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DE L'IMPORTANCE ET DU ROLE
DE LA CHIMIE
DANS
LES SCIENCES MÉDICALES.
THÈSE DE CONCOURS
POUR L'AGRÉGATION EN CHIMIE
Soutenue à la Facalté de médecine de Paris
PAR
LOUIS FIGUIER,
Docteur en médecine,
Docteur es sciences, agrégé à l'École de pharmacie de Paris.
PARIS.
LIBRAIRIE DE VICTOR MASSON,
PLACE DE l'école-de-médecine.
DE L'IMPORTANCE ET DU ROLE
DE LA CHIMIE
DANS
LES SCIENCES MEDICALES.
THESE DE CONCOURS
POUR L'AGRÉGATION EN CHIMIE
SoateDDe à (a Faculté de médecine de Paris
PAR
LOUIS FIGUIER,
Docteur en médecine,
Docteur et sciences, agre'gé à l'École de pharmacie de Paris,
PARIS.
LIBRAIRIE DE VICTOR MASSON,
PLACE DE l'ÉCOLE-DE-MÉDEGINE.
1853.
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Imprimerie de L. Martinet, rue Mignon, y.
DE L'IMPORTANCE ET DU ROLE
DE LA CHIMIE
DANS
LES SCIENCES MÉDICALES.
Depuis Tépocjne mémorable où le génie de Lavoisier
éleva l'édifice glorieux de la chiuîie rtioderne, oti s'est
occupé avec aideur d'appliquer au perfectionnement de
l'art de guérir ces vérités nouvelles. La médecine étant,
en définitive, le but suprême vers lequel convergent les
efforts de toute la science luimaine, on dut s'efforcer, dès
l'origine, de faire participer les sciences médicales aux
bienfaits dont les découvertes chijniqiies avaient enrichi
le domaine tout entier de la philosophie naturelle. Des
résultats d'une haute importance furent le fruit des nom-
breux travaux exécutés dans celte direction. Mais tandis
que les plus illustres de nos savants s'avançaietit avec
bonheur dans cette carrière utile, un spectacle affligeant
venait attrister les esprits. Une cri tique amère, impitoyable,
s'attachait à contester et à combattre les résultats les
mieux établis ; on essayait d'accabler les chimistes sous le
reproche incessatnment i eproduit d incompétence en ma*
lièie de médecine; on prétendait opposer à leurs tenta-
tives une barrière infianchissable, en invoquant une sorte
k
(l'opposition radicale entre les phénomènes des corps
vivants et les réactions des corps inertes ; contestant le
présent, interdisant l'avenir, on élevait hautement l'inten-
tion de hannir à jamais la science chimique du sanctuaire
d'Hippocrate. issue de quelques préjugés trop mollement
combattus à l'origine , justifiée en apparence par des
craintes exagérées à dessein, celte pensée a grandi peu à
peu, grâce à l'indiflerence universelle ; elle est aujourd'hui
si solidement implantée , que c'est à peine si l'on juge
nécessaire de chercher des preuves à son appui. Cela est
si simple en effet, cela paraît si facile d'accuser et de
corï^battre les tendances et les prétendus envahissements
de la chimie ; on trouve , pour les besoins de cette contes-
tation vulgaire, tant d'arguments tout préparés dans le
vieil arsenal d'une certaine philosophie surannée et ba-
nale, que personne ne se refuse le plaisir d'aller puiser à
pleines mains à cette source toujours ouverte. De là est
résultée cette défaveur évidente qui frappe aujourd'hui
les travaux chimiques appliqués à la science médicale. On
proclame sur tous les tons l'incompétence des chimistes
pour aborder l'étude des phénomènes des corps vivants;
on leur reproche sans fin et sans cesse de ne posséder
qu'une notion incomplète du double sujet qu'il faut en-
visager; en conséquence, on repousse leur concours
pour l'élucidation des problèmes qui concernent les fonc-
tions des êtres organisés. Ainsi la chimie, cette arme ad-
mirable et puissante, qui a manqué à Haller, et qui consti-
tue la base la plus solide des forces scientifiques de notre
siècle, la chimie est considérée dans les sciences médicales
comme un instrument inutile, comme un auxiliaire
dangereux. Cette opinion, injuste à tant d'égards, en-
trave au plus haut degré et compromet l'avenir de la
science; elle décourage les bonnes dispositions des tra-
5
vailleurs, elle paralyse et déconcerte leurs efforts, elle
arrête bien des progrès sur le point de s'accomplir. Aussi,
je Tavouerai sans détour, je m'estime heureux de l'occa-
sion qui m'est offerte d'aborder une telle question en face,
et pour ainsi dire corps à corps. Montrer l'importance de
la chimie pour le perfectionnement des différentes bran-
ches de l'art de guérir, mettre en lumière les services
principaux qu'elle leur a rendus jusqu'à ce jour, signaler
les progrès qu'elle leur réserve, préciser le rôle que notre
science doit remplir dans le cercle de travaux et d'études
que la médecine embrasse, c'est une tâche que j'accepte
avec confiance et que j'entreprends avec joie, avec la joie
du soldat qui combat pour l'honneur de son drapeau.
. Il n'y a qu'une seule manière de traiter la question qui
nous est soumise. Nous devons commencer par constater,
au moyen de l'analyse et de la revue des faits, les prin-
cipaux secours que les sciences chimiques ont apportés
au perfectionnement des différentes branches de la
médecine. De l'examen de ces faits, nous pourrons dé-
duire le degré d'importance de la chimie dans les scien-
ces médicales, et fixer ainsi le rôle qu'elle doit y
remplir.
6
Serwices rendus par la cltiniie aux différentes
liranelies de la science médicale.
Nous considérerons successivement l'influence que les
travaux cliimicjues ont exercée sur les progrès de
La rhysiolo[>ie,
La Paiholo<;ie ,
La Thérapeutique,
L'Hy(jiène,
Et la Toxicologie.
Il est à peine nécessaire de faire remarquer, avant
d'aborder notre sujet, qu'un inventaire minutieux de
tous les faits acijuis à la science ne saurait entrer
dans le cadre de ce travail. Le relevé complet de tou-
tes les circonstances dans lesquelles la chimie a pu
intervenir avec fruit dans les (juestions médicales, ne
répondrait nia Tesprit ni aux termes de la question qui
nous est soumise. Si, par un nombre suffisant de faits bien
établis, nous parvenons à démontrer Fétendue immense
des secours que Fart de guérir a reçus des travaux du
laboratoire, nous croirons avoir accompli la tâche qui
nous était imposée, et nous accepterons sans trop d'in-
quiétude le reproche d'omission.
PHYSIOLOGIE.
La physiologie était considérée, il n'y a pas bien long-
temps, comme le roman de la médecine. Grâce au concours
de la chimie, de fanatomie microscopique et des vivisec-
tions, ce roman est aujourd'hui devenu une histoire, his-
toire pleine de vérité et d'intérêt. Que la chimie organique
7
perfectionne encore davanta{je sesméthocles de recherches,
et la physiolo[jie pourra s'appeler peut-être \[i géométrie des
sciences médicales. On va s'en convaincre par l'analyse
rapide que nous allons présenter des progrès que les
recherches chimiques ont introduits dans la connaissance
des principales de nos fonctions. Pour ne pas trop étendre
cette analyse, nous nous hornerons à considérer à ce
point de vue, les fonctions de la digestion, de la respiration ,
de Xabsorplion et des sécrétions. Nous examinerons ensuite
le rôle qu'a joué la chimie dans l'étude des faits que l'on
peut réunir, avec M. le professeur Bérard, sous le titre de
prolégomènes de la physiologie.
Digestion. — Si l'on jette un coup d'oeil sur les travaux
des anciens, on ne trouve, pour l'explication des faits (jui
se rapportent à la digestion, que cette série ohligée et com-
mune d'explications générales que les savants des der-
niers siècles appliquaient à tous les phénomènes des corps
vivants. La digestion était, pour eux, une coction, wue fer-
mentation , une putréfaction, une trituration des aliments:
mots vides de sens, parce que les auteurs qui les em-
ployaient n'attachaient à leur signification aucune valeur
précise. Si nous considérons aujourd'hui les principales
phases de l'action digestive comme se rattachant à un
phénomène de fermentation , nous ne reproduisons nulle-
ment les opinions de nos prédécesseurs , attendu que si
nous mettons en avant lidée de fermentation , nous savons
fort bien de quel genre de phénomène nous voulons par-
ler, tandis que les anciens n'en savaient rien.
La digestion était considérée , il y a peu d'années ,
comme une fonction par laquelle les animaux convertis-
sent les différents aliments, en un produit particulier
nommé c^/we, duquel, par une opération ultérieure, les
organes de l'absorption pouvaient retirer un liquide ap-
8
pelé chyle ^ représentant le produit éminemment utile de
la digestion. Les travaux de la chimie moderne ont com-
plètement renversé ce système de vues, si longtemps con-
sidéré comme une vérité incontestable. Les belles re-
cherches de MM. Bouchardat et Sandras,Eberle,Schwan,
Pappenheim , Deschamps, Blondlot, Mialhe, Bernard et
Barreswill, etc., ont prouvé que la matière désignée parles
physiologistes sous le nom de chyme, n'est qu'un être de
raison , et que le chyle , par sa nature et par son rôle dans
l'économie, ne justifie en rien le rôle important qu'on lui
avait si longtemps attribué.
Les erreurs de l'ancienne physiologie sur le mécanisme
de l'acte digestif tenaient surtout à ce que l'on avait voulu
rechercher dans l'estomac l'existence d'un liquide unique,
susceptible d'exercer sur les divers aliments une modifi-
cation uniforme. Les travaux des chimistes modernes ont
rectifié cette manière vicieuse d'interpréter les faits. Les
aliments n'étant point uniques dans leur nature, nepeuvent
être tous modifiés par une même substance; ils ont besoin,
pour devenir assimilables, de trouver un agent approprié
à leurs caractères spéciaux. Or, la chimie moderne a
reconnu que les aliments dont nous faisons communé-
ment usage, appartiennent à trois groupes différents et
bien marqués de composés chimiques : !<> Les matières
albuminoïdes , substances azotées se rapprochant de l'al-
bumine par leurs caractères et leur composition ; telles
sont l'albumine animale ou végétale , la fibrine animale
ou végétale , la caséine animale ou végétale, la gélatine,
l'hématosine, la légumine, etc. 2** Les matières grasses;
telles sont les huiles et les graisses fournies par les ani-
maux ou les plantes. 3° Les matières amylacées, substances
privées d'azote et se rapprochant de la fécule par leur con-
stitution; tels sont les divers sucres, l'amidon, la gomme,
la pectine, le ligneux, la dextrine, les sucs végétaux, etc.
9
Ces divers groujDCS de substances, en raison de leur
composition particulière, doivent être influencés d'une
manière spéciale, et la nature a su répandre, chacun en
son lieu, les agents propres à opérer sur ces différentes
matières , les modifications qui ont pour résultat de les
rendre assimilables. Les substances amylacées se trans-
forment en glucose, par Faction de la diastase animale ,
sorte de ferment contenu dans la salive et dans le suc pan-
créatique. Les matières grasses demeurent inaltérées dans
l'estomac, et passent dans l'intestin sans avoir éprouvé de
modification appréciable ; c'est dans les replis de cet or-
gane que leur absorption doit s'effectuer. Quant aux ma-
tières albuminoïdes, elles sont digérées par le suc gastri-
que, ce liquide agissant à la fois par son acide libre,
et par une substance de Tordre des ferments que l'on
désigne sous le nom de pepsine, qui a la propriété d'exer-
cer sur les matières albuminoïdes une modification molé-
culaire qui les rend solubles et assimilables.
Que l'on compare ces résultats si tranchés et si nets
avec les vagues notions que nous avait laissées l'ancienne
physiologie, et l'on reconnaîtra de quelle utilité a été l'in-
tervention des études chimiques dans l'analyse de l'unedes
fonctions les plus importantes de l'économie.
Respiration. — Une fonction physiologique qui, dans
l'ordre d'importance, ne le cède en rien à la précédente, la
respiration, a reçu son explication de la chimie. Avant
l'existence des sciences chimiques, un profond mystère
cachait le mécanisme de cette fonction. La chimie paraît,
et tout aussitôt les voiles commencent à se lever. A me-
sure qu'elle perfectionne ses méthodes, les premières
erreurs commises à l'origine se dissipent peu à peu. Enfin,
10
à notre époque, une théorie complète de la respiration
vient nous rendre com])te de rensemble et des détails du
phénomène. C'est une vérité dont il sera facile de se con-
vaincre, si nous déroulons nipidement les faces succes-
sives de cet intéressant tableau.
M. Bérard, dans son Cours de physiologie, peint en
termes éloquents le vide que laissait au siècle dernier
l'absence des connaissances chimiques pour l'explication
des phénomènes respiratoires :
« Si quelques personnes, dit M. Bérard, mettaient en doute
M les services rendus a la physiologie par les sciences phy-
» sico chimiques, je leur conseillerais de chercher dans les
» écrits des auteurs du dernier siècle la théorie de la respi-
» ration. Voyez ce que dit de la respiration le plus grand, le
» plus érudit des physiologistes du xviii*siècle. La chimie de
» son temps le condamne à ignorer Fessence de cette im-
h portante fonction. C'est un spectacle triste et cependant
w digue d'intérêt, que de voir un homme de génie renfermé
» dans un cercle qu'il ne peut franchir, et s'agitant de
M mille manières pour porter ses regards au delà du petit
» horizon cjui le borne. Pourquoi l'air est-il nécessaire à
» tous les animaux? Pourquoi faut-il (jue l'expiration
» succède à l'inspiration? Pourquoi l'air qui a été respiré
» est-il mortel? Pourquoi le fœtus, qui tout à l'heure vivait
» dans l'eau de l'amnioSjtrouve-t-il la mort dans ce milieu,
» si on l'y replonge après lui avoir permis d'attirer l'air
» dans ses poumons? Haller essaie de toutes les explica-
» tions, s'adresse à toutes les hypothèses, et il les rejette
» toutes, car aucune ne satisfait sa raison. Il n'a point de
» théorie de l'asphyxie, car ce n'en est pas une de dire que
M l'air déjà respiré est mortel, parce qu'il rty9e?^(/w5on ressort,
» S'il admet, en désespoir de cause, que l'utilité de la res-
» piration est d'introduire de l'air dans le sang, le méca-
11
» nisnie de cette introduction lui échappe, car il ne connaît
» pas l'endosmose des (jaz et il croit même que ceux-ci ne
» peuvent [)énétier au travers des membranes humides.
» Cet air admis dans le sang, il ne Temploie ni à vivifier
" ce fluide, ni à brûler pour engendrer la chaleur, les
» principes immédiats que la digestion introduit dans nos
» humeurs; il lui donne le rôle d'unir, à la manière d'une
» sorte de gluten, les éléments terrestres du corps (1) ! »
Mais la chimie commence à se constituer, et dès son
début, elle jette sur le mécanisme de la fonction respira-
toire, ces iumièies positives que le génie de Haller avait
inutilement demandéesà la science de son temps. Tout le
monde saitquela première théorie émise sur la respiration
appartient à Lavoisier,et que cette théorie fut la première
application de la découverte de ce grand fait du dégage-
ment de chaleur qui accompagne la combustion ou
Toxydation des corps. Priestley avait entrevu une notion
confuse de ce j)hénomène; mais ce fut le chimiste fran-
çais qui, en développant ses vues par une longue suite
de travaux, et en s'entourant de démonstrations rigou-
reuses, puisées dans des expériences précises, mérita
d'être considéré, ainsi que nous le faisons aujourd'hui,
comme le prenner créateur de cette théorie.
La théorie chimiquede Lavoisierest si universellement
connue que c'est à peine s'il est nécessaire de la rappeler.
Le sang veineux, disait Lavoisier, est très riche en hydro-
gène et en charbon, comme semble le montrer sa colora-
tion noire. L'oxygène de 1 air brûle une partie de ce char-
bon et de cet hydrogène. L'eau et l'acide carbonique sont le
résultat de cette oxydation. La chaleur qui distingue les ani-
maux est la conséquence de celte combustion intérieure.
(i) Cours de physiologie^ t. 111, p. 385.
12
Le charme que la simplicité extraordinaire de la théorie
de Lavoisier sut inspirer aux savants de son époque et
aux chimistes qui sont venus après lui, la^fit adopter uni>
versellement. Cependant, il était facile de prévoir que
cette opinion, conçue dès les premières époques de la
chimie, donnerait prise à des objections sérieuses quand
la science aurait acquis des moyens positifs de contrôle.
C'est en effet ce qui eut heu, et Lavoisier lui-même Tavait
bien compris, car il s'occupait de reprendre ses travaux sur
la respiration et la chaleur animale, lorsqu'il fut enlevé
par une mort déplorable aux sciences et à l'humanité.
Les travaux ultérieurs des chimistes, en particulier les
recherches de Lajjrange et Hassenfratz, et les observations
d'Edwards aîné, montrèrent suffisamment que lathéoriede
Lavoisier, qui fait passer dans l'organe pulmonaire le
phénomène tout entier de l'action respiratoire, ne pouvait
être sérieusement défendue. L'extrême simplicité du phé-
nomène chimique admis par Lavoisier ne put résister da-
vantage au contrôle de l'expérience. On n'a pas tardé à
reconnaître que ce n'est point dans le poumon seul que la
respiration s'effectue , que ce n'est point simplement du
charbon et de l'hydrogène qui sont brûlés durant le con-
tact du sang et de l'air; tout le monde admet aujourd'hui
que le poumon agit comme simple organe d'absor-
ption pour l'air atmosphérique ; l'oxygène et l'azote de l'air
pénètrent à travers les parois infiniment minces des cel-
lules pulmonaires, se mêlent au sang, et sont entraînés
avec lui dans la masse du corps. C est donc dans les
ramifications du réseau des capillaires, que s'effectue
la véritable respiration , c'est-à-dire l'action chimique
exercée entre l'oxygène de l'air et les éléments du sang :
action qui a pour conséquence visible la production de
l'acide carbonique. Ainsi formé, l'acide carbonique reste
13
dissous dans le sang et circule avec lui, jusqu'à ce qu il
puisse s'échapper au dehors. Les poumons offrant, sous
le rapport de la perméabilité aux gaz, une disposition
anatomique avantageuse, c'est par la voie des cellules
pulmonaires que l'acide carbonique s'échappe dans l'air,
au moment où le sang , arrivé dans cet organe, et se trou-
vant en contact avec l'air, échange, en vertu d'un dé-
ploiement mécanique bien connu aujourdhui, l'acide
carbonique qu'il renferme, pour l'oxygène et l'azote qui
lui sont présentés.
Mais on ne s'en est pas tenu à révoquer en doute la
simplicité du phénomène chimique de la combustion
respiratoire imaginé par Lavoisier , et de nos jours , une
théorie conçue en Allenïagne par MM. Mitscherlich et
Tiedeman , est venue fournir une explication, jusqu'à
un certain point satisfaisante, de toutes les circonstances
de l'acte chimique qui s'accomplit pendant la respiration.
Pourcomprendre la théorie chimique de M. Mitscherlich
relative à la respiration, il suffit de se reporter à ce que
nous avons dit plus haut, à propos de la digestion, sur la
distinction des aliments en trois groupes , les substances
albuminoïdes, les substances amylacées et les corps gras.
On a vu que les substances albuminoïdes, telles que l'al-
bumine, la fibrine etlecasëum, ne subissent de la part des
forces de l'organisme aucune modification essentielle. Ces
matières sont assimilées et fixées dans la composition de
nos tissus, telles à peu près que l'aliment les fournit. Mais
il n'en est pas de même des substances amylacées ; ces
dernières se trouvent changées, par les forces de la diges-
tion, en un produit qui résulte très souvent de l'action de
l'air et de l'eau sur les substances végétales, c'est-à dire en
acide lactique. L'acide lactique est donc ainsi amené dans
le sang, où, par suite de la présence de la soude dans ce
14
liquide, il donne naissance à du lactate de soude; on sait
en effet cjue le lactate de soude constitue le quart des élé-
ments salins tenus en dissolution dans le sérum du sang.
C'est sur ce lactate de soude (jue se passe, d'après
M. Mitscherlicb) le phénomène chimique de la respira-
tion. Sous l'influence de l'oxygène de Tair, ce composé
est brûlé et changé en carbonate de soude ; mais bientôt
de l'acide lactique nouvellement formé par l'effet de la di-
gestion, arrivant dans le sang, ce carbonate de soude est
décomposé, il se forme de nouveau du lactate de soude;
l'acide carbonique, provenant de cette décomposition, se
dégage et s'échappe au dehors, lorsque le sang arrive
au tissu pulmonaire. Telle est, en(|uelcjuesmots, la théorie
admise par M. Mitscherlich pour expliquer les phéno-
mènes chimiques de la respiration.
Dans cette double étude des fonctions digestive et
respiratoire, la chimie, on le voit, a mis en évidence un
fait d'harmonie physiologique bien digne d'intérêt. Elle a
montré que ces deux grandes fondions, delà digestion et
de la respiration, sont rattachées l'une à l'autre par Un lien
indissoluble. Pour se faire une idée exacte de ces deux
fonctions, il faut donc les considérer chacune, non comme
acte isolé, mais comme les deux faces du phénomène
général de la nutrition. La digestion offre deux buts dis-
tincts chez les animaux : apporter aux organes les éléments
dont ils ont besoin pour réparer leurs pertes journalières;
fournir à la respiration, et à la chaleur qui en est la consé-
quence , les cléments de son exercice normal. Réparation
de la substance organi(|ue, maintien de la chaleur ani-
male, tel est donc le double but de la digestion. C est ainsi
qu'a mesure que la chimie nous fait pénétrer plus profon-
dément dans l'ctuue des grandes fonctions des êtres vi-
vants, elle nous apprend à reconnaître que ces fonctions
15
ne sont jamais des actes isolés et indépendants les uns des
autres, mais qu'au contraire, étroitement liées par d'intimes
rapports, elles concourent par leur harmonie à assurer
l'exercice permanent et régulier de l'activité vitale.
Absorption. — C'est en grande partie aux travaux des
chimistes modernes qu'appartient l'honneur d'avoir recti-
fié ces opinions inexactes concernant le mécanisme de
l'absorption, qui n'ont si longtemps régné dans la science,
que pour embarrasser sa marche, et que quelques physio-
logistes, trop en arrière du mouvement scientifique, persis-
tent encore à professer de nos jours. Après la découverte
anatomique de l'absence, dans les vaisseaux lymphatiques,
de tout orifice destiné à donner directement accès aux
matières absorbables, après la découverte physiologique
des lois de l'imbibition et de l'endosmose, les observations
des chimistes sont venues apporter une dernière et aussi
positive notion sur le véritable mécanisme qui préside à
l'accomplissement de l'absorption.
Toute substance introduite dans l'économie a besoin,
pour être absorbée, d'être soluble dans les liquides qu'elle
y rencontre, ou bien de devenir soluble, ou si l'on veut,
fluide, par suite des modifications que ces liquides lui im-
priment. Cette loi importante, et qui a servi de point de
départ à un nombre considérable d'upplicaiions, a été mise
hors de doute par les recherches ingénieuses de M. Mialhe.
En contestant ces résultats, et posant nettement la ques-
tion par une expérience qui permettait de la trancher sans
réplique, M. OEsterlen, de Dorpat, a fourni aux chimistes
l'occasion de démontrer, une fois pour toutes, la vérité de
la loi nouvelle qui découlait de leurs travaux. Une commis-
sion, instituée par l'Académie de médecine, a parfaitement
reconnu que le charbon en jioudre mêlé aux aliments ne
peut jamais pénétrer dans le torrent circulatoire, et que si,
16
dans Texpérience rapportée par le physiologiste deDorpat,
on a pu retrouver des parcelles de charbon enjjagées dans
les organes, ce corps étranger ne s'y était introduit que par
suite de la déchirure, de Teffraction des parois des vais-
seaux, et nullement selon le mode ordinaire de Tabsor-
ption. En parlant des services rendus par la chimie à la
thérapeutique et à la toxicologie, nous trouverons Tocca-
sion de citer d'importantes applications pratiques.des tra-
vaux modernes qui se rapportent à l'absorption.
Sécrétions. — L'étude physiologique des sécrétions se
compose de l'examen chimique des produits de sécrétion,
ei de la recherche du mécanisme suivant lequel cette
fonction peut s'opérer. Il serait inutile d'insister pour
établir que c'est à la chimie que nous devons les con-
naissances précises que nous possédons aujourd hui sur
la composition des humeurs de l'économie animale et
des divers produits qui s'y forment. Le nombre de ces pro-
duits est d'ailleurs si grand, que nous devons nous interdire
tout développement à cet égard. Quant au mécanisme des
sécrétions, la chimie n'a jamais sérieusement prétendu le
dévoiler. Cependant la belle expérience de MM. Prévost
et Dumas sur la préexistence de l'urée dans le sang des
animaux auxquels on pratique la ligature des uretères,
est venue éclairer une partie de la question, en montrant
que c'est dans le sang que paraissent se former les
produits de sécrétion ; le rôle des glandes , se réduisant
d'après cela, à retirer du sang les produits tout formés que
lui apporte ce liquide. Ce résultat remarquable a été con-
firmé récemment parles travaux de M. Verdeil, qui a réussi
à retirer du sang plusieurs substances qui caractérisent
spécialement certaines sécrétions animales. La question
du mécanisme des sécrétions a donc avancé d'un pas, grâce
aux travaux des chimistes. Nous ne nous arrêterons pas
17
d ailleurs à l'opinion émise par Wollaston,et reprise dans
ces derniers temps par M. Matteucci, sur le mécanisme
des sécrétions. M. Matteucci prétend, avec le chimiste
anglais, que c'est par une sorte d'appareil électrique, re-
présenté par le système nerveux, que les produits conte-
nus dans le sang sont séjjarés, comme par l'effet d'une pile
voltaïque. C'est là sans doute un effort ingénieux de
l'esprit, mais c'est un effort prématuré.
Prolégomènes de la physiologie. — Le rôle de la phy-
siologie n'est pas exclusivement borné à Tétude de nos
fonctions. Prise à un point plus élevé, cette science se
préoccupe aussi d'examiner le rôle général de la matière
dans la production et l'accroissement des êtres vivants,
de rechercher la part qu'elle prend à l'accomplissement
des phénomènes de leur existence, et les rapports de
dépendance mutuels qui relient l'un à l'autre, pendant
l'exercice de leurs fonctions j les deux grandes classes
des êtres organisés, c'est-à-dire les animaux et les plantes.
C'est aux seuls travaux de la chimie, et à des travaux
qui touchent à notre époque, que nous devons la con-
naissance de ce genre de faits, si dignes d'intérêt à tant
de litres, et dont la notion a complètement manqué à
Tancienne physiologie. MM. Dumas et Boussingault en
France, et en Allemagne, M. Liebig, sont les créateurs de
cette belle application des sciences chimiques à l'étude
générale des êtres vivants. Il nous aurait été peut-être
difficile de résumer ici ces points de vue si curieux et si
neufs. Heureusement M. Dumas a pris la peine d'en tra-
cer lui-même un tableau sommaire dans sa brochure
publiée en 18^1, sous le titre de Leçon sur la staticfue chi-
mique des êtres organisés (l).I.l nous suffira, pour donner un
(i) Leçon sur la statique chimique des êtres organisés , professée
2
18
aperçu des idées nouvelles jetées par M. Dumas sur cette
partie de la science, de reproduire ici quelques pages de
cet écrit :
a Les plantes, les animaux, Thomme, dit M. Dumas,
» renferment de la matière. D'où vient-elle? que fait-elle
» dans leurs tissus et dans les liquides qui les bai[]nent?
» où va-t-elie quand la mort brise les liens par lesquels
» ses diverses parties étaient si étroitement unies?
» Nous avons constaté , par une foule de résultats ,
» que les animaux constituent, au point de vue chi-
» mique, de véritables appareils de combustion, au moyen
» desquels du carbone brûlé sans cesse retourne à Tatmos-
» pbère sous forme d'acide carbonique, dans lesquels de
» Thydrogène brûlé sans cesse, de son côté, entendre
» continuellement de Teau ; d'où enfin s'exbalent sans
» cesse par la respiration de Tazote libre, de Tazole à
» Tétat d'oxyde d'ammonium par les urines.
» Ainsi du règne animal considéré dans son ensemble,
» s'échappent constamment de l'acide carbonique, de la
>» vapeur d'eau, de l'azote et de l'oxyde d'ammonium, ma-
» tières simples et peu nombreuses, dont la formation se
» rattache étroitement à l'histoire de l'air lui-même.
» N'avons-nous pas constaté d'autre part que les plan-
» tes, dans leur vie normale , décomposent l'acide carbo-
» nique pour en fixer le carbone et en dé()a[jer l'oxy-
» gène; qu'elles décomposent l'eau pour s'emparer de son
M hydrogène et pour en dégager aussi l'oxygène; qu'enfin
» elles empruntent tantôt directement de l'azote à l'air,
» tantôt indirectement de l'azote à l'oxvde d'ammonium
par M. Dumas, pour la clôture de son cours à l'École de médecine
Paris, 1841.
19
» ou à l'acide nitrique, fonctionnant de tout point ainsi
» (l'une manière inverse de celle qui appartient aux ani-
» maux? Si le rcgne animal constitue un immense appa-
» reil de combustion , le rè^jne vé(]étal, à son tour, consti-
» tue donc un immense appared de réduction , où Tacide
M carbonique réduit laisse son cbarbon ; où Teau réduite
» laisse son hydrogène; où Toxyde d'ammonium et Va-
» cide azotique réduits laissent leur ammonium ou leur
» azote.
w Si les animaux produisent sans cesse de Tacide car-
» bonique, de Teau , de l'azote, de l'oxyde d'ammonium;
» les plantes consomment donc sans cesse de l'oxyde
M d'ammonium, de l'azote, de l'eau, de l'acide carbonique.
» Ce que les uns donnent à l'air, les auties le reprennent
» à l'air, de sorte qu'à prendre ces faits au point de vue le
» plus élevé de la physique du globe, il faudrait dire
» qu'eu ce qui touche leurs éléments vraiment organi-
» ques, les plantes, les animaux dérivent de l'air, ne sont
» que de l'air condensé; et que, pour se faire une idée
M juste et vraie de la constitution de l'atmosphère aux
M époques qui ont précédé la naissance des premiers êtres
» organisés à la surface du globe, il faudrait rendre à l'air,
» par le calcul, l'acide carbonique et l'azote dont les
» plantes et les animaux se sont approprié les éléments.
» Les plantes et les animaux viennent donc de l'air et
» y retournent ; ce sont de véritables dépendances de
» l'atmosphère.
» Les plantes reprennent donc sans cesse à l'air ce
» que les animaux lui fournissent, c'est-à-dire du charbon,
» de rhydrogèue et de l'azote, ou plutôt de l'acide carbo-
» nique, de l'eau et de l'ammoniaque.
» Reste à préciser maintenant comment, à leur tour, les
» animaux se procurent ces éléments qu'ils restituent à
20
» l'atmosphère; et l'on ne peut voir sans admiration pour
» la simplicité sublime de toutes ces lois de la nature, que
» les animaux empruntent toujours ces éléments aux
M plantes elles-mêmes.
M Nous avons reconnu , en effet , par des résultats de
» toute évidence, que les animaux ne créent pas de véri-
w tables matières organiques, mais qu'ils les détruisent;
» que les plantes, au contraire, créent habituellement ces
)) mêmes matières, et qu'elles n'en détruisent que peu
» et pour des conditions particulières et déterminées.
» Ainsi, c'est dans le règne végétal que réside le grand
M laboratoire de la vie organique ; c*est là que les matières
» végétales et animales se forment, et elles s'y forment
?> aux dépens de l'air.
» Des végétaux , ces matières passent toutes formées
« dans les animaux herbivores qui en détruisent une par-
» tie et qui accumulent le reste dans leurs tissus.
» Des animaux herbivores, elles passent toutes formées
» dans les animaux carnivores, qui en détruisent ou en
M conservent suivant leurs besoins.
» Enfin, pendant la vie de ces animaux ou après leur
» mort, ces matières organiques, à mesure qu'elles se dé-
» truisent, retournent à l'atmosphère d'où elles provien-
M nent.
» Ainsi se ferme ce cercle mystérieux de la vie orga-
» nique à la surface du globe. L'air contient ou engendre
M des produits oxydés, acide carbonique, eau, acide azo-
» tique, oxyde d'ammonium. Les plantes, véritables ap-
» pareils réducteurs, s'emparent de leurs radicaux, car-
M bone, hydrogène, azoïe, ammonium. Avec ces radicaux
» elles façonnent toutes les matières organiques ou orga-
/» nisables qu'elles cèdent aux animaux. Ceux-ci, à leur
A tour, véritables appareils de combustion , reproduisent
21
» à leur aide l'acide carbonique, Teau, l'oxyde d'amino-
» nium et Tacide azotique, qui retournent à Tair pour re-
w produire de nouveau et dans riuimensité des siècles
V les mêmes phénomènes. »
a L'atmosphère nous apparaît donc comme renfermant
« les matières premières de toute l'organisation ; les volcans
» et les orafîes comme les laboratoires où se sont l'aconnés
•) d'abord l'acide carbonique et l'azotate d'ammoniaque,
» dont la vie avait besoin pour se manifester ou se multi-
» plier.
» A leur aide, la lumière vient développer le règne
M végétal, producteur immense de matière organique; les
» plantes absorbent la force chimique qui leur vient du
» soleil pour décomposer l'acide carbonique, l'eau et
» l'azotate d'ammoniaque, comme si les plantes réalisaient
» un appareil réductif supérieur à tous ceux que nous
M connaissons, car aucun d'eux ne décomposerait l'acide
» carbonique à froid.
» Viennent ensuite les animaux , consommateurs de
» matière et producteurs de chaleur et de force, véritables
» appareils de combustion. C'est en eux que la matière
» organisée revêt sa plus haute expression sans doute;
» mais ce n'est pas sans en souffrir qu'elle devient Tins-
» trument du sentiment et de la pensée; sous cette
M influence, la matière organisée se brûle, et, en produi-
» sant cette chaleur, cette électricité qui fait notre force et
w qui en mesurent le pouvoir, ces matières organisées ou
M organiques s'anéantissent pour retourner à l'atmosphère
« d'oii elles sortent.
» L atmosphère constitue donc le chaînon mystérieux
» qui lie le règne végétal au règne animal.
» Les végétaux absorbent donc de la chaleur, et
22
» accumulent de la matière qu'ils savent organiser.
» Les aninmux, par lesquels cette matière organisée ne
» fait que passer, la brûlent ou la consomment pour pro-
» duire à son aide la chaleur et les diverses forces que
» leurs mouvements mettent à profit.
» Permettez qu'empruntant aux sciences modernes
» une image assez grande pour supporter la compa-
» raison avec ces grands phénomènes, nous assimilions
» la végétation actuelle, véritable magasin où s'alimente
» la vie animale, à cet autre magasin de charbon qui
» constitue les anciens dépôts de houille, et qui, brûlé par
» le génie de Papin et de Watt, vient produire aussi de
» l'acide carbonique, de l'eau, de la chaleur, du mouve-
» ment, on dirait presque de la vie et de l'intelligence.
» Pour nous, le règne végétal coustitue donc un im-
» mense dé[)ôt de combustible, destiné à être consommé
» par le règne animal, et où ce dernier trouve la source
M de la chaleur et des forces locomotives qu'il met à
» profit.
» Ainsi un lien commun entre les deux règnes, l'atmos-
» phère, quatre éléments dans les plantes et dans les
M animaux, le carbone, Ihydrogène, l'azote et l'oxygène;
» un très petit nombre de formes sous lesquelles les végé-
» taux les accumulent, sous lesquelles les animaux les
» consomment; quelques lois très simples que leur en-
M chaînement simplifie encore, tel serait le tableau de
» l'état de la chimie organique la plus élevée qui résulte-
» rait de nos conférences de cette année
» Si nous nous résumons, nous voyons que de l'atmos-
» phère primitive de la terre il s'est fait trois grandes
» parts :
» L'une qui constitue l'air atmosphérique actuel; la se-
33
» conde, qui est représentée par les vé{jétaux, la troisième
» par les animaux.
» Entre ces trois masses, des échanges continuels se
» passent : la matière descend de l'air dans les plantes,
» pénètre par cette voie dans les animaux, et retourne à
» Taira mesure que ceux-ci la mettent à profit.
» Les végétaux verts constituent le grand laboratoire
» de la chimie organique; ce sont eux qui, avec du car-
» hone, de Thydrogène, de Tazoïe, de Teau et de Toxyde
» d'ammonium, construisent lentement toutes les matières
» organiques les plus complexes.
» Ils reçoivent des rayons solaires, sous forme de cha-
» leur ou de rayons chimiques, les forces nécessaires à ce
» travail.
w Les animaux s'assimilent ou absorbent les matières
M organiques formées par les plantes. Ils les altèrent peu
M à peu, ils les détruisent. Dans leurs tissus ou leurs vais-
M seaux, des matières organiques nouvelles peuvent
M naître ; mais ce sont toujours des matières plus simples,
» plus rapprochées de Tétat élémentaire que celles qu'ils
» ont reçues.
» Ils défont donc peu à peu ces matières organiques
» créées lentement par les plantes; ils les ramènent donc
» peu à peu vers l'état d'acide carbonique, d'eau, d'azote,
u d'ammoniaque, état qui leur permet de les restituer à
» l'air.
V En brûlant ou en détruisant ces matières organiques,
» les animaux produisent toujours de la chaleur qui,
» rayonnant de leurs corps dans l'espace, va remplacer
» celle que les végétaux avaient absorbée.
V Ainsi, tout ce que l'air donne aux plantes, les plantes
» le cèdent aux animaux, les animaux le rendent à l'air;
» cercle éternel dans lequel la vie s'agite et se mani-
24
M feste, mais où la matière ne fait que changer de place.
» La matière brute de l'air, organisée peu à peu dans
» les plantes , vient donc fonctionner sans changement
» dans les animaux, et servir d'instrument à la pensée ;
» puis, vaincue par cet effort et comme brisée, elle re-
>» tourne, matière brute, au grand réservoir d'où elle était
w sortie. »
On nous pardonnera sans doute la longueur de la
citation précédente. Nous n'avons pas osé porter la
main sur ces belles pages, la plus éloquente expression
des sentiments que puisse exciter chez l'homme instruit
la contemplation des phénomènes de la nature, et la con-
science des admirables rapports qui rattachent l'un à
l'autre les deux règnes organisés. Depuis la publication
des Harmonies de la nature, on n'a rien écrit d'aussi élevé
sur un sujet de ce genre. Encore est-il permis d'affirmer
qu'ici la pensée impressionne et saisit plus vivement que
dans le livre de Bernardin de St-Pierre, parce que la vérité
des faits et l'exactitude des aperçus nous touche davan-
tage que l'idéalité des sentiments ou les contemplations
abstraites de la philosophie. Il est permis à la chimie
de s'enorgueillir d'avoir présidé à des productions d'un
tel ordre.
PATHOLOGIE.
Nous croyons nécessaire de rappeler, en abordant cette
partie de notre travail, que nous ne prétendons nullement,
dans les pages qui vont suivre, présenter le tableau com-
plet des services dont la pathologie est redevable à la
cbimie. La nature et le but de cette dissertation ne justifie-
raient point uneanalyse aussi étendue. Pour faire apprécier
toute l'importance des secours que la pathologie a retirés
25
des expériences chimiques, nous nous contenterons de
rapporter les faits les plus saillants en ce genre, ceux qu'un
assentiment unanime a mis à labri de toute objection rai-
sonnable. Nous nous bornerons, en conséquence, à rap-
peler les services que la chimie a rendus à la médecine
dans les circonstances pathologiques suivantes :
1° L'inflammation ,
2° Les fièvres,
S» Certaines altérations humorales,
U° Certaines sécrétions morbides,
5° Certains corps étrangersintroduits dans l'organisme,
et qui y deviennent la cause déterminante d'un état pa-
thologique.
Inflammation. — Avant l'intervention de la chimie, les
doctrines mécaniques appli([uées par Hoffmann et par
Boerhaave au phénomène de l'inflammation, n'avaient
abouti à aucune conclusion positive applicable à la théorie
ou à la pratique. Les doctrines de Vobstmction et de Verreur
de lieu, qui n'avaient que l'apparence de toucher au fond
des réalités pathologiques, n'étaient que des hypothèses
gratuites et sans application possible. Les médecins qui de
nos jours ont abordé l'étude des phénomènes inflamma-
toires, en se laissant guider par l'analyse chimique, ont
au contraire amené la science dans une voie doublement
féconde sous le rapport de l'apphcation et de la théorie.
Hunter, Thomson, Scudamore et M. Lecanu, avaient
observé, d'une manière plus ou moins précise, que dans
les maladies de nature inflammatoire, la proportion de
l'élément fibrineux du sang paraissait s'accroître d'une
manière sensible ; mais c'est aux beaux travaux de
MM. Andral et Gavarret qu'appartient, comme tout le
monde le sait, l'honneur d'avoir mis ce fait dans tout son
26
jour, et d'en avoir tiré des conhécjuences dont la portée
n'est plus contestée.
L'application des méthodes chimiques à l'étude de l'in-
flammation a éclairé tout à la fois les sijjnes, le diagnosiic,
la théorie et le pronostic de l'inflammation.
MM. Andral et Gavairet ont reconnu que dans toute
ph]e(]raasie ai[juë, la proportion ordinaire de la fibrine du
sang se trouve augmentée. Cette substance, qui existe
dans le sang dans la proportion de 3 millièmes du poids
total, peut, par le développement d'un état inflammatoire
aigu, s'élever à un chiffre plus élevé, et cpii oscille entre
7 et 9 millièmes environ. Ces modifications dans l'état du
sang ont été constatées par MM. Andral et Gavarret
dans les affections suivantes : la pneumonie , la pleurésie ,
la bronchite, 1 amygdalite, la péritonite, l'érysipèle, la
cystite, certaines périodes de la phthisie pulmonaire, le
rhumatisme articulaire aigu et l'inflammation des gan-
glions lymphatiques.
La constance de cette altération dans la composition
chimique d'un liquide de l'économie , sous l'influence
d'un état morbide particulier, est assurément l'un des
faits les plus curieux que la médecine ait acquis de nos
jours. On peut regarder, en effet, l'augmentation de la
fibrine dans le sang comme un caractère certain de l'état
phlegmasique. C'est ce qu'établissent d'une manière très
nette les résultats que nous allons rappeler.
Les recherches de MM. Andial et Gavarret ont fiiit voir
que l'excès de fibrine introduit dans l'économie par le
développement d'un état inflammatoire, disparaît peu
à peu à mesure que lindividu recouvre la santé; après la
guérison, la proportion de la fibrine et des globules re-
monte au chiffre ordinaire. Elles ont constaté cet autre
fait non moins important, que la quantité de fibrine,
27
dans un sang pathologique, se trouve en rapport avec
l'étendue et Tinlensité du travail phlegmasique, et peut
ainsi, jusqu'à un certain point, servir de mesure à ce
dernier : « Lorsque rinflammation augmente, dit M, An-
M dral, la fibrine augmente également ou diminue avec
» elle; elle en suit absolument toutes les phases. Ainsi,
M dans une pneumonie très intense, une première saignée
)' fournit 8,9 de fibrine; la maladie augmente, deux autres
M saignées sont pratiquées, la fibrine est à 10 ; la résolu-
» tien commence, etaussitôt elle tombe à 5. Toutes les fois
* que lamaladie présente des alternatives d'exacerbation
» et de rémission, la fibrine augmente ou s'abaisse dans la
» même proportion. Ainsi, dans un rhumatisme articulaire
» aigu, première saignée, fibrine 6,2; la fièvre cesse, les
» douleurs s'amendent, fibrine 3,7 ; rechute, fibrine 5 ; la
» maladie passe à l'état chronique, retour de la fibrine à
» l'état normal. »
Les maladies qui se développent en même temps qu une
phlegmasie, n'empêchent pas la fibrine d'atteindre un
chiffre élevé, et ce caractère ne manque pas davantage si
la phlegmasie se déclare chez un individu déjà atteint
d'une affection d'une autre nature. Chez une chlorotique,
dont l'altération sanguine se traduit par un abaisse-
ment sensible dans le chiffre de la fibrine et des globules,
s'il survient une pneumonie, la fibrine s'élève promp-
tementau chiffre qui caractérise les maladies inflamma-
toires.
Ainsi, toutes les fois que dans l'économie un état in-
flammatoire aigu vient à se déclarer, il se révèle par une
élévation correspondante dans la quantité de matière
fibrineuse du sang. Ce résultat, dû à 1 application des
méthodes chimiques, est acquis à la science d'une manière
irrévocable.
28
Ajoutons que la fibrine n'est pas le seul élément dont
laugmentation dans Féconomie soit liée à l'existence d'un
état inflammatoire aigu ; les maladies de cet ordre peu-
vent encore provoquer une altération de quantité portant
sur l'albumine du sang. M. Andral a constaté que dans
l'inflammation, l'albumine peut s'élever de la proportion
normale de 68 millièmes à celle de 90 à 92 millièmes.
L'analyse chimique a donc manifestement éclairé les
signes de Tétat inflammatoire. A ce propos, on nous per-
mettra de dire quelques mots d'une question qui se lie
étroitement à la précédente, et de montrer que la déter-
mination de la valeur séméiologique de la couenne dite
inflammatoire f a reçu également une solution pratique
utile du concours de la chimie.
La véritable signification de la couenne, dans le cours
d'une maladie, était, il y a peu d'années, fort diversement
jugée par lespathologistes.Un grand nombre de médecins
considéraient ce produit comme un indice certain de l'état
phlegmasique; d'autres rejetaient sa liaison étiologique
avec un état inflammatoire. La chimie, en étudiant ce
fait, a permis de prononcer sur la question.
Cette science a fait connaître d'abord la véritable
nature de la couenne; on a constaté que ce produit est
uniquement composé de fibrine, et ne diffère du caillot
qu'en ce qu'il est privé des globules rouges auxquels
le caillot doit sa couleur. Elle nous a appris ensuite à
nous rendre compte de son mode de formation. Il est
reconnu aujourd'hui que l'apparition de la couenne ne
lient qu'à un simple retard survenu dans le moment de la
précipitation de la fibrine. Tout le monde connaît le mode
suivant lequel s'accomplit, dans le cas ordinaire, le
phénomène de la coagulation du sang. Dissoute dans
le sang en état de circulation, la fibrine s'en sépare quand
29
ce liquide se trouve soustrait à Tinfluence de la vie; mais
en se concrétant au milieu du sérum, la fibrine entraîne
avec elle les globules suspendus dans la masse liquide, et
le caillot qui se forme est un véritable canevas fibrineux,
emprisonnant les globules dans les mailles de cette espèce
de réseau. Concevons maintenant que, par une cause
quelconque, la séparation de la fibrine se trouve acciden-
tellement retardée, les globules auront le temps de tomber
peu à peu au fond du vase, avant que la fibrine vienne les
saisir et les engager dans son tissu ; quelques instants
après la fibrine elle-même, isolée et incolore, viendra
nager à la surface des globules précipités.
Ainsi, la production de la couenne n'est due qu'à un
simple retard survenu dans le phénomène de la coagula-
tion du sang. Il serait trop long de rappeler les preuves de
ce fait aujourd'hui généralement admis. Or, comme une
série de causes différentes peuvent produire ce retard dans
la coagulation du sang, il en résulte qu'il n'est plus permis
de considérer l'apparition de la couenne comme le sym-
ptôme certain d'un état inflammatoire.
La théorie de l'inflammation a également reçu de la chi-
mie un secours d'une certaine utilité. On se rappelle que
MM. Donné etGendrin avaient essayé d'établir une théo
rie de l'inflammation en admettant la simple transforma-
tion de chaque globule sanguin en un globule purulent.
M. Donné, en mettant du pus en contact avec du sang de
grenouille, avait vu le sang rester incoagulable, et affecter
ensuite tous les caractères que ce liquide présente dans le
cas d'infection purulente; et M. Gendrin avait dit : «« Si
») l'on irrite de diverses manières la patte ou le mésentère
» d'une grenouille, et qu'on observe avec le microscope
» les modifications que subit le cours du sang, on voit,
» lorsque celui-ci se ralentit, que les globules se vident
30
» d abord en se débarrassant de leur enveloppe coloréèj
M puis perdent peu à peu leur transparetice et arrivent, au
» point où l'irritation est la plus forte, tous transformés en
» globules purulents. » L'examen cbimique du ])us et la
comparaison de sa composition avec celle du sang nor-
mal ou bien altéré par Teffet de son mélange avec le pus,
dans les cas de phlébite ou de métastase purulente, a suffi
pour renverser ce système d'idées; et Ton trouve là
l'exemple assez curieux d'une théorie fondée sur l'ins-
pection microscopique, renversée par le contrôle de la
chimie.
Les résultats que nous venons de rappeler ont pu s'ap-
pliquer au diagnostic de l'inflammation. Sans doute il se-
rait difficile de recourir à un tel moyen dans les cas ha-
bituels de la pratique médicale, mais un fait qui paraît
démontré, c'est que, de tous les signes de l'inflammation,
l'augmentation de la quantité de fibrine est le plus constant,
l'existence d'un état phlegmasique se trouvant liée, sans
qu'il soit possible de saisir la raison de cet enchaînement
de causalité, avec une production anormale de matière
organique. C'est ce que M. A ndral exprime en ces termes :
« L'augmentation de la fibrine est un caractère telle-
M ment sûr de l'inflammation, que si, dans une maladie,
» on rencontre plus de 5 en fibrine, on peut assurer
» hardiment qu'il y a dans quelque organe une |)hleg-
» masie. Une malade entre à l'hôpital avec des signes
» de congestion utérine; une saignée montre plus de
» fibrine qu'à Tétat normal : on annonce une T)hlep^-
» masie, dont il ne se manifeste que des symj)tômes
» très douteux jusqu'à la mort; on trouve alors un abcès
» entre le rectum et la matrice. Dans un autre cas, égale-
» ment douteux, on trouve 7 en fibrine; il existait une
» pneumonie bien caractérisée. Un sujet se présente
81
» avec une scarlatine, et son sang offre 9 1/2 en fibrine,
» c'est-à-dire une augmeniation de fibrine que Ton ne
» trouve que dans les phle(^masies. La mort permet de
» constater le développement d'une néphrite. Nous pour-
» rions citer un grand nombre d'exemples semblables ;
» ils prouvent jusquà l évidence que le diagnostic peut être
^) fondé sur la seule connaissance des quantités de fibrine que
» le sang a offertes (1). »
Fièvres. — Parmentier et Deyeux entreprirent, à la fin
du siècle dernier, l'analyse du sang des fiévreux. Leurs ré-
sultats furent négatifs. Cette circonstance, jointe au soli-
disme exclusif qui régnait alors dans les écoles, détourna
longtemps les pathologistes de ce genre d'études. Elles
n'ont été reprises que dans ces dernières années , par
MM. Andral etGavariet. Ces habiles et persévérants ob-
servateurs ont fait porter leurs recherches sur les fièvres
intermittentes et continues , sur la fièvre typhoïde à ses
diverses périodes, sur les fièvres éruptives (variole, rou-
geole et scarlatine). Il résulte de leurs analyses, que la
quantité de fibrine du sang n'augmente jamais dans les
fièvres, excepté toutefois lorscju'il survient une complica-
tion inflammatoire; dans toutes les pyrexies, elle se main-
tient au chiffre normal ou s'abaisse, mais ne s'élève jamais.
M. Andral conclut de ce fait, que ce n'est point dans une
altération du sang que réside la nature de cette maladie,
mais que la cause spécifique qui lui donne naissance agit
sur le sang de telle manière qu'elle tend à y détruire la
matière spontanément coagulable, tandis que dans Tin-
flammation, au contraire, elle tend à créer dans le sang
une nouvelle quantité de substance plastique.» Puisque la
(i) Andral, Cours de pathologie a la Faculté de médecine.
32
» diminution de la fibrine, dit M. Andral , n'est pas né-
» cessaire, il est bien clair que ce n'est pas dans cette
M altération qu'il faut placerle point de départ des pyrexies.
» Mais ce qui semble incontestable, c'est que la cause spé-
» cifique qui leur donne naissance agit sur le san.Qf de
» façon à ce qu'elle tende à y détruire la matière spontané-
» ment coagulable. Si cette cause agit avec peu d'énergie,
» et que l'économie lui résiste, la destruction de la fibrine
» ne s'accomplit pas. Si, au contraire, la cause continue
» d'agir avec toute son intensité, et que les forces de Tor-
» ganisme soient en défaut, la destruction de la fibrine
» commence soit, dès le début même de la maladie, ce qui
» est fort rare, soit un certain temps après qu'elle a pris
» naissance. « L'éminent pathologiste explique, par ces
considérations, les hémorrhagies, les stases sanguines, les
épanchements sous-cutanés si fréquents dans les fièvres
de la nature des typhus, enfin, le ramollissement des tissus
qui est une conséquence de ces accidents morbides.
Un moment contestées par MM. Becquerel et Rodier,
ces conclusions ont été confirmées par MM. Léonard ,
Foley et Abeille (1). M. Andral a plus tard répondu aux
diverses objections que ses recherches avaient provoquées,
et il est revenu sur quelques uns de ses premiers résultats.
Mais le fait général du maintien de la fibrine dans ses
limites normales, pendant le cours des pyrexies, demeure
définitivement acquis à la science.
La conséquence de ce fait est bien digne, d'ailleurs, de
fixer l'attention des pathologistes,etderéconcilierlesméde
cins d'une certaine école avec les résultats obtenus parTinter,
médiaire de la chimie. Confirmant les opinions anciennes,
les analyses du sang ont fait ressortir une différence tran-
(i) Recueil de médecine militaire, \%^Ç>^ el Revue médicale^ 1849.
I
33
chée entre les plile[|masies et les fièvres. L'existence des
fièvres essentielles ne saurait donc être révo(|uée en doute,
et c'est inutilement que Ton voudrait les ramener à la
gastro-entérite on à toute antre affection de nature
inflammatoire. De là découle encore cette conséquence,
que le traitement des pyrexies n'est pas nécessaii ement
celui de rinfl.uumation , que les indications llicra-
* peulicpies ne sauraient cire les mêmes dans ces deux
ordres d'états morbides, et qu'on ne peut espérer d'en-
rayer les pyrexies essentielles avec de simples émissions
san^jnines. i\insi, dans le cas cpn' nous occupe, la iliéra-
peuii(piea trouvé dans l'analyse chimique la sanction des
préceptes que l'observation clinique avait depuis long-
temps dévoilés.
Altérations humorales. — Nous réunirons sous ce titre
les faits qui se rapportent à Y anémie ^ à la pléthore et au
scorbut.
Avant l'application de l'analyse chimique à l'étude de la
pléthore, on regardait cette maladie comme un état dans
lequel le sang dépasse en quantité ses limites physiolo-
giques. MM. Andral et Gavarret ont été conduits à faire
abandonner ce genre de vues. Le sang, analysé dans la
pléthore, n'a jamais fourni une quantité de fibrine supé-
rieure à la moyenne physiologique, et, selon M. Andral ,
c'est l'augmentation des globules, principe excitateur de
l'organisme, qui constitue le caractère de cette maladie.
Le chiffre physiologique des globules étant de 127 ,
MM. Andral et Gavari et ont trouvé, dans trente et une sai-
gnées, le chiffre de 141 pour moyenne, et celui de 154 pour
maximum.
Si l'augmentation du chiffre des globules du sang est le
signe qui caractérise la pléthore, sa diminution est au
3
34
contraire, le fait symptomatique de Yanémie. Étudiée ])our
la première fois il y a une quinzaine d'années, sous le rap-
port chimique, par MM. Piorry et Lhéritier, Andral,
Marshall-Hall et Denis, cette maladie a été plus tard sou-
mise à la mémo étude par MM. Andral et Gavarret. Les
altérations signalées par MM. Andral et Gavarret ont
été retrouvées par d'auties observateurs, particulièrement
par MM. Bec{|uerei etRodier; ces altérations consistent
essentiellement dans la diminution des globules sanguins.
M. Andral a vu les globules descendre, dans cette mala-
die, au chiffre de 60, de 50 et même seulement de 21 mil-
lièmes. Ces l'ésultats explitjuent la nature toute particu-
lière que présente le caillot sanguin dans l'anémie et la
chlorose; ils fixent en même temps le rang que ces ma-
ladies doivent occuper dans le cadre nosologique.
La cliimie nous a encore expliqué Futilité des prépara-
lions ferrugineuses dans le traitcuient de la chlorose et de
Tanéuiie, en démontrant que la matière colorante des
globules du sang contient du fer, et que ces globules
dimitHient de quantité dans ces deux maladies. Ajoutons
que les avantages de radmiuistration du manganèse dans
la eldoro- anémie s'expliquent de la même manière,
M.Millon ayant réussi à découvrirdans lesang, des quan-
tités notables de manganèse qui accompagnent le fer dans
les globules colorés.
Applicjuoe à Tétude pathologique du scorbut, l'analyse
chimique a fourni à M. Andral plusieurs résultats intéres-
sants. Mais ces faits ayant soulevé des discussions , nous
n'insisterons pas sur ce sujet.
f^ices de s^'crétion. — Nous réunirons sous ce titre le
diabètes et Y albuminurie.
La maladie de Bright présente un exemple si frappant
35
de Inutilité de la chimie dans les sciences médicales, qu'il
y aurait de la puérilité à insister sur ce point. Une modi-
fication du liquide urinaire, qui n'est appréciable que par
un examen chimique, constitue le caractère padio^jnomo-
nique de cette alfection, et la pratique de nos hôpitaux
montre cha(jue jour toute la réalité de ce fait. Si la chimie
est impuissante à nous éclairer sur les causes et sur le
traitement de Talbuminurie, elle fournit au moins le seul
moyen dont la médecine dispose pour le diagnostic de
cette altération pathologi([ue. Rappelons, en conséquence,
le moyeu si simple qui permet de constater la présence de
Talbumine dans Turine.
L'albumine ne modifie en rien les propriétés ordinaires
de l'urine; aussi rien n'est-il plus facile (\ue de constater
sa présence dans ce liquide. 1. 'acide nitrique ou la cha-
leur la coagulent aussitôt, et le liquide se prend quelque-
fois en masse. Il suffît donc, au lit du malade, d'ajouter
un peu d'acide nitrique à l'urine, pour voir se révéler le
signe caractéristique de la maladie de Bright.
Si la présence de l'albumine dans l'urine caractérise
la maladie de Bright, l'existence du sucre dans;le même
liquide est l'indice pathognomonique d'une^autre affection
beaucoup plus fréquente qu'on ne l'avait pensé autrefois;
nous voulonsparlerdu diabètes sucré, dont la connaissance
a reçu, dans ces derniers temps, de si intéressants secours
des investigations de la chimie. Sans nous arrêter aux
théories étiologiques émises à propos de cette affection ,
théories entre lesquelles il nous paraît difficile de se |)ro-
noncer encore, nous rappellerons que la chimie a éclairé
d'une manière bien évidente le traitement, et surtout le
diagnostic du diabètes. Le traitement par le carbonate
d'amnjoniaque et les sudorifiques, proposé par M. Bou-
36
cliardat, comme application de sa théorie sur l'origine de
celte afCection, et le tiaiteiiient par l'administration inté-
rieure des préparations alcalines et des eanx de Vicliy,
préconisé par M. Miallio, obtiennent aujourd hni, dans la
tl)érapeutl(jne de cette cruelle aircciit)n, des succès qu'il
serait injuste de méconnaître. Nous voyons, depuis quel-
ques années, les diabélicpies envoyés à Vichy, en revenir
dans un état de santé par(ai:e; eî si Tonobjecie (pie la ma-
ladie est, dans ce cas, sujette à la récidive, on peut répon-
dre en demandant à la médecine dans combien de cir-
constances elle peut se flatter d'atteindre à la guérison
radicale d'une afFection chronique. Si la nouvelle thé-
rapeuticpie appli(]uée au diabètes a permis de substi-
tuer à uneallection inévitablement mortelle , une simple
disj)osition morbide , susce[)tible d être conjurée par l ad-
ministration, à quehjues intervalles^ d'un agent aussi sim-
ple, aussi commode dans son emploi que les préparations
alcalines , n'esi-i! pas permis de dire que cette méthode a
bien mérité de la science et de l'humanité?
N'hésitons pas cependant à reconnaître que c'est parti-
culièrement dans le diagnostic du diabètes que la chimie
rend d'importants services, et ce sujet offrant un grand
intérêt au point de vue pratique, nous rappellerons briè-
vementles moyens qui permettent de déceler dans l'urine
l'existence d'une matière sucrée.
Quand le diabètes est bien déclaré , le sucre peut être
reconnu »lans l'urine avec une facilité extrême. Les malades
peuvent rendre quehpiefois jusqu'à 500 grammes de
sucre par jour, et, dans ce cas, la saveur seule du li(]uide
trahit la présence de ce produit étranger. A défaut d'un tel
caractère, il suffirait d'évaporerl'urinepour en obtenir une
sorte de sirop. C'est donc seulement à l'origine de la ma-
ladie, et quand la sécrétion saccharine est faible ou dou-
37
teuse, que cette recherche peut présenter delà difficulté
au point de vue chimique et de Tutilité au point dé vue
médical.
Pour reconnaître la présence de petites quantités de
sucre dans le liquide urinaire, on peut recourir à plu-
sieurs moyens :1a fermentation, la cristallisation, l'examen
optique, l'action du sulfate de cuivre additionné de pu-
tasse, enfin l'action de la potasse sur le liquide urinaire
porté à réballiiion.
Da»s le premier cas, on met l'urine en contact avec de
la levure de bière, préalablement bien lavée , afin de la
débarrasser de petites portions de sucre encore adhé-
rentes à sa surface. Mais il ne suffit pas d'obtenir
quelques éprouvettes d'acide carbonique, il faut recueillir
l'alcool par la distillation du liquide fermenté, car plu-
sieurs matières animales, sous l'influence de la levure,
peuvent fournir de l'acide carboni(|ue.
Pour isoler le sucre contenu en petite proportion dans
une urine, il faut opérer sur un litre, au moins, de liquide.
On y verse de l'acétate de plomb, et on enlève l'excès
de ce composé par un courant d'acide sulfhydrirjue; on
évapore ensuite; on reprend parde l'alcool, qui dissout le
sucre, et par son évaporation, permet de l'obtenir cris-
tallisé, ou du moins sous forme solide.
L'examen optique de l'uiine s'exécute avec l'appareil
de polarisation de M. Biot, ou le saccharimètre de M. So-
leil. Mais ces instruments sont difficilement mis en usage
par des personnes peu expérimentées.
L'emploi du sulfatede cuivre, additionné dépotasse, ou
bien le tartrate de potasse et de cuivre, avec addition de
potasse, mélan[;e dé^i^jnésous le nom de liqueur de Barres-
ivil , est encore d'un usa(]e avania^jeux pour la recherche
du sucre. Le précipité d'oxyde rouge de cuivre, que l'on
S8
obtient en chauffant le liquide, est un indice très com-
mode et très sûr de la présence du sucre.
Un dernier caractère, aussi simple que le précédent,
consiste à faire bouillir Turine, dans un tube de verre,
avec de la potasse. Si l'urine renferme du sucre, le li-
quide prend une couleur brune, par suite de Taltéra-
lion chimique que le glucose subit, sous Tinfluence des
alcalis libres, à la température de Tébullition. L'intensité
plus ou moins grande de cette coloration brune peut même
servir d'indice de la quantité de sucre qui existe dans l'u-
rine, et Ton peut de cette manière suivre les progi^ès ou la
décroissance des symptômes de la maladie.
Cependant, dans les circonstances ordinaires, une urine
diabétique est facile à reconnaître sans recourir à aucun
des moyens précédents, et sans quitter le lit du malade.
Trois caractères ne manquent jamais, quand la proportion
de sucre est un peu forte dans une urine : 1° sa sa-
veur légèrement sucrée , 2° la pâleur et l'abondance du
liquide sécrété, 3° sa densité considérable. Une urine dia-
bétique est caractérisée d'une manière presque suffisante
par sa pâleur et la densité 1,025 a 1,0/tO. L'urine, dont
la densité moyenne est de 1,018 à 1,022, peut en effet,
atteindre cette augmentation de densité dans diverses cir-
constances morbides , mais alors cette altération dans ses
propriétés physiques est due à la présence de substances
d'une autre nature, et le liquide est fortement coloré au
lieu de rester, comme dans le diabètes, pâle et un peu
trouble.
Corps étrangers dont la présence détermine dans f économie
un état pathologique. — Nous comprenons sous ce titre les
ealculs delà vessie et les calculs biliaires.
La nature des calculs de la vessie^ le diagnostic de
â9
raffection qu'ils constituent, le traitement qu'ils récla-
ment, ont été également redevaUes aux tiavaux des chi-
mistes.
Avant que la chimie eût appris à bien connaître la com-
position de l'urine, les rapports que les di\ers éléments
qu'elle renferme peuvent alïecter entre eux, et la modifi-
cation que ces éh'Mnents peuvent subir par les influences
extérieures ou internes, rien ne pouvait rendre compte,
d'une manière saiislaisante, de ces énormes dépôts acci-
dentellement opérés dans la profondeur d'un or(>ane inac-
cessible aux yeux du médecin. La découverte de Tacide
urique, trouvé dansTurine en 17 7 G, par le célèbre Scheele,
vint enfin expliquei- ce mystère pathologicpie. Les travaux
ultérieurs des chimistes ont confirmé et précisé les cir-
constances de ce fait, et fourni en même temps, des indica-
tions dont la pratique tire le j)liis grand parti.
Le mode de formation des calculs de la vessie est expli-
€jué aujourd hui d'une manière qui ne peut laisser la plus
légère prise au doute. Un calcul a piesque toujours son
origine dans un grain d'acide urique, sécrété en excès avec
l'urine, et qui s'est précipité de ce liquide dans le rein
lui-même. Une fois descendu dans la vessie, ce sédiment
étranger devient comme un centre d'attraction pour les
éléments solides qui se trouvent dissous dans l'urine; la
partie la moins soluble de ces éléments'se précipite peu à
peu à sa surface, et grossit successivement son volume
par la superposition de couches nouvelles. C'est ce que
Berzelius nous explique en ces termes :
« La cause de la formation des calculs urinaires tient,
» dit ce chimiste, ou bien à ce que des substances peu
» solubles sont produites par les reins en quantité trop
» grande pour rester dissoutes dans l'urine , ou bien
» à ce que l'acide hbre est trop peu abondant dans l'urine
40
M pour tenir les phosphates terreux en dissolution , ou
» bien enfin à ce que, par suite d'une disposition mala-
» dive des reins , ces or^janes donnent naissance à des
» substances non ordinaires et peu solubles dans Turine,
» qui se déposent sur-le-champ, comme par exemple,
» l'oxalate de chaux. La précipitation de ces substan-
» ces peut s'effectuer de plusieurs manières : ou bien
» elles se pi'écipiient sous forme pulvérulente , et s'é-
» chappent avec Furine, qu'elles rendent trouble et lai-
» teuse ; ou elles se déposent imu^édiatement dans le
» bassinet, à la paroi interne duquel ils adhèrent d'abord,
V et dont ensuite ils se détachent,. au bout de quelque
» temps, pour, au milieu de coliques plus ou moins vives,
» descendre le lori^j des uretères jusque dans la vessie,
M d'où ils sortent avec l'urine sous la forme de {jraviers.
» Mais si malheureusement un de ces petits jjrains reste
w dans la vessie, il devient le noyau d'un dépôt lent des
» substances peu solubles de l'urine, dont il détermine
» la cristallisation, même lorsque cette dernière n'en
» contient pas plus qu'à l'ordinaire. Dès lors, suivant que
» les chan^];ements de ré^jime au(jmentent à diverses épo-
» ques la quantité de l'un ou de l'autre des principes
» constituants peu solubles de l'urine , celui-là se dé-
» pose, et la })ierre, dont le volume croît sans cesse, se
if trouve formée de substances différentes, disposées par
» couches concentriques et alternant les unes avec les
» autres, jusqu'à ce que, par sa j^^iosseur, elle détermine
» l'inflammation et la {janjjrène de la vessie, auxquelles
» le malade succombe enfin Jiprès de longues souffrances.
» C'est là en peu de mots l'histoire de la maladie cal-
I» culeuse. »
A cette explication si naturelle et si claire de l'ori^^ine
et de l'accroissement successif des concrétions vésicules,
41
comparez les opinions vitalistes professées par quelques
médecins, rapprochez de ce raisonnement si logique, les
théories sur Virritatioriy sur la perversion de faction glandu-
laire, sur f activité anormale des capillaires des reins, et dites-
nous s'il est possihie d'hésiter un instant entre ces deux
systèmes d interprétation.
Si rétio!o{jie chimicpie des calculs vésicaux se trouve
à Tabri de toute objection, on ne pourrait, à plus forte
raison, contester les services que la chimie nous a rendus
pour faire connaître la nature de ces productions patholo
giques.
Personne n'ignore que la thérapeutique tire de pré-
cieuses ressources du diagnostic de l'affection calcu-
leuse ou graveleuse, basé sur l'analyse chimique. Les
succès obtenus par Temploi des préparations et des
boissons alcalines, pour combattj-e la gravelle, ou pour
prévenir la formation et le retour des calculs, et le pré-
cepte de l'abstinence des aliments azotés dans la gravele
urique, sufliraient à eux seuls pour établir l'importance
des données de la chimie ap|)liquées ù la médecine.
La chirurgie, à son tour, reçoit de la chimie de pré-
cieuses indications, par suite de la connaissance exacte
de la nature des calculs, connaissance qui peut s'ac-
quérir sans peine, par l'examen chimique des sédiments
déposés par l'urine du malade affecté d un calcul. Ce n'est
qu'après une constatation suffisante de la nature de la
concrétion renfermée dans la vessie, que le chirurgien
peut fixer le choix de ses moyens opératoires, et accordej
la préférence, suivant le cas, à la litliotritie ou à la taille.
L'intérêt de ce sujet et l'importance de ses conséquences ,
nous engagent à raj)peler ici les distinctions que l'analyse
chimique a conduit à établir parmi la variété assez grande
des calculs vésicaux.
42
On peut distinguer les calculs de la vessie en neuf
groupes différents que nous énumérons dans Tordre de
leur frét|uence relative.
1° Calculs uriques. — Ils contiennent de Tacide urique
ou bien de l'urate d'ammoniaque ou de soude. Leurs ca-
ractères sont les suivants : aspect lijjneux , ressend^lant
à Tacajou, couches très distinctes pouvant acquérir du |)oli
par le frottement. On les reconnaît à la couleur rouge dé-
veloppée par Faction de l'acide nitiique et de l'ammo-
niaque, que Ton fait agir successivement sur eux à une
température élevée.
2° Calculs fusibles. — Ils sont formés de phosphate
ammoniaco-magnésien. Caractères : fusibles au chalu-
meau, solubles dans la potasse, avec dégagement d'am-
moniaque, très solubles dans les acides, consistance
assez faible, faciles à réduire en poudre. Le phosphate de
chaux et le phos|}liate ammoniaco-magnésien sont très
souvent mêlés, et constituent une autre variété de calculs
fusibles. On les reconnaît à ce qu'ils fondent plus diffici-
lement, et à ce que l'acide acéticjue étendu dissout le phos-
phate d'ammoniaque, en laissant le phosphate de chaux.
3° Calculs de terre dos. — Ils sont unicpiement com-
posés de phosphate de chaux. Analogues aux précédents
par leur aspect , ils s'en distinguent en ce que la potasse
n'en dégage jias d'ammoniaque, et que la chaleur ne dé-
termine jamais leur fusion.
h^ Calculs muraux. — Constitués par de l'oxalate de
chaux ; très durs, hérissés d'aspérités, de couleur brune
due au sang coagulé, insolubles à froid dans les acides et
les alcalis faibles, laissant de la chaux vive par la calci-
nation.
5° Calculs xanthiques. — Ils ressemblent aux calculs
uriques par leur aspect, et leur constitution chimique est
43
presque identique. Ils s'en distinguent à ce caractère
que l'acide carbonique les précij)ite de leur dissolution
dans la potasse, et à ce qu'ils prennent une couleur jaune
quand on les traite par Tacide nitrique et Tamnioniaque.
Cette variété de calculs est plus fréquente qu'on ne le
pense. Il arrive souvent que des calculs que Ton considère
connue composés d'acide urique, lorsqu'on le traite par l'a-
cide nitrique et l'ammoniaque, ne rougissent que par places
ou prennent seulement une coloration jaune ; il est pro-
bable que dans ce cas le calcul est formé d'oxyde xan-
thique.
6° Calculs cystiques. — Très rare chez l'homme, ce
genre de calcul existe assez souvient chez le chien. Il est
soluble dans l'ammoniaque faible, son caractère distinctit"
réside dans l'odeur particulière qu'il développe en brû-
lant. L'oxide cystique renferme du soufre dans sa com-
position , ce qui le rend reconnaissable à l'odeur d'acide
sulfureux qu'il exhale par sa combustion. On a , dit-on ,
remarqué que cette nature de calculs attaque souvent à la
fois les deux frères d'une même famille.
7° Calculs de carbonate de chaux. — Très rares chez
l'homme, mais non chez les animaux. L'urine du lapin et
celle du cheval sont troublées par du carbonate de chaux
en suspension ; la vessie des rats renferme toujours quel-
ques concrétions de cette espèce. Ses caractères chimiques
se rapportent à ceux du carbonate de chaux.
8° Calculs siliceux. — Ils sont excessivement rares, on
en a vu à peine deux ou trois, mais leur formation se con-
çoit, puisque l'urine contient un peu de silice.
9° Calculs fibrineux. • — • M. Marcet a désigne sous ce
nom un calcul qu'il a rencontré, et dont la production sem-
blait due à l'existence d'une blessure de la vessie, avec épan-
chement sanguin et résorption de la partie liquide du sang.
44
Les quatre premiers genres de calculs que nous venons
d'ënume'rcr, offrent seuls de Timportance ; les autres ne
se rencontri^nt que dans des circonstances fort rares.
La connaissance de la composition chimique des calculs
a éclairé, avons-nous dit plus haut, le traitement de Taf-
fection qu'ds constituent. Mais la chimie a voulu aller plus
loin, et trouvant peut-être sa part trop faihle dans un pro-
blème pathologique si digne de son concours et si appro-
prié à ses méthodes, elle a essayé d'aborder, avec les seuls
moyens dont elle dispose, le traitement de cette maladie.
Ce ne sont guère cjue des essais et des efforts en germe que
nous allons rappeler, mais le petit nombre de résultats
obtenus jusqu'à ce moment note rien à Tuitérêt qu'ils
inspirent, ni à leur portée future.
Lorsque le médecin ou le malade, redoutant Temploi
des moyens chirurgicaux, ont essayé d'entreprendre le
traitement curatif d'un calcul par des procédés purement
chimiques , ils ont eu recours à l'un des moyens que nous
allons rappeler.
1° L administration des carbonates alcalins. Bien que
disculée depuis longtemps avec ardeur de part et d'autre,
la question de l'utilité des carbonates alcalins dans le trai-
tement des calculs est encore loin d'être résolue. Ce ré-
sultat est d'ailleurs facile à comprendre; les partisans des
deux opinions étaient, chacun de leur côté, trop intéres-
sés dans la question. Ce sont des chirurgiens qui ont
contesté l'utilité des eaux alcalines dans le traitement des
calculs, ce sont des chimistes ou des médecins d'eaux
minérales qui ont défendu leuis vertus.
Sil nous est permis d'exprimer ici une opinion sur
l'action thérapeutique des alcalis dans le traitement de
la maladie calculeuse, voici à quelle conclusion nous a
conduit l'examen attentif de ces faits si débattus. Pré-
45
tendre que les préparations alcalines ou les eaux de Vichy
peuvent ayir par dissolution sur un calcul existant dans
la vessie, serait une opinion im|)ossil)le a soutenir, attendu
que, d'une part, les phosphates terreux qui constituent
Tune des csj)èces les plus rré(]uentes de ces concrétions,
sont insolubles dans les carbonates alcalins, et qu'il n'est
pas bien démontré, d'autre part, que les calculs formés
d'acide uri(pie ou durâtes soient parfaitement solubîes
dans les mêmes liquides; attendu, enfin, que M. Pelouze
s'est assuré que des calculs vésicaux de diflérente nature,
abar.donnés pendant une année entière dans l'eau des
sources de Vichy, ou dans des dissolutions de bicarbonate
de soude, n'avaient pas , au bout de ce temps, sensible-
ment perdu de leur poids. Mais, de ce que les eaux de
Vichy n'agissent point en dissolvant les éléments des
calculs urinaircs, il ne s'ensuit point qu'elles ne puissent
exercer sur eux aucune sorte d'action chimique. Il y a
autre chose, en effet, dans une concrétion vésicale, que
les éléments salins qui la constituent ; il y a encore le
mucus (pii maintient et qui a provoqué l'adhérence des
dil^férentes particules salines qui la composent. Ce mu-
cus, qui sert de ciment et de lien aux matériaux du
calcul, joue dans sa formation un rôle plus important
qu'on ne le pense; c'est souvent par suite de la nature
plus ou moins adbésive du mucus sécrété par sa vessie,
qu'un individu peut devenir ou ne point devenir calcu-
leux, et, poiu" le dire en passant, les médecins qui ont mis
en avant l'idée de dinthcse calculeuse, seraient restés mieux
d'accord avec les faits, s ils avaient désigné sous le nom
de diat/ièse muqueuse la disposition morbide qu'ils vou-
laient définir. Or ce mucus, dont la sécrétion anormale
ou la nature particulière a déterminé l'agglomération des
éléments solides de l'urine, et consécutivement la produc-
46
tion d*un calcul , ce mucus est soluble dans les carbonates et
les bicarbonates alcalins, et particulièrement dans teau de Vi- y
chy. C'est donc par raclion dissolvante de ces eaux sur le
mucus de la vessie, et non sur les particules solides des
calculs, qu'il faudrait expliquer, selon nous, faction in-
contestable, dans bien des cas, de Teau de Vichy , dans le
traitement de l'affection qui nous occupe.
Si cette théorie est l'expression de la vérité, il doit en
résulter:
1° Que les préparations alcalines et les eaux de Vichy
doivent avoir peu d'effet sur une concrétion anciennement
formée et existant dans la vessie, le mucus du calcul
se trouvant, depuis lon[jtemps, hors de l'atteinte de l'a-
gent de dissolution.
2° Que la médication alcaline doit être efficace, comme
moyen préventif de la maladie, soit pour s'opposer à la
formation des calculs, soit pour mettre obstacle à la re-
production d'une pierre enlevée par le chirur^âen, soit
enfin pour prévenir la transformation de la gravelle en un
véritable calcul. Dans ces divers cas, le carbonate alcalin,
dissolvant le mucus à mesure qu'il apparaît, l'empêche
d'agglomérer les particules salines ou les graviers déposés
par l'urine; ce liquide s'échappe dès lors trouble et conte-
nant des matières en suspension, mais ces matières ne
peuvent jamais s'agglomérer de manière à devenir le
noyau d'un calcul.
3° Que cette médication doit être utile dans le trai-
tement préservatif de l'affection calculeuse, quelle que soit
d'ailleurs la nature chimique des dépôts laissés par l'urine.
Ces conséquences sont conformes, nous le croyons,
aux faits recueillis par l'expérience.
Nous livrons cet aperçu, ou cette théorie de l'action
thérapeutique des substances alcalines, aux médecins-
47
inspecteurs d'eaux minérales, persuadé qu'ils sauront
en tirer bon parti.
^'^ Des injections dissolvantes ont été employées dans letrai-
tement chimique des calculs, en faisant usage de diverses
substances, dont la plus active était certainement l'eau de
chaux, car elle faisait passer Tacide urique à l'état d'urate de
chaux soluble. Cette médication a obtenu, dii-on, quelques
bons effets; mais elle a été abandonnée à cause de la len-
teur de l'action du liquide , bien que d'ailleurs celui-ci fût
tout à fait inoffensif pour la vessie. La chaux formait la
base du remède bien connu de Mlle Stéphen.
3° Divers médicaments lithoniriptiques , autres que les
carbonates alcalins^ ont été administrés à l'intérieur. Il
nous suffira de citer parmi eux la ma^ijnésie et l'acide ben-
zoïqueqni se transforme, dit-on, dans l'urine, en acide hip-
purique, lequel constitue des sels solubles, et qui est d'ail-
leurs lui-même plus soluble dans l'eau que l'acide uricjue.
h^ On a eu recours encore à l'action des acides très dilués
injectés dans la vessie. Si un calcul éiait uniquement formé
de phosphates terreux, ce moyen pourrait rendre des
services. Il faudrait injecter Tacide par l'urètre, car les
acides libres, introduits dans l'estomac, ne parviennent pas
dans la vessie. Mais on serait limité dans le choix des
acides, qui tous sont chimicpiement inactifs, ou Irop éner-
giques pour les tissus de l'organe avec lequel ils doivent
être mis en contact. Berzelius a employé, pour cet usage,
l'acide phosphori(pie étendu. Il vaudiait mieux cependant
recourir à l'acide lactique qui est l'acide libre naturel de
l'urine: la limonade d'acide lactique serait donc le meilleur
liquide à essayer.
Il faut ajouter que les phosphates ne constituant qu'en-
viron la septième partie du nombre des calculs, les cas
d'application de ce moyen ne sauraient être fréquents.
48
Si les calculs de carbonates de chaux étaient moins rares,
ce procédé aurait pu devenir sérieux.
5° Enfin, et c'est là la j)lus intéressante tentative (|ue
nous ayons à rappeler ici, on a parlé d'attaquer les calculs
contenus dans la vessie, par la p'ie vo/laïque, qui aurait
poure(fetde lesdésn(j>é[jerou de les dissoudre. M. Dumas a
proposé,dans une doses leçons à laFacuItédemédecine(l),
d'introduire dans la vessie une dissolution étendue de ni-
trate depoiasse, et de décomposer cette dissolution par
une pile de Voila dont les deux fils conducteurs seraient
renfermés dans une sonde. Soiunise à l'action de la pile, la
dissolution de nitrate de potasse fournirait, au pôle positif
de l'acide nitrique qui creuserait le calcul, en dissolvant
en ce point le phosphate, au pôle né(jatif de la potasse,
laquelle agirait en dissolvant le mucus qui sert de lien
au calcul. Pour les concrétions formées d'acide uricjue,
ce procédé serait moins efficace, car l'acide azotique mis
en liberté ne pourrait dissoudre aucun des éléments du
calcul, et la jiotasse ne pourrait agir que sur le mucus.
Quoi qu'il en soit, une opération de ce genre serait chirur-
gicalement praticable, carMM.Prévostet Dumas ont réussi,
il y a déjà longtemps, en faisant simplement usage d'eau
comme conducteur, à désagréger, par l'action de la pile, un
calcul de phosphates cpi'ils avaient introduit dans la vessie
d'une chienne. Il serait bien à désirer que la belle et ingé-
nieuse expérience proposée par M. Dumas fût soumise à
des essais attentifs. Les piles à courant constant que nous
possédons aujourd'hui, et qui permettent d'obtenir des
courants voltaïques de longue durée et d'une intensité
que Ton peut rjraduer au gré de l'opérateur, faciliteraienr
beaucoup l'exécution de ces tentatives, dont le succès en-
traînerait des conséquences si remarquables.
(i) Cours de 184».
49
^ Calculs biliaires. — La nature des calculs biliaires, leur
origine et leur mode de formation, sont restés inconnus
jusqu'à l'apparition de la chimie. Cependant les re-
cherches n'avaient pas manqué sur ce sujet. On peut
s'en convaincre en lisant, dans l'immense traité d'ana-
tomie pathologique de Morgagni, sa longue monogra-
jDhie des cholélithes (1); et dans le grand traité de
Haller les détails que ce physiologiste a rassemblés sur le
même sujet (2). Ce point de physiologie pathologique
avait été étudié avec un tel soin par Haller, que Prochaska,
professeur à Vienne, auteur d'une observation et d'un
commentaire intéressant sur un cas de calcul biliaire,
s'était abstenu de publier une monographie sur ce sujet,
disant que « vouloir écrire après Haller sur cette maladie ,
ce serait vouloir composer \ Iliade après Homère. » Une
simple observation chimique, faite à notre époque, a dis-
sipé en un moment l'obscurité qui , en dépit de tous les
travaux anciens, continuait de couvrir l'origine de ces
productions pathologiques. En 1824, M. Chevreul, décou-
vrant dans la bile la présence de la cholestérine, fournit
du même coup l'explication de l'origine et du mode de
formation des calculs de la vésicule , comme au siècle
précédent le chimiste Schéele, en découvrant l'acide uri-
que, avait en même temps dévoilé la cause des calculs
de la vessie.
Les concrétions biliaires sont formées de cholestérine et
de matièrecolorante, unies aune certaine quantitédelama-
tière propre de la bile. Cependant l'une de ces substances
peut exister sans l'autre , et les calculs biliaires sont
quelquefois formés soit de cholestérine pure, soit des
(i) Epist. XXXVII.
(2) Elementa physiologiœ^ f, VI, et Opusc. pathoU
i
50
matériaux de la bile, unis à du mucus. Le pbos|)hate,
le carbonate de chaux , Toxyde de fer et la magnésie ,
viennent quelquefois s'adjoindre aux éléments précé-
dents. Si l'on compare la composition chimique des
calculs à celle de la bile, on reconnaît entre ces deux
produits une identité de nature qui fournit l'explication
naturelle de la production des calculs de la vésicule. Par
suite d'états morbides particuliers, la matière propre de
la bile , sa matière colorante ou sa cbolestérine, en s'agré-
geant par l'interposition du mucus, peuvent donner nais-
sance à ces dépôts, qui ne sont dès lors autre chose qu'une
partie concrétée des éléments du liquide biliaire.
On a essayé de fonder, sur la composition chimique
des calculs de la vésicule, une méthode thérapeutique i
appropriée à cette affection. La cbolestérine étant soluble fl
dans certains liquides, on a voulu appliquer ce fait au >
traitement des concrétions biliaires. Mais l'obstacle s'est
rencontré dans la difficulté de faire pénétrer jusqu'à la vési-
cule les agents propres à opérer cette dissolution. Le remède
de Durande, si vanté contre cette affection, est, comme
on le sait, un mélange d'essence de térébenthine et d'éther
sulfurique. Ses avantages, bien constatés dans le traite,
ment des calculs biliaires, s'expli(juent par la solubilité
de la cbolestérine dans l'éther. Quant au fait de la péné-
tration du liquide ingéré par l'estomac jusque dans l'inté-
rieur de la vésicule, une expérience ra|)portée par
M. Bouisson semble parler en sa faveur. Ayant introduit
quelques grammes du remède de Durande dans l'estomac
d'un chien. M. Bouisson reconnut cjue la bile de l'animal
avait contracté une odeur très prononcée d'éther (1).
Il serait imjîoifànt de bien connaître, à titre de prophy-
(i) De la bile, de ses variétés physiologiques^ de ses altérations morbides
51
^ laxie (le celte affection, les circonstances qui influent sur
la prockiciion des calculs biliaires. M, Bouchardat admet
(]ue la choleslcrine résulte de la modification des corps
Ijras qui existent dans l'cconomie, ou de ceux fju y aj)-
porte l'alimentation. De là le précepte donné j)ar fliabile
tliérapcu liste , de restreindre le plus possible, dans le
ré{;ime des malades atteints de calculs biliaires, la pro-
portion des corps ^ras.
11 est encore certaines concrétions, ou dépôts de ma-
tières solides, que nous nous bornerons à mentionner,
parce que leur examen cbimique n'a pas conduit à des résul-
tats qui soient particulièrement dignes d'être cités. Nous
voulons parler : — des dépôts tophacés qui se rencontrent
quelquefois autour des articulations chez les goutteux.;
ces dépôts sont habituellement formés par de l'urate de
chaux ou de magnésie, ou par du phosphate de chaux
uni à une certaine quantité de matière organique, — des
calculs qui peuvent obstruer les conduits des glandes
salivaires, — et des calculs intestinaux, qui proviennent
de la présence, dans Tintestin, de corps étrangers qui s'y
recouvrent de matières salines, principalement de phos-
phates. Comme on n'a pu tirer encore aucune induction
[)Ositive de la composition chimique de ces calculs, nous
n'entrerons point à leur sujet dans d'autres détails,
THÉRAPEUTIQUE.
Considérée dans son acception la plus générale, la
thérapeutique embrasse : 1** l'étude des agents propres à
combattre les maladies, c'est-à-dire ce que l'on a appelé
avec raison, la madère de la thérapeutlqiie ; 2" le mode et les
5^2
circonstances de Tapplication de ces af^euts dans le tiai-
tement des maladies.
C'est particulièrement dans le premier de ces deux
ordres d'études, que la chimie a rendu de grands services
à la médecine; aussi occupera-t-il notre attention d'une
manière spéciale. Quant à la partie de la thérapeutique
qui traite du choix des médicaments au point de vue du
traitement des maladies, nous avons suffisamment fait
connaître le rôle que la chimie peut y remplir, en nous
occupant de la pathologie. Bornons-nous à dire que la
chimie, en permettant, dans les cas que nous avons énu-
mérés, de porter un diagnostic certain, a, par cela même,
éclairé la thérapeutique, puisque le diagnostic est la
seule hase sur laquelle on puisse fonder un traitement
rationnel. Revenir sur ces sujets, ce serait tomber dans
des redites; on pourra retrouver, en effet, dans les divers
chaj)itres consacrés à chaque ordre de maladies, ce qu'il y
d'utile à enregistrer comme application à leur traitement.
Arrivons donc aux services que la chimie a rendus à
l'art de guérir dans l'étude des agents de la matière
médicale.
La chimie a éclairé l'étude de ces agents :
1^ En découvrant des médicaments nouveaux;
2"^ En perfectionnant leur mode d'administration.
Parcourons successivement ces deux éléments de divi-
sion.
La chimie est sans aucun doute, de toutes les sciences,
celle qui a fourni à la thérapeutique ses médicaments les
plus actifs, les agents héroïques par excellence. A peine
au berceau, et toute dominée encore par ses préoccu])a-
tions alchimiques, elle dotait la médecine des préparations
d'antimoine, de fer, de mercure, de zinc, de phosphore, etc.
Ces médicarnenis énergiques, et qui ont soulevé de si
53
lonfjues, de si ardentes discussions, ont traversé les
siècles, et nous avons pu , de nos jours, voir des partisans
et des détracteurs passionnés du Char de triomphe de l'anti'
moine.
Depuis qu'elle est devenue une science exacte, la chi-
mie est singulièrement venue en aide à la médecine en lui
fournissant des remèdes nouveaux, et en lui donnant les
moyens de mieux apprécier la nature de médicaments
depuis longtemps connus.
Au premier rang des découvertes qui ont marqué dans
la thérapeutique de notre époque, il faut placer celle des
alcalis végétaux. Bravant le préjugé antique qui n'accor-
dait d'action qu'aux médicaments très composés, Sertuer-
ner, Desrone, et après eux Pelletier et Caventou, rccher-
clièrent les principes actifs de Topium et du quinquina,
et furent ainsi conduits à la plus hrillante, à la plus utile
des découvertes de la thérapeutique moderne. N'hésitons
])as à déclarer que les savants qui ont doté la médecine des
préj)arations de morphine, de codéine, de quinine, de
cinchonine, de strychnine, d'émétine, etc., ont mérité de
voir leurs noms inscrits sur la liste des bienfaiteurs de
l'humanité.
Certaines substances qui, au moment de leur décou-
verte, semblaient tout au plus destinées à s'appliquer aux
besoins des arts ou de l'industrie, n'ont pas tardé à devenir
les auxiliaires les plus puissants de la médecine. Le chlore,
le brome, l'iode, le cyanogène, soit à l'état simple, soit
à Téiat de combinaison, nous en offrent de frappants
exemples. C'est ainsi que l'iode , si longtemps méconnu,
bien qu'il entrât dans une foide de remèdes populaires ,
bien qu'il fût présent dans tous les milieux qui nous en-
tourent, dans lair, dans les eaux, dans les aliments, dans
les plantes, employé aujourd'hui contre les plus tristes,
54
contre les plus rebelles att-ections qui puissent affli(jer
l'espèce huujnine, rend à la médecine des services «]u'au-
cun auire agent ne saurait remplacer.
A celte liste sommaire des médicaments nouveaux dont
la chimie a enrichi la médecine moderne, ajoutons Tadmi-
rable série des agents anesthésivjues, Téther sulfuri(pie, le
chloroforme et l'éiher chlorhydrique chloré, que la chimie
peut avec raison revendiquer comme issus de son do-
maine, et qui ont introduit dans les opérations chirur-
gicales la révolution la plus utile et la plus profonde
qui ait marqué Thistoire de cette science depuis son
origine.
Et comme s'il fallait que chacune des découvertes de la
chimie vînt apporter à son tour son tribut aux sciences
métiicales, rappelons encore le collodion, au début, simple
objet de curiosité scientifique , aujourd'hui médicament
d'un usage si répaîidu et d un effet si avantageux en mé-
decine et en chirurgie.
Enfin, les eaux minérales, dont l'action thérapeutique
était considérée depuis des siècles comme l'un des secrets
de la nature, sont aujourd'hui imitées et reproduites dans
nos laboratoires, sur l'indication de la chimie; les li-
quides, ainsi artificiellement composés, remplacent avec
avantage, dans bien des cas, les eaux naturelles aux-
quelles 1 éloignement ou d'autres obstacles empêchent
d'avoir recours.
Mais le rôle de la chimie ne s'est pas borné à enrichir
la thérapeutique d'un certain nombre de médicaments
nouveaux. Cette science nous dicte le choix que nous
devons faire parmi les diverses préparations d'une même
substance, elle en guide l'administration, elle en suit les
modifications jusque dans la profondeur^ de nos organes.
55
Donner des règles pour administrer Jes médicaments,
assurer et graduer leurs effets, les combiner entre eux, tel
est le but de Fart de formuler. Livré jusqu'à ces derniers
teuips à une sorte d'empiiisme, Fart de formuler a reçu,
dans les dix années qui viennent de s'écouler, des perfec-
tionnements remarquables, et nous allons essayer de ré
sumei-, en quelques traits rapides, les conquêtes les plus
intéressantes dont la chimie soit venue enrichir, sous
ce rapport, la pratique médicale.
Faire choix du médicament est pour le thérapeutiste
une première difficulté. Ce choix fait, il reste à donner à
ce médicament une forme qui en conserve les propriétés,
qui les modifie ou les exalte dans une proportion prévue.
Cest ici que la chimie intervient pour nous guider dans
la connaissance des principes actifs qu'il renferme ,
pour nous éclairer sur les différentes combinaisons dans
lesquelles ces principes sont engagés, pour apprécier
les changements qu'ils peuvent subir par suite des ma-
nipulations pharmaceutiques.
Et d'abord, les agents thérapeutiques conservent-ils,
dans l'économie, la forme sous laquelle ils sont adminis-
trés? ïja chimie nous a appris que les médicaments di-
vers, introduits dans le tube digestif, y subissent une série
de modifications, depuis le moment de leur administration
jusqu'à celui de leur élimination. Elle a, de plus, souvent
réussi à nous rendre compte du mécanisme de ces muta-
tions, et à préciser ses lois.
M. Mialhe a reconnu le premier que toute substance
médicamenteuse ne peut être absorbée qu'autant qu'elle
est soluble, ou susceptible de le devenir par suite d'une
ou de plusieurs réactions chimicjues opérées dans le
sein de nos organes. Les corps solubles sont absorbés
directement quand ils ne peuvent éprouver ^ de la
56
part des liquidos animaux qui baignent les surfaces ab-
sorbantes, aucune décomposition capable de les rendre
insolubles. Au contraire, tous les corps insolubles ont be-
soin de Tintervention, soit d'un ferment, soit d'un acide,
soit d'un alcali, soit d'un composé salin, pour éprouver le
phénomène de l'absorption.
Des agents modificateurs de ce genre se rencon-
trent dans l'économie : les acides, dans le suc gastrique;
les alcalis, dans le suc intestinal; les composés salins
et les chlorures, dans toutes les humeurs animales.
Les aliments eux-mêmes, ainsi (|ue nous l'avons dit
en parlant de la digestion, ne deviennent absorbables et
assimilables qu'autant qu'ils ont été modifiés par l'action
catalytiquede ladiastase animale, du suc pancréatique ou
de la pepsine. Mais comme la quantité d'acides, d'alcalis,
de chlorures, est très bornée dans les liquides animaux, il
en résulte que l'action des médicaments insolubles est en
général moins énergique, et se trouve rarement en rapport
avec la quantité de substance ingérée. La portion qui est res-
tée sans se dissoudre parcourt toute la longueur du canal
digestif, et se trouve expulsée avec les fèces ; quelquefois
elle s'arrête dans son cours, se loge dans quelques replis de
la muqueuse intestinale, où elle séjourne un temps plus
ou moins long, de manière à former une accumulation^ qui
peut beaucoup s'accroître si l'ingestion du composé qui
lui donne naissance est prolongée longtemps. Ces ac-
cumulations ne présentent pas toutes le même danger :
celles qui sont inattaquables par les humeurs vitales n'a-
gissent sur les surfaces, avec lesquelles elles se trouvent
en contact, qu'à la manière d'un corps étranger, c'est-à-
dire en déterminant une certaine irritation ou de légers
symptômes d'inflammation. Au contraire, les composés
susceptibles de devenir solubles par suite d'un change-
57
ment dans la quantité ou clans la composition des humeurs
viscérales, peuvent prendre des propriétés actives, sou-
vent toxiques, et par leur absorption, déterminer des acci-
dents très fjraves, quelquefois mortels. Le calomel, le sul-
fate de quinine, le mercure métallique, la dij;italinc, etc.,
ont ainsi donné lieu à des effets d'intoxication.
Rappelons quelques uns des faits qui ont servi à mettre
en évidence ce fait curieux de V accumulation d'un médi-
cament dans le canal digestif : Chez un malade qui
avait pris, quelques jours auparavant, du protoxyde
d'antimoine, une limonade taririque, en transformant
le protoxyde d'antimoine en tartrate antimonique, dé-
termina des vomissements et une diarrhée. — De Teau
iodée administrée à un dartreux, peu de temps après
la cessation d'un traitement par le calomel, donna lieu
à une salivation abondante: effet produit parla combi-
naison de Tiode avec le protochlorure de mercure et par
la formation d'un sel mercuriel soluble (proto-iodure d'a-
bord, et consécutivement deuto-iodure de mercure). —
Chez un étudiant en médecine qui avait pris pendant
longtemps de l'iodure de potassium , un ptyalisme très
abondant se déclara après l'ingestion de 30 centigram-
mes de proto-iodure de mercure.
Ce qui vient d^étre dit sur l'accumulation des médica-
ments dans l'organisme, permet d'expliquer le phéno-
mène de la localisation des poisons.
Le fait incontestable delà présence des poisons en plus ou
moins grande quantité dans certains viscères ne peut être
attribué, selon M. Mialhe, à une sorte d'élection jdiysio-
logique, ainsi qu'on l'a admis ; ce phénomène ne saurait
être rapporté, d'après ce chimiste, qu'aune stagnation
momentanée de ces substances, effet qui peut être pro-
voqué par les circonstances suivantes : tantôt c'est une
58
cause purement pliysique due au ralentissement forcé
qu'éprouve le sang, quand ce liquide traverse certains
organes parenchymaienx très vasculaires, tels que le
foie ou la rate; tantôt c'est le résultat d'une cause chi-
mi(jue. Pendant la circulation abdominale, ces sub-
stances peuvent rencontrer dans le sang certains composés
cbimiques qui les précif)iient sous forme insoluble, ce qui
leur permet de demeurer un temps plus ou moins long
dans les viscères, jusqu'à ce qu'une autre combinaison
vienne leur rendre leur solubilité, et les faire entrer de
nouveau dans la circulation générale (1)
Dans Xassoctntîon des médicaments, la médecine agi-
rait en aveugle si elle n'é:ait guidée par la connaissance
des réactions chimi(|ues qui doivent s'accomplir dans
l'économie ; elle porterait le poison à la place du re-
mède, la mort à la place de la santé. Dans nos organes,
eomme| dans les appareils de nos laboratoires, certaines
combinaisons doivent fatalement s'effectuer, et le phéno-
mène s'accomplit forcément dès que les conditions qui
peuvent le provoquer se trouvent réunies. C'est ainsi que
nous avons vu l'oxyde d'antimoine se changer enémétique
par suite de la présence de l'acide tartrique, le calomel,
sous l'influence de l'iode ou de l'iodure de potassium,
passer à l'état de deuto-iodure de mercure, et pro-
duire ainsi tous les effets qui résultent de l'administration
d'un sel mercuriel soluble.
Bien plus, les substances les plus inoffensives isolément
peuvent, étant associées, donner naissance à des poisons.
Les travaux de MM. Robiquet et Boutron, Liebig et Vœh-
1er, ont prouvé que lemélange des deux solutions aqueuses
d'amygdaline et d'émulsine, substances neutres et tout à
( i) Traité de l art de formuler.
59
fait inoffensives, en(![endre à la fois de l'huile volatile tl'a-
inandes amères, de Tacide cyanliydrique, et d'autres pro-
duits. Le loch b!anc du Codex renferme une petite quantité
d'amandes amores; si ce loch, si innocent par lui-même
est additionné de(|uelques centi(j[rammesdecalomel, lemé-
lan^^e donne naissance à du bichlorure et à du bicyanure
de mercure, el peut occasionner, surtout chez les enfants,
des accidents phis ou moins graves. C'est ce qiie l'expé-
rience a plus d'une fois confirmé. Un lavement avec quel-
ques grammes de sel marin, administré à un individu
souujis peu de temps auparavant à l'usage du mercure
doux, à dose un peu élevée, a déterminé un empoisoime-
ment mortel : le protochlorure de mercure, accumulé et
retenu dans la muqueuse intestinale, avait été trans-
formé, par l'action du sel marin, en bichlorure de mer-
cure.
L'expérience a appris que, lorsqu'on administre plu-
sieurs médicaments à la fois, l'un d'eux accroît l'activité
de l'autre, ou bien ce mélange annihile ou détruit leurs
propriétés réciproques. M. Mialhe, dans son Traité de fart
de formuler^ a donné la raison de quelques uns de ces faits.
Dans le premier cas, voici comment M. Mialhe explique
ce résultat, en raisonnant sur quelques exemples.
L'action purgative des résines et des huiles est augmen-
tée, comme le savent les praticiens, lorsqu'on les associe
avec un peu de magnésie. Cela tient à ce que la magnésie,
outre son action purgative propre, a pour effet de satuî^er
les acides de lestomac. Sans cette ciiconstance, entraînés
avec les résines dans l'intestin, ces acides iraient saturer,
en pure perte pour l'action médicale, les alcalis du tube in-
testinal qui servent, en émulslonnant ces résines, à en
provoquer l'absorption.
Vallisnieri et M. Bretonneau ont fait voir qu'en
60
associant certains purgatifs à petite dose, tels que le
calomel et le jalap, on obtient un effet beaucoup plus pro-
noncé que si on les administrait tous deux isolément,
même à très haute dose. Voici l'explication que donne
M. Mialhe de ce fait, bien constaté par Tobservation clini-
que. La plupart des purgatifs ont besoin d'un dissolvant
spécial pour exercer leur action. Toutes les fois donc que
Ton associe deux purgatifs qui ne s'adressent pas au même
agent dissolvant, l'action purgative est portée à son maxi-
mum. Tel est le cas du calomel et du jalap; car Tun a be-
soin pour se dissoudre de Tintervention des chlorures
alcalins, l'autre du concours des alcalis. i\. dose plus éle-
vée, l'action de ces purgatifs employés isolément, serait
plus faible, parce qu'il n'existerait pas dans le tube diges-
tif une quantité de dissolvant suffisante pourles influencer.
Pour le second cas, c'est-à-dire pour le cas où le mélange
des médicaments peut contrarier leur action respective,
voici comment s'exprime l'auteur du Traité de [art de
formuler : « Tantôt une seule des substances est dissoute
» en totalité, et l'autre seiilement en partie : tel est le cas
» du carbonate de chaux prescrit à une dose un peu
M élevée, concurremment avec le carbonate de magnésie;
» le carbonate de chaux est seul dissous en totalité, l'oxyde
» de calcium étant plus basique que celui de magné-
» sium. Tel est encore le cas de l'association de la magné-
w sie et du sous-nitrate de bismuth: ici l'oxyde de magné-
■ sium est seul complètement dissous. Tantôt une seule
M des substances médicamenteuses est presque exclusi-
» vement attaquée, l'autre ne l'étant que peu ou point;
» c'est ce qui arrive lorsqu'on administre ensemble une
« faible dose de quinine ou de sulfate de quinine avec une
» forte dose de magnésie libre ou carbonatée ; cette der-
» nière , épuisant à elle seule l'action dissolvante des
61
» acides ^aslriiiiies, est seule dissoute. L». uiéine chose se
» présente quand on donne à la fois Toxyde de bismuth
» à petite dose et la magnésie à haute dose; c'est encore
» 1 oxyde de magnésium qui seul éprouve le phénomène
» de la dissolution. »
Des considérations chimiques, analogues aux précé-
dentes, rendent compte de ce fait thérapeutique bien con-
staté que, dans un grand nombre de cas, les médicaments
agissent mieux à petite dose fractionnée en un certain
nombre de fois, que si Ton administre tout d'un coup la
même quantité de ce médicament, ou une dosephis forte.
Les agents chimiques susceptibles d'influencer les médica -
ments de manière à rendre leur absorption possible ,
n'existent dans les liquides de l'économie qu'en propor-
tion assez faible; il résulte de ce fait que la quantité d'un
médicament insoluble qui peut se dissoudre en un temps
donné, est peu considérable, et n'est nullement en rapport
avec la dose administrée d'un seul coup; mais si, au lieu
de donner à la fois la dose entière, on la partage en un
certain nombre de doses beaucoup plus faibles, prises à
un certain intervalle, l'action chimique qui doit en provo-
quer la dissolution s'établit d'une manière bien plus effi-
cace. Ainsi U grammes de limaille de fer administrés en une
seule fois ne triomphent souvent de la chlorose qu'après
pkisieurs mois de traitement, tandis que 1 gramme de ce
métal seulement, prescrit à doses fractionnées, amène lu
guérison beaucoup plus vite. Un gramme de kermès
quelquefois ne détermine point de vomissements, ou ne
provoque qu'un effet à peine sensible, tandis qu'une dose
moitié moindre, fractionnée, produit toujours un effet
des plus marqués, etc. Cette explication de l'action des
médicaments employés à dose fractionnée, est en har-
monie complète avec les faits , et peut, dans beaucoup
de cas, fournir au praticien des renseignements utiles.
62
Les indications de In cliimie penvent encore venir en
aide au médecin jîour le guider dans la préférence à
accorder à tel ou tel des médicaments auxquels une même
substance peut donner naissance. Tous les sels de mer^
cure peuvent être utilement employés dans le traitement
de la syphi'is; la plupart des ferru^jiueux peuvent guérir
la cldorose; cependant il est souvent nécessaire de sa-
voir quel est, de toute la série des composés de mercure
ou de fer, celui qui fournira, dans un cas donné, les
résultats les plus avantageux. La chimie vient ici ensei-
gner au praticien qu'il doit s'adresser, pour obtenir le
maximum d'effet, au sel le plus soluble, à celui qui peut
le plus facilement s'absorber, à celui qui contient, à poids
égal, la plus grande quantité de matière active, etc. C'est
d'après ces principes qu'il est reconnu que le bicblorure
ou le cyanure de mercure sont, de tous les mercu
riaiix , ceux qui conviennent le mieux à l'emploi médical ,
et que le tartrate de potasse et de fer est le composé
ferrugineux dont la pratique doit retirer le plus d'avan-
tages. En prenant ces considérations jiour guide, les
praticiens ont à leur disposition des règles sûres et
précises, et ils peuvent éviter les déceptions trop fré-
quentes que l'on est sujet à éprouver dans l'essai de
médicaments nouveaux, conçus sans principe arrêté et
en dehors de toute prévision chimique.
Nous n'abandonnerons pas ce sujet sans rappeler une
curieuse application des idées chimicpies à l'explication
de certaines idiosyncrasies . Il ne s'agit point, on le com-
prend, de nier l'existence générale de ces dispositions
idiopathiques de l'économie, mais seulement de montrer
que, dans un certain nombre de cas où cette disposition
est invoquée , il est facile, par un examen plus attentif,
de se rendre compte de ces anomalies en ce qui touche
l'action des médicaments.
6â
Selon M. Minllie, c'est principalement aux variations
chimiques (pii peuvent survenir dans la composition de
liquides deréconomie,fpi'il faut attribuer un [^rand nombre
de ces différences d'action médicale, mises par les prati-
ciens sur le compte d'une idiosyncrasie. Les acides son
ils plus abondants dans les premières voies? Les médica-
ments insolubles, tels que le fer métallique, les oxydes de
fer, de zinc, de bismuth, de magnésium, etc., qui ont
besoin, pour agir, de l'intervention des acides, prennent
un surcroît d'énergie. Les humeurs n'offrent-elles qu'un
état acide très faible, neutre, ou même alcalin ? L'action
de ces composés insolubles devient moindre ou complè-
tement nulle. La quantité de chlorures, dans les divers
liquides de l'économie animale, est tout aussi variable que
celle des acides et des alcalis contenus dans les sécrétions
gastriques et intestinales, et cette variation entraîne, dans
l'effet des médicaments, (!es différences que l'on attribue,
à tort, ù l'idiosyncrasie. Si le calomel a une action assez
faible chez les enfants, c'est que leurs humeurs sont
peu riches en chlorure de sodium. Si, chez les adultes,
le même médicament est quelquefois sujet à perdre,
en apparence , son action thérapeutique , cela tient à
ce que la diète et l'ingestion prolongée de boissons
aqueuses, a fini par priver l'économie d'une partie du
sel marin et du sel ammoniac, dont la présence est né-
cessaire pour rendre soluble, et par conséquent actif, le
protochlorure de mercure. Enfin, si le même médicament
peut provoquer chez les marins des accidents très graves,
et doit même être banni de leur médication, cela tient
à ce que, par suite de leur alimentation avec des vian-
des salées, l'économie est, chez eux, sursaturée, pour
ainsi dire, de chloruie de sodium. La qualité et la quan-
tité des différentes humeurs animales, en variant sous
64
l'iiiMuerice de l'àfje, du sexe, du tempérament, des pro-
fessions, du genre de vie, ou de laiimentation des ma-
lades, feraient donc varier les idiosynciasies. Il suffit de
citer ce résultat, pour établir l'exactitude de Texpli-
cation que nous venons de donner de cette disposition
de l'économie dans les circonstances spéciales que nous
avons considérées.
Si les faits précédents ont suffi à démontrer Tutilité
des precepteset.de l'observation cliimiques appliqués à
l'art de formuler, on restera convaincu, que la chimie
est devenue de nos jours la compagne indispensable et
l'auxiliaire le plus direct de la médecine, il est aussi
difficile au médecin de marcher aujourd'hui sans le
secours du chimiste, qu'il est difficile au chimiste de
prononcer sur les propriétés d'un médicament, ou sur
le mérite d'une préparation thérapeutique, sans avoir
invoqué les lumières du praticien.
HYGIÈNE.
Il nous serait impossible, dans les limites étroites où
le temps nous force de nous renfermer, de mettre à jour
la série complète des applications utiles de la chimie aux
préceptes de l'hygiène. Ne pouvant prêter à cette partie de
notre question toute l'extension qu'elle exigerait, nous nous
contenterons d'en tracer à grands traits les parties essen-
tielles.
Les services que la chimie a rendus à l'hygiène dans
la connaissance de l'air, des eaux, des aliments et des
boissons, enfin dans certaines questions qui se rappor-
tent à la salubrité publique ou à Tassainissement des pro-
fessions insalubres, tels sont les objets principaux sur
65
Icsrjuels nous croyons devoir appeler raltcntlon dans
celte partie de notre travail.
Depuis l'cporpie oïl Lavoisier dcconvrit la nature et la,
véritable constitution de Tair at.nospliérique, les procédés
pourfanalysedeVair sesont singulièrement perfectionnés.
Pai' une opération prompte, simple et facile, on peut au-
jourd'hui déterminer, avec une exactitude suffisante, la
composition de ce fluide. Des moyens plus parfaits per-
mettent d apprécier, dans la composition de Tair, des dif-
férences très faibles', et qui exigent pour être mises
en évidence, Femploi de procédés délicats et précis. De
nombreuses expériences exécutées dans ces dernières
conditions et répétées à diverses hauteurs et sur diffé-
rents points du globe, ont prouvé que Tatmosphère
renferme, en toute région et à toute hauteur, les mê-
mes éléments unis à peu près dans les mêmes proportions.
On a de plus étudié avec grand soin les causes qui font
varier la composition de ce fluide dans les espaces qui ne
se renouvellent pas, c'est-à-dire dans Tair confiné; on a
reconnu ainsi que la combustion des matières organiques
et la respiration des animaux, sont les causes essentielles
de la viciation de Tair dans une enceinte fermée. C'est sur
ce fait que l'on a fondé l'emploi des ventilateurs.
La balance, appliquée à déterminer exactement les
quantités d'eau et d'acide carbonique produites pendant la
respiration, a permis de ])réciser exactement le volume
d\nr qui est nécessaiie à chaque individu ou à une réu-
nion de personnes, pour (|ue leur respiration puisse se
faire sans difficidié: de là des règles applicables à la con-
struction et aux dimensions des salles et amphiihéâires
publics, règles qui, pour le dire en passant, sont trop
souvent lettre morte poiu* nos architectes.
Les données de ce genre étant géuéialoment négligées
ou peu connues, nous croyons utile de ra[»pe!(.'r les résuU
66
tats obtenus par les chimistes dans l'évaluation des pro-
portions d'air nécessaires à la respiration de chaque in-
dividu ou d'une réunion de personnes. Dans son Traité de
chimie, M. Dumas expose ces résultats en ces termes:
« On peut admettre, dit M. Dumas, que Ihommefait pas-
» ser 7 à 8 mètres cubes d'air par jour dans ses poumons;
» dans un air raréfié ou condensé, la respiration, accélérée
» ou ralentie, s'arrange de manière à fournir au poumon,
» dans un temps donné, une quantité d'oxy<^[ène toujours
» égale à celle que ces 8 mètres cubes représentent; mais
» on commettrait une erreur grave, si l'on pensait qu'un
0 homme, réduit à ne recevoir par jour que 8 mètres cubes
» d'air, continuerait à vivre sans souffrances.
» Supposons, en effet, qu'un certain nombre d'hommes
n étant réunis dans une salle exactement fermée, chacun
» d'eux ait 8 mètres cubes d'aii' à sa disposition, au lieu de
» respirer à l'aise pendant vingt-(juatre heures, on verrait,
» après un temps très court, des symptômes d'asphyxie
» se déclarer sur nombre d'entre eux, et certes, au bout
» d'un jour, il en est peu qui sortiraient vivants de cette
» épreuve, puisque tout l'air de l'enceinte renfermerait
» alors la dose d'acide carbonique contenu dans l'air
» même que notre poumon rejette à chaque instant
» comme nuisible.
» De là le besoin de ventiler. Des expériences nom
» breuses prouvent que, si l'on cherche, par le tâtonne-
» meut, à préciser le volume d'airqu'il convient de fournir
» à des hommes réunis, en augmentant ou diminuant la
» ventilation selon l'impression éprouvée, on trouve qu'un
» homme a besoin de 6 à 10 mètres cubes d'air frais par
» heure.
» M. Péclet, qui s'est beaucoup occupé dans ces der-
» niers temps de la ventilation des salles d'assemblée,
» des écoles, etc., est arrivé, après quelques tâtonnements,
67
M à adopter ces nombres, comme pouvant servir de base
» à un système de ventilation efficace. A ce taux, la tem-
» pératiire ne s'élève pas d'une manière incommode, et les
» émanations animales, dont on ne saurait contester Texis-
» teiice dans Tair non renouvelé, n'exercent pas d'in-
» fluence appréciable sur Todorat.
» Cette quantité d'air est énorme; elle est vingt ou
» trente fois supérieure à celle qu'un homme vicie coni-
» plétement dans une journée.
» En conséquence, on se trouve amené à conclure
» qu'indépendamment de l'acide carbonique, dont Teffet
» nuisible ne peut être contesté, il y a dans les grandes
» réunions, et en général dans les lieux habités, d'autres
» causes : telles que l'accumulation de la vapeur aqueuse,
» l'élévation de la température, la production des émana-
» tions animales, qui rendent indispensable un prompt re-
» nouvellement de l'air.
» La recherche de l'acide carbonique dans l'air des
» lieux habités, n'en demeure pas moins le premier et,
» jusqu'ici, le seul moyen de mesurer l'étendue des alté-
» rations que l'air a subies, et d'apprécier l'efficacité des
» méthodes par lesquelles on cherche à y porter remède.
» Voici les résultats obtenus par M. Leblanc, dans une
M série de recherches relatives à la composition de l'air,
» dans ces diverses circonstances. Dans quelques salles
» d'hôpitaux de Paris, il a trouvé, au bout d'une nuit de
» clôture, l'air des dortoirs chargé d'une quantité d'acide
M carbonique s'élevant jusqu'à 1 pour 100. A coup sûr,
» une pareille proportion d'acide carbonique annonce
» dans l'air une altération qui ne permet pas de le consi-
V dérer comme salubre, même pour un temps peu pro-
» longé. Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler que
» l'air expiré des poumons renferme Z à U pour 100 d'à-
G8
» cide carbonique, et, qn a cette close, il paraît réellement
M exercer une nciion nuisible sur nos orotuies, puisque la
» nécessité de Texjiulserse fait sentir irupéi ieuseuient.
« L'expéiience a prouvé que l'elfet de la venti'ation
» naturelle par les jointures des portes et des fenêtres,
» dans un lieu clos et qui ne renferme pas de foyers de
» nature à déterminer un appel actif, est moins marqué
» qu'on n'est ^généralement porté à le croire; il est dans
» le plus ^rand nombre des cas tout à fait insuffisant pour
» neutraliser les elfets nuisibles de la respiration dans les
n lieux babiiés qui ont une capacité restreinte.
» Il est facile de voir, d'après cela, combien la construc-
» tion de la plupart de nos am|)liiibcâtres laisse à désirer.
» A l'exception des tbéâtres dans lesquels la ventilation
» s'est étal)lied'abord par basard par l'ouverture placée au-
» dessus du lustre, et pratiquée pour se débarrasser de
» l'odeur des lampes, on peut dire que les salles de réunion
» sont mal disposées. Les arcbitectes sont d'autant plus
» blâmables à cet éyard, qu'on connaît anjourd'bui les
» rè(jles qui doivent (juider dans les applications de la ven-
» tilation.
» Il ne suffit pas de rendre à Tbomme l'oxygène qu'il
» consomme, mais il faut le lui offrir convenablement dé-
» layé dans de i'air pur.
M Partant des nombres qui précèdent, il devient facile
» de calcider la ventilation qui est nécessaire pour des
» écoles, des caseriies, des liôj)itaux, etc.
M Prenons j)0ur terme de comparaison une cbauibre à
wcoucbcr, et r;i|)pelo!is nous (pi'un bomme a besoin
» di" 6 à 7 mètres cubes d'air par beure au moins. Eu ad-
V metiani (ju'ii j)asse neuf bcures dans sa cbambre à cou-
)» cber, il lui faudra un e?j)ace de C3 mètres cubes, ou une
» cbauibro repi ésentant un cube de 4 mètres de côté ou
69
» de 12 pieds environ; et ceriaincinent ces condiiions
» sont loin d'être remplies pour la pinpari des iiulividirs.
M Jusqu'à présent nous avens re^arelé Taeide earho-
» nifjue eomme le moyen de donner la mesure des e'fets
» nuisibles qu'un air vicié fait éprouver à la respiration.
» En effet, sa proportion nous indique pour quelle portion
» Tair déjà expiré intervient dans le mé'an<;e (|U on exa-
» mine. Cependant il est bien clair que l'acide carboni(|ue
» n'est pas le seul produit nuisible qui se rencontre dans
» Tair vicié. Il (aut tenir cmïjUe de la j)résence incontcs-
» table de l'Iiydrojjène su'furé et des matières animales
» puantes que 1 air des lieux babités renferme toujours. Il
» y a tel lieu de réunion publique oii le cundueleur de
» cuivre d'un paratonnerre, placé près des tuyaux cb; dé-
» ga(jementderair vicié |)ar la respiration, se iro^ivetrans-
» formé, au bout de quelques mois, en sulfure de cuivre.
M J'ai vu, dans une fête, des pompiers, jeunes et robustes,
» placés dans une .paierie à la ])artie supéiieure d'une
» immense salle de bal, être tellement incommodés par
» l'air vicié qui leur parvenait, qu'ils ne pouvaient guère
» y rester que dix ou quinze miruiies.
» Si nous ajoutons à ces faits la conversion plus ou
» moins rapide du carbonate de plomb des peintures de
» nos appartements, en sulfure de plomb parlliydro^jène
i> sulfuré de l'air; l'odeur nauséabonde qui nous fiappe
M quand nous pénétrons le matin dans le dortoir d'une
M caserne ou d'un bôpilal mal aéié, quand nous entrons le
» soir dans ces ateliers où I industrie accumule souvent un
» trop grand nombre d'ouvriers, il ne reste aucun doute
» sur la présence de ces matières nuisibles, ainsi que sur
» la nécessité de s'en débai rasser promptement.
» Les besoins delà ventilation sont donc incontestables.
» Il fout l'effectuer, soit par des cheminées, soit par des
70
» poêles bien disposés pour les petits appartements, soit
» enfin par des appareils particuliers pour les lieux con-
V sacrés aux (>randes réunions, c'est à-dire les écoles, les
» casernes, les hôpitaux et les amphitlu'âires. »
L'analyse chimique a démontré que l'air renferme,
dans certaines circonstances , des produits étranjjers pro-
venant de la décomposition spontanée des matières orga-
niques, sans qu'il ait été possible cependant, de déterminer
la nature de ces émanations que Ton dési[jne sous le nom
de miasmes. M. Bracliet assure avoir constaté que les
miasmes provenant des substances vé^^étales en putré-
faction, produisent plus s[)écialement les fièvres inter-
mittentes, tandis fjue les diverses fièvrrs continues,
décrites sous le nom de tjp/ius, déviaient être attribuées
aux émanations des substances animales. Cest là une
opinion dont nous laissons à son auteur la respon-
sabilité.
Cependant on a pu saisir, dans certains cas, les sources
chimiques de la viciation de Tatmosphère. L'air peut être
infecté par la présence de l'ammoniaque, de l'acide sull hy-
drique ou de l'hydrogène carboné, substances dont la
chimie démontre aisément l'existence, et que les moyens
qu'elle fournit peuvent parvenir à détruire.
La chimie comprend dans son domaine toutes les ques-
tions qui se rapportent à l'alimentation ; c'est elle (jui nous
a appris à grouper les aliments selon leur composition et
leur nature; c'est elle qui a rendu compte du rôle répa-
rateur que jouent dans quelques aliments, la présence de
certaines matières minérales telles que le phosphate de
chaux, et du rôle tout différent d'autres substances sa-
lines, telles (jue le sel marin, qui ne peuvent être considé-
rées que comme des excitants de la digestion.
La distinction des aliments , en aliments plastiques et
71
respiratoires y distinction si féconde en conséquences physio-
lo^^iques , le rôle différent que jouent dans la difjestiori les
substances ternaires et les matières aibuniinoïdes azotées,
les relations qui existent entre les aliments du règne végé-
tal etceux du règne animal, tous ces faits d'une nouveauté
et d'une originalité incontestables, sont dus aux seules lu-
mières de la chimie. C'est ainsi que Ton a été conduite
cette découverte intéressante, que les végétaux alimentai-
res renferment dos principes analogues à la fibrine et à
l'albumine animale. D'où est résulté ce principe, que les ani
maux, pour leur entretien et leur accroissement, exigent
d'autant moins de nourriture végétale, que celle-ci est plus
chargée de principes azotés, et cjue toute substance végé-
tale où ujanquent ces principes, est insuffisante pour sub-
venir à la nutrition (1). Il existe en effet très peu de sub-
stances nutritives animales dont la chimie n'ait trouvé
quelques analogues dans le règne végétal.
Enfin, c'est par une conclusion tirée de l'analyse chi-
mique, qu'il est aujourd'hui démontré (jue le lait, cet
aliment indispensable des jeunes mammifères, est le type
le plus complet des matières alimentaires, parce qu'il
offre la réunion de tous les principes qui forment la base
d'une bonne nutrition; il mérite donc, à ce titre, le
nom d'aliment par excellence que les chimistes lui ont
décerné.
C'est à la chimie que l'on doit les règles précisesqui nous
dirigent dans toutes les questions qui se rapportent à l'ali-
mentation de l'homme et à celle des animaux. C'est elle qui
a assigné à chaque espèce animale la quantité et la nature
d'aliments qui se trouvent le mieux en harmonie avec les
besoins de son accroissement et de son entretien; elle a
(i) Liebig, Nouvelles lettres sur la chimie, p. iio.
72
pronvo rlo p'ns cjiie In fjnaiiiité do sulistnnce alimentaire
(loil vmior ])()iir cIkicjikî espèce selon le climat et les
j)(M tes (pie rindiviilii jxiiit é[)r()iivcr, et M. Liehijj a pu po-
ser (•elt(' loi : La j)n'!isaine de trnunU (fu/t animal est duis un
raiiiiort déjini avec l excès de louniluie qui aufjniente le
poids de sou corps ^ dans lélat de repos (I).
Pour donner nne i(]<'e de la inanière dont j)rocède la
cbiini(îj)onrarriverîulcterniinerri^onreLisenienila(pianlilé
d'aliments nécessaires à la nntrition jjailaile de Tlionnne,
dans une condition donnée, nous emprunterons au ïraité
de chimie de M. Dumas le passar[e suivant, dans le(|uel
l'auteur évalue la cjuanlité iliéoricpie de matière aliu^en-
taîre que lliomme adulte doit lecevoir charpie jour :
« L'aliment le plus parfait, sans contredit, c'est, dit
« M. Dumas, l'alimejit analo(]ue au lait, qui suffit au dé-
» veloppement des jeunes anunaux; or le lait renferme:
M 1» Du case'um, matière azotée; 2« du beurre, matière
» grasse; 3° du sucre de lait, matière soluble.
M Ces trois substances se retrouvent dans tous les aîi-
» ments pai faits. Le chocolat les renferme. Beaucoup de
» semences, et en particulier les semences émulsives les
» offrent aussi.
" De ces trois matières, le sucre, ou la partie soluble
» non azotée, est celle dont les animaux se passent le
M mieux. La viande, les œufs, n'offrent, en effet, que deux
V aliments : 1'^ albumine, fibrine, matières azotées ; 2°(5rais-
» ses diverses.
» Les matières sucrées, gommeuses, peuvent donc être
» remplacées dans l'alimentation; mais il n'en est pas
» ainsi des matières azotées.
» Ceci posé, introduisons quelques nombres dans Texa-
» men des questions que nous venons d'effleurer, et ils
(i) Nouvelles lettres sur la chimie^ p. i33.
73
» prouveront tonfe l'iinporiance des connaissances que la
» (chimie pourra foîiniir un jour à ['('cononne polilicpie, et
M le secours (ju'clles prêieront au lé(jislateur, lout aussi
» bien qu'au pliysiolo(jiste.
» M. I^ecanu a j)rouvé, dans une suite d'exprriences
» faites avec soin, que, lenne moyen, un lioujuic rend par
M jour une cjuauiité d'urine contenant, en nombres ronds,
» 32 {pammes d uroe, ou 15 (paiumes d\izo:e environ.
M D'après mes propres expériences, j'expire par jour une
» quantité d acide carboni(pie qui correspond , au mini-
» mum, à 300 graumies de carbone brûlé, y compris
» riiydro^<;ène, que nous jjouvons convertir en carbone
» par le calcul.
« Or, si Fentrelien ré(^ulier de la vie cbez l'bomme pro-
» duit une élimination de 15 grammes d'azote et de
» 300 jjrammes de carbone, il est l'acile de voir que Ton
» modifierait les conditions de son existence, si on ne lui
» procurait pas les aliments représentés par ces produits
M de nos deux grandes fonctions, la res[)iration et la sécré-
» tion urinaire. De même qu'on peut faire mourir un
» homme d'inanition en quelques jours, de même aussi
» une quantité d'aliments insuffisante causerait la mort
» par inanition au bout d'un temps plus ou moins long.
» Les conditions de l'hygiène publique seront donc al-
» térées si cet état de souffrance est le sort d'une partie
» de la population, comme cela arrive malheureusement
» assez souvent.
» Au moyen des deux données expérimentales que je
» viens de rappeler, il est facile de dire quel est le mini-
» mum d'aliments convenable à un homme, et quelle espèce
» d'aliments il lui laut; car, sachant, d'une part, ce qu'il
» doit brûler de carbone, ce qui! doit brûler d'ammo-
» nium; ayant, d'un autre côté, déterminé par l'analyse la
n
M nature des aliments, il suffit d'une simple équation dans
» laquelle les aliments divers, placés dans Tun des nom-
» bres, devront équivaloir à 300 grammes de carbone et à
» 15 (grammes d'azote, contenus dans l'autre.
» On retombe ainsi sur des nombres qui correspondent
» à peu près à la ration du cavalier français, et auxquels
» on est parvenu sans doute après bien des essais.
» La ration du cavalier se compose, en effet, de :
Matières Matières
azotées non azotées
sèches. sèches.
Viande 285(5ram. 7 0 »
Painde munition. . 750) .,,__ ^, ^^^
i> • I 1 j o . ^ } 1066 oa 596
rain blanc de soupe . 316 j
Légumes 200 20 150
\5lx 7^6
» Or, 154 grammes de matières azotées sèches corres-
" pondent à 22,5 grammes d'azote et 80 grammes de car-
» bone; 7 46 grammes de matière non azotée correspon-
» dent à 328 grammes de carbone. »
C'est pai- un genre de calculs analogue à celui dont nous
venons de donner un exemple, que la chimie peut indiquer
avec précision \a quantité d'aliments nécessaire pour la
parfaite nutrition des diverses espèces animales.
La chimiea présidé aux améliorations utiles introduites,
dans ces derniers temps, dans le régime des marins. On
sait combien l'usage des viandes salées est préjudiciable
à la santé, et Ton n'ignore pas que ce genre d'alimen
tation peut, dans certains cas spéciaux et difficiles à ex-
pliquer, donner lieu à diverses maladies, et même à un
véritable enq)Oisonnement. Aussi la découverte d'Appert,
!(>our la conservation des matières alimentaires, peut-elle
75
être citée comme un éiiiinent service rendu par la chimie
aux voya(jeurs et aux marins. Ce proo(klé si simple et si
curieux, que Ton modifie de tant de manières, est entière-
ment fondé sur les belles recherches de Gay-Lussac
concernant la fermentation. Ajoutons que Tingénieux
appareil tout récemment imagine par M. Grandval pour
les évaporations à basse température, permettra d'obtenir
des extraits secs de bouillon ou de lait, qui, délayés dans
la quantité d'eau que révaj)oration leur avait enlevée,
pourront reconstituer le liquide alimentaire primitif.
On sait que certaines n)atières colorantes sont em-
ployées dans la confection de (juelques aliments, particu-
lièrement pour les bonbons préparés chez nos confiseurs:
c'est ce que l'on pourrait appeler les condiments de [œil.
Quelques unes de ces matières n'offrent pour la santé
aucun inconvénient, mais d'autres peuvent être fort nui-
sibles, et quelques unes constituent de violents poisons.
La chimie a désigné celles de ces substances dont on peut
faire usage, et celles dont il faut proscrire rem[)loi.
Dans un autre ordre de faits, la chimie a rendu à
l'hygiène des services de la pins hante importance, parce
(ju ils sont de tous les jours et de tous les instants; nous
voulons parler des travaux cpie l'on a exécutés à propos
de la nature des vases et ustensiles destinés à la prépa-
ration des aliments. Un grand nombre de ces ustensiles
sont susceptibles d'être attaqués par les acides , par les
corps gras ou par les solutions salines. La chimie a
dicté les ordonnances de police qui prescrivent les pré-
cautions à prendre à cet égard; c'est elle qui a (ait
proscrire les vases de plomb chez les charcutiers, mar-
chands de vins, traiteurs, etc., quia défendu l'emploi des
chaudières et des balances de cuivre pour le raffinage du
sel marin. Cependant, comme il n'est pas toujours facilede
76
tenir la main à IVxécution de ces ordonnances, diverses
malir-res idimentaires sont encore sujettes à conienir
de petites cjuanlités d un niélal vénéneux; c'est ainsi que
certains fruits confits dans le vinaijjre, et (]ui sont d'une co-
loration verte prononcée, renferment des quantités nota-
bles de enivre. On peut encore Ironverdu cuivre dansrpiel-
ques préjuirations de charcuterie, entre autres dans les
boudins ; Vauquelin avait observé, en elFet, que le san[î, à
la température de réhullition, peut attaquer les vases de
cuivre et se cliar^jer d'une certaine quantité de ce métal.
Les aliments solides sont appelés à réj)arer les parties
solides de Técononiie; mais il faut aussi réparer les pertes
provenant de l'évaporaiion des liquides , c'est ce qui nous
conduit à dire cjuelques mots de l'eau et des boissons
aliujentaires
Certains caractères physiques, tels que la saveur, la
coideur, la température, l'absence d'odeur, etc., sont des
moyens que l'on peut communément invoquer pour re-
connaître une eau potable. Mais dans la plupart des cas,
ces caiactères généraux sont insuffisants, et pour s'as-
surer des (jualités d'une eau destinée aux usages publics,
il faut recourir à l'analyse chimique. Nous ne pouvons
entrer ici dans aucun détail sur les moyens que l'on
met en usage pour fixer la composition des eaux, ni sur
les caractères qui permettent quekjuefois de s'assurer,
par un essai chimique plus court, de la pureté des eaux
destinées à la boisson ou aux emplois industriels.
La chimie a rendu à 1 hygiène des services incontestables
dans toutes les questions d'hydrologie. Elle a établi des pré-
ceptes relatifs à la construction des citernes et à la nature
des vases destinés à la conservation des eaux. C'est ainsi
qu'elle a reconnu que les eaux se conservent mieux dans
des vases de boisa essence dure, comme le hêtre, le chêne,
77
(surtout si on les a dépouilles de leur matière extractive
par une macération prcalahlc), f|ne dans des vases de bois
d'une autre essence, qui rendent les eaux fétides et insa-
lubres. Le bois carbonisé, le charbon en poudre et les
vases de fer, sont les matières cpii conviennent le mieux
à ce genre d'usage. Ajoutons que c'est encore à la chimie
que Ton est redevable des piocédés employés pour la
purification des eaux corrompues ou ahérées.
Les mélanges réfiigérants que Ton prépare parle mé-
lange de certains sels avec des acides, j^ermettent d'obte-
nir de la glace en tout temps et à bon marché. C'est encore
là une application utile de la chimie à l'hygiène.
Les boissons alcooliques sont toujours des produits de
fermenlalion,quij)rennent différents noms selon le liquide
qui leur a donné naissance; ceux qui ont subi la distilla-
tion, comme le kirsch, le rhum, l'eau-de-vie, etc., ne con-
courent à la digestion qu'à titre d'excitants. Quant à ceux
qui n'ont pas été distillés, tels que le vin, la bière, le cidre,
le poiré, 1 hydromel , ils contiennent différents principes
fixes, des sels, du tannin, ou àea matières colorantes, qui
servent à la nutrition ; c'est principalement la matière
azotée qu'ils renferment" en petite quantité qui, d'après les
expériences de M. Chossat, détermine le rôle de ces bois-
sons comme principe alimentaire.
La chimie, qui nous apprend à connaître la composi-
tion du vin et des autres boissons fermentées, nous éclaire
aussi sur les falsifications que ces liquides peuvent subir.
Mais ce genre de i-echerches manque encore de règles pré-
cises et de bases expérimentales dignes de confiance.
Enfin la même science est intervenue avec profit dans
pres(jue toutes les questions qui concernent la salubiMté[)u-
bli(pie. Elle a indiqué les règles à suivre pour pratiquer les
exhumations, pour établir les voiries, les cimetières, les
78
abattoirs et les charniers ; elle a introduit, parmi les établis-
sements insalubres, les diverses catégories qui sont adoptées
par l'administration actuelle. C'est t^^râce à ses indications,
qu'il est possible de placer sans dan^^er, dans le voisinage
des liabitations , des établissements que Ton considérait
autrefois comme dangereux pour la santé publique. C'est
encore grâce aux agents chimiques dont elle a reconnu
Faction spéciale et suggéré l'emploi , (jue, ('ans les grandes
villes, on peut opérer les vidanges en plein jour, sans au-
cune incommodité ni pour les v(/isins, ni pour les ouvriers
employés à ce travail, La diminution qui s observe dans
les maladies des ouvrieis vidangeurs, égoutiers, boyau-
diers, etc., est une conséquence de l'emploi général de ces
moyens d'assainissement.
Il n'est presque aucune profession insalubre à laquelle
l'application des principes de la chimie n'ait rendu des
services particuliers. L'industiie des cérusiers, qui fai
sait, il y a peu de temps, de si nombreuses victimes, a été,
à la suite d'une étude approfondie, perfectionnée dans
ses procédés, de manière A mettre l'ouvrier à labri de
l'action fâcheuse qui résultait pour lui de l'absorp-
tion d une certaine quantité de plomb. La prescription
de bains alcalins et l'usage de la limonade sullurique,
sont des moyens préventifs utiles, recommandés par la
chimie aux personnes qui s'adonnent à cette profession.
Disons enfin, que la chimie a eu quelquefois pour résultat
de détruire complétemeni une industrie insalubre. C'est
ainsi que l'on a vu, au grand |;rofit de l'humanité, ia do-
rure au mercure disparaître pour faire place à l'industrie
nouvelle de la dorure galvanique, entièrement exempte
des inconvénients et des dangers qui avaient rendu son
aînée si tristement célèbre. C'est une substitution de ce
genre que méditent aujourd'hui les peisonnes qui désire-
79
raient voir substituer à l'industrie de la céruse, la fabrica-
tion de l'oxyde de zinc, ce dernier composé n'offrant,
comme on le sait , aucune des propriétés toxiques du sel
de plomb qui constitue la ce'ruse.
Ajoutons néanmoins qu'il est encore un assez grand
nombre d'industries insalubres devant lesquelles demeu-
rent impuissants les efforts de la chimie. Telles sont la
fabrication des allumettes pliosphorées, celle des pou-
dres fulminantes, destinées à la confection des amorces,
celle des aiguilles à coudre, des pierres meulières, des
pierres à fusil, etc.
Dans cette revue, nécessairement très rapide, nous
avons sans doute négligé beaucoup de faits que l'on aurait
pu invoquer à l'avantage et en Ihonneur de la chimie.
Ceux que nous avons choisis suffiront cependant pour
faire apprécier limportance et l'étendue des services que
l'hygiène a reçus de rinlervenlion de cette science.
TOXICOLOGIE.
La toxicologie est fille de la chimie. Après l'énoncé
d'une parenté si étroite, il serait superflu de songer à
appliquer à cette partie des sciences médicales Tordre de
démonstration qui sert de thème à cet écrit. Unique-
ment formée d'une série d'applications des faits chimiques,
il est de toute évidence que la toxicologie doit tout à la
chimie, et qu'elle n'aurait pu sans elle figurer dans le
cadre de nos connaissances. Comme nous ne pouvons, ce-
pendant, nous en tenir à une proposition aussi générale,
nous allons lemonter pour un instant vers le passé scien-
tifique, et le conqjarer aux temps présents, afin de mettre
80
dans tout leur jour les progrès immenses que la chimie
moderne a itnprimcs ù la connaissance médicale des poi-
sons. ^ous ferons connaître ensuite les moyens principaux
dont la toxicologie dispose aujourd hni pour arriver,
avec un succès souvent merveilleux, à la découverte des
agents toxiques.
Nous nVn sommes plus à l'époque où, pour prévenir
chez les peuples le crime d'empoisonnement, on ne trou-
vait d'autre moyen que d'interdire à la médecine l'em-
ploi des substances vénéneuses. On trouve dans la Républi-
que de Platon une Ici qui défend aux médecins, sous peine
de mort, de prescrire des poisons, ou seulement d'en par-
ler, sous quelque prétexte que ce soit. C'est en vue de cette
pensée que la médecine antique imposait la même défense
à ses adeptes. C'est encore ainsi qu'il faut expli(]uer le
silence d Hippocrate sur cette matière, et la clause sui-
vante de son serment : « Jamais je ne me laisserai sé-
» duire; je n'accorderai jamais à qui que ce soit qui m'en
» ferait la demande, aucuns médicaments mortels. »
Pendant une longue suite d'années, ces préceptes de-
meurèrent présents à l'esprit des médecins. Galien lui-
même, qui écrivait loin d'Athènes, et dans un pays où les
lois ne défendaient point de traiter des poisons, n'ose pas
enfreindre le serment du grand maître, car c'est à peine
si, dans ses écrits, il mentionne l'existence ou les effets
des matières toxiques.
Le silence de la médecine n'était cependant qu'une bien
faible barrière à opposer au dépravement moral et à la
coirupiion des sociétés anciennes. A Rnme, sous les em-
pereurs, l'art des poisons fut entendu et pratique avec
cette jîcrfection funeste dont Ihistoire a eniegistré tant
delfrayanis exen)j)les.Cetart lerribie se réveilla au moyen
âge avec une fureur nouvelle, et les médecins furent bien
81
forcés alors de chercher contre ses atteintes niultiphées des
armes plus efficaces. Ambroise Paré nous montre, l'un des
premiers Ja médecine essayant d'opposer certains moyens
de défense à l'action des substances vénéneuses. Mais bien
que déjà très éloigné du temps de Platon, Ambroise Paré est
encore sous l'influence du serment d'Hippocrate, et il ne
prend la plume qu'avec hésitation pour écrire sur ces matiè-
res : « Si j'écris sur les poisons, nous dit-il, c'est par le désir
» que j'ai toujours eu et aurai toute ma vie, de servira Dieu
» et au public; avec protestation devant Dieu de ne vouloir
» enseigner à mal faire, comme aucuns malveillants me
> pourraient taxer : aussi je désirerais que les inventeurs
» de poisons fussent avortés au ventre de leur mère ! » —
« Les poisons, ajoute-t-il, ont été inventés par artifice et
» sublimations des méchants, traîtres, empoisonneurs et
» parfumeurs. » — ^ Ces derniers surtout sont signalés par
lui comme des criminels « qu'on devrait chasser hors du
» royaume de France avec les Turcs et les infidèles! »
Quant aux moyens que la médecine du xvi^ et du
xvii^ siècle, pouvait mettre en œuvre contre les effets des
poisons, Césalpin va nous les faire connaître. Dans son livre
De venenis, le médecin de Rome nous apprend que les em-
poisonnements étaient si nombreux de son temps, que les
grands seigneurs avaient pris l'habitude, dans les cas
suspects, de faire goûter les mets et les boissons à leurs
médecins ou à leurs ministres, ce qui n'était pas précisé-
ment faire ce que l'on a appelé de nos jours une expé-
rience in anima vili. Hâtons-nous de dire qu'il y avait
d'autres moyens plus charitables, mais peut-être d'un
effet moins sûr. On faisait apporter les mets dans des
vases à'elecirumy métal très poli, analogue à notre ver-
meil, et qui ne devait se ternir que dans le seul cas où
le mets aurait contenu quelque poison. On pouvait encore
6
82
placer une pierre précieuse au fond de cliaque plat; une
fois à table, on relirait la pierre pour s'assurer si elle con-
servait encore sa transparence naturelle.
Des essais sur les animaux, et dans les rares occasions où
ce moyen barbare pouvait trouver son application, des ex-
périences faites sur des hommes condamnés à mort, étaient
un autre genre de ressources auquel on avait recours pour
étudier l'activité des poisons, ou pour apprécier les vertus
de certains antidotes. Ambroise Paré raconte ainsi un
événement de cette nature dont il fut le témoin et l'acteur.
« Le roy dernièrement décédé, estant en sa ville de
Clermont en Auvergne, un seigneur lui apporta d'Espagne
une pierre de Beyahar, qu'il luy affirmoit estre bonne
contre tous venins, et l'estimoit grandement (1). Or estant
lors en la chambre dudit seigneur roy, il m'appella, et
me demanda s'il se pouvoit trouver quelque certaine et
simple drogue, qui fust bonne contre toute poison; où tout
subit luy respons, que non , disant qu'il y avoit plusieurs
sortes et manières de venins, dont les unes pouvoieut
estre prises par dedans, les autres par dehors. Je luy rè-
monstre que les venins ne font leurs effets d'une mesme
sorte et ne procèdent lesdits effets d'une mesme cause :
car aucuns opèrent par l'une des qualités élémentaires
desquels sont composez; autres opèrent par leur propre
qualité spécifique occulte et secrette, non subjecte à au-
cune raison, et selon la diversité d'iceux falloit contrarier;
comme s'ils estoient chauds estoient guéris par remèdes
(i) Ces bé/oards n'étaient autre chose que des concrétions intestinales
trouvées chez certains animaux; encore, s'il faut en croire Mead, étaient-
elles imitées aitiHciellement par quelques spéculateurs qui les vendaient
à un prix très élevé: il n'était pas rare <le les voii figurer, à cette époque,
parmi le§ présents qu'on envoyait aux têtes couronnées.
(Anglada, Traité de toxicologie générale^ p. 229.)
83
froids et les froids par remèdes chauds, et aiiii i des autres
qualité/..
M Le dit seigneur qui apporta la pierre, voulut outre
nies raisons soustenir qu'elle estoit propre contre tous
venins. Adouc je dy au Roy, ([u'on avoit bien moyen d'en
faire certaine expérience sur (juelque coquin qui auroit
gai.«né le pendre. Lors promptement envoya quérir Mon-
sieur de la Trousse, prevost de son hostel, et lui demanda
s'il avoit quelqu'un ([ui eust mérité la corde. Il lui dist
qu'il avait en ses prisons un cuisinier, le quel avoit des-
robë deux plats d'ar^jent en la maison de son maistre,
où il estoit domestique, et cpie le lendemain devoit estre
pendu et esiranglé. Le Roy lui dist qu'il vouloit faire ex-
périence d'une pierre qu il disoit estre bonne contre tous
venins, et qu'il sceut du dit cuisinier, après sa condamna-
tion, s'il vouloit prendre quelque certaine poison, et à
l'instant on lui bailleroit un contre-poison, et que s'il
s'eschapperoit, il s'en iroit la vie sauve : ce que le dit cui-
sinier très voloniiers accorda, disant qii'il aimeroit trop
mieux encore mourir de la dite poison en la prison, que
d'esire estranglé à la vue du peuple. Et tost après un
apoticaire servant lui donna certain poison en potion et
subit la dite pierre de Beyahar. Ayant ces bonnes drogues
en l'estomac, il se print à vomir, et bien tost alla à la
selle avecques grandes espreintes, disant qu'il avoit le
feu au corps, demandant de l'eau à boire, ce que ne luy
fut refusé.
» Une heure après, estant adverty que le dist cuisinier
avoit pris ceste bonne drogue, je pryai le dit seigneur de
La Trousse me vouloir permettre l'aller voir, ce qu'il m'ac-
corda, accompagné de trois de ses archers, et trouvey le
pauvre cuisinier à quatre pieds, cheminant comme une
beste, la langue hors de la bouche, les yeux et toute la
84
face flamboyante, désirant toujours vomir, avec grande
sueur froide : et jettoit le sang par les oreilles, nez, bouche,
par le siège et par la verge. Je luy feis boire environ
demi-sextier d'huile, pensant luy ayder et sauver la vie;
mais elle ne lui servit de rien, parce qu*elle fut baillée
trop tard, et mourut misérablement, criant qu'il luy eust
mieux valu estre mort à la potence. Il vescut sept heures
environ. Et estant décédé, je fis ouverture de son corps ,
en la présence du dit seigneur de la Trousse, et quatre de
ses archers, où je trouvay le fond de son estomach noir,
aride et sec, comme si un cautère y eust passé; qui me
donna connaissance qu'il auoit avalé du sublimé, et par
les accidents qu'il avoit pendant sa vie. Et ainsi la pierre
d'Espagne, comme l'expérience le monstra, n'eust au-
cune vertu. A cette cause le roy commanda qu'on la
jettast au feu; ce qui fust fait (1). w
Cependant ces expériences n'avaient pas toujours un
si triste résultat. Hoffman rapporte l'histoire d'un cri-
minel qui fut plus heureux. Sa grâce lui fut accordée à
la condition qu'il prendrait un demi-drachme de terre de
Silésie, dont on voulait constater l'efficacité antidotique :
le patient en fut gravement affecté; mais il paraît qu'il
s*en tira (2).
•Schenckius raconte qu'un jeune homme, âgé de vingt
ans, qui se trouvait retenu dans les prisons de Vienne,
accepta de se soumettre à l'épreuve de l'arsenic. On lui
fit avaler un demi-gros d'arsenic en poudre, mêlé à du
sucre. Le contre-poison à expérimenter était un bézoard.
Une heure après l'ingestion du poison, on lui administra
dix grains de cette substance dans de l'eau de bourrache.
(i) II* édil. des Œuvres d'Ambroise Paré, Livre des venins, chap. 44-
(2) Ânglada, Traité de toxicoloQÎe générale, p. 228.
85
La potion ne parut pas d'abord soulager beaucoup les souf-
frances du malade; mais sept heures après, on lui admi-
nistra un bouillon gras et du vin; une amélioration se mani-
festa; le soir il put souper, et le lendemain il était fjuéri (1).
Matthioli, de Sienne, rapporte le fait suivant : « Un in-
M dividu condamné à la pendaison, à Prague, accepta la
M proposition qui lui fut faite, par ordre de TArchiduc, de
» se soumettre à Texpérience de l'arsenic. On lui fit donc
» avaler deux gros de ce poison dans une potion. Quatre
» heures après il était tout livide, abattu et moribond ; les
M médecins croyaient qu'il allait mourir. On lui fit prendre
» une dose de poudre dans du vin blanc; à l'instant les
» symptômes se sont apaisés, l'amélioration a été progres-
j sive. Le lendemain il était guéri, et fut mis en liberté(2). »
Lorsque la chimie eut commencé d'essayer ses premiers
pas , on songea à s'occuper plus sérieusement de l'é-
tude, et plus tard de la recherche des poisons. Mais la
science de cette époque , embarrassée des langes de son
enfance séculaire, et toujours obscurcie et détournée de
sa voie par ses préoccupations alchimiques, ne pouvait
guère offrir encore autre chose que des intentions. Le
premier document authentique constatant l'existence de
la chimie légale, se rapporte au procès de Sainte-Croix
et de la marquise de Brinvilliers. Lorsqu'une série de
crimes effrayants eut éveillé les soupçons tardifs des ma-
gistrats, la chirurgie et la chimie de l'époque furent convo-
quées pour fournir des éclaircissements à la justice. Mais
la chirurgie, représentée par MM**Dupréet Durant, ne put
constater chez les victimes que l'état de désorganisation
des viscères, ce qui lui parut « un signe non équivoque
de poison, si la cacochymie ne produisait les mêmes effets, »
(i) 06s. med.^ lib. devenenis. Fribourg, 1697.
(a) Opéra omnia, lib. YI, p. 1000.
86
Quant à la chimie, elle parut sons les traits de Guy-
Simon, apothicaire marchand, et elle fut moins heu-
reuse encore. Voici le rapport dressé par Guy-Simon
à propos de l'analyse des poudres vénéneuses saisies dans
la cassette de Sainte-Croix; on connaît le style des méde-
cins de Fépoque, celui des chimistes n'était pas fait pour
le déparer :
« Ce poison artificieux , dit l'expert chimiste du
» xvii* siècle, se dérohe aux recherches que Ton en veut
M faire; il est si déguisé qu'on ne peut le reconnaître, si
» subtil qu'il trompe Toeil , si pénétrant qu'il échappe
» à la capacité des médecins. Sur ce poison, les expé-
» riences sont fausses, les règles fautives, les aphorismes
w ridicules.
» Les expériences les plus sûres et les plus communes
» se font par les éléments ou sur les animaux.
lî Dans l'eau, la pesanteur du poison ordinaire le jette
« au fond; elle est supérieure, il obéit, se précipite et
» prend le dessous.
>j L'épreuve du feu n'est pas moins sûre. Le feu évapore,
» dissipe, consume ce qu'il y a d'innocent et de pur; il ne
» laisse qu'une matière acre et piquante, qui seule résiste
w à son impression.
» Les effets que le poison produit sur les animaux sont
» encore plus sensibles : il porte sa malignité dans toutes
w les parties où il se distribue, et \\ vicie tout ce qu'il tou-
» che; il brûle et rôtit d'un feu étrange et violent toutes
» les entrailles.
M Or, le poison de Sainte-Croix a passé par toutes ces
» épreuves et se joue de toutes les expériences. Ce poison
M nage sur l'eau ; il est supérieur, et c'est lui qui fait obéir
» cet élément: il se sauve de l'expérience du feu, où il ne
» laisse qu'une matière douce et innocente.
87
» Dans les animaux, il se cache avec tant d'art et d'à-
» dresse, qu'on ne peut le reconnaître. Toutes les parties
» de Tanimal sont saines et vivantes : dans le même temps
» qu'il y fait couler une source de mort, ce poison arti-
» ficieux y laisse Timage et les marques de la vie.
» On a lait toutes sortes d'épreuves : la première en
» versant quelques gouttes d'une liqueur trouvée dans
» l'une des fioles, dans l'huile de tartre et dans l'eau ma-
M rine, et il ne s'est rien précipité au fond des vaisseaux
» dans lesquels la liqueur a été versée; la seconde, en
» mettant la même liqueur dans un vaisseau sablé, et il
» n'a été trouvé au fond du vaisseau aucune matière acide,
w ni acre à la langue, et presque [)oint de sel fixe; la tioi-
» sième, sur un poulet d'Inde, un pigeon, un chien et
» autres animaux, les(piels animaux étant morts quelque
M temps après, et le lendemain ayant été ouverts, on n'a
't rien trouvé qu'im peu de sang caillé au ventricule du
» cœur.
M Autre épreuve d'une poudre blanche donnée à un
M chat, dans une fressure de mouton, ayant été faite, le
w chat vomit pendant une demi -heure, et ayant été trouvé
» mort le lendemain, fut ouvert sans que Ton ait rencontré
» aucune partie altérée par le poison.
» Une seconde épreuve de la même poudre ayant été
» faite sur un pigeon, il en mourut quelque temps après,
» et fut ouvert; il ne fut rien trouvé de particulier, sinon
M qu'un peu d'eau rousse dans l'estomac. »
Le poison de Sainte-Croix n'était que du sublimé; mais
ce poison artificieux se dérobuit à toutes les recherches
de maître Guy-Simon, apothicaire marchand.
Si l'onjette un coup d'oeil sur les pièces et les documents
légaux qui se rapportent aux procès d'empoisonucment
88
pendaiït toiiic la duiée du xvm** siècle, on reconnaît que
les moyens mis en usage pour la recherche des poisons
par la chimie bâtarde de cette époque, n étaient guère
au-dessus de ceux dont on vient de lire le singulier échan-
tillon.
Ce n'est qu'à la fin du derniei* siècle que la toxicologie
naquit, comme application et conséquence directe de la
création de la chimie. Mais ou se tromperait en pen-
sant que ses progrès répondirent à la marche et au rapide
développement de cette dernière science. Ce n'est qu à
une époque qui n'est pas très éloignée de la nôtre,
que la toxicologie a commencé d'entrer dans une voie
positive, et a pu rendre à la médecine et à la société des
services actifs. « Les progrès de la toxicologie chimique,
» dit M.Caventoudansun éloquentrapportàTAcadémie de
» médecine, ont été très rapides dans ces dernières an-
» nées, et Ton a d'autant plus de raisons de s'en applau-
» dir, que cette science date presque de nos jours. Qu'était-
» elle, en effet, il y a quarante ans? Fort peu de chose;
» elle occupait une place bien humble et bien étroite dans
» les ouvrages de médecine légale, une centaine de pages
» au plus suffisaient à la manifestation de son existence.
» Elle n'offrait qu'un ensemble fort incomplet de carac-
n tères et de procédés insuffisants, souvent erronés, d'où
M la vérité ne devait sortir que par miracle, ou alors que,
« aussi évidente que le jour, elle ne pouvait être méconnue
» par les moins experts. Quand on parcourt les observa-
» tions d'empoisonnements recueillies et publiées à cette
M époque, et (|u'on apprécie les faits chimiques sur lesquels
« on se fondait dans beaucoup de cas pour tirer une con-
v> clusion positive ou négative, les médecins, les magis-
» trats et les chimistes de nos jours auraient peine à le
89
» comprendre, et trembleraient, à bon droit, pour la vérité,
» s'ils ne pouvaient invoquer d'autres garanties » (1).
C'est grâce aux travaux de Fodéré , d'Orfila, de Christi-
son, de Marc, Devergie, Flandin, etc., que la toxicologie
s'est élevée de nos jours au rang de science exacte. Indi-
quons les progrès successifs qu elle a dûs aux travaux de
ces savants , et les principaux services qu'elle a rendus
par là aux sciences médicales.
Les premiers toxicologistes qui s'occupèrent des moyens
de découvrir, au milieu des organes de l'homme ou des ani-
maux, les traces des poisons, rencontrèrent une grande dif-
ficulté dans la présence des matières animales qui venaient
singulièrement compliquer leurs recherches. Les réactions
ordinaires des agents chimiques étaient masquées, alté-
rées ou difficiles à saisir, en raison du milieu dans lequel
on opérait. On pensa d'abord qu'il suffirait, pour se
mettre à l'abri de cette difficulté, d'étudier les diverses
modifications que les liquides alimentaires colorés, tels
que le vin, la bière, le café, etc., ou les principaux liquides
de l'économie, produisent sur la couleur et les autres
caractères des précipités chimiques. Fodéré, qui s'occupa
spécialement d'expériences de ce genre, pensait que cette
connaissance pourrait suffire dans la plupart des expertises
toxicologiques. Mais des faits trop nombreux vinrent
prouver dans quelle erreur ce médecin légiste était tombé.
Il arrivait souvent que la présence des liquides organiques
empêchait totalement la formation des précipités qui ser-
vent à caractériser les métaux toxiques; d'autres fois ces
précipités n'apparaissaient qu'au bout de plusieiu'S jours.
Les deux faits suivants, cités par Orfila, donnent un exemple
(i) Rapport, sur les moyens de constater la présence de l'arsenic dans les
empoisonnements par ce toxique. — {Bulletin de l'académie de médecine y
t. VI, p. 809, 1841.)
90
assez curieux des singulières incertitudes où l'imperfection
des procédés anaiyiicpies livrait, à celte épo([ue, les
experts chimistes.
«< Un homme, dit Orfila, avait empoisonné plusieurs
» personnes avec du pain contenant de 1 acide arsénieux.
M Des experts d'Angers avaient fait bouillir ce pain dans
M Teau , et avaient traité la décoction par Tacide sulfhy-
» drique gazeux. Voyant qu'ils n'obtenaient point de
a sulfure jaune précipité, ils avaient conclu (|ue le pain
M ne renfermait point d'arsenic. Une seconde expertise,
») faite par deux ciiimistes de Paris, s'était terminée de
M même. Je fus alors char(;é de procéder, avec Barruel , à
M la recherche de l'acide arsénieux. Nous attendîmes plu^
M sieurs jours pour laisser au précipité jaune de sulfure
M d'arsenic le temps de se déposer du décoctum aqueux,
» ce que n'avaient pas fait les autres experts, et nous
« retirâmes de l'arsenic métallique de ce sulfure. Le corps
» du délit arriva à Angers au moment où les débats
» allaient être clos; l'accusé, déclaré coupable, fut con-
» damné à mort.
M Le liquide obtenu eu faisant bouillir l'estomac de
« Soufflard^ pendant une heure, avec deux litres d'eau
V distillée, fut acidulé par l'acide chlorhydrique, et sou-
w mis à un courant de gaz acide suif hydri(|ue; au bout
V de trois mois seulement, il s'était déposé du sulfure
M jaune d'arsenic, de manière à pouvoir être séparé par le
» filtre (1). »
M. Devergie rapporte en ces termes un fait du même
genre : « Un élève en médecine me pria de rechercher
» s'il n'existerait pas de l'acide arsénieux dans le bouillon
» qu'il me présentait : un jeune homme en avait été for-
(i) Orfila, Toxicologie, t. I, p. SqS, édi on de i843.
91
» tetDent incommodé. Je traitai immédiatement la liqueur
» par les réactifs ordinaires, et je n'obtins aucun préci[)ité.
» J'avais mis de côté le verie à expérience dans lequel
w le mélange de bouillon et d'acide sulfliydricjue se trou-
» vait. J'examinai, par hasard, au bout de liuit jours, ce
» mélange qui, après vingt quatre heures de contact, n'a-
» vait offert aucun changement, et il renfermait alors un
» ])récipité très marqué de sulfure d'arsenic, dontje retirai
» le métal (1). »
C'est d'après ces faits que les toxicologistes comprirent
(|u il fallait se débarrasser à tout prix de la matièie orga-
ni([ue, dans la reclierche analytique des poisons. Divers
agents décolorants, tels que le cblore, le charbon, l'acide
sulfureux, furent employés tour à tour avec plus ou moins
de succès. Mais le chimiste Happ donna la solution la plus
complèteduproblèiue, en conseillant de détruire par Tact ion
du niire, dans un creuset chauffé au rouge, la totalité de la
matière animale. A ce moyen qui occasionnait quelque
perte de l'agent toxique, on substitua, d'après le conseil
de M. Thénard, la décomposition par l'acide azotique, pro-
cédé qui fut ensuite modifié par Orfila et par M. Millon.
Enfin, la découverte faite par M. Flandin du procédé
de carbonisation par l'acide sulfurique, vint fournir le
moyen si avantageux et si simple auquel on a recours
aujourd'hui pour la destruction totale de la matière orga-
nique. Ajouionsque le chlore estquelquefoissubstituéavec
avantage à l'acide sulfurique pour obtenir le même effet.
Cependant certains poisons de nature végétale, tels que
l'opium, l'infusion de noix vomique, etc., étaient très dif-
ficiles à reconnaître dans les liquides animaux^ car les
réactions chimiques précises et bien tranchées manquaient
(i) Devergie, Médecine légale ^ t. III, p. 6l5.
92
entièrement pour mettre sur la trace de ces substances.
L'admirable découverte des alcalis végétaux, due aux tra-
vaux de Sertuerner, Deiosne , Pelletier et Caventou ,
Robiquet, etc., vint beureusement fournir les moyens de
caractériser, avec une certaine précision, les principes
immédiats qui constituent les agents actifs de ces pro-
duits. Si les procédés toxicologiques> fondés sur la re-
cberche des alcaloïdes végétaux, sont loin d'être aussi
exacts et aussi nets que ceux qui servent à retrouver les
poisons métalliques, tels que l'arsenic, le cuivre, le mer-
cure, l'antimoine ou le plomb, il n'en est pas moins vrai
que Ton peut aujourd'bui, en isolant la morphine, la
strychnine ou la brucine , démontrer avec évidence
l'existence d'un empoisoîinement par l'opium ou les
strycbnos. Dans ces derniers temps, à propos d'un
procès célèbre , M. Stas, de Bruxelles, perfectionnant,
avec une singulière habileté, les procédés chimiques
applicables aux cas de ce genre, a donné aux chimistes
les moyens de reconnaître, avec la même certitude, les
alcalis organiques, tels que la nicotine ou la cicutine,
qui, en raison de leur volatilité ou de leur facile décom-
position , auraient échappé aux moyens anciennement
connus.
Les toxicologistes s'étaient longtemps contentés de
chercher dans les premières voies les traces des poi-
sons, se bornant à soumettre à l'analyse les liquides re-
tirés de l'estomac ou des intestins. Les travaux d'Orfila
ont beaucoup étendu, sous ce rapport, les bornes de la
science, en donnant les moyens de poursuivre les ma-
tières toxiques jusque dans lintimité des tissus, où elles
ont pénétré par absorption. Si l'on réfléchit que, dans
la plupart des empoisonnements, des vomissements abon-
dants ou les déjections déterminées par la substance
93
toxique, doivent entraîner hors du corps la presque to-
talité du poison dissous ou solide qui a pu demeurer dans
le canal digestif, on comprendra tous les avantages d'une
méthode qui permet de retrouver, dans la trame des tissus
organiques, la portion du poison qui a tué. Ajoutons que
la découverte intéressante de la localisation des poisons
dans certains organes, et en particulier dans le foie, est
venue simplifier beaucoup la mise en pratique de cet
efficace et puissant moyen de recherches.
Une autre question qui avait sa gravité a été, dans ces
derniers temps, résolue par la chimie d'une manière
satisfaisante; nous voulons parler des moyens de distin-
guer les métaux normalement contenus dans certains
organes, des composés métalliques introduits dans Téco-
nomie par voie d'empoisonnement. Les quantités relatives
de ces métaux, l'absence ou la présence de lésions orga-
niques, les symptômes qui avaient accompagné la maladie,
telles sont les circonstances que l'on a d'abord invoquées
pour la solution de ce problème ; Orfila a fait connaître
ensuite certaines méthodes qui peuvent suffire, selon lui,
pour distinguer les métaux normaux des métaux venus
du dehors.
Dans ses études toxicologiques , la chimie a encore
rendu de précieux services à la médecine et à l'humanité,
en se livrant avec persévérance à la recherche des anti-
dotes, c'est-à-dire des agents susceptibles de neutraliser,
dans l'économie vivante , les effets des poisons. On a
eu le bonheur , dans un certain nombre de cas , de
constater des propriétés de ce genre chez certaines sub-
stances, telles que l'hydrate de peroxyde de fer ou la
magnésie pour l'acide arsénieux, l'albumine ou le lait
pour le mercure ou le cuivre, le sel marin pour les com-
posés d'argent, etc. Si la chimie n'a pu réussir à trouver
94
un antidote universel, prol)lème au-dessus de ses forces
parce qu'il est contraire à la nature même des choses, elle
a du moins signalé certains agents qui s'attaquent à de
Jurandes catégories de jioisons; tels sont le tannin contre
les empoisonnements par les alcalis organiques, l'albu-
mine et le sulfure de fer hydraté pour ( onibattre l intoxi-
cation parla plupart des composés métalliques.
Après avoir montré toute l'étendue des services rendus
par la chimie aux sciences médicales, en ce cpii touche la re-
cherche analytique des poisons et les moyens de combattre
leurs effets, il nous sera permis de convenir que, dans un
certain nombre de cas, cette science demeure impuissante
à nous éclairer. Dans l'empoisonnement par les solanées
vireuses, par les plantes appartenant aux renonculacées,
aux colchicacées, par les champignons, etc., les symptô-
mes de la maladie peuvent seuls servir de guide au mé-
decin, le principe actif de ces poisons n'étant qu'impar-
faitement connu, et les méthodes qui pourraient servir à 1
les isoler, étant par cela même illusoires. \
Nous n'avons considéré jusqu ici que les applications
de la chimie à la toxicologie. Nous ne pouvons cependant,
en terminant ce sujet, manquer de signaler, au moins en
quelques mots, les services (|ue cette science a rendus à
la médecine légale.
Toutes les fois qu'il s'agit de constater l'existence de
lésions organiques produites pendant la vie ; quand il
s'agit de procéder à une autopsie, afin de reconnaître,
par l'examen des altérations organiques, les signes d'un
empoisonnement ; lorscju'il s'agit enfin de déterminer la
nature d'accidents morbides déterminés chez un individu
par l'ingestion d'une substance que l'on soupçonne véné-
neuse, c'est au médecin légiste que l'on s'adresse, et ses
(
f
95
connaissances suffisent pour prononcer sur ces questions.
Mais il est beaucoup d'autres circonstances qui rentrent
dans la médecine légale , et dont l'élucidation serait
impossible sans le secours d'expériences chimiques. S'il s'a-
fjit, par exemple, de prononcer sur des questions d'iden-
tité, on peut faire appel aux lumières du chimiste, en invo-
quant par exemple, le caractère de la coloration ou de la
décoloration descheveux del'individu. C'est encoreauchi-
miste qu'il faut s'adresser lorsqu'on veut constater la pré-
sence de taches de sang sur des vêtements, des armes,
des instruments de ferou d'acier; ce genre de taches pou-
vant aisément être confondu avec celles que produit
l'oxydation du fer, ou l'action de certains sucs végé-
taux acides mis en contact avec ce métal. Le chimiste
peut encore avoir à rechercher, dans les cendres d'un
foyer, la présence du phosphate de chaux et du cya-
nure de potassium, sels dont la présence dans ce foyer
peut révéler la combustion d'une matière animale, telle
que des os, ou dps substances analogues. Lorsqu'il
s'agit enfin de constater les falsifications de médicaments,
c'est encore aux lumières du chimiste que l'on est con-
traint de recourir. En un mot, l'importance de la chimie
est telle dans certaines questions de médecine légale, et
dans quelques autres qui intéressent le droit administratif
ou l industrie, qu'ime application nouvelle de la chimie,
ayant ses moyens, ses règles spéciales et ses procédés,
tend à se créer aujourd'hui sous le nom de cJiimie légale.
Pour résumer les faits contenus dans cette partie de
notre travail, il nous suffira de dire que la toxicologie n'au-
rait pu exister sans la chimie, et que cette dernière science
est indispensable pour l'élucidation d un certain nombre
de problèmes qui se rapportent à la médecine légale.
96
Coiicliieioii.
Nons venons de présenter le tableau abrégé des prin-
cipaux services que la cbimie a rendus aux sciences médi-
cales. On a vu que ses investigations ont porté successi-
vement sur presque tous les sujets qui forment le domaine
de la médecine, et qu'elle a puissamment éclairé de ses
lumières :
La physiologie, en offrant à cette science un instrument
direct d'expérimentation et de recherches qui, appliqué à
Fétude de la plupart de nos fonctions, en a dévoilé, dans
un grand nombre de cas, le secret mécanisme;
h'd pathologie, en lui donnant le moyen d'asseoir le dia-
gnostic sur des faits matériels et visibles, en signalant dans
bien des cas l'origine et la cause des maladies, en intro-
duisant la précision et la mesure dans la manière d'ob-
server les faits, et modifiant ainsi, avec avantage, la mé-
thode et la philosophie médicales;
La thérapeuti(juey en dotant la matière médicale de ses
agents les plus énergiques , en soumettant à des règles
positives l'art d'administrer les médicaments, en substi-
tuant des principes rationnels à l'empirisme qui seul
avait jusque-là servi de guide à l'art de formuler, en
suivant les médicaments dans l'intimité des organes, en
enseignant à tirer parti des modifications qu'impriment à
ces médicaments les divers liquides qu'ils rencontrent dans
l'économie;
V hygiène, en fondant sur des faits précis et des obser-
vations rigoureuses les préceptes de cette science, et don-
nant ainsi une base certaine aux principes qui règlent la
conservation et le maintien de la santé publique;
La toxicologie, en créant de toute pièce cette partie des
97
sciences médicales qui offre une garantie si puissante à la
morale publique et à la société.
Du seul examen des faits auquel nous venons de nous
livrer, il ressort donc cette conclusion que la chimie est
la science qui a le plus activement contribué^ dans notre siècle^
au perfectionnement et aux progrès de ï art de guérir. Uni-
quement établie sur des faits matériels, faciles à vérifier,
cette conclusion nous semble à l'abri de tous les doutes.
Ces visibles bienfaits, dont la chimie a doté Tart de gué-
rir, ont-ils cependant entraîné à leur suite quelque résultat
fâcheux ; un peu d'ombre vient-elle se mêler à cette lu-
mière brillante? C'est là une question qu'il ne sera pas
hors de propos d'aborder ici. On a vu, en effet, dans
les premières pages de cette dissertation, que la chimie a
été longtemps en butte à de violentes attaques, et que son
entrée sur la scène médicale parut, à une certaine é]3oque,
menacer d'un danger sérieux la science hippocratique.
Dans les premières années de notre siècle, au milieu de
l'enthousiasme qu'excitait la récente création de la chimie,
un médecin (c'était, si nous ne nous trompons, un pro-
fesseur de Montpellier) eut la pensée de rapporter la
cause de toutes les maladies à un excès ou à un défaut
d'oxygénation des humeurs, et il établit une distribution
inosologique où figuraient les oxygenèses, les calorinèses^ les
{hydrogenèses, azotezènes et phosphorénèses. Cette tentative ri-
fdicule, et dont l'auteurfit lui-même prompte justice, suffit à
réveiller les longues discussions qui avaient agité le siècle
précédent, et h ressusciter les attaques oubliées contre le
vieil humorisme de la secte iatro-chimique. Il n'y eut qu'une
/oix pour accuser la nouvelle chimie de vouloir ramener
amédecine aux hérésies de Paracelse, de Sylvius et de Van-
rlelmont. A voir les préventions extraordinaires et les
7
98
défiances que soulevait alors toute application de la chi-
mie aux recherches biolof^iques, ou aurait cru que cette
science allait faire aux doctrines médicales un mal im-
mense et un tort irréparable. Il suffit cependant de jeter
un rejjard sur les faits qui se sont accomplis depuis cette
époque, pour reconnaître combien toutes ces appréhen-
sions et ces ahirmes étaient mal fondées et injustes. Si l'on
examine les travaux et les écrits des savants qui ont atta-
ché leur nom aux découvertes de la chiniieaniuiale, on n'y
trouve rien qui puisse justifier les préventions que Ton
avait conçues, au début de notre siècle, contre l'applica-
tion de la chimie à l'étude des faits physiologiques ou mé-
dicaux.
Dans toute la série de ses travaux relatifs à la chi-
mie physiologique, Berzelius s'est borné à ramasser,
avec une infaii{]able patience, les matériaux d'un édifice
impérissable, et cela sans oublier un moment de spé-
cifier et de réserver les droits reconnus des théories
physiologiques ou médicales. Le créateur de la chimie
physiologique est précisément cplui qui s'est montré
le plus em|)ressé, en toute occasion, à maintenir en ses
justes limites le rôle de la chimie dans l'explication des
phénomènes vitaux, et à ramener à des vues plus sages
ceux qui se laissaient aller à quelques exagérations de
théorie, ou à une extension prématurée des hypothèses
chimiques. Ori a vu se succéder dans la Faculté de méde-
cine de Paris, trois hommes éminents qui, chacun à leur
époque, semblaient personnifier les tendances de la chimie
appliquée à la médecine : cherchez (juelle offense ces
savants ont apportée par leurs leçons, par leurs travaux,
ou parleurs écrits, à l'intégrité des doctrines médicales.
Qu'a fait Fourcroy, sinon répandre, par l'éloquence et le feu
de sa parole, le goût des vérités de la chimie nouvelle dans
99
l'esprit et dans les cœurs d'une génération qui Técoutait
d'une oreille ravie? Orfila, dont la Faculté déplore la perle
récente, a-t-il jamais causé, par ses travaux ou sa con-
duite Bcienlifiqne, le plus faible ombrage aux susceptibi-
lités les plus délicates d'aucune théorie médicale? M. Du-
mas a-t-il compromis les dogmes et les progrès de la
médecine, par ces discours admirables où il jetait dans
la science ces germes neufs, féconds et durables, dont
nous voyons chaque jour la force et la vérité se dévelop-
per davantage? Ainsi, rien, de la part de ces hommes
illustres, n'est venu justifier les craintes que Ton au-
rait pu concevoir de leur éducation et de leurs préoccu-
pations chimiques. x\insi, tous ces bienfaits dont la chimie
a doté la médecine, toutes ces conquêtes dont elle a suc-
cessivement enrichi son domaine, se sont réalisés sans
apporter la plus légère atteinte à ses doctrines, sans
qu'aucune conséquence regrettable ait diminué le prix des
avantages obtenus.
Nous avons été amené à conclure que la chimie a rendu,
de nos jours , aux sciences médicales , des services im-
menses. Cependant, comme, en toute chose, l'exagération
de la vérité est l'adversaire le plus dangereux de cette vé-
rité même, nous nous garderons de la tendance à pousser
trop loin cette pensée; aussi n hésiterons- nous pas à re-
connaître que, dans ses applications à la médecine, la chi-
mie n'a encore rempli qu'une partie de sa lâche, et qu'un
grand nombre de questions, surtout parmi celles qui sont
afférentes à la pathologie et à certains points de physiolo-
gie, ont encore beaucoup à demander aux expériences des
chimistes. Mais il importe de ne pas nous en tenir à cet
aveu; et le fait constaté, nous allons essayer d'en re-
chercher les causes.
100
Pour expliquer les faibles progrès relatifs que la chimie
Q imprimés jusqu'à ce jour à Tétude de certaines questions
physiologiques ou médicales , nous n'invoquerons point
cette considération tant de fois reproduite, que le chimiste
n'est pas assez médecin, et que le médecin ne possède pas
assez de connaissances chimiques, pour se consacrer, cha-
cun avec fruit, à l'étude des problèmes qui concernent les
êtres vivants. Des faits incontestables montrent l'inanité
d'un tel argument. Dans ses recherches sur la respiration,
M. Regnault a suffisamment prouvé qu'un esprit ferme et
logique, une intelligence depuis longtemps habituée à
mesurer les difficultés et les écueils qu'offre l'étude expé-
rimentale des lois de la nature, peut tenir lieu, sans trop
de désavantages, de connaissances étendues en médecine
et en physiologie.
Si nous ne nous trompons, la cause que nous essayons
de rechercher réside d'abord dans féicd imparfait de la
science médicale. Le défaut de certitude inhérent à la
médecine introduit nécessairement beaucoup de vague
dans les termes des questions qu'elle soumet à la chimie;
de là résulte une difficulté extrême, et parfois une impos-
sibilité absolue de répondre à ces questions. S'il est vrai
qu'un problème bien posé soit à moitié résolu^ il importe
avant tout que les problèmes physiologiques soient pré-
sentés en termes nets et bien définis, car si vous ne voyez
pas clair vous-même dans la difficulté que vous sou-
mettez au chimiste, comment ce dernier pourra-t-il vous
transmettre une solution qui ne participe point, en quelque
chose, de l'obscurité et de l'ambiguïté du point de départ?
Eh quoil depuis deux mille ans la médecine est livrée à un
empirisme hautement avoué, toute une école arbore ce
drapeau, et l'on s'étonne que les chimistes n'aient pas en-
core porté la lumière sur des mystères que l'on s'accorde,
101
depuis vingt siècles, à déclarer impénétrables! Ne fau-
drait-il pas s'étonner plutôt que, dans un sujet si obscur,
semé des difficultés innombrables qui s'élèvent toutes les
fois que Ton soumet à l'expérimentation les phénomènes
de la vie , de la maladie et de la santé, ne faudrait-il pas
s'étonner plutôt des beaux résultats obtenus par les physi-
ciens et les chimistes, en dépit de ces obstacles, de ces en-
traves, de ces difficultés accumulés?
La seconde cause du petit nombre de progrès accom-
plis jusqu'à ce jour par la chimie appliquée à l'étude de
certaines questions médicales, c'est Yextrême difficulté que
présente Uwwiyse des liquides et des solides animaux. M. Re-
gnault a parfaitement résumé, dans les quelques lignes
que nous allons reproduire, les difficultés considérables
qui sont inhérentes aux recherches de chimie animale.
« L'étude des modifications que la matière éprouve
«dans l'économie végétale et animale, présente, dit
» M. Regnault, des difficultés bien autrement grandes que
« celle des phénomènes chimiques que nous opérons dans
w nos laboratoires Elles ont lieu entre des substances, en
"général, de composition très complexe, d'une mo-
» bilité extrême, et difficiles à définir par les caractères
» adoptés pour les substances minérales. A chatjue
» pas, on rencontre ces actions mystérieuses par les-
M quelles de très petites quantités de certaines matières,
» de nature encore problématique, déterminent, sans que
» leurs éléments chimiques paraissent mtervenir, des
y réactions entre des quantités incomparablement plus
» considéiables d'autres substances ; phénomènes dont
» nous avons déjà vu plusieurs exemples, et pourTeX'
» plication desquels les chimistes se tirent ordinairement
» d'affaire, en disant que ce sont des phénomènes de contact,
» ou des fermentations.
102
« D'autres circonstances au^jmentent encore les diffi-
w cultes de cette étude. Les modifications que les matières
» éprouvent dans Téconomie vc(jétale et animale, ont lieu,
» successivement, et dans des appareils spéciaux, qu'il
» est impossible de détacher de l'être organisé pour
» étudier les réactions qui se passent dans chacun d'eux,
» sans changer complètement les conditions où elles ont
M lieu dans Téire animé. Enfin, nous étudions les réactions
» chimiques de nos laboratoires dans des vases inattaqua-
» blés qui n'interviennent pas dans le phénomène; les
» choses se passent tout autrement dans les êtres organi-
» ses; les réactions chimiques s'y effectuent dans des
» vaisseaux dont la matière participe, le plus souvent,
» elle-même, à la réaction, et rend ainsi les phénomènes
» incomparablement plus complexes » (1).
Cependant ces dilficultés ne sont pas d'un ordre
tellement élevé, quelles doivent rester à jamais hors
de notre atteinte, et qu'elles suffisent à détourner les
expérimentateurs de ce genre de recherches. Il n'est
plus permis de prétendre, comme on l'a fait tant de
fois, que l'influence de la vie ait pour résultat d'anéantir
ou de suspendre les lois de Faction chimique; tout au
plus, peut-on dire qu'elles introduisent dans la question
une difficulté de plus. Mais les conditions habituelles
et les propriétés des corps ne sont nullement altérées
dans les êtres vivants. Le nombre est déjà considérable
aujourd'hui, de ces phénomènes, longtemps rapportés
à une cause exclusivement vitale, et qui ont trouvé, à la
suite d'une étude expérimentale attentive, leur explica-
tion complète dans les lois ordinaires de la physique ou
(i) Cours de chimie, 4* part., p. 846.
103
delà chimie. M. Mafrendie a dit avec raison que la science
a fait un pas toutes les fois que Ton a réussi à faire rentrer
dans Tordre des actions physiques un phénomène rap-
porté jusque là à Tordre exclusivement vital. La science a
déjà fait beaucoup de pas de ce genre, et leur nombre est
destiné à s'au^jmenter bientôt par suite d'une application
nouvelle et bien entendue des procédés chimiques à Té-
tude des fonctions de l'économie animale et à l'examen
de ses altérations pathologiques.
Qu'il nous soit permis seulement de faire remarquer
que, dans la série future des recherches dont la chimie
physiologique deviendra l'objet, en vue des dernières
et graves difficultés qui restent à résoudre , deux
conditions devront être remplies, pour que la science
soit mise plus promptement en possession des résultats
obtenus, et qu'elle puisse en tirer un parti plus utile.
H faudra, si nous ne nous trompons : 1° Attaquer les pro-
blèmes de chimie physiologiqije, non dans leur ensem-
ble, mais par sections ou divisions séparées, afin de
décomposer, selon le précepte de Descaries, la difficulté
principale en autant de difficultés secondaires plus fa-
ciles à surmonter, et ne tenter une généralisation on une
synthèse des faits acquis, que lorscjue la solution de
chaque problème secondaire sera mise positivement à
l'abri de toute espèce de doutes; 2° Se défendre, dans les
conclusions tirées de ces recherches , de la tendance
naturelle de notre esprit, qui nous porte à exagérer les
conséquences de nos découvertes, et s'imposer, en con-
séquence, la loi de ne pas étendre à un trop grand nombre
de phénomènes analogues les particularités que Ton aura
pu saisir dans l'observation d'un phénomène spécial.
L'observation de ce dernier précepte arrêterait ces vues
104
hasardées , ces explications inconsidérées et hypothéti-
ques, auxquelles se sont laissé entraîner quelques esprits
impatients, toujours empressés d'aller plus loin que les
faits, et dont les exagérations ont, il faut bien le dire, sin-
gulièrement compromis, dans ces derniers temps, le
succès et le crédit des théories chimiques appliquées à
l'étude des phénomènes de la vie.
Dans de telles conditions, avec ces restrictions pru-
dentes, rendues si nécessaires d'ailleurs toutes les fois que
l'on touche aux phénomènes de la vie, grâce aux perfec-
tionnements qui ne peuvent manquer de s'introduire dans
les procédés et dans les méthodes de la chimie physiolo-
gique, il est permis d'affirmer que les sciences médicales
continueront de trouver dans la chimie un appui effi-
cace, un moyen actif d'investigation et de progrès,
il est permis d'attendre d'elle une heureuse et bril-
lante solution des problèmes nouveaux qu'elle se prépare
à aborder. On ne peut mettre en doute que la médecine
n'ait aujourd'hui reçu de l'analyse anatomique et sympto-
malologique à peu près tout ce qu'elle pouvait en attendre.
Veut-on qu'elle stationne éternellement dans les amphi-
théâtres d'anatomie , ou qu'elle continue de s'absorber
dans la contemplation des apparences extérieures des
maladies, seul travail qui, depuis tant de siècles, ait formé
le point de départ et la source de ses préceptes? Or, si la
médecine doit sortir enfin de cette ornière séculaire, à
quel autre guide pourrait-elle s'adresser, si ce n'est aux
sciences physiques et chimiques, qui seules peuvent por-
ter la lumière dans la connaissance intime des produits et
des phénomènes pathologiques ; de quel autre flambeau
pourrait-elle invoquer les clartés? Ainsi, le rôle de la chi-
mie dans les sciences médicales, d'une importance déjà si
i05
considérable, est appelé, dans un avenir prochain, h ac-
quérir une importance et une valeur plus considérables
encore : telle est notre conviction, telle est la pensée qui
a soutenu nos forces dans Taccomplissement de la tâche
difficile que nous avions à remplir.
FIN,
TABLE DES MATIÈRES.
Introduction 3
SERVICES RENDUS PAR LA CHIMIE AUX DIFFÉRENTES
BRANCHES DE LA SCIENCE MÉDICALE 6
PHISIOLOGIE ibid.
Digestion » 7
lU'Spiration 9
Absorption. « i5
Sécrétions 16
Prolégomènes de la physiologie 17
PATHOLOGIE 24
InQaninialion 25
Fièv rcs 3 1
Altérations humorales : pléthore, anémie, scorbut 33
Vices de sécrétion : maladie de Bright, diabètes 34
Corps étrangers dans l'économie : Calculs uriuaires. , 39
Calculs biliaires 49
Concrétions arthritiques et salivaircs 5i
THÉRAPEUTIQUE ibid.
Médicaments découverts par la chimie 62
Perfectionnements introduits par la chimie dans l'art de
formuler 54
Absorption des médicaments 55
Accumulation des médicaments dans l'économie 56
Association des médicaments 58
Action des médicaments employés à dose fractionnée 61
108
Choix à faire parmi les composés médicamenteux d'une même
série chimique 62
Idiosjncrasies dans i'aclion des médicaments 65
HYGIENE 64
Altérations de l'air 65
Aliments , 70
Eaux potables et boissons 76
Professions insalubres 78
TOXICOLOGIE 79
Etat de la médecine, sur la question des poisons, avant
l'existence de la chi mie 80
Progrès delà toxicologie depuis la création de la chimie. Son
état actuel 88
Applications de la chimie à la médecine légale 94
CONCLUSION.... 96
FIN DE LA TABLE.
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Le tome III comprend : Machines à vapeur. — Bateaux à
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Paris. — liuprinicrie tle L. Mahti^îet. nie Mignon , 2.