 
fixes,  des  sels,  du  tannin,  ou  àea  matières  colorantes,  qui 
servent  à  la  nutrition  ;  c'est  principalement  la  matière 
azotée  qu'ils  renferment"  en  petite  quantité  qui,  d'après  les 
expériences  de  M.  Chossat,  détermine  le  rôle  de  ces  bois- 
sons comme  principe  alimentaire. 

La  chimie,  qui  nous  apprend  à  connaître  la  composi- 
tion du  vin  et  des  autres  boissons  fermentées,  nous  éclaire 
aussi  sur  les  falsifications  que  ces  liquides  peuvent  subir. 
Mais  ce  genre  de  i-echerches  manque  encore  de  règles  pré- 
cises et  de  bases  expérimentales  dignes  de  confiance. 

Enfin  la  même  science  est  intervenue  avec  profit  dans 
pres(jue  toutes  les  questions  qui  concernent  la  salubiMté[)u- 
bli(pie.  Elle  a  indiqué  les  règles  à  suivre  pour  pratiquer  les 
exhumations,  pour  établir  les  voiries,  les  cimetières,  les 


78 
abattoirs  et  les  charniers  ;  elle  a  introduit,  parmi  les  établis- 
sements insalubres,  les  diverses  catégories  qui  sont  adoptées 
par  l'administration  actuelle.  C'est  t^^râce  à  ses  indications, 
qu'il  est  possible  de  placer  sans  dan^^er,  dans  le  voisinage 
des  liabitations ,  des  établissements  que  Ton  considérait 
autrefois  comme  dangereux  pour  la  santé  publique.  C'est 
encore  grâce  aux  agents  chimiques  dont  elle  a  reconnu 
Faction  spéciale  et  suggéré  l'emploi ,  (jue,  ('ans  les  grandes 
villes,  on  peut  opérer  les  vidanges  en  plein  jour,  sans  au- 
cune incommodité  ni  pour  les  v(/isins,  ni  pour  les  ouvriers 
employés  à  ce  travail,  La  diminution  qui  s  observe  dans 
les  maladies  des  ouvrieis  vidangeurs,  égoutiers,  boyau- 
diers,  etc.,  est  une  conséquence  de  l'emploi  général  de  ces 
moyens  d'assainissement. 

Il  n'est  presque  aucune  profession  insalubre  à  laquelle 
l'application  des  principes  de  la  chimie  n'ait  rendu  des 
services  particuliers.  L'industiie  des  cérusiers,  qui  fai 
sait,  il  y  a  peu  de  temps,  de  si  nombreuses  victimes,  a  été, 
à  la  suite  d'une  étude  approfondie,  perfectionnée  dans 
ses  procédés,  de  manière  A  mettre  l'ouvrier  à  labri  de 
l'action  fâcheuse  qui  résultait  pour  lui  de  l'absorp- 
tion d  une  certaine  quantité  de  plomb.  La  prescription 
de  bains  alcalins  et  l'usage  de  la  limonade  sullurique, 
sont  des  moyens  préventifs  utiles,  recommandés  par  la 
chimie  aux  personnes  qui  s'adonnent  à  cette  profession. 
Disons  enfin,  que  la  chimie  a  eu  quelquefois  pour  résultat 
de  détruire  complétemeni  une  industrie  insalubre.  C'est 
ainsi  que  l'on  a  vu,  au  grand  |;rofit  de  l'humanité,  ia  do- 
rure au  mercure  disparaître  pour  faire  place  à  l'industrie 
nouvelle  de  la  dorure  galvanique,  entièrement  exempte 
des  inconvénients  et  des  dangers  qui  avaient  rendu  son 
aînée  si  tristement  célèbre.  C'est  une  substitution  de  ce 
genre  que  méditent  aujourd'hui  les  peisonnes  qui  désire- 


79 

raient  voir  substituer  à  l'industrie  de  la  céruse,  la  fabrica- 
tion de  l'oxyde  de  zinc,  ce  dernier  composé  n'offrant, 
comme  on  le  sait ,  aucune  des  propriétés  toxiques  du  sel 
de  plomb  qui  constitue  la  ce'ruse. 

Ajoutons  néanmoins  qu'il  est  encore  un  assez  grand 
nombre  d'industries  insalubres  devant  lesquelles  demeu- 
rent impuissants  les  efforts  de  la  chimie.  Telles  sont  la 
fabrication  des  allumettes  pliosphorées,  celle  des  pou- 
dres fulminantes,  destinées  à  la  confection  des  amorces, 
celle  des  aiguilles  à  coudre,  des  pierres  meulières,  des 
pierres  à  fusil,  etc. 

Dans  cette  revue,  nécessairement  très  rapide,  nous 
avons  sans  doute  négligé  beaucoup  de  faits  que  l'on  aurait 
pu  invoquer  à  l'avantage  et  en  Ihonneur  de  la  chimie. 
Ceux  que  nous  avons  choisis  suffiront  cependant  pour 
faire  apprécier  limportance  et  l'étendue  des  services  que 
l'hygiène  a  reçus  de  rinlervenlion  de  cette  science. 

TOXICOLOGIE. 

La  toxicologie  est  fille  de  la  chimie.  Après  l'énoncé 
d'une  parenté  si  étroite,  il  serait  superflu  de  songer  à 
appliquer  à  cette  partie  des  sciences  médicales  Tordre  de 
démonstration  qui  sert  de  thème  à  cet  écrit.  Unique- 
ment formée  d'une  série  d'applications  des  faits  chimiques, 
il  est  de  toute  évidence  que  la  toxicologie  doit  tout  à  la 
chimie,  et  qu'elle  n'aurait  pu  sans  elle  figurer  dans  le 
cadre  de  nos  connaissances.  Comme  nous  ne  pouvons,  ce- 
pendant, nous  en  tenir  à  une  proposition  aussi  générale, 
nous  allons  lemonter pour  un  instant  vers  le  passé  scien- 
tifique, et  le  conqjarer  aux  temps  présents,  afin  de  mettre 


80 
dans  tout  leur  jour  les  progrès  immenses  que  la  chimie 
moderne  a  itnprimcs  ù  la  connaissance  médicale  des  poi- 
sons. ^ous  ferons  connaître  ensuite  les  moyens  principaux 
dont  la  toxicologie  dispose  aujourd  hni  pour  arriver, 
avec  un  succès  souvent  merveilleux,  à  la  découverte  des 
agents  toxiques. 

Nous  nVn  sommes  plus  à  l'époque  où,  pour  prévenir 
chez  les  peuples  le  crime  d'empoisonnement,  on  ne  trou- 
vait d'autre  moyen  que  d'interdire  à  la  médecine  l'em- 
ploi des  substances  vénéneuses.  On  trouve  dans  la  Républi- 
que de  Platon  une  Ici  qui  défend  aux  médecins,  sous  peine 
de  mort,  de  prescrire  des  poisons,  ou  seulement  d'en  par- 
ler, sous  quelque  prétexte  que  ce  soit.  C'est  en  vue  de  cette 
pensée  que  la  médecine  antique  imposait  la  même  défense 
à  ses  adeptes.  C'est  encore  ainsi  qu'il  faut  expli(]uer  le 
silence  d  Hippocrate  sur  cette  matière,  et  la  clause  sui- 
vante de  son  serment  :  «  Jamais  je  ne  me  laisserai  sé- 
»  duire;  je  n'accorderai  jamais  à  qui  que  ce  soit  qui  m'en 
»  ferait  la  demande,  aucuns  médicaments  mortels.  » 

Pendant  une  longue  suite  d'années,  ces  préceptes  de- 
meurèrent présents  à  l'esprit  des  médecins.  Galien  lui- 
même,  qui  écrivait  loin  d'Athènes,  et  dans  un  pays  où  les 
lois  ne  défendaient  point  de  traiter  des  poisons,  n'ose  pas 
enfreindre  le  serment  du  grand  maître,  car  c'est  à  peine 
si,  dans  ses  écrits,  il  mentionne  l'existence  ou  les  effets 
des  matières  toxiques. 

Le  silence  de  la  médecine  n'était  cependant  qu'une  bien 
faible  barrière  à  opposer  au  dépravement  moral  et  à  la 
coirupiion  des  sociétés  anciennes.  A  Rnme,  sous  les  em- 
pereurs, l'art  des  poisons  fut  entendu  et  pratique  avec 
cette  jîcrfection  funeste  dont  Ihistoire  a  eniegistré  tant 
delfrayanis  exen)j)les.Cetart  lerribie  se  réveilla  au  moyen 
âge  avec  une  fureur  nouvelle,  et  les  médecins  furent  bien 


81 

forcés  alors  de  chercher  contre  ses  atteintes  niultiphées  des 
armes  plus  efficaces.  Ambroise  Paré  nous  montre,  l'un  des 
premiers  Ja  médecine  essayant  d'opposer  certains  moyens 
de  défense  à  l'action  des  substances  vénéneuses.  Mais  bien 
que  déjà  très  éloigné  du  temps  de  Platon,  Ambroise  Paré  est 
encore  sous  l'influence  du  serment  d'Hippocrate,  et  il  ne 
prend  la  plume  qu'avec  hésitation  pour  écrire  sur  ces  matiè- 
res :  «  Si  j'écris  sur  les  poisons,  nous  dit-il,  c'est  par  le  désir 
»  que  j'ai  toujours  eu  et  aurai  toute  ma  vie,  de  servira  Dieu 
»  et  au  public;  avec  protestation  devant  Dieu  de  ne  vouloir 
»  enseigner  à  mal  faire,  comme  aucuns  malveillants  me 
>  pourraient  taxer  :  aussi  je  désirerais  que  les  inventeurs 
»  de  poisons  fussent  avortés  au  ventre  de  leur  mère  !  »  — 
«  Les  poisons,  ajoute-t-il,  ont  été  inventés  par  artifice  et 
»  sublimations  des  méchants,  traîtres,  empoisonneurs  et 
»  parfumeurs.  »  — ^  Ces  derniers  surtout  sont  signalés  par 
lui  comme  des  criminels  «  qu'on  devrait  chasser  hors  du 
»  royaume  de  France  avec  les  Turcs  et  les  infidèles!  » 

Quant  aux  moyens  que  la  médecine  du  xvi^  et  du 
xvii^  siècle,  pouvait  mettre  en  œuvre  contre  les  effets  des 
poisons,  Césalpin  va  nous  les  faire  connaître.  Dans  son  livre 
De  venenis,  le  médecin  de  Rome  nous  apprend  que  les  em- 
poisonnements étaient  si  nombreux  de  son  temps,  que  les 
grands  seigneurs  avaient  pris  l'habitude,  dans  les  cas 
suspects,  de  faire  goûter  les  mets  et  les  boissons  à  leurs 
médecins  ou  à  leurs  ministres,  ce  qui  n'était  pas  précisé- 
ment faire  ce  que  l'on  a  appelé  de  nos  jours  une  expé- 
rience in  anima  vili.  Hâtons-nous  de  dire  qu'il  y  avait 
d'autres  moyens  plus  charitables,  mais  peut-être  d'un 
effet  moins  sûr.  On  faisait  apporter  les  mets  dans  des 
vases  à'elecirumy  métal  très  poli,  analogue  à  notre  ver- 
meil,  et  qui  ne  devait  se  ternir  que  dans  le  seul  cas  où 
le  mets  aurait  contenu  quelque  poison.  On  pouvait  encore 

6 


82 
placer  une  pierre  précieuse  au  fond  de  cliaque  plat;  une 
fois  à  table,  on  relirait  la  pierre  pour  s'assurer  si  elle  con- 
servait encore  sa  transparence  naturelle. 

Des  essais  sur  les  animaux,  et  dans  les  rares  occasions  où 
ce  moyen  barbare  pouvait  trouver  son  application,  des  ex- 
périences faites  sur  des  hommes  condamnés  à  mort,  étaient 
un  autre  genre  de  ressources  auquel  on  avait  recours  pour 
étudier  l'activité  des  poisons,  ou  pour  apprécier  les  vertus 
de  certains  antidotes.  Ambroise  Paré  raconte  ainsi  un 
événement  de  cette  nature  dont  il  fut  le  témoin  et  l'acteur. 

«  Le  roy  dernièrement  décédé,  estant  en  sa  ville  de 
Clermont  en  Auvergne,  un  seigneur  lui  apporta  d'Espagne 
une  pierre  de  Beyahar,  qu'il  luy  affirmoit  estre  bonne 
contre  tous  venins,  et  l'estimoit  grandement  (1).  Or  estant 
lors  en  la  chambre  dudit  seigneur  roy,  il  m'appella,  et 
me  demanda  s'il  se  pouvoit  trouver  quelque  certaine  et 
simple  drogue,  qui  fust  bonne  contre  toute  poison; où  tout 
subit  luy  respons,  que  non  ,  disant  qu'il  y  avoit  plusieurs 
sortes  et   manières  de  venins,  dont  les  unes  pouvoieut 
estre  prises  par  dedans,  les  autres  par  dehors.  Je  luy  rè- 
monstre  que  les  venins  ne  font  leurs  effets  d'une  mesme 
sorte  et  ne  procèdent  lesdits  effets  d'une  mesme  cause  : 
car  aucuns  opèrent  par  l'une  des  qualités  élémentaires 
desquels  sont  composez;  autres  opèrent  par  leur  propre 
qualité  spécifique  occulte  et  secrette,  non  subjecte  à  au- 
cune raison,  et  selon  la  diversité  d'iceux  falloit  contrarier; 
comme  s'ils  estoient  chauds  estoient  guéris  par  remèdes 

(i)  Ces  bé/oards  n'étaient  autre  chose  que  des  concrétions  intestinales 
trouvées  chez  certains  animaux;  encore,  s'il  faut  en  croire  Mead,  étaient- 
elles  imitées  aitiHciellement  par  quelques  spéculateurs  qui  les  vendaient 
à  un  prix  très  élevé:  il  n'était  pas  rare  <le  les  voii  figurer,  à  cette  époque, 
parmi  le§  présents  qu'on  envoyait  aux  têtes  couronnées. 

(Anglada,  Traité  de  toxicologie  générale^  p.  229.) 


83 

froids  et  les  froids  par  remèdes  chauds,  et  aiiii  i  des  autres 
qualité/.. 

M  Le  dit  seigneur  qui  apporta  la  pierre,  voulut  outre 
nies  raisons  soustenir  qu'elle  estoit  propre  contre  tous 
venins.  Adouc  je  dy  au  Roy,  ([u'on  avoit  bien  moyen  d'en 
faire  certaine  expérience  sur  (juelque  coquin  qui  auroit 
gai.«né  le  pendre.  Lors  promptement  envoya  quérir  Mon- 
sieur de  la  Trousse,  prevost  de  son  hostel,  et  lui  demanda 
s'il  avoit  quelqu'un  ([ui  eust  mérité  la  corde.  Il  lui  dist 
qu'il  avait  en  ses  prisons  un  cuisinier,  le  quel  avoit  des- 
robë  deux  plats  d'ar^jent  en  la  maison  de  son  maistre, 
où  il  estoit  domestique,  et  cpie  le  lendemain  devoit  estre 
pendu  et  esiranglé.  Le  Roy  lui  dist  qu'il  vouloit  faire  ex- 
périence d'une  pierre  qu  il  disoit  estre  bonne  contre  tous 
venins,  et  qu'il  sceut  du  dit  cuisinier,  après  sa  condamna- 
tion, s'il  vouloit  prendre  quelque   certaine  poison,  et  à 
l'instant  on  lui  bailleroit  un   contre-poison,  et   que  s'il 
s'eschapperoit,  il  s'en  iroit  la  vie  sauve  :  ce  que  le  dit  cui- 
sinier très  voloniiers  accorda,  disant  qii'il  aimeroit  trop 
mieux  encore  mourir  de  la  dite  poison  en  la  prison,  que 
d'esire  estranglé  à  la   vue  du  peuple.  Et  tost  après  un 
apoticaire  servant  lui  donna  certain  poison  en  potion  et 
subit  la  dite  pierre  de  Beyahar.  Ayant  ces  bonnes  drogues 
en  l'estomac,  il  se  print  à  vomir,  et  bien  tost  alla  à  la 
selle  avecques  grandes  espreintes,  disant  qu'il  avoit  le 
feu  au  corps,  demandant  de  l'eau  à  boire,  ce  que  ne  luy 
fut  refusé. 

»  Une  heure  après,  estant  adverty  que  le  dist  cuisinier 
avoit  pris  ceste  bonne  drogue,  je  pryai  le  dit  seigneur  de 
La  Trousse  me  vouloir  permettre  l'aller  voir,  ce  qu'il  m'ac- 
corda, accompagné  de  trois  de  ses  archers,  et  trouvey  le 
pauvre  cuisinier  à  quatre  pieds,  cheminant  comme  une 
beste,  la  langue  hors  de  la  bouche,  les  yeux  et  toute  la 


84 
face  flamboyante,  désirant  toujours  vomir,  avec  grande 
sueur  froide  :  et  jettoit  le  sang  par  les  oreilles,  nez,  bouche, 
par  le  siège  et  par  la  verge.  Je  luy  feis  boire  environ 
demi-sextier  d'huile,  pensant  luy  ayder  et  sauver  la  vie; 
mais  elle  ne  lui  servit  de  rien,  parce  qu*elle  fut  baillée 
trop  tard,  et  mourut  misérablement,  criant  qu'il  luy  eust 
mieux  valu  estre  mort  à  la  potence.  Il  vescut  sept  heures 
environ.  Et  estant  décédé,  je  fis  ouverture  de  son  corps , 
en  la  présence  du  dit  seigneur  de  la  Trousse,  et  quatre  de 
ses  archers,  où  je  trouvay  le  fond  de  son  estomach  noir, 
aride  et  sec,  comme  si  un  cautère  y  eust  passé;  qui  me 
donna  connaissance  qu'il  auoit  avalé  du  sublimé,  et  par 
les  accidents  qu'il  avoit  pendant  sa  vie.  Et  ainsi  la  pierre 
d'Espagne,  comme  l'expérience  le  monstra,  n'eust  au- 
cune vertu.  A  cette  cause  le  roy  commanda  qu'on  la 
jettast  au  feu;  ce  qui  fust  fait  (1).  w 

Cependant  ces  expériences  n'avaient  pas  toujours  un 
si  triste  résultat.  Hoffman  rapporte  l'histoire  d'un  cri- 
minel qui  fut  plus  heureux.  Sa  grâce  lui  fut  accordée  à 
la  condition  qu'il  prendrait  un  demi-drachme  de  terre  de 
Silésie,  dont  on  voulait  constater  l'efficacité  antidotique  : 
le  patient  en  fut  gravement  affecté;  mais  il  paraît  qu'il 
s*en  tira  (2). 

•Schenckius  raconte  qu'un  jeune  homme,  âgé  de  vingt 
ans,  qui  se  trouvait  retenu  dans  les  prisons  de  Vienne, 
accepta  de  se  soumettre  à  l'épreuve  de  l'arsenic.  On  lui 
fit  avaler  un  demi-gros  d'arsenic  en  poudre,  mêlé  à  du 
sucre.  Le  contre-poison  à  expérimenter  était  un  bézoard. 
Une  heure  après  l'ingestion  du  poison,  on  lui  administra 
dix  grains  de  cette  substance  dans  de  l'eau  de  bourrache. 


(i)  II*  édil.  des  Œuvres  d'Ambroise  Paré,  Livre  des  venins,  chap.  44- 
(2)  Ânglada,  Traité  de  toxicoloQÎe  générale,  p.  228. 


85 
La  potion  ne  parut  pas  d'abord  soulager  beaucoup  les  souf- 
frances du  malade;  mais  sept  heures  après,  on  lui  admi- 
nistra un  bouillon  gras  et  du  vin;  une  amélioration  se  mani- 
festa; le  soir  il  put  souper,  et  le  lendemain  il  était  fjuéri  (1). 

Matthioli,  de  Sienne,  rapporte  le  fait  suivant  :  «  Un  in- 
M  dividu  condamné  à  la  pendaison,  à  Prague,  accepta  la 
M  proposition  qui  lui  fut  faite,  par  ordre  de  TArchiduc,  de 
»  se  soumettre  à  Texpérience  de  l'arsenic.  On  lui  fit  donc 
»  avaler  deux  gros  de  ce  poison  dans  une  potion.  Quatre 
»  heures  après  il  était  tout  livide,  abattu  et  moribond  ;  les 
M  médecins  croyaient  qu'il  allait  mourir.  On  lui  fit  prendre 
»  une  dose  de  poudre  dans  du  vin  blanc;  à  l'instant  les 
»  symptômes  se  sont  apaisés,  l'amélioration  a  été  progres- 
j  sive.  Le  lendemain  il  était  guéri,  et  fut  mis  en  liberté(2).  » 

Lorsque  la  chimie  eut  commencé  d'essayer  ses  premiers 
pas  ,  on  songea  à  s'occuper  plus  sérieusement  de  l'é- 
tude, et  plus  tard  de  la  recherche  des  poisons.  Mais  la 
science  de  cette  époque  ,  embarrassée  des  langes  de  son 
enfance  séculaire,  et  toujours  obscurcie  et  détournée  de 
sa  voie  par  ses  préoccupations  alchimiques,  ne  pouvait 
guère  offrir  encore  autre  chose  que  des  intentions.  Le 
premier  document  authentique  constatant  l'existence  de 
la  chimie  légale,  se  rapporte  au  procès  de  Sainte-Croix 
et  de  la  marquise  de  Brinvilliers.  Lorsqu'une  série  de 
crimes  effrayants  eut  éveillé  les  soupçons  tardifs  des  ma- 
gistrats, la  chirurgie  et  la  chimie  de  l'époque  furent  convo- 
quées pour  fournir  des  éclaircissements  à  la  justice.  Mais 
la  chirurgie,  représentée  par  MM**Dupréet  Durant,  ne  put 
constater  chez  les  victimes  que  l'état  de  désorganisation 
des  viscères,  ce  qui  lui  parut  «  un  signe  non  équivoque 
de  poison,  si  la  cacochymie  ne  produisait  les  mêmes  effets,  » 

(i)  06s.  med.^  lib.  devenenis.  Fribourg,  1697. 
(a)  Opéra  omnia,  lib.  YI,  p.  1000. 


86 
Quant  à  la  chimie,  elle  parut  sons  les  traits  de  Guy- 
Simon,  apothicaire  marchand,  et  elle  fut  moins  heu- 
reuse encore.  Voici  le  rapport  dressé  par  Guy-Simon 
à  propos  de  l'analyse  des  poudres  vénéneuses  saisies  dans 
la  cassette  de  Sainte-Croix;  on  connaît  le  style  des  méde- 
cins de  Fépoque,  celui  des  chimistes  n'était  pas  fait  pour 
le  déparer  : 

«  Ce  poison  artificieux  ,  dit  l'expert  chimiste  du 
»  xvii*  siècle,  se  dérohe  aux  recherches  que  Ton  en  veut 
M  faire;  il  est  si  déguisé  qu'on  ne  peut  le  reconnaître,  si 
»  subtil  qu'il  trompe  Toeil  ,  si  pénétrant  qu'il  échappe 
»  à  la  capacité  des  médecins.  Sur  ce  poison,  les  expé- 
»  riences  sont  fausses,  les  règles  fautives,  les  aphorismes 
w  ridicules. 

»  Les  expériences  les  plus  sûres  et  les  plus  communes 
»  se  font  par  les  éléments  ou  sur  les  animaux. 

lî  Dans  l'eau,  la  pesanteur  du  poison  ordinaire  le  jette 
«  au  fond;  elle  est  supérieure,  il  obéit,  se  précipite  et 
»  prend  le  dessous. 

>j  L'épreuve  du  feu  n'est  pas  moins  sûre.  Le  feu  évapore, 
»  dissipe,  consume  ce  qu'il  y  a  d'innocent  et  de  pur;  il  ne 
»  laisse  qu'une  matière  acre  et  piquante,  qui  seule  résiste 
w  à  son  impression. 

»  Les  effets  que  le  poison  produit  sur  les  animaux  sont 
»  encore  plus  sensibles  :  il  porte  sa  malignité  dans  toutes 
w  les  parties  où  il  se  distribue,  et  \\  vicie  tout  ce  qu'il  tou- 
»  che;  il  brûle  et  rôtit  d'un  feu  étrange  et  violent  toutes 
»  les  entrailles. 

M  Or,  le  poison  de  Sainte-Croix  a  passé  par  toutes  ces 
»  épreuves  et  se  joue  de  toutes  les  expériences.  Ce  poison 
M  nage  sur  l'eau  ;  il  est  supérieur,  et  c'est  lui  qui  fait  obéir 
»  cet  élément:  il  se  sauve  de  l'expérience  du  feu,  où  il  ne 
»  laisse  qu'une  matière  douce  et  innocente. 


87 

»  Dans  les  animaux,  il  se  cache  avec  tant  d'art  et  d'à- 
»  dresse,  qu'on  ne  peut  le  reconnaître.  Toutes  les  parties 
»  de  Tanimal  sont  saines  et  vivantes  :  dans  le  même  temps 
»  qu'il  y  fait  couler  une  source  de  mort,  ce  poison  arti- 
»  ficieux  y  laisse  Timage  et  les  marques  de  la  vie. 

»  On  a  lait  toutes  sortes  d'épreuves  :  la  première  en 
»  versant  quelques  gouttes  d'une  liqueur  trouvée  dans 
»  l'une  des  fioles,  dans  l'huile  de  tartre  et  dans  l'eau  ma- 
M  rine,  et  il  ne  s'est  rien  précipité  au  fond  des  vaisseaux 
»  dans  lesquels  la  liqueur  a  été  versée;  la  seconde,  en 
»  mettant  la  même  liqueur  dans  un  vaisseau  sablé,  et  il 
»  n'a  été  trouvé  au  fond  du  vaisseau  aucune  matière  acide, 
w  ni  acre  à  la  langue,  et  presque  [)oint  de  sel  fixe;  la  tioi- 
»  sième,  sur  un  poulet  d'Inde,  un  pigeon,  un  chien  et 
»  autres  animaux,  les(piels  animaux  étant  morts  quelque 
M  temps  après,  et  le  lendemain  ayant  été  ouverts,  on  n'a 
't  rien  trouvé  qu'im  peu  de  sang  caillé  au  ventricule  du 
»  cœur. 

M  Autre  épreuve  d'une  poudre  blanche  donnée  à  un 
M  chat,  dans  une  fressure  de  mouton,  ayant  été  faite,  le 
w  chat  vomit  pendant  une  demi -heure,  et  ayant  été  trouvé 
»  mort  le  lendemain,  fut  ouvert  sans  que  Ton  ait  rencontré 
»  aucune  partie  altérée  par  le  poison. 

»  Une  seconde  épreuve  de  la  même  poudre  ayant  été 
»  faite  sur  un  pigeon,  il  en  mourut  quelque  temps  après, 
»  et  fut  ouvert;  il  ne  fut  rien  trouvé  de  particulier,  sinon 
M  qu'un  peu  d'eau  rousse  dans  l'estomac.  » 

Le  poison  de  Sainte-Croix  n'était  que  du  sublimé;  mais 
ce  poison  artificieux  se  dérobuit  à  toutes  les  recherches 
de  maître  Guy-Simon,  apothicaire  marchand. 

Si  l'onjette  un  coup  d'oeil  sur  les  pièces  et  les  documents 
légaux  qui  se  rapportent  aux  procès  d'empoisonucment 


88 
pendaiït  toiiic  la  duiée  du  xvm**  siècle,  on  reconnaît  que 
les  moyens  mis  en  usage  pour  la  recherche  des  poisons 
par  la  chimie  bâtarde  de  cette  époque,  n  étaient  guère 
au-dessus  de  ceux  dont  on  vient  de  lire  le  singulier  échan- 
tillon. 

Ce  n'est  qu'à  la  fin  du  derniei*  siècle  que  la  toxicologie 
naquit,  comme  application  et  conséquence  directe  de  la 
création  de  la  chimie.  Mais  ou  se  tromperait  en  pen- 
sant que  ses  progrès  répondirent  à  la  marche  et  au  rapide 
développement  de  cette  dernière  science.  Ce  n'est  qu  à 
une  époque  qui  n'est  pas  très  éloignée  de  la  nôtre, 
que  la  toxicologie  a  commencé  d'entrer  dans  une  voie 
positive,  et  a  pu  rendre  à  la  médecine  et  à  la  société  des 
services  actifs.  «  Les  progrès  de  la  toxicologie  chimique, 
»  dit  M.Caventoudansun  éloquentrapportàTAcadémie  de 
»  médecine,  ont  été  très  rapides  dans  ces  dernières  an- 
»  nées,  et  Ton  a  d'autant  plus  de  raisons  de  s'en  applau- 
»  dir,  que  cette  science  date  presque  de  nos  jours.  Qu'était- 
»  elle,  en  effet,  il  y  a  quarante  ans?  Fort  peu  de  chose; 
»  elle  occupait  une  place  bien  humble  et  bien  étroite  dans 
»  les  ouvrages  de  médecine  légale,  une  centaine  de  pages 
»  au  plus  suffisaient  à  la  manifestation  de  son  existence. 
»  Elle  n'offrait  qu'un  ensemble  fort  incomplet  de  carac- 
n  tères  et  de  procédés  insuffisants,  souvent  erronés,  d'où 
M  la  vérité  ne  devait  sortir  que  par  miracle,  ou  alors  que, 
«  aussi  évidente  que  le  jour,  elle  ne  pouvait  être  méconnue 
»  par  les  moins  experts.  Quand  on  parcourt  les  observa- 
»  tions  d'empoisonnements  recueillies  et  publiées  à  cette 
M  époque,  et  (|u'on  apprécie  les  faits  chimiques  sur  lesquels 
«  on  se  fondait  dans  beaucoup  de  cas  pour  tirer  une  con- 
v>  clusion  positive  ou  négative,  les  médecins,  les  magis- 
»  trats  et  les  chimistes  de  nos  jours  auraient  peine  à  le 


89 
»  comprendre,  et  trembleraient,  à  bon  droit,  pour  la  vérité, 
»  s'ils  ne  pouvaient  invoquer  d'autres  garanties  »  (1). 

C'est  grâce  aux  travaux  de  Fodéré ,  d'Orfila,  de  Christi- 
son,  de  Marc,  Devergie,  Flandin,  etc.,  que  la  toxicologie 
s'est  élevée  de  nos  jours  au  rang  de  science  exacte.  Indi- 
quons les  progrès  successifs  qu  elle  a  dûs  aux  travaux  de 
ces  savants ,  et  les  principaux  services  qu'elle  a  rendus 
par  là  aux  sciences  médicales. 

Les  premiers  toxicologistes  qui  s'occupèrent  des  moyens 
de  découvrir, au  milieu  des  organes  de  l'homme  ou  des  ani- 
maux, les  traces  des  poisons,  rencontrèrent  une  grande  dif- 
ficulté dans  la  présence  des  matières  animales  qui  venaient 
singulièrement  compliquer  leurs  recherches.  Les  réactions 
ordinaires  des  agents  chimiques  étaient  masquées,  alté- 
rées ou  difficiles  à  saisir,  en  raison  du  milieu  dans  lequel 
on  opérait.  On  pensa  d'abord  qu'il  suffirait,  pour  se 
mettre  à  l'abri  de  cette  difficulté,  d'étudier  les  diverses 
modifications  que  les  liquides  alimentaires  colorés,  tels 
que  le  vin,  la  bière,  le  café,  etc.,  ou  les  principaux  liquides 
de  l'économie,  produisent  sur  la  couleur  et  les  autres 
caractères  des  précipités  chimiques.  Fodéré,  qui  s'occupa 
spécialement  d'expériences  de  ce  genre,  pensait  que  cette 
connaissance  pourrait  suffire  dans  la  plupart  des  expertises 
toxicologiques.  Mais  des  faits  trop  nombreux  vinrent 
prouver  dans  quelle  erreur  ce  médecin  légiste  était  tombé. 
Il  arrivait  souvent  que  la  présence  des  liquides  organiques 
empêchait  totalement  la  formation  des  précipités  qui  ser- 
vent à  caractériser  les  métaux  toxiques;  d'autres  fois  ces 
précipités  n'apparaissaient  qu'au  bout  de  plusieiu'S  jours. 
Les  deux  faits  suivants,  cités  par  Orfila,  donnent  un  exemple 

(i)  Rapport,  sur  les  moyens  de  constater  la  présence  de  l'arsenic  dans  les 
empoisonnements  par  ce  toxique.  —  {Bulletin  de  l'académie  de  médecine  y 
t.  VI,  p.  809,  1841.) 


90 

assez  curieux  des  singulières  incertitudes  où  l'imperfection 
des  procédés  anaiyiicpies  livrait,  à  celte  épo([ue,  les 
experts  chimistes. 

«<  Un  homme,  dit  Orfila,  avait  empoisonné  plusieurs 
»  personnes  avec  du  pain  contenant  de  1  acide  arsénieux. 
M  Des  experts  d'Angers  avaient  fait  bouillir  ce  pain  dans 
M  Teau  ,  et  avaient  traité  la  décoction  par  Tacide  sulfhy- 
»  drique  gazeux.  Voyant  qu'ils  n'obtenaient  point  de 
a  sulfure  jaune  précipité,  ils  avaient  conclu  (|ue  le  pain 
M  ne  renfermait  point  d'arsenic.  Une  seconde  expertise, 
»)  faite  par  deux  ciiimistes  de  Paris,  s'était  terminée  de 
M  même.  Je  fus  alors  char(;é  de  procéder,  avec  Barruel ,  à 
M  la  recherche  de  l'acide  arsénieux.  Nous  attendîmes  plu^ 
M  sieurs  jours  pour  laisser  au  précipité  jaune  de  sulfure 
M  d'arsenic  le  temps  de  se  déposer  du  décoctum  aqueux, 
»  ce  que  n'avaient  pas  fait  les  autres  experts,  et  nous 
«  retirâmes  de  l'arsenic  métallique  de  ce  sulfure.  Le  corps 
»  du  délit  arriva  à  Angers  au  moment  où  les  débats 
»  allaient  être  clos;  l'accusé,  déclaré  coupable,  fut  con- 
»  damné  à  mort. 

M  Le  liquide  obtenu  eu  faisant  bouillir  l'estomac  de 
«  Soufflard^  pendant  une  heure,  avec  deux  litres  d'eau 

V  distillée,  fut  acidulé  par  l'acide  chlorhydrique,  et  sou- 
w  mis  à  un  courant  de  gaz  acide  suif  hydri(|ue;  au  bout 

V  de  trois  mois  seulement,  il  s'était  déposé  du  sulfure 
M  jaune  d'arsenic,  de  manière  à  pouvoir  être  séparé  par  le 
»  filtre  (1).  » 

M.  Devergie  rapporte  en  ces  termes  un  fait  du  même 
genre  :  «  Un  élève  en  médecine  me  pria  de  rechercher 
»  s'il  n'existerait  pas  de  l'acide  arsénieux  dans  le  bouillon 
»  qu'il  me  présentait  :  un  jeune  homme  en  avait  été  for- 

(i)  Orfila,  Toxicologie,  t.  I,  p.  SqS,  édi    on  de  i843. 


91 

»  tetDent  incommodé.  Je  traitai  immédiatement  la  liqueur 
»  par  les  réactifs  ordinaires,  et  je  n'obtins  aucun  préci[)ité. 
»  J'avais  mis  de  côté  le  verie  à  expérience  dans  lequel 
w  le  mélange  de  bouillon  et  d'acide  sulfliydricjue  se  trou- 
»  vait.  J'examinai,  par  hasard,  au  bout  de  liuit  jours,  ce 
»  mélange  qui,  après  vingt  quatre  heures  de  contact,  n'a- 
»  vait  offert  aucun  changement,  et  il  renfermait  alors  un 
»  ])récipité  très  marqué  de  sulfure  d'arsenic,  dontje  retirai 
»  le  métal  (1).  » 

C'est  d'après  ces  faits  que  les  toxicologistes  comprirent 
(|u  il  fallait  se  débarrasser  à  tout  prix  de  la  matièie  orga- 
ni([ue,  dans  la  reclierche  analytique  des  poisons.  Divers 
agents  décolorants,  tels  que  le  cblore,  le  charbon,  l'acide 
sulfureux,  furent  employés  tour  à  tour  avec  plus  ou  moins 
de  succès.  Mais  le  chimiste  Happ  donna  la  solution  la  plus 
complèteduproblèiue, en  conseillant  de  détruire  par  Tact  ion 
du  niire,  dans  un  creuset  chauffé  au  rouge,  la  totalité  de  la 
matière  animale.  A  ce  moyen  qui  occasionnait  quelque 
perte  de  l'agent  toxique,  on  substitua,  d'après  le  conseil 
de  M.  Thénard,  la  décomposition  par  l'acide  azotique,  pro- 
cédé qui  fut  ensuite  modifié  par  Orfila  et  par  M.  Millon. 
Enfin,  la  découverte  faite  par  M.  Flandin  du  procédé 
de  carbonisation  par  l'acide  sulfurique,  vint  fournir  le 
moyen  si  avantageux  et  si  simple  auquel  on  a  recours 
aujourd'hui  pour  la  destruction  totale  de  la  matière  orga- 
nique. Ajouionsque  le  chlore estquelquefoissubstituéavec 
avantage  à  l'acide  sulfurique  pour  obtenir  le  même  effet. 

Cependant  certains  poisons  de  nature  végétale,  tels  que 
l'opium,  l'infusion  de  noix  vomique,  etc.,  étaient  très  dif- 
ficiles à  reconnaître  dans  les  liquides  animaux^  car  les 
réactions  chimiques  précises  et  bien  tranchées  manquaient 

(i)  Devergie,  Médecine  légale ^  t.  III,  p.  6l5. 


92 

entièrement  pour  mettre  sur  la  trace  de  ces  substances. 
L'admirable  découverte  des  alcalis  végétaux,  due  aux  tra- 
vaux  de  Sertuerner,   Deiosne  ,    Pelletier   et   Caventou , 
Robiquet,  etc.,  vint  beureusement  fournir  les  moyens  de 
caractériser,  avec  une  certaine  précision,  les  principes 
immédiats  qui  constituent  les  agents  actifs  de  ces  pro- 
duits. Si  les  procédés  toxicologiques>  fondés   sur  la  re- 
cberche  des  alcaloïdes  végétaux,  sont  loin  d'être  aussi 
exacts  et  aussi  nets  que  ceux  qui  servent  à  retrouver  les 
poisons  métalliques,  tels  que  l'arsenic,  le  cuivre,  le  mer- 
cure, l'antimoine  ou  le  plomb,  il  n'en  est  pas  moins  vrai 
que  Ton  peut  aujourd'bui,   en  isolant  la  morphine,  la 
strychnine    ou    la    brucine ,  démontrer    avec    évidence 
l'existence    d'un    empoisoîinement   par   l'opium    ou   les 
strycbnos.    Dans    ces    derniers    temps,    à    propos   d'un 
procès   célèbre  ,  M.  Stas,  de  Bruxelles,   perfectionnant, 
avec    une   singulière   habileté,  les   procédés   chimiques 
applicables  aux  cas  de  ce  genre,  a  donné  aux  chimistes 
les  moyens  de  reconnaître,  avec  la  même  certitude,  les 
alcalis  organiques,   tels  que  la   nicotine  ou  la  cicutine, 
qui,  en  raison  de  leur  volatilité  ou  de  leur  facile  décom- 
position ,  auraient  échappé  aux  moyens  anciennement 
connus. 

Les  toxicologistes  s'étaient  longtemps  contentés  de 
chercher  dans  les  premières  voies  les  traces  des  poi- 
sons, se  bornant  à  soumettre  à  l'analyse  les  liquides  re- 
tirés de  l'estomac  ou  des  intestins.  Les  travaux  d'Orfila 
ont  beaucoup  étendu,  sous  ce  rapport,  les  bornes  de  la 
science,  en  donnant  les  moyens  de  poursuivre  les  ma- 
tières toxiques  jusque  dans  lintimité  des  tissus,  où  elles 
ont  pénétré  par  absorption.  Si  l'on  réfléchit  que,  dans 
la  plupart  des  empoisonnements,  des  vomissements  abon- 
dants  ou  les    déjections   déterminées  par  la  substance 


93 

toxique,  doivent  entraîner  hors  du  corps  la  presque  to- 
talité du  poison  dissous  ou  solide  qui  a  pu  demeurer  dans 
le  canal  digestif,  on  comprendra  tous  les  avantages  d'une 
méthode  qui  permet  de  retrouver,  dans  la  trame  des  tissus 
organiques,  la  portion  du  poison  qui  a  tué.  Ajoutons  que 
la  découverte  intéressante  de  la  localisation  des  poisons 
dans  certains  organes,  et  en  particulier  dans  le  foie,  est 
venue  simplifier  beaucoup  la  mise  en  pratique  de  cet 
efficace  et  puissant  moyen  de  recherches. 

Une  autre  question  qui  avait  sa  gravité  a  été,  dans  ces 
derniers  temps,  résolue  par  la  chimie  d'une  manière 
satisfaisante;  nous  voulons  parler  des  moyens  de  distin- 
guer les  métaux  normalement  contenus  dans  certains 
organes,  des  composés  métalliques  introduits  dans  Téco- 
nomie  par  voie  d'empoisonnement.  Les  quantités  relatives 
de  ces  métaux,  l'absence  ou  la  présence  de  lésions  orga- 
niques, les  symptômes  qui  avaient  accompagné  la  maladie, 
telles  sont  les  circonstances  que  l'on  a  d'abord  invoquées 
pour  la  solution  de  ce  problème  ;  Orfila  a  fait  connaître 
ensuite  certaines  méthodes  qui  peuvent  suffire,  selon  lui, 
pour  distinguer  les  métaux  normaux  des  métaux  venus 
du  dehors. 

Dans  ses  études  toxicologiques  ,  la  chimie  a  encore 
rendu  de  précieux  services  à  la  médecine  et  à  l'humanité, 
en  se  livrant  avec  persévérance  à  la  recherche  des  anti- 
dotes, c'est-à-dire  des  agents  susceptibles  de  neutraliser, 
dans  l'économie  vivante ,  les  effets  des  poisons.  On  a 
eu  le  bonheur ,  dans  un  certain  nombre  de  cas ,  de 
constater  des  propriétés  de  ce  genre  chez  certaines  sub- 
stances, telles  que  l'hydrate  de  peroxyde  de  fer  ou  la 
magnésie  pour  l'acide  arsénieux,  l'albumine  ou  le  lait 
pour  le  mercure  ou  le  cuivre,  le  sel  marin  pour  les  com- 
posés d'argent,  etc.  Si  la  chimie  n'a  pu  réussir  à  trouver 


94 

un  antidote  universel,  prol)lème  au-dessus  de  ses  forces 
parce  qu'il  est  contraire  à  la  nature  même  des  choses,  elle 
a  du  moins  signalé  certains  agents  qui  s'attaquent  à  de 
Jurandes  catégories  de  jioisons;  tels  sont  le  tannin  contre 
les  empoisonnements  par  les  alcalis  organiques,  l'albu- 
mine et  le  sulfure  de  fer  hydraté  pour  (  onibattre  l  intoxi- 
cation parla  plupart  des  composés  métalliques. 

Après  avoir  montré  toute  l'étendue  des  services  rendus 
par  la  chimie  aux  sciences  médicales,  en  ce  cpii  touche  la  re- 
cherche analytique  des  poisons  et  les  moyens  de  combattre 
leurs  effets,  il  nous  sera  permis  de  convenir  que,  dans  un 
certain  nombre  de  cas,  cette  science  demeure  impuissante 
à  nous  éclairer.  Dans  l'empoisonnement  par  les  solanées 
vireuses,  par  les  plantes  appartenant  aux  renonculacées, 
aux  colchicacées,  par  les  champignons,  etc.,  les  symptô- 
mes de  la  maladie  peuvent  seuls  servir  de  guide  au  mé- 
decin,  le  principe  actif  de  ces  poisons  n'étant  qu'impar- 
faitement connu,  et  les  méthodes  qui  pourraient  servir  à  1 
les  isoler,  étant   par  cela  même  illusoires.  \ 

Nous  n'avons  considéré  jusqu  ici  que  les  applications 
de  la  chimie  à  la  toxicologie.  Nous  ne  pouvons  cependant, 
en  terminant  ce  sujet,  manquer  de  signaler,  au  moins  en 
quelques  mots,  les  services  (|ue  cette  science  a  rendus  à 
la  médecine  légale. 

Toutes  les  fois  qu'il  s'agit  de  constater  l'existence  de 
lésions  organiques  produites  pendant  la  vie  ;  quand  il 
s'agit  de  procéder  à  une  autopsie,  afin  de  reconnaître, 
par  l'examen  des  altérations  organiques,  les  signes  d'un 
empoisonnement  ;  lorscju'il  s'agit  enfin  de  déterminer  la 
nature  d'accidents  morbides  déterminés  chez  un  individu 
par  l'ingestion  d'une  substance  que  l'on  soupçonne  véné- 
neuse, c'est  au  médecin  légiste  que  l'on  s'adresse,  et  ses 


( 


f 


95 

connaissances  suffisent  pour  prononcer  sur  ces  questions. 
Mais  il  est  beaucoup  d'autres  circonstances  qui  rentrent 
dans   la   médecine   légale  ,  et    dont    l'élucidation    serait 
impossible  sans  le  secours  d'expériences  chimiques.  S'il  s'a- 
fjit,  par  exemple,  de  prononcer  sur  des  questions  d'iden- 
tité, on  peut  faire  appel  aux  lumières  du  chimiste,  en  invo- 
quant par  exemple,  le  caractère  de  la  coloration   ou  de  la 
décoloration  descheveux  del'individu.  C'est  encoreauchi- 
miste  qu'il  faut  s'adresser  lorsqu'on  veut  constater  la  pré- 
sence de  taches  de  sang  sur  des  vêtements,  des  armes, 
des  instruments  de  ferou  d'acier;  ce  genre  de  taches  pou- 
vant aisément  être   confondu  avec  celles   que    produit 
l'oxydation   du  fer,  ou  l'action  de    certains  sucs    végé- 
taux acides  mis  en  contact  avec  ce  métal.  Le  chimiste 
peut  encore  avoir  à  rechercher,  dans  les  cendres   d'un 
foyer,  la   présence  du   phosphate  de  chaux  et  du  cya- 
nure de  potassium,  sels  dont  la  présence  dans  ce  foyer 
peut  révéler  la  combustion  d'une  matière  animale,  telle 
que  des    os,  ou    dps    substances    analogues.    Lorsqu'il 
s'agit  enfin  de  constater  les  falsifications  de  médicaments, 
c'est  encore  aux  lumières  du  chimiste  que  l'on  est  con- 
traint de  recourir.  En  un  mot,  l'importance  de  la  chimie 
est  telle  dans  certaines  questions  de  médecine  légale,  et 
dans  quelques  autres  qui  intéressent  le  droit  administratif 
ou  l  industrie,  qu'ime  application  nouvelle  de  la  chimie, 
ayant  ses  moyens,  ses  règles  spéciales  et  ses  procédés, 
tend  à  se  créer  aujourd'hui  sous  le  nom  de  cJiimie  légale. 

Pour  résumer  les  faits  contenus  dans  cette  partie  de 
notre  travail,  il  nous  suffira  de  dire  que  la  toxicologie  n'au- 
rait pu  exister  sans  la  chimie,  et  que  cette  dernière  science 
est  indispensable  pour  l'élucidation  d  un  certain  nombre 
de  problèmes  qui  se  rapportent  à  la  médecine  légale. 


96 


Coiicliieioii. 


Nons  venons  de  présenter  le  tableau  abrégé  des  prin- 
cipaux services  que  la  cbimie  a  rendus  aux  sciences  médi- 
cales. On  a  vu  que  ses  investigations  ont  porté  successi- 
vement sur  presque  tous  les  sujets  qui  forment  le  domaine 
de  la  médecine,  et  qu'elle  a  puissamment  éclairé  de  ses 
lumières  : 

La  physiologie,  en  offrant  à  cette  science  un  instrument 
direct  d'expérimentation  et  de  recherches  qui,  appliqué  à 
Fétude  de  la  plupart  de  nos  fonctions,  en  a  dévoilé,  dans 
un  grand  nombre  de  cas,  le  secret  mécanisme; 

h'd  pathologie,  en  lui  donnant  le  moyen  d'asseoir  le  dia- 
gnostic sur  des  faits  matériels  et  visibles,  en  signalant  dans 
bien  des  cas  l'origine  et  la  cause  des  maladies,  en  intro- 
duisant la  précision  et  la  mesure  dans  la  manière  d'ob- 
server les  faits,  et  modifiant  ainsi,  avec  avantage,  la  mé- 
thode et  la  philosophie  médicales; 

La  thérapeuti(juey  en  dotant  la  matière  médicale  de  ses 
agents  les  plus  énergiques ,  en  soumettant  à  des  règles 
positives  l'art  d'administrer  les  médicaments,  en  substi- 
tuant des  principes  rationnels  à  l'empirisme  qui  seul 
avait  jusque-là  servi  de  guide  à  l'art  de  formuler,  en 
suivant  les  médicaments  dans  l'intimité  des  organes,  en 
enseignant  à  tirer  parti  des  modifications  qu'impriment  à 
ces  médicaments  les  divers  liquides  qu'ils  rencontrent  dans 
l'économie; 

V hygiène,  en  fondant  sur  des  faits  précis  et  des  obser- 
vations rigoureuses  les  préceptes  de  cette  science,  et  don- 
nant ainsi  une  base  certaine  aux  principes  qui  règlent  la 
conservation  et  le  maintien  de  la  santé  publique; 

La  toxicologie,  en  créant  de  toute  pièce  cette  partie  des 


97 
sciences  médicales  qui  offre  une  garantie  si  puissante  à  la 
morale  publique  et  à  la  société. 

Du  seul  examen  des  faits  auquel  nous  venons  de  nous 
livrer,  il  ressort  donc  cette  conclusion  que  la  chimie  est 
la  science  qui  a  le  plus  activement  contribué^  dans  notre  siècle^ 
au  perfectionnement  et  aux  progrès  de  ï art  de  guérir.  Uni- 
quement établie  sur  des  faits  matériels,  faciles  à  vérifier, 
cette  conclusion  nous  semble  à  l'abri  de  tous  les  doutes. 

Ces  visibles  bienfaits,  dont  la  chimie  a  doté  Tart  de  gué- 
rir, ont-ils  cependant  entraîné  à  leur  suite  quelque  résultat 
fâcheux  ;  un  peu  d'ombre  vient-elle  se  mêler  à  cette  lu- 
mière brillante?  C'est  là  une  question  qu'il  ne  sera  pas 
hors  de  propos  d'aborder  ici.  On  a  vu,   en  effet,  dans 
les  premières  pages  de  cette  dissertation,  que  la  chimie  a 
été  longtemps  en  butte  à  de  violentes  attaques,  et  que  son 
entrée  sur  la  scène  médicale  parut,  à  une  certaine  é]3oque, 
menacer  d'un  danger  sérieux  la  science  hippocratique. 
Dans  les  premières  années  de  notre  siècle,  au  milieu  de 
l'enthousiasme  qu'excitait  la  récente  création  de  la  chimie, 
un  médecin  (c'était,  si  nous  ne  nous  trompons,  un  pro- 
fesseur de  Montpellier)    eut  la  pensée  de  rapporter  la 
cause  de  toutes  les  maladies  à  un  excès  ou  à  un  défaut 
d'oxygénation  des  humeurs,  et  il  établit  une  distribution 
inosologique  où  figuraient  les  oxygenèses,  les  calorinèses^  les 
{hydrogenèses,  azotezènes  et  phosphorénèses.  Cette  tentative  ri- 
fdicule,  et  dont  l'auteurfit  lui-même  prompte  justice,  suffit  à 
réveiller  les  longues  discussions  qui  avaient  agité  le  siècle 
précédent,  et  h  ressusciter  les  attaques  oubliées  contre  le 
vieil  humorisme  de  la  secte  iatro-chimique.  Il  n'y  eut  qu'une 
/oix  pour  accuser  la  nouvelle  chimie  de  vouloir  ramener 
amédecine  aux  hérésies  de  Paracelse,  de  Sylvius  et  de  Van- 
rlelmont.   A  voir  les  préventions  extraordinaires  et  les 

7 


98 

défiances  que  soulevait  alors  toute  application  de  la  chi- 
mie aux  recherches  biolof^iques,  ou  aurait  cru  que  cette 
science  allait  faire  aux  doctrines  médicales  un  mal  im- 
mense et  un  tort  irréparable.  Il  suffit  cependant  de  jeter 
un  rejjard  sur  les  faits  qui  se  sont  accomplis  depuis  cette 
époque,  pour  reconnaître  combien  toutes  ces  appréhen- 
sions et  ces  ahirmes  étaient  mal  fondées  et  injustes.  Si  l'on 
examine  les  travaux  et  les  écrits  des  savants  qui  ont  atta- 
ché leur  nom  aux  découvertes  de  la  chiniieaniuiale,  on  n'y 
trouve  rien  qui  puisse  justifier  les  préventions  que  Ton 
avait  conçues,  au  début  de  notre  siècle,  contre  l'applica- 
tion de  la  chimie  à  l'étude  des  faits  physiologiques  ou  mé- 
dicaux. 

Dans  toute  la  série  de  ses  travaux  relatifs  à  la  chi- 
mie physiologique,  Berzelius  s'est  borné  à  ramasser, 
avec  une  infaii{]able  patience,  les  matériaux  d'un  édifice 
impérissable,  et  cela  sans  oublier  un  moment  de  spé- 
cifier et  de  réserver  les  droits  reconnus  des  théories 
physiologiques  ou  médicales.  Le  créateur  de  la  chimie 
physiologique  est  précisément  cplui  qui  s'est  montré 
le  plus  em|)ressé,  en  toute  occasion,  à  maintenir  en  ses 
justes  limites  le  rôle  de  la  chimie  dans  l'explication  des 
phénomènes  vitaux,  et  à  ramener  à  des  vues  plus  sages 
ceux  qui  se  laissaient  aller  à  quelques  exagérations  de 
théorie,  ou  à  une  extension  prématurée  des  hypothèses 
chimiques.  Ori  a  vu  se  succéder  dans  la  Faculté  de  méde- 
cine de  Paris,  trois  hommes  éminents  qui,  chacun  à  leur 
époque,  semblaient  personnifier  les  tendances  de  la  chimie 
appliquée  à  la  médecine  :  cherchez  (juelle  offense  ces 
savants  ont  apportée  par  leurs  leçons,  par  leurs  travaux, 
ou  parleurs  écrits,  à  l'intégrité  des  doctrines  médicales. 
Qu'a  fait  Fourcroy,  sinon  répandre,  par  l'éloquence  et  le  feu 
de  sa  parole,  le  goût  des  vérités  de  la  chimie  nouvelle  dans 


99 

l'esprit  et  dans  les  cœurs  d'une  génération  qui  Técoutait 
d'une  oreille  ravie?  Orfila,  dont  la  Faculté  déplore  la  perle 
récente,  a-t-il  jamais  causé,  par  ses  travaux  ou  sa  con- 
duite Bcienlifiqne,  le  plus  faible  ombrage  aux  susceptibi- 
lités les  plus  délicates  d'aucune  théorie  médicale?  M.  Du- 
mas a-t-il  compromis  les  dogmes  et  les  progrès  de  la 
médecine,  par  ces  discours  admirables  où  il  jetait  dans 
la  science  ces  germes  neufs,  féconds  et  durables,  dont 
nous  voyons  chaque  jour  la  force  et  la  vérité  se  dévelop- 
per davantage?  Ainsi,  rien,  de  la  part  de  ces  hommes 
illustres,  n'est  venu  justifier  les  craintes  que  Ton  au- 
rait pu  concevoir  de  leur  éducation  et  de  leurs  préoccu- 
pations chimiques.  x\insi,  tous  ces  bienfaits  dont  la  chimie 
a  doté  la  médecine,  toutes  ces  conquêtes  dont  elle  a  suc- 
cessivement enrichi  son  domaine,  se  sont  réalisés  sans 
apporter  la  plus  légère  atteinte  à  ses  doctrines,  sans 
qu'aucune  conséquence  regrettable  ait  diminué  le  prix  des 
avantages  obtenus. 

Nous  avons  été  amené  à  conclure  que  la  chimie  a  rendu, 
de  nos  jours ,  aux  sciences  médicales  ,  des  services  im- 
menses. Cependant,  comme,  en  toute  chose,  l'exagération 
de  la  vérité  est  l'adversaire  le  plus  dangereux  de  cette  vé- 
rité même,  nous  nous  garderons  de  la  tendance  à  pousser 
trop  loin  cette  pensée;  aussi  n  hésiterons- nous  pas  à  re- 
connaître que,  dans  ses  applications  à  la  médecine,  la  chi- 
mie n'a  encore  rempli  qu'une  partie  de  sa  lâche,  et  qu'un 
grand  nombre  de  questions,  surtout  parmi  celles  qui  sont 
afférentes  à  la  pathologie  et  à  certains  points  de  physiolo- 
gie, ont  encore  beaucoup  à  demander  aux  expériences  des 
chimistes.  Mais  il  importe  de  ne  pas  nous  en  tenir  à  cet 
aveu;  et  le  fait  constaté,  nous  allons  essayer  d'en  re- 
chercher les  causes. 


100 

Pour  expliquer  les  faibles  progrès  relatifs  que  la  chimie 
Q  imprimés  jusqu'à  ce  jour  à  Tétude  de  certaines  questions 
physiologiques  ou  médicales ,  nous  n'invoquerons  point 
cette  considération  tant  de  fois  reproduite,  que  le  chimiste 
n'est  pas  assez  médecin,  et  que  le  médecin  ne  possède  pas 
assez  de  connaissances  chimiques,  pour  se  consacrer,  cha- 
cun avec  fruit,  à  l'étude  des  problèmes  qui  concernent  les 
êtres  vivants.  Des  faits  incontestables  montrent  l'inanité 
d'un  tel  argument.  Dans  ses  recherches  sur  la  respiration, 
M.  Regnault  a  suffisamment  prouvé  qu'un  esprit  ferme  et 
logique,  une  intelligence  depuis  longtemps  habituée  à 
mesurer  les  difficultés  et  les  écueils  qu'offre  l'étude  expé- 
rimentale des  lois  de  la  nature,  peut  tenir  lieu,  sans  trop 
de  désavantages,  de  connaissances  étendues  en  médecine 
et  en  physiologie. 

Si  nous  ne  nous  trompons,  la  cause  que  nous  essayons 
de  rechercher  réside  d'abord  dans  féicd  imparfait  de  la 
science  médicale.  Le  défaut  de  certitude  inhérent  à  la 
médecine  introduit  nécessairement  beaucoup  de  vague 
dans  les  termes  des  questions  qu'elle  soumet  à  la  chimie; 
de  là  résulte  une  difficulté  extrême,  et  parfois  une  impos- 
sibilité absolue  de  répondre  à  ces  questions.  S'il  est  vrai 
qu'un  problème  bien  posé  soit  à  moitié  résolu^  il  importe 
avant  tout  que  les  problèmes  physiologiques  soient  pré- 
sentés en  termes  nets  et  bien  définis,  car  si  vous  ne  voyez 
pas  clair  vous-même  dans  la  difficulté  que  vous  sou- 
mettez au  chimiste,  comment  ce  dernier  pourra-t-il  vous 
transmettre  une  solution  qui  ne  participe  point,  en  quelque 
chose,  de  l'obscurité  et  de  l'ambiguïté  du  point  de  départ? 
Eh  quoil  depuis  deux  mille  ans  la  médecine  est  livrée  à  un 
empirisme  hautement  avoué,  toute  une  école  arbore  ce 
drapeau,  et  l'on  s'étonne  que  les  chimistes  n'aient  pas  en- 
core porté  la  lumière  sur  des  mystères  que  l'on  s'accorde, 


101 

depuis  vingt  siècles,  à  déclarer  impénétrables!  Ne  fau- 
drait-il pas  s'étonner  plutôt  que,  dans  un  sujet  si  obscur, 
semé  des  difficultés  innombrables  qui  s'élèvent  toutes  les 
fois  que  Ton  soumet  à  l'expérimentation  les  phénomènes 
de  la  vie ,  de  la  maladie  et  de  la  santé,  ne  faudrait-il  pas 
s'étonner  plutôt  des  beaux  résultats  obtenus  par  les  physi- 
ciens et  les  chimistes,  en  dépit  de  ces  obstacles,  de  ces  en- 
traves, de  ces  difficultés  accumulés? 

La  seconde  cause  du  petit  nombre  de  progrès  accom- 
plis jusqu'à  ce  jour  par  la  chimie  appliquée  à  l'étude  de 
certaines  questions  médicales,  c'est  Yextrême  difficulté  que 
présente  Uwwiyse  des  liquides  et  des  solides  animaux.  M.  Re- 
gnault  a  parfaitement  résumé,  dans  les  quelques  lignes 
que  nous  allons  reproduire,  les  difficultés  considérables 
qui  sont  inhérentes  aux  recherches  de  chimie  animale. 

«  L'étude  des  modifications  que  la  matière  éprouve 
«dans  l'économie  végétale  et  animale,  présente,  dit 
»  M.  Regnault,  des  difficultés  bien  autrement  grandes  que 
«  celle  des  phénomènes  chimiques  que  nous  opérons  dans 
w  nos  laboratoires  Elles  ont  lieu  entre  des  substances,  en 
"général,  de  composition  très  complexe,  d'une  mo- 
»  bilité  extrême,  et  difficiles  à  définir  par  les  caractères 
»  adoptés  pour  les  substances  minérales.  A  chatjue 
»  pas,  on  rencontre  ces  actions  mystérieuses  par  les- 
M  quelles  de  très  petites  quantités  de  certaines  matières, 
»  de  nature  encore  problématique,  déterminent,  sans  que 
»  leurs  éléments  chimiques  paraissent  mtervenir,  des 
y  réactions  entre  des  quantités  incomparablement  plus 
»  considéiables  d'autres  substances  ;  phénomènes  dont 
»  nous  avons  déjà  vu  plusieurs  exemples,  et  pourTeX' 
»  plication  desquels  les  chimistes  se  tirent  ordinairement 
»  d'affaire,  en  disant  que  ce  sont  des  phénomènes  de  contact, 
»  ou  des  fermentations. 


102 

«  D'autres  circonstances  au^jmentent  encore  les  diffi- 
w  cultes  de  cette  étude.  Les  modifications  que  les  matières 
»  éprouvent  dans  Téconomie  vc(jétale  et  animale,  ont  lieu, 
»  successivement,  et  dans  des  appareils  spéciaux,  qu'il 
»  est  impossible  de  détacher  de  l'être  organisé  pour 
»  étudier  les  réactions  qui  se  passent  dans  chacun  d'eux, 
»  sans  changer  complètement  les  conditions  où  elles  ont 
M  lieu  dans  Téire  animé.  Enfin,  nous  étudions  les  réactions 
»  chimiques  de  nos  laboratoires  dans  des  vases  inattaqua- 
»  blés  qui  n'interviennent  pas  dans  le  phénomène;  les 
»  choses  se  passent  tout  autrement  dans  les  êtres  organi- 
»  ses;  les  réactions  chimiques  s'y  effectuent  dans  des 
»  vaisseaux  dont  la  matière  participe,  le  plus  souvent, 
»  elle-même,  à  la  réaction,  et  rend  ainsi  les  phénomènes 
»  incomparablement  plus  complexes  »  (1). 

Cependant  ces  dilficultés  ne  sont  pas  d'un  ordre 
tellement  élevé,  quelles  doivent  rester  à  jamais  hors 
de  notre  atteinte,  et  qu'elles  suffisent  à  détourner  les 
expérimentateurs  de  ce  genre  de  recherches.  Il  n'est 
plus  permis  de  prétendre,  comme  on  l'a  fait  tant  de 
fois,  que  l'influence  de  la  vie  ait  pour  résultat  d'anéantir 
ou  de  suspendre  les  lois  de  Faction  chimique;  tout  au 
plus,  peut-on  dire  qu'elles  introduisent  dans  la  question 
une  difficulté  de  plus.  Mais  les  conditions  habituelles 
et  les  propriétés  des  corps  ne  sont  nullement  altérées 
dans  les  êtres  vivants.  Le  nombre  est  déjà  considérable 
aujourd'hui,  de  ces  phénomènes,  longtemps  rapportés 
à  une  cause  exclusivement  vitale, et  qui  ont  trouvé,  à  la 
suite  d'une  étude  expérimentale  attentive,  leur  explica- 
tion complète  dans  les  lois  ordinaires  de  la  physique  ou 


(i)  Cours  de  chimie,  4*  part.,  p.  846. 


103 
delà  chimie.  M.  Mafrendie  a  dit  avec  raison  que  la  science 
a  fait  un  pas  toutes  les  fois  que  Ton  a  réussi  à  faire  rentrer 
dans  Tordre  des  actions  physiques  un  phénomène  rap- 
porté jusque  là  à  Tordre  exclusivement  vital.  La  science  a 
déjà  fait  beaucoup  de  pas  de  ce  genre,  et  leur  nombre  est 
destiné  à  s'au^jmenter  bientôt  par  suite  d'une  application 
nouvelle  et  bien  entendue  des  procédés  chimiques  à  Té- 
tude  des  fonctions  de  l'économie  animale  et  à  l'examen 
de  ses  altérations  pathologiques. 

Qu'il  nous  soit  permis  seulement  de  faire  remarquer 
que,  dans  la  série  future  des  recherches  dont  la  chimie 
physiologique   deviendra  l'objet,    en   vue   des  dernières 
et    graves    difficultés    qui    restent    à    résoudre ,    deux 
conditions   devront   être  remplies,  pour  que  la  science 
soit  mise  plus  promptement  en  possession  des  résultats 
obtenus,  et  qu'elle  puisse  en  tirer   un  parti  plus  utile. 
H  faudra,  si  nous  ne  nous  trompons  :  1°  Attaquer  les  pro- 
blèmes de  chimie  physiologiqije,  non  dans  leur  ensem- 
ble, mais  par  sections   ou  divisions  séparées,  afin  de 
décomposer,  selon  le  précepte  de  Descaries,  la  difficulté 
principale  en  autant  de  difficultés  secondaires  plus  fa- 
ciles à  surmonter,  et  ne  tenter  une  généralisation  on  une 
synthèse  des  faits  acquis,  que  lorscjue  la  solution    de 
chaque  problème  secondaire  sera  mise  positivement  à 
l'abri  de  toute  espèce  de  doutes;  2°  Se  défendre,  dans  les 
conclusions   tirées  de  ces  recherches  ,    de  la   tendance 
naturelle  de  notre  esprit,  qui  nous  porte  à  exagérer  les 
conséquences  de  nos  découvertes,  et  s'imposer,  en  con- 
séquence, la  loi  de  ne  pas  étendre  à  un  trop  grand  nombre 
de  phénomènes  analogues  les  particularités  que  Ton  aura 
pu   saisir  dans   l'observation   d'un    phénomène  spécial. 
L'observation  de  ce  dernier  précepte  arrêterait  ces  vues 


104 

hasardées ,  ces  explications  inconsidérées  et  hypothéti- 
ques, auxquelles  se  sont  laissé  entraîner  quelques  esprits 
impatients,  toujours  empressés  d'aller  plus  loin  que  les 
faits,  et  dont  les  exagérations  ont,  il  faut  bien  le  dire,  sin- 
gulièrement compromis,  dans  ces  derniers  temps,  le 
succès  et  le  crédit  des  théories  chimiques  appliquées  à 
l'étude  des  phénomènes  de  la  vie. 

Dans  de   telles  conditions,  avec  ces  restrictions  pru- 
dentes, rendues  si  nécessaires  d'ailleurs  toutes  les  fois  que 
l'on  touche  aux  phénomènes  de  la  vie,  grâce  aux  perfec- 
tionnements qui  ne  peuvent  manquer  de  s'introduire  dans 
les  procédés  et  dans  les  méthodes  de  la  chimie  physiolo- 
gique, il  est  permis  d'affirmer  que  les  sciences  médicales 
continueront  de  trouver  dans  la  chimie   un  appui  effi- 
cace, un    moyen   actif    d'investigation   et    de   progrès, 
il  est  permis  d'attendre   d'elle   une    heureuse    et   bril- 
lante solution  des  problèmes  nouveaux  qu'elle  se  prépare 
à  aborder.  On  ne  peut  mettre  en  doute  que  la  médecine 
n'ait  aujourd'hui  reçu  de  l'analyse  anatomique  et  sympto- 
malologique  à  peu  près  tout  ce  qu'elle  pouvait  en  attendre. 
Veut-on  qu'elle  stationne  éternellement  dans  les  amphi- 
théâtres  d'anatomie  ,  ou   qu'elle  continue  de  s'absorber 
dans    la  contemplation   des  apparences  extérieures  des 
maladies,  seul  travail  qui,  depuis  tant  de  siècles,  ait  formé 
le  point  de  départ  et  la  source  de  ses  préceptes?  Or,  si  la 
médecine  doit  sortir  enfin  de  cette  ornière  séculaire,  à 
quel  autre  guide  pourrait-elle  s'adresser,  si  ce  n'est  aux 
sciences  physiques  et  chimiques,  qui  seules  peuvent  por- 
ter la  lumière  dans  la  connaissance  intime  des  produits  et 
des  phénomènes  pathologiques  ;  de  quel  autre  flambeau 
pourrait-elle  invoquer  les  clartés?  Ainsi,  le  rôle  de  la  chi- 
mie dans  les  sciences  médicales,  d'une  importance  déjà  si 


i05 
considérable,  est  appelé,  dans  un  avenir  prochain,  h  ac- 
quérir une  importance  et  une  valeur  plus  considérables 
encore  :  telle  est  notre  conviction,  telle  est  la  pensée  qui 
a  soutenu  nos  forces  dans  Taccomplissement  de  la  tâche 
difficile  que  nous  avions  à  remplir. 


FIN, 


TABLE    DES   MATIÈRES. 


Introduction 3 

SERVICES  RENDUS  PAR   LA   CHIMIE    AUX   DIFFÉRENTES 

BRANCHES   DE  LA  SCIENCE  MÉDICALE 6 

PHISIOLOGIE ibid. 

Digestion »     7 

lU'Spiration 9 

Absorption.  « i5 

Sécrétions 16 

Prolégomènes  de  la  physiologie 17 

PATHOLOGIE 24 

InQaninialion 25 

Fièv  rcs 3 1 

Altérations  humorales  :  pléthore,  anémie,  scorbut 33 

Vices  de  sécrétion  :  maladie   de   Bright,  diabètes 34 

Corps  étrangers  dans  l'économie  :  Calculs  uriuaires. , 39 

Calculs  biliaires 49 

Concrétions  arthritiques  et  salivaircs 5i 

THÉRAPEUTIQUE ibid. 

Médicaments  découverts  par  la  chimie 62 

Perfectionnements   introduits  par   la    chimie  dans  l'art   de 

formuler 54 

Absorption  des  médicaments 55 

Accumulation  des  médicaments  dans  l'économie 56 

Association  des  médicaments 58 

Action  des  médicaments  employés  à  dose  fractionnée 61 


108 

Choix  à  faire  parmi  les  composés  médicamenteux  d'une  même 

série  chimique 62 

Idiosjncrasies  dans  i'aclion  des  médicaments   65 

HYGIENE 64 

Altérations  de  l'air 65 

Aliments , 70 

Eaux  potables  et  boissons 76 

Professions  insalubres 78 

TOXICOLOGIE 79 

Etat  de    la   médecine,    sur   la   question    des  poisons,    avant 

l'existence  de  la  chi  mie 80 

Progrès  delà  toxicologie  depuis  la  création  de  la  chimie.  Son 

état  actuel 88 

Applications  de  la  chimie  à  la  médecine  légale 94 

CONCLUSION....    96 


FIN    DE    LA    TABLE. 


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