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Full text of "Des causes des migrations des divers animaux et particulièrement des oiseaux et des poissons"

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DES CAUSES 


DES 


MIGRATIONS DES DIVERS ANIMAUX 


ET PARTICULIÈREMENT 


DES OISEAUX ET DES POISSONS, 


PAR 


MARCEL DE SERRES, 


Conseiller, 
Professeur de minéralogie et de géologie à la faculté des sciences de Montpellier ; 
Chevalier de la Légion d'honneur. 


SECONDE ÉDITION 


REVUE ET CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE. 


Cet ouvrage à été couronné, le 23 mai 1840, par la Société des Sciences de Harlem. 


Parmi les phénomènes naturels qui se rattachent au retour 
périodique des saisons, les migrations régulières des oiseaux 
comme des poissons, méritent tout autant notre attention et 
notre intérêt, que le développement et la floraison des végé- 
taux. Introduction. 


PARIS, 
LAGNY FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS, 


KUE BOURBON-LE-CHAT&AU, 4°". 


1845. 


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A Monsieur Gubot, 


MEMBRE DE L'INSTITUT, 
MINISTRE SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, 
ANCIEN MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, 


ETC., ETC. 


| Monsieur le Ministre, 


S Le phénomène des migrations met toute la nature en mouvement et y ré- 
& pand la variété sans en troubler lhermoni. Un parel phénomène ne peut 
© manquer dintéresser un esprit philosophique comme le vôtre. Übservateur aussi 
profond que modérateur habile des passions qui assiégent les sociétés humaines, 
\vous ne verrez pas avec indllérence le tableau des besoins instincts et impérieux 

% qui portent la plupart des animaux si lon des lieux de leur naissance. 
Les encouragements que mon travall a déjà obtenus me font espérer, avec 

Ÿ votre suffrage, un succès quil me sera bien doux de devoir à votre nom. 


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de suis avec respect, 


Monsieur le Ministre, 
Le votre Excellence. 


Le très humble et très-obéssant serviteur, 


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Marcez DE SERRES. 


Montpellier, le 15 février 1845. 


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AVIS DES ÉDITEURS. 


L'ouvrage sur les migrations a obtenu l’assen- 
timent d’une Société célèbre. Il est le seul qui 
ait été publié jusqu’à présent sur ce beau phé- 
nomène. S'il ne donne pas d’une manière com- 
plète la solution d’une des questions qui inté- 
ressent au plus haut degré l’histoire des animaux, 
il a du moins soulevé en partie le voile qui la 
couvre encore. Sous ce rapport, cet ouvrage se 
recommande à l'attention des physiciens. 

Quoique ces recherches aient été couronnées 
par la Société des sciences de Harlem, et ait valu 
à M. Marcel de Serres la grande médaille que cette 
Société n'accorde qu'à des observations remar- 
quables par leur importance, l’auteur est loin de 
se dissimuler toutes les imperfections de son tra- 
vail. Il s’estime seulement heureux de penser 
que des juges tels que MM. Temminck, Schlegel 
et Van-Breda l’aient cru digne de quelque in- 
dulgence, à raison de la difficulté que présente 


VII AVIS DES ÉDITEURS, 


la solution d’une des questions les plus curieuses 
et les plus intéressantes de la nature. 

La bienveillance que ces recherches ont ob- 
tenue de savants dont le nom fait autorité dans 
la science, nous l’espérons de ceux qui seront ja- 
loux de les connaître et d'en constater l’exacti- 
tude. Nous l’attendons surtout des hommes qui 
aiment à démêler dans les actes des animaux 
quelques traits de cette puissance supérieure 
dont ils manifestent aussi bien la haute sagesse 
que les admirables desseins. 


AVANT-PROPOS. 


Le phénomène des migrations particulier aux animaux, et 
qui acquiert son plus grand développement chez les oiseaux et 
les poissons, a depuis longtemps attiré l’attention des physi- 
ciens par sa constance et sa régularité, Il est digne, en effet, 
d'occuper les méditations des hommes éclairés. Les esprits 
supérieurs aiment à se rendre compte des motifs qui portent 
certains êtres à exécuter des actes dont au premier aperçu on 
croirait l'intelligence seule susceptible. L'intérêt de cette étude 
nous à porté à donner toute l’attention dont nous sommes ca- 
pable à un phénomène qui ne peut être saisi, dans l’état des 
observations actuelles, que par l'induction et l’analogie. 

Nous avons été heureux d'apprendre qu’une Société savante 
et justement célèbre avait appelé les recherches des natura- 
listes sur ce beau sujet et en avait fait l’objet d’un prix. Si nous 
l'avons obtenu, c’est peut-être parce que, mieux que ceux qui 
nous ont devancé , nous avons entrevu que ce fait naturel, loin 
d’être simple, était au contraire très-complexe et soumis à 
plusieurs conditions. Une fois ces causes connues, nous en avons 
démontré les relations avec les habitudes voyageuses ou sta- 
tionnaires des ‘animaux. 

Ainsi, les espèces quiémigrent réellement, et qui parcourent 
en quelque sorte la totalité du globe, sont douées d’une grande 
agilité, et d’une puissante force motrice, conditions essentielles 
à l’étendue et à la continuité des mouvements. il leur a fallu, 
de plus, une volonté ferme et un instinct impérieux pour fran- 


X AVANT-PROPOS. 


chir, sans hésitation, les plus grandes distances, lorsque aucun 
besoin pressant ne les y engage et ne les y contraint. 

Sans ces deux conditions, les animaux errent bien d’une 
contrée à l’autre, mais ce n’est point à une migration propre- 
ment dite. Enfin, lorsque l’agilité leur manque, et que leur or- 
ganisation ne les porte pas à se déplacer, alors seulement ils 
sont stables et sédentaires. 

Telle est en abrégé l’histoire d’un phénomène qui met en 
quelque sorte une grande partie des êtres vivants dans un mou- 
vement continuel. Ces migrations, par suite de desseins dont 
nous ne savons pas comprendre toute la portée, s’exécutent avec 
une régularité non moins remarquable que leur constance. 

Pour apprécier à leur juste valeur les causes qui portent tant 
d'animaux à faire de longs voyages, nous avons eu recours aux 
lumières des personnes qui, par goût ou par état, se sont livrées à 
un pareil ordre de recherches. Nous en avons obtenu, avec une 
bienveillance faite pour nous flatter, des renseignements pré- 
cieux. 

Si des circonstances impérieuses ne nous forçaient au si- 
lence, nous serions heureux de pouvoir leur en manifester toute 
notre gratitude. Du moins parmi les hommes qui nous ont été 
utiles sous ce rapport, il en est plusieurs que nous pouvons 
nommer. Ils voudront bien agréer le faible tribut de nosremer- 
ciments. 

Ainsi, nos idées sur les migrations des oiseaux se sont singu- 
lièrement étendues dans les entretiens que nous avons eus avec 
M. Lebrun, habile ornithologiste de Montpellier, et M. Poort- 
man, conservateur du musée zoologique de Lyon. M. Rey-La- 
croix, auquel ses fonctions ont permis de s'occuper avec zèle 
des passages des poissons, nous a fourni également quelques 
détails précieux ; nous ne saurions trop lui en témoigner notre 
reconnaissance. 


DES 


CAUSES DES MIGRATIONS 


DES DIVERS ANIMAUX, 


ET PARTICULIÈREMENT ! 


DES OISEAUX ET DES POISSONS. 


INTRODUCTION. 


La Société des sciences de Harlem, dont les vues 
éclairées sont constamment dirigées vers le progrès 
des connaissances, a proposé un sujet de prix, des 
plus intéressants, mais dont la solution présente de 
graves et sérieuses difficultés. Il se rapporte à la 
question de savoir « quelles peuvent être les causes 
des migrations ou des passages des poissons et des 
oiseaux, surtout des espèces qui servent à la nourri- 
ture de l’homme, ou à d’autres usages. » Cette ques- 
tion devait être résolue avant le 4°" janvier 4840. 

Pour répondre d’une maniére convenable aux dé- 


sirs manifestés par cette Société, il nous a paru 
1 


De — 


nécessaire d’examiner cette question dans toute sa 
généralité, c'est-à-dire, d'étudier les eauses qui por- 
tent les divers animaux à se livrer à des migrations 
périodiques, migrations qui semblent être pour eux 
un besoin auquelils ne savent ni ne peuvent résister. 
Parmi les animaux qui ont de pareilles habitudes, 
les poissons et les oiseaux sont ceux dont les voyages 
sont les plus longs et les plus constamment répétés. 
Ils le doivent peut-être à la facilité que leur donne 
leur organisation pour franchir de grandes distances. 
C’est donc chez les oiseaux qu’il paraît convenable 
d'étudier un phénomène dont la récularité n’est pas 
une des circonstances les moins remarquables. Ces 
lésers habitants des airs éclairent les migrations 
lointaines qu'exécutent aussi les poissons, qui vivent 
dans un tout autre milieu. Cette supposition est d’au- 
tant plus fondée, que l'observation des mœurs des 
oiseaux est environnée de moins de difficultés que les 
excursions lointaines des poissons, sur lesquelles 
nous n'aurons jamais des données bien certaines. 
Parmi les phénomènes naturels qui se rattachent 
au retour périodique des saisons, les migrations 
régulières des oiseaux, comme celles des poissons, 
méritent tout autant notre attention et notre in- 
térêt que le développement et la floraison des végé- 
taux. L'esprit, occupé de ces passages constants, 
se demande où vont donc ces oiseaux qui nous quit- 


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tent à des époques fixes, et nous reviennent à des 
époques non moins régulières. 

Pour parvenir d’une manière sûre à résoudre cette 
importante question, nous allons constater avec soi 
les époques de ces migrations et les circonstances qui 
les accompagnent. 


OBSERVATIONS GÉNÉRALES. 


Une des habitudes instinctives des oiseaux aux- 
quelles ils résistent le moins, et qu'ils suivent toujours, 
à moins qu'ils n’en soient empêchés par une force 
supérieure à toute la puissance de leur volonté, est 
sans contredit celle qui les porte à se rendre, à des 
époques fixes ou indéterminées, du lieu qu’ils ha- 
bitent, dans des lieux nouveaux. Cette habitude est 
tellement irrésistible chez les oiseaux, qu’elle a lieu 
chez des espèces que la nature a peu favorisées sous 
le rapport du vol. 

Parmi les gallinacés, les cailles, dont le vol est 
lourd et pesant, n'en parcourent pas moins de 
grandes distances à des époques périodiques. Sou- 
vent fatiguées par la longueur du trajet, ou plutôt 
terrassées par la violence des vents, elles tombent 
dans la mer et y périssent ; d’autres fois plus heu- 
reuses, elles parviennent sur de nouveaux rivages, 
s’y précipitent, et vont chercher dans les terres de 


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quoi réparer leurs forces épuisées par la privation 
de toute nourriture pendant le temps de leur tra- 
versée. 

Ce que nous venons de dire des cailles s'applique 
également à tous les oiseaux qui parcourent degrandes 
distances. Il est peu de navigateurs qui, dans leurs 
longs voyages, ne voient des oiseaux venir se reposer, 
épuisés de fatigue, sur les vergues ou les autres 
agrés de leurs vaisseaux. Ces oiseaux sont souvent 
tellement accablés de lassitude qu’ils se laissent pren- 
dre sans songer à fuir, n’en ayant pas la force. 

Parmi les espèces qui, dans leurs migrations, 
s'abattent sur les mâts des navires, on peut citer 
principalement les oiseaux percheurs, tels que les 
hirondelles, les traquets, plusieurs autres passe- 
reaux, ainsi que certaines espèces d'échassiers. 

Malgré la faiblesse de leur vol, les cailles entre- 
prennent, à des époques fixes, des courses fort éten- 
dues ; elles traversent même les mers, comme pour 
nous apprendre qu'elles obéissent ainsi à un besoin 
plus impérieux, plus fort que toutes leurs répu- 
onances. Sans doute le désir de trouver une tem- 
pérature plus appropriée à leurs besoins, ou l'espoir 
de rencontrer ailleurs une nourriture plus con- 
venable, porte ces oiseaux d’un canton dans un 
autre ; mais une influence plus puissante que ces 
besoins momentanés, l'instinct de leur conserva- 


M 


tion, agit sur eux dans ces excursions lointaines. 

En effet, donnez à ces oiseaux une température 
convenable, distribuez-leur une nourriture abon- 
dante, vous ne les verrez pas moins, à l’époque de 
leur départ, dans un état d’agitation particulier. Vous 
les verrez manifester le besoin qui les tourmente et 
les presse par leurs élancements et le battement de 
leurs ailes; vous les verrez dans un état de malaise 
que rien ne peut faire cesser, si ce n’est la liberté. 
Si elle ne leur est rendue, ces oiseaux languissent, 
forcés qu’ils sont de ne point satisfaire ce désir pres- 
sant de se transporter dans d’autres climats, où ils 
comptent trouver des circonstances plus appropriées 
à leurs besoins. 

Par suite de ces besoins qui se renouvellent avec 
une constance remarquable, il est une infinité d’oi- 
seaux que l’homme, malgré la puissante influence 
qu'il exerce sur les animaux, ne peut point éle- 
ver, tant le désir de ces voyages lointains est absolu 
pour eux. Cet instinct est si impérieux chez les cou- 
cous, que, lorsqu'ils ne peuvent le satisfaire, ils sont 
frappés de mort. 

Mais, par une particularité non moins remarquable, 
si l’on prend certains oiseaux, et, par exemple, les 
becs-croisés, pendant le temps de leurs migrations, 
avant qu'ils soient arrivés aux lieux où ils nichent 


ordinairement, on ne peut pas les porter à faire une 


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couvée. Il en est de même de toutes les tentatives que 
l’on a faites pour obtenir dans le Midi des nichées 
des oiseaux du Nord; elles ont été constamment vaines: 
Les espèces des régions septentrionales ont montré 
une répugnance invincible pour perpétuer leurs ra- 
ces. Ce désir ou plutôt ce besoin ne se manifeste chez 
elles que lorsque la liberté leur est rendue; et avec 
elle la température qui leur convient. | 

Sans doute les colibris, les sucriers, les souiman- 
gas et les bengalis ne nichent pas non plus dans les 
contrées tempérées ; mais cette circonstance ne tient 
pas à l’influence des migrations, puisque ces oiseaux 
n’émigrent jamais. Elle dépend de ce qu’ils ne trou- 
vent pas dans nos climats le genre de nourriture qui 
leur convient, ni la température élevée qui, dans les 
lieux de leur naissance, est aussi pour eux la saison 
de leurs amours. 

Comment distribuer aux trois premières espèces le 
suc mielleux des fleurs dont ces oiseaux se nourrissent 
habituellement? Aussi n'est-il pas possible de les con- 
server en captivité; elles périssent toutes dans leurs 
cages, et d'autant plus promptement que leur pétu- 
lance les empêche de résister longtemps à la privation 
de leur liberté. 

Si donc les oiseaux dont nous venons de parler; et 
particulièrement les colibris, n’émigrent pas, cette 
circonstance dépend, ainsi que l’a faitobserver Buffon, 


EN Ve 


du genre de leur nourriture. Wilson à cependant 
prétendu que les colibris ne se nourrissaient pas du 
nectar des fleurs ; tout en convenant que ces oiseaux 
ne refusaient pas l’eau sucrée, il a cru que les in- 
sectes étaient leur nourriture habituelle. 

Une pareille opinion, si opposée à celle qu'avait 
émise Buffon, a été l’objet de l’examen du docteur 
Traiss. Cet observateur ayant eu l’occasion d'ouvrir 
l'estomac de ces petits oiseaux, y a uniquement ren- 
contré une grande quantité de nectar ou de la liqueur 
sucrée des plantes, et souvent un certain nombre de 
petits insectes. [la prouvé que ces insectes se rappor- 
tant tous et uniquement à des espèces qui vivent dans 
le calice des fleurs, avaient dû être avalés par les 
colibris avec le nectar. Probablement la difiiculté de 
trouver ailleurs une liqueur aussi mielleuse Îles 
empêche de se livrer, comme tant d’autres oiseaux, 
à des excursions un peu étendues. 

S'il est des oiseaux qui n’abandonnent jamais les 
lieux de leur naïssance, d’autres, au contraire, entre- 
prennent, soit périodiquement pendant certaines sai 
sons de l’année, soit à des époques qui n’ont rien de 
fixe ni de déterminé, des migrations plus ou moins 
étendues. Ces oiseaux les entreprennent pour satis- 
faire, les uns un penchant irrésistible qui les porte à 
se déplacer, et les autres des besoins plus ou moins 
impérieux. | 


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Ces dernières sont en général provoquées, soit pour 
fuir le froid, soit pour chercher une température éle- 
vée, soit enfin pour se procurer plus facilement des 
moyens de subsistance. Ces voyages, tout à fait acci- 
dentels, sont aussi irréguliers que les variations des 
saisons. Ils paraissent même avoir lieu sans aucune 
cause appréciable, et sans que le déplacement de ces 
oiseaux porte un changement notable dans les condi- 
tions où ils étaient primitivement placés. 

On peut considérer les espèces qui les exécutent 
comme des oiseaux erratiques, afin de les distinguer 
de celles qui entreprennent des voyages périodiques et 
réguliers qu'aucun besoin ne semble provoquer, et 
encore moins déterminer. Les oiseaux émigrants sont 
poussés à accomplir les longs voyages auxquels ils se 
livrent habituellement, par un instinct particulier; cet 
instinct les y force; il se développe quelquefois indé- 
pendamment de tout ce qui, dans le moment où ces 
voyages ont lieu, peut influer sur leur bien-être et 
leur avenir. 

Ce besoin d'émigrer est aussi impérieux pour les 
jeunes que pour les vieux; quoique les premiers 
n'aient pas pu encore contracter l'habitude des voya- 
ges. Il est tellement irrésistible que, lorsque les oi- 
seaux changent de climat, ils n'attendent pas pour 
partir que le froid soit insupportable dans les lieux 
qu'ils vont quitter. On ne les voit pas, du moins, re- 


ADP — 


poussés peu à peu vers le Midi par les empiétements 
de l'hiver. Les espèces émigrantes le précèdent cons- 
tamment. Elles se transportent bien avant la saison 
des frimas, dans des régions plus chaudes que celles 
qu’elles habitaient primitivement. Souvent elles re- 
viennent à l’époque du printemps, quoique la tem- 
pérature soit encore au-dessous de ce qu’elle était 
au moment de leur départ. Ainsi, pour certaines 
espèces, les migrations ne se lient avec aucune cir- 
constance extérieure appréciable ; elles en paraissent 
en quelque sorte indépendantes. 

Quoique les migrations d’un assez grand nombre 
de ces animaux semblent dépendre d’une impulsion 
instinctive, les agents atmosphériques ne sont pas 
toujours pour cela sans influence sur le développe- 
ment du besoin que les oiseaux voyageurs éprouvent 
de changer d'habitation. Ce phénomène coïncide 
donc quelquefois avec les variations de l’atmosphèére, 
et le moment de l’arrivée et du départ est souvent 
avancé ou retardé, suivant que la saison froide se 
prolonge plus ou moins. 

L'époque de l’arrivée ou du départ des oiseaux 
voyageurs éprouve de grandes variations dans les dif- 
férentes espèces. Ainsi celles qui sont originaires des 
contrées septentrionales de l’Europe arrivent l’au- 
tomne ou au commencement de l’hiver dans les con- 
trées méridionales de la France. Mais, dès les premiers 


Le 


beaux jours, on les voit fuir la chaleur, comme ils 
avaient fui le froid, et retourner dans le Nord pour y 
faire leur ponte. 

L'’inconstance des passages ou des migrations des 
oiseaux est souvent aussi grande que celle des varia- 
tions de la température. Aussi il n’est pour ainsi dire 
pas un chasseur qui ne sache que des espèces qui 
arrivent en grand nombre pendant une année de- 
meurent parfois plusieurs années à paraitre de nou- 
veau. Ces oiseaux ne voyageraient donc que lors- 
qu'ils trouveraient un certain nombre de circonstan- 
ces favorables. Comme ces circonstances ne se repro- 
duisent pas toujours; elles apportent nécessairement 
des variations dans des voyages que leur réunion 
semble déterminer chez les espèces erratiques. 

D'autres oiseaux, au contraire, qui nichent et nais- 
sent dans les contrées méridionales de la France et 
qui, par conséquent, sont essentiellement indigènes ; 
les quittent en automne ; mais, après avoir passé l’h1- 
ver dans les climats chauds, ils reparaissent dans le 
Midi au printemps; ou bien, évitant encore la cha- 
leur des étés de ces contrées, ils émigrent alors vers 
les régions arctiques. D’autres espèces, nées dans les 
climats méridionaux, s’élévent vers le Nord pour 
échapper à l’ardeur du soleil de l'été, et nous arrivent 
à la fin de la belle saison. Enfin, quelques autres ne 
séjournent jamais dans le Midi, et, dans leurs migra- 


— 11 — 


tions annuelles, elles ne font qu’y passer. On à donné 
à ces races le nom d'oiseaux de passage. 

Enfin quelques espèces, par exemple, les oies et 
les cygnes, séjournent l'hiver dans les pays tempérés, 
lorsque les rivières n’y gélent pas; mais, lorsque le 
froid y devient vif et piquant, on les voit s’avancer 
plus au midi, d'où elles reviennent vers la fin de märs 
pour retourner dans le Nord et y passer l’été. Evidem- 
ment, pour celles-ci comme pour un certain nombre 
d’autres, leurs passages paraissent déterminés par la 
température; car elles ne restent jamais dans le Nord 
lors des grands froids. 

Ce qu’il y a de remarquable , l’époque de l’arrivée 
et du départ de ces oiseaux voyageurs ou plutôt émi- 
grants est en général déterminée d’une manière pré- 
cise pour chaque espèce et pour chaque contrée. L'âge 
y apporte tout au plus quelque différence ; par exem- 
ple, les plus jeunes ne se mettent ordinairement en 
route qu'après les adultes; cette circonstance parait 
dépendre, ainsi que nous l’obsérverons dans la suite, 
de la mue plus tardive chez les seconds que chez les 
premiers. Aussi les jeunes ne sont point encore réta- 
blis de la maladie qui accompagne la mue, lorsque 
les vieux sont en état de supporter les fatigues d’un 
long voyage. 

On est souvent étonné de la prévoyance et du tact 
avec lequel les oiseaux, surtout les espèces voyageuses, 


-— 12 — 


distinguent par avance les variations qui vont surve- 
nir dans la température. Nous-mêmes, avec toute no- 
tre intelligence et tous nos instruments, nous sommes 
moins avancés qu'eux sous ce rapport; Car nous ne 
saurions dire la veille le temps qu’il fera le lendemain. 
La température plus élevée dont jouissent les oiseaux 
leur donnerait-elle cette sorte de divination; c’est ce 
que nous examinerons plus tard. 

Au milieu de tous les faits qui prouvent les diffé- 
rences que l’âge apporte dans les habitudes voyageu- 
ses des oiseaux, nous n’en citerons pour le moment 
qu’un seul, parce que la vérification en est facile. Lors- 
qu'on observe les coucous dans une contrée où ils ont 
opéré leur ponte, on les voit tous en plumage roux, 
tandis que dans un autre canton, plus ou moins éloigné 
du premier, ils se montrent constamment en plumage 
gris ; celui-ci est la robe des vieux. Cette diversité dans 
le plumage annonce que si les premiers sont restés sé- 
dentaires, les seconds ont au contraire voyagé. 

Les oiseaux opèrent généralement leurs migrations 
en troupes plus ou moins nombreuses; ils voyagent 
ainsi de concert et, pour ainsi dire, en famille. Il ar- 
rive en effet rarement qu’ils se transportent à de 
grandes distances isolément et séparément par paires. 
C’est surtout dans cet acte important de leur vie que 
se manifeste l'instinct de sociabilité, qui les caracté- 


rise d’une manière si éminente. 


=. D 

Chaque année, des tribus plus ou moins nombreu- 
ses d'oiseaux et quelquefois même des légions innom- 
brablesnousarrivent dans un ordre déterminé. Le plus 
souvent guidés par des chefs, les habitants des airs 
traversent la Méditerranée pour passer d'Afrique en 
Europe ou pour suivre la route opposée. Les hiron- 
delles, par exemple, hivernent au Sénégal, se répan- 
dent au printemps dans les contrées méridionales et 
en été dans la Hollande et le nord de l’Europe. Cepen- 
dant certaines espèces, toujours errantes, changent de 
pays sans que leur marche paraisse guidée par aucune 
règle. Ce sont les races que nous avons nommées errati- 
ques, tandis que nous désignons les premières sous le 
nom d'émigrantes. Ces expressions font saisir les 
différences qu’elles présentent sous le rapport de la 
longueur et de la fixité de leurs voyages. 

Le besoin de voyager et de changer de climat dans 
certaines saisons est donc une des exigences les plus 
impérieuses de l’organisation ou plutôt de l'instinct 
des oiseaux. Quelle qu’en soit la cause, elle se fait 
sentir non-seulement sur toute l’espêce, mais encore 
sur les individus séparés de l'espèce auxquels une 
étroite captivité ne laisse aucune communication avec 
leurs semblables. 

L'instinct social si perfectionné chez cet ordre 
d'animaux semble acquérir un nouveau dévelop- 
pement par suite des besoins nouveaux qui nais- 


ET ee 


sent de leurs excursions lointaines. En effet, les 
espèces émigrantes qui voyagent en troupes nom- 
breuses non-seulement obéissent à des chefs, mais 
pour veiller à leur sûreté elles s’entourent de senti- 
nelles chargées de les avertir de l’approche du moin- 
dre danger. Lorsqu'il devient imminent, elles se re- 
plient avec rapidité vers la troupe qui se rallie à leur 
signal. Alors tous les oiseaux qui en font partie se 
groupent, se pressent les uns contre les autres, et 
réunissent tous leurs efforts pour repousser leurs 
ennemis. 

D’autres espèces, sans avoir une police aussi mer- 
veilleuse, ont néanmoins un instinct assez perfec- 
tionné pour s'épargner les fatisues de la chasse; 
ils forcent d’autres oiseaux plus faibles ou plus laches 
à leur abandonner la proie dont ceux-ci se sont à 
grand’peine emparés. On voit souvent les frégates 
(pelecanus aquilus Linn.) donner la chasse aux 
fous (pelecanus bassanus Linn.), et, en les frappant 
de l’aile et du bec, les forcer à désorger le produit de 
leur pêche dont ils se saisissent avec dextérité avant 
qu'il tombe dans l’eau. 

Dans certaines circonstances, ces animaux se prè- 
tent des secours mutuels pour repousser et triompher 
de leurs ennemis. Ge fait, qui dépend de cet instinct 
de sociabilité donné aux oiseaux, se représente souvent 
lorsque leurs espèces isolées sont attaquées par des 


Es 


serpents ou par d’autres reptiles dangereux. On les 
voit arriver en foule au secours de celui qui a été sur- 
pris d'une manière soudaine. Ainsi réunis, ils forment 
un cercle autour du reptile, et finissent par le tuer au 
moyen de leur bec, dont ils se servent avec autant 
d'adresse que d’habileté. L'ordre des échassiers est 
particulièrement celui qui nous donne le plus fré- 
quemment de pareils exemples de dévouement et 
d'affection pour leurs semblables. 

D'un autre côté, les pipits (anthus arboreus) et les 
autres passereaux qui se nourrissent d'insectes, lors- 
qu'ils sont débusqués des champs qui en sont couverts, 
s’en éloignent avec plus ou moins de promptitude. 
Tant que les chasseurs restent en embuscade, deux 
ou trois de ces oiseaux arrivent successivement, comme 
pour s'assurer si le danger est passé. Mais, tant qu'ils 
ont des craintes, ils font entendre des cris particuliers 
qui retiennent la troupe dans un certain éloignement. 
Elle n'arrive jamais que lorsque ces cris, signal du 
danger, ont totalement cessé. 

Unedes remarques les plus importantes qui aient été 
faites sur les migrations de ces animaux, est celle que 
nous devons au sayantornithologiste anglais M. Blyth. 
D'après lui, les oiseaux de l'Amérique du Nord qu’au- 
cun genre ne représente en Europe, et ceux d'Europe 
qui n'ont aucune espèce appartenant en propre à l’A- 
mérique, sont presque sans exception tous voyageurs. 


— 16 — 


Du reste, les espèces qui se livrent à des migrations 
constantes et périodiques offrent cette particularité 
d’être en général les types caractéristiques des pays 
où ils passent l’hiver. Il ne faut pas conclure cepen- 
dant des habitudes voyageuses de certains oiseaux , 
qu’elles sont déterminées par leur instinct de socia- 
bilité; car les espèces solitaires, les rapaces, les ros- 
signols, exécutent réculièrement des voyages sembla- 
bles à ceux des caïlles , des étourneaux et des hiron- 
delles. 
D'un autre côté, chaque groupe distinct d'oiseaux a 
une espèce analogue ou représentative dans les prin- 
cipales parties du monde. Aussi, lorsqu'un genre 
est sans représentant, on peut aisément en péné- 
trer la raison. Par exemple, les oiseaux les plus es- 
sentiellement voyageurs, les étourneaux (séwrnus 
vulgaris), se rencontrent dans toutes les parties du 
monde. Il est cependant une contrée où ils ne se 
trouvent pas: c’est l'Australie. La raison de cette ex- 
clusion tient peut-être à ce que les sansonnets trouvent 
la plus grande partie de leur nourriture dans des 
fruits ou des baies dont il n'existe pas d’analogues 
dans cette contrée. On a encore supposé que, comme 
les étourneaux se nourrissent évalement de certaines 
graines qui se fixent sur le dos des bêtes à cornes, 
l'absence de tout ruminant dans l'Australie les a dé- 
terminés à ne point y opérer leurs migrations. Cette 


ni — 


supposition est peu admissible quoique la dispersion 
des oiseaux, tout comme celle des autres animaux, 
suive d’une manière nécessaire celle de leur proie ou 
celle des végétaux dont ils se nourrissent. Ces végétaux 
dépendent à leur tour de la qualité du sol aussi bien 
que de la température. 

Lorsque l’on considère d’une manière générale la 
distribution des oiseaux, 1l est facile de reconnaître 
que chaque groupe ou chaque principale famille de 
cette classe a une espèce analogue dans une autre 
partie du monde : il paraît du moins constant que 
chaque grand continent a ses espèces propres et dis- 
tinctes. En effet, il n’y a rien de commun entre les 
espèces vivantes du nouveau monde et celles de l’an- 
cien continent, tout comme entre celles-ci et les 
races de la Nouvelle-Hollande. Néanmoins on décou- 
vre dans les uns et dans les autres des espèces des 
mêmes familles qui se représentent mutuellement. 
Ainsi, pour ne parler que des oiseaux, l’autruche des 
déserts de l'Afrique (struthio camelus Linn.) est re- 
présentée en Asie par le casoar , tout comme par 
les aptéryx dans la Nouvelle - Zélande (1). D'un 


(1) Ce genre, dont il n’existe qu’une seule espèce, l’apteryx australis, a 
élé établi par Temmincek. M. Lesson se demande si ce genre n’aurait pas été 
fondé par cet ornithologiste, sur les pièces du dronte conservées dans le musée 


zoologique de Londres (Manuel d'ornithologie, tom. n, pag. 211). Nous 
2 


Sr NES 


autre côté, les émérillons sont les représentants de 
ces oiseaux en Australie, tout comme les ræa ou 
nandou dans l’Amérique du Sud, et la grande ou- 
tarde (otis tarda Linn.) en Europe (1). 

Ce que nous venons d'observer, relativement aux 
habitudes voyageuses de certaines espèces d'oiseaux, 
a pu faire présumer qu’elles ne sont point détermi- 
nées par leur instinct de sociabilité plus ou moins 
prononcée. Sans doute les migrations des espèces so- 
ciales frappent davantage, parce qu’un plus grand 
nombre d’individus y concourent. Elles ne sont ce- 
pendant ni moins périodiques ni moins constantes 
chez les espèces solitaires ou celles qui vivent isolées, 
et pour ainsi dire par couples. En effet les passages 
des rossisnols, des pigeons, des tourterelles, des 


ferons observer que ce genre a été établi sur une espèce d’autruche particu- 
lière à la Nouvelle-Zélande, et qui est caractérisée par trois doigts. Nous 
en avons vu un individu empaillé dans le musée zoologique de Genève, et un 
squelette complet dans les collections d’anatomie comparée de M.Mayor, doc- 
teur-médecin dela même ville. Aussi nous sommes-nous assuré que, parmi les 
oiseaux dépourvus d’ailes, il n’y en a pas d’espèce plus singulière que l’ap- 
téryx de la Nouvelle-Zélande. Ses ailes sont encore plus incomplètes que 
celles des casoars, Il joint à ce caractère, d’avoir le bec long et grêle comme 
une bécasse, avec les narines percées presque à son extrémité. 

(1) Le struthio rhea de Linné ou nandou-chari est également une au- 
truche à Lrois doigts comme celle de la Nouvelle-Zélande; mais celle-ci ha- 
bite l'Amérique. . 


PO" fn 


huppes, des torcols, des oiseaux de proie et d’une 
foule d’autres espèces, ne sont pas moins réguliers 
que ceux des cailles, des étourneaux, des hirondelles, 
des canards, et tant d’autres espèces qui vivent en 
grandes troupes, ou du moins qui voyagent en famille. 

Les espèces solitaires ou sociales émigrent égale- 
ment dans les saisons les plus diverses. Les unes et 
les autres ne suivent à cet égard d’autre impulsion 
que celle qui peut dépendre de la température dont 
elles cherchent la douce influence. On les voit du 
moins s'éloigner des régions septentrionales à l’ap- 
proche de l'hiver , et s’en rapprocher au contraire, 
lorsque les beaux jours leur ont annoncé le retour du 
printemps. Dans toutes ces migrations, l’instinct de 
sociabilité ne parait jamais y être pour rien, et il ne 
les détermine et ne les provoque en aucune manière. 

IL en est de même de l'étendue et de la puissance 
du vol ; au premier apercu, on pourrait présumer que 
les espèces qui peuvent fendre l’air avec plus de con- 
tinuité doivent par cela même parcourir de plus 
grands espaces et franchir de plus grandes distances. 
Les cailles traversent pourtant les mers; leur vol est 
lourd et peu rapide; malgré toutes les imperfections 
de leur organisation, elles font de fort longs voyages. 
Ce que nous disons des cailles, on pourrait l’observer 
d'une foule d’autres oiseaux, et même de plusieurs 
espèces du même genre. 


se 100) 


La grandeur et la taille de ces animaux parait 
aussi sans influence sur la longueur de leurs migra- 
tions. Si les rues, les cygnes, les phénicoptères, les 
cormorans, les cigognes et tant d’autres espèces de 
haute stature, exécutent à des époques à peu près fixes 
de fort longues courses, il en est de même des tra- 
quets, des fauvettes, des pinsons, des ortolans, et d’une 
foule d’autres petites espèces. Celles d’une taille 
moyenne entreprennent également de fort longs voya- 
ges, et parcourent en quelque sorte toutes les régions 
de la terre. Parmielles, on peut citer spécialement les 
canards. Un exemple remarquable donné par une es- 
pèce de ce genre est venu, pendant l’hiver de 1839 à 
1840, surprendre les ornithologistes du midi de la 
France par sa singularité. 

Un couple de canards à longue queue (anas gla- 
cialis Temminck) de Terre-Neuve, probablement 
isolés de leur troupe, sont arrivés le 4 janvier 1840 
jusque dans les environs de Montpellier. Cependant 
d’après le savant ornithologiste que nous venons de 
citer, ce canard fait son nid sur les bords de l’océan 
Glacial au Spitzhbers, en Irlande, à la baie d'Hudson. 
Il habite à peu près exclusivement les mers arctiques 
des deux mondes. Quoique des contrées les plus froi- 
des , il étend ses passages accidentels sur les grands 
lacs d'Allemagne, le long de la Baltique, et sur les 
côtes maritimes de la Hollande; il ne s’était jamais 


OR 


avancé jusque dans les contrées méridionales de la. 
France, du moins d’après les observations faites jus- 
qu'à présent. 

Son apparition dans le Midi a coïncidé avec une 
autre circonstance qui peut en rendre raison, celle 
de la douce température dont cette contrée a joui à 
cette époque. Elle était pour lors si élevée que plusieurs 
arbres fruitiers étaient en fleur, et que quelques-uns 
ont donné même des fruits. Quoi qu'il en soit, ce fait 
n’en prouve pas moins à quelle distance les canards, 
dont la taille est à peu près la moyenne de celle qu'of- 
frent en général les oiseaux, étendent leur migration, 
ou, si l’on veut, leurs passages (i). 

Le genre de vie ou l’espèce de nourriture dont usent 
les oiseaux paraissent également sans influence sur 
leurs migrations ; non pas dans un sens absolu, mais 
uniquement dans un sens relatif. Ainsi les espèces 
carnivores ou piscivores font des voyages d’aussi long 
cours que celles qui vivent de graines, de fruits ou 
d'herbes proprement dites. Les unes et les autres 
se déplacent souvent par le manque de nourriture 
dans le canton qu'elles habitent. 


(4) Nous devons la connaissance de ce fait à M. Lebrun, ornitholo- 
gisle de Montpellier, que nous aurons souvent l’occasion de ciler dans cet 
ouvrage, 


= 

Nous avons déjà fait observer que les espèces ra- 
paces, c’est-à-dire les faucons, les aigles et même les 
vautours, se livraient habituellement à des voyages de 
long cours; il en est de même des passereaux qui 
vivent de charognes, indépendamment qu’ils se nour- 
rissent aussi de graines et de fruits, lorsque la faim 
les presse. Tels sont les corneilles, les corbeaux et les 
pies-grièches, qui les représentent en quelque sorte. 
D'un autre côté, les grues, les cigognes, les hérons, 
les cormorans, les phénicoptères, les mouettes et tant 
d’autresessentiellement piscivores, n’en sont pas moins 
fameux par l’étendue de leurs excursions. Il en est 
de même de celles qui vivent à peu près uniquement 
de fruits ou d'herbes. Les exemples s'offrent en foule 
pour démontrer que ces espèces font particulièrement 
de grands voyages. On ne peut guère oublier ceux 
qu’exécutent à des époques fixes les étourneaux, les 
merles et un si grand nombre de passereaux, ainsi que 
les canards, les grèbes et les foulques. Il suflit de ci- 
ter parmi les oiseaux insectivores les hirondelles et 
les martinets, pour saisir que ceux-là aussi se livrent 
à de longues et grandes migrations. 

Nous le répétons, pour éviter toute méprise à cet 
égard, quoique le genre ou l'espèce de nourriture 
dont usent les oiseaux ne détermine pas leurs voya- 
ges, 11 ne peut pas en être de même de son manque 
absolu ; car avant tout il est essentiel que les espèces 


a — 


assurent leur subsistance et pourvoient à leurs be- 
soins. Mais, lorsqu'elles ne se déplacent que pour aller 
trouver ailleurs ce qui leur était fourni d’abord en 
abondance dans les lieux qu’elles abandonnent, les 
excursions auxquelles elles se livrent ont générale- 
ment une courte durée. Ces oiseaux se bornent pour 
lors à changer de canton; ils ne traversent pas les 
mers, et ne passent pas dans d’autres climats, espé- 
rant y trouver ce que leur refusaient ceux qu'ils 
ont quittés. Les perroquets et les dindons sauvages 
de l'Amérique nous fournissent des exemples de ces 
transports d’un canton dans un autre, occasionnés par 
le besoin de nourriture. Néanmoins ni les uns ni les 
autres ne peuvent être cités comme des espèces voya- 
geuses. On ne les voit presque jamais à plus de vingt 
lieues de distance du lieu dans lequel ils avaient pri- 
mitivement fixé leur séjour. 

Un instinct plus pressant et plus impérieux que le 
besoin d’une nourriture convenable ou d’une tempé- 
rature élevée, peut-être plus nécessaire aux oiseaux 
qu’à tout autre être vivant, détermine leurs longues 
migrations. Ces longs voyages nous étonnent autant par 
leur étendue que par la prévoyance qu’elles font sup- 
poser aux espèces qui les exécutent. 

Avant d'entrer à cet égard dans les détails qui an- 
noncent qu'elles sont provoquées, chez certaines es- 
pèces, par un instinct irrésistible, examinons si elles 


ED VE 


ont lieu aussi bien chez les races nocturnes que chez 
les diurnes. Parmi les oiseaux dont les yeux sont con- 
formés de manière à leur faire apercevoir les objets 
distinctement pendant l'obscurité, on peut citer les 
oiseaux rapaces de la famille des chouettes ou des 


+ 


hiboux. 

On serait tenté de supposer que les espèces ainsi 
conformées ne doivent pas se livrer à de grandes 
courses. Le contraire a cependant lieu. Le hibou 
brachyote (sérix brachyotos Vieillot), qui vit ordi- 
nairement en Sibérie, se met à la suite des migrations 
du lemming, et arrive Jusque dans les provinces 
méridionales de la France. Cet oiseau y apparait 
au mois d'octobre; il reste dans le Midi jusqu’en 
avril. À cette époque il y est très-commun. On pour- 
rait croire, en observant ce hibou si loin des lieux 
qui l'ont vu naïitre, qu'il ne doit pas être ébloui par 
la clarté du jour. Néanmoins il la supporte si peu, 
que, lorsqu'on le fait lever, 1l va se poser sur l'arbre 
le plus rapproché et se laisse tuer, plutôt que de se 
mettre de nouveau en mouvement, du moins si le so- 
leil brille de tout son éclat. 

Cette espèce, très-répandue dans presque toutes les 
contrées d'Europe, particulièrement en Hollande , 
et dont la Sibérie parait être la patrie, se rencontre 
également dans toute l'Amérique septentrionale. Elle 
v arrive par la pointe nord de l'Asie, en franchissant 


ES 


le détroit de Bhéring , bras de mer qui n’a pas moins 
de douze lieues dans sa plus petite largeur. Ces faits 
annoncent que les oiseaux nocturnes se livrent aussi 
bien à de longs voyages que les espèces diurnes, puis- 
qu'ils franchissent les mers, et étendent leurs courses 
jusque dans des continents différents. On pourrait 
croire que ces races nocturnes doivent voyager de 
nuit, puisqu'elles éprouvent tant de difficultés pour 
faire quelques pas pendant la clarté du jour, si l’on 
ne savait que plusieurs d’entre elles chassent plutôt 
le jour que la nuit. 

Il est même quelques espèces de chouettes qui 
jouissent en plein jour de toutes les facultés de la 
vue. Aussi les voit-on poursuivre leur proie à tire- 
d’aile ou la guetter dans l'épaisseur des forêts. Ce 
sont particulièrement les espèces à tête lisse, dont 
la queue plus ou moins étagée dépasse l’extrémité des 
ailes. Du reste une foule d'oiseaux voyageurs , quoi- 
que diurnes, n’en voyagent pas moins constam- 
ment la nuit, à peu près comme nous autres hommes, 
lorsque notre humeur inquiète nous porte à quitter 
le logis. 

De ce nombre sont la caille, les ortolans et tous 
les oiseaux aquatiques ; leurs passages ont lieu 
plutôt pendant l’obscurité qu’en plein jour. Aussi, à 
moins que le soleil ne soit voilé par les nuages, les 
passages de ces oiseaux cessent vers les neuf ou dix 


LS 


heures du matin. C’est également à la lueur du cré- 
puscule que l’on voit les alouettes passer par troupes 
plus ou moins considérables. 

Les faits que nous venons de rapporter ne sont point 
bornés au hibou brachyote ; ils sont communs à pres- 
que toutes les espèces qui ne voient distinctement que 
pendant la nuit. Le grand et le moyen duc (strix bubo 
et otus Linn.), très-multipliés en Russie, en Hongrie, 
en Allemagne et en Suisse, étendent leurs courses 
jusqu’en France et en Angleterre, et même jusqu’en 
Afrique. Il en est de même du hibou scorps, qui se 
trouve fréquemment dans plusieurs contrées de l’'Eu- 
rope et pousse ses excursions jusqu’en Afrique. 

D’autres rapaces nocturnes , répandus en Europe, 
étendent évalement leurs excursions jusque dans le 
nord des deux continents, franchissant ainsi les mers 
qui les séparent. Parmi ces espèces éminemment voya- 
geuses, nous citerons spécialement l’harfrang (sérix 
nyctea Linn.), peut-être la plus grande des chouettes 
connues, celle de Laponie (strix laponica Retz), qui 
vit à la fois dans les climats septentrionaux de l’Eu- 
rope et de l'Amérique, et jusque dans les contrées 
civilisées de l’Europe. La première, ou l’harfrang , 
habite le plus constamment les régions du cercle arc- 
tique ; elle n’en étend pas moins ses excursions Jus- 
qu’en Islande, dans les îles Shetland, aux Orcades, 
ainsi qu’en Allemagne et en Hollande. Elle passe éga- 


a — 


lement dans l'Amérique septentrionale, et se montre 
parfois en grand nombre dans la baie d'Hudson. 

On peut encore comprendre parmi les chouettes 
voyageuses le sérix macroura de Meyer, qui vit ha- 
bituellement dans les régions arctiques, la Laponie, 
le nord de la Suède et de la Russie. Elle passe néan- 
moins en Livonie, en Hongrie et jusque dans les parties 
orientales de l’Allemagne, et plus loin encore. La 
chouette caparacoch (strix funerea Latham), qui 
habite également les régions arctiques , se montre 
quelquefois comme oiseau de passage en Allemagne, 
en France et même jusque dans les provinces de l’A- 
mérique septentrionale. Cette espèce nocturne évite 
cependant dans ses courses vagabondes les lieux dont 
la température est élevée ; aussi ne l’a-t-on jamais 
apercue dans les contrées méridionales. 

Il en est de même de la chouette nébuleuse ( strix 
nebulosa Linn.). Ses passages n'ont lieu que dans 
des contrées très-froides, comme la Suède, la Nor- 
wége, l'Amérique septentrionale, pays dont la tem- 
pérature ne diffère pas beaucoup de celle des régions 
arctiques , patrie ordinaire de cet oiseau. L’effraie 
(strix flammea) étend encore plus loin ses excur- 
sions. On la rencontre dans toute l’Amérique. D’un 
autre côté, on la découvre en Asie jusqu’au Japon, 
en Afrique, particuliérement au Sénépal, et enfin 
dans la plus grande partie de l'Europe. Cet oiseau 


OR — 


parait même étendre ses migrations jusqu’en Suëde 
et en Norwége. 

Ces faits et une foule d’autres , qu’il nous serait 
facile d’ajouter, sont assez bien constatés pour dé- 
montrer que, quoique peu favorisées sous le rapport 
de leurs appareils visuels, les espèces nocturnes ne 
se livrent pas moins que les diurnes à de longues mi- 
grations. Ilest remarquable que, parmi ces races voya- 
geuses , plusieurs ne peuvent, dans les circonstances 
ordinaires, supporter l’éclat du jour; tel est entre 
autres le hibou brachyote. 

Aïnsi, en examinant avec attention la manière dont 
les animaux sont répartis à la surface du globe, il est 
facile de s’apercevoir que leurs espèces n’ont pas tiré 
leur origine d’un même point, et qu’elles ne sont pas 
émanées d’un foyer de création unique, pour se ré- 
pandre dans les contrées diverses où on les voit main- 
tenant fixées. On reconnait également que l’aire oc- 
cupée par chaque espèce a des limites plus ou moins 
étroites. On ne tarde pas non plus à se convainere 
qu'il existe pour chaque animal, soit marin, soit ter- 
restre, comme pour chaque plante des deux genres 
de station, un certain nombre de régions distinctes, 
caractérisées par des populations et des végétations 
toutes particulières. 

La faune ou la flore de chacune de ces régions se 
compose en partie d'espèces qui ne se rencontrent pas 


mt. : re 


ailleurs, et en partie d'espèces qui leur sont commu- 
nes avec d’autres contrées plus ou moins rapprochées, 
ou avec d’autres parages. En général ces espèces com- 
munes sont, toutes choses égales d’ailleurs, en pro- 
portion d'autant moindre, que les communications 
entre les pays voisins sont interrompues par quelque 
grand obstacle naturel, comme, par exemple, des 
chaines de montagnes d’une certaine élévation. Si ces 
animaux habitent le sein des mers, leur nombre di- 
minue en raison de la difficulté des communications 
entre la côte où on les observe et les autres mers. 

Ces régions, qui réunissent les mêmes espèces, peu- 
vent donc être considérées comme autant de foyers 
de création, où, parmi les animaux qui y sont nés, 
les uns sont restés cantonnés dans leur patrie primi- 
tive, tandis que les autres se sont disséminés au loin 
et ont été se mêler aux habitants des régions voisines 
ou éloignées. Ces derniers, quoique originaires d’un 
même point ou d’une même contrée, ne peuvent s'être 
répandus dans de nouvelles régions, que par suite de 
cette faculté instinctive , donnée à certains animaux, 
de se livrer à des migrations plus ou moins étendues. 
Ceux au contraire qui sont restreints dans certaines 
contrées déterminées, et que l’on ne retrouve pas 
ailleurs, indiquent qu’ils sont encore placés dans leur 
patrie originaire. 


Il arrive également que des échanges multipliés 


RS QUES 

ont eu lieu entre des régions voisines, en sorte que 
toutes ou la plupart des espèces originaires de l’une 
et de l’autre sont devenues communes aux deux. Rien 
alors ne peut déceler leur séparation primitive. Ce- 
pendant, si au milieu d’une faune commune on trouve 
limitées dans des aires distinctes un certain nombre 
d'espèces, celles-ci ne semblent pouvoir provenir que 
de centres de créations différents ; dès lors on doit les 
considérer comme caractéristiques d'autant de régions 
zoologiques particulières. 

Il est cependant quelques espèces vivantes que l’on 
retrouve à peu prés partout, quelle que soitla distance 
qui sépare les lieux où on les observe. Celles-ci, uni- 
versellement répandues, peuvent être considérées en 
quelque sorte comme des espèces cosmopolites. Elles 
se rapportent à peu près uniquement à des animaux 
éminemment voyageurs, les poissons parmi les êtres 
marins, et les oiseaux, surtout les races aquatiques. 
Celles-ci nous fournissent du moins les principaux 
exemples d’une distribution aussi uniforme. On pour- 
rait peut-être ajouter à ces vertébrés quelques es- 
pèces qui appartiennent aux diverses classes des 
invertébrés, principalement aux mollusques, aux 
crustacés et aux zoophytes. 

Ces races cosmopolites ne peuvent nous fournir au- 
cune donnée sur la patrie primitive dont elles se- 
raient originaires, et d’où elles seraient parties pour 


Ur us 


aller peupler d’autres contrées. Leur dissémination 
s'explique du reste, soit que toutes aient appartenu 
dans le principe à une seule et même région, soit que 
chacune d'elles ait été primitivement limitée à une 
partie différente de la surface du globe. 

D’après ces faits, les espèces généralement répan- 
dues, et qui occupent maintenant de grands espaces, 
n'ont probablement pas conservé leurs habitations 
primitives. Tout porte, au contraire, à les consi- 
dérer comme des races qui, par suite de leur ins- 
tinct voyageur, se sont propagées bien loin de leur 
patrie originaire. Les migrations ont donc tendu à 
changer l’ordre de distribution primitivement établi, 
et a méler continuellement les espèces d’une région 
avec celles d’une autre. On doit d'autant moins en 
douter, que de pareils effets se poursuivent sans cesse 
et se passent pour ainsi dire sous nos yeux. 

Les migrations ontexercé à cet égard une si grande 
influence , qu’il est difficile de remonter maintenant 
jusqu’à la distribution primitive des êtres. Cette déter- 
mination est d'autant moins facile, qu’à cette influence 
est venue s'ajouter celle de l’homme, qui par ses voya- 
ges multipliés a mêlé les animaux et mème les végétaux 
des différentes régions. En effet l’homme a transporté 
avec lui les planies, qui, fixées et attachées au sol qui 
les a vues naître, ne peuvent s'étendre ailleurs, qu'en 
raison de la légèreté de leurs graines. L'espèce hu- 


ne — 


maine a donc entrainé avec elle tous les êtres qui 
pouvaient lui être utiles ; tandis qu'elle a été souvent 
suivie par ceux qui, à peu près constamment attachés 
à ses pas, parviennent dans tous les lieux où elle s’é- 
tablit. De même, en déplacant sans cesse les produc- 
tions des contrées les plus diverses, l’homme apporte 
les graines et souvent les germes des êtres les plus 
différents, dans les régions les plus éloignées de celles 
où ils se seraient développés si aucune influence n'a- 
vait changé l’ordre établi. 

Les effets nécessaires des migrations rendent donc 
presque impossible la reconnaissance des centres de 
création auxquels semblent devoir être rapportés les 
divers animaux et végétaux. [Il est par cela mème dif- 
ficile de serendre compte du mode de distribution des 
êtres organisés sans supposer l'existence primitived’un 
certain nombre de foyers de création. Ces centres sont 
épars sur la surface du globe; ils comprennent un 
certain nombre d’espèces particulières, dont les des- 
cendants se sont peu à peu étendus au loin. Dans 
tous ces phénomènes on reconnaît des indices de l’in- 
fluence de la chaleur, aussi bien sur la premiére 
création des êtres que sur leur dispersion subséquente. 
Une température élevée parait la condition la plus 
favorable et la plus essentielle pour la multiplicité 
des espèces, comme pour la perfection de leur orga- 
nisation. De même l’observation des détails de l’or- 


US: Ve 


sanisme montre qu'il existe un certain rapport en— 
tre le climat des diverses régions et les formes des 
êtres qui en sont les habitants. 

La température n’est pas non plus sans influence 
sur les migrations ; elle contribue en effet à déplacer 
une foule d'espèces, et par cela elle a singulièrement 
dérangé l’ordre primitif de la création. On peut, ce 
semble, rattacher à cette cause la plupart des faits 
physiques du globe, aussi bien ceux qui se rapportent 
aux êtres vivants qu'a ceux de la nature brute et 
inanimée. 

Cet apercu est peut-être suflisant pour faire saisir 
l'intérêt que présente le phénomène des migrations ; 
du moins, les observations que son étude nous four- 
nira nous permettront peut-être de soulever une partie 
du voile qui couvre encore la distribution primitive 
des êtres répandus sur la surface de notre planète. 

Quoi qu'il en soit, si l’on veut considérer les mi- 
grations dans leurs fins, il est difficile de ne point y 
voir une preuve de l’admirable sagesse qui a présidé 
à la distribution des êtres vivants. Ces voyages ne 
contribuent pas seulement à répandre une variété 
infinie dans les productions de la nature, mais ils 
fournissent à l’homme des moyens continuels et tou- 
jours nouveaux de se procurer une subsistance ap- 
propriée à ses gouts et à ses besoins. 


— GA — 


LIVRE PREMIER. 


DES MIGRATIONS DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. 


CHAPITRE PREMIER. 


DES MIGRATIONS DES MAMMIFÈRES. 


I. Des migrations des mammifères terrestres. 


Lorsqu'on observe l’ensemble des animaux, sous le 
rapport des migrations que certains d’entre eux en- 
treprennent et exécutent, on reconnait que les espèces 
qui se livrent à des voyages lointains sont toutes douées 
de la faculté de se mouvoir avec facilité. En effet, les 
grandes migrations ont lieu chez les insectes les plus 
agiles des invertébrés, tandis que les mollusques, à 
peu près fixés par la température dans les lieux où 
ils ont été primitivement placés, en fournissent à 
peine des exemples. 

Quant à celles des animaux vertébrés, les voyages 
auxquels se livrent la plupart des oiseaux sont en 


ms SRB 


première ligne. Après eux on peut signaler les pois- 
sons, et à peine les mammifères ou les cétacés. Leurs 
migrations paraissent avoir lieu plutôt par l'influence 
de l’homme, qui en a, en quelque sorte, refoulé les 
grandes espèces dans les mers des régions polaires, 
que par toute autre cause. 

L'avantage de parcourir de grandes distances sem- 
ble donc l’apanage des espèces aériennes. Il parait du 
moins réservé aux insectes parmi les invertébrés et aux 
oiseaux parmi les vertébrés. Chez les animaux qui 
ne respirent pas l'air en nature, et le soutirent de 
l'eau où il est en dissolution , une seule classe peut 
sous ce rapport rivaliser avec les habitants de l’air ; 
cette classe est celle des poissons. Soutenus par l’élé- 
ment mobile dans lequel ils sont plongés , organisés 
de la manière la plus favorable pour la nage, ils peu- 
vent se transporter dans tous les parages avec la plus 
grande facilité. Leur voracité, peut-être autant que 
leur fécondité, leur a rendu ces voyages presque né- 
cessaires. Ils contribuent du moins à la perpétuité 
et à la conservation de leurs races. Le besoin d’une 
nourriture qui leur manquait dans les lieux qu'ils 
abandonnent semble les y déterminer bien plus que 
la température dont l'élévation parait leur être in- 
différente, à eux surtout dont le sang est froid. 

Les insectes, en quelque sorte les oiseaux des in- 
vertébrés, pourvus comme eux de grandes ailes, 


EUR. AE 


mues par des muscles forts et puissants , ont tous les 
moyens de parcourir de grandes distances et d’exé- 
cuter de longs voyages. Une autre circonstance de 
leur organisation leur en a donné le pouvoir. Elle 
dépend de la quantité d’air dont ils peuvent remplir 
l’intérieur de leurs trachées aussi bien que les oi- 
sceaux le font dans les cavités de leurs os et de leurs 
plumes. Ges dispositions ont été pour ces deux or- 
dres d'animaux la cause de leur légèreté spécifique et 
celle de l’agilité et de l’activité de leurs mouvements. 
Elles n’ont pas peu favorisé la grandeur et l’étendue 
de leurs migrations. 

La nature a évalement répandu ses faveurs sur les 
poissons, mais, par d’autres moyens, ainsi que nous 
l’avons déjà fait pressentir. Plongés dans un liquide 
d’une assez grande densité et dont les molécules sont 
d’une extrême mobilité, ces animaux ont recu la 
forme la plus favorable, pour fendre l’eau avec 
facilité ; d’un autre côté, leur queue, surtout chez les 
squales et la plupart des poissons osseux, principal 
organe de natation, leur sert aussi d’aviron et de gou- 
vernail. Les nageoires des poissons , quoiqu’elles 
n'aient qu'un usage secondaire, servent néanmoins 
à caréner le corps et à maintenir le mouvement en 
avant dans une direction droite, malgré les impul- 
sions obliques de la queue. Enfin, outre ces circons- 
tances, toutes admirablement combinées pour la 


RE 


facilité et l’agilité des mouvements, la nature à éva- 
lement donné à certaines espèces une vessie aérienne 
dont la présence n’est pas sans quelque utilité pour le 
maintien de l’équilibre dans un milieu aussi mobile 
que l’eau. 

D’aussi grands avantages n'ont pas été l'apanage 
des cétacés ou des mammifères marins.-D’abord ces 
animaux ne peuvent pas nager longtemps compléte- 
ment plongés dans l’eau. Leur tête, ou du moins 
leurs narines, doivent s’élever souvent au-dessus de 
ce liquide pour respirer. Quoique cette circonstance 
paraisse sans influence sur leurs mouvements, elle 
en retarde toutefois l’activité. Si ces animaux, parmi 
lesquels on découvre les colosses de la nature vivante, 
meuvent cependant leurs lourdes masses au fond des 
eaux avec agilité, ils doivent cet avantage à l’air 
contenu dans leurs poumons, et à la quantité con- 
sidérable de graisse dont ils sont enflés et comme 
rebondis. 

Ces dispositions sont moins avantageuses que celles 
qui sont échues aux poissons; aussi les mammifères 
marins se livrent peu à des migrations périodiques 
et lointaines : du moins, leurs besoins ne les y enga- 
gent pas. Le plus généralement herbivores, ou fai- 
sant leur subsistance des myriades de zoophytes ou 
de petits mollusques qui peuplent le sein des mers, 


les cétacés, même les plus grandes espèces, trouvent 


+ 0e 


partout de quoi substanter l’énorme volume de leur 
corps ; dés lors il n’est pas pour eux d’une nécessité 
indispensable de se transporter dans d’autres contrées 
que celles où ils ont fixé leur séjour. 

ILest donc une condition essentielle et préalable aux 
migrations; cette condition est celle non-seulement 
de l’agilité et de la facilité des mouvements, mais en- 
core de leur continuité. L’imperfection des organes 
de la locomotion est un obstacle invincible à de grands 
voyages, soit que leurs mouvements se manifestent par 
la nage ou par le vol, les plus rapides de ceux que 
peuvent exécuter les animaux. On conçoit pourquoi les 
oiseaux coureurs, qui ne volent pas, n’entreprennent 
pas plus de longues excursions que les mammifères 
qui, comme les chauves-souris, voltigent plutôt qu'ils 
ne volent. On comprend aussi pourquoi les reptiles 
n’en exécutent presque pas non plus, et pourquoi enfin 
les migrations des mammifères terrestres sont sirares. 
En effet, l’isatis (canis lagopus Gmelin) et le lemming 
(mus lemnus Linn.) se livrent à peu près seuls entre 
cet ordre d'animaux à des voyages qui, par leur 
régularité, rappellent les migrations des espèces dont 
l’organisation est disposée pour la facilité, l'étendue 
et la continuité des mouvements. 

Les migrations des mammifères, qu’il ne faut pas 
confondre avec leurs déplacements accidentels, sont 
donc fort rares. Elles ont lieu du reste chez des espè- 


0. 


ces de mœurs fort différentes. La premiére ou l’isatis 
est un carnassier, tandis que la seconde est un ron- 
geur de la famille des rats. Enfin ,. d’après plu- 
sieurs naturalistes, et entre autres d’après Gmelin, 
les migrations de l’isatis seraient en quelque sorte 
sous la dépendance de celles des lemmings et du lepus 
tolai; ceux-ci les régleraient et les détermineraient 
jusqu’à un certain point. 

Cependant les excursions de l’isatis paraissent être 
commandées par la nécessité ; elles semblènt du moins 
n'avoir lieu que par l'épuisement du gibier dans les 
localités qu’il habite. Aussi s’opérent - elles dans le 
solstice d'hiver, époque où le gibier est le moins abon- 
dant. Ces renards, d’un brun roussätre où grisätre 
pendant l’été, deviennent tout à fait blancs pendant 
l'hiver, Ils arrivent souvent jusqu'au 6% de latitude. 
On les voit rarement s’y arrêter ; ils n’y creusent pas 
de terriers, indice positif que leurs nouveaux établis- 
sements seront peu durables et peu fixes. Il arrive 
pourtant quelquefois qu'ils en pratiquent sur les 
hauteurs des lieux où ils doivent demeurer pendant 
deux ou même trois ans; car ils ne restent pas souvent 
moins de temps à revenir aux gites qu'ils avaient 
abandonnés. Malgré ses migrations fréquentes, l’isa- 
tis n'abandonne jamais entiérement les contrées qui 
l’ont vu naitre. Il reste toujours plusieurs individus de 
cette espèce dans leur patrie primitive. 


0/0)" — 


Les migrations des lemmings, comme celles des 
isatis, ont lieu à des époques qui n’ont rien de 
fixe ni de déterminé. Seulement ces rongeurs, qui 
vivent en peuplades immenses dans les Alpes de 
la Laponie, où ils pratiquent des espèces de ter- 
riers, en sont chassés parfois, à ce qu'il paraît, à 
l'approche des hivers rigoureux. Leur instinct, ana- 
logue en cela à celui des oiseaux, leur fait présa- 
ser aussi bien les tempêtes qu’un abaissement consi- 
dérable dans la température, et les avertit d’avance 
de l’arrivée des frimas. Cet instinct les guide même 
dans le choix des lieux où ils doivent se retirer. Ainsi 
à l’approche de l’hiver de 1742, fameux dans le cer- 
cle d’'Umeja (Russie) par ses rigueurs, et qui fut beau- 
coup plus doux dans celui de Luda, quoique cepen- 
dant plus boréal, tous ces animaux quittèrent le pre- 
mier de ces districts, mais aucun d’entre eux n’a- 
bandonna le second. 

Les déplacements des lemmings eurent lieu à 
l'approche de l'hiver de 1742, du nord au sud. Il 
aurait été curieux de s'assurer si de pareilles excur- 
sions s'étaient également opérées dans des provinces 
plus méridionales encore, et par l'effet d’hivers ri- 
soureux. Si nous avions pu obtenir ces renseigne - 
ments, qui nous manquent totalement, nous sau- 
rions si ces déplacements, qu'il ne faut pas 
confondre avec les migrations, ont été produits 


hi : 


ES A 


par la cause que nous leur avons attribuée. Nous 
aurions pu également savoir jusqu'où s’avancent vers 
le sud le lemming, l’isatis, le lièvre variable et la 
zibeline (mustela zibellina Pallas). D'un autre côté, 
il ne serait pas moins important de reconnaitre Jus- 
qu’à quel point s'étendent vers le nord le loup, le 
renard commun et nos martes de France (mustela 
martes et foina Linn.). Ainsi nous serions certains 
si ces animaux n’éprouvent dans cet immense inter- 
valle aucun changement essentiel dans leur organisa- 
tion, et si leurs différences se bornent à quelques va- 
riations dans l’abondance et ia beauté de leur fourrure. 

Quelle que soit la cause qui porte les lemmings à 
se transporter dans des pays nouveaux, ils dirigent 
ordinairement leurs grandes courses vers l'Océan et 
le golfe de Bothnie. Elles se font avec un merveilleux 
accord de toute la population d’une contrée. Formés 
en colonnes parallèles et serrées, aucun obstacle ne 
peut arrêter ni suspendre la marche de ces animaux. 
Ils vont toujours en ligne droite, et devant eux. Ea 
halte dure tout le jour, et les lieux où ils se sont ar- 
rêtés sont tout aussi dévastés que si le feu y avait 
passé. Des dangers sans cesse renaissants environ- 
nent constamment ces rats qui s’avancent en troupes 
innombrables vers l'Océan. Suivie par un grand nom- 
bre de carnassiers, l’armée des lemmings en est soi- 


vent décimée, et à tel point qu’un assez grand nombre 


ENT We 


de ses soldats périt avant d’avoir atteint la mer, qu'ils 
ont l’habitude de côtoyer. On présume qu'il n’en re- 
tourne pas la centième partie lorsque ces animaux 
veulent revenir aux pays qui les avaient vus naitre. 

Ces voyages lointains et si dangereux pour les in- 
dividus qui s’y livrent ne sont pas cependant entre- 
pris pour aller s’établir ailleurs; car, s’il en était 
ainsi, la race des lemmiuss se serait propagée à de 
fort grandes distances, ces animaux traversant les 
plus grands fleuves, même les bras de mer, et au- 
cun obstacle n’étant assez puissant pour arrêter leur 
marche rapide. On ne voit pas le lemming des 
Alpes de la Scandinavie dans la Laponie russe; du 
moins l’espèce que l’on rencontre dans les régions 
voisines de la mer Blanche et de la mer Glaciale, 
jusqu’à l’Obi, parait être différente, ou tout au moins 
une variété distincte par ses proportions, qui sont 
d’un tiers plus petites. Cette variété émigre aussi, 
tantôt vers la Petzora, tantôt vers l’Obi; comme les 
autres, elle est suivie dans ses voyages par une foule 
de carnassiers dont elle redoute singulièrement les 
approches. 

Un fait assez singulier, observé par M. Boiïé (1), 
donne aux migrations du lemming une particularité 


(1) Tagenbuch gehelten auf Einer Reiser durch Norwegen. 


+ Ps 


trés-remarquable. Cet animal paraït être constam- 
ment accompagné dans ses excursions par le hibou 
brachyote (strix brachyotos Veiïllot). Cet hôte dan- 
gereux s'établit en grand nombre au milieu de ces 
rats, dont il parait se repaitre tout à son aise. Aussi 
ne les abandonne-t-il jamais ; il voyage constamment 
avec eux, et s'arrête lorsque ses compagnons ou plu- 
tôt ses victimes se reposent. 

Ce que nous venons d’observer relativement aux 
déplacements des lemmings semble indiquer qu’une 
trop grande multiplicité d’individus d’une même 
espèce dans un lieu donné peut en être la cause. 
Cette multiplicité entraine nécessairement une grande 
consommation de subsistance , et par cela même les 
animaux qui l’opérent doivent aller chercher ailleurs 
ce qu'ils ne trouvent plus dans le lieu de leur nais- 
sance. 

Cette cause exerce probablement une grande in- 
fluence sur les passages qui, sans régularité dans 
leurs époques, sont moins dirigés par un instinct 
particulier que par un besoin pressant à satisfaire. 
Tels sont ceux de l’isatis et surtout du lemming, dont 
la fécondité est tout au moins aussi grande que la 
voracité. Peut-être faut-il attribuer à une cause du 
même genre le déplacement de certains crustacés et 
de plusieurs espèces d'insectes, et particulièrement 
de certaines sauterelles. On est d'autant plus porté à 


MoN se 


le supposer , que les voyages de ces crillonf se font 
particulièrement remarquer par les ravages dont ils 
sont la suite. L’imagination a de la peine à se former 
une idée des ravages qu'ils occasionnent. On n'y 
ajouterait pas la moindre foi, s’ils n’avaient été attes- 
tés à toutes les époques par les témoignages les plus 
graves et les plus imposants. 

Nous devons ajouter à ces faits ceux dont nous de- 
vons la connaissance à M. Martins, qui, dans l’expé- 
dition scientifique du Nord , a rencontré les lemmings 
depuis Bossecop (70° latit.) jusqu’à Muonioniska 
(67° 55 latit.) Ce naturaliste a consigné dans 
la Revue zoologique de juillet 1840 les observations 
qu'il a été à même de faire et de recueillir sur ces 
curieux animaux. 

D’après Linné, les lemmings dévoreraient tout sur 
leur passage. Ils s’avancent toujours en ligne ‘droite ; 
ils traversent ainsi les fleuves et les lacs, percent les 
meules de foin, grimpent par-dessus les roseaux et se 
rejettent à l’eau de l’autre côté, pour reprendre leur 
ligne. Ces faits ont été confirmés par M. Martins ; 
seulement, d’après lui, ces rats voyageurs ne voyagent 
que la nuit et de bon matin. 

Leurs armées se dirigent vers les bords de la mer 
du Nord et du golfe de Finlande; mais un centième 
de ces animaux voyageurs retourne à peine dans les 


montagnes d’où ils sont partis. La plupart périssent 


MED ES 


de froid en traversant les rivières, quoiqu'ils nagent 
très-bien. Les chiens de la Laponie en étranglent 
beaucoup, et n’en mangent que la tête. Ils sont éga- 
lement poursuivis par les rennes, qui se détournent 
de leur route pour les atteindre. Ce genre de nour- 
riture occasionne à ces derniers une maladie grave, 
désignée en Norwége sous le nom de graen. Hs ont 
encore d’autres ennemis soit parmi les mammiféres, 
soit parmi les oiseaux. 

Toutes les migrations des lemmings paraissent 
avoir pour point de départ, d’après M. Martins, la 
chaine des Alpes scandinaves. Ces animaux marchent 
du reste de l’est à l’ouest, quand ils se dirigent vers 
la mer du Nord; et de l’ouest à l’est, quand ils des- 
cendent vers le golfe de Bothnie. Ceux que cet ob- 
servateur a suivis allaient du nord-nord-ouest au 
sud-sud-est. Is s’en retournent ensuite dans les mon- 
tagnes. Hoesstroem est le seul naturaliste qui ait ob- 
servé cette sorte de remigration. Lors de leur retour, 
ces animaux passent inapercus, tant leur nombre est 
réduit par suite des nombreux dangers qu'ils ont 
rencontrés dans leurs voyages. Constants néanmoins 
dans leur marche accoutumée, les lemmings s’avan- 
cent toujours en ligne droite, comme lorsque des 
déserts iis descendent dans la plaine. 

Cesanimaux sont essentiellement herbivores, quoi- 


qu'ils combattent entre eux avec la plus grande fureur. 


EL — 


Leur instinct rongeur parait peu développé ; aussi ne 
les voit-on jamais couper les branches ni les rameaux 
des arbres. Plutôt fouisseurs, ils se rapprochent beau- 
coup par leurs habitudes des rongeurs talpiformes. La 
température du corps de ces animaux est assez élevée ; 
d’après les observations de M. Martins, elle n’est pas 
moindre, en terme moyen, de + 39°, 5. Les femelles 
ont huit mamelles, et portent de cinq à neuf petits. 
Le dernier de ces deux nombres paraît le plus cons- 
tant, quoique M. Martins n'ait trouvé que cinq fœtus 
dans celles qu'il a ouvertes : du reste, les lemmings 
paraissent avoir deux portées, l’une en juillet et l’au- 
tre en octobre. 

Probablement cette grande fécondité, et un instinct 
naturel auquel ces quadrupèdes ne peuvent résister, 
sont la cause des voyages auxquels ils se livrent 
toutes les fois qu'une excessive multiplication les y 
contraint. Sans doute les pressentiments d’un hiver 
rigoureux, ou le manque de nourriture, peut bien 
pousser certains individus à changer de canton; mais 
ces transports accidentels d’un lieu à un autre ne 
sauraient être assimilés à ces voyages entrepris par 
la population entière, et malgré tous les dangers qui 
la menacent. On ne saurait assigner à des actes aussi 
extraordinaires des motifs aussi légers. On ne peut 
guére les expliquer avec quelque vraisemblance que 
par un instinct aveugle partagé par (ous. Cet instinct 


— AT — 


les porte à traverser de grandes distances, sans s’em- 
barrasser des obstacles ni des dangers qui pourront 
s'opposer à l’accomplissement de leurs desseins. 

Sans doute l'instinct qui pousse ces animaux à se 
déplacer pour aller mourir de faim, de fatigue, ou 
de la dent cruelle des carnassiers, sur les plages in- 
hospitalières d’un pays inconnu, peut paraitre bien 
extraordinairé, et contre l'intérêt de ceux qui ne sa- 
vent y résister. Cette dure condition, inexplicable au 
premier apercu, tient néanmoins à la police de la na- 
ture et à l'harmonie qu’elle doit maintenir entre le 
nombre et les justes proportions des espèces ani- 
males. Si elle a placé un pareil instinct dans le cer- 
veau des lemmings, comme de tant d’autres animaux, 
ne serait-ce pas pour mettre un obstacle et un contre- 
poids à leur trop grande multiplication. Sous ce 
point de vue, les carnivores ont aussi leur utilité ; 
ils empêchent, par leur action constante sur les her- 
bivores, les inconvénients qui seraient résultés de 
leur excessive fécondité. 

Il ne faut pas croire pourtant que les migraticns 
aient généralement opéré la distribution que l’on 
reconnait aux races actuelles. En effet, l’ane, le che- 
val, le bœuf et Le coq, ne sont point venus en Europe, 
comme on l'a prétendu, des contrées centrales de 
l'Asie. Ces espèces, qui se trouvent dans nos climats, 


yontpris naissance et n y sont pas arrivées d’ailleurs ; 


Le ne — 


ce n'est pas parce qu'elles ont subi l'influence de 


l’homme, où par suite de leur instinct, qui les y a 


amenées, qu'on les y rencontre. Leurs restes, ense- 
velis dans les limons des cavernes à ossements du midi 
de la France, déposent assez le contraire (4); ces dé- 
bris annoncent, d’une manière irrécusable, que la vé- 
ritable patrie de tous ces animaux est aussi bien dans 
nos régions que dans les plaines et les montagnes de 
l'Asie, où la plupart existent encore à l’état sauvage. 

On peut en dire autant du chien, dont les restes se 
rencontrent, comme ceux des espèces que nous venons 
de mentionner, dans les contrées méridionales et 
dans les mêmes circonstances. Probablement de ces 
chiens humatiles sont provenues toutes les races qui 
abondent parmi nous, et non d’une espèce asiatique, 
que l’on a supposé trop facilement en avoir été la 
source et l’origine. 

Ces espèces sont loin d’être dans nos contrées 
comme les chevaux et les bœufs que nous avons trans- 
portés avec nous en Amérique et en Australie. Elles 
s’y trouvent, parce qu’elles y avaient vécu lors des 


(1) Ces animaux, surtout le cheval, ont de lout temps vécu en Europe ; 
car non-seulement leurs débris sont amoncelés en nombre immense dans 
les cavités souterraines, mais ils se trouvext dans les terrains tertiaires 


marins supérieurs dans un grand nombre de localités. 


_ 


= rhgye. 


derniers temps géologiques. Sous le rapport de leurs 
habitations actuelles, elles n’ont rien decommun avec 
les rats, les surmulots, les souris et la blatte orien- 
tale , qui se montrent maintenant partout où l’homme 
a porté ses pas. On peut encore moins les considérer 
comme le résultat des migrations qu’elles auraient pu 
opérer par suite de cet instinct si généralement ré- 
pandu chez les animaux. 

Les loups et les renards, les espèces terrestres les 
plus répandues, puisqu'ils habitent depuis la zone 
torride jusqu'à la zone glaciale, n’en voyagent pas 
moins. À la vérité, leurs excursions, ou, 5i l’on veut, 
leurs passages sont toujours accidentels. Ils sont tou- 
jours déterminés par des circonstances particuliéres , 
dont il est facile de reconnaitre l’influence. 

Tels sont ceux qui, au dire de Raoul Glaber, eu- 
rent lieu en 1033, par suite de la famine et de la 
peste qui désolérent la France à cette époque, allé- 
chés qu'ils étaient par le nombre des cadavres laissés 
sur le sol sans sépulture. T'unc e cadaveribus mor- 
tuorum passim præ multitudine sepultur& caren- 
tibus lupi adescati post longum tempus predam ce- 
pere ex hominibus (Glaber Rodulph. ist. 1v, 4). 

De pareilles circonstances paraissent s’être repro- 
duites à diverses époques. On a vu souvent des loups 
se réunir en grandes troupes et désoler les campagnes 


fort loin des lieux de leur départ. Ainsi, dans l'hiver 
4 


DS 


rigoureux de 4818 , les départements de la Drôme et 
de l'Isère furent en quelque sorte inondés de loups. 
Ils parcouraient les campagnes en nombre fort eonsi- 
dérable, et donnaient l’épouvante à toutes les popu- 
lations. 

Ces animaux, qui avaient tous quitté les montagnes 
et les forêts, causérent de grands ravages dans les 
plaines qu'ils parcoururent. Les passages ou les dé- 
placements de carnassiers aussi redoutés, quelque 
curieux qu'ils soient, n’ont cependant rien de com- 
mun avec les voyages accidentels des oiseaux et des 
poissons. Malgré leurs irrégularités , ceux-ci ont des 
retours assez fréquents, pour ne pouvoir pas être as- 
similés à des excursions aussi incertaines que celles 
dont nous nous occupons. 

Si nous avons parlé de ces déplacements de loups, 
c’est afin de ne rien omettre de ce qui a quelque rap- 
port avec le phénomène des migrations, d'autant 
qu'ils se lient avec les faits suivants. 

D’après Apollinarius Sidonaris, l'institution des 
Rogations, due à saint Mamert, évêque de Vienne, 
aurait été déterminée en partie par les ravages que 
des troupes immenses de loups affamés faisaient en 
Dauphiné. Les cerfs oubliaient leur timidité naturelle ; 
effrayés autant que les hommes, ils venaïent chercher 
un asile auprès des habitations et jusque sur les 
places publiques. Nunc stupenda foro cubilia collo- 


En. Ne 


cabat audacium pavenda mansuetudo cervorum 
(Apollin. Sidon. Epist. vir, 1). 

Sans doute ces événements qui se passaient en Dau- 
phiné en 448, époque de l'institution des Rogations, 
ne se renouvellent presque plus de nos jours par suite 
de l'accroissement de la population. L'homme y a 
mis obstacle en empêchant la multiplication des ani- 
maux nuisibles ; mais ils n’en sont pas moins curieux 
à recueillir. Ils prouvent que les loups se livrent aussi, 
dans certaines circonstances, à des passages acciden- 
tels, ce qui résulte encore des faits qui se sont passés 
dans les mêmes cantons du Dauphiné en 1818. 

On peut en dire de même des excursions de ces 
troupeaux de loups qui, dans le mois d’août 1842, ont 
désolé les communes d’Yville, d’Anneville et de Ber- 
ville, en Normandie. Ces animaux paraïssaient pro- 
venir de la forêt de Manny. Leur nombre était si 
considérable, et leur voracité si grande, qu'ils cau- 
sérent de grands ravages dans toutes ces communes ; 
ils y dévorèrent une immense quantité de bestiaux. 
La présence des hommes ne les effrayait pas : ces 
loups luttaient et s’élançaient même sur eux, lors- 
qu'on voulait les empêcher d’emporter la proie dont 
ils s'étaient emparés. 

Les mammifères dont nous venons denous occuper 
sont lom d’être les seuls qui se livrent à de longs 
voyages. Si nous devons ajouter foi aux observations 


LERAR — 
UNIVERSITY 0€ HLLISOSS 


2e) Ok 2 


de M. Ogilby (Mammalogy of the Himalaya), les 
singes qui habitent le Bengale et les provinces septen- 
trionales de l'Inde anglaise se livreraient également, 
à de certaines époques de l’année, à d’assez longues 
excursions. Ces animaux sont bornés à deux espèces : 
l’entelle (semmopithecus entellus) et le rhesus (ma- 
cacus rhesus). 

Les singes paraissent s'élever pendant les grandes 
chaleurs sur les montagnes de l'Himalaya à une hau- 
teur fort considérable. Ils redescendent ensuite dans 
les plaines au commencement de la saison rigoureuse. 
Leurs excursions, qui sembleraient avoir une certaine 
périodicité, ont un assez grand intérêt dans l’histoire 
de ces animaux. C’est du moins le seul exemple de 
ce genre qui ait été signalé jusqu’à présent parmi ceux 
de cette grande tribu. Il peut avoir une certaine va- 
leur en géologie, puisque l’on présume pouvoir juger 
du climat et de la température de l’Europe durant la 
période tertiaire, par la présence, dans les terrains de 
cette époque, des os fossiles de gibbons et de maca- 
ques. Les débris de ces quadrumanes s’y trouvent as- 
sociés à des pachydermes et à d’autres animaux des 
latitudes tropicales. 

L’entelle, appelé /ungour par les habitants des 
hautes montagnes de l’Inde, se voit quelquefois à une 
élévation de 3,000 à 4,000 mètres. On le rencontre 


dans les forêts de pins desenvirons de Chour, et mème 


— 09 —— 


jusqu’à la région des neiges perpétuelles. Cette es- 
pèce paraît assez robuste pour franchir ces monta- 
gnes. Ce fait a été confirmé par Trall et plusieurs au- 
tres voyageurs. Aussi Turner assure avoir vu une 
grande troupe de ces singes dans le Boutan, où ils 
jouissent de la part des habitants de la même véné- 
ration qui leur est accordée par les Hindous. Le doc- 
teur Boyle a trouvé l’entelle très-communément aux 
environs du Hurdwar en avril, et à Tuen et Manna, 
à 3,000 mètres d’élévation, vers le commencement 
d'avril ou à la fin de mai. Ces déplacements, quelque 
remarquables qu’ils soient, ne sauraient être comparés 
au phénomène des migrations; tout au plus peuvent- 
ils l'être aux passages auxquels se livrent une foule 
d'oiseaux et de poissons. 

Ils n’en présentent pas moins un véritable intérêt ; 
ils annoncent que les habitudes voyageuses sont plus 
communes et plus répandues chez les mammiféres 
qu'on ne serait tenté de le supposer. Peut-être, par 
suite de ce penchant naturel aux animaux, le tigre 
royal ( felis tigris ), qui vit en Asie depuis l'extrémité 
de l’Indostan jusqu'aux steppes des Kirghises sur un 
espace de 40° de latitude, prolonge de temps en temps 
et en été ses incursions cent lieues plus au nord. Il 
reste à savoir si ce carnassier exécute ces voyages avec 
une certaine régularité, ou si, au contraire, ils sont 


tout à fait accidentels. Ces excursions dénotent chez 


a — 


eux une faculté instinctive analogue à celle qui est si 
développée chez les oiseaux et les poissons. 

Des motifs non moins impérieux portent les ours 
blancs (uwrsus maritimus), qui habitent les contrées 
les plus septentrionales du globe, principalement les 
terres voisines du cercle polaire, à quitter ces froïdes 
régions. Ces animaux les abandonnent pour aller cher- 
cherailleursune nourriture que leur terre leur refusait. 
Pressés par la faim, les ours blancs se jettent à la mer 
en troupes nombreuses. Ils franchissent souvent plus 
de soixante lieues, plongent avec une étonnantefacilité, 
et poursuivent sans relâche les poissons, les phoques 
et les cétacés. Ils abordent ainsi dans quelqueile dé- 
serte, plus ou moins éloignéedes lieux qu’ils habitaient 
primitivement et y demeurent tant qu’ils trouvent à 
y satisfaire leur voracité et leurs appétits. 

Ces voyages, évidemment forcés, ne sauraient être 
comparés aux passages des animaux voyageurs et en- 
core moins à leurs migrations. On assure que plu- 
sieurs de ces ours affamés arrivent quelquefois 
portés sur des glacons flottants jusque sur les côtes 
de l'Islande ou de la Norwége. Ce fait, füt-il exact, 
ne change en rien les motifs qui les ont portés à aban- 
donner des lieux où ils ne trouvaient plus les racines, 
les bourgeons, les fruits, les bois, ni les animaux 
herbivores propres à assouvir leurs appétits gloutons. 

Il parait qu’en 1812 des troupes considérables 


 - 


d'ours, chassés des lieux qu'ils habitaient primitive- 
ment par le défaut de nourriture, se répandirent 
dans diverses provinces de la Russie. Ce rassem- 
blement, tout à fait accidentel, ne peut être com- 
paré aux excursions plus ou moins régulières des 
animaux, et particulièrement des poissons et des 
oiseaux. 

D'un autre côté, on voit dans les temps de séche- 
resse des troupes de dix et même de cinquante mille 
antilopes à bourses (antilope euchore) arriver de l’in- 
térieur de l’Afrique dans les environs du Cap, escor- 
tées de lions, d’hyènes et de léopards. Ces animaux 
marchenten colonnes serrées, précédées par une avant- 
sarde qui est toujours dans un état d’embonpoint 
particulier. Le corps d'armée est moins bien nourri, 
et l’arrière-garde est maigre, parce que les pâturages 
disparaissent dès les premiers rangs. Les derniers 
sont obligés de déterrer les racines pour ne pas mou- 
rir de faim. Au retour, l’arrière-garde engraisse parce 
qu’elle part la première, tandis que l’avant-sarde, qui 
a pris cette fois le rôle inverse, maigrit au contraire, 
ne trouvant plus rien à manger lors de son passage, 
les premiers ayant tout dévoré. 

Ainsi réunis en grandes troupes, rien n’effraye plus 
ces antilopes naguère si timides. Lorsque quelque 
danger les menace, ces animaux se pressent les uns 
contre les autres, forment un grand cercle, et présen- 


Ë = 


ot 


— 


tent leurs cornes à ceux qui tentent de les assaillir. 
Ils savent même parer avec beaucoup d'adresse les 
coups de pierre qu'on leur lance afin de désorganiser 
leurs bataillons et de s'emparer de quelques - uns 
d’entre eux. 

On assure que ces animaux présagent le mauvais 
temps par leurs bonds et leurs sauts plus fréquents 
alors qu’à l'ordinaire. Les gazelles (antilope dorcas) 
ont à peu près les mêmes habitudes que les antilopes 
à bourses. Elles se répandent également en trou- 
pes innombrables depuis l'Arabie jusqu’au Sénégal ; 
elles sont souvent dans leurs excursions la pâture des 
lions et des panthères. IL est facile de saisir le but qui 
porte ces cerfs à entreprendre ces voyages ; c’est pres- 
que toujours le besoin d’une nourriture appropriée à 
leurs conditions d'existence ou celui de l’eau qui leur 
manque dans les lieux qu'ils habitent, ou toute autre 
circonstance du même genre. 

Si,malgré tous les efforts de l’homme, certaines espé- 
ces ne quittent jamais les lieux qui les ont vues naïtre, 
d’autres, au contraire, l’ont suivi partout. Parmi ces 
derniéres, on peut citer le rat domestique (mus rattus 
Linn.). Les navigateurs qui, sous la direction de l’in- 
fortuné Dumont-d’Urville, ont fait avec lui le tour du 
globe (du 7 septembre 1837 au 6 novembre 1840), ont 
retrouvé cette espèce dans toutes les parties du monde. 
Ce n’est point par suite des migrations qu'elle est si 


acte = 


répandue, mais uniquement par l'effet de l'influence 
de l’homme sur la répartition des animaux. 

Des causes du même genre ont rendu parmi nous 
le surmulot (mus decumanus Pallas), plus commun 
que le rat ordinaire. La première de ces espèces n’est 
arrivée cependant en Europe que dans le xvm°siécle. 
Quoique le rat lui soit de beaucoup antérieur, le sur- 
mulot y est néanmoins le plus abondant. Ces deux 
rats paraissent originaires d'Orient ; mais, par suite 
de la navigation, ils ont été transportés avec les sou- 
ris dans toutes les régions et presque dans toutes les 
iles. 

Nous avons surtout entrainé avec nous les espèces 
qui peuvent nous être utiles. Ainsi le cochon, dont 
nous tirons un si grand parti pour notre nourriture, 
s’est extrêmement multiplié dans toutes les iles de 
l'Océanie ; il y est généralement répandu. Cette action 
s'exerce aussi dans un sens tout à fait contraire. Du 
moins les compagnons du navigateur que nous venons 
de citer, embarqués avec lui sur les corvettes l’Astro- 
labe et la Zélée, furent surpris de découvrir, auprés de 
l'ile de Touwarioro des Anglais, un immense et sineu- 
lier ossuaire , entièrement formé d’ossements et sur- 
tout de crânes de dugongs, empilés en forme de tro- 
phée. Ces ossements se rapportaient aux dugongs, que 
l'homme à successivement repoussés des mers de 
l'ile de France. Leguat les avait vus, de son temps, 


NET" VE 


en grande abondance près des côtes de Sumatra; ils 
lui avaient paru également fort communs à Marsden ; 
à présent 1l en existe à peine dans ces régions. 

Les dugongs ont fui devant l’homme; ils sont ve- 
nus s’accumuler dans le détroit de Torres, qui est fort 
peu visité par les navigateurs. Ce qui est arrivé de 
nos jours à cette espèce s’est manifesté depuis long- 
temps relativement à une foule d’autres animaux. 
Ainsi l’homme a refoulé les grands cétacés vers les 
régions polaires, et il menace encore leur existence 
jusque dans ces régions glacées. Cependant, au temps 
de Juvénal, ces mammifères marins, les colosses de 
la nature vivante, se trouvaient en foule jusque sur 
les côtes de la Manche; on n’y en voit presque plus 
aujourd’hui. 

L'homme, qui étend et multiplie sans cesse les es- 
pèces qu’il a soumises, tend également à détruire 
celles sur lesquelles il parait sans action, quoiqu'il 
sache en tirer parti. Les animaux et particulièrement 
les baleines et les cachalots redoutent beaucoup no- 
tre présence, et à l’approche des vaisseaux ils s’en- 
fuient avec une si grande vitesse, qu'il est souvent 
difficile de les saisir dans les mers où ils sont encore 
en grande abondance. 

L'homme n’exerce pas seulement son influence sur 
les divers animaux ; il agit lui-même sur sa propre 
espèce. En effet, les races civilisées profitent du dé- 


rt gigi 


veloppement de leur intelligence et de leur supério- 
rité pour anéantir les races sauvages. Un exemple 
frappant de cette influence puissante nous est fourni 
par les habitants de la terre de Van-Diémen. L’inva- 
sion des Européens qui s'étendent de jour en jour 
et de toutes les manières possibles dans les iles et les 
continents de la mer du Sud a extrêmement diminué le 
nombre des naturels de cette contrée, du reste peu 
fortunée. 

En effet, d’après M. Dumontier qui s’est occupé avec 
le plus grand soin à recueillir les données relatives 
aux races humaines, dans le voyage de circumnaviga- 
tion de l’Æstrolabe et la Zélée , i n'existe plus que 
quarante naturels dans la grande ile de Van-Diémen. 
On les a déportés dans l’ile Flinders, et une seule nais- 
sance a eu lieu en 4840 chez ces naturels. Seize an- 
nées ont sufli pour produire un pareil résultat, et sans 
que d’autres causes que celles des changements dans 
les habitudes de ces sauvages aient agi sur leur mo- 
ral comme sur leur physique. 

La même ile comptait cependant en 4824, trois cent 
quarante indigènes, dont cent quatre-vingts hommes 
et cent soixante femmes ; mais en 1840 il n’y en avait 
plus que quarante, parmi lesquels ii n’existait qu’une 
seule femme. Tel est l’effet de l’homme sur l’homme; 


il est assez sensible pour saisir toute l’influence que 
la civilisation peut exercer sur la répartition des es- 


= 6 = 


pèces à la surface du globe. C’est elle qui, pour un 
très-grand nombre d'espèces vivantes, a changé presque 
entiérement leur distribution primitive. En effet, son 
action constante tend à détruire certaines races, à en 
multiplier d’autres, et enfin à modifier d’une manière 
plus ou moins marquée l’ordre et l'harmonie pre- 
miére des choses créées. 


IT. Des migrations des mammifères marins ou des cétacés. 


Les mammifères marins qui ont tant de rapports 
avec les poissons, en ont malgré leurs lourdes masses 
toute l’agilité ; aussi, à raison de cette circonstance, 
ils se livrent, comme les premiers de ces animaux, à 
des migrations plus ou moins étendues. En général, 
réunis en grande troupe, les cétacés parcourent les 
mers les moins fréquentées. La puissance de l'homme 
a refoulé vers les régions polaires les plus grands 
mammifères marins, tels que les baleines, les cacha- 
lots et une foule d’autres espèces. Ces animaux ne 
viennent plus que très-accidentellement sur les côtes 
de la Manche, et encore moins dans la Méditerranée, 
mers qu’au dire de Juvénal ils fréquentaient de son 
temps. 

Avant de suivre dans leurs migrations lointaines 
les oiseaux les plus agiles des animaux vertébrés, 


voyons si quelques mammifères marins ne feraient 


ro: 


pas aussi de longs voyages à des époques plus ou 
moins fixes. On se tromperait grandement, si l’on 
supposait qu’à raison de leur pesanteur et de leur 
grand volume les cétacés ne doivent pas se transpor- 
ter à de grandes distances : les faits démontrent le 
contraire, et leur agilité en rend facilement raison. 
Leurs conditions d’existence exigent souvent ces 
longues migrations, et leur organisation leur permet 
d'y satisfaire. 

Du reste, l’influence d’unetempérature trop chaude 
ou trop froide, le besoin de sécurité ou d’une nourri- 
ture plus abondante que ceile qu'ils trouvent dans 
leur patrie primitive, semblent les causes do- 
minantes des excursions plus ou moins lointaines 
des cétacés. 

Ainsi, le lamantin quitte à une certaine époque de 
l’année le sein de l'Océan, c’est-à-dire vers la fin de 
l'hiver. 11 va chercher dans les lacs de l'Orénoque la 
nourriture qu'il ne trouvait plus dans le sein des 
mers. Lorsque, par suite de circonstances particu- 
lières, ces lacs viennent à se dessécher, plusieurs mil- 
liers de ces animaux succombent et meurent, faute 
de pouvoir ou de savoir en sortir. Les céfacés se livrent 
à des courses si considérables que la Condamine as- 
sure en avoir rencontré dans plusieurs rivières des 
côtes de la Guyane, ainsi que dans celles qui se jettent 


dans l’Amazone et dans ce fleuve même, à plus de 


mille lieues au-dessus de son embouchure (1). 11 pa- 
rait que les lamantins s’avancent également dans le 
fleuve Niger ou du Sénévpal, trés-loin de son em- 
bouchure. 

De pareilles habitudes se remarquent également 
chez le dauphin vulgaire (delphinus delphis). On 
rencontre à la fois cette derniére espèce dans la Mé- 
diterranée, l'Océan, les mers du Nord et celles qui se 
rapprochent de l’équateur. On ne voit pas que dans 
cet immense intervalle le dauphin éprouve les plus 
légères variations, même en les comparant avec 
les fisgures que les anciens nous en ont laissées sur 
leurs monuments. Lorsque ces animaux voyagent, 
c'est toujours en troupes nombreuses. Ils suivent 
volontiers les vaisseaux, et luttent en quelque sorte 
de vitesse avec les meilleurs voiliers. Les dauphins 
vulgaires ne se montrent guère sur les côtes du midi 
de la France que pendant le printemps et l'été : plus 
tard ils nous quittent entiérement. Il doit en être de 
même des autres espèces de dauphins : du moins on 
découvre le nesarnak (delphis turdo), qui habite or- 
dinairement l'Océan dans le voisinage de l’Europe, 
fort avant dans les mers du Nord. D’un autre côté, le 
daüphin de Desmarest (delphinus Desmareti Risso) 


(1) Voyage à la rivière des Amazones, pag. 154. 


te D ia 

doit nécessairement voyager, puisqu'on ne le voit sur 
les côtes de la Méditerranée qu’à deux époques diffé- 
rentes , au printemps et en automne, surtout en mars 
et en septembre. 

Parmi les espèces de cétacés, qui ont l'humeur la 
plus décidément voyageuse, on peut citer au premier 
rang le marsouin commun (phocæna communis ). 
Ces mammifères marins se rencontrent à la fois dans 
les mers du Nord et dans nos mers, soit dans l'Océan, 
soit dans la Méditerranée. On les voit nager à la 
surface des flots en troupes extrêmement nombreuses. 
Ces animaux se plaisent à Jouer entre eux, et les 
plus grandes tempêtes ne les en empêchent pas. Ils 
remontent même parfois les fleuves et les rivières. 
Aussi, n'est-il pas rare d’en voir dans la Seine à 
Rouen, et jusqu’à Paris, ainsi que dans la Loire à 
Nantes, et dans la Gironde à Bordeaux. 

Les migrations des marsouins paraissent aussi pé- 
riodiques que celles de certaines espèces d'oiseaux. 
On les voit s’avancer constamment dans les saisons 
froides du nord au midi, et du midi au nord, lors- 
que l’été fait sentir son imfluence. Aussi les mar- 
souins sont communs en été dans le Groënland , tan- 
dis que pour lors ils sont fort rares sur nos côtes, où 
ils abondent au contraire en hiver, et même jusqu’à 
un certain point au printemps et en automne, du 
moins dans la Méditerranée. 


EN (US 


Les autres espèces de marsouins semblent beaucoup 
plus sédentaires que l'espèce commune. Ainsi l’épau- 
lard (phocæna orca), comme les baleines, est tout à 
fait relégué dans les mers du Nord, peut-être par 
suite de l'influence de l'homme. D’un autre côté, le 
beluga (phocœna leucus) se trouve à peu près uni- 
quement sur tous les rivages de l’océan Arctique, 
vers l’extrémité orientale de la Sibérie, surtout aux 
embouchures des fleuves riches en poissons. Cette es- 
pèce ne parait pas descendre au delà du 80: degré de 
latitude australe. Elle n’en remonte pas moins fort 
avant dans les rivières, suivant les gros poissons, 
particuliérement les saumons, dont il se nourrit lors 
de ses migrations. 

Quant aux cétacés , dont nous ne pouvons embras- 
ser l’étendue d’un regard , les cachalots, les rorquals 
et les baleines, ils semblent moins voyager que les 
espèces dont nous venons de nous occuper. Leurs di- 
mensions et la crainte de l’homme les ont forcés de se 
restreindre dans leurs habitations , et ent relégué la 
plupart de leurs espèces dans les mers polaires. Ce- 
pendant les cachalots se trouvent aussi bien dans la 
Méditerranée que dans l’Océan, quoiqu'ils atteignent 
jusqu’à cinquante et soixante pieds de longueur, et 
même, suivant certains observateurs, de quatre-vingts 
à cent pieds. Cette double habitation annonce que ces 


animaux se livrent aussi à des migrations. Rares 


16 — 


maintenant dans la Méditerranée, où ils sont connus 
sous les noms de campidoglio et de peis mular, ils 
paraissent en quelque sorte relégués dans l'océan 
Austral, c’est-a-dire, vers les mers du Sud et dans 
l'océan Pacifique. Ce qui prouve que leur instinct les 
porte à se livrer à des migrations analogues à celles 
des autres espèces de cétacés, c’est que jadis ils étaient 
moins rares dans les mers du Nord que de nos jours. 
Ils voyagent du reste en troupes nombreuses, poursui- 
vant les plus gros poissons, tels que le requin, le lump, 
les dauphins, les phoques et mème les petites baleines. 
Nous ignorons si les rorquals, dont les dimensions 
égalent celles des cachalots, puisqu'on a rencontré 
des jubartes de soixante-dix à quatre-vingts pieds, se 
livrent à des voyages, ou si les espèces de ce genre 
sont tout à fait sédentaires. Probablement les rorquals 
qui vivent ordinairement dans les profondeurs des 
mers, et qui ne s’approchent jamais des rivages, ont 
aussi leurs époques de passage. Quant aux baleines 
franches , leurs habitudes ont été teilement modifiées 
par notre influence, qu'il est presque impossible de 
reconnaitre aujourd'hui leurs penchants primitifs. 
Ces animaux vivent maintenant réunis par paires, 
dans les mers du pôle boréal, où ils sont confinés. Ils 
ont fui devant nous; ils se sont réfugiés à l'abri des 
glaces du Groënland et du Spitzberg, dans le détroit 
de Davis, la baie de Baflin , et sans doute dans toutes 


ou 


ES, de 


les mers qui couvrent le globe, au nord du cercle po- 
laire. C’est là que nous sommes forcés d’aller les 
chercher, et de triompher de ces animaux aussi bien 
que des glaces, entre les masses desquelles ils se 
tiennent constamment. On ne les voit plus descendre 
aujourd’hui vers le Midi, où ils se montraient pour- 
tant dans les temps anciens. Il n’en parait non plus 
maintenant sur nos côtes, et la mer n’y en apporte 
plus les débris. À quoi donc pourrait-on attribuer un 
pareil changement, si ce n’est à notre influence. Nous 
les avons repoussés, pour ainsi dire, des mers où nous 
naviguons ordinairement vers celles dont le voyageur 
n’approche pas sans effroi. 

Serait-ce par suite des migrations, que des del- 
phinorhinques (mammifères marins de l’ordre des 
herbivores ou des cétacés ordinaires) auraient été 
aperçus par M. d'Orbigny dans les rivières de l’'Amé- 
rique méridionale. On pourrait le supposer d’après 
le genre de station général à cet ordre d’animaux, si 
M. d'Orbigny, à qui nous devons la connaissance de 
ce fait intéressant, n’avait fait observer que cette es- 
pèce était tout à fait nouvelle pour la science. Dés 
lors, on peut tout aussi bien admettre une pareille 
exception que la rejeter; on peut donc continuer 
à considérer les mers comme la seule station conve- 
nable pour des animaux d’une aussi grande taille que 
le sont le plus généralement les cétacés. 


ne PR de 


CHAPITRE II. 


DES MIGRATIONS DES OISEAUX. 


I. Des causes des migrations des oiseaux. 


Le besoin d’une nourriture abondante, une des 
principales causes des migrations irrégulières des in- 
sectes, parait ne pas être sans quelque influence sur 
les passages de certaines espèces d'oiseaux. On con- 
coit que les races insectivores qui habitent les pays 
tempérés ne peuvent y demeurer pendant l'hiver sans 
s’exposer à périr de faim. Pour échapper à un aussi 
triste avenir, ces espèces abandonnent les lieux où 
naguère elles trouvaient à remplir leurs conditions 
d'existence. Elles vont chercher ailleurs ce qu’elles 
ne peuvent plus espérer de rencontrer dans les lieux 
de leur naissance. 

Cependant, tandis que les becs-fins {principale- 
ment les sylvia nattererii et suecica Temm.), les 
rossignols, les fauvettes et une foule d’autres oi- 
seaux nous quittent l'hiver; par suite peut-être de 
cette cause, d’autres espéces vieñnent nous con- 
soler de leur absence. Ainsi les troglodytes, les 


68 — 


rouges-gorges (sylvia rubecula Temm.), les becs-fins 
véloce et mélanocéphale (sylvia melunocephala et 
ruja Temm.), le roitelet à triple bandeau (regulus 
ignicapillus Temm.) trouvent, l’hiver dans nos 
champs, assez de petits insectes pour substanter leur 
frêle organisation, nourriture qui ne peut suffire aux 
premiers. 

Le besoin d’une alimentation convenable se lie avec 
les variations de la température pour déterminer cer- 
taines espèces d'oiseaux à se transporter d’un climat 
dans un autre. En effet, une multitude d’espèces, après 
avoir passé le printemps et l’été dans les climats mé- 
ridionaux, s’en éloignent vers la fin de l’automne ct 
vont dans des contrées plus chaudes éprouver l’in- 
fluence d’une température qu'ils ne rencontrent plus 
dans les régions qu'ils habitaient primitivement. 
D’autres, qui vivent dans des contrées plus froides 
que les pays tempérés, fréquentent uniquement les 
côtes et les rivages du midi de la France. pendant 
l'hiver. Lorsque cette saison est passée, ils se réunis- 
sent de nouveau pour aller tous ensemble regagner 
les régions polaires. Ils espèrent y trouver une tem- 
pérature analogue à celle qu’ils viennent de quitter et 
plus de sécurité pour vaquer à leur reproduction. 

Les becs-croisés, parmi les passereaux, qui se nour- 
rissent de préférence des sommités des tiges des pins, 


et qui, à raison de cette circonstance, ont été nommés 


OU 


pinpiniers dans le midi de la France, nous donnent 
quelquefois de pareils exemples. On les voit nicher et 
se reproduire dans le nord de l’Europe dans la rude 
saison de l'hiver. Ils arrivent ensuite en été vers les 
régions méridionales et vers le cercle arctique. 

D’après la marche de la température à la surface 
terrestre, on conçoit pourquoi les migrations qui en 
dépendent sont si régulières que les oiseleurs dans 
certains cantons comptent sur le passage des becs- 
fins, comme sur le revenu d’une rente dont le terme 
échoit à chaque semestre. Ils calculent aussi d’avance 
l’époque et les chances de ce passage. L'époque pré- 
cise venue, ces oiseaux arrivent en bandes si nom- 
breuses et si serrées que la lumière en est pour ainsi 
dire interceptée. 

Cette cause n’influe pas toujours sur les migrations 
des oiseaux; car les espèces erratiques ne changent 
pas assez de latitude pour éprouver des variations no- 
tables dans le climat des nouvelles contrées où elles 
se rendent. D'un autre côté, l’époque des inondations 
ou du débordement périodique des fleuves de l'Amé- 
rique détermine les migrations des canards. On « 
cependant de la peine à se rendre compte, par l'effet 
de cette seule cause, des voyages si courts que l’on 
voit avoir lieu chez les alouettes, les merles et les lo- 
riots. Ainsi les premiers de ces passereaux arrivent 


en Hollande à trois époques différentes, éloignées au 


Er re 

plus les unes des autres de quinze à dix-huit jours. 
Cet espace de temps parait peu considérable pour 
que, dans ce faible intervalle, la température ait varié 
d’une manière sensible. 

Quant aux pinsons et à une foule d’autres espèces, 
rien n’est aussi régulier que leurs passages. Ils arri- 
vent constamment dans le midi de la France soit au 
15 octobre, soit vers le 15 du mois de novembre ou 
quelques jours du moins ayant la Toussaint, Une fois 
qu'ils se trouvent dans nos contrées, ils ne les quittent 
plus qu’au retour du printemps, c’est-à-dire vers le 
commencement du mois de mars. Les pinsons, comme 
certaines espèces d’alouettes, ne nichent jamais dans 
les contrées méridionales de la France. Les premiers 
n'y chantent même pas; ils semblent ne retrouver 
leurs voix que lorsqu'on les élève et qu’en les tenant 
dans des piéces échauffées, on leur distribue une nour- 
riture convenable et abondante. 

Quoique les pinsons ne nichent pas dans le midi de 
la France, il n’en est pas de même dans des contrées 
qui en sont peu éloignées, comme les environs de Lyon. 
Quant aux alouettes, ilarrive parfois qu’une variété on 
une espèce plus petite y niche. Cette variété est connue 
dans le midi sous le nom particulier d’alouette des 
palüs, ou de paludengue. 1] en est de même de cer- 
tains individus des cailles, qui, ne pouvant supporter 
les fatigues d’un long voyage, séjournent l'hiver dans 


BP, QE 


nos contrées méridionales et recoivent par suite le 
nom d’hivernenque. 

Ces faits et une foule d’autres prouvent combien 
les circonstances sous lesquelles se trouvent les oiseaux 
modifient leurs habitudes, même dans ce qu’elles 
semblent avoir de plus essentiel. Mais ce qu'elles ne 
paraissent pas avoir le pouvoir de faire, c’est de chan- 
ser les habitations que se sont choisies les espèces. 
Nous verrons plus tard, qu’il en est ainsi chez les pois- 
sons. On peut néanmoins citer parmi les oiseaux la 
calandre qui se trouve en assez grand nombre sur le 
littoral de la Méditerranée, et ne se retrouve pas dans 
les environs de Toulouse, quoique cette ville ne soit 
pas à une grande distance de cette mer. Du reste, 
d’après ce que nous avons déjà dit, on concoit que les 
alouettes, qui se montrent en si grand nombre dans 
les campagnes du midi de la France, en disparaissent 
totalement au printemps pour n’y revenir que vers la 
fin de l’automne. 

Les provinces méridionales de la France se font re- 
marquer par le petit nombre d’espèces qui y nichent 
habituellement. La plupart des oiseaux que l’on y 
rencontre sont de passage. Pour en donner un exem- 
ple, nous dirons que sur trois cent trente ou trois cent 
cinquante espèces au plus qui fréquentent ces contrées, 
à peine sur ce nombre yen a-t-il soixante qui y fassent 
leurs nids. Parmi celles-ci, on ne peut guère citer des 


LAS (6 Vino 


oiseaux de proie, si ce n’est quelques espèces noctur- 
nes du genre des hiboux et, parmi les diurnes, les 
cathartes et quelques faucons. 

C’est surtout parmi les passereaux de l’ordre des 
insectivores que se trouvent le plus grand nombre 
d'oiseaux qui font habituellement leurs nids dans le 
midi de la France. Tels sont particuliérement les 
fauvettes, les saxicoles, les pies-grièches, les ortolans, 
les bruants et les moineaux. On peut encore citer, 
parmi les gallinacés, les perdreaux et les cailles qui 
nichent constamment dans les provinces méridionales, 
tout comme les vanneaux, les avocettes et les fla- 
mants, parmi les échassiers. On peutencore signaler, 
parmi les palmipèdes, les monettes, les hirondelles 
de mer, les goëlans et le canard commun. 

Comment expliquer par le seul effet de la tempé- 
rature cette particularité que nous présente le pinson 
(fringilla cælebs) qui demeure en France et en Al- 
lemagne toute l’année, et se répand constamment aux 
mois d'octobre et de novembre en troupes innombra- 
bles en Hollande, où cependant il ne niche jamais ? 
Cet oiseau ne trouverait-il pas dans ce pays, pendant 
la belle saison, tout ce qui peut lui être néces- 
saire aussi bien qu’en Belgique, en Allemagne et en 
France ? 

Ces migrations, dont le but est si difficile à deviner, 
quoiqu'elles soient à peu près régulières et constantes, 


Lo 


sont ce que les chasseurs appellent le passage des 61- 
seaux. Ces passages durent plus ou moins longtemps, 
selon les espèces, dont plusieurs semblent se disperser 
en tribus qui partent aussi chacune à des époques 
différentes. 

Ils n’ont presque rien de commun avec les courses 
plus ou moins irrégulières auxquelles se livrent cer- 
taines espèces pour trouver ailleurs une tempéra- 
ture plus chaude et une nourriture plus abondante 
que celle qu’elles rencontrent dans les lieux de leur 
naissance. 

Ainsi, tandis que les alouettes, les pinsons et une 
foule d’autres espèces prennent leurs quartiers d'hi- 
ver dans les provinces méridionales de la France, 
d’autres, au contraire, y arrivent constamment au 
printemps. Elles y font leurs nids, et en repartent 
lorsque la ponte est opérée. Ges oiseaux nous quittent 
donc avant que les premiers nous arrivent, comme 
pour nous dédommager de la perte des seconds. 

D’autres espèces, qui habitent des pays plus chauds 
que les régions méridionales de la France, les quit- 
tent au printemps pour venir dans nos contrées où 
elles restent peu de temps. Les oiseaux qui offrent 
cette particularité sont tous de petites espèces; tel est le 
pipit à gorge rousse (anthus rufogularis Brisson). 
Quoique habitant la Syrie et l'Egypte, ce pipit nous 


arrive parfois au mois d'avril en petites troupes. Il 


mL — 


fait entendre un petit cri semblable à celui du pipit 
farlouse, dont il a le vol. Comme il demeure peu de 
temps dans nos contrées, on se demande quels peuvent 
être les motifs qui ont porté ces oiseaux à exécuter 
d’aussi longues courses. 

Ce pipit est encore venu nous visiter en 1842. 
Il à apparu dans le midi de la France comme 
les années précédentes, accompagné de sa femelle. 
Cette espèce ( anthus rufogularis Brisson } voyage 
donc par couple ; elle parait passer d’une manière ré- 
guliére dans les contrées méridionales, quoiqu elle 
n'ait été indiquée par aucun ornithologiste , comme 
propre à la France. Ce qui confirme cette supposition, 
c'est que depuis l’époque à laquelle il est arrivé parmi 
nous, M. Lebrun l’a constamment vu revenir, et déjà 
pendant trois années consécutives. Les observations 
qu’il a faites sur cet oiseau ne remontent pas au delà 
de l’année 1840. 

Les visites de cette espèce dans les contrées méri- 
dionales remontent probablement à une époque plus 
reculée. Si jusqu'à présent ses voyages sont restés 
inapercus, cette circonstance tient probablement aux 
petites dimensions de ce pipit qui en rendent l'ob- 
servation plus difficile. 

On ne saurait deviner les motifs qui les portent à 
se déplacer. La température ni le besoin d’une nour- 
riture abondante ne peuvent les y déterminer ; si ces 


petits oiseaux entreprennent d'aussi longs voyages, ils 
le font par suite d’un instinct naturel ou d’un penchant 
irrésistible qui les porte à changer constamment de 
climats. 

Cette humeur voyageuse est l'apanage de presque 
tous les pipits. Ainsi, le spioncelle (anthus aquaticus 
Vieïllot), trés-répandu dans toute l’Europe, pousse 
ses excursions jusqu’au Japon d’une part, etde l’autre, 
jusque dans l'Amérique méridionale. D’un autre côté, 
certaines espèces de ce genre ont deux époques de 
passage dans nos contrées. L’une au commencement 
d'avril, et l’autre vers les premiers jours du mois de 
septembre, ce qui prouve leurs habitudes coureuses. 
Elles sont encore confirmées par les mœurs d’autres 
espèces, dont les unes arrivent dans le Midi vers les 
premiers jours du mois d'octobre, y passent l'hiver, 
pour en repartir au printemps. Les autres, encore plus 
volages, arrivent vers les premiers beaux jours, pour 
n'y rester que quelques instants. 

De pareilles mœurs sont également communes à une 
infinité d'oiseaux, parmi lesquels nous citerons les 
alouettes, et particuliérement celle à hausse-col noir 
(alanda alpestrie Linn.). Cette espèce habite le nord 
de l’Europe , de l'Asie et de l'Amérique ; elle porte 
ses tribus en Allemagne, en Hollande, et quelquefois 
Jusque dans le midi de la France, où son apparition 
est tout à fait accidentelle. Quant aux autres espèces, 


00 — 


répandues pour la plupart dans toute l’Europe, elles 
traversent, à l’époque de leurs migrations, la Médi- 
terranée, se rendent en Syrie, en Egypte, en Morée, 
et enfin dans toute l'Afrique. L'époque de leurs pas- 
sages dure plus ou moins longtemps, quelquefois 
même jusqu'à vingt-cinq ou trente jours. Elle à 
lieu au commencement du printemps. Lorsque ces 
alouettes passent l'été dans nos régions, elles y ni- 
chent le plus ordinairement, et y veillent à l’éduca- 
tion de leurs petits. 

Le rollier vulgaire (coracias garrula Linn.) opère 
également deux passages accidentels dans le midi de 
la France, l’un en mai et l’autre en octobre. Cette es- 
pèce vit habituellement en Afrique, où elle fait son 
nid. Elle s’aventure quelquefois dans le nord de 
l’Europe, où elle est plus rare qu'ailleurs. L'Afrique 
est évalement la patrie du guêpier Savigny (merops 
Savigny ); il se répand dans la Nubie, l'Egypte ou le 
Sénégal. Cet oiseau s’égare néanmoins avec les autres 
guêpiers dans les contrées méridionales de la France, 
à la suite d’orages violents. Cette circonstance en 
amena deux individus, le 41 mai 1832, dans les en- 
virons de Montpellier (Hérault). Ils furent portés à 
M. Lebrun que nous avons eu l’occasion de citer. 

Nous avons déjà parlé des causes qui portent cer- 
tains oiseaux insectivores à aller chercher dans d’au- 


tres cantons un genre de nourriture qui leur manque 


ee L, = 


dans celui qu’ils abandonnent, mais nous avons omis 
de distinguer les espèces qui ont cette habitude, en in- 
sectivores proprement dits et en vermivores. Ces der- 
niers vivent à peu présuniquement de larves d'insectes 
et de petits vermisseaux. Aussi, dès que la sécheresse 
arrive ou que l’herbe est tellement épaisse qu'ils ne 
peuvent pas trouver avec facilité la nourriture qui 
leur convient, ces oiseaux nous quittent. Ils se retirent 
pour lors dans les marais ou les lieux humides, où ils 
peuvent encore rencontrer les vermisseaux qu'ils re- 
cherchent avec avidité. 

L'aspect qu’un soleil brülant donne pendant l’été 
aux campagnes du midi de la France semble les y 
déterminer, tout autant que le besoin de nourriture. 
Ainsi les rossignols habitent rarement les lieux 
incultes et arides. Il leur faut de la verdure et 
des arbres, et ils la recherchent jusqu’à ce qu'ils 
l’aient rencontrée. D'après cette circonstance, on est 
peu étonné de voir toutes ces espèces quitter le midi 
de la France dès que les arbres commencent à jaunir 
ct ont leurs feuilles flétries. Ils fuient d’autant plus 
vite vers des régions plus tempérées que les chaleurs 
de l'été ont été plus fortes et plus vives. Rien ne peut 
alors les retenir. Les mers ne sont point pour eux 
un obstacle qui puisse les empêcher d'abandonner au 
plus tôt un pays où ils ne peuvent plus trouver de quoi 


satisfaire aux exigences de leurs conditions d'existence. 


PRE > 


Ces causes ne sont pas sans influence sur les pas- 
sages accidentels des oiseaux; comme elles sont va- 
riables , elles exercent des effets fort inégaux sur le 
nombre des individus qui s’y livrent. Ainsi, plus la 
sécheresse est grande, plus les arbres sont dépouillés 
de verdure, plus les passages qui entraïnent les es- 
pèces ailleurs sont considérables. Dans le cas con- 
traire, un petit nombre d'individus se livrent à ces 
excursions qui n’ont rien de fixe ni de périodique. 

De même, les cailles quittent nos vignobles pen- 
dant l’été; elles vont se réfugier dans les lieux plus 
humides et plus ombragés des marais et des prairies 
rapprochées des étangs salés des bords de la Médi- 
terranée. Ces oiseaux y trouvent ce qu'ils recherchent 
singulièrement pendant l’été, la fraicheur et surtout 
l'humidité. 

Les oiseaux de proie, particulièrement les vau- 
tours, se donnent aussi le plaisir de voyager. Les deux 
espèces qui vivent en Europe quittent l'hiver cette 
contrée, pour aller passer cette saison, soit en Afri- 
que, particuliérement en Egypte ou en Turquie. Pro- 
bablementen raison de la température et de la grande 
quantité de nourriture dont usent ces oiseaux, ils 
sont généralement plus nombreux dans les contrées 
méridionales que dans les régions septentrionales. 

Le vautour griffon (vultur fulvus Temm.), dont 
l'habitation ordinaire dans le midi de la France est 


NU — 


dans les montagnes des Cévennes, est assez rare dans 
les environs dé Montpellier. On en a tué cependant 
un certain nombre depuis quelques années, presque 
toujours dans les mêmes lieux et à la même époque. 
C’est à peu près constamment du 15 au 50 mars 
qu’on les a rencontrés sur les bords du Vidourse, au 
lieu appelé vulgairement las Roquas. Cette localité 
serait-elle pour eux , comme un lieu de repos, une 
sorte de station ; car ces oiseaux se rendent des Alpes 
dans les Cévennes ou dans les Pyrénées. Peut - être 
est-ce un point où les males espèrent de rencon- 
trer les femelles qui leur manquent. Ce qu’il y a de 
certain, c'est que jusqu'à présent tous les individus 
qui y ont été pris se sont rapportés à de jeunes 
males. 

D'un autre côté, l’aigle Jean-le-blanc ( falco bra- 
chydactylus) passe en Provence en mars. C’est tou- 
jours vers le milieu de ce mois que cette espèce exé- 
cute ses voyages, qui durent environ de huit à dix 
jours. Ces oïseaux, remarquables par leur plumage, 
planent pour lors à des hauteurs prodigieuses. Les 
jeunes passent dans la première quinzaine d’avril; 
mais, après cette époque, on n'en voit plus, si ce 
n'est en septembre. Ils opèrent pour lors leur retour 
sans s'arrêter dans les contrées méridionales de la 
France. Il en est de même de l'oiseau Saint-Martin 
et du busard montagu, que l’on rencontre dans le 


MU 
Midi en avril et vers la fin du mois d'octobre, mais 
seulement comme des oiseaux de passage. 

L’émérillon (falco æsalon) arrive parmi nous vers 
le milieu du mois d'octobre, et demeure dans nos 
contrées pendant tout l'hiver, jusque vers la fin de 
mars. Il en est ainsi de la cresserelle, qui habite les 
contrées méridionales depuis le mois de septembre jus- 
qu’au mois de mars ; cette espèce les quitte cependant 
dés que les premiers beaux jours du printemps ont 
fait sentir leur douce influence. 

Le faucon à pieds rouges ( falco Kobez) arrive au 
contraire dans le Midi vers la fin de mai, c’est-à-dire 
à l’époque où les champs peuplés de grillons et d’in- 
sectes lui offrent en abondance une nourriture qu'il 
recherche avec avidité. Aussi peut-être est-ce faute 
de rencontrer cette nourriture qui lui convient que 
les passages de cette espèce ont si rarement lieu en 
automne. Quant à ceux des éperviers communs, ils 
sont moins réguliers. Ils commencent le plus ordi- 
nairement en septembre ou octobre et même parfois 
en novembre, selon la marche des saisons, L'époque 
de leur départ de nos contrées est d'autant plus re- 
tardée qu’ils y sont arrivés plus tard ; aussi les re- 
trouve-t-on souvent en avril et même jusqu’en mai. 
Enfin le scops ou petit duc (strix scops Temm.) est 
également trés-commun pendant tout le mois de mat, 
arrivant dans le midi de la France, du 5 au 6 avril; 


——, 


 — 
quelques individus y nichent et séjournent jusqu à 
la fin de septembre. 

Il est donc pour ces époques à peu près fixes des 
passages des oiseaux, comme pour tout ce qui tient 
aux habitudes des êtres, des conditions essentielles 
à leur manifestation. Ces conditions sont celles d’une 
organisation qui permette l’exécution prompte et fa- 
cile des mouvements. Cependant la longueur des 
voyages que les animaux et particulièrement les o1- 
seaux entreprennent n'est pas toujours en rapport 
avec la puissance du vol. 

On s'étonne peu que les hirondelles et les mar- 
nets, dont les mouvements sont si vifs, et pour ainsi 
dire continuels, franchissent des distances immen- 
ses ; mais on est surpris de voir les cailles, qui, 
comme la plupart des gallinacés, sont de mauvais 
voiliers, traverser cependant la Méditerranée, pour 
passer du midi de la France, de l'Espagne ou de 
l'Italie, en Afrique. D'un autre côté, les grèbes, dont 
les ailes sont en quelque sorte avortées, font dans 
l’intérieur desterres, d’un lac à un autre, des voyages 
assez considérables. À la vérité, ceux-ci peuvent se 
reposer sur leur route, ce que ne peuvent faire les 
cailles, qui, dans leurs longues traversées, parcou- 
rent aussi bien l’Océan que les mers intérieures. 

Aussi voyons-nous souvent sur les rivages de la 


Méditerranée un grand nombre de ces oiseaux, qui 
6 


ER ne 


y sont rejetés par le roulis des flots. Leurs cadavres 
ne témoignent que trop le malheureux sort de ces 
animaux, dont le vol n’a pas été assez puissant ni 
assez soutenu pour les faire arriver sur laterre ferme. 
Arrêtés et culbutés dans les eaux par la violence du 
vent ou des tempêtes, la nage n’a pas pu des empé- 
cher de subir leur triste sort. 

Le voyage des caïlles, dont les‘ailes sont si courtes 
et le vol si lourd, à travers l’immensité des mers, 
est un phénomène des plüs remarquables. On peut 
en dire autant de celui qu’exécutent tant de petits 
oiseaux qui quittent l’hiver les régions du Nord ;pour 
aller plus au midi, en traversant la vaste étendue de 
l'Océan. On ne peut pas douter que ces chétifs habi- 
tants des airs n’exécutent de fort longs voyages, 
puisqu'il est assez fréquent de les saisir au milieu de 
leurs courses, et avant qu'ils soient parvenus au 
terme de leurs excursions. 

Les uns et les autres le peuvent, parce que leur 
instinct les porte à attendre des semaines-entières le 
vent propre à favoriser leurs migrations. Dés que.ce 
vent souffle, ils en profitent de suite, et prennent néan- 
moins quelques instants de repos dans les iles, qui.se 
trouvent sur leur ‘passage. Aussi prend-on. des :mil- 
liers de ces'oiseaux dans les iles Joniennes et sur les 
côtes de l'Asie, au moment de leurs passages. Cette 


circonstance peut expliquer tout naturellement, ainsi 


= en 


que l’observe M. Brehm , comment les Hébreux pu- 
rent rencontrer, dans le désert, des troupes considé- 
rables de eailles. D'autres oiseaux, dont la puissance 
du vol parait encore au-dessous de celle que possèdent 
les cailles, ne se livrent pas moins à de longues mi- 
grations. Les poules d’eau, les rois des cailles, les 
rales d’eau et une foule d’autres espèces en sont des 
exemples assez connus, pour qu'il ne soit pas néces- 
saire d’insister plus longtemps à cet égard. Ces ani- 
maux usent pour lors de tous les moyens pour rem- 
plir une condition aussi essentielle à leur existence. 
Les uns font une partie du chemin à pied ou à 
la nage ; lorsque cet exercice a diminué leur embon- 
point, ils exécutent la fin de leur voyage en fendant 
les vastes plaines de l’air ; ils cherchent de préférence 
les lieux des mers du sein desquelles s'élèvent des 
iles ou des récifs, afin de pouvoir y prendre quelque 
repos. 

D'un autre côté, lorsque les oiseaux jugent que leur 
embonpoint les rendrait trop lourds pour s'élever 
dans les airs, ils ne quittent pas les lieux où ils se 
trouvent, surtout s'ils habitent des iles, n’osant pas 
se hasarder à traverser les mers à la nage. Quelques 
autres espèces, telles que le grand pingouin du Nord, 
qui ne peut guêre voler, les plongeons et plusieurs 
oiseaux analogues, n’abandonnent au contraire les 
régions septentrionales qu'ils habitent ordinairement, 


— SZ — 


qu'en voguant sur la surface des flots. Ainsi les uns 
et les autres semblent calculer, avec un instinct en 
quelque sorte merveilleux, les difficultés de leurs 
entreprises, et ils en triomphent toujours avec un égal 
bonheur. 

Malgré leurs ailes courtes et leur faible puissance 
de vol, les cailles n’exécutent pas moins de fort lon- 
gues migrations. Labillardière, dans son voyage à la 
recherche de Lapérouse, assure en avoir vu à la 
baie des Tempètes dans le continent de la Nouvelle- 
Hollande (1). D'un autre côté, ces oiseaux paraissent 
se rencontrer dans la Chine, où l’on en fait usage 
pour se tenir chaud, en les portant tout vivants dans 
les mains (2). Il n’est pas rare de rencontrer au milieu 
des mers des cailles si fatisuées , qu’elles se laissent 
tomber sur les bâtiments, et se laissent prendre avec 
facilité. Souvent des coups de vent violents les for- 
cent à s’abattre dans la mer. Il en périt beaucoup 
de cette manière, au dire de tous les navigateurs. 

Quels motifs puissants portent ces animaux, dont 
le vol est si lourd, et les forces en apparence si fai- 
bles, à entreprendre d’aussi longs voyages, et à les 
exécuter en troupes extrêmement nombreuses ? Elles 


(1) Tom. 1", pag. 177. 
(2) Voy. Osborn Iler, 190. 


N°. JA 


le sont tellement, que Pline, dans ses exagérations, a 
prétendu qu'il en venait un si grand nombre sur les 
navires, pour s’y reposer, que leur poids les faisait 
couler au fond des eaux. En faisant la part de cette 
exagération, pour ainsi dire puérile, il est certain que 
dans nos paragesles cailles (perdrix coturnix Term.) 
arrivent en quantité prodigieuse. Ainsi, d’après Martyn, 
Guide du voyageur en Italie, on en prend dans l'ile 
de Capri, autrefois Caprée, jusqu’à cent soixante mille 
par année (1).Ilen est de même à Malte, dans l’ile de 
Chypre, en Egypte et dans tout le Levant, où ces oi- 
seaux se trouvent en nombre réellement considérable. 

Est-ce la température ou le besoin d’une nourri- 
ture convenable, qui force ces oiseaux à changer de 
climats ? ou plutôt est-ce un instinct impérieux qui 
les y pousserait ? Quelle qu’en soit la cause, elle se fait 
sentir non-seulement sur toute l'espèce, mais encoresur 
les individus à qui une étroite captivité ne laisse aucune 
communication avec leurs semblables. On est tenté de 
supposer que ces voyages sont commandés à ces oi- 
seaux par un instinct naturel, lorsqu'on voit de jeunes 
cailles, élevées dans des cages, presque depuis leur 
naissance, et qui ne peuvent ni connaitre ni regretter 
la liberté, éprouver régulièrement deux fois par an 


(1) Traduetion française, part. 1, pag. 61, 1791. 


mx SU — 
une inquiétude et des agitations extrêmes, dans les 
temps ordinaires des passages, c’est-à-dire au mois 
d'avril et de septembre. 

Nous avons eu l’occasion de nous assurer que les 
fauvettes (sylvia) et les cailles en cage manifestaient 
ces inquiétudes pendant plusieurs années; ellesdurent 
souvent aux époques fixées, presque un mois. On les 
voit recommencer tous les jours, une heure avant le 
coucher du soleil. Ces oiseaux prisonniers parcourent 
pour lors leurs cages d’un bout à l’autre, s’élançant 
avec impétuosité contre le filet qui leur sert de cou- 
vercle , comme pour prendre leur essor. Ils se mon- 
trent dans un état d’agitation difficile à dépeindre. 
Lorsque le temps des passages est terminé, ils sem- 
blent tristes, abattus, fatigués et comme endor- 
mis. Plusieurs ne résistent pas à la violence de pa- 
reilles émotions et succombent souvent après les 
avoir éprouvées, sans qu'on puisse attribuer leur 
mort à d'autre cause qu’à celle dont nous venons de 
parler. 

Le besoin de voyager et de changer de climat dans 
certaines saisons de l’année est donc une des exi- 
gences les plus impérieuses de leur organisation, ou 
plutôt de leur instinct. Ces oiseaux ne peuvent y ré- 
sister ; lorsqu'ils y sont forcés, ils languissent et finis- 
sent souvent par périr. Peut-être cet instinct, si puis- 
sant chez les espèces sauvages, rend l’éducation du 


ES 


plas grand nombre si diflicile, malgré tout le pouvoir 
de notre influence. 

Les caiïlles en pleine liberté ont deux époques dif- 
férentes où elles arrivent dans les climats tempérés 
de l'Europe pendant la belle saison. En hiver, elles 
paraissent émigrer en Egypte, en Syrie et dans pres- 
que tout l'Orient ; elles se répandent encore en Asie, 
principalement en Chine, et même, d’après Labillar- 
diére, jusque dans la Nouvelle-Hollande. Seulement 
l’époque de leurs passages, qui ont lieu pendant l'hiver 
dans les climats chauds, et pendant l'été dans les 
régions septentrionales et tempérées, n’est pas partout 
la même. Probablement elle n’est pas sans quelques 
rapports avec les latitudes des lieux où doivent se 
rendre les oiseaux. 

Les cailles, qui changent deux fois de climat par 
année, arrivent dans les contrées méridionales de la 
France, situées sur le littoral de la Méditerranée, dès 
les premiers jours d’avril. C’est là leur premier pas- 
sage; on donne à celles-ci le nom de cailles vertes, 
parce que leur apparition coïncide avec l’époque 
où la campagne est couverte de verdure. Le se- 
cond a lieu vers le milieu du mois d’août et de 
septembre, temps où, d'aprés Aristote, les cailles 
quittent les contrées fortunées de la Grèce. Il paraît 
qu’il en est à peu près de même de leurs passages 
dans toute l’Italie. Seulement elles paraissent arriver 


Re ns 


en Sicile vers le mois de mai, et s’en retourner vers 
la fin d'août. À Malte, leur première apparition a 
toujours lieu en mai, et la seconde constamment 
en septembre. 

Les cailles, qui nous arrivent en avril, se montrent 
plus tard dans le nord de la France, surtout lorsque 
le printemps est retardé, ou qu'elles sont fatiguées 
par la longueur de leur traversée. Quelques autres 
individus prennent possession de nos prairies; ils s’y 
livrent aux soins de la reproduction, et y font leurs 
nids ; ceci explique le nombre des cailles que l’on 
trouve dans tous les lieux où elles se rendent. 

Ces oiseaux effectuent leurs voyages pendant la 
nuit, quand il fait clair de lune, ainsi qu’au crépus- 
cule. Cette observation singulière n’avait pas échappé 
à Pline, ni à Belon. Depuis eux, elle a été vérifiée par 
tous les zoologistes et par les chasseurs, qui ont tant 
d'occasions des’en assurer.Une circonstanceessentielle 
au succès de ces voyages, qui paraissent si téméraire- 
ment entrepris, est celle du vent. Lorsqu'il teur est 
contraire , il les retarde singulièrement, mais lors- 
qu'il devient violent, il les précipite souvent dans la 
mer. Leurs excursions ne sont donc heureuses que 
lorsque les courants d’air leur permettent d’arriver 
vers les lieux où elles doivent terminer leurs tra- 
versées. À la vérité, celles qui parcourent la Médi- 


terranée s'arrêtent souvent en chemin dans les nom- 


= ( — 


breuses iles dont elle est parsemée. Elles attendent 
ainsi le retour des vents favorables, pour se mettre de 
nouveau en route. 

Les cailles qui visitent les contrées méridionales de 
la France ne les quittent pas toutes. Plusieurs indi- 
vidus passent l’hiver parmi nous. On suppose que ce 
sont ceux qui ont été blessés ou qui proviennent de 
pontes tardives. Ces oiseaux, trop jeunes ou trop fai- 
bles à l’époque du départ, s’établissent dans les lieux 
les mieux exposés et les plus fertiles des cantons où 
ils sont forcés de rester. Leur nombre en est fort petit 
dans nos provinces, où ces oiseaux sont exposés à 
tant de dangers. 

Il parait cependant être plns considérable en Espa- 
gne eten ftalie où l’hiver est plus doux. Cette circons- 
tance influe peu cependant sur leur détermination. 
En effet, une partie seulement de celles qu’on voit en 
Angleterre quitte entièrement cette ile, tandis que 
l’autre change de canton. Ces dernières passent vers 
le mois d'octobre de l’intérieur des terres dans les 
provinces maritimes, et particulièrement dans celles 
d’Essex où elles restent l'hiver. Lorsqu'elles en sont 
chassées par le mauvais temps, elles gagnent les côtes 
de la mer, où elles cherchent avec soin les meilleurs 
abris pour se mettre à couvert contre les intempéries 
des saisons. 


Les précautions que les cailles prennent pour la 


Et, Je 


réussite de leurs longs voyages sont une preuve de 
l'instinct que la nature a placé dans le cerveau de 
chaque espèce, afin de mettre en harmonie les actes 
qu’elle doit exécuter et les conditions d’existence 
qu’elle leur a imposées. Par suite de cet instinct, aux 
approches de l’hiver, certains quadrupèdes s’enseve- 
lissent en quelque sorte au fond de leurs tanières, 
dans un état de torpeur analogue à la mort; du moins 
les reptiles ainsi engourdis demeurent profondément 
assoupis dans les retraites qu'ils se sont creusées. 

Cet instinct porte également un grand nombre de 
mollusques à s’enfoncer dans la vase. Il dirige les insec- 
tes, lorsqu'ils préparent d’avance les lieux où ils doi- 
vent passer la rude saison. Tout, dans le monde animé, 
est sous la dépendance de cette volonté puissante, 
dirigée par l’organisation, aussi bien sur les terres où 
brillait naguère une florissante verdure, que dans 
l’intérieur des eaux où vivent les poissons sous leurs 
dômes de glace. 

Mais dans ce deuil général de la nature qu'amènent 
les frimas, l'oiseau seul s’élance dans la région des 
tempêtes. Il brave l’aquilon et fend d’une aile rapide 
le vaste domaine des airs. L’abaissement de la tempé- 
rature lui est en quelque sorte aussi indifférent que 
les climats. On dirait qu'entre les animaux il est le 
seul qui ne tienne pas à la terre. Sûr de trouver par- 
tout une nourriture abondante, il quitte le pays qui 


= ® — 


l'a vu naître, dès que les frimas s’en emparent, 
et, poussé par un instinct impérieux, il part à jour 
et à point nommés. Rien ne l’arrête pour satisfaire ce 
penchant naturel, pas même sa famille naissante. 
Ce penchant est plus fort, plus irrésistible que le cours 
des saisons, qui semble en apparence déterminer seul 
les époques des migrations annuelles des légers ha- 
bitants des airs. 

Enfin une dernière circonstance relative aux pas- 
sages des cailles est trop importante dans l’histoire 
de ces oiseaux pour être passée sous silence. Il est des 
individus qui, à raison de leurs livrées, ont été désignés 
sous le nom de barbajoles ou barbes blanches, et que 
l’on a voulu considérer comme appartenant à une es- 
pèce particulière. Ces individus ne sont pourtant que 
de jeunes cailleteaux. Il est facile d’en être convaincu, 
car, en les élevant, on les voit bientôt prendre la 
livrée des vieux mâles. 

Ainsi, après le départ des cailles en automne, il en 
reste toujours vers les bords de la mer quelques-unes 
qui passent l’hiver en Europe; quelquefois même on 
les y voit en assez grande quantité. Ges cailles, nom- 
mées dans le midi de la France hivernenques , com- 
mencent à chanter et à s’apparier dés le mois de mars. 
Il n’est pas rare d’en découvrir des couvées dés les 
premiers jours d’avril, avant l’arrivée de leur espèce. 
A plus forte raison, les cailles qui sont dans un pays 


D 


plus chaud s’accouplent et pondent plus tôt encore. 
Ce sont les cailleteaux provenus de ces nichées pré- 
coces, trop Jeunes encore pour suivre leurs parents, 
à l’époque de leurs migrations. Ils nous arrivent 
aussi plus tard, lorsque quelque cause détermine leur 
déplacement, et que les vents les dirigent vers les con- 
trées méridionales de la France. Lors donc que l’on 
remarque dans ces contrées une quantité considérable 
de ces caïlles nommées barbajoles ou barbes blanches, 
on est presque assuré que le passage de ces oiseaux 
sera très-abondant en automne. 

Cette variété arrive dans le Midi, lorsqu’au mois 
de juin et même en Juillet le vent de mer a soufflé 
plusieurs jours desuite; ce qui est rare, surtout s’il a 
été accompagné de pluie. Il en est de même encore, 
lorsque le vent du nord souffle. Ces caïlles, qui nous 
viennent pour lors, sont presque toutes des mâles. 
Comme les femelles, ils ont la gorge blanche et tous 
les autres caractères des cailleteaux. Ces mâles, dans le 
jeune âge, sont ceux dont la venue a lieu de bonne heure 
dans les climats du Midi. Ils sont la cause de bien des 
méprises que font à leur égard un assez grand nom- 
bre d’ornitholopistes. 

Quoique le phénomène des migrations, considéré 
isolément, ait peu attiré l'attention des auteurs qui se 
sont occupés de faunes particulières, on y trouve cepen- 


dant quelques détails propres à en éclaireir l'histoire. 


0 


Sous ce rapport, l'ouvrage que M. d'Orbigny vient de 
publier sur les productions zoologiques de l’île de 
Cuba, ile remarquable par son isolement et sa situa- 
tion entre les deux Amériques, se recommande à tous 
et est d’un grand intérêt. 

M. d'Orbigny a divisé les oiseaux que lon 
trouve dans cette ile en six groupes principaux : 

1° Ceux qui habitent en même temps cette ile et 
l'Amérique méridionale. Leurs espèces sont aunombre 
de quatorze. 

2° Ceux qui y arrivent de l’Amérique septentrio- 
nale. Leur nombre est de quarante - neuf, parmi 
lesquels on compte trente-trois espèces de passe- 
reaux. 

3° Ceux qui se rencontrent dans les deux conti- 
nents américains. Il y en a vingt-six. Les ordres 
qui en fournissent le plus sont ceux des échassiers, 
dont on compte jusqu'à onze espèces et dix espèces 
de palmipèdes, c’est-à-dire vingt et un sur vingt-six. 

4° Les oiseaux de Cuba, quise répandent aussi dans 
tout l'hémisphère du nord sur l’ancien et le nouveau 
monde. Ces espèces s’y trouvent au nombre de huit. 
Une seule appartient aux oiseaux de proie; quatre aux 
échassiers, et trois à différentes espèces de palmipèdes, 
principalement à celles qui nagent le mieux. 

5° Quant aux oiseaux propres aux deux Améri- 
ques et à l’Europe, leur nombre est réduit à cinq, et: 


me  — 


celles - ci dépendent toutes des oiseaux de rivage, 
c'est-à-dire des races aquatiques. 

6° Les espèces particulières à Cuba, et qu’on ne 
connait encore que dans cette ileet les autres Antilles, 
sont au nombre de vingt-sept, parmi lesquelles il en 
est plusieurs de nouvelles. Des observations plus 
exactes diminueront sans doute ce chiffre. Il est du 
moins certain que, parmi ces oiseaux sédentaires, on ne 
découvre aucune espèce de palmipède ou d’échassier. 

Le nombre des espèces stationnaires que ce tableau 
indique est, ainsi que nous l’avons fait observer, beau- 
coup trop considérable. Il en porte le nombre jusqu’au 
cinquième de la totalité des oiseaux qui fréquentent 
l’ile de Cuba. Cette proportion est tellement supé- 
rieure à ce qu'elle est ailleurs, que probablement elle 
est exagérée. En effet, le nombre total de ces espèces 
ne s’élève qu’à cent vingt-neuf. Toujours est-il que, 
d’après cet apercu, les oiseaux de Cuba sont essentiel- 
lement voyageurs; aussi n’y a-t-on encore signalé que 
peu de gallinacés. Là, comme ailleurs, les espèces qui 
voyagent le plus sont les échassiers et les palmipèdes. 
Ainsi, sur toute la terre, aussi bien dans les iles que 
dans les continents, les oiseaux toujours en mouve- 
ment entreprennent des excursions dont l’étendue est 
aussi étonnante que leur régularité. 


— 95 — 


M. De l'ordre qui règne dans les migrations des oiseaux. 


L'ordre et les précautions qui environment les mi- 
grations des oiseaux ne sont pas moins admirables 
que leur constance et leur périodicité. Voyez ces hi- 
rondelles partir constamment le jour, sans s'inquiéter 
des oiseaux de proie, qui pourraient les harceler au 
moment où elles se réunissent sous la conduite d’un 
chef pourse diriger vers des climats nouveaux. Un 
instinct les y pousse bien plus que l'espérance d'y ren- 
contrer une température plus douce que celle dont 
elles ressentent l'impression. Cependant les voyages 
auxquels se livrent habituellement les oiseaux ont 
lieu du nord au midi pendant l'hiver et, dans la di- 
rection contraire, pendant le solstice d’été. 

Ainsi, à l’époque de leurs migrations pour d’autres 
contrées, les hirondelles, perchées sur des arbres.éle- 
vés et au nombre de trois ou quatre cents, appellent 
par leurs gazouillements tumultueux le moment du 
départ. Lorsque le signal est donné, cette troupe 
immense et légère se dispose et s'arrange de maniére 
à vaincre, avec le moins d’effort possible, la résistance 
de l'air. Par avance et par suite d’un instinct mer- 
veilleux, ces-oiseaux ont réuni chacun leurs familles. 
Toutes se sont ensuite rassemblées pour marcher de 
concert à travers les vastes plaines de l’air.: Quoique 


— 96 — 


sans boussole, elles ne se perdent pas au milieu de 
l’immensité de l'océan aérien. Elles arrivent sans 
efforts comme sans embarras aux lieux nouveaux de 
leur résidence. 

Le départ des hirondelles a lieu ordinairement 
vers la mi - septembre; il est cependant retardé 
quelquefois jusqu’au milieu d’octobre ou même jus- 
qu'à la fin de ce mois. L'époque de l’arrivée de ces 
oiseaux semble plus fixe; elle parait même indépen- 
dante de la température, de la direction et de la 
force du vent; car les hirondelles arrivent parfois 
pendant les orages, ou lorsque la température est en- 
core très-basse et la terre couverte de neige. Enfin 
la preuve que la température n’est pas le motif dé- 
terminant pour ces oiseaux de changer de climat, 
c’est que, par exemple, dans l’année 1838 où le prin- 
temps et l'été ont été si tardifs, ces oiseaux se sont 
avancés sur les années précédentes. Peut-être cette 
circonstance tient-elle à ce que les hirondelles auraient 
éprouvé un plus grand degré de froid dans les lieux 
où elles s'étaient retirées l’hiver. 

Elles sont arrivées en France, en 1838, le même 
jour qu’en 1832, c'est-à-dire le 13 avril; tandis 
qu’en 4836 et en 1837 elles sont venues dans le 
midi de la France le 18 et le 21 du même mois. A la 
vérité, en 1831, elles y avaient paru le 6 avril ainsi 


qu’en 1833. D'un autre côté, en 1834, les hirondelles 


Er DD a: 


étaient arrivées parmi nous le 45 avril, tandis qu'en 
1835 elles avaient été encore plus printamiéres ; leur 
premier passage avait eu lieu le 2 du même mois. 

Des expériences faites avec soin en Angleterre et 
en Allemagne ont prouvé que le terme moyen de 
l’arrivée des hirondelles peut être fixé vers le 14 avril. 
La plus grande différence qui s’est présentée entre 
leur venue est du {* avril au 23. Ces nombres ex- 
trèmes , pendant un intervalle de trente-quatre an- 
nées, ne se sont reproduits chacun qu'une seule fois. 
Cette constance dans l’arrivée de ces oiseaux, soit en 
Angleterre, soit en Allemagne, soit en France, est des 
plus remarquables. Elle annonce combien le besoin de 
voyager est pour eux impérieux. S'il faut en croire 
M. Cantraine (Bulletin de l'académie des sciences de 
Bruxelles, année 1831 , page 207), la température 
ne serait pas sans influence sur ces voyages ; car, d’a- 
prés lui, l’arrivée des hirondelles aurait lieu en Sar- 
daigne, en Sicile et en Italie plus tôt qu’en France, 
c’est-à-dire en mars et non en avril. 

C’est un point d'observation qu'il importe d’é- 
claircir. Son intérêt est trop lié à la détermination des 
motifs ou des circonstances qui portent les hirondelles, 
comme les autres oiseaux, à se transporter à des épo- 
ques à peu prés fixes dans d’autres climats. Les 
voyages périodiques des hirondelles ont de tout temps 


occupé l'attention des hommes éclairés. Aussi ces 
7 


Zn Ne 


oiseaux ont obtenu chez les anciens tout autant de pro- 
tection que chez les modernes , soit en raison de leur 
utilité pour la destruction des insectes nuisibles à l’a- 
griculture, soit enfin à cause de leurs longs et mys- 
térieux voyages. Les poëtes leur ont consacré leurs 
chants, et les vers charmants qu’Anacréon et Ovide 
leur ont adressés prouvent combien les habitudes de 
ces légers habitants des airs les avaient frappés. 

Les anciens se sont surtout occupés de la question de 
savoir quelles étaient les retraites que les hirondelles 
se choisissaient pendant l'hiver. Quelques-uns ont sup- 
posé que ces oiseaux se cachaient, pendant la saison 
des frimas, dans les anciens bâtiments et même dans 
l’eau. Cette dernière opinion a été adoptée par plu- 
sieurs modernes. D’autres, au contraire , ont admis 
avec plus de raison qu’à cette époque les hirondellés 
se retiraient dans des climats plus chauds que nos 
régions, surtout en Afrique. Il parait certain que-ces 
oiseaux se montrent au Sénégal depuis le mois d'oc- 
tobre jusqu’au commencement d’avril, et qu'après ce 
dernier mois on n’y en voit plus une seule. 

S'il en est ainsi, il est dans ces voyages une circons- 
tance encore peu étudiée, et qui montre Jusqu'à quel 
point l'instinct de conservation est puissant chez tous 
les animaux. Cette circonstance est relativeà l’inégale 
dispersion, ou, si l’on veut, à la diversité de distribu- 
tion des différentes espèces d’hirondelles. Ainsi, par 


A — 


exemple, leurs individus paraissent en plus grand : 
nombre en Angleterre que dans la plupart des autres 
contrées de l’Europe. Si cette condition est constante, 
il faut bien qu’elle ait une cause ; on pourrait la trou- 
ver dans la culture plus avancée du sol de l’Angle- 
terre, et enfin dans la destruction totale du moineau 
franc. Pour s'assurer si ces faits ont quelque influence 
sur ce phénomène, il faudrait rechercher dans les 
anciens documents s’il en a été toujours ainsi. 

Nous avons déjà fait observer que la violence du 
vent n’avait aucun effet sur l’arrivée des hirondelles, 
puisqu'elles nous viennent tout aussi bien pendant 
les ouragans, que pendant les temps calmes. Nous 
ajouterons qu'il paraïitrait en être de même de la di- 
rection du vent. Du moins elle n’a pas toujours un 
rapport sensible avec l’époque de la venue de ces oi- 
seaux. Seulement cette direction semble avoir une in- 
fluence très-prononcée sur l’époque à laquelle ils 
partent. D’après les observations de Forster, prolon- 
gées pendant trente-huit années, le premier vent du 
nord ou du nord-estaprès le 20 septembre occasionne 
le départ de la plupart des hirondelles. 

On n’a pas constaté avec le même soin le temps après 
lequel leur départ était complétement effectué. Il faut 
que ces oiseaux rencontrent de grands obstacles dans 
leurs migrations, à en juger par le nombre considérable 
de leurs individus qui quittent l’Europe en automne, et. 


— 100 — 


le petit nombre de ceux qui reviennent au printemps. 
Ce qu'il y a de certain, c’est que des hirondelles vo- 
laient encore dans les environs de Montpellier le 18 
novembre 1838, quoique le thermomètre ne füt qu'a 
T°, et que le vent du nord soufflàt avec violence. 

La premiére hirondelle qui arrive dans le midi de 
la France est l’hirondelie des rochers, dont les pas- 
sages ont lieu dés le mois de mars. Ce n’est que vers 
le mois d’avril que paraît l’hirondelle de chemi- 
née (hirundo rustica Temm.). Cette espèce se rap- 
proche le plus des habitations de l’homme; elle pré- 
cède ordinairement l’hirondelle de fenêtre, la plus 
commune de celles qui visitent l’Europe. Les migra- 
tions de cette dernière ne paraissent pas s'étendre au 
delà des tropiques. Quoique cette hirondelle (Airundo 
urbica Temm.) nous arrive plus tard que celle de 
cheminée, elle nous quitte néanmoins plus tôt. Elle 
est à peu prés constamment accompagnée, lors de sa 
venue dans nos contrées, par l’hirondelle de rivage, 
ce qui a fait supposer que ces oiseaux passaient l'hiver 
engourdis au fond des lacs et des marais. 

Les hirondelles paraissent conserver un Souvenir 
fidèle des lieux qu’elles ont habités dans leur en- 
fance. Aussi les voit-on retourner après leurs migra- 
tions dans le même nid qu’elles avaient occupé l’année 
précédente. D’après ce fait positif, on est peu surpris 
de toutes les précautions que prennent ces oiseaux lors- 


— 4101 — 


qu’ils vont exécuter leurs voyages. En effet, à l'appro- 
che de leur départ, on les voit se réunir en grandnom- 
bre, et se grouper, comme par essaims, surtout après 
une pluie suivie d’un soleil ardent. Dans les pays 
encore plus méridionaux que le sud de la France, 
ces oiseaux se réunissent en grand nombre sur les 
arbres morts, attendant ainsi un vent favorable pour 
traverser les mers, et aller soit en Asie, soit en Afri- 
que. Il est même certaines espèces, particulièrement 
l'hirondelle des rochers (hkirundo rupestris Linn.), 
qui d'Europe pousse ses migrations non-seulement en 
Afrique jusqu’au cap de Bonne-Espérance, mais en- 
core dans l’Amérique méridionale. 

De pareilles habitudes sont également propres aux 
martinets , oiseaux très-rapprochés des hirondelles, 
et dont le vol est d’une plus grande rapidité. Les mar- 
tinets que l’on découvre depuis les iles de l’Archipel, 
l'Espagne, l'Italie, le Tyrol, la Sardaigne, les îles 
d’Hyères et de Malte, ainsi que dans la plus grande 
partie de la France, nous arrivent vers la fin du mois 
d'avril; ils nous quittent vers la fin de juillet ou les 
premiers jours du mois d’août. On assure que les 
martinets de muraille (cypselus murarius Temm.) 
retournent toutes les années dans le même trou qui 
l’année précédente leur avait servi de retraite. Parmi 
les deux espèces qui fréquentent les contrées méri- 
dionales de la France, il en est une qui porte ses 


— 402 —. 


excursions non-seulément dans toute l'Europe, mais 
encore en Afrique, jusqu’au cap de Bonne-Espérance. 
Elle parvient écalement sur les côtes nord-ouest de 
l'Amérique , sans cependant dépasser le tropique; 
c'est le martinet de muraille (cypselus murarius 
Meyer). Le martinet à ventre blanc (cypselus alpi- 
nus Meyer) ne paraît pas quitter l’Europe ; du moins 
on le trouve en grand nombre sur les rochers de 
Gibraltar, de la Sardaigne, de Malte et de tout 
l’Archipel. 

D'un autre côté, nous voyons chaque année des 
phalanges de grues, de cicognes, de hérons, d'oieset 
de canards exécuter sur l’aile des vents des évolutions 
aériennes. Tantôt à la file les uns des autres, tantôt 
disposés en triangle de la manière la plus régulière, 
ces oiseaux se dirigent sans boussole dans le vague 
des airs. On les voit suivre une route qu’on leur 
croirait tracée d’avance. Ils se groupentets’arrangent 
de maniére à ce que chacun puisse suivre et garder 
son rang et jouir en même temps d’un vol libreet ou- 
vert devant eux. 

Pour y parvenir, ils se rangent sur deux lignes 
obliques formant une sorte de V renversé ; cette dis- 
position est la plus favorable pour que chaque oiseau 
puisse fendre l'air avec plus d'avantages, et que la 
troupe entière éprouve le moins de fatigue. Seulement 
lorsque le nombre de ces oiseaux est peu considéra- 


— 105 — 


ble, ils se rangent sur une seule ligne; chacun d’en- 
tre eux y garde sa place avec une justesse parfaite. 

Lorsque le chef de cette petite armée, dont la place 
est toujours en tête de la colonne, est fatigué, il va se 
reposer au dernier rang. Tour à tour les autres pren- 
nent la place que le chef vient d'abandonner. Ainsi 
se continue le voyage avec un ordre et une régularité 
qui feraient supposer à ces oiseaux une intelligence 
supérieure à un simple instinct. Mais les faits nous 
apprennent que la nature a mis dans le cerveau 
de chaque animal le degré de prévoyance qui lui est 
nécessaire pour sa conservation. 

Par suite de cet instinct, tous les oiseaux de pas- 
sage voyagent en troupes plus ou moins considéra- 
bles, toujours en famille, ou du moins par couples. 
Les espèces ne se mêlent pas plus dans ces migrations 
lointaines que les divers âges d’une même race. Les 
vieux partent d’un côté, et les jeunes de l’autre. Il y 
a plus encore , lorsqu'ils voyagent ensemble , les 
adultes les précèdent constamment. Lorsqu'ils se 
quittent dans le trajet, cette séparation a lieu sans 
embarras et sans interrompre leur voyage aérien. Du 
reste, les uns et les autres exécutent rarement ensem- 
ble leurs excursions ; ils ne suivent presque jamais 
la même route. 

Cette circonstance semble dépendre de l’époque à 
laquelle les vieux oiseaux éprouvent la crise de la 


— 104 — 


mue et celle qui atteint les jeunes. Cette maladie en- 
lève à ces animaux une partie de leurs facultés ; mais, 
comme elle se termine plus tôt chez les adultes, ceux-ci 
éprouvent toujours les premiers le besoin de changer 
de climat. Ils sont donc de meilleure heure en état 
de supporter les fatisues d’un long voyage. 

Aussi, les vieux quittent les premiers les cantons 
où ils étaient fixés, et, lorsque les jeunes les accom- 
pagnent, ils s’en séparent souvent étant plus tôt fati- 
gués. Rarement les jeunes arrivent au terme du voyage. 
Les vieux seuls traversent la Méditerranée pour se 
répandre dans les contrées fertiles du nord de l’Afri- 
que. Les jeunes demeurent, au contraire, sur les 
plages méridionales de l’Europe, ou sur les côtes de 
la Sicile et de la Calabre, ou dans les régions plus 
tempérées du centre de l'Europe. Les adultes pous- 
sent souvent leurs migrations vers l’Archipel de la 
Grèce, l'Egypte et la Nubie. 

Lorsque les vieux partent avec les jeunes, les pre- 
miers sont presque toujours en tête de la bande. Ils 
dirigent la colonne et ne laissent jamais ce soin à 
d’autres, tant qu’ils accompagnent ceux qui doivent 
perpétuer leur race. 

Rarement ces jeunes individus reviennent aux lieux 
de leur naissance, tandis qu'il n’en est pas de même 
des adultes. Aussi ne trouve-t-on dans une contrée 
que des individus dont le plumage indique qu'ils ne 


— 105 — 


sont point encore parvenus à leur état normal, et dans 
telle autre, des individus qui ont acquis tout leur dé- 
veloppement. Les vieux reviennent tous les ans couver 
dans les mêmes lieux, et pondre souvent dans le même 
nid lorsqu'ils le contruisent d’une manière durable. 

Quelque singuliers que puissent paraitre ces faits, 
ils n’en sont pas moins exacts. On peut facilement 
les vérifier en attachant des cordons de soie aux pattes 
des hirondelles et des autres oiseaux. L'année sui- 
vante, on les voit reparaitre dans les mêmes maisons, 
ou auprès des mêmes bocages où les uns et les autres 
s'étaient primitivement fixés, et reprendre leurs an- 
ciens nids ou en construire de nouveaux. C’est dans 
ces couches nuptiales que ces oiseaux nous donnent 
tant d'exemples touchants de la tendresse conjugale. 
Images de la fidélité, les hirondelles ne s’abandon- 
nent presque jamais, et leur union est en quelque 
sorte indissoluble. 

Cet exemple, si connu, prouve que la nouvelle pa- 
trie que certains oiseaux adoptent dans leurs migra- 
tions est toujours la même chaque année. Ils parais- 
sent encore suivre constamment la même route, soit 
lors de leur arrivée, soit au moment de leur départ, 
ainsi que l’annoncent les observations que nous avons 
déjà faites sur les cailles et sur tant d’autres espèces. 
Les retours dans les régions tempérées d’un assez 
grand nombre d'oiseaux sont si réguliers et si bien 


… 408 — 


déterminés, que les chasseurs comptent sur eux, 
comme les oiseleurs le font relativement à ceux des 
becs-fins. 

Malgré les nombreux exemples de tendresse pour 
leurs petits, que nous donnent les hirondelles, il est 
cependant des occasions où elles semblent abandon- 
ner ce sentiment. Voici du moins un fait qui porterait 
à le penser. Un jeune enfant avait mis un nid d’hi- 
rondelle dans une cage. Le père et la mére des petits 
oiseaux, qui se trouvaient dans le nid, volaient cons- 
tamment autour de la cage, chagrins de ne pouvoir 
donner eux-mêmes à manger à leurs petits. Un jour, 
l'enfant ayant laissé quelques instants la porte de la 
cage ouverte, les hirondelles s’y précipitérent, et 
tuérent sans pitié les jeunes oiseaux. 

Cet acte de désespoir annonce jusqu'à quel point 
d’exaltation les hirondelles poussent leur amour pour 
leurs petits. Du moins, cet acte bien apprécié, et qui 
au premier aperçu ne semble qu’un acte de cruauté, 
est peut-être une preuve de leur tendresse maternelle. 


III. De l'irréqularité des passages des oiseaux erratiques. 


Quoique le retour des mêmes espèces d’oiseaux ait 
lieu assez généralementavec une régularité remarqua- 
ble, ilne faut pas croire cependant que cette loi générale 
soit sans exceptions. Elles sont au contraire fort nom- 


— 107 — 


breuses, non chez les espèces émigrantes, mais seule- 
ment chez les espèces erratiques. Ainsi, le merle rose 
(pastor roseus Temm.)est venu visiter en grandnombre 
les contrées méridionales de la France, en juin 1837 
et 1838; il n’a pas reparu en 1839 ni en 1840. Cette 
espèce, dont les courses extrêmement irrégulières 
durent souvent près d’un mois, habite les parties les 
plus chaudes de l’Asie et de l'Afrique. Il étend néan- 
moins ses excursions dans les différentes contrées de 
l'Europe, principalement dans les provinces méridio- 
nales de l'Espagne, de l'Italie, du Piémont et de la 
France, et les pousse même jusque dans l’Indostan. 
Lorsque ces oiseaux arrivent dans le midi de la 
France, on les voit voler très-bas et en silence ; aussi 
sont-ils faciles à prendre, surtout aux filets. Généra- 
lement désireux de continuer leur route, ils séjournent 
peu dans nos contrées, impatients qu’ils sont de se 
rendre dans les régions septentrionales de l’Europe. 
L'époque de la venue des jeunes merles roses n’est 
pas tout à fait la même que celle des vieux. Les pre- 
miers visitent rarement et en petit nombre le midi de 
la France à la fin d'octobre ou aux premiers jours du 
mois de novembre. Ils accompagnent presque tou- 
jours les étourneaux, dont le genre de nourriture est 
à peu prés le même. L'apparition des merles roses, 
toute incertaine qu’elle est, n’a jamais lieu en même 
temps que le premier passage des étourneaux. 


— 108 — 


L'époque à peu près constante de la venue de ces 
derniers est dans les premiers jours du mois de mars. 
Les merles roses ne nous arrivent presque jamais 
avant la fin de mai, et au plus tard vers le milieu de 
juin. Ils arrivent alors en grand nombre, du moins les 
vieux individus, dans les prairies, surtout dans celles 
où ils supposent trouver beaucoup de grillons dont ils 
sont fort friands." De pareils exemples nous sont four- 
nis par d’autres espèces. Ainsi, les becs-croisés com- 
muns (/oxia curvirostra Temm.) ne passent pas 
toutes les années en France. Leur apparition dans le 
Midi a lieu d’une manière fort irrégulière et à des 
époques plus ou moins éloignées. Ces oiseaux y sont 
venus en grande abondance en 1836 , 1837, 1838 et 
1839 , tandis que pendant près de seize années on 
n’en avait pas apercu un seul. Il faut remonter jus- 
qu'en 1820 pour trouver un autre exemple d'un 
passage de becs-croisés presque aussi considérable 
que celui de 1839. À cette époque , ces oiseaux ne 
cessèrent de passer depuis le mois de juin jusqu’au 
4 ou 5 août; mais le plus grand nombre arriva vers 
le 45 du mois de juillet. 

Les becs-croisés n’ontaucune sorte de méfiance. Ils 
se laissent tuer avec la plus grande facilité, et les 
coups de ‘fusil les effrayent si peu, qu'ils ne quittent 
pas même l’arbre sur lequelils n’ont pas été atteints. 
On est donc à peu près sür de les tuer tous, les uns 


— 109 — 


après les autres, pour peu qu'on ait de l’adresse. 
Par suite de cette incroyable impassibilité, il n’est pas 
rare, dans le fort de leur passage, d’en abattre de des- 
sus le même arbre cinq ou six de suite. D’un autre 
côté, si on leur tend des filets, ils s’y jettent sans 
crainte, surtout si on a le soin d’y attacher quelques 
individus de leur espèce. 

L'irrégularité des migrations de ces oiseaux, qui 
nichent dans le nord de l’Europe, tiendrait-elle aux 
variations que la température et la marche des sai- 
sons éprouvent d’une année à l’autre? Il pourrait en 
être ainsi : leurs migrations tout à fait accidentelles 
ne sont point périodiques. D'un autre côté, de pareils 
passages ont lieu au contraire du sud au nord. Ainsi, 
le courre-vite isabelle (cursorius isabellinus Temm.) 
qui habite l'Egypte et la Nubie, visite à des époques 
indéterminées les côtes du midi de la France. Un in- 
dividu, dont le corps était encore couvert de plumes à 
peine développées, fut pris en août 1839 sur la plage 
de Maguelonne, près de Montpellier. Quel motif a 
donc pu porter cet oiseau à s’expatrier dans un âge 
aussi tendre, et où il lui était si nécessaire de ne point 
abandonner le nid qui l’avait vu naître ? Ce fait re- 
marquable nous a été signalé par M. Lebrun. 

L'irrégularité des passages d’un grand nombre 
d'oiseaux rend diflicile l’appréciation des causes qui 
les provoquent. Parmi les faits singuliers qui se ratta- 


— 110 — 


chent à ces voyages accidentels, M. Lebrun, que nous 
venons de citer, nous en a signalé un digne d'attention. 

La mouette tridactyle (larus tridactylus Temm.) 
habite les pays froids ; elle les quitte pourtant en au- 
tomne et en hiver, et se répand vers les lacs salés, 
les mers intérieures, les golfes de l'Océan, principa- 
lement en Irlande. On voit rarement ces oiseaux s’a- 
venturer en petites troupes vers les contrées méridio- 
nales : cependant cette année 1840, remarquable par 
la douceur de l’hiver, les mouettes tridactyles sont 
arrivées en grandes bandes dans le Midi. Quoique les 
étangs fussent encombrés de poissons, ces oiseaux se 
laissèrent mourir de faim. Plusieurs du moins furent 
trouvés morts, et leur maigreur, ainsi que celle des in- 
dividus qui ont été tués, signalait assez quelle pouvait 
en être la cause, c’est-à-dire le défaut de nourriture, 
au milieu cependant de l'abondance qui les entourait. 

On se demande quels motifs ont pu porter ces o1- 
seaux à quitter les pays qu’ils habitent ordinairement, 
pour se transporter à de grandes distances, et là où ils 
devaient trouver la mort, quoique toutes les circons- 
tances favorables à leur existence leur fussent offer- 
tes. C’est là un fait , il faut en convenir, dont il est 
difficile de donner une explication satisfaisante. Ge 
ne peut être le besoin d’une nourriture convenable, 
puisque ces mouettes n'ont point usé de celle qu'elles 
trouvaient partout en abondance. Serait-ce une tem- 


— 411 — 


pérature plus douce qu'elles auraient cherchée ? Elles 
l’ontrencontrée dans nos climats, et cependant elle ne 
leur a pas été utile; la plupart ont succombé malgré 
sa bienfaisante influence. Cette circonstance tien- 
drait-elle à cette merveilleuse police de la nature 
qui maintient dans une harmonie parfaite le nom- 
bre et les proportions des différentes espèces ? c’est 
ce que nous n'oserions décider. 

D'un autre côté, des observations suivies avec le 
plus grand soin à Montpellier par divers ornitholo- 
gistes n’avaient jamais fait connaitre le bécasseau pla- 
tyrinque comme une espèce de passage dans nos con- 
trées. Du moins, M. Crespon, dans son ornithologie 
du Gard, n’a pas signalé cet oiseau parmi ceux qui 
fréquentent les contrées méridionales de la France. 
Cependant cinq individus de ce bécasseau, sur le genre 
duquel il s’est élevé entre les auteurs de grandes dis- 
cussions, ont été récemment apportés à M. Lebrun. 
Un de ces individus fut tué le 30 juillet 1840 dans 
les environs de Montpellier ; deux autres le 2 août 
suivant, et enfin les deux derniers le 5.et le 14 du 
même mois. Depuis lors, aucun autre individu de ces 
oiseaux qui habitent les marais du nord de l'Europe 
et de l'Amérique n’a été apercu parmi nous, quoi- 
qu'ils poussent leurs excursions jusque dans l’archi- 
pel de la Sonde et des Moluques. 

Si donc cette espèce a paru dans le midi de la 


— 112 — 


France en 1840, et cela dans le jeune âge, après avoir 
resté si longtemps sans y arriver, il ne faut point 
l’attribuer à son humeur sédentaire, puisqu'elle fré- 
quente à la fois l’Europe , l’Asie et l'Amérique, mais 
à l’irrégularité des passages accidentels des oiseaux. 
Cette irrégularité peut seule rendre raison de la tar- 
dive apparition de cette espèce dans les contrées mé- 
ridionales de la France. Elle confirme aussi les autres 
faits que nous avons déjà énumérés. 

Cette même année 1840 s’est fait encore remar- 
quer parmi nous par une autre apparition d’une es- 
pèce de bécasseau, qui a été décrite comme habitant 
Y’Amérique septentrionale. A la vérité Temminck, 
dans son quatrième volume supplémentaire de la se- 
conde édition de son Manuel d’ornithologie, fait ob- 
server qu’un individu de cette espèce ou du bécas- 
seau pectoral a été tué en Angleterre le 17 octobre 
1830. A part cet individu unique, on n'avait jamais 
constaté, en Europe, l'apparition de cette espèce. Cet 
oiseau, capturé en 4840 dans le midi de la France, 
ne s’est pas borné, comme cette fois, à cinq ou six in- 
dividus. Un seul fut d’abord apporté à M. Lebrun ; 
cet ornithologiste présuma qu'il ne devait pas être 
isolé ; en conséquence, il recommanda aux chasseurs 
de prendre tous ceux qu’ils pourraient trouver; de 
cette manière il s’est procuré vingt-cinq individus de 


la méme espece. 


— 115 — 


Les deux bécasseaux dont l'apparition dans les pro: 
vinces méridionales de la France a été pour les natu- 
ralistes un objet de surprise, y sont venus en même 
temps que le cocorli (éringa subarcuata), dont les 
passages ont lieu régulièrement depuis le mois d'août 
jusqu’au 15 octobre. Les deux espèces de bécasseaux, 
le platyrinque et le pectoral, sont arrivées parmi nous 
presque tous dans le jeune àge; quelques individus 
du cocorli étaient cependant adultes, et avaient con- 
servé leurs livrées d’été. Ces faits prouvent com- 
bien il serait essentiel que ceux qui sont témoins 
de la venue ou des passages des oïseaux fussent 
assez éclairés pour déméler les espèces différentes 
qui ne s’y trouvent que plus ou moins passagère- 
ment. On arriverait ainsi à discerner avec plus de 
certitude les oiseaux qui opèrent leurs migrations 
avec régularité de ceux dont les excursions sont pu- 
rement accidentelles. 


IV. De la diversité dans les époques des passages des jeunes 
et des vieux oiseaux. 


Un fait constant dans les migrations des oiseaux 
est la diversité des époques , à laquelle lés jeunes et 
les vieux exécntent leurs voyages. Les différentes 
espèces de becs fins ou de fauvettes peuvent être 


citées comme des exemples frappants de cette cir- 
8 


— 114 — 


constance remarquable. On voit du moins rarement la 
passerinette (sylvia passerina Temm.), la verderolle 
(sylvia palustris Temm.) et l’effarvatte (sylvia arun- 
dinacea Temm.) exécuter leurs passages aux mêmes 
époques de leur vie. 

Les vieux arrivent à peu prés constamment dans 
les contrées méridionales de la France avant les jeu- 
nes dont les passages ont lieu beaucoup plus tard. 
Par suite d'habitudes analogues, les ortolans mäles 
(emberrizza hortulana Temm.) précèdent le plus 
ordinairement leurs femelles dans leurs migra- 
tions régulières, et cela d'au moins une quinzaine 
de jours. 

Ainsi, peu avant l'entrée de l’hiver, lorsque les pre- 
miers froids commencent à se faire sentir, les oiseaux 
de passage se réunissent par bandes, et, dans le plus 
srand nombre des espèces, les jeunes se rassemblent 
et se séparent des vieux comme s'ils avaient honte de 
demander leur chemin à leurs anciens. 

Chez certaines espèces, les individus, soit erratiques, 
soit émigrants , volent isolés, tandis que chez d’autres 
ils forment au contraire de nombreuses bandes désor- 
données, exécutant leurs voyages toujours en grand 
nombre. Quelques-uns volent rangés en colonnes ré- 
guliéres et plus ou moins serrées. Certaines de ces 
colonnes cheminent lentement , comme si elles obéis- 
saient au froid qui les va chassant, tandis que les 


— 115 — 


autres partent avec rapidité, et terminent en peu de 
jours leurs migrations. 

Quelques oiseaux ont l'habitude de voler tout près 
de terre; on les voit se reposer aussi très-souvent, 
pour si peu qu’ils se sentent fatigués. D’autres ,au con- 
traire , s'élèvent au-dessus des nues, et, plus vigou- 
reux et plus agiles que les premiers, ils ne s'arrêtent 
presque jamais. Mais les uns aussi bien que les autres 
jugent très-bien les époques qui peuvent favoriser 
leurs voyages. Il n’y a pour aucune de leurs espèces 
ni équivoque ni incertitude. 

Tous connaissent également, par suite d’un: instinct 
naturel, l’époque de leur retour ; aucun d’entre eux 
ne se trompe jamais sur les lieux qu'ils ont déjà vi- 
sités. Un martinet auquel on avait fait une marque, 
afin de le reconnaître | revint dix années de suite, 
construire son nid dans une caisse disposée à cet effet. 
Un faucon à queue rouge, très-reconnaissable, parce 
qu’à la suite d’un accident ses plumes avaient blan- 
chi, revint pendant lespace de douze hivers consé- 
cutifs prendre possession d’un vieux pin, dans le dis- 
trict de Colleton dans la Caroline. 

Les migrations des animaux ont donc lieu par suite 
d’un instinct inné. Cet instinet les y pousse à peu près 
comme celui particulier au castor le force à bâtir lors- 
que, élevé loin: de ses parents, il n’en a rienappris. En 
effet, des castors isolés, solitaires, placé. tout exprès 


— #16 — 


dans des cages, pour qu'ils n’aient aucun besoin d’édi- 
lier leurs constructions ordinaires, cherchent tou- 
jours à les faire, poussés par ‘une force machinale 
et aveugle, ou par un instinct auquel ils ne savent ni 
ne peuvent résister. 

De même, l'oiseau placé dans une cage, maintenu 
dans une température égale à celle qu’il va chercher 
ailleurs dans ses migrations ordinaires , et auquel on 
distribue une nourriture abondante et appropriée à 
ses besoins, ne montre pas moins à l'époque de ses 
voyages une agitation toute particulière. Il manifeste 
toujours la plus vive impatience pour quitter les 
lieux où on le retient. L'instinct qui le porte à voya: 
ger est si impérieux, si irrésistible, que malgré l’ac- 
complissement de tous ses besoins, nous pouvons 
même dire de tous ses désirs, il succombe souvent lors- 
qu'il ne peut remplir les exigences de son organisation. 

Cet instinct porte l'oiseau commele poisson à voya- 
ger, comme celui du castor le pousse à construire son 
admirable cabane ; mais ni les uns ni les autres ne 
peuvent aller au delà. Sous ce rapport, comme sous 
tous les autres, l'instinct est borné à un acte déterminé 
qui s'exécute et se produit de la même manière et avec 
les mêmes conditions. Au contraire, tout dans l’intelli- 
gence est général. Sa flexibilité et sa perfectibilité sont 

te “les, qu’il n’y a pas d'objets auxquels elle ne puisse 


s’ap vliquer. Sans doute, les animaux sentent, con- 
L 


— A17 — 


naissent, pensent à leur manière ; mais les êtres doués 
de l'intelligence, l'homme, qui jouit seul de ce noble 
attribut, est aussi le seul à qui le pouvoir ait été donné 
de sentir qu'il sent, de connaître qu’il connaît, et 
de penser qu'il pense. 

Les animaux n’ont donc pas la réflexion, cette faculté 
suprême qu'a la pensée de l’homme de se replier sur 
elle-même, et d'étudier l'esprit. La réflexion, ainsi 
définie, est donc la limite qui sépare l'intelligence de 
l'instinct des animaux. On ne peut disconvenir , en 
effet, qu'il n'y ait là une démarcation profonde. Cette 
pensée qui se considère elle-même, cette intelligence 
qui se voit et qui s’étudie, cette connaissance qui se 
connait, forme évidemment ün ordre de phénomènes 
déterminés d’une manière tranchée, et auxquels nul 
animal ne saurait atteindre. C’est là tout à fait le 
monde purement intellectuel, et ce monde n’appartient 
qu’à l’homme. 

On ne rencontre jamais dans les contrées méridio- 
nales de la France de vieux individus du plongeon 
imbrim (colymbus glacialis Linn.), ni du canard 
eider (anas mollissima Linn.). Les jeunes seuls les 
visitent, et, ce qui est non moins remarquable, on voit 
rarement parmi eux des males, du moins parmi les 
individus de cette dernière espèce. On assure cepen- 
dant que des femelles adultes ont été tuées dans les 
environs de Montpellier. Cette circonstance tiendrait- 


— 118 — 


elle à ce que la différence des sexes est plus dif- 
ficile à reconnaitre chez les jeunes individus que 
chez les vieux; nous n’oserions le décider. Il en est 
de même du moineau cisalpin ( fringilla cisalpina 
Temm.). Cet oiseau arrive à peu près constamment 
dans le Midi, vers la fin d’octobre ou au commence- 
ment du mois de novembre; mais presque toujours 
dans le jeune âge. 

Il nous quitte ensuite, et au plus tard vers la fin de 
décembre, ne séjournant guère dans les provinces mé- 
ridionales de la France plus de deux mois. On ne 
voit plus ce moineau dans aucune autre saison de 
l'année. De pareilles habitudes sont communes au 
bruant montain (emberizza calcarata Temm.). Cet 
oiseau nous arrive assez souvent et isolément vers la 
fin de novembre, toujours dans le jeune âge, n’ayant 
pas opéré la mue des adultes. 

On peut faire une remarque non moins singuliére, 
relativement à la différence des distances que par- 
courent les vieux oiseaux dans leurs migrations, en 
comparaison de celles que franchissent les jeunes. 
On voit constamment les bandes composées de vieux 
oiseaux étendre leurs migrations plus loin, soit en 
automne, soit à leur retour au printemps, que les 
bandes formées par les jeunes oiseaux. Celles-ci s’a- 
vaucent toujours moins en avant dans les régions plus 
froides que celles qu’elles viennent d'abandonner. 


— Ja — 


Ainsi, lorsque les vieux poussent leurs voyages jus- 
que dans les régions du cercle arctique, les jeunes, 
moins audacieux et moins éntreprenants, restent pen- 
dant une ou deux années dans les contrées du centre 
de l’Europe. Lorsque les vieux choisissent les cli- 
mats tempérés, comme lieux de leur séjour, les jeunes 
sont retenus dans le Midi. Ils ne paraissent pas pour 
lors passer les mers qui séparent l’Europe de l'Afrique 
septentrionale ; cependant le plus grand nombre des 
espèces nomades qui n'arrivent pas à l’état adulte dès 
leur première année, choisissent de préférence ces 
contrées pour leur séjour d'hiver. 

Si l’on arrête ces oiseaux au milieu de leurs mi- 
grations, plus ou moins loin des lieux où ils construi- 
sent ordinairement leurs nids, on ne peut pas les faire 
nicher, quels que soient les soins que l’on prenne à cet 
égard. Nous avons renouvelé cette observation bien 
des fois, particulièrement pour les becs croisés; ja- 
mais elle n’a été suivie du moindre succés. On concoit 
fort bien pourquoi l’on ne peut parvenir à faire ni- 
cher les colibris, les oiseaux-mouches, les veuves et les 
souimangas dans les climats tempérés, puisque ces oi- 
seaux he sauraient y trouver cette température élevée 
qui dans leur pays natal est pour eux la saison des 
amours. Mais on ne comprend pas pourquoi les oiseaux 
que l’on arrête dans leurs passages ne cherchent pas à 
se reproduire et résistent à un besoin aussi impérieux 


— A9 
que celui qui presse toutes. les espèces de faire durer 
leur race. 

On éprouve d’autant plus de difficultés à se rendre 
raison d’une pareille résistance, que des oiseaux qui 
habitent des climats extrêmement chauds, transportés 
dans les régions tempérées du midi de la France, y 
pondent leurs œufs, tout aussi bien que dans leur pays 
natal. Telle est l’autruche. Cette circonstance remar- 
quable pourrait être considérée comme tenant à ce 
que ces oiseaux ne construisent pas des nids, puis- 
qu’ils ne pondent qu'un seul œuf à la fois. Elle doit 
dépendre de toute autre cause; en effet, un grand 
nombre d’espèces des pays chauds nichent et pondent 
leurs œufs dans les climats tempérés, ainsi que dans 
les lieux de leur naissance. 

Les oiseaux dont le plumage n’a point encore pris 
tout son développement et ses couleurs stables sont 
ceux qui étendent le moins loin leurs excursions. 
Comme ils sont souvcut une où deux années avant 
d’être en état de se reproduire, ils se choisissent des 
lieux tout autres que ceux où les adultes se rendent 
pour nicher. S'ils se trompaient, les vieux les chasse- 
raient certainement, avant qu'ils eussent pu songer à 
se reproduire. 

Lorsque le temps est venu de quitter les con- 
trées où ils ont opéré leurs pontes , on voit ces jeunes 
oiseaux, devenus adultes, se rassembler pendant huit, 


— 191 — 


dix ou même quinze Jours , et. se préparer ainsi aux 
voyages auxquels ils vont se livrer: Ces rassemble- 
ments dureut ainsi jusqu’au moment où l’époque des 
passages est totalement terminée. 

Comme les vieux individus poussent leurs excur- 
sions le plus loin, ils s’égarent le plus avant dans les 
régions du nord, ou les contrées polaires, où 1l est 
rare de rencontrer de jeunes oiseaux. Lorsque au re- 
tour du printemps, les palmipèdes et les échassiers 
quittent les contrées tempérées pour gagner l'ex- 
trême nord, les vieux y arrivent à peu près seuls. 
Les jeunes restent sur les bords de la Baltique, s’é- 
tendent sur les lacs de l'Autriche, de la Hongrie, et 
au plus loin sur ceux de la Russie. 

Les sexes ne sont pas non plus sans quelques rap- 
ports avec le nombre des individus qui composent les 
passages. Souvent les deux sexes ne voyagent pas en- 
semble, soit que les males précédent les femelles, soit 
que l'inverse ait lieu. Il arrive même quelquefois que 
l’un des sexes prédomine d’une manière marquée sur 
l’autre.Telleest, parexemple, la mésangeremiz (parus 
pendalinus), qui offre constamment, dans le midi 
de la France, plus de mâles que de femelles. Il en est 
également chez les fauvettes, et particuliérement chez 
la passerinette, la mélanocéphale, et enfin chez le bec 
fin à lunette. 


Cette circonstance dépendrait-elle de la plus grande 


— 192 — 


force motrice, dont les mâles sont doués. On concoit 
qu’elle doit leur donner les moyens de franchir des es- 
paces plus considérables, et d'arriver ainsi plus tôt que 
leurs femelles dans nos contrées. Get excès des mâles 
tient peut-être encore à l’ardeur qu’ils montrent pour 
se reproduire, sentiment moins fort chez les individus 
de l’autre sexe, et qui par cela même les porte moins 
à se déplacer. 

Si beaucoup d'oiseaux voyagent pendant le jour, 
un grand nombre, comme les hérons, les bécasses, 
les ràles, et une foule d’autres espèces voyagent pen- 
dant la nuit. Les uns font entendre des cris plus ou 
moins percants, tandis que les autres gardent le si- 
lence pendant leurs courses même les plus longues. 

La plupart des espèces de passage qui ont de pa- 
reilles habitudes s'arrêtent à peine dans les voyages 
qu'ils font des pays chauds où ils passent l’hiver, 
jusqu'aux lieux où ils établissent leur principal do- 
micile. C’est surtout vers les régions septentrionales 
que ces oiseaux se rendent pendant la belle saison. 

Parmi ces espèces éminemment voyageuses, on 
peut signaler principalement les cicognes. Quoi- 
qu’elles s'élèvent considérablement dans les plaines 
de l'air, elles n’en franchissent pas moins de grandes 
distances. On est peu surpris que les hirondelles et 
les martinets, dont les ailes sont si étendues et la 
puissance du vol si grande, aient de pareilles habi- 


— 125 — 


tudes. D'ailleurs ces oiseaux ont leur corps peu pe- 
sant, et leurs mouvements sont extrêmement agiles. 

Comme les hirondelles exécutent les plus longs 
voyages, et quittent le plus souvent les lieux qu’elles 
habitent pendant la nuit, on a longtemps supposé 
qu’elles se retiraient l’hiver dans des excavations ou de 
petites cavités au bord des rivières. Là elles reste- 
raient engourdies pendant toute la saison des frimas. 

Hunter a démontré que cette supposition n’était 
pas exacte; car l’organisation et la structure anato- 
mique des organes respiratoires de ces animaux 
s'opposent non-seuiement à ce qu’ils puissent vivre 
dans l'eau, mais encore à ce qu’ils puissent rester 
longtemps engourdis. D'ailleurs, comme nous avons 
déjà fait saisir à quelle cause il fallait attribuer cette 
erreur, nous ne nous y arrêterons pas plus longtemps. 
Nous ferons cependant observer que les routes suivies 
par les hirondelles dans leurs migrations sont par- 
faitement connues et qu’il est facile de suivre leur 
direction aussi bien que celle des autres oiseaux, ce 
qui empêche de les considérer comme hivernantes à 
la manière des loirs et des marmottes. 

IL est du moins certain qu’au moment du départ 
les oiseaux voyageurs manifestent une sorte d’inquié- 
tude et de malaise particuliers. Aussi M. Bachman 
a-t-il observé des canards du Canada (anser cana- 
diensis) parfaitement apprivoisés à Charles-Town, 


— 124 — 


lesquels, à chaque printemps, faisaient tous les efforts 
imaginables pour obéir à leur instinct. Quoiqu’on 
leur eût coupé une articulation de l'aile, du moment 
qu'ils se voyaient libres, ils s’échappaient en courant 
vers le nord, comme s'ils eussent voulu entrepren- 
dre leur voyage en marchant. Wilson cite également 
comme une chose certaine le fait d’une cane appri- 
voisée qui au printemps s’échappa de Long-Island, 
et revint à l'automne avec trois canetons, qui demeu- 
rérent avec elle. Il parait en être de même du cygne 
domestique et, ce qui est encore plus remarquable, 
du cygne noir de la Nonvelle-Hollande (anas plutonia) 
élevé en Europe. Les rouges-corges, les chardonnerets 
et les autres oiseaux apportés jeunes des pays du 
nord, et mis en liberté, se dirigent de suite vers les 
pôles avec tout autant de précision que s'ils étaient 
munis de boussoles. 

En refléchissant sur ces faits qui se renouvellent 
chaque année avec le retour des saisons, on est moins 
surpris que l’arrivée et le départ des oiseaux soit un 
des meilleurs pronostics du changement de temps 
qui va avoir lieu. Le capitaine Parry raconte avec 
quelle anxiété les Esquimaux attendent l’arrivée du 
pinson de neige. L’aigle pêcheur annonce à ceux qui 
habitent les rives des fleuves du Nord que le moment 
de la pêche est enfin venu. Le chant de la tête-de- 
chèvre (caprimulgus caroliniensis) rappelle égale- 


— 125 — 


ment aux fermiers et aux laboureurs que le temps de 
semer le froment doit être arrivé, ot cet oiseau 
fait entendre sa voix. 

Ainsi les chants des oiseaux, tout comme les cris 
des autres animaux, animent non-seulement la nature, 
mais sont souvent des signes certains des événements 
et des circonstances qui vont suivre. Ils les annoncent 
beaucoup mieux que nous ne pourrions le faire avec 
toute notre intellisence, aidée par les instruments, 
fruits de son invention, qui nous ont mis en commu- 
nication avec les objets extérieurs. 


V. De l'influence de la température et de la nourriture sur les 
passages des oiseaux. 


La température n’est donc pas sans quelque in- 
fluence sur les passages des oiseaux. En effet, nous 
voyons avancer vers nous les ramiers, les linottes, les 
pinsons, les draines, les grives et les chardonnerets, à 
mesure que l'hiver les poursuit ailleurs. Quelques-uns 
vont à peu prés seuls, ou voyagent en petites troupes, 
mendiant, pour ainsi dire, leur nourriture sur leur 
passage. D’autres, tels que les ramiers, s’élancent en 
grandes masses dans les vastes plaines de l’air, pleins de 
confiance dans la puissance de leur vol; ils s'arrêtent 
peu dans le trajet qu’ils ont à parcourir. Plusieurs 
espèces de bruants, plus timides, n’abandonnent qu’à 


— 126 — 


regret les lieux de leur naissance. Elles ne les quit- 
tent que lorsqu'elles y sont forcées par les rigueurs 
de l’hiver : aussi ces oiseaux nous arrivent générale- 
ment fort tard. 

Lorsque la bise souffle, que l’atmosphère est som- 
bre et grisâtre, on voit passer dans les nuages épais 
des détachements de grues, de foulques, de van- 
neaux, de pluviers, d’oies, de canards. Enfin de nom- 
breuses légions d'oiseaux aquatiques, qui abandonnent 
les régions glacées des pôles, viennent s’abattre dans 
les prairies inondées ou les marais remplis de joncs 
des contrées méridionales. 

Mais lorsqu’aux approches du printemps les cam- 
pagnes reprennent leur verdure, les guépiers, les 
loriots, les coucous et les mauvis (éurdus iliacus) ve- 
paraissent et se répandent dans les champs. et dans 
les forêts du Midi. Les oiseaux palmipèdes, ainsi que 
toutes les espèces des rivages, retournent dans. leur 
humide et froide patrie, dont les, glaces les avaient 
chassés. Les. oiseaux insectivores et granivores re- 
viennent, au contraire, dans le Midi avec la belle 
saison, qui les rappelle dans leur pays natal. La faim 
les a fait fuir, l’amour nous les ramène. L’hirondelle 
reconnait le nid qu’elle plaçca sous les fenêtres de 
nos habitations. La cigogne retourne sur celui de 
l’antique tour où elle éleva sa famille. Le loriot re- 
trouve le sien dans la forêt. Le rouge-vorge revoit 


— 127 — 


avec plaisir le tronc mousseux de son vieux chêne, et 
le traquet son buisson. Ainsi les contrées du midi, 
comme toutes celles où le printemps fait sentir sa 
bienfaisante influence, sont saluées par des chants 
d’allégresse et d'amour jusqu'à ce que l’hiver, entouré 
de brumes épaisses et de froids rigoureux, vienne de 
nouveau y faire peser son sceptre de glace et de mort. 

Les voyages constants que les oiseaux exécutent à 
des époques fixes n’ont rien de commun avec ceux 
que certaines espèces entreprennent sans aucun but 
apparent, pouvant supporter toutes sortes de varia- 
tions dans la température et vivre en quelque sorte 
dans tous les climats. Ceux-ci paraissent voyager 
presque sans but. Ils ne suivent aucune direction fixe, 
et ne s'arrêtent que pour prendre un repos indispen- 
sable. Leurs apparitions, tout à fait accidentelles, jet- 
tent ensuite une grande confusion dans la distribu- 
tion des espèces, lorsque ces oiseaux s'arrêtent et fi- 
nissent par se fixer dans les lieux nouveaux où le 
hasard les a conduits. Dans ces migrations accidentelles 
et isolées, les deux sexes voyagent constamment en- 
semble. Le nombre de ces individus qui parcourent 
des pays divers, sans projet comme sans dessein dé- 
terminé est du reste peu considérable. On admire 
pourtant dans ces migrations partielles l’ordre qui y ré- 
gne. On n'est pas moins surpris de cet instinct admira- 
ble qui porte ces oiseaux à s'appeler mutuellement, afin 


— 128 — 


de se rassembler vers un point fixe et de se trouver 
réunis douze ou quinze Jours avant celui du départ. 

Ce jour est ordinairement l’indicedu mauvais temps 
qui va suivre. En effet, les oiseaux prévoient mieux 
que les autres animaux les changements qui vont s’o- 
pérer dans la température ; aussi, après l’arrivée de 
certaines espèces, disparaissent les beaux jours et la 
douceur du climat. Les faits qu'ils nous présentent, 
nous les retrouvons ésalement chez la plupart des es- 
pèces dont les voyages ont constamment lieu à l’épo- 
que du changement des saisons. 

Qui ignore que la venue des oies, des canards, des 
grues, des cicognes et même des corneilles, est un 
signe certain des mauvais Jours qui vont succéder à 
leur apparition. L'oiseau des tempêtes n'est-il pas 
également pour les navigateurs un indice assuré des 
orages qui vont survenir ? Sa présence, ainsi que l’ob- 
serve avec raison Buffon, est à la fois un signe d’a- 
larme et de salut. Par suite des sages desseins de la 
nature, cet oiseau, si utile à l’homme, est sénéralement 
répandu dans toutes les mers, comme pour mieux 
prévenir les marins contre les dangers qui les me- 
nacent (1). 


(1) On pourrait encore citer parmi les oiseaux qui présagent les tempêtes 
la mouette à pieds bleus, le stercoraire cataracte et bien d’autres espèces. 


— 129 — 

On se demande si cette prévoyance est pour les 
oiseaux un effet de teur instinct ou un résultat de 
leur organisation. Celle-ci détermine les impressions 
qui produisent et développent les conséquences de 
l'instinct; dès lors, c’est dans l’organisation même 
qu'il faut chercher les conditions de cette prévision. 

Nous avons déjà fait observer que les oiseaux étaient 
les animaux dont la température est la plus élevée ; 
ils doivent donc être plus sensiblement affectés par 
les changements qui peuvent s’opérer dans les cir- 
constances extérieures. Sans doute ces animaux sont 
entourés de plumes et de duvets, corps aussi mauvais 
conducteurs de la chaleur que l’air qui en remplit les 
cavités; par cela même, ils se trouvent dans des con- 
ditions qui affaiblissent l’impression des milieux sous 
l'influence desquels ils vivent. D'un autre côté, les 
oiseaux, comme les vertébrés les plus élevés dans la sé- 
rie animale, ne sont jamais en équilibre sous le rap- 
port de leur température avec l'air ambiant ; aussi, 
plus ils en recoivent dans leurs poumons , dans leurs 
os, dans leurs plumes, enfin dans toutes les parties 
de leur corps, et plus ils doivent en être affectés. Ils 
le sont surtout lorsque ce fluide se trouve très au- 
dessous de leur propre chaleur, comme cela arrive 
lors des diverses variations atmosphériques. 

Les outardes barbues (otis tarda) n'arrivent dans 


les contrées méridionales de la France que lorsque 
9 


— 150 — 


l'hiver est risoureux. Si la température se maintient à 
des degrés assez élevés pendant cette saison, ces es- 
pèces n’en approchent pas. Leur venue est tellement 
liée à la température, qu’elle se montre constamment 
en harmonie avec là marche de la chaleur. Aussi la 
présence de ces espèces dans le Midi est un indice cer- 
tain de la rigueur de l’hiver qui va suivre. 

C’est sur des faits du même genre qu’est fondée 
l'opinion généralement accréditée parmi les cultiva- 
teurs, que l’arrivée de certaines espèces dans des 
pays plus méridionaux que ceux où elles ont coutume 
d'aller passer l'hiver, est presqu’un signe certain que 
la saison qui suivra leur venue sera froide. M. Brehm, 
qui a publié sur les migrations les observations les 
plus intéressantes, regarde cette opinion comme fon- 
dée. D’après lui, ce pronostic tromperait peu; il est 
principalement donné par des oiseaux dont les migra- 
tions ont lieu en août et en septembre ; du moins en 
Angleterre: Parmi ces oiseaux, on peut comprendre 
les fauvettes des roseaux, les tarins, les bouvreuils 
et les aecenteurs. 

Il en est également de ceux qui, comme les cygnes 
et les harles, arrivent dans le Midi en grand nombre 
vers la fin de novembre. On serait tenté de croire, 
d’aprés ces faits et d’après quelques autres que nous 
énumérerons plus tard, que les oiseaux se trouvent, 
au moment de leurs migrations, dans un état tout 


— 1351 — 


particulier. Cet état leur permettrait de supporter 
tous lés genres de privations, comme de prévoir cer- 
tains changements atmosphériques, dont ils pour- 
räient être afféctés, s’ils ne se placaient pas hors de 
leurs atteintes. | 

Ainsi la plupart dés oiseaux exécutent pendant le 
jour les voyages qui leur sont commandés par un 
besoin impérieux et irrésistible; d’autres, au con- 
traire, comme les ortolans, les tourdes, les grives, 
le rossignol, les fauvettes, les cailles, enfin tous les 
véritables chanteurs, ne voyagent jamais que la 
nuit. Il paraît en être de même des foulques et de 
quelques espèces d’oies et de canards. Ces oiseaux, 
pendant toute la durée du voyage, restent constam- 
ment éveillés le jour. Or, s’ils peuvent ainsi passer le 
temps entier des migrations sans dormir, c’est qu’ils 
sont pour lors dans un état d’exaltation et dans une 
sorte de crise bien différents de leur état naturel. 

Cette supposition semble confirmée par l’insomnie 
que ne présentent pas seulement ceux qui sont en li- 
berté, mais même les espèces qu'on tient enfermées. 
On les voit dans leurs cages pendant le jour, dans une 
agitation continuelle, s'occuper à chercher leur nour- 
riture, et cependant être alertes et en mouvement 
toute la nuit. Ces oiseaux ne paraissent pas pouvoir 
dormir tant que dure l’époque de leurs migrations. 
ES ne reprennent du moins leur tranquillité que 


lorsque cette époque est passée. On les entend pour 
lors chanter toute la nuit, même lorsque l’appar- 
tement où on les tient enfermés n’est pas ou est 
très-peu éclairé. Cependant lorsqu'il fait clair de 
lune ils semblent plus inquiets que lorsque la nuit 
est obscure. Aussi, généralement les oiseaux libres 
et indépendants voyagent de préférence pendant les 
nuits claires. 

Ces observations nous font comprendre que les 
migrations des oiseaux, comme tous les actes produits 
par l'instinct des animaux, sont principalement sous 
la dépendance de l’organisation propre à chacun 
d’eux. Elles annoncent encore qu'il existe un rapport 
constant entre les lois établies pour un but déterminé 
et les circonstances de l’organisme des animaux. 

Le phénomène des migrations, dont il est si difhcile 
d'apprécier les causes, a aussi son but d’utilité comme 
tous les phénomènes de la nature. Leurs résultats 
répartissent les oiseaux, comme les animaux qui 
s’y livrent, sur la totalité de la surface du globe, de 
manière que les lieux où ils peuvent se procurer une 
nourriture suflisante, en sont abondamment pourvus. 
En effet, toutes les contrées où les oiseaux espèrent trou- 
ver de quoi alimenter leurs forces épuisées sont visitées 
par eux soit en hiver, soit au printemps, soit enfin en 
été ou en automne; on y en voit un nombre plus ou 
moins considérable, toujours en rapport avec l’abon- 


dance de la nourriture, la douceur du climat et 
l'humidité qui leur est nécessaire. 

Rien donc ne peut retenir les espèces émigrantes 
dans les lieux qui les ont vues naître. Lorsqu'on veut 
les y contraindre, elles périssent et succombent dans 
un état de maigreur particulier. Témoins, ces coucous 
auxquels on distribue pendant l'hiver une nourriture 
abondante et une température analogue à celle du 
commencement de l’automne. Malgré les soins les 
plus constants, on ne peut les conserver au delà du 
mois de décembre et de janvier. Tous périssent dans 
un état de langueur particulier, produit par l’impuis- 
sance où ils ont été de satisfaire à un des besoins les 
plus pressants de leurs conditions d'existence. 

Une sorte de pressentiment des nouvelles circons- 
tances atmosphériques dans lesquelles ils vont se trou- 
ver porte les oiseaux à se livrer à des voyages loin- 
tains. Leurs migrations ou leurs apparitions subites 
dans une contrée qu'ils n'avaient pas l’habitude de 
fréquenter donnent des indices certains sur la ri- 
gueur de la saison qui doit suivre. Ainsi, lorsque dans 
l’automne de 1822, M. Brehm, que nous avons déjà 
eu l’occasion de citer, vit tous les canards quitter 
le lac de Friessnitz, et, que d’un autre côté, il apprit 
l’arrivée des pingouins sur les côtes de l'Allemagne, il 
s’attendit à un hiver rigoureux. L'événement répon- 
dit à ses prévisions. 


— 134 — 


On peut même ajouter que par suite de ces prévi- 
sions, sur lesquelles il est si difficile de se former 
des idées justes, les oiseaux voyageurs présagent jus- 
qu’à un certain point les grandes épidémies et même, 
au dire de certains observateurs , les perturbations 
des phénomènes atmosphériques et de certains faits 
physiques. On assure qu’il en a été ainsi ayant les 
désastres arrivés à la Pointre-à-Pitre (Guadeloupe). 

Enfin, lorsque dans les climats méridionaux on 
conserve à la fin de l’automne un grand nombre 
de pinsons, de linottes, de verdiers, en un mot tous 
les oiseaux qui peuvent se dispenser d’émigrer sans 
péril, on est presque sûr que le froid ne sera pas 
orand ni longtemps prolongé. Cette sorte de pré- 
vision peut paraître avoir quelque chose de mer- 
veilleux ; mais elle n’en est pas moins réelle. Elle se 
manifeste aussi bien chez les jeunes que chez les vieux 
oiseaux, quoique les uns et les autres ne suivent pas 
toujours les mêmes routes, et n’arrivent pas constam- 
ment dans les mêmes contrées. 

Ces actes tiennent tellement à la conservation des 
espèces, que la nature les a toutes douées d’un instinct 
suffisant pour les opérer, lorsqu'il est nécessaire. Il 
existe donc un rapport réel et évident entre les lois 
générales de la nature et les actes instinctifs des ani- 
maux. Ces relations n’ont d’autre but que d'assurer 
la perpétuité et la durée des espèces. En produisant 


— 155 — 


les actes qui en sont la manifestation, l'oiseau ne les 
exécute point par suite d’une intelligence qui lui en 
ferait sentir la nécessité. Il obéit pour lors à un 
instinct aveugle qui le presse et le pousse. Quant à 
l'intelligence qui préside à tous les mouvements 
qu'elle produit et qu’elle détermine, elle est en en- 
tier hors de ses actes, toujours les mêmes et qui ne 
sont susceptibles d'aucun genre de progrès. 

Diverses espèces d’oiseaux se déplacent donc à des 
époques fixes et toujours déterminées pour chaque 
espèce. Ces animaux y sont bien plus contraints par 
un instinct irrésistible que par l'effet des circons- 
tances extérieures, sous l'influence desquelles ils 
vivent. L'action de ces circonstances exerce toute 
sa puissance sur les oiseaux erratiques, dont les 
passages sont aussi irréguliers et aussi inconstants 
que les causes qui les déterminent. Quant aux ra- 
ces cosmopolites , dans un mouvement continuel, 
l'agitation est leur habitude, peut - être parce 
qu’elles vivent sur un élément où elles ne sau- 
raient trouver le repos, que n’exige pas du reste leur 
organisation. Elles volent constamment à la surface 
des eaux des mers, dont elles parcourent la vaste 
étendue. La plupart d’entre elles ne nagent cepen- 
dant presque jamais. Cette particularité prouve la 
grande puissance du vol de ces oiseaux , dont rien 


n'égale l’agilité ; aussi les voit - on parcourir les 


— 136 — 


espaces les plus considérables sans efforts comme 
sans fatigue. 

De pareilles habitudes sont assez rares parmi les 
oiseaux ; ceux-ci nous fournissent peu d'exemples ainsi 
que les poissons, dont les mouvements sont non moins 
agiles et non moins soutenus. Il en est différemment 
des espèces sédentaires, qui ne quittent jamais les lieux 
qui les ont vues naître. Le nouveau monde nous en pré- 
sente un plus grand nombre que l’ancien continent. 
La cause de cette différence tient peut-être au genre 
de nourriture des oiseaux d'Amérique. Leurs ali- 
ments les tiennent comme emprisonnés auprès des 


lieux de leur naissance. Il est possible encore que la 
température ne soit pas sans quelque influence sur 


les mœurs paisibles et tranquilles de ces races sta- 
tionnaires. 

L'homme dérange parfois cet ordre; c’est lui qui 
a transporté dans les forêts de l'Amérique les gros becs 
d'Afrique. Iles aamen ‘3 dans le nouveau monde avec 
d’autres espèces, par suite des relations commerciales 
qu'il a établies entre ces deux contrées. Les gros becs 
ont trouvé dans les forêts du nouveau continent 
toutes les conditions favorables à leur existence ; aussi 
ils y ont tellement prospéré, que bientôt ils y seront 
aussi nombreux que les espèces indigènes. Cette in- 
fluence de l’homme qui s'exerce déjà depuis bien des 


siècles empêche de démêler dans une foule de cir- 


s 


— 1357 — 


constances la véritable distribution primitive des 
animaux. 

Les causes d’un pareil transport sont si rappro- 
chées de nous, qu’il n’est point difficile d'en recon- 
naître les effets et de les distinguer de ceux dus aux 
déplacements naturels par suite des migrations. Mais 
lorsqu'elles remontent à des temps éloignés, il est dif- 
ficile de les bien apprécier, et de les discerner des 
changements opérés par suite des passages des oiseaux. 

L'influence de l’homme s’est fait ressentir, non- 
seulement sur les oiseaux émigrants et erratiques, 
mais elle s’est encore exercée sur les espèces séden- 
taires. À son action est due la disparition du moi- 
neau franc ( fringilla domestica) des iles Britanni- 
ques. Si ce moineau avait eu des mœurs différentes, 
c'est-à-dire avait voyagé soit à des époques fixes et 
périodiques, soit à des époques irrégulières , toute la 
puissance anglaise aurait été sans effet pour détruire 
le moineau dans ses possessions. Cet oiseau, s’il avait 
été doué d’une plus grande puissance de vol, s’y 
serait constamment perpétué par suite de ses voya- 
ges, auxquels aucun pouvoir humain n'aurait pu 
mettre obstacle. 

Les Anglais ont donc profité des mœurs du moi- 
neau franc, pour se délivrer d’un parasite fort in- 
commode , et d'autant plus à redouter pour nos ré- 
coltes, qu'il se nourrit uniquement de graines ou de 


ARE 


fruits, et détruit peu d'insectes. Sous ce rapport les 
espèces insectivores ont leur utilité, puisqu'elles 
dévorent ces derniers animaux, les fléaux des champs, 
et sous ce rapport l’homme leur doit en quelque 
sorte protection. 

On conçoit aisément que les mauvais voiliers doi- 
vent être les oiseaux les plus sédentaires; peut-être 
aussi pour cette raison les gallinacés se livrent peu à 
de grandes migrations. Aussi cet ordre est-il plus 
nombreux dans l’ancien continent que dans le nou- 
veau, et surtout que dans la Nouvelle-Hollande, où 
il en existe à peine. Si au contraire ces oiseaux s'étaient 
livrés, comme tant d’autres, à des voyages lointains, 
ils se seraient répandus dans diverses parties du globe, 
autres que celles où ils ont fixé leur séjour. Mais 
puisqu'ils sont bornés au lieu de leur naissance , ils 
annoncent par là qu'ils n’ont point changé de climat. 

IL est cependant des gallinacés qui font encore 
d’assez longues courses, et cela indépendamment de 
la caille, des pigeons et des tourterelles, oiseaux fa- 
meux par l’étendue de leurs excursions. On peut citer 
particulièrement les dindons dont l’espèce domesti- 
que se trouve à l’état sauvage dans diverses parties 
de l’intérieur de l'Amérique septentrionale. 

Ces dindons sauvages se nourrissent de baies et de 
fruits ; lorsqu'ils ont épuisé ceux d’une contrée, ils se 
rendent dans une autre, afin d’y trouver ce qui leur 


— 139 — 


manquait. Ainsi, vers le commencement d'octobre, 
lorsque les graines et les fruits ont disparu , on les 
voit s’assembler en troupes plus ou moins nombreu- 
ses, vers les plaines fertiles de l'Ohio et du Missis- 
sipi et y chercher leur nourriture. Les femelles, sui- 
vies de leurs petits, se tiennent constamment séparées 
des males, qu'elles redoutent. Les uns et les autres 
voyagent constamment à pied, et suivent la même di- 
rection. 

Lorsque cette armée de dindons rencontre une ri- 
vière sur son passage, elle est forcée de suspendre sa 
marche et de s'arrêter. Etonnés par cet obstacle, on voit 
pour lors les dindons se porter sur les plus grandes hau- 

-teurs qui en couronnent les bords et y rester plusieurs 
jours, comme en délibération. Ils se décident enfin à 
monter sur le sommet des arbres Les plus rapprochés de 
la rivière. À un signal donné par le chef de la troupe, 
tous prennent leur vol vers la rive opposée, où les 
ieux arrivent facilement, même lorsqu'elle a un 
mille de large. Quant aux jeunes, ils tombent souvent 
dans l’eau, et sont pour lors forcés d’achever leur tra- 
versée à la nage. 

Parvenus ainsi dans un canton où les fruits abon- 
dent, ils se divisent par troupes, sans distinction 
d'age ni de sexe, et dévorent tout ce qu’ils rencon- 
trent. Ils passent ainsi une partie de l’automne et de 
l'hiver ; vers le milieu de février, les femelles, bientôt 


— 140 — 


suivies des mâles, vont s'occuper de la ponte. Elles 
construisent un nid à terre avec des feuilles sèches, 
et y pondent de dix à quinze œufs. Elles se réunissent 
quelquefois plusieurs pour déposer leurs œufs dans 
un même nid et élever leurs petits en cemmun. L’une 
des mères, toujours vigilante, veille constamment sur 
ces nids. Elle en défend l’approche aux autres oi- 
seaux et aux mammifères qui voudraient en dévorer 
les œufs. 

On concoit comment avec de pareïlles habitudes, 
les dindons sauvages n’ont jamais quitté le sol de 
l’Amérique, où ils ont pris naissance. Ils se bornent 
à faire, dans cette contrée, des voyages d’un canton à 
l’autre, selon l'espoir qu'ils ont de trouver ailleurs: 
ce qu'ils n’ont plus dans les lieux qu'ils habitaient 
primitivement. 

Mais pourquoi en est-il de même des jacanas, des 
toucans, des guit-guit et des colibris , dont le vol est 
aussi élégant que léger ? Si ceux-ci ne se dépaysent 
pas plus que les dindons, et si comme eux ils n’ont 
point d'autre patrie que le nouveau monde, n'est-ce 
point parce que ces différentes espèces y rencontrent 
constamment ce qui est nécessaire à leur existence ? 
N'est-ce pas également par des causes du même genre 
que les promerops, les tangaras et les tamatias n'ont 
jamais abandonné les forêts du nouveau continent et 


que chaque espèce de perroquet est restée sédentaire 


— 141 — 


dans les lieux qui l’ont vue naître ? Aussi il n’y a pas 
d'espèces de ce genre qui soient communes à l’Amé- 
rique et à la Nouvelle-Hollande; cependant ces deux 
continents sont à peu près la patrie exclusive des 
perroquets (1). 


(1) L'influence de la température se fait ressentir non-seulement sur 
les mœurs des oiseaux, puisqu'elle en retient un certain nombre dans les 
lieux de leur naissance, mais elle exerce une influence non moins sensible 
sur la beauté de leur plumage. 

On sait que les plus beaux oiseaux comme les insectes revêtus des plus 
magnifiques couleurs appartiennent aux contrées les plus chaudes de la 
terre. Parmi les plus belles espèces de cet ordre d’animaux on doit surtout 
citer le tangara de Vassor (tangara Vassorii) d’un beau bleu d’azur émaillé. 
Cet oiseau est Ge Santa-Fé de Bogota en Colombie. Si ces faits prouvent 
quelle est l'influence de la température sur les oiseaux, d’autres prouvent 
combien est grande celle de la nourriture. 

Jusqu'à présent on n’avait pas pu parvenir à reproduire en Europe le 
cardinal huppé de Virginie (loxia cardinalis Linn.). On était seulement 
parvenu à opérer la reproduction du cardinal dominicain ({oxia domini- 
cana Linn.); mais toutes les tentatives avaient été sans succès pour la pre- 
mière espèce de gros bec. En fournissant à ces oiseaux la nourriture qui 
leur convenait, ils ont fait en France des couvées comme en Amérique. Les 
pelits qu’elles ont produits ont très-bien réussi par suite des soins que leur 
a prodigués M. Grégory (Comptes rendus de l'Académie des sciences de 
Paris, tom. xv, n° 4, 4 juillet 4842, pag. 58). 

Il serait curieux de s’assurer si l’on ne pourrait pas en faire de même des 
colibris ; ces oiseaux restent constamment confinés dans les lieux de leur 
naissance, par suite peut-être de la difficulté qu'ils éprouveraient de ren- 
contrer ailleurs une nourriture convenable. On ne voit pas pourquoi, si 


elle leur était donnée en Europe comme en Amérique, ces oiseaux ne pour- 


— 142 — 


Du moins les contrées brülantes et stériles de l’A- 
frique n’ont jamais été fréquentées que par le perro- 
quet cendré (psittacus erythacus). Le sol de l'Europe 
n’a jamais vu non plus aucune espèce de ce genre 
animer ses campagnes. D'un autre côté, les touracous;, 
les courols, les barbicans, n’ont pas plus abandonné 
le sol de l'Afrique que d’autres espèces celui de l’A- 
sie: Quelques circonstances particulières que l’on re- 
marque chez des oiseaux bien connus et dont on peut 
facilement observer les passages, semblent propres à 
nous en faire apprécier les motifs. 

Les cailles, dont nous avons déjà parlé, ont leurs 
migrations tellement régulières, qu'on les voit arriver 
constamment dans le midi de la France vers le com- 
mencement d'avril, et en repartir vers la fin d'août 
ou dans le courant du mois de septembre. Ces 
cailles quittent quelquefois les contrées méridionales 
lorsque la sécheresse y est trop grande, dans l’espoir 
de trouver ailleurs ce qui leur manque parmi nous. 
D'un autre côté, les foulques (fulica atra Linn.), qui 
ordinairement paraissent sur les côtes du midi de la 
France depuis le mois d'octobre jusqu’au mois d’a- 


raient pas se reproduire dans les régions tempérées. Ce genre de recherches 
est trop intéressant pour ne pas être tenté par quelque observateur habile, 
qui pourra se procurer facilement des colibris vivants. 


— 1435 — 


vril, ne s’y sont point arrêtées dans l’année 1837. La 
cause de la retraite de ces oiseaux des lieux où ils 
sont ordinairement si abondants a paru tenir à l’ex- 
trême sécheresse de cette année. Cette sécherëesse fut 
si grande, que les étangs salés ne recevant presque 
plus d’eau douce, les herbes n’y poussérent pas comme 
à l'ordinaire. 

On se demandera peut-être comment les oiseaux 
peuvent prévoir de pareilles circonstances ? On juge 
facilement pourquoi ils quittent des contrées où ils ne 
trouvent pas toutes les conditions qui leur convien- 
nent; comme le font les caïlles ; soit celles qui, pous- 
sées par des vents violents, arrivent sur nos côtes vers 
la fin de mars, soit les vieilles qui ne s’y rendent 
que plus tard: Mais ce dont il est diflicile de se rendre 
raison, c'est comment des oiseaux peuvent savoir d’a- 
vance qu'ils ne trouveront pas ce qui leur est néces- 
saire dans les contrées où ils ont l'habitude de se 
rendre à des époques fixes. 

Certains faits permettent cependant d’entrevoir 
que cette prévoyance n’a rien d’extraordinaire, quoi- 
que les foulques dont nous nous occupons ici d’une 
manière particulière, arrivent constammenñt de nuit 
sur les étangs salés. Le lendemain de leur arrivée, 
ces oiseaux , après avoir reconnü les lieux où ils 
avaient l’habitude de séjourner; et n°y trouvant pas 
de quoi satisfaire leurs besoins ; les abandonnent 


— A4 — 


avec leurs compagnons, pour n’y revenir que l’année 
suivante. | 

Un exemple rendra ceci encore plus sensible, d’au- 
tant qu'il est facile de le vérifier. Pour prendre 
une grande quantité de moineaux, espèce compléte- 
ment sédentaire dans les contrées méridionales de la 
France, un assez grand nombre de chasseurs sè- 
ment leurs champs en millet, graine dont ces oiseaux 
sont fort friands. Lorsque la graine est müre, on les 
voit arriver de toutes parts, empressés qu’ils sont de 
s’en repaitre. Leur nombre est pour lors tellement 
considérable, qu'on se demande comment ceux qui 
étaient les plus éloignés de ces champs ont pu savoir 
qu'ils y trouveraient de quoi satisfaire leurs gouts. 
ils ne le peuvent, ce semble, que parce qu'ils ont 
quelques moyens de s'appeler mutuellement et de 
signaler à leurs compagnons une circonstance que 
tous recherchent avec ardeur. 

Aussi lorsque des oiseaux tels que les espèces er- 
ratiques ne se déplacent que pour trouver ailleurs 
la nourriture qui leur convient , ils ne s’arrêtent 
pas dans les lieux où ils ont l'habitude de rési- 
der, lorsqu'ils ne présument pas l’y rencontrer. Ce 
‘que nous disons de la nourriture a lieu également 
pour l’eau, comme pour toute autre circonstance du 
même genre. Cette prévoyance est une suite du même 
tact qui leur permet de prévoir d’avance les chan- 


— 145 — 


gements qui vont avoir lieu dans la température. 

Du reste, les oiseaux erratiques, aussi bien que les 
races émigrantes, suivent des directions bien détermi- 
nées et différentes dans les excursions auxquelles ils se 
livrent. Ainsi dans les climats méridionaux, les espèces 
émigrantes aquatiques y arrivent presque constam- 
ment du Nord, tandis que les cailles viennent au 
contraire du Sud. Ce fait est, du reste, une excep- 
tion assez remarquable, relativement aux races ter- 
restres. Du moins le passage des ortolans et des es- 
pèces analogues, qui commence vers le 45 du mois 
d'avril et dure jusqu'au 8 ou 10 de mai d’une ma- 
nière régulière , semble avoir lieu de l’ouest à l’est; 
mais lorsque ces légers habitants des airs quittent Îles 
contrées méridionales de la France, 1ls suivent une 
direction tout à fait opposée. 

Quand les ortolans, les hirondelles et les martinets 
abandonnent ces contrées la nuit et pendant la lune 
d'août, ils se dirigent de l’est à l’ouest, dans des 
climats où ils comptent rencontrer une température 
supérieure à celle des lieux qu'ils ont abandonnés. 
D'un autre côté, ces oiseaux, ainsi que les pipits, les 
tourterelles et les engoulevents, comme la plupart 
des oiseaux terrestres, arrivent toujours du sud, 
même dans les climats méridionaux. Mais tandis que 
les martinets et les hirondelles se dirigent cons- 


tamment de l’est à l’ouest, lorsqu'ils abandonnent 
10 


— 146 — 


les régions méridionales, les autres partent du sud 
et gagnent toujours le nord. 

Les migrations des oiseaux semblent donc com- 
mandées par leurs penchants naturels et irrésistibles ; 
elles n’ont du moins rien de commun avec les passa- 
ges accidentels des espèces erratiques qui sont néces- 
sités ou par le manque d’eau et de nourriture, ou le 
besoin d’une température plus douce. Il est tout na- 
turel que la plupart des oiseaux insectivores changent 
souvent de pays pour se procurer plus facilement des 
moyens de subsistance. Les voyages, commandés par 
ces circonstances, ont souvent lieu à des époques assez 
fixes, parce qu'elles sont ramenées par les mêmes 
causes qui ont elles-mêmes quelque chose de cons- 
tant. On doit donc considérer dans ces passages 
d’une part, l’époque de l’arrivée, et de l’autre celle 
du départ, et porter en même temps son attention 
sur les diverses directions que suivent les différen- 
tes espèces, soit lorsqu'elles arrivent, soit lorsqu'elles 
quittent les lieux où elles avaient momentanément 
fixé leur séjour. Nous allons maintenant étudier ces 
directions, afin de reconnaitre si elles ont quelque 
chose de constant, et quelle est celle que suivent les 
oiseaux dont nous connaissons bien les passages. 

Auparavant d'entrer dans cet examen, citons un 
fait qui prouve que le déplacement de certains oiseaux 
n’a rien de commun avec leurs migrations ; ces dé- 


— 147 — 


placements accidentels sont presque toujours déter- 
minés par le besoin ou ils sont d'aller chercher ailleurs 
la nourriture qui leur manque dans leurs parages ha- 
bituels, Nous en trouvons du moins des exemples 
dans les habitudes des perroquets du nouveau monde. 
Ces oiseaux y ont en quelque sorte fixé leur séjour. 
Malgré notre influence, nous avons pu à peine les faire 
nicher dans les contrées tempérées, même en les main- 
tenant sous l'influence d’une température élevée, et 
leur distribuant la nourriture qui leur convient. On 
rapporte bien quelques exemples de ces nichées; 
Sonini les mentionne, mais ils sont si rares, qu’on ne 
peut les considérer que comme de bien faibles excep- 
tions aux habitudes de ces oiseaux. 

Tous les matins, du moins dans la Guyane fran- 
çaise, les perroquets quittent leur gite ordinaire, vont 
en troupes nombreuses et presque en ligne droite 
dans les lieux où ils espèrent rencontrer des fruits. 
Là, tout occupés du soin de leur nourriture, ils y pas- 
sent la journée entière. Lorsque le soir arrive, ils 
volent par paires, se tenant très-rapprochés les uns 
des autres. Ils retournent ainsi à leur habitation or- 
dinaire qu'ils quittent le lendemain pour le même 
but, et vers laquelle ils retournent ensuite de nou- 
veau. Ces voyages si courts peuvent nous donner 
une idée de ceux plus étendus qu'entreprennent 
pour le même motif tant d'oiseaux insectivores et 


— 148 — 


granivores, quoique parmi ces ordres il y ait quelques 
espèces qui soient à peu près sédentaires, du moins 
dans les régions tempérées. 

Il est certains déplacements ou certains passages 
qui paraissent uniquement déterminés par le besoin 
d’unenourriture appropriée aux conditions d’existence 
des espèces voyageuses. Tels sont ceux auxquels se li- 
vrent les oïes et certains canards sauvages, Aussi, au 
mois d'août 1778, le capitaine Cook, naviguant vers le 
détroit de Bhéring, et ayant relevé toute la partie de 
la côte de Tchouktchen, les masses de glace lui ayant 
permis d'approcher très-près de cette côte, crut à 
l'existence d’un grand continent arctique. 

Il allécua en faveur de cette opinion, d’accord avec 
la croyance populaire , le grand nombre d’oies et de 
canards sauvages qui viennent dans ces parages tous 
les ans, à l’époque du mois d’aout. Cette dernière 
circonstance ne peut pas cependant être invoquée 
comme la preuve d’un grand continent arctique. 
Les oies sauvages vivent principalement de poissons. 
Lorsque les rivières fermées par les glaces ne leur 
en fournissent plus, ces oiseaux sont obligés, pour 
en rencontrer, de se diriger vers la mer ouverte, qui 
se trouve plus au nord. On sait aujourd’hui que lors- 
que le thermomètre centigrade descend à 19 degrés 
au-dessous de zéro , l’océan Arctique demeure libre 
de glace. À mesure que les glacons déjà formés se 


— 149 — 


brisent , les oiseaux sont forcés de se rapprocher de 
la terre, où ils arrivent d'ordinaire, un peu avant l’é- 
poque de la mue, et d’où ils retournent vers le midi, 
aussitôt que l’hiver recommence. 

Ces excursions , qui ne font parcourir aux oi- 
seaux que des espaces assez bornés , n’ont rien de 
commun avec les migrations. Celles-ci ont lieu en 
effet à des époques fixes et déterminées; elles portent 
les oiseaux à parcourir des contrées différentes et 
souvent très-éloisnées de celles où ils ont fixé leur 
séjour. Mais les espèces dont l'apparition est aussi 
subite qu'extraordinaire dans des pays où elles n’ont 
pas l'habitude de se transporter, ne s’y voient jamais 
en troupes nombreuses, comme les véritables races 
émigrantes, et même comme les erratiques. Cet isole- 
ment annonce que leur apparition hors de leurs li- 
mites habituelles est un cas tout à fait exceptionnel, 
comme l'effet d’une tempête ou de violents coups de 
vent. Leur présence dans des lieux inaccontumés à 
ces espèces n'a rien de commun avec les migrations 
ou les passages déterminés pour chaque oiseau , que 
l'on voit toujours s’effectuer par un concert unanime 
d’un grand nombre d'individus. 

Les directions que les oiseaux suivent dans leurs 
voyages semblent avoir souvent quelque régularité. 
Du moins les espèces, soit les émigrantes , soit les 
erratiques , qui vivent sur les terres sèches et dé- 


— 150 — 


couvertes, paraissent aller directement du nord au 
sud. Les oiseaux aquatiques ; ainsi que ceux qui vi- 
vent au bord des eaux, tels que les palmipédes et les 
échassiers, voyagent au contraire dans la direction 
du nord-ouest au sud-est. 

Les premiers, à l’exception d’un petit nombre, 
se rendent en Afrique, et traversent la Méditerra- 
née, après avoir quitté les contrées tempérées. Aussi 
les voyageurs qui parcourent le nord de l’Afrique 
ont constamment sous les yeux des preuves maté- 
rielles de ces migrations périodiques, qui portent les 
espèces d'Europe en Afrique. Les oiseaux de l’Es- 
pagne, de la Sardaigne, de la Sicile et du Levant, 
viennent au contraire accidentellement où périodi- 
quement du nord de l’Afrique; ils ne dépassent point 
en Europe les chaines de la Sienna et les Apennins. 

L'existence simultanée d’un assez grand nombre 
d'oiseaux dans le Nord, sous l’équateur et les zones 
tropicales, est encore un fait non moins singulier et 
plus difficile à expliquer. Ce fait est d’autant plus 
extraordinaire, que ces mêmes espèces qui se mul- 
tiplient pour la plupart dans ces diverses régions, 
ont leurs migrations limitées et leur apparition pério= 
dique. Ces oiseaux, qui se rapportent principalement 
aux fissipèdes, aux pinnatipèdes et aux palmipèdes, 
ne diffèrent les uns des autres par aucun caractère 
essentiel, malgré l’immense distance qui les sépare. On 


— 151 — 


aperçoit seulement quelque diversité dans les nuances 
du plumage, quoiqu'il éprouve sous ces diverses tem- 
pératures les mêmes mues périodiques que celles que 
ces oiseaux subissent dans les régions tempérées. 

Il est, par exemple, un oiseau rapace qui se trouve 
dans presque toutes les contrées, et qui, malgré l’éloi- 
onement qui sépare les lieux qu’il parcourt de ceux 
qu'il habite plus ou moins constamment, offre toujours 
une grande uniformité dans son plumage. Cette cir- 
constance est réellement remarquable; elle prouve que 
certaines espèces résistent à toutes les impressions 
des agents extérieurs, et ne paraissent du moins en 
éprouver aucune sorte d'influence, et par suite aucun 
genre de variation. Telle est la chouette effraye (strix 
Jlaminea) que nous avons déjà citée. 

Des comparaisons faites avec soin des mêmes es- 
pèces d’échassiers, qui habitent les diverses contrées 
de l'Europe, le midi de l'Afrique, les îles de la 
Sonde, la Nouvelle-Guinée et le Japon, ont prouvé 
qu'il n'existe pas de différence appréciable entre les 
individus qui se trouvent à d'aussi grandes distances. 
D'un autre côté, les mêmes races de cet ordre d’oi- 
seaux peut-être en plus petit nombre que les pre- 
mières, se rencontrent également du nord au midi, 
aussi bien dans l’ancien que dans le nouveau monde. 
Ces échassiers semblent en quelque sorte les cosmo- 
polites de cette classe. Ils le sont bien plus que les 


palmipèdes répartis d’une manière beaucoup plus 
analogue sous le rapport du climat et de la tempé- 
rature, quoique leur répartition soit encore très- 
disparate, relativement aux distances des lieux où on 
les rencontre habituellement. 

En comparant ensemble un grand nombre d’oi- 
seaux d'Europe, d'Amérique et du Japon, on est 
frappé de leur ressemblance sous le rapport des for- 
mes, de la taille, des teintes, des distributions du 
plumage, et même d’après M. Temminck, auquel 
nous empruntons ces faits, de la couleur de leurs 
œufs (1). 

Ces observations prouvent que le plus grand nom- 
bre des oiseaux de passage des contrées tempérées de 
l'Europe émigre pendant l'hiver, soit vers les côtes 
méridionales de cette contrée, soit en Afrique. Les 
espèces qui poussent leurs voyages jusqu’en Afrique 
s’y répandent partout où elles trouvent à satisfaire aux 
conditions de leur existence. Les échassiers et les pal- 
mipèdes y fréquentent comme ailleurs les portions 
inondées de l’intérieur des terres, ou celles qui se 
trouvent aux bords des côtes. Quant aux tribus in- 
nombrables des races insectivores et granivores, ils 
pénètrent plus avant dans l’intérieur des terres, et 


(1) Manuel d'ornithologie, seconde édition , troisième partie. Introduc— 


lion, pag. zu. 


MS — 
vont chercher vers le sud la nourriture qui leur 
manquait dans les lieux qu'ils ont abandonnés. 

Un grand nombre d'oiseaux se dirigent également 
des parties orientales de l’Europe dans les contrées les 
plus reculées de l'Asie; ils arrivent ainsi jusqu'au 
Japon, où l’on trouve une assez grande quantité des 
espèces propres à la première région. Ges races, que 
l’on découvre à la fois dans des lieux aussi éloignés, sont 
probablement celles qui habitent les limites les plus 
orientales de l’Europe. Dans leur humeur voyageuse, 
elles parcourent l’Asie et pénètrent jusqu’au Japon. 
IL est du moins certain que quelques échassiers, et 
particulièrement les grues, dont les tribus se trou- 
vent en grand nombre en Asie, se dirigent dans leurs 
voyages de l’orient à l’occident. Du reste, un petit 
nombre de leurs individus poussent leurs migrations 
au delà des parties sud-est de l’Asie, à l'exception 
pourtant de ceux qui fréquentent les rivages. On les 
retrouve presque partout sur les plages maritimes de 
l’ancien continent. 

Cette similitude des mêmes espèces dans les di- 
verses régions de l’Europe et de l’Asie n'est pas bor- 
née, comme on pourrait le supposer d’après ce que 
nous avons dit, aux passereaux, aux échassiers et aux 
palmipèdes. Elle est commune également à certains 
oiseaux de proie, et aux gallinacés ; seulement les uns 
et les autres qui, dans leurs migrations, parcourent 


— 154 — 


l'Asie et même le Japon, sont en moindre nombre que 
ceux qui se rapportent aux échassiers, aux palmipé- 
des et aux passereaux. Parmi les genres qui offrent 
le plus d’espèces communes à ces deux grandes ré- 
gions, on peut citer au premier rang parmi les pal- 
mipèdes le genre canard, comme les hérons et les 
chevaliers parmi les échassiers. Enfin les gros becs 
(fringilla) parmi les passereaux, offrent le plus grand 
nombre de ces espèces communes à des contrées diffé- 
rentes. Ce fait semble nous annoncer que cet ordre 
d'oiseaux, qui manque d’une nourriture convenable 
d’une manière assez régulière pendant certaines sai- 
sons de l’année, doit par cela même avoir le plus de 
représentants vivants simultanément en Europe et en 
Asie. C’est aussi ce que l’observation confirme. 

La caille, et peut-être la perdrix rouge, sont encore 
des espèces que l’on ne retrouve pas sans surprise à 
la fois en Europe, en Afrique, en Asie, au Japon et 
jusqu’à la Nouvelle-Hollande. L’étendue et la lon- 
gueur des migrations ne sont donc pas toujours en 
rapport avec la force et la puissance du vol. On est 
moins surpris de retrouver dans des contrées aussi 
diverses le roitelet ordinaire, les traquets, les pipits, 
et tant d’autres petits passereaux; ces oiseaux ont en 
effet un corps extrêmement léger et un vol aussi agile 
que soutenu. 

On observe cependant un plus grand nombre d’es- 


— 155 — 


pèces sédentaires parmi les passereaux de l’ordre des 
granivores et des insectivores que parmi les autres fa- 
milles. Cette circonstance frappante, du moins parmi 
les oiseaux des contrées méridionales de la France, 
prouve d'une manière manifeste que la nourriture 
n’est pas toujours la condition la plus déterminante 
de leurs passages accidentels. On ne comprendrait 
pas autrement pourquoi les oiseaux n’épuiseraient 
pas dans nos contrées les graines et les vermis- 
seaux, base de leur nourriture, comme ils le font 
ailleurs. S'ils ne quittent pas nos cantons, c’est que 
leur instinct ne les porte pas à les abandonner, et qu'ils 
y trouvent constamment de quoi satisfaire à leurs con- 
ditions d’existence. Quoique nous ayons cité des faits 
qui anñoncent que certaines espèces délaissent par- 
fois les lieux où elles s’étaient primitivement fixées 
pour aller chercher ailleurs les fruits et les vers 
qu'elles n’y rencontraient plus, il n’est pas moins réel 
que cette circonstance ne doit pas agir d’une ma- 
nière générale. Du moins c’est parmi les espèces gra- 
nivores et insectivores qu’on découvre la plus grande 
quantité d'oiseaux complétement sédentaires. 

Des faits du même genre résultent encore des obser- 
vations de M. Charles-Louis Bonaparte. En comparant 
les oiseaux du nord de l'Amérique avec ceux de l’Eu- 
rope, il a reconnu qu'il existait un assez grand nom- 
bre d'espèces communes aux deux continents. Une 


pareille analogie , que l’on ne voit jamais entre 
les races qui ne se livrent point à des migrations 
lointaines, tient sans doute à la facilité que les 
oiseaux ont de se transporter à de grandes distances 
et de parcourir les climats les plus divers. Cette cause 
est si puissante sur le mélange desanimaux voyageurs, 
que l’on retrouve également certains poissons d’'Eu- 
rope jusqu’en Amérique, à la vérité en fort petit 
nombre. Lorsque des catalogues comparatifs com- 
prendront la liste exacte de ces races communes à di- 
verses régions, on aura des idées plus positives sur les 
migrations des animaux et sur les habitudes de ceux 
qui, constamment sédentaires, restent dans les lieux 
qui les ont vus naïitre. En attendant que ces travaux 
viennent dissiper les doutes qui existent encore à cet 
égard, on ne consultera pas sans fruit le catalogue 
comparatif des oiseaux d'Europe et d'Amérique pu- 
blié à Londres (1838) par le naturaliste que nous ve- 
nons de citer. 

Ce catalogue, dressé avec soin, indique les espèces 
dont les migrations s’étendent de l’Europe dans le 
nouveau monde, et celles qui sont communes aux deux 
continents. 

Outre l'influence que la température et la nourri- 
ture exercent sur les migrations des oiseaux, d’autres 
circonstances accidentelles ne sont pas sans quelque 
effet sur ce phénomène. Parmi ces faits exceptionnels, 


— 157 — 

on peut citer les inondations. Les grands déborde- 
ments ne sont pas sans action sur les déplacements 
de ces animaux. Ainsi l’année 1840, fameuse par les 
désastres produits par les crues extraordinaires des 
fleuves qui parcourent le midi de la France, a été 
également remarquable par les passages de certaines 
espèces qui n'y avaient pas été encore apercues. 

On peut peut-être attribuer à cette influence la pré- 
sence dans les environs de Montpellier de deux oi- 
seaux, aussi nouveaux pour la faune de l’Europe, 
que pour la science. Ces deux espèces dont nous de- 
vons la connaissance à M. Lebrun, et qu’il compte 
publier sous peu , sont des plus remarquables. Elles 
ne paraissent pas avoir été observées dans les con- 
trées méridionales de la France avant 1840. Cette 
circonstance fait présumer que les violentes inonda- 
tions dont ces contrées ont été afiligées ont été pour 
beaucoup dans leur apparition. 

Nous sommes heureux de pouvoir donner une idée 
de ces oiseaux avant que M. Lebrun ait publié la 
description qu'il en prépare. Nous ne saurions trop 
le remercier de nous y avoir autorisé. Comme nous 
les avons vus avant qu'ils eussent été dépouillés, 
nous pouvons assurer que réellement ils ont été pris 
vivants vers la fin de novembre 1840, peu de temps 
après les inondations. 

La premiére de ces espèces est un vanneau auqüei 


— 158 — 


M. Lebrun a donné le nom d’échasse (vanellus himan- 
topus). Plusieurs ornithologistes de Paris avaient sup- 
posé quil pouvait se rapporter au vanneau keptuschka 
deTemminck.Onseconvaincra facilement du contraire 
en comparant la description que nous allons en donner 
avec celle de l’espèce du Nord. Lors même qu'il ap- 
partiendrait à cette dernière, sa présence parmi nous 
n'en prouverait pas moins qu'un oiseau qui habite 
ordinairement la Russie orientale a fait, en 1840, 
des voyages encore plus étendus que ceux auxquels 
il se livre ordinairement. 

Le vanellus himantopus paraïitrait donc une es- 
pèce différente de toutes celles décrites par M. Fem- 
minck dans son supplément publié cette même an- 
née 1840. 

Ses dimensions sont de 0,379 (14 pouces) depuis 
le bout du bec jusqu’à l'extrémité des doigts; la lon- 
gueur de ses jambes n’est pas moindre de 0",190 
(7 pouces); les pieds et les jambes sont d’un jaune 
assez clair. Ce vanneau se fait remarquer par les 
teintes uniformes de son plumage, d’un brun cendré 
à petits reflets pourpres. Le front et la gorge blan- 
châtres, passent par des demi-teintes à la même 
nuance, qui est aussi celle du manteau. Elle s’étend 
jusqu’à la poitrine, et devient d’un blanc assez pro- 
noncé sur le ventre, où elle est néanmoins nuancée 
d’une teinte nankin vers l'abdomen. La queue, d’une 


— 159 — 


seule couleur, est d’un blanc éclatant. Les grandes 
rémiges des ailes, terminées de noir, atteignent juste 
l'extrémité de la queue. Quant aux couvertures su- 
périeures des ailes, elles sont blanches, mouchetées 
de noir, couleur dominante dans le bec de ce van- 
neau. L'iris est au contraire d’un rouge vif assez 
prononcé. 

La seconde espèce, dont l'apparition nous a autant 
surpris que la précédente, se rapporte à un merle 
différent de ceux dont nous devons la connaissance à 
Temminck. Seulement, cet oiseau a beaucoup plus 
de rapports avec le merle bleu qu'avec tout autre. 

Il diffère de celui-ci par la couleur du bec d’un 
brun grisatre, ainsi que par la nuance blanchätre de 
la gorge, terminée par une sorte de collier d’un bleu 
cendré. La poitrine et le ventre sont d’un blanc assez 
prononcé. La plupart des plumes qui couvrent ces 
parties sont terminées par une petite pointe bleuûtre. 
Les flancs se montrent mouchetés de bleu, de blanc 
et de roussâtre, terminés par une pointe noire enca- 
drée de blanc. Les pennes caudales, au nombre de 
douze, sont bleues sur leurs barbes externes et in- 
ternes, ainsi que sur leurs pointes : une teinte rous- 
satre domine sur le milieu de leur longueur. Les 
pieds sont d’un fauve assez clair. Les nuances du 
plumage se montrent généralement plus uniformes 
en dessous qu’en dessus. Elles sont bleuâtres et mou- 


— 160 — 


chetées lésérement de blanc et de brun clair. Les 
couvertures du croupion offrent des nuances d’un 
roux foncé, avec de petites baguettes bleuâtres enca- 
drées de blanc. 

M. Lebrun se propose de décrire cette charmante 
espèce sous le nom de merle azuré (éurdus azureus). 
Ses dimensions sont à peu près les mêmes que celles 
du merle bleu. Les deux oiseaux ont également une 
assez grande conformité dans leur port et l’ensemble 
de leurs formes. Ils ont donc, sous ces points de 
vue, quelques conformités; mais ils différent essen- 
tiellement par l’ensemble de leur plumage. 

De même, les violentes inondations de la fin de 
1849 qui ont submergé une grande partie de la Ca- 
imaroue et de la partie orientale du Gard ont refoulé 
dans nos parages une partie des oiseaux qui vivaient 
auparavant dans les lieux inondés. Nous citerons 
particulièrement le flamant; cet échassier aquatique 
qui ne nage presque Jamais, quoiqu'il barbote presque 
continuellement, n’a pas pu rester dans des lieux 
couverts d’une trop grande quantité d’eau. Cet excès 
a rendu le nombre de ces oiseaux, du double plus 
considérable qu'il ne l’est ordinairement dans nos en- 
virons. Ces nouveaux venus y ont cependant peu 
séjourné, quoique les flamants soient généralement 
sédentaires dans les marais du midi de la France. 

À une pareille condition ont été dus les prétendus 


M — 


passages des cailles dans nos environs au moment 
de l’inondation , et dans les premiers jours du mois 
de novembre. Dus à la même cause que celle qui 
avait fait abandonner aux flamants les campagnes du 
Gard, on ne peut les considérer que comme des dé- 
placements produits par l'effet de circonstances locales 
et tout à fait accidentelles. 

Une espèce de l'Amérique septentrionale, le bé- 
casseau pectoral ({ringa pectoralis Temminck), com- 
mune sur les bords du New-Jersey dans les Etats- 
Unis, où elle vit dans les marais, a été tuée, d’après 
Temminck, en Angleterre le 17 octobre 1830. Plusieurs 
individus de ce bécasseau ont été également capturés 
à Montpellier vers la fin d'octobre de cette même 
année 1830. Ce fait prouve la coïncidence des mi- 
grations des oiseaux et leur étendue. Ce bécasseau, 
tué en Angleterre et dans le midi de la France, de- 
vait être parti des Etats-Unis d'Amérique, sa patrie 
ordinaire, à peu près à la même époque, puisqu'il est 
arrivé à sa destination dans le même mois. 

Si cette circonstance ne se renouvelait pas, la 
présence du tringa pectoralis des Etats-Unis, soit 
en Angleterre, soit dans le midi de la France, ne prou- 
verait pas l'importance des passages des oiseaux, pour 
en déduire la régularité et la périodicité des saisons, 
et par suite la stabilité des phénomènes terrestres ; 


mais comme il se lie à une infinité d’autres consi- 
11 


— 162 — 


dérations, il est intéressant de le mentionner. Il est 
donc essentiel de noter l’époque de l’arrivée et du 
départ des différentes espèces d'oiseaux et de poissons, 
puisque ces époques se rattachent à des phénomènes 
du globe, qu'il importe tant d’éclaircir. Ce point de 
vue est digne non-seulement d'attirer l’attention des 
savants, mais encore celle des administrateurs, qui de- 
vraient faire tenir note des espèces que l’on porte sur 
les marchés. Cet objet a, du reste, attiré la sollicitude 
d’un administrateur éclairé, de Marseille, M. Loubon, 
dont nous nous honorons d’être le confrère. 

Il serait également utile qu'on tint, dans les prin- 
cipales villes de l'Europe, des registres publics et au- 
thentiques du prix des grains pour résoudre à leur 
aide la question relative à la résularité périodique 
des saisons, question aussi intéressante pour le phy- 
sicien que pour l’économie politique et sociale. 

M. le révérend Everest, en combinant et addition- 
nant les observations faites en Angleterre, depuis 
1759 jusqu’en 1779, et depuis 1815 jusqu’en 1839, a 
montré quelle était leur importance. Elles lui ontin- 
diqué un certain degré de parallélisme entre les deux 
lignes qui expriment graphiquement le résultat de 
ces observations en terme moyen. Aussi en a-t-il conclu 
qu'il devait exister une certaine régularité dans la ré- 
voiution des saisons, régularité qui coïncide parfaite- 
ment avec celle des migrations. 


— 165 — 


Les progrès de l’agriculture, en déplacant les vé- 
gétaux, et introduisant de nouveaux grains et de nou- 
veaux fourrages, ne Sont pas sans quelque influence 
sur l’'émigration de certains oiseaux. Aïnsi le roitelet 
dé la Caroline ( troglodytes ludovicianus ) et d'au- 
tres espèces, qui aujourd'hui sont communes dans 
les Etats du Nord, y étaient inconnues du temps de 
Wilson. L’hirondelle de lune (kirundo lunifrons, 
oïseau du Mexique, se présenta pour la première 
fois sur les bords de l'Ohio en 1815. Cet oiseau at- 
tira aussitôt lattention par la structure de ses nids, 
maconnés de boue et réunis en grand nombre, de 
manière à présenter l'aspect d'un monceau de cale- 
basses jointes ensemble. Chaque année [eur émigra- 
tion a été en s’augmentant; maintenant elle va jus- 
qu’à l'Etat du Maine et au Canada. 

Un grand nombre d'oiseaux américains s’arrêtent 
dans les Carolines ; d’autres passent au-dessus du 
golfe du Mexique, et se rendent dans l'Amérique du 
Sud ; d’autres enfin suivent la direction du pays des 
Alkghanis, et vont dans le Mexique où dans des pays 
encore plus méridionaux. 

Dés oiseaux trés-communs dans lé nord de l’Europe,et 
inconnus dans les Etats-Unis, émigrent des régions po- 
laires jusqu’au Mexique, et suivent les montagnes cou- 
vertes de rochers, sans jamais entrer sur lés terres cul- 


tivées de l’Unïon.C'est cequi arrivé à une éspèce de pie. 


— 164 — 


On a calculé que des quatre cent cinquante es- 
pèces d’oiseaux connues dans l’Amérique du Nord, 
cent huit seulement sont communes aux deux hé- 
misphères. Ce sont, parmi les oiseaux de proie, des 
aigles, des éperviers, des hiboux, des corbeaux, etc.; 
et parmi les oiseaux d’eau, des oies et des canards. 

On a supposé que quelques oiseaux voyageurs, en 
quittant les Etats-Unis, traversaient les tropiques, et 
allaient vers le pôle sud chercher des climats ana- 
logues à ceux qu'ils avaient abandonnés dans le nord, 
ce qui leur permettait de faire une seconde course. 
IL parait que c’est le cas dans lequel se trouve la 
cisgogne d'Europe, qui va pondre et élever une nou- 
velle famille dans certaines contrées de l’Afrique. 

Leräle est un des oiseaux qui a donné lien aux conjec- 
tures les plus étranges sur sa manière de vivre. Aprés 
être resté absent pendant tout le printemps, il se pré- 
senta en août par milliers sur ies bordsde la Delaware, 
où il resta jusqu’au mois d’octobre. Alors il disparut 
tout à coup sans qu’on püt en trouver un seul dans 
les mêmes lieux où la veille on les rencontrait par 
centaines. Comme leur vol est pesant, quelques per- 
sonnes ont pensé qu'ils se cachaient dans les fentes 
des rochers ou même sous la neige. La vérité est 
qu'ils émigrent tous ensemble et de nuit, parce qu'ils 
volent parfaitement dans l’obscurité. Ils vont s’établir 
beaucoup plus vers le nord; c’est sur les bords ma- 


— 165 — 


récageux du haut Canada qu'on trouve ordinaire- 
ment leurs nids. 

De même, les espèces erratiques ou de fpassage 
proprement dit abandonnent souvent les contrées 
qu'ils habitaient dans le principe, pour aller chercher 
ailleurs une nourriture plus abondante. Parmi ceux 
qui restent sur les glaces du Nord, les uns sont 
omnivores, comme quelques corbeaux (corvus co- 
rax et corvus canadiensis); d’autres se nourrissent 
de graines et de fruits; mais les insectivores qui vi- 
vent dans les marais, dans les étangs ou sur le bord 
des courants d’eau, émigrent tous ensemble. Ils vont 
vers le sud chercher une nourriture qui autrement 
leur manquerait. Quelques espèces ne vont que du 
sud au nord et réciproquement; d’autres, au con- 
traire, franchissent ces limites. 

Quand les oiseaux d'hiver retournent aux régions 
hyperboréennes, ils sont remplacés par d’autres espé- 
ces analogues qui descendent des tropiques. Ainsi, le 
faucon à queue fourchue de Mexico et celui du Mis- 
sissipi viennent nicher dans les bois qu’ontabandonnés 
les oiseaux de rapine du Nord; en sorte que chaque 
saison présente des espèces différentes. 

D’autres espèces n’émigrent, au contraire, qu’en 
partie, et en quelque sorte d’une manière accidentelle. 
Quand les grains sont peu abondants, les perdrix de 


Virginie (perdix virginiana) traversent la Delaware 


— 166 — 


et passent de New-Jersey dans la Pensylvanie. Leur 
vol est si lourd, que souvent elles ne peuvent achever 
leur trajet en volant, tombent à l’eau et gagnent 
l’autre bord à la nage. Lorsqu’elles arrivent ainsi 
mouillées et exténuées de fatigue, les habitants en 
prennent sans peine un grand nombre. Nos oiseaux 
d'Europe nous donnent souvent de pareils exemples 
d’un transport d’un canton à l’autre, par suite du 
manque de nourriture qu'ils commencaient à éprou- 
ver dans les lieux qu’ils habitaient. 


VI. De l'étendue des migrations des oiseaux. 


Les observations sont déjà assez avancées pour dé- 
montrer à quel point les migrations des oiseaux offrent 
en général de régularité, et en même temps l'étendue 
de la route qu'ils suivent dans leurs longues excur- 
sions. Plusieurs espèces parcourent à peu prés toutes 
les contrées du globe : telles sont les hirondelles et 
une espèce de martinet. Le premier de ces oiseaux 
part d'Egypte, va régulièrement au cap de Bonne- 
Espérance, comme des Etats-Unis d'Amérique aux 
iles Malouines, et retourne ensuite sans fatigue Jus- 
que dans les contrées tempérées de l’Europe. Ce qui 
est bien plus extraordinaire, certains oiseaux noctur- 
nes, comme l’effraie, en font de même. Ils se trouvent 
presque sur tous les points du globe, et n’offrent pas 


— 167 — 


de différence essentielle dans l’ensemble de leurs ca- 
, ractères, malgré la distance des pays où on les observe. 

Du reste, les longs voyages auxquels se livrent les 
hirondelles ainsi que les pigeons, les tourterelles, les 
grues, et principalement la cigogne, ont été connus 
de tout temps. L’Ecriture nous les dépeint avec la 
plus grande exactitude, ainsi que ceux qu'exécutent 
les milans. Elle nous parle également de la régula- 
rité des retours de ces oiseaux au printemps, dés que 
la saison des frimas est passée. 

Ce ne sont pas toujours les oiseaux qui jouissent de 
la plus grande puissance de vol, dont l'étendue des 
migrations est la plus considérable. Nous avons cité 
comme un exemple fameux du contraire, les perdrix 
et particulièrement la caille. Nous ajouterons à ces 
exemples l’échasse. Malgré la faiblesse de son vol, on 
la rencontre dans toute l’Europe, en Asie, en Afrique 
et en Amérique. Si cet oiseau se trouvait dans la Nou- 
velle-Hollande, il habiterait tous les grands continents 
terrestres. On est moins surpris de retrouver les 
étourneaux sur presque toute la surface de la terre, 
ces oiseaux ayant un vol léger et soutenu. Ils sont si 
généralement répandus, qu'on les rencontre dans 
presque toutes les contrées, à l’exception pourtant de 
la Nouvelle-Hollande, et nous avons cherché à en ex- 
pliquer les motifs. 


La bécassine est encore une de ces espèces émi- 


nl 


nemment voyageuses, et que l'on retrouve aussi à peu 
prés partout. Nous isnorons si cet oiseau a été ob- 
servé dans la Nouvelle-Hollande. 

Ces faits annoncent que les habitations des oiseaux 
sont moins circonscrites que celles des autres ani- 
maux que leur conformation fixe particulièrement 
sur la terre. Il en est de même des autres vertébrés 
qui semblent leur disputer l'empire de l’air, comme 
les chauves-souris dont le vol ne leur permet pas de 
se livrer à de longues courses. Aussi ces mammifères 
volants ne quittent jamais les pays où ils ont pris 
naissance. On est donc peu étonné de voir Pietro della 
Valle affirmer que la plupart des oiseaux voyageurs 
traversent les mers et parcourent tous les continents 
dans leurs migrations (1). 

Ilest non moins certain que les oiseaux mettent 
peu de temps à exécuter les plus longs voyages. 
L'observation de Belon, qui a trouvé du blé encore 
entier dans le jabot des cailles qui venaient d’Afri- 
que (2), semble du moins le faire supposer. 

Un autre sujet d’études qui se rattache aux migra- 
tions , et dont l’importance est bien grande pour la 


solution de ce problème si compliqué, c’est celui re- 


(1) Voyage, liv.n, chap. xvu. 


(2) Belon, liv. v, pag. 265. 


LS | 


latif à la route que suivent les oiseaux. Cette route 
parait déterminée , d’une part, par le point où ils 
veulent arriver, et de l’autre, par leurs besoins et 
surtout par celui de la nourriture. 


Aussi les oiseaux d’eau et ceux des rivages suivent 
le plus constamment dans leurs voyages le cours des 


rivières, les grands lacs ou les côtes des mers. Lors- 
que ces espèces aquatiques pénêtrent assez avant dans 
l'intérieur des terres, elles recherchent et séjournent 
plus ou moins longtemps auprès des amas d’eaux qui 
se trouvent sur leurs passages. Si ces oiseaux dirigent 
ainsi leur marche, et s’ils suspendent par là mo- 
mentanément leurs voyages, c’est que les rivières 
ou les lacs qu'ils ont rencontrés sur leur route, 
ont fourni à leurs espèces une nourriture abon- 
dante. Ce motif les porte à n’abandonner ces lieux 
que lorsque le besoin d’aller couver ailleurs les force 
et les presse. 

Par suite d’un instinct non moins merveilleux, 
ces espèces choisissent de préférence, pour point de 
ralliement et de départ, les endroits où le passage de 
la mer aux lacs et aux fleuves est le moins long et le 
plus occupé par les terres. Aussi la route la plus fré- 
quentée par les oiseaux dont les habitudes sont aqua- 
tiques est celle qui longe le plus ordinairement les 
bords des mers. Du moins c’est celle que tiennent 
toutes les espèces des deux ordres que nous venons 


— 170 — 


de signaler, et dont la puissance de vol est faible. 
On yoit que dans ce choix, ces animaux ont pour 
but de suivre les routes les plus favorables pour 
trouver la nourriture qui leur convient, ne s’occu- 
pant guère dans ce choix de la longueur et de l’é- 
tendue du chemin. 

Par une admirable prévoyance, la nature a donné 
aux races des eaux douces et salées qui volent peu or- 
dinairement une grande puissance de vol au moment 
de leur reproduction. Aussi, lorsqu'ils sont dérangés 
dans cet acte important, leur vol est assez vigoureux 
et assez longtemps soutenu , pour s’élever même au- 
dessus des plus hautes montagnes. Il n’est pas rare, 
par exemple, d’apercevoir pour lors des plongeons, 
des grèbes, ainsi ‘que divers autres palmipédes et 
échassiers qui fréquentent les eaux douces, sur les 
lacs des Alpes ou deshautes montagnes. 

Par des raisons toutes contraires , les espèces gra- 
nivores , insectivores et rapaces, au lieu de suivre le 
cours des eaux comme les palmipédes et les échas- 
siers, se dirigent principalement vers l’intérieur des 
terres. Elles savent que là, elles rencontreront le 
genre de nourriture qui leur convient; c'est aussi 
l'unique motif de leur préférence. Des raisons du 
même genre portent les innombrables essaims des 
espèces insectivores et granivores à pousser leurs 
migrations plus avant vers le sud, que ne le font 


— AT1 — 


les oiseaux d’eau, qui étendent principalement leurs 
courses vers le nord. 

Cette différence dans le choix des pays où se ren- 
dent ces diverses espèces est facile à comprendre. Les 
premières savent par instinct, que les insectes et les 
graines sont plus abondants dansles régions méridio- 
nales que dans les contrées septentrionales. La même 
prévoyance porte les races aquatiques vers ces der- 
niéres contrées, où elles comptent trouver dans le 
sein des eaux des aliments propres à réparer leurs 
forces épuisées par les fatigues d’un long voyage. 

Ainsi, les troupes d’insectivores et de granivores 
qui viennent de l’est de l’Europe traversent la Grèce 
et remontent le Nil, tandis que celles qui partent 
du nord-est parcourent la France, et se rendent 
de là sur les côtes d'Espagne et de Portugal. Elles 
se dirigent ensuite vers le sud-ouest, le long des bords 
de l’Océan, jusqu’au Sénéoal, en suivant le cours de 
la Gambie. On les voit enfin se rendre et séjourner 
dans cette partie de l’Afrique occidentale. 

Les oiseaux rapaces dirigent leurs migrations du 
haut des régions élevées de l’atmosphère, où ils sem- 
blent avoir fixé leur séjour. Ils les étendent cependant 
de manière à perdre le moins possible la terre de vue. 
Ils savent fort bien que ce n’est point à la surface des 
eaux qu'ils peuvent espérer de trouver une pâture 
suflisante à la violence de leurs appétits. Les terres 


— 172 — 


sèches peuvent seules la leur donner. Ce motif puis- 
sant les leur font peu abandonner, à moins qu’une 
nécessité impérieuse ne les y oblige. 

Des vues d’instinct et de conservation dirigent donc 
ces espèces dans leurs migrations, généralement moins 
longues que celles auxquelles se livrent les grani- 
vores , les insectivores et les aquatiques. Les oiseaux 
de haut vol sont moins favorisés pour parcourir de 
grandes distances que pour s'élever dans les hautes 
plaines de l’air, leur séjour habituel. C’est surtout 
parmi ceux dont le vol est le plus bas que se trou- 
vent les espèces dont le vol est le plus continu. On 
en à pour ainsi dire la preuve dans les oiseaux de 
proie eux-mêmes. Les rapaces nocturnes volent géné- 
ralement plus rapprochés de la terre que les diur- 
nes; aussi les premiers, malgré la difficulté que la 
plupart d’entre eux éprouvent pour se diriger pen- 
dant le jour, étendent leurs courses beaucoup plus 
loin, etse transportent dans des contrées plus diverses 
que les seconds, qui ne sont point éblouis par la lu- 
mière du soleil. 

Les oiseaux de proie sont ceux qui s’égarent le 
plus souvent, par la raison toute simple que plusieurs 
d’entre eux ne peuvent pas toujours suivre Ja 
troupe à laquelle ils appartiennent. Les vautours, 
les aigles et les autres genres analogues de l’ordre 
des rapaces présentent fréquemment des exemples 


— 175 — 


d’un pareil isolement. Ainsi, le 1* novembre 1838, 
un individu de l'aigle botté ( falco pennatus Temm.) 
fut apporté à M. Lebrun, quoique cet oiseau habite 
principalement les régions orientales. Il était loin 
d’être dans le jeune âge; il paraissait tout à fait 
adulte, environ dans sa cinquième année. Ainsi, l’ins- 
tinct de voyager ne tient nullement à l’âge des oiseaux. 

Les points principaux où les oiseaux suspendent 
momentanément leurs excursions méritent évalement 
notre attention. Ces points ne sont pas choisis par 
eux d’une manière arbitraire. Du moins plusieurs 
conditions sont les motifs de leur préférence. Les lo- 
calités où ils s'arrêtent le plus ordinairement sont 
rapprochées des iles. Elles sont, pour les espèces 
voyageuses, comme des sortes d'étapes, aussi bien 
pour celles qui entreprennent de lointaines migra- 
tions que pour les races erratiques. Celles-ci choisis- 
sent aussi comme lieu de repos les plages étendues 
qui servent comme de ceintures aux grandes iles. Les 
espèces fatiguées viennent s’y abattre et s’y délasser. 
Lorsque le repos leur a donné de nouvelles forces, 
on les voit prendre la direction qui convient le mieux 
à leurs mœurs et à leurs habitudes. 

Toutes les plages ou toutes les iles sont loin de leur 
être indifférentes pour le lieu de leur repos. Ils choi- 
sissent préférablement celles qui sont le plus à l'abri 
des vents violents. Aussi ces animaux franchissent 


— 174 — 


avec rapidité celles qui s’y trouvent exposées, loin de 
s’y arrêter, comme ils le font dans celles où toutes 
les circonstances favorables à léurs conditions d’exis- 
tence semblent réunies. 

Il est du reste facile de trouver des preuves évi- 
dentes de l’imfluence qu’exerce sur les passages des 
oiseaux [a position des lieux où ils doivent s'arrêter. 
Si l’on cherché dans le midi de là France le dépar- 
tement le moïns exposé aux vents, et le plus riche 
par sa végétation, le Var semble plüs favorisé sous 
ce rapport que ceux des Bouches-du-Rhône, du Gard, 
de l'Hérault, de FAude et des Pyrénées-Orientales. 
Aussi ce département est-il plus fréquenté par les oï- 
seaux de passage que ceux dont il est rapproché. 
Üne autre circonstance n’y est peut-être pas sans 
quelque influence ; c’est sa proximité du golfe de Nice, 
dont les plages sablonneuses et basses sont d’un accès 
facile aux espéces qui arrivent sur les côtes de la Mé- 
diterranée. 

fl serait encore possible que la position du Var 
coïncidat beaucoup mieux que les autres départe- 
ments voisins avec la direction des vents qui nous 
aménent les races passagéres et erratiques. On sait 
quelle influence exérce sur l’arrivée et le départ des 
oiseaux la direction du vent, et celle que sa violence 
a sur la hauteur de leur vol. 

Du moins les vents dominants à l’époque des pas- 


Te 


— 175 — 


sages paraissent déterminer la direction que prennent 
ces animaux, et influer beaucoup sur là quantité plus 
ou moins considérable qu’il en arrive dahs chaque 
contrée. En effet, pour s’élever et prendre leur essor 
dans l'air, les oiseaux vont toujours obliquement 
contre les courants et prennent le vent comme ün 
vaisseau qui louvoie pour gagner le port. C'est éga- 
lement dans le sens opposé à sa direction qu'ils 
se retournent pour s'envoler ou $e reposer, et lors- 
qu'ils sont posés ou perchés, ils ont toujours le 
bec au vent. Aussi lorsque, pour éviter un danger qui 
les menace, ils se laissent emporter par les courants; 


_ ils ne peuvent parcourir un long espace sans risquer 


d’être culbutés. 

Il en est de même de ceux qui planent dans les 
airs ; tels que les martinets , les hirondelles, les 
alouettes , les calandres et les rapaces. Toutes ces 
espèces sont obligées de se tourner vers le vent pour 
se maintenir à là hauteur à laquelle elles parviennent, 
et surtout pour y conserver longtemps une sorte d’im- 
mobilité. 

Parmi les oiseaux de passage qui arrivent sur les 
côtes de la Méditerranée, dont le nombre est d’autant 
plus considérable qu’ils chérchent à longer là mer, 
plusieurs voyagent de jour. Il est alors facile de re- 
connaitre que c’est toujours en suivant la direction 
opposée à celle des vents qu'ils prennent leur essor. 


— 176 — 


La plupart des espèces qui arrivent vers les bords 
de la Méditerranée voyagent de l’ouest vers l’est au 
printemps, et s’en retournent de l’est vers l’ouest en 
automne. Aussi, pendant les mois de septembre et 
d'octobre, lorsque le vent est à l’ouest, on observe 
tous les matins des vols nombreux de divers oi- 
seaux qui se dirigent dans le sens du courant do- 
minant. Mais si sa direction vient à changer, le pas- 
sage est interrompu, les oiseaux s’arrêtent là où ils 
se trouvent. Ils attendent ainsi le vent du couchant 
pour continuer leur voyage. Ce seraient donc les cou- 
rants contraires à leurs desseins, et non, comme on le 
présume le plus communément, le vent favorable à 
leurs passages, qui font rencontrer un plus grand 
nombre d'espèces dans un canton que dans un autre, 
et cela parce qu'ils les forcent d’y séjourner. 

Citons un exemple de ces faits; prenons-le chez un 
des oiseaux émigrants, dont les voyages sont les mieux 
connus et les plus constants. La caille (1) arrive, au prin- 
temps, d'Afrique dans le midi de la France. Elle re- 


(t) Les habitudes voyageuses de cet oiseau ont été bien connues de l'E- 
criture. La quantité qui en arriva dans le camp des Hébreux fut si considé- 
rable, que toute l’armée s’en nourrit. Elles sont encore extrêmement com- 
munes aux bords de la mer Rouge, ainsi qu’elles l’étaient du temps de 


Moïse et de Josèphe, d’après le dire de ce dernier. 


— 177 — 


tourne en automne aux lieux qu'elle avait quittés aux 
premiéres approches des beaux jours. Elle voyage 
donc ainsi du midi au nord, et du nord au midi. 
C’est vers les côtes de la Méditerranée que se dirige 
cet oiseau. Les rivages de cette mer sont bordés, en 
beaucoup d’endroits , de vastes étangs salés, dont ils 
ne sont séparés que par une lisière de terrain sablon- 
neux , plus ou moins large, connue sous le nom de 
plage. Tous les ans à la fin d'avril et au commence- 
ment de mai, lorsque le vent souffle du midi, un grand 
nombre de cailles sont abattues sur la grève. Tant que 
le vent reste à la mer, les cailles séjournent sur la 
plage; mais s’il tourne au nord, même en plein jour, 
elles gagnent toutes l’intérieur des terres. Dans le 
mois de septembre, au contraire, lorsque le vent est 
au nord, on trouve une grande quantité de ces oi- 
seaux dans les champs et les vignobles. Mais si la 
brise de mer se lève, ou même pendant un temps 
calme, pourvu toutefois que la mer gronde, ce qui 
indique du vent au large, les cailles continuent leur 
passage et disparaissent des contrées méridionales. 
Une preuve évidente que ces oiseaux ne se laissent 
pas volontairement pousser par les courants, c’est que 
lorsque à l’époque de leur arrivée au printemps le 
vent du midi devient impétueux, on trouve aux bords 
de la mer beaucoup de caïlles qui, ayant été culbu- 


tées , se sont noyées sans pouvoir atteindre la terré 


12 


— 178 — 


ferme. Ce fait prouve combien il doit en périr dans 
la traversée. Aussi est-il probable qu’une foule d’oi- 
seaux succombent dans leurs migrations, précipités 
dans l’Océan par la violence des ouragans ou des tem- 
pêtes, ou enfin par celle des courants contraires à la 
direction qu'ils suivent. 

Par une admirable prévoyance de la nature, les 
espèces cosmopolites, qui ne quittent le sein des eaux 
que pour déposer leurs œufs, peuvent échapper à ces 
dangers et se soutenir sur la surface des mers sans 
nager ni plonger. Au milieu des plus fortes tempêtes, 
on voit les pétrels, les frégates et quelques autres 
espèces aquatiques piétiner à la surface de l'Océan et 
s’y maintenir au moyen de leurs longues ailes, malgré 
le roulis des vagues. 

Les caïlles, de même que les autres oiseaux, voya- 
gent donc vers le vent; mais en admettant, contre 
toute vraisemblance, qu'elles se laissent pousser par 
les courants, la direction de leur passage n’en serait 
pas changée. Elle serait toujours la même; seule- 
ment leur marche pourrait être contrariée par leur 
violence , et ces animaux seraient forcés de s’arrêter 
au milieu de leurs migrations, ce qui ne les empé- 
cherait pas de les continuer plus tard. 

Supposons que plusieurs cailles partent d’un même 
point de l’Afrique, les unes par le vent du nord-ouest 
et les autres par celui du nord-est, elles effectueront 


— 179 — 


également leur passage. Mais les unes arriveront en 
Espagne ou en France , les autres en Turquie ou en 
Tartarie, toutes dans la même latitude, mais à deux 
mille lieues les unes des autres. Ainsi, sans contrarier 
les lois des migrations imposées aux oiseaux et même 
en les favorisant, le vent peut les diriger vers des 
points divers, et les faire trouver en plus grande 
quantité dans tel ou tel pays. 

Cette circonstance a probablement la plus grande 
influence sur les lieux auxquels se transportent les 
oiseaux. Aussi voyons-nous un grand nombre d’es- 
pèces qui exécutent de longues migrations, voyager 
sur une très-grande échelle, et parcourir la presque 
totalité de la surface du globe. Cette cause exerce la 
plus grande influence sur l’irrégularité des voyages 
des oiseaux. Peu d'années se passent sans que l’on ne 
remarque des passages extraordinaires de certaines 
espèces, dans des lieux où on ne les avait jamais aper- 
cues et où on ne les verra pas de longtemps. 

Le nombre d’une espèce qui fréquente un même 
pays est donc très-variable d’une année à l’autre, et 
à tel point, que les chasseurs les désignent en disant 
l’année des cygnes, ou des outardes, où enfin des 
flamants, des oies, des canards, des merles roses, des 
bees-croisés , des pinsons et des tarins. Ces irrégu- 
larités, comme les inégalités dans le nombre des 
espèces voyageuses, dépendent en partie de la direc. 


— 180 — 


tion des vents qui exerce une assez grande influence 
sur les migrations ou les passages des oiseaux. 

Ce que nous venons de dire, sur la circonstance qui 
porte les oiseaux à se diriger dans une direction op- 
posée à celle du vent, peut même être saisi à priori. 
S'ils suivaient la même direction que celle de l’air, 
le courant redresserait leurs plumes, et les empêche- 
rait par conséquent de pouvoir voler. D’unautre coté, 
leur queue, qui leur sert en quelque sorte d’aviron ou 
de gouvernail dans leur ascension, ou qui lorsqu'elle 
manque est suppléée par la longueur des pattes, 
deviendrait pour lors un obstacle à leur marche. 
Loin de leur être utile, leur queue les forcerait à 
prendre une tout autre route que celle qu’ils vou- 
draient suivre. Ainsi l’expérience aussi bien que leur 
orsanisation annoncent que pour que les oiseaux se 
livrent à de longues migrations, ou même à des 
passages, il faut qu'ils aient le vent au bec, c'est- 
à-dire que leur marche soit toujours oblique à la 
direction des courants. 


VII. De la constance dans les migrations des oiseaux. 


Malgré ces causes variables, une constance remar- 
quable a lieu dans les passages des oiseaux émigrants, 
constance moins sensible dans ceux des espèces erra- 


tiques. Nous voyons presque régulièrement, dés le 


D 


— 181 — 


mois de février, les grives qui ont quitté les forêts de 
la Corse, arriver sur les côtes du midi de la France, 
pour regagner bientôt les forêts du Nord, d’où elles 
doivent nous revenir vers les mois d'octobre et de no- 
vembre. Les espèces de ce genre nichent aussi parmi 
nous, de même que la plupart des merles. On doit ce- 
pendant en excepter la litorne, qui fait constamment 
son nid dans le Nord, qu’elle abandonne pourtant 
aux approches de l’hiver. 

Les étourneaux comme les grives opérent deux 
passages chaque année parmi nous; les uns et les au- 
tres se suivent de près, du moins à l’époque de leurs 
premières excursions. Lorsque les étourneaux arri- 
vent, quelques bécasses se montrent encore dans nos 
bois, qu'elles vont bientôt quitter. Mais le mois de 
mars est le signal du départ des palmipèdes, qui 
fréquentent l'hiver, en grand nombre, les étangs sa- 
lés des côtes de la France. Poules d’eau, morelles, 
rales, hérons, pluviers, vanneaux, courlis, bécas- 
seaux, oies, canards, harles , et une foule d’autres 
oiseaux ont fui et ont fait place à de nouveaux hôtes. 
Les huppes, les loriots, les tourterelles, les merles 
de roche, les traquets, particuliérement le motteux, 
les pipits, les ortolans, les fauvettes, et les fringilles 
viennent pour lors nous visiter, et nous réjouir de 
leur présence. Tout le mois d’avril est consacré à 


leurs passages; mais dés les premiers jours du même 


— 182 — 


mois , les hirondelles et les martinets ont salué le re- 
tour du printemps, et nous ont annoncé l’arrivée de 
la belle saison. 

En mai paraissent les guépiers , les rolliers et les 
cailles. Pendant que ces oiseaux opérent leurs pas- 
sages, les cresserelles et les hobereaux établissent leur. 
domicile sur les caps les plus hauts, ou sur les sommi- 
tés de quelques rochers élevés au-dessus des eaux. Mais 
après le mois de juin, les passages des oiseaux se bor- 
nent à de jeunes individus, dont les nichées ont eu 
lieu à peu de distance de nos contrées. À mesure 
que leur nombre augmente, on voit apparaître divers 
oiseaux de proie dont la mission est de les détruire, 
car il entre dans les vues de la nature d'empêcher 
une trop grande multiplication des espèces herbivores. 

Vers la fin d’août et de septembre, les cailles nous 
visitent encore; à peu prés à la même époque, les 
pies-grièches, les loriots, les ortolans, les huppes, les 
pipits, les engoulevents recommencent leurs courses 
aventureuses. 

Les mois d’octobre et de novembre sont consa- 
crés aux voyages des pigeons, des corbeaux et des 
grues, dont le nombre est d’autant plus grand, que 
la température s’est abaissée. Ces oiseaux décrivent 
souvent une ligne fort étendue, formant de longues 
processions dont les intervalles sont à peine sensi- 
bles. Plus tard enfin , les sarcelles, les canards, les 


— 1835 — 


foulques, viennent prendre possession des eaux de nos 
étangs, que ces espèces avaient quittés, il y avait quel- 
ques mois. 

Chose non moins remarquable, tous ces oiseaux 
opérent ordinairement ce tableau mouvant de leurs 
migrations constamment renouvelées, en troupes plus 
ou moins considérables. Ils voyagent toujours par 
bandes, et se réunissent pour mieux se défendre 
contre les dangers qui les menacent dans leurs lon- 
oues traversées. Un autre motif peut bien aussi les y 
porter; c’est celui du même sentiment qui les anime 
pour satisfaire le besoin le plus impérieux de leur 
existence. 

Il n’y a d'exception à cette loi générale que pour 
quelques oiseaux rapaces, comme par exemple les 
aigles et les vautours, ces tigres des airs, qui voyagent 
par couples séparés. Images des méchants dont ils 
accomplissent la fatale destinée, ces oiseaux de proie 
vivent solitaires et comme isolés, non-seulement au 
milieu des légers habitants de l’air, mais même au 
milieu de leurs espèces. Le besoin de société se fait 
néanmoins sentir chez plusieurs oiseaux rapaces. En 
effet, les faucons cresserelles, et à pieds rouges, qui 
vivent aussi de gros insectes, paraissent exécuter leurs 
voyages en grandes troupes ; on assure qu'il en est 
de même des milans, des balbusards, des pygargues 
et des laniers. 


— 184 — 


Telle est en abrégé l’histoire des passages qu’opé- 
rent les oiseaux émigrants dans le midi de la France. 
Get exposé, tout succinct qu'il est, peut donner une 
idée assez juste des causes qui les déterminent. Si 
nous n'avons rien dit dans ce résumé des excursions 
auxquelles se livrent les espèces erratiques, c’est 
qu'elles n’ont rien de fixe ni de régulier, et qu’elles 
sont presque uniquement déterminées par l'espoir 
de trouver ailleurs une température et une nourri- 
ture qui leur manquaient dans les pays qu'ils vien- 
nent de quitter. Ces voyages, dont l’étendue est gé- 
néralement peu considérable, n’ont presque rien de 
commun avec ces longues excursions déterminées non 
par des besoins impérieux, mais par un instinct plus 
puissant qui les force à changer de climat à des épo- 
ques fixes et déterminées pour chaque espèce. 

On nous demandera peut-être si le besoin de se 
reproduire, qui attirerait les oiseaux dans des lieux 
plus favorables, a quelque influence sur leurs mi- 
grations, ainsi quil parait en exercer sur les passages 
des poissons, au dire de Bloch. Pour se former une 
idée juste à cet égard, il faut définir ce qu’on doit 
entendre par patrie des oiseaux; car si on suppose 
que là où ils pondent leurs œufs, là est aussi leur 
pays, il s'ensuit que la reproduction ne peut avoir 
beaucoup d'influence sur leurs passages. 


Serait- ce parce que certains olseaux voyageurs 


— 185 — 


viennent retrouver le nid qu'ils avaient quitté l’année 
précédente, ou pondent plusieurs années de suite, 
dans le même trou d’arbre, comme cet étourneau 
dont ont parlé Linné et Klein (1) ? Ces circonstances, 
loin d’être générales , sont au contraire exception- 
nelles ; elles ne peuvent donc produire quelque effet 
sur un phénomène aussi constant et aussi régulier 
que celui des migrations. Tout au plus pourraient- 
elles exercer quelque influence sur les passages des 
oiseaux erratiques, qui, déterminés par des circons- 
tances extérieures, pourraient bien en ressentir l’im- 
pression, 

On le supposerait du moins , si l’on voulait s'en 
tenir aux observations de Casteby, auquel nous devons 
un excellent ouvrage sur les oiseaux d'Amérique, et 
qui admet, comme un fait, que leurs passages ont 
lieu par suite du besoin qu’ils éprouvent de chercher 
les endroits les plus favorables à opérer leur ponte. 

Le besoin de se reproduire exerce si peu d'action 
sur les migrations et même sur les passages des oi- 
seaux, que souvent les males arrivent dans une con- 
trée avant les femelles. Il en est de même de l’époque 


de leur départ : les premiers quittent le pays où ils 


(1) Amœn. Academ., tom. 1v, pag. 595. Id. Klein, Prodrom. Hist. 
avium., pag. 491. 


ER pe 


s'étaient rendus bien avant que les femelles songent 
à les abandonner, lors méme que ces oiseaux n'y ont 
pas fait leurs nids, Si la reproduction déterminait ces 
voyages, les deux sexes devraient partir ensemble : il 
est loin, cependant, d'en étre toujours ainsi, 

Si les mâles quittaient seulement les premiers les 
contrées où les femelles auraient niché, on pourrait 
supposer que celles-ci demeurent pour veiller aux 
soins de leurs petits, tandis que les péres pourraient 
s'en dispenser, Cette circonstance ne #e représentant 
pas dans la plupart des cas où les oiseaux ont niché 
dans le pays qu'ils abandonnent, le départ des mâles 
avant celui des femelles doit étre déterminé par le 
méme instinct qui porte Les deux sexes à voyager, et qui 
se développerait plus tôtchezles unsquechezlesautres, 

L'inégalité dans l'époque du départ des mâles et 
des femelles est, du reste, aussi frappante que celle 
qui porte 4 peu prés constamment les vieux oiseaux 
à partir avant les jeunes; seulement la raison de cette 
dernitre circonstance est plus facile à comprendre 
que celle de la premiére, ainsi qu'on aura pu en ju= 
ger d'aprés l'ensemble de n0# observations. 


VIII, Hsumi, 


Les oiseaux, considérés relativement à leurs habi- 
tudes voyageuses, 8e divisent en quatre groupes prin= 


— 187 — 


cipaux, o'est--dire en émigrants, en cosmopolites, 
en erratiques et en sédentaires, 

Les premiers, ou les oiseaux émigrants, les seuls 
qui opèrent leurs migrations à des époques fixes et 
périodiques, exéoutent aussi les voyages les plus éten- 
dus. Leurs passages d'une contrée à une autre, et 
souvent dans des pays séparés par de grandes dis- 
tances, semblent déterminés par un instinet dépen- 
dant de leur organisation, où par une puissanoe in- 
térieure à laquelle ils ne savent ni ne peuvent risister, 
Les circonstances extérieures, telles que la température, 
la direction ou la force du vent, l'abondance où la pri- 
vation d'une nourriture convenable, peuvent bien avair 
quelque influence sur leurs longues migrations : mais 
elles ne les provoquent et ne les règlent jamais, 

Ue phénomène est sous la dépendance d'une in- 
fluence plus puissante que tous ces besoins, Ces besoins 
ne donnent jamais à ces animaux les inquiétudes, les 
agitations, et ootte ospdve de fièvre qui les astiège et 
les tourmente lorsque le moment du départ est arrivé, 
Cotte époque venue, les aisoaux trouveraientils dans 
les lieux qu'ils vont quitter, toutes les circonstances 
avarables à leur existence ? Ces circonstances seraient 
elles les mêmes que celles qu'ils vont rencentrer ail- 
leurs, il n'en faudrait pas moins qu'ils partent, Leur 
nature, leur instinct, leur organisation, tout leur être 
enfin les force d'une manière irrésistible à se dés 


He = 


placer et à échanger contre la vie paisible des champs 
qui les ont vus naïitre, les hasards et les chances aven- 
tureuses des longs voyages. 

Le besoin de partir, de se transporter au loin dans 
d’autres climats, est plus impérieux pour les oiseaux 
que celui de manger ou de ressentir l'impression 
d’une douce température. C’est une condition encore 
plus essentielle de leur existence à laquelle ils sont 
forcés de céder, et contre laquelle vient même se bri- 
ser toute l'influence de l’homme. 

Lorsque nous voulons retenir les espèces voyageuses 
à ces époques si importantes de leur vie, nous les 
voyons dans une anxiété et un état de souffrance pres- 
que continuel. Leurs mouvements brusques etirrégu- 
lierstémoignent hautement combien ils sont impatients 
de satisfaire aux désirs pressants que la nature leur a 
inspirés. Si, contraints par notre influence, ils sont 
forcés de résister à cet instinct impérieux, ces ani- 
maux languissent et finissent par succomber sans s’oc- 
cuper de la nourriture qu’on leur présente ou de la 
douce température qu’on maintient autour d'eux. El y 
a plus encore, malgré toute la tendresse des oiseaux 
pour leurs petits, leur famille même ne les intéresse 


plus lorsque le moment du voyage est arrivé. Les mères 


les plus affectionnées la quittent sans efforts comme 


sans regrets, pour aller sur l'aile des vents gagner 


d’autres régions. 


D 


Ne 7 


— 189 — 


Les espèces erratiques ne voyagent au contraire, 
et n’exécutent leurs passages accidentels dans des 
pays différents de ceux qu'ils habitent ordinairement, 
que pour assouvir le besoin qui les presse, ou pour 
trouver ailleurs une température appropriée à leurs 
exigences. Aussi les excursions auxquelles elles se li- 
vrent n’ont rien de fixe ni de périodique; bien dif- 
férentes en cela des voyages des espèces émigrantes si 
remarquables par leur régularité. 

Les courses vagabondes des oiseaux erratiques ont 
souvent lieu pendant plusieurs années de suite. Dans 
d’autres circonstances, elles restent le même espace 
de temps sans se reproduire et se renouveler. Incons- 
tantes comme les saisons dont eiles dépendent en par- 
tie, elles ne sont liées qu'avec des besoins qui peuvent 
se manifester à des époques plus ou moins éloignées 
les unes des autres, sans suite comme sans régularité. 
Les oiseaux erratiques n'éprouvent pas cependant le 
moindre inconvénient de ces variations; les motifs 
qui les portent à se déplacer n’ont eux-mêmes au- 
cune sorte de fixité ni de constance. 

Pour exécuter leurs voyages accidentels et passa- 
gers, les races erratiques, moins hardies et moins en- 
treprenantes que les oiseaux émigrants, ne bravent 
pas comme eux les tempêtes; elles n’affrontent pas 
l’aquilon lorsqu'il s’agit de quitter les pays qui les 
ont vus naitre. Peu impatientes de changer de climats, 


— 190 — 


elles attendent le moment favorable pour exécuter 
leurs voyages, commandés plutôt par un besoin va- 
gue que par un instinct impérieux tout à fait irrésis- 
tible. Aussi les étendent-ils rarement aussi loin que 
les excursions auxquelles se livrent les oiseaux émi- 
grants. La longueur et la périodicité des voyages de 
ces derniers est pour nous un sujet continuel d’éton- 
nement, tout autant que l’ordre et la régularité qui 
les caractérisent. 

D’autres espèces ne voyagent ni d’une manière fixe 
comme les races émigrantes, ni d’une manière irré- 
gulière comme les erratiques ; elles sont pour ainsi 
dire dans un mouvement et une agitation continuelle. 
Toujours en course, on les trouve dans presque toutes 
les mers ; on ne les voit à terre que pour se reproduire 
et y déposer leurs œufs. Les mers sont en quelque 
sorte leur unique élément; aussi leur organisation 
leur permet de se soutenir sur la surface des eaux 
par leurs piétinements, aidés à cet égard par la gran- 
deur de leurs ailes. Elles leur servent de point d’ap- 
pui lorsque fatiguées elles sont lasses de parcourir les 
vastes plaines de l’air. Véritables cosmopolites, ces 
espèces maritimes n'ont pour ainsi dire pas de patrie, 
car elles errent continuellement au milieu de l’im- 
mensité de l'Océan. On ne peutguére considérer comme 
leur pays les fentes de quelques écueils ou de quel- 
ques récifs isolés, plus ou moins élevés au-dessus 


— 191 — 


des eaux, où ces oiseaux vont déposer leurs œufs. 

S’il fallait caractériser d’une manière particulière 
les habitudes de ces animaux toujours en mouve- 
ment, on pourrait les considérer comme les cosmo- 
polites des oiseaux. Cette expression semble leur 
convenir tout autant que celles d’émigrants et d’erra- 
tiques, que nous avons données aux autres espèces 
voyageuses. Du reste, ainsi qu'il est aisé de le pres- 
sentir, ces races cosmopolites sont uniquement des 
oiseaux aquatiques. On peut citer comme exemples 
les pétrels, les frégates qui volent continuellement 
sur la surface de l'Océan, à l’exception des courts 
moments où ils vont à terre déposer et pondre leurs 
œufs. 

Des habitudes plus calmes et plus tranquilles ca- 
ractérisent d’autres espèces. Elles ne paraissent pas 
cependant être déterminées par l'impuissance où elles 
sont de fendre les airs comme sont les manchots, les 
casoars et les toyous. 

Ces derniers, qui ne peuvent pas se servir de leurs 
ailes pour voler, sont par cela même nécessairement 
sédentaires ; mais d’autres oiseaux , quoique bons 
voiliers , quittent peu les lieux de leur naissance. 
On ne les voit presque jamais abandonner leur pays, 
quelque changement qu’éprouve la température, ou 
quelque grandes que puissent être les exigences d’une 
nourriture convenable. Toujours fidèles à leur patrie, 


— 192 — 


ils n’en ambitionnent pas d’autre, et mettent constam- 
ment leur bonheur dans une vie sans trouble comme 
sans danger. 

Ces espèces stationnnaires ont des mœurs totale- 
ment différentes des races émigrantes, erratiques 
et cosmopolites : comme elles semblent tout à fait en 
opposition avec les habitudes que commande l’orga- 
nisation de ces animaux, elles sont aussi fort rares 
chez les habitants des airs. C’est surtout chez les 
oiseaux de l’ancien continent, que le nombre des 
espèces sédentaires est le plus limité, tandis qu'il 
s'étend chez les races du nouveau monde. Cette par- 
ticularité tient peut-être à ce que celles-ci exigent 
une température élevée et ne se nourrissent que du 
nectar des fleurs. Or, de pareilles circonstances ne 
peuvent pas se représenter sur une très-grande éten- 
due de pays; dès lors elles rendent ces espèces séden- 
taires dans les lieux où elles les trouvent constam- 
ment réunies. 

Chose non moins singulière, ces habitudes diverses 
sont propres à la fois à diflérentes espèces d’un 
même genre ou à la même espèce dans des âges 
différents. Quelquefois le même oiseau est errati- 
que relativement à une contrée, où il fait des excur- 
sions accidentelles, tandis qu'il est sédentaire rela- 
tivement à telle autre. De pareilles circonstances se 
représentent par rapport aux mêmes espèces, mais 


—.193 — 


seulement dont l’âge est différent. Ainsi certains oi- 
seaux sont à la fois émigrants ou erratiques à une 
époque de leur vie, et sédentaires dans une autre. Il 
est néanmoins curieux d'observer des habitudes aussi 
diverses chez la même espèce, et cela suivant les 
phases de son existence. Il n’y a donc rien d’absolu 
par rapport à ces oiseaux, puisque leurs mœurs 
sont totalement opposées suivant l’âge auquel on les 
observe. 

D'un autre côté, des races qui ont dù être émi- 
nemment voyageuses, si elles ne le sont pas encore, 
puisqu'elles se trouvent dans toutes les régions du 
globe, contrairement aux lois de la distribution des 
animaux, paraissent néanmoins sédentaires. Elles 
semblent se maintenir assez constamment dans leur 
terre natale. La plupart des individus qui font partie 
de ces espèces si universellement répandues voyagent 
peu sans doute ; mais il n’en est pas de même de leur 
ensemble. On ne saurait supposer que ces oiseaux 
ont perdu les habitudes de leurs parents; car la dis- 
persion de ces derniers sur toute la surface de la terre 
prouve à quel point ils ont étendu leurs courses et 
leurs migrations. 

Ainsi, la chouette effraie, quoiqu’elle soit éminem- 
ment voyageuse, puisqu'on la rencontre partout, 
n’en passe pas moins pour être une race essentielle- 
ment sédentaire. Si elle l’est dans ce moment, du 


15 


— 194 — 


moins en partie et dans certaines contrées, il est in- 
contestable qu'elle n’a pas dû l'être d’une maniére 
constante. C’est ce qu’annoncent à la fois sa dispersion 
et les lois générales de la distribution des êtres vivants. 

Leur observation, et tout ce que nous savons de re- 
latif à la géographie zoologique aussi bien qu'à la 
géographie botanique, nous prouve que chaque es- 
pèce vivante a été disséminée dans le principe des 
choses dans des centres particuliers de création, et a 
caractérisé telle ou telle région, ou tel ou tel conti- 
nent. Chaque contrée a donc eu ses races particuliè- 
res, souvent différentes même par leurs caractéres gé- 
nériques de celles qui occupent des pays ou des con- 
trées fort rapprochés les uns des autres. Ainsi il n’y 
a aucune espèce commune entre la Nouvelle-Hollande 
et l'Amérique, pas plus qu'il n’y en a entre celles qui 
animent lenouveau monde et celles qui peupient l’an- 
cien continent. 

Les races délicates, ou celles qui ne peuvent pas 
éprouver de changement sensible dans les circons- 
tances extérieures, sans en ressentir trop vivement 
l'impression, sont aussi peut-être les seules qui aient 
conservé leur position première. Il n’en est pas de 
même des races robustes. Leur organisation leur 
permet de résister à l'influence de la diversité des 
milieux ambiants. Aussi elles se sont d'autant plus 


écartées de leur primitive distribution, qu'elles ont 


— 195 — 


pu surmonter sans danger de grands changements 
dans les climats qui leur avaient été assignés à leur 
origine. 

Une autre circonstance, non moins puissante et non 
moins impérieuse , a encore contribué à les éloigner 
des lieux de leur naissance. Son influence a été d’au- 
tant plus sensible, que l'instinct, ou, si l’on veut, le 
besoin de se déplacer a été plus irrésistible et plus 
pressant. Dés lors les migrations, ainsi que les voyages 
accidentels auxquels se livrent tant d'animaux , ont 
considérablement altéré l’ordre primitif de leur dis- 
tribution. La constance de ces phénomènes tend, par 
son action continuelle, à effacer les traits de leur po- 
sition premiére, et à intervertir les lois de la nature. 

Comme à ces influences qui entrainent après elles 
un grand nombre de variations vient s'ajouter celle 
de l’homme, nous sommes loin de connaître la véri- 
table distribution des êtres vivants.Mais puisque, mal- 
gré les nombreuses variations produites par l’action 
des causes maintenant agissantes, la plupart des es- 
pèces gardent encore une position déterminée dans une 
zone qui lui a été affectée, évidemment ces stations 
ont dù être plus fixes à l’origine des choses. 

En effet, la chouette effraie (strix flammea) ainsi 
que l’hirondelle de cheminée (hirundo rustica), con- 
trairement à la généralité des animaux, n’ont pas été 
disséminées sur la presque totalité du globe, où elles 


— 196 — 


se trouvent cependant. Elles doivent sans doute une 
distribution aussi universelle a leur humeur voyageuse 
et à leurs longues migrations. Du reste, en traçant 
sur notre carte la route que ces oiseaux paraissent 
suivre dans leurs migrations, nous n’avons pas entendu 
par là qu'ils la parcourussent chaque année. Il sem- 
ble, au contraire, que parmi les individus qui compo- 
sent ces espèces une faible partie seulement se déplace 
d’un pays à l’autre. Les mêmes individus sont loin de 
parcourir dans la même année, et quelquefois même 
dans tout le cours de leur vie, la totalité du globe. 
Nous avons eu égard plutôt au maximum de l’étendue 
des migrations, si l’on peut s'exprimer ainsi, qu'à 
leur réalité, en tant qu’elles auraient lieu dans le 
court intervalle d’une année. 

Ces diverses irrégularités donnent au phénomène 
des migrations quelque chose de mystérieux lors- 
qu'on l’étudie sans avoir égard aux circonstances qui 
y produisent ces variations. Elles sont d'autant plus 
frappantes, qu'elles apparaissent aussi bien chez les 
espèces émigrantes que chez les erratiques, quoique 
avec une moindre fréquence et une moindre intensité. 
En effet, les chasseurs et les pêcheurs qui observent 
seulement les faits de détail ne peuvent s'expliquer 
pourquoi une année les passages ou les migrations 
de telle ou telle espèce d'oiseaux ou de poissons sont 
beaucoup plus abondants que l’année précédente, et 


— 197 — 


pourquoi enfin ces passages ou ces migrations n’ont 
plus lieu à une autre époque. 

Si cette absence, ou si cette plus grande fréquence 
se fait remarquer chez les espèces erratiques, c’estune 
suite nécessaire des variations des circonstances qui 
les portent à se déplacer, et qui par cela même en- 
trainent dans leurs voyages toutes sortes d'anomalies 
et d'irrégularités. Lorsqu’au contraire ces circons- 
tances se présentent chez les races émigrantes, elles 
tiennent à l'étendue de leurs excursions, si considéra- 
ble qu’elles ne peuvent les exécuter en entier, dans le 
court intervalle d’une année. Plus ces races éprouvent 
de fatigue par la longueur du trajet qu’elles ont à par- 
courir, et moins leurs passages sont nombreux dans 
une station déterminée. 

Il peut encorearriver que des obstacles imprévus re- 
tardent l’arrivée ou même le départde ces espèces voya- 
geuses.L'une ou l’autre de ces causes ont nécessairement 
de l'influence sur la régularité de leursexcursions.Il est 
du reste facile de saisir que les légers habitants des airs, 
et les êtres qui vivent dans le sein des eaux, sont les seuls 
qui peuventexécuter d'aussi longues et d'aussi périlieu- 
ses migrations.Sans doute les animaux qui habitent les 
terres sèches et découvertes se déplacent aussi ; mais 
les voyages auxquels ils se livrent parfois n’ont ja- 
mais l'étendue et encore moins la régularité des migra- 
tions ni même des passages des oiseaux et des poissons. 


— 198 — 


Les remarques précédentes ne s'appliquent pas seu- 
lement aux oiseaux ; elles sont également relatives 
aux courses auxquelles se livrent une foule de pois- 
sons. Pour ne pas trop surcharger de détails la carte 
destinée à montrer la route que suivent ces animaux 
dans leurs longues excursions, nous nous sommes 
borné à indiquer celle tenue par les harengs et les 
maquereaux. Îl en est de ces poissons comme des oi- 
seaux voyageurs ; très-certainement tous les individus 
de ces deux espèces ne font pas toutes les années 
le long circuit que nous avons indiqué. Cependant, 
comme parmi eux un grand nombre se livrent à d’aussi 
longues excursions, à eux seuls se rapportent les 
indications que nous avons données à cet égard. Ces 
indications sont donc loin de comprendre la totalité 
des individus qui composent ces espèces émigrantes. 

Les tableaux que nous allons tracer de l’époque 
des migrations des oiseaux et des poissons feront du 
reste parfaitement saisir ce que ces faits ont de par- 
ticulier et de constant. 

Ces observations générales sur les habitudes des 
oiseaux semblent indiquer que le phénomène de leurs 
migrations ou de leurs passages n'est pas un fait 
simple que l’on puisse expliquer par une seule cause. 
Aussi n'est-il saisissable que lorsqu'on en étudie les 
conditions diverses et que l’on parvient à déméler les 


causes qui le provoquent et le déterminent. 


-— 499 — 


L'examen des diverses circonstances qui accom- 
pagnent les migrations et les passages de ces animaux 
dont le sang est si chaud, semblent démontrer que les 
voyages des espèces émigrantes sont le résultat d’un 
instinct supérieur à tous les besoins, comme à l’ac- 
tion des milieux, sous l'influence desquels elles sont 
placées. Tout au plus les excursions accidentelles des 
races erratiques sont commandées par des besoins 
physiques plus ou moins pressants , ou déterminées 
par l'impression des agents extérieurs. Dès lors, les 
migrations des premières doivent avoir une périodi- 
cité remarquable, tandis que les passages des secon- 
des sont aussi inconstants que les variations des sai- 
sons qui exercent sur ce phénomène une influence 
notable. 

Les habitudes voyageuses des oiseaux cosmopolites 
leur sont aussi fortement inculquées que les mœurs 
stationnaires le sont chez les espèces sédentaires. 
Celles-ci manquent en effet de cet instinct qui pousse 
les espèces émigrantes à se déplacer à des époques 
fixes ; elles n’éprouvent pas non plus ces besoins qui 
tourmentent les oiseaux erratiques. Seules parmi les 
habitants des airs, les races sédentaires restent in- 
différentes au milieu du mouvement continuel qui 
agite les êtres qui leur sont communs par l'organisa- 
tion. Leur stabilité leur parait préférable à cette agi- 
tation sans cesse renaissante dont ils sont entourés , 


— 200 — 


et dont ils ne comprennent pas plus sans doute Îles 
motifs que la cause. 

Les observations précédentes ont certainement sufhi 
pour faire saisir l'importance des mots à l’aide des- 
quels nous avons voulu peindre à l'esprit les divers 
motifs qui portent les oiseaux à se livrer à des mi- 
grations ou à des voyages plus ou moins étendus. Ainsi 
nous avons nommé émnigrants ceux qui, par suite d’un 
instinct particulier, se déplacent à des époques fixes 
et constantes. Nous avons désigné sous le nom d'’er- 
ratiques les espèces qui se livrent à des courses pas- 
sagéres, et qui n’ont rien de régulier. Les excursions 
de ces dernières sont presque toujours déterminées par 
des motifs qu’il est facile de pressentir, comme par 
exemple ceux d’une température plus élevée ou d’une 
nourriture plus appropriée à leurs besoins. Quant aux 
oiseaux qui sont toujours en mouvement, et qui voya- 
gent constamment, nous les avons considérés comme 
des cosmopolites ; c’est aussi sous cette dénomination 
que nous les avons signalés. 

Enfin nous avons envisagé ceux qui ne quittent ja- 
mais les lieux qui les ont vus naître comme des espèces 
sédentaires ; et celles-ci sont, ainsi qu’on a pu le juger, 
les moins nombreuses. Ces dénominations bien com- 
prises nous donnent en quelque sorte la clef du phé- 
nomène des migrations. Elles semblent du moins être 
l'expression générale des faits quenous venons de rap- 


— 201 — 


peler. Il nous reste maintenant à savoir si ceux qui 
sont relatifs aux autres classes des vertébrés, ou des in- 
vertébrés, nous conduiront aux mêmes conclusions. 
C’est à ce but que nous allons consacrer la fin de ces 
recherches. 


IX. Tableau de l’époque des passages des oiseaux. 
OBSERVATIONS GÉNÉRALES. 


Les détails dans lesquels nous allons entrer sont 
comme les preuves des observations générales consi- 
onées dans la première partie de notre travail. Ils dé- 
montreront du moins que les habitations des oiseaux 
sont moins circonscrites que celles des autres animaux, 
et que la plupart des espèces émigrantes traversent les 
mers dans leurs voyages. Ils prouveront enfin que la 
plupart des oiseaux des pays froids, généralement gras, 
sont revêtus d’une fourrure plus épaisse que celle dont 
sont couvertes les races des régions équatoriales. 

Partout les êtres vivants se montrent en harmo- 
nie avec les climats et les circonstances extérieures 
sous l'influence desquels ils sont placés. Ces rapports 
sont surtout sensibles, lorsqu'on étudie la distribution 
des familles des oiseaux dans les différentes contrées 
du globe. 

Les palmipèdes, parmi lesquels on peut signaler les 


— 202 — 


diverses espèces d’oies et de canards, les harles, les 
macareux, les manchots, les pétrels, les goënlands, les 
stercoraires, les fous ou boubies, les cormorans, les 
plongeons, les guillemots, le pingouin brachyptère, 
s’avancent le plus vers le Nord. Après ce grand ordre 
d'oiseaux, quelques pinnatipèdes, parmi lesquels on 
peut citer les phalaropes, sont les races qui parvien- 
nent le plus avant vers les contrées polaires. 

De pareilles habitudes caractérisent également un 
assez grand nombre d’échassiers ; mais ceux-ci, moins 
bien fourrés que les précédents, s'arrêtent avant les 
premiers. Quoique du Nord, ils ne fréquentent pas ce- 
pendant les régions les plus glacées, craignant da- 
vantage les rigueurs du froid. Les grues, les hérons, 
les spatules, les bécasses, les chevaliers, les maubé- 
ches, les sanderlings, le vanneau pluvier, qui appar- 
tiennent à cet ordre, sont du nombre de ces espèces 
qu'un froid trop vif épouvante, et fait quitter les 
pays où ils craignent d’en ressentir les rigueurs. 

Des motifs tout à fait contraires portent les oi- 
seaux granivores vers les régions tempérées, où ils 
sont surs de trouver en abondance la nourriture qui 
leur convient. On peut citer parmi les oiseaux qui 
ont de pareilles habitudes, les alouettes, les bruants, 
les gros-becs, les bouvreuils, les becs-croisés,du moins 
parmi ceux qui vivent en Europe. Quant aux espèces 
granivores de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique, 


— 203 — 


les tisserins, les phytotomes, les colious, les psittacins, 
les tangaras et une foule d’autres genres, elles se 
trouvent particulièrement à des distances considéra- 
bles des régions septentrionales. Les oiseaux qui se 
nourrissent d'insectes se rencontrent surtout dans les 
régions tropicales. Des millions de ces animaux éclo- 
sent à chaque instant, et pullulent d’une manière réel- 
lement prodigieuse, 

C’est en effet dans les contrées brülantes qu’on dé- 
couvre les pies-grièches, les loriots, les mainates, les 
couroucous, les barbus, les coucous, les oiseaux de pa- 
radis, les pies, les todiers, les alcyons, les promerops, 
les grimpereaux, les colibris, les gobe-mouches, les 
fauvettes, les bergeronnettes, les mésanges et une foule 
d’autres passereaux ; ceux-ci sont essentiellement in- 
sectivores, quoique quelques-uns d’entre eux se nour- 
rissent également de graines ou de fruits, et quelques- 
uns même de poissons. Cependant plusieurs espèces in- 
sectivores émigrent d’une manière périodique vers les 
contrées tempérées. Les migrations des hirondelles et 
des martinets sont trop connues pour en douter ; mais 
leurs passages n’ont jamais lieu qu'au printemps ou 
lorsque les beaux jours ont fait naître une foule d’in- 
sectes, même dans les régions dont la température n’est 
pas très-élevée. 

Les oiseaux piscivores se trouvent généralement ré- 
pandus sur toutes les mers, aussi bien sur celles des 


— 204 — 


régions tropicales, que sur les mers polaires. Les es- 
pèces qui ont de pareilles habitudes trouvent partout 
une nourriture suffisante et conforme à leurs besoins. 

Les oiseaux se distinguent égalementparleursmœurs 
et leurs habitudes intéressantes, qui les signalent en- 
tre les autres animaux. La plupart de leurs espèces 
sont non-seulement monogames; mais elles vivent dans 
une union qui ne cesse qu'avec la mort de l’un des 
sexes. L'union des oiseaux est caractérisée par cette cir- 
constance, que les mâles, vivant en monogamie, pren- 
nent soin eux-mêmes de leur progéniture, tandis que 
chez les mammifères, l’homme excepté, la femelle seule 
s'occupe de ses petits. 

Chez les animaux inférieurs, même chez les verté- 
brés, comme les poissons et les reptiles, la femelle est 
toujours dispensée de l'obligation de prendre soin de 
ses petits à partir de l'instant de la ponte. Les insectes 
qui vivent en société sont peut-être les seuls qui fas- 
sent exception à cette loi générale. 

Faber rapporte pourtant que chez les poissons le 
mâle du cyclopterus lumpus se fixe auprès des œufs 
et les surveille avec tout autant d'activité que de sa- 
tisfaction aprés les avoir fécondés ; ce fait, en le sup- 
posant exact, a peu d’importance en comparaison des 
soins que les mâles de plusieurs oiseaux prennent de 
leurs petits. 

Ces soins commencent dès que ces animaux s'oc- 


— 205 — 


cupent de la construction de leur nid; le mâle y 
fait le plus souvent sentinelle, et observe par avance 
tous les lieux où il peut être convenablement établi. 
On ignore s’il en est de même chez les rapaces. Les 
mœurs de ces oiseaux, et particulièrement celles des 
genres cathartes, des sarcophanges, des gypoger- 
mes et des vautours, sont encore trop peu connues, 
pour rien afhrmer à cet égard. Il est difficile de dire 
quelque chose de satisfaisant de la manière d’être du 
mâle relativement à sa progéniture; nous possédons 
seulement quelques observations intéressantes sur les 
mœurs et les habitudes des aigles. Quant à celles des 
espèces du genre gypaëte, elles sont totalement in- 
connues. 

L'observation nous a seulement appris queles grands 
aigles de mer ( falco leucocephalus) planent par cou- 
ples sur leurs aires. Le mâle, comme la femelle, pa- 
rait prendre soin de l’éducation de ses petits. De plus, 
le male leur apporte leur nourriture et les guide de 
concert avec la femelle, quand ils ont quitté leur nid : 
les deux sexes continuent cette surveillance, jusqu’au 
moment où leurs petits sont assez grands pour pouvoir 
se procurer eux-mêmes leur subsistance et veiller à 
leur sûreté. De pareils faits s’observent également 
chez les vrais aigles et les aigles de rivière (pandion). 

Probablement les mêmes habitudes existent chez 
les cacaetos et les archibates. Quant à ce qui est des 


— 206 — 


vraies buses (buteo), du moins d'après ce que nous 
apprend M. Brehm, non-seulement le mâle nourrit 
la femelle pendant tout le temps qu’elle eouve, mais il 
prend soin des petits avec le plus grand empressement 
et la plus tendre sollicitude. Ainsi le mâle du buteo 
medius de cet ornithologiste veille constamment sur 
sa femelle pendant tout le temps qu'elle couve. Il y a 
plus encore : lorsque celle-ci quitte le nid, le mâle y 
accourt de suite et se pose lui-même sur les œufs, et 
y reste jusqu’au retour de sa femelle. 

Un de ces couples, où l'on avait suivi tous ces ma- 
néges, fut tué, la femelle d’abord et le mâle le lende- 
main. Un petit fut pris dans le nid ; on reconnut qu’il 
n’avait pas pris de nourriture depuis la veille, le màle 
n'ayant pas osé braver le danger et lui en apporter, 
quelque grande que püt être sa tendresse. Une autre 
espèce de buse, le buteo murum, ayant fait son nid, 
on vit le male nourrir non-seulement la femelle pen- 
dant tout le temps qu’elle était occupée à couver, mais 
continuer ses tendres soins après que leurs petitsétaient 
éclos. La femelle ayant été tuée, le mâle se rendit de 
suite au nid, où il.eut le même sort. Un autre couple 
du même genre, le buteo septentrionalis , s’empara 
de ce nid, et la femelle y déposa ses œufs. Pendant 
tout le temps que dura la couvaison, le mâle fut aussi 
assidu que sa compagne poursoigner leurs petits. Il s’é- 
loignait si peu du lieu oùils se trouvaient, qu'il fut 


pris, ainsi que sa femelle, dans un filet que l’on avait 
préparé pour les saisir. 

Le male du pernis nous présente un exemple de 
tendresse pour sa progéniture, encore plus remar- 
quable ; 1l offre du moins le seul exemple entre les 
oiseaux de proie d'assister, non-seulement sa femelle 
pour nourrir ses petits, mais encore pour couver leurs 
œufs. Les deux sexes se relèvent doncalternativement, 
afin de maintenir auprès d'eux cette douce tempéra- 
ture qui les fait plus tôt et plus sûrement éclore. 

Les mäles des milans roux et brun noirâtre parais- 
sent avoir à peu près les mêmes soins que les au- 
tres oiseaux de proie. Ils sont cependant plus crain- 
tifs et moins dévoués à leurs petits que les autres ra- 
paces. Aussi, lorsqu'ils redoutent quelque danger, 
ils quittent le nid; ils planent pour lors sur leur aire, 
en se tenant hors de la portée des armes à feu. Lors- 
que la crainte du danger se prolonge, on assure qu'ils 
laissent tomber, de la hauteur à laquelle ils se main- 
tiennent, la nourriture de leurs petits. On prétend 
qu'ils le font avec une si grande adresse, que les 
jeunes milans en profitent presque toujours. 

Les mâles des faucons ( falco) ont les mêmes habi- 
tudes et se donnent les mêmes soins pour leur progé- 
niture. Quoique ceux du faucon voyageur ( faleo pe- 
regrinus) n'aient que les deux tiers de la grandeur de 
leurs femelles, ils ne les nourrissent:pas moins pen- 


— 208 — 


dant tout le temps qu'elles couvent. Ils les assistent 
également avec la plus grande tendresse dans tout ce 
qui tient à l'éducation de leurs petits. Ces mâles ont un 
grand attachement pour leur famille; ils se tiennent 
à peu près constamment sur le rocher où ils ont cons- 
truit leur aire, longtemps après le moment où leurs fe- 
melles ayant été tuées, les petits ont été enlevés du nid. 

Ils témoignent ainsi par cette position fixe, et dont 
rien ne peut les arracher, la douleur et les regrets 
qu’ils éprouvent de la perte de leur famille. Telles 
sont quelques-unes des précautions que les oiseaux 
apportent à la conservation et à la durée de leur race. 
Ces soins sont si constants et si actifs, qu’ils annoncent 
leur tendre sollicitude pour leurs petits. Sous ce rap- 
port, il y a peu de distinction entre eux ; du moins, 
les oiseaux rapaces, dont les mœurs sont les plus fa- 
rouches, sont loin cependant d’être dépourvus d’atten- 
tion et même d'amour pour leurs petits. 

On s’est demandé si de pareilles habitudes étaient 
communes à tous les vertébrés ovipares, et si, par 
exemple, les reptiles qui pondent comme les oiseaux 
des œufs séparés , les couvaient comme ces derniers. 
IL paraît que les serpents des régions tempérées se 
bornent à déposer leurs œufs dans des trous exposés 
au midi, et qu’ils éclosent ainsi naturellement, lorsque 
l'époque de leur maturité est arrivée. 

La difficulté d'observer les mœurs de ces animaux 


— 209 — 


sénéralement redoutés avait fait penser qu'il en était 
de même de toute la classe des reptiles. L'éclosion 
qui a eu lieu au mois de mai dernier de plusieurs 
petits boas,au jardin des plantes, a paru élever quel- 
ques doutes à cet égard. Du moins ce genre de ser- 
pents semble avoir couvé ses œufs à la manière des 
oiseaux. Il parait même avoir développé dans l’incu- 
bation une chaleur suffisante à la naissance des jeunes 
de ces animaux. 

Comme ces faits ont été contestés, il est nécessaire 
d'entrer dans quelques détails à cet égard. Les srands 
serpents des Indes sont enfermés dans la ménagerie 
du muséum de Paris, dans des caisses en bois sous 
des couvertures en laine, et échauffés par de l’eau 
maintenue entre 70 et 75 degrés de chaleur. Cette 
chaleur communique à la boîte une température d’en-- 
viron 22 à 27 degrés. C’est dans l’une de ces boîtes 
qu'a été placée une femelle du serpent boa ou python 
à deux raies ( python bilineatus). Cette femelle pleine, 
soumise à cette température, pondit quinze œufs ellip- 
tiques tous séparés les uns des autres et ayant à peu 
près deux fois la longueur des œufs d’une poule. 

Livrée à elle même, elle enroula la partie posté- 
rieure de son corps autour des œufs rassemblés par 
elle en un tas. Elle replia le reste de son corps en 
spirale , dont sa tête occupait le sommet. Pendant 


toute la durée de la couvaison, la chaleur de ce serpent 
14 


ss BD 2e 


augmenta d’une manière sensible, d’après ce qu'a 
rapporté M. Valenciennes. Cet animal développa ainsi, 
d’après lui, une température supérieure de 15 à 18 de- 
grés au milieu dans lequel il était plongé. 
L’incubation dura ainsi 56 jours sans interruption. 
Pendant tout ce temps le serpent boa ne quitta pas un 
instant sa position. Les petits se mirent de suite à 
ramper du moment qu'ils furent sortis de l’œuf. Ils 
ne commencèrent pourtant à manger que quatorze 
Jours après leur naissance. Il parut en être chez ce 
reptile comme chez les oiseaux, où l’élévation de tem- 
pérature, quoique variable, est cependant plus élevée 
au commencement de l’incubation qu’à la fin. 
D’après les expériences dues à M. Valenciennes , 
la température des oiseaux varierait de 42 à 46 degrés, 
du moins chez les poules, et cela d’après l’état plus ou 
moins avancé des oiseaux lors de leur incubation. Le 
même observateur a fait de plus remarquer que l’in- 
cubation des reptiles était un fait si connu dans l’Inde 
qu’il entrait même dans leurs contes populaires. 
Cette opinion a été contredite de la manière la plus 
formelle par M. Duméril , auquel nous devons une 
histoire extrêmement détaillée des reptiles, Ge savant 
a fait observer que les serpents sont des animaux à 
sang froid , c’est-à-dire des animaux dont le corps 
prend la température du milieu dans lequel ils se 
trouvent, ou des objets avec lesquels ils sont en con- 


— 211 — 


tact. Il croit donc que, lors des expériences de M. Va- 
lenciennes, il avait dû se développer, par le fait de 
quelques œufs écrasés ou des matières de déjections 
de l’animal répandues sur le foin de la litière, une fer- 
mentation capable d’élever la température ambiante, 
et nécessairement aussi la température du serpent. 

M. Duméril rapporte la plus grande partie de la 
chaleur développée dans cette circonstance à la tem- 
pérature du germe lui-même. Les œufs des serpents, 
de même que les graines des végétaux, ont besoïn pour 
se développer d’éprouver l’action de la chaleur, de se 
trouver en contact avec l’humidité du sol et avec les 
éléments que l’air et l’eau leur transmettent. Quand 
une fois cette excitation de la vie végétale a été pro- 
duite, elle paraît se continuer par une action interne 
qui ne peut s'arrêter qu’au détriment de l’existence. 
Ainsi les œufs fécondés d’une poule soumis à l’action 
d’une douce température, ont conservé ou développé 
le même degré de chaleur après qu’on a eu interrompu 
pendant plusieurs heures et même pendant une demi- 
journée cette température artificielle. 

L’explication des faits observés par M. Valencien- 
nes parait, à M. Duméril, être dans l’application 
de ces idées. D’après ce dernier, l'élévation de tem- 
pérature constatée chez la mère ne doit pas lui être 
attribuée. Elle provient du germe et de la conser- 
vation du calorique transmis antérieurement, ou de 


— 212 — 


l'action vitale qui s'exerce dans l'intérieur des œufs. 

D'après cette théorie, les germes qui avaient été 
échauffés artificiellement se sont développés. Leurs or- 
ganes sont entrés en fonctions, et les phénomènes qui 
ont lieu pendant la vie se sont manifestés à l’aide de 
la pénétration du calorique. Le corps de la mère, qui 
le recevait, s’est mis probablement en équilibre avec 
la température moyenne. Les œufs ont partagé cette 
chaleur naturelle, elle s’est également distribuée entre 
eux, puisqu'ils étaient empilés les uns sur les autres 
sous une sorte de voûte fermée de toutes parts, et sur- 
tout dans sa partie supérieure, qui n’a pas permis à 
la chaleur de s’échapper de cette espèce de tour ainsi 
circonscrite. 

Il ne serait pas du reste étonnant qu’au moment de 
la couvaison les serpents, comme la plupart des ani- 
maux, eussent une température plus élevée, que dans 
leur état ordinaire. Cet accroissement de chaleur peut 
d’autant plus avoir lieu, que les plantes, considérées 
longtemps comme tout à fait dépourvues de calori- 
que, en acquiérent cependant des quantités très-no- 
tables pendant certains moments de leur développe- 
ment et de leur floraison ou fructification. 


— 215 — 


TABLEAU 


DE L'ÉPOQUE 


DES PASSAGES DES OISEAUX. 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. 


ET 
Palmipèdes. 


1° Pingouin {al- 
ca Linn.). 

Pingouin ma- 
croptère (alca tor- 
da Temm.). 


Pingouin bra- 
chiptère (alca im- 
pennis Temm.). 


20  Macarcux 
(mormon Ilig.). 

Macareux moine 
(mormon frater- 
cula Temm.). 


=0o 


5° Guillemot 
(uria Briss.). 


ÉPOQUES DES PASSACES DES OISEAUX, 


Cette espèce erratique ne se montre pas 
constamment en hiver sur les côtes méridio- 
nales de la France où sa venue est assez ir- 
régulière. Il est des années où elle passe ce- 
pendant en grand nombre. 

La patrie de cet oïseau est vers les mers 
arctiques où il se reproduit. Il pond un seul 
œuf dans les fentes des rochers qui bordent 
les côtes de la mer. Néanmoins il porte ses 
excursions non-seulementen France, en An- 
gleterre, en Hollande et en Norwége, mais 
toujours accidentellement et en hiver. Ce 
pingouin passe le plus ordinairement en 
janvier et en février, quoique cependant on 
le voie dans le midi de la France au mois de 
mars où il prend sa parure de noces. 


Cette espèce sédentaire abandonne peu les 
hautes latitudes du globe, préférant toujours 
les régions couvertes de neiges éternelles. 
Elle se trouve habituellement sur les glaces 
flottantes du pôle arctique, dont elle ne s’é- 
loigne qu'accidentellement. Très - commun 
dans tout le Groënland, cet oiseau visite ra- 
rement les îles Orcades et Saint-Kilda. 


Cette espèce habite les régions polaires des 
deux mondes. Elle appartient aux oiseaux 
émigrants. Ses passages ont lieu sur les côtes 
de la France, de l’Angleterre, de la Hollande 
et de la Norwége d’une manière périodique 
et régulière. Certains individus nichent dans 
les régions tempérées, quoique la véritable 
patrie de ces oïseaux soit l'extrême nord. 
Cette circonstance n'a peut-être lieu que par 
suite de quelques accidents survenus à cer- 
tains d’entre eux. = 

On voit constamment dans les provinces 
méridionales de la France plus de jeunes que 
de vieux individus de cette espèce, mais seu- 
lement en hiver. 


Le guillemot à capuchon habite les mers 
arctiques des deux mondes. Ses passages ont 
lieu en hiver d’une manière périodique et 


Guillemot à |constante sur les côtes de la Norwége, de la 


= 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. 


I 


: capuchon 
Palmipèdes. 


(uria 
troile Lath.). 


Guillemot à gros 
bec (uria Francsii 
Leach.). 


Guillemot à mi- 
roir blanc (uria 
grylle Lath.). 


Guillemot nain 
(uria alle Temm.). 


4° Plongeon (co- 
lymbus Lath.). 

Plongeon im- 
brim  (colymbus 
glacialis Linn.) 


Plongeon Jum- 
me (colymbus ar- 
clicus Linn.). 


Plongeon cat- 
marin ( colym-— 
bus septentrionalis 
Linn.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


Baltique, enfin jusqu’en Hollande, en An- 
gleterre et le nord de la France. Les voyages 
périodiques qu’exécute cette espèce ont lieu 
en grandes bandes, et d’une manière telle- 
ment régulière, qu’on doit la ranger parmi 
les oiseaux émigrants. 


Cet oiseau habite les mers glaciales du 
pôle arctique. Il paraît sédentaire dans le 
détroit de Davis, au Groënland, au Spitzberg 
et dans la baie de Baffin. 


Ce guillemot habite les mêmes contrées 
que le guillemot à gros bec, mais il paraît 
opérer en hiver des passages plus ou moins 
accidentels le long des côtes de l'Océan. Si 
ces faits sont exacts, il appartiendrait à l’or- 
dre des oiseaux erratiques. 


Cette espèce habite jusque sous les glaces 
du pôle, étant plus abondant en Amérique 
qu’en Europe. Comme la précédente, ses pas- 
sages n’ont lieu sur les côtes de la Hollande, 
de l'Angleterre et du nord de la France, que 
d’une manière accidentelle. Cette espèce er- 
ratique y semble amenée par la rigueur de l’hi- 
ver ou poussée par la violence des ouragans, 


Ce plongeon habite les mers arctiques des 
deux mondes ; il est très-abondant aux Hébri- 
des,en Norwége,en Suède et en Russie où il ni- 
che constamment. Il ne fait que des passages 
accidentels en hiver le long des côtes de l'O- 
céan : mais on n’y remarque que de jeunes 
individus. Vieux , ils n’y paraissent jamais, 
Ainsi cet oiseau serait erratique dans le 
jeune âge, tandis qu'à l'age adulte il serait 
sédentaire, du moins nous ne voyons dans 
le midi de la France que des individus re- 
vêtus de la livrée de la première et deuxième 
mue. 


Cette espèce, comme la précédente, très- 
abondante dans tous les pays du Nord, habite 
les mers arctiques des deux mondes. Elle 
fait en hiver des excursions accidentelles 
en Allemagne, en Hollande et en Angleterre, 
mais sans aucune distinction d'age. Aussi 
n’avons-nous jamais vu cette espèce dans le 
midi de la France. 


Le plongeon catmarin habite les mers 
arctiques des deux mondes, où il niche cons- 
tamment. Ses passages sont assez réguliers 
vers la fin de l’automne ou en hiver, sur les 
côtes de la Hollande, de l'Angleterre et de la 
France. Il parvient même jusque dans le midi 
de la France et de l'Italie; mais, à ce qu'il 


I 


; paraît, on n’y voit aussi que de jeunes indivi- 
Palmipèdes. 


dus, les vieux ne poussant pas leurs excursions 
aussi loin. Cet oiseau, par suite de ses habi- 
tudes incertaines, fait en quelque sorte le 
passage des espèces émigrantes aux errati— 
ques. On le voit du moins se retirer avec 
promptitude vers les régions septentrionales, 
dès que les beaux jours sont revenus. Mais 
ce qui prouve qu'il doit être compris parmi 
les oiseaux émigrants, c’est qu’il paraît pous- 
ser ses excursions jusqu'én Asie et au Japon. 
D'un autre côté, il ne visite le midi de la 
France et le nord de cette contrée qu’à l’âge 
d’une année, tandis qu’il n’y paraît à l’âge 
adulte que rarement. 


Cette espèce a encore pour patrie les mers 
arctiques des deux mondes. Elle est très- 
abondante aux Hébrides, en Ecosse et en 
Norwége. De passage accidentel sur les côtes 
de la Hollande et de l'Angleterre, on la dit 
très-commune dans une petite île du golfe 
d’Edimbourg. Elle niche constamment vers 
le nord. Cette race erratique ne paraît pas, 
jusqu’à présent , avoir été rencontrée sur les 
côtes du midi de la Frauce, quoique Polydore 
Roux ait cru le contraire, et l'ait figurée dans 
son ouvrage destiné uniqnement à faire con- 
naître les oiseaux de la Provence. 


5° Fou (sula 
Briss.), 

Fou de Bassan 
sula alba Meyer). 


Ce fou paraît du petit nombre des espèces 
sédentaires. Il quitte rarement la zone tor- 
ride, où il vole continuellement sur la sur- 
face des eaux, n’allant jamais à terre que 
pour nicher. Aussi la rencontre de cette es- 
pèce au milieu des mers est un indice certain 
pour les nayigateurs qu’ils sont dans le voi- 
sinage du tropique. 

Toutes les espèces de ce genre paraissent 
avoir les mêmes habitudes. 


6° Paille-en- 
queue (phaeton 
Linn.). 


Les oiseaux qui appartiennent à ce genre 
se font remarquer par l'étendue et la puis- 
sance de leur vol, qui leur permet de franchir 
des distances immenses. Aussi les trouve-t-on 
en pleine mer fort loin de toute terre, princi- 
palement entre les tropiques. On en a ainsi 
rencontré qui étaient à plus de quatre cents 
lieues des côtes. 

Comme les frégates ne se livrent pas à des 
passages périodiques et réguliers ni acciden- 
tels, et que d’un autre côté elles voyagent 
constamment au milieu de l’immensité des 
mers, abandonnant peu cependant le voisi- 
nage des tropiques, elles mériteraient peut- 
être de faire une classe à part par suite de 
leurs habitudes, C’est à l’ordre de ces oiseaux 
que nous avons donné le nom de cosm0po- 
lites, qui convient à leurs mœurs et à leur 
humeur vagabonde. 


70 Frégates (pe- 
lecanus Linn.). 


— 9216 — 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: 


Le cormoran habite les contrées septen- 
trionales des deux mondes, d’où il étend ses 
passages assez constamment périodiques, en 
Hollande, en Angleterre et en France. Il est 
seulement beaucoup plus rare dans le Midi 
que dans le Nord, nichant habituellement 
dans ces dernières contrées, qu’il ne quitte 
guère que l'hiver. 

Néanmoins il niche parfois dans le midi de 
la France, soit dans les fentes des rochers, 
soit sur les arbres, soit enfin sur les jones. 


I. 8° Cormoran 
Palmipèdes.  |(carbo Meyer). 
Grand cormo- 
ran (carbo cormo- 
ranus Meyer). 


99 Pélican blanc 
(pelecanus onocro- 
talus Linn.). 


Le pélican habite les contrées orientales de 
l'Europe, notamment la Hongrie, la Dalmatie 
et la Russie. Ilfréquente en général le bord 
des rivières et des lacs, ainsi que les côtes 
maritimes où il niche habituellement. Néan- 
moins cette espèce étend fort loin ses ex- 
cursions ; en effet on la trouve en Afrique, 
en Asie, particulièrement au Japon, et même 
jusqu’en Amérique. 

Il n’est pas certain qu'on l’ait rencontrée 
jusqu’à présent dans le Midi; mais, d’après ses 
excursions lointaines qui paraissent être assez 
régulières, on peut comprendre le pélican 
parmi les oiseaux émigrants, d'autant que 
MM, Polydore Roux et Moquin l'ont observé 
parfois dans les provinces méridionales de la 
France. 


Cet oïseau habite les régions arctiques des 
deux mondes. Il étend ses excursions régu- 
lières lorsque le froïd le chasse des pays où il 
niche ordinairement, non-seulement dans 
la plupart des contrées tempérées de l’'Eu- 
rope, mais encore dans toute l'Asie, et parti- 
culièrement au Japon. Il est fort commun 
l'hiver sur les côtes de l'Allemagne, de la 
Hollande, du nord de la France, et même 
parfois dans le Midi, comme par exemple en 
1838. Lorsque la belle saison arrive, le grand 
harle se retire dans les contrées boréales, et 
passe même jusqu’en Islande. 

De pareilles habitudes sont communes aux 
autres espèces de ce genre, c’est-à-dire à 
l'harle huppé (mergus serrator Linn.), et à 
l’'harle piette (mergus albellus Linn.). 


10° Harle (mer- 
gus Linn.). 
Grand harle 
(mergus mergan- 
ser Temm.). 


Ce canard habite le nord des deux conti 
nents; mais en automne il commence à se 
montrer par petites bandes dans les contrées 
tempérées, qu’il quitte ensuite dès les pre- 
miers jours de printemps. C'est principale- 
ment vers la mi-octobre ou au plus tard à la 
fin de ce mois qu'arrivent leurs premiers pas- 
sages dans le midi de la France. Ils sont d’au- 
tant plus abondants que la température est 
plus élevée. Mais, lorsque les frimas se sont 
emparés de nos campagnes, ils nous aban- 


119 Canard (a- 
nas Linn.). 

Canard sauva- 
ge (anas boschas 
Temm.) 


= SP — 


EEE 


ORDRFS: GENRES ET ESPÈCES. 


I. 
Palmipèdes, 


Canard eider 
(anas mollissinia 
Temm.). 


Canard macreu- 


ÉPÔQUES DES PASSAGES DES OISFAUX, 


donnent, et étendent leurs migrations en 
Afrique, et même jusque dans l'Amérique 
septentrionale. 

D'autres passages, mais moins réguliers 
que ceux de l'automne, ont lieu vers la fin 
de février ou au commencement de mars. 
Ceux qui ne restent pas dans les contrées du 
midi de la France pendant la plus grande 
partie de l’année sont loïn d'attendre le re- 
tour de l’été pour regagner le Nord, où ils 
vont passer la belle saison. 

Il est certain que plusieurs individus du 
canard sauvage nichent dans nos contrées, et 
y veillent aux soins de leur reproduction. 
Il existe même une chasse particulière qui 
commence vers la fin de juin et dure jus- 
qu’au mois d’août. On la nomme en patois 
languedocien & labrans ; cette chasse en fait 
périr un grand nombre. Les pennes alaires 
n’ayant pas acquis leur entier développe- 
ment, ces oiseaux se laissent prendre pour 
lors avec facilité. Il est du reste aisé de se 
procurer un grand nombre d'œufs de cette 
espèce. Des habitudes à peu près semblables 
sont communes à un assez grand nombre d’au- 
tres espèces de canards ; mais celles-ci, comme 
l’anas boschas, quittent en automne le nord 
de l’Europe pour gagner le Midi, d’où elles 
étendent ensuite leurs excursions jusqu’en 
Asie et particulièrement jusqu’au Japon. On 
peut citer parmi ces espèces de canards, le 
chipeau, le siffleur, le souchet, le garrot, le 
morillon, la sarcelle d'hiver, la double ma 
creuse, la macreuse, et plusieurs autres es- 
pèces 

D'après les voyages périodiques et réguliers 
auxquels se livrent ces canards, ils paraissent 
appartenir aux oiseaux émigrants. 


L’eider habite les mers glaciaies voisines 
des régions polaires. Il est surtout très-ré- 
pandu en Islande, en Laponie, au Groën- 
land et au Spitzberg. Il se trouve aussi assez 
communément aux Orcades et aux Hébrides; 
mais il est fort rare en Suède et en Dane- 
mark, où il est de passage accidentel, ainsi 
qu’en Allemagne. Il paraît enfin que les jeu- 
nes seuls se montrent sur les côtes de l'Océan 
où les vieux ne se rencontrent jamais. 


Cette espèce erratique, dont les passages 
n’ont rien de fixe ni de régulier, n’arrive 
presque jamais dans le midi de la France; 
on n’y voit guère en hiver que quelques in- 
dividus égarés qui se rapportent toujours à 
des femelles et à de jeunes individus. Les 
vieux n’y paraissent. pas plus quesur les côtes 
de l'Océan. 


Ce canard, ainsi que la double macreuse 
(anas fusca Temm.), est fort rare dans le 


ORDRES, 


— 218 — 


EEE EE 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


à 
Palmipèdes. 


se ( anas nigra midi de la France. L'un et l’autre sont de 


Temm.). 


Canard tador- 
ne (anas tadorna 
Temm.). 


19° Cygne (cy- 
cnus Linn.). 

Cygne sauvage 
( cycnus musicus 
Temm.). 


Cygne tuber- 
culé ( cycnus olor 
Temm.). 


passage périodique sur les côtes du nord de 
la France, d’où seulement quelques individus 
s’'égarent jusque dans nos provinces méridio- 
nales, lorsque les froids sont vifs et piquants. 

La patrie de ces deux oiseaux est à peu 
près la même; l’un et l’autre habitent les 
mers arctiques des deux mondes, d’où ils 
se répandent vers les contrées tempérées, 
et en nombre d'autant plus considérable, que 
l'hiver fait sentir ses rigueurs dans les con- 
trées où ils nichent. Aussi la macreuse peut- 
elle être rangée parmi les races émigrantes, 
par suite de la périodicité et de la constance 
de leurs passages. 


La tadorne habite le nord et les contrées 
occidentales de l’Europe le long des bords de 
la mer, d’où elle se répand d’une manière pé- 
riodique sur les côtes de la Hollande, de l’An- 
gleterre et de la France. Elle ne se montre 
guère dans l’intérieur des continents que 
d’une manière tout à fait accidentelle. Cet 
oiseau paraît cependant étendre ses migra- 
tions jusqu’en Asie, et particulièrement jus- 
qu'au Japon. Ilest certain que la tadorne est 
plus abondante sur les côtes de l'Océan que sur 
celles de la Méditerranée. Cet oiseau voyage 
toujours par paires, c’est-à-dire par couples 
uniques et séparés, habitudes qui sont com- 
munes à certaines espèces de canards. 

Une seule exception se fait remarquer; 
elle existe relativement à leider, qui arrive 
dans le midi de la France seul et tout à fait 
isolé. Probablement ces canards qui nous 
viennent ainsi solitaires ne sont que des in- 
dividus égarés. 


Cet oïseau habite les contrées boréales des 
deux mondes, d’où il émigre en hiver vers les 
côtes maritimes de la Hollande, de l’Angle- 
terre et de la France. Comme l'espèce précé- 
dente, il pénètre peu dans l’intérieur des 
terres; le cygne sauvage, qui souvent pousse 
ses excursions jusque dans le midi de la 
France, les étend même jusqu'en Asie, et 
particulièrement jusqu’au Japon. 


Ce cygne, dont l'élégance fait la parure de 
nos jardins, habite ‘les grandes mers de l'in- 
térieur, surtout vers les contrées orientales 
de l’Europe. Mais en hiver, lorsque le froid est 
vif et piquant, il passe accidentellement dans 
le midi de la France. 

Si l'espèce précédente peut être considérée 
comme un oiseau émigrant, il n’en est pas 
de même de celle-ci, dont les passages sont 
aussi 2ccidentels que l’inconstance des sai- 
sons. J1 paraît en être de même du cygne à 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


I 


b bec noir (cycnus musicus), qui n'arrive ja- 
Palmipèdes. 


mais dans les pays tempérés que lors des 
très-grands froids, On ne l'a jamais aperçu 
dans le midi de la France. 


159 Oie (anser L'oie hyperborée habite les régions améri- 

Temm ) caines du cercle arctique, d’où elle émigre 

RUE régulièrement vers les contrées orientales de 

Oie hyperborée l'Europe. Quelques individus égarés arrivent 

( anser hyperbo- en Autriche, en Prusse, rarement en Hollande, 

reus Temm.) et plus rarement encore dans le midi de la 
“ France, 

Cette espèce niche en Sibérie et dans les 
contrées polaires de l'Amérique; d’après la 
régularité de ces excursions, elle doit être 
comprise parmi les oiseaux émigrants. 


Oiecendrée(an- Cette espèce habite les mers, les plages et 
er les marais des contrées orientales ; elle avance 
ser ferus Temm.). rarement vers le Nord au delà de 530. Ses 
passages en Allemagne et vers le centre de 
l'Europe sont aussi réguliers que ceux qu’elle 
fait en hiver en Hollande et dans le midi de 
la France. Elle reste pen dans cette dernière 
contrée, qu’elle quitte toujours à l'approche 
du printemps. 

Cette espèce paraît être la souche de toutes 
les oies domestiques, et se rattacher comme 

la précédente aux races émigrantes. 


Oie sauvage (an-| L'oie sauvage habite les contrées arctiques 
ser segetum Tem.), où elle niche constamment. Elle émigre pé- 
riodiquement à deux époques différentes 
vers les régions ftempérées dont elle n’est 
chassée que par de très-grands froids. Alors 
seulement elle se montre dans les contrées 
méridionales, particulièrement dans celles de 
la France. Mais, pour si peu que le froid 
devienne moins vif, elle quitte le Midi pour 
s'enfuir versles contrées septentrionales, son 
séjour habituel. 

Elle est assez abondante lors de son double 
passage en Allemagne, et dans le nord de 
l’Europe, mais surtout, à ce qu’il paraît , en 
France. Il n’en est pas de même dans le cen- 
tre et le midi de l’Europe, où ses excursions 
sont tout à fait accidentelles, en sorte que 
cette espèce est tantôt émigrante eterratique, 
du moins dans certaines contrées. 


Oie rieuse (anser| Cette oïe vit également dans les régions 
1. voisines du cercle arctique, où elle niche ha- 
albifi ons Temm.) bituellement. Elle paraît être assez commune 
en Sibérie, d’où elle étend ses excursions 
jusqu’en Hollande et le midi de la France. 
Mais, dès que la belle saison approche, cette 
espèce, comme la précédente, nous quitte, 
pour voyager yers les régions arctiques, où 

elle a fixé son séjour. 


ORDRES + 


I. 
Palmipèdes 


— 220 — 


EE ——_—_——————— 


GENRES ET ESPÈCES. 


Oie bernache (an- 
ser leucops Tem.). 


Oiecravant (an- 
ser bernica Tem.). 


Oie à cou roux 
(anser  rufficollis 
Pallas). 


140  Thalassi- 
drome ({thalassi- 
droma ‘Temm.) 
(thalassidroma pe- 
lagica Temm.)(oi- 
seau des tempêtes 
vulg.). 


45° Pétrel (pro- 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
CCR ES ETES CC GREEN SNMMENNENNNES 


La bernache habite les parties les plus 
froides et les plus sauvages du Groënland, 
de la Laponie et de la Sibérie. Elle est de pas- 
sage acci“entel en automne et en hiver dans 
les pays tempérés, d’où elle s’avance parfois 
jusque dans le midi de la France. Elle niche 
vers les contrées polaires, son séjour habi- 
tuel. 


Cette oïe a également pour patrie les ré- 
gions arctiques, où elle niche constamment. 
Elle porte ses courses en automne eten hiver 
dans les pays tempérés, comme la Hollande 
et le nord de la France. Elle s'arrête peu en 
Allemagne, et parvient rarement jusque dans 
le midi de la France. Cet oiseau, ainsi que 
d’autres espèces de ce genre, retourne cons- 
tamment, au printemps, vers les régions où 
il construit son nid et où il se reproduit. Il 
paraît donc erratique comme la bernache, 
dont il a à peu près les mœurs. 


L'oie à cou roux a pour patrie les contrées 
arctiques de l’Asie et les bords de la mer 
Glaciale. Elle paraît cependant émigrer d’une 
manière périodique en Russie; maïs ce n’est 
que très-accidentellement qu'elle étend ses 
excursions jusqu'en Allemagne, et bien rare- 
ment en Angleterre. On ne rencontre jamais 
l'oie à cou roux ni en Hollande ni en France, 
Emigrante relativement à la Russie, cette es- 
pèce est simplement erratique eu égard à 
l'Allemagne. 


Cet oiseau a l'habitude, avant les tempêtes, 
d'aller chercher un asile à l’arrière des vais- 
seaux; aussi, à raison de cet instinct, on l'a 
nommé l'oiseau des tempêtes. 

La patrie de cette espèce intéressante pa- 
raît être les mers du Nord, particulièrement 
celles de l'Amérique septentrionale. Elle se 
tient également aux Orcades, et aux Hébri- 
des. Elle s'égare rarement sur les côtes de 
l'Océan, et plus rarement encore sur celles 
de la Méditerranée, arrivant parfois jusque 
dans le midi de la France. 

D'après les mœurs que nous venons d'assi- 
gner à cette espèce, on doit la ranger, ce 
semble, parmi les oiseaux erratiques, dont les 
migrations n'ont rien de régulier ni de pé- 
riodique. 

Comme nous avons déjà parlé de l’appa- 
rition de cet oiseau, qui est pour les naviga- 
teurs un signe presque certain des tempêtes 
qui vont suivre, nous croyons inutile d’insis- 
ter plus longtemps à cet égard. 


Les pétrels vivent à peu près constamment 
comme les phaétons sur la surface des mers, 


ORDRES: 


I. 
Palmipèdes. 


— 221 — 
A ————————————————————_—_—_—_—— 


GENRES ET ESPÈCES. 


cellaria  Linn. ). 
Pétrel fulmar 

(procellaria gla- 

cialis Linn.). 


16° Puñfin (puf- 
finus Temm.). 

Le puflin cen— 
dré (puffinus ci- 
nereus Temm.). 


17° Slercoraire 
(Lestris Ilig.). 

Slercoraire po- 
marin (lestris po- 
marinus Temm.). 


Slercoraire ca- 
taracte (lestris ca- 
taractus Temm.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


n’allant à terre que pour nicher. Ils se tien- 
nent donc lorsqu'ils veulent se reposer sur 
les écueils et les glaces flottantes des régions 
polaires. Ils n'arrivent que très-accidentelle- 
ment sur les côtes de l'Angleterre et de la 
Hollande, presque jamais sur celles de la 
France, et particulièrement sur celles du 
Midi. 

Ces oiseaux sontun de ceux quis’éloignent 
le plus des côtes, et se trouvent à de plus 
grandes distances de tout continent. Peut- 
être doivent-ils, en partie, cette faculté, à 
l'habitude qu’ils ont de piétiner sur l’eau, et 
des’; soutenir à l’aide de leurs ailes ; c’est 
pour eux le seul repos qu'ils prennent. D’a- 
près leurs mœurs, les pétrels doivent être 
classés parmi les espèces erratiques. Du 
moins , les passages qu'ils font ailleurs que 
dans les contrées où ils nichent ordinaire- 
ment, c’est-à-dire les mers polaires, sont tout 
à fait accidentels et n’ont rien de tixe ni de 
régulier, Tels sont ceux qui les font arriver, 
parfois, jusque sur les côtes de l'Amérique, 
et particulièrement sur celles du Chili. 


Le puffin habite toutes les mers ; il est très- 
répandu sur toutes les côtes de la Méditer- 
ranée, soit sur celles de la Corse, de l'Italie, 
du midi de ia France et de l'Espagne. Il étend 
même ses excursions jusqu'au Sénégal et au 
cap de Bonne-Espérance, et, dans ce grand 
intervalle, cette espèce ne présente aucune 
différence appréciable. Les grandes excur- 
sions auxqueiles se livre cet oiseau ne pa- 
raissent pas être régulières ni périodiques ; 
il appartiendrait donc à l’ordre des espèces 
erratiques, ainsi que le genresuivant. 


Cet oiseau habite les régions glacées du 
Nord ; on le trouve daus les régions du cercle 
arctique, aux Orcades, et sur les côtes d'E- 
cosse, de Suède et de Norwége. Les vieux ar- 
rivent très-accidentellement sur les bords 
du Rhin, ainsi que sur les côtes de l'Océan. 
Le: jeunes s'égarent plus souvent vers les 
bords de la mer des pays tempérés, et pénè- 
trent parfois dans l’intérieur des continents, 
se tenant pour lors sur les bords des lacs de 
la Suisse et de l'Allemagne. 


Cette espèce habite, comme la précédente, 
les régions du cercle arctique. Elle passe ac- 
cidentellement sur les côtes de la Hollande, 
surtout aux approches des tempêtes, dont sa 
présence est un signe presque certain. Par- 
fois elle y est poussée après les orages et les 
ouragans, ce qui cependant est plus rare. 
Cet oiseau étend également ses excursions 
accidentelles jusque dans l'Amérique méri- 
dionale. 


— 222 


I. 
Palmipèdes. 


Stercoraire pa- 
rasite (Lestris para- 
siticus Boie). 


Stercoraire Ri- 
chardson(lestrisRi- 
chardsonii Tem.) 


18° Moueite (La- 
rus Linn.). 

Mouelte à man- 
eau noir (larus 
marinus Linn.). 


Mouette à man- 
teau bleu (/arus 
argentatus Tem.). 


Cet oiseau habite les régions arctiques des 
deux mondes, surtout celles d'Amérique. Il 
est commun au Groënland, sur les bancs de 
Terre-Neuve et au Spitzberg , où il niche. Il 
se montre fort rarement dans les régions 
tempérées, vers lesquelles il paraît émigrer 
accidentellement. Il en est de même des ex- 
cursions qu'il fait sur les côtes de Norwége, 
et moins souvent sur celles d'Islande. 


Observé jusqu’à présent sur les côtes ma- 
ritimes de la Hollande, de l'Angleterre, du 
nord de la France, il n’a pas été aperçu dans 
le Midi. 


Cette espèce habite les bords de la mer 
Baltique, la Norwége, la Suède, se montre en 
été en Islande, à Féroë et aux Orcades, et 
pousse quelquefois ses excursions, dans cette 
saison, vers leslacs et les rivières situés dans 
l’intérieur des terres. On Ja voit aussi dans 
l'Amérique du Nord sous les régions du cer— 
cle arctique. Les jeunes s’avancent jusque 
dans les contrées méridionales; mais les 
vieux s’y montrent plus rarement. 


Toutes les excursions auxquelles se livre 
cette espèce paraissent accidentelles, en sorte 
que, comme tous les oiseaux du même genre, 
elle est essentiellement erratique. 


Cette mouette, très-répandue aux Oreades 
et aux Hébrides, habite constamment les ri— 
vages de la mer, surtout vers ceux du nord 
de l'Europe. Elle n’est pas moins commune 
lors de son double passage sur les côtes de la 
Hollande, de l’Angleterre et de la France; 
mais à peu près uniquement sur celles de 
l'Océan, étant fort rare sur les bords de la 
Méditerranée. Ces passages périodiques n’ont 
rien de commun avec les courses aceidentel- 
les et rares que font ces oiseaux vers l’inté— 
rieur des terres. Cette espèce, qui niche dans 
les régions du cercle arctique, paraît, d’après 
ses habitudes , se rapporter aux races émi- 
grantes, du moins relativement aux courses 
qu’elle fait sur les côtes de l'Océan, courses qui 
paraissent périodiques et constantes. 


La mouette à manteau bleu habite toute 
l'année les côtes maritimes de la Hollande 
et de la France , aussi bien celles de l'Océan, 
que celles de la Méditerranée. Elle se mon- 
tre aussi parfois sur les lacs d'eau douce 
comme, par exemple, ceux de la Suisse, et 
sur le bord des rivières. Ce sont principale- 
ment les jeunes qui se livrent à ces excur- 
sions. Cette mouette, essentiellement séden- 
taire, n'abandonne presque jamais les côtes 
maritimes de la France, où elle niche habi- 
tuellement. 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. | ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


A Mouette à pieds Cette espèce habite en hiver les bords de la 
F : nl mer dans toutes les contrées de l’Europe et 
Palmipèdes. [jaunes (/arus fla-|üe l'Amérique septentrionale. Elle est com- 
vipes Temm.). mune en été sur les côtes de la Baltique et 
de la Hollande. Comme le précédent, cet oi- 
seau vit sédentaire sur les côtes de la mer des 
provinces méridionales de la France, où il 

niche habituellement. 


Mouette à pieds| Cette mouette est également commune aux 
bleus (Larus canus|bords de la mer; mais elle paraît nicher ha- 
kb . bituellement dans les régions du cercle arc- 
Linn.). tique où elle passe l’été, tandis qu’elle de- 
meure constamment l'hiver dans les contrées 
tempérées de l’Europe, où elle arrive vers la 

fin de l'automne. 


Cet oiseau signale également l’approche 
des tempêtes, s’avançant pour lors dans l’in- 
térieur des terres en troupes plus ou moins 
considérables. Ses passages périodiques et 
réguliers doirent le faire comprendre parmi 
les oiseaux émigrants. 


Mouette tridac-| La mouette tridactyle ‘habite principale- 

: 11 _|ment les lacs salés, les mers intérieures et 

tyle (larus trida les golfes, et peu les côtes de l'Océan. Elleni- 

ctylus Temm.).  |che habituellement dans les régions du cercle 

arctique, surtout en Islande. Ses passages 

sont assez réguliers sur les côtes du midi de 

la France, vers la fin de l'automne. Elle ne 

nous quitte plus que vers le printemps, pas- 
sant l'hiver dans nos contrées. 


Mouette à bec! La mouette à bec grêle, toute nouvelle 
A + | pour la science, paraît être du Midi et n’ha- 
grêle (larus tenui- bite que les bords de la Méditerranée. S'il en 
rostris Temm.). {est ainsi, cet oiseau aurait des habitudes 
tout à fait sédentaires. Il n’a été encore 
aperçu que sur les côtes de la Sicile et du 

midi de la France. 


Mouette rieuse! Cette espèce habite en été les rivières et les 
JE lacs salés et ceux d'eaux douces. Elle se 
(larus ridibundus | ne seulement en hiver sur les bords de 
Temm.). la mer ; aussi est-elle fort commune en Hol- 
lande et en Angleterre, tandis qu’elle est de 
passage en Allemagne et dans le nord de 
la France. Cependant la mouette rieuse se 
trouve constamment sur les côtes du midi de 
la France où elle est seulement plus fréquente 
en automne et au printemps que dans toute 
autre saison. 


Elle serait donc sédentaire par rapport à 


nous, tandis qu’elle serait erratique relative- 
ment à l'Allemagne et au nord de la France. 


-| La mouette pygmée commune, en Russie 
Mouette PYE en Livonie et en Eionie, habite les fleuves, 


ORDRES. 


I. 
Palmipèdes. 


— 224 — 


GENRES ET ESPÈCES. 


mée (larus minu- 
tus Temm.). 


19°Hirondelle de 
mer (sternaLinn.). 
Hirondelle de 
mer  Tschegrava 
( sterna  caspia 
Temm.). 


Hirondelle de 
mer Caugek (ster- 
nacarilacaTem.). 


Hirondelle de 
mer Dougall (ster- 
naDougallii Tem.) 


Hirondelle de 
mer Pierre-Garin 


({ sterna  hirundo 
Linn.). 


Hirondelle de 
mer épouvantail 
(sterna nigra Lin.) 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: 


les lacs et les mers des contrées orientales de 
l'Europe; elle passe accidentellement en Al- 
lemagne, en Hollande, et en hiver dans les 
contrées maritimes des régions méridionales 
telles que la Sicile et le midi de la France. 
Quelques individus ont été rencontrés au 
printemps en habits de noces sur les côtes 
maritimes de nos provinces méridionales. 

Des mœurs à peu près pareïlles sont com- 
munes aux autres espèces de ce genre ; mais 
iln'en est aucune autre qui arrive jusque 
dans les provinces méridionales de la France, 
nous ne nous arrêterons donc pas plus long- 
temps sur ces oiseaux. 


L'hirondelle de mer habite les bords de la 
Baltique, les îles de ce golfe, la mer Cas- 
pieune et l'Archipel. Elle est assez rare sur 
les grands fleuves de l'Allemagne, et ne se 
montre qu’accidentellement le long des cô- 
tes de la Hollande, du nord et du midi de 
la France. Son apparition est bien plus rare 
encore sur les lacs et les rivières de l’inté- 
rieur des continents. 


Cette hirondelle habite les bords de la mer, 
et rarement étend-elle ses excursions jusque 
dans l’intérieur des terres. Elle porte néan- 
moins ses migrations accidentelles sur pres- 
que toutes les côtes maritimes du globe. On 
la voit en effet en abondance au printemps 
sur celles du nord et du sud de la France, 
ainsi que sur celles dela Neuvelle-Hoïllande et 
des îles qui l'entourent. Il y a plus: quelques 
couples de cette espèce nichent et demeurent 
tout l'été dans le midi de la France. 


Cette espèce, très-commune sur toutes les 
côtes d'Angleterre et d’Ecosse, se trouve 
aussi en Norwége, et visite les côtes septen— 
trionales de l'Océan. Elle est assez rare dans 
le midi de la France. 


Cet oiseau habite principalement les bords 
de la mer; aussi est-il répandu sur une 
grande étendue des côtes maritimes, et peu 
sur les eaux douces, ou dans l'intérieur des 
terres. L'hirondelle de mer Pierre-Garin n’est 
pas rare daus le midi de la France, où elle 
arrive au printemps et n'en repart qu'en 
automne. 


Cette espèce, la plus’ commune du genre, 
arrive en grandes bandes vers la fin du mois 
d'avril dans le midi de la France. Elle y ni- 
che au milieu des étangs et des marais, et se 
montre aussi dans l’intérieur des terres, sur 
les rivières et même les ruisseaux où coule 
une eau saumatre,. 


— 225 — 


EEE 


ORDRES, GENRES FT ESPÈCES. 


I. 
Palmipèdes. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
+ PES SNAEE SENESEN GER PEMERRS 


Cet oïseau se trouve également dans le 
Nord et jusqu’au cercle arctique. Il paraît en 
grand nombre en Hollande et dans les grands 
marais de la Hongrie. 

Les autres espèces de £e genre ont à peu 
près les mêmes habitudes; certaines se rap— 
portent comme les précédentes à des oiseaux 
ou erratiques ou émigrants, 

Les détails que nous venons de rapporter 
semblent prouver que les coupes génériques 
n'ont aucun rapport avec les habitudes des 
oiseaux ; car les mêmes geures de palmipé- 
des offrent à la fois des espèces dont lesunes 
sont sédentaires, les autres erratiques, enfin 
plusieurs sont émigrantes. Les guillemots et 
bien d’autres oiseaux nous fournissent des 
exemples de mœurs aussi diverses. D'un au- 
tre côté, la même espèce se livre dans sou 
jeune âge à des passages accidentels, tandis 
qu'elle est tout à fait stationnaire lorsqu'elle 
est adulte. Nous avons cité à cet égard le 
plongeon imbrim. D'un autre côté, la mouette 
rieuse, tout à fait sédentaire dans le midi de 
la France, est au contraire erratique en Alle- 
mague et dans le nord de la France. 

Il est enfin quelques espèces de palmipèdes, 
tels que les frégates, les pétrels, qui, sans 
émigrer soit accidentellement, soit d’une 
manière périodique, voyagent constamment, 
parcourent les plus grandes distances et s'é- 
loignent le plus des continents. 

Ces dernières espèces de la haute mer méri- 
tent de faire une classe à part, et doivent être 
distinguées d’après leurs habitudes des ra- 
ces précédentes. Elles sont en quelque sorte 
les cosmopolites des mers. On doit les dési- 
gner ainsi, quoique leurs mœurs ne soient 
communes qu’à un fort petit nombre d’es- 
pèces. 

Du reste, si la plupart des oiseaux ont des 
habitudes essentiellement voyageuses et sont 
ou émigrants ou erratiques, il n’en est pas 
moins un certain nombre tout à fait séden- 
taires. Les guillemots, les plongeons, les 
phaétons, les mouettes, et quelques moi- 
neaux nous en fournissent des exemples aux- 
quels on pourrait ajouter les manchots, qui, 
d’après la conformation de leurs ailes, im- 
propres au vol, sont essentiellement station- 
uaires. Ainsi le nombre plus ou moins consi- 
dérable, plus ou moins restreint des es- 
pèces qui ont telles ou telles mœurs, est tout 
à fait indifférent aux dénominations que l’on 
doit employer pour les exprimer d'un seul 
mot. C'est aussi d'après leurs habitudes que 
nous avons classé les oiseaux en émigrante, 
en erratiques, en cosmopolites et en séden- 
taires, sans avoir égard au nombre de ceux 
qui ont adopté telle ou telle manière de 
vivre. 

15 


— 226 — 


———————————— ————— ——————  —— —————————————— 


ORDRES. [GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


II. Foulque( fulica Cette espèce est la seule du genre us ha- 
»: CRUE (EE Sa bite l’Europe. Elle se tient habituellement 
F innatipèdes. B: iss.). près des TS , des lacs et des golfes, où 
Foulque ma-—|ele vit dispersée par petites troupes. Néan- 
croule ( fulica atralmoins ces oiseaux se réunissent l'hiver en 
Temm \ bandes considérables sur les étangs salés 
LEre Ge assez rapprochés des côtes du midi de la 
France, étangs qui ue gèlent presque jamais. 
Sans aller à terre, ou du moins rarement, 
les foulques y demeurent jusqu’au commen- 
cement du printemps et quelquefois même 
plus tard. Elles y nichent communément, ou 
du moins plusieurs individus demeurent pen- 
dant tout l’été dans les provinces méridio- 
nales de la France , étant en quelque sorte, 
comme dans l'attente des autres qui viennent 
ordinairement en automne. Par suite de cette 
circonstance, les chasseurs tuent à peu près 
constamment au mois d’août de jeunes foul- 
ques. 


Les foulques sont tellement nombreuses 
dans les contrées marécageuses des provinces 
méridionales, qu'elles y sont l’objet d’une 
chasse particulière, à laquelle prennent part 
une grande quantité de chasseurs, Nous n'o- 
serions dire, qu’à raison de çe nombre les 
foulques ou macreuses portent leurs excur- 
sions jusqu'en Asie, soit au Japon, soit aux 
îles de la Sonde. Comme les passages de cet 
oiseau ont une assez grande régularité, il ap- 
partient aux espèces que nous ayons nom 
mées émigrantes. 


re tte pate ee tres trs 


Phalarope (pha- Le phalarope hyperboré habite les envi- 
laropus Briss.) rous du cercle arctique, et se trouve en Si- 
) ; APE ” bérie, en Islande , en Ecosse, aux Orcades, 
Phalarope hy— aux Hébrides , et en Laponie, préférant 
perboré (phalaro- pren les ste ou salées 
F aux eaux douces, Il est de passage acci- 
pue hyperboreus dentel sur les côtes de la Baltique ainsi 
Temm.). qu’en Allemagne, en Hollande et sur les 
côtes du midi de la France. C'est toujours 
en hiver qu'il arrive dans les régions tem- 
pérées ; il niche constamment vers le 68e de- 

gré nord. 


Phalarope pla- Cette espèce habite les parties orientales 
Li: 1 du sud de l'Europe, où elle niche constam- 
tyrhinque (phala- ment. Elle est coma en Sibérie, sur les 
ropus  platyrhin-| bords des grands laes et des rivières. Ce pha- 
chas Temm.). larope est de passage accidentel sur les 
grands lacs d'Asie, sur la mer Caspienne et 
même en Amérique. Les excursions qu'il 
fait parfois en Allemagne , en Angleterre et 
plus rarement sur les lacs de Ja Suisse, ne 
sont pas moins irrégulières. Aussi cette es- 
pèce et la précédente sont des oiseaux es- 

sentiellement erratiques. 


— 2927 — 


ORDRES. 


II. 
Pinnatipèdes. 


III. 
Echassiers divi- 


| 
| 


| 
| 
| 


| 


| 
| 
| 


GENRES ET ESPÈCES. 


Grèbe (podiceps 
Lath.). 
Grèbe huppé 
(podiceps cristatus 
Temm.). 


Grèbe jou-gris 
‘podicepsrubricol- 
lis Temm.). 


Grèbe cornu 


podiceps cornutus = 


Temm.). 


Grèbe oreillard 
(podiceps auritus 
Temm.). 


Grèbe casta— 
gneux (podiceps 
minor Temm.). 


Talève {porphy- 


sés en trois ordres. rio Briss.). 


1° Gralles. 


Talève porphy- 
rion { porphyrio 
hyacinthinusTem.) 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


Le grèbe huppé habite les bords de la mer, 
les étangs, les lacs et les rivières du nord de 
l'Europe. Il est de passage périodique en 
Allemagne, en Hollande, en Angleterre et 
en France, où il arrive en automne, et n’en 
repart qu’au printemps. Il se montre ordi- 
nairement par paires, mais jamais en nombre 
considérable, du moins dans le midi de la 
France , où cette espèce est plus commune 
qu’en Suisse. 


Ce grèbe habite les rivières, les lacs et les 
bords de la mer, de la partie orientale de 
l'Europe. Ii passe accidentellement en Alle- 
magne, en Hollande et en Suisse, mais plus 
rarement en France, surtout dans le midi. 


Cet oiseau habite principalement les par- 
ties septentrionales et orientales de l'Europe. 
es passages sont accidentels en Allemagne, 
en Hollande, en Suisse et en France; ils sont 
encore plus rares dans le Midi que partout 
ailleurs. Le grèbe cornu ne borne pas ses 
excursions à l'Europe; il les étend assez sou- 
vent jusqu’en Amérique. 


L'oreillard est généralement très-répandu 
plutôt sur les lacs etlles rivières que sur les 
côtes maritimes du nord et du midi de l'Eu- 
rope. Il est très-commun en Allemagne, en 
Suisse, en Italie, en France, et se montre 
plus rarement en Hollande. 


Cette espèce habite les contrées méridio- 
nales de la France, ‘où elle est à peu près sé- 
dentaire. Elle paraît assez rare dans les ré- 
gions septentrionales. Comme ce grèbe cons- 
truit son nid dans les roseaux, c’est dans les 
marais qui en sont couverts, que l’on en dé- 
couvre le plus grand nombre. 


Les races de ce genre sont donc à la fois 
émigrantes, tel est le grèbe huppé, ou erra- 
tique, ce qui arrive au plus grand nombre, 
ou enfin elles sont sédeutaires, comme le 
castagneux. Les coupes génériques sont donc 
sans influence sur le genre de migrations 
ou de passages auxquels se livrent les oi- 
seaux. 


Les talèves vivent en grand nombre sur 
les bords des lacs et des fleuves de la Sicile, 
de la Calabre, des îles Ioniennes et de tout 
l'Archipel et du Levant. On les trouve égale- 
ment dans le nord del’Afrique, et les con- 
trées orientales de l'Europe ; ils parvien— 
nent même accidentellement jusque dans le 
midi de la France ; ce qui les fait rentrer daus 
la classe des oiseaux erratiques. 


ORDRES. 


— 998 — 


a | 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


II. 
Echassiers. 


4° Gralles. 


Poule d’eau (gal- 
linula Lath.). 

Poule d’eau de 
genêt (gallinula 
crex Temm.). 


Poule d’eau ma- 
rouelle . (gallinula 
porzana Temm.). 


Poule d’eau pous- 
sin (gallinula pu- 
silla Temm.). 


Poule d’eau or- 
dinaire (gallinula 
chloropus Tem.). 


Quant aux autres espèces de ce genre, 
elles n'arrivent jamais dans le midi dela 
France ; les unes sont d'Afrique, d’où elles ont 
été transportées à l’île de France et en Amé- 
rique, tel est le talève à manteau vert (por- 
phyrio smaragnotus Temm.); et les autres 
sont de la Nouvelle-Hollande, du Bengale et 
de Java (porphyrio melanopus et albus 
Lath.). 


Cette espèce, qui habite jusque dans le nord 
de l’Europe, arrive à peu près constamment 
dans le midi de la France à la suite des 
cailles ; aussi à raison de cette circonstance 
a-t-elle été nommée roi des cailles. Ses passa- 
ges sont donc périodiques comme ceux de ces 
oiseaux : ces deux espèces ont encore cela de 
commun de faire leurs voyages de nuit. Ce- 
pendant, certaines années, le roi des caïlles, 
qui habite aussi le nord de l’Europe, est 
beaucoup plus abondant que dans certaines 
autres. En effet en 1835, il a été assez rare, 
tandis qu’en 1839 et 1840 il a été au con- 
traire fort commun. 


La marouette habite plutôt les contrées 
méridionales que le nord de l’Europe. Elle 
fait deux passages régulièrement dans le 
midi de la France, l’un en automne et 
l’autre au printemps. Aussi niche-t-elle dans 
nos contrées comme l’espèce précédente. On 
la dit peu commune en Allemagne et en Hol- 
lande. 


Cette espèce vit en grand nombre dans les 
contrées orientales de l’Europe; elle est plus 
commune en Italie et le midi de la France 
que dans le nord de cette contrée. Elle passe 
régulièrement dans les premières de ces ré- 
gions , vers la fin du mois de mars; tandis 
qu'elle ne paraît en Hollande que d’une 
manière accidentelle. Des habitudes à peu 
près semblables sont partagées par les au- 
tres espèces de ce genre, dont la plupart 
sont émigrantes, leurs voyages étant pério- 
diques. Seulement la poule d’eau ordinaire 
(gallinula chloropus Temm.) offre cette par- 
ticularité, que nous avons remarquée chez un 
assez grand nombre d'oiseaux, d'opérer des 
passages accidentels dans quelques contrées, 
et d’être tout à fait sédentaire dans quel- 
ques autres. 


Ainsi, comme les gallinula pusilla et 
Baillonti, la poule d'eau ordinaire étend 
ses migrations jusqu'au Japon comme dans 
la plus grande partie de l'Asie, aïnsi que 
dans les mers de l’Afrique et des îles de la 
Sonde, 


— 229 — 


ORDRES, GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


III. Râle ( rallus| Cette espèce, commune en Allemagne, 
Echassiers Linn.) j en Hollande et en France, est encore un de 
î À ; ces oiseaux qui sont de passage dans certains 
Râle d’eau (ral- pays, et sédentaires dans d’autres. 
19 Gralles. lus aquaticus Lin.) 


Bécasse (scola- La bécasse, très-abondante dans le nord 
pax Illig ) de l’ancien continent , étend ses excursions 
AE . |jusqu'’en Asie et au Japon. Elle est de passage 
Bécasse ordi- périodique dans la plupart des contrées de 
paire ( scolopax|l'Europe. Ses passages ont lieu dans le midi 
rusticola Temm.) de la France dans le commencement du mois 
‘7° | de novembre, et le second vers le milieu de 
mars. Elle émigre alternativement des plai- 
nes aux montagnes, et des montagnes dans 

les plaines. 


En Europe, cet oïseau habite pendant 
l'été les Alpes , les Pyrénées , et descend en 
automne dans les bois les mieux abrités, et 
passe souvent l'hiver dans le midi de la 
France. 


L'humeur voyageuse de la bécasse ordi- 
paire est si prononcée, qu'on la retrouve 
jusqu’en Amérique. Aussi doit-on la ranger 
parmi les espèces émigrantes. 


Bécassine dou-| Cet oiseau se trouve dans presque toutes 
ble (scolopax ma- les contrées de l’Europe, partout où ilexiste 
22 N des montagnes et des prairies inondées. Il 
jor Temm.). est de passage régulier dans quelques pays, 
et accidentel dans d’autres, circonstances qui 
sont beaucoup moins rares qu’on pourrait 
| le croire au premier aperçu. Elle arrive or- 
dinairement dans le midi de la France, dans 
la première quinzaine d'avril, et n’y fait 
| pour ainsi dire que passer. Elle reparaît en— 
| core vers la fin de l'été, mais toujours en pe- 
tit nombre, et ne s’y arrête pas. La quantité 
de ces oiseaux de passage est si faible, que 
si leurs voyages n'avaient pas lieu avec une 
périodicité marquée, on serait tenté de les 
considérer comme tout à fait accidentels. 
Néanmoins celles qui passent dans le midi 
de la France au printemps semblent se 
rendre ensuite en Suisse et en Allemagne, où 
elles vont nicher. Enfin cette espèce étend 
si loin ses excursions, qu'elle arrive jusqu’au 
Japon et dans presque toute l'Asie. 

Les autres bécassines ont des mœurs à peu 
près pareilles ; les seules particularités que 
présente la bécassine sourde (scolopax galli- 
nula Linn.), c'est de paraître une seule fois 
dans le midi de la France en automne, pour 
quitter ces régions au printemps. 

Le passage des bécassines n'est considé- 
rable dans les contrées méridionales que 
lorsqu'il pleut beaucoup en automne. Aussi, 


"EN 


——————_—_—_—_—_—_—E—EEEEEEE | 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


III, 
Echassiers. 


1° Gralles. 


| 
| 
| 


Barge (limosa 
Briss.). 
| _ Barge à queue 
noire (limosa me- 
lanura Temm.). 


Chevalier (tota- 
nus Bechst). 

| Chevalier arle- 
quin (totanus fu- 


|scus Temm.). 


Chevalier gam- 
bette (totanus ca- 
lidris Temm.). 


pendant quelques années, ces oiseaux étaient 
si rares dans nos environs, qu'on croyait 
qu'ils avaient perdu l'habitude d'y venir. 
Les pluies abondantes de l'automne de 1839 
les y ont ramenées, et jamais on n’en avait 
autant aperçu qu'à cette époque. Cette cir- 
constance indique combien les passages acci- 
dentels des oïseaux sont inconstants et irré— 
guliers, 


La barge à queue noire passe souvent à 
deux reprises différentes. Du reste, dans le 
midi de la France, à l'exception des in- 
dividus qui ont séjourné l'hiver dans les 
marécages, elle n’a qu’un seul passage en 
automne. Ces oiseaux arrivent pour lors 
par petites troupes de quatre à cinq indivi- 
dus, ou par paires. Les individus qui ont 
passé l'hiver dans nos contrées doivent y 
avoir niché; car ils reparaissent au mois 
d'avril en troupes assez nombreuses. Ces oi- 
seaux habitent de préférence les bords de 
la mer, ou ceux des marais et des étangs 
salés. L'autre espèce de barge , ou la rousse 
(limosa rufa Temm.}), est de passage au 
printemps dans le midi de la France; elle 
porte également ses excursions dans plu- 
sieurs contrées du midi et du centre de l’Eu- 
rope, ainsi qu’à Timor, à Java et sur le con- 
tinent de l'Inde, enfin dans la plus grande 
partie de l’Asie et jusqu’au Japon. 


L’arlequin habite les bords des fleuves, des 
lacs et des marais. Il vit et se propage dans 
les régions du cercle arctique, d’où il étend 
ses migrations jusque dans l'Amérique mé- 
ridionale et le Bengale. Le chevalier passe à 
deux reprises différentes dans les contrées 
méridionales de la France, c'est-à-dire au 
mois de mars ou à la dernière quinzaine 
d'avril. Mais au mois de mai il abandonne 
nos parages pour remonter vers le Nord, 
d'où il nous revient en automne. Cette es- 
pèce est bien moins nombreuse à ce second 
passage qu’au printemps. 

Les voyages de cet oiseau étant assez cons- 
tants et périodiques, ils doivent le faire com- 
prendre parmi les espèces émigrantes. 


Ce chevalier est généralement sédentaire 
dans le midi de la France, qu'il quitte peu. 
Néanmoins, il en passe un certain nombre 
d'individus au printemps et en automne. 

Cette espèce habite au printemps les ma- 
rais et les prairies, tandis que dans l’arrière- 
saison, ou en automne,ellese tient le long des 
côtes maritimes. Elle paraît très-abondante 
dans le nord de l'Europe, et surtout en Hol- 
lande. Cette espèce pousseises excursions 


ORDRES. IGENRES ET ESPÈCES, | ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


EI. | jusqu’au Bengale et au Japon, Ses mœurs 

; | sont tout à fait particulières, car elles por- 
Echassiers. tent tantôt cet oiseau à demeurer d'une ma- 
| nière tout à fait stationnaire dans les pays 

49 Gralles. | qui l’ont vu naître, et tantôt à se transpor- 


ter à des époques plus ou moins périodiques 
dans les climats les plus divers. C'est ainsi 
qu'avec d’autres espèces du même genre, 
telles que les chevaliers sylvains et ahoyeurs, 
il arrive jusqu’en Asie, et pénètre jusqu’au 
Japon. 


Chevalier sta- 
gnalile ( totanus 
| stagnatilis Tem.). 


Cet oiseau habite le nord de l’Europe, sur 
les bords des fleuves et des rivières ; il émigre 
le long des provinces orientales de l’Europe, 
jusque vers la Méditerranée. On ne le voit 
jamais sur les côtes de l'Océan. Ilarrive vers à 
la fin du mois d'avril sur les côtes maritimes .x= 
et dans les marais du midi de la France, 
mais en petites bandes d'au plus cinq à six 
individus. Cette espèce s'y arrête peu, et à 
peine pour y prendre quelque nourriture. 


| 


Chevalier - cul 
blanc ( totanus 
achropusTemm.). 


Le cul-blanc habite les bords des eaux 
douces, plus habituellement les ruisseaux 
limpides et les marais. Il ne se montre que 
très-accidentellement sur les côtes maritimes, 
quoiqu’à l’époque de son double passage il 
soit répandu dans presque toute l'Europe. 

Ce chevalier vit presque sédentaire dans 
le midi de la France; il y est seulement plus 
abondant en été qu’en hiver : ce qui est tout 
le contraire chez la plupart des oiseaux 
voyageurs. 


| Chevalier syl- 
vain (lotanus Gla- 
reola Temm.). 


| 


Cet oiseau est assez abondant dans les par- 
ties orientales du midi et du nord de l’Europe, 
particulièrement dans jes contrées où se trou- 
vent des marais et des eaux douces. Il niche 
aussi bien dans le nord que dans les contrées 
tempérées de l'Europe. Il porte ses excursions 
fort loin et jusqu’au Bengale, aux îles de la 
Sonde, des Moluques et au Japon. Quant à 
celles qu’il fait dans le midi de la France, elles 
ont à peu près constamment lieu au mois 
| d'avril et cela en bandes fort nombreuses. 


Chevalier gui-| Cette espèce habite le bord des eaux dou- 
1 ces et limpides, et rarement les bords des 
|gnette ( ARE eaux marécageuses, de toute l'Europe. Elle se 
\hypoleucos Tem.).|trouve même jusqu'en Sibérie, au Kamts- 
| chatka et aux îles de la Sonde, où on ne la 
| trouve cependant qu'en plumage d'hiver. 
1 
| 
À 


Généralement le chevalier guignette est as- 
|sez répandu à son double passage. 


Chevalier a-! L'aboyeur habite ordinairement les bords 
| des fleuves, rarement ceux de la mer. I! 
boyeur ( totanus asse à denx reprises différentes en troupes 
Î IP p P 


— 232 — 


LE ELELELELELE LUC OO TOO 


ORDRES. GENRES ET FSPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: 


TITI. glottis Temm. }. 
Echassiers. 


1° Gralles. 


Combattant(man- 
chettes Cuy.). 
Combattant va- 
riable (manchettes 
pugnu:z Cuy.). 


peu nombreuses sur les côtes de la France et 
de la Hollande, beaucoup moins sur celles 
de l'Angleterre. Il est également assez rare 
sur les grandes rivières de l'Allemagne et les 
lacs de la Suisse. Enfin il pousse parfois ses 
excursions jusqu’au Bengale. 

Le premier des passages de ce chevalier a 
lieu vers la fin du mois d'avril dans le midi 
de la France, où il arrive en petites troupes 
de quatre à douze individus; quelquefois 
même ils voyagent par paires. Ils abandon- 
nent tout à fait nos contrées au moment des 
nichées ; mais dès la fin du mois d’août ils y 
reviennent, disparaissant encore à l'approche 
de l’hiver. On présume que ce chevalier ni- 
che en Norwége, près des bords de la mer et 
des marais salés. 

Quant aux autres espèces de ce genre, 
tels que le chevalier semi-palmé, celui à 
longue queue et le perlé, elles sont toutes 
de l'Amérique septentrionale, n’arrivant ja- 
mais que d’une manière très-accidentelle 
dans le Nord. On n’a jamais rencontré ces 
différents oiseaux dans le midi de la France. 


Cette espèce habite les prairies humi- 
des et marécageuses de l’Europe, où il 
porte ses excursions très-avant dans le nord. 
Les émigrations de ces oiseaux ont lieu à 
des époques différentes, suivant les contrées 
qu'ils quittent, ou bien celles où ils se ren- 
dent. Ainsi ils partent de la Hollande vers la 
fin de juillet, et arrivent dans le midi de la 
France, en automne, et ils y restent tout 
l'hiver. Néanmoins, de forts passages de 
cette espèce, qui semble venir d'Espagne, 
ont lieu dans nos provinces méridionales en 
mars et en avril. Aucun de ces individus ne 
reste parmi nous pour y nicher. 


D’après M. Temminck , que nous avons si 
souvent l’occasion de citer, les mâles des 
combattants, comme du plus grand nombre 
des chevaliers, émigrent de la Hollande, 
longtemps avant que les femelles en partent. 
En effet ils quittent cette contrée vers la fin 
de juillet, les femelles en septembre, et les 
jeunes en octobre. Ce fait prouve que le be- 
soin de se reproduire n’a pas une grande 
influence sur les migrations des oïseaux 
car, s’il en était autrement, les deux sexes 
devraient, ce semble, partir en même temps, 
ce qu'ils ne font pas cependant, du moins 
chez cette espèce. 


Cette observation, ainsi que beaucoup d’au- 
tres que nous avons déjà rapportées, est une 
preuve que les jeunes oiseaux ne voyagent 

| pas avec les vieux, et que ceux-ci précèdent 
le plus ordinairement les premiers , dans les 
migrations, et la raison est facile à saisir, 


ORDRES. 


III. 
Echassiers. 


1° Gralles, 


— 233 — 


D ———_—_—_—_—_—_—_—_—_—_————_————————————————— 


| 
GENRES ET ESPÈCES. 


| 
Bécasseau (trin- 
ga Briss.). 
Bécasseau co- 
corli (tringa sub- 
arquata Femm.). 


| 
| 
| 
| Bécasseau bru- 


|nette ({ringa va- 
riabilis Temm.). 


Bécasseau pla- 
tyrhinque (tringa 


a 


platyrhincaTem.. 


| ÉPOQUES DES PASSAGES DFS OISEAUX. 


Cet oiseau , assez répandu au bord de la 
mer et des lacs de l’Europe, s’avance peu 
dans l'intérieur des terres, quoiqu'il étende 
ses migrations au Sénégal, au cap de Bonne- 
Espérance, et jusque dans l’Amérique sep- 
tentrionale. Les passages de ce bécasseau ont 
lieu d'une manière régulière en automne et 
au printemps. Aussi les voyons-nous arriver 
à cette dernière époque de l'Espagne par 
troupes nombreuses. C'est ordinairement au 
mois d'avril qu'ils opèrent ces passages , 
mais au mois de mai ils nous quittent en- 
tièrement. Ils reparaissent de nouveau vers 
la fin de l'automne, ou du moins aux ap- 
proches de l'hiver. Ces oiseaux se trouvent 
probablement à la même époque dans le 
midi de l'Espagne, où ils rencontrent comme 
dans nos provinces la température qui leur 
convient. 

| Ils n’abandonnent pas non plus la Sicile et 
[la Sardaigne pendant la mauvaise saison. 
| Ces oiseaux n’en portent pas moins leurs ex- 
eursions jusque dans les îles de la Sonde et 
de la Nouvelle-Guinée. 

On a donné le nom d’espagnolé à vette 
espèce, du moins dans le langage du midi de 
la France, à raison de ce qu’elle paraît venir, 
au printemps, des côtes de l'Espagne. 


Cet oiseau habite les marais ainsi que les 
bords des rivières et des étangs, dans Ja plus 
grande partie de l’Europe. Il se tient cepen- 
dant de préférence au printemps sur les 
côtes de la mer. On le trouve communément 
en Angleterre, en Hollande, et le long des 
côtes de la France. Il porte également ses 
excursions à de fort grandes distances; car 
on rencontre cet oiseau en plumage d'hiver 
au Japon, enfin jusqu’aux îles de la Sonde, 
et même jusqu'à Timor. 

Le bécasseau brunette a deux époques de 
passage dans le midi de la France, où il ar- 
rive par bandes nombreuses. En automne il 
nous vient du Nord. Un assez grand nombre 
de ces individus restent l'hiver parmi nous, 
et au printemps on les voit revenir en 
grand nombre de l'Espagne. Ces nouveaux 
venus nous quittent bientôt tout à fait. Du 
reste, cette espèce exécute de pareils voyages 
périodiques en automne et au printemps dans 
la plupart des provinces de l'Europe. Ces 
mœurs annoncent que cette espèce, comme 
les précédentes, appartient aux races émi- 
grantes. 


Ce bécasseau, qui n’avait jamais été ob- 
servé dans le midi de la France, y a paru au 
mois d'août 1840. Les individus qui y ont 
été pris étaient tous jeunes , ainsi que l’an-— 

nonçaient les caractères de leur livrée. 


— 234 — 


OS 


ORDRES, GENRES ET ESPÈCES. 


HIT. Bécasseau vio- 
Echassiers. let (tringa mariti- 
ma Temm.). 
1° Gralles. 


Bécasseau tem- 
mia (tringa Tem- 
mincki Leisler). 


Bécasseau  é- 
chasse (tringa mi- 
nuta Temm.). 


Bécasseau canul 
(tringa  cinerea 
Linn.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
EE ELLE 


Cet oiseau habite ordinairement les hords 
de la mer, surtout vers le nord de l’Europe. 
Ainsi il est assez commun en Norwége, sur 
les côtes de la Baltique, en Angleterre, et 
même accidentellement à la baie d'Hudson. 
Le bécasseau violet niche très-avant dans les 
rivières des régions polaires, surtout en Is- 
lande. On le trouve du reste rarement dans 
le midi de la France, où il ne se moutre 
qu'en automne et en hiver, mais toujours 
isolément. 


Ce bécasseau habite les régions du cercle 
arctique ; d’où il passe à deux reprises diffé- 
rentes dans diverses parties de l'Allemagne, 
de la Hollande et de la France. Il pousse 
même ses excursions jusque dans l’île de 
la Sonde et de Timor, où on le rencontre 
en livrée d'hiver. Peu abondant dans le midi 
de la France, il y passe seulement en au- 
tomne, et demeure parmi nous l'hiver. I] 
opère constamment ses passages d'une ma- 
nière isolée, et jamais en troupes nombreuses, 


Le bécasseau échasse habite l'été très- 
avant dans le Nord, et se montre en grand 
nombre auprès des marais salants de la Dal- 
matie. On l'y voit eu septembre revêtu de 
sa robe d'hiver, comme ceux que l'on ren- 
contre dans l’Inde. Lors de ses passages en 
France, cet oïseau porte à peu près cons- 
tamment le plumage parfait de noces. C'est 
donc pendant l'été que ce bécasseau s'avance 
très-avant dans le nord de l’Europe, d'où il 
étend ses migrations sur divers points. Il 
suit à peu près constamment la direction des 
rivières, et se montre successivement dans 
la Dalmatie, l'Allemagne , la Suisse, le nord 
de la France, et parvient enfin dans le midi 
de cette contrée. Il y arrive aux mêmes 
époques que l'espèce précédente, et nous 
quitte également en même temps. 


Cet oiseau habite les régions du cercle 
arctique, principalement dans les marais en 
été, au printemps et en automne, sur les 
bords de la mer. Il fait deux passages par 
année, et paraît être plus abondant dans 
eertaines localités, à son passage du prin- 
temps , qu'à celui de l’automne. 

Le premier a lieu dans le midi de la 
France au mois de mai; il dure peu, étant 


{tout à fait terminé dans l’espace de huit 


jours. Ces passages, ainsi que ceux qui ont 
lieu en automne, se font par petites troupes. 
Plusieurs des individus de ce second pas- 
sage séjournent plus ou moins longtemps 
dans les contrées méridionales de la France, 
pendant l'hiver. Mais, comme un grand nom- 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


III. 


bre d'autres oïseaux , ce bécasseau n’est pas 
Echassiers. 


également commun toutes les années. 
Bécasseau pec- 

toral (tringa pec- 

toralis Temm.). 


Le bécasseau pectoral, commun sur les 
bords du New-Jersey, dans les Etats-Unis 
d'Amérique, où il vit dans les marais, a été, 
d’après Temminck, tué en Augleterre le 
17 octobre 1830. Plusieurs individus ont été 
également capturés dans les environs de 
Montpellier, vers la fin d'octobre 1840. Ces 
faits prouvent la coïncidence des époques 
des migrations des oiseaux, et leur étendue ; 
car les individus tués en Angleterre et en 
France étaient partis de l'Amérique sep- 
tentrionale, contrée qu’ils habitent ordinai- 
rement. 


1° Gralles. 


Courlis (nume-— 
nius Briss.). 

Grand courlis 
cendré (numenius 
arquatus Temm.). 


Le courlis cendré, commun dans plusieurs 
contrées de l’Europe , fréquente principale- 
ment les bords des rivières et les lieux aban- 
donnés par les eaux. Ses passages sont régu- 
liers sur les côtes dela Hollande et de la Fran- 
ce. Quoique ce courlis soit sédentaire dans le 
midi de cette contrée, et qu'il niche en assez 
grand nombre dans le voisinage des eaux 
ou dans les marais, nous en avons néanmoins 
deux passages, l’un en mars et l’autre à la 
fin du mois d'août. 

Cet oiseau, comme une infinité d’autres, 
pousse ses excursions jusqu’au Japon. Il est 
donc émigrant dans certaines contrées et 
sédentaire dans d’autres, 


Courlis corlieu 
(numenius phæo- 
pus Temm.) 


Cette espèce, assez répandue dans les 
contrées tempérées et méridionales de l’Eu- 
rope, se trouve également en assez grand 
nombre au Japon et dans toutes les parties 
de l'Inde. On la trouve également dans l’A- 
mérique septentrionale, le Bengale et la Nou- 
velle-Hollande. Elle ne fait qu’un seul passage 
au printemps, lequel dure peu detemps, sur- 
tout lorsqu'il n’y a pas beaucoup d'humidité 
sur le sol. En général, il est moins commun 
dans les provinces méridionales de la France 
que le graud courlis cendré. On assure que 
cet oiseau niche dans les régions boréales, 
et même en Asie. Du reste, comme ses voya— 
ges n’ont rien de périodique ni de régulier, 
il apvartient aux races erratiques. Il en est 
de même de la suivante. 


Courlis à bec 
gréle(numenius te- 
nuirostris Temm.) 


| | 
| 


Ce courlis est de passage dans les parties 
méridionales de l'Italie et de la France, où 
il s'égare accidentellement à l'époque du 
mois d'octobre. L'Egypte paraît être sa vé- 
ritable patrie, point d’où il visite égale- 
ment Ja Grèce et la Dalmatie. Quatre indivi- 
dus de cet oiseau ont été pris vers le milieu 


du mois d'octobre 1840, dans les environs de 


ORDRES. 


III. 
Echassiers. 


1° Gralles. 


1 


— 9236 — 


| 


GENRES ET ESPÈCES. 


Ibis (ibis Lacé- 
pède) (ibis falci- 
nellus Lacépède). 


Spatule { plata- 
lea Linn.). 

Spatule blanche 
(platalea leucoro- 
dia Temm.). 


Avocette (recur- 
virostra Linn.). 

Avocelte à nu- 
que noire (recur- 
virostra avocella 
Linn.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


Montpellier. Cette année, remarquable par la 
douceur de sa température, l’a été également 
par les nombreuses espèces intéressantes d’oi- 
seaux, dont les passages ont eu lieu dans 
nos contrées. 


On suppose que cet oiseau niche en Asie, 
d'où il se rend en Egypte, dans tout l’Archipel, 
en Turquie, en Hongrie, parcourant les 
bords du Danube. Il étend ses courses jus- 
qu’en Pologne, en Suisse et en Italie. On le 
trouve aussi accidentellement en Hollande, 
en Angleterre et dans le midi de la France. 
Il ne fait que passer dans cette dernière con- 
trée en troupes plus ou moins nombreuses 
dans les premiers jours du mois de mai; il 
paraît venir pour lors de l'Espagne, après 
avoir franchi le détroit de Gibraltar. 

Les individus qui passent dans le midi de 
la France ne paraissent pas différer de ceux 
qui habitent l'Egypte; mais ceux qui arri— 
vent jusqu’ aux îles de la Sonde, des Molu- 
ques et de la Nouvelle-Guinée sont toujours 
des jeunes en livrée d’hiver. Du reste, les 
passages de cet oiseau n’ayant rien de régu- 
lier ni de périodique, comme ceux auxquels 
se livre l'espèce suivante, il doit être classé 
parmi les races erratiques. 


La spatule, qui fréquente les bords des 
fleuves et des mers, se réunit quelquefois 
avec les cigogues pour voyager. Elle fait, à 
deux reprises différentes et périodiques, des 
passages le long des côtes maritimes: néan-. 
moins elle est fort rare dans le midi de la 
France, où elle ne se montre que l'hiver. 
Sa présence est loin d'y être régulière, quoi— 
que les jeunes et les vieux nous visitent 
également. Cette espèce est assez commune 
pendant l'hiver en Italie. 

Au dire de Temminck, la spatule est éga- 
lement fort répandue en Hollande, où elle 
passe constamment deux fois par année. 


Cet oiseau erratique habite les prairies et 
les plages inondées par les eaux. Il est plus 
rare le long des côtes de la mer, et très-acci- 
dentellement s'avance-t-il dans l'intérieur 
des terres. Cette espèce est assez répandue 
dans toute l'Europe, d'où elle pousse ses ex- 
cursions jusqu’en Egypte et au cap de Bonne- 
Espérance. L'avocette à nuque noire arrive 
à l’époque du printemps dans le midi de la 
France, y passe l'été, et ne le quitte que 
dans les premiers jours de l’automne. Elle 
niche dans les environs d’Aigues-Mortes, 
dans la Camargue, et vers les embouchures 
du Rhône. Quant aux autres espèces de ce 
genre, les unes habitent l'Amérique méri- 


— 251 — 


9 + 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


TT 


II]. 
Echassiers. 


1°Gralles. 


Flamant (phœ- 
nicopterus Linn.). 
Flamant rose 
| ( phænicopterus 
antiquorumTem.) 


dionale, les autres l'Inde, etenfin il enest une 
qui vit dans l’Australo-Asie; mais ces oi- 
seaux ne paraissent pas faire de voyages 
même accidentels en Europe. 


Le flamant habite l'Europe, passe en Afri- 
que et au cap de Bonne-Espérance ; il] paraît 
même pousser ses excursions jusqu’en Asie, 
et être répandu dans les deux hémisphères. 

On assure même que cet oiseau habite 
toutes les contrées méridionales du nouveau 
et de l’ancien continent, et qu'il niche par- 
tout. Il arrive dans le.midi de la France 
aux approches de l'hiver, disposé en grand 
nombre en bandes triangulaires àla manière 
des grues. Il niche dans ces contrées quand 
les eaux sont abondantes, ayant l'habitude 
de déposer ses œufs dans les plages sablon- 
neuses et désertes. On assure qu'il a les 
mêmes habitudes en Sardaigne, en Sicile et 
en Calabre, et qu'il en est de même de ceux 
qui émigrent accidentellement au delà du 
Rhin. Quoi qu’il en soit, cet oiseau est séden- 
taire dans le midi de la France, où il se 
trouve parfois en quantité fort considérable, 
comme par exemple , en l’année 1840, épo- 
que fameuse par le grand nombre d'oiseaux 
remarquables qui ont paru sur les côtes du 
midi de la France. 

En Sardaigne, les flamants émigrent en 
grande partie vers la fin de mars pour repa- 
raître constamment vers le milieu du mois 
d'août. Alors, du haut du bastion qui sert de 
promenade aux habitants de Cagliari, on 
voit arriver de l'Afrique des vols nombreux 
de ces oiseaux. 

Disposés, comme les canards sauvages, en 
bandes triangulaires, ils se montrent d'abord 
comme une ligue de feux dans le ciel. Ils 
s'avancent dans l’ordre le plus régulier; à la 
vue des étangs voisins de Cagliari, qu'ils re- 
connaissent pour leurs anciens domaines, 
ils ralentissent leur marche et paraissent un 
instant immobiles dans les airs; puis traçant, 
par un mouvement lent et circulaire, une 
spirale conique renversée, ils atteignent le 
terme de leur émigration. 

Brillant de tout l'éclat de leur parure 
flamboyante, etrangés sur une même ligne, 
ces oiseaux offrent un nouveau spectacle, et 
représentent très-bien une petite armée en 
ordre de bataille, ne laissant rien à désirer 
pour l’ordre et la symétrie. 

Par un contraste aussi singulier que cons- 
tant (dit M. de la Marmora dans son Voyage 
en Sardaigne) (1), aux flamants venus des 


(x) Paris, chez Arthus Bertrand, 2e édition, 
Paris, 1840. Chez Jos, Bocca, 1839. 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: 


IUT. régions australes succèdent de fort près les 

ni ; oiseaux du Nord. Le mois d'octobre est à 
Echassiers. peine commencé que les cygnes, les oïes, et 
des milliers de canards arrivent en Sardaigne 

1°Gralles. comme à un rendez-vous général. On dis- 


tingue surtout le cygne et l’oie sauvage , 
les canards siffleurs, huppés , couronnés, et 
une foule d’autres espèces émigrantes qui 
viennent peupler les étangs de l’île et animer 
leurs ondes. 

A la même époque paraissent en grand 
nombre les différentes espèces de hérons; 
les grèbes, les cormorans et les foulques sont 
plus nombreux en hiver. On y rencontre éga- 
lement, dans les roseaux qui bordent les 
marais, la brillante poule sultane, le por- 
phyrion des anciens. 


Nycticorax (ny- Le bihoreau habite les bois et les buissons 
cticorax Cuv.). des lieux humides de la plus grande partie 
5 de l’Europe. Il est du moins commun en 
Bihoreau à man- Allemagne, en Hollande, en Angleterre et 
teau ( nycticorax| en France. Ilarrive daus le midi de la France 
ardeola Temm.). à l'époque du printemps, au commencement 
du mois d'avril, et quitte cette contrée sou— 
veut en automne. On assure que le bihoreau 
ypasse parfois l'hiver, et niche parmi nous. 
Cette espèce dépose ses œufs aussi bien dans 
les rochers que dans les marais. Il paraît se 
trouver également dans l'Amérique septen- 
trionale. Les individus que l’on rencontre 
dans cette contrée ne diffèrent pas de ceux 
que l’on prend en Europe, dans la Chine, 

ainsi qu’au Japon. 


Héron ( ardea| Le héron cendré habite les terrains entre- 
Linn ) coupés d’eau de la plus grande partie de 
Sas l'Europe; il se trouve même jusque dans les 
Héron cendré(ar- régions du cercle arctique. Cette espèce vit 
dea cinerea Term.) | dans le midi de la France ; elle y opère cons- 
tamment deux passages, l’un en automne et 
l’autre au printemps. Ces passages réguliers 
ont souvent lieu en troupes fort nombreuses, 
etla font rentrer parmi les oiseaux émi- 
grants. Le héron cendré, comme le pourpré, 
l’aigrette, la garzette et le blongios, pousse 
ses excursions dans toute l'Asie et jusqu'au 

Japon. 


Héron pourpré| Les mœurs de cette espèce sont à peu près 
7 RTE les mêmes que celles de la précédente espèce. 
(rardea HP ES Laits ge ARE peu tan ent FR le 
Temm.). Nord, étant plus commune dans le Midi, où 
elle niche ordinairement. Quelques individus 
de ce héron pourpré passent l'hiver dans les 
régions méridionales de la France ; enfin ce 
héron paraît se rencontrer en abondance 
jusque vers les confins de l'Asie, et passe 
dans le midi de la France au commence- 
ment du mois d'avril. 


IE. 
Echassiers. 


1o{ralles. 


or 
it 


— 239 — 


po | 


GENRES ET ESPÈCES. 


Héron aigrelle 
({ ardea  egretta 
Temm.). 


Héron garzette 
(ardea  garzetta 
Temm.). 


Héron verany 
( ardea  verany 


Temm.). 


Héron grand 
butor (ardea stel- 
laris Temm.). 


Héron crabier 
( ardea  ralloides 
Temm.). 


Héron blongios 
( ardea  minuta 
Temm.). 


Cigogne (cico- 
nia Briss.). 


Cigogne blan- 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 
EL CS 


Cet oiseau a les mêmes habitudes que les 
autres espèces du même genre. Il habite la 
Hongrie, la Pologne, la Russie, la Turquie 
et la Sardaigne. Cette espèce erratique, de 
passage accidentel dans quelques parties de 
l'Allemagne, ne se montre que l'hiver dans 
le midi de la France. 


La garzette habite toute l'Asie; elle se 
montre en assez grande abondance dans la 
Turquie, tout l’Archipel, la Sicile, la Sar- 
daigueet l'Italie. On la trouve du reste daus 
tous les pays qui bordent la Méditerranée. 
Elle est de passage périodique en Suisse et 
en France, et accidentel seulement en Alle- 
magne. 

Elle passe d’une manière régulière dans 
le midi de la France, où l’on suppose qu’elle 
niche dans les marais. L'époque de ses pas- 
sages est ordinairement dans la première 
quinzaine du mois de mai. 


Cet oiseau, qui habite l'Afrique, mais prin- 
cipalement l'Egypte, le Sénégal, la Barbarie, 
se trouve parfois en Sicile et dans le midi 
de la France : du moins, on y rencontre quel- 
ques individus que l'on doit supposer égarés, 
ce héron ayant été aperçu constamment seul. 


Le butor habite les marais ou les lieux 
à demi inondés de la plus grande partie de 
l'Europe. Il niche dans le midi de la France, 
et il dépose ses œufs au milieu des roseaux. 


Cette espèce, beaucoup plus répandue que 
la précédente, se trouve en abondance vers 
les confins de l'Asie, de la Turquie, dans tout 
l’Archipel, en Sicile et en Italie. Elle est de 
passage accidentel dans quelques parties mé- 
ridionales de l’Allemagne. Les passages qu’elle 
fait en Suisse et dans le midi de la France 
se composent d’un assez grand nombre d'in- 
dividus. Les jeunes nousarrivent aussi bien 
que les vieux. De pareïlles mœurs annoncent 
que cet oiseau rentre dans les races aqua- 
tiques. 


Ce héron habiteles contrées méridionales 
de l’Europe, où il niche. Le héron blongios est 
même assez commun en Hollande,et se montre 
de passage en Allemagne et en Angleterre. 


La cigogne blanche se trouve en Europe, 
en Egypte, en Barbarie et dans l'Asie occi- 
dentale. Elle fait presque partout des mi- 
grations annuelles et périodiques. Celles 
qu'elle exécute dans le midi de la France 
ont lieu en automne et au printemps, en 


Echassiers. 


che (ciconia alba |général par troupes nombreuses. Quoiqu'elie 


habite à peu près constamment le Nord 
pendant l'été, il n’est pas rare cependant 
d'en trouver au mois d'août dans le midi de 
la France. Peut-être, cet oiseau y est-il égaré, 
‘ou y vient-il par suite de quelque cause par- 
{ticulière à nous inconnue. 

Ainsi dans le courant de l'été de 1842, 
cette cigogne est venue s’abattre sur le pont 
de pierre de Lyon; elle s’est promenée en 
be sens jusqu’à la nuit sur le bord de l’eau, 
pêchant le goujon, et ne paraissant pas s’in- 
quiéter de tout le bruit que le mouvement 
des passants faisait autour d'elle. Le lende- 
main, on nel'a plus revue ; elle avait repris 
Isa route aérienne pour aller dans d’autres 
climats. 


Temm.). 


ar 


Cigogne noire} Loin d’habiter, comme la cigogne blanche, 
( ciconia  nigra les villes et les villages, la cigogne noire s’en- 
Temm.\ fonce, au contraire, dans les sombres forêts 
Je et les marais boisés. Elle est assez générale- 
ment répandue en Turquie, en Hongrie, en 
Pologne et en Suisse, se trouvant plus rare- 
ment en Allemagne et en France, et jamais 
en Hollande. On ne la voit du reste dans le 
Midi que l'hiver ; elle ne paraît pas y nicher. 
Ces deux espèces, dont les passages sont 
constants et périodiques, rentrent dans la 
classe des oiseaux émigrants. 
Quant à la dernière espèce, la cigogne 
maguari de Temminck, elle ne paraît pas 
quitter l'Amérique, sa patrie. 


1 


ee m 


Grue (grus Pal-| La grue cendrée habite les contrées orien- 

las) tales de l'Europe, comme la Pologne et la 

G Les Suède, d’où-elle émigre l'hiver vers les ré- 

rue cendrée|ions méridionales, et particulièrement en 

grus cinereaTem.) Afrique. Cette espèce voyage par bandes 

nombreuses disposées en triangle, et plus 

souvent de nuit que de jour. Lorsqu'elle se 

repose à terre, elle place toujours en avant 

de la troupe des sentinelles avancées chargées 

de l’avertir au moindre danger; aussi les 

grues ont-elles de tout temps attiré l’atten- 

tion par la longueur de leurs voyages et les 

précautions qui les accompagnent. Ces oï- 

seaux se font encore remarquer par la hau- 

teur, l'étendue et la puissance de leur vol, 

qui est si grande, qu'ils parcourent en peu 

de temps des espaces immenses. Ils arrivent 

à la fin de l'automne dans le midi de la 

|France, y passent l'hiver, et d'autres pas- 

sages ont lieu au printemps ; ils quittent 

bientôt cette contrée pour s'élever vers les 

{parties les plus _septentrionales de l'Europe. 

| Des mœurs à peu près pareilles distin- 

|guent les deux autres espèces de grues, qui, 

Pere la première, habitent en Europe et 
{sont également émigrantes. 


em me 


— 241 — 


LI. 
Echassiers. 


1° Gralles, 


GENRES ET ESPÈCES. 


Tourne - pierre 
(strepsilas Illig.). 
Tourne- pierre 

à collier (strepsilas 
|collaris Temm.). 


| 
| 
| 
| 


Vanneau (va- 
nellus Briss.). 

Vanneau plu- 
yier (vanellus me- 
| lanogaster Tem.). 


Î 


| 


Vanneau hup- 
pé (vanellus cri- 
status Temm.). 


| 


Pluvier (chara- 
 drius Linn.). 

Pluvier doré 
(charadrius plu- 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


Cet oïseau, qui fréquente principalement 
les bords des mers, des lacs et des rivières, 
est très-commun sur les îles de la mer Bal- 
tique et de la Norwége. Il est plus rare sur 
les rivières du centre de l'Europe, comme 
sur les lacs de la Suisse et de l'Italie. Il vit 
également dans l'Amérique septentrionale et 
méridionale, au Sénégal, et enfin au cap de 
Bonne-Espérance, n'éprouvant dans cet 
immense intervalle aucune différence dans 
ses caractères et ses habitudes. 

Le tourne-pierre fait habituellement deux 
apparitions dans le midi de la France, l’une 
au printemps et l’autre en automne ; il y ar- 
rive le plus souvent seul ou par paires, ou bien 
mêlé aux vols des bécasseaux variables. Il y 
passe, du reste, une partie de l'hiver. Quel- 
ques individus de cette espèce poussent leurs 
excursions dans toute l'Asie et jusqu’au 
Japon. 


Ce vanneau habite les bords de la mer des 
pays tempérés de l’Europe, où il est de pas- 
sage plus ou moins accidentel. Il est plus 
commun en Hollande et en France qu'en 
Allemagne, et surtout qu’en Suisse, où il se 
montre moins fréquemment. Il paraît se ré— 
pandre en été dans le Nord jusque dans les 
régions du cercle arctique et sur les confins 
de l'Asie, où l’on assure qu’il niche. 

Cette espèce erratique arrive dans le midi 
de ia France en automne ; elle y reste l'hiver. 
Néanmoins un second passage, non moins 
nombreux que le premier, a lieu au prin- 
temps. Cet oiseau, ainsi que le vanneau 
huppé, se livre à des émigrations fort éten- 
dues; car d’Europeil parcourt toute l'Asie et 
pénètre jusqu’au Japon. 


Cet échassier habite l’Europe, l'Egypte et 
le Japon. Il arrive en France, et particulière- 
ment dans le Midi, par grandes troupes, vers 
la fin de février ou au commencement de 
mars. La ponte a lieu en avril, époque à 
laquelle les vanneaux huppés cherchent les 
localités les plus favorables aux soins de leur 
progéniture. Au mois d'octobre, les familles 
de ces oiseaux, dispersées dans les champs 
marécageux, se rassemblent en bandes de 
cinq à six cents et émigrent vers le Sud. 

La régularité des passages de ces deux 
espèces de vanneaux doivent les faire com- 
prendre parmi les oiseaux émigrants. 


Ce pluvier est commun dans les terrains 
fangeux et humides du midi et du nord de 
l’Europe. Il paraît être assez abondant à ses 
deux passages en Hollande et en Allemagne. 
Il arrive dans le midi de la France, et en 


16 


ORDRES: 


EE | 


II. 
Echassiers. 


10 Gralles. 


— 242 — 


GENRES ET ESPÈCES. 


vialis Temm. ). 


Pluvier gui - 
gnard (charadrius 
morinellus Tem.). 


Grand pluvier 
à collier ( cha- 
radrius  hiaticula 
Temm.). 


Petit pluvier à 
collier (charadrius 
minor Temm.). 


Pluvier à collier 
interrompu (cha- 
radrius cantianus). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


Sardaigne en automne; il y passe l'hiver : 
mais au printemps il quitte ces contrées 
pour aller vers le Nord. Ces oiseaux volent 
par grandes bandes, suivent la direction des 
vents, et se tiennent rangés de front eur une 
même ligne horizontale. Lorsqu'ils s’abattent, 
ils se dirigent à peu près constamment le 
long du cours des eaux. 

Cette espèce émigrante, ainsi que les plu- 
viers à grand et à petit collier, quoique fré- 
quentant principalement les contrées tem- 
pérées de l’Europe, n'en parcourt pas moins 
l'Asie, et arrive jusqu'au Japon, où elle sé- 
journe plus ou moins longtemps. 


Le guignard habite les lieux fangeux, soit 
de l’Asie, soit de l’Europe ; il est seulement 
plus abondant dans la première de ces con- 
trées. Il est de passage en Allemagne et en 
France, et très-accidentellement en Hol- 
lande. En hiver il est assez commun dans 
l’Archipel, le Levant et l'Italie ; il est au con- 
traire assez rare dans le midi de la France, 
où on ne le rencontre jamais qu'isolé. C’est 
ordinairement au commencement de l'hiver 
et au mois de mai que son apparition a lieu. 
On assure que cette espèce erratique niche 
en Russie. 


Cette espèce, assez répandue sur les bords 
de la mer et des fleuves, se trouve dans 
presque toutes les contrées tempérées de 
l'Europe. Elle est commune en Allemagne, 
en Hollande, en France et en Italie; elle 
pousse également ses excursions jusqu’en 
Amérique et au Japon. Cet oiseau passe ré- 
gulièrement par petites bandes au printemps 
et en automne; mais, dans cette dernière 
saison, il est peu abondant. Au mois d'avril, 
les grands pluviers à collier se séparent, et 
on ne les rencontre plus alors que par paires 
dans les lieux qu'ils ont choisis pour leur 
résidence d'été. 


Le petit pluvier a des mœurs à peu près 
semblables à celles de l'espèce précédente 
et le même genre d'habitation; seulement 
il est plus abondant dans les contrées méri- 
dionales que vers le Nord, et passe par pe- 
tites troupes dans le midi de la France au 


mois d'avril. 


Quant au pluvier à collier interrompu 
{charadrius cantianus), il est également 
très-répandu dans le Nord ainsi que dans les 
Indes et les Archipels. 11 passe deux fois 
l’année daus le midi de la France, en au- 
tomne et au printemps, et généralenient en 
petit nombre. 


ORDRES, 


— 245 — 


de . mme 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: 


III. 
Echassiers. 


1° Gralles. 


Huîtrier (kæma- 
topus Linn.). 

Huîtrier pie (hcæ- 
matopus ostrale- 
gus Temm. ). 


Echasse ( Hi- 
mantopus Briss.). 

Echasse à man- 
teau noir (himan- 
{opus melanopte- 
rus Temm.). 


Sanderling (ca- 
lidris Ilig.). 

Sanderling va- 
riable (calidris a- 
renaria Temm.). 


Cet oïseau habite les côtes maritimes de 
toute l'Europe pendant l'été et l'automne ; 
l'hiver, il se répand dans l’intérieur desterres 
humides, et pousse ses excursions jusqu’au 
Japon et au Sénégal. 

Il vit sédentaire sur les côtes de la mer 
du midi de la France; quoiqu’un passage de 
cette espèce ait lieu au mois de mars, il en 
reste cependant quelques-uns dans le midi 
de la France pour y nicher. Lorsque l’hui- 
trier pie veut entreprendre ses voyages pé- 
riodiques, il se réunit le plus souvent en 
troupes assez considérables ; il est donc 
à la fois erratique et sédentaire, double 
circonstance qui, d’après les faits que nous 
avons déjà rapportés , se représente chez 
une infinité d’oiseaux , et dont l’œdicnème 
nous fournira plus tard un exemple remar- 
quable. 

Les autres espèces du même genre sont de 
l'Afrique ou de l'Amérique méridionale; 
mais elles ne paraissent pas dans les régions 
tempérées de l’Europe. 


L'échasse est répandue dans les parties 
orientales de l’Europe, ainsi qu’en Asie, en 
Amérique, c’est-à-dire au Brésil, et enfin en 
Afrique, particulièrement en Egypte. Elle 
paraît nicher dans les vastes marais de la 
Hongrie et de la Russie, où elle émigre en 
troupes plus ou moins considérables. Il en 
est de même dans le midi de la France, où 
elle passe au mois d'avril, et ne nous quitte 
qu’au mois d'août. Cette espèce ne s’y trouve 
jamais qu’en assez petit nombre. 

L’échasse, oiseau de passage dans quelques 
contrées du Midi, et jamais dans le Nord, est 
une espèce des plus répandues, quoique son 
vol soit lourd. Si on la découvrait dans la 
Nouvelle-Hollande, elle appartiendrait à tou- 
tes les régions de la terre ; ce qui prouve que 
la puissance et l’étendue du vol ne sont pas 
des conditions absolues pour déterminer une 
pareïlle universalité dans la dispersion des 
oiseaux. 


Le sanderling est assez généralement ré- 
pandu le long des bords de la mer sur toute l’é- 
tendue de l’Europe. Il niche dans les régions 
du cercle arctique, et se trouve très-fréquem- 
ment, en automne et au printemps, sur les 
côtes de la Hollande et de l'Angleterre. Cette 
espèce, fort rare dans le midi de la France, 
étend néanmoins ses excursions dans des 
contrées bien différentes et bien éloignées. 

On la trouve à la fois en Asie, dans l’A- 
mérique du Nord, ainsi que dans les îles de 
la Sonde et de la Nouvelle-Guinée, et enfin 


jusqu'au Japon. 


III. 
Échassiers. 


19 Gralles. 


20 Coureurs. 


3° Alectorides. 


— 244 — 


GENRES ET ESPÈCES. 


OEdicnème («- 
dicnemusTemm.). 
OEdicnème cri- 
ard ( œdicnemus 


|crepitans Temm.). 


| 
| 


| 
| 
| 
| 


| 


Coure-vite (cur- 
sorius Temm.). 
Coure-vite isa- 


| 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


L'œdicnème habite les terres et les bandes 
incultes plutôt du midi que du nord de 
l'Europe. Il se montre peu communément 
dans les régions orientales. Cette espèce est de 
passage en Allemagne et très-accidentelle- 
ment en Hollande. Quoique cet oiseau soit sé- 
dentaire dans le midi de la France, il n’yopère 
pas moins deux passages, l’un au mois de mars 
let l’autreau mois de novembre.Les œdicnèmes 
se réunissent pour lors en troupes plus ou 
moins nombreuses, et constamment la nuit. 


Habitant de l'Afrique méridionale, le 
coure-vite parait étendre ses excursions 
jusqu’en Asie. Il se montre quelquefois en 
Europe et particulièrement dans le midi de 


belle!{cursorius isa-|la France, où il est fort rare et ne se montre 
|bellinus Temm.). 


Outarde ( otis 
Linn.). 
Outarde barbue 


qu'accidentellement. C'est une des espèces 
erratiques les mieux caractérisées. 


L'outarde barbue est généralement moins 
commune dans le Nord que dans le Midi. 
On la trouve en Dalmatie, en Italie et dans 
quelques parties de la France, où elle niche 


(otis tarda Temm.) | ainsi qu'en Allemagne. Elle est rare en Hol- 


Outarde cane- 
pelière (otis tetrao 
Temm.). 


Glaréole (ola- 
reola Briss.). 

Glaréole à col- 
lier (glareola tor- 
quatæ Temm.). 


lande et en Angleterre. 

Cette espèce visite les contrées méridionales 
de la France pendant l'hiver ; elle y arrive de 
auit eten grande abondance lorsque la tem- 
pérature est très-basse ; dans le cas contraire, 
on n’en voit pas une seule, ce qui prouve 
que les voyages accidentels des oiseaux sont 
principalement déterminés par la tempéra- 
ture, et en même temps à quel point ces ani- 
maux sont impressionnés par ses variations. 


Cette espèce habite les lieux arides et dé- 
couverts de la Turquie, de l'Afrique, de l'Italie 
et de l'Espagne. Elle ne se trouve jamaïs dans 
le Nord ; aussi est-elle rare en Allemagne et en 
Suisse. Elle passe accidentellement l'hiver 
dans le midi de la France, tandis qu'elle se 
montre régulièrement dans les départements 

| de l’ouest de cette contrée, où elle fait 
son nid à terre, à la manière des gallinacés. 


Cet oïseau habite le bord des mers, des 
lacs et des fleuves de l'Asie, de la Hongrie 
et de la Sardaigne. Il est de passage en Alle- 
magne, en Suisse, en Italie et en France; 
mais très-rarement pousse-t-il ses excursions 
jusqu’en Hollande et en Angleterre. Cette 
glaréole arrive dans le midi de la France 
vers le milieu du mois d'avril, voyageant 
par petites troupes de quinze à vingt indi- 
vidus; elle quitte cette contrée dans les 
| premiers jours du mois d'août, époque où la 
| ponte est accompiie. Cet oiseau niche dans 
le Midi et appartient, comme le précédent, 
[aux races erratiques. 


— 245 — 


7 
| 
Il 
| 


| 
| 


ORDRES. GENRES ET FSPÈCES. ÉPOQUES DFS PASSAGES DES OISFAUX, 


EV, Dindon sauvage Nous avons déjà RS 2: que cette 
: : | espèce sauvage, souche des dindons domes- 
Gallinacés. (meleagris gallo- Le MEL l'Amérique septentrionale ; 
pavo Temm.). quoique son vol soit fort lourd, elle n'en fait 

pas moins des excursions d’un canton à un 

autre. Ces voyages paraissent déterminés 

par le manque de nourriture dans celui 

qu'elle avait choisi primitivement. Nous 

ignorons si C’est par suite de circonstances 

du même genre que cet oiseau seraitentrainé 

accidentellement jusqu’en Sicile; ce fait si 

extraordinaire mérite d’être confirmé par 

des observations bien positives, pour être 

admis comme exact et hors de toute contes- 

FL oab 


Quoi qu'il en soit, cette espèce, essentielle- 
| ment sédentaire, devient quelquefois erra- 
tique, par suite de circonstances qui la forcent 


|à se déplacer et à faire des excursions, mais 
| généralement d'une petite étendue. 


Faisan (phasia-! Le faisan habite les provinces méridio- 
nus Linn ) nales des confins de l'Asie, et se trouve éga- 
s Ge : lement dans plusieurs contrées boréales de 
Faisan vulgaire |j'Allemagne, de la Hollande, de l'Angleterre 
(phasianus colchi-|et ae Dane? derniers proviennent 
probablement de la Corse, où cet oiseau se 
cus Temm.). trouve assez habituellement. Des individus 
isolés et probablement égarés passent par- 
fois dans le midi de la France; du reste, le 
faisan se trouve en abondance dans le Cau- 
case et les plaines couvertes de jones qui en- 
{tourent la mer Caspienne, On croit généra- 
{lement que son introduction en Grèce date 
de l'expédition des Argonautes aux bords 
du Phase ; depuis lors, le faisan a été recher- 
| ché à cause de la bouté de sa chair. Le nom 
anglais de cet oiseau, pheasant, rappelle 
beaucoup mieux que son nom français qu'il 
Ft originaire des bords du Phase. 


Il 


| 


Tétras (tetrao| (Cette espèce vit au milieu des bois et des 
Linn ) x montagnes où croissent des pins, des sapins, 
“à É des bouleaux et des coudriers; aussi est-elle 
Tétrasgelinolle |connue vulgairement sous le nom de poule 

( etrao bonasia | de coudrier. Elle se trouve principalement 
Ten ) sur les hautes montagnes des Pyrénées, du 
5 qe Dauphiné et de la Provence. Quoique rare 
dans les plaines du midi de la France, elle y 
vient cependant parfois, à des époques plus 
ou moins éloignées, toujours l'automne ou 
hiver. En 1839, un assez grand nombre de 
ces gelinottes fut aperçu dans le départe- 
ment de l'Hérault. Elle niche uniquement 
| dans les hautes montagnes, faisant son nid 
{au milieu des bruyères et des buissons, dans 
À { des lieux solitaires qu’elle choisit de préfé- 

rence. 


ORDRES. 


IY, 
Gallinacés. 


— 246 — 


GENRES ET ESPÈCES. 


Le grand coq 
de bruyère (tetrao 
urogallus). 


Tétras plammi- 
gan ou lagopède 
ordinaire ( tetrao 
lagopus Linn.). 


Ganga (pterocles 
Temm.). 

Ganga cata 

(pterocles setarius 
Temm.). 


Perdrix (perdix 
Latham). 

Perdrix barta- 
velle (perdix saxa- 
tilis Temm.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
EE 


Le grand coq de bruyère ({etrao wrogal- 
lus), assez rare dans le nord de la France, se 
trouve néanmoins dans les forêts des hautes 
montagnes, depuis l'Allemagne jusqu’au 
nord de l'Asie. Quant au petit coq de 
bruyère ({etrao tetrix Linn.), il est plus ré- 
pandu dans les parties centrales de l'Europe 
que partout aïlleurs. On le trouve en plus 
grand nombre en Allemagne et en France 
que le grand coq de bruyère. 


Cette espèce habite l'été les montagnes 
les plus élevées de la Suisse et des Pyrénées, 
et descend en hiver dans les régions moyen- 
nes de ces montagnes. Elle est assez com-— 
mune en Suède, en Laponie, en Ecosse et 
dans le nord de la Suisse. On la trouve éga- 
lement en Amérique; elle n’y diffère pas des 
lagopèdes d'Europe. 

Les autres espèces de ce genre ont les 
mêmes habitudes, et l’une d'elles, le tétras 
des saules, se trouve à la fois en Amérique 
et en Europe; celle-ci serait erratique 
comme la précédente, tandis que le grand 
et le petit coq de bruyère paraissent être 
sédentaires. 


Cet oiseau habite les lieux arides et in- 
cultes des contrées méridionales de l'Es- 
pagne, de la Sicile, de l'Italie, et dans tout 
le Levant. Il est commun en Perse, ainsi 
que dans les plaines stériles de la Provence, 
particulièrement dans celle de la Crau, qu’il 
habite en grand nombre toute l’année. Quel- 
ques individus s’égarent parfois dans les 
plaines du Languedoc, soit qu'ils y vien- 
nent des Pyrénées orientales on de la Pro- 
vence, où ces oiseaux nichent assez habi- 
tuellement. 


L'autre espèce de ce genre, le ganga uni- 
bande, est plus généralement répandue, 
quoiqu'elle ne se montre pas en France. Elle 
se trouve cependant en Espagne, en Sicile 
et en Turquie, ainsi que dans l'Asie méri- 
dionale et les déserts de l’Afrique. 


La bartavelle habite la Grèce, ainsi que 
quelques parties méridionales de l’Allema- 
gne, du Tyrol, de la Suisse, de l'Italie, et 
jusqu'en Turquie. Elle n’est pas rare sur 
les hautes montagnes du Jura et des Pyré- 
nées, d'où elle descend en hiver dans les 
régions moyennes des montagnes. Elle est 
fort rare dans le midi de la France, peut- 
être parce qu'elle est fort recherchée par les 
chasseurs; quoi qu'il en soit, cet oiseau 
niche dans le Jura et appartient aux es- 
pèces erratiques, 


IV. 
Gallinacés. 


réri La perdrix rouge habite les plaines de 
Perarix rouge bitalig et de la Fred méridiondlé où elle 
( per dix rubra niche constamment vers le milieu du mois 
Temm.). de mars. Elle fréquente peu le nord de la 
France et la Hollande, ne se trouve jamais 
en Allemagne, et rarement en Suisse, Comme 
nous avons déjà parlé des migrations de cet 
oiseau, il nous paraît inutile d'y revenir, 
{ainsi que sur celles auxquelles se livre par- 
{ticulièrement la caille. Nous dirons seule- 
ment que, quoique le vol de cet oiseau soit 
lourd, il n'en pousse pas moins ses excur- 
sions en Asie et jusqu’au Japon. 


| Perdrix grise À ice EE habite jee fort avant 
| er Cet : ans le Nord, et pousse ses courses jusqu’en 
K perdix  cinerea Egypte et en Barbarie. Elle est de passage 
|Temm.). dans certains pays, et sédentaire dans d’au- 
tres. Quant aux migrations auxquelles se 
| livre cet oiseau, elles ont lieu en automne, 
| par bandes composées de plus de cent à 
| deux cents individus. Le vol de la perdrix 
| grise pouvant être longtemps soutenu, leurs 
| migrations sont généralement lointaines. 
Cette espèce, assez rare dans le midi de 
| la France, est tantôt sédentaire et tantôt er- 
ratique ; elle n’est commune que dans le 
| nord de cette contrée, où elle remplace la 
perdrix rouge. On ne la voit guère dans le 
| Midi que pendant l'hiver à l'exception de 
| celles qui y nichent. Du reste, elle se tient 
en troupes plus ou moins considérables 
| jusqu'au mois d'avril, dans les pays tempé- 
rés, même froids, qu’elle recherche de préfé- 
rence ; mais, passé cette époque, ces oiseaux 
se retirent par paires dans les lieux écartés 
| et solitaires, et passent l'été en monogamie 
ou par couples séparés. 


| Caille ( perdix| La caille habite l'été plusieurs contrées 
: de l'Europe ; en hiver elle émigre en Egypte, 
coturnix Latham) * [d’où elle se répand en Asie, en Syrie et dans 
d’autres pays de l'Orient. La caille, fameuse 
par l'étendue de ses migrations, quoique son 
vol soit lourd, arrive dans le midi de la 
France au commencement d'avril, où elle 
niche bientôt après sa venue; car dès la 
première quinzaiae de mai on voit déjà des 
caïlleteaux. Vers le milieu des mois d'août et 
de septembre, elle fait un second passage, 
et quitte les provinces méridionales de la 
France au commencement de l'hiver, pour 
aller dans des pays plus chauds; néanmoins 
quelques individus y demeurent tout l'hiver, 
et, à raison de cette circonstance, on les 
désigne en patois languedocien sous le nom 
d'hivernenques. 
Les caïlles qui nous viennent chaque an- 
née s’en retournent avec la même régularité 
en Afrique. Mais ce n’est pas là que ces oi- 


— 248 — 


EE 


ORDRES, GENRES ET ESPÈCES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


IV. seaux bornent leurs voyages; îls en exé- 
Gallinacés cutent en effet de plus étendus, et parcou-— 
d rent pour ainsi dire le globe entier. 

Comme nous avons tracé la route que 
suivent les caïlles dans leurs longues excur- 
sions, nous croyons inutile d’ajouter quel- 
ques détails à ceux que nous avons donnés 
dans l'explication de notre carte. Nous y 
renverrons donc ; ils seront sans doute suffi- 
sants pour en faire comprendre toute l’im- 
portance et toute l'étendue, 

Il règne encore de grandes incertitudes, 
non pas précisément sur le passage des 
cailles, maïs sur les lieux d’où ellesarrivent, 
et sur ceux où elles vont passer l'hiver lors- 
qu'elles quittent les régions tempérées. On 
sait que ces oiseaux nous viennent d'Afrique, 
et qu’en Egypte et sur les côtes de Barbarie 
ils sont de passage, comme sur celles du 
midi de la France. Si à leur départ des pro- 
vinces méridionales elles franchissent éga- 
lement les contrées africaines, elles par- 
viennent bientôt sous la ligne; car il y a 
une moindre distance de l’équateur au nord 
de l'Afrique que de cette contrée au nord de 
l’Europe, et jusqu’en Islande et en Norwége, 
où l’on trouve encore des caïlles. Une fois 
sous la ligne, ou l'ayant dépassée, elles vont 
chercher un climat plus tempéré, indiffé- 
remment vers le Midi ou vers le Nord, selon 
le vent le plus favorable. 


Aussi la plupart des navigateurs ont- 
ils rencontré les caïlles dans la mer du Sud 
et dans la mer des Indes, comme sur tous 
les points de la terre. Levaillant a observé 
au cap de Bonne-Espérance des passages 
considérables de cailles de la même espèce, 
et peut-être les mêmes qu’ilavait déjà vues en 
| Europe. Que de chances pour leurs stations 
et pour la quantité qu’il peut s’en diriger 
annuellement vers la France. 

Outre leurs migrations à des époques fixes 
et invariables, qui font de ces oiseaux des 
espèces essentiellement émigrantes, lescailles 
sont encore assujetties à des déplacements 
forcés, occasionnés par la sécheresse ou le 
manque de nourriture. Comme une foule 
d’autres oiseaux, elles n’aiment pas les lieux 
secs et arides ; aussi, comme il est rare dans 
le midi de la France qu'il n’y ait pas deux 
ou trois mois de sécheresse en été, quoique 
les cailles y soient souvent abondantes au 
commencement de mai, elles abandonnent 
bientôt cette région dès que la sécheresse 
commence. On ne les revoit plus ensuite 
en certain nombre qu’au mois de septembre; 
celles-ci sont les caïlles du passage qui « 
lieu à cette dernière époque. 

Cette fuite momentanée est avantageuse 
à la multiplication de ces oiseaux ; la récolte 


SRE 
oo 


ORDRES, GENRES ET ESPÈCES, 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


IV. 
Gallinacés. 


Turnix tachy- 
drome ({ 


dius tachydromus 


Temm.). 


des fourrages a lieu, dans les provinces méri- 
dionales de la France, au mois de mai, et la 
moisson en juin ; la plupart des couvées au- 
raient été détruites avant que Jes petits fus- 
sent éclos. Mais si, pendant la sécheresse, il 
survient une pluie abondante, le lendemain 
ou quelques jours après on entend chanter 
un assez grand nombre de cailles dans les 
lieux qu'elles avaient naguère abandonnés. 

Cette circonstance prouve combien est er— 
ronée l'opinion de ceux qui prétendent que 
le nombre des caïlles diminue. Cette dimi- 
nution supposée est occasionnée par la sé— 
cheresse de certaines années : du moins dans 
celles qui sont humides, on prend tonjours 
ces oiseaux par milliers, ce qui à eu lieu 
pendant deux années consécutives (1837 et 
1838), et s’est répété toutes les fois que des 
pluies ont été abondantes. 

Les caiïlles diminuent si peu, que pendant 
l’année 1842 elles sont arrivées sur les côtes 
du Roussillon en nombre immense.Leur quan- 
tité y a été si considérable qu’elles se sont 
vendues sur le marché de Perpignan depuis 
vingt jusqu'à trente centimes. Les reven- 
deurs ont trouvé leur compte , en les por- 
tant à Montpellier, où ils en ont trouvé de 
quarante à quarante-cinq centimes. A Ja vé- 
rité l’année 1842 s’est fait remarquer par 
un printemps très-pluvieux , ce qui est fort 
rare dans le midi de la France. 

Cette circonstance n’a pas été la cause 
de l’arrivée de ces cailles printanières. Car, 
si leurs passages ont été nombreux dans le 
Roussillon , ils ont été au contraire peu 
abondants en individus dans le Languedoc, 
qui est cependant si rapproché de cette pro- 
vince.Ainsi, une année, une espèce émigrante 
est extrêmement commune dans une loca- 
lité, et fort rare au contraire daus une 
autre; mais il ne faut pas admettre de cette 
circonstance, que telle ou telle espèce dimi- 
nue ; car de pareils faits il faut les embrasser 
dans leur ensemble , et non dans quelques- 
uns de leurs détails. 

La caille est un oiseau fameux dans l’Ecri- 
ture. Il en arriva une quantité si prodigieuse 
dans le camp des Israélites que toute l’armée 
des Hébreux s'en nourrit. Il paraît, d’après 
Josèphe, qu’elles sont extrêmement commu- 
nes aux environs de la mer Rouge. 


Cet oiseau habite le midi de l'Espagne et 


hemipo- la Sicile ; il n’a pas encore été aperçu dans 


le midi de la France, mais seulement dans les 
parties les plus septentrionales de l'Afrique. 
Une autre espèce du même genre, le turnix 
à croissants (hemipodius lunatus) habite à 
[peu près les mêmes lieux. Elle paraît avoir 
[également les mêmes habitudes que la pré- 


ORDRES. 


IV. 
Gallinacés. 


— 250 — 


GENRES ET ESPÈCES. 


Pigeon ramier 
(columba palum- 
bus Temm.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


cédente. L'inconstance et l'irrégularité des 
passages de ces deux turnix est si grande, 
que ces oiseaux doivent être considérés 
comme erratiques. 


Le ramier habite jusque vers le Nord ; 
mais il est plus abondant dans les contrées 
méridionales, où il vit dans les bois et les 
forêts. Il est de passage dans les pays froids 
et tempérés, et sédentaire dans les pays 
chauds. Aussi trouve-t-on le ramier l’été en 
Suède, en Russie et jusqu’en Sibérie. 

Néanmoins les ramiers passent en assez 
grand nombre dans le midi de la Franee, 
pendant les mois d'octobre et de novembre. 
Il en reste peu l'hiver ; mais, au mois de 
février ou de mars , ils reparaissent de nou- 
veau, par petites troupes, ou par paires ; 
quelquefois même, ils voyagent isolément, 
mais ceci a lieu du reste fort rarement. 

Les passages des pigeons dans les Pyrénées, 
attestés par un assez grand nombre d'obser- 
vateurs, et sur lesquels M. Jubinal , profes- 
seur à la faculté de Montpellier, a publié 
récemment une note détaillée, sont envi- 
ronnés de circonstances assez particulières 
pour mériter d’être décrits. 

Depuis la fin d’août jusqu’à la mi-septem- 
bre, les ramiers (columba palumbus Linn.) 
exécutent en grandes troupes leurs passages 
dans Ja vallée de Saint-Pé, Ces oiseaux ne 
s'élèvent pas à une grande hauteur en tra- 
versant les montagnes des Pyrénées, peut-être 
à raison des neiges qui en couvrent à cette 
époque la plupart des cimes. En eflet, rare 
ment ces hauteurs, supérieures au niveau 
des neiges perpétuelles, n’en sont-elles pas 
couronnées ; il faut des chaleurs bien ex- 
traordinaires , pour qu'elles en soient tota- 
lement dépourvues. Aussi les ramiers, comme 
cela a lieu pour les cailles, suivent à peu 
près constamment la ligne des collines, jus- 
qu’au point où la chaîne s’abaisse, c'est-à- 
dire, au bout de la vallée de Saint-Pé. 

Les montagnards, qui ont observé les ha- 
bitudes de ces oiseaux, ont cherché à en 
profiter pour s’en emparer : pour cela ils 
ont établi sur le lieu de leurs routes , sortes 
d’endroits privilégiés, des cabanes où ils 
s'étaolissent et se cachent en sentinelles 
avancées. Si les ramiers volent directement 
vers la gorge en demi-cercle, à l'extrémité 
la plus élevée de laquelle des filets ont été 
tendus, et que ces oiseaux doivent fran- 
chir pour sortir de cette enceinte, on les 
laisse sy engager. Si au contraire ils veu- 
lent s’en écarter et passer ailleurs, les senti 
nelles s'efforcent, par leurs gestes et leurs 
eris, de les faire rentrer dans le demi-cerele 
où des filets ont été placés. 


— 251 — 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.|  ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


Il arrive parfois que, parvenus à l’extré- 
mité de la gorge , les ramiers soupçonnent 
quelque piége. Pour l’éviter, ils cherchent 
à s'élever en l’air ou à retourner en arrière ; 
mais des chasseurs, placés sur de grands 
trépieds, lancent au-dessus d’eux un bâton 
en forme de croix, recouvert d’un léger 
enduit de chaux, et par conséquent d’un 
blanc fauve assez éclatant. 

A l’aspect de ce bâton, lancé en l’air avec 
violence , les ramiers croient voir l’épervier 
fondre sur eux, et dans leur frayeur ils 
s’abattent le plus près de terre possible. Ils 
rasent pour lors le sol avec vitesse , et vont 
donner tête baissée dans le filet, qui lâché 
à leur approche, au moyen d'une petite 
corde que tire le chasseur suspendu dans le 
trépied , tombe sur la troupe et la recouvre 
de ses mailles. De cette manière on prend 
dans la saison plusieurs milliers de ces oi- 
seaux voyageurs; l'homme les arrête ainsi 
au milieu de leurs courses vagabondes , et, 
par suite de leur instinct, ils reviennent 
l'année suivante éprouver les mêmes périls 
et succomber sous les mêmes dangers. 

Le vol de ces pigeons n’a pas, du reste, 
une aussi grande rapidité que celui des pi- 
geons sauvages (colwmba migratoria). On 
assure que cette espèce et quelques oïes sau- 
vages parcourent, sans se fatiguer, jusqu’à 
quarante milles par heure, et font sans se 
poser à terre, un vol de quatre cent quatre- 
vingts milles ou cent soixante-dix lieues 
Ainsi ces oiseaux peuvent en un seul jour, se 
rendre de Charles-Town, jusqu'aux établisse- 
ments les plus septentrionaux des Etats-Unis. 
Cette rapidité expliquecomment quelques pi- 
geons tués dans les Etats du Nord avaient en- 
core dans leur jabot des grains de riz qui n’é- 
taient pas digérés, et qu'ils avaient dû 
manger la veille dans la Caroline, ou dans 
la Géorgie. On cite aussi l’exemple d’un fau- 
con envoyé au duc de Lerme , qui retourna 
en seize heures d'Espagne à l’île de Téné- 
riffe , bien que la distance soit de sept cent 
cinquante milles. 

Les pigeons ne sont pas chassés des pays 
froids, que certains individus de cegenre ha- 
bitent, par l’abaissement de la température, 
mais plutôt par le défaut denourriture qui se 
fait sentir dansles lieux où ils avaient primi- 
tivement fixé leur séjour. Buchmand tient la 
première de ces opinions pour erronée, et 
assure avoir vu au Canada de nombreuses 
bandes de pigeons, pendant un hiver ex- 
cessivement froid. A la vérité cet hiver suc- 
cédait à un automne où les fruits et les 
semences dont ces oiseaux se nourrissent 
avaient été très-abondants, en sorte qu'il 
paraît, d'après ces faits et ceux que nous 


Gallinacés. 


ORDRES. 


IV. 
Gallinacés, 


GENRES ET FSPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 
D PI EAN 


avons consignés dans cet ouvrage, que le 
manque d'aliments oblige bien plutôt les 
oiseaux à se transporter d’un pays dans un 
autre, que le changement dans la tempéra- 
ture. 

Les faits que nous venons de rapporter, 
sur la rapidité du vol des pigeons, acquiè- 
rent une nouvelle probabilité, d’après ceux 
qui se trouvent consignés dans {a Presse de 
Seine-et-Oise. D'après ce journal, le di- 
manche % juillet 1841, une nouvelle expé- 
rience de pigeons voyageurs eut lieu à 
Versailles. La veille on avait reçu à la mai- 
rie quarante pigeons expédiés par la société 
d'amateurs établie à Berchem près d’An- 
vers. 

Ces oiseaux étaient arrivés à Versailles par 
la diligence, renfermés dans un grand pa- 
nier, par conséquent sans avoir pu acqué- 
rir par eux-mêmes la moindre notion du 
chemin qu'ils avaient parcouru et de 14 di- 
rection qu'ils avaient suivie. Le lendemain, 
à sept heures et demie du matin, on en a 
lâché trente-neuf à la fois, de la cour de la 
mairie, après avoir eu la précaution de leur 
apposer une estampille contenant la note du 
moment de leur départ. 

Le quarantième s'était échappé quelque 
temps auparavant , et avait pris sa volée, en 
brisant un carreau. La troupe emplumée, 
une fois en liberté, s’est élevée à une grande 
hauteur, en décrivant un grand cercle, et 
après avoir reconnu la position, par le mer- 
veilleux et inexplicable instinct qui leur est 
propre, les trente-neuf oiseaux se sont 
élancés dans la direction convenable (nord- 
nord-est). D’après la nouvelle que l’on en a 
reçue , le premier pigeon est parvenu à son 
colombier à mid-quinze minutes; trente- 
cinq autres sont successivement arrivés à 
quelques minutes de distance ; celui qui s’é- 
tait évadé n'y a été rendu que dans la soirée. 

Ces’oïseaux ont donc parcouru en quatre 
heures quarante-six minutes à cing heures 
dix minutes, un espace d'environ soixante- 
quinze lieues en ligne directe, ce qui égale 
la plus grande vitesse des chemins de fer, 
en supposant qu'ils puissent parcourir une 
pareille distance sans s’arrêter. Dès le même 
jour, trente-deux pigeons de ceux qui ar- 
rivaient de Versailles étaient déjà en route 
pour une autre excursion. 

Si ces faits sont exacts, comme tout porte 
à le supposer, il en résulterait que les plus 
longs voyages, exécutés même avec la plus 
graude célérité, ne sauraient fatiguer les 
oiseaux. D'un autre côté, ils pourraient 
faire supposer, avec d'autres faits que nous 
avons énumérés , que les bandes voyageuses 
de ces animaux s'égarent beauçoup moins 


ORDRES. 


IV. 
Gallinacés. 


— 2535 — 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉLPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
A ES EE 


que les individus isolés, et que générale- 
ment elles trouvent bien mieux leurs routes. 
Il est en effet, d'observation vulgaire, que 
c'est uniquement les oiseaux isolés qui s'é- 
garent, et jamais les bandes auxquelles ils 
appartenaient, et dont ils faisaient partie. 

Du reste, si les pigeons ramiers sont sé- 
dentaires dans certaines contrées, princi- 
palement dans les pays chauds, ils ne sont 
pas émigrants pour d’autres régions, qu'ils 
quittent à des époques déterminées, et où 
ils reviennent à des époques qui ne sont pas 
moins fixes que les premières. 

Quelque merveilleux que soit l'instinct 
qui porte tant d'oiseaux à se transporter 
dans des régions différentes, il est possible 
de le développer encore et de faire retrouver 
aux habitants des airs leur gîte natal après 
les avoir complétement dépaysés. C’est ce que 
font tous les jours plusieurs sociétés de la 
Belgique et de la Hollande qui élèvent dans 
ce but un grand nombre de pigeons, et quel- 
ques autres oiseaux voyageurs. 

Parmi les exemples de ces faits curieux, il 
en est un qui vient de se passer sous nos 
yeux, et dont nous ne pouvons nous empé- 
cher de rendre compte. 

La compagnie du Phénix de Liége (Belgi- 
que) a adressé à M. le maire de Montpellier 
soixante et onze pigeons portant chacun 
sous la queue l'empreinte d'un cachet. Cet 
envoi avait été précédé d’une lettre dans la- 
quelle la société priait M. le maire, après 
avoir fait constater l'identité des pigeons, de 
les faire contre-marquer. On devait leur don- 
ner le vol à jour et à heure fixes, en trans- 
mettant à la société la date précise de leur 
départ simultané. 

Ces pigeons arrivés à Montpellier le 23 
juillet1843, en bonne santé, sous la direction 
du sieur Constant, ont été lachés de la plate- 
forme de l'Arc de triomphe ou porte du Pey- 
rou, le mercredi 26 juillet à cinq heures pré- 
cises du matin. 

Pour certitude que les mêmes pigeons 
retrouveraient leur gîte , ils ont été timbrés 
du sceau de la mairie. En conséquence, à 
l'heure fixée, les paniers, où étaient renfer- 
més les pigeons, ont été ouverts, tous les 
prisonniers se sont élevés simultanément en 
décrivant des cercles concentriques; après 
deux minutes, ils ont pris ensemble la direc- 
tion du Nord. Quatre d’entre eux ont suivi 
d’abord une autre route, mais après un quart 
d'heure, ils sont revenus sur la plate-forme 
du Peyrou ; ils yont demeuré dix-sept jours, 
tant qu'ils y ont trouvé à manger. Au bout 
de ce temps on ne les a plus revus. 

D serait possible que ceux-ci fissent partie 
de ceux qui ont été tués à Celle-Neuve, à 


— 254 — 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


IV. 
Gallinacés. 


Adge et à Rodez, localités plus ou moins 
éloignées de Montpellier et qui n'étaient pas 
dans leur vraie direction. 

Une lettre adressée à M. le maire de Mont- 
pellier, par la société du Phénix, sous la date 
du 17 août, lui a annoncé, qu’un des oi- 
seaux lachés de Montpellier le 26 juillet était 
arrivé à Liége le 29 juillet à six heures du 
soir. Dix-sept autres se sont suivis successi- 
vement de jour en jour, en sorte que le 16 
août, dix-huit étaient rendus, un dix-neu- 
vième avait été pris dans l'intervalle à douze 
lieues de distance de son colombier succom- 
bant à la fatigue et probablement à des bles- 
sures,. 

Aussi la société du Phénix , sans rien dire 
de tous ceux qui ont manqué à l'appel, fait 
observer à M. le maire, que sur deux des pi- 
geons arrivés à Liége, on remarquait des 
blessures qui ne pouvaient être que le résul- 
tat de morsures et de déchirures. Ces plaies 
avaient dû être faites, d'après elle, à ces vo- 
latiles, pendant qu'ils étaient renfermés dans 
des corbeilles, et avoir singulièrement com- 
promis leur santé, et par suite le succès de 
leur voyage. 

J'ai consulté à cet égard les personnes 
nommées par M. le maire pour prendre soin 
de ces pigeons pendant leur séjour à Mont- 
pellier. Elles m'ont affirmé que ces oiseaux 
étaient arrivés bien sains, et que si on avait 
remarqué des blessures à leur retour en Bel- 
gique, elles devaient leur avoir été faites dans 
leur traversée. Quant à la perte du plus grand 
nombre de ces volatiles, elle s'explique par 
les accidents inévitables dans un aussi long 
voyage. 

Quoi qu’il en soit, dix-huit de ces pigeons 
ont retrouvé leurs colombiers éloignés de 
plus de trois cents lieues de leur point de 
départ. Ils y sont parvenus sans boussole et 
sans aucune connaissance de la route qu'ils 
devaient suivre. Ils avaient été exactement 
enfermés dans des corbeïlles voilées qui 
avaient été placées sur l'impériale d'une di- 
ligence. L'un d'entre eux a fait régulière- 
ment cent lieues par jour. Admirable instinct 
supérieur à l'intelligence en prise avec de 
pareilles et d'aussi grandes difficultés. Quel 
homme pourrait en effet répondre de re- 
trouver son chemin au milieu de l’océan aé- 
rien, où rien ne saurait le guider ? 

On se demandera peut-être, si ces dix- 
huit pigeons qui ont retrouvé leurs colom- 
biers étaient ou non à leurs premiers voya- 
ges, ou si ce n'étaient pas ceux qui n’ont pas 
su retrouver le lieu de leur naissance. Voici 
l'unique renseignement que nous fournit la 
lettre de la compagnie du Phénix du 17 août. 
11 y est dit « que le procès-verbal du direc- 


ORDRES: 


IV. 
Gallinacés. 


— 255 — 


UC QT CG TO OCELOOAAMQNAOAA 


GENRES ET ESPÈCES. 


Pigeon colom- 
bin {columba ænas 
Linn.). 


Pigeon bisel (co- 
lumba livia Term.) 


Pigeon tourte- 
relle (columba tur- 
tur Temm.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
EE 


teur de la police de Montpellier mentionnait 
que deux ou trois pigeons s'étaient élevés en 
l'air en tournoyant, et qu'ils avaient mis un 
quart d’heure à s'orienter; ceci nous annonce 
qu'ils avaient dû être blessés, car les pigeons 
habitués à faire de longs voyages ne per- 
dent pas de temps, et sont hors de vue en 
moins d’une minute. » 

Ces termes semblent assez clairs pour prou- 
ver que les oiseaux envoyés de Liége à Mont- 
pellier n'étaient pas à leur première course 
lorsqu'ils se sont envolés de cette dernière 
ville. 


Ce pigeon habite les bois comme l'espèce 
précédente, maïs on le rencontre en plus 
grand nombre dans les contrées méridiona- 
les que le premier de ces oiseaux. Aussi est- 
il très-répandu en Afrique; il ne dépasse 
pas pourtant le tropique. 

Le colombin est de passage régulier en 
Allemagne et dans quelques parties de la 
France, où il arrive par bandes composées 
de plusieurs centaines d'individus. Leur vol 
haut est longtemps soutenu. C’est ordinai- 
rement vers la fin du mois d'octobre ou vers 
la mi-novembre , à la suite des gros vents 
du nord, qu'il arrive dans le midi de la 
France. Cette espèce est donc émigrante, 
comme la plupart des pigeons. 


Le biset se trouve rarement à l’état sau- 
vage en Europe ; c’est uniquement dans le 
nord de l'Afrique et dans quelques îles de 
la Méditerranée qu'il se maintient dans une 
entière indépendance. Il ne pousse pourtant 
pas ses migrations jusqu’au delà du tropique. 

Cet oiseau vit, dans les contrées tempérées 
de l’Europe, dans une sorte de soumission 
volontaire. Il se plaît à peupler de ses nom- 
breuses tribus les gîtes qu’on lui offre, et 
dans lesquels il se multiplie d’une manière 
prodigieuse. Quelques individus à demi sau- 
vages fréquentent le midi de la France, 
où ils nichent entre les fentes des rochers, 
ou plutôt de quelques vieux édifices. Le bi- 
set pond seulement deux œufs blancs. 


La tourterelle habite assez avant dans le 
Nord, pas cependant vers les régions du 
cercle arctique. Elle vit néanmoins en plus 
grand nombre dans les bois et les taillis du 
Midi. Quoique sédentaire dans quelques pays, 
elle n’en est pas moins émigrante, ou de 
passage périodique dans quelques autres. 

Cet oiseau arrive dansle midi de l'Afrique et 
dela France, souvent si épuisé de fatigue qu'il 
se laisse tuer sans songer à prendre la fuite. 
Ilen reste un assez grand nombre dans cette 


ORDRES. 


IV. 
Gallinacés. 


V 
Passereaux, 


1° Chélidons. 


— 256 — 


GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


contrée, où cette espèce passe la belle sai- 
son et s’y reproduit. Les tourterelles nous 
quittent cependant en automne, et vont pas- 
ser l'hiver dans les contrées plus chaudes de 
la Chine et de l'Afrique. Elles vivent du reste 
dans le Midi par paires, réunies par troupes 
plus on moins nombreuses, et nous donnent 
|des exemples d’une fidélité touchante. C'est 
|à cette fidélité, ou à leur constance conju- 
[gale dont il est en quelque sorte l'emblème, 
que cet oiseau doit sa célébrité. 


Engoulevent(ca- L'engoulevent vit au milieu des bois et 
primulgus Linn.). des forêts rpprpne es ee et ee 
rairies, et cela dans toute l’Europe, plus 
ÆEngoulevent or: ane dans le Midi que dans le Nord. 
dinaire ( capri = |I1 se trouve plus fréquemment en Allemagne 

mulgus europœus et en France qu’en Hollande. 
Temm ) Au printemps, vers le mois d'avril, ou au 
7” plus tard en mai, il arrive dans le midi de la 
France ; rarement on en voit plusieurs en- 
semble. Ces oiseaux volent peu pendant le 
jour. Ils ne sortent guère que le soir , pour- 
suivant les insectes en volant, à la manière 
des hirondelles et des martinets. Les engou- 
Jevents nichent du reste dans le Midi, se bor-- 
nant à déposer leurs œufs dans un trou à terre, 
dans le creux d’un arbre, ou dans une fente 

de rocher. 


Engoulevent à| cet engoulevent se trouve dans les parties 
collier roux (ca— septentrionales de l'Afrique, le midi de l’'Es- 
: pagne, à Gibraltar et dans le Roussillon, où il 
primulg Li rufi col- RSA TenT tous les printemps. C’est éga- 
lis Temm.). lement au mois de mai, qu'ont été pris 
ceux qui ont été observés jusqu’à présent 
dans la partie sud du Languedoc. Cet oïseau 
paraît avoir les mêmes mœurs et les mêmes 

habitudes que l'espèce précédente, 


Martinet ( Cy-| Le martinet à ventre blanc, assez répandu 
pselus Illig.). peut-être à raison de e re de son . 4 
- £ se trouve dans toutes les îles de l'Archipel, 
Martinet à ven- à Malte, en Sardaigne, aux îles d'Ilyères , 
tre blanc (cypselus | en Tyrol, en Italie et en France. Il est plus 
alpinus Temm.) . [abondant en automne, et principalement au 
mois de septembre, que dans aucune autre 
saison de l'année. Ces oiseaux nichent habi- 
tuellement dans le midi de la France. Ils ar— 
rivent du reste plus tôt dans le Midi que le 
martinet de muraille. C'est le plus souvent 
au commencement du mois d'avril qu'ils 

apparaissent parmi nous. 


Martinet del Cette espèce visite non-seulement toute 

: l'Europe, mais elle étend encore ses excur- 
muraille (cypselus sions jusqu'au cap de Bonne-Espérance et 
murarius Temm.). {sur la côte nord-ouest de l'Amérique. Leur 
séjour se prolonge pen dans le midi de la 


GENRES ET ESPÈCES. 


ORDRES. 


À "4 
Passereaux, 


49 Chélidons. 


Hirondelle (hi- 
rundo Linn.). 

Hirondelle de 
cheminée (hirundo 
rustica Temm.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 
EEE 


France, comme dans le reste de cette contrée, 
où ces oiseaux arrivent à la fin d'avril, et 
en repartent vers la fin de juillet ou dans 
les premiers jours du mois d'août. D’après 
toutes ces circonstances, il est facile de sai- 
sir que les martinets, comme les hirondelles, 
avec lesquelles ils ont les plus grandes ana- 
logies, sont des oiseaux essentiellement émi- 
grants. 


L'hirondelle de cheminée se trouve dans 
toutes les contrées de l’Europe où l’homme 
a fixé son séjour. C’est aussi auprès des habi- 
tations qu’elle place son nid et dépose l’es- 
poir de sa race. Elle précède le plus ordi- 
nairement le retour du printemps dans le 
midi de la France. Du reste, l’arrivée de ces 
oiseaux est aussi fixe que régulière. 


Eu effet, d’après des observations suivies 
avec constance pendant trenute-quatre an- 
nées en Angleterre et quatre années sur le 
continent, l'apparition de ces oiseaux a va- 
rié du 1er avril au 23 du même mois. Leur 
venue à lieu par toutes sortes de vents, 
quelquefois même pendant des vents très- 
violents, ou même pendant des ouragans. 
Elle s’est également opérée, quoique la terre 
fût encore couverte de neige et le temps ex- 
trêmement froid. 


Le 14 avril a été dans ce long intervalle 
de temps le terme moyen de l'apparition 
des hirondelles ; mais il faut observer que 
ces oiseaux continuent souvent d'arriver 
quinze jours après leur première venue. Il 
en est de même de leur départ : quoique en 
général ils quittent les régions tempérées 
vers la mi-septembre, il n’est que trop 
connu qu'il en est un assez grand nombre 
qui en partent beaucoup plus tard, ou vers 
le milieu ou vers la fin d'octobre. 


Nous ferons encore remarquer que les hi- 
rondelles ont à peine paru, du moins en 
France, en 1832, dans les lieux où le choléra 
exerçait le plus complétement ses ravages. 
Ces oiseaux paraissent étendre leurs migra- 
tions au delà du tropique, et les pous- 
sent , ainsi que l’hirondelle rousseline, jus- 
qu’au Japon et même dans les diverses par— 
ties du globe, Comme nous avons décrit avee 
détail, dans l'explication de notre carte, 
la route suivie par cette hirondelle dans ses 
longues excursions , nous y renverrons. 
Nous ferons seulement observer que ce genre 
se signale principalement entre tous les oï- 
seaux par l'étendue et la régularité de ses 
migrations. Mais parmi les hirondelles, celle 
de cheminée se distingue surtout par l’u- 
niversalité de ses voyages. Elle se trouve 
partout , ainsi que nous l'avons déjà dit. 


17 


— 258 — 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


Y. 
Passereaux. 


1° Chélidons. 


Hirondelle rous- 
seline ( hirundo 
rufula Levaillant). 


Hirondelle de 
fenêtre (hirundo 
urbica Temm.). 


Hirondelle de 
rivage (hirundo ri- 
paria Temm.). 


C’est de cette espèce que l'Ecriture a voulu 
parler, en décrivant les longs voyages qu’elle 
entreprend, ainsi que les tourterelles, les mi- 
lans et la cigogne. Elle nous a dépeint égale- 
ment la régularité des retours de ces oiseaux 
au printemps, dès que la saison des frimas 
est passée. 


Cette hirondelle habite les contrées mé- 
ridionales de l'Afrique, particulièrement 
l'Egypte, d’où elle porteses excursions jusque 
dans le midi de l’Europe. Elle est de passage 
accidentel dans le midi de la France, ainsi 
que dans la Sicile et l'Archipel. Ses excursions 
ont lieu au moïs de mai; les seuls indivi- 


dus qui aient été rencontrés jusqu’à pré- 


sent étaient des mâles, 


L'hirondellè de fenêtre fréquente toutes 
les contrées de l'Europe, et ne pousse pas 
ses migrations au delà du tropique. Elle ar— 
rive ordinairement dans le midi de la France 
après l’hirondelle de cheminée, et cepen- 
dant elle paraît en repartir constamment 
avant cette espèce. 

f 


Cette hirondelle habite le bord des ri- 
vières de l'Europe et de l'Afrique méridio- 
nale, et niche ordinairement dans les mêmes 
contrées. Elle paraît être sédentaire dans 
l'île de Malte, et ne faire que passer dans le 
midi de la France, où elle arrive plus tard 
que l’hirondelle de cheminée. Comme nous 
avons décrit avec détail la route suivie par 
cette espèce pendant ses longues excur- 
sions , daus l'explication que nous avons 
donnée de notre carte, nous reuverrons à 
cet égard aux observations que nous ferons 
plus tard. Ses mœurs diffèrent de celles 
des espèces précédentes, qui ne nous quit- 
tent guère que vers l'équinoxe d'automne, 
pour se rendre dans des climats plus chaude, 
Du moins ces hirondelles se montrent pour 
lors au Sénégal, où elles passeraient l'hi- 
ver et changeraient de plumes. Cependant, 
d’après d’autres observations, les plus jen— 
nes de ces oïseaux s'engourdiraient l’hi- 
ver, et passeraient ainsi la rude saison, à 
la manière des loirs et des marmottes. Mais 
cet engourdissement ne les porterait pas, 
comme on l'avait supposé avant Spallan- 
zani, à passer l'hiver au fond des lacs ou 
des étangs. 


Quoi qu'il en soif, l’hirondelle des rivages 
niche &Gans le midi de la France. On l’a ob- 
servée particulièrement dans les environs de 
Beziers. Elle se cache dans des trous qu’elle 
creuse sur les Lords de la rivière de l'Ord. En 


— 259 — 


à 


ORDRES: 


hé 
Passereaux. 


19 Chélidons. 


GENRES ET ESPÈCES. 


Hirondelle de 
rochers ( hirundo 
rupestris Temm.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 
EE EN 


frappant fortement le sol, on parvient sou- 
vent à lui faire quitter sa retraite. 


L'opinion que nous venons de rapporter 
n'a jamais été appuyée sur des faits assez 
positifs pour être adoptée. Quelques indi- 
vidus pourraient bien se mettre l'hiver à 
l'abri du froid dans quelques trous de ra- 
chers, sans pour cela y être dans un en- 
gourdissement complet. Les individus qui 
se tapiraient ainsi succomberaient bientôt ; 
aussi n’en a-t-on jamais vu dans un pareil 
état dans les contrées méridionales pendant 
l'hiver. 

Le 10 décembre 1843, passant surles bords 
du Lez au bord du bassin de la chaussée de 
Sauret, nous avons aperçu, à notre grand 
étonnement, quatre hirondelles de rivage 
(kirundo riparia) qui planaient en se jouant 
à la surface des eaux. Nous sommes repassé 
deux jours après, le 12, dans le même lieu, 
et ces oiseaux y étaient ‘encure. 

La présence de ces oiseaux dans les envi— 
rons de Montpellier à une pareille époque 
tient sans doute à la beauté du mois de âé- 
eembre de l'année 18#3, et à la température 
élevée qui l’a particulièrement signalé. 


Cette hirondelle habite les rochers escar— 
pés des contrées méridionales de l'Europe. 
Elle ne parait pas du moins se rencontrer 
dans le Nord, quoiqu’elle se montre dans la 
Suisse, la Savoie, le Piémont et les Alpes. 
On est moins surpr is de la trouver en Espa- 
gne et dans les Pyrénées-Orientales. La plus 
printanière, elle arrive dans le midi de la 
France dès Îe mois de mars, et avant toutes 
les autres hirondelles. Elle niche dans le 
midi de la France, et dépose ses œufs entre 
les fentes des rochers. 


L'article relatif aux palmipèdes étant im- 
primé, nous croyons devoir placer i ici une ad- 
dition d’urr certain intérêt et qui est relative 
à l’apparition de l’hirondelle arctique (sterna 
&rclica) sur les côtes de Ja Manche, Cet oiseau 
n’a de commun avec les hirondelles que son 
nom vulgaire; il habite principalement 12s 
xochers qui bordent les mers arctiques. On 
le voit communément au Groënland, en Is— 
lande, aux îles Féroé et enfin à l’île Melville. 

Quoique habitant les pays froids, cet oiseau 
est arrivé en assez grand nombre aux envi 
rons de Dieppe le 2 octobre 1843. Il y est 
venu pour y chercher un abri contre le mau- 
vais temps ; maïs on ne se rappelait pas dans 
cette ville dé l'avoir jamais vu en aussi grande 
quantité que pendant l'automne de l’année 
1843. 

M. Josse Hardi qui habite Dieppe, et s'oc- 


— 260 — 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES, 
| 
V. 
Passereaux. 


20 Alcyons. Martin-pêcheur 

(alcedo Temm.). 
Martin-pêcheur 

alcyon (alcedo his- 


pida Temm. ). 


Guêpier (me- 
rops Linn.). 

Guêpier vul- 
gaire (merops a- 
piaster Temm.). 


Guêpier de Sa- 
vigny (merops Sa- 
vignyi Temm.). 


3° Anisodactyles.| Huppe (upupa 
Linn.). 

Huppe (upupa 
epops Temm.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


cupe avec zèle de l'histoire des oiseaux du 
nord de la France, à recueilli plus d’une 
trentaine d'individus de cette hirondelle si 
rare dans cette contrée. Elle l’est bien plus 
encore dans les départements méridionaux. 


Le martin - pêcheur vit au bord des eaux 
dans les différentes parties de l'Europe; il 
y est généralement plus rare dans le Midi 
que dans le Nord. Il fait deux passages dans 
les provinces méridionales dela France, l’un 
en automne et l’autre en hiver. Plusieurs in- 
dividus y passent cette dernière saison ; quel- 
ques autres y nichent assez ordinairement, 
et restent sédentaires dans nos contrées, où 
on les trouve constamment daus toutes les 
saisons. Si donc cet oiseau est sédentaire en 
partie, il n’en est pas moins émigrant, puis— 
qu'il exécute des migrations à des époques 
fixes et régulières, 


Le guêépier se rencontre principalement 
daus les parties méridionales de l'Allemagne, 
de la Snisse et de l'Italie. Il est plus commun 
en Italie, en Espagne, dans la Sicile, la Tur- 
quie et tout l’Archipel ; il pousse même ses 
excursions jusqu’au cap de Bonne-Espé- 
rance. 


C’est à l'époque du mois d'avril que ce 
guépier arrive dans le midi de la France, où 
il nous vient d'Afrique. Quoique ses passages 
soient constants et périodiques, ils ne sont 
pas toujours aussi nombreux qu'ils le fu- 
rent pendant l’année 1839. Ces oiseaux émi- 
grants effectuent leurs retours aux mois 
de septembre et d'octobre; maïs alors ils se 
montrent en petit nombre et comme isolés. 
On ne voit jamais cette espèce nicher dans 
nos localités, 


Cette espèce, qui habite l'Afrique, prin- 
cipalement la Nubie, l'Egypte et le Sénégal, 
étend ses excursions jusque dans le midi de 
la France. C’est le 11 mai 1832 que cet oi- 
seau s’est présenté pour la première fois à 
M. Lebrun, ornithologiste de Montpellier ; 
d’autres individus ont été rencontrés depuis 
lors même en assez grand nombre. 


La huppe se trouve dans toute l'Europe, 
au printemps et en été, étant partout de 
passage périodique. Comme elle vient d’A- 
frique, elle est plus commune dans le Midi 
que dans le Nord. Elle nous arrive dès les 
premiers jours du mois de mars, et, lors- 
qu'elle a pourvu à sa reproduction, elle re- 
tourne en Afrique aux mois de septembre 
et d'octobre. 


“ 


ORDRES. 


À 
Passereaux. 


3° Anisodaëtyles. 


40 Zigodactyles. 


— 961 — 


© ——_—_—_—_—_—_— EE ———_—_—_—_——_—_—_——— a — 


GENRES ET ESPÈCES. 


Tichodrome (ti- 
chodromaTemm.) 

Tichodrome é- 
chelette {tichodro- 
ma phœnicopiera 
Temm.). 


Grimpereau 
(certhia Temm.). 

Grimpereau fa- 
milier (certhia fa- 
miliaris Temm.). 


Silelle ( sitta 
Linn.). 

Sitelle torche— 
pot (situ europæa 
Term), 


Torcol {yunx 
Linn.). 

Torcol ordinai- 
re (yurix lorquilla 
Temm.). 


Pic (picus Linn.) 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 
IE PE A PM 


Quant à l’autre espèce de huppe (upupa 
capensis), elle ne paraît pas quitter l’Afri- 
que, en sorte que dans le même genre il 
existe des espèces sédentaires et émigrantes, 
circonstance que nous voyons se reproduire 
chez cet oiseau. 


Le tichoärome habite constamment les con- 
trées méridionales de l'Europe; il ne pa- 
rait pas du moins se montrer dans le Nord ; 
il,est au contraire assez commun en Italie 
et en Espagne. Cet oiseau se rencontre dans 
le midi de la France depuis l'automne, épo- 
que à laquelle il y arrive, jusque vers le mi- 
lieu du mois de mai, où il nous quitte pour 
se rendre dans les régions tempérées de 
l'Europe. Cet oiseau vit solitaire; aussi 
voyage-t-1l le plus ordinairement seul et si— 
leucieux. D'après les chasseurs, quelques cou- 
pies resteraient dans le midi de la France, et 
nicheraient sur les rochers escarpés des bords 
de l'Hérault. : 


Le grimpereau fréquente les bois des dif- 
férentes parties de l'Europe ; il est cependant 
de passage dans plusieurs contrées,comme par 
exemple, pendant l'hiver en Hollande, où il 
est pour lors extrêmement commun. Il arrive 
au contraire au printemps dans le midi de la 
France, et ne l’abandonne que dans le cou- 
rant des mois de septembre et d'octobre. Il 
parait pousser ses excursions jusque dans le 
nord de l'Asie et de l'Amérique. Cet oiseau 
émigrant paraît nicher dans les trous des 
arbres des forêts de la Lozère et des monta- 
gnes environnantes, 


La sitelle se rencontre fort avant dans le 
nord et dans le midi de l'Europe, et se mon- 
tre en grande abondance dans le centre de 
cette contrée. Les sitelles vivent sédentaires 
dans tous les climats; aussi les voit-on ni- 
cher dans les trous des arbres, et cela pres— 
que partout. Quoique ces oiseaux ne fassent 
pas leurs nids dans les environs de Montpel- 
lier, ils les construisent à peu de distance 
de cette ville, 


Le torcol se trouve dans le nord, le midi 
et le centre de l'Europe ; mais il ne s’'avance 
guère au delà de la Suède. Il ne fait pas de 
nid ; il se contente de déposer ses œufs dans 
les trous des arbres. Le torcol fait deux pas- 
sages dans le midi de la France, l’un au prin- 
temps, et l’autre aux mois de septembre et 
d'octobre. Ces oiseaux poussent leurs courses 
jusqu'au Japon. 


Ce pic habite le nord de l'Europe jusqu’en 


— 9262 — 


EE "© ————————— 


ORDRES: 


V 
Passereaux. 


4o Zigodactyles. 


GENRES ET ESPÈCES. 


Pic noir (picus 
martius Temm.). 


Pic vert (picus 
{viridis Temm.). 


Picépeicne (pi- 
cusmajor Temm.) 


Pic moyen (picus 
medius Linn.). 


Pie épeichette 
(picus minor Lin.) 


Coucou (cucu- 
lus Linn.). 
Coucou gris 
(cuculus canorus 
[Linn.). 


Coucou geai ou 
tacheté ( cuculus 
glandarius Tem.) 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
EEE LATE 


Sibérie. Il est peu commun dans les forêts de 
l'Allemagne, et se moutre rarement dans le 
midi de la France. Il fait son nid dans les 
trous des arbres, maïs il ne paraît pas nicher 
dans cette dernière contrée, 


Cette espèce se trouve dans toutes les par- 
ties de l'Europe, et notamment dans le midi 
de la France, où elle est sédentaire, et par 
conséquent où elle niche. 


L’épeiche fréquente principalement les 
boïs des pays montagneux de l’Europe. Il 
se montre aussi pendant l'été dans ceux du 
midi de Ja France; mais en hiver on le ren- 
contre assez souvent dans les champs. 


Ce pic, dont les habitudes sont à peu près 
les mêmes que celles de l’espèce précédente, 
semble seulement plus rare dans le midi 
de la France, où l’on en découvre par inter- 
valles quelques individus égarés. 


L'épeichette, peu répandue en France, 
est plus commune dans le nord que dans le 
midi de l'Europe; néanmoius elle passe en 
nombre assez considérable en automne dans 
le midi de la France, où par cela même elle 
ne niche jamais. 


Ce coucou se trouve dans toute l’Europe 
pendant l'été; mais il émigre l'hiver en 
Afrique et peut-être en Asie, où on le ren- 
contre aussi. Ses passages ont lieu dans le 
midi de la France dès les premiers jours 
d'avril; ces oiseaux se répandent ensuite 
partout, et se livrent aux soins de la repro- 
duction. Dès que la ponte est terminée, les 
mâles perdent leur voix, c’est-à-dire vers 
le milieu de juillet, époque à laquelle com- 
mence la mue. Au mois de septembre, les 
eoucous émigrent et passent en Afrique, 
en Asie, poussant leurs courses jusqu’au 
Japon. 


Ce coucou habite les côtes de la Barbarie, 
la Syrie, l’Esypte, le Sénégal, le Levant et 
l'Espagne. Il est partout ailleurs de passage 
accidentel, et, par conséquent, au lieu d'être 
une espèce émigrante comme le coucou gris, 
il est au contraire erratique. Il se montre 
done d'une manière fort irrégulière dans le 
midi de la France, où ses apparitions sont 
fort rares. 

Le coucou geai ou tacheté (cuculus glan- 
darius) a visité le midi de la France en mars 
et avril 1842. Cet oiseau voyage par couples; 
l’un de ces couples fut pris à Aigues-Mortes 
vers la fin d'avril; mais ses excursions sont 


ORDRES: 


Y. 
Passereaux. 


4° Zigodactyles. 


5° Granivores, 


— 263 — 


EEE mens eq 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


LL LEE 2 LEO ER | EAST D EE I IE RE AE EN GES, 


Gros-bec ({frin- 
gilla Temm.). 

Gros-bec char- 
donneret{fringilla 
carduelis Temm.). 


Gros-bec tarin 
(fringilla  spinus 
Temm.), 


Gros-bec size— 
rin (fringilla lina- 
ria Temm.). 


si irrégulières, que depuis cinq ou six ans on 
n'avait pas aperçu cette espèce dans le midi 
de la France. 


Des mœurs non moins remarquables ca- 
ractérisent un oiseau de Madagascar qui ap- 
partient à la seconde section du grand genre 
coucou (cuculus Linn.). Cet oiseau, nommé 
coua ou tamac acora par les Malgaches, 
c'est-à-dire hache escargot, a des habitudes 
extrêmement singulières. 


Il vit dans les bois, sautant de branche en 
branche, de rocher en rocher pour chercher 
des agathines, animaux de la grande famille 
des hélices ou escargots, qui forment sa prin- 
cipale nourriture. Lorsqu'il en a découvert 
une, quelle que soit sa grosseur, il l'emporte 
près d’une grosse pierre sur laquelle il monte 
tournant toujours, avec le bout de son bec, 
la coquille par l'extrémité de son ouverture. 
11 la frappe alors sur la pierre en levant et 
tournant la tête tantôt à droite, tantôt à gau- 
che. Lorsque, par le bruit du choc, il recon- 
naît que la coquille est cassée, il met une 
patte dessus, et avec son bec il retire le mol- 
lusque qu'il avale aussitôt. Si l'ouverture 
n’est pas assez grande pour en laisser passer 
le corps, le coua frappe de nouveau jusqu’à 
ce que la coquille soit suffisamment brisée. 


Cet oïseau habite depuis le Midi jusqu’en 
Sibérie ; maïs äl n’est pas sédentaire partout 
comme dans le midi de la France. En automne, 
les chardonnerets se réunissent par petites 
troupes et parcourent ainsi divers cantons. 
Pendant l'hiver ils s’abritent dans les buis- 
sons, et font leurs nids sur les branches flexi- 
bles des arbres. 


Le tarin, de passage périodique en France, 
habite le nord de l’Europe, où il paraît ni- 
cher. Il ne dépasse pourtant pas la Suède. Il 
passe dans le midi de la France en nombre 
plus ou moins considérable au mois de no- 
vembre et même une partie de l'hiver. Quel- 
quefois ce gros-bec fait un second passage au 
mois de mars, mais pour lors il ne s'arrête 
pas dans nos cantons. 


Cette espèce fréquente les contrées du cer- 
cle arctique, en Sibérie et au Kamtschatka. Il 
est également abondant dans l'Amérique mé- 
ridionale , et de passage accidentel dans le 
midi de la France. En effet, il ne s’y mon- 
tre‘guère qu'à des intervalles de trois ou 
quatre années, et encore avec peu d’abon- 
dance. Leur apparition a lieu par troupes 
de six à douze individus dans les mois de 
novembre et de décembre; mais cet oiseau 


ORDRES» 


V. 
Passereaux. 


5° Granivores. 


— 264 — 


EEE ———————— 


GENRES FT ESPÈCES. 


Gros-bec ventu- 
ron (fringilla ci- 
trinella Temm.),. 


Gros-beclinot- 
te ( fringilla can- 
nabina Temm.). 


Gros-bec nive- 
rolle ( fringilla ni- 
valis Temm.). 


Gros-bec d’Ar- 
dennes ( fringil- 
la monti fringilla 
Linn.). 


Gros-bec pin— 
son (fringilla cœ- 
lebs Linn.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


ne niche jamais dans le midi de la France. 
Cette espèce est donc erratique dans nos 
contrées. 


Le venturon serencontre dansles provin- 
ces méridionales de l'Europe, de la Grèce, 
de la Turquie , de l'Italie ; il est assez com- 
mun en Suisse et dans le Tyrol. Il est de pas- 
sage accidentel en Allemagne et en France, 
mais jamais en Hollande. Ses passages ont 
lieu dans le midi de la France au mois de 
novembre et par troupes plus ou moins nom- 
breuses. Ces oiseaux erratiques sont cepen- 
dant très-rares certaines années; ils prou- 
vent, ainsi que fant d’autres espèces , que. 
rien n'est plus irrégulier ni plus incertain 
que les passages accidentels. 


Ces oïseaux habitent la plus grande partie 
de l'Europe; on les voit jusqu'au cap de 
Bonne-Espérance. Quoique sédentaires dans 
le midi de la France, les linottes n’y font pas 
moins deux passages, l'un en automne, et 
l’autre au printemps, et cela par bandes sou- 
vent assez nombreuses. Elles nichent dans 
nos contrées, et prouvent, comme tant d’au- 
tres , que la même espèce est à la fois séden- 
taire et émigrante. 


Le gros-bee niverolle fréquente les hautes 
montagnes de l'Europe; aussi ne se montre- 
t-il dans le midi de la France que très-rare- 
ment et d'une manière accidentelle pendant 
l'hiver. Les individus qui nous arrivent ainsi 
paraissent des oiseaux égarés. 


Cette espèce habite les régions polaires et 
les hautes montagnes où elle niche; ce qu'elle 
ne fait pasen France. Ses passages sont ré— 
guliers, mais ils ne sont pas toujours nom-— 
breux en individus. Du moins on en voit 
peu dans les contrées méridionales, quand le 
froid n’y est pas rigoureux et que laterre n'est 
pas couverte de neige. Ces oiseaux volent par 
troupes, mais ils ne nous arrivent qu’une 
seule fois, c'est-à-dire en hiver. Néanmoins 
ils sont sédentaires dans quelques contrées, 
et de passage régulier dans d'autres, comme 
par exemple la Hollande. Ils poussent parfois 
leurs excursions jusqu'au Japon. 


Le pinson se rencontre dans presque toute 
l'Europe, où il est à peu près généralement 
de passage. Ainsi il émigre dans le midi dans 
les premiers jours du mois d'octobre. Con- 
trairement aux habitudes des oiseaux, les fe- 
melles y précèdent les mâles. Mais à l'époque 
du printemps, ces oiseaux opèrent leur re- 
tour dans les régions plus froides; néan- 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. 


SES | SEE SEE 


> 
Passereaux. 


5° Granivores. 
Gros - bec cini 
(fringilla serinus 
Linn.). 


Gros — bec fri- 
quet ( fringilla 
montana Linn.). 


Gros-bec cisal- 
pin (fringilla ci- 
salpina Temm.). 


Gros-bec moi- 
neau ( fringilla do- 
mestica Linn.). 


Gros-bec soulcie 
(fringilla petronia 
Linu.). 


Gros-bec ver- 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES CISEAUX, 
ES 


moins il en reste un certain nombre qui 
nichent dans nos contrées méridionales, où 
ils recherchent les lieux les plus frais et les 
plus ombragés, 


Le cini es£ plus rare dans le centre de l’Al- 
lemagne et de la France que dans le Midi, où 
il est assez abondant. Quoique sédentaire 
dans la dernière de ces contrées, il y opère 
cependant deux passages, l’un au commence- 
ment de novembre, et l'autre au mois de mars. 
Ces oiseaux voyagent ordinairemnt par trou- 
pes nombreuses, et font leurs nids sur les 
branches des arbres. 


Cet oïseau se trouve dans le nord et lemidi 
de l'Europe, depuis le Portugal jusqu’en Si- 
bérie et en Laponie. Il vole ordinairement en 
grandes bandes, reste sédentaire dans le midi 
de la France, où il niche. Il pousse parfois ses 
excursions jusqu’au Japon. 


Le gros-bec cisalpin est répandu dans la 
Dalmatie, le Piémont, l'Italie et l’Archipel, 
ainsi que sur le mont Cenis. Il arrive dans le 
midi de la France en septembre et en octo— 
bre, et se mêle presque toujours avec les 
troupes du moiïineau ordinaire. Mais il ne ni- 
che point en deçà des Alpes d'Italie. 


Le moineau se trouve depuis les provinces 
méridionales de la France jusque dans les ré- 
gions du cercle arctique. Cette espèce, rare 
en Italie, est répandue depuis les Alpes jus- 
qu'aux Pyrénées, où elle est sédentaire et ni- 
che constamment. On sait combien les moi- 
peaux sont des parasites incommodes pour 
nous ou nos habitations, dont on ne peut 
guère les expulser. C’est une des espèces les 
plus complétement sédentaires; aussi les An- 
glais ont profité de cette circonstance pour 
détruire cet oiseau dans les îles Britanniques, 
ce qu'ils n'auraient pas pu faire si le moi- 
neau avait voyagé. 


Les soulcies habitent principalement les 
provinces méridionales de l'Europe ; elles 
sont sédentaires en Italie et en Grèce. Ces oi- 
‘seaux, de passage accidentel dans-le midi 
de la France, y arrivent ordinairement dans 
le courant du mois d'octobre. Ils n’y sont, du 
reste, abondants que lorsque le froid est ri-- 
goureux, et que les pays d’alentour sont 
couverts de neige. Aussi ne nichent-ils ja- 
mais parmi uOus. 


Le verdier fréquente presque toutes les 
contrées de l'Europe. Quoique sédentaire dans 


Passereaux. 


5° Granivores, 


GENRES ET ESPÈCES. 


dier ( fringilla 
chloris Temm.). 


Gros-bec vul- 
gaire(fringilla coc- 
cothraustes Tem.) 


Bouvreuil (pyr- 
rhula Briss.). 

Bouyreuil com- 
mun  { pyrrhula 
vulgaris). 


Bec-croisé (lo- 
æia Briss.). 

Bec-croisé com- 
mun (loxia curvi- 
rostra Temm.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
TS | 


le midi de la France, il en passe néanmoins 
une grande quantité en automne, qui sem- 
blent se diriger vers le sud. Ceux qui nous 
restent l'hiver se réunissent par grandes trou- 
pes, se mêlent aux pinsons etaux linottes, et 
vivent ainsi avec eux de communauté jus- 
qu’à l'approche du printemps. Cette espèce 
niche dans le midi de la France. 


Cet oïseau habite presque toute la France, 
où il niche principalement vers le nord de 
cette contrée. Aussi, pour satisfaire au besoin 
de la reproduction, il quitte le midi de la 
France au printemps. Il n’est, du reste, jamais 
abondant dans cette contrée que pendant les 
années où l'hiver est rigoureux. Lorsque le 
froid est peu intense, on n’en voit presque pas 
parmi nous. Cet aperçu des mœurs des gros- 
becs est suffisant pour prouver qu'il existe à 
la fois dans ce genre des espèces sédentaires, 
émigrantes et erratiques, ce qui confirme 
pleinement tout ce que nous avons dit à cet 
égard. 


Le bouvreuil, commun dans toute la 
France, est également assez répandu dans le 
Nord, même en Sibérie, ainsi que dans tout 
l'Orient. Il pousse ses excursions jusqu’au 
Japon. Cet oiseau arrive dans le midi de la 
France en automne, et reste l'hiver dans les 
bois de nos montagnes, où il ne niche pour- 
tant jamais. 


Quant à l'autre espèce de ce genre, le 
bouvreuil à longue queue (pyrrhula longi- 
cauda Temm.), il ne passe jamais parmi nous, 
n'étendant pas ses excursions au delà de la 
Sibérie, des provinces méridionales de la 
Russie et de la Hongrie. Il en est de même 
des bouvreuils dur-bec de Pallas et cramoisi 
(pyrrhula enucleator, rosea et erythrina), 
qui habitent le nord de l’Europe et de l’Amé- 
rique. 


Le bec-croisé vit dans le nord de l'Europe, 
où il semble séjourner pour nicher. Il est 
moins commun en Pologne, en Allemagne et 
en France. Il ne passe que très-accidentelle- 
ment dans le Midi, et à des époques plus ou 
moins éloignées. Les passages des gros-becs 
dans nos régions paraissent déterminés par 
la rigueur des saisons des pays qu'ils habi- 
tent. Ainsi il y en a eu beaucoup dans le Midi 
en 1836, 1837, 1838 et 1839, surtout dans les 
bois de pins, où ces oiseaux se réfugient en 
troupes nombreuses.On les y rencontre princi- 
palement en été et en automne, mais non d’une 
manière constante, ainsi que nous l'avons déjà 
fait observer. Aussi ne niche-t-il point parmi 
uous, Il doit être rangé parmi les espèces er- 


GENRES ET ESPÈCES. 


ORDRES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 
RS  - 
Y. ratiques, ses passages étant aussi irréguliers 
Passereaux qu’accidentels. 
. 


5° Granivores. 


Bruant (embe- 
riza Linn.), 

Bruant montain 
( emberiza calca- 
rata Linn.). 


Bruant mitilè- 
ne (emberiza les- 
bia Temm.). 


Bruantrustique 
(emberira rustica 
Temm.). 


Bruant fou ou 
de pré (emberiza 
cia Linn.). 


Bruant zizi 
(emberiza cirlus 
Temm.), 


Quant au bec-croisé des sapins ({oæia py- 
thiocampus), il n'arrive pas jusque dans le 
midi de la France. 


Le bruant montain habite les régions bo- 
réales, et niche au Groënland, en Sibérie et 
en Laponie. Il en émigre l'hiver, d'où il se 
répand jusqu’en Allemagne. Les jeunes éten- 
dent leurs migrations jusqu’en Suisse, en 
Angleterre, et plus rarement jusque dans le 
midi de la France. Mais ces passages ne pa- 
raissent pas être fixes ni périodiques, ce qui 
rattache le montain aux oiseaux erratiques. 


Cette espèce des parties orientales du midi 
de l’Europe paraît également être commune 
en Crimée et en Grèce. Elle pousse ses excur- 
sions jusqu’au Japon, et quelques individus 
s'égarent dans le midi de la France et en Al- 
lemagne. 


Ce bruant, qui habite les parties orientales 
de l'hémisphère boréal, se trouve en Asie, au 
Japon, en Daourie, en Crimée, et accidentel- 
lement dans le nord de l’Europe. C’est aussi 
très-rarement que cet oïseau erratique se 
rencontre dans le midi de la France. 


Le fou se rencontre dans les parties orien- 
tales de l’Europe. Très-abondant en Italie, 
en Espagne, et sur les bords de la Méditer- 
ranée, il est beaucoup plus rare en France. 
Du moins il ne passe que très-accidentelle- 
ment dans le midi de la France lorsque le 
froid est rigoureux. Il est alors assez com- 
mun pendant l’hiver, et paraît arriver de 
l'Auvergne, Cet oiseau, qui niche en Allema- 
gne, étend ses migrations jusqu'en Sibérie et 


au Japon. 


Le zizi se trouve principalement dans les 
contrées méridionales, comme la Suisse et l’I- 
talie. Il ne paraît pas avoir été rencontré 
dans le Nord. Il arrive plus ou moins acci- 
dentellement dans le midi de la France, aux 


mois d'octobre et de novembre, par petites 
troupes ‘de six à dix individus. Leur second 
passage à lieu au mois d'avril; plusieurs res- 
tent l'été dans les contrées méridionales pour 
y nicher; ils fréquentent alors les bois des 
pays montueux avec d’autres oiseaux er- 
ratiques. 


Cet oïseau habite la Syrie, l'Egypte, la 
Nubie, et peut-être la Barbarie, Il se montre 
accidentellement en Autriche, comme dans le 
midi de la France. 


Bruant cendril- 
lard (emberiza ceæ- 
sia Temm.). 


ORDRES, 


YV. 
Passereaux. 


5° Granivores. 


GENRES ET ESPÈCES. 


Bruant ortolan 
(emberiza hortu- 
lana Linn.). 


Bruant des ma- 
rais (emberizu pa- 
lustris Temm.). 


Bruant des ro- 
seaux (emberiza 
schæniculusTem.) 


Bruant proyer 
(emberiza miliaria 
Temm.). 


Bruant jaune 
(eml'eriza citrinel- 
la Linn.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


Se 


Les ortolans sont plus répandus dans Jei 
midi que dans les provinces du centre del 
l'Europe. Quelques individus s’avancent ce 
pendant jusqu’en Hoïlande ét en Suède. 

Ces oiseaux, fort communs en Italie et e 
Espagne', paraissent arriver de cette contré 
en avril par petites troupesde six à vingtin 
dividus, Ils voyagent le plus ordinairement 
la nuit, et lorsqu'il fait clair de lune. U 
grand nombre s'arrête dans le Midi pou 
nicher soit dans les boïs soit dans les vignes, 
Les plus jeunes individus de cette espèc 
préfèrent généralement les lieux ombragés 
aux champs où végètent les vignes. 


Cette espèce commence à quitter le midi 
de la France dans le courant des mois d'août 
et de septembre, les jeunes avant les vieux. 
Comme ja plupart des oiseaux qui passent 
l'été dans nos climats, les ortolans y nichent 
ainsi que nous l'avons déjà fait observer, et 
sont des espèces essentiellement émigrantes. 


Ce bruant fréquente le midi de la France 
et de l'Italie ; il n’a pas du moins été ren 
contré ailleurs. Cette espèce niche dans les 
contrées méridionales au bord des marais, 
Ses passages ont lieu à la fin d'octobre, ou au 
commencement de novembre; mais ils sont 
entièrement terminés en décembre. 


Cet oiseau habite depuis les provinces mé 
ridionales de l'Italie jusque dans les régions 
froides de la Suède et de la Russie. 11 est 
commun en Hollande et dans le midi de Ja. 
France, surtout en hiver dans cette dernière 
contrée. Il diffère essentiellement de l'espèce 
précédente par ses habitudes qui ne le portent 
jamais à faire son nid dans les provinces mé- 
ridionales de la France. 


Le proyer, répandu dans toute l’Europe, 
se trouve jusqu'en Morée. Il est également 
très-commun dans le midi de la France, où 
il est sédentaire. Aussi au printemps chaque 
couple cherche un endroit favorable pour 
nicher. La ponte opérée, ces oiseaux se réu- 
nissent en familles ; à l'approche de l'hiver, ils 
forment de petites troupes, et commencent 
leurs voyages, mais ils n'abandounent jamais 
les contrées méridionales de la France, en 
sorte que cet oiseau est tantôt sédentaire et 
tantôt erratique. 


Ce bruant Habite les provinces méridionales 
des contrées orientales de l'Europe. Il est 
commun en Dalmatie, dans tout le Levant, 
en Istrie, à Trieste, ainsi que sur les côtes de 
l'Adriatique. Il visite en hiver le midi de la 
France, et nous quitte à l'approche du prin- 


sa Granit 


GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


temps. On le voit dans nos provinces en grand 
nombre, lorsque le froid est rigoureux, et 
que la terre est couverte de neige et de 
frimas. D'après cette énumération, on voit 
que, parmi les nombreuses espèces de bruants, 
trois espèces seulement nichent parmi nous; 
ce sont le bruant des marais, le proyer et 
l'ortolan, 


M: 
Passereaux. 


50 Granivores. 


Les mésanges remiz habitent la Pologne, 
l'Autriche, l’Italie, la Silésie, mais jamais le 
centre et le nord de la France. Elles vivent 
sédentaires dans le Midi, où elles nichent ha- 
bituellement, s’occupant environ dix-huit ou 
vingt jours à la confection de leur nid, un 
des mieux construits de ceux qu'exécutent 
les oiseaux. En automne, ces mésanges se ré- 
pandent ailleurs par petites troupes de six à 
huit individus, qui ne s'arrêtent guère que 
dans les endroits humides. Les mâles parais- 
sent être plus nombreux que les femelles. 
Du reste, nous ferons remarquer que les pe- 
tites troupes de ces mésanges semblent com- 
posées de diverses familles qui ne se séparent 
qu'aux approches du mois de mars. 


Mésange ( pa- 
rus Linn.). 
Mésange remiz 
(parus pendulinus 
Temm.). 


Cette mésange fréquente le nord de l'Eu- 
rope, l'Angleterre, la Suède, l'Asie et les 
bords de la mer Caspienne , se montrant en 
grande abondance en Hollande. Elle est sé- 
dentaire dans le midi de la France, etse réu- 
nit en hiver après les couvées, en troupes 
assez nombreuses. Cette espèce niche princi- 
palement dans les lieux marécageux de la 
France méridionale. 


Mésange à mous- 
tache (parus biar- 
micus Temm.). 


Mésange à lon- 
gue queue (parus 
caudatus Temm.). 


La mésange à longue queue est commune 
en hiver dans tous les pays de l'Europe, et 
surtont en Hollande. Elle vit en été dans l’é- 
paisseur des bois; mais en automne et en 
hiver, elle s'approche des habitations. C'est 
surtout dans cette saison que ces mésanges se 
montrent dans le midi de la France. Cette 
espèce, ainsi que la mésange bleue, grande 
et petite charbonnière, se rencontre jus- 
qu’en Asie et au Japon. 

Malgré les habitudes que nous venons d’at- 
tribuer à cette mésange, elle ne paraît pas 
nicher dans nos provinces méridionales. 


Mésange non- 
netle (parus palu- 
stris Temm.). 


La nonnette, très-commune en Hollande, 
est assez répandue dans toute l'Europe, sur- 
tout dans le Nord. On ne la voit guère dans 
le midi de la France qu'en hiver ; encore y 
est-elle assez rare. 


Quoique cet oiseau soit peu commun en 
Hollande, il habite cependant le nord de 


Mésange hup- 


_-9700€ 


ORDRES: 
V. Ipée (parus crista- 
Passereaux. tus Femm.). 


5° Granivores. 


Mésange bleue 
(parus cϾruleus 
Linn.). 


Mésange petite 
charbonnière (pa- 
rus ater Linn.). 


Mésange char- 
bonnière ( parus 
major Linn.). 


Alouette (alau- 
da). 

Alouette calan- 
dre (alauda catan- 
dra Einn.). 


Alouette calan- 
drclle (alauda bra- 
chidactyla Tem.) . 


GENRES ET ESPÈCES. | 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


l'Europe. Il est peu répandu en France, etse 
montre assez rarement dans le Midi. Il ne s’y 
trouve que d’une manière tout à fait acci— 
dentelle, seulement lorsque les hivers sont 
rigoureux. 


Cette espèce vit dans toute l'Europe, ainsi 
que sur la côte d’Afrique et aux Canaries. 
Elle arrive dans le midi de la France au mois 
d'octobre, et en général en grandes troupes. 
Elle y séjourne jusqu’au mois de janvier; 
après cette époque on la voit plus rarement 
seule et par paires. Cette espèce ne niche pas 
non plus dans le midi de la France. 


Cette mésange habite le nord de l'Eu- 
rope pendant la belle saïson, et visite les 
contrées méridionales pendant l'hiver. Elle 
arrive du Nord dans le midi de la France en 
automne ; rarement y vient-elle avec une 
certaine abondance. 


Cet oïseau se rencontre dans toute l’Eu- 
rope; il vit sédentaire dans le midi de la 
France, niche au printemps, et se fait re- 
marquer par sa fécondité. En automne, les 
charbonnières sont beaucoup plus abon- 
dantes dans nos provinces, parce qu'outre 
celles qui sont provenues des pontes il nous 
en arrive des pays septentrionaux. Elles font 
leurs nids dans les trous profonds des arbres, 
et michent habituellement dans nos contrées. 

Du reste, quoique les mésangessoient assez 
généralement des oiseaux sédentaires, il est 
cependant quelques espèces de ce genre qui, 
se livrant accidentellement à des passages, 
doivent être considérées comme erratiques. 


La calandre habite seulement le sud de 
l'Europe ; elle est fort commune dans le midi 
de la France, surtout après la ponte, où les 
‘jeunes se réunissent aux vieux et volent de 
|concert en troupes nombreuses. Cette espèce 
est donc sédentaire dans les provinces méri- 
dionales, où elle niche constamment. Onla 
trouve également dans le nord de l'Afrique, 
en Turquie, dans les provinces méridionales 
de l'Asie, en Espagne, en Italie, et, ce qui est 
plus remarquable, en Allemagne, où cepen- 
dant elle est fort rare. 


La calandrelle se trouve dans toutes les 
| contrées du midi de l'Europe, qui avoisinent 
la Méditerranée. Elle paraît émigrer en Afri- 
que; du moins elle commence à arriver dans 
les contrées méridionales de la France du 6 
au 10 avril. Leurs passages durent environ 
vingt-cinq jours; un assez grand nombre des 
individus qui en font partie y restent pen- 


— 971 — 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. 


| 


Y. 
Passereaux. 


5° Granivores. 


Alouette coche- 


ris (alauda cri- 
 stata Linn.). 


lc 


Alouette Iulu 


RL 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: 


dant l’été. Ils nichent chez nous dans un 
sillon, sous une souche de vigne, ou entre 
deux mottes de terre. Cet oiseau ne paraît 
pas se trouver dans le nord de la France, ni 
en Hollande, 


Cette espèce vit dans plusieurs contrées du 
midi de l’Europe, ainsi qu'en Egypte et en 
Morée. On la trouve néanmoins en Suisse et 
en Allemagne; elle s’avance parfois plus 
avant dans le Nord. Elle est sédentaire dans 
le midi de la France, et vit par familles une 
fois que les couvées sont opérées : les jeunes 
suivent le plus constamment les vieux. 


Cette alouette habite une grande partie de 


alauda arborea l'Europe jusqu'en Suède et en Russie. Elle 


 Linn.). 


Alouette Du- 
pont (alauda Du- 


‘pontii Vieillot). 


vit sédentaire dans le miüi de la France, où 
elle établit son nid, sous quelques mottes de 
bruyères, ou auprès d’un buisson. Elle forme 
souvent de petites troupes de quinze à vingt 
individus, et souvent d’un plus grand nom-— 
bre. Quoique sédentaire dans nos provinces 
méridionales, l’alouette lulu y passe en au- 
tomne. Plusieurs familles de ces nouveaux 
venus y séjournent l'hiver ; maïs, à l'approche 
du printemps, elles partent pour d’autres ré- 
gions plus froides, à l'exception du petit 
nombre d'individus qui restent pour nicher. 


Cette espèce se montre parfois dansle midi 
de la Franee, paraissant nous arriver d’A- 
frique; mais généralement elle y est de 
passage très-accidentel, et s’y montre fort 
rarement. 


| Alouette des! L'alouette des champs se rencontre dans 


champs 


 arvensis Linn.). 


QE 


Alouelte à col 


( alauda 


toute l'Europe jusqu’en Sibérie, elle étend 
même ses courses en Asie et jusque dans 
toutes les parties septentrionales de l'Afri- 
que, principalement l'Egypte et la Syrie. Elle 
est très-répandue dès le mois d'octobre dans 
les plaines du midi de [a France. Elle y ar- 
rive par petites bandes; pendant tout le 
temps que dure leur passage, ces oiseaux se 
répandent dans les champs, où ils se tiennent 
constamment à terre. Le nombre de ceux qui 
restent l'hiver est assez considérable ; mais, à 
l'approche du printemps, les alouettes s'iso- 
lent et se dispersent. De communes qu'elles 
étaient, il n’en reste plus qu’un petit nombre 
qui nichent dans nos environs. Elles s'établis- 
sent pour lors dans les marais, ce qui leur a 
même valu le nom de l’aouzelto de Palus. 
Elles ne les quittent qu’à l’arrivée des indi- 
|vidus qui ont été nicher plus au nord. 


Cette alouette habite le nord de l'Europe, 
deVAsie et de l'Amérique; elle se montre à 


— 972 — 


© © © Ur 


ORDRES, GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


D ren A me Me: 


_|l'époque de ses passages en A'lemagne, en 
re noi terre 5 Hollande et ue en France. Elle est 
Passereaux. pestris) à très-rare dans le midi de cette contrée, où 

elle ne niche jamais. 

On peut faire sur les alouettes les mêmes 
observations que nous avons faites sur les 
mésanges, c’est-à-dire que, quoique le plus 
généralement sédentaires, elles se livrent ce- 


pendant à des excursions passagères et plus 
ou moins éloignées. 


5° Granivores. 


GvInsectivores. Pipit (anthus 
Bechst). 

Pipit des buis- 
sons (anthus ar- 


boreus Bechst). 


Le pipit des buissons visite toute l’Europe; 
il est très-abondant dans le midi de la 
France, à l'époque de son passage en au- 
tomne. Il reparaît au printemps ; mais alors 
cet oiseau ne fait que passer rapidement : ce 
n’est jamais que quelques individus égarés 
qui y séjournent l'hiver. Cette espèce, ainsi 
que le pipit spioncelle, pousse ses migrations 
jusque dans toute l'Asie et même jusqu'au 
Japon. Ce dernier a même été observé dans 
l'Amérique septentrionale. 

Le pipit des buissons a tellement l'amour 
des voyages, qu'il est le compagnon fidèle des 
ortolans, lors de leurs passages, abandonnant 
peu ces oiseaux dans leurs longues traversées. 
Il est donc émigrant come eux; car ses 


passages sont également périodiques et régu- 
liers. 


Cette espèce, nommée en Provence pivouel- 
loun, habite toute l'Europe; elle paraît passer 
l'hiver en Afrique. Elle se montre dans le 
midi de la France, dans les premiers jours du 
mois d'octobre et y passe l'hiver. Ce pipit 
voyage par petites troupes, fréquente nos 
bois, et va nicher dans les montagnes des 
Cévennes. Cet oiseau se trouve en Asie et 
particulièrement au Japon. 


Pipit farlouse 
(anthus pratensis). 
Pipit rousseline| Cette espèce fréquente la plus grande par- 
(anthus rufescens tie de l'Europe, et principalement le Midi 
é pendant l'été; elle arrive dans les provinces 
T emm.) ° méridionales de la France au commencement 
d'avril. Une assez grande quantité reste pen- 
dant l'été; aussi cet oiseau niche-t-il parmi 
nous. Néanmoins nous en avons un second 
passage dès les premiers jours du mois de 
septembre; mais bientôt, quoique ce dernier 
soit fort abondant, il n'en reste plus un seul 
dans nos contrées. 
Pipit spioncelle j si mpié vit dans AU AEAUEnE mais 
; iculièrement dans le Midi; il se trouve x 5 
(anthus aquaticus moins, ainsi que nous l'avons déjà fait obser- 
Bechst), ver, dans l'Amérique septentrionale et au Ja- 
pon. Il arrive dans le midi de Ja France, au 
mois d'octobre, et y reste jusque vers la fin 
d'avril; mais il ne paraît pas nicher parmi 
nous dans ce long intervalle. 


— 275 — 


GENRES ET ESPÈCES. 


LE Pipit Richard 
Passereaux. |(anthus Richardi 
Vieillot). 
60 Insectivores. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


Cet oïseau se rencontre en Allemagne, en 
Autriche, en France et en Espagne. I] passe 
dans le midi de la France vers la fin du mois 
de septembre et en octobre, généralement en 
petit nombre et isolément. D'après l'exact 
ubservateur de la Provence, Roux, cet oïseau 
y ferait un second passage dans le mois d’a- 
vril; mais il n’y à pas d'exemple qu'il ait 
niché dans nos environs. 

Parmi les faits qui démontrent l'influence 
des saisons sur les migrations, nous en cite— 
rons un que nous avons eu l'occasion d’ob- 
server récemment. 

L'époque des passages du pipi Richard 
(anthus Richardi) est d'ordinaire, vers Ja 
fin du mois de septembre et le corumence- 
ment d'octobre. En 1840, ces oiseaux ne 
sont arrivés dans les contrées méridionales 
de la France que vers le commencement du 
mois de novembre, c’est-à-dire depuis le 7 
ou le 8. Dès ce moment, ces oiseaux ont été 
vus en grand nombre dans le midi; ils y ont 
paru non avec la livrée du jeune age, mais 
bien avec celle des adultes. 

Ce retard a été en rapport avec celui des 
saisous et des lunes. La lune d'octobre se 
trouvant, en 1840, au mois de novembre, 
les orages ordinairement fréquente en août 
et en septembre, ont eu lieu un mois plus 
tard, en septembre et en octobre, et dans les 
premiers jours du mois de novembre. C’est 
vers la fin d'octobre et le commencement du 
mois suivant, que les pluies ont fait sortir de 
leurs lits la Loire, le Rhôue, la Saône et tant 
d’autres rivières dont les débordements ont 
occasionné des inondations plus terribles que 
celles fameuses de J’année 1755. 

La température a été en harmonie avec ces 
phénomènes ; du moins elle s'est maintenue 
pendant tout le mois de novembre à peu près 
au même cegré qu’elle a le plus ordinaire- 
ment pendant le mois précédent. Les oiseaux, 
trompés par ces circonstances, sont arrivés 
dans les régions méridionales plus tard qu'ils 
ne le font ordinairement ; ainsi les saisons et 
leurs variations ne sont pas sans influence 
sur les migrations et les passages des oiseaux. 
L'époque de la mue n’aurait donc pas d’ac- 
tion sensiblesur les voyages de ces animaux, 
dont on ne peut comprendre les motifs sans 
étudier une à une les causes qui peuvent les 
provoquer et en régler le cours. 

Du reste, les retards que les passages de 
ces oiseaux ont éprouvés dans le midi de la 
France en 1840, n’ont rien de commun avec 
les excursions habituelles auxquelles se Ji- 
vrent certaines espèces. Telles sont celles des 
cailles, qui sont arrivées daus les environs 
de Montpellier vers la mi-novembre, eu deux 
mois environ après l’époque où elles nous 
viennent ordinairement. 


13 


— 914 — 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


les ont fait refluer vers le département de 
l'Hérault, où de pareils débordements ne se 
sont point opérés. 

Il en a été de même de l'apparition subite 
des flamants (phenicoplerus antiquorum) ; 
ces oiseaux sont venus en grand nombre 
dans le département de l'Hérault à la même 
époque que les cailles, et par suite de la 
même cause. Sans doute les flamants sont à 
peu près sédentaires dans nos cantons , mais 
on les y a aperçus en plus grande quantité 
en 1840 , à raison des terribles inondations 
qui ont eu lieu au mois de novembre. 


Il serait d’un haut intérêt pour l'étude du 
phénomène des migrations, que les personnes 
placées dans des positions exceptionnelles, 
telles par exemple que les moines du Saint- 
Bernard, tinssent note des passages des oi— 
seaux, surtout au renouvellement des sai— 
sons. Cet objet a déjà attiré l'attention de 
ces bons moines. En effet, M. Deléglise a 
donné quelques détails à cet égard dans le 
cahier de novembre 1843 de la Bibliothèque 
universelle de Genève, 

Il rapporte que, le 3 novembre, un passage 
considérable d'oiseaux avait eu lieu au Saint- 
Bernard, et qu'il avait duré depuis sept heures 
du matin jusqu’à deux heures de l'après-midi. 
On ne put reconnaître parmi ces oiseaux que 
le bruant, la linotte, le pinson, le chardonne- 
ret et l'alouettte. Ce passage a continué pen- 
dant toute la matinée du 4. 

Cette observation prouve que les espèces 
différentes voyagent souvent ensemble, quoi- 
que leurs mœurs et leurs habitudes ne soient 
pas les mêmes. 

Enfin M. Deléglise nous apprend encore 
que le 13 du même mois on a pris auprès de 
l’hospice un pluvier gris et une bécasse ; mais 
ce qui est le plusextraordinaire, c’est que l’on 
y à aperçu également une foulque, quoique 
cette espèce soit essentiellement aquatique. 
Du reste tous ces oiseaux, comme il est fa— 
cile de le présumer, sont très-rares à une 
hauteur aussi considérable que celle à la- 
quelle est situé le couvent du Saint-Bernard, 

Si de pareilles observations se continuaient 
dans un grand nombre de lieux, et si l'on y 
tenait une note exacte de l’époque à laquelle 
s'opèrent les passages des oiseaux, et de leurs 
espèces, on pourrait de cette manière con 
trôler tout ce que nous savons sur un phé- 
nomène dont la régularité n'est pas un des 
faits les moins curieux. 


Leur venue extraordinaire 4 tenu aux 

grandes inondations qui ont eu lieu dans la 

Ho Camargue et le département du Gard ; elles 
G°Insectivores. , 


Pipit à gorg Quant au pipit à gorge rousse (an{hus ru- 
D 8 |fogularis), ilest de passage très-accidentel 


— 275 — 


GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


ORDRES. 
Y. rousse (anthus ru-|dans le midi de la France, où il arrive de 
« la Syrie et de l'Egypte. On en a tué quatre 
Passereaux.. | fogularis). individus à Montpellier, en 1841. Ces oiseaux 
paraissent tellement voyager par couples que 
G°Inseclivores. parmi ces quatre individus, les seuls quisaient 


été aperçus, il y avait deux males et deux fe- 
melles. 


La bergeronnette se trouve en Angleterre 
et dans le midi de la France, où elle arrive au 
mois de mai, elle se répand pour lors dans 
les champs, et y niche constamment. Vers la 
fin du mois d'août, elle repasse de nou- 
veau, mais elle reste peu dans nos contrées 
méridionales, où M. Lebrun fils l'a observée 
le premier. 


Bergeronnelte 
(motacilla Linn.). 

Bergeronnette 
flavéole (motacilla 
flaveola Gould). 


Cette espèce, répandue très-avant dans le 
nord de l’Europe, se trouve néanmoins com- 
munément dans le Midi. Elle est très-abon- 
dante en Hollande et dans le midi de Ja 
France, où elle arrive par petites troupes au 
mois d'avril. Cet oiseau est très-commun en 
été; mais, dès le mois d’août, il abandonne les 
contrées méridionales et commence ses mi- 
grations. Il ne les quitte pourtant qu’en par- 
tie, car on les revoit encore dans nos plaines, 
jusqu’à la fin de septembre. Cet oiseau niche 
constamment dans nos contrées. 


Bergeronnelle 
printanière (mota- 
cilla flava Linn.). 


Quant à la bergeronnette citrine (motacilla 
citreola Pallas), rare dans le nord de l’Eu- 
rope, elle n’a jamais été aperçue dans les 
contrées méridionales de la France. 

Nous avons aussi accidentellement dans le 
midi de la France la bergeronnette cutti ca- 
po-negro (molacilla melano-cephala) de Bo- 
naparte ; elle y est constamment rare. 


Bergeronnette 
citrine (rnotacilla 
citreola Pallas). 


Cette bergeronnette habite les diverses con- 
trées de l'Europe, et s’avance très - avant 
dans le Nord. Elle arrive dans le midi de la 
France dans les premiers jours du mois d’octo- 
bre. Maïs, à l’approche de la belle saison, elle 
regagne les contrées du Nord; néanmoins quel 
ques individus restent dans nos environs, où 
l'on assure qu’elle niche. 


Bergeronnetle 
jaune ( motacilla 
boorula Linn.). 


On découvre cet oïseau depuis les con- 
trées les plus méridionales jusqu’en Sibérie 
et au Kamtschatka. Il arrive dans les con- 
trées méridionales de la France, pendant 
l'automne, et cela en petites troupes. Maïsau 
printemps ces bergeronnettes quittent nos 
contrées à l'exception d’un petit nombre qui 
seretirent, pour se reproduire versle bord des 
eaux courantes, où elles nichent dans les 
fentes des rochers, dans les prairies ou dans 
les troncs des arbres, 


Bergeronnetlte 
grise ( motacilla 
alba Linn.). 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.|  ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


V. Les observatious que nous venons de faire 
sur les pipits et les bergeronnettes sont sans 
Passereaux. doute suffisantes pour faire comprendre que 
les espèces de ces genres sont émigrantes 
GInsectivores. comme la plupart des oiseaux insectivores. 


Accenteur (ac- Cette espèce fréquente presque toutes les 
centor Temm.). contrées tempérées de l'Europe; elle s'avance 
Accenteur mou très en avant dans le Nord, surtout en été. 
T[Elle n'est pas rare l'hiver dans le midi de la 
chet (accentor M0 -|Frauce. En automne elle s'approche des ha- 
dularis Temim.). bifations, et en hiver elle se retire dans les 
forêts des pays montagneux. Un petitnombre 
reste l'été dans le nord des contrées méridio- 

nales, où cet oiseau niche habituellement. 


Accenteur des| L'accenteur des Alpes se rencontre dans 
S les contrées montagneuses de l'Allemagne 
nes ( RCGARIOT de Ja Suisse et dela France. Il ne paraît ne 
alpinus Bechsl,. le midi de la France que d’une manière 
tout à fait accidentelle, lorsque le mauvais 
temps ou les rigueurs de l'hiver le chassent 
des montagnes des Pyrénées. Cette espèce, 
comme l'accenteur calliope, pousse ses ex- 

cursions jusqu’en Asie et au Japon. 


Traquet (saxi-| Ce traquet se trouve dans toutes les con- 

cola Bechst). de FRAREAES de TR et même dans le 

ex : [nor e la Russie, Il est très-commun au 

Eraquel tarier printemps et en automne, dans le midi de 

(saxicola rubetra|la France, où il niche habituellement. Cet 

Temm.). oiseau émigre en hiver dans des pays plus 
chauds que les nôtres. 


Traquet rubi-| Lerubicole se rencontre dans presque toutes 
cole (saxicola ru-|1es contrées &e l'Europe, préférant les pays 
: montueux. [l est assez ordinairement le 
bicola Bechst). compagnon fidèle du bec-fin pitchou (syluiæ 
provincialis), du moins en hiver. Cet oiseau 
niche ans les contrées méridiotales de la 

France. 


Traquet oreil-| Le traquet oreillard vit dans plusienrs pre- 
2e viuces du midi de la France, de l'Espagne et 
lard (saxicéla AU | ae l'italie. li arrive dans les contrées méridio- 
rue femm.). nales au commencement d'avril, et les quitte 
en septembre. I} niche habituellement dans 

le Midi. 


Traquet stapa-| Cet oïseau habite les mêmes contrées que 
zin (saxicola sta- l'espèce précédente. H arrive également à la 
: p 4 mriême époque et les quitte en même temps 
Parme Temm.). que le traquet oreillard. Comme ce dernier, 

il niche dans les parties méridionales de la 
France. 


TFraquet mot-| Le motteux se trouve depuis le midi de 
l'Europe jusqu'au cercle arctique. Il est ce- 


— 27117 — 


————EE qe, 


ORDRES. 


Ne 
Passereaux. 


6° Insectivores. 


CENRES ET FSPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


pendant plus commun dans les parties tem-— 
pérées de l'Europe que dans le Nord ou le 
Midi. Il est surtout très-abondant en Hol- 
lande et même dans le midi de la France, où 
il se moutre en avril. Il recherche, à cette 
époque, les endroits arides et montueux, pour 
s’y reproduire, et niche entre les herbes, les 
pierres amoncelées, ou les trous des mu-— 
railles. Au mois d'août, il descend dans les 
plaines, affectionnant d’une manière toute 
particulière les terres labourées, où il cher- 
che sa nourriture. 


teux fsaxicolz æ- 


nanthe Temm.). 


Le traquet rieur se trouve principalement 
dans les contrées méridionales de l'Europe, 
comme le midi de l'Espagne et de la France, 
la Sicile, la Sardaigne, les îles de l’Archipel, 
et enfin Gibraltar. Il est rare néanmoins aux 
environs de Nice et de Gênes, et se rencontre 
très-accidentellement dans les Apennins. Cet 
oiseau niche habituellement dans le midi de 
la France; il dépose ses œufs entre les anfrac- 
tuosités des rochers, les vieilles murailles et 
les trous des vieux édifices isolés. Si tous les 
traquets ne sont point des espèces émigran- 
tes, la plupart se rapportent du moins à des 
races erratiques. 


Traquet rieur 
‘saxicola cacchin- 
inans #emm.). 


Roitelet (regu— 
| lus). 
| Roïitelet à triple 
| bandeau (regulus 
| igni capillusTem.) 


Ce roitelet est plus abondant dans le nord 
de l’Europe que dans le Midi. Il niche ce- 
pendant dans cette dernière contrée, fré- 
quentant l'été les montagnes des contrées 
méridionales de la France, qu’il quitte en 
automue, pour venir dans les plaines cher- 
cher sa nourriture jusqu’auprès des habi- 
tations. 


Roïtelet ordi- 


| naire (regulus cri- 
| Status Temm.). 


Cet oïseau, le plus petit de ceux qui ha- 
bitent les régions tempérées, se rencontre 
dans toute l'Europe jusqu’au cercle arcti- 
que. Il est très-commun, surtout l'hiver, 
dans le midi de la France. Dès le mois d’a- 
vril, il se retire dans les pays situés plus au 
nord ; mais il en reste néanmoins quelques 
couples qui nichent dans les montagnes en- 
virounantes ; de là ces viseaux arrivent dans 
les plaines, lorsque le mauvais temps com- 
mence à faire sentir ses rigueurs. 

Le roitelet est une des espèces les plus 
utiles pour la destruction des insectes. Ce 
petit oiseau, loin de craindre la présence 
de l’homme, recherche au contraire sa s0— 
ciété , et place le plus souvent son nid au- 
près des habitations. 

Dans plusieurs Etats de l'Amérique du 
Nord, on a si bien remarqué le parti qu’on 
peut en tirer, qu'on met à leur disposition, 
près de chaque habitation rurale, une boîte 
en bois attachée au bout d’une perche, afin 
qu'ils y établissent leur ménage, ce qui ne 


— 278 — 


ORDRES: 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: 


CR EEE E AEEEEENT || OST PROPRIETE INSIDE CEE EEE SE 


V. 
Passereaux. 


G°Insectivores: 


Troglodyte (tro- 
glodytes Cux.). 

Troglodyte or- 
dinaire (troglody- 
tes vulgaris Tem.) 


Bec-fin (sylvia 
Temm.). 

Bec-fin Natte- 
rer (sylvia Natte— 
rerii Temm.). 


Bec-fin pouillot 
( Sylvia trochilus 
Temm.). 


Bec - fin véloce 
(sylvia rufa Tem.) 


manque jamais. Lorsque les petits sont éclos, 
les parents recherchent soigneusement les 
insectes, pour la pâture de leur jeune couvée. 


Ou a eu la patience de compter le nombre 
des voyages exécutés par une paire de roi- 
telets logés dans une de ces boîtes. On a 
évalué la moyenne de ces voyages à cin- 
quante par heure. Le minimum a toujours 
été de quarante, et le maximum de soixante ; 
une fois seulement, ils avaient fait en une 
heure soixante et onze tours. 


Cette chasse dure sans relâche toute la 
journée : une moyenne de cinquante donne 
en douze heures six cents chenilles ou au- 
tres insectes , dont chaque paire de roitelets 
débarrasse chaque jour les vergers et les po- 
tagers, tant leurs petits sont avides de ce 
genre de nourriture. 


Ce calcul ne suppose qu’un seul insecte 
enlevé à chaque voyage ; mais en réalité ils 
en rapportent souvent deux ou trois à la 
fois, ce qui donne une destruction de douze 
cents ou de dix-huit cents insectes par jour. 


Ce troglodyte habite également toute 
l'Europe, étant seulement plus abondant 
dans le Midi que dans le Nord. Il niche dans 
les parties boisées du midi de la France, lieux 
qu’il fréquente l'été, ne descendant guère que 
l'automne dans les plaines, où il passe l'hiver. 
Ce petit oiseau étend néanmoins ses excursions 
jusqu’en Asie et les pousse jusqu'au Japon. . 


Ce bec-fin se trouve dans le midi de l'Es- 
pagne et de la France, où néanmoins il 
niche dans les montagnes de cette dernière 
contrée. 


Le pouillot habite les bois de la Suède, de 
la Hollande, de l'Allemagne, de l'Angleterre 
et de la France. Il étend même ses excur- 
sions jusque daus l'Amérique septentrionale. 

Cet oiseau niche habituellement dans le 
midi de la France! il y est très-abondant 
au printemps; mais il nous quitte en au- 
tomne pour revenir avec les premiers beaux 
jours de la belle saison. 


Cette espèce se trouve dans plusieurs con- 
trées de l’Europe, et dans la presque tota- 
lité de la France. Elle est sédentaire, et a 
l'habitude de s'approcher en automne des 
habitations. Dès les premiers beaux jours, 
ce bec-fin se retire dans les bois avec la com- 
pague qu'il a choisie, et il dépose son nid 


— 279 — 


ORDRES: 


YV. 
Passereaux. 


6° Insectivores, 


GENRES ET ESPÈCES. 


Bec — fin sif- 
fleur ( sylvia sibi- 
latrix Temm.). 


Bec-fin de mu— 
raille (sylvia phœ- 
nicorus Temm.). 


Bec-fin rouge 
queue (sylvia ti- 
thys Temm.). 


Bec-fin gerge 
bleue à miroirs 
roux {sylvia sue- 
cica Lath.). 


Bec-fin gorge 
bleue (sylvia sue- 
cica Temm.). 


Bec-fin rouge- 
gorge (sylvia ru- 
becula ‘Temm, 1. 


Bec-fin passeri- 
nelle (sylvia pas- 
serina Temm.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
A PE EEE 


parmi les feuilles tombées, ou entre les ra- 
cines qui sortent de terre. 


Cette espèce est plus répandue dans le 
centre et le midi de l’Europe que dans le 
Nord. Elle arrive dans les contrées méridio- 
nales de la France au printemps, et y de- 
meure jusqu'au milieu de l'automne. Aussi 
niche-t-elle habituellement parmi nous. 


Cette fauvette, qui habite toute l'Europe, 
ce rencontre également au Sénégal. Elle 
n’est pas rare dans le midi de la France, à 
l'époque de ses passages, surtout au prin- 
temps. Elle niche, comme la précédente, dans 
cette contrée. 


Ce bec-fin, peu répandu dans les provinces 
septentrionales de la France, s’avance très— 
avant dans le Nord. Il ne se trouve qu'acci- 
dentellement en Hollande. Cet oiseau arrive 
dans le midi de la France dès les premiers 
jours d'automne, et passe souvent l'hiver 
dans cette contrée. Aussi n’y niche-t-il pas. 


Cet oïseau niche dans le nord de l’Europe, 
et ne s’en éloigne que très-accidentellement. 
Le petit nombre d'individus qui ont été 
aperçus dans les contrées méridionales ne 
sont probablement que des oiseaux égarés, 
comme ceux que l’on rencontre parfois en 
Allemagne, 


Ce bec-fin, peut-être différent de l’espèce 
précédente, est peu connu en France, sur- 
tout dans le Midi, où cependant il en arrive 
quelques individus à chaque printemps, du 10 
au 15 avril, et d’autres au commencement du 
mois de septembre. Cet oiseau, ainsi que l’es- 
pèce précédente, ne fait pour ainsi dire que 
passer parmi nous. 


Le rouge-gorge est abondant en Hollande 
et en France, qu'il ne quitte point pendant 
l'hiver. Il arrive en grand nombre dans le 
midi de la France, au commencement du 
mois d'octobre ; maïs dès le mois de marsil 
se retire constamment plus au nord. Néan- 
moins quelques individus nichent à la base 
des Cévennes, plaçant leurs nids à terre, dans 
les herbes ou dans la mousse, ou enfin entre 
les racines des arbres, 


. Cet oiseau habite principalement les par 
ties méridionales de l’Europe, le Portugal, 
l'Espagne, la Sardaigne, l'Italie, la Dalma- 
te et l'Egypte. Il arrive dans les contrées 
méridionales vers la fin du mois de mars, 


— 280 — 


EE ————————————_—_—_—_—"— —— —— 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. 


LME | 


G°Insectivores. 


Bec-fin pitchou 
(sylvia provincia- 
lis Temm.). 


Bec-fin à lunet- 
tes (sylvia conspi- 
cillata Eemm.). 


Bec-fin babil- 
lard (sylria cur- 
rüca Tenim.). 


Bec-fin griset- 
te ( sylvia cinerea 
Temm.). 


Bec-fin fauvet- 
te (sylvia norten- 
sis Bechst). 


ÉLOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


il y fait deux pontes par an. Du reste Ja 
passerinette ne paraît pas demeurer l'hiver 
dans le midi de la France. 

Dans ses migrations, cet oiseau, comme la 
fauvette des roseaux et le bruant ortolan, 
arrive à peu près constamment dansle midi 
de la France quinze jours avant leurs fe- 
melles. Il en est de même de la fauvette ver- 
derolle (sylvia paluslris). 


Le pitchou fréquente particulièrement les 
contrées méridionales rapprochées de la Mé- 
diterranée, telles que l'Italie, le midi de Ja 
France et l'Espagne. Il est au contraire fort 
rare en Angleterre, dans le centre de la 
France , et n’a jamais été rencontré en Hol- 
lande et en Allemagne. 


Cette espèce est sédentaire dans les mêmes 
lieux dans toutes les saisons, et par consé- 
quent elle ne déserte pas le midi de la 
France pendant l'hiver. Elle niche habituel- 
lement dans cette contrée, plaçant son nid 
dans les bruyères et les genêts. 


Ce bec-fin, observé pour la Première feis 
en Sardaigne, se montre du 10 au 15 avril 
dans le midi de la France. Il paraît y nicher 
aussi bien dans les lieux humides et maré- 

cageux que dans les terrains secs et arides, 
cherchant ceux où il a l'espoir de ne pas 
être dérangé dans la construction de son nid. 


Le babillard, assez répandu dans les con- 
trées tempérées{ de l'Europe, ne s’avance pas 
dans le Nord au delà de la Suède. Il est 
assez fréquent en Asie. I] arrive dans le 
midi de la France au milieu du mois d'avril, 
et il nous abandonne en octobre pour aller 
passer l'hiver en Afrique et en Asie. Cet oi- 
seau niche dans les provinces méridionales, 
où il place}son nid dans les buissons à quel- 
ques pieds de terre. 


Cette espèce habite très-avant dans le 
Nord, et ne se trouve pas moins dans Jes 
parties les plus chaudes du midi de la France 
et de la Sardaigne. Elle est également fort 
abondante en Hollande. Elle arrive dans les 
contrées méridionales au printemps, et les 
quitte en septembre. Elle y niche dans les 
buissons, les taillis ou les, haies. 


La fauvette, qui vit plus particulièrement 
dans les contrées méridionales, se trouve 
néanmoins dans presque tous les pays tem- 
pérés de l'Europe. Elle arrive dans le midi 
de la France vers le milieu du mois d'avril, 
et nous abandonne en octobre, pour aller 
passer l'hiver en Afrique ou en Asie. Cet oi- 


— 281 — 


SE — ——— —————————— ———" —————— 2 


GENRFS ET ESPÈCES. 


ORDRES: 
SRE RELATED 
Ne 
Passercaux. 
G° Insectivores. Bec - fin mé- 


lanocépbale (syl- 
vin melanocepha- 
{a Lain.). 


Bec-fin à tête 
noire (sylvia alri- 
capilla Temm.). 


Bec-fn orphée 
( Sylvia orphea 
Temm.). 


Bec-fin philo- 
mè'e (sylvia phi- 
lomela). 


Bec-fin rossi- 
gnol (sylvia lusci- 
nia Temm.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


seau niche habituellement parmi nous, et 
dépose son nid sur les taillis ou sur les ar- 
brisseaux. e 


Ce bec-fin est assez répandu dans les par- 
ties les pius méridionales de l'Europe, telles 
que le midi de la France, de l'Espagne, de la 
Sardaigne, des Etats napolitains et de l'Ita- 
lie. On l’a rencontré également à Gibraltar, 
mais on ne l’a point encore aperçu dans le 
Nord. Il habite également aux îles Canaries, 
et vit sédentaire dans le midi de la France, 
où il niche dans les buissons. 


Cet oiseau se trouve depuis la Laponie 
jusque dans le midi de la France et le nord 
de l'Italie. Commun en Allemagne et dans les 
parties orientales de l'Europe , il est au con- 
traire très-rare au delà des Apennins et des 
Pyrénées. Il en est tout le contraire dans le 
midi de la France, où il a ses doubles pas- 
sages en automne et au printemps. Il en 
reste beaucoup dans cette contrée, où cet 
oiseau niche ordinairement. 


Cette grande fauvette se trouve dans l'I- 
talie, le Piémont, l'Espagne, le midi de la 
France et de la Savoie, Elle se montre acci- 
dentellement en Suisse, dans les Vosges, les 
Ardennes, et ne paraît pas se reucontrer dans 
le Nord. 

Cet oiseau ne commence à arriver dans le 
midi de la France que vers les premiers 
jours du mois d'avril. Il niche dans cette 
contrée, et place le plus ordinairement son 
nid entre les branches des oliviers. 


Le bec-fin philomèle, assez répandu dans 
le Nord, principalement en Allemagne, est 
plus rare en France, et ne se trouve jamais 
en Hollande. Il arrive dans le Midi en même 
temps que le rossignol, et se cache comme 
lui dans les buissous les plus épais. Il niche, 
à ce qu'il paraît, dans les bois et les lieux 
ombragés et humides. 


Cette espèce, commune dans presque toutes 
les contrées de l’Europe, se trouve jus- 
qu'en Suède. Elle émigre l'hiver en Egypte 
et en Syrie. Le rossignol arrive dans le midi 
de la France dès Ja fin de mars; maisil ne 
commence guère à chanter que du 6 au 20 
avril. Au mois de mai, il s'enfonce dans les 
taillis les plus épais des bois, pour y cons- 
truire son nid. Alors cet oiseau développe 
toute la beauté de sa voix : mais vers la fin 
de juin il la perd à peu près tout à fait. ll ne 
lui reste plus à cette époque qu’un crirauque 
et désagréable. Il paraît cependant retrouver 


ORDRES: 


Passereaux. 


6° Insectivores. 


— 282 — 


GENRES ET ESPÈCES. 


Bec-fin cisticole 
{ sylvia  cisticola 
Temm.). 


Bec-fin à mous- 
taches noires (syl- 
via melanopogon 
Roux). 


Bec-fin des 
saules (sylvia lu- 
scinoides Roux). 


Bec-fin cetti 
(sylvia cetti Mar- 
mora). 


Bec-fin verde- 
rolles (sylvia pa- 
lustris Temm.). 


Bec-fin des ro— 
seaux ou effervat- 
te (sylvia arundi- 
nacea Lalh.), 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
RER EP SR SR 


ensuite sa voix ; car les rossignols en capti- 
vité chantent tout l'hiver; à la vérité leurs 
chants ont moins d'éclat qu'aux beaux jours 
du printemps. Au mois de septembre, ces oï- 
seaux s’enfuient et vont gagner l'Egypte et 
la Syrie, où ils passent l'hiver. 


Cette fauvette est assez répandue dans les 
contrées méridionales de l’Europe, le Portu- 
gal, l'Espagne, l'Italie etle midi dela France. 
C'est vers le milieu d’avril ou au commence- 
ment de mai qu'elle arrive dans le midi de la 
France. Elle se répand d'abord dans les plai- 
nes, qu’elle quitte bientôt pour gagner les 
bords de la mer et des étangs. Cette fauvette 
niche dans les régions méridionales ; elle y fait 
même jusqu’à trois pontes. 


Le bec-fin à moustaches noires paraît propre 
aux contrées méridionales ; aussi est-il séden- 
taire dans le midi de la France, où il niche 
au milieu des roseaux dansles terrains à de- 
mi inondés. Ce qu'il y a de certain, c'est que 
cet oiseau se rencontre dans les régions mé- 
ridionales, presque pendant toute l’année. 


La fauvette des saules, qui fréquente les 
marais de la Toscane, arrive au printemps 
dans le midi de la France, maïs accidentelle- 
ment et toujours en fort petit nombre. On 
pourrait considérer ces individus comme des 
oiseaux égarés, si de pareilles habitudes de 
venir passer l'été dans des régions méri- 
dionales n’étaient assez communes aux becs- 
fins. 


Cet oïseau, qui habite la Sardaigne et l'I- 
talie, se trouve néanmoins en Angleterre et 
dans le midi de la France, où même il niche. 
En effet il est sédentaire dans les provinces 
méridiopales, et par cela mêmetrès-répandu 
dans un grand nombre de localités de ces 
provinces. 


Quoique cet oïseau se rencontre principa- 
lement dans les contrées méridionales soit 
de la France, soit de l'Italie, on l’observe 
néanmoins dans les contrées occidentales, le 
long du Danube, en Allemagne et en Suisse. 
Il nous arrive au‘printemps, et nous quitte en 
octobre ou en automne. Aussi, d'après ce 
long séjour dans les contrées méridionales, il 
y niche habituellement. 


Le bec-fin des roseaux habite les diverses 
contrées de l'Europe, où il est fort commun. 
I arrive dans le midi de la France au prin- 
temps, et nous quitte comme l’espèce précé- 
dente dans le courant du mois d'octobre. Cet 


Passereaux, 


6° Insectivores. 


Bec-fin phrag- 
mite (sylvia phra- 
gmütii Bechst). 


Bec-fin aquati- 
que (sylvia aqua- 
tica Lath.). 


Bec-fin locus- 
telle (sylvia locu- 
stella Lath.). 


Bec-fin rousse- 
rolle (sylvia tur- 
doides Meyer). 


Cincle (cinclus 
Temm.). 

Cincle plongeur 
(cinclus aquaticus 
Temm.). 


Merle{turdusLin.) 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
EEE EEE 


oiseau niche dans les contrées méridionales, 
et construit son nid en forme de panier al- 
longé, qu’il entrelace à trois ou quatre tiges 
de roseaux. C’est à cette circonstance qu’il 
doit le nom qu'il porte. 


Ce bec-fin, assez répandu en Europe, se 
trouve en Allemagne, en Hollande, en An- 
gleterre , en France et en Italie. Il ne se 
rencontre cependant qu’accidentellement 
dans le midi de la France, où il est ordinai— 
rement confondu dans les passages des autres 
petits oiseaux, principalement avec ceux du 
même genre. Il setient le plus ordinairement 
dans les lieux marécageux, et ne niche ja- 
mais parmi nous. 


Cette espèce habite également le bord des 
fleuves des contrées tempérées de l'Europe, 
le Piémont, l'Italie et le midi dela France. Il 
est seulement moins abondant en Allemagne, 
et ne se trouve que très-accidentellement en 
Hollande. Il paraît sédentaire dans les pro 
vinces méridionales de la France, où il niche 
habituellement, construisant son nid à peu 
près de la même manière que l'espèce précé- 
dente. Cette espèce ne les quitte donc point 
aux approches de l’hiver. 


Comme l'espèce précédente, cet oïseau se 
tient sur le bord des fleuves de l'Autriche, 
de la' Hongrie, {de l'Italie et du midi de la 
France; il est plus rare en Hollande et en 
Angleterre. Il est peu abondant dans les pro- 
vinces méridionales de la France, où il arrive 
dans les premiers jours d'avril, et niche au 
milieu des roseaux. 


Ce bec-fin, commun en Hollande, en Pié— 
mont et en France, se montre assez rare- 
ment en Allemagne. Il arrive dans le midi 
de la France, dans les premiers jours du prin- 
temps, et fréquente les marais, les bords des 
étangs où il place son nid entre les joncs. IL 
nous quitte en automne.; On a pu compren- 
dre, d’après les observations précédentes, que 
les becs-fins sont des espèces émigrantes. 


Le cincle habite la plupart des contrées de 
l'Europe, la Suède, l'Allemagne, la Suisse, 
l'Italie, la France et l'Angleterre. Il est assez 
commun dans le Midi, où il vit presque seul. 
Il y passe même quelquefois l'hiver, et cache 
son nid dans les environs des eaux, où il se 
tient le plus ordinairement. On ne le voit 
guère en société qu’au temps des amours. 


Le merle bleu est assez abondant dans les 
contrées méridionales de l'Europe, le Levant, 


— 9284 — 


© 2 ——— ——— ———————  ————_—_—_—_—_—_—_———— ——_—_—_——_—_—— 


"ORDRES, GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DFS GISEAUX, 


ER SP PE ES ES 


\æ Merle bleu ur: Prec la Sardaigne, l’Italie et le midi de 
: * _ la France. Il est peu commun dans le Tyrol, 
Passereaux. dus Aus (ame rare en Suisse, plus rare encore dans les 
lin). Vosges. Il en est tout le contraire au delà des 
G° Insectivores. Apennins, où il est assez fréquent. Il vit sé- 
dentaire dans le midi de la France, où il fait 
son nid dars Jes rochers et dans les fentes 
|des vieux batiments isolés. Néanmoïns nous 
en avons communément un passage en au- 
tomne et au printemps. Ces passages pro- 
viennent d’une part des inGividus qui ont 
niché dans les pays montagneux âu Midi, et 
de l’autre de ceux qui veulent s'établir parmi 
nous : ainsi cette espèce est à la fois séden- 
(taire et erratique. 


Merle de roche] Cette espèce habite les hautes montagnes 
(tardus saxatilis de l’Archipel, de la Turquie, de la Hongrie, 
Lath.) au Tyrol, de la Suisse, des Apennins, des 

de Alpes et des Pyrénées. Il est plus rare sur 
les bords de la Méditerranée, et se trouve 
isolément sur les Vosges et les montagnes de 
la France. Il se montre peu en Allemagne, 
tandis qu'il est fort commun das le nord de 
lItalie. Cet oiseau arrive constamment dans 
le midi de la France au printemps, et part 
en automue.De pareilles habitudes annoncent 
assez qu'il niche parmi nous, et appartient 
aux oiseaux émigrants. Ordinairement il 
place son nid sur de vieux bâtiments isolés, 
et souvent sur ceux quifont partie des villes 
les plus peuplées. 


Merle noir ou! Le merle noir, assez répandu en Europe, est 
A de passage périodique dans telle contrée et 
commun ù ( turdus tite Gène telle autre. Commun en au- 
merula Linn.). tomne en Hollande, il y est beaucoup plus 
rare en hiver. Ilen est tout le contraire dans 
le midi de la France, où ce merle est séden- 
taire; néanmoins ils y montre en plus grande 
abondance en automne et en hiver qu'en été. 
Il place son nid dans les bois et Jes buissons 
fourrés. 


Le merle commun voyage solitairement 
dans plusieurs contrées de l’Europe qu'il vi- 
site l'hiver; c'est ainsi qu'il arrive jusqu'en 
Morée, etdansle midi de la France vers lafin 
du mois de septembre. Cette espèce est donc 
alternativemeut émigrante, sédentaire et er- 
ratique. 


Merle à gorge] Quant au merle à gorge noire (turdus 
ire (td 0e alrogularis Temm.), assez commun en Russie, 
poire ({urdus alT0-\ en Hongrie, et rare en Autriche et en Silésie, 
gularis Temimn.). il arrive parfois et d'une manière très-acci- 
dentelle dans le midi de la France. Il est donc 

pour nous tout à fait erratique. 


— 265 — 


OO RQ 


ORDRES. GENKES ET ESPÈCES. 


W: Merle à plastron 
Passereaux,  |(turdus torquatus 
Linn.). 
6° Insectivores. 
Merle mauvis(tur- 


dus iliacus Linn.). 


Merle grive (tur- 
dus musicus Lin... 


Merle litoroe 
(turdus 
Einn.). 


Ajerle draine 


pilaris| 


ÉLOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX + 


DR RP TES 


Cette espèce se trouve dans presque toutes 
les contrées boisées et montagneuses de l’Eu- 
rope, tellesque ia’ Suède, l'Ecosse, l'Allemagne 
et la France. Elle est beaucoup plus rare en 
Hollande. Ce merle est au contraire assez 
commun dans le midi de la France, en au- 
tomne ou en hiver, surtout lorsque le froid 
est rigoureux. Il descend alors en grand 
nombre des montagnes environnantes. Mais, 
lorsque le moiïs de mars arrive, il nous quitte, 
et ne reparaît plus pendant l'été. Aussi 
niche-t-il rarement dans les plaines du Midi, 
tandis que dans les montagnes des Cévennes, 
de la Lozère, de l'Auvergne et des Vosges, 
cet oïseau y fait son nid plus habituellement. 


Le mauvis habite très-avant dans le Nord 
pendant l'été. Il passe à deux reprises diffé 
rentes et d’une manière régulière dans le 
midi de la France, au printemps et en au— 
tomne. Quelques individus y restent l'hiver, 
et se réunissent dans les champs couverts 
d’oliviers et dans les boïs, dès que le froid 
est rigoureux. Néanmoins cet oiseau émi- 
grant ne paraît pas nicher dans les contrées 
méridionales, ce que font au contraire les 
espèces qui y sont sédentaires. 


Cette espèce, que l’on rencontre dans tout 
le nord de l’Europe, émigre régulièrement, 
en septembre, vers le Midi. C'est à peu près 
à cette époque, c’est-à-dire en octobre et en 
novembre, qu'il arrive dans le midi de la 
France, où il fait un second passare au mois 
de mars. Celui-ci est généralement fort uom- 
breux; cetoiseau voyage pour lors en grandes 
troupes. Quoique généralement les grives 
nous quittent en mai, quelques individus 
restent dans nos contrées, et y nichent assez 
babituellement , bien qu’elles soient émi- 
grantes. 


Ce merle, fort répandu dans les forêts du 
zord de l'Europe, les quitte en automne, ct 
se disperse par troupes nombreuses dans les 
autres contrées, pour regagner de nouveau 
le Nord en mars et en avril. La litorne exé- 
cute également dans les contrées méridio- 
uales ses migrations périodiques; elle ar- 
rive en automne, y passe l'hiver, et s'en 
retourne, dès que les beaux jours sont reve— 
nus, pour aller nichér dans le Nord, la véri- 
table patrie de cet oiseau. 


Le draïne, qui est sédentaire en Allema- 


‘turdus muscicorus! ce et de passage accidentel en Hollande, 
est 


Linn.) 


au contraire de passage périodique dens 
quelques autres.Cet oiseau est même quelque- 
fois sédentaire et émigrant dans le même 


ORDRES» 


Vi 
.Passereaux. 


6° Insectivores. . 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


pays, ce qui a lieu pour le midi de la France. 
Eu effet, quoiqu'il niche dans ces contrées, 
il y fait néanmoins deux passages cons- 
tants, l’un en automne et l’autre au prin- 
temps, et cela par suite des circonstances 
que nous avons énumérées. Le draine voyage 
du reste solitairement, tout au plus par pe- 
tites familles, mais jamais en bandes consi- 
dérables, comme la plupart des oiseaux voya- 
geurs. 


Cette espèce, assez commune dans les pro- 
viuces méridionales de l’Europe, situées aux 
bords de la Méditerranée , se rencontre éga- 
lement dans le centre de la France et de 
l'Allemagne. Cependant elle est fort rare 
en Angleterre, et n’a pas encore été obser- 
vée en Hollande. 


Gobe-mouches 
(muscicapaLinn.). 


Le bec-figue , très-commun dans le midi 
de la France à l'époque de son arrivée, 
c'est-à-dire au mois d'avril, en repart dans 
les premiers jours du mois de septembre, 
après avoir niché. 


Gobe-mouches 
bec-figue (musci- 
capa luctuosa 
Temm.). 


Le gobe-mouches à collier, assez répandu 
dans le centre de l’Europe, est peu abon- 
dant en Allemagne et dans le nord de la 
France, mais il n'arrive pas jusqu'en Hol- 
lande. Cet oiseau, triste et solitaire, visite 
peu les contrées méridionales de la France, 
où il ne niche pas. 


Gobe-mouches 
à collier ( mus- 
cicapa -albicollis 
Temm.). 


Cet oiseau habite la Suède et les provin- 
ces tempérées de la Russie. Il est rare en 
Hollande , et arrive dans le midi de la 
France vers le milieu d’avril, pour en re- 
partir au mois d’août, mais après avoir 
niché. 


Gobe-mouches 
gris ( muscicapa 
grisola (Temm.). 


Cette espèce, que l’on trouve communé- 
ment dans toute l’Europe , jusqu’en Suède 
et en Russie, se rencontre également dans 
l'Amérique méridionale. Elle arrive dans le 
midi de la France, en troupes nombreuses, 
du 15 au 20 avril, et y demeure jusqu’à la 
fin de septembre. Elle niche aussi dans les 
contrées méridionales, et place son nid daus 
les haïes ou dans les buissons, plus ou moins 
au-dessus du sol. 


Pie-grièche (La- 
nius). 

Pie-grièche é- 
corcheur (lanius 
collurio Brisson). 


La pie-grièche rousse vit dans les princi- 
pales contrées de l'Europe, l'Allemagne, la 
Suisse, l'Italie, la France et jusque dans le 
Nord. Elle est fort rare en Hollande ; cepen-— 
dant elle pousse ses excursions jusqu’en 
Egypte, au cap de Bonne-Espérance, et en-— 
fin dans presque toute l'Afrique. Mais, comme 
ses excursions ne paraissent pas avoir rien 


Pie - grièche 
rousse (lanius ru- 
Jus Brisson). 


ORDRES» 


Passereaux. 


6° Insectivores. 


70 Omnivores. 


— 2817 — 


oo 


GENRES ET ESPÈCES. 


Pie- grièche à 
poitrine rose ( la- 
nius minor Linn.). 


Pie-grièche gri- 
se (lanius excubi- 
tor Linn.). 


Pie - grièche 
méridionale (la— 
nius meridionalis 
Temm.). 


Martin (pustor 
Temm.). 

Martin rosse— 
lin (pastor roseus 
Temm.). 


Efourneau (stur- 
nus Linn.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


de régulier , elle appartient aux espèces er- 
ratiques. Elle arrive dans le midi de Ia 
France, au mois d'avril, et se répand dans 
les bois et les champs d’oliviers, où elle niche 
et dépose son nid. 


Cet oïseau habite l’Archipel, la Turquie, 
l'Italie, l'Espagne, et visite quelquefois le 
nord de l’Europe jusqu’en Russie. IL étend 
également ses ‘excursions dans le midi de la 
France, où il arrive au milieu du mois d’a- 
vril, et en repart dans les premiers jours de 
septembre, après avoir niché dans les con- 
trées méridionales. 


La pie-grièche grise, sédentaire dans cer- 
taines contrées, est de passage dans d’autres. 
C'est ainsi qu'elle se présente au printemps 
et en automne dans les provinces méridio— 
nales de la France. Elle paraît y nicher, 
quoiqu'’elle n’y passe pas l'hiver. On en ren- 
contre cependant parfois quelques individus 
isolés jusqu’à la fin de novembre. 


Cette espèce, qui fréquente la Dalmatie, 
l'Italie, l'Espagne, l'Egypte et toutes les 
contrées situées sur les bords de la Méditer- 
ranée, est également de passage accidentel 
dans le midi de la France, où elle niche ha- 
bituellement. 


Le merle rose habite les parties chaudes 
de l'Asie, de l'Afrique, et parcourt différen- 
tes contrées de l’Europe à l’époque de ses 
passages. Il ne paraît guère dans le midi de la 
France qu'après les orages-qui ont lieu vers 
le mois de juin. Cependant en 1837 et en 
1838, il y en eut beaucoup à l’époque du 
printemps. 

Cet oïseau , dont les passages sont fort ir- 
réguliers , arrive en troupes assez nombreu- 
ses , volant très-bas et en silence. Il se di- 
rige bientôt vers les pays chauds, restant 
peu parmi nous, quoique souvent les femel- 
les aient leurs oviductes remplies d'œufs. Les 
jeunes arrivent vers la fin d'octobre, ou au 
commencement de novembre, avec les étour- 
neaux, qui ont le même genre de nourriture. 
Maïs, lorsque ces derniers nous viennent au 
printemps, ils visitent seuls nos champs; les 
merles roses ne les accompagnent pas pour 
lors, ne pouvant pas se livrer à d'aussi lon- 
gues excursions, la mue de ces oiseaux n'é- 
tant pas terminée, comme elle l’est à l'épo- 
que du mois de juin. 


Cet oïseau, fameux par ses migrations, se 
trouve dans la plus grande partie de l'En- 
rope , le nord de l'Asie et l'Afrique. Ses mi- 


— 288 — 


2 ——_—_——————_—_—_—_————————— a 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. 
EE D à RC 

Ve Etourneau vul]- 
Passereaux.  |gaire (sturnus vul- 


garis Linn.). 
7° Omnivores. 


Loriot oriolus 
Linn.). 

Loriot (oriolus 
galbula Linn.). 


ane torlereree rer 


Rollier ( cora- 
cias Linr.). 

Rollier vulgaire 
{(coracias garruia 
‘Eermm.). 


Jasceur (bomby- 
civora ‘Æermm.) 

Jaseur de Boné- 
me (Lombycitora 
garrula). 


Pyrrhocorax(pyr- 
rlhocorax Cuv.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
ES 


grations ont lieu d’une manière régulière 
dans le midi de la France; l’une dans Îles 
premiers jours d'octobre, et l’autre au mois 
de mars. À l'époque de ces deux passage, 
les étourueaux sontextrêémement némbreux 
dans nos contrées, où l’on en fait une chasse 
fort abondante. Ces oiseaux ne nichent ja- 
mais dans les provinces méridionales de la 
France. Contrairement aux merles roses, ils 
sout donc essentiellement émigrants. 


Le loriot est assez abondant dans les dif- 
férentes parties de l'Europe, à l’époque de 
ses passages. Quoique commur en Hollande, 
il l'est encore plus en France et en Italie. Il 
arrive d'Afrique au mois d'avril, et se répand 
dans nos boïs pour y nicher. Mais au mois 
d'août, ou au plus tard en septembre, cet oi- 
seau nous quitte pour se rendre dans des 
contrées plus chaudes. La régularité des pas- 
sages de cette.espèce doit la faire ranger par- 
mi les races émigrautes. 


Nous n’en dirons pas davantage au sujet 
de ses migrations, devant les décrire plus 
tard, ainsi que celles de l'étourueau, lors de 
l'explication de la carte où nous avons tracé 
la route qu'elle suit dans ses voyages. 


Le rollier habite l'été lesrégions du cercle 
arctique ; il passe régulièrement duns les 
contrées orientales et accidentellement ans 
les pays tempérés de l'Europe. [l arrive dans 
le midi @e la France au printemps, et fait 
un second passage au mois d'octobre; mais 
il s'en retourne bientôt, pour aller passer 
l'hiver en Afrique, où il uiche habituelle- 
meut. On cite un exemple d'un rollier qui a 
niché dans les environs &e Nîmes. 


D'après ses habitudes diverses, le rollier est 
tantôt émigrant et tantêt erratique, 


Le grand jaseur, qui habite l'été dans los 
régions du cercle arctique, pousse ses excur- 
sions dans les contrées orientales et jus- 
qu’au nord de l'Asie et au Japon, et se mon- 
tre rarement dans le midi de ja France. Il est 
extréme:rent probable que ce sont des indi- 
vidus égarés. 

Cet oïseau vit dans les hautes montagnes 
de la Suisse, du Tyrol, de l'Italie, de la 
Bavière et &e la Carinthie. Les hivers ri- 
goureux, il descend dans les moptagnes 
moins élevées du Jura et des Vosges, parvient 
même dans les Pyrénées et les Cévennes. Il 
est assez abondant dans les hivers rigon- 
reux, où on le voit descendre dans les plai- 
nes du midi de Ja France, 


2 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCFS.| ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


V. Pyrrhocorax Le phocqnart He rm dans = hautes 
Ë montagnes de l’Europe; il est sédentaire 
Passcreaux. chocquart ( PYT— |äans les Cévennes , qu'il ne quitte que très- 
rhoCOrax pyrrho-|rarement dans les hivers rigoureux. Il des- 
7° Omnivores. |corax Cuv.). cend pour lors soit de ces montagnes, soit 
des Alpes, en grandes bandes rangées en 
ligne, et parvient quelquefois ainsi jus- 
que dans le midi de la France. On assure 
également que le chocquart des Aipes pousse 
ses excursions dans l'Inde et les étend jus- 
que sur les monts Himalaya. 


Casse-noïix (nu-| Le casse-noix se trouve dans les bois d’une 
cifraga Brisson).|grande partie de l'Europe. Il est régulière- 
Le casse - noix! ment de passage dans quelques contrées, tan- 
£ 3 dis qu’il voyage accidentellement, et à l’in- 
(nucifraga caryo-|tervalle de quelques années, dans d’autres. 
calactes Brisson). C'est ainsi qu’il se montre rarement dans 
les provinces méridionales de la France, 
où l’on n'en voit jamais que des individus 
égarés. 


Geai (garrulus| Le geai , répandu dans toute l'Europe, 
Vieillot). porte ses FLY up en ue RER VAfri- 
: : ique. Il descend au mois d'octobre des mon- 
Geai glandivore ones, pour se disperser dans les plaines du 
(garrulus glanda-|midi de la France. Quelques individus y 
rius Vieillo!). restent pendant la mauvaise saison; mais 
au mois de mars ils abandonnent entiere- 
ment les plaines. Aussi nichent-ils dans les 
montagnes des Cévennes, de l'Aveyron et 
de la Lozère, mais non pas dans les plaines 
du Midi, qui sont pour lors échauflées par 

les rayons du soleil. 


Pie (pica Roux) La pie, commune dans toute l'Europe, 
{ pica albiventris pousse ses excursions jusqu'en Chine, au 
Roux) |Japon et dans toute l'Amérique. Néanmoins 
= |cet oiseau est peu voyageur; il passe sa vie 
entièrement dans le même canton, où il 
uiche entre l’'embranchement des arbres 
très-élevés ou dans quelques buissons épais. 
Ainsi la pie est souvent sédentaire, et par- 
ticulièrement dans le Midi ; mais comme elle 
se livre parfois, ainsi que les espèces précé- 
|dentes, à des passages accidentels, elle est 
|aussi erratique. 


Corbeau {corvus| Le choucas se rencontre dans toute l'Eu- 
Linn ) |rope ainsi qu’en Morée. Il arrive seulement 
es pendant la mauvaise saison dans le midi de 
Corbeau chou-! la France , où il s'établit volontiers dans les 
cas {corvus mohe- vieilles tours ruinées. 


dula Temm.). 


Corbeau freux! Cette espèce habite également toute l'Eu- 
|rope; elle est plus abondante dans le Nord que 


19 


ORDRES, 


V. 
Passereaux, 


7° Omnivores. 


— 290 — 
ET OT À 


GENRES ET ESPÈCES. 


(corvus frugilegus 


Temm.). 


Corneille man- 
telée (corvus cor- 


_ {nix Linn.). 


Corneille noire 


( corvus 
Linn.). 


corone 


Corbeau noir 


( corvus 
Linn.). 


corax 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
ESA 


dans:le Midi. Elle pousse ses excursions jus- 
qu’an Japon. On la voit seulement l'hiver 
dans le midi de la France; elle y est souvent 
fort commune, et se mêle aux troupes des 
corneilles noires qui fréquentent.les plaines. 


La corneille mantelée vit, comme les es- 
pèces précédentes, dans presque toute l’Eu- 
rope ; elle se montre toute l’année dans les 
pays montueux des contrées orientales, ain- 
si que dans les Alpes, où elle niche habi- 
tuellement. On ne la rencontre qu’en sep- 
tembre et en octobre dans les contrées 
occidentales. Ses passages sont loin d’être 
réguliers dans le midi de la France, où elle 
ne paraît que par intervalles et en automne. 
Cette espèce nous quitte de bonne heure, 
pour retourner dans le nord de l’Europe. 
Elle pousse avec la corneille noire ses ex- 
cursions jusqu’au Japon. Mais elle exécute 
toutes ses courses sans aucune espèce de ré 
gularité, et rentre par conséquent dans les 
races erratiques, 


Cette corneiïlle, répandue dans toute l'é- 
tendue de l’Europe occidentale, l'est beau- 
coup moins dans les contrées orientales. Elle 
arrive dans le midi de la France, par troupes 
nombreuses, vers la fin du mois d'octobre. 
Elle paraît suivre la direction des côtes de 
Barbarie, ou du midi de l'Espagne. Quelques 
bandes de cet oiseau rôdent pendant l'hiver 
dans les contrées méridionales, où elle ne 
niche jamais. 


Le corbeau commun habite la plus grande 
partie des lieux montagneux de l'Europe, 
plutôt que les plaines. On le trouve aussi en 
Afrique, en Islande, au Japon et dans l’A- 
mérique méridionale. Il est sédentaire dans 
le midi de la France, et s'approche assez des 
habitations. Cet oiseau vit ordinairement 
par paires isolées, et place son nid dans les 
crevasses des rochers ou sur de grands arbres 
isolés. 

Parmi les oïseaux terrestres qui parcou- 
rent les espaces les plus étendus, et qui se 
trouvent dans les régions les plus différentes 
du globe, on peut citer au premier rang la 
corneille et le corbeau. Ils appartiennent au 
même genre de l’ordre des passereaux ; cette 
tribu est celle où l’on découvre les espèces 
qui étendent le plus au loin leurs migrations, 
etle plus d'oiseaux émigrants. Aussi est-ce 
parmi elle que nous avons choisi les exem— 
ples d'oiseaux essentiellement voyageurs. Il 
suffit de jeter les yeux sur notre carte, pour 
saisir que sur les neufoiseaux dont nousavons 
indiqué les voyages, sept appartiennent aux 
passereaux , et deux seuls à d'autres ordres. 


s ‘#4 
Passereaux. 


70 Omnivores. 


En effet , le corbeau (corvus corax Linné) 
se trouve depuis le cercle polaire jusqu’au 
cap de Bonne-Espérance, et même à ce qu’il 
paraît, d’après des observations récentes, 
jusqu’en Amérique. On le rencontre égale- 
ment à Madagascar, île qu’on serait fondé 
de considérer comme un débris de quelque 
continent ancien, ou une dépendance de 
quelque centre de création particulière, 
bien distincte de celles qui ont peuplé les 
régions voisines, tant sa faune a un Carac- 
tère particulier et remarquable. Aussi n'est- 
ce probablement que d’une manière transi- 
toire que le corbeau commun a été aperçu 
à Madagascar, dont les animaux sont si dif- 
férents de ceux des autres contrées. 

De pareilles habitudes lui sont également 
communes avec la corneille, qui voyage 
peut-être plus que le corbeau; nous igno- 
rons cependant si cette espèce a été observée 
en Amérique, comme le corbeau commun. 
A raison de cette ignorance nous n’avons 
pas indiqué sur la carte le trajet que ces oi- 
seaux parcourraient dans le nouveau monde. 
Comme nous les avons réunis dans le tracé du 
chemin qu'ils suivent, nous n'avons pas osé 
indiquer la route tenue à cet égard par ces 
deux espèces. Afin d'éviter des redites, nous 
n’indiquons pas ici le chemin tenu par la 
corneille et le corbeau dans leurs longs et 
grands voyages, devant le faire plus tard. 


Des habitudes non moins particulières si 
gnalent également d’autres espèces de passe- 
reaux. On peut surtout citer le coucou (cu- 
culus canorus), fameux par la singulière ha- 
bitude qu’il a de pondre ses œufs dans les 
nids d’autres espèces insectivores (1). Les oi- 
seaux étrangers, souvent d’une plus petite 
taille, prennent soin des jeunes coucous 
comme de leur progéniture, même lorsque 
leurs œufs ont été détruits par ces hôtes dan- 
gereux. La cause de ce phénomène, à peu prés 
unique chez cette classe, est inconnue; il 
nous paraît du moins difficile d’en trouver 
l'explication avec Hérissant dans la position 
du gésier. Sans donte, cet organe placé plus 
en arrière dans l'abdomen est moins garanti 
par le sternum que dans les autres oiseaux. 
Le gésier éprouve, par suite de cette disposi- 
tion, une gêne très-grande dans les contrac- 
tions continuelles qu’il exerce sur les aliments 


(x) Le hibon moyen duc, ainsi que nous le ferons 
observer plus tard, parait avoir de pareilles habi- 
tudes. Du moins, ne construisant pas de nid, il est 
forcé de pondre ses œufs dans ceux abandonnés 
par d’autres oiseaux. Il parait pourtant qu’il ne 
les Jivre pas au hasard, qu'il en prend suie et 
qu’il les couve. 


— 292 — 


a 
| 


ORDRES: 


GENRES ET ESPÉCES. 


| 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


LEE mm nl 


\ 28 
Passereaux. 


7° Omnivores. 


pour les réduire en chyme. La compression 
trop forte des paroïs abdominales qui se trou- 
vent superposées aux œufs, compression 
augmentée par le poids du corps, s’oppose à 
ce que ces oiseaux puissent rester longtemps 
dans la position qu'il leur est nécessaire de 
prendre pour couver leurs œufs. Cet obstacle 
est peut-être assez puissant pour les empé- 
cher dese livrer à cet acte, qui doit assurer la 
perpétuité de leur race; ils sont donc forcés 
d'abandonner ce soin à d’autres espèces. 

Telle est l'explication que l’on peut donner 
à ce fait aussi rare que singulier, chez une 
classe d'animaux caractérisée par une ten- 
dresse maternelle toute particulière. Elle est 
du moins la conséquence de la disposition 
organique qu'Hérissant paraît avoir le pre- 
{mier sigualée. 

Cette habitude, générale chez cette espèce, 
{n'a rien de commun avec l'instinct qui porte 
| d’ autres oiseaux à s’ emparer de nids occupés 
[naguère par d’autres espèces. Le moineau com- 
mun (fringilla domestica) s'avise quelquefois 
d’aller, avec sa faille, occuper les nids des 
hirondelles; mais il ne le fait pas toujours 
impunément. 

M. de Tarragon a été témoin d’un fait qui 
prouve que ce n'est pas foujours sans dan-— 
ger (1). Un couple de ces moineaux parasites 
s'était logé dans un nid d'hirondelle, dont ils 
avaieut chassé les propriétaires. Ceux-ci 
ameutèrent toute la troupe des hirondelles 
de fenêtre qui se trouvaient à portée de leur 
häbitatioun, et, lorsqu'ils se furent assurés de 
la présence dans le nid de leurs ennemis mor- 
tels, la troupe ailée fit entendre son cri de 
guerre et disparut en un instant. Elle alla 
chercher de la terre humide dans une mare 
voisine, et se précipita toute à la fois, comme 
d’un accord unanime, vers le repaire des 
moineaux. En quelques secondes elle en bou- 
cha toutes les issues avec une masse de terre 
assez considérable. 

Fières de cet exploit, assurées de la mort 
des parasites incommodes qui s'étaient em— 
:perés de leurs nids, elles poussèrent des cris 
[aigus et continuels comme pour célébrer 
|leur victoire. Quelques instants après, ces oi— 
|seaux avaient tons disparu autour des tom— 
{beaux où ils avaient enfermé les imprudents 
|moineaux. 

Quelques jours après, le même M. de Tar- 
ragon s'empara de l'un de ces nids pour i’ob- 
server. [l reimarqua que la masse de terre 
qui en fermait l'ouverture avait à peu près 
la forme et Ja grosseur d'un petit œuf de 
poule. Les deux bouts ressortaient en dehors 


(1) Echo du monde savant. Paris, 28 décembre 
1843, n° 5r. 


LL ‘som: SD. "10 «+ mi 


V. 
Passereaux. 


7° Omnivores. 


VI. Hibou scops 
Rapaces. strix scops Linn.). 
4° Hiboux, 


Hibou moyen 
duc (strixæ otus 
Linn.). 


Hibou grand 
duc (stwrix bubo 
Linn.). 


Hibou brachyo- 
té (strix brachyo- 
tos Temm.). 


et en dedans du nid, dont on distinguait très- 
bien l'origine, formé de petites boulettes de 
terre arrondies, tandis que l’opercule était 
composé de petites portions aplaties placées 
confusément. Cet opercule avait été formé en 
dernier lieu par la troupe d'hirondelles qui 
l'avait produit avec de la terre humide qu'elle 
avait été chercher dans une mare voisine. 

Quant au moineau, on l'y trouva ainsi que 
ses œufs, mais à peu près complétement des- 
séché. 


Le scops est répandu dans un assez grand 
nombre de contrées de l’Europe où il est de 
passage, comme, par exemple, dans le midi 
de la France, où il arrive du 5 au 6 avril. On 
en voit cependant encore en septembre, mais 
ces individus, les derniers à passer, sont pour 
la plupart des jeunes. Cet oiseau niche parmi 
nous dans les troncs peu élevés des arbres, 
Ilest sélentaire dans d’autres contrées, tandis 
qu'il est de passage en Afrique. Ainsi cette 
espèce nous fournit encore un exemple d’un 
viseau qui est alternativement sédentaire 
dans certains lieux, et erratique dans d’au- 
tres. 


Le moyen duc, très-commun en France, 
en Allemagne et dans tout le Nord, pousse 
ses excursions, comme l'espèce précédente, 
jusqu’en Afrique. Cette espèce fréquente les 
bois et les buissons du midi de la France, 
pendant l’automne et l'hiver ; mais, au mois 
de mars et d'avril, il se retire dans les lieux 
boisés et montagneux, où il se plaît dans les 
cavernes des rochers. 

Ce hibou ne paraît pas faire de nid ; il dé- 
pose ses œufs dans ceux qui ont été aban- 
donnés par d’autres gros oiseaux; c’est du 
moins ce qu'il pratique ordinairement dans 
les contrées méridionales. 


Ce hibou se trouve dans toute l'Europe, à 
l'exception pourtant dela Hollande, où il n’a 
jamais été observé. On le rencontre pourtant 
Jusqu'au cap de Bonne-Espérance. [l vit sur 
‘es rochers escarpés du midi de Ja France; 
mais l'hiver on le voit souvent dans les bois, 
les plaines, ainsi qu'aux bords des marais. Il 
niche habituellement dans les fentes de ro— 
chers, ou dans de vieux édifices abandonnés, 
et cela dans tout le midi de la France. 


Le brachyote est répandu dans presque tou- 
tes les contrées de l'Europe, jusqu'en Sibérie, 
où il accompagne le lemming dansses excur- 
sions. On le trouve fréquemment en Hol- 
lande, en septembre et en octobre. Il passe 
ordinairement dans le midi de la France, 


— 294 — 


— EEE EEE ———— | 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


ER Sn Dem ER AE | PODCAST CEE | ER 


VL. 
Rapaces. 


4° Hihoux. 


29 Chouettes. 


Chouette (strix 
Linn.). 

Chouette che- 
vêche (strix passe- 
rinæ Temm.). 


Chouette effraie 
(strix  flammea 
Linn.). 


pendant le dernier de ces deux mois. Il y 
demeure jusqu’au mois d'avril, époque à la- 
quelle il est fort commun; d’après: de pa- 
reilles habitudes, il est facile de saisir que 
cet oiseau ne doit pas micher dans les con- 
trées méridionales. Il y est donc constam- 
ment de passage, et, comme il y renouvelle 
ses courses avec une certaine régularité, il 
paraît se rattacher, ainsi que la plupart des 
hiboux, aux races émigrantes. 


La chevêche habite la plus grande partie 
de l'Europe. Elle est assez commune dans 
les plaines des contrées méridionales de la 
France, où elle vit sédentaire. Elle fait sa 
nourriture de petits oiseaux et même de 
quelques mammifères. Il paraît qu'elle est 
également friande de sauterelles et de gril- 
lons. 

Cette espèce dépose ses œufs dans de vieux 
édifices, des amas de pierres et les trous des 
rochers, où elle fait ordinairement son nid. 
Leur nombre est de quatre ou de cinq; ses 
œufs sont arrondis, blanchâtres, ou lavés de 
roussâtre, avec quelques taches un peu plus 
foncées. 


La chouette effraie habite la plus grande 
partie de l’ancien continent et de l'Asie, et 
ne se trouve pas moins dans les deux Améri- 
ques. Cette espèce est donc éminemment voya- 
geuse; car il ne faut pas perdre de vue qu'il 
n'existe pas une seule espèce commune aux 
deux hémisphères. Donc toutes celles qui, 
comme la chevêche, se trouvent à la fois dans 
l’ancien continent et dans le nouveau monde, 
doivent cette particularité à leurs migrations, 
qui ont dérangé l'ordre primitif de leur dis- 
tribution. 

Ces migrations ont porté la chouette ef- 
fraie dans presque toutes les parties de la 
terre. Il est probable que, par suite de cet 
instinct impérieux qui presse les oiseaux à 
se déplacer, cette espèce portera ses tribus 
jusque dans la Nouvelle-Hollande, où elle 
deviendra peut-être à la fois sédentaire et 
émigrante. Du moivs elle a de pareïlles habi- 
tudes en Europe, où certains individus sont 
stationnaires dans les lieux qu'ils ont choisis 
pour leur demeure ordinaire, tandis que 
d’autres se livrent à des voyages extrêmement 
étendus. 

Des mœurs aussi différentes sont non-seu— 
lement propres à la chouette effraie, mais 
elles caractérisent également une infinité 
d’autres oiseaux, et même, ainsi que nous le 
ferons plus tard observer, plusieurs espèces 
de poissons. 

Comme nous avons indiqué avec détail la 
route que paraît suivre cette espèce dans ses 


és Si. Disti is 


VE. N 
Rapaces. 


90 Chouettes. 


#5° Busards, 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX 


ELLE) 


migrations lointaines, lors de l'explication 
de notre carte, nous renverrons à ce que 
nous en dirons plus tard. Nous ferons seule 
ment observer que nous ignorons compléte— 
ment quel espace de temps cet oiseau met à 
parcourir le globe ; mais, dans aucun cas, il 
n’est point à supposer qu'il exécute un aussi 
grand et un aussi long voyage dans le court 
espace d’une année. 

Quoi qu'il en soit, les individus sédentaires 
de cette espèce préfèrent pour leur habitation 
ordinaire les vieux édifices, les clochers et 
les toits élevés des anciennes églises. C’est 
sur ces bâtiments que la chouette effraie 
place son nid, qu'elle fait sans apprêt et dans 
lequel elle dépose jusqu’à cinq œufs blancs, 
un peu allongés. 

Cette espèce paraît se plaire dans les lieux 
les plus populeux; il n’est pas rare d’en trou- 
ver de blotties dans nos greniers et même 
dans nos appartements, où elle se réfugie 
pour se cacher pendant le jour. 

On donne à cette espèce le nom de béou l'olè 
dans les provinces méridionales de la France, 
parce qu'on suppose qu'elle aime à boire 
l'huile des lampes suspendues dansles églises. 
Quant au nom d’effraie ou de fresaie, sous le- 
quel elle est aussi connue, il vient du souf- 
flement que cet oïseau fait entendre pendant 
la nuit. 


Chouette hu- 
lotte (strix aluco 
Meyer). 


Cette chouette fréquente les contrées boi- 
sées de la plupart des contrées de l’Europe; 
elle en fait de même dans le midi de la France, 
où elle est assez rare dans les plaines. Cette 
espèce, nommée aussi chat-huant, fait son 
nid dans.ceux qu'ont abandonnés les pies 
et les cresserelles. Elle paraît être sédentaire 
dans les contrées méridionales; du moins elle 
y niche habituellement, quoiqu'elle soit ail- 
leurs erratique et peut-être même émigrante. 


Busard ( fulco). 
Busard méri- 
dional ( fælco pal- 
lidus Gould). 


Cette espèce, encore peu connue, paraît pro- 
pre aux contrées méridionales de l'Espagne 
et de la France. Elle est peu abondante dans 
la dernière de ces contrées. Nousignorons si 
elle y niche; ce qui est peu probable, à raison 
de son extrême rareté parmi nous. Une fe- 
melle adulte a été capturée, au mois d’octo- 
bre 1840, dans les environs de Montpellier. 
L’'estomac de cet oiseau était rempli de trois 
têtes de fringilles qui n'avaient pas été di- 
gérées. 


Busard monta- 
gu { falco cinera- 
ceus Montagu). 


Ce busard habite principalement les con- 
trées orientales et méridionales de l’Europe. 
Il est très-répandu en Hongrie, en Pologne, 
en Silésie, en Autriche, en Dalmatie et dans 
les provinces illyriennes. 

Cette espèce est également abondante en 


— 296 — 


a —_—_—_——_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—————_—_—_—_EE ————_—————— 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. 


SEC PER EP EEE PDP 
VI. 
Rapaces. 


5° Busards. 


Busard saint - 
martin (falco cya- 
nus Montagu). 


Busard harpaye 
ou des marais ( fal- 
co rufus Linn.). 


4° Buses. Buse bondrée 


(falco  apivorus 
Linn.). 
Buse pattue (fal- 


co lagopus Linn.). 


Buse commu- 
ne ( falco buteo 
Linn.). 

i 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


Italie; les jeunes se rencontrent assezsouvent 
en Suisse. Elle est rare en'Angleterre, et dans 
le midi de la France, surtout les vieux indi- 
vidus, qui ne s’ytrouvent guère. Nous voyons 
seulement en hiver les jeunes de ces oiseaux ; 
ce qui nous annonce que ce busard ne niche 
point dans le midi de la France. 


Le busard saint-martin habite l'Allemagne, 
la Hollande, l'Angleterre, la France et la Mo- 
rée. Il arrive ordinairement en automne dans 
le midi de la France, principalement les jeu- 
nes et les femelles. Les vieux sont générale- 
ment plus rares. Il niche, dans les contrées 
méridionales, dans les champs et les ma- 
rais. 

Cet oïseau paraît pousser ses excursions 
dans toute l'Asie et jusqu’au Japon. 


L'harpaye fréquente toutes les parties de 
l'Europe où l’on trouve des marais: aussi est- 
il fort commun en Hollande, rare en Suisse et 
dans le Midi. 11 y est néanmoins sédentaire, 
et construit son nid à terre, mais dans les 
lieux ombragés, parmi les tamaris ou lesro— 
seaux. fl est certain que cet oiseau dénose 
ses œufs au milieu des marais de la France 
méridionale. 


Cette buse se trouve dans les contrées orien- 
tales de l'Europe; elle se montre peu et acci- 
dentellement en Hollande. Elle est plus abon- 
dante en France, dans les Vosges et le Midi, 
où elle est de passage périodique au prin- 
temps. Elle y arrive de grand matin, en com- 
pagnie de quatre, six ou dix individus; mais 
dans le courant de la journée elle vole isolée 
ou par paires. Cet oiseau, uniquement de pas- 
sage dans nos contrées comme par toute 
l'Europe, ne niche pas parmi nous. Si le genre 
précédent nous a donné un exemple d’es- 
pèces erratiques ; cette buse nous en fourgit 
d’une race émigrante parmi des oiseaux de 
proie, qui vnt les plus grandes analogies avec 
les premiers. 


La buse pattue fréquente les lisières des bois 
du nord de l'Europe, en automne et en hi-. 
ver. Elle se montre quelquefois en Hollande 
et rarement daus le Midi, où elle n'arrive 
jamais que dans la mauvaise saison. Ainsi 
cet oiseau ne niche point dans les dernières 
contrées. 


Cette espèce habite toute l'Europe. Elle 
vient dans le midi de la France en automne, 
et y demeure jusqu’à l'approche de la belle 
saison. Elle ne niche pas plus que la précé- 
dente dans les provinces méridionales de 


LE 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. 
7 
VI. 
Rapaces. 


5° Milans. Milan ( falco 
Linn.). 
Milao royal (fal- 


co milvus Linn.). 


Milan noir { fal- 
co ater Temm.). 


6° Autours, Autour (falco 
Linn.). 

Aulour ordi- 
paire ( falco pa- 


lumbarius Linn.). 


Aulour éper- 
vier (falco nisus 
Linn.). 


" 


7° Aigles. Aigle ( falco 
Linn.). 

Aigle pygargue 
( falco  ulbicila 
Linn.). 


D 
[Uæ) 
— 


ÉLOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 
SP 


cette contrée. Ses passages sont irréguliers, 
et par conséquent elle appartient aux oi- 
seaux erratiques. 


Le milan royal se trouve. dans presque 
toute l'Europe, toujours dans le voisinage 
des montagnes. Il pousse ses excursions jus- 
qu'en Asie, quoiqu'en général cet oiseau, 
d’un naturel timide et lâche, voyage peu. 
fl ne niche point dans les provinces méridio- 
nales de Ja France. On suppose qu’il fait son 
nid dans les montagnes de la Lozère et de 
l'Aveyron. 


Le milan noir habite l'Allemagne, la 
France et la Suisse. Assez rare dans le Nord, 
il se montre plus communénement dans le 
Midi. Il paraît très-abondant à Gibraltar, 
aivsi que dans toute l'Afrique, en Egypte et 
au cap de Bonne-Espérance. Il pousse éga- 
tement ses excursions jusqu’en Asie et par- 
vient jusqu’au Japon. 

Cette espèce ne se montre que d’une ma- 
nière accidentelle dans Je midi de la France, 
où elle est erratique. La plupart des indivi- 
dus de cet oiseau qui ont été saisis étaient des 
jeunes. On ne la voit pas nicher dans nos 
contrées méridionales. 


L’autour, assez commun en Russie, en Al- 
lemagne, en Suisse et en France, est pius 
rare en Hécllande. Son apparition n’a pas 
lieu souvent dans le midi de la France, où 
l'on voit beaucoup plus de jeunes individus 
que de vieux. Il paraît habiter également 
l'Afrique, où il niche très-probablement. 


L'épervier se rencontre dans presque 
toutes les parties du monde. Il passe régn- 
lièrement dans le midi de la France en sep- 
tembre ; il y est fort abondant en octobre et 
en novembre. Il reparaît ensuite en avril et 
en mai, et niche dans les contrées méridio- 
nales, sur les grands arbres , où il construit 
son nid. Cet oiseau nous quitte ensuite et va 
passer l'hiver dans des régions plus chaudes, 
D’après les habitudes de l’épervier, cet oi- 
seau fait partie des races émigrantes, ainsi 
que le pygargue, le balbusard et l'aigle 
jean-le-blanc. 


Cet aigle se rencontre principalement sur 
les côtes maritimes de l’Europe, particuliè- 
rement de la Hollande, de l'Angleterre et de 
la France. Il arrive assez régulièrement 
l'hiver dans le midi de la France; mais il 
nous abandonne dès que la belle saison ar- 
rive. Enfin cet oiseau pousse ses excursions 


ORDRES. 


VI. 
Rapaces. 


70 Aigles, 


— 298 — 


G— — "OO 


GENRES ET ESPÈCES. 


Aigle balbu- 
sard | falco halicæ- 
tus Linn.). 


Aigle jean-le- 
blanc ( falco bra- 
chydactylus Wolf). 


Aigle botté (fal- 
co pennatus Lin.). 


Aigle criard {fal- 
co nœvius Linn.). 


Aigle bonelli(fal- 
co bonelli Tem.) 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES.OISEAUX. 


dans toute l'Asie et jusqu'au Japon. Il ne 
niche point parmi nous. 


Cette espèce vit indifféremment dans 
toutes les contrées de l'Europe, de l'Afrique 
et de l'Amérique. On la rencontre dans le 
midi de la France à différentes époques, 
mais principalement en automne et en hi- 
ver. Elle se tient toujours au bord des eaux, 
quoiqu’elle niche sur les grands arbres et 
sur les rochers de nos contrées, à ce que 
disent les chasseurs. 


Le jean-le-blanc fréquente les grandes 
forêts de sapins des parties orientales du 
nord de l’Europe. Il est peu commun en Al- 
lemagne , en Suisse et en France, et ne se 
trouve jamais en Hollande. Cet oiseau arrive 
régulièrement dans le midi de la France 
vers le milieu du mois de novembre, y passe 
l'hiver, et n'y niche jamais. Quelques indi- 
vidus y demeurent même jusqu’à la fin du 
mois d'avril. Mais nous en avons un autre 
passage au milieu du mois de mars. Celui- 
ci dure huit à dix jours. Ils volent pour lors 
à des hauteurs prodigieuses. 


L’aigle botté habite les régions orientales. 
Il est de passage régulier en Autriche et en 
Moravie. Il niche en Hongrie et en Espagne. 
Les jeunes et les vieux individus de cette 
espèce visitent également les contrées mé- 
ridionales de la France, maïs d'une manière 
assez irrégulière ; ils ne s’y arrêtent jamais 
pour y nicher, ce qu'ils paraissent faire en 
Espagne. 


Cet aigle, commun dans les parties orienta- 
les de l’Europe et dans le Midi, est aussi très- 
abondant en Russie, en Suisse, dans les Pyré- 
nées, et dans les pays boisés et montueux de 
l'Allemagne. On ne le voit jamais en Hol-@& 
lande ; tandis qu’il est assez fréquent en 
Egypte et dans la plus grande partie de l’A— 
frique. Cet oiseau n'arrive guère dans le 
midi de la France que pendant l'hiver, 
presque toujours à la suite des gros vents du 
sud. Les vieux nous viennent plus rarement 
que les jeunes d’un ou deux ans. Cette es— 
pèce ne niche pas plus que la précédente 
dans les contrées méridionales; elle le peut 
d'autant moins que la plupart des individus 
de passage n'étant pas adultes, ne peu-— 
vent se livrer aux besoins de la reproduc- 
tion. 


L'aigle bonelli habite la Sardaigne, l'E- 
gypte, le nord de l'Afrique et le midi de la 


‘|France, où il vit sédentaire. En hiver il des- 


ORDRES: 


VI. 
Rapaces. 


7° Aigles. 


8° Faucons. 


— 299 — 
eq 


GENRES ET ESPÈCES. 


Aïgleroyal {fal- 
co fulvus Linn.). 


Aigle impérial 
(falco imperialis 
Temm.). 


Faucon f{falco 
Linn.). 

Faucon à pieds 
rouges ( falco ru- 
fipes Bechst). 


Faucon cresse- 
rellette (falco tin- 
nunculoides Tem.) 


Faucon cresse- 
relle (falco tin- 
nunculus Linn.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


cend dans les marais, où il fait la chasse aux 
oïes et aux canards. 


L’aigle royal est très-répandu non-seule- 
ment dans toute l'Europe, maïs encore dans 
l’Asie-Mineure et l’Afrique. Il vit dans les 
basses montagnes du midi de la France, oùil 
niche habituellement. 

Une circonstance assez particulière à 
prouvé d’une manière incontestable que 
l'aigle royal n’est point un oiseau de passage 
dans le midi de la France, mais qu’au con- 
traire il y habite les lieux montueux et ari- 
des. Un œuf de cet oiseau a été apporté en 
septembre 1841, à M. Lebrun, habile orni- 
thologiste de Montpellier. Cet œuf devait 
avoir été couvé , car le petit aigle ( falco 
fulvus) qu’il renfermait était déjà formé. Il 
avait été pris avec plusieurs autres dans une 
fente d'un rocher de Saint-Bauzille de Mont- 
miel près de Montpellier. Ces faits prouvent 
que l'aigle royal est réellement sédentaire 
dans les provinces méridionales de la France, 
et lorsqu'il les abandonne , c’est toujours 
accidentellement. 


Cet aigle fréquente les parties orientales et 
méridionales de l'Europe. On le trouve en 
Hongrie, en Dalmatie, en Egypte, sur les côtes 
de Barbarie et dans le midi de la France, où 
il s’'égare parfois. Cette espèce est trop rare 
pour être certain si réellement elle niche 
dans les contrées méridionales., 


Le faucon à pieds rouges se trouve com- 
munément en Russie, en Pologne, en Au- 
triche, dans le Tyrol, en Suisse et au delà des 
Apennins. Il est assez rare en France, et ne 
se trouve pas en Hollande. Cet oiseau, de 
passage accidentel dans le midi de la France 
au printemps, nous arrive encore plus rare- 
ment en automne. C’est assez dire qu’il ne 
niche point parmi nous et qu’il appartient 
aux races erratiques. 


Cetoïseau habite les contrées orientales et 
méridionales de l'Europe ; il est particulière- 
ment commun en Sicile, en Sardaigne, dans 
le royaume de Naples et en Espagne. Il est de 
passage en Hongrie, en Autriche, dans les 
provinces illyriennes, comme dans le midi de 
la France. Il se montre tout à fait acciden-— 
tellement dans cette dernière contrée au 
printemps, où il ne niche jamais. 


La cresserelle, répandue dans toute l'Europe 
et l'Asie, se rencontre communément en Hol- 
lande. Quoique cette espèce soit sédentaire 
dans le midi de la France, nous en avons ce- 


— 500 — 


© © ——_—_—_—_— 


GENRES ET ESPÈCES. 


ORDRES. 
VI. 
Rapaces. 


8° Faucons. 


Faucon émeri!- 
lon (falco æsalon 
T'enim.). 


| Faucon hobe- 
reau ( falco subbu- 
teo Linn.). 


Faucon pélcrin 
( falco peregrinrus 
Linn.). 


Gypaète (gypa- 
etus Storr.). 

Gypaète barbu 
( gypactus barba- 
tus Cuv.). 


99 Vautours. 


Catharte ( ca- 
thartes Ilis.). 

Catharte alimo- 
che (cathartes per- 
cnopterus Fem.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
ASIE EI IDC DE 


pendant deux passages par année, en au- 
tomne et au printemps. Elle niche parmi nous, 
et place son nid soit dans les vieux édifices, 
soit dans les fentes des rochers, soit enfin 
dans les bois. Elle est donc à Ja fois, dans les 
provinces méridionales de la France, séden- 
taire et émigrante; car ses passages sont 
aussi constants que périodiques. 


L'émerillon, originaire de l'Allemagne et 
dela France, se montre rarement en Hollande. 
Il arrive dans lemidi vers le milieu du mois 
d'octobre, et quitte cette contrée an prin- 
temps. D’après de pareilles habitudes, l'é- 
merillon ne niche point parmi nous, et rentre 
dans les espèces émigrantes. 


L'hobereau est assez commun dans plu- 
sieurs parties de l’Europe, et particulièrement 
en France, où il vit dans le voisinage des 
bois et des champs. Cet oiseau niche dans les 
provinces méridionales de la France, et place 
son nid sur les arbres de haute futaie. 


Le faucon pèlerin, assez commun en Alle- 
magne, en Hollande, en Angleterre et en 
France, est rare en Suisse. Néanmoins il 
étend fort loin ses voyages, etle nom qu'il 
porte lui a été donné à raison de ses habitu- 
des. C’est en automne qu'il abandonne les 
montagnes pour entreprendre ses courses 
vagabondes. Il paraît nicher, dans le midi de 
la France, dans les trous des rochers, et rare- 
ment sur lesarbres. Comme les excursions de 
cette espèce ne paraissent avoir aucune ré- 
gularité, elle rentre dans la classe des oiseaux 
erratiques. 


Cet oiseau habite les Alpes de la Suisse, 
les montagnes du Tyrol et de la Hongrie, et 
se montre rarement en Allemagne , en 
France et dans les Pyrénées. Il est commun 
au contraire en Egypte , où il niche proba- 
blement, ce qu'il ne fait point dans les pro- 
vinces méridionales de la France. La con- 
naissance de cet oiseau comme une espèce 
qui visite ces contrées ne nous a été donnée 
que par la capture de quelques jeunes in- 
dividus. 


Le catharte fréquente principalement l'A- 
frique et le midi de l'Europe. Il se montre 
dans le midi de la France dès les premiers 
jours du mois d'avril. 1] paraît même y ni- 
cher et y être dès lors sédentaire. L'alimoche 
se tient de préférence sur les hautes mon- 
tagnes et les rochers les plus inaccessibles 
pour y passer Ja belle saison et s'y repro- 
duire. Cet oiseau niche dans les antres des 


— 301 — 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. 


VI. 
Rapaces. 


9° Vautours. 


Vautour (vultur 
Illiger). 

Vautour grif- 
fon (oultur fulvus 
Linn.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 


rochers, choïsissant les points les plus es- 
carpés, où il vit solitaire. D'après la régula- 
rité de ses passages, il doit être compris 
parmi les espèces émigrantes, ainsi que le 
vautour-grifion. 


Le vautour griffon paraît nous venir 
d'Afrique au printemps ; il est cependaut 
sédentaire daus le midi de la France, et se 
trouve en assez graud nombre sur les hautes 
montagnes des Cévennes. Les passages de 
ces oiseaux ont lieu du 15 au 20 mars, soit 
en Sicile, soit en Italie, soit dans le midi de 
la France ; ils arrivent tous de la Médi- 
terranée , venant probablement d'Afrique, 
ainsi que nous l’avons déjà fait observer. 

Ce qu'il y a de singulier, les individus qui 
ont été tués dans les plaines de nos contrées 
étaient tous des mâles et ont été rencontrés 
dans les mêmes lieux. Peut-être y cher- 
chaiïent-ils des femelles de leur espèce qui 
leur manquaïient. 

Ces vautours sont très-communs dans les 
Alpes, les Pyrénées et les Cévennes, ainsi 
que dans les autres montagnes de l'Europe 
et de l'Afrique, où ils paraissent vivre en 
grandes troupes. Ils volent généralement 
très-haut, rsais leur vol n’est pas soutenu ; 
aussi re franchissent-ils pas de grandes dis- 
tances horizontales. On dirait que les oiseaux 
qui planent dans les régions élevées sont 
moins propres à parcourir de grands espaces 
que ceux dont le vol bas est aussi par cela 
même plus continu et plus prolongé. 


Le condor (vullur gryphus), qui s'élève 
au-dessus du Chimborazzo, dans la chaîne 
des Andes, à plus de huit mille mètres de hau— 
teur , quitte peu le voisinage de cette mon- 
tagne et ne s’en éloigne guère. Si l’on com- 
pare les habitudes de cet oiseau, qui dans 
un instant parcourt en ligne verticale une 
aussi grande étendue, en supportant une 
différence de pression de 0m,325 à 0m,756, 
avec celles des canards répandus dans toutes 
les parties du globe , on saisira facileme:t 
que les oiseaux de haut vol ne sont pas tou- 
jours les meïlleurs voiliers et ceux dont les 
migrations sont les plus étendues. En efr:t 
le condor, l'espèce qui s'élève le plus haut, 
ne paraît pas abandonner les contrées qui 
l'ont vu naître. On ne l’a pas encore trouvé 
ailleurs que sur les hautes cimes des Andes, 
où il semble se complaire, et se précipiter 
de toute leur élévation sur les quadrupèdes 
qui paissent dans les vallées profondes des 
Cordillères. Quant au vautour griffon (vul- 
tur fulvus), il est plus commun au prin- 
temps dans le midi de la France que dans 
aucune autre saison de l’année. Alors ils se 
réunissent en grandes troupes ; toujours af- 


ORDRES. 


VI. 
Rapaces. 


90 Vautours. 


— 502 — 


do oO 


GENRES ET ESPÈCES. 


Vautour arrian 


( vultur 
Linn.). 


cinereus 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. 
EEE 


famés, ces oïseaux se jettent plusieurs en- 
semble sur les charognes, ou sur les petits 
mammifères, ou les reptiles, qu’ils ont aper- 
çus du haut des airs. Cette espèce niche sur 
les hautes montagnes des Cévennes, de la 
Lozère et de l'Aveyron, 


Ce vautour habite les hautes montagnes 
et les vastes forêts de la Hongrie, du Tyrol, 
de la Suisse , des Pyrénées, du midi de l’Es- 
pague et de l'Italie. Au printemps il visite 
assez souvent le midi de la France, maïs ac- 
cidentellement. Cet oiseau ne niche jamais 
dans les contrées méridionales de la France. 


Un fait remarquable qui prouve à quelle dis- 
tance les oiseaux étendent leurs migrations, 
est celui qui a été rapporté dans le no 639 
(mercredi 9 juin 1841) de l'Echo du monde 
savant. M. Morel, membre du conseil muni- 
cipal de Saint-Sixte (Loire), a apporté à 
M. d’Allard un loricou grand vautour d’A- 
frique (vullur auricularis Daud.), qu'il 
venait de tuer. Cet oïseau se rapportait 
à une femelle. Il pesait près de huit kilo- 
grammes , et ses ailes offraient un dévelop 
pement de deux mètres soixante centimètres 
d'envergure. 

Au moment où il a été tué, il était en 
compagnie d'un autre gros oiseau, qui 
pourrait bien être le mâle. Du reste le lo- 
ricou ne paraît pas jusqu'à cette époque 
avoir été observé en France; ce qui est peu 
étonnant, les vautours voyageant généra- 
lement fort peu , quoique l’on observe dans 
ce genre plusieurs espèces émigrantes. 


ADDITION A L'ARTICLE DES OISEAUX PALMIPÈDES. 


Nous ferons à la fin de ces tableaux quelques remarques relatives à des 
oiseaux palmipèdes, qui n’ont pas pu être placées à leur véritable rang et 
que nous avons été forcé de renvoyer à ce moment, 


L. 
Palmipèdes. 


Plusieurs îles, et parmi elles on peut nom- 
mer les Hébrides, ont cette particularité de 
ne présenter aucun mammifère à l’état sau- 
vage et fort peu d'oiseaux de terre. Cepen- 
dant ces mêmes îles se font remarquer par 
l'affluence continuelle des myriades d'oiseaux 
de mer qui y nichent. 

Les rochers du rivage en sont totalement 
couverts ; leurs bandes obscurcissent l'air, et 
la terre en fourmille à une grande distance. 
Le plus remarquable de ces oiseaux, le pé- 
trel gris blanc (procellaria glacialis), y bà- 
tit son nid sur les rebords gazonnés des ro- 
chers qui surplombent la côte ; chaque saillie 


— 503 — 


© 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. 
RENE SACS | PSE PSE 


I. 
Palmipèdes. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, 


du rocher est recouverte de ces nids qui ne 
sont guère qu'une légère excavation dans le 
gazon, dont le fond est garni d'herbes ma- 
rines sèches. Le pétrel n’y dépose qu’un œuf 
d’un blanc de neige, que cet oiseau remplace 
bientôt lorsqu'il lui a été enlevé. 

Cet oïseau vole très-vite, et rase de très- 
près la surface de la mer. Il semble toujours 
en mouvement , et vole en décrivant de 
grands cercles près des précipices qu'il habite, 
et en suivant toujours la même direction, 
apparemment pour.éviter la confusion qui 
résulterait , pour une multitude si immense, 
de tout mouvement individuel irrégulier. Il 
ve pousse aucun cri, même lorsqu'on enlève 
ses œufs ; mais, si on vient à le saïsir, il se dé- 
fend avec vigueur à coups de bec. 


Le fou blanc (s{ulla alba) est un des oi- 
seaux les plus abondants et les plus utiles 
qui habitent Saint-Kilda. Ces oïseaux vont 
chaque matin pêcher à d'immenses distances, 
jusqu'à quatre-vingt-dix milles, et revien- 
nent chaque soir. La vigueur avec laquelle 
cet oïseau plonge dans la mer à la poursuite 
du poisson est incroyable. Un de ces oiseaux 
passant au-dessus d’un bateau ouvert reve- 
nant de Saint-Kilda à Harris, et an fond du- 
quel se trouvaient quelques harengs, plongea 
tout à coup avec une telle force que son bec 
perça les planches du bateau. 

Cet oiseau niche seul etsans se mélanger avec 
d’autres espèces sur les rochers escarpés qui 
de loin semblent recouverts de neige. La na- 
ture et la position de leur habitation en rend 
la chasse encore plus périlleuse et plus diffi- 
cile que celle du pétrel; aussi le moyen le 
plus sûr pour le saisir est de le surprendre 
endormi et gorgé de poissons à la surface de 
la mer. On se sert pour cela d’un bateau à 
voile, et l’on évite de faire le moindre bruit, 
afin de ne point le réveiller. 


Les macareux (mormon arclicws) nichent 
dans les cavités des rochers ou dans des trous 
qu'ils y creusent. Ces oïseaux volent et se 
posent en masses si serrées sur les rochers da 
Saint - Kilda, que l’on en abat souvent une 
douzaine et. même une vingtaine d’un seul 
coup de fusil, Aussi forment-ils la principale 
nourriture des habitants de Saint -— Kilda 
pendant l'été. 

Ceci n’empêche pas que le macareux, dont 
la taille égale celle des pigeons, ne niche 
quelquefois sur les côtes escarpées de l’Angle- 
terre, et n’abonde en hiver sur les côtes de 
la Manche. 


mms © © 0 0 © ne 


— (501 — 


Nous croyons utile d'ajouter au tableau précédent 
l'indication des temps moyens de l’époque de l’appa- 
rition de certains oiseaux, soit en France, soit en An- 
gleterre. Nous y ajouterons encore la date précise à 
laquelle ont été capturées dans le midi de la France 
certaines espèces qui n’y passent que d’une manière 
accidentelle. 

Les nombres indiqués dans nos tableaux ne se 
rapportent pas à toutes les régions ; ils ne sont pas 
même constants pour le midi de la France auquel ils 
se réfèrent. Les passages annuels des oiseaux ont une 
aussi grande régularité que les saisons ; ils n’en sui- 
vent pas moins les variations. Aïnsi les hirondelles 
quittent les contrées méridionales en septembre, 
mais il est des années où l’on en voit encore en dé- 
cembre. C’est ce qui est arrivé en 1843. 

Ces tableaux montrent combien, à part quelques 
années exceptionnelles, les passages des oiseaux sont 
réguliers. Mais, pour leur donner l’importance qu'ils 
ont réellement, il faudrait pouvoir en dresser pour 
un grand nombre de contrées, afin de résumer toutes 
les observations dans un tableau général. On conce- 
vrait alors beaucoup mieux l’un des plus curieux 


phénomènes de la nature. 


TABLEAU DES TEMPS MOYENS 


DE LA PREMIÈRE APPARITION 


DE PLUSIEURS OISEAUX DANS LE MIDI DE LA FRANCE. 


ÉPOQUES DE LEUR APPARITION, 


OISEAUX. SE 


ANNÉES ET MOIS. JOURS, 


I. PALMIPEDES. 


Pingouin macroptère(alca torda). Janvier. 10 au 25 et jus- 
qu’au 15 avril. 
Macareux moine (mormon fra-| Décembre et jan- 
tercula). vier. 


Plongeon imbrim {colymbus gla-| Décembre et jan- 
cialis), vier. 


Grand cormoran (carbo cormo-| Janvier et fé- 
ranus), vrier. 


Harles (mergus).Toutes les espè- 
ces de ce genre paraissent depuis | Novembre jus- 
qu’en janvier. 


Canard sauvage (anas boschas). | 1° Fin octobre au 
Quelques individus s’arrêtenl/comm. de novemb. 
dans le midi de la France. 20 Fin février au 
commenc. de mars. 


Canard double macreuse ( anas Octobre. 5 au 15. 
Jusca). 

Canard petite sarcelle(anas oreca)| Novembre. 10 au 25. 

Canard couronné (anus leucoce- Février. 45. 


phala), capturé en 1835. 


Canard de Miclon (anas glacia- Janvier. 4. 
lis), capturé en 1840. 


Cygne sauvage (cycnus musicus). Décembre, 5 au 15, 
20 


— 3506 — 


Ce ———— —— ——— ———————— ————  — aa EEE 


ÉPOQUES DE LEUR APPARITION. 


OISEAUX. A TT ee 


ANNÉES ET MOIS. JOURS. 


I. PALMIPÈDES. 


Oie sauvage (anser scgelum). Novembre. 10 au 20. 
Oie rieuse (anser albifrons). Janvier. 5 au 20. 
Mouette tridactyle (larus trida- Janvier. 10 au 15. 


ctylus), caplurée en 1840. 


Mouette pygmée (/arus minu-| Janvier , fin de 
tus). février et mars. 


Hirondelle de mer leucopière| Du 20 avril au 
(sterna leucoptera). 10 mai. 


Hirondelle de mer moustac (ster-| Du 20 avril au 
na leucopareia). 15 mai. 


Hirondelle de mer cangeck(ster-| Du 25 avril au 
na canliaca). 15 mai, 


Hirondelle de mer dougal {sterna| Du 50 avril au 
Dougalii). 15 mai, 


Plusieurs individus de ces di- 
verses hirondelles de mer s’arrêé - 
tent souvent dansles marais de l’em- 
bouchure du Rhône. Es nichent au 
milieu de ces marais, en sorte qu'en 
août on y observe un certain nom- 
bre de ces jeunes oiseaux occupés 
avec les vieux à poursuivre les in- 
sectes aquatiques dont ils sont fort 
friands. 

De pareilles habitudes sont com- 
munes aux foulques qui nichent 
aussi dans les mêmes licex. S'il faut 
en croire les pêcheurs de nos côtes, 
la foulque caroncule nicherait dans 
les contrées méridionales de la 
France, dans les mêmes localités que 
la macroule. Si ce fait était exact, il 
faudrait ajouter cette espèce à celles 
qui visitent les contrées euro-| 


— 307 — 


om 


ÉPOQUES DE LEUR APPARITION, 


OISEAUX. 


ANNÉES ET MOIS. JOURS. 


péennes. Le grèbe oreillard (podi- 

ceps auritus) nous offre un exemple = 
pareil; il passe souvent en mai 

avec sa belle parure de noce, 


II. PINNATIPES. 


Foulque macroule ( fulica atra). Octobre. 20 au 50. 
Grèbe huppé ( podiceps crista-|  1°Novembre. 1 au 10. 
tus). l 2° Mars. 5 au 15. 
III. ÉCHASSIERS. 
Poule d’eau de genêt (gallinula| 1° Avril. 1° au 15. 
crex). 20 De la fin août 
au 15 septembre. 
Poule d’eau marouette (gallinula| 1° Avril. 10 au 25. 
porzana), 20 Septembre 
(fin) au 45 octobre. 
Chevalier aboyeur (totanus glot-| 1° Septembre. 1% au 15. 
tis). 29 Du 25 avril au 
5 mai. 


Chevalier arlequin (totanus fu-| 10 Du 1° mars 
scus). au 50 avril. 

20 Du 1°° octo- 

bre au 18 novemb. 


Courlis corlieu (numenius phœæo- Avril. 1° au 25, 
pus), 


Spatule blanche (platalea leuco-| Décembre et jan- 
rodia). vier, 


La petite aigrelie ( ardea gar— Mai. 1.7 au 20, 
zella). 
/ 


Coure - vite isabelle ( cursorius 1859. Août. 
isabellinus). 


La bécasse (scolopax rusticola. 19 Mars. 10 au 20, 
2° Novembre. 1% au 15, 


— 508 — 


ÉPOQUES DE LEUR APPARITION. 


ANNÉES ET MOIS. JOURS. 


111. ÉCHASSIERS. 


La bécassine (scolopax galli- Octobre. 4 au 25. 
nago). 

La petite bécassine (scolopax Octobre. 4 au 20. 
gallinula). 

Bécassine double (scolopax ma-| 4° Avril. 1% au 45. 
jor). 29 Fin août au - 

15 septembre. 

Grand pluvier à collier (ckara- 4o Avril. 25 au 30. 
drius hiaticula). 2° Octobre. 20 au 50. 

Le grand pluvier ou l’œdicnème Février. 27. 


{ædicnemus crepitans). 


Echasse à manteau noir (himan- Avril. 45 au 50. 
topus melanocephalus). 


Glaréole à collier (glareola tor- Avril. 15 au 25. 
quata). Quelques individus de cette 
espèce nichent et élèvent leur fa- 
mille dans les contrées méridiona- 
les de la France. 


IV. GALLINACES. 


Caille (perdix coturnix). 40 Avril. 1e au 45. 
20 De la fin 
d'août au 15 sep- 
tembre. 
Pigeon sauvage ou biset (colum- Novembre. 20. 
ba livia). 
Pigeon ramier (columba palum-| 1° Fin octobre 
bus). au 20 novembre. 
20 Finfévrier au 
15 mars. 
Pigeon colombin (columla anas). D'octobre en no- 20. 


yembre, 


— 509 — 


ÉPOQUES DE LEUR APPARITION. 


OISEAUX. 


| ANNÉES ET MOIS. 


V. PASSEREAUX. 


Engoulevent ordinaire (c&pri-| Du 1° avril au 
mulgus europœus). 15 mai. 


Engoulevent à ventre roux {capri- Mai. 15. 
mulgus ruficollis), capturé en 1858. 


Martinet de muraille (cypselus| De la fin d'avril 
murarius), au 1% mal. 


Martinet à ventre blanc (cypselus| Avril, vers le 

alpinus). Ce marlinet niche sur la/commencement. 
face septentrionale du mont Saint- 
Loup qui est coupée à pie. Il quilte 
les contrées méridionales de la 
France en août, ou aux premiers 
jours de septembre, 


Hirondelle des rochers (hirundo Mars. 15 au 25. 
rupestris). 

Hirondelle de cheminée {hirundo Avril. 1% au 25. 
ruslica). Termemoyenavril. 14. 

Hirondelle de fenêtre (hirundo Avril. 10 au 15. 
urbica). 

Hirondelle des rivages (hirundo Avril. 45 au 17. 
riparia). 

Hirondelle rousseline ( hirundo| Mai, vers le com- 
rufula). mencement. 

Guépier de Savigny (merops Sa- 1852. Mai. ; 11. 
vigny;. 

Guépier vulgaire (merops apia-| 1° Avril. 5 au 25. 
ster). 2° Fin septem- 


bre ou commence- 
ment d'octobre. 


Coucou gris (cuculus canorus). 49 Avril. 1 au 45. 
2° Septembre. 5 au 20, 


— 310 — 


ÉPOQUES DE LEUR APPARITION. 


ANNÉES ET MOIS. * JOURS. 


V. PASSEREAUX. 


Coucou geai (cuculus glandarius), Décembre, 20 au 925. 
capturé en 1835 

Gros-bec cini ( fringilla cinus). 1o Mars. 1 au 20. 

2° Novembre. 5 au 20. 

Bruant zizi (emberixa cirlus). lo Avril. 1er au 45. 


2° Octobre (fin) 5 au 20. 
et novembre jus- 


qu’au 15. 

Bruant ortolan (emberiza hortu- Avril. 1er au 15. 
lana). 

Mésange à longue queue (parus|_. Du 27 octobre au 
caudatus). 5 noyembre,. 

Bec-fin à poitrine jaune (sylvia Mars. 8 au 15, 
hippolais). 

Bec-fin pouillot (sylvia trochilus). Avril. 1° au 10. 

Bec—fin cisticole (sylvia cisti- Avril. 10 au 20 jusqu'au 
cola). commenc. de mai. 


Bec fin rossignol (sylvia lusci-| Mars (fin) au 1° 


nia). ou 10 avril. 

Bec-fin gorge bleue (sylvia sue-| 1° Avril. 10 au 15. 
cica). 20 Septembre, 17 au 10. 

Bec-fin à lête noire (sylvia atri- Avril, 17 au 10. 
capilla. 

Bec-fin des murailles (sylvia phæ- Avril. 10 au 20. 
nicurus). 

Bec—fin grisette (sylvia cinereu). Avril. 10 au 20. 

Bec-fin à lunettes (sylvia con- Avril. 10 au 15. 


spicillata). 


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AR — 
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; 
EPOQUES DE LEUR APPARITION. 


OISEAUX. Re. 7" RS 


ANNÉES ET MOIS. JOURS. 


V. PASSEREAUX. 


Bec-fin passerinette (sylvia pas- Mars. 25 au 50. 
serina). 
Traquet motteux (saxicola æœnan- Avril. 20 au 30. 
the). 
Alouette des champs ( alauda Octobre. 197 au 15. 
arvensis). 
Alouette calandrelle ( alauda Avril, 6 au 10. 
brachidactyla). 
Merle litorne (turdus pilaris). Octobre, 1e au 10. 
Merle mauvis (turdus iliacus). 4° Octobre. 15 au 20. 
20 Avril. 15 au 30. 
Merle noir (turdus merula). 1° Septembre. 25 au 50. 
2° Octobre. 
Pie - grièche écorcheur (lanius Avril. 15 au 20. 
collurio). 


Martin rosselin (pastor roseus). | Mai (fin) jus- 
qu’au 15 juin. 


Etourneau vulgaire {sturnus vul-| 1° Mars. 10 au 20. 
garis). 2° Oclobre. 1% au 15. 

Loriot (oriolus galbula). Avril. 17 au 15. 

Rollier vulgaire (coracias gar-| 1° Avril. A au 45. 
rula), 20 Octobre. 5 au 20. 

Corneille mantelée (corvus cor-| Novembre. 1er au 20. 
nix). 

VI. RAPACES. 

Hibou brachyote (strix brachyo- Octobre. 5 au 25. 
105). 

Aigle jean-le-blanc (falco bra-| Novembre. 10 au 25. 


chydactylus). 


— 312 — 


TABLEAU DU TEMPS MOYEN 


DE LA PREMIÈRE ET DERNIÈRE APPARITION 


DES HIRONDELLES ET DES MARTINETS 


SUR LES COTES DU MIDI DE LA FRANCE. 


ESPÈCES PREMIÈRE EPOQUES MIGRATION DERNIÈRE 
DES OU ELLES SONT 
HIRONDELLES APPARITION. | NOMBREUSES. (GÉNÉRALE. | APPARITION. 
| 


Hirundo rupe-| Mars, 13. | Mars, 50. 3 au 4 sep- | Octobre, 10. 
stris. tembre. 


Hirundo rusti-| Avril, 14. |Mai,l®au5.| 5 au 20 Octobre, 
Ca. septembre. | versla fin, ra- 
rement quel- 
ques-unes en 

novembre. 


Hirundourbica. | Avril, 25. Mai,10au! Du 15 au|  Verslami- 
15. 50 septembr. | octobre. 


Hirundo ripa-| Avril, 27. Mai, du 5! Du5au20| Du 15 au 
ria. au 10, septembre. | 20 octobre. 


Cypselus mura- Avril, du] Mai,du15| Août, du| Septembre, 
rius. 25 au 50. |au 20. 4° au 10. du 1‘r au 5. 


2 © QC 


CHAPITRE HIT. 


I. Des passages des reptiles. 


Au milieu des mouvements nombreux que les ani- 
maux vertébrés exécutent, soit dans les plaines des 
airs, soit dans le sein des eaux, soit sur les terres 
sèches et découvertes, un ordre entier de ces animaux 
semble prendre peu de part à cette agitation géné- 
rale. Cet ordre est celui des reptiles, les moins fa- 
vorisés sous le rapport de leurs organes de locomotion. 

Les plus agiles de cette famille de vertébrés, ou les 
lézards proprement dits, ne paraissent guère se dé- 
placer ni parcourir de grandes distances. Ils quittent 
bien leurs demeures lorsqu'ils sont poursuivis, mais 
ils y reviennent dès que le danger qui les leur avait 
fait abandonner vient à cesser. Ils retrouvent le trou 
qui les à vus naître, avec peut-être tout autant de bon- 
heur qu’en ressentent les oiseaux, à l’époque de leurs 
voyages, à déiaisser le lieu de leur naissance. 

Si les reptiles sont à peu près les seuls des vertébrés 
qui ne se livrent presque jamais à de longues excur- 
sions, et encore moins à de grands voyages, analogues 


— 311 — 


à ceux qu'exécutent les oiseaux et les poissons, cette 
circonstance peut tenir à leur genre de vie et à leur 
nourriture. Sous ce dernier rapport, ces animaux dif- 
fèrent beaucoup des espèces des autres classes des ver- 
tébrés. Comme les reptiles trouvent constamment dans 
les lieux de leur naissance la nourriture qui leur est 
nécessaire , ils ne sont pas obligés de se transporter 
ailleurs pour s’en procurer. Enfin, ils sont l'hiver dans 
un état de torpeur particulier, et cette circonstance les 
empêche encore de se déplacer. Du moins il en est de 
même des autres animaux qui s’engourdissent dès que 
la température s’abaisse; tels sont les ours et les mar- 
mottes. 

Leur état stationnaire paraît dépendre du peu de dé- 
veloppement que les organes du mouvement ont pris 
chez ces animaux, où ilsmanquent mêmeassezsouvent. 
On à en quelque sorte une confirmation de ces faits, re- 
lativement à ce qui se passe chez les autres vertébrés 
qui ne sont pas mieux traités que les reptiles sous le 
rapport de leurs organes locomoteurs. Du moins, les 
oiseaux qui, d’après leur conformation, ne peuvent 
ni voler, ni nager, ne se livrent pas plus à de longues 
migrations que les poissons privés de nageoires ou 
de tout autre moyen de progression. Sans doute la 
présence d'appareils locomoteurs n’est pas une cir- 
constance déterminante des habitudes voyageuses des 


. . 3° « 2 ° 
animaux; mais ce qu'il y a de certain, c est qu elles 


n’ont presque jamais lieu dans les êtres qui, comme 
les reptiles, ne peuvent se livrer à des mouvements 
longtemps prolongés. 

Les sauriens sont, sans contredit, de tous les ani- 
maux rampants, les plus agiles ; ils ne peuvent pas 
cependant prolonger leurs courses pendant des temps 
bien lonss. Lorsqu'on poursuit avec rapidité les lé- 
zards, on les voit bientôt, comme épuisés de fatigue, 
s’arrêter, vous regarder même, en tournant leur tête, 
et ne pouvoir continuer la vivacité des mouvements 
qu'ils avaient présentée au moment de leur départ. 
Leur mode de respiration peut bien en être, en par- 
tie, la cause; car elle est chez eux tout à fait incom- 
plète. Le sang qui retourne au corps sans avoir res- 
piré ne peut donner à la fibre motrice cette énergie 
et cette puissance d’action si remarquables chez les 
animaux qui ont une respiration double ou seule- 
ment complète (4). 

A la vérité, les poissons qui respirent constamment 
par des branchies, et dont la quantité de respiration 
est peut - être moindre que chez les reptiles, se li- 
vrent pourtant à de longues et à de grandes migra- 


(1) Les reptiles peuvent cependantsuspendre leur respiration pendant des 
temps souvent assez longs; aussi est-il fort difficile de les faire mourir par 
asphyxie. On peut s’en assurer en plongeant des espèces terrestres dans 
l’eau sans communication avec l’air. 


— 3516 — 


tions. Mais ces animaux, qui n’éprouvent dans leur 
respiration d'autre action que celle de la portion d’oxy- 
sène dissoute, ou mêlée dans l’eau, sont sous l’in- 
fluence de circonstances totalement différentes de 
celles que ressentent les sauriens. Ceux-ci vivent leplus 
généralement sur les terres sèches et découvertes, et 
par conséquent dans l'air. Par cela même, ils ont plus 
d'efforts à faire pour marcher, et surtout pour courir 
longtemps. Le peu de continuité d’énergie de leurs 
fibres musculaires et la briéveté de leurs pattes ne 
leur en donnent pas trop les moyens. 

Une autre circonstance empêche les sauriens de 
faire de longues courses. Cette circonstance tient au 
grand écartement de leurs organes de mouvement, 
dans les espèces les plus favorisées sous ce rapport, 
c'est-à-dire dans celles qui ont quatre membres. Evi- 
demment la course, ou plutôt des mouvements prolon- 
gés ne peut qu'être interdite aux reptiles qui n'ont 
que deux pieds, ou aux ophidiens qui n’en offrent pas 
de traces. Une autre disposition de l’organisme de ces 
animaux les rend peu propres à pouvoir soutenir, non 
pas seulement de grands voyages, mais même de lon- 
gues excursions. Elle tient à ce que leurs membres 
sont le plus souvent si courts, que leur ventre traine à 
terre, disposition peu favorable à la continuité de leurs 
mouvements. | 


Il est cependant quelques espèces de sauriens 


— 517 — 


qui, munies de quatre organes du mouvement n’en 
font pas cependant usage lorsqu'elles veulent cou- 
rir. Tels sont les seps, dont les deux paires de 
pattes sont plus éloignées l’une de l’autre que celles 
des scinques, et chez lesquels les pieds sont encore 
plus petits. Ces reptiles, au moment où ils veulent 
courir, placent leurs pattes parallèlement à leur 
corps, dans de petits enfoncements qui s’y trouvent, 
et se roulent comme des serpents. Ils avancent à l’aide 
d’ondulations successives et trés-multipliées, analo- 
gues à celles employées par les ophidiens pour pro- 
gresser. Au moyen de ces ondulations, ils reculent 
avec presque tout autant de facilité qu'ils marchent 
en avant, et leur course est si rapide qu'il est souvent 
difficile de les atteindre et de les saisir. 

De pareilles habitudes sont également communes 
aux bipèdes ( bipes Lacépède ); ce qui est plus aisé à 
comprendre, ces reptiles n'ayant pour tout organe de 
mouvement visible que leurs pieds de derrière. Ces 
pattes, beaucoup trop courtes pour servir à ces ani- 
maux d'organes de progression, sont repliées par eux 
sur le côté de leur corps, lorsqu'ils veulent courir. 

Ces reptiles, comme les seps, sont alors tout à fait 
semblables, sous le rapport de leurs appareils loco- 
moteurs, aux ophidiens ; ils paraissent seulement pou- 
voir soutenir plus longtemps que ces derniers des 
mouvements vifs et continus. 


— 3518 — 


D'un autre côté, leurs organes locomoteurs, au lieu 
d’être dirigés parallèlement à l’axe du corps, et de se 
mouvoir dans ce sens, se portent au contraire en gé- 
néral de côté, et se meuvent du dehors en dedans 
perpendiculairement au même axe. Aussi, soit par 
suite de cette position, soit par l’effet de leur grand 
écartement, les membres des reptiles sont aussi dé- 
favorablement placés que possible, pour la continuité 
des mouvements. Il en résulte que la plupart des 
espèces terrestres rampent plutôt qu'elles ne marchent; 
circonstance qui leur a fait donner le nom de reptiles. 

L'organisation des animaux qui vivent sur les ter- 
res sèches et découvertes s’oppose donc à ce qu’ils 
puissent se livrer à des excursions un peu prolongées. 
Tout au plus de pareilles courses sont-elles possibles 
aux sauriens, aux chéloniens et aux ophidiens qui 
vivent dans l’eau. Il parait du moins que certaines 
espèces de crocodiles et de gavials, dont le séjour ha- 
bituel est le sein des eaux courantes, s’en écartent 
parfois, et s’avancent fort loin dans le sein des mers. 
M. de Humboldt rapporte avoir vu, dans les mers de 
l'Amérique, de cesgrands sauriens, à plus detrente-six 
lieues des côtes; cette circonstance annonce que ces 
animaux, comme les autres vertébrés, se déplacent 
quelquefois (1). Mais, comme un petit nombre d'’in- 


(4) I le paraîtrait encore si le fait mentionné dans une lettre datée 


— 519 — 


dividus de cet ordrese livrent à d’aussi longues excur- 
sions, ils peuvent tout au plus être comparés aux 
passages accidentels des oiseaux et des poissons, mais 
nullement à leurs migrations. 

Il parait cependant que les caïmans ( alligator 
Cuvier) se livrent, sinon à des migrations, du moins 
à des passages plus où moins constants, et plus ou 
moins étendus à des époques assez régulières. Ainsi, 
lorsque les mers deviennent très-poissonneuses, ou 
que les lacs rapprochés des rivières qu'ils habitent 
abondent en poissons, ces reptiles abandonnent les 
eaux douces, dans lesquelles ils vivaient primiti- 
vement, pour aller ou dans les lacs, ou même jusque 
dans le bassin des mers, où ils sont assurés de pou- 
voir satisfaire leur voracité. Ces habitudes ont, il faut 
l'avouer, quelque chose d’analogue à celle des autres 
animaux, qui se déplacent aussi parfois dans l’espoir 
de trouver ailleurs une nourriture plus abondante et 
plus appropriée à leurs besoins. 

Il est cependant quelques espèces de chéloniens, 
et même d’ophidiens, que l’on découvre parfois à de 
fort grandes distances, et dans des lieux très-diffé- 


d'Astrakan, et qui se trouve insérée dans le n° 604 de l'Echo du monde 
savant (25 janvier 1841), était exact. On y assure qu'un crocodile a été 
aperçu sur les côtes sablonneuses de la mer Caspienne, mer où l’on n'avait 


jamais aperçu cette grande espèce de saurien. 


— 520 — 


rents. On a cité sous ce rapport quelques reptiles qui 
vivent d’une manière constante dans le bassin des 
mers. Le nombre en est peu considérable ; on a uni- 
quement signalé parmi ces animaux, deux genres de 
chéloniens, les chélonées et les sphargis ; car, pour 
les kydrus et les hydrophis de l'ordre des ophidiens, 
il est douteux que ces reptiles vivent d’une manière 
permanente dans les eaux des mers. 

L'organisation des torlues marines correspond à 
leur mode d’existence essentiellement bornée à la vie 
aquatique; aussi les chéloniens ne peuvent abandon- 
ner que pendant peu de moments les eaux dans les- 
quelles ils se trouvent. D'un autre côté, comme on ne 
parait pas avoir Jamais rencontré des tortues de mer 
dans des eaux douces, leur station est par cela même 
bien fixée. 

Ces animaux quittent pourtant le sein des eaux à 
l’époque de la ponte, et ils se trainent pendant la 
nuit sur les rivages de quelques iles désertes. On as- 
sure qu'ils gravissent parfois les bords des rochers 
isolés en pleine mer, pour y brouter les plantes ma- 
rines , qu'ils recherchent beaucoup. Dans quelques 
parages tranquilles , même à sept ou huit cents lieues 
de toute terre, on apercoit, à la surface des flots, des 
tortues étalées et dans l’immobilité la plus absolue, 
comme si elles étaient privées de vie. 


Si ces reptiles se trouvent à l’époque où ils doivent 


opérer leur ponte à d'aussi grandes distances des côtes, 
ilest facile de saisir combien est grande la longueur du 
trajet que ces chéloniens ont à faire pour venir dé- 
poser leurs œufs. Il y a grande apparence que, quand 
les femelles ont à s'occuper de leur ponte, elles se 
rapprochent beaucoup plus des rivages. Cependant, 
d’après les observations les plus positives, les tortues 
ont souvent, à l’époque de l’incubation, plus de cent 
lieues à parcourir pour venir à terre. Les males sui- 
vent les femelles dans ces sortes de voyages ou d’é- 
migrations; ils les accompagnent assez constamment. 

Un instinct particulier porte la plupart des femelles 
des mêmes parages à se rendre à des époques à peu 
près fixes, sur le rivage sablonneux de quelques iles 
désertes. Elles sortent dela mer avec beaucoup de pré- 
cautions après le coucher du soleil et pendant la nuit. 
Ces tendres mères préparent avec soin le nid où elles 
déposent jusqu'à cent œufs à la fois. Elles font ainsi 
jusqu’à trois pontes à deux ou trois semaines d’inter- 
valle. Après avoir recouvert la nichée de sable léger, 
les tortues retournent à la mer, et les œufs éclosent 
par suite de Ja chaleur que leur donnent les rayons 
du soleil des climats équatoriaux. 

Les chéloniens des genres chelonia et sphargis se 
rencontrent dans les mers des pays chauds, principa- 
lement vers la zone torride, dans l'Océan équinoxial. 


Mais ce qui prouve que ces animaux se livrent aussi 
24 


— 322 — 


à de longues excursions, c’est que l’on en découvre 
dans la Méditerranée et le Grand-Océan. Quoiqu’on 
n'ait voulu y voir que des individus égarés, se ren- 
contrant le plus souvent isolés, ces individus n’an- 
noncent pas moins l'étendue de mer qu’ils ont dû 
parcourir pour parvenir dans des parages si diffé- 
rents de ceux qu'ils habitaient primitivement. 

Lorsqu'on compare les diverses contrées où les 
espèces des genres chelonia et sphargis ont été dé- 
couvertes, il est difficile de ne pas présumer que les 
tortues marines doivent aussi se livrer à des excur- 
sions lointaines. Si aucun fait positif ne vient nous 
apprendre que ces tortues entreprennent des mi- 
grations constantes et périodiques , analogues à celles 
qu’exécutent les oiseaux, il suffit, ce semble, de 
porter son attention sur leur distribution pour être 
convaincus qu’elles doivent du moins exécuter des 
passages accidentels, et se transporter à de très- 
grandes distances. Il serait sans doute intéressant de 
faire connaître les motifs qui les y déterminent ; mais, 
faute de données suffisantes, nous n’oserons entre- 
prendre la solution que ces faits soulèvent. 

Nous ferons seulement observer que, s’il est quel- 
ques espèces de tortues marines qui paraïssent bor- 
nées dans leurs habitations, il en est d’autres qui ont 
été apercues dans les contrées les plus différentes et 
les plus éloignées. Ainsi la chélonée franche (chelonia 


— 3525 — 


midas) semble restreinte à l'Océan Atlantique, comme 
la chélonée tachetée aux côtes de Malabar. D’un au- 
tre côté, la chélonée caouane (chelonia couana) se 
trouve à la fois dans la Méditerranée, l’Océan Atlan- 
tique et les mers du Brésil, et la chélonée vergetée 
(chelonia virgata) se découvre dans la mer Rouge, 
aux environs du cap de Bonne-Espérance, et en outre 
dans les mers des Indes, du Brésil et des Etats-Unis. 
Des habitations non moins variées sont également l’a- 
panage de la chélonée imbriquée (chelonia imbricatai). 
On rencontre, en effet, cette espèce aussi bien dans 
l'Océan Indien qu’Américain, comme auprès des côtes 
de l’ile Bourbon, de l'ile d’Amboine, des iles Sé- 
chelles, et auprès de la Nouvelle-Guinée, 

Il en est de même de la seule espèce qui nous soit 
connue dans le genre sphargis. Le luth (sphargis co- 
riacea) a été pris à la fois dans l'Océan Atlantique, 
dans celui d'Europe et dans la Méditerranée. Du 
moins, d’après Rondelet et Amoreux, cette tortue a 
été pêchée à plusieurs reprises sur les côtes de la 
France, dans les environs du port de Cette. Delafont 
a également rapporté qu’un luth avait été pêché en 
France, vers l'embouchure de la Loire, et depuis lors 
Berlasse a fait mention d’un autre individu capturé 
en 1756 sur les côtes de Cornouailles, en Angleterre. 

Après des habitations aussi variées, les chélonées 
marbrées et Dussumier paraissent des espèces tout 


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à fait sédentaires ; la première n’a été encore observée 
qu’auprès de l'ile de l’Ascension, et la seconde, uni- 
quement sur les côtes de Malabar et dans les mers de 
la Chine. 

Il est difficile, après de tels faits, de ne pas ad- 
mettre que les tortues marines se livrent à des pas- 
sages plus ou moins accidentels, déterminés par le 
besoin que ces animaux éprouvent de perpétuer leur 
race, et de déposer leurs œufs dans des positions con- 
venables. Ce motif puissant les amène à terre ; car celui 
d'y trouver un genre de nourriture que le sein des mers 
ne peut leur fournir, ne paraît être pour ces animaux, 
qu'une circonstance tout à fait secondaire. Il n’est pas 
du moins présumable que l'espoir de rencontrer à 
terre des plantes qui peuvent leur convenir porte ces 
animaux à franchir cinquante ou même cent lieues 
qui les séparent souvent des rivages. On conçoit faci- 
lement qu'ils s’y rendent dans l'intérêt de leur posté- 
rité, mais non dans le but dechanger leur genre denour- 
riture. Sans doute si la faim les pressait, on pourrait 
admettre un pareil motif; comme il n’en est point 
ainsi, les voyages des tortues de mer doivent avoir 
lieu par suite d’un besoin impérieux, auquel les rep- 
tiles, pas plus que tout autre animal, ne savent et ne 
peuvent résister. 

Plusieurs ophidiens paraissent avoir des habitu- 


des à peu près analogues à celles que nous venons 


de reconnaitre aux tortues marines. Leur nombre 
est également peu considérable ; il ne s'étend pas au 
delà de deux genres, les Lydrus et les hydrophis. 
Le premier, composé d’une seule espèce, l’hydrus 
bicolor, décrit d’abord par Dandin, sous le nom de 
pelamis bicolor, est un petit serpent marin qui s’ap- 
proche rarement des côtes. Il ne parait en effet se 
rendre auprès des rivages de l’ile des Pins, dans la 
mer Pacifique, que pour y déposer ses œufs, et dans 
le môment de la ponte. 

Le second de ces genres, ou les kydrophis, sont des 
serpents des marais salants ou des eaux salées peu 
éloignées du bassin de l'Océan, comme sont souvent 
les grands fleuves auprès de leur embouchure. Ainsi, 
d’après Russel, on découvre un grand nombre d’in- 
dividus de ce genre, dans les eaux salées d’une rivière 
de Calcutta, qui partage en deux la contrée du Bengale 
nommée en anglais le Sunders-Bund. La forme de la 
partie postérieure de leur corps, analogue à celle des 
hydres, ainsi que la disposition de leur queue très- 
comprimée et très-élevée dans le sens vertical, annon- 
cent assez les habitudes aquatiques de ces serpents. 

D'un autre côté, comme ces animaux ne peuvent 
vivre longtemps lorsqu'on les met dans l’eau douce, 
ils doivent habiter uniquement les eaux salées, soit les 
étangs, soit les embouchures des fleuves et surtout le 
sein des mers. Il est du moins certain, et l’on pourrait 


— 3526 — 


le présumer d’après leur organisation, que ces rep- 
tiles nagent avec une extrême agilité; mais nous igno- 
rons s'ils peuvent franchir de grandes distances. Tou- 
jours est-il que, si on les met sur le sol, ils ne peuvent 
faire quelques mouvements, qu'avec les plus grands 
efforts et la plus grande difficulté. 

D’après leur vie essentiellement aquatique, et qui 
se passe à peu près uniquement dans les eaux des 
mers, il se pourrait que ces serpents se transportas- 
sent à de grandes distances, comme le font les tortues 
marines, et peut-être par les mêmes motifs. Mais les 
faibles dimensions de ces ophidiens rendent leur obser- 
vation difficile ; aussi est-il à peu près impossible de 
rien affirmer à cet égard. Tout ce que l’on sait, c’est 
que ces serpents sont fort communs à Otaïti, comme 
au Bengale et dans la mer des Indes. Il nous reste à 
savoir s'ils sont sédentaires dans ces divers parages, 
ou s’ils voyagent des uns aux autres, soit d’une ma- 
nière accidentelle, soit d’une manière constante et 
périodique. 

Si les reptiles ne se livrent pas comme les au- 
tres animaux à de grandes et de longues migra- 
tions, cette circonstance ne tient pas à la lenteur 
de leurs mouvements, mais au peu de continuité 
de ceux qu’ils peuvent exécuter. En effet, ces ani- 
maux, considérés sous le rapport de leurs facultés lo- 
comotrices, présentent tout autant de diversités que 


— 321 — 


lesmammifères. La plupart, à la vérité, sont terrestres, 
ou appelés à vivre sur la surface solide du globe. Les 
uns y marchent, les autres y courent, tandis que quel- 
ques-uns y glissent ou y rampent, ou enfin y sautent, 
en sorte qu’ils exécutent tous les genres de mouve- 
ments que l’on peut produire dans l’air. Il y a plus 
encore : certains reptiles terrestres, à l’aide d’une es- 
pèce d’aile comparable à celle des chauves-souris, 
mais indépendante des quatre pieds, peuvent s’élancer 
dans l'air et s’y soutenir plus ou moins longtemps. 
Ces membranes, ou ces ailes, servent aux dragons 
(draco volitans ), comme de parachute, ainsi que le 
font les polatouches; mais elles n’en prouvent pas 
moins la variété des mouvements des espèces qui vi- 
vent sur les terres sèches et découvertes. 

Les reptiles qui vivent dans l’eau n'ont pas des 
mouvements moins variés que ceux qu'exécutent les 
espèces terrestres. Ainsi les pattes aplaties, allongées 
et changées en nageoires, des chélonées, des tryonix 
et des émydes, servent à ces animaux pour naviguer 
avec facilité. Il en est de même de la queue déprimée à 
son extrémité des sauriens nommés uroplates ; ana- 
logue à la queue horizontale des cétacés , elle leur 
sert aux mêmes usages. Il en est également de la 
queue comprimée sur les côtés comme celle des pois- 
sons, qui caractérise plusieurs lézards, tels que les 
crocodiles et les tupinambis, ainsi que parmi les 


batraciens, les protées, les tritons et les sirènes. 

Les reptiles opèrent enfin tous les autres modes de 
mouvements généraux où de transport, qui distin- 
guent les animaux les plus élevés dans la série. Quelle 
distance n’existe-t-1l pas depuis la démarche lente 
des tortues de terre, jusqu'à la rapide agilité des 
lézards ? D’autres sauriens, tels que les anolis et les 
iguanes à doigts allongés, distincts, séparés, ter- 
minés par des angles crochus, s’en servent avec 
dextérité pour grimper avec prestesse. Les camé- 
léons rappellent même, par leur faculté de grim- 
per, les habitudes de certains oiseaux tels que les 
pics et les perroquets. On les dirait construits pour 
ce but. Les doigts de chacune de leurs pattes sont 
réunis jusqu'aux ongles en deux faisceaux ou pa- 
quets opposables, ce qui leur donne la facilité de 
saisir parfaitement , et d’empoigner les branches 
sur lesquelles ils se fixent. Cette conformation de 
leurs pattes, la plus propre à affermir leur station 
sur des corps cylindriques ou saillants, facilite aussi 
leur progression qui se fait toujours avec lenteur sur 
des plans horizontaux. 

Chez d’autres sauriens très-agiles, comme les 
geckos, la solidité de la station est en général favo- 
risée par la singulière disposition des doigts. Les 
phalanges élargies, aplaties en dessous, garnies de 
petits coussinets mous remplissent le même office que 


— 529 — 


les pelotes placées sous les tarses de quelques mou- 
ches. A leur aide, les geckos adhérent et marchent sur 
les corps les plus lisses, et courent sur des plans so- 
lides où ils restent à volonté immobiles suspendus 
contre leur propre poids. Quelques espèces ont, en 
outre, des ongles crochus, rétractiles comme ceux des 
chats, afin de ne pas en user la pointe et de s’en ser- 
vir au besoin. 

Les divers détails de conformation organique que 
nous venons d'indiquer suflisent pour faire juger com- 
bien peu les membres des reptiles sont disposés pour 
la continuité des mouvements progressifs. Ces mouve- 
ments sont, du reste, constamment saccadés. Quand 
des membres locomoteurs existent, ce qui n’a pas tou- 
jours lieu, les serpents en étant toujours privés, les 
os des bras, des cuisses et de toutes les autres parties 
des extrémités antérieures et postérieures sont très- 
peu développés en longueur. D'un autre côté, par 
leur mode d’articulation sur les épaules et sur les 
hanches, les membres se trouvent dirigés en dehors, 
et se joignent au corps en formant avec la longue 
échine un angle presque droit. 

Les mouvements des pattes s’exécutent chez la 
plupart des reptiles dans un sens perpendiculaire à 
l’axe de la colonne vertébrale ; comme ces pattes 
sont courtes, elles peuvent à peine soutenir le poids 
du corps. Les coudes et les genoux ne peuvent s'é- 


— 330 — 


tendre et se redresser complétement ; leurs articu- 
lations sont constamment fléchies, et chez presque 
tous le corps traine à terre. Il est à peine sou- 
levé, et la marche devient très-fatigante par suite 
du frottement qu’elle exige. Elle l’est surtout chez les 
reptiles qui, comme certains genres de tortues, ont 
leurs pattes très-courtes et trés-éloignées du centre. 
Aussi n’y a-t-il parmi les tortues que les genres ché- 
lonées et sphargis qui, vivant dans l'eau, nagent avec 

a plus grande facilité à l’aide de leurs pattes trans- 
formées en véritables rames aplaties. 

D’autres dispositions viennent apporter de nou- 
veaux obstacles à la continuité des mouvements des 
reptiles. Si plusieurs de ces animaux ontleurs pattes à 
peu près égales en longueur, il en est au contraire 
qui ont celles de devant plus courtes que celles de 
derrière. D’un autre côté, chez quelques batraciens, 
les membres postérieurs offrent en étendue le double 
et le triple de ceux de devant. Cette conformation est 
si peu favorable à la marche que l’animal chez lequel 
elle se trouve ne peut avancer que par sauts et par 
bonds. Enfin certains reptiles n’ont que deux paires 
de membres ; tantôt les antérieurs seuls existent, 
comme dans les chiroteset les sirènes ; tantôt ce sont les 
postérieurs, comme dans les hystéropes et les bipèdes. 

Les membres des reptiles, généralement courts et 
articulés d’une manière désavantageuse à une pro- 


gression continue rendent la course très-fatigante 
à ces animaux, surtout lorsqu'elle est prolongée. Elle 
est d'autant plus pénible pour eux, que le grand es- 
pace qui règne entre les deux paires de pattes ne per- 
met que des impulsions latérales successives, toujours 
distantes les unes des autres. Le corps poussé ainsi 
alternativement à droite et à gauche, ayant souvent 
besoin , à chaque pas, d’être aidé de l'action impul- 
sive de la queue, ne peut avoir qu’une allure vacil- 
lante et tortueuse, qui caractérise la plupart de ces ani- 
maux. Les caméléons sont peut-être les seuls reptiles 
dont les pattes allongées élèvent assez le tronc pour em- 
pêcher le ventre de porter sur le plan qui supporte le 
corps de l’animal dans la station et dans la marche. 

La reptation ou l’action de ramper est donc le mou- 
vement le plus commun et le plus général chez les 
reptiles. Il est même l’unique à l’aide desquels pro- 
gressent les serpents et les sauriens qui n’ont pas de 
pattes, ou qui les ont très-courtes. La colonne verté- 
brale, au moyen de ses muscles forts et contractiles, 
et des os nombreux qui la constituent, produit l’im- 
pulsion de toute la masse allongée du corps, par des 
sinuosités successives, imprimées alternativement à 
droite et à gauche, et quelquefois par des ondula- 
tions quiont lieu dans le sens vertical. Ces deux modes 
de reptation nous sont offerts par diverses espèces 


d’ophidiens. 


Aussi n'est-ce pas chez un pareil ordre d'animaux 
que nous pouvons espérer de rencontrer des espèces 
voyageuses , même chez celles auxquelles la nature a 
départi la force et la grandeur. Le boa devin (boa 
constrictor) qui surpasse par sa stature tous les ser- 
pents, autant que l’éléphant ou le lion dépassent tous 
les autres quadrupèdes qui ont le même genre de vie, 
a sans doute une grande agilité dans ses mouvements ; 
mais, quoiqu'il s’élance avec une vigueur surpre- 
nante, il ne peut les continuer longtemps. 

Il ne saurait suivre constamment une route déter- 
minée et devant soi; condition cependant essentielle 
pour franchir de grandes distances et exécuter de 
longs voyages. Ces serpents se distinguent plutôt par 
la souplesse et l’élasticité de leurs mouvements, que 
par leur continuité. Cette souplesse et l'intensité de la 
compression qu’ils peuvent exercer sur leurs victi- 
mes est une suite de la disposition de leurs côtes. 
Celles-ci creuses, extrêmement flexibles, peuvent se 
ployer, pour ainsi dire, dans tous les sens; ce que 
leur permet encore leur mode d’articulation. Elles 
doivent à ces diverses circonstances les mouvements 
aussi variés que compliqués qu’elles peuvent exé- 
cuter. Du reste, ces mouvements successifs et ra- 
pides n’ont jamais lieu qu'à l’aide de circonvolutions 
et de sinuosités plus ou moins multipliées. Lorsque 
les serpents irrités s’élancent avec violence sur ceux 


— 5353 — 


qui les attaquent, ils ne quittent pas pour cela la 
place où ils se trouvaient primitivement. Ils se bor- 
nent à projeter leur corps en avant, jusqu’au moment 
où, par suite d’un nouveau bond, ils font un pas 
devant eux. Evidemment, quelque prompts que soient 
ces mouvements , à l’aide desquels ils saisissent leurs 
victimes, ils ne peuvent être longtemps prolongés, et, 
par conséquent, leur permettre de parcourir de grands 
espaces. 

D'un autre côté , les ophidiens , soit le genre des 
serpents et ceux qui appartiennent à la même famille, 
soit les orvets, soit les ophisaures, ne peuvent mar- 
cher avec rapidité, ou courir, que lorsqu'ils ram- 
pent sur un sol qui leur fournit de nombreux points 
d'appui. C’est aussi à raison de la nécessité qu'ils 
éprouvent d’être soutenus, que ces animaux ne peu- 
vent marcher trés-vite en ligne droite. À raison de 
cette circonstance, ces reptiles courent par une suite 
d'ondulations, et cherchent, en allant de côté et d’au- 
tre, à rencontrer des points d'appui, dont ils se ser- 
vent avec une merveilleuse adresse, pour hâter leur 
progression. 

IL est même certains reptiles qui, lorsqu'ils ne 
trouvent pas devant eux les points d'appui qu'ils re- 
cherchent, vont d’abord à reculons, espérant de cette 
manière être plus heureux. Tels sont les amphis- 


bènes, dont la démarche est si lente et si incer- 


— 331 — 


taine, qu’en les voyant ramper on hésite quelque temps 
à savoir s'ils marchent en avant ou en arrière. Ces 
animaux ont une démarche encore plus vacillante que 
les sirènes , les acontias et les cœcilies, qui cependant 
passent en grande partie leur vie dans la vase et la 
fange. Les ophisaures, dépourvus de toute apparence 
d’extrémités postérieures, semblent, par cela même, 
peu favorisés sous le rapport de l’apilité de leurs 
mouvements; mais nous avons déjà fait sentir que 
Ja plupart des reptiles sont singulièrement gènés, pour 
la continuité de leurs courses, par l’imperfection de 
leurs organes locomoteurs ; aussi n’insisterons-nous 
pas plus longtemps à cet égard. 

Une autre circonstance apporte un obstacle non 
moins puissant aux mouvements continus de ces ani- 
maux. Elle se rattache à la longueur de leur queue, 
plus grande que celle de leur corps, et enfin à l’ex- 
trême fragilité de cette partie. Elle est telle, qu'on 
a nommé les orvets et les ophisaures serpents de verre, 
pour indiquer par là, que leur queue se brise par le 
moindre choc, avec la plus grande facilité. 

Dans d’autres circonstances, laqueue desreptiles, et 
particuliérement celle des lézards, est fort utile à ces 
animaux pour la course, surtout si elle a lieu dans une 
herbe épaisse ou entre les branches basses d’une haie. 
Le lacerta viridis et les autres espèces analogues s’en 


servent particulièrement avec avantage, en lui impri- 


— 335 — 


mant, à la maniére des serpents, des mouvements d’on- 
dulations latérales. C’est par elle aussi, et d’après le 
même procédé, que la natation s'opère. Dans ce mode 
de progression les pattes sont serrées contre le corps : 
l’aplatissement naturel des cuisses, des jambes et des 
avant-bras, fait que leur saillie est alors presque nulle, 
et que l’animal s’avance avec autant de facilité qu’un 
serpent ou qu'un poisson anguiliforme. La queue sert 
encore aux reptiles, et surtout aux lézards, pour s’é- 
lancer perpendiculairement ou obliquement à une 
certaine hauteur. Mais, comme ce genre de mouve- 
ment se rapporte peu à ceux que nous étudions, nous 
n'en dirons pas davantage. 

IlLest enfin plusieurs reptiles qui offrent une pareïlle 
imperfection dans leur organisation, et qui ne peu- 
vent se livrer à des excursions un peu longues, par 
suite de leur genre de nourriture. Tels sont les am- 
phisbénes, genres d’ophidiens qui se tiennent à peu 
prés constamment en Amérique, dans les fourmi- 
lières, et qui, par cela même, ne peuvent guère se 
déplacer. 

Une autre cause plus puissante encore s'oppose à ce 
que les reptiles puissent se livrer, comme les oiseaux 
et les poissons, à de grandes et de longues excursions. 
Cette cause tient à l’effet que produit chez eux l’élé- 
vation ou l’abaissement de la température de l’atmos- 
phère sur l'exercice de leur faculté locomotrice et 


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sur la plupart de leurs autres fonctions. Tous, par 
l’action du froid, semblent tomber dans une sorte 
d’engourdissement ou de léthargie comateuse qui dé- 
termine leur immobilité, et paraît les rendre insen- 
sibles à tout ce qui se passe autour d’eux. 

Dans les climats tempérés, des exemples frappants 
de pareils engourdissements nous sont fournis par les 
grenouilles, les salamandres, les tortues terrestres, 
les lézards et les couleuvres. Des effets absolument 
semblables sont produits par une cause tout à fait 
inverse chez les espèces qui vivent sous les climats brü- 
lants situés au delà de l’équateur, ainsi que M. de Hum- 
boldt l’a observé pour les crocodiles et les caïmans. 

Ces animaux exigent donc pour l’agilité de leurs 
mouvements des circonstances toutes particulières de 
température. 1l faut en général qu'une chaleur exté- 
rieure soit assez forte pour suppléer à celle qui leur 
manque. Alors le repos leur est comme impossible ; 
sans changer de place, on les voit, surtout les lézards, 
agiter successivement tous leurs membres par une 
sorte de tremblement convulsif, fréquemment réitéré. 
Mais cette agilité concourt à épuiser plus prompte- 
ment leurs forces. Il n’est pas difficile à un homme 
de les forcer à la course sur un terrain uni; et les 
petites espèces de lézards deviennent presque inca- 
pables de mouvement, après quelques minutes d’une 


poursuite soutenue sans relâche. 


Ces circonstances, dépendantes de l’organisation, 
limitent nécessairement dans certains lieux l’exis- 
tence de ces animaux. Ainsi ceux qui vivent dans les 
régions tempérées s’engourdissent l'hiver, et perdent 
la faculté de se mouvoir tant que dure la saison des 
frimas. Ces reptiles semblent disparaitre tout à fait 
pour lors de la surface de la terre, et cela pendant 
plusieurs mois de l’année. Ces causes rendent aussi 
ces animaux moins nombreux, en même temps que 
leurs genres et leurs espèces sont plus rares dans le 
Nord que dans le Midi. 

Les reptiles ne sont pas , comme les oiseaux et les 
poissons, des animaux construits sur le même plan 
ou sur le même modèle ; les uns pour s’élever dans 
l’atmosphère , et les autres pour nager dans le sein 
des eaux. Des systèmes d'organisation plus variés, 
qui se rapportent au moins à quatre types principaux, 
caractérisent les animaux rampants ; par cela même, 
ils ont eu des moyens différents de locomotion, mais 
dont aucun n’a été établi pour leur permettre des 
mouvements longtemps prolongés. 

Un simple apercu, ajouté aux détails dans lesquels 
nous sommes déjà entré, fera mieux saisir toute leur 
imperfection. Le premier type nous présente ces ani- 
maux sans aucune trace d'organes apparents du 
mouvement, et par conséquent ils ne peuvent pas 


s’en aider dans la progression. D'autres ont bien des 
29 


— 338 — 


membres ; mais, leur épine dorsale étant peu mobile, 
ils ne peuvent se trainer qu’à l'aide de pattes très- 
courtes et mal articulées. L’inégale étendue en lon- 
gueur , et la distance respective et trop considéra- 
ble des membres de certaines espèces de reptiles, 
rendent celles-ci peu propres à la marche et à tout 
mouvement longtemps continué. 

Les dimensions relatives de ces animaux offrent 
encore de très-grandes dissemblances ; nécessaire- 
ment elles ont dû amener un mode différent de trans- 
port. Ainsi, il est quelques espèces dont le corps 
arrondi dans son épaisseur est, dans certains cas, 
cent fois plus long qu'il n’est large ou élevé. Tels 
sont plusieurs serpents. On observe peu de reptiles 
dont la largeur l'emporte sur la longueur, ou qui 
lui soit même égale; mais il en est de plus larges 
qu’épais, et qui présentent ainsi une surface. apla- 
tie. Les pipas , dans l’ordre des batraciens, quelques 
chéloniens ou tortues marines, ainsi que les tortues 
molles ou trionyx, et les chélides ont une pareille 
disposition. 

Les uroplates, les crocodiles, plusieurs geckos en- 
tre les sauriens, ont le tronc également épais dans les 
deux sens principaux, tandis que les caméléons et 
quelques iguaniens offrent une conformation tout à fait 
inverse. Leur corps a ordinairement plus de hauteur 
que de largeur, et parait ainsi comprimé. Enfin 


— 339 — 


quelques tortues de terre présentent presque autant 
de largeur que de longueur, et leur corps est en outre 
bombé en forme de voûte. D’autres reptiles, comme 
les erapauds parmi les batraciens , ont le corps court, 
fort large, et presque tronqué à raison de ce qu'ils 
manquent de queue. 

Aussi l'allure de ces animaux, lourde et pesante, 
est parfaitement en harmonie avec la conformation et 
les dispositions de leur corps. Il est facile de juger, 
d’après tous ces détails relatifs à l’organisation des 
reptiles, que ces animaux n'ont pas été construits 
d'une manière favorable à l'étendue et à la continuité 
des mouvements. Leur imperfection est grande à cet 
égard, en faisant abstraction de la faiblesse et de l’im 
perfection de leur respiration, et de leur état de tor- 
peur et d'engourdissement lorsque la température 
s’abaisse d’une manière notable. 

Ce n’est donc point chez de pareils animaux 
que nous devons chercher ces espèces émigrantes 
qui parcourent presque constamment la totalité 
du globe, et sont toujours en mouvement. Les 
reptiles n'offrent pas davantage des analogues de 
ces races qui se rendent, à des époques fixes, d’une 
contrée dans une autre où souvent aucun besoin 
ne les appelle, mais qui satisfont de cette maniére 
à un instinct impérieux qui les porte à voyager. Tout 
au plus quelques espèces, et encore en très-petit 


— 3140 — 


nombre, se déplacent-elles plus ou moins acciden- 
tellement à l’époque de la ponte, pour assurer la 
durée de leur progéniture, et veiller à son avenir. 
Voilà à quels déplacements paraissent se borner les 
excursions des reptiles, excursions aussi restreintes 
que la cause qui les détermine et les leur rend né- 
cessaires. 

Les tortues marines sont à peu près chez cet ordre 
d'animaux les seules qui fournissent des exemples 
d’assez longs voyages, ainsi que nous l’avons déjà fait 
observer. C’est principalement auprès des Tortugas, 
groupe d’iles situées à quatre-vingts milles environ de 
Key-West, les dernières de celles qui semblent dé- 
fendre la péninsule des Florides, que l’on pêche le 
plus grand nombre de ces reptiles voyageurs. Les 
Tortugas doivent leur nom aux tortues de toute es- 
pèce qui viennent y déposer leurs œufs dans le sable. 
Chaque année, la saison de la ponte y attire aussi des 
nuées d'oiseaux aquatiques et à leur suite arrivent 
les eggers on preneurs d'œufs, qui en font des car- 
gaisons plus ou moins considérables. 

Les tortues de mer vont déposer leurs œufs dans 
ces iles, en trainant laborieusement leurs massives 
carapaces sur le sable, leurs pattes étant plus pro- 
pres à la natation qu’à la marche. Une fois arri- 
vées péniblement sur la terre ferme, elles creusent 
avec une certaine industrie leurs nids dans le sable, 


— 511 — 


en le rejetant avec soin à droite et à gauche. Les tor- 
tues déposent ensuite leurs œufs par couches ; elles les 
arrangent avec une attention minutieuse, et les recou- 
vrent au moyen de leurs pattes de derrière. Lorsque 
cette opération est terminée, on les voit redescendre 
Joyeuses sur la grève et s’élancer de nouveau dans la 
mer. 

Les Tortugas ne sont pas les seules îles où les 
tortues font leur ponte; ces reptiles en fréquentent 
beaucoup d’autres, ainsi que diverses parties des 
continents. Les voyageurs et les pêcheurs en dis- 
tinguent quatre espèces, parmi celles qu’ils recher- 
chent, soit pour la bonté de leur chair, soit à cause de 
celle de leurs œufs, soit enfin en raison de la beauté 
de leurs écailles. La premiére, ou la tortue verte 
(chelonia midas), est la plus estimée des gour- 
mets. C’est dans le mois d'avril, après avoir passé 
l'hiver au fond des eaux , qu’elle s'approche du ri- 
vage, et pénètre dans les baies, les golfes et les ri- 
vières. Elle fait deux pontes, en mai et en juin. La 
première est la plus considérable, et la seconde un 
peu moindre. La quantité des œufs s’élève à chaque 
ponte jusqu’à deux cent quarante, ou deux cent 
cinquante. 

La tortue à bec de faucon (chelonia imbricata), dont 
l’écaille est si estimée dans le commerce, où elle sert à 
tant d'objets d’art, vient après la verte pour la qualité 


— 312 — 


de sa chair. Elle fréquente de préférence les ilots les 
plus éloignés de la terre ferme, où elle dépose ses œufs ; 
d’abord en juillet, ensuite en août, quoiqu'’elle ait 
fait sa première apparition de meilleure heure dans 
ces parages, comme pour s’y ménager d'avance une 
place de süreté. La moyenne de ses œufs est de plus 
de trois cents. 

La tortue grosse-téte (chelonia caouana), visite les 
Tortugas en avril. Depuis lors, jusqu’aux derniers 
jours de juin, elle fait trois pontes successives de 
cent soixante-dix œufs chacune ou environ. 

La tortue coffre, qui est quelquefois énorme, a 
une poche analogue à celle du pélican; elle arrive 
aux îles plus tard que les deux autres. L’écaille et la 
chair de cette espèce sont si molles, qu’on peut y en- 
foncer le doigt comme dans un morceau de beurre. 
On la mange rarement, aussi est-elle la moins esti- 
mée sous le rapport de la délicatesse de sa chair. Elle 
dépose dans la saison environ trois cent cinquante 
œufs, et quelquefois davantage, en deux pontes. 

Les tortues, ainsi que nous venons de le faire ob- 
server, ont plusieurs pontes ; car elles ne pourraient 
pas autrement déposer les œufs qu’elles portent dans 
une seule couvaison. En effet, il n’est pas rare d’en 
découvrir jusqu’à trois mille dans le ventre d’une 
tortue du poids de quelques quintaux. Ces œufs, tout 
petits, sans coquilles, sont liés les uns aux autres 


comme des grains de chapelet. Les jeunes tortues 
à peine écloses, guère plus larges qu’une pièce de 
cinq francs, grattent leur chemin à travers leur nid 
sablonneux, et serendent immédiatement à l’eau. Elles 
nagent bientôt avec la même vitesse que leurs mères. 
Cette vitesse est si grande chez la tortue verte et la 
tortue à bec de faucon, ou le caret, que les naviga- 
teurs l’ont comparée à celle des oiseaux de haut vol. 

D’après eux encore, si on enlève une tortue prise 
sur sa ponte, pour l’emmener à bord d’un navire, et 
si on lui rend la liberté à plusieurs centaines de 
milles en mer, on la rencontre de nouveau dans le 
même endroit où elle avait été surprise, soit dans la 
même saison, soit lors de la saison suivante. 

Si ce fait est exact, les tortues auraient à cet écard 
le même instinct que les oiseaux voyageurs. Quoi qu’il 
en soit, On a pu juger, par ce qui précède, que les 
voyages entrepris par ces reptiles ont des motifs dont 
il est aisé de deviner toute la portée, et que leurs 
excursions, bien différentes de celles qu’exécutent les 
oiseaux et les poissons, sont uniquement déterminées 
pour satisfaire ce besoin impérieux, imposé par la 
nature à tous les animaux, celui de perpétuer leur 
race. Aussi les passages des reptiles d’une contrée 
à une autre, n’ont presque rien de commun à ceux 
qu'opèrent d’une manière constante ou accidentelle 
les plus agiles des vertébrés. Il n’était pas cependant 


— 341 — 


sans quelque intérêt, de fixer l’attention des observa- 
teurs sur ce phénomène, considéré chez les êtres 
qui le présentent dans sa plus grande simplicité. 


II. Tableau des lieux habités par les principales espèces de 
reptiles. 


Les observations précédentes ont pu faire juger 
que les reptiles étaient parmi les animaux vertébrés, 
ceux qui se livraient le moins à des excursions éten- 
dues. On peut le démontrer par la comparaison des 
habitations de leurs différentes espèces. Si les reptiles 
se transportent peu à de grandes distances, leurs races 
doivent être limitées dans les lieux qu’elles ont choi- 
sis ou qu'elles se sont donnés comme patrie. Pour 
être certain de ce point de fait, nous avons tracé les 
tableaux suivants, qui donnent des idées exactes de la 
distribution géographique de ces animaux. 

Nous n'avons pas la prétention d'offrir la liste com- 
plète de tous les reptiles connus; nous en avons seu- 
lement réuni un assez grand nombre pour que ces 
tableaux comparatifs puissent faire juger le peu d’es- 
pace qu'occupent sur la surface du globe les espèces 
terrestres ou fluviatiles, en comparaison surtout de 
celui dans lequel sont disséminés les reptiles marins. 

Le tableau des habitations des diverses races de 
reptiles est plus difficile à tracer qu’on le suppo- 


— 545 — 


serait. Les voyageurs notent comme patrie des espèces 
celle où ils les rencontrent toutes les fois qu’ils les 
visitent. Cette règle est cependant peu sûre; car il est 
plusieurs reptiles, comme d’autres animaux, qui ne 
se trouvent dans telle ou telle localité que parce qu'ils 
y ont été importés. Ainsi, quoique la tortue grecque 
se rencontre maintenant en France, on ne l’y décou- 
vre que parce qu'elle y a été apportée d'Italie. Ce que 
nous disons de cette espèce peut s’appliquer à une 
foule d’autres (1). D’après ce, nous avons encore donné 
trop d’extension aux habitations que nous avons in- 
diquées dans nos tableaux. 


(4) Nous devons faire observer que les doutes les plus graves s'élèvent 
à l’égard de cette espèce. On la trouve du moins à l’état humatile dans 
un grand nombre de cavernes à ossements du midi de la France, où l’on 
découvre en même temps des chevaux, des bœufs, plusieurs espèces de 
carnassiers et de rongeurs qui ne diffèrent point des races actuelles. Dès 
lors la tortue grecque doit être considérée comme caractérisant aussi bien 
nos contrées méridionales que la Grèce et l'Italie. 


— 3546 — 


TABLE AU 


DES LIEUX HABITÉS 


PAR LES PRINCIPALES ESPÈCES 


DE REPTILES. 


CLASSES FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES. 
EE 


Chéloniens. Tortues ter-| 1° Tortue bor- 
restresoucher- dée (testudo mar- 
sites. ginata Schæpffer). 


20 Tortue mores- 
que (testudo mau- 
riliana). 


3° Tortue grec- 
que (testudo grcæ- 
ca). 


4° Tortue géo- 
métrique ( testudo 
geometrica). 


5° Tortue acti— 
node (testudo acti- 
nodes). 


6° Tortue pan- 
thère (testudo par- 
dalis). 


| 7° Tortue sil- 
lonnée  ( testwdo 


sulcata). 


8° Tortue nègre 
(testudo nigrita), 


90 Tortue rayon- 
née (testudo ra- 
diata). 


HABITATIONS. 


Morée, Egypte, Algérie. 


Mauritanie, Algérie, Asie, 
aux environs de la mer Cas- 
pienne. 


Habite une portion de l'Eu- 
rope méridionale, la Grèce, l'I- 
talie, d’où elle a été importée 
en France, et peut-être aussi 
en Espagne et en Portugal. 


Cap de Bonne-Espérance et 
île de Madagascar. 


Indes orientales. 


Afrique australe. 


Afrique, cap de Bonne-Es- 
pérance, Sénégal. 


Indes orientales. 


Ile de Madagascar. 


— 5AT — 


EEE QUO 


CLASSES, 


Chéloniens. 


FAMILLES, 


Tortues ter- 
restres ou cher- 
siles, 


GENRES ET ESPÈCES. 


10° Tortue mar- 
quelée (Lestudo tu- 
bulata ). 


44° Tortue char- 
bonnière ( testudo 
carbonaria). 


12° Tortue poly- 
phème (testudo po- 
lyphϾma). 


15° Tortue de 
Schweiger (testu- 
do Schweigeri). 


14 Tortue élé- 
phantine (testudo 
elephantina). 


15° Tortue noire 
(testudo nigra). 


16° Tortue géan- 
te (Lestudo gigantea) 


47° Tortue de 
Daudin  ( testudo 
Daudinii), 


48° Tortue de 
Perrault ( testudo 
Perraultii), 


19° Tortue an— 
guleuse  (testudo 
angulala). , 


20° Tortue de 
Gray ( testudo 
Graii). 


210 Tortue Pe— 
liaste (testudo Pe- 
liastes). 


HABITATIONS, 
OR 


Amérique méridionale,grau- 
des îles des Antilles. 


Brésil, Cayenne, la Jamaï- 
que. 


Amérique septentrionale, de- 
puis les Florides jusqu’à la ri- 
vière Savannah, au nord de 
laquelle on ne la rencontre 
plus. 


Patrie inconnue : paraît très- 
peu répandue, 


Iles situées dans le canal de 
Mosambique. 


Iles des Gallapagos, 


Patrie inconnue, 


Indes orientales. 


Indes orientales, 


Afrique australe, île de Ma- 


dagascar. 


Afrique. 


Patrie inconnue, 


— 548 — 


nn, 


CLASSES. FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS. 


| 


Chéloniens. Tortues ter-| 22° Tortue de| Iles de Gallapagos. 


restresou cher-|Vosmaer ( testudo 
siles. Vosmaeri). 


Afrique australe, île de Ma- 


1° Homopode a- 
dagascar. 


réolé ( komopodus 
areolatus Dumeril). 

90 Homopode Afrique australe. 
marqué (komopo- 
dus signatus). 

4° Pixide arach-| Indes, et îles de son Archipel. 
noïdes (Pixis ara- 
chnoides Bell.). 


Guyane anglaise, ou tout au 
moins de l'Amérique. 


1°Cinixys de Ho- 
me (cinixys ho- 
meana Bell.). 

29 Cinixys ron-| Idem. 
gée (cinixys ero- 
sa Gray). 

3° Cinixys del Patrie inconnue. 
Bell. (cinixys bel- 
liana Gray). 
Amérique septentrionale, de- 


puis la baie d'Hudson jusqu'aux 
Florides. 


Tortues pa-| 40 Cistude de la 
ludines ou élo- Caroline ( cistudo 
dites. carolina Gray). 

20 Cistude d’Am-| Java et Amboine. 
boine ( cistudo am- 
boinensis Gray). 

5° Cistude trifas- | Amboine. 
ciée {cistudo tri- 
fasciata Gray). 


Grèce, Italie et ses îles, Es— 
pagne, Portugal, France méri- 
dionale, Hongrie, Allemagne, 
Prusse. 


4° Cistude euro- 
péenne  ( cistudo 
europæa Gray). 


5° Cistude del Bengale et île de Java. 


— 519 — 
EEE 


CLASSES. FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS. 


RS ES + IL I PP 


Diard (cistudo Diar- 


Chéloniens. | Tortues pa— 
dii Dumeril). 


ludines ou élo- 


dites. 
Environs de la”mer Cas- 


1° Emyde cas-| ) à 
pienne, Dalmatie et Morée. 


pienne (emys ca- 
spica). 


Côtes méditerranéennes de 


2° Emyde sigriz i 
l'Afrique et de l'Espagne. 


(emys sigria). 

3° Emyde ponc-| Brésil et Guyane. 
tulaire (emys pun- 
ctularia). 

4° Emyde mar-| Brésil. 
brée ( emys mar- 
morea). 


Amérique septentrionale , 


5° Emyde pul- 
nord des Etats-Unis, 


6° Emyde géo-| Etats-Unis. 


graphique  (emys 
geographica). 


Amérique du Nord et Amé- 
rique méridionale; c’est la 
seule espèce d'émyde qui ha- 
bite les deux parties du nou- 
veau continent. 


7° Emyde à li- 
gnes concentriques 
(emys concentrica). 


Amérique septentrionale, pas 
plus loin au nord que la partie 
méridionale de la Virginie. 


8° Emyde à bords 
en scie (emys ser- 
rala). 


9° Emyde de Dor- 
bigny (emys Dor- 
bigny). 


Buénos-Ayres. 


10° Emyde arro- 
sée (emys irrigata). 


Partie septentrionale de l’A- 
mérique, 


110 Emyde croi- 
sée (emys decus- 
sata). 


Saint-Domingue. 


L2 


— 550 — 


CLASSES, FAMILLES. 


GENRES ET ESPÈCES, 


HABITATIONS. 


Chéloniens. | Tortues pa-| 12° Emyde à Etats-Unis, depuis le New- 
ludines ou élo-|ventre rouge (e- | Jersey jusqu’en Virginie. 


dites. 


mys rubi ventris). 


13° Emyde ru- 
gueuse (emys ru- 
gosa Gray). 


14° Emyde des 
Florides (emys flo- 
ridea). 


159 Emyde or-| 


née (emys ornala). 


16° Emyde con- 
cinne (emys con- 
cinna). 


17° Emyde réti- 
culaire (emys re- 
ticulata). 


18° Emyde ta- 
chetée (emys qut- 
lala). 


19° Emyde pein- 
te (emys picta). 


20° Emyde de 


Mublenberg e- 
mys Muhlenbergii). 


21° Emyde de 


Spengler  ( emys 
Spenglerii). 
220 Emyde à 


trois arêtes (emys 
trijuga). 


25° Fmyde de 
Reeves (emys Ree- 
vesii). 


Amérique septentrionale. 


Partie orientale des Florides. 


Amérique méridionale. 


Rivières de la Caroline et de 
la Géorgie. 


Caroline septentrionale. 


Amérique septentrionale, 
dans tous les ruisseaux des 
Etats-Unis. 


Etats-Unis. 


Nouvelle-Jersey et Pensylva- 
Inie, où elle vit avec quelques 
|autres espèces dans les petits 
courants d'eau. 


La seule émyde de l'Afrique, 
de [l’île de France et de l'île 
Bourbon. 


Indes orientales. 


Chine 


CLASSES. 


Chéloniens. 


FAMILLES. 


Tortues pa— 
ludines ou élo- 
dites. 


— 351 — 


GENRES ET ESPÈCES. 


24° Emyde d'Ha- 
milton (emys Ha- 
milionii). 


25° Emyde de 
Thurgy ( emys 
Thurjü). J 
26° Emyde à dos 
étroit (emys tecta). 


27° Emyde de 
Beale (emys Bea- 
lei). 


28° Emyde cras- 
sicole (emys cras- 
sicolis). 


29° Emyde épi- 
neuse (emys spi- 
nosa). 


30° Emyde ocel- 
lée (emys ocellata). 


51° Emyde à 
trois bandes (emys 
trivittata). 


32° Emyde Du- 
vaucel (emys Du- 
vaucelii). 


53° Emyde rayée 
(emys lineata). 


4° Tetronyx de 
Lesson ( tetronyx 
Lessonii). 


29 Tetronyx bas- 
ka (tetronyx bas- 
ka). 


HABITATIONS. 
LATE mener 


Indes orientales. 


Cette émyde vit dans le 
Gange (Inde). 


Idem. 


Chine. 


Java et Batavia. 


Indes orientales. 


Bengale. 


Bengale. 


Bengale, 


Indes orientales. Nous avons 
omis de mentionner quelques 
autres espèces, sur l’habitation 
desquelles on n’est pas certain. 


Indes orientales, 


Chine, 


— Fa 


CLASSES, FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. 


4° Platysterne 
mégacéphale ( pla- 
tysternon megace- 
phalum). 


Chéioniens. | Tortues pa- 
ludines ou élo- 
dites. 


1° Emisaure ser- 
pentine (emysaura 
serpentina). 


seat 


1° Slaurotype tri- 
carène ( stauroty- 
pus triporcatus.) 


2°  Staurotype 
musqué { stauro- 
typus odoratus). 


4°  Cinosterne 
scorpioïde { cino - 
slernon scorpioïdes) 


2° Cinosterne de 
Pensylvanie  ( ci- 
nosternon pensyl- 
vanicum). 


3° Cinosterne 
hirtipède ( cino- 
stérnon hirtipes). 


À 


4° Peltocéphale 
tracaxa  (peltoce- 
phalus tracaxa). 


1° Podocnémide 
élargie ( podocne- 
mis expansus). 


20 Podocnémide 
de Dumeril (po- 
docnemis dumeri - 
liana). 


4° Pentomyx du 
Cap (pentomyx ca- 
pensis) . 


A” ————"————— 


HABITATIONS, 


Chine. 


Amérique septentrionale. 


Mexique, 


Amérique du Nord. 


Amérique méridionale. 


Etats-Unis. 


Mexique. 


Cayenne. 


Amérique méridionale. 


Idem. 


Cap de Bonne-Espérance, — 
lle de Madagascar, Sénégal. 


CLASSES, FAMILLES. [GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS. 
NES RSR ES SES CRT OR Te on PE EE AE POT SE CESSE PETER 
Tortues pa-| 2°Bentomyxd’A-| Cap Vert. 
ludines ou élo- danson ( bentomyx 

dites. Adansonii). 


Chéloniens. 


| 


1° Sternothère 
noir (sternotherus 
niger). 


2° Sternothère 
noirâtre ( sterno- 
therus nigricans). 


5° Sternothère 
marron (sternothe- 
rus Caslaneus). 


19  Platémyde 
martinelle (plate- 
mys marlinella). 


29 Platémyde de 
Spix (platemys Spi- 
x). 


5° Platémyde ra- 
diolée (platemys ra- 
diolata), 


4° Platémyde 
bossue ( platemys 
gibba). 


5° Platémyde de 
Geoffroy (platemys 
Geoffroyana), 


G° Platémyde de) 
Wagler {platemys 
Waglerii), 


7° Platémyce de 
Neuwied {platemys| 
Neuwiedii). 


8° Platémyde de 
Gaudichaud (pa-| 


Île de Madagascar. 


Ile de Madagascar. 


Ile de Madagascar. 


Brésil, Cayenne. 


Brésil. 


Brésil. 


Patrie inconnue, 


Amérique téridionale, 


Brés!i, 


Brésil. 


Brésil. 


— 654 — 
© —— 


CLASSES, FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS, 


CCR CS cs OT € QY, (CV  ÇQ 


Chéloniens. | Tortues pa- Lemys Gaudichau- 
ludines ou élo- dii). 
diles. 
99 Platémyde de| Brésil. 
Saint-Hilaire (pla- 
temys Hilari). 


10° Platémyde| Cayenne. 
de Milius (plate- 
mys Miliusii). 


419 Platémyde à! Habite les bords du fleuve 
pieds rouges (pla- Solimvens au Brésil. 


temys rufipes). 


120 Platémyde| Amérique méridionale. 
de Schweiger (pla- 
temys Schweigeri). 


139 Platémyde| Rivière de Macquarie à la 
de Macquarie (pla-|Nouvelle-Hollande. 
temys macquaria). 


4° Chélodine de! Nouvelle-Hollande, 
la Nouvelle - Hol- 
lande ( chelodina 
novæ Hollandicæ). 


2° Chélodine à| Brésil. 
bouche jaune (che- 
lodina flavilabris), 


5° Chélodine de! Amérique méridionale, 
Maximilien (cLelo- 
dina Maximiliani). 


49 Chélyde ma-| Amérique méridionale. 
lamala (chelys ma- 
tamata). 


Tortues flu- 19 Gymnopode Amérique méridionale, ri 
viales ou pota-lspinifère ( gymno-|vières de la Géorgie et des Flo- 


miles. podus spinifer). rides, 


2° Gymnopode) Amérique méridionale, ri- 


CLASSES, FAMILLES: 
TR RON CONTSCERES 
Chéloniens. Tortues flu- 


viales ou pola- 
miles. 


| 


— 9355 — 


GENRES ET ESPÉCES, HABITATIONS. 


vières de la Géorgie et des Flc- 


Ï ymno- 
mulique (gy pi 


podus mulicus). 


50 Gymnopode Nil et autres fleuves de l’A- 


d'Egypte (gymno- ie 
podus ægyptiacus). 
4° Gymnopode| Gange. 


ocellé (gymnopo- 
dus ocellatus). 

5° Gymnopode à| Gange. 
cou rayé ( gymno- 
podus lineatus). 

6° Gymnopode Fleuves de l'île de Java. 
de Java ( gymno- 
podus javanicus ). 

70 Gymnopode Tigre et Euphrate, 
aplati  (gymnopo- 
dus subplana). 


Fleuves qui débouchent sur 
la côte de Coromandel, Habite 
peut-être dans les fleuves de 


1° Cryptopode 
chagriné {cryptopo- 


dus granosus). l'Inde. 
49Chélonée fran-| Océan Atlantique, 

che (chelonia Mi- 

das). 


Cap de Bonne-Espérance, et 
Ténériffe (Afrique), Rio-Ja- 
neiro , Brésil, New - York, 
Etats-Unis, mers des Indes, 
mer Rouge. 


2° Chélonée ver- 
getée (chelonia vir- 
gata). 


5° Chélonée ta-| Côte de Milabar. 
chetée  ( chelonia 
muculosa). 

49 Chélonée mar-{ Ile de l’Ascensiu 
brée (chelonia mar- 
moral). 


5° Chélanée im’ Océan Indien et Océan Amé: 
LU 


CLASSES, FAILLES, GENRES ET ESPÈCES. 
Dern | semer eng ere nee rennes 
Chéloniens. Tortues flu-|briquée ( chelonia 


viales ou pola-|ünbricata). 
miles. 
G°  Chélonée 
caouane ( chelonia 
caouana). 


7° Chéionce de 
Bussumier ( chelo- 
nia Dussumierii), 


4° Sphargis luth 
(sphargis coriacea). 


Lézards cro- 
couiliens où as- 
pidiotes. 


Sauriens. 19 Céïman à 
paupières osseuses 
(ailigætor palpebro- 


sus). 


20 Caïman à mu- 
seau de brochet (al- 
ligator lucius). 

6° Caïman à 
lunettes ( alligator 
schuops). 


40 Cuiman cyno- 
céphale (alligator 
cynoccphala), 
5° Caïman à 
points noirs (alli- 
gator punctulatus). 


4° Crocodile 
rhombifère (cro- 
codilus rhombifer). 


HABITATIONS, 
ESC PE TS TER EI ARTS 


ricain, île Bourbon, îles Sey— 
chelles, Amboine , Nouvelle- 
Guinée, Havane. 


Méditerranée, Océan Atlan- 
tique, Rio-Janeiro, Brésil. 


Côtes de Malabar et mers de 
la Chine. 


Méditerranée et Océan Atlan- 
tique. 

Rondelet en cite un pris à 
Frontignan , et Amoreux un 
autre capturé à Cette. — Un 
luth fut pêché en 1729 sur les 
côtes de l'Océan près de l’em- 
bouchure de la Loire. Enfin 
un &ernier fut pris en 1756 sur 
les côtes de Cornouailles en An- 
gleterre. 


Amérique méridionale. 


Amérique septentrionale. 


Amérique méridionale. 


Cayenne, Brésil, 


Martinique, Brésil, 


Iles des Autilles, peut - être 
le Brésil. 


— 351 — 


À QC QG OO OR LC 


CLASSES: FAMILLES, 


GENRES ET ESPÈCES. 


HABITATIONS. 


Sauriens, Lézards cro- 


20 Crocodile de 


codiliens ou as-|Graves (crocodilus 


pidiotes, 


Lézards ca- 
méléoniens ou 
chélopodes. 


gravensis). 


5° Crocodile vul- 
gaire (crocodilus 
vulgaris). 


4 Crocodile à 
casque (crocoditus 
galeatus). 


5° Crocodile à 
deux arêtes ( cro- 
codilus biporcatus). 


6° Crocodile à 
museau effilé (cro- 
codilus acutus). 


T°Crocodile à nu- 
que cuirassée (cro- 
codilus cataphra - 
clus). 


8° Crocodile de 
Journu  (crocodi-. 
lus Journei). 


19Gavial du Gan- 
ge (gavialis gange- 
ticus). 


19 Caméléon or- 
dinaire ( cameleo 
vulgaris). 


99 Caméléon ver- 
ruqueux (cameleo 
VETTUCOsus). 


5° Caméléon ti- 
gre (cameleo ti- 


gris). 


Afrique. 


Gange et les fleuves qui dé- 
bouchent la côte”’de Malabar. 


Siam, dans l’Indo-Chine. 


Indes orientales. 


Saint-Domingue, la Martini- 
que et la partie septentrionale 
de l'Amérique du Sud. 


Sierra-Leone en Afrique, 


Patrie inconnue. 


Dans le Gange. 


Partie septentrionale de l'A- 
frique, seulement près des cû- 
tes africaines bordéces par la 
Méditerranée. 


Ile de Madagascar 


Îles Seychelles, 


nm 


CLASSES, 


FAMILLES, 


GENRES ET ESPÈCES, 


EE 


HADITATIONS. 


SE | EE | GER 


Sauriens. 


Lézards ca- 


4° Caméléon na- 


méléoniens oulsu (cameleo nasu- 


chélopodes. 


Lézards gé- 


\ 
lus}. 


5° Caméléon 
nain (cameleo pu- 
milus). 


6° Caméléon à 
bandes latérales (ca- 
meleo lateralis). 


7° Caméléon du 
Sénégal (cameleo 
senegalensis). 


8° Caméléon bi- 
lobé ( cameleo bi- 


lepis). 


9° Caméléon à 
capuchon ( came- 
leo cucullatus). 


10° Caméléon à 
trois cornes (ca- 
meleo tricornis). 


119 Caméléon 
panthère ( came- 
Leo pardalis). 


129 Caméléon de 
Parson ( cameleo 
Parsonii). 


15° Caméléon à 
nez fourchu (ca- 
meleo bifidus). 


14° Caméléon de 
Brookes ( cameleo 
Brookesii). 


19  Platydactyle 


Madagascar. 


Cap de Bonne-Espérance, îles 


Seychelles. 


Ile Bourbon. 


Sénégal. 


Sénégal, côtes de Guinée. 


Madagascar. 


Côtes d'Afrique. 


Ile de France, île Bourbon, 


Madagascar. 


Madagascar. 


Iles Moluques , île Bourbon, 
Nouvelle-Hollande,. 


Madagascar. 


Afrique australe. 


CLASSES. FAMILLES:. GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS, 


ES EE SE | EE SE 


Sauriens. |kotiens ou as-|ocellé (platydacty- 
calabotes. lus ocellatus). 


20 Platydactyle Ile Maurice, île Bourbon et 
cépédien  {platy-[rdagasear. 
dactylus cepedia - 
nus). 


5° Platydactyle] lle d'Otaïti. 
demi-deuil (platy- 
dactylus lugubris). 


49° Platydactyle Antilles. On le trouve aussi 
théonyx (platyda- sur le continent d'Amérique, 
ctylus theonyx), 


59 Platydactyle Iles Seychelles, 
des Seychelles (pla- 
tydactylus seychel- 
lensis). 


6° Platydactyle| Bengale. 
de Duvaucel (pla- 
tydaclylus Duvau- 
celii). 


7° Platydactyle Patrie inconnue. 
de Leach ( platy- 
dactylus leaschia— 
nus). 


8° Platydactyle Iles de la Méditerranée, et 
: _|les pays qui forment le bassin 
des murailles (pla-|i EE er. 
tydactylus mura — 
Lis). 


99 Platydactyle| Egypte. 
d'Egypte (platy- 
dacltylus ægyptia- 
cus), 


10° Platydactyle! Te de Ténériffe, île de Ma- 
de Delalande (pla-|dère, Sénégal. , 
tydectylus Delalan- 
dii), 


—— —————— 
GENRES ET ESPÈCES. 


CLASSES, | FAMILLES, HABITATIONS. 


Sauriens, Lézards gé-| 11° Platydactyle] New-York, Etats-Unis. 
kotiens ou as-lde Milbert (platy- 


calaboles. dactylus Milbertii). 


12° Platydactyle Archipel de l'Inde. 
à gouttelettes (pla- 
tydactylus guttatus) 


15° Platydactyle Ile d'Amboine, 
à bande (platyda- 
ctylus villatus). 


deux bandes (platy-|8"i°u- 
dactylus bivittatus). 


15° Platydactyle| Ile d'Amboine. 
monarque (platy- 
dactylus monar - 
chus). 


16° Platydactyle] Japon. 
du Japon (platyda- 
clylus japonicus). 


| 
| 
44° Platydactyleà| Nouvelle - Guinée, île Wai- 
| 
| 
| 
| 
| 
} 


47° Platydac- Ile de Java. 
tyle homalocéphale 
(pletydactylus ho- 
malocephalus). 


1° Hémidactyle| Oualan, Taïti, Vanicore, 
de l’île Oualan (he- Tongatabon. 
midactylus oualen- 
sis). 


20 Hémidactyle Ile de France. 
de Peron (hemi- 
dactylus Peronii). 


35° Hémidactyle Terre de Van-Diémen. 
varié ( hemidacty- 
lus variegatus). 


4° Hémidactyle] Manille. 
mutilé (hemidacty- 
lus mutilatus). 


6 
CLASSES. FAMILLES:, GENRES ET ESPÈCES, HABITATIONS, 


Sauriens, Lézards gé-| 5° Hémidaciyle| Ceylan et côte de Malabar, 
kotiens ou as-|à tubercules triè- 
calabotes, dres ( hemidacty- 
lus triedrus). 


6° Hémidactyle| Indes orientales, îles Philip- 
tacheté ( heniitla > pines et île Maurice. 
clylus maculatus). 


7° Hémidaetyle| Se trouve tout autour de la 
verruculeux ( he-|Méditerranée. 
midactylus verrucu- 
latus). 


8° Hémidactyle| Antilles. 
mabonia ( hemida- 
clylus mabonia). 


99 Hémidactyle| Ceylan. 
de Leschenaut (he- 
midactylus Leische- 
naulii). 


10° Hémidactyie Indes orientales. 
de Cocteau (hemi- 
dactylus Coctæi). 


11° Hémidactyle Afrique australe, Archipel 
bride ( hemidacty- des Grandes-Indes, 
lus frenatus). 


12° Hémidactyle| le de Taïti. 
de Garnot (hemi- 
dactylus Garnotii). 


13° Hémidactyle|] Pérou. 
péruvien ( hemi- 
dactylus  peruvia— 

nus). 


149 Hémidactyle| Bengale et île de Java. 
bordé (hemidacty- 


lus marginatus). 


15° Hémidactyle| Arabie. 


— 362 — 


CLASSES, FAMILLES:« GENRES ET ESPÈCES, HABITATIONS. 


Sauriens. Lézards gé-|de Seba ( hemida- 
kotiens ou as-|ctylus Sebcæ). 
calabotes. 
1° Piyodactyle) Egypte. 
d'Hasselquit (ptyo- 
dactylus Hasselqui- 
tii), 


2  Piyodactyle| Île de Madagascar. 
frangé (ptyodacty- 
lus fimbriatus). 


5° Ptyodactyle Patrie inconnue. 
rayé (ptyodactylus 
lineatus), 


4° Ptyodactyle| Chili. 
de Feuillée (ptyo- 
dactylus F'euillæi). 


19 Phyllodactyle Nouvelle-Guinée, Nouvelle- 
de Lesueur (phyl-|Holiande. 
lodactylus Lesueu- 
ri), 


90 Phyllodacty- Afrique, Nouvelle-Hollande. 

< Les individus du Cap et ceux 

le porphyré (phyl- de la Nouvelle - Hollande ne 
lodactylus porphy-|aiffèrent pas entre eux. 


reus). 


5° Phyllodactyle| Amérique. 
gymnopyge (phyl- 
lodactlus gymno- 
pygus). 


4° Phyllodactyle! Californie, 
tuberculeux (phyl- 
lodactylus tubercu- 
latus). 


5° Phyllodactyle Baie des Chiens marins, Nou- 
strophure (phyllo- velle-Hollande. 
dactylus  strophu- 
rus), 


6° Phyllodactyle| Pérou. 


CIASSES, FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS, 
D LEP | EG IN I I CE 


Sauriens, Lézards gé-|gerrhopyge (phyl- 
kotiens ou us-|/odactylus gerrho- 
calabotes. pygus). 


7° Phyllodactyle| Nouvelle-Hollande. 
à bandes (phyllo- 
dactylus vittatus). 


1° Sphériodacty-| Antilles, principalement à 
le sputateur (sphœ-|S*int-Domingue, 
riodactylus sputa- 
tor). 


2° Sphériodactyle| Idem. 
à très-petils points 

( sphæriodactylus 
punclatissimus). 


50 Sphériodacty-| Martinique. 
le bizarre ( sphæ- 
riodactylus fanta— 
sticus). 


4° Gymnodac-| Ile de Timor. 
Lyle de Timor (gym- 
nodactylus timo— 
riensis). 

| 


20Gymnodactyle| Chili. 
deGaudichaud(gym- 
nodactylus Gaudi- 
chaudii). 


3°Gymnodactyle] Alger 
mauritanique(gym- 
nodactylus mauri- 
tanicus), 


Lo Gymnodac- Ile de la Martinique. 
tyle à gorge blan- 
che ( gymnodacty- 
lus albogularis). 


5° Gymnodac-| Abyssinie. 
iyle à points jau- 


CLASSES 


TE Ce 


Sauriens, 


FAMILLES: 


Lézards gé- 
kotiens ou as- 
calabotes. 


Lézards va- 
rañiens ou pla- 
lynotes. 


— 564 — 


GENRES ET ESPÈCES. 


nes ({ gymncdacty- 
lus flavo punctu- 
lus), 


6° Gymnodactyle 
de Dorbigny (gym- 
nodactylus Dorbi— 
gnii). 


7° Gymnodacty- 
le à bandes(gymno- 
dactylus fasciatus). 


8° Gymnodac- 
tyle rude (gymno- 
dactylus scaber). 


99 Gymnodac- 
tyle gentil (gym- 
nodactylus pulchel- 
lus). 


10° Gymnodac- 
tyle marbré (gym- 
nodactylus marmo- 
ratus). 


11° Gymnodac- 
tyle phyllure (gym- 
nodactylus phuyllu- 
rus). 


199 Gymnodac- 
tyle de Milius (gym- 
nodactylusMiliusii). 


1° Sténodactyle 
tacheté ( stenodac- 
tylus gultatus). 


4° Varan du dé- 
sert {varanus are- 
narius). 


90 Varan de Ti- 


HABITATIONS. 


EE 


Chili. 


Martinique. 


Afrique septentrionale. 


Bengale. 


Ile de Java. 


Nouvelle-Hollande,. 


Nouvelle-Hollande. 


Egypte. 


Egypte. 


Timor 


CLASSES: GENRES ET ESPÈCES. 
ERA RETTE ELS | 
Sauriens. mor (varanus tin0o- 


rensis). 


3° Varan du Nil 
(varanus niloticus). 


4°Varan du Ben- 
gale (raranus ben- 
galensis). 


5° Varan nébu- 
leux (varanus ne- 
bulosus). 


6° Varan de Pic- 
quot (varanus Pic- 
quotii). 


7° Varan à deux 
bandes (varanus bi- 
vitlutus). 


FAMILLES, 
RE 
Lézards va- 
raniens ou pla- 
lynotes. 


8° Varan chlo- 
rostigme (varanus 
chlorostigma). 


99 Varan bigarré 
(varanus varius). 


10° Varan de 
Bell (varanus Bel- 
lii). 


419 Varan à gor- 
gebianche (varanus 
albogularis), 


120 Varan ccellé 
(varanus ocellatus). 


19  Héloderme 
Bérissé (heloderma 
horridum). 


TE RE rt PEUR 


Lézardsigua-| 4° Polychre mar- 


— 


ol 


HABITATIONS, 


Le Nil, le Sénégal et les ri- 
vières du cap de Bonne-Espé- 
rance. 


Bengale, Pondichéry. 


Indes orientales. 


Bengale. 


Java, îles Philippines, Moiu- 


ques. 


Nouvelle-Guinée, Nouvelle 
Zélande, terre des Papous. 


Nouvelle-Hollande. 


Nouvelle-Hollande, 


Patrieinconnue, 


Afrique, 


Mexique. 


Amériqué méridivnale, 


CLASSES, 


Sauriens. 
Les. 


FAMILIES. 


— 566 — 


GENRES ET ESPÈCES. 


niens ou euñ0-|bré (polychrus mar- 


moralus ). 


1°Laimanctelon- 
gipède ( laimanctus 
longipes). 


1° Urostrophe de 
Vatieur (urostro- 
plius Vautieurii). 


1° Horops doré 
(horops auratus). 


19 Anolis res- 
plendissant (ano- 
lis refulgens). 


10 Corgophtha- 
me à crêle (corgo- 
phihamus cristatus). 


1° Basilic à ca- 
puchon ( basiliscus 
milralus). 


1° Alcponote de 
Ricord ( alopono- 
tus Ricordii). 


49 Amblyrbin- 
que à crête (am- 
Llyrhincus  crista- 
tus). 


10 Iguanc tuber- 
culeux (iguana tu- 
berculosa). 


1° Métopoceros 
cornu (meLopoce— 
ros cornulus), 


HABITATIONS. 


Mexique. Les quatre autres 
espèces du même genre vivent 
également au Mexique et au 
Brésil. 


Brésil. 


Brésil. 


Surinam. Les vingt-cinq au- 
tres espèces de ce genre habi- 
tent essentiellement l’Améri- 
que, soit le Brésil, Saint-Do- 
mingue, le Chili, Cayenne, les 
Antilles, mais principalement 
la Martinique et l’île de Cuba. 


Mexique. La seconde espèce 
habite également la même 
contrée. 


Guyane. La seconde espèce 
se trouve au Mexique. 


Saint-Domingue, 


Iles Galapagas. La patrie de 
l'amblyrhinque de Demarle est 
inconnue. 


Amérique méridionale. Les 
deux autres espèces habitent 
l’une au Mexique, et l’autre à 
la Martinique et à la Guade- 
loupe. 


à Saint-Domingue. 


= 867 — 
EE 


CLASSES: FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS, 


ARRET SELS | I RE PORTE ET, 
| 


Caroline. Les deux autres es- 
pèces se trouvent au Mexique 
et en Californie. 


4° Cyclure de 
Harlan ( cyclurus 
Harlani). 


Sauriens, Lézards igua- 
niens ou euno- 
tes, 


Indes orientales, îles de la 
Nouvelle-Guinée. 


1° Brachylophe 
à bandes (:brachy- 
lophus fasciatus ). 


Guyane et Brésil. La seconde 


o oali - 
1 Engalie rhom espèce vit au Brésil. 


bifère  ( engalius 
rhombiferus). 


Amérique méridionale, Bré- 


o 
1 Ophryesse sil et Cayenne. 


sourcilleux (ophry- 
OeSsa  supercilia = 
na). 


Mexique. L'autre espèce est 


: à 
1° Leiosaure de de Buénos-Ayres. 


Bell (leiosaurus Bel- 
li), 
Amérique méridionale. Il en 


est de même de l'upéranodonte 
peint. 


19 Upéranodonte 
à collier (uperano- 
don ochrocolliare). 


Guyane. Il en est de même 


1° Hypsibate a- e d 
de l'hypsibate ponctué. 


gamoïde (hypsiba- 
lus agamoïdes), 


Iles de la Trinité et de la 
Martinique. L'holotropide à 
petite crête habite Saint-Do- 
mingue et l’île de Cuba. 


1° Holotropide 
de l’Herminier (ho- 
lotropidus Hermi- 
nierii). 


4°Proctolrète du! Chili. Il en est de même des 
Chili ( proctotretus neufautres espèces de ce genre. 


chilensis). 


4° Tropidolépide Amérique septentrionale.Les 
ondulé (tropido= neufautres espèces de ce genre 


= sont du Mexique. 
lepis undulatus). ‘ 


4° Phrynosome Amérique septentrionale.Les 

k deux autres espèces sont de la 
de Harlan (phry- Californie et du Mexique, 
rosoma Harlanii), 


CAES. EANTATIOSS, 


del Brésil Il en est de méme de 
l'oplare de Maximilien, 


Je (thon ne (Pie de ce gars, Pons de 
e genre, Vans se 
(te D Ciéedies ct 


EC SE 


ponticerians). 


1-Sisegeree | 

Ç RER 
| | 
| 1° Calamydesan | 
\re de King chia-| 
imydosaurus Kings. | 


| 4° Dragon fran | 
lsè ‘draco frubrie-| 
Vu. 


| 


4 


Pandehezr. 


Lie êe Ines. Le sent autoes 
Sent es Duèes ren 


pee 

Mtalles, & Amhomme, es Cakes, 
de Manille, eu &e Jura et ce 
 Timer. 


Indes emientaiss Les mul 


âa Sénégal, êe r'Ain- 
êe TEgxpie. 


21 


p ; jratres cspèoes sont du Bensale, 
bande agama dor- de TAtrique se 210 êe la 
que et 


| 


CLASSES. FAMILLES. | GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS, 


RS PE 
PR PRESSE DS CEE SEE 


Egypte et Perse. Les trois 
autres espèces sont de la Sibé- 
rie et de la Tartarie. 


Sauriens, Lézardsigua-| 1° Phrynocépha- 
niens ou euno-|le d'Olivier { phry- 
tes. nocephalus Olivie- 

ri). 

Egypte, Syrie et Perse. L'au- 


40 i Ê 
1, Sielion coms tre espèce se trouve en Arabie, 


mun (stellio vul- 
garis). 


Afrique. Les quatre autres 
espèces se trouvent en Egypte, 
en Arabie et dans la Nouvelle- 
Hollande. 


| 1Fouelle- queue 
orné (uromantix 
|ornatus). 

Lézards ja! 1° Crocodilure 
cerliens ou au-|lézardet ( crocodi- 
tosaures Où lurus lacertinus). 
pléodontes. 


Brésil et Guyane. 


49 Thoricie dra- 
gonne ( thorictes 
| draccæna. 


Amérique méridionale. 


4° Neusticure à 
deux carènes (neu- 
Isticurus bicarinatus. 


Amérique méridionale, 


1° Aporomère 
piqueté de jaune 
((aporomera  flavi- 
\Punctata). 


Amérique méridionale. L'au- 
tre espèce est du Chili. 


Amérique méridionale et les 
Anfilles. [1 en est de même de 


1° Sauvegarde |iutre espèce de ce genre. 


de Mérian { salva- 
‘or Merianæ). 

| 

|. 1° Ameivacom- 
mun ( ameiva vul- 
garis), 


Brésil et Guyane, Le; autres 
espèces sont des Antilies,'fde 
l'île de Cuba, de la Martinique, 
de Saint-Domingue et de 
| Cayenne, 

1° Cnémidopho- 
re murin {cnemi- 
dophorus murinus), 


Guyane, Antilles, Les autres 
espèces sont de Cayenne, de 
l'Amérique septentrionale, du 
Mexique et de la Martinique. 


1° Dicrodonte à| Pérou. 
goulteleltes (dicro- 


\ 
‘lon guttulatum). 


mm 
nn 
oo 


ee 


CLASSES. 


Sauriens. 


FAMILLES. 


Lézards la- 


GEXNRFS ET ESPÈCES. 


4° Acrante ver! 


cerliens ou au-|(acrantus viridis). 


losaures 
pléodontes, 


Lézards la- 
cerliens aulo- 
saures ou Cæ- 
lodontes. 


ou! 


1°  Centropyx 


épercnné ( ceutro- 
ipyx calcaratus). 


| 1°Tachydrome à 
six raies (tachydro- 
mus sexlincatus). 


| 1° Tropidosaure 
lalgire (tropidosau- 
Irus algira). 


1° Lézard ponc- 
tué de noir ({a- 


cerla nigro pun- 
clata). 
1° Lézard des 


ponches (lacerta se- 
pium). 


! 
| 


1° Psaminodrome| 
d'Edwards (psam-— 
modromiis Edward- 
sii). | 
| 
1° Ophiops élé-| 
gant (ophiops ete-! 
jgans). | 


1° Calosaure de! 


Leschenault (ca-| 
losaura Leschenaul-| 
Eu), | 
| ‘ 

| 1° Acanthodac-| 
lLyle commun {a-| 
cañthod:actylus vul-| 


garis), | 


HABITATIONS. 
SE EE 


Amérique, méridionale, Pa- 
raguay, Mexioue, Buénos- 
Ayres. 


Amérique méridionale, Bré- 
sil, Cayenne, Surinam. L'autre 
espèce vient de Surinam et de 
Mana. 


Chine, Cockbinchine, Java 
L'autre espèce est dn Japon. 


Cap de Bonne - Espérance. 
L'autre espèce est de Java. 


Ile de Corfou. 


Dans toute l'Europe, ainsi 
que plusieurs autres espèces. 
Les quinze autres espèces sont 
de la Morée, de l'Afrique, de ia 
Crimée, de l'Asie, de l'île de 
Madère, de Ténériffe, du cap 
de Bonne-Espérance, et d'Al- 
ger. 


Midi de la France, Espagne. 


De Smyrue, 


Inde: orientales. 


Midi de la France, Italie et 
Espagne, Les autres espèces 
habitent ‘Egypte, le Sénégal, 
la Crimés,et l'empire de Maroc 


CLASSES. 
a 


Sauriens. 


FAMILILES. GENRES ET ESPÈCES. 


Lézards la-| 1°Scapteire gram- 
certiens auto-|mique ( scaptera 
saures ou Cælo-|grammica). 
dontes, 


ble (eremias varia- 
Lilis). 


1° Zonüre gris 


{l 
| 
| 
| Lézards chal- 
zonurus griseus). 


icidiens ou cy-| 
iclosaures. | 
{9  Fribolonotc 
de la Nouvelle-Gui- 
née ( tribolonotus 
| Novæ Guineæ). 


ou 
Cu 


deux bandes (ger 
Irhosaurus bifasciu- 
lus). 


1° Saurophide de 
£acépède (sauro- 
phis Lacepedii,. 


49  Gerrhonote 
de Deppe (gerrho- 


notus Deppii). 


1° Pseudope de 
Pallas { pseudopus 
Pallasii). 


10  Ophisaure 
ventral (ophisaurus 


À 


ventralis), 


1° Pantlodaciyle 
de Dorbigny (pan 
todaciylus  Dorbi- 


gnyi). 
1° Ecpléode de 


odus Gaudichaudii), 


4° Gerrhosaure à| 


Gaudichaud ce 


HABITATIONS, 
| 


De l'Afrique. 


| 49 Eremias varia-| Tartarie et Crimée.Les autres 


espèces habitent en Egypte, au 
cap de Bonne-Epérance, en 
Algérie, enfin dans l'Afrique 
australe. 


Cap de Bonne-Espérance. Il 
en est de même des cinq autres 
espèces. 


Nouvelle-Guinée. 


Maïñagascar. Les autres es- 


pèces sont de la même île, du 
cap de Bonne-Espérance ou 
des parties méridionales de l’A- 
frique. 


Pointe australe du continent 


africain. 


Mexique. Il en est de même 


de quelques autres espèces ; 
plusieurs sont de Ja Californie 
ou de l’Amérique du Nord. 


Dalmatie, Istrie , Morée , et 


côtes méditerranéennes de l'A- 
frique. 


Parties sud de l'Amérique, 


Buénos-Ayres, 


Brésil, 


— 315 — 


"TT QU QU QU QU QU QG QC, 


CLASSES, 


Sauriens. 


FAMILLES, 
RE SEE CE RES 


Lézards chal- 
cidiens ou cy- 
closaures. 


Lézards chal- 
cidiens ou clyp- 
todermes. 


| Lézardsscin- 
coïdiens ou sau- 
rophthalmes, 


GENRES ET ESPÈCES. 
RE DRE QE ACER ES De OR ET 


4°  Chamésaure 
serpentin (chamæ— 
saura serpéntina). 


1° Hélérodactyle 
imbriqué (hetero— 
dactylus  imbrica- 
tus). 


1° Chalcide de 
Cuvier (chalcides 
Cuvieri). 


19 Trogonophide 
de Wiegmann {tro- 
gonophis Wiegma- 
ni). 


1° Chirote can- 
nelé (chirotes cana- 
liculatus). 


1° Amphibesme 
enfumée ( amphi- 
Lesma fuliginosa ). 


1° Lépidosterne 
microcéphale (lepi- 
dosterron microce- 
phalum). 

1° Tropidophore, 
de ia Cochinchine: 
(tropidophorus co- 
cincinensis). 


1° Scinque des. 
boutiques (scincus| 
officinalis). | 

19 Sphenops bri- 
dé (sphenops capi- 
stratus). 


HABITATIONS. 
a DE RERO | 


Afrique australe, 


Intérieur du Brésil. 


Amérique méridionale. Les 
autres espèces sont des Indes 
orientales, de la Guyane et du 
Chili. 


Environs d'Alger ou d'Oran. 


Mexique. 


Amérique méridionale. Il en 
est de même des autres espèces 
qui se trouvent au Mexique, au 
Brésil, à la Martinique, à l’ie 
de Cuba, de l'Afrique, particu-— 
lièrement de la côte de Guinée, 
et enfin de l'Europe, 


Buénos-Ayres, L'autre espèce 
est du Brésil. 


Cochinchine, 


Afrique. 


Egvpte. 


— 514 — 
ee 


CLASSES, FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES, HABITATIONS, 


Sauriens. Lézards scin-| 1° Dipoglosse de pe Dent t 
cd , z ces se uven , 
coïdiens ou sau-| Shaw ( dipoglossus fartioaibeecnt au Bréail, 


irophthalmes. !Shawii). ainsi que dans l’île de Cuba, et 
: à la Martinique. 


1° Amphiglosse| Ile de Madagascar. 
de l’Astrolabe (am- 
phiglossa Astrolabi) 


1° Gongyle ocel-| Tout le littoral de la Méditer- 
lé (gon ri ocella-|"216e; la Sicile, Malte, Egypte, 
(J079y ”|lîle dela Trinité.L'autre espèce 
tus) . est originaire de l’île deFrance. 


10 Eumèce ponc- Indes orientales. Les autres 
espèces habitent l'Amérique mé- 
Î tué (eumeces pure ridionale, particulièrement le 
clatus). Brésil, ainsi que les Antilles, 
l'île de Vanicoro, la Nouvelle- 

| 


Irlande, la Nouvelle - Guinée, 
et les îles océaniennes. 


1° Euprèpe del Côtes ARE Ees = 
espèces sont du Sénégal, du 
Cocteau ( euprepes en de Bonne-Espérance, de 
Coctæi). l'Egypte, de l'Abyssinie, des 
îles Seychelles, de Madagascar, 
de la Nouvelle - Guinée, du 
Bengale, du Coromandel, de 
Manille, de Timor et des îles 
Sandwich, et enfin de l’île de 

Java. 


40 Plestiodonte! Egypte, Algérie. Les autres 


; espèces habitent la Chine , les 
d’Aldrovande (ple- Etats-Unis d'Amérique, et prin- 


stiodon Aldrovan -|cipalement le nord de cette 
dii). contrée. 


| 19 Lygosome de| Nouvelle-Hollande. Les au- 
cn tres espèces sont de la même 
Guichenot (lygoso— entrés, ainsi que de la Nou- 
| ma Guichenoti, velle-Zélande, de l’île de Java, 
de l'ile de Timor, de la Nou- 
velle - Guinée, de la côte de 
Malabar, et de l'Amérique du 

Nord. 


40 Léiolopisme Iles voisines de l’île Maurice, 


: : . |particulièrement l’ilot Coin de 
de Telfair (Leiolopi- Mitre. 


sma Telfairi). 


1° Tropidolo-| Nouvelle-Hollande. 
pisme de Duméril 


— 919 — 


LEE EEE | 


CLASSES, 


Sauriens. 


FAMILLES, 


GENRES ET ESPÈCES. | 


Lézards scin-| (tropidolopisma Du- 
coïdiens ou sau-|merilii). 


rophthälmes. 


1° Cyclode de la 
Casuarina (cyclodes 
Casuarincæ). 


10 Trachysaure 
rugueux (trachy- 
saurus Tugosus), 


1°Hétérope brun 
(heteropus fuscus). 


19 Campsodacty- 
le de Lamarre(cam- 
psodactylus Lamar- 
rei). 


40 Tétradactyle 
de Décrès (tetrada- 
ctylus Decresiensis\. 


19 Hemiergis de 
Décrès ( hemiergis 
Decresiensis). 


10 Seps chalcide 
(seps chalcides). 


19  Hétéromèle 
mauritanique ( he- 
teromelus maurita- 
nicus), 


1° Chélomèle à 
quatre raies (cielo- 
meles quadrilinea- 
tus). 


1° Brachymèle 
de la Bonite (bra- 
chymeles Bonitæ). 


4° Brachystope 


HABITATIONS, 


Nouvelle-Hollande. I] en est 
de même des autres espèces. 


Nouvelle-Hollande. 


Ile de Waïigiou. L'autre es- 
pèce est de l’île de France. 


Bengale. 


Nouvelle-Hollande. 


Nouvelle-Hollande. 


Midi de la France, Italie, et 
côtes de la Méditerranée, soit 
en Espagne, soit en Afrique. 


Alger. 


Nouvelle-Hollande. 


Iles Philippines. 


Afrique australe. 


CLASSES, FAMILLES, GENRES ET FSPÊCES. 


| 


Lézards scin-|linéo-ponclué(Lra- 
coïdiersousau-|chystopus  lineo - 
rophthaimes, |punctulatus). 


Sauriens. 


1° Nessia de Bur- 
ton (nessia Burto- 
ni). 


1° Evesia de Bell 
(evesia Belli). 


10 Scélote de Lin- 
né (scelotes Linnæi). 


19 Prépedite rayé 
(prepedites lineatus). 


1° Ophiode strié 
(ophiodes striatus). 


1° Orvet fragile 
(anguis fragilis). 


1° Ophiomore à 
petits points (ophio- 
morus miliaris). 


10 Acontias pin- 
lade (acontias me- 
leagris),. 


Lézardsscin-| 1° Abléphare de 
coïdiens ou o-|Kitaibel ( «Llepha- 
phiophthalmes |rus Kitaibelii). 


10 Gymnophthal- 
me à quatre raies 
( gymnophthalmus | 
quadrilineatus). 


HABITATIONS, 


( 
| | I DR 


Amérique du Nord. 


Indes orientales, 


Cap de Bonne-Espérance. 


Cap de Bonne-Espérance. 


Amérique méridionale , 
Cayenne, Rio-Janeiro, Buénos- 
Ayres. 


Toute l'Europe, jusqu'en 
Suède et même en Sibérie, Asie 


occidentale, et toute la côte 


méditerranéenne de l'Afrique, 


Morée, Algérie. 


Afrique australe, surtout 
dans le voisinage du cap de 
Bonne-Espérance. 


Nouvelle - Hollande, Morée. 
Les autres espèces sont du 
même continent, et l’une 
d'elles, l’abléphare du Pérou, 
se trouve à la fuis à la Nou- 
velle-Hollande, à Taïti, aux 
îles Sandwich, à Java, à l'île 
de France et en Morée. M. For- 
tuné Eydoux a également rap- 
porté cette espèce du Péron. 


Brésil et Martinique. 


— 911 — 


oo 


CLASSES, | FAMILLES, 


Sauriens. 


Gyhidiens. | 


| 


Lézards scin- 
coïdiens ou o- 


 phiophthalmes. 


| 
| 


| 
| 


Lézards scin- 
coïdiens ou ty- 


pblophthalmes 


Pythoniens. 


GENRES ET ESPÈCES. 
OA A TE PR 


1° Lériste à qua- 
tre raies {Lerista li- 
neuta). 


1° Hystérope de, 
la Nouvelle-Hol- 


lande ( hysteropus 
Novæ Hollandiæ ). 


4° Lilialis de 
Burton (lilialis Bur- 
tonii). 


1° Dirame de la 
Nouvelle - Guinée 
(diramus NovæGui- 
neæ). 


1° Typhline de 
Cuvier(typhline Cu- 
vierii). 


10 Rouleau ru-|! 


ban {tortriz scyta- 
le). 


1°Boa devin{Loa 
constrictor). 


1° Python des 
îles de la Sonde (py- 
thon javanicus). 


| 1° Couleuvre à 
collier {coluler na- 


[trix). 


HABITATIONS, 
D D 


Nouvelle-Hollande. 


;  Nouvellc-Hollande, 


Nouvelle-Holiande. 


Nouvelle-Guinée. 


Afrique australe, 


D'Amérique ainsi que toutes 
les espèces de ce genre, et des 
uropeltes, qui leur sont voi- 
sins. 


De la Guyane et du Brésil. 
| L'ancien continent ne paraît 
pas avoir de vrais boas de 
grande taille. C'est donc dans 
| les lieux marécageux des par- 
|Ities chaudes de l'Amérique 
que se trouvent uniquement 
les autres espèces de boas. Les 
| scytales, les éryx, et les erpe- 
tons viennent des Indes orien- 
|tales. 


Des îles de la Sonde. 11 paraît 
en être également des autres 
espèces de ce genre. Quant à 
celles des genres cerbère, xé- 
nopeltif, hérodon, hurria, bon- 
gare, dendrophis, dryinus, 
elles viennent des Indes et de 
l'Afrique. 


Cette espèce vit en Enrope 
ainsi qu’une foule d'autres. Les 
espèces de couleuvres étran- 
gères sont innombrables, et 


— 918 — 


CLASSES. FAMILLES. | GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS, 
CREER LS ES 
Ophidiens, Pythoniens, appartiennent à tous les con- 
tinents : néanmoins chaque es- 
pèce est restreinte à un petit 
nombre de localités. 
| 
4° Acrocorde de: De Java. Il paraît y en avoir 
Java(acrocordus) a- d'autres espèces dans cette 
| À même île. 
 vensis). 

Crotaliens. 19 Crotale hor-| Des Etats-Unis. Les autres 
| rible (crotalus hor-|espèces de ce genre sont toutes 
| idus) de l'Amérique, soit de la 

riaus,. Guyane, soit d’ailleurs. 

19  Trigonocé-| De la Caroline. Les autres 
‘phale de Ja Caro-|espèces de ce genre vivent éga 
Mine trannacent lement dans diverses parties du 

(c IgonOCEPhA-|continent de l'Amérique, et 
{us tisiphone). par exemple au Brésil 

4o Vipère com-| Europe. Les espèces nom- 

mune (vipera be—|breuses de ce genre vivent les 

TS unes en Dalmatie, en Hongrie, 

Tus ss en Egypte, dans l'Inde et en 
Amérique. On en cite égale- 
{ment {plusieurs comme du cap 
de Bonne-Espérance. 

19 Naja à lunet- De l'Inde. Les autres espèces 
iles { naja tripu- appartiennent à l'Egypte. 
dians). 

19 Elaps anaulé De l'Asie. Il y a d'autres 
i(elaps lemniscatus), 8277 SEL UTENSER ENS 

qui appartiennent aux deux 
continents ; ce sont les micru- 
res, les platures, les trimersu- 
res, les oplocéphales, les acan- 
thophis, les échis et les langa- 
ras. 

Bongariens. 4° Bongare pam-| Des Indes, ainsi que toutes 


ma (pseudoboa fa- les espèces de ce genre. 


sriata). 


4° Hydre varié) Certains parages de la mer 
(hydrus variegatus). des Indes. 


1° Hydrophis la-! 
melleux (hydrophis 
schistosus). 


Mer des Indes, et certains 
fleuves d'eau salée du Bengale. 


29 Hydrophis, Mers des Iudes. 


CLASSES, FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES, 


Ophidiens. rte Bengale (hy- 


drophis gracilis). 


Bongariens. 


1° Pélamide bi- 
colore (pelamys bi- 
color). 


10 Chersydre fas- 
cié (chersydrus fa- 
scialus). 


19 Cœcilie lum- 
bricoïde ( cœcilia 
lumbricoides). 


Batraciens. | Batraciens pé- 
romèles ophio- 
somes ou céci- 
loïdes. 

1° Siphonopsan- 
nelé (siphonops an- 
| nulatus). 


1° Epicrium glu- 
tincux ( epicrium 
glutinosum). 


19 Rhinathrème 
à deux bandes (rhi- 
nathrema  bivitta- 
tum). 


Batraciens 1° Grenouille 
ancures phané-|cutipore (rana cu= 
roglosses ou pé-|tipora). 
lodytes. 

20 Grenouille 
verte (rana viridis). 


m 


10  Cystignathe 
ocellé (cystignathus 
ocellatus). 


HABITATIONS. 


Mers des Indes et d'Otaïti, 
île des Pins, dans la mer Paci- 
fique. 


Rivières de Java. 


Surinam. Les quatre autres 
sont de la côte de Malabar, de 
Cayenne, des îles Seychelles, ou 
de Surinam, 


Brésil, Cayenne, Surinam. 
L'autre espèce de ce genre vit 
au Mexique. 


Java et île de Ceylan. 


Cayenne. 


Indes orientales. 


L'Europe, l'Asie et l'Afrique, 
Les dix-huit autres espèces de 
ce genre se trouvent dans les 
îles Seychelles, Maurice, Bour- 
bon, Java, Amboine, dans l’A- 
frique australe, particulière- 
ment au cap de Bonne-Espé- 
rance, aux Indes orientales, 
dans toute l’Europe, et enfin 
dans l'Amérique du Nord; mais 
ces dernières ne se trouvent 
pas ailleurs, surtout dans l’an- 
cien continent. 


Amérique méridionale. Les 
dix autres espèces de ce genre 
habitent l'Amérique méridio- 
nale, la Guyane française, le 


— 380 — 


LU MU UC OO, LEO OÉÉAÉÉÉAALÉCL 


CLASSES: 


Batraciens. 


FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES. 


Batraciens 
anoures phané- 
roglosses ou pé- 
lodytes. 1° Leiupère mar- 
bré (leiuperus mar- 
moratus). 


19  Discoglosse 
peint (discoglossus 
piclus). 


1° Cératophrys à 
bouclier (cerato— 
phrys dorsata). 


10  Pixicéphale 
arrosé (pixicephalus 
adspersus). 


1° Calyptocépha- 
le de Gay (calypto- 
cephalus Gayi). 


19 Cycloramphe 
fuligineux ( cyclo- 
ramphus fuligino- 
sus). 


1° Mégalophrys 
montagnard (mega- 
lophrys montana). 


48 Pélodyte 
ponctué ( pelodytes 
punciatus). 


1° Alyte accou- 
cheur (alytes obste- 
tricans). 
| 

1° Scaphiope so- 
litaire (scaphiopus 
solitarius). 


Pélobate brun 


HABITATIONS, 
RRQ EE D 


Chili, la Nouvelle-Hollande et 
l'Afrique, particulièrement le 
Sénégal. 


Amérique du Sud. 


Grèce, Sicile, Sardaigne, sur 
les côtes méditerranéennes de 
l'Afrique. 


Amérique méridionale, Cayen- 
ne, Brésil. Les deux autres es- 
pèces de ce genre sont égale- 
ment de l'Amérique méridio- 
nale. 


Afrique australe. Des deux 
autres espèces l'une habite 
comme la première l'Afrique 
australe, et la seconde Buénos- 
Ayres. 


Chili. 


Brésil. L'autre espèce est du 
Chili. 


Java. 


France.Jusqu'à présent cette 
espèce n’a pas encore été ob- 
servée ailleurs. 


Presque toutes les parties 
de l'Europe tempérée. 


Caroline, Géorgie et le Ten- 
nesse sont les parties de l'A- 
mérique du Nord qu'habite 
cette espèce. 


Allemagne et France. L'an- 


— 581 — 


ee 


CLASSES, 


Bälraciens. 


FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES. 


Batraciens|(pelobates fuscus). 
anoures pha— 
néroglosses ou 
pélodytes. 1° Senneur à 
ventre couleur de! 
feu  ( bombinator 
igneus). 


Balraciens| 1° Litorie de 
anoures pha-|Freycinet ( litoria 
néroglosses ou | Freycinetii ). 
hyiæformes. 

1° Acris gryllon 
{acris gryllus). 


1°  Limnodyte 
rouge (limnodytes 
erythraceus). 


1° Polypédate de 
Goudot (polypeda- 
ltes Goudotii). 

19 Ixaie à ban- 
deau d’or ‘ixalus 
aurifascialus). 


1° Eucnémis des 
Seychelles (Eucne- 
mis seychellensis). 


10Rbacophorede 
Reinwardt (rhaco- 
phorusReinwardii). 


19 Trachycéphale 
géographique (tra- 
chycephalus geogra- 
phicus\, 


19 Rainette verte 
(hyia viridis). 


2° Rainette patte 


HABITATIONS, 
ST 


tre espèce, le pélo-cultripède, 
vit dans le midi de la France 
et l'Espagne. 


Toute l’Europe tempérée, 


Port - Jackson. L'autre es- 
pèce habite la Nouvelle-Or- 
léans. 


Amérique septentrionale, 
L'autre espèce est de la Gévr- 
gie, 


Ile de Java. Quant aux deux 
autres espèces, l’une habite la 
même île, et la seconde l'ile 
Waigiou. 


Ile de Madagascar. Les trois 
autres espèces habitent Ma- 
uille, le Japon et les Indes 
orientales. 


Ile de Java. 


Iles Seychelles. Les autres 
espèces sont de l’île de Made— 
gascar, du cap de Bonne-Espé- 
rance et de l'Abyssinie, 


Ile de Java, et plusieurs par- 
ties du continent de l'Inde. 


Le Brésil, Les deux autres 
espèces sont originaires de 
Cuba et de Saint-Domingue, 


Toute l'Europe excepté la 
Grande-Bretagne, le Japon ct 
la côte méditerranéenne de 
l'Afrique, 


Brésil, Cayenne. Parmi les 


— 582 — 


EE ——————————"————_—_——"——"—"—"—————————"————""———— — 


CLASSES, 


Bolraciens. 


FAMILLES, 


CEE ESS 


GENRES ET ESPÈCES. 


HABITATIONS. 


Batraciens|d’oie (hyla palma-|trente-trois autres espèces de 
anoures pbha-—\|{a). 


néroglesses ou 
hylæformes. 


Balraciens 


anoures pha- 
Inéroglosses ou 
‘bufoniformes, 


| 


1°Micrhyle acha- 
tine (micrhyla a- 
chatina). 


49 Cornufère u- 
nicolore (cornufer 
unicolor). 


1° Hylode de la 
Martinique (hylo- 
des marlinicensis ). 


1° Phylloméduse 
bicolore (phyllome- 
dus bicolor), 


1° Elosie grand 
nez (elosia nasuta). 


1° Grossodac— 
tyle de Gaudichaud 
(grossoductylusGau- 
| dichaudii). 


40 Phyllobate bi- 
colore (phyllobates 
\bicolor), 


|; 1° Dendrobate à 
lapirer (dendroba-\ 
les tinclorius). 


1° Rhinoerme! 


ce genre, la plupart appar- 
tiennent à l'Amérique méri- 
dionale, et se trouvent à 
Cayenne, à Surinam, à Buénos- 
Ayres, au Pérou on dans la 
Guyane. Un très-petit nombre 
d'entre elles vivent dans l'A- 
mérique du Nord, ou dans 
toute l’Europe, excepté la 
Grande - Bretagne. Un petit 
nombre appartient à Ja Nou- 
velle-Hollande, à l'île de Ti- 
mor, et à la terre de Vau-Dié- 
men. 


Ile de Java. 


Nouvelle-Guinée. 


Ile de la Martinique. Les 
trois autres espèces sont de 
Cayenne, et de l’île de Cuba. 


Amérique méridionale. 


Brésil. 


Brésil. 


Ile de Cuba, 


Brésil, Cayenne, Les deux 


autres espèces sont du Chili, 


Chili 


— 583 — 


a —————_—]— ————————— | 


CLASSES» 


Balraciens, 


qi 
oo 


FAMILLES, 


GENRES ET ESPÈCES. 


Batraciens de Darwin (rhino- 
anoures pha-!derma Darwinii). 


néroglosses ou 
bufaniformes, 


1° Alelope jau- 
nâtre (atelopus flu- 
vescens). 


1° Crapaud en- 
sanglanté ( bufo 
cruentatus ). 


4°  Phrysnique 
noirâtre (phrysni— 
cus nigricans), 


1°  Brachycé- 
phale porte - selie 
(brachycephalus e- 
phippium). 


1°  Hylédactyle 
lacheté (kylædacty- 
lus baleatus). 


1° Plectropode 
peint (plectropodus 
piclus), 


1°  Engystome 
ovalis), 


1° Upérodonte 


HABITATIONS. 


Amérique méridionale. 


Ile de Java. Les vingt-huit 
autres espèces se trouvent à la 
Guyañe, au Pérou, au Chili, à 
l’occident de l'Asie, aiusi que 
dans le sud-ouest et le nord de 
l'Afrique, l'Amérique du Nord 
et méridionale, les Indes orien- 
tales, le Bengale, l'île de Java 
et les Antilles. Mais la particula- 
rité la plus remarquable qui se 
rapporte aux habitations des 
espèces de ce genre est celle 
que présente le crapaud com- 
muu, qui, répandu dans toute 
l'Europe, se trouve néanmoins 
au Japon. Il en est de même 
de notre rainette verte et des 
deux grenouilles des contrées 
tempérées, la verte et la rou:se. 


Mexique. L'autre espèce est 
de la Nouyelle-Hollande. 


Brésil, Cayenne, 


Ile de Java, 


Manille, 


Amérique méridionale, Les 


ovale (engystomus autres espèces habitent le Bré- 


sil ou l'Amérique du Nord, 
principalement la Caroline, 


Intérieur de la péninsule de 


marbré (wperodon| l'Inde. 


marmoratum), 


a —, 


CLASSES» FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES. 
EL ECS TES PRES 
Batraciens. Batraciens| 1° Breviceps bos- 


anoures pha-|su (breviceps gibbo- 
néroglosses ou|sus). 


bufoniformes. C 

1°Rhinophryne à 

bande dorsale (rhi- 

nophrynus dorsalis) 

Batraciens! 1°  Dactylèthre 

anoures pha-|du Cap (dactylethra 
néroglosses ou|capensis). 

pipæformes. ; 

1°Pipa américain 

(pipa americana ). 

Batraciens! 1° Salamandre 

paludiens ou commune ( sala — 

tritoniens. mandra maculata). 

1° Triton mar- 

ibré (triton gesneri). 

Batraciens! 1°  Ménopome 

amphibiens ou|géante (menopoma 
siréniens. gigantea). 

1° Amphiume à 

trois doigts (am- 

phiuma  tridacty- 


lum). 


1o Axolot pisci- 
forme (axolot pi- 
sciformis), 


1° Monobranche 
latéral (monobran- 
| chus lateralis), 


1° Prolée serpent 
(proteus  sangui- 
neus), 


1° Sirène lacer- 
tine (siren lacertina) 


HABITATIONS. 


Afrique australe, 


Mexique. 


Afrique australe. 


Guyane et Brésil. 


Europe. Les autres espèces 
habitent la même contrée ou 


l'Amérique septentrionale. 


Europe. Les autres espèces 


Amérique septentrionale, 


se rencontrent dans l'Améri- 
que septentrionale. 


Louisiane. Il en est de méme 


des autres espèces. 


Du Mexique. Il en est de 


même des autres espèces. 


Etats-Unis, 


Eaux souterraines de la Car 


nlole. 


Marais de la Caroline, 


Les 


autres espèces Setrouvent dans 


l'Amérique du Nord, 


— 3585 — 


Deux faits principaux découlent des tableaux pré- 
cédents ; le premier parait être général chez les ani- 
maux et même jusqu’à un certain point chez les végé- 
taux. Il n’est presqueaucune espèce de reptilecommune 
à la fois à l’ancien etau nouveau continent. Le second 
fait qui en découle, c’est que les espèces terrestres ont 
leurs habitations bornées à des localités peu étendues. 
Ainsi les races aquatiques, et à peu prés uniquement 
les marines, offrent seules des habitations variées ; 
elles occupent non - seulement des lieux différents, 
mais souvent très-distants. 

Reprenons ces deux faits, et voyons quelles en sont 
les conséquences. 

Tous les voyageurs ont été frappés, en passant de 
l’ancien continent dans le nouveau, de re trouver au- 
cune espèce semblable ni identique dans ce dernier. 
Celles qui avaient frappé leurs regards en Europe, 
en Afrique, en Asie, dans la Nouvelle-Hollande, ne 
se représentent plus à leurs yeux. Tout au plus ob- 
serve-t-on quelque similitude entre les productions 
organiques de la pointe nord de l’Asie et celles de 
l'extrémité de l'Amérique septentrionale par suite de 
leur rapprochement, 

Les vents transportent d’une contrée à une autre 
les graines d’un grand nombre de végétaux; ils mé- 
lent ainsi les plantes qui, par leur station primitive, 


appartenaient à des pays divers. D'un autre côté, les 
25 


— 386 — 


habitants des mers, véritables cosmopolites, passent 
facilement d’un parage à un autre. Ils peuplent ainsi 
peu à peu la plus grande partie de l'Océan. 

Les oiseaux et les insectes, portés par les vents, 
s’aventurent souvent fort loin des lieux de leur nais- 
sance. Ils amènent parfois leurs races dans le nou- 
veau monde, dont l'homme a pris possession si tard. 
Malgré toutes les causes qui tendent à méler les es- 
pèces et à leur faire franchir les plus grandes dis- 
tances, peu de celles qui se font remarquer par leur 
agilité, ou les végétaux à graines légères, sont venus 
embellir les terres humides de l’Amérique, ou sont 
arrivés de ce continent sur le sol de l’ancien. Chaque 
contrée a conservé ses espèces primitives ; l'homme 
lui-même, malgré toute la puissance de son influence, 
n'a presque pas interverti cet ordre émané de cette 
sagesse infinie qui a tout réglé ici-bas. 

Les reptiles franchissent si peu de grandes distan- 
ces, qu'on peut à peine citer une de leurs races dans 
l’ancien et le nouveau monde. Il en est de même en- 
tre ces deux continents et celui de la Nouvelle-Hol- 
lande. Leurs espèces sont généralement différentes 
dans ces diverses régions. Du moins, on remarque 
peu d’exceptions à cette loi générale. Elles nous sont 
fournies par le phyllodactyle porphyré et l'abléphare 
de Pérou, etc. Le premier se trouve à la fois au cap de 
Bonne-Espérance et à la Nouvelle-Hollande; cepen- 


— 381 — 


dant les individus de l’une ou de l’autre de ces con- 
trées ne paraissent pas différer les uns des autres. 
L'abléphare de Pérou se trouve non-seulement dans 
la Nouvelle - Hollande, mais encore à Taïti, aux iles 
Sandwich, à Java, à l’ile de France et en Morée. Ce 
qui est plus extraordinaire, M. Fortuné Fydoux en a 
rapporté du Pérou. S'il n'y a pas d'erreur, ce serait 
à peu près le seul exemple connu d’un reptile vivant 
dans les trois grands continents. S'il en est ainsi, il 
estextrèmement probable que cette espèce s’y rencon- 
trerait par suite de sa station primitive. Rien ne fait 
présumer qu'elle ait pu se transporter dans des lieux 
aussi différents que le sont l’ancien continent, le nou- 
veau monde et la Nouvelle-Hollande. 

De cette manière on peut concevoir un fait aussi 
extraordinaire, et à la vérification duquel les voya- 
geurs ne sauraient apporter trop d'attention. 

Ces observations sont du reste fort douteuses. On 
sait avec quelle légéreté s’établissent les habitations, 
surtout lorsque des indications à cet égard sont adres- 
sées aux grands musées où abondent de nombreuses 
collections des pays souvent les plus divers. Des er- 
reurs d'étiquettes sont trop communes pour ne pas 
présumer qu'il peut en avoir été ainsi du phyllodac- 
tyle porphyré. Quoi qu'il en soit, cette exception, en 
la supposant réelle, prouve combien sont rares de pa- 
reils exemples. 


— 588 — 


Les habitations des reptiles sont si restreintes qu’on 
ne cite qu’une seule espèce de cet ordre d’animaux 
comme se trouvant à la fois dans l’Amérique du Nord 
et l'Amérique méridionale. Cette espèce, ou l’émyde 
concentrique, est une tortue paludine qui, comme 
toutes celles de cette famille, se rencontre en Améri- 
que, surtout dans la partie septentrionale. 

Certaines familles de reptiles affectent particulié- 
rement telle ou telle partie des continents. Les camé- 
léoniens sont en quelque sorte propres à l’Afrique 
et aux iles qui en dépendent. Une seule exception est 
fournie par le caméléon à nez fourchu, que l’on dé- 
couvre, à ce qu’il parait, aux iles Moluques, à l'ile 
Bourbon et dans la Nouvelle - Hollande. D'un autre 
côté, les vrais boas de grande taille sont propres à 
l'Amérique. Les pythons, dont les dimensions sont 
non moins considérables , appartiennent aux Indes et 
à l'Afrique. Parmi les lézards isuaniens, les polychres, 
les laimantes, les urostrophes, les norops, les anolis, 
les coryophthames, les basilics , les aloponotes, les 
amblyrhinques, les iguanes, les métopocéros, les cy- 
clures, les brachyolophes et la plupart des autres 
genres de cette grande famille sont à peu près tous 
de l'Amérique. 

Les habitations des reptiles terrestres sont donc 
trés - restreintes. Cette circonstance n'avait point 
échappé à l'historien de ces animaux, Dugès. IL fait 


— 3589 — 


observer dans son histoire des espèces indigènes de 
lézards, qu’à part les seps, et peut-être les chalcides, 
les lézards sont les seuls sauriens qui habitent le Lan- 
guedoc. Le gecko des murailles est borné à la Pro- 
vence. Quant au scinque algérien , il n’a été admis 
que par erreur au nombre des reptiles de la pre- 
miére de ces provinces. Le nombre des lézards de 
ce pays est si borné, qu'il est réduit à sept. Tout 
au plus peut-on en compter jusqu’à quatorze dans 
l’ensemble de l’Europe. 

Si l’on compare le petit nombre de localités qu’ha- 
bitent les reptiles terrestres avec celles fréquentées 
par les races marines, on reconnait la grande diffé- 
rence des unes et des autres. Elle est d'autant plus 
sensible que les reptiles des mers sont bornés aux 
genres des chélonées et des sphargis parmi les tor- 
tues, des hydres, des hydrophis et des pélamides 
parmi les ophidiens. Rien ne rappelle, chez les rep- 
tiles terrestres et fluviatiles, des habitations aussi va- 
riées que celles que nous offrent les chélonées verge- 
tée et imbriquée. Celles-ci parcourent l'Océan Indien 
et Américain ainsi que les parages de l’Afrique et de 
la mer Rouge. Dans cette immense étendue voguent les 
tortues marines, Jusqu'à l'époque où le besoin de dé- 
poser leurs œufs les porte à se rapprocher des rivages 
pour satisfaire ce besoin impérieux. 

Si, après avoir porté son attention sur la grandeur 


.— 890 — 


de l’espace que franchissent souvent les reptiles, on 
la fixe sur les espèces paludines et fluviatiles , il est 
facile de s’apercevoir de l'extrême différence qui 
existe entre ces diverses races. Les dernières quittent 
peu les lieux de leur naissance ; elles se transportent 
rarement à quelque distance du lieu de leur séjour 
habituel. À peine observe-t-on quelques individus iso- 
lés, qui s’avancent dans l’intérieur des terres. Lors- 
qu’on les y découvre, c’est qu’ils y ont été entraïinés 
par la rapidité que les fleuves ont auprès de leur em- 
bouchure, À part ces individus peu nombreux, les 
espèces de reptiles soit paludines, soit fluviatiles, sont, 
sauf quelques exceptions, tout aussi restreintes dans 
leurs habitations que les races terrestres. 

Cependant quelques reptiles qui vivent aussi bien 
dans l’eau que sur les terres sèches et découvertes, 
sont assez répandus peut-être par suite de ce double 
mode de station. Leur nombre est si limité qu'on peut 
au plus en signaler quatre : deux espèces de gre- 
nouilles, la verte et la rousse, se trouvent à la fois en 
Europe, en Asie et en Afrique; d’un autre côté, la 
rainette verte, ainsi que le crapaud commun, répan- 
dus dans toute l'Europe, se rencontrent néanmoins 
au Japon. Si l’on découvre ces reptiles à d'aussi gran- 
des distances, ce n’est point par l’effet des déplace- 
ments, car ils ne voyagent jamais, mais par leur dis- 
tribution primitive. Sous quelque point de vue que 


— 391 — 


l’on envisage les reptiles, ces animaux ne sauraient 
être comparés aux oiseaux et aux poissons sous le 
rapport de leurs excursions. Les seuls reptiles qui s’y 
livrent, par suite du besoin qu’ils éprouvent d’assu- 
rer la durée de leurs races, sont réduits aux cinq 
genres marins que nous avons fait connaitre. 

Nous sommes donc plus certains de la distribution 
primitive des reptiles, que nous ne pouvons l'être des 
autres vertébrés. En effet, parmi les animaux de ce 
grand embranchement, ils ont le moins varié dans 
leurs habitations primordiales. Les reptiles résistent 
le mieux à la puissance de notre influence, et ils en 
ressentent le moins les effets. Il faut convenir, tou- 
tefois, que l’homme a peu d'intérêt à les soumettre 
à son empire; car il ne peut guère en espérer quelque 
avantage. À peine ces animaux lui fournissent-ils 
quelques aliments, des médicaments, ou des objets 
qu'il utilise dans les arts. 


— 392 — 


CHAPITRE IV. 


DES MIGRATIONS DES POISSONS. 


OBSERVATIONS GÉNÉRALES. 


La constance et la régularité des migrations des 
poissons n'est pas moins remarquable que celle des 
oiseaux. On a supposé, relativement aux premiers, 
qu’elles étaient autant occasionnées chez certaines es- 
pèces par le besoin de déposer leurs œufs, que par 
celui de trouver dans d’autres régions une nourriture 
plus convenable ou une température plus appropriée 
à leurs conditions d’existence. IL se peut que ces cau- 
ses agissent à la fois sur les différentes espèces de 
poissons, et qu’elles contribuent à rendre leurs voyages 
tout à fait nécessaires; mais au milieu des phénomènes 
de ces passages, aussi bien déterminés que ceux 
des oiseaux, les migrations qui se rapportent aux 
poissons de mer sont plus remarquées que celles des 
poissons des eaux douces. Ceci tient peut-être à ce 
que les premiers, plus nombreux, parcourent et fran- 
chissent de plus grandes distances. 

Parmi les poissons de mer, certains se distinguent 


— 393 — 


d’une manière toute particulière par la régularité et 
la constance de leurs passages ; au premier rang on 
peut citer les harengs et les sardines, dont la pêche 
occupe tant de bras, et dont la fécondité est prodi- 
gieuse. Pour s’en faire une idée, on n’a qu’à se rap- 
peler l’immense consommation que l’on en fait con- 
tinuellement, soit à l’état frais, soit après avoir été 
desséchés et salés. 

Aussi, chaque année, et comme pour fournir à des 
besoins quise renouvellent sans cesse, des armées in- 
nombrables de poissons émigrants arrivent sur nos 
côtes, qu'ils avaient quittées l’année précédente. Ils 
semblent venir y chercher les œufs des petits poissons, 
des petits crabes et des vers dont ils sont fort friands. 
On suppose que cette nourriture contribue à donner 
aux poissons, et particulièrement aux harengs, la 
bonté de leur goût et la délicatesse de leur chair. 

Quoi qu'il en soit, on les voitarriver chaque prin- 
temps dans nos régions, en colonnes épaisses et nom- 
breuses , et aborder ainsi les rivages les plus méri- 
dionaux de l'Europe aussi bien que ceux de l’Amé- 
rique. À l'approche de ces bandes innombrables de 
poissons, la mer estcouverte d’une matière épaisse, vis- 
queuse, souvent phosphorique et lumineuse pendant la 
nuit. Cette matière odorante attire les oiseaux ichthyo- 
phages, les squales et les cétacés, qui déciment cette 
armée dont plus tard les pêcheurs vont détruire les 


— 594 — 


rangs. Cette destruction, que l’on pourrait croire to- 
tale, tant elle est considérable, semble n’exercer au- 
cune sorte d'influence sur le nombre des harengs, 
qui, l’année suivante, viendront périr dans les mêmes 
lieux et succomber sous les mêmes ennemis. 

En général, ces poissons'viennent chaque année dans 
les mêmes parages, avec la plus grande régularité, et 
pour ainsi dire à point nommé. Ils abandonnent ce- 
pendant parfois certaines eaux, et n’y reviennent 
qu'après une absence de plusieurs années. 

On les voit rester d'ordinaire en pleine mer pen- 
dant les mois de juillet et d’août; du moins ils ne 
parviennent près des côtes et n’entrent dans les eaux 
peu profondes qu'après cette époque; ils y cherchent 
un endroit convenable pour y déposer leurs œufs. Les 
harengs les plus vieux frayent les premiers, et les 
jeunes plus tard. Aussi les uns et les autres aban- 
donnent le voisinage des côtes vers le mois de février, 
la ponte étant pour lors complétement terminée. La 
température, et d’autres causes, la plupart indéter- 
minées , influent beaucoup sur les circonstances de 
leurs passages. Il parait pourtant que, dans certaines 
localités, des harengs ont des œufs pendant la plus 
grande partie de l’année. 

Les poissons, et particulièrement les harengs ainsi 
que les sardines et la morue, nous étonnent par leur 
extrême fécondité. Le nombre prodigieux que l’on en 


— 595 — 


pêche chaque année peut nous faire comprendre la 
force de reproduction de ces espèces. Elle suffit à 
ces pêches continuelles, qui ont lieu constamment de- 
puis la fin de juin jusqu’au commencement de jan- 
vier. Quelque immense que soit la quantité que l'on 
en recueille, quelque nombreuses que soient les 
flottes chargées de ce soin, le nombre des harengs, 
des sardines et des morues n’en parait pas sensi- 
blement altéré. La puissance de la reproduction est 
supérieure à toute l’activité que l'homme déploie pour 
en diminuer les effets. 

Dans les expéditions dirigées dans le but de 
s'emparer de ces poissons, l’industrie de l’homme, 
pour mieux arriver à ces fins, a employé les fusées 
à la Congrève à la pêche de la baleine, ce colosse 
de la nature vivante, relégué au milieu des glaces 
du pôle. C’est encore son industrie qui a attiré 
sur des plages nouvelles les harengs qui doivent 
lui servir d’aliment. L'homme est même parvenu 
à faire éclore les œufs de ces poissons, jusqu’au- 
près de l’embouchure des fleuves de la Suède et de 
l’Amérique septentrionale. Par un art non moins 
étonnant , les peuples de ces contrées ont porté les 
individus sortis de ces œufs à y revenir chaque année 
avec leurs races nouvelles ; ils fournissent ainsi au 


commerce les matériaux de pêches aussi abondantes 
que lucratives. 


— 396 — 


À l’aide dés moyens que son intelligence lui a sug- 
gérés, il prend à peu près chaque année, dans quelques 
baies du nord de l’Europe, plus de vingt millions 
de harengs. Ce nombre finira même par devenir aussi 
considérable que celui que fournit la Baltique. On 
évalue ce dernier à plus de quatre cents millions ; 
mais ce nombre immense est encore au-dessous de 
celui que Bloch suppose avoir été pris aux environs 
de Gothenbourg. Ce dernier se serait élevé, d’après 
lui, à plus de sept cents millions. 

La pêche de la sardine, qui a lieu surtout depuis 
le golfe de Gascogne jusqu’à l'embouchure de la Ga- 
lice, ne donne pas des résultats moins étonnants que 
celle du hareng. Elle peut nous donner une idée du 
nombre queles migrations en entrainent chaque année 
sur nos côtes. Îl en est de même de l’anchois (c/zpea 
encrasicholes, Linné). Les passages de cette espèce 
sont si considérables, particulièrement sur les côtes 
de l'Espagne, qu'il n’est pas rare d’en prendre plu- 
sieurs millions d’un seul coup de filet. 

Les migrations périodiques ont quelque chose de 
surprenant, non-seulement à raison de l’immense 
quantité d’espèces qui s’y livrent d’une maniére 
constante, mais surtout à raison des motifs cachés 
qui les y portent. Au milieu de ceux que l’on peut 
supposer, il en est un que l’on a encore peu apprécié, 
mais qui n'est pas sans quelque réalité. 


— 397 — 


Du moins voit-on, dans les contrées méridionales 
de la France, le passage des sardines coïncider cons- 
tamment avec celui des maquereaux, comme leurs 
migrations avec celles des thons et des squales. Cette 
coïncidence remarquable se renouvelle avec une si 
grande régularité, qu'un instinct en quelque sorte 
irrésistible doit régler les voyages périodiques de ces 
animaux. Cet instinct les porte bien plus à se livrer à 
de pareilles excursions, que la connaissance qu'ils 
peuvent avoir des moyens qui leur en donneront la 
facilité. Ainsi les maquereaux sont attirés dans la 
Méditerranée par les sardines, tout comme les thons 
par les maquereaux. Ceux-ci deviennent à leur tour 
victimes de la voracité des squales, qui les poursui- 
vent avec une sorte de fureur. 

Lorsque ces armées de thons sont attaquées par les 
squales, les premiers préférent se laisser échouer sur 
la côte plutôt que de subir la mort cruelle qui les 
attend sous les dents tranchantes des tigres des mers, 
dont rien n’égale la gloutonnerie ; mais la cause qui 
les porte à se succéder les uns aux autres et à se 
suivre mutuellement est toute différente de celle de 
leur alimentation , ainsi qu’il est facile d’en juger. 

Les pêcheurs profitent avec avantage de cette ter- 
reur que les squales inspirent aux thons, pour les 
prendre de jour. Cependant on ne les saisit guére 
que la nuit, surtout pendant les nuits obscures ; alors 


— 398 — 


ils ne peuvent apercevoir les filets destinés à les 
empêcher d'échapper. 

Ces faits sont si connus des pêcheurs des côtes de 
la Méditerranée, que l'apparition des squales est à 
leurs yeux un présage favorable pour la pêche du 
thon et du maquereau. D’un autre côté, ils savent 
que ces poissons arrivent constamment en troupes 
considérables aux mêmes époques, se poursuivant les 
uns les autres, les plus petits servant de pâture aux 
plus gros. 

La périodicité des voyages de ces différentes espè- 
ces est aussi régulière que les migrations des oi- 
seaux. Aussi les règles que nous avons établies rela- 
tivement aux excursions des uns peuvent très-bien 
s'appliquer aux autres. Il est parmi les poissons comme 
parmi les oiseaux, des espèces émigrantes et errati- 
ques, tout aussi bien qu'il en est qui voyagent cons- 
tamment. Ces derniers sont les véritables cosmopo- 
lites parmi cet ordre d’animaux. 

D’autres poissons , ainsi que plusieurs oiseaux, 
abandonnent peu les lieux de leur naissance, du 
moins ils ne font jamais de longues excursions. Ces 
races, comme les oiseaux qui ont les mêmes habitu- 
des, méritent bien le nom de sédentaires que nous 
leur avons donné. Nous comprendrons sous le nom 
d’erratiques les différentes espèces de poissons qui se 
déplacent à des époques irrégulières; nous nomme- 


— 399 — 


rons émigrantes les races dont les voyagés périodiques 
ont une fixité et une régularité remarquable. 

Ces dénominations suflisent pour se rendre compte 
des diverses circonstances qui accompagnent les dé- 
placements des poissons, et même pour saisit celles 
qui tiennent certaines espèces constamment attachées 
aux lieux qui les ont vues naïître. 

La fécondité des poissons est si grande, que long- 
temps la Hollande a couvert de ses bâtiments les 
mers du Nord, pour la péche unique du hareng, 
Cette pêche parait même avoir alors occupé prés 
d'un cinquième de la population totale de cette 
contrée. Dans ce moment même, l'Angleterre et la 
France y emploient un grand nombre de matelots. 
Plus du tiers de ces matelots s’avancent jusque sur 
les côtes de l'Islande et de Terre-Neuve. Ils s’y li- 
vrent à la poursuite de ces poissons si recherchés pour 
nos tables, et si précieux pour le pauvre. 

Il en a été de même des peuples de l'antiquité, 
particulièrement des Romains. Aprés la perte de 
leur liberté, on sait quel luxe les grands de 
Rome mirent dans le choix et la recherche des pois- 
sons dont ils ornaient les tables de leurs festins. Ils 
ne se bornaient pas à expédier, dans les mers voisi- 
nes, des vaisseaux destinés à cette recherche ; ils fi- 
rent des efforts infinis pour conserver vivants les pois- 
sons, fruits de leurs pêches et de leurs labeurs. 1ls 


— 400 — 


inventérent donc les barques à réservoir et firent 
creuser à grands frais d'immenses viviers remplis 
d’eau salée. On y déposait les espèces les plus esti- 
mées des mers de la Sicile, ainsi que celles des côtes 
de la Grèce et de l'Egypte. 

Le luxe que déployérent à cet égard Lucien Mu- 
réna, qui dut son nom aux soins qu'il prenait des 
murènes , et Lucullus, surpasse non-seulement tout 
ce que les peuples modernes ont pu faire en ce genre, 
mais même tout ce que l’imagination peut faire pré- 
sumer. En effet, quel souverain pourrait aujourd'hui, 
avec tous les progrès de la marine moderne, offrir 
un repas comme celui donné par le frère d'Othon à 
cet empereur, où seraient réunis Jusqu'à deux mille 
plats composés de poissons rares et délicieux. Un pa- 
reil luxe ne pouvait convenir qu’à des peuples eflé- 
minés, comme étaient les Romains, déchus de leur 
ancienne gloire. Les grands de Rome, qui n'étaient 
plus occupés de victoires, mirent à honneur singulier 
de se surpasser mutuellement dans une somptuosité 
aussi extravagante que puérile. Une pareille folie pré-- 
céda de peu la décadence d’un peuple placé si haut 
naguére, et dont l’avilissement marcha aussi vite que 
la grandeur. 

Nous avons déjà fait observer que le soin de leurs 
œufs pouvait avoir quelque influence sur les mi- 
grations remarquables auxquelles se livrent, d’une 


— ÀA0O1 — 


maniére à peu près constante, certains poissons. Du 
moins, le développement spontané d’une quantité 
-considérable d'œufs dans un même lieu porte cer- 
taines espèces à s’y réunir en légions nombreuses et 
serrées ; les pêcheurs appellent avec raison ces légions 
des bancs de poissons. Ces animaux, ainsi réunis, 
ne s’aident point entre eux. Ils se suivent seulement 
les uns les autres, soit par une sorte de tendance à 
imiter les mouvements qu’exécutent les premiers, ou 
les guides de cette troupe aveugle, soit parce que les 
mêmes besoins les attirent dans un même lieu, comme 
de nouveaux les en éloignent. 

Ainsi rassemblés en troupes innombrables, les 
poissons font souvent de longs voyages, tantôt pour 
gagner la mer, tantôt pour remonter les rivières ou 
pour changer de parages. Ils sy livrent presque 
toujours à l’époque du frai; mais rarement ils les en- 
treprennent seuls. En général, ces habitants des eaux 
n’exécutent leurs voyages qu’en grand nombre. Il en 
est de même des espèces qui remontent fortavant dans 
les rivières, après avoir quitté le bassin des mers, où 
elles font ordinairement leur séjour. 

Il serait intéressant de savoir si les espèces fluvio- 
marines, qui de la mer remontent dans les fleuves et 
les rivières à des époques à peu près constantes, sui- 
vent indifféremment tel fleuve ou tel autre, ou si elles 


ne sont pas déterminées dans leur choix par la na- 
26 


— 102 — 


ture, la température, la direction et le cours des eaux. 
ll doit y avoir à cet ésard quelques motifs de préfé- 
rence, car l’onne voit guëre les saumons remonter de la° 
mer dans les ruisseaux ou les torrents qui s’y rendent, 
tandis qu'ils suivent constamment le cours des grands 
fleuves ou des rivières considérables. Sans doute il est 
difficile de démèler toutes lescauses decette préférence, 
qui ne dépend pas uniquement des dimensionsdes pois- 
sons, ainsi qu’on pourrait le supposer, mais d’une foule 
de circonstances encore peu étudiées. Aussi fixerons- 
nous plus tard sur elles l’attention de ceux qui peuvent 
prendre quelque intérêt à cet ordre de recherches. 

Du reste, c’est d’une maniére temporaire que plu- 
sieurs espèces de reptiles et de cétacés ont de pareilles 
habitudes, et se livrent à des sortes de migrations. On 
observe quelquefois des crocodiles à plus de trente-six 
lieues des côtes se jouant au milieu des eaux de la 
mer ; mais ils sont toujours isolés, jamais en troupes 
ni en bandes. Il en est de même de certaines espèces 
de cétacés, particulièrement des marsouins, qui s’a- 
vancent aussi dans l’intérieur des rivières, à des dis- 
tances fort considérables du bassin des mers. Il y a 
quelques années, des marsouins, aprés avoir remonté 
la Seine jusqu’au jardin des plantes, vinrent amuser 
et réjouir les habitants de Paris. Ces cétacés, en fort 
petit nombre, étaient bornés, à ce qu'il parait, à trois 
ou quatre individus au plus. 


— 05 — 


Ces voyages individuels n’ont rien de commun avec 
ceux qu’entreprennent les poissons en bandes toujours 
considérables, lorsque ces voyages sont de long cours. 
Quelles sont donc les causes quiles poussent à se trans- 
porter, à des époques fixes, dans des climats nouveaux, 
tandis que tant d'autres, constamment sédentaires, 
n’abandonnent jamais les lieux qui les ont vus naître. 

On conçoit aisément pourquoi, à l’époque où la 
température s'abaisse ou s’éléve d’une manière nota- 
ble, certaines espèces se rapprochent des côtes ou re- 
montent dans les rivières, ou font des trajets plus ou 
moins longs, pour parvenir dans des lieux dont la tem- 
pérature est plus appropriée à leurs besoins. Mais, si 
cette cause était la seule qui portàt les poissons à 
changer de pays, de pareilles migrations n’auraient 
certainement pas lieu dans la belle saison. Sileurs pas- 
sages s’opérent, lorsque de pareils besoins ne peuvent 
les y déterminer, il faut qu'ils ne dépendent pas tou- 
jours de la température. Il semblerait donc que les 
poissons, comme plusieurs oiseaux, seraient portés à 
changer de pays, par suite d’un instinct qui les y en- 
trainerait d’une manière irrésistible. 

Quant aux espèces qui se transportent d’un lieu dans 
un autre à raison de la température, leurs voyages 
sont toujours accidentels, puisque les effets qui les 
produisent se renouvellent à des époques qui n’ont 


rien de fixe ni de déterminé. Aussi ces espèces se dé 


— AO — 


placent d’une manière plus ou moins irrégulière, soit 
du nord vers le sud, soit du sud vers le nord, en sui- 
vant une route plus ou moins bien déterminée. Peut- 
être, lorsqu'elles disparaissent du littoral, elles se re- 
tirent dans la profondeur des eaux. 

Il n’en est pas ainsi des maquereaux, quoique le 
besoin de pourvoir à leur nourriture et de trouver des 
lieux convenables pour y déposer leur frai semble les 
faire sortir de la profondeur des mers au printemps, 
et les porter pour lors à longer les côtes voisines. 
Cette époque ou celle de leur passage coïncide avec 
les besoins nouveaux, qui les pressent et les assiégent. 
Mais si ces légions de poissons venaient toutes, comme 
on l’a longtemps admis, des mers polaires, elles de- 
vraient se montrer aux Orcades, avant d’apparaitre 
dans la Manche, et n’entrer dans la Méditerranée que 
beaucoup plus tard. Cependant la pêche du maque- 
reau commence plus {ôt dans la Méditerranée que dans 
la Manche. Elle n’est même abondante aux Orcades 
qu’à une époque plus avancée. 

Il se pourrait que ce fussent des variétés différentes 
qui parcourussent ces divers parages. Du moins les 
maquereaux de la mer Baltique atteignent à peine un 
pied en longueur. Ceux que l’on prend sur les côtes 
de l'Islande sont plus petits que les individus de la 
Manche et de la Méditerranée. Ces derniers, les 


plus grands, paraissent les seuls qui fournissent 


— ÀA05 — 


aux peuples riverains une nourriture abondante. 

Ces grandes tribus de maquereaux n’entrent pas 
cependant, comme on pourrait le présumer, dans le 
golfe de Gascogne, quoiqu'ils abondent depuis l’ex- 
trémité de la Bretagne jusqu’à la mer du Nord. On 
les voit en grand nombre dans la Méditerranée, où 
ils pénètrent d’une manière périodique au mois d’a- 
vril; 1ls y deviennent extrémement nombreux pen-: 
dant le mois de juin et une partie de juillet. Ceux 
que l’on pèche vers la fin de septembre et d'octobre 
sont si petits, qu'ils semblent avoir pris naissance 
dans l’année. Enfin l’on en voit parfois en novembre 
et même en décembre; mais l'apparition de ceux-ci 
parait tenir, ainsi que le présument les pêcheurs, à 
l'influence des violentes tempêtes. 

Une autreespèce du genre scombre, le thon, voyage 
également : mais ses voyages sont loin d’être bien 
longs, ainsi qu’on l’a gratuitement supposé. On a long- 
temps admis que chaque année les thons entraient dans 
la Méditerranée par le détroit de Gibraltar, pour s’a- 
vancer au delà du Bosphore et revenir ensuite vers 
l’ouest ; il n’en est pas tout à fait ainsi. Si ces poissons 
semblent disparaitre une partie de l’année, c’est qu’a- 
lors ils habitent la profondeur des mers, comme les 
maquereaux, avec lesquels ils ont de grandes analo- 
gies. Seulement, lorsque l'influence du printemps se 
fait sentir, ils quittent leurs retraites profondes, se 


— À06 — 


rapprochent de la terre, et en côtoient les bords : les uns 
et les autres y deviennent souvent la proie des requins. 

Dans un grand nombre de localités des côtes de la 
Méditerranée, les thons apparaissent au printemps. 
Ils se dirigent tous vers l'Orient, tandis qu’à la fin de 
l’été ou en automne, on les voit suivre une direction 
opposée. Ainsi, sur les côtes du Roussillon, du Lan- 
guedoc et de la Provence, on fait une péche d'arrivée, 
depuis le mois de mars jusqu’en juillet, et une se- 
conde pêche dite de retour, depuis le milieu de Juillet 
jusqu’à la fin d'octobre et même de novembre. 

D'un autre côté, dans plusieurs parties de la Médi- 
terranée, la pêche des thons commence beaucoup plus 
tard, c’est-à-dire, en novembre, et se continue jusqu’en 
décembre. La rareté de cette espèce dans l'Océan, mal- 
gré son abondance dans la Méditerranée, annonce 
qu'elle doit peu voyager. 

La pêche du thon était dansles temps anciens une 
source de richesses pour les côtes de l'Espagne, etdans 
lestemps actuels, elle est évalement d’une grandeutilité 
aux habitants des côtes du midi de la France, aussi 
bien qu'à ceux de la Sicile et de la Sardaigne. Elle 
est d'autant plus profitable pour eux, qu'il est une in- 
finité de lieux de la Méditerranée où le thon ne dispa- 
rait que pendant les rigueurs de l'hiver. Telles parais- 
sent être les côtes des environs de Nice, où l’on pêche 


du thon à peu près constamment, et où l’on en mange 


2 ADS 


toute l’année, à l'exception de la saison des frimas. 

Cette disparition momentanée des thons, qui s’en- 
foncent l'hiver dans la profondeur des eaux, où ils 
trouvent probablement une température plus élevée 
qu’à la surface, par suite des lois particulières à ce 
liquide, est loin d’être exclusive à ce poisson. Elle est 
commune à d’autres espèces marines et des eaux 
douces, ainsi qu'on le peut voir dans les tableaux des 
passages de ces animaux. 

D'autres espèces nous présentent des lois de distri- 
bution, qui, quoiqu’en apparence différentes de celles- 
ci, sont cependant déterminées par des circonstances 
du même genre. Ainsi, l’hiver d'Alger, tout chaud 
qu'il est, n'en a pas moins ses jours de pluie. L'eau 
qui tombe forme, par intervalles, des flaques plus ou 
moins considérables dans lesquelles vivent des rep- 
tiles. En été, ces animaux privés d’eau ou fatigués 
par un soleil brülant, sont obligés de rentrer dans le 
sein de la terre, pour échapper aux ardeurs du jour, 
précisément comme, dans nos mois de glace, les pois- 
sons des eaux douces s’enfoncent dans la vase afin de 
ne pas mourir de froid. 

Les habitudes des reptiles de l’Algérie et probable- 
ment de beaucoup d’autres animaux de diverses con- 
trées nous font concevoir pourquoi les poissons des 
mers, des pays même tempérés, s’enfoncent dans la 
profondeur des eaux pendant la rude saison. Ainsi, 


— À08 — 


tandis que l’ordre des reptiles batraciens est estival 
dans le nord de la France, comme les thons et les au- 
tres espèces qui ont les mêmes habitudes, il est au 
contraire hyémal en Algérie et probablement dans les 
autres contrées de l’Afrique. 

Ces mœurs sont communes à un grand nombre 
d'animaux des autres classes : par exemple, chez les 
insectes, qui se cachent entre les racines des plantes 
ou dans la terre pendant les grosses chaleurs, et qui 
hivernent ainsi pendant l’été. Les chenilles de la py- 
rale de la vigne ont aussi cette habitude, assez ordi: 
naire chez un grand nombre d'insectes. Ainsi se lient 
-et se rattachent par un lien commun les phénomènes 
en apparence les plus opposés. 

Des habitudes non moins particulières signalent 
quelques poissons de la Nouvelle-Zélande. On assure 
que certaines espèces du genre des boleophtaleon mon- 
tent sur les arbres pour poursuivre leur proie, à peu 
près comme le font les petits lézards. Quant aux flec- 
tognathes de la même contrée, leurs espèces sont orga- 
nisées pour vivre au milieu des rocailles de la mer. 
Ces poissons nagent diflicilement à raison des piquants 
durs, aigus, qui couvrent leur corps, et qui sont ana- 
logues à ceux du hérisson. Ils peuvent les allonger et 
les redresser dans l'air ou dans l’eau, selon ce qui 
peut leur être nécessaire. 


On sait que les marsupiaux, particulièrement les 


— A09 — 


kanguroos, caractérisent les mammifères de la Nou- 
velle-Hollande, et qu'avec eux vivent un grand nom- 
bre d'espèces des terres sèches et découvertes. Leur 
organisation annonce que l'on doit rencontrer peu 
d’eau dans le pays qu’ils habitent: Une influence con- 
traire semble s'être exercée sur les espèces de la Nou- 
velle-Zélande, qui sont pour la plupart aquatiques. 
Elles ont même l'instinct de s’enfoncer dans la vase 
à l’époque des chaleurs, ou lorsque les rivières se 
dessèchent, et d’y rester engourdies jusqu’à la saison 
des pluies. Mais, dés qu’elles arrivent, une multitude 
de batraciens font entendre leurs voix glapissantes, 
et un grand nombre d'espèces de gabioïdes, de cyprins 
et d'apodes, rendus à la vie et au mouvement, ani- 
ment et remplissent les eaux disséminées sur le sol 
de la Nouvelle-Zélande. 

S’il est des poissons qui se livrent d’une maniére 
constante à des migrations ou à des voyages plus ou 
moins étendus, d’autres au contraire semblent tout 
à fait sédentaires et fixes dans les lieux qui les ont vus 
naître. Dans les tableaux joints à ce travail nous avons 
porté l'attention sur les espèces qui ne participent 
point à l'humeur voyageuse des premières. Cette fixité 
annonce que celles-ci déposent leur frai dans les 
lieux de leur naissance parce qu’elles y trouvent les 
conditions nécessaires à leur existence. 

Parmi les espèces sédentaires, on découvre aussi 


— 10 — 


bien des poissons de mer que des eaux douces; leur 
genre de station est donc tout à fait indifférent sur 
leurs habitudes. Il est cependant digne de remarque 
que les poissons les plus généralement répandus vi- 
vent tour à tour dans le bassin des mers, ainsi que dans 
le sein des fleuves, des rivières et des torrents. Tels 
sont les anguilles et les saumons, que l’on rencontre 
dans les contrées les plus diverses et les plus oppo- 
sées en température. 

Parmi les espèces marines sédentaires, nous cite- 
rons le merlan, le muge, le loup, le rouget, la sole 
et même le turbot. Ces poissons et une foule d’autres 
n’abandonnent presque jamais les côtes du midi de la 
France, à l'exception de l'hiver, où ils s’enfoncent 
dans la profondeur de la mer. Quoiqu'’ils vivent cons- 
tamment dans les mêmes parages, ils ne se rencon- 
trent pas toujours à portée des côtes. Ces poissons s’en 
éloignent plus ou moins, d’après la qualité des eaux, la 
marche de la température et les variations des saisons. 

Enfin parmi les espèces des eaux douces, que l’on 
pêche à peu prés constamment dans les mêmes eaux, 
on peut citer principalement la carpe, la tanche, le 
brochet, le barbeau et la perche. Il n’est pas cepen- 
dant toujours possible de saisir ces divers poissons 
pendant toutes les saisons, puisque, lorsque la tem- 
pérature s’abaisse à un certain terme, plusieurs s’en- 
foncent dans le sable ou dans la vase. Ces animaux, 


— A1 — 


à peu près engourdis comme les espèces hivernantes, 
y passent des temps plus ou moins longs sans prendre 
la moindre nourriture. [ls sont dans un état particulier 
de torpeur qui mériterait d'attirer l'attention des phy- 
siologistes. Cette sorte d’engourdissement périodique 
est fréquente chez la carpe, poisson devenu fameux par 
sa longévité.On en connait qui paraissent avoir vécuau 
delà de cent cinquante ans ; du moins Buffon assure en 
avoir vu de cet âge dans les fossés de Pontchartrain. 

De pareilles habitudes semblent communes à la mo- 
rue, à ce poisson des mers du Nord dont la fécondité 
inépuisable occupe tant de bras, ainsi que des milliers 
de vaisseaux. Cette espèce se retire pendant l’hiver dans 
la profondeur des eaux. Seulement pendant la belle 
saison, le besoin de déposer leur frai et de pourvoir à 
leur subsistance attire les morues auprès des côtes et 
des bas-fonds, où elles espérent trouver les capelans, 
dont elles font leur pâture habituelle. 

Là de nouveaux dangers les attendent; elles y 
succombent d'autant plus facilement que leur vora- 
cité est extréme. En effet les morues se jettent avec 
avidité sur les lignes. Elles n'attendent même pas 
qu’elles soient amorcées (1). Aussi un pêcheur un 


(1) On amorce les lignes destinées à prendrela morueaveclecapelan, le ma- 
quereau, le hareng et le calmar. On coupe ces poissons et ces mollusques par 
morceaux,eton leur donne la forme d’un pelit poisson pour charger lehameçon, 


— 112 — 


peu habile en prend souvent jusqu’à quatre cents par 
jour. Ces poissons voyagent peu; ils sont presque 
fixes et sédentaires, soit sur les côtes de l'Islande, 
soit sur le fameux banc de Terre-Neuve, où leur 
nombre est réellement prodigieux. 

Ces faits et ceux que nous allons rapporter prou- 
vent que les voyages auxquels se livrent certains pois- 
sons n'est pas un phénomène simple, puisqu'il est 
sous l'influence de plusieurs causes. Parmi ces causes 
on peut signaler la température des eaux, dépendant 
plus ou moins de celle de l'atmosphère, le besoin 
d'une nourriture plus appropriée à leurs nouveaux 
appétits, enfin cet instinct qui pousse certaines es- 
pèces à aller déposer leur frai ailleurs que dans les 
lieux où elles ont pris naissance. 

Telles paraissent être du moins les circonstances 
physiques les plus influentes sur des voyages qui ne 
sont pas moins remarquables par leur étendue que 
par leur constance et leur périodicité. Ces longues 
migrations paraissent avoir seulement lieu chez les 
animaux qui habitent les éléments les plus mobiles, 
les oiseaux et les poissons, les êtres les mieux organi- 
sés pour la facilité et la rapidité des mouvements. 
Cette circonstance n’a donc pas été sans influence sur 
les voyages des habitants des airs et des eaux. 

On peut d’autant plus le supposer que de pareilles 
excursions n’ont pas lieu chez les mammiféres, et en- 


— 113 — 


core moins chez les reptiles, les plus mal organisés 
des vertébrés sous Le rapport des appareils du mou- 
vement. Une circonstance importante vient prêter son 
appui à cette supposition, c'est celle que présentent 
les insectes parmi les invertébrés. Ces animaux ont 
été admirablement bien organisés sous le rapport 
de leurs appareils locomoteurs. Ils sont à peu près 
les seuls des invertébrés qui se livrent à de grands 
voyages. Toute la différence que leurs excursions 
présentent avec celles des oiseaux et des poissons; 
c'est qu'elles n'offrent jamais chez les insectes ni la 
périodicité ni la constance qui caractérisent les migra- 
tions des premiers. On ne connaît guère chez les in- 
sectes comme chez les oiseaux et les poissons, d'espèces 
réellement émigrantes, c’est-à-dire exécutant des 
voyages à des époques fixes et déterminées. Celles 
qui s’y livrent le font accidentellement, et sont par 
cela même des espèces erratiques. On ne voit pas non 
plus chez ces invertébrés des races cosmopolites. 
Celles au contraire qui ne quittent jamais les lieux 
qui les ont vues naïître, et qui sont sédentaires, y sont 
des plus nombreuses. 

Quelques circonstances, dépendant de la tempéra- 
ture et de la pression des eaux des mers sur les pois- 
sons et les autres animaux marins qui y vivent à 
des profondeurs inésales, sembleraient devoir mettre 


obstacle aux migrations de ces animaux. 


— AA — 

Sans doute la température des mers n’est point 
exposée à des changements aussi brusques que celle 
de l’atmosphère ; mais les variations des climats, sui- 
vant les saisons, n’y sont pas moins sensibles ; seu- 
lement elles y sont moins considérables. C’est un fait 
dont on peut facilement s'assurer, en comparant les 
tables des températures de la mer sur une côte quel- 
conque avec les températures de l’air dans les mêmes 
localités. Les animaux marins ne sont donc pas expo- 
sés comme les animaux qui respirent l’air en nature, 
à la nécessité d’un changement d'habitation , d’après 
les seuls effets des changements dans la chaleur. 

Cependant la température de la mer est nécessaire- 
ment sujette à de plus grandes variations dans les 
eaux peu profondes que dans les hautes mers. Il doit 
s’ensuivre que les poissons et les autres animaux 
marins qui vivent de préférence sur les bas-fonds 
changent plus souvent de demeure que ceux qui vi- 
vent dans la haute mer, ou du moins dans les plus 
grandes profondeurs habitées. Il en est cependant 
tout le contraire; en effet, les races pélagiennes 
voyagent presque constamment et se livrent à de 
grandes migrations, dont l’étendue et la constance 
ont quelque chose de merveilleux. 

Les espèces littorales se déplacent aussi comme les 
pélagiennes ; mais leurs excursions peu considérables 


paraissent tenir ou à ce qu’elles ne sont pas organi- 


— A15 — 


sées de manière à supporter tous les changements de 
température, ou à ce qu'elles sont chassées de 
leurs demeures par l'agitation et le roulis des va- 
gues. Aussi les voit-on se réfugier dans des mers 
plus profondes, ou se retirer dans des baies ou des 
criques tranquilles pendant les ouragans. Quel- 
quefois elles se rendent, après de grandes tempêtes 
d’une longue durée, dans les embouchures des ri- 
viéres, où elles ne pénètrent jamais dans les temps 
de calme. 

Les animaux marins qui habitent les bas-fonds près 
des côtes, quoïque expcsés aux changements dont 
nous venons d'apprécier les causes, vivent cependant 
à des profondeurs d’eau plus constantes que les es- 
pèces pélagiennes. Celles-ci, dans leurs longues tra- 
versées, parcourent néanmoins des zones d’eau de 
profondeurs très-inégales et bien différentes de celle 
où elles sont plongées pendant les moments où elles 
sont stationnaires. 

Ce fait est d'autant plus extraordinaire que, d’a- 
près les observations curieuses de M. Biot sur les gaz 
contenus dans la vessie nafatoire des poissons, ces 
gaz varient suivant les profondeurs auxquelles ces 
animaux vivent habituellement. En effet, ces vessies 
ne sont point remplies d'air atmosphérique, mais 
d'azote presque pur chez les espèces qui stationnent 
près de la surface. Celles des individus qui se tien- 


— 116 — 


nent dans des profondeurs de cinq cents à six cents 
brasses sont remplies d’un mélange de près de neuf 
parties d'oxygène sur une d'azote. 

D'aprés ces faits, ces derniers, qui ne peuvent se 
procurer de l'azote dans les grandes profondeurs, 
tandis qu’il abonde près de la surface, à raison de ce 
que l'air atmosphérique y est plus abondamment dis- 
séminé que vers le fond de la mer, ne devraient pas 
pouvoir l'abandonner sans danger. Il est possible 
pourtant que, si les poissons des grandes profondeurs 
consomment une petite portion de l'oxygène faisant 
partie de l’air atmosphérique, les intervalles entre les 
absorptions soient si grands pour ces animaux, et la 
quantité d'oxygène qui leur est nécessaire si petite, 
qu’un petit volume d'air puisse leur suffire pour des 
temps considérables. S'il en était ainsi, on aurait une 
preuve de l'appropriation des organes des animaux 
aux conditions dans lesquelles ils se trouvent placés. 

Cette supposition n’est pourtant guère admissible 
relativement aux espèces pélagiennes qui se livrent à 
de grandes et de longues migrations. Tout au plus 
peut-on supposer qu'elles sont organisées de ma- 
nière à supporter de pareils changements dans la 
quantité d’air soumis à leur respiration. La diversité 
des gaz contenus dans les vessies natatoires des pois- 
sons indique qu’il existe une grande différence entre 


les matières gazeuses disséminées dans l’eau de la 


— À17 — 


mer à diverses profondeurs, du moins en ce qui re- 
garde les quantités relatives d'oxygène et d’azote. 

Il ne faut pas croire que les poissons pourvus de 
vessies natatoires soient susceptibles de s'élever dans 
l’eau à la hauteur qui pourrait leur plaire, et qu’ils 
puissent en conséquence se procurer toute la quan- 
tité d’air disséminé dans ce liquide qui leur est né- 
cessaire. En effet, quoique les poissons puissent mon- 
ter et descendre à volonté entre certaines hauteurs, 
leurs habitations sont limitées, suivant les espèces, à 
des zones d’eau d’une certaine épaisseur. 

Ces animaux, ou du moins le plus grand nombre 
d’entre eux, montent et descendent dans l’eau en di- 
latant ou comprimant les gaz contenus dans leur ves- 
sie natatoire ; lorsque ces gaz ont acquis par la pres- 
sion une densité égale à celle de l’eau ambiante, ils 
ne peuvent pas descendre plus bas. Les poissons ne 
le pourraient qu’en faisant de grands efforts muscu - 
laires. Il leur serait éscalement difficile de s’élever au 
delà d’une certaine hauteur. Aussi M. Pouillet pré- 
tend que le gaz contenu dans les vessies nata- 
toires des poissons pêchés à la profondeur de mille 
mètres, c'est-à-dire, sous une pression égale à peu prés 
à cent atmosphères, augmente tellement de volume 
en arrivant à la surface, que tout effort musculaire 
ne pouvant le contenir, il s’échappe en refoulant la 


vessie, l'estomac et les organes voisins, qui sortent 
27 


— 118 — 


par la gueule, en formant un ballon fort singulier. 
Les diverses espèces de poissons ne sont probable- 
ment pas les seuls êtres marins dont l'habitation soit 
limitée à de certaines hauteurs d’eau déterminées. Il 
en est peut-être ainsi de tous les animaux qui vivent 
dans l'Océan. La pression et la température chan- 
geant avec la profondeur, il n’est pas plus facile à un 
animal, quel qu'il soit, de vivre tout aussi bien près de 
la surface de la mer qu’à mille brasses de profondeur, 
qu'il ne le serait à un homme de respirer aussi aisé- 
sent à mille mètres d’élévation que dans les plaines. 
Lorsqu'on étudie l’ensemble de l’organisation ani- 
male, on voit que les espèces paraissent formées pour 
supporter une pression particulière soit d’air, soit 
d’eau. Cette pression est celle qui se rencontre dans 
l'habitation propre à chacune d'elles. Les animaux 
qui vivent dans l'atmosphère paraissent, toutes choses 
égales d’ailleurs, moins souffrir d’un changement ver- 
tical d’une hauteur déterminée que ne le feraient des 
êtres vivant dans l’eau. Ainsi les aigles et les vautours, 
habitués à planer à degrandes élévations, peuyent vivre 
au nivéau de la mer, tandis qu'ilest très-douteux qu’un 
requin pûtse maintenir longtemps à degrandes profon- 
deurs. Il se pourrait pourtant que les poissons carnas- 
siers fussentorganisés de manière à supporter plus faci- 
lement de tels changements, par la nécessité où ils sont 
de rechercher leur proie à différentes hauteurs d’eau. 


— A19 — 


Les poissons ne peuvent donc pas se tenir sans ef- 
fort à quelque élévation d’eau que ce soit, si leur pe- 
santeur spécifique du moment n'est pas exactement 
celle du milieu dans lequel ils se trouvent. Dés lors 
il est assez diflicile de comprendre comment les espè- 
ces éminemment voyageuses sont cependant celles qui 
vivent habituellement dans les plus grandes profon- 
deurs. Il faut donc, et l’on peut dire même, il est 
nécessaire, que leur organisation soit susceptible 
de se plier aux conditions diverses qu’entraine la 
diversité de leurs habitations aux différentes épo- 
ques de leur vie. 

Il doit d’autant plus en être ainsi, qu'outre les 
changements que les poissons et les autres animaux 
marins éprouvent par l'effet de leurs migrations, 
soit dans la température, soit dans la pression, ils 
en ressentent de non moins sensibles dans l’inten- 
sité ou la diminution de la lumière. A la vérité, la 
lumière parait moins nécessaire aux êtres qui vivent 
dans le sein des mers qu'à ceux des terres élevées 
au-dessus des eaux ; mais elle ne peut pas être inutile 
aux espèces qui ont des yeux. Tout au plus est-elle 
superflue aux poissons, aux mollusques et aux z00- 
phytes, qui vivent habituellement dans la vase et les 
baucs de sable, et, qui de leur propre choix, s’en 
passent pendant des temps plus ou moins longs. 

À part ces exceptions peu nombreuses, les animaux 


— À920 — 


des mers doivent rechercher les hauteurs d’eau, aux- 
quelles ils trouvent non-seulement la température et 
la pression qui leur convient, mais encore le degré 
de lumière qui leur est nécessaire. On pourrait croire 
d’après ces faits que les eaux relativement peu pro- 
fondes doivent être celles où vivent la plupart des 
poissons , des crustacés, des zoophytes et des mol- 
Insques qui ont des yeux. Il existe cependant de 
nombreuses exceptions à cette supposition, que 
l'on serait tenté d'admettre à priori; peut-être sont- 
elles encore beaucoup plus considérables que nous 
ne le présumons , les plus grandes profondeurs aux- 
quelles parviennent les êtres vivants nous étant à 
peu près inconnues. 

On peut toutefois supposer que les espèces qui, 
par suite de la profondeur où elles se tiennent ordi- 
nairement, sont à peu près privées de lumière, pré- 
sentent dans leurs organes de vision des modifica- 
tons telles, qu’elles sont préservées de l'inconvénient 
de vivre dans une obscurité relative, qui pour nous 
nous paraitrait probablement complète. 

Les yeux, remarquables par leur grandeur, du 
pomaiomus telescopium, qui se tient à des profon- 
deurs considérables sur les côtes de Nice, amènent 
à:cette conséquence. Ces yeux sont construits de ma- 
niére à tirer parti des moindres rayons de lumiére 


qui peuvent pénétrer jusqu'aux lieux qu'habite cette 


— 1921 — 


espèce. Ils rappellent en quelque sorte sous ce rap- 
port les organes de vision particuliers aux oiseaux 
nocturnes, qui sont également impressionnés par la 
plus petite quantité de lumière. 

Mais ce qui n’est pas moins remarquable, les pois- 
sons des profondeurs ténébreuses de la haute mer 
voyagent et font des excursions tout aussi longues 
que les oiseaux nocturnes. Ce qui est non moins sin- 
gulier, les uns et les autres voyagent de jour et dans 
le moment où le soleil répand ses plus vives clartés. 
Cette circonstance prouve que leurs yeux sont orga- 
nisés de manière à supporter des impressions de lu- 
mière extrèmement différentes sans en éprouver au- 
cun facheux effet. 

Les poissons des bas-fonds ont donc bien des 
obstacles à surmonter, lorsque leur instinct les porte 
à se livrer à de longs et de périlleux voyages. Il 
faut, puisqu'ils en triomphent, que leur instinct 
soit puissant et leur organisation assez flexible, pour 
se plier aux effets d’influences aussi diverses que 
celles dont ces animaux éprouvent ordinairement 
l'impression. 

Il en est probablement de même des autres ani- 
maux marins, particulièrement des mollusques, qui 
se tiennent de préférence à des profondeurs en dehors 
de l’action des vagues. Ces profondeurs ne sont peut- 
être pas très-considérables, car la pression et les 


— 4922 — 


autres circonstances que nous avons énumérées plus 
baut peuvent empêcher ces animaux de descendre 
très-bas dans le sein des mers. 

Des faits assez nombreux s'opposent pourtant à 
l'admission de cette hypothèse. Les espèces que les 
sondes jetées dans la haute mer ramënent du fond, 
et celles qui y naviguent sans cesse, semblent prouver 
qu'elle est peu fondée. Il fant bien que ces animaux 
puissent se reposer et descendre dans les eaux les 
plus basses. Aussi n’est-il pas impossible que la pro- 
fondeur des mers soit habitée par des espèces nom- 
breuses, des genres entiers peut-être, que nous ne 
parviendrons jamais à connaître; c’est aussi ce qui 
retarde le progrès de nos connaissances sur les ha- 
bitudes des êtres des fonds les plus bas. Enfin, 
puisque la pression, la température, la lumière, la 
profondeur de l’eau et la quantité d'air disséminé 
ont une si grande influence sur l'existence des ani- 
maux marins, On pourrait présumer que, toutes choses 
égales d’ailleurs, les mêmes espèces doivent se trouver 
à des hauteurs déterminées, et sous des latitudes 
semblables. Ce n'est point là cependant ce qui se 
passe dans la nature, où nous découvrons, à quelques 
exceptions près, des espèces trés-différentes dans des 
conditions qui paraissent identiques. D'un autre côté, 
par suite de leurs migrations, les animaux des mers 
traversent des zones d’eau extrêmement diverses sous 


— A95 — 


le rapport de leur température et des autres circons- 
tances mentionnées plus haut, dont l'impression a 
cependant de si grands effets sur leur bien-être et 
même sur leur vie. 
Le besoin de voyager est si impérieux, non-seule- 
ment pour les poissons, mais pour la plupart des 
animaux , ainsi que nous l'avons déjà fait pressentir, 
que, lorsque le moment est venu, rien ne les arrête 
et ne peut mettre obstacle à l'exécution de projets 
déterminés chez eux par le besoin instinctif le plus 
impérieux. Les circonstances physiques, pas plus que 
les dangers qui environnent leurs migrations loin- 
taines, ne peuvent retarder ni même déranger leur 
départ, lorsque le signal en est donné. Tous partent 
pour lors à l’envi, et semblent dominés par un ins- 
tinct supérieur, qui dirige les uns à travers l'im- 
mensité des mers, comme les autres à travers les vastes 
plaines de Vair. Get échange continuel des espèces 
d’une contrée dans une autre donne au tableau de la 
vie unemobilité et une variété, qui impriment à la créa- 
tion actuelle une beauté particulière et un charme 
infini, par suite de la diversité des êtres qu’elle offre 
à nos regards. ; 
 Telles sont les vues d'ensemble qui peuvent éclai- 
rer le phénomène des migrations des poissons. Ges 
vues! sont principalement fondées sur les observations 
de détails que nous avons consignées dans les tableaux 


— 124 — 


relatifs à l’époque de leurs passages. C’est là que l’on 
trouvera exposées toutes les circonstances qui les dé- 
terminent et les régularisent. Il nous a paru qu’elles 
seraient mieux comprises, étant distribuées de cette 
manière, la forme en tableau permettant de saisir en 
un clin d’œil ce qui concerne les mœurs et les habi- 
tudes d’une espèce quelconque. 

La plus grande partie des faits consignés dans ces 
tableaux nous appartiennent en propre; ils sont le 
fruit de l'observation de plus de vingt années. Nous 
devons dire cependant que plusieurs remarques inté- 
ressantes sur les poissons de la Méditerranée nous 
ont été communiquées par quelques pêcheurs de nos 
côtes, distingués par leur esprit d'observation. Nous 
ne les avons admises cependant qu'après les avoir 
soumises à un contrôle rigoureux, et qu'après nous 
êtreassuré de leur exactitude. 

Nous avons puisé également des documents pré- 
cieux dans les ouvrages récents de Jurine (1), de Cu- 
vier, de Valenciennes (2) et de Vallot (3), ainsi que 
dans les ouvrages des anciens naturalistes, sans les 


(1) Histoire générale des poissons du lac Léman, — Mémoires de la So- 
ciélé académique de Genève, \om. in, pag. 155. 

(2) Histoire générale des poissons, par Cuvier et M. Valenciennes. 

(3) Histoire naturelle des poissons d'eau douce de la France. Dijon, 
1358. 


4 


— 25 — 


adopter aveuglément. Nous ne leur avons même ac- 
cordé toute confiance que lorsque leurs observations 
nousont paru confirmées par les faits d'ensemble et les 
faits de détail que nous avons eu l’occasion de ras- 
sembler. Malgré le soin que nous avons mis à éviter 
toutes les causes d’erreur, nous sommes loin de pré- 
sumer y avoir complétement réussi. On sent combien 
il fautapporter de soins pour s’en préserver, lorsqu'on 
porte son attention sur des animaux d’une observa- 
tion aussi difficile que le sont les poissons. Cette 
difficulté nous servira probablement d’excuse, si, 
malgré tous nos efforts, nous avons commis quelques 
inexactitudes. 


I. Tableau de l'époque des passages des poissons. 


OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES, 


L'époque des passages des poissons indiquée sur 
nos tableaux résulte de nos observations et de celles 
qui nous ont été communiquées par des naturalistes 
instruits et des pêcheurs distingués par leur longue 
expérience. Elles se rapportent principalement aux 
espèces de la Méditerranée. 

Un fait généralement admis par les pêcheurs an- 
nonce que les époques des migrations des poissons de 


— 1926 — 


mer doivent être bien fixes, puisque tous s’accordent 
sur le moment de la pêche. Si elles n’avaient rien de 
périodique, on ne pourrait pas savoir d'avance l’ins- 
tant favorable à la dresse des filets pour prendre telle 
espèce de poisson. Elles sont si fixes et si constantes, 
que l’on ne se trompe pas sur le moment convenable 
pour dresser des piéges de tel ou de tel genre. Les 
pécheurs comptent sur ces passages comme sur le re- 
venu d’une rente assurée. 

La constance et la régularité avec lesquelles les 
espèces marines se dirigent dans le même sens, et 
suivent toutes une direction uniforme, ne sont pas 
moins remarquables. En effet on voit arriver cer- 
tains poissons dans la Méditerranée par le détroit de 
Gibraltar et aller en Italie, tandis que d’autres, tels 
que les anchois, les sardines et les maquereaux, ap- 
paraissent en premier lieu sur les côtes d’Espagne. 
Il n’est que trop connu des pêcheurs du midi de la 
France que dans les environs de Barcelone l'on pé- 
che les premières et les plus belles sardines comme 
aussi les meilleurs anchois. Les mêmes poissons arri- 
vent plus tard sur les côtes du Roussillon, puis sur 
celles du Languedoc, et enfin sur celles de la Pro- 
vence ; ils y sont suivis par les thons et par les squales, 
qui constamment viennent les derniers. 

La constance de ces passages est trop frappante 
pour ne pas tenir à une cause dont l'influence doit se 


— A97 — 


renouveler d’une manière nécessaire, comme les effets 
qu’elle produit ; nous avons dû chercher à nous en 
rendre compte. Il nous a paru qu'ici elle dépendait 
en partie de ce que les poissons les plus gros étaient 
attirés par les plus petits qui leur servent de pâture. 
Cette circonstance paraît d'autant plus réelle que les 
poissons sont à peu prés tous carnassiers, et que, 
d’après de pareilles habitudes, on peut présumer 
que l'espèce qui succède ou qui se met à la suite 
d’une autre ne le fait que pour s’en nourrir. Aussi 
voyons-nous les maquereaux manger les sardines, 
comme les thons les maquereaux; les thons eux- 
mêmes sont dévorés à leur tour par les squales, 
qui les poursuivent avec tant d’acharnement, qu’ils se 
laissent échouer sur les côtes plutôt que de tomber 
sous les dents cruelles de leurs ennemis. 

Si cette observation venait à se généraliser, on 
pourrait admettre que le besoin d'une nourriture 
convenable entre pour beaucoup dans les migrations 
des poissons, et déterminerait jusqu’à un certain point 
celles d’un grand nombre d'espèces. En général les 
animaux cherchent les contrées où ils peuvent se pro- 
curer une nourriture convenable ét abondante ; aussi 
ils les quittent dés qu'ils n’y trouvent plus de quoi 
satisfaire leurs appétits. Ce besoin de se transporter 
ailleurs est surtout pressant pour les poissons qui ne 
vivent qu’aux dépens d’une espèce déterminée; ceux- 


— 1928 — 


ci sont forcés de suivre leur proie dans ses migra- 
tions, afin de la dévorer et de s’en repaitre à leur aise. 

S1 les espèces sédentaires ne voyagent point, c’est 
peut-être parce qu'elles trouvent constamment la 
nourriture dont elles ont besoin dans les lieux qu’elles 
habitent. Aucun motif, pas plus que leur instinct, ne 
les porte à se déplacer, à moins que la température 
ne leur en fasse un besoin. Ces poissons sédentaires 
ne dévorent jamais les espèces de passage ou celles 
qui se livrent à des migrations constantes et pério- 
diques. 

Il en est donc des poissons comme des oiseaux. On 
peut distinguer leurs espèces en émigrantes, errati- 
ques, cosmopolites et sédentaires. En effet, un assez 
grand nombre de poissons exécutent des migrations 
périodiques dont la constance est aussi réglée que 
l’époque à laquelle elles ont lieu. Parmi ceux-ci on 
doit distinguer ceux qui, comme le thon (scomber 
thymnus), vivent constamment dans la Méditerranée, 
quoiqu’ils y fassent deux passages aussi réguliers 
que les maquereaux, qui arrivent de l'Océan dans le 
sein de cette mer intérieure. D’après la périodicité de 
leurs migrations périodiques, les uns et les autres 
sont de véritables espèces émigrantes; tandis que si 
on les envisage sous le rapport de la fixité de leurs 
habitations, on doit les ranger parmi les races séden- 
taires. 


— À29 — 


Pour caractériser d’un seul mot ce que ces habitu- 
des, toutes particulières aux poissons, ont de distinc- 
tif, on pourrait nommer les espèces qui en présen- 
tent de pareilles, sédento-émigrantes. Le nombre des 
habitants des eaux qui ont de pareilles habitudes pa- 
rait borné à ceux qui vivent dans le sein des mers. Les 
poissons entrainés par leurs voyages périodiques dans 
les eaux douces ne peuvent pas être confondus, sous 
le rapport de leur genre de vie, avec les races sé- 
dento-émigrantes. En se transportant ainsi des mers 
dans les fleuves, ils changent évidemment d’habita- 
tions , et ne peuvent dés lors être considérés comme 
stationnaires. Il en est de même de toutes les espèces 
qui, par suite de leurs passages, se rendent de l'Océan 
dans la Méditerranée et changent par cela même 
de demeure. Il en est également de celles qui, dans 
leurs longues traversées, parcourent les diverses par- 
ties de l'Océan; ces espèces éprouvent nécessaire- 
ment les effets de la diversité du milieu dans lequel 
elles sont tour à tour plongées. 

La plupart des poissons sédentaires de la Médi- 
terranée ont des habitudes analogues à celles du 
thon ; les uns et les autres se retirent dans les pro- 
fondeurs de la haute mer à de certaines époques de 
l’année : elles semblent disparaitre ainsi de la scène 
animée. Ces espèces ne différent entre elles que sous 
le rapport de l’époque à laquelle leur disparition a 


— AÀ350 — 


lieu : les soles et les limandes, essentiellement séden- 
taires, quittent les côtes de la Méditerranée pendant 
les mois de juillet et d’août pour se retirer vers la 
haute mer, où elles s’enfoncent, ainsi que le thon, 
vers le commencement de l’automne. Le turbot (rom 
bus vulgaris) et le merlan (gadus merlangus), dont 
les habitudes sont à peu près les mêmes, offrent ce- 
pendant cette différence avec les autres espèces que 
nous venons de signaler : elles n’habitent les grandes 
profondeurs que pendant les grands froids de l'hiver. 
Le poisson de Saint-Pierre (zeus faber Linn.), l’es- 
padon, le pagel et la baudroie, et une foule d’autres 
sont dans le même cas. 

Certains poissons des eaux douces imitent à cet 
égard les espèces marines ; on les voit s’enfoncer au- 
dessous des rochers, dans la vase ou dans les fonds 
sableux, lorsque le froid fait sentir ses rigueurs. De 
pareilles mœurs sont communes aux espèces qui ha- 
bitent les eaux courantes et à celles qui fréquentent 
les lacs ou les étangs salés. Les poissons qui se trou- 
vent le plus ordinairement dans les fleuves les quit- 
tent peu d’une manière constante à l’approche de 
l'hiver. Ils se rendent rarement dans l'Océan, pour 
l’abandonner au printemps ou à l’époque du frai. 

Enfin existe-t-il des poissons erratiques comme il 
y a tant d'oiseaux ? Leurs passages sont-ils acciden- 
tels et déterminés par l’abaissement ou l’élévation de 


la température ou le manque de nourriture ? On peut 
répondre à cet égard que sans doute la plupart des 
voyages qu'exécutent les poissons sont en général pé- 
riodiques et fixes ; mais que, chez certains autres, ils 
ont lieu d’une manière tout à fait irrégulière. Ces es- 
pèces sont en moindre nombre lors de leurs excursions 
que les races émigrantes, par suite des inégalités de l’ac- 
tion des causes qui les portent à se déplacer. Parmi ces 
causes on peut comprendre la température, le besoin 
de nourriture, ou celui de se reproduire et de perpé- 
tuer leur race, dont les effets ne peuvent pas être 
sensibles chez un grand nombre d'individus d’une 
manière simultanée. 

Il en est tout différemment des migrations qui sont 
déterminées par un instinct propre à chaque espèce. 
Aussi les voyages qui en sont la suite ont lieu à des 
époques si bien réglées, qu’on peut en prévoir le re- 
tour d'une manière toute aussi certaine qu’on peut le 
faire à l’égard des saisons. 

Quelques conditions particulières semblent déter- 
miner les migrations des poissons. Du moins tous 
ceux qui enopèrent de considérables sont uniquement 
des espèces carnassiéres, peut-être parce que celles-ci 
peuvent trouver partout le genre de nourriture qui 
leur convient. Cette circonstance ne peut pas pour- 
tant exercer une grande influence sur les habitudes 
instinctives de ces animaux ni déterminer leurs 


— A52 — 


migrations. Il en est également de la chaleur, d’au- 
tant que les couches d’eau s’échauffent beaucoup 
moins que les terres sèches. Leurs masses restent par 
cela même dans une température d’autant plus uni- 
forme, que l’air est continuellement échauffé par le 
rayonnement du sol. Dés lors un changement d’habi- 
tation dans des zones de chaleur différente est moins 
nécessaire chez les poissons qu’il peut l’être chez les 
espèces terrestres. 

Cette plus grande uniformité dans la température 
de l'Océan est entretenue d’ailleurs par sa mobilité 
et son agitation continuelles. Cette agitation mêle 
sans cesse les eaux d’une région avec celles des autres 
zones. Elle contribue ainsi à maintenir les poissons 
dans les lieux où ils ont été primitivement placés. 
Du moins le besoin d’aller trouver ailleurs une tem- 
pérature différente ne les presse pas comme les oi- 
seaux, soumis à des influences plus diverses et plus 
variées. Aussi les effets de cette cause sont moins 
sensibles chez les poissons qu'ils ne le sont chez 
les oiseaux, qui franchissent toutes les distances et 
parcourent tous les climats. 

On est cependant étonné que des animaux dont l’a- 
gilité est extrême soient assez fixes dans les zones 
où la nature les a placés, lorsqu'on voit certains 
d’entre eux voguer au milieu des ondes liquides, 


au gré des vents, sans but comme sans projets. Ainsi 


1590 — 


les orbes, lorsqu'ils sont gonflés, nagent le ventre en 
dessus et le dos en dessous. Ils ne peuvent donc pas 
se diriger ni suivre une route déterminée; cepen- 
dant ils quittent peu les mers des pays chauds. S'ils 
restent constamment dans les mèmes parages, ils 
changent néanmoins de position, lorsque la tempé- 
rature des eaux où ils voguent, comme des ballons 
remplis d'air, a changé d’une manière notable. 

Si l’on compare les inégalités de température 
que peuvent supporter les poissons avec celles qu’é- 
prouvent les oiseaux, non pas d’une maniére gra- 
duée, mais instantanée, on est frappé de l'extrême 
différence qui existe sous ce rapport entre les deux 
classes. Elle est si grande, qu’elle nous fait conce- 
voir pourquoi il est tant de poissons tout à fait sé- 
dentaires, et si peu d'oiseaux qui aient de pareilles 
habitudes. 

Citons quelques exemples afin de faire concevoir 
combien les impressions auxquelles sont soumis ces 
deux ordres de vertébrés sont diverses. Le condor 
(wultur grypus) parvient dans la chaine des Andes 
à l'élévation de 7,112 mètres, et peut-être dans des 
régions encore plus élevées, où le baromètre se sou- 
tient à peine à 0,"325. Cet oiseau vole, en tournant 
pendant des heures entières dans les hautes régions 
où l'air est extrêmement raréfié; il s’abat ensuite 


tout d’un coup jusqu’au bord de la mer, et parcourt 
28 


— 434 — 


ainsi en peu d'instants tous les climats. À de pa- 
reilles élévations , l'homme se trouve en général 
dans un état de malaise ou de faiblesse extrêmement 
pénible. L'acte de la respiration parait au contraire 
avoir lieu chez le condor sans aucune espèce de gêne, 
dans des milieux où la pression diffère de plus du dou- 
ble, c’est-à-dire de 0,"325 à0,"756 (de 12 à 28 pouces). 
De tous les êtres vivants, cet oiseau est celui qui 
peut, à son gré, s'éloigner le plus de la surface de la 
terre. Nous disons à son gré, parce que de petits in- 
sectes sont emportés encore plus haut par la vio- 
lence des courants ascendants. Si les oiseaux de proie 
des contrées tempérées ne parviennent pas à d'aussi 
grandes hauteurs que le condor, ils s'élèvent cepen- 
dant parfois jusqu’à près de 3,000 à 4,000 mètres. 
De cette élévation ils s’abattent comme un trait sur 
la victime qu'ils ont apercue du haut des airs, par- 
courant ainsi dans quelques instants une. échelle 
thermométrique extrêmement étendue , en même 
temps que les pressions les plus. diverses. 
L’affaiblissement de la lumière dans les. couches 
d'eau profondes ne permet pas aux poissons. d’aper- 
cevoir leur proie à une certaine épaisseur de couches 
liquides ; aussi ne franchissent-ils pas de haut en 
bas des distances aussi considérables que les! oi- 
seaux. Le feraient-ils, ils ne traverseraient pas des 
couches. d’eau d’une température aussi inégale que 


— À35 — 


les couches d’air que parcourent dans quelques ins- 
tants les oiseaux de haut vol. En effet, du haut des 
régions supérieures de l’atmosphère ils se précipi- 
tent comme l'éclair sur leur proie, qui se trouve par- 
fois aux bords de la mer. 

Outre que les couches liquides s’échauffent moins 
que les couches d’air qui reposent sur les terres sé- 
ches , le rapport qui existe entre leur densité et leur 
température les rend beaucoup plus uniformes sous 
le dernier rapport. Ainsi, par suite de ces lois parti- 
culières à l’eau , ce liquide diffère peu, dans sa pro- 
fondeur , de la chaleur que sa surface acquiert par 
l'effet des rayons solaires. 

Peut-être toutes ces causes portent un grand nom- 
bre de poissons à ne pas trop s’écarter des contrées 
qui les ont vus naitre. Les espèces littorales, ou celles 
qui vivent dans le sein des lacs ou dans les eaux 
courantes, s’en éloignent le moins. Leur organisa- 
tion ne leur permet pas de supporter d'aussi gran- 
des différences de température, ni des pressions aussi 
diverses que celles qu'éprouvent, sans en paraitre af- 
fectés, les poissons de la haute mer. 

Les conditions de température et de pression que 
supportent les poissons sont toutes différentes et tout 
autrement réglées .que celles auxquelles sont sou- 
mis. les oiseaux. Il y a peut-être entre les unes et 
les autres une aussi grande diversité qu’il en existe 


entre l’organisation de ces deux classes, dont l’une 
se fait remarquer par sa chaleur propre, l’activité de 
ses passions et de sa force motrice, et l’autre par sa 
basse température , et le peu d’énergie de ses fibres 
musculaires. 

Les poissons, plus à l’abri des influences atmosphé- 
riques que les oiseaux , sont beaucoup moins sensi- 
bles à leur variation. Cependant les navigateurs rap- 
portent qu'à l'approche des tempêtes, ces animaux 
se rassemblent souvent auprés des vaisseaux, en 
troupes plus ou moins considérables, ce qui semble- 
rail annoncer une sorte de prévoyance, ou une con- 
naissance du temps qui va survenir. Les tanches 
(cyprinus tinca Linn.) paraissent mème se tenir cons- 
tamment à la surface des eaux, lorsqu'il y a menace 
d'orage; elles font au contraire des sauts nombreux 
et prolongés , lorsqu'elles présagent le retour du 
beau temps. 

Quoique ces habitudes paraissent communes à un 
grand nombre de poissons des eaux douces , il en 
est cependant plusieurs qui ont des mœurs tout à 
fait opposées. Ceux : ci jouent à la surface des eaux 
au milieu des plus fortes tempêtes, et sans que le 
roulis des vagues paraisse produire sur eux le moin- 
dre effet. s 

Le nombre des poissons sédentaires est done plus 
considérable que celui des oiseaux. Ainsi non-seule- 


— À37 — 


ment les espèces de l'Océan ne vivent pas toujours 
dans les mers intérieures, mais certaines espèces des 
méditerranées ne se montrent pas dans la grande 
mer. Enfin chaque mer intérieure, en si grand nombre 
dans l’ancien continent, a ses espèces distinctes ; elles 
n’ont souvent rien de commun avec celles que l’on ren- 
contre dans d’autres grands amas d'eaux salées, même 
trés-rapprochés. Ce que nous venons dedire des espèces 
marines est également vrai pour les poissons des lacs 
ou des fleuves ; il en est même plusieurs, comme l’a- 
pron commun (perca asper Linn.), qui se découvrent 
à peu près uniquement dans un seul fleuve, ou tout 
au plus dans ses affluents. Celui que nous venons de 
citer parait borné au Rhône et à la Saône, au Doubs 
et à l’Alaine. Le pimelodes Cyclopum semble plus 
circonscrit dans ses stations; du moins M. de 
Humboldt ne l’a observé que dans un petit nombre 
des lacs souterrains de la chaine des Andes. L’apron 
présente encore une autre singularité ; il choisit de 
préférence pour nager les temps froids, particuliè- 
rement lorsque les vents du nord et de l’ouest souf- 
flent avec impétuosité ; ces vents sont pourtant redou- 
tés par la plupart des autres espèces, surtout lors- 
qu'elles veulent opérer leurs passages. 

Si un grand nombre de poissons n’abandonnent 
jamais les mers, ne pénétrant pas même dans les 
étangs salés qui ont avec elles des communications 


— À38 — 


plus ou moins intimes, d’autres, au contraire, habi- 
tent à différentes époques de l’année telles ou telles 
de ces eaux. On peut citer, comme exemple de ces 
doubles stations, le muge (mugil cephalus Linn.); 
cette espèce se rencontre aussi bien dans l'Océan 
que dans la Méditerranée et les étangs salés. Il en est 
de même de la daurade (sparus aurata Linn.); elle 
se trouve du moins en grand nombre vers l'embouchure 
des fleuves et des rivières. Des habitudes à peu près 
semblables sont communes au loup (perca labrax) : 
seulement on ne le trouve pas aussi fréquemment 
dans les étangs salés que les autres espèces déjà ci- 
tées. Ce poisson remonte moins en avant dans les 
rivières que le muge ; comme il craint le froid, il 
pénètre peu dans les mers du Nord et ne dépasse pas 
la Manche. 

Certaines espèces passent de la mer dans les fleuves 
à des époques assez fixes ; elles s’éloignent souvent des 
eaux salées et remontent assez haut ; telles sont les an- 
guilles. Malgré les obstacles naturels opposés à leur 
marche, elles n’en parvienuent pas moins jusqu'au 
lac de Genéve, point d’où elles retournent, du moins 
en partie, à la Méditerranée ; peut-être le Rhône leur 
permet de pénétrer jusqu’à la fontaine de Vaucluse, où 
les anguilles deviennent à peu prés sédentaires, comme 
dans tant de fleuves dont les sources sont fort avant 
dans les montagnes,et près desquelles ils arrivent néan- 


— À39 — 


moins. Après les anguilles on peut citer le saumon, 
la truite saumonée, l’alose, le brochet, l’esturgeon et 
plusieurs autres espèces moins connues. 

Si certains poissons liés aux bassins des mers ne 
les quittent presque jamais, il en est de même des 
espèces lacustres et fluviatiles. Un grand nombre 
d’entre elles n’abandonnent point les eaux douces, 
soit les fleuves, soit les lacs; parmi celles-ei se trou- 
vent quelques espèces qui rappellent les voyages 
accidentels des oiseaux, elles se transportent en effet 
d’un canton dans un autre pour aller se livrer aux 
soins de leur reproduction. On peut citer, comme 
exemple de ce genre d’habitudes, l’ombre commun 
(salmo thymalus Linn.) et la perche (perca fluvia- 
tilis Linn.). 

Les espèces des eaux courantes offrent les poissons 
les plus délicats et le plus grand nombre de ceux qui 
sont tout à fait sédentaires. Il en est même plusieurs 
que l’on ne peut transporter d’un lieu à un autre, 
même très-rapproché; on ne le peut même pas lors- 
qu’on les maintient dans l’eau des fleuves où ils vi- 
vent ordinairement : tels sont la fera (corregonus 
fera), le lavaret (corregonus lavaretus), la graven- 
che (corregonus hiemalis) et tous les poissons déhi- 
cats, qui meurent dés qu’on les sort de l’eau. 

Nous avons déjà cité sous le même rapport le hu- 
che (salmo hucho Linn.) et le saibling (sælmo salve- 


— À10 — 


linus). Nous avions recu, lors de la campagne de 
Wagram, en 1809, l’ordre de les faire transporter 
en France; malgré toutes les précautions possibles, 
ces poissons, d’un gout parfait, ne purent jamais fran- 
chir, sur le Danube, la petite distance qui sépare 
Vienne de Lintz (environ 35 lieues). 

Les Romains, qui ont mis tant d'importance à 
élever dans leurs viviers un grand nombre de pois- 
sons recherchés pour la bonté de leur chair, n’ont 
Jamais songé à y réunir ces espèces délicates. Le 
luxe des Lucullus, des Lucius Muréna, et de tant 
d’autres grands personnages de Rome antique, aurait 
été aussi impuissant devant la fragile existence de 
certains poissons d'eau douce, que l’a été naguère 
tout le pouvoir de l’empereur Napoléon. 

Les poissons exécutent les migrations auxquelles 
se livrent aussi bien les espèces marines que celles 
des eaux douces, avec un ordre non moins admirable 
que celui qui dirige les passages des oiseaux. Cet 
ordre est surtout remarquable chez les poissons qui 
voyagent en grand nombre, comme les harengs, les 
maquereaux, les sardines, les saumons et les truites. 
IL en est ainsi des espèces dont les passages ont 
lieu constamment par bandes plus ou moins con- 
sidérables ; c’est ce que nous ferons sentir lorsque 
nous décrirons en particulier les époques des pas- 
sages de ces poissons. Ceux qu’exécutent seulement 


— AA — 


par couples isolés certaines espèces ne sont pas moins 
admirables. L’ombre commun (salmo thymallus 
Linn.) voyage constamment de cette manière ; la 
femelle suit à peu de distance le màle, qui lui fraye 
la marche; comme ce dernier, elle ne s'arrête que 
lorsqu'ils jugent avoir découvert un endroit favorable 
à leur reproduction. 

La régularité de ces migrations est surtout digne 
de l’attention des observateurs lorsque les passages 
des poissons ont lieu, par suite d’un concours com- 
mun, à des époques périodiques ; le plus souvent 
ces époques précèdent le temps de la fécondation 
et de la ponte de leurs œufs. Il n’en est pas de même 
des excursions accidentelles auxquelles se livrent 
ces animaux ou de leurs retours vers les eaux sa- 
lées ; du moins on ne voit rien de semblable, lors- 
que les eaux douces rendent à la mer les poissons 
qu’elles avaient attirés quelques instants dans leur 
sein. 

Ces passages accidentels ne semblent pas dirigés 
par une seule volonté comme les excursions que 
l'instinct fixe et détermine d’une maniére aussi cons- 
tante que régulière; par suite des causes que nous 
avons déjà fait connaitre, les poissons, mème les 
espèces émigrantes, poussent rarement leurs voya- 
ges aussi loin que les oiseaux. En effet ceux-ci parcou- 
rent toutes les parties du globe, tandis que peu de pois- 


— À12 — 


sons des mers d'Europe arrivent jusqu’en Amérique. 

Parmi les espèces des contrées méridionales de la 
France qui étendent leurs migrations jusque dans le 
nouveau monde , on ne peut guère citer que le dac- 
tyloptère commun (frigla volitans Linn.).Ge poisson 
vit à la fois dans l'Océan et la Méditerranée; äl 
s’avance non-seulement jusqu'en Amérique, mais 
même jusque dans les mers du Nord. On assure qu’on 
le rencontre jusqu’au delà de Terre-Neuve. Cette 
eirconstance ne tient pas à l’étendue de ses pectorales 
surnuméraires, qui lui permettent de se soutenir 
quelques instants dans les airs. Ce mode de progres- 
sion est si imparfait, que les dactyloptères nes’en:ser- 
vent que quelques moments pour éviter les poursuites 
des bonites et des daurades. Lorsqu'ils échappent à 
leurs ennemis, d’autres dangers les attendent dans 
les airs ; ils sont pour lors forcés de plonger de nou- 
veau dans leur humide élément, où ils retrouvent les 
êtres qui les en avaient chassés. 

Par suite de ces guerres continuelles, dont Îles 
mers sont aussi bien le théâtre que les continents, les 
espèces dont la fécondité est souvent étonnante , 
surtout celle des habitants des eaux, sont mainte- 
nues, malgré cette cause puissante, dans un état 
d'équilibre réellement merveilleux. Cette fixité dans 
la proportion et le nombre des êtres actuels-est due 
probablement à ces combats qui mettent des bornes à 


— ÀA5 — 


leur propagation ; sans ces luttes incessantes, la créa- 
tion serait infinie. 

Quoïque les poissons paraissent étendre leurs mi- 
grations moins loin que les oiseaux voyageurs, cer- 
taïines espèces les exécutent cependant avec une vitesse 
très-grande et longtemps prolongée. Les navigateurs 
remarquent souvent que leurs vaisseaux, quoiqu'à 
pleine voile, sont suivis par les mêmes individus à 
travers des parages bien différents. 

Cette vitesse n’est pas uniquement propre aux pois- 
sons marins, elle est aussi le partage de ceux qui 
vivent dans les eaux douces. On sait avec quelle rapi- 
dité certains de ces animaux parcourent les fleuves 
d'un cours très-étendu et dont le lit est même embar- 
rassé d’un grand nombre d'obstacles. Au milieu des 
espèces que l’on pourrait citer, le saumon est fameux 
sous le rapport de la vélocité de ses mouvements et 
de la longueur du temps pendant lequel il peut les 
continuer. 

Si donc les poissons ne font pas des voyages aussi 
longs que les oiseaux, ce n’est point leur défaut d’ac- 
tivité, ou la faiblesse de leur puissance motrice qui 
les y contraint , ni les obstacles qui s'opposent à leur 
marche. Ces animaux ne sont pas du moins arrêtés, 
comme les mammifères, par des forêts impénétrables, 
des déserts brûlants , ni des montagnes élevées. D’un 
autre côté , ils trouvent dans presque toutes les mers 


— A4 — 


une nourriture abondante et une température à peu 
près égale. Aucun obstacle puissant ne s'oppose à 
leurs voyages, d'autant qu'ils sont plongés dans un 
liquide dont la mobilité leur résiste à peine, et 
qui s'ouvre, pour ainsi dire, à leur approche. Mais 
les oiseaux ont bien d’autres avantages ; maitres 
de l'océan aérien, ils le parcourent dans tous les 
sens et à toutes les hauteurs. L’élément dans le- 
quel ils sont plongés leur offre encore moins de ré- 
sistance que le liquide dans lequel nagent les ani- 
maux marins. 

Pour s'assurer de la régularité et de la constance 
des migrations des poissons, et de la stabilité qui 
règne chez les espèces sédentaires , on commence 
dans plusieurs ports du royaume à tenir note de la 
quantité en poids métrique qui est portée au marché. 
À cette donnée il faudrait ajouter celle des diffé- 
rentes espèces capturées. Forcé d'indiquer l’époque à 
laquelle telle ou telle espèce aurait été pêchée, on 
aurait par cela même des tables toutes faites des pas- 
sages de ces animaux, 

Faute de pouvoir tracer de pareils tableaux, dont 
les administrateurs des villes maritimes du Midi sen- 
tiront l'importance, et qu’ils s’empresseront proba- 
blement de dresser, nous nous bornerons à faire 
connaître la quantité en poids métrique du poisson 
frais recu à Marseille depuis 1823 jusqu’en 1840. 


— A45 — 


Cette quantité consommée dans cette ville ou con- 
sacrée à la salaison se compose de tout ce qui a été 
pesé sur le marché de cette ville. Elle comprend tout 
le tribut que la mer a donné chaque année à l’activité 
des pêcheurs. 

La période de dix-sept ans qu'embrassent ces ta- 
bleaux présente quelques variations dans le produit 
de la pêche. En thèse générale, elles se sont mainte- 
nues dans des minima et dans des naxima qu’elles 
ont plus ou moins conservés. Les maxima n'ont été 
atteints que pendant six années sur les dix-sept, 
tandis que onze années ont offert des minima qui 
dans cet intervalle ont éprouvé une diminution une 
seule fois, en 1832. L'année 1825 a présenté le plus 
grand des maxima qui ait eu lieu dans la pêche du 
poisson observée à Marseille. La quantité s’en est 
élevée à 2,856,750 kilogrammes. D'unautre côté, l’ex- 
trême minima de cette pêche a eu lieu en 1832, qui 
n'a produit que 926,570 kilogrammes. Ii y a donc 
eu entre ces deux extrêmes une différence de 
1, 930,180 ; cette quantité a été supérieure à celle du 
produit des années où la pêche a donné les plus fai- 
bles résultats. Cette circonstance remarquable tient 
probablement à quelques accidents de localités qui 
n'ont pas été appréciés par les administrateurs aux- 
quels nous devons ces données. 

De 1826 à 1827, le chiffre est resté le même. En 


— 0 — 


1828, il y a eu décroissance jusqu'en 1832. De 1833 
à 1837 inclusivement, la pêche a été progressive. 
L'année 1837 a été , après celle de 1825, l'époque à 
laquelle on a pesé le plus de poissons à Marseille. Le 
chiffre s’est élevé à 2,473,830 kilogrammes. Le cho- 
léra, qui à cette époque a affligé Marseille, ne paraît 
pas avoir nui à la multiplication des poissons, ni à 
leur abord dans ses parages. Ce fait est d'autant plus 
probable que le chiffre de cette pêche n'est pas au- 
dessous de celui qu’il aurait dû présenter. En effet, 
pendant cette cruelle maladie, les pécheurs se sont 
peu livrés à leurs travaux, indépendamment de ceux 
qui ont succombé à ce fléau. 

Voici le tableau des dix-sept années d’observations 
que nous devons au zèle éclairé de M. Loubon, adjoint 
à la mairie de Marseille (1) : 


En 1823, il a été pesé. 1,491,250 kilogr. 
1824 . . . . . 2,004,400 | 
1825 . . « « : 2,856,750 
1826 . . . . . 4,530,050 
1827. . . . . 4,534,600 
F828 1. . |! 4,322,550 
1829 . . . . . 1,215,250 


(1) Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille, 
Lom. 1v, pag.. 212. 


— AAT — 


MSc 00 à 11010 41,281.,310 
ASS 0m o110-c-329 6,175$6 00 
Doll LHSOSS TE. 926,570 
1835 4h boum. 1bo:#,449 950 
br. L rer #,7h6,800 
Nddbe. dust ons 6786,950 
Hdmi sl s+112488,700 
483% … « . «+ 2,413,830 
ASS 25 20082261 2,208, 70 
1890. 0 5811 eos 20) 2194405 


Outre ces documents précieux et qui pourraient le 
devenir plus encore, M. Nesrel-Ferrand avait com- 
muniqué à la société de statistique de Marseille un 
tableau qui se rattachait aux années 1811 à 1814 
inclusivement. Le recouvrement du droit de pesage 
n'ayant pas été effectué en 1815, et ce droit étant 
resté sans effet pendant les années suivantes jusque 
et y compris celle de 1822, des documents n’ont donc 
pas pu être obtenus pour ces années; ils sont cepen- 
dant complets, sous le rapport des pesées , pour les 
années qui ont suivi celle de 1822 jusqu’en 1840 (1). 

L’état des quatre années de 1811 à 1814 n’amène 
qu’à une quotité moyenne de 1,178,775 kilogrammes 


(4) Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille, 
tom.1", pag. 61 et 64, 


MIS — 


de poisson frais. Le tableau des poissons pesés depuis 
1823 jusqu’à 1839, c’est-à-dire pour dix-sept années, 
donne une moyenne de 1,720,882 kilogrammes par 
année. C’est là le produit annuel de la pêche qui 
se fait maintenant à Marseille. Ce résultat, plus 
considérable que ie premier, tient sans doute au 
grand accroissement que la population de cette ville . 
a pris ces dernières années. Il ne peut tenir à une 
augmentation dans les passages des poissons ; car ces 
animaux , comme tous les êtres vivants, se maintien- 
nent dans un état d'équilibre et de stabilité qu'on 
ne leur voit pas dépasser. 

L'accroissement du produit de la pêche, dans ces 
derniers temps, dépend donc du nombre des bâti- 
ments et des marins qui s’y adonnent. Il ne prouve 
pas que le tribut de la mer ait augmenté, mais qu’on 
s'occupe avec plus d'activité à le rendre le plus con- 
sidérable possible. La moyenne de 1,720,882 kilo- 
grammes, calculée sur dix-sept années, est plus 
grande que celle des minima de la plupart des onze 
années, sur les dix-sept où elle s’est reproduite, à 
l'exception pourtant des années 1851 et 1836. 

Nous désirerions faire connaître quelle est sur cette 
quantité celle qui se rapporte à telle ou telle espèce 
de poisson. Faute de cette donnée, on peut juger du 
nombre des thons et des sardines que l’on pêche à 
Marseille, en considérant que, quoique cette ville 


— 49 — 


ait environ 450,000 habitants, et que ces poissons y 
soient d’une consommation journaliére et habituelle , 
on en pêche néanmoins une si grande quantité qu’on 
est obligé d’en saler la moitié (1). Enfin 4,000 quin- 
taux métriques de sardines v sont employés comme 
appat pour la pêche du palangre, ce qui donne un 
aperçu du nombre que l’on en pêche pour les usages 
ordinaires et les salaisons. 

Avant de terminer ces observations générales, on 
nous permettra de porter encore l'attention sur la 
quantité de poisson que l’on pêche dans les environs 
de Marseille; on a pu s’en former une idée d’après 
le détail que nous avons donné du nombre que l’on 
en porte au marché de cette ville. Ce nombre prouve 
à quel point les côtes rapprochées de cette ville doi- 
vent être poissonneuses ; nous ajouterons qu’elles 
offrent également une grande variété dans les espèces 
qui les fréquentent. 

Les pêcheurs provençaux divisent les poissons qui 
arrivent sur les côtes du département des Bouches- 
du-Rhône, en six ordres principaux : 


+ 


(1) Une certaine quantité du poisson porté sur les marchés publics à 
Marseille sert à la nourriture de la partie de la population de l'arrondisse- 
ment de cette ville; or cette population est d’environ 180,000 habitants, 
ce qui annonce que la consommalion de cet ordre d'animaux doit être plus 
considérable que celle que nous avons supposée, 

29 


— A50 — 


1° En per blanc ou poisson blanc. Sous ce nom ils 
comprennent généralement tous les poissons peu co- 
lorés, parmi lesquels viennent se ranger plusieurs 
spares et quelques espèces de la famille des persè- 
ques; on peut citer les athérines, les sphyrènes, dont 
une espèce assez commune dans la Méditerranée y 
est connue sous le nom de spet ou de brochet de mer, 
les muges ou mullet (mugil cephalus), le loup (perca 
labrax), les ombrines (sciæna cirrhosa) et l'aigle 
(sciæna aquila). On peut encore signaler les vives 
(érachinus draco); un spare nommé cailleti est aussi 
compris par les pêcheurs de Marseille dans ce qu'ils 
appellent pei blanc. 

2° En pei rouge ou poisson rouge. Dans cette classe 
se rangent les mulles, particulièrement le rouget 
(mullus barbatus), le surmulet (mullus surmule- 
tus) et le rouge (mullus ruber), Toutes ces espèces 
sont portées sur les marchés de Marseille toute l’an- 
née. On y comprend encore les trigles, surtout le 
srondin, connu en Provence sous le nom de cabote 
en raison de sa grosse tête (4rigla lyra Linn.), les 
malarmats (trigla cataphracta), les pirabèbes (éri- 
gla volitans) et enfin les spares à couleurs vives et 
rougeàtres. 

3° En pei séran ou poisson sauvage. À cette classe 
se rapportent les poissons les plus voraces et les plus 
dangereux. Les squales ou les requins sont à la tête 


— A51 — 


de cette catégorie ; après eux on y comprend les raies 
et les murénes. 

4° En pei de guangui ou poisson de guangui. Ici 
viennent se ranger toutes les espèces que l’on péche 
avec un filet désigné vulgairement sous le nom de 
guangui : tels sont les labres, les lutjans, les scor- 
pènes et les holocentres. 

5° En pei de madrago ou poisson de madrague. Ce 
sont les espèces que l’on prend dans les madragues : 
ce sont les scombres, surtout les thons, les maque- 
reaux, les caraux (caraux trachurus), et les clupées 
telles que les sardines et les anchois. 

6° En pei de palangré ou de tartano, c’est-à-dire 
en poisson de palangre ou de tartane. On comprend 
ici toutes les espèces de trigles ou de spares péchées 
avec le filet nommé palangre, sorte d’ustensile on 
d’engin dont sont pourvus les bateaux pêcheurs nom- 
més tartanes. 

Dans cette classification, les pêcheurs ont eu plus 
d’égard aux procédés qu'ils suivent pour prendre les 
poissons et à leurs nuances qu’à des considérations 
propres à faire saisir la diversité de leurs espèces. Ce 
genre de distribution rend la statistique des époques 
où paraissent telles ou telles espèces plus difficile à 
établir, puisque l'administration n’enregistre les 
poissons apportés au marché que d’après les désigna- 
tions que nous venons de rappeler. 


— À52 — 


Quelques administrateurs comprennent cependant 
l'intérêt scientifique que pourraient présenter ces ta- 
bleaux statistiques s'ils étaient établis sur d’autres 
bases. En attendant que cette rectification soit opérée, 
voici quelques observations que nous devons à l’obli- 
geance de M. Loubon, administrateur de Marseille ; 
leur importance est trop facile à saisir pour insister 
plus longtemps à cet égard. 

La lamproie (petromyzon maximus), en provencal 
lamproue , est le seul poisson du genre des petro- 
myzon qui fréquente les côtes de la Provence. Il y 
est rare; on ne l’y voit guère que pendant le mois 
de mars. 

Les poissons abdominaux suivants se trouvent pen- 
dant toute l’année sur les côtes des Bouches -du- 
Rhône. Telle est la raie oxyrhynque, nommée en pro- 
vencal pissoué, c’est-à-dire pisseuse ; elle porteavecelle 
une odeur particulière d'urine, et est assez commune. 
On y confond le plus ordinairement deux espèces : 
la plus grande est la raia batis de Linné, ou raja 
oxyrhyncus major de Rondelet, et la seconde la raia 
oxyrhyÿncus de Rondelet, ou la raie désignée vulgai- 
rement sous le nom de lentillat. L’une et l’autre sont 
aussi connues à Marseille sous le nom de bec pointu 
qu'il ne faut pas confondre avec la raie museau pointu. 

La raie miralet, désignée en Provence sous le nom 
de miraiglet(raia miraletus), c’est-à-dire petit miroir, 


— À53 — 


est aussi commune que la raie chardon (raia fullo- 
nica) nommée vulgairement cardaire, ce qui veut 
dire cardeuse ; la raie ronce (raia rubus), appelée 
en patois provencal clavelado , ou clouée, à raison 
de ce qu'elle est armée sur le dos et le long de la 
queue de gros aiguillons que l’on a comparés à des 
clous en fer ; la raie museau pointu (raia acuta) se 
trouve également avec les autres espèces pendant 
‘toute l’année. 

Il en est de même de la raie aigle (raia aquila ou 
mylobatis aquila); celle-ci appelée vulgairement 
rato pennado, ce qui veut dire chauve-souris, est 
aussi désignée sous le nom de mounino ou de singe. 
La première de ces dénominations est assez justifiée 
par une queue beaucoup plus longue que la tête et le 
corps tout ensemble; la queue de ces poissons est 
arrondie, terminée par un fil délié; leurs nageoires 
sont semblables à des ailes analogues à celles de la 
chauve-souris. Quant au nom de mounino, il leur a 
été donné en raison de la ressemblance que la tête 
de ces poissons offre avec celle des singes; cette 
espèce assez rare l’est moins que la raie mosaique 
appelée en provencal miraiglet : on la pêche princi- 
palement en mai et en juin. Quant à la raie pastena- 
gue (érygon pastinaca), désignée sous le nom de pas- 
tenargue et de courge, elle fréquente les côtes de la 
Provence en juillet; il en est de même de la raie 


giorna (raia cephaloptera), connue à Marseille sous 
le nom de clavelado fero ou raie sauvage. 

Le nom de clavelado peut être considéré comme 
le mot générique qui en Provence désigne toutes les 
espèces de raie; on les distingue ensuite par des épi- 
thètes particulières. 11 est toutefois deux espèces de 
ce genre, la raie ronce et la raie bouclée (raia cla- 
sata), auxquelles on donne plus spécialement le nom 
de clavelado sans épithète. Quant à la torpille (r&ia 
torpedo) que l’on nomme en patois provençal enou- 
lino, on la pêche principalement pendant les mois 
de juin et de juillet. On en prend une autre espèce 
dans le mois de février que l’on nomme erdowmi- 
glone, ce qui veut dire exdommagee. 

Parmi les squales, le requin (squalus carcharias) 
est le plus commun sur les côtes de la Provence; 
cette espèce, désignée par /amia ou lami, a un nom peu 
en harmonie avec ses habitudes, sa voracité et l'effroi 
qu’il inspire. Un de ses compagnons habituels, le 
squale glauque (squalus glaucus), n'est pas moins 
redoutable, ni moins terrible, à raison de sa force et 
de sa grandeur : il atteint jusqu’à 5 mètres. Il est d’au- 
tant plus dangereux qu’il est orné des plus brillantes 
couleurs, parmi lesquelles domine le bleu verdâtre. 
Cette couleur, analogue à la nuance des eaux de la mer 
dans les temps calmes, empêche de le distinguer au 
milieu des vagues ; malheureusement pour les na- 


geurs, ce squale est assez commun sur les côtes du 
midi de la France. 

Lesquale long nez (squalus cornubicus)arrive aussi 
à une très-grande grosseur ; on en pêche dont le poids 
dépasse 300 kilogrammes ; il fréquente également les 
parages de la Méditerranée. Il en est de même du 
squale marteau ou perlon (sparus zygæna), désigné 
en Provence sous le nom de gat ou de chat. L'ange 
(squatina lævis), nommé pei-angi, porte aussi le même 
nom ; il s'approche principalement en été des côtes 
de la Provence. 

Les squales roussettes, soit la srande espèce (squa- 
lus caricula Linn.), soit Ia petite roussette (squalus 
catulus), ainsi que les pantôufliers, les renards (squa- 
lus vulpes), lhumantin (squalus centrina) et la raie 
bouelée (raia clavata) sont des espèces fort rares sur 
nos côtes, ainsi que le poisson scie (pristis antiquo- 
rum), nommé en patois provençal serro. 

Parmi les poissons jugulaires il n’y a qu’une seule 
espèce qui paraisse sur les marchés de la Provence; 
cette espèce, la lophie baudroie (lophius piscatorius), 
nommée en patois provençal baudroull, est assez 
commune sur les côtes de la Provence. Parmi les 
poissons thoracins, la baliste (balistes capriscus) est 
assez rare; elle paraît cependant deux fois par an sur 
les marchés de Marseille, en juin et septembre. La 
chimère arctique (cékimæra monstrosa), désignée en 


provencal sous le nom de gat ou de chat, y est égale- 
ment peu abondante. Quant à l’esturgeon (accipenser 
sturio), on ne le prend guère qu’au printemps : cette 
circonstance et la bonté de sa chair le font singulié- 
rement rechercher. 

Parmi les poissons apodes, l’ostracion moucheté 
(ostracion oculatus Comm.) est peu commun sur les 
côtes de la Méditerranée, où il est tout à fait de pas- 
sage accidentel ; il vit habituellement dans les mers 
des Indes orientales ; il n'arrive que rarement sur nos 
côtes avec l’ostracion trigone. On prend également 
une grande quantité de moles, poisson connu en Pro- 
veace sous le nom de muollo; c’est le cephalus vul- 
garis des auteurs systématiques ; il est désigné com- 
munément sous le nom de poisson lune et en latin 
sous celui de mola cephalus. Le syngnathe pipe et 
celui nommé vulgairement ser, serpent ou anguille 
de mer (syngnathus vulgaris), se trouvent au milieu 
des aloues qui abondent dans les plages du Midi. On 
rencontre aussi dans les moyennes profondeurs l'hip- 
pocampe (syngnathus hippocampus) et l'ophidion 
(ophidium barbatum) ou donzelle de la Méditerra- 
née. Enfin le cycloptère lompe (cyclopterus lumpus) 
ainsi que le centrisque sumpit sont encore des espèces 
que l’on porte sur les marchés de Marseille; elles y 
sont rares. 


Les poissons qui paraissent le plus souvent sur les 


— A5T — 


halles de Marseille sont : l’anguille (muræna an- 
guilla), nommée en provençal anguiero ; ia mu- 
rène myre, qui habite les grandes profondeurs, ainsi 
que la murène commune (muræna helena) ; le mer- 
lan ‘gadus merlangus) et le gade mustelle (gadus 
mustella) nommé en provencal mous!ello ; le merlus 
ordinaire (gadus merluccius), connu dans le dépar- 
tement des Bouches-du-Rhône sous le nom de marlus. 
On peut signaler surtout parmi les clupées, la sardine 
(clupea sardina), nommée sardina en Provence, et 
l'anchois (engraulis vulgaris), poissons aussi bons 
qu'abondants. 

Les côtes des Bouches-du-Rhône fournissent éga- 
lement un assez grand nombre de scombres, recher- 
chés à cause de la délicatesse de leur chair. En pre- 
mier lieu on peut citer le thon (scomber thymnus) ; 
le scombre de Commerson (cybium Commersonii 
Cuv.); le palamis (scomber palamys), désigné en 
Provence sous le nom de palamida ; le sarda (scom- 
ber mediterraneus de Rondelet) ou la bounitou des 
Provençaux, et enfin le maquereau (scomber scom- 
brus). 

Quant au pilote (centronotus ductor), qui se pêche 
en septembre, il est aussi rare que l’argentine ou ar- 
genté (argentina sphyræna). Il n’en est pas de même 
du rouget, nommé rougé en patois; ce dernier est 
aussi commun et aussi recherché que la sole (solea 


— A58 — 


vulgaris). H en est de même du loup et du muge; 
ce dernier est toutefois inférieur aux précédents sous 
le rapport de sa bonté et de la délicatesse de son goût. 
Lorsque le muge vit dans les étangs, il y contracte un 
mauvais goût, ce que ne font pas les autres poissons 
qui ne quittent Jamais le sein des mers. 

La dorade, l’un des spares les plus communs et les 
plus élésants par les grâces de ses formes et la 
beauté de sa parure, acquiert un grand développe- 
ment sur les côtes de Marseille : on en pêche qui 
pèsent jusqu’à 15 kilosrammes. Dans le jeune âge, 
cette espèce est connue en Provence, comme en Lan- 
guedoc, sous le nom de soguëne. 

Les autres espèces du genre spare de Linné ne sont 
ni moins communes ni moins estimées à raison de la 
bonté de leur chair. Parmi elles on peut citer le spa- 
raïllon, nom commun sous lequel on désigne les sar- 
gus annulariset vulgaris, lesargue(sparus melanu- 
rus), loblade(sparus melanurus), le picarel commun 
(sparus smaris), la mendole (sparus mæna), le bogue 
(sparus boops)etla saupe(sparus salpa).Parmiles plus 
recherchées on peut signaler au premier rang le pagel 
(sparus erythrinus), poisson également remarquable 
par ses couleurs d’un rose vif et brillant. Le pagre or- 
dinaire (sparus argenteus) est également un poisson 
assez estimé par la bonté de sa chair. Il n’en est pas de 
même de la saupe que nous avons déjà mentionnée : 


— 59 — 


quoïqu’elle se vende sur les marchés de Marseiile 
comme les autres espèces, elle y est moins prisée, son 
goût est peu agréable et sa chair peu délicate. On peut 
en dire également des canthères, dont l'espèce com- 
mune (cantharus vulgaris) n’est pas abondante sur 
les côtes de la Provence. Cependant le soût de ce 
poisson est préférable à celui de la saupe. 

On peut enfin mentionner le poisson de Saint-Pierre 
ou le gal, que l’on prend à peu près toute l’année soit 
sur les côtes de la Provence, soit sur celles du Lan- 
guedoc. Cette espèce, remarquable par la belle tache 
noire qu’elle à sur chaque flanc, est le zeus faber de 
Linné. 

Un certain nombre de poissons se pêchent habi- 
tuellement dans le Rhône ; sous ce rapport ils entrent 
pour quelque chose dans la consommation de la ville 
de Marseille. Au premier rang on peut signaler la 
truite (salmo trutta), la carpe (cyprinus carpio) et le 
barbeau (barbus vulgaris). Le goujon (gobio vulga- 
ris), qui vit en troupes nombreuses dans les eaux dou- 
ces, est encore une espèce que l'on apporte dans les 
marchés de Marseille. Mais, quant à la tanche, elle 
n'y parait presque jamais. 

Telles sont les principales espèces de poissons que 
l’on pêche en assez grande quantité dans les environs 
de Marseille, et qui sont portées dans les marchés de 
cette ville. S’il en est de constamment sédentaires, 


— A60O — 


d’autres au contraire sont éminemment émigrantes. 
On peut citer parmi celles-ci, en premier lieu les 
centronotes, et surtout le pilote (centronotus ductor). 
Après le pilote nous mentionnerons les thons, les ma- 
quereaux, les sardines, les anchois, les dorades et les 
squales, particulièrement le requin. 

Beaucoup d’autres poissons s’approchent et s’éloi- 
gnent sans doute des côtes de la Provence à certaines 
époques de l'année; mais ils ne peuvent être ran- 
gés parmi ceux de ces animaux qui se livrent à de 
longues migrations. Cependant plusieurs espèces que 
l’on découvre sur les côtes de la Provence se ren- 
contrent également dans toutes les mers de l'Europe. 
Celles-ci, qui nous fournissent des exemples d’habita- 
tions aussi diverses et aussi variées, doivent être com- 
prises tout au moins parmi les races erratiques. Leurs 
passages ne paraissent pas avoir cette fixité et cette 
périodicité qui caractérisent les excursions des espèces 
émigrantes. On peut comprendre parmi ces dernières 
la raie bouclée et la raie aigle. Ces poissons sont fort 
communs sur les côtes des Bouches-du-Rhône mal- 
gré l’irrégularité de leurs passages. 


— A61 — 


TABLEAU 


DE L'ÉPOQUE 


DES PASSAGES DES POISSONS. 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCFS. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


A SE 


14 Lamproie (pe-| Cette espèce fluvio-marine se livre à des 
Ê : [migrations périodiques. Elle abandonne en 
Suceurs. tromi DEL pee effet constamment le bassin des mers, et re- 
mus Linn.). monte les rivières au printemps, ou à l’épo- 

que du frai en mars, avril et mai. Pour ren- 
dre ses migrations plus faciles, elle se tient le 
plus ordinairement auprès des embouchures 
des fleuves. 

Lorsqu'elle commence à s'engager dans les 
rivières, son squelette gélatineux est à peine 
visible. Plus tard il s'épaissit, et lorsqu'à la 
fin de la saison il est complétement durci, 
les pêcheurs désignent ce poisson sous le nom 
de La corde. Aussi les lamproïies, qui attei- 
gnent la taille de deux à cinq pieds, n’ont- 
elles la chair délicate que lorsque leur .sque- 
lette n’est pas encore durci et qu’il y a peu 
de temps qu’elles ont quitté la mer. 

L'agilité des lamproies est extrême, surtout 
lorsque le besoin de déposer leurs œufs les 
entraîne dans les rivières et les fleuves ; 
alors il n’est aucun obstacle qui puisse les ar- 
rêter dans leur marche. A l'aide des mouve- 
ments de leur queue, qui les jettent et les 
lancent en l'air, il n’y a pas de barrières 
qu elies ne puissent franchir. Dans d’autres 
circonstances, pour remonter plus avant dans 
les rivières, elles s'attachent aux hateaux avec 
tant de force, qu'on ne peut les en arracher. 

La lamproie des fleuves (petromyzon flu- 
viatilis Linn.) et la petite, ou le sucet, éga- 
lement desrivières (petromyzon planeri B].;, 
habitent constamment les caux douces ; elles 
ne se livrent par conséquent à aucune migra— 
tion. Cette circonstance dépend peut-être de 
ce que ces poissons se rapprochent beaucoup 
des vers, et sont les moins bien organisés des 
animaux vertébrés. 


II Anguille (mu- ; Snofaue les dde à cer ee phisons 
p j ST ort communs, il règne encore la plus grande 
Apodes. ?æna anguilla). incertitude sur leur détermination. Existe- 


t-il plusieurs espèces d’anguilles, ou n’y en 
a-t-il qu'une seule, telle est la question que 
l’on s'adresse assez souvent, et à laquelle il 
n’est pas encore possible de répondre d’une 
mauière précise ? Si l’on consulte les pêcheurs 


— A62 — 


ET | 


ORDRES. GENRES FT ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, 


TAC AE LOC EDS | CREME RE CEE 


. 
IL. des rivières, aussi bien que ceux des mers, 
rue ils vous diront tous qu'il y a plusieurs espèces 
Apoies. d'anguilles, aussi distinctes par leurs mœurs 
que par leurs caractères extérieurs. Mais re- 
lativement au nombre de ces espèces ces pê- 
cheurs ne s'accordent pas entre eux. Les uns 
en admettent jusqu’à quatre; ce sont ceux 
des rivières, tandis que les pêcheurs des mers 
n'en reconnaissent que trois. Sans rien déci- 
der à cetégard, nous adopterons pourtant les 
idées des derniers, ayant observé par nous- 
même les époques des passages des anguilles 
qui vivent aux bords des côtes du midi de la 
France. Avant d'entrer dans les détails rela- 
tifs à ces époques, nous ferons cunuaître les 
idées des pêcheurs des rivières sur ces pois- 
sons. 

Ils en reconnaissent quatre sortes. La pre- 
mière ou la plus commune est nommée par 
eux vergniaux ; la seconde ou l’anguille à 
long bec se distingue par un museau très- 
comprimé et fort pointu; la troisième ou 
l'anguille plat-bec (grigeel des Anglaïs) a au 
contraire un museau tres-aplati et très-obtus 

|et enfin des yeux fort petits; la quatrième 
se reconnaît facilement à la brièveté de son 
museau en comparaison de la longueur du 
corps. Les yeux de cette espèce sont égale- 
ment remarquables par leur grandeur. Les 
pêcheurs des eaux douces donnent le nom 
d’anguille pimpernaux à celles qui offrent 
ces caractères. 

Les pêcheurs des côtes de la Méditerranée 
ne distinguent que trois espèces d'anguilles. 
Ils désignent celle qui atteint la plus grande 
grosseur sous le nom de pougaou. Cette an- 
guille se tient le plus constamment dans les 
étangs salés à l'exception cependant de l'au- 
tomne jusqu’à la fin de l'hiver, saison où ellese 
rend à la mer pour y déposer son frai. A partir 
du mois d'octobre jusqu’au mois de février, 
ces grosses anguilles ne quittent plus la mer. 
Elles y demeurent constamment ; du moins on 
n'en a jamais pris dansles filets tendus pour 

saisir les différentes espèces de poissons qui de 
| 
il 


la mer arrivent dans les étangs salés. Les jeu— 
nes anguilles provenues du frai déposé dans la 
mer par les anguilles de l'année précédente 
arrivent donc dans les étangs à la fin du 
mois de mars. Elles sont alors si petites, 
qu'elles dépassent de peu les dimensions des 
vermicelles. 


On les voit entrelacées les unes avec les 
autres formant des cordes extrêmement lon- 
gues, souvent roulées en spirale;elles res- 
semblent assez pour lors à des pelotons de 
laine. Elles grossissent rapidement dans les 
étangs ; elles s'y nourrissent de petits mol- 
lusques, d'insectes, puis de petits poissons, et 


jenfin même d'autres anguilles. Cet appât sert 


— 163 — 


EEE 


ORDRES. 


IL. 
Apodes. 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, 


même à les attirer vers les hameçons. Ces an- 
guilles, dont les migrations paraïssent cons- 
tantes, acquièrent souvent des dimensions 
fort considérables. On en pêche parfois d'as- 
sez grosses qui pèsent de douze à quinze li- 
vres. Leur chair, d’une grande délicatesse, les 
fait rechercher des gourmets, surtout lorsque 
leur poids s'élève jusqu’à cinq ou six kilo- 
grammes. 

La seconde espèce, nommée anguille fine, 
vit habituellement dans les étangs salés, et va 
déposer son frai dans la mer à peu près comme 
l'espèce précédente. Elle diffère du pougaou 
en ce sens qu’elle n’acquiert pas des dimen- 
sions aussi considérables. 

Cette espèce remonte le plus ordinairement 
dans les fleuves et les rivières, poussant fort 
loin ses excursions. Il en arrive du moins 
jusqu'au lac de Genève, à la vérité en très- 
petit nombre. La perte du Rhône leur op- 
pose un obstacle qu'elles ne peuvent franchir 
qu'avec beaucoup de difficulté; aussi ne pa- 
raissent-elles daus le lac que lorsque les eaux 
recouvrent ce gouffre. 

C'est du reste au printemps, pendant la 
nuit et lorsque la lune est au-dessous de 
l'horizon, que les anguilles passent de Ja 
mer ou des étangs salés dans les lacs et les ri- 
vières. Elles y séjournent jusqu’à Ja fin d'oc- 
tobre et quelquefois plus encore, pour ne 
rentrer dans la mer qu’au retour du prin- 
temps. Les soins de l'homme changent sou- 
vent totalement cet ordre. Des circonstances 
particulières, telles surtout que l'éloignement 
de la mer, le modifient également. 

Leur agilité, leur force musculaire et la 
ténacité de leur vie leur font surmonter 
tous les obstacles et toutes les difficultés 
qu’elles éprouvent dans leurs longs voyages. 
Elles marchent de préférence la nuit, peut- 
être par suite d’un instinct de conservation; 
on le supposerait à les voir naviguer pour 
lors en troupes fort nombreuses, Quand le 
besoin de retourner à la mer se fait sentir 
chez ces poissons, c’est d’une manière si im- 
périeuse, que rien ne peut les arrêter. On les 
voit pour lors s’accumuler et se presser au- 
tour des digues qu’on oppose à leur marche, 
sans qu’il y en ait une seule qui songe à re- 
brousser chemin, et à remonter aux lieux 
qu'elles viennent de quitter. 


La troisième espèce est connue des pê- 
cheurs des côtes du midi de la France sous le 
nom d’anguille commune ou de leschenat. 
Elle paraît sédentaire et ne point voyager 
comme les précédentes. Elle se reproduit du 
moins dans les étangs salés qui bordent la 
Méditerranée, et se tient constamment dans 
les fonds vaseux, qu'elle ne quitte qu'aux 
mois de juin et de juillet, époque où l’on en 


— ÀG4 — 


——————— —————————— — — — — — … …—"…"— —"_"—_——————_——_————"———————""—"—— ——— 


ORDRES: 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, 


SSSR ER ES (ou 


IL. 
Apodes. 


fait une pêche abondante. Lorsque la séche- 
resse est grande, elles abandonnent parfois 
les étangs salés pour se rendre dans la mer. 
Le plus souvent elles s’enfoncent dans la 
fange et la vase où elles demeurent enfouies 
ijusqu'à l’époque à laquelle les eaux sont re- 
venues à leur niveau ordinaire. 

Lorsque ces anguilles se déplacent par man- 
que d’eau, elles font souvent les voyages 
qu’elles entreprennent en rampant sur les 
terres sèches à peu près comme les serpents. 
Elles cherchent donc l’eau qui leur est essen- 
tielle, et passent ainsi des temps plus ou 
moins longs hors de leur élément ordinaire. 
On est surpris du long intervalle pendant le- 
quel les anguilles peuvent demeurer hors de 
l’eau sans périr ; mais la force de leur vita- 
lité est si grande qu'on peut les dépouiller de 
leur peau, de leurs viscères, les couper même 
en morceaux sans que le tronçon de leur corps 
cesse de se mouvoir. 

On conçoit facilement pourquoi l'on ne 
prend jamais dans les rivières des anguilles 
qui aient leurs œufs. Lorsque ces poissons 
veulent frayer, leur instinct les porte à se 
rendre dans le sein des mers, où ils s'enfon- 
cent dans ses profondeurs afin d'y déposer 
leurs œufs. Quant au leschenat, cette espèce 
ne paraît pas voyager; elle se borne, au mo- 
went du frai, à s'enterrer dans la vase, dispa- 
raissant à peu près tout à fait comme les 
lombrics, et cela au moment de la ponte. 

Aussi les anguilles paraissent, à leurs pre- 
miers âges, habiter les eaux souterraines 
même les plus profondes.On peut citer comme 
une preuve de ce genre d'habitation les an— 
guilles de diverses grosseurs que M. Arago a 
montrées à l'académie des sciences de Paris 
le 12 octobre 1835, et qui avaient été prises 
dans un fleuve souterrain. D'autres anguilles 
ont été également rencontrées dans des puits 
artésiens qui avaient été creusés à Elheuf et 
poussés jusqu'à des profondeurs considérables, 


Ces poissons out une vie si tenace, ainsi 
que nous l'avons déjà fait observer, qu'ils 
peuvent sans périr rester pendant des temps 
assez longs tout à fait privés d’eau. Ils s'en- 
foncent pour lors dans la vase ou dans l'in 
térieur de la terre humide. La principale 
particularité de leur histoire et qui les ca- 
ractérise d’une manière toute spéciale, tient 
à ce qu'elles ne frayent jamais dans les eaux 
douces, quoiqu'elles les fréquentent tout au— 
tant que les salées. Aussi Spallanzani, pas 
plus que les autres ichthyologistes, n'a pas pu 
observer des œufs ni des fœtus dans les an— 
guilles des eaux douces. Il est même fort 
dificile d'en apercevoir chez celles qui ha- 
bitent les eaux salées, parce que lorsque ces 
poissons veulent frayer ils s'enfoucent dpns 


— À65 — 


I PE 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


RSR 2 2) 2 M — SE ER 


les profondeurs des mers où il est impossible 
de les découvrir. Elles y déposent leur frai à 
la fin de février et en mars. 

Lorsque les anguilles remontent dans cer- 

taines rivières comme, par exemple, dans le 
Rhône, elles y sont parfois en si grand nom- 
bre, que leur traînée ressemble assez bien à 
de longs cordons noirs. La quantité en est 
pour lors si considérable que les eaux en pa- 
raissent comme noircies. On les connaît sous 
le nom de bouirons dans le midi de la France. 
C'est surtout vers la fin de février et de mars 
que paraissent ces longs cordons de petites 
anguilles. 
4 D'après les observations de M. de Joannis, 
lieutenant de vaisseau, les anguilles seraient 
réellement vivipares, ainsi qu’on l'a généra- 
lement admis. Ces poissons voyagent dans 
les courants d’eau souterrains, ce qui est 
confirmé par l'observation des anguilles re- 
tirées des puits artésiens ; aussi peuvent-ils 
passer d’un réservoir à un autre. Le frai est 
à peu près constamment déposé à la mer par 
les anguilles, Les petits qui en proviennent 
remontent de très-bonne heure le eourant 
des fleuves et des rivières. Du reste ces jeunes 
anguilles grossissent rapidement, et la ges- 
tation des femelles qui a produit le frai dont 
elles sont provenues est très-courte. 

Quant aux anguilles électriques qui vivent 
dans la baïe de Honduras, dans l’Amazone et 
les eaux stagnantes de l'Amérique du Sud, et 
qui ont été décrites par Cuvier et M. de Hum- 
boldt, elles paraissent, du moins d’après les 
observations de M. le docteur Backmann, ap- 
partenir aux eaux douces. Cependant M. Por- 
ter, ayant montré à la société zoologique de 
Londres un individu vivant de ces anguilles, 
assure qu'il n’est pas rare de les rencontrer 
à cinquante milles en mer à Charleston. Il 
paraît donc probable qu'il en est de ces 
poissons comme des espèces européennes, 
c'est-à-dire qu’ils se rendent à la mer pour 
y déposer leur frai; ils retournent ensuite 
dans les fleuves et les rivières où ils font 
leur séjour habituel. 


Un des faits les plus singuliers de leur his- 
toire tient au changement sensible de cou- 
leur que prend leur peau à l'époque du 
frai, à la fin de février ou dans le courant 
de mars. Les pêcheurs des lacs de Sui:se 
admettent, d’après M. Agassiz, cet embellis- 
sement de la robe de ces poissons, qu’on 
pourrait appeler la robe nuptiale. Les an— 
guilles présenteraient donc un fait analogue 
à celui qui se produit chez Ja plupart des 
animaux. Cette coloration tiendrait donc à 
un état qui dispose à la reproduction. 

Les anguilles paraissent devenir coureuses 
dañs les mois de février et de mars; aussi 


30 


—16@)— 


ORDRES. 


HT. 
Subbranchiens. 


GENRES ET ESPÈCES. 


Sole ‘pleuro- 
nectes solea Lin.). 


ÉPOQUES RES PASSAGES DES POISSONS, 


sont-elles pour lors extrêmement difficiles à 
prendre. Elles le sont surtout, lors de leurs 
rassemblements réellement extraordinaires à 
l'époque du frai, vers l'embouchure des fleu- 
ves. Ces poissons s’y réunissent, parce que 
ceux qui s'étaient tenus jusqu'à cette époque 
dans les fleuves et les rivières vont chercher 
dans la mer un milieu plus propice à leur re= 
production que celui qu’ils avaient choisi au- 
paravant pour leur habitation. C'est aussi à 
l'embouchure des fleuves que l’on voit vers 
la fin de mars et au commencement d’avril 
des multitudes infinies de petites anguilles 
dont la grosseur varie entre deux ou trois 
millimètres de diamètre. Elles remontent 
ainsi contre les courants, marchant à peu 
près au nombre de dix à douze. Cette cara- 
vane ; composée des anguilles provenues 
du frai, passe ainsi de la mer dans les fleuves 
pendant plusieurs jours; ceci peut donner 
une idée du nombre de celles qui voyagent 
dans leur premier âge. 


Quoique nous ayons avancé, d’après nos 
observations, que les anguilles ne frayaient 
qu’à la mer, il paraîtrait cependant, d'après 
d’autres ichthyologistes, qu'elles le pourraient 
également dans des bassins fermés comme 
sont, par exemple, les lacs de la Suisse. Ainsi 
plusieurs d’entre eux admettent que des an- 
guilles se propagent dans des étangs alimen- 
tés par des sources naturelles et cela sans 
qu’on y ajoute du frai. En supposant ce fait 
exact, il resterait à savoir si Ces jeunes an- 
guilles ne viendraient pas de la mer ; car il 
est bien certain que ces poissons exécutent 
de longs voyages souterrains. Du reste, il se— 
rait difficile d'assurer que tel étang qui ne 
paraît alimenté que par des sources d'eau 
douce ne communique pas avec le bassin des 
mers. 

Aussi nous persistons à regarder les an- 
guilles comme des poissons vivipares à ges— 
tation très-courte qui ne déposent leur frai 
que dans la mer. Comme les anguilles sont 
très-difficiles à prendre, au moins les femelles 
à l’époque du frai, il est moins étonnant que 
l'on n’en ait point rencontré de pleines. Cette 
viviparité annonce qu’il doit y avoir néces— 
sairement accouplement entre les sexes diffé- 
rents. Il est seulement singulier de ne dé- 
couvrir pas plus de laitance chez les mâles 
que d'œufs chez les femelles, ce qui annonce 
combien la gestation de ces poissons doit être 
courte. 


Ce poisson fréquente les côtes de la Médi- 
terranée pendant toute l'année; on le pêche 
aussi dans toutes les saisons. On peut done 
le considérer comme un des plus sédentaires 
des régions tempérées. Seulement les soles, 


— À67 — 


© EL 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.| ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 
Re Da SR EE LR ER RUMEUR. TER D AID ŒIESET LORS AE RE MP ET A TPS EUR Ke 
III | comme la plie, abandonnent les côtes pen— 


Subbranchiens. | 


La plie (pleuro- 


nectes platella L.). 


l 


Limande (pleu- 
ronectes limanda 
Linn.). 


Anchois (clu- 
pea encrasi cholus 
Linn.). 


Sardines (clu- 
pea sprattus Lin.) 


dant les mois de juillet et d'août. Elles se re= 
tirent pour lors vers la haute mer. Elles y ac- 
quièrent un goût délicat et une bonté toute . 
particulière, 


La plie, dont la conformation a tant de 
rapports avec celle de la sole,quitte la mer aux 
mois de mars et d'avril pour pénétrer dans 
les étangs salés. Elle remonte ensuite les çca- 
naux, les rivières, à une grande distance de 
la mer. Ainsi on pêche des plies jusqu’à la 
source du Lez, à trois lieues de son embou— 
chure dans la Méditerranée. On en a égale- 
ment rencontré dans la Sarthe à plus de cin— 
quante lieues de la mer. Elle s'enfonce dans 
la vase aux mois de janvier et de février, et 
dépose son frai dans les étangs salés qui se 
trouvent sur les côtes de la Méditerranée. 


Cette espèce habite constamment les côtes 
de la Méditerranée. Ses habitudes la rendent 
presque aussi sédentaire que la sole. Seule- 
ment au commencement de l'été elle s'avance 
au delà de l'embouchure des fleuves ; elle 
remonte peu cependant vers leurs sources. 


L'anchois vulgaire, si recherché à raison de 
la bonté de sa chair, passe sur les côtes de la 
Méditerranée avant les sardines. Il paraît 
même sur les côtes de l'Espagne antérieure- 
ment à son apparition sur celles de la France. 
D'après les gourmets, la chair des anchoïs pé- 
chés sur les premières de ces côtes serait pré- 
férable et d’un meilleur goût que celle des 
individus pris en France. Aussi le prix des 
premiers est généralement plus élevé. On 
en pêche des quantités innombrables dans 
toute la Méditerranée, et même jusqu'en 
Hollande. 

Quoique le plus ordinairement les anchois 
arrivent sur les côtes du midi de Ja France 
avant Jes sardines, ces deux espèces se trou— 
vent quelquefvis ensemble. Les anchois arri- 
vent vers le commencement d'avril. Leurs 
passages durent jusqu’à la fin de mai. Posté- 
rieurement à cette époque on les voit parfois 
jeter leur frai dans les étangs salés qui bor- 
dent les côtes de la Méditerranée : cette cir- 
constance assez rare se représente aussi fort 
peu chez les sardines, 

Cette espèce, quoique émigraute, paraît peu 
abandonner Ja Méditerranée. Sa pêche y eët 
fort abondante. 


Les sardines ne commencent à paraître sur 
les côtes du midi de la France que vers la fin 
d'avril; elles ne sent cependant en grand 
nombre qu'en mai, juin et juillet. C’est par- 


ORDRES. 


— À68 — 


EEE EEE | 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


CC ER OSEO | EE 


IL. 
Subbranchiens. 


Harengs (clu- 
pea harengns L.\, 


ticulièrement pendant le mois de juin que la 
pêche en est la plus fructueuse. On observe 
du moins pour lors ces poissons en bancs 
étendus et souvent innombrables. Ils parais- 
sent surtout se réunir lorsqu'ils sont pour— 
suivis par les thons et les maquereaux, qui en 
sont fort avides. 

Il est facile de s'assurer de la réalité de ce 
fait à l'époque de la venue des sardines en 
ouvrant des thons et des maquereaux. On 
découvre souvent dans l'estomac de ces der- 
niers des sardines encore tout entières, ce qui 
ne laisse aucun doute sur les habitudes et les 
mœurs de ces dernières espèces. 

L'apparition de ces poissons sur les côtes 
de l'Océan, du moins sur celles de la France, 
est plus tardive que dans la Méditerranée, 
surtout sur les côtes qui se trouvent rappro- 
chées de l'embouchure de la Loire. 

La direction que suivent les sardines aïins 
que celle des thons et des maquereaux leurs 
cruels ennemis, a toujours lieu du sud à l'es 
dans la direction du golfe de Lyon au golfe 
de Gênes. Cette circonstance semble annoncer 
que ces diverses espèces viennent de l'Océan 
dans la Méditerranée, les maquereaux faisant 
la chasse aux sardines, les thons aux ma-— 
quereaux et les squales aux thons. Aussi lors- 
qu'on éventre des sauales on trouve dans 
Jeur estomac des thons plus ou moins di- 
gérés. 

Les sardines ne paraïssent déposer leur fra 
dan: les étangs salés que lorsqu'elles y sont 
poussées par des vents violents. Celles qui y 
entrent sans être pleines ne se reproduisent 
pas, lursqu’elles ne peuvent ou qu’elles ne sa- 
vent pas sortir des étangs salés pour se ren— 
dre dans la mer. 

Quoi qu’il en soit, les sardines, ainsi que les 
thons et les squales, ont été extrêmement 
abondantes sur les côtes de la Méditerranée 
en 1840 quoique les maquereaux auxquels les 
sardines servent ordinairement denourriture 
y aient été assez rares. Cette circonstance 
mérite d'autant plus d’être signalée qu'elle 
se représente peu ; la raison est facile à com- 
prendre. 


Les détails dans lesquels nous sommes en- 
trés relativement aux migrations des ha- 
rengs nous dispensera d'insister de nouveau 
sur ce poisson tout à fait étranger à la Médi- 
terranée, d'autant que nous y reviendrons 
dans l'explication de la carte. 

On le rencontre uniquement dans l'Océan 
en troupes souvent innombrables. Les: passa- 
ges de cette espèce ont lieu depuis le com— 
mencement du printemps jusqu'en juillet, et 
depuis septembre jusqu'à la fin &'octo're. Ces 
poissons abondent aussi sur les côtes de la 


— À69 — 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, 


RER PERD D ED DERE DEGRESERT T SRRERENRE 
22 ES 


NT. 
Subbranchiens. 


France vers la mi-octobre ; ils y demeurent 


.[presque jusqu’à la fin de l’année. 


Les harengs commencent à se montrer au 
mois d’avril et de mai dans les eaux qui en- 
tourent les îles Shetland; ce n’est que vers 
la fin de juin ou de juillet qu'ils s'y trouvent 
en nombre immense. 

On suppose que ces poissons se réfugient 
habituellement vers les contrées du Nord. 
Commeilss’y multiplient extraordinairement, 
ils sont forcés, par suite de leur nombre, d’en- 
voyer des colonies dans d’autres parages. Ces 
immenses peuplades des habitants des eaux, 
en sortant des mers du Nord, s'étendent sur 
une largeur de plusieurs milles. De nombreux 
ennemis qu'elles rencontrent sur leur route 
les forcent de se partager en plusieurs divi- 
sions, qui toutes sont guidées par des chefs. 

Les harengs qui font partie de l’aile droite 
de cette petite armée se portent sur les côtes 
d'Islande, où ils arrivent au mois de mars; 
ils se dirigent alors du côté de l'accident et 
parviennent ainsi à Terre-Neuve. 

Les autres au contraire prennent leur 
route vers le sud, et se partagent en deux 
colonnes. L'une descend vers les côtes de 
Norwége, dans la Baltique, le Sund et le Belt; 
l’autre passe à l'occident vers les îles Orca- 
des et l’Hutland. Là cette dernière colonne 
se partage encore; une partie se dirige vers 
l'Irlande et l’Ecosse, fait le tour de ces îles, 
entre dans la mer d’Espagne et va gagner 
les côtes des Pays - Bas. L'autre division 
de ces innombrables poissons suit les côtes 
orientales de l’Ecosse, de l'Angleterre et de 
la France, et rentre dans la mer du Nord où 
les deux colonnes se réunissent, 


Des légions moins nombreuses parcourent 
les côtes de la France, du Brabant, de la 
Flandre, de la Hollande, de la Frise, de la 
Zélande. Les autres se portent sur les côtes 
du Holstein, de la Poméranie, de la Suède, 
du Danemark et de la Livonie. Enfin, après 
avoir parcouru successivement ces diverses 
contrées, où ils ne séjournent qu’autant qu'ils 
y trouvent une nourriture abondante, ils se 
réunissent tous dans la mer du Nord, et dis- 
paraissent totalement. Ces poissons s’enfon- 
cent pour lors dans les profondeurs de l'Océan. 


La route que suivent les harengs dansleurs 
longues migrations est assez compliquée, et 
par cela même elle est assez difficile à saisir, 
La marche tortueuse etsingulière que suivent 
ces poissons tient probablement à leur nombre 
réellement excessif et prodigieux, ainsi qu'il 
est facile d’en juger parla consommation qui 
s’en fait en Europe. En effet, on en prend des 
quantités extrêmement considérables sur les 
côtes de la Norwége et de la Poméranie sué- 
doise depuis le mois de janvier jusqu'en mars, 


ORDRES. GENRFS ET ESPÈCES.| ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


Il]. 
Subbranchiens. 


et un peu plus tard en Hollande, enfin en 
Angleterre et en France vers la fin du prin- 
temps et au commencement de l'été. On en 
pêche également un grand nombre depuis le 
mois d'octobre jusqu'en décembre. Il est seu- 
lement beaucoup moins grand sur les côtes 
de l'Islande par la raison toute simple que 
ces poissons ne s’y arrêtent pas. Ils sont 
pour lors presqu’au commencement de leurs 
excursions. 

Les migrations périodiques des harengs, 
comme celles qu'exécutent tant d’autres es- 
pèces, paraissent déterminées par un instinct 
impérieux dirigé jusqu'à un certain point 
par le besoin de se reproduire autant que par 
l'effet de toute autre circonstance. Indé- 
pendamment de ce désir de perpétuer leur 
race, désir inné chez tous les animaux, un 
instinct non moins puissant les porte à se li- 
vrer, à des époques fixeset déterminées, à des 
migrations très-étendues dont peu de poissons 
nous donnent des exemples aussi remarqua-— 
bles. Il est si impérieux, que le hareng est 
particulièrement fameux sous ce rapport, 
quoiqu'il ne paraisse guère pénétrer dans la 
Méditerranée. 

On ignore toutefois, ainsi que notre carte 
pourra le faire juger, jusqu'où il les étend 
à travers l'Océan Atlantique. On n’en à pas 
jusqu'à présent découvert de traces dans 
l'hémisphère austral au delà des côtes qui 
bordent la terre de Labrador. 

Il est probable cependant qu'il ne s'y ar- 
rête point, et que ses tribus portent leurs 
excursions bien au delà. Nous attendrons de 
nouvelles observations pour être certain de 
ce point de fait. Nous n'en dirons pas davan- 
tage sur les voyages qui ont rendu le hareng 
si fameux, puisque nous devons y revenir lors 
de l'explication de la earte destinée à donner 
uneidée complète de l'étendue de ses voyages. 


Alose ( clupea| Les aloses sont des poissons des ne qui, 
: comme les anguilles, remontent fort avant 
alosa Linn.). dans les RE Leurs migrations ont lieu 
principalement au printemps. Elles prennent 
dans les eaux douces un goût exquis; car 
celles des mers sont sèches et coriaces. Il 
n'est done pas étonnant que les aloses du 
Rhône soient meilleures que celles de la Mé— 
diterranée. Lorsque ces poissons sont remis 
üe la maladie que leur occasionne le frai, on 
les voit retourner à la mer en troupes plus 
ou moins nombreuses. 

Les aloses déposent leur frai dans ies 
eaux douces. Lorsque les petits qui en pro- 
viennent sont environ de la grosseur du 
doigt, on les voit descendre les rivières et 
se rendre ainsi en troupes plus où moins 
nombreuses à la mer. On les reconnaît fa- 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


Ill cilement à leurs sauts multipliés. Elles s'é- 
re lèvent ainsi au-dessus des eaux, afin d'y sai- 
Subbranchiens. sir les cousins, les tipules et les autres petits 


insectes qui y volent continuellement. De 
pareilles habitudes leur sont communes avec 
les jeunes lamproies, qui s’élancent aussi au 
dehors de l’eau des fleuves lorsque le temps 
est calme et le vent au sud. Ces poissons se 
livrent peu à ce#manége si le vent est au 
nord, les cousins volant pour lors en petit 
nombre. 

Les espèces vivantes se font donc une 
guerre continuelle ; il se pourrait que, dans 
les vues de la nature, les jeunes lamproies et 
les jeunes aloses fussent destinées à empêcher 
une trop grande propagation des tipules, des 
cousins et d’une foule d’autres insectes qui 
pullulent à la surface des eaux. 

Quoi qu’il en soit, ces poissons quittent les 
mers vers la fin de mai ou au commencement 
de juin. Ils remontent pour lors dans les ri- 
vières où ils vont frayer. Les aloses exécutent 
ces voyages en colonnes serrées et nom- 
breuses. Lorsqu'elles aperçoivent les filets 
qui s'opposent à leur marche, elles s'élancent 
avec force contre cet obstacle, les percent en 
mille points différents, et continuent ensuite 
leur marche. Lorsque les pêcheurs voient 
cette petite armée s'avancer en toute hâte 
contre leurs filets, ils les élèvent brusque- 
ment et en prennent souvent une fort grande 
quantité, lorsqu'ils sont lestes. Les lamproies 
ne sont pas cependant aussi redoutables, re- 
lativement aux filets qu'on leur tend, que les 
aloses, dont la promptitude et la vivacité des 
mouvements sont extrêmes. 

Le retour de ces poissons vers la mer a lieu 
au milieu ou à la fiu de septembre. Il en est 
de même de ceux qui sont éclos dans l'an- 
née. Leurs passages paraissent plus considé- 
rables lorsque les eaux sont claires que lors- 
qu'elles ont été troublées par une cause 
quelconque, comme par exemple un vrage. 


Turbot (rhom- 
bus vulgaris). 


Cette espèce se fait remarquer sur les côtes 
dn midi de la France par ses habitudes sé- 
dentaires. Elle s’y trouve à peu près cons- 
tamment et ne les abandonne guère que 
l'hiver. Elle s'enfonce pendant les grands 
froids dans les profondeurs des eaux. 


Morue propre- 
ment dite, ou ca- 
Lbéliau (gadus mo- 
rhua Linn.). 


Cette espèce se distingue, comme la précé- 
dente, par ses habitudes sédentaires. Elle pa- 
raît du moins ne jamais abandonner les mers 
des régions septentrionales où elles se multi- 
plient tellement que des flottes entières s'y 
rendent chaque année pour la sécher, la sa- 
ler et la distribuer à l'Europe entière. Ce 
poisson peut être cité comne l'exemple le 
plus remarquable d’une extrême fécondité. 


— A2 — 


OM | 


ORDRES. 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DFS l'ASSAGES DES POISSONS. 


III. 
Subbranchiens. 


IV. 
Abdominaux. 


Merlan (gadus 
merlangus Linn.). 


Lotte commune 
ou de rivière (ga- 
dus lotta Lin.). 


Carpe vulgaire 
(cyprinus  carpio 
Linn.). 


S'il est des oiseaux sédentaires, il est éga- 
lement des poissons dont les habitudes sont 
les mêmes, et qui, malgré leur fécondité, ne 
quittent presque jamais les lieux où ils ont pris 
naissance.On peut citer spécialement la morue 
proprement dite ou cabéliau (gadus morhua 
Linn.). Ce poisson abandonne peu les mers du 
Nord, malgré les flottes nombreuses qui se 
rendent dans les parages septentrionaux pour 
la pêche, et les quantités immenses que l’on 
en prend chaque année. 

Aussi, d’après de pareilles habitudes, les pé- 
cheurs du littoral de la Bretagne ont été fort 
étonnés d'en voir arriver une assez grande 
quantité en 1842. Cette espèce aurait-elle été 
attirée sur les côtes de la Manche parle nom-— 
bre des harengs qui y ont paru en même temps? 
Cela est d'autant plus probable que certaines 
races sédentaires émigrent aussi quelquefois 
par l’effet de circonstances accidentelles. 


Le merlan, peut-être le poisson le plus 
abondant de la Méditerranée, paraît moins 
commun dans l'Océan. Il séjourne à peu 
près constamment sur les côtes du midi de 
la France. Il n’en est chassé que par de grands 
froids. Probablement alors il subit la loi com- 
mune, et s'enfonce, comme les autres espèces, 
dans la profondeur des eaux dont la tempé- 
rature est généralement plus élevée. 


Ce poisson, remarquable par la ténacité de 
sa vie, est le seul de ce genre qui remonte 
très-avant dans les eaux douces. Suivant Ju- 
rine il fraye en février, tandis que d’après 
Bloch c'est en décembre ou en janvier qu'il 
jetterait son frai. On juge aisément que ces 
deux ichthyologistes, ayant parlé de climats 
différents, ont bien pu assigner des épo- 
ques diverses à la reproduction de ce poisson : 
car, relativement à cette fonction, on peut 
dire qu'il n’y a rien d’absolu, du moins re 
lativement à l'époque à laquelle elle s'exerce. 


La carpe vit dans]la plupart des lacs et des 
rivières des régions tempérées. Elle s'y tient 
de préférence dans les fonds vaseux. On la 
trouve même jusque dans les étangs salés. 
Cette espèce paraît peu se déplacer. On ne la 
voit pas du moins émigrer d'une contrée 
dans une autre. Elle dépose son frai, dans le 
midi de la France, pendant le mois de février. 
Lorsque ses œufs sont privés d'eau, peu de 
temps après avoir été pondus, ils peuvent 
rester plusieurs années exposés au soleil sans 
perdre la faculté d'éclore. 

On voit donc sortir de ces œufs de petits 
carpillons dès que quelques gouttes d’eau 
viennent les humecter. 

Les carpes peuvent vivre assez longtemps 


— A15 — 


er 


Ne ET ESPÈCES. 


ORDRES: 
IV. 
Abdominaux, 


Goujon (cypri- 
nus gobio Linn.). 


Tanche (cypri- 
nus tima Linn.). 


Rosse ou van— 
geron (cyprinus 
rutilus Linn.). 


ÉPOQUES DES PASSAGFS DES POISSONS, 
RE RSR 


hors de l’eau. On les fait facilement voyager 
en vie pendant plusieurs jours en mettant un 
quartier de pomme ou de citron dans leurs 
branchies , et ayant le soin d'y jeter de 
temps en temps un peu d'eau. Les Anglais 
sont parvenus à les engraisser en les tenant 
suspendues dans des caves et placées dans des 
filets. On les nourrit pour lors avec du pain, 
et on les arrose de temps à autre avec de 
l’eau. Pour mieux les engraisser on les chä- 
tre ou on leur enlève leurs ovaires, opéra- 
tions qui réussissent très-bien et ont le plus 
ordinairement l'effet que l’on en attend. 


Cette espèce vit dans les lacs ou dans les 
rivières. Quant aux goujons qui fréquentent 
les lacs d’eau douce, ils les quittent au prin- 
temps. En effet ils remontent dans les riviè- 
res vers le mois de mai. Ils préfèrent les fonds 
sableux des fleuves, et déposent leur frai, à 
l'exemple des carpes, dans les lieux où il y a 
peu d’eau, Ces poissons se nourrissent prin— 
cipalement d'insectes, de petits mollusques et 
des vers qui, comme eux, se trouvent dans 
les eaux. Ils paraissent voyager en petites 
troupes, et se plaire les uns avec les autres. 
On les voit peu isolés, et l’on est presque as- 
suré d'en prendre plusieurs à la fois. 

Quant à l’époque où cette espèce dépose 
son frai, elle paraît, du moins dans les ré- 
gions tempérées, se prolonger depuis le mois 
de mai jusqu’à la fin de juin. 


La tanche habite les eaux stagnantes et 
tranquilles. Elle préfère surtout les fonds va- 
seux. Pronostiquant les orages, ces poissons 
s'élèvent à la surface des eaux lorsqu'ils pré- 
voient la tempête, qu'ils devinent en quel- 
que sorte par suite d’un instinct particulier. 
D'un autre côté, ils annoncent le retour du 
beau temps par leurs sauts multipliés au de- 
hors de l’eau. En hiver, les tanches s’enfon- 
cent et s’enterrent dans la vase, où elles dé- 
posent leurs œufs vers la fin de mai ou de 
juin, ou autour des plantes des marais. Ce 
poisson se fait encore remarquer par son 
extrême fécondité. D'après de pareïlles ha- 
bitudes il doit être classé parmi les espèces 
les plus sédentaires qui ne se livrent jamais à 
des migrations lointaines ou à des voyages de 
longs cours. 


La rosse habite les lacs et les grandes riviè- 
res des contrées tempérées. En été, elle choisit 
de préférence l'embouchure des fleuves, tan- 
dis qu'en hiver, elle se retire dans la profon- 
deur deseaux.Cette espèce fraye au mois d'a- 
vril ou au commencement de mai. Elle ne 
paraît pas 5e livrer à des migrations comme 
tant d'autres espèces. 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


TR 


IV. La brème (cy- 
Abdominaux. |prinusbramaLin.) 


La brème fraye au printemps, vers la fin 
d'avril lorsque l’année est chaude. C’est seu - 
lement en mai et juin lorsque la température 
est peu élevée. Cette espèce paraît rester 
constamment dans les lieux qui l'ont vue nai- 
tre. Elle n'émigre donc pas. 


Le barbeau com- 
mup(cyprinus bar- 
bus Linn.). 


Le barbeau est encore un de ceux qui ha- 
bitent constamment les mêmes lieux. Il ne 
se livre à aucune sorte de migration. On le 
trouve constamment dans les eaux courantes, 
préférant les plus rapides et celles dont le 
fond est caillouteux. On le voit l’hiver s'en- 
foncer sous les rochers ou au-dessous des 
troncs d'arbre qui croissent sur les rivages des 
fleuves où il vit. Cette espèce frayeà peu près 
à la même époque que la précédente. 


Saumon (salmo 
salar Linn.). 


Le saumon est un poisson de mer fa- 
meux par ses migrations, dont la périodicité 
et la constance sont un des points les plus 
remarquables de son histoire. Il arrive de 
l'Océan au printemps, pénètre dans les fleu- 
ves qui y ont leurs embouchures, où il re- 
monte souvent fort avant. Il rentre toujours 
pendant l'hiver dans le bassin de l'Océan, 
qu'il ne quitte qu'à l'époque du frai. 

Ces poissons voyagent constamment en 
troupes nombreuses disposées sur deux li- 
gnes formant comme les côtés d’un triangle. 
On les voit remonter dans les rivières rangés 
en deux colonnes réunies en avant et dirigées 
par la plus grosse femelle, qui ouvre la mar— 
che. Les plus jeunes et les plus faibles des 
mâles sont à l’arrière-garde. Les saumons, 
ainsi rangés en quelque sorte en bataille, na- 
gent en général avec grand bruit au milieu 
des fleuves et près de la surface de l'eau lors- 
que la chaleur est considérable. Si la tempé- 
rature est basse et peu élevée, ils se tiennent 
dans la profondeur de l’eau. 

Ils avancent ainsi dans les fleuves où de 
nouveaux besoins les appellent. Maïs si quel- 
que danger vient à les menacer, ils nagent 
avec la plus grande rapidité pour l'éviter. 
On suppose qu'ils peuvent parcourir facile 
[ment huit à dix lieues par heure. Leur vi- 
tesse serait donc aussi grande que celle des 
moyens les plus rapides que l’homme doit à 
[son génie , tels que les chemins de fer et les 
[bateaux à vapeur. 
| On ne voit jamais de saumons dans la Mé- 
diterranée, mais uniquement dans l'Océan. Ils 
affectionnent surtout le voisinage de l’em- 
{houchure des grands fleuves, dont ils habitent 
les eaux rapides pendant une grande partie 
|de l’année. Ils frayent en mars et en avril, 
[quelquefois même plus tôt, ce qui du reste est 
[assez rare. Ces poissons se font encore re- 


— A5 — 
EE 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


EPA IE LDÉE EI PC DE À 


IV. marquer par leur grande agilité ; ce que nous 
Abdominaux. avons dit du chemin qu’ils parcourent dans 
l'intervalle d'une heure en est une preuve 
assez frappante pour ne pas insister davau- 

tage à cet égard. 

Les côtes de la Méditerranée n'ont pas au- 
près d’elles de grands lacs d’eau douce. On re- 
marque que les torrents et les fleuves qui 
s’y rendent sont généralement peu pois- 
sonneux. Ces différents cours d’eau entrai- 
nent avec eux une grande quantité de cail- 
loux roulés, et d'ailleurs leur rapidité est 
trop considérable. Aussi ne donnent-ils lieu 
qu'à un petit nombre d'observations inté- 
ressantes, vu le peu de poissons qui s’y trou- 
vent. 

Les saumons communs, comme les autres 
espèces de ce genre, et entre autres la truite, 
ne sont point arrêtés dans leur course par les 
digues ou les cascades qui se trouvent sur 
leurs passages. Ils savent toujours les fran- 
chir en s'appuyant sur un rocher, et en re- 
dressant tout à coup avec violence leur corps 
courbé en arc. Ils s'élancent ainsi hors de 
l’eau, sautent avec prestesse et s'élèvent jus- 
qu’à douze eu quiuze pieds de hauteur. Par- 
venus à cette élévatiow, ils retombent ensuite 
le plus souvent au delà de l’obstacle qui ar- 
rêtait leur marche. - 

Après l'avoir franchi, on les voit continuer 
leur route et remonter les rivières jusque 
vers leurs sources, où leur instinct les guide 
pour y chercher un fond de sable et de gra- 
vier propre à y déposer leurs œufs. Lorsqu'ils 
ont opéré leur ponte, ces poissons, maigres 
et aflaiblis, redescendent en automne vers 
l'embouchure des fleuves et vont passer l’hiver 
dans la mer. 

Quant à leurs œufs, la femelle les dépose 
dans des lieux où les eaux sont tranquilies, 
et dans des creux qu'elle fait dans le sable. 
C’est là où le male va ensuite les féconder. 
Les jeunes saumons qui en proviennent gran- 
dissent promptement, et tardent peu à aban- 
donner le haut des rivières pour gagner la 
mer, qu’ils quittent ensuite vers le milieu de 
l’été qui suit leur naissance.Ces poissons, gui- 
dés par le même instinct qui dirige un grand 
nombre d'oiseaux, reviennent chaque année 
dans les parages qu'ils ont choisis. 

Du moins d’après Deslandes, douze sau- 
mons auxquels il avait attaché un anneau 
de cuivre à la queue, et qu'il avait ensuite 
jetés dans la grotte d’Auzou en Bretagne, 
y revinrent ensuite successivement. Parmi 
ces douze saumons cinq furent repris dans 
le même lieu l’année suivante, trois la se- 
conde et trois l’année d’après. S'il en est 
ainsi, nul doute que certains poissons ne 
reviennent les années subséquentes dans les 


— 476 — 
D 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


IV. lieux qu’ils s'étaient choisis primitivement, à 
: peu près comme le font un grand nombre 
Abdominaurx. otconunes 


Le saumon se trouve non-seulement dans 
les mers des régions tempérées, mais il est 
également très-abondant dans les mers arcti- 
ques, d’où il entre en grandes troupes dans les 
rivières, principalement au printemps. Aussi 
la pêche du saumon est très-importante dans 
les pays septentrionaux; c'est du moins de 
ces contrées que nous viennent ces quantités 
considérables de saumons fumés et salés qui 
se distribuent dans les diverses parties de 
l'Europe. 

Nous avons fait saisir l'harmonie qui existe 
entre l'organisation et les habitudes des ani- 
maux. L'organisation des salmonidés, famille 
de poissons qui se distingue d'une manière 
essentielle par leurs migrations constantes et 
périodiques, le démontre d’une manière ma- 
nifeste. 

Les nerfs du tact chez ces poissons sont 
extrêmement petits, aussi ce sens est-il chez 
eux à peu près nul. On peut les toucher sans 
qu'ils s’en aperçoivent. Mais, comme ils ont 
besoin d’avoir une vue très-étendue, l’or- 
gane de la vision y est très-développé; ce 
sens est doué chez eux d’une grande puis- 
sance. Il n’en est pas ainsi de l'organe de 
l’ouïe ; il ne paraît pas disposé pour perce- 
voir les vibrations de l'air. Cependant son 
oreille est affectée par les ébranlements de 
l'eau; car si elle est agitée à une grande 
distance, le saumon manifeste de suite ses 
craintes par ses mouvements brusques et 
précipités. 

Il se pourrait que cette transmission eût 
lieu par l'intermédiaire de la peau, si cet or— 
gane recevait des nerfs nombreux; comme il 
en est différemment, il faut croire que cette 
impression leur est plutôt donnée par l'or- 
gane de l'ouïe. 


La vue est si fine et si étendue chez les 
poissons, que les sauvages, qui le savent fort 
bien, les attirent en allumant des feux sur 
les rivages. C'est ce que pratiquent particu- 
lièrement les Indiens de la Guyane occiden- 
tale. Ils prennent de cette manière une 
grande quantité du phractocephalus bicolor 
de Schomburgk. 

D’après les différentes circonstances qui in 
fluent sur la distribution des animaux et des 
plantes, on ne trouve pas dans les îles les 
mêmes espèces que sur le continent. Ainsi les 
espèces que l’on découvre en Angleterre ne 
se trouvent pas en Irlande. 

On ne voit pas en Irlande l'erica mediter- 
ranea, le mensieizia polyfolia et l'arbutus 
unedo, que l'on rencontre cependant en An- 
gleterre. 


— AIT — 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


Il n’y a cependant qu’une différence de 4 
degrés de longitude entre l'Irlande et l’'Angle- 
terre. L'aspect physique de ces deux contrées 
est presque le même, quoique l'élévation un 
pen plus considérable de terres en Irlande 
puisse expliquer la présence du ptarmigan 
(tetrao lagopus) et du lièvre des Alpes ({epus 
variabilis). 
l'influence du climat ne peut guère être 
sensible entre l'Irlande et l'Angleterre, car la 
différence entre leurs températures n'est pas 
assez grande pour attirer ou repousser des 
espèces. 

Cependant quelques faits sembleraient le 
faire présumer. Aïnsi l’hermine ( mustela 
erminea) change rarement de fourrure en Ir- 
lande. Les oiseaux dont les migrations sont 
périodiques dans le nord de la Grande-Bre- 
tagne sont sédentaires en Irlande; la caille 
tperdix coturnix) en est un exemple. 

De même des oiseaux qui se taisent l’hifer 
en Angleterre chantent toute l’année en Ir- 
lande. Ces faits et l'absence dé beaucoup de 
poissons et de mammifères que l’on découvre 
en Irlande semblent annoncer que, quoique 
les deux températures ne soient pas extrê- 
mement différentes entre les deux contrées, 
elles ne sont pourtant pas sans quelque in- 
fluence. 

Eufin les moineaux, l'oiseau le plus sé- 
dentaire du continent, paraissent émigrer 
tous ensemble du comté de Ross en Irlande, 
et y retourner à des jours fixes pendant plu- 
sieurs années. On a également constaté, de- 
puis 1684, des migrations d'oies sauvages de 
la baronnie de Forth, dans le comté de Wex- 
ford. 

Nous ferons enfin observer que la Nouvelle- 
Zemble ne présente qu’un petit nombre de 
poissons qui ne paraissent pas se livrer à des 
migrations soit périodiques soit accidentelles. 
On assure qu’il en est de même dans toutes 
les régions du Nord. Du moins Scoresby ne 
compte que quatre espèces de poissons au 
Spitzberg et sur ses côtes. 

M. Baer en a observé dix dans la Nouvelle- 
Zemble, parmi lesquelles on peut citer la truite 
des montagnes (salmo alpinus). Cette espèce 
remonte l’automne dans les lacs élevés, et 
l'on en pêche pour l'exportation des quanti- 
tésimmenses qui sont ensuite distribuées par 
le commerce dans diverses parties de l'Europe. 


IV. 
Abdominaux. 


Truiles (trutlu). Les truites, qui appartiennent au grand 
genre saumon, tel du moins que l'avait cir- 
conscrit Linné, ont des habitudes très-analo- 
gues à celles des saumons, surtout la truite 
saumonée. Celle-ci, comme le saumon com- 

un, abandonne le bassin des mers pour re— 
monter les rivières jusque dans les hautes 


— AT8 — 


ORDRES, 


IV. 
Abdominaux. 


GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


La truite ordi- 
naire (salmo fa- 
rio Linn.). 


montagnes où elles recherchent particulière- 
ment les eaux les plus vives et les plus clai- 
res comme la truite ordinaire. Le départ de 
ces truites saumonées à toujours lieu au 
commencernent du printemps, à peu près à la 
même époque que les saumons, avec lesquels 
elles ont quelques rapports à raison de la cou- 
leur de leur chair. Cependant, lorsque des 
ruisseaux d’eau vive se jettent dans la mer, 
les truites ne sont pas obligées pour lors de 
remonter les fleuves ou les rivières. Elles s’y 
arrêtent donc; ces ruisseaux paraissent four- 
nir les truites dont la chair est la plusestimée. 
Les poissons qui pendant un certain temps 
de l’année vivent dans la mer, et pendant 
d’autres moments remontent les fleuves et 
les rivières, acquièrent dans ces dernières 
eaux un goût plus délicieux. C’est particuliè— 
rement ce que l’on remarque chez les aloses, 
ainsi que nous l’avons déjà fait observer. 


La truite ordinaire n’est pas moins célèbre 
par ses migrations que le saumon avec lequel 
elle a tant de rapports. Lorsque ce poisson est 
parvenu à une certaine grosseur, il paraît 
éprouver, comme les jeunes saumons, l'im— 
périeuse nécessité d'abandonner les lieux qui 
l'ont vu naître. Ce besoin tient aux condi- 
tions nouvelles de leur existence qui exigent 
des eaux plus fraîches ou une nourriture 
plus abondante et plus appropriée à leurs ap- 
pétits toujours croissants. Elles recherchent, 
comme les saumons, les eaux vives et cou- 
rantes, et remontent, à l’époque du frai, les 
rivières et les torrents avec non moins d’a- 
dresse que d’agilité. Elles les redescendent 
ensuite lorsqu'elles ont déposé leurs œufs. 

Il est curieux d'observer combien est mer- 
veilleux l'instinct de ces animaux qui les 
porte à s’aider dans leurs voyages des ef- 
fets du frottement de l’eau sur les côtés et le 
fond des rivières. x 

Les truites aiment à se tenir dans les eaux 
courantes ; pour y rester, elles sont souvent 
forcées d'employer toute leur vigueur pour 
résister à la violence du courant; sans leur 
force motrice et leur énergie, il les entrai- 
nerait souvent fort loin des lieux où elles se 
plaisent et qui conviennent à leurs conditions 
d'existence. 

Lorsque le volume et la vitesse des rivières 
sont augmentés considérablement par les 
pluies, ces poissons comprennent qu'ils seront 
obligés de céder à leur force impulsive. Elles 
se rapprochent donc pour lors de leur fond 
ou de leurs côtés. Là ils retrouvent la vi- 
tesse ordinaire du courant, et n'ont plus 
d'autre effort musculaire à faire que celui 
qu’ils exercent habituellement. 

Sans le ralentissement que le courant des 
fleuves éprouve généralement par l'effet du 


— À19 — 


EE | 


ORDRES. 


EY. 
Abdominaux. 


GENRES ET ESPÈCFS. 


ELLE 


ÉPOQUES DES TASSAGES DES POISSONS, 
ARR RE 


frottement sur le fond ou sur les côtés, les 
truites, comme les autres poissons, seraient 
entraînées hors de leurs eaux, lors des gran- 


| des inondations. Cela même arrive quelque- 


fois malgré toute la résistance que ces ani- 
maux opposent à la violence des courants. On 
en a eu un exemple fameux lors d’un oura- 
gan terrible qui eut lieu à la Jamaïque. 

Une pareille circonstance est du reste fort 
rare, mais elle s'est présentée en 1815 à 
la Jamaïque ainsi que nous l'avons déjà 


| fait observer, La quantité d’eau qui tomba 


lors de cet ouragan fut si grande, qu’elle 
entraîna avec elle à la mer tous les poissons 
de la rivière Yallahs. Plus de dix ans après 
cet événement on ne découvrait aucune es- 
pêce de poisson d'eau douce dans cette ri- 
vière, de laquelle ils avaient été enlevés par 
cet immense courant. 

Le passage des truites d’un lac dans une 
rivière ou d'une rivière dans d’autres eaux 
courantes porte le nom de descente et de 
remonte. Les époques de ces migrations pa— 
raïssent soumises, d’après des observations 
suivies pendant plusieurs années aux in- 
fluences atmosphériques et au besoin de 
nourriture. En effet, dès que les eaux où 
elles passent l'hiver acquièrent une tempé- 
rature plus élevée, elles les quittent pour 
aller dans des eaux plus froides, que ces 
poissons recherchent de préférence, surtout 
lorsque la saison des frimas ne fait plus sen- 
tir son influence. 

L'époque de la descente est annoncée par 
l'apparition de petites truites. Les plus jeu- 
nes ouvrent toujours la marche. Après celles- 
ei viennent les individus d’une grandeur 
moyenne, auxquels succèdent les plus gros, 
qui ferment et terminent le cortége. Il ar— 
rive pourtant que les jeunes individus et les 


-|moyens arrivent seuls ; alors ceux qu’on 


prend en juin et en juillet ont déjà leurs 
œufs, ce qui prouve qu'ils frayent longtemps 
avant la venue des plus gros. Mais dès que 
les truites ont déposé leurs œufs, du moins 
celles qui fréquentent les rivières situées 
dans le voisinage des lacs, on les voit rentrer 
dans ces lacs, ce qui a lieu le plus ordinaire- 
ment vers la fin d'octobre. 


L'instinct de ces animaux les porte aussi, 
dans d’autres circonstances, à remonter jus- 
qu'aux sources des fleuves et des rivières 
pour y déposer leurs œufs, et cela par suite 
de l’empressement que ces poissons mettent 
à rechercher les eaux les plus vives et les 
plus fraîches. Par suite de leurs habitudes, 
ces poissons se trouvent dans les lacs de l'Eu- 
rope qui ne dépassent pas 1,100 toises; ils 
ne paraissent pas pouvoir vivre beaucoup 
au-dessus de ce niveau. On n’en voit pas 


— A80 — 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. 


IV. 
Abdominaux. 


La truite sau- 
monée (salmo trut- 
ta Linn.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


ARE EE 


dans celui du grand Saint-Bernard, qui se 
trouve à 1,250 toises au-dessus du niveau des 
mers, et ceux que l’on y dépose y périssent 
tous plus ou moins promptement. 

Les truites frayent ordinairement en sep- 
tembre et en octobre entre les racines des 
arbres et les grosses pierres. Lorsqu'’elles sont 
pleines, leur voracité est extrême, et à tel 
point qu’elles se dévorent souvent les unes 
les autres. 

On s’est demandé si les fruites nommées 
truite ordinaire , truite saumonée, truite 
du lac Léman et de rivière, truite des Alpes, 
truite fario, truite carpione, constituaient 
autant d'espèces distinctes et diverses. Ju- 
rine, dans son ouvrage sur les poissons du 
lac de Genève, s'est prononcé fortement pour 
la négative. Il a soutenu avec toute raison 
que toutes ces truites ne constituaient qu’une 
seule et même espèce. Ce qu’il y a de cer- 
tain, c'est que la truite du lac de Genève 
(salmo lemanus) ne dépasse jamaïs une cer- 
taine longueur, quoiqu'elle acquière le poids 
de quarante à cinquante livres. On en a vu 
récemment à Genève de pareilles; mais alors, 
sans avoir gagné en longueur, elles avaient 
pris une largeur plus considérable. 

Nous avons déjà dit que les truites se dis- 
tinguaient par la vivacité de leurs mouve- 
ments et l’impétuosité avec laquelle elles se 
meuvent contre les courants. Aussi le nom 
qu’elles portent dérive du mot érulla, dérivé 
lui-même de frutlo, qui signifie pousser avec 
violence. Cette idée convient parfaitement à 
un poisson toujours prêt à lutteravec courage 
etadresse contre les obstacles qu'on lui oppose. 


La truite saumonée (salmo (rutta Linn.) 
remonte dans les rivières et les ruisseaux ? 
d’eau claire qui se jettent immédiatement- 
dans la mer ; leur chair est la plus estimée. Les® 
eaux vives et limpides sont tellement l'habita- 
tion des truites que les espèces de cegenrede- 
viennent d'autant plus nombreuses qu’on se 
rapproche des montagnes. Outre la truite 
saumonée et la truite ordinaire, les grands 
lacs des Alpes nourrissent le huche (salmo 
hucho Linn.) et la truite de montagne (sa/mo 
Alpinus Linn.). Cette dernière se trouve 
même sur le mont Céuis, au pied des neiges 
perpétuelles. 

Ces poissons sont invinciblement attachés 
aux eaux froides qui les ont vus naître ; aussi 
est-il à peu près impo:sible de les transpor- 
ter ailleurs. Du moins toutes les tentatives 
que nous avons faites en 1809 pour y parve-— 
ir, d'après les ordres qui nous avaient été 
donnés par l'empereur Napoléon n'ont été 
suivies d'aucun succès. Aucun sacrifice ni 
aucune dépense n'avaient été pourtant épar— 


— A81l — 


a 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. 


EN: 
Abdominaux. 


L'ombre com- 
mun (salmo thy- 
mallus Linn.). 


La fera (corre- 
gonus fera). 


Brochet (esox 
lucius Linn.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 
EE 


gnés, et un chétif poisson s'est moqué en 
quelque sorte de tout ce qu’il y avait pour 
lors de plus grand sur la terre. Tout ce que 
nous avons pu faire à l'égard du huche (sa/mo 
hucho) a été de faire franchir à ce poisson la 
distance qui sépare Vienne de Lintz (environ 
trente-cinq lieues). 


L'ombre fraye au mois de mars; ce poisson 
voyage pour lors en foule par couple mono- 
game. Lorsque les femelles veulent déposer 
leurs œufs, elles soulèvent les pierres qui se 
trouvent dans les eaux qu’elles fréquentent 
et les placent ainsi dans les trous que ces 
pierres recouvraient. Le male arrose ensuite 
ces œufs de sa laite immédiatement apres 
que la femelle les a pondus. C’est ordinaire- 
ment en juin que les petits éclosent, et se 
développent avec la plus grande activité. 


Cette espèce est encore un poisson de pas- 
sage. Elle remonte ordinairement les tor- 
rents qui descendent des montagnes. Les mi- 
grations de ces saumons ont lieu le plus ordi- 
nairement vers la fin de février et en mars. 
L'hiver on les voit retourner dans les grandes 
rivières, recherchant cependant, comme la 
truite et le saumon, les eaux froides, pures 
et rapides. C'est sur leurs bords caillouteux 
que la femelle va déposer ses œufs en avril et 
en mai. 


La fera (corregonus fera), le lavaret (cor- 
regonus lavaretus), la gravenche (corrego- 
nus hiemalis Jurine), comme les autres pois- 
sons délicats, meurent promptement quand 
on les sort de l’eau; ceux-ci ne voyagent pas 
et ne se livrent jamais à des migrations. On 
ne peut pas même les transporter d’un lieu 
dans un autre. Ces espèces sont en quelque 
sorte les analogues des oiseaux sédentaires. 
On les voit bornées à des localités peu di- 
verses et peu distantes les unes des autres. 
Toute la différence que présentent ces pois- 
sons dans leurs habitations tient à ce qu’on 
ne les voit jamais rapprochés de la surface 
des eaux que pendant la belle saison; ils vi— 
vent le reste de l’année dans les grandes pro- 
fondeurs des eaux. 


Le brochet est un poisson d’eau douce qui 
fraye, suivant Bloch, en février et en avril ; 
et, d’après d’autres observateurs, pendant les 
trois mois du printemps ou au commence- 
ment de l'été. Il remonte les rivières très- 
avant, et étend souvent ses courses presque 
jusqu’à leur source. Ce poisson est extrême- 
ment vorace et féroce; aussi le voit-on s’at- 
taquer mutuellement, et devenir tour à tour 


{meurtrier ou victime. Il est sujet, comme la 


51 


— 182 — 


EE US 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


AE | SRE | EE 


IV. 
Abdominaux, 

Ÿ. La dorée ou 
Microlépides. |poisson de Saint- 


Pierre (xeus faber 
Linn.). 


Le pilote (nau- 
crates ductor Cu- 
vier). 


L'espadon (xi- 


phias gladius Lin.) 
Thon et ma- 
quereau {scomber 


thymnus el scom- 
ber scombrus L.). 


ss “éme must. 


truite ordinaire, la truite saumonée, l'ombre 
chevalier et l’écrevisse, à une singulière ma- 
ladie, qui en rend les nuances tout à fait 
noires. 

Le brochet, nommé à juste titre le requin 
des rivières, paraît pouvoir vivre dans les 
eaux saumatres, quoiqu'il abandonne peu 
les eaux douces. Ainsi, en Bretagne, un 
lac fut envahi par les eaux des mers, ct 
tous les poissons qui s’y trouvaient péri- 
rent, à l'exception pourtant des brochets, 
qui, seuls, résistèrent à l'influence de l'eau 
salée, 


La dorée, connue sur les côtes du midi de 
la France sous le nom de gal, est à peu près 
sédentaire. Elle se trouve sur les rivages de 
la France et de l'Espagne, aussi bien dans 
l'Océan que dans la Méditerranée, maïs à peu 
près à toutes les époques, comme les espèces 
qui ne voyagent pas. Elle est cependant 
beaucoup plus abondante au printemps qu'en 
hiver, où elle se retire dans la profondeur 
des eaux. C’est un poisson de la haute mer, 
qui ne vit pas en troupes, et ne remonte pas 
beaucoup vers le nord. 


Le pilote, fameux par ses migrations, a 
l'habitude de suivre assez constamment les 
vaisseaux, et de faire avec eux jusqu'à plus 
de cinq cents lieues. Il est assez commun sur 
les côtes de Ja Méditerranée, comme sur 
celles de l'Océan, quoiqu'il soit plus parti- 
culièremént de la haute mer. Connue par les 
pêcheurs de la Méditerranée sous le nom de 
faufré, ceux-ci ont remarqué que, vers la fin 
de l'été, cette espèce y est très-abondante. 


Ce poisson, assez commun dans toute la 
Méditerranée, remonte assez haut vers le 
Nord. Il est surtout abondant le printemps 
et l'été. Il paraît s’enfoncer, dans l'hiver, 
dans les profondeurs des mers. On le trouve 
aussi dans l'Océan, où il est cependant asscz 
rare. 


Nous réunirons dans un même article ce 
que nous avons encore à dire sur les passages 
ou les migrations des thons et des maque- 
reaux. Ces deux expèces d'un même genre 
ont à peu près les mêmes habitudes. Elles 
abondent du moins et séjournent sur les côtes 
du midi de la France aux mêmes époques, 
où elles sont attirées par les sardines, dont 
elles se nourrissent, 


Ces poissons, comme la plupart de ceux 
qui fréquentent le littoral de Ja Méditerra- 
uée, y sont plus abondants au printemps et 
en été que pendant les autres saisons. C’est 


ORDRES. 
DEP | EEE EEE 
Y. 
Microlépides. 


GENRES ET ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


— À83 — 


toujours au retour des premiers beaux jours 
ou vers l'été que la pêche en est la plus fruc— 
tueuse. 

Leurs passages sont si réguliers, que l’on 
en fait constamment deux pêches dans la 
Méditerranée. La première, dite d'arrivée, a 
lieu depuis le mois de mars jusqu'en juillet; 
la seconde, dite de retour, depuis le milieu 
de juillet jusqu’à la fin d'octobre. C’est du 
moins ce que l’on observe sur les côtes du 
midi de la France. Il n’en est pas partout 
ainsi sur les bords de la Méditerranée. Cette 
seconde pêche commence, en Afrique, au 
mois de novembre, et se continue jusqu’à la 
fin de décembre. 

La pêche du thon est favorisée par l'obs- 
eurité; du moins c’est pendant les nuits les 
plus sombres que l’on en prend les plus 
grandes quantités. Une autre circonstance 
favorise la capture de ce poisson : elle tient 
à la peur que leur inspirent les squales, dont 
les poursuites ont lieu avec autant de fureur 
que d’acharnement. Effrayés par d’aussi ter- 
ribles ennemis, les thons se précipitent dana 
les filets, et viennent parfois aussi échouer 
sur les plages, où la crainte les pousse. 

Les thons et les maquereaux ont du 
reste leurs passages à la même époque; ils 
voyagent dans la même direction que les 
sardines, qu’ils semblent suivre d’une ma- 
nière constante. Lors de la seconde pêche 
dite de retour, ils prennent également les 
mêmes routes. Comme les autres poissons 
voyageurs, ceux-ci naviguent toujours par 
bandes plus ou moins nombreuses, distri- 
buées en général par ordre de grandeur, ou, 
si l’on veut, de la même grosseur. La singu- 
larité de ces faits disparaît lorsqu’ on fait 
attention à ce que ces poissons, ainsi réunis 
par troupes et d’une taille à peu près égale, 
sont nés dans les mêmes lieux, peut-être du 
frai de la même mère. Ils cherchent donc 
tous la même nourriture, proportionnée à 
leurs besoins. Ils redoutent et fuient les mêé- 
mes ennemis. Des habitudes semblables les 
portent à se réunir ainsi par âge et à voya- 
ger ensemble. Il n’est donc pas étonnant que 
des filets dressés sur leur passage, et prépa- 
rés avec art, les rassemblent encore et de- 
viennent leurs tombeaux. 


Les thons paraissent donc vivre, se pro- 
pager et mourir dans la Méditerranée. Lors- 
qu'ils semblent en disparaître, ils s'enfoncent 
dans les profondeurs de cette mer. C'est 
aussi au printemps qu'on les voit s’ap- 
procher des rivages pour y déposer leurs 
œufs. Ils passent ainsi upe partie de l'été vers 
Ja surface des eaux. Ce n’est qu’à la fin de 
l'été ou au commencement de l'automne 
qu'on les voit retourner dans leur premier 


—— 81 
| 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES TOISSONS. 


PRESSE POESIE AR | RCE NPA ERNEST IER ER RENE PRE AT TIRE EE CE ENOERNENN GEREEDONERREEEE 


V. asile. Ces poissons frayent dans la Méditer- 
: : ranée ; leurs petits y éclosent en abondance. 
Microlépides, Peu après l'époque du frai, ils se dévelop- 


pent et croissent avec une rapidité prodi- 
gieuse. 

Ceux qui supposent que le thon n'est pas 
une espèce sédentaire et propre à la Médi- 
terranée font remarquer que, comme les 
bonites, il se trouve aussi dans l'Océan, et 
que la direction qu'ils suivent lorsqu'ils ar- 
rivent auprès des côtes est totalement diffé 
rente de celle qu’ils tiennent au moment de 
leur départ. Cette circonstance n’est pas ce- 
pendant une preuve que ces poissons arri- 
vent de l'Océan dans la Méditerranée par le 
détroit de Gibraltar. S’il en était ainsi, on 
devrait trouver les thons en colonnes plus ou 
moins nombreuses dans l'Océan avant le mo-- 
ment où ils pénètrent dans la Méditerranée. 
Aucune observation ne prouve qu'il en soit 
ainsi. Dès lors il est probable que, puisque 
les thons se montrent sur tous les points de 
la Méditerranée en même temps, sans que 
l’on puisse dire qu'ils passent d’abord par 
certains parages pour arriver ensuite dans 
d’autres, ils doivent quitter les profondeurs 
des mers où les froids les avaient retenus. 
Mais, à la belle saison , ils viennent trouver 
auprès des rivages des mers une nourriture 
plus abondante et une température plus éle- 
vée. 

Certains faits s'opposent pourtant à l’ad- 
mission de cette supposition. Ainsi on voit 
assez constamment les sardines, les maque-— 
reaux et, à ce qu'il paraît, les thons voyager 
du sud à l’est, c’est-à-dire dans la direction 
du golfe de Lyon au golfe de Gênes. On en a 
induit que ces trois espèces viennent de l’O- 
céan dans la Méditerranée. Les maquereaux 
font la chasse aux sardines, les thons aux 
maquereaux, tout comme les grosses espèces 
de squales aux thons. Aussi trouve-t-on dans 
les estomacs de ces poissons les espèces sou— 
vent à peu près entières dont ils font leur 
nourriture. 


IL est loin d’en être ainsi des maquereaux ; 
ceux-ci se montrent non-seulement dans la 
Méditerranée, mais encore dans l'Océan en 
troupes toujours fort nombreuses, lorsqu'on 
les observe au moment de leurs passages. 
S'il faut en croire Anderson (His{oire natu- 
selle de l'Islande, tom. rer, pag. 196 et 197), 
ces poissons passeraient l'hiver dans le Nord. 
Au printemps, ils se mettraient en marche, 
et arriveraient successivement en Ecosse et 

; en Irlande, d’où ils se jetteraient dans l'Océan 
Atlantique. 


Une de leurs colonnes longerait ensuite les 
côtes du Portugal et de l'Espagne, et entre- 


lrait enfin dans la Méditerranée. L'autre di- 
1 


A8 — 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, 


V. vision arriverait d'un antre côté dans la 
‘ . Manche, et paraîtrait en mai sur les côtes de 
Microlépides. la France et de l'Angleterre. De ces côtes, 


cette seconde bande passerait en juin devant 
celles de la Hollande et de la Frise. Arrivée en 
juillet sur les côtes du Jutland, elle détache- 
rait une nouvelle division qui, faisant le 
tour de cette presqu'île, pénétrerait dans la 
mer Baltique, et, en passant devant la Nor- 
wêége, s'en retournerait vers le Nord. 

On peut se demander si ce récit d’Ander- 
son relatif à la marche des maquereaux est 
bien réel. Il ne le paraît pas, du moins d’a- 
près le dire du plus grand nombre des obser- 
vateurs et des pêcheurs qui s'adonnent à la 
recherche de ces poissons. 


D'après eux, les maquereaux passent l'hi- 
ver dans différentes baies ou rades des envi— 
rons de Terre-Neuve. Ils y demeurent enfouis 
dans la vase jusqu’au printemps, ou jusqu’en 
mai, où la fonte des glaces leur permet de se 
répandre en grand nombre le long des côtes 
Ces poissons voyagent ordinairement en 
troupes plus ou moins considérables, et se 
montrent soit dans l'Océan, soit dans la Mé- 
diterranée vers la fin d’avril. Les maque- 
reaux sont alors assez petits et non laitan- 
cés. On les nomme en Normandie sanson- 
nels, et en Picardie roblots. Ils ne sont 
pleins que vers la fin de mai. Enfin vers 
les derniers jours de septembre et d'octobre, 
on en pêche encore de fort petits qui parais- 
sent avoir pris naissance dans l'année. Mais 
tout cela est fort irrégulier; car il n’est pas rare 
d’avoir à Paris des maquereaux pris à Dieppe 
dans les mois de novembre et de décembre. 
Si quelques-uns de ces poissons se trouvent 
à ces époques insolites, cette circonstance 
paraît tenir uniquement aux gros temps ou 
aux tempêtes qui ont lieu antérieurement à 
leur apparition réellement extraordinaire. 


Il est du moins certain que la pêche des 
maquereaux sur les côtes du midi de la 
France a lieu depuis le mois d’avril jnsqu’à 
la fin d'octobre. C’est constamment vers les 
mois de juin, de juillet et d'août que la pêche 
de ces poissons est la plus abondante. On s’y 
livre avec ardeur eur les côtes de la Méditer- 
ranée ; car ce poisson y est aussi bon que sur 
celles de l'Océan. Il est du reste connu sous 
le nom de veyrat dans tout le midi de la 
France. 

Les faits que nous venons de rapporter et 
qui sont relatifs aux maquereaux prouvent 
un fait dont personne ne doute, c'est que ces 
poissons , avant d'arriver dans la Méditerra- 
née, se montrent en troupes extrêmement 
nombreuses dans l'Océan. Or, si les thons ve- 
uaient dans la Méditerranée par l'Océan, on 
devrait les y voir tout comme on y observe 


— A86 — 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. 


nn ve 
Microlépides. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, 


les maquereaux. Cependant il n’est point en- 
core constaté qu'on y en ait jamais aperçu, 
à part quelques individus isolés, qui peuvent 
s'y être égarés. 

Du reste, à toutes les époques, même pen- 
dant les temps géologiques, les mers inté- 
rieures ont eu leurs espèces particulières et 
différentes de celles que l'Océan nourrit dans 
son sein. Dès lors il n’y a rien d'étonnant 
que le thon soit une espèce propre à la Mé- 
diterranée, et qu'il ne se trouve que d’une 
manière tout à fait accidentelle dans l'O- 
céan. 

Ce poisson présente une particularité que 
nous avons vu être fort commune chez les 
oiseaux. Quoique sédentaire dans la Méditer- 
ranée, il n’y fait pas moins de deux voyages 
périodiques et réguliers sur les côtes du 
midi de la France, et, à ce qu'il paraît, sur 
celles de l'Espagne. Il paraît certain que, sur 
la partie de la côte de la Méditerranée, de- 
puis Saint-Tropez jusqu'à Monaco, où les 
eaux sont rarement froides et peu agitées, 
on trouve des thons toute l’année. 


Il ne faut pas croire cependant que l’on 
en prenne beaucoup à d’autres époques qu’à 
celles de leurs passages, à raison de ce que 
les filets destinés à leur pêche ne sont pas 
tendus dans d’autres moments. Ces filets, 
d'un grand prix, et destinés uniquement à 
ces poissons, ne sont dressés que lorsque les 
thons voyageurs viennent visiter les espèces 
sédentaires. Ce qui confirme cette observa- 
tion, faite depuis bien longtemps par tous les 
pêcheurs, c'est que l’on prend toute l’année 
auprès des mêmes côtes des maquereaux et 
un grand nombre de sardines et d'anchois 
mêlés avec les autres espèces sédentaires. Il 
est même une localité particulière où elles se 
rassemblent ; elle est désignée sous le nom de 
Croc de cagnes. 

Lorsque l'hiver est peu rigoureux, ce qui 
arrive souvent auprès de ces côtes abritées 
des vents froids, on pêche une grande quan- 
tité de ces divers poissons. Si les eaux sont 
froides, ils se retirent au large et se tien- 
nent dans la profondeur des eaux. Tout aus- 
sitôt les thons les suivent, et avec eux dis- 
paraissent les nombreuses troupes de squales 
qui se tiennent assez constamment auprès 
dès côtes où les premiers se trouvent en abon- 
dance. 

On ne peut pas assimiler de pareïls dépla- 
céments aux véritables migrations. Celles-ci 
ne sont pas uniquement déterminées, comme 
ces transports, par la température et le besoin 
d'une nourriture appropriée aux espèces qui 
s’ÿ livrent. 

Quelques commentateurs ont admis que le 
mot migration provenait par contraction de 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, 


V. 
Microlépides. 


meare agro. Il est cependant plus naturel et 
plus simple de le faire dériver de migra- 
tio, qui signifie changement de demeure ou 
d'habitation. Cette expression à pour racine 
le mot migrare, employé dans le même sens 
par les principaux auteurs de la bonne lati- 
nité. Ce verbe se trouve en effet dans Cicé— 
ron , Horace, Plaute, Térence et Lucrèce. 
Cette étymologie est donc préférable à celle 
qui lui donnerait pour origine les deux mots 
meare agro, par l'effet d’une contraction 
aussi difficile à comprendre qu’à supposer, 


Le résultat de l'instinct peut être aussi 
une nécessité, à raison de l’excessive fécon- 
dité des animaux qui les entreprennent. La 
force de propagation est en effet immense 
chez les espèces aquatiques et particulière- 
ment chez les poissons: Aussi voit-on cons- 
tamment chaque année d'immenses cara- 
vanes de poissons, réutiies dès leur enfance, 
parcourir toute l'étendue des mers, et s’ar- 
rêter uniquement dans les mêmes lieux où 
avaient également séjourné ceux qui leur 
ont donné le jour. Les individus qui com- 
posent ces innombrables légions ne se quit- 
tent plus. Ils partagent le bien et le mal, les 
bonnes prises comme les chances et les dan- 
gers d'une navigation longue et périlleuse. 
Les poissons qui entreprennent ces grandes 
migrations ont à peu près tous la même 
grosseur, du moins ceux qui arrivent dans 
les régions tempérées. On les dirait tous pro- 
venus du même frai, à en juger par leurs 
dimensions, quoiqu'il soit certain que, parmi 
ces caravanes, il est un assez grand nombre 
d'individus tout à fait adultes. 

Cette circonstance est d'autant plus digne 
d'attention, que les saisons sont à peu près 
fixes, et qu’aussi les poissons doivent dépo- 
ser leur frai aux mênies époques. Or les 
différentes peuplades qui en proviennent se 
dévorent le plus souvent entre elles, ce qui 
ne doit pas arriver pour celles dont les mi- 
gtations sont régulières et périodiques ; sans 
cela on ne saurait pas se rendre compte du 
nombre prodigieux des individus qui les com- 
posent. 

Cette supposition est d'autant plus admis- 
sible que les pois sons sédentaires attaquent 
rarement les espèces de passage, tandis qu’il 
en est tout le contraire de celles-ci. Ce fait 
fendrait à prouver que les races qui trou- 
vent leur nourriture dans les lieux qu'ils 
habitent n'émigrent pas, tandis que celles qui 
émigrent, obligées de la chercher, s'en sai 
sissent lorsqu'elle se présente à eux, et avec 
d'autant plus d’avidité que leur voracité est 
plus grande. rene PS SES AURA Y La 

Quoique les maquereaux servent de pâture 
aux thons comme les sardines et les anchois 


— A88 — 
TT — ——————— ——_—_————…—…——_— …—— ……….——.— …——— ..—"  " . . —…——  ]— 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, 


Ve aux premiers de ces poissons, ces différentes 
Microlépides. espèces ne sont pas toujours également com- 
munes les mêmes années.Aiïnsi,en 1840,lessar- 
dines, les thons et les squales ont étéabondants 
sur les côtes de la Méditerranée, tandis qu’il en 
a été tout le contraire des maquereaux. Ces 
derniers ont été des plus rares cette année : 
il serait difficile d’en donner la raison, sur— 
tout si l’on fait attention à la grande quan- 
tité de thons qui ont parcouru les côtes du 
midi de la France à cette époque. 

On peut se former une idée de la prodi- 
gieuse quantité de thons qui existent dans la 
Méditerranée en considérant que, sur les 
côtes occidentales de la Sardaigne, on a pê- 
ché, dans l’espace de dix années, jusqu'à 
environ cent vingt mille quintaux de ces 
poissons , ce qui donne en terme moyen 
douze mille par année. Les mêmes côtes 
fournissent également une grande quantité 
de sardines et d’anchois. La pêche de ces 
poissons est une source de richesses pour les 
Génois et les Siciliens. C'est également à 
Gênes et à Livourne que l'on porte le corail 
pêché sur les côtes de la Sardaigne. 

On prend également dans tous ces para- 
ges, principalement dans ceux où le fond 
granitique est exempt de vase, une grande 
quantité de murènes, de soles, de spares et 
de loups. Le nombre de ces poissons y est 
si considérable, qu’il donne à la pêche une 
activité et un développement tout parti- 
culier. 

Sans doute les thons arrivent presque en 
même temps dans la Méditerranée que les 
maquereaux, dont ils semblent suivre les 
pas et dont ils sont fort friands. C’est là à peu 
près tout ce que ces deux espèces ont de 
commun ; car, sous le rapport de leurs mi- 
grations, elles diffèrent d’une manière essen- 
tielle, Le thon est à peu près particulier à la 
Méditerranée. Il en est tout autrement des 
maquereaux, qui fréquentent non-seulement 
cette mer intérieure, mais encore une grande 
partie de l'Océan avant de s'enfoncer dans 
les profondeurs de l'Océan Glacial arctique. 


Aussi avons-nous été obligé de revenir sur 
les migrations des derniers de ces poissons. 
Nous avons tracé sur notre carte la route 
qu'ils suivent, et nous avons fait tous nos 
efforts pour en donner un détail aussi exact 
qu’il nous a été possible. On les trouvera 
dans l'explication de cette carte, où nous 
avons indiqué les principaux parages, où 
les tribus des maquereaux ont été aperçues. 
Ces faits suppléeront à ceux que nous n'a- 
vons pas pu indiquer dans la comparaison 
que nous avons faite entre ces deux espèces. 
L'une est la victime de la voracité de l'au- 
tre, à peu près comme les thons le sont 


— A89 — 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, 


V. eux-mêmes de celle des squales, ainsi que 
Microlépides nous l'avons déjà fait observer, 

VI. Muge (mugil R Le muge ns la fois dans loc et la 

Û : Méditerranée. On en fait de grandes cap- 

Lépides. cephalus Linn.). tures dans la saison du frai, d'autant que 


ce poisson se porte pour lors en foule sur 
les rivages et vers les embouchures des ri- 
vières. 

Il se plaît aussi dans les étangs salés qui 
bordent les côtes de la Méditerranée, à raison 
de leur fond vaseux qu'il aime de préfé- 
rence. C’est là qu’il cherche les vers, les in- 
sectes, dont il fait sa nourriture ordinaire, 
et que l'on découvre aussi dans son estomac. 
Ce poisson entre principalement dans les 
étangs salés, vers les mois de mars et d’a- 
vril. Il ne les quitte que vers novembre ou 
au commencement de décembre dès que les 
froids se font sentir. On en fait pour lors 
une grande capture; on en prend parfois de 
si grandes quantités, qu’on le sale comme 
les sardines et tant d’autres espèces. 

Le muge ne dépose pourtant pas son frai 
dans les étangs salés, ainsi qu’on l’a fausse- 
ment supposé, mais bien dans la mer. Ce 
poisson remonte l’été dans les fleuves, et 
même fort avant. On en a pris jusque dans 
le Rhône, sous les murs de Beaucaire, à en- 
viron dix lieues de la Méditerranée. Les mu- 
ges qui habitent l'Océan paraissent égale- 
ment remonter la Garonne, la Loire et la 
Seine, tout comme ceux de la Méditerranée 
le font dans le Rhône, le Tibre et le P6. 

Cette espèce est souvent poursuivie avec 
une sorte de fureur par le loup (perca la- 
brax), qui en est fort friand. Ce poisson à 
pourtant un moyen de lui échapper en s’é- 
lançant verticalement hors de l’eau, et fai- 
sant ainsi des sauts répétés, eomme le prati- 
quent les ablettes et plusieurs espèces de 
eyprins. Ils font donc usage de cette extrême 
souplesse que leur a donnée la nature, non- 
seulement pour échapper à leurs ennemis, 
mais encore lorsqu'ils se voient entourés par 
des filets. 

La pêche du muge, telle qu’elle se pra- 
tique dans les étangs du bas Languedoc, a 
été décrite avec assez de détail par Pline. 
On peut voir dans les écrits de ce natura- 
liste qu'elle n’a pas éprouvé de grands chan- 
gements dans les moyens qu’elle emploie de 
nos jours. 

Seulement à l’époque de Pline le muge et 
les dauphins, qui en sont fort friands, étaient 
beaucoup plus abondants qu'aujourd'hui. La 
pêche de ces poissons, qui, suivant lui, 
avait lieu tous les ans auprès des étangs de 
Lattes (environs de Montpellier), n’est plus 


Te 


À 


GENRES ET ESPÉCES, 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, 


VI. 
Lépides. 


Perche d’eau dou- 
ce (perca fluviatilis 
Linn.), 


Loup (perca la- 
trazx Linn.). 


pratiquée maintenant dans cette localité. 
Alors les côtes de la Méditerranée, qui bor- 
dent l'Île de Maguelonne et de ses énvirons, 
étaient peuplées par une grande quantité de 
muges, qui des étangs passaient dans la mer, 
où ils étaient poursuivis par les dauphins. 
Ceux-ci y étaient pour lors si communs, que 
les habitants les apprivoisaient, au dire de 
Pline, avec du pain trempé dans du vin. On 
en itrouve, à la vérité, encore quelques-uns 
aujourd’hui; mais le nombre eu a considé- 
rablement diminué, en comparaison surtout 
de ce qu’il paraît avoir été du temps du na- 
turaliste romain. 


La perche peut être rangée parmi les es- 
pèces qui habitent constamment les eaux 
douces. Elle émigre donc peu, dépose son 
frai dans les lacs et les rivières où elle ha- 
bite. C’est au commencement du printemps, 
en avril et en mai, qu’elle fraye; mais, lors- 
que cette espèce poud ses œufs, elle est déjà 
assez avancée en age. L'époque à laquelle elle 
dépose son frai paraît dépendre essentielle 
ment de l2 température des lieux où on la 
découvre. Elle s’y livre au printemps dans les 
régions tempérées, et seulement en été dans 
les régions septentrionales. 

Cette espèce est répandue dans tonte l'Eu- 
rope tempérée, ainsi que dans une grande 
partie de l'Asie. On la trouve depuis l'Italie 
jusqu’en Suède. Les lacs, Les ruisseaux d’eau 
vive et les rivières lui servent indifféremment 
de demeure. Elle remonte plutôt vers leurs 
sources qu’elle ne descend vers leurs embou- 
chures. La perche craint singulièrement l’eau 
salée, et l'évite, par suite, autant qu'elle le 
peut. Elle ne se tient pas non plus à une 
grande profondeur des eaux ; seulement l'hi- 
ver elle descend davantage et habite des 
couches plus basses. Cette espèce dans ses 
migrations ne forme pas de troupes nom- 
breuses comme ka plupart des autres pois- 
sons; aussi ces migrations sont rarement 
lointaines, 


Ce poisson est très-commun sur les bords 
de la Méditerranée. Il y pond deux fois par 
an, observation qui n'avait pas échappé à la 
sagacité d'Aristote. Il y habite à peu près 
constamment. 1l pénètre, moins que le muge, 
dans les étangs salés. Lorsqu'il y arrive, c’est 
presque toujours aux mêmes époques que les 
muges, qui probablement les y attirent. Cela 
est d'autant plus probable, qu'il ne se plaît 
pas, comme eux, dans les fonds vaseux. Cette 
circonstance dépend peut-être de la largeur 
et de l'étendue de ses branchies. Le loup 
craint beaucoup plus le froid que le muge. Il 
remonte aussi moins haut dans les rivières 


L'apron com- 
mun (perca asper 
Linn.). 


Le serran (perca 
cabrella Linn.). 


Le labre {{abrus 
hépatus Linn.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 
SR SE IE 


que celui-ci. D'un'autre côté, il pénètre peu 
dans les mers âu Nord, ne dépassant pas la 
Manche. 

Ce poisson habite à peu près constamment 
la Méditerranée, soit les côtes du midi de la 
France, ée l'Espagne et de l'Italie, soit celles 
de l'Afrique, et particulièrement celles de 
l'Egypte. Il paraît de passage sur certaines 
parties de l'Océan. On en prend du moins 
une certaine quantité auprès des rivages à la 
fin de l'été et au commencement &e l’au- 
tomne. Il s'en rapproche pour lors pour y âé- 
poser ses œufs, choisissant de préférence les 
anses où viennent se jeter des ruisseaux ou 
des rivières peu considérables. Cette espèce, 
très-vorace, se nourrit d'anguilles et de pe- 
tits poissons. À la mer elle dévore beautoup 
äe rougets, et même de muges, et, lorsqu'elle 
n'y en découvre pas la quantité qui lui est 
nécessaire, elle va chercher ces derniers jus- 
que äans les étangs, où elle leur fait une 
guerre cruelle. Les anciens, qui connaissaient 
les habitudes de cette espèce et la grandeur. 
de son estomne, avaient rendu sa cruauté cé- 
lèbre, et lui avaient donné son nom qui la 
signale. 


Cette espèce des eaux douces paraît peu 
répandue. On la rencontre particulièrement 
üans le Rhône et ses affluents. L'apron se 
prend également dans la Saône, le Doubs et 
l’Alaine. Les pêcheurs de Lyon le connaissent 
sous le nom de sorcier, Rondäelet a été un 
des premiers naturalistes qui ait fait conpai- 
tre cette espèce. On assure qu'on le rencontre 
aussi dans le Rhin et le Danube. 


Ce poisson se tient ordinairement au fond 
de l’eau ; il ne sort de son réduit que pour 
hager dans la profondeur des rivières où il 
fait son séjour. Il préfère pour se livrer à la 
nage les temps froids, et particulièrement les 
vents du nord et de l'euest, moment nù les 
autres poissons ne sortent pas de leurs re- 
traites. Cette espèce ne nage, en quelque 
sorte, qu'en l'absence de toutes les autres. 

L'apron paraît frayer en mars, et produire 
des œufs fort petits d'une couleur blanchâtre. 


Ce poisson habite tont le bassin âe la Mé— 
diterranée, d'où il émigre dans l'Océan, s'a- 
vançant assez vers le Nord. Il passe également 
en Afrique et parvient jusqu'à Madère. 


Cette espèce se trouve également dans tonte 
la Méditerranée ; la femelle s'approche es 
rivages de cette mer vers le mois d'août, et 
cela pour y déposer ses œufs sur les galets qui 
se trouvent ordinairement auprès des côtes. 
Quant au labrus anthias, il se trouve dans la 


= NN0Db. 


©  ——————_—_——_—_—_—_——————_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_——— TE ——————————— 


ORDRES: 


VI. 
Lépides. 


GENRES ET ESPÈCES, 


Le corb (sciæna 
nigra Linn.). 


L’ombrine (sciæ- 
na cirrhosa Lin.). 


La dorade vul- 
gaire (sparus au- 
rata Linn.). 


Le canthère or- 
dinaire  (sparus 
cantharus Linn.). 


Le pagre ordi- 
naire (sparus ar- 
genteus Schneid.). 


Le pagel (spa- 
rus erythrinus L.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 
RS 


plupart des lienx rocaiïlleux des bords de la 
Méditerranée, où il dépose ses œufs. Nous igno- 
rons si cette espèce se rencontre ailleurs que 
dans cette mer. 


Le corb, très-commun sur toutes les côtes 
de la Méditerranée, est connu sous les noms 
de corb ou de corbeau, ainsi que sous celui de 
vergo ou durdo.On le pêche dans les étangs 
salés et dansla mer. Il ne paraît pas remonter 
les fleuves. On le voit approcher au printemps 
du rivage, où il dépose ses œufs et sa laite sur 
les galets. 


Cette espèce, assez commune sur les côtes 
de la Méditerranée et dans le midi de la 
France, se montre également sur celles de 
l'Espagne et de l'Italie. Elle est connue dans 
le Midi sous les noms de graine ou de caine. 


Cette espèce, nommée dans le midi de la 
France soquène, se trouve aussi bien dans la 
Méditerranée que dans l'Océan. Lorsqu'elle 
grossit, les pêcheurs, qui la nommaiïent dans 
le jeune âge soquène, la désignent pour lors 
sous le nom de dorade. C'est dans l'Océan 
ou dans la Méditerranée, mais non dans les 
étangs salés, que cette espèce atteint les plus 
grandes dimensions. Elle y acquiert aussi cette 
couleur dorée qui la distingue de la soquène. 


La dorade vulgaire entre dans les étangs 
salés au mois de mars. Sa grosseur égale à 
peine, pour lors, celle d'une lentille. Comme 
la plupart des poissons qui ont les mêmes ha- 
bitudes, elle quitte les étangs vers le mois de 
novembre, et acquiert dans la mer son entier 
développement. Elle se rassemble aussi en 
grand nombre vers l'embouchure des rivières 
ou des fleuves, par suite de l'habitude où elle 
est de peu abandonner le rivage de la mer. 
Aussi cette espèce voyage rarement et ne se 
livre guère à de grandes migrations. 


Le canthère, assez commun dans la Médi- 
terranée, ne paraît pas se trouver dans l'O- 
céan. Il y est connu sous les noms de can- 
tena et de cantheno. 


Cette espèce de la Méditerranée semble peu 
quitter cette mer, où elle vit habituellement 
en petites troupes. 


Ce poisson, connu sur les côtes de la Médi- 
terranée sous les noms de pagel et de pageau, 
n’approche du rivage que vers le commence- 
ment du printemps. Il se tient constamment 
à d'assez grandes profondeurs des eaux pen- 


— À935 — 
A 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS: 


dant les autres saisons, surtout lors des froids 
rigoureux. Il habite constamment la Médi- 
terranée, entre peu dans les grands étangs, 
encore accidentellement et en petit nombre. 
Le pagel, qui fréquente les fonds rocailleux, a 
une chair préférable, son goût est plus déli- 
cat que celui des étangs; ce qui du reste est 
général pour tous les poissons. 


VI. 
Lépides. 


Le denté vul-| Le denté, qui acquiert parfois d'assez gran- 
œair _|des dimensions, habite aussi la Méditerranée. 
gaire (sparus den Il est connu sur les côtes du midi de la 
lex Linn.). France, tantôt sous le nom de dentillac, et 

tantôt sous celui de marmo. Du reste cette 
espèce paraît plus commune dans l'Océan que 
dans la Méditerranée. 


Rouget {mullus| Le rouget fréquente de préférence les pla- 
barbatus Linn.). ges rocailleuses des bords de la Méditerranée, 
et se trouve rarement dans l'Océan. Il de- 
meure dans la première de ces mers pendant 
la plus grande partie de l’année, à l'excep- 
tion pourtant de l'hiver. À cette époque il 
quitte les côtes du midi de la France, pour 
aller vers des lieux où il trouve une tempé- 
rature plus élevée, telles sont celles de l’A- 
frique. 

Cette espèce, recherchée à raison de la dé- 
licatesse de sa chair, se rencontre rarement 
sur les côtes de l'Océan. Elle paraît avoir été 
l’objet des soins des Romains. On sait quel in- 
térêt ils mettaient à élever les poissons dans 
des viviers d'eau douce, ou dans de grands 
réservoirs construits aux bords des mers; 
ceux-ci étaient généralement alimentés par 
des eaux salées. On ne comprend pas com— 
ment les Romaïns, qui construisaient des 
viviers à grands frais, qui allaient cher- 
cher les poissons les plus rares au delà des 
colonnes d’Hercule et qui occupaient des 
milliers de bras à en approvisionner la capi- 
tale du monde, aient aussi peu avancé l’his- 
toire de ces animaux. On ne peut le conce- 
voir qu’en se rappelant que l'époque à laquelle 
les vainqueurs du monde se sont livrés à ces 
soins, commandés par un vain luxe, est aussi 
celle de la décadence des arts aussi bien que 
des sciences. Du reste l'observation des faits 
n'a jamais occupé les savants de Rome an-— 
tique. Ils se sont pour la plupart bornés plu- 
tôt à connaître la science des Grecs qu’à lui 
faire faire de véritables progrès. 


VII, Scorpène ou! Ces deux espèces, connues indifféremment 
j dans le midi de la France sous les noms de 

< ! a 
Aspidocéphales. ART re scorpène et de rascasse, fréquentent les 
porcus et scrofa|côtes de la Méditerranée pendant le printemps 
Linn.). et l'été. Elles se réfugient, dans les autres 
saisons, vers des mers plus chaudes, ct se 


— À94 — 


oO | 


ORDRES» GENRES ET ESPÈCES. ÉTOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


CAO CIEL SRE) FRS LEE EPA EMEENONELSEES | | RETIENS USED DO RCE CERN 


VIL. 
Aspidocéphales. 


rendent pour lors sur les côtes de l'Afrique, 
Les migrations de ces espèces sont moins 
étendues vers le Nord que vers le Midi; peut- 
être cette circonstance rend lés scorpènes 
généralement plus rares dans l'Océan que 
dans la Méditerranée. Aussi ces poissons pous- 
sent leurs voyages jusque dans le midi de 
l'Afrique et s’avancent même jusqu’à Madère. 
Les scorpènes habitent tantôt les fonds ro- 
cailleux des rivages, et tantôt la haute mer. 
L'étrangeté de leurs formes leur a fait donner 
les noms de scorpion et de scorpeno. Quant 
à la scorpène brune, elle a été nommée parti- 
culièrement rascasse ou Tasquasso. 


Le grondin 


rouge (trigla cau- 
clus Linn.). 


Le grondin, connu à Paris sous le nom de 
rouget, et dans le midi de la France sous celui 
de çabote, est aussi commun dans l'Océan 
que dans la Méditerranée. Il à reçu le nom 
de grondin, ainsi que diverses autres espèces 
du même genre, à raison des sons sourds 
qu’il fait entendre quand on le prend. Cette 
particularité a valu encore à ces poissons les 
noms de gronaux et de corbeaux, sous les- 
quels ils sont aussi connus. Quant au nom de 
cabole qu’on lui donne dans le midi de la 
France, iltient à la grosseur de sa tête, 

Les diverses espèces de grondins paraissent 
habiter les côtes de l'Océan et de la Méditer- 
ranée pendant la plus grande partie de l'an- 
née. Ils ne s'en écartent guère que pendant 
les grands froids, époque à laquelle ils parais- 
sent s’enfoncer dans les profondeurs des mers 
et s'éloigner de leurs rivages. 


Le trigle rude 


Le trigle rude (trigla aspera), joli petit 
(trigla aspera). 


poisson d’un beau rouge, est connu sur les 
côtes du midi de la France sous le nom de 
cavillone, qui signifie petite cheville. Il se 
trouve sur toutes les côtes de la Méditerra- 
uée. Cette espèce paraît se livrer à des mi- 
grations plus ou moins étendues comme la 
précédente. 


Le malarmat 
({rigla catapkhracta 
Lion.). 


Le malarmat’, ou trigle cuirassé (periste- 
dion Lacép.), habite toutes les parties occi- 
dentales de la Méditerranée. Cette espèce se 
tient le plus constamment dans les profon— 
deurs des eaux. Elle n'approche des côtes 
que vers le temps du frai ou vers l'équinoxe. 
Elle y vit solitaire, et se fait remarquer par la 
rapidité de sa nage. 


Le dactyloptère 


Le dactyloptère commun ({rigla volitans 
(trigla volitans L.) 


Linu.) est plus fréquent sur les côtes de fa 
Méditerranée que sur celles de l'Océan, où 
on le pêche peu. I est connu dans le midi de 
la France sous Je nom de landole, de ron- 
dole, d'aronde, d'arondelle et de rate pen- 


ORDRES, GENRES ET ESPÈCES. 


VII. 
Aspidocéphales. 


La baudroïe ou 
crapaud de mer 
(lophius piscato- 
rius Linn.). 


VU. 
Brachioptaires. 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


nade. Cette espèce paraît pousser ses migra- 
tions jusqu'en Amérique , et les étendre très- 
avant jusque dans les mers du Nord, par 
exemple à Terre-Neuve. 

Le dactyloptère, qui, par suite de l’éten- 
due de ses pectorales surnuméraires, peut se 
soutenir quelques instants dans l’air, est fa- 
meux à raison des poursuites dont il est 
l’objet de la part des bonites et des dorades. 
Pour leur échapper, elles profitent de la lon- 
gueur de leurs nageoires; mais de nouveaux 
dangers les attendent dans les airs : ils y sont 
poursuivis par les frégates et les albastrofes. 
Le prompt desséchement de leurs pectorales 
les force d'abandonner un élément qui n’est 
pas fait pour eux. Ainsi ils retrouvent dans 
le bassin des mers les ennemis cruels qu’ils 
avaient cherché à éviter. Telles sont les tristes 
et dures conditions auxquelles la nature les 
a soumis et qui les rendent ou victimes &e 
leurs ennemis des eaux ou de ceux qui par- 
courent les vastes plaines des airs. Cepen- 
dant, en mère vigilante, elle a placé dans le 
cerveau de ces poissons un instinct de con— 
servation qui les fait échapper aux nombreux 
daugers qui les entourent. 

Aussi leurs races ne sont-elles pas rares, ce 
qui semble annoncer que, si elles n'étaient 
pas autant poursuivies, leur fécondité fini- 
rait par les rendre trop nombreuses, et peut- 
être les réduire à mourir de faim faute d’a- 
Jiments. Par suite de cette admirable. po- 
lice qui existe dans la nature, malgré les 
guerres continuelles que les espèces vivantes 
se font entre elles, elles n’en existent pas 
moins et constamment dans les mêmes rap— 
ports. L'influence de l’homme est seule assez 
puissante pour déranger l’ordre et l'harmo- 
nie qui règne entre toutes les choses créées. 


La baudroïe, assez gros poisson de l'Océan 
et de la Méditerranée, est aussi connue sous 
le nom de crapaud de mer. Ce nom lui a été 
donné à raison de la forme de sa tête, qui res- 
semble beaucoup à celle du crapaud. Cette es- 
pèce se rencontre sur les côtes de la Méditerra- 
née, depuis le mois de février jusqu’au mois de 
novembre. Elle se tient aux autres époques 
de l’année dans la profondeur des eaux des 
mers. La baudroïie s’avance considérablement 
vers le Nord, sans dépasser de beaucoup le 
soixantième degré de latitude nord. 

Ce poisson se plaît surtout dans les fonds 
vaseux, peut-être en raison de ce qu'il y 
trouve plus facilement à assouvir sa glouton- 
nerie. Du moins il est à ia fois paresseux, 
mauvais nageur, et extrémement vorace. 
I semble donc mal organisé pour attein- 
dre sa proie. Mais, pour lui en donner les 
moyens, la nature a placé sur sa tête, un 


VIIL, 
Brachiopteres. 


IX. Porte -écuel - 


Discoboles. |les (/epadogaster 


Gouan). 


X: Orbes épineux 


Plectognathes. |(diodons). 


Tétrodons. 


grand nombre de rayons qu'il fait jouer de 
manière à attirer les petits poissons, et à leur 
faire prendre ces longs barbillons, à extré- 
mité élargie et charnue, pour des vers. Les 
petits poissons saisissent donc ces barbillons 
ou ces rayons comme autant d’appats. La 
baudroïe s'en empare pour lors avec facilité 
et sans beaucoup de peine. De là le nom qui 
lui a été donné de raie pécheresse et de dia- 
ble de mer. 

Il paraît qu’elle peut aussi retenir de pe- 
tits poissons dans le sac de ses ouiïes, et 
qu’elle les dévore après ceux que ses bar- 
billons lui ont fait saisir. 

La baudroie ne peut être rangée parmi les 
poissons cartilagineux, ainsi que l'avait fait 
Aristote, car ses os sont fibreux et ne man— 
quent pas de dureté. Elle est fort recherchée 
à raison de la bonté de sa chairet de son foie. 
Ce dernier, très-délicat, a un goût assez 
différent de celui des autres poissons. C’est 
surtout au printemps que sa chair est la plus 
fine et la plus estimée. 


Les porte-écuelles, petits poissons remar- 
quables par la grandeur de leurs pectorales, 
nagent avec rapidité le long des rivages de 
l'Océan et de la Méditerranée, quoique privés 
de vessie natatoire. Ces poissons se livrent, 
comme tant d’autres espèces à des migrations 
assez étendues dont on ne connaît pas encore 
les directions ni les époques. 


Ces poissons paraissent ne pas quitter les 
mers des pays chauds, où leurs formes, sem— 
blables à celles d’un ballon, leur permettent 
de nager avec la plus grande facilité à la sur- 
face des eaux. Mais lorsqu'ils sont tout à fait 
gonfiésils font la culbute, et leur ventre prend 
le dessus. Ils nagent ainsi au gré des vents 
sans pouvoir se diriger, et par conséquent 
sans suivre de route déterminée. 


Les épines et les aiguillons dont leur corps 
est armé les empêchent d'être la proie des au- 
tres espèces. Ils les mettent à l'abri des dan - 
gers qui les auraient menacés s'ils n'avaient 
pas eu ces moyens de défense. Ces poissons 
ue peuvent pas trop apercevoir, d’après la 
manière dont ils nagent, les espèces caruas- 
sières qui auraient tenté de les attaquer. 


Les tétrodons appartiennent à un genre de 
poissons qui offre à la fois des espèces des 
eaux douces et des eaux salées. Il en est une 
qui habite en grand nombre le Nil. Elle est 
connue en Egypte depuis une assez haute an- 
tiquité. C’est le {etrodon lineatus de Linné. 
Les Grecs le nommaient //asco paro, et les 
Arabes Je désignent sous le nom de fahaca. 


ao 


RE | 


ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. 


X. | Les moles (cepha- 

Plectognathes. |lusvulgarisSchnei- 
der). 

XL. Hippocampe ou 


Lophobranches. |cheval marin (syn- 
gnathus hippocam- 
pus Linn.). 


Syngnaihes pro- 
prement dits ou 
aiguilles de mer, 


XIE. Esturgeon (acci- 
Cinétobranches. [penser sturio L.). 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, 


La forme singulière de ces poissons leur a 
valu le nom de poisson-lune. On les trouve à 
la fois dans l'Océan et dans la Méditerranée, 
où ils vivent le plus ordinairement dans des 
fonds vaseux. Ils ne paraissent pas voyager. 


Ces poissons, à forme bizarre,se rencontrent 
sur les côtes de la Méditerranée au printemps 
et dans l'été. À ces époques l'espèce de nos 
parages pénètre peu dans les étaugs salés, et 
abandonne rarement le bassin des mers. 
L'hippocampe paraît plutôt une espèce séden- 
taire que voyageuse. Il est loin de pouvoir, 
comme le genre boleoplhaleon de la Nou- 
velle-Zélande, monter sur les arbres, pour y 
poursuivre £a proie comme le font les petits 
lézards, Aussi ce genre singulier a-t-il pres- 
que partout des représentants, ce qui arrive 
le plus ordinairement chez les espèces qui 
ont de pareilles habitudes. 


On tronve plusieurs espèces de ce genre 
dans l'Océan et la Méditerranée. Celle nom 
mée aiguille de mer (syngnathus acus 
Linu.) entre dans les étaugs salés qui bor- 
dent les côtes de la Méditerranée au mois 
de mars pour y déposer son frai. D'après 
les pêcheurs des côtes du midi de la France, 
ce serait le seul poisson qui se reprodui- 
rait dans les étangs. Du moins l'aiguille de 
mer en entrant au mois de mars dans les 
étaugs a ses ovaires remplis d'œufs; lorsqu'elle 
en sort au mois de mai, ses ovaires sont tout à 
fait vides. Il en est le contraire chez les autres 
poissons, tels que le muge, le loup et la plie 
Ceux-ci en pénétrant dans les étangs ont leure 
ovaires vides, tandis que lorsqu'ils retour- 
nent à la mer ces organes sont garnis d'œufs. 

Cette observation a été faite par tous les 
pêcheurs qui tendent leurs filets aux diffé- 
rentes communications qui existent entre la 
mer et les étangs. Aussi aperçoit-on dans 
ces derniers amas d’eau salée de petites ai- 
guilles de mer qui sont le résultat du frai de 
l’année. Ces poissons paraissent être vivipa= 
res ; ils rentrent à la ner au mois de juillet, 
et même plus tôt lorsque les eaux des étangs 
sont très-chaudes. Ils remontent dans les 
canaux qui communiquent soit avec la mer, 
soit avec les étangs tant qu'ils y trouvent de 
l'eau salée. 


L'esturgeon remonte les fleuves et les ri- 
vières à l’époque du frai ou au mois de juillet, 
I rentre à la mer au muis de novembre. Eu 
France ce poisson fréquente Ja Saôue, la 
Loire et le Rhône, et pénètre jusque dans le 


Doubs. Il paraît se nourrir à la mer de ha- 


rengs, de gades et de maquereaux ; mais, lors- 
qu'il estengagé dans les rivières, il y attaque 


52 


— 198 — 


ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. 
cat D)... | j,  ) 
XII. 
Cinétobranches. 
XII. Raies (raia). 


 Desmobranches. [Nous comprenons 
ici la plupart des 
espèces de ce gen- 
re, surtout la raie 
bouclée (raia cla- 
vala Linn.). 


Squales (squa- 
lus). La piupart 
des espèces de ce 
genre tel que Lin- 
né le concevait, 


ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. 


jusqu'aux saumons, dont il triomphe le plus 
ordinairement, malgré la grosseur de ce der- 
nier. 

L’esturgeon était fort estimé des Romains 
à raison de la délicatesse de sa chair, assez 
semblable à celle du veau. Cette espèce re- 
monte en grand nombre de la mer dans les 
rivières ; elle ne paraît pas bornée aux fleu— 
ves de Ja France. Elle fait, en effet, un des 
moyens principaux d'existence des Cosaques 
des bords âu Don et du Jaik. On pêche aussi 
dans les rivières de la Russie et de l’Allema- 
gue le petit et le grand esturgeon (accipen- 
ser ruthenus et huso Linn.). Le premier est 
surtout abondant dans le Danube et les autres 
rivières qui se jettent dans la mer Noireet la 
mer Caspienne. 

Nous ignorons s'il en est de ces espèces 
comme de l’esturgeon commun, si elles ha- 
bitent à la fois les eaux douceset salées. IL 
paraît certain que plusieurs espèces d’estur- 
geons vivent dans leur jeune âge dans le bas- 
sin des mers, et que lorsqu'ils sont parvenus 
à l'âge adulte ils remontent en abondance de 
la mer dans les fleuves et les rivières, où ils 
arrivent pour y déposer leurs œufs. Leur 
force musculaire est si grande, qu'il n’est pas 
de courant, quelle qu’en soit la rapidité, qui 
puisse arrêter leur marche. Les plus forts et 
les plus intrépides ouvrent la marche, afin 
d’aiguillonner, par leur exemple, les indivi- 
dus qui pourraient ne pas avoir le courage 
de les suivre. 

La fécondité des esturgeons paraît prodi- 
gieuse ; on a compté jusqu’à plus de quinze 
cent mille œufs dans une seule femelle, 
nombre qui peut en donner une idée. 


Les espèces de ce genre sont assez nom- 
breuses et surtout fort fréquentes sur les 
côtes de la Méditerranée pendant toutes les 
saisons à l'exception de l'hiver. Elles parais- 
sent pour lors émigrer vers des côtes plus 
chaudes, et se rendre à cette époque dans les 
mers de l'Afrique. 


Les squales ont des habitudes a peu près 
semblables à celles des raies relativement à 
l'époque de leur séjour sur les côtes du midi 
de la France; seulement ces poissons y passent 
en même temps que les sardines, les maque- 
reaux et les thons, qu'ils poursuivent avec 
fureur. Dès que ces derniers poissons s’en 
éloignent, ils les quittent également pour 
aller trouver ailleurs un aliment suffisant à 
leur voracité. 


— 499 — 


II. Résumé. 


Ces tableaux, ainsi que les détails dans Jesqueis 
nous sommes entré, semblent prouver que les passa- 
ges des poissons et des oiseaux, comme ceux des au- 
tres animaux, dépendent de plusieurs causes qui agis- 
sent soit simultanément , soit séparément. 

Au premier rang on peut placer l’organisation ou 
l'instinct qui porte un assez grand nombre d’entre 
eux à se déplacer à des époques fixes et déterminées, 
lorsqu'aucune cause extérieure ne semble les enga- 
ger à de pareils voyages; ils sont pour lors sous l’in- 
fluence d’un penchant ou d’une puissance instinctive 
à laquelle ils ne savent ni ne peuvent résister. Gette 
influence est la cause déterminante des migrations 
périodiques et fixes; aussi ne s’accordent-elles pas 
toujours avec la marche de la température et les au- 
tres circonstances atmosphériques. 

A cette faculté instinctive qui pousse les animaux 
à exécuter leurs voyages, réglés pour ainsi dire d’a- 
vance, il s’adjoint parfois d’autres causes dont l’ac- 
tion est plus ou moins irrégulière; c'est surtout sur 
les passages accidentels qu'entreprennent les poissons 
à des époques qui n’ont rien de fixe ni de constant 
que les circonstances extérieures exercent le plus 


— 500 — 


d'influence : car pour les migrations, l'instinct les dé- 
termine avant tout. 

On concoit que le besoin de trouver ailleurs une 
nourriture qui leur manque dans les lieux qu'ils ha- 
bitent force les poissons à les quitter; il en est de 
même des effets produits par la variation de la tem- 
pérature et de tous les changements qui arrivent dans 
les conditions des milieux extérieurs. Ces circonstan- 
ces pressent sans doute ces animaux à se déplacer ; 
mais elles ne sont jamais assez puissantes pour les 
porter à faire le tour du globe, comme l'instinct qui 
y pousse les espèces émigrantes. Il suflit aux pre- 
mières de rencontrer quelque part la nourriture et 
la température pour qu'elles s’y arrêtent; ces cir- 
constances ne suflisent pas aux secondes. Les voyages 
sont pour celles-ci un besoin absolu, auquel elles ne 
savent ni ne peuvent résister. Il faut qu’elles rem- 
plissent une condition aussi essentielle dans leur exis- 
tence pour que leur vie et leur bien-être n’en souf- 
frent pas. 

Considérées dans leurs résultats, les migrations ré 
pandent une grande variété dans la distribution des 
animaux; elles renouvellent en effet, presque dans 
chaque climat, une partie des êtres qui y vivent. Ces 
passages égayent la scène de la vie et lui donnent 
une nouvelle et continuelle activité. Ils annoncent 


également les changements qui vont survenir dans 


— 501 — 


la température ; ils sont même souvent pour l’homme 
des signes évidents et précurseurs des tempêtes ou 
du moins de grands changements qui vont avoir lieu 
dans les circonstances extérieures. 

A raison de ces mystérieux voyages, dont le but 
échappe à celui qui n’en étudie pas les motifs, les 
anciens avaient accordé à certains oiseaux le don 
précieux de la divination. Sans doute l'instinct de 
ces animaux ne va pas aussi loin; mais peut-être 
leur température élevée les rend plus sensibles à l’im- 
pression des agents extérieurs que nos instruments 
les plus délicats. Ceux-ci nous font bien connaître 
l’état actuel de la température ; mais ils ne nous per- 
mettent guère de préjuger ce qu'il sera dans l’avenir, 
et même dans l’avenir le moins éloigné du moment 
présent. L 

Les migrations et les passages des oïseaux et des 
poissons, comme du reste ceux des autres animaux, 
ne sont pas des phénomènes simples. Le premier de 
ces phénomènes, dont les résultats sont à peu prés les 
mêmes que les passages accidentels, est essentielle- 
ment complexe; cette complication rend difficile l’ap- 
préciation des motifs qui les dirigent et les font en- 
treprendre. On éprouve quelque embarras lorsqu'on 
veut en généraliser les effets, d'autant que la même 
espèce est souvent émigrante ou erratique à telle 


époque de sa vie, et sédentaire à telle autre ; quelque- 


— 502 — 


fois elle a des habitudes aussi diverses, suivant les 
pays où elle se trouve. Des mœurs aussi variées, fort 
rares chez les habitants des eaux, ne deviennent 
communes que chez les espèces qui, comme les oi- 
seaux, parcourent les vastes plaines de l'air. Les 
poissons, comme les oiseaux les plus éminemment 
voyageurs ou émigrants, sont aussi les seuls chez 
lesquels on découvre de véritables cosmopolites. Une 
pareille mobilité ne saurait être comparée aux voya- 
ges accidentels auxquels se livrent les espèces erra- 
tiques ; il est facile de démêler les motifs de ces der- 
nières excursions. Elles dépendent presque toujours 
des circonstances extérieures ou de l'influence des 
milieux et de celle de la nourriture. 

À raison de la difficulté que l’on éprouve lorsqu'on 
veut généraliser les causes des passages et des migra- 
tions, nous avons tracé dans des tableaux séparés les 
époques des voyages des oiseaux et des poissons. On 
peut juger de cette manière combien les migrations 
sont fixes et régulières, et combien le contraire existe : 
dans les passages proprement dits. 

Au milieu des faits qui environnent ces voyages, 
les uns périodiques et les autres aussi accidentels et 
aussi incertains que les variations des saisons, il en 
est un dont l'influence semble en déterminer assez 
constamment l’étendue. Ge fait est relatif à l’agilité, 
ou, si l’on veut, à la facilité et à la puissance des mou- 


— 003 — 


vements; du moins les animaux qui en jouissent 
sont les seuls qui entreprennent et exécutent de 
grandes migrations ou de longs voyages. Les insectes 
ailés en sont des exemples frappants parmi les in- 
vertébrés, tout comme les poissons et les oiseaux 
parmi les vertébrés. À l’exception de ces animaux, 
nous avons vu combien les migrations auxquelles se 
livrent les espèces des autres classes sont restreintes 
et bornées : on en a une preuve évidente dans les 
chauves-souris. Quoiqu’elles voguent, comme les oi- 
seaux, dans les plaines de l’air, ces mammifères ailés 
ne se livrent jamais à des voyages même peu étendus. 
Ils quittent en effet rarement les cantons qui les ont 
vus naïtre, tant leur vol est faible; aussi l'instinct 
de ces animaux leur permet en quelque sorte d’en 
mesurer le pouvoir. 
En résumant l’ensemble des faits que nous venons d’é- 
numérer,on peuten déduire les conséquencessuivantes : 
1° Le phénomène proprement dit des migrations 
ou des voyages périodiques et réguliers semble dé- 
pendre essentiellement de l’instinct ou de l’organisa- 
tion particulière des animaux qui s’y livrent; 
2° Les passages accidentels des espèces voyageuses 
paraissent dépendre des circonstances extérieures 
sous lesquelles vivent ces espèces, circonstances dont 
la température, la nourriture et les soins de la repro- 
duction sont les plus essentielles et les plus influentes; 


— 504 — 


3° Ces phénomènes, rarement simples, sont le plus 
souvent complexes, étant déterminés par plusieurs 
causes qui agissent simultanément; ces causes por- 


tent les animaux à changer de climat et à se trans- 
porter d’un pays dans un autre. 


4° Les voyages des animaux sont d'autant plus 
étendus et d’autant plus prolongés que ceux qui les 
entreprennent ont les moyens de franchir sans eflorts 
comme sans difficultés de grandes distances. 

En démélant ces diverses circonstances dans cha- 
que cas particulier qui se présente, on peut se rendre 
compte des causes qui portent telle espèce à entre- 
prendre des voyages lointains, comme telle autre à 
ne faire que des excursions accidentelles et peu éloi- 
gnées, ou même à être sédentaire à une certaine épo- 
que de sa vie et émigrante ou erratique à toute autre. 
Ainsi disparaît peu à peu, aux yeux de l'observateur 
éclairé, ce que ce phénomène lui paraissait, au pre- 
mier abord, avoir d’incompréhensible et même de 
merveilleux. 

Nous avons vu un assez grand nombre d'oiseaux 
être sédentaires à l’âge adulte ou dans le jeune âge, 
tandis qu'ils sont émigrants ou erratiques dans d’au- 
tres instants de leur vie, ce qui annonce combien le 
phénomène des migrations ou des stations fixes à de 
certaines époques est complexe et s'exerce d’une ma- 
nière différente pendant l'existence des mêmes espè- 


— 505 — 


ces. De pareils faits sont sans doute moins communs 
chez les poissons; mais peut-être ne le paraïissent-ils 
que parce que les mœurs de ces animaux, dont l'ob- 
servation est si difficile, sont peu connues. 

Nous avons cependant signalé quelques faits qui 
semblent indiquer qu'il en est d’eux comme des oi- 
seaux, et que par suite de circonstances dont on peut 
apprécier l'influence, la même espèce est à la fois 
émigrante et sédentaire. Le thon en est un exemple 
remarquable. On sait combien ses migrations sont 
régulières ; elles ont licu en effet d’une manière pé- 
riodique deux fois chaque année. Néanmoins cette 
espèce se trouve dans certains parages des bords de 
la Méditerranée complétement fixe et ne s’en écarte 
jamais; cette circonstance n'empêche pas que les 
thons sédentaires ne soient visités tous les ans par 
d’autres individus voyageurs. Mais ce qui est non 
moins digne d'attention, les individus de mœurs 
aussi différentes paraissent vivre de bonne intellisence 
pendant tout le temps que durent leurs passages. 

Il n’y a donc rien d’absolu pour les races émi- 
grantes, erratiques ou sédentaires, puisque les mé- 
mes espèces passent par toutes ces circonstances, sui- 
vant l’époque de leur vie. Les animaux cosmopolites 
sont les seuls qui sous ce rapport soient soumis à des 
conditions absolues d'existence dont ils ne peuvent 


s’écarter par suite des exigences de leur organisa- 


— 506 — 


tion et de leurs penchants naturels. Il est pourtant 
peu d'espèces complétement cosmopolites, même chez 
les animaux qui en offrent seuls des exemples, comme 
les poissons et les oiseaux. L’agitation et un mouve- 
ment continuel sont pour ces divers animaux le besoin 
le plus essentiel de leur vie, comme la tranquillité et 
le repos le sont pour les espèces sédentaires. Il a fallu 
toute l'influence et toute la puissance de l’homme pour 
déranger cet ordre. Il en a bien entrainé avec lui un 
certain nombre dans tous les lieux et dans tous les 
climats; mais pour cela il ne les a pas rendus cos- 
mopolites comme ceux qui le doivent à un instinct 
naturel. 


LIVRE DEUXIÈME. 


DES MIGRATIONS DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. 


CHAPITRE PREMIER. 


DES MIGRATIONS DES MOLLUSQUES. 


Les animaux invertébrés, dont les mœurs sont moins 
connues et d’une observation moins facile que celles 
des vertébrés, paraissent, du moins les plus agiles, 
se livrer à des actes analogues aux voyages irréguliers 
des oiseaux et des poissons. Ces actes ont en effet quel- 
ques rapports avec les passages accidentels de ces 
animaux , Car, pour la plupart, ils ne paraissent avoir 
rien de fixe ni de régulier. On ne les voit pas se suc- 
céder avec la périodicité qni caractérise les voyages 
des espèces émigrantes des animaux supérieurs. 

Les animaux sans vertèbres diffèrent donc des ver- 
tébrés par le peu d’étendue des excursions auxquelles 
ils se livrent. Il ne parait pas qu'aucun des premiers 
exécute des migrations à des époques fixes et régu- 


— 508 — 


lières, et puisse par conséquent être classé parmi 
les espèces émigrantes. Il n'en est pas non plus qu'on 
puisse considérer comme cosmopolite, c’est-à-dire 
comme voyageant sans cesse, et habitant tour à tour 
les diverses contrées du globe. 

Les invertébrés offrent uniquement des espèces 
dont les unes sont erratiques et les autres sédentaires. 
Parmi ces dernières, les unes sont stationnaires par 
suite de leur organisation qui les y oblige, tandis que 
d’autres ne quittent pas les lieux de leur naissance, 
la nature leur ayant refusé où des membres agiles, ou 
des appareils propres à leur faire fendre l’air. Jetons à 
cet égard un coup d'œil rapide sur l’ensemble des in- 
vertébrés, et voyons ce que l'observation nous a fait 
connaitre sur la diversité de leurs habitudes considé- 
rées sous ce point de vue. 

Nous commencerons cette étude par les plus com- 
pliqués des invertébrés, ou les mollusques. D’après les 
observations dues à M. Forbes, chaque animal ne peut 
vivre quedans une localité qui lui est propre. En effet, 
les espèces marines qui, comme les pétoncles, vivent en 
grandes troupes, aprés avoir séjourné quelque temps 
dans tel ou tel lieu, finissent par en disparaitre entière- 
ment. Si la nature du sol vient à changer ou si toute au- 
trecirconstance se présente, une autre race vient OCCU- 
per la même localité, et y domine bientôt sans partage. 
Les mollusques paraissent se livrer à des migrations, 


— 509 — 


aussi bien que les poissons. Cette faculté parait même 
exister pour certaines espèces qui semblent le plus for- 
tement attachées au sol sur lequel elles ont pris nais- 
sance. Cette émigration se fait par le transport des 
œufs, lorsque ceux-ci sont groupés ensemble et flottemt 
sur l'Océan de plage en plage. Ces œufs ne prennent 
leur développement que lorsqu'ils rencontrent la zone 
qui convient à leur espèce. 

Les mollusques sont essentiellement nageurs à l’ex- 
ception des espèces terrestres et des races qui vivent 
fixées dans les lieux où ils trouvent à remplir les 
conditions de leur existence. Les dernières, vérita- 
bles espèces stationnaires, ne sauraient comme les 
mollusques libres qui habitent le sein des mers, 
exister sous des zones différentes et des climats di- 
vers. 

Parmi les animaux de l’ordre dont nous nous oc- 
cupons, il est donc des espèces stationnaires; ce sont 
celles qui vivent constamment sur les rochers, sur les 
pieux et les quilles des navires, où elles ont été pri- 
mitivement fixées. On peut comprendre dans cette 
catégorie les mollusques cirrhopodes, tels que les 
anatifes, les #lands de mer, et les tubicinelles. Il est 
même des genres de cette famille, les coronules, qui 
s'implantent dans la peau des baleines, pénètrent jus- 
qu’à leur lard, et s’identifient avec les cétacés dont ils 
dévorent la substance. 


— 510 — 


Ces mollusques sont essentiellement sédentaires, 
puisqu'ils ne se déplacent jamais, subissant toutes 
les chances des corps et des êtres sur lesquels ils se 
trouvent attachés. Il en est peut-être de même des pa- 
telles , des oscabrions et des genres analogues qui en 
ont été démembrés. 

D’autres genres paraissent avoir de pareilles habi- 
tudes par d’autres motifs : telles sont les huitres , et 
certaines espèces de vénus. Les unes et les autres vi- 
vent en société et composent des bancs, souvent fort 
étendus, plus ou moins rapprochés des rivages. Ces 
animaux sont ainsi fixés à peu de distance des côtes ou 
dans des étangs salés par suite de leur organisation. 
Les pêches les plus abondantes ne les font pas fuir, 
elles semblent activer leur fécondité et leur pro- 
pagation, piutôt que d'en arrêter la source. 

Cependant dans le même genre des vénus, d’autres 
espèces, lon d'être sédentaires, se livrent au contraire 
à des excursions plus ou moins longues. Celles-ci ne 
participent pas aux habitudes des venus decussata 
et virginea, et autres coquilles analogues. 

Il est encore parmi ies acéphales testacés des tribus 
dont les mœurs sont à peu près les mêmes. On les 
voit percer la substance des pierres les plus dures ou 
se loger dans l’intérieur des bois qui composent les di- 
sues, ou dont les navires sont formés. Les individus 
qui en font partie vivent ainsi dans les trous qu'ils 


— 511 — 


se sont creusés, et d’où ils ne sortent jamais. Ces mol- 
lusques lithophages, ou perce-pierres, sont en grand 
nombre dans le sein des mers, où plusieurs sont recher- 
chés des gourmets à raison de leur goût agréable. Tels 
sont le dail commun (pholas dactylus Linné) et les li- 
thodomes(modiola lithophaga)auxquels aucun rocher 
ne résiste. Ils les corrodent à l’aide d’une liqueur acide 
qu’ils sécrètent en abondance. Une foule d’autres 
genres d'acéphales ont également des habitudes sem- 
blables. 

Les tarets (£eredo navalis Linné) se logent dans 
les bois dont ils détruisent la substance en les criblant 
de toutes parts de trous plus ou moins nombreux. 
Leurs espèces, comme les précédentes, ne quittent 
jamais les lieux qui les ont vus naïtre. 

Il ne peut qu’en être de même des espèces qui font 
des conduits dans le sable ou dans la vase, dans les- 
quels ils s’enfoncent plus ou moins profondément. 
Les hiatelles , les solens, les lutraires, les myes, et 
certaines pholades nous offrent des exemples de ce 
genre d'habitation. Enfin d’autres genres, particuliè- 
rement les gastrochènes, préfèrent percer l’intérieur 
des madrépores et des autres genres de polypiers pier- 
reux. Lorsqu'ils n’en trouvent pas à leur portée, ils 
se logent dans les rochers de sable qui se forment 
dans le sein des mers actuelles. 

S'il est des mollusques stationnaires, une foule 


— 512 — 


d’autres de l’ordre des acéphales, auxquels appartien- 
nent les huitres, sont éminemment voyageurs; ils ne 
se livrent pourtant pas à des excursions régulières et 
périodiques. Tels sont les peignes , dont les espèces 
erratiques naviguent au milieu des mers avec une 
vitesse et une agilité si remarquables, que les navi- 
gateurs les désignent sous le nom de papillons des 
mers. 

On peut encore citer parmi les acéphales, les bu- 
cardes, les cythérées, les mactres, qui, par suite de 
leurs mœurs erratiques, entreprennent des excursions 
plus ou moins étendues. Les térébratules, de la famille 
des branchiopodes, se distinguent encore sous les mé- 
mes rapports ainsi que les carinaires qui appartien- 
nent aux mollusques sastéropodes scutibranches. Rien 
n'est plus gracieux ni plus élégant que les coquilles 
formées par ces animaux voguant à la surface des 
flots avec une rapidité d'autant plus grande, que leur 
légèreté est aussi remarquable que leur transparence. 

Les céphalopodes et les ptéropodes présentent un 
certain nombre de genres erratiques. Parmi ceux qui 
n'ont pas de coquilles extérieures, on remarque sur- 
tout les poulpes, les calmars et les seiches. Leurs es- 
pèces se déplacent assez souvent ; quoiqu’elles n’entre- 
prennent pas des voyages périodiques d’une trés- 
grande étendue, elles se livrent cependant à des 
<xcursions assez lointaines. 


— 513 — 


Il en est également des céphalopodes pourvus de 
coquilles, tels que les nautiles et même les spirules, 
nommés à cause de leur forme cornet de postillon. 
Ces animaux vivent dans la haute mer, et y voguent 
avec la plus grande vitesse. Ces élégants mollusques, 
dont la construction est si merveilleuse, se distinguent 
encore par l'étendue de leurs voyages ; ils ont cepen- 
dant rarement lieu à des époques fixes et déterminées, 
comme ceux auxquels se livrent habituellement les 
oiseaux émigrants. Il en est ainsi des argonautes, nom- 
més nautiles papyracés, à raison de la fragilité de 
leurs coquiiles ; leur forme en carène paraît avoir 
donné l’idée du premier vaisseau. Les animaux qui ha- 
bitent ces frèles embarcations fendent les ondes avec 
prestesse quand elles ne sont agitées que par un léger 
zéphir; mais, pour si peu que le vent les tourmente, 
ou que quelque danger les menace, ils retirent leurs 
bras dans leurs coquilles, s'y concentrent entiére- 
ment, et redescendent dans la profondeur des mers. 

Parmi les plus agiles et les plus erratiques des mol- 
lusques on doit comprendre les ptéropodes qui ont 
des ailes aux pieds, ainsi que l'indique leur nom. 
Ces animaux, à l'instar des argonautes, se servent 
de leurs coquilles comme de bateaux, et leurs ailes 
deviennent pour eux des rames légères à l’aide des- 
quelles ils nagent à la surface des mers. Quelque- 


fois Les mollusques de cette famille font sortir par les 


53 


— 514 — 


fentes latérales de leurs coquilles des lanières plus ou 
moins allongées, qui favorisent singuliérement leur 
natation. Ces productions du manteau, si utiles à la 
facilité des mouvements, se remarquent particulière- 
ment chez les hyales (kyalæa cornea Lam.). Ces pté- 
ropodes ne sont ni moins élégants ni moins pittores- 
ques dans leurs formes que les clio, Les cléodores, les 
cymbulies et les limacines, genres dont les habitudes 
sont également erratiques. 

Les mollusques sont loin d’être les seuls invertébrés 
qui exécutent des voyages plus ou moins considéra- 
bles. De pareilles habitudes leur sont communes avec 
les insectes et les zoophytes. A la vérité, celles des 
derniers animaux, qui habitent le sein des mers, ont 
été moins observées. Aussi sont-elles moins connues. 
Nous ne pourrons guère en citer des exemples. Les 
migrations auxquelles se livrent les zoophytes ont 
été si peu étudiées, que nous sommes presque réduit 
à nos propres observations et à celles que nous de- 
vons à M. À. d'Orbigny. C’est aussi sur ces seules 
données que nous tracerons plus tard l’histoire de 
leurs voyages. 

À plusieurs reprises différentes, et pendant plusieurs 
années, mais non consécutives, nous avons observé sur 
les bordsde la Méditerranée des passages considérables 
des cytherea chione, des cardium tuberculatum, des 
cerithium vulgatum et des buccinum mutabile. 


— 015 — 


Aux mêmes époques cette mer en rejeta un si grand 
nombre sur le rivage, que les mollusques y formaient 
comme des cordons d’une nouvelle sorte, tant les 
trainées de leurs coquilles étaient épaisses en même 
temps qu'étendues. 

De pareils faits se présentent également en pleine 
mer: Îls sont presque toujours un objet d’étonnement 
pour les navigateurs, frappés de la quantité prodi- 
sieuse de mollusques, soit nus, soit conchifères, qu'ils 
apercoivent en traversant telle ou telle zone de l’O- 
céan. Ces animaux disparaissent bientôt à leurs 
yeux, lorsque leurs navires ne suivent pas la même 
direction que celle des passages de ces mollusques. 
Ils les voient au contraire se prolonger sur des es- 
paces extrêmement considérables, lorsque leurs vais- 
seaux côtoient ces légers habitants des ondes. 

Telles sont les principales particularités des mol- 
lusques, dont les espèces sont aussi nombreuses que 
variées. Cet apercu prouve que l’on ne découvre pas 
dans cette classe des espèces émigrantes ni cosmopo- 
lites. On y voit seulement des races erratiques ou 
complétement stationnaires. Ceci n’empèche pas que 
les divers genres de ces animaux n’apparaissent sur 
les côtes ou dans l'intérieur de l'Océan à des époques 
diverses ; cette circonstance dépend uniquement de ce 
qu'ils se renouvellent dans des mois différents, et qu’ils 


se rapprochent de certains rivages pour se reproduire. 


— 516 — 


CHAPITRE IE. 


DES ARTICULÉ. 


Voyons ce qu 1l en estdes annélides qui font partie, 
avec les crustacés, les arachnides et les insectes, de la 
grande tribu des articulés. On concoit aisément qu’il 
ne faut pas chercher des races erratiques parmi les an- 
nélides qui habitent l’intérieur du sol, comme les lom- 
brics, nommés vulgairement vers de terre. Il en est de 
même des autres abranches, qui, quoique vivant dans 
le sein des eaux, n’en sont pas moins sédentaires. Tels 
sont les thalassènes qui se trouvent sur les côtes des 
mers dans les fonds sableux. On peut encore citer les 
naïades, les sangsues, les dragonneaux que l’on décou- 
vre en général dans les eaux douces ; ils se font tous 
remarquer par leur fécondité. Une espèce de sangsue 
(hirudo verrucosa) se rencontre cependant dans les 
eaux des mers; elle n’est pas moins sédentaire que 
celles des eaux lacustres. | 

Des habitudes analogues sont communes aux an- 
nélides tubicoles, nommés vulgairement pinceaux de 


— 517 — 


mer. Ceux-ci sont tellement stationnaires, que plu- 
sieurs d’entre eux recouvrent, en s’entortillant, les 
pierres , les coquilles, et tous les corps sous-marins 
qui se trouvent à leur portée. Ils sont donc fixés aux 
objets sur lesquels ils se placent, et en suivent toutes 
les chances, à peu près comme les patelles le font par 
rapport aux rochers sur lesquels elles s’implantent. 
Les annélides, qui, comme les sabelles, les térébelles 
et les amphitrites, se logent dans des tubes factices 
composés de grains de sable et de fragments de co- 
quilies, ont aussi l'humeur peu voyageuse. Elles peu- 
vent donc être comprises parmi les espèces sédentaires. 
Il en est de même des siliquaires, des dentales, et sur- 
tout des arrosoirs, puisqu'ils s’attachent auprès des 
rivages de la mer sur les rochers des bords des côtes. 

Les annélides dorsibranches ont des mœurs tout à 
fait analogues ; en effet, les néréides vivent en général 
dans des trous, ou dans l’intérieur des pierres, ou dans 
les vieux bois enfoncés dans les eaux des mers, ou 
enfin dans des tubes cornés ou membraneux. On ne 
peut donc supposer des habitudes erratiques qu'aux 
petites espèces de ce genre. Celles-ci sont parfois en 
si grande quantité dans l'Océan, qu’elles en rendent 
la surface lumineuse par la matière phosphorique dé- 
veloppée par leurs organes. Il en est encore ainsi des 
arénicoles ; celles-ci s’enfoncent profondément dans le 
sable du bord des rivages et à tel point que les pé- 


— 518 — 


cheurs sont obligés d’y pratiquer de grands trous pour 
les retirer et s'en servir ensuite comme d’appât. Ces 
annélides sont, pour les mers, ce que les lombrics 
sont pour la terre. 

Les autres articulés dorsibranches voyagent peu, 
surtout les spio, qui habitent des tuyaux membraneux. 
Les aphrodites et les amphinomes, beaucoup plus 
libres que les espèces précédentes dans leurs mouve- 
ments, sont aussi les seuls qui se livrent à quelques 
excursions, mais de peu d'étendue, 

Si nous étudions les crustacés sous le méme point 
de vue, nous verrons qu’en général ces animaux ont 
été peu favorisés sous le rapport de la facilité de leurs 
mouvements; aussi un petit nombre voyage, mais 
leurs courses ne s'étendent jamais à de grandes dis- 
tances. On ne peut citer parmi ceux où 8e montrent 
de pareilles habitudes que les décapodes brachyures, 
particuliérement ceux désignés sous le nom de crabes 
nageurs, Les autres genres présentent de nombreuses 
exceptions. Ainsi les gearcins passent la plus grande 
partie de leur vie à terre, se cachent dans des trous, 
et ne gortent que le soir ; ils ne vont à la mer qu'au 
moment de la ponte. Les pinnothéres vivent dans 
l'intérieur des huitres, des moules et méme d’autres 
coquilles. Il est évident qu'avec de pareilles mœurs on 
né peut pas supposer à ces décapodes brachyures des 
habitudes de voyages, et que les espèces de ces genres 


— 519 — 


rentrent parmi celles qui sont complétement station- 
naires. 

S'il est parmi les décapodes macroures des crusta- 
cés dont les mœurs soient sédentaires, tels que les 
éerevisses, d’autres, au contraire, appartiennent aux 
raceserratiques. Parmi ces dernières, on peut citer les 
homards, les seyllares, les langoustes et les salicoques ; 
il en est de même des crustacés stomapodes, particu- 
lièrement des squilles, ainsi que des crustacés amphi- 
podes, comme les chevrettes, les talitres, et les coro- 
phies. Uneexception remarquable nous est fournie 
dans cet ordre par le genre phronomine, À l'exemple 
de Diogène, il se renferme dans une espèce d'étui 
membraneux qui ressemble fort à un tonneau. Ainsi 
à l'abri des dangers qui pourraient menacer sa frèle 
existence, la phronomine sédentaire passe sa vie 
paisiblement. Quelquefois pourtant, emportée par 
le roulis des flots, elle perd pendant quelques ins- 
{ants ses habitudes de repos et de tranquillité. 

Les crustacés isopodes terrestres sont presque tous 
stationnaires ; les espèces marines seulement se li- 
vrent à quelques excursions, mais de peu d'étendue. 
Il faut encore en excepter celles qui vivent en para- 
sites sur des poissons et d’autres animaux marins. 
Tels sont les chevroles, les cyames, les eymothoëés, 
les sphéromes et les bopyres, Avec ces genres on doit 
encore comprendre parmi les crustacés sédentaires 


— 520 — 


les aselles, les cloportes, les porcellions et les amar- 
dilles. Il en reste donc peu pour représenter les races 
erratiques. Il ne reste en effet que les ancées, les 
pranizes , les apseudes et les iones, auxquels on peut 
supposer de pareilles mœurs. 

Un grand nombre de crustacés branchiopodes vi- 
vent aussi sur d’autres animaux, et par conséquent 
ils ne quittent jamais ceux sur lesquels ils se sont éta- 
blis en parasites. Tels sont les caliges, les argules, 
les cécrops et les dichélestions. Quant aux autres 
genres de cette famille, la plupart vivent dans les 
eaux douces, quelquefois même en grandes sociétés. Ce 
n'est que parmi le petit nombre des espèces marines 
quel’on pourrait en découvrir dont les habitudes fussent 
erratiques, Il ne paraît pas pourtant qu'ilen soit ainsi. 

Les arachnides, soit trachéennes, soit pulmonaires, 
n'étant guère susceptibles de mouvements continus 
longtemps prolongés, sont par cela même générale- 
ment sédentaires comme les aptères parmi les insectes. 
En effet, les espèces de cette dernière classe, munies 
d’ailes fortes et puissantes, et qui par cela même peu- 
vent franchir de grandes distances, sont à peu près 
les seules erratiques. Les lépidoptères, les orthoptè- 
res, et quelques hyménoptères se distinguent essen- 
tiellement sous ce rapport. Quelque étendus que soient 
leurs voyages, ils n’ont jamais lieu d’une manière ré- 
gulière ni fixe, mais à des époques indéterminées. 


— 521 — 


Il en est de même des déplacements des abeilles et 
des fourmis; ces déplacements s’opérent souvent 
sans causes apparentes, et toujours accidentellement. 
Aussi est-il difhicile d'en démêéler et d’en apprécier 
les motifs. 

Les voyages des insectes ont lieu de plusieurs ma- 
niéres ; ils nesont pastoujours bornés aux races munies 
d’ailes puissantes. Les orthoptères, les lépidoptéres, les 
byménoptères, enfin tous les ordres qui volent avec fa- 
cilité ne sont pas les seuls dont les excursions soient 
lointaines. Ceux d’entre eux que la nature n'a pas 
doués de moyens de transport facile y suppléent par 
un instinct particulier. 

Certains coléoptères, dépourvus d’ailes et tout à 
fait aptéres, n'ayant pas des organes du mouvement 
bien agiles, n’en voyagent pas moins ; ils franchissent 
enseconfiant à la fureur des flots ou aux cours rapides 
des fleuves, de longues distances. Les akis, les pimelies, 
les scaurus, et la majeure partie des espèces de la fa- 
mille des mélasomes, parcourent ainsi presque le pour- 
tour de la Méditerranée, en s’abandonnant aux chan- 
ces hasardeuses des courses sur la mer. Ces insectes 
peuvent rester plusieurs jours plongés en partie dans 
les eaux douces ou salées, sans compromettre pour cela 
leur vie. On en a eu la preuve lors des grandes inon- 
dations du Rhône. Ces inondations, dont la violence 
fut extrême, entrainérent d’abondants dépôts de limon 


— 522 — 


dans le sein de la Méditerranée; ces troubles, rejetés 
ensuite sur les côtes, y formèrent des alluvions plus ou 
moins considérables. Ces alluvions furent trouvées 
remplies d'insectes de tous genres, dont un certain 
nombre était privé de vie; mais au milieu de ces ca- 
davres on découvrit une infinité de ces animaux aussi 
agiles que s’ils n'avaient pas été submergés. Ces es- 
pêces, auxquelles une submersion plus ou moins 
prolongée n’avait pas fait perdre la force et l’agilité, 
appartenaient généralement à celles de moyenne 
grandeur dont la vigueur avait pu lutter contre la fu- 
reur des flots. 

Dans cette classe même des coléoptères, il est cer- 
tains genres que l’on ne présumerait pas pouvoir 
parcourir de grandes distances, tant leur corps parait 
lourd et la force de leurs ailes peu en rapport avec 
cette pesanteur. Ils n'en voyagent pas moins. Parmi 
eux, on peut signaler les bousiers et un certain 
nombre de genres analogues qui font partie de celui 
des scarabés de Linné. Lorsque certains de ces co- 
pris prennent leur essor, on les voit s'élever de terre, 
en décrivant un cercle de quelques mètres, et monter 
ainsi perpendiculairement presque à perte de vue. 
Aussi, malgré la pesanteur de leur corps, ces insectes 
et une foule d’autres espèces analogues ne se livrent 
pas moins à de longues excursions. 

D’autres genres du même ordre attendent pour 


— 523 — 


partir que le jour soit à son déclin, et que le crépus- 
cule annonce la fin du jour. Analogues sous ce rapport 
aux lépidoptères crépusculaires, ils fuient comme eux 
leurs retraites paisibles au moment que la clarté de la 
lumière s'éteint pour aller sur l'aile des vents visiter 
d’autres climats. Tels sont par exemple les Aæmati- 
cherus, soit l’Leros, soit le velutinus. 

De pareilles habitudes sont communes à un grand 
* nombre d'insectes carnassiers, particulièrement à des 
coléoptères de la famille des carabiques. Les brachinus, 
les zuphium, et la plupart des genres qui demeurent 
pendant le jour sous la terre ou sous les écorces sont 
de ce nombre. Ils fuient, comme les sphinx, les sesia 
et les autres crépusculaires, la lu mière du jour qui 
ne peut convenir à leurs organes visuels, et ne sortent 
que lorsque les ombres étendent leurs voiles sur la 
nature entière. 

Les passages des insectes sont si irréguliers, que 
des savants ont supposé que leur apparition coïnci- 
dait, pour la plupart du temps, avec les maladies qui 
se manifestent à certaines époques, et qui, par la 
grande mortalité qu’elles entrainent, sont de vérita- 


bles fléaux pour l'humanité (1). Telle fut l'opinion que 


(1) Les insectes ne peuvent avoir une influence fâcheuse sur la santé, 
que lorsque réunis en très-grand nombre, leurs cadavres , par leur dé- 
composilion, exhalent des gaz délétères. 


— 524 — 


l'on eut le 2 août 1832 à Marseille lorsqu'on vit ap- 
paraître tout à coup et inopinément une grande quan- 
tité de sauterelles au moment où le choléra y exercait 
ses ravages. Gette quantité fut si considérable, que 
dans les environs de Château-Gombert on recueillit 
dans le faible espace de trois jours jusqu’à trois cent 
quatre-vingts kilosrammes d'œufs de ces insectes. 

À la même époque un passage extraordinaire de 
papillons de la famille des piérides fut également ob- 
servé dans un des quartiers de Paris. Ces migrations 
insolites se rattachent-elles au développement de ma- 
ladies aussi terribles que le choléra et la peste ? On 
ne saurait le supposer. On ne voit pas en Orient les 
passages des sauterelles coïncider avec l'apparition 
de cette dernière maladie. Il parait en être de même 
en Russie; ce ne fut pas du moins l’année où cette 
maladie exerca de grands ravages à Odessa que les 
sauterelles s’y montrèrent en grand nombre, mais 
l'année qui précéda l'invasion de ce fléau. 

D'un autre côté, lorsqu'on fait attention qu’à l'épo- 
que où le choléra sévit en France les passages des 
oiseaux furent peu nombreux, notamment ceux des 
hirondelles, il est difficile d'admettre quelques rela- 
tions entre l’apparition de certains insectes et cette 
maladie ou toute autre plus ou moins contagieuse. On 
serait tenté de supposer plutôt le contraire si à l’é- 
poque de l’invasion de cette terrible maladie, ces o1- 


— 525 — 


seaux avaient séjourné parmi nous aussi longtemps 
qu’à l'ordinaire. On pourrait pourtant faire observer 
que les orthoptères, les lépidoptères, les hyménop- 
tères et les diptères se font particulièrement remar- 
quer par l'étendue de leur respiration. On peut les 
plonger dans des gaz délétères pendant quelques ins- 
tants sans qu'ils en paraissent incommodés. Les in- 
sectes, en quelque sorte les oiseaux des invertébrés, 
respirent une grande quantité d'air au moyen des 
nombreuses ramifications de leurs trachées, et par 
cela même ils doivent être plus impressionnés par. 
les miasmes. 

Parmi les faits qui se rattachent aux passages des 
insectes, il en est un des plus curieux dont la société 
entomologique de France a eu connaissance par M. Le- 
febvre, son secrétaire. Le 18 mai 1831, à neuf heures 
du soir, une apparition considérable de hannetons 
(melolontha vulgaris) assaillit, au sortir du village de 
Talmontiers, la diligence sur la route de Gournay 
a Gisors (Eure). Le nombre des hannetons était si 
considérable, que les chevaux, effrayés, obligérent le 
conducteur à rétrograder jusqu'au village. Il y atten- 
dit que cette grêle d’une nouvelle espèce eùt cessé 


pour continuer sa route (1). 


(1) Annales de la société entomologique de France, tom. 1, pag. 256. 


— 526 — 


Il se pourrait que les migrations, réellement pro- 
digieuses par le nombre des individus qui s’y livrent, 
tinssent à ce que les insectes se transporteraient 
dans d’autres localités lorsqu'ils auraient tout détruit 
dans les lieux qu'ils habitaient primitivement. On 
peut du moins assigner une pareille cause au passage 
d’une nuée de la vanessa urticæ qui eut lieu en juillet 
1828 sur les bords du lac de Neufchâtel en Suisse. 
Ce passage dura plus d'une demi-heure en se diri- 
geant du nord-est au sud-ouest. Il en est de même de 
cette grêle de l’ædipoda cruciata (Charp.) dont fut 
témoin, le 9 juin 1829, M. Lefebvre dans les campa- 
ones de Smyrne, surtout au sommet de la citadelle. 
Cet insecte y était si nombreux qu'il bruissait vers 
midi comme une forte pluie; il couvrait la terre for- 
mant une couche d'environ deux pouces d'épaisseur. 

Nous pouvons également citer comme un exemple 
remarquable du passage des insectes celui qui eut 
lieu dans le midi de la France en septembre 1837. 
Le nombre des libellules qui le composait était si 
considérable, que dans certaines localités l’air en fut 
en quelque sorte obseurci; dans les lieux où cette 
troupe s'arrêta il n’y eut pas une seule plante qui 
n’en füt chargée. Chose non moins étonnante, la plu- 
part de ces insectes voyageurs étaient accouplés. Ils 
partirent, ainsi réunis, lorsqu'ils retournérent à la 


mer, qu’ils traversèrent pour se rendre dans d’autres 


— 527 — 


climats. Lorsqu’au contraire les libellules arrivèrent, 
elles étaient solitaires et point accouplées comme lors 
de leur départ. 

De pareilles migrations ont également lieu chez les 
papillons ; on se rappelle, du moins encore à Genève, 
un de ces passages où se trouvaient des milliers d’in- 
dividus d’une espèce ordinairement fort commune 
dans les régions tempérées, la vanessa cardui. 

Les passages de ce papillon ont lieu souvent en nom- 
bre extrêmement considérable, et cela d’une manière 
générale dans un grand nombre de contrées différentes. 
Il faut ensuite des temps très-longs pour en revoir 
de pareils. C’est ainsi que celui dont nous parlons, 
qui se rapporte à l’année 1828, ne s’est plus renou- 
velé depuis lors. 

La cantharide (lytta vesicatoria) nous à fourni 
également, en 1838, un exemple du nombre réellement 
prodigieux d'individus qu'offrent les passages d’in- 
sectes qui n'ont rien de fixe ni de régulier. 

L’Ecriture a depuis longtemps rendu fameuses les 
migrations des insectes en nous retraçant les plaies 
que l'Egypte éprouva par la venue d’une multitude 
desauterelles qui se répandirent dans cette contrée (1). 
On ne saurait, dit le docteur Spry, imaginer de fléau 


plus dévastateur, et dont les conséquences soient plus 


(1) Exode, chap. x, vers. 4, 5, 6 et 19. 


— 528 — 


funestes et plus affligeantes. Aussi est-il fort difhcile 
de donner une idée des effets de l’invasion de ces in- 
sectes (gryllus migratorius),par l'impossibilité où l’on 
est de trouver un point de comparaison avec quelque 
événement de ce genre en Europe. 

On ne peut guêre se représenter dans les pays occi- 
dentaux, de masse mouvante dans les airs plus formi- 
dable et plus nombreuse qu'un vol d'oiseaux, ou d’un 
essaim de moucherons.Comment pouvoir donner l’idée 
d’une masse compacte d'insectes qui occupe toute l'é- 
tendue du ciel aussi loin que la vue peut atteindre, et 
qui, se mouvant dans l’air avec l’impétuosité d’un tor- 
rent, produit un bruit pareil au mugissement de la 
mer. Ces animaux parcourent ainsi Les régions de l’air 
jusqu’au terme de leur éphémère existence. Ils se 
laissent alors tomber d’épuisement, déposent leurs 
œufs en terre, et meurent promptement. Dans quel- 
que endroit que ces insectes se posent à terre, l’as- 
pect du pays subit une complète métamorphose. Les 
lieux les plus fertiles deviennent entièrement arides ; 
il semble que le feu ait passé sur la terre, et qu'il ait 
tout desséché. 

Lorsque de pareils passages ont lieu, la clarté du 
soleil disparait ; elle fait place à l'obscurité du crépus- 
cule. On voit les sauterelles traverser lesairs avec une 
rapidité extraordinaire. Leur marche, ou plutôt leur 
vol, commence le matin, et lorsque le soir arrive elles 


— 529 — 


se posent à terre sur toute espèce de plantes indifférem- 
ment. On assure que dans les taillis les plus épais 
elles ne laissent pas la moindre feuille ou le moindre 
brin de verdure. Le jour suivant, au lever du soleil, 
on les voit reprendre leur vol et s’arrêter de nouveau 
lorsque vient le soir. Le pays où elles se trouvent, 
lorsque arrive le terme de leur existence, est double- 
ment à plaindre : non-seulement il subit une com- 
plète dévastation, mais l'infection causée par les sau- 
terelles mortes occasionne souvent des maladies d’au- 
tant plus graves que la cause qui les produit dure 
plus longtemps. 

De pareilles migrations des sauterelles ne sont 
pas rares dans les contrées tempérées. De nombreux 
exemples des ravages qu’elles yont causés ont été cités 
de tout temps. Ces ravages démontrent assez la réa- 
lité de ce phénomène. Nous ajouterons à cet égard 
un fait remarquable dont la date est récente, et qui 
se rapporte à la fin du printemps de l’année 1840. 
Ces insectes, connus dans le midi de la France sous 
le nom de cousins pautiques , envahirent à cette 
époque la commune de Saint-Geniez le Bas. Ils se 
rapportaient aux sauterelles désignées par les en- 
tomologistes sous les noms de locusta viridissima , 
grisea et epphipiger. Leur nombre donuait une idée 
des légions de sauterelles dont les migrations amé- 


nent avec elles la famine et la peste dans les pays 
577 


— 550 — 


où elles s’abattent le plus ordinairement, comme l’A- 
rabie, la Tartarie et l'Afrique. 

Les nuées de sauterelles qui ont désolé à cette épo- 
que la commune de Saint-Geniez le Bas n’ont rien 
de commun , par les espèces qui en faisaient partie, 
avec celles des contrées dont nous venons de parler. 
Elles se rapportaient toutes à des espèces communes 
dans le midi de la France. Leur nombre extraordi- 
naire tenait probablement à une foule de circons- 
tances climatériques qui avaient dû en favoriser le 
développement. 

De pareilles migrations ont souvent lieu dans les 
plaines du midi de la France où l’on cultive le blé 
très en grand, comme la Camargue. Le nombre de 
ces insectes y est souvent si considérable, que la ré- 
colte serait bientôt entiérement dévastée par eux si 
des chasses actives et générales n'étaient faites dans le 
but de les détruire. Il y a quelques années que l’on y 
a recueilli du 41 mai au 20 juin jusqu'à 555 sacs 
de sauterelles du poids de 52 kilogrammes le sac 
en terme moyen. En supposant que le poids d'un de 
ces insectes füt de 5 grammes, ce qui est au-des- 
sus de la réalité, le nombre total des sauterelles re- 
cueillies n'aurait pas été moindre de 5,772,000. 
On peut en outre se faire une idée exacte de la 
quantité de celles dont les migrations envahirent la 
commune de Saint-Geniez le Bas, en considérant que 


— 5351 — 


dans un seul domaine de cette commune, celui de 
Pont-de-Rosty, on en a pris plus de 400 quintaux. 

Nous pourrions citer bien d’autres exemples non 
moins récents de migrations tout aussi considérables. 
Nous en rapporterons un seul assez curieux. Un pro- 
priétaire avait acheté plusieurs charretées de luzerne 
dans une commune du département de l'Hérault; il 
fut fort étonné, lorsqu'il les fit décharger, d’y trouver 
plusieurs quintaux de sauterelles. Il voulait même en 
déduire le montant sur le prix qu’il était convenu de 
payer; il ne se rendit que sur l'observation qu’on lui 
fit qu'il les avait vues sur les champs où se trouvait 
le fourrage qu'il avait acheté. 

Les sauterelles traversent souvent les mers dans 
leurs migrations : ce qui est non moins extraordinaire, 
il en est de même de certains insectes dont le corps 
est fort lourd et la puissance du vol en général assez 
faible. Ainsi les ateuchus sacer et lLaticollis, très-com- 
muns sur les plages sablonneuses du midi de Ja 
France, y arrivent d’Espagne ou d'Afrique, et fran- 
chissent ainsi la Méditerranée. Il en est souvent de ces 
insectes comme des cailles : ils ne peuvent arriver 
jusqu'au terme de leur traversée; précipités par les 
vents dans le sein de la mer, les vagues et le roulis 
les rejettent ensuite sur les côtes qu'ils n'ont pu at- 
teindre. 

On est moins étonné de voir les papillons du chou 


pierris brasicæ) et celui du chardon (vanessa car- 
lui) taverser la Méditerranée et arriver dans le midi 
de la France, plus ou moins régulièrement, en avril et 
en mai. Les chasseurs regardent les passages de ces 
espèces comme l’avant-coureur des cailles. Lorsque le 
nombre des papillons est considérable, ils espèrent 
qu'il en sera de même de ces oiseaux. Si les colonnes 
serrées des lépidoptères arrivent à bon port, mal- 
heur aux jardins où elles s'arrêtent. Les papillons 
y déposent leurs œufs, et bientôt les choux et les ar- 
tichauts sont dévorés par les chenilles qui en naissent 
et dont la voracité est extrême. 

D'après l’Æbeille du Nord, du 29 octobre au 10 no- 
venibre 1840, il y aurait eu en Juin de cette même 
année une apparition extraordinaire de chenilles à 
Odessa. Ce journal rapporte que, dans les rues de cette 
ville, d’épaisses masses de chenilles prenaient toutes la 
même direction, et couvraient tous les objets qu’elles 
rencontralent sur leur passage (4). 

Il y en a eu une autre plus considérable encore 
pendant le même mois de juin dans la petite Russie. 


(4) On s'explique diflicilement celte circonstance; car il paraît que les 
chenilles ne peuvent être transportées par des courants d’eau violents. 
Elles ne sauraient donc être de passage. Nous avons cru néanmoins devoir 
signaler Île fait rapporté par l'Abeille du Nord. 


Dans le faubourg de Kroukof, qui fait partie de la 
ville de Krementchoug, on vit tout à coup paraitre 
une troupe immense de chenilles se précipitant vers 
le pont du Dnieper qui conduit à Krementchoug. 
L'autorité crut devoir interrompre le pont; mais 
cette mesure n'arrêta nullement le progrès de ces ani- 
maux vers la rive gauche; les insectes. se roulèrent 
en forme de pelote, et, se jettant ainsi dans le fleuve, 
ils le passèrent à la nage et continuèrent leur marche 
vers le Nord. Le lendemain une foule de rues et de 
maisons en furent couvertes et comme inondées. 
Dans leur marche à travers la ville, les masses de 
chenilles se partagérent en deux lignes; dans l’une 
on voyait s avancer les grosses, et dans l’autre les pe- 
tites. Quand la ligne était interrompue et qu'il y avait 
un intervalle, celles de devant s’arrêtaient et donnaient 
aux autres le temps de se reposer et de les rejoindre. 
Ces faits, attestés par les autorités les plus graves, 
prouvent que, quoiqu'en général l’activité et la facilité 
des mouvements soient des circonstances nécessaires 
à l'étendue des migrations, il n’en est pas toujours 
ainsi. Du moins les chenilles et plusieurs autres ani- 
maux qui se livrent à des courses assez longues sont 
peu favorisés sous ce point de vue. 
Il est fâcheux qu’on n’ait pas fait connaitre le nom 
scientifique des chenilles qui ont offert un si singulier 
spectacle en 1840 dans la ville d'Odessa. On aurait pu 


— 5354 — 


alors avoir quelque idée de la cause qui a déter- 
miné une pareille apparition, et s'assurer si le 
besoin d’une nourriture abondante ou toute autre 
circons{ance, comme celle d’une température appro- 
priée aux conditions d’existence de ces chenilles, ne 
les avaient pas portées à se transporter d’une localité 
dans une autre. 

Du moins, certaines espèces de larves de lépidop- 
téres se déplacent souvent par suite de ces circons- 
tances. Parmi celles-ci, il en est une dont le nom in- 
dique de pareilles habitudes : telle est la procession- 
naire du pin. Ces chenilles quittent parfois une forèt 
composée de ce genre d’arbres, et vont en grand nom- 
bre en trouver une autre, où elles espèrent rencon- 
trer de quoi satisfaire leur voracité. Cette circonstance 
n’a toutefois lieu que lorsque deux forêts ou deux bois 
sont extrèmement rapprochés. On les voit pour lors 
marcher à la suite les unes des autres tenant en 
quelque sorte leur rang. Les chenilles s’avancent ainsi 
avec une assez grande régularité vers leur destina- 
tion, rappelant un peu l’ordre qui règne dans les 
processions. 

Un fait non moins remarquable a été observé par 
M. Dunal au sujet de l’altise bleue ou altise des pota- 
sers. D’après ce botaniste, cet insecte, parvenu à l’état 
parfait, après avoir ravagé pendant de longues années 
les vignobles de l'Espagne, particulièrement ceux du 


= 535 


littoral de la Méditerranée, est venu exercer de pareils 
désastres dans les vignes du Roussillon et du Langue- 
doc (1). Ce qu'il y a de singulier à l’épard de ces 
voyages ou des déplacements de ces animaux des lieux 
qu'ils habitaient primitivement, c’est que, après avoir 
quitté l'Espagne , ils ont passé d’abord par le Rous- 
sillon, et ne se sont répandus que beaucoup plus tard 
dans les contrées limitrophes. 

Les dégats de cet insecte ont été en Espagne si 
considérables, que l’église de Malaga a cru devoir faire 
des formules de prières pour l’exorciser ; d’un autre 
côté, quoiqu'on ignore entièrement l’époque de son 
apparition en Roussillon, elle ne paraît pas remonter 
bien haut. On sait qu'il y a au plus vingt à vingt-cinq 
années les ravages de cette altise furent extrême- 
ment grands dans les communes de Collioure, de 
Port-Vendres et de Banyuls-sur-Mer. Plus tard, il en 
fut de même dans les cantons de Rivesaltes, d’Es- 
péra, de l’Agli et de Baïixas, cantons plus rapprochés 
du département de l’Aude que les premiers. 

Les atteintes portées aux vignes du département de 
l'Hérault n’ont été remarquées qu'en 1819, seule 
ment dans la commune de Vendres, la plus occi- 
dentale du littoral de ce département, conséquem- 


(1) Builleiin de la société d'agriculture de l'Iéraet, 19€ année, 1832, 177. 


— 536 — 


ment la plus voisine du département des Pyrénées- 
Orientales. Ce département avait été antérieurement 
exposé depuis longtemps aux ravages de l’altise bleue. 

Cet insecte, connu des agronomes par les dégâts 
qu'il fait éprouver dans les jardins aux semis de 
toute espèce, a atteint, de 4823 à 1825, les com- 
munes d'Agde, de Marseillan, de Gigean, de Mont- 
Bazin, de Frontignan, de Mirevals et de Pérols. Il y 
a causé de grands dégats. Il en a été de même plus 
tard en 4831 dans le département du Gard , surtout 
dans la partie méridionale des bassins du Vidourle et 
du Vistre. 

Ainsi, depuis les Pyrénées jusqu’à la plaine du 
Vistre, les vignobles des communes les plus voisines 
du littoral ont été successivement envahis par les alti- 
ses. Cetenvahissement a eu lieu en avancant constam- 
ment de l'occident vers l’orient. Dans l’espace dequa- 
torzeannées, ces insectes se sont propagés des vignes de 
Vendres jusqu’au Vistre, et cela dans un espace d’en- 
viron 25 lieues de longueur. Depuis lors ils ont con- 
sidérablement marché en avant, et déjà ils menacent 
tous les vignobles situés à peu de distance de la Mé- 
diterranée. Ne peut-on pas considérer ces passages d’un 
lieu à un autre comme analogues à ceux auxquels se 
livrent, par suite de leur multiplication, tant d’autres 
animaux. Sans doute ces passages s’opérent d’une 
manière lente, lorsqu'on les considère par rapport à 


— 531 — 


nous; mais leurs effets paraissent bien rapides, lors- 
qu'on les compare à leur grosseur à peine de trois à 
quatre millimètres. Ils n’en montrent pas moins la 
tendance des insectes à changer de pays, soit que 
le besoin de nourriture les y détermine, soit qu'ils y 
soient poussés par tout autre motif. Ces faits ne sont 
pas moins curieux à rapprocher, afin d’en faire saisir 
les relations ; c’est aussi sous ce rapport que nous les 
avons Consignés. 

On est moins surpris de voir certains lépidoptères 
crépusculaires, qui jouissent d’une grande puissance 
de vol, exécuter de fort longs voyages. Aussi n’est-il 
pas rare de les voir arriver sur les côtes de la Médi- 
terranée, même en plein jour. Dès que leur traversée 
est finie, les sphinx, principalement le rayé (sphinx 
lineata) butinent en arrivant sur les anthémis et les 
violiers (cheiranthus maritimus),qui croissent en abon- 
dance sur les plages maritimes du midi de la France. 
Ce que nous venons de faire observer relativement 
aux insectes crépusculaires, est plus fréquent chez les 
sauterelles ; car, après avoir traversé la Méditerra- 
née, celles-ci arrivent parfois en foule, surtout en 
septembre et en octobre. Les espèces qu’on observe 
le plus ordinairement dans le midi de la France sont 
les gryllus migratorius et lineola. 

On est moins étonné, après ces exemples, de voir 
des nuées de tipules et de cousins entrainées par les 


— 538 — 


vents jusque dans les montagnes et à de fort grandes 
distances de leur séjour ordinaire, les plaines hu- 
mides et les bords des rivières. De même souvent, en 
septembre et en octobre, des friganes, des semblides, 
sont emportées dans la direction du sud parles vents 
fort loin des lieux où elles avaient pris naissance. 

Les passages de ces insectes sont quelquefois si 
nombreux, qu'ils donnent lieu à des méprises fort 
singulières. Ainsi, vers la mi-août de l’année 1842, 
toute la ville de Brielle fut en émoi à la vue d’un épais 
nuage de fumée qui enveloppait la tour de la grande 
église. La panique se répandit en un instant dans tous 
les quartiers de la ville. Le personnel des pompes se 
rassemble donc en toute hâte, et monte à la tour avec 
rapidité. Quelle fut la surprise des pompiers, lorsqu'ils 
reconnurent que l’épais nuage qui paraissait être de la 
fumée n’était autre choseque des myriades de cousins 
(culex pipiens). Ces insectes prenaient leur essor d’un 
tuyau de cheminée adossé contre la tour. Vue de 
loin, cette pérégrination de moucherons ressemblait 
à s’y méprendre aux épaisses bouffées de fumée qui 
précèdent le développement d’un incendie. 

Les habitants de Brielle furent fort enchantés de 
cette découverte et d'en être quittes pour la peur. 
Ce fait a été aussi reproduit dans tous les journaux. 
Il y est particuliérement raconté avec détail dans Ze 
Constitutionnel du 21 août 1842. 


— 559 — 


Ces passages accidentels rappellent ceux que fait 
plus fréquemment l’apion vernale. Cet insecte se dé- 
place par grandes masses, et en nombre extrêmement 
considérable, des lieux qu’il ravage par suite de son 
extrême voracité. Cette espèce fut extrêmement com- 
mune à l’époque du choléra dans les rues de Mont- 
pellier, surtout dans toute la partie méridionale de la 
ville. Elle y passa en colonnes épaisses et nombreuses, 
au point que facilement on aurait pu en recueillir de 
grosses poignées à la fois. Ce passage, qui coïncida avec 
le choléra, eut lieu en mai et en juin de l’année 1832. 

Il en est enfin des insectes comme des oiseaux, rela- 
tivement à leur abondance : ainsi plusieurs espèces 
notées comme rares deviennent néanmoins communes 
certaines années. Ainsi, par exemple, le sphinx du 
laurier-rose (sphinx nerü) a paru en grand nombre 
en 4835, non-seulement dans le midi de la France, 
où cette espèce se trouve le plus habituellement, mais 
encore dans le nord de cette contrée, et même en 
Allemagne. Vingt-six chenilles furent prises à Saint- 
Germain-en-Laye, trente-cinq à la fin d’août à Gi- 
sors (Eure), et dix autres en Belgique. D’un autre 
côté, soixante chenilles de ce sphinx furent ramassées 
à Amiens et à Epernay , deux cents environ à Evreux, 
et vingt à Vincennes. Un assez grand nombre fut re- 
cueilli à Paris, et plus de deux cents dans les dépar- 
tements dela Seine et de la Loire. 


— 540 — 


De pareils exemples se sont renouvelés la même 
année en Allemagne ; on y a pris des chenilles et 
des individus parfaits du sphinx nerii jusqu'au delà 
de Francfort. Depuis cette époque, ils n’ont presque 
plus reparu; probablement il faudra encore bien des 
années avant que ce crépusculaire devienne aussi 
commun qu'en 1835. 

On peut encore citer parmi les crépusculaires le 
sphinx celerio ; il se livre aussi à des passages acci- 
dentels. Très-commun pendant plusieurs années, on 
ne l’a plus revu de longtemps dans les mêmes con- 
trées. Ce lépidoptère traverse souvent la Méditerranée, 
arrive dans le midi de la France en grand nombre, 
soit de Sicile, soit d'Espagne; il ne reparait plus 
ensuite de quelque temps, mais ses passages ne pa- 
raissent pas coincider avec des circonstances atmos- 
phériques particulières. Comme de pareils voyages, 
quoique fort irréguliers, se renouvellent de temps 
en temps, ce Sphinx doit être considéré comme 
une espèce de passage accidentel et rentrer ainsi 
dans celles que nous avons considérées comme er- 
ratiques. 

Ces insectes crépusculaires ne se reproduisent pas 
d’une manière constante dans les provinces méridio- 
nales de la France, ainsi qu'on s’en est assuré par leur 
observation suivie pendant plusieurs années. Ils y 
arrivent souvent d'Afrique, ou même de contrées 


— 5 — 


encore plus éloignées, et à des époques fort irrégu- 
lières : ainsi, tandis qu'on en voit un assez grand 
nombre pendant quelques années, on ne les retrouve 
plus ensuite de longtemps, 

Par suite des migrations ou plutôt des voyages 
auxquels se livrent plusieurs lépidoptères, le papilio 
ajax parait être arrivé jusque dans le midi de la 
France. Cette dernière contrée est à de bien grandes 
distances de celle habitée le plus ordinairement par 
ce papillon. Il parait en être de même du papilio 
chrysippus ; quoique des Indes orientales, il n’en ar- 
rive pas moins jusqu'en ltalie, où il étend parfois 
ses passages, en y montrant des formes qui n'appar- 
tiennent pas aux régions tempérées. 

Il parait néanmoins ne pas en être de même de la 
bombyx cegropia, qui a été également capturée en 
Italie. Les individus de cette espèce paraissent être pro- 
venus des chrysalides qui y avaient été apportées et qui 
ont éclos naturellement. Ces bombyx n’ont pas été pris 
en pleine campagne, comme les lépidoptères diurnes 
dont nous venons de parler. Leur présence, tout 
étrange qu'elle peut paraitre, ne doit pas plus nous 
surprendre que celle des Llatta americana , qui 
infestent certains ports des contrées méridionales 
de la France. Ces transports de certaines espèces, 
opérés par l'influence de l’homme, ne doivent pas 
être confondus avec les véritables passages, même 


— b42 — 


avec les plus accidentels ; ceux-ci, en effet, sont tou- 
Jours indépendants de notre volonté, et ne sont point 
soumis à notre puissance. 

D’autres faits non moins positifs prouvent à quel 
point les espèces vivantes tendent à s'étendre et à 
quitter les lieux qui les ont vus naitre, pour se porter 
dans de nouveaux climats. Nous avons rapporté 
l'exemple du papilio ajax qui a été pris sur la place 
du Peyrou, à Montpellier. Cet individu a longtemps 
fait partie de la collection de feu M. de Belleval. Nous 
ne nous dissimulons pas ce que ce fait a d’extraor- 
dinaire, d’autant que depuis l’époque où cette espèce 
aurait été prise vivante dans le midi de la France, 
elle n’y aurait plus reparu. Si réellement ce papillon 
a été aperçu à Montpellier, il peut être provenu d’une 
chrysalide apportée d'Amérique par dessvaisseaux 
qui auraient abordé à Cette. 

Si l’on n’admet pas cette circonstance, il est difli- 
cile d'expliquer la présence de ce papillon dans le 
midi de la France autrement que par l'effet d’une 
véritable migration, surtout à raison des habitudes 
propres aux espèces de ce genre. Ainsi le charaxes 
jasius ou rhea, extrêmement commun à Nice, étend 
quelquefois ses excursions jusqu’à Montpellier ; mais 
il se passe souvent plus de dix ou même plus de 
quinze ans sans que l’on en voie un seul. Cette es- 
pèce reparait cependant après des intervalles plus ou 


— DA3S — 
moins éloignés, tandis qu’à l'exception de l'unique 
individu du papilio ajax dont nous venons de par- 
ler on n’en a pas apercu d’autres. 

On concevrait plus facilement qu'une espèce noc- 
turne eût été vue une seule fois et n’eût plus été 
capturée depuis; mais il ne peut en être de même 
d’une espèce diurne. L'irrégularité dans l'apparition 
des divers lépidoptères est souvent extrêmement 
grande. En effet, pendant plus de dix ans, la lithosia 
pulchra ne s'était presque pas montrée à Montpellier, 
tandis que, en 1840, les chenilles de cette noctuelle 
ont dévoré toutes les plantes de l’Aeliotropium eu- 
ropæum. Un certain nombre ont même attaqué la 
vipérine (echium vulgare), faute d’avoir des héliotro- 
pes à leur disposition. Par suite de la grande quantité 
de chenilles de cette noctuelle, elle a été des plus 
communes, et les entomologistes du Midi en ont pris 
des quantités considérables. 

Le penchant général des animaux qui les porte 
à se transporter d’une région à l’autre fait qu'une 
foule d'insectes abandonnent les lieux où ils s’étaient 
primitivement fixés. On voit souvent les abeilles 
quitter les ruches où elles s'étaient établies, pour al- 
ler avec leurs essaims essayer si d’autres climats leur 
seraient plus favorables. Il en est de même des ter- 
mites et des fourmis; ces insectes se déplacent aussi 


sans motif apparent, et nous rappellent les passages 


— 544 — 


accidentels auxquels se livrent un grand nombre d’es- 
pèces d’un ordre plus élevé. 

Ces faits et une foule d’autres analogues, dont 
les articulés nous donnent l’exemple, nous mon- 
trent que tout dans la nature est dans un mouve- 
ment continuel. Cette agitation, qui nous frappe sur- 
tout chez les êtres vivants, ne laisse pas que d’être 
encore sensible même chez les corps bruts. Ce qui est 
non moins remarquable, les abeilles transportées en 
Amérique voyagent comme celles de l’Europe. Cepen- 
dant les individus de ce genre qui se trouvent dans 
les portions les plus chaudes du nouveau monde ou 
celles qui ont été transplantées en Afrique n’y amas- 
sent plus de miel, quoiqu’elles butinent sur les fleurs 
comme les autres. Elles ne construisent plus de ru- 
ches comme les abeilles des régions tempérées. Ces 
ruches ne leur sont plus nécessaires, puisqu'elles 
rencontrent dans toutes les saisons de l’année des 
plantes en fleurs dont les sucs mielleux suffisent à 
leur subsistance. L'instinct qui les porte à cesser 
complétement de se livrer à un acte qui semble atta- 
ché à leur nature a, il faut l'avouer, quelque chose 
de bien rapproché de l'intelligence. 

On sait que la vanessa cardui se trouve dans 
presque toute l'Europe et l'Afrique. Le papillon du 
chardon, un des insectes les plus éminemment voya- 
geurs, parait avoir porté ses migrations jusqu'aux 


— 545 — 


plus grandes distances. Il les étend même de Jour en 
jour d’une région à l’autre, et se trouvera peut-être 
bientôt dans toutes les contrées de la terre. 

Cette circonstance dépend peut-être de deux par- 
ticularités qui lui sont propres. Ce papillon supporte, 
sans paraitre en être incommodé, des différences de 
température plus considérables que la plupart des 
autres insectes. Quoique cette espèce se trouve en 
Afrique, d’où elle nous arrive souvent au printemps 
en grand nombre, elle n’en passe pas moins l'hiver 
dans le midi de la France. Elle s’y blottit dans les 
trous des vieux murs, d’où elle sort pour si peu que 
le soleil brille. 

Ce papillon, connu vulgairement sous le nom de 
belle-dame , vole presque aussi bien la nuit que le 
jour. Il peut ainsi faire de longues excursions. Cette 
particularité favorise singuliérement son humeur 
voyageuse. 

Une autre espèce du même genre, et fort rapprochée 
de la belle-dame par ses formes générales, se trouve 
à la Havane et au Brésil. Lorsqu'on la compare atten- 
tivement avec cette dernière, on reconnait qu’elles 
sont loin d'être les mêmes. Du moins leurs nuances, 
la disposition des teintes et des taches, sont assez diffé- 
rentes pour être certain que Cramer a distingué avec 
raison la belle-dame d'Amérique d’avec celle qui ha- 
bite l'Afrique et la plus grande partie de l'Europe. 


514 


— 546 — 


C’est donc sans fondement qu’on a considéré les deux 
espèces comme semblables. Ce fait inexact ne peut 
être invoqué comme une exception à la loi générale 
de distribution, d’après laquelle aucune sorte de pro- 
ductions vivantes n'est commune aux deux grands 
continents. 

Cependant il ne parait pas en être ainsi de la der- 
lephila pinastri. Ce sphinx, essentiellement voyageur, 
se trouve à la fois dans le midi et le nord de la France, 
ainsi que dans d’autres contrées de l'Europe. On vient 
récemment de le rencontrer dans l'Amérique septen- 
trionale. Il paraît y être arrivé aprés avoir franchi le 
détroit de Behring. 

Les individus qui y ont été aperçus paraissent avoir 
déjà éprouvé l'impression des climats nouveaux où 
ils ont fixé leur séjour.Du moins leurs nuances sont 
plus sombres, soit en dessus, soit en dessous, que 
celles des individus des régions tempérées. Aussi, par 
suite de cette manie qui semble particulièrement af- 
fecter les entomologistes, on s’est empressé de faire 
des individus découverts dans le nord de l'Amérique 
une nouvelle espèce. Mais, avant de se décider à cet 
égard, on aurait dü s'assurer si ces sphinx supposés 
différents ne donneraient pas constamment les mêmes 
produits, et s’ils ne se perpétueraient pas d’une ma- 
nière indéfinie. La génération peut seule nous per- 


mettre d’avoir la clef de toutes ces différences indivi- 


— DAT — 


duelles qui ne méritent pas les noms nouveaux qu'on 
leur impose, et dont on les décore sans raison. 

De même certains individus de la vanessa urticæ 
n'offrent pas les deux points noirs que l’on voit aux 
ailes de plusieurs autres, et leur bordure terminale 
est également un peu plus étroite. On a donné aux 
uns le nom de vanessa ichnusa, et on a seulement 
conservé aux autres celui de vanessa urticæ. Avant 
de distinguer ces divers individus, il aurait fallu s’as- 
surer si ces différences étaient réellement spécifiques. 
On a été loin de s’en occuper, et l’on a, sans motif 
légitime, érigé des variétés en espèces. 

Une autre circonstance, tout aussi légère, a fait sé- 
parer le satyrus arethusa en deux races distinctes. On 
a donc créé le satyrus neomiris, en raison de ce que 
dans certains individus, la bande jaune du bord des 
ailes de la première variété s'agrandit et s’élargit 
considérablement dans la dernière. Si l’on s’était 
donné la peine d'observer les passages d’une espèce à 
l’autre on se serait assuré que ces variétés se fondent 
insensiblement, et qu'il est presque impossible de 
distinguer les individus intermédiaires de ceux que 
l’on doit considérer comme types. 

Si de pareils principes venaient à prévaloir, il fau- 
drait également faire deux espèces du sphinx Nerü, 
selon que les individus sont nés dans les champs, ou 
qu'ils ont été élevés de chenilles. Il y a plus, lors- 


— 5418 — 


qu'on compare les sphinx que l’on fait éclore arti- 
ficiellement au mois de décembre avec ceux qui vien- 
nent au monde au milieu de l’été, on trouve entre eux 
des différences sensibles. Les premiers ont des teintes 
moins vives, presque pas nuancées de rose, et des di- 
mensions moins considérables. Il en est de même des 
sphinx que l’on élève dans les régions septentrio- 
nales de l’Europe. Ils ressemblent encore moins aux 
races sauvages des contrées méridionales que ceux 
que l’on y fait éclore au milieu de l'hiver. 

Les entomologistes ont cependant eu raison de faire 
deux espèces du sphinx ocellata d'Europe et de celui 
qui vit en Amérique; car il n’y a entre elles aucune 
analogie ni pour la forme des ailes ni pour la dispo- 
sition et la figure des taches. On ne peut donc pas se 
plaindre de l'établissement de ces espèces ; elles sont 
fondées sur des distinctions réelles. 

Différents lépidoptères nocturnes se livrent égale- 
ment à des migrations presque aussi lointaines que 
celles qu’exécutent les espèces diurnes et crépuscu- 
laires. On le suppose en observant la zoctua peltigera 
d'Europe, non-seulement au cap de Bonne -Espé- 
rance, mais encore dans les Indes, à Cayenne, ainsi 
que dans l’Amérique du Nord. Cette espèce peut 
avoir été transportée dans ces divers climats par les 
navigateurs, et avoir ainsi suivi nos pas. Cette suppo- 
sition est d'autant plus admissible, que cette noctuelle 


— 549 — 


supporte , sans inconvénient , les températures les 
plus diverses, circonstance qui rend sa dispersion 
plus facile. 

Ce lépidoptère presque crépusculaire nous donne, 
pour les insectes, des exemples analogues à ceux que 
l’hirondelle de cheminée et la chouette-effraie nous 
présentent chez les oiseaux. Elle est loin d'être la 
seule qui offre de pareilles habitudes. La noctua 
gamma , espèce si commune en Europe, parait être 
répandue dans presque toutes les régions, et partout 
avec la même abondance. 

Les grandes fourmis ailées ( formica herculeanea 
et rufa), si fréquentes dans les champs des contrées 
tempérées, exécutent également de grands voyages. On 
les voit arriver dans d’autres contrées à l’époque où les 
martinets (/irundo apus Linné) y paraissent égale- 
ment attirés par ces articulés, dont ils font leur nour- 
riture. Ces insectes, comme les oiseaux qui les recher- 
chent, paraissent les uns et les autres au printemps, 
dont ils signalent et annoncent le retour. Une pareille 
coïncidence dans l'apparition de cesdiversanimauxne 
semble pourtant pas avoir frappé les observateurs, 
peut-être parce qu'ils n’en ont pas rapproché les cir- 
constances ni saisi leurs relations. 

Quelques insectes opèrent aussi des passages sur 
lesquels l'attention des cultivateurs a été attirée en 


raison des dégats qu'ils font aux récoltes. Parmi les 


— 550 — 


derniers on peut citer l’eumolpe (ewmolpus obscurus) 
désigné dans le patois méridional sous le nom de ca- 
nine ou babote. Cette espèce attaque principalement 
les luzernes. Elle les dévore quelquefois à peu près 
complétement, et lorsqu'elle les a ravagées elle se 
rend dans une autre, et ainsi successivement. Ses pas- 
sages, qui dépendent presque toujours du manque de 
nourriture, sont par cela même accidentels. 

L’eumolpe parait être arrivé d'Espagne dans les 
contrées méridionales dela France, où ilest maintenant 
sédentaire. Il s'étend de jour en jour vers le nord de 
cette contrée, où sa voracité et le nombre immense 
d'œufs qu’il pond le rendront tout aussi redoutable 
qu'il l’est devenu pour le midi de la France. 

Les mêmes variations de nombre que nous avons 
reconnu avoir lieu d’une année à l’autre entre les di- 
vers individus d’une même espèce d'oiseaux se fontre- 
marquer pour ceux d’une méme race d'insectes. Ainsi, 
telle année on observe une quantité immense d’une 
espèce, et puis elle ne reparait presque plus pendant 
de longues années. On peut citer comme un exemple 
remarquable de ces apparitions extraordinaires celle 
qui a eu lieu en 1838 dans la forêt de Raisne (France). 
Au mois d’août, les cantharides (/ytta vesicatoria 
Fabricius) y arrivérent en quantité si considérable, 
qu'il suffisait de secouer un des arbres de cette forêt 
pour en ramasser à l'instant plusieurs boisseaux. Leur 


— 5951 — 


nombre fut si grand à cette époque, que tous les 
frênes de cette forêt furent complétement dévorés. 

D'unautre côté, depuis l’année 1835, où un passage 
extrêmement considérable des sphinx celerio, Nerü 
et de la noctuelle nommée plusia Daubei eut lieu dans 
le midi de la France, on n’y a presque plus revu ces 
lépidoptères. À peine quelques individus ont-ils été 
capturés depuis lors. Pendant que ces passages avaient 
lieu dans les contrées méridionales de la France, 
M. Rambuhr en observait la même année 1835 de pa- 
reils en Espagne. Ils y étaient aussi nombreux que 
ceux auxquels nous avons dù une grande quantité 
d'individus des noctuelles et des sphinx, dont nous 
venons de désigner les espèces. 

De pareils exemples nous sont fournis presque cha- 
que année par différents insectes.Ces faits sont d’autant 
moins extraordinaires, que ces animaux sont extrême- 
ment variés. En effet, les entomologistes comptent déjà 
plus de vingt-cinq mille espèces dans une seule classe 
de l’ordre d’articulés, à laquelle on a donné le 
nom de coléoptères. Il est même possible qu’elle ne 
soit pas la plus nombreuse entre les sept qui en font 
partie. On sent quelle doit être la variété de mœurs 
et d’habitudes des animaux dont les espéces sont aussi 
multipliées. Dés lors, on comprend facilement toutes 
les irrégularités que peuvent présenter leurs passages 
d'autant plus différents de ceux des oiseaux, qu’ils ne 


— 552 — 


dépendent pas d’un instinct à eux particulier, mais 
uniquement de causes tout à fait accidentelles. 

Il n'existe donc pas chez les insectes de véritables 
espèces émigrantes ; tout au plus voit-on chez cet or- 
dre d'animaux quelques races erratiques. Leurs voya- 
ges n'ont jamais cette régularité et cette périodicité 
qui caractérisent les migrations des poissons et des 
oiseaux. Les insectes qui jouissent d’une grande agi- 
lité sont à peu près les seuls qui exécutent de longs 
voyages. Parmi ceux qui nous en fournissent plus 
particulièrement des exemples, on peut citer les lé- 
pidoptères, les orthoptères, et parmi les derniers, le 
grand genre des sauterelles (gryllus, locusta, acry- 
dium et autres). 

Telles sont quelques-unes des particularités que 
présente l’ordre des insectes. Quoique par la gran- 
deur et la facilité des mouvements de leurs espèces il 
puisse en quelque sorte être considéré comme les oi- 
seaux des invertébrés, il ne présente pas cependant 
des races émigrantes, et encore moins cosmopolites : 
du moins aucune espèce d'insectes ne paraît commune 
aux différents continents. Dés lors il n’en est pas qui 
soit propre à l’universalité des régions terrestres. Nous 
ne nous étendrons pas davantage sur ces observations 
générales : ces détails sur les habitudes voyageuses de 
ces animaux placés si haut par leur instinct, en 
même temps que par la variété et la complication 


— 553 — 


des mouvements dont ils sont susceptibles, sont suf- 
fisants pour le but que nous nous somines proposé 


dans cet écrit. 


CHAPITRE III. 


DES ELMINTHÉS ET DES ZOOPHYTES. 


Pour terminer ces observations préliminaires, il ne 
nous reste plus qu’à dire quelques mots des elminthés 
et des zoophytes. Les premiers , vivant dans l’intérieur 
. du corps des autres animaux, sont par cela même sé- 
dentaires, comme tous les zoophytes qui appartiennent 
aux polypes à polypiers. Ceux-ci, architectes in- 
fatigables d’édifices gigantesques, malgré leur fai- 
blesse et l’exiguïté de leurs dimensions, ne se dépla- 
cent jamais. Ils travaillent sans cesse, et, pouragrandir 
les récifs ou les iles qu'ils élèvent au-dessus des mers, 
ils ne se meuvent que dans l'intérêt de leurs ouvrages. 

Onne trouve presque pas non plus d’espèces errati- 
ques parmi les échinodermes pédicellés, les plus com- 
pliqués des zoophytes, tels que les astéries et les oursins 
proprement dits, dont les mouvements sont si lents, 


— 554 — 


qu'ils nesauraient se livrer à de longues excursions. 
Il en est de même des échinodermes sans pieds ; la plu- 
part d’entre eux vivent en effet dans le sable, et sous 
l’eau de la mer. On peut en dire autant des acalèphes 
fixes, et avec d'autant plus de raison , que plusieurs 
d’entre eux, tels que certaines espèces d’actinies, 
s’attachent de préférence sur les coquilles, ou sur 
d’autres corps organisés pierreux marins. 

IL faut donc descendre aux acaléphes libres et hy- 
drostatiques pour rencontrer des zoophytes erratiques. 
Les méduses, les cyanées, les rhizostomes, les béroés, 
les cestes, les diphies, les vélelles, paraissent avoir de 
pareilles habitudes. C’est surtout chez les acalèphes 
hydrostatiques qu’elles sont généralement répandues. 
Les physalies, les physsophores, les rhizophyses et 
les stéphanomies ont été cités par tous les voyageurs 
comme des espèces aussi remarquables par la singu- 
larité de leurs formes et de leurs dispositions que par 
l'étendue des voyages auxquels elles se livrent. Il pa- 
rait donc que ces espèces sont les plus éminemment 
erratiques de tous les zoophytes. 

Les polypes nus ou les infusoires, vivant unique- 
ment dans les eaux douces, sont, par suite de leurs 
habitudes, nécessairement sédentaires ; car les espèces 
qui offrent ce genre de stations voyagent beaucoup 
moins que celles qui se trouvent dans les eaux salées. 
Cet apercu, quelque succinct qu'il puisse paraître, suf- 


— 555 — 


fira cependant pour faire saisir quelles sont les mœurs 
des invertébrés considérés sous le rapport des mou- 
vements qu’ils peuvent exécuter et des voyages qu'ils 
sont capables d'entreprendre. 

Un assez grand nombre de zoophytes se livrent 
aussi à de fort longs voyages. Les méduses entre 
autres se distinguent d’une manière toute particu- 
lière par l’étendue de leurs excursions et le grand 
nombre d'individus qui concourent à ces passages plus 
ou moins irréguliers. On peut citer encore les vel- 
lèles et, par exemple, la vellela mutica, qui habite 
la Méditerranée. Les passages de ce zoophyte sont, 
comme tous ceux qu'exécutent les espèces de la même 
famille, tout à fait accidentels. On ne les voit pas se 
renouveler à des époques fixes. Ils sont souvent assez 
nombreux pour que les individus rejetés sur les côtes 
de la Méditerranée y composent comme des rubans 
bleus de la plus grande étendue. 

M. A. d'Orbigny nous a appris que plusieurs es- 
pèces de mollusques du genre ommastrophus exécu- 
taient presque annuellement de grandes et longues 
excursions. Il en est aussi bien de l’ommastrophus 
giganteus des mers du pôle sud que de l’om- 
mastrophus sagittatus de celles du pôle Nord. Ces 
deux espèces viennent encombrer les côtes du Chili 
et les rivages de Terre-Neuve où M. A. d’Orbigny 
les a observées en quantité immense. 


— 556 — 


Les mollusques fluviatiles, bien différents des 
espèces marines, ne paraissent pas se livrer à de 
orands voyages. Aussi, dans les lieux où il n’existe 
pas de véritables rivières ni de grands cours d’eau, 
on n'en découvre point, puisque les mollusques des 
eaux douces ne se déplacent pas. Pour en être con- 
vaincu , il suffit de comparer le nombre des ano- 
dontes et des mulettes (zrio), que l’on rencontre à 
la Nouvelle-Guinée, dans l'Océanie, avec celui qui 
existe dans l’Amérique du Nord. Ces dernières y 
sont en nombre immense, tandis qu’il n'existe qu’une 
seule espèce d’anodontes et de mulettes dans les eaux 
douces de la première de ces contrées. 

On ne saisit pas aussi bien à quelle cause on doit 
attribuer l’absence de toute hélice à la hauteur du 
détroit de Magellan ; si jamais on y en découvre, ce 
sera une preuve des effets de l’influence de l’homme 
sur la distribution des animaux. On ne peut pas non 
plus se rendre compte pourquoi le dernier mollusque 
univalve vers le pôle est une patelle (aux îles 
Powels et aux iles Auckland) à peu près comme au 
pôle nord, mais seulement à un degré moins avancé 
en latitude. On se demande enfin comment il se fait 
que les buccins du Nord n’ont aucun représentant 
dans les mers du Sud. Ces faits ont les plus grands 
rapports avec la questiou qui nous occupe: car, si par 
la suite ces circonstances n'étaient plus les mêmes, 


POP 


— 551 — 


elles fourniraient une nouvelle preuve de l'influence 
de l’homme sur les changements qu’il opère dans la 
position primitive des êtres vivants. 


CHAPITRE IV. 


DES VOYAGES ACCIDENTELS DE CERTAINS ANIMAUX. 


Les causes qui influent sur les migrations des 
mammifères, des oiseaux et des poissons semblent 
n'avoir rien de commun avec celles qui font qu’un 
certain nombre d’entre eux voyagent avec les plantes, 
comme d’autres avec l’homme. Elles n’ont pas, à ce 
qu'il parait, plus de relations avec celles qui font fuir 
certains animaux devant l’homme, et les portent dans 
de nouveaux climats, différents de ceux où ils avaient 
primitivement fixé leur séjour. 

L'Amérique a doté l’Enrope de certaines espèces, 
tandis qu’en revanche un grand nombre d’autres 
races ont passé de l’ancien monde dans le nouveau. 
Parmi les mammifères, ce sont toujours les plus pe- 
tits qui voyagent le plus et qui suivent le plus cons- 
tamment les traces de l’homme. C’est surtout parmi 
les rongeurs et les insectivores qu'on découvre le plus 


— 558 — 


d'espèces voyageuses , ou de celles qui émigrent le 
plus volontiers. 

Pour en citer des exemples, nous dirons qu’un des 
plus petits mammifères, la musaraigne naine ( sorex 
pigmæus), qui n'avait jamais été vue en Allemagne, 
a été cependant observée, il y a quelques années, 
dans la Silésie et le Mecklembourg. De même, plu- 
sieurs espèces de rats et de souris s’avancent conti- 
nuellement de l’Asie en Europe. D’un autre côté, le 
rat commun semble avoir été inconnu dans les con- 
trées tempérées de l’Europe, dans les anciens temps, 
cependant il y est maintenant extrêmement répandu, 
même depuis longtemps. De nos jours, ce rat, d’un 
gris noirâtre (mus rattus Linné), n’est déjà plus le 
rat le plus commun et le plus vulgaire, du moins 
dans le nord de l'Europe. Une autre espèce plus 
forte, inconnue de Linné et que Pallas a désignée 
comme arrivée d’Astracan en 1727, tend continuel- 
lement à faire disparaitre la première espèce par- 
tout où le commerce vient à s'établir. 

Cette espèce, le surmulot de Buffon, ou le W'an- 
derratte des Allemands (mus decumanus Pallas), 
a été transportée de nos jours par la Nudeja au 
Kamtschatka. C'est pour le Nord la véritable enseigne 
du commerce, et à tel point, qu’on peut dire qu'un 
lieu sans surmulot est un lieu sans négociants ni 
marchands. 


nl Re PRES ET 27 2 


étions 


— 559 — 


Il en est différemment des grands animaux; ils 
tendent à fuir devant nous, et finissent même par 
se perdre par suite de notre influence. Aussi, dans la 
lutte qui s'établit entre l’homme et un animal, quels 
que soient sa force et son courage, cette lutte est tou- 
Jours au désavantage du second. 

Le lion, selon Hérodote et Aristote, existait encore 
de leur temps en Macédoine. L'armée de Xerxés eut 
à en souffrir beaucoup plus tard. Mais aprés avoir 
longtemps occupé l’Asie-Mineure et la Syrie, ce ter- 
rible carnassier est repoussé aujourd’hui hors des 
frontières de la Perse et de l’Inde dans quelques 
contrées de l’Arabie. Le lion, si dangereux pour 
l’homme, qui, par ses efforts constants, tend à le dé- 
truire, ne domine plus maintenant qu’en Afrique. 
De même, l’hippopotame, la girafe, et d’autres mam- 
mifères terrestres d’une taille plus ou moins colossale, 
se sont retirés dans l’intérieur de l'Afrique. Le cro- 
codile n’existe presque plus dans la basse Egypte, 
d’où il a été chassé par les attaques de l’homme, qui 
avait à le redouter. 

Il'en est à peu près de même de l’aurochs ou de 
l’urus des anciens. Fort commun en Allemagne, 1l 
n'y existait déja plus dans le xvi° siècle. Cette es- 
pèce, nommée zoubre en Russie, et Wisent par les 
anciens Allemands, était tellement répandue dans la 
Germanie, que beaucoup de noms de lieux en rap- 


— 560 — 


pellent encore la mémoire. On chante même les plai- 
sirs de la chasse de l’aurochs dans les Nibelungen. 
Il s’est maintenu plus longtemps en Prusse et en 
différentes parties de la Pologne, où il a été observé 
et décrit par Herberstein. 

Le dernier qu’on a tué en Prusse remonte à 1755. 
Déjà du temps de Forster fils, cet animal ne se trou- 
vait plus en Pologne que dans la grande forèt de Bia- 
lowieza, où il en existe encore quelques-uns, à raison 
des soins que le gouvernement apporte à sa conserva- 
tion. Nous avons vu périr dans la ménagerie de Schœn- 
brunn, près de Vienne en Autriche, un aurochs pris 
quelques années auparavant (1809) dans la forêt de 
Bialowieza. Cet individu parait avoir été le dernier 
qui y ait vécu. 

Depuis lors, et récemment, on vient de découvrir 
cette espèce dans le Caucase, presque dans les mêmes 
lieux où l’on a rencontré le tigre royal et la panthère 
irbis. Le zoubre du Caucase ne parait pas différer 
de celui des forêts de la Pologne ; aussi l’existence 
d’un bœuf sauvage nommé gaour dans l’inde, semble 
se rapporter à l’aurochs. Cette espèce se rencontre 
jusqu'au delà du Gange, et se trouve aujourd’hui dis- 
persée en quelques tribus bien éloignées les unes des 
autres. Ceux qui habitent la forêt de Bialowieza ont 
pour voisin le glouton du Nord et sur la côte de Te- 


nasserim, l’éléphant et le rhinocéros. 
» P 


— 561 — 


Il en est également du cerf à bois gigantesques, 
dont on trouve la représentation sur les monuments 
de l’ancienne Rome. Cette espèce, décrite aussi bien 
par Appien que par Münster, Aldovrandeet Johnston, 
parait avoir vécu jusque dans le xv° siècle, soit en 
Prusse, soit en Italie. Ce cerf, si remarquable par la 
grandeur deses bois, doit avoir existé depuis les temps 
historiques, d’après le calus observé par Hart sur un 
os de cette espèce découvert dans les dépôts dituviens 

e l'Itulie. Ce calus paraît avoir été opéré à la suite 
d’une blessure produite par un instrument pointu et 
tranchant. Ce cerf a dû disparaitre d'autant plus vite, 
que, d’après la grandeur de ses bois, il ne pouvait 
trouver facilement un refuge dans les forêts. D’ail- 
leurs, les plages marécageuses où cet animal avait 
fixé son séjour, ayant fini par se dessécher elles-mêmes, 
il ne lui a pas été possible de satisfaire à ses condi- 
tions d’existence. C’est ‘donc à tort que pendant 
longtemps on a considéré cette espèce comme fossile. 

Ce cerf, dont la race a été anéantie depuis peu de 
temps, a eu une vie presqueaussi courteque la vache 
marine de la mer de Kamtschatka. Nous n’en avons 
eu connaissance qu'au commencement du xvim°siècle ; 
elle avait disparu dès 1768, et depuis cette époque 
aucun individu n'a été apercu. Ce qui est encore 
plus digne de remarque, le cerf à bois gigantesques, 


dont la disparition remonte à des temps si peu re- 


56 


— 562 — 


culés, a été cependant contemporain des anciens 
éléphants, des rhinocéros et des hippopotames. Il est 
également une foule d’autres espèces, qui sont per- 
dues ou du moins qui ne vivent plus maintenant dans 
les contrées tempérées de l’Europe. 

Le dronte ou dodo semble avoir eu une vie encore 
plus courte. Commune à l'ile Bourbon ainsi qu’à 
l’île de France jusqu’en 1626, où Herbert l’avait 
vue, cette espèce en a entièrement disparu depuis 
lors; elle n’a plus été trouvée ailleurs. Ses dé- 
bris ont été reconnus en la même ile dans d’an- 
ciennes eouches d’eau douce, qui se trouvaient au- 
dessous des terrains volcaniques, 5lus ou moins mo- 
dernes. D’après les restes du dronte découverts dans 
ces circonstances, on se demande s’il n’aurait pas 
existé plusieurs espèces de ce genre. Il parait, d’après 
la considération de ces débris tout au moins huma- 
tiles, qu’effectivement le genre dronte devait com- 
prendre plusieurs races différentes. 

On ne retrouve pas davantage en Egypte, certaines 


espèces de crocodiles qui sont pourtant embaumées 


dans les catacombes de cette contrée. Elles ont dis- 
paru entièrement des lieux qu'elles habitaient pri- 
mitivement. Tous les efforts de M. Geoffroy Saint- 
Hilaire et des savants français qui ont fait partie avec 
lui de l'expédition d'Egypte ont été vains pour re- 
trouver quelque trace des reptiles, que des recherches 


1" es 


— 563 — 


faites dans les anciens tombeaux avaient rendus de 
nouveau à la lumière. 

Ces animaux ont probablement cessé d’exister, 
comme plusieurs qui sont figurés sur la mosaique de 
Palestrine ; on ne trouve pas plus de traces de ceux-c1 
que du sanglier gravé sur le temple de Jupiter à Olym- 
pie par le ciseau d’Alcamène. 

Ces animaux ont fui devant l'homme et ont suc- 
combé sous les effets de sa puissante et redoutable 
influence. Comment méconnaitre cette influence, lors- 
que les baleines, qui du temps de Pline venaient avec 
d’autres grands cétacés jusque dans le golfe de Gas- 
cogne, ne se trouvaient déjà plus à l’époque de Juvé- 
nal que sur les côtes d'Angleterre, ainsi que ce poëte 
a prissoin de nous l’apprendre? Depuis lors les choses 
ont encore bien changé. Les navigateurs sont for- 
cés d'aller chercher les grands cétacés jusque sur 
les côtes du Spitzherg et dans les mers glaciales. 
Refoulés vers le Nord, ces animaux fuiraient encore 
plus loin, si les glaces des pôles n’arrétaient leur 
marche et n'étaient un obstacle qu'ils ne sauraient 
surmonter. D'un autre côté, par des causes proba- 
blement analogues, les crocodiles ont disparu tout à 
fait de l’Europe; il n’en existe plus maintenant qu’en 
Asie, en Afrique et en Amérique. 

Quelques espèces, peut-être plus robustes, sans 
cesser de vivre, ont été reléguées vers le Nord, par 


— 564 — 


suite de notre influence. Ainsi l’élan, cet antique com- 
pagnon de l’aurochs, est aujourd’hui confiné avec lui 
dans le nord de la Pologne. Cependant du temps de 
Strabon il vivait encore dans les Alpes. Il en est de 
même du renne, qui à l’époque de César habitait 
avec l’élan et l’aurochs les forêts de la Germanie. On 
ne le retrouve plus aujourd’hui qu’en Laponie et dans 
les parties les plus froides de la Russie. 

Enfin du temps d'Oppien le mouflon ou mouton 
sauvage était commun en Italie; aujourd’hui on ne 
le voit plus qu’en Corse et en Sardaigne. Ce mouflon, 
type des moutons et dont les descendants couvrent 
aujourd’hui les plaines des pays civilisés, a disparu en 
quelque sorte des Alpes de la France, de la Suisse, de 
l’Illyrie, ainsi que les ægagres, types des chèvres. Ces 
races, reléguées maintenant avec les sangliers et les 
ours dans de vieilles forêts, tendent comme tous les 
animaux sauvages, à disparaitre du sol qui les a vus 
naitre; les progrès toujours croissants de la civilisa- 
tion et l’ardeur que les peuples modernes ont montrée 
pour la chasse les ont détruites peu à peu. 

Mais toutes les causes qui tendent à refouler vers 
le Nord les races sauvages, ou qui tendent à les dé- 
placer des lieux qu'elles habitaient primitivement 
n'ont rien de commun avec l'instinct qui porte cer- 
taines espèces à se transporter à des époques plus ou 
moins régulières dans des climats nouveaux. Ces mi- 


— 565 — 


grations sont inspirées aux animaux, dont elles sont 
un besoin, par la nature elle-même, tandis que les 
voyages ou plutôt leurs grandes excursions leur sont 
sugoérés par des influences étrangères. La plus puis- 
sante est celle de l’homme, qui tend constamment à 
chasser des lieux où il s’établit les animaux qui peu- 
vent lui nuire. 

Une dernière cause n’est pas sans influence sur 
les émigrations de certaines espèces végétales et ani- 
males; c’est celle qu’elles exercent les unes sur les 
autres. Lorsque certains végétaux s’établissent sur un 
sol quelconque, s’ils sont sociaux, ils finissent bien- 
tôt par l’envahir complétement et y dominer en mai- 
tres exclusifs. 

Il suffit que des bruyères commencent à végéter 
quelque part, pour que les autres plantes lui cédent 
entièrement le terrain sur lequel elles sont venues 
se fixer. Il en est de même de certains arbres, 
qui une fois établis sur un sol quelconque en éloi- 
gnent bientôt tous ceux qui y prospéraient naguère. 
Tels sont les pins, les sapins, les mélèzes, ainsi que 
les hêtres et les bouleaux. Ces arbres composent bien- 
tôt seuls les forêts où ils ont une fois pris racine et 
planté leurs drapeaux. 

Les mêmes faits se représentent également chez les 
animaux. Pour en être convaincu , il suffit de par- 


courir le sol à demi inondé des savanes de l’Améri- 


— 566 — 


que. On yrecherche en vain les traces des cerfs, des ta- 
pirs, qui, au dire des premiers observateurs, y vivaient 
jadis en foule, pleins de bonheur et de sécurité. Ils en 
ontété chassés par les bœufs et les chevaux, que nous 
avons transportésavec nousdans les forêts du nouveau 
monde ; ils y dominent maintenant en maitres, et ont 
fait fuir devant eux les premiers habitants de ces sa- 
vanes à demi inondées, ou de ces forêts vierges qu’au- 
cun homme n'avait foulées avant l’époque de leur 
découverte. 


CHAPITRE V. 


DU PHÉNOMÈNE DE L'HIVERNATION. 


D’après. l’ensemble des faits que nous venons de 
rappeler, le besoin de se transporter d’un dieu dans 
un autre n’est pas également impérieux chez les ani- 
maux qui, par la facilité de leurs mouvements, en- 
treprennent les plus longues migrations. Le besoin 
de changer de climat n’est pas non plus général chez 
les oiseaux et les poissons. Ils sont cependant les ani- 
maux en qui ce penchant semble le plus irrésistible ; 
car s’il était général, il n’y aurait pas d'espèces sé- 


— 5617 — 


dentaires ou fixées d’une manière en quelque sorte ir- 
révocable au sol qui les a vues naitre. 

Le phénomène des migrations ou des passages est 
done un fait particulier et en quelque sorte indivi- 
duel. Il n’est propre qu’à un certain nombre d’es- 
péces, et parait soumis à certaines conditions. On ne 
voit guère parmi les mammifères que les très-petites 
espèces qui se livrent à de grandes migrations. En- 
core celles-ci ont généralement peu de fixité. Du moins 
elles ont rarement lieu à des époques déterminées, 
comme celles qui règlent les passages périodiques des 
oiseaux et des poissons. 

Quant aux derniers animaux, c’est principalement 
ceux auxquels la facilité et l’agilité des mouvements 
donnent les moyens de se transporter à de grandes 
distances et de franchir des espaces très-étendus qui 
se livrent particulièrement à des migrations lointaines. 
Dès lors les oiseaux ou les poissons qui ne peuvent 
pas exécuter avec facilité toutes sortes de mouvements 
restent confinés dans les lieux qui les ont vus naître. 
Ceux-ci n’imitent donc pas l'humeur voyageuse des 
espèces de haut vol. Du moins nous voyons, à des 
époques réglées pour chaque espèce, les ‘dernières 
quitter les contrées où elles avaient fixé leur séjour 
pour aller chercher ailleurs une température ou une 
nourriture qui allait leur manquer. Elles partent sou- 
vent pour assurer la durée et la perpétuité de Leur 


— 568 — 


race, où poussées par un instinct plus irrésistible que 
ces diverses circonstances. 

Le phénomène qui porte certains animaux à se 
déplacer à des époques plus ou moins fixes rappelle 
en quelque sorte celui de l’hivernation. Ce dernier 
phénomène est tout aussi particulier, tout aussi indi- 
viduel que le premier. Il se renouvelle d'une manière 
aussi périodique que celui des passages et des mi- 
grations des oiseaux et des poissons. L’engourdisse- 
ment de plusieurs animaux est tout aussi constant aux 
approches de l'hiver que le renouvellement des poils 
et des plumes ou celui des feuilles et des fruits. 

C'est uniquement sous le rapport qui existe entre 
la particularité et la périodicité de ces phénomènes 
qu’il existe entre eux quelques rapports; car l’on ne 
saurait en trouver dans la cause qui les détermine. 
Nous avons apprécié les causes des premiers. Quant à 
celles qui déterminent les longs sommeils auxquels 
certaines espèces ne peuvent résister, elles semblent 
se rapporter à l’affaiblissement progressif de l’orga- 
nisme qui dépend probablement du cours de son dé- 
veloppement dans l’année. 

L'influence de la température en est moins encore 
la cause déterminante qu’elle peut l’être des migra- 
tions des oiseaux et des poissons. Nous voyons en 
hiver les loirs maintenus dans des pièces où la tem- 
pérature est entre + 42° et + 16° Réaumur (+ 15° 


— 569 — 


et + 20° centigrades), s'endormir tout aussi bien que 
lorsqu'ils se trouvent dans des lieux glacés. Il parait 
en être de même de la marmotte et du hérisson ; mais 
nous ignorons s'il en est également du blaireau. 

Cependant la chaleur est loin d’être sans effet sur 
ce phénomène, comme sur les migrations. Du moins 
le sommeil des animaux dormeurs exposés à un froid 
vif et soutenu est plus profond que chez ceux que 
l’on place dans des appartements chanflés. Ces der- 
niers font quelques mouvements, lorsqu'on les in- 
quiète, mais sans se réveiller, tandis que les premiers 
restent parfaitement immobiles. Les animaux enfer- 
més dans des pièces échauffées s’endorment aussi 
beaucoup plus tard. Longtemps encore on les voit 
se réveiller pendant quelques heures et prendre même 
pour lors de la nourriture. 

Les modifications atmosphériques ne sont pas non 
plus sans effet sur les animaux qui hivernent. On 
les voit dormir plus profondément par la neige ou la 
gelée ; mais, lorsque le temps devient plus chaud, ils 
se réveillent pendant l’espace de quelques heures. 
L'âge n’est pas aussi sans quelque influence sur ce 
phénomène. Ainsi, les jeunes animaux s’endorment 
ordinairement plus tard que les vieux; ce qui s’ex- 
plique par la nécessité où sont les premiers de pren- 
dre de la nourriture, nécessité qui est une suite de 


leur accroissement non encore terminé. 


— 570 — 


La chaleur des animaux hivernants parait tendre 
également à se rapprocher des milieux ambiants 
lorsqu'ils sont engourdis ; si cependant la température 
vient à changer d’une manière subite, ce n’est que 
peu à peu que l’équilibre s'établit entre eux et les cir- 
constances extérieures. Par suite de ce double effet, 
la température de l’air est tantôt au-dessus et tantôt 
au-dessous de celle de l’animal. Lorsque le froid se 
prolonge trop longtemps, ne pouvant en supporter 
l’action, il succombe et meurt. 

Aïnsi, puisque les animaux hivernants s’endorment 
lors même qu'ils sont bien nourris, et qu'ils se trou- 
vent dans des pièces échauffées, ce phénomène doit 
par cela même être déterminé par l’organisation, aussi 
bien que celui qui porte tant d’autres animaux à chan- 
ger de climat à des époques fixes et déterminées. 

Le phénoménedel’hivernation se lie tellement avec 
celui des migrations, que, d’après Linné, plusieurs 
espèces d'oiseaux offriraient l’un et l’autre. Du moins, 
d’après ce grand naturaliste, les hirondelles de rivage 
passeraient l’hiver sous l’eau.Si ce fait pouvait être réel, 
il tendrait à faire admettrequel’abaissement de la tem- 
pérature en est la principale cause. Il est certain que 
plusieurs animaux, privés plus ou moins compléte- 
ment de la vie par la rigueur du froid, sont cepen- 
dant encore capables de reprendre le mouvement vi- 
tal par l’augmentation de la température, au retour 


— 571 — 


du printemps. On peut se demander si, chez ces ani- 
maux, les liquides contenus dans les gros vaisseaux 
et le cœur sont congelés, comme ceux qui sont sous 
la peau et qui se présentent alors en cristaux bien 
formés. 

Les ours maritimes s’engourdissent et meurent en 
quelque sorte par la rigueur du froid des régions gla- 
ciales où ils ont fixé leur séjour. On sait à quelles fu- 
reurs le réveil de la nature et le retour du printemps 
amènent ces cruels et terribles animaux. 

M. Dutrochet a également cité un fait analogue 
devant l'académie des sciences de Paris, sur l’hiver- 
nation des hirondelles, fait dont il a été témoin. Au 
milieu de l'hiver, deux hirondelles furent trouvées 
engourdies dans un enfoncement qui existait dans 
une petite muraille et dans l’intérieur d’un bâtiment. 
Elles ne tardèrent pas à se réchauffer entre les mains 
de ceux qui les avaient prises ; elles s’envolèrent aussi 
bientôt. Peut-être, ainsi que le fait observer M. Du- 
trochet, les hirondelles, entrées par hasard dans le bà- 
timent, n'avaient pas puensortir; peut-être aussi, ap- 
partenant à une couvée tardive, elles étaient trop jeunes 
et trop faibles pour entreprendre ou pour continuer 
leurs longues migrations. Quoi qu’il en soit de cette 
supposition et de toutes celles auxquelles on pourraitse 
livrer, ce fait n’en annonce pas moins que les oiseaux, 
comme plusieurs mammifères et peut-être même cer- 


= ED — 


tains insectes, sont susceptibles d’hivernation, bien 
que les oiseaux n’hivernent pas ordinairement. 

Il est difficile de contester l’hivernation des hiron- 
delles, après ce que Larrey rapporte dans l’histoire 
de ses campagnes. En 1797, vers la fin de l'hiver, ce 
chirurgien, passant dans la vallée de la Maurienne, 
découvrit, dans une grotte profonde d’une montagne 
nommée l’Æirondellière, une grande quantité d’hi- 
rondelles suspendues comme un essaim d’abeilles 
dans l’un des recoins de la voûte de cette grotte. D’a- 
près ce fait, certains de ces oiseaux hiverneraient dans 
nos climats ; probablement ce sont ceux qui ne se sen- 
tent pas la force d'entreprendre de longs voyages. 

Qnelques insectes ont aussi l'instinct d’hivernation 
donné à des animaux d’un ordre plus élevé. Quant à 
eux, il ne peut pas y avoir le moindre doute, surtout 
relativement à l’ordre qui se rapproche le plus des 
oiseaux, ou aux lépidoptères. En effet, un grand nom- 
bre de papillons passe l'hiver dans les contrées mé- 
ridionales, engourdis et enfoncés dans les creux des 
rochers, aussi bien que dans ceux des murailles. Tels 
sont les papillons polychloros, urticæ, yalbum et 
antiopa. Les couleurs de cette dernière espèce en sont 
même altérées, souvent à tel point, que leurs bordu- 
res jaunes deviennent tout à fait blanches à la fin de 
l'hiver. Lorsque de beaux jours ont lieu, l'engour- 
dissement de ces êtres légers cesse ; on les voit pour 


— 515 — 


lors voler avec tout autant d’agilité que dans l'été. 
Mais, pour si peu que la bise vienne à souffler’, ces pa- 
pillons s’enferment et s’engourdissent de nouveau. 

Les orthoptères présentent des mœurs analogues. 
L'acheta campestris, dont les sons flütés animent le 
silence des belles nuits d’été du midi de la France et 
de l'Italie, sort aussi de sa retraite lorsque la tempé- 
rature s'élève pendant l'hiver. S'il ne fait plus en- 
tendre ses chants, qu'il garde pour ainsi dire pour la 
saison des amours, il n’en paraît pas moins agile dès 
que le soleil brille et réchauffe l’atmasphère. On le 
voit courir, s’agiter avec la même prestesse que pen- 
dant l'été. Il en est de mème du gryllus lineola, es- 
pèce essentiellement méridionale. 

Si le froid revient, le premier rentre dans son trou, 
et le second s'enfonce dans quelque creux de rocher. 
Il s’y tient cramponné sans mouvement, attendant 
ainsi, dans un état de mort apparente, le réveil de la 
nature. 

Ces faits, et une foule d’autres que nous aurions pu 
accumuler, annoncent que le phénomène de l’hiverna- 
tion n'est pas aussi rare chez les animaux terrestres, 
qu'on l'avait longtemps supposé. S'il parait peu fré- 
quent chez les espèces aquatiques, cette circonstance 
tient peut-être à la difficulté que présente l’observa- 
tion de ces espèces. 

Les poissons, comme probablement les autres ani- 


— 5714 — 


maux aquatiques, passent l'hiver dans un état parti- 
culier d’engourdissement. On rapporte du moins des 
faits qui semblent l’annoncer, pour les loches princi- 
palement. Il en est ainsi pour celle qui est connue 
sous le nom de franche (cobitis fossilis), ainsi que 
pour les anguilles et les esturgeons. Ces poissons 
s’enfoncent plus ou moins profondément dans la vase 
lors des grands froids. Ils y restent engourdis jusqu’à 
ce que la température leur rende leur premiére acti- 
vité. Cette habitude de se tapir dans la vase est aussi 
commune chez les poissons des eaux douces que celle 
de se tenir dans la profondeur des mers est familière 
aux espèces marines. Les unes et les autres passent 
ainsi l’hiver dans une sorte d’engourdissement. Nous 
avons déjà assez insisté, dans nos observations sur les 
passages des différentes espèces de poissons, pour n’a- 
voir pas à y revenir. Chez cet ordre d'animaux, le 
phénomène de l’hivernation est presque aussi général 
que celui qui les porte à se transporter d’un climat 
dans un autre. Aussi les causes de l’un de ces phé- 
nomènes peuvent servir à nous faire comprendre ce 
qu’il y a d’obscur dans des faits qui sont environnés 
de tant de difficultés. 

Nous voyons également les serpents, aussi bien 
les espèces terrestres que les aquatiques, s’engourdir 
et rester immobiles pendant la saison des frimas. 
Du moins ceux que nous élevons dans l’intérieur de 


— 575 — 


nos habitations entrent dans un état de torpeur d’au- 
tant plus complet que la température est plus basse, 
C’est ce que nous observons particulièrement chez les 
boas et les autres serpents des climats chauds, lors- 
que nous les transportons dans les contrées tempérées. 
D'un autre côté, les vipères s’enterrent à l’approche 
de l'hiver; elles demeurent comme engourdies pen- 
dant toute la froide saison, et ne reprennent leur ac- 
tivité et leur énergie qu’au retour du printemps: Il 
en est de même de certaines tortues , quoique en gé- 
néral les animaux de cegenre résistent à d'assez grands 
froids. Malgré cette résistance, plusieurs s’enfoncent 
dans l’intérieur de la terre lorsque le froid devient 
trés-vif et se prolonge longtemps: 

Les expériences de M: Gaimard, suivies avec beau- 
coup de soin, ont prouvé que l’on peut faire geler 
les crapauds sans que pour cela ils perdent la vie. On 
peut en abaisser la température au point que les in- 
tervalles entre les fibres musculaires sont remplis 
de petits morceaux de glace, et que toutes les fonc- 
tions animales sont complétement suspendues, comme 
dans le phénomène de l’hivernation. Il est possible 
cependant de les rappeler à la vie, pourvu que l’aug- 
mentation de température soit convenablement gra- 
duée. Ces reptiles peuvent être rendus à leur état 
normal et reprendre leur agilité ordinaire en huit ou 
dix minutes de temps, si l’on apporte une grande at- 


tention dans la distribution de la chaleur qui doit les 


ramener à la vie. 
Dans l’état de congélation, les crapauds ne donnent 


aucun signe de vie; leur corps est dur et rigide. Il 
est impossible de faire opérer à leurs membres le 
moindre mouvement. Le plus petit effort les brise 
comme du verre. Leur retour à la vie a lieu par leur 
immersion dans de l’eau lésèrement chauffée : pres- 
que aussitôt que les particules de glace sont fondues, 
les membres et la peau reprennent leur flexibilité, 
et ces animaux commencent à se mouvoir. Leurs yeux, 
qui paraissaient flétris, deviennent tout à coup proé- 
minents. Quand on laisse geler les crapauds trop ra- 
pidement, soit dans l’eau, soit dans l'air, ils ne retour- 
nent jamais à la vie. Il serait curieux de comparer 
ces faits avec ceux qui se passent dans le phénomène 
de l’hivernation, et avec la croyance de certains na- 
turalistes qui supposent que les crapauds peuvent 
être conservés vivants pendant longtemps dans du 
platre gaché ou scellés dans des murs. 

La faculté que présentent assez généralement les 
serpents de s’engourdir pendant l'hiver par l'effet de 
l’abaissement de la température, parait d'autant 
moins étonnante qu’on a supposé que ces animaux se 
mettaient constamment en rapport avec la tempéra- 
ture extérieure. Cependant, d’après les travaux de 


MM. Lamarre, Piquot et Valenciennes, certaines 


— 511 — 


espéces à sang froid peuvent, dans des circonstances 
déterminées, devenir des animaux à sang chaud. En 
effet,quelques animaux hivernants deviennent,dansdes 
circonstances déterminées, des espèces à sang chaud. 

Ces recherches ont été confirmées par MM. Bec- 
querel et Flourens, qui ont étudié d’une manière 
toute particulière la température des animaux à sang 
froid. Leurs expériences ont été faites sur plusieurs 
reptiles, sur des lézards, des serpents, des batra- 
ciens, etc. Elles ont été également suivies sur plu- 
sieurs insectes et d’autres animaux des classes infé- 
rieures, au moyen de l’appareil thermo-électrique de 
M. Becquerel, sorte de thermomètre très-délicat. 

Le résultat le plus général de leurs recherches 
paraît avoir démontré que les animaux dits à sang 
froid ont une température propre ou supérieure à la 
chaleur extérieure; de sorte qu’en réalité ils sont 
animaux à sang chaud. Seulement ils le sont à un 
degré plus faible que les espèces dont le sang a une 
chaleur notable. 

La température des lézards est plus élevée que 
celle des batraciens ; de pareilles différences dans la 
chaleur se font remarquer sur le même animal, selon 
qu'on explore telle ou telle région de son corps. 
Ainsi la température prise sur une couleuvre est 
sensiblement plus élevée près du cœur que dans la 


région de la queue. 
37 


On peut trouver quelque analogie entre le phé- 
nomène de la vie rendue aux crapauds gelés, au 
moyen de l'élévation de la température, avec celui que 
présentent, dans un cas contraire, certains animaux 
hivernants, comme par exemple les marmottes. Le 
meilleur moyen de les faire sortir de leur profond 
assoupissement est de les exposer à un froid excessif. 
Ces quadrupèdes éprouvent pour lors une souffrance 
si vive qu'elle les fait sortir de leur engourdisse- 
ment. Lorsque le froid, auquel ils ont dû momenta- 
nément la suspension de l’état de torpeur dans le- 
quel ils étaient plongés se continue, ces animaux ne 
tardent pas à périr. Mais, par l'effet de cet instinct 
conservateur que la nature a placé dans le cerveau 
de chacun des êtres qu'elle a créés, les marmottes 
s’exposent peu à de pareils dangers. Elles creusent 
en effet des terriers profonds ; elles prennent le plus 
grand soin pour fermer les issues des galeries qui y 
conduisent. Maintenues dans une température supé- 
rieure au degré de congélation de l’eau pendant les plus 
grands froids, elles s’engourdissent, mais sans danger 
pour leur vie. 

Il en est également des loirs : leur engourdisse- 
ment périodique commence avec les froids et cesse 
aux premiers jours du printemps. Ces mammi- 
féres, différant en cela des marmottes, paraissent se 
réveiller à plusieurs reprises pendant l'hiver : ils 


consomment pendant leurs réveils successifs les pro- 
visions qu'ils ont amassées pendant la belle saison. 

Les animaux hivernants sont généralement fort 
gras au moment où commence leur léthargie et leur 
état de torpeur. Leur épiploon est chargé d’une 
grande quantité de feuillets adipeux, qui ont disparu 
au moment de leur réveil ; leur poids total est alors 
sensiblement diminué, ce qu'annonce leur extrême 
maigreur. 

Cette différence de poids prouve que la graisse 
dont les espèces hivernantes sont pourvues, leur est 
utile, non-seulement pour leur nourriture pendant 
leur sommeil léthargique, mais encore pour les mo- 
ments de veille auxquels elles peuvent être exposées 
par l'élévation ou l’abaissement de la température. 
Quant aux espèces moins prévoyantes que les loirs, 
elles se nourrissent au moyen du tissu adipeux qui 
s’est formé avant leur engourdissement. 

On observe des faits analogues chez les oiseaux 
émigrants ; ils sont généralement fort maigres lors- 
qu'ils arrivent aprés avoir franchi de grandes dis- 
tances. Ils se montrent au contraire dans un état 
d’embonpoint remarquable lorsqu'ils quittent les 
contrées où ils ont séjourné quelque temps. On peut 
citer à cet égard les oiseaux dont les migrations sont 
les mieux connues et les plus étendues : les cailles, 
les hirondelles et les martinets. Après avoir traversé 


— 580 — 


les mers, ces oiseaux arrivent presque toujours dans 
nos régions dans un état de maigreur particulier. 
Lorqu'’ils ont séjourné quelque temps au milieu des 
vignes ou des prairies du midi de la France, ils sont 
sigras qu'ils ne peuvent s'enfuir vers d’autres lieux. 
Cette circonstance les force souvent à ne point aban- 
donner nos campagnes, ce qui a lieu particuliérement 
pour les cailles. 

Le pipit des prés (anthus pratensis), si peu re- 
cherché à l’époque de son arrivée, en raison de sa 
maigreur, l’est beaucoup au contraire lorsqu'il se 
prépare à quitter les provinces méridionales de la 
France. On le désigne pour lors sous le nom de 
grasset. Cette dénomination indique son état nou- 
veau. Ce que nous venons de dire du pipit se re- 
marque également à l'égard de l’engoulevent ordi- 
naire (caprimulgus Europæus) et d’un grand nom- 
bre de fauvettes et de bruants. 

De pareilles circonstances ne se représentent pas 
chez les espèces sédentaires, comme chez le moineau 
franc, la perdrix rouge, les coqs de bruyère, les 
gangas, les lagopèdes, et une foule d’autres espèces 
qui sont et demeurent constamment à peu prés dans 
le même état d’embonpoint. Ces oiseaux, qui ne 
doivent pas se livrer à des migrations lointaines, 
n’ont pas à se charger de graisse pour suppléer au 
manque de nourriture. Les espèces voyageuses sont 


— 581 — 


exposées seules à être privées d'aliments dans leurs lon- 
gues traversées. La cause de ces phénomènes est sans 
doute différente, mais leurs effets ont de grands 
rapports : les uns et les autres paraissent du moins 
sous la dépendance de l'instinct. 

Les faits précédents, quoique peu nombreux, le 
sont assez pour faire saisir qu'il existe quelque analo- 
gieentre le phénomène de l’hivernation et celui des mi- 
grations. Tous deux paraissent indépendants des cir- 
constances extérieures, ou du moins n'être déterminés 
par elles qu'à raison du moment où ils s’exercent. 
S'il est une époque précise où chaque espèce doit 
hiverner, quelle que soit d’ailleurs la température dont 
elle éprouve les effets, il en est une non moins abso- 
lue et non moins impérieuse pour les espèces émi- 
grantes; c'est celle de l'instant de leur départ pour 
des contrées lointaines. 

Ce besoin est irrésistible pour les unes comme 
pour les autres; mais les résultats en sont seulement 
différents. Tandis que les unes s’enfoncent dans la 
terre ou dans les cavités des rochers, plongées dans 
un sommeil profond qui ressemble à la mort, les 
autres fendent les vastes plaines de l’air, bravent les 
tempêtes aussi bien que l’aquilon; quelques-unes 
au contraire se transportent des régions glacées des 
pôles vers les climats plus doux des contrées tempé- 


rées. Ainsi chaque espèce cède à la puissance de son 


— 582 — 


instinct. L'homme peut, par son influence, en déran- 
ger Jusqu'à un certain point l'harmonie; mais il ne 
lui est pas donné de le détruire et d’en anéantir 
l’action. Avant tout, les desseins de la nature, dont 
nous sommes si loin de comprendre la sagesse et la 
portée, doivent s’accomplir; car il faut que l’œuvre 
mystérieuse de la création s’achève et se termine. 

Nous avons étudié chez tous les ordres d'animaux 
le phénomène de leurs passages accidentels, ainsi 
que celui de leurs migrations périodiques. Nous 
avons cherché à reconnaitre les causes qui portent 
les uns à se déplacer à des époques aussi incertaines 
qu'irrésulières, et les autres à se livrer à de grands 
voyages dont la constance et la régularité ont quelque 
chose de merveilleux. Nous aurions pu porter nos 
vues encore plus haut, et trouver dans ce mouve- 
ment et cette agitation continuelle une de ces lois 
générales qui dominent la nature entière. 

En effet, tout dans le monde est dans un tourbil- 
lon qui ne se ralentit jamais, aussi bien dans les astres 
nombreux de l’univers que chez les êtres qui y sont 
disséminés. Cette activité existe non-seulement chez 
les espèces placées à la tête de la création, mais en- 
core chez les races les plus imparfaites. 

Il en est de l’homme lui-même comme des plus 
chétifs animaux. Tous, par suite d’un instinct impé- 
rieux, tendent à se transporter plus ou moins loin 


— 583 — 


des lieux qui les ont vus naître. Tous recherchent 
les contrées où ils peuvent trouver un refuge assuré 
contre la rigueur des saisons, ou une nourriture 
abondante et appropriée à leurs besoins. Une pré- 
voyance instinctive les pousse vers les lieux où ils 
rencontreront ces circonstances réunies. Ce pressen- 
timent ne les trompe jamais. Un instinct supérieur 
encore, et dont les effets sont moins compréhensi- 
bles, force les animaux à se transporter avec une 
constance remarquable dans des régions nouvelles. 
Aucun besoin apparent ne les y contraint : ils se dé- 
placent pour satisfaire la condition la plus impé- 
rieuse et la plus irrésistible de leur organisation. 

Ces causes puissantes, dont l’action se renouvelle 
comme les êtres qui en ressentent les effets, et dont 
la régularité est aussi grande que le retour des sai- 
sons, ou la germination et la floraison des végétaux, 
produisent à la fois les passages accidentels des di- 
verses espèces d'animaux, ainsi que leurs migrations 
périodiques. 


— 581 — 


RÉSUMÉ GÉNÉRAL. 


De pareils desseins animent l’être le plus parfait 
de la création. L'homme, qui connaît et juge le passé 
comme il pressent l’avenir, veut ajouter de nouvelles 
Jouissances à son existence. Comme l’oiseau qu'aucun 
besoin ne presse et ne tourmente, mais qu’un instinct 
impérieux entraine loin des lieux de sa naissance, 
l’homme émigre aussi. Emporté par des désirs 
vagues, semblables (autant que son intelligence peut 
être comparée à leur instinct) à ceux qui dirigent 
cette foule d'êtres qui se croisent dans tous les sens, 
dans la profondeur des eaux et les vastes plaines 
de l'air, il parcourt tous les climats, sans s’embar- 
rasser des obstacles et des dangers qui l’environnent 
à chaque pas. 

L'homme, cédant plutôt à son imagination qu'à 
des besoins physiques, trouve la terre encore trop 
petite pour satisfaire ses désirs nouveaux et toujours 
croissants. Du moins il n’est plus pour lui d'asile 
inexploré. La marque de ses pas, imprimée sur le sol 


— 585 — 


de toutes les régions, redit assez les passions qui 
l'agitent et le pressent. 

Les voyages auxquels il se livre sans nécessité et 
souvent sans but déterminé ressemblent fort aux 
migrations lointaines, auxquelles s’adonnent aussi un 
grand nombre d'animaux. Aucun motif ne les y con- 
traint, si ce n’est un instinct impérieux. Les voyages 
de l’un sont commandés par son intelligence, tout 
comme les longues excursions des autres par une 
puissance intérieure dépendant de l’organisation plus 
irrésistible que l’influence passagère des circonstances 
extérieures. 

L'homme se déplace, comme certains animaux, 
pour se soustraire à l’effet de ces circonstances, et tem- 
pérer ce qu'elles ont de trop rigoureux. Pour éviter 
les chaleurs brülantes des contrées méridionales, il 
s'élève sur les hauteurs, souvent même il va chercher 
un asile au fond des forêts, ou dans des régions plus 
froides que celles qu’il abandonne. Il essaye ainsi 
tous les lieux où il espére trouver les conditions qu'il 
recherche; il ne s'arrête que lorsqu'il les a rencon- 
trées. Il erre d’une contrée à une autre, à peu près 
comme les oiseaux légers qui parcourent différents 
climats, jusqu’au moment où ils trouvent une nourri- 
ture abondante et une température appropriée à leurs 
conditions d’existence. 

Les uns et les autres sont dirigés par les mêmes 


— 586 — 


besoins et les mêmes désirs, influencés chez l’homme 
par l'intelligence, comme chez les animaux par 
l'instinct, qui est aussi un don de la nature. 

Quelque singulière que puisse paraitre une pareille 
comparaison, elle n’est pas sans utilité pour saisir 
les différences qui existent entre les migrations et les 
passages accidentels auxquels se livrent tant d’espèces 
vivantes. Elle a du moins l’avantage de montrer que 
tout se tient et s’enchaine dans le monde matériel, 
auquel l’homme est lié par son organisation, aussi 
bien que l’ensemble des êtres sur lesquels il exerce 
son empire. Quoique le roi de la création, l’homme 
éprouve comme les animaux les besoins qui les pres- 
sent et les tourmentent; il a de plus à satisfaire son 
intelligence, dont l'influence est si grande sur son 
physique, outre qu’elle est pour lui une source con- 
tinuelle de bonheur eu de chagrin. 

La comparaison dont nous venons de faire com- 
prendre les avantages est le complément en quelque 
sorte nécessaire de la question soulevée par la Société 
de Harlem. La manière dont nous l’avons résolue 
semble confirmée par les vues que nous venons d’ex- 
poser ; elles sont la conséquence et le résumé des 
faits que nous avons énumérés. Nous sommes donc 
arrivé aussi près du but qu’il est possible. On doit 
être satisfait, dans les sciences d’observation, lorsque, 
sans expliquer entiérement les faits, on en saisit la 


— 5817 — 


portée, ainsi que les causes qui les provoquent et les 
déterminent. TA 

Si nous n'avons pas résolu toutes les questions que 
soulève le phénomène des migrations, nous avons 
peut-être mieux fait concevoir que ceux qui nous 
ont précédé toute son importance dans l'ordre de la 
nature. 

Puissent ces recherches, auxquelles l'académie 
de Harlem a donné sa sanction, mériter l’attention 
des savants qui n’ont pas été appelés à en être les 
juges, ni à se prononcer sur leur mérite et l'intérêt 
qu'elles peuvent présenter ! 


> (0600 a 


— 588 — 


NOTE 


Additionnelle sur quelques espèces d'oiseaux des familles pro- 
cellariées de l'ordre des palmipèdes ; des familles des gralles 
de l’ordre des échassiers ; des familles des faucons de l’ordre 


des rapaces; des familles des omnivores de l'ordre des 
passereaux. 


Les albatros et les pétrels, oiseaux essentiellement 
pélagiens, vivent de mollusques ptéropodes et cépha- 
lopodes, de crustacés, quelquefois de cadavres de cé- 
tacés, mais jamais de poissons. Leurs habitudes, leur 
vol, leurs allures, la forme de leur bee, paraissent s’y 
opposer. D'ailleurs, les poissons manquent dans les 
parages fréquentés par les albatros et les pétrels. 

Les derniers ne paraissent pas avoir la faculté d’an- 
noncer les tempêtes, comme on l’a supposé. S'ils sui- 
vent pour lors les navires, c’est pour se nourrir des 
excréments qui en tombent; car ils ne trouvent point 
de nourriture ailleurs. On ne les voit jamais se poser 
sur les agrès des navires, leur conformation leur ren- 
dant cet acte impossible. 

Le pétrel pélagique (procellaria pelagica) est sou- 
vent poussé par les tempêtes sur les côtes de l'Irlande. 


— 589 — 


On l’y voit voltiger auprès des côtes et raser l’eau 
pour y chercher sa nourriture. Malgré la puissance 
de son vol, cet oiseau périt fréquemment, ne pouvant 
résister à la tempête. 

Leur présence en grand nombre n’annonce point le 
voisinage des terres, mais seulement une abondance 
de crustacés et de mollusques dont ils font leur sub- 
sistance habituelle. 

Sans doute les oiseaux bons voiliers sont répandus 
d’une manière plus générale que ceux chez lesquels 
la puissance du vol est faible ; mais les uns et les au- 
-tres ont des limites de climat et d'habitation. Ainsi, 
pour nous borner aux pétrels, ces oiseaux, habitant 
les glaces du Nord, ne sont point probablement les 
mêmes que ceux qui vivent vers le Sud. D’autres es- 
pèces, qui s’éloignent peu des zones torride et tem- 
pérée, vivent entre ces deux extrêmes. 

L'influence des saisons et des circonstances atmos- 
phériques accidentelles recule quelquefois les li- 
mites de leur habitation ordinaire. Mais les pétrels 
antarctiques et de neige, habitant les places du Sud, 
quittent-ils pendant l'hiver les climats glacés, où ré- 
gne une nuit continuelle ; ou ces oiseaux seraient-ils 
diurnes pendant une partie de l’année, et nocturnes 
pendant l’autre moitié, c’est ce dont il est difficile de 
s'assurer. La solution de ces questions ne serait pos- 
sible que si l’on rencontrait à de grandes distances 


— 590 — 


des glaces du Sud les mêmes espèces qui semblent 
s’y être réfugiées et y vivre à peu près constamment. 

Le râle de genêt (rallus crex), qui appartient à la 
famille des gralles et à l’ordre des échassiers, a pour 
nourriture favorite le lézard gris des murailles (/a- 
certa agilis). Cette espèce est très-abondante en Ir- 
lande. Il n’est pas rare d'y découvrir dans une seule 
journée plusieurs centaines d'oiseaux. Ces œufs offrent 
généralement, d’après M. Austin, une couleur sombre 
irrégulièrement parsemée de grandes taches noiratres. 
Ceux du même oiseau pris en Angleterre sont, d’après 
M. Hevwiston, parsemés de petites taches couleur olive, . 
sur un fond clair. Cette différence dépendrait-elle de la 
diversité de nourriture des oiseaux qui habiteraient 
l'Irlande ou la Grande-Bretagne, ou tiendrait-elle à 
cequ'ils seraient pondus par deux variétés de la même 
espèce? C’est ce que l'observation nous apprendra 
sans doute. 

La cresserelle ( falco tinnunculoides), de la famille 
des faucons et de l’ordre des rapaces, est en partie in- 
sectivore ; du moins pendant la belle saison de l’année 
on voit cette espèce occupée à dévorer un grand nombre 
d'insectes coléoptères. Aussi en ouvrant son estomac 
on le trouve pour lors gorgé de débris d’insectes, que 
l’on rencontre en partie dans leurs excréments ; mais 
seulement dans un état d’altération beaucoup plus 
avancé. 


— 591 — 


Le corbeau freux (corvus frugilegus), de la fa- 
mille des corbeaux et de l’ordre des passereaux, souffre 
beaucoup dans plusieurs districts de l'Irlande pendant 
le temps qui s'écoule entre les semailles du printemps 
et celles de l’automne. Les opérations du labourage, 
pour lors terminées, ne leur fournissent plus les larves 
et les vers dont ils se nourrissent. Si la saison est sè- 
che, leurs souffrances deviennent encore plus grandes. 
On les voit alors affamés, fureter partout, rechercher 
avec soin les petits vers et les mollusques parmi les tas 
d'herbes marines ramassées pour servir d'engrais, ou se 
jeteravec avidité sur la première proie qui s’offre à eux. 

Ces corbeaux déploient quelquefois le même ins- 
tinct que les oiseaux de mer. Lorsqu'ils rencontrent 
un mollusque qu'ils ne peuvent détacher de sa co- 
quille, ils l’élèvent en l'air jusqu’à une hauteur con- 
venable pour ce qu'ils se proposent ; ils la laissent 
pour lors tomber, et forcent ainsi l’animal dans sa 
citadelle. Pendant que la coquille descend , l’oiseau 
la suitavec attention, de peur que quelque autre oiseau 
ne s'en empare. 

On retrouve le même instinct chez les merles et Les 
grives, et chez le tourne-pierre de l’ordre des échas- 
siers ; les uns et les autres portent les limacons dont 
ils se nourrissent sur une pierre contre laquelle ils 
frappent la coquille en la tenant avec leur bec jusqu’à 
ce qu'elle soit assez fracturée pour livrer l'animal 


— 592 — 


qu’elle renfermait. On trouve des tas de ces coquilles 
brisées dans les lieux qu'habitent ordinairement ces 
oiseaux. 

Lorsque les freux fondent une nouvelle colonie, ils 
présentent des habitudes fort singulières en apparence, 
mais qui sans doute sont basées sur des motifs suffi- 
sants. En 1840, des corbeaux freux commencérent à 
bâtir leurs nids peu élevés autour de la maison de 
M. Allen, à Ballystraw, comté de Wexford. Aprés le 
travail de la journée, au lieu de se reposer sur les ar- 
bres environnants et de s’y établir pour la nuit, 
comme s'ils s’y fussent crus peu en süreté, ils s’envo- 
lèrent vers Kilmannock, habitation de M. Haughton. 
Ils en firent de même toutes les nuits jusqu’à l'époque 
de l’incubation ; ils furent pour lors obligés de rester 
ou de perdre leurs œufs. Ils n’adoptérent pas ce 
dernier parti, et s’établirent définitivement en ce lieu. 

Il ne nous reste plus qu’à répondre à quelques 
objections qui nous ont été récemment adressées. Si 
les émigrations sont aussi constantes qu'étendues, 
nous ne pouvons plus maintenant connaitre avec cer- 
titude la distribution primitive des espèces qui exé- 
cutent de grands voyages, vu le long espace de 
temps qui s’est écoulé depuis leur apparition. 

Cette observation a sans doute une grande portée, 
mais elle ne s'applique qu’à un certain nombre d’oi- 
seaux et de poissons. Quant aux autres, ils se trouvent 


— 593 — 


encore dans la position où ils ont été placés. Ainsi, 
les échassiers et les palmipèdes, dont certaines races 
paraissent se rencontrer dans toutes les régions, ne le 
doivent peut-être qu’à leurs habitudes voyageuses. Il 
en est de même d’une foule d’espèces que nous avons 
déjà signalées , et auxquelles nous ajouterons la cres- 
serelle et Le pluvier doré. Le premier de ces oiseaux 
fréquente tout l’ancien continent, sous les tropiques 
comme hors des tropiques. On le voit dans toute 
l'Europe, au Sénégal, à Pondichéry, à Timor, comme 
dans la Nouvelle-Hollande et l'Amérique septentrio- 
nale. Seulement il n’a pas été apercu dans les régions 
équinoxiales du nouveau monde, où il pénétrera peut- 
être bientôt, comme tant d'autres oiseaux, dont les 
habitations étaient plus restreintes jadis qu’elles ne le 
sont aujourd’hui. Les pays où l’on découvre le pluvier 
doré ne sont pas moins variés, Car à ceux que nous 
venons de signaler on peut ajouter Java, Buénos- 
Ayres, les iles Mariannes et Sandwich. 

IL parait que pour ces deux espèces, comme 
pour une foule d’autres, nous ne connaissons plus 
les lieux où elles étaient fixées dans l’origine. 
C’est peut-être à raison de cette extension, à laquelle 
tendent particulièrement les oiseaux, que l'Afrique 
boréale a si peu d'espèces qui lui soient propres. La 
plupart des races de cette partie de l’ancien conti- 


nent émigrent en Europe et même vers l'équateur, 


35 


— 594 — 


et sont par là même comptées parmi les oiseaux pro- 
pres à ces zones. On en fera peut-être de même des 
gros-becs d'Afrique , qui sont aujourd’hui naturalisés 
dans les forêts de l'Amérique. 

Cependant un grand nombre d'oiseaux semblent 
encore restreints aux régions où ils ont été dissémi- 
nés à l'époque de leur création. Ces régions sont celles 
où l'influence de l’homme s’est fait ressentir depuis 
de moindres espaces de temps. En effet, l'Amérique 
est la partie du monde où existe la plus grande 
quantité d'espèces que l’on ne trouve pas ailleurs, et 
qui lui paraissent tout à fait propres. Du moins le 
nouveau monde est l'unique patrie des colibris (1), 
des jacamars, des toucans, des vangas, des cotingas, 
des gymnocéphales, des gymnodères, des tangaras 
et des tyrans. D'un autre côté, les gobe-mouches 
proprement dits et les moucherolles des tropiques y 
sont plus communs, ainsi que dans les Moluques, qu’en 


(4) Le colibri des tropiques (trochilus rufus) fait des excursions jusqu’au 
détroit de Magellan; il arrive aussi jusqu’au Cook’s Jnlet là où la pénin- 
sule d’Aliaska commence à se détacher du nouveau continent par les 64° 
de latitude, Les morses (trichechus rosmarus) ne se montrent jamais en 
Asie, sur la côte occidentale depuis la mer Glaciale, jusqu’au 56° 1/2 de 
latitude, vers un parallèle de 4° 1/2 plus méridional que la limite à la— 
quelle parviennent annuellement les colibris. Ces petits oiseaux se mon- 
trent à Sitkha dès le mois d’avril et disparaissent avant le commencement 
de juillet. 


«tt lé 


— 595 — 


Afrique. L'Amérique, la Nouvelle-Hollande et les 
iles de la mer du Sud fournissent la plupart des 
perroquets qui nous sont connus ; car 11 n’en existe 
qu'une seule espèce en Afrique et point en Europe. 
Enfin les espèces du genre philedon et le mœnura 
sont caractéristiques pour la Nouvelle-Hollande, com- 
me les cassiques pour l’Afrique, les glaucopes et les 
langrayens (ocypterne) pour les Moluques. 

Les touracos (corythaix illiger) sont également 
confinés en Afrique, tandis que les souimangas, uni- 
quement répandus dans l’ancien continent, ne se 
montrent point, comme les différentes espèces des He 
dispersés sur tout le globe. 

Une particularité importante à noter dans la dis- 
tribution primitive des oiseaux, c'est que la famille 
de cet ordre d'animaux, dont l’homme a tiré le plus 
d'avantages, est moins nombreuse en Amérique que 
dans les autres continents. Cependant l’Amérique 
septentrionale nous a fourni un gallinacé, le dindon, 
qui est devenu pour nos tables un mets recherché, 
même pour les plus grands gourmets. 

Il est certaines espèces sur l'habitation desquelles 
nous ne pouvons pas être complétement fixé, et celles- 
ci sont les émigrantes. Il n’en est pas de même des 
oiseaux erratiques et sédentaires. Ceux-ci, surtout 
les derniers, sont encore dans les lieux où ils ont été 
placés à l’origine des choses. Ils ne s’en écartent que 


— 596 — 


pendant des moments plus ou moins longs; presque 
toujours les lieux où ils nichent le plus ordinaire- 
ment sont ceux où ils ont été disséminés dans le 
principe de leur existence. Quant aux races cosmo- 
polites, toujours en mouvement, la terre entière est 
leur patrie, et le moindre récif leur domicile tempo- 
raire. Il n’y a donc de l'incertitude que pour les races 
émigrantes, qui se déplacent à des époques fixes et 
régulières, et dont les voyages s'étendent chaque 
Jour à tel point, que plusieurs d’entre elles parcou- 


rent dans leurs migrations la totalité du globe. 


ÈS —— 


— 597 — 


EXPLICATION 


DE 


LA CARTE DU GLOBE TERRESTRE, 


Sur laquelle ont été tracées les routes suivies par plusieurs 
espèces d'oiseaux et de poissons dans leurs migrations. 


OISEAUX. 


On a tracé sur la carte la route suivie par plusieurs 
espèces d'oiseaux et de poissons dans leurs migrations, 
à l’aide de lignes ponctuées ou marquées d’astéris- 
ques. On a également indiqué, par le nomde l’espéce, 
le point d’oùelle part pour se rendre à sa destination. 
De cette manière on peut saisir à quel point les routes 
parcourues par les espèces émigrantes sont étendues, 
et combien les voyages auxquels elles se livrent habi- 
tuellement sont considérables. En jetant les yeux sur 
cette carte, on sera frappé de l’extrême différence que 
présente l'hémisphère boréal, en comparaison de l’aus- 
tral, relativement au nombre des lignes destinées 


a donner une idée des migrations. Cette différence 


— 598 — 


est probablement, dans le fait, moins considérable 
qu'elle le parait; elle tient uniquement au petit nom- 
bre d’observations que nous possédons sur les voya- 
ges que font les espèces européennes en Amérique, 
ainsi que sur ceux que paraissent exécuter les races 
du nouveau monde dans l’hémisphère boréal. 

Nous avons cité dans cet ouvrage quelques faits 
relatifs aux courses auxquelles se livrent certaines 
espèces d'oiseaux d'Amérique qui nous arrivent par- 
fois dans le midi de la France. Faute d'observations 
suffisantes, nous n'oserions assurer que ces excur- 
sions , qui paraissent accidentelles, vu leur peu 
de fréquence, ne fussent pas cependant tout aussi 
périodiques que celles qu'exécutent les espèces dont 
nous avons tracé la marche. 

A raison de cette circonstance, nous avons choisi 
comme exemple des migrations, les principales es- 
pèces de l’Europe qui sont connues pour ainsi dire 
partout, à raison de l'étendue des voyages qu’elles 
exécutent avec une constance et une régularité remar- 
quables. Nous avons dû nous borner à indiquer onze 
espèces, dont quatre suivent le même chemin et se li- 
vrent aux mêmes excursions. Le nombre des lignes à 
été ainsi réduit à neuf. De cette manière, on peut 
saisir avec plus de facilité les courses que les espèces 
émigrantes exécutent en Europe, contrée où elles 
sont bien plus connues que partout ailleurs. Le 


— 599 — 


nombre neuf paraît encore trop considérable, lors- 
qu'on porte particulièrement son attention sur l’Eu- 
rope; car dans tout le reste du monde il est extrême- 
ment restreint. 

Notre carte présente sous ce rapport un intérêt 
particulier ; elle fait saisir à l'œil combien peu nos 
connaissances sont avancées sur la route que suivent 
les oiseaux et les poissons émigrants, une fois qu'ils 
sont sortis des pays les plus civilisés et des mers les 
plus fréquentées. Il faut espérer qu’en présence de 
cette lacune les observateurs éclairés qui habitent soit 
l’Asie, soit l’Afrique, soit l’Amérique, soit enfin la 
Nouvelle-Hollande, voudront bien s’occuper de cette 
partie de l’histoire des animaux. Leurs recherches 
nous feront mieux connaitre un des phénoménes les 
plus réguliers et les plus curieux de la nature. Pro- 
bablement aussi l'étude de ce phénoméne entrera dans 
les instructions que l’académie des sciences donnera 
désormais aux navigateurs qui entreprennent de 
grands voyages et surtout des voyages de circom- 
navigation. Plus que personne, les navigateurs sont 
en mesure de faire à cet égard des observations in- 
téressantes, si leur attention est appelée sur ce beau 
sujet. 

1° Hirondelle de fenêtre (hirundo urbica). Une 
ligne composée de traits et de points intermé- 
diaires indique la route que suit cet oiseau. Cette 


— 600 — 


espèce parait partir du Portugal où elle se divise 
en deux colonnes. La première ou la septentrio- 
nale se dirige vers les iles Britanniques, traverse la 
mer du Nord, arrive en Norwése, en Laponie, et par- 
court la plus grande partie de la Russie et de la Turquie 
d'Europe; elle se Joint ensuite à la seconde colonne, 
pour venir avec elle à son point de départ. 

La seconde division de l’hirondelle de fenêtre ou 
la méridionale traverse toute la partie du sud du Por- 
tugal, de l'Espagne, de la France, d’où elle envoie 
ses tribus en Allemagne, en Suëde, ainsi que dans 
tout le nord de l’Europe. Une partie de ces tribus serend 
également dans la Turquie d'Europe, et les individus 
qui y arrivent se joignent avec les autres hirondelles 
qui y sont arrivées par la Russie. Elles regagnent en- 
semble les contrées du Portugal, que les unes et les 
autres avaient quittées. 

2° Hirondelle des rivages (hirundo riparia). La 
route de cette espèce est indiquée par une ligne 
ponctuée. L’hirondelle des rivages parait partir de la 
Guinée ; elle se divise, dès le moment de son départ, 
comme l’espèce précédente; l’une de ses colonnes se 
dirige vers le nord, et l’autre suit au contraire une 
route tout opposée, c’est-à-dire, vers le sud. 

Etudions d’abord la marche de la colonne méri- 
dionale, et nous examinerons plus tard celle de la co- 
lonne septentrionale. La première longe d’abord les 


— 601 — 


côtes de la Guinée supérieure, puis celles de la Guinée 
inférieure et du pays des Hottentots, sans presque 
pénétrer dans la colonie du Cap. Elle se dirige ensuite 
tout à fait vers le nord-est, longe les côtes du pays 
de Mozambique, de Zanguebar ; bientôt après, elle 
change tout à coup de direction, et prend sa route 
vers le nord-ouest. Elle contourne le lac Tchad, et le 
désert de Zahara , qu’elle a grand soin d’éviter , entre 
en Barbarie, traverse la Méditerranée, et arrive dans 
la Turquie d'Europe. Une fois qu’elle y est parvenue, 
elle étend ses excursions dans toute la Russie, par- 
court la Finlande, la Laponie, et arrive en Suëde et 
en Norwége. Elle s’y joint avec les individus qui 
composent la colonne septentrionale, et va regagner 
avec eux les contrées d'où elle était partie. 

La seconde colonne ou la septentrionale part du 
même point que la première ; mais elle suit une route 
totalement différente. Elle se dirige vers le nord, tra- 
verse la Sénégambie, côtoie les bords orientaux de 
l'Océan Atlantique, et parcourt successivement la Bar- 
barie, le royaume de Maroc; après quoi elle franchit 
le détroit de Gibraltar. Elle porte ensuite ses tribus 
en Portugal, en Espagne, en France, traverse la 
Manche, se répand dans les iles Britanniques, toute 
l'Allemagne, le Danemark, la Suède et la Norwépge. 
Là elle se joint avec la colonne méridionale, et, après 


y avoir séjourné plus ou moins longtemps, elle re- 


— 602 — 


tourne avec les individus qui en faisaient partie en 
Afrique. 

3° L’hirondelle de cheminée (hirundo rustica) est 
l'espèce la plus voyageuse d’un genre où presque 
toutes celles qui le composent se livrent à de grandes 
migrations. En effet, cette, hirondelle se trouve dans 
la plupart des contrées du globe dont elle fait, pour 
ainsi dire, le tour. La marche qu'elle suit dans ses 
voyages est indiquée sur la carte par une simple li- 
gnenoire. 

Elle part d'Afrique, du Gingiro, pays peu éloigné 
des côtes occidentales de la mer des Indes. Cette es- 
pèce quitte cette contrée en se divisant en deux co- 
lonnes; l’une gagne vers le sud, et l’autre au con- 
traire prend sa route vers le nord. 

La première, la méridionale ou l’africaine, gagne 
d’abord vers le sud, traverse toute la partie des 
côtes de l'Afrique qui s’étend depuis le Gingiro, jus- 
qu’à la colonie du cap de Bonne-Espérance; elle par- 
court ensuite le Zanguebar, le pays de Mozambique, 
la Cafrerie et, sans pénétrer dans la territoire du Cap, 
se détourne subitement vers le nord et parcourt de 
nouveau toute l’Afrique, en se tenant d’abord assez 
rapprochée des côtes occidentales de l'Océan Atlan- 
tique. Une fois qu’elle a dépassé la Guinée inférieure, 
elle s'éloigne de plus en plus des rivages de cette mer, 
passe en Nisritie, tourne autour du lac Tchad, dont 


— 605 — 


elle côtoie les bords orientaux, et contourne à l’ouest 
le désert de Zahara qu'elle évite autant que cela lui 
est possible; elle arrive ainsi en Barbarie. Elle tra- 
verse ensuite les Etats de Tunis et de Tripoli, et longe 
les côtes méridionales de la Méditerranée. C’est ainsi 
qu’elle prend dans ces contrées quelques moments 
de repos; après quoi, elle se met de nouveau en 
marche, franchit la Méditerranée, et arrive ainsi en 
Europe. 

Là elle envoie de nombreuses lésions en France, 
en Espagne, en Portugal et dans les iles Britanniques, 
et jusqu’en Islande. Une autre division parcourt 
l'Italie, la Turquie d'Europe, l'Allemagne, le Dane- 
mark, la Suède, la Norwége, la Laponie, et parait 
même pousser parfois ses excursions Jusque dans le 
Groënland; c’est du reste dans les contrées du Nord 
que l’hirondelle de cheminée se joint avec les indi- 
vidus de la colonne septentrionale; ceux-ci y arrivent 
aprés avoir visité successivement la Nouvelle-Hollande 
et la totalité de l'Amérique. 

La seconde, l’américaine ou l’orientale, se dirige 
dès le moment de son départ vers le nord-est; elle 
franchit premièrement la mer Rouge, arrive en Ara- 
bie, tourne le golfe Persique et côtoie pendant quel- 
que temps le rivage septentrional de la mer des In- 
des, ou particulièrement le golfe du Bengale. Elle 
traverse ensuite le Kaboul, l’Indoustan, l’Inde ulté- 


— 604 — 


rieure, franchit la mer de Chine, passe dans l’ile de 
Bornéo et les nombreuses îles de la Sonde, et arrive 
enfin dans la Nouvelle-Hollande qu’elle parcourt dans 
presque sa totalité. 

Après y avoir pris quelque repos, elle se remet de 
nouveau en marche, se dirigeant assez constamment 
vers l’est. Elle passe ainsi successivement vers la 
Nouvelle-Guinée, les iles Salomon, la Nouvelle-Zé- 
lande, les iles de la Société, et les îles de l'Océan Aus- 
tral. En suivant toujours la mème direction elle par- 
vient enfin dans l’Amérique méridionale ; elle y entre 
par le royaume de la Plata auprès de Buénos-Ayres ; 
mais, une fois qu’elle v est arrivée, elle suitassez cons- 
tamment la direction vers le nord. On la voit s’éten- 
dre ensuite dans le Brésil, côtoyer l'Océan Atlantique, 
puis la Guyane, la Colombie, et pénétrer dans l'Amé- 
rique septentrionale par l’isthme de Panama. 

Une fois qu'elle est entrée dans cette partie de 
l'Amérique, elle côtoie la mer des Antilles, passe entre 
le golfe du Mexique et les rivages orientaux de la mer 
du Sud, et parcourt successivement le Mexique et la 
Louisiane. De là elle pousse ses excursions jusqu’à la 
terre de Labrador, arrive dans la Nouvelle-Galles, et 
se rapproche de plus en plus des côtes de l'Océan Bo- 
réal. 

Ses tribus passent plus tard entre les grands lacs de 
l'Amérique septentrionale, pénètrent dans la Nouvelle- 


— 605 — 


Bretagne, l'Amérique russe, et, après avoir franchi 
l'Océan Glacial Arctique, elles se trouvent à l’extré- 
mité de la pointe nord de l’Asie. Cette hirondelle par- 
court ensuite le pays des Samoyèdes , la Sibérie, la 
Soungarie, et pénètre dans la Russie. De cet empire 
la colonne orientale de l’hirondelle de cheminée se 
dirige directement au nord, et se rend en Suëde, en 
Laponie et en Norwége, où elle se Joint avec lesautres 
individus qui sont arrivés par une tout autre voie. 

Tels sont les voyages que ces oiseaux, dont la 
puissance du vol est extrêmement grande, exécutent 
dans leurs migrations. Il faut bien remarquer que 
tous les individus de cette espèce éminemment émi- 
grante ne font pas constamment une aussi longue 
route dans le cours d’une année. Un grand nombre 
d’entre eux s'arrêtent à plusieurs reprises en chemin, 
et sont loin de faire des tournées aussi considérables 
que celles dont nous venons de donner une idée. 

En effet, nous avons dépeint, pour chacun des oiseaux 
dont nous avons tracé l’histoire, le maximum de 
leurs excursions, sans prétendre par là que chaque 
espèce l’exécute en entier. Probablement il n’est 
aucun oiseau qui fasse le tour du globe dans le 
cours d’une année. Que l’on ne s’y méprenne donc 
pas, nous n'avons voulu indiquer ici que la plus 
grande étendue de leurs migrations ; mais nous 
n'avons pas prétendu fixer l'intervalle de temps que 


— 606 — 


les différentes espèces mettent à les exécuter. Ces 
observations s'appliquent non-seulement à l’hiron- 
delie de cheminée, mais généralement aux différentes 
espèces d'oiseaux et de poissons. 

4° Etourneaux (séurnus vulgaris), loriots (oriolus 
galbula). Nous avons indiqué la route que suivent ces 
passereaux par une ligne noire interrompue de dis- 
tance en distance. 

Ces deux oiseaux partent d'Afrique, et, pour plus 
de simplicité, nous supposerons qu'ils dérivent l’un et 
l’autre du même point ou du royaume de Tripoli. 
Ainsi tout ce que nous allons dire se rapportera aux 
étourneaux comme aux loriots. Ces passereaux se sé- 
parent, dès le moment même de leur départ, en deux 
colonnes principales ; l’une, ceile de droite ou l’asia- 
tique, parcourt principalement cette partie du monde; 
l’autre, celle de gauche ou l’européenne, étend ses 
courses dans les régions tempérées de cette dernière 
contrée. 

La colonne asiatique, ou l’orientale, se dirige d’a- 
bord à l’est, côtoie pendant quelque temps les côtes 
méridionales de la Méditerranée, puis, tournant brus- 
quement vers le nord, quitte l'Afrique, traverse cette 
mer, arrive à l’ile de Chypre et puis dans la Turquie 
asiatique. S’avancant toujours vers le nord-est, elle 
passe entre la mer Noire et la mer Caspienne, se 
dirige beaucoup plus à lorient, et franchit le Cau- 


— 607 — 


case. Elle se divise pour lors en deux branches prin- 
cipales. 

La première, ou la méridionale, va visiter la Soun- 
garie, le Thibet, la Chine, la Mantchourie, la Mon- 
golie, et, gagnant vers le nord-ouest, elle entre 
dans la Russie asiatique, arrive en Sibérie, où elle se 
joint avec la branche septentrionale dont elle s'était 
séparée. 

La seconde, ou la septentrionale, se dirige vers le 
nord-est, séjourne quelque temps dans la Russie 
asiatique et se rend enfin en Sibérie , où elle se réu- 
nit avec la précédente pour aller, en se dirigeant vers 
l’ouest, se répandre dans tout le nord. 

Ces deux branches ainsi réunies partent ensemble 
de la Sibérie, côtoient l'Océan Glacial Arctique, tra- 
versent les pays de Youkaghire et des Samoyèdes, et 
se rendent ainsi dans la Russie d'Europe. Elles aban- 
donnent pour lors les rivages de l'Océan Arctique; 
après quoi on les voit se diviser en deux rameaux 
principaux. 

Le premier, ou le septentrional, se dirige tout à fait 
au nord, passe entre le golfe de Bothnie et la mer 
Blanche, pénètreen Laponie, étend ses excursions suc- 
cessivement en Norwége, en Suède, en Danemark, et 
va se confondre dans les iles Britanniques aux indivi- 
dus qui y ont été envoyés par la colonne européenne. 

Le second, ou l’occidental, quitte le premier ra- 


— 608 — 


meau au-dessous de Saint-Pétersbourg avant qu’il 
soit parvenu sur les bords du lac Onéga. Il se dirige 
d’abord vers le sud-ouest, longe le golfe de Finlande 
et les bords de la mer Baltique, et traverse une assez 
grande partie de la Russie. Il arrive à Kœnigsberg ; de 
là il va se distribuer dans la Prusse, la Pologne, l’Au- 
triche et la Turquie d'Europe, et s’y réunir aux indi- 
vidus qui y sont venus avec la colonne européenne. 

Quant à cette colonne européenne ou septentrionale, 
elle part comme l’asiatique d'Afrique et du royaume 
de Tripoli. Du moment de son départ, on la voit ga- 
gner à l’ouest, suivre les côtes de la régence d'Alger, 
et, bien avant d'arriver en Barbarie, elle traverse la 
Méditerranée, envoie quelques-unes de ses tribus dans 
les iles de la Méditerranée, d’abord aux iles Baléares, 
puis à la Corse, à la Sardaigne, et enfin en Sicile. 

Continuant toujours sa route, elle met le pied en 
Italie, et bientôt elle se divise en deux rameaux prin- 
cipaux. Le premier, ou l’oriental, tourne l’Adriatique, 
et, arrivé à son extrémité septentrionale, il envoie 
ses tribus à l’est dans la Turquie d'Europe, l’Autri- 
che, la Pologne, la Prusse et tout le nord de l’Eu- 
rope : c’est le point où les individus de la colonne eu- 
ropéenne se confondent avec ceux qui y ont été en- 
voyés par la colonne asiatique. 

Le second, ou l’occidental, aprés s’être dirigé à 


l’ouest et avoir parcouru toute l'Italie, se partage 


— O07— 


également en deux bandes, une méridionale, et une 
autre que, d'après la route qu'on lui voit suivre, nous 
nommerons la septentrionale. 

Cette dernière se répand dans toute l'Allemagne et 
la Hollande ; après avoir traversé soit la mer du Nord, 
soit l'extrémité de la Manche, elle va porter ses in- 
dividus dans les iles Britanniques. Par suite de l'hu- 
meur voyageuse de ces oiseaux, ils paraissent pousser 
leurs excursions jusqu'en Islande. Quant aux indivi- 
dus de ces deux espèces, qui se sont avancés jusqu'à 
l'extrémité nord de l'Allemagne, ils passent ensuite 
en Danemark, en Suède, en Norwége, et jusqu'en 
Laponie, où ils se réunissent à ceux qui y sont venus 
d'ailleurs. 

La bande septentrionale qui, comme la précédente, 
avait parcouru l'Italie, se rend d'abord en Suisse, ar- 
rive ensuite en France, et de là va porter ses excur- 
sions jusqu'en Espagne et en Portugal. Elle traverse 
ensuite la Méditerranée, arrive en Afrique, et revient 
aux lieux d'où elle était partie. 

Ainsi s’accomplit et se termine la destinée de ces 
légers habitants des airs, qui, toujours en mouvement, 
sont bien plus que les autres animaux des voya- 
geurs sur la terre. Du reste, quoique nous ayons 
compris dans le même ordre de migrations les étour- 
neaux et les loriots, tout comme les corbeaux et les 


corneilles, nous n’entendons pas dire par là que ces 
39 


— 610 — 


oiseaux suivent toujours le même chemin, et encore 
moins qu’ils voyagent ensemble. Seulementnous avons 
voulu faire comprendre que ces différentes espèces 
tiennent à peu près la même route, et diffèrent peu 
les unes des autres, sous le rapport de la direction 
qu’elles donnent à leurs grandes excursions. 

5° Cailles. Les voyages de cet oiseau sont indiqués 
par deux lignes noires accolées l’une à l’autre. 

Les cailles (£etrao coturnix) arrivent en Europe ve- 
nant de l'Afrique, partent d'Egypte, traversent la 
Méditerranée en parcourant lesiles, telles que Malte, la 
Sicile, l’ile de Caprée, la Sardaigne, la Corse, passent 
en Italie, et poussent leurs excursions jusqu’à l’ile 
de Candie. Celles qui prennent cette direction s’é- 
tendent en Asie, et visitent l'extrémité orientale de 
l’Europe. 

Une autre colonne longe le littoral de la Méditer- 
ranée, côtoie le golfe Arabique, s'étend dans l’Arabie, 
passe entre le golfe Persique et la mer Caspienne, vi- 
site le Caboul et arrive dans le Thibet. Une fois qu’elle 
y est parvenue, elle se partage en deux divisions : 
l’une, celle de droite ou la méridionale, se dirige 
partie vers la Chine et partie vers l’Inde Ultérieure, 
puis vers les iles de la Sonde. Elle y reste peu, et tra- 
verse bientôt le Grand-Océan, côtoie les côtes de la 
partie septentrionale de la Nouvelle-Hollande, arrive 
dans la Nouvelle-Guinée, puis dans les iles Salomon, 


— 614 — 


parcourt en entier l'Océan Equinoxial, et enfin la mer 
du Sud. Elle pénètre ainsi dans l'Amérique méri- 
dionale par la terre des Patagons, et longe les côtes 
_ de cette contrée jusqu'au royaume de la Colombie. On 
ignore si cette division étend encore ses courses au delà 
de cette dernière contrée, ou si elle s’y arrête et y ter- 
mine ses excursions vagabondes. 

La seconde division, celle de gauche ou la septen- 
trionale, suit jusqu’au Thibet la même route que la 
première ; mais, lorsqu'elle y est parvenue, elle 
tourne brusquement vers le nord, se dirige vers Tur- 
kestan, passe auprès de la mer d’Aral, traverse une 
partie de la Russie asiatique, la plus grande partie 
de la Russie d'Europe, et porte ses tribus jusqu’en 
Laponie, en Norwége et en Suède. Elle franchit en- 
suite la mer du Nord, étend ses excursions jusqu’en 
Islande, tandis que le plus grand nombre des indivi- 
dus qui composent cette seconde division va visiter 
les Hébrides, l'Irlande, l’Ecosse et l'Angleterre, pays 
qu'elle quitte ensuite pour revenir à son point de dé- 
part. | 

Outre ces trois grandes colonnes, la première ou la 
méditerranéenne, la seconde ou l’orientale, qui d’abord 
unique se partage en deux et en constitue ainsi une 
nouvelle ou la septentrionale, il en existe une autre 
principale qui se divise également en deux branches ou 
rameaux, 


— 612 — 


D'après la direction que suit la quatriéme co- 
lonne, dès le moment de son départ, on peut la nom- 
mer l’occidentale. Elle se confond, en Barbarie, avec les 
caïlles qui arrivant d'Egypte ont suivi les bords méri- 
dionaux de la Méditerranée, toujours dans la direction 
de l’ouest. Elles suivent encore la même direction pen- 
dantquelquetemps ; mais une fois qu’elles sont arrivées 
à l’extrémité de la Barbarie, elles se divisent en deux 
rameaux principaux. L’un, que nous appellerons l’eu- 
ropéen, parcourt le Portugal, l'Espagne, traverse 
l’Océan Atlantique et arrive dans les îles Britanniques 
où il paraît se confondre avec les caïlles qui y 
sont arrivées par l'Islande. Le second rameau, ou 
l’africain , côtoie les côtes occidentales de V'Afri- 
que en se rapprochant des rivages de l’Océan Atlan- 
tique, traverse ainsi successivement la Sénégambie, 
la Guinée supérieure et inférieure, le pays des Ma- 
casses et des Hottentots, et arrive enfin au cap de 
Bonne-Espérance. Les cailles changent dès lors de 
direction, étendant leurs excursions vers le nord ; 
elles longent ainsi les côtes de l'Océan Austral et de 
la mer des Indes , parcourent la Cafrerie, la Mozam- 
bique, le Zanguebar, suivent la côte d’Ajan, font 
quelques excursions dans l’Abyssinie, et franchissent 
le golfe Arabique dans le point le plus étroit, c’est-à- 
dire vers Moka, et pénètrent en Arabie. 

Une fois qu'elles y sont parvenues, elles longent 


— 613 — 


les côtes septentrionales de la mer des Indes, traver- 
sent le golfe Persique, entrent en Perse, suivent en- 
core les rivages de la mer des Indes, parcourent l'In- 
doustan, et, tournant brusquement vers le nord-est, 
vont se confondre avec les cailles qui du Thibet se 
rendent dans la Nouvelle-Hollande et en Amérique. 

Quelles que grandes que puissent paraitre les ex- 
cursions de ces oiseaux dont le vol est cependant si 
lourd , elles sont probablement au-dessous de la 
réalité. En effet, les colonnes qui les composent se 
subdivisent à l'infini et se répandent dans un plus 
grand nombre de pays que ceux que nous avons 
indiqués ; car les cailles offrent cette particularité de 
voyager indifféremment du nord au midi comme du 
midi au nord. 

6° Le corbeau et les corneilles (corvus corax et 
corone) sont aussi des espèces essentiellement émi- 
grantes, et que l’on rencontre dans presque tous les 
points du globe. Leurs courses ont été indiquées sur 
notre carte par deux lignes noires, l’une pleine et l’au- 
tre interrompue ou ponctuée. 

Ces oiseaux, comme les cailles, paraissent égale- 
ment partir d'Afrique et de Barbarie au delà du dé- 
sert de Zahara, vers les côtes de l’Océan Atlantique. 
De ce point ils se divisent en deux colonnes : l’une se 
dirige vers le nord et l’autre vers le sud. 

Celle-ci, l’africaine ou la méridionale, s'étend vers 


— 614 — 


le sud jusqu’à la pointe de l’Afrique, longe les côtes 
de cette contrée, traverse successivement la Nigritie, 
la Guinée supérieure et inférieure, le pays des Ma- 
casses et des Hottentots, et arrive enfin au cap de Bonne 
Espérance. Lorsqu'elle y est parvenue, la colonne 
africaine change de suite de direction, gagne d’abord 
vers le nord, puis, après avoir traversé le canal de 
Mozambique, elle se rend à Madagascar et dans 
les autres petites iles dont celle-ci est entourée. Cette 
colonne parait même pousser ses excursions jusqu'aux 
îles Seychelles, les Maldives et les Laquadives de la 
mer des Indes. De ces points, les oiseaux qui la com- 
posént reviennent de nouveau vers les rivages afri- 
cains, s'étendent dans le Zanguebar, la Nubie, cô- 
toient les rivages occidentaux du golfe Arabique ou 
de la mer Rouge, passent entre cette mer et la Médi- 
terranée, etarriventainsi par l’isthme de Suez en Asie. 
Ces oiseaux traversent ensuite la Palestine, une partie 
de la Turquie asiatique, longent les côtes de la mer 
Noire et de la mer Caspienne, parcourent une grande 
partie de la Russie, de la Suède et de la Norwége, où 
ils vont se réunir avec leurs congénères qui y sont 
parvenus par l’Allemagne. 

La seconde colonne, l’européenne ou la septentrio- 
nale, part comme la précédente du même point; 
mais, au lieu de se diriger vers le sud, elle suit une 
direction tout opposée , c’est-à-dire vers le nord. Elle 


— 615 — 


longé d’abord les côtes occidentales de l’Afrique, tra- 
verse le détroit de Gibraltar , passe en Portugal, en 
Espagne, puis en France, d’où elle se répand dans 
les îles Britanniques, l’Allemagne, la Suisse, l'Italie, 
la Turquie d'Europe; elle parcourt encore de nou- 
veau l'Allemagne, mais seulement les Etats les plus 
septentrionaux de cette contrée. Elle gagne ensuite 
le nord, et va se réunir en Norwége avec la colonne 
africaine dont les excursions sont beaucoup plus 
étendues. 

T° La chouette effraie (sérix flammea) est encore 
une espèce émigrante dont les voyages sont aussi des 
plus étendus. Les migrations de cette espèce ont été 
indiquées par une ligne noire en astérisque. 

La chouette effraie , comme la caille, paraît partir 
d'Afrique et de la Nigritie. La première de ces co- 
lonnes longe d’abord le grand désert de Zahara , tra- 
verse l'Egypte, puis la Méditerranée, arriveen France, 
d’où elle se répand en Espagne, en Portugal, en Al- 
lemagne, en Suède et en Norwége. Ces oiseaux se joi- 
snent, dans ces dernières contrées, à ceux qui, après 
avoir parcouru toute l'Amérique, arrivent dans l’hé- 
misphère boréal par là Russie asiatique. 

La seconde colonne part, comme la première, de la 
Nigritie, se dirige vers la Sénégambie, traverse l'Océan 
Atlantique, et arrive par la Guyane dans l’Amérique 
méridionale. Elle parcourt ensuite le Brésil, par- 


— 616 — 


vient jusqu'à Buénos-Ayres, longe les côtes occi- 
dentales de cette partie de l'Amérique, passe succes- 
sivement par les royaumes de la Plata, du Pérou, de 
la Colombie, et se rend enfin dans l'Amérique septen- 
trionale après avoir franchi l’isthme de Panama. Une 
fois qu’elle y est parvenue, elle porte ses excursions 
dans tout le Mexique, la Louisiane, les Etats-Unis, 
contourne ensuite les grands lacs de cette partie du 
nouveau monde, arrive dans l’Amérique russe, fran- 
chitle détroit de Behring, et pénètre ainsi dans l’Asie 
septentrionale. Elle parcourt ensuite la Sibérie, la 
Manschourie, la Mongolie, la Rouskarie, la Chine, 
le Thibet, le Caboul, et, après avoir côtoyé les côtes 
occidentales du golfe Persique, elle entre en Arabie 
d’où elle passeentre la mer Noireet la mer Caspienne 
pour arriver en Russie. Elle se joint pour lors en 
Suède et en Norwége à l’autre colonne dont les courses 
ont été moins longues. 

La chouette effraie, quoiqu'une esnèce nocturne, 
n’en est pas moins un des oiseaux dont les courses 
sont les plus longues ; car dans ses voyages elle fait 
en quelque sorte le tour du monde. L’habitude de ne 
voir bien distinctement que pendant la nuit, qui parait 
caractériser particulièrement les chouettes, est donc 
tout à fait indifférente à l'étendue et à la constance de 
leurs voyages. Il en est de même de leurs habitudes 
carnassières qui ne sont pas non plus un obstacle, ainsi 


— 617 — 


qu’on l’avait à tort supposé, à la longueur de leurs 


excursions. La corneille et le corbeau en sont encore 
une preuve parmi les passereaux, ainsi que plusieurs 
autres espèces qui, comme la chouette, appartiennent 
aux oiseaux de proie. Les mœurs de certains mammi- 
fères, tels que le tigre, le loup et le renard, ne s’oppo- 
sent point à leur grande dispersion ; elles paraissent 
même la favoriser ; car les animaux carnassiers trou- 
vent partout de quoi satisfaire leurs appétits, aussi 
bien que les espèces herbivores dont la dispersion a 
singulièrement favorisé celle des premières. 


POISSONS. 


8° Maquereaux (scomber scombrus). Les poissons 
se livrent à des migrations presque aussi étendues 
que celles qu’exécutent les oiseaux émigrants. Nous 
avons indiqué sur la carte celles des maquereaux par 
une ligne à nœuds. 


Les maquereaux paraissent passer l'hiver dans les 
mers du Nord, principalement auprès de l'Océan Gla- 
cial Arctique, dans les environs. du Spitzherg où ils 
s’enfoncent dans la profondeur des eaux. Ils quittent 
ces froides régions vers le printemps, et se dirigent 
à cette époque sur les côtes de l'Islande ; ils descen- 
dent ensuite dans l'Océan Atlantique, et parviennent 


— 618 — 


ainsi sur les côtes de l'Irlande. Lorsque ces poissons 
sont arrivés vers le 50° degré de latitude, ils se di- 
visent en deux colonnes. 

L'une, ou la méridionale, longe la péninsule his- 
panique, passe le détroit de Gibraltar, arrive dans la 
Méditerranée d’où elle se répand sur les côtes de l’Es- 
pagne , du midi de la France, de l’Italie, ainsi que 
sur celles des iles qui s’y trouvent, comme les iles 
Baléares, la Corse, la Sardaigne et la Sicile, etc. Elle 
parvient ainsi dans l’Adriatique , et retourne après 
dans la Méditerranée, où les individus qui la compo- 
sent vont se répandre sur les côtes de la Turquie et 
de l’ile de Candie. On ignore si cette espèce pénètre 
dans la mer Noire par le détroit des Dardanelles. 
Lorsqu'elle y est arrivée, elle revient sur ses pas et 
retourne dans les mers du Nord, ainsi que la seconde 
colonne : l’une et l’autre s’enfoncent alors dans les 
profondeurs de l'Océan Glacial Arctique. Cette pre- 
mière colonne de maquereaux est suivie dans ses 
excursions par les sardines , comme celles-ci par 
les thons. Cette dernière espèce est écalement accom- 
pagnée par les squales qui s’attachent à ses pas et en 
font leur pâture. 

L’autre colonne que, par opposition à la pre- 
mière, on pourrait appeler la septentrionale, entre 
dans la Manche, paraît en mai sur les côtes océani- 
ques de la France, longe la partie méridionale et oc- 


— 619 — 


cidentale de l’Angleterre, de la Hollande, et passe le 
Sund ; elle fait ensuite le tour du Jutland, parcourt 
la mer Baltique, revient en suivant les côtes de la 
Suëde, de la Norwége, et s’enfonce de nouveau dans 
les mers du Nord, point d'où elle était partie comme 
la première division de cet ordre de poissons. 

9 Æarengs (clupea harengus). Les harengs, aussi 
connus par la bonté de leur chair qu’à raison de leurs 
longs et grands voyages, ont été indiqués par une li- 
gne ondulée et sinueuse. 

Les harengs , comme les maquereaux , partent des 
mers du Nord, particuliérement de l’Océan Glacial 
Arctique. Ils se divisent, peu aprés leur point de dé- 
part, en deux colonnes principales. 

La première se dirige vers l’occident, passe entre 
l'Islande et le Groënland, fait le tour de cette grande 
ile dont elle côtoie les côtes orientales, traverse la 
baie de Baffin, arrive ainsi devant la terre de Labra- 
dor, fait le tour de Terre-Neuve, et pousse peut-être 
_ses excursions jusqu'aux Etats-Unis, d’où elle re- 
tourne vers les mers du Nord, dans les profondeurs 
desquelles elle s’enfonce. 

La seconde colonne des harengs, ou la méridionale, 
se dirige vers le sud; mais, peu après son départ, 
elle se partage en deux divisions, probablement à rai- 
son du nombre des poissons qui la composent. 

La première longe la Norwége; mais, arrivée de- 


— 620 — 


vant le Danemark, une partie en côtoie les côtes oc- 
cidentales, et l’autre les côtes orientales. Cette pre- 
miére division pénètre ainsi dans la Baltique, et 
étend ses excursions à la fois dans les golfes de Fin- 
lande et de Bothnie, d’où ces poissons retournent dans 
les mers du Nord , que l’on peut considérer comme 
leur point de départ. 

La seconde division , qui s'étend vers le sud-ouest, 
parcourt les côtes des îles Shetland et les Orcades. 
Une fois qu’elle a dépassé ces dernières îles, elle se 
partage encore en deux bandes. 

La première, ou l’occidentale, gagne les îles Hébri- 
des et pénètre dans l’Océan Atlantique. Une partie suit 
les côtes occidentales de l'Islande; elle fait en quel- 
que sorte le tour de cette île, et va se réunir avec la 
seconde qui arrive dans la Manche par la Hollande 
et le Pas-de-Calais. 

La dernière de ces bandes, ou l’orientale, longe les 
côtes orientales de l’Ecosse et de l’Angleterre, ainsi 
que le rivage occidental de la Hollande, et entre dans 
la Manche par le Pas-de-Calais. 

Ces deux bandes séjournent plus ou moins long- 
temps dans la Manche; elles envoient constamment 
de leurs tribus, les unes dans les mers du Nord et 
les autres dans l’Océan Atlantique. Les premières 
suivent les côtes de l'Allemagne, font le tour du Da- 
nemark, parviennent par le Sund dans la mer Bal- 


— 621 — 


tique, qu’elles parcourent en entier, et étendent leurs 
excursions jusque dans les golfes de Bothnie et de 
Finlande. Les secondes de ces tribus longent les cô- 
tes océaniques de la France, ainsi que celles de l’'Es- 
pagne et du Portugal; mais elles ne paraissent pas 
franchir le détroit de Gibraltar, qui semble pour elles 
comme le terme de leur voyage. De ce point les ha- 
rengs reviennent par la Manche dans la mer du Nord, 
pénètrent parfois dans la Baltique, et, s’y réunissant 
avec leurs congénères, on les voit souvent reprendre 
avec eux la route de l'Océan Glacial Arctique, où les 
uns et les autres vont s’enfoncer dans la profondeur 
des eaux. 

Telle est l’histoire des migrations du hareng, dont 
le nombre est réellement prodigieux. Malgré les pé- 
ches actives et les attaques continuelles des poissons 
voraces dont il est l’objet, il n’en envoie pas moins des 
millions d'individus depuis l'Océan Glacial Arctique 
jusqu’à l’Océan Atlantique. Il serait possible que, dans 
son humeur voyageuse, le hareng étendit ses excur- 
sions jusqu'a l'Océan Austral, parcourant ainsi l’im- 
mense étendue de l’Océan Atlantique. Faute d’obser- 
vations précises, nous ignorons si ses colonnes dépas- 
sent le détroit de Gibraltar, et si, sans entrer dans la 
Méditerranée, elles longeraient les côtes océaniques 
occidentales de l'Afrique, pour , en définitive, aller 
porter leurs tribus dans l'Océan Austral. 


— 622 — 


Nous devons attendre de nouvelles recherches et 
des observations suivies avec soin pour pouvoir déci- 
der ce point de fait. Dans l’état actuel de nos con- 
naissances, le détroit de Gibraltar parait pour cette 
espèce les colonnes d’Hercule. 


FIN. 


— 623 — 


TABLE DES MATIÈRES. 


Dépicace. 


Avis Des Enireurs. 

AVANT-PROPOS. 

InTropucrion. 
Observations générales. 


LIVRE PREMIER. 


DES MIGRATIONS DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. 


CHAPITRE PREMIER. 


Des MIGRATIONS DES MAMMIFÈRES, 


I. Des migrations des mammifères terrestres. 
IL, Des migrations des mammifères marins ou des célacés. 


CHAPITRE II. 


Des MIGRATIONS DES OISEAUX. 


I. Des causes des migrations des oiseaux. 
II. De l’ordre qui règne dans les migrations des oiseaux. 
III. De l'irrégularité des passages des oiseaux erraliques. 


IV. De la diversité dans les époques des passages des jeunes et 


des vieux oiseaux. 


V. De l'influence de la température et de la nourriture sur les 


passages des oiseaux. 


ee —— 


— 624 — 


VI. De l'étendue des migrations des oiseaux. 
VIT. De la constance dans les migrations des oiseaux. 
VIII. Résumé. 
IX. Tableau de l’époque des passages des oiseaux. 
Observations générales. 
Taszeav de l’époque des passages des oiseaux. 
I. Palmipèdes. 
IT. Pinnatipèdes. 
III, Echassiers. 


1° Gralles. 
29 Coureurs. 
3° Aleclorides. 


IV. Gallinacés. 
V. Passereaux. 


4° Chélidons. 

20 Alcyons. 

5° Anisodactyles. 
4° Zigodactyles. 
5° Granivores. 
6° Inseclivores. 
7° Omnivores. 


VI. Rapaces. 


4° Hiboux. 
20 Choucttes. 
. 3° Busards. 
4° Buses. 
5° Milans. 
6° Autours. 
7° Aigles. 
8° Faucons. 
9° Vautours. 


Addition à l’article des oiseaux palmipèdes. 


Tasceau des temps moyens de la première apparition de plusieurs 
oiseaux dans le midi de la France. 


Tapzeau du temps moyen de la première et dernière apparition des 
hirondelles et des martinels sur les côtes du midi de la France. 


— 625 — 


CHAPITRE III. 


I. Des passages des reptiles. 


513 


II. Tableau des lieux habités par les principales espèces de reptiles. 344 


k Chéloniens. 
Sauriens. 
Ophidiens. 
Batraciens. 


CHAPITRE IY. 


Des MIGRATIONS DFS POISSONS. 
Observations générales. 


I. Tableau de l’époque des passages des poissons. 


Observations préliminaires. 
Tasreau de l’époque des passages des poissons. 
1. Suceurs. 
II. Apodes. 
III. Subbranchiens. 
IV. Abdominaux. 
V. Microlépides. 
VI. Lépides. 
VII. Aspidocéphales. 
VIII. Brachioptères. 
IX. Discoboles. 
X. Plectognathes. 
XI. Lophobranches. 
XII. Cinétobranches. 
XIII. Desmobranches. 
II. Résumé. 


LIVRE DEUXIÈME. 


DES MIGRATIONS DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. 


CHAPITRE PREMIER, 


Des MIGRATIONS DES MOLLUSQUES. 
CHAPITRE IT. 


Des ARTICULÉS. 


846 
366 
377 
379 


507 


516 


—"0û— 


CHAPITRE III. 
Des FELMINTHÉS ET DES ZOOPHYTES. 55% 
CHAPITRE IV. 


Des voyAGES ACCIDENTELS DE CERTAINS ANIMAUX. 557 


CHAPITRE V. 


Du PAÉNOMÈNE DE L’HIVERNATION. 566 
RÉSUMÉ GÉNÉRAL. 584 
Nore additionnelle. 588 


ExPzicaTion de la carte du globe terrestre, sur laquelle ont été tracées 
les routes suivies par plusieurs espèces d'oiseaux et de poissons 
dans leurs migrations, 597 


FIN DE LA TABLE, 


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277 


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————— Cales . 


=== Ælournemus et Lorross. 


—— Corbeur et Corneiller 

cesse Couette fie 
TES mn 
—— Loenge. 


Lépart | 


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