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SAINT-CLOUD,
DES CAUSES
DES
MIGRATIONS DES DIVERS ANIMAUX
ET PARTICULIÈREMENT
DES OISEAUX ET DES POISSONS,
PAR
MARCEL DE SERRES,
Conseiller,
Professeur de minéralogie et de géologie à la faculté des sciences de Montpellier ;
Chevalier de la Légion d'honneur.
SECONDE ÉDITION
REVUE ET CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE.
Cet ouvrage à été couronné, le 23 mai 1840, par la Société des Sciences de Harlem.
Parmi les phénomènes naturels qui se rattachent au retour
périodique des saisons, les migrations régulières des oiseaux
comme des poissons, méritent tout autant notre attention et
notre intérêt, que le développement et la floraison des végé-
taux. Introduction.
PARIS,
LAGNY FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS,
KUE BOURBON-LE-CHAT&AU, 4°".
1845.
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A Monsieur Gubot,
MEMBRE DE L'INSTITUT,
MINISTRE SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
ANCIEN MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE,
ETC., ETC.
| Monsieur le Ministre,
S Le phénomène des migrations met toute la nature en mouvement et y ré-
& pand la variété sans en troubler lhermoni. Un parel phénomène ne peut
© manquer dintéresser un esprit philosophique comme le vôtre. Übservateur aussi
profond que modérateur habile des passions qui assiégent les sociétés humaines,
\vous ne verrez pas avec indllérence le tableau des besoins instincts et impérieux
% qui portent la plupart des animaux si lon des lieux de leur naissance.
Les encouragements que mon travall a déjà obtenus me font espérer, avec
Ÿ votre suffrage, un succès quil me sera bien doux de devoir à votre nom.
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de suis avec respect,
Monsieur le Ministre,
Le votre Excellence.
Le très humble et très-obéssant serviteur,
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Marcez DE SERRES.
Montpellier, le 15 février 1845.
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AVIS DES ÉDITEURS.
L'ouvrage sur les migrations a obtenu l’assen-
timent d’une Société célèbre. Il est le seul qui
ait été publié jusqu’à présent sur ce beau phé-
nomène. S'il ne donne pas d’une manière com-
plète la solution d’une des questions qui inté-
ressent au plus haut degré l’histoire des animaux,
il a du moins soulevé en partie le voile qui la
couvre encore. Sous ce rapport, cet ouvrage se
recommande à l'attention des physiciens.
Quoique ces recherches aient été couronnées
par la Société des sciences de Harlem, et ait valu
à M. Marcel de Serres la grande médaille que cette
Société n'accorde qu'à des observations remar-
quables par leur importance, l’auteur est loin de
se dissimuler toutes les imperfections de son tra-
vail. Il s’estime seulement heureux de penser
que des juges tels que MM. Temminck, Schlegel
et Van-Breda l’aient cru digne de quelque in-
dulgence, à raison de la difficulté que présente
VII AVIS DES ÉDITEURS,
la solution d’une des questions les plus curieuses
et les plus intéressantes de la nature.
La bienveillance que ces recherches ont ob-
tenue de savants dont le nom fait autorité dans
la science, nous l’espérons de ceux qui seront ja-
loux de les connaître et d'en constater l’exacti-
tude. Nous l’attendons surtout des hommes qui
aiment à démêler dans les actes des animaux
quelques traits de cette puissance supérieure
dont ils manifestent aussi bien la haute sagesse
que les admirables desseins.
AVANT-PROPOS.
Le phénomène des migrations particulier aux animaux, et
qui acquiert son plus grand développement chez les oiseaux et
les poissons, a depuis longtemps attiré l’attention des physi-
ciens par sa constance et sa régularité, Il est digne, en effet,
d'occuper les méditations des hommes éclairés. Les esprits
supérieurs aiment à se rendre compte des motifs qui portent
certains êtres à exécuter des actes dont au premier aperçu on
croirait l'intelligence seule susceptible. L'intérêt de cette étude
nous à porté à donner toute l’attention dont nous sommes ca-
pable à un phénomène qui ne peut être saisi, dans l’état des
observations actuelles, que par l'induction et l’analogie.
Nous avons été heureux d'apprendre qu’une Société savante
et justement célèbre avait appelé les recherches des natura-
listes sur ce beau sujet et en avait fait l’objet d’un prix. Si nous
l'avons obtenu, c’est peut-être parce que, mieux que ceux qui
nous ont devancé , nous avons entrevu que ce fait naturel, loin
d’être simple, était au contraire très-complexe et soumis à
plusieurs conditions. Une fois ces causes connues, nous en avons
démontré les relations avec les habitudes voyageuses ou sta-
tionnaires des ‘animaux.
Ainsi, les espèces quiémigrent réellement, et qui parcourent
en quelque sorte la totalité du globe, sont douées d’une grande
agilité, et d’une puissante force motrice, conditions essentielles
à l’étendue et à la continuité des mouvements. il leur a fallu,
de plus, une volonté ferme et un instinct impérieux pour fran-
X AVANT-PROPOS.
chir, sans hésitation, les plus grandes distances, lorsque aucun
besoin pressant ne les y engage et ne les y contraint.
Sans ces deux conditions, les animaux errent bien d’une
contrée à l’autre, mais ce n’est point à une migration propre-
ment dite. Enfin, lorsque l’agilité leur manque, et que leur or-
ganisation ne les porte pas à se déplacer, alors seulement ils
sont stables et sédentaires.
Telle est en abrégé l’histoire d’un phénomène qui met en
quelque sorte une grande partie des êtres vivants dans un mou-
vement continuel. Ces migrations, par suite de desseins dont
nous ne savons pas comprendre toute la portée, s’exécutent avec
une régularité non moins remarquable que leur constance.
Pour apprécier à leur juste valeur les causes qui portent tant
d'animaux à faire de longs voyages, nous avons eu recours aux
lumières des personnes qui, par goût ou par état, se sont livrées à
un pareil ordre de recherches. Nous en avons obtenu, avec une
bienveillance faite pour nous flatter, des renseignements pré-
cieux.
Si des circonstances impérieuses ne nous forçaient au si-
lence, nous serions heureux de pouvoir leur en manifester toute
notre gratitude. Du moins parmi les hommes qui nous ont été
utiles sous ce rapport, il en est plusieurs que nous pouvons
nommer. Ils voudront bien agréer le faible tribut de nosremer-
ciments.
Ainsi, nos idées sur les migrations des oiseaux se sont singu-
lièrement étendues dans les entretiens que nous avons eus avec
M. Lebrun, habile ornithologiste de Montpellier, et M. Poort-
man, conservateur du musée zoologique de Lyon. M. Rey-La-
croix, auquel ses fonctions ont permis de s'occuper avec zèle
des passages des poissons, nous a fourni également quelques
détails précieux ; nous ne saurions trop lui en témoigner notre
reconnaissance.
DES
CAUSES DES MIGRATIONS
DES DIVERS ANIMAUX,
ET PARTICULIÈREMENT !
DES OISEAUX ET DES POISSONS.
INTRODUCTION.
La Société des sciences de Harlem, dont les vues
éclairées sont constamment dirigées vers le progrès
des connaissances, a proposé un sujet de prix, des
plus intéressants, mais dont la solution présente de
graves et sérieuses difficultés. Il se rapporte à la
question de savoir « quelles peuvent être les causes
des migrations ou des passages des poissons et des
oiseaux, surtout des espèces qui servent à la nourri-
ture de l’homme, ou à d’autres usages. » Cette ques-
tion devait être résolue avant le 4°" janvier 4840.
Pour répondre d’une maniére convenable aux dé-
sirs manifestés par cette Société, il nous a paru
1
De —
nécessaire d’examiner cette question dans toute sa
généralité, c'est-à-dire, d'étudier les eauses qui por-
tent les divers animaux à se livrer à des migrations
périodiques, migrations qui semblent être pour eux
un besoin auquelils ne savent ni ne peuvent résister.
Parmi les animaux qui ont de pareilles habitudes,
les poissons et les oiseaux sont ceux dont les voyages
sont les plus longs et les plus constamment répétés.
Ils le doivent peut-être à la facilité que leur donne
leur organisation pour franchir de grandes distances.
C’est donc chez les oiseaux qu’il paraît convenable
d'étudier un phénomène dont la récularité n’est pas
une des circonstances les moins remarquables. Ces
lésers habitants des airs éclairent les migrations
lointaines qu'exécutent aussi les poissons, qui vivent
dans un tout autre milieu. Cette supposition est d’au-
tant plus fondée, que l'observation des mœurs des
oiseaux est environnée de moins de difficultés que les
excursions lointaines des poissons, sur lesquelles
nous n'aurons jamais des données bien certaines.
Parmi les phénomènes naturels qui se rattachent
au retour périodique des saisons, les migrations
régulières des oiseaux, comme celles des poissons,
méritent tout autant notre attention et notre in-
térêt que le développement et la floraison des végé-
taux. L'esprit, occupé de ces passages constants,
se demande où vont donc ces oiseaux qui nous quit-
HER ARE
tent à des époques fixes, et nous reviennent à des
époques non moins régulières.
Pour parvenir d’une manière sûre à résoudre cette
importante question, nous allons constater avec soi
les époques de ces migrations et les circonstances qui
les accompagnent.
OBSERVATIONS GÉNÉRALES.
Une des habitudes instinctives des oiseaux aux-
quelles ils résistent le moins, et qu'ils suivent toujours,
à moins qu'ils n’en soient empêchés par une force
supérieure à toute la puissance de leur volonté, est
sans contredit celle qui les porte à se rendre, à des
époques fixes ou indéterminées, du lieu qu’ils ha-
bitent, dans des lieux nouveaux. Cette habitude est
tellement irrésistible chez les oiseaux, qu’elle a lieu
chez des espèces que la nature a peu favorisées sous
le rapport du vol.
Parmi les gallinacés, les cailles, dont le vol est
lourd et pesant, n'en parcourent pas moins de
grandes distances à des époques périodiques. Sou-
vent fatiguées par la longueur du trajet, ou plutôt
terrassées par la violence des vents, elles tombent
dans la mer et y périssent ; d’autres fois plus heu-
reuses, elles parviennent sur de nouveaux rivages,
s’y précipitent, et vont chercher dans les terres de
sé D =
quoi réparer leurs forces épuisées par la privation
de toute nourriture pendant le temps de leur tra-
versée.
Ce que nous venons de dire des cailles s'applique
également à tous les oiseaux qui parcourent degrandes
distances. Il est peu de navigateurs qui, dans leurs
longs voyages, ne voient des oiseaux venir se reposer,
épuisés de fatigue, sur les vergues ou les autres
agrés de leurs vaisseaux. Ces oiseaux sont souvent
tellement accablés de lassitude qu’ils se laissent pren-
dre sans songer à fuir, n’en ayant pas la force.
Parmi les espèces qui, dans leurs migrations,
s'abattent sur les mâts des navires, on peut citer
principalement les oiseaux percheurs, tels que les
hirondelles, les traquets, plusieurs autres passe-
reaux, ainsi que certaines espèces d'échassiers.
Malgré la faiblesse de leur vol, les cailles entre-
prennent, à des époques fixes, des courses fort éten-
dues ; elles traversent même les mers, comme pour
nous apprendre qu'elles obéissent ainsi à un besoin
plus impérieux, plus fort que toutes leurs répu-
onances. Sans doute le désir de trouver une tem-
pérature plus appropriée à leurs besoins, ou l'espoir
de rencontrer ailleurs une nourriture plus con-
venable, porte ces oiseaux d’un canton dans un
autre ; mais une influence plus puissante que ces
besoins momentanés, l'instinct de leur conserva-
M
tion, agit sur eux dans ces excursions lointaines.
En effet, donnez à ces oiseaux une température
convenable, distribuez-leur une nourriture abon-
dante, vous ne les verrez pas moins, à l’époque de
leur départ, dans un état d’agitation particulier. Vous
les verrez manifester le besoin qui les tourmente et
les presse par leurs élancements et le battement de
leurs ailes; vous les verrez dans un état de malaise
que rien ne peut faire cesser, si ce n’est la liberté.
Si elle ne leur est rendue, ces oiseaux languissent,
forcés qu’ils sont de ne point satisfaire ce désir pres-
sant de se transporter dans d’autres climats, où ils
comptent trouver des circonstances plus appropriées
à leurs besoins.
Par suite de ces besoins qui se renouvellent avec
une constance remarquable, il est une infinité d’oi-
seaux que l’homme, malgré la puissante influence
qu'il exerce sur les animaux, ne peut point éle-
ver, tant le désir de ces voyages lointains est absolu
pour eux. Cet instinct est si impérieux chez les cou-
cous, que, lorsqu'ils ne peuvent le satisfaire, ils sont
frappés de mort.
Mais, par une particularité non moins remarquable,
si l’on prend certains oiseaux, et, par exemple, les
becs-croisés, pendant le temps de leurs migrations,
avant qu'ils soient arrivés aux lieux où ils nichent
ordinairement, on ne peut pas les porter à faire une
EU LS
couvée. Il en est de même de toutes les tentatives que
l’on a faites pour obtenir dans le Midi des nichées
des oiseaux du Nord; elles ont été constamment vaines:
Les espèces des régions septentrionales ont montré
une répugnance invincible pour perpétuer leurs ra-
ces. Ce désir ou plutôt ce besoin ne se manifeste chez
elles que lorsque la liberté leur est rendue; et avec
elle la température qui leur convient. |
Sans doute les colibris, les sucriers, les souiman-
gas et les bengalis ne nichent pas non plus dans les
contrées tempérées ; mais cette circonstance ne tient
pas à l’influence des migrations, puisque ces oiseaux
n’émigrent jamais. Elle dépend de ce qu’ils ne trou-
vent pas dans nos climats le genre de nourriture qui
leur convient, ni la température élevée qui, dans les
lieux de leur naissance, est aussi pour eux la saison
de leurs amours.
Comment distribuer aux trois premières espèces le
suc mielleux des fleurs dont ces oiseaux se nourrissent
habituellement? Aussi n'est-il pas possible de les con-
server en captivité; elles périssent toutes dans leurs
cages, et d'autant plus promptement que leur pétu-
lance les empêche de résister longtemps à la privation
de leur liberté.
Si donc les oiseaux dont nous venons de parler; et
particulièrement les colibris, n’émigrent pas, cette
circonstance dépend, ainsi que l’a faitobserver Buffon,
EN Ve
du genre de leur nourriture. Wilson à cependant
prétendu que les colibris ne se nourrissaient pas du
nectar des fleurs ; tout en convenant que ces oiseaux
ne refusaient pas l’eau sucrée, il a cru que les in-
sectes étaient leur nourriture habituelle.
Une pareille opinion, si opposée à celle qu'avait
émise Buffon, a été l’objet de l’examen du docteur
Traiss. Cet observateur ayant eu l’occasion d'ouvrir
l'estomac de ces petits oiseaux, y a uniquement ren-
contré une grande quantité de nectar ou de la liqueur
sucrée des plantes, et souvent un certain nombre de
petits insectes. [la prouvé que ces insectes se rappor-
tant tous et uniquement à des espèces qui vivent dans
le calice des fleurs, avaient dû être avalés par les
colibris avec le nectar. Probablement la difiiculté de
trouver ailleurs une liqueur aussi mielleuse Îles
empêche de se livrer, comme tant d’autres oiseaux,
à des excursions un peu étendues.
S'il est des oiseaux qui n’abandonnent jamais les
lieux de leur naïssance, d’autres, au contraire, entre-
prennent, soit périodiquement pendant certaines sai
sons de l’année, soit à des époques qui n’ont rien de
fixe ni de déterminé, des migrations plus ou moins
étendues. Ces oiseaux les entreprennent pour satis-
faire, les uns un penchant irrésistible qui les porte à
se déplacer, et les autres des besoins plus ou moins
impérieux. |
ne + EN
Ces dernières sont en général provoquées, soit pour
fuir le froid, soit pour chercher une température éle-
vée, soit enfin pour se procurer plus facilement des
moyens de subsistance. Ces voyages, tout à fait acci-
dentels, sont aussi irréguliers que les variations des
saisons. Ils paraissent même avoir lieu sans aucune
cause appréciable, et sans que le déplacement de ces
oiseaux porte un changement notable dans les condi-
tions où ils étaient primitivement placés.
On peut considérer les espèces qui les exécutent
comme des oiseaux erratiques, afin de les distinguer
de celles qui entreprennent des voyages périodiques et
réguliers qu'aucun besoin ne semble provoquer, et
encore moins déterminer. Les oiseaux émigrants sont
poussés à accomplir les longs voyages auxquels ils se
livrent habituellement, par un instinct particulier; cet
instinct les y force; il se développe quelquefois indé-
pendamment de tout ce qui, dans le moment où ces
voyages ont lieu, peut influer sur leur bien-être et
leur avenir.
Ce besoin d'émigrer est aussi impérieux pour les
jeunes que pour les vieux; quoique les premiers
n'aient pas pu encore contracter l'habitude des voya-
ges. Il est tellement irrésistible que, lorsque les oi-
seaux changent de climat, ils n'attendent pas pour
partir que le froid soit insupportable dans les lieux
qu'ils vont quitter. On ne les voit pas, du moins, re-
ADP —
poussés peu à peu vers le Midi par les empiétements
de l'hiver. Les espèces émigrantes le précèdent cons-
tamment. Elles se transportent bien avant la saison
des frimas, dans des régions plus chaudes que celles
qu’elles habitaient primitivement. Souvent elles re-
viennent à l’époque du printemps, quoique la tem-
pérature soit encore au-dessous de ce qu’elle était
au moment de leur départ. Ainsi, pour certaines
espèces, les migrations ne se lient avec aucune cir-
constance extérieure appréciable ; elles en paraissent
en quelque sorte indépendantes.
Quoique les migrations d’un assez grand nombre
de ces animaux semblent dépendre d’une impulsion
instinctive, les agents atmosphériques ne sont pas
toujours pour cela sans influence sur le développe-
ment du besoin que les oiseaux voyageurs éprouvent
de changer d'habitation. Ce phénomène coïncide
donc quelquefois avec les variations de l’atmosphèére,
et le moment de l’arrivée et du départ est souvent
avancé ou retardé, suivant que la saison froide se
prolonge plus ou moins.
L'époque de l’arrivée ou du départ des oiseaux
voyageurs éprouve de grandes variations dans les dif-
férentes espèces. Ainsi celles qui sont originaires des
contrées septentrionales de l’Europe arrivent l’au-
tomne ou au commencement de l’hiver dans les con-
trées méridionales de la France. Mais, dès les premiers
Le
beaux jours, on les voit fuir la chaleur, comme ils
avaient fui le froid, et retourner dans le Nord pour y
faire leur ponte.
L'’inconstance des passages ou des migrations des
oiseaux est souvent aussi grande que celle des varia-
tions de la température. Aussi il n’est pour ainsi dire
pas un chasseur qui ne sache que des espèces qui
arrivent en grand nombre pendant une année de-
meurent parfois plusieurs années à paraitre de nou-
veau. Ces oiseaux ne voyageraient donc que lors-
qu'ils trouveraient un certain nombre de circonstan-
ces favorables. Comme ces circonstances ne se repro-
duisent pas toujours; elles apportent nécessairement
des variations dans des voyages que leur réunion
semble déterminer chez les espèces erratiques.
D'autres oiseaux, au contraire, qui nichent et nais-
sent dans les contrées méridionales de la France et
qui, par conséquent, sont essentiellement indigènes ;
les quittent en automne ; mais, après avoir passé l’h1-
ver dans les climats chauds, ils reparaissent dans le
Midi au printemps; ou bien, évitant encore la cha-
leur des étés de ces contrées, ils émigrent alors vers
les régions arctiques. D’autres espèces, nées dans les
climats méridionaux, s’élévent vers le Nord pour
échapper à l’ardeur du soleil de l'été, et nous arrivent
à la fin de la belle saison. Enfin, quelques autres ne
séjournent jamais dans le Midi, et, dans leurs migra-
— 11 —
tions annuelles, elles ne font qu’y passer. On à donné
à ces races le nom d'oiseaux de passage.
Enfin quelques espèces, par exemple, les oies et
les cygnes, séjournent l'hiver dans les pays tempérés,
lorsque les rivières n’y gélent pas; mais, lorsque le
froid y devient vif et piquant, on les voit s’avancer
plus au midi, d'où elles reviennent vers la fin de märs
pour retourner dans le Nord et y passer l’été. Evidem-
ment, pour celles-ci comme pour un certain nombre
d’autres, leurs passages paraissent déterminés par la
température; car elles ne restent jamais dans le Nord
lors des grands froids.
Ce qu’il y a de remarquable , l’époque de l’arrivée
et du départ de ces oiseaux voyageurs ou plutôt émi-
grants est en général déterminée d’une manière pré-
cise pour chaque espèce et pour chaque contrée. L'âge
y apporte tout au plus quelque différence ; par exem-
ple, les plus jeunes ne se mettent ordinairement en
route qu'après les adultes; cette circonstance parait
dépendre, ainsi que nous l’obsérverons dans la suite,
de la mue plus tardive chez les seconds que chez les
premiers. Aussi les jeunes ne sont point encore réta-
blis de la maladie qui accompagne la mue, lorsque
les vieux sont en état de supporter les fatigues d’un
long voyage.
On est souvent étonné de la prévoyance et du tact
avec lequel les oiseaux, surtout les espèces voyageuses,
-— 12 —
distinguent par avance les variations qui vont surve-
nir dans la température. Nous-mêmes, avec toute no-
tre intelligence et tous nos instruments, nous sommes
moins avancés qu'eux sous ce rapport; Car nous ne
saurions dire la veille le temps qu’il fera le lendemain.
La température plus élevée dont jouissent les oiseaux
leur donnerait-elle cette sorte de divination; c’est ce
que nous examinerons plus tard.
Au milieu de tous les faits qui prouvent les diffé-
rences que l’âge apporte dans les habitudes voyageu-
ses des oiseaux, nous n’en citerons pour le moment
qu’un seul, parce que la vérification en est facile. Lors-
qu'on observe les coucous dans une contrée où ils ont
opéré leur ponte, on les voit tous en plumage roux,
tandis que dans un autre canton, plus ou moins éloigné
du premier, ils se montrent constamment en plumage
gris ; celui-ci est la robe des vieux. Cette diversité dans
le plumage annonce que si les premiers sont restés sé-
dentaires, les seconds ont au contraire voyagé.
Les oiseaux opèrent généralement leurs migrations
en troupes plus ou moins nombreuses; ils voyagent
ainsi de concert et, pour ainsi dire, en famille. Il ar-
rive en effet rarement qu’ils se transportent à de
grandes distances isolément et séparément par paires.
C’est surtout dans cet acte important de leur vie que
se manifeste l'instinct de sociabilité, qui les caracté-
rise d’une manière si éminente.
=. D
Chaque année, des tribus plus ou moins nombreu-
ses d'oiseaux et quelquefois même des légions innom-
brablesnousarrivent dans un ordre déterminé. Le plus
souvent guidés par des chefs, les habitants des airs
traversent la Méditerranée pour passer d'Afrique en
Europe ou pour suivre la route opposée. Les hiron-
delles, par exemple, hivernent au Sénégal, se répan-
dent au printemps dans les contrées méridionales et
en été dans la Hollande et le nord de l’Europe. Cepen-
dant certaines espèces, toujours errantes, changent de
pays sans que leur marche paraisse guidée par aucune
règle. Ce sont les races que nous avons nommées errati-
ques, tandis que nous désignons les premières sous le
nom d'émigrantes. Ces expressions font saisir les
différences qu’elles présentent sous le rapport de la
longueur et de la fixité de leurs voyages.
Le besoin de voyager et de changer de climat dans
certaines saisons est donc une des exigences les plus
impérieuses de l’organisation ou plutôt de l'instinct
des oiseaux. Quelle qu’en soit la cause, elle se fait
sentir non-seulement sur toute l’espêce, mais encore
sur les individus séparés de l'espèce auxquels une
étroite captivité ne laisse aucune communication avec
leurs semblables.
L'instinct social si perfectionné chez cet ordre
d'animaux semble acquérir un nouveau dévelop-
pement par suite des besoins nouveaux qui nais-
ET ee
sent de leurs excursions lointaines. En effet, les
espèces émigrantes qui voyagent en troupes nom-
breuses non-seulement obéissent à des chefs, mais
pour veiller à leur sûreté elles s’entourent de senti-
nelles chargées de les avertir de l’approche du moin-
dre danger. Lorsqu'il devient imminent, elles se re-
plient avec rapidité vers la troupe qui se rallie à leur
signal. Alors tous les oiseaux qui en font partie se
groupent, se pressent les uns contre les autres, et
réunissent tous leurs efforts pour repousser leurs
ennemis.
D’autres espèces, sans avoir une police aussi mer-
veilleuse, ont néanmoins un instinct assez perfec-
tionné pour s'épargner les fatisues de la chasse;
ils forcent d’autres oiseaux plus faibles ou plus laches
à leur abandonner la proie dont ceux-ci se sont à
grand’peine emparés. On voit souvent les frégates
(pelecanus aquilus Linn.) donner la chasse aux
fous (pelecanus bassanus Linn.), et, en les frappant
de l’aile et du bec, les forcer à désorger le produit de
leur pêche dont ils se saisissent avec dextérité avant
qu'il tombe dans l’eau.
Dans certaines circonstances, ces animaux se prè-
tent des secours mutuels pour repousser et triompher
de leurs ennemis. Ge fait, qui dépend de cet instinct
de sociabilité donné aux oiseaux, se représente souvent
lorsque leurs espèces isolées sont attaquées par des
Es
serpents ou par d’autres reptiles dangereux. On les
voit arriver en foule au secours de celui qui a été sur-
pris d'une manière soudaine. Ainsi réunis, ils forment
un cercle autour du reptile, et finissent par le tuer au
moyen de leur bec, dont ils se servent avec autant
d'adresse que d’habileté. L'ordre des échassiers est
particulièrement celui qui nous donne le plus fré-
quemment de pareils exemples de dévouement et
d'affection pour leurs semblables.
D'un autre côté, les pipits (anthus arboreus) et les
autres passereaux qui se nourrissent d'insectes, lors-
qu'ils sont débusqués des champs qui en sont couverts,
s’en éloignent avec plus ou moins de promptitude.
Tant que les chasseurs restent en embuscade, deux
ou trois de ces oiseaux arrivent successivement, comme
pour s'assurer si le danger est passé. Mais, tant qu'ils
ont des craintes, ils font entendre des cris particuliers
qui retiennent la troupe dans un certain éloignement.
Elle n'arrive jamais que lorsque ces cris, signal du
danger, ont totalement cessé.
Unedes remarques les plus importantes qui aient été
faites sur les migrations de ces animaux, est celle que
nous devons au sayantornithologiste anglais M. Blyth.
D'après lui, les oiseaux de l'Amérique du Nord qu’au-
cun genre ne représente en Europe, et ceux d'Europe
qui n'ont aucune espèce appartenant en propre à l’A-
mérique, sont presque sans exception tous voyageurs.
— 16 —
Du reste, les espèces qui se livrent à des migrations
constantes et périodiques offrent cette particularité
d’être en général les types caractéristiques des pays
où ils passent l’hiver. Il ne faut pas conclure cepen-
dant des habitudes voyageuses de certains oiseaux ,
qu’elles sont déterminées par leur instinct de socia-
bilité; car les espèces solitaires, les rapaces, les ros-
signols, exécutent réculièrement des voyages sembla-
bles à ceux des caïlles , des étourneaux et des hiron-
delles.
D'un autre côté, chaque groupe distinct d'oiseaux a
une espèce analogue ou représentative dans les prin-
cipales parties du monde. Aussi, lorsqu'un genre
est sans représentant, on peut aisément en péné-
trer la raison. Par exemple, les oiseaux les plus es-
sentiellement voyageurs, les étourneaux (séwrnus
vulgaris), se rencontrent dans toutes les parties du
monde. Il est cependant une contrée où ils ne se
trouvent pas: c’est l'Australie. La raison de cette ex-
clusion tient peut-être à ce que les sansonnets trouvent
la plus grande partie de leur nourriture dans des
fruits ou des baies dont il n'existe pas d’analogues
dans cette contrée. On a encore supposé que, comme
les étourneaux se nourrissent évalement de certaines
graines qui se fixent sur le dos des bêtes à cornes,
l'absence de tout ruminant dans l'Australie les a dé-
terminés à ne point y opérer leurs migrations. Cette
ni —
supposition est peu admissible quoique la dispersion
des oiseaux, tout comme celle des autres animaux,
suive d’une manière nécessaire celle de leur proie ou
celle des végétaux dont ils se nourrissent. Ces végétaux
dépendent à leur tour de la qualité du sol aussi bien
que de la température.
Lorsque l’on considère d’une manière générale la
distribution des oiseaux, 1l est facile de reconnaître
que chaque groupe ou chaque principale famille de
cette classe a une espèce analogue dans une autre
partie du monde : il paraît du moins constant que
chaque grand continent a ses espèces propres et dis-
tinctes. En effet, il n’y a rien de commun entre les
espèces vivantes du nouveau monde et celles de l’an-
cien continent, tout comme entre celles-ci et les
races de la Nouvelle-Hollande. Néanmoins on décou-
vre dans les uns et dans les autres des espèces des
mêmes familles qui se représentent mutuellement.
Ainsi, pour ne parler que des oiseaux, l’autruche des
déserts de l'Afrique (struthio camelus Linn.) est re-
présentée en Asie par le casoar , tout comme par
les aptéryx dans la Nouvelle - Zélande (1). D'un
(1) Ce genre, dont il n’existe qu’une seule espèce, l’apteryx australis, a
élé établi par Temmincek. M. Lesson se demande si ce genre n’aurait pas été
fondé par cet ornithologiste, sur les pièces du dronte conservées dans le musée
zoologique de Londres (Manuel d'ornithologie, tom. n, pag. 211). Nous
2
Sr NES
autre côté, les émérillons sont les représentants de
ces oiseaux en Australie, tout comme les ræa ou
nandou dans l’Amérique du Sud, et la grande ou-
tarde (otis tarda Linn.) en Europe (1).
Ce que nous venons d'observer, relativement aux
habitudes voyageuses de certaines espèces d'oiseaux,
a pu faire présumer qu’elles ne sont point détermi-
nées par leur instinct de sociabilité plus ou moins
prononcée. Sans doute les migrations des espèces so-
ciales frappent davantage, parce qu’un plus grand
nombre d’individus y concourent. Elles ne sont ce-
pendant ni moins périodiques ni moins constantes
chez les espèces solitaires ou celles qui vivent isolées,
et pour ainsi dire par couples. En effet les passages
des rossisnols, des pigeons, des tourterelles, des
ferons observer que ce genre a été établi sur une espèce d’autruche particu-
lière à la Nouvelle-Zélande, et qui est caractérisée par trois doigts. Nous
en avons vu un individu empaillé dans le musée zoologique de Genève, et un
squelette complet dans les collections d’anatomie comparée de M.Mayor, doc-
teur-médecin dela même ville. Aussi nous sommes-nous assuré que, parmi les
oiseaux dépourvus d’ailes, il n’y en a pas d’espèce plus singulière que l’ap-
téryx de la Nouvelle-Zélande. Ses ailes sont encore plus incomplètes que
celles des casoars, Il joint à ce caractère, d’avoir le bec long et grêle comme
une bécasse, avec les narines percées presque à son extrémité.
(1) Le struthio rhea de Linné ou nandou-chari est également une au-
truche à Lrois doigts comme celle de la Nouvelle-Zélande; mais celle-ci ha-
bite l'Amérique. .
PO" fn
huppes, des torcols, des oiseaux de proie et d’une
foule d’autres espèces, ne sont pas moins réguliers
que ceux des cailles, des étourneaux, des hirondelles,
des canards, et tant d’autres espèces qui vivent en
grandes troupes, ou du moins qui voyagent en famille.
Les espèces solitaires ou sociales émigrent égale-
ment dans les saisons les plus diverses. Les unes et
les autres ne suivent à cet égard d’autre impulsion
que celle qui peut dépendre de la température dont
elles cherchent la douce influence. On les voit du
moins s'éloigner des régions septentrionales à l’ap-
proche de l'hiver , et s’en rapprocher au contraire,
lorsque les beaux jours leur ont annoncé le retour du
printemps. Dans toutes ces migrations, l’instinct de
sociabilité ne parait jamais y être pour rien, et il ne
les détermine et ne les provoque en aucune manière.
IL en est de même de l'étendue et de la puissance
du vol ; au premier apercu, on pourrait présumer que
les espèces qui peuvent fendre l’air avec plus de con-
tinuité doivent par cela même parcourir de plus
grands espaces et franchir de plus grandes distances.
Les cailles traversent pourtant les mers; leur vol est
lourd et peu rapide; malgré toutes les imperfections
de leur organisation, elles font de fort longs voyages.
Ce que nous disons des cailles, on pourrait l’observer
d'une foule d’autres oiseaux, et même de plusieurs
espèces du même genre.
se 100)
La grandeur et la taille de ces animaux parait
aussi sans influence sur la longueur de leurs migra-
tions. Si les rues, les cygnes, les phénicoptères, les
cormorans, les cigognes et tant d’autres espèces de
haute stature, exécutent à des époques à peu près fixes
de fort longues courses, il en est de même des tra-
quets, des fauvettes, des pinsons, des ortolans, et d’une
foule d’autres petites espèces. Celles d’une taille
moyenne entreprennent également de fort longs voya-
ges, et parcourent en quelque sorte toutes les régions
de la terre. Parmielles, on peut citer spécialement les
canards. Un exemple remarquable donné par une es-
pèce de ce genre est venu, pendant l’hiver de 1839 à
1840, surprendre les ornithologistes du midi de la
France par sa singularité.
Un couple de canards à longue queue (anas gla-
cialis Temminck) de Terre-Neuve, probablement
isolés de leur troupe, sont arrivés le 4 janvier 1840
jusque dans les environs de Montpellier. Cependant
d’après le savant ornithologiste que nous venons de
citer, ce canard fait son nid sur les bords de l’océan
Glacial au Spitzhbers, en Irlande, à la baie d'Hudson.
Il habite à peu près exclusivement les mers arctiques
des deux mondes. Quoique des contrées les plus froi-
des , il étend ses passages accidentels sur les grands
lacs d'Allemagne, le long de la Baltique, et sur les
côtes maritimes de la Hollande; il ne s’était jamais
OR
avancé jusque dans les contrées méridionales de la.
France, du moins d’après les observations faites jus-
qu'à présent.
Son apparition dans le Midi a coïncidé avec une
autre circonstance qui peut en rendre raison, celle
de la douce température dont cette contrée a joui à
cette époque. Elle était pour lors si élevée que plusieurs
arbres fruitiers étaient en fleur, et que quelques-uns
ont donné même des fruits. Quoi qu'il en soit, ce fait
n’en prouve pas moins à quelle distance les canards,
dont la taille est à peu près la moyenne de celle qu'of-
frent en général les oiseaux, étendent leur migration,
ou, si l’on veut, leurs passages (i).
Le genre de vie ou l’espèce de nourriture dont usent
les oiseaux paraissent également sans influence sur
leurs migrations ; non pas dans un sens absolu, mais
uniquement dans un sens relatif. Ainsi les espèces
carnivores ou piscivores font des voyages d’aussi long
cours que celles qui vivent de graines, de fruits ou
d'herbes proprement dites. Les unes et les autres
se déplacent souvent par le manque de nourriture
dans le canton qu'elles habitent.
(4) Nous devons la connaissance de ce fait à M. Lebrun, ornitholo-
gisle de Montpellier, que nous aurons souvent l’occasion de ciler dans cet
ouvrage,
=
Nous avons déjà fait observer que les espèces ra-
paces, c’est-à-dire les faucons, les aigles et même les
vautours, se livraient habituellement à des voyages de
long cours; il en est de même des passereaux qui
vivent de charognes, indépendamment qu’ils se nour-
rissent aussi de graines et de fruits, lorsque la faim
les presse. Tels sont les corneilles, les corbeaux et les
pies-grièches, qui les représentent en quelque sorte.
D'un autre côté, les grues, les cigognes, les hérons,
les cormorans, les phénicoptères, les mouettes et tant
d’autresessentiellement piscivores, n’en sont pas moins
fameux par l’étendue de leurs excursions. Il en est
de même de celles qui vivent à peu près uniquement
de fruits ou d'herbes. Les exemples s'offrent en foule
pour démontrer que ces espèces font particulièrement
de grands voyages. On ne peut guère oublier ceux
qu’exécutent à des époques fixes les étourneaux, les
merles et un si grand nombre de passereaux, ainsi que
les canards, les grèbes et les foulques. Il suflit de ci-
ter parmi les oiseaux insectivores les hirondelles et
les martinets, pour saisir que ceux-là aussi se livrent
à de longues et grandes migrations.
Nous le répétons, pour éviter toute méprise à cet
égard, quoique le genre ou l'espèce de nourriture
dont usent les oiseaux ne détermine pas leurs voya-
ges, 11 ne peut pas en être de même de son manque
absolu ; car avant tout il est essentiel que les espèces
a —
assurent leur subsistance et pourvoient à leurs be-
soins. Mais, lorsqu'elles ne se déplacent que pour aller
trouver ailleurs ce qui leur était fourni d’abord en
abondance dans les lieux qu’elles abandonnent, les
excursions auxquelles elles se livrent ont générale-
ment une courte durée. Ces oiseaux se bornent pour
lors à changer de canton; ils ne traversent pas les
mers, et ne passent pas dans d’autres climats, espé-
rant y trouver ce que leur refusaient ceux qu'ils
ont quittés. Les perroquets et les dindons sauvages
de l'Amérique nous fournissent des exemples de ces
transports d’un canton dans un autre, occasionnés par
le besoin de nourriture. Néanmoins ni les uns ni les
autres ne peuvent être cités comme des espèces voya-
geuses. On ne les voit presque jamais à plus de vingt
lieues de distance du lieu dans lequel ils avaient pri-
mitivement fixé leur séjour.
Un instinct plus pressant et plus impérieux que le
besoin d’une nourriture convenable ou d’une tempé-
rature élevée, peut-être plus nécessaire aux oiseaux
qu’à tout autre être vivant, détermine leurs longues
migrations. Ces longs voyages nous étonnent autant par
leur étendue que par la prévoyance qu’elles font sup-
poser aux espèces qui les exécutent.
Avant d'entrer à cet égard dans les détails qui an-
noncent qu'elles sont provoquées, chez certaines es-
pèces, par un instinct irrésistible, examinons si elles
ED VE
ont lieu aussi bien chez les races nocturnes que chez
les diurnes. Parmi les oiseaux dont les yeux sont con-
formés de manière à leur faire apercevoir les objets
distinctement pendant l'obscurité, on peut citer les
oiseaux rapaces de la famille des chouettes ou des
+
hiboux.
On serait tenté de supposer que les espèces ainsi
conformées ne doivent pas se livrer à de grandes
courses. Le contraire a cependant lieu. Le hibou
brachyote (sérix brachyotos Vieillot), qui vit ordi-
nairement en Sibérie, se met à la suite des migrations
du lemming, et arrive Jusque dans les provinces
méridionales de la France. Cet oiseau y apparait
au mois d'octobre; il reste dans le Midi jusqu’en
avril. À cette époque il y est très-commun. On pour-
rait croire, en observant ce hibou si loin des lieux
qui l'ont vu naïitre, qu'il ne doit pas être ébloui par
la clarté du jour. Néanmoins il la supporte si peu,
que, lorsqu'on le fait lever, 1l va se poser sur l'arbre
le plus rapproché et se laisse tuer, plutôt que de se
mettre de nouveau en mouvement, du moins si le so-
leil brille de tout son éclat.
Cette espèce, très-répandue dans presque toutes les
contrées d'Europe, particulièrement en Hollande ,
et dont la Sibérie parait être la patrie, se rencontre
également dans toute l'Amérique septentrionale. Elle
v arrive par la pointe nord de l'Asie, en franchissant
ES
le détroit de Bhéring , bras de mer qui n’a pas moins
de douze lieues dans sa plus petite largeur. Ces faits
annoncent que les oiseaux nocturnes se livrent aussi
bien à de longs voyages que les espèces diurnes, puis-
qu'ils franchissent les mers, et étendent leurs courses
jusque dans des continents différents. On pourrait
croire que ces races nocturnes doivent voyager de
nuit, puisqu'elles éprouvent tant de difficultés pour
faire quelques pas pendant la clarté du jour, si l’on
ne savait que plusieurs d’entre elles chassent plutôt
le jour que la nuit.
Il est même quelques espèces de chouettes qui
jouissent en plein jour de toutes les facultés de la
vue. Aussi les voit-on poursuivre leur proie à tire-
d’aile ou la guetter dans l'épaisseur des forêts. Ce
sont particulièrement les espèces à tête lisse, dont
la queue plus ou moins étagée dépasse l’extrémité des
ailes. Du reste une foule d'oiseaux voyageurs , quoi-
que diurnes, n’en voyagent pas moins constam-
ment la nuit, à peu près comme nous autres hommes,
lorsque notre humeur inquiète nous porte à quitter
le logis.
De ce nombre sont la caille, les ortolans et tous
les oiseaux aquatiques ; leurs passages ont lieu
plutôt pendant l’obscurité qu’en plein jour. Aussi, à
moins que le soleil ne soit voilé par les nuages, les
passages de ces oiseaux cessent vers les neuf ou dix
LS
heures du matin. C’est également à la lueur du cré-
puscule que l’on voit les alouettes passer par troupes
plus ou moins considérables.
Les faits que nous venons de rapporter ne sont point
bornés au hibou brachyote ; ils sont communs à pres-
que toutes les espèces qui ne voient distinctement que
pendant la nuit. Le grand et le moyen duc (strix bubo
et otus Linn.), très-multipliés en Russie, en Hongrie,
en Allemagne et en Suisse, étendent leurs courses
jusqu’en France et en Angleterre, et même jusqu’en
Afrique. Il en est de même du hibou scorps, qui se
trouve fréquemment dans plusieurs contrées de l’'Eu-
rope et pousse ses excursions jusqu’en Afrique.
D’autres rapaces nocturnes , répandus en Europe,
étendent évalement leurs excursions jusque dans le
nord des deux continents, franchissant ainsi les mers
qui les séparent. Parmi ces espèces éminemment voya-
geuses, nous citerons spécialement l’harfrang (sérix
nyctea Linn.), peut-être la plus grande des chouettes
connues, celle de Laponie (strix laponica Retz), qui
vit à la fois dans les climats septentrionaux de l’Eu-
rope et de l'Amérique, et jusque dans les contrées
civilisées de l’Europe. La première, ou l’harfrang ,
habite le plus constamment les régions du cercle arc-
tique ; elle n’en étend pas moins ses excursions Jus-
qu’en Islande, dans les îles Shetland, aux Orcades,
ainsi qu’en Allemagne et en Hollande. Elle passe éga-
a —
lement dans l'Amérique septentrionale, et se montre
parfois en grand nombre dans la baie d'Hudson.
On peut encore comprendre parmi les chouettes
voyageuses le sérix macroura de Meyer, qui vit ha-
bituellement dans les régions arctiques, la Laponie,
le nord de la Suède et de la Russie. Elle passe néan-
moins en Livonie, en Hongrie et jusque dans les parties
orientales de l’Allemagne, et plus loin encore. La
chouette caparacoch (strix funerea Latham), qui
habite également les régions arctiques , se montre
quelquefois comme oiseau de passage en Allemagne,
en France et même jusque dans les provinces de l’A-
mérique septentrionale. Cette espèce nocturne évite
cependant dans ses courses vagabondes les lieux dont
la température est élevée ; aussi ne l’a-t-on jamais
apercue dans les contrées méridionales.
Il en est de même de la chouette nébuleuse ( strix
nebulosa Linn.). Ses passages n'ont lieu que dans
des contrées très-froides, comme la Suède, la Nor-
wége, l'Amérique septentrionale, pays dont la tem-
pérature ne diffère pas beaucoup de celle des régions
arctiques , patrie ordinaire de cet oiseau. L’effraie
(strix flammea) étend encore plus loin ses excur-
sions. On la rencontre dans toute l’Amérique. D’un
autre côté, on la découvre en Asie jusqu’au Japon,
en Afrique, particuliérement au Sénépal, et enfin
dans la plus grande partie de l'Europe. Cet oiseau
OR —
parait même étendre ses migrations jusqu’en Suëde
et en Norwége.
Ces faits et une foule d’autres , qu’il nous serait
facile d’ajouter, sont assez bien constatés pour dé-
montrer que, quoique peu favorisées sous le rapport
de leurs appareils visuels, les espèces nocturnes ne
se livrent pas moins que les diurnes à de longues mi-
grations. Ilest remarquable que, parmi ces races voya-
geuses , plusieurs ne peuvent, dans les circonstances
ordinaires, supporter l’éclat du jour; tel est entre
autres le hibou brachyote.
Aïnsi, en examinant avec attention la manière dont
les animaux sont répartis à la surface du globe, il est
facile de s’apercevoir que leurs espèces n’ont pas tiré
leur origine d’un même point, et qu’elles ne sont pas
émanées d’un foyer de création unique, pour se ré-
pandre dans les contrées diverses où on les voit main-
tenant fixées. On reconnait également que l’aire oc-
cupée par chaque espèce a des limites plus ou moins
étroites. On ne tarde pas non plus à se convainere
qu'il existe pour chaque animal, soit marin, soit ter-
restre, comme pour chaque plante des deux genres
de station, un certain nombre de régions distinctes,
caractérisées par des populations et des végétations
toutes particulières.
La faune ou la flore de chacune de ces régions se
compose en partie d'espèces qui ne se rencontrent pas
mt. : re
ailleurs, et en partie d'espèces qui leur sont commu-
nes avec d’autres contrées plus ou moins rapprochées,
ou avec d’autres parages. En général ces espèces com-
munes sont, toutes choses égales d’ailleurs, en pro-
portion d'autant moindre, que les communications
entre les pays voisins sont interrompues par quelque
grand obstacle naturel, comme, par exemple, des
chaines de montagnes d’une certaine élévation. Si ces
animaux habitent le sein des mers, leur nombre di-
minue en raison de la difficulté des communications
entre la côte où on les observe et les autres mers.
Ces régions, qui réunissent les mêmes espèces, peu-
vent donc être considérées comme autant de foyers
de création, où, parmi les animaux qui y sont nés,
les uns sont restés cantonnés dans leur patrie primi-
tive, tandis que les autres se sont disséminés au loin
et ont été se mêler aux habitants des régions voisines
ou éloignées. Ces derniers, quoique originaires d’un
même point ou d’une même contrée, ne peuvent s'être
répandus dans de nouvelles régions, que par suite de
cette faculté instinctive , donnée à certains animaux,
de se livrer à des migrations plus ou moins étendues.
Ceux au contraire qui sont restreints dans certaines
contrées déterminées, et que l’on ne retrouve pas
ailleurs, indiquent qu’ils sont encore placés dans leur
patrie originaire.
Il arrive également que des échanges multipliés
RS QUES
ont eu lieu entre des régions voisines, en sorte que
toutes ou la plupart des espèces originaires de l’une
et de l’autre sont devenues communes aux deux. Rien
alors ne peut déceler leur séparation primitive. Ce-
pendant, si au milieu d’une faune commune on trouve
limitées dans des aires distinctes un certain nombre
d'espèces, celles-ci ne semblent pouvoir provenir que
de centres de créations différents ; dès lors on doit les
considérer comme caractéristiques d'autant de régions
zoologiques particulières.
Il est cependant quelques espèces vivantes que l’on
retrouve à peu prés partout, quelle que soitla distance
qui sépare les lieux où on les observe. Celles-ci, uni-
versellement répandues, peuvent être considérées en
quelque sorte comme des espèces cosmopolites. Elles
se rapportent à peu près uniquement à des animaux
éminemment voyageurs, les poissons parmi les êtres
marins, et les oiseaux, surtout les races aquatiques.
Celles-ci nous fournissent du moins les principaux
exemples d’une distribution aussi uniforme. On pour-
rait peut-être ajouter à ces vertébrés quelques es-
pèces qui appartiennent aux diverses classes des
invertébrés, principalement aux mollusques, aux
crustacés et aux zoophytes.
Ces races cosmopolites ne peuvent nous fournir au-
cune donnée sur la patrie primitive dont elles se-
raient originaires, et d’où elles seraient parties pour
Ur us
aller peupler d’autres contrées. Leur dissémination
s'explique du reste, soit que toutes aient appartenu
dans le principe à une seule et même région, soit que
chacune d'elles ait été primitivement limitée à une
partie différente de la surface du globe.
D’après ces faits, les espèces généralement répan-
dues, et qui occupent maintenant de grands espaces,
n'ont probablement pas conservé leurs habitations
primitives. Tout porte, au contraire, à les consi-
dérer comme des races qui, par suite de leur ins-
tinct voyageur, se sont propagées bien loin de leur
patrie originaire. Les migrations ont donc tendu à
changer l’ordre de distribution primitivement établi,
et a méler continuellement les espèces d’une région
avec celles d’une autre. On doit d'autant moins en
douter, que de pareils effets se poursuivent sans cesse
et se passent pour ainsi dire sous nos yeux.
Les migrations ontexercé à cet égard une si grande
influence , qu’il est difficile de remonter maintenant
jusqu’à la distribution primitive des êtres. Cette déter-
mination est d'autant moins facile, qu’à cette influence
est venue s'ajouter celle de l’homme, qui par ses voya-
ges multipliés a mêlé les animaux et mème les végétaux
des différentes régions. En effet l’homme a transporté
avec lui les planies, qui, fixées et attachées au sol qui
les a vues naître, ne peuvent s'étendre ailleurs, qu'en
raison de la légèreté de leurs graines. L'espèce hu-
ne —
maine a donc entrainé avec elle tous les êtres qui
pouvaient lui être utiles ; tandis qu'elle a été souvent
suivie par ceux qui, à peu près constamment attachés
à ses pas, parviennent dans tous les lieux où elle s’é-
tablit. De même, en déplacant sans cesse les produc-
tions des contrées les plus diverses, l’homme apporte
les graines et souvent les germes des êtres les plus
différents, dans les régions les plus éloignées de celles
où ils se seraient développés si aucune influence n'a-
vait changé l’ordre établi.
Les effets nécessaires des migrations rendent donc
presque impossible la reconnaissance des centres de
création auxquels semblent devoir être rapportés les
divers animaux et végétaux. [Il est par cela mème dif-
ficile de serendre compte du mode de distribution des
êtres organisés sans supposer l'existence primitived’un
certain nombre de foyers de création. Ces centres sont
épars sur la surface du globe; ils comprennent un
certain nombre d’espèces particulières, dont les des-
cendants se sont peu à peu étendus au loin. Dans
tous ces phénomènes on reconnaît des indices de l’in-
fluence de la chaleur, aussi bien sur la premiére
création des êtres que sur leur dispersion subséquente.
Une température élevée parait la condition la plus
favorable et la plus essentielle pour la multiplicité
des espèces, comme pour la perfection de leur orga-
nisation. De même l’observation des détails de l’or-
US: Ve
sanisme montre qu'il existe un certain rapport en—
tre le climat des diverses régions et les formes des
êtres qui en sont les habitants.
La température n’est pas non plus sans influence
sur les migrations ; elle contribue en effet à déplacer
une foule d'espèces, et par cela elle a singulièrement
dérangé l’ordre primitif de la création. On peut, ce
semble, rattacher à cette cause la plupart des faits
physiques du globe, aussi bien ceux qui se rapportent
aux êtres vivants qu'a ceux de la nature brute et
inanimée.
Cet apercu est peut-être suflisant pour faire saisir
l'intérêt que présente le phénomène des migrations ;
du moins, les observations que son étude nous four-
nira nous permettront peut-être de soulever une partie
du voile qui couvre encore la distribution primitive
des êtres répandus sur la surface de notre planète.
Quoi qu'il en soit, si l’on veut considérer les mi-
grations dans leurs fins, il est difficile de ne point y
voir une preuve de l’admirable sagesse qui a présidé
à la distribution des êtres vivants. Ces voyages ne
contribuent pas seulement à répandre une variété
infinie dans les productions de la nature, mais ils
fournissent à l’homme des moyens continuels et tou-
jours nouveaux de se procurer une subsistance ap-
propriée à ses gouts et à ses besoins.
— GA —
LIVRE PREMIER.
DES MIGRATIONS DES ANIMAUX VERTÉBRÉS.
CHAPITRE PREMIER.
DES MIGRATIONS DES MAMMIFÈRES.
I. Des migrations des mammifères terrestres.
Lorsqu'on observe l’ensemble des animaux, sous le
rapport des migrations que certains d’entre eux en-
treprennent et exécutent, on reconnait que les espèces
qui se livrent à des voyages lointains sont toutes douées
de la faculté de se mouvoir avec facilité. En effet, les
grandes migrations ont lieu chez les insectes les plus
agiles des invertébrés, tandis que les mollusques, à
peu près fixés par la température dans les lieux où
ils ont été primitivement placés, en fournissent à
peine des exemples.
Quant à celles des animaux vertébrés, les voyages
auxquels se livrent la plupart des oiseaux sont en
ms SRB
première ligne. Après eux on peut signaler les pois-
sons, et à peine les mammifères ou les cétacés. Leurs
migrations paraissent avoir lieu plutôt par l'influence
de l’homme, qui en a, en quelque sorte, refoulé les
grandes espèces dans les mers des régions polaires,
que par toute autre cause.
L'avantage de parcourir de grandes distances sem-
ble donc l’apanage des espèces aériennes. Il parait du
moins réservé aux insectes parmi les invertébrés et aux
oiseaux parmi les vertébrés. Chez les animaux qui
ne respirent pas l'air en nature, et le soutirent de
l'eau où il est en dissolution , une seule classe peut
sous ce rapport rivaliser avec les habitants de l’air ;
cette classe est celle des poissons. Soutenus par l’élé-
ment mobile dans lequel ils sont plongés , organisés
de la manière la plus favorable pour la nage, ils peu-
vent se transporter dans tous les parages avec la plus
grande facilité. Leur voracité, peut-être autant que
leur fécondité, leur a rendu ces voyages presque né-
cessaires. Ils contribuent du moins à la perpétuité
et à la conservation de leurs races. Le besoin d’une
nourriture qui leur manquait dans les lieux qu'ils
abandonnent semble les y déterminer bien plus que
la température dont l'élévation parait leur être in-
différente, à eux surtout dont le sang est froid.
Les insectes, en quelque sorte les oiseaux des in-
vertébrés, pourvus comme eux de grandes ailes,
EUR. AE
mues par des muscles forts et puissants , ont tous les
moyens de parcourir de grandes distances et d’exé-
cuter de longs voyages. Une autre circonstance de
leur organisation leur en a donné le pouvoir. Elle
dépend de la quantité d’air dont ils peuvent remplir
l’intérieur de leurs trachées aussi bien que les oi-
sceaux le font dans les cavités de leurs os et de leurs
plumes. Ges dispositions ont été pour ces deux or-
dres d'animaux la cause de leur légèreté spécifique et
celle de l’agilité et de l’activité de leurs mouvements.
Elles n’ont pas peu favorisé la grandeur et l’étendue
de leurs migrations.
La nature a évalement répandu ses faveurs sur les
poissons, mais, par d’autres moyens, ainsi que nous
l’avons déjà fait pressentir. Plongés dans un liquide
d’une assez grande densité et dont les molécules sont
d’une extrême mobilité, ces animaux ont recu la
forme la plus favorable, pour fendre l’eau avec
facilité ; d’un autre côté, leur queue, surtout chez les
squales et la plupart des poissons osseux, principal
organe de natation, leur sert aussi d’aviron et de gou-
vernail. Les nageoires des poissons , quoiqu’elles
n'aient qu'un usage secondaire, servent néanmoins
à caréner le corps et à maintenir le mouvement en
avant dans une direction droite, malgré les impul-
sions obliques de la queue. Enfin, outre ces circons-
tances, toutes admirablement combinées pour la
RE
facilité et l’agilité des mouvements, la nature à éva-
lement donné à certaines espèces une vessie aérienne
dont la présence n’est pas sans quelque utilité pour le
maintien de l’équilibre dans un milieu aussi mobile
que l’eau.
D’aussi grands avantages n'ont pas été l'apanage
des cétacés ou des mammifères marins.-D’abord ces
animaux ne peuvent pas nager longtemps compléte-
ment plongés dans l’eau. Leur tête, ou du moins
leurs narines, doivent s’élever souvent au-dessus de
ce liquide pour respirer. Quoique cette circonstance
paraisse sans influence sur leurs mouvements, elle
en retarde toutefois l’activité. Si ces animaux, parmi
lesquels on découvre les colosses de la nature vivante,
meuvent cependant leurs lourdes masses au fond des
eaux avec agilité, ils doivent cet avantage à l’air
contenu dans leurs poumons, et à la quantité con-
sidérable de graisse dont ils sont enflés et comme
rebondis.
Ces dispositions sont moins avantageuses que celles
qui sont échues aux poissons; aussi les mammifères
marins se livrent peu à des migrations périodiques
et lointaines : du moins, leurs besoins ne les y enga-
gent pas. Le plus généralement herbivores, ou fai-
sant leur subsistance des myriades de zoophytes ou
de petits mollusques qui peuplent le sein des mers,
les cétacés, même les plus grandes espèces, trouvent
+ 0e
partout de quoi substanter l’énorme volume de leur
corps ; dés lors il n’est pas pour eux d’une nécessité
indispensable de se transporter dans d’autres contrées
que celles où ils ont fixé leur séjour.
ILest donc une condition essentielle et préalable aux
migrations; cette condition est celle non-seulement
de l’agilité et de la facilité des mouvements, mais en-
core de leur continuité. L’imperfection des organes
de la locomotion est un obstacle invincible à de grands
voyages, soit que leurs mouvements se manifestent par
la nage ou par le vol, les plus rapides de ceux que
peuvent exécuter les animaux. On conçoit pourquoi les
oiseaux coureurs, qui ne volent pas, n’entreprennent
pas plus de longues excursions que les mammifères
qui, comme les chauves-souris, voltigent plutôt qu'ils
ne volent. On comprend aussi pourquoi les reptiles
n’en exécutent presque pas non plus, et pourquoi enfin
les migrations des mammifères terrestres sont sirares.
En effet, l’isatis (canis lagopus Gmelin) et le lemming
(mus lemnus Linn.) se livrent à peu près seuls entre
cet ordre d'animaux à des voyages qui, par leur
régularité, rappellent les migrations des espèces dont
l’organisation est disposée pour la facilité, l'étendue
et la continuité des mouvements.
Les migrations des mammifères, qu’il ne faut pas
confondre avec leurs déplacements accidentels, sont
donc fort rares. Elles ont lieu du reste chez des espè-
0.
ces de mœurs fort différentes. La premiére ou l’isatis
est un carnassier, tandis que la seconde est un ron-
geur de la famille des rats. Enfin ,. d’après plu-
sieurs naturalistes, et entre autres d’après Gmelin,
les migrations de l’isatis seraient en quelque sorte
sous la dépendance de celles des lemmings et du lepus
tolai; ceux-ci les régleraient et les détermineraient
jusqu’à un certain point.
Cependant les excursions de l’isatis paraissent être
commandées par la nécessité ; elles semblènt du moins
n'avoir lieu que par l'épuisement du gibier dans les
localités qu’il habite. Aussi s’opérent - elles dans le
solstice d'hiver, époque où le gibier est le moins abon-
dant. Ces renards, d’un brun roussätre où grisätre
pendant l’été, deviennent tout à fait blancs pendant
l'hiver, Ils arrivent souvent jusqu'au 6% de latitude.
On les voit rarement s’y arrêter ; ils n’y creusent pas
de terriers, indice positif que leurs nouveaux établis-
sements seront peu durables et peu fixes. Il arrive
pourtant quelquefois qu'ils en pratiquent sur les
hauteurs des lieux où ils doivent demeurer pendant
deux ou même trois ans; car ils ne restent pas souvent
moins de temps à revenir aux gites qu'ils avaient
abandonnés. Malgré ses migrations fréquentes, l’isa-
tis n'abandonne jamais entiérement les contrées qui
l’ont vu naitre. Il reste toujours plusieurs individus de
cette espèce dans leur patrie primitive.
0/0)" —
Les migrations des lemmings, comme celles des
isatis, ont lieu à des époques qui n’ont rien de
fixe ni de déterminé. Seulement ces rongeurs, qui
vivent en peuplades immenses dans les Alpes de
la Laponie, où ils pratiquent des espèces de ter-
riers, en sont chassés parfois, à ce qu'il paraît, à
l'approche des hivers rigoureux. Leur instinct, ana-
logue en cela à celui des oiseaux, leur fait présa-
ser aussi bien les tempêtes qu’un abaissement consi-
dérable dans la température, et les avertit d’avance
de l’arrivée des frimas. Cet instinct les guide même
dans le choix des lieux où ils doivent se retirer. Ainsi
à l’approche de l’hiver de 1742, fameux dans le cer-
cle d’'Umeja (Russie) par ses rigueurs, et qui fut beau-
coup plus doux dans celui de Luda, quoique cepen-
dant plus boréal, tous ces animaux quittèrent le pre-
mier de ces districts, mais aucun d’entre eux n’a-
bandonna le second.
Les déplacements des lemmings eurent lieu à
l'approche de l'hiver de 1742, du nord au sud. Il
aurait été curieux de s'assurer si de pareilles excur-
sions s'étaient également opérées dans des provinces
plus méridionales encore, et par l'effet d’hivers ri-
soureux. Si nous avions pu obtenir ces renseigne -
ments, qui nous manquent totalement, nous sau-
rions si ces déplacements, qu'il ne faut pas
confondre avec les migrations, ont été produits
hi :
ES A
par la cause que nous leur avons attribuée. Nous
aurions pu également savoir jusqu'où s’avancent vers
le sud le lemming, l’isatis, le lièvre variable et la
zibeline (mustela zibellina Pallas). D'un autre côté,
il ne serait pas moins important de reconnaitre Jus-
qu’à quel point s'étendent vers le nord le loup, le
renard commun et nos martes de France (mustela
martes et foina Linn.). Ainsi nous serions certains
si ces animaux n’éprouvent dans cet immense inter-
valle aucun changement essentiel dans leur organisa-
tion, et si leurs différences se bornent à quelques va-
riations dans l’abondance et ia beauté de leur fourrure.
Quelle que soit la cause qui porte les lemmings à
se transporter dans des pays nouveaux, ils dirigent
ordinairement leurs grandes courses vers l'Océan et
le golfe de Bothnie. Elles se font avec un merveilleux
accord de toute la population d’une contrée. Formés
en colonnes parallèles et serrées, aucun obstacle ne
peut arrêter ni suspendre la marche de ces animaux.
Ils vont toujours en ligne droite, et devant eux. Ea
halte dure tout le jour, et les lieux où ils se sont ar-
rêtés sont tout aussi dévastés que si le feu y avait
passé. Des dangers sans cesse renaissants environ-
nent constamment ces rats qui s’avancent en troupes
innombrables vers l'Océan. Suivie par un grand nom-
bre de carnassiers, l’armée des lemmings en est soi-
vent décimée, et à tel point qu’un assez grand nombre
ENT We
de ses soldats périt avant d’avoir atteint la mer, qu'ils
ont l’habitude de côtoyer. On présume qu'il n’en re-
tourne pas la centième partie lorsque ces animaux
veulent revenir aux pays qui les avaient vus naitre.
Ces voyages lointains et si dangereux pour les in-
dividus qui s’y livrent ne sont pas cependant entre-
pris pour aller s’établir ailleurs; car, s’il en était
ainsi, la race des lemmiuss se serait propagée à de
fort grandes distances, ces animaux traversant les
plus grands fleuves, même les bras de mer, et au-
cun obstacle n’étant assez puissant pour arrêter leur
marche rapide. On ne voit pas le lemming des
Alpes de la Scandinavie dans la Laponie russe; du
moins l’espèce que l’on rencontre dans les régions
voisines de la mer Blanche et de la mer Glaciale,
jusqu’à l’Obi, parait être différente, ou tout au moins
une variété distincte par ses proportions, qui sont
d’un tiers plus petites. Cette variété émigre aussi,
tantôt vers la Petzora, tantôt vers l’Obi; comme les
autres, elle est suivie dans ses voyages par une foule
de carnassiers dont elle redoute singulièrement les
approches.
Un fait assez singulier, observé par M. Boiïé (1),
donne aux migrations du lemming une particularité
(1) Tagenbuch gehelten auf Einer Reiser durch Norwegen.
+ Ps
trés-remarquable. Cet animal paraït être constam-
ment accompagné dans ses excursions par le hibou
brachyote (strix brachyotos Veiïllot). Cet hôte dan-
gereux s'établit en grand nombre au milieu de ces
rats, dont il parait se repaitre tout à son aise. Aussi
ne les abandonne-t-il jamais ; il voyage constamment
avec eux, et s'arrête lorsque ses compagnons ou plu-
tôt ses victimes se reposent.
Ce que nous venons d’observer relativement aux
déplacements des lemmings semble indiquer qu’une
trop grande multiplicité d’individus d’une même
espèce dans un lieu donné peut en être la cause.
Cette multiplicité entraine nécessairement une grande
consommation de subsistance , et par cela même les
animaux qui l’opérent doivent aller chercher ailleurs
ce qu'ils ne trouvent plus dans le lieu de leur nais-
sance.
Cette cause exerce probablement une grande in-
fluence sur les passages qui, sans régularité dans
leurs époques, sont moins dirigés par un instinct
particulier que par un besoin pressant à satisfaire.
Tels sont ceux de l’isatis et surtout du lemming, dont
la fécondité est tout au moins aussi grande que la
voracité. Peut-être faut-il attribuer à une cause du
même genre le déplacement de certains crustacés et
de plusieurs espèces d'insectes, et particulièrement
de certaines sauterelles. On est d'autant plus porté à
MoN se
le supposer , que les voyages de ces crillonf se font
particulièrement remarquer par les ravages dont ils
sont la suite. L’imagination a de la peine à se former
une idée des ravages qu'ils occasionnent. On n'y
ajouterait pas la moindre foi, s’ils n’avaient été attes-
tés à toutes les époques par les témoignages les plus
graves et les plus imposants.
Nous devons ajouter à ces faits ceux dont nous de-
vons la connaissance à M. Martins, qui, dans l’expé-
dition scientifique du Nord , a rencontré les lemmings
depuis Bossecop (70° latit.) jusqu’à Muonioniska
(67° 55 latit.) Ce naturaliste a consigné dans
la Revue zoologique de juillet 1840 les observations
qu'il a été à même de faire et de recueillir sur ces
curieux animaux.
D’après Linné, les lemmings dévoreraient tout sur
leur passage. Ils s’avancent toujours en ligne ‘droite ;
ils traversent ainsi les fleuves et les lacs, percent les
meules de foin, grimpent par-dessus les roseaux et se
rejettent à l’eau de l’autre côté, pour reprendre leur
ligne. Ces faits ont été confirmés par M. Martins ;
seulement, d’après lui, ces rats voyageurs ne voyagent
que la nuit et de bon matin.
Leurs armées se dirigent vers les bords de la mer
du Nord et du golfe de Finlande; mais un centième
de ces animaux voyageurs retourne à peine dans les
montagnes d’où ils sont partis. La plupart périssent
MED ES
de froid en traversant les rivières, quoiqu'ils nagent
très-bien. Les chiens de la Laponie en étranglent
beaucoup, et n’en mangent que la tête. Ils sont éga-
lement poursuivis par les rennes, qui se détournent
de leur route pour les atteindre. Ce genre de nour-
riture occasionne à ces derniers une maladie grave,
désignée en Norwége sous le nom de graen. Hs ont
encore d’autres ennemis soit parmi les mammiféres,
soit parmi les oiseaux.
Toutes les migrations des lemmings paraissent
avoir pour point de départ, d’après M. Martins, la
chaine des Alpes scandinaves. Ces animaux marchent
du reste de l’est à l’ouest, quand ils se dirigent vers
la mer du Nord; et de l’ouest à l’est, quand ils des-
cendent vers le golfe de Bothnie. Ceux que cet ob-
servateur a suivis allaient du nord-nord-ouest au
sud-sud-est. Is s’en retournent ensuite dans les mon-
tagnes. Hoesstroem est le seul naturaliste qui ait ob-
servé cette sorte de remigration. Lors de leur retour,
ces animaux passent inapercus, tant leur nombre est
réduit par suite des nombreux dangers qu'ils ont
rencontrés dans leurs voyages. Constants néanmoins
dans leur marche accoutumée, les lemmings s’avan-
cent toujours en ligne droite, comme lorsque des
déserts iis descendent dans la plaine.
Cesanimaux sont essentiellement herbivores, quoi-
qu'ils combattent entre eux avec la plus grande fureur.
EL —
Leur instinct rongeur parait peu développé ; aussi ne
les voit-on jamais couper les branches ni les rameaux
des arbres. Plutôt fouisseurs, ils se rapprochent beau-
coup par leurs habitudes des rongeurs talpiformes. La
température du corps de ces animaux est assez élevée ;
d’après les observations de M. Martins, elle n’est pas
moindre, en terme moyen, de + 39°, 5. Les femelles
ont huit mamelles, et portent de cinq à neuf petits.
Le dernier de ces deux nombres paraît le plus cons-
tant, quoique M. Martins n'ait trouvé que cinq fœtus
dans celles qu'il a ouvertes : du reste, les lemmings
paraissent avoir deux portées, l’une en juillet et l’au-
tre en octobre.
Probablement cette grande fécondité, et un instinct
naturel auquel ces quadrupèdes ne peuvent résister,
sont la cause des voyages auxquels ils se livrent
toutes les fois qu'une excessive multiplication les y
contraint. Sans doute les pressentiments d’un hiver
rigoureux, ou le manque de nourriture, peut bien
pousser certains individus à changer de canton; mais
ces transports accidentels d’un lieu à un autre ne
sauraient être assimilés à ces voyages entrepris par
la population entière, et malgré tous les dangers qui
la menacent. On ne saurait assigner à des actes aussi
extraordinaires des motifs aussi légers. On ne peut
guére les expliquer avec quelque vraisemblance que
par un instinct aveugle partagé par (ous. Cet instinct
— AT —
les porte à traverser de grandes distances, sans s’em-
barrasser des obstacles ni des dangers qui pourront
s'opposer à l’accomplissement de leurs desseins.
Sans doute l'instinct qui pousse ces animaux à se
déplacer pour aller mourir de faim, de fatigue, ou
de la dent cruelle des carnassiers, sur les plages in-
hospitalières d’un pays inconnu, peut paraitre bien
extraordinairé, et contre l'intérêt de ceux qui ne sa-
vent y résister. Cette dure condition, inexplicable au
premier apercu, tient néanmoins à la police de la na-
ture et à l'harmonie qu’elle doit maintenir entre le
nombre et les justes proportions des espèces ani-
males. Si elle a placé un pareil instinct dans le cer-
veau des lemmings, comme de tant d’autres animaux,
ne serait-ce pas pour mettre un obstacle et un contre-
poids à leur trop grande multiplication. Sous ce
point de vue, les carnivores ont aussi leur utilité ;
ils empêchent, par leur action constante sur les her-
bivores, les inconvénients qui seraient résultés de
leur excessive fécondité.
Il ne faut pas croire pourtant que les migraticns
aient généralement opéré la distribution que l’on
reconnait aux races actuelles. En effet, l’ane, le che-
val, le bœuf et Le coq, ne sont point venus en Europe,
comme on l'a prétendu, des contrées centrales de
l'Asie. Ces espèces, qui se trouvent dans nos climats,
yontpris naissance et n y sont pas arrivées d’ailleurs ;
Le ne —
ce n'est pas parce qu'elles ont subi l'influence de
l’homme, où par suite de leur instinct, qui les y a
amenées, qu'on les y rencontre. Leurs restes, ense-
velis dans les limons des cavernes à ossements du midi
de la France, déposent assez le contraire (4); ces dé-
bris annoncent, d’une manière irrécusable, que la vé-
ritable patrie de tous ces animaux est aussi bien dans
nos régions que dans les plaines et les montagnes de
l'Asie, où la plupart existent encore à l’état sauvage.
On peut en dire autant du chien, dont les restes se
rencontrent, comme ceux des espèces que nous venons
de mentionner, dans les contrées méridionales et
dans les mêmes circonstances. Probablement de ces
chiens humatiles sont provenues toutes les races qui
abondent parmi nous, et non d’une espèce asiatique,
que l’on a supposé trop facilement en avoir été la
source et l’origine.
Ces espèces sont loin d’être dans nos contrées
comme les chevaux et les bœufs que nous avons trans-
portés avec nous en Amérique et en Australie. Elles
s’y trouvent, parce qu’elles y avaient vécu lors des
(1) Ces animaux, surtout le cheval, ont de lout temps vécu en Europe ;
car non-seulement leurs débris sont amoncelés en nombre immense dans
les cavités souterraines, mais ils se trouvext dans les terrains tertiaires
marins supérieurs dans un grand nombre de localités.
_
= rhgye.
derniers temps géologiques. Sous le rapport de leurs
habitations actuelles, elles n’ont rien decommun avec
les rats, les surmulots, les souris et la blatte orien-
tale , qui se montrent maintenant partout où l’homme
a porté ses pas. On peut encore moins les considérer
comme le résultat des migrations qu’elles auraient pu
opérer par suite de cet instinct si généralement ré-
pandu chez les animaux.
Les loups et les renards, les espèces terrestres les
plus répandues, puisqu'ils habitent depuis la zone
torride jusqu'à la zone glaciale, n’en voyagent pas
moins. À la vérité, leurs excursions, ou, 5i l’on veut,
leurs passages sont toujours accidentels. Ils sont tou-
jours déterminés par des circonstances particuliéres ,
dont il est facile de reconnaitre l’influence.
Tels sont ceux qui, au dire de Raoul Glaber, eu-
rent lieu en 1033, par suite de la famine et de la
peste qui désolérent la France à cette époque, allé-
chés qu'ils étaient par le nombre des cadavres laissés
sur le sol sans sépulture. T'unc e cadaveribus mor-
tuorum passim præ multitudine sepultur& caren-
tibus lupi adescati post longum tempus predam ce-
pere ex hominibus (Glaber Rodulph. ist. 1v, 4).
De pareilles circonstances paraissent s’être repro-
duites à diverses époques. On a vu souvent des loups
se réunir en grandes troupes et désoler les campagnes
fort loin des lieux de leur départ. Ainsi, dans l'hiver
4
DS
rigoureux de 4818 , les départements de la Drôme et
de l'Isère furent en quelque sorte inondés de loups.
Ils parcouraient les campagnes en nombre fort eonsi-
dérable, et donnaient l’épouvante à toutes les popu-
lations.
Ces animaux, qui avaient tous quitté les montagnes
et les forêts, causérent de grands ravages dans les
plaines qu'ils parcoururent. Les passages ou les dé-
placements de carnassiers aussi redoutés, quelque
curieux qu'ils soient, n’ont cependant rien de com-
mun avec les voyages accidentels des oiseaux et des
poissons. Malgré leurs irrégularités , ceux-ci ont des
retours assez fréquents, pour ne pouvoir pas être as-
similés à des excursions aussi incertaines que celles
dont nous nous occupons.
Si nous avons parlé de ces déplacements de loups,
c’est afin de ne rien omettre de ce qui a quelque rap-
port avec le phénomène des migrations, d'autant
qu'ils se lient avec les faits suivants.
D’après Apollinarius Sidonaris, l'institution des
Rogations, due à saint Mamert, évêque de Vienne,
aurait été déterminée en partie par les ravages que
des troupes immenses de loups affamés faisaient en
Dauphiné. Les cerfs oubliaient leur timidité naturelle ;
effrayés autant que les hommes, ils venaïent chercher
un asile auprès des habitations et jusque sur les
places publiques. Nunc stupenda foro cubilia collo-
En. Ne
cabat audacium pavenda mansuetudo cervorum
(Apollin. Sidon. Epist. vir, 1).
Sans doute ces événements qui se passaient en Dau-
phiné en 448, époque de l'institution des Rogations,
ne se renouvellent presque plus de nos jours par suite
de l'accroissement de la population. L'homme y a
mis obstacle en empêchant la multiplication des ani-
maux nuisibles ; mais ils n’en sont pas moins curieux
à recueillir. Ils prouvent que les loups se livrent aussi,
dans certaines circonstances, à des passages acciden-
tels, ce qui résulte encore des faits qui se sont passés
dans les mêmes cantons du Dauphiné en 1818.
On peut en dire de même des excursions de ces
troupeaux de loups qui, dans le mois d’août 1842, ont
désolé les communes d’Yville, d’Anneville et de Ber-
ville, en Normandie. Ces animaux paraïssaient pro-
venir de la forêt de Manny. Leur nombre était si
considérable, et leur voracité si grande, qu'ils cau-
sérent de grands ravages dans toutes ces communes ;
ils y dévorèrent une immense quantité de bestiaux.
La présence des hommes ne les effrayait pas : ces
loups luttaient et s’élançaient même sur eux, lors-
qu'on voulait les empêcher d’emporter la proie dont
ils s'étaient emparés.
Les mammifères dont nous venons denous occuper
sont lom d’être les seuls qui se livrent à de longs
voyages. Si nous devons ajouter foi aux observations
LERAR —
UNIVERSITY 0€ HLLISOSS
2e) Ok 2
de M. Ogilby (Mammalogy of the Himalaya), les
singes qui habitent le Bengale et les provinces septen-
trionales de l'Inde anglaise se livreraient également,
à de certaines époques de l’année, à d’assez longues
excursions. Ces animaux sont bornés à deux espèces :
l’entelle (semmopithecus entellus) et le rhesus (ma-
cacus rhesus).
Les singes paraissent s'élever pendant les grandes
chaleurs sur les montagnes de l'Himalaya à une hau-
teur fort considérable. Ils redescendent ensuite dans
les plaines au commencement de la saison rigoureuse.
Leurs excursions, qui sembleraient avoir une certaine
périodicité, ont un assez grand intérêt dans l’histoire
de ces animaux. C’est du moins le seul exemple de
ce genre qui ait été signalé jusqu’à présent parmi ceux
de cette grande tribu. Il peut avoir une certaine va-
leur en géologie, puisque l’on présume pouvoir juger
du climat et de la température de l’Europe durant la
période tertiaire, par la présence, dans les terrains de
cette époque, des os fossiles de gibbons et de maca-
ques. Les débris de ces quadrumanes s’y trouvent as-
sociés à des pachydermes et à d’autres animaux des
latitudes tropicales.
L’entelle, appelé /ungour par les habitants des
hautes montagnes de l’Inde, se voit quelquefois à une
élévation de 3,000 à 4,000 mètres. On le rencontre
dans les forêts de pins desenvirons de Chour, et mème
— 09 ——
jusqu’à la région des neiges perpétuelles. Cette es-
pèce paraît assez robuste pour franchir ces monta-
gnes. Ce fait a été confirmé par Trall et plusieurs au-
tres voyageurs. Aussi Turner assure avoir vu une
grande troupe de ces singes dans le Boutan, où ils
jouissent de la part des habitants de la même véné-
ration qui leur est accordée par les Hindous. Le doc-
teur Boyle a trouvé l’entelle très-communément aux
environs du Hurdwar en avril, et à Tuen et Manna,
à 3,000 mètres d’élévation, vers le commencement
d'avril ou à la fin de mai. Ces déplacements, quelque
remarquables qu’ils soient, ne sauraient être comparés
au phénomène des migrations; tout au plus peuvent-
ils l'être aux passages auxquels se livrent une foule
d'oiseaux et de poissons.
Ils n’en présentent pas moins un véritable intérêt ;
ils annoncent que les habitudes voyageuses sont plus
communes et plus répandues chez les mammiféres
qu'on ne serait tenté de le supposer. Peut-être, par
suite de ce penchant naturel aux animaux, le tigre
royal ( felis tigris ), qui vit en Asie depuis l'extrémité
de l’Indostan jusqu'aux steppes des Kirghises sur un
espace de 40° de latitude, prolonge de temps en temps
et en été ses incursions cent lieues plus au nord. Il
reste à savoir si ce carnassier exécute ces voyages avec
une certaine régularité, ou si, au contraire, ils sont
tout à fait accidentels. Ces excursions dénotent chez
a —
eux une faculté instinctive analogue à celle qui est si
développée chez les oiseaux et les poissons.
Des motifs non moins impérieux portent les ours
blancs (uwrsus maritimus), qui habitent les contrées
les plus septentrionales du globe, principalement les
terres voisines du cercle polaire, à quitter ces froïdes
régions. Ces animaux les abandonnent pour aller cher-
cherailleursune nourriture que leur terre leur refusait.
Pressés par la faim, les ours blancs se jettent à la mer
en troupes nombreuses. Ils franchissent souvent plus
de soixante lieues, plongent avec une étonnantefacilité,
et poursuivent sans relâche les poissons, les phoques
et les cétacés. Ils abordent ainsi dans quelqueile dé-
serte, plus ou moins éloignéedes lieux qu’ils habitaient
primitivement et y demeurent tant qu’ils trouvent à
y satisfaire leur voracité et leurs appétits.
Ces voyages, évidemment forcés, ne sauraient être
comparés aux passages des animaux voyageurs et en-
core moins à leurs migrations. On assure que plu-
sieurs de ces ours affamés arrivent quelquefois
portés sur des glacons flottants jusque sur les côtes
de l'Islande ou de la Norwége. Ce fait, füt-il exact,
ne change en rien les motifs qui les ont portés à aban-
donner des lieux où ils ne trouvaient plus les racines,
les bourgeons, les fruits, les bois, ni les animaux
herbivores propres à assouvir leurs appétits gloutons.
Il parait qu’en 1812 des troupes considérables
-
d'ours, chassés des lieux qu'ils habitaient primitive-
ment par le défaut de nourriture, se répandirent
dans diverses provinces de la Russie. Ce rassem-
blement, tout à fait accidentel, ne peut être com-
paré aux excursions plus ou moins régulières des
animaux, et particulièrement des poissons et des
oiseaux.
D'un autre côté, on voit dans les temps de séche-
resse des troupes de dix et même de cinquante mille
antilopes à bourses (antilope euchore) arriver de l’in-
térieur de l’Afrique dans les environs du Cap, escor-
tées de lions, d’hyènes et de léopards. Ces animaux
marchenten colonnes serrées, précédées par une avant-
sarde qui est toujours dans un état d’embonpoint
particulier. Le corps d'armée est moins bien nourri,
et l’arrière-garde est maigre, parce que les pâturages
disparaissent dès les premiers rangs. Les derniers
sont obligés de déterrer les racines pour ne pas mou-
rir de faim. Au retour, l’arrière-garde engraisse parce
qu’elle part la première, tandis que l’avant-sarde, qui
a pris cette fois le rôle inverse, maigrit au contraire,
ne trouvant plus rien à manger lors de son passage,
les premiers ayant tout dévoré.
Ainsi réunis en grandes troupes, rien n’effraye plus
ces antilopes naguère si timides. Lorsque quelque
danger les menace, ces animaux se pressent les uns
contre les autres, forment un grand cercle, et présen-
Ë =
ot
—
tent leurs cornes à ceux qui tentent de les assaillir.
Ils savent même parer avec beaucoup d'adresse les
coups de pierre qu'on leur lance afin de désorganiser
leurs bataillons et de s'emparer de quelques - uns
d’entre eux.
On assure que ces animaux présagent le mauvais
temps par leurs bonds et leurs sauts plus fréquents
alors qu’à l'ordinaire. Les gazelles (antilope dorcas)
ont à peu près les mêmes habitudes que les antilopes
à bourses. Elles se répandent également en trou-
pes innombrables depuis l'Arabie jusqu’au Sénégal ;
elles sont souvent dans leurs excursions la pâture des
lions et des panthères. IL est facile de saisir le but qui
porte ces cerfs à entreprendre ces voyages ; c’est pres-
que toujours le besoin d’une nourriture appropriée à
leurs conditions d'existence ou celui de l’eau qui leur
manque dans les lieux qu'ils habitent, ou toute autre
circonstance du même genre.
Si,malgré tous les efforts de l’homme, certaines espé-
ces ne quittent jamais les lieux qui les ont vues naïtre,
d’autres, au contraire, l’ont suivi partout. Parmi ces
derniéres, on peut citer le rat domestique (mus rattus
Linn.). Les navigateurs qui, sous la direction de l’in-
fortuné Dumont-d’Urville, ont fait avec lui le tour du
globe (du 7 septembre 1837 au 6 novembre 1840), ont
retrouvé cette espèce dans toutes les parties du monde.
Ce n’est point par suite des migrations qu'elle est si
acte =
répandue, mais uniquement par l'effet de l'influence
de l’homme sur la répartition des animaux.
Des causes du même genre ont rendu parmi nous
le surmulot (mus decumanus Pallas), plus commun
que le rat ordinaire. La première de ces espèces n’est
arrivée cependant en Europe que dans le xvm°siécle.
Quoique le rat lui soit de beaucoup antérieur, le sur-
mulot y est néanmoins le plus abondant. Ces deux
rats paraissent originaires d'Orient ; mais, par suite
de la navigation, ils ont été transportés avec les sou-
ris dans toutes les régions et presque dans toutes les
iles.
Nous avons surtout entrainé avec nous les espèces
qui peuvent nous être utiles. Ainsi le cochon, dont
nous tirons un si grand parti pour notre nourriture,
s’est extrêmement multiplié dans toutes les iles de
l'Océanie ; il y est généralement répandu. Cette action
s'exerce aussi dans un sens tout à fait contraire. Du
moins les compagnons du navigateur que nous venons
de citer, embarqués avec lui sur les corvettes l’Astro-
labe et la Zélée, furent surpris de découvrir, auprés de
l'ile de Touwarioro des Anglais, un immense et sineu-
lier ossuaire , entièrement formé d’ossements et sur-
tout de crânes de dugongs, empilés en forme de tro-
phée. Ces ossements se rapportaient aux dugongs, que
l'homme à successivement repoussés des mers de
l'ile de France. Leguat les avait vus, de son temps,
NET" VE
en grande abondance près des côtes de Sumatra; ils
lui avaient paru également fort communs à Marsden ;
à présent 1l en existe à peine dans ces régions.
Les dugongs ont fui devant l’homme; ils sont ve-
nus s’accumuler dans le détroit de Torres, qui est fort
peu visité par les navigateurs. Ce qui est arrivé de
nos jours à cette espèce s’est manifesté depuis long-
temps relativement à une foule d’autres animaux.
Ainsi l’homme a refoulé les grands cétacés vers les
régions polaires, et il menace encore leur existence
jusque dans ces régions glacées. Cependant, au temps
de Juvénal, ces mammifères marins, les colosses de
la nature vivante, se trouvaient en foule jusque sur
les côtes de la Manche; on n’y en voit presque plus
aujourd’hui.
L'homme, qui étend et multiplie sans cesse les es-
pèces qu’il a soumises, tend également à détruire
celles sur lesquelles il parait sans action, quoiqu'il
sache en tirer parti. Les animaux et particulièrement
les baleines et les cachalots redoutent beaucoup no-
tre présence, et à l’approche des vaisseaux ils s’en-
fuient avec une si grande vitesse, qu'il est souvent
difficile de les saisir dans les mers où ils sont encore
en grande abondance.
L'homme n’exerce pas seulement son influence sur
les divers animaux ; il agit lui-même sur sa propre
espèce. En effet, les races civilisées profitent du dé-
rt gigi
veloppement de leur intelligence et de leur supério-
rité pour anéantir les races sauvages. Un exemple
frappant de cette influence puissante nous est fourni
par les habitants de la terre de Van-Diémen. L’inva-
sion des Européens qui s'étendent de jour en jour
et de toutes les manières possibles dans les iles et les
continents de la mer du Sud a extrêmement diminué le
nombre des naturels de cette contrée, du reste peu
fortunée.
En effet, d’après M. Dumontier qui s’est occupé avec
le plus grand soin à recueillir les données relatives
aux races humaines, dans le voyage de circumnaviga-
tion de l’Æstrolabe et la Zélée , i n'existe plus que
quarante naturels dans la grande ile de Van-Diémen.
On les a déportés dans l’ile Flinders, et une seule nais-
sance a eu lieu en 4840 chez ces naturels. Seize an-
nées ont sufli pour produire un pareil résultat, et sans
que d’autres causes que celles des changements dans
les habitudes de ces sauvages aient agi sur leur mo-
ral comme sur leur physique.
La même ile comptait cependant en 4824, trois cent
quarante indigènes, dont cent quatre-vingts hommes
et cent soixante femmes ; mais en 1840 il n’y en avait
plus que quarante, parmi lesquels ii n’existait qu’une
seule femme. Tel est l’effet de l’homme sur l’homme;
il est assez sensible pour saisir toute l’influence que
la civilisation peut exercer sur la répartition des es-
= 6 =
pèces à la surface du globe. C’est elle qui, pour un
très-grand nombre d'espèces vivantes, a changé presque
entiérement leur distribution primitive. En effet, son
action constante tend à détruire certaines races, à en
multiplier d’autres, et enfin à modifier d’une manière
plus ou moins marquée l’ordre et l'harmonie pre-
miére des choses créées.
IT. Des migrations des mammifères marins ou des cétacés.
Les mammifères marins qui ont tant de rapports
avec les poissons, en ont malgré leurs lourdes masses
toute l’agilité ; aussi, à raison de cette circonstance,
ils se livrent, comme les premiers de ces animaux, à
des migrations plus ou moins étendues. En général,
réunis en grande troupe, les cétacés parcourent les
mers les moins fréquentées. La puissance de l'homme
a refoulé vers les régions polaires les plus grands
mammifères marins, tels que les baleines, les cacha-
lots et une foule d’autres espèces. Ces animaux ne
viennent plus que très-accidentellement sur les côtes
de la Manche, et encore moins dans la Méditerranée,
mers qu’au dire de Juvénal ils fréquentaient de son
temps.
Avant de suivre dans leurs migrations lointaines
les oiseaux les plus agiles des animaux vertébrés,
voyons si quelques mammifères marins ne feraient
ro:
pas aussi de longs voyages à des époques plus ou
moins fixes. On se tromperait grandement, si l’on
supposait qu’à raison de leur pesanteur et de leur
grand volume les cétacés ne doivent pas se transpor-
ter à de grandes distances : les faits démontrent le
contraire, et leur agilité en rend facilement raison.
Leurs conditions d’existence exigent souvent ces
longues migrations, et leur organisation leur permet
d'y satisfaire.
Du reste, l’influence d’unetempérature trop chaude
ou trop froide, le besoin de sécurité ou d’une nourri-
ture plus abondante que ceile qu'ils trouvent dans
leur patrie primitive, semblent les causes do-
minantes des excursions plus ou moins lointaines
des cétacés.
Ainsi, le lamantin quitte à une certaine époque de
l’année le sein de l'Océan, c’est-à-dire vers la fin de
l'hiver. 11 va chercher dans les lacs de l'Orénoque la
nourriture qu'il ne trouvait plus dans le sein des
mers. Lorsque, par suite de circonstances particu-
lières, ces lacs viennent à se dessécher, plusieurs mil-
liers de ces animaux succombent et meurent, faute
de pouvoir ou de savoir en sortir. Les céfacés se livrent
à des courses si considérables que la Condamine as-
sure en avoir rencontré dans plusieurs rivières des
côtes de la Guyane, ainsi que dans celles qui se jettent
dans l’Amazone et dans ce fleuve même, à plus de
mille lieues au-dessus de son embouchure (1). 11 pa-
rait que les lamantins s’avancent également dans le
fleuve Niger ou du Sénévpal, trés-loin de son em-
bouchure.
De pareilles habitudes se remarquent également
chez le dauphin vulgaire (delphinus delphis). On
rencontre à la fois cette derniére espèce dans la Mé-
diterranée, l'Océan, les mers du Nord et celles qui se
rapprochent de l’équateur. On ne voit pas que dans
cet immense intervalle le dauphin éprouve les plus
légères variations, même en les comparant avec
les fisgures que les anciens nous en ont laissées sur
leurs monuments. Lorsque ces animaux voyagent,
c'est toujours en troupes nombreuses. Ils suivent
volontiers les vaisseaux, et luttent en quelque sorte
de vitesse avec les meilleurs voiliers. Les dauphins
vulgaires ne se montrent guère sur les côtes du midi
de la France que pendant le printemps et l'été : plus
tard ils nous quittent entiérement. Il doit en être de
même des autres espèces de dauphins : du moins on
découvre le nesarnak (delphis turdo), qui habite or-
dinairement l'Océan dans le voisinage de l’Europe,
fort avant dans les mers du Nord. D’un autre côté, le
daüphin de Desmarest (delphinus Desmareti Risso)
(1) Voyage à la rivière des Amazones, pag. 154.
te D ia
doit nécessairement voyager, puisqu'on ne le voit sur
les côtes de la Méditerranée qu’à deux époques diffé-
rentes , au printemps et en automne, surtout en mars
et en septembre.
Parmi les espèces de cétacés, qui ont l'humeur la
plus décidément voyageuse, on peut citer au premier
rang le marsouin commun (phocæna communis ).
Ces mammifères marins se rencontrent à la fois dans
les mers du Nord et dans nos mers, soit dans l'Océan,
soit dans la Méditerranée. On les voit nager à la
surface des flots en troupes extrêmement nombreuses.
Ces animaux se plaisent à Jouer entre eux, et les
plus grandes tempêtes ne les en empêchent pas. Ils
remontent même parfois les fleuves et les rivières.
Aussi, n'est-il pas rare d’en voir dans la Seine à
Rouen, et jusqu’à Paris, ainsi que dans la Loire à
Nantes, et dans la Gironde à Bordeaux.
Les migrations des marsouins paraissent aussi pé-
riodiques que celles de certaines espèces d'oiseaux.
On les voit s’avancer constamment dans les saisons
froides du nord au midi, et du midi au nord, lors-
que l’été fait sentir son imfluence. Aussi les mar-
souins sont communs en été dans le Groënland , tan-
dis que pour lors ils sont fort rares sur nos côtes, où
ils abondent au contraire en hiver, et même jusqu’à
un certain point au printemps et en automne, du
moins dans la Méditerranée.
EN (US
Les autres espèces de marsouins semblent beaucoup
plus sédentaires que l'espèce commune. Ainsi l’épau-
lard (phocæna orca), comme les baleines, est tout à
fait relégué dans les mers du Nord, peut-être par
suite de l'influence de l'homme. D’un autre côté, le
beluga (phocœna leucus) se trouve à peu près uni-
quement sur tous les rivages de l’océan Arctique,
vers l’extrémité orientale de la Sibérie, surtout aux
embouchures des fleuves riches en poissons. Cette es-
pèce ne parait pas descendre au delà du 80: degré de
latitude australe. Elle n’en remonte pas moins fort
avant dans les rivières, suivant les gros poissons,
particuliérement les saumons, dont il se nourrit lors
de ses migrations.
Quant aux cétacés , dont nous ne pouvons embras-
ser l’étendue d’un regard , les cachalots, les rorquals
et les baleines, ils semblent moins voyager que les
espèces dont nous venons de nous occuper. Leurs di-
mensions et la crainte de l’homme les ont forcés de se
restreindre dans leurs habitations , et ent relégué la
plupart de leurs espèces dans les mers polaires. Ce-
pendant les cachalots se trouvent aussi bien dans la
Méditerranée que dans l’Océan, quoiqu'ils atteignent
jusqu’à cinquante et soixante pieds de longueur, et
même, suivant certains observateurs, de quatre-vingts
à cent pieds. Cette double habitation annonce que ces
animaux se livrent aussi à des migrations. Rares
16 —
maintenant dans la Méditerranée, où ils sont connus
sous les noms de campidoglio et de peis mular, ils
paraissent en quelque sorte relégués dans l'océan
Austral, c’est-a-dire, vers les mers du Sud et dans
l'océan Pacifique. Ce qui prouve que leur instinct les
porte à se livrer à des migrations analogues à celles
des autres espèces de cétacés, c’est que jadis ils étaient
moins rares dans les mers du Nord que de nos jours.
Ils voyagent du reste en troupes nombreuses, poursui-
vant les plus gros poissons, tels que le requin, le lump,
les dauphins, les phoques et mème les petites baleines.
Nous ignorons si les rorquals, dont les dimensions
égalent celles des cachalots, puisqu'on a rencontré
des jubartes de soixante-dix à quatre-vingts pieds, se
livrent à des voyages, ou si les espèces de ce genre
sont tout à fait sédentaires. Probablement les rorquals
qui vivent ordinairement dans les profondeurs des
mers, et qui ne s’approchent jamais des rivages, ont
aussi leurs époques de passage. Quant aux baleines
franches , leurs habitudes ont été teilement modifiées
par notre influence, qu'il est presque impossible de
reconnaitre aujourd'hui leurs penchants primitifs.
Ces animaux vivent maintenant réunis par paires,
dans les mers du pôle boréal, où ils sont confinés. Ils
ont fui devant nous; ils se sont réfugiés à l'abri des
glaces du Groënland et du Spitzberg, dans le détroit
de Davis, la baie de Baflin , et sans doute dans toutes
ou
ES, de
les mers qui couvrent le globe, au nord du cercle po-
laire. C’est là que nous sommes forcés d’aller les
chercher, et de triompher de ces animaux aussi bien
que des glaces, entre les masses desquelles ils se
tiennent constamment. On ne les voit plus descendre
aujourd’hui vers le Midi, où ils se montraient pour-
tant dans les temps anciens. Il n’en parait non plus
maintenant sur nos côtes, et la mer n’y en apporte
plus les débris. À quoi donc pourrait-on attribuer un
pareil changement, si ce n’est à notre influence. Nous
les avons repoussés, pour ainsi dire, des mers où nous
naviguons ordinairement vers celles dont le voyageur
n’approche pas sans effroi.
Serait-ce par suite des migrations, que des del-
phinorhinques (mammifères marins de l’ordre des
herbivores ou des cétacés ordinaires) auraient été
aperçus par M. d'Orbigny dans les rivières de l’'Amé-
rique méridionale. On pourrait le supposer d’après
le genre de station général à cet ordre d’animaux, si
M. d'Orbigny, à qui nous devons la connaissance de
ce fait intéressant, n’avait fait observer que cette es-
pèce était tout à fait nouvelle pour la science. Dés
lors, on peut tout aussi bien admettre une pareille
exception que la rejeter; on peut donc continuer
à considérer les mers comme la seule station conve-
nable pour des animaux d’une aussi grande taille que
le sont le plus généralement les cétacés.
ne PR de
CHAPITRE II.
DES MIGRATIONS DES OISEAUX.
I. Des causes des migrations des oiseaux.
Le besoin d’une nourriture abondante, une des
principales causes des migrations irrégulières des in-
sectes, parait ne pas être sans quelque influence sur
les passages de certaines espèces d'oiseaux. On con-
coit que les races insectivores qui habitent les pays
tempérés ne peuvent y demeurer pendant l'hiver sans
s’exposer à périr de faim. Pour échapper à un aussi
triste avenir, ces espèces abandonnent les lieux où
naguère elles trouvaient à remplir leurs conditions
d'existence. Elles vont chercher ailleurs ce qu’elles
ne peuvent plus espérer de rencontrer dans les lieux
de leur naissance.
Cependant, tandis que les becs-fins {principale-
ment les sylvia nattererii et suecica Temm.), les
rossignols, les fauvettes et une foule d’autres oi-
seaux nous quittent l'hiver; par suite peut-être de
cette cause, d’autres espéces vieñnent nous con-
soler de leur absence. Ainsi les troglodytes, les
68 —
rouges-gorges (sylvia rubecula Temm.), les becs-fins
véloce et mélanocéphale (sylvia melunocephala et
ruja Temm.), le roitelet à triple bandeau (regulus
ignicapillus Temm.) trouvent, l’hiver dans nos
champs, assez de petits insectes pour substanter leur
frêle organisation, nourriture qui ne peut suffire aux
premiers.
Le besoin d’une alimentation convenable se lie avec
les variations de la température pour déterminer cer-
taines espèces d'oiseaux à se transporter d’un climat
dans un autre. En effet, une multitude d’espèces, après
avoir passé le printemps et l’été dans les climats mé-
ridionaux, s’en éloignent vers la fin de l’automne ct
vont dans des contrées plus chaudes éprouver l’in-
fluence d’une température qu'ils ne rencontrent plus
dans les régions qu'ils habitaient primitivement.
D’autres, qui vivent dans des contrées plus froides
que les pays tempérés, fréquentent uniquement les
côtes et les rivages du midi de la France. pendant
l'hiver. Lorsque cette saison est passée, ils se réunis-
sent de nouveau pour aller tous ensemble regagner
les régions polaires. Ils espèrent y trouver une tem-
pérature analogue à celle qu’ils viennent de quitter et
plus de sécurité pour vaquer à leur reproduction.
Les becs-croisés, parmi les passereaux, qui se nour-
rissent de préférence des sommités des tiges des pins,
et qui, à raison de cette circonstance, ont été nommés
OU
pinpiniers dans le midi de la France, nous donnent
quelquefois de pareils exemples. On les voit nicher et
se reproduire dans le nord de l’Europe dans la rude
saison de l'hiver. Ils arrivent ensuite en été vers les
régions méridionales et vers le cercle arctique.
D’après la marche de la température à la surface
terrestre, on conçoit pourquoi les migrations qui en
dépendent sont si régulières que les oiseleurs dans
certains cantons comptent sur le passage des becs-
fins, comme sur le revenu d’une rente dont le terme
échoit à chaque semestre. Ils calculent aussi d’avance
l’époque et les chances de ce passage. L'époque pré-
cise venue, ces oiseaux arrivent en bandes si nom-
breuses et si serrées que la lumière en est pour ainsi
dire interceptée.
Cette cause n’influe pas toujours sur les migrations
des oiseaux; car les espèces erratiques ne changent
pas assez de latitude pour éprouver des variations no-
tables dans le climat des nouvelles contrées où elles
se rendent. D'un autre côté, l’époque des inondations
ou du débordement périodique des fleuves de l'Amé-
rique détermine les migrations des canards. On «
cependant de la peine à se rendre compte, par l'effet
de cette seule cause, des voyages si courts que l’on
voit avoir lieu chez les alouettes, les merles et les lo-
riots. Ainsi les premiers de ces passereaux arrivent
en Hollande à trois époques différentes, éloignées au
Er re
plus les unes des autres de quinze à dix-huit jours.
Cet espace de temps parait peu considérable pour
que, dans ce faible intervalle, la température ait varié
d’une manière sensible.
Quant aux pinsons et à une foule d’autres espèces,
rien n’est aussi régulier que leurs passages. Ils arri-
vent constamment dans le midi de la France soit au
15 octobre, soit vers le 15 du mois de novembre ou
quelques jours du moins ayant la Toussaint, Une fois
qu'ils se trouvent dans nos contrées, ils ne les quittent
plus qu’au retour du printemps, c’est-à-dire vers le
commencement du mois de mars. Les pinsons, comme
certaines espèces d’alouettes, ne nichent jamais dans
les contrées méridionales de la France. Les premiers
n'y chantent même pas; ils semblent ne retrouver
leurs voix que lorsqu'on les élève et qu’en les tenant
dans des piéces échauffées, on leur distribue une nour-
riture convenable et abondante.
Quoique les pinsons ne nichent pas dans le midi de
la France, il n’en est pas de même dans des contrées
qui en sont peu éloignées, comme les environs de Lyon.
Quant aux alouettes, ilarrive parfois qu’une variété on
une espèce plus petite y niche. Cette variété est connue
dans le midi sous le nom particulier d’alouette des
palüs, ou de paludengue. 1] en est de même de cer-
tains individus des cailles, qui, ne pouvant supporter
les fatigues d’un long voyage, séjournent l'hiver dans
BP, QE
nos contrées méridionales et recoivent par suite le
nom d’hivernenque.
Ces faits et une foule d’autres prouvent combien
les circonstances sous lesquelles se trouvent les oiseaux
modifient leurs habitudes, même dans ce qu’elles
semblent avoir de plus essentiel. Mais ce qu'elles ne
paraissent pas avoir le pouvoir de faire, c’est de chan-
ser les habitations que se sont choisies les espèces.
Nous verrons plus tard, qu’il en est ainsi chez les pois-
sons. On peut néanmoins citer parmi les oiseaux la
calandre qui se trouve en assez grand nombre sur le
littoral de la Méditerranée, et ne se retrouve pas dans
les environs de Toulouse, quoique cette ville ne soit
pas à une grande distance de cette mer. Du reste,
d’après ce que nous avons déjà dit, on concoit que les
alouettes, qui se montrent en si grand nombre dans
les campagnes du midi de la France, en disparaissent
totalement au printemps pour n’y revenir que vers la
fin de l’automne.
Les provinces méridionales de la France se font re-
marquer par le petit nombre d’espèces qui y nichent
habituellement. La plupart des oiseaux que l’on y
rencontre sont de passage. Pour en donner un exem-
ple, nous dirons que sur trois cent trente ou trois cent
cinquante espèces au plus qui fréquentent ces contrées,
à peine sur ce nombre yen a-t-il soixante qui y fassent
leurs nids. Parmi celles-ci, on ne peut guère citer des
LAS (6 Vino
oiseaux de proie, si ce n’est quelques espèces noctur-
nes du genre des hiboux et, parmi les diurnes, les
cathartes et quelques faucons.
C’est surtout parmi les passereaux de l’ordre des
insectivores que se trouvent le plus grand nombre
d'oiseaux qui font habituellement leurs nids dans le
midi de la France. Tels sont particuliérement les
fauvettes, les saxicoles, les pies-grièches, les ortolans,
les bruants et les moineaux. On peut encore citer,
parmi les gallinacés, les perdreaux et les cailles qui
nichent constamment dans les provinces méridionales,
tout comme les vanneaux, les avocettes et les fla-
mants, parmi les échassiers. On peutencore signaler,
parmi les palmipèdes, les monettes, les hirondelles
de mer, les goëlans et le canard commun.
Comment expliquer par le seul effet de la tempé-
rature cette particularité que nous présente le pinson
(fringilla cælebs) qui demeure en France et en Al-
lemagne toute l’année, et se répand constamment aux
mois d'octobre et de novembre en troupes innombra-
bles en Hollande, où cependant il ne niche jamais ?
Cet oiseau ne trouverait-il pas dans ce pays, pendant
la belle saison, tout ce qui peut lui être néces-
saire aussi bien qu’en Belgique, en Allemagne et en
France ?
Ces migrations, dont le but est si difficile à deviner,
quoiqu'elles soient à peu près régulières et constantes,
Lo
sont ce que les chasseurs appellent le passage des 61-
seaux. Ces passages durent plus ou moins longtemps,
selon les espèces, dont plusieurs semblent se disperser
en tribus qui partent aussi chacune à des époques
différentes.
Ils n’ont presque rien de commun avec les courses
plus ou moins irrégulières auxquelles se livrent cer-
taines espèces pour trouver ailleurs une tempéra-
ture plus chaude et une nourriture plus abondante
que celle qu’elles rencontrent dans les lieux de leur
naissance.
Ainsi, tandis que les alouettes, les pinsons et une
foule d’autres espèces prennent leurs quartiers d'hi-
ver dans les provinces méridionales de la France,
d’autres, au contraire, y arrivent constamment au
printemps. Elles y font leurs nids, et en repartent
lorsque la ponte est opérée. Ges oiseaux nous quittent
donc avant que les premiers nous arrivent, comme
pour nous dédommager de la perte des seconds.
D’autres espèces, qui habitent des pays plus chauds
que les régions méridionales de la France, les quit-
tent au printemps pour venir dans nos contrées où
elles restent peu de temps. Les oiseaux qui offrent
cette particularité sont tous de petites espèces; tel est le
pipit à gorge rousse (anthus rufogularis Brisson).
Quoique habitant la Syrie et l'Egypte, ce pipit nous
arrive parfois au mois d'avril en petites troupes. Il
mL —
fait entendre un petit cri semblable à celui du pipit
farlouse, dont il a le vol. Comme il demeure peu de
temps dans nos contrées, on se demande quels peuvent
être les motifs qui ont porté ces oiseaux à exécuter
d’aussi longues courses.
Ce pipit est encore venu nous visiter en 1842.
Il à apparu dans le midi de la France comme
les années précédentes, accompagné de sa femelle.
Cette espèce ( anthus rufogularis Brisson } voyage
donc par couple ; elle parait passer d’une manière ré-
guliére dans les contrées méridionales, quoiqu elle
n'ait été indiquée par aucun ornithologiste , comme
propre à la France. Ce qui confirme cette supposition,
c'est que depuis l’époque à laquelle il est arrivé parmi
nous, M. Lebrun l’a constamment vu revenir, et déjà
pendant trois années consécutives. Les observations
qu’il a faites sur cet oiseau ne remontent pas au delà
de l’année 1840.
Les visites de cette espèce dans les contrées méri-
dionales remontent probablement à une époque plus
reculée. Si jusqu'à présent ses voyages sont restés
inapercus, cette circonstance tient probablement aux
petites dimensions de ce pipit qui en rendent l'ob-
servation plus difficile.
On ne saurait deviner les motifs qui les portent à
se déplacer. La température ni le besoin d’une nour-
riture abondante ne peuvent les y déterminer ; si ces
petits oiseaux entreprennent d'aussi longs voyages, ils
le font par suite d’un instinct naturel ou d’un penchant
irrésistible qui les porte à changer constamment de
climats.
Cette humeur voyageuse est l'apanage de presque
tous les pipits. Ainsi, le spioncelle (anthus aquaticus
Vieïllot), trés-répandu dans toute l’Europe, pousse
ses excursions jusqu’au Japon d’une part, etde l’autre,
jusque dans l'Amérique méridionale. D’un autre côté,
certaines espèces de ce genre ont deux époques de
passage dans nos contrées. L’une au commencement
d'avril, et l’autre vers les premiers jours du mois de
septembre, ce qui prouve leurs habitudes coureuses.
Elles sont encore confirmées par les mœurs d’autres
espèces, dont les unes arrivent dans le Midi vers les
premiers jours du mois d'octobre, y passent l'hiver,
pour en repartir au printemps. Les autres, encore plus
volages, arrivent vers les premiers beaux jours, pour
n'y rester que quelques instants.
De pareilles mœurs sont également communes à une
infinité d'oiseaux, parmi lesquels nous citerons les
alouettes, et particuliérement celle à hausse-col noir
(alanda alpestrie Linn.). Cette espèce habite le nord
de l’Europe , de l'Asie et de l'Amérique ; elle porte
ses tribus en Allemagne, en Hollande, et quelquefois
Jusque dans le midi de la France, où son apparition
est tout à fait accidentelle. Quant aux autres espèces,
00 —
répandues pour la plupart dans toute l’Europe, elles
traversent, à l’époque de leurs migrations, la Médi-
terranée, se rendent en Syrie, en Egypte, en Morée,
et enfin dans toute l'Afrique. L'époque de leurs pas-
sages dure plus ou moins longtemps, quelquefois
même jusqu'à vingt-cinq ou trente jours. Elle à
lieu au commencement du printemps. Lorsque ces
alouettes passent l'été dans nos régions, elles y ni-
chent le plus ordinairement, et y veillent à l’éduca-
tion de leurs petits.
Le rollier vulgaire (coracias garrula Linn.) opère
également deux passages accidentels dans le midi de
la France, l’un en mai et l’autre en octobre. Cette es-
pèce vit habituellement en Afrique, où elle fait son
nid. Elle s’aventure quelquefois dans le nord de
l’Europe, où elle est plus rare qu'ailleurs. L'Afrique
est évalement la patrie du guêpier Savigny (merops
Savigny ); il se répand dans la Nubie, l'Egypte ou le
Sénégal. Cet oiseau s’égare néanmoins avec les autres
guêpiers dans les contrées méridionales de la France,
à la suite d’orages violents. Cette circonstance en
amena deux individus, le 41 mai 1832, dans les en-
virons de Montpellier (Hérault). Ils furent portés à
M. Lebrun que nous avons eu l’occasion de citer.
Nous avons déjà parlé des causes qui portent cer-
tains oiseaux insectivores à aller chercher dans d’au-
tres cantons un genre de nourriture qui leur manque
ee L, =
dans celui qu’ils abandonnent, mais nous avons omis
de distinguer les espèces qui ont cette habitude, en in-
sectivores proprement dits et en vermivores. Ces der-
niers vivent à peu présuniquement de larves d'insectes
et de petits vermisseaux. Aussi, dès que la sécheresse
arrive ou que l’herbe est tellement épaisse qu'ils ne
peuvent pas trouver avec facilité la nourriture qui
leur convient, ces oiseaux nous quittent. Ils se retirent
pour lors dans les marais ou les lieux humides, où ils
peuvent encore rencontrer les vermisseaux qu'ils re-
cherchent avec avidité.
L'aspect qu’un soleil brülant donne pendant l’été
aux campagnes du midi de la France semble les y
déterminer, tout autant que le besoin de nourriture.
Ainsi les rossignols habitent rarement les lieux
incultes et arides. Il leur faut de la verdure et
des arbres, et ils la recherchent jusqu’à ce qu'ils
l’aient rencontrée. D'après cette circonstance, on est
peu étonné de voir toutes ces espèces quitter le midi
de la France dès que les arbres commencent à jaunir
ct ont leurs feuilles flétries. Ils fuient d’autant plus
vite vers des régions plus tempérées que les chaleurs
de l'été ont été plus fortes et plus vives. Rien ne peut
alors les retenir. Les mers ne sont point pour eux
un obstacle qui puisse les empêcher d'abandonner au
plus tôt un pays où ils ne peuvent plus trouver de quoi
satisfaire aux exigences de leurs conditions d'existence.
PRE >
Ces causes ne sont pas sans influence sur les pas-
sages accidentels des oiseaux; comme elles sont va-
riables , elles exercent des effets fort inégaux sur le
nombre des individus qui s’y livrent. Ainsi, plus la
sécheresse est grande, plus les arbres sont dépouillés
de verdure, plus les passages qui entraïnent les es-
pèces ailleurs sont considérables. Dans le cas con-
traire, un petit nombre d'individus se livrent à ces
excursions qui n’ont rien de fixe ni de périodique.
De même, les cailles quittent nos vignobles pen-
dant l’été; elles vont se réfugier dans les lieux plus
humides et plus ombragés des marais et des prairies
rapprochées des étangs salés des bords de la Médi-
terranée. Ces oiseaux y trouvent ce qu'ils recherchent
singulièrement pendant l’été, la fraicheur et surtout
l'humidité.
Les oiseaux de proie, particulièrement les vau-
tours, se donnent aussi le plaisir de voyager. Les deux
espèces qui vivent en Europe quittent l'hiver cette
contrée, pour aller passer cette saison, soit en Afri-
que, particuliérement en Egypte ou en Turquie. Pro-
bablementen raison de la température et de la grande
quantité de nourriture dont usent ces oiseaux, ils
sont généralement plus nombreux dans les contrées
méridionales que dans les régions septentrionales.
Le vautour griffon (vultur fulvus Temm.), dont
l'habitation ordinaire dans le midi de la France est
NU —
dans les montagnes des Cévennes, est assez rare dans
les environs dé Montpellier. On en a tué cependant
un certain nombre depuis quelques années, presque
toujours dans les mêmes lieux et à la même époque.
C’est à peu près constamment du 15 au 50 mars
qu’on les a rencontrés sur les bords du Vidourse, au
lieu appelé vulgairement las Roquas. Cette localité
serait-elle pour eux , comme un lieu de repos, une
sorte de station ; car ces oiseaux se rendent des Alpes
dans les Cévennes ou dans les Pyrénées. Peut - être
est-ce un point où les males espèrent de rencon-
trer les femelles qui leur manquent. Ce qu’il y a de
certain, c'est que jusqu'à présent tous les individus
qui y ont été pris se sont rapportés à de jeunes
males.
D'un autre côté, l’aigle Jean-le-blanc ( falco bra-
chydactylus) passe en Provence en mars. C’est tou-
jours vers le milieu de ce mois que cette espèce exé-
cute ses voyages, qui durent environ de huit à dix
jours. Ces oïseaux, remarquables par leur plumage,
planent pour lors à des hauteurs prodigieuses. Les
jeunes passent dans la première quinzaine d’avril;
mais, après cette époque, on n'en voit plus, si ce
n'est en septembre. Ils opèrent pour lors leur retour
sans s'arrêter dans les contrées méridionales de la
France. Il en est de même de l'oiseau Saint-Martin
et du busard montagu, que l’on rencontre dans le
MU
Midi en avril et vers la fin du mois d'octobre, mais
seulement comme des oiseaux de passage.
L’émérillon (falco æsalon) arrive parmi nous vers
le milieu du mois d'octobre, et demeure dans nos
contrées pendant tout l'hiver, jusque vers la fin de
mars. Il en est ainsi de la cresserelle, qui habite les
contrées méridionales depuis le mois de septembre jus-
qu’au mois de mars ; cette espèce les quitte cependant
dés que les premiers beaux jours du printemps ont
fait sentir leur douce influence.
Le faucon à pieds rouges ( falco Kobez) arrive au
contraire dans le Midi vers la fin de mai, c’est-à-dire
à l’époque où les champs peuplés de grillons et d’in-
sectes lui offrent en abondance une nourriture qu'il
recherche avec avidité. Aussi peut-être est-ce faute
de rencontrer cette nourriture qui lui convient que
les passages de cette espèce ont si rarement lieu en
automne. Quant à ceux des éperviers communs, ils
sont moins réguliers. Ils commencent le plus ordi-
nairement en septembre ou octobre et même parfois
en novembre, selon la marche des saisons, L'époque
de leur départ de nos contrées est d'autant plus re-
tardée qu’ils y sont arrivés plus tard ; aussi les re-
trouve-t-on souvent en avril et même jusqu’en mai.
Enfin le scops ou petit duc (strix scops Temm.) est
également trés-commun pendant tout le mois de mat,
arrivant dans le midi de la France, du 5 au 6 avril;
——,
—
quelques individus y nichent et séjournent jusqu à
la fin de septembre.
Il est donc pour ces époques à peu près fixes des
passages des oiseaux, comme pour tout ce qui tient
aux habitudes des êtres, des conditions essentielles
à leur manifestation. Ces conditions sont celles d’une
organisation qui permette l’exécution prompte et fa-
cile des mouvements. Cependant la longueur des
voyages que les animaux et particulièrement les o1-
seaux entreprennent n'est pas toujours en rapport
avec la puissance du vol.
On s'étonne peu que les hirondelles et les mar-
nets, dont les mouvements sont si vifs, et pour ainsi
dire continuels, franchissent des distances immen-
ses ; mais on est surpris de voir les cailles, qui,
comme la plupart des gallinacés, sont de mauvais
voiliers, traverser cependant la Méditerranée, pour
passer du midi de la France, de l'Espagne ou de
l'Italie, en Afrique. D'un autre côté, les grèbes, dont
les ailes sont en quelque sorte avortées, font dans
l’intérieur desterres, d’un lac à un autre, des voyages
assez considérables. À la vérité, ceux-ci peuvent se
reposer sur leur route, ce que ne peuvent faire les
cailles, qui, dans leurs longues traversées, parcou-
rent aussi bien l’Océan que les mers intérieures.
Aussi voyons-nous souvent sur les rivages de la
Méditerranée un grand nombre de ces oiseaux, qui
6
ER ne
y sont rejetés par le roulis des flots. Leurs cadavres
ne témoignent que trop le malheureux sort de ces
animaux, dont le vol n’a pas été assez puissant ni
assez soutenu pour les faire arriver sur laterre ferme.
Arrêtés et culbutés dans les eaux par la violence du
vent ou des tempêtes, la nage n’a pas pu des empé-
cher de subir leur triste sort.
Le voyage des caïlles, dont les‘ailes sont si courtes
et le vol si lourd, à travers l’immensité des mers,
est un phénomène des plüs remarquables. On peut
en dire autant de celui qu’exécutent tant de petits
oiseaux qui quittent l’hiver les régions du Nord ;pour
aller plus au midi, en traversant la vaste étendue de
l'Océan. On ne peut pas douter que ces chétifs habi-
tants des airs n’exécutent de fort longs voyages,
puisqu'il est assez fréquent de les saisir au milieu de
leurs courses, et avant qu'ils soient parvenus au
terme de leurs excursions.
Les uns et les autres le peuvent, parce que leur
instinct les porte à attendre des semaines-entières le
vent propre à favoriser leurs migrations. Dés que.ce
vent souffle, ils en profitent de suite, et prennent néan-
moins quelques instants de repos dans les iles, qui.se
trouvent sur leur ‘passage. Aussi prend-on. des :mil-
liers de ces'oiseaux dans les iles Joniennes et sur les
côtes de l'Asie, au moment de leurs passages. Cette
circonstance peut expliquer tout naturellement, ainsi
= en
que l’observe M. Brehm , comment les Hébreux pu-
rent rencontrer, dans le désert, des troupes considé-
rables de eailles. D'autres oiseaux, dont la puissance
du vol parait encore au-dessous de celle que possèdent
les cailles, ne se livrent pas moins à de longues mi-
grations. Les poules d’eau, les rois des cailles, les
rales d’eau et une foule d’autres espèces en sont des
exemples assez connus, pour qu'il ne soit pas néces-
saire d’insister plus longtemps à cet égard. Ces ani-
maux usent pour lors de tous les moyens pour rem-
plir une condition aussi essentielle à leur existence.
Les uns font une partie du chemin à pied ou à
la nage ; lorsque cet exercice a diminué leur embon-
point, ils exécutent la fin de leur voyage en fendant
les vastes plaines de l’air ; ils cherchent de préférence
les lieux des mers du sein desquelles s'élèvent des
iles ou des récifs, afin de pouvoir y prendre quelque
repos.
D'un autre côté, lorsque les oiseaux jugent que leur
embonpoint les rendrait trop lourds pour s'élever
dans les airs, ils ne quittent pas les lieux où ils se
trouvent, surtout s'ils habitent des iles, n’osant pas
se hasarder à traverser les mers à la nage. Quelques
autres espèces, telles que le grand pingouin du Nord,
qui ne peut guêre voler, les plongeons et plusieurs
oiseaux analogues, n’abandonnent au contraire les
régions septentrionales qu'ils habitent ordinairement,
— SZ —
qu'en voguant sur la surface des flots. Ainsi les uns
et les autres semblent calculer, avec un instinct en
quelque sorte merveilleux, les difficultés de leurs
entreprises, et ils en triomphent toujours avec un égal
bonheur.
Malgré leurs ailes courtes et leur faible puissance
de vol, les cailles n’exécutent pas moins de fort lon-
gues migrations. Labillardière, dans son voyage à la
recherche de Lapérouse, assure en avoir vu à la
baie des Tempètes dans le continent de la Nouvelle-
Hollande (1). D'un autre côté, ces oiseaux paraissent
se rencontrer dans la Chine, où l’on en fait usage
pour se tenir chaud, en les portant tout vivants dans
les mains (2). Il n’est pas rare de rencontrer au milieu
des mers des cailles si fatisuées , qu’elles se laissent
tomber sur les bâtiments, et se laissent prendre avec
facilité. Souvent des coups de vent violents les for-
cent à s’abattre dans la mer. Il en périt beaucoup
de cette manière, au dire de tous les navigateurs.
Quels motifs puissants portent ces animaux, dont
le vol est si lourd, et les forces en apparence si fai-
bles, à entreprendre d’aussi longs voyages, et à les
exécuter en troupes extrêmement nombreuses ? Elles
(1) Tom. 1", pag. 177.
(2) Voy. Osborn Iler, 190.
N°. JA
le sont tellement, que Pline, dans ses exagérations, a
prétendu qu'il en venait un si grand nombre sur les
navires, pour s’y reposer, que leur poids les faisait
couler au fond des eaux. En faisant la part de cette
exagération, pour ainsi dire puérile, il est certain que
dans nos paragesles cailles (perdrix coturnix Term.)
arrivent en quantité prodigieuse. Ainsi, d’après Martyn,
Guide du voyageur en Italie, on en prend dans l'ile
de Capri, autrefois Caprée, jusqu’à cent soixante mille
par année (1).Ilen est de même à Malte, dans l’ile de
Chypre, en Egypte et dans tout le Levant, où ces oi-
seaux se trouvent en nombre réellement considérable.
Est-ce la température ou le besoin d’une nourri-
ture convenable, qui force ces oiseaux à changer de
climats ? ou plutôt est-ce un instinct impérieux qui
les y pousserait ? Quelle qu’en soit la cause, elle se fait
sentir non-seulement sur toute l'espèce, mais encoresur
les individus à qui une étroite captivité ne laisse aucune
communication avec leurs semblables. On est tenté de
supposer que ces voyages sont commandés à ces oi-
seaux par un instinct naturel, lorsqu'on voit de jeunes
cailles, élevées dans des cages, presque depuis leur
naissance, et qui ne peuvent ni connaitre ni regretter
la liberté, éprouver régulièrement deux fois par an
(1) Traduetion française, part. 1, pag. 61, 1791.
mx SU —
une inquiétude et des agitations extrêmes, dans les
temps ordinaires des passages, c’est-à-dire au mois
d'avril et de septembre.
Nous avons eu l’occasion de nous assurer que les
fauvettes (sylvia) et les cailles en cage manifestaient
ces inquiétudes pendant plusieurs années; ellesdurent
souvent aux époques fixées, presque un mois. On les
voit recommencer tous les jours, une heure avant le
coucher du soleil. Ces oiseaux prisonniers parcourent
pour lors leurs cages d’un bout à l’autre, s’élançant
avec impétuosité contre le filet qui leur sert de cou-
vercle , comme pour prendre leur essor. Ils se mon-
trent dans un état d’agitation difficile à dépeindre.
Lorsque le temps des passages est terminé, ils sem-
blent tristes, abattus, fatigués et comme endor-
mis. Plusieurs ne résistent pas à la violence de pa-
reilles émotions et succombent souvent après les
avoir éprouvées, sans qu'on puisse attribuer leur
mort à d'autre cause qu’à celle dont nous venons de
parler.
Le besoin de voyager et de changer de climat dans
certaines saisons de l’année est donc une des exi-
gences les plus impérieuses de leur organisation, ou
plutôt de leur instinct. Ces oiseaux ne peuvent y ré-
sister ; lorsqu'ils y sont forcés, ils languissent et finis-
sent souvent par périr. Peut-être cet instinct, si puis-
sant chez les espèces sauvages, rend l’éducation du
ES
plas grand nombre si diflicile, malgré tout le pouvoir
de notre influence.
Les caiïlles en pleine liberté ont deux époques dif-
férentes où elles arrivent dans les climats tempérés
de l'Europe pendant la belle saison. En hiver, elles
paraissent émigrer en Egypte, en Syrie et dans pres-
que tout l'Orient ; elles se répandent encore en Asie,
principalement en Chine, et même, d’après Labillar-
diére, jusque dans la Nouvelle-Hollande. Seulement
l’époque de leurs passages, qui ont lieu pendant l'hiver
dans les climats chauds, et pendant l'été dans les
régions septentrionales et tempérées, n’est pas partout
la même. Probablement elle n’est pas sans quelques
rapports avec les latitudes des lieux où doivent se
rendre les oiseaux.
Les cailles, qui changent deux fois de climat par
année, arrivent dans les contrées méridionales de la
France, situées sur le littoral de la Méditerranée, dès
les premiers jours d’avril. C’est là leur premier pas-
sage; on donne à celles-ci le nom de cailles vertes,
parce que leur apparition coïncide avec l’époque
où la campagne est couverte de verdure. Le se-
cond a lieu vers le milieu du mois d’août et de
septembre, temps où, d'aprés Aristote, les cailles
quittent les contrées fortunées de la Grèce. Il paraît
qu’il en est à peu près de même de leurs passages
dans toute l’Italie. Seulement elles paraissent arriver
Re ns
en Sicile vers le mois de mai, et s’en retourner vers
la fin d'août. À Malte, leur première apparition a
toujours lieu en mai, et la seconde constamment
en septembre.
Les cailles, qui nous arrivent en avril, se montrent
plus tard dans le nord de la France, surtout lorsque
le printemps est retardé, ou qu'elles sont fatiguées
par la longueur de leur traversée. Quelques autres
individus prennent possession de nos prairies; ils s’y
livrent aux soins de la reproduction, et y font leurs
nids ; ceci explique le nombre des cailles que l’on
trouve dans tous les lieux où elles se rendent.
Ces oiseaux effectuent leurs voyages pendant la
nuit, quand il fait clair de lune, ainsi qu’au crépus-
cule. Cette observation singulière n’avait pas échappé
à Pline, ni à Belon. Depuis eux, elle a été vérifiée par
tous les zoologistes et par les chasseurs, qui ont tant
d'occasions des’en assurer.Une circonstanceessentielle
au succès de ces voyages, qui paraissent si téméraire-
ment entrepris, est celle du vent. Lorsqu'il teur est
contraire , il les retarde singulièrement, mais lors-
qu'il devient violent, il les précipite souvent dans la
mer. Leurs excursions ne sont donc heureuses que
lorsque les courants d’air leur permettent d’arriver
vers les lieux où elles doivent terminer leurs tra-
versées. À la vérité, celles qui parcourent la Médi-
terranée s'arrêtent souvent en chemin dans les nom-
= ( —
breuses iles dont elle est parsemée. Elles attendent
ainsi le retour des vents favorables, pour se mettre de
nouveau en route.
Les cailles qui visitent les contrées méridionales de
la France ne les quittent pas toutes. Plusieurs indi-
vidus passent l’hiver parmi nous. On suppose que ce
sont ceux qui ont été blessés ou qui proviennent de
pontes tardives. Ces oiseaux, trop jeunes ou trop fai-
bles à l’époque du départ, s’établissent dans les lieux
les mieux exposés et les plus fertiles des cantons où
ils sont forcés de rester. Leur nombre en est fort petit
dans nos provinces, où ces oiseaux sont exposés à
tant de dangers.
Il parait cependant être plns considérable en Espa-
gne eten ftalie où l’hiver est plus doux. Cette circons-
tance influe peu cependant sur leur détermination.
En effet, une partie seulement de celles qu’on voit en
Angleterre quitte entièrement cette ile, tandis que
l’autre change de canton. Ces dernières passent vers
le mois d'octobre de l’intérieur des terres dans les
provinces maritimes, et particulièrement dans celles
d’Essex où elles restent l'hiver. Lorsqu'elles en sont
chassées par le mauvais temps, elles gagnent les côtes
de la mer, où elles cherchent avec soin les meilleurs
abris pour se mettre à couvert contre les intempéries
des saisons.
Les précautions que les cailles prennent pour la
Et, Je
réussite de leurs longs voyages sont une preuve de
l'instinct que la nature a placé dans le cerveau de
chaque espèce, afin de mettre en harmonie les actes
qu’elle doit exécuter et les conditions d’existence
qu’elle leur a imposées. Par suite de cet instinct, aux
approches de l’hiver, certains quadrupèdes s’enseve-
lissent en quelque sorte au fond de leurs tanières,
dans un état de torpeur analogue à la mort; du moins
les reptiles ainsi engourdis demeurent profondément
assoupis dans les retraites qu'ils se sont creusées.
Cet instinct porte également un grand nombre de
mollusques à s’enfoncer dans la vase. Il dirige les insec-
tes, lorsqu'ils préparent d’avance les lieux où ils doi-
vent passer la rude saison. Tout, dans le monde animé,
est sous la dépendance de cette volonté puissante,
dirigée par l’organisation, aussi bien sur les terres où
brillait naguère une florissante verdure, que dans
l’intérieur des eaux où vivent les poissons sous leurs
dômes de glace.
Mais dans ce deuil général de la nature qu'amènent
les frimas, l'oiseau seul s’élance dans la région des
tempêtes. Il brave l’aquilon et fend d’une aile rapide
le vaste domaine des airs. L’abaissement de la tempé-
rature lui est en quelque sorte aussi indifférent que
les climats. On dirait qu'entre les animaux il est le
seul qui ne tienne pas à la terre. Sûr de trouver par-
tout une nourriture abondante, il quitte le pays qui
= ® —
l'a vu naître, dès que les frimas s’en emparent,
et, poussé par un instinct impérieux, il part à jour
et à point nommés. Rien ne l’arrête pour satisfaire ce
penchant naturel, pas même sa famille naissante.
Ce penchant est plus fort, plus irrésistible que le cours
des saisons, qui semble en apparence déterminer seul
les époques des migrations annuelles des légers ha-
bitants des airs.
Enfin une dernière circonstance relative aux pas-
sages des cailles est trop importante dans l’histoire
de ces oiseaux pour être passée sous silence. Il est des
individus qui, à raison de leurs livrées, ont été désignés
sous le nom de barbajoles ou barbes blanches, et que
l’on a voulu considérer comme appartenant à une es-
pèce particulière. Ces individus ne sont pourtant que
de jeunes cailleteaux. Il est facile d’en être convaincu,
car, en les élevant, on les voit bientôt prendre la
livrée des vieux mâles.
Ainsi, après le départ des cailles en automne, il en
reste toujours vers les bords de la mer quelques-unes
qui passent l’hiver en Europe; quelquefois même on
les y voit en assez grande quantité. Ges cailles, nom-
mées dans le midi de la France hivernenques , com-
mencent à chanter et à s’apparier dés le mois de mars.
Il n’est pas rare d’en découvrir des couvées dés les
premiers jours d’avril, avant l’arrivée de leur espèce.
A plus forte raison, les cailles qui sont dans un pays
D
plus chaud s’accouplent et pondent plus tôt encore.
Ce sont les cailleteaux provenus de ces nichées pré-
coces, trop Jeunes encore pour suivre leurs parents,
à l’époque de leurs migrations. Ils nous arrivent
aussi plus tard, lorsque quelque cause détermine leur
déplacement, et que les vents les dirigent vers les con-
trées méridionales de la France. Lors donc que l’on
remarque dans ces contrées une quantité considérable
de ces caïlles nommées barbajoles ou barbes blanches,
on est presque assuré que le passage de ces oiseaux
sera très-abondant en automne.
Cette variété arrive dans le Midi, lorsqu’au mois
de juin et même en Juillet le vent de mer a soufflé
plusieurs jours desuite; ce qui est rare, surtout s’il a
été accompagné de pluie. Il en est de même encore,
lorsque le vent du nord souffle. Ces caïlles, qui nous
viennent pour lors, sont presque toutes des mâles.
Comme les femelles, ils ont la gorge blanche et tous
les autres caractères des cailleteaux. Ces mâles, dans le
jeune âge, sont ceux dont la venue a lieu de bonne heure
dans les climats du Midi. Ils sont la cause de bien des
méprises que font à leur égard un assez grand nom-
bre d’ornitholopistes.
Quoique le phénomène des migrations, considéré
isolément, ait peu attiré l'attention des auteurs qui se
sont occupés de faunes particulières, on y trouve cepen-
dant quelques détails propres à en éclaireir l'histoire.
0
Sous ce rapport, l'ouvrage que M. d'Orbigny vient de
publier sur les productions zoologiques de l’île de
Cuba, ile remarquable par son isolement et sa situa-
tion entre les deux Amériques, se recommande à tous
et est d’un grand intérêt.
M. d'Orbigny a divisé les oiseaux que lon
trouve dans cette ile en six groupes principaux :
1° Ceux qui habitent en même temps cette ile et
l'Amérique méridionale. Leurs espèces sont aunombre
de quatorze.
2° Ceux qui y arrivent de l’Amérique septentrio-
nale. Leur nombre est de quarante - neuf, parmi
lesquels on compte trente-trois espèces de passe-
reaux.
3° Ceux qui se rencontrent dans les deux conti-
nents américains. Il y en a vingt-six. Les ordres
qui en fournissent le plus sont ceux des échassiers,
dont on compte jusqu'à onze espèces et dix espèces
de palmipèdes, c’est-à-dire vingt et un sur vingt-six.
4° Les oiseaux de Cuba, quise répandent aussi dans
tout l'hémisphère du nord sur l’ancien et le nouveau
monde. Ces espèces s’y trouvent au nombre de huit.
Une seule appartient aux oiseaux de proie; quatre aux
échassiers, et trois à différentes espèces de palmipèdes,
principalement à celles qui nagent le mieux.
5° Quant aux oiseaux propres aux deux Améri-
ques et à l’Europe, leur nombre est réduit à cinq, et:
me —
celles - ci dépendent toutes des oiseaux de rivage,
c'est-à-dire des races aquatiques.
6° Les espèces particulières à Cuba, et qu’on ne
connait encore que dans cette ileet les autres Antilles,
sont au nombre de vingt-sept, parmi lesquelles il en
est plusieurs de nouvelles. Des observations plus
exactes diminueront sans doute ce chiffre. Il est du
moins certain que, parmi ces oiseaux sédentaires, on ne
découvre aucune espèce de palmipède ou d’échassier.
Le nombre des espèces stationnaires que ce tableau
indique est, ainsi que nous l’avons fait observer, beau-
coup trop considérable. Il en porte le nombre jusqu’au
cinquième de la totalité des oiseaux qui fréquentent
l’ile de Cuba. Cette proportion est tellement supé-
rieure à ce qu'elle est ailleurs, que probablement elle
est exagérée. En effet, le nombre total de ces espèces
ne s’élève qu’à cent vingt-neuf. Toujours est-il que,
d’après cet apercu, les oiseaux de Cuba sont essentiel-
lement voyageurs; aussi n’y a-t-on encore signalé que
peu de gallinacés. Là, comme ailleurs, les espèces qui
voyagent le plus sont les échassiers et les palmipèdes.
Ainsi, sur toute la terre, aussi bien dans les iles que
dans les continents, les oiseaux toujours en mouve-
ment entreprennent des excursions dont l’étendue est
aussi étonnante que leur régularité.
— 95 —
M. De l'ordre qui règne dans les migrations des oiseaux.
L'ordre et les précautions qui environment les mi-
grations des oiseaux ne sont pas moins admirables
que leur constance et leur périodicité. Voyez ces hi-
rondelles partir constamment le jour, sans s'inquiéter
des oiseaux de proie, qui pourraient les harceler au
moment où elles se réunissent sous la conduite d’un
chef pourse diriger vers des climats nouveaux. Un
instinct les y pousse bien plus que l'espérance d'y ren-
contrer une température plus douce que celle dont
elles ressentent l'impression. Cependant les voyages
auxquels se livrent habituellement les oiseaux ont
lieu du nord au midi pendant l'hiver et, dans la di-
rection contraire, pendant le solstice d’été.
Ainsi, à l’époque de leurs migrations pour d’autres
contrées, les hirondelles, perchées sur des arbres.éle-
vés et au nombre de trois ou quatre cents, appellent
par leurs gazouillements tumultueux le moment du
départ. Lorsque le signal est donné, cette troupe
immense et légère se dispose et s'arrange de maniére
à vaincre, avec le moins d’effort possible, la résistance
de l'air. Par avance et par suite d’un instinct mer-
veilleux, ces-oiseaux ont réuni chacun leurs familles.
Toutes se sont ensuite rassemblées pour marcher de
concert à travers les vastes plaines de l’air.: Quoique
— 96 —
sans boussole, elles ne se perdent pas au milieu de
l’immensité de l'océan aérien. Elles arrivent sans
efforts comme sans embarras aux lieux nouveaux de
leur résidence.
Le départ des hirondelles a lieu ordinairement
vers la mi - septembre; il est cependant retardé
quelquefois jusqu’au milieu d’octobre ou même jus-
qu'à la fin de ce mois. L'époque de l’arrivée de ces
oiseaux semble plus fixe; elle parait même indépen-
dante de la température, de la direction et de la
force du vent; car les hirondelles arrivent parfois
pendant les orages, ou lorsque la température est en-
core très-basse et la terre couverte de neige. Enfin
la preuve que la température n’est pas le motif dé-
terminant pour ces oiseaux de changer de climat,
c’est que, par exemple, dans l’année 1838 où le prin-
temps et l'été ont été si tardifs, ces oiseaux se sont
avancés sur les années précédentes. Peut-être cette
circonstance tient-elle à ce que les hirondelles auraient
éprouvé un plus grand degré de froid dans les lieux
où elles s'étaient retirées l’hiver.
Elles sont arrivées en France, en 1838, le même
jour qu’en 1832, c'est-à-dire le 13 avril; tandis
qu’en 4836 et en 1837 elles sont venues dans le
midi de la France le 18 et le 21 du même mois. A la
vérité, en 1831, elles y avaient paru le 6 avril ainsi
qu’en 1833. D'un autre côté, en 1834, les hirondelles
Er DD a:
étaient arrivées parmi nous le 45 avril, tandis qu'en
1835 elles avaient été encore plus printamiéres ; leur
premier passage avait eu lieu le 2 du même mois.
Des expériences faites avec soin en Angleterre et
en Allemagne ont prouvé que le terme moyen de
l’arrivée des hirondelles peut être fixé vers le 14 avril.
La plus grande différence qui s’est présentée entre
leur venue est du {* avril au 23. Ces nombres ex-
trèmes , pendant un intervalle de trente-quatre an-
nées, ne se sont reproduits chacun qu'une seule fois.
Cette constance dans l’arrivée de ces oiseaux, soit en
Angleterre, soit en Allemagne, soit en France, est des
plus remarquables. Elle annonce combien le besoin de
voyager est pour eux impérieux. S'il faut en croire
M. Cantraine (Bulletin de l'académie des sciences de
Bruxelles, année 1831 , page 207), la température
ne serait pas sans influence sur ces voyages ; car, d’a-
prés lui, l’arrivée des hirondelles aurait lieu en Sar-
daigne, en Sicile et en Italie plus tôt qu’en France,
c’est-à-dire en mars et non en avril.
C’est un point d'observation qu'il importe d’é-
claircir. Son intérêt est trop lié à la détermination des
motifs ou des circonstances qui portent les hirondelles,
comme les autres oiseaux, à se transporter à des épo-
ques à peu prés fixes dans d’autres climats. Les
voyages périodiques des hirondelles ont de tout temps
occupé l'attention des hommes éclairés. Aussi ces
7
Zn Ne
oiseaux ont obtenu chez les anciens tout autant de pro-
tection que chez les modernes , soit en raison de leur
utilité pour la destruction des insectes nuisibles à l’a-
griculture, soit enfin à cause de leurs longs et mys-
térieux voyages. Les poëtes leur ont consacré leurs
chants, et les vers charmants qu’Anacréon et Ovide
leur ont adressés prouvent combien les habitudes de
ces légers habitants des airs les avaient frappés.
Les anciens se sont surtout occupés de la question de
savoir quelles étaient les retraites que les hirondelles
se choisissaient pendant l'hiver. Quelques-uns ont sup-
posé que ces oiseaux se cachaient, pendant la saison
des frimas, dans les anciens bâtiments et même dans
l’eau. Cette dernière opinion a été adoptée par plu-
sieurs modernes. D’autres, au contraire , ont admis
avec plus de raison qu’à cette époque les hirondellés
se retiraient dans des climats plus chauds que nos
régions, surtout en Afrique. Il parait certain que-ces
oiseaux se montrent au Sénégal depuis le mois d'oc-
tobre jusqu’au commencement d’avril, et qu'après ce
dernier mois on n’y en voit plus une seule.
S'il en est ainsi, il est dans ces voyages une circons-
tance encore peu étudiée, et qui montre Jusqu'à quel
point l'instinct de conservation est puissant chez tous
les animaux. Cette circonstance est relativeà l’inégale
dispersion, ou, si l’on veut, à la diversité de distribu-
tion des différentes espèces d’hirondelles. Ainsi, par
A —
exemple, leurs individus paraissent en plus grand :
nombre en Angleterre que dans la plupart des autres
contrées de l’Europe. Si cette condition est constante,
il faut bien qu’elle ait une cause ; on pourrait la trou-
ver dans la culture plus avancée du sol de l’Angle-
terre, et enfin dans la destruction totale du moineau
franc. Pour s'assurer si ces faits ont quelque influence
sur ce phénomène, il faudrait rechercher dans les
anciens documents s’il en a été toujours ainsi.
Nous avons déjà fait observer que la violence du
vent n’avait aucun effet sur l’arrivée des hirondelles,
puisqu'elles nous viennent tout aussi bien pendant
les ouragans, que pendant les temps calmes. Nous
ajouterons qu'il paraïitrait en être de même de la di-
rection du vent. Du moins elle n’a pas toujours un
rapport sensible avec l’époque de la venue de ces oi-
seaux. Seulement cette direction semble avoir une in-
fluence très-prononcée sur l’époque à laquelle ils
partent. D’après les observations de Forster, prolon-
gées pendant trente-huit années, le premier vent du
nord ou du nord-estaprès le 20 septembre occasionne
le départ de la plupart des hirondelles.
On n’a pas constaté avec le même soin le temps après
lequel leur départ était complétement effectué. Il faut
que ces oiseaux rencontrent de grands obstacles dans
leurs migrations, à en juger par le nombre considérable
de leurs individus qui quittent l’Europe en automne, et.
— 100 —
le petit nombre de ceux qui reviennent au printemps.
Ce qu'il y a de certain, c’est que des hirondelles vo-
laient encore dans les environs de Montpellier le 18
novembre 1838, quoique le thermomètre ne füt qu'a
T°, et que le vent du nord soufflàt avec violence.
La premiére hirondelle qui arrive dans le midi de
la France est l’hirondelie des rochers, dont les pas-
sages ont lieu dés le mois de mars. Ce n’est que vers
le mois d’avril que paraît l’hirondelle de chemi-
née (hirundo rustica Temm.). Cette espèce se rap-
proche le plus des habitations de l’homme; elle pré-
cède ordinairement l’hirondelle de fenêtre, la plus
commune de celles qui visitent l’Europe. Les migra-
tions de cette dernière ne paraissent pas s'étendre au
delà des tropiques. Quoique cette hirondelle (Airundo
urbica Temm.) nous arrive plus tard que celle de
cheminée, elle nous quitte néanmoins plus tôt. Elle
est à peu prés constamment accompagnée, lors de sa
venue dans nos contrées, par l’hirondelle de rivage,
ce qui a fait supposer que ces oiseaux passaient l'hiver
engourdis au fond des lacs et des marais.
Les hirondelles paraissent conserver un Souvenir
fidèle des lieux qu’elles ont habités dans leur en-
fance. Aussi les voit-on retourner après leurs migra-
tions dans le même nid qu’elles avaient occupé l’année
précédente. D’après ce fait positif, on est peu surpris
de toutes les précautions que prennent ces oiseaux lors-
— 4101 —
qu’ils vont exécuter leurs voyages. En effet, à l'appro-
che de leur départ, on les voit se réunir en grandnom-
bre, et se grouper, comme par essaims, surtout après
une pluie suivie d’un soleil ardent. Dans les pays
encore plus méridionaux que le sud de la France,
ces oiseaux se réunissent en grand nombre sur les
arbres morts, attendant ainsi un vent favorable pour
traverser les mers, et aller soit en Asie, soit en Afri-
que. Il est même certaines espèces, particulièrement
l'hirondelle des rochers (hkirundo rupestris Linn.),
qui d'Europe pousse ses migrations non-seulement en
Afrique jusqu’au cap de Bonne-Espérance, mais en-
core dans l’Amérique méridionale.
De pareilles habitudes sont également propres aux
martinets , oiseaux très-rapprochés des hirondelles,
et dont le vol est d’une plus grande rapidité. Les mar-
tinets que l’on découvre depuis les iles de l’Archipel,
l'Espagne, l'Italie, le Tyrol, la Sardaigne, les îles
d’Hyères et de Malte, ainsi que dans la plus grande
partie de la France, nous arrivent vers la fin du mois
d'avril; ils nous quittent vers la fin de juillet ou les
premiers jours du mois d’août. On assure que les
martinets de muraille (cypselus murarius Temm.)
retournent toutes les années dans le même trou qui
l’année précédente leur avait servi de retraite. Parmi
les deux espèces qui fréquentent les contrées méri-
dionales de la France, il en est une qui porte ses
— 402 —.
excursions non-seulément dans toute l'Europe, mais
encore en Afrique, jusqu’au cap de Bonne-Espérance.
Elle parvient écalement sur les côtes nord-ouest de
l'Amérique , sans cependant dépasser le tropique;
c'est le martinet de muraille (cypselus murarius
Meyer). Le martinet à ventre blanc (cypselus alpi-
nus Meyer) ne paraît pas quitter l’Europe ; du moins
on le trouve en grand nombre sur les rochers de
Gibraltar, de la Sardaigne, de Malte et de tout
l’Archipel.
D'un autre côté, nous voyons chaque année des
phalanges de grues, de cicognes, de hérons, d'oieset
de canards exécuter sur l’aile des vents des évolutions
aériennes. Tantôt à la file les uns des autres, tantôt
disposés en triangle de la manière la plus régulière,
ces oiseaux se dirigent sans boussole dans le vague
des airs. On les voit suivre une route qu’on leur
croirait tracée d’avance. Ils se groupentets’arrangent
de maniére à ce que chacun puisse suivre et garder
son rang et jouir en même temps d’un vol libreet ou-
vert devant eux.
Pour y parvenir, ils se rangent sur deux lignes
obliques formant une sorte de V renversé ; cette dis-
position est la plus favorable pour que chaque oiseau
puisse fendre l'air avec plus d'avantages, et que la
troupe entière éprouve le moins de fatigue. Seulement
lorsque le nombre de ces oiseaux est peu considéra-
— 105 —
ble, ils se rangent sur une seule ligne; chacun d’en-
tre eux y garde sa place avec une justesse parfaite.
Lorsque le chef de cette petite armée, dont la place
est toujours en tête de la colonne, est fatigué, il va se
reposer au dernier rang. Tour à tour les autres pren-
nent la place que le chef vient d'abandonner. Ainsi
se continue le voyage avec un ordre et une régularité
qui feraient supposer à ces oiseaux une intelligence
supérieure à un simple instinct. Mais les faits nous
apprennent que la nature a mis dans le cerveau
de chaque animal le degré de prévoyance qui lui est
nécessaire pour sa conservation.
Par suite de cet instinct, tous les oiseaux de pas-
sage voyagent en troupes plus ou moins considéra-
bles, toujours en famille, ou du moins par couples.
Les espèces ne se mêlent pas plus dans ces migrations
lointaines que les divers âges d’une même race. Les
vieux partent d’un côté, et les jeunes de l’autre. Il y
a plus encore , lorsqu'ils voyagent ensemble , les
adultes les précèdent constamment. Lorsqu'ils se
quittent dans le trajet, cette séparation a lieu sans
embarras et sans interrompre leur voyage aérien. Du
reste, les uns et les autres exécutent rarement ensem-
ble leurs excursions ; ils ne suivent presque jamais
la même route.
Cette circonstance semble dépendre de l’époque à
laquelle les vieux oiseaux éprouvent la crise de la
— 104 —
mue et celle qui atteint les jeunes. Cette maladie en-
lève à ces animaux une partie de leurs facultés ; mais,
comme elle se termine plus tôt chez les adultes, ceux-ci
éprouvent toujours les premiers le besoin de changer
de climat. Ils sont donc de meilleure heure en état
de supporter les fatisues d’un long voyage.
Aussi, les vieux quittent les premiers les cantons
où ils étaient fixés, et, lorsque les jeunes les accom-
pagnent, ils s’en séparent souvent étant plus tôt fati-
gués. Rarement les jeunes arrivent au terme du voyage.
Les vieux seuls traversent la Méditerranée pour se
répandre dans les contrées fertiles du nord de l’Afri-
que. Les jeunes demeurent, au contraire, sur les
plages méridionales de l’Europe, ou sur les côtes de
la Sicile et de la Calabre, ou dans les régions plus
tempérées du centre de l'Europe. Les adultes pous-
sent souvent leurs migrations vers l’Archipel de la
Grèce, l'Egypte et la Nubie.
Lorsque les vieux partent avec les jeunes, les pre-
miers sont presque toujours en tête de la bande. Ils
dirigent la colonne et ne laissent jamais ce soin à
d’autres, tant qu’ils accompagnent ceux qui doivent
perpétuer leur race.
Rarement ces jeunes individus reviennent aux lieux
de leur naissance, tandis qu'il n’en est pas de même
des adultes. Aussi ne trouve-t-on dans une contrée
que des individus dont le plumage indique qu'ils ne
— 105 —
sont point encore parvenus à leur état normal, et dans
telle autre, des individus qui ont acquis tout leur dé-
veloppement. Les vieux reviennent tous les ans couver
dans les mêmes lieux, et pondre souvent dans le même
nid lorsqu'ils le contruisent d’une manière durable.
Quelque singuliers que puissent paraitre ces faits,
ils n’en sont pas moins exacts. On peut facilement
les vérifier en attachant des cordons de soie aux pattes
des hirondelles et des autres oiseaux. L'année sui-
vante, on les voit reparaitre dans les mêmes maisons,
ou auprès des mêmes bocages où les uns et les autres
s'étaient primitivement fixés, et reprendre leurs an-
ciens nids ou en construire de nouveaux. C’est dans
ces couches nuptiales que ces oiseaux nous donnent
tant d'exemples touchants de la tendresse conjugale.
Images de la fidélité, les hirondelles ne s’abandon-
nent presque jamais, et leur union est en quelque
sorte indissoluble.
Cet exemple, si connu, prouve que la nouvelle pa-
trie que certains oiseaux adoptent dans leurs migra-
tions est toujours la même chaque année. Ils parais-
sent encore suivre constamment la même route, soit
lors de leur arrivée, soit au moment de leur départ,
ainsi que l’annoncent les observations que nous avons
déjà faites sur les cailles et sur tant d’autres espèces.
Les retours dans les régions tempérées d’un assez
grand nombre d'oiseaux sont si réguliers et si bien
… 408 —
déterminés, que les chasseurs comptent sur eux,
comme les oiseleurs le font relativement à ceux des
becs-fins.
Malgré les nombreux exemples de tendresse pour
leurs petits, que nous donnent les hirondelles, il est
cependant des occasions où elles semblent abandon-
ner ce sentiment. Voici du moins un fait qui porterait
à le penser. Un jeune enfant avait mis un nid d’hi-
rondelle dans une cage. Le père et la mére des petits
oiseaux, qui se trouvaient dans le nid, volaient cons-
tamment autour de la cage, chagrins de ne pouvoir
donner eux-mêmes à manger à leurs petits. Un jour,
l'enfant ayant laissé quelques instants la porte de la
cage ouverte, les hirondelles s’y précipitérent, et
tuérent sans pitié les jeunes oiseaux.
Cet acte de désespoir annonce jusqu'à quel point
d’exaltation les hirondelles poussent leur amour pour
leurs petits. Du moins, cet acte bien apprécié, et qui
au premier aperçu ne semble qu’un acte de cruauté,
est peut-être une preuve de leur tendresse maternelle.
III. De l'irréqularité des passages des oiseaux erratiques.
Quoique le retour des mêmes espèces d’oiseaux ait
lieu assez généralementavec une régularité remarqua-
ble, ilne faut pas croire cependant que cette loi générale
soit sans exceptions. Elles sont au contraire fort nom-
— 107 —
breuses, non chez les espèces émigrantes, mais seule-
ment chez les espèces erratiques. Ainsi, le merle rose
(pastor roseus Temm.)est venu visiter en grandnombre
les contrées méridionales de la France, en juin 1837
et 1838; il n’a pas reparu en 1839 ni en 1840. Cette
espèce, dont les courses extrêmement irrégulières
durent souvent près d’un mois, habite les parties les
plus chaudes de l’Asie et de l'Afrique. Il étend néan-
moins ses excursions dans les différentes contrées de
l'Europe, principalement dans les provinces méridio-
nales de l'Espagne, de l'Italie, du Piémont et de la
France, et les pousse même jusque dans l’Indostan.
Lorsque ces oiseaux arrivent dans le midi de la
France, on les voit voler très-bas et en silence ; aussi
sont-ils faciles à prendre, surtout aux filets. Généra-
lement désireux de continuer leur route, ils séjournent
peu dans nos contrées, impatients qu’ils sont de se
rendre dans les régions septentrionales de l’Europe.
L'époque de la venue des jeunes merles roses n’est
pas tout à fait la même que celle des vieux. Les pre-
miers visitent rarement et en petit nombre le midi de
la France à la fin d'octobre ou aux premiers jours du
mois de novembre. Ils accompagnent presque tou-
jours les étourneaux, dont le genre de nourriture est
à peu prés le même. L'apparition des merles roses,
toute incertaine qu’elle est, n’a jamais lieu en même
temps que le premier passage des étourneaux.
— 108 —
L'époque à peu près constante de la venue de ces
derniers est dans les premiers jours du mois de mars.
Les merles roses ne nous arrivent presque jamais
avant la fin de mai, et au plus tard vers le milieu de
juin. Ils arrivent alors en grand nombre, du moins les
vieux individus, dans les prairies, surtout dans celles
où ils supposent trouver beaucoup de grillons dont ils
sont fort friands." De pareils exemples nous sont four-
nis par d’autres espèces. Ainsi, les becs-croisés com-
muns (/oxia curvirostra Temm.) ne passent pas
toutes les années en France. Leur apparition dans le
Midi a lieu d’une manière fort irrégulière et à des
époques plus ou moins éloignées. Ces oiseaux y sont
venus en grande abondance en 1836 , 1837, 1838 et
1839 , tandis que pendant près de seize années on
n’en avait pas apercu un seul. Il faut remonter jus-
qu'en 1820 pour trouver un autre exemple d'un
passage de becs-croisés presque aussi considérable
que celui de 1839. À cette époque , ces oiseaux ne
cessèrent de passer depuis le mois de juin jusqu’au
4 ou 5 août; mais le plus grand nombre arriva vers
le 45 du mois de juillet.
Les becs-croisés n’ontaucune sorte de méfiance. Ils
se laissent tuer avec la plus grande facilité, et les
coups de ‘fusil les effrayent si peu, qu'ils ne quittent
pas même l’arbre sur lequelils n’ont pas été atteints.
On est donc à peu près sür de les tuer tous, les uns
— 109 —
après les autres, pour peu qu'on ait de l’adresse.
Par suite de cette incroyable impassibilité, il n’est pas
rare, dans le fort de leur passage, d’en abattre de des-
sus le même arbre cinq ou six de suite. D’un autre
côté, si on leur tend des filets, ils s’y jettent sans
crainte, surtout si on a le soin d’y attacher quelques
individus de leur espèce.
L'irrégularité des migrations de ces oiseaux, qui
nichent dans le nord de l’Europe, tiendrait-elle aux
variations que la température et la marche des sai-
sons éprouvent d’une année à l’autre? Il pourrait en
être ainsi : leurs migrations tout à fait accidentelles
ne sont point périodiques. D'un autre côté, de pareils
passages ont lieu au contraire du sud au nord. Ainsi,
le courre-vite isabelle (cursorius isabellinus Temm.)
qui habite l'Egypte et la Nubie, visite à des époques
indéterminées les côtes du midi de la France. Un in-
dividu, dont le corps était encore couvert de plumes à
peine développées, fut pris en août 1839 sur la plage
de Maguelonne, près de Montpellier. Quel motif a
donc pu porter cet oiseau à s’expatrier dans un âge
aussi tendre, et où il lui était si nécessaire de ne point
abandonner le nid qui l’avait vu naître ? Ce fait re-
marquable nous a été signalé par M. Lebrun.
L'irrégularité des passages d’un grand nombre
d'oiseaux rend diflicile l’appréciation des causes qui
les provoquent. Parmi les faits singuliers qui se ratta-
— 110 —
chent à ces voyages accidentels, M. Lebrun, que nous
venons de citer, nous en a signalé un digne d'attention.
La mouette tridactyle (larus tridactylus Temm.)
habite les pays froids ; elle les quitte pourtant en au-
tomne et en hiver, et se répand vers les lacs salés,
les mers intérieures, les golfes de l'Océan, principa-
lement en Irlande. On voit rarement ces oiseaux s’a-
venturer en petites troupes vers les contrées méridio-
nales : cependant cette année 1840, remarquable par
la douceur de l’hiver, les mouettes tridactyles sont
arrivées en grandes bandes dans le Midi. Quoique les
étangs fussent encombrés de poissons, ces oiseaux se
laissèrent mourir de faim. Plusieurs du moins furent
trouvés morts, et leur maigreur, ainsi que celle des in-
dividus qui ont été tués, signalait assez quelle pouvait
en être la cause, c’est-à-dire le défaut de nourriture,
au milieu cependant de l'abondance qui les entourait.
On se demande quels motifs ont pu porter ces o1-
seaux à quitter les pays qu’ils habitent ordinairement,
pour se transporter à de grandes distances, et là où ils
devaient trouver la mort, quoique toutes les circons-
tances favorables à leur existence leur fussent offer-
tes. C’est là un fait , il faut en convenir, dont il est
difficile de donner une explication satisfaisante. Ge
ne peut être le besoin d’une nourriture convenable,
puisque ces mouettes n'ont point usé de celle qu'elles
trouvaient partout en abondance. Serait-ce une tem-
— 411 —
pérature plus douce qu'elles auraient cherchée ? Elles
l’ontrencontrée dans nos climats, et cependant elle ne
leur a pas été utile; la plupart ont succombé malgré
sa bienfaisante influence. Cette circonstance tien-
drait-elle à cette merveilleuse police de la nature
qui maintient dans une harmonie parfaite le nom-
bre et les proportions des différentes espèces ? c’est
ce que nous n'oserions décider.
D'un autre côté, des observations suivies avec le
plus grand soin à Montpellier par divers ornitholo-
gistes n’avaient jamais fait connaitre le bécasseau pla-
tyrinque comme une espèce de passage dans nos con-
trées. Du moins, M. Crespon, dans son ornithologie
du Gard, n’a pas signalé cet oiseau parmi ceux qui
fréquentent les contrées méridionales de la France.
Cependant cinq individus de ce bécasseau, sur le genre
duquel il s’est élevé entre les auteurs de grandes dis-
cussions, ont été récemment apportés à M. Lebrun.
Un de ces individus fut tué le 30 juillet 1840 dans
les environs de Montpellier ; deux autres le 2 août
suivant, et enfin les deux derniers le 5.et le 14 du
même mois. Depuis lors, aucun autre individu de ces
oiseaux qui habitent les marais du nord de l'Europe
et de l'Amérique n’a été apercu parmi nous, quoi-
qu'ils poussent leurs excursions jusque dans l’archi-
pel de la Sonde et des Moluques.
Si donc cette espèce a paru dans le midi de la
— 112 —
France en 1840, et cela dans le jeune âge, après avoir
resté si longtemps sans y arriver, il ne faut point
l’attribuer à son humeur sédentaire, puisqu'elle fré-
quente à la fois l’Europe , l’Asie et l'Amérique, mais
à l’irrégularité des passages accidentels des oiseaux.
Cette irrégularité peut seule rendre raison de la tar-
dive apparition de cette espèce dans les contrées mé-
ridionales de la France. Elle confirme aussi les autres
faits que nous avons déjà énumérés.
Cette même année 1840 s’est fait encore remar-
quer parmi nous par une autre apparition d’une es-
pèce de bécasseau, qui a été décrite comme habitant
Y’Amérique septentrionale. A la vérité Temminck,
dans son quatrième volume supplémentaire de la se-
conde édition de son Manuel d’ornithologie, fait ob-
server qu’un individu de cette espèce ou du bécas-
seau pectoral a été tué en Angleterre le 17 octobre
1830. A part cet individu unique, on n'avait jamais
constaté, en Europe, l'apparition de cette espèce. Cet
oiseau, capturé en 4840 dans le midi de la France,
ne s’est pas borné, comme cette fois, à cinq ou six in-
dividus. Un seul fut d’abord apporté à M. Lebrun ;
cet ornithologiste présuma qu'il ne devait pas être
isolé ; en conséquence, il recommanda aux chasseurs
de prendre tous ceux qu’ils pourraient trouver; de
cette manière il s’est procuré vingt-cinq individus de
la méme espece.
— 115 —
Les deux bécasseaux dont l'apparition dans les pro:
vinces méridionales de la France a été pour les natu-
ralistes un objet de surprise, y sont venus en même
temps que le cocorli (éringa subarcuata), dont les
passages ont lieu régulièrement depuis le mois d'août
jusqu’au 15 octobre. Les deux espèces de bécasseaux,
le platyrinque et le pectoral, sont arrivées parmi nous
presque tous dans le jeune àge; quelques individus
du cocorli étaient cependant adultes, et avaient con-
servé leurs livrées d’été. Ces faits prouvent com-
bien il serait essentiel que ceux qui sont témoins
de la venue ou des passages des oïseaux fussent
assez éclairés pour déméler les espèces différentes
qui ne s’y trouvent que plus ou moins passagère-
ment. On arriverait ainsi à discerner avec plus de
certitude les oiseaux qui opèrent leurs migrations
avec régularité de ceux dont les excursions sont pu-
rement accidentelles.
IV. De la diversité dans les époques des passages des jeunes
et des vieux oiseaux.
Un fait constant dans les migrations des oiseaux
est la diversité des époques , à laquelle lés jeunes et
les vieux exécntent leurs voyages. Les différentes
espèces de becs fins ou de fauvettes peuvent être
citées comme des exemples frappants de cette cir-
8
— 114 —
constance remarquable. On voit du moins rarement la
passerinette (sylvia passerina Temm.), la verderolle
(sylvia palustris Temm.) et l’effarvatte (sylvia arun-
dinacea Temm.) exécuter leurs passages aux mêmes
époques de leur vie.
Les vieux arrivent à peu prés constamment dans
les contrées méridionales de la France avant les jeu-
nes dont les passages ont lieu beaucoup plus tard.
Par suite d'habitudes analogues, les ortolans mäles
(emberrizza hortulana Temm.) précèdent le plus
ordinairement leurs femelles dans leurs migra-
tions régulières, et cela d'au moins une quinzaine
de jours.
Ainsi, peu avant l'entrée de l’hiver, lorsque les pre-
miers froids commencent à se faire sentir, les oiseaux
de passage se réunissent par bandes, et, dans le plus
srand nombre des espèces, les jeunes se rassemblent
et se séparent des vieux comme s'ils avaient honte de
demander leur chemin à leurs anciens.
Chez certaines espèces, les individus, soit erratiques,
soit émigrants , volent isolés, tandis que chez d’autres
ils forment au contraire de nombreuses bandes désor-
données, exécutant leurs voyages toujours en grand
nombre. Quelques-uns volent rangés en colonnes ré-
guliéres et plus ou moins serrées. Certaines de ces
colonnes cheminent lentement , comme si elles obéis-
saient au froid qui les va chassant, tandis que les
— 115 —
autres partent avec rapidité, et terminent en peu de
jours leurs migrations.
Quelques oiseaux ont l'habitude de voler tout près
de terre; on les voit se reposer aussi très-souvent,
pour si peu qu’ils se sentent fatigués. D’autres ,au con-
traire , s'élèvent au-dessus des nues, et, plus vigou-
reux et plus agiles que les premiers, ils ne s'arrêtent
presque jamais. Mais les uns aussi bien que les autres
jugent très-bien les époques qui peuvent favoriser
leurs voyages. Il n’y a pour aucune de leurs espèces
ni équivoque ni incertitude.
Tous connaissent également, par suite d’un: instinct
naturel, l’époque de leur retour ; aucun d’entre eux
ne se trompe jamais sur les lieux qu'ils ont déjà vi-
sités. Un martinet auquel on avait fait une marque,
afin de le reconnaître | revint dix années de suite,
construire son nid dans une caisse disposée à cet effet.
Un faucon à queue rouge, très-reconnaissable, parce
qu’à la suite d’un accident ses plumes avaient blan-
chi, revint pendant lespace de douze hivers consé-
cutifs prendre possession d’un vieux pin, dans le dis-
trict de Colleton dans la Caroline.
Les migrations des animaux ont donc lieu par suite
d’un instinct inné. Cet instinet les y pousse à peu près
comme celui particulier au castor le force à bâtir lors-
que, élevé loin: de ses parents, il n’en a rienappris. En
effet, des castors isolés, solitaires, placé. tout exprès
— #16 —
dans des cages, pour qu'ils n’aient aucun besoin d’édi-
lier leurs constructions ordinaires, cherchent tou-
jours à les faire, poussés par ‘une force machinale
et aveugle, ou par un instinct auquel ils ne savent ni
ne peuvent résister.
De même, l'oiseau placé dans une cage, maintenu
dans une température égale à celle qu’il va chercher
ailleurs dans ses migrations ordinaires , et auquel on
distribue une nourriture abondante et appropriée à
ses besoins, ne montre pas moins à l'époque de ses
voyages une agitation toute particulière. Il manifeste
toujours la plus vive impatience pour quitter les
lieux où on le retient. L'instinct qui le porte à voya:
ger est si impérieux, si irrésistible, que malgré l’ac-
complissement de tous ses besoins, nous pouvons
même dire de tous ses désirs, il succombe souvent lors-
qu'il ne peut remplir les exigences de son organisation.
Cet instinct porte l'oiseau commele poisson à voya-
ger, comme celui du castor le pousse à construire son
admirable cabane ; mais ni les uns ni les autres ne
peuvent aller au delà. Sous ce rapport, comme sous
tous les autres, l'instinct est borné à un acte déterminé
qui s'exécute et se produit de la même manière et avec
les mêmes conditions. Au contraire, tout dans l’intelli-
gence est général. Sa flexibilité et sa perfectibilité sont
te “les, qu’il n’y a pas d'objets auxquels elle ne puisse
s’ap vliquer. Sans doute, les animaux sentent, con-
L
— A17 —
naissent, pensent à leur manière ; mais les êtres doués
de l'intelligence, l'homme, qui jouit seul de ce noble
attribut, est aussi le seul à qui le pouvoir ait été donné
de sentir qu'il sent, de connaître qu’il connaît, et
de penser qu'il pense.
Les animaux n’ont donc pas la réflexion, cette faculté
suprême qu'a la pensée de l’homme de se replier sur
elle-même, et d'étudier l'esprit. La réflexion, ainsi
définie, est donc la limite qui sépare l'intelligence de
l'instinct des animaux. On ne peut disconvenir , en
effet, qu'il n'y ait là une démarcation profonde. Cette
pensée qui se considère elle-même, cette intelligence
qui se voit et qui s’étudie, cette connaissance qui se
connait, forme évidemment ün ordre de phénomènes
déterminés d’une manière tranchée, et auxquels nul
animal ne saurait atteindre. C’est là tout à fait le
monde purement intellectuel, et ce monde n’appartient
qu’à l’homme.
On ne rencontre jamais dans les contrées méridio-
nales de la France de vieux individus du plongeon
imbrim (colymbus glacialis Linn.), ni du canard
eider (anas mollissima Linn.). Les jeunes seuls les
visitent, et, ce qui est non moins remarquable, on voit
rarement parmi eux des males, du moins parmi les
individus de cette dernière espèce. On assure cepen-
dant que des femelles adultes ont été tuées dans les
environs de Montpellier. Cette circonstance tiendrait-
— 118 —
elle à ce que la différence des sexes est plus dif-
ficile à reconnaitre chez les jeunes individus que
chez les vieux; nous n’oserions le décider. Il en est
de même du moineau cisalpin ( fringilla cisalpina
Temm.). Cet oiseau arrive à peu près constamment
dans le Midi, vers la fin d’octobre ou au commence-
ment du mois de novembre; mais presque toujours
dans le jeune âge.
Il nous quitte ensuite, et au plus tard vers la fin de
décembre, ne séjournant guère dans les provinces mé-
ridionales de la France plus de deux mois. On ne
voit plus ce moineau dans aucune autre saison de
l'année. De pareilles habitudes sont communes au
bruant montain (emberizza calcarata Temm.). Cet
oiseau nous arrive assez souvent et isolément vers la
fin de novembre, toujours dans le jeune âge, n’ayant
pas opéré la mue des adultes.
On peut faire une remarque non moins singuliére,
relativement à la différence des distances que par-
courent les vieux oiseaux dans leurs migrations, en
comparaison de celles que franchissent les jeunes.
On voit constamment les bandes composées de vieux
oiseaux étendre leurs migrations plus loin, soit en
automne, soit à leur retour au printemps, que les
bandes formées par les jeunes oiseaux. Celles-ci s’a-
vaucent toujours moins en avant dans les régions plus
froides que celles qu’elles viennent d'abandonner.
— Ja —
Ainsi, lorsque les vieux poussent leurs voyages jus-
que dans les régions du cercle arctique, les jeunes,
moins audacieux et moins éntreprenants, restent pen-
dant une ou deux années dans les contrées du centre
de l’Europe. Lorsque les vieux choisissent les cli-
mats tempérés, comme lieux de leur séjour, les jeunes
sont retenus dans le Midi. Ils ne paraissent pas pour
lors passer les mers qui séparent l’Europe de l'Afrique
septentrionale ; cependant le plus grand nombre des
espèces nomades qui n'arrivent pas à l’état adulte dès
leur première année, choisissent de préférence ces
contrées pour leur séjour d'hiver.
Si l’on arrête ces oiseaux au milieu de leurs mi-
grations, plus ou moins loin des lieux où ils construi-
sent ordinairement leurs nids, on ne peut pas les faire
nicher, quels que soient les soins que l’on prenne à cet
égard. Nous avons renouvelé cette observation bien
des fois, particulièrement pour les becs croisés; ja-
mais elle n’a été suivie du moindre succés. On concoit
fort bien pourquoi l’on ne peut parvenir à faire ni-
cher les colibris, les oiseaux-mouches, les veuves et les
souimangas dans les climats tempérés, puisque ces oi-
seaux he sauraient y trouver cette température élevée
qui dans leur pays natal est pour eux la saison des
amours. Mais on ne comprend pas pourquoi les oiseaux
que l’on arrête dans leurs passages ne cherchent pas à
se reproduire et résistent à un besoin aussi impérieux
— A9
que celui qui presse toutes. les espèces de faire durer
leur race.
On éprouve d’autant plus de difficultés à se rendre
raison d’une pareille résistance, que des oiseaux qui
habitent des climats extrêmement chauds, transportés
dans les régions tempérées du midi de la France, y
pondent leurs œufs, tout aussi bien que dans leur pays
natal. Telle est l’autruche. Cette circonstance remar-
quable pourrait être considérée comme tenant à ce
que ces oiseaux ne construisent pas des nids, puis-
qu’ils ne pondent qu'un seul œuf à la fois. Elle doit
dépendre de toute autre cause; en effet, un grand
nombre d’espèces des pays chauds nichent et pondent
leurs œufs dans les climats tempérés, ainsi que dans
les lieux de leur naissance.
Les oiseaux dont le plumage n’a point encore pris
tout son développement et ses couleurs stables sont
ceux qui étendent le moins loin leurs excursions.
Comme ils sont souvcut une où deux années avant
d’être en état de se reproduire, ils se choisissent des
lieux tout autres que ceux où les adultes se rendent
pour nicher. S'ils se trompaient, les vieux les chasse-
raient certainement, avant qu'ils eussent pu songer à
se reproduire.
Lorsque le temps est venu de quitter les con-
trées où ils ont opéré leurs pontes , on voit ces jeunes
oiseaux, devenus adultes, se rassembler pendant huit,
— 191 —
dix ou même quinze Jours , et. se préparer ainsi aux
voyages auxquels ils vont se livrer: Ces rassemble-
ments dureut ainsi jusqu’au moment où l’époque des
passages est totalement terminée.
Comme les vieux individus poussent leurs excur-
sions le plus loin, ils s’égarent le plus avant dans les
régions du nord, ou les contrées polaires, où 1l est
rare de rencontrer de jeunes oiseaux. Lorsque au re-
tour du printemps, les palmipèdes et les échassiers
quittent les contrées tempérées pour gagner l'ex-
trême nord, les vieux y arrivent à peu près seuls.
Les jeunes restent sur les bords de la Baltique, s’é-
tendent sur les lacs de l'Autriche, de la Hongrie, et
au plus loin sur ceux de la Russie.
Les sexes ne sont pas non plus sans quelques rap-
ports avec le nombre des individus qui composent les
passages. Souvent les deux sexes ne voyagent pas en-
semble, soit que les males précédent les femelles, soit
que l'inverse ait lieu. Il arrive même quelquefois que
l’un des sexes prédomine d’une manière marquée sur
l’autre.Telleest, parexemple, la mésangeremiz (parus
pendalinus), qui offre constamment, dans le midi
de la France, plus de mâles que de femelles. Il en est
également chez les fauvettes, et particuliérement chez
la passerinette, la mélanocéphale, et enfin chez le bec
fin à lunette.
Cette circonstance dépendrait-elle de la plus grande
— 192 —
force motrice, dont les mâles sont doués. On concoit
qu’elle doit leur donner les moyens de franchir des es-
paces plus considérables, et d'arriver ainsi plus tôt que
leurs femelles dans nos contrées. Get excès des mâles
tient peut-être encore à l’ardeur qu’ils montrent pour
se reproduire, sentiment moins fort chez les individus
de l’autre sexe, et qui par cela même les porte moins
à se déplacer.
Si beaucoup d'oiseaux voyagent pendant le jour,
un grand nombre, comme les hérons, les bécasses,
les ràles, et une foule d’autres espèces voyagent pen-
dant la nuit. Les uns font entendre des cris plus ou
moins percants, tandis que les autres gardent le si-
lence pendant leurs courses même les plus longues.
La plupart des espèces de passage qui ont de pa-
reilles habitudes s'arrêtent à peine dans les voyages
qu'ils font des pays chauds où ils passent l’hiver,
jusqu'aux lieux où ils établissent leur principal do-
micile. C’est surtout vers les régions septentrionales
que ces oiseaux se rendent pendant la belle saison.
Parmi ces espèces éminemment voyageuses, on
peut signaler principalement les cicognes. Quoi-
qu’elles s'élèvent considérablement dans les plaines
de l'air, elles n’en franchissent pas moins de grandes
distances. On est peu surpris que les hirondelles et
les martinets, dont les ailes sont si étendues et la
puissance du vol si grande, aient de pareilles habi-
— 125 —
tudes. D'ailleurs ces oiseaux ont leur corps peu pe-
sant, et leurs mouvements sont extrêmement agiles.
Comme les hirondelles exécutent les plus longs
voyages, et quittent le plus souvent les lieux qu’elles
habitent pendant la nuit, on a longtemps supposé
qu’elles se retiraient l’hiver dans des excavations ou de
petites cavités au bord des rivières. Là elles reste-
raient engourdies pendant toute la saison des frimas.
Hunter a démontré que cette supposition n’était
pas exacte; car l’organisation et la structure anato-
mique des organes respiratoires de ces animaux
s'opposent non-seuiement à ce qu’ils puissent vivre
dans l'eau, mais encore à ce qu’ils puissent rester
longtemps engourdis. D'ailleurs, comme nous avons
déjà fait saisir à quelle cause il fallait attribuer cette
erreur, nous ne nous y arrêterons pas plus longtemps.
Nous ferons cependant observer que les routes suivies
par les hirondelles dans leurs migrations sont par-
faitement connues et qu’il est facile de suivre leur
direction aussi bien que celle des autres oiseaux, ce
qui empêche de les considérer comme hivernantes à
la manière des loirs et des marmottes.
IL est du moins certain qu’au moment du départ
les oiseaux voyageurs manifestent une sorte d’inquié-
tude et de malaise particuliers. Aussi M. Bachman
a-t-il observé des canards du Canada (anser cana-
diensis) parfaitement apprivoisés à Charles-Town,
— 124 —
lesquels, à chaque printemps, faisaient tous les efforts
imaginables pour obéir à leur instinct. Quoiqu’on
leur eût coupé une articulation de l'aile, du moment
qu'ils se voyaient libres, ils s’échappaient en courant
vers le nord, comme s'ils eussent voulu entrepren-
dre leur voyage en marchant. Wilson cite également
comme une chose certaine le fait d’une cane appri-
voisée qui au printemps s’échappa de Long-Island,
et revint à l'automne avec trois canetons, qui demeu-
rérent avec elle. Il parait en être de même du cygne
domestique et, ce qui est encore plus remarquable,
du cygne noir de la Nonvelle-Hollande (anas plutonia)
élevé en Europe. Les rouges-corges, les chardonnerets
et les autres oiseaux apportés jeunes des pays du
nord, et mis en liberté, se dirigent de suite vers les
pôles avec tout autant de précision que s'ils étaient
munis de boussoles.
En refléchissant sur ces faits qui se renouvellent
chaque année avec le retour des saisons, on est moins
surpris que l’arrivée et le départ des oiseaux soit un
des meilleurs pronostics du changement de temps
qui va avoir lieu. Le capitaine Parry raconte avec
quelle anxiété les Esquimaux attendent l’arrivée du
pinson de neige. L’aigle pêcheur annonce à ceux qui
habitent les rives des fleuves du Nord que le moment
de la pêche est enfin venu. Le chant de la tête-de-
chèvre (caprimulgus caroliniensis) rappelle égale-
— 125 —
ment aux fermiers et aux laboureurs que le temps de
semer le froment doit être arrivé, ot cet oiseau
fait entendre sa voix.
Ainsi les chants des oiseaux, tout comme les cris
des autres animaux, animent non-seulement la nature,
mais sont souvent des signes certains des événements
et des circonstances qui vont suivre. Ils les annoncent
beaucoup mieux que nous ne pourrions le faire avec
toute notre intellisence, aidée par les instruments,
fruits de son invention, qui nous ont mis en commu-
nication avec les objets extérieurs.
V. De l'influence de la température et de la nourriture sur les
passages des oiseaux.
La température n’est donc pas sans quelque in-
fluence sur les passages des oiseaux. En effet, nous
voyons avancer vers nous les ramiers, les linottes, les
pinsons, les draines, les grives et les chardonnerets, à
mesure que l'hiver les poursuit ailleurs. Quelques-uns
vont à peu prés seuls, ou voyagent en petites troupes,
mendiant, pour ainsi dire, leur nourriture sur leur
passage. D’autres, tels que les ramiers, s’élancent en
grandes masses dans les vastes plaines de l’air, pleins de
confiance dans la puissance de leur vol; ils s'arrêtent
peu dans le trajet qu’ils ont à parcourir. Plusieurs
espèces de bruants, plus timides, n’abandonnent qu’à
— 126 —
regret les lieux de leur naissance. Elles ne les quit-
tent que lorsqu'elles y sont forcées par les rigueurs
de l’hiver : aussi ces oiseaux nous arrivent générale-
ment fort tard.
Lorsque la bise souffle, que l’atmosphère est som-
bre et grisâtre, on voit passer dans les nuages épais
des détachements de grues, de foulques, de van-
neaux, de pluviers, d’oies, de canards. Enfin de nom-
breuses légions d'oiseaux aquatiques, qui abandonnent
les régions glacées des pôles, viennent s’abattre dans
les prairies inondées ou les marais remplis de joncs
des contrées méridionales.
Mais lorsqu’aux approches du printemps les cam-
pagnes reprennent leur verdure, les guépiers, les
loriots, les coucous et les mauvis (éurdus iliacus) ve-
paraissent et se répandent dans les champs. et dans
les forêts du Midi. Les oiseaux palmipèdes, ainsi que
toutes les espèces des rivages, retournent dans. leur
humide et froide patrie, dont les, glaces les avaient
chassés. Les. oiseaux insectivores et granivores re-
viennent, au contraire, dans le Midi avec la belle
saison, qui les rappelle dans leur pays natal. La faim
les a fait fuir, l’amour nous les ramène. L’hirondelle
reconnait le nid qu’elle plaçca sous les fenêtres de
nos habitations. La cigogne retourne sur celui de
l’antique tour où elle éleva sa famille. Le loriot re-
trouve le sien dans la forêt. Le rouge-vorge revoit
— 127 —
avec plaisir le tronc mousseux de son vieux chêne, et
le traquet son buisson. Ainsi les contrées du midi,
comme toutes celles où le printemps fait sentir sa
bienfaisante influence, sont saluées par des chants
d’allégresse et d'amour jusqu'à ce que l’hiver, entouré
de brumes épaisses et de froids rigoureux, vienne de
nouveau y faire peser son sceptre de glace et de mort.
Les voyages constants que les oiseaux exécutent à
des époques fixes n’ont rien de commun avec ceux
que certaines espèces entreprennent sans aucun but
apparent, pouvant supporter toutes sortes de varia-
tions dans la température et vivre en quelque sorte
dans tous les climats. Ceux-ci paraissent voyager
presque sans but. Ils ne suivent aucune direction fixe,
et ne s'arrêtent que pour prendre un repos indispen-
sable. Leurs apparitions, tout à fait accidentelles, jet-
tent ensuite une grande confusion dans la distribu-
tion des espèces, lorsque ces oiseaux s'arrêtent et fi-
nissent par se fixer dans les lieux nouveaux où le
hasard les a conduits. Dans ces migrations accidentelles
et isolées, les deux sexes voyagent constamment en-
semble. Le nombre de ces individus qui parcourent
des pays divers, sans projet comme sans dessein dé-
terminé est du reste peu considérable. On admire
pourtant dans ces migrations partielles l’ordre qui y ré-
gne. On n'est pas moins surpris de cet instinct admira-
ble qui porte ces oiseaux à s'appeler mutuellement, afin
— 128 —
de se rassembler vers un point fixe et de se trouver
réunis douze ou quinze Jours avant celui du départ.
Ce jour est ordinairement l’indicedu mauvais temps
qui va suivre. En effet, les oiseaux prévoient mieux
que les autres animaux les changements qui vont s’o-
pérer dans la température ; aussi, après l’arrivée de
certaines espèces, disparaissent les beaux jours et la
douceur du climat. Les faits qu'ils nous présentent,
nous les retrouvons ésalement chez la plupart des es-
pèces dont les voyages ont constamment lieu à l’épo-
que du changement des saisons.
Qui ignore que la venue des oies, des canards, des
grues, des cicognes et même des corneilles, est un
signe certain des mauvais Jours qui vont succéder à
leur apparition. L'oiseau des tempêtes n'est-il pas
également pour les navigateurs un indice assuré des
orages qui vont survenir ? Sa présence, ainsi que l’ob-
serve avec raison Buffon, est à la fois un signe d’a-
larme et de salut. Par suite des sages desseins de la
nature, cet oiseau, si utile à l’homme, est sénéralement
répandu dans toutes les mers, comme pour mieux
prévenir les marins contre les dangers qui les me-
nacent (1).
(1) On pourrait encore citer parmi les oiseaux qui présagent les tempêtes
la mouette à pieds bleus, le stercoraire cataracte et bien d’autres espèces.
— 129 —
On se demande si cette prévoyance est pour les
oiseaux un effet de teur instinct ou un résultat de
leur organisation. Celle-ci détermine les impressions
qui produisent et développent les conséquences de
l'instinct; dès lors, c’est dans l’organisation même
qu'il faut chercher les conditions de cette prévision.
Nous avons déjà fait observer que les oiseaux étaient
les animaux dont la température est la plus élevée ;
ils doivent donc être plus sensiblement affectés par
les changements qui peuvent s’opérer dans les cir-
constances extérieures. Sans doute ces animaux sont
entourés de plumes et de duvets, corps aussi mauvais
conducteurs de la chaleur que l’air qui en remplit les
cavités; par cela même, ils se trouvent dans des con-
ditions qui affaiblissent l’impression des milieux sous
l'influence desquels ils vivent. D'un autre côté, les
oiseaux, comme les vertébrés les plus élevés dans la sé-
rie animale, ne sont jamais en équilibre sous le rap-
port de leur température avec l'air ambiant ; aussi,
plus ils en recoivent dans leurs poumons , dans leurs
os, dans leurs plumes, enfin dans toutes les parties
de leur corps, et plus ils doivent en être affectés. Ils
le sont surtout lorsque ce fluide se trouve très au-
dessous de leur propre chaleur, comme cela arrive
lors des diverses variations atmosphériques.
Les outardes barbues (otis tarda) n'arrivent dans
les contrées méridionales de la France que lorsque
9
— 150 —
l'hiver est risoureux. Si la température se maintient à
des degrés assez élevés pendant cette saison, ces es-
pèces n’en approchent pas. Leur venue est tellement
liée à la température, qu’elle se montre constamment
en harmonie avec là marche de la chaleur. Aussi la
présence de ces espèces dans le Midi est un indice cer-
tain de la rigueur de l’hiver qui va suivre.
C’est sur des faits du même genre qu’est fondée
l'opinion généralement accréditée parmi les cultiva-
teurs, que l’arrivée de certaines espèces dans des
pays plus méridionaux que ceux où elles ont coutume
d'aller passer l'hiver, est presqu’un signe certain que
la saison qui suivra leur venue sera froide. M. Brehm,
qui a publié sur les migrations les observations les
plus intéressantes, regarde cette opinion comme fon-
dée. D’après lui, ce pronostic tromperait peu; il est
principalement donné par des oiseaux dont les migra-
tions ont lieu en août et en septembre ; du moins en
Angleterre: Parmi ces oiseaux, on peut comprendre
les fauvettes des roseaux, les tarins, les bouvreuils
et les aecenteurs.
Il en est également de ceux qui, comme les cygnes
et les harles, arrivent dans le Midi en grand nombre
vers la fin de novembre. On serait tenté de croire,
d’aprés ces faits et d’après quelques autres que nous
énumérerons plus tard, que les oiseaux se trouvent,
au moment de leurs migrations, dans un état tout
— 1351 —
particulier. Cet état leur permettrait de supporter
tous lés genres de privations, comme de prévoir cer-
tains changements atmosphériques, dont ils pour-
räient être afféctés, s’ils ne se placaient pas hors de
leurs atteintes. |
Ainsi la plupart dés oiseaux exécutent pendant le
jour les voyages qui leur sont commandés par un
besoin impérieux et irrésistible; d’autres, au con-
traire, comme les ortolans, les tourdes, les grives,
le rossignol, les fauvettes, les cailles, enfin tous les
véritables chanteurs, ne voyagent jamais que la
nuit. Il paraît en être de même des foulques et de
quelques espèces d’oies et de canards. Ces oiseaux,
pendant toute la durée du voyage, restent constam-
ment éveillés le jour. Or, s’ils peuvent ainsi passer le
temps entier des migrations sans dormir, c’est qu’ils
sont pour lors dans un état d’exaltation et dans une
sorte de crise bien différents de leur état naturel.
Cette supposition semble confirmée par l’insomnie
que ne présentent pas seulement ceux qui sont en li-
berté, mais même les espèces qu'on tient enfermées.
On les voit dans leurs cages pendant le jour, dans une
agitation continuelle, s'occuper à chercher leur nour-
riture, et cependant être alertes et en mouvement
toute la nuit. Ces oiseaux ne paraissent pas pouvoir
dormir tant que dure l’époque de leurs migrations.
ES ne reprennent du moins leur tranquillité que
lorsque cette époque est passée. On les entend pour
lors chanter toute la nuit, même lorsque l’appar-
tement où on les tient enfermés n’est pas ou est
très-peu éclairé. Cependant lorsqu'il fait clair de
lune ils semblent plus inquiets que lorsque la nuit
est obscure. Aussi, généralement les oiseaux libres
et indépendants voyagent de préférence pendant les
nuits claires.
Ces observations nous font comprendre que les
migrations des oiseaux, comme tous les actes produits
par l'instinct des animaux, sont principalement sous
la dépendance de l’organisation propre à chacun
d’eux. Elles annoncent encore qu'il existe un rapport
constant entre les lois établies pour un but déterminé
et les circonstances de l’organisme des animaux.
Le phénomène des migrations, dont il est si difhcile
d'apprécier les causes, a aussi son but d’utilité comme
tous les phénomènes de la nature. Leurs résultats
répartissent les oiseaux, comme les animaux qui
s’y livrent, sur la totalité de la surface du globe, de
manière que les lieux où ils peuvent se procurer une
nourriture suflisante, en sont abondamment pourvus.
En effet, toutes les contrées où les oiseaux espèrent trou-
ver de quoi alimenter leurs forces épuisées sont visitées
par eux soit en hiver, soit au printemps, soit enfin en
été ou en automne; on y en voit un nombre plus ou
moins considérable, toujours en rapport avec l’abon-
dance de la nourriture, la douceur du climat et
l'humidité qui leur est nécessaire.
Rien donc ne peut retenir les espèces émigrantes
dans les lieux qui les ont vues naître. Lorsqu'on veut
les y contraindre, elles périssent et succombent dans
un état de maigreur particulier. Témoins, ces coucous
auxquels on distribue pendant l'hiver une nourriture
abondante et une température analogue à celle du
commencement de l’automne. Malgré les soins les
plus constants, on ne peut les conserver au delà du
mois de décembre et de janvier. Tous périssent dans
un état de langueur particulier, produit par l’impuis-
sance où ils ont été de satisfaire à un des besoins les
plus pressants de leurs conditions d'existence.
Une sorte de pressentiment des nouvelles circons-
tances atmosphériques dans lesquelles ils vont se trou-
ver porte les oiseaux à se livrer à des voyages loin-
tains. Leurs migrations ou leurs apparitions subites
dans une contrée qu'ils n'avaient pas l’habitude de
fréquenter donnent des indices certains sur la ri-
gueur de la saison qui doit suivre. Ainsi, lorsque dans
l’automne de 1822, M. Brehm, que nous avons déjà
eu l’occasion de citer, vit tous les canards quitter
le lac de Friessnitz, et, que d’un autre côté, il apprit
l’arrivée des pingouins sur les côtes de l'Allemagne, il
s’attendit à un hiver rigoureux. L'événement répon-
dit à ses prévisions.
— 134 —
On peut même ajouter que par suite de ces prévi-
sions, sur lesquelles il est si difficile de se former
des idées justes, les oiseaux voyageurs présagent jus-
qu’à un certain point les grandes épidémies et même,
au dire de certains observateurs , les perturbations
des phénomènes atmosphériques et de certains faits
physiques. On assure qu’il en a été ainsi ayant les
désastres arrivés à la Pointre-à-Pitre (Guadeloupe).
Enfin, lorsque dans les climats méridionaux on
conserve à la fin de l’automne un grand nombre
de pinsons, de linottes, de verdiers, en un mot tous
les oiseaux qui peuvent se dispenser d’émigrer sans
péril, on est presque sûr que le froid ne sera pas
orand ni longtemps prolongé. Cette sorte de pré-
vision peut paraître avoir quelque chose de mer-
veilleux ; mais elle n’en est pas moins réelle. Elle se
manifeste aussi bien chez les jeunes que chez les vieux
oiseaux, quoique les uns et les autres ne suivent pas
toujours les mêmes routes, et n’arrivent pas constam-
ment dans les mêmes contrées.
Ces actes tiennent tellement à la conservation des
espèces, que la nature les a toutes douées d’un instinct
suffisant pour les opérer, lorsqu'il est nécessaire. Il
existe donc un rapport réel et évident entre les lois
générales de la nature et les actes instinctifs des ani-
maux. Ces relations n’ont d’autre but que d'assurer
la perpétuité et la durée des espèces. En produisant
— 155 —
les actes qui en sont la manifestation, l'oiseau ne les
exécute point par suite d’une intelligence qui lui en
ferait sentir la nécessité. Il obéit pour lors à un
instinct aveugle qui le presse et le pousse. Quant à
l'intelligence qui préside à tous les mouvements
qu'elle produit et qu’elle détermine, elle est en en-
tier hors de ses actes, toujours les mêmes et qui ne
sont susceptibles d'aucun genre de progrès.
Diverses espèces d’oiseaux se déplacent donc à des
époques fixes et toujours déterminées pour chaque
espèce. Ces animaux y sont bien plus contraints par
un instinct irrésistible que par l'effet des circons-
tances extérieures, sous l'influence desquelles ils
vivent. L'action de ces circonstances exerce toute
sa puissance sur les oiseaux erratiques, dont les
passages sont aussi irréguliers et aussi inconstants
que les causes qui les déterminent. Quant aux ra-
ces cosmopolites , dans un mouvement continuel,
l'agitation est leur habitude, peut - être parce
qu’elles vivent sur un élément où elles ne sau-
raient trouver le repos, que n’exige pas du reste leur
organisation. Elles volent constamment à la surface
des eaux des mers, dont elles parcourent la vaste
étendue. La plupart d’entre elles ne nagent cepen-
dant presque jamais. Cette particularité prouve la
grande puissance du vol de ces oiseaux , dont rien
n'égale l’agilité ; aussi les voit - on parcourir les
— 136 —
espaces les plus considérables sans efforts comme
sans fatigue.
De pareilles habitudes sont assez rares parmi les
oiseaux ; ceux-ci nous fournissent peu d'exemples ainsi
que les poissons, dont les mouvements sont non moins
agiles et non moins soutenus. Il en est différemment
des espèces sédentaires, qui ne quittent jamais les lieux
qui les ont vues naître. Le nouveau monde nous en pré-
sente un plus grand nombre que l’ancien continent.
La cause de cette différence tient peut-être au genre
de nourriture des oiseaux d'Amérique. Leurs ali-
ments les tiennent comme emprisonnés auprès des
lieux de leur naissance. Il est possible encore que la
température ne soit pas sans quelque influence sur
les mœurs paisibles et tranquilles de ces races sta-
tionnaires.
L'homme dérange parfois cet ordre; c’est lui qui
a transporté dans les forêts de l'Amérique les gros becs
d'Afrique. Iles aamen ‘3 dans le nouveau monde avec
d’autres espèces, par suite des relations commerciales
qu'il a établies entre ces deux contrées. Les gros becs
ont trouvé dans les forêts du nouveau continent
toutes les conditions favorables à leur existence ; aussi
ils y ont tellement prospéré, que bientôt ils y seront
aussi nombreux que les espèces indigènes. Cette in-
fluence de l’homme qui s'exerce déjà depuis bien des
siècles empêche de démêler dans une foule de cir-
s
— 1357 —
constances la véritable distribution primitive des
animaux.
Les causes d’un pareil transport sont si rappro-
chées de nous, qu’il n’est point difficile d'en recon-
naître les effets et de les distinguer de ceux dus aux
déplacements naturels par suite des migrations. Mais
lorsqu'elles remontent à des temps éloignés, il est dif-
ficile de les bien apprécier, et de les discerner des
changements opérés par suite des passages des oiseaux.
L'influence de l’homme s’est fait ressentir, non-
seulement sur les oiseaux émigrants et erratiques,
mais elle s’est encore exercée sur les espèces séden-
taires. À son action est due la disparition du moi-
neau franc ( fringilla domestica) des iles Britanni-
ques. Si ce moineau avait eu des mœurs différentes,
c'est-à-dire avait voyagé soit à des époques fixes et
périodiques, soit à des époques irrégulières , toute la
puissance anglaise aurait été sans effet pour détruire
le moineau dans ses possessions. Cet oiseau, s’il avait
été doué d’une plus grande puissance de vol, s’y
serait constamment perpétué par suite de ses voya-
ges, auxquels aucun pouvoir humain n'aurait pu
mettre obstacle.
Les Anglais ont donc profité des mœurs du moi-
neau franc, pour se délivrer d’un parasite fort in-
commode , et d'autant plus à redouter pour nos ré-
coltes, qu'il se nourrit uniquement de graines ou de
ARE
fruits, et détruit peu d'insectes. Sous ce rapport les
espèces insectivores ont leur utilité, puisqu'elles
dévorent ces derniers animaux, les fléaux des champs,
et sous ce rapport l’homme leur doit en quelque
sorte protection.
On conçoit aisément que les mauvais voiliers doi-
vent être les oiseaux les plus sédentaires; peut-être
aussi pour cette raison les gallinacés se livrent peu à
de grandes migrations. Aussi cet ordre est-il plus
nombreux dans l’ancien continent que dans le nou-
veau, et surtout que dans la Nouvelle-Hollande, où
il en existe à peine. Si au contraire ces oiseaux s'étaient
livrés, comme tant d’autres, à des voyages lointains,
ils se seraient répandus dans diverses parties du globe,
autres que celles où ils ont fixé leur séjour. Mais
puisqu'ils sont bornés au lieu de leur naissance , ils
annoncent par là qu'ils n’ont point changé de climat.
IL est cependant des gallinacés qui font encore
d’assez longues courses, et cela indépendamment de
la caille, des pigeons et des tourterelles, oiseaux fa-
meux par l’étendue de leurs excursions. On peut citer
particulièrement les dindons dont l’espèce domesti-
que se trouve à l’état sauvage dans diverses parties
de l’intérieur de l'Amérique septentrionale.
Ces dindons sauvages se nourrissent de baies et de
fruits ; lorsqu'ils ont épuisé ceux d’une contrée, ils se
rendent dans une autre, afin d’y trouver ce qui leur
— 139 —
manquait. Ainsi, vers le commencement d'octobre,
lorsque les graines et les fruits ont disparu , on les
voit s’assembler en troupes plus ou moins nombreu-
ses, vers les plaines fertiles de l'Ohio et du Missis-
sipi et y chercher leur nourriture. Les femelles, sui-
vies de leurs petits, se tiennent constamment séparées
des males, qu'elles redoutent. Les uns et les autres
voyagent constamment à pied, et suivent la même di-
rection.
Lorsque cette armée de dindons rencontre une ri-
vière sur son passage, elle est forcée de suspendre sa
marche et de s'arrêter. Etonnés par cet obstacle, on voit
pour lors les dindons se porter sur les plus grandes hau-
-teurs qui en couronnent les bords et y rester plusieurs
jours, comme en délibération. Ils se décident enfin à
monter sur le sommet des arbres Les plus rapprochés de
la rivière. À un signal donné par le chef de la troupe,
tous prennent leur vol vers la rive opposée, où les
ieux arrivent facilement, même lorsqu'elle a un
mille de large. Quant aux jeunes, ils tombent souvent
dans l’eau, et sont pour lors forcés d’achever leur tra-
versée à la nage.
Parvenus ainsi dans un canton où les fruits abon-
dent, ils se divisent par troupes, sans distinction
d'age ni de sexe, et dévorent tout ce qu’ils rencon-
trent. Ils passent ainsi une partie de l’automne et de
l'hiver ; vers le milieu de février, les femelles, bientôt
— 140 —
suivies des mâles, vont s'occuper de la ponte. Elles
construisent un nid à terre avec des feuilles sèches,
et y pondent de dix à quinze œufs. Elles se réunissent
quelquefois plusieurs pour déposer leurs œufs dans
un même nid et élever leurs petits en cemmun. L’une
des mères, toujours vigilante, veille constamment sur
ces nids. Elle en défend l’approche aux autres oi-
seaux et aux mammifères qui voudraient en dévorer
les œufs.
On concoit comment avec de pareïlles habitudes,
les dindons sauvages n’ont jamais quitté le sol de
l’Amérique, où ils ont pris naissance. Ils se bornent
à faire, dans cette contrée, des voyages d’un canton à
l’autre, selon l'espoir qu'ils ont de trouver ailleurs:
ce qu'ils n’ont plus dans les lieux qu'ils habitaient
primitivement.
Mais pourquoi en est-il de même des jacanas, des
toucans, des guit-guit et des colibris , dont le vol est
aussi élégant que léger ? Si ceux-ci ne se dépaysent
pas plus que les dindons, et si comme eux ils n’ont
point d'autre patrie que le nouveau monde, n'est-ce
point parce que ces différentes espèces y rencontrent
constamment ce qui est nécessaire à leur existence ?
N'est-ce pas également par des causes du même genre
que les promerops, les tangaras et les tamatias n'ont
jamais abandonné les forêts du nouveau continent et
que chaque espèce de perroquet est restée sédentaire
— 141 —
dans les lieux qui l’ont vue naître ? Aussi il n’y a pas
d'espèces de ce genre qui soient communes à l’Amé-
rique et à la Nouvelle-Hollande; cependant ces deux
continents sont à peu près la patrie exclusive des
perroquets (1).
(1) L'influence de la température se fait ressentir non-seulement sur
les mœurs des oiseaux, puisqu'elle en retient un certain nombre dans les
lieux de leur naissance, mais elle exerce une influence non moins sensible
sur la beauté de leur plumage.
On sait que les plus beaux oiseaux comme les insectes revêtus des plus
magnifiques couleurs appartiennent aux contrées les plus chaudes de la
terre. Parmi les plus belles espèces de cet ordre d’animaux on doit surtout
citer le tangara de Vassor (tangara Vassorii) d’un beau bleu d’azur émaillé.
Cet oiseau est Ge Santa-Fé de Bogota en Colombie. Si ces faits prouvent
quelle est l'influence de la température sur les oiseaux, d’autres prouvent
combien est grande celle de la nourriture.
Jusqu'à présent on n’avait pas pu parvenir à reproduire en Europe le
cardinal huppé de Virginie (loxia cardinalis Linn.). On était seulement
parvenu à opérer la reproduction du cardinal dominicain ({oxia domini-
cana Linn.); mais toutes les tentatives avaient été sans succès pour la pre-
mière espèce de gros bec. En fournissant à ces oiseaux la nourriture qui
leur convenait, ils ont fait en France des couvées comme en Amérique. Les
pelits qu’elles ont produits ont très-bien réussi par suite des soins que leur
a prodigués M. Grégory (Comptes rendus de l'Académie des sciences de
Paris, tom. xv, n° 4, 4 juillet 4842, pag. 58).
Il serait curieux de s’assurer si l’on ne pourrait pas en faire de même des
colibris ; ces oiseaux restent constamment confinés dans les lieux de leur
naissance, par suite peut-être de la difficulté qu'ils éprouveraient de ren-
contrer ailleurs une nourriture convenable. On ne voit pas pourquoi, si
elle leur était donnée en Europe comme en Amérique, ces oiseaux ne pour-
— 142 —
Du moins les contrées brülantes et stériles de l’A-
frique n’ont jamais été fréquentées que par le perro-
quet cendré (psittacus erythacus). Le sol de l'Europe
n’a jamais vu non plus aucune espèce de ce genre
animer ses campagnes. D'un autre côté, les touracous;,
les courols, les barbicans, n’ont pas plus abandonné
le sol de l'Afrique que d’autres espèces celui de l’A-
sie: Quelques circonstances particulières que l’on re-
marque chez des oiseaux bien connus et dont on peut
facilement observer les passages, semblent propres à
nous en faire apprécier les motifs.
Les cailles, dont nous avons déjà parlé, ont leurs
migrations tellement régulières, qu'on les voit arriver
constamment dans le midi de la France vers le com-
mencement d'avril, et en repartir vers la fin d'août
ou dans le courant du mois de septembre. Ces
cailles quittent quelquefois les contrées méridionales
lorsque la sécheresse y est trop grande, dans l’espoir
de trouver ailleurs ce qui leur manque parmi nous.
D'un autre côté, les foulques (fulica atra Linn.), qui
ordinairement paraissent sur les côtes du midi de la
France depuis le mois d'octobre jusqu’au mois d’a-
raient pas se reproduire dans les régions tempérées. Ce genre de recherches
est trop intéressant pour ne pas être tenté par quelque observateur habile,
qui pourra se procurer facilement des colibris vivants.
— 1435 —
vril, ne s’y sont point arrêtées dans l’année 1837. La
cause de la retraite de ces oiseaux des lieux où ils
sont ordinairement si abondants a paru tenir à l’ex-
trême sécheresse de cette année. Cette sécherëesse fut
si grande, que les étangs salés ne recevant presque
plus d’eau douce, les herbes n’y poussérent pas comme
à l'ordinaire.
On se demandera peut-être comment les oiseaux
peuvent prévoir de pareilles circonstances ? On juge
facilement pourquoi ils quittent des contrées où ils ne
trouvent pas toutes les conditions qui leur convien-
nent; comme le font les caïlles ; soit celles qui, pous-
sées par des vents violents, arrivent sur nos côtes vers
la fin de mars, soit les vieilles qui ne s’y rendent
que plus tard: Mais ce dont il est diflicile de se rendre
raison, c'est comment des oiseaux peuvent savoir d’a-
vance qu'ils ne trouveront pas ce qui leur est néces-
saire dans les contrées où ils ont l'habitude de se
rendre à des époques fixes.
Certains faits permettent cependant d’entrevoir
que cette prévoyance n’a rien d’extraordinaire, quoi-
que les foulques dont nous nous occupons ici d’une
manière particulière, arrivent constammenñt de nuit
sur les étangs salés. Le lendemain de leur arrivée,
ces oiseaux , après avoir reconnü les lieux où ils
avaient l’habitude de séjourner; et n°y trouvant pas
de quoi satisfaire leurs besoins ; les abandonnent
— A4 —
avec leurs compagnons, pour n’y revenir que l’année
suivante. |
Un exemple rendra ceci encore plus sensible, d’au-
tant qu'il est facile de le vérifier. Pour prendre
une grande quantité de moineaux, espèce compléte-
ment sédentaire dans les contrées méridionales de la
France, un assez grand nombre de chasseurs sè-
ment leurs champs en millet, graine dont ces oiseaux
sont fort friands. Lorsque la graine est müre, on les
voit arriver de toutes parts, empressés qu’ils sont de
s’en repaitre. Leur nombre est pour lors tellement
considérable, qu'on se demande comment ceux qui
étaient les plus éloignés de ces champs ont pu savoir
qu'ils y trouveraient de quoi satisfaire leurs gouts.
ils ne le peuvent, ce semble, que parce qu'ils ont
quelques moyens de s'appeler mutuellement et de
signaler à leurs compagnons une circonstance que
tous recherchent avec ardeur.
Aussi lorsque des oiseaux tels que les espèces er-
ratiques ne se déplacent que pour trouver ailleurs
la nourriture qui leur convient , ils ne s’arrêtent
pas dans les lieux où ils ont l'habitude de rési-
der, lorsqu'ils ne présument pas l’y rencontrer. Ce
‘que nous disons de la nourriture a lieu également
pour l’eau, comme pour toute autre circonstance du
même genre. Cette prévoyance est une suite du même
tact qui leur permet de prévoir d’avance les chan-
— 145 —
gements qui vont avoir lieu dans la température.
Du reste, les oiseaux erratiques, aussi bien que les
races émigrantes, suivent des directions bien détermi-
nées et différentes dans les excursions auxquelles ils se
livrent. Ainsi dans les climats méridionaux, les espèces
émigrantes aquatiques y arrivent presque constam-
ment du Nord, tandis que les cailles viennent au
contraire du Sud. Ce fait est, du reste, une excep-
tion assez remarquable, relativement aux races ter-
restres. Du moins le passage des ortolans et des es-
pèces analogues, qui commence vers le 45 du mois
d'avril et dure jusqu'au 8 ou 10 de mai d’une ma-
nière régulière , semble avoir lieu de l’ouest à l’est;
mais lorsque ces légers habitants des airs quittent Îles
contrées méridionales de la France, 1ls suivent une
direction tout à fait opposée.
Quand les ortolans, les hirondelles et les martinets
abandonnent ces contrées la nuit et pendant la lune
d'août, ils se dirigent de l’est à l’ouest, dans des
climats où ils comptent rencontrer une température
supérieure à celle des lieux qu'ils ont abandonnés.
D'un autre côté, ces oiseaux, ainsi que les pipits, les
tourterelles et les engoulevents, comme la plupart
des oiseaux terrestres, arrivent toujours du sud,
même dans les climats méridionaux. Mais tandis que
les martinets et les hirondelles se dirigent cons-
tamment de l’est à l’ouest, lorsqu'ils abandonnent
10
— 146 —
les régions méridionales, les autres partent du sud
et gagnent toujours le nord.
Les migrations des oiseaux semblent donc com-
mandées par leurs penchants naturels et irrésistibles ;
elles n’ont du moins rien de commun avec les passa-
ges accidentels des espèces erratiques qui sont néces-
sités ou par le manque d’eau et de nourriture, ou le
besoin d’une température plus douce. Il est tout na-
turel que la plupart des oiseaux insectivores changent
souvent de pays pour se procurer plus facilement des
moyens de subsistance. Les voyages, commandés par
ces circonstances, ont souvent lieu à des époques assez
fixes, parce qu'elles sont ramenées par les mêmes
causes qui ont elles-mêmes quelque chose de cons-
tant. On doit donc considérer dans ces passages
d’une part, l’époque de l’arrivée, et de l’autre celle
du départ, et porter en même temps son attention
sur les diverses directions que suivent les différen-
tes espèces, soit lorsqu'elles arrivent, soit lorsqu'elles
quittent les lieux où elles avaient momentanément
fixé leur séjour. Nous allons maintenant étudier ces
directions, afin de reconnaitre si elles ont quelque
chose de constant, et quelle est celle que suivent les
oiseaux dont nous connaissons bien les passages.
Auparavant d'entrer dans cet examen, citons un
fait qui prouve que le déplacement de certains oiseaux
n’a rien de commun avec leurs migrations ; ces dé-
— 147 —
placements accidentels sont presque toujours déter-
minés par le besoin ou ils sont d'aller chercher ailleurs
la nourriture qui leur manque dans leurs parages ha-
bituels, Nous en trouvons du moins des exemples
dans les habitudes des perroquets du nouveau monde.
Ces oiseaux y ont en quelque sorte fixé leur séjour.
Malgré notre influence, nous avons pu à peine les faire
nicher dans les contrées tempérées, même en les main-
tenant sous l'influence d’une température élevée, et
leur distribuant la nourriture qui leur convient. On
rapporte bien quelques exemples de ces nichées;
Sonini les mentionne, mais ils sont si rares, qu’on ne
peut les considérer que comme de bien faibles excep-
tions aux habitudes de ces oiseaux.
Tous les matins, du moins dans la Guyane fran-
çaise, les perroquets quittent leur gite ordinaire, vont
en troupes nombreuses et presque en ligne droite
dans les lieux où ils espèrent rencontrer des fruits.
Là, tout occupés du soin de leur nourriture, ils y pas-
sent la journée entière. Lorsque le soir arrive, ils
volent par paires, se tenant très-rapprochés les uns
des autres. Ils retournent ainsi à leur habitation or-
dinaire qu'ils quittent le lendemain pour le même
but, et vers laquelle ils retournent ensuite de nou-
veau. Ces voyages si courts peuvent nous donner
une idée de ceux plus étendus qu'entreprennent
pour le même motif tant d'oiseaux insectivores et
— 148 —
granivores, quoique parmi ces ordres il y ait quelques
espèces qui soient à peu près sédentaires, du moins
dans les régions tempérées.
Il est certains déplacements ou certains passages
qui paraissent uniquement déterminés par le besoin
d’unenourriture appropriée aux conditions d’existence
des espèces voyageuses. Tels sont ceux auxquels se li-
vrent les oïes et certains canards sauvages, Aussi, au
mois d'août 1778, le capitaine Cook, naviguant vers le
détroit de Bhéring, et ayant relevé toute la partie de
la côte de Tchouktchen, les masses de glace lui ayant
permis d'approcher très-près de cette côte, crut à
l'existence d’un grand continent arctique.
Il allécua en faveur de cette opinion, d’accord avec
la croyance populaire , le grand nombre d’oies et de
canards sauvages qui viennent dans ces parages tous
les ans, à l’époque du mois d’aout. Cette dernière
circonstance ne peut pas cependant être invoquée
comme la preuve d’un grand continent arctique.
Les oies sauvages vivent principalement de poissons.
Lorsque les rivières fermées par les glaces ne leur
en fournissent plus, ces oiseaux sont obligés, pour
en rencontrer, de se diriger vers la mer ouverte, qui
se trouve plus au nord. On sait aujourd’hui que lors-
que le thermomètre centigrade descend à 19 degrés
au-dessous de zéro , l’océan Arctique demeure libre
de glace. À mesure que les glacons déjà formés se
— 149 —
brisent , les oiseaux sont forcés de se rapprocher de
la terre, où ils arrivent d'ordinaire, un peu avant l’é-
poque de la mue, et d’où ils retournent vers le midi,
aussitôt que l’hiver recommence.
Ces excursions , qui ne font parcourir aux oi-
seaux que des espaces assez bornés , n’ont rien de
commun avec les migrations. Celles-ci ont lieu en
effet à des époques fixes et déterminées; elles portent
les oiseaux à parcourir des contrées différentes et
souvent très-éloisnées de celles où ils ont fixé leur
séjour. Mais les espèces dont l'apparition est aussi
subite qu'extraordinaire dans des pays où elles n’ont
pas l'habitude de se transporter, ne s’y voient jamais
en troupes nombreuses, comme les véritables races
émigrantes, et même comme les erratiques. Cet isole-
ment annonce que leur apparition hors de leurs li-
mites habituelles est un cas tout à fait exceptionnel,
comme l'effet d’une tempête ou de violents coups de
vent. Leur présence dans des lieux inaccontumés à
ces espèces n'a rien de commun avec les migrations
ou les passages déterminés pour chaque oiseau , que
l'on voit toujours s’effectuer par un concert unanime
d’un grand nombre d'individus.
Les directions que les oiseaux suivent dans leurs
voyages semblent avoir souvent quelque régularité.
Du moins les espèces, soit les émigrantes , soit les
erratiques , qui vivent sur les terres sèches et dé-
— 150 —
couvertes, paraissent aller directement du nord au
sud. Les oiseaux aquatiques ; ainsi que ceux qui vi-
vent au bord des eaux, tels que les palmipédes et les
échassiers, voyagent au contraire dans la direction
du nord-ouest au sud-est.
Les premiers, à l’exception d’un petit nombre,
se rendent en Afrique, et traversent la Méditerra-
née, après avoir quitté les contrées tempérées. Aussi
les voyageurs qui parcourent le nord de l’Afrique
ont constamment sous les yeux des preuves maté-
rielles de ces migrations périodiques, qui portent les
espèces d'Europe en Afrique. Les oiseaux de l’Es-
pagne, de la Sardaigne, de la Sicile et du Levant,
viennent au contraire accidentellement où périodi-
quement du nord de l’Afrique; ils ne dépassent point
en Europe les chaines de la Sienna et les Apennins.
L'existence simultanée d’un assez grand nombre
d'oiseaux dans le Nord, sous l’équateur et les zones
tropicales, est encore un fait non moins singulier et
plus difficile à expliquer. Ce fait est d’autant plus
extraordinaire, que ces mêmes espèces qui se mul-
tiplient pour la plupart dans ces diverses régions,
ont leurs migrations limitées et leur apparition pério=
dique. Ces oiseaux, qui se rapportent principalement
aux fissipèdes, aux pinnatipèdes et aux palmipèdes,
ne diffèrent les uns des autres par aucun caractère
essentiel, malgré l’immense distance qui les sépare. On
— 151 —
aperçoit seulement quelque diversité dans les nuances
du plumage, quoiqu'il éprouve sous ces diverses tem-
pératures les mêmes mues périodiques que celles que
ces oiseaux subissent dans les régions tempérées.
Il est, par exemple, un oiseau rapace qui se trouve
dans presque toutes les contrées, et qui, malgré l’éloi-
onement qui sépare les lieux qu’il parcourt de ceux
qu'il habite plus ou moins constamment, offre toujours
une grande uniformité dans son plumage. Cette cir-
constance est réellement remarquable; elle prouve que
certaines espèces résistent à toutes les impressions
des agents extérieurs, et ne paraissent du moins en
éprouver aucune sorte d'influence, et par suite aucun
genre de variation. Telle est la chouette effraye (strix
Jlaminea) que nous avons déjà citée.
Des comparaisons faites avec soin des mêmes es-
pèces d’échassiers, qui habitent les diverses contrées
de l'Europe, le midi de l'Afrique, les îles de la
Sonde, la Nouvelle-Guinée et le Japon, ont prouvé
qu'il n'existe pas de différence appréciable entre les
individus qui se trouvent à d'aussi grandes distances.
D'un autre côté, les mêmes races de cet ordre d’oi-
seaux peut-être en plus petit nombre que les pre-
mières, se rencontrent également du nord au midi,
aussi bien dans l’ancien que dans le nouveau monde.
Ces échassiers semblent en quelque sorte les cosmo-
polites de cette classe. Ils le sont bien plus que les
palmipèdes répartis d’une manière beaucoup plus
analogue sous le rapport du climat et de la tempé-
rature, quoique leur répartition soit encore très-
disparate, relativement aux distances des lieux où on
les rencontre habituellement.
En comparant ensemble un grand nombre d’oi-
seaux d'Europe, d'Amérique et du Japon, on est
frappé de leur ressemblance sous le rapport des for-
mes, de la taille, des teintes, des distributions du
plumage, et même d’après M. Temminck, auquel
nous empruntons ces faits, de la couleur de leurs
œufs (1).
Ces observations prouvent que le plus grand nom-
bre des oiseaux de passage des contrées tempérées de
l'Europe émigre pendant l'hiver, soit vers les côtes
méridionales de cette contrée, soit en Afrique. Les
espèces qui poussent leurs voyages jusqu’en Afrique
s’y répandent partout où elles trouvent à satisfaire aux
conditions de leur existence. Les échassiers et les pal-
mipèdes y fréquentent comme ailleurs les portions
inondées de l’intérieur des terres, ou celles qui se
trouvent aux bords des côtes. Quant aux tribus in-
nombrables des races insectivores et granivores, ils
pénètrent plus avant dans l’intérieur des terres, et
(1) Manuel d'ornithologie, seconde édition , troisième partie. Introduc—
lion, pag. zu.
MS —
vont chercher vers le sud la nourriture qui leur
manquait dans les lieux qu'ils ont abandonnés.
Un grand nombre d'oiseaux se dirigent également
des parties orientales de l’Europe dans les contrées les
plus reculées de l'Asie; ils arrivent ainsi jusqu'au
Japon, où l’on trouve une assez grande quantité des
espèces propres à la première région. Ges races, que
l’on découvre à la fois dans des lieux aussi éloignés, sont
probablement celles qui habitent les limites les plus
orientales de l’Europe. Dans leur humeur voyageuse,
elles parcourent l’Asie et pénètrent jusqu’au Japon.
IL est du moins certain que quelques échassiers, et
particulièrement les grues, dont les tribus se trou-
vent en grand nombre en Asie, se dirigent dans leurs
voyages de l’orient à l’occident. Du reste, un petit
nombre de leurs individus poussent leurs migrations
au delà des parties sud-est de l’Asie, à l'exception
pourtant de ceux qui fréquentent les rivages. On les
retrouve presque partout sur les plages maritimes de
l’ancien continent.
Cette similitude des mêmes espèces dans les di-
verses régions de l’Europe et de l’Asie n'est pas bor-
née, comme on pourrait le supposer d’après ce que
nous avons dit, aux passereaux, aux échassiers et aux
palmipèdes. Elle est commune également à certains
oiseaux de proie, et aux gallinacés ; seulement les uns
et les autres qui, dans leurs migrations, parcourent
— 154 —
l'Asie et même le Japon, sont en moindre nombre que
ceux qui se rapportent aux échassiers, aux palmipé-
des et aux passereaux. Parmi les genres qui offrent
le plus d’espèces communes à ces deux grandes ré-
gions, on peut citer au premier rang parmi les pal-
mipèdes le genre canard, comme les hérons et les
chevaliers parmi les échassiers. Enfin les gros becs
(fringilla) parmi les passereaux, offrent le plus grand
nombre de ces espèces communes à des contrées diffé-
rentes. Ce fait semble nous annoncer que cet ordre
d'oiseaux, qui manque d’une nourriture convenable
d’une manière assez régulière pendant certaines sai-
sons de l’année, doit par cela même avoir le plus de
représentants vivants simultanément en Europe et en
Asie. C’est aussi ce que l’observation confirme.
La caille, et peut-être la perdrix rouge, sont encore
des espèces que l’on ne retrouve pas sans surprise à
la fois en Europe, en Afrique, en Asie, au Japon et
jusqu’à la Nouvelle-Hollande. L’étendue et la lon-
gueur des migrations ne sont donc pas toujours en
rapport avec la force et la puissance du vol. On est
moins surpris de retrouver dans des contrées aussi
diverses le roitelet ordinaire, les traquets, les pipits,
et tant d’autres petits passereaux; ces oiseaux ont en
effet un corps extrêmement léger et un vol aussi agile
que soutenu.
On observe cependant un plus grand nombre d’es-
— 155 —
pèces sédentaires parmi les passereaux de l’ordre des
granivores et des insectivores que parmi les autres fa-
milles. Cette circonstance frappante, du moins parmi
les oiseaux des contrées méridionales de la France,
prouve d'une manière manifeste que la nourriture
n’est pas toujours la condition la plus déterminante
de leurs passages accidentels. On ne comprendrait
pas autrement pourquoi les oiseaux n’épuiseraient
pas dans nos contrées les graines et les vermis-
seaux, base de leur nourriture, comme ils le font
ailleurs. S'ils ne quittent pas nos cantons, c’est que
leur instinct ne les porte pas à les abandonner, et qu'ils
y trouvent constamment de quoi satisfaire à leurs con-
ditions d’existence. Quoique nous ayons cité des faits
qui anñoncent que certaines espèces délaissent par-
fois les lieux où elles s’étaient primitivement fixées
pour aller chercher ailleurs les fruits et les vers
qu'elles n’y rencontraient plus, il n’est pas moins réel
que cette circonstance ne doit pas agir d’une ma-
nière générale. Du moins c’est parmi les espèces gra-
nivores et insectivores qu’on découvre la plus grande
quantité d'oiseaux complétement sédentaires.
Des faits du même genre résultent encore des obser-
vations de M. Charles-Louis Bonaparte. En comparant
les oiseaux du nord de l'Amérique avec ceux de l’Eu-
rope, il a reconnu qu'il existait un assez grand nom-
bre d'espèces communes aux deux continents. Une
pareille analogie , que l’on ne voit jamais entre
les races qui ne se livrent point à des migrations
lointaines, tient sans doute à la facilité que les
oiseaux ont de se transporter à de grandes distances
et de parcourir les climats les plus divers. Cette cause
est si puissante sur le mélange desanimaux voyageurs,
que l’on retrouve également certains poissons d’'Eu-
rope jusqu’en Amérique, à la vérité en fort petit
nombre. Lorsque des catalogues comparatifs com-
prendront la liste exacte de ces races communes à di-
verses régions, on aura des idées plus positives sur les
migrations des animaux et sur les habitudes de ceux
qui, constamment sédentaires, restent dans les lieux
qui les ont vus naïitre. En attendant que ces travaux
viennent dissiper les doutes qui existent encore à cet
égard, on ne consultera pas sans fruit le catalogue
comparatif des oiseaux d'Europe et d'Amérique pu-
blié à Londres (1838) par le naturaliste que nous ve-
nons de citer.
Ce catalogue, dressé avec soin, indique les espèces
dont les migrations s’étendent de l’Europe dans le
nouveau monde, et celles qui sont communes aux deux
continents.
Outre l'influence que la température et la nourri-
ture exercent sur les migrations des oiseaux, d’autres
circonstances accidentelles ne sont pas sans quelque
effet sur ce phénomène. Parmi ces faits exceptionnels,
— 157 —
on peut citer les inondations. Les grands déborde-
ments ne sont pas sans action sur les déplacements
de ces animaux. Ainsi l’année 1840, fameuse par les
désastres produits par les crues extraordinaires des
fleuves qui parcourent le midi de la France, a été
également remarquable par les passages de certaines
espèces qui n'y avaient pas été encore apercues.
On peut peut-être attribuer à cette influence la pré-
sence dans les environs de Montpellier de deux oi-
seaux, aussi nouveaux pour la faune de l’Europe,
que pour la science. Ces deux espèces dont nous de-
vons la connaissance à M. Lebrun, et qu’il compte
publier sous peu , sont des plus remarquables. Elles
ne paraissent pas avoir été observées dans les con-
trées méridionales de la France avant 1840. Cette
circonstance fait présumer que les violentes inonda-
tions dont ces contrées ont été afiligées ont été pour
beaucoup dans leur apparition.
Nous sommes heureux de pouvoir donner une idée
de ces oiseaux avant que M. Lebrun ait publié la
description qu'il en prépare. Nous ne saurions trop
le remercier de nous y avoir autorisé. Comme nous
les avons vus avant qu'ils eussent été dépouillés,
nous pouvons assurer que réellement ils ont été pris
vivants vers la fin de novembre 1840, peu de temps
après les inondations.
La premiére de ces espèces est un vanneau auqüei
— 158 —
M. Lebrun a donné le nom d’échasse (vanellus himan-
topus). Plusieurs ornithologistes de Paris avaient sup-
posé quil pouvait se rapporter au vanneau keptuschka
deTemminck.Onseconvaincra facilement du contraire
en comparant la description que nous allons en donner
avec celle de l’espèce du Nord. Lors même qu'il ap-
partiendrait à cette dernière, sa présence parmi nous
n'en prouverait pas moins qu'un oiseau qui habite
ordinairement la Russie orientale a fait, en 1840,
des voyages encore plus étendus que ceux auxquels
il se livre ordinairement.
Le vanellus himantopus paraïitrait donc une es-
pèce différente de toutes celles décrites par M. Fem-
minck dans son supplément publié cette même an-
née 1840.
Ses dimensions sont de 0,379 (14 pouces) depuis
le bout du bec jusqu’à l'extrémité des doigts; la lon-
gueur de ses jambes n’est pas moindre de 0",190
(7 pouces); les pieds et les jambes sont d’un jaune
assez clair. Ce vanneau se fait remarquer par les
teintes uniformes de son plumage, d’un brun cendré
à petits reflets pourpres. Le front et la gorge blan-
châtres, passent par des demi-teintes à la même
nuance, qui est aussi celle du manteau. Elle s’étend
jusqu’à la poitrine, et devient d’un blanc assez pro-
noncé sur le ventre, où elle est néanmoins nuancée
d’une teinte nankin vers l'abdomen. La queue, d’une
— 159 —
seule couleur, est d’un blanc éclatant. Les grandes
rémiges des ailes, terminées de noir, atteignent juste
l'extrémité de la queue. Quant aux couvertures su-
périeures des ailes, elles sont blanches, mouchetées
de noir, couleur dominante dans le bec de ce van-
neau. L'iris est au contraire d’un rouge vif assez
prononcé.
La seconde espèce, dont l'apparition nous a autant
surpris que la précédente, se rapporte à un merle
différent de ceux dont nous devons la connaissance à
Temminck. Seulement, cet oiseau a beaucoup plus
de rapports avec le merle bleu qu'avec tout autre.
Il diffère de celui-ci par la couleur du bec d’un
brun grisatre, ainsi que par la nuance blanchätre de
la gorge, terminée par une sorte de collier d’un bleu
cendré. La poitrine et le ventre sont d’un blanc assez
prononcé. La plupart des plumes qui couvrent ces
parties sont terminées par une petite pointe bleuûtre.
Les flancs se montrent mouchetés de bleu, de blanc
et de roussâtre, terminés par une pointe noire enca-
drée de blanc. Les pennes caudales, au nombre de
douze, sont bleues sur leurs barbes externes et in-
ternes, ainsi que sur leurs pointes : une teinte rous-
satre domine sur le milieu de leur longueur. Les
pieds sont d’un fauve assez clair. Les nuances du
plumage se montrent généralement plus uniformes
en dessous qu’en dessus. Elles sont bleuâtres et mou-
— 160 —
chetées lésérement de blanc et de brun clair. Les
couvertures du croupion offrent des nuances d’un
roux foncé, avec de petites baguettes bleuâtres enca-
drées de blanc.
M. Lebrun se propose de décrire cette charmante
espèce sous le nom de merle azuré (éurdus azureus).
Ses dimensions sont à peu près les mêmes que celles
du merle bleu. Les deux oiseaux ont également une
assez grande conformité dans leur port et l’ensemble
de leurs formes. Ils ont donc, sous ces points de
vue, quelques conformités; mais ils différent essen-
tiellement par l’ensemble de leur plumage.
De même, les violentes inondations de la fin de
1849 qui ont submergé une grande partie de la Ca-
imaroue et de la partie orientale du Gard ont refoulé
dans nos parages une partie des oiseaux qui vivaient
auparavant dans les lieux inondés. Nous citerons
particulièrement le flamant; cet échassier aquatique
qui ne nage presque Jamais, quoiqu'il barbote presque
continuellement, n’a pas pu rester dans des lieux
couverts d’une trop grande quantité d’eau. Cet excès
a rendu le nombre de ces oiseaux, du double plus
considérable qu'il ne l’est ordinairement dans nos en-
virons. Ces nouveaux venus y ont cependant peu
séjourné, quoique les flamants soient généralement
sédentaires dans les marais du midi de la France.
À une pareille condition ont été dus les prétendus
M —
passages des cailles dans nos environs au moment
de l’inondation , et dans les premiers jours du mois
de novembre. Dus à la même cause que celle qui
avait fait abandonner aux flamants les campagnes du
Gard, on ne peut les considérer que comme des dé-
placements produits par l'effet de circonstances locales
et tout à fait accidentelles.
Une espèce de l'Amérique septentrionale, le bé-
casseau pectoral ({ringa pectoralis Temminck), com-
mune sur les bords du New-Jersey dans les Etats-
Unis, où elle vit dans les marais, a été tuée, d’après
Temminck, en Angleterre le 17 octobre 1830. Plusieurs
individus de ce bécasseau ont été également capturés
à Montpellier vers la fin d'octobre de cette même
année 1830. Ce fait prouve la coïncidence des mi-
grations des oiseaux et leur étendue. Ce bécasseau,
tué en Angleterre et dans le midi de la France, de-
vait être parti des Etats-Unis d'Amérique, sa patrie
ordinaire, à peu près à la même époque, puisqu'il est
arrivé à sa destination dans le même mois.
Si cette circonstance ne se renouvelait pas, la
présence du tringa pectoralis des Etats-Unis, soit
en Angleterre, soit dans le midi de la France, ne prou-
verait pas l'importance des passages des oiseaux, pour
en déduire la régularité et la périodicité des saisons,
et par suite la stabilité des phénomènes terrestres ;
mais comme il se lie à une infinité d’autres consi-
11
— 162 —
dérations, il est intéressant de le mentionner. Il est
donc essentiel de noter l’époque de l’arrivée et du
départ des différentes espèces d'oiseaux et de poissons,
puisque ces époques se rattachent à des phénomènes
du globe, qu'il importe tant d’éclaircir. Ce point de
vue est digne non-seulement d'attirer l’attention des
savants, mais encore celle des administrateurs, qui de-
vraient faire tenir note des espèces que l’on porte sur
les marchés. Cet objet a, du reste, attiré la sollicitude
d’un administrateur éclairé, de Marseille, M. Loubon,
dont nous nous honorons d’être le confrère.
Il serait également utile qu'on tint, dans les prin-
cipales villes de l'Europe, des registres publics et au-
thentiques du prix des grains pour résoudre à leur
aide la question relative à la résularité périodique
des saisons, question aussi intéressante pour le phy-
sicien que pour l’économie politique et sociale.
M. le révérend Everest, en combinant et addition-
nant les observations faites en Angleterre, depuis
1759 jusqu’en 1779, et depuis 1815 jusqu’en 1839, a
montré quelle était leur importance. Elles lui ontin-
diqué un certain degré de parallélisme entre les deux
lignes qui expriment graphiquement le résultat de
ces observations en terme moyen. Aussi en a-t-il conclu
qu'il devait exister une certaine régularité dans la ré-
voiution des saisons, régularité qui coïncide parfaite-
ment avec celle des migrations.
— 165 —
Les progrès de l’agriculture, en déplacant les vé-
gétaux, et introduisant de nouveaux grains et de nou-
veaux fourrages, ne Sont pas sans quelque influence
sur l’'émigration de certains oiseaux. Aïnsi le roitelet
dé la Caroline ( troglodytes ludovicianus ) et d'au-
tres espèces, qui aujourd'hui sont communes dans
les Etats du Nord, y étaient inconnues du temps de
Wilson. L’hirondelle de lune (kirundo lunifrons,
oïseau du Mexique, se présenta pour la première
fois sur les bords de l'Ohio en 1815. Cet oiseau at-
tira aussitôt lattention par la structure de ses nids,
maconnés de boue et réunis en grand nombre, de
manière à présenter l'aspect d'un monceau de cale-
basses jointes ensemble. Chaque année [eur émigra-
tion a été en s’augmentant; maintenant elle va jus-
qu’à l'Etat du Maine et au Canada.
Un grand nombre d'oiseaux américains s’arrêtent
dans les Carolines ; d’autres passent au-dessus du
golfe du Mexique, et se rendent dans l'Amérique du
Sud ; d’autres enfin suivent la direction du pays des
Alkghanis, et vont dans le Mexique où dans des pays
encore plus méridionaux.
Dés oiseaux trés-communs dans lé nord de l’Europe,et
inconnus dans les Etats-Unis, émigrent des régions po-
laires jusqu’au Mexique, et suivent les montagnes cou-
vertes de rochers, sans jamais entrer sur lés terres cul-
tivées de l’Unïon.C'est cequi arrivé à une éspèce de pie.
— 164 —
On a calculé que des quatre cent cinquante es-
pèces d’oiseaux connues dans l’Amérique du Nord,
cent huit seulement sont communes aux deux hé-
misphères. Ce sont, parmi les oiseaux de proie, des
aigles, des éperviers, des hiboux, des corbeaux, etc.;
et parmi les oiseaux d’eau, des oies et des canards.
On a supposé que quelques oiseaux voyageurs, en
quittant les Etats-Unis, traversaient les tropiques, et
allaient vers le pôle sud chercher des climats ana-
logues à ceux qu'ils avaient abandonnés dans le nord,
ce qui leur permettait de faire une seconde course.
IL parait que c’est le cas dans lequel se trouve la
cisgogne d'Europe, qui va pondre et élever une nou-
velle famille dans certaines contrées de l’Afrique.
Leräle est un des oiseaux qui a donné lien aux conjec-
tures les plus étranges sur sa manière de vivre. Aprés
être resté absent pendant tout le printemps, il se pré-
senta en août par milliers sur ies bordsde la Delaware,
où il resta jusqu’au mois d’octobre. Alors il disparut
tout à coup sans qu’on püt en trouver un seul dans
les mêmes lieux où la veille on les rencontrait par
centaines. Comme leur vol est pesant, quelques per-
sonnes ont pensé qu'ils se cachaient dans les fentes
des rochers ou même sous la neige. La vérité est
qu'ils émigrent tous ensemble et de nuit, parce qu'ils
volent parfaitement dans l’obscurité. Ils vont s’établir
beaucoup plus vers le nord; c’est sur les bords ma-
— 165 —
récageux du haut Canada qu'on trouve ordinaire-
ment leurs nids.
De même, les espèces erratiques ou de fpassage
proprement dit abandonnent souvent les contrées
qu'ils habitaient dans le principe, pour aller chercher
ailleurs une nourriture plus abondante. Parmi ceux
qui restent sur les glaces du Nord, les uns sont
omnivores, comme quelques corbeaux (corvus co-
rax et corvus canadiensis); d’autres se nourrissent
de graines et de fruits; mais les insectivores qui vi-
vent dans les marais, dans les étangs ou sur le bord
des courants d’eau, émigrent tous ensemble. Ils vont
vers le sud chercher une nourriture qui autrement
leur manquerait. Quelques espèces ne vont que du
sud au nord et réciproquement; d’autres, au con-
traire, franchissent ces limites.
Quand les oiseaux d'hiver retournent aux régions
hyperboréennes, ils sont remplacés par d’autres espé-
ces analogues qui descendent des tropiques. Ainsi, le
faucon à queue fourchue de Mexico et celui du Mis-
sissipi viennent nicher dans les bois qu’ontabandonnés
les oiseaux de rapine du Nord; en sorte que chaque
saison présente des espèces différentes.
D’autres espèces n’émigrent, au contraire, qu’en
partie, et en quelque sorte d’une manière accidentelle.
Quand les grains sont peu abondants, les perdrix de
Virginie (perdix virginiana) traversent la Delaware
— 166 —
et passent de New-Jersey dans la Pensylvanie. Leur
vol est si lourd, que souvent elles ne peuvent achever
leur trajet en volant, tombent à l’eau et gagnent
l’autre bord à la nage. Lorsqu’elles arrivent ainsi
mouillées et exténuées de fatigue, les habitants en
prennent sans peine un grand nombre. Nos oiseaux
d'Europe nous donnent souvent de pareils exemples
d’un transport d’un canton à l’autre, par suite du
manque de nourriture qu'ils commencaient à éprou-
ver dans les lieux qu’ils habitaient.
VI. De l'étendue des migrations des oiseaux.
Les observations sont déjà assez avancées pour dé-
montrer à quel point les migrations des oiseaux offrent
en général de régularité, et en même temps l'étendue
de la route qu'ils suivent dans leurs longues excur-
sions. Plusieurs espèces parcourent à peu prés toutes
les contrées du globe : telles sont les hirondelles et
une espèce de martinet. Le premier de ces oiseaux
part d'Egypte, va régulièrement au cap de Bonne-
Espérance, comme des Etats-Unis d'Amérique aux
iles Malouines, et retourne ensuite sans fatigue Jus-
que dans les contrées tempérées de l’Europe. Ce qui
est bien plus extraordinaire, certains oiseaux noctur-
nes, comme l’effraie, en font de même. Ils se trouvent
presque sur tous les points du globe, et n’offrent pas
— 167 —
de différence essentielle dans l’ensemble de leurs ca-
, ractères, malgré la distance des pays où on les observe.
Du reste, les longs voyages auxquels se livrent les
hirondelles ainsi que les pigeons, les tourterelles, les
grues, et principalement la cigogne, ont été connus
de tout temps. L’Ecriture nous les dépeint avec la
plus grande exactitude, ainsi que ceux qu'exécutent
les milans. Elle nous parle également de la régula-
rité des retours de ces oiseaux au printemps, dés que
la saison des frimas est passée.
Ce ne sont pas toujours les oiseaux qui jouissent de
la plus grande puissance de vol, dont l'étendue des
migrations est la plus considérable. Nous avons cité
comme un exemple fameux du contraire, les perdrix
et particulièrement la caille. Nous ajouterons à ces
exemples l’échasse. Malgré la faiblesse de son vol, on
la rencontre dans toute l’Europe, en Asie, en Afrique
et en Amérique. Si cet oiseau se trouvait dans la Nou-
velle-Hollande, il habiterait tous les grands continents
terrestres. On est moins surpris de retrouver les
étourneaux sur presque toute la surface de la terre,
ces oiseaux ayant un vol léger et soutenu. Ils sont si
généralement répandus, qu'on les rencontre dans
presque toutes les contrées, à l’exception pourtant de
la Nouvelle-Hollande, et nous avons cherché à en ex-
pliquer les motifs.
La bécassine est encore une de ces espèces émi-
nl
nemment voyageuses, et que l'on retrouve aussi à peu
prés partout. Nous isnorons si cet oiseau a été ob-
servé dans la Nouvelle-Hollande.
Ces faits annoncent que les habitations des oiseaux
sont moins circonscrites que celles des autres ani-
maux que leur conformation fixe particulièrement
sur la terre. Il en est de même des autres vertébrés
qui semblent leur disputer l'empire de l’air, comme
les chauves-souris dont le vol ne leur permet pas de
se livrer à de longues courses. Aussi ces mammifères
volants ne quittent jamais les pays où ils ont pris
naissance. On est donc peu étonné de voir Pietro della
Valle affirmer que la plupart des oiseaux voyageurs
traversent les mers et parcourent tous les continents
dans leurs migrations (1).
Ilest non moins certain que les oiseaux mettent
peu de temps à exécuter les plus longs voyages.
L'observation de Belon, qui a trouvé du blé encore
entier dans le jabot des cailles qui venaient d’Afri-
que (2), semble du moins le faire supposer.
Un autre sujet d’études qui se rattache aux migra-
tions , et dont l’importance est bien grande pour la
solution de ce problème si compliqué, c’est celui re-
(1) Voyage, liv.n, chap. xvu.
(2) Belon, liv. v, pag. 265.
LS |
latif à la route que suivent les oiseaux. Cette route
parait déterminée , d’une part, par le point où ils
veulent arriver, et de l’autre, par leurs besoins et
surtout par celui de la nourriture.
Aussi les oiseaux d’eau et ceux des rivages suivent
le plus constamment dans leurs voyages le cours des
rivières, les grands lacs ou les côtes des mers. Lors-
que ces espèces aquatiques pénêtrent assez avant dans
l'intérieur des terres, elles recherchent et séjournent
plus ou moins longtemps auprès des amas d’eaux qui
se trouvent sur leurs passages. Si ces oiseaux dirigent
ainsi leur marche, et s’ils suspendent par là mo-
mentanément leurs voyages, c’est que les rivières
ou les lacs qu'ils ont rencontrés sur leur route,
ont fourni à leurs espèces une nourriture abon-
dante. Ce motif les porte à n’abandonner ces lieux
que lorsque le besoin d’aller couver ailleurs les force
et les presse.
Par suite d’un instinct non moins merveilleux,
ces espèces choisissent de préférence, pour point de
ralliement et de départ, les endroits où le passage de
la mer aux lacs et aux fleuves est le moins long et le
plus occupé par les terres. Aussi la route la plus fré-
quentée par les oiseaux dont les habitudes sont aqua-
tiques est celle qui longe le plus ordinairement les
bords des mers. Du moins c’est celle que tiennent
toutes les espèces des deux ordres que nous venons
— 170 —
de signaler, et dont la puissance de vol est faible.
On yoit que dans ce choix, ces animaux ont pour
but de suivre les routes les plus favorables pour
trouver la nourriture qui leur convient, ne s’occu-
pant guère dans ce choix de la longueur et de l’é-
tendue du chemin.
Par une admirable prévoyance, la nature a donné
aux races des eaux douces et salées qui volent peu or-
dinairement une grande puissance de vol au moment
de leur reproduction. Aussi, lorsqu'ils sont dérangés
dans cet acte important, leur vol est assez vigoureux
et assez longtemps soutenu , pour s’élever même au-
dessus des plus hautes montagnes. Il n’est pas rare,
par exemple, d’apercevoir pour lors des plongeons,
des grèbes, ainsi ‘que divers autres palmipédes et
échassiers qui fréquentent les eaux douces, sur les
lacs des Alpes ou deshautes montagnes.
Par des raisons toutes contraires , les espèces gra-
nivores , insectivores et rapaces, au lieu de suivre le
cours des eaux comme les palmipédes et les échas-
siers, se dirigent principalement vers l’intérieur des
terres. Elles savent que là, elles rencontreront le
genre de nourriture qui leur convient; c'est aussi
l'unique motif de leur préférence. Des raisons du
même genre portent les innombrables essaims des
espèces insectivores et granivores à pousser leurs
migrations plus avant vers le sud, que ne le font
— AT1 —
les oiseaux d’eau, qui étendent principalement leurs
courses vers le nord.
Cette différence dans le choix des pays où se ren-
dent ces diverses espèces est facile à comprendre. Les
premières savent par instinct, que les insectes et les
graines sont plus abondants dansles régions méridio-
nales que dans les contrées septentrionales. La même
prévoyance porte les races aquatiques vers ces der-
niéres contrées, où elles comptent trouver dans le
sein des eaux des aliments propres à réparer leurs
forces épuisées par les fatigues d’un long voyage.
Ainsi, les troupes d’insectivores et de granivores
qui viennent de l’est de l’Europe traversent la Grèce
et remontent le Nil, tandis que celles qui partent
du nord-est parcourent la France, et se rendent
de là sur les côtes d'Espagne et de Portugal. Elles
se dirigent ensuite vers le sud-ouest, le long des bords
de l’Océan, jusqu’au Sénéoal, en suivant le cours de
la Gambie. On les voit enfin se rendre et séjourner
dans cette partie de l’Afrique occidentale.
Les oiseaux rapaces dirigent leurs migrations du
haut des régions élevées de l’atmosphère, où ils sem-
blent avoir fixé leur séjour. Ils les étendent cependant
de manière à perdre le moins possible la terre de vue.
Ils savent fort bien que ce n’est point à la surface des
eaux qu'ils peuvent espérer de trouver une pâture
suflisante à la violence de leurs appétits. Les terres
— 172 —
sèches peuvent seules la leur donner. Ce motif puis-
sant les leur font peu abandonner, à moins qu’une
nécessité impérieuse ne les y oblige.
Des vues d’instinct et de conservation dirigent donc
ces espèces dans leurs migrations, généralement moins
longues que celles auxquelles se livrent les grani-
vores , les insectivores et les aquatiques. Les oiseaux
de haut vol sont moins favorisés pour parcourir de
grandes distances que pour s'élever dans les hautes
plaines de l’air, leur séjour habituel. C’est surtout
parmi ceux dont le vol est le plus bas que se trou-
vent les espèces dont le vol est le plus continu. On
en à pour ainsi dire la preuve dans les oiseaux de
proie eux-mêmes. Les rapaces nocturnes volent géné-
ralement plus rapprochés de la terre que les diur-
nes; aussi les premiers, malgré la difficulté que la
plupart d’entre eux éprouvent pour se diriger pen-
dant le jour, étendent leurs courses beaucoup plus
loin, etse transportent dans des contrées plus diverses
que les seconds, qui ne sont point éblouis par la lu-
mière du soleil.
Les oiseaux de proie sont ceux qui s’égarent le
plus souvent, par la raison toute simple que plusieurs
d’entre eux ne peuvent pas toujours suivre Ja
troupe à laquelle ils appartiennent. Les vautours,
les aigles et les autres genres analogues de l’ordre
des rapaces présentent fréquemment des exemples
— 175 —
d’un pareil isolement. Ainsi, le 1* novembre 1838,
un individu de l'aigle botté ( falco pennatus Temm.)
fut apporté à M. Lebrun, quoique cet oiseau habite
principalement les régions orientales. Il était loin
d’être dans le jeune âge; il paraissait tout à fait
adulte, environ dans sa cinquième année. Ainsi, l’ins-
tinct de voyager ne tient nullement à l’âge des oiseaux.
Les points principaux où les oiseaux suspendent
momentanément leurs excursions méritent évalement
notre attention. Ces points ne sont pas choisis par
eux d’une manière arbitraire. Du moins plusieurs
conditions sont les motifs de leur préférence. Les lo-
calités où ils s'arrêtent le plus ordinairement sont
rapprochées des iles. Elles sont, pour les espèces
voyageuses, comme des sortes d'étapes, aussi bien
pour celles qui entreprennent de lointaines migra-
tions que pour les races erratiques. Celles-ci choisis-
sent aussi comme lieu de repos les plages étendues
qui servent comme de ceintures aux grandes iles. Les
espèces fatiguées viennent s’y abattre et s’y délasser.
Lorsque le repos leur a donné de nouvelles forces,
on les voit prendre la direction qui convient le mieux
à leurs mœurs et à leurs habitudes.
Toutes les plages ou toutes les iles sont loin de leur
être indifférentes pour le lieu de leur repos. Ils choi-
sissent préférablement celles qui sont le plus à l'abri
des vents violents. Aussi ces animaux franchissent
— 174 —
avec rapidité celles qui s’y trouvent exposées, loin de
s’y arrêter, comme ils le font dans celles où toutes
les circonstances favorables à léurs conditions d’exis-
tence semblent réunies.
Il est du reste facile de trouver des preuves évi-
dentes de l’imfluence qu’exerce sur les passages des
oiseaux [a position des lieux où ils doivent s'arrêter.
Si l’on cherché dans le midi de là France le dépar-
tement le moïns exposé aux vents, et le plus riche
par sa végétation, le Var semble plüs favorisé sous
ce rapport que ceux des Bouches-du-Rhône, du Gard,
de l'Hérault, de FAude et des Pyrénées-Orientales.
Aussi ce département est-il plus fréquenté par les oï-
seaux de passage que ceux dont il est rapproché.
Üne autre circonstance n’y est peut-être pas sans
quelque influence ; c’est sa proximité du golfe de Nice,
dont les plages sablonneuses et basses sont d’un accès
facile aux espéces qui arrivent sur les côtes de la Mé-
diterranée.
fl serait encore possible que la position du Var
coïncidat beaucoup mieux que les autres départe-
ments voisins avec la direction des vents qui nous
aménent les races passagéres et erratiques. On sait
quelle influence exérce sur l’arrivée et le départ des
oiseaux la direction du vent, et celle que sa violence
a sur la hauteur de leur vol.
Du moins les vents dominants à l’époque des pas-
Te
— 175 —
sages paraissent déterminer la direction que prennent
ces animaux, et influer beaucoup sur là quantité plus
ou moins considérable qu’il en arrive dahs chaque
contrée. En effet, pour s’élever et prendre leur essor
dans l'air, les oiseaux vont toujours obliquement
contre les courants et prennent le vent comme ün
vaisseau qui louvoie pour gagner le port. C'est éga-
lement dans le sens opposé à sa direction qu'ils
se retournent pour s'envoler ou $e reposer, et lors-
qu'ils sont posés ou perchés, ils ont toujours le
bec au vent. Aussi lorsque, pour éviter un danger qui
les menace, ils se laissent emporter par les courants;
_ ils ne peuvent parcourir un long espace sans risquer
d’être culbutés.
Il en est de même de ceux qui planent dans les
airs ; tels que les martinets , les hirondelles, les
alouettes , les calandres et les rapaces. Toutes ces
espèces sont obligées de se tourner vers le vent pour
se maintenir à là hauteur à laquelle elles parviennent,
et surtout pour y conserver longtemps une sorte d’im-
mobilité.
Parmi les oiseaux de passage qui arrivent sur les
côtes de la Méditerranée, dont le nombre est d’autant
plus considérable qu’ils chérchent à longer là mer,
plusieurs voyagent de jour. Il est alors facile de re-
connaitre que c’est toujours en suivant la direction
opposée à celle des vents qu'ils prennent leur essor.
— 176 —
La plupart des espèces qui arrivent vers les bords
de la Méditerranée voyagent de l’ouest vers l’est au
printemps, et s’en retournent de l’est vers l’ouest en
automne. Aussi, pendant les mois de septembre et
d'octobre, lorsque le vent est à l’ouest, on observe
tous les matins des vols nombreux de divers oi-
seaux qui se dirigent dans le sens du courant do-
minant. Mais si sa direction vient à changer, le pas-
sage est interrompu, les oiseaux s’arrêtent là où ils
se trouvent. Ils attendent ainsi le vent du couchant
pour continuer leur voyage. Ce seraient donc les cou-
rants contraires à leurs desseins, et non, comme on le
présume le plus communément, le vent favorable à
leurs passages, qui font rencontrer un plus grand
nombre d'espèces dans un canton que dans un autre,
et cela parce qu'ils les forcent d’y séjourner.
Citons un exemple de ces faits; prenons-le chez un
des oiseaux émigrants, dont les voyages sont les mieux
connus et les plus constants. La caille (1) arrive, au prin-
temps, d'Afrique dans le midi de la France. Elle re-
(t) Les habitudes voyageuses de cet oiseau ont été bien connues de l'E-
criture. La quantité qui en arriva dans le camp des Hébreux fut si considé-
rable, que toute l’armée s’en nourrit. Elles sont encore extrêmement com-
munes aux bords de la mer Rouge, ainsi qu’elles l’étaient du temps de
Moïse et de Josèphe, d’après le dire de ce dernier.
— 177 —
tourne en automne aux lieux qu'elle avait quittés aux
premiéres approches des beaux jours. Elle voyage
donc ainsi du midi au nord, et du nord au midi.
C’est vers les côtes de la Méditerranée que se dirige
cet oiseau. Les rivages de cette mer sont bordés, en
beaucoup d’endroits , de vastes étangs salés, dont ils
ne sont séparés que par une lisière de terrain sablon-
neux , plus ou moins large, connue sous le nom de
plage. Tous les ans à la fin d'avril et au commence-
ment de mai, lorsque le vent souffle du midi, un grand
nombre de cailles sont abattues sur la grève. Tant que
le vent reste à la mer, les cailles séjournent sur la
plage; mais s’il tourne au nord, même en plein jour,
elles gagnent toutes l’intérieur des terres. Dans le
mois de septembre, au contraire, lorsque le vent est
au nord, on trouve une grande quantité de ces oi-
seaux dans les champs et les vignobles. Mais si la
brise de mer se lève, ou même pendant un temps
calme, pourvu toutefois que la mer gronde, ce qui
indique du vent au large, les cailles continuent leur
passage et disparaissent des contrées méridionales.
Une preuve évidente que ces oiseaux ne se laissent
pas volontairement pousser par les courants, c’est que
lorsque à l’époque de leur arrivée au printemps le
vent du midi devient impétueux, on trouve aux bords
de la mer beaucoup de caïlles qui, ayant été culbu-
tées , se sont noyées sans pouvoir atteindre la terré
12
— 178 —
ferme. Ce fait prouve combien il doit en périr dans
la traversée. Aussi est-il probable qu’une foule d’oi-
seaux succombent dans leurs migrations, précipités
dans l’Océan par la violence des ouragans ou des tem-
pêtes, ou enfin par celle des courants contraires à la
direction qu'ils suivent.
Par une admirable prévoyance de la nature, les
espèces cosmopolites, qui ne quittent le sein des eaux
que pour déposer leurs œufs, peuvent échapper à ces
dangers et se soutenir sur la surface des mers sans
nager ni plonger. Au milieu des plus fortes tempêtes,
on voit les pétrels, les frégates et quelques autres
espèces aquatiques piétiner à la surface de l'Océan et
s’y maintenir au moyen de leurs longues ailes, malgré
le roulis des vagues.
Les caïlles, de même que les autres oiseaux, voya-
gent donc vers le vent; mais en admettant, contre
toute vraisemblance, qu'elles se laissent pousser par
les courants, la direction de leur passage n’en serait
pas changée. Elle serait toujours la même; seule-
ment leur marche pourrait être contrariée par leur
violence , et ces animaux seraient forcés de s’arrêter
au milieu de leurs migrations, ce qui ne les empé-
cherait pas de les continuer plus tard.
Supposons que plusieurs cailles partent d’un même
point de l’Afrique, les unes par le vent du nord-ouest
et les autres par celui du nord-est, elles effectueront
— 179 —
également leur passage. Mais les unes arriveront en
Espagne ou en France , les autres en Turquie ou en
Tartarie, toutes dans la même latitude, mais à deux
mille lieues les unes des autres. Ainsi, sans contrarier
les lois des migrations imposées aux oiseaux et même
en les favorisant, le vent peut les diriger vers des
points divers, et les faire trouver en plus grande
quantité dans tel ou tel pays.
Cette circonstance a probablement la plus grande
influence sur les lieux auxquels se transportent les
oiseaux. Aussi voyons-nous un grand nombre d’es-
pèces qui exécutent de longues migrations, voyager
sur une très-grande échelle, et parcourir la presque
totalité de la surface du globe. Cette cause exerce la
plus grande influence sur l’irrégularité des voyages
des oiseaux. Peu d'années se passent sans que l’on ne
remarque des passages extraordinaires de certaines
espèces, dans des lieux où on ne les avait jamais aper-
cues et où on ne les verra pas de longtemps.
Le nombre d’une espèce qui fréquente un même
pays est donc très-variable d’une année à l’autre, et
à tel point, que les chasseurs les désignent en disant
l’année des cygnes, ou des outardes, où enfin des
flamants, des oies, des canards, des merles roses, des
bees-croisés , des pinsons et des tarins. Ces irrégu-
larités, comme les inégalités dans le nombre des
espèces voyageuses, dépendent en partie de la direc.
— 180 —
tion des vents qui exerce une assez grande influence
sur les migrations ou les passages des oiseaux.
Ce que nous venons de dire, sur la circonstance qui
porte les oiseaux à se diriger dans une direction op-
posée à celle du vent, peut même être saisi à priori.
S'ils suivaient la même direction que celle de l’air,
le courant redresserait leurs plumes, et les empêche-
rait par conséquent de pouvoir voler. D’unautre coté,
leur queue, qui leur sert en quelque sorte d’aviron ou
de gouvernail dans leur ascension, ou qui lorsqu'elle
manque est suppléée par la longueur des pattes,
deviendrait pour lors un obstacle à leur marche.
Loin de leur être utile, leur queue les forcerait à
prendre une tout autre route que celle qu’ils vou-
draient suivre. Ainsi l’expérience aussi bien que leur
orsanisation annoncent que pour que les oiseaux se
livrent à de longues migrations, ou même à des
passages, il faut qu'ils aient le vent au bec, c'est-
à-dire que leur marche soit toujours oblique à la
direction des courants.
VII. De la constance dans les migrations des oiseaux.
Malgré ces causes variables, une constance remar-
quable a lieu dans les passages des oiseaux émigrants,
constance moins sensible dans ceux des espèces erra-
tiques. Nous voyons presque régulièrement, dés le
D
— 181 —
mois de février, les grives qui ont quitté les forêts de
la Corse, arriver sur les côtes du midi de la France,
pour regagner bientôt les forêts du Nord, d’où elles
doivent nous revenir vers les mois d'octobre et de no-
vembre. Les espèces de ce genre nichent aussi parmi
nous, de même que la plupart des merles. On doit ce-
pendant en excepter la litorne, qui fait constamment
son nid dans le Nord, qu’elle abandonne pourtant
aux approches de l’hiver.
Les étourneaux comme les grives opérent deux
passages chaque année parmi nous; les uns et les au-
tres se suivent de près, du moins à l’époque de leurs
premières excursions. Lorsque les étourneaux arri-
vent, quelques bécasses se montrent encore dans nos
bois, qu'elles vont bientôt quitter. Mais le mois de
mars est le signal du départ des palmipèdes, qui
fréquentent l'hiver, en grand nombre, les étangs sa-
lés des côtes de la France. Poules d’eau, morelles,
rales, hérons, pluviers, vanneaux, courlis, bécas-
seaux, oies, canards, harles , et une foule d’autres
oiseaux ont fui et ont fait place à de nouveaux hôtes.
Les huppes, les loriots, les tourterelles, les merles
de roche, les traquets, particuliérement le motteux,
les pipits, les ortolans, les fauvettes, et les fringilles
viennent pour lors nous visiter, et nous réjouir de
leur présence. Tout le mois d’avril est consacré à
leurs passages; mais dés les premiers jours du même
— 182 —
mois , les hirondelles et les martinets ont salué le re-
tour du printemps, et nous ont annoncé l’arrivée de
la belle saison.
En mai paraissent les guépiers , les rolliers et les
cailles. Pendant que ces oiseaux opérent leurs pas-
sages, les cresserelles et les hobereaux établissent leur.
domicile sur les caps les plus hauts, ou sur les sommi-
tés de quelques rochers élevés au-dessus des eaux. Mais
après le mois de juin, les passages des oiseaux se bor-
nent à de jeunes individus, dont les nichées ont eu
lieu à peu de distance de nos contrées. À mesure
que leur nombre augmente, on voit apparaître divers
oiseaux de proie dont la mission est de les détruire,
car il entre dans les vues de la nature d'empêcher
une trop grande multiplication des espèces herbivores.
Vers la fin d’août et de septembre, les cailles nous
visitent encore; à peu prés à la même époque, les
pies-grièches, les loriots, les ortolans, les huppes, les
pipits, les engoulevents recommencent leurs courses
aventureuses.
Les mois d’octobre et de novembre sont consa-
crés aux voyages des pigeons, des corbeaux et des
grues, dont le nombre est d’autant plus grand, que
la température s’est abaissée. Ces oiseaux décrivent
souvent une ligne fort étendue, formant de longues
processions dont les intervalles sont à peine sensi-
bles. Plus tard enfin , les sarcelles, les canards, les
— 1835 —
foulques, viennent prendre possession des eaux de nos
étangs, que ces espèces avaient quittés, il y avait quel-
ques mois.
Chose non moins remarquable, tous ces oiseaux
opérent ordinairement ce tableau mouvant de leurs
migrations constamment renouvelées, en troupes plus
ou moins considérables. Ils voyagent toujours par
bandes, et se réunissent pour mieux se défendre
contre les dangers qui les menacent dans leurs lon-
oues traversées. Un autre motif peut bien aussi les y
porter; c’est celui du même sentiment qui les anime
pour satisfaire le besoin le plus impérieux de leur
existence.
Il n’y a d'exception à cette loi générale que pour
quelques oiseaux rapaces, comme par exemple les
aigles et les vautours, ces tigres des airs, qui voyagent
par couples séparés. Images des méchants dont ils
accomplissent la fatale destinée, ces oiseaux de proie
vivent solitaires et comme isolés, non-seulement au
milieu des légers habitants de l’air, mais même au
milieu de leurs espèces. Le besoin de société se fait
néanmoins sentir chez plusieurs oiseaux rapaces. En
effet, les faucons cresserelles, et à pieds rouges, qui
vivent aussi de gros insectes, paraissent exécuter leurs
voyages en grandes troupes ; on assure qu'il en est
de même des milans, des balbusards, des pygargues
et des laniers.
— 184 —
Telle est en abrégé l’histoire des passages qu’opé-
rent les oiseaux émigrants dans le midi de la France.
Get exposé, tout succinct qu'il est, peut donner une
idée assez juste des causes qui les déterminent. Si
nous n'avons rien dit dans ce résumé des excursions
auxquelles se livrent les espèces erratiques, c’est
qu'elles n’ont rien de fixe ni de régulier, et qu’elles
sont presque uniquement déterminées par l'espoir
de trouver ailleurs une température et une nourri-
ture qui leur manquaient dans les pays qu'ils vien-
nent de quitter. Ces voyages, dont l’étendue est gé-
néralement peu considérable, n’ont presque rien de
commun avec ces longues excursions déterminées non
par des besoins impérieux, mais par un instinct plus
puissant qui les force à changer de climat à des épo-
ques fixes et déterminées pour chaque espèce.
On nous demandera peut-être si le besoin de se
reproduire, qui attirerait les oiseaux dans des lieux
plus favorables, a quelque influence sur leurs mi-
grations, ainsi quil parait en exercer sur les passages
des poissons, au dire de Bloch. Pour se former une
idée juste à cet égard, il faut définir ce qu’on doit
entendre par patrie des oiseaux; car si on suppose
que là où ils pondent leurs œufs, là est aussi leur
pays, il s'ensuit que la reproduction ne peut avoir
beaucoup d'influence sur leurs passages.
Serait- ce parce que certains olseaux voyageurs
— 185 —
viennent retrouver le nid qu'ils avaient quitté l’année
précédente, ou pondent plusieurs années de suite,
dans le même trou d’arbre, comme cet étourneau
dont ont parlé Linné et Klein (1) ? Ces circonstances,
loin d’être générales , sont au contraire exception-
nelles ; elles ne peuvent donc produire quelque effet
sur un phénomène aussi constant et aussi régulier
que celui des migrations. Tout au plus pourraient-
elles exercer quelque influence sur les passages des
oiseaux erratiques, qui, déterminés par des circons-
tances extérieures, pourraient bien en ressentir l’im-
pression,
On le supposerait du moins , si l’on voulait s'en
tenir aux observations de Casteby, auquel nous devons
un excellent ouvrage sur les oiseaux d'Amérique, et
qui admet, comme un fait, que leurs passages ont
lieu par suite du besoin qu’ils éprouvent de chercher
les endroits les plus favorables à opérer leur ponte.
Le besoin de se reproduire exerce si peu d'action
sur les migrations et même sur les passages des oi-
seaux, que souvent les males arrivent dans une con-
trée avant les femelles. Il en est de même de l’époque
de leur départ : les premiers quittent le pays où ils
(1) Amœn. Academ., tom. 1v, pag. 595. Id. Klein, Prodrom. Hist.
avium., pag. 491.
ER pe
s'étaient rendus bien avant que les femelles songent
à les abandonner, lors méme que ces oiseaux n'y ont
pas fait leurs nids, Si la reproduction déterminait ces
voyages, les deux sexes devraient partir ensemble : il
est loin, cependant, d'en étre toujours ainsi,
Si les mâles quittaient seulement les premiers les
contrées où les femelles auraient niché, on pourrait
supposer que celles-ci demeurent pour veiller aux
soins de leurs petits, tandis que les péres pourraient
s'en dispenser, Cette circonstance ne #e représentant
pas dans la plupart des cas où les oiseaux ont niché
dans le pays qu'ils abandonnent, le départ des mâles
avant celui des femelles doit étre déterminé par le
méme instinct qui porte Les deux sexes à voyager, et qui
se développerait plus tôtchezles unsquechezlesautres,
L'inégalité dans l'époque du départ des mâles et
des femelles est, du reste, aussi frappante que celle
qui porte 4 peu prés constamment les vieux oiseaux
à partir avant les jeunes; seulement la raison de cette
dernitre circonstance est plus facile à comprendre
que celle de la premiére, ainsi qu'on aura pu en ju=
ger d'aprés l'ensemble de n0# observations.
VIII, Hsumi,
Les oiseaux, considérés relativement à leurs habi-
tudes voyageuses, 8e divisent en quatre groupes prin=
— 187 —
cipaux, o'est--dire en émigrants, en cosmopolites,
en erratiques et en sédentaires,
Les premiers, ou les oiseaux émigrants, les seuls
qui opèrent leurs migrations à des époques fixes et
périodiques, exéoutent aussi les voyages les plus éten-
dus. Leurs passages d'une contrée à une autre, et
souvent dans des pays séparés par de grandes dis-
tances, semblent déterminés par un instinet dépen-
dant de leur organisation, où par une puissanoe in-
térieure à laquelle ils ne savent ni ne peuvent risister,
Les circonstances extérieures, telles que la température,
la direction ou la force du vent, l'abondance où la pri-
vation d'une nourriture convenable, peuvent bien avair
quelque influence sur leurs longues migrations : mais
elles ne les provoquent et ne les règlent jamais,
Ue phénomène est sous la dépendance d'une in-
fluence plus puissante que tous ces besoins, Ces besoins
ne donnent jamais à ces animaux les inquiétudes, les
agitations, et ootte ospdve de fièvre qui les astiège et
les tourmente lorsque le moment du départ est arrivé,
Cotte époque venue, les aisoaux trouveraientils dans
les lieux qu'ils vont quitter, toutes les circonstances
avarables à leur existence ? Ces circonstances seraient
elles les mêmes que celles qu'ils vont rencentrer ail-
leurs, il n'en faudrait pas moins qu'ils partent, Leur
nature, leur instinct, leur organisation, tout leur être
enfin les force d'une manière irrésistible à se dés
He =
placer et à échanger contre la vie paisible des champs
qui les ont vus naïitre, les hasards et les chances aven-
tureuses des longs voyages.
Le besoin de partir, de se transporter au loin dans
d’autres climats, est plus impérieux pour les oiseaux
que celui de manger ou de ressentir l'impression
d’une douce température. C’est une condition encore
plus essentielle de leur existence à laquelle ils sont
forcés de céder, et contre laquelle vient même se bri-
ser toute l'influence de l’homme.
Lorsque nous voulons retenir les espèces voyageuses
à ces époques si importantes de leur vie, nous les
voyons dans une anxiété et un état de souffrance pres-
que continuel. Leurs mouvements brusques etirrégu-
lierstémoignent hautement combien ils sont impatients
de satisfaire aux désirs pressants que la nature leur a
inspirés. Si, contraints par notre influence, ils sont
forcés de résister à cet instinct impérieux, ces ani-
maux languissent et finissent par succomber sans s’oc-
cuper de la nourriture qu’on leur présente ou de la
douce température qu’on maintient autour d'eux. El y
a plus encore, malgré toute la tendresse des oiseaux
pour leurs petits, leur famille même ne les intéresse
plus lorsque le moment du voyage est arrivé. Les mères
les plus affectionnées la quittent sans efforts comme
sans regrets, pour aller sur l'aile des vents gagner
d’autres régions.
D
Ne 7
— 189 —
Les espèces erratiques ne voyagent au contraire,
et n’exécutent leurs passages accidentels dans des
pays différents de ceux qu'ils habitent ordinairement,
que pour assouvir le besoin qui les presse, ou pour
trouver ailleurs une température appropriée à leurs
exigences. Aussi les excursions auxquelles elles se li-
vrent n’ont rien de fixe ni de périodique; bien dif-
férentes en cela des voyages des espèces émigrantes si
remarquables par leur régularité.
Les courses vagabondes des oiseaux erratiques ont
souvent lieu pendant plusieurs années de suite. Dans
d’autres circonstances, elles restent le même espace
de temps sans se reproduire et se renouveler. Incons-
tantes comme les saisons dont eiles dépendent en par-
tie, elles ne sont liées qu'avec des besoins qui peuvent
se manifester à des époques plus ou moins éloignées
les unes des autres, sans suite comme sans régularité.
Les oiseaux erratiques n'éprouvent pas cependant le
moindre inconvénient de ces variations; les motifs
qui les portent à se déplacer n’ont eux-mêmes au-
cune sorte de fixité ni de constance.
Pour exécuter leurs voyages accidentels et passa-
gers, les races erratiques, moins hardies et moins en-
treprenantes que les oiseaux émigrants, ne bravent
pas comme eux les tempêtes; elles n’affrontent pas
l’aquilon lorsqu'il s’agit de quitter les pays qui les
ont vus naitre. Peu impatientes de changer de climats,
— 190 —
elles attendent le moment favorable pour exécuter
leurs voyages, commandés plutôt par un besoin va-
gue que par un instinct impérieux tout à fait irrésis-
tible. Aussi les étendent-ils rarement aussi loin que
les excursions auxquelles se livrent les oiseaux émi-
grants. La longueur et la périodicité des voyages de
ces derniers est pour nous un sujet continuel d’éton-
nement, tout autant que l’ordre et la régularité qui
les caractérisent.
D’autres espèces ne voyagent ni d’une manière fixe
comme les races émigrantes, ni d’une manière irré-
gulière comme les erratiques ; elles sont pour ainsi
dire dans un mouvement et une agitation continuelle.
Toujours en course, on les trouve dans presque toutes
les mers ; on ne les voit à terre que pour se reproduire
et y déposer leurs œufs. Les mers sont en quelque
sorte leur unique élément; aussi leur organisation
leur permet de se soutenir sur la surface des eaux
par leurs piétinements, aidés à cet égard par la gran-
deur de leurs ailes. Elles leur servent de point d’ap-
pui lorsque fatiguées elles sont lasses de parcourir les
vastes plaines de l’air. Véritables cosmopolites, ces
espèces maritimes n'ont pour ainsi dire pas de patrie,
car elles errent continuellement au milieu de l’im-
mensité de l'Océan. On ne peutguére considérer comme
leur pays les fentes de quelques écueils ou de quel-
ques récifs isolés, plus ou moins élevés au-dessus
— 191 —
des eaux, où ces oiseaux vont déposer leurs œufs.
S’il fallait caractériser d’une manière particulière
les habitudes de ces animaux toujours en mouve-
ment, on pourrait les considérer comme les cosmo-
polites des oiseaux. Cette expression semble leur
convenir tout autant que celles d’émigrants et d’erra-
tiques, que nous avons données aux autres espèces
voyageuses. Du reste, ainsi qu'il est aisé de le pres-
sentir, ces races cosmopolites sont uniquement des
oiseaux aquatiques. On peut citer comme exemples
les pétrels, les frégates qui volent continuellement
sur la surface de l'Océan, à l’exception des courts
moments où ils vont à terre déposer et pondre leurs
œufs.
Des habitudes plus calmes et plus tranquilles ca-
ractérisent d’autres espèces. Elles ne paraissent pas
cependant être déterminées par l'impuissance où elles
sont de fendre les airs comme sont les manchots, les
casoars et les toyous.
Ces derniers, qui ne peuvent pas se servir de leurs
ailes pour voler, sont par cela même nécessairement
sédentaires ; mais d’autres oiseaux , quoique bons
voiliers , quittent peu les lieux de leur naissance.
On ne les voit presque jamais abandonner leur pays,
quelque changement qu’éprouve la température, ou
quelque grandes que puissent être les exigences d’une
nourriture convenable. Toujours fidèles à leur patrie,
— 192 —
ils n’en ambitionnent pas d’autre, et mettent constam-
ment leur bonheur dans une vie sans trouble comme
sans danger.
Ces espèces stationnnaires ont des mœurs totale-
ment différentes des races émigrantes, erratiques
et cosmopolites : comme elles semblent tout à fait en
opposition avec les habitudes que commande l’orga-
nisation de ces animaux, elles sont aussi fort rares
chez les habitants des airs. C’est surtout chez les
oiseaux de l’ancien continent, que le nombre des
espèces sédentaires est le plus limité, tandis qu'il
s'étend chez les races du nouveau monde. Cette par-
ticularité tient peut-être à ce que celles-ci exigent
une température élevée et ne se nourrissent que du
nectar des fleurs. Or, de pareilles circonstances ne
peuvent pas se représenter sur une très-grande éten-
due de pays; dès lors elles rendent ces espèces séden-
taires dans les lieux où elles les trouvent constam-
ment réunies.
Chose non moins singulière, ces habitudes diverses
sont propres à la fois à diflérentes espèces d’un
même genre ou à la même espèce dans des âges
différents. Quelquefois le même oiseau est errati-
que relativement à une contrée, où il fait des excur-
sions accidentelles, tandis qu'il est sédentaire rela-
tivement à telle autre. De pareilles circonstances se
représentent par rapport aux mêmes espèces, mais
—.193 —
seulement dont l’âge est différent. Ainsi certains oi-
seaux sont à la fois émigrants ou erratiques à une
époque de leur vie, et sédentaires dans une autre. Il
est néanmoins curieux d'observer des habitudes aussi
diverses chez la même espèce, et cela suivant les
phases de son existence. Il n’y a donc rien d’absolu
par rapport à ces oiseaux, puisque leurs mœurs
sont totalement opposées suivant l’âge auquel on les
observe.
D'un autre côté, des races qui ont dù être émi-
nemment voyageuses, si elles ne le sont pas encore,
puisqu'elles se trouvent dans toutes les régions du
globe, contrairement aux lois de la distribution des
animaux, paraissent néanmoins sédentaires. Elles
semblent se maintenir assez constamment dans leur
terre natale. La plupart des individus qui font partie
de ces espèces si universellement répandues voyagent
peu sans doute ; mais il n’en est pas de même de leur
ensemble. On ne saurait supposer que ces oiseaux
ont perdu les habitudes de leurs parents; car la dis-
persion de ces derniers sur toute la surface de la terre
prouve à quel point ils ont étendu leurs courses et
leurs migrations.
Ainsi, la chouette effraie, quoiqu’elle soit éminem-
ment voyageuse, puisqu'on la rencontre partout,
n’en passe pas moins pour être une race essentielle-
ment sédentaire. Si elle l’est dans ce moment, du
15
— 194 —
moins en partie et dans certaines contrées, il est in-
contestable qu'elle n’a pas dû l'être d’une maniére
constante. C’est ce qu’annoncent à la fois sa dispersion
et les lois générales de la distribution des êtres vivants.
Leur observation, et tout ce que nous savons de re-
latif à la géographie zoologique aussi bien qu'à la
géographie botanique, nous prouve que chaque es-
pèce vivante a été disséminée dans le principe des
choses dans des centres particuliers de création, et a
caractérisé telle ou telle région, ou tel ou tel conti-
nent. Chaque contrée a donc eu ses races particuliè-
res, souvent différentes même par leurs caractéres gé-
nériques de celles qui occupent des pays ou des con-
trées fort rapprochés les uns des autres. Ainsi il n’y
a aucune espèce commune entre la Nouvelle-Hollande
et l'Amérique, pas plus qu'il n’y en a entre celles qui
animent lenouveau monde et celles qui peupient l’an-
cien continent.
Les races délicates, ou celles qui ne peuvent pas
éprouver de changement sensible dans les circons-
tances extérieures, sans en ressentir trop vivement
l'impression, sont aussi peut-être les seules qui aient
conservé leur position première. Il n’en est pas de
même des races robustes. Leur organisation leur
permet de résister à l'influence de la diversité des
milieux ambiants. Aussi elles se sont d'autant plus
écartées de leur primitive distribution, qu'elles ont
— 195 —
pu surmonter sans danger de grands changements
dans les climats qui leur avaient été assignés à leur
origine.
Une autre circonstance, non moins puissante et non
moins impérieuse , a encore contribué à les éloigner
des lieux de leur naissance. Son influence a été d’au-
tant plus sensible, que l'instinct, ou, si l’on veut, le
besoin de se déplacer a été plus irrésistible et plus
pressant. Dés lors les migrations, ainsi que les voyages
accidentels auxquels se livrent tant d'animaux , ont
considérablement altéré l’ordre primitif de leur dis-
tribution. La constance de ces phénomènes tend, par
son action continuelle, à effacer les traits de leur po-
sition premiére, et à intervertir les lois de la nature.
Comme à ces influences qui entrainent après elles
un grand nombre de variations vient s'ajouter celle
de l’homme, nous sommes loin de connaître la véri-
table distribution des êtres vivants.Mais puisque, mal-
gré les nombreuses variations produites par l’action
des causes maintenant agissantes, la plupart des es-
pèces gardent encore une position déterminée dans une
zone qui lui a été affectée, évidemment ces stations
ont dù être plus fixes à l’origine des choses.
En effet, la chouette effraie (strix flammea) ainsi
que l’hirondelle de cheminée (hirundo rustica), con-
trairement à la généralité des animaux, n’ont pas été
disséminées sur la presque totalité du globe, où elles
— 196 —
se trouvent cependant. Elles doivent sans doute une
distribution aussi universelle a leur humeur voyageuse
et à leurs longues migrations. Du reste, en traçant
sur notre carte la route que ces oiseaux paraissent
suivre dans leurs migrations, nous n’avons pas entendu
par là qu'ils la parcourussent chaque année. Il sem-
ble, au contraire, que parmi les individus qui compo-
sent ces espèces une faible partie seulement se déplace
d’un pays à l’autre. Les mêmes individus sont loin de
parcourir dans la même année, et quelquefois même
dans tout le cours de leur vie, la totalité du globe.
Nous avons eu égard plutôt au maximum de l’étendue
des migrations, si l’on peut s'exprimer ainsi, qu'à
leur réalité, en tant qu’elles auraient lieu dans le
court intervalle d’une année.
Ces diverses irrégularités donnent au phénomène
des migrations quelque chose de mystérieux lors-
qu'on l’étudie sans avoir égard aux circonstances qui
y produisent ces variations. Elles sont d'autant plus
frappantes, qu'elles apparaissent aussi bien chez les
espèces émigrantes que chez les erratiques, quoique
avec une moindre fréquence et une moindre intensité.
En effet, les chasseurs et les pêcheurs qui observent
seulement les faits de détail ne peuvent s'expliquer
pourquoi une année les passages ou les migrations
de telle ou telle espèce d'oiseaux ou de poissons sont
beaucoup plus abondants que l’année précédente, et
— 197 —
pourquoi enfin ces passages ou ces migrations n’ont
plus lieu à une autre époque.
Si cette absence, ou si cette plus grande fréquence
se fait remarquer chez les espèces erratiques, c’estune
suite nécessaire des variations des circonstances qui
les portent à se déplacer, et qui par cela même en-
trainent dans leurs voyages toutes sortes d'anomalies
et d'irrégularités. Lorsqu’au contraire ces circons-
tances se présentent chez les races émigrantes, elles
tiennent à l'étendue de leurs excursions, si considéra-
ble qu’elles ne peuvent les exécuter en entier, dans le
court intervalle d’une année. Plus ces races éprouvent
de fatigue par la longueur du trajet qu’elles ont à par-
courir, et moins leurs passages sont nombreux dans
une station déterminée.
Il peut encorearriver que des obstacles imprévus re-
tardent l’arrivée ou même le départde ces espèces voya-
geuses.L'une ou l’autre de ces causes ont nécessairement
de l'influence sur la régularité de leursexcursions.Il est
du reste facile de saisir que les légers habitants des airs,
et les êtres qui vivent dans le sein des eaux, sont les seuls
qui peuventexécuter d'aussi longues et d'aussi périlieu-
ses migrations.Sans doute les animaux qui habitent les
terres sèches et découvertes se déplacent aussi ; mais
les voyages auxquels ils se livrent parfois n’ont ja-
mais l'étendue et encore moins la régularité des migra-
tions ni même des passages des oiseaux et des poissons.
— 198 —
Les remarques précédentes ne s'appliquent pas seu-
lement aux oiseaux ; elles sont également relatives
aux courses auxquelles se livrent une foule de pois-
sons. Pour ne pas trop surcharger de détails la carte
destinée à montrer la route que suivent ces animaux
dans leurs longues excursions, nous nous sommes
borné à indiquer celle tenue par les harengs et les
maquereaux. Îl en est de ces poissons comme des oi-
seaux voyageurs ; très-certainement tous les individus
de ces deux espèces ne font pas toutes les années
le long circuit que nous avons indiqué. Cependant,
comme parmi eux un grand nombre se livrent à d’aussi
longues excursions, à eux seuls se rapportent les
indications que nous avons données à cet égard. Ces
indications sont donc loin de comprendre la totalité
des individus qui composent ces espèces émigrantes.
Les tableaux que nous allons tracer de l’époque
des migrations des oiseaux et des poissons feront du
reste parfaitement saisir ce que ces faits ont de par-
ticulier et de constant.
Ces observations générales sur les habitudes des
oiseaux semblent indiquer que le phénomène de leurs
migrations ou de leurs passages n'est pas un fait
simple que l’on puisse expliquer par une seule cause.
Aussi n'est-il saisissable que lorsqu'on en étudie les
conditions diverses et que l’on parvient à déméler les
causes qui le provoquent et le déterminent.
-— 499 —
L'examen des diverses circonstances qui accom-
pagnent les migrations et les passages de ces animaux
dont le sang est si chaud, semblent démontrer que les
voyages des espèces émigrantes sont le résultat d’un
instinct supérieur à tous les besoins, comme à l’ac-
tion des milieux, sous l'influence desquels elles sont
placées. Tout au plus les excursions accidentelles des
races erratiques sont commandées par des besoins
physiques plus ou moins pressants , ou déterminées
par l'impression des agents extérieurs. Dès lors, les
migrations des premières doivent avoir une périodi-
cité remarquable, tandis que les passages des secon-
des sont aussi inconstants que les variations des sai-
sons qui exercent sur ce phénomène une influence
notable.
Les habitudes voyageuses des oiseaux cosmopolites
leur sont aussi fortement inculquées que les mœurs
stationnaires le sont chez les espèces sédentaires.
Celles-ci manquent en effet de cet instinct qui pousse
les espèces émigrantes à se déplacer à des époques
fixes ; elles n’éprouvent pas non plus ces besoins qui
tourmentent les oiseaux erratiques. Seules parmi les
habitants des airs, les races sédentaires restent in-
différentes au milieu du mouvement continuel qui
agite les êtres qui leur sont communs par l'organisa-
tion. Leur stabilité leur parait préférable à cette agi-
tation sans cesse renaissante dont ils sont entourés ,
— 200 —
et dont ils ne comprennent pas plus sans doute Îles
motifs que la cause.
Les observations précédentes ont certainement sufhi
pour faire saisir l'importance des mots à l’aide des-
quels nous avons voulu peindre à l'esprit les divers
motifs qui portent les oiseaux à se livrer à des mi-
grations ou à des voyages plus ou moins étendus. Ainsi
nous avons nommé émnigrants ceux qui, par suite d’un
instinct particulier, se déplacent à des époques fixes
et constantes. Nous avons désigné sous le nom d'’er-
ratiques les espèces qui se livrent à des courses pas-
sagéres, et qui n’ont rien de régulier. Les excursions
de ces dernières sont presque toujours déterminées par
des motifs qu’il est facile de pressentir, comme par
exemple ceux d’une température plus élevée ou d’une
nourriture plus appropriée à leurs besoins. Quant aux
oiseaux qui sont toujours en mouvement, et qui voya-
gent constamment, nous les avons considérés comme
des cosmopolites ; c’est aussi sous cette dénomination
que nous les avons signalés.
Enfin nous avons envisagé ceux qui ne quittent ja-
mais les lieux qui les ont vus naître comme des espèces
sédentaires ; et celles-ci sont, ainsi qu’on a pu le juger,
les moins nombreuses. Ces dénominations bien com-
prises nous donnent en quelque sorte la clef du phé-
nomène des migrations. Elles semblent du moins être
l'expression générale des faits quenous venons de rap-
— 201 —
peler. Il nous reste maintenant à savoir si ceux qui
sont relatifs aux autres classes des vertébrés, ou des in-
vertébrés, nous conduiront aux mêmes conclusions.
C’est à ce but que nous allons consacrer la fin de ces
recherches.
IX. Tableau de l’époque des passages des oiseaux.
OBSERVATIONS GÉNÉRALES.
Les détails dans lesquels nous allons entrer sont
comme les preuves des observations générales consi-
onées dans la première partie de notre travail. Ils dé-
montreront du moins que les habitations des oiseaux
sont moins circonscrites que celles des autres animaux,
et que la plupart des espèces émigrantes traversent les
mers dans leurs voyages. Ils prouveront enfin que la
plupart des oiseaux des pays froids, généralement gras,
sont revêtus d’une fourrure plus épaisse que celle dont
sont couvertes les races des régions équatoriales.
Partout les êtres vivants se montrent en harmo-
nie avec les climats et les circonstances extérieures
sous l'influence desquels ils sont placés. Ces rapports
sont surtout sensibles, lorsqu'on étudie la distribution
des familles des oiseaux dans les différentes contrées
du globe.
Les palmipèdes, parmi lesquels on peut signaler les
— 202 —
diverses espèces d’oies et de canards, les harles, les
macareux, les manchots, les pétrels, les goënlands, les
stercoraires, les fous ou boubies, les cormorans, les
plongeons, les guillemots, le pingouin brachyptère,
s’avancent le plus vers le Nord. Après ce grand ordre
d'oiseaux, quelques pinnatipèdes, parmi lesquels on
peut citer les phalaropes, sont les races qui parvien-
nent le plus avant vers les contrées polaires.
De pareilles habitudes caractérisent également un
assez grand nombre d’échassiers ; mais ceux-ci, moins
bien fourrés que les précédents, s'arrêtent avant les
premiers. Quoique du Nord, ils ne fréquentent pas ce-
pendant les régions les plus glacées, craignant da-
vantage les rigueurs du froid. Les grues, les hérons,
les spatules, les bécasses, les chevaliers, les maubé-
ches, les sanderlings, le vanneau pluvier, qui appar-
tiennent à cet ordre, sont du nombre de ces espèces
qu'un froid trop vif épouvante, et fait quitter les
pays où ils craignent d’en ressentir les rigueurs.
Des motifs tout à fait contraires portent les oi-
seaux granivores vers les régions tempérées, où ils
sont surs de trouver en abondance la nourriture qui
leur convient. On peut citer parmi les oiseaux qui
ont de pareilles habitudes, les alouettes, les bruants,
les gros-becs, les bouvreuils, les becs-croisés,du moins
parmi ceux qui vivent en Europe. Quant aux espèces
granivores de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique,
— 203 —
les tisserins, les phytotomes, les colious, les psittacins,
les tangaras et une foule d’autres genres, elles se
trouvent particulièrement à des distances considéra-
bles des régions septentrionales. Les oiseaux qui se
nourrissent d'insectes se rencontrent surtout dans les
régions tropicales. Des millions de ces animaux éclo-
sent à chaque instant, et pullulent d’une manière réel-
lement prodigieuse,
C’est en effet dans les contrées brülantes qu’on dé-
couvre les pies-grièches, les loriots, les mainates, les
couroucous, les barbus, les coucous, les oiseaux de pa-
radis, les pies, les todiers, les alcyons, les promerops,
les grimpereaux, les colibris, les gobe-mouches, les
fauvettes, les bergeronnettes, les mésanges et une foule
d’autres passereaux ; ceux-ci sont essentiellement in-
sectivores, quoique quelques-uns d’entre eux se nour-
rissent également de graines ou de fruits, et quelques-
uns même de poissons. Cependant plusieurs espèces in-
sectivores émigrent d’une manière périodique vers les
contrées tempérées. Les migrations des hirondelles et
des martinets sont trop connues pour en douter ; mais
leurs passages n’ont jamais lieu qu'au printemps ou
lorsque les beaux jours ont fait naître une foule d’in-
sectes, même dans les régions dont la température n’est
pas très-élevée.
Les oiseaux piscivores se trouvent généralement ré-
pandus sur toutes les mers, aussi bien sur celles des
— 204 —
régions tropicales, que sur les mers polaires. Les es-
pèces qui ont de pareilles habitudes trouvent partout
une nourriture suffisante et conforme à leurs besoins.
Les oiseaux se distinguent égalementparleursmœurs
et leurs habitudes intéressantes, qui les signalent en-
tre les autres animaux. La plupart de leurs espèces
sont non-seulement monogames; mais elles vivent dans
une union qui ne cesse qu'avec la mort de l’un des
sexes. L'union des oiseaux est caractérisée par cette cir-
constance, que les mâles, vivant en monogamie, pren-
nent soin eux-mêmes de leur progéniture, tandis que
chez les mammifères, l’homme excepté, la femelle seule
s'occupe de ses petits.
Chez les animaux inférieurs, même chez les verté-
brés, comme les poissons et les reptiles, la femelle est
toujours dispensée de l'obligation de prendre soin de
ses petits à partir de l'instant de la ponte. Les insectes
qui vivent en société sont peut-être les seuls qui fas-
sent exception à cette loi générale.
Faber rapporte pourtant que chez les poissons le
mâle du cyclopterus lumpus se fixe auprès des œufs
et les surveille avec tout autant d'activité que de sa-
tisfaction aprés les avoir fécondés ; ce fait, en le sup-
posant exact, a peu d’importance en comparaison des
soins que les mâles de plusieurs oiseaux prennent de
leurs petits.
Ces soins commencent dès que ces animaux s'oc-
— 205 —
cupent de la construction de leur nid; le mâle y
fait le plus souvent sentinelle, et observe par avance
tous les lieux où il peut être convenablement établi.
On ignore s’il en est de même chez les rapaces. Les
mœurs de ces oiseaux, et particulièrement celles des
genres cathartes, des sarcophanges, des gypoger-
mes et des vautours, sont encore trop peu connues,
pour rien afhrmer à cet égard. Il est difficile de dire
quelque chose de satisfaisant de la manière d’être du
mâle relativement à sa progéniture; nous possédons
seulement quelques observations intéressantes sur les
mœurs et les habitudes des aigles. Quant à celles des
espèces du genre gypaëte, elles sont totalement in-
connues.
L'observation nous a seulement appris queles grands
aigles de mer ( falco leucocephalus) planent par cou-
ples sur leurs aires. Le mâle, comme la femelle, pa-
rait prendre soin de l’éducation de ses petits. De plus,
le male leur apporte leur nourriture et les guide de
concert avec la femelle, quand ils ont quitté leur nid :
les deux sexes continuent cette surveillance, jusqu’au
moment où leurs petits sont assez grands pour pouvoir
se procurer eux-mêmes leur subsistance et veiller à
leur sûreté. De pareils faits s’observent également
chez les vrais aigles et les aigles de rivière (pandion).
Probablement les mêmes habitudes existent chez
les cacaetos et les archibates. Quant à ce qui est des
— 206 —
vraies buses (buteo), du moins d'après ce que nous
apprend M. Brehm, non-seulement le mâle nourrit
la femelle pendant tout le temps qu’elle eouve, mais il
prend soin des petits avec le plus grand empressement
et la plus tendre sollicitude. Ainsi le mâle du buteo
medius de cet ornithologiste veille constamment sur
sa femelle pendant tout le temps qu'elle couve. Il y a
plus encore : lorsque celle-ci quitte le nid, le mâle y
accourt de suite et se pose lui-même sur les œufs, et
y reste jusqu’au retour de sa femelle.
Un de ces couples, où l'on avait suivi tous ces ma-
néges, fut tué, la femelle d’abord et le mâle le lende-
main. Un petit fut pris dans le nid ; on reconnut qu’il
n’avait pas pris de nourriture depuis la veille, le màle
n'ayant pas osé braver le danger et lui en apporter,
quelque grande que püt être sa tendresse. Une autre
espèce de buse, le buteo murum, ayant fait son nid,
on vit le male nourrir non-seulement la femelle pen-
dant tout le temps qu’elle était occupée à couver, mais
continuer ses tendres soins après que leurs petitsétaient
éclos. La femelle ayant été tuée, le mâle se rendit de
suite au nid, où il.eut le même sort. Un autre couple
du même genre, le buteo septentrionalis , s’empara
de ce nid, et la femelle y déposa ses œufs. Pendant
tout le temps que dura la couvaison, le mâle fut aussi
assidu que sa compagne poursoigner leurs petits. Il s’é-
loignait si peu du lieu oùils se trouvaient, qu'il fut
pris, ainsi que sa femelle, dans un filet que l’on avait
préparé pour les saisir.
Le male du pernis nous présente un exemple de
tendresse pour sa progéniture, encore plus remar-
quable ; 1l offre du moins le seul exemple entre les
oiseaux de proie d'assister, non-seulement sa femelle
pour nourrir ses petits, mais encore pour couver leurs
œufs. Les deux sexes se relèvent doncalternativement,
afin de maintenir auprès d'eux cette douce tempéra-
ture qui les fait plus tôt et plus sûrement éclore.
Les mäles des milans roux et brun noirâtre parais-
sent avoir à peu près les mêmes soins que les au-
tres oiseaux de proie. Ils sont cependant plus crain-
tifs et moins dévoués à leurs petits que les autres ra-
paces. Aussi, lorsqu'ils redoutent quelque danger,
ils quittent le nid; ils planent pour lors sur leur aire,
en se tenant hors de la portée des armes à feu. Lors-
que la crainte du danger se prolonge, on assure qu'ils
laissent tomber, de la hauteur à laquelle ils se main-
tiennent, la nourriture de leurs petits. On prétend
qu'ils le font avec une si grande adresse, que les
jeunes milans en profitent presque toujours.
Les mâles des faucons ( falco) ont les mêmes habi-
tudes et se donnent les mêmes soins pour leur progé-
niture. Quoique ceux du faucon voyageur ( faleo pe-
regrinus) n'aient que les deux tiers de la grandeur de
leurs femelles, ils ne les nourrissent:pas moins pen-
— 208 —
dant tout le temps qu'elles couvent. Ils les assistent
également avec la plus grande tendresse dans tout ce
qui tient à l'éducation de leurs petits. Ces mâles ont un
grand attachement pour leur famille; ils se tiennent
à peu près constamment sur le rocher où ils ont cons-
truit leur aire, longtemps après le moment où leurs fe-
melles ayant été tuées, les petits ont été enlevés du nid.
Ils témoignent ainsi par cette position fixe, et dont
rien ne peut les arracher, la douleur et les regrets
qu’ils éprouvent de la perte de leur famille. Telles
sont quelques-unes des précautions que les oiseaux
apportent à la conservation et à la durée de leur race.
Ces soins sont si constants et si actifs, qu’ils annoncent
leur tendre sollicitude pour leurs petits. Sous ce rap-
port, il y a peu de distinction entre eux ; du moins,
les oiseaux rapaces, dont les mœurs sont les plus fa-
rouches, sont loin cependant d’être dépourvus d’atten-
tion et même d'amour pour leurs petits.
On s’est demandé si de pareilles habitudes étaient
communes à tous les vertébrés ovipares, et si, par
exemple, les reptiles qui pondent comme les oiseaux
des œufs séparés , les couvaient comme ces derniers.
IL paraît que les serpents des régions tempérées se
bornent à déposer leurs œufs dans des trous exposés
au midi, et qu’ils éclosent ainsi naturellement, lorsque
l'époque de leur maturité est arrivée.
La difficulté d'observer les mœurs de ces animaux
— 209 —
sénéralement redoutés avait fait penser qu'il en était
de même de toute la classe des reptiles. L'éclosion
qui a eu lieu au mois de mai dernier de plusieurs
petits boas,au jardin des plantes, a paru élever quel-
ques doutes à cet égard. Du moins ce genre de ser-
pents semble avoir couvé ses œufs à la manière des
oiseaux. Il parait même avoir développé dans l’incu-
bation une chaleur suffisante à la naissance des jeunes
de ces animaux.
Comme ces faits ont été contestés, il est nécessaire
d'entrer dans quelques détails à cet égard. Les srands
serpents des Indes sont enfermés dans la ménagerie
du muséum de Paris, dans des caisses en bois sous
des couvertures en laine, et échauffés par de l’eau
maintenue entre 70 et 75 degrés de chaleur. Cette
chaleur communique à la boîte une température d’en--
viron 22 à 27 degrés. C’est dans l’une de ces boîtes
qu'a été placée une femelle du serpent boa ou python
à deux raies ( python bilineatus). Cette femelle pleine,
soumise à cette température, pondit quinze œufs ellip-
tiques tous séparés les uns des autres et ayant à peu
près deux fois la longueur des œufs d’une poule.
Livrée à elle même, elle enroula la partie posté-
rieure de son corps autour des œufs rassemblés par
elle en un tas. Elle replia le reste de son corps en
spirale , dont sa tête occupait le sommet. Pendant
toute la durée de la couvaison, la chaleur de ce serpent
14
ss BD 2e
augmenta d’une manière sensible, d’après ce qu'a
rapporté M. Valenciennes. Cet animal développa ainsi,
d’après lui, une température supérieure de 15 à 18 de-
grés au milieu dans lequel il était plongé.
L’incubation dura ainsi 56 jours sans interruption.
Pendant tout ce temps le serpent boa ne quitta pas un
instant sa position. Les petits se mirent de suite à
ramper du moment qu'ils furent sortis de l’œuf. Ils
ne commencèrent pourtant à manger que quatorze
Jours après leur naissance. Il parut en être chez ce
reptile comme chez les oiseaux, où l’élévation de tem-
pérature, quoique variable, est cependant plus élevée
au commencement de l’incubation qu’à la fin.
D’après les expériences dues à M. Valenciennes ,
la température des oiseaux varierait de 42 à 46 degrés,
du moins chez les poules, et cela d’après l’état plus ou
moins avancé des oiseaux lors de leur incubation. Le
même observateur a fait de plus remarquer que l’in-
cubation des reptiles était un fait si connu dans l’Inde
qu’il entrait même dans leurs contes populaires.
Cette opinion a été contredite de la manière la plus
formelle par M. Duméril , auquel nous devons une
histoire extrêmement détaillée des reptiles, Ge savant
a fait observer que les serpents sont des animaux à
sang froid , c’est-à-dire des animaux dont le corps
prend la température du milieu dans lequel ils se
trouvent, ou des objets avec lesquels ils sont en con-
— 211 —
tact. Il croit donc que, lors des expériences de M. Va-
lenciennes, il avait dû se développer, par le fait de
quelques œufs écrasés ou des matières de déjections
de l’animal répandues sur le foin de la litière, une fer-
mentation capable d’élever la température ambiante,
et nécessairement aussi la température du serpent.
M. Duméril rapporte la plus grande partie de la
chaleur développée dans cette circonstance à la tem-
pérature du germe lui-même. Les œufs des serpents,
de même que les graines des végétaux, ont besoïn pour
se développer d’éprouver l’action de la chaleur, de se
trouver en contact avec l’humidité du sol et avec les
éléments que l’air et l’eau leur transmettent. Quand
une fois cette excitation de la vie végétale a été pro-
duite, elle paraît se continuer par une action interne
qui ne peut s'arrêter qu’au détriment de l’existence.
Ainsi les œufs fécondés d’une poule soumis à l’action
d’une douce température, ont conservé ou développé
le même degré de chaleur après qu’on a eu interrompu
pendant plusieurs heures et même pendant une demi-
journée cette température artificielle.
L’explication des faits observés par M. Valencien-
nes parait, à M. Duméril, être dans l’application
de ces idées. D’après ce dernier, l'élévation de tem-
pérature constatée chez la mère ne doit pas lui être
attribuée. Elle provient du germe et de la conser-
vation du calorique transmis antérieurement, ou de
— 212 —
l'action vitale qui s'exerce dans l'intérieur des œufs.
D'après cette théorie, les germes qui avaient été
échauffés artificiellement se sont développés. Leurs or-
ganes sont entrés en fonctions, et les phénomènes qui
ont lieu pendant la vie se sont manifestés à l’aide de
la pénétration du calorique. Le corps de la mère, qui
le recevait, s’est mis probablement en équilibre avec
la température moyenne. Les œufs ont partagé cette
chaleur naturelle, elle s’est également distribuée entre
eux, puisqu'ils étaient empilés les uns sur les autres
sous une sorte de voûte fermée de toutes parts, et sur-
tout dans sa partie supérieure, qui n’a pas permis à
la chaleur de s’échapper de cette espèce de tour ainsi
circonscrite.
Il ne serait pas du reste étonnant qu’au moment de
la couvaison les serpents, comme la plupart des ani-
maux, eussent une température plus élevée, que dans
leur état ordinaire. Cet accroissement de chaleur peut
d’autant plus avoir lieu, que les plantes, considérées
longtemps comme tout à fait dépourvues de calori-
que, en acquiérent cependant des quantités très-no-
tables pendant certains moments de leur développe-
ment et de leur floraison ou fructification.
— 215 —
TABLEAU
DE L'ÉPOQUE
DES PASSAGES DES OISEAUX.
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES.
ET
Palmipèdes.
1° Pingouin {al-
ca Linn.).
Pingouin ma-
croptère (alca tor-
da Temm.).
Pingouin bra-
chiptère (alca im-
pennis Temm.).
20 Macarcux
(mormon Ilig.).
Macareux moine
(mormon frater-
cula Temm.).
=0o
5° Guillemot
(uria Briss.).
ÉPOQUES DES PASSACES DES OISEAUX,
Cette espèce erratique ne se montre pas
constamment en hiver sur les côtes méridio-
nales de la France où sa venue est assez ir-
régulière. Il est des années où elle passe ce-
pendant en grand nombre.
La patrie de cet oïseau est vers les mers
arctiques où il se reproduit. Il pond un seul
œuf dans les fentes des rochers qui bordent
les côtes de la mer. Néanmoins il porte ses
excursions non-seulementen France, en An-
gleterre, en Hollande et en Norwége, mais
toujours accidentellement et en hiver. Ce
pingouin passe le plus ordinairement en
janvier et en février, quoique cependant on
le voie dans le midi de la France au mois de
mars où il prend sa parure de noces.
Cette espèce sédentaire abandonne peu les
hautes latitudes du globe, préférant toujours
les régions couvertes de neiges éternelles.
Elle se trouve habituellement sur les glaces
flottantes du pôle arctique, dont elle ne s’é-
loigne qu'accidentellement. Très - commun
dans tout le Groënland, cet oiseau visite ra-
rement les îles Orcades et Saint-Kilda.
Cette espèce habite les régions polaires des
deux mondes. Elle appartient aux oiseaux
émigrants. Ses passages ont lieu sur les côtes
de la France, de l’Angleterre, de la Hollande
et de la Norwége d’une manière périodique
et régulière. Certains individus nichent dans
les régions tempérées, quoique la véritable
patrie de ces oïseaux soit l'extrême nord.
Cette circonstance n'a peut-être lieu que par
suite de quelques accidents survenus à cer-
tains d’entre eux. =
On voit constamment dans les provinces
méridionales de la France plus de jeunes que
de vieux individus de cette espèce, mais seu-
lement en hiver.
Le guillemot à capuchon habite les mers
arctiques des deux mondes. Ses passages ont
lieu en hiver d’une manière périodique et
Guillemot à |constante sur les côtes de la Norwége, de la
=
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.
I
: capuchon
Palmipèdes.
(uria
troile Lath.).
Guillemot à gros
bec (uria Francsii
Leach.).
Guillemot à mi-
roir blanc (uria
grylle Lath.).
Guillemot nain
(uria alle Temm.).
4° Plongeon (co-
lymbus Lath.).
Plongeon im-
brim (colymbus
glacialis Linn.)
Plongeon Jum-
me (colymbus ar-
clicus Linn.).
Plongeon cat-
marin ( colym-—
bus septentrionalis
Linn.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
Baltique, enfin jusqu’en Hollande, en An-
gleterre et le nord de la France. Les voyages
périodiques qu’exécute cette espèce ont lieu
en grandes bandes, et d’une manière telle-
ment régulière, qu’on doit la ranger parmi
les oiseaux émigrants.
Cet oiseau habite les mers glaciales du
pôle arctique. Il paraît sédentaire dans le
détroit de Davis, au Groënland, au Spitzberg
et dans la baie de Baffin.
Ce guillemot habite les mêmes contrées
que le guillemot à gros bec, mais il paraît
opérer en hiver des passages plus ou moins
accidentels le long des côtes de l'Océan. Si
ces faits sont exacts, il appartiendrait à l’or-
dre des oiseaux erratiques.
Cette espèce habite jusque sous les glaces
du pôle, étant plus abondant en Amérique
qu’en Europe. Comme la précédente, ses pas-
sages n’ont lieu sur les côtes de la Hollande,
de l'Angleterre et du nord de la France, que
d’une manière accidentelle. Cette espèce er-
ratique y semble amenée par la rigueur de l’hi-
ver ou poussée par la violence des ouragans,
Ce plongeon habite les mers arctiques des
deux mondes ; il est très-abondant aux Hébri-
des,en Norwége,en Suède et en Russie où il ni-
che constamment. Il ne fait que des passages
accidentels en hiver le long des côtes de l'O-
céan : mais on n’y remarque que de jeunes
individus. Vieux , ils n’y paraissent jamais,
Ainsi cet oiseau serait erratique dans le
jeune âge, tandis qu'à l'age adulte il serait
sédentaire, du moins nous ne voyons dans
le midi de la France que des individus re-
vêtus de la livrée de la première et deuxième
mue.
Cette espèce, comme la précédente, très-
abondante dans tous les pays du Nord, habite
les mers arctiques des deux mondes. Elle
fait en hiver des excursions accidentelles
en Allemagne, en Hollande et en Angleterre,
mais sans aucune distinction d'age. Aussi
n’avons-nous jamais vu cette espèce dans le
midi de la France.
Le plongeon catmarin habite les mers
arctiques des deux mondes, où il niche cons-
tamment. Ses passages sont assez réguliers
vers la fin de l’automne ou en hiver, sur les
côtes de la Hollande, de l'Angleterre et de la
France. Il parvient même jusque dans le midi
de la France et de l'Italie; mais, à ce qu'il
I
; paraît, on n’y voit aussi que de jeunes indivi-
Palmipèdes.
dus, les vieux ne poussant pas leurs excursions
aussi loin. Cet oiseau, par suite de ses habi-
tudes incertaines, fait en quelque sorte le
passage des espèces émigrantes aux errati—
ques. On le voit du moins se retirer avec
promptitude vers les régions septentrionales,
dès que les beaux jours sont revenus. Mais
ce qui prouve qu'il doit être compris parmi
les oiseaux émigrants, c’est qu’il paraît pous-
ser ses excursions jusqu'én Asie et au Japon.
D'un autre côté, il ne visite le midi de la
France et le nord de cette contrée qu’à l’âge
d’une année, tandis qu’il n’y paraît à l’âge
adulte que rarement.
Cette espèce a encore pour patrie les mers
arctiques des deux mondes. Elle est très-
abondante aux Hébrides, en Ecosse et en
Norwége. De passage accidentel sur les côtes
de la Hollande et de l'Angleterre, on la dit
très-commune dans une petite île du golfe
d’Edimbourg. Elle niche constamment vers
le nord. Cette race erratique ne paraît pas,
jusqu’à présent , avoir été rencontrée sur les
côtes du midi de la Frauce, quoique Polydore
Roux ait cru le contraire, et l'ait figurée dans
son ouvrage destiné uniqnement à faire con-
naître les oiseaux de la Provence.
5° Fou (sula
Briss.),
Fou de Bassan
sula alba Meyer).
Ce fou paraît du petit nombre des espèces
sédentaires. Il quitte rarement la zone tor-
ride, où il vole continuellement sur la sur-
face des eaux, n’allant jamais à terre que
pour nicher. Aussi la rencontre de cette es-
pèce au milieu des mers est un indice certain
pour les nayigateurs qu’ils sont dans le voi-
sinage du tropique.
Toutes les espèces de ce genre paraissent
avoir les mêmes habitudes.
6° Paille-en-
queue (phaeton
Linn.).
Les oiseaux qui appartiennent à ce genre
se font remarquer par l'étendue et la puis-
sance de leur vol, qui leur permet de franchir
des distances immenses. Aussi les trouve-t-on
en pleine mer fort loin de toute terre, princi-
palement entre les tropiques. On en a ainsi
rencontré qui étaient à plus de quatre cents
lieues des côtes.
Comme les frégates ne se livrent pas à des
passages périodiques et réguliers ni acciden-
tels, et que d’un autre côté elles voyagent
constamment au milieu de l’immensité des
mers, abandonnant peu cependant le voisi-
nage des tropiques, elles mériteraient peut-
être de faire une classe à part par suite de
leurs habitudes, C’est à l’ordre de ces oiseaux
que nous avons donné le nom de cosm0po-
lites, qui convient à leurs mœurs et à leur
humeur vagabonde.
70 Frégates (pe-
lecanus Linn.).
— 9216 —
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX:
Le cormoran habite les contrées septen-
trionales des deux mondes, d’où il étend ses
passages assez constamment périodiques, en
Hollande, en Angleterre et en France. Il est
seulement beaucoup plus rare dans le Midi
que dans le Nord, nichant habituellement
dans ces dernières contrées, qu’il ne quitte
guère que l'hiver.
Néanmoins il niche parfois dans le midi de
la France, soit dans les fentes des rochers,
soit sur les arbres, soit enfin sur les jones.
I. 8° Cormoran
Palmipèdes. |(carbo Meyer).
Grand cormo-
ran (carbo cormo-
ranus Meyer).
99 Pélican blanc
(pelecanus onocro-
talus Linn.).
Le pélican habite les contrées orientales de
l'Europe, notamment la Hongrie, la Dalmatie
et la Russie. Ilfréquente en général le bord
des rivières et des lacs, ainsi que les côtes
maritimes où il niche habituellement. Néan-
moins cette espèce étend fort loin ses ex-
cursions ; en effet on la trouve en Afrique,
en Asie, particulièrement au Japon, et même
jusqu’en Amérique.
Il n’est pas certain qu'on l’ait rencontrée
jusqu’à présent dans le Midi; mais, d’après ses
excursions lointaines qui paraissent être assez
régulières, on peut comprendre le pélican
parmi les oiseaux émigrants, d'autant que
MM, Polydore Roux et Moquin l'ont observé
parfois dans les provinces méridionales de la
France.
Cet oïseau habite les régions arctiques des
deux mondes. Il étend ses excursions régu-
lières lorsque le froïd le chasse des pays où il
niche ordinairement, non-seulement dans
la plupart des contrées tempérées de l’'Eu-
rope, mais encore dans toute l'Asie, et parti-
culièrement au Japon. Il est fort commun
l'hiver sur les côtes de l'Allemagne, de la
Hollande, du nord de la France, et même
parfois dans le Midi, comme par exemple en
1838. Lorsque la belle saison arrive, le grand
harle se retire dans les contrées boréales, et
passe même jusqu’en Islande.
De pareilles habitudes sont communes aux
autres espèces de ce genre, c’est-à-dire à
l'harle huppé (mergus serrator Linn.), et à
l’'harle piette (mergus albellus Linn.).
10° Harle (mer-
gus Linn.).
Grand harle
(mergus mergan-
ser Temm.).
Ce canard habite le nord des deux conti
nents; mais en automne il commence à se
montrer par petites bandes dans les contrées
tempérées, qu’il quitte ensuite dès les pre-
miers jours de printemps. C'est principale-
ment vers la mi-octobre ou au plus tard à la
fin de ce mois qu'arrivent leurs premiers pas-
sages dans le midi de la France. Ils sont d’au-
tant plus abondants que la température est
plus élevée. Mais, lorsque les frimas se sont
emparés de nos campagnes, ils nous aban-
119 Canard (a-
nas Linn.).
Canard sauva-
ge (anas boschas
Temm.)
= SP —
EEE
ORDRFS: GENRES ET ESPÈCES.
I.
Palmipèdes,
Canard eider
(anas mollissinia
Temm.).
Canard macreu-
ÉPÔQUES DES PASSAGES DES OISFAUX,
donnent, et étendent leurs migrations en
Afrique, et même jusque dans l'Amérique
septentrionale.
D'autres passages, mais moins réguliers
que ceux de l'automne, ont lieu vers la fin
de février ou au commencement de mars.
Ceux qui ne restent pas dans les contrées du
midi de la France pendant la plus grande
partie de l’année sont loïn d'attendre le re-
tour de l’été pour regagner le Nord, où ils
vont passer la belle saison.
Il est certain que plusieurs individus du
canard sauvage nichent dans nos contrées, et
y veillent aux soins de leur reproduction.
Il existe même une chasse particulière qui
commence vers la fin de juin et dure jus-
qu’au mois d’août. On la nomme en patois
languedocien & labrans ; cette chasse en fait
périr un grand nombre. Les pennes alaires
n’ayant pas acquis leur entier développe-
ment, ces oiseaux se laissent prendre pour
lors avec facilité. Il est du reste aisé de se
procurer un grand nombre d'œufs de cette
espèce. Des habitudes à peu près semblables
sont communes à un assez grand nombre d’au-
tres espèces de canards ; mais celles-ci, comme
l’anas boschas, quittent en automne le nord
de l’Europe pour gagner le Midi, d’où elles
étendent ensuite leurs excursions jusqu’en
Asie et particulièrement jusqu’au Japon. On
peut citer parmi ces espèces de canards, le
chipeau, le siffleur, le souchet, le garrot, le
morillon, la sarcelle d'hiver, la double ma
creuse, la macreuse, et plusieurs autres es-
pèces
D'après les voyages périodiques et réguliers
auxquels se livrent ces canards, ils paraissent
appartenir aux oiseaux émigrants.
L’eider habite les mers glaciaies voisines
des régions polaires. Il est surtout très-ré-
pandu en Islande, en Laponie, au Groën-
land et au Spitzberg. Il se trouve aussi assez
communément aux Orcades et aux Hébrides;
mais il est fort rare en Suède et en Dane-
mark, où il est de passage accidentel, ainsi
qu’en Allemagne. Il paraît enfin que les jeu-
nes seuls se montrent sur les côtes de l'Océan
où les vieux ne se rencontrent jamais.
Cette espèce erratique, dont les passages
n’ont rien de fixe ni de régulier, n’arrive
presque jamais dans le midi de la France;
on n’y voit guère en hiver que quelques in-
dividus égarés qui se rapportent toujours à
des femelles et à de jeunes individus. Les
vieux n’y paraissent. pas plus quesur les côtes
de l'Océan.
Ce canard, ainsi que la double macreuse
(anas fusca Temm.), est fort rare dans le
ORDRES,
— 218 —
EEE EE
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
à
Palmipèdes.
se ( anas nigra midi de la France. L'un et l’autre sont de
Temm.).
Canard tador-
ne (anas tadorna
Temm.).
19° Cygne (cy-
cnus Linn.).
Cygne sauvage
( cycnus musicus
Temm.).
Cygne tuber-
culé ( cycnus olor
Temm.).
passage périodique sur les côtes du nord de
la France, d’où seulement quelques individus
s’'égarent jusque dans nos provinces méridio-
nales, lorsque les froids sont vifs et piquants.
La patrie de ces deux oiseaux est à peu
près la même; l’un et l’autre habitent les
mers arctiques des deux mondes, d’où ils
se répandent vers les contrées tempérées,
et en nombre d'autant plus considérable, que
l'hiver fait sentir ses rigueurs dans les con-
trées où ils nichent. Aussi la macreuse peut-
elle être rangée parmi les races émigrantes,
par suite de la périodicité et de la constance
de leurs passages.
La tadorne habite le nord et les contrées
occidentales de l’Europe le long des bords de
la mer, d’où elle se répand d’une manière pé-
riodique sur les côtes de la Hollande, de l’An-
gleterre et de la France. Elle ne se montre
guère dans l’intérieur des continents que
d’une manière tout à fait accidentelle. Cet
oiseau paraît cependant étendre ses migra-
tions jusqu’en Asie, et particulièrement jus-
qu'au Japon. Ilest certain que la tadorne est
plus abondante sur les côtes de l'Océan que sur
celles de la Méditerranée. Cet oiseau voyage
toujours par paires, c’est-à-dire par couples
uniques et séparés, habitudes qui sont com-
munes à certaines espèces de canards.
Une seule exception se fait remarquer;
elle existe relativement à leider, qui arrive
dans le midi de la France seul et tout à fait
isolé. Probablement ces canards qui nous
viennent ainsi solitaires ne sont que des in-
dividus égarés.
Cet oïseau habite les contrées boréales des
deux mondes, d’où il émigre en hiver vers les
côtes maritimes de la Hollande, de l’Angle-
terre et de la France. Comme l'espèce précé-
dente, il pénètre peu dans l’intérieur des
terres; le cygne sauvage, qui souvent pousse
ses excursions jusque dans le midi de la
France, les étend même jusqu'en Asie, et
particulièrement jusqu’au Japon.
Ce cygne, dont l'élégance fait la parure de
nos jardins, habite ‘les grandes mers de l'in-
térieur, surtout vers les contrées orientales
de l’Europe. Mais en hiver, lorsque le froid est
vif et piquant, il passe accidentellement dans
le midi de la France.
Si l'espèce précédente peut être considérée
comme un oiseau émigrant, il n’en est pas
de même de celle-ci, dont les passages sont
aussi 2ccidentels que l’inconstance des sai-
sons. J1 paraît en être de même du cygne à
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
I
b bec noir (cycnus musicus), qui n'arrive ja-
Palmipèdes.
mais dans les pays tempérés que lors des
très-grands froids, On ne l'a jamais aperçu
dans le midi de la France.
159 Oie (anser L'oie hyperborée habite les régions améri-
Temm ) caines du cercle arctique, d’où elle émigre
RUE régulièrement vers les contrées orientales de
Oie hyperborée l'Europe. Quelques individus égarés arrivent
( anser hyperbo- en Autriche, en Prusse, rarement en Hollande,
reus Temm.) et plus rarement encore dans le midi de la
“ France,
Cette espèce niche en Sibérie et dans les
contrées polaires de l'Amérique; d’après la
régularité de ces excursions, elle doit être
comprise parmi les oiseaux émigrants.
Oiecendrée(an- Cette espèce habite les mers, les plages et
er les marais des contrées orientales ; elle avance
ser ferus Temm.). rarement vers le Nord au delà de 530. Ses
passages en Allemagne et vers le centre de
l'Europe sont aussi réguliers que ceux qu’elle
fait en hiver en Hollande et dans le midi de
la France. Elle reste pen dans cette dernière
contrée, qu’elle quitte toujours à l'approche
du printemps.
Cette espèce paraît être la souche de toutes
les oies domestiques, et se rattacher comme
la précédente aux races émigrantes.
Oie sauvage (an-| L'oie sauvage habite les contrées arctiques
ser segetum Tem.), où elle niche constamment. Elle émigre pé-
riodiquement à deux époques différentes
vers les régions ftempérées dont elle n’est
chassée que par de très-grands froids. Alors
seulement elle se montre dans les contrées
méridionales, particulièrement dans celles de
la France. Mais, pour si peu que le froid
devienne moins vif, elle quitte le Midi pour
s'enfuir versles contrées septentrionales, son
séjour habituel.
Elle est assez abondante lors de son double
passage en Allemagne, et dans le nord de
l’Europe, mais surtout, à ce qu’il paraît , en
France. Il n’en est pas de même dans le cen-
tre et le midi de l’Europe, où ses excursions
sont tout à fait accidentelles, en sorte que
cette espèce est tantôt émigrante eterratique,
du moins dans certaines contrées.
Oie rieuse (anser| Cette oïe vit également dans les régions
1. voisines du cercle arctique, où elle niche ha-
albifi ons Temm.) bituellement. Elle paraît être assez commune
en Sibérie, d’où elle étend ses excursions
jusqu’en Hollande et le midi de la France.
Mais, dès que la belle saison approche, cette
espèce, comme la précédente, nous quitte,
pour voyager yers les régions arctiques, où
elle a fixé son séjour.
ORDRES +
I.
Palmipèdes
— 220 —
EE ——_—_———————
GENRES ET ESPÈCES.
Oie bernache (an-
ser leucops Tem.).
Oiecravant (an-
ser bernica Tem.).
Oie à cou roux
(anser rufficollis
Pallas).
140 Thalassi-
drome ({thalassi-
droma ‘Temm.)
(thalassidroma pe-
lagica Temm.)(oi-
seau des tempêtes
vulg.).
45° Pétrel (pro-
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
CCR ES ETES CC GREEN SNMMENNENNNES
La bernache habite les parties les plus
froides et les plus sauvages du Groënland,
de la Laponie et de la Sibérie. Elle est de pas-
sage acci“entel en automne et en hiver dans
les pays tempérés, d’où elle s’avance parfois
jusque dans le midi de la France. Elle niche
vers les contrées polaires, son séjour habi-
tuel.
Cette oïe a également pour patrie les ré-
gions arctiques, où elle niche constamment.
Elle porte ses courses en automne eten hiver
dans les pays tempérés, comme la Hollande
et le nord de la France. Elle s'arrête peu en
Allemagne, et parvient rarement jusque dans
le midi de la France. Cet oiseau, ainsi que
d’autres espèces de ce genre, retourne cons-
tamment, au printemps, vers les régions où
il construit son nid et où il se reproduit. Il
paraît donc erratique comme la bernache,
dont il a à peu près les mœurs.
L'oie à cou roux a pour patrie les contrées
arctiques de l’Asie et les bords de la mer
Glaciale. Elle paraît cependant émigrer d’une
manière périodique en Russie; maïs ce n’est
que très-accidentellement qu'elle étend ses
excursions jusqu'en Allemagne, et bien rare-
ment en Angleterre. On ne rencontre jamais
l'oie à cou roux ni en Hollande ni en France,
Emigrante relativement à la Russie, cette es-
pèce est simplement erratique eu égard à
l'Allemagne.
Cet oiseau a l'habitude, avant les tempêtes,
d'aller chercher un asile à l’arrière des vais-
seaux; aussi, à raison de cet instinct, on l'a
nommé l'oiseau des tempêtes.
La patrie de cette espèce intéressante pa-
raît être les mers du Nord, particulièrement
celles de l'Amérique septentrionale. Elle se
tient également aux Orcades, et aux Hébri-
des. Elle s'égare rarement sur les côtes de
l'Océan, et plus rarement encore sur celles
de la Méditerranée, arrivant parfois jusque
dans le midi de la France.
D'après les mœurs que nous venons d'assi-
gner à cette espèce, on doit la ranger, ce
semble, parmi les oiseaux erratiques, dont les
migrations n'ont rien de régulier ni de pé-
riodique.
Comme nous avons déjà parlé de l’appa-
rition de cet oiseau, qui est pour les naviga-
teurs un signe presque certain des tempêtes
qui vont suivre, nous croyons inutile d’insis-
ter plus longtemps à cet égard.
Les pétrels vivent à peu près constamment
comme les phaétons sur la surface des mers,
ORDRES:
I.
Palmipèdes.
— 221 —
A ————————————————————_—_—_—_——
GENRES ET ESPÈCES.
cellaria Linn. ).
Pétrel fulmar
(procellaria gla-
cialis Linn.).
16° Puñfin (puf-
finus Temm.).
Le puflin cen—
dré (puffinus ci-
nereus Temm.).
17° Slercoraire
(Lestris Ilig.).
Slercoraire po-
marin (lestris po-
marinus Temm.).
Slercoraire ca-
taracte (lestris ca-
taractus Temm.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
n’allant à terre que pour nicher. Ils se tien-
nent donc lorsqu'ils veulent se reposer sur
les écueils et les glaces flottantes des régions
polaires. Ils n'arrivent que très-accidentelle-
ment sur les côtes de l'Angleterre et de la
Hollande, presque jamais sur celles de la
France, et particulièrement sur celles du
Midi.
Ces oiseaux sontun de ceux quis’éloignent
le plus des côtes, et se trouvent à de plus
grandes distances de tout continent. Peut-
être doivent-ils, en partie, cette faculté, à
l'habitude qu’ils ont de piétiner sur l’eau, et
des’; soutenir à l’aide de leurs ailes ; c’est
pour eux le seul repos qu'ils prennent. D’a-
près leurs mœurs, les pétrels doivent être
classés parmi les espèces erratiques. Du
moins , les passages qu'ils font ailleurs que
dans les contrées où ils nichent ordinaire-
ment, c’est-à-dire les mers polaires, sont tout
à fait accidentels et n’ont rien de tixe ni de
régulier, Tels sont ceux qui les font arriver,
parfois, jusque sur les côtes de l'Amérique,
et particulièrement sur celles du Chili.
Le puffin habite toutes les mers ; il est très-
répandu sur toutes les côtes de la Méditer-
ranée, soit sur celles de la Corse, de l'Italie,
du midi de ia France et de l'Espagne. Il étend
même ses excursions jusqu'au Sénégal et au
cap de Bonne-Espérance, et, dans ce grand
intervalle, cette espèce ne présente aucune
différence appréciable. Les grandes excur-
sions auxqueiles se livre cet oiseau ne pa-
raissent pas être régulières ni périodiques ;
il appartiendrait donc à l’ordre des espèces
erratiques, ainsi que le genresuivant.
Cet oiseau habite les régions glacées du
Nord ; on le trouve daus les régions du cercle
arctique, aux Orcades, et sur les côtes d'E-
cosse, de Suède et de Norwége. Les vieux ar-
rivent très-accidentellement sur les bords
du Rhin, ainsi que sur les côtes de l'Océan.
Le: jeunes s'égarent plus souvent vers les
bords de la mer des pays tempérés, et pénè-
trent parfois dans l’intérieur des continents,
se tenant pour lors sur les bords des lacs de
la Suisse et de l'Allemagne.
Cette espèce habite, comme la précédente,
les régions du cercle arctique. Elle passe ac-
cidentellement sur les côtes de la Hollande,
surtout aux approches des tempêtes, dont sa
présence est un signe presque certain. Par-
fois elle y est poussée après les orages et les
ouragans, ce qui cependant est plus rare.
Cet oiseau étend également ses excursions
accidentelles jusque dans l'Amérique méri-
dionale.
— 222
I.
Palmipèdes.
Stercoraire pa-
rasite (Lestris para-
siticus Boie).
Stercoraire Ri-
chardson(lestrisRi-
chardsonii Tem.)
18° Moueite (La-
rus Linn.).
Mouelte à man-
eau noir (larus
marinus Linn.).
Mouette à man-
teau bleu (/arus
argentatus Tem.).
Cet oiseau habite les régions arctiques des
deux mondes, surtout celles d'Amérique. Il
est commun au Groënland, sur les bancs de
Terre-Neuve et au Spitzberg , où il niche. Il
se montre fort rarement dans les régions
tempérées, vers lesquelles il paraît émigrer
accidentellement. Il en est de même des ex-
cursions qu'il fait sur les côtes de Norwége,
et moins souvent sur celles d'Islande.
Observé jusqu’à présent sur les côtes ma-
ritimes de la Hollande, de l'Angleterre, du
nord de la France, il n’a pas été aperçu dans
le Midi.
Cette espèce habite les bords de la mer
Baltique, la Norwége, la Suède, se montre en
été en Islande, à Féroë et aux Orcades, et
pousse quelquefois ses excursions, dans cette
saison, vers leslacs et les rivières situés dans
l’intérieur des terres. On Ja voit aussi dans
l'Amérique du Nord sous les régions du cer—
cle arctique. Les jeunes s’avancent jusque
dans les contrées méridionales; mais les
vieux s’y montrent plus rarement.
Toutes les excursions auxquelles se livre
cette espèce paraissent accidentelles, en sorte
que, comme tous les oiseaux du même genre,
elle est essentiellement erratique.
Cette mouette, très-répandue aux Oreades
et aux Hébrides, habite constamment les ri—
vages de la mer, surtout vers ceux du nord
de l'Europe. Elle n’est pas moins commune
lors de son double passage sur les côtes de la
Hollande, de l’Angleterre et de la France;
mais à peu près uniquement sur celles de
l'Océan, étant fort rare sur les bords de la
Méditerranée. Ces passages périodiques n’ont
rien de commun avec les courses aceidentel-
les et rares que font ces oiseaux vers l’inté—
rieur des terres. Cette espèce, qui niche dans
les régions du cercle arctique, paraît, d’après
ses habitudes , se rapporter aux races émi-
grantes, du moins relativement aux courses
qu’elle fait sur les côtes de l'Océan, courses qui
paraissent périodiques et constantes.
La mouette à manteau bleu habite toute
l'année les côtes maritimes de la Hollande
et de la France , aussi bien celles de l'Océan,
que celles de la Méditerranée. Elle se mon-
tre aussi parfois sur les lacs d'eau douce
comme, par exemple, ceux de la Suisse, et
sur le bord des rivières. Ce sont principale-
ment les jeunes qui se livrent à ces excur-
sions. Cette mouette, essentiellement séden-
taire, n'abandonne presque jamais les côtes
maritimes de la France, où elle niche habi-
tuellement.
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. | ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
A Mouette à pieds Cette espèce habite en hiver les bords de la
F : nl mer dans toutes les contrées de l’Europe et
Palmipèdes. [jaunes (/arus fla-|üe l'Amérique septentrionale. Elle est com-
vipes Temm.). mune en été sur les côtes de la Baltique et
de la Hollande. Comme le précédent, cet oi-
seau vit sédentaire sur les côtes de la mer des
provinces méridionales de la France, où il
niche habituellement.
Mouette à pieds| Cette mouette est également commune aux
bleus (Larus canus|bords de la mer; mais elle paraît nicher ha-
kb . bituellement dans les régions du cercle arc-
Linn.). tique où elle passe l’été, tandis qu’elle de-
meure constamment l'hiver dans les contrées
tempérées de l’Europe, où elle arrive vers la
fin de l'automne.
Cet oiseau signale également l’approche
des tempêtes, s’avançant pour lors dans l’in-
térieur des terres en troupes plus ou moins
considérables. Ses passages périodiques et
réguliers doirent le faire comprendre parmi
les oiseaux émigrants.
Mouette tridac-| La mouette tridactyle ‘habite principale-
: 11 _|ment les lacs salés, les mers intérieures et
tyle (larus trida les golfes, et peu les côtes de l'Océan. Elleni-
ctylus Temm.). |che habituellement dans les régions du cercle
arctique, surtout en Islande. Ses passages
sont assez réguliers sur les côtes du midi de
la France, vers la fin de l'automne. Elle ne
nous quitte plus que vers le printemps, pas-
sant l'hiver dans nos contrées.
Mouette à bec! La mouette à bec grêle, toute nouvelle
A + | pour la science, paraît être du Midi et n’ha-
grêle (larus tenui- bite que les bords de la Méditerranée. S'il en
rostris Temm.). {est ainsi, cet oiseau aurait des habitudes
tout à fait sédentaires. Il n’a été encore
aperçu que sur les côtes de la Sicile et du
midi de la France.
Mouette rieuse! Cette espèce habite en été les rivières et les
JE lacs salés et ceux d'eaux douces. Elle se
(larus ridibundus | ne seulement en hiver sur les bords de
Temm.). la mer ; aussi est-elle fort commune en Hol-
lande et en Angleterre, tandis qu’elle est de
passage en Allemagne et dans le nord de
la France. Cependant la mouette rieuse se
trouve constamment sur les côtes du midi de
la France où elle est seulement plus fréquente
en automne et au printemps que dans toute
autre saison.
Elle serait donc sédentaire par rapport à
nous, tandis qu’elle serait erratique relative-
ment à l'Allemagne et au nord de la France.
-| La mouette pygmée commune, en Russie
Mouette PYE en Livonie et en Eionie, habite les fleuves,
ORDRES.
I.
Palmipèdes.
— 224 —
GENRES ET ESPÈCES.
mée (larus minu-
tus Temm.).
19°Hirondelle de
mer (sternaLinn.).
Hirondelle de
mer Tschegrava
( sterna caspia
Temm.).
Hirondelle de
mer Caugek (ster-
nacarilacaTem.).
Hirondelle de
mer Dougall (ster-
naDougallii Tem.)
Hirondelle de
mer Pierre-Garin
({ sterna hirundo
Linn.).
Hirondelle de
mer épouvantail
(sterna nigra Lin.)
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX:
les lacs et les mers des contrées orientales de
l'Europe; elle passe accidentellement en Al-
lemagne, en Hollande, et en hiver dans les
contrées maritimes des régions méridionales
telles que la Sicile et le midi de la France.
Quelques individus ont été rencontrés au
printemps en habits de noces sur les côtes
maritimes de nos provinces méridionales.
Des mœurs à peu près pareïlles sont com-
munes aux autres espèces de ce genre ; mais
iln'en est aucune autre qui arrive jusque
dans les provinces méridionales de la France,
nous ne nous arrêterons donc pas plus long-
temps sur ces oiseaux.
L'hirondelle de mer habite les bords de la
Baltique, les îles de ce golfe, la mer Cas-
pieune et l'Archipel. Elle est assez rare sur
les grands fleuves de l'Allemagne, et ne se
montre qu’accidentellement le long des cô-
tes de la Hollande, du nord et du midi de
la France. Son apparition est bien plus rare
encore sur les lacs et les rivières de l’inté-
rieur des continents.
Cette hirondelle habite les bords de la mer,
et rarement étend-elle ses excursions jusque
dans l’intérieur des terres. Elle porte néan-
moins ses migrations accidentelles sur pres-
que toutes les côtes maritimes du globe. On
la voit en effet en abondance au printemps
sur celles du nord et du sud de la France,
ainsi que sur celles dela Neuvelle-Hoïllande et
des îles qui l'entourent. Il y a plus: quelques
couples de cette espèce nichent et demeurent
tout l'été dans le midi de la France.
Cette espèce, très-commune sur toutes les
côtes d'Angleterre et d’Ecosse, se trouve
aussi en Norwége, et visite les côtes septen—
trionales de l'Océan. Elle est assez rare dans
le midi de la France.
Cet oiseau habite principalement les bords
de la mer; aussi est-il répandu sur une
grande étendue des côtes maritimes, et peu
sur les eaux douces, ou dans l'intérieur des
terres. L'hirondelle de mer Pierre-Garin n’est
pas rare daus le midi de la France, où elle
arrive au printemps et n'en repart qu'en
automne.
Cette espèce, la plus’ commune du genre,
arrive en grandes bandes vers la fin du mois
d'avril dans le midi de la France. Elle y ni-
che au milieu des étangs et des marais, et se
montre aussi dans l’intérieur des terres, sur
les rivières et même les ruisseaux où coule
une eau saumatre,.
— 225 —
EEE
ORDRES, GENRES FT ESPÈCES.
I.
Palmipèdes.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
+ PES SNAEE SENESEN GER PEMERRS
Cet oïseau se trouve également dans le
Nord et jusqu’au cercle arctique. Il paraît en
grand nombre en Hollande et dans les grands
marais de la Hongrie.
Les autres espèces de £e genre ont à peu
près les mêmes habitudes; certaines se rap—
portent comme les précédentes à des oiseaux
ou erratiques ou émigrants,
Les détails que nous venons de rapporter
semblent prouver que les coupes génériques
n'ont aucun rapport avec les habitudes des
oiseaux ; car les mêmes geures de palmipé-
des offrent à la fois des espèces dont lesunes
sont sédentaires, les autres erratiques, enfin
plusieurs sont émigrantes. Les guillemots et
bien d’autres oiseaux nous fournissent des
exemples de mœurs aussi diverses. D'un au-
tre côté, la même espèce se livre dans sou
jeune âge à des passages accidentels, tandis
qu'elle est tout à fait stationnaire lorsqu'elle
est adulte. Nous avons cité à cet égard le
plongeon imbrim. D'un autre côté, la mouette
rieuse, tout à fait sédentaire dans le midi de
la France, est au contraire erratique en Alle-
mague et dans le nord de la France.
Il est enfin quelques espèces de palmipèdes,
tels que les frégates, les pétrels, qui, sans
émigrer soit accidentellement, soit d’une
manière périodique, voyagent constamment,
parcourent les plus grandes distances et s'é-
loignent le plus des continents.
Ces dernières espèces de la haute mer méri-
tent de faire une classe à part, et doivent être
distinguées d’après leurs habitudes des ra-
ces précédentes. Elles sont en quelque sorte
les cosmopolites des mers. On doit les dési-
gner ainsi, quoique leurs mœurs ne soient
communes qu’à un fort petit nombre d’es-
pèces.
Du reste, si la plupart des oiseaux ont des
habitudes essentiellement voyageuses et sont
ou émigrants ou erratiques, il n’en est pas
moins un certain nombre tout à fait séden-
taires. Les guillemots, les plongeons, les
phaétons, les mouettes, et quelques moi-
neaux nous en fournissent des exemples aux-
quels on pourrait ajouter les manchots, qui,
d’après la conformation de leurs ailes, im-
propres au vol, sont essentiellement station-
uaires. Ainsi le nombre plus ou moins consi-
dérable, plus ou moins restreint des es-
pèces qui ont telles ou telles mœurs, est tout
à fait indifférent aux dénominations que l’on
doit employer pour les exprimer d'un seul
mot. C'est aussi d'après leurs habitudes que
nous avons classé les oiseaux en émigrante,
en erratiques, en cosmopolites et en séden-
taires, sans avoir égard au nombre de ceux
qui ont adopté telle ou telle manière de
vivre.
15
— 226 —
———————————— ————— —————— —— ——————————————
ORDRES. [GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
II. Foulque( fulica Cette espèce est la seule du genre us ha-
»: CRUE (EE Sa bite l’Europe. Elle se tient habituellement
F innatipèdes. B: iss.). près des TS , des lacs et des golfes, où
Foulque ma-—|ele vit dispersée par petites troupes. Néan-
croule ( fulica atralmoins ces oiseaux se réunissent l'hiver en
Temm \ bandes considérables sur les étangs salés
LEre Ge assez rapprochés des côtes du midi de la
France, étangs qui ue gèlent presque jamais.
Sans aller à terre, ou du moins rarement,
les foulques y demeurent jusqu’au commen-
cement du printemps et quelquefois même
plus tard. Elles y nichent communément, ou
du moins plusieurs individus demeurent pen-
dant tout l’été dans les provinces méridio-
nales de la France , étant en quelque sorte,
comme dans l'attente des autres qui viennent
ordinairement en automne. Par suite de cette
circonstance, les chasseurs tuent à peu près
constamment au mois d’août de jeunes foul-
ques.
Les foulques sont tellement nombreuses
dans les contrées marécageuses des provinces
méridionales, qu'elles y sont l’objet d’une
chasse particulière, à laquelle prennent part
une grande quantité de chasseurs, Nous n'o-
serions dire, qu’à raison de çe nombre les
foulques ou macreuses portent leurs excur-
sions jusqu'en Asie, soit au Japon, soit aux
îles de la Sonde. Comme les passages de cet
oiseau ont une assez grande régularité, il ap-
partient aux espèces que nous ayons nom
mées émigrantes.
re tte pate ee tres trs
Phalarope (pha- Le phalarope hyperboré habite les envi-
laropus Briss.) rous du cercle arctique, et se trouve en Si-
) ; APE ” bérie, en Islande , en Ecosse, aux Orcades,
Phalarope hy— aux Hébrides , et en Laponie, préférant
perboré (phalaro- pren les ste ou salées
F aux eaux douces, Il est de passage acci-
pue hyperboreus dentel sur les côtes de la Baltique ainsi
Temm.). qu’en Allemagne, en Hollande et sur les
côtes du midi de la France. C'est toujours
en hiver qu'il arrive dans les régions tem-
pérées ; il niche constamment vers le 68e de-
gré nord.
Phalarope pla- Cette espèce habite les parties orientales
Li: 1 du sud de l'Europe, où elle niche constam-
tyrhinque (phala- ment. Elle est coma en Sibérie, sur les
ropus platyrhin-| bords des grands laes et des rivières. Ce pha-
chas Temm.). larope est de passage accidentel sur les
grands lacs d'Asie, sur la mer Caspienne et
même en Amérique. Les excursions qu'il
fait parfois en Allemagne , en Angleterre et
plus rarement sur les lacs de Ja Suisse, ne
sont pas moins irrégulières. Aussi cette es-
pèce et la précédente sont des oiseaux es-
sentiellement erratiques.
— 2927 —
ORDRES.
II.
Pinnatipèdes.
III.
Echassiers divi-
|
|
|
|
|
|
|
|
|
GENRES ET ESPÈCES.
Grèbe (podiceps
Lath.).
Grèbe huppé
(podiceps cristatus
Temm.).
Grèbe jou-gris
‘podicepsrubricol-
lis Temm.).
Grèbe cornu
podiceps cornutus =
Temm.).
Grèbe oreillard
(podiceps auritus
Temm.).
Grèbe casta—
gneux (podiceps
minor Temm.).
Talève {porphy-
sés en trois ordres. rio Briss.).
1° Gralles.
Talève porphy-
rion { porphyrio
hyacinthinusTem.)
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
Le grèbe huppé habite les bords de la mer,
les étangs, les lacs et les rivières du nord de
l'Europe. Il est de passage périodique en
Allemagne, en Hollande, en Angleterre et
en France, où il arrive en automne, et n’en
repart qu’au printemps. Il se montre ordi-
nairement par paires, mais jamais en nombre
considérable, du moins dans le midi de la
France , où cette espèce est plus commune
qu’en Suisse.
Ce grèbe habite les rivières, les lacs et les
bords de la mer, de la partie orientale de
l'Europe. Ii passe accidentellement en Alle-
magne, en Hollande et en Suisse, mais plus
rarement en France, surtout dans le midi.
Cet oiseau habite principalement les par-
ties septentrionales et orientales de l'Europe.
es passages sont accidentels en Allemagne,
en Hollande, en Suisse et en France; ils sont
encore plus rares dans le Midi que partout
ailleurs. Le grèbe cornu ne borne pas ses
excursions à l'Europe; il les étend assez sou-
vent jusqu’en Amérique.
L'oreillard est généralement très-répandu
plutôt sur les lacs etlles rivières que sur les
côtes maritimes du nord et du midi de l'Eu-
rope. Il est très-commun en Allemagne, en
Suisse, en Italie, en France, et se montre
plus rarement en Hollande.
Cette espèce habite les contrées méridio-
nales de la France, ‘où elle est à peu près sé-
dentaire. Elle paraît assez rare dans les ré-
gions septentrionales. Comme ce grèbe cons-
truit son nid dans les roseaux, c’est dans les
marais qui en sont couverts, que l’on en dé-
couvre le plus grand nombre.
Les races de ce genre sont donc à la fois
émigrantes, tel est le grèbe huppé, ou erra-
tique, ce qui arrive au plus grand nombre,
ou enfin elles sont sédeutaires, comme le
castagneux. Les coupes génériques sont donc
sans influence sur le genre de migrations
ou de passages auxquels se livrent les oi-
seaux.
Les talèves vivent en grand nombre sur
les bords des lacs et des fleuves de la Sicile,
de la Calabre, des îles Ioniennes et de tout
l'Archipel et du Levant. On les trouve égale-
ment dans le nord del’Afrique, et les con-
trées orientales de l'Europe ; ils parvien—
nent même accidentellement jusque dans le
midi de la France ; ce qui les fait rentrer daus
la classe des oiseaux erratiques.
ORDRES.
— 998 —
a |
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
II.
Echassiers.
4° Gralles.
Poule d’eau (gal-
linula Lath.).
Poule d’eau de
genêt (gallinula
crex Temm.).
Poule d’eau ma-
rouelle . (gallinula
porzana Temm.).
Poule d’eau pous-
sin (gallinula pu-
silla Temm.).
Poule d’eau or-
dinaire (gallinula
chloropus Tem.).
Quant aux autres espèces de ce genre,
elles n'arrivent jamais dans le midi dela
France ; les unes sont d'Afrique, d’où elles ont
été transportées à l’île de France et en Amé-
rique, tel est le talève à manteau vert (por-
phyrio smaragnotus Temm.); et les autres
sont de la Nouvelle-Hollande, du Bengale et
de Java (porphyrio melanopus et albus
Lath.).
Cette espèce, qui habite jusque dans le nord
de l’Europe, arrive à peu près constamment
dans le midi de la France à la suite des
cailles ; aussi à raison de cette circonstance
a-t-elle été nommée roi des cailles. Ses passa-
ges sont donc périodiques comme ceux de ces
oiseaux : ces deux espèces ont encore cela de
commun de faire leurs voyages de nuit. Ce-
pendant, certaines années, le roi des caïlles,
qui habite aussi le nord de l’Europe, est
beaucoup plus abondant que dans certaines
autres. En effet en 1835, il a été assez rare,
tandis qu’en 1839 et 1840 il a été au con-
traire fort commun.
La marouette habite plutôt les contrées
méridionales que le nord de l’Europe. Elle
fait deux passages régulièrement dans le
midi de la France, l’un en automne et
l’autre au printemps. Aussi niche-t-elle dans
nos contrées comme l’espèce précédente. On
la dit peu commune en Allemagne et en Hol-
lande.
Cette espèce vit en grand nombre dans les
contrées orientales de l’Europe; elle est plus
commune en Italie et le midi de la France
que dans le nord de cette contrée. Elle passe
régulièrement dans les premières de ces ré-
gions , vers la fin du mois de mars; tandis
qu'elle ne paraît en Hollande que d’une
manière accidentelle. Des habitudes à peu
près semblables sont partagées par les au-
tres espèces de ce genre, dont la plupart
sont émigrantes, leurs voyages étant pério-
diques. Seulement la poule d’eau ordinaire
(gallinula chloropus Temm.) offre cette par-
ticularité, que nous avons remarquée chez un
assez grand nombre d'oiseaux, d'opérer des
passages accidentels dans quelques contrées,
et d’être tout à fait sédentaire dans quel-
ques autres.
Ainsi, comme les gallinula pusilla et
Baillonti, la poule d'eau ordinaire étend
ses migrations jusqu'au Japon comme dans
la plus grande partie de l'Asie, aïnsi que
dans les mers de l’Afrique et des îles de la
Sonde,
— 229 —
ORDRES, GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
III. Râle ( rallus| Cette espèce, commune en Allemagne,
Echassiers Linn.) j en Hollande et en France, est encore un de
î À ; ces oiseaux qui sont de passage dans certains
Râle d’eau (ral- pays, et sédentaires dans d’autres.
19 Gralles. lus aquaticus Lin.)
Bécasse (scola- La bécasse, très-abondante dans le nord
pax Illig ) de l’ancien continent , étend ses excursions
AE . |jusqu'’en Asie et au Japon. Elle est de passage
Bécasse ordi- périodique dans la plupart des contrées de
paire ( scolopax|l'Europe. Ses passages ont lieu dans le midi
rusticola Temm.) de la France dans le commencement du mois
‘7° | de novembre, et le second vers le milieu de
mars. Elle émigre alternativement des plai-
nes aux montagnes, et des montagnes dans
les plaines.
En Europe, cet oïseau habite pendant
l'été les Alpes , les Pyrénées , et descend en
automne dans les bois les mieux abrités, et
passe souvent l'hiver dans le midi de la
France.
L'humeur voyageuse de la bécasse ordi-
paire est si prononcée, qu'on la retrouve
jusqu’en Amérique. Aussi doit-on la ranger
parmi les espèces émigrantes.
Bécassine dou-| Cet oiseau se trouve dans presque toutes
ble (scolopax ma- les contrées de l’Europe, partout où ilexiste
22 N des montagnes et des prairies inondées. Il
jor Temm.). est de passage régulier dans quelques pays,
et accidentel dans d’autres, circonstances qui
sont beaucoup moins rares qu’on pourrait
| le croire au premier aperçu. Elle arrive or-
dinairement dans le midi de la France, dans
la première quinzaine d'avril, et n’y fait
| pour ainsi dire que passer. Elle reparaît en—
| core vers la fin de l'été, mais toujours en pe-
tit nombre, et ne s’y arrête pas. La quantité
de ces oiseaux de passage est si faible, que
si leurs voyages n'avaient pas lieu avec une
périodicité marquée, on serait tenté de les
considérer comme tout à fait accidentels.
Néanmoins celles qui passent dans le midi
de la France au printemps semblent se
rendre ensuite en Suisse et en Allemagne, où
elles vont nicher. Enfin cette espèce étend
si loin ses excursions, qu'elle arrive jusqu’au
Japon et dans presque toute l'Asie.
Les autres bécassines ont des mœurs à peu
près pareilles ; les seules particularités que
présente la bécassine sourde (scolopax galli-
nula Linn.), c'est de paraître une seule fois
dans le midi de la France en automne, pour
quitter ces régions au printemps.
Le passage des bécassines n'est considé-
rable dans les contrées méridionales que
lorsqu'il pleut beaucoup en automne. Aussi,
"EN
——————_—_—_—_—_—_—E—EEEEEEE |
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
III,
Echassiers.
1° Gralles.
|
|
|
Barge (limosa
Briss.).
| _ Barge à queue
noire (limosa me-
lanura Temm.).
Chevalier (tota-
nus Bechst).
| Chevalier arle-
quin (totanus fu-
|scus Temm.).
Chevalier gam-
bette (totanus ca-
lidris Temm.).
pendant quelques années, ces oiseaux étaient
si rares dans nos environs, qu'on croyait
qu'ils avaient perdu l'habitude d'y venir.
Les pluies abondantes de l'automne de 1839
les y ont ramenées, et jamais on n’en avait
autant aperçu qu'à cette époque. Cette cir-
constance indique combien les passages acci-
dentels des oïseaux sont inconstants et irré—
guliers,
La barge à queue noire passe souvent à
deux reprises différentes. Du reste, dans le
midi de la France, à l'exception des in-
dividus qui ont séjourné l'hiver dans les
marécages, elle n’a qu’un seul passage en
automne. Ces oiseaux arrivent pour lors
par petites troupes de quatre à cinq indivi-
dus, ou par paires. Les individus qui ont
passé l'hiver dans nos contrées doivent y
avoir niché; car ils reparaissent au mois
d'avril en troupes assez nombreuses. Ces oi-
seaux habitent de préférence les bords de
la mer, ou ceux des marais et des étangs
salés. L'autre espèce de barge , ou la rousse
(limosa rufa Temm.}), est de passage au
printemps dans le midi de la France; elle
porte également ses excursions dans plu-
sieurs contrées du midi et du centre de l’Eu-
rope, ainsi qu’à Timor, à Java et sur le con-
tinent de l'Inde, enfin dans la plus grande
partie de l’Asie et jusqu’au Japon.
L’arlequin habite les bords des fleuves, des
lacs et des marais. Il vit et se propage dans
les régions du cercle arctique, d’où il étend
ses migrations jusque dans l'Amérique mé-
ridionale et le Bengale. Le chevalier passe à
deux reprises différentes dans les contrées
méridionales de la France, c'est-à-dire au
mois de mars ou à la dernière quinzaine
d'avril. Mais au mois de mai il abandonne
nos parages pour remonter vers le Nord,
d'où il nous revient en automne. Cette es-
pèce est bien moins nombreuse à ce second
passage qu’au printemps.
Les voyages de cet oiseau étant assez cons-
tants et périodiques, ils doivent le faire com-
prendre parmi les espèces émigrantes.
Ce chevalier est généralement sédentaire
dans le midi de la France, qu'il quitte peu.
Néanmoins, il en passe un certain nombre
d'individus au printemps et en automne.
Cette espèce habite au printemps les ma-
rais et les prairies, tandis que dans l’arrière-
saison, ou en automne,ellese tient le long des
côtes maritimes. Elle paraît très-abondante
dans le nord de l'Europe, et surtout en Hol-
lande. Cette espèce pousseises excursions
ORDRES. IGENRES ET ESPÈCES, | ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
EI. | jusqu’au Bengale et au Japon, Ses mœurs
; | sont tout à fait particulières, car elles por-
Echassiers. tent tantôt cet oiseau à demeurer d'une ma-
| nière tout à fait stationnaire dans les pays
49 Gralles. | qui l’ont vu naître, et tantôt à se transpor-
ter à des époques plus ou moins périodiques
dans les climats les plus divers. C'est ainsi
qu'avec d’autres espèces du même genre,
telles que les chevaliers sylvains et ahoyeurs,
il arrive jusqu’en Asie, et pénètre jusqu’au
Japon.
Chevalier sta-
gnalile ( totanus
| stagnatilis Tem.).
Cet oiseau habite le nord de l’Europe, sur
les bords des fleuves et des rivières ; il émigre
le long des provinces orientales de l’Europe,
jusque vers la Méditerranée. On ne le voit
jamais sur les côtes de l'Océan. Ilarrive vers à
la fin du mois d'avril sur les côtes maritimes .x=
et dans les marais du midi de la France,
mais en petites bandes d'au plus cinq à six
individus. Cette espèce s'y arrête peu, et à
peine pour y prendre quelque nourriture.
|
Chevalier - cul
blanc ( totanus
achropusTemm.).
Le cul-blanc habite les bords des eaux
douces, plus habituellement les ruisseaux
limpides et les marais. Il ne se montre que
très-accidentellement sur les côtes maritimes,
quoiqu’à l’époque de son double passage il
soit répandu dans presque toute l'Europe.
Ce chevalier vit presque sédentaire dans
le midi de la France; il y est seulement plus
abondant en été qu’en hiver : ce qui est tout
le contraire chez la plupart des oiseaux
voyageurs.
| Chevalier syl-
vain (lotanus Gla-
reola Temm.).
|
Cet oiseau est assez abondant dans les par-
ties orientales du midi et du nord de l’Europe,
particulièrement dans jes contrées où se trou-
vent des marais et des eaux douces. Il niche
aussi bien dans le nord que dans les contrées
tempérées de l'Europe. Il porte ses excursions
fort loin et jusqu’au Bengale, aux îles de la
Sonde, des Moluques et au Japon. Quant à
celles qu’il fait dans le midi de la France, elles
ont à peu près constamment lieu au mois
| d'avril et cela en bandes fort nombreuses.
Chevalier gui-| Cette espèce habite le bord des eaux dou-
1 ces et limpides, et rarement les bords des
|gnette ( ARE eaux marécageuses, de toute l'Europe. Elle se
\hypoleucos Tem.).|trouve même jusqu'en Sibérie, au Kamts-
| chatka et aux îles de la Sonde, où on ne la
| trouve cependant qu'en plumage d'hiver.
1
|
À
Généralement le chevalier guignette est as-
|sez répandu à son double passage.
Chevalier a-! L'aboyeur habite ordinairement les bords
| des fleuves, rarement ceux de la mer. I!
boyeur ( totanus asse à denx reprises différentes en troupes
Î IP p P
— 232 —
LE ELELELELELE LUC OO TOO
ORDRES. GENRES ET FSPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX:
TITI. glottis Temm. }.
Echassiers.
1° Gralles.
Combattant(man-
chettes Cuy.).
Combattant va-
riable (manchettes
pugnu:z Cuy.).
peu nombreuses sur les côtes de la France et
de la Hollande, beaucoup moins sur celles
de l'Angleterre. Il est également assez rare
sur les grandes rivières de l'Allemagne et les
lacs de la Suisse. Enfin il pousse parfois ses
excursions jusqu’au Bengale.
Le premier des passages de ce chevalier a
lieu vers la fin du mois d'avril dans le midi
de la France, où il arrive en petites troupes
de quatre à douze individus; quelquefois
même ils voyagent par paires. Ils abandon-
nent tout à fait nos contrées au moment des
nichées ; mais dès la fin du mois d’août ils y
reviennent, disparaissant encore à l'approche
de l’hiver. On présume que ce chevalier ni-
che en Norwége, près des bords de la mer et
des marais salés.
Quant aux autres espèces de ce genre,
tels que le chevalier semi-palmé, celui à
longue queue et le perlé, elles sont toutes
de l'Amérique septentrionale, n’arrivant ja-
mais que d’une manière très-accidentelle
dans le Nord. On n’a jamais rencontré ces
différents oiseaux dans le midi de la France.
Cette espèce habite les prairies humi-
des et marécageuses de l’Europe, où il
porte ses excursions très-avant dans le nord.
Les émigrations de ces oiseaux ont lieu à
des époques différentes, suivant les contrées
qu'ils quittent, ou bien celles où ils se ren-
dent. Ainsi ils partent de la Hollande vers la
fin de juillet, et arrivent dans le midi de la
France, en automne, et ils y restent tout
l'hiver. Néanmoins, de forts passages de
cette espèce, qui semble venir d'Espagne,
ont lieu dans nos provinces méridionales en
mars et en avril. Aucun de ces individus ne
reste parmi nous pour y nicher.
D’après M. Temminck , que nous avons si
souvent l’occasion de citer, les mâles des
combattants, comme du plus grand nombre
des chevaliers, émigrent de la Hollande,
longtemps avant que les femelles en partent.
En effet ils quittent cette contrée vers la fin
de juillet, les femelles en septembre, et les
jeunes en octobre. Ce fait prouve que le be-
soin de se reproduire n’a pas une grande
influence sur les migrations des oïseaux
car, s’il en était autrement, les deux sexes
devraient, ce semble, partir en même temps,
ce qu'ils ne font pas cependant, du moins
chez cette espèce.
Cette observation, ainsi que beaucoup d’au-
tres que nous avons déjà rapportées, est une
preuve que les jeunes oiseaux ne voyagent
| pas avec les vieux, et que ceux-ci précèdent
le plus ordinairement les premiers , dans les
migrations, et la raison est facile à saisir,
ORDRES.
III.
Echassiers.
1° Gralles,
— 233 —
D ———_—_—_—_—_—_—_—_—_—_————_—————————————————
|
GENRES ET ESPÈCES.
|
Bécasseau (trin-
ga Briss.).
Bécasseau co-
corli (tringa sub-
arquata Femm.).
|
|
|
| Bécasseau bru-
|nette ({ringa va-
riabilis Temm.).
Bécasseau pla-
tyrhinque (tringa
a
platyrhincaTem..
| ÉPOQUES DES PASSAGES DFS OISEAUX.
Cet oiseau , assez répandu au bord de la
mer et des lacs de l’Europe, s’avance peu
dans l'intérieur des terres, quoiqu'il étende
ses migrations au Sénégal, au cap de Bonne-
Espérance, et jusque dans l’Amérique sep-
tentrionale. Les passages de ce bécasseau ont
lieu d'une manière régulière en automne et
au printemps. Aussi les voyons-nous arriver
à cette dernière époque de l'Espagne par
troupes nombreuses. C'est ordinairement au
mois d'avril qu'ils opèrent ces passages ,
mais au mois de mai ils nous quittent en-
tièrement. Ils reparaissent de nouveau vers
la fin de l'automne, ou du moins aux ap-
proches de l'hiver. Ces oiseaux se trouvent
probablement à la même époque dans le
midi de l'Espagne, où ils rencontrent comme
dans nos provinces la température qui leur
convient.
| Ils n’abandonnent pas non plus la Sicile et
[la Sardaigne pendant la mauvaise saison.
| Ces oiseaux n’en portent pas moins leurs ex-
eursions jusque dans les îles de la Sonde et
de la Nouvelle-Guinée.
On a donné le nom d’espagnolé à vette
espèce, du moins dans le langage du midi de
la France, à raison de ce qu’elle paraît venir,
au printemps, des côtes de l'Espagne.
Cet oiseau habite les marais ainsi que les
bords des rivières et des étangs, dans Ja plus
grande partie de l’Europe. Il se tient cepen-
dant de préférence au printemps sur les
côtes de la mer. On le trouve communément
en Angleterre, en Hollande, et le long des
côtes de la France. Il porte également ses
excursions à de fort grandes distances; car
on rencontre cet oiseau en plumage d'hiver
au Japon, enfin jusqu’aux îles de la Sonde,
et même jusqu'à Timor.
Le bécasseau brunette a deux époques de
passage dans le midi de la France, où il ar-
rive par bandes nombreuses. En automne il
nous vient du Nord. Un assez grand nombre
de ces individus restent l'hiver parmi nous,
et au printemps on les voit revenir en
grand nombre de l'Espagne. Ces nouveaux
venus nous quittent bientôt tout à fait. Du
reste, cette espèce exécute de pareils voyages
périodiques en automne et au printemps dans
la plupart des provinces de l'Europe. Ces
mœurs annoncent que cette espèce, comme
les précédentes, appartient aux races émi-
grantes.
Ce bécasseau, qui n’avait jamais été ob-
servé dans le midi de la France, y a paru au
mois d'août 1840. Les individus qui y ont
été pris étaient tous jeunes , ainsi que l’an-—
nonçaient les caractères de leur livrée.
— 234 —
OS
ORDRES, GENRES ET ESPÈCES.
HIT. Bécasseau vio-
Echassiers. let (tringa mariti-
ma Temm.).
1° Gralles.
Bécasseau tem-
mia (tringa Tem-
mincki Leisler).
Bécasseau é-
chasse (tringa mi-
nuta Temm.).
Bécasseau canul
(tringa cinerea
Linn.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
EE ELLE
Cet oiseau habite ordinairement les hords
de la mer, surtout vers le nord de l’Europe.
Ainsi il est assez commun en Norwége, sur
les côtes de la Baltique, en Angleterre, et
même accidentellement à la baie d'Hudson.
Le bécasseau violet niche très-avant dans les
rivières des régions polaires, surtout en Is-
lande. On le trouve du reste rarement dans
le midi de la France, où il ne se moutre
qu'en automne et en hiver, mais toujours
isolément.
Ce bécasseau habite les régions du cercle
arctique ; d’où il passe à deux reprises diffé-
rentes dans diverses parties de l'Allemagne,
de la Hollande et de la France. Il pousse
même ses excursions jusque dans l’île de
la Sonde et de Timor, où on le rencontre
en livrée d'hiver. Peu abondant dans le midi
de la France, il y passe seulement en au-
tomne, et demeure parmi nous l'hiver. I]
opère constamment ses passages d'une ma-
nière isolée, et jamais en troupes nombreuses,
Le bécasseau échasse habite l'été très-
avant dans le Nord, et se montre en grand
nombre auprès des marais salants de la Dal-
matie. On l'y voit eu septembre revêtu de
sa robe d'hiver, comme ceux que l'on ren-
contre dans l’Inde. Lors de ses passages en
France, cet oïseau porte à peu près cons-
tamment le plumage parfait de noces. C'est
donc pendant l'été que ce bécasseau s'avance
très-avant dans le nord de l’Europe, d'où il
étend ses migrations sur divers points. Il
suit à peu près constamment la direction des
rivières, et se montre successivement dans
la Dalmatie, l'Allemagne , la Suisse, le nord
de la France, et parvient enfin dans le midi
de cette contrée. Il y arrive aux mêmes
époques que l'espèce précédente, et nous
quitte également en même temps.
Cet oiseau habite les régions du cercle
arctique, principalement dans les marais en
été, au printemps et en automne, sur les
bords de la mer. Il fait deux passages par
année, et paraît être plus abondant dans
eertaines localités, à son passage du prin-
temps , qu'à celui de l’automne.
Le premier a lieu dans le midi de la
France au mois de mai; il dure peu, étant
{tout à fait terminé dans l’espace de huit
jours. Ces passages, ainsi que ceux qui ont
lieu en automne, se font par petites troupes.
Plusieurs des individus de ce second pas-
sage séjournent plus ou moins longtemps
dans les contrées méridionales de la France,
pendant l'hiver. Mais, comme un grand nom-
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
III.
bre d'autres oïseaux , ce bécasseau n’est pas
Echassiers.
également commun toutes les années.
Bécasseau pec-
toral (tringa pec-
toralis Temm.).
Le bécasseau pectoral, commun sur les
bords du New-Jersey, dans les Etats-Unis
d'Amérique, où il vit dans les marais, a été,
d’après Temminck, tué en Augleterre le
17 octobre 1830. Plusieurs individus ont été
également capturés dans les environs de
Montpellier, vers la fin d'octobre 1840. Ces
faits prouvent la coïncidence des époques
des migrations des oiseaux, et leur étendue ;
car les individus tués en Angleterre et en
France étaient partis de l'Amérique sep-
tentrionale, contrée qu’ils habitent ordinai-
rement.
1° Gralles.
Courlis (nume-—
nius Briss.).
Grand courlis
cendré (numenius
arquatus Temm.).
Le courlis cendré, commun dans plusieurs
contrées de l’Europe , fréquente principale-
ment les bords des rivières et les lieux aban-
donnés par les eaux. Ses passages sont régu-
liers sur les côtes dela Hollande et de la Fran-
ce. Quoique ce courlis soit sédentaire dans le
midi de cette contrée, et qu'il niche en assez
grand nombre dans le voisinage des eaux
ou dans les marais, nous en avons néanmoins
deux passages, l’un en mars et l’autre à la
fin du mois d'août.
Cet oiseau, comme une infinité d’autres,
pousse ses excursions jusqu’au Japon. Il est
donc émigrant dans certaines contrées et
sédentaire dans d’autres,
Courlis corlieu
(numenius phæo-
pus Temm.)
Cette espèce, assez répandue dans les
contrées tempérées et méridionales de l’Eu-
rope, se trouve également en assez grand
nombre au Japon et dans toutes les parties
de l'Inde. On la trouve également dans l’A-
mérique septentrionale, le Bengale et la Nou-
velle-Hollande. Elle ne fait qu’un seul passage
au printemps, lequel dure peu detemps, sur-
tout lorsqu'il n’y a pas beaucoup d'humidité
sur le sol. En général, il est moins commun
dans les provinces méridionales de la France
que le graud courlis cendré. On assure que
cet oiseau niche dans les régions boréales,
et même en Asie. Du reste, comme ses voya—
ges n’ont rien de périodique ni de régulier,
il apvartient aux races erratiques. Il en est
de même de la suivante.
Courlis à bec
gréle(numenius te-
nuirostris Temm.)
| |
|
Ce courlis est de passage dans les parties
méridionales de l'Italie et de la France, où
il s'égare accidentellement à l'époque du
mois d'octobre. L'Egypte paraît être sa vé-
ritable patrie, point d’où il visite égale-
ment Ja Grèce et la Dalmatie. Quatre indivi-
dus de cet oiseau ont été pris vers le milieu
du mois d'octobre 1840, dans les environs de
ORDRES.
III.
Echassiers.
1° Gralles.
1
— 9236 —
|
GENRES ET ESPÈCES.
Ibis (ibis Lacé-
pède) (ibis falci-
nellus Lacépède).
Spatule { plata-
lea Linn.).
Spatule blanche
(platalea leucoro-
dia Temm.).
Avocette (recur-
virostra Linn.).
Avocelte à nu-
que noire (recur-
virostra avocella
Linn.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
Montpellier. Cette année, remarquable par la
douceur de sa température, l’a été également
par les nombreuses espèces intéressantes d’oi-
seaux, dont les passages ont eu lieu dans
nos contrées.
On suppose que cet oiseau niche en Asie,
d'où il se rend en Egypte, dans tout l’Archipel,
en Turquie, en Hongrie, parcourant les
bords du Danube. Il étend ses courses jus-
qu’en Pologne, en Suisse et en Italie. On le
trouve aussi accidentellement en Hollande,
en Angleterre et dans le midi de la France.
Il ne fait que passer dans cette dernière con-
trée en troupes plus ou moins nombreuses
dans les premiers jours du mois de mai; il
paraît venir pour lors de l'Espagne, après
avoir franchi le détroit de Gibraltar.
Les individus qui passent dans le midi de
la France ne paraissent pas différer de ceux
qui habitent l'Egypte; mais ceux qui arri—
vent jusqu’ aux îles de la Sonde, des Molu-
ques et de la Nouvelle-Guinée sont toujours
des jeunes en livrée d’hiver. Du reste, les
passages de cet oiseau n’ayant rien de régu-
lier ni de périodique, comme ceux auxquels
se livre l'espèce suivante, il doit être classé
parmi les races erratiques.
La spatule, qui fréquente les bords des
fleuves et des mers, se réunit quelquefois
avec les cigogues pour voyager. Elle fait, à
deux reprises différentes et périodiques, des
passages le long des côtes maritimes: néan-.
moins elle est fort rare dans le midi de la
France, où elle ne se montre que l'hiver.
Sa présence est loin d'y être régulière, quoi—
que les jeunes et les vieux nous visitent
également. Cette espèce est assez commune
pendant l'hiver en Italie.
Au dire de Temminck, la spatule est éga-
lement fort répandue en Hollande, où elle
passe constamment deux fois par année.
Cet oiseau erratique habite les prairies et
les plages inondées par les eaux. Il est plus
rare le long des côtes de la mer, et très-acci-
dentellement s'avance-t-il dans l'intérieur
des terres. Cette espèce est assez répandue
dans toute l'Europe, d'où elle pousse ses ex-
cursions jusqu’en Egypte et au cap de Bonne-
Espérance. L'avocette à nuque noire arrive
à l’époque du printemps dans le midi de la
France, y passe l'été, et ne le quitte que
dans les premiers jours de l’automne. Elle
niche dans les environs d’Aigues-Mortes,
dans la Camargue, et vers les embouchures
du Rhône. Quant aux autres espèces de ce
genre, les unes habitent l'Amérique méri-
— 251 —
9 +
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
TT
II].
Echassiers.
1°Gralles.
Flamant (phœ-
nicopterus Linn.).
Flamant rose
| ( phænicopterus
antiquorumTem.)
dionale, les autres l'Inde, etenfin il enest une
qui vit dans l’Australo-Asie; mais ces oi-
seaux ne paraissent pas faire de voyages
même accidentels en Europe.
Le flamant habite l'Europe, passe en Afri-
que et au cap de Bonne-Espérance ; il] paraît
même pousser ses excursions jusqu’en Asie,
et être répandu dans les deux hémisphères.
On assure même que cet oiseau habite
toutes les contrées méridionales du nouveau
et de l’ancien continent, et qu'il niche par-
tout. Il arrive dans le.midi de la France
aux approches de l'hiver, disposé en grand
nombre en bandes triangulaires àla manière
des grues. Il niche dans ces contrées quand
les eaux sont abondantes, ayant l'habitude
de déposer ses œufs dans les plages sablon-
neuses et désertes. On assure qu'il a les
mêmes habitudes en Sardaigne, en Sicile et
en Calabre, et qu'il en est de même de ceux
qui émigrent accidentellement au delà du
Rhin. Quoi qu’il en soit, cet oiseau est séden-
taire dans le midi de la France, où il se
trouve parfois en quantité fort considérable,
comme par exemple , en l’année 1840, épo-
que fameuse par le grand nombre d'oiseaux
remarquables qui ont paru sur les côtes du
midi de la France.
En Sardaigne, les flamants émigrent en
grande partie vers la fin de mars pour repa-
raître constamment vers le milieu du mois
d'août. Alors, du haut du bastion qui sert de
promenade aux habitants de Cagliari, on
voit arriver de l'Afrique des vols nombreux
de ces oiseaux.
Disposés, comme les canards sauvages, en
bandes triangulaires, ils se montrent d'abord
comme une ligue de feux dans le ciel. Ils
s'avancent dans l’ordre le plus régulier; à la
vue des étangs voisins de Cagliari, qu'ils re-
connaissent pour leurs anciens domaines,
ils ralentissent leur marche et paraissent un
instant immobiles dans les airs; puis traçant,
par un mouvement lent et circulaire, une
spirale conique renversée, ils atteignent le
terme de leur émigration.
Brillant de tout l'éclat de leur parure
flamboyante, etrangés sur une même ligne,
ces oiseaux offrent un nouveau spectacle, et
représentent très-bien une petite armée en
ordre de bataille, ne laissant rien à désirer
pour l’ordre et la symétrie.
Par un contraste aussi singulier que cons-
tant (dit M. de la Marmora dans son Voyage
en Sardaigne) (1), aux flamants venus des
(x) Paris, chez Arthus Bertrand, 2e édition,
Paris, 1840. Chez Jos, Bocca, 1839.
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX:
IUT. régions australes succèdent de fort près les
ni ; oiseaux du Nord. Le mois d'octobre est à
Echassiers. peine commencé que les cygnes, les oïes, et
des milliers de canards arrivent en Sardaigne
1°Gralles. comme à un rendez-vous général. On dis-
tingue surtout le cygne et l’oie sauvage ,
les canards siffleurs, huppés , couronnés, et
une foule d’autres espèces émigrantes qui
viennent peupler les étangs de l’île et animer
leurs ondes.
A la même époque paraissent en grand
nombre les différentes espèces de hérons;
les grèbes, les cormorans et les foulques sont
plus nombreux en hiver. On y rencontre éga-
lement, dans les roseaux qui bordent les
marais, la brillante poule sultane, le por-
phyrion des anciens.
Nycticorax (ny- Le bihoreau habite les bois et les buissons
cticorax Cuv.). des lieux humides de la plus grande partie
5 de l’Europe. Il est du moins commun en
Bihoreau à man- Allemagne, en Hollande, en Angleterre et
teau ( nycticorax| en France. Ilarrive daus le midi de la France
ardeola Temm.). à l'époque du printemps, au commencement
du mois d'avril, et quitte cette contrée sou—
veut en automne. On assure que le bihoreau
ypasse parfois l'hiver, et niche parmi nous.
Cette espèce dépose ses œufs aussi bien dans
les rochers que dans les marais. Il paraît se
trouver également dans l'Amérique septen-
trionale. Les individus que l’on rencontre
dans cette contrée ne diffèrent pas de ceux
que l’on prend en Europe, dans la Chine,
ainsi qu’au Japon.
Héron ( ardea| Le héron cendré habite les terrains entre-
Linn ) coupés d’eau de la plus grande partie de
Sas l'Europe; il se trouve même jusque dans les
Héron cendré(ar- régions du cercle arctique. Cette espèce vit
dea cinerea Term.) | dans le midi de la France ; elle y opère cons-
tamment deux passages, l’un en automne et
l’autre au printemps. Ces passages réguliers
ont souvent lieu en troupes fort nombreuses,
etla font rentrer parmi les oiseaux émi-
grants. Le héron cendré, comme le pourpré,
l’aigrette, la garzette et le blongios, pousse
ses excursions dans toute l'Asie et jusqu'au
Japon.
Héron pourpré| Les mœurs de cette espèce sont à peu près
7 RTE les mêmes que celles de la précédente espèce.
(rardea HP ES Laits ge ARE peu tan ent FR le
Temm.). Nord, étant plus commune dans le Midi, où
elle niche ordinairement. Quelques individus
de ce héron pourpré passent l'hiver dans les
régions méridionales de la France ; enfin ce
héron paraît se rencontrer en abondance
jusque vers les confins de l'Asie, et passe
dans le midi de la France au commence-
ment du mois d'avril.
IE.
Echassiers.
1o{ralles.
or
it
— 239 —
po |
GENRES ET ESPÈCES.
Héron aigrelle
({ ardea egretta
Temm.).
Héron garzette
(ardea garzetta
Temm.).
Héron verany
( ardea verany
Temm.).
Héron grand
butor (ardea stel-
laris Temm.).
Héron crabier
( ardea ralloides
Temm.).
Héron blongios
( ardea minuta
Temm.).
Cigogne (cico-
nia Briss.).
Cigogne blan-
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
EL CS
Cet oiseau a les mêmes habitudes que les
autres espèces du même genre. Il habite la
Hongrie, la Pologne, la Russie, la Turquie
et la Sardaigne. Cette espèce erratique, de
passage accidentel dans quelques parties de
l'Allemagne, ne se montre que l'hiver dans
le midi de la France.
La garzette habite toute l'Asie; elle se
montre en assez grande abondance dans la
Turquie, tout l’Archipel, la Sicile, la Sar-
daigueet l'Italie. On la trouve du reste daus
tous les pays qui bordent la Méditerranée.
Elle est de passage périodique en Suisse et
en France, et accidentel seulement en Alle-
magne.
Elle passe d’une manière régulière dans
le midi de la France, où l’on suppose qu’elle
niche dans les marais. L'époque de ses pas-
sages est ordinairement dans la première
quinzaine du mois de mai.
Cet oiseau, qui habite l'Afrique, mais prin-
cipalement l'Egypte, le Sénégal, la Barbarie,
se trouve parfois en Sicile et dans le midi
de la France : du moins, on y rencontre quel-
ques individus que l'on doit supposer égarés,
ce héron ayant été aperçu constamment seul.
Le butor habite les marais ou les lieux
à demi inondés de la plus grande partie de
l'Europe. Il niche dans le midi de la France,
et il dépose ses œufs au milieu des roseaux.
Cette espèce, beaucoup plus répandue que
la précédente, se trouve en abondance vers
les confins de l'Asie, de la Turquie, dans tout
l’Archipel, en Sicile et en Italie. Elle est de
passage accidentel dans quelques parties mé-
ridionales de l’Allemagne. Les passages qu’elle
fait en Suisse et dans le midi de la France
se composent d’un assez grand nombre d'in-
dividus. Les jeunes nousarrivent aussi bien
que les vieux. De pareïlles mœurs annoncent
que cet oiseau rentre dans les races aqua-
tiques.
Ce héron habiteles contrées méridionales
de l’Europe, où il niche. Le héron blongios est
même assez commun en Hollande,et se montre
de passage en Allemagne et en Angleterre.
La cigogne blanche se trouve en Europe,
en Egypte, en Barbarie et dans l'Asie occi-
dentale. Elle fait presque partout des mi-
grations annuelles et périodiques. Celles
qu'elle exécute dans le midi de la France
ont lieu en automne et au printemps, en
Echassiers.
che (ciconia alba |général par troupes nombreuses. Quoiqu'elie
habite à peu près constamment le Nord
pendant l'été, il n’est pas rare cependant
d'en trouver au mois d'août dans le midi de
la France. Peut-être, cet oiseau y est-il égaré,
‘ou y vient-il par suite de quelque cause par-
{ticulière à nous inconnue.
Ainsi dans le courant de l'été de 1842,
cette cigogne est venue s’abattre sur le pont
de pierre de Lyon; elle s’est promenée en
be sens jusqu’à la nuit sur le bord de l’eau,
pêchant le goujon, et ne paraissant pas s’in-
quiéter de tout le bruit que le mouvement
des passants faisait autour d'elle. Le lende-
main, on nel'a plus revue ; elle avait repris
Isa route aérienne pour aller dans d’autres
climats.
Temm.).
ar
Cigogne noire} Loin d’habiter, comme la cigogne blanche,
( ciconia nigra les villes et les villages, la cigogne noire s’en-
Temm.\ fonce, au contraire, dans les sombres forêts
Je et les marais boisés. Elle est assez générale-
ment répandue en Turquie, en Hongrie, en
Pologne et en Suisse, se trouvant plus rare-
ment en Allemagne et en France, et jamais
en Hollande. On ne la voit du reste dans le
Midi que l'hiver ; elle ne paraît pas y nicher.
Ces deux espèces, dont les passages sont
constants et périodiques, rentrent dans la
classe des oiseaux émigrants.
Quant à la dernière espèce, la cigogne
maguari de Temminck, elle ne paraît pas
quitter l'Amérique, sa patrie.
1
ee m
Grue (grus Pal-| La grue cendrée habite les contrées orien-
las) tales de l'Europe, comme la Pologne et la
G Les Suède, d’où-elle émigre l'hiver vers les ré-
rue cendrée|ions méridionales, et particulièrement en
grus cinereaTem.) Afrique. Cette espèce voyage par bandes
nombreuses disposées en triangle, et plus
souvent de nuit que de jour. Lorsqu'elle se
repose à terre, elle place toujours en avant
de la troupe des sentinelles avancées chargées
de l’avertir au moindre danger; aussi les
grues ont-elles de tout temps attiré l’atten-
tion par la longueur de leurs voyages et les
précautions qui les accompagnent. Ces oï-
seaux se font encore remarquer par la hau-
teur, l'étendue et la puissance de leur vol,
qui est si grande, qu'ils parcourent en peu
de temps des espaces immenses. Ils arrivent
à la fin de l'automne dans le midi de la
|France, y passent l'hiver, et d'autres pas-
sages ont lieu au printemps ; ils quittent
bientôt cette contrée pour s'élever vers les
{parties les plus _septentrionales de l'Europe.
| Des mœurs à peu près pareilles distin-
|guent les deux autres espèces de grues, qui,
Pere la première, habitent en Europe et
{sont également émigrantes.
em me
— 241 —
LI.
Echassiers.
1° Gralles,
GENRES ET ESPÈCES.
Tourne - pierre
(strepsilas Illig.).
Tourne- pierre
à collier (strepsilas
|collaris Temm.).
|
|
|
|
Vanneau (va-
nellus Briss.).
Vanneau plu-
yier (vanellus me-
| lanogaster Tem.).
Î
|
Vanneau hup-
pé (vanellus cri-
status Temm.).
|
Pluvier (chara-
drius Linn.).
Pluvier doré
(charadrius plu-
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
Cet oïseau, qui fréquente principalement
les bords des mers, des lacs et des rivières,
est très-commun sur les îles de la mer Bal-
tique et de la Norwége. Il est plus rare sur
les rivières du centre de l'Europe, comme
sur les lacs de la Suisse et de l'Italie. Il vit
également dans l'Amérique septentrionale et
méridionale, au Sénégal, et enfin au cap de
Bonne-Espérance, n'éprouvant dans cet
immense intervalle aucune différence dans
ses caractères et ses habitudes.
Le tourne-pierre fait habituellement deux
apparitions dans le midi de la France, l’une
au printemps et l’autre en automne ; il y ar-
rive le plus souvent seul ou par paires, ou bien
mêlé aux vols des bécasseaux variables. Il y
passe, du reste, une partie de l'hiver. Quel-
ques individus de cette espèce poussent leurs
excursions dans toute l'Asie et jusqu’au
Japon.
Ce vanneau habite les bords de la mer des
pays tempérés de l’Europe, où il est de pas-
sage plus ou moins accidentel. Il est plus
commun en Hollande et en France qu'en
Allemagne, et surtout qu’en Suisse, où il se
montre moins fréquemment. Il paraît se ré—
pandre en été dans le Nord jusque dans les
régions du cercle arctique et sur les confins
de l'Asie, où l’on assure qu’il niche.
Cette espèce erratique arrive dans le midi
de ia France en automne ; elle y reste l'hiver.
Néanmoins un second passage, non moins
nombreux que le premier, a lieu au prin-
temps. Cet oiseau, ainsi que le vanneau
huppé, se livre à des émigrations fort éten-
dues; car d’Europeil parcourt toute l'Asie et
pénètre jusqu’au Japon.
Cet échassier habite l’Europe, l'Egypte et
le Japon. Il arrive en France, et particulière-
ment dans le Midi, par grandes troupes, vers
la fin de février ou au commencement de
mars. La ponte a lieu en avril, époque à
laquelle les vanneaux huppés cherchent les
localités les plus favorables aux soins de leur
progéniture. Au mois d'octobre, les familles
de ces oiseaux, dispersées dans les champs
marécageux, se rassemblent en bandes de
cinq à six cents et émigrent vers le Sud.
La régularité des passages de ces deux
espèces de vanneaux doivent les faire com-
prendre parmi les oiseaux émigrants.
Ce pluvier est commun dans les terrains
fangeux et humides du midi et du nord de
l’Europe. Il paraît être assez abondant à ses
deux passages en Hollande et en Allemagne.
Il arrive dans le midi de la France, et en
16
ORDRES:
EE |
II.
Echassiers.
10 Gralles.
— 242 —
GENRES ET ESPÈCES.
vialis Temm. ).
Pluvier gui -
gnard (charadrius
morinellus Tem.).
Grand pluvier
à collier ( cha-
radrius hiaticula
Temm.).
Petit pluvier à
collier (charadrius
minor Temm.).
Pluvier à collier
interrompu (cha-
radrius cantianus).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
Sardaigne en automne; il y passe l'hiver :
mais au printemps il quitte ces contrées
pour aller vers le Nord. Ces oiseaux volent
par grandes bandes, suivent la direction des
vents, et se tiennent rangés de front eur une
même ligne horizontale. Lorsqu'ils s’abattent,
ils se dirigent à peu près constamment le
long du cours des eaux.
Cette espèce émigrante, ainsi que les plu-
viers à grand et à petit collier, quoique fré-
quentant principalement les contrées tem-
pérées de l’Europe, n'en parcourt pas moins
l'Asie, et arrive jusqu'au Japon, où elle sé-
journe plus ou moins longtemps.
Le guignard habite les lieux fangeux, soit
de l’Asie, soit de l’Europe ; il est seulement
plus abondant dans la première de ces con-
trées. Il est de passage en Allemagne et en
France, et très-accidentellement en Hol-
lande. En hiver il est assez commun dans
l’Archipel, le Levant et l'Italie ; il est au con-
traire assez rare dans le midi de la France,
où on ne le rencontre jamais qu'isolé. C’est
ordinairement au commencement de l'hiver
et au mois de mai que son apparition a lieu.
On assure que cette espèce erratique niche
en Russie.
Cette espèce, assez répandue sur les bords
de la mer et des fleuves, se trouve dans
presque toutes les contrées tempérées de
l'Europe. Elle est commune en Allemagne,
en Hollande, en France et en Italie; elle
pousse également ses excursions jusqu’en
Amérique et au Japon. Cet oiseau passe ré-
gulièrement par petites bandes au printemps
et en automne; mais, dans cette dernière
saison, il est peu abondant. Au mois d'avril,
les grands pluviers à collier se séparent, et
on ne les rencontre plus alors que par paires
dans les lieux qu'ils ont choisis pour leur
résidence d'été.
Le petit pluvier a des mœurs à peu près
semblables à celles de l'espèce précédente
et le même genre d'habitation; seulement
il est plus abondant dans les contrées méri-
dionales que vers le Nord, et passe par pe-
tites troupes dans le midi de la France au
mois d'avril.
Quant au pluvier à collier interrompu
{charadrius cantianus), il est également
très-répandu dans le Nord ainsi que dans les
Indes et les Archipels. 11 passe deux fois
l’année daus le midi de la France, en au-
tomne et au printemps, et généralenient en
petit nombre.
ORDRES,
— 245 —
de . mme
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX:
III.
Echassiers.
1° Gralles.
Huîtrier (kæma-
topus Linn.).
Huîtrier pie (hcæ-
matopus ostrale-
gus Temm. ).
Echasse ( Hi-
mantopus Briss.).
Echasse à man-
teau noir (himan-
{opus melanopte-
rus Temm.).
Sanderling (ca-
lidris Ilig.).
Sanderling va-
riable (calidris a-
renaria Temm.).
Cet oïseau habite les côtes maritimes de
toute l'Europe pendant l'été et l'automne ;
l'hiver, il se répand dans l’intérieur desterres
humides, et pousse ses excursions jusqu’au
Japon et au Sénégal.
Il vit sédentaire sur les côtes de la mer
du midi de la France; quoiqu’un passage de
cette espèce ait lieu au mois de mars, il en
reste cependant quelques-uns dans le midi
de la France pour y nicher. Lorsque l’hui-
trier pie veut entreprendre ses voyages pé-
riodiques, il se réunit le plus souvent en
troupes assez considérables ; il est donc
à la fois erratique et sédentaire, double
circonstance qui, d’après les faits que nous
avons déjà rapportés , se représente chez
une infinité d’oiseaux , et dont l’œdicnème
nous fournira plus tard un exemple remar-
quable.
Les autres espèces du même genre sont de
l'Afrique ou de l'Amérique méridionale;
mais elles ne paraissent pas dans les régions
tempérées de l’Europe.
L'échasse est répandue dans les parties
orientales de l’Europe, ainsi qu’en Asie, en
Amérique, c’est-à-dire au Brésil, et enfin en
Afrique, particulièrement en Egypte. Elle
paraît nicher dans les vastes marais de la
Hongrie et de la Russie, où elle émigre en
troupes plus ou moins considérables. Il en
est de même dans le midi de la France, où
elle passe au mois d'avril, et ne nous quitte
qu’au mois d'août. Cette espèce ne s’y trouve
jamais qu’en assez petit nombre.
L’échasse, oiseau de passage dans quelques
contrées du Midi, et jamais dans le Nord, est
une espèce des plus répandues, quoique son
vol soit lourd. Si on la découvrait dans la
Nouvelle-Hollande, elle appartiendrait à tou-
tes les régions de la terre ; ce qui prouve que
la puissance et l’étendue du vol ne sont pas
des conditions absolues pour déterminer une
pareïlle universalité dans la dispersion des
oiseaux.
Le sanderling est assez généralement ré-
pandu le long des bords de la mer sur toute l’é-
tendue de l’Europe. Il niche dans les régions
du cercle arctique, et se trouve très-fréquem-
ment, en automne et au printemps, sur les
côtes de la Hollande et de l'Angleterre. Cette
espèce, fort rare dans le midi de la France,
étend néanmoins ses excursions dans des
contrées bien différentes et bien éloignées.
On la trouve à la fois en Asie, dans l’A-
mérique du Nord, ainsi que dans les îles de
la Sonde et de la Nouvelle-Guinée, et enfin
jusqu'au Japon.
III.
Échassiers.
19 Gralles.
20 Coureurs.
3° Alectorides.
— 244 —
GENRES ET ESPÈCES.
OEdicnème («-
dicnemusTemm.).
OEdicnème cri-
ard ( œdicnemus
|crepitans Temm.).
|
|
|
|
|
|
|
Coure-vite (cur-
sorius Temm.).
Coure-vite isa-
|
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
L'œdicnème habite les terres et les bandes
incultes plutôt du midi que du nord de
l'Europe. Il se montre peu communément
dans les régions orientales. Cette espèce est de
passage en Allemagne et très-accidentelle-
ment en Hollande. Quoique cet oiseau soit sé-
dentaire dans le midi de la France, il n’yopère
pas moins deux passages, l’un au mois de mars
let l’autreau mois de novembre.Les œdicnèmes
se réunissent pour lors en troupes plus ou
moins nombreuses, et constamment la nuit.
Habitant de l'Afrique méridionale, le
coure-vite parait étendre ses excursions
jusqu’en Asie. Il se montre quelquefois en
Europe et particulièrement dans le midi de
belle!{cursorius isa-|la France, où il est fort rare et ne se montre
|bellinus Temm.).
Outarde ( otis
Linn.).
Outarde barbue
qu'accidentellement. C'est une des espèces
erratiques les mieux caractérisées.
L'outarde barbue est généralement moins
commune dans le Nord que dans le Midi.
On la trouve en Dalmatie, en Italie et dans
quelques parties de la France, où elle niche
(otis tarda Temm.) | ainsi qu'en Allemagne. Elle est rare en Hol-
Outarde cane-
pelière (otis tetrao
Temm.).
Glaréole (ola-
reola Briss.).
Glaréole à col-
lier (glareola tor-
quatæ Temm.).
lande et en Angleterre.
Cette espèce visite les contrées méridionales
de la France pendant l'hiver ; elle y arrive de
auit eten grande abondance lorsque la tem-
pérature est très-basse ; dans le cas contraire,
on n’en voit pas une seule, ce qui prouve
que les voyages accidentels des oiseaux sont
principalement déterminés par la tempéra-
ture, et en même temps à quel point ces ani-
maux sont impressionnés par ses variations.
Cette espèce habite les lieux arides et dé-
couverts de la Turquie, de l'Afrique, de l'Italie
et de l'Espagne. Elle ne se trouve jamaïs dans
le Nord ; aussi est-elle rare en Allemagne et en
Suisse. Elle passe accidentellement l'hiver
dans le midi de la France, tandis qu'elle se
montre régulièrement dans les départements
| de l’ouest de cette contrée, où elle fait
son nid à terre, à la manière des gallinacés.
Cet oïseau habite le bord des mers, des
lacs et des fleuves de l'Asie, de la Hongrie
et de la Sardaigne. Il est de passage en Alle-
magne, en Suisse, en Italie et en France;
mais très-rarement pousse-t-il ses excursions
jusqu’en Hollande et en Angleterre. Cette
glaréole arrive dans le midi de la France
vers le milieu du mois d'avril, voyageant
par petites troupes de quinze à vingt indi-
vidus; elle quitte cette contrée dans les
| premiers jours du mois d'août, époque où la
| ponte est accompiie. Cet oiseau niche dans
le Midi et appartient, comme le précédent,
[aux races erratiques.
— 245 —
7
|
Il
|
|
|
ORDRES. GENRES ET FSPÈCES. ÉPOQUES DFS PASSAGES DES OISFAUX,
EV, Dindon sauvage Nous avons déjà RS 2: que cette
: : | espèce sauvage, souche des dindons domes-
Gallinacés. (meleagris gallo- Le MEL l'Amérique septentrionale ;
pavo Temm.). quoique son vol soit fort lourd, elle n'en fait
pas moins des excursions d’un canton à un
autre. Ces voyages paraissent déterminés
par le manque de nourriture dans celui
qu'elle avait choisi primitivement. Nous
ignorons si C’est par suite de circonstances
du même genre que cet oiseau seraitentrainé
accidentellement jusqu’en Sicile; ce fait si
extraordinaire mérite d’être confirmé par
des observations bien positives, pour être
admis comme exact et hors de toute contes-
FL oab
Quoi qu'il en soit, cette espèce, essentielle-
| ment sédentaire, devient quelquefois erra-
tique, par suite de circonstances qui la forcent
|à se déplacer et à faire des excursions, mais
| généralement d'une petite étendue.
Faisan (phasia-! Le faisan habite les provinces méridio-
nus Linn ) nales des confins de l'Asie, et se trouve éga-
s Ge : lement dans plusieurs contrées boréales de
Faisan vulgaire |j'Allemagne, de la Hollande, de l'Angleterre
(phasianus colchi-|et ae Dane? derniers proviennent
probablement de la Corse, où cet oiseau se
cus Temm.). trouve assez habituellement. Des individus
isolés et probablement égarés passent par-
fois dans le midi de la France; du reste, le
faisan se trouve en abondance dans le Cau-
case et les plaines couvertes de jones qui en-
{tourent la mer Caspienne, On croit généra-
{lement que son introduction en Grèce date
de l'expédition des Argonautes aux bords
du Phase ; depuis lors, le faisan a été recher-
| ché à cause de la bouté de sa chair. Le nom
anglais de cet oiseau, pheasant, rappelle
beaucoup mieux que son nom français qu'il
Ft originaire des bords du Phase.
Il
|
Tétras (tetrao| (Cette espèce vit au milieu des bois et des
Linn ) x montagnes où croissent des pins, des sapins,
“à É des bouleaux et des coudriers; aussi est-elle
Tétrasgelinolle |connue vulgairement sous le nom de poule
( etrao bonasia | de coudrier. Elle se trouve principalement
Ten ) sur les hautes montagnes des Pyrénées, du
5 qe Dauphiné et de la Provence. Quoique rare
dans les plaines du midi de la France, elle y
vient cependant parfois, à des époques plus
ou moins éloignées, toujours l'automne ou
hiver. En 1839, un assez grand nombre de
ces gelinottes fut aperçu dans le départe-
ment de l'Hérault. Elle niche uniquement
| dans les hautes montagnes, faisant son nid
{au milieu des bruyères et des buissons, dans
À { des lieux solitaires qu’elle choisit de préfé-
rence.
ORDRES.
IY,
Gallinacés.
— 246 —
GENRES ET ESPÈCES.
Le grand coq
de bruyère (tetrao
urogallus).
Tétras plammi-
gan ou lagopède
ordinaire ( tetrao
lagopus Linn.).
Ganga (pterocles
Temm.).
Ganga cata
(pterocles setarius
Temm.).
Perdrix (perdix
Latham).
Perdrix barta-
velle (perdix saxa-
tilis Temm.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
EE
Le grand coq de bruyère ({etrao wrogal-
lus), assez rare dans le nord de la France, se
trouve néanmoins dans les forêts des hautes
montagnes, depuis l'Allemagne jusqu’au
nord de l'Asie. Quant au petit coq de
bruyère ({etrao tetrix Linn.), il est plus ré-
pandu dans les parties centrales de l'Europe
que partout aïlleurs. On le trouve en plus
grand nombre en Allemagne et en France
que le grand coq de bruyère.
Cette espèce habite l'été les montagnes
les plus élevées de la Suisse et des Pyrénées,
et descend en hiver dans les régions moyen-
nes de ces montagnes. Elle est assez com-—
mune en Suède, en Laponie, en Ecosse et
dans le nord de la Suisse. On la trouve éga-
lement en Amérique; elle n’y diffère pas des
lagopèdes d'Europe.
Les autres espèces de ce genre ont les
mêmes habitudes, et l’une d'elles, le tétras
des saules, se trouve à la fois en Amérique
et en Europe; celle-ci serait erratique
comme la précédente, tandis que le grand
et le petit coq de bruyère paraissent être
sédentaires.
Cet oiseau habite les lieux arides et in-
cultes des contrées méridionales de l'Es-
pagne, de la Sicile, de l'Italie, et dans tout
le Levant. Il est commun en Perse, ainsi
que dans les plaines stériles de la Provence,
particulièrement dans celle de la Crau, qu’il
habite en grand nombre toute l’année. Quel-
ques individus s’égarent parfois dans les
plaines du Languedoc, soit qu'ils y vien-
nent des Pyrénées orientales on de la Pro-
vence, où ces oiseaux nichent assez habi-
tuellement.
L'autre espèce de ce genre, le ganga uni-
bande, est plus généralement répandue,
quoiqu'elle ne se montre pas en France. Elle
se trouve cependant en Espagne, en Sicile
et en Turquie, ainsi que dans l'Asie méri-
dionale et les déserts de l’Afrique.
La bartavelle habite la Grèce, ainsi que
quelques parties méridionales de l’Allema-
gne, du Tyrol, de la Suisse, de l'Italie, et
jusqu'en Turquie. Elle n’est pas rare sur
les hautes montagnes du Jura et des Pyré-
nées, d'où elle descend en hiver dans les
régions moyennes des montagnes. Elle est
fort rare dans le midi de la France, peut-
être parce qu'elle est fort recherchée par les
chasseurs; quoi qu'il en soit, cet oiseau
niche dans le Jura et appartient aux es-
pèces erratiques,
IV.
Gallinacés.
réri La perdrix rouge habite les plaines de
Perarix rouge bitalig et de la Fred méridiondlé où elle
( per dix rubra niche constamment vers le milieu du mois
Temm.). de mars. Elle fréquente peu le nord de la
France et la Hollande, ne se trouve jamais
en Allemagne, et rarement en Suisse, Comme
nous avons déjà parlé des migrations de cet
oiseau, il nous paraît inutile d'y revenir,
{ainsi que sur celles auxquelles se livre par-
{ticulièrement la caille. Nous dirons seule-
ment que, quoique le vol de cet oiseau soit
lourd, il n'en pousse pas moins ses excur-
sions en Asie et jusqu’au Japon.
| Perdrix grise À ice EE habite jee fort avant
| er Cet : ans le Nord, et pousse ses courses jusqu’en
K perdix cinerea Egypte et en Barbarie. Elle est de passage
|Temm.). dans certains pays, et sédentaire dans d’au-
tres. Quant aux migrations auxquelles se
| livre cet oiseau, elles ont lieu en automne,
| par bandes composées de plus de cent à
| deux cents individus. Le vol de la perdrix
| grise pouvant être longtemps soutenu, leurs
| migrations sont généralement lointaines.
Cette espèce, assez rare dans le midi de
| la France, est tantôt sédentaire et tantôt er-
ratique ; elle n’est commune que dans le
| nord de cette contrée, où elle remplace la
perdrix rouge. On ne la voit guère dans le
| Midi que pendant l'hiver à l'exception de
| celles qui y nichent. Du reste, elle se tient
en troupes plus ou moins considérables
| jusqu'au mois d'avril, dans les pays tempé-
rés, même froids, qu’elle recherche de préfé-
rence ; mais, passé cette époque, ces oiseaux
se retirent par paires dans les lieux écartés
| et solitaires, et passent l'été en monogamie
ou par couples séparés.
| Caille ( perdix| La caille habite l'été plusieurs contrées
: de l'Europe ; en hiver elle émigre en Egypte,
coturnix Latham) * [d’où elle se répand en Asie, en Syrie et dans
d’autres pays de l'Orient. La caille, fameuse
par l'étendue de ses migrations, quoique son
vol soit lourd, arrive dans le midi de la
France au commencement d'avril, où elle
niche bientôt après sa venue; car dès la
première quinzaiae de mai on voit déjà des
caïlleteaux. Vers le milieu des mois d'août et
de septembre, elle fait un second passage,
et quitte les provinces méridionales de la
France au commencement de l'hiver, pour
aller dans des pays plus chauds; néanmoins
quelques individus y demeurent tout l'hiver,
et, à raison de cette circonstance, on les
désigne en patois languedocien sous le nom
d'hivernenques.
Les caïlles qui nous viennent chaque an-
née s’en retournent avec la même régularité
en Afrique. Mais ce n’est pas là que ces oi-
— 248 —
EE
ORDRES, GENRES ET ESPÈCES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
IV. seaux bornent leurs voyages; îls en exé-
Gallinacés cutent en effet de plus étendus, et parcou-—
d rent pour ainsi dire le globe entier.
Comme nous avons tracé la route que
suivent les caïlles dans leurs longues excur-
sions, nous croyons inutile d’ajouter quel-
ques détails à ceux que nous avons donnés
dans l'explication de notre carte. Nous y
renverrons donc ; ils seront sans doute suffi-
sants pour en faire comprendre toute l’im-
portance et toute l'étendue,
Il règne encore de grandes incertitudes,
non pas précisément sur le passage des
cailles, maïs sur les lieux d’où ellesarrivent,
et sur ceux où elles vont passer l'hiver lors-
qu'elles quittent les régions tempérées. On
sait que ces oiseaux nous viennent d'Afrique,
et qu’en Egypte et sur les côtes de Barbarie
ils sont de passage, comme sur celles du
midi de la France. Si à leur départ des pro-
vinces méridionales elles franchissent éga-
lement les contrées africaines, elles par-
viennent bientôt sous la ligne; car il y a
une moindre distance de l’équateur au nord
de l'Afrique que de cette contrée au nord de
l’Europe, et jusqu’en Islande et en Norwége,
où l’on trouve encore des caïlles. Une fois
sous la ligne, ou l'ayant dépassée, elles vont
chercher un climat plus tempéré, indiffé-
remment vers le Midi ou vers le Nord, selon
le vent le plus favorable.
Aussi la plupart des navigateurs ont-
ils rencontré les caïlles dans la mer du Sud
et dans la mer des Indes, comme sur tous
les points de la terre. Levaillant a observé
au cap de Bonne-Espérance des passages
considérables de cailles de la même espèce,
et peut-être les mêmes qu’ilavait déjà vues en
| Europe. Que de chances pour leurs stations
et pour la quantité qu’il peut s’en diriger
annuellement vers la France.
Outre leurs migrations à des époques fixes
et invariables, qui font de ces oiseaux des
espèces essentiellement émigrantes, lescailles
sont encore assujetties à des déplacements
forcés, occasionnés par la sécheresse ou le
manque de nourriture. Comme une foule
d’autres oiseaux, elles n’aiment pas les lieux
secs et arides ; aussi, comme il est rare dans
le midi de la France qu'il n’y ait pas deux
ou trois mois de sécheresse en été, quoique
les cailles y soient souvent abondantes au
commencement de mai, elles abandonnent
bientôt cette région dès que la sécheresse
commence. On ne les revoit plus ensuite
en certain nombre qu’au mois de septembre;
celles-ci sont les caïlles du passage qui «
lieu à cette dernière époque.
Cette fuite momentanée est avantageuse
à la multiplication de ces oiseaux ; la récolte
SRE
oo
ORDRES, GENRES ET ESPÈCES,
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
IV.
Gallinacés.
Turnix tachy-
drome ({
dius tachydromus
Temm.).
des fourrages a lieu, dans les provinces méri-
dionales de la France, au mois de mai, et la
moisson en juin ; la plupart des couvées au-
raient été détruites avant que Jes petits fus-
sent éclos. Mais si, pendant la sécheresse, il
survient une pluie abondante, le lendemain
ou quelques jours après on entend chanter
un assez grand nombre de cailles dans les
lieux qu'elles avaient naguère abandonnés.
Cette circonstance prouve combien est er—
ronée l'opinion de ceux qui prétendent que
le nombre des caïlles diminue. Cette dimi-
nution supposée est occasionnée par la sé—
cheresse de certaines années : du moins dans
celles qui sont humides, on prend tonjours
ces oiseaux par milliers, ce qui à eu lieu
pendant deux années consécutives (1837 et
1838), et s’est répété toutes les fois que des
pluies ont été abondantes.
Les caiïlles diminuent si peu, que pendant
l’année 1842 elles sont arrivées sur les côtes
du Roussillon en nombre immense.Leur quan-
tité y a été si considérable qu’elles se sont
vendues sur le marché de Perpignan depuis
vingt jusqu'à trente centimes. Les reven-
deurs ont trouvé leur compte , en les por-
tant à Montpellier, où ils en ont trouvé de
quarante à quarante-cinq centimes. A Ja vé-
rité l’année 1842 s’est fait remarquer par
un printemps très-pluvieux , ce qui est fort
rare dans le midi de la France.
Cette circonstance n’a pas été la cause
de l’arrivée de ces cailles printanières. Car,
si leurs passages ont été nombreux dans le
Roussillon , ils ont été au contraire peu
abondants en individus dans le Languedoc,
qui est cependant si rapproché de cette pro-
vince.Ainsi, une année, une espèce émigrante
est extrêmement commune dans une loca-
lité, et fort rare au contraire daus une
autre; mais il ne faut pas admettre de cette
circonstance, que telle ou telle espèce dimi-
nue ; car de pareils faits il faut les embrasser
dans leur ensemble , et non dans quelques-
uns de leurs détails.
La caille est un oiseau fameux dans l’Ecri-
ture. Il en arriva une quantité si prodigieuse
dans le camp des Israélites que toute l’armée
des Hébreux s'en nourrit. Il paraît, d’après
Josèphe, qu’elles sont extrêmement commu-
nes aux environs de la mer Rouge.
Cet oiseau habite le midi de l'Espagne et
hemipo- la Sicile ; il n’a pas encore été aperçu dans
le midi de la France, mais seulement dans les
parties les plus septentrionales de l'Afrique.
Une autre espèce du même genre, le turnix
à croissants (hemipodius lunatus) habite à
[peu près les mêmes lieux. Elle paraît avoir
[également les mêmes habitudes que la pré-
ORDRES.
IV.
Gallinacés.
— 250 —
GENRES ET ESPÈCES.
Pigeon ramier
(columba palum-
bus Temm.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
cédente. L'inconstance et l'irrégularité des
passages de ces deux turnix est si grande,
que ces oiseaux doivent être considérés
comme erratiques.
Le ramier habite jusque vers le Nord ;
mais il est plus abondant dans les contrées
méridionales, où il vit dans les bois et les
forêts. Il est de passage dans les pays froids
et tempérés, et sédentaire dans les pays
chauds. Aussi trouve-t-on le ramier l’été en
Suède, en Russie et jusqu’en Sibérie.
Néanmoins les ramiers passent en assez
grand nombre dans le midi de la Franee,
pendant les mois d'octobre et de novembre.
Il en reste peu l'hiver ; mais, au mois de
février ou de mars , ils reparaissent de nou-
veau, par petites troupes, ou par paires ;
quelquefois même, ils voyagent isolément,
mais ceci a lieu du reste fort rarement.
Les passages des pigeons dans les Pyrénées,
attestés par un assez grand nombre d'obser-
vateurs, et sur lesquels M. Jubinal , profes-
seur à la faculté de Montpellier, a publié
récemment une note détaillée, sont envi-
ronnés de circonstances assez particulières
pour mériter d’être décrits.
Depuis la fin d’août jusqu’à la mi-septem-
bre, les ramiers (columba palumbus Linn.)
exécutent en grandes troupes leurs passages
dans Ja vallée de Saint-Pé, Ces oiseaux ne
s'élèvent pas à une grande hauteur en tra-
versant les montagnes des Pyrénées, peut-être
à raison des neiges qui en couvrent à cette
époque la plupart des cimes. En eflet, rare
ment ces hauteurs, supérieures au niveau
des neiges perpétuelles, n’en sont-elles pas
couronnées ; il faut des chaleurs bien ex-
traordinaires , pour qu'elles en soient tota-
lement dépourvues. Aussi les ramiers, comme
cela a lieu pour les cailles, suivent à peu
près constamment la ligne des collines, jus-
qu’au point où la chaîne s’abaisse, c'est-à-
dire, au bout de la vallée de Saint-Pé.
Les montagnards, qui ont observé les ha-
bitudes de ces oiseaux, ont cherché à en
profiter pour s’en emparer : pour cela ils
ont établi sur le lieu de leurs routes , sortes
d’endroits privilégiés, des cabanes où ils
s'étaolissent et se cachent en sentinelles
avancées. Si les ramiers volent directement
vers la gorge en demi-cercle, à l'extrémité
la plus élevée de laquelle des filets ont été
tendus, et que ces oiseaux doivent fran-
chir pour sortir de cette enceinte, on les
laisse sy engager. Si au contraire ils veu-
lent s’en écarter et passer ailleurs, les senti
nelles s'efforcent, par leurs gestes et leurs
eris, de les faire rentrer dans le demi-cerele
où des filets ont été placés.
— 251 —
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.| ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
Il arrive parfois que, parvenus à l’extré-
mité de la gorge , les ramiers soupçonnent
quelque piége. Pour l’éviter, ils cherchent
à s'élever en l’air ou à retourner en arrière ;
mais des chasseurs, placés sur de grands
trépieds, lancent au-dessus d’eux un bâton
en forme de croix, recouvert d’un léger
enduit de chaux, et par conséquent d’un
blanc fauve assez éclatant.
A l’aspect de ce bâton, lancé en l’air avec
violence , les ramiers croient voir l’épervier
fondre sur eux, et dans leur frayeur ils
s’abattent le plus près de terre possible. Ils
rasent pour lors le sol avec vitesse , et vont
donner tête baissée dans le filet, qui lâché
à leur approche, au moyen d'une petite
corde que tire le chasseur suspendu dans le
trépied , tombe sur la troupe et la recouvre
de ses mailles. De cette manière on prend
dans la saison plusieurs milliers de ces oi-
seaux voyageurs; l'homme les arrête ainsi
au milieu de leurs courses vagabondes , et,
par suite de leur instinct, ils reviennent
l'année suivante éprouver les mêmes périls
et succomber sous les mêmes dangers.
Le vol de ces pigeons n’a pas, du reste,
une aussi grande rapidité que celui des pi-
geons sauvages (colwmba migratoria). On
assure que cette espèce et quelques oïes sau-
vages parcourent, sans se fatiguer, jusqu’à
quarante milles par heure, et font sans se
poser à terre, un vol de quatre cent quatre-
vingts milles ou cent soixante-dix lieues
Ainsi ces oiseaux peuvent en un seul jour, se
rendre de Charles-Town, jusqu'aux établisse-
ments les plus septentrionaux des Etats-Unis.
Cette rapidité expliquecomment quelques pi-
geons tués dans les Etats du Nord avaient en-
core dans leur jabot des grains de riz qui n’é-
taient pas digérés, et qu'ils avaient dû
manger la veille dans la Caroline, ou dans
la Géorgie. On cite aussi l’exemple d’un fau-
con envoyé au duc de Lerme , qui retourna
en seize heures d'Espagne à l’île de Téné-
riffe , bien que la distance soit de sept cent
cinquante milles.
Les pigeons ne sont pas chassés des pays
froids, que certains individus de cegenre ha-
bitent, par l’abaissement de la température,
mais plutôt par le défaut denourriture qui se
fait sentir dansles lieux où ils avaient primi-
tivement fixé leur séjour. Buchmand tient la
première de ces opinions pour erronée, et
assure avoir vu au Canada de nombreuses
bandes de pigeons, pendant un hiver ex-
cessivement froid. A la vérité cet hiver suc-
cédait à un automne où les fruits et les
semences dont ces oiseaux se nourrissent
avaient été très-abondants, en sorte qu'il
paraît, d'après ces faits et ceux que nous
Gallinacés.
ORDRES.
IV.
Gallinacés,
GENRES ET FSPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
D PI EAN
avons consignés dans cet ouvrage, que le
manque d'aliments oblige bien plutôt les
oiseaux à se transporter d’un pays dans un
autre, que le changement dans la tempéra-
ture.
Les faits que nous venons de rapporter,
sur la rapidité du vol des pigeons, acquiè-
rent une nouvelle probabilité, d’après ceux
qui se trouvent consignés dans {a Presse de
Seine-et-Oise. D'après ce journal, le di-
manche % juillet 1841, une nouvelle expé-
rience de pigeons voyageurs eut lieu à
Versailles. La veille on avait reçu à la mai-
rie quarante pigeons expédiés par la société
d'amateurs établie à Berchem près d’An-
vers.
Ces oiseaux étaient arrivés à Versailles par
la diligence, renfermés dans un grand pa-
nier, par conséquent sans avoir pu acqué-
rir par eux-mêmes la moindre notion du
chemin qu'ils avaient parcouru et de 14 di-
rection qu'ils avaient suivie. Le lendemain,
à sept heures et demie du matin, on en a
lâché trente-neuf à la fois, de la cour de la
mairie, après avoir eu la précaution de leur
apposer une estampille contenant la note du
moment de leur départ.
Le quarantième s'était échappé quelque
temps auparavant , et avait pris sa volée, en
brisant un carreau. La troupe emplumée,
une fois en liberté, s’est élevée à une grande
hauteur, en décrivant un grand cercle, et
après avoir reconnu la position, par le mer-
veilleux et inexplicable instinct qui leur est
propre, les trente-neuf oiseaux se sont
élancés dans la direction convenable (nord-
nord-est). D’après la nouvelle que l’on en a
reçue , le premier pigeon est parvenu à son
colombier à mid-quinze minutes; trente-
cinq autres sont successivement arrivés à
quelques minutes de distance ; celui qui s’é-
tait évadé n'y a été rendu que dans la soirée.
Ces’oïseaux ont donc parcouru en quatre
heures quarante-six minutes à cing heures
dix minutes, un espace d'environ soixante-
quinze lieues en ligne directe, ce qui égale
la plus grande vitesse des chemins de fer,
en supposant qu'ils puissent parcourir une
pareille distance sans s’arrêter. Dès le même
jour, trente-deux pigeons de ceux qui ar-
rivaient de Versailles étaient déjà en route
pour une autre excursion.
Si ces faits sont exacts, comme tout porte
à le supposer, il en résulterait que les plus
longs voyages, exécutés même avec la plus
graude célérité, ne sauraient fatiguer les
oiseaux. D'un autre côté, ils pourraient
faire supposer, avec d'autres faits que nous
avons énumérés , que les bandes voyageuses
de ces animaux s'égarent beauçoup moins
ORDRES.
IV.
Gallinacés.
— 2535 —
GENRES ET ESPÈCES.
ÉLPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
A ES EE
que les individus isolés, et que générale-
ment elles trouvent bien mieux leurs routes.
Il est en effet, d'observation vulgaire, que
c'est uniquement les oiseaux isolés qui s'é-
garent, et jamais les bandes auxquelles ils
appartenaient, et dont ils faisaient partie.
Du reste, si les pigeons ramiers sont sé-
dentaires dans certaines contrées, princi-
palement dans les pays chauds, ils ne sont
pas émigrants pour d’autres régions, qu'ils
quittent à des époques déterminées, et où
ils reviennent à des époques qui ne sont pas
moins fixes que les premières.
Quelque merveilleux que soit l'instinct
qui porte tant d'oiseaux à se transporter
dans des régions différentes, il est possible
de le développer encore et de faire retrouver
aux habitants des airs leur gîte natal après
les avoir complétement dépaysés. C’est ce que
font tous les jours plusieurs sociétés de la
Belgique et de la Hollande qui élèvent dans
ce but un grand nombre de pigeons, et quel-
ques autres oiseaux voyageurs.
Parmi les exemples de ces faits curieux, il
en est un qui vient de se passer sous nos
yeux, et dont nous ne pouvons nous empé-
cher de rendre compte.
La compagnie du Phénix de Liége (Belgi-
que) a adressé à M. le maire de Montpellier
soixante et onze pigeons portant chacun
sous la queue l'empreinte d'un cachet. Cet
envoi avait été précédé d’une lettre dans la-
quelle la société priait M. le maire, après
avoir fait constater l'identité des pigeons, de
les faire contre-marquer. On devait leur don-
ner le vol à jour et à heure fixes, en trans-
mettant à la société la date précise de leur
départ simultané.
Ces pigeons arrivés à Montpellier le 23
juillet1843, en bonne santé, sous la direction
du sieur Constant, ont été lachés de la plate-
forme de l'Arc de triomphe ou porte du Pey-
rou, le mercredi 26 juillet à cinq heures pré-
cises du matin.
Pour certitude que les mêmes pigeons
retrouveraient leur gîte , ils ont été timbrés
du sceau de la mairie. En conséquence, à
l'heure fixée, les paniers, où étaient renfer-
més les pigeons, ont été ouverts, tous les
prisonniers se sont élevés simultanément en
décrivant des cercles concentriques; après
deux minutes, ils ont pris ensemble la direc-
tion du Nord. Quatre d’entre eux ont suivi
d’abord une autre route, mais après un quart
d'heure, ils sont revenus sur la plate-forme
du Peyrou ; ils yont demeuré dix-sept jours,
tant qu'ils y ont trouvé à manger. Au bout
de ce temps on ne les a plus revus.
D serait possible que ceux-ci fissent partie
de ceux qui ont été tués à Celle-Neuve, à
— 254 —
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
IV.
Gallinacés.
Adge et à Rodez, localités plus ou moins
éloignées de Montpellier et qui n'étaient pas
dans leur vraie direction.
Une lettre adressée à M. le maire de Mont-
pellier, par la société du Phénix, sous la date
du 17 août, lui a annoncé, qu’un des oi-
seaux lachés de Montpellier le 26 juillet était
arrivé à Liége le 29 juillet à six heures du
soir. Dix-sept autres se sont suivis successi-
vement de jour en jour, en sorte que le 16
août, dix-huit étaient rendus, un dix-neu-
vième avait été pris dans l'intervalle à douze
lieues de distance de son colombier succom-
bant à la fatigue et probablement à des bles-
sures,.
Aussi la société du Phénix , sans rien dire
de tous ceux qui ont manqué à l'appel, fait
observer à M. le maire, que sur deux des pi-
geons arrivés à Liége, on remarquait des
blessures qui ne pouvaient être que le résul-
tat de morsures et de déchirures. Ces plaies
avaient dû être faites, d'après elle, à ces vo-
latiles, pendant qu'ils étaient renfermés dans
des corbeilles, et avoir singulièrement com-
promis leur santé, et par suite le succès de
leur voyage.
J'ai consulté à cet égard les personnes
nommées par M. le maire pour prendre soin
de ces pigeons pendant leur séjour à Mont-
pellier. Elles m'ont affirmé que ces oiseaux
étaient arrivés bien sains, et que si on avait
remarqué des blessures à leur retour en Bel-
gique, elles devaient leur avoir été faites dans
leur traversée. Quant à la perte du plus grand
nombre de ces volatiles, elle s'explique par
les accidents inévitables dans un aussi long
voyage.
Quoi qu’il en soit, dix-huit de ces pigeons
ont retrouvé leurs colombiers éloignés de
plus de trois cents lieues de leur point de
départ. Ils y sont parvenus sans boussole et
sans aucune connaissance de la route qu'ils
devaient suivre. Ils avaient été exactement
enfermés dans des corbeïlles voilées qui
avaient été placées sur l'impériale d'une di-
ligence. L'un d'entre eux a fait régulière-
ment cent lieues par jour. Admirable instinct
supérieur à l'intelligence en prise avec de
pareilles et d'aussi grandes difficultés. Quel
homme pourrait en effet répondre de re-
trouver son chemin au milieu de l’océan aé-
rien, où rien ne saurait le guider ?
On se demandera peut-être, si ces dix-
huit pigeons qui ont retrouvé leurs colom-
biers étaient ou non à leurs premiers voya-
ges, ou si ce n'étaient pas ceux qui n’ont pas
su retrouver le lieu de leur naissance. Voici
l'unique renseignement que nous fournit la
lettre de la compagnie du Phénix du 17 août.
11 y est dit « que le procès-verbal du direc-
ORDRES:
IV.
Gallinacés.
— 255 —
UC QT CG TO OCELOOAAMQNAOAA
GENRES ET ESPÈCES.
Pigeon colom-
bin {columba ænas
Linn.).
Pigeon bisel (co-
lumba livia Term.)
Pigeon tourte-
relle (columba tur-
tur Temm.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
EE
teur de la police de Montpellier mentionnait
que deux ou trois pigeons s'étaient élevés en
l'air en tournoyant, et qu'ils avaient mis un
quart d’heure à s'orienter; ceci nous annonce
qu'ils avaient dû être blessés, car les pigeons
habitués à faire de longs voyages ne per-
dent pas de temps, et sont hors de vue en
moins d’une minute. »
Ces termes semblent assez clairs pour prou-
ver que les oiseaux envoyés de Liége à Mont-
pellier n'étaient pas à leur première course
lorsqu'ils se sont envolés de cette dernière
ville.
Ce pigeon habite les bois comme l'espèce
précédente, maïs on le rencontre en plus
grand nombre dans les contrées méridiona-
les que le premier de ces oiseaux. Aussi est-
il très-répandu en Afrique; il ne dépasse
pas pourtant le tropique.
Le colombin est de passage régulier en
Allemagne et dans quelques parties de la
France, où il arrive par bandes composées
de plusieurs centaines d'individus. Leur vol
haut est longtemps soutenu. C’est ordinai-
rement vers la fin du mois d'octobre ou vers
la mi-novembre , à la suite des gros vents
du nord, qu'il arrive dans le midi de la
France. Cette espèce est donc émigrante,
comme la plupart des pigeons.
Le biset se trouve rarement à l’état sau-
vage en Europe ; c’est uniquement dans le
nord de l'Afrique et dans quelques îles de
la Méditerranée qu'il se maintient dans une
entière indépendance. Il ne pousse pourtant
pas ses migrations jusqu’au delà du tropique.
Cet oiseau vit, dans les contrées tempérées
de l’Europe, dans une sorte de soumission
volontaire. Il se plaît à peupler de ses nom-
breuses tribus les gîtes qu’on lui offre, et
dans lesquels il se multiplie d’une manière
prodigieuse. Quelques individus à demi sau-
vages fréquentent le midi de la France,
où ils nichent entre les fentes des rochers,
ou plutôt de quelques vieux édifices. Le bi-
set pond seulement deux œufs blancs.
La tourterelle habite assez avant dans le
Nord, pas cependant vers les régions du
cercle arctique. Elle vit néanmoins en plus
grand nombre dans les bois et les taillis du
Midi. Quoique sédentaire dans quelques pays,
elle n’en est pas moins émigrante, ou de
passage périodique dans quelques autres.
Cet oiseau arrive dansle midi de l'Afrique et
dela France, souvent si épuisé de fatigue qu'il
se laisse tuer sans songer à prendre la fuite.
Ilen reste un assez grand nombre dans cette
ORDRES.
IV.
Gallinacés.
V
Passereaux,
1° Chélidons.
— 256 —
GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
contrée, où cette espèce passe la belle sai-
son et s’y reproduit. Les tourterelles nous
quittent cependant en automne, et vont pas-
ser l'hiver dans les contrées plus chaudes de
la Chine et de l'Afrique. Elles vivent du reste
dans le Midi par paires, réunies par troupes
plus on moins nombreuses, et nous donnent
|des exemples d’une fidélité touchante. C'est
|à cette fidélité, ou à leur constance conju-
[gale dont il est en quelque sorte l'emblème,
que cet oiseau doit sa célébrité.
Engoulevent(ca- L'engoulevent vit au milieu des bois et
primulgus Linn.). des forêts rpprpne es ee et ee
rairies, et cela dans toute l’Europe, plus
ÆEngoulevent or: ane dans le Midi que dans le Nord.
dinaire ( capri = |I1 se trouve plus fréquemment en Allemagne
mulgus europœus et en France qu’en Hollande.
Temm ) Au printemps, vers le mois d'avril, ou au
7” plus tard en mai, il arrive dans le midi de la
France ; rarement on en voit plusieurs en-
semble. Ces oiseaux volent peu pendant le
jour. Ils ne sortent guère que le soir , pour-
suivant les insectes en volant, à la manière
des hirondelles et des martinets. Les engou-
Jevents nichent du reste dans le Midi, se bor--
nant à déposer leurs œufs dans un trou à terre,
dans le creux d’un arbre, ou dans une fente
de rocher.
Engoulevent à| cet engoulevent se trouve dans les parties
collier roux (ca— septentrionales de l'Afrique, le midi de l’'Es-
: pagne, à Gibraltar et dans le Roussillon, où il
primulg Li rufi col- RSA TenT tous les printemps. C’est éga-
lis Temm.). lement au mois de mai, qu'ont été pris
ceux qui ont été observés jusqu’à présent
dans la partie sud du Languedoc. Cet oïseau
paraît avoir les mêmes mœurs et les mêmes
habitudes que l'espèce précédente,
Martinet ( Cy-| Le martinet à ventre blanc, assez répandu
pselus Illig.). peut-être à raison de e re de son . 4
- £ se trouve dans toutes les îles de l'Archipel,
Martinet à ven- à Malte, en Sardaigne, aux îles d'Ilyères ,
tre blanc (cypselus | en Tyrol, en Italie et en France. Il est plus
alpinus Temm.) . [abondant en automne, et principalement au
mois de septembre, que dans aucune autre
saison de l'année. Ces oiseaux nichent habi-
tuellement dans le midi de la France. Ils ar—
rivent du reste plus tôt dans le Midi que le
martinet de muraille. C'est le plus souvent
au commencement du mois d'avril qu'ils
apparaissent parmi nous.
Martinet del Cette espèce visite non-seulement toute
: l'Europe, mais elle étend encore ses excur-
muraille (cypselus sions jusqu'au cap de Bonne-Espérance et
murarius Temm.). {sur la côte nord-ouest de l'Amérique. Leur
séjour se prolonge pen dans le midi de la
GENRES ET ESPÈCES.
ORDRES.
À "4
Passereaux,
49 Chélidons.
Hirondelle (hi-
rundo Linn.).
Hirondelle de
cheminée (hirundo
rustica Temm.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
EEE
France, comme dans le reste de cette contrée,
où ces oiseaux arrivent à la fin d'avril, et
en repartent vers la fin de juillet ou dans
les premiers jours du mois d'août. D’après
toutes ces circonstances, il est facile de sai-
sir que les martinets, comme les hirondelles,
avec lesquelles ils ont les plus grandes ana-
logies, sont des oiseaux essentiellement émi-
grants.
L'hirondelle de cheminée se trouve dans
toutes les contrées de l’Europe où l’homme
a fixé son séjour. C’est aussi auprès des habi-
tations qu’elle place son nid et dépose l’es-
poir de sa race. Elle précède le plus ordi-
nairement le retour du printemps dans le
midi de la France. Du reste, l’arrivée de ces
oiseaux est aussi fixe que régulière.
Eu effet, d’après des observations suivies
avec constance pendant trenute-quatre an-
nées en Angleterre et quatre années sur le
continent, l'apparition de ces oiseaux a va-
rié du 1er avril au 23 du même mois. Leur
venue à lieu par toutes sortes de vents,
quelquefois même pendant des vents très-
violents, ou même pendant des ouragans.
Elle s’est également opérée, quoique la terre
fût encore couverte de neige et le temps ex-
trêmement froid.
Le 14 avril a été dans ce long intervalle
de temps le terme moyen de l'apparition
des hirondelles ; mais il faut observer que
ces oiseaux continuent souvent d'arriver
quinze jours après leur première venue. Il
en est de même de leur départ : quoique en
général ils quittent les régions tempérées
vers la mi-septembre, il n’est que trop
connu qu'il en est un assez grand nombre
qui en partent beaucoup plus tard, ou vers
le milieu ou vers la fin d'octobre.
Nous ferons encore remarquer que les hi-
rondelles ont à peine paru, du moins en
France, en 1832, dans les lieux où le choléra
exerçait le plus complétement ses ravages.
Ces oiseaux paraissent étendre leurs migra-
tions au delà du tropique, et les pous-
sent , ainsi que l’hirondelle rousseline, jus-
qu’au Japon et même dans les diverses par—
ties du globe, Comme nous avons décrit avee
détail, dans l'explication de notre carte,
la route suivie par cette hirondelle dans ses
longues excursions , nous y renverrons.
Nous ferons seulement observer que ce genre
se signale principalement entre tous les oï-
seaux par l'étendue et la régularité de ses
migrations. Mais parmi les hirondelles, celle
de cheminée se distingue surtout par l’u-
niversalité de ses voyages. Elle se trouve
partout , ainsi que nous l'avons déjà dit.
17
— 258 —
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
Y.
Passereaux.
1° Chélidons.
Hirondelle rous-
seline ( hirundo
rufula Levaillant).
Hirondelle de
fenêtre (hirundo
urbica Temm.).
Hirondelle de
rivage (hirundo ri-
paria Temm.).
C’est de cette espèce que l'Ecriture a voulu
parler, en décrivant les longs voyages qu’elle
entreprend, ainsi que les tourterelles, les mi-
lans et la cigogne. Elle nous a dépeint égale-
ment la régularité des retours de ces oiseaux
au printemps, dès que la saison des frimas
est passée.
Cette hirondelle habite les contrées mé-
ridionales de l'Afrique, particulièrement
l'Egypte, d’où elle porteses excursions jusque
dans le midi de l’Europe. Elle est de passage
accidentel dans le midi de la France, ainsi
que dans la Sicile et l'Archipel. Ses excursions
ont lieu au moïs de mai; les seuls indivi-
dus qui aient été rencontrés jusqu’à pré-
sent étaient des mâles,
L'hirondellè de fenêtre fréquente toutes
les contrées de l'Europe, et ne pousse pas
ses migrations au delà du tropique. Elle ar—
rive ordinairement dans le midi de la France
après l’hirondelle de cheminée, et cepen-
dant elle paraît en repartir constamment
avant cette espèce.
f
Cette hirondelle habite le bord des ri-
vières de l'Europe et de l'Afrique méridio-
nale, et niche ordinairement dans les mêmes
contrées. Elle paraît être sédentaire dans
l'île de Malte, et ne faire que passer dans le
midi de la France, où elle arrive plus tard
que l’hirondelle de cheminée. Comme nous
avons décrit avec détail la route suivie par
cette espèce pendant ses longues excur-
sions , daus l'explication que nous avons
donnée de notre carte, nous reuverrons à
cet égard aux observations que nous ferons
plus tard. Ses mœurs diffèrent de celles
des espèces précédentes, qui ne nous quit-
tent guère que vers l'équinoxe d'automne,
pour se rendre dans des climats plus chaude,
Du moins ces hirondelles se montrent pour
lors au Sénégal, où elles passeraient l'hi-
ver et changeraient de plumes. Cependant,
d’après d’autres observations, les plus jen—
nes de ces oïseaux s'engourdiraient l’hi-
ver, et passeraient ainsi la rude saison, à
la manière des loirs et des marmottes. Mais
cet engourdissement ne les porterait pas,
comme on l'avait supposé avant Spallan-
zani, à passer l'hiver au fond des lacs ou
des étangs.
Quoi qu'il en soif, l’hirondelle des rivages
niche &Gans le midi de la France. On l’a ob-
servée particulièrement dans les environs de
Beziers. Elle se cache dans des trous qu’elle
creuse sur les Lords de la rivière de l'Ord. En
— 259 —
à
ORDRES:
hé
Passereaux.
19 Chélidons.
GENRES ET ESPÈCES.
Hirondelle de
rochers ( hirundo
rupestris Temm.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
EE EN
frappant fortement le sol, on parvient sou-
vent à lui faire quitter sa retraite.
L'opinion que nous venons de rapporter
n'a jamais été appuyée sur des faits assez
positifs pour être adoptée. Quelques indi-
vidus pourraient bien se mettre l'hiver à
l'abri du froid dans quelques trous de ra-
chers, sans pour cela y être dans un en-
gourdissement complet. Les individus qui
se tapiraient ainsi succomberaient bientôt ;
aussi n’en a-t-on jamais vu dans un pareil
état dans les contrées méridionales pendant
l'hiver.
Le 10 décembre 1843, passant surles bords
du Lez au bord du bassin de la chaussée de
Sauret, nous avons aperçu, à notre grand
étonnement, quatre hirondelles de rivage
(kirundo riparia) qui planaient en se jouant
à la surface des eaux. Nous sommes repassé
deux jours après, le 12, dans le même lieu,
et ces oiseaux y étaient ‘encure.
La présence de ces oiseaux dans les envi—
rons de Montpellier à une pareille époque
tient sans doute à la beauté du mois de âé-
eembre de l'année 18#3, et à la température
élevée qui l’a particulièrement signalé.
Cette hirondelle habite les rochers escar—
pés des contrées méridionales de l'Europe.
Elle ne parait pas du moins se rencontrer
dans le Nord, quoiqu’elle se montre dans la
Suisse, la Savoie, le Piémont et les Alpes.
On est moins surpr is de la trouver en Espa-
gne et dans les Pyrénées-Orientales. La plus
printanière, elle arrive dans le midi de la
France dès Îe mois de mars, et avant toutes
les autres hirondelles. Elle niche dans le
midi de la France, et dépose ses œufs entre
les fentes des rochers.
L'article relatif aux palmipèdes étant im-
primé, nous croyons devoir placer i ici une ad-
dition d’urr certain intérêt et qui est relative
à l’apparition de l’hirondelle arctique (sterna
&rclica) sur les côtes de Ja Manche, Cet oiseau
n’a de commun avec les hirondelles que son
nom vulgaire; il habite principalement 12s
xochers qui bordent les mers arctiques. On
le voit communément au Groënland, en Is—
lande, aux îles Féroé et enfin à l’île Melville.
Quoique habitant les pays froids, cet oiseau
est arrivé en assez grand nombre aux envi
rons de Dieppe le 2 octobre 1843. Il y est
venu pour y chercher un abri contre le mau-
vais temps ; maïs on ne se rappelait pas dans
cette ville dé l'avoir jamais vu en aussi grande
quantité que pendant l'automne de l’année
1843.
M. Josse Hardi qui habite Dieppe, et s'oc-
— 260 —
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES,
|
V.
Passereaux.
20 Alcyons. Martin-pêcheur
(alcedo Temm.).
Martin-pêcheur
alcyon (alcedo his-
pida Temm. ).
Guêpier (me-
rops Linn.).
Guêpier vul-
gaire (merops a-
piaster Temm.).
Guêpier de Sa-
vigny (merops Sa-
vignyi Temm.).
3° Anisodactyles.| Huppe (upupa
Linn.).
Huppe (upupa
epops Temm.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
cupe avec zèle de l'histoire des oiseaux du
nord de la France, à recueilli plus d’une
trentaine d'individus de cette hirondelle si
rare dans cette contrée. Elle l’est bien plus
encore dans les départements méridionaux.
Le martin - pêcheur vit au bord des eaux
dans les différentes parties de l'Europe; il
y est généralement plus rare dans le Midi
que dans le Nord. Il fait deux passages dans
les provinces méridionales dela France, l’un
en automne et l’autre en hiver. Plusieurs in-
dividus y passent cette dernière saison ; quel-
ques autres y nichent assez ordinairement,
et restent sédentaires dans nos contrées, où
on les trouve constamment daus toutes les
saisons. Si donc cet oiseau est sédentaire en
partie, il n’en est pas moins émigrant, puis—
qu'il exécute des migrations à des époques
fixes et régulières,
Le guêépier se rencontre principalement
daus les parties méridionales de l'Allemagne,
de la Snisse et de l'Italie. Il est plus commun
en Italie, en Espagne, dans la Sicile, la Tur-
quie et tout l’Archipel ; il pousse même ses
excursions jusqu’au cap de Bonne-Espé-
rance.
C’est à l'époque du mois d'avril que ce
guépier arrive dans le midi de la France, où
il nous vient d'Afrique. Quoique ses passages
soient constants et périodiques, ils ne sont
pas toujours aussi nombreux qu'ils le fu-
rent pendant l’année 1839. Ces oiseaux émi-
grants effectuent leurs retours aux mois
de septembre et d'octobre; maïs alors ils se
montrent en petit nombre et comme isolés.
On ne voit jamais cette espèce nicher dans
nos localités,
Cette espèce, qui habite l'Afrique, prin-
cipalement la Nubie, l'Egypte et le Sénégal,
étend ses excursions jusque dans le midi de
la France. C’est le 11 mai 1832 que cet oi-
seau s’est présenté pour la première fois à
M. Lebrun, ornithologiste de Montpellier ;
d’autres individus ont été rencontrés depuis
lors même en assez grand nombre.
La huppe se trouve dans toute l'Europe,
au printemps et en été, étant partout de
passage périodique. Comme elle vient d’A-
frique, elle est plus commune dans le Midi
que dans le Nord. Elle nous arrive dès les
premiers jours du mois de mars, et, lors-
qu'elle a pourvu à sa reproduction, elle re-
tourne en Afrique aux mois de septembre
et d'octobre.
“
ORDRES.
À
Passereaux.
3° Anisodaëtyles.
40 Zigodactyles.
— 961 —
© ——_—_—_—_—_—_— EE ———_—_—_—_——_—_—_——— a —
GENRES ET ESPÈCES.
Tichodrome (ti-
chodromaTemm.)
Tichodrome é-
chelette {tichodro-
ma phœnicopiera
Temm.).
Grimpereau
(certhia Temm.).
Grimpereau fa-
milier (certhia fa-
miliaris Temm.).
Silelle ( sitta
Linn.).
Sitelle torche—
pot (situ europæa
Term),
Torcol {yunx
Linn.).
Torcol ordinai-
re (yurix lorquilla
Temm.).
Pic (picus Linn.)
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
IE PE A PM
Quant à l’autre espèce de huppe (upupa
capensis), elle ne paraît pas quitter l’Afri-
que, en sorte que dans le même genre il
existe des espèces sédentaires et émigrantes,
circonstance que nous voyons se reproduire
chez cet oiseau.
Le tichoärome habite constamment les con-
trées méridionales de l'Europe; il ne pa-
rait pas du moins se montrer dans le Nord ;
il,est au contraire assez commun en Italie
et en Espagne. Cet oiseau se rencontre dans
le midi de la France depuis l'automne, épo-
que à laquelle il y arrive, jusque vers le mi-
lieu du mois de mai, où il nous quitte pour
se rendre dans les régions tempérées de
l'Europe. Cet oiseau vit solitaire; aussi
voyage-t-1l le plus ordinairement seul et si—
leucieux. D'après les chasseurs, quelques cou-
pies resteraient dans le midi de la France, et
nicheraient sur les rochers escarpés des bords
de l'Hérault. :
Le grimpereau fréquente les bois des dif-
férentes parties de l'Europe ; il est cependant
de passage dans plusieurs contrées,comme par
exemple, pendant l'hiver en Hollande, où il
est pour lors extrêmement commun. Il arrive
au contraire au printemps dans le midi de la
France, et ne l’abandonne que dans le cou-
rant des mois de septembre et d'octobre. Il
parait pousser ses excursions jusque dans le
nord de l'Asie et de l'Amérique. Cet oiseau
émigrant paraît nicher dans les trous des
arbres des forêts de la Lozère et des monta-
gnes environnantes,
La sitelle se rencontre fort avant dans le
nord et dans le midi de l'Europe, et se mon-
tre en grande abondance dans le centre de
cette contrée. Les sitelles vivent sédentaires
dans tous les climats; aussi les voit-on ni-
cher dans les trous des arbres, et cela pres—
que partout. Quoique ces oiseaux ne fassent
pas leurs nids dans les environs de Montpel-
lier, ils les construisent à peu de distance
de cette ville,
Le torcol se trouve dans le nord, le midi
et le centre de l'Europe ; mais il ne s’'avance
guère au delà de la Suède. Il ne fait pas de
nid ; il se contente de déposer ses œufs dans
les trous des arbres. Le torcol fait deux pas-
sages dans le midi de la France, l’un au prin-
temps, et l’autre aux mois de septembre et
d'octobre. Ces oiseaux poussent leurs courses
jusqu'au Japon.
Ce pic habite le nord de l'Europe jusqu’en
— 9262 —
EE "© —————————
ORDRES:
V
Passereaux.
4o Zigodactyles.
GENRES ET ESPÈCES.
Pic noir (picus
martius Temm.).
Pic vert (picus
{viridis Temm.).
Picépeicne (pi-
cusmajor Temm.)
Pic moyen (picus
medius Linn.).
Pie épeichette
(picus minor Lin.)
Coucou (cucu-
lus Linn.).
Coucou gris
(cuculus canorus
[Linn.).
Coucou geai ou
tacheté ( cuculus
glandarius Tem.)
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
EEE LATE
Sibérie. Il est peu commun dans les forêts de
l'Allemagne, et se moutre rarement dans le
midi de la France. Il fait son nid dans les
trous des arbres, maïs il ne paraît pas nicher
dans cette dernière contrée,
Cette espèce se trouve dans toutes les par-
ties de l'Europe, et notamment dans le midi
de la France, où elle est sédentaire, et par
conséquent où elle niche.
L’épeiche fréquente principalement les
boïs des pays montagneux de l’Europe. Il
se montre aussi pendant l'été dans ceux du
midi de Ja France; mais en hiver on le ren-
contre assez souvent dans les champs.
Ce pic, dont les habitudes sont à peu près
les mêmes que celles de l’espèce précédente,
semble seulement plus rare dans le midi
de la France, où l’on en découvre par inter-
valles quelques individus égarés.
L'épeichette, peu répandue en France,
est plus commune dans le nord que dans le
midi de l'Europe; néanmoius elle passe en
nombre assez considérable en automne dans
le midi de la France, où par cela même elle
ne niche jamais.
Ce coucou se trouve dans toute l’Europe
pendant l'été; mais il émigre l'hiver en
Afrique et peut-être en Asie, où on le ren-
contre aussi. Ses passages ont lieu dans le
midi de la France dès les premiers jours
d'avril; ces oiseaux se répandent ensuite
partout, et se livrent aux soins de la repro-
duction. Dès que la ponte est terminée, les
mâles perdent leur voix, c’est-à-dire vers
le milieu de juillet, époque à laquelle com-
mence la mue. Au mois de septembre, les
eoucous émigrent et passent en Afrique,
en Asie, poussant leurs courses jusqu’au
Japon.
Ce coucou habite les côtes de la Barbarie,
la Syrie, l’Esypte, le Sénégal, le Levant et
l'Espagne. Il est partout ailleurs de passage
accidentel, et, par conséquent, au lieu d'être
une espèce émigrante comme le coucou gris,
il est au contraire erratique. Il se montre
done d'une manière fort irrégulière dans le
midi de la France, où ses apparitions sont
fort rares.
Le coucou geai ou tacheté (cuculus glan-
darius) a visité le midi de la France en mars
et avril 1842. Cet oiseau voyage par couples;
l’un de ces couples fut pris à Aigues-Mortes
vers la fin d'avril; mais ses excursions sont
ORDRES:
Y.
Passereaux.
4° Zigodactyles.
5° Granivores,
— 263 —
EEE mens eq
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
LL LEE 2 LEO ER | EAST D EE I IE RE AE EN GES,
Gros-bec ({frin-
gilla Temm.).
Gros-bec char-
donneret{fringilla
carduelis Temm.).
Gros-bec tarin
(fringilla spinus
Temm.),
Gros-bec size—
rin (fringilla lina-
ria Temm.).
si irrégulières, que depuis cinq ou six ans on
n'avait pas aperçu cette espèce dans le midi
de la France.
Des mœurs non moins remarquables ca-
ractérisent un oiseau de Madagascar qui ap-
partient à la seconde section du grand genre
coucou (cuculus Linn.). Cet oiseau, nommé
coua ou tamac acora par les Malgaches,
c'est-à-dire hache escargot, a des habitudes
extrêmement singulières.
Il vit dans les bois, sautant de branche en
branche, de rocher en rocher pour chercher
des agathines, animaux de la grande famille
des hélices ou escargots, qui forment sa prin-
cipale nourriture. Lorsqu'il en a découvert
une, quelle que soit sa grosseur, il l'emporte
près d’une grosse pierre sur laquelle il monte
tournant toujours, avec le bout de son bec,
la coquille par l'extrémité de son ouverture.
11 la frappe alors sur la pierre en levant et
tournant la tête tantôt à droite, tantôt à gau-
che. Lorsque, par le bruit du choc, il recon-
naît que la coquille est cassée, il met une
patte dessus, et avec son bec il retire le mol-
lusque qu'il avale aussitôt. Si l'ouverture
n’est pas assez grande pour en laisser passer
le corps, le coua frappe de nouveau jusqu’à
ce que la coquille soit suffisamment brisée.
Cet oïseau habite depuis le Midi jusqu’en
Sibérie ; maïs äl n’est pas sédentaire partout
comme dans le midi de la France. En automne,
les chardonnerets se réunissent par petites
troupes et parcourent ainsi divers cantons.
Pendant l'hiver ils s’abritent dans les buis-
sons, et font leurs nids sur les branches flexi-
bles des arbres.
Le tarin, de passage périodique en France,
habite le nord de l’Europe, où il paraît ni-
cher. Il ne dépasse pourtant pas la Suède. Il
passe dans le midi de la France en nombre
plus ou moins considérable au mois de no-
vembre et même une partie de l'hiver. Quel-
quefois ce gros-bec fait un second passage au
mois de mars, mais pour lors il ne s'arrête
pas dans nos cantons.
Cette espèce fréquente les contrées du cer-
cle arctique, en Sibérie et au Kamtschatka. Il
est également abondant dans l'Amérique mé-
ridionale , et de passage accidentel dans le
midi de la France. En effet, il ne s’y mon-
tre‘guère qu'à des intervalles de trois ou
quatre années, et encore avec peu d’abon-
dance. Leur apparition a lieu par troupes
de six à douze individus dans les mois de
novembre et de décembre; mais cet oiseau
ORDRES»
V.
Passereaux.
5° Granivores.
— 264 —
EEE ————————
GENRES FT ESPÈCES.
Gros-bec ventu-
ron (fringilla ci-
trinella Temm.),.
Gros-beclinot-
te ( fringilla can-
nabina Temm.).
Gros-bec nive-
rolle ( fringilla ni-
valis Temm.).
Gros-bec d’Ar-
dennes ( fringil-
la monti fringilla
Linn.).
Gros-bec pin—
son (fringilla cœ-
lebs Linn.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
ne niche jamais dans le midi de la France.
Cette espèce est donc erratique dans nos
contrées.
Le venturon serencontre dansles provin-
ces méridionales de l'Europe, de la Grèce,
de la Turquie , de l'Italie ; il est assez com-
mun en Suisse et dans le Tyrol. Il est de pas-
sage accidentel en Allemagne et en France,
mais jamais en Hollande. Ses passages ont
lieu dans le midi de la France au mois de
novembre et par troupes plus ou moins nom-
breuses. Ces oiseaux erratiques sont cepen-
dant très-rares certaines années; ils prou-
vent, ainsi que fant d’autres espèces , que.
rien n'est plus irrégulier ni plus incertain
que les passages accidentels.
Ces oïseaux habitent la plus grande partie
de l'Europe; on les voit jusqu'au cap de
Bonne-Espérance. Quoique sédentaires dans
le midi de la France, les linottes n’y font pas
moins deux passages, l'un en automne, et
l’autre au printemps, et cela par bandes sou-
vent assez nombreuses. Elles nichent dans
nos contrées, et prouvent, comme tant d’au-
tres , que la même espèce est à la fois séden-
taire et émigrante.
Le gros-bee niverolle fréquente les hautes
montagnes de l'Europe; aussi ne se montre-
t-il dans le midi de la France que très-rare-
ment et d'une manière accidentelle pendant
l'hiver. Les individus qui nous arrivent ainsi
paraissent des oiseaux égarés.
Cette espèce habite les régions polaires et
les hautes montagnes où elle niche; ce qu'elle
ne fait pasen France. Ses passages sont ré—
guliers, mais ils ne sont pas toujours nom-—
breux en individus. Du moins on en voit
peu dans les contrées méridionales, quand le
froid n’y est pas rigoureux et que laterre n'est
pas couverte de neige. Ces oiseaux volent par
troupes, mais ils ne nous arrivent qu’une
seule fois, c'est-à-dire en hiver. Néanmoins
ils sont sédentaires dans quelques contrées,
et de passage régulier dans d'autres, comme
par exemple la Hollande. Ils poussent parfois
leurs excursions jusqu'au Japon.
Le pinson se rencontre dans presque toute
l'Europe, où il est à peu près généralement
de passage. Ainsi il émigre dans le midi dans
les premiers jours du mois d'octobre. Con-
trairement aux habitudes des oiseaux, les fe-
melles y précèdent les mâles. Mais à l'époque
du printemps, ces oiseaux opèrent leur re-
tour dans les régions plus froides; néan-
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES.
SES | SEE SEE
>
Passereaux.
5° Granivores.
Gros - bec cini
(fringilla serinus
Linn.).
Gros — bec fri-
quet ( fringilla
montana Linn.).
Gros-bec cisal-
pin (fringilla ci-
salpina Temm.).
Gros-bec moi-
neau ( fringilla do-
mestica Linn.).
Gros-bec soulcie
(fringilla petronia
Linu.).
Gros-bec ver-
ÉPOQUES DES PASSAGES DES CISEAUX,
ES
moins il en reste un certain nombre qui
nichent dans nos contrées méridionales, où
ils recherchent les lieux les plus frais et les
plus ombragés,
Le cini es£ plus rare dans le centre de l’Al-
lemagne et de la France que dans le Midi, où
il est assez abondant. Quoique sédentaire
dans la dernière de ces contrées, il y opère
cependant deux passages, l’un au commence-
ment de novembre, et l'autre au mois de mars.
Ces oiseaux voyagent ordinairemnt par trou-
pes nombreuses, et font leurs nids sur les
branches des arbres.
Cet oïseau se trouve dans le nord et lemidi
de l'Europe, depuis le Portugal jusqu’en Si-
bérie et en Laponie. Il vole ordinairement en
grandes bandes, reste sédentaire dans le midi
de la France, où il niche. Il pousse parfois ses
excursions jusqu’au Japon.
Le gros-bec cisalpin est répandu dans la
Dalmatie, le Piémont, l'Italie et l’Archipel,
ainsi que sur le mont Cenis. Il arrive dans le
midi de la France en septembre et en octo—
bre, et se mêle presque toujours avec les
troupes du moiïineau ordinaire. Mais il ne ni-
che point en deçà des Alpes d'Italie.
Le moineau se trouve depuis les provinces
méridionales de la France jusque dans les ré-
gions du cercle arctique. Cette espèce, rare
en Italie, est répandue depuis les Alpes jus-
qu'aux Pyrénées, où elle est sédentaire et ni-
che constamment. On sait combien les moi-
peaux sont des parasites incommodes pour
nous ou nos habitations, dont on ne peut
guère les expulser. C’est une des espèces les
plus complétement sédentaires; aussi les An-
glais ont profité de cette circonstance pour
détruire cet oiseau dans les îles Britanniques,
ce qu'ils n'auraient pas pu faire si le moi-
neau avait voyagé.
Les soulcies habitent principalement les
provinces méridionales de l'Europe ; elles
sont sédentaires en Italie et en Grèce. Ces oi-
‘seaux, de passage accidentel dans-le midi
de la France, y arrivent ordinairement dans
le courant du mois d'octobre. Ils n’y sont, du
reste, abondants que lorsque le froid est ri--
goureux, et que les pays d’alentour sont
couverts de neige. Aussi ne nichent-ils ja-
mais parmi uOus.
Le verdier fréquente presque toutes les
contrées de l'Europe. Quoique sédentaire dans
Passereaux.
5° Granivores,
GENRES ET ESPÈCES.
dier ( fringilla
chloris Temm.).
Gros-bec vul-
gaire(fringilla coc-
cothraustes Tem.)
Bouvreuil (pyr-
rhula Briss.).
Bouyreuil com-
mun { pyrrhula
vulgaris).
Bec-croisé (lo-
æia Briss.).
Bec-croisé com-
mun (loxia curvi-
rostra Temm.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
TS |
le midi de la France, il en passe néanmoins
une grande quantité en automne, qui sem-
blent se diriger vers le sud. Ceux qui nous
restent l'hiver se réunissent par grandes trou-
pes, se mêlent aux pinsons etaux linottes, et
vivent ainsi avec eux de communauté jus-
qu’à l'approche du printemps. Cette espèce
niche dans le midi de la France.
Cet oïseau habite presque toute la France,
où il niche principalement vers le nord de
cette contrée. Aussi, pour satisfaire au besoin
de la reproduction, il quitte le midi de la
France au printemps. Il n’est, du reste, jamais
abondant dans cette contrée que pendant les
années où l'hiver est rigoureux. Lorsque le
froid est peu intense, on n’en voit presque pas
parmi nous. Cet aperçu des mœurs des gros-
becs est suffisant pour prouver qu'il existe à
la fois dans ce genre des espèces sédentaires,
émigrantes et erratiques, ce qui confirme
pleinement tout ce que nous avons dit à cet
égard.
Le bouvreuil, commun dans toute la
France, est également assez répandu dans le
Nord, même en Sibérie, ainsi que dans tout
l'Orient. Il pousse ses excursions jusqu’au
Japon. Cet oiseau arrive dans le midi de la
France en automne, et reste l'hiver dans les
bois de nos montagnes, où il ne niche pour-
tant jamais.
Quant à l'autre espèce de ce genre, le
bouvreuil à longue queue (pyrrhula longi-
cauda Temm.), il ne passe jamais parmi nous,
n'étendant pas ses excursions au delà de la
Sibérie, des provinces méridionales de la
Russie et de la Hongrie. Il en est de même
des bouvreuils dur-bec de Pallas et cramoisi
(pyrrhula enucleator, rosea et erythrina),
qui habitent le nord de l’Europe et de l’Amé-
rique.
Le bec-croisé vit dans le nord de l'Europe,
où il semble séjourner pour nicher. Il est
moins commun en Pologne, en Allemagne et
en France. Il ne passe que très-accidentelle-
ment dans le Midi, et à des époques plus ou
moins éloignées. Les passages des gros-becs
dans nos régions paraissent déterminés par
la rigueur des saisons des pays qu'ils habi-
tent. Ainsi il y en a eu beaucoup dans le Midi
en 1836, 1837, 1838 et 1839, surtout dans les
bois de pins, où ces oiseaux se réfugient en
troupes nombreuses.On les y rencontre princi-
palement en été et en automne, mais non d’une
manière constante, ainsi que nous l'avons déjà
fait observer. Aussi ne niche-t-il point parmi
uous, Il doit être rangé parmi les espèces er-
GENRES ET ESPÈCES.
ORDRES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
RS -
Y. ratiques, ses passages étant aussi irréguliers
Passereaux qu’accidentels.
.
5° Granivores.
Bruant (embe-
riza Linn.),
Bruant montain
( emberiza calca-
rata Linn.).
Bruant mitilè-
ne (emberiza les-
bia Temm.).
Bruantrustique
(emberira rustica
Temm.).
Bruant fou ou
de pré (emberiza
cia Linn.).
Bruant zizi
(emberiza cirlus
Temm.),
Quant au bec-croisé des sapins ({oæia py-
thiocampus), il n'arrive pas jusque dans le
midi de la France.
Le bruant montain habite les régions bo-
réales, et niche au Groënland, en Sibérie et
en Laponie. Il en émigre l'hiver, d'où il se
répand jusqu’en Allemagne. Les jeunes éten-
dent leurs migrations jusqu’en Suisse, en
Angleterre, et plus rarement jusque dans le
midi de la France. Mais ces passages ne pa-
raissent pas être fixes ni périodiques, ce qui
rattache le montain aux oiseaux erratiques.
Cette espèce des parties orientales du midi
de l’Europe paraît également être commune
en Crimée et en Grèce. Elle pousse ses excur-
sions jusqu’au Japon, et quelques individus
s'égarent dans le midi de la France et en Al-
lemagne.
Ce bruant, qui habite les parties orientales
de l'hémisphère boréal, se trouve en Asie, au
Japon, en Daourie, en Crimée, et accidentel-
lement dans le nord de l’Europe. C’est aussi
très-rarement que cet oïseau erratique se
rencontre dans le midi de la France.
Le fou se rencontre dans les parties orien-
tales de l’Europe. Très-abondant en Italie,
en Espagne, et sur les bords de la Méditer-
ranée, il est beaucoup plus rare en France.
Du moins il ne passe que très-accidentelle-
ment dans le midi de la France lorsque le
froid est rigoureux. Il est alors assez com-
mun pendant l’hiver, et paraît arriver de
l'Auvergne, Cet oiseau, qui niche en Allema-
gne, étend ses migrations jusqu'en Sibérie et
au Japon.
Le zizi se trouve principalement dans les
contrées méridionales, comme la Suisse et l’I-
talie. Il ne paraît pas avoir été rencontré
dans le Nord. Il arrive plus ou moins acci-
dentellement dans le midi de la France, aux
mois d'octobre et de novembre, par petites
troupes ‘de six à dix individus. Leur second
passage à lieu au mois d'avril; plusieurs res-
tent l'été dans les contrées méridionales pour
y nicher; ils fréquentent alors les bois des
pays montueux avec d’autres oiseaux er-
ratiques.
Cet oïseau habite la Syrie, l'Egypte, la
Nubie, et peut-être la Barbarie, Il se montre
accidentellement en Autriche, comme dans le
midi de la France.
Bruant cendril-
lard (emberiza ceæ-
sia Temm.).
ORDRES,
YV.
Passereaux.
5° Granivores.
GENRES ET ESPÈCES.
Bruant ortolan
(emberiza hortu-
lana Linn.).
Bruant des ma-
rais (emberizu pa-
lustris Temm.).
Bruant des ro-
seaux (emberiza
schæniculusTem.)
Bruant proyer
(emberiza miliaria
Temm.).
Bruant jaune
(eml'eriza citrinel-
la Linn.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
Se
Les ortolans sont plus répandus dans Jei
midi que dans les provinces du centre del
l'Europe. Quelques individus s’avancent ce
pendant jusqu’en Hoïlande ét en Suède.
Ces oiseaux, fort communs en Italie et e
Espagne', paraissent arriver de cette contré
en avril par petites troupesde six à vingtin
dividus, Ils voyagent le plus ordinairement
la nuit, et lorsqu'il fait clair de lune. U
grand nombre s'arrête dans le Midi pou
nicher soit dans les boïs soit dans les vignes,
Les plus jeunes individus de cette espèc
préfèrent généralement les lieux ombragés
aux champs où végètent les vignes.
Cette espèce commence à quitter le midi
de la France dans le courant des mois d'août
et de septembre, les jeunes avant les vieux.
Comme ja plupart des oiseaux qui passent
l'été dans nos climats, les ortolans y nichent
ainsi que nous l'avons déjà fait observer, et
sont des espèces essentiellement émigrantes.
Ce bruant fréquente le midi de la France
et de l'Italie ; il n’a pas du moins été ren
contré ailleurs. Cette espèce niche dans les
contrées méridionales au bord des marais,
Ses passages ont lieu à la fin d'octobre, ou au
commencement de novembre; mais ils sont
entièrement terminés en décembre.
Cet oiseau habite depuis les provinces mé
ridionales de l'Italie jusque dans les régions
froides de la Suède et de la Russie. 11 est
commun en Hollande et dans le midi de Ja.
France, surtout en hiver dans cette dernière
contrée. Il diffère essentiellement de l'espèce
précédente par ses habitudes qui ne le portent
jamais à faire son nid dans les provinces mé-
ridionales de la France.
Le proyer, répandu dans toute l’Europe,
se trouve jusqu'en Morée. Il est également
très-commun dans le midi de la France, où
il est sédentaire. Aussi au printemps chaque
couple cherche un endroit favorable pour
nicher. La ponte opérée, ces oiseaux se réu-
nissent en familles ; à l'approche de l'hiver, ils
forment de petites troupes, et commencent
leurs voyages, mais ils n'abandounent jamais
les contrées méridionales de la France, en
sorte que cet oiseau est tantôt sédentaire et
tantôt erratique.
Ce bruant Habite les provinces méridionales
des contrées orientales de l'Europe. Il est
commun en Dalmatie, dans tout le Levant,
en Istrie, à Trieste, ainsi que sur les côtes de
l'Adriatique. Il visite en hiver le midi de la
France, et nous quitte à l'approche du prin-
sa Granit
GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
temps. On le voit dans nos provinces en grand
nombre, lorsque le froid est rigoureux, et
que la terre est couverte de neige et de
frimas. D'après cette énumération, on voit
que, parmi les nombreuses espèces de bruants,
trois espèces seulement nichent parmi nous;
ce sont le bruant des marais, le proyer et
l'ortolan,
M:
Passereaux.
50 Granivores.
Les mésanges remiz habitent la Pologne,
l'Autriche, l’Italie, la Silésie, mais jamais le
centre et le nord de la France. Elles vivent
sédentaires dans le Midi, où elles nichent ha-
bituellement, s’occupant environ dix-huit ou
vingt jours à la confection de leur nid, un
des mieux construits de ceux qu'exécutent
les oiseaux. En automne, ces mésanges se ré-
pandent ailleurs par petites troupes de six à
huit individus, qui ne s'arrêtent guère que
dans les endroits humides. Les mâles parais-
sent être plus nombreux que les femelles.
Du reste, nous ferons remarquer que les pe-
tites troupes de ces mésanges semblent com-
posées de diverses familles qui ne se séparent
qu'aux approches du mois de mars.
Mésange ( pa-
rus Linn.).
Mésange remiz
(parus pendulinus
Temm.).
Cette mésange fréquente le nord de l'Eu-
rope, l'Angleterre, la Suède, l'Asie et les
bords de la mer Caspienne , se montrant en
grande abondance en Hollande. Elle est sé-
dentaire dans le midi de la France, etse réu-
nit en hiver après les couvées, en troupes
assez nombreuses. Cette espèce niche princi-
palement dans les lieux marécageux de la
France méridionale.
Mésange à mous-
tache (parus biar-
micus Temm.).
Mésange à lon-
gue queue (parus
caudatus Temm.).
La mésange à longue queue est commune
en hiver dans tous les pays de l'Europe, et
surtont en Hollande. Elle vit en été dans l’é-
paisseur des bois; mais en automne et en
hiver, elle s'approche des habitations. C'est
surtout dans cette saison que ces mésanges se
montrent dans le midi de la France. Cette
espèce, ainsi que la mésange bleue, grande
et petite charbonnière, se rencontre jus-
qu’en Asie et au Japon.
Malgré les habitudes que nous venons d’at-
tribuer à cette mésange, elle ne paraît pas
nicher dans nos provinces méridionales.
Mésange non-
netle (parus palu-
stris Temm.).
La nonnette, très-commune en Hollande,
est assez répandue dans toute l'Europe, sur-
tout dans le Nord. On ne la voit guère dans
le midi de la France qu'en hiver ; encore y
est-elle assez rare.
Quoique cet oiseau soit peu commun en
Hollande, il habite cependant le nord de
Mésange hup-
_-9700€
ORDRES:
V. Ipée (parus crista-
Passereaux. tus Femm.).
5° Granivores.
Mésange bleue
(parus cϾruleus
Linn.).
Mésange petite
charbonnière (pa-
rus ater Linn.).
Mésange char-
bonnière ( parus
major Linn.).
Alouette (alau-
da).
Alouette calan-
dre (alauda catan-
dra Einn.).
Alouette calan-
drclle (alauda bra-
chidactyla Tem.) .
GENRES ET ESPÈCES. |
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
l'Europe. Il est peu répandu en France, etse
montre assez rarement dans le Midi. Il ne s’y
trouve que d’une manière tout à fait acci—
dentelle, seulement lorsque les hivers sont
rigoureux.
Cette espèce vit dans toute l'Europe, ainsi
que sur la côte d’Afrique et aux Canaries.
Elle arrive dans le midi de la France au mois
d'octobre, et en général en grandes troupes.
Elle y séjourne jusqu’au mois de janvier;
après cette époque on la voit plus rarement
seule et par paires. Cette espèce ne niche pas
non plus dans le midi de la France.
Cette mésange habite le nord de l'Eu-
rope pendant la belle saïson, et visite les
contrées méridionales pendant l'hiver. Elle
arrive du Nord dans le midi de la France en
automne ; rarement y vient-elle avec une
certaine abondance.
Cet oïseau se rencontre dans toute l’Eu-
rope; il vit sédentaire dans le midi de la
France, niche au printemps, et se fait re-
marquer par sa fécondité. En automne, les
charbonnières sont beaucoup plus abon-
dantes dans nos provinces, parce qu'outre
celles qui sont provenues des pontes il nous
en arrive des pays septentrionaux. Elles font
leurs nids dans les trous profonds des arbres,
et michent habituellement dans nos contrées.
Du reste, quoique les mésangessoient assez
généralement des oiseaux sédentaires, il est
cependant quelques espèces de ce genre qui,
se livrant accidentellement à des passages,
doivent être considérées comme erratiques.
La calandre habite seulement le sud de
l'Europe ; elle est fort commune dans le midi
de la France, surtout après la ponte, où les
‘jeunes se réunissent aux vieux et volent de
|concert en troupes nombreuses. Cette espèce
est donc sédentaire dans les provinces méri-
dionales, où elle niche constamment. Onla
trouve également dans le nord de l'Afrique,
en Turquie, dans les provinces méridionales
de l'Asie, en Espagne, en Italie, et, ce qui est
plus remarquable, en Allemagne, où cepen-
dant elle est fort rare.
La calandrelle se trouve dans toutes les
| contrées du midi de l'Europe, qui avoisinent
la Méditerranée. Elle paraît émigrer en Afri-
que; du moins elle commence à arriver dans
les contrées méridionales de la France du 6
au 10 avril. Leurs passages durent environ
vingt-cinq jours; un assez grand nombre des
individus qui en font partie y restent pen-
— 971 —
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.
|
Y.
Passereaux.
5° Granivores.
Alouette coche-
ris (alauda cri-
stata Linn.).
lc
Alouette Iulu
RL
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX:
dant l’été. Ils nichent chez nous dans un
sillon, sous une souche de vigne, ou entre
deux mottes de terre. Cet oiseau ne paraît
pas se trouver dans le nord de la France, ni
en Hollande,
Cette espèce vit dans plusieurs contrées du
midi de l’Europe, ainsi qu'en Egypte et en
Morée. On la trouve néanmoins en Suisse et
en Allemagne; elle s’avance parfois plus
avant dans le Nord. Elle est sédentaire dans
le midi de la France, et vit par familles une
fois que les couvées sont opérées : les jeunes
suivent le plus constamment les vieux.
Cette alouette habite une grande partie de
alauda arborea l'Europe jusqu'en Suède et en Russie. Elle
Linn.).
Alouette Du-
pont (alauda Du-
‘pontii Vieillot).
vit sédentaire dans le miüi de la France, où
elle établit son nid, sous quelques mottes de
bruyères, ou auprès d’un buisson. Elle forme
souvent de petites troupes de quinze à vingt
individus, et souvent d’un plus grand nom-—
bre. Quoique sédentaire dans nos provinces
méridionales, l’alouette lulu y passe en au-
tomne. Plusieurs familles de ces nouveaux
venus y séjournent l'hiver ; maïs, à l'approche
du printemps, elles partent pour d’autres ré-
gions plus froides, à l'exception du petit
nombre d'individus qui restent pour nicher.
Cette espèce se montre parfois dansle midi
de la Franee, paraissant nous arriver d’A-
frique; mais généralement elle y est de
passage très-accidentel, et s’y montre fort
rarement.
| Alouette des! L'alouette des champs se rencontre dans
champs
arvensis Linn.).
QE
Alouelte à col
( alauda
toute l'Europe jusqu’en Sibérie, elle étend
même ses courses en Asie et jusque dans
toutes les parties septentrionales de l'Afri-
que, principalement l'Egypte et la Syrie. Elle
est très-répandue dès le mois d'octobre dans
les plaines du midi de [a France. Elle y ar-
rive par petites bandes; pendant tout le
temps que dure leur passage, ces oiseaux se
répandent dans les champs, où ils se tiennent
constamment à terre. Le nombre de ceux qui
restent l'hiver est assez considérable ; mais, à
l'approche du printemps, les alouettes s'iso-
lent et se dispersent. De communes qu'elles
étaient, il n’en reste plus qu’un petit nombre
qui nichent dans nos environs. Elles s'établis-
sent pour lors dans les marais, ce qui leur a
même valu le nom de l’aouzelto de Palus.
Elles ne les quittent qu’à l’arrivée des indi-
|vidus qui ont été nicher plus au nord.
Cette alouette habite le nord de l'Europe,
deVAsie et de l'Amérique; elle se montre à
— 972 —
© © © Ur
ORDRES, GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
D ren A me Me:
_|l'époque de ses passages en A'lemagne, en
re noi terre 5 Hollande et ue en France. Elle est
Passereaux. pestris) à très-rare dans le midi de cette contrée, où
elle ne niche jamais.
On peut faire sur les alouettes les mêmes
observations que nous avons faites sur les
mésanges, c’est-à-dire que, quoique le plus
généralement sédentaires, elles se livrent ce-
pendant à des excursions passagères et plus
ou moins éloignées.
5° Granivores.
GvInsectivores. Pipit (anthus
Bechst).
Pipit des buis-
sons (anthus ar-
boreus Bechst).
Le pipit des buissons visite toute l’Europe;
il est très-abondant dans le midi de la
France, à l'époque de son passage en au-
tomne. Il reparaît au printemps ; mais alors
cet oiseau ne fait que passer rapidement : ce
n’est jamais que quelques individus égarés
qui y séjournent l'hiver. Cette espèce, ainsi
que le pipit spioncelle, pousse ses migrations
jusque dans toute l'Asie et même jusqu'au
Japon. Ce dernier a même été observé dans
l'Amérique septentrionale.
Le pipit des buissons a tellement l'amour
des voyages, qu'il est le compagnon fidèle des
ortolans, lors de leurs passages, abandonnant
peu ces oiseaux dans leurs longues traversées.
Il est donc émigrant come eux; car ses
passages sont également périodiques et régu-
liers.
Cette espèce, nommée en Provence pivouel-
loun, habite toute l'Europe; elle paraît passer
l'hiver en Afrique. Elle se montre dans le
midi de la France, dans les premiers jours du
mois d'octobre et y passe l'hiver. Ce pipit
voyage par petites troupes, fréquente nos
bois, et va nicher dans les montagnes des
Cévennes. Cet oiseau se trouve en Asie et
particulièrement au Japon.
Pipit farlouse
(anthus pratensis).
Pipit rousseline| Cette espèce fréquente la plus grande par-
(anthus rufescens tie de l'Europe, et principalement le Midi
é pendant l'été; elle arrive dans les provinces
T emm.) ° méridionales de la France au commencement
d'avril. Une assez grande quantité reste pen-
dant l'été; aussi cet oiseau niche-t-il parmi
nous. Néanmoins nous en avons un second
passage dès les premiers jours du mois de
septembre; mais bientôt, quoique ce dernier
soit fort abondant, il n'en reste plus un seul
dans nos contrées.
Pipit spioncelle j si mpié vit dans AU AEAUEnE mais
; iculièrement dans le Midi; il se trouve x 5
(anthus aquaticus moins, ainsi que nous l'avons déjà fait obser-
Bechst), ver, dans l'Amérique septentrionale et au Ja-
pon. Il arrive dans le midi de Ja France, au
mois d'octobre, et y reste jusque vers la fin
d'avril; mais il ne paraît pas nicher parmi
nous dans ce long intervalle.
— 275 —
GENRES ET ESPÈCES.
LE Pipit Richard
Passereaux. |(anthus Richardi
Vieillot).
60 Insectivores.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
Cet oïseau se rencontre en Allemagne, en
Autriche, en France et en Espagne. I] passe
dans le midi de la France vers la fin du mois
de septembre et en octobre, généralement en
petit nombre et isolément. D'après l'exact
ubservateur de la Provence, Roux, cet oïseau
y ferait un second passage dans le mois d’a-
vril; mais il n’y à pas d'exemple qu'il ait
niché dans nos environs.
Parmi les faits qui démontrent l'influence
des saisons sur les migrations, nous en cite—
rons un que nous avons eu l'occasion d’ob-
server récemment.
L'époque des passages du pipi Richard
(anthus Richardi) est d'ordinaire, vers Ja
fin du mois de septembre et le corumence-
ment d'octobre. En 1840, ces oiseaux ne
sont arrivés dans les contrées méridionales
de la France que vers le commencement du
mois de novembre, c’est-à-dire depuis le 7
ou le 8. Dès ce moment, ces oiseaux ont été
vus en grand nombre dans le midi; ils y ont
paru non avec la livrée du jeune age, mais
bien avec celle des adultes.
Ce retard a été en rapport avec celui des
saisous et des lunes. La lune d'octobre se
trouvant, en 1840, au mois de novembre,
les orages ordinairement fréquente en août
et en septembre, ont eu lieu un mois plus
tard, en septembre et en octobre, et dans les
premiers jours du mois de novembre. C’est
vers la fin d'octobre et le commencement du
mois suivant, que les pluies ont fait sortir de
leurs lits la Loire, le Rhôue, la Saône et tant
d’autres rivières dont les débordements ont
occasionné des inondations plus terribles que
celles fameuses de J’année 1755.
La température a été en harmonie avec ces
phénomènes ; du moins elle s'est maintenue
pendant tout le mois de novembre à peu près
au même cegré qu’elle a le plus ordinaire-
ment pendant le mois précédent. Les oiseaux,
trompés par ces circonstances, sont arrivés
dans les régions méridionales plus tard qu'ils
ne le font ordinairement ; ainsi les saisons et
leurs variations ne sont pas sans influence
sur les migrations et les passages des oiseaux.
L'époque de la mue n’aurait donc pas d’ac-
tion sensiblesur les voyages de ces animaux,
dont on ne peut comprendre les motifs sans
étudier une à une les causes qui peuvent les
provoquer et en régler le cours.
Du reste, les retards que les passages de
ces oiseaux ont éprouvés dans le midi de la
France en 1840, n’ont rien de commun avec
les excursions habituelles auxquelles se Ji-
vrent certaines espèces. Telles sont celles des
cailles, qui sont arrivées daus les environs
de Montpellier vers la mi-novembre, eu deux
mois environ après l’époque où elles nous
viennent ordinairement.
13
— 914 —
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
les ont fait refluer vers le département de
l'Hérault, où de pareils débordements ne se
sont point opérés.
Il en a été de même de l'apparition subite
des flamants (phenicoplerus antiquorum) ;
ces oiseaux sont venus en grand nombre
dans le département de l'Hérault à la même
époque que les cailles, et par suite de la
même cause. Sans doute les flamants sont à
peu près sédentaires dans nos cantons , mais
on les y a aperçus en plus grande quantité
en 1840 , à raison des terribles inondations
qui ont eu lieu au mois de novembre.
Il serait d’un haut intérêt pour l'étude du
phénomène des migrations, que les personnes
placées dans des positions exceptionnelles,
telles par exemple que les moines du Saint-
Bernard, tinssent note des passages des oi—
seaux, surtout au renouvellement des sai—
sons. Cet objet a déjà attiré l'attention de
ces bons moines. En effet, M. Deléglise a
donné quelques détails à cet égard dans le
cahier de novembre 1843 de la Bibliothèque
universelle de Genève,
Il rapporte que, le 3 novembre, un passage
considérable d'oiseaux avait eu lieu au Saint-
Bernard, et qu'il avait duré depuis sept heures
du matin jusqu’à deux heures de l'après-midi.
On ne put reconnaître parmi ces oiseaux que
le bruant, la linotte, le pinson, le chardonne-
ret et l'alouettte. Ce passage a continué pen-
dant toute la matinée du 4.
Cette observation prouve que les espèces
différentes voyagent souvent ensemble, quoi-
que leurs mœurs et leurs habitudes ne soient
pas les mêmes.
Enfin M. Deléglise nous apprend encore
que le 13 du même mois on a pris auprès de
l’hospice un pluvier gris et une bécasse ; mais
ce qui est le plusextraordinaire, c’est que l’on
y à aperçu également une foulque, quoique
cette espèce soit essentiellement aquatique.
Du reste tous ces oiseaux, comme il est fa—
cile de le présumer, sont très-rares à une
hauteur aussi considérable que celle à la-
quelle est situé le couvent du Saint-Bernard,
Si de pareilles observations se continuaient
dans un grand nombre de lieux, et si l'on y
tenait une note exacte de l’époque à laquelle
s'opèrent les passages des oiseaux, et de leurs
espèces, on pourrait de cette manière con
trôler tout ce que nous savons sur un phé-
nomène dont la régularité n'est pas un des
faits les moins curieux.
Leur venue extraordinaire 4 tenu aux
grandes inondations qui ont eu lieu dans la
Ho Camargue et le département du Gard ; elles
G°Insectivores. ,
Pipit à gorg Quant au pipit à gorge rousse (an{hus ru-
D 8 |fogularis), ilest de passage très-accidentel
— 275 —
GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
ORDRES.
Y. rousse (anthus ru-|dans le midi de la France, où il arrive de
« la Syrie et de l'Egypte. On en a tué quatre
Passereaux.. | fogularis). individus à Montpellier, en 1841. Ces oiseaux
paraissent tellement voyager par couples que
G°Inseclivores. parmi ces quatre individus, les seuls quisaient
été aperçus, il y avait deux males et deux fe-
melles.
La bergeronnette se trouve en Angleterre
et dans le midi de la France, où elle arrive au
mois de mai, elle se répand pour lors dans
les champs, et y niche constamment. Vers la
fin du mois d'août, elle repasse de nou-
veau, mais elle reste peu dans nos contrées
méridionales, où M. Lebrun fils l'a observée
le premier.
Bergeronnelte
(motacilla Linn.).
Bergeronnette
flavéole (motacilla
flaveola Gould).
Cette espèce, répandue très-avant dans le
nord de l’Europe, se trouve néanmoins com-
munément dans le Midi. Elle est très-abon-
dante en Hollande et dans le midi de Ja
France, où elle arrive par petites troupes au
mois d'avril. Cet oiseau est très-commun en
été; mais, dès le mois d’août, il abandonne les
contrées méridionales et commence ses mi-
grations. Il ne les quitte pourtant qu’en par-
tie, car on les revoit encore dans nos plaines,
jusqu’à la fin de septembre. Cet oiseau niche
constamment dans nos contrées.
Bergeronnelle
printanière (mota-
cilla flava Linn.).
Quant à la bergeronnette citrine (motacilla
citreola Pallas), rare dans le nord de l’Eu-
rope, elle n’a jamais été aperçue dans les
contrées méridionales de la France.
Nous avons aussi accidentellement dans le
midi de la France la bergeronnette cutti ca-
po-negro (molacilla melano-cephala) de Bo-
naparte ; elle y est constamment rare.
Bergeronnette
citrine (rnotacilla
citreola Pallas).
Cette bergeronnette habite les diverses con-
trées de l'Europe, et s’avance très - avant
dans le Nord. Elle arrive dans le midi de la
France dans les premiers jours du mois d’octo-
bre. Maïs, à l’approche de la belle saison, elle
regagne les contrées du Nord; néanmoins quel
ques individus restent dans nos environs, où
l'on assure qu’elle niche.
Bergeronnetle
jaune ( motacilla
boorula Linn.).
On découvre cet oïseau depuis les con-
trées les plus méridionales jusqu’en Sibérie
et au Kamtschatka. Il arrive dans les con-
trées méridionales de la France, pendant
l'automne, et cela en petites troupes. Maïsau
printemps ces bergeronnettes quittent nos
contrées à l'exception d’un petit nombre qui
seretirent, pour se reproduire versle bord des
eaux courantes, où elles nichent dans les
fentes des rochers, dans les prairies ou dans
les troncs des arbres,
Bergeronnetlte
grise ( motacilla
alba Linn.).
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.| ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
V. Les observatious que nous venons de faire
sur les pipits et les bergeronnettes sont sans
Passereaux. doute suffisantes pour faire comprendre que
les espèces de ces genres sont émigrantes
GInsectivores. comme la plupart des oiseaux insectivores.
Accenteur (ac- Cette espèce fréquente presque toutes les
centor Temm.). contrées tempérées de l'Europe; elle s'avance
Accenteur mou très en avant dans le Nord, surtout en été.
T[Elle n'est pas rare l'hiver dans le midi de la
chet (accentor M0 -|Frauce. En automne elle s'approche des ha-
dularis Temim.). bifations, et en hiver elle se retire dans les
forêts des pays montagneux. Un petitnombre
reste l'été dans le nord des contrées méridio-
nales, où cet oiseau niche habituellement.
Accenteur des| L'accenteur des Alpes se rencontre dans
S les contrées montagneuses de l'Allemagne
nes ( RCGARIOT de Ja Suisse et dela France. Il ne paraît ne
alpinus Bechsl,. le midi de la France que d’une manière
tout à fait accidentelle, lorsque le mauvais
temps ou les rigueurs de l'hiver le chassent
des montagnes des Pyrénées. Cette espèce,
comme l'accenteur calliope, pousse ses ex-
cursions jusqu’en Asie et au Japon.
Traquet (saxi-| Ce traquet se trouve dans toutes les con-
cola Bechst). de FRAREAES de TR et même dans le
ex : [nor e la Russie, Il est très-commun au
Eraquel tarier printemps et en automne, dans le midi de
(saxicola rubetra|la France, où il niche habituellement. Cet
Temm.). oiseau émigre en hiver dans des pays plus
chauds que les nôtres.
Traquet rubi-| Lerubicole se rencontre dans presque toutes
cole (saxicola ru-|1es contrées &e l'Europe, préférant les pays
: montueux. [l est assez ordinairement le
bicola Bechst). compagnon fidèle du bec-fin pitchou (syluiæ
provincialis), du moins en hiver. Cet oiseau
niche ans les contrées méridiotales de la
France.
Traquet oreil-| Le traquet oreillard vit dans plusienrs pre-
2e viuces du midi de la France, de l'Espagne et
lard (saxicéla AU | ae l'italie. li arrive dans les contrées méridio-
rue femm.). nales au commencement d'avril, et les quitte
en septembre. I} niche habituellement dans
le Midi.
Traquet stapa-| Cet oïseau habite les mêmes contrées que
zin (saxicola sta- l'espèce précédente. H arrive également à la
: p 4 mriême époque et les quitte en même temps
Parme Temm.). que le traquet oreillard. Comme ce dernier,
il niche dans les parties méridionales de la
France.
TFraquet mot-| Le motteux se trouve depuis le midi de
l'Europe jusqu'au cercle arctique. Il est ce-
— 27117 —
————EE qe,
ORDRES.
Ne
Passereaux.
6° Insectivores.
CENRES ET FSPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
pendant plus commun dans les parties tem-—
pérées de l'Europe que dans le Nord ou le
Midi. Il est surtout très-abondant en Hol-
lande et même dans le midi de la France, où
il se moutre en avril. Il recherche, à cette
époque, les endroits arides et montueux, pour
s’y reproduire, et niche entre les herbes, les
pierres amoncelées, ou les trous des mu-—
railles. Au mois d'août, il descend dans les
plaines, affectionnant d’une manière toute
particulière les terres labourées, où il cher-
che sa nourriture.
teux fsaxicolz æ-
nanthe Temm.).
Le traquet rieur se trouve principalement
dans les contrées méridionales de l'Europe,
comme le midi de l'Espagne et de la France,
la Sicile, la Sardaigne, les îles de l’Archipel,
et enfin Gibraltar. Il est rare néanmoins aux
environs de Nice et de Gênes, et se rencontre
très-accidentellement dans les Apennins. Cet
oiseau niche habituellement dans le midi de
la France; il dépose ses œufs entre les anfrac-
tuosités des rochers, les vieilles murailles et
les trous des vieux édifices isolés. Si tous les
traquets ne sont point des espèces émigran-
tes, la plupart se rapportent du moins à des
races erratiques.
Traquet rieur
‘saxicola cacchin-
inans #emm.).
Roitelet (regu—
| lus).
| Roïitelet à triple
| bandeau (regulus
| igni capillusTem.)
Ce roitelet est plus abondant dans le nord
de l’Europe que dans le Midi. Il niche ce-
pendant dans cette dernière contrée, fré-
quentant l'été les montagnes des contrées
méridionales de la France, qu’il quitte en
automue, pour venir dans les plaines cher-
cher sa nourriture jusqu’auprès des habi-
tations.
Roïtelet ordi-
| naire (regulus cri-
| Status Temm.).
Cet oïseau, le plus petit de ceux qui ha-
bitent les régions tempérées, se rencontre
dans toute l'Europe jusqu’au cercle arcti-
que. Il est très-commun, surtout l'hiver,
dans le midi de la France. Dès le mois d’a-
vril, il se retire dans les pays situés plus au
nord ; mais il en reste néanmoins quelques
couples qui nichent dans les montagnes en-
virounantes ; de là ces viseaux arrivent dans
les plaines, lorsque le mauvais temps com-
mence à faire sentir ses rigueurs.
Le roitelet est une des espèces les plus
utiles pour la destruction des insectes. Ce
petit oiseau, loin de craindre la présence
de l’homme, recherche au contraire sa s0—
ciété , et place le plus souvent son nid au-
près des habitations.
Dans plusieurs Etats de l'Amérique du
Nord, on a si bien remarqué le parti qu’on
peut en tirer, qu'on met à leur disposition,
près de chaque habitation rurale, une boîte
en bois attachée au bout d’une perche, afin
qu'ils y établissent leur ménage, ce qui ne
— 278 —
ORDRES:
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX:
CR EEE E AEEEEENT || OST PROPRIETE INSIDE CEE EEE SE
V.
Passereaux.
G°Insectivores:
Troglodyte (tro-
glodytes Cux.).
Troglodyte or-
dinaire (troglody-
tes vulgaris Tem.)
Bec-fin (sylvia
Temm.).
Bec-fin Natte-
rer (sylvia Natte—
rerii Temm.).
Bec-fin pouillot
( Sylvia trochilus
Temm.).
Bec - fin véloce
(sylvia rufa Tem.)
manque jamais. Lorsque les petits sont éclos,
les parents recherchent soigneusement les
insectes, pour la pâture de leur jeune couvée.
Ou a eu la patience de compter le nombre
des voyages exécutés par une paire de roi-
telets logés dans une de ces boîtes. On a
évalué la moyenne de ces voyages à cin-
quante par heure. Le minimum a toujours
été de quarante, et le maximum de soixante ;
une fois seulement, ils avaient fait en une
heure soixante et onze tours.
Cette chasse dure sans relâche toute la
journée : une moyenne de cinquante donne
en douze heures six cents chenilles ou au-
tres insectes , dont chaque paire de roitelets
débarrasse chaque jour les vergers et les po-
tagers, tant leurs petits sont avides de ce
genre de nourriture.
Ce calcul ne suppose qu’un seul insecte
enlevé à chaque voyage ; mais en réalité ils
en rapportent souvent deux ou trois à la
fois, ce qui donne une destruction de douze
cents ou de dix-huit cents insectes par jour.
Ce troglodyte habite également toute
l'Europe, étant seulement plus abondant
dans le Midi que dans le Nord. Il niche dans
les parties boisées du midi de la France, lieux
qu’il fréquente l'été, ne descendant guère que
l'automne dans les plaines, où il passe l'hiver.
Ce petit oiseau étend néanmoins ses excursions
jusqu’en Asie et les pousse jusqu'au Japon. .
Ce bec-fin se trouve dans le midi de l'Es-
pagne et de la France, où néanmoins il
niche dans les montagnes de cette dernière
contrée.
Le pouillot habite les bois de la Suède, de
la Hollande, de l'Allemagne, de l'Angleterre
et de la France. Il étend même ses excur-
sions jusque daus l'Amérique septentrionale.
Cet oiseau niche habituellement dans le
midi de la France! il y est très-abondant
au printemps; mais il nous quitte en au-
tomne pour revenir avec les premiers beaux
jours de la belle saison.
Cette espèce se trouve dans plusieurs con-
trées de l’Europe, et dans la presque tota-
lité de la France. Elle est sédentaire, et a
l'habitude de s'approcher en automne des
habitations. Dès les premiers beaux jours,
ce bec-fin se retire dans les bois avec la com-
pague qu'il a choisie, et il dépose son nid
— 279 —
ORDRES:
YV.
Passereaux.
6° Insectivores,
GENRES ET ESPÈCES.
Bec — fin sif-
fleur ( sylvia sibi-
latrix Temm.).
Bec-fin de mu—
raille (sylvia phœ-
nicorus Temm.).
Bec-fin rouge
queue (sylvia ti-
thys Temm.).
Bec-fin gerge
bleue à miroirs
roux {sylvia sue-
cica Lath.).
Bec-fin gorge
bleue (sylvia sue-
cica Temm.).
Bec-fin rouge-
gorge (sylvia ru-
becula ‘Temm, 1.
Bec-fin passeri-
nelle (sylvia pas-
serina Temm.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
A PE EEE
parmi les feuilles tombées, ou entre les ra-
cines qui sortent de terre.
Cette espèce est plus répandue dans le
centre et le midi de l’Europe que dans le
Nord. Elle arrive dans les contrées méridio-
nales de la France au printemps, et y de-
meure jusqu'au milieu de l'automne. Aussi
niche-t-elle habituellement parmi nous.
Cette fauvette, qui habite toute l'Europe,
ce rencontre également au Sénégal. Elle
n’est pas rare dans le midi de la France, à
l'époque de ses passages, surtout au prin-
temps. Elle niche, comme la précédente, dans
cette contrée.
Ce bec-fin, peu répandu dans les provinces
septentrionales de la France, s’avance très—
avant dans le Nord. Il ne se trouve qu'acci-
dentellement en Hollande. Cet oiseau arrive
dans le midi de la France dès les premiers
jours d'automne, et passe souvent l'hiver
dans cette contrée. Aussi n’y niche-t-il pas.
Cet oïseau niche dans le nord de l’Europe,
et ne s’en éloigne que très-accidentellement.
Le petit nombre d'individus qui ont été
aperçus dans les contrées méridionales ne
sont probablement que des oiseaux égarés,
comme ceux que l’on rencontre parfois en
Allemagne,
Ce bec-fin, peut-être différent de l’espèce
précédente, est peu connu en France, sur-
tout dans le Midi, où cependant il en arrive
quelques individus à chaque printemps, du 10
au 15 avril, et d’autres au commencement du
mois de septembre. Cet oiseau, ainsi que l’es-
pèce précédente, ne fait pour ainsi dire que
passer parmi nous.
Le rouge-gorge est abondant en Hollande
et en France, qu'il ne quitte point pendant
l'hiver. Il arrive en grand nombre dans le
midi de la France, au commencement du
mois d'octobre ; maïs dès le mois de marsil
se retire constamment plus au nord. Néan-
moins quelques individus nichent à la base
des Cévennes, plaçant leurs nids à terre, dans
les herbes ou dans la mousse, ou enfin entre
les racines des arbres,
. Cet oiseau habite principalement les par
ties méridionales de l’Europe, le Portugal,
l'Espagne, la Sardaigne, l'Italie, la Dalma-
te et l'Egypte. Il arrive dans les contrées
méridionales vers la fin du mois de mars,
— 280 —
EE ————————————_—_—_—_—"— —— ——
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.
LME |
G°Insectivores.
Bec-fin pitchou
(sylvia provincia-
lis Temm.).
Bec-fin à lunet-
tes (sylvia conspi-
cillata Eemm.).
Bec-fin babil-
lard (sylria cur-
rüca Tenim.).
Bec-fin griset-
te ( sylvia cinerea
Temm.).
Bec-fin fauvet-
te (sylvia norten-
sis Bechst).
ÉLOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
il y fait deux pontes par an. Du reste Ja
passerinette ne paraît pas demeurer l'hiver
dans le midi de la France.
Dans ses migrations, cet oiseau, comme la
fauvette des roseaux et le bruant ortolan,
arrive à peu près constamment dansle midi
de la France quinze jours avant leurs fe-
melles. Il en est de même de la fauvette ver-
derolle (sylvia paluslris).
Le pitchou fréquente particulièrement les
contrées méridionales rapprochées de la Mé-
diterranée, telles que l'Italie, le midi de Ja
France et l'Espagne. Il est au contraire fort
rare en Angleterre, dans le centre de la
France , et n’a jamais été rencontré en Hol-
lande et en Allemagne.
Cette espèce est sédentaire dans les mêmes
lieux dans toutes les saisons, et par consé-
quent elle ne déserte pas le midi de la
France pendant l'hiver. Elle niche habituel-
lement dans cette contrée, plaçant son nid
dans les bruyères et les genêts.
Ce bec-fin, observé pour la Première feis
en Sardaigne, se montre du 10 au 15 avril
dans le midi de la France. Il paraît y nicher
aussi bien dans les lieux humides et maré-
cageux que dans les terrains secs et arides,
cherchant ceux où il a l'espoir de ne pas
être dérangé dans la construction de son nid.
Le babillard, assez répandu dans les con-
trées tempérées{ de l'Europe, ne s’avance pas
dans le Nord au delà de la Suède. Il est
assez fréquent en Asie. I] arrive dans le
midi de la France au milieu du mois d'avril,
et il nous abandonne en octobre pour aller
passer l'hiver en Afrique et en Asie. Cet oi-
seau niche dans les provinces méridionales,
où il place}son nid dans les buissons à quel-
ques pieds de terre.
Cette espèce habite très-avant dans le
Nord, et ne se trouve pas moins dans Jes
parties les plus chaudes du midi de la France
et de la Sardaigne. Elle est également fort
abondante en Hollande. Elle arrive dans les
contrées méridionales au printemps, et les
quitte en septembre. Elle y niche dans les
buissons, les taillis ou les, haies.
La fauvette, qui vit plus particulièrement
dans les contrées méridionales, se trouve
néanmoins dans presque tous les pays tem-
pérés de l'Europe. Elle arrive dans le midi
de la France vers le milieu du mois d'avril,
et nous abandonne en octobre, pour aller
passer l'hiver en Afrique ou en Asie. Cet oi-
— 281 —
SE — ——— —————————— ———" —————— 2
GENRFS ET ESPÈCES.
ORDRES:
SRE RELATED
Ne
Passercaux.
G° Insectivores. Bec - fin mé-
lanocépbale (syl-
vin melanocepha-
{a Lain.).
Bec-fin à tête
noire (sylvia alri-
capilla Temm.).
Bec-fn orphée
( Sylvia orphea
Temm.).
Bec-fin philo-
mè'e (sylvia phi-
lomela).
Bec-fin rossi-
gnol (sylvia lusci-
nia Temm.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
seau niche habituellement parmi nous, et
dépose son nid sur les taillis ou sur les ar-
brisseaux. e
Ce bec-fin est assez répandu dans les par-
ties les pius méridionales de l'Europe, telles
que le midi de la France, de l'Espagne, de la
Sardaigne, des Etats napolitains et de l'Ita-
lie. On l’a rencontré également à Gibraltar,
mais on ne l’a point encore aperçu dans le
Nord. Il habite également aux îles Canaries,
et vit sédentaire dans le midi de la France,
où il niche dans les buissons.
Cet oiseau se trouve depuis la Laponie
jusque dans le midi de la France et le nord
de l'Italie. Commun en Allemagne et dans les
parties orientales de l'Europe , il est au con-
traire très-rare au delà des Apennins et des
Pyrénées. Il en est tout le contraire dans le
midi de la France, où il a ses doubles pas-
sages en automne et au printemps. Il en
reste beaucoup dans cette contrée, où cet
oiseau niche ordinairement.
Cette grande fauvette se trouve dans l'I-
talie, le Piémont, l'Espagne, le midi de la
France et de la Savoie, Elle se montre acci-
dentellement en Suisse, dans les Vosges, les
Ardennes, et ne paraît pas se reucontrer dans
le Nord.
Cet oiseau ne commence à arriver dans le
midi de la France que vers les premiers
jours du mois d'avril. Il niche dans cette
contrée, et place le plus ordinairement son
nid entre les branches des oliviers.
Le bec-fin philomèle, assez répandu dans
le Nord, principalement en Allemagne, est
plus rare en France, et ne se trouve jamais
en Hollande. Il arrive dans le Midi en même
temps que le rossignol, et se cache comme
lui dans les buissous les plus épais. Il niche,
à ce qu'il paraît, dans les bois et les lieux
ombragés et humides.
Cette espèce, commune dans presque toutes
les contrées de l’Europe, se trouve jus-
qu'en Suède. Elle émigre l'hiver en Egypte
et en Syrie. Le rossignol arrive dans le midi
de la France dès Ja fin de mars; maisil ne
commence guère à chanter que du 6 au 20
avril. Au mois de mai, il s'enfonce dans les
taillis les plus épais des bois, pour y cons-
truire son nid. Alors cet oiseau développe
toute la beauté de sa voix : mais vers la fin
de juin il la perd à peu près tout à fait. ll ne
lui reste plus à cette époque qu’un crirauque
et désagréable. Il paraît cependant retrouver
ORDRES:
Passereaux.
6° Insectivores.
— 282 —
GENRES ET ESPÈCES.
Bec-fin cisticole
{ sylvia cisticola
Temm.).
Bec-fin à mous-
taches noires (syl-
via melanopogon
Roux).
Bec-fin des
saules (sylvia lu-
scinoides Roux).
Bec-fin cetti
(sylvia cetti Mar-
mora).
Bec-fin verde-
rolles (sylvia pa-
lustris Temm.).
Bec-fin des ro—
seaux ou effervat-
te (sylvia arundi-
nacea Lalh.),
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
RER EP SR SR
ensuite sa voix ; car les rossignols en capti-
vité chantent tout l'hiver; à la vérité leurs
chants ont moins d'éclat qu'aux beaux jours
du printemps. Au mois de septembre, ces oï-
seaux s’enfuient et vont gagner l'Egypte et
la Syrie, où ils passent l'hiver.
Cette fauvette est assez répandue dans les
contrées méridionales de l’Europe, le Portu-
gal, l'Espagne, l'Italie etle midi dela France.
C'est vers le milieu d’avril ou au commence-
ment de mai qu'elle arrive dans le midi de la
France. Elle se répand d'abord dans les plai-
nes, qu’elle quitte bientôt pour gagner les
bords de la mer et des étangs. Cette fauvette
niche dans les régions méridionales ; elle y fait
même jusqu’à trois pontes.
Le bec-fin à moustaches noires paraît propre
aux contrées méridionales ; aussi est-il séden-
taire dans le midi de la France, où il niche
au milieu des roseaux dansles terrains à de-
mi inondés. Ce qu'il y a de certain, c'est que
cet oiseau se rencontre dans les régions mé-
ridionales, presque pendant toute l’année.
La fauvette des saules, qui fréquente les
marais de la Toscane, arrive au printemps
dans le midi de la France, maïs accidentelle-
ment et toujours en fort petit nombre. On
pourrait considérer ces individus comme des
oiseaux égarés, si de pareilles habitudes de
venir passer l'été dans des régions méri-
dionales n’étaient assez communes aux becs-
fins.
Cet oïseau, qui habite la Sardaigne et l'I-
talie, se trouve néanmoins en Angleterre et
dans le midi de la France, où même il niche.
En effet il est sédentaire dans les provinces
méridiopales, et par cela mêmetrès-répandu
dans un grand nombre de localités de ces
provinces.
Quoique cet oïseau se rencontre principa-
lement dans les contrées méridionales soit
de la France, soit de l'Italie, on l’observe
néanmoins dans les contrées occidentales, le
long du Danube, en Allemagne et en Suisse.
Il nous arrive au‘printemps, et nous quitte en
octobre ou en automne. Aussi, d'après ce
long séjour dans les contrées méridionales, il
y niche habituellement.
Le bec-fin des roseaux habite les diverses
contrées de l'Europe, où il est fort commun.
I arrive dans le midi de la France au prin-
temps, et nous quitte comme l’espèce précé-
dente dans le courant du mois d'octobre. Cet
Passereaux,
6° Insectivores.
Bec-fin phrag-
mite (sylvia phra-
gmütii Bechst).
Bec-fin aquati-
que (sylvia aqua-
tica Lath.).
Bec-fin locus-
telle (sylvia locu-
stella Lath.).
Bec-fin rousse-
rolle (sylvia tur-
doides Meyer).
Cincle (cinclus
Temm.).
Cincle plongeur
(cinclus aquaticus
Temm.).
Merle{turdusLin.)
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
EEE EEE
oiseau niche dans les contrées méridionales,
et construit son nid en forme de panier al-
longé, qu’il entrelace à trois ou quatre tiges
de roseaux. C’est à cette circonstance qu’il
doit le nom qu'il porte.
Ce bec-fin, assez répandu en Europe, se
trouve en Allemagne, en Hollande, en An-
gleterre , en France et en Italie. Il ne se
rencontre cependant qu’accidentellement
dans le midi de la France, où il est ordinai—
rement confondu dans les passages des autres
petits oiseaux, principalement avec ceux du
même genre. Il setient le plus ordinairement
dans les lieux marécageux, et ne niche ja-
mais parmi nous.
Cette espèce habite également le bord des
fleuves des contrées tempérées de l'Europe,
le Piémont, l'Italie et le midi dela France. Il
est seulement moins abondant en Allemagne,
et ne se trouve que très-accidentellement en
Hollande. Il paraît sédentaire dans les pro
vinces méridionales de la France, où il niche
habituellement, construisant son nid à peu
près de la même manière que l'espèce précé-
dente. Cette espèce ne les quitte donc point
aux approches de l’hiver.
Comme l'espèce précédente, cet oïseau se
tient sur le bord des fleuves de l'Autriche,
de la' Hongrie, {de l'Italie et du midi de la
France; il est plus rare en Hollande et en
Angleterre. Il est peu abondant dans les pro-
vinces méridionales de la France, où il arrive
dans les premiers jours d'avril, et niche au
milieu des roseaux.
Ce bec-fin, commun en Hollande, en Pié—
mont et en France, se montre assez rare-
ment en Allemagne. Il arrive dans le midi
de la France, dans les premiers jours du prin-
temps, et fréquente les marais, les bords des
étangs où il place son nid entre les joncs. IL
nous quitte en automne.; On a pu compren-
dre, d’après les observations précédentes, que
les becs-fins sont des espèces émigrantes.
Le cincle habite la plupart des contrées de
l'Europe, la Suède, l'Allemagne, la Suisse,
l'Italie, la France et l'Angleterre. Il est assez
commun dans le Midi, où il vit presque seul.
Il y passe même quelquefois l'hiver, et cache
son nid dans les environs des eaux, où il se
tient le plus ordinairement. On ne le voit
guère en société qu’au temps des amours.
Le merle bleu est assez abondant dans les
contrées méridionales de l'Europe, le Levant,
— 9284 —
© 2 ——— ——— ——————— ————_—_—_—_—_—_—_———— ——_—_—_——_—_——
"ORDRES, GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DFS GISEAUX,
ER SP PE ES ES
\æ Merle bleu ur: Prec la Sardaigne, l’Italie et le midi de
: * _ la France. Il est peu commun dans le Tyrol,
Passereaux. dus Aus (ame rare en Suisse, plus rare encore dans les
lin). Vosges. Il en est tout le contraire au delà des
G° Insectivores. Apennins, où il est assez fréquent. Il vit sé-
dentaire dans le midi de la France, où il fait
son nid dars Jes rochers et dans les fentes
|des vieux batiments isolés. Néanmoïns nous
en avons communément un passage en au-
tomne et au printemps. Ces passages pro-
viennent d’une part des inGividus qui ont
niché dans les pays montagneux âu Midi, et
de l’autre de ceux qui veulent s'établir parmi
nous : ainsi cette espèce est à la fois séden-
(taire et erratique.
Merle de roche] Cette espèce habite les hautes montagnes
(tardus saxatilis de l’Archipel, de la Turquie, de la Hongrie,
Lath.) au Tyrol, de la Suisse, des Apennins, des
de Alpes et des Pyrénées. Il est plus rare sur
les bords de la Méditerranée, et se trouve
isolément sur les Vosges et les montagnes de
la France. Il se montre peu en Allemagne,
tandis qu'il est fort commun das le nord de
lItalie. Cet oiseau arrive constamment dans
le midi de la France au printemps, et part
en automue.De pareilles habitudes annoncent
assez qu'il niche parmi nous, et appartient
aux oiseaux émigrants. Ordinairement il
place son nid sur de vieux bâtiments isolés,
et souvent sur ceux quifont partie des villes
les plus peuplées.
Merle noir ou! Le merle noir, assez répandu en Europe, est
A de passage périodique dans telle contrée et
commun ù ( turdus tite Gène telle autre. Commun en au-
merula Linn.). tomne en Hollande, il y est beaucoup plus
rare en hiver. Ilen est tout le contraire dans
le midi de la France, où ce merle est séden-
taire; néanmoins ils y montre en plus grande
abondance en automne et en hiver qu'en été.
Il place son nid dans les bois et Jes buissons
fourrés.
Le merle commun voyage solitairement
dans plusieurs contrées de l’Europe qu'il vi-
site l'hiver; c'est ainsi qu'il arrive jusqu'en
Morée, etdansle midi de la France vers lafin
du mois de septembre. Cette espèce est donc
alternativemeut émigrante, sédentaire et er-
ratique.
Merle à gorge] Quant au merle à gorge noire (turdus
ire (td 0e alrogularis Temm.), assez commun en Russie,
poire ({urdus alT0-\ en Hongrie, et rare en Autriche et en Silésie,
gularis Temimn.). il arrive parfois et d'une manière très-acci-
dentelle dans le midi de la France. Il est donc
pour nous tout à fait erratique.
— 265 —
OO RQ
ORDRES. GENKES ET ESPÈCES.
W: Merle à plastron
Passereaux, |(turdus torquatus
Linn.).
6° Insectivores.
Merle mauvis(tur-
dus iliacus Linn.).
Merle grive (tur-
dus musicus Lin...
Merle litoroe
(turdus
Einn.).
Ajerle draine
pilaris|
ÉLOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX +
DR RP TES
Cette espèce se trouve dans presque toutes
les contrées boisées et montagneuses de l’Eu-
rope, tellesque ia’ Suède, l'Ecosse, l'Allemagne
et la France. Elle est beaucoup plus rare en
Hollande. Ce merle est au contraire assez
commun dans le midi de la France, en au-
tomne ou en hiver, surtout lorsque le froid
est rigoureux. Il descend alors en grand
nombre des montagnes environnantes. Mais,
lorsque le moiïs de mars arrive, il nous quitte,
et ne reparaît plus pendant l'été. Aussi
niche-t-il rarement dans les plaines du Midi,
tandis que dans les montagnes des Cévennes,
de la Lozère, de l'Auvergne et des Vosges,
cet oïseau y fait son nid plus habituellement.
Le mauvis habite très-avant dans le Nord
pendant l'été. Il passe à deux reprises diffé
rentes et d’une manière régulière dans le
midi de la France, au printemps et en au—
tomne. Quelques individus y restent l'hiver,
et se réunissent dans les champs couverts
d’oliviers et dans les boïs, dès que le froid
est rigoureux. Néanmoins cet oiseau émi-
grant ne paraît pas nicher dans les contrées
méridionales, ce que font au contraire les
espèces qui y sont sédentaires.
Cette espèce, que l’on rencontre dans tout
le nord de l’Europe, émigre régulièrement,
en septembre, vers le Midi. C'est à peu près
à cette époque, c’est-à-dire en octobre et en
novembre, qu'il arrive dans le midi de la
France, où il fait un second passare au mois
de mars. Celui-ci est généralement fort uom-
breux; cetoiseau voyage pour lors en grandes
troupes. Quoique généralement les grives
nous quittent en mai, quelques individus
restent dans nos contrées, et y nichent assez
babituellement , bien qu’elles soient émi-
grantes.
Ce merle, fort répandu dans les forêts du
zord de l'Europe, les quitte en automne, ct
se disperse par troupes nombreuses dans les
autres contrées, pour regagner de nouveau
le Nord en mars et en avril. La litorne exé-
cute également dans les contrées méridio-
uales ses migrations périodiques; elle ar-
rive en automne, y passe l'hiver, et s'en
retourne, dès que les beaux jours sont reve—
nus, pour aller nichér dans le Nord, la véri-
table patrie de cet oiseau.
Le draïne, qui est sédentaire en Allema-
‘turdus muscicorus! ce et de passage accidentel en Hollande,
est
Linn.)
au contraire de passage périodique dens
quelques autres.Cet oiseau est même quelque-
fois sédentaire et émigrant dans le même
ORDRES»
Vi
.Passereaux.
6° Insectivores. .
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
pays, ce qui a lieu pour le midi de la France.
Eu effet, quoiqu'il niche dans ces contrées,
il y fait néanmoins deux passages cons-
tants, l’un en automne et l’autre au prin-
temps, et cela par suite des circonstances
que nous avons énumérées. Le draine voyage
du reste solitairement, tout au plus par pe-
tites familles, mais jamais en bandes consi-
dérables, comme la plupart des oiseaux voya-
geurs.
Cette espèce, assez commune dans les pro-
viuces méridionales de l’Europe, situées aux
bords de la Méditerranée , se rencontre éga-
lement dans le centre de la France et de
l'Allemagne. Cependant elle est fort rare
en Angleterre, et n’a pas encore été obser-
vée en Hollande.
Gobe-mouches
(muscicapaLinn.).
Le bec-figue , très-commun dans le midi
de la France à l'époque de son arrivée,
c'est-à-dire au mois d'avril, en repart dans
les premiers jours du mois de septembre,
après avoir niché.
Gobe-mouches
bec-figue (musci-
capa luctuosa
Temm.).
Le gobe-mouches à collier, assez répandu
dans le centre de l’Europe, est peu abon-
dant en Allemagne et dans le nord de la
France, mais il n'arrive pas jusqu'en Hol-
lande. Cet oiseau, triste et solitaire, visite
peu les contrées méridionales de la France,
où il ne niche pas.
Gobe-mouches
à collier ( mus-
cicapa -albicollis
Temm.).
Cet oiseau habite la Suède et les provin-
ces tempérées de la Russie. Il est rare en
Hollande , et arrive dans le midi de la
France vers le milieu d’avril, pour en re-
partir au mois d’août, mais après avoir
niché.
Gobe-mouches
gris ( muscicapa
grisola (Temm.).
Cette espèce, que l’on trouve communé-
ment dans toute l’Europe , jusqu’en Suède
et en Russie, se rencontre également dans
l'Amérique méridionale. Elle arrive dans le
midi de la France, en troupes nombreuses,
du 15 au 20 avril, et y demeure jusqu’à la
fin de septembre. Elle niche aussi dans les
contrées méridionales, et place son nid daus
les haïes ou dans les buissons, plus ou moins
au-dessus du sol.
Pie-grièche (La-
nius).
Pie-grièche é-
corcheur (lanius
collurio Brisson).
La pie-grièche rousse vit dans les princi-
pales contrées de l'Europe, l'Allemagne, la
Suisse, l'Italie, la France et jusque dans le
Nord. Elle est fort rare en Hollande ; cepen-—
dant elle pousse ses excursions jusqu’en
Egypte, au cap de Bonne-Espérance, et en-—
fin dans presque toute l'Afrique. Mais, comme
ses excursions ne paraissent pas avoir rien
Pie - grièche
rousse (lanius ru-
Jus Brisson).
ORDRES»
Passereaux.
6° Insectivores.
70 Omnivores.
— 2817 —
oo
GENRES ET ESPÈCES.
Pie- grièche à
poitrine rose ( la-
nius minor Linn.).
Pie-grièche gri-
se (lanius excubi-
tor Linn.).
Pie - grièche
méridionale (la—
nius meridionalis
Temm.).
Martin (pustor
Temm.).
Martin rosse—
lin (pastor roseus
Temm.).
Efourneau (stur-
nus Linn.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
de régulier , elle appartient aux espèces er-
ratiques. Elle arrive dans le midi de Ia
France, au mois d'avril, et se répand dans
les bois et les champs d’oliviers, où elle niche
et dépose son nid.
Cet oïseau habite l’Archipel, la Turquie,
l'Italie, l'Espagne, et visite quelquefois le
nord de l’Europe jusqu’en Russie. IL étend
également ses ‘excursions dans le midi de la
France, où il arrive au milieu du mois d’a-
vril, et en repart dans les premiers jours de
septembre, après avoir niché dans les con-
trées méridionales.
La pie-grièche grise, sédentaire dans cer-
taines contrées, est de passage dans d’autres.
C'est ainsi qu'elle se présente au printemps
et en automne dans les provinces méridio—
nales de la France. Elle paraît y nicher,
quoiqu'’elle n’y passe pas l'hiver. On en ren-
contre cependant parfois quelques individus
isolés jusqu’à la fin de novembre.
Cette espèce, qui fréquente la Dalmatie,
l'Italie, l'Espagne, l'Egypte et toutes les
contrées situées sur les bords de la Méditer-
ranée, est également de passage accidentel
dans le midi de la France, où elle niche ha-
bituellement.
Le merle rose habite les parties chaudes
de l'Asie, de l'Afrique, et parcourt différen-
tes contrées de l’Europe à l’époque de ses
passages. Il ne paraît guère dans le midi de la
France qu'après les orages-qui ont lieu vers
le mois de juin. Cependant en 1837 et en
1838, il y en eut beaucoup à l’époque du
printemps.
Cet oïseau , dont les passages sont fort ir-
réguliers , arrive en troupes assez nombreu-
ses , volant très-bas et en silence. Il se di-
rige bientôt vers les pays chauds, restant
peu parmi nous, quoique souvent les femel-
les aient leurs oviductes remplies d'œufs. Les
jeunes arrivent vers la fin d'octobre, ou au
commencement de novembre, avec les étour-
neaux, qui ont le même genre de nourriture.
Maïs, lorsque ces derniers nous viennent au
printemps, ils visitent seuls nos champs; les
merles roses ne les accompagnent pas pour
lors, ne pouvant pas se livrer à d'aussi lon-
gues excursions, la mue de ces oiseaux n'é-
tant pas terminée, comme elle l’est à l'épo-
que du mois de juin.
Cet oïseau, fameux par ses migrations, se
trouve dans la plus grande partie de l'En-
rope , le nord de l'Asie et l'Afrique. Ses mi-
— 288 —
2 ——_—_——————_—_—_—_————————— a
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES.
EE D à RC
Ve Etourneau vul]-
Passereaux. |gaire (sturnus vul-
garis Linn.).
7° Omnivores.
Loriot oriolus
Linn.).
Loriot (oriolus
galbula Linn.).
ane torlereree rer
Rollier ( cora-
cias Linr.).
Rollier vulgaire
{(coracias garruia
‘Eermm.).
Jasceur (bomby-
civora ‘Æermm.)
Jaseur de Boné-
me (Lombycitora
garrula).
Pyrrhocorax(pyr-
rlhocorax Cuv.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
ES
grations ont lieu d’une manière régulière
dans le midi de la France; l’une dans Îles
premiers jours d'octobre, et l’autre au mois
de mars. À l'époque de ces deux passage,
les étourueaux sontextrêémement némbreux
dans nos contrées, où l’on en fait une chasse
fort abondante. Ces oiseaux ne nichent ja-
mais dans les provinces méridionales de la
France. Contrairement aux merles roses, ils
sout donc essentiellement émigrants.
Le loriot est assez abondant dans les dif-
férentes parties de l'Europe, à l’époque de
ses passages. Quoique commur en Hollande,
il l'est encore plus en France et en Italie. Il
arrive d'Afrique au mois d'avril, et se répand
dans nos boïs pour y nicher. Mais au mois
d'août, ou au plus tard en septembre, cet oi-
seau nous quitte pour se rendre dans des
contrées plus chaudes. La régularité des pas-
sages de cette.espèce doit la faire ranger par-
mi les races émigrautes.
Nous n’en dirons pas davantage au sujet
de ses migrations, devant les décrire plus
tard, ainsi que celles de l'étourueau, lors de
l'explication de la carte où nous avons tracé
la route qu'elle suit dans ses voyages.
Le rollier habite l'été lesrégions du cercle
arctique ; il passe régulièrement duns les
contrées orientales et accidentellement ans
les pays tempérés de l'Europe. [l arrive dans
le midi @e la France au printemps, et fait
un second passage au mois d'octobre; mais
il s'en retourne bientôt, pour aller passer
l'hiver en Afrique, où il uiche habituelle-
meut. On cite un exemple d'un rollier qui a
niché dans les environs &e Nîmes.
D'après ses habitudes diverses, le rollier est
tantôt émigrant et tantêt erratique,
Le grand jaseur, qui habite l'été dans los
régions du cercle arctique, pousse ses excur-
sions dans les contrées orientales et jus-
qu’au nord de l'Asie et au Japon, et se mon-
tre rarement dans le midi de ja France. Il est
extréme:rent probable que ce sont des indi-
vidus égarés.
Cet oïseau vit dans les hautes montagnes
de la Suisse, du Tyrol, de l'Italie, de la
Bavière et &e la Carinthie. Les hivers ri-
goureux, il descend dans les moptagnes
moins élevées du Jura et des Vosges, parvient
même dans les Pyrénées et les Cévennes. Il
est assez abondant dans les hivers rigon-
reux, où on le voit descendre dans les plai-
nes du midi de Ja France,
2
ORDRES. GENRES ET ESPÈCFS.| ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
V. Pyrrhocorax Le phocqnart He rm dans = hautes
Ë montagnes de l’Europe; il est sédentaire
Passcreaux. chocquart ( PYT— |äans les Cévennes , qu'il ne quitte que très-
rhoCOrax pyrrho-|rarement dans les hivers rigoureux. Il des-
7° Omnivores. |corax Cuv.). cend pour lors soit de ces montagnes, soit
des Alpes, en grandes bandes rangées en
ligne, et parvient quelquefois ainsi jus-
que dans le midi de la France. On assure
également que le chocquart des Aipes pousse
ses excursions dans l'Inde et les étend jus-
que sur les monts Himalaya.
Casse-noïix (nu-| Le casse-noix se trouve dans les bois d’une
cifraga Brisson).|grande partie de l'Europe. Il est régulière-
Le casse - noix! ment de passage dans quelques contrées, tan-
£ 3 dis qu’il voyage accidentellement, et à l’in-
(nucifraga caryo-|tervalle de quelques années, dans d’autres.
calactes Brisson). C'est ainsi qu’il se montre rarement dans
les provinces méridionales de la France,
où l’on n'en voit jamais que des individus
égarés.
Geai (garrulus| Le geai , répandu dans toute l'Europe,
Vieillot). porte ses FLY up en ue RER VAfri-
: : ique. Il descend au mois d'octobre des mon-
Geai glandivore ones, pour se disperser dans les plaines du
(garrulus glanda-|midi de la France. Quelques individus y
rius Vieillo!). restent pendant la mauvaise saison; mais
au mois de mars ils abandonnent entiere-
ment les plaines. Aussi nichent-ils dans les
montagnes des Cévennes, de l'Aveyron et
de la Lozère, mais non pas dans les plaines
du Midi, qui sont pour lors échauflées par
les rayons du soleil.
Pie (pica Roux) La pie, commune dans toute l'Europe,
{ pica albiventris pousse ses excursions jusqu'en Chine, au
Roux) |Japon et dans toute l'Amérique. Néanmoins
= |cet oiseau est peu voyageur; il passe sa vie
entièrement dans le même canton, où il
uiche entre l’'embranchement des arbres
très-élevés ou dans quelques buissons épais.
Ainsi la pie est souvent sédentaire, et par-
ticulièrement dans le Midi ; mais comme elle
se livre parfois, ainsi que les espèces précé-
|dentes, à des passages accidentels, elle est
|aussi erratique.
Corbeau {corvus| Le choucas se rencontre dans toute l'Eu-
Linn ) |rope ainsi qu’en Morée. Il arrive seulement
es pendant la mauvaise saison dans le midi de
Corbeau chou-! la France , où il s'établit volontiers dans les
cas {corvus mohe- vieilles tours ruinées.
dula Temm.).
Corbeau freux! Cette espèce habite également toute l'Eu-
|rope; elle est plus abondante dans le Nord que
19
ORDRES,
V.
Passereaux,
7° Omnivores.
— 290 —
ET OT À
GENRES ET ESPÈCES.
(corvus frugilegus
Temm.).
Corneille man-
telée (corvus cor-
_ {nix Linn.).
Corneille noire
( corvus
Linn.).
corone
Corbeau noir
( corvus
Linn.).
corax
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
ESA
dans:le Midi. Elle pousse ses excursions jus-
qu’an Japon. On la voit seulement l'hiver
dans le midi de la France; elle y est souvent
fort commune, et se mêle aux troupes des
corneilles noires qui fréquentent.les plaines.
La corneille mantelée vit, comme les es-
pèces précédentes, dans presque toute l’Eu-
rope ; elle se montre toute l’année dans les
pays montueux des contrées orientales, ain-
si que dans les Alpes, où elle niche habi-
tuellement. On ne la rencontre qu’en sep-
tembre et en octobre dans les contrées
occidentales. Ses passages sont loin d’être
réguliers dans le midi de la France, où elle
ne paraît que par intervalles et en automne.
Cette espèce nous quitte de bonne heure,
pour retourner dans le nord de l’Europe.
Elle pousse avec la corneille noire ses ex-
cursions jusqu’au Japon. Mais elle exécute
toutes ses courses sans aucune espèce de ré
gularité, et rentre par conséquent dans les
races erratiques,
Cette corneiïlle, répandue dans toute l'é-
tendue de l’Europe occidentale, l'est beau-
coup moins dans les contrées orientales. Elle
arrive dans le midi de la France, par troupes
nombreuses, vers la fin du mois d'octobre.
Elle paraît suivre la direction des côtes de
Barbarie, ou du midi de l'Espagne. Quelques
bandes de cet oiseau rôdent pendant l'hiver
dans les contrées méridionales, où elle ne
niche jamais.
Le corbeau commun habite la plus grande
partie des lieux montagneux de l'Europe,
plutôt que les plaines. On le trouve aussi en
Afrique, en Islande, au Japon et dans l’A-
mérique méridionale. Il est sédentaire dans
le midi de la France, et s'approche assez des
habitations. Cet oiseau vit ordinairement
par paires isolées, et place son nid dans les
crevasses des rochers ou sur de grands arbres
isolés.
Parmi les oïseaux terrestres qui parcou-
rent les espaces les plus étendus, et qui se
trouvent dans les régions les plus différentes
du globe, on peut citer au premier rang la
corneille et le corbeau. Ils appartiennent au
même genre de l’ordre des passereaux ; cette
tribu est celle où l’on découvre les espèces
qui étendent le plus au loin leurs migrations,
etle plus d'oiseaux émigrants. Aussi est-ce
parmi elle que nous avons choisi les exem—
ples d'oiseaux essentiellement voyageurs. Il
suffit de jeter les yeux sur notre carte, pour
saisir que sur les neufoiseaux dont nousavons
indiqué les voyages, sept appartiennent aux
passereaux , et deux seuls à d'autres ordres.
s ‘#4
Passereaux.
70 Omnivores.
En effet , le corbeau (corvus corax Linné)
se trouve depuis le cercle polaire jusqu’au
cap de Bonne-Espérance, et même à ce qu’il
paraît, d’après des observations récentes,
jusqu’en Amérique. On le rencontre égale-
ment à Madagascar, île qu’on serait fondé
de considérer comme un débris de quelque
continent ancien, ou une dépendance de
quelque centre de création particulière,
bien distincte de celles qui ont peuplé les
régions voisines, tant sa faune a un Carac-
tère particulier et remarquable. Aussi n'est-
ce probablement que d’une manière transi-
toire que le corbeau commun a été aperçu
à Madagascar, dont les animaux sont si dif-
férents de ceux des autres contrées.
De pareilles habitudes lui sont également
communes avec la corneille, qui voyage
peut-être plus que le corbeau; nous igno-
rons cependant si cette espèce a été observée
en Amérique, comme le corbeau commun.
A raison de cette ignorance nous n’avons
pas indiqué sur la carte le trajet que ces oi-
seaux parcourraient dans le nouveau monde.
Comme nous les avons réunis dans le tracé du
chemin qu'ils suivent, nous n'avons pas osé
indiquer la route tenue à cet égard par ces
deux espèces. Afin d'éviter des redites, nous
n’indiquons pas ici le chemin tenu par la
corneille et le corbeau dans leurs longs et
grands voyages, devant le faire plus tard.
Des habitudes non moins particulières si
gnalent également d’autres espèces de passe-
reaux. On peut surtout citer le coucou (cu-
culus canorus), fameux par la singulière ha-
bitude qu’il a de pondre ses œufs dans les
nids d’autres espèces insectivores (1). Les oi-
seaux étrangers, souvent d’une plus petite
taille, prennent soin des jeunes coucous
comme de leur progéniture, même lorsque
leurs œufs ont été détruits par ces hôtes dan-
gereux. La cause de ce phénomène, à peu prés
unique chez cette classe, est inconnue; il
nous paraît du moins difficile d’en trouver
l'explication avec Hérissant dans la position
du gésier. Sans donte, cet organe placé plus
en arrière dans l'abdomen est moins garanti
par le sternum que dans les autres oiseaux.
Le gésier éprouve, par suite de cette disposi-
tion, une gêne très-grande dans les contrac-
tions continuelles qu’il exerce sur les aliments
(x) Le hibon moyen duc, ainsi que nous le ferons
observer plus tard, parait avoir de pareilles habi-
tudes. Du moins, ne construisant pas de nid, il est
forcé de pondre ses œufs dans ceux abandonnés
par d’autres oiseaux. Il parait pourtant qu’il ne
les Jivre pas au hasard, qu'il en prend suie et
qu’il les couve.
— 292 —
a
|
ORDRES:
GENRES ET ESPÉCES.
|
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
LEE mm nl
\ 28
Passereaux.
7° Omnivores.
pour les réduire en chyme. La compression
trop forte des paroïs abdominales qui se trou-
vent superposées aux œufs, compression
augmentée par le poids du corps, s’oppose à
ce que ces oiseaux puissent rester longtemps
dans la position qu'il leur est nécessaire de
prendre pour couver leurs œufs. Cet obstacle
est peut-être assez puissant pour les empé-
cher dese livrer à cet acte, qui doit assurer la
perpétuité de leur race; ils sont donc forcés
d'abandonner ce soin à d’autres espèces.
Telle est l'explication que l’on peut donner
à ce fait aussi rare que singulier, chez une
classe d'animaux caractérisée par une ten-
dresse maternelle toute particulière. Elle est
du moins la conséquence de la disposition
organique qu'Hérissant paraît avoir le pre-
{mier sigualée.
Cette habitude, générale chez cette espèce,
{n'a rien de commun avec l'instinct qui porte
| d’ autres oiseaux à s’ emparer de nids occupés
[naguère par d’autres espèces. Le moineau com-
mun (fringilla domestica) s'avise quelquefois
d’aller, avec sa faille, occuper les nids des
hirondelles; mais il ne le fait pas toujours
impunément.
M. de Tarragon a été témoin d’un fait qui
prouve que ce n'est pas foujours sans dan-—
ger (1). Un couple de ces moineaux parasites
s'était logé dans un nid d'hirondelle, dont ils
avaieut chassé les propriétaires. Ceux-ci
ameutèrent toute la troupe des hirondelles
de fenêtre qui se trouvaient à portée de leur
häbitatioun, et, lorsqu'ils se furent assurés de
la présence dans le nid de leurs ennemis mor-
tels, la troupe ailée fit entendre son cri de
guerre et disparut en un instant. Elle alla
chercher de la terre humide dans une mare
voisine, et se précipita toute à la fois, comme
d’un accord unanime, vers le repaire des
moineaux. En quelques secondes elle en bou-
cha toutes les issues avec une masse de terre
assez considérable.
Fières de cet exploit, assurées de la mort
des parasites incommodes qui s'étaient em—
:perés de leurs nids, elles poussèrent des cris
[aigus et continuels comme pour célébrer
|leur victoire. Quelques instants après, ces oi—
|seaux avaient tons disparu autour des tom—
{beaux où ils avaient enfermé les imprudents
|moineaux.
Quelques jours après, le même M. de Tar-
ragon s'empara de l'un de ces nids pour i’ob-
server. [l reimarqua que la masse de terre
qui en fermait l'ouverture avait à peu près
la forme et Ja grosseur d'un petit œuf de
poule. Les deux bouts ressortaient en dehors
(1) Echo du monde savant. Paris, 28 décembre
1843, n° 5r.
LL ‘som: SD. "10 «+ mi
V.
Passereaux.
7° Omnivores.
VI. Hibou scops
Rapaces. strix scops Linn.).
4° Hiboux,
Hibou moyen
duc (strixæ otus
Linn.).
Hibou grand
duc (stwrix bubo
Linn.).
Hibou brachyo-
té (strix brachyo-
tos Temm.).
et en dedans du nid, dont on distinguait très-
bien l'origine, formé de petites boulettes de
terre arrondies, tandis que l’opercule était
composé de petites portions aplaties placées
confusément. Cet opercule avait été formé en
dernier lieu par la troupe d'hirondelles qui
l'avait produit avec de la terre humide qu'elle
avait été chercher dans une mare voisine.
Quant au moineau, on l'y trouva ainsi que
ses œufs, mais à peu près complétement des-
séché.
Le scops est répandu dans un assez grand
nombre de contrées de l’Europe où il est de
passage, comme, par exemple, dans le midi
de la France, où il arrive du 5 au 6 avril. On
en voit cependant encore en septembre, mais
ces individus, les derniers à passer, sont pour
la plupart des jeunes. Cet oiseau niche parmi
nous dans les troncs peu élevés des arbres,
Ilest sélentaire dans d’autres contrées, tandis
qu'il est de passage en Afrique. Ainsi cette
espèce nous fournit encore un exemple d’un
viseau qui est alternativement sédentaire
dans certains lieux, et erratique dans d’au-
tres.
Le moyen duc, très-commun en France,
en Allemagne et dans tout le Nord, pousse
ses excursions, comme l'espèce précédente,
jusqu’en Afrique. Cette espèce fréquente les
bois et les buissons du midi de la France,
pendant l’automne et l'hiver ; mais, au mois
de mars et d'avril, il se retire dans les lieux
boisés et montagneux, où il se plaît dans les
cavernes des rochers.
Ce hibou ne paraît pas faire de nid ; il dé-
pose ses œufs dans ceux qui ont été aban-
donnés par d’autres gros oiseaux; c’est du
moins ce qu'il pratique ordinairement dans
les contrées méridionales.
Ce hibou se trouve dans toute l'Europe, à
l'exception pourtant dela Hollande, où il n’a
jamais été observé. On le rencontre pourtant
Jusqu'au cap de Bonne-Espérance. [l vit sur
‘es rochers escarpés du midi de Ja France;
mais l'hiver on le voit souvent dans les bois,
les plaines, ainsi qu'aux bords des marais. Il
niche habituellement dans les fentes de ro—
chers, ou dans de vieux édifices abandonnés,
et cela dans tout le midi de la France.
Le brachyote est répandu dans presque tou-
tes les contrées de l'Europe, jusqu'en Sibérie,
où il accompagne le lemming dansses excur-
sions. On le trouve fréquemment en Hol-
lande, en septembre et en octobre. Il passe
ordinairement dans le midi de la France,
— 294 —
— EEE EEE ———— |
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
ER Sn Dem ER AE | PODCAST CEE | ER
VL.
Rapaces.
4° Hihoux.
29 Chouettes.
Chouette (strix
Linn.).
Chouette che-
vêche (strix passe-
rinæ Temm.).
Chouette effraie
(strix flammea
Linn.).
pendant le dernier de ces deux mois. Il y
demeure jusqu’au mois d'avril, époque à la-
quelle il est fort commun; d’après: de pa-
reilles habitudes, il est facile de saisir que
cet oiseau ne doit pas micher dans les con-
trées méridionales. Il y est donc constam-
ment de passage, et, comme il y renouvelle
ses courses avec une certaine régularité, il
paraît se rattacher, ainsi que la plupart des
hiboux, aux races émigrantes.
La chevêche habite la plus grande partie
de l'Europe. Elle est assez commune dans
les plaines des contrées méridionales de la
France, où elle vit sédentaire. Elle fait sa
nourriture de petits oiseaux et même de
quelques mammifères. Il paraît qu'elle est
également friande de sauterelles et de gril-
lons.
Cette espèce dépose ses œufs dans de vieux
édifices, des amas de pierres et les trous des
rochers, où elle fait ordinairement son nid.
Leur nombre est de quatre ou de cinq; ses
œufs sont arrondis, blanchâtres, ou lavés de
roussâtre, avec quelques taches un peu plus
foncées.
La chouette effraie habite la plus grande
partie de l’ancien continent et de l'Asie, et
ne se trouve pas moins dans les deux Améri-
ques. Cette espèce est donc éminemment voya-
geuse; car il ne faut pas perdre de vue qu'il
n'existe pas une seule espèce commune aux
deux hémisphères. Donc toutes celles qui,
comme la chevêche, se trouvent à la fois dans
l’ancien continent et dans le nouveau monde,
doivent cette particularité à leurs migrations,
qui ont dérangé l'ordre primitif de leur dis-
tribution.
Ces migrations ont porté la chouette ef-
fraie dans presque toutes les parties de la
terre. Il est probable que, par suite de cet
instinct impérieux qui presse les oiseaux à
se déplacer, cette espèce portera ses tribus
jusque dans la Nouvelle-Hollande, où elle
deviendra peut-être à la fois sédentaire et
émigrante. Du moivs elle a de pareïlles habi-
tudes en Europe, où certains individus sont
stationnaires dans les lieux qu'ils ont choisis
pour leur demeure ordinaire, tandis que
d’autres se livrent à des voyages extrêmement
étendus.
Des mœurs aussi différentes sont non-seu—
lement propres à la chouette effraie, mais
elles caractérisent également une infinité
d’autres oiseaux, et même, ainsi que nous le
ferons plus tard observer, plusieurs espèces
de poissons.
Comme nous avons indiqué avec détail la
route que paraît suivre cette espèce dans ses
és Si. Disti is
VE. N
Rapaces.
90 Chouettes.
#5° Busards,
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX
ELLE)
migrations lointaines, lors de l'explication
de notre carte, nous renverrons à ce que
nous en dirons plus tard. Nous ferons seule
ment observer que nous ignorons compléte—
ment quel espace de temps cet oiseau met à
parcourir le globe ; mais, dans aucun cas, il
n’est point à supposer qu'il exécute un aussi
grand et un aussi long voyage dans le court
espace d’une année.
Quoi qu'il en soit, les individus sédentaires
de cette espèce préfèrent pour leur habitation
ordinaire les vieux édifices, les clochers et
les toits élevés des anciennes églises. C’est
sur ces bâtiments que la chouette effraie
place son nid, qu'elle fait sans apprêt et dans
lequel elle dépose jusqu’à cinq œufs blancs,
un peu allongés.
Cette espèce paraît se plaire dans les lieux
les plus populeux; il n’est pas rare d’en trou-
ver de blotties dans nos greniers et même
dans nos appartements, où elle se réfugie
pour se cacher pendant le jour.
On donne à cette espèce le nom de béou l'olè
dans les provinces méridionales de la France,
parce qu'on suppose qu'elle aime à boire
l'huile des lampes suspendues dansles églises.
Quant au nom d’effraie ou de fresaie, sous le-
quel elle est aussi connue, il vient du souf-
flement que cet oïseau fait entendre pendant
la nuit.
Chouette hu-
lotte (strix aluco
Meyer).
Cette chouette fréquente les contrées boi-
sées de la plupart des contrées de l’Europe;
elle en fait de même dans le midi de la France,
où elle est assez rare dans les plaines. Cette
espèce, nommée aussi chat-huant, fait son
nid dans.ceux qu'ont abandonnés les pies
et les cresserelles. Elle paraît être sédentaire
dans les contrées méridionales; du moins elle
y niche habituellement, quoiqu'elle soit ail-
leurs erratique et peut-être même émigrante.
Busard ( fulco).
Busard méri-
dional ( fælco pal-
lidus Gould).
Cette espèce, encore peu connue, paraît pro-
pre aux contrées méridionales de l'Espagne
et de la France. Elle est peu abondante dans
la dernière de ces contrées. Nousignorons si
elle y niche; ce qui est peu probable, à raison
de son extrême rareté parmi nous. Une fe-
melle adulte a été capturée, au mois d’octo-
bre 1840, dans les environs de Montpellier.
L’'estomac de cet oiseau était rempli de trois
têtes de fringilles qui n'avaient pas été di-
gérées.
Busard monta-
gu { falco cinera-
ceus Montagu).
Ce busard habite principalement les con-
trées orientales et méridionales de l’Europe.
Il est très-répandu en Hongrie, en Pologne,
en Silésie, en Autriche, en Dalmatie et dans
les provinces illyriennes.
Cette espèce est également abondante en
— 296 —
a —_—_—_——_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—————_—_—_—_EE ————_——————
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.
SEC PER EP EEE PDP
VI.
Rapaces.
5° Busards.
Busard saint -
martin (falco cya-
nus Montagu).
Busard harpaye
ou des marais ( fal-
co rufus Linn.).
4° Buses. Buse bondrée
(falco apivorus
Linn.).
Buse pattue (fal-
co lagopus Linn.).
Buse commu-
ne ( falco buteo
Linn.).
i
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
Italie; les jeunes se rencontrent assezsouvent
en Suisse. Elle est rare en'Angleterre, et dans
le midi de la France, surtout les vieux indi-
vidus, qui ne s’ytrouvent guère. Nous voyons
seulement en hiver les jeunes de ces oiseaux ;
ce qui nous annonce que ce busard ne niche
point dans le midi de la France.
Le busard saint-martin habite l'Allemagne,
la Hollande, l'Angleterre, la France et la Mo-
rée. Il arrive ordinairement en automne dans
le midi de la France, principalement les jeu-
nes et les femelles. Les vieux sont générale-
ment plus rares. Il niche, dans les contrées
méridionales, dans les champs et les ma-
rais.
Cet oïseau paraît pousser ses excursions
dans toute l'Asie et jusqu’au Japon.
L'harpaye fréquente toutes les parties de
l'Europe où l’on trouve des marais: aussi est-
il fort commun en Hollande, rare en Suisse et
dans le Midi. 11 y est néanmoins sédentaire,
et construit son nid à terre, mais dans les
lieux ombragés, parmi les tamaris ou lesro—
seaux. fl est certain que cet oiseau dénose
ses œufs au milieu des marais de la France
méridionale.
Cette buse se trouve dans les contrées orien-
tales de l'Europe; elle se montre peu et acci-
dentellement en Hollande. Elle est plus abon-
dante en France, dans les Vosges et le Midi,
où elle est de passage périodique au prin-
temps. Elle y arrive de grand matin, en com-
pagnie de quatre, six ou dix individus; mais
dans le courant de la journée elle vole isolée
ou par paires. Cet oiseau, uniquement de pas-
sage dans nos contrées comme par toute
l'Europe, ne niche pas parmi nous. Si le genre
précédent nous a donné un exemple d’es-
pèces erratiques ; cette buse nous en fourgit
d’une race émigrante parmi des oiseaux de
proie, qui vnt les plus grandes analogies avec
les premiers.
La buse pattue fréquente les lisières des bois
du nord de l'Europe, en automne et en hi-.
ver. Elle se montre quelquefois en Hollande
et rarement daus le Midi, où elle n'arrive
jamais que dans la mauvaise saison. Ainsi
cet oiseau ne niche point dans les dernières
contrées.
Cette espèce habite toute l'Europe. Elle
vient dans le midi de la France en automne,
et y demeure jusqu’à l'approche de la belle
saison. Elle ne niche pas plus que la précé-
dente dans les provinces méridionales de
LE
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.
7
VI.
Rapaces.
5° Milans. Milan ( falco
Linn.).
Milao royal (fal-
co milvus Linn.).
Milan noir { fal-
co ater Temm.).
6° Autours, Autour (falco
Linn.).
Aulour ordi-
paire ( falco pa-
lumbarius Linn.).
Aulour éper-
vier (falco nisus
Linn.).
"
7° Aigles. Aigle ( falco
Linn.).
Aigle pygargue
( falco ulbicila
Linn.).
D
[Uæ)
—
ÉLOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
SP
cette contrée. Ses passages sont irréguliers,
et par conséquent elle appartient aux oi-
seaux erratiques.
Le milan royal se trouve. dans presque
toute l'Europe, toujours dans le voisinage
des montagnes. Il pousse ses excursions jus-
qu'en Asie, quoiqu'en général cet oiseau,
d’un naturel timide et lâche, voyage peu.
fl ne niche point dans les provinces méridio-
nales de Ja France. On suppose qu’il fait son
nid dans les montagnes de la Lozère et de
l'Aveyron.
Le milan noir habite l'Allemagne, la
France et la Suisse. Assez rare dans le Nord,
il se montre plus communénement dans le
Midi. Il paraît très-abondant à Gibraltar,
aivsi que dans toute l'Afrique, en Egypte et
au cap de Bonne-Espérance. Il pousse éga-
tement ses excursions jusqu’en Asie et par-
vient jusqu’au Japon.
Cette espèce ne se montre que d’une ma-
nière accidentelle dans Je midi de la France,
où elle est erratique. La plupart des indivi-
dus de cet oiseau qui ont été saisis étaient des
jeunes. On ne la voit pas nicher dans nos
contrées méridionales.
L’autour, assez commun en Russie, en Al-
lemagne, en Suisse et en France, est pius
rare en Hécllande. Son apparition n’a pas
lieu souvent dans le midi de la France, où
l'on voit beaucoup plus de jeunes individus
que de vieux. Il paraît habiter également
l'Afrique, où il niche très-probablement.
L'épervier se rencontre dans presque
toutes les parties du monde. Il passe régn-
lièrement dans le midi de la France en sep-
tembre ; il y est fort abondant en octobre et
en novembre. Il reparaît ensuite en avril et
en mai, et niche dans les contrées méridio-
nales, sur les grands arbres , où il construit
son nid. Cet oiseau nous quitte ensuite et va
passer l'hiver dans des régions plus chaudes,
D’après les habitudes de l’épervier, cet oi-
seau fait partie des races émigrantes, ainsi
que le pygargue, le balbusard et l'aigle
jean-le-blanc.
Cet aigle se rencontre principalement sur
les côtes maritimes de l’Europe, particuliè-
rement de la Hollande, de l'Angleterre et de
la France. Il arrive assez régulièrement
l'hiver dans le midi de la France; mais il
nous abandonne dès que la belle saison ar-
rive. Enfin cet oiseau pousse ses excursions
ORDRES.
VI.
Rapaces.
70 Aigles,
— 298 —
G— — "OO
GENRES ET ESPÈCES.
Aigle balbu-
sard | falco halicæ-
tus Linn.).
Aigle jean-le-
blanc ( falco bra-
chydactylus Wolf).
Aigle botté (fal-
co pennatus Lin.).
Aigle criard {fal-
co nœvius Linn.).
Aigle bonelli(fal-
co bonelli Tem.)
ÉPOQUES DES PASSAGES DES.OISEAUX.
dans toute l'Asie et jusqu'au Japon. Il ne
niche point parmi nous.
Cette espèce vit indifféremment dans
toutes les contrées de l'Europe, de l'Afrique
et de l'Amérique. On la rencontre dans le
midi de la France à différentes époques,
mais principalement en automne et en hi-
ver. Elle se tient toujours au bord des eaux,
quoiqu’elle niche sur les grands arbres et
sur les rochers de nos contrées, à ce que
disent les chasseurs.
Le jean-le-blanc fréquente les grandes
forêts de sapins des parties orientales du
nord de l’Europe. Il est peu commun en Al-
lemagne , en Suisse et en France, et ne se
trouve jamais en Hollande. Cet oiseau arrive
régulièrement dans le midi de la France
vers le milieu du mois de novembre, y passe
l'hiver, et n'y niche jamais. Quelques indi-
vidus y demeurent même jusqu’à la fin du
mois d'avril. Mais nous en avons un autre
passage au milieu du mois de mars. Celui-
ci dure huit à dix jours. Ils volent pour lors
à des hauteurs prodigieuses.
L’aigle botté habite les régions orientales.
Il est de passage régulier en Autriche et en
Moravie. Il niche en Hongrie et en Espagne.
Les jeunes et les vieux individus de cette
espèce visitent également les contrées mé-
ridionales de la France, maïs d'une manière
assez irrégulière ; ils ne s’y arrêtent jamais
pour y nicher, ce qu'ils paraissent faire en
Espagne.
Cet aigle, commun dans les parties orienta-
les de l’Europe et dans le Midi, est aussi très-
abondant en Russie, en Suisse, dans les Pyré-
nées, et dans les pays boisés et montueux de
l'Allemagne. On ne le voit jamais en Hol-@&
lande ; tandis qu’il est assez fréquent en
Egypte et dans la plus grande partie de l’A—
frique. Cet oiseau n'arrive guère dans le
midi de la France que pendant l'hiver,
presque toujours à la suite des gros vents du
sud. Les vieux nous viennent plus rarement
que les jeunes d’un ou deux ans. Cette es—
pèce ne niche pas plus que la précédente
dans les contrées méridionales; elle le peut
d'autant moins que la plupart des individus
de passage n'étant pas adultes, ne peu-—
vent se livrer aux besoins de la reproduc-
tion.
L'aigle bonelli habite la Sardaigne, l'E-
gypte, le nord de l'Afrique et le midi de la
‘|France, où il vit sédentaire. En hiver il des-
ORDRES:
VI.
Rapaces.
7° Aigles.
8° Faucons.
— 299 —
eq
GENRES ET ESPÈCES.
Aïgleroyal {fal-
co fulvus Linn.).
Aigle impérial
(falco imperialis
Temm.).
Faucon f{falco
Linn.).
Faucon à pieds
rouges ( falco ru-
fipes Bechst).
Faucon cresse-
rellette (falco tin-
nunculoides Tem.)
Faucon cresse-
relle (falco tin-
nunculus Linn.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
cend dans les marais, où il fait la chasse aux
oïes et aux canards.
L’aigle royal est très-répandu non-seule-
ment dans toute l'Europe, maïs encore dans
l’Asie-Mineure et l’Afrique. Il vit dans les
basses montagnes du midi de la France, oùil
niche habituellement.
Une circonstance assez particulière à
prouvé d’une manière incontestable que
l'aigle royal n’est point un oiseau de passage
dans le midi de la France, mais qu’au con-
traire il y habite les lieux montueux et ari-
des. Un œuf de cet oiseau a été apporté en
septembre 1841, à M. Lebrun, habile orni-
thologiste de Montpellier. Cet œuf devait
avoir été couvé , car le petit aigle ( falco
fulvus) qu’il renfermait était déjà formé. Il
avait été pris avec plusieurs autres dans une
fente d'un rocher de Saint-Bauzille de Mont-
miel près de Montpellier. Ces faits prouvent
que l'aigle royal est réellement sédentaire
dans les provinces méridionales de la France,
et lorsqu'il les abandonne , c’est toujours
accidentellement.
Cet aigle fréquente les parties orientales et
méridionales de l'Europe. On le trouve en
Hongrie, en Dalmatie, en Egypte, sur les côtes
de Barbarie et dans le midi de la France, où
il s’'égare parfois. Cette espèce est trop rare
pour être certain si réellement elle niche
dans les contrées méridionales.,
Le faucon à pieds rouges se trouve com-
munément en Russie, en Pologne, en Au-
triche, dans le Tyrol, en Suisse et au delà des
Apennins. Il est assez rare en France, et ne
se trouve pas en Hollande. Cet oiseau, de
passage accidentel dans le midi de la France
au printemps, nous arrive encore plus rare-
ment en automne. C’est assez dire qu’il ne
niche point parmi nous et qu’il appartient
aux races erratiques.
Cetoïseau habite les contrées orientales et
méridionales de l'Europe ; il est particulière-
ment commun en Sicile, en Sardaigne, dans
le royaume de Naples et en Espagne. Il est de
passage en Hongrie, en Autriche, dans les
provinces illyriennes, comme dans le midi de
la France. Il se montre tout à fait acciden-—
tellement dans cette dernière contrée au
printemps, où il ne niche jamais.
La cresserelle, répandue dans toute l'Europe
et l'Asie, se rencontre communément en Hol-
lande. Quoique cette espèce soit sédentaire
dans le midi de la France, nous en avons ce-
— 500 —
© © ——_—_—_—_—
GENRES ET ESPÈCES.
ORDRES.
VI.
Rapaces.
8° Faucons.
Faucon émeri!-
lon (falco æsalon
T'enim.).
| Faucon hobe-
reau ( falco subbu-
teo Linn.).
Faucon pélcrin
( falco peregrinrus
Linn.).
Gypaète (gypa-
etus Storr.).
Gypaète barbu
( gypactus barba-
tus Cuv.).
99 Vautours.
Catharte ( ca-
thartes Ilis.).
Catharte alimo-
che (cathartes per-
cnopterus Fem.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
ASIE EI IDC DE
pendant deux passages par année, en au-
tomne et au printemps. Elle niche parmi nous,
et place son nid soit dans les vieux édifices,
soit dans les fentes des rochers, soit enfin
dans les bois. Elle est donc à Ja fois, dans les
provinces méridionales de la France, séden-
taire et émigrante; car ses passages sont
aussi constants que périodiques.
L'émerillon, originaire de l'Allemagne et
dela France, se montre rarement en Hollande.
Il arrive dans lemidi vers le milieu du mois
d'octobre, et quitte cette contrée an prin-
temps. D’après de pareilles habitudes, l'é-
merillon ne niche point parmi nous, et rentre
dans les espèces émigrantes.
L'hobereau est assez commun dans plu-
sieurs parties de l’Europe, et particulièrement
en France, où il vit dans le voisinage des
bois et des champs. Cet oiseau niche dans les
provinces méridionales de la France, et place
son nid sur les arbres de haute futaie.
Le faucon pèlerin, assez commun en Alle-
magne, en Hollande, en Angleterre et en
France, est rare en Suisse. Néanmoins il
étend fort loin ses voyages, etle nom qu'il
porte lui a été donné à raison de ses habitu-
des. C’est en automne qu'il abandonne les
montagnes pour entreprendre ses courses
vagabondes. Il paraît nicher, dans le midi de
la France, dans les trous des rochers, et rare-
ment sur lesarbres. Comme les excursions de
cette espèce ne paraissent avoir aucune ré-
gularité, elle rentre dans la classe des oiseaux
erratiques.
Cet oiseau habite les Alpes de la Suisse,
les montagnes du Tyrol et de la Hongrie, et
se montre rarement en Allemagne , en
France et dans les Pyrénées. Il est commun
au contraire en Egypte , où il niche proba-
blement, ce qu'il ne fait point dans les pro-
vinces méridionales de la France. La con-
naissance de cet oiseau comme une espèce
qui visite ces contrées ne nous a été donnée
que par la capture de quelques jeunes in-
dividus.
Le catharte fréquente principalement l'A-
frique et le midi de l'Europe. Il se montre
dans le midi de la France dès les premiers
jours du mois d'avril. 1] paraît même y ni-
cher et y être dès lors sédentaire. L'alimoche
se tient de préférence sur les hautes mon-
tagnes et les rochers les plus inaccessibles
pour y passer Ja belle saison et s'y repro-
duire. Cet oiseau niche dans les antres des
— 301 —
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.
VI.
Rapaces.
9° Vautours.
Vautour (vultur
Illiger).
Vautour grif-
fon (oultur fulvus
Linn.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
rochers, choïsissant les points les plus es-
carpés, où il vit solitaire. D'après la régula-
rité de ses passages, il doit être compris
parmi les espèces émigrantes, ainsi que le
vautour-grifion.
Le vautour griffon paraît nous venir
d'Afrique au printemps ; il est cependaut
sédentaire daus le midi de la France, et se
trouve en assez graud nombre sur les hautes
montagnes des Cévennes. Les passages de
ces oiseaux ont lieu du 15 au 20 mars, soit
en Sicile, soit en Italie, soit dans le midi de
la France ; ils arrivent tous de la Médi-
terranée , venant probablement d'Afrique,
ainsi que nous l’avons déjà fait observer.
Ce qu'il y a de singulier, les individus qui
ont été tués dans les plaines de nos contrées
étaient tous des mâles et ont été rencontrés
dans les mêmes lieux. Peut-être y cher-
chaiïent-ils des femelles de leur espèce qui
leur manquaïient.
Ces vautours sont très-communs dans les
Alpes, les Pyrénées et les Cévennes, ainsi
que dans les autres montagnes de l'Europe
et de l'Afrique, où ils paraissent vivre en
grandes troupes. Ils volent généralement
très-haut, rsais leur vol n’est pas soutenu ;
aussi re franchissent-ils pas de grandes dis-
tances horizontales. On dirait que les oiseaux
qui planent dans les régions élevées sont
moins propres à parcourir de grands espaces
que ceux dont le vol bas est aussi par cela
même plus continu et plus prolongé.
Le condor (vullur gryphus), qui s'élève
au-dessus du Chimborazzo, dans la chaîne
des Andes, à plus de huit mille mètres de hau—
teur , quitte peu le voisinage de cette mon-
tagne et ne s’en éloigne guère. Si l’on com-
pare les habitudes de cet oiseau, qui dans
un instant parcourt en ligne verticale une
aussi grande étendue, en supportant une
différence de pression de 0m,325 à 0m,756,
avec celles des canards répandus dans toutes
les parties du globe , on saisira facileme:t
que les oiseaux de haut vol ne sont pas tou-
jours les meïlleurs voiliers et ceux dont les
migrations sont les plus étendues. En efr:t
le condor, l'espèce qui s'élève le plus haut,
ne paraît pas abandonner les contrées qui
l'ont vu naître. On ne l’a pas encore trouvé
ailleurs que sur les hautes cimes des Andes,
où il semble se complaire, et se précipiter
de toute leur élévation sur les quadrupèdes
qui paissent dans les vallées profondes des
Cordillères. Quant au vautour griffon (vul-
tur fulvus), il est plus commun au prin-
temps dans le midi de la France que dans
aucune autre saison de l’année. Alors ils se
réunissent en grandes troupes ; toujours af-
ORDRES.
VI.
Rapaces.
90 Vautours.
— 502 —
do oO
GENRES ET ESPÈCES.
Vautour arrian
( vultur
Linn.).
cinereus
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX.
EEE
famés, ces oïseaux se jettent plusieurs en-
semble sur les charognes, ou sur les petits
mammifères, ou les reptiles, qu’ils ont aper-
çus du haut des airs. Cette espèce niche sur
les hautes montagnes des Cévennes, de la
Lozère et de l'Aveyron,
Ce vautour habite les hautes montagnes
et les vastes forêts de la Hongrie, du Tyrol,
de la Suisse , des Pyrénées, du midi de l’Es-
pague et de l'Italie. Au printemps il visite
assez souvent le midi de la France, maïs ac-
cidentellement. Cet oiseau ne niche jamais
dans les contrées méridionales de la France.
Un fait remarquable qui prouve à quelle dis-
tance les oiseaux étendent leurs migrations,
est celui qui a été rapporté dans le no 639
(mercredi 9 juin 1841) de l'Echo du monde
savant. M. Morel, membre du conseil muni-
cipal de Saint-Sixte (Loire), a apporté à
M. d’Allard un loricou grand vautour d’A-
frique (vullur auricularis Daud.), qu'il
venait de tuer. Cet oïseau se rapportait
à une femelle. Il pesait près de huit kilo-
grammes , et ses ailes offraient un dévelop
pement de deux mètres soixante centimètres
d'envergure.
Au moment où il a été tué, il était en
compagnie d'un autre gros oiseau, qui
pourrait bien être le mâle. Du reste le lo-
ricou ne paraît pas jusqu'à cette époque
avoir été observé en France; ce qui est peu
étonnant, les vautours voyageant généra-
lement fort peu , quoique l’on observe dans
ce genre plusieurs espèces émigrantes.
ADDITION A L'ARTICLE DES OISEAUX PALMIPÈDES.
Nous ferons à la fin de ces tableaux quelques remarques relatives à des
oiseaux palmipèdes, qui n’ont pas pu être placées à leur véritable rang et
que nous avons été forcé de renvoyer à ce moment,
L.
Palmipèdes.
Plusieurs îles, et parmi elles on peut nom-
mer les Hébrides, ont cette particularité de
ne présenter aucun mammifère à l’état sau-
vage et fort peu d'oiseaux de terre. Cepen-
dant ces mêmes îles se font remarquer par
l'affluence continuelle des myriades d'oiseaux
de mer qui y nichent.
Les rochers du rivage en sont totalement
couverts ; leurs bandes obscurcissent l'air, et
la terre en fourmille à une grande distance.
Le plus remarquable de ces oiseaux, le pé-
trel gris blanc (procellaria glacialis), y bà-
tit son nid sur les rebords gazonnés des ro-
chers qui surplombent la côte ; chaque saillie
— 503 —
©
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES.
RENE SACS | PSE PSE
I.
Palmipèdes.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX,
du rocher est recouverte de ces nids qui ne
sont guère qu'une légère excavation dans le
gazon, dont le fond est garni d'herbes ma-
rines sèches. Le pétrel n’y dépose qu’un œuf
d’un blanc de neige, que cet oiseau remplace
bientôt lorsqu'il lui a été enlevé.
Cet oïseau vole très-vite, et rase de très-
près la surface de la mer. Il semble toujours
en mouvement , et vole en décrivant de
grands cercles près des précipices qu'il habite,
et en suivant toujours la même direction,
apparemment pour.éviter la confusion qui
résulterait , pour une multitude si immense,
de tout mouvement individuel irrégulier. Il
ve pousse aucun cri, même lorsqu'on enlève
ses œufs ; mais, si on vient à le saïsir, il se dé-
fend avec vigueur à coups de bec.
Le fou blanc (s{ulla alba) est un des oi-
seaux les plus abondants et les plus utiles
qui habitent Saint-Kilda. Ces oïseaux vont
chaque matin pêcher à d'immenses distances,
jusqu'à quatre-vingt-dix milles, et revien-
nent chaque soir. La vigueur avec laquelle
cet oïseau plonge dans la mer à la poursuite
du poisson est incroyable. Un de ces oiseaux
passant au-dessus d’un bateau ouvert reve-
nant de Saint-Kilda à Harris, et an fond du-
quel se trouvaient quelques harengs, plongea
tout à coup avec une telle force que son bec
perça les planches du bateau.
Cet oiseau niche seul etsans se mélanger avec
d’autres espèces sur les rochers escarpés qui
de loin semblent recouverts de neige. La na-
ture et la position de leur habitation en rend
la chasse encore plus périlleuse et plus diffi-
cile que celle du pétrel; aussi le moyen le
plus sûr pour le saisir est de le surprendre
endormi et gorgé de poissons à la surface de
la mer. On se sert pour cela d’un bateau à
voile, et l’on évite de faire le moindre bruit,
afin de ne point le réveiller.
Les macareux (mormon arclicws) nichent
dans les cavités des rochers ou dans des trous
qu'ils y creusent. Ces oïseaux volent et se
posent en masses si serrées sur les rochers da
Saint - Kilda, que l’on en abat souvent une
douzaine et. même une vingtaine d’un seul
coup de fusil, Aussi forment-ils la principale
nourriture des habitants de Saint -— Kilda
pendant l'été.
Ceci n’empêche pas que le macareux, dont
la taille égale celle des pigeons, ne niche
quelquefois sur les côtes escarpées de l’Angle-
terre, et n’abonde en hiver sur les côtes de
la Manche.
mms © © 0 0 © ne
— (501 —
Nous croyons utile d'ajouter au tableau précédent
l'indication des temps moyens de l’époque de l’appa-
rition de certains oiseaux, soit en France, soit en An-
gleterre. Nous y ajouterons encore la date précise à
laquelle ont été capturées dans le midi de la France
certaines espèces qui n’y passent que d’une manière
accidentelle.
Les nombres indiqués dans nos tableaux ne se
rapportent pas à toutes les régions ; ils ne sont pas
même constants pour le midi de la France auquel ils
se réfèrent. Les passages annuels des oiseaux ont une
aussi grande régularité que les saisons ; ils n’en sui-
vent pas moins les variations. Aïnsi les hirondelles
quittent les contrées méridionales en septembre,
mais il est des années où l’on en voit encore en dé-
cembre. C’est ce qui est arrivé en 1843.
Ces tableaux montrent combien, à part quelques
années exceptionnelles, les passages des oiseaux sont
réguliers. Mais, pour leur donner l’importance qu'ils
ont réellement, il faudrait pouvoir en dresser pour
un grand nombre de contrées, afin de résumer toutes
les observations dans un tableau général. On conce-
vrait alors beaucoup mieux l’un des plus curieux
phénomènes de la nature.
TABLEAU DES TEMPS MOYENS
DE LA PREMIÈRE APPARITION
DE PLUSIEURS OISEAUX DANS LE MIDI DE LA FRANCE.
ÉPOQUES DE LEUR APPARITION,
OISEAUX. SE
ANNÉES ET MOIS. JOURS,
I. PALMIPEDES.
Pingouin macroptère(alca torda). Janvier. 10 au 25 et jus-
qu’au 15 avril.
Macareux moine (mormon fra-| Décembre et jan-
tercula). vier.
Plongeon imbrim {colymbus gla-| Décembre et jan-
cialis), vier.
Grand cormoran (carbo cormo-| Janvier et fé-
ranus), vrier.
Harles (mergus).Toutes les espè-
ces de ce genre paraissent depuis | Novembre jus-
qu’en janvier.
Canard sauvage (anas boschas). | 1° Fin octobre au
Quelques individus s’arrêtenl/comm. de novemb.
dans le midi de la France. 20 Fin février au
commenc. de mars.
Canard double macreuse ( anas Octobre. 5 au 15.
Jusca).
Canard petite sarcelle(anas oreca)| Novembre. 10 au 25.
Canard couronné (anus leucoce- Février. 45.
phala), capturé en 1835.
Canard de Miclon (anas glacia- Janvier. 4.
lis), capturé en 1840.
Cygne sauvage (cycnus musicus). Décembre, 5 au 15,
20
— 3506 —
Ce ———— —— ——— ———————— ———— — aa EEE
ÉPOQUES DE LEUR APPARITION.
OISEAUX. A TT ee
ANNÉES ET MOIS. JOURS.
I. PALMIPÈDES.
Oie sauvage (anser scgelum). Novembre. 10 au 20.
Oie rieuse (anser albifrons). Janvier. 5 au 20.
Mouette tridactyle (larus trida- Janvier. 10 au 15.
ctylus), caplurée en 1840.
Mouette pygmée (/arus minu-| Janvier , fin de
tus). février et mars.
Hirondelle de mer leucopière| Du 20 avril au
(sterna leucoptera). 10 mai.
Hirondelle de mer moustac (ster-| Du 20 avril au
na leucopareia). 15 mai.
Hirondelle de mer cangeck(ster-| Du 25 avril au
na canliaca). 15 mai,
Hirondelle de mer dougal {sterna| Du 50 avril au
Dougalii). 15 mai,
Plusieurs individus de ces di-
verses hirondelles de mer s’arrêé -
tent souvent dansles marais de l’em-
bouchure du Rhône. Es nichent au
milieu de ces marais, en sorte qu'en
août on y observe un certain nom-
bre de ces jeunes oiseaux occupés
avec les vieux à poursuivre les in-
sectes aquatiques dont ils sont fort
friands.
De pareilles habitudes sont com-
munes aux foulques qui nichent
aussi dans les mêmes licex. S'il faut
en croire les pêcheurs de nos côtes,
la foulque caroncule nicherait dans
les contrées méridionales de la
France, dans les mêmes localités que
la macroule. Si ce fait était exact, il
faudrait ajouter cette espèce à celles
qui visitent les contrées euro-|
— 307 —
om
ÉPOQUES DE LEUR APPARITION,
OISEAUX.
ANNÉES ET MOIS. JOURS.
péennes. Le grèbe oreillard (podi-
ceps auritus) nous offre un exemple =
pareil; il passe souvent en mai
avec sa belle parure de noce,
II. PINNATIPES.
Foulque macroule ( fulica atra). Octobre. 20 au 50.
Grèbe huppé ( podiceps crista-| 1°Novembre. 1 au 10.
tus). l 2° Mars. 5 au 15.
III. ÉCHASSIERS.
Poule d’eau de genêt (gallinula| 1° Avril. 1° au 15.
crex). 20 De la fin août
au 15 septembre.
Poule d’eau marouette (gallinula| 1° Avril. 10 au 25.
porzana), 20 Septembre
(fin) au 45 octobre.
Chevalier aboyeur (totanus glot-| 1° Septembre. 1% au 15.
tis). 29 Du 25 avril au
5 mai.
Chevalier arlequin (totanus fu-| 10 Du 1° mars
scus). au 50 avril.
20 Du 1°° octo-
bre au 18 novemb.
Courlis corlieu (numenius phœæo- Avril. 1° au 25,
pus),
Spatule blanche (platalea leuco-| Décembre et jan-
rodia). vier,
La petite aigrelie ( ardea gar— Mai. 1.7 au 20,
zella).
/
Coure - vite isabelle ( cursorius 1859. Août.
isabellinus).
La bécasse (scolopax rusticola. 19 Mars. 10 au 20,
2° Novembre. 1% au 15,
— 508 —
ÉPOQUES DE LEUR APPARITION.
ANNÉES ET MOIS. JOURS.
111. ÉCHASSIERS.
La bécassine (scolopax galli- Octobre. 4 au 25.
nago).
La petite bécassine (scolopax Octobre. 4 au 20.
gallinula).
Bécassine double (scolopax ma-| 4° Avril. 1% au 45.
jor). 29 Fin août au -
15 septembre.
Grand pluvier à collier (ckara- 4o Avril. 25 au 30.
drius hiaticula). 2° Octobre. 20 au 50.
Le grand pluvier ou l’œdicnème Février. 27.
{ædicnemus crepitans).
Echasse à manteau noir (himan- Avril. 45 au 50.
topus melanocephalus).
Glaréole à collier (glareola tor- Avril. 15 au 25.
quata). Quelques individus de cette
espèce nichent et élèvent leur fa-
mille dans les contrées méridiona-
les de la France.
IV. GALLINACES.
Caille (perdix coturnix). 40 Avril. 1e au 45.
20 De la fin
d'août au 15 sep-
tembre.
Pigeon sauvage ou biset (colum- Novembre. 20.
ba livia).
Pigeon ramier (columba palum-| 1° Fin octobre
bus). au 20 novembre.
20 Finfévrier au
15 mars.
Pigeon colombin (columla anas). D'octobre en no- 20.
yembre,
— 509 —
ÉPOQUES DE LEUR APPARITION.
OISEAUX.
| ANNÉES ET MOIS.
V. PASSEREAUX.
Engoulevent ordinaire (c&pri-| Du 1° avril au
mulgus europœus). 15 mai.
Engoulevent à ventre roux {capri- Mai. 15.
mulgus ruficollis), capturé en 1858.
Martinet de muraille (cypselus| De la fin d'avril
murarius), au 1% mal.
Martinet à ventre blanc (cypselus| Avril, vers le
alpinus). Ce marlinet niche sur la/commencement.
face septentrionale du mont Saint-
Loup qui est coupée à pie. Il quilte
les contrées méridionales de la
France en août, ou aux premiers
jours de septembre,
Hirondelle des rochers (hirundo Mars. 15 au 25.
rupestris).
Hirondelle de cheminée {hirundo Avril. 1% au 25.
ruslica). Termemoyenavril. 14.
Hirondelle de fenêtre (hirundo Avril. 10 au 15.
urbica).
Hirondelle des rivages (hirundo Avril. 45 au 17.
riparia).
Hirondelle rousseline ( hirundo| Mai, vers le com-
rufula). mencement.
Guépier de Savigny (merops Sa- 1852. Mai. ; 11.
vigny;.
Guépier vulgaire (merops apia-| 1° Avril. 5 au 25.
ster). 2° Fin septem-
bre ou commence-
ment d'octobre.
Coucou gris (cuculus canorus). 49 Avril. 1 au 45.
2° Septembre. 5 au 20,
— 310 —
ÉPOQUES DE LEUR APPARITION.
ANNÉES ET MOIS. * JOURS.
V. PASSEREAUX.
Coucou geai (cuculus glandarius), Décembre, 20 au 925.
capturé en 1835
Gros-bec cini ( fringilla cinus). 1o Mars. 1 au 20.
2° Novembre. 5 au 20.
Bruant zizi (emberixa cirlus). lo Avril. 1er au 45.
2° Octobre (fin) 5 au 20.
et novembre jus-
qu’au 15.
Bruant ortolan (emberiza hortu- Avril. 1er au 15.
lana).
Mésange à longue queue (parus|_. Du 27 octobre au
caudatus). 5 noyembre,.
Bec-fin à poitrine jaune (sylvia Mars. 8 au 15,
hippolais).
Bec-fin pouillot (sylvia trochilus). Avril. 1° au 10.
Bec—fin cisticole (sylvia cisti- Avril. 10 au 20 jusqu'au
cola). commenc. de mai.
Bec fin rossignol (sylvia lusci-| Mars (fin) au 1°
nia). ou 10 avril.
Bec-fin gorge bleue (sylvia sue-| 1° Avril. 10 au 15.
cica). 20 Septembre, 17 au 10.
Bec-fin à lête noire (sylvia atri- Avril, 17 au 10.
capilla.
Bec-fin des murailles (sylvia phæ- Avril. 10 au 20.
nicurus).
Bec—fin grisette (sylvia cinereu). Avril. 10 au 20.
Bec-fin à lunettes (sylvia con- Avril. 10 au 15.
spicillata).
=”
AR —
EEE room
;
EPOQUES DE LEUR APPARITION.
OISEAUX. Re. 7" RS
ANNÉES ET MOIS. JOURS.
V. PASSEREAUX.
Bec-fin passerinette (sylvia pas- Mars. 25 au 50.
serina).
Traquet motteux (saxicola æœnan- Avril. 20 au 30.
the).
Alouette des champs ( alauda Octobre. 197 au 15.
arvensis).
Alouette calandrelle ( alauda Avril, 6 au 10.
brachidactyla).
Merle litorne (turdus pilaris). Octobre, 1e au 10.
Merle mauvis (turdus iliacus). 4° Octobre. 15 au 20.
20 Avril. 15 au 30.
Merle noir (turdus merula). 1° Septembre. 25 au 50.
2° Octobre.
Pie - grièche écorcheur (lanius Avril. 15 au 20.
collurio).
Martin rosselin (pastor roseus). | Mai (fin) jus-
qu’au 15 juin.
Etourneau vulgaire {sturnus vul-| 1° Mars. 10 au 20.
garis). 2° Oclobre. 1% au 15.
Loriot (oriolus galbula). Avril. 17 au 15.
Rollier vulgaire (coracias gar-| 1° Avril. A au 45.
rula), 20 Octobre. 5 au 20.
Corneille mantelée (corvus cor-| Novembre. 1er au 20.
nix).
VI. RAPACES.
Hibou brachyote (strix brachyo- Octobre. 5 au 25.
105).
Aigle jean-le-blanc (falco bra-| Novembre. 10 au 25.
chydactylus).
— 312 —
TABLEAU DU TEMPS MOYEN
DE LA PREMIÈRE ET DERNIÈRE APPARITION
DES HIRONDELLES ET DES MARTINETS
SUR LES COTES DU MIDI DE LA FRANCE.
ESPÈCES PREMIÈRE EPOQUES MIGRATION DERNIÈRE
DES OU ELLES SONT
HIRONDELLES APPARITION. | NOMBREUSES. (GÉNÉRALE. | APPARITION.
|
Hirundo rupe-| Mars, 13. | Mars, 50. 3 au 4 sep- | Octobre, 10.
stris. tembre.
Hirundo rusti-| Avril, 14. |Mai,l®au5.| 5 au 20 Octobre,
Ca. septembre. | versla fin, ra-
rement quel-
ques-unes en
novembre.
Hirundourbica. | Avril, 25. Mai,10au! Du 15 au| Verslami-
15. 50 septembr. | octobre.
Hirundo ripa-| Avril, 27. Mai, du 5! Du5au20| Du 15 au
ria. au 10, septembre. | 20 octobre.
Cypselus mura- Avril, du] Mai,du15| Août, du| Septembre,
rius. 25 au 50. |au 20. 4° au 10. du 1‘r au 5.
2 © QC
CHAPITRE HIT.
I. Des passages des reptiles.
Au milieu des mouvements nombreux que les ani-
maux vertébrés exécutent, soit dans les plaines des
airs, soit dans le sein des eaux, soit sur les terres
sèches et découvertes, un ordre entier de ces animaux
semble prendre peu de part à cette agitation géné-
rale. Cet ordre est celui des reptiles, les moins fa-
vorisés sous le rapport de leurs organes de locomotion.
Les plus agiles de cette famille de vertébrés, ou les
lézards proprement dits, ne paraissent guère se dé-
placer ni parcourir de grandes distances. Ils quittent
bien leurs demeures lorsqu'ils sont poursuivis, mais
ils y reviennent dès que le danger qui les leur avait
fait abandonner vient à cesser. Ils retrouvent le trou
qui les à vus naître, avec peut-être tout autant de bon-
heur qu’en ressentent les oiseaux, à l’époque de leurs
voyages, à déiaisser le lieu de leur naissance.
Si les reptiles sont à peu près les seuls des vertébrés
qui ne se livrent presque jamais à de longues excur-
sions, et encore moins à de grands voyages, analogues
— 311 —
à ceux qu'exécutent les oiseaux et les poissons, cette
circonstance peut tenir à leur genre de vie et à leur
nourriture. Sous ce dernier rapport, ces animaux dif-
fèrent beaucoup des espèces des autres classes des ver-
tébrés. Comme les reptiles trouvent constamment dans
les lieux de leur naissance la nourriture qui leur est
nécessaire , ils ne sont pas obligés de se transporter
ailleurs pour s’en procurer. Enfin, ils sont l'hiver dans
un état de torpeur particulier, et cette circonstance les
empêche encore de se déplacer. Du moins il en est de
même des autres animaux qui s’engourdissent dès que
la température s’abaisse; tels sont les ours et les mar-
mottes.
Leur état stationnaire paraît dépendre du peu de dé-
veloppement que les organes du mouvement ont pris
chez ces animaux, où ilsmanquent mêmeassezsouvent.
On à en quelque sorte une confirmation de ces faits, re-
lativement à ce qui se passe chez les autres vertébrés
qui ne sont pas mieux traités que les reptiles sous le
rapport de leurs organes locomoteurs. Du moins, les
oiseaux qui, d’après leur conformation, ne peuvent
ni voler, ni nager, ne se livrent pas plus à de longues
migrations que les poissons privés de nageoires ou
de tout autre moyen de progression. Sans doute la
présence d'appareils locomoteurs n’est pas une cir-
constance déterminante des habitudes voyageuses des
. . 3° « 2 °
animaux; mais ce qu'il y a de certain, c est qu elles
n’ont presque jamais lieu dans les êtres qui, comme
les reptiles, ne peuvent se livrer à des mouvements
longtemps prolongés.
Les sauriens sont, sans contredit, de tous les ani-
maux rampants, les plus agiles ; ils ne peuvent pas
cependant prolonger leurs courses pendant des temps
bien lonss. Lorsqu'on poursuit avec rapidité les lé-
zards, on les voit bientôt, comme épuisés de fatigue,
s’arrêter, vous regarder même, en tournant leur tête,
et ne pouvoir continuer la vivacité des mouvements
qu'ils avaient présentée au moment de leur départ.
Leur mode de respiration peut bien en être, en par-
tie, la cause; car elle est chez eux tout à fait incom-
plète. Le sang qui retourne au corps sans avoir res-
piré ne peut donner à la fibre motrice cette énergie
et cette puissance d’action si remarquables chez les
animaux qui ont une respiration double ou seule-
ment complète (4).
A la vérité, les poissons qui respirent constamment
par des branchies, et dont la quantité de respiration
est peut - être moindre que chez les reptiles, se li-
vrent pourtant à de longues et à de grandes migra-
(1) Les reptiles peuvent cependantsuspendre leur respiration pendant des
temps souvent assez longs; aussi est-il fort difficile de les faire mourir par
asphyxie. On peut s’en assurer en plongeant des espèces terrestres dans
l’eau sans communication avec l’air.
— 3516 —
tions. Mais ces animaux, qui n’éprouvent dans leur
respiration d'autre action que celle de la portion d’oxy-
sène dissoute, ou mêlée dans l’eau, sont sous l’in-
fluence de circonstances totalement différentes de
celles que ressentent les sauriens. Ceux-ci vivent leplus
généralement sur les terres sèches et découvertes, et
par conséquent dans l'air. Par cela même, ils ont plus
d'efforts à faire pour marcher, et surtout pour courir
longtemps. Le peu de continuité d’énergie de leurs
fibres musculaires et la briéveté de leurs pattes ne
leur en donnent pas trop les moyens.
Une autre circonstance empêche les sauriens de
faire de longues courses. Cette circonstance tient au
grand écartement de leurs organes de mouvement,
dans les espèces les plus favorisées sous ce rapport,
c'est-à-dire dans celles qui ont quatre membres. Evi-
demment la course, ou plutôt des mouvements prolon-
gés ne peut qu'être interdite aux reptiles qui n'ont
que deux pieds, ou aux ophidiens qui n’en offrent pas
de traces. Une autre disposition de l’organisme de ces
animaux les rend peu propres à pouvoir soutenir, non
pas seulement de grands voyages, mais même de lon-
gues excursions. Elle tient à ce que leurs membres
sont le plus souvent si courts, que leur ventre traine à
terre, disposition peu favorable à la continuité de leurs
mouvements. |
Il est cependant quelques espèces de sauriens
— 517 —
qui, munies de quatre organes du mouvement n’en
font pas cependant usage lorsqu'elles veulent cou-
rir. Tels sont les seps, dont les deux paires de
pattes sont plus éloignées l’une de l’autre que celles
des scinques, et chez lesquels les pieds sont encore
plus petits. Ces reptiles, au moment où ils veulent
courir, placent leurs pattes parallèlement à leur
corps, dans de petits enfoncements qui s’y trouvent,
et se roulent comme des serpents. Ils avancent à l’aide
d’ondulations successives et trés-multipliées, analo-
gues à celles employées par les ophidiens pour pro-
gresser. Au moyen de ces ondulations, ils reculent
avec presque tout autant de facilité qu'ils marchent
en avant, et leur course est si rapide qu'il est souvent
difficile de les atteindre et de les saisir.
De pareilles habitudes sont également communes
aux bipèdes ( bipes Lacépède ); ce qui est plus aisé à
comprendre, ces reptiles n'ayant pour tout organe de
mouvement visible que leurs pieds de derrière. Ces
pattes, beaucoup trop courtes pour servir à ces ani-
maux d'organes de progression, sont repliées par eux
sur le côté de leur corps, lorsqu'ils veulent courir.
Ces reptiles, comme les seps, sont alors tout à fait
semblables, sous le rapport de leurs appareils loco-
moteurs, aux ophidiens ; ils paraissent seulement pou-
voir soutenir plus longtemps que ces derniers des
mouvements vifs et continus.
— 3518 —
D'un autre côté, leurs organes locomoteurs, au lieu
d’être dirigés parallèlement à l’axe du corps, et de se
mouvoir dans ce sens, se portent au contraire en gé-
néral de côté, et se meuvent du dehors en dedans
perpendiculairement au même axe. Aussi, soit par
suite de cette position, soit par l’effet de leur grand
écartement, les membres des reptiles sont aussi dé-
favorablement placés que possible, pour la continuité
des mouvements. Il en résulte que la plupart des
espèces terrestres rampent plutôt qu'elles ne marchent;
circonstance qui leur a fait donner le nom de reptiles.
L'organisation des animaux qui vivent sur les ter-
res sèches et découvertes s’oppose donc à ce qu’ils
puissent se livrer à des excursions un peu prolongées.
Tout au plus de pareilles courses sont-elles possibles
aux sauriens, aux chéloniens et aux ophidiens qui
vivent dans l’eau. Il parait du moins que certaines
espèces de crocodiles et de gavials, dont le séjour ha-
bituel est le sein des eaux courantes, s’en écartent
parfois, et s’avancent fort loin dans le sein des mers.
M. de Humboldt rapporte avoir vu, dans les mers de
l'Amérique, de cesgrands sauriens, à plus detrente-six
lieues des côtes; cette circonstance annonce que ces
animaux, comme les autres vertébrés, se déplacent
quelquefois (1). Mais, comme un petit nombre d'’in-
(4) I le paraîtrait encore si le fait mentionné dans une lettre datée
— 519 —
dividus de cet ordrese livrent à d’aussi longues excur-
sions, ils peuvent tout au plus être comparés aux
passages accidentels des oiseaux et des poissons, mais
nullement à leurs migrations.
Il parait cependant que les caïmans ( alligator
Cuvier) se livrent, sinon à des migrations, du moins
à des passages plus où moins constants, et plus ou
moins étendus à des époques assez régulières. Ainsi,
lorsque les mers deviennent très-poissonneuses, ou
que les lacs rapprochés des rivières qu'ils habitent
abondent en poissons, ces reptiles abandonnent les
eaux douces, dans lesquelles ils vivaient primiti-
vement, pour aller ou dans les lacs, ou même jusque
dans le bassin des mers, où ils sont assurés de pou-
voir satisfaire leur voracité. Ces habitudes ont, il faut
l'avouer, quelque chose d’analogue à celle des autres
animaux, qui se déplacent aussi parfois dans l’espoir
de trouver ailleurs une nourriture plus abondante et
plus appropriée à leurs besoins.
Il est cependant quelques espèces de chéloniens,
et même d’ophidiens, que l’on découvre parfois à de
fort grandes distances, et dans des lieux très-diffé-
d'Astrakan, et qui se trouve insérée dans le n° 604 de l'Echo du monde
savant (25 janvier 1841), était exact. On y assure qu'un crocodile a été
aperçu sur les côtes sablonneuses de la mer Caspienne, mer où l’on n'avait
jamais aperçu cette grande espèce de saurien.
— 520 —
rents. On a cité sous ce rapport quelques reptiles qui
vivent d’une manière constante dans le bassin des
mers. Le nombre en est peu considérable ; on a uni-
quement signalé parmi ces animaux, deux genres de
chéloniens, les chélonées et les sphargis ; car, pour
les kydrus et les hydrophis de l'ordre des ophidiens,
il est douteux que ces reptiles vivent d’une manière
permanente dans les eaux des mers.
L'organisation des torlues marines correspond à
leur mode d’existence essentiellement bornée à la vie
aquatique; aussi les chéloniens ne peuvent abandon-
ner que pendant peu de moments les eaux dans les-
quelles ils se trouvent. D'un autre côté, comme on ne
parait pas avoir Jamais rencontré des tortues de mer
dans des eaux douces, leur station est par cela même
bien fixée.
Ces animaux quittent pourtant le sein des eaux à
l’époque de la ponte, et ils se trainent pendant la
nuit sur les rivages de quelques iles désertes. On as-
sure qu'ils gravissent parfois les bords des rochers
isolés en pleine mer, pour y brouter les plantes ma-
rines , qu'ils recherchent beaucoup. Dans quelques
parages tranquilles , même à sept ou huit cents lieues
de toute terre, on apercoit, à la surface des flots, des
tortues étalées et dans l’immobilité la plus absolue,
comme si elles étaient privées de vie.
Si ces reptiles se trouvent à l’époque où ils doivent
opérer leur ponte à d'aussi grandes distances des côtes,
ilest facile de saisir combien est grande la longueur du
trajet que ces chéloniens ont à faire pour venir dé-
poser leurs œufs. Il y a grande apparence que, quand
les femelles ont à s'occuper de leur ponte, elles se
rapprochent beaucoup plus des rivages. Cependant,
d’après les observations les plus positives, les tortues
ont souvent, à l’époque de l’incubation, plus de cent
lieues à parcourir pour venir à terre. Les males sui-
vent les femelles dans ces sortes de voyages ou d’é-
migrations; ils les accompagnent assez constamment.
Un instinct particulier porte la plupart des femelles
des mêmes parages à se rendre à des époques à peu
près fixes, sur le rivage sablonneux de quelques iles
désertes. Elles sortent dela mer avec beaucoup de pré-
cautions après le coucher du soleil et pendant la nuit.
Ces tendres mères préparent avec soin le nid où elles
déposent jusqu'à cent œufs à la fois. Elles font ainsi
jusqu’à trois pontes à deux ou trois semaines d’inter-
valle. Après avoir recouvert la nichée de sable léger,
les tortues retournent à la mer, et les œufs éclosent
par suite de Ja chaleur que leur donnent les rayons
du soleil des climats équatoriaux.
Les chéloniens des genres chelonia et sphargis se
rencontrent dans les mers des pays chauds, principa-
lement vers la zone torride, dans l'Océan équinoxial.
Mais ce qui prouve que ces animaux se livrent aussi
24
— 322 —
à de longues excursions, c’est que l’on en découvre
dans la Méditerranée et le Grand-Océan. Quoiqu’on
n'ait voulu y voir que des individus égarés, se ren-
contrant le plus souvent isolés, ces individus n’an-
noncent pas moins l'étendue de mer qu’ils ont dû
parcourir pour parvenir dans des parages si diffé-
rents de ceux qu'ils habitaient primitivement.
Lorsqu'on compare les diverses contrées où les
espèces des genres chelonia et sphargis ont été dé-
couvertes, il est difficile de ne pas présumer que les
tortues marines doivent aussi se livrer à des excur-
sions lointaines. Si aucun fait positif ne vient nous
apprendre que ces tortues entreprennent des mi-
grations constantes et périodiques , analogues à celles
qu’exécutent les oiseaux, il suffit, ce semble, de
porter son attention sur leur distribution pour être
convaincus qu’elles doivent du moins exécuter des
passages accidentels, et se transporter à de très-
grandes distances. Il serait sans doute intéressant de
faire connaître les motifs qui les y déterminent ; mais,
faute de données suffisantes, nous n’oserons entre-
prendre la solution que ces faits soulèvent.
Nous ferons seulement observer que, s’il est quel-
ques espèces de tortues marines qui paraïssent bor-
nées dans leurs habitations, il en est d’autres qui ont
été apercues dans les contrées les plus différentes et
les plus éloignées. Ainsi la chélonée franche (chelonia
— 3525 —
midas) semble restreinte à l'Océan Atlantique, comme
la chélonée tachetée aux côtes de Malabar. D’un au-
tre côté, la chélonée caouane (chelonia couana) se
trouve à la fois dans la Méditerranée, l’Océan Atlan-
tique et les mers du Brésil, et la chélonée vergetée
(chelonia virgata) se découvre dans la mer Rouge,
aux environs du cap de Bonne-Espérance, et en outre
dans les mers des Indes, du Brésil et des Etats-Unis.
Des habitations non moins variées sont également l’a-
panage de la chélonée imbriquée (chelonia imbricatai).
On rencontre, en effet, cette espèce aussi bien dans
l'Océan Indien qu’Américain, comme auprès des côtes
de l’ile Bourbon, de l'ile d’Amboine, des iles Sé-
chelles, et auprès de la Nouvelle-Guinée,
Il en est de même de la seule espèce qui nous soit
connue dans le genre sphargis. Le luth (sphargis co-
riacea) a été pris à la fois dans l'Océan Atlantique,
dans celui d'Europe et dans la Méditerranée. Du
moins, d’après Rondelet et Amoreux, cette tortue a
été pêchée à plusieurs reprises sur les côtes de la
France, dans les environs du port de Cette. Delafont
a également rapporté qu’un luth avait été pêché en
France, vers l'embouchure de la Loire, et depuis lors
Berlasse a fait mention d’un autre individu capturé
en 1756 sur les côtes de Cornouailles, en Angleterre.
Après des habitations aussi variées, les chélonées
marbrées et Dussumier paraissent des espèces tout
— 324 —
à fait sédentaires ; la première n’a été encore observée
qu’auprès de l'ile de l’Ascension, et la seconde, uni-
quement sur les côtes de Malabar et dans les mers de
la Chine.
Il est difficile, après de tels faits, de ne pas ad-
mettre que les tortues marines se livrent à des pas-
sages plus ou moins accidentels, déterminés par le
besoin que ces animaux éprouvent de perpétuer leur
race, et de déposer leurs œufs dans des positions con-
venables. Ce motif puissant les amène à terre ; car celui
d'y trouver un genre de nourriture que le sein des mers
ne peut leur fournir, ne paraît être pour ces animaux,
qu'une circonstance tout à fait secondaire. Il n’est pas
du moins présumable que l'espoir de rencontrer à
terre des plantes qui peuvent leur convenir porte ces
animaux à franchir cinquante ou même cent lieues
qui les séparent souvent des rivages. On conçoit faci-
lement qu'ils s’y rendent dans l'intérêt de leur posté-
rité, mais non dans le but dechanger leur genre denour-
riture. Sans doute si la faim les pressait, on pourrait
admettre un pareil motif; comme il n’en est point
ainsi, les voyages des tortues de mer doivent avoir
lieu par suite d’un besoin impérieux, auquel les rep-
tiles, pas plus que tout autre animal, ne savent et ne
peuvent résister.
Plusieurs ophidiens paraissent avoir des habitu-
des à peu près analogues à celles que nous venons
de reconnaitre aux tortues marines. Leur nombre
est également peu considérable ; il ne s'étend pas au
delà de deux genres, les Lydrus et les hydrophis.
Le premier, composé d’une seule espèce, l’hydrus
bicolor, décrit d’abord par Dandin, sous le nom de
pelamis bicolor, est un petit serpent marin qui s’ap-
proche rarement des côtes. Il ne parait en effet se
rendre auprès des rivages de l’ile des Pins, dans la
mer Pacifique, que pour y déposer ses œufs, et dans
le môment de la ponte.
Le second de ces genres, ou les kydrophis, sont des
serpents des marais salants ou des eaux salées peu
éloignées du bassin de l'Océan, comme sont souvent
les grands fleuves auprès de leur embouchure. Ainsi,
d’après Russel, on découvre un grand nombre d’in-
dividus de ce genre, dans les eaux salées d’une rivière
de Calcutta, qui partage en deux la contrée du Bengale
nommée en anglais le Sunders-Bund. La forme de la
partie postérieure de leur corps, analogue à celle des
hydres, ainsi que la disposition de leur queue très-
comprimée et très-élevée dans le sens vertical, annon-
cent assez les habitudes aquatiques de ces serpents.
D'un autre côté, comme ces animaux ne peuvent
vivre longtemps lorsqu'on les met dans l’eau douce,
ils doivent habiter uniquement les eaux salées, soit les
étangs, soit les embouchures des fleuves et surtout le
sein des mers. Il est du moins certain, et l’on pourrait
— 3526 —
le présumer d’après leur organisation, que ces rep-
tiles nagent avec une extrême agilité; mais nous igno-
rons s'ils peuvent franchir de grandes distances. Tou-
jours est-il que, si on les met sur le sol, ils ne peuvent
faire quelques mouvements, qu'avec les plus grands
efforts et la plus grande difficulté.
D’après leur vie essentiellement aquatique, et qui
se passe à peu près uniquement dans les eaux des
mers, il se pourrait que ces serpents se transportas-
sent à de grandes distances, comme le font les tortues
marines, et peut-être par les mêmes motifs. Mais les
faibles dimensions de ces ophidiens rendent leur obser-
vation difficile ; aussi est-il à peu près impossible de
rien affirmer à cet égard. Tout ce que l’on sait, c’est
que ces serpents sont fort communs à Otaïti, comme
au Bengale et dans la mer des Indes. Il nous reste à
savoir s'ils sont sédentaires dans ces divers parages,
ou s’ils voyagent des uns aux autres, soit d’une ma-
nière accidentelle, soit d’une manière constante et
périodique.
Si les reptiles ne se livrent pas comme les au-
tres animaux à de grandes et de longues migra-
tions, cette circonstance ne tient pas à la lenteur
de leurs mouvements, mais au peu de continuité
de ceux qu’ils peuvent exécuter. En effet, ces ani-
maux, considérés sous le rapport de leurs facultés lo-
comotrices, présentent tout autant de diversités que
— 321 —
lesmammifères. La plupart, à la vérité, sont terrestres,
ou appelés à vivre sur la surface solide du globe. Les
uns y marchent, les autres y courent, tandis que quel-
ques-uns y glissent ou y rampent, ou enfin y sautent,
en sorte qu’ils exécutent tous les genres de mouve-
ments que l’on peut produire dans l’air. Il y a plus
encore : certains reptiles terrestres, à l’aide d’une es-
pèce d’aile comparable à celle des chauves-souris,
mais indépendante des quatre pieds, peuvent s’élancer
dans l'air et s’y soutenir plus ou moins longtemps.
Ces membranes, ou ces ailes, servent aux dragons
(draco volitans ), comme de parachute, ainsi que le
font les polatouches; mais elles n’en prouvent pas
moins la variété des mouvements des espèces qui vi-
vent sur les terres sèches et découvertes.
Les reptiles qui vivent dans l’eau n'ont pas des
mouvements moins variés que ceux qu'exécutent les
espèces terrestres. Ainsi les pattes aplaties, allongées
et changées en nageoires, des chélonées, des tryonix
et des émydes, servent à ces animaux pour naviguer
avec facilité. Il en est de même de la queue déprimée à
son extrémité des sauriens nommés uroplates ; ana-
logue à la queue horizontale des cétacés , elle leur
sert aux mêmes usages. Il en est également de la
queue comprimée sur les côtés comme celle des pois-
sons, qui caractérise plusieurs lézards, tels que les
crocodiles et les tupinambis, ainsi que parmi les
batraciens, les protées, les tritons et les sirènes.
Les reptiles opèrent enfin tous les autres modes de
mouvements généraux où de transport, qui distin-
guent les animaux les plus élevés dans la série. Quelle
distance n’existe-t-1l pas depuis la démarche lente
des tortues de terre, jusqu'à la rapide agilité des
lézards ? D’autres sauriens, tels que les anolis et les
iguanes à doigts allongés, distincts, séparés, ter-
minés par des angles crochus, s’en servent avec
dextérité pour grimper avec prestesse. Les camé-
léons rappellent même, par leur faculté de grim-
per, les habitudes de certains oiseaux tels que les
pics et les perroquets. On les dirait construits pour
ce but. Les doigts de chacune de leurs pattes sont
réunis jusqu'aux ongles en deux faisceaux ou pa-
quets opposables, ce qui leur donne la facilité de
saisir parfaitement , et d’empoigner les branches
sur lesquelles ils se fixent. Cette conformation de
leurs pattes, la plus propre à affermir leur station
sur des corps cylindriques ou saillants, facilite aussi
leur progression qui se fait toujours avec lenteur sur
des plans horizontaux.
Chez d’autres sauriens très-agiles, comme les
geckos, la solidité de la station est en général favo-
risée par la singulière disposition des doigts. Les
phalanges élargies, aplaties en dessous, garnies de
petits coussinets mous remplissent le même office que
— 529 —
les pelotes placées sous les tarses de quelques mou-
ches. A leur aide, les geckos adhérent et marchent sur
les corps les plus lisses, et courent sur des plans so-
lides où ils restent à volonté immobiles suspendus
contre leur propre poids. Quelques espèces ont, en
outre, des ongles crochus, rétractiles comme ceux des
chats, afin de ne pas en user la pointe et de s’en ser-
vir au besoin.
Les divers détails de conformation organique que
nous venons d'indiquer suflisent pour faire juger com-
bien peu les membres des reptiles sont disposés pour
la continuité des mouvements progressifs. Ces mouve-
ments sont, du reste, constamment saccadés. Quand
des membres locomoteurs existent, ce qui n’a pas tou-
jours lieu, les serpents en étant toujours privés, les
os des bras, des cuisses et de toutes les autres parties
des extrémités antérieures et postérieures sont très-
peu développés en longueur. D'un autre côté, par
leur mode d’articulation sur les épaules et sur les
hanches, les membres se trouvent dirigés en dehors,
et se joignent au corps en formant avec la longue
échine un angle presque droit.
Les mouvements des pattes s’exécutent chez la
plupart des reptiles dans un sens perpendiculaire à
l’axe de la colonne vertébrale ; comme ces pattes
sont courtes, elles peuvent à peine soutenir le poids
du corps. Les coudes et les genoux ne peuvent s'é-
— 330 —
tendre et se redresser complétement ; leurs articu-
lations sont constamment fléchies, et chez presque
tous le corps traine à terre. Il est à peine sou-
levé, et la marche devient très-fatigante par suite
du frottement qu’elle exige. Elle l’est surtout chez les
reptiles qui, comme certains genres de tortues, ont
leurs pattes très-courtes et trés-éloignées du centre.
Aussi n’y a-t-il parmi les tortues que les genres ché-
lonées et sphargis qui, vivant dans l'eau, nagent avec
a plus grande facilité à l’aide de leurs pattes trans-
formées en véritables rames aplaties.
D’autres dispositions viennent apporter de nou-
veaux obstacles à la continuité des mouvements des
reptiles. Si plusieurs de ces animaux ontleurs pattes à
peu près égales en longueur, il en est au contraire
qui ont celles de devant plus courtes que celles de
derrière. D’un autre côté, chez quelques batraciens,
les membres postérieurs offrent en étendue le double
et le triple de ceux de devant. Cette conformation est
si peu favorable à la marche que l’animal chez lequel
elle se trouve ne peut avancer que par sauts et par
bonds. Enfin certains reptiles n’ont que deux paires
de membres ; tantôt les antérieurs seuls existent,
comme dans les chiroteset les sirènes ; tantôt ce sont les
postérieurs, comme dans les hystéropes et les bipèdes.
Les membres des reptiles, généralement courts et
articulés d’une manière désavantageuse à une pro-
gression continue rendent la course très-fatigante
à ces animaux, surtout lorsqu'elle est prolongée. Elle
est d'autant plus pénible pour eux, que le grand es-
pace qui règne entre les deux paires de pattes ne per-
met que des impulsions latérales successives, toujours
distantes les unes des autres. Le corps poussé ainsi
alternativement à droite et à gauche, ayant souvent
besoin , à chaque pas, d’être aidé de l'action impul-
sive de la queue, ne peut avoir qu’une allure vacil-
lante et tortueuse, qui caractérise la plupart de ces ani-
maux. Les caméléons sont peut-être les seuls reptiles
dont les pattes allongées élèvent assez le tronc pour em-
pêcher le ventre de porter sur le plan qui supporte le
corps de l’animal dans la station et dans la marche.
La reptation ou l’action de ramper est donc le mou-
vement le plus commun et le plus général chez les
reptiles. Il est même l’unique à l’aide desquels pro-
gressent les serpents et les sauriens qui n’ont pas de
pattes, ou qui les ont très-courtes. La colonne verté-
brale, au moyen de ses muscles forts et contractiles,
et des os nombreux qui la constituent, produit l’im-
pulsion de toute la masse allongée du corps, par des
sinuosités successives, imprimées alternativement à
droite et à gauche, et quelquefois par des ondula-
tions quiont lieu dans le sens vertical. Ces deux modes
de reptation nous sont offerts par diverses espèces
d’ophidiens.
Aussi n'est-ce pas chez un pareil ordre d'animaux
que nous pouvons espérer de rencontrer des espèces
voyageuses , même chez celles auxquelles la nature a
départi la force et la grandeur. Le boa devin (boa
constrictor) qui surpasse par sa stature tous les ser-
pents, autant que l’éléphant ou le lion dépassent tous
les autres quadrupèdes qui ont le même genre de vie,
a sans doute une grande agilité dans ses mouvements ;
mais, quoiqu'il s’élance avec une vigueur surpre-
nante, il ne peut les continuer longtemps.
Il ne saurait suivre constamment une route déter-
minée et devant soi; condition cependant essentielle
pour franchir de grandes distances et exécuter de
longs voyages. Ces serpents se distinguent plutôt par
la souplesse et l’élasticité de leurs mouvements, que
par leur continuité. Cette souplesse et l'intensité de la
compression qu’ils peuvent exercer sur leurs victi-
mes est une suite de la disposition de leurs côtes.
Celles-ci creuses, extrêmement flexibles, peuvent se
ployer, pour ainsi dire, dans tous les sens; ce que
leur permet encore leur mode d’articulation. Elles
doivent à ces diverses circonstances les mouvements
aussi variés que compliqués qu’elles peuvent exé-
cuter. Du reste, ces mouvements successifs et ra-
pides n’ont jamais lieu qu'à l’aide de circonvolutions
et de sinuosités plus ou moins multipliées. Lorsque
les serpents irrités s’élancent avec violence sur ceux
— 5353 —
qui les attaquent, ils ne quittent pas pour cela la
place où ils se trouvaient primitivement. Ils se bor-
nent à projeter leur corps en avant, jusqu’au moment
où, par suite d’un nouveau bond, ils font un pas
devant eux. Evidemment, quelque prompts que soient
ces mouvements , à l’aide desquels ils saisissent leurs
victimes, ils ne peuvent être longtemps prolongés, et,
par conséquent, leur permettre de parcourir de grands
espaces.
D'un autre côté , les ophidiens , soit le genre des
serpents et ceux qui appartiennent à la même famille,
soit les orvets, soit les ophisaures, ne peuvent mar-
cher avec rapidité, ou courir, que lorsqu'ils ram-
pent sur un sol qui leur fournit de nombreux points
d'appui. C’est aussi à raison de la nécessité qu'ils
éprouvent d’être soutenus, que ces animaux ne peu-
vent marcher trés-vite en ligne droite. À raison de
cette circonstance, ces reptiles courent par une suite
d'ondulations, et cherchent, en allant de côté et d’au-
tre, à rencontrer des points d'appui, dont ils se ser-
vent avec une merveilleuse adresse, pour hâter leur
progression.
IL est même certains reptiles qui, lorsqu'ils ne
trouvent pas devant eux les points d'appui qu'ils re-
cherchent, vont d’abord à reculons, espérant de cette
manière être plus heureux. Tels sont les amphis-
bènes, dont la démarche est si lente et si incer-
— 331 —
taine, qu’en les voyant ramper on hésite quelque temps
à savoir s'ils marchent en avant ou en arrière. Ces
animaux ont une démarche encore plus vacillante que
les sirènes , les acontias et les cœcilies, qui cependant
passent en grande partie leur vie dans la vase et la
fange. Les ophisaures, dépourvus de toute apparence
d’extrémités postérieures, semblent, par cela même,
peu favorisés sous le rapport de l’apilité de leurs
mouvements; mais nous avons déjà fait sentir que
Ja plupart des reptiles sont singulièrement gènés, pour
la continuité de leurs courses, par l’imperfection de
leurs organes locomoteurs ; aussi n’insisterons-nous
pas plus longtemps à cet égard.
Une autre circonstance apporte un obstacle non
moins puissant aux mouvements continus de ces ani-
maux. Elle se rattache à la longueur de leur queue,
plus grande que celle de leur corps, et enfin à l’ex-
trême fragilité de cette partie. Elle est telle, qu'on
a nommé les orvets et les ophisaures serpents de verre,
pour indiquer par là, que leur queue se brise par le
moindre choc, avec la plus grande facilité.
Dans d’autres circonstances, laqueue desreptiles, et
particuliérement celle des lézards, est fort utile à ces
animaux pour la course, surtout si elle a lieu dans une
herbe épaisse ou entre les branches basses d’une haie.
Le lacerta viridis et les autres espèces analogues s’en
servent particulièrement avec avantage, en lui impri-
— 335 —
mant, à la maniére des serpents, des mouvements d’on-
dulations latérales. C’est par elle aussi, et d’après le
même procédé, que la natation s'opère. Dans ce mode
de progression les pattes sont serrées contre le corps :
l’aplatissement naturel des cuisses, des jambes et des
avant-bras, fait que leur saillie est alors presque nulle,
et que l’animal s’avance avec autant de facilité qu’un
serpent ou qu'un poisson anguiliforme. La queue sert
encore aux reptiles, et surtout aux lézards, pour s’é-
lancer perpendiculairement ou obliquement à une
certaine hauteur. Mais, comme ce genre de mouve-
ment se rapporte peu à ceux que nous étudions, nous
n'en dirons pas davantage.
IlLest enfin plusieurs reptiles qui offrent une pareïlle
imperfection dans leur organisation, et qui ne peu-
vent se livrer à des excursions un peu longues, par
suite de leur genre de nourriture. Tels sont les am-
phisbénes, genres d’ophidiens qui se tiennent à peu
prés constamment en Amérique, dans les fourmi-
lières, et qui, par cela même, ne peuvent guère se
déplacer.
Une autre cause plus puissante encore s'oppose à ce
que les reptiles puissent se livrer, comme les oiseaux
et les poissons, à de grandes et de longues excursions.
Cette cause tient à l’effet que produit chez eux l’élé-
vation ou l’abaissement de la température de l’atmos-
phère sur l'exercice de leur faculté locomotrice et
— 3360 —
sur la plupart de leurs autres fonctions. Tous, par
l’action du froid, semblent tomber dans une sorte
d’engourdissement ou de léthargie comateuse qui dé-
termine leur immobilité, et paraît les rendre insen-
sibles à tout ce qui se passe autour d’eux.
Dans les climats tempérés, des exemples frappants
de pareils engourdissements nous sont fournis par les
grenouilles, les salamandres, les tortues terrestres,
les lézards et les couleuvres. Des effets absolument
semblables sont produits par une cause tout à fait
inverse chez les espèces qui vivent sous les climats brü-
lants situés au delà de l’équateur, ainsi que M. de Hum-
boldt l’a observé pour les crocodiles et les caïmans.
Ces animaux exigent donc pour l’agilité de leurs
mouvements des circonstances toutes particulières de
température. 1l faut en général qu'une chaleur exté-
rieure soit assez forte pour suppléer à celle qui leur
manque. Alors le repos leur est comme impossible ;
sans changer de place, on les voit, surtout les lézards,
agiter successivement tous leurs membres par une
sorte de tremblement convulsif, fréquemment réitéré.
Mais cette agilité concourt à épuiser plus prompte-
ment leurs forces. Il n’est pas difficile à un homme
de les forcer à la course sur un terrain uni; et les
petites espèces de lézards deviennent presque inca-
pables de mouvement, après quelques minutes d’une
poursuite soutenue sans relâche.
Ces circonstances, dépendantes de l’organisation,
limitent nécessairement dans certains lieux l’exis-
tence de ces animaux. Ainsi ceux qui vivent dans les
régions tempérées s’engourdissent l'hiver, et perdent
la faculté de se mouvoir tant que dure la saison des
frimas. Ces reptiles semblent disparaitre tout à fait
pour lors de la surface de la terre, et cela pendant
plusieurs mois de l’année. Ces causes rendent aussi
ces animaux moins nombreux, en même temps que
leurs genres et leurs espèces sont plus rares dans le
Nord que dans le Midi.
Les reptiles ne sont pas , comme les oiseaux et les
poissons, des animaux construits sur le même plan
ou sur le même modèle ; les uns pour s’élever dans
l’atmosphère , et les autres pour nager dans le sein
des eaux. Des systèmes d'organisation plus variés,
qui se rapportent au moins à quatre types principaux,
caractérisent les animaux rampants ; par cela même,
ils ont eu des moyens différents de locomotion, mais
dont aucun n’a été établi pour leur permettre des
mouvements longtemps prolongés.
Un simple apercu, ajouté aux détails dans lesquels
nous sommes déjà entré, fera mieux saisir toute leur
imperfection. Le premier type nous présente ces ani-
maux sans aucune trace d'organes apparents du
mouvement, et par conséquent ils ne peuvent pas
s’en aider dans la progression. D'autres ont bien des
29
— 338 —
membres ; mais, leur épine dorsale étant peu mobile,
ils ne peuvent se trainer qu’à l'aide de pattes très-
courtes et mal articulées. L’inégale étendue en lon-
gueur , et la distance respective et trop considéra-
ble des membres de certaines espèces de reptiles,
rendent celles-ci peu propres à la marche et à tout
mouvement longtemps continué.
Les dimensions relatives de ces animaux offrent
encore de très-grandes dissemblances ; nécessaire-
ment elles ont dû amener un mode différent de trans-
port. Ainsi, il est quelques espèces dont le corps
arrondi dans son épaisseur est, dans certains cas,
cent fois plus long qu'il n’est large ou élevé. Tels
sont plusieurs serpents. On observe peu de reptiles
dont la largeur l'emporte sur la longueur, ou qui
lui soit même égale; mais il en est de plus larges
qu’épais, et qui présentent ainsi une surface. apla-
tie. Les pipas , dans l’ordre des batraciens, quelques
chéloniens ou tortues marines, ainsi que les tortues
molles ou trionyx, et les chélides ont une pareille
disposition.
Les uroplates, les crocodiles, plusieurs geckos en-
tre les sauriens, ont le tronc également épais dans les
deux sens principaux, tandis que les caméléons et
quelques iguaniens offrent une conformation tout à fait
inverse. Leur corps a ordinairement plus de hauteur
que de largeur, et parait ainsi comprimé. Enfin
— 339 —
quelques tortues de terre présentent presque autant
de largeur que de longueur, et leur corps est en outre
bombé en forme de voûte. D’autres reptiles, comme
les erapauds parmi les batraciens , ont le corps court,
fort large, et presque tronqué à raison de ce qu'ils
manquent de queue.
Aussi l'allure de ces animaux, lourde et pesante,
est parfaitement en harmonie avec la conformation et
les dispositions de leur corps. Il est facile de juger,
d’après tous ces détails relatifs à l’organisation des
reptiles, que ces animaux n'ont pas été construits
d'une manière favorable à l'étendue et à la continuité
des mouvements. Leur imperfection est grande à cet
égard, en faisant abstraction de la faiblesse et de l’im
perfection de leur respiration, et de leur état de tor-
peur et d'engourdissement lorsque la température
s’abaisse d’une manière notable.
Ce n’est donc point chez de pareils animaux
que nous devons chercher ces espèces émigrantes
qui parcourent presque constamment la totalité
du globe, et sont toujours en mouvement. Les
reptiles n'offrent pas davantage des analogues de
ces races qui se rendent, à des époques fixes, d’une
contrée dans une autre où souvent aucun besoin
ne les appelle, mais qui satisfont de cette maniére
à un instinct impérieux qui les porte à voyager. Tout
au plus quelques espèces, et encore en très-petit
— 3140 —
nombre, se déplacent-elles plus ou moins acciden-
tellement à l’époque de la ponte, pour assurer la
durée de leur progéniture, et veiller à son avenir.
Voilà à quels déplacements paraissent se borner les
excursions des reptiles, excursions aussi restreintes
que la cause qui les détermine et les leur rend né-
cessaires.
Les tortues marines sont à peu près chez cet ordre
d'animaux les seules qui fournissent des exemples
d’assez longs voyages, ainsi que nous l’avons déjà fait
observer. C’est principalement auprès des Tortugas,
groupe d’iles situées à quatre-vingts milles environ de
Key-West, les dernières de celles qui semblent dé-
fendre la péninsule des Florides, que l’on pêche le
plus grand nombre de ces reptiles voyageurs. Les
Tortugas doivent leur nom aux tortues de toute es-
pèce qui viennent y déposer leurs œufs dans le sable.
Chaque année, la saison de la ponte y attire aussi des
nuées d'oiseaux aquatiques et à leur suite arrivent
les eggers on preneurs d'œufs, qui en font des car-
gaisons plus ou moins considérables.
Les tortues de mer vont déposer leurs œufs dans
ces iles, en trainant laborieusement leurs massives
carapaces sur le sable, leurs pattes étant plus pro-
pres à la natation qu’à la marche. Une fois arri-
vées péniblement sur la terre ferme, elles creusent
avec une certaine industrie leurs nids dans le sable,
— 511 —
en le rejetant avec soin à droite et à gauche. Les tor-
tues déposent ensuite leurs œufs par couches ; elles les
arrangent avec une attention minutieuse, et les recou-
vrent au moyen de leurs pattes de derrière. Lorsque
cette opération est terminée, on les voit redescendre
Joyeuses sur la grève et s’élancer de nouveau dans la
mer.
Les Tortugas ne sont pas les seules îles où les
tortues font leur ponte; ces reptiles en fréquentent
beaucoup d’autres, ainsi que diverses parties des
continents. Les voyageurs et les pêcheurs en dis-
tinguent quatre espèces, parmi celles qu’ils recher-
chent, soit pour la bonté de leur chair, soit à cause de
celle de leurs œufs, soit enfin en raison de la beauté
de leurs écailles. La premiére, ou la tortue verte
(chelonia midas), est la plus estimée des gour-
mets. C’est dans le mois d'avril, après avoir passé
l'hiver au fond des eaux , qu’elle s'approche du ri-
vage, et pénètre dans les baies, les golfes et les ri-
vières. Elle fait deux pontes, en mai et en juin. La
première est la plus considérable, et la seconde un
peu moindre. La quantité des œufs s’élève à chaque
ponte jusqu’à deux cent quarante, ou deux cent
cinquante.
La tortue à bec de faucon (chelonia imbricata), dont
l’écaille est si estimée dans le commerce, où elle sert à
tant d'objets d’art, vient après la verte pour la qualité
— 312 —
de sa chair. Elle fréquente de préférence les ilots les
plus éloignés de la terre ferme, où elle dépose ses œufs ;
d’abord en juillet, ensuite en août, quoiqu'’elle ait
fait sa première apparition de meilleure heure dans
ces parages, comme pour s’y ménager d'avance une
place de süreté. La moyenne de ses œufs est de plus
de trois cents.
La tortue grosse-téte (chelonia caouana), visite les
Tortugas en avril. Depuis lors, jusqu’aux derniers
jours de juin, elle fait trois pontes successives de
cent soixante-dix œufs chacune ou environ.
La tortue coffre, qui est quelquefois énorme, a
une poche analogue à celle du pélican; elle arrive
aux îles plus tard que les deux autres. L’écaille et la
chair de cette espèce sont si molles, qu’on peut y en-
foncer le doigt comme dans un morceau de beurre.
On la mange rarement, aussi est-elle la moins esti-
mée sous le rapport de la délicatesse de sa chair. Elle
dépose dans la saison environ trois cent cinquante
œufs, et quelquefois davantage, en deux pontes.
Les tortues, ainsi que nous venons de le faire ob-
server, ont plusieurs pontes ; car elles ne pourraient
pas autrement déposer les œufs qu’elles portent dans
une seule couvaison. En effet, il n’est pas rare d’en
découvrir jusqu’à trois mille dans le ventre d’une
tortue du poids de quelques quintaux. Ces œufs, tout
petits, sans coquilles, sont liés les uns aux autres
comme des grains de chapelet. Les jeunes tortues
à peine écloses, guère plus larges qu’une pièce de
cinq francs, grattent leur chemin à travers leur nid
sablonneux, et serendent immédiatement à l’eau. Elles
nagent bientôt avec la même vitesse que leurs mères.
Cette vitesse est si grande chez la tortue verte et la
tortue à bec de faucon, ou le caret, que les naviga-
teurs l’ont comparée à celle des oiseaux de haut vol.
D’après eux encore, si on enlève une tortue prise
sur sa ponte, pour l’emmener à bord d’un navire, et
si on lui rend la liberté à plusieurs centaines de
milles en mer, on la rencontre de nouveau dans le
même endroit où elle avait été surprise, soit dans la
même saison, soit lors de la saison suivante.
Si ce fait est exact, les tortues auraient à cet écard
le même instinct que les oiseaux voyageurs. Quoi qu’il
en soit, On a pu juger, par ce qui précède, que les
voyages entrepris par ces reptiles ont des motifs dont
il est aisé de deviner toute la portée, et que leurs
excursions, bien différentes de celles qu’exécutent les
oiseaux et les poissons, sont uniquement déterminées
pour satisfaire ce besoin impérieux, imposé par la
nature à tous les animaux, celui de perpétuer leur
race. Aussi les passages des reptiles d’une contrée
à une autre, n’ont presque rien de commun à ceux
qu'opèrent d’une manière constante ou accidentelle
les plus agiles des vertébrés. Il n’était pas cependant
— 341 —
sans quelque intérêt, de fixer l’attention des observa-
teurs sur ce phénomène, considéré chez les êtres
qui le présentent dans sa plus grande simplicité.
II. Tableau des lieux habités par les principales espèces de
reptiles.
Les observations précédentes ont pu faire juger
que les reptiles étaient parmi les animaux vertébrés,
ceux qui se livraient le moins à des excursions éten-
dues. On peut le démontrer par la comparaison des
habitations de leurs différentes espèces. Si les reptiles
se transportent peu à de grandes distances, leurs races
doivent être limitées dans les lieux qu’elles ont choi-
sis ou qu'elles se sont donnés comme patrie. Pour
être certain de ce point de fait, nous avons tracé les
tableaux suivants, qui donnent des idées exactes de la
distribution géographique de ces animaux.
Nous n'avons pas la prétention d'offrir la liste com-
plète de tous les reptiles connus; nous en avons seu-
lement réuni un assez grand nombre pour que ces
tableaux comparatifs puissent faire juger le peu d’es-
pace qu'occupent sur la surface du globe les espèces
terrestres ou fluviatiles, en comparaison surtout de
celui dans lequel sont disséminés les reptiles marins.
Le tableau des habitations des diverses races de
reptiles est plus difficile à tracer qu’on le suppo-
— 545 —
serait. Les voyageurs notent comme patrie des espèces
celle où ils les rencontrent toutes les fois qu’ils les
visitent. Cette règle est cependant peu sûre; car il est
plusieurs reptiles, comme d’autres animaux, qui ne
se trouvent dans telle ou telle localité que parce qu'ils
y ont été importés. Ainsi, quoique la tortue grecque
se rencontre maintenant en France, on ne l’y décou-
vre que parce qu'elle y a été apportée d'Italie. Ce que
nous disons de cette espèce peut s’appliquer à une
foule d’autres (1). D’après ce, nous avons encore donné
trop d’extension aux habitations que nous avons in-
diquées dans nos tableaux.
(4) Nous devons faire observer que les doutes les plus graves s'élèvent
à l’égard de cette espèce. On la trouve du moins à l’état humatile dans
un grand nombre de cavernes à ossements du midi de la France, où l’on
découvre en même temps des chevaux, des bœufs, plusieurs espèces de
carnassiers et de rongeurs qui ne diffèrent point des races actuelles. Dès
lors la tortue grecque doit être considérée comme caractérisant aussi bien
nos contrées méridionales que la Grèce et l'Italie.
— 3546 —
TABLE AU
DES LIEUX HABITÉS
PAR LES PRINCIPALES ESPÈCES
DE REPTILES.
CLASSES FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES.
EE
Chéloniens. Tortues ter-| 1° Tortue bor-
restresoucher- dée (testudo mar-
sites. ginata Schæpffer).
20 Tortue mores-
que (testudo mau-
riliana).
3° Tortue grec-
que (testudo grcæ-
ca).
4° Tortue géo-
métrique ( testudo
geometrica).
5° Tortue acti—
node (testudo acti-
nodes).
6° Tortue pan-
thère (testudo par-
dalis).
| 7° Tortue sil-
lonnée ( testwdo
sulcata).
8° Tortue nègre
(testudo nigrita),
90 Tortue rayon-
née (testudo ra-
diata).
HABITATIONS.
Morée, Egypte, Algérie.
Mauritanie, Algérie, Asie,
aux environs de la mer Cas-
pienne.
Habite une portion de l'Eu-
rope méridionale, la Grèce, l'I-
talie, d’où elle a été importée
en France, et peut-être aussi
en Espagne et en Portugal.
Cap de Bonne-Espérance et
île de Madagascar.
Indes orientales.
Afrique australe.
Afrique, cap de Bonne-Es-
pérance, Sénégal.
Indes orientales.
Ile de Madagascar.
— 5AT —
EEE QUO
CLASSES,
Chéloniens.
FAMILLES,
Tortues ter-
restres ou cher-
siles,
GENRES ET ESPÈCES.
10° Tortue mar-
quelée (Lestudo tu-
bulata ).
44° Tortue char-
bonnière ( testudo
carbonaria).
12° Tortue poly-
phème (testudo po-
lyphϾma).
15° Tortue de
Schweiger (testu-
do Schweigeri).
14 Tortue élé-
phantine (testudo
elephantina).
15° Tortue noire
(testudo nigra).
16° Tortue géan-
te (Lestudo gigantea)
47° Tortue de
Daudin ( testudo
Daudinii),
48° Tortue de
Perrault ( testudo
Perraultii),
19° Tortue an—
guleuse (testudo
angulala). ,
20° Tortue de
Gray ( testudo
Graii).
210 Tortue Pe—
liaste (testudo Pe-
liastes).
HABITATIONS,
OR
Amérique méridionale,grau-
des îles des Antilles.
Brésil, Cayenne, la Jamaï-
que.
Amérique septentrionale, de-
puis les Florides jusqu’à la ri-
vière Savannah, au nord de
laquelle on ne la rencontre
plus.
Patrie inconnue : paraît très-
peu répandue,
Iles situées dans le canal de
Mosambique.
Iles des Gallapagos,
Patrie inconnue,
Indes orientales.
Indes orientales,
Afrique australe, île de Ma-
dagascar.
Afrique.
Patrie inconnue,
— 548 —
nn,
CLASSES. FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS.
|
Chéloniens. Tortues ter-| 22° Tortue de| Iles de Gallapagos.
restresou cher-|Vosmaer ( testudo
siles. Vosmaeri).
Afrique australe, île de Ma-
1° Homopode a-
dagascar.
réolé ( komopodus
areolatus Dumeril).
90 Homopode Afrique australe.
marqué (komopo-
dus signatus).
4° Pixide arach-| Indes, et îles de son Archipel.
noïdes (Pixis ara-
chnoides Bell.).
Guyane anglaise, ou tout au
moins de l'Amérique.
1°Cinixys de Ho-
me (cinixys ho-
meana Bell.).
29 Cinixys ron-| Idem.
gée (cinixys ero-
sa Gray).
3° Cinixys del Patrie inconnue.
Bell. (cinixys bel-
liana Gray).
Amérique septentrionale, de-
puis la baie d'Hudson jusqu'aux
Florides.
Tortues pa-| 40 Cistude de la
ludines ou élo- Caroline ( cistudo
dites. carolina Gray).
20 Cistude d’Am-| Java et Amboine.
boine ( cistudo am-
boinensis Gray).
5° Cistude trifas- | Amboine.
ciée {cistudo tri-
fasciata Gray).
Grèce, Italie et ses îles, Es—
pagne, Portugal, France méri-
dionale, Hongrie, Allemagne,
Prusse.
4° Cistude euro-
péenne ( cistudo
europæa Gray).
5° Cistude del Bengale et île de Java.
— 519 —
EEE
CLASSES. FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS.
RS ES + IL I PP
Diard (cistudo Diar-
Chéloniens. | Tortues pa—
dii Dumeril).
ludines ou élo-
dites.
Environs de la”mer Cas-
1° Emyde cas-| ) à
pienne, Dalmatie et Morée.
pienne (emys ca-
spica).
Côtes méditerranéennes de
2° Emyde sigriz i
l'Afrique et de l'Espagne.
(emys sigria).
3° Emyde ponc-| Brésil et Guyane.
tulaire (emys pun-
ctularia).
4° Emyde mar-| Brésil.
brée ( emys mar-
morea).
Amérique septentrionale ,
5° Emyde pul-
nord des Etats-Unis,
6° Emyde géo-| Etats-Unis.
graphique (emys
geographica).
Amérique du Nord et Amé-
rique méridionale; c’est la
seule espèce d'émyde qui ha-
bite les deux parties du nou-
veau continent.
7° Emyde à li-
gnes concentriques
(emys concentrica).
Amérique septentrionale, pas
plus loin au nord que la partie
méridionale de la Virginie.
8° Emyde à bords
en scie (emys ser-
rala).
9° Emyde de Dor-
bigny (emys Dor-
bigny).
Buénos-Ayres.
10° Emyde arro-
sée (emys irrigata).
Partie septentrionale de l’A-
mérique,
110 Emyde croi-
sée (emys decus-
sata).
Saint-Domingue.
L2
— 550 —
CLASSES, FAMILLES.
GENRES ET ESPÈCES,
HABITATIONS.
Chéloniens. | Tortues pa-| 12° Emyde à Etats-Unis, depuis le New-
ludines ou élo-|ventre rouge (e- | Jersey jusqu’en Virginie.
dites.
mys rubi ventris).
13° Emyde ru-
gueuse (emys ru-
gosa Gray).
14° Emyde des
Florides (emys flo-
ridea).
159 Emyde or-|
née (emys ornala).
16° Emyde con-
cinne (emys con-
cinna).
17° Emyde réti-
culaire (emys re-
ticulata).
18° Emyde ta-
chetée (emys qut-
lala).
19° Emyde pein-
te (emys picta).
20° Emyde de
Mublenberg e-
mys Muhlenbergii).
21° Emyde de
Spengler ( emys
Spenglerii).
220 Emyde à
trois arêtes (emys
trijuga).
25° Fmyde de
Reeves (emys Ree-
vesii).
Amérique septentrionale.
Partie orientale des Florides.
Amérique méridionale.
Rivières de la Caroline et de
la Géorgie.
Caroline septentrionale.
Amérique septentrionale,
dans tous les ruisseaux des
Etats-Unis.
Etats-Unis.
Nouvelle-Jersey et Pensylva-
Inie, où elle vit avec quelques
|autres espèces dans les petits
courants d'eau.
La seule émyde de l'Afrique,
de [l’île de France et de l'île
Bourbon.
Indes orientales.
Chine
CLASSES.
Chéloniens.
FAMILLES.
Tortues pa—
ludines ou élo-
dites.
— 351 —
GENRES ET ESPÈCES.
24° Emyde d'Ha-
milton (emys Ha-
milionii).
25° Emyde de
Thurgy ( emys
Thurjü). J
26° Emyde à dos
étroit (emys tecta).
27° Emyde de
Beale (emys Bea-
lei).
28° Emyde cras-
sicole (emys cras-
sicolis).
29° Emyde épi-
neuse (emys spi-
nosa).
30° Emyde ocel-
lée (emys ocellata).
51° Emyde à
trois bandes (emys
trivittata).
32° Emyde Du-
vaucel (emys Du-
vaucelii).
53° Emyde rayée
(emys lineata).
4° Tetronyx de
Lesson ( tetronyx
Lessonii).
29 Tetronyx bas-
ka (tetronyx bas-
ka).
HABITATIONS.
LATE mener
Indes orientales.
Cette émyde vit dans le
Gange (Inde).
Idem.
Chine.
Java et Batavia.
Indes orientales.
Bengale.
Bengale.
Bengale,
Indes orientales. Nous avons
omis de mentionner quelques
autres espèces, sur l’habitation
desquelles on n’est pas certain.
Indes orientales,
Chine,
— Fa
CLASSES, FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES.
4° Platysterne
mégacéphale ( pla-
tysternon megace-
phalum).
Chéioniens. | Tortues pa-
ludines ou élo-
dites.
1° Emisaure ser-
pentine (emysaura
serpentina).
seat
1° Slaurotype tri-
carène ( stauroty-
pus triporcatus.)
2° Staurotype
musqué { stauro-
typus odoratus).
4° Cinosterne
scorpioïde { cino -
slernon scorpioïdes)
2° Cinosterne de
Pensylvanie ( ci-
nosternon pensyl-
vanicum).
3° Cinosterne
hirtipède ( cino-
stérnon hirtipes).
À
4° Peltocéphale
tracaxa (peltoce-
phalus tracaxa).
1° Podocnémide
élargie ( podocne-
mis expansus).
20 Podocnémide
de Dumeril (po-
docnemis dumeri -
liana).
4° Pentomyx du
Cap (pentomyx ca-
pensis) .
A” ————"—————
HABITATIONS,
Chine.
Amérique septentrionale.
Mexique,
Amérique du Nord.
Amérique méridionale.
Etats-Unis.
Mexique.
Cayenne.
Amérique méridionale.
Idem.
Cap de Bonne-Espérance, —
lle de Madagascar, Sénégal.
CLASSES, FAMILLES. [GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS.
NES RSR ES SES CRT OR Te on PE EE AE POT SE CESSE PETER
Tortues pa-| 2°Bentomyxd’A-| Cap Vert.
ludines ou élo- danson ( bentomyx
dites. Adansonii).
Chéloniens.
|
1° Sternothère
noir (sternotherus
niger).
2° Sternothère
noirâtre ( sterno-
therus nigricans).
5° Sternothère
marron (sternothe-
rus Caslaneus).
19 Platémyde
martinelle (plate-
mys marlinella).
29 Platémyde de
Spix (platemys Spi-
x).
5° Platémyde ra-
diolée (platemys ra-
diolata),
4° Platémyde
bossue ( platemys
gibba).
5° Platémyde de
Geoffroy (platemys
Geoffroyana),
G° Platémyde de)
Wagler {platemys
Waglerii),
7° Platémyce de
Neuwied {platemys|
Neuwiedii).
8° Platémyde de
Gaudichaud (pa-|
Île de Madagascar.
Ile de Madagascar.
Ile de Madagascar.
Brésil, Cayenne.
Brésil.
Brésil.
Patrie inconnue,
Amérique téridionale,
Brés!i,
Brésil.
Brésil.
— 654 —
© ——
CLASSES, FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS,
CCR CS cs OT € QY, (CV ÇQ
Chéloniens. | Tortues pa- Lemys Gaudichau-
ludines ou élo- dii).
diles.
99 Platémyde de| Brésil.
Saint-Hilaire (pla-
temys Hilari).
10° Platémyde| Cayenne.
de Milius (plate-
mys Miliusii).
419 Platémyde à! Habite les bords du fleuve
pieds rouges (pla- Solimvens au Brésil.
temys rufipes).
120 Platémyde| Amérique méridionale.
de Schweiger (pla-
temys Schweigeri).
139 Platémyde| Rivière de Macquarie à la
de Macquarie (pla-|Nouvelle-Hollande.
temys macquaria).
4° Chélodine de! Nouvelle-Hollande,
la Nouvelle - Hol-
lande ( chelodina
novæ Hollandicæ).
2° Chélodine à| Brésil.
bouche jaune (che-
lodina flavilabris),
5° Chélodine de! Amérique méridionale,
Maximilien (cLelo-
dina Maximiliani).
49 Chélyde ma-| Amérique méridionale.
lamala (chelys ma-
tamata).
Tortues flu- 19 Gymnopode Amérique méridionale, ri
viales ou pota-lspinifère ( gymno-|vières de la Géorgie et des Flo-
miles. podus spinifer). rides,
2° Gymnopode) Amérique méridionale, ri-
CLASSES, FAMILLES:
TR RON CONTSCERES
Chéloniens. Tortues flu-
viales ou pola-
miles.
|
— 9355 —
GENRES ET ESPÉCES, HABITATIONS.
vières de la Géorgie et des Flc-
Ï ymno-
mulique (gy pi
podus mulicus).
50 Gymnopode Nil et autres fleuves de l’A-
d'Egypte (gymno- ie
podus ægyptiacus).
4° Gymnopode| Gange.
ocellé (gymnopo-
dus ocellatus).
5° Gymnopode à| Gange.
cou rayé ( gymno-
podus lineatus).
6° Gymnopode Fleuves de l'île de Java.
de Java ( gymno-
podus javanicus ).
70 Gymnopode Tigre et Euphrate,
aplati (gymnopo-
dus subplana).
Fleuves qui débouchent sur
la côte de Coromandel, Habite
peut-être dans les fleuves de
1° Cryptopode
chagriné {cryptopo-
dus granosus). l'Inde.
49Chélonée fran-| Océan Atlantique,
che (chelonia Mi-
das).
Cap de Bonne-Espérance, et
Ténériffe (Afrique), Rio-Ja-
neiro , Brésil, New - York,
Etats-Unis, mers des Indes,
mer Rouge.
2° Chélonée ver-
getée (chelonia vir-
gata).
5° Chélonée ta-| Côte de Milabar.
chetée ( chelonia
muculosa).
49 Chélonée mar-{ Ile de l’Ascensiu
brée (chelonia mar-
moral).
5° Chélanée im’ Océan Indien et Océan Amé:
LU
CLASSES, FAILLES, GENRES ET ESPÈCES.
Dern | semer eng ere nee rennes
Chéloniens. Tortues flu-|briquée ( chelonia
viales ou pola-|ünbricata).
miles.
G° Chélonée
caouane ( chelonia
caouana).
7° Chéionce de
Bussumier ( chelo-
nia Dussumierii),
4° Sphargis luth
(sphargis coriacea).
Lézards cro-
couiliens où as-
pidiotes.
Sauriens. 19 Céïman à
paupières osseuses
(ailigætor palpebro-
sus).
20 Caïman à mu-
seau de brochet (al-
ligator lucius).
6° Caïman à
lunettes ( alligator
schuops).
40 Cuiman cyno-
céphale (alligator
cynoccphala),
5° Caïman à
points noirs (alli-
gator punctulatus).
4° Crocodile
rhombifère (cro-
codilus rhombifer).
HABITATIONS,
ESC PE TS TER EI ARTS
ricain, île Bourbon, îles Sey—
chelles, Amboine , Nouvelle-
Guinée, Havane.
Méditerranée, Océan Atlan-
tique, Rio-Janeiro, Brésil.
Côtes de Malabar et mers de
la Chine.
Méditerranée et Océan Atlan-
tique.
Rondelet en cite un pris à
Frontignan , et Amoreux un
autre capturé à Cette. — Un
luth fut pêché en 1729 sur les
côtes de l'Océan près de l’em-
bouchure de la Loire. Enfin
un &ernier fut pris en 1756 sur
les côtes de Cornouailles en An-
gleterre.
Amérique méridionale.
Amérique septentrionale.
Amérique méridionale.
Cayenne, Brésil,
Martinique, Brésil,
Iles des Autilles, peut - être
le Brésil.
— 351 —
À QC QG OO OR LC
CLASSES: FAMILLES,
GENRES ET ESPÈCES.
HABITATIONS.
Sauriens, Lézards cro-
20 Crocodile de
codiliens ou as-|Graves (crocodilus
pidiotes,
Lézards ca-
méléoniens ou
chélopodes.
gravensis).
5° Crocodile vul-
gaire (crocodilus
vulgaris).
4 Crocodile à
casque (crocoditus
galeatus).
5° Crocodile à
deux arêtes ( cro-
codilus biporcatus).
6° Crocodile à
museau effilé (cro-
codilus acutus).
T°Crocodile à nu-
que cuirassée (cro-
codilus cataphra -
clus).
8° Crocodile de
Journu (crocodi-.
lus Journei).
19Gavial du Gan-
ge (gavialis gange-
ticus).
19 Caméléon or-
dinaire ( cameleo
vulgaris).
99 Caméléon ver-
ruqueux (cameleo
VETTUCOsus).
5° Caméléon ti-
gre (cameleo ti-
gris).
Afrique.
Gange et les fleuves qui dé-
bouchent la côte”’de Malabar.
Siam, dans l’Indo-Chine.
Indes orientales.
Saint-Domingue, la Martini-
que et la partie septentrionale
de l'Amérique du Sud.
Sierra-Leone en Afrique,
Patrie inconnue.
Dans le Gange.
Partie septentrionale de l'A-
frique, seulement près des cû-
tes africaines bordéces par la
Méditerranée.
Ile de Madagascar
Îles Seychelles,
nm
CLASSES,
FAMILLES,
GENRES ET ESPÈCES,
EE
HADITATIONS.
SE | EE | GER
Sauriens.
Lézards ca-
4° Caméléon na-
méléoniens oulsu (cameleo nasu-
chélopodes.
Lézards gé-
\
lus}.
5° Caméléon
nain (cameleo pu-
milus).
6° Caméléon à
bandes latérales (ca-
meleo lateralis).
7° Caméléon du
Sénégal (cameleo
senegalensis).
8° Caméléon bi-
lobé ( cameleo bi-
lepis).
9° Caméléon à
capuchon ( came-
leo cucullatus).
10° Caméléon à
trois cornes (ca-
meleo tricornis).
119 Caméléon
panthère ( came-
Leo pardalis).
129 Caméléon de
Parson ( cameleo
Parsonii).
15° Caméléon à
nez fourchu (ca-
meleo bifidus).
14° Caméléon de
Brookes ( cameleo
Brookesii).
19 Platydactyle
Madagascar.
Cap de Bonne-Espérance, îles
Seychelles.
Ile Bourbon.
Sénégal.
Sénégal, côtes de Guinée.
Madagascar.
Côtes d'Afrique.
Ile de France, île Bourbon,
Madagascar.
Madagascar.
Iles Moluques , île Bourbon,
Nouvelle-Hollande,.
Madagascar.
Afrique australe.
CLASSES. FAMILLES:. GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS,
ES EE SE | EE SE
Sauriens. |kotiens ou as-|ocellé (platydacty-
calabotes. lus ocellatus).
20 Platydactyle Ile Maurice, île Bourbon et
cépédien {platy-[rdagasear.
dactylus cepedia -
nus).
5° Platydactyle] lle d'Otaïti.
demi-deuil (platy-
dactylus lugubris).
49° Platydactyle Antilles. On le trouve aussi
théonyx (platyda- sur le continent d'Amérique,
ctylus theonyx),
59 Platydactyle Iles Seychelles,
des Seychelles (pla-
tydactylus seychel-
lensis).
6° Platydactyle| Bengale.
de Duvaucel (pla-
tydaclylus Duvau-
celii).
7° Platydactyle Patrie inconnue.
de Leach ( platy-
dactylus leaschia—
nus).
8° Platydactyle Iles de la Méditerranée, et
: _|les pays qui forment le bassin
des murailles (pla-|i EE er.
tydactylus mura —
Lis).
99 Platydactyle| Egypte.
d'Egypte (platy-
dacltylus ægyptia-
cus),
10° Platydactyle! Te de Ténériffe, île de Ma-
de Delalande (pla-|dère, Sénégal. ,
tydectylus Delalan-
dii),
—— ——————
GENRES ET ESPÈCES.
CLASSES, | FAMILLES, HABITATIONS.
Sauriens, Lézards gé-| 11° Platydactyle] New-York, Etats-Unis.
kotiens ou as-lde Milbert (platy-
calaboles. dactylus Milbertii).
12° Platydactyle Archipel de l'Inde.
à gouttelettes (pla-
tydactylus guttatus)
15° Platydactyle Ile d'Amboine,
à bande (platyda-
ctylus villatus).
deux bandes (platy-|8"i°u-
dactylus bivittatus).
15° Platydactyle| Ile d'Amboine.
monarque (platy-
dactylus monar -
chus).
16° Platydactyle] Japon.
du Japon (platyda-
clylus japonicus).
|
|
44° Platydactyleà| Nouvelle - Guinée, île Wai-
|
|
|
|
|
}
47° Platydac- Ile de Java.
tyle homalocéphale
(pletydactylus ho-
malocephalus).
1° Hémidactyle| Oualan, Taïti, Vanicore,
de l’île Oualan (he- Tongatabon.
midactylus oualen-
sis).
20 Hémidactyle Ile de France.
de Peron (hemi-
dactylus Peronii).
35° Hémidactyle Terre de Van-Diémen.
varié ( hemidacty-
lus variegatus).
4° Hémidactyle] Manille.
mutilé (hemidacty-
lus mutilatus).
6
CLASSES. FAMILLES:, GENRES ET ESPÈCES, HABITATIONS,
Sauriens, Lézards gé-| 5° Hémidaciyle| Ceylan et côte de Malabar,
kotiens ou as-|à tubercules triè-
calabotes, dres ( hemidacty-
lus triedrus).
6° Hémidactyle| Indes orientales, îles Philip-
tacheté ( heniitla > pines et île Maurice.
clylus maculatus).
7° Hémidaetyle| Se trouve tout autour de la
verruculeux ( he-|Méditerranée.
midactylus verrucu-
latus).
8° Hémidactyle| Antilles.
mabonia ( hemida-
clylus mabonia).
99 Hémidactyle| Ceylan.
de Leschenaut (he-
midactylus Leische-
naulii).
10° Hémidactyie Indes orientales.
de Cocteau (hemi-
dactylus Coctæi).
11° Hémidactyle Afrique australe, Archipel
bride ( hemidacty- des Grandes-Indes,
lus frenatus).
12° Hémidactyle| le de Taïti.
de Garnot (hemi-
dactylus Garnotii).
13° Hémidactyle|] Pérou.
péruvien ( hemi-
dactylus peruvia—
nus).
149 Hémidactyle| Bengale et île de Java.
bordé (hemidacty-
lus marginatus).
15° Hémidactyle| Arabie.
— 362 —
CLASSES, FAMILLES:« GENRES ET ESPÈCES, HABITATIONS.
Sauriens. Lézards gé-|de Seba ( hemida-
kotiens ou as-|ctylus Sebcæ).
calabotes.
1° Piyodactyle) Egypte.
d'Hasselquit (ptyo-
dactylus Hasselqui-
tii),
2 Piyodactyle| Île de Madagascar.
frangé (ptyodacty-
lus fimbriatus).
5° Ptyodactyle Patrie inconnue.
rayé (ptyodactylus
lineatus),
4° Ptyodactyle| Chili.
de Feuillée (ptyo-
dactylus F'euillæi).
19 Phyllodactyle Nouvelle-Guinée, Nouvelle-
de Lesueur (phyl-|Holiande.
lodactylus Lesueu-
ri),
90 Phyllodacty- Afrique, Nouvelle-Hollande.
< Les individus du Cap et ceux
le porphyré (phyl- de la Nouvelle - Hollande ne
lodactylus porphy-|aiffèrent pas entre eux.
reus).
5° Phyllodactyle| Amérique.
gymnopyge (phyl-
lodactlus gymno-
pygus).
4° Phyllodactyle! Californie,
tuberculeux (phyl-
lodactylus tubercu-
latus).
5° Phyllodactyle Baie des Chiens marins, Nou-
strophure (phyllo- velle-Hollande.
dactylus strophu-
rus),
6° Phyllodactyle| Pérou.
CIASSES, FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS,
D LEP | EG IN I I CE
Sauriens, Lézards gé-|gerrhopyge (phyl-
kotiens ou us-|/odactylus gerrho-
calabotes. pygus).
7° Phyllodactyle| Nouvelle-Hollande.
à bandes (phyllo-
dactylus vittatus).
1° Sphériodacty-| Antilles, principalement à
le sputateur (sphœ-|S*int-Domingue,
riodactylus sputa-
tor).
2° Sphériodactyle| Idem.
à très-petils points
( sphæriodactylus
punclatissimus).
50 Sphériodacty-| Martinique.
le bizarre ( sphæ-
riodactylus fanta—
sticus).
4° Gymnodac-| Ile de Timor.
Lyle de Timor (gym-
nodactylus timo—
riensis).
|
20Gymnodactyle| Chili.
deGaudichaud(gym-
nodactylus Gaudi-
chaudii).
3°Gymnodactyle] Alger
mauritanique(gym-
nodactylus mauri-
tanicus),
Lo Gymnodac- Ile de la Martinique.
tyle à gorge blan-
che ( gymnodacty-
lus albogularis).
5° Gymnodac-| Abyssinie.
iyle à points jau-
CLASSES
TE Ce
Sauriens,
FAMILLES:
Lézards gé-
kotiens ou as-
calabotes.
Lézards va-
rañiens ou pla-
lynotes.
— 564 —
GENRES ET ESPÈCES.
nes ({ gymncdacty-
lus flavo punctu-
lus),
6° Gymnodactyle
de Dorbigny (gym-
nodactylus Dorbi—
gnii).
7° Gymnodacty-
le à bandes(gymno-
dactylus fasciatus).
8° Gymnodac-
tyle rude (gymno-
dactylus scaber).
99 Gymnodac-
tyle gentil (gym-
nodactylus pulchel-
lus).
10° Gymnodac-
tyle marbré (gym-
nodactylus marmo-
ratus).
11° Gymnodac-
tyle phyllure (gym-
nodactylus phuyllu-
rus).
199 Gymnodac-
tyle de Milius (gym-
nodactylusMiliusii).
1° Sténodactyle
tacheté ( stenodac-
tylus gultatus).
4° Varan du dé-
sert {varanus are-
narius).
90 Varan de Ti-
HABITATIONS.
EE
Chili.
Martinique.
Afrique septentrionale.
Bengale.
Ile de Java.
Nouvelle-Hollande,.
Nouvelle-Hollande.
Egypte.
Egypte.
Timor
CLASSES: GENRES ET ESPÈCES.
ERA RETTE ELS |
Sauriens. mor (varanus tin0o-
rensis).
3° Varan du Nil
(varanus niloticus).
4°Varan du Ben-
gale (raranus ben-
galensis).
5° Varan nébu-
leux (varanus ne-
bulosus).
6° Varan de Pic-
quot (varanus Pic-
quotii).
7° Varan à deux
bandes (varanus bi-
vitlutus).
FAMILLES,
RE
Lézards va-
raniens ou pla-
lynotes.
8° Varan chlo-
rostigme (varanus
chlorostigma).
99 Varan bigarré
(varanus varius).
10° Varan de
Bell (varanus Bel-
lii).
419 Varan à gor-
gebianche (varanus
albogularis),
120 Varan ccellé
(varanus ocellatus).
19 Héloderme
Bérissé (heloderma
horridum).
TE RE rt PEUR
Lézardsigua-| 4° Polychre mar-
—
ol
HABITATIONS,
Le Nil, le Sénégal et les ri-
vières du cap de Bonne-Espé-
rance.
Bengale, Pondichéry.
Indes orientales.
Bengale.
Java, îles Philippines, Moiu-
ques.
Nouvelle-Guinée, Nouvelle
Zélande, terre des Papous.
Nouvelle-Hollande.
Nouvelle-Hollande,
Patrieinconnue,
Afrique,
Mexique.
Amériqué méridivnale,
CLASSES,
Sauriens.
Les.
FAMILIES.
— 566 —
GENRES ET ESPÈCES.
niens ou euñ0-|bré (polychrus mar-
moralus ).
1°Laimanctelon-
gipède ( laimanctus
longipes).
1° Urostrophe de
Vatieur (urostro-
plius Vautieurii).
1° Horops doré
(horops auratus).
19 Anolis res-
plendissant (ano-
lis refulgens).
10 Corgophtha-
me à crêle (corgo-
phihamus cristatus).
1° Basilic à ca-
puchon ( basiliscus
milralus).
1° Alcponote de
Ricord ( alopono-
tus Ricordii).
49 Amblyrbin-
que à crête (am-
Llyrhincus crista-
tus).
10 Iguanc tuber-
culeux (iguana tu-
berculosa).
1° Métopoceros
cornu (meLopoce—
ros cornulus),
HABITATIONS.
Mexique. Les quatre autres
espèces du même genre vivent
également au Mexique et au
Brésil.
Brésil.
Brésil.
Surinam. Les vingt-cinq au-
tres espèces de ce genre habi-
tent essentiellement l’Améri-
que, soit le Brésil, Saint-Do-
mingue, le Chili, Cayenne, les
Antilles, mais principalement
la Martinique et l’île de Cuba.
Mexique. La seconde espèce
habite également la même
contrée.
Guyane. La seconde espèce
se trouve au Mexique.
Saint-Domingue,
Iles Galapagas. La patrie de
l'amblyrhinque de Demarle est
inconnue.
Amérique méridionale. Les
deux autres espèces habitent
l’une au Mexique, et l’autre à
la Martinique et à la Guade-
loupe.
à Saint-Domingue.
= 867 —
EE
CLASSES: FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS,
ARRET SELS | I RE PORTE ET,
|
Caroline. Les deux autres es-
pèces se trouvent au Mexique
et en Californie.
4° Cyclure de
Harlan ( cyclurus
Harlani).
Sauriens, Lézards igua-
niens ou euno-
tes,
Indes orientales, îles de la
Nouvelle-Guinée.
1° Brachylophe
à bandes (:brachy-
lophus fasciatus ).
Guyane et Brésil. La seconde
o oali -
1 Engalie rhom espèce vit au Brésil.
bifère ( engalius
rhombiferus).
Amérique méridionale, Bré-
o
1 Ophryesse sil et Cayenne.
sourcilleux (ophry-
OeSsa supercilia =
na).
Mexique. L'autre espèce est
: à
1° Leiosaure de de Buénos-Ayres.
Bell (leiosaurus Bel-
li),
Amérique méridionale. Il en
est de même de l'upéranodonte
peint.
19 Upéranodonte
à collier (uperano-
don ochrocolliare).
Guyane. Il en est de même
1° Hypsibate a- e d
de l'hypsibate ponctué.
gamoïde (hypsiba-
lus agamoïdes),
Iles de la Trinité et de la
Martinique. L'holotropide à
petite crête habite Saint-Do-
mingue et l’île de Cuba.
1° Holotropide
de l’Herminier (ho-
lotropidus Hermi-
nierii).
4°Proctolrète du! Chili. Il en est de même des
Chili ( proctotretus neufautres espèces de ce genre.
chilensis).
4° Tropidolépide Amérique septentrionale.Les
ondulé (tropido= neufautres espèces de ce genre
= sont du Mexique.
lepis undulatus). ‘
4° Phrynosome Amérique septentrionale.Les
k deux autres espèces sont de la
de Harlan (phry- Californie et du Mexique,
rosoma Harlanii),
CAES. EANTATIOSS,
del Brésil Il en est de méme de
l'oplare de Maximilien,
Je (thon ne (Pie de ce gars, Pons de
e genre, Vans se
(te D Ciéedies ct
EC SE
ponticerians).
1-Sisegeree |
Ç RER
| |
| 1° Calamydesan |
\re de King chia-|
imydosaurus Kings. |
| 4° Dragon fran |
lsè ‘draco frubrie-|
Vu.
|
4
Pandehezr.
Lie êe Ines. Le sent autoes
Sent es Duèes ren
pee
Mtalles, & Amhomme, es Cakes,
de Manille, eu &e Jura et ce
Timer.
Indes emientaiss Les mul
âa Sénégal, êe r'Ain-
êe TEgxpie.
21
p ; jratres cspèoes sont du Bensale,
bande agama dor- de TAtrique se 210 êe la
que et
|
CLASSES. FAMILLES. | GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS,
RS PE
PR PRESSE DS CEE SEE
Egypte et Perse. Les trois
autres espèces sont de la Sibé-
rie et de la Tartarie.
Sauriens, Lézardsigua-| 1° Phrynocépha-
niens ou euno-|le d'Olivier { phry-
tes. nocephalus Olivie-
ri).
Egypte, Syrie et Perse. L'au-
40 i Ê
1, Sielion coms tre espèce se trouve en Arabie,
mun (stellio vul-
garis).
Afrique. Les quatre autres
espèces se trouvent en Egypte,
en Arabie et dans la Nouvelle-
Hollande.
| 1Fouelle- queue
orné (uromantix
|ornatus).
Lézards ja! 1° Crocodilure
cerliens ou au-|lézardet ( crocodi-
tosaures Où lurus lacertinus).
pléodontes.
Brésil et Guyane.
49 Thoricie dra-
gonne ( thorictes
| draccæna.
Amérique méridionale.
4° Neusticure à
deux carènes (neu-
Isticurus bicarinatus.
Amérique méridionale,
1° Aporomère
piqueté de jaune
((aporomera flavi-
\Punctata).
Amérique méridionale. L'au-
tre espèce est du Chili.
Amérique méridionale et les
Anfilles. [1 en est de même de
1° Sauvegarde |iutre espèce de ce genre.
de Mérian { salva-
‘or Merianæ).
|
|. 1° Ameivacom-
mun ( ameiva vul-
garis),
Brésil et Guyane, Le; autres
espèces sont des Antilies,'fde
l'île de Cuba, de la Martinique,
de Saint-Domingue et de
| Cayenne,
1° Cnémidopho-
re murin {cnemi-
dophorus murinus),
Guyane, Antilles, Les autres
espèces sont de Cayenne, de
l'Amérique septentrionale, du
Mexique et de la Martinique.
1° Dicrodonte à| Pérou.
goulteleltes (dicro-
\
‘lon guttulatum).
mm
nn
oo
ee
CLASSES.
Sauriens.
FAMILLES.
Lézards la-
GEXNRFS ET ESPÈCES.
4° Acrante ver!
cerliens ou au-|(acrantus viridis).
losaures
pléodontes,
Lézards la-
cerliens aulo-
saures ou Cæ-
lodontes.
ou!
1° Centropyx
épercnné ( ceutro-
ipyx calcaratus).
| 1°Tachydrome à
six raies (tachydro-
mus sexlincatus).
| 1° Tropidosaure
lalgire (tropidosau-
Irus algira).
1° Lézard ponc-
tué de noir ({a-
cerla nigro pun-
clata).
1° Lézard des
ponches (lacerta se-
pium).
!
|
1° Psaminodrome|
d'Edwards (psam-—
modromiis Edward-
sii). |
|
1° Ophiops élé-|
gant (ophiops ete-!
jgans). |
1° Calosaure de!
Leschenault (ca-|
losaura Leschenaul-|
Eu), |
| ‘
| 1° Acanthodac-|
lLyle commun {a-|
cañthod:actylus vul-|
garis), |
HABITATIONS.
SE EE
Amérique, méridionale, Pa-
raguay, Mexioue, Buénos-
Ayres.
Amérique méridionale, Bré-
sil, Cayenne, Surinam. L'autre
espèce vient de Surinam et de
Mana.
Chine, Cockbinchine, Java
L'autre espèce est dn Japon.
Cap de Bonne - Espérance.
L'autre espèce est de Java.
Ile de Corfou.
Dans toute l'Europe, ainsi
que plusieurs autres espèces.
Les quinze autres espèces sont
de la Morée, de l'Afrique, de ia
Crimée, de l'Asie, de l'île de
Madère, de Ténériffe, du cap
de Bonne-Espérance, et d'Al-
ger.
Midi de la France, Espagne.
De Smyrue,
Inde: orientales.
Midi de la France, Italie et
Espagne, Les autres espèces
habitent ‘Egypte, le Sénégal,
la Crimés,et l'empire de Maroc
CLASSES.
a
Sauriens.
FAMILILES. GENRES ET ESPÈCES.
Lézards la-| 1°Scapteire gram-
certiens auto-|mique ( scaptera
saures ou Cælo-|grammica).
dontes,
ble (eremias varia-
Lilis).
1° Zonüre gris
{l
|
|
| Lézards chal-
zonurus griseus).
icidiens ou cy-|
iclosaures. |
{9 Fribolonotc
de la Nouvelle-Gui-
née ( tribolonotus
| Novæ Guineæ).
ou
Cu
deux bandes (ger
Irhosaurus bifasciu-
lus).
1° Saurophide de
£acépède (sauro-
phis Lacepedii,.
49 Gerrhonote
de Deppe (gerrho-
notus Deppii).
1° Pseudope de
Pallas { pseudopus
Pallasii).
10 Ophisaure
ventral (ophisaurus
À
ventralis),
1° Pantlodaciyle
de Dorbigny (pan
todaciylus Dorbi-
gnyi).
1° Ecpléode de
odus Gaudichaudii),
4° Gerrhosaure à|
Gaudichaud ce
HABITATIONS,
|
De l'Afrique.
| 49 Eremias varia-| Tartarie et Crimée.Les autres
espèces habitent en Egypte, au
cap de Bonne-Epérance, en
Algérie, enfin dans l'Afrique
australe.
Cap de Bonne-Espérance. Il
en est de même des cinq autres
espèces.
Nouvelle-Guinée.
Maïñagascar. Les autres es-
pèces sont de la même île, du
cap de Bonne-Espérance ou
des parties méridionales de l’A-
frique.
Pointe australe du continent
africain.
Mexique. Il en est de même
de quelques autres espèces ;
plusieurs sont de Ja Californie
ou de l’Amérique du Nord.
Dalmatie, Istrie , Morée , et
côtes méditerranéennes de l'A-
frique.
Parties sud de l'Amérique,
Buénos-Ayres,
Brésil,
— 315 —
"TT QU QU QU QU QU QG QC,
CLASSES,
Sauriens.
FAMILLES,
RE SEE CE RES
Lézards chal-
cidiens ou cy-
closaures.
Lézards chal-
cidiens ou clyp-
todermes.
| Lézardsscin-
coïdiens ou sau-
rophthalmes,
GENRES ET ESPÈCES.
RE DRE QE ACER ES De OR ET
4° Chamésaure
serpentin (chamæ—
saura serpéntina).
1° Hélérodactyle
imbriqué (hetero—
dactylus imbrica-
tus).
1° Chalcide de
Cuvier (chalcides
Cuvieri).
19 Trogonophide
de Wiegmann {tro-
gonophis Wiegma-
ni).
1° Chirote can-
nelé (chirotes cana-
liculatus).
1° Amphibesme
enfumée ( amphi-
Lesma fuliginosa ).
1° Lépidosterne
microcéphale (lepi-
dosterron microce-
phalum).
1° Tropidophore,
de ia Cochinchine:
(tropidophorus co-
cincinensis).
1° Scinque des.
boutiques (scincus|
officinalis). |
19 Sphenops bri-
dé (sphenops capi-
stratus).
HABITATIONS.
a DE RERO |
Afrique australe,
Intérieur du Brésil.
Amérique méridionale. Les
autres espèces sont des Indes
orientales, de la Guyane et du
Chili.
Environs d'Alger ou d'Oran.
Mexique.
Amérique méridionale. Il en
est de même des autres espèces
qui se trouvent au Mexique, au
Brésil, à la Martinique, à l’ie
de Cuba, de l'Afrique, particu-—
lièrement de la côte de Guinée,
et enfin de l'Europe,
Buénos-Ayres, L'autre espèce
est du Brésil.
Cochinchine,
Afrique.
Egvpte.
— 514 —
ee
CLASSES, FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES, HABITATIONS,
Sauriens. Lézards scin-| 1° Dipoglosse de pe Dent t
cd , z ces se uven ,
coïdiens ou sau-| Shaw ( dipoglossus fartioaibeecnt au Bréail,
irophthalmes. !Shawii). ainsi que dans l’île de Cuba, et
: à la Martinique.
1° Amphiglosse| Ile de Madagascar.
de l’Astrolabe (am-
phiglossa Astrolabi)
1° Gongyle ocel-| Tout le littoral de la Méditer-
lé (gon ri ocella-|"216e; la Sicile, Malte, Egypte,
(J079y ”|lîle dela Trinité.L'autre espèce
tus) . est originaire de l’île deFrance.
10 Eumèce ponc- Indes orientales. Les autres
espèces habitent l'Amérique mé-
Î tué (eumeces pure ridionale, particulièrement le
clatus). Brésil, ainsi que les Antilles,
l'île de Vanicoro, la Nouvelle-
|
Irlande, la Nouvelle - Guinée,
et les îles océaniennes.
1° Euprèpe del Côtes ARE Ees =
espèces sont du Sénégal, du
Cocteau ( euprepes en de Bonne-Espérance, de
Coctæi). l'Egypte, de l'Abyssinie, des
îles Seychelles, de Madagascar,
de la Nouvelle - Guinée, du
Bengale, du Coromandel, de
Manille, de Timor et des îles
Sandwich, et enfin de l’île de
Java.
40 Plestiodonte! Egypte, Algérie. Les autres
; espèces habitent la Chine , les
d’Aldrovande (ple- Etats-Unis d'Amérique, et prin-
stiodon Aldrovan -|cipalement le nord de cette
dii). contrée.
| 19 Lygosome de| Nouvelle-Hollande. Les au-
cn tres espèces sont de la même
Guichenot (lygoso— entrés, ainsi que de la Nou-
| ma Guichenoti, velle-Zélande, de l’île de Java,
de l'ile de Timor, de la Nou-
velle - Guinée, de la côte de
Malabar, et de l'Amérique du
Nord.
40 Léiolopisme Iles voisines de l’île Maurice,
: : . |particulièrement l’ilot Coin de
de Telfair (Leiolopi- Mitre.
sma Telfairi).
1° Tropidolo-| Nouvelle-Hollande.
pisme de Duméril
— 919 —
LEE EEE |
CLASSES,
Sauriens.
FAMILLES,
GENRES ET ESPÈCES. |
Lézards scin-| (tropidolopisma Du-
coïdiens ou sau-|merilii).
rophthälmes.
1° Cyclode de la
Casuarina (cyclodes
Casuarincæ).
10 Trachysaure
rugueux (trachy-
saurus Tugosus),
1°Hétérope brun
(heteropus fuscus).
19 Campsodacty-
le de Lamarre(cam-
psodactylus Lamar-
rei).
40 Tétradactyle
de Décrès (tetrada-
ctylus Decresiensis\.
19 Hemiergis de
Décrès ( hemiergis
Decresiensis).
10 Seps chalcide
(seps chalcides).
19 Hétéromèle
mauritanique ( he-
teromelus maurita-
nicus),
1° Chélomèle à
quatre raies (cielo-
meles quadrilinea-
tus).
1° Brachymèle
de la Bonite (bra-
chymeles Bonitæ).
4° Brachystope
HABITATIONS,
Nouvelle-Hollande. I] en est
de même des autres espèces.
Nouvelle-Hollande.
Ile de Waïigiou. L'autre es-
pèce est de l’île de France.
Bengale.
Nouvelle-Hollande.
Nouvelle-Hollande.
Midi de la France, Italie, et
côtes de la Méditerranée, soit
en Espagne, soit en Afrique.
Alger.
Nouvelle-Hollande.
Iles Philippines.
Afrique australe.
CLASSES, FAMILLES, GENRES ET FSPÊCES.
|
Lézards scin-|linéo-ponclué(Lra-
coïdiersousau-|chystopus lineo -
rophthaimes, |punctulatus).
Sauriens.
1° Nessia de Bur-
ton (nessia Burto-
ni).
1° Evesia de Bell
(evesia Belli).
10 Scélote de Lin-
né (scelotes Linnæi).
19 Prépedite rayé
(prepedites lineatus).
1° Ophiode strié
(ophiodes striatus).
1° Orvet fragile
(anguis fragilis).
1° Ophiomore à
petits points (ophio-
morus miliaris).
10 Acontias pin-
lade (acontias me-
leagris),.
Lézardsscin-| 1° Abléphare de
coïdiens ou o-|Kitaibel ( «Llepha-
phiophthalmes |rus Kitaibelii).
10 Gymnophthal-
me à quatre raies
( gymnophthalmus |
quadrilineatus).
HABITATIONS,
(
| | I DR
Amérique du Nord.
Indes orientales,
Cap de Bonne-Espérance.
Cap de Bonne-Espérance.
Amérique méridionale ,
Cayenne, Rio-Janeiro, Buénos-
Ayres.
Toute l'Europe, jusqu'en
Suède et même en Sibérie, Asie
occidentale, et toute la côte
méditerranéenne de l'Afrique,
Morée, Algérie.
Afrique australe, surtout
dans le voisinage du cap de
Bonne-Espérance.
Nouvelle - Hollande, Morée.
Les autres espèces sont du
même continent, et l’une
d'elles, l’abléphare du Pérou,
se trouve à la fuis à la Nou-
velle-Hollande, à Taïti, aux
îles Sandwich, à Java, à l'île
de France et en Morée. M. For-
tuné Eydoux a également rap-
porté cette espèce du Péron.
Brésil et Martinique.
— 911 —
oo
CLASSES, | FAMILLES,
Sauriens.
Gyhidiens. |
|
Lézards scin-
coïdiens ou o-
phiophthalmes.
|
|
|
|
Lézards scin-
coïdiens ou ty-
pblophthalmes
Pythoniens.
GENRES ET ESPÈCES.
OA A TE PR
1° Lériste à qua-
tre raies {Lerista li-
neuta).
1° Hystérope de,
la Nouvelle-Hol-
lande ( hysteropus
Novæ Hollandiæ ).
4° Lilialis de
Burton (lilialis Bur-
tonii).
1° Dirame de la
Nouvelle - Guinée
(diramus NovæGui-
neæ).
1° Typhline de
Cuvier(typhline Cu-
vierii).
10 Rouleau ru-|!
ban {tortriz scyta-
le).
1°Boa devin{Loa
constrictor).
1° Python des
îles de la Sonde (py-
thon javanicus).
| 1° Couleuvre à
collier {coluler na-
[trix).
HABITATIONS,
D D
Nouvelle-Hollande.
; Nouvellc-Hollande,
Nouvelle-Holiande.
Nouvelle-Guinée.
Afrique australe,
D'Amérique ainsi que toutes
les espèces de ce genre, et des
uropeltes, qui leur sont voi-
sins.
De la Guyane et du Brésil.
| L'ancien continent ne paraît
pas avoir de vrais boas de
grande taille. C'est donc dans
| les lieux marécageux des par-
|Ities chaudes de l'Amérique
que se trouvent uniquement
les autres espèces de boas. Les
| scytales, les éryx, et les erpe-
tons viennent des Indes orien-
|tales.
Des îles de la Sonde. 11 paraît
en être également des autres
espèces de ce genre. Quant à
celles des genres cerbère, xé-
nopeltif, hérodon, hurria, bon-
gare, dendrophis, dryinus,
elles viennent des Indes et de
l'Afrique.
Cette espèce vit en Enrope
ainsi qu’une foule d'autres. Les
espèces de couleuvres étran-
gères sont innombrables, et
— 918 —
CLASSES. FAMILLES. | GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS,
CREER LS ES
Ophidiens, Pythoniens, appartiennent à tous les con-
tinents : néanmoins chaque es-
pèce est restreinte à un petit
nombre de localités.
|
4° Acrocorde de: De Java. Il paraît y en avoir
Java(acrocordus) a- d'autres espèces dans cette
| À même île.
vensis).
Crotaliens. 19 Crotale hor-| Des Etats-Unis. Les autres
| rible (crotalus hor-|espèces de ce genre sont toutes
| idus) de l'Amérique, soit de la
riaus,. Guyane, soit d’ailleurs.
19 Trigonocé-| De la Caroline. Les autres
‘phale de Ja Caro-|espèces de ce genre vivent éga
Mine trannacent lement dans diverses parties du
(c IgonOCEPhA-|continent de l'Amérique, et
{us tisiphone). par exemple au Brésil
4o Vipère com-| Europe. Les espèces nom-
mune (vipera be—|breuses de ce genre vivent les
TS unes en Dalmatie, en Hongrie,
Tus ss en Egypte, dans l'Inde et en
Amérique. On en cite égale-
{ment {plusieurs comme du cap
de Bonne-Espérance.
19 Naja à lunet- De l'Inde. Les autres espèces
iles { naja tripu- appartiennent à l'Egypte.
dians).
19 Elaps anaulé De l'Asie. Il y a d'autres
i(elaps lemniscatus), 8277 SEL UTENSER ENS
qui appartiennent aux deux
continents ; ce sont les micru-
res, les platures, les trimersu-
res, les oplocéphales, les acan-
thophis, les échis et les langa-
ras.
Bongariens. 4° Bongare pam-| Des Indes, ainsi que toutes
ma (pseudoboa fa- les espèces de ce genre.
sriata).
4° Hydre varié) Certains parages de la mer
(hydrus variegatus). des Indes.
1° Hydrophis la-!
melleux (hydrophis
schistosus).
Mer des Indes, et certains
fleuves d'eau salée du Bengale.
29 Hydrophis, Mers des Iudes.
CLASSES, FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES,
Ophidiens. rte Bengale (hy-
drophis gracilis).
Bongariens.
1° Pélamide bi-
colore (pelamys bi-
color).
10 Chersydre fas-
cié (chersydrus fa-
scialus).
19 Cœcilie lum-
bricoïde ( cœcilia
lumbricoides).
Batraciens. | Batraciens pé-
romèles ophio-
somes ou céci-
loïdes.
1° Siphonopsan-
nelé (siphonops an-
| nulatus).
1° Epicrium glu-
tincux ( epicrium
glutinosum).
19 Rhinathrème
à deux bandes (rhi-
nathrema bivitta-
tum).
Batraciens 1° Grenouille
ancures phané-|cutipore (rana cu=
roglosses ou pé-|tipora).
lodytes.
20 Grenouille
verte (rana viridis).
m
10 Cystignathe
ocellé (cystignathus
ocellatus).
HABITATIONS.
Mers des Indes et d'Otaïti,
île des Pins, dans la mer Paci-
fique.
Rivières de Java.
Surinam. Les quatre autres
sont de la côte de Malabar, de
Cayenne, des îles Seychelles, ou
de Surinam,
Brésil, Cayenne, Surinam.
L'autre espèce de ce genre vit
au Mexique.
Java et île de Ceylan.
Cayenne.
Indes orientales.
L'Europe, l'Asie et l'Afrique,
Les dix-huit autres espèces de
ce genre se trouvent dans les
îles Seychelles, Maurice, Bour-
bon, Java, Amboine, dans l’A-
frique australe, particulière-
ment au cap de Bonne-Espé-
rance, aux Indes orientales,
dans toute l’Europe, et enfin
dans l'Amérique du Nord; mais
ces dernières ne se trouvent
pas ailleurs, surtout dans l’an-
cien continent.
Amérique méridionale. Les
dix autres espèces de ce genre
habitent l'Amérique méridio-
nale, la Guyane française, le
— 380 —
LU MU UC OO, LEO OÉÉAÉÉÉAALÉCL
CLASSES:
Batraciens.
FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES.
Batraciens
anoures phané-
roglosses ou pé-
lodytes. 1° Leiupère mar-
bré (leiuperus mar-
moratus).
19 Discoglosse
peint (discoglossus
piclus).
1° Cératophrys à
bouclier (cerato—
phrys dorsata).
10 Pixicéphale
arrosé (pixicephalus
adspersus).
1° Calyptocépha-
le de Gay (calypto-
cephalus Gayi).
19 Cycloramphe
fuligineux ( cyclo-
ramphus fuligino-
sus).
1° Mégalophrys
montagnard (mega-
lophrys montana).
48 Pélodyte
ponctué ( pelodytes
punciatus).
1° Alyte accou-
cheur (alytes obste-
tricans).
|
1° Scaphiope so-
litaire (scaphiopus
solitarius).
Pélobate brun
HABITATIONS,
RRQ EE D
Chili, la Nouvelle-Hollande et
l'Afrique, particulièrement le
Sénégal.
Amérique du Sud.
Grèce, Sicile, Sardaigne, sur
les côtes méditerranéennes de
l'Afrique.
Amérique méridionale, Cayen-
ne, Brésil. Les deux autres es-
pèces de ce genre sont égale-
ment de l'Amérique méridio-
nale.
Afrique australe. Des deux
autres espèces l'une habite
comme la première l'Afrique
australe, et la seconde Buénos-
Ayres.
Chili.
Brésil. L'autre espèce est du
Chili.
Java.
France.Jusqu'à présent cette
espèce n’a pas encore été ob-
servée ailleurs.
Presque toutes les parties
de l'Europe tempérée.
Caroline, Géorgie et le Ten-
nesse sont les parties de l'A-
mérique du Nord qu'habite
cette espèce.
Allemagne et France. L'an-
— 581 —
ee
CLASSES,
Bälraciens.
FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES.
Batraciens|(pelobates fuscus).
anoures pha—
néroglosses ou
pélodytes. 1° Senneur à
ventre couleur de!
feu ( bombinator
igneus).
Balraciens| 1° Litorie de
anoures pha-|Freycinet ( litoria
néroglosses ou | Freycinetii ).
hyiæformes.
1° Acris gryllon
{acris gryllus).
1° Limnodyte
rouge (limnodytes
erythraceus).
1° Polypédate de
Goudot (polypeda-
ltes Goudotii).
19 Ixaie à ban-
deau d’or ‘ixalus
aurifascialus).
1° Eucnémis des
Seychelles (Eucne-
mis seychellensis).
10Rbacophorede
Reinwardt (rhaco-
phorusReinwardii).
19 Trachycéphale
géographique (tra-
chycephalus geogra-
phicus\,
19 Rainette verte
(hyia viridis).
2° Rainette patte
HABITATIONS,
ST
tre espèce, le pélo-cultripède,
vit dans le midi de la France
et l'Espagne.
Toute l’Europe tempérée,
Port - Jackson. L'autre es-
pèce habite la Nouvelle-Or-
léans.
Amérique septentrionale,
L'autre espèce est de la Gévr-
gie,
Ile de Java. Quant aux deux
autres espèces, l’une habite la
même île, et la seconde l'ile
Waigiou.
Ile de Madagascar. Les trois
autres espèces habitent Ma-
uille, le Japon et les Indes
orientales.
Ile de Java.
Iles Seychelles. Les autres
espèces sont de l’île de Made—
gascar, du cap de Bonne-Espé-
rance et de l'Abyssinie,
Ile de Java, et plusieurs par-
ties du continent de l'Inde.
Le Brésil, Les deux autres
espèces sont originaires de
Cuba et de Saint-Domingue,
Toute l'Europe excepté la
Grande-Bretagne, le Japon ct
la côte méditerranéenne de
l'Afrique,
Brésil, Cayenne. Parmi les
— 582 —
EE ——————————"————_—_——"——"—"—"—————————"————""———— —
CLASSES,
Bolraciens.
FAMILLES,
CEE ESS
GENRES ET ESPÈCES.
HABITATIONS.
Batraciens|d’oie (hyla palma-|trente-trois autres espèces de
anoures pbha-—\|{a).
néroglesses ou
hylæformes.
Balraciens
anoures pha-
Inéroglosses ou
‘bufoniformes,
|
1°Micrhyle acha-
tine (micrhyla a-
chatina).
49 Cornufère u-
nicolore (cornufer
unicolor).
1° Hylode de la
Martinique (hylo-
des marlinicensis ).
1° Phylloméduse
bicolore (phyllome-
dus bicolor),
1° Elosie grand
nez (elosia nasuta).
1° Grossodac—
tyle de Gaudichaud
(grossoductylusGau-
| dichaudii).
40 Phyllobate bi-
colore (phyllobates
\bicolor),
|; 1° Dendrobate à
lapirer (dendroba-\
les tinclorius).
1° Rhinoerme!
ce genre, la plupart appar-
tiennent à l'Amérique méri-
dionale, et se trouvent à
Cayenne, à Surinam, à Buénos-
Ayres, au Pérou on dans la
Guyane. Un très-petit nombre
d'entre elles vivent dans l'A-
mérique du Nord, ou dans
toute l’Europe, excepté la
Grande - Bretagne. Un petit
nombre appartient à Ja Nou-
velle-Hollande, à l'île de Ti-
mor, et à la terre de Vau-Dié-
men.
Ile de Java.
Nouvelle-Guinée.
Ile de la Martinique. Les
trois autres espèces sont de
Cayenne, et de l’île de Cuba.
Amérique méridionale.
Brésil.
Brésil.
Ile de Cuba,
Brésil, Cayenne, Les deux
autres espèces sont du Chili,
Chili
— 583 —
a —————_—]— ————————— |
CLASSES»
Balraciens,
qi
oo
FAMILLES,
GENRES ET ESPÈCES.
Batraciens de Darwin (rhino-
anoures pha-!derma Darwinii).
néroglosses ou
bufaniformes,
1° Alelope jau-
nâtre (atelopus flu-
vescens).
1° Crapaud en-
sanglanté ( bufo
cruentatus ).
4° Phrysnique
noirâtre (phrysni—
cus nigricans),
1° Brachycé-
phale porte - selie
(brachycephalus e-
phippium).
1° Hylédactyle
lacheté (kylædacty-
lus baleatus).
1° Plectropode
peint (plectropodus
piclus),
1° Engystome
ovalis),
1° Upérodonte
HABITATIONS.
Amérique méridionale.
Ile de Java. Les vingt-huit
autres espèces se trouvent à la
Guyañe, au Pérou, au Chili, à
l’occident de l'Asie, aiusi que
dans le sud-ouest et le nord de
l'Afrique, l'Amérique du Nord
et méridionale, les Indes orien-
tales, le Bengale, l'île de Java
et les Antilles. Mais la particula-
rité la plus remarquable qui se
rapporte aux habitations des
espèces de ce genre est celle
que présente le crapaud com-
muu, qui, répandu dans toute
l'Europe, se trouve néanmoins
au Japon. Il en est de même
de notre rainette verte et des
deux grenouilles des contrées
tempérées, la verte et la rou:se.
Mexique. L'autre espèce est
de la Nouyelle-Hollande.
Brésil, Cayenne,
Ile de Java,
Manille,
Amérique méridionale, Les
ovale (engystomus autres espèces habitent le Bré-
sil ou l'Amérique du Nord,
principalement la Caroline,
Intérieur de la péninsule de
marbré (wperodon| l'Inde.
marmoratum),
a —,
CLASSES» FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES.
EL ECS TES PRES
Batraciens. Batraciens| 1° Breviceps bos-
anoures pha-|su (breviceps gibbo-
néroglosses ou|sus).
bufoniformes. C
1°Rhinophryne à
bande dorsale (rhi-
nophrynus dorsalis)
Batraciens! 1° Dactylèthre
anoures pha-|du Cap (dactylethra
néroglosses ou|capensis).
pipæformes. ;
1°Pipa américain
(pipa americana ).
Batraciens! 1° Salamandre
paludiens ou commune ( sala —
tritoniens. mandra maculata).
1° Triton mar-
ibré (triton gesneri).
Batraciens! 1° Ménopome
amphibiens ou|géante (menopoma
siréniens. gigantea).
1° Amphiume à
trois doigts (am-
phiuma tridacty-
lum).
1o Axolot pisci-
forme (axolot pi-
sciformis),
1° Monobranche
latéral (monobran-
| chus lateralis),
1° Prolée serpent
(proteus sangui-
neus),
1° Sirène lacer-
tine (siren lacertina)
HABITATIONS.
Afrique australe,
Mexique.
Afrique australe.
Guyane et Brésil.
Europe. Les autres espèces
habitent la même contrée ou
l'Amérique septentrionale.
Europe. Les autres espèces
Amérique septentrionale,
se rencontrent dans l'Améri-
que septentrionale.
Louisiane. Il en est de méme
des autres espèces.
Du Mexique. Il en est de
même des autres espèces.
Etats-Unis,
Eaux souterraines de la Car
nlole.
Marais de la Caroline,
Les
autres espèces Setrouvent dans
l'Amérique du Nord,
— 3585 —
Deux faits principaux découlent des tableaux pré-
cédents ; le premier parait être général chez les ani-
maux et même jusqu’à un certain point chez les végé-
taux. Il n’est presqueaucune espèce de reptilecommune
à la fois à l’ancien etau nouveau continent. Le second
fait qui en découle, c’est que les espèces terrestres ont
leurs habitations bornées à des localités peu étendues.
Ainsi les races aquatiques, et à peu prés uniquement
les marines, offrent seules des habitations variées ;
elles occupent non - seulement des lieux différents,
mais souvent très-distants.
Reprenons ces deux faits, et voyons quelles en sont
les conséquences.
Tous les voyageurs ont été frappés, en passant de
l’ancien continent dans le nouveau, de re trouver au-
cune espèce semblable ni identique dans ce dernier.
Celles qui avaient frappé leurs regards en Europe,
en Afrique, en Asie, dans la Nouvelle-Hollande, ne
se représentent plus à leurs yeux. Tout au plus ob-
serve-t-on quelque similitude entre les productions
organiques de la pointe nord de l’Asie et celles de
l'extrémité de l'Amérique septentrionale par suite de
leur rapprochement,
Les vents transportent d’une contrée à une autre
les graines d’un grand nombre de végétaux; ils mé-
lent ainsi les plantes qui, par leur station primitive,
appartenaient à des pays divers. D'un autre côté, les
25
— 386 —
habitants des mers, véritables cosmopolites, passent
facilement d’un parage à un autre. Ils peuplent ainsi
peu à peu la plus grande partie de l'Océan.
Les oiseaux et les insectes, portés par les vents,
s’aventurent souvent fort loin des lieux de leur nais-
sance. Ils amènent parfois leurs races dans le nou-
veau monde, dont l'homme a pris possession si tard.
Malgré toutes les causes qui tendent à méler les es-
pèces et à leur faire franchir les plus grandes dis-
tances, peu de celles qui se font remarquer par leur
agilité, ou les végétaux à graines légères, sont venus
embellir les terres humides de l’Amérique, ou sont
arrivés de ce continent sur le sol de l’ancien. Chaque
contrée a conservé ses espèces primitives ; l'homme
lui-même, malgré toute la puissance de son influence,
n'a presque pas interverti cet ordre émané de cette
sagesse infinie qui a tout réglé ici-bas.
Les reptiles franchissent si peu de grandes distan-
ces, qu'on peut à peine citer une de leurs races dans
l’ancien et le nouveau monde. Il en est de même en-
tre ces deux continents et celui de la Nouvelle-Hol-
lande. Leurs espèces sont généralement différentes
dans ces diverses régions. Du moins, on remarque
peu d’exceptions à cette loi générale. Elles nous sont
fournies par le phyllodactyle porphyré et l'abléphare
de Pérou, etc. Le premier se trouve à la fois au cap de
Bonne-Espérance et à la Nouvelle-Hollande; cepen-
— 381 —
dant les individus de l’une ou de l’autre de ces con-
trées ne paraissent pas différer les uns des autres.
L'abléphare de Pérou se trouve non-seulement dans
la Nouvelle - Hollande, mais encore à Taïti, aux iles
Sandwich, à Java, à l’ile de France et en Morée. Ce
qui est plus extraordinaire, M. Fortuné Fydoux en a
rapporté du Pérou. S'il n'y a pas d'erreur, ce serait
à peu près le seul exemple connu d’un reptile vivant
dans les trois grands continents. S'il en est ainsi, il
estextrèmement probable que cette espèce s’y rencon-
trerait par suite de sa station primitive. Rien ne fait
présumer qu'elle ait pu se transporter dans des lieux
aussi différents que le sont l’ancien continent, le nou-
veau monde et la Nouvelle-Hollande.
De cette manière on peut concevoir un fait aussi
extraordinaire, et à la vérification duquel les voya-
geurs ne sauraient apporter trop d'attention.
Ces observations sont du reste fort douteuses. On
sait avec quelle légéreté s’établissent les habitations,
surtout lorsque des indications à cet égard sont adres-
sées aux grands musées où abondent de nombreuses
collections des pays souvent les plus divers. Des er-
reurs d'étiquettes sont trop communes pour ne pas
présumer qu'il peut en avoir été ainsi du phyllodac-
tyle porphyré. Quoi qu'il en soit, cette exception, en
la supposant réelle, prouve combien sont rares de pa-
reils exemples.
— 588 —
Les habitations des reptiles sont si restreintes qu’on
ne cite qu’une seule espèce de cet ordre d’animaux
comme se trouvant à la fois dans l’Amérique du Nord
et l'Amérique méridionale. Cette espèce, ou l’émyde
concentrique, est une tortue paludine qui, comme
toutes celles de cette famille, se rencontre en Améri-
que, surtout dans la partie septentrionale.
Certaines familles de reptiles affectent particulié-
rement telle ou telle partie des continents. Les camé-
léoniens sont en quelque sorte propres à l’Afrique
et aux iles qui en dépendent. Une seule exception est
fournie par le caméléon à nez fourchu, que l’on dé-
couvre, à ce qu’il parait, aux iles Moluques, à l'ile
Bourbon et dans la Nouvelle - Hollande. D'un autre
côté, les vrais boas de grande taille sont propres à
l'Amérique. Les pythons, dont les dimensions sont
non moins considérables , appartiennent aux Indes et
à l'Afrique. Parmi les lézards isuaniens, les polychres,
les laimantes, les urostrophes, les norops, les anolis,
les coryophthames, les basilics , les aloponotes, les
amblyrhinques, les iguanes, les métopocéros, les cy-
clures, les brachyolophes et la plupart des autres
genres de cette grande famille sont à peu près tous
de l'Amérique.
Les habitations des reptiles terrestres sont donc
trés - restreintes. Cette circonstance n'avait point
échappé à l'historien de ces animaux, Dugès. IL fait
— 3589 —
observer dans son histoire des espèces indigènes de
lézards, qu’à part les seps, et peut-être les chalcides,
les lézards sont les seuls sauriens qui habitent le Lan-
guedoc. Le gecko des murailles est borné à la Pro-
vence. Quant au scinque algérien , il n’a été admis
que par erreur au nombre des reptiles de la pre-
miére de ces provinces. Le nombre des lézards de
ce pays est si borné, qu'il est réduit à sept. Tout
au plus peut-on en compter jusqu’à quatorze dans
l’ensemble de l’Europe.
Si l’on compare le petit nombre de localités qu’ha-
bitent les reptiles terrestres avec celles fréquentées
par les races marines, on reconnait la grande diffé-
rence des unes et des autres. Elle est d'autant plus
sensible que les reptiles des mers sont bornés aux
genres des chélonées et des sphargis parmi les tor-
tues, des hydres, des hydrophis et des pélamides
parmi les ophidiens. Rien ne rappelle, chez les rep-
tiles terrestres et fluviatiles, des habitations aussi va-
riées que celles que nous offrent les chélonées verge-
tée et imbriquée. Celles-ci parcourent l'Océan Indien
et Américain ainsi que les parages de l’Afrique et de
la mer Rouge. Dans cette immense étendue voguent les
tortues marines, Jusqu'à l'époque où le besoin de dé-
poser leurs œufs les porte à se rapprocher des rivages
pour satisfaire ce besoin impérieux.
Si, après avoir porté son attention sur la grandeur
.— 890 —
de l’espace que franchissent souvent les reptiles, on
la fixe sur les espèces paludines et fluviatiles , il est
facile de s’apercevoir de l'extrême différence qui
existe entre ces diverses races. Les dernières quittent
peu les lieux de leur naissance ; elles se transportent
rarement à quelque distance du lieu de leur séjour
habituel. À peine observe-t-on quelques individus iso-
lés, qui s’avancent dans l’intérieur des terres. Lors-
qu’on les y découvre, c’est qu’ils y ont été entraïinés
par la rapidité que les fleuves ont auprès de leur em-
bouchure, À part ces individus peu nombreux, les
espèces de reptiles soit paludines, soit fluviatiles, sont,
sauf quelques exceptions, tout aussi restreintes dans
leurs habitations que les races terrestres.
Cependant quelques reptiles qui vivent aussi bien
dans l’eau que sur les terres sèches et découvertes,
sont assez répandus peut-être par suite de ce double
mode de station. Leur nombre est si limité qu'on peut
au plus en signaler quatre : deux espèces de gre-
nouilles, la verte et la rousse, se trouvent à la fois en
Europe, en Asie et en Afrique; d’un autre côté, la
rainette verte, ainsi que le crapaud commun, répan-
dus dans toute l'Europe, se rencontrent néanmoins
au Japon. Si l’on découvre ces reptiles à d'aussi gran-
des distances, ce n’est point par l’effet des déplace-
ments, car ils ne voyagent jamais, mais par leur dis-
tribution primitive. Sous quelque point de vue que
— 391 —
l’on envisage les reptiles, ces animaux ne sauraient
être comparés aux oiseaux et aux poissons sous le
rapport de leurs excursions. Les seuls reptiles qui s’y
livrent, par suite du besoin qu’ils éprouvent d’assu-
rer la durée de leurs races, sont réduits aux cinq
genres marins que nous avons fait connaitre.
Nous sommes donc plus certains de la distribution
primitive des reptiles, que nous ne pouvons l'être des
autres vertébrés. En effet, parmi les animaux de ce
grand embranchement, ils ont le moins varié dans
leurs habitations primordiales. Les reptiles résistent
le mieux à la puissance de notre influence, et ils en
ressentent le moins les effets. Il faut convenir, tou-
tefois, que l’homme a peu d'intérêt à les soumettre
à son empire; car il ne peut guère en espérer quelque
avantage. À peine ces animaux lui fournissent-ils
quelques aliments, des médicaments, ou des objets
qu'il utilise dans les arts.
— 392 —
CHAPITRE IV.
DES MIGRATIONS DES POISSONS.
OBSERVATIONS GÉNÉRALES.
La constance et la régularité des migrations des
poissons n'est pas moins remarquable que celle des
oiseaux. On a supposé, relativement aux premiers,
qu’elles étaient autant occasionnées chez certaines es-
pèces par le besoin de déposer leurs œufs, que par
celui de trouver dans d’autres régions une nourriture
plus convenable ou une température plus appropriée
à leurs conditions d’existence. IL se peut que ces cau-
ses agissent à la fois sur les différentes espèces de
poissons, et qu’elles contribuent à rendre leurs voyages
tout à fait nécessaires; mais au milieu des phénomènes
de ces passages, aussi bien déterminés que ceux
des oiseaux, les migrations qui se rapportent aux
poissons de mer sont plus remarquées que celles des
poissons des eaux douces. Ceci tient peut-être à ce
que les premiers, plus nombreux, parcourent et fran-
chissent de plus grandes distances.
Parmi les poissons de mer, certains se distinguent
— 393 —
d’une manière toute particulière par la régularité et
la constance de leurs passages ; au premier rang on
peut citer les harengs et les sardines, dont la pêche
occupe tant de bras, et dont la fécondité est prodi-
gieuse. Pour s’en faire une idée, on n’a qu’à se rap-
peler l’immense consommation que l’on en fait con-
tinuellement, soit à l’état frais, soit après avoir été
desséchés et salés.
Aussi, chaque année, et comme pour fournir à des
besoins quise renouvellent sans cesse, des armées in-
nombrables de poissons émigrants arrivent sur nos
côtes, qu'ils avaient quittées l’année précédente. Ils
semblent venir y chercher les œufs des petits poissons,
des petits crabes et des vers dont ils sont fort friands.
On suppose que cette nourriture contribue à donner
aux poissons, et particulièrement aux harengs, la
bonté de leur goût et la délicatesse de leur chair.
Quoi qu'il en soit, on les voitarriver chaque prin-
temps dans nos régions, en colonnes épaisses et nom-
breuses , et aborder ainsi les rivages les plus méri-
dionaux de l'Europe aussi bien que ceux de l’Amé-
rique. À l'approche de ces bandes innombrables de
poissons, la mer estcouverte d’une matière épaisse, vis-
queuse, souvent phosphorique et lumineuse pendant la
nuit. Cette matière odorante attire les oiseaux ichthyo-
phages, les squales et les cétacés, qui déciment cette
armée dont plus tard les pêcheurs vont détruire les
— 594 —
rangs. Cette destruction, que l’on pourrait croire to-
tale, tant elle est considérable, semble n’exercer au-
cune sorte d'influence sur le nombre des harengs,
qui, l’année suivante, viendront périr dans les mêmes
lieux et succomber sous les mêmes ennemis.
En général, ces poissons'viennent chaque année dans
les mêmes parages, avec la plus grande régularité, et
pour ainsi dire à point nommé. Ils abandonnent ce-
pendant parfois certaines eaux, et n’y reviennent
qu'après une absence de plusieurs années.
On les voit rester d'ordinaire en pleine mer pen-
dant les mois de juillet et d’août; du moins ils ne
parviennent près des côtes et n’entrent dans les eaux
peu profondes qu'après cette époque; ils y cherchent
un endroit convenable pour y déposer leurs œufs. Les
harengs les plus vieux frayent les premiers, et les
jeunes plus tard. Aussi les uns et les autres aban-
donnent le voisinage des côtes vers le mois de février,
la ponte étant pour lors complétement terminée. La
température, et d’autres causes, la plupart indéter-
minées , influent beaucoup sur les circonstances de
leurs passages. Il parait pourtant que, dans certaines
localités, des harengs ont des œufs pendant la plus
grande partie de l’année.
Les poissons, et particulièrement les harengs ainsi
que les sardines et la morue, nous étonnent par leur
extrême fécondité. Le nombre prodigieux que l’on en
— 595 —
pêche chaque année peut nous faire comprendre la
force de reproduction de ces espèces. Elle suffit à
ces pêches continuelles, qui ont lieu constamment de-
puis la fin de juin jusqu’au commencement de jan-
vier. Quelque immense que soit la quantité que l'on
en recueille, quelque nombreuses que soient les
flottes chargées de ce soin, le nombre des harengs,
des sardines et des morues n’en parait pas sensi-
blement altéré. La puissance de la reproduction est
supérieure à toute l’activité que l'homme déploie pour
en diminuer les effets.
Dans les expéditions dirigées dans le but de
s'emparer de ces poissons, l’industrie de l’homme,
pour mieux arriver à ces fins, a employé les fusées
à la Congrève à la pêche de la baleine, ce colosse
de la nature vivante, relégué au milieu des glaces
du pôle. C’est encore son industrie qui a attiré
sur des plages nouvelles les harengs qui doivent
lui servir d’aliment. L'homme est même parvenu
à faire éclore les œufs de ces poissons, jusqu’au-
près de l’embouchure des fleuves de la Suède et de
l’Amérique septentrionale. Par un art non moins
étonnant , les peuples de ces contrées ont porté les
individus sortis de ces œufs à y revenir chaque année
avec leurs races nouvelles ; ils fournissent ainsi au
commerce les matériaux de pêches aussi abondantes
que lucratives.
— 396 —
À l’aide dés moyens que son intelligence lui a sug-
gérés, il prend à peu près chaque année, dans quelques
baies du nord de l’Europe, plus de vingt millions
de harengs. Ce nombre finira même par devenir aussi
considérable que celui que fournit la Baltique. On
évalue ce dernier à plus de quatre cents millions ;
mais ce nombre immense est encore au-dessous de
celui que Bloch suppose avoir été pris aux environs
de Gothenbourg. Ce dernier se serait élevé, d’après
lui, à plus de sept cents millions.
La pêche de la sardine, qui a lieu surtout depuis
le golfe de Gascogne jusqu’à l'embouchure de la Ga-
lice, ne donne pas des résultats moins étonnants que
celle du hareng. Elle peut nous donner une idée du
nombre queles migrations en entrainent chaque année
sur nos côtes. Îl en est de même de l’anchois (c/zpea
encrasicholes, Linné). Les passages de cette espèce
sont si considérables, particulièrement sur les côtes
de l'Espagne, qu'il n’est pas rare d’en prendre plu-
sieurs millions d’un seul coup de filet.
Les migrations périodiques ont quelque chose de
surprenant, non-seulement à raison de l’immense
quantité d’espèces qui s’y livrent d’une maniére
constante, mais surtout à raison des motifs cachés
qui les y portent. Au milieu de ceux que l’on peut
supposer, il en est un que l’on a encore peu apprécié,
mais qui n'est pas sans quelque réalité.
— 397 —
Du moins voit-on, dans les contrées méridionales
de la France, le passage des sardines coïncider cons-
tamment avec celui des maquereaux, comme leurs
migrations avec celles des thons et des squales. Cette
coïncidence remarquable se renouvelle avec une si
grande régularité, qu'un instinct en quelque sorte
irrésistible doit régler les voyages périodiques de ces
animaux. Cet instinct les porte bien plus à se livrer à
de pareilles excursions, que la connaissance qu'ils
peuvent avoir des moyens qui leur en donneront la
facilité. Ainsi les maquereaux sont attirés dans la
Méditerranée par les sardines, tout comme les thons
par les maquereaux. Ceux-ci deviennent à leur tour
victimes de la voracité des squales, qui les poursui-
vent avec une sorte de fureur.
Lorsque ces armées de thons sont attaquées par les
squales, les premiers préférent se laisser échouer sur
la côte plutôt que de subir la mort cruelle qui les
attend sous les dents tranchantes des tigres des mers,
dont rien n’égale la gloutonnerie ; mais la cause qui
les porte à se succéder les uns aux autres et à se
suivre mutuellement est toute différente de celle de
leur alimentation , ainsi qu’il est facile d’en juger.
Les pêcheurs profitent avec avantage de cette ter-
reur que les squales inspirent aux thons, pour les
prendre de jour. Cependant on ne les saisit guére
que la nuit, surtout pendant les nuits obscures ; alors
— 398 —
ils ne peuvent apercevoir les filets destinés à les
empêcher d'échapper.
Ces faits sont si connus des pêcheurs des côtes de
la Méditerranée, que l'apparition des squales est à
leurs yeux un présage favorable pour la pêche du
thon et du maquereau. D’un autre côté, ils savent
que ces poissons arrivent constamment en troupes
considérables aux mêmes époques, se poursuivant les
uns les autres, les plus petits servant de pâture aux
plus gros.
La périodicité des voyages de ces différentes espè-
ces est aussi régulière que les migrations des oi-
seaux. Aussi les règles que nous avons établies rela-
tivement aux excursions des uns peuvent très-bien
s'appliquer aux autres. Il est parmi les poissons comme
parmi les oiseaux, des espèces émigrantes et errati-
ques, tout aussi bien qu'il en est qui voyagent cons-
tamment. Ces derniers sont les véritables cosmopo-
lites parmi cet ordre d’animaux.
D’autres poissons , ainsi que plusieurs oiseaux,
abandonnent peu les lieux de leur naissance, du
moins ils ne font jamais de longues excursions. Ces
races, comme les oiseaux qui ont les mêmes habitu-
des, méritent bien le nom de sédentaires que nous
leur avons donné. Nous comprendrons sous le nom
d’erratiques les différentes espèces de poissons qui se
déplacent à des époques irrégulières; nous nomme-
— 399 —
rons émigrantes les races dont les voyagés périodiques
ont une fixité et une régularité remarquable.
Ces dénominations suflisent pour se rendre compte
des diverses circonstances qui accompagnent les dé-
placements des poissons, et même pour saisit celles
qui tiennent certaines espèces constamment attachées
aux lieux qui les ont vues naïître.
La fécondité des poissons est si grande, que long-
temps la Hollande a couvert de ses bâtiments les
mers du Nord, pour la péche unique du hareng,
Cette pêche parait même avoir alors occupé prés
d'un cinquième de la population totale de cette
contrée. Dans ce moment même, l'Angleterre et la
France y emploient un grand nombre de matelots.
Plus du tiers de ces matelots s’avancent jusque sur
les côtes de l'Islande et de Terre-Neuve. Ils s’y li-
vrent à la poursuite de ces poissons si recherchés pour
nos tables, et si précieux pour le pauvre.
Il en a été de même des peuples de l'antiquité,
particulièrement des Romains. Aprés la perte de
leur liberté, on sait quel luxe les grands de
Rome mirent dans le choix et la recherche des pois-
sons dont ils ornaient les tables de leurs festins. Ils
ne se bornaient pas à expédier, dans les mers voisi-
nes, des vaisseaux destinés à cette recherche ; ils fi-
rent des efforts infinis pour conserver vivants les pois-
sons, fruits de leurs pêches et de leurs labeurs. 1ls
— 400 —
inventérent donc les barques à réservoir et firent
creuser à grands frais d'immenses viviers remplis
d’eau salée. On y déposait les espèces les plus esti-
mées des mers de la Sicile, ainsi que celles des côtes
de la Grèce et de l'Egypte.
Le luxe que déployérent à cet égard Lucien Mu-
réna, qui dut son nom aux soins qu'il prenait des
murènes , et Lucullus, surpasse non-seulement tout
ce que les peuples modernes ont pu faire en ce genre,
mais même tout ce que l’imagination peut faire pré-
sumer. En effet, quel souverain pourrait aujourd'hui,
avec tous les progrès de la marine moderne, offrir
un repas comme celui donné par le frère d'Othon à
cet empereur, où seraient réunis Jusqu'à deux mille
plats composés de poissons rares et délicieux. Un pa-
reil luxe ne pouvait convenir qu’à des peuples eflé-
minés, comme étaient les Romains, déchus de leur
ancienne gloire. Les grands de Rome, qui n'étaient
plus occupés de victoires, mirent à honneur singulier
de se surpasser mutuellement dans une somptuosité
aussi extravagante que puérile. Une pareille folie pré--
céda de peu la décadence d’un peuple placé si haut
naguére, et dont l’avilissement marcha aussi vite que
la grandeur.
Nous avons déjà fait observer que le soin de leurs
œufs pouvait avoir quelque influence sur les mi-
grations remarquables auxquelles se livrent, d’une
— ÀA0O1 —
maniére à peu près constante, certains poissons. Du
moins, le développement spontané d’une quantité
-considérable d'œufs dans un même lieu porte cer-
taines espèces à s’y réunir en légions nombreuses et
serrées ; les pêcheurs appellent avec raison ces légions
des bancs de poissons. Ces animaux, ainsi réunis,
ne s’aident point entre eux. Ils se suivent seulement
les uns les autres, soit par une sorte de tendance à
imiter les mouvements qu’exécutent les premiers, ou
les guides de cette troupe aveugle, soit parce que les
mêmes besoins les attirent dans un même lieu, comme
de nouveaux les en éloignent.
Ainsi rassemblés en troupes innombrables, les
poissons font souvent de longs voyages, tantôt pour
gagner la mer, tantôt pour remonter les rivières ou
pour changer de parages. Ils sy livrent presque
toujours à l’époque du frai; mais rarement ils les en-
treprennent seuls. En général, ces habitants des eaux
n’exécutent leurs voyages qu’en grand nombre. Il en
est de même des espèces qui remontent fortavant dans
les rivières, après avoir quitté le bassin des mers, où
elles font ordinairement leur séjour.
Il serait intéressant de savoir si les espèces fluvio-
marines, qui de la mer remontent dans les fleuves et
les rivières à des époques à peu près constantes, sui-
vent indifféremment tel fleuve ou tel autre, ou si elles
ne sont pas déterminées dans leur choix par la na-
26
— 102 —
ture, la température, la direction et le cours des eaux.
ll doit y avoir à cet ésard quelques motifs de préfé-
rence, car l’onne voit guëre les saumons remonter de la°
mer dans les ruisseaux ou les torrents qui s’y rendent,
tandis qu'ils suivent constamment le cours des grands
fleuves ou des rivières considérables. Sans doute il est
difficile de démèler toutes lescauses decette préférence,
qui ne dépend pas uniquement des dimensionsdes pois-
sons, ainsi qu’on pourrait le supposer, mais d’une foule
de circonstances encore peu étudiées. Aussi fixerons-
nous plus tard sur elles l’attention de ceux qui peuvent
prendre quelque intérêt à cet ordre de recherches.
Du reste, c’est d’une maniére temporaire que plu-
sieurs espèces de reptiles et de cétacés ont de pareilles
habitudes, et se livrent à des sortes de migrations. On
observe quelquefois des crocodiles à plus de trente-six
lieues des côtes se jouant au milieu des eaux de la
mer ; mais ils sont toujours isolés, jamais en troupes
ni en bandes. Il en est de même de certaines espèces
de cétacés, particulièrement des marsouins, qui s’a-
vancent aussi dans l’intérieur des rivières, à des dis-
tances fort considérables du bassin des mers. Il y a
quelques années, des marsouins, aprés avoir remonté
la Seine jusqu’au jardin des plantes, vinrent amuser
et réjouir les habitants de Paris. Ces cétacés, en fort
petit nombre, étaient bornés, à ce qu'il parait, à trois
ou quatre individus au plus.
— 05 —
Ces voyages individuels n’ont rien de commun avec
ceux qu’entreprennent les poissons en bandes toujours
considérables, lorsque ces voyages sont de long cours.
Quelles sont donc les causes quiles poussent à se trans-
porter, à des époques fixes, dans des climats nouveaux,
tandis que tant d'autres, constamment sédentaires,
n’abandonnent jamais les lieux qui les ont vus naître.
On conçoit aisément pourquoi, à l’époque où la
température s'abaisse ou s’éléve d’une manière nota-
ble, certaines espèces se rapprochent des côtes ou re-
montent dans les rivières, ou font des trajets plus ou
moins longs, pour parvenir dans des lieux dont la tem-
pérature est plus appropriée à leurs besoins. Mais, si
cette cause était la seule qui portàt les poissons à
changer de pays, de pareilles migrations n’auraient
certainement pas lieu dans la belle saison. Sileurs pas-
sages s’opérent, lorsque de pareils besoins ne peuvent
les y déterminer, il faut qu'ils ne dépendent pas tou-
jours de la température. Il semblerait donc que les
poissons, comme plusieurs oiseaux, seraient portés à
changer de pays, par suite d’un instinct qui les y en-
trainerait d’une manière irrésistible.
Quant aux espèces qui se transportent d’un lieu dans
un autre à raison de la température, leurs voyages
sont toujours accidentels, puisque les effets qui les
produisent se renouvellent à des époques qui n’ont
rien de fixe ni de déterminé. Aussi ces espèces se dé
— AO —
placent d’une manière plus ou moins irrégulière, soit
du nord vers le sud, soit du sud vers le nord, en sui-
vant une route plus ou moins bien déterminée. Peut-
être, lorsqu'elles disparaissent du littoral, elles se re-
tirent dans la profondeur des eaux.
Il n’en est pas ainsi des maquereaux, quoique le
besoin de pourvoir à leur nourriture et de trouver des
lieux convenables pour y déposer leur frai semble les
faire sortir de la profondeur des mers au printemps,
et les porter pour lors à longer les côtes voisines.
Cette époque ou celle de leur passage coïncide avec
les besoins nouveaux, qui les pressent et les assiégent.
Mais si ces légions de poissons venaient toutes, comme
on l’a longtemps admis, des mers polaires, elles de-
vraient se montrer aux Orcades, avant d’apparaitre
dans la Manche, et n’entrer dans la Méditerranée que
beaucoup plus tard. Cependant la pêche du maque-
reau commence plus {ôt dans la Méditerranée que dans
la Manche. Elle n’est même abondante aux Orcades
qu’à une époque plus avancée.
Il se pourrait que ce fussent des variétés différentes
qui parcourussent ces divers parages. Du moins les
maquereaux de la mer Baltique atteignent à peine un
pied en longueur. Ceux que l’on prend sur les côtes
de l'Islande sont plus petits que les individus de la
Manche et de la Méditerranée. Ces derniers, les
plus grands, paraissent les seuls qui fournissent
— ÀA05 —
aux peuples riverains une nourriture abondante.
Ces grandes tribus de maquereaux n’entrent pas
cependant, comme on pourrait le présumer, dans le
golfe de Gascogne, quoiqu'ils abondent depuis l’ex-
trémité de la Bretagne jusqu’à la mer du Nord. On
les voit en grand nombre dans la Méditerranée, où
ils pénètrent d’une manière périodique au mois d’a-
vril; 1ls y deviennent extrémement nombreux pen-:
dant le mois de juin et une partie de juillet. Ceux
que l’on pèche vers la fin de septembre et d'octobre
sont si petits, qu'ils semblent avoir pris naissance
dans l’année. Enfin l’on en voit parfois en novembre
et même en décembre; mais l'apparition de ceux-ci
parait tenir, ainsi que le présument les pêcheurs, à
l'influence des violentes tempêtes.
Une autreespèce du genre scombre, le thon, voyage
également : mais ses voyages sont loin d’être bien
longs, ainsi qu’on l’a gratuitement supposé. On a long-
temps admis que chaque année les thons entraient dans
la Méditerranée par le détroit de Gibraltar, pour s’a-
vancer au delà du Bosphore et revenir ensuite vers
l’ouest ; il n’en est pas tout à fait ainsi. Si ces poissons
semblent disparaitre une partie de l’année, c’est qu’a-
lors ils habitent la profondeur des mers, comme les
maquereaux, avec lesquels ils ont de grandes analo-
gies. Seulement, lorsque l'influence du printemps se
fait sentir, ils quittent leurs retraites profondes, se
— À06 —
rapprochent de la terre, et en côtoient les bords : les uns
et les autres y deviennent souvent la proie des requins.
Dans un grand nombre de localités des côtes de la
Méditerranée, les thons apparaissent au printemps.
Ils se dirigent tous vers l'Orient, tandis qu’à la fin de
l’été ou en automne, on les voit suivre une direction
opposée. Ainsi, sur les côtes du Roussillon, du Lan-
guedoc et de la Provence, on fait une péche d'arrivée,
depuis le mois de mars jusqu’en juillet, et une se-
conde pêche dite de retour, depuis le milieu de Juillet
jusqu’à la fin d'octobre et même de novembre.
D'un autre côté, dans plusieurs parties de la Médi-
terranée, la pêche des thons commence beaucoup plus
tard, c’est-à-dire, en novembre, et se continue jusqu’en
décembre. La rareté de cette espèce dans l'Océan, mal-
gré son abondance dans la Méditerranée, annonce
qu'elle doit peu voyager.
La pêche du thon était dansles temps anciens une
source de richesses pour les côtes de l'Espagne, etdans
lestemps actuels, elle est évalement d’une grandeutilité
aux habitants des côtes du midi de la France, aussi
bien qu'à ceux de la Sicile et de la Sardaigne. Elle
est d'autant plus profitable pour eux, qu'il est une in-
finité de lieux de la Méditerranée où le thon ne dispa-
rait que pendant les rigueurs de l'hiver. Telles parais-
sent être les côtes des environs de Nice, où l’on pêche
du thon à peu près constamment, et où l’on en mange
2 ADS
toute l’année, à l'exception de la saison des frimas.
Cette disparition momentanée des thons, qui s’en-
foncent l'hiver dans la profondeur des eaux, où ils
trouvent probablement une température plus élevée
qu’à la surface, par suite des lois particulières à ce
liquide, est loin d’être exclusive à ce poisson. Elle est
commune à d’autres espèces marines et des eaux
douces, ainsi qu'on le peut voir dans les tableaux des
passages de ces animaux.
D'autres espèces nous présentent des lois de distri-
bution, qui, quoiqu’en apparence différentes de celles-
ci, sont cependant déterminées par des circonstances
du même genre. Ainsi, l’hiver d'Alger, tout chaud
qu'il est, n'en a pas moins ses jours de pluie. L'eau
qui tombe forme, par intervalles, des flaques plus ou
moins considérables dans lesquelles vivent des rep-
tiles. En été, ces animaux privés d’eau ou fatigués
par un soleil brülant, sont obligés de rentrer dans le
sein de la terre, pour échapper aux ardeurs du jour,
précisément comme, dans nos mois de glace, les pois-
sons des eaux douces s’enfoncent dans la vase afin de
ne pas mourir de froid.
Les habitudes des reptiles de l’Algérie et probable-
ment de beaucoup d’autres animaux de diverses con-
trées nous font concevoir pourquoi les poissons des
mers, des pays même tempérés, s’enfoncent dans la
profondeur des eaux pendant la rude saison. Ainsi,
— À08 —
tandis que l’ordre des reptiles batraciens est estival
dans le nord de la France, comme les thons et les au-
tres espèces qui ont les mêmes habitudes, il est au
contraire hyémal en Algérie et probablement dans les
autres contrées de l’Afrique.
Ces mœurs sont communes à un grand nombre
d'animaux des autres classes : par exemple, chez les
insectes, qui se cachent entre les racines des plantes
ou dans la terre pendant les grosses chaleurs, et qui
hivernent ainsi pendant l’été. Les chenilles de la py-
rale de la vigne ont aussi cette habitude, assez ordi:
naire chez un grand nombre d'insectes. Ainsi se lient
-et se rattachent par un lien commun les phénomènes
en apparence les plus opposés.
Des habitudes non moins particulières signalent
quelques poissons de la Nouvelle-Zélande. On assure
que certaines espèces du genre des boleophtaleon mon-
tent sur les arbres pour poursuivre leur proie, à peu
près comme le font les petits lézards. Quant aux flec-
tognathes de la même contrée, leurs espèces sont orga-
nisées pour vivre au milieu des rocailles de la mer.
Ces poissons nagent diflicilement à raison des piquants
durs, aigus, qui couvrent leur corps, et qui sont ana-
logues à ceux du hérisson. Ils peuvent les allonger et
les redresser dans l'air ou dans l’eau, selon ce qui
peut leur être nécessaire.
On sait que les marsupiaux, particulièrement les
— A09 —
kanguroos, caractérisent les mammifères de la Nou-
velle-Hollande, et qu'avec eux vivent un grand nom-
bre d'espèces des terres sèches et découvertes. Leur
organisation annonce que l'on doit rencontrer peu
d’eau dans le pays qu’ils habitent: Une influence con-
traire semble s'être exercée sur les espèces de la Nou-
velle-Zélande, qui sont pour la plupart aquatiques.
Elles ont même l'instinct de s’enfoncer dans la vase
à l’époque des chaleurs, ou lorsque les rivières se
dessèchent, et d’y rester engourdies jusqu’à la saison
des pluies. Mais, dés qu’elles arrivent, une multitude
de batraciens font entendre leurs voix glapissantes,
et un grand nombre d'espèces de gabioïdes, de cyprins
et d'apodes, rendus à la vie et au mouvement, ani-
ment et remplissent les eaux disséminées sur le sol
de la Nouvelle-Zélande.
S’il est des poissons qui se livrent d’une maniére
constante à des migrations ou à des voyages plus ou
moins étendus, d’autres au contraire semblent tout
à fait sédentaires et fixes dans les lieux qui les ont vus
naître. Dans les tableaux joints à ce travail nous avons
porté l'attention sur les espèces qui ne participent
point à l'humeur voyageuse des premières. Cette fixité
annonce que celles-ci déposent leur frai dans les
lieux de leur naissance parce qu’elles y trouvent les
conditions nécessaires à leur existence.
Parmi les espèces sédentaires, on découvre aussi
— 10 —
bien des poissons de mer que des eaux douces; leur
genre de station est donc tout à fait indifférent sur
leurs habitudes. Il est cependant digne de remarque
que les poissons les plus généralement répandus vi-
vent tour à tour dans le bassin des mers, ainsi que dans
le sein des fleuves, des rivières et des torrents. Tels
sont les anguilles et les saumons, que l’on rencontre
dans les contrées les plus diverses et les plus oppo-
sées en température.
Parmi les espèces marines sédentaires, nous cite-
rons le merlan, le muge, le loup, le rouget, la sole
et même le turbot. Ces poissons et une foule d’autres
n’abandonnent presque jamais les côtes du midi de la
France, à l'exception de l'hiver, où ils s’enfoncent
dans la profondeur de la mer. Quoiqu'’ils vivent cons-
tamment dans les mêmes parages, ils ne se rencon-
trent pas toujours à portée des côtes. Ces poissons s’en
éloignent plus ou moins, d’après la qualité des eaux, la
marche de la température et les variations des saisons.
Enfin parmi les espèces des eaux douces, que l’on
pêche à peu prés constamment dans les mêmes eaux,
on peut citer principalement la carpe, la tanche, le
brochet, le barbeau et la perche. Il n’est pas cepen-
dant toujours possible de saisir ces divers poissons
pendant toutes les saisons, puisque, lorsque la tem-
pérature s’abaisse à un certain terme, plusieurs s’en-
foncent dans le sable ou dans la vase. Ces animaux,
— A1 —
à peu près engourdis comme les espèces hivernantes,
y passent des temps plus ou moins longs sans prendre
la moindre nourriture. [ls sont dans un état particulier
de torpeur qui mériterait d'attirer l'attention des phy-
siologistes. Cette sorte d’engourdissement périodique
est fréquente chez la carpe, poisson devenu fameux par
sa longévité.On en connait qui paraissent avoir vécuau
delà de cent cinquante ans ; du moins Buffon assure en
avoir vu de cet âge dans les fossés de Pontchartrain.
De pareilles habitudes semblent communes à la mo-
rue, à ce poisson des mers du Nord dont la fécondité
inépuisable occupe tant de bras, ainsi que des milliers
de vaisseaux. Cette espèce se retire pendant l’hiver dans
la profondeur des eaux. Seulement pendant la belle
saison, le besoin de déposer leur frai et de pourvoir à
leur subsistance attire les morues auprès des côtes et
des bas-fonds, où elles espérent trouver les capelans,
dont elles font leur pâture habituelle.
Là de nouveaux dangers les attendent; elles y
succombent d'autant plus facilement que leur vora-
cité est extréme. En effet les morues se jettent avec
avidité sur les lignes. Elles n'attendent même pas
qu’elles soient amorcées (1). Aussi un pêcheur un
(1) On amorce les lignes destinées à prendrela morueaveclecapelan, le ma-
quereau, le hareng et le calmar. On coupe ces poissons et ces mollusques par
morceaux,eton leur donne la forme d’un pelit poisson pour charger lehameçon,
— 112 —
peu habile en prend souvent jusqu’à quatre cents par
jour. Ces poissons voyagent peu; ils sont presque
fixes et sédentaires, soit sur les côtes de l'Islande,
soit sur le fameux banc de Terre-Neuve, où leur
nombre est réellement prodigieux.
Ces faits et ceux que nous allons rapporter prou-
vent que les voyages auxquels se livrent certains pois-
sons n'est pas un phénomène simple, puisqu'il est
sous l'influence de plusieurs causes. Parmi ces causes
on peut signaler la température des eaux, dépendant
plus ou moins de celle de l'atmosphère, le besoin
d'une nourriture plus appropriée à leurs nouveaux
appétits, enfin cet instinct qui pousse certaines es-
pèces à aller déposer leur frai ailleurs que dans les
lieux où elles ont pris naissance.
Telles paraissent être du moins les circonstances
physiques les plus influentes sur des voyages qui ne
sont pas moins remarquables par leur étendue que
par leur constance et leur périodicité. Ces longues
migrations paraissent avoir seulement lieu chez les
animaux qui habitent les éléments les plus mobiles,
les oiseaux et les poissons, les êtres les mieux organi-
sés pour la facilité et la rapidité des mouvements.
Cette circonstance n’a donc pas été sans influence sur
les voyages des habitants des airs et des eaux.
On peut d’autant plus le supposer que de pareilles
excursions n’ont pas lieu chez les mammiféres, et en-
— 113 —
core moins chez les reptiles, les plus mal organisés
des vertébrés sous Le rapport des appareils du mou-
vement. Une circonstance importante vient prêter son
appui à cette supposition, c'est celle que présentent
les insectes parmi les invertébrés. Ces animaux ont
été admirablement bien organisés sous le rapport
de leurs appareils locomoteurs. Ils sont à peu près
les seuls des invertébrés qui se livrent à de grands
voyages. Toute la différence que leurs excursions
présentent avec celles des oiseaux et des poissons;
c'est qu'elles n'offrent jamais chez les insectes ni la
périodicité ni la constance qui caractérisent les migra-
tions des premiers. On ne connaît guère chez les in-
sectes comme chez les oiseaux et les poissons, d'espèces
réellement émigrantes, c’est-à-dire exécutant des
voyages à des époques fixes et déterminées. Celles
qui s’y livrent le font accidentellement, et sont par
cela même des espèces erratiques. On ne voit pas non
plus chez ces invertébrés des races cosmopolites.
Celles au contraire qui ne quittent jamais les lieux
qui les ont vues naïître, et qui sont sédentaires, y sont
des plus nombreuses.
Quelques circonstances, dépendant de la tempéra-
ture et de la pression des eaux des mers sur les pois-
sons et les autres animaux marins qui y vivent à
des profondeurs inésales, sembleraient devoir mettre
obstacle aux migrations de ces animaux.
— AA —
Sans doute la température des mers n’est point
exposée à des changements aussi brusques que celle
de l’atmosphère ; mais les variations des climats, sui-
vant les saisons, n’y sont pas moins sensibles ; seu-
lement elles y sont moins considérables. C’est un fait
dont on peut facilement s'assurer, en comparant les
tables des températures de la mer sur une côte quel-
conque avec les températures de l’air dans les mêmes
localités. Les animaux marins ne sont donc pas expo-
sés comme les animaux qui respirent l’air en nature,
à la nécessité d’un changement d'habitation , d’après
les seuls effets des changements dans la chaleur.
Cependant la température de la mer est nécessaire-
ment sujette à de plus grandes variations dans les
eaux peu profondes que dans les hautes mers. Il doit
s’ensuivre que les poissons et les autres animaux
marins qui vivent de préférence sur les bas-fonds
changent plus souvent de demeure que ceux qui vi-
vent dans la haute mer, ou du moins dans les plus
grandes profondeurs habitées. Il en est cependant
tout le contraire; en effet, les races pélagiennes
voyagent presque constamment et se livrent à de
grandes migrations, dont l’étendue et la constance
ont quelque chose de merveilleux.
Les espèces littorales se déplacent aussi comme les
pélagiennes ; mais leurs excursions peu considérables
paraissent tenir ou à ce qu’elles ne sont pas organi-
— A15 —
sées de manière à supporter tous les changements de
température, ou à ce qu'elles sont chassées de
leurs demeures par l'agitation et le roulis des va-
gues. Aussi les voit-on se réfugier dans des mers
plus profondes, ou se retirer dans des baies ou des
criques tranquilles pendant les ouragans. Quel-
quefois elles se rendent, après de grandes tempêtes
d’une longue durée, dans les embouchures des ri-
viéres, où elles ne pénètrent jamais dans les temps
de calme.
Les animaux marins qui habitent les bas-fonds près
des côtes, quoïque expcsés aux changements dont
nous venons d'apprécier les causes, vivent cependant
à des profondeurs d’eau plus constantes que les es-
pèces pélagiennes. Celles-ci, dans leurs longues tra-
versées, parcourent néanmoins des zones d’eau de
profondeurs très-inégales et bien différentes de celle
où elles sont plongées pendant les moments où elles
sont stationnaires.
Ce fait est d'autant plus extraordinaire que, d’a-
près les observations curieuses de M. Biot sur les gaz
contenus dans la vessie nafatoire des poissons, ces
gaz varient suivant les profondeurs auxquelles ces
animaux vivent habituellement. En effet, ces vessies
ne sont point remplies d'air atmosphérique, mais
d'azote presque pur chez les espèces qui stationnent
près de la surface. Celles des individus qui se tien-
— 116 —
nent dans des profondeurs de cinq cents à six cents
brasses sont remplies d’un mélange de près de neuf
parties d'oxygène sur une d'azote.
D'aprés ces faits, ces derniers, qui ne peuvent se
procurer de l'azote dans les grandes profondeurs,
tandis qu’il abonde près de la surface, à raison de ce
que l'air atmosphérique y est plus abondamment dis-
séminé que vers le fond de la mer, ne devraient pas
pouvoir l'abandonner sans danger. Il est possible
pourtant que, si les poissons des grandes profondeurs
consomment une petite portion de l'oxygène faisant
partie de l’air atmosphérique, les intervalles entre les
absorptions soient si grands pour ces animaux, et la
quantité d'oxygène qui leur est nécessaire si petite,
qu’un petit volume d'air puisse leur suffire pour des
temps considérables. S'il en était ainsi, on aurait une
preuve de l'appropriation des organes des animaux
aux conditions dans lesquelles ils se trouvent placés.
Cette supposition n’est pourtant guère admissible
relativement aux espèces pélagiennes qui se livrent à
de grandes et de longues migrations. Tout au plus
peut-on supposer qu'elles sont organisées de ma-
nière à supporter de pareils changements dans la
quantité d’air soumis à leur respiration. La diversité
des gaz contenus dans les vessies natatoires des pois-
sons indique qu’il existe une grande différence entre
les matières gazeuses disséminées dans l’eau de la
— À17 —
mer à diverses profondeurs, du moins en ce qui re-
garde les quantités relatives d'oxygène et d’azote.
Il ne faut pas croire que les poissons pourvus de
vessies natatoires soient susceptibles de s'élever dans
l’eau à la hauteur qui pourrait leur plaire, et qu’ils
puissent en conséquence se procurer toute la quan-
tité d’air disséminé dans ce liquide qui leur est né-
cessaire. En effet, quoique les poissons puissent mon-
ter et descendre à volonté entre certaines hauteurs,
leurs habitations sont limitées, suivant les espèces, à
des zones d’eau d’une certaine épaisseur.
Ces animaux, ou du moins le plus grand nombre
d’entre eux, montent et descendent dans l’eau en di-
latant ou comprimant les gaz contenus dans leur ves-
sie natatoire ; lorsque ces gaz ont acquis par la pres-
sion une densité égale à celle de l’eau ambiante, ils
ne peuvent pas descendre plus bas. Les poissons ne
le pourraient qu’en faisant de grands efforts muscu -
laires. Il leur serait éscalement difficile de s’élever au
delà d’une certaine hauteur. Aussi M. Pouillet pré-
tend que le gaz contenu dans les vessies nata-
toires des poissons pêchés à la profondeur de mille
mètres, c'est-à-dire, sous une pression égale à peu prés
à cent atmosphères, augmente tellement de volume
en arrivant à la surface, que tout effort musculaire
ne pouvant le contenir, il s’échappe en refoulant la
vessie, l'estomac et les organes voisins, qui sortent
27
— 118 —
par la gueule, en formant un ballon fort singulier.
Les diverses espèces de poissons ne sont probable-
ment pas les seuls êtres marins dont l'habitation soit
limitée à de certaines hauteurs d’eau déterminées. Il
en est peut-être ainsi de tous les animaux qui vivent
dans l'Océan. La pression et la température chan-
geant avec la profondeur, il n’est pas plus facile à un
animal, quel qu'il soit, de vivre tout aussi bien près de
la surface de la mer qu’à mille brasses de profondeur,
qu'il ne le serait à un homme de respirer aussi aisé-
sent à mille mètres d’élévation que dans les plaines.
Lorsqu'on étudie l’ensemble de l’organisation ani-
male, on voit que les espèces paraissent formées pour
supporter une pression particulière soit d’air, soit
d’eau. Cette pression est celle qui se rencontre dans
l'habitation propre à chacune d'elles. Les animaux
qui vivent dans l'atmosphère paraissent, toutes choses
égales d’ailleurs, moins souffrir d’un changement ver-
tical d’une hauteur déterminée que ne le feraient des
êtres vivant dans l’eau. Ainsi les aigles et les vautours,
habitués à planer à degrandes élévations, peuyent vivre
au nivéau de la mer, tandis qu'ilest très-douteux qu’un
requin pûtse maintenir longtemps à degrandes profon-
deurs. Il se pourrait pourtant que les poissons carnas-
siers fussentorganisés de manière à supporter plus faci-
lement de tels changements, par la nécessité où ils sont
de rechercher leur proie à différentes hauteurs d’eau.
— A19 —
Les poissons ne peuvent donc pas se tenir sans ef-
fort à quelque élévation d’eau que ce soit, si leur pe-
santeur spécifique du moment n'est pas exactement
celle du milieu dans lequel ils se trouvent. Dés lors
il est assez diflicile de comprendre comment les espè-
ces éminemment voyageuses sont cependant celles qui
vivent habituellement dans les plus grandes profon-
deurs. Il faut donc, et l’on peut dire même, il est
nécessaire, que leur organisation soit susceptible
de se plier aux conditions diverses qu’entraine la
diversité de leurs habitations aux différentes épo-
ques de leur vie.
Il doit d’autant plus en être ainsi, qu'outre les
changements que les poissons et les autres animaux
marins éprouvent par l'effet de leurs migrations,
soit dans la température, soit dans la pression, ils
en ressentent de non moins sensibles dans l’inten-
sité ou la diminution de la lumière. A la vérité, la
lumière parait moins nécessaire aux êtres qui vivent
dans le sein des mers qu'à ceux des terres élevées
au-dessus des eaux ; mais elle ne peut pas être inutile
aux espèces qui ont des yeux. Tout au plus est-elle
superflue aux poissons, aux mollusques et aux z00-
phytes, qui vivent habituellement dans la vase et les
baucs de sable, et, qui de leur propre choix, s’en
passent pendant des temps plus ou moins longs.
À part ces exceptions peu nombreuses, les animaux
— À920 —
des mers doivent rechercher les hauteurs d’eau, aux-
quelles ils trouvent non-seulement la température et
la pression qui leur convient, mais encore le degré
de lumière qui leur est nécessaire. On pourrait croire
d’après ces faits que les eaux relativement peu pro-
fondes doivent être celles où vivent la plupart des
poissons , des crustacés, des zoophytes et des mol-
Insques qui ont des yeux. Il existe cependant de
nombreuses exceptions à cette supposition, que
l'on serait tenté d'admettre à priori; peut-être sont-
elles encore beaucoup plus considérables que nous
ne le présumons , les plus grandes profondeurs aux-
quelles parviennent les êtres vivants nous étant à
peu près inconnues.
On peut toutefois supposer que les espèces qui,
par suite de la profondeur où elles se tiennent ordi-
nairement, sont à peu près privées de lumière, pré-
sentent dans leurs organes de vision des modifica-
tons telles, qu’elles sont préservées de l'inconvénient
de vivre dans une obscurité relative, qui pour nous
nous paraitrait probablement complète.
Les yeux, remarquables par leur grandeur, du
pomaiomus telescopium, qui se tient à des profon-
deurs considérables sur les côtes de Nice, amènent
à:cette conséquence. Ces yeux sont construits de ma-
niére à tirer parti des moindres rayons de lumiére
qui peuvent pénétrer jusqu'aux lieux qu'habite cette
— 1921 —
espèce. Ils rappellent en quelque sorte sous ce rap-
port les organes de vision particuliers aux oiseaux
nocturnes, qui sont également impressionnés par la
plus petite quantité de lumière.
Mais ce qui n’est pas moins remarquable, les pois-
sons des profondeurs ténébreuses de la haute mer
voyagent et font des excursions tout aussi longues
que les oiseaux nocturnes. Ce qui est non moins sin-
gulier, les uns et les autres voyagent de jour et dans
le moment où le soleil répand ses plus vives clartés.
Cette circonstance prouve que leurs yeux sont orga-
nisés de manière à supporter des impressions de lu-
mière extrèmement différentes sans en éprouver au-
cun facheux effet.
Les poissons des bas-fonds ont donc bien des
obstacles à surmonter, lorsque leur instinct les porte
à se livrer à de longs et de périlleux voyages. Il
faut, puisqu'ils en triomphent, que leur instinct
soit puissant et leur organisation assez flexible, pour
se plier aux effets d’influences aussi diverses que
celles dont ces animaux éprouvent ordinairement
l'impression.
Il en est probablement de même des autres ani-
maux marins, particulièrement des mollusques, qui
se tiennent de préférence à des profondeurs en dehors
de l’action des vagues. Ces profondeurs ne sont peut-
être pas très-considérables, car la pression et les
— 4922 —
autres circonstances que nous avons énumérées plus
baut peuvent empêcher ces animaux de descendre
très-bas dans le sein des mers.
Des faits assez nombreux s'opposent pourtant à
l'admission de cette hypothèse. Les espèces que les
sondes jetées dans la haute mer ramënent du fond,
et celles qui y naviguent sans cesse, semblent prouver
qu'elle est peu fondée. Il fant bien que ces animaux
puissent se reposer et descendre dans les eaux les
plus basses. Aussi n’est-il pas impossible que la pro-
fondeur des mers soit habitée par des espèces nom-
breuses, des genres entiers peut-être, que nous ne
parviendrons jamais à connaître; c’est aussi ce qui
retarde le progrès de nos connaissances sur les ha-
bitudes des êtres des fonds les plus bas. Enfin,
puisque la pression, la température, la lumière, la
profondeur de l’eau et la quantité d'air disséminé
ont une si grande influence sur l'existence des ani-
maux marins, On pourrait présumer que, toutes choses
égales d’ailleurs, les mêmes espèces doivent se trouver
à des hauteurs déterminées, et sous des latitudes
semblables. Ce n'est point là cependant ce qui se
passe dans la nature, où nous découvrons, à quelques
exceptions près, des espèces trés-différentes dans des
conditions qui paraissent identiques. D'un autre côté,
par suite de leurs migrations, les animaux des mers
traversent des zones d’eau extrêmement diverses sous
— A95 —
le rapport de leur température et des autres circons-
tances mentionnées plus haut, dont l'impression a
cependant de si grands effets sur leur bien-être et
même sur leur vie.
Le besoin de voyager est si impérieux, non-seule-
ment pour les poissons, mais pour la plupart des
animaux , ainsi que nous l'avons déjà fait pressentir,
que, lorsque le moment est venu, rien ne les arrête
et ne peut mettre obstacle à l'exécution de projets
déterminés chez eux par le besoin instinctif le plus
impérieux. Les circonstances physiques, pas plus que
les dangers qui environnent leurs migrations loin-
taines, ne peuvent retarder ni même déranger leur
départ, lorsque le signal en est donné. Tous partent
pour lors à l’envi, et semblent dominés par un ins-
tinct supérieur, qui dirige les uns à travers l'im-
mensité des mers, comme les autres à travers les vastes
plaines de Vair. Get échange continuel des espèces
d’une contrée dans une autre donne au tableau de la
vie unemobilité et une variété, qui impriment à la créa-
tion actuelle une beauté particulière et un charme
infini, par suite de la diversité des êtres qu’elle offre
à nos regards. ;
Telles sont les vues d'ensemble qui peuvent éclai-
rer le phénomène des migrations des poissons. Ges
vues! sont principalement fondées sur les observations
de détails que nous avons consignées dans les tableaux
— 124 —
relatifs à l’époque de leurs passages. C’est là que l’on
trouvera exposées toutes les circonstances qui les dé-
terminent et les régularisent. Il nous a paru qu’elles
seraient mieux comprises, étant distribuées de cette
manière, la forme en tableau permettant de saisir en
un clin d’œil ce qui concerne les mœurs et les habi-
tudes d’une espèce quelconque.
La plus grande partie des faits consignés dans ces
tableaux nous appartiennent en propre; ils sont le
fruit de l'observation de plus de vingt années. Nous
devons dire cependant que plusieurs remarques inté-
ressantes sur les poissons de la Méditerranée nous
ont été communiquées par quelques pêcheurs de nos
côtes, distingués par leur esprit d'observation. Nous
ne les avons admises cependant qu'après les avoir
soumises à un contrôle rigoureux, et qu'après nous
êtreassuré de leur exactitude.
Nous avons puisé également des documents pré-
cieux dans les ouvrages récents de Jurine (1), de Cu-
vier, de Valenciennes (2) et de Vallot (3), ainsi que
dans les ouvrages des anciens naturalistes, sans les
(1) Histoire générale des poissons du lac Léman, — Mémoires de la So-
ciélé académique de Genève, \om. in, pag. 155.
(2) Histoire générale des poissons, par Cuvier et M. Valenciennes.
(3) Histoire naturelle des poissons d'eau douce de la France. Dijon,
1358.
4
— 25 —
adopter aveuglément. Nous ne leur avons même ac-
cordé toute confiance que lorsque leurs observations
nousont paru confirmées par les faits d'ensemble et les
faits de détail que nous avons eu l’occasion de ras-
sembler. Malgré le soin que nous avons mis à éviter
toutes les causes d’erreur, nous sommes loin de pré-
sumer y avoir complétement réussi. On sent combien
il fautapporter de soins pour s’en préserver, lorsqu'on
porte son attention sur des animaux d’une observa-
tion aussi difficile que le sont les poissons. Cette
difficulté nous servira probablement d’excuse, si,
malgré tous nos efforts, nous avons commis quelques
inexactitudes.
I. Tableau de l'époque des passages des poissons.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES,
L'époque des passages des poissons indiquée sur
nos tableaux résulte de nos observations et de celles
qui nous ont été communiquées par des naturalistes
instruits et des pêcheurs distingués par leur longue
expérience. Elles se rapportent principalement aux
espèces de la Méditerranée.
Un fait généralement admis par les pêcheurs an-
nonce que les époques des migrations des poissons de
— 1926 —
mer doivent être bien fixes, puisque tous s’accordent
sur le moment de la pêche. Si elles n’avaient rien de
périodique, on ne pourrait pas savoir d'avance l’ins-
tant favorable à la dresse des filets pour prendre telle
espèce de poisson. Elles sont si fixes et si constantes,
que l’on ne se trompe pas sur le moment convenable
pour dresser des piéges de tel ou de tel genre. Les
pécheurs comptent sur ces passages comme sur le re-
venu d’une rente assurée.
La constance et la régularité avec lesquelles les
espèces marines se dirigent dans le même sens, et
suivent toutes une direction uniforme, ne sont pas
moins remarquables. En effet on voit arriver cer-
tains poissons dans la Méditerranée par le détroit de
Gibraltar et aller en Italie, tandis que d’autres, tels
que les anchois, les sardines et les maquereaux, ap-
paraissent en premier lieu sur les côtes d’Espagne.
Il n’est que trop connu des pêcheurs du midi de la
France que dans les environs de Barcelone l'on pé-
che les premières et les plus belles sardines comme
aussi les meilleurs anchois. Les mêmes poissons arri-
vent plus tard sur les côtes du Roussillon, puis sur
celles du Languedoc, et enfin sur celles de la Pro-
vence ; ils y sont suivis par les thons et par les squales,
qui constamment viennent les derniers.
La constance de ces passages est trop frappante
pour ne pas tenir à une cause dont l'influence doit se
— A97 —
renouveler d’une manière nécessaire, comme les effets
qu’elle produit ; nous avons dû chercher à nous en
rendre compte. Il nous a paru qu'ici elle dépendait
en partie de ce que les poissons les plus gros étaient
attirés par les plus petits qui leur servent de pâture.
Cette circonstance paraît d'autant plus réelle que les
poissons sont à peu prés tous carnassiers, et que,
d’après de pareilles habitudes, on peut présumer
que l'espèce qui succède ou qui se met à la suite
d’une autre ne le fait que pour s’en nourrir. Aussi
voyons-nous les maquereaux manger les sardines,
comme les thons les maquereaux; les thons eux-
mêmes sont dévorés à leur tour par les squales,
qui les poursuivent avec tant d’acharnement, qu’ils se
laissent échouer sur les côtes plutôt que de tomber
sous les dents cruelles de leurs ennemis.
Si cette observation venait à se généraliser, on
pourrait admettre que le besoin d'une nourriture
convenable entre pour beaucoup dans les migrations
des poissons, et déterminerait jusqu’à un certain point
celles d’un grand nombre d'espèces. En général les
animaux cherchent les contrées où ils peuvent se pro-
curer une nourriture convenable ét abondante ; aussi
ils les quittent dés qu'ils n’y trouvent plus de quoi
satisfaire leurs appétits. Ce besoin de se transporter
ailleurs est surtout pressant pour les poissons qui ne
vivent qu’aux dépens d’une espèce déterminée; ceux-
— 1928 —
ci sont forcés de suivre leur proie dans ses migra-
tions, afin de la dévorer et de s’en repaitre à leur aise.
S1 les espèces sédentaires ne voyagent point, c’est
peut-être parce qu'elles trouvent constamment la
nourriture dont elles ont besoin dans les lieux qu’elles
habitent. Aucun motif, pas plus que leur instinct, ne
les porte à se déplacer, à moins que la température
ne leur en fasse un besoin. Ces poissons sédentaires
ne dévorent jamais les espèces de passage ou celles
qui se livrent à des migrations constantes et pério-
diques.
Il en est donc des poissons comme des oiseaux. On
peut distinguer leurs espèces en émigrantes, errati-
ques, cosmopolites et sédentaires. En effet, un assez
grand nombre de poissons exécutent des migrations
périodiques dont la constance est aussi réglée que
l’époque à laquelle elles ont lieu. Parmi ceux-ci on
doit distinguer ceux qui, comme le thon (scomber
thymnus), vivent constamment dans la Méditerranée,
quoiqu’ils y fassent deux passages aussi réguliers
que les maquereaux, qui arrivent de l'Océan dans le
sein de cette mer intérieure. D’après la périodicité de
leurs migrations périodiques, les uns et les autres
sont de véritables espèces émigrantes; tandis que si
on les envisage sous le rapport de la fixité de leurs
habitations, on doit les ranger parmi les races séden-
taires.
— À29 —
Pour caractériser d’un seul mot ce que ces habitu-
des, toutes particulières aux poissons, ont de distinc-
tif, on pourrait nommer les espèces qui en présen-
tent de pareilles, sédento-émigrantes. Le nombre des
habitants des eaux qui ont de pareilles habitudes pa-
rait borné à ceux qui vivent dans le sein des mers. Les
poissons entrainés par leurs voyages périodiques dans
les eaux douces ne peuvent pas être confondus, sous
le rapport de leur genre de vie, avec les races sé-
dento-émigrantes. En se transportant ainsi des mers
dans les fleuves, ils changent évidemment d’habita-
tions , et ne peuvent dés lors être considérés comme
stationnaires. Il en est de même de toutes les espèces
qui, par suite de leurs passages, se rendent de l'Océan
dans la Méditerranée et changent par cela même
de demeure. Il en est également de celles qui, dans
leurs longues traversées, parcourent les diverses par-
ties de l'Océan; ces espèces éprouvent nécessaire-
ment les effets de la diversité du milieu dans lequel
elles sont tour à tour plongées.
La plupart des poissons sédentaires de la Médi-
terranée ont des habitudes analogues à celles du
thon ; les uns et les autres se retirent dans les pro-
fondeurs de la haute mer à de certaines époques de
l’année : elles semblent disparaitre ainsi de la scène
animée. Ces espèces ne différent entre elles que sous
le rapport de l’époque à laquelle leur disparition a
— AÀ350 —
lieu : les soles et les limandes, essentiellement séden-
taires, quittent les côtes de la Méditerranée pendant
les mois de juillet et d’août pour se retirer vers la
haute mer, où elles s’enfoncent, ainsi que le thon,
vers le commencement de l’automne. Le turbot (rom
bus vulgaris) et le merlan (gadus merlangus), dont
les habitudes sont à peu près les mêmes, offrent ce-
pendant cette différence avec les autres espèces que
nous venons de signaler : elles n’habitent les grandes
profondeurs que pendant les grands froids de l'hiver.
Le poisson de Saint-Pierre (zeus faber Linn.), l’es-
padon, le pagel et la baudroie, et une foule d’autres
sont dans le même cas.
Certains poissons des eaux douces imitent à cet
égard les espèces marines ; on les voit s’enfoncer au-
dessous des rochers, dans la vase ou dans les fonds
sableux, lorsque le froid fait sentir ses rigueurs. De
pareilles mœurs sont communes aux espèces qui ha-
bitent les eaux courantes et à celles qui fréquentent
les lacs ou les étangs salés. Les poissons qui se trou-
vent le plus ordinairement dans les fleuves les quit-
tent peu d’une manière constante à l’approche de
l'hiver. Ils se rendent rarement dans l'Océan, pour
l’abandonner au printemps ou à l’époque du frai.
Enfin existe-t-il des poissons erratiques comme il
y a tant d'oiseaux ? Leurs passages sont-ils acciden-
tels et déterminés par l’abaissement ou l’élévation de
la température ou le manque de nourriture ? On peut
répondre à cet égard que sans doute la plupart des
voyages qu'exécutent les poissons sont en général pé-
riodiques et fixes ; mais que, chez certains autres, ils
ont lieu d’une manière tout à fait irrégulière. Ces es-
pèces sont en moindre nombre lors de leurs excursions
que les races émigrantes, par suite des inégalités de l’ac-
tion des causes qui les portent à se déplacer. Parmi ces
causes on peut comprendre la température, le besoin
de nourriture, ou celui de se reproduire et de perpé-
tuer leur race, dont les effets ne peuvent pas être
sensibles chez un grand nombre d'individus d’une
manière simultanée.
Il en est tout différemment des migrations qui sont
déterminées par un instinct propre à chaque espèce.
Aussi les voyages qui en sont la suite ont lieu à des
époques si bien réglées, qu’on peut en prévoir le re-
tour d'une manière toute aussi certaine qu’on peut le
faire à l’égard des saisons.
Quelques conditions particulières semblent déter-
miner les migrations des poissons. Du moins tous
ceux qui enopèrent de considérables sont uniquement
des espèces carnassiéres, peut-être parce que celles-ci
peuvent trouver partout le genre de nourriture qui
leur convient. Cette circonstance ne peut pas pour-
tant exercer une grande influence sur les habitudes
instinctives de ces animaux ni déterminer leurs
— A52 —
migrations. Il en est également de la chaleur, d’au-
tant que les couches d’eau s’échauffent beaucoup
moins que les terres sèches. Leurs masses restent par
cela même dans une température d’autant plus uni-
forme, que l’air est continuellement échauffé par le
rayonnement du sol. Dés lors un changement d’habi-
tation dans des zones de chaleur différente est moins
nécessaire chez les poissons qu’il peut l’être chez les
espèces terrestres.
Cette plus grande uniformité dans la température
de l'Océan est entretenue d’ailleurs par sa mobilité
et son agitation continuelles. Cette agitation mêle
sans cesse les eaux d’une région avec celles des autres
zones. Elle contribue ainsi à maintenir les poissons
dans les lieux où ils ont été primitivement placés.
Du moins le besoin d’aller trouver ailleurs une tem-
pérature différente ne les presse pas comme les oi-
seaux, soumis à des influences plus diverses et plus
variées. Aussi les effets de cette cause sont moins
sensibles chez les poissons qu'ils ne le sont chez
les oiseaux, qui franchissent toutes les distances et
parcourent tous les climats.
On est cependant étonné que des animaux dont l’a-
gilité est extrême soient assez fixes dans les zones
où la nature les a placés, lorsqu'on voit certains
d’entre eux voguer au milieu des ondes liquides,
au gré des vents, sans but comme sans projets. Ainsi
1590 —
les orbes, lorsqu'ils sont gonflés, nagent le ventre en
dessus et le dos en dessous. Ils ne peuvent donc pas
se diriger ni suivre une route déterminée; cepen-
dant ils quittent peu les mers des pays chauds. S'ils
restent constamment dans les mèmes parages, ils
changent néanmoins de position, lorsque la tempé-
rature des eaux où ils voguent, comme des ballons
remplis d'air, a changé d’une manière notable.
Si l’on compare les inégalités de température
que peuvent supporter les poissons avec celles qu’é-
prouvent les oiseaux, non pas d’une maniére gra-
duée, mais instantanée, on est frappé de l'extrême
différence qui existe sous ce rapport entre les deux
classes. Elle est si grande, qu’elle nous fait conce-
voir pourquoi il est tant de poissons tout à fait sé-
dentaires, et si peu d'oiseaux qui aient de pareilles
habitudes.
Citons quelques exemples afin de faire concevoir
combien les impressions auxquelles sont soumis ces
deux ordres de vertébrés sont diverses. Le condor
(wultur grypus) parvient dans la chaine des Andes
à l'élévation de 7,112 mètres, et peut-être dans des
régions encore plus élevées, où le baromètre se sou-
tient à peine à 0,"325. Cet oiseau vole, en tournant
pendant des heures entières dans les hautes régions
où l'air est extrêmement raréfié; il s’abat ensuite
tout d’un coup jusqu’au bord de la mer, et parcourt
28
— 434 —
ainsi en peu d'instants tous les climats. À de pa-
reilles élévations , l'homme se trouve en général
dans un état de malaise ou de faiblesse extrêmement
pénible. L'acte de la respiration parait au contraire
avoir lieu chez le condor sans aucune espèce de gêne,
dans des milieux où la pression diffère de plus du dou-
ble, c’est-à-dire de 0,"325 à0,"756 (de 12 à 28 pouces).
De tous les êtres vivants, cet oiseau est celui qui
peut, à son gré, s'éloigner le plus de la surface de la
terre. Nous disons à son gré, parce que de petits in-
sectes sont emportés encore plus haut par la vio-
lence des courants ascendants. Si les oiseaux de proie
des contrées tempérées ne parviennent pas à d'aussi
grandes hauteurs que le condor, ils s'élèvent cepen-
dant parfois jusqu’à près de 3,000 à 4,000 mètres.
De cette élévation ils s’abattent comme un trait sur
la victime qu'ils ont apercue du haut des airs, par-
courant ainsi dans quelques instants une. échelle
thermométrique extrêmement étendue , en même
temps que les pressions les plus. diverses.
L’affaiblissement de la lumière dans les. couches
d'eau profondes ne permet pas aux poissons. d’aper-
cevoir leur proie à une certaine épaisseur de couches
liquides ; aussi ne franchissent-ils pas de haut en
bas des distances aussi considérables que les! oi-
seaux. Le feraient-ils, ils ne traverseraient pas des
couches. d’eau d’une température aussi inégale que
— À35 —
les couches d’air que parcourent dans quelques ins-
tants les oiseaux de haut vol. En effet, du haut des
régions supérieures de l’atmosphère ils se précipi-
tent comme l'éclair sur leur proie, qui se trouve par-
fois aux bords de la mer.
Outre que les couches liquides s’échauffent moins
que les couches d’air qui reposent sur les terres sé-
ches , le rapport qui existe entre leur densité et leur
température les rend beaucoup plus uniformes sous
le dernier rapport. Ainsi, par suite de ces lois parti-
culières à l’eau , ce liquide diffère peu, dans sa pro-
fondeur , de la chaleur que sa surface acquiert par
l'effet des rayons solaires.
Peut-être toutes ces causes portent un grand nom-
bre de poissons à ne pas trop s’écarter des contrées
qui les ont vus naitre. Les espèces littorales, ou celles
qui vivent dans le sein des lacs ou dans les eaux
courantes, s’en éloignent le moins. Leur organisa-
tion ne leur permet pas de supporter d'aussi gran-
des différences de température, ni des pressions aussi
diverses que celles qu'éprouvent, sans en paraitre af-
fectés, les poissons de la haute mer.
Les conditions de température et de pression que
supportent les poissons sont toutes différentes et tout
autrement réglées .que celles auxquelles sont sou-
mis. les oiseaux. Il y a peut-être entre les unes et
les autres une aussi grande diversité qu’il en existe
entre l’organisation de ces deux classes, dont l’une
se fait remarquer par sa chaleur propre, l’activité de
ses passions et de sa force motrice, et l’autre par sa
basse température , et le peu d’énergie de ses fibres
musculaires.
Les poissons, plus à l’abri des influences atmosphé-
riques que les oiseaux , sont beaucoup moins sensi-
bles à leur variation. Cependant les navigateurs rap-
portent qu'à l'approche des tempêtes, ces animaux
se rassemblent souvent auprés des vaisseaux, en
troupes plus ou moins considérables, ce qui semble-
rail annoncer une sorte de prévoyance, ou une con-
naissance du temps qui va survenir. Les tanches
(cyprinus tinca Linn.) paraissent mème se tenir cons-
tamment à la surface des eaux, lorsqu'il y a menace
d'orage; elles font au contraire des sauts nombreux
et prolongés , lorsqu'elles présagent le retour du
beau temps.
Quoique ces habitudes paraissent communes à un
grand nombre de poissons des eaux douces , il en
est cependant plusieurs qui ont des mœurs tout à
fait opposées. Ceux : ci jouent à la surface des eaux
au milieu des plus fortes tempêtes, et sans que le
roulis des vagues paraisse produire sur eux le moin-
dre effet. s
Le nombre des poissons sédentaires est done plus
considérable que celui des oiseaux. Ainsi non-seule-
— À37 —
ment les espèces de l'Océan ne vivent pas toujours
dans les mers intérieures, mais certaines espèces des
méditerranées ne se montrent pas dans la grande
mer. Enfin chaque mer intérieure, en si grand nombre
dans l’ancien continent, a ses espèces distinctes ; elles
n’ont souvent rien de commun avec celles que l’on ren-
contre dans d’autres grands amas d'eaux salées, même
trés-rapprochés. Ce que nous venons dedire des espèces
marines est également vrai pour les poissons des lacs
ou des fleuves ; il en est même plusieurs, comme l’a-
pron commun (perca asper Linn.), qui se découvrent
à peu près uniquement dans un seul fleuve, ou tout
au plus dans ses affluents. Celui que nous venons de
citer parait borné au Rhône et à la Saône, au Doubs
et à l’Alaine. Le pimelodes Cyclopum semble plus
circonscrit dans ses stations; du moins M. de
Humboldt ne l’a observé que dans un petit nombre
des lacs souterrains de la chaine des Andes. L’apron
présente encore une autre singularité ; il choisit de
préférence pour nager les temps froids, particuliè-
rement lorsque les vents du nord et de l’ouest souf-
flent avec impétuosité ; ces vents sont pourtant redou-
tés par la plupart des autres espèces, surtout lors-
qu'elles veulent opérer leurs passages.
Si un grand nombre de poissons n’abandonnent
jamais les mers, ne pénétrant pas même dans les
étangs salés qui ont avec elles des communications
— À38 —
plus ou moins intimes, d’autres, au contraire, habi-
tent à différentes époques de l’année telles ou telles
de ces eaux. On peut citer, comme exemple de ces
doubles stations, le muge (mugil cephalus Linn.);
cette espèce se rencontre aussi bien dans l'Océan
que dans la Méditerranée et les étangs salés. Il en est
de même de la daurade (sparus aurata Linn.); elle
se trouve du moins en grand nombre vers l'embouchure
des fleuves et des rivières. Des habitudes à peu près
semblables sont communes au loup (perca labrax) :
seulement on ne le trouve pas aussi fréquemment
dans les étangs salés que les autres espèces déjà ci-
tées. Ce poisson remonte moins en avant dans les
rivières que le muge ; comme il craint le froid, il
pénètre peu dans les mers du Nord et ne dépasse pas
la Manche.
Certaines espèces passent de la mer dans les fleuves
à des époques assez fixes ; elles s’éloignent souvent des
eaux salées et remontent assez haut ; telles sont les an-
guilles. Malgré les obstacles naturels opposés à leur
marche, elles n’en parvienuent pas moins jusqu'au
lac de Genéve, point d’où elles retournent, du moins
en partie, à la Méditerranée ; peut-être le Rhône leur
permet de pénétrer jusqu’à la fontaine de Vaucluse, où
les anguilles deviennent à peu prés sédentaires, comme
dans tant de fleuves dont les sources sont fort avant
dans les montagnes,et près desquelles ils arrivent néan-
— À39 —
moins. Après les anguilles on peut citer le saumon,
la truite saumonée, l’alose, le brochet, l’esturgeon et
plusieurs autres espèces moins connues.
Si certains poissons liés aux bassins des mers ne
les quittent presque jamais, il en est de même des
espèces lacustres et fluviatiles. Un grand nombre
d’entre elles n’abandonnent point les eaux douces,
soit les fleuves, soit les lacs; parmi celles-ei se trou-
vent quelques espèces qui rappellent les voyages
accidentels des oiseaux, elles se transportent en effet
d’un canton dans un autre pour aller se livrer aux
soins de leur reproduction. On peut citer, comme
exemple de ce genre d’habitudes, l’ombre commun
(salmo thymalus Linn.) et la perche (perca fluvia-
tilis Linn.).
Les espèces des eaux courantes offrent les poissons
les plus délicats et le plus grand nombre de ceux qui
sont tout à fait sédentaires. Il en est même plusieurs
que l’on ne peut transporter d’un lieu à un autre,
même très-rapproché; on ne le peut même pas lors-
qu’on les maintient dans l’eau des fleuves où ils vi-
vent ordinairement : tels sont la fera (corregonus
fera), le lavaret (corregonus lavaretus), la graven-
che (corregonus hiemalis) et tous les poissons déhi-
cats, qui meurent dés qu’on les sort de l’eau.
Nous avons déjà cité sous le même rapport le hu-
che (salmo hucho Linn.) et le saibling (sælmo salve-
— À10 —
linus). Nous avions recu, lors de la campagne de
Wagram, en 1809, l’ordre de les faire transporter
en France; malgré toutes les précautions possibles,
ces poissons, d’un gout parfait, ne purent jamais fran-
chir, sur le Danube, la petite distance qui sépare
Vienne de Lintz (environ 35 lieues).
Les Romains, qui ont mis tant d'importance à
élever dans leurs viviers un grand nombre de pois-
sons recherchés pour la bonté de leur chair, n’ont
Jamais songé à y réunir ces espèces délicates. Le
luxe des Lucullus, des Lucius Muréna, et de tant
d’autres grands personnages de Rome antique, aurait
été aussi impuissant devant la fragile existence de
certains poissons d'eau douce, que l’a été naguère
tout le pouvoir de l’empereur Napoléon.
Les poissons exécutent les migrations auxquelles
se livrent aussi bien les espèces marines que celles
des eaux douces, avec un ordre non moins admirable
que celui qui dirige les passages des oiseaux. Cet
ordre est surtout remarquable chez les poissons qui
voyagent en grand nombre, comme les harengs, les
maquereaux, les sardines, les saumons et les truites.
IL en est ainsi des espèces dont les passages ont
lieu constamment par bandes plus ou moins con-
sidérables ; c’est ce que nous ferons sentir lorsque
nous décrirons en particulier les époques des pas-
sages de ces poissons. Ceux qu’exécutent seulement
— AA —
par couples isolés certaines espèces ne sont pas moins
admirables. L’ombre commun (salmo thymallus
Linn.) voyage constamment de cette manière ; la
femelle suit à peu de distance le màle, qui lui fraye
la marche; comme ce dernier, elle ne s'arrête que
lorsqu'ils jugent avoir découvert un endroit favorable
à leur reproduction.
La régularité de ces migrations est surtout digne
de l’attention des observateurs lorsque les passages
des poissons ont lieu, par suite d’un concours com-
mun, à des époques périodiques ; le plus souvent
ces époques précèdent le temps de la fécondation
et de la ponte de leurs œufs. Il n’en est pas de même
des excursions accidentelles auxquelles se livrent
ces animaux ou de leurs retours vers les eaux sa-
lées ; du moins on ne voit rien de semblable, lors-
que les eaux douces rendent à la mer les poissons
qu’elles avaient attirés quelques instants dans leur
sein.
Ces passages accidentels ne semblent pas dirigés
par une seule volonté comme les excursions que
l'instinct fixe et détermine d’une maniére aussi cons-
tante que régulière; par suite des causes que nous
avons déjà fait connaitre, les poissons, mème les
espèces émigrantes, poussent rarement leurs voya-
ges aussi loin que les oiseaux. En effet ceux-ci parcou-
rent toutes les parties du globe, tandis que peu de pois-
— À12 —
sons des mers d'Europe arrivent jusqu’en Amérique.
Parmi les espèces des contrées méridionales de la
France qui étendent leurs migrations jusque dans le
nouveau monde , on ne peut guère citer que le dac-
tyloptère commun (frigla volitans Linn.).Ge poisson
vit à la fois dans l'Océan et la Méditerranée; äl
s’avance non-seulement jusqu'en Amérique, mais
même jusque dans les mers du Nord. On assure qu’on
le rencontre jusqu’au delà de Terre-Neuve. Cette
eirconstance ne tient pas à l’étendue de ses pectorales
surnuméraires, qui lui permettent de se soutenir
quelques instants dans les airs. Ce mode de progres-
sion est si imparfait, que les dactyloptères nes’en:ser-
vent que quelques moments pour éviter les poursuites
des bonites et des daurades. Lorsqu'ils échappent à
leurs ennemis, d’autres dangers les attendent dans
les airs ; ils sont pour lors forcés de plonger de nou-
veau dans leur humide élément, où ils retrouvent les
êtres qui les en avaient chassés.
Par suite de ces guerres continuelles, dont Îles
mers sont aussi bien le théâtre que les continents, les
espèces dont la fécondité est souvent étonnante ,
surtout celle des habitants des eaux, sont mainte-
nues, malgré cette cause puissante, dans un état
d'équilibre réellement merveilleux. Cette fixité dans
la proportion et le nombre des êtres actuels-est due
probablement à ces combats qui mettent des bornes à
— ÀA5 —
leur propagation ; sans ces luttes incessantes, la créa-
tion serait infinie.
Quoïque les poissons paraissent étendre leurs mi-
grations moins loin que les oiseaux voyageurs, cer-
taïines espèces les exécutent cependant avec une vitesse
très-grande et longtemps prolongée. Les navigateurs
remarquent souvent que leurs vaisseaux, quoiqu'à
pleine voile, sont suivis par les mêmes individus à
travers des parages bien différents.
Cette vitesse n’est pas uniquement propre aux pois-
sons marins, elle est aussi le partage de ceux qui
vivent dans les eaux douces. On sait avec quelle rapi-
dité certains de ces animaux parcourent les fleuves
d'un cours très-étendu et dont le lit est même embar-
rassé d’un grand nombre d'obstacles. Au milieu des
espèces que l’on pourrait citer, le saumon est fameux
sous le rapport de la vélocité de ses mouvements et
de la longueur du temps pendant lequel il peut les
continuer.
Si donc les poissons ne font pas des voyages aussi
longs que les oiseaux, ce n’est point leur défaut d’ac-
tivité, ou la faiblesse de leur puissance motrice qui
les y contraint , ni les obstacles qui s'opposent à leur
marche. Ces animaux ne sont pas du moins arrêtés,
comme les mammifères, par des forêts impénétrables,
des déserts brûlants , ni des montagnes élevées. D’un
autre côté , ils trouvent dans presque toutes les mers
— A4 —
une nourriture abondante et une température à peu
près égale. Aucun obstacle puissant ne s'oppose à
leurs voyages, d'autant qu'ils sont plongés dans un
liquide dont la mobilité leur résiste à peine, et
qui s'ouvre, pour ainsi dire, à leur approche. Mais
les oiseaux ont bien d’autres avantages ; maitres
de l'océan aérien, ils le parcourent dans tous les
sens et à toutes les hauteurs. L’élément dans le-
quel ils sont plongés leur offre encore moins de ré-
sistance que le liquide dans lequel nagent les ani-
maux marins.
Pour s'assurer de la régularité et de la constance
des migrations des poissons, et de la stabilité qui
règne chez les espèces sédentaires , on commence
dans plusieurs ports du royaume à tenir note de la
quantité en poids métrique qui est portée au marché.
À cette donnée il faudrait ajouter celle des diffé-
rentes espèces capturées. Forcé d'indiquer l’époque à
laquelle telle ou telle espèce aurait été pêchée, on
aurait par cela même des tables toutes faites des pas-
sages de ces animaux,
Faute de pouvoir tracer de pareils tableaux, dont
les administrateurs des villes maritimes du Midi sen-
tiront l'importance, et qu’ils s’empresseront proba-
blement de dresser, nous nous bornerons à faire
connaître la quantité en poids métrique du poisson
frais recu à Marseille depuis 1823 jusqu’en 1840.
— A45 —
Cette quantité consommée dans cette ville ou con-
sacrée à la salaison se compose de tout ce qui a été
pesé sur le marché de cette ville. Elle comprend tout
le tribut que la mer a donné chaque année à l’activité
des pêcheurs.
La période de dix-sept ans qu'embrassent ces ta-
bleaux présente quelques variations dans le produit
de la pêche. En thèse générale, elles se sont mainte-
nues dans des minima et dans des naxima qu’elles
ont plus ou moins conservés. Les maxima n'ont été
atteints que pendant six années sur les dix-sept,
tandis que onze années ont offert des minima qui
dans cet intervalle ont éprouvé une diminution une
seule fois, en 1832. L'année 1825 a présenté le plus
grand des maxima qui ait eu lieu dans la pêche du
poisson observée à Marseille. La quantité s’en est
élevée à 2,856,750 kilogrammes. D'unautre côté, l’ex-
trême minima de cette pêche a eu lieu en 1832, qui
n'a produit que 926,570 kilogrammes. Ii y a donc
eu entre ces deux extrêmes une différence de
1, 930,180 ; cette quantité a été supérieure à celle du
produit des années où la pêche a donné les plus fai-
bles résultats. Cette circonstance remarquable tient
probablement à quelques accidents de localités qui
n'ont pas été appréciés par les administrateurs aux-
quels nous devons ces données.
De 1826 à 1827, le chiffre est resté le même. En
— 0 —
1828, il y a eu décroissance jusqu'en 1832. De 1833
à 1837 inclusivement, la pêche a été progressive.
L'année 1837 a été , après celle de 1825, l'époque à
laquelle on a pesé le plus de poissons à Marseille. Le
chiffre s’est élevé à 2,473,830 kilogrammes. Le cho-
léra, qui à cette époque a affligé Marseille, ne paraît
pas avoir nui à la multiplication des poissons, ni à
leur abord dans ses parages. Ce fait est d'autant plus
probable que le chiffre de cette pêche n'est pas au-
dessous de celui qu’il aurait dû présenter. En effet,
pendant cette cruelle maladie, les pécheurs se sont
peu livrés à leurs travaux, indépendamment de ceux
qui ont succombé à ce fléau.
Voici le tableau des dix-sept années d’observations
que nous devons au zèle éclairé de M. Loubon, adjoint
à la mairie de Marseille (1) :
En 1823, il a été pesé. 1,491,250 kilogr.
1824 . . . . . 2,004,400 |
1825 . . « « : 2,856,750
1826 . . . . . 4,530,050
1827. . . . . 4,534,600
F828 1. . |! 4,322,550
1829 . . . . . 1,215,250
(1) Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille,
Lom. 1v, pag.. 212.
— AAT —
MSc 00 à 11010 41,281.,310
ASS 0m o110-c-329 6,175$6 00
Doll LHSOSS TE. 926,570
1835 4h boum. 1bo:#,449 950
br. L rer #,7h6,800
Nddbe. dust ons 6786,950
Hdmi sl s+112488,700
483% … « . «+ 2,413,830
ASS 25 20082261 2,208, 70
1890. 0 5811 eos 20) 2194405
Outre ces documents précieux et qui pourraient le
devenir plus encore, M. Nesrel-Ferrand avait com-
muniqué à la société de statistique de Marseille un
tableau qui se rattachait aux années 1811 à 1814
inclusivement. Le recouvrement du droit de pesage
n'ayant pas été effectué en 1815, et ce droit étant
resté sans effet pendant les années suivantes jusque
et y compris celle de 1822, des documents n’ont donc
pas pu être obtenus pour ces années; ils sont cepen-
dant complets, sous le rapport des pesées , pour les
années qui ont suivi celle de 1822 jusqu’en 1840 (1).
L’état des quatre années de 1811 à 1814 n’amène
qu’à une quotité moyenne de 1,178,775 kilogrammes
(4) Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille,
tom.1", pag. 61 et 64,
MIS —
de poisson frais. Le tableau des poissons pesés depuis
1823 jusqu’à 1839, c’est-à-dire pour dix-sept années,
donne une moyenne de 1,720,882 kilogrammes par
année. C’est là le produit annuel de la pêche qui
se fait maintenant à Marseille. Ce résultat, plus
considérable que ie premier, tient sans doute au
grand accroissement que la population de cette ville .
a pris ces dernières années. Il ne peut tenir à une
augmentation dans les passages des poissons ; car ces
animaux , comme tous les êtres vivants, se maintien-
nent dans un état d'équilibre et de stabilité qu'on
ne leur voit pas dépasser.
L'accroissement du produit de la pêche, dans ces
derniers temps, dépend donc du nombre des bâti-
ments et des marins qui s’y adonnent. Il ne prouve
pas que le tribut de la mer ait augmenté, mais qu’on
s'occupe avec plus d'activité à le rendre le plus con-
sidérable possible. La moyenne de 1,720,882 kilo-
grammes, calculée sur dix-sept années, est plus
grande que celle des minima de la plupart des onze
années, sur les dix-sept où elle s’est reproduite, à
l'exception pourtant des années 1851 et 1836.
Nous désirerions faire connaître quelle est sur cette
quantité celle qui se rapporte à telle ou telle espèce
de poisson. Faute de cette donnée, on peut juger du
nombre des thons et des sardines que l’on pêche à
Marseille, en considérant que, quoique cette ville
— 49 —
ait environ 450,000 habitants, et que ces poissons y
soient d’une consommation journaliére et habituelle ,
on en pêche néanmoins une si grande quantité qu’on
est obligé d’en saler la moitié (1). Enfin 4,000 quin-
taux métriques de sardines v sont employés comme
appat pour la pêche du palangre, ce qui donne un
aperçu du nombre que l’on en pêche pour les usages
ordinaires et les salaisons.
Avant de terminer ces observations générales, on
nous permettra de porter encore l'attention sur la
quantité de poisson que l’on pêche dans les environs
de Marseille; on a pu s’en former une idée d’après
le détail que nous avons donné du nombre que l’on
en porte au marché de cette ville. Ce nombre prouve
à quel point les côtes rapprochées de cette ville doi-
vent être poissonneuses ; nous ajouterons qu’elles
offrent également une grande variété dans les espèces
qui les fréquentent.
Les pêcheurs provençaux divisent les poissons qui
arrivent sur les côtes du département des Bouches-
du-Rhône, en six ordres principaux :
+
(1) Une certaine quantité du poisson porté sur les marchés publics à
Marseille sert à la nourriture de la partie de la population de l'arrondisse-
ment de cette ville; or cette population est d’environ 180,000 habitants,
ce qui annonce que la consommalion de cet ordre d'animaux doit être plus
considérable que celle que nous avons supposée,
29
— A50 —
1° En per blanc ou poisson blanc. Sous ce nom ils
comprennent généralement tous les poissons peu co-
lorés, parmi lesquels viennent se ranger plusieurs
spares et quelques espèces de la famille des persè-
ques; on peut citer les athérines, les sphyrènes, dont
une espèce assez commune dans la Méditerranée y
est connue sous le nom de spet ou de brochet de mer,
les muges ou mullet (mugil cephalus), le loup (perca
labrax), les ombrines (sciæna cirrhosa) et l'aigle
(sciæna aquila). On peut encore signaler les vives
(érachinus draco); un spare nommé cailleti est aussi
compris par les pêcheurs de Marseille dans ce qu'ils
appellent pei blanc.
2° En pei rouge ou poisson rouge. Dans cette classe
se rangent les mulles, particulièrement le rouget
(mullus barbatus), le surmulet (mullus surmule-
tus) et le rouge (mullus ruber), Toutes ces espèces
sont portées sur les marchés de Marseille toute l’an-
née. On y comprend encore les trigles, surtout le
srondin, connu en Provence sous le nom de cabote
en raison de sa grosse tête (4rigla lyra Linn.), les
malarmats (trigla cataphracta), les pirabèbes (éri-
gla volitans) et enfin les spares à couleurs vives et
rougeàtres.
3° En pei séran ou poisson sauvage. À cette classe
se rapportent les poissons les plus voraces et les plus
dangereux. Les squales ou les requins sont à la tête
— A51 —
de cette catégorie ; après eux on y comprend les raies
et les murénes.
4° En pei de guangui ou poisson de guangui. Ici
viennent se ranger toutes les espèces que l’on péche
avec un filet désigné vulgairement sous le nom de
guangui : tels sont les labres, les lutjans, les scor-
pènes et les holocentres.
5° En pei de madrago ou poisson de madrague. Ce
sont les espèces que l’on prend dans les madragues :
ce sont les scombres, surtout les thons, les maque-
reaux, les caraux (caraux trachurus), et les clupées
telles que les sardines et les anchois.
6° En pei de palangré ou de tartano, c’est-à-dire
en poisson de palangre ou de tartane. On comprend
ici toutes les espèces de trigles ou de spares péchées
avec le filet nommé palangre, sorte d’ustensile on
d’engin dont sont pourvus les bateaux pêcheurs nom-
més tartanes.
Dans cette classification, les pêcheurs ont eu plus
d’égard aux procédés qu'ils suivent pour prendre les
poissons et à leurs nuances qu’à des considérations
propres à faire saisir la diversité de leurs espèces. Ce
genre de distribution rend la statistique des époques
où paraissent telles ou telles espèces plus difficile à
établir, puisque l'administration n’enregistre les
poissons apportés au marché que d’après les désigna-
tions que nous venons de rappeler.
— À52 —
Quelques administrateurs comprennent cependant
l'intérêt scientifique que pourraient présenter ces ta-
bleaux statistiques s'ils étaient établis sur d’autres
bases. En attendant que cette rectification soit opérée,
voici quelques observations que nous devons à l’obli-
geance de M. Loubon, administrateur de Marseille ;
leur importance est trop facile à saisir pour insister
plus longtemps à cet égard.
La lamproie (petromyzon maximus), en provencal
lamproue , est le seul poisson du genre des petro-
myzon qui fréquente les côtes de la Provence. Il y
est rare; on ne l’y voit guère que pendant le mois
de mars.
Les poissons abdominaux suivants se trouvent pen-
dant toute l’année sur les côtes des Bouches -du-
Rhône. Telle est la raie oxyrhynque, nommée en pro-
vencal pissoué, c’est-à-dire pisseuse ; elle porteavecelle
une odeur particulière d'urine, et est assez commune.
On y confond le plus ordinairement deux espèces :
la plus grande est la raia batis de Linné, ou raja
oxyrhyncus major de Rondelet, et la seconde la raia
oxyrhyÿncus de Rondelet, ou la raie désignée vulgai-
rement sous le nom de lentillat. L’une et l’autre sont
aussi connues à Marseille sous le nom de bec pointu
qu'il ne faut pas confondre avec la raie museau pointu.
La raie miralet, désignée en Provence sous le nom
de miraiglet(raia miraletus), c’est-à-dire petit miroir,
— À53 —
est aussi commune que la raie chardon (raia fullo-
nica) nommée vulgairement cardaire, ce qui veut
dire cardeuse ; la raie ronce (raia rubus), appelée
en patois provencal clavelado , ou clouée, à raison
de ce qu'elle est armée sur le dos et le long de la
queue de gros aiguillons que l’on a comparés à des
clous en fer ; la raie museau pointu (raia acuta) se
trouve également avec les autres espèces pendant
‘toute l’année.
Il en est de même de la raie aigle (raia aquila ou
mylobatis aquila); celle-ci appelée vulgairement
rato pennado, ce qui veut dire chauve-souris, est
aussi désignée sous le nom de mounino ou de singe.
La première de ces dénominations est assez justifiée
par une queue beaucoup plus longue que la tête et le
corps tout ensemble; la queue de ces poissons est
arrondie, terminée par un fil délié; leurs nageoires
sont semblables à des ailes analogues à celles de la
chauve-souris. Quant au nom de mounino, il leur a
été donné en raison de la ressemblance que la tête
de ces poissons offre avec celle des singes; cette
espèce assez rare l’est moins que la raie mosaique
appelée en provencal miraiglet : on la pêche princi-
palement en mai et en juin. Quant à la raie pastena-
gue (érygon pastinaca), désignée sous le nom de pas-
tenargue et de courge, elle fréquente les côtes de la
Provence en juillet; il en est de même de la raie
giorna (raia cephaloptera), connue à Marseille sous
le nom de clavelado fero ou raie sauvage.
Le nom de clavelado peut être considéré comme
le mot générique qui en Provence désigne toutes les
espèces de raie; on les distingue ensuite par des épi-
thètes particulières. 11 est toutefois deux espèces de
ce genre, la raie ronce et la raie bouclée (raia cla-
sata), auxquelles on donne plus spécialement le nom
de clavelado sans épithète. Quant à la torpille (r&ia
torpedo) que l’on nomme en patois provençal enou-
lino, on la pêche principalement pendant les mois
de juin et de juillet. On en prend une autre espèce
dans le mois de février que l’on nomme erdowmi-
glone, ce qui veut dire exdommagee.
Parmi les squales, le requin (squalus carcharias)
est le plus commun sur les côtes de la Provence;
cette espèce, désignée par /amia ou lami, a un nom peu
en harmonie avec ses habitudes, sa voracité et l'effroi
qu’il inspire. Un de ses compagnons habituels, le
squale glauque (squalus glaucus), n'est pas moins
redoutable, ni moins terrible, à raison de sa force et
de sa grandeur : il atteint jusqu’à 5 mètres. Il est d’au-
tant plus dangereux qu’il est orné des plus brillantes
couleurs, parmi lesquelles domine le bleu verdâtre.
Cette couleur, analogue à la nuance des eaux de la mer
dans les temps calmes, empêche de le distinguer au
milieu des vagues ; malheureusement pour les na-
geurs, ce squale est assez commun sur les côtes du
midi de la France.
Lesquale long nez (squalus cornubicus)arrive aussi
à une très-grande grosseur ; on en pêche dont le poids
dépasse 300 kilogrammes ; il fréquente également les
parages de la Méditerranée. Il en est de même du
squale marteau ou perlon (sparus zygæna), désigné
en Provence sous le nom de gat ou de chat. L'ange
(squatina lævis), nommé pei-angi, porte aussi le même
nom ; il s'approche principalement en été des côtes
de la Provence.
Les squales roussettes, soit la srande espèce (squa-
lus caricula Linn.), soit Ia petite roussette (squalus
catulus), ainsi que les pantôufliers, les renards (squa-
lus vulpes), lhumantin (squalus centrina) et la raie
bouelée (raia clavata) sont des espèces fort rares sur
nos côtes, ainsi que le poisson scie (pristis antiquo-
rum), nommé en patois provençal serro.
Parmi les poissons jugulaires il n’y a qu’une seule
espèce qui paraisse sur les marchés de la Provence;
cette espèce, la lophie baudroie (lophius piscatorius),
nommée en patois provençal baudroull, est assez
commune sur les côtes de la Provence. Parmi les
poissons thoracins, la baliste (balistes capriscus) est
assez rare; elle paraît cependant deux fois par an sur
les marchés de Marseille, en juin et septembre. La
chimère arctique (cékimæra monstrosa), désignée en
provencal sous le nom de gat ou de chat, y est égale-
ment peu abondante. Quant à l’esturgeon (accipenser
sturio), on ne le prend guère qu’au printemps : cette
circonstance et la bonté de sa chair le font singulié-
rement rechercher.
Parmi les poissons apodes, l’ostracion moucheté
(ostracion oculatus Comm.) est peu commun sur les
côtes de la Méditerranée, où il est tout à fait de pas-
sage accidentel ; il vit habituellement dans les mers
des Indes orientales ; il n'arrive que rarement sur nos
côtes avec l’ostracion trigone. On prend également
une grande quantité de moles, poisson connu en Pro-
veace sous le nom de muollo; c’est le cephalus vul-
garis des auteurs systématiques ; il est désigné com-
munément sous le nom de poisson lune et en latin
sous celui de mola cephalus. Le syngnathe pipe et
celui nommé vulgairement ser, serpent ou anguille
de mer (syngnathus vulgaris), se trouvent au milieu
des aloues qui abondent dans les plages du Midi. On
rencontre aussi dans les moyennes profondeurs l'hip-
pocampe (syngnathus hippocampus) et l'ophidion
(ophidium barbatum) ou donzelle de la Méditerra-
née. Enfin le cycloptère lompe (cyclopterus lumpus)
ainsi que le centrisque sumpit sont encore des espèces
que l’on porte sur les marchés de Marseille; elles y
sont rares.
Les poissons qui paraissent le plus souvent sur les
— A5T —
halles de Marseille sont : l’anguille (muræna an-
guilla), nommée en provençal anguiero ; ia mu-
rène myre, qui habite les grandes profondeurs, ainsi
que la murène commune (muræna helena) ; le mer-
lan ‘gadus merlangus) et le gade mustelle (gadus
mustella) nommé en provencal mous!ello ; le merlus
ordinaire (gadus merluccius), connu dans le dépar-
tement des Bouches-du-Rhône sous le nom de marlus.
On peut signaler surtout parmi les clupées, la sardine
(clupea sardina), nommée sardina en Provence, et
l'anchois (engraulis vulgaris), poissons aussi bons
qu'abondants.
Les côtes des Bouches-du-Rhône fournissent éga-
lement un assez grand nombre de scombres, recher-
chés à cause de la délicatesse de leur chair. En pre-
mier lieu on peut citer le thon (scomber thymnus) ;
le scombre de Commerson (cybium Commersonii
Cuv.); le palamis (scomber palamys), désigné en
Provence sous le nom de palamida ; le sarda (scom-
ber mediterraneus de Rondelet) ou la bounitou des
Provençaux, et enfin le maquereau (scomber scom-
brus).
Quant au pilote (centronotus ductor), qui se pêche
en septembre, il est aussi rare que l’argentine ou ar-
genté (argentina sphyræna). Il n’en est pas de même
du rouget, nommé rougé en patois; ce dernier est
aussi commun et aussi recherché que la sole (solea
— A58 —
vulgaris). H en est de même du loup et du muge;
ce dernier est toutefois inférieur aux précédents sous
le rapport de sa bonté et de la délicatesse de son goût.
Lorsque le muge vit dans les étangs, il y contracte un
mauvais goût, ce que ne font pas les autres poissons
qui ne quittent Jamais le sein des mers.
La dorade, l’un des spares les plus communs et les
plus élésants par les grâces de ses formes et la
beauté de sa parure, acquiert un grand développe-
ment sur les côtes de Marseille : on en pêche qui
pèsent jusqu’à 15 kilosrammes. Dans le jeune âge,
cette espèce est connue en Provence, comme en Lan-
guedoc, sous le nom de soguëne.
Les autres espèces du genre spare de Linné ne sont
ni moins communes ni moins estimées à raison de la
bonté de leur chair. Parmi elles on peut citer le spa-
raïllon, nom commun sous lequel on désigne les sar-
gus annulariset vulgaris, lesargue(sparus melanu-
rus), loblade(sparus melanurus), le picarel commun
(sparus smaris), la mendole (sparus mæna), le bogue
(sparus boops)etla saupe(sparus salpa).Parmiles plus
recherchées on peut signaler au premier rang le pagel
(sparus erythrinus), poisson également remarquable
par ses couleurs d’un rose vif et brillant. Le pagre or-
dinaire (sparus argenteus) est également un poisson
assez estimé par la bonté de sa chair. Il n’en est pas de
même de la saupe que nous avons déjà mentionnée :
— 59 —
quoïqu’elle se vende sur les marchés de Marseiile
comme les autres espèces, elle y est moins prisée, son
goût est peu agréable et sa chair peu délicate. On peut
en dire également des canthères, dont l'espèce com-
mune (cantharus vulgaris) n’est pas abondante sur
les côtes de la Provence. Cependant le soût de ce
poisson est préférable à celui de la saupe.
On peut enfin mentionner le poisson de Saint-Pierre
ou le gal, que l’on prend à peu près toute l’année soit
sur les côtes de la Provence, soit sur celles du Lan-
guedoc. Cette espèce, remarquable par la belle tache
noire qu’elle à sur chaque flanc, est le zeus faber de
Linné.
Un certain nombre de poissons se pêchent habi-
tuellement dans le Rhône ; sous ce rapport ils entrent
pour quelque chose dans la consommation de la ville
de Marseille. Au premier rang on peut signaler la
truite (salmo trutta), la carpe (cyprinus carpio) et le
barbeau (barbus vulgaris). Le goujon (gobio vulga-
ris), qui vit en troupes nombreuses dans les eaux dou-
ces, est encore une espèce que l'on apporte dans les
marchés de Marseille. Mais, quant à la tanche, elle
n'y parait presque jamais.
Telles sont les principales espèces de poissons que
l’on pêche en assez grande quantité dans les environs
de Marseille, et qui sont portées dans les marchés de
cette ville. S’il en est de constamment sédentaires,
— A60O —
d’autres au contraire sont éminemment émigrantes.
On peut citer parmi celles-ci, en premier lieu les
centronotes, et surtout le pilote (centronotus ductor).
Après le pilote nous mentionnerons les thons, les ma-
quereaux, les sardines, les anchois, les dorades et les
squales, particulièrement le requin.
Beaucoup d’autres poissons s’approchent et s’éloi-
gnent sans doute des côtes de la Provence à certaines
époques de l'année; mais ils ne peuvent être ran-
gés parmi ceux de ces animaux qui se livrent à de
longues migrations. Cependant plusieurs espèces que
l’on découvre sur les côtes de la Provence se ren-
contrent également dans toutes les mers de l'Europe.
Celles-ci, qui nous fournissent des exemples d’habita-
tions aussi diverses et aussi variées, doivent être com-
prises tout au moins parmi les races erratiques. Leurs
passages ne paraissent pas avoir cette fixité et cette
périodicité qui caractérisent les excursions des espèces
émigrantes. On peut comprendre parmi ces dernières
la raie bouclée et la raie aigle. Ces poissons sont fort
communs sur les côtes des Bouches-du-Rhône mal-
gré l’irrégularité de leurs passages.
— A61 —
TABLEAU
DE L'ÉPOQUE
DES PASSAGES DES POISSONS.
ORDRES: GENRES ET ESPÈCFS. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
A SE
14 Lamproie (pe-| Cette espèce fluvio-marine se livre à des
Ê : [migrations périodiques. Elle abandonne en
Suceurs. tromi DEL pee effet constamment le bassin des mers, et re-
mus Linn.). monte les rivières au printemps, ou à l’épo-
que du frai en mars, avril et mai. Pour ren-
dre ses migrations plus faciles, elle se tient le
plus ordinairement auprès des embouchures
des fleuves.
Lorsqu'elle commence à s'engager dans les
rivières, son squelette gélatineux est à peine
visible. Plus tard il s'épaissit, et lorsqu'à la
fin de la saison il est complétement durci,
les pêcheurs désignent ce poisson sous le nom
de La corde. Aussi les lamproïies, qui attei-
gnent la taille de deux à cinq pieds, n’ont-
elles la chair délicate que lorsque leur .sque-
lette n’est pas encore durci et qu’il y a peu
de temps qu’elles ont quitté la mer.
L'agilité des lamproies est extrême, surtout
lorsque le besoin de déposer leurs œufs les
entraîne dans les rivières et les fleuves ;
alors il n’est aucun obstacle qui puisse les ar-
rêter dans leur marche. A l'aide des mouve-
ments de leur queue, qui les jettent et les
lancent en l'air, il n’y a pas de barrières
qu elies ne puissent franchir. Dans d’autres
circonstances, pour remonter plus avant dans
les rivières, elles s'attachent aux hateaux avec
tant de force, qu'on ne peut les en arracher.
La lamproie des fleuves (petromyzon flu-
viatilis Linn.) et la petite, ou le sucet, éga-
lement desrivières (petromyzon planeri B].;,
habitent constamment les caux douces ; elles
ne se livrent par conséquent à aucune migra—
tion. Cette circonstance dépend peut-être de
ce que ces poissons se rapprochent beaucoup
des vers, et sont les moins bien organisés des
animaux vertébrés.
II Anguille (mu- ; Snofaue les dde à cer ee phisons
p j ST ort communs, il règne encore la plus grande
Apodes. ?æna anguilla). incertitude sur leur détermination. Existe-
t-il plusieurs espèces d’anguilles, ou n’y en
a-t-il qu'une seule, telle est la question que
l’on s'adresse assez souvent, et à laquelle il
n’est pas encore possible de répondre d’une
mauière précise ? Si l’on consulte les pêcheurs
— A62 —
ET |
ORDRES. GENRES FT ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS,
TAC AE LOC EDS | CREME RE CEE
.
IL. des rivières, aussi bien que ceux des mers,
rue ils vous diront tous qu'il y a plusieurs espèces
Apoies. d'anguilles, aussi distinctes par leurs mœurs
que par leurs caractères extérieurs. Mais re-
lativement au nombre de ces espèces ces pê-
cheurs ne s'accordent pas entre eux. Les uns
en admettent jusqu’à quatre; ce sont ceux
des rivières, tandis que les pêcheurs des mers
n'en reconnaissent que trois. Sans rien déci-
der à cetégard, nous adopterons pourtant les
idées des derniers, ayant observé par nous-
même les époques des passages des anguilles
qui vivent aux bords des côtes du midi de la
France. Avant d'entrer dans les détails rela-
tifs à ces époques, nous ferons cunuaître les
idées des pêcheurs des rivières sur ces pois-
sons.
Ils en reconnaissent quatre sortes. La pre-
mière ou la plus commune est nommée par
eux vergniaux ; la seconde ou l’anguille à
long bec se distingue par un museau très-
comprimé et fort pointu; la troisième ou
l'anguille plat-bec (grigeel des Anglaïs) a au
contraire un museau tres-aplati et très-obtus
|et enfin des yeux fort petits; la quatrième
se reconnaît facilement à la brièveté de son
museau en comparaison de la longueur du
corps. Les yeux de cette espèce sont égale-
ment remarquables par leur grandeur. Les
pêcheurs des eaux douces donnent le nom
d’anguille pimpernaux à celles qui offrent
ces caractères.
Les pêcheurs des côtes de la Méditerranée
ne distinguent que trois espèces d'anguilles.
Ils désignent celle qui atteint la plus grande
grosseur sous le nom de pougaou. Cette an-
guille se tient le plus constamment dans les
étangs salés à l'exception cependant de l'au-
tomne jusqu’à la fin de l'hiver, saison où ellese
rend à la mer pour y déposer son frai. A partir
du mois d'octobre jusqu’au mois de février,
ces grosses anguilles ne quittent plus la mer.
Elles y demeurent constamment ; du moins on
n'en a jamais pris dansles filets tendus pour
saisir les différentes espèces de poissons qui de
|
il
la mer arrivent dans les étangs salés. Les jeu—
nes anguilles provenues du frai déposé dans la
mer par les anguilles de l'année précédente
arrivent donc dans les étangs à la fin du
mois de mars. Elles sont alors si petites,
qu'elles dépassent de peu les dimensions des
vermicelles.
On les voit entrelacées les unes avec les
autres formant des cordes extrêmement lon-
gues, souvent roulées en spirale;elles res-
semblent assez pour lors à des pelotons de
laine. Elles grossissent rapidement dans les
étangs ; elles s'y nourrissent de petits mol-
lusques, d'insectes, puis de petits poissons, et
jenfin même d'autres anguilles. Cet appât sert
— 163 —
EEE
ORDRES.
IL.
Apodes.
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS,
même à les attirer vers les hameçons. Ces an-
guilles, dont les migrations paraïssent cons-
tantes, acquièrent souvent des dimensions
fort considérables. On en pêche parfois d'as-
sez grosses qui pèsent de douze à quinze li-
vres. Leur chair, d’une grande délicatesse, les
fait rechercher des gourmets, surtout lorsque
leur poids s'élève jusqu’à cinq ou six kilo-
grammes.
La seconde espèce, nommée anguille fine,
vit habituellement dans les étangs salés, et va
déposer son frai dans la mer à peu près comme
l'espèce précédente. Elle diffère du pougaou
en ce sens qu’elle n’acquiert pas des dimen-
sions aussi considérables.
Cette espèce remonte le plus ordinairement
dans les fleuves et les rivières, poussant fort
loin ses excursions. Il en arrive du moins
jusqu'au lac de Genève, à la vérité en très-
petit nombre. La perte du Rhône leur op-
pose un obstacle qu'elles ne peuvent franchir
qu'avec beaucoup de difficulté; aussi ne pa-
raissent-elles daus le lac que lorsque les eaux
recouvrent ce gouffre.
C'est du reste au printemps, pendant la
nuit et lorsque la lune est au-dessous de
l'horizon, que les anguilles passent de Ja
mer ou des étangs salés dans les lacs et les ri-
vières. Elles y séjournent jusqu’à Ja fin d'oc-
tobre et quelquefois plus encore, pour ne
rentrer dans la mer qu’au retour du prin-
temps. Les soins de l'homme changent sou-
vent totalement cet ordre. Des circonstances
particulières, telles surtout que l'éloignement
de la mer, le modifient également.
Leur agilité, leur force musculaire et la
ténacité de leur vie leur font surmonter
tous les obstacles et toutes les difficultés
qu’elles éprouvent dans leurs longs voyages.
Elles marchent de préférence la nuit, peut-
être par suite d’un instinct de conservation;
on le supposerait à les voir naviguer pour
lors en troupes fort nombreuses, Quand le
besoin de retourner à la mer se fait sentir
chez ces poissons, c’est d’une manière si im-
périeuse, que rien ne peut les arrêter. On les
voit pour lors s’accumuler et se presser au-
tour des digues qu’on oppose à leur marche,
sans qu’il y en ait une seule qui songe à re-
brousser chemin, et à remonter aux lieux
qu'elles viennent de quitter.
La troisième espèce est connue des pê-
cheurs des côtes du midi de la France sous le
nom d’anguille commune ou de leschenat.
Elle paraît sédentaire et ne point voyager
comme les précédentes. Elle se reproduit du
moins dans les étangs salés qui bordent la
Méditerranée, et se tient constamment dans
les fonds vaseux, qu'elle ne quitte qu'aux
mois de juin et de juillet, époque où l’on en
— ÀG4 —
——————— —————————— — — — — — … …—"…"— —"_"—_——————_——_————"———————""—"—— ———
ORDRES:
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS,
SSSR ER ES (ou
IL.
Apodes.
fait une pêche abondante. Lorsque la séche-
resse est grande, elles abandonnent parfois
les étangs salés pour se rendre dans la mer.
Le plus souvent elles s’enfoncent dans la
fange et la vase où elles demeurent enfouies
ijusqu'à l’époque à laquelle les eaux sont re-
venues à leur niveau ordinaire.
Lorsque ces anguilles se déplacent par man-
que d’eau, elles font souvent les voyages
qu’elles entreprennent en rampant sur les
terres sèches à peu près comme les serpents.
Elles cherchent donc l’eau qui leur est essen-
tielle, et passent ainsi des temps plus ou
moins longs hors de leur élément ordinaire.
On est surpris du long intervalle pendant le-
quel les anguilles peuvent demeurer hors de
l’eau sans périr ; mais la force de leur vita-
lité est si grande qu'on peut les dépouiller de
leur peau, de leurs viscères, les couper même
en morceaux sans que le tronçon de leur corps
cesse de se mouvoir.
On conçoit facilement pourquoi l'on ne
prend jamais dans les rivières des anguilles
qui aient leurs œufs. Lorsque ces poissons
veulent frayer, leur instinct les porte à se
rendre dans le sein des mers, où ils s'enfon-
cent dans ses profondeurs afin d'y déposer
leurs œufs. Quant au leschenat, cette espèce
ne paraît pas voyager; elle se borne, au mo-
went du frai, à s'enterrer dans la vase, dispa-
raissant à peu près tout à fait comme les
lombrics, et cela au moment de la ponte.
Aussi les anguilles paraissent, à leurs pre-
miers âges, habiter les eaux souterraines
même les plus profondes.On peut citer comme
une preuve de ce genre d'habitation les an—
guilles de diverses grosseurs que M. Arago a
montrées à l'académie des sciences de Paris
le 12 octobre 1835, et qui avaient été prises
dans un fleuve souterrain. D'autres anguilles
ont été également rencontrées dans des puits
artésiens qui avaient été creusés à Elheuf et
poussés jusqu'à des profondeurs considérables,
Ces poissons out une vie si tenace, ainsi
que nous l'avons déjà fait observer, qu'ils
peuvent sans périr rester pendant des temps
assez longs tout à fait privés d’eau. Ils s'en-
foncent pour lors dans la vase ou dans l'in
térieur de la terre humide. La principale
particularité de leur histoire et qui les ca-
ractérise d’une manière toute spéciale, tient
à ce qu'elles ne frayent jamais dans les eaux
douces, quoiqu'elles les fréquentent tout au—
tant que les salées. Aussi Spallanzani, pas
plus que les autres ichthyologistes, n'a pas pu
observer des œufs ni des fœtus dans les an—
guilles des eaux douces. Il est même fort
dificile d'en apercevoir chez celles qui ha-
bitent les eaux salées, parce que lorsque ces
poissons veulent frayer ils s'enfoucent dpns
— À65 —
I PE
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
RSR 2 2) 2 M — SE ER
les profondeurs des mers où il est impossible
de les découvrir. Elles y déposent leur frai à
la fin de février et en mars.
Lorsque les anguilles remontent dans cer-
taines rivières comme, par exemple, dans le
Rhône, elles y sont parfois en si grand nom-
bre, que leur traînée ressemble assez bien à
de longs cordons noirs. La quantité en est
pour lors si considérable que les eaux en pa-
raissent comme noircies. On les connaît sous
le nom de bouirons dans le midi de la France.
C'est surtout vers la fin de février et de mars
que paraissent ces longs cordons de petites
anguilles.
4 D'après les observations de M. de Joannis,
lieutenant de vaisseau, les anguilles seraient
réellement vivipares, ainsi qu’on l'a généra-
lement admis. Ces poissons voyagent dans
les courants d’eau souterrains, ce qui est
confirmé par l'observation des anguilles re-
tirées des puits artésiens ; aussi peuvent-ils
passer d’un réservoir à un autre. Le frai est
à peu près constamment déposé à la mer par
les anguilles, Les petits qui en proviennent
remontent de très-bonne heure le eourant
des fleuves et des rivières. Du reste ces jeunes
anguilles grossissent rapidement, et la ges-
tation des femelles qui a produit le frai dont
elles sont provenues est très-courte.
Quant aux anguilles électriques qui vivent
dans la baïe de Honduras, dans l’Amazone et
les eaux stagnantes de l'Amérique du Sud, et
qui ont été décrites par Cuvier et M. de Hum-
boldt, elles paraissent, du moins d’après les
observations de M. le docteur Backmann, ap-
partenir aux eaux douces. Cependant M. Por-
ter, ayant montré à la société zoologique de
Londres un individu vivant de ces anguilles,
assure qu'il n’est pas rare de les rencontrer
à cinquante milles en mer à Charleston. Il
paraît donc probable qu'il en est de ces
poissons comme des espèces européennes,
c'est-à-dire qu’ils se rendent à la mer pour
y déposer leur frai; ils retournent ensuite
dans les fleuves et les rivières où ils font
leur séjour habituel.
Un des faits les plus singuliers de leur his-
toire tient au changement sensible de cou-
leur que prend leur peau à l'époque du
frai, à la fin de février ou dans le courant
de mars. Les pêcheurs des lacs de Sui:se
admettent, d’après M. Agassiz, cet embellis-
sement de la robe de ces poissons, qu’on
pourrait appeler la robe nuptiale. Les an—
guilles présenteraient donc un fait analogue
à celui qui se produit chez Ja plupart des
animaux. Cette coloration tiendrait donc à
un état qui dispose à la reproduction.
Les anguilles paraissent devenir coureuses
dañs les mois de février et de mars; aussi
30
—16@)—
ORDRES.
HT.
Subbranchiens.
GENRES ET ESPÈCES.
Sole ‘pleuro-
nectes solea Lin.).
ÉPOQUES RES PASSAGES DES POISSONS,
sont-elles pour lors extrêmement difficiles à
prendre. Elles le sont surtout, lors de leurs
rassemblements réellement extraordinaires à
l'époque du frai, vers l'embouchure des fleu-
ves. Ces poissons s’y réunissent, parce que
ceux qui s'étaient tenus jusqu'à cette époque
dans les fleuves et les rivières vont chercher
dans la mer un milieu plus propice à leur re=
production que celui qu’ils avaient choisi au-
paravant pour leur habitation. C'est aussi à
l'embouchure des fleuves que l’on voit vers
la fin de mars et au commencement d’avril
des multitudes infinies de petites anguilles
dont la grosseur varie entre deux ou trois
millimètres de diamètre. Elles remontent
ainsi contre les courants, marchant à peu
près au nombre de dix à douze. Cette cara-
vane ; composée des anguilles provenues
du frai, passe ainsi de la mer dans les fleuves
pendant plusieurs jours; ceci peut donner
une idée du nombre de celles qui voyagent
dans leur premier âge.
Quoique nous ayons avancé, d’après nos
observations, que les anguilles ne frayaient
qu’à la mer, il paraîtrait cependant, d'après
d’autres ichthyologistes, qu'elles le pourraient
également dans des bassins fermés comme
sont, par exemple, les lacs de la Suisse. Ainsi
plusieurs d’entre eux admettent que des an-
guilles se propagent dans des étangs alimen-
tés par des sources naturelles et cela sans
qu’on y ajoute du frai. En supposant ce fait
exact, il resterait à savoir si Ces jeunes an-
guilles ne viendraient pas de la mer ; car il
est bien certain que ces poissons exécutent
de longs voyages souterrains. Du reste, il se—
rait difficile d'assurer que tel étang qui ne
paraît alimenté que par des sources d'eau
douce ne communique pas avec le bassin des
mers.
Aussi nous persistons à regarder les an-
guilles comme des poissons vivipares à ges—
tation très-courte qui ne déposent leur frai
que dans la mer. Comme les anguilles sont
très-difficiles à prendre, au moins les femelles
à l’époque du frai, il est moins étonnant que
l'on n’en ait point rencontré de pleines. Cette
viviparité annonce qu’il doit y avoir néces—
sairement accouplement entre les sexes diffé-
rents. Il est seulement singulier de ne dé-
couvrir pas plus de laitance chez les mâles
que d'œufs chez les femelles, ce qui annonce
combien la gestation de ces poissons doit être
courte.
Ce poisson fréquente les côtes de la Médi-
terranée pendant toute l'année; on le pêche
aussi dans toutes les saisons. On peut done
le considérer comme un des plus sédentaires
des régions tempérées. Seulement les soles,
— À67 —
© EL
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.| ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
Re Da SR EE LR ER RUMEUR. TER D AID ŒIESET LORS AE RE MP ET A TPS EUR Ke
III | comme la plie, abandonnent les côtes pen—
Subbranchiens. |
La plie (pleuro-
nectes platella L.).
l
Limande (pleu-
ronectes limanda
Linn.).
Anchois (clu-
pea encrasi cholus
Linn.).
Sardines (clu-
pea sprattus Lin.)
dant les mois de juillet et d'août. Elles se re=
tirent pour lors vers la haute mer. Elles y ac-
quièrent un goût délicat et une bonté toute .
particulière,
La plie, dont la conformation a tant de
rapports avec celle de la sole,quitte la mer aux
mois de mars et d'avril pour pénétrer dans
les étangs salés. Elle remonte ensuite les çca-
naux, les rivières, à une grande distance de
la mer. Ainsi on pêche des plies jusqu’à la
source du Lez, à trois lieues de son embou—
chure dans la Méditerranée. On en a égale-
ment rencontré dans la Sarthe à plus de cin—
quante lieues de la mer. Elle s'enfonce dans
la vase aux mois de janvier et de février, et
dépose son frai dans les étangs salés qui se
trouvent sur les côtes de la Méditerranée.
Cette espèce habite constamment les côtes
de la Méditerranée. Ses habitudes la rendent
presque aussi sédentaire que la sole. Seule-
ment au commencement de l'été elle s'avance
au delà de l'embouchure des fleuves ; elle
remonte peu cependant vers leurs sources.
L'anchois vulgaire, si recherché à raison de
la bonté de sa chair, passe sur les côtes de la
Méditerranée avant les sardines. Il paraît
même sur les côtes de l'Espagne antérieure-
ment à son apparition sur celles de la France.
D'après les gourmets, la chair des anchoïs pé-
chés sur les premières de ces côtes serait pré-
férable et d’un meilleur goût que celle des
individus pris en France. Aussi le prix des
premiers est généralement plus élevé. On
en pêche des quantités innombrables dans
toute la Méditerranée, et même jusqu'en
Hollande.
Quoique le plus ordinairement les anchois
arrivent sur les côtes du midi de Ja France
avant Jes sardines, ces deux espèces se trou—
vent quelquefvis ensemble. Les anchois arri-
vent vers le commencement d'avril. Leurs
passages durent jusqu’à la fin de mai. Posté-
rieurement à cette époque on les voit parfois
jeter leur frai dans les étangs salés qui bor-
dent les côtes de la Méditerranée : cette cir-
constance assez rare se représente aussi fort
peu chez les sardines,
Cette espèce, quoique émigraute, paraît peu
abandonner Ja Méditerranée. Sa pêche y eët
fort abondante.
Les sardines ne commencent à paraître sur
les côtes du midi de la France que vers la fin
d'avril; elles ne sent cependant en grand
nombre qu'en mai, juin et juillet. C’est par-
ORDRES.
— À68 —
EEE EEE |
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
CC ER OSEO | EE
IL.
Subbranchiens.
Harengs (clu-
pea harengns L.\,
ticulièrement pendant le mois de juin que la
pêche en est la plus fructueuse. On observe
du moins pour lors ces poissons en bancs
étendus et souvent innombrables. Ils parais-
sent surtout se réunir lorsqu'ils sont pour—
suivis par les thons et les maquereaux, qui en
sont fort avides.
Il est facile de s'assurer de la réalité de ce
fait à l'époque de la venue des sardines en
ouvrant des thons et des maquereaux. On
découvre souvent dans l'estomac de ces der-
niers des sardines encore tout entières, ce qui
ne laisse aucun doute sur les habitudes et les
mœurs de ces dernières espèces.
L'apparition de ces poissons sur les côtes
de l'Océan, du moins sur celles de la France,
est plus tardive que dans la Méditerranée,
surtout sur les côtes qui se trouvent rappro-
chées de l'embouchure de la Loire.
La direction que suivent les sardines aïins
que celle des thons et des maquereaux leurs
cruels ennemis, a toujours lieu du sud à l'es
dans la direction du golfe de Lyon au golfe
de Gênes. Cette circonstance semble annoncer
que ces diverses espèces viennent de l'Océan
dans la Méditerranée, les maquereaux faisant
la chasse aux sardines, les thons aux ma-—
quereaux et les squales aux thons. Aussi lors-
qu'on éventre des sauales on trouve dans
Jeur estomac des thons plus ou moins di-
gérés.
Les sardines ne paraïssent déposer leur fra
dan: les étangs salés que lorsqu'elles y sont
poussées par des vents violents. Celles qui y
entrent sans être pleines ne se reproduisent
pas, lursqu’elles ne peuvent ou qu’elles ne sa-
vent pas sortir des étangs salés pour se ren—
dre dans la mer.
Quoi qu’il en soit, les sardines, ainsi que les
thons et les squales, ont été extrêmement
abondantes sur les côtes de la Méditerranée
en 1840 quoique les maquereaux auxquels les
sardines servent ordinairement denourriture
y aient été assez rares. Cette circonstance
mérite d'autant plus d’être signalée qu'elle
se représente peu ; la raison est facile à com-
prendre.
Les détails dans lesquels nous sommes en-
trés relativement aux migrations des ha-
rengs nous dispensera d'insister de nouveau
sur ce poisson tout à fait étranger à la Médi-
terranée, d'autant que nous y reviendrons
dans l'explication de la carte.
On le rencontre uniquement dans l'Océan
en troupes souvent innombrables. Les: passa-
ges de cette espèce ont lieu depuis le com—
mencement du printemps jusqu'en juillet, et
depuis septembre jusqu'à la fin &'octo're. Ces
poissons abondent aussi sur les côtes de la
— À69 —
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS,
RER PERD D ED DERE DEGRESERT T SRRERENRE
22 ES
NT.
Subbranchiens.
France vers la mi-octobre ; ils y demeurent
.[presque jusqu’à la fin de l’année.
Les harengs commencent à se montrer au
mois d’avril et de mai dans les eaux qui en-
tourent les îles Shetland; ce n’est que vers
la fin de juin ou de juillet qu'ils s'y trouvent
en nombre immense.
On suppose que ces poissons se réfugient
habituellement vers les contrées du Nord.
Commeilss’y multiplient extraordinairement,
ils sont forcés, par suite de leur nombre, d’en-
voyer des colonies dans d’autres parages. Ces
immenses peuplades des habitants des eaux,
en sortant des mers du Nord, s'étendent sur
une largeur de plusieurs milles. De nombreux
ennemis qu'elles rencontrent sur leur route
les forcent de se partager en plusieurs divi-
sions, qui toutes sont guidées par des chefs.
Les harengs qui font partie de l’aile droite
de cette petite armée se portent sur les côtes
d'Islande, où ils arrivent au mois de mars;
ils se dirigent alors du côté de l'accident et
parviennent ainsi à Terre-Neuve.
Les autres au contraire prennent leur
route vers le sud, et se partagent en deux
colonnes. L'une descend vers les côtes de
Norwége, dans la Baltique, le Sund et le Belt;
l’autre passe à l'occident vers les îles Orca-
des et l’Hutland. Là cette dernière colonne
se partage encore; une partie se dirige vers
l'Irlande et l’Ecosse, fait le tour de ces îles,
entre dans la mer d’Espagne et va gagner
les côtes des Pays - Bas. L'autre division
de ces innombrables poissons suit les côtes
orientales de l’Ecosse, de l'Angleterre et de
la France, et rentre dans la mer du Nord où
les deux colonnes se réunissent,
Des légions moins nombreuses parcourent
les côtes de la France, du Brabant, de la
Flandre, de la Hollande, de la Frise, de la
Zélande. Les autres se portent sur les côtes
du Holstein, de la Poméranie, de la Suède,
du Danemark et de la Livonie. Enfin, après
avoir parcouru successivement ces diverses
contrées, où ils ne séjournent qu’autant qu'ils
y trouvent une nourriture abondante, ils se
réunissent tous dans la mer du Nord, et dis-
paraissent totalement. Ces poissons s’enfon-
cent pour lors dans les profondeurs de l'Océan.
La route que suivent les harengs dansleurs
longues migrations est assez compliquée, et
par cela même elle est assez difficile à saisir,
La marche tortueuse etsingulière que suivent
ces poissons tient probablement à leur nombre
réellement excessif et prodigieux, ainsi qu'il
est facile d’en juger parla consommation qui
s’en fait en Europe. En effet, on en prend des
quantités extrêmement considérables sur les
côtes de la Norwége et de la Poméranie sué-
doise depuis le mois de janvier jusqu'en mars,
ORDRES. GENRFS ET ESPÈCES.| ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
Il].
Subbranchiens.
et un peu plus tard en Hollande, enfin en
Angleterre et en France vers la fin du prin-
temps et au commencement de l'été. On en
pêche également un grand nombre depuis le
mois d'octobre jusqu'en décembre. Il est seu-
lement beaucoup moins grand sur les côtes
de l'Islande par la raison toute simple que
ces poissons ne s’y arrêtent pas. Ils sont
pour lors presqu’au commencement de leurs
excursions.
Les migrations périodiques des harengs,
comme celles qu'exécutent tant d’autres es-
pèces, paraissent déterminées par un instinct
impérieux dirigé jusqu'à un certain point
par le besoin de se reproduire autant que par
l'effet de toute autre circonstance. Indé-
pendamment de ce désir de perpétuer leur
race, désir inné chez tous les animaux, un
instinct non moins puissant les porte à se li-
vrer, à des époques fixeset déterminées, à des
migrations très-étendues dont peu de poissons
nous donnent des exemples aussi remarqua-—
bles. Il est si impérieux, que le hareng est
particulièrement fameux sous ce rapport,
quoiqu'il ne paraisse guère pénétrer dans la
Méditerranée.
On ignore toutefois, ainsi que notre carte
pourra le faire juger, jusqu'où il les étend
à travers l'Océan Atlantique. On n’en à pas
jusqu'à présent découvert de traces dans
l'hémisphère austral au delà des côtes qui
bordent la terre de Labrador.
Il est probable cependant qu'il ne s'y ar-
rête point, et que ses tribus portent leurs
excursions bien au delà. Nous attendrons de
nouvelles observations pour être certain de
ce point de fait. Nous n'en dirons pas davan-
tage sur les voyages qui ont rendu le hareng
si fameux, puisque nous devons y revenir lors
de l'explication de la earte destinée à donner
uneidée complète de l'étendue de ses voyages.
Alose ( clupea| Les aloses sont des poissons des ne qui,
: comme les anguilles, remontent fort avant
alosa Linn.). dans les RE Leurs migrations ont lieu
principalement au printemps. Elles prennent
dans les eaux douces un goût exquis; car
celles des mers sont sèches et coriaces. Il
n'est done pas étonnant que les aloses du
Rhône soient meilleures que celles de la Mé—
diterranée. Lorsque ces poissons sont remis
üe la maladie que leur occasionne le frai, on
les voit retourner à la mer en troupes plus
ou moins nombreuses.
Les aloses déposent leur frai dans ies
eaux douces. Lorsque les petits qui en pro-
viennent sont environ de la grosseur du
doigt, on les voit descendre les rivières et
se rendre ainsi en troupes plus où moins
nombreuses à la mer. On les reconnaît fa-
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
Ill cilement à leurs sauts multipliés. Elles s'é-
re lèvent ainsi au-dessus des eaux, afin d'y sai-
Subbranchiens. sir les cousins, les tipules et les autres petits
insectes qui y volent continuellement. De
pareilles habitudes leur sont communes avec
les jeunes lamproies, qui s’élancent aussi au
dehors de l’eau des fleuves lorsque le temps
est calme et le vent au sud. Ces poissons se
livrent peu à ce#manége si le vent est au
nord, les cousins volant pour lors en petit
nombre.
Les espèces vivantes se font donc une
guerre continuelle ; il se pourrait que, dans
les vues de la nature, les jeunes lamproies et
les jeunes aloses fussent destinées à empêcher
une trop grande propagation des tipules, des
cousins et d’une foule d’autres insectes qui
pullulent à la surface des eaux.
Quoi qu’il en soit, ces poissons quittent les
mers vers la fin de mai ou au commencement
de juin. Ils remontent pour lors dans les ri-
vières où ils vont frayer. Les aloses exécutent
ces voyages en colonnes serrées et nom-
breuses. Lorsqu'elles aperçoivent les filets
qui s'opposent à leur marche, elles s'élancent
avec force contre cet obstacle, les percent en
mille points différents, et continuent ensuite
leur marche. Lorsque les pêcheurs voient
cette petite armée s'avancer en toute hâte
contre leurs filets, ils les élèvent brusque-
ment et en prennent souvent une fort grande
quantité, lorsqu'ils sont lestes. Les lamproies
ne sont pas cependant aussi redoutables, re-
lativement aux filets qu'on leur tend, que les
aloses, dont la promptitude et la vivacité des
mouvements sont extrêmes.
Le retour de ces poissons vers la mer a lieu
au milieu ou à la fiu de septembre. Il en est
de même de ceux qui sont éclos dans l'an-
née. Leurs passages paraissent plus considé-
rables lorsque les eaux sont claires que lors-
qu'elles ont été troublées par une cause
quelconque, comme par exemple un vrage.
Turbot (rhom-
bus vulgaris).
Cette espèce se fait remarquer sur les côtes
dn midi de la France par ses habitudes sé-
dentaires. Elle s’y trouve à peu près cons-
tamment et ne les abandonne guère que
l'hiver. Elle s'enfonce pendant les grands
froids dans les profondeurs des eaux.
Morue propre-
ment dite, ou ca-
Lbéliau (gadus mo-
rhua Linn.).
Cette espèce se distingue, comme la précé-
dente, par ses habitudes sédentaires. Elle pa-
raît du moins ne jamais abandonner les mers
des régions septentrionales où elles se multi-
plient tellement que des flottes entières s'y
rendent chaque année pour la sécher, la sa-
ler et la distribuer à l'Europe entière. Ce
poisson peut être cité comne l'exemple le
plus remarquable d’une extrême fécondité.
— A2 —
OM |
ORDRES.
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DFS l'ASSAGES DES POISSONS.
III.
Subbranchiens.
IV.
Abdominaux.
Merlan (gadus
merlangus Linn.).
Lotte commune
ou de rivière (ga-
dus lotta Lin.).
Carpe vulgaire
(cyprinus carpio
Linn.).
S'il est des oiseaux sédentaires, il est éga-
lement des poissons dont les habitudes sont
les mêmes, et qui, malgré leur fécondité, ne
quittent presque jamais les lieux où ils ont pris
naissance.On peut citer spécialement la morue
proprement dite ou cabéliau (gadus morhua
Linn.). Ce poisson abandonne peu les mers du
Nord, malgré les flottes nombreuses qui se
rendent dans les parages septentrionaux pour
la pêche, et les quantités immenses que l’on
en prend chaque année.
Aussi, d’après de pareilles habitudes, les pé-
cheurs du littoral de la Bretagne ont été fort
étonnés d'en voir arriver une assez grande
quantité en 1842. Cette espèce aurait-elle été
attirée sur les côtes de la Manche parle nom-—
bre des harengs qui y ont paru en même temps?
Cela est d'autant plus probable que certaines
races sédentaires émigrent aussi quelquefois
par l’effet de circonstances accidentelles.
Le merlan, peut-être le poisson le plus
abondant de la Méditerranée, paraît moins
commun dans l'Océan. Il séjourne à peu
près constamment sur les côtes du midi de
la France. Il n’en est chassé que par de grands
froids. Probablement alors il subit la loi com-
mune, et s'enfonce, comme les autres espèces,
dans la profondeur des eaux dont la tempé-
rature est généralement plus élevée.
Ce poisson, remarquable par la ténacité de
sa vie, est le seul de ce genre qui remonte
très-avant dans les eaux douces. Suivant Ju-
rine il fraye en février, tandis que d’après
Bloch c'est en décembre ou en janvier qu'il
jetterait son frai. On juge aisément que ces
deux ichthyologistes, ayant parlé de climats
différents, ont bien pu assigner des épo-
ques diverses à la reproduction de ce poisson :
car, relativement à cette fonction, on peut
dire qu'il n’y a rien d’absolu, du moins re
lativement à l'époque à laquelle elle s'exerce.
La carpe vit dans]la plupart des lacs et des
rivières des régions tempérées. Elle s'y tient
de préférence dans les fonds vaseux. On la
trouve même jusque dans les étangs salés.
Cette espèce paraît peu se déplacer. On ne la
voit pas du moins émigrer d'une contrée
dans une autre. Elle dépose son frai, dans le
midi de la France, pendant le mois de février.
Lorsque ses œufs sont privés d'eau, peu de
temps après avoir été pondus, ils peuvent
rester plusieurs années exposés au soleil sans
perdre la faculté d'éclore.
On voit donc sortir de ces œufs de petits
carpillons dès que quelques gouttes d’eau
viennent les humecter.
Les carpes peuvent vivre assez longtemps
— A15 —
er
Ne ET ESPÈCES.
ORDRES:
IV.
Abdominaux,
Goujon (cypri-
nus gobio Linn.).
Tanche (cypri-
nus tima Linn.).
Rosse ou van—
geron (cyprinus
rutilus Linn.).
ÉPOQUES DES PASSAGFS DES POISSONS,
RE RSR
hors de l’eau. On les fait facilement voyager
en vie pendant plusieurs jours en mettant un
quartier de pomme ou de citron dans leurs
branchies , et ayant le soin d'y jeter de
temps en temps un peu d'eau. Les Anglais
sont parvenus à les engraisser en les tenant
suspendues dans des caves et placées dans des
filets. On les nourrit pour lors avec du pain,
et on les arrose de temps à autre avec de
l’eau. Pour mieux les engraisser on les chä-
tre ou on leur enlève leurs ovaires, opéra-
tions qui réussissent très-bien et ont le plus
ordinairement l'effet que l’on en attend.
Cette espèce vit dans les lacs ou dans les
rivières. Quant aux goujons qui fréquentent
les lacs d’eau douce, ils les quittent au prin-
temps. En effet ils remontent dans les riviè-
res vers le mois de mai. Ils préfèrent les fonds
sableux des fleuves, et déposent leur frai, à
l'exemple des carpes, dans les lieux où il y a
peu d’eau, Ces poissons se nourrissent prin—
cipalement d'insectes, de petits mollusques et
des vers qui, comme eux, se trouvent dans
les eaux. Ils paraissent voyager en petites
troupes, et se plaire les uns avec les autres.
On les voit peu isolés, et l’on est presque as-
suré d'en prendre plusieurs à la fois.
Quant à l’époque où cette espèce dépose
son frai, elle paraît, du moins dans les ré-
gions tempérées, se prolonger depuis le mois
de mai jusqu’à la fin de juin.
La tanche habite les eaux stagnantes et
tranquilles. Elle préfère surtout les fonds va-
seux. Pronostiquant les orages, ces poissons
s'élèvent à la surface des eaux lorsqu'ils pré-
voient la tempête, qu'ils devinent en quel-
que sorte par suite d’un instinct particulier.
D'un autre côté, ils annoncent le retour du
beau temps par leurs sauts multipliés au de-
hors de l’eau. En hiver, les tanches s’enfon-
cent et s’enterrent dans la vase, où elles dé-
posent leurs œufs vers la fin de mai ou de
juin, ou autour des plantes des marais. Ce
poisson se fait encore remarquer par son
extrême fécondité. D'après de pareïlles ha-
bitudes il doit être classé parmi les espèces
les plus sédentaires qui ne se livrent jamais à
des migrations lointaines ou à des voyages de
longs cours.
La rosse habite les lacs et les grandes riviè-
res des contrées tempérées. En été, elle choisit
de préférence l'embouchure des fleuves, tan-
dis qu'en hiver, elle se retire dans la profon-
deur deseaux.Cette espèce fraye au mois d'a-
vril ou au commencement de mai. Elle ne
paraît pas 5e livrer à des migrations comme
tant d'autres espèces.
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
TR
IV. La brème (cy-
Abdominaux. |prinusbramaLin.)
La brème fraye au printemps, vers la fin
d'avril lorsque l’année est chaude. C’est seu -
lement en mai et juin lorsque la température
est peu élevée. Cette espèce paraît rester
constamment dans les lieux qui l'ont vue nai-
tre. Elle n'émigre donc pas.
Le barbeau com-
mup(cyprinus bar-
bus Linn.).
Le barbeau est encore un de ceux qui ha-
bitent constamment les mêmes lieux. Il ne
se livre à aucune sorte de migration. On le
trouve constamment dans les eaux courantes,
préférant les plus rapides et celles dont le
fond est caillouteux. On le voit l’hiver s'en-
foncer sous les rochers ou au-dessous des
troncs d'arbre qui croissent sur les rivages des
fleuves où il vit. Cette espèce frayeà peu près
à la même époque que la précédente.
Saumon (salmo
salar Linn.).
Le saumon est un poisson de mer fa-
meux par ses migrations, dont la périodicité
et la constance sont un des points les plus
remarquables de son histoire. Il arrive de
l'Océan au printemps, pénètre dans les fleu-
ves qui y ont leurs embouchures, où il re-
monte souvent fort avant. Il rentre toujours
pendant l'hiver dans le bassin de l'Océan,
qu'il ne quitte qu'à l'époque du frai.
Ces poissons voyagent constamment en
troupes nombreuses disposées sur deux li-
gnes formant comme les côtés d’un triangle.
On les voit remonter dans les rivières rangés
en deux colonnes réunies en avant et dirigées
par la plus grosse femelle, qui ouvre la mar—
che. Les plus jeunes et les plus faibles des
mâles sont à l’arrière-garde. Les saumons,
ainsi rangés en quelque sorte en bataille, na-
gent en général avec grand bruit au milieu
des fleuves et près de la surface de l'eau lors-
que la chaleur est considérable. Si la tempé-
rature est basse et peu élevée, ils se tiennent
dans la profondeur de l’eau.
Ils avancent ainsi dans les fleuves où de
nouveaux besoins les appellent. Maïs si quel-
que danger vient à les menacer, ils nagent
avec la plus grande rapidité pour l'éviter.
On suppose qu'ils peuvent parcourir facile
[ment huit à dix lieues par heure. Leur vi-
tesse serait donc aussi grande que celle des
moyens les plus rapides que l’homme doit à
[son génie , tels que les chemins de fer et les
[bateaux à vapeur.
| On ne voit jamais de saumons dans la Mé-
diterranée, mais uniquement dans l'Océan. Ils
affectionnent surtout le voisinage de l’em-
{houchure des grands fleuves, dont ils habitent
les eaux rapides pendant une grande partie
|de l’année. Ils frayent en mars et en avril,
[quelquefois même plus tôt, ce qui du reste est
[assez rare. Ces poissons se font encore re-
— A5 —
EE
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
EPA IE LDÉE EI PC DE À
IV. marquer par leur grande agilité ; ce que nous
Abdominaux. avons dit du chemin qu’ils parcourent dans
l'intervalle d'une heure en est une preuve
assez frappante pour ne pas insister davau-
tage à cet égard.
Les côtes de la Méditerranée n'ont pas au-
près d’elles de grands lacs d’eau douce. On re-
marque que les torrents et les fleuves qui
s’y rendent sont généralement peu pois-
sonneux. Ces différents cours d’eau entrai-
nent avec eux une grande quantité de cail-
loux roulés, et d'ailleurs leur rapidité est
trop considérable. Aussi ne donnent-ils lieu
qu'à un petit nombre d'observations inté-
ressantes, vu le peu de poissons qui s’y trou-
vent.
Les saumons communs, comme les autres
espèces de ce genre, et entre autres la truite,
ne sont point arrêtés dans leur course par les
digues ou les cascades qui se trouvent sur
leurs passages. Ils savent toujours les fran-
chir en s'appuyant sur un rocher, et en re-
dressant tout à coup avec violence leur corps
courbé en arc. Ils s'élancent ainsi hors de
l’eau, sautent avec prestesse et s'élèvent jus-
qu’à douze eu quiuze pieds de hauteur. Par-
venus à cette élévatiow, ils retombent ensuite
le plus souvent au delà de l’obstacle qui ar-
rêtait leur marche. -
Après l'avoir franchi, on les voit continuer
leur route et remonter les rivières jusque
vers leurs sources, où leur instinct les guide
pour y chercher un fond de sable et de gra-
vier propre à y déposer leurs œufs. Lorsqu'ils
ont opéré leur ponte, ces poissons, maigres
et aflaiblis, redescendent en automne vers
l'embouchure des fleuves et vont passer l’hiver
dans la mer.
Quant à leurs œufs, la femelle les dépose
dans des lieux où les eaux sont tranquilies,
et dans des creux qu'elle fait dans le sable.
C’est là où le male va ensuite les féconder.
Les jeunes saumons qui en proviennent gran-
dissent promptement, et tardent peu à aban-
donner le haut des rivières pour gagner la
mer, qu’ils quittent ensuite vers le milieu de
l’été qui suit leur naissance.Ces poissons, gui-
dés par le même instinct qui dirige un grand
nombre d'oiseaux, reviennent chaque année
dans les parages qu'ils ont choisis.
Du moins d’après Deslandes, douze sau-
mons auxquels il avait attaché un anneau
de cuivre à la queue, et qu'il avait ensuite
jetés dans la grotte d’Auzou en Bretagne,
y revinrent ensuite successivement. Parmi
ces douze saumons cinq furent repris dans
le même lieu l’année suivante, trois la se-
conde et trois l’année d’après. S'il en est
ainsi, nul doute que certains poissons ne
reviennent les années subséquentes dans les
— 476 —
D
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
IV. lieux qu’ils s'étaient choisis primitivement, à
: peu près comme le font un grand nombre
Abdominaurx. otconunes
Le saumon se trouve non-seulement dans
les mers des régions tempérées, mais il est
également très-abondant dans les mers arcti-
ques, d’où il entre en grandes troupes dans les
rivières, principalement au printemps. Aussi
la pêche du saumon est très-importante dans
les pays septentrionaux; c'est du moins de
ces contrées que nous viennent ces quantités
considérables de saumons fumés et salés qui
se distribuent dans les diverses parties de
l'Europe.
Nous avons fait saisir l'harmonie qui existe
entre l'organisation et les habitudes des ani-
maux. L'organisation des salmonidés, famille
de poissons qui se distingue d'une manière
essentielle par leurs migrations constantes et
périodiques, le démontre d’une manière ma-
nifeste.
Les nerfs du tact chez ces poissons sont
extrêmement petits, aussi ce sens est-il chez
eux à peu près nul. On peut les toucher sans
qu'ils s’en aperçoivent. Mais, comme ils ont
besoin d’avoir une vue très-étendue, l’or-
gane de la vision y est très-développé; ce
sens est doué chez eux d’une grande puis-
sance. Il n’en est pas ainsi de l'organe de
l’ouïe ; il ne paraît pas disposé pour perce-
voir les vibrations de l'air. Cependant son
oreille est affectée par les ébranlements de
l'eau; car si elle est agitée à une grande
distance, le saumon manifeste de suite ses
craintes par ses mouvements brusques et
précipités.
Il se pourrait que cette transmission eût
lieu par l'intermédiaire de la peau, si cet or—
gane recevait des nerfs nombreux; comme il
en est différemment, il faut croire que cette
impression leur est plutôt donnée par l'or-
gane de l'ouïe.
La vue est si fine et si étendue chez les
poissons, que les sauvages, qui le savent fort
bien, les attirent en allumant des feux sur
les rivages. C'est ce que pratiquent particu-
lièrement les Indiens de la Guyane occiden-
tale. Ils prennent de cette manière une
grande quantité du phractocephalus bicolor
de Schomburgk.
D’après les différentes circonstances qui in
fluent sur la distribution des animaux et des
plantes, on ne trouve pas dans les îles les
mêmes espèces que sur le continent. Ainsi les
espèces que l’on découvre en Angleterre ne
se trouvent pas en Irlande.
On ne voit pas en Irlande l'erica mediter-
ranea, le mensieizia polyfolia et l'arbutus
unedo, que l'on rencontre cependant en An-
gleterre.
— AIT —
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
Il n’y a cependant qu’une différence de 4
degrés de longitude entre l'Irlande et l’'Angle-
terre. L'aspect physique de ces deux contrées
est presque le même, quoique l'élévation un
pen plus considérable de terres en Irlande
puisse expliquer la présence du ptarmigan
(tetrao lagopus) et du lièvre des Alpes ({epus
variabilis).
l'influence du climat ne peut guère être
sensible entre l'Irlande et l'Angleterre, car la
différence entre leurs températures n'est pas
assez grande pour attirer ou repousser des
espèces.
Cependant quelques faits sembleraient le
faire présumer. Aïnsi l’hermine ( mustela
erminea) change rarement de fourrure en Ir-
lande. Les oiseaux dont les migrations sont
périodiques dans le nord de la Grande-Bre-
tagne sont sédentaires en Irlande; la caille
tperdix coturnix) en est un exemple.
De même des oiseaux qui se taisent l’hifer
en Angleterre chantent toute l’année en Ir-
lande. Ces faits et l'absence dé beaucoup de
poissons et de mammifères que l’on découvre
en Irlande semblent annoncer que, quoique
les deux températures ne soient pas extrê-
mement différentes entre les deux contrées,
elles ne sont pourtant pas sans quelque in-
fluence.
Eufin les moineaux, l'oiseau le plus sé-
dentaire du continent, paraissent émigrer
tous ensemble du comté de Ross en Irlande,
et y retourner à des jours fixes pendant plu-
sieurs années. On a également constaté, de-
puis 1684, des migrations d'oies sauvages de
la baronnie de Forth, dans le comté de Wex-
ford.
Nous ferons enfin observer que la Nouvelle-
Zemble ne présente qu’un petit nombre de
poissons qui ne paraissent pas se livrer à des
migrations soit périodiques soit accidentelles.
On assure qu’il en est de même dans toutes
les régions du Nord. Du moins Scoresby ne
compte que quatre espèces de poissons au
Spitzberg et sur ses côtes.
M. Baer en a observé dix dans la Nouvelle-
Zemble, parmi lesquelles on peut citer la truite
des montagnes (salmo alpinus). Cette espèce
remonte l’automne dans les lacs élevés, et
l'on en pêche pour l'exportation des quanti-
tésimmenses qui sont ensuite distribuées par
le commerce dans diverses parties de l'Europe.
IV.
Abdominaux.
Truiles (trutlu). Les truites, qui appartiennent au grand
genre saumon, tel du moins que l'avait cir-
conscrit Linné, ont des habitudes très-analo-
gues à celles des saumons, surtout la truite
saumonée. Celle-ci, comme le saumon com-
un, abandonne le bassin des mers pour re—
monter les rivières jusque dans les hautes
— AT8 —
ORDRES,
IV.
Abdominaux.
GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
La truite ordi-
naire (salmo fa-
rio Linn.).
montagnes où elles recherchent particulière-
ment les eaux les plus vives et les plus clai-
res comme la truite ordinaire. Le départ de
ces truites saumonées à toujours lieu au
commencernent du printemps, à peu près à la
même époque que les saumons, avec lesquels
elles ont quelques rapports à raison de la cou-
leur de leur chair. Cependant, lorsque des
ruisseaux d’eau vive se jettent dans la mer,
les truites ne sont pas obligées pour lors de
remonter les fleuves ou les rivières. Elles s’y
arrêtent donc; ces ruisseaux paraissent four-
nir les truites dont la chair est la plusestimée.
Les poissons qui pendant un certain temps
de l’année vivent dans la mer, et pendant
d’autres moments remontent les fleuves et
les rivières, acquièrent dans ces dernières
eaux un goût plus délicieux. C’est particuliè—
rement ce que l’on remarque chez les aloses,
ainsi que nous l’avons déjà fait observer.
La truite ordinaire n’est pas moins célèbre
par ses migrations que le saumon avec lequel
elle a tant de rapports. Lorsque ce poisson est
parvenu à une certaine grosseur, il paraît
éprouver, comme les jeunes saumons, l'im—
périeuse nécessité d'abandonner les lieux qui
l'ont vu naître. Ce besoin tient aux condi-
tions nouvelles de leur existence qui exigent
des eaux plus fraîches ou une nourriture
plus abondante et plus appropriée à leurs ap-
pétits toujours croissants. Elles recherchent,
comme les saumons, les eaux vives et cou-
rantes, et remontent, à l’époque du frai, les
rivières et les torrents avec non moins d’a-
dresse que d’agilité. Elles les redescendent
ensuite lorsqu'elles ont déposé leurs œufs.
Il est curieux d'observer combien est mer-
veilleux l'instinct de ces animaux qui les
porte à s’aider dans leurs voyages des ef-
fets du frottement de l’eau sur les côtés et le
fond des rivières. x
Les truites aiment à se tenir dans les eaux
courantes ; pour y rester, elles sont souvent
forcées d'employer toute leur vigueur pour
résister à la violence du courant; sans leur
force motrice et leur énergie, il les entrai-
nerait souvent fort loin des lieux où elles se
plaisent et qui conviennent à leurs conditions
d'existence.
Lorsque le volume et la vitesse des rivières
sont augmentés considérablement par les
pluies, ces poissons comprennent qu'ils seront
obligés de céder à leur force impulsive. Elles
se rapprochent donc pour lors de leur fond
ou de leurs côtés. Là ils retrouvent la vi-
tesse ordinaire du courant, et n'ont plus
d'autre effort musculaire à faire que celui
qu’ils exercent habituellement.
Sans le ralentissement que le courant des
fleuves éprouve généralement par l'effet du
— À19 —
EE |
ORDRES.
EY.
Abdominaux.
GENRES ET ESPÈCFS.
ELLE
ÉPOQUES DES TASSAGES DES POISSONS,
ARR RE
frottement sur le fond ou sur les côtés, les
truites, comme les autres poissons, seraient
entraînées hors de leurs eaux, lors des gran-
| des inondations. Cela même arrive quelque-
fois malgré toute la résistance que ces ani-
maux opposent à la violence des courants. On
en a eu un exemple fameux lors d’un oura-
gan terrible qui eut lieu à la Jamaïque.
Une pareille circonstance est du reste fort
rare, mais elle s'est présentée en 1815 à
la Jamaïque ainsi que nous l'avons déjà
| fait observer, La quantité d’eau qui tomba
lors de cet ouragan fut si grande, qu’elle
entraîna avec elle à la mer tous les poissons
de la rivière Yallahs. Plus de dix ans après
cet événement on ne découvrait aucune es-
pêce de poisson d'eau douce dans cette ri-
vière, de laquelle ils avaient été enlevés par
cet immense courant.
Le passage des truites d’un lac dans une
rivière ou d'une rivière dans d’autres eaux
courantes porte le nom de descente et de
remonte. Les époques de ces migrations pa—
raïssent soumises, d’après des observations
suivies pendant plusieurs années aux in-
fluences atmosphériques et au besoin de
nourriture. En effet, dès que les eaux où
elles passent l'hiver acquièrent une tempé-
rature plus élevée, elles les quittent pour
aller dans des eaux plus froides, que ces
poissons recherchent de préférence, surtout
lorsque la saison des frimas ne fait plus sen-
tir son influence.
L'époque de la descente est annoncée par
l'apparition de petites truites. Les plus jeu-
nes ouvrent toujours la marche. Après celles-
ei viennent les individus d’une grandeur
moyenne, auxquels succèdent les plus gros,
qui ferment et terminent le cortége. Il ar—
rive pourtant que les jeunes individus et les
-|moyens arrivent seuls ; alors ceux qu’on
prend en juin et en juillet ont déjà leurs
œufs, ce qui prouve qu'ils frayent longtemps
avant la venue des plus gros. Mais dès que
les truites ont déposé leurs œufs, du moins
celles qui fréquentent les rivières situées
dans le voisinage des lacs, on les voit rentrer
dans ces lacs, ce qui a lieu le plus ordinaire-
ment vers la fin d'octobre.
L'instinct de ces animaux les porte aussi,
dans d’autres circonstances, à remonter jus-
qu'aux sources des fleuves et des rivières
pour y déposer leurs œufs, et cela par suite
de l’empressement que ces poissons mettent
à rechercher les eaux les plus vives et les
plus fraîches. Par suite de leurs habitudes,
ces poissons se trouvent dans les lacs de l'Eu-
rope qui ne dépassent pas 1,100 toises; ils
ne paraissent pas pouvoir vivre beaucoup
au-dessus de ce niveau. On n’en voit pas
— A80 —
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.
IV.
Abdominaux.
La truite sau-
monée (salmo trut-
ta Linn.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
ARE EE
dans celui du grand Saint-Bernard, qui se
trouve à 1,250 toises au-dessus du niveau des
mers, et ceux que l’on y dépose y périssent
tous plus ou moins promptement.
Les truites frayent ordinairement en sep-
tembre et en octobre entre les racines des
arbres et les grosses pierres. Lorsqu'’elles sont
pleines, leur voracité est extrême, et à tel
point qu’elles se dévorent souvent les unes
les autres.
On s’est demandé si les fruites nommées
truite ordinaire , truite saumonée, truite
du lac Léman et de rivière, truite des Alpes,
truite fario, truite carpione, constituaient
autant d'espèces distinctes et diverses. Ju-
rine, dans son ouvrage sur les poissons du
lac de Genève, s'est prononcé fortement pour
la négative. Il a soutenu avec toute raison
que toutes ces truites ne constituaient qu’une
seule et même espèce. Ce qu’il y a de cer-
tain, c'est que la truite du lac de Genève
(salmo lemanus) ne dépasse jamaïs une cer-
taine longueur, quoiqu'elle acquière le poids
de quarante à cinquante livres. On en a vu
récemment à Genève de pareilles; mais alors,
sans avoir gagné en longueur, elles avaient
pris une largeur plus considérable.
Nous avons déjà dit que les truites se dis-
tinguaient par la vivacité de leurs mouve-
ments et l’impétuosité avec laquelle elles se
meuvent contre les courants. Aussi le nom
qu’elles portent dérive du mot érulla, dérivé
lui-même de frutlo, qui signifie pousser avec
violence. Cette idée convient parfaitement à
un poisson toujours prêt à lutteravec courage
etadresse contre les obstacles qu'on lui oppose.
La truite saumonée (salmo (rutta Linn.)
remonte dans les rivières et les ruisseaux ?
d’eau claire qui se jettent immédiatement-
dans la mer ; leur chair est la plus estimée. Les®
eaux vives et limpides sont tellement l'habita-
tion des truites que les espèces de cegenrede-
viennent d'autant plus nombreuses qu’on se
rapproche des montagnes. Outre la truite
saumonée et la truite ordinaire, les grands
lacs des Alpes nourrissent le huche (salmo
hucho Linn.) et la truite de montagne (sa/mo
Alpinus Linn.). Cette dernière se trouve
même sur le mont Céuis, au pied des neiges
perpétuelles.
Ces poissons sont invinciblement attachés
aux eaux froides qui les ont vus naître ; aussi
est-il à peu près impo:sible de les transpor-
ter ailleurs. Du moins toutes les tentatives
que nous avons faites en 1809 pour y parve-—
ir, d'après les ordres qui nous avaient été
donnés par l'empereur Napoléon n'ont été
suivies d'aucun succès. Aucun sacrifice ni
aucune dépense n'avaient été pourtant épar—
— A81l —
a
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.
EN:
Abdominaux.
L'ombre com-
mun (salmo thy-
mallus Linn.).
La fera (corre-
gonus fera).
Brochet (esox
lucius Linn.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
EE
gnés, et un chétif poisson s'est moqué en
quelque sorte de tout ce qu’il y avait pour
lors de plus grand sur la terre. Tout ce que
nous avons pu faire à l'égard du huche (sa/mo
hucho) a été de faire franchir à ce poisson la
distance qui sépare Vienne de Lintz (environ
trente-cinq lieues).
L'ombre fraye au mois de mars; ce poisson
voyage pour lors en foule par couple mono-
game. Lorsque les femelles veulent déposer
leurs œufs, elles soulèvent les pierres qui se
trouvent dans les eaux qu’elles fréquentent
et les placent ainsi dans les trous que ces
pierres recouvraient. Le male arrose ensuite
ces œufs de sa laite immédiatement apres
que la femelle les a pondus. C’est ordinaire-
ment en juin que les petits éclosent, et se
développent avec la plus grande activité.
Cette espèce est encore un poisson de pas-
sage. Elle remonte ordinairement les tor-
rents qui descendent des montagnes. Les mi-
grations de ces saumons ont lieu le plus ordi-
nairement vers la fin de février et en mars.
L'hiver on les voit retourner dans les grandes
rivières, recherchant cependant, comme la
truite et le saumon, les eaux froides, pures
et rapides. C'est sur leurs bords caillouteux
que la femelle va déposer ses œufs en avril et
en mai.
La fera (corregonus fera), le lavaret (cor-
regonus lavaretus), la gravenche (corrego-
nus hiemalis Jurine), comme les autres pois-
sons délicats, meurent promptement quand
on les sort de l’eau; ceux-ci ne voyagent pas
et ne se livrent jamais à des migrations. On
ne peut pas même les transporter d’un lieu
dans un autre. Ces espèces sont en quelque
sorte les analogues des oiseaux sédentaires.
On les voit bornées à des localités peu di-
verses et peu distantes les unes des autres.
Toute la différence que présentent ces pois-
sons dans leurs habitations tient à ce qu’on
ne les voit jamais rapprochés de la surface
des eaux que pendant la belle saison; ils vi—
vent le reste de l’année dans les grandes pro-
fondeurs des eaux.
Le brochet est un poisson d’eau douce qui
fraye, suivant Bloch, en février et en avril ;
et, d’après d’autres observateurs, pendant les
trois mois du printemps ou au commence-
ment de l'été. Il remonte les rivières très-
avant, et étend souvent ses courses presque
jusqu’à leur source. Ce poisson est extrême-
ment vorace et féroce; aussi le voit-on s’at-
taquer mutuellement, et devenir tour à tour
{meurtrier ou victime. Il est sujet, comme la
51
— 182 —
EE US
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
AE | SRE | EE
IV.
Abdominaux,
Ÿ. La dorée ou
Microlépides. |poisson de Saint-
Pierre (xeus faber
Linn.).
Le pilote (nau-
crates ductor Cu-
vier).
L'espadon (xi-
phias gladius Lin.)
Thon et ma-
quereau {scomber
thymnus el scom-
ber scombrus L.).
ss “éme must.
truite ordinaire, la truite saumonée, l'ombre
chevalier et l’écrevisse, à une singulière ma-
ladie, qui en rend les nuances tout à fait
noires.
Le brochet, nommé à juste titre le requin
des rivières, paraît pouvoir vivre dans les
eaux saumatres, quoiqu'il abandonne peu
les eaux douces. Ainsi, en Bretagne, un
lac fut envahi par les eaux des mers, ct
tous les poissons qui s’y trouvaient péri-
rent, à l'exception pourtant des brochets,
qui, seuls, résistèrent à l'influence de l'eau
salée,
La dorée, connue sur les côtes du midi de
la France sous le nom de gal, est à peu près
sédentaire. Elle se trouve sur les rivages de
la France et de l'Espagne, aussi bien dans
l'Océan que dans la Méditerranée, maïs à peu
près à toutes les époques, comme les espèces
qui ne voyagent pas. Elle est cependant
beaucoup plus abondante au printemps qu'en
hiver, où elle se retire dans la profondeur
des eaux. C’est un poisson de la haute mer,
qui ne vit pas en troupes, et ne remonte pas
beaucoup vers le nord.
Le pilote, fameux par ses migrations, a
l'habitude de suivre assez constamment les
vaisseaux, et de faire avec eux jusqu'à plus
de cinq cents lieues. Il est assez commun sur
les côtes de Ja Méditerranée, comme sur
celles de l'Océan, quoiqu'il soit plus parti-
culièremént de la haute mer. Connue par les
pêcheurs de la Méditerranée sous le nom de
faufré, ceux-ci ont remarqué que, vers la fin
de l'été, cette espèce y est très-abondante.
Ce poisson, assez commun dans toute la
Méditerranée, remonte assez haut vers le
Nord. Il est surtout abondant le printemps
et l'été. Il paraît s’enfoncer, dans l'hiver,
dans les profondeurs des mers. On le trouve
aussi dans l'Océan, où il est cependant asscz
rare.
Nous réunirons dans un même article ce
que nous avons encore à dire sur les passages
ou les migrations des thons et des maque-
reaux. Ces deux expèces d'un même genre
ont à peu près les mêmes habitudes. Elles
abondent du moins et séjournent sur les côtes
du midi de la France aux mêmes époques,
où elles sont attirées par les sardines, dont
elles se nourrissent,
Ces poissons, comme la plupart de ceux
qui fréquentent le littoral de Ja Méditerra-
uée, y sont plus abondants au printemps et
en été que pendant les autres saisons. C’est
ORDRES.
DEP | EEE EEE
Y.
Microlépides.
GENRES ET ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
— À83 —
toujours au retour des premiers beaux jours
ou vers l'été que la pêche en est la plus fruc—
tueuse.
Leurs passages sont si réguliers, que l’on
en fait constamment deux pêches dans la
Méditerranée. La première, dite d'arrivée, a
lieu depuis le mois de mars jusqu'en juillet;
la seconde, dite de retour, depuis le milieu
de juillet jusqu’à la fin d'octobre. C’est du
moins ce que l’on observe sur les côtes du
midi de la France. Il n’en est pas partout
ainsi sur les bords de la Méditerranée. Cette
seconde pêche commence, en Afrique, au
mois de novembre, et se continue jusqu’à la
fin de décembre.
La pêche du thon est favorisée par l'obs-
eurité; du moins c’est pendant les nuits les
plus sombres que l’on en prend les plus
grandes quantités. Une autre circonstance
favorise la capture de ce poisson : elle tient
à la peur que leur inspirent les squales, dont
les poursuites ont lieu avec autant de fureur
que d’acharnement. Effrayés par d’aussi ter-
ribles ennemis, les thons se précipitent dana
les filets, et viennent parfois aussi échouer
sur les plages, où la crainte les pousse.
Les thons et les maquereaux ont du
reste leurs passages à la même époque; ils
voyagent dans la même direction que les
sardines, qu’ils semblent suivre d’une ma-
nière constante. Lors de la seconde pêche
dite de retour, ils prennent également les
mêmes routes. Comme les autres poissons
voyageurs, ceux-ci naviguent toujours par
bandes plus ou moins nombreuses, distri-
buées en général par ordre de grandeur, ou,
si l’on veut, de la même grosseur. La singu-
larité de ces faits disparaît lorsqu’ on fait
attention à ce que ces poissons, ainsi réunis
par troupes et d’une taille à peu près égale,
sont nés dans les mêmes lieux, peut-être du
frai de la même mère. Ils cherchent donc
tous la même nourriture, proportionnée à
leurs besoins. Ils redoutent et fuient les mêé-
mes ennemis. Des habitudes semblables les
portent à se réunir ainsi par âge et à voya-
ger ensemble. Il n’est donc pas étonnant que
des filets dressés sur leur passage, et prépa-
rés avec art, les rassemblent encore et de-
viennent leurs tombeaux.
Les thons paraissent donc vivre, se pro-
pager et mourir dans la Méditerranée. Lors-
qu'ils semblent en disparaître, ils s'enfoncent
dans les profondeurs de cette mer. C'est
aussi au printemps qu'on les voit s’ap-
procher des rivages pour y déposer leurs
œufs. Ils passent ainsi upe partie de l'été vers
Ja surface des eaux. Ce n’est qu’à la fin de
l'été ou au commencement de l'automne
qu'on les voit retourner dans leur premier
—— 81
|
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES TOISSONS.
PRESSE POESIE AR | RCE NPA ERNEST IER ER RENE PRE AT TIRE EE CE ENOERNENN GEREEDONERREEEE
V. asile. Ces poissons frayent dans la Méditer-
: : ranée ; leurs petits y éclosent en abondance.
Microlépides, Peu après l'époque du frai, ils se dévelop-
pent et croissent avec une rapidité prodi-
gieuse.
Ceux qui supposent que le thon n'est pas
une espèce sédentaire et propre à la Médi-
terranée font remarquer que, comme les
bonites, il se trouve aussi dans l'Océan, et
que la direction qu'ils suivent lorsqu'ils ar-
rivent auprès des côtes est totalement diffé
rente de celle qu’ils tiennent au moment de
leur départ. Cette circonstance n’est pas ce-
pendant une preuve que ces poissons arri-
vent de l'Océan dans la Méditerranée par le
détroit de Gibraltar. S’il en était ainsi, on
devrait trouver les thons en colonnes plus ou
moins nombreuses dans l'Océan avant le mo--
ment où ils pénètrent dans la Méditerranée.
Aucune observation ne prouve qu'il en soit
ainsi. Dès lors il est probable que, puisque
les thons se montrent sur tous les points de
la Méditerranée en même temps, sans que
l’on puisse dire qu'ils passent d’abord par
certains parages pour arriver ensuite dans
d’autres, ils doivent quitter les profondeurs
des mers où les froids les avaient retenus.
Mais, à la belle saison , ils viennent trouver
auprès des rivages des mers une nourriture
plus abondante et une température plus éle-
vée.
Certains faits s'opposent pourtant à l’ad-
mission de cette supposition. Ainsi on voit
assez constamment les sardines, les maque-—
reaux et, à ce qu'il paraît, les thons voyager
du sud à l’est, c’est-à-dire dans la direction
du golfe de Lyon au golfe de Gênes. On en a
induit que ces trois espèces viennent de l’O-
céan dans la Méditerranée. Les maquereaux
font la chasse aux sardines, les thons aux
maquereaux, tout comme les grosses espèces
de squales aux thons. Aussi trouve-t-on dans
les estomacs de ces poissons les espèces sou—
vent à peu près entières dont ils font leur
nourriture.
IL est loin d’en être ainsi des maquereaux ;
ceux-ci se montrent non-seulement dans la
Méditerranée, mais encore dans l'Océan en
troupes toujours fort nombreuses, lorsqu'on
les observe au moment de leurs passages.
S'il faut en croire Anderson (His{oire natu-
selle de l'Islande, tom. rer, pag. 196 et 197),
ces poissons passeraient l'hiver dans le Nord.
Au printemps, ils se mettraient en marche,
et arriveraient successivement en Ecosse et
; en Irlande, d’où ils se jetteraient dans l'Océan
Atlantique.
Une de leurs colonnes longerait ensuite les
côtes du Portugal et de l'Espagne, et entre-
lrait enfin dans la Méditerranée. L'autre di-
1
A8 —
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS,
V. vision arriverait d'un antre côté dans la
‘ . Manche, et paraîtrait en mai sur les côtes de
Microlépides. la France et de l'Angleterre. De ces côtes,
cette seconde bande passerait en juin devant
celles de la Hollande et de la Frise. Arrivée en
juillet sur les côtes du Jutland, elle détache-
rait une nouvelle division qui, faisant le
tour de cette presqu'île, pénétrerait dans la
mer Baltique, et, en passant devant la Nor-
wêége, s'en retournerait vers le Nord.
On peut se demander si ce récit d’Ander-
son relatif à la marche des maquereaux est
bien réel. Il ne le paraît pas, du moins d’a-
près le dire du plus grand nombre des obser-
vateurs et des pêcheurs qui s'adonnent à la
recherche de ces poissons.
D'après eux, les maquereaux passent l'hi-
ver dans différentes baies ou rades des envi—
rons de Terre-Neuve. Ils y demeurent enfouis
dans la vase jusqu’au printemps, ou jusqu’en
mai, où la fonte des glaces leur permet de se
répandre en grand nombre le long des côtes
Ces poissons voyagent ordinairement en
troupes plus ou moins considérables, et se
montrent soit dans l'Océan, soit dans la Mé-
diterranée vers la fin d’avril. Les maque-
reaux sont alors assez petits et non laitan-
cés. On les nomme en Normandie sanson-
nels, et en Picardie roblots. Ils ne sont
pleins que vers la fin de mai. Enfin vers
les derniers jours de septembre et d'octobre,
on en pêche encore de fort petits qui parais-
sent avoir pris naissance dans l'année. Mais
tout cela est fort irrégulier; car il n’est pas rare
d’avoir à Paris des maquereaux pris à Dieppe
dans les mois de novembre et de décembre.
Si quelques-uns de ces poissons se trouvent
à ces époques insolites, cette circonstance
paraît tenir uniquement aux gros temps ou
aux tempêtes qui ont lieu antérieurement à
leur apparition réellement extraordinaire.
Il est du moins certain que la pêche des
maquereaux sur les côtes du midi de la
France a lieu depuis le mois d’avril jnsqu’à
la fin d'octobre. C’est constamment vers les
mois de juin, de juillet et d'août que la pêche
de ces poissons est la plus abondante. On s’y
livre avec ardeur eur les côtes de la Méditer-
ranée ; car ce poisson y est aussi bon que sur
celles de l'Océan. Il est du reste connu sous
le nom de veyrat dans tout le midi de la
France.
Les faits que nous venons de rapporter et
qui sont relatifs aux maquereaux prouvent
un fait dont personne ne doute, c'est que ces
poissons , avant d'arriver dans la Méditerra-
née, se montrent en troupes extrêmement
nombreuses dans l'Océan. Or, si les thons ve-
uaient dans la Méditerranée par l'Océan, on
devrait les y voir tout comme on y observe
— A86 —
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.
nn ve
Microlépides.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS,
les maquereaux. Cependant il n’est point en-
core constaté qu'on y en ait jamais aperçu,
à part quelques individus isolés, qui peuvent
s'y être égarés.
Du reste, à toutes les époques, même pen-
dant les temps géologiques, les mers inté-
rieures ont eu leurs espèces particulières et
différentes de celles que l'Océan nourrit dans
son sein. Dès lors il n’y a rien d'étonnant
que le thon soit une espèce propre à la Mé-
diterranée, et qu'il ne se trouve que d’une
manière tout à fait accidentelle dans l'O-
céan.
Ce poisson présente une particularité que
nous avons vu être fort commune chez les
oiseaux. Quoique sédentaire dans la Méditer-
ranée, il n’y fait pas moins de deux voyages
périodiques et réguliers sur les côtes du
midi de la France, et, à ce qu'il paraît, sur
celles de l'Espagne. Il paraît certain que, sur
la partie de la côte de la Méditerranée, de-
puis Saint-Tropez jusqu'à Monaco, où les
eaux sont rarement froides et peu agitées,
on trouve des thons toute l’année.
Il ne faut pas croire cependant que l’on
en prenne beaucoup à d’autres époques qu’à
celles de leurs passages, à raison de ce que
les filets destinés à leur pêche ne sont pas
tendus dans d’autres moments. Ces filets,
d'un grand prix, et destinés uniquement à
ces poissons, ne sont dressés que lorsque les
thons voyageurs viennent visiter les espèces
sédentaires. Ce qui confirme cette observa-
tion, faite depuis bien longtemps par tous les
pêcheurs, c'est que l’on prend toute l’année
auprès des mêmes côtes des maquereaux et
un grand nombre de sardines et d'anchois
mêlés avec les autres espèces sédentaires. Il
est même une localité particulière où elles se
rassemblent ; elle est désignée sous le nom de
Croc de cagnes.
Lorsque l'hiver est peu rigoureux, ce qui
arrive souvent auprès de ces côtes abritées
des vents froids, on pêche une grande quan-
tité de ces divers poissons. Si les eaux sont
froides, ils se retirent au large et se tien-
nent dans la profondeur des eaux. Tout aus-
sitôt les thons les suivent, et avec eux dis-
paraissent les nombreuses troupes de squales
qui se tiennent assez constamment auprès
dès côtes où les premiers se trouvent en abon-
dance.
On ne peut pas assimiler de pareïls dépla-
céments aux véritables migrations. Celles-ci
ne sont pas uniquement déterminées, comme
ces transports, par la température et le besoin
d'une nourriture appropriée aux espèces qui
s’ÿ livrent.
Quelques commentateurs ont admis que le
mot migration provenait par contraction de
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS,
V.
Microlépides.
meare agro. Il est cependant plus naturel et
plus simple de le faire dériver de migra-
tio, qui signifie changement de demeure ou
d'habitation. Cette expression à pour racine
le mot migrare, employé dans le même sens
par les principaux auteurs de la bonne lati-
nité. Ce verbe se trouve en effet dans Cicé—
ron , Horace, Plaute, Térence et Lucrèce.
Cette étymologie est donc préférable à celle
qui lui donnerait pour origine les deux mots
meare agro, par l'effet d’une contraction
aussi difficile à comprendre qu’à supposer,
Le résultat de l'instinct peut être aussi
une nécessité, à raison de l’excessive fécon-
dité des animaux qui les entreprennent. La
force de propagation est en effet immense
chez les espèces aquatiques et particulière-
ment chez les poissons: Aussi voit-on cons-
tamment chaque année d'immenses cara-
vanes de poissons, réutiies dès leur enfance,
parcourir toute l'étendue des mers, et s’ar-
rêter uniquement dans les mêmes lieux où
avaient également séjourné ceux qui leur
ont donné le jour. Les individus qui com-
posent ces innombrables légions ne se quit-
tent plus. Ils partagent le bien et le mal, les
bonnes prises comme les chances et les dan-
gers d'une navigation longue et périlleuse.
Les poissons qui entreprennent ces grandes
migrations ont à peu près tous la même
grosseur, du moins ceux qui arrivent dans
les régions tempérées. On les dirait tous pro-
venus du même frai, à en juger par leurs
dimensions, quoiqu'il soit certain que, parmi
ces caravanes, il est un assez grand nombre
d'individus tout à fait adultes.
Cette circonstance est d'autant plus digne
d'attention, que les saisons sont à peu près
fixes, et qu’aussi les poissons doivent dépo-
ser leur frai aux mênies époques. Or les
différentes peuplades qui en proviennent se
dévorent le plus souvent entre elles, ce qui
ne doit pas arriver pour celles dont les mi-
gtations sont régulières et périodiques ; sans
cela on ne saurait pas se rendre compte du
nombre prodigieux des individus qui les com-
posent.
Cette supposition est d'autant plus admis-
sible que les pois sons sédentaires attaquent
rarement les espèces de passage, tandis qu’il
en est tout le contraire de celles-ci. Ce fait
fendrait à prouver que les races qui trou-
vent leur nourriture dans les lieux qu'ils
habitent n'émigrent pas, tandis que celles qui
émigrent, obligées de la chercher, s'en sai
sissent lorsqu'elle se présente à eux, et avec
d'autant plus d’avidité que leur voracité est
plus grande. rene PS SES AURA Y La
Quoique les maquereaux servent de pâture
aux thons comme les sardines et les anchois
— A88 —
TT — ——————— ——_—_————…—…——_— …—— ……….——.— …——— ..—" " . . —…—— ]—
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS,
Ve aux premiers de ces poissons, ces différentes
Microlépides. espèces ne sont pas toujours également com-
munes les mêmes années.Aiïnsi,en 1840,lessar-
dines, les thons et les squales ont étéabondants
sur les côtes de la Méditerranée, tandis qu’il en
a été tout le contraire des maquereaux. Ces
derniers ont été des plus rares cette année :
il serait difficile d’en donner la raison, sur—
tout si l’on fait attention à la grande quan-
tité de thons qui ont parcouru les côtes du
midi de la France à cette époque.
On peut se former une idée de la prodi-
gieuse quantité de thons qui existent dans la
Méditerranée en considérant que, sur les
côtes occidentales de la Sardaigne, on a pê-
ché, dans l’espace de dix années, jusqu'à
environ cent vingt mille quintaux de ces
poissons , ce qui donne en terme moyen
douze mille par année. Les mêmes côtes
fournissent également une grande quantité
de sardines et d’anchois. La pêche de ces
poissons est une source de richesses pour les
Génois et les Siciliens. C'est également à
Gênes et à Livourne que l'on porte le corail
pêché sur les côtes de la Sardaigne.
On prend également dans tous ces para-
ges, principalement dans ceux où le fond
granitique est exempt de vase, une grande
quantité de murènes, de soles, de spares et
de loups. Le nombre de ces poissons y est
si considérable, qu’il donne à la pêche une
activité et un développement tout parti-
culier.
Sans doute les thons arrivent presque en
même temps dans la Méditerranée que les
maquereaux, dont ils semblent suivre les
pas et dont ils sont fort friands. C’est là à peu
près tout ce que ces deux espèces ont de
commun ; car, sous le rapport de leurs mi-
grations, elles diffèrent d’une manière essen-
tielle, Le thon est à peu près particulier à la
Méditerranée. Il en est tout autrement des
maquereaux, qui fréquentent non-seulement
cette mer intérieure, mais encore une grande
partie de l'Océan avant de s'enfoncer dans
les profondeurs de l'Océan Glacial arctique.
Aussi avons-nous été obligé de revenir sur
les migrations des derniers de ces poissons.
Nous avons tracé sur notre carte la route
qu'ils suivent, et nous avons fait tous nos
efforts pour en donner un détail aussi exact
qu’il nous a été possible. On les trouvera
dans l'explication de cette carte, où nous
avons indiqué les principaux parages, où
les tribus des maquereaux ont été aperçues.
Ces faits suppléeront à ceux que nous n'a-
vons pas pu indiquer dans la comparaison
que nous avons faite entre ces deux espèces.
L'une est la victime de la voracité de l'au-
tre, à peu près comme les thons le sont
— A89 —
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS,
V. eux-mêmes de celle des squales, ainsi que
Microlépides nous l'avons déjà fait observer,
VI. Muge (mugil R Le muge ns la fois dans loc et la
Û : Méditerranée. On en fait de grandes cap-
Lépides. cephalus Linn.). tures dans la saison du frai, d'autant que
ce poisson se porte pour lors en foule sur
les rivages et vers les embouchures des ri-
vières.
Il se plaît aussi dans les étangs salés qui
bordent les côtes de la Méditerranée, à raison
de leur fond vaseux qu'il aime de préfé-
rence. C’est là qu’il cherche les vers, les in-
sectes, dont il fait sa nourriture ordinaire,
et que l'on découvre aussi dans son estomac.
Ce poisson entre principalement dans les
étangs salés, vers les mois de mars et d’a-
vril. Il ne les quitte que vers novembre ou
au commencement de décembre dès que les
froids se font sentir. On en fait pour lors
une grande capture; on en prend parfois de
si grandes quantités, qu’on le sale comme
les sardines et tant d’autres espèces.
Le muge ne dépose pourtant pas son frai
dans les étangs salés, ainsi qu’on l’a fausse-
ment supposé, mais bien dans la mer. Ce
poisson remonte l’été dans les fleuves, et
même fort avant. On en a pris jusque dans
le Rhône, sous les murs de Beaucaire, à en-
viron dix lieues de la Méditerranée. Les mu-
ges qui habitent l'Océan paraissent égale-
ment remonter la Garonne, la Loire et la
Seine, tout comme ceux de la Méditerranée
le font dans le Rhône, le Tibre et le P6.
Cette espèce est souvent poursuivie avec
une sorte de fureur par le loup (perca la-
brax), qui en est fort friand. Ce poisson à
pourtant un moyen de lui échapper en s’é-
lançant verticalement hors de l’eau, et fai-
sant ainsi des sauts répétés, eomme le prati-
quent les ablettes et plusieurs espèces de
eyprins. Ils font donc usage de cette extrême
souplesse que leur a donnée la nature, non-
seulement pour échapper à leurs ennemis,
mais encore lorsqu'ils se voient entourés par
des filets.
La pêche du muge, telle qu’elle se pra-
tique dans les étangs du bas Languedoc, a
été décrite avec assez de détail par Pline.
On peut voir dans les écrits de ce natura-
liste qu'elle n’a pas éprouvé de grands chan-
gements dans les moyens qu’elle emploie de
nos jours.
Seulement à l’époque de Pline le muge et
les dauphins, qui en sont fort friands, étaient
beaucoup plus abondants qu'aujourd'hui. La
pêche de ces poissons, qui, suivant lui,
avait lieu tous les ans auprès des étangs de
Lattes (environs de Montpellier), n’est plus
Te
À
GENRES ET ESPÉCES,
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS,
VI.
Lépides.
Perche d’eau dou-
ce (perca fluviatilis
Linn.),
Loup (perca la-
trazx Linn.).
pratiquée maintenant dans cette localité.
Alors les côtes de la Méditerranée, qui bor-
dent l'Île de Maguelonne et de ses énvirons,
étaient peuplées par une grande quantité de
muges, qui des étangs passaient dans la mer,
où ils étaient poursuivis par les dauphins.
Ceux-ci y étaient pour lors si communs, que
les habitants les apprivoisaient, au dire de
Pline, avec du pain trempé dans du vin. On
en itrouve, à la vérité, encore quelques-uns
aujourd’hui; mais le nombre eu a considé-
rablement diminué, en comparaison surtout
de ce qu’il paraît avoir été du temps du na-
turaliste romain.
La perche peut être rangée parmi les es-
pèces qui habitent constamment les eaux
douces. Elle émigre donc peu, dépose son
frai dans les lacs et les rivières où elle ha-
bite. C’est au commencement du printemps,
en avril et en mai, qu’elle fraye; mais, lors-
que cette espèce poud ses œufs, elle est déjà
assez avancée en age. L'époque à laquelle elle
dépose son frai paraît dépendre essentielle
ment de l2 température des lieux où on la
découvre. Elle s’y livre au printemps dans les
régions tempérées, et seulement en été dans
les régions septentrionales.
Cette espèce est répandue dans tonte l'Eu-
rope tempérée, ainsi que dans une grande
partie de l'Asie. On la trouve depuis l'Italie
jusqu’en Suède. Les lacs, Les ruisseaux d’eau
vive et les rivières lui servent indifféremment
de demeure. Elle remonte plutôt vers leurs
sources qu’elle ne descend vers leurs embou-
chures. La perche craint singulièrement l’eau
salée, et l'évite, par suite, autant qu'elle le
peut. Elle ne se tient pas non plus à une
grande profondeur des eaux ; seulement l'hi-
ver elle descend davantage et habite des
couches plus basses. Cette espèce dans ses
migrations ne forme pas de troupes nom-
breuses comme ka plupart des autres pois-
sons; aussi ces migrations sont rarement
lointaines,
Ce poisson est très-commun sur les bords
de la Méditerranée. Il y pond deux fois par
an, observation qui n'avait pas échappé à la
sagacité d'Aristote. Il y habite à peu près
constamment. 1l pénètre, moins que le muge,
dans les étangs salés. Lorsqu'il y arrive, c’est
presque toujours aux mêmes époques que les
muges, qui probablement les y attirent. Cela
est d'autant plus probable, qu'il ne se plaît
pas, comme eux, dans les fonds vaseux. Cette
circonstance dépend peut-être de la largeur
et de l'étendue de ses branchies. Le loup
craint beaucoup plus le froid que le muge. Il
remonte aussi moins haut dans les rivières
L'apron com-
mun (perca asper
Linn.).
Le serran (perca
cabrella Linn.).
Le labre {{abrus
hépatus Linn.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
SR SE IE
que celui-ci. D'un'autre côté, il pénètre peu
dans les mers âu Nord, ne dépassant pas la
Manche.
Ce poisson habite à peu près constamment
la Méditerranée, soit les côtes du midi de la
France, ée l'Espagne et de l'Italie, soit celles
de l'Afrique, et particulièrement celles de
l'Egypte. Il paraît de passage sur certaines
parties de l'Océan. On en prend du moins
une certaine quantité auprès des rivages à la
fin de l'été et au commencement &e l’au-
tomne. Il s'en rapproche pour lors pour y âé-
poser ses œufs, choisissant de préférence les
anses où viennent se jeter des ruisseaux ou
des rivières peu considérables. Cette espèce,
très-vorace, se nourrit d'anguilles et de pe-
tits poissons. À la mer elle dévore beautoup
äe rougets, et même de muges, et, lorsqu'elle
n'y en découvre pas la quantité qui lui est
nécessaire, elle va chercher ces derniers jus-
que äans les étangs, où elle leur fait une
guerre cruelle. Les anciens, qui connaissaient
les habitudes de cette espèce et la grandeur.
de son estomne, avaient rendu sa cruauté cé-
lèbre, et lui avaient donné son nom qui la
signale.
Cette espèce des eaux douces paraît peu
répandue. On la rencontre particulièrement
üans le Rhône et ses affluents. L'apron se
prend également dans la Saône, le Doubs et
l’Alaine. Les pêcheurs de Lyon le connaissent
sous le nom de sorcier, Rondäelet a été un
des premiers naturalistes qui ait fait conpai-
tre cette espèce. On assure qu'on le rencontre
aussi dans le Rhin et le Danube.
Ce poisson se tient ordinairement au fond
de l’eau ; il ne sort de son réduit que pour
hager dans la profondeur des rivières où il
fait son séjour. Il préfère pour se livrer à la
nage les temps froids, et particulièrement les
vents du nord et de l'euest, moment nù les
autres poissons ne sortent pas de leurs re-
traites. Cette espèce ne nage, en quelque
sorte, qu'en l'absence de toutes les autres.
L'apron paraît frayer en mars, et produire
des œufs fort petits d'une couleur blanchâtre.
Ce poisson habite tont le bassin âe la Mé—
diterranée, d'où il émigre dans l'Océan, s'a-
vançant assez vers le Nord. Il passe également
en Afrique et parvient jusqu'à Madère.
Cette espèce se trouve également dans tonte
la Méditerranée ; la femelle s'approche es
rivages de cette mer vers le mois d'août, et
cela pour y déposer ses œufs sur les galets qui
se trouvent ordinairement auprès des côtes.
Quant au labrus anthias, il se trouve dans la
= NN0Db.
© ——————_—_——_—_—_—_——————_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_——— TE ———————————
ORDRES:
VI.
Lépides.
GENRES ET ESPÈCES,
Le corb (sciæna
nigra Linn.).
L’ombrine (sciæ-
na cirrhosa Lin.).
La dorade vul-
gaire (sparus au-
rata Linn.).
Le canthère or-
dinaire (sparus
cantharus Linn.).
Le pagre ordi-
naire (sparus ar-
genteus Schneid.).
Le pagel (spa-
rus erythrinus L.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
RS
plupart des lienx rocaiïlleux des bords de la
Méditerranée, où il dépose ses œufs. Nous igno-
rons si cette espèce se rencontre ailleurs que
dans cette mer.
Le corb, très-commun sur toutes les côtes
de la Méditerranée, est connu sous les noms
de corb ou de corbeau, ainsi que sous celui de
vergo ou durdo.On le pêche dans les étangs
salés et dansla mer. Il ne paraît pas remonter
les fleuves. On le voit approcher au printemps
du rivage, où il dépose ses œufs et sa laite sur
les galets.
Cette espèce, assez commune sur les côtes
de la Méditerranée et dans le midi de la
France, se montre également sur celles de
l'Espagne et de l'Italie. Elle est connue dans
le Midi sous les noms de graine ou de caine.
Cette espèce, nommée dans le midi de la
France soquène, se trouve aussi bien dans la
Méditerranée que dans l'Océan. Lorsqu'elle
grossit, les pêcheurs, qui la nommaiïent dans
le jeune âge soquène, la désignent pour lors
sous le nom de dorade. C'est dans l'Océan
ou dans la Méditerranée, mais non dans les
étangs salés, que cette espèce atteint les plus
grandes dimensions. Elle y acquiert aussi cette
couleur dorée qui la distingue de la soquène.
La dorade vulgaire entre dans les étangs
salés au mois de mars. Sa grosseur égale à
peine, pour lors, celle d'une lentille. Comme
la plupart des poissons qui ont les mêmes ha-
bitudes, elle quitte les étangs vers le mois de
novembre, et acquiert dans la mer son entier
développement. Elle se rassemble aussi en
grand nombre vers l'embouchure des rivières
ou des fleuves, par suite de l'habitude où elle
est de peu abandonner le rivage de la mer.
Aussi cette espèce voyage rarement et ne se
livre guère à de grandes migrations.
Le canthère, assez commun dans la Médi-
terranée, ne paraît pas se trouver dans l'O-
céan. Il y est connu sous les noms de can-
tena et de cantheno.
Cette espèce de la Méditerranée semble peu
quitter cette mer, où elle vit habituellement
en petites troupes.
Ce poisson, connu sur les côtes de la Médi-
terranée sous les noms de pagel et de pageau,
n’approche du rivage que vers le commence-
ment du printemps. Il se tient constamment
à d'assez grandes profondeurs des eaux pen-
— À935 —
A
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS:
dant les autres saisons, surtout lors des froids
rigoureux. Il habite constamment la Médi-
terranée, entre peu dans les grands étangs,
encore accidentellement et en petit nombre.
Le pagel, qui fréquente les fonds rocailleux, a
une chair préférable, son goût est plus déli-
cat que celui des étangs; ce qui du reste est
général pour tous les poissons.
VI.
Lépides.
Le denté vul-| Le denté, qui acquiert parfois d'assez gran-
œair _|des dimensions, habite aussi la Méditerranée.
gaire (sparus den Il est connu sur les côtes du midi de la
lex Linn.). France, tantôt sous le nom de dentillac, et
tantôt sous celui de marmo. Du reste cette
espèce paraît plus commune dans l'Océan que
dans la Méditerranée.
Rouget {mullus| Le rouget fréquente de préférence les pla-
barbatus Linn.). ges rocailleuses des bords de la Méditerranée,
et se trouve rarement dans l'Océan. Il de-
meure dans la première de ces mers pendant
la plus grande partie de l’année, à l'excep-
tion pourtant de l'hiver. À cette époque il
quitte les côtes du midi de la France, pour
aller vers des lieux où il trouve une tempé-
rature plus élevée, telles sont celles de l’A-
frique.
Cette espèce, recherchée à raison de la dé-
licatesse de sa chair, se rencontre rarement
sur les côtes de l'Océan. Elle paraît avoir été
l’objet des soins des Romains. On sait quel in-
térêt ils mettaient à élever les poissons dans
des viviers d'eau douce, ou dans de grands
réservoirs construits aux bords des mers;
ceux-ci étaient généralement alimentés par
des eaux salées. On ne comprend pas com—
ment les Romaïns, qui construisaient des
viviers à grands frais, qui allaient cher-
cher les poissons les plus rares au delà des
colonnes d’Hercule et qui occupaient des
milliers de bras à en approvisionner la capi-
tale du monde, aient aussi peu avancé l’his-
toire de ces animaux. On ne peut le conce-
voir qu’en se rappelant que l'époque à laquelle
les vainqueurs du monde se sont livrés à ces
soins, commandés par un vain luxe, est aussi
celle de la décadence des arts aussi bien que
des sciences. Du reste l'observation des faits
n'a jamais occupé les savants de Rome an-—
tique. Ils se sont pour la plupart bornés plu-
tôt à connaître la science des Grecs qu’à lui
faire faire de véritables progrès.
VII, Scorpène ou! Ces deux espèces, connues indifféremment
j dans le midi de la France sous les noms de
< ! a
Aspidocéphales. ART re scorpène et de rascasse, fréquentent les
porcus et scrofa|côtes de la Méditerranée pendant le printemps
Linn.). et l'été. Elles se réfugient, dans les autres
saisons, vers des mers plus chaudes, ct se
— À94 —
oO |
ORDRES» GENRES ET ESPÈCES. ÉTOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
CAO CIEL SRE) FRS LEE EPA EMEENONELSEES | | RETIENS USED DO RCE CERN
VIL.
Aspidocéphales.
rendent pour lors sur les côtes de l'Afrique,
Les migrations de ces espèces sont moins
étendues vers le Nord que vers le Midi; peut-
être cette circonstance rend lés scorpènes
généralement plus rares dans l'Océan que
dans la Méditerranée. Aussi ces poissons pous-
sent leurs voyages jusque dans le midi de
l'Afrique et s’avancent même jusqu’à Madère.
Les scorpènes habitent tantôt les fonds ro-
cailleux des rivages, et tantôt la haute mer.
L'étrangeté de leurs formes leur a fait donner
les noms de scorpion et de scorpeno. Quant
à la scorpène brune, elle a été nommée parti-
culièrement rascasse ou Tasquasso.
Le grondin
rouge (trigla cau-
clus Linn.).
Le grondin, connu à Paris sous le nom de
rouget, et dans le midi de la France sous celui
de çabote, est aussi commun dans l'Océan
que dans la Méditerranée. Il à reçu le nom
de grondin, ainsi que diverses autres espèces
du même genre, à raison des sons sourds
qu’il fait entendre quand on le prend. Cette
particularité a valu encore à ces poissons les
noms de gronaux et de corbeaux, sous les-
quels ils sont aussi connus. Quant au nom de
cabole qu’on lui donne dans le midi de la
France, iltient à la grosseur de sa tête,
Les diverses espèces de grondins paraissent
habiter les côtes de l'Océan et de la Méditer-
ranée pendant la plus grande partie de l'an-
née. Ils ne s'en écartent guère que pendant
les grands froids, époque à laquelle ils parais-
sent s’enfoncer dans les profondeurs des mers
et s'éloigner de leurs rivages.
Le trigle rude
Le trigle rude (trigla aspera), joli petit
(trigla aspera).
poisson d’un beau rouge, est connu sur les
côtes du midi de la France sous le nom de
cavillone, qui signifie petite cheville. Il se
trouve sur toutes les côtes de la Méditerra-
uée. Cette espèce paraît se livrer à des mi-
grations plus ou moins étendues comme la
précédente.
Le malarmat
({rigla catapkhracta
Lion.).
Le malarmat’, ou trigle cuirassé (periste-
dion Lacép.), habite toutes les parties occi-
dentales de la Méditerranée. Cette espèce se
tient le plus constamment dans les profon—
deurs des eaux. Elle n'approche des côtes
que vers le temps du frai ou vers l'équinoxe.
Elle y vit solitaire, et se fait remarquer par la
rapidité de sa nage.
Le dactyloptère
Le dactyloptère commun ({rigla volitans
(trigla volitans L.)
Linu.) est plus fréquent sur les côtes de fa
Méditerranée que sur celles de l'Océan, où
on le pêche peu. I est connu dans le midi de
la France sous Je nom de landole, de ron-
dole, d'aronde, d'arondelle et de rate pen-
ORDRES, GENRES ET ESPÈCES.
VII.
Aspidocéphales.
La baudroïe ou
crapaud de mer
(lophius piscato-
rius Linn.).
VU.
Brachioptaires.
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
nade. Cette espèce paraît pousser ses migra-
tions jusqu'en Amérique , et les étendre très-
avant jusque dans les mers du Nord, par
exemple à Terre-Neuve.
Le dactyloptère, qui, par suite de l’éten-
due de ses pectorales surnuméraires, peut se
soutenir quelques instants dans l’air, est fa-
meux à raison des poursuites dont il est
l’objet de la part des bonites et des dorades.
Pour leur échapper, elles profitent de la lon-
gueur de leurs nageoires; mais de nouveaux
dangers les attendent dans les airs : ils y sont
poursuivis par les frégates et les albastrofes.
Le prompt desséchement de leurs pectorales
les force d'abandonner un élément qui n’est
pas fait pour eux. Ainsi ils retrouvent dans
le bassin des mers les ennemis cruels qu’ils
avaient cherché à éviter. Telles sont les tristes
et dures conditions auxquelles la nature les
a soumis et qui les rendent ou victimes &e
leurs ennemis des eaux ou de ceux qui par-
courent les vastes plaines des airs. Cepen-
dant, en mère vigilante, elle a placé dans le
cerveau de ces poissons un instinct de con—
servation qui les fait échapper aux nombreux
daugers qui les entourent.
Aussi leurs races ne sont-elles pas rares, ce
qui semble annoncer que, si elles n'étaient
pas autant poursuivies, leur fécondité fini-
rait par les rendre trop nombreuses, et peut-
être les réduire à mourir de faim faute d’a-
Jiments. Par suite de cette admirable. po-
lice qui existe dans la nature, malgré les
guerres continuelles que les espèces vivantes
se font entre elles, elles n’en existent pas
moins et constamment dans les mêmes rap—
ports. L'influence de l’homme est seule assez
puissante pour déranger l’ordre et l'harmo-
nie qui règne entre toutes les choses créées.
La baudroïe, assez gros poisson de l'Océan
et de la Méditerranée, est aussi connue sous
le nom de crapaud de mer. Ce nom lui a été
donné à raison de la forme de sa tête, qui res-
semble beaucoup à celle du crapaud. Cette es-
pèce se rencontre sur les côtes de la Méditerra-
née, depuis le mois de février jusqu’au mois de
novembre. Elle se tient aux autres époques
de l’année dans la profondeur des eaux des
mers. La baudroïie s’avance considérablement
vers le Nord, sans dépasser de beaucoup le
soixantième degré de latitude nord.
Ce poisson se plaît surtout dans les fonds
vaseux, peut-être en raison de ce qu'il y
trouve plus facilement à assouvir sa glouton-
nerie. Du moins il est à ia fois paresseux,
mauvais nageur, et extrémement vorace.
I semble donc mal organisé pour attein-
dre sa proie. Mais, pour lui en donner les
moyens, la nature a placé sur sa tête, un
VIIL,
Brachiopteres.
IX. Porte -écuel -
Discoboles. |les (/epadogaster
Gouan).
X: Orbes épineux
Plectognathes. |(diodons).
Tétrodons.
grand nombre de rayons qu'il fait jouer de
manière à attirer les petits poissons, et à leur
faire prendre ces longs barbillons, à extré-
mité élargie et charnue, pour des vers. Les
petits poissons saisissent donc ces barbillons
ou ces rayons comme autant d’appats. La
baudroïe s'en empare pour lors avec facilité
et sans beaucoup de peine. De là le nom qui
lui a été donné de raie pécheresse et de dia-
ble de mer.
Il paraît qu’elle peut aussi retenir de pe-
tits poissons dans le sac de ses ouiïes, et
qu’elle les dévore après ceux que ses bar-
billons lui ont fait saisir.
La baudroie ne peut être rangée parmi les
poissons cartilagineux, ainsi que l'avait fait
Aristote, car ses os sont fibreux et ne man—
quent pas de dureté. Elle est fort recherchée
à raison de la bonté de sa chairet de son foie.
Ce dernier, très-délicat, a un goût assez
différent de celui des autres poissons. C’est
surtout au printemps que sa chair est la plus
fine et la plus estimée.
Les porte-écuelles, petits poissons remar-
quables par la grandeur de leurs pectorales,
nagent avec rapidité le long des rivages de
l'Océan et de la Méditerranée, quoique privés
de vessie natatoire. Ces poissons se livrent,
comme tant d’autres espèces à des migrations
assez étendues dont on ne connaît pas encore
les directions ni les époques.
Ces poissons paraissent ne pas quitter les
mers des pays chauds, où leurs formes, sem—
blables à celles d’un ballon, leur permettent
de nager avec la plus grande facilité à la sur-
face des eaux. Mais lorsqu'ils sont tout à fait
gonfiésils font la culbute, et leur ventre prend
le dessus. Ils nagent ainsi au gré des vents
sans pouvoir se diriger, et par conséquent
sans suivre de route déterminée.
Les épines et les aiguillons dont leur corps
est armé les empêchent d'être la proie des au-
tres espèces. Ils les mettent à l'abri des dan -
gers qui les auraient menacés s'ils n'avaient
pas eu ces moyens de défense. Ces poissons
ue peuvent pas trop apercevoir, d’après la
manière dont ils nagent, les espèces caruas-
sières qui auraient tenté de les attaquer.
Les tétrodons appartiennent à un genre de
poissons qui offre à la fois des espèces des
eaux douces et des eaux salées. Il en est une
qui habite en grand nombre le Nil. Elle est
connue en Egypte depuis une assez haute an-
tiquité. C’est le {etrodon lineatus de Linné.
Les Grecs le nommaient //asco paro, et les
Arabes Je désignent sous le nom de fahaca.
ao
RE |
ORDRES: GENRES ET ESPÈCES.
X. | Les moles (cepha-
Plectognathes. |lusvulgarisSchnei-
der).
XL. Hippocampe ou
Lophobranches. |cheval marin (syn-
gnathus hippocam-
pus Linn.).
Syngnaihes pro-
prement dits ou
aiguilles de mer,
XIE. Esturgeon (acci-
Cinétobranches. [penser sturio L.).
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS,
La forme singulière de ces poissons leur a
valu le nom de poisson-lune. On les trouve à
la fois dans l'Océan et dans la Méditerranée,
où ils vivent le plus ordinairement dans des
fonds vaseux. Ils ne paraissent pas voyager.
Ces poissons, à forme bizarre,se rencontrent
sur les côtes de la Méditerranée au printemps
et dans l'été. À ces époques l'espèce de nos
parages pénètre peu dans les étaugs salés, et
abandonne rarement le bassin des mers.
L'hippocampe paraît plutôt une espèce séden-
taire que voyageuse. Il est loin de pouvoir,
comme le genre boleoplhaleon de la Nou-
velle-Zélande, monter sur les arbres, pour y
poursuivre £a proie comme le font les petits
lézards, Aussi ce genre singulier a-t-il pres-
que partout des représentants, ce qui arrive
le plus ordinairement chez les espèces qui
ont de pareilles habitudes.
On tronve plusieurs espèces de ce genre
dans l'Océan et la Méditerranée. Celle nom
mée aiguille de mer (syngnathus acus
Linu.) entre dans les étaugs salés qui bor-
dent les côtes de la Méditerranée au mois
de mars pour y déposer son frai. D'après
les pêcheurs des côtes du midi de la France,
ce serait le seul poisson qui se reprodui-
rait dans les étangs. Du moins l'aiguille de
mer en entrant au mois de mars dans les
étaugs a ses ovaires remplis d'œufs; lorsqu'elle
en sort au mois de mai, ses ovaires sont tout à
fait vides. Il en est le contraire chez les autres
poissons, tels que le muge, le loup et la plie
Ceux-ci en pénétrant dans les étangs ont leure
ovaires vides, tandis que lorsqu'ils retour-
nent à la mer ces organes sont garnis d'œufs.
Cette observation a été faite par tous les
pêcheurs qui tendent leurs filets aux diffé-
rentes communications qui existent entre la
mer et les étangs. Aussi aperçoit-on dans
ces derniers amas d’eau salée de petites ai-
guilles de mer qui sont le résultat du frai de
l’année. Ces poissons paraissent être vivipa=
res ; ils rentrent à la ner au mois de juillet,
et même plus tôt lorsque les eaux des étangs
sont très-chaudes. Ils remontent dans les
canaux qui communiquent soit avec la mer,
soit avec les étangs tant qu'ils y trouvent de
l'eau salée.
L'esturgeon remonte les fleuves et les ri-
vières à l’époque du frai ou au mois de juillet,
I rentre à la mer au muis de novembre. Eu
France ce poisson fréquente Ja Saôue, la
Loire et le Rhône, et pénètre jusque dans le
Doubs. Il paraît se nourrir à la mer de ha-
rengs, de gades et de maquereaux ; mais, lors-
qu'il estengagé dans les rivières, il y attaque
52
— 198 —
ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.
cat D)... | j, )
XII.
Cinétobranches.
XII. Raies (raia).
Desmobranches. [Nous comprenons
ici la plupart des
espèces de ce gen-
re, surtout la raie
bouclée (raia cla-
vala Linn.).
Squales (squa-
lus). La piupart
des espèces de ce
genre tel que Lin-
né le concevait,
ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS.
jusqu'aux saumons, dont il triomphe le plus
ordinairement, malgré la grosseur de ce der-
nier.
L’esturgeon était fort estimé des Romains
à raison de la délicatesse de sa chair, assez
semblable à celle du veau. Cette espèce re-
monte en grand nombre de la mer dans les
rivières ; elle ne paraît pas bornée aux fleu—
ves de Ja France. Elle fait, en effet, un des
moyens principaux d'existence des Cosaques
des bords âu Don et du Jaik. On pêche aussi
dans les rivières de la Russie et de l’Allema-
gue le petit et le grand esturgeon (accipen-
ser ruthenus et huso Linn.). Le premier est
surtout abondant dans le Danube et les autres
rivières qui se jettent dans la mer Noireet la
mer Caspienne.
Nous ignorons s'il en est de ces espèces
comme de l’esturgeon commun, si elles ha-
bitent à la fois les eaux douceset salées. IL
paraît certain que plusieurs espèces d’estur-
geons vivent dans leur jeune âge dans le bas-
sin des mers, et que lorsqu'ils sont parvenus
à l'âge adulte ils remontent en abondance de
la mer dans les fleuves et les rivières, où ils
arrivent pour y déposer leurs œufs. Leur
force musculaire est si grande, qu'il n’est pas
de courant, quelle qu’en soit la rapidité, qui
puisse arrêter leur marche. Les plus forts et
les plus intrépides ouvrent la marche, afin
d’aiguillonner, par leur exemple, les indivi-
dus qui pourraient ne pas avoir le courage
de les suivre.
La fécondité des esturgeons paraît prodi-
gieuse ; on a compté jusqu’à plus de quinze
cent mille œufs dans une seule femelle,
nombre qui peut en donner une idée.
Les espèces de ce genre sont assez nom-
breuses et surtout fort fréquentes sur les
côtes de la Méditerranée pendant toutes les
saisons à l'exception de l'hiver. Elles parais-
sent pour lors émigrer vers des côtes plus
chaudes, et se rendre à cette époque dans les
mers de l'Afrique.
Les squales ont des habitudes a peu près
semblables à celles des raies relativement à
l'époque de leur séjour sur les côtes du midi
de la France; seulement ces poissons y passent
en même temps que les sardines, les maque-
reaux et les thons, qu'ils poursuivent avec
fureur. Dès que ces derniers poissons s’en
éloignent, ils les quittent également pour
aller trouver ailleurs un aliment suffisant à
leur voracité.
— 499 —
II. Résumé.
Ces tableaux, ainsi que les détails dans Jesqueis
nous sommes entré, semblent prouver que les passa-
ges des poissons et des oiseaux, comme ceux des au-
tres animaux, dépendent de plusieurs causes qui agis-
sent soit simultanément , soit séparément.
Au premier rang on peut placer l’organisation ou
l'instinct qui porte un assez grand nombre d’entre
eux à se déplacer à des époques fixes et déterminées,
lorsqu'aucune cause extérieure ne semble les enga-
ger à de pareils voyages; ils sont pour lors sous l’in-
fluence d’un penchant ou d’une puissance instinctive
à laquelle ils ne savent ni ne peuvent résister. Gette
influence est la cause déterminante des migrations
périodiques et fixes; aussi ne s’accordent-elles pas
toujours avec la marche de la température et les au-
tres circonstances atmosphériques.
A cette faculté instinctive qui pousse les animaux
à exécuter leurs voyages, réglés pour ainsi dire d’a-
vance, il s’adjoint parfois d’autres causes dont l’ac-
tion est plus ou moins irrégulière; c'est surtout sur
les passages accidentels qu'entreprennent les poissons
à des époques qui n’ont rien de fixe ni de constant
que les circonstances extérieures exercent le plus
— 500 —
d'influence : car pour les migrations, l'instinct les dé-
termine avant tout.
On concoit que le besoin de trouver ailleurs une
nourriture qui leur manque dans les lieux qu'ils ha-
bitent force les poissons à les quitter; il en est de
même des effets produits par la variation de la tem-
pérature et de tous les changements qui arrivent dans
les conditions des milieux extérieurs. Ces circonstan-
ces pressent sans doute ces animaux à se déplacer ;
mais elles ne sont jamais assez puissantes pour les
porter à faire le tour du globe, comme l'instinct qui
y pousse les espèces émigrantes. Il suflit aux pre-
mières de rencontrer quelque part la nourriture et
la température pour qu'elles s’y arrêtent; ces cir-
constances ne suflisent pas aux secondes. Les voyages
sont pour celles-ci un besoin absolu, auquel elles ne
savent ni ne peuvent résister. Il faut qu’elles rem-
plissent une condition aussi essentielle dans leur exis-
tence pour que leur vie et leur bien-être n’en souf-
frent pas.
Considérées dans leurs résultats, les migrations ré
pandent une grande variété dans la distribution des
animaux; elles renouvellent en effet, presque dans
chaque climat, une partie des êtres qui y vivent. Ces
passages égayent la scène de la vie et lui donnent
une nouvelle et continuelle activité. Ils annoncent
également les changements qui vont survenir dans
— 501 —
la température ; ils sont même souvent pour l’homme
des signes évidents et précurseurs des tempêtes ou
du moins de grands changements qui vont avoir lieu
dans les circonstances extérieures.
A raison de ces mystérieux voyages, dont le but
échappe à celui qui n’en étudie pas les motifs, les
anciens avaient accordé à certains oiseaux le don
précieux de la divination. Sans doute l'instinct de
ces animaux ne va pas aussi loin; mais peut-être
leur température élevée les rend plus sensibles à l’im-
pression des agents extérieurs que nos instruments
les plus délicats. Ceux-ci nous font bien connaître
l’état actuel de la température ; mais ils ne nous per-
mettent guère de préjuger ce qu'il sera dans l’avenir,
et même dans l’avenir le moins éloigné du moment
présent. L
Les migrations et les passages des oïseaux et des
poissons, comme du reste ceux des autres animaux,
ne sont pas des phénomènes simples. Le premier de
ces phénomènes, dont les résultats sont à peu prés les
mêmes que les passages accidentels, est essentielle-
ment complexe; cette complication rend difficile l’ap-
préciation des motifs qui les dirigent et les font en-
treprendre. On éprouve quelque embarras lorsqu'on
veut en généraliser les effets, d'autant que la même
espèce est souvent émigrante ou erratique à telle
époque de sa vie, et sédentaire à telle autre ; quelque-
— 502 —
fois elle a des habitudes aussi diverses, suivant les
pays où elle se trouve. Des mœurs aussi variées, fort
rares chez les habitants des eaux, ne deviennent
communes que chez les espèces qui, comme les oi-
seaux, parcourent les vastes plaines de l'air. Les
poissons, comme les oiseaux les plus éminemment
voyageurs ou émigrants, sont aussi les seuls chez
lesquels on découvre de véritables cosmopolites. Une
pareille mobilité ne saurait être comparée aux voya-
ges accidentels auxquels se livrent les espèces erra-
tiques ; il est facile de démêler les motifs de ces der-
nières excursions. Elles dépendent presque toujours
des circonstances extérieures ou de l'influence des
milieux et de celle de la nourriture.
À raison de la difficulté que l’on éprouve lorsqu'on
veut généraliser les causes des passages et des migra-
tions, nous avons tracé dans des tableaux séparés les
époques des voyages des oiseaux et des poissons. On
peut juger de cette manière combien les migrations
sont fixes et régulières, et combien le contraire existe :
dans les passages proprement dits.
Au milieu des faits qui environnent ces voyages,
les uns périodiques et les autres aussi accidentels et
aussi incertains que les variations des saisons, il en
est un dont l'influence semble en déterminer assez
constamment l’étendue. Ge fait est relatif à l’agilité,
ou, si l’on veut, à la facilité et à la puissance des mou-
— 003 —
vements; du moins les animaux qui en jouissent
sont les seuls qui entreprennent et exécutent de
grandes migrations ou de longs voyages. Les insectes
ailés en sont des exemples frappants parmi les in-
vertébrés, tout comme les poissons et les oiseaux
parmi les vertébrés. À l’exception de ces animaux,
nous avons vu combien les migrations auxquelles se
livrent les espèces des autres classes sont restreintes
et bornées : on en a une preuve évidente dans les
chauves-souris. Quoiqu’elles voguent, comme les oi-
seaux, dans les plaines de l’air, ces mammifères ailés
ne se livrent jamais à des voyages même peu étendus.
Ils quittent en effet rarement les cantons qui les ont
vus naïtre, tant leur vol est faible; aussi l'instinct
de ces animaux leur permet en quelque sorte d’en
mesurer le pouvoir.
En résumant l’ensemble des faits que nous venons d’é-
numérer,on peuten déduire les conséquencessuivantes :
1° Le phénomène proprement dit des migrations
ou des voyages périodiques et réguliers semble dé-
pendre essentiellement de l’instinct ou de l’organisa-
tion particulière des animaux qui s’y livrent;
2° Les passages accidentels des espèces voyageuses
paraissent dépendre des circonstances extérieures
sous lesquelles vivent ces espèces, circonstances dont
la température, la nourriture et les soins de la repro-
duction sont les plus essentielles et les plus influentes;
— 504 —
3° Ces phénomènes, rarement simples, sont le plus
souvent complexes, étant déterminés par plusieurs
causes qui agissent simultanément; ces causes por-
tent les animaux à changer de climat et à se trans-
porter d’un pays dans un autre.
4° Les voyages des animaux sont d'autant plus
étendus et d’autant plus prolongés que ceux qui les
entreprennent ont les moyens de franchir sans eflorts
comme sans difficultés de grandes distances.
En démélant ces diverses circonstances dans cha-
que cas particulier qui se présente, on peut se rendre
compte des causes qui portent telle espèce à entre-
prendre des voyages lointains, comme telle autre à
ne faire que des excursions accidentelles et peu éloi-
gnées, ou même à être sédentaire à une certaine épo-
que de sa vie et émigrante ou erratique à toute autre.
Ainsi disparaît peu à peu, aux yeux de l'observateur
éclairé, ce que ce phénomène lui paraissait, au pre-
mier abord, avoir d’incompréhensible et même de
merveilleux.
Nous avons vu un assez grand nombre d'oiseaux
être sédentaires à l’âge adulte ou dans le jeune âge,
tandis qu'ils sont émigrants ou erratiques dans d’au-
tres instants de leur vie, ce qui annonce combien le
phénomène des migrations ou des stations fixes à de
certaines époques est complexe et s'exerce d’une ma-
nière différente pendant l'existence des mêmes espè-
— 505 —
ces. De pareils faits sont sans doute moins communs
chez les poissons; mais peut-être ne le paraïissent-ils
que parce que les mœurs de ces animaux, dont l'ob-
servation est si difficile, sont peu connues.
Nous avons cependant signalé quelques faits qui
semblent indiquer qu'il en est d’eux comme des oi-
seaux, et que par suite de circonstances dont on peut
apprécier l'influence, la même espèce est à la fois
émigrante et sédentaire. Le thon en est un exemple
remarquable. On sait combien ses migrations sont
régulières ; elles ont licu en effet d’une manière pé-
riodique deux fois chaque année. Néanmoins cette
espèce se trouve dans certains parages des bords de
la Méditerranée complétement fixe et ne s’en écarte
jamais; cette circonstance n'empêche pas que les
thons sédentaires ne soient visités tous les ans par
d’autres individus voyageurs. Mais ce qui est non
moins digne d'attention, les individus de mœurs
aussi différentes paraissent vivre de bonne intellisence
pendant tout le temps que durent leurs passages.
Il n’y a donc rien d’absolu pour les races émi-
grantes, erratiques ou sédentaires, puisque les mé-
mes espèces passent par toutes ces circonstances, sui-
vant l’époque de leur vie. Les animaux cosmopolites
sont les seuls qui sous ce rapport soient soumis à des
conditions absolues d'existence dont ils ne peuvent
s’écarter par suite des exigences de leur organisa-
— 506 —
tion et de leurs penchants naturels. Il est pourtant
peu d'espèces complétement cosmopolites, même chez
les animaux qui en offrent seuls des exemples, comme
les poissons et les oiseaux. L’agitation et un mouve-
ment continuel sont pour ces divers animaux le besoin
le plus essentiel de leur vie, comme la tranquillité et
le repos le sont pour les espèces sédentaires. Il a fallu
toute l'influence et toute la puissance de l’homme pour
déranger cet ordre. Il en a bien entrainé avec lui un
certain nombre dans tous les lieux et dans tous les
climats; mais pour cela il ne les a pas rendus cos-
mopolites comme ceux qui le doivent à un instinct
naturel.
LIVRE DEUXIÈME.
DES MIGRATIONS DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS.
CHAPITRE PREMIER.
DES MIGRATIONS DES MOLLUSQUES.
Les animaux invertébrés, dont les mœurs sont moins
connues et d’une observation moins facile que celles
des vertébrés, paraissent, du moins les plus agiles,
se livrer à des actes analogues aux voyages irréguliers
des oiseaux et des poissons. Ces actes ont en effet quel-
ques rapports avec les passages accidentels de ces
animaux , Car, pour la plupart, ils ne paraissent avoir
rien de fixe ni de régulier. On ne les voit pas se suc-
céder avec la périodicité qni caractérise les voyages
des espèces émigrantes des animaux supérieurs.
Les animaux sans vertèbres diffèrent donc des ver-
tébrés par le peu d’étendue des excursions auxquelles
ils se livrent. Il ne parait pas qu'aucun des premiers
exécute des migrations à des époques fixes et régu-
— 508 —
lières, et puisse par conséquent être classé parmi
les espèces émigrantes. Il n'en est pas non plus qu'on
puisse considérer comme cosmopolite, c’est-à-dire
comme voyageant sans cesse, et habitant tour à tour
les diverses contrées du globe.
Les invertébrés offrent uniquement des espèces
dont les unes sont erratiques et les autres sédentaires.
Parmi ces dernières, les unes sont stationnaires par
suite de leur organisation qui les y oblige, tandis que
d’autres ne quittent pas les lieux de leur naissance,
la nature leur ayant refusé où des membres agiles, ou
des appareils propres à leur faire fendre l’air. Jetons à
cet égard un coup d'œil rapide sur l’ensemble des in-
vertébrés, et voyons ce que l'observation nous a fait
connaitre sur la diversité de leurs habitudes considé-
rées sous ce point de vue.
Nous commencerons cette étude par les plus com-
pliqués des invertébrés, ou les mollusques. D’après les
observations dues à M. Forbes, chaque animal ne peut
vivre quedans une localité qui lui est propre. En effet,
les espèces marines qui, comme les pétoncles, vivent en
grandes troupes, aprés avoir séjourné quelque temps
dans tel ou tel lieu, finissent par en disparaitre entière-
ment. Si la nature du sol vient à changer ou si toute au-
trecirconstance se présente, une autre race vient OCCU-
per la même localité, et y domine bientôt sans partage.
Les mollusques paraissent se livrer à des migrations,
— 509 —
aussi bien que les poissons. Cette faculté parait même
exister pour certaines espèces qui semblent le plus for-
tement attachées au sol sur lequel elles ont pris nais-
sance. Cette émigration se fait par le transport des
œufs, lorsque ceux-ci sont groupés ensemble et flottemt
sur l'Océan de plage en plage. Ces œufs ne prennent
leur développement que lorsqu'ils rencontrent la zone
qui convient à leur espèce.
Les mollusques sont essentiellement nageurs à l’ex-
ception des espèces terrestres et des races qui vivent
fixées dans les lieux où ils trouvent à remplir les
conditions de leur existence. Les dernières, vérita-
bles espèces stationnaires, ne sauraient comme les
mollusques libres qui habitent le sein des mers,
exister sous des zones différentes et des climats di-
vers.
Parmi les animaux de l’ordre dont nous nous oc-
cupons, il est donc des espèces stationnaires; ce sont
celles qui vivent constamment sur les rochers, sur les
pieux et les quilles des navires, où elles ont été pri-
mitivement fixées. On peut comprendre dans cette
catégorie les mollusques cirrhopodes, tels que les
anatifes, les #lands de mer, et les tubicinelles. Il est
même des genres de cette famille, les coronules, qui
s'implantent dans la peau des baleines, pénètrent jus-
qu’à leur lard, et s’identifient avec les cétacés dont ils
dévorent la substance.
— 510 —
Ces mollusques sont essentiellement sédentaires,
puisqu'ils ne se déplacent jamais, subissant toutes
les chances des corps et des êtres sur lesquels ils se
trouvent attachés. Il en est peut-être de même des pa-
telles , des oscabrions et des genres analogues qui en
ont été démembrés.
D’autres genres paraissent avoir de pareilles habi-
tudes par d’autres motifs : telles sont les huitres , et
certaines espèces de vénus. Les unes et les autres vi-
vent en société et composent des bancs, souvent fort
étendus, plus ou moins rapprochés des rivages. Ces
animaux sont ainsi fixés à peu de distance des côtes ou
dans des étangs salés par suite de leur organisation.
Les pêches les plus abondantes ne les font pas fuir,
elles semblent activer leur fécondité et leur pro-
pagation, piutôt que d'en arrêter la source.
Cependant dans le même genre des vénus, d’autres
espèces, lon d'être sédentaires, se livrent au contraire
à des excursions plus ou moins longues. Celles-ci ne
participent pas aux habitudes des venus decussata
et virginea, et autres coquilles analogues.
Il est encore parmi ies acéphales testacés des tribus
dont les mœurs sont à peu près les mêmes. On les
voit percer la substance des pierres les plus dures ou
se loger dans l’intérieur des bois qui composent les di-
sues, ou dont les navires sont formés. Les individus
qui en font partie vivent ainsi dans les trous qu'ils
— 511 —
se sont creusés, et d’où ils ne sortent jamais. Ces mol-
lusques lithophages, ou perce-pierres, sont en grand
nombre dans le sein des mers, où plusieurs sont recher-
chés des gourmets à raison de leur goût agréable. Tels
sont le dail commun (pholas dactylus Linné) et les li-
thodomes(modiola lithophaga)auxquels aucun rocher
ne résiste. Ils les corrodent à l’aide d’une liqueur acide
qu’ils sécrètent en abondance. Une foule d’autres
genres d'acéphales ont également des habitudes sem-
blables.
Les tarets (£eredo navalis Linné) se logent dans
les bois dont ils détruisent la substance en les criblant
de toutes parts de trous plus ou moins nombreux.
Leurs espèces, comme les précédentes, ne quittent
jamais les lieux qui les ont vus naïtre.
Il ne peut qu’en être de même des espèces qui font
des conduits dans le sable ou dans la vase, dans les-
quels ils s’enfoncent plus ou moins profondément.
Les hiatelles , les solens, les lutraires, les myes, et
certaines pholades nous offrent des exemples de ce
genre d'habitation. Enfin d’autres genres, particuliè-
rement les gastrochènes, préfèrent percer l’intérieur
des madrépores et des autres genres de polypiers pier-
reux. Lorsqu'ils n’en trouvent pas à leur portée, ils
se logent dans les rochers de sable qui se forment
dans le sein des mers actuelles.
S'il est des mollusques stationnaires, une foule
— 512 —
d’autres de l’ordre des acéphales, auxquels appartien-
nent les huitres, sont éminemment voyageurs; ils ne
se livrent pourtant pas à des excursions régulières et
périodiques. Tels sont les peignes , dont les espèces
erratiques naviguent au milieu des mers avec une
vitesse et une agilité si remarquables, que les navi-
gateurs les désignent sous le nom de papillons des
mers.
On peut encore citer parmi les acéphales, les bu-
cardes, les cythérées, les mactres, qui, par suite de
leurs mœurs erratiques, entreprennent des excursions
plus ou moins étendues. Les térébratules, de la famille
des branchiopodes, se distinguent encore sous les mé-
mes rapports ainsi que les carinaires qui appartien-
nent aux mollusques sastéropodes scutibranches. Rien
n'est plus gracieux ni plus élégant que les coquilles
formées par ces animaux voguant à la surface des
flots avec une rapidité d'autant plus grande, que leur
légèreté est aussi remarquable que leur transparence.
Les céphalopodes et les ptéropodes présentent un
certain nombre de genres erratiques. Parmi ceux qui
n'ont pas de coquilles extérieures, on remarque sur-
tout les poulpes, les calmars et les seiches. Leurs es-
pèces se déplacent assez souvent ; quoiqu’elles n’entre-
prennent pas des voyages périodiques d’une trés-
grande étendue, elles se livrent cependant à des
<xcursions assez lointaines.
— 513 —
Il en est également des céphalopodes pourvus de
coquilles, tels que les nautiles et même les spirules,
nommés à cause de leur forme cornet de postillon.
Ces animaux vivent dans la haute mer, et y voguent
avec la plus grande vitesse. Ces élégants mollusques,
dont la construction est si merveilleuse, se distinguent
encore par l'étendue de leurs voyages ; ils ont cepen-
dant rarement lieu à des époques fixes et déterminées,
comme ceux auxquels se livrent habituellement les
oiseaux émigrants. Il en est ainsi des argonautes, nom-
més nautiles papyracés, à raison de la fragilité de
leurs coquiiles ; leur forme en carène paraît avoir
donné l’idée du premier vaisseau. Les animaux qui ha-
bitent ces frèles embarcations fendent les ondes avec
prestesse quand elles ne sont agitées que par un léger
zéphir; mais, pour si peu que le vent les tourmente,
ou que quelque danger les menace, ils retirent leurs
bras dans leurs coquilles, s'y concentrent entiére-
ment, et redescendent dans la profondeur des mers.
Parmi les plus agiles et les plus erratiques des mol-
lusques on doit comprendre les ptéropodes qui ont
des ailes aux pieds, ainsi que l'indique leur nom.
Ces animaux, à l'instar des argonautes, se servent
de leurs coquilles comme de bateaux, et leurs ailes
deviennent pour eux des rames légères à l’aide des-
quelles ils nagent à la surface des mers. Quelque-
fois Les mollusques de cette famille font sortir par les
53
— 514 —
fentes latérales de leurs coquilles des lanières plus ou
moins allongées, qui favorisent singuliérement leur
natation. Ces productions du manteau, si utiles à la
facilité des mouvements, se remarquent particulière-
ment chez les hyales (kyalæa cornea Lam.). Ces pté-
ropodes ne sont ni moins élégants ni moins pittores-
ques dans leurs formes que les clio, Les cléodores, les
cymbulies et les limacines, genres dont les habitudes
sont également erratiques.
Les mollusques sont loin d’être les seuls invertébrés
qui exécutent des voyages plus ou moins considéra-
bles. De pareilles habitudes leur sont communes avec
les insectes et les zoophytes. A la vérité, celles des
derniers animaux, qui habitent le sein des mers, ont
été moins observées. Aussi sont-elles moins connues.
Nous ne pourrons guère en citer des exemples. Les
migrations auxquelles se livrent les zoophytes ont
été si peu étudiées, que nous sommes presque réduit
à nos propres observations et à celles que nous de-
vons à M. À. d'Orbigny. C’est aussi sur ces seules
données que nous tracerons plus tard l’histoire de
leurs voyages.
À plusieurs reprises différentes, et pendant plusieurs
années, mais non consécutives, nous avons observé sur
les bordsde la Méditerranée des passages considérables
des cytherea chione, des cardium tuberculatum, des
cerithium vulgatum et des buccinum mutabile.
— 015 —
Aux mêmes époques cette mer en rejeta un si grand
nombre sur le rivage, que les mollusques y formaient
comme des cordons d’une nouvelle sorte, tant les
trainées de leurs coquilles étaient épaisses en même
temps qu'étendues.
De pareils faits se présentent également en pleine
mer: Îls sont presque toujours un objet d’étonnement
pour les navigateurs, frappés de la quantité prodi-
sieuse de mollusques, soit nus, soit conchifères, qu'ils
apercoivent en traversant telle ou telle zone de l’O-
céan. Ces animaux disparaissent bientôt à leurs
yeux, lorsque leurs navires ne suivent pas la même
direction que celle des passages de ces mollusques.
Ils les voient au contraire se prolonger sur des es-
paces extrêmement considérables, lorsque leurs vais-
seaux côtoient ces légers habitants des ondes.
Telles sont les principales particularités des mol-
lusques, dont les espèces sont aussi nombreuses que
variées. Cet apercu prouve que l’on ne découvre pas
dans cette classe des espèces émigrantes ni cosmopo-
lites. On y voit seulement des races erratiques ou
complétement stationnaires. Ceci n’empèche pas que
les divers genres de ces animaux n’apparaissent sur
les côtes ou dans l'intérieur de l'Océan à des époques
diverses ; cette circonstance dépend uniquement de ce
qu'ils se renouvellent dans des mois différents, et qu’ils
se rapprochent de certains rivages pour se reproduire.
— 516 —
CHAPITRE IE.
DES ARTICULÉ.
Voyons ce qu 1l en estdes annélides qui font partie,
avec les crustacés, les arachnides et les insectes, de la
grande tribu des articulés. On concoit aisément qu’il
ne faut pas chercher des races erratiques parmi les an-
nélides qui habitent l’intérieur du sol, comme les lom-
brics, nommés vulgairement vers de terre. Il en est de
même des autres abranches, qui, quoique vivant dans
le sein des eaux, n’en sont pas moins sédentaires. Tels
sont les thalassènes qui se trouvent sur les côtes des
mers dans les fonds sableux. On peut encore citer les
naïades, les sangsues, les dragonneaux que l’on décou-
vre en général dans les eaux douces ; ils se font tous
remarquer par leur fécondité. Une espèce de sangsue
(hirudo verrucosa) se rencontre cependant dans les
eaux des mers; elle n’est pas moins sédentaire que
celles des eaux lacustres. |
Des habitudes analogues sont communes aux an-
nélides tubicoles, nommés vulgairement pinceaux de
— 517 —
mer. Ceux-ci sont tellement stationnaires, que plu-
sieurs d’entre eux recouvrent, en s’entortillant, les
pierres , les coquilles, et tous les corps sous-marins
qui se trouvent à leur portée. Ils sont donc fixés aux
objets sur lesquels ils se placent, et en suivent toutes
les chances, à peu près comme les patelles le font par
rapport aux rochers sur lesquels elles s’implantent.
Les annélides, qui, comme les sabelles, les térébelles
et les amphitrites, se logent dans des tubes factices
composés de grains de sable et de fragments de co-
quilies, ont aussi l'humeur peu voyageuse. Elles peu-
vent donc être comprises parmi les espèces sédentaires.
Il en est de même des siliquaires, des dentales, et sur-
tout des arrosoirs, puisqu'ils s’attachent auprès des
rivages de la mer sur les rochers des bords des côtes.
Les annélides dorsibranches ont des mœurs tout à
fait analogues ; en effet, les néréides vivent en général
dans des trous, ou dans l’intérieur des pierres, ou dans
les vieux bois enfoncés dans les eaux des mers, ou
enfin dans des tubes cornés ou membraneux. On ne
peut donc supposer des habitudes erratiques qu'aux
petites espèces de ce genre. Celles-ci sont parfois en
si grande quantité dans l'Océan, qu’elles en rendent
la surface lumineuse par la matière phosphorique dé-
veloppée par leurs organes. Il en est encore ainsi des
arénicoles ; celles-ci s’enfoncent profondément dans le
sable du bord des rivages et à tel point que les pé-
— 518 —
cheurs sont obligés d’y pratiquer de grands trous pour
les retirer et s'en servir ensuite comme d’appât. Ces
annélides sont, pour les mers, ce que les lombrics
sont pour la terre.
Les autres articulés dorsibranches voyagent peu,
surtout les spio, qui habitent des tuyaux membraneux.
Les aphrodites et les amphinomes, beaucoup plus
libres que les espèces précédentes dans leurs mouve-
ments, sont aussi les seuls qui se livrent à quelques
excursions, mais de peu d'étendue,
Si nous étudions les crustacés sous le méme point
de vue, nous verrons qu’en général ces animaux ont
été peu favorisés sous le rapport de la facilité de leurs
mouvements; aussi un petit nombre voyage, mais
leurs courses ne s'étendent jamais à de grandes dis-
tances. On ne peut citer parmi ceux où 8e montrent
de pareilles habitudes que les décapodes brachyures,
particuliérement ceux désignés sous le nom de crabes
nageurs, Les autres genres présentent de nombreuses
exceptions. Ainsi les gearcins passent la plus grande
partie de leur vie à terre, se cachent dans des trous,
et ne gortent que le soir ; ils ne vont à la mer qu'au
moment de la ponte. Les pinnothéres vivent dans
l'intérieur des huitres, des moules et méme d’autres
coquilles. Il est évident qu'avec de pareilles mœurs on
né peut pas supposer à ces décapodes brachyures des
habitudes de voyages, et que les espèces de ces genres
— 519 —
rentrent parmi celles qui sont complétement station-
naires.
S'il est parmi les décapodes macroures des crusta-
cés dont les mœurs soient sédentaires, tels que les
éerevisses, d’autres, au contraire, appartiennent aux
raceserratiques. Parmi ces dernières, on peut citer les
homards, les seyllares, les langoustes et les salicoques ;
il en est de même des crustacés stomapodes, particu-
lièrement des squilles, ainsi que des crustacés amphi-
podes, comme les chevrettes, les talitres, et les coro-
phies. Uneexception remarquable nous est fournie
dans cet ordre par le genre phronomine, À l'exemple
de Diogène, il se renferme dans une espèce d'étui
membraneux qui ressemble fort à un tonneau. Ainsi
à l'abri des dangers qui pourraient menacer sa frèle
existence, la phronomine sédentaire passe sa vie
paisiblement. Quelquefois pourtant, emportée par
le roulis des flots, elle perd pendant quelques ins-
{ants ses habitudes de repos et de tranquillité.
Les crustacés isopodes terrestres sont presque tous
stationnaires ; les espèces marines seulement se li-
vrent à quelques excursions, mais de peu d'étendue.
Il faut encore en excepter celles qui vivent en para-
sites sur des poissons et d’autres animaux marins.
Tels sont les chevroles, les cyames, les eymothoëés,
les sphéromes et les bopyres, Avec ces genres on doit
encore comprendre parmi les crustacés sédentaires
— 520 —
les aselles, les cloportes, les porcellions et les amar-
dilles. Il en reste donc peu pour représenter les races
erratiques. Il ne reste en effet que les ancées, les
pranizes , les apseudes et les iones, auxquels on peut
supposer de pareilles mœurs.
Un grand nombre de crustacés branchiopodes vi-
vent aussi sur d’autres animaux, et par conséquent
ils ne quittent jamais ceux sur lesquels ils se sont éta-
blis en parasites. Tels sont les caliges, les argules,
les cécrops et les dichélestions. Quant aux autres
genres de cette famille, la plupart vivent dans les
eaux douces, quelquefois même en grandes sociétés. Ce
n'est que parmi le petit nombre des espèces marines
quel’on pourrait en découvrir dont les habitudes fussent
erratiques, Il ne paraît pas pourtant qu'ilen soit ainsi.
Les arachnides, soit trachéennes, soit pulmonaires,
n'étant guère susceptibles de mouvements continus
longtemps prolongés, sont par cela même générale-
ment sédentaires comme les aptères parmi les insectes.
En effet, les espèces de cette dernière classe, munies
d’ailes fortes et puissantes, et qui par cela même peu-
vent franchir de grandes distances, sont à peu près
les seules erratiques. Les lépidoptères, les orthoptè-
res, et quelques hyménoptères se distinguent essen-
tiellement sous ce rapport. Quelque étendus que soient
leurs voyages, ils n’ont jamais lieu d’une manière ré-
gulière ni fixe, mais à des époques indéterminées.
— 521 —
Il en est de même des déplacements des abeilles et
des fourmis; ces déplacements s’opérent souvent
sans causes apparentes, et toujours accidentellement.
Aussi est-il difhicile d'en démêéler et d’en apprécier
les motifs.
Les voyages des insectes ont lieu de plusieurs ma-
niéres ; ils nesont pastoujours bornés aux races munies
d’ailes puissantes. Les orthoptères, les lépidoptéres, les
byménoptères, enfin tous les ordres qui volent avec fa-
cilité ne sont pas les seuls dont les excursions soient
lointaines. Ceux d’entre eux que la nature n'a pas
doués de moyens de transport facile y suppléent par
un instinct particulier.
Certains coléoptères, dépourvus d’ailes et tout à
fait aptéres, n'ayant pas des organes du mouvement
bien agiles, n’en voyagent pas moins ; ils franchissent
enseconfiant à la fureur des flots ou aux cours rapides
des fleuves, de longues distances. Les akis, les pimelies,
les scaurus, et la majeure partie des espèces de la fa-
mille des mélasomes, parcourent ainsi presque le pour-
tour de la Méditerranée, en s’abandonnant aux chan-
ces hasardeuses des courses sur la mer. Ces insectes
peuvent rester plusieurs jours plongés en partie dans
les eaux douces ou salées, sans compromettre pour cela
leur vie. On en a eu la preuve lors des grandes inon-
dations du Rhône. Ces inondations, dont la violence
fut extrême, entrainérent d’abondants dépôts de limon
— 522 —
dans le sein de la Méditerranée; ces troubles, rejetés
ensuite sur les côtes, y formèrent des alluvions plus ou
moins considérables. Ces alluvions furent trouvées
remplies d'insectes de tous genres, dont un certain
nombre était privé de vie; mais au milieu de ces ca-
davres on découvrit une infinité de ces animaux aussi
agiles que s’ils n'avaient pas été submergés. Ces es-
pêces, auxquelles une submersion plus ou moins
prolongée n’avait pas fait perdre la force et l’agilité,
appartenaient généralement à celles de moyenne
grandeur dont la vigueur avait pu lutter contre la fu-
reur des flots.
Dans cette classe même des coléoptères, il est cer-
tains genres que l’on ne présumerait pas pouvoir
parcourir de grandes distances, tant leur corps parait
lourd et la force de leurs ailes peu en rapport avec
cette pesanteur. Ils n'en voyagent pas moins. Parmi
eux, on peut signaler les bousiers et un certain
nombre de genres analogues qui font partie de celui
des scarabés de Linné. Lorsque certains de ces co-
pris prennent leur essor, on les voit s'élever de terre,
en décrivant un cercle de quelques mètres, et monter
ainsi perpendiculairement presque à perte de vue.
Aussi, malgré la pesanteur de leur corps, ces insectes
et une foule d’autres espèces analogues ne se livrent
pas moins à de longues excursions.
D’autres genres du même ordre attendent pour
— 523 —
partir que le jour soit à son déclin, et que le crépus-
cule annonce la fin du jour. Analogues sous ce rapport
aux lépidoptères crépusculaires, ils fuient comme eux
leurs retraites paisibles au moment que la clarté de la
lumière s'éteint pour aller sur l'aile des vents visiter
d’autres climats. Tels sont par exemple les Aæmati-
cherus, soit l’Leros, soit le velutinus.
De pareilles habitudes sont communes à un grand
* nombre d'insectes carnassiers, particulièrement à des
coléoptères de la famille des carabiques. Les brachinus,
les zuphium, et la plupart des genres qui demeurent
pendant le jour sous la terre ou sous les écorces sont
de ce nombre. Ils fuient, comme les sphinx, les sesia
et les autres crépusculaires, la lu mière du jour qui
ne peut convenir à leurs organes visuels, et ne sortent
que lorsque les ombres étendent leurs voiles sur la
nature entière.
Les passages des insectes sont si irréguliers, que
des savants ont supposé que leur apparition coïnci-
dait, pour la plupart du temps, avec les maladies qui
se manifestent à certaines époques, et qui, par la
grande mortalité qu’elles entrainent, sont de vérita-
bles fléaux pour l'humanité (1). Telle fut l'opinion que
(1) Les insectes ne peuvent avoir une influence fâcheuse sur la santé,
que lorsque réunis en très-grand nombre, leurs cadavres , par leur dé-
composilion, exhalent des gaz délétères.
— 524 —
l'on eut le 2 août 1832 à Marseille lorsqu'on vit ap-
paraître tout à coup et inopinément une grande quan-
tité de sauterelles au moment où le choléra y exercait
ses ravages. Gette quantité fut si considérable, que
dans les environs de Château-Gombert on recueillit
dans le faible espace de trois jours jusqu’à trois cent
quatre-vingts kilosrammes d'œufs de ces insectes.
À la même époque un passage extraordinaire de
papillons de la famille des piérides fut également ob-
servé dans un des quartiers de Paris. Ces migrations
insolites se rattachent-elles au développement de ma-
ladies aussi terribles que le choléra et la peste ? On
ne saurait le supposer. On ne voit pas en Orient les
passages des sauterelles coïncider avec l'apparition
de cette dernière maladie. Il parait en être de même
en Russie; ce ne fut pas du moins l’année où cette
maladie exerca de grands ravages à Odessa que les
sauterelles s’y montrèrent en grand nombre, mais
l'année qui précéda l'invasion de ce fléau.
D'un autre côté, lorsqu'on fait attention qu’à l'épo-
que où le choléra sévit en France les passages des
oiseaux furent peu nombreux, notamment ceux des
hirondelles, il est difficile d'admettre quelques rela-
tions entre l’apparition de certains insectes et cette
maladie ou toute autre plus ou moins contagieuse. On
serait tenté de supposer plutôt le contraire si à l’é-
poque de l’invasion de cette terrible maladie, ces o1-
— 525 —
seaux avaient séjourné parmi nous aussi longtemps
qu’à l'ordinaire. On pourrait pourtant faire observer
que les orthoptères, les lépidoptères, les hyménop-
tères et les diptères se font particulièrement remar-
quer par l'étendue de leur respiration. On peut les
plonger dans des gaz délétères pendant quelques ins-
tants sans qu'ils en paraissent incommodés. Les in-
sectes, en quelque sorte les oiseaux des invertébrés,
respirent une grande quantité d'air au moyen des
nombreuses ramifications de leurs trachées, et par
cela même ils doivent être plus impressionnés par.
les miasmes.
Parmi les faits qui se rattachent aux passages des
insectes, il en est un des plus curieux dont la société
entomologique de France a eu connaissance par M. Le-
febvre, son secrétaire. Le 18 mai 1831, à neuf heures
du soir, une apparition considérable de hannetons
(melolontha vulgaris) assaillit, au sortir du village de
Talmontiers, la diligence sur la route de Gournay
a Gisors (Eure). Le nombre des hannetons était si
considérable, que les chevaux, effrayés, obligérent le
conducteur à rétrograder jusqu'au village. Il y atten-
dit que cette grêle d’une nouvelle espèce eùt cessé
pour continuer sa route (1).
(1) Annales de la société entomologique de France, tom. 1, pag. 256.
— 526 —
Il se pourrait que les migrations, réellement pro-
digieuses par le nombre des individus qui s’y livrent,
tinssent à ce que les insectes se transporteraient
dans d’autres localités lorsqu'ils auraient tout détruit
dans les lieux qu'ils habitaient primitivement. On
peut du moins assigner une pareille cause au passage
d’une nuée de la vanessa urticæ qui eut lieu en juillet
1828 sur les bords du lac de Neufchâtel en Suisse.
Ce passage dura plus d'une demi-heure en se diri-
geant du nord-est au sud-ouest. Il en est de même de
cette grêle de l’ædipoda cruciata (Charp.) dont fut
témoin, le 9 juin 1829, M. Lefebvre dans les campa-
ones de Smyrne, surtout au sommet de la citadelle.
Cet insecte y était si nombreux qu'il bruissait vers
midi comme une forte pluie; il couvrait la terre for-
mant une couche d'environ deux pouces d'épaisseur.
Nous pouvons également citer comme un exemple
remarquable du passage des insectes celui qui eut
lieu dans le midi de la France en septembre 1837.
Le nombre des libellules qui le composait était si
considérable, que dans certaines localités l’air en fut
en quelque sorte obseurci; dans les lieux où cette
troupe s'arrêta il n’y eut pas une seule plante qui
n’en füt chargée. Chose non moins étonnante, la plu-
part de ces insectes voyageurs étaient accouplés. Ils
partirent, ainsi réunis, lorsqu'ils retournérent à la
mer, qu’ils traversèrent pour se rendre dans d’autres
— 527 —
climats. Lorsqu’au contraire les libellules arrivèrent,
elles étaient solitaires et point accouplées comme lors
de leur départ.
De pareilles migrations ont également lieu chez les
papillons ; on se rappelle, du moins encore à Genève,
un de ces passages où se trouvaient des milliers d’in-
dividus d’une espèce ordinairement fort commune
dans les régions tempérées, la vanessa cardui.
Les passages de ce papillon ont lieu souvent en nom-
bre extrêmement considérable, et cela d’une manière
générale dans un grand nombre de contrées différentes.
Il faut ensuite des temps très-longs pour en revoir
de pareils. C’est ainsi que celui dont nous parlons,
qui se rapporte à l’année 1828, ne s’est plus renou-
velé depuis lors.
La cantharide (lytta vesicatoria) nous à fourni
également, en 1838, un exemple du nombre réellement
prodigieux d'individus qu'offrent les passages d’in-
sectes qui n'ont rien de fixe ni de régulier.
L’Ecriture a depuis longtemps rendu fameuses les
migrations des insectes en nous retraçant les plaies
que l'Egypte éprouva par la venue d’une multitude
desauterelles qui se répandirent dans cette contrée (1).
On ne saurait, dit le docteur Spry, imaginer de fléau
plus dévastateur, et dont les conséquences soient plus
(1) Exode, chap. x, vers. 4, 5, 6 et 19.
— 528 —
funestes et plus affligeantes. Aussi est-il fort difhcile
de donner une idée des effets de l’invasion de ces in-
sectes (gryllus migratorius),par l'impossibilité où l’on
est de trouver un point de comparaison avec quelque
événement de ce genre en Europe.
On ne peut guêre se représenter dans les pays occi-
dentaux, de masse mouvante dans les airs plus formi-
dable et plus nombreuse qu'un vol d'oiseaux, ou d’un
essaim de moucherons.Comment pouvoir donner l’idée
d’une masse compacte d'insectes qui occupe toute l'é-
tendue du ciel aussi loin que la vue peut atteindre, et
qui, se mouvant dans l’air avec l’impétuosité d’un tor-
rent, produit un bruit pareil au mugissement de la
mer. Ces animaux parcourent ainsi Les régions de l’air
jusqu’au terme de leur éphémère existence. Ils se
laissent alors tomber d’épuisement, déposent leurs
œufs en terre, et meurent promptement. Dans quel-
que endroit que ces insectes se posent à terre, l’as-
pect du pays subit une complète métamorphose. Les
lieux les plus fertiles deviennent entièrement arides ;
il semble que le feu ait passé sur la terre, et qu'il ait
tout desséché.
Lorsque de pareils passages ont lieu, la clarté du
soleil disparait ; elle fait place à l'obscurité du crépus-
cule. On voit les sauterelles traverser lesairs avec une
rapidité extraordinaire. Leur marche, ou plutôt leur
vol, commence le matin, et lorsque le soir arrive elles
— 529 —
se posent à terre sur toute espèce de plantes indifférem-
ment. On assure que dans les taillis les plus épais
elles ne laissent pas la moindre feuille ou le moindre
brin de verdure. Le jour suivant, au lever du soleil,
on les voit reprendre leur vol et s’arrêter de nouveau
lorsque vient le soir. Le pays où elles se trouvent,
lorsque arrive le terme de leur existence, est double-
ment à plaindre : non-seulement il subit une com-
plète dévastation, mais l'infection causée par les sau-
terelles mortes occasionne souvent des maladies d’au-
tant plus graves que la cause qui les produit dure
plus longtemps.
De pareilles migrations des sauterelles ne sont
pas rares dans les contrées tempérées. De nombreux
exemples des ravages qu’elles yont causés ont été cités
de tout temps. Ces ravages démontrent assez la réa-
lité de ce phénomène. Nous ajouterons à cet égard
un fait remarquable dont la date est récente, et qui
se rapporte à la fin du printemps de l’année 1840.
Ces insectes, connus dans le midi de la France sous
le nom de cousins pautiques , envahirent à cette
époque la commune de Saint-Geniez le Bas. Ils se
rapportaient aux sauterelles désignées par les en-
tomologistes sous les noms de locusta viridissima ,
grisea et epphipiger. Leur nombre donuait une idée
des légions de sauterelles dont les migrations amé-
nent avec elles la famine et la peste dans les pays
577
— 550 —
où elles s’abattent le plus ordinairement, comme l’A-
rabie, la Tartarie et l'Afrique.
Les nuées de sauterelles qui ont désolé à cette épo-
que la commune de Saint-Geniez le Bas n’ont rien
de commun , par les espèces qui en faisaient partie,
avec celles des contrées dont nous venons de parler.
Elles se rapportaient toutes à des espèces communes
dans le midi de la France. Leur nombre extraordi-
naire tenait probablement à une foule de circons-
tances climatériques qui avaient dû en favoriser le
développement.
De pareilles migrations ont souvent lieu dans les
plaines du midi de la France où l’on cultive le blé
très en grand, comme la Camargue. Le nombre de
ces insectes y est souvent si considérable, que la ré-
colte serait bientôt entiérement dévastée par eux si
des chasses actives et générales n'étaient faites dans le
but de les détruire. Il y a quelques années que l’on y
a recueilli du 41 mai au 20 juin jusqu'à 555 sacs
de sauterelles du poids de 52 kilogrammes le sac
en terme moyen. En supposant que le poids d'un de
ces insectes füt de 5 grammes, ce qui est au-des-
sus de la réalité, le nombre total des sauterelles re-
cueillies n'aurait pas été moindre de 5,772,000.
On peut en outre se faire une idée exacte de la
quantité de celles dont les migrations envahirent la
commune de Saint-Geniez le Bas, en considérant que
— 5351 —
dans un seul domaine de cette commune, celui de
Pont-de-Rosty, on en a pris plus de 400 quintaux.
Nous pourrions citer bien d’autres exemples non
moins récents de migrations tout aussi considérables.
Nous en rapporterons un seul assez curieux. Un pro-
priétaire avait acheté plusieurs charretées de luzerne
dans une commune du département de l'Hérault; il
fut fort étonné, lorsqu'il les fit décharger, d’y trouver
plusieurs quintaux de sauterelles. Il voulait même en
déduire le montant sur le prix qu’il était convenu de
payer; il ne se rendit que sur l'observation qu’on lui
fit qu'il les avait vues sur les champs où se trouvait
le fourrage qu'il avait acheté.
Les sauterelles traversent souvent les mers dans
leurs migrations : ce qui est non moins extraordinaire,
il en est de même de certains insectes dont le corps
est fort lourd et la puissance du vol en général assez
faible. Ainsi les ateuchus sacer et lLaticollis, très-com-
muns sur les plages sablonneuses du midi de Ja
France, y arrivent d’Espagne ou d'Afrique, et fran-
chissent ainsi la Méditerranée. Il en est souvent de ces
insectes comme des cailles : ils ne peuvent arriver
jusqu'au terme de leur traversée; précipités par les
vents dans le sein de la mer, les vagues et le roulis
les rejettent ensuite sur les côtes qu'ils n'ont pu at-
teindre.
On est moins étonné de voir les papillons du chou
pierris brasicæ) et celui du chardon (vanessa car-
lui) taverser la Méditerranée et arriver dans le midi
de la France, plus ou moins régulièrement, en avril et
en mai. Les chasseurs regardent les passages de ces
espèces comme l’avant-coureur des cailles. Lorsque le
nombre des papillons est considérable, ils espèrent
qu'il en sera de même de ces oiseaux. Si les colonnes
serrées des lépidoptères arrivent à bon port, mal-
heur aux jardins où elles s'arrêtent. Les papillons
y déposent leurs œufs, et bientôt les choux et les ar-
tichauts sont dévorés par les chenilles qui en naissent
et dont la voracité est extrême.
D'après l’Æbeille du Nord, du 29 octobre au 10 no-
venibre 1840, il y aurait eu en Juin de cette même
année une apparition extraordinaire de chenilles à
Odessa. Ce journal rapporte que, dans les rues de cette
ville, d’épaisses masses de chenilles prenaient toutes la
même direction, et couvraient tous les objets qu’elles
rencontralent sur leur passage (4).
Il y en a eu une autre plus considérable encore
pendant le même mois de juin dans la petite Russie.
(4) On s'explique diflicilement celte circonstance; car il paraît que les
chenilles ne peuvent être transportées par des courants d’eau violents.
Elles ne sauraient donc être de passage. Nous avons cru néanmoins devoir
signaler Île fait rapporté par l'Abeille du Nord.
Dans le faubourg de Kroukof, qui fait partie de la
ville de Krementchoug, on vit tout à coup paraitre
une troupe immense de chenilles se précipitant vers
le pont du Dnieper qui conduit à Krementchoug.
L'autorité crut devoir interrompre le pont; mais
cette mesure n'arrêta nullement le progrès de ces ani-
maux vers la rive gauche; les insectes. se roulèrent
en forme de pelote, et, se jettant ainsi dans le fleuve,
ils le passèrent à la nage et continuèrent leur marche
vers le Nord. Le lendemain une foule de rues et de
maisons en furent couvertes et comme inondées.
Dans leur marche à travers la ville, les masses de
chenilles se partagérent en deux lignes; dans l’une
on voyait s avancer les grosses, et dans l’autre les pe-
tites. Quand la ligne était interrompue et qu'il y avait
un intervalle, celles de devant s’arrêtaient et donnaient
aux autres le temps de se reposer et de les rejoindre.
Ces faits, attestés par les autorités les plus graves,
prouvent que, quoiqu'en général l’activité et la facilité
des mouvements soient des circonstances nécessaires
à l'étendue des migrations, il n’en est pas toujours
ainsi. Du moins les chenilles et plusieurs autres ani-
maux qui se livrent à des courses assez longues sont
peu favorisés sous ce point de vue.
Il est fâcheux qu’on n’ait pas fait connaitre le nom
scientifique des chenilles qui ont offert un si singulier
spectacle en 1840 dans la ville d'Odessa. On aurait pu
— 5354 —
alors avoir quelque idée de la cause qui a déter-
miné une pareille apparition, et s'assurer si le
besoin d’une nourriture abondante ou toute autre
circons{ance, comme celle d’une température appro-
priée aux conditions d’existence de ces chenilles, ne
les avaient pas portées à se transporter d’une localité
dans une autre.
Du moins, certaines espèces de larves de lépidop-
téres se déplacent souvent par suite de ces circons-
tances. Parmi celles-ci, il en est une dont le nom in-
dique de pareilles habitudes : telle est la procession-
naire du pin. Ces chenilles quittent parfois une forèt
composée de ce genre d’arbres, et vont en grand nom-
bre en trouver une autre, où elles espèrent rencon-
trer de quoi satisfaire leur voracité. Cette circonstance
n’a toutefois lieu que lorsque deux forêts ou deux bois
sont extrèmement rapprochés. On les voit pour lors
marcher à la suite les unes des autres tenant en
quelque sorte leur rang. Les chenilles s’avancent ainsi
avec une assez grande régularité vers leur destina-
tion, rappelant un peu l’ordre qui règne dans les
processions.
Un fait non moins remarquable a été observé par
M. Dunal au sujet de l’altise bleue ou altise des pota-
sers. D’après ce botaniste, cet insecte, parvenu à l’état
parfait, après avoir ravagé pendant de longues années
les vignobles de l'Espagne, particulièrement ceux du
= 535
littoral de la Méditerranée, est venu exercer de pareils
désastres dans les vignes du Roussillon et du Langue-
doc (1). Ce qu'il y a de singulier à l’épard de ces
voyages ou des déplacements de ces animaux des lieux
qu'ils habitaient primitivement, c’est que, après avoir
quitté l'Espagne , ils ont passé d’abord par le Rous-
sillon, et ne se sont répandus que beaucoup plus tard
dans les contrées limitrophes.
Les dégats de cet insecte ont été en Espagne si
considérables, que l’église de Malaga a cru devoir faire
des formules de prières pour l’exorciser ; d’un autre
côté, quoiqu'on ignore entièrement l’époque de son
apparition en Roussillon, elle ne paraît pas remonter
bien haut. On sait qu'il y a au plus vingt à vingt-cinq
années les ravages de cette altise furent extrême-
ment grands dans les communes de Collioure, de
Port-Vendres et de Banyuls-sur-Mer. Plus tard, il en
fut de même dans les cantons de Rivesaltes, d’Es-
péra, de l’Agli et de Baïixas, cantons plus rapprochés
du département de l’Aude que les premiers.
Les atteintes portées aux vignes du département de
l'Hérault n’ont été remarquées qu'en 1819, seule
ment dans la commune de Vendres, la plus occi-
dentale du littoral de ce département, conséquem-
(1) Builleiin de la société d'agriculture de l'Iéraet, 19€ année, 1832, 177.
— 536 —
ment la plus voisine du département des Pyrénées-
Orientales. Ce département avait été antérieurement
exposé depuis longtemps aux ravages de l’altise bleue.
Cet insecte, connu des agronomes par les dégâts
qu'il fait éprouver dans les jardins aux semis de
toute espèce, a atteint, de 4823 à 1825, les com-
munes d'Agde, de Marseillan, de Gigean, de Mont-
Bazin, de Frontignan, de Mirevals et de Pérols. Il y
a causé de grands dégats. Il en a été de même plus
tard en 4831 dans le département du Gard , surtout
dans la partie méridionale des bassins du Vidourle et
du Vistre.
Ainsi, depuis les Pyrénées jusqu’à la plaine du
Vistre, les vignobles des communes les plus voisines
du littoral ont été successivement envahis par les alti-
ses. Cetenvahissement a eu lieu en avancant constam-
ment de l'occident vers l’orient. Dans l’espace dequa-
torzeannées, ces insectes se sont propagés des vignes de
Vendres jusqu’au Vistre, et cela dans un espace d’en-
viron 25 lieues de longueur. Depuis lors ils ont con-
sidérablement marché en avant, et déjà ils menacent
tous les vignobles situés à peu de distance de la Mé-
diterranée. Ne peut-on pas considérer ces passages d’un
lieu à un autre comme analogues à ceux auxquels se
livrent, par suite de leur multiplication, tant d’autres
animaux. Sans doute ces passages s’opérent d’une
manière lente, lorsqu'on les considère par rapport à
— 531 —
nous; mais leurs effets paraissent bien rapides, lors-
qu'on les compare à leur grosseur à peine de trois à
quatre millimètres. Ils n’en montrent pas moins la
tendance des insectes à changer de pays, soit que
le besoin de nourriture les y détermine, soit qu'ils y
soient poussés par tout autre motif. Ces faits ne sont
pas moins curieux à rapprocher, afin d’en faire saisir
les relations ; c’est aussi sous ce rapport que nous les
avons Consignés.
On est moins surpris de voir certains lépidoptères
crépusculaires, qui jouissent d’une grande puissance
de vol, exécuter de fort longs voyages. Aussi n’est-il
pas rare de les voir arriver sur les côtes de la Médi-
terranée, même en plein jour. Dès que leur traversée
est finie, les sphinx, principalement le rayé (sphinx
lineata) butinent en arrivant sur les anthémis et les
violiers (cheiranthus maritimus),qui croissent en abon-
dance sur les plages maritimes du midi de la France.
Ce que nous venons de faire observer relativement
aux insectes crépusculaires, est plus fréquent chez les
sauterelles ; car, après avoir traversé la Méditerra-
née, celles-ci arrivent parfois en foule, surtout en
septembre et en octobre. Les espèces qu’on observe
le plus ordinairement dans le midi de la France sont
les gryllus migratorius et lineola.
On est moins étonné, après ces exemples, de voir
des nuées de tipules et de cousins entrainées par les
— 538 —
vents jusque dans les montagnes et à de fort grandes
distances de leur séjour ordinaire, les plaines hu-
mides et les bords des rivières. De même souvent, en
septembre et en octobre, des friganes, des semblides,
sont emportées dans la direction du sud parles vents
fort loin des lieux où elles avaient pris naissance.
Les passages de ces insectes sont quelquefois si
nombreux, qu'ils donnent lieu à des méprises fort
singulières. Ainsi, vers la mi-août de l’année 1842,
toute la ville de Brielle fut en émoi à la vue d’un épais
nuage de fumée qui enveloppait la tour de la grande
église. La panique se répandit en un instant dans tous
les quartiers de la ville. Le personnel des pompes se
rassemble donc en toute hâte, et monte à la tour avec
rapidité. Quelle fut la surprise des pompiers, lorsqu'ils
reconnurent que l’épais nuage qui paraissait être de la
fumée n’était autre choseque des myriades de cousins
(culex pipiens). Ces insectes prenaient leur essor d’un
tuyau de cheminée adossé contre la tour. Vue de
loin, cette pérégrination de moucherons ressemblait
à s’y méprendre aux épaisses bouffées de fumée qui
précèdent le développement d’un incendie.
Les habitants de Brielle furent fort enchantés de
cette découverte et d'en être quittes pour la peur.
Ce fait a été aussi reproduit dans tous les journaux.
Il y est particuliérement raconté avec détail dans Ze
Constitutionnel du 21 août 1842.
— 559 —
Ces passages accidentels rappellent ceux que fait
plus fréquemment l’apion vernale. Cet insecte se dé-
place par grandes masses, et en nombre extrêmement
considérable, des lieux qu’il ravage par suite de son
extrême voracité. Cette espèce fut extrêmement com-
mune à l’époque du choléra dans les rues de Mont-
pellier, surtout dans toute la partie méridionale de la
ville. Elle y passa en colonnes épaisses et nombreuses,
au point que facilement on aurait pu en recueillir de
grosses poignées à la fois. Ce passage, qui coïncida avec
le choléra, eut lieu en mai et en juin de l’année 1832.
Il en est enfin des insectes comme des oiseaux, rela-
tivement à leur abondance : ainsi plusieurs espèces
notées comme rares deviennent néanmoins communes
certaines années. Ainsi, par exemple, le sphinx du
laurier-rose (sphinx nerü) a paru en grand nombre
en 4835, non-seulement dans le midi de la France,
où cette espèce se trouve le plus habituellement, mais
encore dans le nord de cette contrée, et même en
Allemagne. Vingt-six chenilles furent prises à Saint-
Germain-en-Laye, trente-cinq à la fin d’août à Gi-
sors (Eure), et dix autres en Belgique. D’un autre
côté, soixante chenilles de ce sphinx furent ramassées
à Amiens et à Epernay , deux cents environ à Evreux,
et vingt à Vincennes. Un assez grand nombre fut re-
cueilli à Paris, et plus de deux cents dans les dépar-
tements dela Seine et de la Loire.
— 540 —
De pareils exemples se sont renouvelés la même
année en Allemagne ; on y a pris des chenilles et
des individus parfaits du sphinx nerii jusqu'au delà
de Francfort. Depuis cette époque, ils n’ont presque
plus reparu; probablement il faudra encore bien des
années avant que ce crépusculaire devienne aussi
commun qu'en 1835.
On peut encore citer parmi les crépusculaires le
sphinx celerio ; il se livre aussi à des passages acci-
dentels. Très-commun pendant plusieurs années, on
ne l’a plus revu de longtemps dans les mêmes con-
trées. Ce lépidoptère traverse souvent la Méditerranée,
arrive dans le midi de la France en grand nombre,
soit de Sicile, soit d'Espagne; il ne reparait plus
ensuite de quelque temps, mais ses passages ne pa-
raissent pas coincider avec des circonstances atmos-
phériques particulières. Comme de pareils voyages,
quoique fort irréguliers, se renouvellent de temps
en temps, ce Sphinx doit être considéré comme
une espèce de passage accidentel et rentrer ainsi
dans celles que nous avons considérées comme er-
ratiques.
Ces insectes crépusculaires ne se reproduisent pas
d’une manière constante dans les provinces méridio-
nales de la France, ainsi qu'on s’en est assuré par leur
observation suivie pendant plusieurs années. Ils y
arrivent souvent d'Afrique, ou même de contrées
— 5 —
encore plus éloignées, et à des époques fort irrégu-
lières : ainsi, tandis qu'on en voit un assez grand
nombre pendant quelques années, on ne les retrouve
plus ensuite de longtemps,
Par suite des migrations ou plutôt des voyages
auxquels se livrent plusieurs lépidoptères, le papilio
ajax parait être arrivé jusque dans le midi de la
France. Cette dernière contrée est à de bien grandes
distances de celle habitée le plus ordinairement par
ce papillon. Il parait en être de même du papilio
chrysippus ; quoique des Indes orientales, il n’en ar-
rive pas moins jusqu'en ltalie, où il étend parfois
ses passages, en y montrant des formes qui n'appar-
tiennent pas aux régions tempérées.
Il parait néanmoins ne pas en être de même de la
bombyx cegropia, qui a été également capturée en
Italie. Les individus de cette espèce paraissent être pro-
venus des chrysalides qui y avaient été apportées et qui
ont éclos naturellement. Ces bombyx n’ont pas été pris
en pleine campagne, comme les lépidoptères diurnes
dont nous venons de parler. Leur présence, tout
étrange qu'elle peut paraitre, ne doit pas plus nous
surprendre que celle des Llatta americana , qui
infestent certains ports des contrées méridionales
de la France. Ces transports de certaines espèces,
opérés par l'influence de l’homme, ne doivent pas
être confondus avec les véritables passages, même
— b42 —
avec les plus accidentels ; ceux-ci, en effet, sont tou-
Jours indépendants de notre volonté, et ne sont point
soumis à notre puissance.
D’autres faits non moins positifs prouvent à quel
point les espèces vivantes tendent à s'étendre et à
quitter les lieux qui les ont vus naitre, pour se porter
dans de nouveaux climats. Nous avons rapporté
l'exemple du papilio ajax qui a été pris sur la place
du Peyrou, à Montpellier. Cet individu a longtemps
fait partie de la collection de feu M. de Belleval. Nous
ne nous dissimulons pas ce que ce fait a d’extraor-
dinaire, d’autant que depuis l’époque où cette espèce
aurait été prise vivante dans le midi de la France,
elle n’y aurait plus reparu. Si réellement ce papillon
a été aperçu à Montpellier, il peut être provenu d’une
chrysalide apportée d'Amérique par dessvaisseaux
qui auraient abordé à Cette.
Si l’on n’admet pas cette circonstance, il est difli-
cile d'expliquer la présence de ce papillon dans le
midi de la France autrement que par l'effet d’une
véritable migration, surtout à raison des habitudes
propres aux espèces de ce genre. Ainsi le charaxes
jasius ou rhea, extrêmement commun à Nice, étend
quelquefois ses excursions jusqu’à Montpellier ; mais
il se passe souvent plus de dix ou même plus de
quinze ans sans que l’on en voie un seul. Cette es-
pèce reparait cependant après des intervalles plus ou
— DA3S —
moins éloignés, tandis qu’à l'exception de l'unique
individu du papilio ajax dont nous venons de par-
ler on n’en a pas apercu d’autres.
On concevrait plus facilement qu'une espèce noc-
turne eût été vue une seule fois et n’eût plus été
capturée depuis; mais il ne peut en être de même
d’une espèce diurne. L'irrégularité dans l'apparition
des divers lépidoptères est souvent extrêmement
grande. En effet, pendant plus de dix ans, la lithosia
pulchra ne s'était presque pas montrée à Montpellier,
tandis que, en 1840, les chenilles de cette noctuelle
ont dévoré toutes les plantes de l’Aeliotropium eu-
ropæum. Un certain nombre ont même attaqué la
vipérine (echium vulgare), faute d’avoir des héliotro-
pes à leur disposition. Par suite de la grande quantité
de chenilles de cette noctuelle, elle a été des plus
communes, et les entomologistes du Midi en ont pris
des quantités considérables.
Le penchant général des animaux qui les porte
à se transporter d’une région à l’autre fait qu'une
foule d'insectes abandonnent les lieux où ils s’étaient
primitivement fixés. On voit souvent les abeilles
quitter les ruches où elles s'étaient établies, pour al-
ler avec leurs essaims essayer si d’autres climats leur
seraient plus favorables. Il en est de même des ter-
mites et des fourmis; ces insectes se déplacent aussi
sans motif apparent, et nous rappellent les passages
— 544 —
accidentels auxquels se livrent un grand nombre d’es-
pèces d’un ordre plus élevé.
Ces faits et une foule d’autres analogues, dont
les articulés nous donnent l’exemple, nous mon-
trent que tout dans la nature est dans un mouve-
ment continuel. Cette agitation, qui nous frappe sur-
tout chez les êtres vivants, ne laisse pas que d’être
encore sensible même chez les corps bruts. Ce qui est
non moins remarquable, les abeilles transportées en
Amérique voyagent comme celles de l’Europe. Cepen-
dant les individus de ce genre qui se trouvent dans
les portions les plus chaudes du nouveau monde ou
celles qui ont été transplantées en Afrique n’y amas-
sent plus de miel, quoiqu’elles butinent sur les fleurs
comme les autres. Elles ne construisent plus de ru-
ches comme les abeilles des régions tempérées. Ces
ruches ne leur sont plus nécessaires, puisqu'elles
rencontrent dans toutes les saisons de l’année des
plantes en fleurs dont les sucs mielleux suffisent à
leur subsistance. L'instinct qui les porte à cesser
complétement de se livrer à un acte qui semble atta-
ché à leur nature a, il faut l'avouer, quelque chose
de bien rapproché de l'intelligence.
On sait que la vanessa cardui se trouve dans
presque toute l'Europe et l'Afrique. Le papillon du
chardon, un des insectes les plus éminemment voya-
geurs, parait avoir porté ses migrations jusqu'aux
— 545 —
plus grandes distances. Il les étend même de Jour en
jour d’une région à l’autre, et se trouvera peut-être
bientôt dans toutes les contrées de la terre.
Cette circonstance dépend peut-être de deux par-
ticularités qui lui sont propres. Ce papillon supporte,
sans paraitre en être incommodé, des différences de
température plus considérables que la plupart des
autres insectes. Quoique cette espèce se trouve en
Afrique, d’où elle nous arrive souvent au printemps
en grand nombre, elle n’en passe pas moins l'hiver
dans le midi de la France. Elle s’y blottit dans les
trous des vieux murs, d’où elle sort pour si peu que
le soleil brille.
Ce papillon, connu vulgairement sous le nom de
belle-dame , vole presque aussi bien la nuit que le
jour. Il peut ainsi faire de longues excursions. Cette
particularité favorise singuliérement son humeur
voyageuse.
Une autre espèce du même genre, et fort rapprochée
de la belle-dame par ses formes générales, se trouve
à la Havane et au Brésil. Lorsqu'on la compare atten-
tivement avec cette dernière, on reconnait qu’elles
sont loin d'être les mêmes. Du moins leurs nuances,
la disposition des teintes et des taches, sont assez diffé-
rentes pour être certain que Cramer a distingué avec
raison la belle-dame d'Amérique d’avec celle qui ha-
bite l'Afrique et la plus grande partie de l'Europe.
514
— 546 —
C’est donc sans fondement qu’on a considéré les deux
espèces comme semblables. Ce fait inexact ne peut
être invoqué comme une exception à la loi générale
de distribution, d’après laquelle aucune sorte de pro-
ductions vivantes n'est commune aux deux grands
continents.
Cependant il ne parait pas en être ainsi de la der-
lephila pinastri. Ce sphinx, essentiellement voyageur,
se trouve à la fois dans le midi et le nord de la France,
ainsi que dans d’autres contrées de l'Europe. On vient
récemment de le rencontrer dans l'Amérique septen-
trionale. Il paraît y être arrivé aprés avoir franchi le
détroit de Behring.
Les individus qui y ont été aperçus paraissent avoir
déjà éprouvé l'impression des climats nouveaux où
ils ont fixé leur séjour.Du moins leurs nuances sont
plus sombres, soit en dessus, soit en dessous, que
celles des individus des régions tempérées. Aussi, par
suite de cette manie qui semble particulièrement af-
fecter les entomologistes, on s’est empressé de faire
des individus découverts dans le nord de l'Amérique
une nouvelle espèce. Mais, avant de se décider à cet
égard, on aurait dü s'assurer si ces sphinx supposés
différents ne donneraient pas constamment les mêmes
produits, et s’ils ne se perpétueraient pas d’une ma-
nière indéfinie. La génération peut seule nous per-
mettre d’avoir la clef de toutes ces différences indivi-
— DAT —
duelles qui ne méritent pas les noms nouveaux qu'on
leur impose, et dont on les décore sans raison.
De même certains individus de la vanessa urticæ
n'offrent pas les deux points noirs que l’on voit aux
ailes de plusieurs autres, et leur bordure terminale
est également un peu plus étroite. On a donné aux
uns le nom de vanessa ichnusa, et on a seulement
conservé aux autres celui de vanessa urticæ. Avant
de distinguer ces divers individus, il aurait fallu s’as-
surer si ces différences étaient réellement spécifiques.
On a été loin de s’en occuper, et l’on a, sans motif
légitime, érigé des variétés en espèces.
Une autre circonstance, tout aussi légère, a fait sé-
parer le satyrus arethusa en deux races distinctes. On
a donc créé le satyrus neomiris, en raison de ce que
dans certains individus, la bande jaune du bord des
ailes de la première variété s'agrandit et s’élargit
considérablement dans la dernière. Si l’on s’était
donné la peine d'observer les passages d’une espèce à
l’autre on se serait assuré que ces variétés se fondent
insensiblement, et qu'il est presque impossible de
distinguer les individus intermédiaires de ceux que
l’on doit considérer comme types.
Si de pareils principes venaient à prévaloir, il fau-
drait également faire deux espèces du sphinx Nerü,
selon que les individus sont nés dans les champs, ou
qu'ils ont été élevés de chenilles. Il y a plus, lors-
— 5418 —
qu'on compare les sphinx que l’on fait éclore arti-
ficiellement au mois de décembre avec ceux qui vien-
nent au monde au milieu de l’été, on trouve entre eux
des différences sensibles. Les premiers ont des teintes
moins vives, presque pas nuancées de rose, et des di-
mensions moins considérables. Il en est de même des
sphinx que l’on élève dans les régions septentrio-
nales de l’Europe. Ils ressemblent encore moins aux
races sauvages des contrées méridionales que ceux
que l’on y fait éclore au milieu de l'hiver.
Les entomologistes ont cependant eu raison de faire
deux espèces du sphinx ocellata d'Europe et de celui
qui vit en Amérique; car il n’y a entre elles aucune
analogie ni pour la forme des ailes ni pour la dispo-
sition et la figure des taches. On ne peut donc pas se
plaindre de l'établissement de ces espèces ; elles sont
fondées sur des distinctions réelles.
Différents lépidoptères nocturnes se livrent égale-
ment à des migrations presque aussi lointaines que
celles qu’exécutent les espèces diurnes et crépuscu-
laires. On le suppose en observant la zoctua peltigera
d'Europe, non-seulement au cap de Bonne -Espé-
rance, mais encore dans les Indes, à Cayenne, ainsi
que dans l’Amérique du Nord. Cette espèce peut
avoir été transportée dans ces divers climats par les
navigateurs, et avoir ainsi suivi nos pas. Cette suppo-
sition est d'autant plus admissible, que cette noctuelle
— 549 —
supporte , sans inconvénient , les températures les
plus diverses, circonstance qui rend sa dispersion
plus facile.
Ce lépidoptère presque crépusculaire nous donne,
pour les insectes, des exemples analogues à ceux que
l’hirondelle de cheminée et la chouette-effraie nous
présentent chez les oiseaux. Elle est loin d'être la
seule qui offre de pareilles habitudes. La noctua
gamma , espèce si commune en Europe, parait être
répandue dans presque toutes les régions, et partout
avec la même abondance.
Les grandes fourmis ailées ( formica herculeanea
et rufa), si fréquentes dans les champs des contrées
tempérées, exécutent également de grands voyages. On
les voit arriver dans d’autres contrées à l’époque où les
martinets (/irundo apus Linné) y paraissent égale-
ment attirés par ces articulés, dont ils font leur nour-
riture. Ces insectes, comme les oiseaux qui les recher-
chent, paraissent les uns et les autres au printemps,
dont ils signalent et annoncent le retour. Une pareille
coïncidence dans l'apparition de cesdiversanimauxne
semble pourtant pas avoir frappé les observateurs,
peut-être parce qu'ils n’en ont pas rapproché les cir-
constances ni saisi leurs relations.
Quelques insectes opèrent aussi des passages sur
lesquels l'attention des cultivateurs a été attirée en
raison des dégats qu'ils font aux récoltes. Parmi les
— 550 —
derniers on peut citer l’eumolpe (ewmolpus obscurus)
désigné dans le patois méridional sous le nom de ca-
nine ou babote. Cette espèce attaque principalement
les luzernes. Elle les dévore quelquefois à peu près
complétement, et lorsqu'elle les a ravagées elle se
rend dans une autre, et ainsi successivement. Ses pas-
sages, qui dépendent presque toujours du manque de
nourriture, sont par cela même accidentels.
L’eumolpe parait être arrivé d'Espagne dans les
contrées méridionales dela France, où ilest maintenant
sédentaire. Il s'étend de jour en jour vers le nord de
cette contrée, où sa voracité et le nombre immense
d'œufs qu’il pond le rendront tout aussi redoutable
qu'il l’est devenu pour le midi de la France.
Les mêmes variations de nombre que nous avons
reconnu avoir lieu d’une année à l’autre entre les di-
vers individus d’une même espèce d'oiseaux se fontre-
marquer pour ceux d’une méme race d'insectes. Ainsi,
telle année on observe une quantité immense d’une
espèce, et puis elle ne reparait presque plus pendant
de longues années. On peut citer comme un exemple
remarquable de ces apparitions extraordinaires celle
qui a eu lieu en 1838 dans la forêt de Raisne (France).
Au mois d’août, les cantharides (/ytta vesicatoria
Fabricius) y arrivérent en quantité si considérable,
qu'il suffisait de secouer un des arbres de cette forêt
pour en ramasser à l'instant plusieurs boisseaux. Leur
— 5951 —
nombre fut si grand à cette époque, que tous les
frênes de cette forêt furent complétement dévorés.
D'unautre côté, depuis l’année 1835, où un passage
extrêmement considérable des sphinx celerio, Nerü
et de la noctuelle nommée plusia Daubei eut lieu dans
le midi de la France, on n’y a presque plus revu ces
lépidoptères. À peine quelques individus ont-ils été
capturés depuis lors. Pendant que ces passages avaient
lieu dans les contrées méridionales de la France,
M. Rambuhr en observait la même année 1835 de pa-
reils en Espagne. Ils y étaient aussi nombreux que
ceux auxquels nous avons dù une grande quantité
d'individus des noctuelles et des sphinx, dont nous
venons de désigner les espèces.
De pareils exemples nous sont fournis presque cha-
que année par différents insectes.Ces faits sont d’autant
moins extraordinaires, que ces animaux sont extrême-
ment variés. En effet, les entomologistes comptent déjà
plus de vingt-cinq mille espèces dans une seule classe
de l’ordre d’articulés, à laquelle on a donné le
nom de coléoptères. Il est même possible qu’elle ne
soit pas la plus nombreuse entre les sept qui en font
partie. On sent quelle doit être la variété de mœurs
et d’habitudes des animaux dont les espéces sont aussi
multipliées. Dés lors, on comprend facilement toutes
les irrégularités que peuvent présenter leurs passages
d'autant plus différents de ceux des oiseaux, qu’ils ne
— 552 —
dépendent pas d’un instinct à eux particulier, mais
uniquement de causes tout à fait accidentelles.
Il n'existe donc pas chez les insectes de véritables
espèces émigrantes ; tout au plus voit-on chez cet or-
dre d'animaux quelques races erratiques. Leurs voya-
ges n'ont jamais cette régularité et cette périodicité
qui caractérisent les migrations des poissons et des
oiseaux. Les insectes qui jouissent d’une grande agi-
lité sont à peu près les seuls qui exécutent de longs
voyages. Parmi ceux qui nous en fournissent plus
particulièrement des exemples, on peut citer les lé-
pidoptères, les orthoptères, et parmi les derniers, le
grand genre des sauterelles (gryllus, locusta, acry-
dium et autres).
Telles sont quelques-unes des particularités que
présente l’ordre des insectes. Quoique par la gran-
deur et la facilité des mouvements de leurs espèces il
puisse en quelque sorte être considéré comme les oi-
seaux des invertébrés, il ne présente pas cependant
des races émigrantes, et encore moins cosmopolites :
du moins aucune espèce d'insectes ne paraît commune
aux différents continents. Dés lors il n’en est pas qui
soit propre à l’universalité des régions terrestres. Nous
ne nous étendrons pas davantage sur ces observations
générales : ces détails sur les habitudes voyageuses de
ces animaux placés si haut par leur instinct, en
même temps que par la variété et la complication
— 553 —
des mouvements dont ils sont susceptibles, sont suf-
fisants pour le but que nous nous somines proposé
dans cet écrit.
CHAPITRE III.
DES ELMINTHÉS ET DES ZOOPHYTES.
Pour terminer ces observations préliminaires, il ne
nous reste plus qu’à dire quelques mots des elminthés
et des zoophytes. Les premiers , vivant dans l’intérieur
. du corps des autres animaux, sont par cela même sé-
dentaires, comme tous les zoophytes qui appartiennent
aux polypes à polypiers. Ceux-ci, architectes in-
fatigables d’édifices gigantesques, malgré leur fai-
blesse et l’exiguïté de leurs dimensions, ne se dépla-
cent jamais. Ils travaillent sans cesse, et, pouragrandir
les récifs ou les iles qu'ils élèvent au-dessus des mers,
ils ne se meuvent que dans l'intérêt de leurs ouvrages.
Onne trouve presque pas non plus d’espèces errati-
ques parmi les échinodermes pédicellés, les plus com-
pliqués des zoophytes, tels que les astéries et les oursins
proprement dits, dont les mouvements sont si lents,
— 554 —
qu'ils nesauraient se livrer à de longues excursions.
Il en est de même des échinodermes sans pieds ; la plu-
part d’entre eux vivent en effet dans le sable, et sous
l’eau de la mer. On peut en dire autant des acalèphes
fixes, et avec d'autant plus de raison , que plusieurs
d’entre eux, tels que certaines espèces d’actinies,
s’attachent de préférence sur les coquilles, ou sur
d’autres corps organisés pierreux marins.
IL faut donc descendre aux acaléphes libres et hy-
drostatiques pour rencontrer des zoophytes erratiques.
Les méduses, les cyanées, les rhizostomes, les béroés,
les cestes, les diphies, les vélelles, paraissent avoir de
pareilles habitudes. C’est surtout chez les acalèphes
hydrostatiques qu’elles sont généralement répandues.
Les physalies, les physsophores, les rhizophyses et
les stéphanomies ont été cités par tous les voyageurs
comme des espèces aussi remarquables par la singu-
larité de leurs formes et de leurs dispositions que par
l'étendue des voyages auxquels elles se livrent. Il pa-
rait donc que ces espèces sont les plus éminemment
erratiques de tous les zoophytes.
Les polypes nus ou les infusoires, vivant unique-
ment dans les eaux douces, sont, par suite de leurs
habitudes, nécessairement sédentaires ; car les espèces
qui offrent ce genre de stations voyagent beaucoup
moins que celles qui se trouvent dans les eaux salées.
Cet apercu, quelque succinct qu'il puisse paraître, suf-
— 555 —
fira cependant pour faire saisir quelles sont les mœurs
des invertébrés considérés sous le rapport des mou-
vements qu’ils peuvent exécuter et des voyages qu'ils
sont capables d'entreprendre.
Un assez grand nombre de zoophytes se livrent
aussi à de fort longs voyages. Les méduses entre
autres se distinguent d’une manière toute particu-
lière par l’étendue de leurs excursions et le grand
nombre d'individus qui concourent à ces passages plus
ou moins irréguliers. On peut citer encore les vel-
lèles et, par exemple, la vellela mutica, qui habite
la Méditerranée. Les passages de ce zoophyte sont,
comme tous ceux qu'exécutent les espèces de la même
famille, tout à fait accidentels. On ne les voit pas se
renouveler à des époques fixes. Ils sont souvent assez
nombreux pour que les individus rejetés sur les côtes
de la Méditerranée y composent comme des rubans
bleus de la plus grande étendue.
M. A. d'Orbigny nous a appris que plusieurs es-
pèces de mollusques du genre ommastrophus exécu-
taient presque annuellement de grandes et longues
excursions. Il en est aussi bien de l’ommastrophus
giganteus des mers du pôle sud que de l’om-
mastrophus sagittatus de celles du pôle Nord. Ces
deux espèces viennent encombrer les côtes du Chili
et les rivages de Terre-Neuve où M. A. d’Orbigny
les a observées en quantité immense.
— 556 —
Les mollusques fluviatiles, bien différents des
espèces marines, ne paraissent pas se livrer à de
orands voyages. Aussi, dans les lieux où il n’existe
pas de véritables rivières ni de grands cours d’eau,
on n'en découvre point, puisque les mollusques des
eaux douces ne se déplacent pas. Pour en être con-
vaincu , il suffit de comparer le nombre des ano-
dontes et des mulettes (zrio), que l’on rencontre à
la Nouvelle-Guinée, dans l'Océanie, avec celui qui
existe dans l’Amérique du Nord. Ces dernières y
sont en nombre immense, tandis qu’il n'existe qu’une
seule espèce d’anodontes et de mulettes dans les eaux
douces de la première de ces contrées.
On ne saisit pas aussi bien à quelle cause on doit
attribuer l’absence de toute hélice à la hauteur du
détroit de Magellan ; si jamais on y en découvre, ce
sera une preuve des effets de l’influence de l’homme
sur la distribution des animaux. On ne peut pas non
plus se rendre compte pourquoi le dernier mollusque
univalve vers le pôle est une patelle (aux îles
Powels et aux iles Auckland) à peu près comme au
pôle nord, mais seulement à un degré moins avancé
en latitude. On se demande enfin comment il se fait
que les buccins du Nord n’ont aucun représentant
dans les mers du Sud. Ces faits ont les plus grands
rapports avec la questiou qui nous occupe: car, si par
la suite ces circonstances n'étaient plus les mêmes,
POP
— 551 —
elles fourniraient une nouvelle preuve de l'influence
de l’homme sur les changements qu’il opère dans la
position primitive des êtres vivants.
CHAPITRE IV.
DES VOYAGES ACCIDENTELS DE CERTAINS ANIMAUX.
Les causes qui influent sur les migrations des
mammifères, des oiseaux et des poissons semblent
n'avoir rien de commun avec celles qui font qu’un
certain nombre d’entre eux voyagent avec les plantes,
comme d’autres avec l’homme. Elles n’ont pas, à ce
qu'il parait, plus de relations avec celles qui font fuir
certains animaux devant l’homme, et les portent dans
de nouveaux climats, différents de ceux où ils avaient
primitivement fixé leur séjour.
L'Amérique a doté l’Enrope de certaines espèces,
tandis qu’en revanche un grand nombre d’autres
races ont passé de l’ancien monde dans le nouveau.
Parmi les mammifères, ce sont toujours les plus pe-
tits qui voyagent le plus et qui suivent le plus cons-
tamment les traces de l’homme. C’est surtout parmi
les rongeurs et les insectivores qu'on découvre le plus
— 558 —
d'espèces voyageuses , ou de celles qui émigrent le
plus volontiers.
Pour en citer des exemples, nous dirons qu’un des
plus petits mammifères, la musaraigne naine ( sorex
pigmæus), qui n'avait jamais été vue en Allemagne,
a été cependant observée, il y a quelques années,
dans la Silésie et le Mecklembourg. De même, plu-
sieurs espèces de rats et de souris s’avancent conti-
nuellement de l’Asie en Europe. D’un autre côté, le
rat commun semble avoir été inconnu dans les con-
trées tempérées de l’Europe, dans les anciens temps,
cependant il y est maintenant extrêmement répandu,
même depuis longtemps. De nos jours, ce rat, d’un
gris noirâtre (mus rattus Linné), n’est déjà plus le
rat le plus commun et le plus vulgaire, du moins
dans le nord de l'Europe. Une autre espèce plus
forte, inconnue de Linné et que Pallas a désignée
comme arrivée d’Astracan en 1727, tend continuel-
lement à faire disparaitre la première espèce par-
tout où le commerce vient à s'établir.
Cette espèce, le surmulot de Buffon, ou le W'an-
derratte des Allemands (mus decumanus Pallas),
a été transportée de nos jours par la Nudeja au
Kamtschatka. C'est pour le Nord la véritable enseigne
du commerce, et à tel point, qu’on peut dire qu'un
lieu sans surmulot est un lieu sans négociants ni
marchands.
nl Re PRES ET 27 2
étions
— 559 —
Il en est différemment des grands animaux; ils
tendent à fuir devant nous, et finissent même par
se perdre par suite de notre influence. Aussi, dans la
lutte qui s'établit entre l’homme et un animal, quels
que soient sa force et son courage, cette lutte est tou-
Jours au désavantage du second.
Le lion, selon Hérodote et Aristote, existait encore
de leur temps en Macédoine. L'armée de Xerxés eut
à en souffrir beaucoup plus tard. Mais aprés avoir
longtemps occupé l’Asie-Mineure et la Syrie, ce ter-
rible carnassier est repoussé aujourd’hui hors des
frontières de la Perse et de l’Inde dans quelques
contrées de l’Arabie. Le lion, si dangereux pour
l’homme, qui, par ses efforts constants, tend à le dé-
truire, ne domine plus maintenant qu’en Afrique.
De même, l’hippopotame, la girafe, et d’autres mam-
mifères terrestres d’une taille plus ou moins colossale,
se sont retirés dans l’intérieur de l'Afrique. Le cro-
codile n’existe presque plus dans la basse Egypte,
d’où il a été chassé par les attaques de l’homme, qui
avait à le redouter.
Il'en est à peu près de même de l’aurochs ou de
l’urus des anciens. Fort commun en Allemagne, 1l
n'y existait déja plus dans le xvi° siècle. Cette es-
pèce, nommée zoubre en Russie, et Wisent par les
anciens Allemands, était tellement répandue dans la
Germanie, que beaucoup de noms de lieux en rap-
— 560 —
pellent encore la mémoire. On chante même les plai-
sirs de la chasse de l’aurochs dans les Nibelungen.
Il s’est maintenu plus longtemps en Prusse et en
différentes parties de la Pologne, où il a été observé
et décrit par Herberstein.
Le dernier qu’on a tué en Prusse remonte à 1755.
Déjà du temps de Forster fils, cet animal ne se trou-
vait plus en Pologne que dans la grande forèt de Bia-
lowieza, où il en existe encore quelques-uns, à raison
des soins que le gouvernement apporte à sa conserva-
tion. Nous avons vu périr dans la ménagerie de Schœn-
brunn, près de Vienne en Autriche, un aurochs pris
quelques années auparavant (1809) dans la forêt de
Bialowieza. Cet individu parait avoir été le dernier
qui y ait vécu.
Depuis lors, et récemment, on vient de découvrir
cette espèce dans le Caucase, presque dans les mêmes
lieux où l’on a rencontré le tigre royal et la panthère
irbis. Le zoubre du Caucase ne parait pas différer
de celui des forêts de la Pologne ; aussi l’existence
d’un bœuf sauvage nommé gaour dans l’inde, semble
se rapporter à l’aurochs. Cette espèce se rencontre
jusqu'au delà du Gange, et se trouve aujourd’hui dis-
persée en quelques tribus bien éloignées les unes des
autres. Ceux qui habitent la forêt de Bialowieza ont
pour voisin le glouton du Nord et sur la côte de Te-
nasserim, l’éléphant et le rhinocéros.
» P
— 561 —
Il en est également du cerf à bois gigantesques,
dont on trouve la représentation sur les monuments
de l’ancienne Rome. Cette espèce, décrite aussi bien
par Appien que par Münster, Aldovrandeet Johnston,
parait avoir vécu jusque dans le xv° siècle, soit en
Prusse, soit en Italie. Ce cerf, si remarquable par la
grandeur deses bois, doit avoir existé depuis les temps
historiques, d’après le calus observé par Hart sur un
os de cette espèce découvert dans les dépôts dituviens
e l'Itulie. Ce calus paraît avoir été opéré à la suite
d’une blessure produite par un instrument pointu et
tranchant. Ce cerf a dû disparaitre d'autant plus vite,
que, d’après la grandeur de ses bois, il ne pouvait
trouver facilement un refuge dans les forêts. D’ail-
leurs, les plages marécageuses où cet animal avait
fixé son séjour, ayant fini par se dessécher elles-mêmes,
il ne lui a pas été possible de satisfaire à ses condi-
tions d’existence. C’est ‘donc à tort que pendant
longtemps on a considéré cette espèce comme fossile.
Ce cerf, dont la race a été anéantie depuis peu de
temps, a eu une vie presqueaussi courteque la vache
marine de la mer de Kamtschatka. Nous n’en avons
eu connaissance qu'au commencement du xvim°siècle ;
elle avait disparu dès 1768, et depuis cette époque
aucun individu n'a été apercu. Ce qui est encore
plus digne de remarque, le cerf à bois gigantesques,
dont la disparition remonte à des temps si peu re-
56
— 562 —
culés, a été cependant contemporain des anciens
éléphants, des rhinocéros et des hippopotames. Il est
également une foule d’autres espèces, qui sont per-
dues ou du moins qui ne vivent plus maintenant dans
les contrées tempérées de l’Europe.
Le dronte ou dodo semble avoir eu une vie encore
plus courte. Commune à l'ile Bourbon ainsi qu’à
l’île de France jusqu’en 1626, où Herbert l’avait
vue, cette espèce en a entièrement disparu depuis
lors; elle n’a plus été trouvée ailleurs. Ses dé-
bris ont été reconnus en la même ile dans d’an-
ciennes eouches d’eau douce, qui se trouvaient au-
dessous des terrains volcaniques, 5lus ou moins mo-
dernes. D’après les restes du dronte découverts dans
ces circonstances, on se demande s’il n’aurait pas
existé plusieurs espèces de ce genre. Il parait, d’après
la considération de ces débris tout au moins huma-
tiles, qu’effectivement le genre dronte devait com-
prendre plusieurs races différentes.
On ne retrouve pas davantage en Egypte, certaines
espèces de crocodiles qui sont pourtant embaumées
dans les catacombes de cette contrée. Elles ont dis-
paru entièrement des lieux qu'elles habitaient pri-
mitivement. Tous les efforts de M. Geoffroy Saint-
Hilaire et des savants français qui ont fait partie avec
lui de l'expédition d'Egypte ont été vains pour re-
trouver quelque trace des reptiles, que des recherches
1" es
— 563 —
faites dans les anciens tombeaux avaient rendus de
nouveau à la lumière.
Ces animaux ont probablement cessé d’exister,
comme plusieurs qui sont figurés sur la mosaique de
Palestrine ; on ne trouve pas plus de traces de ceux-c1
que du sanglier gravé sur le temple de Jupiter à Olym-
pie par le ciseau d’Alcamène.
Ces animaux ont fui devant l'homme et ont suc-
combé sous les effets de sa puissante et redoutable
influence. Comment méconnaitre cette influence, lors-
que les baleines, qui du temps de Pline venaient avec
d’autres grands cétacés jusque dans le golfe de Gas-
cogne, ne se trouvaient déjà plus à l’époque de Juvé-
nal que sur les côtes d'Angleterre, ainsi que ce poëte
a prissoin de nous l’apprendre? Depuis lors les choses
ont encore bien changé. Les navigateurs sont for-
cés d'aller chercher les grands cétacés jusque sur
les côtes du Spitzherg et dans les mers glaciales.
Refoulés vers le Nord, ces animaux fuiraient encore
plus loin, si les glaces des pôles n’arrétaient leur
marche et n'étaient un obstacle qu'ils ne sauraient
surmonter. D'un autre côté, par des causes proba-
blement analogues, les crocodiles ont disparu tout à
fait de l’Europe; il n’en existe plus maintenant qu’en
Asie, en Afrique et en Amérique.
Quelques espèces, peut-être plus robustes, sans
cesser de vivre, ont été reléguées vers le Nord, par
— 564 —
suite de notre influence. Ainsi l’élan, cet antique com-
pagnon de l’aurochs, est aujourd’hui confiné avec lui
dans le nord de la Pologne. Cependant du temps de
Strabon il vivait encore dans les Alpes. Il en est de
même du renne, qui à l’époque de César habitait
avec l’élan et l’aurochs les forêts de la Germanie. On
ne le retrouve plus aujourd’hui qu’en Laponie et dans
les parties les plus froides de la Russie.
Enfin du temps d'Oppien le mouflon ou mouton
sauvage était commun en Italie; aujourd’hui on ne
le voit plus qu’en Corse et en Sardaigne. Ce mouflon,
type des moutons et dont les descendants couvrent
aujourd’hui les plaines des pays civilisés, a disparu en
quelque sorte des Alpes de la France, de la Suisse, de
l’Illyrie, ainsi que les ægagres, types des chèvres. Ces
races, reléguées maintenant avec les sangliers et les
ours dans de vieilles forêts, tendent comme tous les
animaux sauvages, à disparaitre du sol qui les a vus
naitre; les progrès toujours croissants de la civilisa-
tion et l’ardeur que les peuples modernes ont montrée
pour la chasse les ont détruites peu à peu.
Mais toutes les causes qui tendent à refouler vers
le Nord les races sauvages, ou qui tendent à les dé-
placer des lieux qu'elles habitaient primitivement
n'ont rien de commun avec l'instinct qui porte cer-
taines espèces à se transporter à des époques plus ou
moins régulières dans des climats nouveaux. Ces mi-
— 565 —
grations sont inspirées aux animaux, dont elles sont
un besoin, par la nature elle-même, tandis que les
voyages ou plutôt leurs grandes excursions leur sont
sugoérés par des influences étrangères. La plus puis-
sante est celle de l’homme, qui tend constamment à
chasser des lieux où il s’établit les animaux qui peu-
vent lui nuire.
Une dernière cause n’est pas sans influence sur
les émigrations de certaines espèces végétales et ani-
males; c’est celle qu’elles exercent les unes sur les
autres. Lorsque certains végétaux s’établissent sur un
sol quelconque, s’ils sont sociaux, ils finissent bien-
tôt par l’envahir complétement et y dominer en mai-
tres exclusifs.
Il suffit que des bruyères commencent à végéter
quelque part, pour que les autres plantes lui cédent
entièrement le terrain sur lequel elles sont venues
se fixer. Il en est de même de certains arbres,
qui une fois établis sur un sol quelconque en éloi-
gnent bientôt tous ceux qui y prospéraient naguère.
Tels sont les pins, les sapins, les mélèzes, ainsi que
les hêtres et les bouleaux. Ces arbres composent bien-
tôt seuls les forêts où ils ont une fois pris racine et
planté leurs drapeaux.
Les mêmes faits se représentent également chez les
animaux. Pour en être convaincu , il suffit de par-
courir le sol à demi inondé des savanes de l’Améri-
— 566 —
que. On yrecherche en vain les traces des cerfs, des ta-
pirs, qui, au dire des premiers observateurs, y vivaient
jadis en foule, pleins de bonheur et de sécurité. Ils en
ontété chassés par les bœufs et les chevaux, que nous
avons transportésavec nousdans les forêts du nouveau
monde ; ils y dominent maintenant en maitres, et ont
fait fuir devant eux les premiers habitants de ces sa-
vanes à demi inondées, ou de ces forêts vierges qu’au-
cun homme n'avait foulées avant l’époque de leur
découverte.
CHAPITRE V.
DU PHÉNOMÈNE DE L'HIVERNATION.
D’après. l’ensemble des faits que nous venons de
rappeler, le besoin de se transporter d’un dieu dans
un autre n’est pas également impérieux chez les ani-
maux qui, par la facilité de leurs mouvements, en-
treprennent les plus longues migrations. Le besoin
de changer de climat n’est pas non plus général chez
les oiseaux et les poissons. Ils sont cependant les ani-
maux en qui ce penchant semble le plus irrésistible ;
car s’il était général, il n’y aurait pas d'espèces sé-
— 5617 —
dentaires ou fixées d’une manière en quelque sorte ir-
révocable au sol qui les a vues naitre.
Le phénomène des migrations ou des passages est
done un fait particulier et en quelque sorte indivi-
duel. Il n’est propre qu’à un certain nombre d’es-
péces, et parait soumis à certaines conditions. On ne
voit guère parmi les mammifères que les très-petites
espèces qui se livrent à de grandes migrations. En-
core celles-ci ont généralement peu de fixité. Du moins
elles ont rarement lieu à des époques déterminées,
comme celles qui règlent les passages périodiques des
oiseaux et des poissons.
Quant aux derniers animaux, c’est principalement
ceux auxquels la facilité et l’agilité des mouvements
donnent les moyens de se transporter à de grandes
distances et de franchir des espaces très-étendus qui
se livrent particulièrement à des migrations lointaines.
Dès lors les oiseaux ou les poissons qui ne peuvent
pas exécuter avec facilité toutes sortes de mouvements
restent confinés dans les lieux qui les ont vus naître.
Ceux-ci n’imitent donc pas l'humeur voyageuse des
espèces de haut vol. Du moins nous voyons, à des
époques réglées pour chaque espèce, les ‘dernières
quitter les contrées où elles avaient fixé leur séjour
pour aller chercher ailleurs une température ou une
nourriture qui allait leur manquer. Elles partent sou-
vent pour assurer la durée et la perpétuité de Leur
— 568 —
race, où poussées par un instinct plus irrésistible que
ces diverses circonstances.
Le phénomène qui porte certains animaux à se
déplacer à des époques plus ou moins fixes rappelle
en quelque sorte celui de l’hivernation. Ce dernier
phénomène est tout aussi particulier, tout aussi indi-
viduel que le premier. Il se renouvelle d'une manière
aussi périodique que celui des passages et des mi-
grations des oiseaux et des poissons. L’engourdisse-
ment de plusieurs animaux est tout aussi constant aux
approches de l'hiver que le renouvellement des poils
et des plumes ou celui des feuilles et des fruits.
C'est uniquement sous le rapport qui existe entre
la particularité et la périodicité de ces phénomènes
qu’il existe entre eux quelques rapports; car l’on ne
saurait en trouver dans la cause qui les détermine.
Nous avons apprécié les causes des premiers. Quant à
celles qui déterminent les longs sommeils auxquels
certaines espèces ne peuvent résister, elles semblent
se rapporter à l’affaiblissement progressif de l’orga-
nisme qui dépend probablement du cours de son dé-
veloppement dans l’année.
L'influence de la température en est moins encore
la cause déterminante qu’elle peut l’être des migra-
tions des oiseaux et des poissons. Nous voyons en
hiver les loirs maintenus dans des pièces où la tem-
pérature est entre + 42° et + 16° Réaumur (+ 15°
— 569 —
et + 20° centigrades), s'endormir tout aussi bien que
lorsqu'ils se trouvent dans des lieux glacés. Il parait
en être de même de la marmotte et du hérisson ; mais
nous ignorons s'il en est également du blaireau.
Cependant la chaleur est loin d’être sans effet sur
ce phénomène, comme sur les migrations. Du moins
le sommeil des animaux dormeurs exposés à un froid
vif et soutenu est plus profond que chez ceux que
l’on place dans des appartements chanflés. Ces der-
niers font quelques mouvements, lorsqu'on les in-
quiète, mais sans se réveiller, tandis que les premiers
restent parfaitement immobiles. Les animaux enfer-
més dans des pièces échauffées s’endorment aussi
beaucoup plus tard. Longtemps encore on les voit
se réveiller pendant quelques heures et prendre même
pour lors de la nourriture.
Les modifications atmosphériques ne sont pas non
plus sans effet sur les animaux qui hivernent. On
les voit dormir plus profondément par la neige ou la
gelée ; mais, lorsque le temps devient plus chaud, ils
se réveillent pendant l’espace de quelques heures.
L'âge n’est pas aussi sans quelque influence sur ce
phénomène. Ainsi, les jeunes animaux s’endorment
ordinairement plus tard que les vieux; ce qui s’ex-
plique par la nécessité où sont les premiers de pren-
dre de la nourriture, nécessité qui est une suite de
leur accroissement non encore terminé.
— 570 —
La chaleur des animaux hivernants parait tendre
également à se rapprocher des milieux ambiants
lorsqu'ils sont engourdis ; si cependant la température
vient à changer d’une manière subite, ce n’est que
peu à peu que l’équilibre s'établit entre eux et les cir-
constances extérieures. Par suite de ce double effet,
la température de l’air est tantôt au-dessus et tantôt
au-dessous de celle de l’animal. Lorsque le froid se
prolonge trop longtemps, ne pouvant en supporter
l’action, il succombe et meurt.
Aïnsi, puisque les animaux hivernants s’endorment
lors même qu'ils sont bien nourris, et qu'ils se trou-
vent dans des pièces échauffées, ce phénomène doit
par cela même être déterminé par l’organisation, aussi
bien que celui qui porte tant d’autres animaux à chan-
ger de climat à des époques fixes et déterminées.
Le phénoménedel’hivernation se lie tellement avec
celui des migrations, que, d’après Linné, plusieurs
espèces d'oiseaux offriraient l’un et l’autre. Du moins,
d’après ce grand naturaliste, les hirondelles de rivage
passeraient l’hiver sous l’eau.Si ce fait pouvait être réel,
il tendrait à faire admettrequel’abaissement de la tem-
pérature en est la principale cause. Il est certain que
plusieurs animaux, privés plus ou moins compléte-
ment de la vie par la rigueur du froid, sont cepen-
dant encore capables de reprendre le mouvement vi-
tal par l’augmentation de la température, au retour
— 571 —
du printemps. On peut se demander si, chez ces ani-
maux, les liquides contenus dans les gros vaisseaux
et le cœur sont congelés, comme ceux qui sont sous
la peau et qui se présentent alors en cristaux bien
formés.
Les ours maritimes s’engourdissent et meurent en
quelque sorte par la rigueur du froid des régions gla-
ciales où ils ont fixé leur séjour. On sait à quelles fu-
reurs le réveil de la nature et le retour du printemps
amènent ces cruels et terribles animaux.
M. Dutrochet a également cité un fait analogue
devant l'académie des sciences de Paris, sur l’hiver-
nation des hirondelles, fait dont il a été témoin. Au
milieu de l'hiver, deux hirondelles furent trouvées
engourdies dans un enfoncement qui existait dans
une petite muraille et dans l’intérieur d’un bâtiment.
Elles ne tardèrent pas à se réchauffer entre les mains
de ceux qui les avaient prises ; elles s’envolèrent aussi
bientôt. Peut-être, ainsi que le fait observer M. Du-
trochet, les hirondelles, entrées par hasard dans le bà-
timent, n'avaient pas puensortir; peut-être aussi, ap-
partenant à une couvée tardive, elles étaient trop jeunes
et trop faibles pour entreprendre ou pour continuer
leurs longues migrations. Quoi qu’il en soit de cette
supposition et de toutes celles auxquelles on pourraitse
livrer, ce fait n’en annonce pas moins que les oiseaux,
comme plusieurs mammifères et peut-être même cer-
= ED —
tains insectes, sont susceptibles d’hivernation, bien
que les oiseaux n’hivernent pas ordinairement.
Il est difficile de contester l’hivernation des hiron-
delles, après ce que Larrey rapporte dans l’histoire
de ses campagnes. En 1797, vers la fin de l'hiver, ce
chirurgien, passant dans la vallée de la Maurienne,
découvrit, dans une grotte profonde d’une montagne
nommée l’Æirondellière, une grande quantité d’hi-
rondelles suspendues comme un essaim d’abeilles
dans l’un des recoins de la voûte de cette grotte. D’a-
près ce fait, certains de ces oiseaux hiverneraient dans
nos climats ; probablement ce sont ceux qui ne se sen-
tent pas la force d'entreprendre de longs voyages.
Qnelques insectes ont aussi l'instinct d’hivernation
donné à des animaux d’un ordre plus élevé. Quant à
eux, il ne peut pas y avoir le moindre doute, surtout
relativement à l’ordre qui se rapproche le plus des
oiseaux, ou aux lépidoptères. En effet, un grand nom-
bre de papillons passe l'hiver dans les contrées mé-
ridionales, engourdis et enfoncés dans les creux des
rochers, aussi bien que dans ceux des murailles. Tels
sont les papillons polychloros, urticæ, yalbum et
antiopa. Les couleurs de cette dernière espèce en sont
même altérées, souvent à tel point, que leurs bordu-
res jaunes deviennent tout à fait blanches à la fin de
l'hiver. Lorsque de beaux jours ont lieu, l'engour-
dissement de ces êtres légers cesse ; on les voit pour
— 515 —
lors voler avec tout autant d’agilité que dans l'été.
Mais, pour si peu que la bise vienne à souffler’, ces pa-
pillons s’enferment et s’engourdissent de nouveau.
Les orthoptères présentent des mœurs analogues.
L'acheta campestris, dont les sons flütés animent le
silence des belles nuits d’été du midi de la France et
de l'Italie, sort aussi de sa retraite lorsque la tempé-
rature s'élève pendant l'hiver. S'il ne fait plus en-
tendre ses chants, qu'il garde pour ainsi dire pour la
saison des amours, il n’en paraît pas moins agile dès
que le soleil brille et réchauffe l’atmasphère. On le
voit courir, s’agiter avec la même prestesse que pen-
dant l'été. Il en est de mème du gryllus lineola, es-
pèce essentiellement méridionale.
Si le froid revient, le premier rentre dans son trou,
et le second s'enfonce dans quelque creux de rocher.
Il s’y tient cramponné sans mouvement, attendant
ainsi, dans un état de mort apparente, le réveil de la
nature.
Ces faits, et une foule d’autres que nous aurions pu
accumuler, annoncent que le phénomène de l’hiverna-
tion n'est pas aussi rare chez les animaux terrestres,
qu'on l'avait longtemps supposé. S'il parait peu fré-
quent chez les espèces aquatiques, cette circonstance
tient peut-être à la difficulté que présente l’observa-
tion de ces espèces.
Les poissons, comme probablement les autres ani-
— 5714 —
maux aquatiques, passent l'hiver dans un état parti-
culier d’engourdissement. On rapporte du moins des
faits qui semblent l’annoncer, pour les loches princi-
palement. Il en est ainsi pour celle qui est connue
sous le nom de franche (cobitis fossilis), ainsi que
pour les anguilles et les esturgeons. Ces poissons
s’enfoncent plus ou moins profondément dans la vase
lors des grands froids. Ils y restent engourdis jusqu’à
ce que la température leur rende leur premiére acti-
vité. Cette habitude de se tapir dans la vase est aussi
commune chez les poissons des eaux douces que celle
de se tenir dans la profondeur des mers est familière
aux espèces marines. Les unes et les autres passent
ainsi l’hiver dans une sorte d’engourdissement. Nous
avons déjà assez insisté, dans nos observations sur les
passages des différentes espèces de poissons, pour n’a-
voir pas à y revenir. Chez cet ordre d'animaux, le
phénomène de l’hivernation est presque aussi général
que celui qui les porte à se transporter d’un climat
dans un autre. Aussi les causes de l’un de ces phé-
nomènes peuvent servir à nous faire comprendre ce
qu’il y a d’obscur dans des faits qui sont environnés
de tant de difficultés.
Nous voyons également les serpents, aussi bien
les espèces terrestres que les aquatiques, s’engourdir
et rester immobiles pendant la saison des frimas.
Du moins ceux que nous élevons dans l’intérieur de
— 575 —
nos habitations entrent dans un état de torpeur d’au-
tant plus complet que la température est plus basse,
C’est ce que nous observons particulièrement chez les
boas et les autres serpents des climats chauds, lors-
que nous les transportons dans les contrées tempérées.
D'un autre côté, les vipères s’enterrent à l’approche
de l'hiver; elles demeurent comme engourdies pen-
dant toute la froide saison, et ne reprennent leur ac-
tivité et leur énergie qu’au retour du printemps: Il
en est de même de certaines tortues , quoique en gé-
néral les animaux de cegenre résistent à d'assez grands
froids. Malgré cette résistance, plusieurs s’enfoncent
dans l’intérieur de la terre lorsque le froid devient
trés-vif et se prolonge longtemps:
Les expériences de M: Gaimard, suivies avec beau-
coup de soin, ont prouvé que l’on peut faire geler
les crapauds sans que pour cela ils perdent la vie. On
peut en abaisser la température au point que les in-
tervalles entre les fibres musculaires sont remplis
de petits morceaux de glace, et que toutes les fonc-
tions animales sont complétement suspendues, comme
dans le phénomène de l’hivernation. Il est possible
cependant de les rappeler à la vie, pourvu que l’aug-
mentation de température soit convenablement gra-
duée. Ces reptiles peuvent être rendus à leur état
normal et reprendre leur agilité ordinaire en huit ou
dix minutes de temps, si l’on apporte une grande at-
tention dans la distribution de la chaleur qui doit les
ramener à la vie.
Dans l’état de congélation, les crapauds ne donnent
aucun signe de vie; leur corps est dur et rigide. Il
est impossible de faire opérer à leurs membres le
moindre mouvement. Le plus petit effort les brise
comme du verre. Leur retour à la vie a lieu par leur
immersion dans de l’eau lésèrement chauffée : pres-
que aussitôt que les particules de glace sont fondues,
les membres et la peau reprennent leur flexibilité,
et ces animaux commencent à se mouvoir. Leurs yeux,
qui paraissaient flétris, deviennent tout à coup proé-
minents. Quand on laisse geler les crapauds trop ra-
pidement, soit dans l’eau, soit dans l'air, ils ne retour-
nent jamais à la vie. Il serait curieux de comparer
ces faits avec ceux qui se passent dans le phénomène
de l’hivernation, et avec la croyance de certains na-
turalistes qui supposent que les crapauds peuvent
être conservés vivants pendant longtemps dans du
platre gaché ou scellés dans des murs.
La faculté que présentent assez généralement les
serpents de s’engourdir pendant l'hiver par l'effet de
l’abaissement de la température, parait d'autant
moins étonnante qu’on a supposé que ces animaux se
mettaient constamment en rapport avec la tempéra-
ture extérieure. Cependant, d’après les travaux de
MM. Lamarre, Piquot et Valenciennes, certaines
— 511 —
espéces à sang froid peuvent, dans des circonstances
déterminées, devenir des animaux à sang chaud. En
effet,quelques animaux hivernants deviennent,dansdes
circonstances déterminées, des espèces à sang chaud.
Ces recherches ont été confirmées par MM. Bec-
querel et Flourens, qui ont étudié d’une manière
toute particulière la température des animaux à sang
froid. Leurs expériences ont été faites sur plusieurs
reptiles, sur des lézards, des serpents, des batra-
ciens, etc. Elles ont été également suivies sur plu-
sieurs insectes et d’autres animaux des classes infé-
rieures, au moyen de l’appareil thermo-électrique de
M. Becquerel, sorte de thermomètre très-délicat.
Le résultat le plus général de leurs recherches
paraît avoir démontré que les animaux dits à sang
froid ont une température propre ou supérieure à la
chaleur extérieure; de sorte qu’en réalité ils sont
animaux à sang chaud. Seulement ils le sont à un
degré plus faible que les espèces dont le sang a une
chaleur notable.
La température des lézards est plus élevée que
celle des batraciens ; de pareilles différences dans la
chaleur se font remarquer sur le même animal, selon
qu'on explore telle ou telle région de son corps.
Ainsi la température prise sur une couleuvre est
sensiblement plus élevée près du cœur que dans la
région de la queue.
37
On peut trouver quelque analogie entre le phé-
nomène de la vie rendue aux crapauds gelés, au
moyen de l'élévation de la température, avec celui que
présentent, dans un cas contraire, certains animaux
hivernants, comme par exemple les marmottes. Le
meilleur moyen de les faire sortir de leur profond
assoupissement est de les exposer à un froid excessif.
Ces quadrupèdes éprouvent pour lors une souffrance
si vive qu'elle les fait sortir de leur engourdisse-
ment. Lorsque le froid, auquel ils ont dû momenta-
nément la suspension de l’état de torpeur dans le-
quel ils étaient plongés se continue, ces animaux ne
tardent pas à périr. Mais, par l'effet de cet instinct
conservateur que la nature a placé dans le cerveau
de chacun des êtres qu'elle a créés, les marmottes
s’exposent peu à de pareils dangers. Elles creusent
en effet des terriers profonds ; elles prennent le plus
grand soin pour fermer les issues des galeries qui y
conduisent. Maintenues dans une température supé-
rieure au degré de congélation de l’eau pendant les plus
grands froids, elles s’engourdissent, mais sans danger
pour leur vie.
Il en est également des loirs : leur engourdisse-
ment périodique commence avec les froids et cesse
aux premiers jours du printemps. Ces mammi-
féres, différant en cela des marmottes, paraissent se
réveiller à plusieurs reprises pendant l'hiver : ils
consomment pendant leurs réveils successifs les pro-
visions qu'ils ont amassées pendant la belle saison.
Les animaux hivernants sont généralement fort
gras au moment où commence leur léthargie et leur
état de torpeur. Leur épiploon est chargé d’une
grande quantité de feuillets adipeux, qui ont disparu
au moment de leur réveil ; leur poids total est alors
sensiblement diminué, ce qu'annonce leur extrême
maigreur.
Cette différence de poids prouve que la graisse
dont les espèces hivernantes sont pourvues, leur est
utile, non-seulement pour leur nourriture pendant
leur sommeil léthargique, mais encore pour les mo-
ments de veille auxquels elles peuvent être exposées
par l'élévation ou l’abaissement de la température.
Quant aux espèces moins prévoyantes que les loirs,
elles se nourrissent au moyen du tissu adipeux qui
s’est formé avant leur engourdissement.
On observe des faits analogues chez les oiseaux
émigrants ; ils sont généralement fort maigres lors-
qu'ils arrivent aprés avoir franchi de grandes dis-
tances. Ils se montrent au contraire dans un état
d’embonpoint remarquable lorsqu'ils quittent les
contrées où ils ont séjourné quelque temps. On peut
citer à cet égard les oiseaux dont les migrations sont
les mieux connues et les plus étendues : les cailles,
les hirondelles et les martinets. Après avoir traversé
— 580 —
les mers, ces oiseaux arrivent presque toujours dans
nos régions dans un état de maigreur particulier.
Lorqu'’ils ont séjourné quelque temps au milieu des
vignes ou des prairies du midi de la France, ils sont
sigras qu'ils ne peuvent s'enfuir vers d’autres lieux.
Cette circonstance les force souvent à ne point aban-
donner nos campagnes, ce qui a lieu particuliérement
pour les cailles.
Le pipit des prés (anthus pratensis), si peu re-
cherché à l’époque de son arrivée, en raison de sa
maigreur, l’est beaucoup au contraire lorsqu'il se
prépare à quitter les provinces méridionales de la
France. On le désigne pour lors sous le nom de
grasset. Cette dénomination indique son état nou-
veau. Ce que nous venons de dire du pipit se re-
marque également à l'égard de l’engoulevent ordi-
naire (caprimulgus Europæus) et d’un grand nom-
bre de fauvettes et de bruants.
De pareilles circonstances ne se représentent pas
chez les espèces sédentaires, comme chez le moineau
franc, la perdrix rouge, les coqs de bruyère, les
gangas, les lagopèdes, et une foule d’autres espèces
qui sont et demeurent constamment à peu prés dans
le même état d’embonpoint. Ces oiseaux, qui ne
doivent pas se livrer à des migrations lointaines,
n’ont pas à se charger de graisse pour suppléer au
manque de nourriture. Les espèces voyageuses sont
— 581 —
exposées seules à être privées d'aliments dans leurs lon-
gues traversées. La cause de ces phénomènes est sans
doute différente, mais leurs effets ont de grands
rapports : les uns et les autres paraissent du moins
sous la dépendance de l'instinct.
Les faits précédents, quoique peu nombreux, le
sont assez pour faire saisir qu'il existe quelque analo-
gieentre le phénomène de l’hivernation et celui des mi-
grations. Tous deux paraissent indépendants des cir-
constances extérieures, ou du moins n'être déterminés
par elles qu'à raison du moment où ils s’exercent.
S'il est une époque précise où chaque espèce doit
hiverner, quelle que soit d’ailleurs la température dont
elle éprouve les effets, il en est une non moins abso-
lue et non moins impérieuse pour les espèces émi-
grantes; c'est celle de l'instant de leur départ pour
des contrées lointaines.
Ce besoin est irrésistible pour les unes comme
pour les autres; mais les résultats en sont seulement
différents. Tandis que les unes s’enfoncent dans la
terre ou dans les cavités des rochers, plongées dans
un sommeil profond qui ressemble à la mort, les
autres fendent les vastes plaines de l’air, bravent les
tempêtes aussi bien que l’aquilon; quelques-unes
au contraire se transportent des régions glacées des
pôles vers les climats plus doux des contrées tempé-
rées. Ainsi chaque espèce cède à la puissance de son
— 582 —
instinct. L'homme peut, par son influence, en déran-
ger Jusqu'à un certain point l'harmonie; mais il ne
lui est pas donné de le détruire et d’en anéantir
l’action. Avant tout, les desseins de la nature, dont
nous sommes si loin de comprendre la sagesse et la
portée, doivent s’accomplir; car il faut que l’œuvre
mystérieuse de la création s’achève et se termine.
Nous avons étudié chez tous les ordres d'animaux
le phénomène de leurs passages accidentels, ainsi
que celui de leurs migrations périodiques. Nous
avons cherché à reconnaitre les causes qui portent
les uns à se déplacer à des époques aussi incertaines
qu'irrésulières, et les autres à se livrer à de grands
voyages dont la constance et la régularité ont quelque
chose de merveilleux. Nous aurions pu porter nos
vues encore plus haut, et trouver dans ce mouve-
ment et cette agitation continuelle une de ces lois
générales qui dominent la nature entière.
En effet, tout dans le monde est dans un tourbil-
lon qui ne se ralentit jamais, aussi bien dans les astres
nombreux de l’univers que chez les êtres qui y sont
disséminés. Cette activité existe non-seulement chez
les espèces placées à la tête de la création, mais en-
core chez les races les plus imparfaites.
Il en est de l’homme lui-même comme des plus
chétifs animaux. Tous, par suite d’un instinct impé-
rieux, tendent à se transporter plus ou moins loin
— 583 —
des lieux qui les ont vus naître. Tous recherchent
les contrées où ils peuvent trouver un refuge assuré
contre la rigueur des saisons, ou une nourriture
abondante et appropriée à leurs besoins. Une pré-
voyance instinctive les pousse vers les lieux où ils
rencontreront ces circonstances réunies. Ce pressen-
timent ne les trompe jamais. Un instinct supérieur
encore, et dont les effets sont moins compréhensi-
bles, force les animaux à se transporter avec une
constance remarquable dans des régions nouvelles.
Aucun besoin apparent ne les y contraint : ils se dé-
placent pour satisfaire la condition la plus impé-
rieuse et la plus irrésistible de leur organisation.
Ces causes puissantes, dont l’action se renouvelle
comme les êtres qui en ressentent les effets, et dont
la régularité est aussi grande que le retour des sai-
sons, ou la germination et la floraison des végétaux,
produisent à la fois les passages accidentels des di-
verses espèces d'animaux, ainsi que leurs migrations
périodiques.
— 581 —
RÉSUMÉ GÉNÉRAL.
De pareils desseins animent l’être le plus parfait
de la création. L'homme, qui connaît et juge le passé
comme il pressent l’avenir, veut ajouter de nouvelles
Jouissances à son existence. Comme l’oiseau qu'aucun
besoin ne presse et ne tourmente, mais qu’un instinct
impérieux entraine loin des lieux de sa naissance,
l’homme émigre aussi. Emporté par des désirs
vagues, semblables (autant que son intelligence peut
être comparée à leur instinct) à ceux qui dirigent
cette foule d'êtres qui se croisent dans tous les sens,
dans la profondeur des eaux et les vastes plaines
de l'air, il parcourt tous les climats, sans s’embar-
rasser des obstacles et des dangers qui l’environnent
à chaque pas.
L'homme, cédant plutôt à son imagination qu'à
des besoins physiques, trouve la terre encore trop
petite pour satisfaire ses désirs nouveaux et toujours
croissants. Du moins il n’est plus pour lui d'asile
inexploré. La marque de ses pas, imprimée sur le sol
— 585 —
de toutes les régions, redit assez les passions qui
l'agitent et le pressent.
Les voyages auxquels il se livre sans nécessité et
souvent sans but déterminé ressemblent fort aux
migrations lointaines, auxquelles s’adonnent aussi un
grand nombre d'animaux. Aucun motif ne les y con-
traint, si ce n’est un instinct impérieux. Les voyages
de l’un sont commandés par son intelligence, tout
comme les longues excursions des autres par une
puissance intérieure dépendant de l’organisation plus
irrésistible que l’influence passagère des circonstances
extérieures.
L'homme se déplace, comme certains animaux,
pour se soustraire à l’effet de ces circonstances, et tem-
pérer ce qu'elles ont de trop rigoureux. Pour éviter
les chaleurs brülantes des contrées méridionales, il
s'élève sur les hauteurs, souvent même il va chercher
un asile au fond des forêts, ou dans des régions plus
froides que celles qu’il abandonne. Il essaye ainsi
tous les lieux où il espére trouver les conditions qu'il
recherche; il ne s'arrête que lorsqu'il les a rencon-
trées. Il erre d’une contrée à une autre, à peu près
comme les oiseaux légers qui parcourent différents
climats, jusqu’au moment où ils trouvent une nourri-
ture abondante et une température appropriée à leurs
conditions d’existence.
Les uns et les autres sont dirigés par les mêmes
— 586 —
besoins et les mêmes désirs, influencés chez l’homme
par l'intelligence, comme chez les animaux par
l'instinct, qui est aussi un don de la nature.
Quelque singulière que puisse paraitre une pareille
comparaison, elle n’est pas sans utilité pour saisir
les différences qui existent entre les migrations et les
passages accidentels auxquels se livrent tant d’espèces
vivantes. Elle a du moins l’avantage de montrer que
tout se tient et s’enchaine dans le monde matériel,
auquel l’homme est lié par son organisation, aussi
bien que l’ensemble des êtres sur lesquels il exerce
son empire. Quoique le roi de la création, l’homme
éprouve comme les animaux les besoins qui les pres-
sent et les tourmentent; il a de plus à satisfaire son
intelligence, dont l'influence est si grande sur son
physique, outre qu’elle est pour lui une source con-
tinuelle de bonheur eu de chagrin.
La comparaison dont nous venons de faire com-
prendre les avantages est le complément en quelque
sorte nécessaire de la question soulevée par la Société
de Harlem. La manière dont nous l’avons résolue
semble confirmée par les vues que nous venons d’ex-
poser ; elles sont la conséquence et le résumé des
faits que nous avons énumérés. Nous sommes donc
arrivé aussi près du but qu’il est possible. On doit
être satisfait, dans les sciences d’observation, lorsque,
sans expliquer entiérement les faits, on en saisit la
— 5817 —
portée, ainsi que les causes qui les provoquent et les
déterminent. TA
Si nous n'avons pas résolu toutes les questions que
soulève le phénomène des migrations, nous avons
peut-être mieux fait concevoir que ceux qui nous
ont précédé toute son importance dans l'ordre de la
nature.
Puissent ces recherches, auxquelles l'académie
de Harlem a donné sa sanction, mériter l’attention
des savants qui n’ont pas été appelés à en être les
juges, ni à se prononcer sur leur mérite et l'intérêt
qu'elles peuvent présenter !
> (0600 a
— 588 —
NOTE
Additionnelle sur quelques espèces d'oiseaux des familles pro-
cellariées de l'ordre des palmipèdes ; des familles des gralles
de l’ordre des échassiers ; des familles des faucons de l’ordre
des rapaces; des familles des omnivores de l'ordre des
passereaux.
Les albatros et les pétrels, oiseaux essentiellement
pélagiens, vivent de mollusques ptéropodes et cépha-
lopodes, de crustacés, quelquefois de cadavres de cé-
tacés, mais jamais de poissons. Leurs habitudes, leur
vol, leurs allures, la forme de leur bee, paraissent s’y
opposer. D'ailleurs, les poissons manquent dans les
parages fréquentés par les albatros et les pétrels.
Les derniers ne paraissent pas avoir la faculté d’an-
noncer les tempêtes, comme on l’a supposé. S'ils sui-
vent pour lors les navires, c’est pour se nourrir des
excréments qui en tombent; car ils ne trouvent point
de nourriture ailleurs. On ne les voit jamais se poser
sur les agrès des navires, leur conformation leur ren-
dant cet acte impossible.
Le pétrel pélagique (procellaria pelagica) est sou-
vent poussé par les tempêtes sur les côtes de l'Irlande.
— 589 —
On l’y voit voltiger auprès des côtes et raser l’eau
pour y chercher sa nourriture. Malgré la puissance
de son vol, cet oiseau périt fréquemment, ne pouvant
résister à la tempête.
Leur présence en grand nombre n’annonce point le
voisinage des terres, mais seulement une abondance
de crustacés et de mollusques dont ils font leur sub-
sistance habituelle.
Sans doute les oiseaux bons voiliers sont répandus
d’une manière plus générale que ceux chez lesquels
la puissance du vol est faible ; mais les uns et les au-
-tres ont des limites de climat et d'habitation. Ainsi,
pour nous borner aux pétrels, ces oiseaux, habitant
les glaces du Nord, ne sont point probablement les
mêmes que ceux qui vivent vers le Sud. D’autres es-
pèces, qui s’éloignent peu des zones torride et tem-
pérée, vivent entre ces deux extrêmes.
L'influence des saisons et des circonstances atmos-
phériques accidentelles recule quelquefois les li-
mites de leur habitation ordinaire. Mais les pétrels
antarctiques et de neige, habitant les places du Sud,
quittent-ils pendant l'hiver les climats glacés, où ré-
gne une nuit continuelle ; ou ces oiseaux seraient-ils
diurnes pendant une partie de l’année, et nocturnes
pendant l’autre moitié, c’est ce dont il est difficile de
s'assurer. La solution de ces questions ne serait pos-
sible que si l’on rencontrait à de grandes distances
— 590 —
des glaces du Sud les mêmes espèces qui semblent
s’y être réfugiées et y vivre à peu près constamment.
Le râle de genêt (rallus crex), qui appartient à la
famille des gralles et à l’ordre des échassiers, a pour
nourriture favorite le lézard gris des murailles (/a-
certa agilis). Cette espèce est très-abondante en Ir-
lande. Il n’est pas rare d'y découvrir dans une seule
journée plusieurs centaines d'oiseaux. Ces œufs offrent
généralement, d’après M. Austin, une couleur sombre
irrégulièrement parsemée de grandes taches noiratres.
Ceux du même oiseau pris en Angleterre sont, d’après
M. Hevwiston, parsemés de petites taches couleur olive, .
sur un fond clair. Cette différence dépendrait-elle de la
diversité de nourriture des oiseaux qui habiteraient
l'Irlande ou la Grande-Bretagne, ou tiendrait-elle à
cequ'ils seraient pondus par deux variétés de la même
espèce? C’est ce que l'observation nous apprendra
sans doute.
La cresserelle ( falco tinnunculoides), de la famille
des faucons et de l’ordre des rapaces, est en partie in-
sectivore ; du moins pendant la belle saison de l’année
on voit cette espèce occupée à dévorer un grand nombre
d'insectes coléoptères. Aussi en ouvrant son estomac
on le trouve pour lors gorgé de débris d’insectes, que
l’on rencontre en partie dans leurs excréments ; mais
seulement dans un état d’altération beaucoup plus
avancé.
— 591 —
Le corbeau freux (corvus frugilegus), de la fa-
mille des corbeaux et de l’ordre des passereaux, souffre
beaucoup dans plusieurs districts de l'Irlande pendant
le temps qui s'écoule entre les semailles du printemps
et celles de l’automne. Les opérations du labourage,
pour lors terminées, ne leur fournissent plus les larves
et les vers dont ils se nourrissent. Si la saison est sè-
che, leurs souffrances deviennent encore plus grandes.
On les voit alors affamés, fureter partout, rechercher
avec soin les petits vers et les mollusques parmi les tas
d'herbes marines ramassées pour servir d'engrais, ou se
jeteravec avidité sur la première proie qui s’offre à eux.
Ces corbeaux déploient quelquefois le même ins-
tinct que les oiseaux de mer. Lorsqu'ils rencontrent
un mollusque qu'ils ne peuvent détacher de sa co-
quille, ils l’élèvent en l'air jusqu’à une hauteur con-
venable pour ce qu'ils se proposent ; ils la laissent
pour lors tomber, et forcent ainsi l’animal dans sa
citadelle. Pendant que la coquille descend , l’oiseau
la suitavec attention, de peur que quelque autre oiseau
ne s'en empare.
On retrouve le même instinct chez les merles et Les
grives, et chez le tourne-pierre de l’ordre des échas-
siers ; les uns et les autres portent les limacons dont
ils se nourrissent sur une pierre contre laquelle ils
frappent la coquille en la tenant avec leur bec jusqu’à
ce qu'elle soit assez fracturée pour livrer l'animal
— 592 —
qu’elle renfermait. On trouve des tas de ces coquilles
brisées dans les lieux qu'habitent ordinairement ces
oiseaux.
Lorsque les freux fondent une nouvelle colonie, ils
présentent des habitudes fort singulières en apparence,
mais qui sans doute sont basées sur des motifs suffi-
sants. En 1840, des corbeaux freux commencérent à
bâtir leurs nids peu élevés autour de la maison de
M. Allen, à Ballystraw, comté de Wexford. Aprés le
travail de la journée, au lieu de se reposer sur les ar-
bres environnants et de s’y établir pour la nuit,
comme s'ils s’y fussent crus peu en süreté, ils s’envo-
lèrent vers Kilmannock, habitation de M. Haughton.
Ils en firent de même toutes les nuits jusqu’à l'époque
de l’incubation ; ils furent pour lors obligés de rester
ou de perdre leurs œufs. Ils n’adoptérent pas ce
dernier parti, et s’établirent définitivement en ce lieu.
Il ne nous reste plus qu’à répondre à quelques
objections qui nous ont été récemment adressées. Si
les émigrations sont aussi constantes qu'étendues,
nous ne pouvons plus maintenant connaitre avec cer-
titude la distribution primitive des espèces qui exé-
cutent de grands voyages, vu le long espace de
temps qui s’est écoulé depuis leur apparition.
Cette observation a sans doute une grande portée,
mais elle ne s'applique qu’à un certain nombre d’oi-
seaux et de poissons. Quant aux autres, ils se trouvent
— 593 —
encore dans la position où ils ont été placés. Ainsi,
les échassiers et les palmipèdes, dont certaines races
paraissent se rencontrer dans toutes les régions, ne le
doivent peut-être qu’à leurs habitudes voyageuses. Il
en est de même d’une foule d’espèces que nous avons
déjà signalées , et auxquelles nous ajouterons la cres-
serelle et Le pluvier doré. Le premier de ces oiseaux
fréquente tout l’ancien continent, sous les tropiques
comme hors des tropiques. On le voit dans toute
l'Europe, au Sénégal, à Pondichéry, à Timor, comme
dans la Nouvelle-Hollande et l'Amérique septentrio-
nale. Seulement il n’a pas été apercu dans les régions
équinoxiales du nouveau monde, où il pénétrera peut-
être bientôt, comme tant d'autres oiseaux, dont les
habitations étaient plus restreintes jadis qu’elles ne le
sont aujourd’hui. Les pays où l’on découvre le pluvier
doré ne sont pas moins variés, Car à ceux que nous
venons de signaler on peut ajouter Java, Buénos-
Ayres, les iles Mariannes et Sandwich.
IL parait que pour ces deux espèces, comme
pour une foule d’autres, nous ne connaissons plus
les lieux où elles étaient fixées dans l’origine.
C’est peut-être à raison de cette extension, à laquelle
tendent particulièrement les oiseaux, que l'Afrique
boréale a si peu d'espèces qui lui soient propres. La
plupart des races de cette partie de l’ancien conti-
nent émigrent en Europe et même vers l'équateur,
35
— 594 —
et sont par là même comptées parmi les oiseaux pro-
pres à ces zones. On en fera peut-être de même des
gros-becs d'Afrique , qui sont aujourd’hui naturalisés
dans les forêts de l'Amérique.
Cependant un grand nombre d'oiseaux semblent
encore restreints aux régions où ils ont été dissémi-
nés à l'époque de leur création. Ces régions sont celles
où l'influence de l’homme s’est fait ressentir depuis
de moindres espaces de temps. En effet, l'Amérique
est la partie du monde où existe la plus grande
quantité d'espèces que l’on ne trouve pas ailleurs, et
qui lui paraissent tout à fait propres. Du moins le
nouveau monde est l'unique patrie des colibris (1),
des jacamars, des toucans, des vangas, des cotingas,
des gymnocéphales, des gymnodères, des tangaras
et des tyrans. D'un autre côté, les gobe-mouches
proprement dits et les moucherolles des tropiques y
sont plus communs, ainsi que dans les Moluques, qu’en
(4) Le colibri des tropiques (trochilus rufus) fait des excursions jusqu’au
détroit de Magellan; il arrive aussi jusqu’au Cook’s Jnlet là où la pénin-
sule d’Aliaska commence à se détacher du nouveau continent par les 64°
de latitude, Les morses (trichechus rosmarus) ne se montrent jamais en
Asie, sur la côte occidentale depuis la mer Glaciale, jusqu’au 56° 1/2 de
latitude, vers un parallèle de 4° 1/2 plus méridional que la limite à la—
quelle parviennent annuellement les colibris. Ces petits oiseaux se mon-
trent à Sitkha dès le mois d’avril et disparaissent avant le commencement
de juillet.
«tt lé
— 595 —
Afrique. L'Amérique, la Nouvelle-Hollande et les
iles de la mer du Sud fournissent la plupart des
perroquets qui nous sont connus ; car 11 n’en existe
qu'une seule espèce en Afrique et point en Europe.
Enfin les espèces du genre philedon et le mœnura
sont caractéristiques pour la Nouvelle-Hollande, com-
me les cassiques pour l’Afrique, les glaucopes et les
langrayens (ocypterne) pour les Moluques.
Les touracos (corythaix illiger) sont également
confinés en Afrique, tandis que les souimangas, uni-
quement répandus dans l’ancien continent, ne se
montrent point, comme les différentes espèces des He
dispersés sur tout le globe.
Une particularité importante à noter dans la dis-
tribution primitive des oiseaux, c'est que la famille
de cet ordre d'animaux, dont l’homme a tiré le plus
d'avantages, est moins nombreuse en Amérique que
dans les autres continents. Cependant l’Amérique
septentrionale nous a fourni un gallinacé, le dindon,
qui est devenu pour nos tables un mets recherché,
même pour les plus grands gourmets.
Il est certaines espèces sur l'habitation desquelles
nous ne pouvons pas être complétement fixé, et celles-
ci sont les émigrantes. Il n’en est pas de même des
oiseaux erratiques et sédentaires. Ceux-ci, surtout
les derniers, sont encore dans les lieux où ils ont été
placés à l’origine des choses. Ils ne s’en écartent que
— 596 —
pendant des moments plus ou moins longs; presque
toujours les lieux où ils nichent le plus ordinaire-
ment sont ceux où ils ont été disséminés dans le
principe de leur existence. Quant aux races cosmo-
polites, toujours en mouvement, la terre entière est
leur patrie, et le moindre récif leur domicile tempo-
raire. Il n’y a donc de l'incertitude que pour les races
émigrantes, qui se déplacent à des époques fixes et
régulières, et dont les voyages s'étendent chaque
Jour à tel point, que plusieurs d’entre elles parcou-
rent dans leurs migrations la totalité du globe.
ÈS ——
— 597 —
EXPLICATION
DE
LA CARTE DU GLOBE TERRESTRE,
Sur laquelle ont été tracées les routes suivies par plusieurs
espèces d'oiseaux et de poissons dans leurs migrations.
OISEAUX.
On a tracé sur la carte la route suivie par plusieurs
espèces d'oiseaux et de poissons dans leurs migrations,
à l’aide de lignes ponctuées ou marquées d’astéris-
ques. On a également indiqué, par le nomde l’espéce,
le point d’oùelle part pour se rendre à sa destination.
De cette manière on peut saisir à quel point les routes
parcourues par les espèces émigrantes sont étendues,
et combien les voyages auxquels elles se livrent habi-
tuellement sont considérables. En jetant les yeux sur
cette carte, on sera frappé de l’extrême différence que
présente l'hémisphère boréal, en comparaison de l’aus-
tral, relativement au nombre des lignes destinées
a donner une idée des migrations. Cette différence
— 598 —
est probablement, dans le fait, moins considérable
qu'elle le parait; elle tient uniquement au petit nom-
bre d’observations que nous possédons sur les voya-
ges que font les espèces européennes en Amérique,
ainsi que sur ceux que paraissent exécuter les races
du nouveau monde dans l’hémisphère boréal.
Nous avons cité dans cet ouvrage quelques faits
relatifs aux courses auxquelles se livrent certaines
espèces d'oiseaux d'Amérique qui nous arrivent par-
fois dans le midi de la France. Faute d'observations
suffisantes, nous n'oserions assurer que ces excur-
sions , qui paraissent accidentelles, vu leur peu
de fréquence, ne fussent pas cependant tout aussi
périodiques que celles qu'exécutent les espèces dont
nous avons tracé la marche.
A raison de cette circonstance, nous avons choisi
comme exemple des migrations, les principales es-
pèces de l’Europe qui sont connues pour ainsi dire
partout, à raison de l'étendue des voyages qu’elles
exécutent avec une constance et une régularité remar-
quables. Nous avons dû nous borner à indiquer onze
espèces, dont quatre suivent le même chemin et se li-
vrent aux mêmes excursions. Le nombre des lignes à
été ainsi réduit à neuf. De cette manière, on peut
saisir avec plus de facilité les courses que les espèces
émigrantes exécutent en Europe, contrée où elles
sont bien plus connues que partout ailleurs. Le
— 599 —
nombre neuf paraît encore trop considérable, lors-
qu'on porte particulièrement son attention sur l’Eu-
rope; car dans tout le reste du monde il est extrême-
ment restreint.
Notre carte présente sous ce rapport un intérêt
particulier ; elle fait saisir à l'œil combien peu nos
connaissances sont avancées sur la route que suivent
les oiseaux et les poissons émigrants, une fois qu'ils
sont sortis des pays les plus civilisés et des mers les
plus fréquentées. Il faut espérer qu’en présence de
cette lacune les observateurs éclairés qui habitent soit
l’Asie, soit l’Afrique, soit l’Amérique, soit enfin la
Nouvelle-Hollande, voudront bien s’occuper de cette
partie de l’histoire des animaux. Leurs recherches
nous feront mieux connaitre un des phénoménes les
plus réguliers et les plus curieux de la nature. Pro-
bablement aussi l'étude de ce phénoméne entrera dans
les instructions que l’académie des sciences donnera
désormais aux navigateurs qui entreprennent de
grands voyages et surtout des voyages de circom-
navigation. Plus que personne, les navigateurs sont
en mesure de faire à cet égard des observations in-
téressantes, si leur attention est appelée sur ce beau
sujet.
1° Hirondelle de fenêtre (hirundo urbica). Une
ligne composée de traits et de points intermé-
diaires indique la route que suit cet oiseau. Cette
— 600 —
espèce parait partir du Portugal où elle se divise
en deux colonnes. La première ou la septentrio-
nale se dirige vers les iles Britanniques, traverse la
mer du Nord, arrive en Norwése, en Laponie, et par-
court la plus grande partie de la Russie et de la Turquie
d'Europe; elle se Joint ensuite à la seconde colonne,
pour venir avec elle à son point de départ.
La seconde division de l’hirondelle de fenêtre ou
la méridionale traverse toute la partie du sud du Por-
tugal, de l'Espagne, de la France, d’où elle envoie
ses tribus en Allemagne, en Suëde, ainsi que dans
tout le nord de l’Europe. Une partie de ces tribus serend
également dans la Turquie d'Europe, et les individus
qui y arrivent se joignent avec les autres hirondelles
qui y sont arrivées par la Russie. Elles regagnent en-
semble les contrées du Portugal, que les unes et les
autres avaient quittées.
2° Hirondelle des rivages (hirundo riparia). La
route de cette espèce est indiquée par une ligne
ponctuée. L’hirondelle des rivages parait partir de la
Guinée ; elle se divise, dès le moment de son départ,
comme l’espèce précédente; l’une de ses colonnes se
dirige vers le nord, et l’autre suit au contraire une
route tout opposée, c’est-à-dire, vers le sud.
Etudions d’abord la marche de la colonne méri-
dionale, et nous examinerons plus tard celle de la co-
lonne septentrionale. La première longe d’abord les
— 601 —
côtes de la Guinée supérieure, puis celles de la Guinée
inférieure et du pays des Hottentots, sans presque
pénétrer dans la colonie du Cap. Elle se dirige ensuite
tout à fait vers le nord-est, longe les côtes du pays
de Mozambique, de Zanguebar ; bientôt après, elle
change tout à coup de direction, et prend sa route
vers le nord-ouest. Elle contourne le lac Tchad, et le
désert de Zahara , qu’elle a grand soin d’éviter , entre
en Barbarie, traverse la Méditerranée, et arrive dans
la Turquie d'Europe. Une fois qu’elle y est parvenue,
elle étend ses excursions dans toute la Russie, par-
court la Finlande, la Laponie, et arrive en Suëde et
en Norwége. Elle s’y joint avec les individus qui
composent la colonne septentrionale, et va regagner
avec eux les contrées d'où elle était partie.
La seconde colonne ou la septentrionale part du
même point que la première ; mais elle suit une route
totalement différente. Elle se dirige vers le nord, tra-
verse la Sénégambie, côtoie les bords orientaux de
l'Océan Atlantique, et parcourt successivement la Bar-
barie, le royaume de Maroc; après quoi elle franchit
le détroit de Gibraltar. Elle porte ensuite ses tribus
en Portugal, en Espagne, en France, traverse la
Manche, se répand dans les iles Britanniques, toute
l'Allemagne, le Danemark, la Suède et la Norwépge.
Là elle se joint avec la colonne méridionale, et, après
y avoir séjourné plus ou moins longtemps, elle re-
— 602 —
tourne avec les individus qui en faisaient partie en
Afrique.
3° L’hirondelle de cheminée (hirundo rustica) est
l'espèce la plus voyageuse d’un genre où presque
toutes celles qui le composent se livrent à de grandes
migrations. En effet, cette, hirondelle se trouve dans
la plupart des contrées du globe dont elle fait, pour
ainsi dire, le tour. La marche qu'elle suit dans ses
voyages est indiquée sur la carte par une simple li-
gnenoire.
Elle part d'Afrique, du Gingiro, pays peu éloigné
des côtes occidentales de la mer des Indes. Cette es-
pèce quitte cette contrée en se divisant en deux co-
lonnes; l’une gagne vers le sud, et l’autre au con-
traire prend sa route vers le nord.
La première, la méridionale ou l’africaine, gagne
d’abord vers le sud, traverse toute la partie des
côtes de l'Afrique qui s’étend depuis le Gingiro, jus-
qu’à la colonie du cap de Bonne-Espérance; elle par-
court ensuite le Zanguebar, le pays de Mozambique,
la Cafrerie et, sans pénétrer dans la territoire du Cap,
se détourne subitement vers le nord et parcourt de
nouveau toute l’Afrique, en se tenant d’abord assez
rapprochée des côtes occidentales de l'Océan Atlan-
tique. Une fois qu’elle a dépassé la Guinée inférieure,
elle s'éloigne de plus en plus des rivages de cette mer,
passe en Nisritie, tourne autour du lac Tchad, dont
— 605 —
elle côtoie les bords orientaux, et contourne à l’ouest
le désert de Zahara qu'elle évite autant que cela lui
est possible; elle arrive ainsi en Barbarie. Elle tra-
verse ensuite les Etats de Tunis et de Tripoli, et longe
les côtes méridionales de la Méditerranée. C’est ainsi
qu’elle prend dans ces contrées quelques moments
de repos; après quoi, elle se met de nouveau en
marche, franchit la Méditerranée, et arrive ainsi en
Europe.
Là elle envoie de nombreuses lésions en France,
en Espagne, en Portugal et dans les iles Britanniques,
et jusqu’en Islande. Une autre division parcourt
l'Italie, la Turquie d'Europe, l'Allemagne, le Dane-
mark, la Suède, la Norwége, la Laponie, et parait
même pousser parfois ses excursions Jusque dans le
Groënland; c’est du reste dans les contrées du Nord
que l’hirondelle de cheminée se joint avec les indi-
vidus de la colonne septentrionale; ceux-ci y arrivent
aprés avoir visité successivement la Nouvelle-Hollande
et la totalité de l'Amérique.
La seconde, l’américaine ou l’orientale, se dirige
dès le moment de son départ vers le nord-est; elle
franchit premièrement la mer Rouge, arrive en Ara-
bie, tourne le golfe Persique et côtoie pendant quel-
que temps le rivage septentrional de la mer des In-
des, ou particulièrement le golfe du Bengale. Elle
traverse ensuite le Kaboul, l’Indoustan, l’Inde ulté-
— 604 —
rieure, franchit la mer de Chine, passe dans l’ile de
Bornéo et les nombreuses îles de la Sonde, et arrive
enfin dans la Nouvelle-Hollande qu’elle parcourt dans
presque sa totalité.
Après y avoir pris quelque repos, elle se remet de
nouveau en marche, se dirigeant assez constamment
vers l’est. Elle passe ainsi successivement vers la
Nouvelle-Guinée, les iles Salomon, la Nouvelle-Zé-
lande, les iles de la Société, et les îles de l'Océan Aus-
tral. En suivant toujours la mème direction elle par-
vient enfin dans l’Amérique méridionale ; elle y entre
par le royaume de la Plata auprès de Buénos-Ayres ;
mais, une fois qu’elle v est arrivée, elle suitassez cons-
tamment la direction vers le nord. On la voit s’éten-
dre ensuite dans le Brésil, côtoyer l'Océan Atlantique,
puis la Guyane, la Colombie, et pénétrer dans l'Amé-
rique septentrionale par l’isthme de Panama.
Une fois qu'elle est entrée dans cette partie de
l'Amérique, elle côtoie la mer des Antilles, passe entre
le golfe du Mexique et les rivages orientaux de la mer
du Sud, et parcourt successivement le Mexique et la
Louisiane. De là elle pousse ses excursions jusqu’à la
terre de Labrador, arrive dans la Nouvelle-Galles, et
se rapproche de plus en plus des côtes de l'Océan Bo-
réal.
Ses tribus passent plus tard entre les grands lacs de
l'Amérique septentrionale, pénètrent dans la Nouvelle-
— 605 —
Bretagne, l'Amérique russe, et, après avoir franchi
l'Océan Glacial Arctique, elles se trouvent à l’extré-
mité de la pointe nord de l’Asie. Cette hirondelle par-
court ensuite le pays des Samoyèdes , la Sibérie, la
Soungarie, et pénètre dans la Russie. De cet empire
la colonne orientale de l’hirondelle de cheminée se
dirige directement au nord, et se rend en Suëde, en
Laponie et en Norwége, où elle se Joint avec lesautres
individus qui sont arrivés par une tout autre voie.
Tels sont les voyages que ces oiseaux, dont la
puissance du vol est extrêmement grande, exécutent
dans leurs migrations. Il faut bien remarquer que
tous les individus de cette espèce éminemment émi-
grante ne font pas constamment une aussi longue
route dans le cours d’une année. Un grand nombre
d’entre eux s'arrêtent à plusieurs reprises en chemin,
et sont loin de faire des tournées aussi considérables
que celles dont nous venons de donner une idée.
En effet, nous avons dépeint, pour chacun des oiseaux
dont nous avons tracé l’histoire, le maximum de
leurs excursions, sans prétendre par là que chaque
espèce l’exécute en entier. Probablement il n’est
aucun oiseau qui fasse le tour du globe dans le
cours d’une année. Que l’on ne s’y méprenne donc
pas, nous n'avons voulu indiquer ici que la plus
grande étendue de leurs migrations ; mais nous
n'avons pas prétendu fixer l'intervalle de temps que
— 606 —
les différentes espèces mettent à les exécuter. Ces
observations s'appliquent non-seulement à l’hiron-
delie de cheminée, mais généralement aux différentes
espèces d'oiseaux et de poissons.
4° Etourneaux (séurnus vulgaris), loriots (oriolus
galbula). Nous avons indiqué la route que suivent ces
passereaux par une ligne noire interrompue de dis-
tance en distance.
Ces deux oiseaux partent d'Afrique, et, pour plus
de simplicité, nous supposerons qu'ils dérivent l’un et
l’autre du même point ou du royaume de Tripoli.
Ainsi tout ce que nous allons dire se rapportera aux
étourneaux comme aux loriots. Ces passereaux se sé-
parent, dès le moment même de leur départ, en deux
colonnes principales ; l’une, ceile de droite ou l’asia-
tique, parcourt principalement cette partie du monde;
l’autre, celle de gauche ou l’européenne, étend ses
courses dans les régions tempérées de cette dernière
contrée.
La colonne asiatique, ou l’orientale, se dirige d’a-
bord à l’est, côtoie pendant quelque temps les côtes
méridionales de la Méditerranée, puis, tournant brus-
quement vers le nord, quitte l'Afrique, traverse cette
mer, arrive à l’ile de Chypre et puis dans la Turquie
asiatique. S’avancant toujours vers le nord-est, elle
passe entre la mer Noire et la mer Caspienne, se
dirige beaucoup plus à lorient, et franchit le Cau-
— 607 —
case. Elle se divise pour lors en deux branches prin-
cipales.
La première, ou la méridionale, va visiter la Soun-
garie, le Thibet, la Chine, la Mantchourie, la Mon-
golie, et, gagnant vers le nord-ouest, elle entre
dans la Russie asiatique, arrive en Sibérie, où elle se
joint avec la branche septentrionale dont elle s'était
séparée.
La seconde, ou la septentrionale, se dirige vers le
nord-est, séjourne quelque temps dans la Russie
asiatique et se rend enfin en Sibérie , où elle se réu-
nit avec la précédente pour aller, en se dirigeant vers
l’ouest, se répandre dans tout le nord.
Ces deux branches ainsi réunies partent ensemble
de la Sibérie, côtoient l'Océan Glacial Arctique, tra-
versent les pays de Youkaghire et des Samoyèdes, et
se rendent ainsi dans la Russie d'Europe. Elles aban-
donnent pour lors les rivages de l'Océan Arctique;
après quoi on les voit se diviser en deux rameaux
principaux.
Le premier, ou le septentrional, se dirige tout à fait
au nord, passe entre le golfe de Bothnie et la mer
Blanche, pénètreen Laponie, étend ses excursions suc-
cessivement en Norwége, en Suède, en Danemark, et
va se confondre dans les iles Britanniques aux indivi-
dus qui y ont été envoyés par la colonne européenne.
Le second, ou l’occidental, quitte le premier ra-
— 608 —
meau au-dessous de Saint-Pétersbourg avant qu’il
soit parvenu sur les bords du lac Onéga. Il se dirige
d’abord vers le sud-ouest, longe le golfe de Finlande
et les bords de la mer Baltique, et traverse une assez
grande partie de la Russie. Il arrive à Kœnigsberg ; de
là il va se distribuer dans la Prusse, la Pologne, l’Au-
triche et la Turquie d'Europe, et s’y réunir aux indi-
vidus qui y sont venus avec la colonne européenne.
Quant à cette colonne européenne ou septentrionale,
elle part comme l’asiatique d'Afrique et du royaume
de Tripoli. Du moment de son départ, on la voit ga-
gner à l’ouest, suivre les côtes de la régence d'Alger,
et, bien avant d'arriver en Barbarie, elle traverse la
Méditerranée, envoie quelques-unes de ses tribus dans
les iles de la Méditerranée, d’abord aux iles Baléares,
puis à la Corse, à la Sardaigne, et enfin en Sicile.
Continuant toujours sa route, elle met le pied en
Italie, et bientôt elle se divise en deux rameaux prin-
cipaux. Le premier, ou l’oriental, tourne l’Adriatique,
et, arrivé à son extrémité septentrionale, il envoie
ses tribus à l’est dans la Turquie d'Europe, l’Autri-
che, la Pologne, la Prusse et tout le nord de l’Eu-
rope : c’est le point où les individus de la colonne eu-
ropéenne se confondent avec ceux qui y ont été en-
voyés par la colonne asiatique.
Le second, ou l’occidental, aprés s’être dirigé à
l’ouest et avoir parcouru toute l'Italie, se partage
— O07—
également en deux bandes, une méridionale, et une
autre que, d'après la route qu'on lui voit suivre, nous
nommerons la septentrionale.
Cette dernière se répand dans toute l'Allemagne et
la Hollande ; après avoir traversé soit la mer du Nord,
soit l'extrémité de la Manche, elle va porter ses in-
dividus dans les iles Britanniques. Par suite de l'hu-
meur voyageuse de ces oiseaux, ils paraissent pousser
leurs excursions jusqu'en Islande. Quant aux indivi-
dus de ces deux espèces, qui se sont avancés jusqu'à
l'extrémité nord de l'Allemagne, ils passent ensuite
en Danemark, en Suède, en Norwége, et jusqu'en
Laponie, où ils se réunissent à ceux qui y sont venus
d'ailleurs.
La bande septentrionale qui, comme la précédente,
avait parcouru l'Italie, se rend d'abord en Suisse, ar-
rive ensuite en France, et de là va porter ses excur-
sions jusqu'en Espagne et en Portugal. Elle traverse
ensuite la Méditerranée, arrive en Afrique, et revient
aux lieux d'où elle était partie.
Ainsi s’accomplit et se termine la destinée de ces
légers habitants des airs, qui, toujours en mouvement,
sont bien plus que les autres animaux des voya-
geurs sur la terre. Du reste, quoique nous ayons
compris dans le même ordre de migrations les étour-
neaux et les loriots, tout comme les corbeaux et les
corneilles, nous n’entendons pas dire par là que ces
39
— 610 —
oiseaux suivent toujours le même chemin, et encore
moins qu’ils voyagent ensemble. Seulementnous avons
voulu faire comprendre que ces différentes espèces
tiennent à peu près la même route, et diffèrent peu
les unes des autres, sous le rapport de la direction
qu’elles donnent à leurs grandes excursions.
5° Cailles. Les voyages de cet oiseau sont indiqués
par deux lignes noires accolées l’une à l’autre.
Les cailles (£etrao coturnix) arrivent en Europe ve-
nant de l'Afrique, partent d'Egypte, traversent la
Méditerranée en parcourant lesiles, telles que Malte, la
Sicile, l’ile de Caprée, la Sardaigne, la Corse, passent
en Italie, et poussent leurs excursions jusqu’à l’ile
de Candie. Celles qui prennent cette direction s’é-
tendent en Asie, et visitent l'extrémité orientale de
l’Europe.
Une autre colonne longe le littoral de la Méditer-
ranée, côtoie le golfe Arabique, s'étend dans l’Arabie,
passe entre le golfe Persique et la mer Caspienne, vi-
site le Caboul et arrive dans le Thibet. Une fois qu’elle
y est parvenue, elle se partage en deux divisions :
l’une, celle de droite ou la méridionale, se dirige
partie vers la Chine et partie vers l’Inde Ultérieure,
puis vers les iles de la Sonde. Elle y reste peu, et tra-
verse bientôt le Grand-Océan, côtoie les côtes de la
partie septentrionale de la Nouvelle-Hollande, arrive
dans la Nouvelle-Guinée, puis dans les iles Salomon,
— 614 —
parcourt en entier l'Océan Equinoxial, et enfin la mer
du Sud. Elle pénètre ainsi dans l'Amérique méri-
dionale par la terre des Patagons, et longe les côtes
_ de cette contrée jusqu'au royaume de la Colombie. On
ignore si cette division étend encore ses courses au delà
de cette dernière contrée, ou si elle s’y arrête et y ter-
mine ses excursions vagabondes.
La seconde division, celle de gauche ou la septen-
trionale, suit jusqu’au Thibet la même route que la
première ; mais, lorsqu'elle y est parvenue, elle
tourne brusquement vers le nord, se dirige vers Tur-
kestan, passe auprès de la mer d’Aral, traverse une
partie de la Russie asiatique, la plus grande partie
de la Russie d'Europe, et porte ses tribus jusqu’en
Laponie, en Norwége et en Suède. Elle franchit en-
suite la mer du Nord, étend ses excursions jusqu’en
Islande, tandis que le plus grand nombre des indivi-
dus qui composent cette seconde division va visiter
les Hébrides, l'Irlande, l’Ecosse et l'Angleterre, pays
qu'elle quitte ensuite pour revenir à son point de dé-
part. |
Outre ces trois grandes colonnes, la première ou la
méditerranéenne, la seconde ou l’orientale, qui d’abord
unique se partage en deux et en constitue ainsi une
nouvelle ou la septentrionale, il en existe une autre
principale qui se divise également en deux branches ou
rameaux,
— 612 —
D'après la direction que suit la quatriéme co-
lonne, dès le moment de son départ, on peut la nom-
mer l’occidentale. Elle se confond, en Barbarie, avec les
caïlles qui arrivant d'Egypte ont suivi les bords méri-
dionaux de la Méditerranée, toujours dans la direction
de l’ouest. Elles suivent encore la même direction pen-
dantquelquetemps ; mais une fois qu’elles sont arrivées
à l’extrémité de la Barbarie, elles se divisent en deux
rameaux principaux. L’un, que nous appellerons l’eu-
ropéen, parcourt le Portugal, l'Espagne, traverse
l’Océan Atlantique et arrive dans les îles Britanniques
où il paraît se confondre avec les caïlles qui y
sont arrivées par l'Islande. Le second rameau, ou
l’africain , côtoie les côtes occidentales de V'Afri-
que en se rapprochant des rivages de l’Océan Atlan-
tique, traverse ainsi successivement la Sénégambie,
la Guinée supérieure et inférieure, le pays des Ma-
casses et des Hottentots, et arrive enfin au cap de
Bonne-Espérance. Les cailles changent dès lors de
direction, étendant leurs excursions vers le nord ;
elles longent ainsi les côtes de l'Océan Austral et de
la mer des Indes , parcourent la Cafrerie, la Mozam-
bique, le Zanguebar, suivent la côte d’Ajan, font
quelques excursions dans l’Abyssinie, et franchissent
le golfe Arabique dans le point le plus étroit, c’est-à-
dire vers Moka, et pénètrent en Arabie.
Une fois qu'elles y sont parvenues, elles longent
— 613 —
les côtes septentrionales de la mer des Indes, traver-
sent le golfe Persique, entrent en Perse, suivent en-
core les rivages de la mer des Indes, parcourent l'In-
doustan, et, tournant brusquement vers le nord-est,
vont se confondre avec les cailles qui du Thibet se
rendent dans la Nouvelle-Hollande et en Amérique.
Quelles que grandes que puissent paraitre les ex-
cursions de ces oiseaux dont le vol est cependant si
lourd , elles sont probablement au-dessous de la
réalité. En effet, les colonnes qui les composent se
subdivisent à l'infini et se répandent dans un plus
grand nombre de pays que ceux que nous avons
indiqués ; car les cailles offrent cette particularité de
voyager indifféremment du nord au midi comme du
midi au nord.
6° Le corbeau et les corneilles (corvus corax et
corone) sont aussi des espèces essentiellement émi-
grantes, et que l’on rencontre dans presque tous les
points du globe. Leurs courses ont été indiquées sur
notre carte par deux lignes noires, l’une pleine et l’au-
tre interrompue ou ponctuée.
Ces oiseaux, comme les cailles, paraissent égale-
ment partir d'Afrique et de Barbarie au delà du dé-
sert de Zahara, vers les côtes de l’Océan Atlantique.
De ce point ils se divisent en deux colonnes : l’une se
dirige vers le nord et l’autre vers le sud.
Celle-ci, l’africaine ou la méridionale, s'étend vers
— 614 —
le sud jusqu’à la pointe de l’Afrique, longe les côtes
de cette contrée, traverse successivement la Nigritie,
la Guinée supérieure et inférieure, le pays des Ma-
casses et des Hottentots, et arrive enfin au cap de Bonne
Espérance. Lorsqu'elle y est parvenue, la colonne
africaine change de suite de direction, gagne d’abord
vers le nord, puis, après avoir traversé le canal de
Mozambique, elle se rend à Madagascar et dans
les autres petites iles dont celle-ci est entourée. Cette
colonne parait même pousser ses excursions jusqu'aux
îles Seychelles, les Maldives et les Laquadives de la
mer des Indes. De ces points, les oiseaux qui la com-
posént reviennent de nouveau vers les rivages afri-
cains, s'étendent dans le Zanguebar, la Nubie, cô-
toient les rivages occidentaux du golfe Arabique ou
de la mer Rouge, passent entre cette mer et la Médi-
terranée, etarriventainsi par l’isthme de Suez en Asie.
Ces oiseaux traversent ensuite la Palestine, une partie
de la Turquie asiatique, longent les côtes de la mer
Noire et de la mer Caspienne, parcourent une grande
partie de la Russie, de la Suède et de la Norwége, où
ils vont se réunir avec leurs congénères qui y sont
parvenus par l’Allemagne.
La seconde colonne, l’européenne ou la septentrio-
nale, part comme la précédente du même point;
mais, au lieu de se diriger vers le sud, elle suit une
direction tout opposée , c’est-à-dire vers le nord. Elle
— 615 —
longé d’abord les côtes occidentales de l’Afrique, tra-
verse le détroit de Gibraltar , passe en Portugal, en
Espagne, puis en France, d’où elle se répand dans
les îles Britanniques, l’Allemagne, la Suisse, l'Italie,
la Turquie d'Europe; elle parcourt encore de nou-
veau l'Allemagne, mais seulement les Etats les plus
septentrionaux de cette contrée. Elle gagne ensuite
le nord, et va se réunir en Norwége avec la colonne
africaine dont les excursions sont beaucoup plus
étendues.
T° La chouette effraie (sérix flammea) est encore
une espèce émigrante dont les voyages sont aussi des
plus étendus. Les migrations de cette espèce ont été
indiquées par une ligne noire en astérisque.
La chouette effraie , comme la caille, paraît partir
d'Afrique et de la Nigritie. La première de ces co-
lonnes longe d’abord le grand désert de Zahara , tra-
verse l'Egypte, puis la Méditerranée, arriveen France,
d’où elle se répand en Espagne, en Portugal, en Al-
lemagne, en Suède et en Norwége. Ces oiseaux se joi-
snent, dans ces dernières contrées, à ceux qui, après
avoir parcouru toute l'Amérique, arrivent dans l’hé-
misphère boréal par là Russie asiatique.
La seconde colonne part, comme la première, de la
Nigritie, se dirige vers la Sénégambie, traverse l'Océan
Atlantique, et arrive par la Guyane dans l’Amérique
méridionale. Elle parcourt ensuite le Brésil, par-
— 616 —
vient jusqu'à Buénos-Ayres, longe les côtes occi-
dentales de cette partie de l'Amérique, passe succes-
sivement par les royaumes de la Plata, du Pérou, de
la Colombie, et se rend enfin dans l'Amérique septen-
trionale après avoir franchi l’isthme de Panama. Une
fois qu’elle y est parvenue, elle porte ses excursions
dans tout le Mexique, la Louisiane, les Etats-Unis,
contourne ensuite les grands lacs de cette partie du
nouveau monde, arrive dans l’Amérique russe, fran-
chitle détroit de Behring, et pénètre ainsi dans l’Asie
septentrionale. Elle parcourt ensuite la Sibérie, la
Manschourie, la Mongolie, la Rouskarie, la Chine,
le Thibet, le Caboul, et, après avoir côtoyé les côtes
occidentales du golfe Persique, elle entre en Arabie
d’où elle passeentre la mer Noireet la mer Caspienne
pour arriver en Russie. Elle se joint pour lors en
Suède et en Norwége à l’autre colonne dont les courses
ont été moins longues.
La chouette effraie, quoiqu'une esnèce nocturne,
n’en est pas moins un des oiseaux dont les courses
sont les plus longues ; car dans ses voyages elle fait
en quelque sorte le tour du monde. L’habitude de ne
voir bien distinctement que pendant la nuit, qui parait
caractériser particulièrement les chouettes, est donc
tout à fait indifférente à l'étendue et à la constance de
leurs voyages. Il en est de même de leurs habitudes
carnassières qui ne sont pas non plus un obstacle, ainsi
— 617 —
qu’on l’avait à tort supposé, à la longueur de leurs
excursions. La corneille et le corbeau en sont encore
une preuve parmi les passereaux, ainsi que plusieurs
autres espèces qui, comme la chouette, appartiennent
aux oiseaux de proie. Les mœurs de certains mammi-
fères, tels que le tigre, le loup et le renard, ne s’oppo-
sent point à leur grande dispersion ; elles paraissent
même la favoriser ; car les animaux carnassiers trou-
vent partout de quoi satisfaire leurs appétits, aussi
bien que les espèces herbivores dont la dispersion a
singulièrement favorisé celle des premières.
POISSONS.
8° Maquereaux (scomber scombrus). Les poissons
se livrent à des migrations presque aussi étendues
que celles qu’exécutent les oiseaux émigrants. Nous
avons indiqué sur la carte celles des maquereaux par
une ligne à nœuds.
Les maquereaux paraissent passer l'hiver dans les
mers du Nord, principalement auprès de l'Océan Gla-
cial Arctique, dans les environs. du Spitzherg où ils
s’enfoncent dans la profondeur des eaux. Ils quittent
ces froides régions vers le printemps, et se dirigent
à cette époque sur les côtes de l'Islande ; ils descen-
dent ensuite dans l'Océan Atlantique, et parviennent
— 618 —
ainsi sur les côtes de l'Irlande. Lorsque ces poissons
sont arrivés vers le 50° degré de latitude, ils se di-
visent en deux colonnes.
L'une, ou la méridionale, longe la péninsule his-
panique, passe le détroit de Gibraltar, arrive dans la
Méditerranée d’où elle se répand sur les côtes de l’Es-
pagne , du midi de la France, de l’Italie, ainsi que
sur celles des iles qui s’y trouvent, comme les iles
Baléares, la Corse, la Sardaigne et la Sicile, etc. Elle
parvient ainsi dans l’Adriatique , et retourne après
dans la Méditerranée, où les individus qui la compo-
sent vont se répandre sur les côtes de la Turquie et
de l’ile de Candie. On ignore si cette espèce pénètre
dans la mer Noire par le détroit des Dardanelles.
Lorsqu'elle y est arrivée, elle revient sur ses pas et
retourne dans les mers du Nord, ainsi que la seconde
colonne : l’une et l’autre s’enfoncent alors dans les
profondeurs de l'Océan Glacial Arctique. Cette pre-
mière colonne de maquereaux est suivie dans ses
excursions par les sardines , comme celles-ci par
les thons. Cette dernière espèce est écalement accom-
pagnée par les squales qui s’attachent à ses pas et en
font leur pâture.
L’autre colonne que, par opposition à la pre-
mière, on pourrait appeler la septentrionale, entre
dans la Manche, paraît en mai sur les côtes océani-
ques de la France, longe la partie méridionale et oc-
— 619 —
cidentale de l’Angleterre, de la Hollande, et passe le
Sund ; elle fait ensuite le tour du Jutland, parcourt
la mer Baltique, revient en suivant les côtes de la
Suëde, de la Norwége, et s’enfonce de nouveau dans
les mers du Nord, point d'où elle était partie comme
la première division de cet ordre de poissons.
9 Æarengs (clupea harengus). Les harengs, aussi
connus par la bonté de leur chair qu’à raison de leurs
longs et grands voyages, ont été indiqués par une li-
gne ondulée et sinueuse.
Les harengs , comme les maquereaux , partent des
mers du Nord, particuliérement de l’Océan Glacial
Arctique. Ils se divisent, peu aprés leur point de dé-
part, en deux colonnes principales.
La première se dirige vers l’occident, passe entre
l'Islande et le Groënland, fait le tour de cette grande
ile dont elle côtoie les côtes orientales, traverse la
baie de Baffin, arrive ainsi devant la terre de Labra-
dor, fait le tour de Terre-Neuve, et pousse peut-être
_ses excursions jusqu'aux Etats-Unis, d’où elle re-
tourne vers les mers du Nord, dans les profondeurs
desquelles elle s’enfonce.
La seconde colonne des harengs, ou la méridionale,
se dirige vers le sud; mais, peu après son départ,
elle se partage en deux divisions, probablement à rai-
son du nombre des poissons qui la composent.
La première longe la Norwége; mais, arrivée de-
— 620 —
vant le Danemark, une partie en côtoie les côtes oc-
cidentales, et l’autre les côtes orientales. Cette pre-
miére division pénètre ainsi dans la Baltique, et
étend ses excursions à la fois dans les golfes de Fin-
lande et de Bothnie, d’où ces poissons retournent dans
les mers du Nord , que l’on peut considérer comme
leur point de départ.
La seconde division , qui s'étend vers le sud-ouest,
parcourt les côtes des îles Shetland et les Orcades.
Une fois qu’elle a dépassé ces dernières îles, elle se
partage encore en deux bandes.
La première, ou l’occidentale, gagne les îles Hébri-
des et pénètre dans l’Océan Atlantique. Une partie suit
les côtes occidentales de l'Islande; elle fait en quel-
que sorte le tour de cette île, et va se réunir avec la
seconde qui arrive dans la Manche par la Hollande
et le Pas-de-Calais.
La dernière de ces bandes, ou l’orientale, longe les
côtes orientales de l’Ecosse et de l’Angleterre, ainsi
que le rivage occidental de la Hollande, et entre dans
la Manche par le Pas-de-Calais.
Ces deux bandes séjournent plus ou moins long-
temps dans la Manche; elles envoient constamment
de leurs tribus, les unes dans les mers du Nord et
les autres dans l’Océan Atlantique. Les premières
suivent les côtes de l'Allemagne, font le tour du Da-
nemark, parviennent par le Sund dans la mer Bal-
— 621 —
tique, qu’elles parcourent en entier, et étendent leurs
excursions jusque dans les golfes de Bothnie et de
Finlande. Les secondes de ces tribus longent les cô-
tes océaniques de la France, ainsi que celles de l’'Es-
pagne et du Portugal; mais elles ne paraissent pas
franchir le détroit de Gibraltar, qui semble pour elles
comme le terme de leur voyage. De ce point les ha-
rengs reviennent par la Manche dans la mer du Nord,
pénètrent parfois dans la Baltique, et, s’y réunissant
avec leurs congénères, on les voit souvent reprendre
avec eux la route de l'Océan Glacial Arctique, où les
uns et les autres vont s’enfoncer dans la profondeur
des eaux.
Telle est l’histoire des migrations du hareng, dont
le nombre est réellement prodigieux. Malgré les pé-
ches actives et les attaques continuelles des poissons
voraces dont il est l’objet, il n’en envoie pas moins des
millions d'individus depuis l'Océan Glacial Arctique
jusqu’à l’Océan Atlantique. Il serait possible que, dans
son humeur voyageuse, le hareng étendit ses excur-
sions jusqu'a l'Océan Austral, parcourant ainsi l’im-
mense étendue de l’Océan Atlantique. Faute d’obser-
vations précises, nous ignorons si ses colonnes dépas-
sent le détroit de Gibraltar, et si, sans entrer dans la
Méditerranée, elles longeraient les côtes océaniques
occidentales de l'Afrique, pour , en définitive, aller
porter leurs tribus dans l'Océan Austral.
— 622 —
Nous devons attendre de nouvelles recherches et
des observations suivies avec soin pour pouvoir déci-
der ce point de fait. Dans l’état actuel de nos con-
naissances, le détroit de Gibraltar parait pour cette
espèce les colonnes d’Hercule.
FIN.
— 623 —
TABLE DES MATIÈRES.
Dépicace.
Avis Des Enireurs.
AVANT-PROPOS.
InTropucrion.
Observations générales.
LIVRE PREMIER.
DES MIGRATIONS DES ANIMAUX VERTÉBRÉS.
CHAPITRE PREMIER.
Des MIGRATIONS DES MAMMIFÈRES,
I. Des migrations des mammifères terrestres.
IL, Des migrations des mammifères marins ou des célacés.
CHAPITRE II.
Des MIGRATIONS DES OISEAUX.
I. Des causes des migrations des oiseaux.
II. De l’ordre qui règne dans les migrations des oiseaux.
III. De l'irrégularité des passages des oiseaux erraliques.
IV. De la diversité dans les époques des passages des jeunes et
des vieux oiseaux.
V. De l'influence de la température et de la nourriture sur les
passages des oiseaux.
ee ——
— 624 —
VI. De l'étendue des migrations des oiseaux.
VIT. De la constance dans les migrations des oiseaux.
VIII. Résumé.
IX. Tableau de l’époque des passages des oiseaux.
Observations générales.
Taszeav de l’époque des passages des oiseaux.
I. Palmipèdes.
IT. Pinnatipèdes.
III, Echassiers.
1° Gralles.
29 Coureurs.
3° Aleclorides.
IV. Gallinacés.
V. Passereaux.
4° Chélidons.
20 Alcyons.
5° Anisodactyles.
4° Zigodactyles.
5° Granivores.
6° Inseclivores.
7° Omnivores.
VI. Rapaces.
4° Hiboux.
20 Choucttes.
. 3° Busards.
4° Buses.
5° Milans.
6° Autours.
7° Aigles.
8° Faucons.
9° Vautours.
Addition à l’article des oiseaux palmipèdes.
Tasceau des temps moyens de la première apparition de plusieurs
oiseaux dans le midi de la France.
Tapzeau du temps moyen de la première et dernière apparition des
hirondelles et des martinels sur les côtes du midi de la France.
— 625 —
CHAPITRE III.
I. Des passages des reptiles.
513
II. Tableau des lieux habités par les principales espèces de reptiles. 344
k Chéloniens.
Sauriens.
Ophidiens.
Batraciens.
CHAPITRE IY.
Des MIGRATIONS DFS POISSONS.
Observations générales.
I. Tableau de l’époque des passages des poissons.
Observations préliminaires.
Tasreau de l’époque des passages des poissons.
1. Suceurs.
II. Apodes.
III. Subbranchiens.
IV. Abdominaux.
V. Microlépides.
VI. Lépides.
VII. Aspidocéphales.
VIII. Brachioptères.
IX. Discoboles.
X. Plectognathes.
XI. Lophobranches.
XII. Cinétobranches.
XIII. Desmobranches.
II. Résumé.
LIVRE DEUXIÈME.
DES MIGRATIONS DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS.
CHAPITRE PREMIER,
Des MIGRATIONS DES MOLLUSQUES.
CHAPITRE IT.
Des ARTICULÉS.
846
366
377
379
507
516
—"0û—
CHAPITRE III.
Des FELMINTHÉS ET DES ZOOPHYTES. 55%
CHAPITRE IV.
Des voyAGES ACCIDENTELS DE CERTAINS ANIMAUX. 557
CHAPITRE V.
Du PAÉNOMÈNE DE L’HIVERNATION. 566
RÉSUMÉ GÉNÉRAL. 584
Nore additionnelle. 588
ExPzicaTion de la carte du globe terrestre, sur laquelle ont été tracées
les routes suivies par plusieurs espèces d'oiseaux et de poissons
dans leurs migrations, 597
FIN DE LA TABLE,
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