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HISTOIRE
DE FRANCE
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HISTOIRE
DE FRANCE
DEPUIS LES TEMPS LES PLUS IIECULÉS JLSQU EN 1789
HENRI MARTIN
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QUATRIÈME ÉDITION
PARIS
FlIRNE LIBRAIRE-ÉDITEUR
Se r^M-Ttc lu droit <!«' Iraiiuctioii v.l di- n-prttdiictioii
il IKlraiippr.'
M nCCC LV
HISTOIRE
DE FRANCE
TROISIEME PARTIE.
FRANCE DU MOYEN AGE.— GUERRES DES ANGLAIS.
(SUITE.)
LIVRE XXXIV.
Nouvelle ihtasioh ahqlaisb. Charles VI (suite). Henri V de Lancaslre descend
en Normandie. Prise de Harfleur. Désastre d'Azincourt. — Guerre civile et guerre
étrangère. Lutte de Jean-sans-Peur et de Bernard d*ArmagDac. — Conquête de
la Normandie par les Anglais. — Les Cabochiens recouvrent Paris. Armagnac
égorgé. Massacres des prisons. La guerre civile continue hors Paris. Dauphinois
ei Bourguignons. — Défense héroïque de Rouen contre les Anglais. Rouen suc-
combe. Alain Blanchard. — Traité de réconciliation entre le dauphin et Jean-
sans-Peur. Entrevue de Monlereau. Assassinat de Jean-sans-Peur. L'héritier de
Jeao-sans-Peur, Philippe le Bon, s'unit aux Anglais. La reine Isabeau de Bavière
s'unit aux Anglais. Traité de Troies. Le dauphin exhérédé au nom de Charles VI
et Henri V déclaré héritier de la couronne de France. Paris subit et un simulacre
d'États-Généraux ratifie le traité. — Prise de Melun. —Victoire des Dauphinois a
Baugé. — Prise de Meaux par Henri V. —Mort de Henri V.— Mort de Charles VI.
Deux rois en France : Charles VII et Henri VI de Lancastre.
1415—1422.
Les catastrophes politiques s'étaient précipitées en France pen-
dant la longue session du concile de Constance. La paix d'Arras
avait été à peine une trêve de quelques jours et n'avait rien changé
à la situation , toujours enfermée dans le même cercle : aucun
des deux partis, Armagnacs et Bourguignons, faction du sud et
VI. 1
2 GUERRES DES ANGLAIS. [i4i5j
faction du nord, ne pouvait écraser l'autre. Les forces de la France
s'usiiient de plus en plus; la dissolution sociale semblait ne pou-
voir plus s'accroître et pourtant s'accroissait sans cesse; l'autorité
souveraine se donnait à chaque instant de sanglants démentis à
elle-même ; on ne savait plus ce qui était crime ou devoir : ce
qui était féautéla, veille devenait félonie le lendemain. Jusqu'alors
un concours de circonstances singulières avait mis les nations
étrangères hors d'état de profiter de la désorganisation de la
France ; ces circonstances n'existaient plus : l'Angleterre, sous le
gouvernement énergique des Lancastre, sortait retrempée de ses
crises intérieures, tandis que la France s'abîmait dans les siennes.
Tout le règne de Henri IV avait été employé à l'affermissement de
la nouvelle dynastie ; Henri V put reporter au dehors les forces
de la nation. Henri IV avait jugé d'un ferme coup d'œil la posi-
tion de l'Angleterre, profondément remuée par les Lollards ou
disciples de Wickleff : il avait reconnu dans le wicklefisme l'en-
nemi de la société féodale et catholique tout entière, et il n'avait
pas voulu se lancer dans l'inconnu à la tête des novateurs. Prince
et chef de parti, il les avait protégés; roi, il s'associa contre eux
au clergé, et les grands laïques suivirent l'exemple du roi : ils
commençaient à se sentir aussi menacés que les gens d'église
par les prédicants d'égalité. Les principales forces de la propriété
passèrent ainsi à la disposition de la couronne; le clergé seul
possédait au moins la moitié du territoire anglais ^ En vain les
communes, gagnées sinon par les théories religieuses, au moins
par certaines idées politiques des Lollards, voulurent-elles en-
gager le roi à s'emparer des revenus du clergé ; Henri IV resta
fidèle à l'alliance ecclésiastique^ et lui donna un gage sanglant
par le supplice d'un célèbre prédicateur wicklefite. Henri V con-
tinua la politique de son père. Durant son orageuse jeunesse,
dans les intervalles des bruyantes débauches qui semblaient an-
noncer à l'Angleterre un Charles VI ou un Louis d'Orléans, il
1. 28,000 fiefs de haubert sur 53»000! Tarner, cité par Michelet, t. lY, p. 276.
2. l\ déclara qu*il ne demanderait rien à l'Église que ses prières. Ibid. p. 277.
En même temps, comme le remarque M. Michclet, il nationalisa son clergé eo
repoussant les collations de bénéfices faites à Rome, et en soutenant les éféqaes
contre les moines. Oter au pape toutes collations de bénéfices était une très grande
réfolution.
[1415] HENRI V. 3
s'était affilié aux conciliabules des Lollards et s'était étroitement
lié avec leur principal chef, John Oldcastle, lord Cobham. Aussitôt
après la mort de son père, il congédia ses compagnons de plaisir,
s'entoura des plus graves conseillers de Henri IV, affecta une
dévotion rigoureuse, rendit des statuts terribles contre Thérésie,
manda Oldcastle à Windsor et s'efforça de le ramener dans le
giron de l'Église. Oldcastle refusa et fut livré au tribunal du pri-
mat d'Angleterre : condamné, il s'échappa, appela aux armes les
wicklefites et tenta d'enlever le roi et de s'emparer de Londres.
Les bandes wicklefites, avant d'avoir pu se réunir en corps d'ar-
mée, furent surprises et dispersées par Henri V (7 janvier 1414).
Oldcastle subit le supplice réservé aux criminels de lèse-majesté ^
La faction wicklefite ne se releva pas de ce grand revers : une
législation de fer acheva l'œuvre de la victoire.
Dès lors Henri V eut les bras libres. Il avait éteint, par un
mélange de clémence et de sévérité, les restes des vieux partis de
Richard II et du comte de March; le clergé lui était dévoué; il
était sûr d'acquérir la noblesse et la portion énergique du peuple
par la guerre étrangère : il se rejeta avec allégresse dans la voie
d'Edouard III, dont il avait le génie.
Ce qui se passait en France était bien propre à l'encourager :
une nouvelle révolution de palais venait de ravir aux princes
d'Orléans et à leurs alliés le pouvoir dont ils avaient dépouillé le
duc de Bourgogne, et le gouvernement se trouvait en des mains
pires encore, s'il était possible. Le duc de Guyenne, las du contrôle
des princes, les attira tous à Melun, résidence habituelle de la
reine Isabeau, sous prétexte d'affaires importantes; puis, dit
Monstrelet, « tandis que lesdits seigneurs étoient en besogne avec
la reine, le duc d'Aquitaine s'en alla à Paris, d'où il fit savoir aux
seigneurs dessusdits que point ne retournassent à Paris jusques à
tant que le roi ou lui les mandat, et qu'ils s'en allassent chacun
en son pays (avril 1415). Et, après, il fit appeler au Louvre les
1. Les ennemis du parti vaincu travestirent le nom et la mémoire d'Oldcastle»
et en firent Tivrogne et libertin Falstaff, ce grotesque personnage si populaire
dans le viens théâtre anglais (Lingard, Hist. d'Atigl, t. V, p. 4, trad. de M. de
Roujoux). On regrette que Shakespeare ait adopté cette tradition injurieuse au
souvenir d'un homme de conviction et de courage. Shakespeare n*a pas été plus
juste envers une martyre bien autrement illustre, noire immortelle Jeanne Darc.
4 GUERRES DES ANGLAIS. [1415]
prévôts (le Paris et des marchands avec Tuniversilé et grand
nombre de bourgeois », et là Tévêque deCliartres, chancelier de
Guyenne ^ exposa à l'assemblée comment, depuis le sacre du roi
régnant, « toute la finance du roi et du royaume avoit été traite
^soutirée) et exilée (perdue) » par le fait des ducs d*Anjou, de
Bourgogne et d'Orléans trépassés, et des ducs de Berri et de
Bourgogne présentement vivants, et conclut « que ledit duc
d'Aquitaine, dauphin de Viennois, ne vouloit plus souffrir si
grand destruction des biens du royaume, et prenoit le gouver-
nement et la régence d'icelui afin d'y pourvoir seul ». Le dauphin
commença la réformation financière par enlever à main armée
tout le trésor el « chevance » de sa mère, qu'elle avait déposé
chez trois bourgeois de Paris. Les grandes sommes amassées par
l'avare Isabeau furent bientôt gaspillées en tournois, en banquets,
en profusions de tout genre. C'était là tout ce qu'aimait le jeune
prince dans l'exercice du pouvoir : il avait les affaires en horreur,
et ne tarda pas à rappeler le duc de Berri, malgré les invectives
qu'il lui avait adressées, et à lui rendre la direction du conseiL
Le duc de Guyenne ne craignait pas d'avoir beaucoup de repré-
sentations à essuyer de la part de ce vieillard vicieux et rapace,
pourvu qu'il lui fît part au butin. Il redoutait et haïssait au con-
traire le sombre duc de Bourgogne, père de sa femme, qu'il
tenait dans une sorte d'exil à Saint-Germain.
Jean-sans-Peur avait toujours différé de jurer la paix d'Arras
jusqu'à ce qu'on l'eût modifiée dans le sens de ses réclamations : il
pria ou plutôt somma le duc de Guyenne de révoquer les sentences
de proscription portées contre les cinq cents bannis du parti de
Bourgogne, de reprendre sa femme et de « débouter de sa com-
pagnie une sienne amie qu'il tenoit en lieu de sa dite femme ».
Les envoyés bourguignons signifièrent au jeune prince que, s'il
refusait, leur seigneur ne tiendrait pas la paix d'Arras et ne s'ar-
merait pas pour servir l'héritier du trône « s'il étoit travaillé des
Anglois ». Le jeune prince eût peut-être cédé sur le rappel des
1. JuTénal des Ursins venait d'être révoqué de la chancellerie pour avoir refusé
de sceller les dons exorbitants que le duc faisait chaque jour à ses familiers aux
dépens du peuple, sur lequel on levait « tailles grandes et excessives». (Juvénal;
ap, collection Micha d et Poujoulat, t. II, p. 602.)
CUIS] LE DUC DE GUYENNE. 5
bannis; mais la sommation de renvoyer sa maîtresse le mit en
fureur, et il ne répondit aux Bourguignons qu'en faisant pro-
clamer à son de trompe dans Paris la confirmation du bannisse-
ment des cinq cents (23 juillet 1415).
Jean-sans-Peur ne se contenta pas « de ne point s*armer pour
servir le duc de Guyenne • : il renoua avec le roi d'Angleterre des
relations qui avaient été poussées fort avant l'année précédente, à
Tépoque des sièges de Soissons et d'Arras. Rymer (t. IX, p. 138)
cite des pouvoirs donnés par Henri V, le 4 juin 1414, à plusieurs
prélats et seigneurs anglais pour recevoir l'hommage-lige du duc
de Bourgogne, hommage qui toutefois ne fut point accordé.
Henri Y, depuis un an, poursuivait avec le conseil de Charles VI
des négociations qui n'avaient d'autre but que de persuader au
peuple anglais la nécessité de la guerre et d'endormir la France
sur les vastes préparatifs qui la menaçaient. Il avait débuté, durant
le siège d'Arras, par réclamer non pas telle ou telle cession de
territoire, non pas même le retour au traité de Bretigni, mais la
couronne et le royaume de France, qui lui appartenaient, disait-il,
du chef d'Edouard III ; puis ses ambassadeurs s'étaient rabattus
sur le rétablissement du traité de Bretigni, plus la cession de la
Normandie, de la Picardie maritime, de l'Anjou, du Maine et de
la Touraine, la suzeraineté de la Bretagne et de la Flandre et le
paiement de 1 ,600,000 écus d'or que Henri V prétendait redus à
l'Angleterre sur la rançon du roi Jean; les 1,600,000 écus en
dehors de la dot de Catherine de France, fille de Charles VI, dont
Henri V demandait la main. Le vieux duc de Berri, à qui les
ambassadeurs s'étaient adressés, écouta sans colère ces insolentes
propositions et offrit, au nom du roi son neveu, toutes les régions
aquitaniques au midi de la Charente, y compris le Rouergue et le
Querci, plus qu'on n'eût dû céder après une guerre malheureuse,
avec 600,000 écus d'or de dot pour la fille du roi. Une seconde
ambassade anglaise vint débattre ces offres, en février 1415, sans
rien conclure, et les deux rois échangèrent des lettres où Henri V
protestait de son amour pour la paix et l'union de l'Église et des
couronnes chrétiennes; mais ses actes démentaient ses paroles :
il ne cessait c de préparer provisions, de lever finances, d'assembler
gens d*armes, de louer navires en Hollande et en Zélande »; il
6 GUERRES DES ANGLAIS. [1415]
exerçait en tous lieux, privilégiés ou non, la presse non-seulement
des matelots, mais des faiseurs d'arcs, des charpentiers, des ser-
ruriers, des maçons, de toute espèce d'ouvriers nécessaires à la
suite d'une armée. La noblesse, le clergé, la jeunesse des com-
munes secondaient le roi avec une égale ardeur. Dès le mois
d'avril , Henri annonça ouvertement au parlement anglais qu'il
ferait une prochaine descente en France pour recouvrer son héri-
tage, et publia son ban de guerre. Le parlement avait voté, dès le
mois de novembre précédent, un énorme subside ^
Les négociatious continuaient toutefois : les ducs de Guyenne
et de Berri envoyèrent à leur tour une grande ambassade proposer
à Henri V le Limousin pour compléter la reslitudon des provinces
aquitaniques au sud de la Charente, et une dot de 850,000 écus
d'or pour la princesse Catherine, sans les joyaux et le trousseau.
Henri parut un moment disposé à accepter, et demanda que les
villes et pays, deniers et joyaux qu'on lui offrait fussent remis en
ses mains avant la Saint-André (30 novembre); le mois de juillet
était déjà commencé. Henri accordait, à ce prix, une trêve de
cinquante ans, sous toute réserve de son droit et de celui de ses
successeurs à la couronne de France. Les pouvoirs des ambassa-
deurs n'étaient pas suffisants pour conclure à de telles conditions;
s'ils y eussent souscrit, le roi d'Angleterre eût probablement sou-
levé quelque difficulté nouvelle. Il se h&ta de les congédier, en
leur déclarant qu'il les suivrait de près, et expédia à Charles VI
une dernière sommation de lui restituer « son héritages Une
lettre de Charles VI accepta la guerre dénoncée par l'Anglais';
mais, le 23 août, jour où cette lettre fut écrite, la guerre avait
déjà commencé, et les Anglais étaient descendus sur le sol de la
France depuis une semaine entière. Henri V, après avoir muni
ses frontières contre les Écossais et les rebelles gallois, conclu
1. Rymer, t. IX, p. 200-312. — Religieux de Saint-Denis, 1. XXXIV, c. 13;
1. XXXV. c. 1.
2. Religieux de Saint-Denis, 1. XXXV, ch. 2-3. — Les historiens anglais pré-
tendent que le duc de Guyenne ne répondit aux menaces de Henri V qu'en lui
envoyant des balles de paume, par allusion aux dissipations de sa première jeu-
nesse. Henri aurait répliqué qu'il porterait lui-même à son ennemi des balles d'une
autre espèce, et que les portes de Paris ne seraient pas des raquettes capables de
les renvoyer.
[1415] DESCENTE DES ANGLAIS. 7
une trêve avec le duc de Bretagne et confié la régence d'Angle-
terre au duc de Bedford, un de ses frères, s'était embarqué, le
13 août, à Southampton avec six mille lances et vingt-quatre mille
archers, tous gens d'élite, engagés pour un an à la solde du roi,
sans les canonniers et « autres usant de fondes^ et engins dont ils
avoient grande abondance ». Des milliers d'artisans et « de menues
gens » suivaient cette armée, la plus redoutable qui fût encore
sortie des ports d'Angleterre. La mer était couverte, l'espace de
plusieurs lieues, par la multitude des navires de guerre et de
transport : les ports anglais n'avaient pu en fournir un nombre
suffisant, et plusieurs centaines de vaisseaux avaient été loués par
les armateurs de Hollande et de Zélande, sujets du comte de
Hainaut, beau-père du second fils du roi de France. La flotte
anglaise aborda dès le 14 août, le lendemain de son départ, « à
un havre étant entre Harfleur et Honfleur, où l'eau de Seine
ehet en la mer ». L'armée d'invasion descendit sur la plage où
devait s'élever, un siècle après, la cité du Havre-de-Grâce , et
investit sur-le-champ Harfleur, qui disputait alors à Dieppe le
premier rang entre les ports de la Normandie.
Personne n'essaya d'empêcher le débarquement des Anglais;
Farmée française n'était pas prête : quoique les préparatifs de
Henri V eussent duré plusieurs mois, aucune mesure n'avait été
prise par le conseil avant le retour des ambassadeurs (fin juillet).
Jamais la France ne s'était trouvée dans de pareilles mains : au
moment d'être assaillie par un nouvel Edouard HI, elle ne se
Toyait de chefs et de défenseurs qu'un jeune libertin hébété par
la débauche et qu'un égoïste et lâche vieillard qui n'avait de son
âge que la faiblesse, mais non la prudence ni l'expérience. Philippe
de Valois et le roi Jean avaient été du moins des chevaliers, des
soldats ! Le trésor était vide : on se hâta de le remplir par de
larges exactions; c'était la seule partie du gouvernement que
comprissent les princes. On leva une décime sur le clergé, des
emprunts forcés sur les prélats et les gros bourgeois, et l'on écrasa
1. Fonde (fronde) est ici pour toute espèce de machine propre à lancer des
pierres. C'est Monstrelet (1. 1, ch. 149) qui nous a fourni le chiffre de l'armée
anglaise. D'autres lui donnent 30,000, 40,000 et jusqu'à 60,000 archers, ce qui
est évidemment exagéré.
8 GUERRES DES ANGLAIS. [UIS]
le peuple sous une taille énorme, qui ne sauva pas les campagnes
des déprédations des gens de guerre. Les hommes d'armes, en se
rendant au ban du roi, qui n'avait été publié que le 23 août,
pillaient tout sur leur passage, jusqu'aux églises: les paysans
s'enfuyaient dans les bois; le plat pays subissait d'avance tous les
maux de l'invasion, et les peuples ne pouvaient rien craindre de
plus de leurs ennemis que de leurs défenseurs. (Relig. 1. XXXV,
c. 4.)
Le duc de Guyenne et le conseil du roi essayèrent de regagner
Jean-sans-Peur, accordèrent enQn l'amnistie aux bannis, sauf
aux quarante-cinq les plus compromis, firent quelques autres
concessions à Jean et lui envoyèrent une députation, qui le trouva .
dans la forêt d'Argilli, près de Beaune, vivant sous la tente un
mois durant et passant ses nuits à « ouïr les cerfs bramer au fond
des bois^ ». Jean s'était, à ce qu'il semble, éloigné à dessein du
théâtre des événements : il consentit enfin à jurer la paix d'Arras
(4 septembre), mais ne rompit point ses secrètes relations avec le
roi d'Angleterre. La direction de la guerre, confiée à ses plus
grands ennemis, n'était pas propre à le ramener à de meilleurs
sentiments : le conseil du roi venait de décider que « mcssire
Charles d'Albret, connétable de France, auroit en cette guerre
semblable puissance comme le roi pour ordonner et disposer tout
à sa pleine volonté «. Boucicaut, maréchal de France, fut fait gou-
verneur de Normandie, et l'amiral Clignet de Brabant fut gou-
verneur de Picardie (Monstrelet). On ne pouvait s'arrêter à un
plus mauvais choix que celui d'Albret, qui n'avait eu d'autre titre
au rang de connétable que sa parenté avec la maison royale.
C'était un petit homme de mauvaise mine, chez qui le dedans
répondait au dehors ; il n'avait ni les quaUtés d'un capitaine ni
même celles d'un soldat. Le meilleur historien du temps, le Reli-
gieux de Saint-Denis, prétend qu'Albret eût pu opposer de sérieux
obstacles à la descente des Anglais, rien qu'en armant les popu-
lations maritimes de la Normandie, qui se montraient pleines
de zèle : il n'en fit rien , resta inactif à Rouen et se conduisit de
manière à se faire accuser publiquement de trahison, bien qu'il
1. Lefèvre de Saiut-Reuii, c. 51.
Ciilâj SIÈGE DE HABFLEUB. 0
n'y eût de sa part que négligence et incapacité. (Relig., 1. XXXV,
C.4.)
Les Normands ne s'abandonnèrent pas eux-mêmes : la garnison
et les bourgeois de Harfleur se défendirent avec une extrême
i^aiUance ; trois cents chevaliers et écuyers, l'élite de la noblesse
normande, s'étaient jetés dans la place, sous les ordres du sire
d'Estouteville, et semblèrent se multiplier dans les assauts et dans
les sorties. La garnison et les habitants, harassés, épuisés, ne se
décidèrent à capituler qu'au bout d'un mois de siège, lorsqu'ils
virent une grande partie de leurs tours, de leurs portes et de leurs
murailles abattues par la puissante artillerie des Anglais. Henri V
avait des pierriers qui lançaient des pierres grosses comme des
meules de moulin et qui écrasaient tout, remparts et maisons. Les
gens de la ville avaient député à plusieurs reprises vers le conseil de
France, sans obtenir autre chose que de belles paroles : « Prenez
courage, leur disait-on, tiez-vous à la prudence du roi, » Sanglante
dérision! Le roi, qui était dans un intervalle lucide, alla enfin
chercher l'oriflamme à Saint-Denis le 10 septembre, et vint joindre
son fils aîné à Vernon, où était assigné le rendez-vous général de
l'armée de France. Le roi et le duc de Guyenne ne tardèrent pas
à voir paraître à Vernon de nouveaux députés de Harfleur, qui
annoncèrent que « ceux de la ville » avaient promis, le 18 sep-
tembre, de rendre Harfleur et de se rendre, « sauves leurs vies »,
le 22, s'ils n'étaient secourus dans l'intervalle.
Plus de quatorze mille lances, sans les autres milices, couvraient
le pays entre Vernon et Rouen. L'armée anglaise souffrait beaucoup
d'une épidémie meurtrière : il y avait bonne chance à l'attaquer, et
le salut de Harfleur valait bien qu'on risquât une bataille. Aucun
ordre ne fut donné : les troupes françaises restèrent immobiles ^
Les défenseurs de Harfleur ne pouvaient croire à ce lâche aban-
don : le jour fatal arrivé, ils ne voulaient pas encore se rendre,
bien qu'ils eussent prêté serment et donné des otages; une partie
de la garnison refusa de livrer les portes; les Anglais furent obligés
1. Henri V avait écrit le 16 au duc de Guyenne, qu*il qualifiait seulement de
dauphin, pour lui proposer un duel qui déciderait de leurs droits respectifs k la
couronne de France. Henri V voulait bien attendre la mort de Charles VI pour se
mettre en possession de la couronne, si le sort du combat la lui adjugeait. Rymer,
t. IX, p. 313.
10 GUERRES DES ANGLAIS. [1415)
de recourir à la force et commencèrent un assaut qui ne cessa
que par l'ouverture d*une porte, de l'autre côté de la ville. Les
plus déterminés des assiégés se retirèrent dans «deux tours moult
fortes qui étoient sur la mer», et y tinrent encore deux jours.
Henri V cependant observa la capitulation : il voulait gagner les
cœurs de a ses sujets de Normandie »; les Anglais, en recevant à
reddition les gens de Harfleur, avaient affecté de dire € qu*ils
étoient bons chrétiens et qu'on ne feroit pas comme à Soissons^ >
(Juvénal).
« On ne fit pas comme à Soissons », mais on fit comme à Calais :
tout ce qui ne voulut pas prêter serment à Henri V, « roi de France
et d'Angleterre », fut expulsé de la ville; tous les biens trouvés
dans Harfleur furent partagés entre le roi , les capitaines et les
soldats anglais ; les gentilshommes et les principaux bourgeois
furent envoyés prisonniers à Calais ou en Angleterre pour être
mis à rançon. Le reste des citoyens qui préférèrent la France à
leur ville natale quittèrent Harfleur avec leurs femmes, leurs
enfants et les prêtres : il sortit plus de quinze cents femmes. On
ne leur laissa emporter à chacun que cinq sous avec leurs vête-
ments et ce qu'ils pouvaient prendre sur eux < sans fardeaux ni
charrettes 2 ». Quand on vit arriver à Rouen ces malheureux exilés,
un long cri d'indignation s'éleva dans toute la Normandie contre
le connétable et le conseil du roi. La noblesse française, qui n'a-
vait pas secouru Harfleur, « en fut moquée, sifflée, chansonnée
chez les nations étrangères ^ ».
C'était un beau succès pour l'Angleten-e, un succès plus impor-
tant môme que la prise de Calais; Harfleur, moins facile à garder
1. 0). notre t. V, p. 646. — Quand on amenait à Henri V des bourgeois on des
payons pris sur les chemins, « il les préchoit, disant qu*il savoit bien comme ils
avoient été longtemps en oppression et travail; qu'il étoit 'venu en sa terre, en
son pays et eu son royaume pour les mettre en franchise et liberté, telle que le
roi saint Louis avoit tenu son peuple » (Juvénal, p. 307). Les populations de la
Normandie furent peu sensibles anx avances du roi anglais : elles se joignaient
partout aux gens de guerre pour repousser ou enlever les détachements qui s'écar-
taient du camp de Henri V.
2. Monstrelet, c. 149. — Lefèvre de Saint-Remi, c. 66-67. — Jnvénal des
Ursins, p. 506-608. — Religieux de Saint-Denis , 1. XXXV, c. 4-5. — Pierre de
Fénin. — Berri , roi d'armes. — Baranle, Ducs de Bouryofjne, t. III, p. 227. —
Wulsingham, p. 390.
3. HtUyieux de Saini-Demt.
C1415] PRISE DE HARFLEUR. 11
que Calais, il est vrai, donnait aux Anglais rembouchure de notre
grand fleuve national, l'entrée dans le cœur mônie de la France !
Ce triomphe avait coûté cher à Henri V : sans parler des pertes
causées par les armes, une dyssenterie, engendrée parle mauvais
air de la plage et par l'usage immodéré du cidre et des fruits,
avait enlevé aux Anglais plus de deux mille bons combattants;
un nombre bien plus grand étaient si malades el si épuisés que
Henri V les renvoya en Angleterre. La moitié de l'armée anglaise
se trouvait hors de service, et Henri reconnut l'impossibilité de
pousser plus loin ses conquêtes cette année-là : il résolut de ter-
miner la campagne pai* une marche hardie à travers le territoire
français, de Harfleur jusqu'à Calais, où il voulait prendre ses
quartiers d'hiver; il laissa dans Harfleur cinq cents hommes
d'armes et mille archers, et, à la télé d'environ deux mille lances
et treize mille archers, les meilleurs soldats de l'Angleterre, il se
dirigea vers la Somme, en côtoyant la mer, par Fécamp, Dieppe
et Eu. Partout les garnisons inquiétaient sa marche par des sor-
ties vigoureuses ; il les repoussait sans s'arrêter et suivait rapi-
dement sa route, imposant à ses soldats une sévère discipline et
excitant chez eux, par tous les moyens, une vive exaltation reli-
gieuse et patriotique; le catholicisme anglais avait été ravivé par
la lutte avec les Mricklefites : l'armée anglaise avait à sa suite
beaucoup de prêtres et point de filles. Le pillage, le viol, l'abandon
du drapeau, la désobéissance aux chefs étaient punis de mort ou
de dégradation : l'on ne demandait aux petites villes et aux bour-
gades que des rations de pain et de vin.
Le connétable était parti pour Abbeville, et il avait été publié
derechef « par toute la France que tous nobles hommes, accou-
tumés de porter armes, voulant avoir honneur, allassent nuit et
jour devers le connétable, où qu'il fût »; mais les Anglais arri-
vèrent aux bords de la Somme huit jours au moins avant que la
cohue féodale se fût rassemblée en Picardie autour d'Albret.
Henri V avait projeté de traverser la Somme au gué de la Blan-
que-Taque, célèbre par le passage d'Edouard III en 1346 : au
moment où il s'approchait de la rivière, on lui amena un gentil-
homme du sire d'Albret qui venait d'être pris ou qui s'était fait
prendre à dessein par les Anglais : cet homme affirma sur sa tête
12 GUERRES DES ANGLAIS. [UlS]
que le gué était gardé par six mille combattants*. Ce mensonge,
inspiré par un sentiment généreux, eut de fatales conséquences :
Henri V, se croyant obligé de quitter le droit chemin de Calais,
rentra dans Tintérieur des terres et se mit à remonter la Somme,
afin de trouver quelque autre passage. A cette nouvelle, Albret et
les princes et seigneurs qui l'avaient rejoint envoyèrent en toute
bâte vers le roi et le duc de Guyenne pour demander congé de
combattre. Le conseil du roi « s'y accorda • malgré les remon-
trances du duc de Berri , que la peur rendait clairvoyant et qui
se souvenait de Poitiers. Le vieux duc empêcha du moins le roi
et l'héritier du trône de se rendre à l'armée. « Mieux vaut,
disait-il , perdre la bataille que le roi et la bataille. » (Berri, roi
d'armes.)
Les Anglais cependant continuaient péniblement leur route le
long de la Somme. Après avoir essayé en vain de traverser la
rivière de vive force à Pont-Remi, qui fut bravement défendu, ils
passèrent du Ponthieu dans l'Amiénois, de l'Amiénois dans le
Santerre, et s'avancèrent jusqu'aux confins du Vermandois sans
trouver un pont qui ne fût pas coupé, un gué qui ne fût pas gardé.
Leur position devenait très périlleuse. Henri V avait compté sur
ses intelligences avec le duc de Bourgogne, presque aussi puissant
en Picardie que dans ses domaines propres. Le conseil du roi
avait signifié aux ducs de Bourgogne et d'Orléans d'envoyer seu-
lement chacun cinq cents lances et quelques gens de trait à l'ar-
mée, sans y paraître de leur personne, de peur que leur rencontre
ne renouvelât les anciennes querelles. Jean -sans -Peur s'était
montré fort blessé de ce procédé et avait invité non-seulement
les feudataires de ses seigneuries, mais la noblesse de Picardie à
n'obéir à aucun autre ban que le sien ; la plupart avaient déféré
à son mandement, et Jean, quoique, dans une lettre au roi, du
24 septembre, il eût vivement réclamé contre la défense de venir
servir l'État eu personne, ne faisait aucun mouvement pour
prendre part à la guerre. Les Picards néanmoins se montraient
mai disposés pour l'étranger. La frayeur et la colère commen-
çaient à s'emparer des soldats anglais; ils « crioient, dit le Reli-
1. Lefèvre de Saint-Rem i, c. 58.
[1415] LES ANGLAIS SUR LA SOMME. 13
gicux de Saint-Denis, contre les traîtres de France qui les avoient
appelés »; ils se relâchaient de leur discipline, ils saccageaient et
brûlaient les villages et les faubourgs des villes. Ils allaient être
enfermés entre la Somme, les places fortes de Péronne, de Ham
et de Saint-Quentin et l'armée du connétable, que le duc d'Orléans
avait jointe sans se soucier des défenses du conseil.
Dans ce moment critique, un paysan, aposté peut-être par ceux
qui ne voulaient pas laisser aux Armagnacs l'honneur d'une grande
victoire, vint enseigner au roi Henri un gué parmi les marais de
la Somme ^ : c'était près du village de Béthencourt, à une lieue
de Ham. Le gouverneur de Saint-Quentin n'avait point exécuté
l'ordre qu'on lui avait donné de barrer ce gué. Les Anglais démo-
lirent à moitié le village et jetèrent dans l'eau échelles, portes et
fenêtres, pour passer plus à leur aise; cela dura tout un jour
(19 octobre). Le connétable était à Péronne avec force gens
d'armes, et avait la plus belle occasion de tomber sur les Anglais
et de détruire au moins leur arrière-garde ; mais sa négligence
était telle que toute l'armée anglaise fut campée à Athies, au nord
de la Somme, avant qu'il eût reçu la première nouvelle du passage
de Henri V,
Le connétable et les c princes de France > dépêchèrent trois
hérauts à Henri V pour l'inviter à c prendre jour et place pour
eux combattre >. Le roi anglais répondit qu'il « n'étoit nécessité de
prendre ni jour ni place, car, tous les jours, le pouvoient trouver
à pleins champs et sans frémetés (fortifications) aucunes ». Le
comiétable et les princes se portèrent de Péronne sur Bapaume,
et de là tournèrent vers le comté de Saint-Pol afin de devancer
les Anglais. Ils envoyèrent à Arras vers le comte de Charolais, fils
unique du duc de Bourgogne, qui avait autour de lui un grand
corps de noblesse flamande, artésienne et picarde; mais les c gou-
verneurs > que le duc Jean avait mis auprès de son fils l'empê-
chèrent, tout désireux qu'il en fût, de rejoindre Yhost de France,
La chevalerie rassemblée à Arras n'y put tenir : elle s'en alla par
bandes à l'armée; les deux frères de Jean-sans-Peur, le duc de
Brabant et le comte de Nevers suivirent leurs amis et leurs vas-
i. Turner, t. II, p. 423, cité par Michelet
14 GUERRES DES ANGLAIS. [1415]
saux. Quelques serviteurs de la maison de Bourgogne se rendirent
cependant, par contre, à l'armée de Henri V. L'historien picard
Lefèvre de Saint -Rcçii, qui fut depuis héraut de l'ordre de la
Toison-d'Or, avoue qu'il était parmi les Anglais. Les deux armées
cheminèrent parallèlement pendant quatre jours. Le connétable
et les princes ne tentèrent rien , durant cette marche, pour pro-
fiter de la supériorité de leurs forces, laissèrent les Anglais s'é-
parpiller la ijuit dans les villages, puis franchir tranquillement la
petite rivière du Ternois, et ne les arrêtèrent qu'entre Azincourt .
et Tramecourt, à quelques lieues au nord de Saint-Pol, de Hesdin
et du trop fameux champ de bataille de Créci. La cohue féodale
s'entassa dans une petite plaine resserrée entre deux bois, où il
lui était impossible de déployer ses masses. Il y avait là, sans la
valetaille, au moins cinquante mille combattants, dont quatorze
mille lances nobles^ : le reste* au témoignage du Religieux de
Saint-Denis, n'était guère qu'un ramassis de bandits, de c bâtards » ,
de gens de sac et de corde qui avaient pris les armes non par
patriotisme ou par amour de la guerre, mais pour se livrer im-
punément à toutes leurs viles et brutales passions. Les gens des
communes étiient peu nombreux. La bourgeoisie, à laquelle les
discordes civiles avaient rendu l'habitude des armes, eût pu four-
nir une assez bonne infanterie. Paris avait offert un corps de six
mille hommes parfaitement équipés; mais les ducs de Bourbon et
d'Alençon* et la jeune noblesse de leur parti avaient fait rejeter
dédaigneusement cette offre, malgré le maréchal Boucicaut et
même malgré le connétable, plus sensé en cette occasion qu'à
son ordinaire. L'autorité d'Albret n'était que nominale : les jeunes
princes n'écoutaient personne, et le peu de capitaines qui conser-
vaient les traditions de la science guerrière des Du Guesclin et des
Clisson n'obtenaient aucun crédit.
Le jeudi 24 octobre au soir, les Anglais se logèrent dans le petit
village de Maisoncelle et aux alentours; les Français s'établirent
en plein champ, près du village d' Azincourt, que traversait la
1, Religieux de Saint-Denis. — LcfèYrc de Saint-Remi. — Ce sont les chiffres
les plus modérés. — Monstrelet parle de cent cinquante mille chevaucheurs, ce
qui est absurde.
2. Le comte d'Aleoçon avait été récemment fait duc.
[14153 LA NUIT D'AZINCOURT. 15
route de Calais. Li nuit fut froide, sombre et pluvieuse. Les
Français, les pieds dans la boue, le corps battu du vent et de la,
pluie, attendirent une tardive aurore d'automne autour de grands
feux allumés près des bannières des chefs. C'était parmi eux un
grand bruit de pages, de varlets et de « toutes manières de gens >,
s'appelant et criant; « néanmoins avoient-ils peu d'instruments
de musique pour eux réjouir, et à peine hennissoient nuls de
leurs chevaux toute la nuit, dont plusieurs avoient grand'mer-
veille (grand étonnement) et disoient que c'étoit signe de chose à
venir. Les Anglais, au contraire, toute cette nuit sonnèrent leurs
trompettes et plusieurs manières d'instruments de musique, telle-
ment que toute la terre entour d'eux retentissoit de leurs sons,
nonobstant qu'ils fussent moult lassés et travaillés de faim , de
froid et autres mésaises, et faisant leur paix avec Dieu, confessant
leurs péchés en pleurs et prenant plusieurs d'iceux le corps de
Notre-Seigneur, car le lendemain sans faute attendoient la mort >•
On n'entendait pas un cri, pas une parole inutile entre eux : les
hommes d'armes remettaient en bon état les aiguillettes qui atta-
chaient leurs armures; les archers renouvelaient les cordes de
leurs arcs.
Le jour se leva enfin. L'armée française se forma en trois
épaisses batailles, rangées à la suite l'une de l'autre dans l'étroite
plaine d'Azincourt, de façon à ne pouvoir se porter aucune assi-
stance. La petite armée anglaise présentait un front égal à celui
de cette multitude, qui n'avait aucun avantage à tirer de la pro-
fondeur de ses files ^ Presque tous les princes, les seigneurs, la
haute noblesse avaient voulu prendre place à l'avant-garde; ils
en avaient renvoyé l'infanterie, les gens de trait et probablement
aussi l'artillerie, car il n'en est pas du tout question dans cette
journée. Huit mille gentilshommes, magnifiquement chamoyés»,
se pressaient dans la première bataille, avec le connétable, les
ducs d'Orléans et de Bourbon, les comtes d'Eu et de Richement,
le maréchal Boucicaut, le grand maître des arbalétriers. Parmi
ces huit mille nobles, cinq cents s'étaient fait donner, depuis la
1. Trente -deux files! T orner» Histé of Englund during ihe mddle âge, t. II,
p. 443.
16 GUERRES DES ANGLAIS. [1415]
veille au soir, Tordre de chevalerie; le duc d'Orléans et le comte
de Nevers étaient du nombre. Les ducs d'Alençon et de Bar et le
comte de Nevers s'étaient résignés à grand*peine à ne commander
que la seconde bataille; l'arrière -garde avait été confiée aux
comtes de Dammartin, de Marie et de Pauquemberg; mais ces
princes et seigneurs et les gens de leurs maisons abandonnèrent
bientôt leurs postes pour courir accroître l'encombrement de
l'avant-garde. A l'exception de deux ailes, formées chacune de
quelques centaines de lances et destinées à « férir » sur les archers
anglais pour c rompre leur trait », tous les gens d'armes des deux
premières batailles étaient descendus de leurs chevaux et avaient
raccourci leurs lances afin de combattre à pied. Ces guerriers,
pesamment armés, enfonçaient jusqu'au mollet dans les terres
labourables, détrempées par la pluie et piétinées par les chevaux
depuis la veille. On ne pouvait bouger. On résolut d'attendre
l'ennemi au lieu de l'attaquer. Une tristesse vague se répandit
parmi les Français; des scènes touchantes se passèrent dans les
rangs : les gentilshommes « se pardonnèrent les haines qu'ils
avoient les uns aux autres; plusieurs s'embrassoient, s'accoloient
en faisant paix, que c'étoit pitié de les voir » (Lefèvre de Saint-
Remi). La solennité de la situation réveillait les bons sentiments,
la sympathie et la vieille cordialité gauloises au fond de ces âmes
livrées à toutes les démences de l'orgueil et de la sensualité ; ces
hommes devenaient enfin sérieux en face de la mort.
Les Anglais s'étaient mis en ordre, plaçant en avant la masse
de leurs archers , en arrière les gens d'armes à pied , et, sur les
ailes, des gens d'armes et des gens de traits entremêlés. Les
archers étaient protégés par une palissade mobile ; chacun d'eux
avait un pieu aiguisé des deux bouts, qu'il fichait devant lui, la
pointe inclinée vers l'ennemi. Les Anglais présentaient un étrange
contraste avec la noblesse française, toute resplendissante sous
ses plastrons d'acier et ses cottes d'armes brodées d'or et d'argent
et bariolées d'éclatantes couleurs. Les archers avaient tant souf-
fert durant cette campagne qu'ils ressemblaient à une troupe de
truands et de vagabonds : beaucoup allaient nu-pieds et sans
chaperons; d'autres avaient des « capelines » (chaperons) de cuir
bouilU ou d'osier avec une simple « croisure de fer »; la plupart
[141&J BATAILLE D'AZINCOURT. 17
n'avaient ni plaques ni lames de fer à leurs pourpoints : ils n'en
étaient que plus agiles pour combattre sur ce terrain fangeux et
glissant, et, si leurs « jaques » étaient usées et déchirées et leurs
chausses « avalées » (tombantes), leurs armes étaient en bon état;
ils le prouvèrent sur l'heure.
Le roi Henri avait commencé la journée par ouïr trois messes
l'une après l'autre ; puis il mit son casque surmonté d'une cou-
ronne d'or, « cerclée comme impériale couronne », enfourcha
une haquenée et fit avancer ses gens sur un champ de jeunes blés
verts, où le sol était moins détrempé qu'ailleurs. Il parcourut
leurs rangs et leur rappela les c belles besognes que les rois ses
prédécesseurs avoient eues sur les François... En outre leur disoit
et remontroit que les François se vantoient que tous les archers
qui seroient pris ils leur feroient couper les trois doigts de la
main dextre ». Les Anglais répondirent par un grand cri : « Sire,
nous prions Dieu qu'il vous donne bonne vie et la victoire ! »
Les deux armées n'étaient qu'à une portée d'arc. Henri V hé-
sita au moment d'engager l'action avec treize ou quatorze mille
combattants contre cinquante mille. Quelques pourparlers avaient
déjà eu lieu les jours précédents. Le roi anglais dépécha vers les
chefs de Vhost de France, et offrit, dit-on, de renoncer à ses pré-
tentions sur la couronne de France et de rendre Harfleur si l'on
voulait lui restituer le comté de Ponthieu, cinq cités qui devaient
appartenir au duché de Guyenne, et lui donner en mariage ma-
dame Catherine de France avec 800,000 écus d'or. Les Français
exigèrent Harfleur et la renonciation à la couronne de France
sans compensation. Ils ne consentaient à laisser aux Anglais que
Calais et ce qu'ils tenaient en Guyenne (Saint-Remi). Les Anglais
refusèrent.
n était onze heures du matin. Aussitôt la conférence rompue,
le maréchal de l'armée d'Angleterre, sir Thomas Erpingham,
exhorta de nouveau les Anglais « à bien faire » ; puis il jeta en
l'air un bâton qu'il tenait à la main, en criant : « Ne strecke! »
(Now strike^ maintenant frappez!) L'armée anglaise poussa un
grand cri et fit quelques pas en avant. L'armée française resta
immobile; elle était dans la boue jusqu'à mi-jambe. Les Anglais
jetèrent un second cri, approchèrent encore, et les archers en-
vi, 2
18 GUERRES DES ANGLAIS. [i4U]
gagèrent la bataille par une volée de dix mille flèches, qui fut
suivie de bien d'autres. Les Français s'ébranlèrent enfin, et,
baissant la tête pour que les flèches ne pénétrassent point par
les trous des ventaux et des visières, ils s'avancèrent pesamment
vers l'ennemi et l'obligèrent à reculer un peu, tandis que les deux
ailes de gens d'armes demeurés à cheval partaient d'Azincourt et
de Tramecourt afin de prendre en flanc les archers.
Cette charge de cavalerie, exécutée avec succès, eût pu décider
le sort de la journée; l'état du sol la fit échouer complètement :
la plupart des chevaux s'abattirent dans les sillons des champs
nouvellement ensemencés; à peine, sur dix cavaliers, un seul
joignit-il l'ennemi. Quelques-uns des plus braves et des mieux
montés vinrent se faire tuer parmi les pieux des archers; les
autres, tournant bride sous une grêle de flèches et se débarrassant
à grand'peine des terres labourées où ils s'étaient embourbés, se
rejetèrent sur la première bataille française, et leurs chevaux,
blessés et furieux, y portèrent un horrible désordre. La ligne de
l'avant-garde fut rompue; les hommes d'armes tombaient les uns
sur les autres et ne pouvaient se relever; « beaucoup se partoient
et se mettoient en fuite ».
« Les archers, voyant cette rompture en l'avant-garde françoise,
tous ensemble issirent (sortirent) d'entre leurs pieux, jetèrent sus
arcs et flèches, et, prenant leurs épées, haches, maillets plombés
et becs de faucons (marteaux d'armes terminés d'un côté par une
pointe aiguë et recourbée), ils entrèrent entre les François et se
boutèrent par les lieux où ils voyoient les romptures. » Les gens
d'armes, accablés par le poids de leurs armures, enfonçant à
chaque pas dans la terre mouvante et déjà hors d'haleine avant
d'avoir combattu, étaient si serrés qu'ils pouvaient à peine lever
le bras pour frapper. « Les archers frappoient sur eux et les
abattoient à tas, et sembloit que ce fussent enclumes sur quoi ils
frappassent, et churent les nobles françois les uns sur les autres;
plusieurs y furent étouffés et les autres tués ou pris. > La chevalerie
de France fut traitée comme les Flamands à RoosebekCé
Les archers percèrent jusqu'à la seconde bataille» faisant place
au roi Henri et à ses hommes d'armes, qui venaient après eux
« et les soutenoient moult fort ». La seconde bataille eut le sort
[14153 BATAILLE D'AZINCOURT. 19
de la première, qu'elle n'avait pu secourir, et fut bientôt con-
fondue avec elle dans un immense désarroi. D'énergiques efforts
forent tentés pour disputer la victoire; mais toute manœuvre
d*ensemble était impossible aux Français : l'élite de la noblesse
française ne réussit qu'à vendre quelque peu sa vie ou sa liberté.
Lefèvre de Saint-Remi, témoin oculaire, rapporte que dix-huit
chevaliers s'étaient engagés par serment à joindre le roi d'Angle-
terre et à lui abattre la couronne de la tête ou à mourir tous. Ils
rapprochèrent en effet de si près qu'un d'eux lui abattit d'un
:x>up de hache un des fleurons de sa couronne ; mais c guère ne
lemeura qu'il ne fût mort et détranché, lui et tous les autres »•
\je duc d'Alençon, « à l'aide de ses gens, transperça grand'partie
le la bataille des Anglois », tua le duc d'York à deux pas de son
x>usin Henri V, et fut massacré par les gardes du roi d'Angleterre
m moment où Henri s'avançait poiu* le prendre à merci. Le duc
Vntoine de Brabant, frère de Jcan-sans-Peur, qui accourait à
narches forcées pour joindre l'armée, arrivait en ce moment sur
e champ de bataille avec les mieux montés de ses gens. Il n'avait
)as même sa cotte d'armes; il prit une des bannières « armoyées »
le ses trompettes, y fit un trou pour y passer la tète, mit l'épée
m poing et se rua sur les Anglais. Il fut aussitôt terrassé et mis
ï mort. Les archers et les gens d'armes anglais avançaient tou-
ioors en bon ordre, c combattant, tuant et prenant force pri-
sonniers », sans se débander à la poursuite des fuyards; ils se
rouvèrent enfin face à face avec l'arrière-garde française, qui
^tait demeurée à cheval. L'arrière-garde ne les attendit pas; elle
louma le dos, à l'exception des chefs et de six cents lances qui
rinrent se briser dans une dernière charge contre l'armée
rictorieuse.
Les Anglais étaient complètement maîtres du champ de bataille
orsqu'on annonça au roi d'Angleterre que de nouveaux ennemis
apparaissaient sur ses derrières et pillaient ses bagages. Henri V,
rouble de cette attaque imprévue et voyant de loin les fuyards
le Tarrière-garde « se recueillir par compagnies », fit crier, au
on de la trompette^ que chaque Anglais, sous peine de la hart,
: occît » ses prisonniers, « de peur que ceux-ci ne fussent en aide
L leurs gens ». Les soldats ne voulant point obéir, moins par
20 GUERRES DES ANGLAIS. [141&)
humanité que pour ne pas perdre la « grand'finance » qu'ils
attendaient de leurs captifs, Henri V préposa un gentilhomme
avec deux cents archers à cette « besogne, et, de sang-froid, toute
cette noblesse françoise fut là tuée et découpée, têtes et visages,
qui fut moult pitoyable chose à voir ». Une multitude de prison-
niers avaient été égorgés quand le roi révoqua son ordre barbare
en voyant les gens qui avaient assailli les bagages prendre la fuite
avec leur butin : ce n'étaient que quelques centaines de soldats
et de paysans, conduits par le seigneur d'Azincourt^ Les gens de
Tarrière-garde, qui avaient essayé de se rallier, se mirent à fuir
dès qu'ils virent les Anglais prêts à les combattre.
Les Anglais restèrent jusqu'au soir à dépouiller les morts et à
secourir ceux des blessés dont ils espéraient tirer rançon. Us
revinrent le lendemain matin achever leur ouvrage : ils retour-
nèrent tous les monceaux de corps palpitants qui couvraient la
plaine, pour faire leur choix, achever les uns et relever les autres.
Jamais la noblesse française n'avait essuyé un désastre com-
parable à celui d'Azincourt. Courtrai, Créci, Poitiers étaient sur-
passés : sur environ dix mille Français morts, on comptait plus
de huit mille gentilshommes, dont une grande partie furent
massacrés après s'être rendus, au moment où Henri V ordonna
d'occire les captifs. Parmi eux étaient les ducs d'Alençon et de
Brabant, le duc de Bar et ses deux frères, le connétable d'Albret»
les comtes de Nevers, de Marie, de Fauquemberg, etc. ; le sire de
Dampierre, qui portiit le titre d'amiral de France conjointement
avec Clignet de Brabant; le grand-maître des arbalétriers; le
porte-oriflamme; le belliqueux archevêque de Sens, Montagu,
qui € fut peu plaint », dit Juvénal, « parce que ce n'étoit pas son
office »; environ cent vingt hauts barons, et les baillis royaux de
Vermandois, de Màcon, de Sens, de Senlis, de Caen et de Meaux:
ces derniers avaient péri en combattant à la tête de quelques
milices communales qu'ils avaient amenées de leurs bailliages;
la noblesse de Picardie avait été hachée; le duc d'Orléans fut
ramassé vivant sous un tas de morts et de blessés, et resta pri-
sonnier avec le duc de Bourbon, les comtes d'Eu, de Vendôme et
1. Monstrclet dit que le duc de Bourgogne, leur suzerain, les punit et les retint
longtemps en prison.
[1415] DÉSASTRE DE LA NOBLESSE FRANÇAISE. 21
de Richemont , le maréchal Boucicaut et quinze cents chevaliers
et éciiyers. Les Anglais avaient perdu le duc d*York, le comte
d'Oxford et environ seize cents hommes.
Le duc de Bretagne, qui , malgré sa trêve avec l'Angleterre,
avait obéi au ban du roi de France, était en marche avec six mille
combattants pour rejoindre l'armée française. Il fut plus heureux
que le duc de Brabant : il apprit à Amiens le désastre d'Azincourt
et rebroussa chemin. Le comte Philippe de Gharolais, c ayant au
cœur grand'tristesse de la dure et piteuse aventure des François »,
envoya le bailli d'Aire donner la sépulture aux morts ^
L*armée victorieuse était harassée et désirait ardemment aller
se refaire de ses fatigues en Angleterre. Henri V accéda au vœu
de ses soldats. Il fit une entrée triomphale dans Calais à leur tête,
mit à la voile le 11 novembre et regagna Londres, c menant tou-
jours avec lui les princes de France qu'il tenoit prisonniers, et
grandement loué et glorifié du clergé et du peuple de son royaume
pour sa belle victoire et pour la conquête du noble port de Har-
fleur ». Le farouche vainqueur, fidèle à son rôle, déclara qu'il ne
s'attribuait aucune gloire de son triomphe, que c'était œuvre de
Dieu et punition des péchés auxquels s'abandonnaient ses adver-
saires; c car ils ne tenoient foi ni loyauté à créature du monde,
en mariage ni autrement, désoloient et violoient églises, prenoient
à force toutes femmes de religion et autres, déroboient tout le
peuple et le détruisoient sans raison, pourquoi il ne leur pou voit
bien advenir > ( Juvénal). Il avait tenu le même langage à ses pri-
sonniers: c Oncques (jamais), disait-il au duc d'Orléans, plus
grand desroi ni désordonnance de voluptés, de péchés ni de mau-
vais vices ne fut vu (que de ceux) qui régnent en France aujour-
d'hui, et est pitié de l'ouïr recorder et horreur aux écoutants, et,
si Dieu en est courroucé, ce n'est pas merveille ! > Les captifs
d'Azincourt firent une longue et sévère pénitence des péchés que
1. Qiiarante-hnit ans après, le comte de Charolais, devenu le dac Philippe le
Bon, et touchant au terme de sa carrière, regrettait encore « de n'avoir eu la for-
tune d'avoir été k ladite hataille, fût pour la mort, fût pour la vie ». Nous nous
sommes attaché principalement au récit très détaillé de Lefèvre de Saint-Remi,
témoin oculaire. — v. aussi Monstrelet. — Juvénal des Ursins. — Berri. — Pierre
de Fenin. — Le Religieux de Saim^Deniâ, 1. XXXV, c. 6, 7. — Lingard, Histoire
d^ Angleterre, U V, p. 23-38, traduction de M. de Roujoux.
22 GUERRES DES ANGLAIS. [141S]
leur reprochait leur vainqueur : l'actif et brave Boucicaut mourut
d'ennui dans sa prison ; l'infortuné duc d'Orléans languit presque
toute sa vie sur la terre étrangère, où les vaincus ne retrouvèrent
pas, sous les durs Lancastre, la somptueuse hospitalité d'Edouard m
et du Prince Noir. (Lefèvre de Saint-Remi. — Monstrelet.)
Les armes de l'étranger semblaient du moins avoir fait ce que
n'avait pu faire la guerre civile : elles semblaient avoir détruit
une des deux factions qui déchiraient la France, presque tous les
princes et les chefs du parti Orléanais étant morts ou captifs. Au
milieu de la désolation publique, il y eut des gens à Paris qui
€ montrèrent signe de joie, disant que les Armagnacs étoient
déconfits et que le duc de Bourgogne viendroit cette fois au-dessus
de ses besognes » (Juvénal). On n'eut pas même le triste bénéfice
qu'on attendait de la victoire des Anglais : le mauvais génie de la
France avait préservé le pire des Orléanais, l'âme de la faction,
Bernard d'Armagnac, qui guerroyait alors en Gascogne contre le
comte de Foix. Le duc de Guyenne, disposé à toutes les extrémités
plutôt que de rendre le pouvoir à son beau-père de Bourgogne,
ramena en hâte Charles VI à Paris, manda au comte d'Armagnac
de venir recevoir l'épée de connétable \ et publia défense à tout
prince du sang de se rendre à Paris sans y être appelé. Le duc
Jean était parti de Dijon avec le duc de Lorraine et toute la
noblesse des deux Bourgognes et de la Lorraine. Il prit la route
de Paris à la tête de dix mille chevaux. Ses forces grossissaient
d'étape en étape : il avait vingt mille combattants quand il arriva
à Lagni-sur-Mame ; tous les bannis cabochiens chevauchaient &ï
sa compagnie. Au bruit de son approche, le roi de Sicile, qui
l'avait si gravement ofl*ensé en rompant injurieusement le mariage
projeté de leurs enfants, quitta Paris et se retira en Anjou; cepen-
dant, sur l'ordre réitéré du dauphin, le duc Jean s'arrêta à Lagni,
espérant obtenir à l'amiable l'entrée de Paris. On lui offrit de le
1. 11 est juste d'observer que le Religieux de Saint-Denis, généralement impar-
tial , approuve le rappel d'Arinaguac ( 1. XXXV, c. 9 ) : il ne restait pins anena
capitaine de renom auquel on pût confier la connétablie, et il pouvait paraître dur
de récompenser le duc de Bourgogne de sa connivence avec l'ennemi en lai livrant
lii France. C'eût été pourtant la seule chance de la sauver. Faible et triste cbaneel
Quoi qu'on fit, on ne pouvait se livrer qu'k des mains indignes.
(141S,1416] BERNARD D'ARMAGNAC. 23
laisser entrer en c simple état», pourvu qu'il congédiât son armée.
Ce n'était pas là son compte.
Le duc de Guyenne n'était plus en état de participer aux négo-
ciations. U3é à force d'excès, il tomba malade le 10 décembre et
mourut le 18, à l'âge de vingt ans. La moil de ce prince transféra
ses droits et le titre de dauphin à son frère Jean, duc de Touraine,
âgé de dix-sept ans, l'alné des deux fils qui restaient au roi. Cet
événement paraissait devoir amener une révolution de palais en
faveur de Jean-sans-Peur. Le nouveau dauphin, gendre du comte
de Hainaut et fixé depuis longtemps à Valenciennes et à Mons,
était à la dévotion des alliés du duc Jean, et le Bourguignon pou-
vait s'autoriser du nom de l'héritier du trône pour agir sur-le-
champ ; mais une hésitation croissante avait remplacé la vieille
audace de Jean-sans-Peur : il consuma encore une dizaine de
jours en pourparlers avec les gens du conseil du roi, dévoués à
ses ennemis. Chaque instant diminuait ^es chances : déjà Clignet
de Brabant, échappé de la grande bataille, était venu joindre,
avec force gens d'armes, le prévôt de Paris, Tannegui Duchâtel,
énergique aventurier breton et fougueux ennemi des Bourgui-
gnons; le 29 décembre, le comte d'Ârmagnac entra dans Paris à
son tour avec ses Gascons et reçut l'épée de connétable. Dès lors
tout accommodement fut impossible. L'autorité royale se con-
centra tout entière aux mains de ce dangereux personnage, qui
atteignait enfin le but de ses ambitions. Il fit signifier au duc de
Bourgogne de se retirer et de licencier ses gens, sous peine d'être
réputé traître et < abandonné », mit des garnisons dans toutes les
places de l'Ile-de-France et ordonna une foule d'arrestations dans
Paris. Le duc de Bretagne offrit inutilement sa médiation, et les
hostilités s'engagèrent partout entre les garnisons royales et les
troupes bourguignonnes. Le duc Jean poussa très mollement la
guerre et resta deux mois et demi immobile à Lagni avec le gros
de son armée. Il se décida enfin à lever son camp, le 28 février
1416, pour regagner la Flandre, emportant le sobriquet railleur
de c Jean de Lagni qui n'a hâte ». Paris, fortement comprimé,
n'avait pas bougé. La retraite de Jean laissa la France à la discré-
tion du comte d'Armagnac, qui, le 12 février, s'était fait nommer
c général-gouverneur des finances du royaume et général-capi-
24 GUERRES DES ANGLAIS. [1416]
laine de toutes les forteresses, pour y mettre capitaines et garni-
sons à son plaisir ».
Une intervention plus solennelle que celle du duc de Bretagne
fut offerte aux parties belligérantes. L'empereur Sigismond,
après avoir contribué puissamment à terminer le schisme de
rËglise, annonçait Tintention de s'employer à rétablir la paix
entre les Bourguignons et les Armagnacs et entre la France et
TAngleterre. Il arriva à Paris le l*' mars, eut quelques conférences
avec le conseil du roi et partit pour Londres avec le comte de
Hainaut; mais Sigismond ne garda pas longtemps l'impartialité
d'un arbitre, et son voyage ne calma point la fureur des factions.
Le comte d'Armagnac, porté au pouvoir par un concours *de
circonstances si extraordinaires, employa pour s'y maintenir des
moyens qui redoublèrent la haine populaire attachée d'avance à
son nom. A son instigation, le conseil du roi chassa de Paris une
grande partie des docteurs et professeurs de l'université, et dé-
fendit au recteur c de plus faire aucunes assemblées ou congré-
gations ». Beaucoup de notables bourgeois se virent également
expulsés de la capitale ; une taille énorme fut mise sur le peuple
et sur le clergé; plusieurs gentilshommes et capitaines bourgui-
gnons,-pris les armes à la main, furent décapités sans merci. Les
Parisiens commencèrent à remuer ; un complot se trama c pour
prendre et occire ceux qui tenoient la ville en sujétion >. Il devait
éclater le jour de Pâques; il fut découvert. Les conspirateurs
furent arrêtés, et plusieurs < hommes d'honneur et bourgeois
considérables » furent décollés aux Halles.
Le mauvais succès de cette conspiration affermit la tyrannie de
Bernard d'Armagnac : le connétable fit enlever les chaînes des
rues et désarmer le peuple ; toutes réunions et assemblées, c même
pour noces », furent défendues, hormis en la présence de com-
missaires et de sergents du prévôt de Paris ; la grande boucherie
fut abattue ; la communauté des bouchers fut supprimée et les
bouchers dépouillés de leur monopole héréditaire : l'accès de
leur profession fut permis à tout venant. Armagnac était un
étrange patron de la liberté du travail! Les arrestations, les con-
fiscations et les bannissements se succédaient chaque jour; on
interdit à chacun, < sous peine d'être pendu par la gorge », de se
[14163 TYRANNIE D'ARMAGNAC. 25
baigner dans la rivière : Armagnac et le prévôt Tannegui Duchâtel
ne voulaient pas que les baigneurs découvrissent au fond de l'eau
les cadavres qu*on y jetait chaque nuit une pierre au cou^
Le duc de Berri mourut sur ces entrefaites à l'âge de soixante-
seize ans, dans son hôtel de Nesle à Paris (13 juin). Ce prince
laissa une mémoire souillée entre toutes dans cette époque de
souillures. Il joignait à bien d'autres vices le vice que la France
pardonne le moins à ses chefs, le péché irrémissible : la lâcheté 1
U n'avait point d' c hoirs mâles de son corps > : les duchés de
Berri et d'Auvergne et le comté de Poitou furent transférés au
dauphin Jean, filleul du prince défunt, et le roi reprit au dauphin
le duché de Touraine pour en investir son plus jeune fils, Charles,
comte de Ponthieu (depuis le roi Charles VII). Armagnac, outre
le jeune Charles, dont il comptait se faire un instrument, n'avait
plus avec lui qu'un seul des sires du sang, le roi de Sicile, irré-
Yocablement engagé comme lui dans la faction. Armagnac n'en
fit pas moins refuser l'entrée de Paris au dauphin, à moins qu'il
ne rompit avec le parti bourguignon. La guerre civile continuait
avec plus d'acharnement que de résultats sur les bords delà Somme
et de l'Oise, et Jean-sans-Peur avait renoué ses négociations avec
Henri V. La mort de ses deux frères avait produit sur lui une im-
pression plus vive que durable: dans le premier moment de dou-
leur, il avait envoyé son gantelet au roi d'Angleterre, c le défiant
à feu et à sang » (Juvénal, p. 524). Henri V tenait trop à ménager
le duc de Bourgogne pour ne pas relâcher quelque chose du point
d'honneiur en cette occasion ; il s'excusa de n'avoir pu sauver la
vie aux deux princes, ainsi qu'il l'eût souhaité. Jean se laissa fa-
cilement apaiser, et les c trêves de Flandre » furent renouvelées.
Armagnac, au contraire , agit avec vigueur contre les Anglais : il
voulait justifier son élévation par quelque action éclatante; il loua
des galères et des carraques génoises et espagnoles, des archers
génois et catalans, et entreprit le blocus de Harfleur par terre et
par mer. L'entreprise ne fut pas heureuse : les troupes de terre
1. Journal d'un Bourgeoi* de Paris, année 1416. — Jn?énal. — Le titre donné aa
euricox Journal, Dionument fidèle des passions bourguignonnes et cabochiennes,
est erroné : l'auteur n'était pas un bourgeois, mais un clerc, un docteur de l'uni-
tersité, comme il le dit lui-même dans son récit
2d GUERRES DES ANGLAIS. C1416]
se laissèrent honteusement mettre en déroute par la garnison de
Harfleur, et le duc de Bedford, frère de Henri V, fit lever le blo-
cus de vive force avec une flotte anglaise et ravitailla la place
(août 1416).
Les Anglais ne poussèrent pas plus loin leurs avantages cette
année-là; l'Angleterre était fatiguée du grand effort de la cam-
pagne précédente, et Henri V laissait son royaume reprendre
haleine : il voyait bien que la France était hors d'état de profiter
de ce répit, et que le temps envenimait ses plaies au lieu de les
guérir. Il aidait le temps à cet égard : il continuait par ses intri-
gues l'œuvre commencée par ses armes; il négociait à la fois avec
Jean-sans-Peur et avec les princes captifs. A Texception du duc
Charles d'Orléans, chez qui la captivité développa quelques far
cultes méditatives et poétiques, ces jeunes gens, gàtéspar la va-
nité, l'égoïsme et la débauche, étaient dépourvus de tout sentiment
élevé qui pût les aider à supporter noblement le malheur. Le duc
de Bourbon, au nom de tous les autres, offrit à Henri V d'aller
traiter en France du rétablissement de la c grande paix > de Bre-
tigni, avec la cession de Harfleur en plus; si le conseil du roi
refusait, il s'obligeait à reconnaître Henri V roi de France ! (Rymer,
t. IX, p. 427.) Henri eût de beaucoup préféré qu'une telle offre
vînt de Jean-sans-Peur. Il le sollicita vivement de reconnaître, ne
fût-ce que par un traité secret, ses droits à la couronne de France;
mais Jean évita de s'engager : son but était de dominer et d'ex-
ploiter la France, et non de la vendre à l'Anglais. Ces pourparlers
eurent lieu dans une conférence générale tenue à Calais, au com-
mencement de l'automne, entre l'empereur, le roi d'Angleterre,
le duc de Bourgogne et les envoyés du conseil de France. Le seul
résultat de la conférence fut une suspension d'armes, d'octobre
en février. Sigismond, d'arbitre, s'était rendu partie, car il avait
signé récemment un pacte d'alliance avec Henri V. (Rymer, t. IX,
p. 397.)
Le duc de Bourgogne revint de Calais joindre le dauphin à
Valenciennes. Le comte de Hainaut, beau-père de ce jeune prince,
qui se dirigeait en tout par ses avis, désirait sincèrement le réta-
blissement de l'union en France et n'avait pas voulu d'abord
remettre le dauphin à la discrétion du duc de Bourgogne; mw.
C1416,1417] LES DEUX DAUPHINS. 27
quand il eut reconnu Timpossibilité de toute transaction avec
Armagnac, il engagea son gendre à jurer avec Jean -sans-Peur un
pacte de défense mutuelle (12 novembre). Pendant ce temps , le
duc de Bretagne, gendre du roi, intervenait de nouveau en faveur
de la paix et déterminait, non sans peine, sa belle-mère, l'indo-
lente Isabeau, à se donner un peu de mouvement dans le même
intérêt. A la fin de Thiver (mars 1417), la reine se rendit à Senlis,
accompagnée de son plus jeune fils Charles, pour conférer avec
le dauphin et le comte de Hainaut, qui étaient à Gompiègne. Le
comte de Hainaut laissa le dauphin à Gompiègne et vint visiter la
reine, qui remmena à Paris pour traiter avec le grand conseil.
Le comte déclara c qu'il amèneroit ensemble le dauphin et le duc
de Bourgogne, ou ramèneroit icelui dauphin en Hainaut, si autre-
ment n'étoit pourvu par le roi et son conseil à la réparation et
paix du royaume ».
Le grand conseil était rempli des amis et créatures de Bernard
d'Armagnac : c ceux qui gouvemoient le roi» complotèrent d'ar-
rêter en trahison le comte de Hainaut c jusques à temps qu'il eût
rendu le dauphin au roi son père » ; maïs le comte fut averti à
temps et regagna Gompiègne. « Il y trouva le dauphin, son beau-
fils, très grièvement malade, et avoit, emprès une oreille, un
apostume, lequel se creva par dedans son col et l'étrangla : il
trépassa le jour de Pâques fleuries (4 avril 1417). Et lors fut très
grande renommée que ledit dauphin avoit été empoisonné par
aucuns de ceux qui gouvemoient le roi. » (Monstrelet.) Armagnac
était capable de tout, et cette mort arrivait merveilleusement à
point pour lui^
Le nouveau dauphin , le dernier des fils du roi, Gharles, duc
de Touraine, enfant de quatorze ans, avait été uni, encore en bas
âge, à Marie d'Anjou, fille du roi de Sicile : les ennemis mortels
de Jean-sans-Peur, qui l'avaient élevé, lui avaient inspiré toutes
1. Le comte de Hainaut, qui était retourné dans son pays « en grande tristesse»,
snrrécut peu à son gendre et mourut le 31 mai. Sa fille, Jacqueline de Bavière,
veuve du dauphin Jean, hérita des comtés de Hainaut, Hollande et Zélande et de
la seigneurie de Frise. Le « roi de Sicile », Louis II d'Anjou, était mort le 29 avril,
léguant à ses lils TAnjou, le Maine et la Provence et ses prétentions héréditaires
sur le royaume de Napics, qu'il avait tenté deux fois d'enlever à la maison de
Duraszo.
28 GUERRES DES ANGLAIS. [1417]
leurs passions, du moins autant que son âme froide et faible en
était susceptible; l'influence de sa mère pouvait seule balancer
auprès du jeune prince celle du comte Bernard. Isabeau inclinait
à la paix ; Armagnac résolut de perdre la mère afin de dominer
plus sûrement le fils.
Les prétextes ne lui manquèrent pas : « Au château du bois de
Vincennes, où la roine tenoit son état, se faisoient, disoit-on,
maintes choses déshonnêtes, et y fréquentoient les seigneurs de
la Trimouille (la Trémoille), de Giac, Bourrodan (Boisbourdon) et
autres... Les dames et damoiselles menoient grands et excessifs
états, etportoient cornes merveilleuses, hautes et larges, et avoient
de chacun côté, en lieu de bourrelets, deux grandes oreilles si lar-
ges que, quand elles vouloient passer l'huis (la porte) d'une cham-
bre, il fallait qu'elles se tournassent de côté et se baissassent : la
chose déplaisoit fort aux gens de bien. » (Juvénal, p. 533.) Les
hennins à grandes oreilles et les autres modes ridicules des dames
n'étaient pas les plus grands scandales de la cour d'Isabeau , et
Armagnac dut révéler au roi, alors c en santé », des désordres
que les historiens contemporains laissent assez comprendre sans
les révéler explicitement. Un jour que le roi retournait à Paris,
vers le soir, après avoir visité la reine au château du bois de
Vincennes, «il rencontra messire Loys Bourdon (Boisbourdon),
chevalier, allant de Paris au bois, lequel, en passant assez près
du roi, s'inclina en chevauchant et passa outre assez légèrement
Toutefois le roi le reconnut et ordonna au prévôt de Paris (Tan-
negui Duchâtel) qu'il allât après lui, le prît el en fît bonne garde...
Après, par le commandement du roi, ledit chevalier fut mené
au Châtelet de Paris, où il fut très fort questionné (torturé), et,
pour aucunes choses qu'il confessa, il fut mis en un sac de cuir et
jeté en Seine, sur lequel sac étoit écrit : Laissez passer la justice
du roi.
« Et, peu de jours en suivant, par l'ordonnance du roi, du
dauphin et de ceux qui gouvernoient à Paris, la roine, accom-
pagnée de sa belle -sœur la duchesse de Bavière et de sa fille
Catherine, fut envoyée à Blois, puis à Tours, pour y demeurer à
assez simple état, et lui furent baillés, pour la conduire et gou-
verner, maître Guillaume Tarel, maître Jean Picard et maître
C1417] ISABEÂU DE BAVIÈRE. 29
Laurent Dupuis, conseillers du roi, sans le consentement desquels
elle n'osoit aucune chose besogner, pas môme écrire une lettre
à qui que ce fût, et là vécut-elle, grand espace de temps, en
grand déplaisance, attendant de jour en jour d'encore pis avoir;
et, avec ce, très grands finances qu'elle avoit en divers lieux à
Paris furent ôtées et prises par son fils le dauphin et ceux qui le
gouvemoient. » (Monstrelet. — Saint-Remi.) Isabeau en conçut
contre son dernier-né une rancune implacable. Armagnac n'ou-
bliait rien pour s'attacher le dauphin : il lui avait fait donner par
le roi la présidence du conseil et tout l'apanage de son frère Jean
(le Dauphiné, le Berri et le Poitou) : l'enfant royal ne voyait que
par les yeux du connétable. Le conseil, qu'il était censé présider
et où ne siégeait aucun prince du sang, ne se composait plus que
d'ambitieux subalternes à la dévotion d'Armagnac, tels que le
chancelier de France Henri de Marie, le prévôt Tannegui, Robert
le Maçon, chancelier du dauphin, Philippe de Gorbie, président
au parlement.
L'espèce de prestige que donnait tour à tour aux factions la
possession de la personne du roi et de l'héritier du trône était
bien usé : l'accession du dauphin ne consolida guère le pouvoir
d'Armagnac, qui ne se maintenait que par les plus extrêmes vio-
lences. Le connétable traita le parlement comme l'université, et
chassa de Paris nombre de conseillers et d'autres gens de loi,
parce que le parlement avait décrété qu'on écrirait au duc de
Bourgogne pour l'exhorter à la paix. Les monnaies étaient falsi-
fiées ; les Parisiens étaient écrasés d'impôts pour la solde des
gens d'armes, de corvées pour la réparation des défenses de la
ville ; on dépouillait les trésors des églises et jusqu'aux châsses des
saints ; on fondit la châsse de saint Louis : on en tira 30,000 écus
d'or. Ces moyens désespérés permirent au comte Bernard de se
soutenir contre une attaque formidable.
Dès le 24 avril, trois semaines après la mort du dauphin Jean,
le duc de Bourgogne avait lancé, contre « les gens de petit état >
qui tyrannisaient le royaume, un manifeste où il leur imputait
l'empoisonnement non-seulement du dauphin Jean, mais de son
frère aîné Louis, et déclarait qu'il poursuivrait par feu et sang la
punition des coupables et le < relèvement » du pauvre peuple,
30 GUERRES DES ANGLAIS. [1417]
c atin que les bons et loyaux sujets ne payassent plus dorénavant
aides, impositions, tailles, gabelles ni autres exactions, comme il
appartient au noble royaume de France. » (Monstrelet, 1. 1, c. 174.)
Ce mandement du duc Jean détermina l'insurrection de la plupart
des villes de Picardie : à Rouen, des gens masqués surprirent et
tuèrent en son logis le bailli royal ; le menu peuple se souleva
en masse : les rebelles ne purent néanmoins s'emparer du châ-
teau. Armagnac dépêcha en toute hâte le dauphin à Rouen avec
deux ou trois mille combattants : après quelques pourparlers,
le peuple ouvrit les portes au prince, moyennant une amnistie
dont furent exceptés les meurtriers du bailli ; quelques-uns fu-
rent mis à mort, mais le chef de la révolte, Alain Blanchard,
parvint à quitter la ville. Cet homme, doué d'une rare intelligence
et d'un magnanime courage, était réservé à un plus noble trépas :
il devait mourir sur l'échafaud, mais en héros de la patrie et non
point en chef de faction (Monstrelet).
Pendant ce lemps, le duc de Bourgogne, parti d'Arras le 10 août
à la tète d'une puissante armée, marchait sur Paris, t faisant crier
partout, de par le roi et le dauphin et de par lui, que l'on ne payât
nuls subsides ». Qui défendait aux bourgeois de payer était bien
sûr d'être obéi. Amiens, Beauvais, Senlis s'étaient c tournées
bourguignonnes », et le duc Jean reçut, chemm faisant, la nou-
velle que Reims, Chàlons, Troies, Auxerre avaient également pris
c la croix de Saint- André ». Le sire de l'Ile- Adam livra au duc
Jean le passage de l'Oise, et Jean-sans-Peur, franchissant la Seine
après l'Oise, vint établir ses campements à Montrouge et à Cla-
mart : il attendait que les Parisiens lui ouvrissent par force ou
par ruse; mais son attente fut encore une fois déçue. Le bon
vouloir ne manquait pas aux gens de Paris, mais ils étaient
c guettés » de trop près par les espions du comte d'Armagnac
La terreur régnait dans la ville : la plupart des portes avaient été
murées, et les autres étaient bien gardées par les Gascons d'Ar-
magnac^ les Bretons de Tannegui Duchâtel et les arbalétriers
génois à la solde royale (septembre 1417).
Le duc Jean ne crut pas devoir entreprendre le siège de Paris^
mais il ne leva son camp que pour se saisir de la plupart des
places qui environnent la capitale. Il assiégeait Corbeil depuis
[14173 JEAN-SANS-PBUB ET ISABEAU. 31
trois semaines lorsqu'il reçut un message secret de la reine Isa-
beau, qui le priait de la tirer de la captivité où elle était retenue
à Tours. Jean se dirigea sur Tours avec l'élite de sa gendarmerie,
et dépêcha en avant huit cents cavaliers, qui s'embusquèrent près
du couvent de Marmoutiers. La reine, prévenue des plans du duc,
pria ses c gouverneurs » de la mener à la messe à ce c moûtier »»
situé hors les murs de la ville : les Bourguignons entourèrent
l'église, se saisirent des < gouverneurs » et saluèrent la reine < au
nom de leur seigneur », qui ne tar(fa pas à venir en personne
recevoir les remerclments d'Isabeau (2 novembre). Le duc et sa
nouvelle alliée entrèrent à Tours le jour même, puis ils retour-
nèrent gnsemble à Chartres, d'où le duc expédia des lettres-closes
signées de la reine à toutes les bonnes villes. Isabeau engageait
les cités et communes à n'obtempérer en rien aux ordres qui leur
seraient signifiés de par le roi ou le dauphin , attendu qu'à elle
seule, durant 1' « occupation » de son seigneur le roi, appartenait
l'administration du royaume et la présidence du grand conseil,
dont c mauvaises gens» s'étaient emparées sans aucun droit
(13 novembre). Le < conseil de la roine et du duc » établit ensuite
une cour de parlement à Amiens pour remplacer dans les pays
au nord de la Seine le parlement de Paris, c assujéti aux usur-
pateurs de la puissance royale ». Jean-sans-Peur eut ainsi son
«conseil de France » comme Armagnac, et put opposer ordon-
nances à ordonnances. Les hostilités continuèrent avec une rage
impitoyable : les Armagnacs, trop faibles pour tenir la campagne
en corps d'armée contre les Bourguignons, étaient assez forts
pour faire une opiniâtre guerre défensive et pour lancer dans
toutes les campagnes des bandes dévastatrices. La Picardie, l'De-
de^France, la Champagne, les pays de la Loire étaient en proie
à tous les fléaux. Les villes que tenaient encordes Armagnacs ^
étaient ruinées par des exactions continuelles et livrées aux ca-
prices des nobles et de la soldatesque ; dans les places bourgui-
gnonnes le peuple au coniraire était soulagé de la plus grande
partie des impôts; mais Jean-sans-Peur et ses lieutenants se
dédommageaient en confisquant les biens d'une foule de gros
bourgeois, accusés à tort ou à raison d'être de la « mauvaise
bande » : quiconque était riche courait grand risque de passer
32 GUERRES DES ANGLAIS. [I4i7]
pour Armagnac. On ne se contentait pas de confisquer, on pen-
dait, on décapitait de part et d*autre bon nombre de gentils-
hommes et de c vilains ». Le caractère de la guerre devenait
toujours plus atroce : les deux partis se modelaient sur leurs
chefs, tous deux également étrangers à Tesprit de la chevalerie;
Jacqueville, Tex-capitaine bourguignon de Paris, le camarade
des écorcheurs, devenait le type de l'homme d'armes*. Si les
gentilshommes se traitaient entre eux avec une brutalité sauvage,
on peut juger de leur façon d'agir envers les classes inférieures :
les campagnes se dépeuplaient de jour en jour; les plus forts et
les plus courageux des paysans se faisaient brigands ; les autres
mouraient de faim ou s'expatriaient; tous les environs ijie Paris
étaient ruinés, et la disette était affreuse dans cette capitale : le
pain, la viande, le bois, tout manquait aux Parisiens.
Des malheurs plus grands encore que ceux de la guerre civile
frappaient en ce moment la Trance : tandis que le nord et le
centre du royaume subissaient les fureurs des factions, l'ouest
était abandonné sans défense à l'invasion étrangère. Henri V avait
remis le pied sur la terre de France pour ne plus la quitter : il
était débarqué, < à grand puissance », àToucques, près de Ron-
fleur, le l*»" août, et conquérait « à peu de peine » villes et forte-
resses, le comte d'Armagnac ayant appelé la plupart des garnisons
de Normandie autour de Paris, afin de les employer contre le duc
de Bourgogne. Les nobles de Normandie, divisés entre Armagnacs
et Bourguignons, se défiaient les uns des autres et ne purent se
concerter pour la défense de leur malheureux pays, abandonné
des indignes chefs qui se disputaient les lambeaux de la France.
Toucques et les châteaux des environs capitulèrent ; les Anglais
marchèrent sur Caen et emportèrent d'assaut cette grande viUe :
des milliers d'habitants furent expulsés comme àHarfleur, et leurs
biens furent partagés entre les vainqueurs ; le château, qui n'était
défendu que par deux cents hommes d'armes, promit de se rendre
s'il n'était secouru sous trois semaines : personne ne songea à le
1. Jacqueville fit une fin digne de sa vie : d'antres chevaliers bourguignons,
qu'il avait gravement offensés, l'arrachèrent de l'église Notre-Dame de Chartres
et regorgèrent sur les degrés du portail , à quelques pas du logis de Jean-Mnt-
Peur, qui n'osa punir les assassins. Monstrelet, c. 188.
[1417] CONQUÊTES DES ANGLAIS. 3S
secourir (8-28 septembre). Les habitants de Bayeux se soumirent
au roi d'Angleterre par un traité qui leur conserva leurs biens,
franchises et privilèges (29 septembre). Laigle se rendit le 13 oc-
tobre. Les Anglais conservaient cette sévère discipline qui avait
assuré le succès de la campagne d'Azincourt : Henri V afTectait
de tels ménagements pour les prêtres qu'une foule de paysans se
tonsurèrent afin de passer pour clercs. Les femmes et les pro-
priétés étaient respectées dans tous les lieux qui reconnaissaient
Henri V « roi de France et d'Angleterre* ». Henri commençait
déjà à organiser l'administration de c son pays de Normandie » :
il établit y le 1" novembre, un trésorier de c la duché ». Presque
toute la Normandie centrale était occupée avant la tin de l'au-
tomne : le 16 novembre, le duc de Bretagne vint trouver Henri V
à Alençon et conclut avec lui une trêve de six mois non-seule-
ment pour la Bretagne, mais pour l'Anjou et le Maine, au nom
du jeune roi de Sicile Louis III, fiancé à la fille du duc. Le duc
de Bretagne, jugeant la cause de FÉtat désespérée et renonçant
aux efforts qu'il avait tentés afin de le sauver, avait cru devoir
suivre pour ses domaines et ceux de son futur gendre l'exemple
donné par Jean-sans-Peur pour la Flandre et l'Artois. Henri V,
assuré de n'être point inquiété sur ses deux flancs, poursuivit à
loisir sa conquête.
La France était si acharnée contre elle-même qu'elle ne parais-
sait pas sentir les blessures que lui faisait son ennemi : Armagnacs
et Bourguignons avaient bien autre chose en tête que de s'opposer
aux Anglais ; la présence des Anglais ne suspendait pas la guerre
civile, même en Normandie ; les Rouennais s'insurgèrent de nou-
veau, rappelèrent Alain Blanchard et les Bourguignons, et chas-
sèrent du château de leur ville les gens d*Armagnac. Le connétable
ne contenait Paris qu'en y concentrant toutes ses forces : une
nouvelle conspiration fut ourdie pour introduire le duc Jean dans
la capitale ; elle avorta encore, et Jean s'en alla prendre ses quar-
tiers d'hiver à Troies avec la reine. Isabeau décerna au duc de
Lorraine Fépée de connétable, déclara les maltôtes et les autres
1. Quand il fat un peu plus avancé dans sa conquête, il abolit la gabelle du sel
et la remplaça par un droit du quart de la valeur (4 mai 1418). Rymer, t. IX,
p. 4S3
TI. S
M GUERRES DES ANGLAIS. (14I8]
impôts abrogés, c hormis la gabelle du sel >, cassa le parlement
de Paris et la chambre des comptes, d'où Armagnac avait expulsé
c les meilleurs hommes », et appela à Troies l'autre parlement
établi d'abord à Amiens, ainsi qu'une nouvelle cour des comptes,
où dominèrent les magistrats bannis de Paris. Au printemps sui-
vant, une ordonnance de la reine, du 3 avril 1418, autorisa la
réunion des Ëtats - Généraux du Languedoc ; Armagnac avait
fait donner le gouvernement de Languedoc et de Guyenne au
vicomte de Lomagne, son âls aîné, et avait interdit les réunions
annuelles des Trois Ëtats, pour pouvoir taxer ces pays à sa fan-
taisie : l'entrée de cinq cents lances bourguignonnes dans le Lan-
guedoc détermina une insurrection à peu près générale; les trois
quarts de la province < se tournèrent bourguignons > et chassèrent
les alliés et les officiers d'Armagnac.
Rien n'ébranlait l'opiniâtreté du connétable; il avait retourné
contre le duc de Bourgogne la bulle d'excommunication des com-
pagnies appliquée naguère aux « Orléanois > (Juvénal) ; il profita
de l'éloignement du duc Jean pour reprendre Montlhéri, Étampes,
Ghevreuse, et repousser les bandes bourguignonnes qui rava-
geaient les environs de Paris. Il entreprit de recouvrer Senlis. Le
bâtard de Thian, capitaine de Senlis, promit de se rendre s'il
n'était secouru en dedans le 19 avril, et livra des otages au comte
d'Armagnac. A la nouvelle du siège de Senlis, l'héritier de Bour-
gogne, le jeune comte Philippe de Charolais avait assemblé les
Etats de Picardie et d'Artois à Arras : il obtint un subside des
bonnes villes, convoqua le ban des deux provinces à Amiens, et
envoya au secours de Senlis huit mille combattants. L'armée pi-
carde se présenta devant Senlis le 19 avril, dans la journée : le
siège était levé ; dès le point du jour, le comte d'Armagnac avait
sommé la ville de se rendre ; le bâtard de Thiân ayant répondu
que l'heure n'était pas encore passée. Armagnac fit couper la tète
à quatre des otages et battit en retraite sur Paris, abandomiant
ses bagages aux assiégés. Le capitaine de Senlis ne demeura point
en reste de barbarie avec Armagnac : il décapita seize prison-
niers, en pendit deux et noya deux femmes (Monstrelet).
Toute la France se partageait entre Armagnacs et Bourgui-
gnons : € le père étoit bandé contre le fils, le frère contre le
[1418] GUERRE CIVILE ET ÉTRANGÈRE. 35
frère, en cette maudite querelle », et cependant c le roi d'Angle-
terre toujours conquêtoit et prenoit places, et ne rencontroit ré-
sistance, sinon d'aucunes gens de bonne volonté ». L'hiver n'avait
point interrompu les progrès des Anglais : Henri V avait partagé
son armée en quatre divisions, qui opéraient simultanément de-
puis la rive gauche de la Seine jusqu'à la pointe du Gotentin et à
la frontière de Bretagne. La ville et le château de Falaise capitu-
lèrent (1» février); puis Vire, Goutances, Carentan, Saint- Lô,
Saint-Sauveur, Pontorson et Évreux ouvrirent successivement
leurs portes, de la fin de février au 20 mai 1418. Dans la plupart
des capitulations, il était convenu que ceux des assiégés qui ne
prêteraient pas serment à Henri V s'en iraient avec leurs biens
meubles : plusieurs places toutefois furent obligées de se livrer
à discrétion ^ Henri, dans ce dernier cas, prenait à merci le plus
grqnd nombre des habitants et faisait trancher la tète à quelques-
uns, c pour l'exemple » : il les traitait en rebelles et en criminels
de lèse-majesté. Presque partout, les populations tentaient cepen-
dant une résistance digne d'un meilleur sort : Henri V essayait en
vain de réveiller les vieilles traditions normandes en faveur du
sang de RoUon ; les Normands ne subissaient qu'avec désespoir
la conquête anglaise.
Les calamités nationales parurent enfin produire quelque im-
pression sur les deux partis. Armagnac n'osa s'opposer à ce qu'on
ouvrit des négociations. Le roi , le dauphin et le grand conseil ,
d'un côté, la reine et le duc de Bourgogne, de l'autre, envoyèrent
des plénipotentiaires au village de la Tombe, entre Montereau et
Brai-sur-Seîne, et deux cardinaux dépêchés par le pape Martin V,
élu récenunent au concile de Gonstance, intervinrent efficace-
ment dans les pourparlers ; un traité de paix fut conclu le 23 mai :
toutes condamnations et confiscations devaient être révoquées de
part et d'autre; les villes et châteaux, restitués à leurs seigneurs,
et la reine et le duc de Bourgogne réintégrés au conseil royal
avec tous les princes du sang. Isabeau et Jean-sans-Peur rati*
fièrent sans difficulté ces conventions : la plupart des membres
du grand conseil et les principaux bourgeois de Paris montraient
1. V, les capitalations dans Rjmer, t. IX, p. ô43-589.
36 GUERRES DES ANGLAIS. [1418]
un vif désir de voir le roi sceller le traité : le dauphin y consen-
tait. Paris se sentait déjà renaître. Le connétable, le chancelier
Henri de Marie et le prévôt Tannegui Duchâtel accusèrent de tra-
hison ceux qui conseillaient cette paix, et rompirent tout (Mon-
strelet, c. 194).
La mesure était comblée : le pauvre peuple, qui venait de subir
les angoisses du froid et de la faim durant un hiver prolongé
jusqu'en avril, avait salué avec transport le printemps et la paix :
une rage indicible le saisit contre les hommes impitoyables qui
immolaient sa dernière espérance à leurs intérêts et à leurs pas-
sions. Des bruits étranges et sinistres redoublaient la fureur po-
pulaire : on disait qu'Armagnac, « ce diable sous une peau
d*homme », s'apprêtait à massacrer « tous ceux qui n'étoient pas
de sa bande », à tuer les hommes et à noyer les femmes ; qu'il
vendrait la ville au roi d'Angleterre, s'il ne la pouvait plus tenir
contre les Bourguignons. Les Parisiens s'excitaient les uns les
autres à ne pas attendre qu'on vint les égorger dans leurs logis.
Armagnac n'avait plus auprès de lui que trois mille de ses Gascons
et quelques autres mercenaires ; l'insuffisance de ses forces l'avait
obligé de réorganiser la milice bourgeoise, bien qu'avec toutes
sortes de restrictions et de précautions. Il eût fallu dès lors mé-
nager et regagner cette milice ; mais Armagnac n'essaya même
pas de contenir l'insolence brutale de ses gens d'armes; les
femmes ne pouvaient faire quelques pas hors des murs de la ville
sans être exposées aux derniers outrages ; les bourgeois étaient
' sans cesse vexés, insultés, spoliés; une vengeance particuUère
précipita la catastrophe.
Un jeune homme appelé Perrinet-le-Clerc, fils d'un riche mar-
chand de fer du Petit-Pont, ayant été injurié et battu par c aucuns
serviteurs des principaux du conseil du roi », et n'ayant pu ob-
tenir justice du prévôt Tannegui , s'était lié d'intelligence avec
les agents secrets du parti bourguignon. Son père, un des quar-
teniers, avait en garde les clefs de la porte Saint-Germain (ou
porte de Bussi) : dans la nuit du 29 au 30 mai, Perrinet déroba
les clefs sous le chevet du vieillard et courut avec plusieurs de
ses amis à la poile Saint-Germain , dont le guet était gagné : le
sire de TIle-Adam, capitaine de Pontoise pour Jean-sans-Peur,
[1418] RÉVOLTE DE PARIS. 37
attendait hors des murs avec sept ou huit cents chevaux. La porte
fui ouverte, et les Bourguignons entrèrent en bon ordre, vers
deux heures du matin; ils avancèrent à travers les rues « tout
coiement et non sans doute » : leur petit nombre rendait l'entre-
prise bien hardie ; le peuple n'osait d'abord se joindre à eux ;
près du Châtelet, à l'entrée du quartier des Halles, ils trouvèrent
enOn quatre cents bourgeois armés, qui les attendaient. Les deux
troupes réunies s'encouragèrent mutuellement, et, poussant de
grands cris : « La paix! la paix! vive Bourgogne ! » elles se parta-
gèrent en plusieurs bandes, dont l'une. marcha droit à l'hôtel
Saînt-Pol, les autres aux logis des principaux chefs armagnacs.
En peu d'instants les forces des Bourguignons furent décuplées
par le concours du peuple, qui « saiUoit » en foule hors des
maisons, criait : « Vive Bourgogne! » et arborait la croix de
Saint- André. L'Ile -Adam et ses gens forcèrent les portes de
l'hôtel Saint- Pol, et « firent tant qu'ils parlèrent au roi, lequel
fut content de leur accorder tout ce qu'ils dçmandoientS et
tantôt le firent monter à cheval et chevaucher avec eux parmi
la ville de Paris », pour que sa présence autorisât ce qui se
passait.
Le reste des insurgés s'étaient saisis du chancelier eldes membres
les plus odieux du grand conseil : le comte d'Armagnac, surpris
dans son hôtel, rue Saint-Honoré, se sauva déguisé chez un maçon
da voisinage. L'enlrée des Bourguignons et le soulèvement du
peuple avaient été si rapides que les Gascons ne réussirent à se
rallier nulle part pour comprimer l'insurrection. Le prévôt Tan-
negui Duchâtel, dès le commencement du tumulte, avait couru à
rhôtel du dauphin : il le réveilla brusquement et, l'enveloppant
dans les draps de son lit, l'emporta à la Bastille, d'où il l'envoya
sur l'heure à Melun. Le chancelier du dauphin, Robert Le Maçon,
révéque de Clermont et le président Louvet, tous trois fougueux
Armagnacs, parvinrent aussi à gagner la Bastille avec quelques-
uns de leurs adhérents et beaucoup de soldats. Ju vénal des Ursins,
!• « Le roi étoit de tout content, et de Bourguignons et d'Armagnacs, et peu lui
cbaloit comme tout allât. » Pierre de Fénin, dans la collection Michaud, t. Il,
p. 593. — Sur tous ces faits, v, Monstrelet. — Journal (Pun BourgeoU de Paru,
an 1418. — Pierre de Fénin. — Jacques Le Bouvier, dit Berri, roi d'armes.
38 GUERRES DES ANGLAIS. [1418]
plus modéré, mais très haï pourtant des Bourguignons, s*eiifuit à
Corbeil; la plupart des chefs armagnacs, moins heureux, furent
arrêtés et emprisonnés, ainsi qu'un grand nombre de bourgeois
suspects d'attachement à la € mauvaise bande » ; leurs maisons
furent livrées au pillage. Parmi les captifs se trouvèrent les évêques
de Senhs, de Coutances et de Bayeux; on épargna, entre les
membres du grand conseil, ceux-là seulement qui s'étaient dé-
clarés pour la paix. Le lendemain matin. Le Veau de Bar, bailli
d'Âuxois, seigneur bourguignon, fut proclamé prévôt de Paris en
remplacement de Tannegui Duchàtel, et il fut crié, de par le roi,
que, c sur confiscation de corps et de biens, quiconque savoit le
lieu où se mussoit aucun tenant le parti du comte à^Armignae^
le dénonçât au prévôt de Paris ou à aucun des capitaines ». Le
pauvre homme chez qui était caché le connétable eut peur et
livra son hôte, qui fut conduit prisonnier à la conciei^erie du
Palais.
Rien n'était terminé néanmoins, tant que Tannegui Duchàtel
restait maître de* la Bastille : ce prévôt, aussi intrépide, aussi re-
doutable et aussi détesté que le comte Bernard lui-même, avait
mandé au plus vite tous les capitaines armagnacs de llle-de-
France : le maréchal de Rieux et le sire de Barbasan le rejoigni-
rent avec bon nombre de Bretons et de Gascons ; l'IIe-Adam, au
contraire, ne pouvait recevoir de renfort avant quelques jours»
les garnisons bourguignonnes étant plus éloignées de Paris. Tan-
negui résolut de tenter la fortune, et, le 1" juin au matin, il sor-
tit de la Bastille, descendit dans la rue Saint-Antoine, à la tête de
seize cents hommes d'élite, et se porta sur l'hôtel Saint-Pol, aux
cris de : « Vivent le roi, le dauphin et le comte d'Armagnac ! » Il
comptait enlever le roi, mais les Bourguignons l'avaient conduit
la veille au Louvre. Pendant que Tannegui fouillait inutilement
l'hôtel Saint-Pol, le maréchal de Rieux avait déjà poussé jusqu'à
la rue Tiron et à la porte Baudoyer, et les soldats commençaient
à rompre les portes des maisons pour piller, et à crier : « ViDe
gagnée! tuez tout M » quand le nouveau prévôt de Paris arriva
1. L*attteur du Journal d'un Bourgeois de Paris, Bourguignon passionné, prétend
que les Armagnacs crièrent : « Vive le roi d'Angleterre! » Collect. Kichand, t. fl,
p. 651.
CUIS] DÉFAITE DES ARMAGNACS. 39
< à grand* foison de commune ». Des flots de peuple en armes se
précipitèrent sur l'ennemi par toutes les rues latérales : les Ar-
magnacs» chargés en front et en flancs, accablés du haut des toits
et des fenêtres, furent repoussés, « abattus et tués à grand tas
jusque dehors la porte Saint-Antoine » ; les vaincus rentrèrent à
la Bastille, laissant sur le pavé quatre cents de leurs meilleurs
hommes, et le peuple, échauffé par le carnage, se mit à quérir,
par toutes les hôtelleries, les gens de la € bande » qui s'étaient
soustraits aux premières recherches après la délivrance de Paris.
On en fit un cruel massacre. La Bastille se rendit le 4 juin : Tan-
negui, Barbasan et Rieux en étaient sortis avec la plupart de leurs
soldats, qu'ils répartirent à Meaux et à Melun. Tannegui alla re-
trouver le dauphin à Melun, et s'empara entièrement de l'esprit
de ce jeune homme, qui lui donna le titre de « capitaine de tous
les pays de France, Champagne, Brie, et d'outre la rivière de
Seine ». L'aventurier breton succéda au chef gascon dans la con-
duite du parti, auquel la possession du dauphin conserva un dra-
peau et un centre. Sans l'enlèvement du dauphin, la guerre civile
eût été finie : il est étrange qu'on ait célébré comme un acte de
dévouement et de fidélité cette action intéressée d'un factieux,
action qui eut de si fatales conséquences!
La révolution de Paris enleva aux Armagnacs la plupart des
places qu'ils tenaient dans les provinces confiées par le dauphin
au gouvernement de Tannegui : Compiègne, Noyon, toutes les
villes de l'Oise, ainsi que Laon, Soissons, Péronne, prirent la
croix de Saint-André à la nouvelle des événements de Paris. Cette
capitale, en attendant la venue de la reine, fut administrée no-
minalement par ceux des gens du grand conseil qui avaient aban-
donné le parti armagnac pour se réunir à l'Ile- Adam et au chan-
celier de la reine, sous la présidence du jeune comte Charles de
Clermont, fils du duc de Bourbon, enfant de quinze ans, qui avait
déclaré vouloir rester avec les Bourguignons à l'exemple de son
sire le roi ; mais les vrais « gouverneurs » de Paris étaient les
capitaines qui affluaient de toutes parts dans la ville avec leurs
gens d'armes, et les bannis parisiens qui revenaient d'exil aux
acclamations populaires. Les désordres, € roberies et occisions »
(pillages et meurtres] allaient se multipliant de jour en jour. Les
40 GUERRES DES ANGLAIS. (1418]
seigneurs bourguignons ne cherchaient que du butin; mais les
proscrits cabochiens, ces hommes violents et vindicatifs, dont on
avait confisqué les biens, égorgé les amis, traîné les femmes et les
enfants de prison en prison, avaient plus soif de sang que d'or:
ils eurent peu de peine à exalter au niveau de leur fureur les
passions de la multitude, qui avait tant souffert de la tyrannie du
connétable et qui redoutait par-dessus tout de le voir mettre à
rançon. Chaque nuit, de fausses alarmes réveillaient le peuple en
sursaut : on disait que les Armagnacs étaient à quelque une des
portes de la ville ; qu'ils venaient € recourre » leurs complices
captifs et reprendre Paris. On prétendait aussi que le conseil du
roi, loin de vouloir faire justice du comte Bernard et des siens,
se proposait de les renvoyer moyennant finances. La rage popu-
laire éclata dans la nuit du 12 juin; le menu peuple se porta
tout à coup à la prison du Palais ou Conciergerie, en arracha le
comte d'Armagnac et le chancelier de France Henri de Marie, les
massacra, puis, laissant leurs cadavres nus sur le pavé dans la
cour du Palais, s'en alla aux prisons de Saint-Éloi, du Petit-Ch&-
telet, de Saint-Martin-des-Champs, de Saint-Magloire, du Temple,
de Tiron, les força et égorgea tous les prisonniers ; € quand ils
trouvoient trop fortes prisons, ils boutoient dedans force de feu,
et ceux qui dedans étoient ardaient (brûlaient) là à grand mar-
tyre ». Les détenus du Grand-Châtelet, qui étaient très nombreux
et qui s'étaient procuré des armes, se défendirent vigoureuse-
ment, et tuèrent ou blessèrent plusieurs des assaillants; < on les
prit enfin par feu, fumée et autre assaut », et, du haut de la tour,
on les précipita sur les piques. Des détenus pour dettes et pour
divers délits, et beaucoup d'arbalétriers génois, qui n'avaient fait
que leur métier de mercenaires en servant ceux qui les payaient,
furent massacrés pêle-mêle avec les Armagnacs : on égorgea
jusqu'à des femmes grosses.
Ces horribles scènes se prolongèrent près de trente heures; les
évêques de Coutances, de Bayeux, d'Évreux, de Senlis et de
Saintes, deux présidents au parlement, plusieurs seigneurs, ca-
pitaines, financiers, membres du parlement et de la chambre des
comptes périrent avec une foule de nobles, de bourgeois et de
soldats, « huit cents personnes et au-dessus », suivant les Régis-
CUIS] MASSACRES A PARIS. 41
tires da parlementa Le sire de riIe-Adam et le prévAt Le Veau
de Bar étaient accourus avec un millier de cavaliers pour arrêter
le peuple ; mais ils le trouvèrent animé d'une fureur si délirante
qu'ils n'osèrent rien dire, sinon : « Mes enfants, vous faites bien ! »
L'extermination des prisonniers ne termina point le massacre :
c on alloit par grands tourbes es maisons de ceux qu'on disoit,
à tort ou à raison, avoir tenu le parti du comte A'Armignac,
lesquels on tuoit sans merci et on emportoit leur bien. Il ne
falloit que crier sur un honmie : Véez-là (voilà) un Armignaef
et tantôt ëtoit mis à mort sans autre information. Les morts ar-
mignaes étoient réputés indignes de sépulture et jetés aux champs
pour être mangés des chiens et des oiseaux, et il y avoit des
prêtres et des curés qui refusoient de baptiser les enfants des
Armignacs. » Les sages-femmes n'osaient prêter leur ministère
aux femmes de « ceux de la bande », et les mères et leurs fruits
mouraient sans secours. Pendant trois jours, les « mauvais gar-
çons » de Paris traînèrent par les rues les cadavres du connétable
et de ses principaux partisans : ils leur avaient coupé sur le dos
des lanières de peau, de l'épaule au côté, par une atroce allusion
à la € bande » des Armagnacs (Pierre de Fenin). Les Legoix, les
Tblbert, les Saint-Yon, les Caboche régnaient de nouveau et fai-
saient trembler jusqu'aux barons leurs alliés : « Et y avoit, dit
Pierre de Fenin, un bourrel (bourreau) nommé Capeluche, lequel
étoit moult mauvais, et tuoit hommes et femmes sans comman-
dement de justice, par les rues de Paris, tant par haine que pour
avoir le leur (leur bien). »
La reine Isabeau, beaucoup plus avide d'argent et de voluptés
que de pouvoir, ne se pressa nullement de venir présider le con-
seil du roi, au milieu des affreux désordres dont le récit la glaçait
de terreur : elle attendit à Troies le retour de Jean-sans-Peur,
qui était au fond de la Franche-Comté, et qui de son côté ne se
h&ta guère. Le duc Jean semblait hésiter à se jeter dans cette
fournaise ; les historiens bourguignons assurent qu'il apprit avec
chagrin le meurtre du connétable, et l'on peut les croire : Arma-
gnac prisonnier eût servi au duc à retirer le dauphin des mains
1. Cités par Micbelet, t. IV, p. 336. — Le Bourgeoh de Parié dit 1,600.
4S GUERRES DES ANGLAIS. [Uis]
de Tannegui; Armagnac mort éternisait la guerre, et d*autres
ambitieux avaient déjà pris sa place. Le duc et la reine n'entrèrent
ensemble que le 14 juillet dans Paris : ils y furent reçus € à beaux
Noëls » et grandes acclamations. Ils abrogèrent les ordonnances
rendues pendant la domination des Armagnacs, et décernèrent à
leurs partisans toutes les charges de la couronne ; les sires de
rUe-Adam et de Chasteliux devinrent maréchaux de France;
Charles de Lens, amiral; Eustache de Laictre, chancelier; les
bouchers recouvrèrent leur communauté et leur monopole. La
situation du pays n'en fut pas meilleure; avec Jean de Bourgogne
ne revinrent à Paris ni la paix ni Fabondance : les arrivages de
la Seine étaient interceptés en aval par les Anglais, maîtres de la
Normandie presque entière, et en amont par les Armagnacs,
établis à Melun ; une nouvelle émeute éclata le 21 août, c pour la
grand cherté dont étoient cause les Armignacs^ qui couroient les
champs et tout détniisoient autour de Paris, tuant femmes et
enfants et boutant feux partout, et pour ce que le peuple ne vou-
loit plus qu*on délivrât par argent les prisonniers de guerre,
lesquels faisoient après plus de maux que devant >. Certains
harangueurs de l'université c prèchoient » sur ce sujet avec autant
de violence que Caboche lui-même. Beaucoup de nouvelles arres-
tations avaient rempli les prisons depuis deux mois : une multi-
tude forcenée, conduite par Capeluche, le bourreau, qui allait à
cheval en tète de la foule, assaillit le Grand et le Petit Ch&telets,
les força malgré la résistance des détenus, et mit à mort deux à
trois cents victimes; Capeluche et ses gens se ruèrent ensuite vers
la Bastille, et menacèrent de donner l'assaut si l'on ne leur livrait
les prisonniers. Le duc de Bourgogne, qui logeait près de la
Bastille, accourut au bruit et harangua les assaillants pour les
détourner de leur dessein : il prit même la main de Capeluche
sans le connaître ; mais il ne réussit point à calmer ces furieux,
et il fut obligé de consentir à ce qu'on menât une vingtaine de
prisonniers de la Bastille au Chàtelet pour être jugés. C'était les
livrer à une mort certame. Ces malheureux furent arrachés des
mains de leurs conducteurs et mis en pièces avant d'arriver à leur
destination. (Journal du Bourgeois de Paris, p. 657. — Juvénal.)
L'orgueil du duc Jean fut profondément blessé quand il sut
C1418] CAPBLUCHE. 4S
qu'il avait « baillé » sa main au bourreau de Paris ; il fit par res-
sentiment de cette humiliation ce qu'il n'eût pas fait par huma-
nité : il s'entendit avec les principaux bourgeois afin de pourvoir
à si grands < desrois > (désordres). Il manda aux « menues gens »,
auteurs de tous ces méfaits, d'aller mettre le siège devant Montlhéri
et Marcoussi, occupés par les c ennemis du roi », qui afl'amaient
Paris. Six mille des plus turbulents partirent avec du canon ;
aussitôt après, € le duc fit prendre dedans Paris plusieurs de leurs
complices et des émouveurs du commun (excitateurs du peuple),
lesquels il fit décapiter, ou pendre au gibet, ou noyer en Seine,
et même le dessus dit Gapeluche, bourrel de Paris, eut la tête
coupée aux Halles : il montra lui-même à son varlet comme il
devoit faire pour lui couper le col ». Gapeluche fut condamné
pour c avoir tué une femme grosse qui n'avoit aucune coulpe »
(aucune faute). Par compensation, le duc Jean fit décoller plu-
sieurs magistrats armagnacs. On publia, en même temps, « qu'on
se déportât de plus piller et occire, sous peine de la vie ^ ».
Cette tardive répression parut avoir épuisé l'activité du duc de
Bourgogne : il demeura inunobile dans Paris, laissant les Anglais
poursuivre leurs succès en Normandie et les Dauphinois (nom
que prenaient désormais les Armagnacs ou Orléanais) se recruter
de milliers de pillards, reprendre par surprise Compiègne, Sois-
sons, Lagni, et désoler horriblement l'Ile-de-France : le capitaine
que Jean-sans-Peur avait mis à Tours livra sa cité au dauphin.
Les affaires des Armagnacs se rétablirent ainsi , grâce à l'inertie
du duc Jean. € C'étoit, dit le Bourgeois de Paris, le plus long
homme en toutes ses besognes qu'on pût trouver, car il ne se
mouvoit d'une cité quand il y étoit, non plus que si paix fût
partout, si le peut)le à force de plaintes ne l'émouvoit. » Un des
motifs de cette inertie était probablement le manque d'argent :
le duc de Bourgogne avait excité le peuple à refuser les impAts
au comte d'Armagnac ; il hésitait à les redemander si tôt pour
son compte, et ne savait où trouver les ressources nécessaires pour
tenir la campagne.
Ce qu'on ne pouvait du moins contester au duc Jean, c'était le
1. llonstreleu -^ Bourgeon de Paris, — Fenin.
44 GUERRES DES ANGLAIS. [UIS]
désir d*éteindre la guerre civile : la reine et lui avaient requis
plusieurs fois le dauphin de retourner avec eux, c en offrant i,
dit Monstrelet, c de lui faire tout honneur et obéissance »; mais
Tannegui Duch&tel et les autres « gens de petit état » qui entou-
raient le jeune prince et qui devaient toute leur importance à la
guerre, n'épargnaient rien pour entretenir la haine qu'on avait
inspirée au dauphin contre sa mère et contre le € Bourguignon ».
Ces hommes étaient d'autant plus intraitables qu'à l'intérêt per-
sonnel se joignaient chez eux des passions violentes et sincères.
Plusieurs d'entre eux, particulièrement Tannegui et Barbasan,
avaient été de la maison, « de la famille », comme on disait, du
malheureux duc d'Orléans, et n'avaient jamais renoncé à le
venger. L'intervention du duc de Bretagne et des cardinaux l^ts
avait amené l'ouverture de conférences à Saint-Maur-des-Fossés,
et un traité de paix y fut signé, le 16 septembre, par des députés
des deux partis; mais les « faux bandés et mauvais conseillers du
dauphin n'en furent pas contents » : ils déterminèrent le jeune
prince à refuser sa ratification, à s'arroger le titre de lieutenant-
général du royaume et à établir à Poitiers, ville de son apanage,
un parlement composé des membres du parlement de Paris qui
avaient quitté la capitale depuis la victoire des Bourguignons.
Parmi eux figurait Juvénal des Ursins (21 septembre).
Paris apprit avec consternation la rupture de la paix; l'abat-
tement avait succédé à la fureur populaire ; une eflroyable épi-
démie sévissait sur cette population épuisée par la disette et par
tant de secousses morales et physiques, « ce qu'aucuns estimoient
bien apparente punition de Dieu ». Tout ce peuple s'épouvantait
de lui-même en se « remémorant » ce qu'il avait fait depuis trois
mois : un grand nombre des massacreurs de prisons mouraient
désespérés, en criant qu'ils étaient damnés^ et n'auraient pas de
pardon (Juvénal). Le Bourgeois de Paris prétend qu'il mourut
plus de cent mille ^ personnes à Paris en trois mois. La mortalité
frappait surtout les enfants et les jeunes gens.
1. Quatre-vingt mille, suivant Konstrelet, c. 204. — Quarante mille, snivant
Lefèvre de Saint-Remi : ce dernier chiffre paraît le plus vraisemblable. Nous n'avons
pan de données précises sur le chiffre de la population de Paris à cette époque. Dans
la première partie du quatorzième siècle, elle était d'environ 300,000 ftmes. Sur et
[1418] DÉSOLATION DE PARIS. 45
Ni la souffrance ni même le crime n'avaient cependant encore
éteint dans le cœur des Parisiens les sentiments nationaux; les
nouvelles de la Normandie avaient dans la capitale un retentisse-
ment lugubre, et Paris, au milieu de ses misères, versait encore
des larmes pour les maux plus glorieux et plus immérités de sa
sœur de Normandie, de la magnanime Rouen, qui s'immolait en
ce moment à la France.
Henri V, dès les premiers jours de Tété, avait commencé à pré-
parer l'investissement de Rouent Tandis que des détachements
anglais prenaient Domfront et bloquaient Cherbourg, « la plus
forte place de Normandie », qui prolongeait sa résistance*, le roi
Henri, maître d'Évreux et de tout le pays à la gauche de la Seine,
s'était porté par Louviers sur Pont-de-l'Arche; le duc de Clarence,
un des frères de Henri, força le passage de la Seine et envahit le
pays de Caux. Pont-de-l'Arche capitula le 19 juillet : Rouen fut
investi aussitôt après par toutes les forces du roi d'Angleterre; un
matin, les Rouennais, en s'éveillant, virent une division anglaise
logée devant chacune de leurs portes. Hs s'étaient vaillamment '«
disposés à recevoir l'ennemi; ils avaient réparé portes, boule-
vards, murailles, tours et fossés, demandé instamment des ren-
forts aux Parisiens et au duc de Bourgogne, et ordonné à toute
personne qui ne portait pas les armes de quitter la ville, si elle ne
pouvait se pourvoir de vivre pour dix mois. Des milliers de pau-
vres gens, de femmes, d'enfants, de prêtres, de vieillards s'étaient
« départis en grande tristesse > : beaucoup de ces malheureux
point, nous acceptons sans difficulté les chiffres de H. Durean de La Halle, que
nons avons combattus quant à l'ensemble de la France* v, notre t. V, Éclaiicii-
siHSHTf, n* 1. Nous n'avions pas cru devoir, à propos de cette question de sta-
tistique, revenir sur le conte des 1,700,000 clochers attribués h la France du
quinzième siècle; mais cette fable, dont M. Kichelet avait déjà fait justice, ayant
été encore prise au sérieux récemment dans un très bon livre, VHistoire de Jacquet
Cœur, de H. P. Clément, nous devons dire que l'écrivain du seizième siècle k qui
on Ta empruntée, Jean Bouchet, a mis induement h couvert, sous l'imposante
autorité de Jacques Cœur, un chiffre inventé par des faiseurs de projets du temps
de Charles VI, el dont on se moqua généralement, au dire du Religieux de Saint"
Denis,
1. Le clergé anglais, qui jusqu'alors n'avait consenti qu'à des prêts bien
garantis, accorda une aide pour le siège de Rouen.
2. Cherbourg fut rendu on plutôt vendu, le 22 août, par son gouverneur Jean
d'Angennes.
46 GUERRES DES ANGLAIS. im%)
tombèrent entre les mains des Armagnacs et les trouvèrent cent
fois pires que les Anglais eux-mêmes. A leur place entrèrent à
Rouen, avant que le blocus fût complet, bon nombre de gens
d*armes envoyés par le duc de Bourgogne. Dès la première quin-
zaine de juin, les Parisiens avaient expédié trois cents lances et
autant de gens de trait. Quatre mille soldats et quinze mille honunes
de milice bourgeoise*, dont Alain Blanchard était un des princi-
paux chefs, défendaient la vaste enceinte de Rouen; ils n*y restè-
rent point enfermés : à plusieurs reprises, ils sortirent en niasse
par toutes les portes, se ruèrent furieusement sur l'ennemi et lui
« causèrent moult de grands dommages ».
Les Anglais ne lâchèrent pas pied; ils se garantirent contre les
sorties des assiégés par des fossés profonds revêtus de haies d'é-
pines, et protégèrent contre le trait et le canon, par des tranchées
et des chemins couverts, les communications des divers corps
d'armée qui bloquaient étroitement la ville par terre, t'mdis que
de triples chaînes de fer barraient le fleuve au-dessus et au-des-
sous de Rouen. Un pont fortifié, qui joignait la cité au bourg de
Saint-Sever, empêchait les vaisseaux anglais de remonter la Seine.
Henri Y fit traîner ses navires par terre durant l'espace de deux
lieues pour les remettre à flot au-dessus de la ville >. En même
temps, huit mille Irlandais à la solde de Henri Y, les uns à pied,
les autres chevauchant de petits et agiles bidets de montagnes,
battaient le pays au loin , approvisionnant l'armée d'Angleterre
et enlevant les convois de vivres, les individus ou les petits déta-
chements qui essayaient de s'introduire dans la place. Ces troupes
légères, demi-nues, « sans braies » et sans autres armes que de
larges couteaux, de petits javelots et des targettes ( petits boucliers
ronds), ne tenaient guère contre les gens d'armes, mais répan-
daient la terreur dans les campagnes. Les fantassins irlandais
montaient, en guise de chevaux, sur les vaches des paysans et
emportaient devant eux, c sur lesdites vaches, les petits enfants
dans leurs berceaux », pour forcer les parents à les racheter.
1. Ce qui suppose à Rouen au moins quatre-TÎngt et peut-être cent mille htbî-
Unts.
2. Chronique latine manutcrite de Henri V, citée par M. Chérueli Hist* de liovei
«otM let Anglais, p. 44; 1840.
C1418] SIÈGE DE ROUEN. 47
Les paysans de Gaux abandonnaient leurs villages en foule et
s'enfuyaient dans le Ponthieu et le Yexin (Monstrelet).
Les Rouennais soutinrent dignement l'énergie qu'ils avaient
montrée dans les premiers jours du siège. Le prudent Henri V
n'essaya pas d'emporter la ville de vive force ; il se contenta de
repousser les sorties des assiégés et de battre de loin les murailles
avec ses canons et ses machines de jet : il comptait vaincre par la
Csdm plus que par le fer. Les mesures prévoyantes du gouverneur
et des magistrats municipaux n'avaient pumalheiu-eusement être
mises à exécution ; l'approvisionnement de la ville en blé était
très insuffisant, Henri Y s'étant hâté d'asseoir son siège avant que
la moisson fût mûre. Dès le 30 août, l'abbaye fortifiée du mont
Sainte-Catherine, position élevée qui commande Rouen du côté
de la route de Paris, se rendit faute de vivres ; la disette commença
dans Rouen dès les premières semaines de l'automne. Les Rouen-
nais dépéchèrent un vieux prêtre vers le roi et son conseil à Paris.
Le vieillard parvint à tromper la surveillance des ennemis et à
remplir sa mission : il se fit mener au conseil par le carme nor-
mand Eustache de Pavilli, l'orateur populaire de l'Université, qui
prononça une éloquente harangue en faveur des gens de Rouen :
l'envoyé rouennais n'ajouta que quelques mots, mais ils furent
solennels et terribles.
c Très excellent prince et seigneur, dit-il, il m'est enjoint de
par les habitants de la ville de Rouen de crier vers vous, et aussi
vers vous, sire de Bourgogne, le grand haro, lequel signifie l'op-
pression qu'ils endurent des Anglois, et vous mandent et font
savoir par moi que si, par faute de votre secours, il convient qu'ils
soient sujets au roi d'Angleterre, vous n'aurez en tout le monde
pires ennemis qu'eux, et, s'ils peuvent, ils détruiront vous et
votre génération. » (Monstrelet, c. 207.)
Le duc de Bourgogne et le conseil promirent qu'on y pourvoi-
rait c au plus bref que faire se pourroit ». Les aides, abolies depuis
le printemps, furent rétablies € pour le secours de Rouen », et le
duc Jean commença de rassembler lentement des troupes, tout
en essayant de traiter avec Henri V. L'issue de cette tentative était
facile à prévoir : le roi anglais négocia simultanément avec les
deux partis qui se disputaient la France, et les joua tous deux.
48 GUERRES DES ANGLAIS. [1418]
Le duc de Bourgogne et le dauphin prétendaient également traiter
au nom du roi et du royaume, et obtenir non-seulement la paix,
mais l'alliance de Henri V, chacun contre le parti adverse. Une
double négociation s'ouvrit à Alençon et à Pont-de-F Archet A
Alençon, les agents du dauphin offrirent aux Anglais l'Aquitaine
avec le Poitou, une partie de la Normandie, la Flandre et l'Artois :
cette dernière offre ne leur coûtait guère ; les Anglais demandèrent
de plus la Normandie entière, la Touraine, l'Anjou et le Maine
en toute souveraineté ; puis ils finirent par dire que le dauphin,
étant mineur, n'avait pas qualité pour faire des cessions de terri-
toire. A Pont-de-r Arche, autre comédie du même genre : après
avoir bien traîné les pourparlers, les gens du roi Henri déclarèrent
aux envoyés du conseil de France que Charles VI t n'étoit pas en
état de pouvoir traiter, et qu'il n'appartenoit pas au duc de Bour-
gogne de traiter des héritages du roi de France ». (Rymer, t. IX,
p. 632-645. — Monstrelet, c. 207.) L'entremise du cardinal des
Ursins, légat du pape, n'eut aucun résultat.
Les démonstrations militaires de Jean-san&-Peur devinrent enfin
plus actives. Il emmena le roi prendre l'oriflamme à Saint-Denis,
puis le conduisit avec la reine à Beauvais, rendez-vous assigné à
l'armée. La noblesse et les milices des provinces du Nord se met-
taient en mouvement ; mais les semaines s'écoulaient lentes comme
des siècles pour les Rouennais. Us prirent une héroïque résolution:
ils résolurent de forcer le camp anglais et d'aller « quérir » le doc
Jean et son host pour les obliger à venir donner bataille. Dix mille
combattants, munis de vivres pour deux jours, s'apprêtèrent à
a saillir sur le logis » du roi anglais; mais à peine deux miOe
étaient-ils sortis par une des portes de la ville que le pont du
château, sur lequel les autres bataillons commençaient à défiler,
rompit et croula dans le fossé avec tout ce qu'il portait. Les deux
mille hommes de l'avant-garde, qui avaient déjà entamé vigou-
reusement l'attaque des lignes anglaises, furent obligés de battre
en retraite et de rentrer en ville par une autre porte. Les bour-
geois soupçonnèrent le gouverneur de la ville. Gui Le Bouteiller,
1. Les ambassadeurs anglais prétendirent ne pas savoir le français, et exigèrenl
que les conférences se tinssent en latin. Les Rouennais, malgré leur haine pour
les Armagnacs, avaient réclamé le secoars du dauphin.
[UISJ HÉROÏSME DES ROUENNAIS. 49
^entilboanne normand, d'avoir fait scier les « estaches » (les piles)
(jui soutenaient le pont. Leur défiance, trop fondée à Tégard du
gouverneur, s*étendit sur tous les nobles et les gens d*armes de
la garnison , et ces discordes mirent le comble aux misères de
Rouen.
Quatre gentilshommes et quatre bourgeois rouennais réussirent
à s'échapper et à gagner Beauvais, € pour signifier au roi et à son
conseil le misérable état de leur ville ; lesquels dirent comment,
de l'entrée d'oôtobre, ils étoient contraints de manger chevaux,
chiens, chats, souris, rats et autres choses non appartenante
créature humaine, et comment plusieurs milliers de gens étoient
déjà morts de faim ; avec ce, qu'ils avoient déjà bouté hors de la
ville bien douze mille pauvres gens, hommes, femmes et enfants,
desquels la plus grande partie étoient morts dedans les fossés
bien piteusement^ ». L'impitoyable Henri V avait refusé le passage
à ces infortunés, qui étaient restés enfermés entre le camp et les
remparts. Les fossés de la ville, leur seul abri, présentaient un
horrible spectacle : de pâles fantômes desséchés par la faim, gre-
lottant de froid, trempés de pluie, s'y traînaient parmi les cadavres
dont ils allaient bientôt accroître le nombre ; de jeunes enfants
erraient, implorant du pain avec des cris déchirants, près des
corps de leurs parents expirés ; des femmes enceintes accouchaient
sans secours, et les « bonnes gens pitoyables » de la ville tiraient
les nouveau-nés dans des paniers pour les faire baptiser, et « après
les rendoient aux mères » pour mourir avec elles 3.
Les huit députés répétèrent pour la dernière fois le « cri de
haro » et la sommation adressée au roi et au duc par le vieux
prêtre. Le conseil royal répondit que la puissance du roi n'était
pas encore assez grande pour faire lever le siège, mais que Rouen
serait secouru < en dedans » le quatrième jour après Noël. On était
à la mi-décembre. Malgré les souffrances inouïes qu'ils éprou-
vaient depuis plus dç deux mois, les Rouennais, encouragés par
quelques généreux citoyens, dont le plus influent était Alain
Blanchard, se résignèrent à attendre quinze jours encore, quinze
1. Monstrelet. — Lefèvre de Saint-Reini dit vingt mille.
2. Konstrelet, c. 208. — Chrouiq, anglaise en vers, citée par Chéiiiel, Hist. de
Rouen tout le$ Anglais,
VI. 4
50 GUERRES DES ANGLAIS. [141S-U19J
jours d'agonie ! Ce terme expiré, au lieu d'une année libératrice,
ils ne virent arriver qu'un messager du duc de Bourgogne, qui
les invitait « à traiter pour leur salvation avec le roi d'Angleterre,
du mieux qu'ils pourroient ». Jean sans Peur, dont le surnom
n'était plus qu'une dérision sanglante, avait senti le cœur lui faillir
au moment où le sort lui offrait l'occasion de racheter ses crimes;
il avait jugé Yhost de France insuffisant pour attaquer les Anglais,
et il venait de donner congé à ses gens d'armes, sans qu'un élan
d'indignation nationale le forçât à révoquer cet ordre. Un morne
découragement glaçait tous les cœurs; peuple et soldats n'avaient
plus confiance dans le duc Jean ni dans personne.
Les bourgeois et la garnison de Rouen, la désolation dans l'âme,
dépéchèrent six députés, deux clercs, deux nobles et deux bour-
geois vers le roi anglais; mais Henri Y ne voulut rien entendre
« si tous les hommes de la ville ne se mettoient en sa volonté ».
On ne savait que trop quelle était la miséricorde de Henri V envers
les villes qui se rendaient à discrétion! Quand la € communauté»
de Rouen connut cette réponse, tous s'écrièrent que € mieux valoit
niourir tous ensemble en combattant leurs ennemis, qu'eux mettre
en la volonté d'icelui roi, et furent d'opinion de mettre un pan
de mur sur étais par devers la ville, et après de s'armer et mettre
tous ensemble hommes, femmes et enfants, de bouter le feu en
la ville, d'abattre ledit pan de mur es fossés et de s'en aller par
nuit où Dieu les voudroit conduire ». Henri V, averti du dessein
des Rouennais, craignit leur redoutable désespoir : il fit rappeler
leurs ambassadeurs et leur accorda une capitulation (13 janvier
1419). Les nobles et bourgeois de la cité et ch&teau de Rouen s'en-
gagèrent à payer au roi anglais une rançon de 300,000 écus d'or
de France ou 600,000 nobles d'Angleterre. Henri Y accorda aux
habitants qui lui prêteraient serment la conservation de leurs
biens et héritages ; les gens d'armes de la garnison eurent liberté
de s'en aller à pied et sans armes, à condition de ne pas porter
les armes d'un an contre les Anglais. La ville conservait les fran*
chises et libertés que lui avaient octroyées les anciens rois d*An«
gleterre, ducs de Normandie, et les rois de France antérieurs à
r « usurpateur » Philippe de Valois. Henri V réservait à sa discré*
tion sept personnes exceptées de l'amnistie : c'était Robert Delivet,
[1419] CBUTE DE ROUEN. ALAIN BLANCHARD. 51
vicaire général de l'archevêque de Rouen, prêtre intrépide et
patriote, qui avait, du haut des remparts, lancé les foudres de
Texconmiunication sur le conquérant étranger; c'étaient le bailli
d'Houdetot, ternaire Jean Segneult, Alain Blanchard, capitaine
des arbalétriers, le héros de la bourgeoisie rouennaise^, et trois
autres. Les députés rouennais se soumirent tristement à cette
dure condition. Us demandèrent encore six jours avant de livrer
la ville : ils ne pouvaient se résigner à l'idée de leur abandon.
Les six jours s'écoulèrent comme les six mois qui les avaient
précédés : on ne vit point apparaître d'armée royale pour délivrer
Rouen, et, le 19 janvier à midi, les Anglîiis réclamèrent l'exécution
de la foi jurée. Conformément à la capitulation, l'on avait nettoyé
les rues des cadavres qui les infectaient et fait rentrer en ville les
derniers survivants entre les malheureux morts de faim dans les
fossés, afin de ne point assombrir par ces hideux tableaux la
joyeuse entrée du roi « de France et d'Angleterre » dans sa bonne
ville. Henri y entra dans Rouen en grand triomphe et < boban »,
au son de toutes les cloches. < La ville de Rouen avoit été en
l'obéissance des rois de France depuis l'espace de deux cent quinze
ans que le roi Philippe le Conquérant l'avoit conquise sur le roi
Jehan d'Angleterre. » Le clergé conduisit le roi en chantant à la
grande égUse cathédrale de Notre-Dame, et les habitants lui jurè-
rent foi et obéissance. Beaucoup de bourgeois cependant partirent
avec la garnison, n'emportant que leurs habits et « deux sous »
chacun, plutôt que de devenir Anglais.
Henri V n'immola qu'une seule des sept victimes qui devaient
expier ce qu'il nommait la rébellion de Rouen. Le bailli, le maire
et le vicaire général se rachetèrent à force d'argent. Alain Blan-
chard, pauvre et le plus redouté de tous, paya pour la cité entière
et monta fièrement à l'échafaud sans s'abaisser à d'inutiles prières.
Pendant que la tête de l'intrépide capitaine du peuple tombait
sous la hache anglaise, le gouverneur de la ville, Gui Le Bouteiller,
se c rendoit Anglois » et prêtait serment au roi Henri, confirmant
1. V. U capitulation dans Rymer, U IX, p. 664-667. — C'est Konstrelet, entre
nos chroniqueurs» qui a donné le plus de détails sur le siège de Rouen, l.I,c. 202,
203, 207, 208, 209. — v. surtout Chéruel, Rouen tous Us Anglais, ouvrage plein
de recherches intéressantes et consciencieuses.
52 GUERRES DES ANGLAIS. [I4I9]
ainsi les soupçons de trahison qui s'étaient élevés contre lui du-
rant le siège. Henri V le combla de biens et lui laissa le comman-
dement de la ville sous le duc de Glocester. Quelque temps après,
« aucuns des notables bourgeois de la ville se fièrent en lui, et lui
dirent que, s'il vouloit leur aider, ils remettroient Rouen en la
main du roi; et messire Gui fit semblant d'eux vouloir aider, et
puis le dit au roi Henri, et par ce y eut plusieurs notables bour-
geois de Rouen qui eurent les têtes coupées* ».
La chute de Rouen fit tomber toutes les places de Normandie
qui tenaient encore ; elles se rendirent saos coup férir, et la croix
blanche de France dispanit devant la « vermeille croix » d'Angle-
terre dans toute l'étendue de cette belle province. Les avant-postes
anglais vinrent s'établir à Vernon et à Manies. Henri V signa une
double trêve de quelques semaines (février-avril) avec les Bour-
guignons et les Dauphinois, pour organiser à loisir sa conquête*,
faire reposer son armée, rétablir ses finances, partager les fruits
de sa victoire aux clercs qui l'avaient aidé de leur argent, aux
soldats qui l'avaient aidé de leurs armes'. Il avait à sa disposition
un grand nombre de biens vacants non-seulement par confisca-
tion, mais par abandon volontaire : dans chaque ville, dans chaque
canton, des clercs abandonnaient leurs bénéfices, des nobles leurs
fiefs, des bourgeois leurs hérifages, pour ne pas prêter serment
aux Anglais. On vit, entre autres, « une jeune dame, fille au sei-
gneur de La Rivière et veuve du sire de La Roche-Guyon, mieux
aimer s'en aller dénuée de tous biens, avec ses trois enfants, que
de rendre hommage au roi d'outre-mer et de se mettre es mains
des anciens ennemis du royaume » ( Juvénal). Henri V donna le
fief de La Roche-Guyon au traître Gui Le Bouteiller, que cette
généreuse femme avait refusé d'épouser pour conserver ses biens.
La haine de la domination étrangère et le sentiment de la natio-
nalilé avaient grandi simultanément depuis l'origine des guerres
1. Pierre de Fenin; collect. Michaud, t. H, p. 595-597.
2. Il établit en Normandie l'unité des poids et mesures. Rymer, t. IX» p. 691.
3. II donna le comté d'Harcourt et la seigneurie de Lillebonne à son oncle le
duc d'Exeter; la seigneurie de Graville au Hennuyer Robersart; le comté de
Tancarville au lord Grey, et, un peu plus tard, le comté du Perche aa comte de
Salisbury, etc., etc. Les évéques et les clercs anglais reçurent une foale de béné-
fices, — V, Cbéruel, Rouen tout les Anglaii,
Cf4l9] LA NORMANDIE AUX ANGLAIS. 53
contre les Anglais, et les misères du règne de Charles VI sem-
blaient avoir autant contribué que les succès de Charles V à déve-
lopper le patriotisme chez les âmes d'élite : il brillait d'une plus
vive lumière parmi les malheurs publics ; mais on pouvait craindre
que ce ne fût comme le flambeau qui se ravive un moment avant
d'expirer !
La France pouvait encore être sauvée si la ruine de Rouen
amenait enfin entre les factions le rapprochement qui n'avait pu
s'opérer pour le salut de la malheureuse cité. Les parlements
rivaux de Paris et de Poitiers se prononcèrent également pour
une transaction. La clameur publique devint si forte que les con-
seillers du dauphin n'osèrent le dissuader de consentir, le 14 mai,
une trêve de trois mois avec les Bourguignons. Juvénal prétend
même que les Dauphinois demandèrent une trêve de trois ans,
et que ce fut Jean-sans-Peur qui s'y refusa, parce qu'il voulait
d'abord essayer de traiter avec le roi d'Angleterre. Le duc et la
reine, en effet, avaient repris les négociations avec Henri V, et
des conférences s'ouvrirent à Meulan, le 29 mai, entre le roi
anglais, Isabeau et le duc Jean. Isabeau amena avec elle sa fille
Catherine, belle et gracieuse personne de dix-neuf ans, pour
tâcher d'amollir le cœur du conquérant; mais rien ne pouvait
fléchir cetle volonté de fer. Quoique Henri fût « moult désireux
d'avoir la dite princesse en mariage... il demeura fier et superbe
comme un lion » : il exigeait, pour renoncer à ses prétendus droits
sur la couronne de France, non plus seulement l'Aquitaine et la
Normandie entières avec le Ponthieu, mais l'Anjou, la Touraine
et le Maine et la suzeraineté de la Bretagne, c'est-à-dire tout ce
qu'avaient possédé les Plantagenêts au douzième siècle, mais en
souveraineté et non plus en fief; encore n'est-il pas sûr qu'il
voulût sincèrement traiter à ce prix. (Rymer, t. IX, p. 762, 763.)
Le succès avait fini par enivrer cette tête froide et calculatrice * ;
l'orgueil anglais ne pouvait plus se contenir, et Henri finit par
s'affranchir des égards qu'il s'était imposés jusqu'alors envers le
1. La conquête de la France ne lui suffisait pas : il songeait It étendre Tinfluence
anglaise en Italie, en faisant adopter son frère Bedford par la reine de Napics; les
Anglais eussent occupé les ports de Brindes et de Reggio. (Rymer, t. IX, p. 701-705.)
n pensait à la recouvrance de la Terre Sainte.
54 GUERRES DES ANGLAIS. C1419]
duc de Bourgogne. Après diverses entrevues renouvelées de se-
maine en semaine dans le cours du mois de juin, le roi d'Angle-
terre, « voyant que pas ne lui seroient accordées ses demandes,
dit au duc de Bourgogne : — Beau cousin, nous voulons que vous
sachiez que nous aurons la fille à votre roi et tout ce qu'avons
demandé avec elle, ou nous le débouterons, et vous aussi, hors
de son royaume. — Auxquelles paroles ledit duc répondit : — Sire,
vous dites votre plaisir; mais, devant que vous ayez débouté mon-
seigneur et nous hors de son royaume, vous serez bien lassé! i
Sur ces paroles, ils prirent congé l'un de Fautre, et tout fut
rompu (30 juin). L'amour-propre blessé réveilla dans l'âme flétrie
du duc Jean un reste d'attachement à son pays et à sa famille; il
se retourna franchement du côté du dauphin. Les principaux
chefs dauphinois, Tannegui Duchâtel et Barbasan, craignant l'is-
sue des pourparlers qui pouvaient réunir contre eux Anglais et
Bourguignons, étaient accourus à Pontoise pour tâcher de rompre
les conférences de Meulau. Jean- sans -Peur conclut avec eux
aussitôt après sa rupture avec Henri V. Les deux partis n'appor-
tèrent malheureusement pas la môme sincérité dans cette récon-
ciliation, due en grande partie à l'influence d'une fenune d'esprit
et d'intrigue, madame de Giac, dame d'honneur de la reine et
maîtresse du duc Jean.
Le 11 juillet, le dauphin et le duc Jean, partis le premier de
Tours, le second de Pontoise, se rencontrèrent, comme on était
convenu, sur le « ponceau » (petit pont) de Pouilli-le-Fort, à une
lieue de Melun. A deux traits d'arc, ils firent arrêter leurs escortes,
descendirent de cheval et s'avancèrent l'un vers l'autre, chacun
avec dix compagnons seulement. « Le duc de Bourgogne, appro-
chant le dauphin, s'inclina moult humblement par plusieurs fois.
Le dauphin pritpar la main le duc, qui étoit à genoux, et le baisa,
et le fit lever. — Beau cousin, dit-il, si, au traité fait entre vous et
nous, est aucune chose qui ne soit à votre plaisir, nous voulons
que vous le corrigiez, et désormais en avant voulons et voudrons
ce que voulez et voudrez; de ce ne soyez en doute!
« Finablement, après plusieurs paroles, les deux princes, et
aucuns de leurs gens là étant, jurèrent, sur leur part de paradis,
en la main du révérend père en Dieu Alain, évoque de Léon en
ri4t9] TRAITÉ DE POUILLI. 55
Bretagne, légat du saint-siége apostolique, la paix à entretenir
perdurablement Tun avec l'autre ; se soumettant, pour les choses
dessus dites, à la correction de notre mère sainte Église et de
notre saint-père le pape, pai- voie de solennelle excommunica-
tion; pourquoi s'assemblèrent leurs gens tous ensemble, criant
Nùèl, et maudissant tous ceux qui jamais porteroient armes pour
si damnable querelle. » On se sépara très amicalement, < après
s'être entrepromis de mettre toute peine à chasser le roi Henri
d'Angleterre hors de France ». Le dauphin s'en retourna en Tou-
raine et en Poitou pour y faire cesser la guerre civile ; le duc Jean
partit pour Pontoise, d'où il ramena le roi et la reine à Saint-
Denis. (Honstrelet, c. 213.)
c A la nouvelle d'icelle paix, tout le pauvre peuple de France
démena grand liesse : on fit des feux de joie par les carrefours de
toutes les bonnes villes, et par spécial dans la ville de Paris, et les
gens d'armes des deux parties commencèrent de faire conjointe-
ment rude guerre aux Anglois. » Une déclaration du roi , du
19 juillet, abolit toutes les condamnations et confiscations pro-
noncées à l'occasion des discordes civiles, ordonna la cessation
de toutes guerres, fors contre les Anglais, et l'envoi de toutes les
garnisons des deux partis « sur la frontière des Anglois », appela
le dauphin et le duc de Bourgogne à siéger ensemble au conseil,
et réunit au parlement de Paris les membres dissidents de Poi-
tiers; bref, semblait-il que la France dût être bientôt « en grande
union et concorde ». Un tragique événement, présage de nouvelles
calamités, troubla cette joie prématurée : le 29 juillet, jour auquel
expirait la trêve avec Henri V, trois mille Anglo-Gascons, ayant
à leur tête le captai de Buch, frère du comte de Foix, surprirent
par escalade et mirent à feu et à sang la ville de Pontoise, où
commandait le maréchal de l'Ile-Adam. Ce capitaine bourgui-
gnon, après avoir inutilement tenté de réparer sa négligence et
de chasser l'ennemi, évacua la ville, laissant au pouvoir des Anglais
la meilleure partie des trésors qu'il avait amassés à Paris parmi
les massacres et les pillages de 1 418. Un grand nombre des habi-
tants de Pontoise furent égorgés; le reste se sauva jusqu'à Paris,
où l'arrivée de ces malheureux fugitifs répandit l'épouvante. La
cour délogea au plus vite de Saint-Denis, et le duc de Bourgogne
56 GUERRES DES ANGLAIS. 0419]
emmena le roi et la reine à Troies pom* les éloigner du théâtre de
la guerre. Celle rctraile excila une vive femienlation dans Paris,
que la cour avait évité de traverser en gagnant la route de Troies.
Les Parisiens reprochaient au duc Jean de n'avoir rien fait pour
sauver ou recouvrer Ponloise, quoiqu'il eût force gens d'armes
autour de lui , et ils se demandaient avec anxiété si le duc les
abandonnait à la merci des Anglais. Jean, depuis les effroyables
scènes de l'année précédente, montrait une extrême répugnance
pour le séjour de Paris : il rassura faiblement les Parisiens en leur
envoyant pour gouverneur son neveu le comte de Saint-PoP,
enfant de quinze ans. (Journal du Bourgeois de Paris.) Les Anglais
vinrent courir, le 9 août, jusqu'aux portes de Paris, d'où ils se
rabattirent sur les petites places du Vexin et du Beauvaisis.
Malgré la pacification de Pouilli et la déclaration royale du
19 juillet, les deux parlements n'avaient pas encore efiectué leur
réunion, et le dauphin n'était pas revenu siéger au grand conseil :
ceux qui le gouvernaient, Tannegui, le vicomte de Narbomie, le
président Louvet, le chancelier Le Maçon, le retenaient encore
loin de la cour; cependant les prétextes leur manquaient, et ces
hommes, dont la guerre civile avait fait la fortune, voyaient avec
angoisse la fin imminente de leur grandeur : ils se fiaient peu
d'ailleurs au pardon du duc de Bourgogne, et savaient que Jean-
sans-Peur n'oubliait guère. La catastrophe de Pontoise, l'agitation
de Paris, la déconsidération croissante du duc Jean les encoura-
gèrent à tout oser. Autour du dauphin se trama un noir complot
conçu peut-être de longue main ; tous les chefs dauphinois n'y
trempèrent point, et l'on n'a jamais bien su si le jeune prince
lui-même y avait été complètement initié : son esprit à la fois
malléable et soupçonneux le mettait entièrement à la discrétion
de ses conseillers, bien que son tempérament fût peu porté aux
actes de violence.
Le duc Jean élait arrivé à Troies le 10 août avec le roi et la
reine. Tannegui et deux autres des gens du dauphin vinrent l'in-
1. Philippe de Bourgogne, second fils da feu duc Antoine de Brabaot, tué à
Azincourt : le comté de Saint>Pol avait passé de la maison de Luxembourg dans
la brunche de Bourgogne-Brabanl, par le mariage du duc Antoine avec Phéritière
àt ce comté.
ri4l9] JEAN-SANS-PEUR ET LE DAUPHIN. 57
viter de la part de leur maître à une seconde entrevue, afin de
délibérer ensemble « sur grandes affaires touchant la réparation
du royaume j». Le lieu du rendez-vous proposé était Montereau
Faut-Yonne *. Le dauphin s'y trouvait déjà avec un nombreux
corps d'armée amené des provinces de la Loire. Le duc Jean
refusa > : il estimait plus « expédient » que le dauphin Charles se
rendit à Troies près de son père et de sa mère. Tannegui repartit
pour Montereau, puis revint faire de nouvelles instances. Le duc
céda et s'avança, avec Tannegui, de Troies jusqu'à Brai-sur-Seine,
à peu de distance de Montereau. Arrivé à Brai, il s'arrôla et resta
là quelques jours sans vouloir passer outre : il était agité de pres-
sentiments sinistres; le pacte du il juillet ne le rassurait pas : il
avait si bien enseigné aux autres comment on violait les serments
les plus saints! Le conseil du dauphin lui dépécha l'évêque de
Valence, qui, étranger au complot, combattit les soupçons du
duc avec un accent de sincérité auquel se rendit Jean-sans-Peur.
On convint que le duc aurait le château de Montereau pour logis,
que le dauphin aurait la ville et que la conférence se tiendrait sur
le pont de l'Yonne, qui joint la ville au château. « Sur le pont
durent être faites barrières, et au milieu une manière de parc
(ou de loge) bien fermé , où il y auroit une entrée du côté du
château et une autre du côté de la ville; à chacune desquelles
entrées seroit un huis (porte) qui se fermeroit et garderoit par
les gens de chacun des deux princes. » Le dauphin et le duc Jean
devaient entrer dans la loge chacun avec dix compagnons. Contre
l'usage accoutumé en ce temps de défiance et de trahisons , les
Dauphinois, qui construisirent la loge, n'établirent point de bar-
rière entre les deux partis dans l'intérieur.
Les avis ne manquèrent point au duc de Bourgogne : ses plus
fidèles serviteurs le détournaient de se fier aux gens du dauphin.
Un juif de sa suite, astrologue sans doute, lui conseilla fort de ne
point aller à Montereau, en lui disant que, « s'il y alloit, jamais
n'en retourneroit * ; mais la dame de Giac, « amie » de Jean,
c laquelle il aimoit et croyoit moult », et Philippe Jossequin,
1. Ob fault-Yonne, oU l'Yonne finit en se jetanl dans la Seine.>
2. Suivant Juvénal des Ursins, il accepta, promit de venir le 26 août, et ne
Tint pas.
^S GUERRES DES ANGLAIS. ri4l9]
favori du duc, soit qu'ils trahissent le duc, soit qu'ils fussent
déçus eux-mêmes, décidèrent Jean-sans-Peur. Le. duc partit de
Brai-sur-Seine le dimanche 10 septembre, avec Charles de Bour-
bon, comte de Clermont, plusieurs autres seigneurs, cinq cents
lances et deux cents archers. Comme il approchait de Honterean,
trois de ses chevaliers, revenant de la ville, accoururent vers lui
et le prévinrent « que les barrières étoient moult avantageuses
pour le parti du dauphin » et que des gens de guerre étaient
cachés dans les maisons les plus voisines du pont. Le sire de Giac,
mari de la maîtresse du duc, offrit d'aller à la découverte : il
rapporta n'avoir rien trouvé d'alarmant. « Adonc iron&-nous, dit
le duc; convenable est d'aventurer et hasarder notre personne
pour si grand bien comme pour paix, et, quoi qu'il advienne,
paix voulons-nous. » Il ajouta, dit-on, que son intention était,
< la paix faite et bien faite, de prendre avec lui les gens de mon-
seigneur le dauphin , lequel avoit de vaillants et sages hommes
de guerre, et que Hannotin (Jeannot) de Flandre oseroit bien
combattre pour lors Henri de Lancastre...; qu'au demeurant,
si on le tuoit en allant à ladite entrevue, il se tiendroit pour
martyr ».
Vers trois heures de l'après-midi , le duc descendit au château
de Montereau, et, laissant ses gens d'armes à la porte qui regar-
dait la ville, il s'avança, suivi de neuf seigneurs et d'un secrétaire,
sur le pont où l'attendait le dauphin. Le duc et ses compagnons,
suivant les conventions arrêtées, ne portaient que la cotte et l'épée.
Jcan-sans-Peur en lit l'observation à Tannegui Duchâtel et à un
autre Dauphinois, qui le vinrent recevoir aux barrières avec des
haches à leur ceinture; néanmoins il passa outre, en frappant sur
l'épaule de Tannegui et disant à sa suite : < Véez-ci en qui je me
fie! — Vous avez bien tardé! » répondirent les Dauphinois; et ils
l'introduisirent précipitamment dans la loge, lui et le seigneur de
Noailles , un des frères du comte de Foix. Les autres seigneurs
bourguignons étaient un peu en arrière.
Les barrières furent refermées derrière eux. Ce qui se passa
ensuite a été rapporté très diversement par les deux partis. Sui-
vant les Bourguignons, le duc aborda le dauphin en ôtant son
aumusse (chaperon à longues bandes) de velours noir et en fié-
Cf4t93 MEURTRE DE JEAN-SANS-PEUR. 59
chissant le genou : « Monseigneur, lui dit-il, je suis venu à votre
mandement. Vous savez la désolation de ce royaume, votre do-
maine à venir; entendez à la réparation d'icelui. Quant à moi, je
suis prêt d'y exposer le corps et les biens de moi et de mes vas-
saux, sujets et alliés. — Beau cousin, répliqua le dauphin, vous
dites si bien que Ton ne pourroit mieux; levez- vous et vous
couvrez*. »
Un signe fut alors, dit-on, échangé entre le dauphin et Tan-
negui, qui s'écria : < Il est temps! » Et, à l'instant où le duc se
releva, Tannegui < le férit si roidement d'une hache parmi le
visage que le duc chut à genoux ». Le duc mit la main à son épée
et fit un effort pour se relever; mais le vicomte de Narbonne et
les autres chevaliers du dauphin, qui étaient tous « annés à blanc »
sous leurs robes 2, se ruèrent sur Jean et « l'abattirent à terre
comme mort ». Un nommé Olivier Layet l'acheva en lui « boutant
une épée par-dessous son haubergeon tout dedans le ventre ». Le
sire de Noailles tomba au même instant, la tète fendue par der-
rière d'un coup de hache. Les autres Bourguignons accoururent
trop tard : les soldats dauphinois, embusqués près de l'extrémité
du pont donnant sur la ville , s'étaient élancés en foule par la
barrière demeurée ouverte de ce côté, tandis que l'autre barrière,
du côté du château, avait été fermée, suivant les conventions,
pour empêcher les gens d'armes bourguignons d'avancer. Un
seul des dix compagnons du duc Jean s'échappa; tous les autres
forent tués ou pris. Quant au dauphin, il avait été emmené par le
président Louvet dès le commencement du tumulte.
Tel est le récit bourguignon. Les Dauphinois prétendirent au
contraire qu'il n'y avait point eu d'embûche ni « d'aguet ». Le
dauphin, suivant eux, parla le premier et exhorta le duc Jean à
s'unir franchement à lui contre les Anglais. Le duc lui répondit
« qu'on ne pourroit rien aviser ou faire, sinon en la présence du
roi son père, et qu'il falloit qu'il y vînt. — J'irai devers monsei-
1. Monstrelet dit toutefois qae le dauphin ne montra « aucun semblant d'amour
aa duc Jehan », et lui reprocha d'avoir mal tenu sa promesse touchant la cessation
de la guerre civile (1. 1, c. 220).
2. Juvénal prétend que les compagnons des deux princes furent visités des deux
parts, et « n*avoient pas plus les uns que les autres de harnois ou armures».
Collect. Michaud, t. Il, p. 553.
60 GUERRES DES ANGLAIS. 0419]
gneur mon père, reprit le dauphin, quand bon me semblera, et
non mie à votre volonté. » Le sire de Noailles alors aurait porté
une main sur son épée et étendu Tautre comme pour saisir le
dauphin, en disant : < Monseigneur, vous viendrez à présenti
votre père ! » Tannegui prit le dauphin dans ses bras et remporta
hors du < parc », tandis que le vicomte de Narbonne, Robert de
Loire, Guillaume Bouteiller et Frotlier < frappoient sur le duc et
sur Noailles ». — Tu as coupé le poing à mon maître, s'éma Bou-
teiller, ancien serviteur du feu duc d*Orléans, «je le couperai le
tien ! » Les détails mêmes de la version des Dauphinois, telle que
la rapporte Juvénal, prouvent ce qu'ils voudraient nier, la pré-
méditation du meurtre ^ «Les conseillers du dauphin, ditMons-
trelet, avoient, depuis grand espace de temps, promis et juré
entre eux de mener à Tm cette besogne, et ils Teussent achevée
dès la première assemblée des princes auprès de Pouilli-le-Port;
mais lors fut délaissé, pour ce que le duc de Bourgogne avoit trop
grand'puissance de gens d*armes. » Cette fois, Tescorte de Jean
était bien inférieure au corps d'armée qu'avait amené le dauphin.
L*escorte bourguignonne s'enfuit du côté de Brai, poursuivie,
l'épée dans les reins, par les Dauphinois; le détachement qui
occupait le château de Montcreau se rendit, faute de vivres et
d'artillerie. Le jeune comte de Clerinont, le sire de Giac et Philippe
Jossequin prêtèrent serment au dauphin et demeurèrent avec lui,
ainsi que la dame de Giac, ce qu'on interpréta généralement
comme un aveu de leur complicité >. Tous les autres prisonniers
déclarèrent qu'ils aimeraient mieux mourir que de suivre cet
exemple : on les mit à rançon, excepté l'amiral Charles de Lens,
qui fut mis à mort.
Ainsi finit Jean-sans-Peur, par une trahison aussi noire que
celle dont il avait lui-même donné l'exemple, douze ans aupara-
vant, envers le duc d'Orléans. Les conséquences en devaient être
plus terribles encore ; chacun des grands forfaits qui se succé-
1. v. VHist, des Dues de Bourgogne, t. IV» p. 445-467, 4« édit. 1826. M. de
Barante a recueilli el fondu dans son récii tous les témoignages.
2. Peut-être madame de Giac et Jossequin craignirent-ils seulement que les
Tengeurs du prince assassiné ne punissent le résultat plutôt que l'inlentioD de leurt
conseils. L'historien dauphinois Le Bouvier, dit Berri, afflruie leur innoceoce.
rt4l9] SOULÈVEMENT DE L'OPINION. ' 61
daicnt périodiquement depuis ravénement de Charles VI enfon-
çait la France plus avant dans l'abîme : la France venait d'être
assassinée, pour ainsi dire, avec le duc de Bourgogne!
Les assassins de Jean-sans-Peur ne surent pas même recueillir
le prix du sang : la chaleur de l'action une fois tombée, ils mon-
trèrent ce trouble et cette incohérence qui suivent le plus souvent
le crime ; ils entendirent parmi leurs propres amis, dans le con-
seil même du dauphin, des paroles de réprobation et d'horreur :
le brave et loyal Barbasan , qui avait pourtant été l'ami du duc
d'Orléans et de Bernard d'Armagnac, disait hautement «que
mieux voudroit avoir été mort que d*avoir été à celte journée,
bien qu'il fût innocent » (Monstrelet). Les conseillers du dauphin,
au lieu de diriger sur Troies les forces dont ils pouvaient disposer
afin de se saisir de la personne du roi, perdirent plusieurs jours
à Hontereau et écrivirent au lieu d'agir. Le lendemain du meurtre,
ils dépêchèrent à Paris, Reims, Châlons, Troies et autres bonnes
villes des lettres où ils faisaient dire au dauphin que le duc,
durant leur entrevue, lui avait répondu de « folles paroles »... Il
a « cherché son épée pour envahir et vilener (outrager) notre per-
sonne, laquelle, comme après nous avons su, il prétendoit mettre
en sa sujétion ;... mais, par sa folie, mourut en la place* ».
Un cri général d'épouvante et d'indignation s'éleva dans les
bonnes villes à la réception de ces sinistres missives. Les lettres
du sire de Montagu, le seul des dix compagnons de Jean-sans-Peur
qui eût échappé aux Dauphinois, arrivèrent en même temps que
celles du dauphin; elles obtinrent beaucoup plus de créance. Dès
le 12 septembre, surlendemain de l'assassinat, le chancelier de
France Eustache de Laictre et le jeune comte de Saint-Pol, Phi-
lippe de Bourgogne-Brabant, neveu du feu duc et capitaine de
Paris, assemblèrent en la chambre de parlement le prévôt royal,
le prévôt des marchands et tous les conseillers et officiers du roi
présents à Paris, < avec grand'quantité de nobles et de bourgeois
et grand'multitude de peuple » : ils reçurent d'eux le serment
« de résister de corps et de toute puissance à l'entreprise des cri-
mineux infracteurs de la paix , et de poursuivre la vengeance et
1. v. les lettres dans Monsireiet, 1. 1, c. 222.
62 GUERRES DES ANGLAIS. Ci4l9]
réparation contre les coupables de la mort et homicide du feu
duc de Bourgogne >. Cette délibération fut suivie de lettres de
condoléance et d'offres de service adressées à la veuve de Jean-
sans-Peur par les prévôt des marchands, échevins et bourgeois,
et par les recteur, docteurs et maîtres de Tuniversité. Plusieurs
Dauphinois, rentrés à Paris depuis la paix, furent arrêtés et quel-
ques-uns « exécutés par justice ». La reine Isabeau ne voyait dans
son fils que l'instrument d'un parti qui l'avait emprisonnée,
insultée et surtout volée à plusieurs reprises, ce qu'elle pardon-
nait moins que le reste : elle était disposée à tout plutôt que de
retomber au pouvoir des Armagnacs; elle fit écrire par le roi
« à madame de Bourgogne », pour la prier, elle et ses enfants,
< de mettre sur pied » tous leurs parents, amis et vassaux, afin
d'aider le roi à venger le duc Jean. La duchesse veuve, qui était
à Dijon, et surtout son fils Philippe, qui se trouvait en Flandre,
n'avaient pas besoin d'excilaUon : le nouveau duc Philippe, jeune
homme de vingt-deux ans, ne respirait que guerre et que ven-
geance. Il saisit la direction du parti bouipiignon d'une main
plus vigoureuse que n'était depuis longtemps celle de son père,
et, dans l'exaltation de son ressentiment, il ne connut plus d'autre
but, d'autre devoir que la punition « des trattres parjureurset
homicides » de Montereau ; il immola à sa haine famille et patrie.
Résolu à tout pour perdre le dauphin, Philippe de Boui^ogne,
après avoir obtenu des États de Flandre la promesse d'un concours
énergique et resserré son alliance avec les princes des Pays-Bas,
ses parents, et avec Paris et les autres villes bourguignonnes,
entama des négociations avec le roi d'Angleterre, qui, depuis la
surprise de Pontoise, n'avait cessé d'étendre ses conquêtes dans
le Vcxin , le Perche, le Beauvaisis et toutes les marches de Nor-
mandie. Le 17 octobre, un congrès s'ouvrit à Arras entre les
plénipotentiaires d'Angleterre et de Bourgogne. Les conférences
furent longues : jamais ambassadeurs n'avaient eu à débattre de
plus graves intérêts. Dès le 24 septembre, Henri V, prévoyant te
parti qu'il pourrait tirer du meurtre de Jean-sans-Peur, avait
donné des pleins pouvoirs à quelques-uns de « ses hommes » pour
traiter avec « Tilluslre cité de Paris et les autres villes adhérentes
à ladite cité ». (Rymcr, t. IX, p. 797.) Le 20 novembre, une trêve
tl4i9] HENRI V ET PHILIPPE LE BON. 63
particulière fut accordée par les représentants de Henri V aux
Parisiens, dont les délégués avaient été appelés à Arras, et rac-
cord définitif du duc Philippe et des Anglais fut conclu le 2 dé-
cembre. Henri V décida Philippe en menaçant d'accueillir les
propositions des Dauphinois, si les Bourguignons ne se hâtaient
de € parachever » le traité*.
Afin que « Angiois et Bourguignons fussent tous d'un môme
parti pour faire guerre mortelle au dauphin et aux siens » , Philippe
consentit à reconnaître Henri, roi d'Angleterre, comme héritier
de la couronne de France après la mort de Charles VI. Henri
devait épouser dame Catherine de France et recevoir immédiate-
ment l'administration du royaume « pour l'empêchement du roi »,
avec le € conseil des nobles et sages dudit royaume » : tous les
princes, seigneurs spirituels et temporels, cités, villes et com-
munautés seraient tenus de lui prêter serment. D'un trait de
plume, Philippe de Bourgogne livrait à l'étranger non plus telle
ou telle portion de la France, mais la France tout entière, et dés-
héritait de leurs droits à la couronne non-seulement le dauphin,
mais tous les Valois et lui-môme. On convint que ce pacte mons-
trueux serait soumis au plus tôt à l'approbation du roi, de la
reine et des États-Généraux; et, en attendant, une trêve générale,
dont les Dauphinois seuls étaient exclus, fut signée à Rouen le
24 décembre. Les Anglais osaient à peine croire à leur fortune :
le crime d'autrui leur donnait en un jour ce que n'avaient pu leur
donner tant d'années d'efforts et de victoires!
La joie avec laquelle les villes du Nord accueillirent la trêve
1. Georges Chastellain, c. 9-12. — On n'a point encore retrouvé Pensemble de
rœnvre de cet historiographe des ducs de Bourgogne, écritain si vauté de ses
contemporains et si oublié depuis. M. Buchon a publié tout ce qu'il a pu en décou-
vrir dans les bibliothèques de France et de Belgique. M. Paul Lacroix en a retrouvé
an autre fraguieut à la bibliothèque laurentieane de Florence, f. la curieuse bro-
chure de M. Lacroix sur les Manuscrits relatifs à l'histoire de France, conservés
dans les bibliothèques d'Italie, — Techener, 1839. ^~ M. Quicherat a publié en
partie ce fragment d'après un lus. d* Arras. — Chastellain, outre sa valeur histo-
rique, pourrait être l'objet d'une intéressante étude littéraire. Ce n'est pas, comme
Froitsart, un écrivain complet, représentant la perfection relative d'une certaine
époque littéraire; c'est un écrivaiu de transition. Il s'efforce d'élever à l'éloquence
abstraite des langues savantes la langue naïve de Froissart : l'instrument est rebelle
encore; la parole de Chastellain ploie et s'abat sous sa pensée; il est souvent
emphatique, surchargé, obscur ; il échoue, mais non pas sans honneur.
64 GUERRES DES ANGLAIS. [1419,UM]
avec les Anglais était un triste présage de la résignation de la
France au sort qu*on lui destinait. La haine des « faux traîtres
aimagnacs » était presque le seul sentiment que conservassent
les populations du Nord au milieu de leurs souffrances » et Jean
de Bourgogne, égorgé au moment où il voulait sincèrement rendre
la paix au pays, avait retrouvé dans la mort toute sa popularité.
Les conseillers du dauphin, informés de la réception faite à leurs
lettres, avaient perdu l'espérance de regagner le Nord et tourné
leurs efforts vers les provinces méridionales : ils envoyèrent des
renforts aux garnisons des places qu'ils conservaient dans TUe-
de-France, la Champagne et les marches de Picardie, puis ils se
hâtèrent de repasser la Loire. Dès le 27 septembre, dix-sept jours
après la catastrophe de Montereau, le dauphin était à Poitiers : il
passa le reste de Tannée dans la Touraine, l'Anjou et le Berri, se
rendit, en janvier 1420, à Lyon, qu'il maintint dans son parti, et
de là se dirigea par le Dauphiné vers le Languedoc. Ses affidés
< préchoient » et remontraient partout sur leur passage comme
quoi « le duc de Bourgogne avoit été occis en bonne et juste que-
relle ». Les contrées du centre et du Midi étaient celles où la fac-
tion bourguignonne avait toujours eu le moins de racines, et les
Dauphinois y obtinrent quelque faveur, môme dans les villes.
L'adhésion du comte de Foix aux meurtriers de son frère Noailles
leur donna une prépondérance décisive en Languedoc. Les deux
partis s'éLiient disputé l'alliance de ce puissant seigneur, en lui
offrant également le gouvernement du Languedoc : le comte,
après une assez longue hésitation, se décida et décida les États-
Généraux du pays à se rallier au dauphin (février 1420); il chassa
de la province le prince d'Orange, chef de la faction bourgui-
gnonne dans le Midi , et reçut le dauphin à Carcassonne, où les
États prêtèrent serment à ce prince. Le dauphin s'attacha Toulouse
en lui rendant cette « cour de parlement » qu'elle avait eue un
moment au treizième siècle, et en lui octroyant d'autres privi-
lèges encore. (Hist. de Languedoc, t. IV, 1. XXXIV.) Nîmes et le
Pont-Saint-Esprit furent les seules villes qui résistèrent par les
armes aux Dauphinois : un certain nombre d'habitants furent
mis à mort comme rebelles.
Les Dauphinois avaient tâché d'obtenir aussi l'appui de laBre-
[1420] JEAN DE BRETAGNE ET LES PENTHIÈVRE. 65
(agne ; mais le duc Jean VI , quoique beau-frère du dauphin ,
u'avait point voulu se départir de la neutralité. On tenta de Ten
punir par une entreprise aussi odieuse que téméraire, presque
un autre guet-apens de Montereau : le Breton Tannegui Duchàlel
excita lesPenthièvre, petits-fils de Charles de Biois et d'Olivier de
Ciisson, à reconquérir par trahison c la duché » enlevée Jadis par
force à leur aïeul paternel , et il < leur bailla mandement scellé
du scel du dauphin, pour prendre et emprisonner ledit duc ».
Jean VI ne se défiait nullement des Penthièvre qu'il venait de
c festoyer » amicalement à Nantes, et qui lui avaient depuis peu
renouvelé les serments de « féauté » les plus saints; il accepta
l'invitation d'accompagner lesPenthièvre chez leur mère, fille
d'Olivier de Clisson, au château de Chantoceaux. Au passage d'une
petite rivière, le comte de Penthièvre trouva moyen de séparer le
duc de sa suite, tandis que le sire d'Âvaugour, le plus jeune des
Penthièvre, sortait brusquement d'un bois avec quarante lances,
et signifiait au duc qu'il l'arrêtait prisonnier au nom du dau-
phin (12 février 1420). Les Penthièvre toutefois ne remirent point
leur captif aux mains du dauphin ni de ses officiers; ils l'em-
menèrent dans les fiefs qu'ils avaient en Poitou et le traînèrent
six mois durant de château en château pour cacher le lieu de sa
détention. Ils répandirent même le bruit qu'ils avaient noyé le
duc dans la Loire.
Ils avaient apparemment compté sur quelque mouvement en
Bretagne : le mouvement eut lieu; il fut universel, mais contre
eux ; tout le pays se leva en armes à la voix de la duchesse Jeanne
de France, femme forte et courageuse. Lamballe, Ghâtel-Audren,
Chantoceaux, toutes les places des Penthièvre furent assiégées et
emportées, tous leurs fiefs de Bretagne furent confisqués. Les
menaces des Penthièvre contre la vie de leur prisonnier n'ar-
rêtèrent pas la duchesse : la tête de leur mère enfermée dans
Chantoceaux répondit de la vie du duc. Le comte de Penthièvre
fut réduit à remettre Jean VI en liberté , à condition qu'il lui
restituerait ses seigneuries; mais le duc, une fois hors de péril,
ne tint point une promesse extorquée par la violence et réprouvée
par les États de Bretagne. Les États allèrent jusqu'à déclarer au
duc que^ s'il ne châtiait les traîtres, ils feraient son fils duc de
VI. 5
66 GUERRES DES ANGLAIS. [1420]
Bretagne à sa place. (Hist. de Bretagne, 1. XV, p. 540. — Mon-
strelet, c. 246.) Le perfide comte fut obligé de quitter pour tou-
jours la Bretagne et de se 'réfugier en Hainaut, où il possédait
Avesnes et d'autres seigneuries.
Pendant ce temps les événements marchaient dans le Nord :
Anglais et Bourguignons avaient réuni leurs bannières ; le duc
Philippe de Bourgogne, parti d'Arras avec un corps d'armée,
arriva le 21 mars à Troies, accompagné d'ambassadeurs anglais,
pour exposer au roi et à la reine « la paix finale et alliance » que
voulait avoir avec eux Henri d'Angleterre. Le pauvre roi Charles
« éloit content d'accorder et traiter en toutes choses selon l'opi-
nion de ceux qui étoient près de lui, fût-ce à son préjudice. Tout
lui étoit un et d'un poids », dit George Chastellain. Quant à Isa-
beau de Bavière, femme vulgaire dont les historiens modenies
ont fait un monstre en exagérant outre mesure son rôle poli-
tique, elle était incapable, et par le cœur et par l'intelligence, de
comprendre ses devoirs de reine et de régente : elle haïssait son
fils ; sa plus jeune tille Catherine était le seul de ses enfants qu'elle
aimât, autant qu'elle était capable d'aimer, parce qu'elle l'avait
toujours eue sous les yeux; elle ne demandait pas mieux que de
déshériter Charles pour faire Catherine reine. Elle fit donc con-
sentir Charles VI « à débouter son propre fils et héritier, Charles,
duc de Touraine, dauphin, en annulant la constitution jadis faite
par les rois de France, ses pères, en grande délibération, c'est à
savoir que le noble royaume de France ne devoit succéder ni
appartenir à femme ^ ; et mémement, s'il advenoit que le roi
Henri n'eût hoirs de son mariage avec madame Catherine, si
(pourtant) demeuroit-il héritier de la couronne de France au
préjudice de tous les royaux » (princes du sang). (Monstrelet,
c. 230.) Charles VI signa, le 9 avril, les préUminaires de ce
traité ; la conclusion fut différée pour quelques points secondaires
qui restaient à débattre. Le 29 du même mois, le chancelier de
France assembla le parlement, la chambre des comptes, l'univer-
sité, le chapitre de Notre-Dame, les prévôts de Paris et des mar-
1. Quand les femmes eussent été aptes k succéder & la couronne, Catherine n'j
aurait pu prétendre : elle uvait deux sœurs aînées, la duchesse de Bretagne et la
femme de Tauteur même du traité, Micbelle de France, duchesse de Bourgogne.
[14201 TRAITÉ DE TROIES. 67.
chands, le corps de ville et touS les quarteniers, cinquanteniers
et dixainiers de la bourgeoisie parisienne, et leur communiqua
les conventions de Troies.
Ce fut pour Paris une solennelle épreuve Paris n'était plus
que l'ombre de lui-même : il semblait qu'une main vengeresse
pesât sur lui; ses fureurs délirantes, suivies d'une morne lan-
gueur, ses longues et inexprimables souffrances lui avaient ôté
toute énergie : la famine était en permanence dans ses murs * :
répidémie,la disette, les proscriptions, les émigrations lui avaient
enlevé la moitié de ses citoyens, remplacés par des milliers de
paysans affamés que la guerre chassait de leurs villages, et qui
demandaient à grands cris la paix et du pain. L'élite de la haute
bourgeoisie s'était réfugiée à Poitiers avec le dauphin, ou en
Flandre chez le duc de Bourgogne. Le menu peuple était vaincu,
atterré par la misère. Paris céda; Paris abdiqua. Aucune voix ne
s'éleva contre le pacte qui frappait au cœur la nationalité fran-
çaise. Le chancelier et le premier président du parlement allèrent
porter les préliminaires à Henri V à Pontoise, el, peu de jours
après, le roi d'Angleterre prit la route de Troies à la tête d'un
corps d'armée : il passa par Saint-Denis, longea les murs de Paris
sans y entrer, puis, franchissant la Marne à Gharenton, il se
dirigea par Provins sur Troies, où il arriva le 20 mai, sans
que les garnisons dauphinoises eussent essayé de lui fermer le
passage.
Le lendemain, fut signé défmitivement, dans l'église de Saint-
Jean, le trop fameux traité de Troies. Henri V, en prenant le
titre de « régent et héritier de France», s'obligeait de maintenir
la juridiction du parlement, les franchises et privilèges des paii's,
des nobles, des villes, « communautés et singulières personnes »,
et toutes les lois et coutumes du royaume. Il promit en outre,
clause vraiment dérisoire, « de labourer de tout son pouvoir à
remettre en l'obéissance du roi les villes, cités, châteaux, lieux,
pays et personnes désobéissants et rebelles au roi, étant de la
1. i;. le Journal du Bourgeois de Paris t ann. 1418, 1419, 1420, sur le prix
excessif des denrées, du bois, de toutes les choses nécessaires k la vie; Paris était
tenu en état de blocus permanent par les Armagnacs de Meaux et de Melun et par
les Anglais de Meulau et de Pontoise.
68 GUERRES DES ANGLAIS. ci420]
partie vulgairement appelée du dauphin et d'Armtgnac:^. On sti-
pula que le duché de Normandie et les autres lieux conquis par
Henri V seraient réunis à la monarchie de France, lorsque Henri V
parviendrait à la couronne; Henri devrait à cette époque, afin
d'éviter le renouvellement des vieilles discordes de la France et
de l'Angleterre, « labourer de tout son pouvoir pour que, de l'avis
et consentement des Trois Étals desdits royaumes, les deux cou-
ronnes de France et d'Angleterre à toujours demeurassent en-
semble et fussent en une même personne, savoir celle dudit roi
Henri, et delà en avant es personnes de ses hoirs, les deux
royaumes gardant toutefois chacun ses droits, libertés, coutumes,
usages et lois, sans être aucunement soumis l'un à l'autre ». Enfin,
« considéré les horribles et énormes crimes et délits perpétrés par
Charles, soi-disant dauphin de Viennois », Charles VI, Henri V et
le duc de Bourgogne terminaient le traité par l'engagement réci-
proque de ne point transiger avec «ledit Charles», sinon du
consentement de tous trois , ainsi que des Trois États des deux
royaumes de France et d'Angleterre ^
La monarchie française avait suivi une marche ascendante de
Louis le Gros à Philippe le Bel; elle redescendait depuis un siècle:
la voici arrivée au dernier terme de sa décadence, suspendue
quelques années par .Charles V ; la voici absorbée par une dy-
nastie étrangère naguère encore sa vassale, au mépris des tradi-
tions cl des lois par lesquelles le génie de la France avait voulu
garantir l'indépendance nationale. Les Plantagenéts anglais du
quinzième siècle alltîignent le but que n'ont pu saisir les Plan-
tagenéts français du douzième : ils unissent les destinées de
deux peuples que la Providence a profondément séparés, et cela
au moment où les Ircices des affinités originaires entre les hautes
classes des deux pays achèvent de s'effacer 2; ils font de la France
l'appendice de l'Angleterre.
L'œuvre n'est pourtant pas encore consommée : Paris est déchu;
la vieille France royale de Louis le Gros est à l'étranger; la Seine
1. 1». le traité dans Monstrelet, 1. I, c. 234; — dans Kymer, t. IX, p. 895, 904;
— daus le Bourgeois de Paris, etc.
2. Ce fut k ravéneinent de Huuri V que la chambre des communes cessa de
rédiger ses actes en français.
CI420J HENRI V HÉRITIER DE FRANCE. fi9
est anglaise ; mais la Loire est française encore ; la France se relire
sur la Loire et s'appuie sur le Midi : le Midi devient Fasile de cette
nationalité française qu'il a si tard et si difflcilement subie. Qui
l'eût dit au temps des Montfort et des Raimond ! Le traité deTroies
a réhabilité le parti du dauphin et des Armagnacs : tout souillé
que soit ce parti, il est désormais le parti de la France. Mais quel
parti et quelle ressource, grand Dieu!
La domination anglo bourguignonne n'était pas incontestée au
nord de la Loire : les Dauphinois conservaient de fortes places
entre l'Oise et l'Yonne; ils avaient Compiègne, Soissons, Meaux,
Helun, Sens, Montereau. Henri V ne perdit pas de temps poui'
entrer en campagne contre eux : le 2 juin, il épousa Catherine de
France dans l'église Saint-Jean de Troies; le jour suivant, comme
les chevaliers de France et d'Angleterre voulaient « faire joutes
pour la solennité du mariage», le roi Henri leur commanda
€ d'être tous prêts, le lendemain matin, pour aller mettre le siège
devant la cité de Sens,... que là chacun pourroit jouter, tournoyer
et montrer sa prouesse » (Journal du Bourgeois de Paris). Il em-
mena au siège sa nouvelle épouse, son beau-père, sa belle-mère et
le duc de Bourgogne < . Les bourgeois de Sens obligèrent leur gar-
nison, peu nombreuse, à capituler dès le 11 juin ; Henri V et le duc
Philippe, laissant à Brai-sur-Seine Charles VI et les deux reines,
aUèrent ensuite enlever d'assaut Montereau : le duc Philippe fit
déterrer le corps de son père, qui avait été inhumé « à peu d'hon-
neur» en l'église Notre-Dame de Montereau, et, «après grand
deuil et service solennel», il l'envoya en un cercueil de plomb
c plein de sel et d'épices » aux Chartreux de Dijon. La garnison
dauphinoise s'était réfugiée au château : le sire de Guitri, son capi-
taine, ayant refusé de remettre cette forteresse au roi anglais, le
farouche Henri V envoya au gibet onze gentilshommes pris dans
l'assaut de là ville ; Guitri capitula néanmoins au bout de quel-
1. Ed se mettant aux champs» craignant l'effet des vins «très forts et fumeux d
de la Champagne sur ses Anglais, il leur défendit de boire du vin sans le mélanger
avec de Peau : « Cet ordre fut peu goûté », disent les historiens anglais: Tit. Liv.
83. — Elm. 251. — Une autre ordonnance de Henri V, « héritier et régent de
France », rendue le 9 juin devant Sens, assigne li la « roine » sa belle-mère
2,0<'*0 francs d'or par mois sur la monnaie de Troies : c'était le prix pa^fé k la
mère pour Teihérédation de son fils. Rymer, t. IX, p. 913.
70 GUERRES DES ANGLAIS. [1420]
ques jours, et « fut fort blâmé d'avoir souffert, pour si peu de
résistance, que ses gens fussent pendus ».
« De là s'en allèrent lesdits roi et duc mettre le siège devant
Melun, où étoit le seigneur de Barbasan avec six ou sept cents bons
combattants : le roi Henri et ses frères (les ducs deClarence, de Glo-
cester et de Bedford^) se logèrent du côté du Gâtinais, le duc de
Bourgogne du côté de la Brie. j> Il n'en fut pas de Melun comme de
Sens : « ceux de dedans étoient moult vaillantes gens », et ils étaient
bien secondés par la commune; ils avaient des canonniers et des
arbalétriers d'une merveilleuse adresse : un moine augustin, an-
cien soldat, tua, dit-on, plus de soixante hommes d'armes à coups
d'arbalète. Les boulevards extérieurs furent emportés; mais les
assiégés repoussèrent les assauts donnés au corps de la place. Les
Anglo-Bourguignons creusèrent des mines sous les fossés de la
ville; les assiégés contre-minèrent, et ces galeries souterraines
devinrent le théâtre de maints exploits : les chevaliers et écuyers
y venaient combattre à la lueur des torches et faire courtoisement
de « vaillantes armes», comme dans un tournoi. Le roi d'Angle-
terre et le duc de Bourgogne y combattirent en personne contre
Barbasan et un autre Dauphinois. Le roi Henri, voyant l'opiniA-
treté de ses adversaires, manda au siège le roi Charles et les deux
reines, « atin, dit Monstrelet, que plus sûrement on pût sommer
les assiégés qu'ils rendissent la ville de Melun au roi de France, leur
naturel seigneur; mais ils firent réponse qu'à son état privé (à lui
en particulier) ils ouvriroient volontiers, mais point n'obéiroient
au roi anglois, ancien ennemi mortel de France». Plus d'un
noble homme de l'armée assiégeante sympathisait avec ces senti-
ments au fond de l'âme. Le prince d'Orange (de la maison de
Chalon), vassal et ami du duc de Bourgogne, quitta l'armée plutôt
que de jurer le traité de Troies. Les Luxembourg (d'une branche
établie en Picardie) avaient commencé aussi par refuser; ils jurè-
rent enfin, avec une sorte de désespoir, comme s'il se fût agi d'un
pacte avec Satin, et déclarèrent que, quoi qu'il advînt, ils gar-
deraient jusqu'à la mort le serment que le duc de Bourgogne
1. Bedford. demeuré jusqu'alors à la garde de l'Angleterre, venait de rejoindre
Henri V avec huit cents lances et deux mille archers.
[14203 PRISE DE MELON. 71
leur imposait. Ils ne le gardèrent que trop bien. (Juvénal. —
Lefèvre de Saint-Remi, c. 102.)
Le siège de Melun fut converti en blocus. Une épidémie tour-
menta l'armée assiégeante ; mais ceux de dedans souffraient da-
vantage encore : ils étaient déjà réduits à manger leurs chevaux;
ils espéraient que leur parti tenterait quelque grand effort pour
les secourir : le dauphin et ses capitaines réunirent, en effet, à
Bourges, quinze à seize mille combattants qui se mirent en
marche sur Melun ; mais, lorsqu'ils eurent fait reconnaître Yhost
anglo-bourguignon, ils ne s'estimèrent point assez forts pour as-
saillir le roi Henri et le duc Philippe dans leurs lignes fossoyées
et palissadées; ils s'en retournèrent « sans rien faire », et reprirent
la route du liidi qui donnait de l'inquiétude aux conseillers du
dauphin. Ce prince, à l'instigation de ses favoris, ayant retiré le
gouvernement du Languedoc au comte de Poix qui y affectait une
indépendance presque absolue, le comte s'était déclaré pour le
roi d'Angleterre : la présence de l'armée dauphinoise prévint les
conséquences de cette défection et contint les Languedociens.
Pendant ce temps la valeureuse garnison de Melun était ré-
duite à la dernière détresse : elle ne céda qu'au bout de dix-huit
semaines, après avoir dévoré « chiens, chats et autres vivres
vomitables à nature » : elle ne se rendit que lorsque le dauphin
l'y eut autorisée. Jamais un mouvement généreux ne fit dévier
Henri V de son impitoyable politique : incapable d'honorer le
courage chez ses ennemis, il ne voulut les recevoir qu'à discré-
tion, garantissant seulement la vie sauve aux gens d'armes qui ne
seraient point trouvés coupables de la mort de Jean-sans-Peur.
Les bourgeois n'obtinrent pas môme promesse de la vie : un cer-
tain nombre furent décapités « pour l'exemple »; les autres furent
dépouillés de leurs biens, et l'on envoya les plus notables avec
la plupart des gens d'armes dans les prisons de Paris, où les
attendait une affreuse misère : quel devait être le sort des pri-
sonniers dans une ville où le peuple mourait de faim? Parmi les
victimes exécutées par ordre de Henri V se trouvaient plusieurs
Écossais et deux moines; l'un des deux était sans doute le redou-
table arbalétrier qui avait i)orlé si grand dommage aux assiégeants
(18 novembre).
72 GUERRES DES ANGLAIS. [1430]
Henri était aussi rigoureux pour les siens que pour les enne-
mis : il fît trancher la l(>te à un chevalier de son hôtel qu'il aimait
fort, pour avoir laissé échapper un gentilhomme de la garnison,
soupçonné d'avoir trempé dans le meurtre du duc Jean : le duc
Philippe lui-même eut beau demander la grâce du coupable. Bar-
basan, qui avait été témoin de l'assassinat de Jean -sans-Peur, ftat
quelque temps entre la vie et la mort : il dut la vie peut-être moins
encore à ses énergiques dénégations de toute complicité, appuyées
par son renom de loyauté, qu'à l'honneur qu'il avait eu de se
mesurer en combat singulier dans la mine de Melun avec Henri V:
le roi anglais ne voulut point livrer à la vengeance du duc I%i-
lippe l'homme avec qui il avait croisé le fer; c'eût été violer les
lois de la chevalerie. On se contenta de retenir Barbasan captifs
Avant la reddition de Melun, Henri V, du consentement du doc
de Bourgogne et des Parisiens, avait nommé son frère Clarence
capitaine de Paris et placé des garnisons anglaises à la Bastille,
au Louvre, à l'hôtel de Nesle et au château de Vincennes : le comte
de Saînt-Pol, ancien capitaine de Paris, fut envoyé, au nom du
roi de France, pour faire jurer le traité de Troies aux Trois États
et aux bonnes villes des bailliages d'Amiens, Tournai, Lille, Douai,
Boulogne, Arras, Sainl-Omer et de « la comté » de Ponthieu.
Paris et les cités de Champagne avaient déjà prêté le serment;
mais la plupart ne le prêtèrent que des lèvres : les vives et cha-
leureuses populations de la Picardie subissaient avec amertume
cette déplorable nécessité; les villes du duché de Bourgogne se
montraient plus indociles que toutes les autres, et ne voulaient
point du tout jurer.
Le 1" décembre, les rois de France et d'Angleterre, le duc de
Bourgogne et les princes anglais entrèrent ensemble dans Paris
en grande pompe : tous les bourgeois qui « avoient puissance »
(qui en avaient les moyens) s'étaient « vêtus de rouge couleur
1. V, le récit du siège dans Juvénal des Ursins, coUect. Micbaad, t. II, p. 558 et
suivantes. — Pierre deFenin, ibid. p. 605. — Monstrelet, c. 237-240. — Lefèfre
de Saint-Remi, c. 104. — Georges Chasiellain, Chroniq, du duc Philippe^ c. 52.
— Juvénal prétend que Henri V ne garda la garnison prisonnière que par une
interprétation déloyale de la capitulation, et que Barbasan et ses camarades afaient
compté sortir libres de la ville. — Les Bourguignons aidèrent beaucoup des asiiégés
à s'évader, soit par compassion, soit k prix d'argent.
ti420) LES ÉTATS ET LE TRAITÉ DE TROIES. 73
pour honorer lesdits rois »; toutes les rues, depuis la seconde
porte Saint-Denis jusqu'à Notre-Dame, furent « noblement en-
cou rtinées >9 et « furent faits, dans la rue de la Calandre, devant
le Palais, des échafauds de cent pas de long, sur lesquels on re-
présenta un moult piteux mystère de la Passion de Noire-Seigneur
au vif, selon qu'elle est figurée autour du chœur de Notre-Dame
de Paris; et, en toutes les rues, rencontroient les princes proces-
sions de prêtres revêtus de chapes et de surplis, portant saintuaires
(reliquaires) et chantant Te Deum laudamns, ou Benedictus qui
venit! » (Journal du Bourgeois de Paris.) Ce peuple, démoralisé
par l'excès de la misère, accueillit le roi étranger avec des cris
d'espérance.
Le 6 décembre, les Trois États de France furent assemblés à
Paris à l'hôtel Saint-Pol, pour reconnaître le traité de Troies :
ces prétendus États-Généraux, composés seulement des députés
des villes et pays qui n'osèrent se dispenser de s'y faire représen-
ter, ratifièrent le traité sans objection, et octroyèrent au « régent
du royaume » un emprunt forcé, pour « guerroyer les Arml-
gnacs ». Les gens d'église n'en furent pas exempts, et le roi d'An-
gleterre rabroua fort l'université qui réclamait ses privilèges. Il
fallut se taire, « car autrement on eût logé en prison » (Ju vénal).
Le 23 du même mois, le duc Philippe de Bourgogne vint en
grand deuil à l'hôtel Saint-Pol demander à Charles VI, tant en
son nom qu'au nom de sa mère et de ses trois sœurs, justice so-
lennelle du « très damnable meurtre » commis sur la personne
du feu duc son père. Nicolas Rolin, avocat du duc de Bourgogne,
requit que Charles, « soi-disant dauphin de Vienne » et ses
complices « fussent menés en tombereaux par tous les carrefours
de Paris, nu-tête, un cierge ardent en la main, en disant à haute
voix qu'ils avoient occis mauvaisement le duc de Bourgogne, sans
causes raisonnables, et, ce fait, fussent menés où ils perpétrèrent
ledit homicide, à Montereau où Faut-Yonne, et y répétassent les
mêmes paroles Qu'en outre, au lieu où ils l'occirent, fût faite
et fondée une église avec chapitre de chanoines, et semblablement
à Paris, Rome, Gand, Dijon, Saint-Jacques-de-Compostelle et Jé-
rusalem ». L'avocat du roi prit des conclusions conformes à la
requête : un docteur en théologie, délégué par le recteur de l'uni-
7i GUERRES DES ANGLAIS. rU2l]
versité, exhorta pareillement les deux rois à punir les coupables,
et Charles VI, par l'organe de son chancelier, Jean Leclerc, pro-
mit de faire droit à la requête de Philippe, « par la grâce de Dieu
et la bonne aide et avis de son frère Henri, roi d'Angleterre et
régent de France < ». Le 3 janvier suivant, Charles, « soi-disant
dauphin de Viennois », et ses complices furent cités à la table de
marbre et ajournés à comparaître, sous trois jours, devant la
cour de parlement pour se purger de l'homicide à eux imputé.
Les coupables de la mort du duc Jean, n'ayant pas compara,
furent déclarés avoir forfait corps et biens , et être inhabiles à
toutes successions et à toutes dignités, honneurs et prérogatives.
L'arrêt les avait condamnés en masse et sans les nommer en par-
ticulier. Il semble que le parlement ait hésité à proscrire nomi-
nativement le légitime héritier du trône. (Rymer, t. X, p. 33.) Le
dauphin appela de ce jugement « à la pointe de son épée ».
Le peuple de Paris, qui avait attendu grand soulagement de la
venue des deux rois, fut cruellement trompé dans ses espérances:
la présence de tant de gentilshommes et de soldats ne lit que ren-
chérir encore le prix déjà exorbitant des denrées ; tout concourut
h rendre l'hiver effroyable : disette, épidémie, froids rigoureux
qui se prolongèrent jusqu'à Pâques. « On ne voyoit sur le fumier,
parmi les rues, que petits enfants par vingt et trente, criant : Je
meurs de faim! et n'étoit si dur cœur qui n'en eût pitié; mais les
pauvres ménagers ne leur pouvoient aider, car on n'avoit ni pain,
ni blé, ni bûches, ni charbon, et, pour conforter les menues gens,
voilà que furent remis sus les enfants de l'ennemi d'enfer, c'est à
savoir impositions, gabelles, quatrièmes et maltôtes » (Bom-geois
de Paris). Le pauvre peuple retomba dans son atonie; la tris-
tesse n'était pas moins profonde dans les classes qui, moins écra-
sées par la misère matérielle, gardaient quelque place pour les
souffrances morales. On voyait avec honte et douleur le roi de
France « petitement et pauvrement servi » à l'hôtel Saint-Pol, où,
le jour de Noël, « il fut peu suivi et peu accompagné, sinon d'au-
cuns vieux serviteurs et de gens de petit état », pendant qu'au
Louvre, le roi Henri, avec ses princes anglais, étalait « si grande
1. Monstrelet, 1. I, c. 241.
C142!] LE DAUPHIN PROSCRIT. 75
pompe et boban (faste), que si présentement il dût être roi de tout
le monde; laquelle chose moult devoit déplaire à tous les cœurs
des vrais François » (Monstrelet, c. 243). Henri V, se croyant sûr
de sa conquête, traitait le roi et la nation avec aussi peu d*égards
Yuu que l'autre : il dépossédait la plupart des officiers établis par
le duc Philippe ou par son père, pour les remplacer par des An-
glais ou par des Français qui se faisaient les créatures de Tétran-
ger; il ne daignait plus contraindre son naturel dur et superbe :
ses paroles, dit Georges Gbastellain, « tranchoient comme ra-
soirs * ». Hal de tous les Français de distinction qui l'approchaient,
il inspirait cependant au peuple un certain respect par sa farouche
équité et par l'esprit d'ordre qu'on n'avait vu en France depuis si
longtemps chez aucun prince.
Henri V quitta Paris dès le 27 décembre 1420 pour conduire
sa femme en Angleterre, où il alla faire couronner la jeune reine
à Londres, et porter le traité de Troies à l'approbation du parle-
ment. « H fut reçu des Anglois comme l'ange de Dieu : » l'orgueil
national débordait en transports d'allégresse ; la conquête défini-
tive du royaume de France ne paraissait plus douteuse à per-
sonne, et les princes captifs depuis Azincourt, les ducs d'Orléans
et de Bourbon, les comtes d'Angoulême et de Richemont, recon-
nurent le traité de Troies comme base préalable des négociations
par lesquelles ils tâchaient d'obtenir leur liberté. La marche de
Henri V à travers les villes anglaises fut un triomphe continuel :
il chevaucha de cité en cité avec un pompeux cortège, leur « expo-
1. Tout le monde ne souffrait pas ses hauteurs sans mot dire. Durant le siège
de Melun , le maréchal de TIsle-Adam s'étaut présenté à lui vêtu d'une cotte de
gros drap gris, il le gaba (le railla) de ce costume peu séant à un maréchal de
France. I/lsle-Adam répondit sur le même ton en le regardant en face. « Et adonc
lui dit le roi : — Comment osez-vous regarder ainsi un prince au visage quand
vous parlez à lui? — Et le sire de l'Isle-Adam répondit : — Sire, la coutume des
François est telle que, si un homme parle à un autre, de quelque état ou autorité
qu'il soit, la vue baissée, on dit que c'est un mauvais homme et qu'il n'est pas
prud'homme, puisqu'il n'ose regarder celui à qui il parle en la chère (au visage).
— Et le roi dit : — Ce n'est pas notre guise (notre usage). » (Moustrelet, c. 240;
G. Chastellain, c. 56.) Henri ne pardonna pas celte fierté k l'Isle-Adam, dont
il soupçonnait d'ailleurs la fidélité : il lui 6ta son office de maréchal, puis il le fit
mettre à la Bastille ; il l'eût fait mourir s'il n*eût craint le ressentiment du duc de
Bourgogne. L'arrestation de risle-Adain, le libérateur de Paris en I4l8, fit éclater
une émeute que les Anglais réprimèrent avec violence.
76 GUERRES DES ANGLAIS. [i4'>t)
sant toutes ses grandes et bonnes avenues (aventures), et disant
comment, pour finir ses besognes, deux choses lui étoient moult
nécessaires, savoir : finances et gens d'armes » (Monstrelet).
De fâcheuses nouvelles troublèrent sur ces entrefaites la joie
de l'Angleterre : le parti dauphinois se relevait d'une façon ino-
pinée. Il avait su se ménager Talliance de la Castille, dont la
marine pouvait lui rendre de grands services, et, dès 1419, les
Anglais avaient perdu une bataille navale contre les Castillans,
commandés par Robert de Braquemont, seigneur normand qui
était devenu amiral de Castille, et qui avait également reçu
d'Armagnac, en 1417, le titre d'amiral de France *. Les Castillans
confinuaient à soutenir activement le dauphin; leur flotte était
allée chercher en Ecosse quatre ou cinq mille excellents soldats
qu'elle débarqua sur les côtes de Poitou : les Écossais, conduits
par le comte de Buchan, joignirent à Anjou * un corps de Dau-
phinois aux ordres du sire de La Fayette, un des maréchaux de
France créés par le dauphin, et du vicomte de Narbonne. Le duc
de Clarence, à qui Henri V avait confié le gouvernement de
France et de Normandie en son absence, marcha contre cetfe
petite armée avec six ou sept mille hommes d'armes et archers,
tous Anglais, et atteignit les Dauphinois près de Baugé, te samedi
saint 23 mars 1421. L'habitude du succès fit oublier aux Anglais
1. Ce fut à Robert de Braquemont que le roi de Castille Henri in, sniraot
l'historien Zurita, donna, en 1401, l'autorisation d'entreprendre la conquête des
Canaries, les Iles Fortunées des anciens, avec lesquelles l'Europe était restée sans
communication depuis bien des siècles, et qui avaient été reconnues, dans le coih
rant du quatorzième, par des aventuriers espagnols et basques. Braquemont céda
la direction de cette entreprise à son cousin Jean de Béthencourt, gentilhomme do
comté d'Eu, qui l'exécuta avec succès, prit le titre de roi des Canaries et fit hom-
mage de son royaume insulaire k la couronne de Castille. Le royaume des Canaries
ne fut absorbé dans la monarchie espagnole qu'au bout de plusieurs générations.
C'était probablement parmi les hardis marins de Dieppe que Béthencourt afait
recruté ta plupart de ses compagnons. La conquête des Canaries fut comme la pre-
mière reconnaissance tentée par l'Europe vers le Cap et la route de l'Inde. — v. Jean
de Verrier, Hist, de la Première découverte des Canaries, — Zurita, Comment, sur
V hiver aire d'Antonin,
2. L'Anjou et le Maine étaient en quelque sorte un terrain neutre : le duc d'Anjoii«
Louis III, était parti pour l'Italie après avoir renouvelé sa trêve particulière atee
Henri V, et guerroyait contre la reine Jeanne de Naples, héritière de la maison dt
Durazzo, avec l'aide des Génois, des Florentins et du fameux condottiere Sforza,
connétable de Sicile.
[1421] BATAILLE DE BAUGÉ. 77
la prudence à laquelle ils avalent dû leurs victoires : Clarence
courut impétueusement à l'ennemi avec sa gendarmerie, laissant
loin derrière lui ses archers, fort empêchés c au mauvais pas
d'une rivière ». Les gendarmes franco-écossais reçurent le choc
à pied, entremêlés d'archers, dans un poste avantageux : ils per-
dirent un millier d'hommes, mais ils détruisirent entièrement la
gendarmerie anglaise, forte de deux à trois mille lances; le duc
de Clarence et le maréchal d'Angleterre restèrent sur la place ;
beaucoup d'autres furent pris. Le gros des archers parvint à
échapper aux vainqueurs et à regagner la Normandie en faisant
un grand détour ^
C'était le premier grand revers qu'eussent essuyé les Anglais
depuis le commencement de la guerre : Henri V en comprit la
portée, et se prépara avec son activité ordinaire à en arrêter les
conséquences. Il réunit sur-le-champ le parlement d'Angleterre
à Londres et les Trois Etats de Normandie à Rouen, obtint un
décime du clergé anglais, deux décimes du clergé normand qui
n'avait rien à refuser au conquérant, et 400,000 livres des États
de Normandie; le parlemeni anglais, après avoir ratifié le traité
de Troies, accorda au roi la faculté de requérir des emprunts de
tous les gens riches; enfin Henri V releva brusquement les mon-
naies de France à l'ancien taux d'où elles étaient descendues depuis
plusieurs années par des affaiblissements successifs ; il se procura
ainsi de fortes rentrées d'argent en bouleversant toutes les trans-
actions particulières et en accroissant des misères qui ne sem-
blaient plus pouvoir croître^. Il traversa le Pas de Calais le 1 1 juin,
à la tête de quatre mille lances et de vingt-quatre mille archers :
l'élite de la population anglaise était accourue s'enrôler sous les
bannières de son héros 3.
Il était temps que le vainqueur d'Azincourt reparût sur le con-
1. Monstrelet, c. 249. — Juvénal, p. 564. — 6. Chasteliain, c. 67.
2. Rymer, t. X, p. 101-110. — Ordonn. des roh de France, t. XI, p. 115-136.
— Par compensation, il défendit sévèrement h ses capitaines les prises, les exac-
tions, les levées de péages arbitraires dans les pays soumis. Rymer, t.X, p. 106-1 12.
3. 11 traînait avec lui le roi d'Ecosse, Jacques r% qu'il retenait prisonnier depuis
qu'une tempête l'avait jeté sur les côtes d'Angleterre. 11 lui promettait la liberté ii
condition qu'il l'accompapnât en France et rappelât les Écossais qui scrvaieui le
dauphin. Ceux-ci refusèrent d'obéir.
78 GUERRES DES ANGLAIS. [Ult]
linent : une partie de la noblesse picarde venait d'arborer l'éten-
dard du dauphin, et, maîtresse des petits ports de Fembouchure
de la Somme, guerroyait par terre et par mer contre les Anglais
et les Bourguignons ; la journée de Baugé avait exalté au plus
haut degré les espérances des Dauphinois et leur avait ramené
bien des esprits incertains; ils reprenaient partout l'offensive.
L'Écossais Buchan, récompensé de ses exploits par l'épée de con-
nétable, était avec le dauphin à la tête d'une belle armée de
six ou sept mille lances et de dix mille archers et arbalétriers,
qui envahissait en ce moment la Beauce et menaçait Chartres.
Henri V, sans s'arrêter contre les « rebelles > picards, marcha
droit à Paris et de là à Mantes, où il avait donné rendez-vous
au duc de Bourgogne. Le dauphin et ses capitaines n'osèrent
affronter les forces supérieures du roi ennemi, qui conduisait
contre eux plus de trente mille Anglais, sans les Français et les
Bourguignons. Ils levèrent le siège de Chartres et se retirèrent
en Touraine.
Henri V s'empara de Dreux, d'Épemon, de quelques autres
places dans le Perche et la Beauce, et s'avança jusqu'aux portes
d'Orléans; il ne se crut pas toutefois en mesure de poursuivre le
dauphin dans Tours ou dans Bourges : le pays était affreusement
ravagé et la mauvaise nourriture avait causé une épidémie dans
rarniée anglaise. Henri V se contenta d'établir ses avant-postes
sur la Loire en occupant Beaugenci; il retourna ensuite à Paris
faire les préparatifs du siège de Meaux, à l'instante prière des
Parisiens. La garnison dauphinoise de Meaux était le fléau de la
Biie et de rile-dc-Francc, et les Parisiens avaient pour elle une
exécration trop motivée par les atrocités qu'elle commettait chaque
jour dans les campagnes. L'horreur qu'inspiraient les cruautés
des gens dé Meaux était plus utile aux Anglais que bien des vic-
toires. Un des capitaines surtout, le bâtard de Vauru, n'avait rien
d'humain que la ligure : ce misérable, ancien serviteur du comte
d'Armagnac , prétendait venger son maître en torturant et en
égorgeant les marchands et les laboureurs qu'il enlevait sur les
chemins et dans les villages ; quand ces malheureux ne pouvaient
payer des rançons exorbitantes, il les pendait de sa propre main
à un grand orme voisin des fossés de Meaux , et qu'il appelait
[1421] CRUAUTÉS DES GENS DE GUERRE. 79
lui-même « l'arbre de Vamii » : on y voyait toujours « brandiller »
quatre-vingts ou cent cadavres * .
Il est impossible de peindre l'excès de désespoir auquel la sol-
datesque réduisait les habitants des campagnes : les Anglais ache-
vaient ce qu'avaient commencé les Armignacs. « Les laboureurs,
cessant de labourer, alloient comme désespérés et laissoient fem-
mes et enfants, en disant l'un à l'autre : — Mettons tout en la main
du diable ; ne nous chault (peu nous importe) que nous devenions. . .
Mieux nous vaudroit servir les Sarrasins que les chrétiens., fai-
sons du pis que nous pourrons; aussi bien ne nous peut-on que
tuer ou que pendre... par le faux gouvernement des traîtres gou-
verneurs, nous faut renier femmes et enfants, et fuir aux bois
comme bêles égarées, non pas depuis un an ou deux, mais il y ajà
quatorze ou quinze ans que cette danse douloureuse commença....»
A Paris même bien des gens renonçaient à leurs héritages pour
ne pouvoir payer les impôts, et « s'en alloient les uns à Rouen, les
autres à Sentis; les autres devenoient brigands des bois ou Armi-
naz i> (Armagnacs) (Journal du Bourgeois de Paris). Le premier
président PhiUppe de Morvilliers, l'âme damnée du roi d'Angle-
terre, ne contenait Paris que par la terreur.
Tandis que Henri V s'apprêtait à l'attaque de Meaux , le duc
de Bourgogne était parti pour le Ponthieu afin d'étouffer l'insur-
rection dirigée par un seigneur de la maison d'Harcourt; Abbe-
vil le hésitait; Amiens et les principales communes de Picardie
obéirent à l'appel du duc Philippe qui assaillit Saint-Riquier. La
Hire, Pothon de Saintrailles et d'autres aventuriers qui com-
mençaientà devenir célèbres parleurs audacieux coups de main,
et dont la ruse, l'intrépide valeur et la rapacité rappelaient les
capitaines bretons de Charles V, rassemblèrent les bandes dau-
phinoises disséminées dans la Picardie orientale, l'Ile-de-France
et la Champagne, et tentèrent de « recourre » Saint-Riquier;
Philippe de Bourgogne se porta rapidement au-devant de ce « se-
cours », l'attaqua et le défit près de Mons en Vimeux (31 août).
Saintrailles et les autres principaux « chevetaines » furent pris;
t. V. dans le Journal du Bourgeois de Paris, Peflfroyable histoire de la jeune
femme enceinte quMl fil lier un soir au tronc de son arbre, et qui y fut mangée
des loups, elle et son enfant.
80 GUERRES DES ANGLAIS. C142M42q
Saint-Riquier et plusieurs forteresses se rendirent; Jacques d'Har-
court se maintint seulement dans le Crotoi et dans Saint-YaleiL
Cétait un brillant début pour le duc Pbilippe qui portail les annei
pour la première fois.
Le siège de Meaux fut entamé quelques semaines après ce
combat. Le 6 octobre, Henri V avec vingt mille combattants
occupa les deux rives de la Marne, et cerna de toutes parts la Tille
et la fameuse forteresse de Meaux dite le Marché. Le siège de
Meaux fut encore bien plus long et plus meurtrier que n'avait èé
celui de Melun : il dura tout Tautomne et tout l'hiver; la garni-
son, forte de plus d'un millier de gens d'armes» se défendit avec
une fureur et une opiniâtreté extraordinaires : ses chefs savaiart
quelles implacables haines ils avaient encourues, et s'attendaient
au plus rigoureux traitement s'ils étaient réduits à se rendre.
Ils ne lassèrent pas la constance du roi anglais : en vain le fer des
assiégés, les maladies, la rigueur de la saison mirent-ils hors de
combat la moitié de l'armée anglaise ; Henri V ne leva pas le
siège, et le dauphin ne parut pas pour délivrer ses gens comme
il le leur avait promis; après quelques vaines démonstrations fl
s'en était allé au fond du Languedoc et avait abandonné complé*
temenl les défenseurs de Meaux. Ceux-ci redoublaient de rage à
mesure que diminuaient leurs ressources et leurs espérances :
ils semblaient prendre plaisir à s'ôter toute chance de transac-
tion. Un jour ils promenèrent sur les remparts un âne couronné
qu'ils battaient pour le faire braire, en criant aux Anglais qœ
a c'èloit leur roi et qu'ils le vinssent recourre ».
Au commencement de mars 1422, la garnison évacua la ville d
se concentra dans le Marché : elle y tint plus de deux mois encore,
quoique Herni V se lût saisi d'une île de la Marne entre le Mardié
et la ville, et y eût établi des batteries qui foudroyaient incessam-
inciit le Marché. Ces hommes, pour la plupart souillés de tous kl
crimes, montrèrent un héroïsme qu'on ne peut s'empêcher d'ad-
mirer ; enlin , après avoir repoussé un dernier assaut de sept on
huit heures, sans pain, sans munitions, presque sans armes, ilsie
résignèrent à demander une capitulation, et, le 1 1 mai, le Marché
de Meaux fut remis « es mains des rois de France et d'Angleterre >•
Les conditions étaient dures : Louis de Gast, bailli de Meaux, k
[1422] PRISE DE MEAUX. 81
b&tard de Vauru et plusieurs autres chefs, avec les Écossais, Irlan-
dais et Gallois faisant partie de la garnison, furent livrés sans ré-
sen'c « à la volonté du roi Henri » : le reste des gens d'armes et
des habitants du Marché furent livrés* à ladite volonté, sauve leur
vie ». Henri confisqua les biens des bourgeois et envoya les sol-
dats dans les prisons de Paris, où beaucoup d'entre eux mouru-
rent de faim^ Ceux des capitaines, dont la vie était garantie,
furent rançonnés « à excessives finances »; mais on décapita le
bailli de Mcaux et le bâtard de Vauru, ainsi qu'un avocat et Irois
ou quatre gentilshommes. On planta la tôtc sanglante de Vauru
au bout de la lance qui portait son étendard, et l'on accrocha son
corps à l'orme où pendaient encore les squelettes de ses victimes.
Les soudoyers d'Ecosse, d'Irlande et de Galles furent aussi mis
à mort.
La chute de Meaux abattit presque entièrement le parti dauphi-
nois dans le nord de la France : le sire de Gamaches, gouverneur
de Compiègne, rendit la ville pour sauver la tête de son frère,
l'abbé de Saint-Faron, qui avait pris la part la plus active à la dé-
fense de Meaux. Pierrefonds, Crespi en Valois, Saint- Valeri-sur-
Somme et presque toutes les forteresses dauphinoises du Valois,
de la Champagne et de la Picardie se soumirent ou furent éva-
cuées. « La croix droite blanche de France » n'était plus guère
portée dans le Nord que par des aventuriers isolés, vrais chefs de
* compagnies » pour lesquels la guerre n'était que le prétexte du
pillage. Ce résultat avait coûté cher aux Anglais; mais il était
grand : Henri V pouvait désormais transporter le théâtre des hosti-
lités sur la Loire et poursuivre le dauphin dans ses derniers asiles,
sans laisser derrière lui d'ennemis capables de l'inquiéter.
Il accorda quelque repos à ses troupes harassées et diminuées
de moitié, et alla célébrer à Paris les fêtes de la Pentecôte avec la
reine sa femme, qui revenait d'Angleterre après lui avoir donné
un lils : la naissance de cet enfant, qui fut le roi Henri VI, sem-
blait consacrer le traité de Troies et fonder la dynastie anglo-
1. « On les laissoit mourir de faim è» prisons où ils étoicnt; et, Tun mort, les
autres arrachoienl avec les dents la chair de leur compagnon mort. » Juvénal. —
V, le siège dans Georges Cljusielluiu, — Monstrelct, — Juvénal, — F.e Bourgeois
de Paris.
82 GLËKKES DES ANGLAIS. [1422]
françaisr. Le goiivci'nenicnt étranger se consolidait sans devenir
plus populaire : les anciens de Paris, qui avaient vu dans son
éclat la royale cour de France, connparaient Iristenicnt rafTabilité
des princes français avec la morgue du roi d'outre-nier. Une nour
velle taille accrut encore la désolation des Parisiens; néanmoins
un arniurier et un boulanger, ayant comploté d*introduire dans
Paris les bandes d'Armagnacs qui venaient d'évacuer Compiègne
et les places \oisines, furent découverts et punis «ins que le
peuple s'émût en leur faveur : la masse des Parisiens consenait
encore plus de haine pour les ArmUjnncs que pour les Anglais
(Georges Chastellain; Bourgeois de Paris).
Les Dauphinois cependant remportèrent quelques avantages
dans les provinces du centre : ils avaient repoussé une irruption
des Bourguignons en Auvergne et entamé le Nivernais; Tarniée
du dauphin, forte d'environ vingt mille hommes et commandée
par le connétable Buchan et le vicomte de Narbonne, prit la Cha-
rité-sur-Loire et assiégea Gosne à la lin de juillet : la garnison de
Cosne capitula en s'engageant à rendre la ville si le duc de Bour-
gogne ne la secourait avant le 16 août. Le duc Philippe éUiit alors
dans son duché, où il avait fait accepter à grand'peine le traité de
Troies par les États Provinciaux ; « il manda gens » de Flandre,
d'Artois, de Picardie, et envoya demander au roi d'Angleterre
quelque renfort pour tenir la journée devant Cosne. « Le roi Henri
fit réponse qu'il iroit en propre personne avec toute sa puissance:
il fit partir son host d'autour de Paris sous la conduite du duc
de Bedford, son frère, et lui-même, quoique assez aggravé de ma-
ladie, parti! de Senlis i)our aller en Bourgogne. Arrivé à Melun, il
se lit mettre sur une litière pour aller à la journée dessus dite;
mais, pour ce (lu'il se sentit trop alïoibli et qu'il empiroit de jour
en jniir, il retourna et se lit mener au bois de Vincennes où il
s'alita; el le duc de Bedford, ses princes et tout son hoal^ de même
que les seigneurs de Picardie et d'autres lieux, joignirent Sîuis lui
à Vézelai le duc de Bourgogne » (Monstrelet).
Ils mai clièreiit tous enseuïble vers Gosne; les généraux du dau-
phin ne vouluivnt point courir les chances d'une bataille décisive
et rentrèrent en Berri. L'armée anglo-bourguignonne se contenta
d'avoir vu reculer devant elle les Armifjnacs, el ne les poursuivit
11422] MORT DE HENRI V. 83
pas dans le Bcrri : elle n'était point pourvue de vivres , et le
pays était tellement ruiné qu'elle n'y eût pas trouvé de quoi
subsister.
Un motif d'une immense gravité eût d'ailleurs empêché les
généraux anglais de rien entreprendre en ce moment ; ils étaient
dans l'attente d'un événement dont on ne pouvait mesurer la
portée : le duc de Bedford venait de recevoir la nouvelle que le
roi son frère se mourait au château de Vincennes. Le duc « che-
Taucha en hâte jusqu'audit château, et là il trouva le roi Henri
moult aggravé de sa maladie, c'est à savoir d'un feu qui lui étoit
venu au fondement^ ». Avec Bedford arriva Hugues de Lannoi,
grand maître des arbalétriers de France, envoyé par le duc de
Bourgogne : Henri entretint longtemps le sire de Lannoi, et le
chargea de prier le duc Philippe qu'il observât religieusement ses
serments et alliances avec les Anglais; puis il réunit autour de son
lit d'agonie son frère de Bedford, son oncle d'Exeter, son cousin
de Warwick et ses plus « féables d amis et conseillers. Il recom-
manda au duc de Bedford son fils Henri, que Catherine de France
avait mis au monde à Windsor le 6 décembre précédent ; il le
conjura de ne jamais souffrir qu'on traitât avec « Charles de Va-
lois, fors » que tout au moins le duché de Normandie ne demeurât
en toute souveraineté au jeune Henri *; il lui confia enfin le gou-
vernement de la France, mais'seulement si le duc de Bourgogne
ne voulait point s'en charger. Quant au gouvernement de l'An-
gleterre, il le destinait à son autre frère de Glocester, et l'éduca-
tion de^n fils au comte de Warwick. Il recommanda enfui, sur
toutes cnoses, à ses parents et amis d'éviter tout sujet de déhat
avec le duc de Bourgogne, car « les besognes moult avancées du
royaume de France en pourroient être empirées », et de ne point
rendre la liberté, jusqu'à la majorité de Henri VI, au duc d'Or-
léans ni à quatre ou cinq vaillants capitaines dauphinois actuelle*
ment prisonniers.
1. Cétait une fistule accompagnée de dyssenterie. On appelait cette maladie le
wtai Saint'Fiaere.
2. JDe tristes pressentiments pour Tavenir de cet enfant assiégèrent Henri V sur
80D lit de mort; HoUinshed lui attribue le propos suivant : « Henri, né à Monmouth,
aura régné peu et conquis beaucoup; Henri, né U Windsor, régnera longtemps et
perdra tout ». C'était le regard prophétique d'un mourant.
84 GUERRES DES ANGLAIS. (1412)
Un (le s«îs médecins, dont il avait « requis vérilé », se jela à ge-
noux devant son lit et lui dit de penser à son àme, parce qu'il ne
lui restait pas deux heures à vivre; Henri manda son confesseur
et d\uitr(»s gens d'église, cl leur ordonna de réciter les sept psau-
mes de la pénitence. « Et, quand ce vint à Bénigne fac Domine, où
il y a mxiri Hierusalnn, il dit tout haut qu'il avoit eu rinlcnlion,
après qu'il auroit mis le royaume de France en paix, d'aller con-
(|U(MTe Jérusalem, s'il eût été le plaisir de son Créateur de le laisser
vivre son àge^ » Puis, comme pour se rassurer lui-même en
cette heure solennelle, il rappela que sa guerre de France avait
eu Tapprohation des « plus saints personnages », de tous les pré-
lats d'Angleterre, et qu'il l'avait poursuivie sans offenser Dieu cl
sans mettre son àme en péril.
a Et, assez &r?>/* ensuivant, il rendit l'esprit », à Tàge de trente-
quatre ans (31 août 1422) (Monstrelet).
Ses entrailles furent ensevelies à Saint-Maur-des-Fossés; son
corps, ai)résun service magnitique à Saint-Denis, fut Iransféivà
Rouen et de là en Angleterre, avec une pompe extraordinaire.
« Les Anglois lui firent aussi grand honneur et révérence que
s'ils fusseiu accrlcnês qu'il fût saint en paradis » (Monstrelel)- Le
p^niple nu*me des provinces françaises soumises aux Anglais con-
serva pour lui un sentiment de iTspect, à défaut d'affection, pour
la bonne intention qu'il montrait de protéger les pauvres gens
contre les exactions et les violences des nobles 2. Plus heuivux
qu'Edouard 111 et que le Prince Noir, Henri V étiiit mort dans
tout l'éclat de sa pi'ospérité, et sa mémoire, qui ne rapj^lait que
des triomphes sans mélange de revers, est demeurée chère cnire
toutes à l'orgueil de l'Angleterie.
Conformément aux dernières volontés du roi Henri, le duc de
Bedfonl offrit la régence de France h Philippe deBourgognc : leduc
Philippe ne l'accepta point, soit qu'il redoutAtun tel fardeau dans
de telles cil constances, soit que, malgré la passion qui le dominait,
il éprouvât une secrète répugnance à se faire si directement le re-
présentant de la domination étrangère (Monstrelet, L I, c, 376j.
1. Georges Chustelluin (c. 08) dil qu*il avuit faii Tisilcr tous les porU do LcTsil
pour prcmlre des runscipiK'inL'nis sur les inoyeus d'cxcculer ce projet
2. Monslrclcl. — TieiTc de Fcuiii.
(1422] MORT DE CHARLES VI. 85
On ne tint aucun compte des prétentions que pouvait avoir la
reine Isabeau.
Charles VI ne survécut que sept semaines au gendre en faveur
de qui on lui avait fait déshériter son fils; il mourut à Tliôtel
Saînt-Pol, le 21 octobre, âgé de cinquanle-qualrc ans. Il avait
porté quarante-deux ans le vain titre de roi, pour son mal-
heur el celui de son peuple qui lui garda jusqu'à la fin une dou-
loureuse sympathie à cause de cette conformité de soufl'rance.
Sa folie, dégénérée en idiotisme dans les derniers temps, s'était
prolongée trente ans entiers. Son corps embaumé resta vingt
jours déposé dans la chapelle de Thôtel Saint-Pol, en attendant
le retour du duc de Bedford, nouveau régent de France, qui était
allé conduire à Westminster les restes de Henri V. Le clergé sécu-
lier et régulier, l'université, le chapitre, les prévôt et échevins
et tout le peuple « convoyèrent » à Saint-Denis Charles « le blen-
ainié • ; mais nul prince du sang de France , pas môme le duc
de Bourgogne, n'assista aux funérailles, qui furent menées par
un étranger, par le duc de Bedford, « chose moult pitoyable à
voir ».
« Et après que le roi fut mis en sa sépulture emprès ses de-
vanciers, les huissiers d'armes rompirent leurs petites verges et
les jetèrent dedans la fosse, et puis mirent leui-s masses en bas
sens dessus dessous; et lors le roi d'armes de Bcrri*, accom-
pagné de plusieurs hérauts et poursuivants, cria dessus la fosse :
— Dieu veuille avoir pitié et merci de très haut et très excellent
prince Charles, sixième du nom, notre naturel et souverain sei-
gneur! » Et, après, s'écria le dessus dit roi d'armes : « Dieu
donne bonne vie à Henri, par la grâce de Dieu roi de France et
d'Angleterre, notre souverain seigneur! »
« Lequel cri accompli, les sergents d'armes redressèrent leurs
masses fleurdelisées en criant tout d'une voix : Vive le roi! vive le
roi! Et les François-Anglois commencèrent à crier No^l « connue
si Dieu fût descendu du ciel ; toutefois il y en avoit plus faisîint
deuil el lamentations qu'autres. — Ah ! très cher prince, disoit le
peuple à grands plaintes et profonds soupirs, jamais plus ne te
1. Chaque province atait sa corporation de hérauts et de poursuivants d^aruies,
rfoot le chef portait le litre do roi d'urines.
86 GUERRES DES ANGLAIS. [14»]
v(»rrons! jamais n'aurons que guerres, puisque tu nous as laissés:
tu vas en repos, et nous demeurons en toute tribulation et en toute
douleur! »
Le peuple sentait plus profondément son abaissement en
voyant disparaître cette dernière ombre de royauté nationale. Au
retour des tunérailles de longs et tristes murmures s'élevèrent
dans la foule quand on vit porter « Tépée du roi de France » de-
vant le régent anglaise
« Ijc dauphin Charles étoit en un petit chàtel nommé Espalli,
proclie Le Puy en Auvergne (en Vêlai), lorsque lui furent portées
les nouvelles du trépas du roi son père. 11 en eut au coeur fn*and
tristesse, et pleura très abondamment » {Monstrelet,l.II, c. 1). Ses
conseillers le ramenèrent en toute hâte vers une région plus cen-
trale; arrivé à Meung ou Mehun-sur-Yèvre en Berri, il quitta la
robe noire de deuil pour la robe vermeille. La bannière de France
l'ut levée dans la chapelle; « les ofliciers d'armes (hérauts) criè-
rent haut et clair : Vive le roi! après lequel cri fut fait l'oflice de
Téglise, et n'y fut fait pour lors autre soleimité, et, de ce jour en
avant , tous ceux tenant le parti du dauphin le nommèrent roi
deFrance^. »
1. Le pi-uple ne vit pus avec iiioius de chagriu la suppression des monnaies de
Cliurlcs VI et leur remplacunient pur celles ilu nouveau roi, Heuri VI, portant les
deux ùcussons de Fruuce et d'An^tleterre accolés. Mulgré les expresses défenses an
régent, on continua d'user <i en inoull de lieux » des pièces de Charles VL Mods-
trclel, 1. I, c. 277. — Journal du bourtjvoii de Paris. — Juvéual des Ursins.—
Pierre de Feuin.
?.. V. une ordonnunce de Cliurlcs VU, de mai 1430, qui rectifie le récit de
Uouslrelet. Ordotmaiices, t. MU, p. 3 et 164.
LIVRE XXXV.
GUERRES DES ANGLAIS {SUiTE).
Là FiAKCB dâmimbaAb. Le roi aiglais et le roi français. RbhriVI bt CharlbsYII.
— Jbanmb Dabc. — Régence de Bedford. Les Écossais secourent la France.
Défaites des Franco-Écossais à Crevant et kVerneuil. — Affaires des Pays-Bas.
Glocester et Jacqueline de Hainaut. Philippe de Bourgogne maître de Namur,
Hainaot, Hollande, Zélande et Frise. — Le connétable de Richemont. Charles VU
et ses favoris. La Trémoille. — Belle défense de Montargis. — Anarchie dans le
parti français. — Siège d'Orléans par les Anglais. Héroïque résistance des Orléa-
nais. Journée des Harengs. Détresse du parti français. Ruine imminente de la
France. — Fermentation dans les profondeurs du peuple. Attente d'événements
miraculeux. Prophéties. — Jbammb Darc. Enfance et révélation de Jeanne. Elle
▼b trouver Charles YIL Jeanne k Chinon et à Poitiers. Elle annonce qu'elle chas-
sera les Anglais de France. Jeanne fait lever le siège d'Orléans. Reprise de Jar-
geau. Victoire de Patai. Marche sur Reims. Jeanne devant Troies. Elle fait sacrer
le roi k Reims. Gloire de Jeanne. Immense attente du peuple et de l'armée.
1422 — 1429.
Jusqu'à la mort de Charles VI, les deux partis anglo-bourgui-
gnon et dauphinois avaient combattu au nom du roi de France :
son autorité était également invoquée dans les manifestes du ré-
gent anglais et du régent français; son image et son écusson,
l'écusson de France, figuraient seuls sur les monnaies battues dans
toute l'étendue du royaume. Cette dernière fiction de monar-
chie vient de disparaître : la sinistre réalité n'a plus de voile;
la France est partagée entre deux rois ennemis. Paris, l'Ile-de-
France, la Normandie, l'Artois, la Flandre, la Bourgogne et ses
dépendances, presque toute la Picardie et la Champagne, et, au
midi, la Guyenne et la Gascogne occidentales subissent la royauté
d*un enfant au berceau, d'un enfant étranger qui porte dans ses
veines le sang des plus implacables adversaires de la France et
qu*on élève parmi les Anglais, de l'autre côté de la mer; la Lor-
raine et la Savoie, ces provinces nominalement impériales, fran-
çaises de langue, de position et de relations, sont, la première,
bourguignonne, la seconde, neutre; l'Anjou et le Maine sont un
88 GUERRES DES ANGLAIS. (1421]
champ de bataille en Tabsencc de leur seijçneur; la Bretagne
hésite et s'isole; la Toiiraine, FOrléanais, le Berri, l'Auvergne, le
Bourhoîinais , Lyon, le Daiiphiné, le Languedoc et les parties
orientales de la Guyenne et de la Gascogne reconnaissent l'héri-
tier légitime des Valois, jeune homme de vingt ans sur qui pèse
la solidarité d'un crime abhorré d'une moitié de la France et tout
au moins regretté de Tautrc, et ce jeune liomme n'annonce aucune
grande qualité capable d'elTacer ce fatal souvenir. N'importe: la
situation est désormais nettement tranchée; plus d'excuse ni de
prétexte aux cœurs faibles et indécis; il faut choisir entre le roi
anglais et le roi français; quel que soit l'homme, en Charles VII le
roi est l'unique représentant, le drapeau nécessaire de la nationa-
lité. Les populations le comprirent : un mouvement d'opinion, qui
semblait promiîttre l'aurore de jours meilleurs, se manifesta dans
le peuple et dans la noble!>se contre la dynastie étrangère; une
agitation croissante se montra çà et là dans les régions soumises
aux Anglais ; btîaucoup de gens disaient tout haut que Henri V
emportait avec lui la fortune de l'Angleterre; les conseillers de
Charles Vil, qui lui avaient été si funestes, déployèrent une acti-
vité plus ou moins bien dirigée pour profiter des circonstances
favorables à la cause de leur maître, et surtout pour attirer de
toutes |)arts de braves mercenaires écossiiis, lombards, espagnols.
On répandit dans les provinces une espèce de pamphlet politique,
écrit ])ar un jeune homme d'un noble cœur et d'un grand talent,
Alain Cliartier, secrétaire de Charles VII : c'était la France, per-
sonnifiée dans une vive et saisissante allégorie, qui conjurait se$
trois enfants, le clergé, la chevalerie et le peuple, de mériter le
pardon de Dieu, d'oublier leurs discordes et de s'unir pour sauver
leur mère et se sauver eux-mêmes*.
1. Le î=lyle ii*esl pus trop iiitV'iieiir à l'idée dans ccUc remarquable production,
supérieure ii tou^ les ou\ rages français de la même épuiiue : Alaia Cbarlier est le
premier de uos prosateurs qui ait touché parfois ti réloquence classique; il est
plus mai lu- de la langue que Georges Cliustcllaiu, et il porte dans la litléraluit
eeile Icrmcté cl cjîIc précision de la pensée qui uvuicut déjU donné une langue
presque iiiudernc u Ktieune Marcel dans ses lettres politiques. Les poésies d*Alaia
uc vuU'ut p.is su prose, malgré la renommée qu'il a conservée il ce titre et la tra-
dition si connue du poètiiiue baiM-r de Marguerite d*Kcosse, qui l'enibrussa pendant
son sommeil, ]iiiur l'amoar de ses vers. Son pumplilet est intitulé le Quadrihift
(le ([uadruple discours), a cause de quairc interlucuteurs qu*il met en sceue,U
[1422] BEDFORD ET WINCHESTER. 89
La réiiclion française qui s'annonçait n'eut niallicurcuscnient
pas les résultats qu'on en pouvait attendre : elle rencontra des
obstacles également difliciles à surmonter dans le caractère du
prince qui eût dû la diriger, et dans celui du chef ennemi qui
entreprit de l'arrêter. Henri V n'avait que trop bien choisi son
successeur à la régence de France : le duc de Bedford, prudent
administrateur, sage et habile capitaine, adroit négociateur, iden-
tifiant son ambition personnelle avec les intérêts du roi son neveu
et la grandeur de l'Angleterre, et jugeant tout légitime pour servir
cette cause, tour à tour équitable et modéré par calcul , inqda-
cable et barbare de sang-froid, mais toujours d'accord avec lui-
même quant au but, le duc de Bedford était déjà, au quinzième
siècle, le modèle de ce patriotisme égoïste et machiavélique, de
cette politique sans entrailles avec laquelle l'aristocratie anglaise
a bouleversé le monde. Bedford assura sa position avec une égale
habileté des deux côtés du détroit. Il craignait l'humeur inquiète
de son frère Glocestcr, que Henri V avait désigné pour la régence
d'Angleterre ; il se fit, en vertu de son droit d'aînesse, déférer
celte régence par le parlement, laissa seulement à Glocester sa
licutenance pendant son séjour en France, et donna un contre-
poids au pouvoir de Glocester en faisant investir du titre de
chancelier d'Angleterre leur oncle à tous deux, le puissant et
ambitieux évêque de Winchester ^. Nous n'aurons que trop à
revenir sur ce sinistre personnage, ce type d'avidité, de dureté et
d*hypocrisie pharisaïques, vrai chef et modèle de l'épiscopat an-
glican au quinzième siècle*.
Bedford ne réussit pas moins bien en France : là, c'étidt l'al-
liance bourguignonne qui était pour lui la grande question; le
duc Philippe, jeune homme très fier, très vaniteux, très ombra-
geux sur le cérémonial et le point d'honneur chevaleresque ^ et
France et les Trois Étais. M. Géruzez, dans son Cottrs d'histoire de l'fllvqucnce
française, a remis en lumière rimportunco de l'œuvre patriotique d'Aluin, négligée
par les historiens.
1. Petit-fils d'Edouard III et dernier fils de Jean de Oaud, tige des Lancastre.
2. Henri V, qui le craignait et le mcnugcait, avait dû lui donner dus lettres
d'abolition pour fausse monnaie en 14 17.
3. il n'avait point assisté aux funérailles de Charles VI, de peur d'être obligé de
céder le pas au duc de Bedford. U cause du su qualité de régent.
90 GUERRES DES ANGLAIS. [|433]
Irùs convaincu de rinipossibilité où étaient les Anglais de se passer
de lui, n'eût peut-ùtre pas lardé à se brouiller avec le superbe
Henri V. Bedford s'efforça de le rattacher étroitement à Henri VI,
le combla d'égards et de déférences, et intéressa son amour-propre
à soutenir efficacement le petit roi qui lui devait la couronne de
France.
Un pareil homme était un terrible advei'saire pour un prince
de vingt ans qui avait tous les défauts et aucune des qualités de
la jeunesse : Charles VII , à la fois mobile et obstiné , léger et
« songeur », soupçoimeux envers les bons et crédule aux mé-
chants, amolli dès l'adolescence ])ar ce précoce abus des voluptés
qui avait coûté la raison à son père et la vie à son frère, ne mon-
trait en rien l'activité d'esprit et de corps, ni les passions éner-
giques de son âge. Il n'était pas lâche : quand il fut obligé de
payer de sa personne, il le lit honorablement; mais il craignait
les fatigues et le tumulte des camps, « ne s'armoit mie volontiers
et n'avoit point cher la guerre », comme dit Pierre de Fenin : il
n'était ni cruel ni absohunent insensible ; € il étoit beau parleur
h toutes personnes et piteux envers pauvres gens^ » ; mais sa sen-
sibilité toute physique, pour ainsi dire, était sans profondeur et
sans durée; sa vie morale était toute dans la sensation présente;
il n'aimait pour ainsi dire que par les yeux; ce qu'il n'avait pas vu
n'existait pas ])0ur lui; ce qu'il ne voyait plus s'effaçait à l'instant
de sa pensée; si son esprit était Ciipable de réflexion et de sou-
venir, jamais honmie n'eut moins que lui la mémoire du cœur;
il était ingrat, moins par penei-sité réfléchie que par impuissance
morale. Plus tard, beaucoup plus tard, la maturité de l'àgc exerça
sur ses facultés une favorable influence; sa rectitude d'esprit ne
demeura plus stérile ; l'aptitude au travail et à l'action, la volonté,
la personnalité, à un certain degré, se manifesta en lui; la volonté
active, disons-nous, car il n'avait eu que trop jusque-là, comme
nous le verrons, la volonté négative. Cette modification fut bien
1. Du moins quand i. los voyait; mais il évitait autant que possible de les voir.
«Vous \oulc'z toujours, lui t'crivaii un de sus conseillers, être cuch^ en ch&teaui,
méchantes places et manière» de petites chainbrettes, sans vous montrer et ouïr les
plaintes iW' votre pauvre peuple. » Kpltre de Ji-an Juvénal des Ursins 2à Charles VH,
mss. de S. (Ji-rmaiii franrais, u" 3;>!, f* 74» Hibliothêq. iuip.
[1422] CHARLES VII. 91
lente, et il ne se défit jamais d'ailleurs du vice des petites âmes,
la défiance jalouse contre tout ce qui est gTand ; la haine ou la
peur des trop éclatants services ^
Le gouvernement anglais conserva donc sous Bedford la supé-
riorité politique que lui avait donnée Henri V, bien qu'avec plus
d'embarras intérieurs et avec une moindre liberté d'action : le
régent ne fut que trop secondé par les passions anglaises, qui,
contrairement aux vrais intérêts de l'Angleterre, avaient épousé
avec une aveugle ardeur l'entreprise de Henri V. La partie aven-
tureuse et guerrière de la population continua, non sans résis-
tance, il est vrai, d'imposer ses volontc s aux classes laborieuses
et paisibles, et d'épuiser les ressources de l'Angleterre pour
achever l'œuvre gigantesque de son héros mort à la peme : l'idée
de retourner contre la France l'antique conquête de Guillaume
exaltait les descendants des Saxons, au moins autant que les fils
des Normands.
Dans les premiers mois qui suivirent l'avéncmenl des deux
nouveaux rois de France, l'initiative appartint cependant au parti
de Charles VII, animé par les espérances que lui avait inspirées la
mort de Henri V. Tannegui, Le Maçon, Louvet, les conseillers de
Charles VII menèrent leur roi de ville en ville, afin de le montrer
au peuple ; à Meung-sur-Yèvre ils lui firent rendre une ordon-
nance vivement réclamée par les États du Dauphiné pour la
réforme des abus judiciaires dans cette province(Ordonn.,t.Xni,
p. 1-7); de là, ils le conduisirent à La Rochelle, dont l'affection
était si essentielle à conserver : divers privilèges furent accordés
aux Rochelois et aux navigateurs étrangers, aux Castillans surtout,
qui trafiquaient avec eux 2. Un accident faillit trancher là brus-
quement la querelle de l'héritage de France. Comme le roi Charles
tenait conseil avec ses barons, une partie de la chambre où il se
trouvait s'écroula; plusieurs seigneurs restèrent morts sur la
1. «Aucuns vices soutenoit, souverainement trois : c'étoit niuableté (mobilité),
diffidence (défiance), et, au plus dur et le plus, c'étoil envie pour la tierce. »
Georges Chastellain; extrait inédit publié par M. J. Quicherat, ap. Bibliothéq. de
VÈcole de* Chartes, t. IV, p. 76.
2. Bedford, pendant ce temps, accordait des privilèges analogues aux Portugais
k Harfleur et dans les autres ports soumis aux Auglais. i». lu préface du t. Xlll des
Ordotm, de France, p. vij.
n GfJERRES ÎJES ANGLAIS, ti*îl,if
pU'ire, ni Charles lui-inCuie fut lêgeruiiioiit b\it*f^^ (llun^tn^A
Le jeune roi alla ensuite se faire cûnronner à Paitiers af
qneliïue appareil, sans recevoir lonlcfois i'onclkm sainte : Icil
parkas tle Nulro-Duïue de Reims étaient fciinées à rtiC*riticT(kj
saint Louis, ci la cité du sacre était aux mains de l'étr^mgcr, I
Poitiei-s Charles vn retourna à Bourges; ce fut dansi celle %illel
et dam les duMeaux des environs qull rtïi^idu le plu;^ ordiiuiH
renient» et les Anglais Taiipelèrent le « mi de Bourges {mr fôr
de dérision* ». 11 convoqua les litals GéntTaux de la bniriie d'oili
Bourges au niuis du janvier 142:{; on ne jiosîiude aucuns dét^ib
sur cette assemblée, qui ne dm guère secomjHiser que d*^ «l«^|itiléi]
des provinces entre la Loire et les Ccvemies; on Mil seulemcnlf
qu'elle cjctroya au roi une aitic d'un million de fnincs d'^or^ t*JTorl.|
qui semble immenge» quand on eon^idCre la cruelle silnalitiii
du pays et les faibles ressources des populations souitii^'s il
Charles VII, Le clergé consentit h pajer un dixièmo de son rc-l
venu, et les lltats de la langue d*oe, réunis en mai à Oiraissonuc^l
accordèrent à leur tour 200*000 livres, à condition que le roi ns-J
médiat aux mutations de monnaies. Le conseil du daupti in,
1 418 à 1422, avait eu recours aux expédients les pkiâ di!=Sîistiruï
pour suppléer aux impôts directs qull ii'osiiit exiger rlei^ (irovincc
dauphin Dises; le marc d'argent tin avait été |)arté à 90 livr
par les aiTaiblissemenis successifs des moimaicîs; puis on letiaHJ
de le renïeUre brusquement à 7 livres 10 sous, et IWa d'or
20 sous*. Charles VU était allé présider en iiersonne Ii» Et;jUdi«|
Languedoc* et sou séjour dans ce pays Tut marqué t»ar un gratidj
succès diplomatique, le retour du comte de t'oix et de ^on fret
le comte deComminges au parti français* Le couïte de Fotx, qai|
avail traité avec Henri V, ne reconnut pas son ÛIk L* ail innée de j
n Kiftiftl d« Pftrîft (tarr<9tiieiit âh â*AttPtriiHe), Viijih» du rai Ckariti h Stp
iitmw^ C0M0 cttrtuiiqv<« *ia ttin e»i |>fu» iAiéro^ftiinie \nmr l'Iii»k»irtr urne poux kl
poésid, Avtini Uftiiîiil 4t^ Turis. la l^runc^ nvMi eu ud nulle po6i« mm huia) jt<tLLriùtc, I
mtkH iCun iaknt hh^n H{}|i^riinir, qu« uaun mtuik rqmicImnA ilv h^mï i^lr im% iiiU :|
|lii<!nLi jtoui èlcffï» %iL praséu ctt neUâ et f^rtc, tti Éc rti|lbiije lio ftes LoJliiikA el^
M* tfntdi'nu% cm Hcittvi.'ia tCunii iiuli^liï hiiiimutik,
2, OrdtmiK ^« Frave*", I. XI il* I*rètac0 il« liM. Ville v «ut t ut d« IIHrtirifnI« f, i\;A
et p. J4. — Hii(. de Ut^juciioc, L XXXlV, c. 27, tn.
[imi LE ROI DE BOURGES. 03
ces puissiuits seigneurs des Pyrénées avec les Anp:lo-(îascons
exposait la cause de Charles VII aux plus extrêmes périls dans le
Languedoc : leur réconciliation avec le roi assura la lidélité de
cette vaste province et la garantit contre toute tentative de la part
' des Anglais.
Les capitaines dauphinois, pendant ce temps, recommençaient
leurs courses hardies au nord de la Loire; ils étaient secondés
par des conspirations bourgeoises dans beaucoup de villes. En
janvier 1423, un nouveau complot s'ourdit à Paris pour livrer
la capitale aux gens de Charles VII. La trame fut découverte :
plusieurs bourgeois furent décapités; d'autres furent obligés de
fuir, abandonnant biens et familles; une femme fut brûlée vive.
Parmi les fugitifs se trouvait Michel Laillier, un des plus nota-
bles bourgeois de Paris, qui avait été très affectionné à Isabeau
de Bavière et qui venait de faire partie d'une ambassade en-
voyée par les Parisiens au conseil du petit roi Henri à Londres :
l'aspect de l'Anglelerie lui avait inspiré peu de sympathie; à
son retour il s'était mis à la tête de la conspiration a dauphi-
noise » ; son rôle dans les révolutions de Paris ne se termina
point là. Le duc de Bedford, alarmé de cette tentative, exigea un
serment de fcauté de tous les habitants de Paris : jusqu'aux « cham-
brières », jusqu'aux moines, tout jura, bon gré, mal gré. Le vieux
parti cabochien, dont Bedford caressait les passions, était tombé
à la discrétion du régent anglais et l'aidait à contenir Paris. Les
cabochiens armèrent leur milice pour seconder Bedford dans la
€ rccouvrancc » de Meulan, surpris par le sire de Graville: l'oc-
cupation de cette ville par les Dauphinois interceptait toutes com-
munications par eau entre Paris et la Normandie ; la milice pari-
sienne joignit devant Meulan les troupes anglaises, normandes et
picardes mandées par le duc de Bedford. Le sire de Graville et
les siens se défendirent avec opiniâtreté, en attendant la venue
des capitaines du roi Charles, qui leur avaient promis de les « re-
couire » : les comtes de Buchan et d'Aumale, le vicomte de Nar-
bonne et Tannegui Duchâtel rassemblèrent, en effet, six mille
combattants en Berri et poussèrent jusqu'à six lieues de Meulan;
mais là « se mil entre eux dissension » : les gens d'armes récla-
mèrent leur solde; Tannegui, qui avait reçu l'argent, ne paya
9t GUERRES DES A^GLAIS. [uzs]
point; on Taccusa d'avoir détourné la somme à son proiit; lircf,
au lieu d'attaquer r/io,s? de Bedford, les Franco-Ecossais «s'en
retournèrent sans rien faire ». Les assiégés de Mculan, irrilés de
cet abandon, jetèrent la bannière du roi Charles du haut de la
porte du château, déciiirèrent leurs croix blanches, et rendirent
la place au duc de Bedford, ainsi que Montlliéri et Marcoussi,
« qui étoient en Tobéissance » des capitaines enfermés dans
Meulan. (iraville et plusieurs autres « se tournèrent angloîs >
(1*' mars). GraviUe était un des seijrneui-s normands qui avaient
renoncé à leurs liefs pour ne pas se soumettre à Henri V. 11
ne tarda pas à se repentir de sa défection et à revenir au parti
français.
Cet échec fut balancé par un avantage que les Dauphinois rem-
portèrent en Anjou : le 4'omte d'Aumale, à latôte de la noblesse
et des communes du pays, défit près de Gravelle deux mille cinq
cents Anglais sortis de la Normandie; la moitié des ennemis pé-
rirent dans le combat, et on leur reprit dix ou douze mille tètes
de bétail qu'ils avaient enlevées aux paysans.
Le régent anglais avait eu un moment de plus sérieuses inquié-
tudes encore : le duc de Savoie 2, oncle du duc de Bourgogne,
s'était mis en télé de réconcilier son neveu avec Charles VII qui
niait toujours avoir prémédité le meurtre du duc Jean, l^liilippe
de Bourgogne ne refusa pas d'envoyer son chancelier conférer
à Bourg -en-Bresse, sur terre de Savoie, avec les hommes de
Chai'les; mais les meurtriers de Jean sans Peur, (jui savaient que
leur chute et leur exil seraient la première condition du traité,
immolèrent de nouveau la France à leurs intérêts; ils dictèrent
le choix et les instructions des ambassadeurs royaux et firent
avorter les négoriatioîis (janvier 14'23). Bedford en profita pour
resserrer soîi alliance avec le duc Philippe, et entraîner, jKir
l'intermédiaire de Philippe, la maison ducale de Bretagne dans
le parti anglais. Lr, duc Jean de Bretagne, qui avait eu si grave-
ment à se plaindie des conseillers du dauphin, était tout disposé
1. Monstrcict, 1. II, c. 3, 4, :>. — liouryeois de Parix, ilaiis lu collection Michaud.
l. in, p. 238. 239. — Baïuntc. l. V, p. 139.
2. Aiiit'r ou AiiM'dt'e VllI : le coiiito de Savoie avait été érigé en duché par Tem-
pereur Sigisniond eu 14 10.
[t423] EFFORTS DES FBANÇAIS. «5
à se rallier aux Anglais; mais Tantipatiiic (lue ses sujets témoi-
gnaient pour cette cause Tavait retenu jusqu'alors. Il se dé-
cida : il vint trouver à Amiens les ducs de Bedford et de Bour-
gogne, signa un traité d'alliance avec eux le 17 avril, et reconnut
Henri VI roi de France et d'Angleterre; son frère Artus de Bre-
tagne, comte deRichemont, récemment sorti des mains des An-
glais qui l'avaient fait prisonnier à Azincourt, épousa la s eur ainée
du duc de Bourgogne, Marguerite, veuve du feu dauphin Louis,
et une autre sœur de Pliilipi)e, Anne de Bourgogne, fut donnée
îiu duc de Bedford avec une dot de 150,000 écus d'or. Cepen-
dant, le lendemain du traité des trois princes, les ducs de Bour-
gogne et de Bretagne conclurent un autre pacte particulier et se-
cret où ils se promirent de rester amis et alliés, lors même que
l'un des deux se réconcilierait avec Charles, « dauphin de Vien-
nois ». La plupart des conseillers bourguignons et picards du
duc Philippe avaient au fond de l'àme quelque arrière-pensée
françîdse, qu'ils lâchaient de faire pénétrer dans l'esprit de leur
maître (Barante; Monstrelet).
La reprise de Meulan n'avait pas découragé les Dauphinois. La
guerre se réchaulTait dans le Nord ; des bandes redoutables, can-
tonnées aux deux extrémités de la Picardie, dans la Thicriache
et le Ponlhieu, tenaient en alarme toute la Picardie, l'Artois et le
Hainaut. Le menu peuple de Tournai venait de se révolter et d'ap-
peler dans sa cité le sire de Moy, capitaine dauphinois; d'autres
chefs d'aventuriers couraient la Champagne et les maixhes de
Lorraine, et se défendaient, dans quelques petites places de la
Meuse, contre les Anglais et les Bourguignons. Les principaux
capitaines de Charles VII résolurent de les secourir et de prendre
sérieusement l'offensive du côté delà Champagne; un détache-
ment français s'était saisi de la forteresse bourguignonne de Cre-
vant qui commandait le cours de l'Yonne entre Auxerre et Aval-
Ion, et assurait les communications des Français avec le nord-est.
Crevant fut repris presque aussitôt par les Bourguignons ; jJusieurs
milliers de Français, trois mille Écossais et quelques soudoyers
espagnols et lombards marchèrent par Gien sur Crevant, sous les
ordres de l'Écossais Stewart (Sluart) de Darnley et du maréchal
de Sévcrac. Le duc Philippe était en Flandre : la duchesse douai-
m GUnRBES DES ANGLAIS,
iièrc> SiiinÎTè, obîitii un sul>sid€ des Étals clés deux Itmirip^i
aii[ïpla iiijxiirnies Im rinjdatîiirtîs de son ûlset n'^clattia ïc^ s^ïecNiii
du duc de BedTord, qui envoya les couiles de Siilisbury et de S«f-
folk joiudre les Bourg ui;:înons avec rfiiatro mille Ançlaîs. t'arinte
anglu'boiu'guigtïoiuie prlit d*Auxeri'e pour faire lever le ^îi^ de
Crevant : arrivée an bord de rYorine, vis-â-vis de Coulange«-la-
Viuéuse» elle vil les Franr/iis qui ratlendaîent sur Fautro rive; foia
les gens d*anneâ iiiîrrut pied k lerre> et dt'^feuse fut l;'iite t|U ou
oetroyât merci à qui que ee tût et qu'on « prît prisonniers juFqii*!
ce que le eliamp fût pleinement p^a^né ». Une partie des Aiigl|^fl
Bourgiù^non&i nHaqui'rent le pont de Coukoges; le^ auln^n^ p^
sèrcnt la rivière h gu(% et la garnison de Crevant assaillît en qimiû
les Français. Le désordre se mit dans l'armée aâsiégesmte, € «j».
vainc ï de lontts iiartâ : le gros des troupes Trançai^i^s fut rfinif»
et entraîna dans m diToutc le jnarLehal de Sévcme; les auxiiiain^
éenssatSf qui étaient 4 au front devant m, et les plus braves des
gens dVumes franciiis, qui se rallièrent et n'almndonDêreal jmsâ
leurs alliés, enveloppés par des forces très supérieures» sueeoio*
livrent aiirès un o|iiniâtre eombat : lord Stewart fut pris» ftvcc
un 4£il crevé; Saintrâilles et quatre ecnls autres nobles hommes
tomhèrenl ^galrnient nu pouvoir des vainqueui*s; dotms ceaU
honnnes d\irmes, pom la plupart geiitilsliomnies écoemh^ re^
lèrent sur le cbanip de bataille (!•' juillet) (Monslrdel; Fentu;
Rerti),
t>tle détUi(<î auR-na la reddîliun de Couci, de Blont-^AiguillDU
rn t:brun|>agne, du Crotoi en Picardie, et d'atitn*s fartcresi^es daii-
piiinuises du Nord, ([ui n'espérèrent plus dès lors ôlre secoumes.
La nouvelle de la journée de Crevant troubla la joie que lu nab-
sanee d'un dan[)liin in^{)îniit h la eour de liourges : lu neine Mario
d'Anjou avait donné, le 4 juillet, à t'haïleiï Vil» untllsi]uj fui le rot
Louis XL Si r**n fut triste ;*! Bourses, on ne se montra guère plut^
joyeu.\ h \hivh; \r^ fute:^ quedoiuia Ir due de ll(?dford pour c^é-
brer la victoire des Anglais renrontrèrenf peu de sympathie paniii
le peuple : Tauteur du Jmirmd d^n hoxtrff^ois de Paris, m Ardent
Bourguignon, n'a plus que des paroles de deuil pour ce*i iocci-
ëiotis de clnéticns » <jui n'apportaient aucun soulagetneiil à k
misère publique. Uaris continuait à se dépeupler; de$ milliers ifr
[1429] LA DANSE MACABRE. 97
maisons étaient vides et croulantes ; riierbe poussait parmi les
rues ; les loups entraient la nuit dans la ville par la rivière ; les
imaginations frappées voyaient déjà dans Paris une nouvelle
Babylone dont les débris deviendraient bientôt le repaire des bétes
de proies
On continuait à combattre sur les ruines de la France : les morts
de Crevant furent promptement remplacés : pauvres, audacieux,
avides d'aventures et de butin, les Écossais répondirent de c grand
courage » à l'appel de l'archevêque de Reims, envoyé par le con-
seil de Charles VII : ils descendaient en France par colonies en-
tières ; on ne s'entretenait, dans les bruyères et les montagnes de
la stérile Calédonic, que des brillantes destinées qui attendaient
les braves au beau pays de France. Le gouvernement anglais
essaya d'arrêter cette émigration des Écossais en reprenant, avec
1. Paris, qui n'avait plus le cœur à prendre part aux fêtes cheTaleresques de
ses maîtres, se donna uu divertissement plus en harmonie avec ces temps de déso-
lation : ce fut la fameuse danse macabre , la fête de la Mort. Durant six à sept
mois, d'août 1424 au carême de 1425, on ne cessa de représenter, entre les char-
niers du cimetière des Innocents, un lugubre mimodrame oU toutes les conditions
humaines, depuis le pape, l'empereur et la grande dame jusqu'au dernier men-
diant, entraient tour b tour, bon gré mal gré, dans une danse dont la mort était
le coryphée. Tour la première fois, la Mort, personnifiée sous la forme hideuse du
squelette humain, étalait, avec un cynisme railleur, « la nudité suprême qui eût
dû rester vêtue de la terre», suivant l'expression d'un historien poète (M. Michelet).
L'antiquité, qui voilait de fleurs toutes les misères de la condition humaine et qui
déguisait, sous de noires ailes et une robe semée d'étoiles, le fantôme de la Mort,
Pautiquité eût repoussé cette sinistre allégorie comme une affreuse dérision de la
personne humaine. Le christianisme, conséquent avec ses priucipcs d'humilité et
avec l'anathème qu'il avait lancé contre la chair déchue, affectionna les images de
la décomposition du corps et de la dégradation de la vie terrestre, mais en vue
du contraste avec une vie supérieure et impérissable. Ce qui fait rétraugcté et
l'horreur de la dame macabre, c'est lu suppression de ce contraste; le sentiment
religieux a disparu; il ne reste que l'image et l'idée de la destruction matérielle;
la moralité, c'est l'égalité de tous les hommes, non devant Dieu mais devant le
▼er du sépulcre. Il fallait, pour se plaire à un tel spectacle, être réduit, comme les
misérables populations du quinzième siècle, ii s*approprier la triste épigraphe de
la dauêe macabre :
Morte nihil melius; vita nil pejus iniqual
Rien de mieux que la mort; rien de pis que la vie!
La danse macabre, originaire de l'Allemagne, fut au genre des drames allégo*
. riques appelés moralités, ce qu'était le Mystère de la Passion aux drames reli-
gieux : la peinture, la gravure, la sculpture reproduisirent partout ses interminables
sarabandes, r. la Préface du roman historique la Danse macabre, par le bibliophile
Jucob ^P. Lacroix). Macabre vient sans doute de l'arabe magabir, ciiueiière.
Vf 7
ÎRKEîJ DBS A ?« OL.il S. ri<^4itir
le roî Jncques Stuart loujoursprbontiiiT en Afijifleicnv, H» tmtè
qui n'avait point éié réalisé du vivant de Ilenii V ; iiiaks uvajii
que Jacques fût de retour en lîcosse, le comie de lïonglît? étadJ
déjù diltuiquè h Là Rochelle à In l^to de cinq niHIe guerrktf
d*iHilt* Le roi lui fil « grande dière », et iiaja d'avance sc^ ser-
vices avec magnificence : il liiî donim « la duclié p dû Touraiiic i
vie *, StUQrt de Damley, échangé conlni le eommandiinl des Ao*
glais pfiÈ h Gravelle en Anjou» eut la seigneurie d'Atibigné et le
CQuxit de Ureux, Tout était pour tes getm d'Ecosse ; les ca|)itaiiiêi
français en niurmunuenl l'orlet douiandaicnl si Fou voulait que
la Pnince fût portngi^e entre les Ang^'^iî^ et les Écossais, Il est ocr»
tain que les conseillers de Charles Vil, n'ayant, pour »1iii|i05cr 4
rhumeur indépendante des capitaines Avançais, ni rautoritù de b
naissance ni celle de la gloire 4nilitairc> leur prÉfêmtent systé-
matiquement les auxiliaires i^!rangei^< Le c<>nsfil de Cliarles VB
tira encore des secours d'ailleuiâ que d'Ecosse : le dnc île %Uhn
envoya troisi des plus reuonnnés comhitkrî d*JtiiUe, avec dnq
cents lances et mille archers, qui cntiiTcnt par Ljon cti Fiuoce,
et prirent en pasîsant, près de Mâctm, à raide des Lyonn^iâ, k
maréchal de Bourgogne, Thonlongeon^ un *les vaîiiqtiettrs de
Crevant* Ces renforts rcniircnt le parti h-unçab en étal de tenir
la eimipagne ; la guerre ne se iaisail nulle |iart avec des masses;
la déflation du plat pays eût rendu l'entrelîeii des graudcs ur*
inées imposslhle : rhi^torien Thoinas Basin ^ iiS5tu*e que, dcptii>le
Pontlaeu juMiu'aux nurdies de Lorraine ei d'Alleniagiiû« un m
voyait (|ue champs en friche et villages déserfs, I4C» Iniis, les hal-
liers et les broussailles rogagnuieat de toutes parla lu terrain qcie
leur avaient enlevé raccroisseuïcnl de la po|Hilîilion cl h^ progits
de ragricullure*, L*aigent> d'ailleuj'j», niouquail au rcf^KHi <
I, CkrimSitUê ùnùttffme, dit« de ia PttfttU*
?, Tbotuiai Haiiii. ^téqtic tU U%ïmx, longtcmp* t&fM tn\\n U f««u49iij&r
\j>tiï*. %{t ^u'aji r^'jt'ittl>iit depuJH fuiiisluiup» de no pi» voir ftgiirvt votrs Ici i
uuui^tiin ittr|irJmé*} du qatuf Ji'iui: $itde i lu S<yciHé ili^ rtiïAlatrr ijo rr^aticv » ob
3. tJ eoumi lt»u^icinpsn nu pfc»\t^r)iti ^Vlk éiwiiii ^m • h% Aftgliu», |iaf Itnrj
it la PucçUe dtOrtéantt |}ibUe»tk, luiiu^ loud» ù^ FvtiUuj^ii, w IJIk
(U!I4] AUXILIAIRES ÉCOSSAIS. 99
comme au roi de Bourges : rAnglclcrrc était encore falijiuée des
sacrifices qu'elle avait laits en 1421.
Une amiée entière, après la bataille de Grevant, s'écoula sans
événements capables d'influer sur le sort de la guerre : wwii nou-
velle révolte eut lieu sans succès parmi la noblesse de Picardie;
les Français perdirent un bon poste, La Cha ri té-sur-Loire; enlin,
dans les derniers jours de juin 1424, le château d'Ivri, dernière
place que conservât Charles VII sur les confins de la Haute-
Normandie, fut attaqué par les Anglais : après un mois de résis-
tance, les assiégés capitulèrent et promirent de livrer leur forte-
resse au duc de Bedford, la nuit de l'Assomption de Notre-Dame,
a au cas qu'ils n'auroient secours du roi Charités d.
Les capitaines de Charles VII se décidèrent à un grand eflbr t pour
€ recourre » Ivri. Dix-huit mille combaltiinls furent rassemblés
sous les bannières du connétable de Buchan, de lord Douglas,
duc de Tourainc, des comtes d'Aumale, de Tonnerre, de Ven-
tadour, du vicomte de Narbonne, du maréchal de La Favelte, et
des condottieri Valperga, Rusca et Cacchieie. Ces chefs, qui ne
sentaient point sur eux la main d'un pouvoir intelligent et fort
et qui s'étaient habitués à l'indépendance d'une guerre de par-
tisans, ne pouvaient venir à bout de s'entendre quand ils se trou-
vaient réunis : aucun d'eux ne voulait reconnaître la supériorité
d'un autre; les Français refusaient d'obéir à l'étranger Buchan,
tout connétable qu'il fût : ils convinrent enfin de mettre à leur
tête un enfant de quinze ans, le duc d'Alençon, parrain du petit
dauphin Louis et fils de ce brave et imprudent Alençon qui avait
périà Azincourt; le vicomte de Narbonne fut donné pour guide
au jeune duc. Au jour fixé (15 août), l'armée de France arriva en
vue d'Ivri : le duc de Bedford l'y avait devancée avec dix-huit cents
hommes d'armes et huit mille archers anglais. Sa positign était si
forte que les capitaines de France ne crurent pas pouvoir l'at-
taquer : ils se retirèrent, abandonnant Ivri malgré la promesse
qu'ils avaient envoyée au gouverneur, « scellée des sceaux de
dix-huit grands seigneurs du parti du roi » (Monstrelet). Pour se
dédommager de cette perte, ils allèrent se présenter devant Ver-
neuil : un grand nombre d'Ecossais des basses terres, qui par-
iaient anglais, se laissèrent fier les mains, barbouiller de sang le
100 GUERRE.^ DES A^NGLAIS. [liil]
visijio et les vùleiiients, et Iniîner à la suite des Français coiiiine
(les i)risoniiiers anglais : ils crièrent à la garnison de Vei*neuil
qn(; tout élîiit perdu, que rannée anglaise était détruite. Les
défenseurs de Verneuil, épouvantés, ouvrirent les portes de leur
ville. (Bourgeois de Paris. — Monstrelel.)
Tandis que les généraux français prenaient possession de
A'erneuil, le duc de Bedford, maître dlvri, s'était rais à leur
poursuite : il expédia un héraut au lord Douglas, duc de Tou-
raine, lui mandant « qu'il venoit pour boire avec lui, et qu'il
se voulût arrêter afin qu'ils Lussent ensemble. Et ledit duc de
Touraine lui lit telle réponse : — Qu'il soit le très bien venu. Je
suis venu exi)rès du loyaume d'Ecosse pour le trouver et ren-
contrer enfin en France, puisque je ne l'ai pu trouver en Angle-
terre. Qu'il se veuille donc hâter d'approcher» (Berri).
Toute l'armée fut ordonnée en une seule bataille à pied, avec
deux ailes à cheval, très inégales, composées, l'une des auxiliaires
lombards, l'autre de Français. Les Anglais se formèrent aussi en
une seule grosse bataille, les honunes d'armes derrière, les archers
en avant et sur les ailes, leur front couvert par une rangée de pieux
aiguisés. Bedford plaça en arrière les chevaux et le bagage avec
une réserve de deux mille archers. « Le duc de Touraine cl les
autres chefs de la compagnie avoient délibéi é et conclu d'attendre
les An;ilois en la plactî oii étoient les François près de la \ille ■;
mais le vicomte de Narbonne se précipita vers l'ennemi avec une
aveugle impétuosité : Douglas et les autres chefs furent forcés de le
suivre, et, quand on on vint aux mains, les Franco-Écossais étaient
déjà hors d'haleine, tandis que les Anglais avançaient < lentement
et sagement en bel arroi sans se trop échauffer ». Pendant que
« les deux grosses batailles s'assembloient l'une à l'autre, sans que
de grand espace (longt(Mnps) on i»ùt voir qui auroil victoire», les
deux ailes friuiçaises, chargées d'attaquer en queue les ennemis,
s'étaient ébranlées : les cavaliers italiens, partis les premiers, fon-
dirent sur les deux mille archers de l'a ni ère-garde anglaise, les
re[)Oussèrent sans les entamer, et, s'emparant d'une partit des
chevaux et des bagages, ne songèrent phis qu'à mcllrc en sûreté
ce (pfils avaient « gagné ». L'autre aile française, qui ne comptait
(jue deux à trois cents lances, se trouva beaucoup trop faible,
CU24} BATAILLE DE VERNEUIL. 101
non-seulement pour exécuter la manœuvre qui lui était confiée,
mais même pour empêcher les deux mille archers de renforcer
le principal corps de Bedford, «Et lors, assez hripf ensuivant, se
commencèrent les François à déconforler, et les Anglois, en grand
hardiesse, se boutèrent entre eux, les séparèrent et ouvrirent leur
bataille en plusieurs lieux; et tant continuèrent lesdits Anglois
qu*ils obtinrent la victoire, non pas sans grand'peine et efl'usion
de sang de chacune partie*. » Les adroits et lestes archers triom-
phèrent, comme à l'ordinaire, des pesants hommes d'armes; la
gendarmerie, impropre à toute manœuvre d'escadron, et le plus
souvent empêchée par la disposition du terrain de se mettre en
haie sur une seule ligne , son unique manière de combattre à
cheval , avait presque absolument renoncé au rôle de cavalerie
dans les batailles rangées; le rôle d'infanterie ne lui réussit pas
mieux; ce ne sont pas les armes à feu, quoi qu'on en ait dit, qui
ont tué la chevalerie, c'est la création de l'infanlerie moderne
dont le caractère est la réunion de l'arme de jet et de l'arme blan-
che dans la même main. Les archers anglais avaient déjà ce ca-
ractère quoiqu'ils n'eussent pas d'armes à feu.
L'élite de l'armée franco- écossaise périt dans la funeste journée
de Verneuil : le comte de Douglas, le connétable de Buclian, les
comtes d'Aumale, de Tonnerre, de Vcntadour, le vicomte de
Narbonne, tous les grands seigneui-s furent tués, excepté le duc
d'Alençon, son frère le bâtard d'Alenron et le maréchal de La
Fayette, qui tombèrent vivants au pouvoir de l'ennemi; (juatrc à
cinq mille Franco-Écossais demeurèrent sur la place : on fit peu
de prisonniers; la victoire avait coûté aux Anglais seize cents
hommes d'armes et archers (17 août 1424). Le corps du vicomte
de Narbonne, un des meurtriers de Jean-sans-Peur, fut accroché
à une potence (lar ordre de Bedford; plusieurs chevaliers nor-
mands, qui étaient retournés à la cause fiançaise ai)rès avoir
prêté serment au roi anglais, furent exécutés « par justice ».
Veuieuil se rendit au duc de Bedford, qui retourna ensuite à
Paris, où il fut reçu « à aussi grand honneur que faisoient autre-
1. Monstrelet, 1. U, e. '»<>. — Saint-Renii. c. 127, r.?8. — Bcrri. roi (l'armes.—
Bourgeoiê de Paris.
lOî GUERRES DES A?fOLAî$ ' ^
fois lc$ Ronuuiiïi en imr^ Irioniplics, (ïoiidcHU qm le roi *:. i.
avoifc au rtpur grand tristr^so pour li (Ij'striirtioii di» si^îi |if m
et de sa chevalerie* ».
La nnitiut'le (Je loutle Maine et la redilition dt^' deniitTes for-
(en'i^HeH djiiîplùnokcs de Picardie mivireiit la vicloire ûch \ij-
glm : les d^fiiilos suceesï^ives de Crevant et de Venteiiil |w*rsî>-
îijtient devoir enfnnler des con^ir^qwnceîîi bien uiilreiuent %iHcsd
fataleit; les Français avaient appriî* par une tris^tc espt'rîcnre que
la forlune de Henri V lui survivuil, trt il était à craintlrt- qnm
martnl ddToiirairetrjcnt ne mtceédât au mouvciaienl ûb réactido
nationale qu*avait amené la mon du ronqin^mnt éir:;ingtT. Ltt
Anglais puu^îisaient avec vigueur leufî^ avautu|tc»i; te» {>opulatiom
du eentre et du nudt pouvaient être lent^e^ ilo rotirher la i^ic
sous un jong qui seuiblail imposé par la Pruvidencc elle-mûme,
Charles VIÏ et ^p% erinseillers faifiaitiiit tout ee qu'il failnil iwtlf
iiehever de perdre la cnu^y nationale t n*a)^i}| foi que dans k»
auxiliaires étrangers, ils étaient bj atterris dcl.i desli*urtion ik*
Écossais» qu*iliâ interdirent désorniak aux truupeiî royales loirte
opération de eampa^^ie et abandonnèrent à ellet^nèmes k$
bande$ de parti^^H^ns qui tentaient encore de giierrojer ^u m>rd
àts la Loii-e. Les Anglais pment mm balîjyer à InMr hi& partît
san.s et rench e aux provinces an^do*lrançaiR*s une ^curilé rdft»
tivc, Un<lisque les partiî^ans refoulés par reEmemi redcveiiaieol
un fléau pour len provinces « dauphinoise^)^ ».
Le* fautes des Anglais suspend irejil TefTet des Tautes do Char-
les VU : ee fiil dans m propre famille que le duc de Bedibitl rciH
contra les pluB grands obstaetes : au moment ou le « rtgmi àt
France » triomphai! h Verneuil, son frère Gloe^*ster, ie lieutenmit
général d'Angleterre, eompnimellaiï, pour les inlén^lsde son ëay
hllimï privée, et les progrés ullérieursde la muse anglaise et m^me
les ré.'^ulials acquis,
Jacqueline de Itoviére» comtesse de Hainaut, Hollande et Zélande
I Itfir tUia.iic put rAKiorrtUnaOmi dr^ li'hfi^ mIHi^a, TiKknMit hwaiu, L Ui c. 24.
mt^ t*fihtmrf dt Jeajmt tfArt; l*ttri», J. RcnfUîirtJ , iS.v»; jk ï7-30. Cmt #lMili,
tl«4] DÉTRESSE DES FRANÇAIS, 103
et dame de Frise, veuve du dauphin Jean, avait t^pousô on socondos
noces son cousin-germain Jean de Bourgogne, duc de Rrabant et
de Limboui*g, lils aîné du duc Antoine, tué à Azincourl : ce ma-
riage, œuvre de la politique bourguignonne et contracté à regret
par l'épousée, était le plus mal assorti du monde. Jacqueline,
belle et passionnée, altiérc et violente, sans frein dans ses amours
et dans ses haines, n'éprouva que du mépris et de l'aversion pour
un mari faible d'esprit, infirme de corps et gouverné par des
favoris de • petit état », qui flattaient ses travers et ses puérilités.
Les Pays-Bas retentirent longtemps de leurs discordes conju-
gales : plus d'une fois Jacqueline, secondée par son beau-frère,
ce même comte de Sainl-Pol qui avait été gouverneur de Paris,
employa le poignard et la hache pour se débarrasser des favoris
de son époux; le duc Jean , de son côté, exilait, proscrivait les
femmes et les affidés de la duchesse. Jacqueline prit une résolu-
tion extrême : elle quitta secrètement le llainaut en 1421, se
rendit à Calais, et de là passa en Angleterre, d'où elle envoya
vers le saint-père pour obtenir la rupture de son mariage sous
prétexte de parenté et d'affinité spirituelle* : le pape Martin V ne
paraissant pas favorable à ses désirs, elle s'adressa à l'antipape
Benott XIII qui vivait encore au fond des montagnes de l'Aragon,
en obtint ce qu'elle souhaitait, et épousa le duc de Glocester
quelques mois avant la mort de Henri Y.
Cette alliance, que n'eût pas dil permettre Henri V, était une
inévitable occasion de discorde entre les Anglais et le duc de
Bourgogne. La maison de Bourgogne tendait depuis longues an-
nées à la domination des Pays-Bas : elle l'avait atteinte presque
complètement par l'union du duc de Brabant avec la comtesse de
Hainaut. La rupture de cette union et l'introduction d'un Lancas-
tre parmi les princes de ces contrées ébranlaient tout l'édifice de
la puissance bourguignonne : le duc Philippe n'était pas homme
à souffrir rétablissement d'une puissance rivale. Il se déclara hau-
tement en faveur de son cousin de Brabant, et, l'excitant à ne pas
se dessaisir des seigneuries de son infidèle épouse, il lui promit
assistance contre Glocester. On négocia longtemps sans résultat,
1. Elle était la marraine de son mari.
f«i| GUERRES DES A!90T.\1S, umi
Dedford employa lous les moycfiii i*our t'éUirikr le dioc : fl II
dlmnienses tonressions au àue Plnlipiie; tîii luimpénsafiun dp
grantles réclamations pécuniaires qu'enlevait le Boiirgui£,^ion, il
loi octroya les villes et terriloires de P^rcinne, Roie et >loiitdidi«?r*;
pais les comtes d*Aiixen'e et deMàcon ri la clifildlnili? de B*'ir-^nr-
SeirK% qui avaient ju^qu^uloni rdcvc* dirccleiuonldtîtacoumiioc,
Phiii[jp(! n(! €:èda pas néanmoîDiî sur la question des Pays-E«;
il consentit stnilement que U* débat fût souHïis n. an vrai |Ki|)et.
Bedfûrf] avaitliAtede sortir d'embaïTrisà tout pri%',et uVit demtiudi
\r.i^ davantagti ; mais Clocester et Jacqueline h leur tour ni' um»
lurent rien entendre. Dani*le courant dVictoInc 1V24, dinix iiiob
après la bataille de VernL^uiU ils débarquèrent i\ Cahûs avec cinq
mille îioldats anglais» et dèclari^rent i qu'ilt; iroienl en Hainaiil
pi-endre Tob^iîîsance de leur pays i ; soi* quoi Philippis nnnonçs
au due de Bedrord qu'il aiderait de tout son pouvoir son coimn
de Brabojit,
Au mots de décembre, Jacqueline elGloecâter cxécutèrenlleur
menace ; ils traverst^rent TArtois s^aus y catnmeltre dliostttiti^'^ «l
prirent pos.scîsîiiou ^iins coup férir de Mous et de b meilleure pai^
tie du ilainaut : les liabitants ne rnnent pas devoir ré§îsl«ïr à Iei0
souveraine, Rliilippe de Bourgogne se dispo^tlt de son rAii^^ à
tenir parole : tout occupé de;^ gta^e^ intérêts qui se dékillai^^
aux Pays-Bas, il avait conclu^ d^s le tH septemlii*e precùdenL, ulH
trêve aviîc Charles VU, par rinlenn^diaîi^* du duc de Siiv«>ie ; on
grand anuemtmt s'apprêta dan& sas fital^ et dan!« vvm\ de Jean ie
Brahnnt, et bientôt on vil enta*rcf! Haiiiaui les niîlioes comiDH*
nales des province!^ bnibanvonnes» soutenuciî par une multitude
de gens d* armes. On voyait, entre les genlilslionimeg d'Artcib d
de Picardie, jusqu'à des capitaines dauphinois accourus joTeits<v
ment pour guerroyer contre les Anglais s^ius les bannières d-?
Bourgogne : Potlion de Saintrailles était du nombre.
La querelle était devenue pcrsonueîle cotre les ducs de Uoar*
gùgnc et de Giocester par suite d'une lettre de ce dernier, qui
offensa ai grièvement le duc Philippe que ce prince délia l'An-
CI425] JACQUELINE DE HAINAUT. 105
glais «à combattre de leurs corps l'un contre l'autre», (ilocesler
accepta, et ils choisirent pour juge du camp le duc de Bedlbrd.
La guerre fut d'abord à peu près susi)cndue par ce déli ; mais, le
duc de Glocesler étant retourné en Angleterre «pour soi prép;u-er
au champ-clos » , les Picards* et les Brabançons envahirent de
nouveau le Hainaut, forcèrent successivement les villes de ce
comté à rentrer sous Tobéissance du duc Jean, et mirent le siège
devant Mons où résidait la comtesse Jacqueline. Les habitants de
Mons, bien qu'ils eussent juré au duc de Glocesfer de défendre et
protéger «leur dame» contre tous, cédèrent promptement aux
attaques des Brabançons : ils obligèrent Jacqueline à se remettre
entre les mains du duc Philippe, qui promit de la garder honora-
blement à Gand jusqu'à ce que le pape Martin V eût décidé auquel
de ses deux maris devait rester celte princesse (juin 1425).
Sur ces entrefaites le duc de Bedford avait assemblé à Paris
« plusieurs sages hommes des Trois États de France et les ambas-
sadeurs d'Angleterre, pour avoir délibération sur la journée et
champ de bataille entrepris entre les ducs de Bourgofinc et Ac
Glocester. Après que la querelle eut été, par plusieurs journées,
visitée et débattue en conseil , fut conclu qu'il n'y avoit point dv
juste cause entre eux de s'appeler l'un l'autre en champ , et
que cette journée seroit mise du tout à néant, sans qu'ils tissont
amendise (réparation) l'un à l'autre». Cette décision, dictée par le
duc de Bedford et approuvée par le pape qui défendit îi Glocester
de se battre sous peine d'excommunication, ne termina point le
difTérend : Jacqueline, après deux mois de détention à Gand,
s'échappa, gagna Anvers, et de là ses comtés de Hollande l't de
Zélande dont elle reprit le gouvernement. Le duc Philippe l'y
poursuivit; Glocester expédia des secours à sa femme malgré
Bedford et le conseil d'Angleterre, et les provinces de Hollande et
de Zélande devinrent le théâtre d'une guerre acharnée, tandis que
le duc de Bedford s'occupait, non plus à tâcher de réconcilier
Glocester et Philippe, mais à rétiiblir l'ordre et l'union dans l'An-
gleterre même, où tout était troublé par les dissensions de ce
1. Sous le nom de Picards, on confondait assez généralement avec les huhitanis
de la Picardie proprement dite cuux do l'Artois, du Cambraisis, du Touniaisis et
même de la Flandre wallonne.
tm OOEnBFS DES AKGtAIS. tt4^*s-tl9TÎ
fiit^fFiL* (i)orf!^tor et Ae Févèqne de Wlnchesler, son ftnrir. Hr«î-
fdi'd fut ohViçs^^t (It^ pn«îsf r Ifi mer nu mois de riécemhro t MiÎK el m»
rtvint m France qu'au printemps de 1427*. (îràec au dur de (rli>
ra«ïter, ce farf*nJ trois années de pi^rrlnes poer la crniqu^lo on-
glaiî*e, (rots nrirircs de r^pît pour le parlî fmurfd?,
lïedford trerîdilail à cJ*aqtje instîinl de i^oir le duc de OmiqEOinie
lui échapper entité remeut et se réconcilier avec *llmrles Vil : di!
nouveaux inttTcls, de uouvelle^ passîonî* détniirnaienl dt* plii5
eu plui^ IHiilippe du but unique qull avail d';ilmrd poui^uivi.
la vengeante du metirlre de sou p&re* Dès r*in(Drune de 1424^
il avait accordé sa plus jeune sceiir Açnès au etmite do (Uennonl,
bien que ee jeune pritïce, fait (vnfïounier à Moutereaii nuinH
du cadavre ilu due de Bourgogne, eût <?nibrai^*i*^ la cause frfto-
çaîse. Le duc de Savoie, Amé VIII* qui uii'ïfocia re iiiarittge,
pn^rnUi rn mAme temps an duc trois cuvotl^s dr Charîes Vil,
Tarrhevt'^que de Beims et le» évéques de CliartroH eJ du Pui ^, Phl^
li[>pe r6pûndil à eesmnki»$sudeurïï qu*il ne pouvait traiter de ps^H
avee Charles de Valois, entouré des assassin^ lîe Jcan-sans-Pear.
Ce n'était pm }h un refus absolu de réraneiliation ; raliBtiiele indi»
que par l*hilip]ïe pouvait disparaître d'im lïiomi^nt h 1 atilre. La
belle-mére de Charles VII, Yolande d'Aragon , dui'iiessc donai-
rh)ïT, d'Anjou et reine donalrîére df* Sicile, secondée par lYrèquc
de CJerumnt, travaillait activement Artnneraupn'is de son |:eitdn!
le crédit de Tanneirni DudidteUdu pr^^sident Lnuvet» et des antres
auteurs du crime de Montereau, ainsi qu'a optpcr un rapp]
ment entre le Jeaue roi et les maisons alliées de Bour^giie et
Brettïgne^, Uuelqucâ semaines après le désastre de Vcruiriijl,
î, 1-e* rii'iK iirtMiiiiTH 4v ca'% pfAïftï*^» Min>*i i\w VHf'iim ii*f l*îiHii, ïp ipWttrrei
ver^jmîro Jean €piirtpciii«5c« r{>iFdf|ue dd t^on cl pi uni o tir» t»ulrt*» ariiffiit ifvii
lear« *ié^*^% poïii ini pa^ >e *minictiro ani An%\u\s>*}*aithKf^q\ir tU Bclmt, RrgB
de Chartrv<(, MViiit mn%[ cl^htit^ Imnorthl^^miuit danx nriMoimi tteitii lui
|ilu> urd un uutre rith\
3< EHe av4it rendu nn atitre ^ftrtléû 11 lu ^ftii*f: frûorolifl ùû réi:
iiiaiM«)tiik rtvAlfiii th hf^nninc. fs *h^tir^ iH uu uiariiitit Mm i\h ^v%\^ %i' \.
Uer dv Ifar pur Ktiè(^t:*i»$iiiL ft^mittli]{,% k In fiWv uniriua du duc CimHii* ili Ji^fF j.[i>.
qxki %o ff.tlfD dp paru âii;ï!n*|)ourp|^nfin« VmXr ]trlncc«<tfi âo Lr^rrain^, *V^'^r ^ "^
ârnA «r Ab}oa» iiTaa Hi* lUmtktuïH par Hiairi V, qui «\pmi^ti, Ha Ueu dVIk, C*t4e->^
[1425] LE CONNÉTABLE DE RICHEMONT. 107
décida Charles VII à offrir à Artus de Bretagne, oomle de Riclic-
mont, qu'on savait très mécontent des Anglais, Tépée de connéta-
ble, vacante par la mort deBuchan; Ricliemont accepta, de l'aveu
du duc Philippe, son beau-frère, et le duc de Bretagne, entraîné
par Topinion publique, consentit à rompre ses engagements avec
FAnglcterre et à entrer dans l'alliance du roi Charles, pourvu que
celui-ci éloignât de sa personne et de ses conseils les auteurs et les
complices du meurtre de Jean-sans-Peur, ainsi que les honnnes
qui avaient conseillé l'odieuse trahison desPenthiôvre. Charles VII
y consentit et donna à Richemont des otages et quatre places de
sûreté, Lusignan, Chinon, Loches et Meung-sur-Yèvre. Riche-
mont, entouré des principaux barons de la Bretagne, vint recevoir
solennellement Tépée de connétable de la main du roi, dans la
prairie de Chinon, le 7 mars 1425.
Tannegui, esprit violent et farouche ^ mais capable jusqu'à
un certain point d'affection et de dévouement, avait entîn com-
pris la nécessité de s'éloigner, et déclaré à Richemont lui-même
qu'il ne mettrait point obstacle «à un si grand bien que la paix
du roi avec monseigneur de Bourgogne». Frottier, d'Avaugour
ctles autres chefs des Armagnacs étaient disposés à suivre l'exem-
ple de Tannegui ; le président Louvet seul résista; cet homme de
. robe, plus opiniâtre et plus arrogant que les gens de guerre ses
complices, était décidé à entraîner le roi dans sa chute plutôt
' que de descendre volontairement du pouvoir. Tandis que Riche-
mont était retourné en Bretagne pour rassembler des troupes,
Louvet persuada au roi de manquer à sa parole et de garder ses
conseillers. Quand Richemont revint à la tôte de ses Bretons, il
trouva à Angers l'évéque de Clermont, « mis hors de Thôtel du
roi » pour avoir rappelé à Charles sa promesse. Le prince breton,
télé de fer, caractère rude, austère et d'une infatigable activité,
avait au plus haut degré l'obstination native des gens de son pays; il
respectait fort peu la mollesse et la versatilité du roi, et il résolut
de le sauver malgré lui. « Il tira devers le roi, assemblant gens de
toutes parts » sur son passage, et annonçant hautement l'intention
1. Un jour, en plein conseil, devant le roi, il se prit de querelle avec le comte
Gaichard Dauphin, le poignarda et le tua sur la place. Registres du parlement,
citùs par Buranic, t. V, p. 213.
Wn GUEBBES DBS AKGL\lS. f| JIst
de diastîorles chiifs do» Armagnacs : Ift noblr&se ih Iïoitî. de
tou, d'Auvergne, dcRoucrgue, accourut en fuulc sonsî^a banni
toutes le» villes se déclart^ronl: en m faveur; la inèri? de h rdiic
vint Ic^ joindre, Louvet, qui n'avail |>lus d'anlre rïppui qnt lv$
débris ûm ineiTcnulres écossniK et b"»mhiirdf* et qyt*l(iuf*^ VMfux
Armagnacs commandés par le iiniredml de Iiuu,«i>iac:, fujait atoc
le rtîi de ville en ville devant Uichcmont; il ne resluil plus en
raMIssante du rnî qu<^ Sell«^!^et Vier/on, qu.infn*aiiini4lre|in^*
dent se résigna enfin a quitter la plîice et à [untir pour ^n |«iri(v
ment de Provence* Tajinegui, demeuré passif dans k qucrrlk,
obtint une reU*aUe honorable; le roi Fenvnja njmrue «.rinklioli
Beaucaire; les aulres personnages les plus tftiiipromlîs s'ébign^*
n^nl également, et la n^ un ion du roi et du eonnélable ^'opm
anx acclamations univcrsellcfi. Peu de temps après, dans h
cours de septembre, le duc Jean de Bretagne m renilit pri-s Je
Clnirles VII à Samnur, lui lit luunma^e de «sa ducbé >, et mit â
sa dîsfioî^îlion les forces de la Bretat^nc, Les ctiimls des niéni*s(rfk
nélébrtVent cet benreux événement, el los cloîtres de Tabbavede
Saint-Florent, où étaient logés les priïices, œtentirenf de* acceols
d'une allégresse inaccoutumée depuis longtemps h la cour du nij
de Bourges.
Les estiéranees les plus bnrdles seniblaienl (lernuses aux ainif ^
de la patrie : la vieille juction des Armagnacs , si obborréi' du
piîuple, disparaissait avec ses chefs; U faction étrangère ptîi%tiiil
ainsi son prétexte le pins spécieux, el le prirti du roi , eritiér**mfii<
confondu désormais avec la cau.se de la nation elle-méiye» se pu*
riflait des souilluiTs de son origine en rejetant un élément impur
et erioiineû Enfin, Talliance dctiharles Vil avec le duc de Br>;itigq«
promettait uîie antre réeoni^iliation bien pins décisive efifor«;
tout faisait croire que le duc de Bourgogne se laisserait bieiilôt
amener à pardonner un attentat hautement désavoné |iar le niî,
el h saerîrter ses ressentiments au salut de ta IVanre. Le p-ipr
Martin V lui avait récernmenl écrit à ce sujet une lettre qui tionort*
la mémoire de ee pontife : le pape invitait cbateuretisement le dot
à traiter, de concert avec les Anglais, ou sans eux s'ils se ii!ln-
mieut h la paix, et représ<*ntaït à Philippe qu'il ne devait passe
I roirc lié par des engagements conlraîres k tons ses dirvuii^ ifc
{liTo} CHARLES Vil ET SES FAVORIS. 109
citoyen, de \assal, de prince du sang de France * . Le duc de Savoie,
le conilc de Richcniont et sa femme Marguerite de Bourgogne,
ainsi que les conseillers les plus fidèles et la plupart des feuda-
taires du duc Philippe, travaillaient d'un commun accord à vaincre
les scnipules de ce prince, qui n'était plus retenu que |)ar le sou-
venir des serments prèles à Troies et par sa considération pour
sou beau-frère Bedford^.
Toutes ces espérances s'évanouirent : tous ces germes d'un
iueilleur avenir avortèrent parla déplorable faiblesse de Thounne,
si l'on pouvait lui donner le nom d'homme, entre les mains
duquel la France avait le malheur de voir flotter sa destinée.
Charles VII n'eut pas de pire ennemi que lui-même. Toujours à
la merci du premier intrigant qui s'emparait de son esprit en flat-
tant son humeur défiante et ses goûts de paresse et de volupté, il
avait déjà remplacé le président Louvet par un autre favori, par
ce Pierre de Giac qui avait joué un rôle si équivoque dans la
catastrophe de Montereau. Le connétable, sentant que le roi ne
pouvait se passer d'un « gouverneur » et ne voulant pas aban-
donner la conduite de la guerre pour végéter oisivement à côté
du roi, avait consenti à lui laisser Giac, qu'il croyait s'être attaché
en le préservant de partager l'exil des chefs armagnacs. Giac n'usa
de son. crédit que pour tâcher de ruiner le pouvoir de Richemont
et d'emptcher la paix avec le duc de Bourgogne, dont il craignait
1. Une ordonnance, dictée h Charles VH quelques mois auparavant par la reine
douairière de Sicile et pur le président Louvet, n*avait probablement pas été sans
influence sur les bonnes dispositions du saint-père : cet édil rendit à la cour de
Kouie la nomination k tous les béuéficcK et une autorité absolue en matière de
juridiction ecclésiastique. L'édit du 14 février 14:26 ne fut point exécuté : le par-
lement de Poitiers, conformément aux conclusions du procureur général Pierre
Cousinot, on refusa renregistrcmenl, et le roi révoqua son ordonnance comme
contraire aux décisions du concile de Constance et aux droits des évéques. {Ordoim.
t. XIII, Préface, p. xliij.) Les gens de justice étaient restés plus gallicans que
Tuniversité, qui, après avoir tant combattu pour arracher au pape lu disposition
de5 bénéfices , s'était prise b regretter tout haut sa victoire en voyant l'usage que
faisaient les évéques et les autres colluteurs des droits qu'on leur avait restitués.
La grandeur de l'université, nous Tuvons déjii dit, avait expiré dans son triomphe
mâuie, dans ce concile de Constance qui fut le tombeau de tant d'illusions. L'uni-
versité, n'ayant plus de but ni de flambeau moral, se laissa ballotter par les factions
de honte en honte, jusqu'il (te qu'elle se précipitât dans Timmonde abîme du procès
de la Pucelle^
2. GuiU. Grucl, //m/, du Connétable de Hichemonl. — Bcrri, roi d'armes. —
Durante» t. V, p. 207-209.
110 oefittHis nEH âffGLAfa tu
toujours la vcn^jeaiÉce, L'impérieuse rudesse ûu enmiHMv iiv
cxciîtt' dos mécontftïtemeiils h Uï cour; Giac s'aM;«cha li.-^ ruii
Bans qu'avail hemliHRichemtint, et 8*cflor<;a d\*u€ti£iltit:r à se$ tu
tériMs les cufiHe!^ de {;iênut)ut elde Faix : 11 fit doimi:r an preii
« k comté ï> d'Auvergne » au second « In comté t^ de Blgctrrt; I
comte de Foîx avait été récemment réinli^gré dans le gouvcr
ment du Languedoc, el n'entendait rtTouEiallriï an connétable au
cune suprènititiê polilique on militaire» Gm: ne s'en tint [i^i* h i
intri^'^ues : les garnibon?^ an^^iii.ses de la Itaflïte-Norrîiîindie, d^m
ralliaïice du duc Jean VI et de Riclicmont avec Cliarliî* \TI, iJés
laienl la Brelag-ne jusqu'aux portes de Rennes, Au comme
inent de 1436, le connétable rassembla un corps d'urmée rniu^l
et hreton, entra en Normandie, prjtPontorson, cl mit k ùr^
devant Saint-James tle t*euvron; mais h peme aviiit-îl iisHk
caïup devaut celle place que Targent et les vivres i|u'on !ai ht
projiiisî tui mauquèrent : le tK*5or ne devait pourtant |ioint Ht
vide, les Trois Etals assembiïi» à Meung-sui -Yôvre ayïint octrm^
une aide au roi- Les gens d'arme» , t^ans pu>e el sans reasotir
conunencèrent à déserter; le connétable s'obstina à continuer I
siège et mqim Tas^sant; les assaillants turent repous^ô^ avec i)cnt
par suite d*itn malenteudu eulre des corps français el lias^r
tijns qui s'étaienl pris récipïxyqucnient pour des Anfi^iaiâ, 1^ noll'^
suivante» rannée brûla se^ Inj^ements et déciun|)a en dé^rdfc_
Sîins écouter seâ ehefe* Iliciieniont, en voulant arrêter ses Kildili
fut renversé de rhevai et faillit être étouffé pur la multî*!
fuyards qui lui jjassérent sur le corps. Ce fàcfieux détmt i
toute la campagne aux Français,
Riclicmont ne res|urait que ven^^eance : il avait bientôt recnîni
le véritable autt*ur de son aiîroul* il suspendit tpjejque Ieui|vss4!j
cotips pour les rendre plus sûrs : il revint joindre la conr à Issuu'l
duu en Berri; il reconnut k quel [loint Giac avait à son Uni
aliéné les esprits * , et crut pouvoir tout oser. Un matîn de jaiiJ
1» Doriitit TtLSMiutïlétt dèi f^iaU <f« Mviàng, GJac iitiiSI ixtontié kii9 ineitij
tniMencc i il àh tnoi linut que, «i Id roi IVn iiinvMlf nii {encimU ii ta Tiri^t^ ré«#<(
H VI jf lit» Ctiititrafei H qut!li|uas ilA|iul^}i tlt(t IjtntnvH viUiîH ((ut rlMitHttibtctii qii>
[ r^oruiAt fin |4ai*fit» suuitiriiti mK^vof^i 4^.nr<!itéi:ri*ltnfi^hChrvnhi»dfiiti i^ttUii
[I427J CHARLES VII ET SES FAVORIS. 111
vicr 1427, accompagné du sire de La Trémoille, mortel eiineuii
de Giac, il se présenta inopinément avec les arcliei*s de sa ^arde
devant l'hôtel de Giac, et força la porte : Giac se réveilla au bruit:
€ Qu'est-ce? demanda-t-il. — C'est le connétable. — Ah! s'écria-
t-il, je suis un homme mort! »
Il se se trompait pas. On le jeta sur une petite haquenée sans
autres vêtements que sa robe de nuit et ses bottes, et on Temniena
grand Irain hors delà ville jusqu'à Dun-le-Roi, forteresse qui était
c de Tobéissance du connétable d et du douaire de sa fenune. Ri-
chcmont fit instruire sommairement par son bailli de Dun-le-Roi
le procès de Giac. Le misérable était condamné d'avance : il offiit
en vain 100,000 écus d'or pour sa rançon ; il fut jeté à la rivière.
Ses concussions étaient évidentes ; mais le biographe d'Artus de
Richemont, Guillaume Gruel, lui impute beaucoup d'autres cri-
mes, et assure qu'avant de mourir il s'avoua coupable, non-seule-
ment d'avoir trahi et mené à la mort son seigneur Jean de Bour-
gogne, mais d'avoir empoisonné sa première femme, l'ancienne
maîtresse du duc Jean^ , « et vendu Tune de ses mains au diable i>.
c Ne demandez pas, poursuit le chroniqueur, si le roi fut bien
courroucé; mais tout le monde s'embesogna à faire l'appointe-
ment (le raccommodement) ; et le roi, bien informé du gouverne-
ment et vie dudit Giac, fut très content. j> Ce dernier trait est
d'une naïveté admirable ; les absents et les morts avaient tort bien
vite dans l'esprit de Charles Vil. 11 lui fallait absolument quel-
qu'un qui partageât ses plaisirs, qui gouvernât sa maison et sa
personne, qui lui évitât la peine de prévoir, de commander, de
penser même : la « reine de Sicile » et le connétable placèrent
donc auprès de lui un petit écuyer d'Auvergne, nommé Le Camus
deBeaulieu, qu'on regardait comme incapable de devenir un per-
sonnage politique. Mais Le Camus aflecta les mêmes prétentions
1. (C II la fit empoisonner, et, quand elle eut bu les poisons, il la fit monter
derrière lui à cheyal, et chevaucha quinze lieues en celui état; puis mourut ladite
duuie incontinent... avec son fruit... car elle étoit grosse... Ledit Giac faisoii ce
pour avoir en mariage la veuve du comte de Tonnerre. » Cette seconde femme
vengea sa devancière. A l'arrivée des gens d*armes, elle se leva vivciucnt « toute
DUC M du lit de son mari, a mais ce fut pour sauver la vaisselle.». Quant au mari,
elle le laissa emmener sans mot dire , et peu de temps après elle épousa un des
meurtriers, le sire de La Trémoille, avec qui elle était probablement d'accord à
l'ttvuuce. — Guill. Gruel. — Chrouiq, de la PuccUc. — Bcrri.
în GIIBHUBS ri£S ANGtAtS. iiirj
qm Giiu*, et se * goyv<*riia aussi oial • que son dev^imier: \m
ihiuucv^^ arradiées si tloulotireusemenl à la misère |»ublii]ue,€!Oit*
lîiHitîreiU h Hc dissiper en fètCB er en Imnqiiph el à s^ûOigfiiiflra:
tltns loi> pochés thi favori et de se^ finiis, peiidaiit que lesscrflUl
inou raient de faim et que le royaume achevait de m pi*rdre. U
aninétablc tHiiit exaspéré : tous Itîs moyeniî d'action mr lt*j^qudi.
il coiupUtil lui échappmeni au moment de les uieUrc en icutn*;
touttîs les chances de salut qu'il avait ménagées à la France s'en
allaient Tune après I'îuiUt : le mniie de Wanvick, lieutenant gé^
néialdiî du€ de Bedford c*n Frnnœ, repœnaitl'ofTenMVc, ^siè-
geai* MoïUargis, et fai&ait assit-ger Pontorsuii et menacer b BretB*
gnc pîir gt's eapitabjes : le duc de Bretagne ^e rerroidissuit poiir
rallianec françîUse et ne vtîulait pas etîurir le risque d'une bataille
puur secourir Pontorson; Tc^poir de la paix avec ta B(»ui^o^i»
s éloignait de jour en jour; lei^ tuisei*able^ discordes de ta cour de
Charles VU paralysaient les négociations comme hîs oper.jn€n&
mitit:\iîeî^, lUcla'innnt résolut de faire un second e-xemple, et y
mit encore rnoÎJisde l'acong qne la première fois. An retour d'iujc
de ses clievanehceèv II autorisa le maréchal deBons^uc^déij^clier
le favori siins forme de procC^s : on gagna tjn servîtenr de U-
Camos^ qui altiï*a son maître, sous [>rétexte d*tiife aventure ga-
lante^ dans un petit pré sous les murs du cliâteau de Poitiei^, kA
là (rois ou qnnlre des gens an man'^chal de Bunssae tni fendirt'nt
la létc h coupis de salire. Le traître qui avait livré LeCamusriinictia
tianquillcmeiil au chAteau la mule du mort, sous les veux de
Charles VII, qui était i\ une fenMre* < Il y eut beau bruit » mi diJh
teau; a toutefois il ifeo fut antre chose * : les* meurtriers ?^ï'tiiiciil
aitivés; |>ersonne ne fut |uini» et leconnélalde» en reparlaiil pinir
la guerre, doima au roi pour favori et pour ministre le sire de Li
Trémoille ^jni avnit coopéré h la prise de fiiac* t Le roi, nir4)i|
le biographe de Richemont, n'éîoit pns content que Li Tnfinofl
demeurât avec lui; mais le connétable lui dît que c'éluit lUi
homme puissant tant de parents et îuais ipie de leints cl seignoi-
rie:'., et qn*il le pourroil bien servir. — Ileau cousin» répondit If
roi» vous me le baillez; iuais vous vous en repentirez, tar je Ir
cannois mieux que vous, » Ce qu'il jade plus cariieti>rîstiqui\
c'esl que Chaiie^p qui croyait connaître si bien Li Trémoille itl (]iii
[i«7] DÉLIVRANCE DE MONTARGIS. 113
l'acceplail avec tant de regrets, se livra à lui aussi coinplélement
qu*à Giac ou à Le Camus.
La Trémoille « ne fit point le roi menteur » ; des qu'il fut le
maître à la cour, « il fit le pis qu'il put au connétable », et devint
pour lui un ennemi beaucoup plus dangereux que ses deux pré-
décesseurs*. Là ne devait pas s'arrêter la perversité de cet boninic
bien pire encore que ne le pensait Charles VII. Par lui se réalisa
plus tard dans l'histoire le type romanesque de Ganelon, l'idéal du
traître.
Richemont était retourné à la guerre après s'être débarrassé
de Le Camus: il tâcha de relever un peu le parti français en sau-
vant Montargis, ville du douaire de sa femme ; il rassembla sur la
Loire, à Gien, un corps d'éUte qu'il confia au bâtard Jean
d'Orléans, depuis si fameux sous le titre de comte de Dunois, et
à Etienne de Vignolles, dit La Hire, ce vaillant Gascon qui était
partout où il y avait des coups à donner. Richemont les chargea
de ravitailler Montargis; ils firent mieux encore. La place était
protégée par deux rivières, le Loing et le Vernisson ; les assiégés
avaient inondé les abords de leur ville, et la disposition des lieux
avait obligé les Anglais à se partager en trois petits camps qui
communiquaient difficilement ensemble. Vers le midi, par une
chaude journée de juillet, les Français tombèrent tout à coup sur
un des quartiers ennemis ; la garnison fit (ui même temps une fu-
rieuse sortie; tout ce corps anglais, fort de quinze ou seize cents
combattants, fut tué, pris ou jeté à la rivière, et les troupes de se-
cours entrèrent en triomphe dans Montargis 2. Le comte de War-
1. Vie du Connét. de Richnnont, — Berri. — Chroniq, de la Pucclle,
2. La Chronique de la Pvcelle raconte, h propos du siège de Montargis. un trait
caricux de La Hire, qui a été reproduit dans tous les recueils d'anecdotes, et qui
est deTcou très populaire. La Hire, ayant rencontré un chapelain peu d'instants
avaDl le combat, s'avisa, si peu dévôi qu'il fût, qu'il ferait bien de mettre ordre h
la conscience : il appela le cliapelain et u dit qu'il lui donnât hâtivement l'abso-
lution : le chapelain lui dit qu'il confessât ses péchés; La Hire répondit qu'il
n'avoit pas le loisir, et qu'il avoit fait ce que gens de guérie avoieiit accoutumé
de faire. Sur quoi le chapelain lui bailla absolution telle quelle; et lors La Hire fit
sa prière h Dieu, en disant en son gascon, les mains jointes : — Dieu, je te prie
que tu fasses aujourd'hui pour La Hire autant que tu voudi ois que La Hire fit pour
loi , 8*il éloit Dieu et que lu fusses La Hire. — Et il cnidnii ^^croyait) très bicu
prier et dire. » Ou cite de ce vaillant aventurier d'autres saillies non moins ori-
ginales. C'était lui qui caractérisait si éuergiquement les mœurs militairei: de son
wick leva le siège» In unit suivante^ a>ec le restt* ith {H'Htc iiriiiièe
aiigliibe. Cclail la pîcinière fois que le hûlard ri'Urîéanfi 6lai|
Lharjk'ë d'un ciimumndenieiit de quelque ittiportADce : il fied^
mcrilît |um te brilhinl début*
Le surrt»s de Monlargis ne fut qu'un acctdtîni milè : le etiaii^
lAbk et bs autres seigneurs qui smutenaieni le faix «le In ^emr
avinent déjà, eonlre Lîi Trêmoilk*, les rm^nicîi cvhh ' n?
tiiac et Le (laiinis : pour tirilder les g^ens d'iinues de 1 ' ^ . j>n
de Mnutargii», le eonntlahle avait è\é obligé de tncîtliv en piçea
coui'uniic de comle; on ne lui [vayait |)lus .'^e^ |>en^i<Hi$ ni sm
oflice. La délectiori du duc de Brelitgue côiLi|>eDâa, t*l liif*fi nu
delà, récliec cssujè \mv les Anglais : Bedibrd ciml n*vcnii d'Ao»
gleierre au moi** d'avril, el avait dirigé ï4ur4eï-cliniiip ^es elFari*
an i-Mé de la Bretagne; unt^aî^se/Jongnt^paix intérieure Ai^^niAié
m\ Bi'eluu» qutilque cboïie de re>pnt liùrùtqua du leiupit dr
Cbarles V; leurs preaiierâ eiigageuienl^ eontre les Anglais or
furent poîul benreox; n'allendant plus rien de Cljnrles VU ni d«
siens, ils hésilèrenl îi aUirer la guerre dari^s li^iir [myh et lai&5é*nQQl
leur duc. reronnallre de nouveau le Irailé deTr()ieï^/3jnillH 1427).
Les événtjriuenls qui Miivireut ne sejublèrent que trop jiistilicr
la condnile du linc de Ilretagne, qui, jugeant la Fnmce [lerdoc,
ne eroKUt plus^ devoir sijuger qn'aii saliil de i^a i»rûvince. Le? dii'
eordes civiles acbevaienl de dissoudre le dt4>rl:^de royatiiiie cdh
î^erve par tlliarles Vil : riiebenionl avnil enlrepris de tJ";dU!f Li
Tnhuûille conntie (iiae et Le (lannis - niaiî* La TremidUc in ait à U
tùh \Am de c^ipaciti> et plu^ de moyens de dt*fenàc. Le cuiin^talik
a prit ûmïuv reudex-vous», à CliiHelleraul, aux i^onile^de tiennfini
et de La Marebe* et au niariTlial de Bouî^iiar, allit dcconoalCf
un plan d'alltiqiuî eoulre le lavuri* LaTréuioîtle 4 lil défendre, de
\mt le roi, que nul hoinuie ne fût si hardi tle mettre Ic54lîi5fw-
nwil»», vu difAn\ qua» *♦ m liuiu Ui Pàn: %e haml gca<Urmf, U ^l<vt^mIrftlt
un mpi^iirtfi uU4»j i)irttii jinir i|uM rtiiii ^ hi i;our, k roi ïm tUtu»n^Ll^ ce <]
ftitU iruàc Uiii Ufitlcinte< u b'f utile il iriiuil <fii!i»j»kr ; il ié|iof)(lil • v[tii* J. :
;»*<iioli tiouvn rot qui {iKtAH M joy^wsciDcnt ioû r«jii»ïnju «. i*a*f£aJ<ii', Jt«i4rM^—
de Ift frftitir^ i, Vï. c- ^*
1. t'rtncc de k niatiion dv U&^iNn, qm uviiit vu «rasacï tiDj^olifeiei «?• uibi^t
i\ uvait fûj^tié (jutvl'iuc tn^iijt% ii Copies, tip\ni ('^iiïvtM'- \a ixtltic irurkuv et Ifiiipo^;
«tirl^-t ûv JnuiitJu» 4]UL'ri$1^if!i mvix «a IcmiiKS, îl lui rimait dt Nu|at;4* «I ituuioc É^
«ou ii>)'4Uiiix iLU roi U*Ariigoa*
ri4î7,1428] RiCHEMONT ET LA ÏRÉMOILLE. 115
gneurs en ville ni ohûleau, ni de leur faire ouverture en (juehiue
place que ce fût». L'entrée de Chàtelleraul fut donc refusée au
connétable qui rejoij^nit ses amis à Chauvigni ; maints pourpar-
lers eurent lieu, « mais nul appointement ne se put trouver, car
La Trémoille ne s'assuroil (ne se fiait) en nul homme». L'hiver
était venu : le connétable se relira dans la seigneurie de Parlhenai
en Poitou dont il venait d'hériter, et les autres seigneurs s'en allè-
rent chacun dans leurs terres; La Trémoille extorqua du roi une
déclaration qui bannissait le connétable de la cour, et lit renvoyer
à plusieurs reprises l'assemblée des lîtats convoquée à Poitiers
pour la fin de cette année : il craignait que les Étals n'intervins-
sent en faveur de ses adversaires*.
Au printemps suivant la guerre civile éclata : les comtes de
Ciermont et de La Marche entrèrent dans l^ourges sans résistance
de la part des habitants, et assiégèrent la grosse tour que le com-
mandant, le sire de Prie, ne voulut pas leur livrer. Le gouverneur
fiit tué, mais la tour ne se rendit pas, et le roi et La Tiémoille
survinrent « à grand nombre de gens », avant que le connétable
se fût réuni aux deux Bourbons : Ciermont et La Marche, se trou-
vant les plus faibles, s'accommodèrent avec le roi sans com-
prendre le connétable dans le Irailé. Richemont, qui était entre
en Limousin, retourna h Parthenai, et continua les hostilités en
Poitou et en Saintonge contre « ceux qui tenoient le pai-ti de La
Trémoille».
Ainsi tout tournait contre la France : la dernière tentative faite
pour réorganiser le parti national et rétablir l'ordre dans la
défense des restes du territoire n'avait abouti qu'à créer un nouvel
élément de dissolution et de ruine. Les longs démêlés des ducs de
Bourgogne et de Glocester, et de ce même Glocester avec le cardinal
évéque de Winchester et le conseil d'Angleterre, avaient empêché
jusque-là Bedford de rien faire pour accabler un ennemi qui sem-
blait acharné à sa propre perte : les obstacles qui arrêtaient le
1. Les états avaient déjk été réunis h Chiuon au mois de septembre 1427. Les
États étaient, depuis quelques années, usscmblés régulièrement dans lu Lunguedoll
français comme dans le Languedoc : le gouvcrnemeni du roi de Donryes n'était pas
assez fort pour lever des impôts arbitraires. — a». Hisi. dv Languedoc^ 1. XXXIV,
c. 45. — La régence anglaise, do son côté, tiaitaii soit avec les Etats de ses pro- *
vinccs, soit avec les villes. Le despotisme avait disparu avec l'unité de la monaiclUe*
nu riUERBES DES ABïGLMS (||
rêvent anglais luuilièreiil cnlili tleviiiit s:i |M5i>*.'vrrriij€i% hc (^p
Martin V ayant drdur^* mil le lu-'iritàgc ûv ki Ditiilr^^e Jacciurline
avec Gl**eeftter, Bedriml <l^l€*ntima mn Trèi-e à î^c ^ouiiiettm^ et
GltKVskM" i'^(iau»M urte roattrcsse doni rinflnfujcp aniil cfintriboè
**Hk"îin_*inenl h su Ètimnhmm. Ife lors rout niufif tfirriïalkm eiilrc
le due Ptïiiîjipe et les Anglais d]f{Kirut : h rt^H'-nl irobtitil fjniiif
d^âûrniîii^t une iissisitnnce liien active de la i%ai t du dui! I*hilifipc;
njais c*rtnii beiMicuup <]iie do n'avoir plus à craindre une flcfection
t'fjaîanle* Pliilip|ie élait absorbé par si^sproje*^ sur les I*ïi)^Bi&:
il y r^'almiit rointdèktnient les plan;^ un inonieot cdtilrari^A pur
(ik^eeî^tei, et il rèiuiij^sail des provîtice^ entières h ncs tUtlM. ht
comte de Namiir lui avait vendu % iia couite », du tntisentejuenl de
nobles et des communes ; la force ouverte le mit en posseii^ioïi «k§
vâsles setfnïeuriet?! dr Jîict)ue)ine de Bavièt^e, quoi»jue la iiiortijo
dur Jean de Brabanl (avril 142H! et la n^nonnatiou de l^b" '-*-^
h la main df Ja<:queline,eiïfisentsuppriin/î tout prétexte de '^■
JanjuelinCp sur le point d'Airp dépouillée de tous mï5 domaines,
lui roiilniinlc deirninoaîlre PlMlip[*epourb(*rItii.*r de j^escomlé»
df Hainaut, tlollatide, Zêlande et de îîa seif^neurkt de Kritic, et J<
lui en livrer immédiatement radmînistralion comme < avoué • fil
« maîfibmrrg ». Elle sVl>li|iea en outre h ne point se reui<yii:r
sans l*aveu du duc*. Il n'y avait plus, dans tous les Pa>>-Ras, q)it
les èvedi*^î* de IJé^e et dlUrccht et les dur.bés de tltiHi^s et «le
(Jueldro nui ne reconnussent poini la souveraineté de la itm^on
de Bour^^ogne. Le ebef de la branclu.^ eadelte était nlorî? Phtlip|ie,
eufufe de Saint- Ptd, devenu due de Bratiaul et de Limli<mr|^ |t<r
le i\Ms de son frère Join : le duché de Liixemhotirf^ devait M
attiiarlenir à la tnort de sa mère, Élisabetli de Umeuibounç*
Gorlilz,
Tandb que l*bilippi! s^agrandissful sans mcî^ure dauB lesl
Bas» Bedford sappnMaît à reprendiT et àadie^er tu com|uAle de
la Feance. Tlionms Montafî[U, comte de Salisbury et du Pifrdav
habile général « ordonné » par le pailemcul anglais « pour ictiîT
en France taire g^urrre »» ainena au règenl, en juin î W8» un i
fort de six mille bommes d'élite, L'n jdan de campagne r^H
itiW] CHARLES D'ORLÉANS. 117
alLiit succéder aux surprises de places, aux escarmouches et aux
embûches de la guerre de partisans à laquelle on s'était borné de-
puis assez longtemps. « Après la venue dudit comte, furent, par
plusieurs jours, à Paris tenus de grands conseils pour le fait de la
guerre» (Monstrelet). Les seigneurs et bourgeois des cités et pays
soumis à Henri VI n'osèrent refuser les subsides qu'on leur de-
manda* ; le clergé résisUi : Bedford voulait avoir, « pour le profit
du roi », toutes les rentes et héritages qui avaient été donnés de-
puis quarante ans aux églises. Les clercs montrèrent une telle
indignation, que Bedford retira cette exigence. ( Monstrelet,
LU, c. 51.)
Les opérations mihtaires avaient commencé avant que lesliitats
de Paris se séparassent : une levée de gens d'armes avait élé fiiite
dans la Normandie, l'Ile-de-France et les autres provinces franco-
anglaises, et Salisbury était entré en campagne à la tète de dix
mille combattants, commandés sous lui par le comte de Suffolk
et son frère John Pôle, William Glansdale, Lancelot de L'isle et
d'autres renommés « chevetaines a. Les masses de combattants
qu'on réunissait de part et d'autre avaient diminué d'année en
année avec les ressources des pays qui étîiient le théâtre de la
guerre; mais ce n'était point au nombre des troupes mises en
mouvement que devait se mesurer l'importance de l'entreprise :
des succès ou des revers de cette petite armée dépendait le sort
de la France. Le but de ses chefs était de s'emparer du cours de
la Loire afin d'ouvrir à l'invasion les provinces méridionales et
de forcer Charles VII dans ses derniers asiles. Le malheureux
duc Charles d'Orléans, qui languissait depuis treize ans dans les
chaînes de l'Angleterre et dont la mort de Henri V avait rendu la
captivité plus rigoureuse 2, avait appris dans sa prison les grands
1. « Le régent, dit le Bourgeois de Paris, toujours curichissoit son pays des
bieos de ce royaume, et n'y rnpportoit rien qu'uue taille quand il y revcuoit. »
2. n cherchait, daus les lettres, des consolations qui ont valu à son nom de
figarer auprès de ceux de Thibaud de Champagne et de nos plus célèbres trou-
Tères. Les longs ennuis de la captivité avaient développé en lui un talent poétique
qoi, à défaut de puissance, se distingue par une douceur et une grâce mélanco-
Uqoeft. On a cité souvent sa ballade à ta Fortunt :
Fortune, Teuillez-moi laisser Avez eu sur moi seigneurie.
En piix une fois, je vous prie. Toujours faites la rcnnlioric
Trop longuement, k vrai compter. Vers moi, et nu voulez ouïr
ilh GUËBRES hfS ANGLAIS |i41iq
[H'ojcts dps Anfflaiïî : il « Yoiiîut uhvieT h re • R^li>n son pr
pl a recoin ma ï>(1 ri s^a torre i> au mnite dt' Sali^biiry, • lc«J^.^ ,, ,u,
promit (|LiO il ia Mipport<M^oit (la prot/*^^*^riiit); cl, àa Uiut ri\ Wîf
fiomlr n*en lint rioii* c Le% JornaSne& du (irinec caplif •
pn''fiîvrn\^îil. CVS villfîî dr la Loire dont la posseî^ian inipt>run
tant rmx Ariylats. Si Bourses était le prindjnil ^jniir de la mm
de Cliiirlcs VIKOrli'uias était livrai chef-lit^u de la Fmnce centnb
et In dordu nitili. A^s^î les eapitaities urtgbi:^ dcuitiridèrail*:
irninda cris le siéiïc di! tielk* inipurkiiitc villt*; h [iruilcfil B«*drii
sc*ntfdt rmilrf'ptîse d^llement (Uxhm qu'il hmtf>illien tlonverk
mgnni : Tardour des? ^**m de guerre Tentràtna, el Sïdl»I>ui7 ririrt
ordro d'attn*pier Orl^itiiîî* Il roniuienca par nettiiycr Ifi n\e dnMt
df*]n Loire, aii-d**ssus et aii-deïîî^oiiï^d'0rléati5, de lotîtes li^spiinii-
sons françaisc^s qui eiiB*ient pu iiKjuielcr mn sii^e; xi enlem mr
son passage le^ dt^rnitTe*! rorlrre?îîe«; que tinssent des comp '
dauphinoises dans le niidr de rile-de*Kranre cldniiskBi . ,
Nogent-le-Roi, Rainhonillel, riodiefort, le Pms4*î, Tbciuri, Jitih
ville; il se mêii du pa^t^gcde la Loire à Meuug, prit EiMUiri«iid.
Il u ik plu rieurs ?iuh pjtwési.
Di>l«-)€ toujûur» ik^n%ï languir?
Il i^ bit H nV«t>eis yA% u%mt?
hûins^nï mon cci^itt ki mu h iMir :
Ver*î moi m* fctilcni fiîTrâirî
D'elle niî tont jam«.i« UiMr*,
Hmi^i %uf» AKUl x^iii nul tiltUir i
Iji^b.i! e\ n*L't»t-<(h: pmt OAtrxl •
lie balfbdf r f tti bfcitt l^lalf :
Autres d^iïiïH* «jv mm c**né***
PriAonnifr kujm>, iJ*ttiîi<ntir luaitirt
IK^Jii^! ti n*cs.f«fo pus Aiiifx?
' AulfM pl«;ui« <«*« mnl »«rl#*f»
Tou» tïmuf HWh Potiï«j«il cl(? porter,
Fon un «eut i|tii ir<ip frvrt TuVpnok,
C*e»l qii'H me futti lo^a litmeuivr
0*: *:Hlk qtrft U«n* pftiir amtc,
Cttr |>ii^<i;ii' i:ri H^ ctimpii^iti»
Cm pnAMf» cDD^rMOut. pf>ur iu pUif)UTl, t^n ourtc^ bâlUiici vi vsi mudri^scii
trob Mrophcs ftm>ie« d*UD euvou Le rhyLhmr iro ea jnf r4alil<i <l muMinJt rciÉ|lii
di'H rlnin* troKrcs y pjn pff*ipie ^hïhnU
l^ Lt^ tlnc »Tiiii i^Tùmii k Suhsluirs 6,0(W* értit <iV pour ciiîNI ii»«^na|(e4(J
donmim's. tCftrrtWï'^. dr l'éiiibfh^rtfHnt de tu f/itt eu 8 mui ù ilrUnnf, *.j», J
rf<* ''<>rnJ#frfHrtno« ef di' r^haMUtaliott dr Jentmr if4rr, puhUfn pnuf U ,
wiquf* f^n**m a pu réumw, de; p^r Juk* Quiçlneml; Ifl4l-I«i»î ï, fV, p. 7i
UlU! iiajytemtïi^n p»irtJcaïièr«, fa Soet^t^ du ru^knift^ du FranfC, a ru ritotj-.uf I
ffparrf la c^riupuiai' n^g1^fll;Ill^o ûVrc^ I*i*|wt4te lf>u> le* peii^irrru'iiK-nt* iifiii
dDi)«« rniiibt'ir U'^ (l«>ciimrài» dt^ rhbtciri- do It Éjb<^ru]fir:<« «)<• Ia Frunto, 1/
ti jntîtrk^iiK rdlteur a fiU de ecUe pubikaUea un ii»<kimmc«t digan du «lyi
C1428] SIÈGE D'ORLÉANS. 119
lÂarchenoir, Jargcau, SuUi; les garnisons et les populations qui
ne capitulèrent point à temps furent trailées avec une grande
cruauté; enfin, le 12 octobre 1428, l'armée crAnglcterre vint
planter ses pavillons devant Orléans, du côté de la Sologne. Sa-
lisbury assit son camp sur la rive méridionale du fleuve pour
rendre plus difficiles les communications d'Orléans avec les pro-
vinces c dauphinoises i>.
Les Anglais trouvèrent Orléans préparé à les recevoir : les Or-
léanais avaient prévu depuis longtemps le péril qui les menaçait;
ils avaient compris la grandeur des intérêts qui reposiiient sur
leur résistance et des devoirs qui leur étaient imposés : ils sen-
taient que leur ville était le dernier boulevard de la France ; qu'il
leur fallait renouveler l'héroïsme de Calais et de Rouen avec plus
de ]>onheur. Pendant que les Anglais « conquêloient » les forte-
resses du voisinage, les échevins* et procureur de la ville avaient
convoqué l'assemblée générale des habitants : tous les habitants,
clercs et laïques, montrèrent une noble émulation de dévouement
et de sacrifices. Une taxe générale fut décrétée, et les citoyens les
plus aisés, ainsi que les chapitres et les connnunautés religieuses
donnèrent ou prêtèrent en outre de fortes sonnnes d'argent. Les
Orléanais, malgré la répugnance trop motivée de la bourgeoisie
pour les garnisons d'hommes de guerre, sentirent que le secours
de gens expérimentés dans les armes leur était indispensable : ils
appelèrent dans leurs murailles la plupart des braves aventuriers
qui avaient délivré Montargis l'année pri*cédente; le bâtard d'Or-
léans, frère de leur suzerain, La Hire, Saintrailles, le sire de
Vîllars, capitaine de Montargis, le Gascon Coarasse, Nicolas de
Gircsme, commandeur de l'ordre de l'IIopilal, entrèrent h Orléans
avec sept ou huit cents soldats d'élite. Le sire de Gaiicourl, l'an-
cien défenseur de Harfleur, racheté récemment d'une captivité
de treize années, commandait la place comme bailli du duc d'Or-
léans. Au midi de la Loire s'étendait un vaste faubourg appeléje
Porlereau, qui renfermait plusieurs églises et beaucoup de belles
maisons de plaisance : on ne pouvait le défendre, on en rasa la plus
gT^nde partie et l'on coupa les vignes et les aj'bres à plus d'une
1. Le titre dVchevinf; avait fini par remplacer le vieux titre du prud'liouinies k
Orléans.
120 GUERRES DES ANGLAIS. {Uty
lioiio à lu ronde; lu moisson par bonheur était rentrée. Des pro-
cessions furent ordonnées alin d'implorer d'avance le pardon du
ciel pour les péchés et les désordres inséparables de la guerre*.
Le bruit des progrès de reimeuii sur la Loire et du danger
d'Orléans s'était répandu dans les provinces fidèles à la cause na-
tionale et y causait une impression profonde : Bourges cx|)édiaun
convoi de vivres et de munitions aux Orléanais; Poitiers, La Rochelle
et d'autres villes envoyèrent des secours en argent. Charles VU,
dont les destinées allaient se jouer sous les nmrs d'Orléans, so
réviMlla un p-u de sa lanjïueur, pas assez toutefois pour imposer
silence aux discordes cjui perdaient sa cause ni aux misérables
passions dont il partageait les petitesses sinon les violences. La
Trémoille ne permit pas le rappel du connétable : il eût livré son
maître aux Anglais plutôt qu'à Uichemont. Les députés des trois
ordres du Languedoil et du l-anguedoc, convoqués à Toui-s, à deux
reprises, ])()ur le 18 juillet et le 10 septembre, ne s'y cliiienl |)us
rendus, tant la conduite de la cour avait jeté de découragement
et de dégoût dans les esprits : (^Iharles VII publia une troisième
convocation pour le connnencement d'octobre à Chinon. Le sen-
timent du péril de la patrie l'emporta, et pom* la première fois
les représentants du Lanjiuedoc et du Dauphiué sortirent de leur
])ays et se réunirent dans une même assemblée avec les députés
delà lanjj;ue de France. La plupart des grands seigneui-s, les
comtes de t^lermont, de la Marche, de Foix, d'Armagnac, le sei-
gneur d'Albrel étaient absents : on ne vit de princes du sang, au-
près du roi, que la reine douairière de Sicile, le duc d'Alençon*et
le comte de Vendôme. Les États, par un sentiment d'unité bien
rare au jnoyen âge, demandèrent la jonction des deux parlements
de Poitiers et de Toulouse^, jonction qui fut prononcée et qui
dura quinze ans (jusqu'en 1413); ils demandèrent encore la
réforme de la chanibn^ des comj)tes et des tribimaux des baillLs
•
t. Jniirvni dit s'u*w (VOrléaus; Oilûans, 157(). — Mou>liclel, 1. Il, c. 52. —
Chvomiiin'. iir l'énibli.sscineni de la Fêif du 8 mai, — Chronique de la Pncelte, —
Le Mairi', llisl. et Autiquilés de la liHc et duché d'Orléam.
'1. il iiuii sorti (les mains des Anglais ]iar rintL-rveiiiion du duc de Bretagne ei
inoyennaFit uuc iinnieiisu rançon <ic '.ÎOO,(fOO t^cus d'or.
'i. \.c pailoiimi lie Tinilouse. chassé lic celte ville ]tar lu pesle qui la di-solail,
était alors a Bé^ieis.
ri4283 ÉTATS GÉNÉRAUX DE C H IN ON. 121
et prévôts, et accorJènîiil un subside d«> 400,000 livres, i)ayîil)lo
moitié par le Languedoil, moitié par le Languedoc et le Daupiiirié :
les nobles, les clercs, les étudiants des universités, les ouvriers des
monnaies, tous les privilégiés enfin durent payer leur part : on
taxa jusqu*aux niendianls. La faiblesse de la somme volée atleslail,
surtout pour le Languedoïl, l'épuisement et non rindilïérence.
Les États sommèrent tous les feudataires de la couronne de s'ar-
mer pour secourir le royaume en cette extrémité*. On s'efforça
de tirer de l'Ecosse de nouveaux secours; (Iharles VII promit au
roi d'Ecosse le duché de Ikrri ou le comté d'Évreux, à son choix,
après la délivrance du royaume, et l'on arrêta le mariage du dau-
phin Louis avec la petite princesse Marguerite d'Ecosse.
Le grand siège sur lequel la France et l'Angleteire avaient les
yeux était en pleine action. A l'approche de l'ennemi les Orléa-
nais avaient fait une vigoureuse sortie, incendié la partie du fau-
bourg du Portereaii qui n'était i)oint abattue, puis s'étaient repliés
sur les Tournelles (les tourelles), chàteiet qui protégeait l'extré-
mité méridionale du pont d'Orléans. Ils travaillaient jour et nuit,
depuis quelque temps, à construire, avec du bois, de la terre et
des décombres, un boulevard en avant des Tournelles du côté du
Portereau. Les Anglais attendirent que les flammes se fussent
éteintes, i)uis se logèrent dans les ruines du faubourg et tirent
une «bastide » ou petit camp retranché de Téglise et du couvent
des Augustins, qui n'avaient été qu'à demi détruits et qu'ils for-
tifièrent « de profonds fossés et de clôture ». Celte bastide était à
demi-portée de canon des Tournelles. Dès le 17 octobre, l'artillerie
anglaise fut en batterie et tonna sur la ville et sur les Tournelles.
Une mine avait été ouverte dans l'enceinte des Augustins; elle fut
conduite en peu de joui-s jusque sous le boulevard des Tournelles ;
rinipatience des Anglais n'en attendit pas l'effet, et, « le jeudi 21
octobre, environ l'heure de midi, les Anglois livrèrent, à toute leur
puissance, un fier et merveilleux assaut contre les François qui
lenoient le boulevard du bout du pont d'Orléans ». Ils furent
accueillis «d'un terrible courage » : non-seulement les bourgeois
se battirent aussi hardiment que les soldats, mais les fenunes
1. OrdowK, t. XIII, Préface, p. xij, et p. 140.^ UUt, de Languedoc, I.XXXIV,
c. 45-47.
m GïieRHË.% DES A?rGtAlS. mI|
jiièfnQB, s'avancanl avfn inliY'pklité à Iravn-s ie.s flr-t '
9. virelons* *, ajj|>ortaienE «iuxdï*feiis*cursciu lioulcrard ..
du vin, du viiiîugrL% Unir t^ssuyaient le front, |Kinsaient leurs bl<îv
surt's; d'iiutff s vpituraipnl des pierres» laisnîpnt cIiautTer de rnni,
des rentlre^, dôla chaux vive, foudre de ]iigrai$«c, rooinr r- •
des cercles de fer liescuseiiible, quïm jclait « à foison > du » u
sur les iis^satllanis : « aucunes l'urcînt vues qui repuiïSkSaiiîfit n vtm\ê
de lances les Aufîloiifi et les abattoîrnf e^ foii?H k , Ij^s fet ^ ■
léans pri^ludaii^nî aux explniisi bien plus nierveilleux qii .,
chai nef lïent accomplir une autre h6râiiie,«Li!ï>AriglDti9 furent
{^revÉ^'s» quIlH ees^^renf rassî^ul*» Deux cent f]ii:M7inte des l
elâierjt restés sur la place; du ciMé de^ Praiïcai&> mi seul gci
houiïue fut lue; inaiîî presque tous les capîtaûics cl tes uieillrnrf
^eDsd*annesi''laient blessés/rontcesïiugavaitéb!* ver«M> muttlenical
àe part el d'fiulre, car la ïiiine pratiquée [hir b*>ï Aui^-lai!» !mfrtsiiM
pour obligei^ les a>siégés h évacuer le boulevard, lieux joun*a|»ri»
ràâsaul(23 oclobi'e)» les Français^ ayanl reconnu que les exinrffUi
n'avaieni qu*à iuetlre le feu aux 4%îsde la nnue [Miur dun^ cmtïUt
le boulevard, ineendi^renl eux-mt^nies ce retraneheiiienl et se
ret]rt*rcnt auxTouruelles* LesTourueUes étaient « moult t>?ittue^el
eïupirées » |iar rarlillerie ennemie, el Ton ne rroy.iil pas pnuioîr
leiv ienirIoug:lemps : on rompit une arcbe du pont ennrri^re de or
fôrl, et Fou établit au milieu du pont, dans un endroit t»ù il s'ap*
pujait sur une petite tic , un nouveau boulevard qui fléfcndnrl
l'approrlie de la ri lé.
Dés le 2\ octobre, les Anglais assaillirent leiîToumeiles* Ci'clA^
telet élait <t peu Rarui de gom de fait, la plupart ayant ùié M^^i^H
en Tassàut du jeudi i : les Tournelles furent eniporlées upr^s tnir
faible résislaiiee. La perte de ce fort, quoiqu'on eût dû s'y attendri^
jeta beaucoup d'inquiétude el de tristesse dans la ville; on voyiijt
Imp le parti que les ennemis tireraient de Ka possession. Un beo-
reux événement vint , le lendemain , (\nre diversion aux alartucs
des Drléantiis : ce fut l'entrée d'un reuft^rt que le bâtard d*(HéAii$
et La Ilire étaient allés cbereber au loin; ils ramenérenMe mar^
cbal de Boussac, le sire do Ciiidianrîcs, sénéchal du Buurbann
\rau\ liarUiilèlc.
Cl4?«) MORT DE SALÎSBURY. 123
le capitaine lombard Valperga, et huit cents liommos d'armes, gens
de trait et fantassins français et italiens (25 octobre).
L'arrivée de ce secours, qui en présageait d'.nitrcs, et l'attitude
des bourgeois et de la garnison avaient démontré à Salishury la
nécessité de cerner la ville et d'entreprendre un siège en règle.
AussîtcM après la prise des Toumelles, il avait donné le connnan-
denient de ce fort à sir William Glansdale (le Glacidas d(î nos
chroniqueurs), un de ses meilleurs capitaines, qui « répara et
renforça grandement » la forteresse et le boulevard abandonné,
les garantit contre les irruptions des assiégés en coupant à son
four l'arche du pont la plus voisine, et y logea une puissîinte arlil-
Icrie. Mais Salishury ne voulait plus se borner à battre la ville d'un
seul côté et avait résolu de faire repasser sur la rive droite de
la Loire une partie de ses Iroupes. Un matin (c'était le 27 octobre),
il monta avec Glansdale au second étage des Tournelles, « pour
voir plus à plein la fermeture et l'enceinte du siège d'Orléans :
— Monseigneur, lui dit Glansdale, regardez ici votre ville; vous
la voyez d'ici bien à plein. — Et soudainement, comme il disoit
ces paroles, vint de la cité en volant une pierre de canon qui fMt
contre un des cotes de la fenêtre par où le comte regardoit ».
Siilisbury se rejeta vivement en arrière ; mais les éclats de pierre
que le boulet lit jaillir de la fenêtre le frappèrent à la face et
lui emportèrent un œil et la moitié du visage : il tomba tout san-
glant aux pieds de Glansdnle sur le corps d'un de ses cheva-
liers que le même cou[) avait tué roide. « Les Anglais, bien do-
lents et courroucés, prirent ledit comte et l'envoyèrent h Meung
le plus clandestinement qu'ils purent, auquel lieu il (répassa
promptement (3 novembre). » Il mourut en recommandant à ses
capitaines de soumettre Orléans h quelque ])rix que ce fût*.
1. MonMrelet, 1. II, c. 52. — Chrouiq, df l'émblissemcni de la Fétt^ du 8 moi, —
Berri, roi d'armer. — Jean Cliariier, liisi,dc Churlcs VU {\\ fut chanlre de Suiiil-
Denis ci hisloriographc du roi : c'était le frère d*Alain riiartioi). — Chmniij. de
ia Pucctle, — Journal du itiége. — Le Jounwl ou plutôt la Chrovique du siétie
d*Orli-ans dans la forme où nous l'avons, n'esl pas auiéricure au règne de Louis XI;
mais elle a pour base, connue le reconnaît M. Oiiich«ral [.Prorèt de Jemmv d'Arc,
l. IV, p. 9i^, un refjistrt'. écrit à mesure des événements et que nous n'avons plus.
La Chronique de la Pucellc n'est pas contemporaine : M. Quichcrat établit qu'elle
n'est pas antérieure ii 1467; qu'elle n'est qu'une compilation de plusieurs monu-
ments authentiques, auumontés d'un certain nombre de faits recueillis par l'auteur.
121 GUERRES DES ANGLAIS. [im]
Los prérîuitions des Anglais n'oinpùeliùrenl pas que la nouvelle
(le la mort <lii chef ennemi ne pénélnU dans la ville et n'y répan-
dît rallégrcsse : on raconta que Notre-Dame elle-mônie avait
dirigé ce boulet vengeur; qu'elle avait puni la proranalion ré-
cente de sa célèbre église de Gléri pillée par les Anglais aprîs
la prise de xMeimg. Ui confiance des assiégés dans la protection
(Ken haut en lut redoublée. La mort de Salisbury eut au con-
traire dans Tarmée assiégeante et jusqu'en Angleterre un reten-
tissement lugubre : « plus vaillant honune que lui, dit Lefèvre de
Sainl-Remi, ne fut en Angleterre ni ne peut élrc sous le soleil ».
La perle de cet excellent honune de guerre n'abattit poini
cependant le courage des siens. Au lieu de pleurer leur chef, ils
songèrent à le venger et à remplir ses dernières volontés. Ils dé-
libérèrent de continuer plus « àprement » le siège, sous la direc-
tion du comte de Suffolk (jue le régent donna pour successeur
à Salisbury. La première oi)ération de Sufïolk fut de ramener le
gros (le l'armée au nord de la Loire, suivant les intentions de
Salisbury (8 novembre); un corps de troupes fut laissé à Glans-
dale, qui demeiu'a chargé de garder les Tournelles et la bastide
des Augustins au midi du fleuve. Sur la rive méridionale furent
encore établis deux autres bastides ou fortins, à Sainl-Jcan-le-
Blanc et à Saint-Privé, au-dessus et au-dessous des Tournelles,
pour intercepter les passages par terre et par eau du côté de la
Sologne; mais rinvestissemenl du côté de la Bcaucc fut suspendu
plusieurs semaines encore : le mauvais temps empêchait appa-
remmcMit les travaux de siège. Le gros des troupes anglaises resta
cantonné dans les petites vilh»s des environs, à Meung, à fieau-
genci, à Jargeau, durant les mois de novembre et de décembre,
tandis cpie (ilansdale tenait incessanunent les Orléanais en éveil
par de furieuses canonnades : quelques-unes de ses bombardes
vomissaient des boulets de giès de deux cents livres. Les Orléa-
nais avaient aussi des pièces d'une dimension extraordinaire et
dtî redoutables canomiiers : un a couleuvrinier » de Lorraine,
appelé < maistre Jehan », se signala entre tous. Il entremêlait
ses beaux coups de « gausseries i> tout à fait gauloises *.
1. Journal du xiéqc , p. i3. Los us«iégés envoyèrent dc% violon» aux Anglais
pour les (h^seunuyer, disaienl-ils. pcndunt rhi\er. ibid. p. 12.
[n?8,iV20] TRAVAUX DU SIEGE D'ORLÉANS. 125
Le comte do Sufl'olk mil ses gens en mouvement \c]'i> la lin de
décembre : le fameux capitaine Talbot lui avait amené du ren-
fort, et le duc de Bourgogne, qui n'avait pris d'abord aucune part
à cette campagne, venait enfin d'envoyer un corps de Bour^^ii-
gnons et de Picards joindre les Anglais. Les Orléanais ne s'étaient
jîas trompés sur les projets de l'ennemi en le voyant repasser la
Loire, et, dès le 8 novembre, ils avaient renouvelé et complété
le douloureux sacrifice du Porlereau par la destruction des fau-
bourgs de la rive droite, « les plus beaux faubourgs du royaume »,
dit le Journal du siège. C'est la seule parole de regret qui écbappe
à l'écrivain anonyme dans son simple récit de ce grand dévoue-
ment. Les villes de la Loire, Orléans surtout, depuis fii longtemps
étrangères aux maux de la guerre, avaient débordé en sécurité
par delà leurs vieilles enceintes romaines, et s'étaient entourées
d'une verdoyante ceinture de maisons de plaisance et de jardins
riants. Tout fut détruit par la piocbe et par les flannnes, les mai-
sons neuves et les vieux moûticrs au pied desquels elles se grou-
paient; on acheva, le 29 décembre, à l'approche de l'ennemi, le
peu qui avait été épargné le 8 novembre : vingt-six églises, entre
autres la vénérable basilique de Saint-Aignan^ le patron de la
cité, avaient été mises à ras terre tant dans les faubourgs du nord
que dans le Portereau. Les Anglais arrivèrent le 30 décembre
de Meung et de Jargeau : Suffolk établit son quartier général
dans le petit bourg de Saint-Laurent-des-Orgerils qui était alors
à une portée de canon des murailles d'Orléans vers l'ouest, et de
grands travaux furent commencés pour enclore la cité dans un
cercle de bastides bien fortifiées et fossoyées. Chacune des routes
qui conduisent à Orléans fut coupée par un de ces petits camps
retranchés : on en compta jusqu'à treize, sept du côté de la Beauce,
cinq du côté de la Sologne, et le treizième, qui liait ensemble les
deux sièges et les deux rives de la Loire, dans une île du fleuve,
l'île Charlemagne, entre Sainl-Laurent-des-Orgerils et Saint- Privé.
Trois des bastides reçurent les noms de Londres, Paris et Rouen.
Des sorties continuelles troublèrent les « besognes » des Anglais;
chaque jour le sang coulait dans de violentes escarmouches : tan-
1. Elle avait été bfttie par le roi Robert en même temps que Poissi el que
Sainl-Cermain-dcs-Prés.
120 GCHRKËS DES ANGLAIS. [i«:}ti]
tôt los assiéjr(!'s allaient auilacicusiMnent cliar;>or les Anglais jusque
dans les li;j:nes cbaiidiées de leurs b()ulc\ards; tantôt les assié-
geants tentaient de surprendre la ville par d(! nocturnes escalades.
De temps à autie, du bétail, des vivres, des munitions étaient in-
troduits dans Orléans, malj^^ré la surveillance de rennexni, et
prouvaient aux défenseurs de la cité qu'on ne les oubliait pas au
debors : Bourges et Blois surtout rivalisèrent de zèle pour envoyer
des secours. 11 en vint de bien plus loin, d'Auvergne, de Langue-
doc même. Le 5 janvier 1429, le sire de Culant, amiral de France,
arriva par la Solojine à la tète de deux cents chevaux ; il traversa
au galop les ruines du Portereau, passa la Loire à gué sous les feux
croisés des batteries anglaises, et entra dans Orléans aux accla-
mations populaires. Le passage entre les bastides des assiégeants,
la plupait inachevées encore, était périlleux mais non impossi-
ble : pour compléter le blocus il eût fallu lier les uns aux autres
ces forts détachés par des tranchées de circonvallation et de con-
trevallation. Les Anglais rentreprirent; mais la grande étendue des
lignes à creuser et les difticultés que la saison opposait aux fos-
soyeurs ne leur |)ermirent pas d'achever leur ouvrîige, et ils ne
réussirent point à intercepter entièrement les communications de
la ville avec Textérieur. Le 27 janvier, Pothon de Saintraillcs et
plusieurs autres nobles et bourgeois que les habitants et la garni-
son avaient envoyés en députalion au roi parviment à rentrer
dans Orléans avec d'heureuses nouvelles : ils annoncèrent que le
comte de Glermont, répondant à l'appel adressé par les États-Gé-
néraux aux princes et aux vassaux de la couronne, était à Blois
avec beaucoup de noblesse de Bourbonnais, d'Auvergne, doBerri,
de Poitou, des auxiliaires écossais et d'autres troupes, et qu'il
allait faire lever le siège. Le bâtard d'Orléans s'échappa de la ville
la nuit suivante pour ('ourir joindre le comte à Blois et le pres-
ser d'agir. Du S au I) février, deux mille trois cents combattants
fran(;ais, gascons et écossais, connnandés par le maréchal de La
Fayette, le vain(|ueur de Rangé, par (niillaume d'Albrel et par
William Stuai t, arrivèrent de Blois sans obstacle séj'ieux : ce ren-
fort était destiné à mettre les assiégés en état de seconder par une
sortie formidable l'attaque des trouiies de secours contre les posi-
tions anglaises.
[U29J BELLE DÉFENSE D'ORLÉANS. 127
Le bruit du départ d'un ^rand convoi exi)édié deParisà l'armée
de siège par le duc de Ik^dford modifia les plans du comte de
Cleruiont et de ses capitaines : ils résolurent d'enlever ce convoi,
qui consistait en quatre à cinq cents chariots remplis de farine et
de harengs salés : les bourgeois de Paris avaient été obligés de
fournir les a vitailles », et les paysims des environs, de fournir
les charrettes et les chevaux. Sir John Falstolf, grand n)aîlre
d*hôtcl du régent, qui avait déjà conduit récennnent douze cents
soldats et beaucoup de poudre et d'artillerie à Suffolk, comman-
dait une escorte composée de quinze ou seize cents soldats anglais
et français et d'un millier d'archers et d'arbalétriers de la milice
parisienne, gens robustes et adroits, recrutés parmi les restes de
ce parti cabochien que ses aveugles passions rendaient l'instru-
ment de l'étranger ; le prévôt de Paris, Simon Morbier, le prévôt
de Melun, le bâtard de Tliian, bailli de Senlis, et d'autres « Fran-
çois reniés » accompagnaient le chef anglais. Le comte de Clermont
manda aux capitaines enfermés dans Orléans de lui envoyer un
fort détachement vers Janville, sur la route d'Élampes à Orléans,
que devait suivre Falstolf. les deux maréchaux de La Fayette et de
Boussac, Guillaume d'AIbret, Saintrailles, La llire, William
Stuarl, sortirent d'Orléans avec quinze cents hommes d'élite, et
devancèrent à Janville le jeune prince qui avait beaucoup plus
de chemin qu'eux à faire.
Les Anglais approchaient du village de Rouvrai-Saint-Denis,
cheminant sans aucun ordre, en pleine sécurité : celle longue co-
lonne d'hommes, de chevaux, de chariots, eût été probablement
rompue et dispersée par une brusque attaijue ; les défenses du
comte de Clermont, qui dépêcha courrier sur courrier pour or-
donner expressément qu'on Taltendît, arrachèrent une victoire
presque assurée aux défenseurs d'Orléans : les Anglais reconnu-
rent le danger, et eurent tout le temps de s'apprêter à y faire face.
Ils se tirent mie sorte de parc avec leurs chariots; ils s'enfermè-
rent dans celle enceinte improvisée, n'y laissèrent que deux issues
gardées, l'une par les archers anglais, l'autre par les compagnies
parisiennes;unrangde pieuxouj^fl/*- aigus, suivanirusaj»e anglais,
protégeait les hommes de trait contre la cavalerie et complétait l'en-
ceinte. Une vive escarmouche s'engagea entre les gens de trait des
l'iS (JUHKRES DES ANGLAIS. [1^'^,^
deux partis:» reux d'Orléans» suivant la (Chronique de la Purelle,
avaient amené plusieurs canons et eoulcvrines, « contre Ics^piels
rien ne résistoit qu'il ne i'ûl mis en pièces ». Sur ces entrefaites
arriva Tavant-gardc du comte de Clennont, formée prlncipaleincnl
d'Écossais sous les ordres de loi-d John Sluart, « le connétable
d'Ecosse », comme on l'appelait: le gros de la gendarmerie da
comte se montrait dans le lointain. Ordre avait été donné aui
gens d'armes de ne pas descendre de cheval ; mais, quand les
Écossais virent les Anglais, ils ne voulurent rien entendre : ils
saulcrcnt à has de leurs chevaux, et coururent Tépée uu poing
à l'entrée du parc gardée i)ar les archei-s d'Angleterre : le bâtard
d'Orléans et d'autres jeunes chevaliers les suivirent, pendant que
les Gascons de Guillaume d'Alhret fondaient au galop, tôtes bais-
sées, sur les compagnies parisiennes : les chevaux des Gascons
allèrent s'empaler sur les pieux qui couvraient le front de la milice
de Paris ; Guillaume d'Alhret fut tué avec beaucoup de sesGascons;
les autres tournèrent bride et jetèi'ent le désordre dans le resic
de la cavalerie. Les Anglo-Bourguignons sortirent alors en masse
de leur « enclos », et enveloppèrent les Écossais et ceux des Fran-
(.ais qui avaient mis pied à terre : le bAlai'd d'Orléans fut blessé;
le connétable d'Ecosse et son frère William Stuart furent tués
ainsi que plusieurs capitaines français et quatre à cinq cents
hommes d'armes.
Le comte de (^lermont était assez près pour les secourir ou les
venger à la tète d'une nombreuse noblesse : « il n*en lit oncsenn
blant », et, sous prétexte qu'on avait engagé le combat et mis
pi<.*d à terre contre son ordre, il fil honteusement volte-face sans
coup férir du coté d'Orléans, avec trois ou quatre mille chevaux
qui l'accompa^nîiient. Une partie de ses gens se dispersèrent; les
restes du détachement sorti d'Orléans, ralliés par La Ilire et &ùn-
traitles, furent ohhgés de suivre le mouvement du comte, et celte
armée (»n déroute se présenta vers la miit aux portes de la cilé :
les Anglais lui tuèrent du monde à son passage iMiIre leurs basti-
des; s'ils eussent connu son sanglant échec et son profond abat-
tem<Mit, ils l'eussent ( hargée à fond et dissipée sans peine (12 fé-
vriei'. Les bastides (Mmeniii:s retentirent de cris d'allégresse,
quand les assiégeants surent l'événement de la bataille : ils la nom-
C14W] JOURNÉE DES HARENGS. 129
mèrent « par moquerie » la « journée des harengs », à cause des
tonnes de poisson qu'on leur amenait pour passer le carême et
que les Français avaient voulu leur enlever. Falstolf et sa troupe
arrivèrent triomphalement en Yhost le 13 février ; les compagnies
parisiennes qui avaient eu tant de part à la victoire, s'en retour-
nèrent aussitôt après.
La discorde et le deuil, pendant ce temps, régnaient dans la
ville assiégée : ce n*était pas en fuyards mais en vainqueurs
qu'on avait espéré voir paraître les escadrons de secours; les ha-
bitants et la garnison reprochaient au comte de Clermont son
inaction ignominieuse à Rouvrai ; le conseil des chefs ne reten-
tissait que de plaintes et de querelles. Quelques jours se passè-
rent ainsi. Le 18 février, le comte de Clermont annonça qu'il vou-
lait aller à Chinon devers le roi pour refaire son armée et préparer
sa revanche ; il emmena l'archevêque de Reims, chancelier de
Charles VII, la Hire et deux mille combattants ; l'évêque même
d'Orléans déserta ses ouailles. Les Anglais les laissèrent passer,
considérant cette retraite comme l'abandon d'Orléans. Le comte
avait cependant juré qu'il reviendrait secourir la ville <c de gens
et de vivres dedans un certain jour »; mais ce jour vint sans que
le comte reparût : non-seulement Clermont ne rassembla pas de
nouvelles forces, mais le corps de troupes qu'il avait emmené se
dissipa en arrivant à Blois. Les assiégeants au contraire crois-
saient incessamment en nombre : tout espoir d'assistance de la
part du roi était perdu; la sympathie des populations, sans direc-
tion, sans guide, était impuissante à sauver Orléans et ne pouvait
que prolonger son agonie : les Orléanais avaient compris leur si-
tuation ; ils ne pouvaient se résoudre à devenir Anglais, mais ils
avaient cherché im moyen terme qui fût acceptable pour leurs
ennemis. Le lendemain du départ du comte de Clermont, ils
avaient expédié Saintrailles et d'autres députés vers le duc de
Bourgogne, pour lui offrir de mettre leur ville en séquestre dans
ses mains, si le régent anglais voulait leur accorder <c abstinence
de guerre ».
Bien des jours et des semaines s'écoulèrent avant qu'on eût des
nouvelles de cette ambassade, et cependant l'ennemi pressait la
ville avec une fureur croissante ; l'énergie de la défense ne s'af-
130 GUERRES DES ANGLAIS. iun]
faiblissait pas plus que celle de Tatlaque : le maréchal de Vkoa
d'Angleterre, Lancelot de Lisic, avait eu la tête emportée par un
boulet; beaucoup d'autres Anglais de distinction avaient péri
sous le feu de la place, et le farouche commandant des Tour-
nelles, sir William Glansdale, était si exaspéré de cette opini&tre
résistance qu'il se « vantoit de faire tout tuera son entrée dans h
ville, hommes et femmes, sans épargner aucun i (Chroniq. delà
Pucelle). La position des assiégés était de plus en plus critique, ks
secours plus rares et plus insuftisants, le blocus plus rigoureux.
Les députés envoyés au duc Philippe furent enfin de retour le 17
avril. Jean de Luxembourg, gouverneur de Picardie, les avait
menés vers le duc en Flandre ; ils avaient été accueillis avec beau-
coup de bienveillance, et Philippe, flatté de la confiance que loi
témoignait leur cité, était revenu avec eux à Paris afin d*appuyer
leur proposition près du duc de Bedford. Le conseil du rfe-
gent reçut très mal la requête : les Anglais se montrèrent fort
irrités des prétentions du duc de Bourgogne. Dans une discussion
orageuse, au Louvre, un des membres du conseil, < appelé mais-
tie RaouMe-Sage », dit hautement que les Anglais n'étaient pas
faits « pour mâcher les morceaux au duc de Bourgogne afin qa*fl
les avalât » . Bedford lui-même oubUa sa circonspection habituelle :
il croyait avoir assez acheté l'amitié de Philippe en lui sacrifiantson
frère Gloccster et en le Liissant engloutir les Pays-Bas presque en-
tiers, et il trouvait mauvais que le Bourguignon vint encore s'im-
miscer dans les affaires de l'intérieur du royaume, et ravir aux An-
glais le fruit de leurs labeurs. < J'aurai Orléans à ma volonté,
s'écria-t-il, et ceux de la ville me paieront ce que m'a coûté le
siège ; je serois bien marri d'avoir battu les buissons, et qu'un
autre eût les oisillons. » (Monstrelet. — Jean Ghartier.) Le régent
refusa « donc tout à plein » : les deux beaux frères se séparèrent
assez aigris l'un contre l'autre; on prétend même que le duc de
Bedford laissa échapper des menaces contre Philippe de Bourgo-
gne ^. Ce qui est certain, c'est que Philippe reprit la route de
1. « Il lui échappa de dire... que le duc de Bourgogne pourrait bien t'en aller
en Angleterre boire de la bierre plus que son saoul. » Gollut ; ap. Barante. t. V,
p. 27(1. Ce n'était pas la première fois que Bedford avait eu de maaTait projets
contre Philippe.
(142»] DÉTRESSE D'ORLÉANS. 131
Flandre avec un mécontentement qu'il témoigna d'une manière
éclatante ; il envoya son héraut porter l'ordre à tous ses vassaux
et adhérents de quitter l'armée anglaise, ce que firent de grand
cœur la plupart des Picards, Champenois et Bourguignons.
Ces troupes ne formaient qu'une faible partie de l'armée de
siège : les Anglais, plusieurs fois renforcés par des secours qui
compensaient leurs pertes, s'estimaient trop certains de vaincre
pour avoir besoin dorénavant de l'assistance des Bourguignons;
ils ne demandaient plus au duc Philippe que de se croiser les
bras et de les regarder faire.
Les citoyens et la garnison d'Orléans apprirent avec une fer-
meté admirable la ruine de ce qui avait semblé leur dernière es-
pérance : la nuit même qui suivit le retour de Saintrailles, ils
annoncèrent à l'ennemi, par une terrible sortie, leur résolution
de résister jusqu'à la mort. Ils pénétrèrent dans le grand parc du
comte de Suffolk, près de Saint-Laurent-des-Orgerils, et y por-
tèrent l'épouvante et le carnage ; toutes les forces anglaises se
réunirent edfin contre eux et les refoulèrent dans la ville, après
une lutte sanglante. (18 avril.— Journal du siège.) Cette attaque
parut aux Anglais l'effort suprême du désespoir : sûrs d'avoir
Orléans bientôt à leur merci, ils débattaient déjà les plans de leur
prochaine campagne au midi de la Loire et l'expulsion définitive
du c roi de Bourges >. Us ne doutaient pas que la chute d'Orléans
n'entraînât sur-le-champ la soumission de la Touraine, du Berri
et du Poitou, et que tout le reste ne suivit promptement. La dé-
route de Rouvrai avait découragé la noblesse et les gens de guerre;
l'espèce de fermentation et d'exaltation douloureuse qui agitait le
peuple sans résultat paraissait devoir promptement faire place à
Tatonie. Après Rouvrai , la plupart des princes et des seigneurs
avaient < laissé le roiCharles comme abandonné», dit Monstrelet,et
s'étaient retirés dans leurs terres, attendant sans doute le moment
de transiger avec le vainqueur. Charles VII, durant les premières
semaines qui suivirent ce malhem^eux combat, était à Chinon,
isolé, consterné, dénué de ressources; son trésor était vide;
1. Dans la révision du procès de la Pucelle, la dame de Bouligni, veuve d'un
receveur général des finances, dépose que son mari se trouva un jour avec quatra
écas en caisse. Procès de Jeanne d'Arc, t. II, p. 85*
132 GUERBES DES ANGLAIS. (i4»i
ses derniers soldats étaient prôls à se disperser; ses consetllen
rengageaient à quitter la Touraine el à se retirer dans les mon-
tagnes d*Auvergne, ou uiêine par delà le Rhône, en Dauphiné.
« si du moins on pouvoit sauver ces provinces! i dit le Joimnl
du si(!^ge d'Orléans. Le faible monarque voulait faire plus encore:
il se reprochait d*étre cause de tant de maux en prolongeant one
lutte inutile; il doutait d*ètre < vrai hoir du royaume descendu de
la royale maison de France i, doute que la conduite de sa mère
ne rendait que trop légitime ; il se croyait en butte au countMB
du ciel, et projetait d'abandonner la couronne et d'aller chercher
un asile en Espagne ou en Ecosse, ne demandant plus à Dieu que
de lui sauver la vie et la liberté.
Tous les signes avant-coureurs de la mort des nations semMeat
donc annoncer que la fin de la France est proche : toutes lei
forces ])oIitiques et sociales sont dissoutes ; la royauté, épuisée
par cinquante ans de démence, n'est plus même capable de mou-
rir avec gloire ; la noblesse, précipitée de défaite en défaite par
son téméi-aire orgueil et par son esprit* de désordre, à passé d'une
présomption fatale à un abattement plus fatal encore. Le clergé
gallican, dépouillé, par ses fautes, de la domination qu'il avait
jadis exercée sur les esprits, s'est laissé annuler dans la lutte des
deux ])euples, et n'a pas su prendre dans la défense le rAle que
le clergé anglais a pris dans l'attaque : il n'a que des vœux iuh
puissants à offrir à la monarchie très chrétienne; encore sa
cohorte s^icrée, l'université de Paris, désertée de ses plus grands
et de ses meilleurs champions, encense-t-elle l&chcment le roi
étranger. La bourgeoisie elle-même, la couche la plus profonde»
l'élément le plus vital de la nation politique, a succombé morale-
ment à son tour ; Paris, la tête et le cœur du Tiers-État et de la
France, Paris a failli aux destinées de la patrie, Paris subit l'An-
glais. Orléans ne peut plus que clore en périssant cette phase de
la résistance bourgeoise ouverte par les glorieuses infortunes de
Harfleur et de Rouen, et qu'anoblir par un dévouement infroe*
tueux la chute du Tiers-Ëtat. La mission du grand peuple qui a
enfanté la chevalerie, les croisades, la poésie, les arts du moyen
Age, qui a été durant des siècles le lien de la république chré-
tienne, l'initiateur du mouvement européen, cette mission va-t-
[UMl AGONIE DE LA FRANCE. 433
elle passer à un peuple nouveau? Le rôle de la France est-il fini*
parmi les nations? L'Angleterre le proclame , et l'Europe com-
mence à le croire.
D*où viendrait en effet le secours? Quelle puissance inconnue
fera ce que n'ont pas su faire les forces organisées de la société
française, la.royauté, la noblesse, le clergé, la bourgeoisie?... La
puissance qui fit sortir les régénérateurs de la terre d'entre les
charpentiers de Bethléem et les pêcheurs de Génézareth! la
puissance qui évoque des dernières profondeurs sociales , quand
toutes les sommités s'écroulent, ces forces vierges et ignorées
d'elles-mêmes que la Providence tient en réserve dans les entrailles
des peuples ! La raison, la réflexion ne peuvent plus rien, n'entre-
voient même plus la possibilité du salut : l'inspiration du senti-
ment saura trouver de ces sublimes folies qui sauvent le monde !
Les fléaux qui frappent incessamment la France depuis la dé-
mence de Charles VI et surtout depuis le meurtre du duc d'Or-
léans , n'ont épargné aucun homme ni aucune classe. Un roi de
France est mort fou après de longues années de souffrances : un
autre roi est vaincu, proscrit, chassé de cité en cité par les usur-
pateurs de son héritage ; la noblesse a été décimée dans les combats,
traînée en captivité , placée entre la confiscation et une honteuse
obéissance ; les clercs ont vu leurs églises ravagées, leurs bénéfices
envahis par d'arrogants étrangers ; la bourgeoisie a subi la ruine
du conunerce et de l'industrie, la disette, les proscriptions, les
exactions de tous les partis vainqueurs; mille calamités réunies
ont dépeuplé les villes, sans faire grâce aux châteaux; tous ont
ainsi connu les angoisses et les larmes; mais toutes ces douleurs
ensemble ne sont rien auprès des douleurs des paysans : le
peuple des campagnes, compté pour rien dans la société poli-
tique et toujours opprimé dans les temps les plus calmes, n'est
plus maintenant courbé sous la main de ses maîtres, mais écrasé
sous les pieds de mille tyrans mercenaires; îl n'est plus baigné
dans sa sueur, mais broyé dans son sang, ravalé* au-dessous des
brutes des forêts, parmi lesquelles il va, effaré, mutilé, cher-
cher de sauvages asiles. C'est là la misère des misères, le fond du
puits de l'abîme où aboutissent tous ces cercles de désolation !
Dans ce gouffre descendra le pur rayon de l'idéal divin qui
434 GUERRES DES ANGLAIS. il*»!
porte la vie et le salut! Du sein de cet enfer surgira le libérateur,,
et ce libérateur sera une femme ! Le peuple des campagnes, qui
ne semble môme plus capable de l'élan farouche cl aveugle de la
Jacquerie, va enfanter Jeanne Darc*. Les femmes ont été pré-
cipitées dans une dégradation plus profonde encore que les
hommes, livrées à tous les outrages, à toutes les dérisions de h
force effrénée, durant ces horribles guerres, qui faisaient de
l'homme un mélange de la béte de proie et du démon , de l'in-
stinct brutal et de la perversité raffinée. Par une sublime expia-
tion , la main d'une vierge brisera le glaive des puissants et
renversera le règne de la force.
Le moyen âge a développé deux grands types de la fenune : la
dame d'amour et la Notre-Dame ascétique ; ni l'un ni l'autre ne
peut plus rien pour cette société qui meurt. Un troisième t]pe
va se manifester, non plus dans les inspirations des poètes oo
dans les extases des saints, mais dans le monde des faits; un
Messie féminin montrera tout à l'heure, par la réalité vivante, et
non plus par un symbole religieux ^ ou par une conception M-
TiQUE , que le moyen âge a eu raison contre l'antiquité en procla-
mant l'égalité des sexes, et couronnera ainsi toute cette œuTie
glorieuse de la réhabilitation de la femme.
Toutes les énergies du sexe fait pour le raisonnement et l'ac-
tion, pour la vie extérieure et politique sont épuisées; la dernière
réserve de la France est dans le sexe du sentiment et de la vie
intérieure. Il faut que la femme sorte de sa sphère, par une
auguste exception , pour éclater dans la sphère de la vie active et
pour faire, avec une puissance divine, l'œuvre de l'homme désertée
par l'homme. C'est un mystère, sans doute, que la France arra-
chée du tombeau par une femme; mais le mot de ce mystère est
dans l'essence môme de la France : c'est à la femme à sauver le
peuple du sentiment.
La situation morale du peuple présageait et préparait les grandes
choses qui allaient paraître : le peuple n'espérait plus rien de?
moyens humains, et cependant le sentiment d'une indestructible
1. Darc et non d'Arc. V. .\'ouveUcs Recherches sur la famille et tur U nom de Jtamti
Varc, par A. Vallet de Virivillc; Paris, Dumoulin , 1854.
2. V. notre t. IIÎ, p. 402-404, »iir Tidéal de V Immaculée Coneeptiom,
[1429] D'OU VIENDRA LE SALUT. 135
nationalité soulevait violemment son &me et Tavertissait que la
France ne pouvait mourir. N'attendant rien de la terre, il élevait
son cœur vers le ciel ; une ardente fermentation religieuse, à la-
quelle Fautorité ecclésiastique n'avait aucune part, agitait non-
seulement les provinces < dauphinoises », mais les régions anglo-
bourguignonnes. Quelque chose de Texaltation mystique d'autre-
fois s'était réveillée chez les plus populaires des ordres mendiants,
chez les franciscains et chez les carmes, cette singulière congré-
gation qui prétendait compter les druides parmi ses aïeux. Le
carme breton Thomas Connecte parcourait la Picardie, l'Artois,
la Flandre, suivi d'une troupe de disciples, prêchant partout avec
une extrême virulence « contre les vices et péchés d'un cha-
cun, et en spécial contre le clergé », contre les prêtres concubi-
naires qui « publiquement tenoient femmes en leur compagnie » :
il ameutait les petits enfants contre les dames et damoiselles a qui
portoient sur leurs têtes hauts atours et autres habillements de
parage »; sommait, sous peine de damnation, les dames de lui
livrer leurs hauts bonnets (hennins), les hommes de lui apporter
leurs tabliers (damiers), échiquiers, cartes, quilles et dés, billes et
billards, et jetait le tout dans de grands feux. <c II régna dans ces
pays par l'espace de cinq ou six mois; on lui faisoit autant d'hon-
neur qu'à un apôtre de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et plusieurs
notables personnes laissèrent, pour le suivre, pères et mères,
femmes et enfants. Après lequel temps il se départit, à la grande
louange du peuple, et, au contraire, à l'indignation de plusieurs
clercs *. » D'autres prêcheurs, tirant leurs textes des sombres vi-
sions de l'Apocalypse, remuaient le reste de la France et l'Italie.
Le frère Richard, cordelier (franciscain), disciple du fameux
Espagnol Vincent Ferrier, et récemment arrivé de Palestine,
bouleversa Paris par ses sermons, au mois d'avril 1429 : il
prêchait du haut d'un éehafaud dressé dans le cimetière des
Innocents, « à l'endroit de la danse Macabre », et fit oublier aux
Parisiens l'étrange spectacle de la danse des morts par des émo-
tions plus violentes encore : il fit, comme Thomas Connecte, brû-
ler les hennins et tous les jeux, annonça que l'Antéchrist était
1. MoDstrelet, 1. II, c. 53. Thomas Connecte finit par être brûlé comme hérétique,
h Rome, par l'Inquisition.
136 GUERRES DES ANGLAIS. [1419]
né, et < qu'en Tan trentième (1430), on verroit les plus grandes
merveilles qu*on eilt onc vues ». (Journal du Bourgeois de Paris.)
Le régent Tobligea de quitter Paris. Les Anglais craignaient avec
raison tout ce qui tendait à exalter Tesprit du peuple : tout senti-
ment énergique devait tourner contre eux. Leur séjour prolongé
dans la France septentrionale, loin d'habituer le pays à leur do-
mination, les avait rendus l'objet d'une aversion toujours crois-
sante; on oubliait peu à peu les crimes et les fureurs des Arma-
gnacs, pour voir dans ces durs et avides insulaires * les seuk
auteurs du martyre de la France, livrée depuis tant d'années < à
pires douleurs que ne fut onc chrétienté sous les tyrans païens
Dioctétien et Néron ». Les Anglais comprenaient que le mouve-
ment religieux ne tarderait pas à devenir politique partout où il
n'avait point encore ce caractère.
Ainsi qu'à toutes les époques de fermentation religieuse, les
extatiques se multipliaient à côté des prédicateurs errants. On
raconte qu'une visionnaire, appelée Marie d'Avignon, était allée
trouver Charles VU, il y avait déjà quelque temps; elle avait eu,
disait-elle, nombre de visions touchant la désolation du royaume;
dans une de ses extases, elle avait vu des armures qu'on semblait
lui offrir; elle eut peur; il lui fut dit qu'elle ne s'effrayât pas, que
ces armes n'étaient pas pour elle, mais pour une jeune fille qui
viendrait après elle, et qui délivrerait de ses ennemis le royaume
de France 2.
Une autorité plus imposante confirmait les paroles de Marie.
On avait consulté le grand oracle du moyen âge. Merlin, à la fin
de sa Prophétie^ dans une vision inspirée par les doctrines drui-
diques sur la destruction et le renouvellement du monde, voit les
maisons du soleil se bouleverser, les douze signes du Zodiaque
entrer en guerre 5, et « la Vierge descendre sur le dos du Sagit-
1. Angloitf au seizième siècle, était resté chez nous synonyme d'usurier et
(l*exacteur.
2. Déposition de Jean Barbin, avocat du roi, dans le procès de réhabilitatioi
de la Pucellti ; ap. Procéa de Jeanne d'Arc, etc. t. III, p. 83.
3. C'est, diDS le symbolisme druidique, une forme correspondante k ce qu'est.
dans le symbolisme apocalyptique, l'ouyerture des sept sceaux et la chute des
étoiles. — V, Prophetia Merlini, ap. Galfrid. Moneuiut. de Gettit miriutque Bri*
lanniœ regum, 1. IV.
[1439] PROPHÉTIE DE MERLIN. 137
taire », du tireur d'arc. Le peuple lut dans cette parole la pro-
messe qu'une < pucelle » mettrait sous ses pieds « les hommes
armés de Tare », les Anglais. Un vieil instinct de tradition gauloise
y ajouta que la • pucelle douée par les fées^ » viendrait d'entre
les chênes, du < Bois-Chesnu> »; altérant ainsi une autre partie
des prédictions de Merlin, où le prophète annonce une vierge
libératrice qui sortira de la ville du Bois Chenu (et non Chesnu;
Canuti^). Enfin il s'accrédita que le « Bois Chesnu » d'où sortirait
la « Pucelle » était situé « vers les marches de Lorraine^ ».
L*idée que la France serait sauvée par une femme s'accréditait
de jour en jour : il régnait une de ces grandes attentes qui ap-
pellent et suscitent le prodige attendu. Quelqu'un avait entendu
rappel de tous : les aspirations qui remplissaient l'atmosphère
s'étaient déjà, à cette heure, concentrées dans une de ces âmes
extraordinaires qui semblent ne descendre sur la terre que pour
le salut des autres et non pour leur propre épreuve.
A l'extrême frontière de la France et de l'Empire, une étroite
langue de terre, appartenant à la Champagne, s'enfonçait et se
1. Fatata, en bas latin : or. Protêt de Jeanne cfArc, t. II, p. 28. Doué par les
fées, inspiré par les fées, en vieux français se dit faé; dans la langue des trou-
badours, fadatx : v. les poésies de Guilbem IX d'Aquitaine, ap. Raynouard, Poésies
de* troubadours, t. L
2. îiemus quercosum. Procès de Jeanne d^Arc, t. I, p. 68; t. IH, p. 16; dépo-
sition du comte de Dunois, ap. procès de réhabilitation. La prophétie avait pris
la forme d'un quatrain, que nous n'avons plus.
3. « De la ville du Bois-Chenu sortira la Pucelle, afin de prendre le soin de la
guérison... Elle portera dans sa droite la forêt de Calyddon (la Calédonie), dans la
gauche les créneaux des murs de Londres... Chacun de ses pas allumera une double
flamme... Elle fondra en larmes pitoyables et remplira l'tle d'une clameur d'épou-
vante. Un cerf dix cors, qui sur quatre de ses rameaux porte des couronnes d'or, la
tuera... « Galfrid. Monemut. toc. cil. Plus tard , les commentateurs eurent lieu de
signaler la fin de la prédiction. A la mort de la Pucelle, a la forêt danoise se sou-
lèvera; elle éclatera en une voix humaine et criera : Lève-toi, Cambrie... et dis
à Gwynton : La terre te dévorerai » La forêt danoise, ce fut la Normandie; quant
à Gwynton, c'est le nom celtique de Winchester, et le cardinal de Winchester fut
le chef des meurtriers de Jeanne Darc.
Il est probable que la Vierge de Merlin n'était qu'tfn symbole de la Grande-
Bretagne.
4. Procès, t. II, p. 447. 'v, les paroles de Jeanne Darc, rapportées par un des
témoins du procès de réhabilitation. Un autre témoin , professeur en théologie,
Pierre Migiet, prétend avoir lu jadis « dans un livre ancien, où étoit rapportée
la prophétie de Merlin » , que « la Pucelle » viendrait « d'un bois chenu , du
c6té de Lorraine.» Il n'y a rien de tel duns le texte de Merlindonné par Geoffroi
de Monmouth. Ibid, III, 133.
138 GUERRES DES ANGLAIS. lUM]
perdait, pour ainsi dire, entre le duché de Bar, l'évfiché de Tool
et le duché de Lorraine; les habitants de ce petit canton rivenia
de la Meuse, qui ne renfermait d'autre < ville fermée » que Van-
couleurs*, avaient été constamment attachés au parti français. Le
voisinage de l'étranger s, de la terre d*Empire, redoublait eo ein
la vivacité du sentiment national, comme il arrive presque tou-
jours chez les populations des frontières : on ne se sent, on ne
se connaît soi-même que par l'opposition avec ce qui n*estpis
soi. Depuis l'origine des guerres civiles qui avaient précédé rin-
vasion anglaise, les ducs de Lorraine et de Bar. de tout temps
rivaux et ennemis, avaient soutenu les deux partis opposés : ks
Lorrains s'étaient faits Bourguignons, puis adhérents de Henri TI;
les Barrois avaient été Orléanais, puis Dauphinois; Yaucoulenn
et les villages champenois de la frontière s'étaient rangés dn
cAté des Barrois. Sur la rive gauche de la Meuse, k cinq lieues
au-dessus de Vaucoulcurs, entre la prairie de la Meuse et un long
coteau couronné de bois, s'élève un hameau dont le nom, Dom-
rcmi 3, indique un ancien domaine de l'abbaye de Saint-Rcmi de
Reims. Au milieu du hameau, deux constructions attirent le re-
gard : une petite église ogivale, du treizième ou du quatorzième
siècle, dédiée à Saint-Remi ; tout à côté, contre l'enclos du cime-
tière qui entoure l'église, une maison, du quinzième siècle, dont
la façade présente trois écussons armoriés et une petite statue
armée et agenouillée. Cette maison, de modeste apparence, était
bien plus humble à l'époque où elle fut visitée par l'étoile qui avait
brillé, quatorze siècles auparîivant, sur la crèche de Bethléem^.
Près de celte maison, un sentier montait, à travers des touffes
de groseillers, vers le sommet du coteau : la crôte boisée se nom-
mait le BOIS CHESNU. A mi-côte, jaillissait, sous un grand hêtre
1. « Charles V, comme par une inspiration proTidentielle, arait fait depuis pci
(de Vaticouleurs) un membre inséparable de la couroone.» J. Qaieheral, Aperça
nouvet.Hx iur Jeœme d'Arc, p. 2.
1. /:tranger par les délimitations politiques, non par la langue ni par |a raee.
« On voit encore près de Vaucnuleurs, dit le Dictionnaire de Vosgien, de gnttn
pierres que Tempereur Albert et Philippe le Bel firent planter ponr ser? ir da borna
& leurs empires. »
3. Dominus-Remitjiu*»
4. Elle fut réparte, sinon reb&tie, et un peu orn^e par ordre de I^uis XI (1481)l
La statue de la Pucellc, malheureusement, est tout a fait dépourvue de caractèrt.
13] DOMREMI. NAISSANCE DE JEANNE. 139
lé, une fontaine, objet d*un culte traditionnel. Les malades
jrmentés de la fièvre venaient, de temps immémorial, chercher
r g^érison dans ces eaux pures. La source ne parait pas avoir
sous l'invocation d'un saint ni d'une sainte. Des êtres niysté-
ux, antérieurs chez nous au christanisme, et que nos paysans
nt jamais consenti à confondre avec les esprits infernaux de
égende chrétienne, les génies des eaux, des pierres et de sbois,
dames faées* hantaient le hêtre séculaire et la claire fontaine.
hêtre s'appelait le beau mai. Au retour du printemps, sous l'arbre
mai, < beau comme les lis' >, les jeunes filles venaient danser
suspendre aux rameaux, en Thonneur des fées, des guirlandes
i disparaissaient, disait-on, pendant la nuit. Les pieux et simples
bilan ts de Domremi étaient à la fois très bons chrétiens et très
achés à ces pratiques primitives de leurs aïeux.
Dans la nuit de l'Epiphanie (6 janvier 1412)^, on raconte que
mis les habitants de Donu'emi, saisis d'un inconcevable trans-
it de joie, se mirent à courir çà et là en se demandant l'un à
atre quelle chose étoit donc advenue Les coqs, ainsi que
rauts de celle allégresse inconnue, éclatèrent en tels chants
e jamais semblables n'avoient été ouïs^. » Une enfant était née
Jacques Darc et d'Isabeau Romée*, pauvres et honnêtes la-
ureurs d'origine servile*, établis à Domremi, mais natifs de
ux autres villages de Champagne^. La mère avait, dit-on, rêvé
gemment qu'elle accouchait de la foudre.
L'enfant fut appelée Jeanne. Autour de ses jeunes années se
nouvelèrent les légendes qui poétisent le souvenir des saints
[tiques, de saint Colomban, de saint Gall, de saint Brandaines,
I. Dominée fatœ, fatales; les fées.
ï, Cest le mot d'un des témoins du procès de réhabilitation. Le grand fau
lire) existait encore au dix-septième siècle. Procès, t. II, p. 390.
I. Procès, t. V, p. 116; 1. 1, p. 46.
ï. Lettre de Perccval de Boulainvilliers au duc de Milan; Procès, t. V, p. 116.
S. M. Vallet de Viriville a donné d'intéressants détails sur les origines de
UDne; v. Bfémoire sur le nom et la famille de Jeanne Darc, p. 25; 1854.
S. Les lettres d'anoblissement de la Pucelle et de sa famille portent qu'ils n*é-
ent pas de noble extraction, et peut-être même êtoient d'autre condition que de
uiition libre, (Lettres patentes de Charles VU, de décembre 1429; Procès, t. Vi
iM\
7. Vallet de VirÎTille. Mémoire sur le nom, etc.
140 GUERRES DES ANGLAIS. (I4l2-im]
et qui, émanées d*iinc inspiration plus ancienne. que le christia-
nisme, nous montrent leurs pieux héros dans une communion
mystique avec tous les êtres de la nature. « Quand elle gardoil
les brebis de ses parents, le loup jamais ne mangea ouaillc de son
troupeau... Quand elle étoit bien petite..., les oiseaux des bois et
des champs, quand les appeloit, venoient manger son pain dans
son giron, comme privés ^. > Les deux grands courants du sen-
timent celtique et du sentiment chrétien, qui s'étaient unis pour
enfanter la poésie chevaleresque, se mêlent de nouveau pour
former cctle âme prédestinée. La jeune pastoure tantôt rêve au
pied de « l'arbre de mai » ou sous les chênes, d'entre lesquels
on voit de loin fuir la Meuse à travers les prairies ; elle écoute
les rumeurs confuses de l'air et de la fouillée ; elle plonge ses
yeux, durant de longues heures, dans les profondeurs du cid
étoile. Tantôt elle s'oublie au fond d^ la petite église, en extase
devant les saintes images qui resplendissent sur les vitraux. Elle
prie les samts du paradis pour la France, dont les malheurs ont
déjà frappé vaguement son oreille et son cœur. Quant aux fées,
elle ne les a jamais vues mener au clair de lune les cercles de
leur danse autour du beau mai; mais sa marraine les a rencon-
trées jadis, et Jeanne croit apercevoir parfois des formes incer-
taines dans les vapeurs du crépuscule ^ : des voix gémissent le
soir entre les rameaux des chênes ; les fées ne dansent plus ; elles
pleurent ^ ; c'est la plainte de la vieille Gaule qui expire !
La plainte a été entendue. Une autre voix bientôt répondra
d'en haut.
La sérieuse enfant, résen'éc, un peu sauvage, rarement mêlée
aux jeux de ses compagnes, fort aimée d'elles toutefois «pour
sa grande bonté», et ardemment secourable à toute infortune,
offrait déjà ce mélange de méditation solîtaireet de puissante acti-
vité qui caractérise les êtres promis aux grandes missions. Elle se
cherchait elle-même : les faits du dehors éclairèrent et fixèrent
1. Lettre de Perceval de Roulainvilliers; Procès, t. V, p. 116. — Journal du
Bourgeois de Varii, ad aun. 1431.
2. Procès, t. I, p. 67, 68.
3. Il leur a été interdit, a povr leurs péchés », de reyenir sous le beau mti.
Procès, t. II, p. 396 ; Dépoiition de Béairix.
(1415) ENFANCE DE JEANNE. 141
c sa sublime inquiétude* ». Les petites villes elles bourgades de la
haute Meuse avaient été longtemps épargnées, grâce à leur situa-
tion reculée, par la guerre qui désolait la France. Les luttes étran-
gèresetcivilesy avaient pourtant des échos; on y était « bandé vil-
lage contre village ». Jeanne avait été élevée dans la haine de ces
Bourguignons, qui livraient la France aux Anglais. Souvent elle
voyait les petits garçons de Domremi revenir tout ensanglantés de
leurs batailles à coups de pierres contre les enfants de Maxei, village
lorrain de la rive droite de Meuse, qui tenait le parti de Bourgogne.
La vraie guerre, et non plus son image enfantine, apparut enfin
dans la vallée. Les garnisons françaises de Vaucouleurs, de Mou-
zon , de Beaumont-en-Argonne couraient la Champagne et rava-
geaient le plat pays : après la défaite des Français à Yerheuil, les
grandes villes champenoises offrirent des subsides au régent an-
glais pour qu*il rétablit la sécurité des routes et s*emparàt du cours
de la Meuse ^. Les Anglo-Bourguignons menacèrent Vaucouleurs
et promenèrent le fer et le feu dans la contrée'. A l'approche des
bandes ennemies , les habitants de Domremi durent plus d'une
fois chercher un asile à la hâte dans un châtelet bâti en face de
leur hameau, sur une île du fleuve.
Ces scènes de trouble et de terreur faisaient sur la jeune fille
une impression ineffaçable. Elle écoutait, le sein palpitant, les
yeux en pleurs, les lamentables récits qu'on faisait à la veillée sur
les calamités du beau royaume de France, < du royaume de Jésus » .
Les récits devenaient pour elle Taspect même des choses. Elle
voyait les campagnes en feu, les cités croulantes, les armées fran-
çaises jonchant de leurs morts les plaines ; elle voyait errant,
proscrit, ce jeune roi qu'elle parait de vertus imaginaires, et qui
personnifiait à ses yeux la France. Elle implorait ardemment le
Seigneur et ces anges, ces saints qu'on lui avait appris à consi-
dérer comme des intermédiaires entre l'homme et Dieu. Un sen-
timent exclusif, unique, la pitié et l'amour de la patrie, enva-
1. Quicherat, Aperçus nouveaux sur Jeanne tPArc, p. 9.
2. Ibid, p. 10.
3. Ils prirent, après une longue résistauce, Mouzon et Beaumont. Les babitants
M retirèrent k Liège, cité anti-bourguignonne, pour ne pas prêter serment an roi
étranger.
142 GUERRES DES ANGLAIS. (14»]
hissait peu à peu tout entière cette âme passionnée et profonde.
L'autel était prêt; le feu du ciel descendit. Un jour d'été, c'était
en 1425, Jeanne était dans sa quatorzième année; elle courait
dans la prairie avec ses compagnes; soulevée comme par une
force invisible, elle prenait tant d'avance sur ses jeunes amks
que celles-ci, frappées de surprise, croyaient la voir voler et non
courir. « Ravie et comme hors de sens », eUe s'arrête pour re-
prendre haleine. En ce moment, il lui semble ouïr une voix qui
la rappelle au logis, près de sa mère *. Elle retourne : elle se
retrouve seule dans le petit jardin paternel. Tout à coup une voii
c moult belle et douce » l'appelle par son nom : < JehannelaPu-
celle, lille de Dieu, sois bonne et sage, fréquente l'église, mets ta
confiance au Seigneur ! Jehanne, il faut que tu ailles en France > *.
Elle ne voit personne, mais une grande clarté brille à la droite
de l'église. L'enfant reste saisie d'une première révélation de sa
destinée ; elle sent vaguement qu'elle ne doit pas porter les douces
chaînes des affections privées ; elle renonce à être épouse et mère,
et voue sa virginité au Seigneur. Bientôt la voix se fait entendre
de nouveau, et Jeanne entrevoit, dans un nimbe lumineux, une
figure ailée au majestueux visage, qu'environne un tourbillon
d'esprits. « Je suis l'archange Michel , dit l'apparition ; je te viens
commander, de la part du Seigneur, que tu ailles en France, que
tu ailles au secours du dauphin, afin que par toi il recouvre son
royaume 2. »
La jeune enfant, se trouvant ainsi pour la première fois fooeà
face avec l'audacieuse idée qui fermentait dans son sein, eut peur
et fondit en larmes; mais la vision ne tarda pas à reparaître plus
brillante. Le chef des armées célestes amenait avec lui deux gra-
cieux fantômes, « couronnés de belles couronnes moult riches cl
précieuses » : c'étaient deux des bienheureuses les plus célèbres
de la légende, sainte Catherine et sainte Marguerite. Michel avait
i. Lettre de Perceval de Boulainvilliers au duc de Milan (1429); Procét, uT,
p. 117.
2. Les Champenois, les Picards, les Bourguignons appelaient encore spéciak-
uiciit France Tuntiquc duché de France, la région centrale de PUe- de-France el
de rOrlcanais.
3. Procès, 1. 1, 1*. 62, 72, 170, 171. Charles VII n'était encore que « le daupkia»
pour Jeanne, parce qu'il n'avait pas été sacré.
[1425-1428] VOCATION DE JEANNE. 143
prévenu Jeanne que ces deux saintes avaient été choisies pour être
ses guides et ses conseillères. Les apparitions dès lors se multi-
plièrent, et la vie de Jeanne ne cessa plus d'être partagée entre le
inonde réel et le monde idéal que lui ouvrait l'extase. La frayeur
que lui avaient inspirée ses premières visions s'était changée en j'oie
et en amour; elle attendait impatiemment ses «frères de paradis »;
elle pleurait quand ils la quittaient pour retourner au ciel, et
€ eût voulu qu'ils l'emportassent avec eux ». Elle s'était prise
d'une vive tendresse pour ces êtres fantastiques, forme idéale de
ses pensées, nuées transparentes qui voilaient à ses yeux le divin
soleil d'où l'inspiration rayonnait sur elle * . Et toujours les esprits
1. n existe dans rbumanité an ordre exceptionnel de faits moraux et physiques
qui semblent déroger aux lois ordinaires de la nature : c'est l'état d'extase et de
somnambulisme, soit spontané, soit artificiel, avec tous ses étonnants phénomènes
de déplacement des sens, d'insensibilité totale ou partielle du corps, d'exaltation
de l'âme, de perceptions en dehors de toutes les conditions de la vie habituelle.
Cette classe de faits a été jugée à des points de vue très opposés. Les physiologistes,
voyant les rapports accoutumés des organes troublés ou déplacés, qualifient de
maladie Fétat extatique ou somnambulique, admettent la réalité de ceux des phé-
nomènes qu'ils peuvent ramener & la pathologie et nient tout le reste, c'est-èi-dire
tout ce qui parait en dehors des lois constatées de la physique. La maladie devient
même folie & leurs yeux, lorsqu'au déplacement de l'action des organes se joignent
des hallucinations des sens, des visions d'objets qui n'existent que pour le vision-
naire. Un physiologiste éminent a fort crûment établi que Socrate était fou, parce
qu'il croyait converser avec son démon. Les mystiques répondent non-seulement
en affirmant pour réels les phénomènes extraordinaires des perceptions magnétiques,
question sur laquelle ils trouvent d'innombrables auxiliaires et d'innombrables
témoins en dehors du mysticisme, mais en soutenant que les visions des extatiques
ont des objets réels, vus, il est vrai, non des yeux du corps, mais des yeux de l'esprit.
L'extase est, pour eux, le pont jeté du monde visible au monde invisible, le moyen
de communication de l'homme avec les êtres supérieurs, le souvenir et la promesse
d'une existence meilleure d'où nous sommes déchus et que nous devons reconquérir.
Quel parti doivent prendre dans ce débat Thistoire et la philosophie?
L'histoire ne saurait prétendre h déterminer avec précision les limites ni la
portée des phénomènes ni des facultés extatiques et somnambuliques; mais elle
constate qu'ils sont de tous les temps et de tous les lieux ; que les hommes y ont
toujours cru; qu'ils ont exercé une action considérable sur les destinées du genre
humain; qu'ils se sont manifestés non pas seulement chez les contemplatifs, mais
chez les génies les plus puissants et les plus actifs, chez la plupart des grands
initiateurs; que, si déraisonnables que soient beaucoup d'extatiques, il n'y
a rien de commun entre les divagations de la folie et les visions des extati-
ques; que ces visions peuvent se ramener à de certaines lois; que les extatiques
de tous les pays et de tous les siècles ont ce qu'on peut nommer une langue com-
mune, la langue des symboles, dont la langue de la poésie n'est qu'un dérivé,
langue qui exprime à peu près constamment les mêmes idées et les mêmes senti-
ments par les mêmes images.
11 est plus téméraire peut-être d'essayer de conclure au nom de la philosophie.
144 GUERRES DES ANGLAIS. [UU^UV]
lui parlaient de sa mission, < de la grande pitié qui étoit au
royaume de France », des maux qu*elle seule devait finir; îb
Tcxhortaient d*aller trouver le < dauphin Charles »,et de le mener
sacrer à Reims. Jeanne se débattait contre elle-même ; elle « ri-
pondoit qu'elle étoit une pauvre femme, qui ne sauroit ni die-
vaucher, ni mener la guerre ». Mais les esprits répétaient opinU-
trémcnt : « Va en France I va en France! »
pourtant le philosophe, après avoir reconnu l'importance morale de cet ]
mènes, si obscnrs qu'en soient pour nous la loi et le bat, après y avoir distingii
deux degrés, Tun, inférieur, qui n'est qu'une extension étrange ou an déplaeemcil
inexplicable de Taction des organes, l'autre, supérieur, qai est ane exftltation pra-
digii'usc des puissances morales et intellectuelles, le philosophe poarrait aontcair,
k ce qu'il nous semble, que l'illusion de l'inspiré consiste à prendre pour ancréf^
lation apportée par des êtres extérieurs, anges, saints on génies, les réTélatîeii
iniéricures de cette personnalité infinie qui est en nonsy et qui parfois, ehes Im
iiieilleurs et les plus grands, manifeste par éclairs des forces latentes dépssmt
presque sans mesure les facultés de notre condition actuelle? En an mot, dasik
lunçuc du l'école, ce sont là pour nous des faits de subjeciivité; dans la laagst
dos anciennes philosophies mystiques et des religions les pins élevées, ce sont Im
révolutions du férouer mazdéen, du bon démon (celui de Socrate), de l'ange gardicB,
de cet autre Moi qui n'est que le moi éternel, en pleine possession de Ini-ménc,
planant sur le moi enveloppé dans les ombres de cette vie (c'est là le sensdi
magnifique symbole zoroastrien ]>arlout figuré à Persépolis et à Ninive; le finm»
ailé ou le moi céleste planant sur la personne terrestre).
Nier l'action d'êtres extérieurs sur l'inspiré, ne voir dans leurs manifestatioM
prétendues que la forme donnée aux intuitions de l'extatique par les croyances di
son temps et de son pays, chercher la solution du problème dans les profondeondc
la personne humaine, ce n'est en aucune manière révoquer en doute rintervenllei
divine dans ces grands phénomènes et dans ces grandes existences. I/aateur et k
soutien de toute vie, pour essentiellement indépendant qu'il ?oii de chaque créatin
et de la création tout entière, pour distincte que soit de notre être contingent n
personnalité absolue, n'est point un être extérieur, c'est-à-dire étranger à nous, cl
ce n'est pas du dehors qu'il nous parle : quand l'Ame plonge en elle-même, elle 1^
trouve, et, dans toute inspiration salutaire, notre liberté s'associe à sa providence.
Il faut éviter, ici comme partout, le double écueil de l'incrédulité et de la piété
mal éclairée : Tune ne voit qu'illusions et qu'impulsion purement humaine; l'antre
refuse d'admettre aucune part d'illusion, d'ignorance ou d'imperfection là ob eUt
voit le doigt de Dieu, comme si les envoyés de Dieu cessaient d'être des hommes,
les hommes d'un certain temps et d'un certain lieu, et comme si les éclairs sublimes
qui leur traversent l'Ame y déposaient la science universelle et la perfection absolne.
Dans les inspirations les plus évidemment providentielles, les erreurs qni vienneil
de riiommc se mêlent à la vérité qui vient de Dieu. L'être infaillible ne comm-
uique sou infaillibilité à personne.
Nous ne pensons pas que cette digression puisse paraître superflue; nons avioM
k nous prononcer sur le caractère et sur l'œuvre de celle des inspirées qui a témoigné
au plus haut degré les facultés extraordinaires dont nous avons parlé tout àThenre,
et qui k'S a appliquées ii la plus éclatante mission des Ages modernes : il falltil
doue essayer d'i-\primer une opinion sur la catégorie d'êtres exceptionnels auxifieli
appartient Jeanne Darc.
[I4?.>»] VOCATION DE JEANNE. 145
Trois ans s'étaient écoulés depuis les premières révélations de
Jeanne, et les voix devenaient toujours plus pressantes : elle les
entendait dans le son des cloches, tant aimé de sa rêveuse enfance ;
elle les entendait dans le mnrniures des bois; elle les entendait
à la fontaine des fées comme à Té^dise. Les voix se faisaient otiïr
jusque deux et trois fois par semaine, et Jeanne était consumée
d'un feu intérieur, d'une lièvre héroïque qui ne lui laissait plus de
repos; bien que personne, ni parents, ni prêtre, n'eût le secret
des mystères qui se passaient en elle, il lui échappait parfois des
paroles étranges qui étonnaient et alarmaient ses père et mère.
Un jour, c'était la veille de la Saint-Jean (23 juin 1 428), elle dit à un
laboureur du voisinage « qu'il y avoil, entre Coussei et Vaucou-
leurs, une fille qui avant un an feroit sacrer le roi de France » .
Son père rêva qu'elle s'en « alloit avec les gens d'armes »; il eût
mieux aimé a la noyer » de sa propre main que de voir « telle
chose advenir». Ses parents la surveillèrent de plus près, ne l'en-
voyèrent plus aux champs garder les troupeaux, et roccu[)èrent
au logis à filer et à coudre*. Ils tâchèrent de la marier. Un jeune
honime qui aimait Jeanne prétendit avoir d'elle une promesse de
mariage, et la cita devant l'officiaUté de Toul^, avec la connivence
des parents, pour l'obliger à remplir cette prétendue promesse : on
espérait que Jeanne n'oserait comparaître devant les juges ecclé-
siastiques. Elle comparut; elle jura qu'elle n'avait rien promis et
gagna son procès. Une catastrophe qui Irappa son hameau vint, sur
ces entrefaites, la confirmer dans ses desseins : en 1428, le pays fut
envahi par une compagnie bourguignonne ; les habitants de Doni-
rcmi eurent le temps de s'enfuir avec leurs troupeaux et de gagner
la ville lorraine de Neufchastel (Neufchàleau), qui ne leur refusa
point un asile. Neufchîltel, qui relevait du royaume et non de
TEnipire, penchait pour la cause française. Quand l'ennenii fut
parti et que les gens de Donn-emi retournèrent chez eux, Jeanne
ne retrouva que ruines et que désolation dans tous les lieux qu'elle
avait aimés : son village avait été saccagé, son église livrée aux
flammes. N'était-ce pas le ciel qui châtiait ainsi ses retards?
1. ProcèSy 1. 1, p. 51.
'i. Vuucoulouis cl les villages des environs, quoique fiançais ^ relevaient do
l'cvcque de Toul pour le spirituel.
VI. lu
146 OUEttRES mS ANGLAIS. tfiB|
Jrttnn** n'hésitu plus, Loiigttrtnjts avant que h nouielh? duî
d"Orléan& arrivai inm les marches de Lorraine, Je^nii* '
mise en devoir d'obéir aux mîj; qui la touniientuieftl saiii* i ■
« Utïïo-îoi ! liùte-tùi ! diâai«;at le» vùix, V8i*t*en à Vimnitilear&^ '
Robert de Uaudriceiirt ! pur deux tùis il te rebutera; h lu
sième il l oulru et le baillera i\i*s ^'fiiis iVarniêsi |M>!ir le eotHlu
»ii dauphin, n Baudricourl était le gouveirietir tic Vaûcoulean^
Jennnu ûIjIiiïI d'aller pas^î^er t|iieUjue teiiiivs chez un irervik »
ijiere^ au villuf^e du Petihliarei, entre Duiureitij H Vqucof*^'"^
elle iiî hcs adieux à ses eonrpague!§,àï>on hnnieau, quVIle iii
plu^ revoir, et, à ireine arrivée clie:K son oncle, die îtVmvnt à Im;
<t N Vl'il pa^ Hù (Jil anlreroistiue la France, penlue |iar iifiereiniDr,
seroit sauM^e )>ar luui [lucelle, une jiucelle des iruirelie5 ilc Lor*
rai ne ï La femiïitj, c'est la reine I^abeaii ; k |m€elJt\ c'est luotl^t
L^onele de Jeanne lut subjugué par rauloritê avec bMiu» ""
mail la jeune iille : il se rendit auprès du gouvemi^ur u .
leuiE, el lui parla de la mission que s'attribuait si nièoe; 1
court le lenvojaavec force lailleries» Jeciiine alorîî S4* t>réK.titii cii
jiersoune cbca Baudricourt : elle le recunnul' au {inL*riiicr -^l --*
quoiqu'elle ne leiU jamais vu; Besmijc le lui avaient fetlcni i
a Capilame, lui dit-elle» saeliex que Messire (tnon seigneur^ à qai
apparlient le royaume de France, et qui le veut b "
iiîende au dauphin, nfa commandé daller \eiii i .
atln que je le mène nacrer et quil dcvicniie m\ en d^|>il du «i
CNnemi&. — Kt «jui est ton wr/ deiiiunda rtaudrlcnurt- — 1^
roi du ciel! ^ iîaudrjcuurt, qui irélait ni plu5 relipeux ni plus
réservé dans fcf ïs mœurs que la phi part des gens d'nriiie^ et ¥m
temps, se moqua d'elle* Rlle ptM^ista. Il la regarda rumine tmc
toile, boniie iHJur servir h r*s (;ens uh se divertir et ébalti^e en
[léché ebarnel t^. Ûuebpïes-uns « en euant volonté; mais, èUU
qu'ils la regardoient fort, ils étoient tout refroidis de luxure^ » ;
quelque chose d1neQnnule5tre|ions>ait; la |»ïivsî*inniio-' ' ' i«
était si imposante et û extraordinaire que les pluîi bai U'.
2. PrùCH, l. Il, p. iU, U7,
a. On cotini^tt ta sctni: de ta iird»e(itation de Htiûm k Bandncoiirt (iftf u de
lUlaQ d*un t^tiji>in c^cniuirr, ItcrUvif'J vit rontcniii* Pfm*% K lit fi. 4^$»
it Chruttt^t fie ta î^njc^iU, -* JomtMt du n^gc é'OriÉattw,
ti42»,l429J JEANNE A VAUCOULEURS. 147
blaient et que les plus incrédules doulaient devant elle. 11 semblait
que ce ne fût point là une lîlle de la race d'Eve * .
Jeanne, résolue de vaincre le mauvais vouloir de Baudricourt à
force de persévérance, s'établit à Vaucouleurs, chez de bonnes
gens de la connaissance de son oncle. Elle partageait ses journées
entre le travail, la prière elles [)ratiques d'une dévotion ardente:
le temps lui pesait « comme à une femme enceinte ! » L'attention
publique commençait à être vivement excitée ; le bruit des visions
de Jeanne transpirait, et Baudricourt, qui l'avait d'abord crue
folle, étiiit tenté maintenant de la croire sorcici-o. Un jour, il s'avisa
d'aller la trouver avec le curé de Vaucouleurs, et de la faire exor-
ciser ; le curé lui présenta son étole, en lui disant que « si elle
étoit mauvaise elle partît d'avec eux, que si elle éloit bonne elle
s'approcbàt ». La jeune lille s'approcha en se traînant î^i genoux.
11 est probable que Baudricourt se décida pour lors à écrire à la
cour, afm de demander des instructions ; mais il ii'an traita pas
beaucoup mieux Jeanne, qui se laissa •nlin reconduire par son
oncle au village du Pelit-Burei.
Elle n'y resta guère : les nouvelles d'Orléaiis ranimèrent toute
son ardeur; elle pensait d'ailleurs, à ce qu'il semble, que le
carême d'avant la Pàque de 1 429 était pour elle un terme de
rigueur. Aux approches de la sainte quarantaine, elle obligea son
oncle de la ramener à Vaucouleurs, déclarant qu'avant la mi-ca-
rôme, il fallait qu'elle fût devers le roi, diU-elle, pour le joindre,
«user ses jambes jus(ju'aux genoux! — Personne (pie moi )>,
disait-elle, « ne peut recouvrer le royaume de France... J'aimerois
pourtant mieux rester à filer près de ma pauvre mère, car ce
n'est pas là mon ouvrage; mais il faut que y Miel... Mess fre le
veut^ ». Un jeune bourgeois, qui exerçait un oflice rojal à Vau-
couleurs 2, Jean de Novclonpont, surnonnné Jean de Metz, et nu
gentilhonmie appelé Bertrand de Poulengi, entraînés par l'accent
inspiré de Jeanne, « mirent leurs mahis dans les siennes », et lui
jurèrent de la mener, « sous la conduite de Dieu ». La renonnnée
de sa sainteté et de ses révélations se répandait dans tout le pays,
et le duc Charles de Lorraine, qui languissait d'une maladie mor-
1. Déposiition de Jcuii de Novclonpont; Procfts, t. H, p. 435.
2. n fut uuobli, uu 1*41, pour ses bons services. Procès, t. V, p. 363.
118 GIjERUES des anglais. [1439]
Jelle,la manda près de lui à N.inci pour rinlerroger sur los ino\viis
de recouvrer la sarilé. Elle répondit qu'elle n^avait poîiil de
lumières sur de telles choses, et retourna au plus vite à Vaucuu-
leurs. Baudricourt conseutil cnlin à l'envoyer au roi, sur rarrivîn;
d'un messager de la cour porteur d'une réponse à sa lettre.
Le père et la mère de Jeanne, qui avaient failli « perdre le
sens » en ai)prenant tardivement son séjour à Vaucouleurs et son
dessein, lirenl les derniers elïorts poui- la retenir et la ra|)pelLT.
Elle leur fit écriie qu'elle les i)riait de lui pardonner. Ce fut sa
plus rude é[)reuve, elle si soumise, si i)ieuse fille! ôlre eon-
trainle de choisir entre la parole de ses parents et celle du Père
céleste!
Les pré[)aralirs du voyage ne furent pas longs : les habitants de
Vaucouleurs en firent les Irais. Jeanne coupa ses longs che-
veux hruns, et changea sa cotte rouge de paysanne pour des ha-
bits d'honnne* et un haubert, résolution que nécessitaient la vie
qu'elle allait mener et lc« dangers de toutes sortes auxquels elle
allait s'exposer. Baudricourt lui donna une épéc ; son oncle et un
autre paysan se colisèrciit pour lui achelcr un cheval. La Pucclle
l)artit de Vaucouleurs, un peu après le commencement du ca-
rême*, aeconq)agnée de six cavaliers, Novelonponl et Poulengi,
un messager du roi, un archer et deux valets ou coutilliei-s. « Va,
lui cria l'incrédule Baudricourt, va, et advienne que pourra! »
La populilion de Vaucouleurs, plus sympathique au dévouement
(le Jeanne , s'apitoyait sur cette belle et pieuse fille qui allait se
jelei à travers lant de périls. « Ne me plaignez pas, leur cria-t-clle
en poussant son cheval sur la route de France ; cest pour cela que
je suis nve!^ »
1. Suiutc 3Iui-giU'iiic, \mc de « ses couseillères >s lui en avuildoDué Texeiuple.
{I.fij'iulti (lurtn, c. xlvi.) — hrai nirru cupillo, dit un auteur italit-u de la fin du
quiii/ièiiic si(!cle, Pliili])])0 de iicrguiiie ; Proci''>t t. IV, p. 523; mais raulorité de
Philippe n*c>i pus grande. — Jcunue gurda toujuurs, dans ses babillcuieois, le
goù: di- la eou'.i.ur luugi'.
2. Jeun de N>)\ol<.>iipon!, dans sa dépobiiiou^PiorfVy, 1. 111, p. 437), dit a vers le
dimanche dis biurs » "le i)ieiiiier dimanche de carêmei : c'était le 13 février,
3. La poiic par laijiullr elle sortit existe encore. — Procès, t. II, p. 419; dè-
posiliun (le Ik-n'. i, cliarron a Vaneouleurs, chez qui Jc:tn:ie iivuit passé tout le temps
de sou séjnur d;iii> eo.ie ville. Ti»as lus diiail?. que uoun a\nus donnés sur la vie de
la IMirelle sont extraits ou de ses propres inlerro^'uioires, ou des dépositions d.s
lémi)in> oculaires. — A\ani lu publication des textes, on pouvait consulter avec
(1439] JEANNE VA EN FRANCE. H9
Quel mystère subliine de sa deslinée se révélait en ce moment
à elle? Dieu seul peut le savoir!
Le voyage de Vaucoulcurs à la cour de Charles VII était déjà une
très difflcile et dangereuse entreprise ; il fallut parcourir des con-
trées soumises à l'étranger et infestées de pillards, faire des mar-
ches forcées la nuit, à travers les champs et les bois, par des sen-
tiers presque impraticables, passer à gué des rivières grossies par
les pluies d'hiver : rien n'étonnait, rien ne rebutait Jeanne. Si ses
conducteurs n'eussent été prudents pour elle et pour eux-mêmes,
elle eût marché droit au but sans précaulit)n et sans détour, tant
elle était assurée de ne pas rencontrer d'obstacles. Sa conliance ne
tarda pas à se communiquer à ses guides, (|ui avaient montré d'a-
bord beaucoup d'hésitation et de crainte; elle exerçait sur eux
une sorte de fascination, et « ils ne pouvoicnt résister à sa vo-
lonté ». Aucun de ces jeunes gens n'osa jamais s'arrêter à « une
mauvaise pensée » à l'égard de celte belle jeune (ille. Jeanne,
après avoir franchi la Marne, l'Aube, la Seine et plusieurs de leurs
affluents, entra hardiment dans Auxerre, ville bourguignonne,
entendit la messe dans la cathédrale, passa le pont de l'Yonne,
puis se dirigea sur Gien et sur la Loire; à Gicn, enlin, elle se revit
avec transport sur terre française et dauphinoise, et put cesser de
faire mystère de ses desseins. Tandis qu'elle suivait rapidement,
par le Berri, la route de Chinon où était la cour, la nouvelle de
son passage et de ses merveilleuses promesses pénétra jusque
dans les murs d'Orléans et y fit luire une vague espérance.
Jeanne s'arrêta, le 5 mars, au village de Fierbois en Touraine,
où s'élevait une église tiès fréquentée des pèlerins, et dédiée à
sainte Catherine, une des deux siiinles qui liguraient sans cesse
conâance Vllistoire de Jeanne d'Arc, par M. Lebrun de Chaniiettcs. Cet écrivain,
animé d'un louable zèle pour la niéiiioire do iMitMOIue, a compulsé ol fondu dans
son récit tout ce qu*il avait pu connaître des documents originaux, avec beaucoup
d'exactitude et de conscience. — Le Journal du .siéye a'Orléuns cl la Chronique
anonyme, dite de la Pfice//c, racontent, immédiatement avant le départ de Jeanne,
un fait très extraordinaire. Ces deux clirouiques assurent que, le jour de la déraiie
des Français h Rouvrai (12 février), Jeanne, dans une agitation extviîme. couiut
chez Baudricourt, et lui dit : u Au nom de Dieu, vous mettez trop (vous diffé-
rez trop) à m'envoyer, car aujourd'hui le gentil dauphin a eu aî-sez pi es d'Or-
lëuns un bien grand dommage, et l'aura-t-il encore plus grand si vous ne m'en-
foyez bientôt vers lui! » Baudricourt se décida, et, suivant le lémoiguat^u de No-
vclonpout, Jeanne partit vers le lendemain.
m GtJHnnBS DES ilNGLAIS, m
âms> ses \1sions. De Ficrbois, qui n'c^t qii*à cinq on sh lïi*i>ff«
Ail Chinon, Jeanne fît àcrîr^ au roi pour lui demander s» or-
dres * ; Glmrla** VH rappela h (Mnon.
VéUit nioial de cfttte cour en détrcsîse imporliî à mnêtil^rMi
monteiil où la vierge de Dotnremi p^iriil devant ce Chnrtes, ri iS*
tvrmï lie ridéa! de scj* vt^vus. Deux infl nenras opposées conli^
nuaient à se disputer le roi sur k» débrb du roTAume, Ciftli
fFune part/la beile-uièrc de Chfules VU, h dourdrii^re d^AfijcJO
de Naplos, Yolande d'Aragon, hiibik terrmie, kMe puHtJquf » qii
avait iUçM de réunir les maiBons de Bour^^ogiiè, de Ure!ii|nie.
d'Anjou» d'QrIéan&» de Lorraine, autour du tr^ne cnniro Fà»*
glais, qui avait soutenu le eonnéJablc de Richemont ronti
favorîîï auÊïîi funesles nîainterKuit rjue ravaîent W nîigti<
princes du sang, et qui enfin voulait qu'on aeeucrHît ie<innr
qu*on fît appel h renlhouïsiaîiirne populaire conurte dernière m
source* Elle avait ijrulite de rîîhatleinent de son gendre pour !i
arracher Tordre de faire venir k Pueelle* De l'antre part, ^nt l
favoris, La Trèmnille en We : celui-ci ne veut ni d*s pr^' fl
feraient rtisparatlre ^û personne de la scf-ne, ni du pt^upU . * r,,
flot in>i)étueux engloutirait ?^\ (lelitc palitiqtie* Ne eroyaiit paît ii
rer^uvnuice du royaume, il semble satisfait, pourvu que son mal
conserve qnelque^^ lanibe:nix de provinnes, où il ri^pme «>iis
nom de Cliarles VII^ avec des mercenaires éirangt*n^à ses gngi
Use ménage, au ptâ aller, piU- des intrigues souterraines, m
trait^aclion possible avec les ennemis de son maître* : son
et i;es coumns sont au îiervicc de Bourgogne, A eAI^ de La Ti
moillef étroitement associe à ses intérêts, figure rarcbev^ffue de
Reims, le chancelier de France, Regnauld de Chartres, anci<
1. Stthniii mû fi^iûv>, Tti^Tolonpoot (fV^iréf» t, il» p. 437K cUi* mordit M%
eti nntV' Jour!' tiVO \hne% (api^roiimAlivemciil, err cdcufànt k-» tl^toitr^
convenir* 4c ?in\<^lùn\ïrmi m: Ar>nt jxij, fjctèU*s< - le vr>ykig<f dura mut v
|*îpp^» î/iHfnnt-«ltîritii'.r coïjtïiiuaicnr th Giiîîl»iitiie ûc Nsm^h ^Prar ^*. t. IV,
doiimi lu thU i\û ^ mars pq tir l^iirrU^^e de Ji'aqvic uuprè« du n>l, b Ivném
itou iirrntc ii Ficrbois.
2^ ft Le eoUftii Hiiitfiflmrrï^ UBt |>ropnéi4 il hi, ptrtcmoyoïi dp« p4r»i**m«^
X Its An^aif, lorâ^iiMn covahircul l*Oi'l^ûïiaH en 142a* ^j*àr, \l^
gutiiru* du t-tiTri-moilk. Vfitt.'tmi, tU !it f*nrfiir^ ;i|i. Hcsdcfroi, flcaiai liié ^
f'ii'ija di- rJuirir» Vif, p. t^Ofij Wnï, roi drariin;», iM., p, ^76.
[1429] l'C t.Uiic)ciLi uu nui. 101
secrétaire du pîipe, prêtre diplomate, dmc desséchée et sceptique,
perfidement envieux de tout ce qui dépasse sa courte vue et ses
vulgaires calculs, ayant pour religion la haine et la peur de tout ce
qui échappe aux formules et aux routines de raulorilé (radilion-
nelle. A un moindre degré de crédit, Raoul de GaucourI, grand
maître de Thôlcl du roi et bailli d'Orléans, brave et habile homme
de guerre, mais dur, orgueilleux et jaloux. Le moins mauvais,
mais le moins influent des chefs de ce gouvernement, oii se pcr-
sonniHent l'impuissance et Tenvic, est hî vieux sire de Trêves,
Robert Le Maçon.
Jeanne ne pouvait attendre de ces hommes qulncrédnlité et
que malveillance. Ils eussent été fort aises qu'elle succon^hAt
aux périls de la route. Sur la fin de son voyage, une embuscade
lui avait été dressée par des honnnes d'armes. Quand ils l'aper-
çurent, saisis d'une sorte de stupeur, ils restèrent comme cloués
en place, et la laissèrent passer *. Ces bandits voulaient, dit-on,
la dévaliser ainsi que ses compagnons. Il n'est pas sûr que ce
fût là leur unique but, et que La Trémoille ait été inno(!ent de
Taflaire. Quoi qu'il en soit, La Trémoille et les siens, (pii n'a-
vaient pu empêcher qu'on appelât Jeanne, tûchènmt d'enipécher
qu'on la reçut. A la nouvelle de son arrivée à Fierbois, le roi,
comme nous l'avons dit, l'avait mandtHî aussitôt à fihinon. Elle
se présente : elle trouve les portes closes. Charles VII était déjà
retombé dans ses irrésolutions et ses défiances. Les favoris em-
ployaient contre l'inspirée des arguments de toute sorte. « C'est
une folle! disaient les gens de guerre. — C'est une sorcière, di-
saient les gens d'église; où a-t-clle pris sa mission? quel prélat,
quelle autorité ecclésiastique a-l-ellc consultés*^? »
Si l'on n'eût été à bout de toutes ressources, on l'eût certai-
nement renvoyée sans l'entendre. Il fallut que la belle-mère de
Charles VII et ses amis, aidés par le cri populaire, et surtout par
une députationdes Orléanais, forçassent le roi pied à pied dans ses
1. Procès, t. III, p. 203. Déposition du frère Séguin.
2. Tous les monuments contemporains, le Buurguignon Monstrclet comme les
Français, sont d'accord sur ces mauvaises dispositions du conseil et sur la peine
extrême qu*eut & se faire écouter cette Jeanne, que d'ignorants historiens du sei-
zième siècle prétendirent avoir été apostéc pur ces mêmes oonseillors de Char-
les ni.
tSi GUEBBES DES At<«GLAtS.
résistances. 11soblmr*^Tit h ^vmfVpmmv que Jeanne fôt interni^r^J
par des cortsdUri's du roi.puk par des geiit d*ég1is(% EIli^ lie toiibûll
d'abord parler à personne qifîni roi ; elle toiisenlil cependant i ap-
prendre nirx ronntiî$sînres Tobjet de su mission ; elle leur dèiiirîij
que lo <f roi du ciel » Tavail chargée de faire lever le siéee (fO^
léaus 01 rie conduire le «daupliiii » recevoir son sacre à Rciim*,^
mais qu'elle avait de cerlaînes àimts à dire au rnî scoL Snrk^
rapport des romitiissîiires, après de nouvelles disctissioiiss le roi
aocoi'da enfin audience à la Pucell*^ Je quatrii'^me juur île son iéfi
h Chinun* Oa raconte qu*à Tins^lant où elle entrait mt diâI<'ni)J
die entendit un Ktddat proférer mie grofciière plaisanterie sur soijl
compte» en blaspliéniant et reniant Dieu, t Ahî en nom blml
$'écria4-elk% lu le renies, et »e («t pourfant) lu es %i pnfes de M
uifun ! «' lîue heure après, cet homme tomba dans reauiîlse nop^^
Peu ï**en fallut qut! les portes ne bc refiTma^ssent devant b l'u
celle: le roi hésita jusqu'au dernier moment. Le comte de Vcii
dôme introduisît enfin Jeanne dans la grande salle dti dt&te^iu, ctûj]
la curiosité avait attiré tout ce qui restait de uoLible^ persouniig
autour de (Iharles VI ï : le roi, pour éprouver la l\iceHc, $ finit.
retîrt^ à Ferait, mm des vêtements fort modestes. Jeanne cntJ
l*air bnuihle et ^:iïu|>le, « comme une pauvre petite berçerelle >3
ce groupe brillant ne réI>louit cependant point; elk alla dr
au roi, cl lui embrasj^a lest genoux ; ^^^^a fw>, h ce qnVIk
plus tard, le lui avaient fait connaître. « Ce n*esl pa^ iiini qiiiî
, le roi, dit Charles en lui montrant un de ses courtisans; void I
^Toi! — En nom Dieu, gentil prince^ c*csl vous et non autre !r
Très noble i^eîgneur dauphin. J'ai nom Jebanne Li PuceUcti
suis envoyée de par Dieu [lour recourre vous et votre n>yatnnq
et faire fi^uerrc nm Anglois... Pourquoi ne me croye7i-vuus? J<î
vous dis que Dieu a pitié de vous» de volj*e royaume et de votr
peuple, c;ir siinl Loys et Charlemaiinie sont à genotix d4ivai]t In
^mi faisaut prières pour vousl. »
I. Sulvôot lo UruAJirnuiif^ thi mattr« tUt rt^qUHt Silo^ll CIltHM (IVo^if. 1. 1
t». 11&% iv.HilUti ])*aiirutE 4 fors ^iioacé i{U4i ce« dtnx points; tntfiifeU ttS iûH i
lp'2. Fuvi|Uflret tlii i^mr cnHn MH'CÛ&tt de ieanoo cllc-ti»éfne.
j|»»urrugi^(t)hti!i des 22 tït 2È fc^vdcr« Procéê^ i« l, |i. ^G, llfpouii^Dt àê
[I4W1 JEANNE DEVANT LE ROI. 153
Il se passa ensuite entre Jeanne et le roi une scène mysté-
rieuse. Suivant une relation, le roi aurait demandé à la Pucelle
de lui donner une preuve secrète de sa mission. Suivant un autre
récit, ce fut Jeanne qui dit h Charles avoir reçu commandement
de Notre-Seigneur que nul autre que lui ne sût ce qu'elle avait à
lui dire. Ce qui est certain, c'est que le roi l'entretint seul à seule :
les principaux documents contemporains, y compris le témoi-
gnage de Jeanne dans ses interrogatoires, ai'iirment que le roi
reçut alors des « signes certains » de la mission de la Pucelle, et
qu'elle lui dit « aucunes choses secrètes, quelque chose de grand,
que nul ne pouvoit savoir, sinon Dieu et lui* d. Dans son procès,
comme on le verra plus tard, elle ne voulut jamais s'expliquer à
ce sujet; mais son chapelain Jean Pasquerel a rapporté, d'îiprès
elle-même, quelques-unes de ses paroles. Elle aurait dit à Char-
les VII « entre autres choses » : « Je te dis, de la part de Messire^
que tu es vrai héritier de France et fils du roi. » Ces paroles
avaient déjà un grand sens ; car elles répondaient à un doute secret
qui tourmentait le roi sur la légitimité de sa naissance, et par con-
séquent de ses droits au trône; mais les « autres choses » qu'igno-
rait le chapelain étaient bien autrement extraordinaires. On a su
beaucoup plus tard le secret tout entier par le sire de Boisi, cham-
bellan et confident intime de Charles YII. Le roi, dans un moment
de profond découragement, avait prié Dieu un jour « dedans son
cœur, sans prononciation de paroles », que, « si ainsi étoit qu'il
fût vrai hoir descendu de la noble maison de France et que le
royaume justement lui dût appartenir, qu'il lui plût de le lui gar-
der et défendre, ou, au pis (c'est-à-dire s'il n'était pas vrai hoir),
lui donner grâce de échapper sans mort ou prison, et qu'il se pût
sauver en Espagne ou en Ecosse, qui étoicnl de toute ancienneté
frères d'armes et alliés des rois de France ». Celte prière, incon-
nue de tous et qui n'avait pas même passé par les lèvres de celui
Gaacourt, Pasquerel, Simon Charles, etc., au procès de révision; ibid, t. III,
p. 17; 100; 116. — Jean Chartier, Hist, de Charles VU, dans le recueil de Th. Go-
defroi, p. 19. — Chroniq. de la Pucelle.
I. Dépositions de Pasquerel, de Jean d'Aulon, Procès, t. III, p. 103; 209. —
Interrogatoires des 27 février et l*' mars. Procès, t. I, p. 68-90, — Journal du
giégc d'Orléans. — Chroniq. dt la Pucelle. — Histoire abrégée des gestes de la
Pucelle t publiée par H. Buchon.
J5f GUEBBES DES A?«GLAIS. i •:
qiri Favail prononc^'v «* dedans âon cœur », Jeiiniie In rcpcUca
pro|>n*s leniies au vmK
Tous les imsislaiît5, qui rt'gardaitmt celte *oî'i>a à dUUinre »ï«
anxiété, remarquèrent f l'-ïonnerneut et la joie qui «e pemninefll
^nr le visago de Charles VII* LVsprit soupc'wifit'ii'E ^^ ùHhmiàt
Clïark*s fut vaincu, a On L*ùi dit, rdi^porlc ALiin Chnrtier, tétnoii
orulauT, que le roi venoit d'être nsilé du Siiiiiîl-E.Hpf*it nï^ioi**- •
Li! roi di^clara qur jpnnnfi avait conquis ^a ewellancr, d ûèmh
mais le rhdtoau lui fut ouvert à toute heure. L'opinion |)til>li«|iie
se pronrifHja plus t*?nerg^îqueiueut encore que ropiitlno du roi en
faveur de Jeanne : on admirait ke piété k lV*giî^, mn adresse It
Sïi jEfràee sur le pn*au où elle s'exerçait à monlm' à chc«ialistà
« courre » la lance, sa dourcui, sa modestu* et son frrand sens
dans la conversation, « CÏHail chose merveilleux»» cofitinc; elle»
coniporloit etconduisoit en sou fait» aver ce quVll*-dîiîoit et mp-
portoit lut être endiargi* de la part de Dieu, et crimuie elle (mr-
loit f?randement et notahlement» vu qu'en atitrej* rbor^j^ elle doit
ta plus siuïple bergère qu on vit ouc * (Chroniq* de k INicdk):
clic ne sut jamais lire ni tHirire, Qtiand on eut appris ria*îi y avail
un boh Chesnu jir^H du lieu de sa naîssîuicc, le peuple ne dont!
plus qu'elle ne fi\t la Puœtk (H boi$ Clu^mu NtiDoncêe parSIcrlîo.
Lesgenïi (réglîse, cependant, ne se rcnclajcnt pa;- d
voulaient être plus amplement ^ acerlenés » que la *\t
Jeanne ne lui venait |>as de ï Ennemi, de Satan. Le roi oràmtm
qu'on fît suhtr h la Pncelle \m nouvel examen [ilu^ soh*Tiiicl que
le premier, et qu'on la menât à l*oilicrs, oii siégeait la cour de
parlemt^nt pt où g'élalent rcnni^ les tliêolopens qui avaifMil quille
l'université* do Parin pour ne pas «e soumeltit* aux Bciun^ui^nocis
et aux Anglais». Le eontiictt du rot se tnmsportia à Potlicn^ âttc
Jeanne. « Eu nom Dieu, dit Jeanne, quand on tuî eut a|»prt^
qu'on la menait à Poitiers, je ^h que jVaur»i hîeu h tnirt; mm
Memrf m^ajdera; or, allons, de par Dieu! *
f. Piftrfe Sftlft, tt^dkêêfH dtt ^amrf* rtfh rf emprrfupt, ftp, Jftt, ifr (it Jt»>IM-
$hiqtt¥i SifjtpUmrTft françati^ u'* l!)!, SI. J.Quklicr»! ellp, tivrr M9, illyruiHiiii
^rofé», U IT» [u 'î.v?; Î72, :i7^.
11409] JEANNE DEVANT LES DOCTEURS. 153
Elle eut en effet bien à faire. Nous n'avons plus malheureuse-
ment le procès-verbal do la commission d'examen. C'eût été le plus
admirable monument de cette admirable histoire. Il ne nous est
pas donné de comparer aux actes de la passion de Jeanne les actes
de son triomphal apostolat, lorsqu'elle apparut dans Poitiers,
tout illuminée des flammes de l'Esprit, toute transportée d'une
joie et d'une impatience divines, pareille à Jésus au milieu des
docteurs. La main sacrilège qui a fait disparaître l'auguste docu-
ment^ n'a pu toutefois atteindre son but. Les contemporains, les
témoins, quelques acteurs mêmes des scènes qui se passèrent
entre Jeanne et les théologiens nous en ont conservé les prin-
cipaux traits. Nous pouvons, grâce à eux, entrevoir quelque chose
de ce merveilleux combat du sentiment inspiré contre la sophis-
tique subtile et la lourde théologie des écoles. « Beau spectacle »,
écrit Alain Chartier, sous une impression toute fraîche encore,
€ que de la voir disputer, femme contre les hommes, ignorante
contre des doctes, seule contre tant d'adversaires! » Les docteurs
l'accablèrent de citations, l'enlacèrent dans les mille replis de leur
dialectique : elle s'avança d'un pas ferme et sûr à travers ces
labyrintlies; elle déconcerta les savantes arguties de ses exami-
nateurs par l'imprévu de ses réponses et par ce grand sens qui
se joignait chez elle à la plus ardente exaltation. Après qu'elle
eut exposé « de grande manière 2 » comment sa révélation lui
était advenue, comme elle disait que le roi lui devait donner des
gens d'armes pour secourir Orléans : « Si Dieu veut délivrer le
peuple de France, répondit un des théologiens, il n'est pas besoin
de gens d'armes. — En nom Dieu, les gens d'armes batailleront,
et Dieu donnera la victoire! » Un antre, frère Séguin, s'avisa de
lui demander: « Quelle langue parlent vos t'o/x? — Meilleure que
la vôtre! » L'interlocuteur parlait limousin. « Croyez-vous en Dieu?
reprit le théologien en colère. — Mieux que vous, répliqua-t-elle.
— Dieu ne veut point qu'on croie à vos paroles si vous ne mon-
trez un signe (un miracle) qui prouve qu'on doit vous croire.
— Je ne suis pas venue à Poitiers pour faire des sign^^s ; condui-
1. Nous dirons plus tard qui nous accusons de ce crime envers Dieu cl envers
la France.
2. Magno modo. Dt^position do friTo Sôguiii; Procès, l. lll, p. 2(i4.
iM DUE R RE s DBS A»GtUS.
snz-moi h Orlcàtis, je vmi^ y monlivnu \e>
Hm envoyée. Qu'on iiio donne des gens d" i^ ^^ . .i .
pi^tllc quantité qu'mi voudra, cl j^irai! Eu noui Dbajo fenu lerw
le siègi} iVÙrUmm; je mènerai ^aerer le dauphin à Reimit: je W
renilrai Vûvk après son conroimt^menî, el je imnil le 4m: iik-
léam dWngltxterre'. 11 n'est iH\mm de tr»ul de pîirote^t rr fi'iî»l
plus le (enips de parler, tnâis d'agiri >
Oiwnd les Ujeoïopienîî, tout ^^ourdb de !ir.s \]u- ir|,i( mjh
appelaient à leur aide mainls auleur^ 'p^cxH et ^h-nuh'h^ .-ï ||H
saintes* lîci'itures et les Père», ponr contcskT la réalftt de m uA-
ssion : « Il y îi |ilut§, répôndail-elle eti levmil li*s yiîtnt un ciel, a
y a phîs dans les livres de Dieu que dans le> ^ôlrej»! »
L't^îonnemenl el radrniralion p/îffnîiienl peu h peu ei mvîTnieiv
ces Ames desséchées par la scoLii^lirpie el par k clticivoir ; f»
cœurs arideii se fondaient au conliicl de cHl^ï flîtninie; ou fil
de vieux k^gisles du pat leineni sortir « en (deurunl à rhauiifç
krtnes » : Févèque de Casircs s'6cria que celle lillc élu il àf^nrh
nienl une envoyée du Seigneur*,
Jeanne vainquit : les docteurs assemblés à Patliers déclortnii
que < Mite Pueelle » ayant èié éprouvée touchant sa fie, $m
mœurs et mn intenlioti, t sans qu'on trouvât en elle que toul bien.
!. Cett Ainia Charrier quK dtttB m rebrloa »i}tii fornîn dr •
rourtiit de VM^ »uhnnt, peu njïrH le sacrt, tfnmipqun h% puU . j
(i^ûf^J« t. V, p. VS'lJ) 11 Uït hors do douict quû Jeuniic jn^filf^ifiiLiL uq <|ujiitriipA« Hl^
& »ê niUtion : frhfii S^guia* un de» iiienibrei de la cammtKKlnn iuf!t'iv*iHMi()iie^ n^
port«t te» quulrt? ihûuI». itmin mi>u« uui^ t^nm iuéirtnH, Iv^uw «artit Uil : 1* Ui
Anglais KEsronL dénukii et Orléi$u:i délivra; 2" le roi »r!ro saer^ à fltiuiit^ y f:^
fwsrit n^ifil» en robftlMaaec Jn roi? i'' lu duc d'0rl<î»0« roiiMudi-a (V ^TiHr trrre- (iWi.
L m, p, 20j,) Lîi forin*^ il inverti itosïiA»! pur Alum Chiirtjtr eM ■ i 1« triîtL
S^guin^ vingt-sept an» pluA tard, euif^Foiu tcilt^ totiiimra éi]r. nf mtMtW
l'iH^ntjiiu'nt d^Accord nrcc la prédiction. Jtjanuiï rt ah iiMMHJau u'utii |»«f Jic«iii
dV^trt* protégétït» par de» >irrîfic(ii d*^(;i>1e. L« duc d'AleuçoTi, Utft dlgur it< f«) par
la t<j>iifliàiici2 ut ruuiltié dâat rhanom JtsariDe, clii qiiVJb %û dnuiuiit oioiidô tjvit
<fii>iire ithûrifi'H {iftintuitr unirn) : Fûlri* ïcviT k %\(%i\ d'OrJi'*tn*i : ftiirc %Aietvr Ai
roi; ohnnit^^r ki AugUîit (dt; h>ui« lu FruncO* dèliTrer l« duc d*(lT)éMnf ûtà mMim
iliK ArtgbU. {ibid.t p* '>^«) I^a recmivrantc de PiLrb nVuH ttirii» t|u^]nv f«rik ih
troitiièiuv pmnt. Lo duc d^Orléannt In pr'mm csptîf, b victittm d'iimovri, hûa
defrnu pour JeiLune uiàv pursauniltruliou outLootik. comnm Chagrin VII Hi-^é^
ÎM due iVOîUm^, ous^vi lugriLt que ChurlcA Vft, D'à {»&§ contâcr^ iiu muI ^«nè
l» mi'tuoini dd Ji:»mji'*
1. Dc^poitâtnn de tu d^me d(& UouIIk»** ^ Jd. dt rMfvri TliUtiiiUt l^^^f^^f» i. Jll^
[1429] LA MISSIOxN D£ JEANNE. 157
huiiiililc^ virginilé, dévotion, lionnùlclé , siinplcssc... », on ne
pouvait la ivbuler ou délaisser sans se rendre indi'^ne de l'aide
lie Dieu, et qu'on devait la mener devant Orléans pour y mon-
trer le signe divin qu'elle promettait. L'archevêque de Reims,
président de l'assemblée, dut se décider à signer.
La virginité de Jeanne avait été constatée par la belle-mère du
roi et par deux autres dames; c'était, dans ToiMnion du moy(;n
âge, la meilleure preuve que Jeanne ne tirait pas ses révélations
de l'enfer. On croyait que le démon ne pouvait contracter de
pacte avec une vierge.
Le conseil du roi et la Pucelle repartirent pour Cliinon aussitôt
après la déclaration des docteurs; le jeune duc d'Alençon, qui
se montrait un des plus zélés défenseurs de la cause nationale et
un des partisans les plus enthousiastes de la Pucelle, fut chargé
de réunir à Blois des soldats et un grand convoi de vivres qu'on
voulait tenter d'introduire dans Orléans* : celle expédition devait
être l'épreuve décisive de Jeanne. On donna à la Pucelle une
annurect des chevaux; on lui donna une maison, comme à un
chef de guerre; elle eut un écuyer, des pages, un chai)elain, deux
hérauts. Plusieui^s de ces personnages nous ont laissé d'intéres-
sants récits de leurs relations avec Jeanne : on respectait et on
admirait davantige cette étonnante créature, à mesure qu'on la
voyait de plus près et qu'on \ivait plus familièrement avec elle;
elle ne démentait jamais ni la hauteur de ses pensées et la lucidité
de ses intuitions dans tout ce qui tenait aux choses générales, ni
son bon sens naïf et sinqde dans les choses vulgaires de la vie.
Toute « jeune, belle et bien formée » qu'elle fut, il \ avait en elle
comme une vertu secrète qui écartait les désirs charnels : ces
jeunes soldats qui vivaient dans son intimité semblaient la i)rondre
pour un être d'une autre nature plutôt que pour une fennne; la
déposition de son écuyer, Jean d'Aulon, et celle du duc d'Alençon
sont bien frappantes à cet égard 2.
1. Ce fut la bv'le-mère du roi, la u reine de Sicile », Yolande d'Aragou, qui
trouva moyeu de rassembler les ressources nécessaires.
2. Plus tard, on la vit coiumander, avec une force incroyable, aux nécessités do
la nature, passant des journées cniièrcs sans descendre de cheval et sans nian^^jcr.
S'il eu faut croire sou écuyer, d'après le témoignage de diverses upreudes femmes»,
elle ne connut jamais les infirmités de son sexe. Procta, t. 111, p. luo, 219>
(58
rnîËRiTBsoss .\NGpn
otm
qu'on |)oui*siilVtiit è Blois : olletiuiUa le roi pour m* mpprodMr
du théâtre de la guerre et pour m rendre à Tours; eu ne iépéxntA
de Ctiarloi Vil, dhi lui dit qu*etle seniit blcfêéf: clt^mot Orlàam^
mim quVllfi n en mourrait ni ne sérail nilsc hors de comboi;
prMirfîon qui fut vérifii^e par révénemnnt*, Ikîs înadeut>s eicr-
veilleux se nuillipliaient antonr d'eUe : «e* vt^j:, h i:c quelle
r-:ic(>ulii plus tîird=*, lui avaient appris qu'une épéc, t>ortatil aiM|
croix f,Tavées sur lu biue, était eui^evdiu dans la Icm?, pnS ie
l^jutel de Sûinle-tlathenne de Merbai^» église cju*cllc ttvaîl visiter
avnui d^arriver à €hinon ; elle envoya à ¥h'- ■ n tmiAh k
terre, et Ton trouva lY»p6e à lendroit désii unti nupit
eette arme mystérieuse, cl se fit faire» toujours d*oprêH l'ordre Je
ses vùix^ un étendard blanc semé de tUm^ de li* d or^ awc tk
(ii^urè de Notre'SeigDeurajssi^ en son tribunal paruii les niié9
du lùcl, et tenant un monde (un globe) en »e^ mutm »; Àdnijle
et h pauche étaient deux angea en adoration; Vntt des dem pot-
tait une brandie de lis que k Sei^ucur 2Soniblîu! Iientr. Auprès
ëtinout iurit^N les niot^ : Jhesm l^urm^ que Jeimni! avait «idop»
tés pour devise» Sur le revers de rétendard était l'image dt k
Vierge.
Les apprêta de Texpédition d^Orlé^ins furent bîeo bogs xiu ^rè
de Jeaniie ; le* ^tm d'armes sse la&semblaiciit lentement et >ia»
prendre p^ande part aux espéranc^^îî popubîri*^ : Tarj^eiit niaii»
quait pour les payer^ et Ton no put leur donner que le ?l «mil
k^ arrhes de Fentrée en campagne. I^ Trénuiille tentait, |)rndAm
ee temps, un dernier etîort poiîr se passer àft la Pueeik : il %oii-
lait renouveler avec les AragoriaiJ* ee qui aviùt inani|Ui' avec lei
Eco^^uis. Il deujandait une armée au roi d\Vja^tin, LMraKOOW
demanda en récompeime ta cession du Lauf^ucdoc^ : Il rallul ac
i« t)ne Iclttc, trctaa le 22 avril fiur un ix(^i|:iHrur nauiuud au c«iiieil âmcMÏét
Rraliani, ^iHrk^ ilû cvttû pr^diûlkii : iiiuium ue tni Ucstièo 41111 k i* fu^i «uitaoL^
Ctilc k'iiru Si é{è d<!couvi!du pur M- Lobriui rJc Cliunïtcivtiî* il f:i T' ' ' •' ^]i>^^ b^
iniïcritii Je M. irE*n<iii«, vol. I, j». itû, ï/imUu'uliciKi* vw v ^1#U. U
eojiUr kVu ritirouvti mur b» rctftstrait de la Cbumbro ilcs êiéit>^*t.* v^« i«rMdki>
2, Inijifrcigau du 27 février Il3l; Pn/Ut, t. I, p* 7A.
Irf â^ t b 11 t/ .'& U LP U t Aj b t~ b u>
résigner à subir Jeanne. Tous les obstacles furent enfin levés, et
Jeanne arriva le 25 avril à Blois, avec le chancelier de France et
Raoul de Gaucourt, qui avait laissé Orléans à la garde du bâtard
d'Orléans pour venir liàter le secoui-s.
Jeanne produisit à Blois la même impression que partout ail-
leurs. Elle réunit une espèce de bataillon de prêtres, à la tête
duquel elle mit son chapelain, l'augustin Pasquerel, avec une
bannière représentant le Christ sur la croix ; des soldats en état
de grûce servaient seuls d'escorte à celte troupe sacrée. Le bruit
des choses extraordinaires qui se passaient à Chinon, à Poitiers,
à Blois, était parvenu dans les murs d*Orléuns et dans le camp
des Anglais ; les Orléanais renaissaient à Tespérance ; les Anglais,
qui n'admettaient pas que Jeanne pût être renvoyée du ciel,
conunençaient à croire qu'elle pouvait bien être l'instrument de
l'enfer, et l'attente de cet ennemi surhumain répandait parmi
eux une vague terreur. Du 24 au 28 avril, six cents combattants,
divisés en plusieurs détiichements, s'introduisirent dans la ville
et y annoncèrent l'approche du « grand secours ». Pendant ce
temps, un héraut apporta aux généraux anglais une lettre de
l'étrange chef de guerre qu'ils allaient avoir à combattre : les
voix avaient ordonné à Jeanne d'ollrir la paix aux Anglais avant
de les frapper du glaive.
a ^ JiiESUS Maki A •b.
€ Roi d'Angleterre, et vous duc de Bedford, qui vous dites régent
du royaume de France ; vous, Guillaume de la Poule (Pôle), comte
de i>ti//brrf(SufFolk); Jehan, sire de Talchot (Talbot), et vous, Tho-
mas, sire A'Escales (Scales), ({ui vous dites lieutenants dudit duc
de Bedford, faites raison au roi du ciel : rendez à la Pucellc, qui
est ci envoyée de par Dieu , le roi du ciel , les clefs de toutes les
bonnes villes que vous avez prises et violées en France. Elle est
ci venue de par Dieu pour réchmicr le sang royal. Elle est toute
prête de faire paix, si vous lui voulez faire raison, par ainsi que
France vous mettrez jus et paierez ce que vous l'avez tenu (à con-
dition que vous renonciez à la France et que vous l'indemnisiez).
Et, entre vous, archers, compagnons de guerre, gentils (nobles)
et autres, qui êtes devant la ville d'Orléans, allez vous-en en votre
GUERHES DES AWGLAKS.
jiijys» de par Dieu, et, si ainsi ne le railes, attende/ lits «• •
lie la Pucelle, qui vous ini voir brièvement (sous pi:n) à v*
;;rands dommages. Hoi d'Angleterre, si ainsi ne le Fallet,
chef de guerre, et, en quelque lieu que j^lHeindrai Vf - d
France, je les en ferai aller, veuîllenl ou non veuillein «*c
veulent ob^ir, je les ferai tous occire. Je suis ci envoyée de for
Dieu, le roi du ciel, corps pour corps, poch vocs B«in-r.tt h
TOUTE FHANCE*, E( , s'Us vculcut obéir, je les prendrai à rur
El n'ayez point en voire opinion» car vous ne tiendrez |>
royaume de France de Dieu, le roi du ciel, fds sainte Mairie ; tiiii»
(mais) le liendra le roi Ciiarles, vrai bi'îrîlîer, car Dieu, le rai ik
ciel, le veut, et lui est révélé par la Pucclle ; lequel entrera k Paris
il bonne compagnie. ^ Si ne voulez croire les oouvellei da |uir
Dieu et la Pucclle, en quoique lieu que vous Irm
férirons (frapiierons) dedans, et y ferons un si gi
encore a il (y a4-il) mille ans qu'en France ne fut si çrand, ^i toiu
ne faites raison. Et croyez fermement que le roi du ciel «
plus de force à la Pucelle que vous ne lui sauriez mener i^ . ..-
assauts, à elle et à ses bonnes gens d'armes, el aux liorioa^
verra-l-on qui aura meilleur droit de Dieu du eîel ou de vciiis.r-
Vous, duc de Bedford, la Pucclle vous prie et vous Vt il*
vous ne vous lassiez mio déUiiire. Si vous lui faites rai> a%
poun-ex-vous venir en sa compagnie, I*où que les Françuis feronl
le plus beau fait que oncques fut fait pour la clirélienté ^. El faites
réponse si vous voulez, faire paix en la cité d'Orléans; et» si Jiiini
ne le faites, de vos bien grands dommages vous souvienne l*riè-
vemeni. Écrit ce mardi semaine sainte (22 mars)^ n
Sur le dos de la lettre était écrit: « Kntcndez les iiuuveiie^de
Dieu et de la Pucelle. »
Jeanne suivit de près sa lettre : le 27 avril, elle sortit de Blob
avec un assez gros corps de troupes, cscorkinl un gnmd convoi.
U n îuiportc de remarquer ce lémoignugu direct île Jeinnti »ur sa ri
HotÈ de ioutc FruHct, ei non [»ii& sculemeiii hors de rOi léuitnis et de Aui«.«.
2. Ces iiaroles de Jutiune uUesieDl qu^'ilc rtvâil un projet de croWadtf iprtsk
dèlifriittce de ia Frunci!,
3. CeUe lettre avuît éiù écrite h roillurs ou mois avanl d'élrc envoyât» ■•Oi*^
chçrui en donin! ciiifi versions qui AilSùreni irtos peu uitut elle*; >'- •
p. 240; IV, t3d, 215» 306; V, il6.
CUtO] L'ARMÉE DU SAINT-ESPRIT. 161
A côté d*eUe chevauchaient le maréchal de Boussac, le grand-
inaitre Gaucourt, Taniiral de Culant, le sire de RelzS La Hire,
Baudricourt, arrivé de Vaucouleurs. Jeanne « portoit le harnois
aussi gentiment que si elle n'eût fait autre chose de sa vie. » Elle
avait fait défendre les jurements et blasphèmes, exhorter les sol-
dats à se confesser, et chasser toutes les « folles femmes » qui sui-
vaient les gens de guerre. En tète de l'armée marchait la cohorte
des prêtres, chantant pour chant de guerre le Veni, Creator Spi-
ritusy cette hymne sublime de l'Esprit de vie, qui semble n'être
d*aucun temps ni d'aucune secte, tant l'éternelle vérité y brille
d*ane splendeur sans nuage. L'Esprit invoqué avait répondu :
son souflle emportait cette armée du Seigneur.
Les troupes campèrent la nuit en pleins champs. Le lendemain
maliii, Jeanne, quoique fatiguée et malade d'avoir pour la pre-
iBJère fois reposé tout armée sur la dure, fut sur pied la première
et reçut la communion devant l'armée en bataille ; une multitude
dé soldats, passant brusquement de la débauche et de l'indifTé-
rence à l'enthousiasme et à la foi, vinrent s'agenouiller devant les
prêtres qui entouraient Jeanne et se mettre « en état de grâce »
(m bono statu). Le convoi retarda la marche de l'armée, qui arriva
ea vue d'Orléans seulement le troisième jour (29 avril). Ces prê-
tres, ces chants, ces bannières inconnues, cet appareil inusité,
frappèrent les Anglais d'une crainte superstitieuse : les généraux,
voyant la disposition de leurs troupes, les tinrent enfermées dans
leurs parcs et dans leurs bastides. Les Français défilèrent devant
les ruines du Portereau et les postes ennemis de la rive gauche
de la Loire, et gagnèrent le bord du fleuve au-dessus de la bastide
anglaise de Saint-Jean-le-Blanc : la Pucelle avait insisté pour
qu*on allât droit où était la plus grande a puissance » des Anglais,
c'est-à-dire du côté de Beauce; mais les « chevetaines » français,
jugeant l'entreprise trop hardie, avait trompé Jeanne et l'avaient
menée du côté où l'ennemi était le moins fort, c'est-à-dire par la
route de la Sologne. L'événement donna raison à Jeanne : l'ar-
mée, en se présentant par la rive gauche, avait le fleuve entre elle
et la ville; les communications n'étaient possibles que par eau ; or,
1. Ou Raiz; Gilles de Laval. C'était le démon à côté d*un ange. Nous revien-
drons sar cet horrible personnage.
VI. 11
162 GUBRRES DES ANGLAIS. [tkVt]
les grands bateaux à voiles préparés dans Orléans pour recevoir
le secours ne pouvaient, à cause des basses eaux, prendre port
qu*à Chéci, à deux lieues à Test de la ville, et le vent contraire
les emi)êchait de remonter la Loire vers Chéci.
L'embarras était extrême. «Vous m*avez cru décevoir, dît
Jeanne, et vous vous êtes déçus vous-mêmes. Le conseil de Diea,
notre sire, est plus sûr que le vôtre. Sachez que je vous amène le
meilleur secours qu'ait jamais reçu ville ni armée , le secours du
roi du ciel! » S'il en faut croire un des hommes qui lui furent le
plus contraires, Raoul de Gaucourt , elle annonça expressément
que le temps et le vent allaient changera Le vent, en efiet, sauta
brusquement à l'ouest : les bateaux, conduits par le bâtard d'Or-
léans, arrivèrent à toutes voiles après avoir passé sans obstacles
et sans dommages sous le canon des bastides anglaises. Les plus
enthousiastes des compagnons de Jeanne crurent voir les eaux
monter et s'enfler subitement sous les nefs qui venaient au-devant
de la Pucelle. On rejoignit la flotille à Chéci. Jeanne descendit
dans les nefs avec le convoi et deux cents lances ; le reste des
troupes reprirent le chemin de Blois afin d'y traverser la Loire,
et de revenir « devers la Beauce ». Jeanne leur laissa son chape-
lain et ses prêtres, comme pour leur laisser son inspiration re-
ligieuse et une portion d'elle-même. Une sortie des Orléanais
fit utilement diversion et empêcha les Anglais de réunir leurs
forces pour arrêter la flotille au retour. La Pucelle entra le soir
dans Orléans, armée de toutes pièces, montée sur un cheval
blanc, et faisant porter devant elle sa blanche bannière ; elle alla
droit à la cathédrale, aux acclamations des < bonnes gens de b
ville, hommes, femmes et petits enfants, qui faisoient telle joie
comme s'ils vissent Dieu descendu entre eux> ».
L'effet moral de celte première journée fut immense; la con-
fiance, qui naguère encore animait les assiégeants, avait passé
dans le cœur des citoyens et de la garnison ; Jeanne eût voulu dès
1. Procès, t. III» p. 18.
3. Dépositions du comte de Dunois, de frère Pasquerel, de J. d*Aulon, etc., etCi
Procès, t. III, p. 5 ; 105, 210. — Chroniq. de VélabltMemcni de la fête du 8 nd:
ihid. t. V, p. 290. — Journal du siège, — Chronique de la Pucelle. — Uittoire
abrèyée des gestes de la Pucelle,
[1429] JEANNE A ORLÉANS. 163
le lendemain les mener à Tassant des bastides anglaises ; la plu-
part des capitaines se récrièrent contre celte témérité. Il fut dé-
cidé, au grand mécontentement de Jeanne, qu'on ne prendrait
sérieusement l'offensive qu'après le retour de l'armée. Jeanne
envoya une seconde lettre aux Anglais par l'intermédiaire de ses
deux hérauts. Les généraux ennemis , sans respect pour le droit
des gens, retinrent prisonnier l'un des hérauts et renvoyèrent
rautre en le chargeant de « vilaines paroles » pour la Pucelle,
€ rappelant ribaude, vachère, et la menaçant de la faire brûler
s*ils la pouvoient prendre ». Ils voulaient, en attendant, brûler le
héraut captif comme hérétique et complice d'une sorcière, et écri-
virent à l'université de Paris pour la consulter à ce sujet». On ne
leur accorda pas le loisir de recevoir la réponse ! Jeanne, du haut
du boulevard qu'on avait construit sur le pont d'Orléans, à portée
de la voix des Tournelles, leur adressa en personne une troisième
sommation. Le commandant des Toiu^nelles, Glansdale, et ses
gens, répondirent par de brutales injures : la chaste fdle en pleura
de honte et de colère, et leur cria qu'ils mentaient, et que, « mal-
gré eux tous, ils partiroient bien bref (bientôt) », mais que lui,
Glacidas (Glansdale), ne le verrait point*.
Le troisième jour après sa venue à Orléans (2 mai), Jeanne sortit
dans la plaine et chevaucha lentement tout le long des bastides,
des parcs et des boulevards anglais « du côté devers Beauce », exa-
minant les positions ennemies avec le coup d'œil d'un capitaine
expert aux armes. Le peuple l'avait suivie en foule, comme si la
présence de la Pucelle eût été une protection plus sûre que les
remparts de la cité : les Anglais ne tentèrent pas de troubler cette
audacieuse reconnaissance, ni de charger celte multitude désor-
donnée. Ces hommes intrépides , dit Alain Chartier, semblaient
changés en femmes, tandis que les femmes se changeaient en
héros contre eux : « on eût dit qu'ils avoient tous les mains liées ».
€ Avant que la Pucelle arrivât, deux cents Anglois chassoient, aux
escarmouches, huit cents ou mille de l'armée du roi, et, depuis sa
1. Berri, roi d'armes. — Journal du siège.
2. Journal du siège. — Bourgeois de Paris, — Le page de Jeanne, Louis de
Contes, témoin oculaire, ne parle pas de cette prédiction dans sa déposition*
Procès, t. III, p. 68.
164 GUERRES DES ANGLAIS. [i4»]
venue, qualre ou cinq cents François combattoient toute la puûr
sance des Anglois, et les contraignoient à se renfermer dans leurs
refuges et bastilles » (Dépos. de Dunois). Les soldats français n'é-
taient plus reconnaissables : Texaltation religieuse de Jeanne avait
saisi ces âmes rudes et sauvages, mais susceptibles de fortes im-
pressions; il n*y avait pas jusqu'à La Hire qui n'allât à confesse!
La Hire, habitué à maugréer et à renier Dieu toute la journée,
n'osait plus « renier que son bâton» devant Jeanne^.
La petite armée de Blois reparut le 4 sur la rive droite de la
Loire. Jeanne alla au-devant avec une partie de la garnison. Les
Anglais, supérieurs en nombre à toutes les forces françaises réu-
nies», ne firent aucun mouvement pour empêcher la jonction, et
les troupes de secours, passant entre les bastides des assi^eants,
entrèrent dans la ville sans coup férir. Jeanne, fatiguée de sa
chevauchée , se jeta sur le ht de son hôtesse^ pour prendre quel-
que repos; mais à peine avait-elle fermé les yeux, qu'elle se ré-
veilla brusquement avec de grands cris : « Mes voix m'appellent...
nos gens ont bien à besogner!... le sang de nos gens coule par
terre!... Mes armes! mes armes! mon cheval!,..» Son page ac-
court ^, « Ah ! sanglant garçon (méchant garçon), vous ne medisiei
pas que le sang de France fût répandu. » Elle se fait armer pré-
cipitamment, saisit son étendard, s'élance sur son cheval et court
à toute bride, en « faisant jaillir le feu des pavés », droit àla porte
orientale de la ville, qu'on appelait la porte de Bourgogne. Une
sortie avait été entreprise à son insu, probablement par ordre
de Gaucourt et d'autres chefs qui ne voulaient pas qu'elle
1. Dépositions de frère Séguin et de divers chanoines d'Orléans. Jeanne elle-
niéinc, k la manière des enfants de son village, jurait « par mon martin! » (par
uiou bàlon!). Chroniq, de Perceval de Cugni; ap. Procéi, t. IV, p. 4.
2. Du moins le comte de Dunois le dit positivement dans sa déposition, v. aassi
lu déposition du frère Pasqucrel; Procès, t. III, p. 5; 105. Mais il semble que les
Français se soient exagérés le nombre des ennemis.
3. Elle était logée chez une des bourgeoises les plus notables et les mieux famées
de la ville. Jeanne comprenait combien il lui importait d*écarter d'elle tout soupçon:
purtoui oii elle s'arrêtait, elle s'entourait des femmes les plus irréprochablei et
passuit lu nuit avec deux ou trois d'entre elles, afin qu'on ne pût, dit M. Lebrui
de Cliurmettes, « calomnier son sommeil ».
4. C'est lui-même qui a raconté le fait. i;. les dépositions concordantes du page
Louis du Contes, de la femme Milei, de l'avocat Aignau Viole, de l'écu ver Jean
d'Aulon, de Simon Beaucroix, ap. Proeén, 1. 111, p. 68, 79, 124, 126, 212.
[1429] LA BASTIDE SAINT-LOUP. 1«5
eût l'honneur de la victoire. Un premier assaut avait été donné
sans succès à la bastide anglaise de Saint-Loup, voisine de la porte
de Bourgogne, et Ton rapportait en ville beaucoup de blessés:
Jeanne frémit et versa des larmes : « Jamais, s'écria-t-elle, jamais
je n'ai vu sang de François que les cheveux ne me dressassent à la
tête ! > Elle poussa son cheval droit à la bastide anglaise.
A son aspect, les fuyards jetèrent une grande clameur, et
€ tournèrent visage » : le bâtard d'Orléans arriva au même in-
stant, suivi d'une grosse bande de gens d'armes, et l'assaut recom-
mença avec furie. Talbot essaya de conduire les troupes des
bastides les plus proches au secours de Saint-Loup; mais, sui-
vant l'expression du chroniqueur, « tout homme issit hors Or-
léans pour aller enclore les Anglais* ». Talbot craignit d'être
englouti par ce flot furieux, et rentra dans ses forts. La gar-
nison de la bastide Saint-Loup, forte de trois ou quatre cents
hommes d*élite, soutint mieux la vieille gloire des armes an-
glaises : elle se défendit opiniâtrement pendant trois heures;
mais rien ne put résister à l'ardeur des assaillants, et la bastide
fiit enfin forcée, brûlée et démolie. Jeanne, une fois la cha-
leur du combat refroidie, ne vit pas sans émotion ce boulevard
jonché de cadavres anglais : la femme reparut sous le héros; elle
pleura, et regretta surtout que tant d'hommes « fussent morts
sans confession ». Aucun d'eux n'avait reçu la mort de sa main.
Par une contradiction touchante, elle qui se disait « chef de
guerre », qui venait comme un ange exterminateur contre les
tyrans de sa patrie, elle avait horreur du sang: elle ne pouvait,
comme elle l'a souvent répété, se résoudre à « tuer personne » :
risquant sa vie sans attaquer celle des autres, elle se jelait à tra-
vers la mêlée, son étendard à la main, et ne tirait l'épée qu'à la
dernière extrémité 2.
Les Anglais rendirent, le lendemain, le héraut de la Pucelle,
de peur qu'on ne mît à mort les prisonniers qu'on avait faits sur
eux : c'était le jour de l'Ascension (5 mai). Jeanne ne voulut pas
1. Chroniq. de la fête du 8 mai; Procès, t. V, p. 292.
2. (c Je n'ai oncques taé homme. » Interrogatoire du 27 février. Procès, t. I,
p. 78. — Déposition de frère Séguin. — Déposition de frère Pasquerel. — Jotmtal
du nége.
1G6 GUERRES DES ANGLAIS. [u:9:
qiroti en profanât la solennité par l*eflusîon du sang liumaiD;
mais, le G mai au matin, la Pucclle, le bâtard d*0rléans, Boussac,
Gaucourt, La Hire, traversèrent la rivière en bateaux, et se por-
tèrent contre les bastides du côté de la Sologne. Glansdale, qui
commandait en chef le siège de la rive gauche, désempara et incen-
dia la bastide de Saint-Jean-le-Blanc, et en retira la garnison aux
Auguslins et aux Tournelles. La Pucelle, avant que tous ses com-
pagnons eussent passé Teau^ courut droit à la bastide des Au-
gustins et planta son étendard sur le bord du fossé; mais, en ce
moment, « il survint un cri » que les Anglais de la rive droite
venaient « en grand puissance » au secours de Glansdale : les gens
de la Pucelle reculèrent en désarroi jusqu'à leurs bateaux, et en-
traînèrent Jeanne dans ce mouvement de retraite ; les Anglais
sortirent de leurs forts et coururent sur la Pucelle avec € grande
huée et paroles diffamantes ». I/instant était décisif; un seul
échec allait dissiper le prestige qui environnait Jeanne et ren-
verser tout l'espoir de la France. L'incertitude ne fut pas longue:
Jeanne fit volte-face, « coucha la lance » et s'élança contre les
Anglais avec son cri ordinaire : En nom Dieu!* La Hire courut
après elle, puis bien d'autres; une terreur panique s'empara des
Anglais ; « ils prirent la fuite laide et honteuse » et ne s'arrê-
tèrent qu'à l'abri de leurs boulevards. On les y suivît ; la bastiDe
des Augustins fut atUiquée sur-le-champ : fossés, glacis semés de
chausse-trapes, palissades, parapets garnis d'artillerie, tout fiit
inutile : les assaillants pénétrèrent de toutes parts dans la bastide
et passèrent au fil de l'épée tous ceux de ses défenseurs qui ne
purent se réfugier aux Tournelles.
Jeanne fut aussi sage dans la victoire qu'elle avait été auda-
cieuse dans le combat : voyant les soldats c trop attentifs au pil-
lage », et craignant que Glansdale ne profitât de leur désordre,
elle ordonna d'évacuer et de brûler la bastide conquise, avec tout
ce qu'elle renfermait « de vivres et de richesses » : on obéit
Jeanne, qui avait été légèrement blessée au pied par une chausse^
trape, retourna dans Orléans par la rivière avec une partie des
1. CI Kn nom Dél » — Chroniq. de la Pucelle^ ap. Procès, U IV, p. 226. — Jean
iI*Auloii ^r. m. p. 2i4> ne parle pas du moment de déroote : il dit Muleinent qoc
les chefs voulaient se retirer et que la Pucelle attaqua malgré eux.
1429] JEANNE ET LES CAPITAINES. 167
Toupes; le reste demeura en observation devant lesToumelles
et le boulevard voisin, que Jeanne avait résolu d'attaquer le jour
suivant. La plupart des aipitaines n'étaient pas de cet avis : ils
craignaient de compromettre les avantages obtenus; ils crai-
gnaient peut-être plus encore des avantages trop décisifs qui les
eflaceraient tous devant Jeanne < : ils tinrent conseil, le soir,
sans y appeler Jeanne, et lui envoyèrent signifier leur résolu-
tion d'attendre de nouveaux renforts. « Vous avez été en votre
conseil, répondit-elle, et j'ai été au mien : le conseil de Messire
s'accomplira; celui des hommes périra! Nous combattrons de-
main^. »
Pendant la nuit, les Anglais de la rive gauche abandonnèrent
encore une de leurs bastides, celle de Saint-Privé, et se concen-
trèrent entièrement dans les Toumelles et dans la grande redoute
ou boulevard qui couvrait cette forteresse du côté de la Sologne;
c'était ce même boulevard qui avait été si vaillamment défendu
par les Français au commencement du siège. Au point du jour,
la Pucelle monta à cheval, annonçant à ses hôtes qu'avant le soir
elle rentrerait victorieuse à Orléans par les Toumelles et le pont
de la Loire. Le conseil des chefs avait résolu de l'empêcher d'exé-
cuter son dessein, et Gaucourt, bailli de la ville, avait fait fermer
les portes, et gardait en personne la porte de Bourgogne : il dé-
clara que personne ne passerait. Jeanne commanda au peuple
d'ouvrir la porte. Les bourgeois et les soldats qui la suivaient en
foule se précipitèrent à sa voix avec une telle furie que Gau-
court faillit être mis en pièces : le peuple, traînant après lui ca-
nons et couleuvrines, sortit à grands flots de la ville, traversa la
1. Un jour que Danois lui annonçait la Tenue de Falstolf pour ravitailler les
Anglais : « Bfttard, bftUrd, s*écria-t-elle toute réjouie, en nom Dieu, je te
commande que tantôt que tu sauras la venue dudit Falstolf, que tu me le fasses
savoir; car, s'il passe sans que je le sache, je te promets que je te ferai ôter la
tête. » Déposition de J. d'AuIon; ap. Procès, t. UI, p. 212. Cette parole, quoique
dite par forme de « gausserie », atteste de quelle grande manière elle traitait les
gens dn « pins bant état ». Dunois, brave cœur et bon esprit, n'en fut pas moins
dn petit nombre des chefs qui acceptèrent loyalement son ascendant.
2. Saivant le témoignage de son chapelain Pasquerel, elle ajouta qu' « il sorti-
roit dn sang de son corps au-dessus de la mamelle » {auprà mammam) (Procéê,
U lU, p. 109), renouvelant ainsi la prédiction faite k Charles VII. La Chroniq, de
ta fête du 8 mai dit que les bourgeois voulaient l'attaque, et en avaient requis
Jeanne; Procès, p. 292.
168 GUERRES DES ANGLAIS. [U»i
rivière et rejoignit les gens de guerre qui étaient restés la nuil
à l'autre bord. Les capitaines soutinrent le mouvement qu*ils
n'avaient pu empêcher. Les positions anglaises de la rive gauche
se trouvèrent prises entre deux feux : une troupe de bourgeois et
de gens d'armes, logés derrière les retranchements du pont, oa-
vrirent contre le fort des Toumelles une terrible canonnade, tan-
dis que, du côté opposé, Jeanne donnait le signal de Tattaque du
boulevard. Ce fut un combat de géants. Glansdale avait autour
de lui « la fleur des meilleures gens de guerre d'Angleterre »,
dit Monstrelet : les Anglais, animés par la force de leur poste, par
l'espoir d'être secourus des troupes de la rive droite, par For-
gueil de leurs anciennes victoires et la colère de leurs récentes
défaites, se défendirent avec un courage opiniâtre et une sombre
fureur. Quant aux Français, ils se ruaient à l'assaut c comme s'ils
eussent cru être immortels». (Journal du siège.) A travers les
boulets, les flèches, les carreaux, les pierres, ils arrachaieut les
palissades, ils comblaient les fossés, ils gravissaient au plus haut
des fortifications, mais pour en retomber aussitôt , renversés par
les haches, les piques et les maillets des Anglais...
La lutte durait depuis trois grandes heures : Jeanne s*était tenue
jusqu'alors sur la contrescarpe, exhortant ses gens à c avoir bon
cœur et bon espoir en Dieu ». Elle voit les Français mollir et hé-
siter; elle SQ précipite dans le fossé, saisit une échelle, et y monte
la ])remière : au même instant un carreau d'arbalète la frappe au-
dessus du sein, entre le gorgerin et la cuirasse, et la rejette dans
le fossé
On emmena Jeanne et on la désarma pour panser sa blessure,
qui était profonde ; quand elle vit couler son sang, le cœur lui
faillit, et elle pleura. Mais l'émotion qu'elle ressentait provoqua
bientôt une extase qui lui rendit toute son énergie ; elle arracha
elle-même le trait de la plaie. Cependant la nouvelle de sa chute
avait répandu le découragement dans l'armée : les chefs faisaient
sonner la retraite. Jeanne court à eux, les conjure d*attendre en-
core, se retire à l'écart et rentre en extase. Sa bannière était restée
plantée devant le boulevard : « Regardez, dit-elle à un gentilhomme
qui l'avait suivie, quand la queue de mon étendard touchera contre
le boulevard. » Un moment après, le vent fait flotter la pointe de
la bannière du côté des Anglais, c Jehanne, elle y touche ! — Tout
est vôtre, et y entrez ! » s'écrie4-elle en s*élançant sur son cheval
et en galopant vers le boulevard ^
A son aspect un frissonnement d'épouvante parcourut les rangs
des Anglais : les Français revinrent à la charge avec Timpétuosité
de Fouragan ; ils se sentaient comme enlevés par une puissance
surhumaine ; ils montèrent « contremont » le boulevard aussi ai-
sément c[ue par les degrés d'un escalier (Chron. de la Pucelle) ; un
furieux combat « main à main » recommença sur le parapet
même. L'audace des compagnons de la Pucelle sembla se com-
muniquer à la troupe orléanaise qui canonnait les Toumelles du
côté opposé. Glansdale avait coupé deux ou trois arches du pont
delà Loire, entre lesTournelles et le boulevard français établi sur
ce pont: les Orléanais jettent une longue solive d'une pile à l'autre,
passent ce pont fragile sous le feu de l'ennemi et emportent les
défenses extérieures des Tournelles, au moment où la Pucelle et
ses gens pénètrent dans le grand boulevard. Les Anglais, frappés
de vertige, s'imaginent voir dans les airs des armées de fantômes ;
les Français, saisis de l'enthousiasme extatique de la Pucelle, s'é-
crient que les patrons d'Orléans, saint Aignan et saint Euverte,
accourent sur des chevaux blancs au secours de leur cité ; d'autres
croient voir planer sur le pont d'Orléans le chef des armées ce-
lestes, le conseil de Jeanne, l'archange Michel, et voler sur l'élen-
dard de la Pucelle la Colombe Blanche, symbole de l'Esprit saint.
L'étendard de la Pucelle flotte au haut du boulevard, c Rends-toi,
Glacidasf crie Jeanne; rends-toi au roi des cieux ! Tai pitié de ton
Âme et de celle des tiens! » Toute résistance a cessé. Glansdale et
ses compagnons s'enfuient vers les Tournelles, par le pont-levis
qui joint le boulevard à cette forteresse : un boulet lancé par une
bombarde française brise le pont-levis, et Glansdale est englouti
dans le fossé inondé par la Loire. Bientôt après, les deux divisions
françaises se rejoignent dans les murs des Tournelles.
Presque tonte la garnison anglaise fut tuée ou prise; la gran-
deur de la perte ne devait pas ici se mesurer au nombre; les
cinq ou six cents hommes de guerre que les Anglais perdirent
I. Déposition de Loois de Contes, ap. Procèn, t. III, p. 70. — Journal du siéje;
ibid. t. IV, p. 16 1.
170 GUERRES DES ANGLAIS. [1429]
dans cette journée , et ceux qui avaient péri aux Augustins et à
Saint-Loup, étaient Télite de leur chevalerie. L'inaction de Suffolk
et de Talbot, ces braves et habiles capitaines, durant les journées
des 6 et 7 mai, ne peut s'expliquer que par la complète démora-
lisation de leurs soldats. Us pouvaient, ou faire une diversion en
attaquant la ville, ou se porter directement au secours de Glans-
dale en traversant la Loire. Ils ne donnèrent pas signe de vie;
ils assistèrent immobiles au massacre de leurs frères d'armes,
comme s'ils eussent été cloués dans leurs bastilles par on pouvoir
magique*.
Les chefs anglais de la rive droite tinrent conseil, au brait des
cloches dont les joyeuses volées célébraient la victoire de leurs
ennemis : ils résolurent la levée du siège, tandis que la Pucelle,
selon sa prédiction, rentrait dans Orléans par le pont des Tour-
nclles, rétabli en quelques heures, parmi des cris d'allégresse et
un délire populaire qu'il est plus facile de sentir que de peindre.
Dix mille voix chantèrent en chœur le Te Deum sous les voûtes et
sur les parvis de Sainte-Croix.
Le lendemain dimanche, 8 mai, au lever du soleil, toutes les
troupes anglaises quittèrent leurs retranchements et se formèrent
(m deux batailles : à cette vue, peuple et soldats sortirent en foule
d'Orléans pour les assaillir. Jeanne se leva malgré la douleur de
sa blessure, passa une légère cotte de mailles (jcueranj^ et courut
arrêter « ses gens » : « Pour l'amour et honneur du saint di-
manche, leur dit-elle, s'ils veulent partir, laissez-les aller et ne
les occiez point! Qu'ils se départent! leur partement me suffit. »
Elle fit dresser un autel et célébrer deux messes sous le ciel, en
présence des deux armées : comme la seconde messe finissait,
Jearme, toujours prosternée, demanda « si les Anglois avoient le
visage ou le dos tourné vers les François. — Ils ont le dos tourné:
1. Sur ces divers combats, v. les dépositions de Danois, Gaaeoart, d*AvloB,
Louis de Contes et de divers bourgeois d'Orléans, an procès de révision» deaiièoie
enquête , dite d'Orléans ; Proc&t, t. IH; — la Chronique de la fête du 8 WÊoi; —
ibid. t. V, p. 292-294; — le Journal du siège; — la Chronique de la PueeiU;
— le Journal du Bourgeois de Pari* ; — Jean Chartier, Histoire de Ckariet TU;
— Lemaire, Histoire dfOrtéans; — Dubreton, Histoire du siège d'Oriétuu;'^
Jollois. id. — Monstreict exagère beancoup en parlant de six on sept mille Anglais
mis à mort dans les combats du 4 au 7 mai : il n'y en eut pas plusd'nn millier. Il
y a des circonstances où quelques gouttes de sang décident du destin d'un empire.
C14293 LEVÉE DU SIÈGE D'ORLÉANS. 171
ils s'en vont. — Or, laissez-les partir, et allons rendre grâces à
Dieu!^ »
Les deux batailles anglaises, conduites par Suffolk et par Talbot,
se dirigèrent, Tune vers Meung, l'autre vers Jargeau, abandon-
nant presque tous leurs malades, leurs bagages et leur artillerie.
Les bastides furent pillées, saccagées, rasées; les canons et
les bombardes furent ramenés dans la ville par une multitude
ivre de joie. Les vainqueurs sentirent mieux tout le merveilleux
de leur victoire, lorsqu'ils examinèrent à loisir les formidables
ouvrages qu'ils avaient emportés d'assaut ou qu'on leur livrait
sans combat : ils avaient forcé dans des positions inexpugnables
ces Gers Anglais babitués à dissiper en plaine, avec une poignée
d*hommes, les grandes armées de la monarchie féodale. Aussi
Orléans n'attribua-t-il sa délivrance qu'à Jeanne et au Dieu qui
l'avait envoyée : une procession solennelle parcourut la ville et les
remparts, avec des cantiques d'allégresse et de reconnaissance.
Cette cérémonie, renouvelée chaque année, le jour anniversaire
de la levée du grand siège (8 mai), s'est perpétuée de siècle en
siècle jusqu'à nous sous le nom de Fête de la Pucelle^.
Toute la France attendait avec anxiété l'efiTet des promesses de
Jeanne Darc. Le bruit des grands événements qui s'étaient passés
devant Orléans se répandit avec une rapidité inouïe, ranima les
cœurs fidèles à la cause nationale, ébranla ceux qu'avait égarés
l'esprit de faction ou c[ui s'étaient résignés à la domination étran-
gère. On se disait que Dieu s'était entin lassé de châtier la France ;
qu'il envoyait son ange pour la tirer de l'abîme.
Tandis que les premières victoires de la Pucelle volaient de
1. Dépositions de Danois, de Simon Beaucroix; Procès^ t. lU, p. 9, 80. Suivant
la déposition du frère Pasquerel, Jeanne avait annoncé, le 3 mai, que le siège serait
levé dans einq jonrs {ibid, p. 106), ce qui est avoué par le chroniqueur anglo-
bourguignon Jean de Wavrin; ibid. t. IV, p. 410.
2. Chroniq. de tétablisstmeni de la Fête du 8 mai; Procès, t. V, p. 296. — La
Fêle de la Pucelle a été célébrée avec plus d'éclat que jamais cette année (1855),
à roccasion de Térection de la statue équestre de Jeanne Darc, par M. Foyatier.
— Une fôte analogue fut instituée dans la petite ville de Chàteaudun , que ses
habitants et son gouverneur, Florent d'IUiers, avaient vaillamment conservée k la
cause nationale parmi les garnisons ennemies qui Tenvironnaient de toutes parts.
— Godcfroy, Histoire de Florent d^IUient, dans le Recueil des Historiens de Char-
les va, — I^ ville de Bourges a longtemps célébré, k rimitation d'Orléans, la Fête
de la Pucelle, le premier dimanche après l'Ascensiou. Procès, t. V, p. 297.
172 GUERRES DES ANGLAIS. [t4)9j
bouche en bouche, Jeanne s'apprêtait à en conquérir d*autres et
à remplir l'attente universelle : elle ne perdit point de temps après
avoir accompli le premier objet de sa mission. Dès le lendemain
de la levée du siège d'Orléans (9 mai), toute blessée qu'elle fût,
elle repartit pour aller porter au roi « les nouvelles de la noble
besogne » et le presser de marcher avec elle droit à Reims. Elle
prit congé des Orléanais, qui pleuraient de joie et de tendresse
et la « rcmercioient très humblement, » et se rendit par Blois à
Loches, où élait Charles VIL Un enthousiasme inexprimable Tac-
cueillit partout sur son passage : les populations entières se jetaient
à genoux autour d'elle ; ceux qui n'étaient pas assez heureux pour
pénétrer jusqu'à elle et pour baiser ses mains et ses vêtements,
baisaient la trace des pas de son cheval. La simplicité, l'abnégation
de Jeanne ne se démentirent pas un instant parmi ces enivrants
hommages; elle eût voulu se garder de ces adorations; elle crai-
gnait que Dieu ne s'en ofîensàt, et, avec son admirable bon sens,
elle en sentait le péril pour elle-même : « En vérité, disait-elle, je
ne saurois me garder de telles choses, si Dieu ne me gardoit ! * >
Jeanne fut reçue « à grand honneur » par le roi; mais ce
n'étiient pas des honneurs qu'elle demandait, c'étaient des sol-
dats, de l'argent et des armes; c'était que le roi lui-même montât
à cheval et la suivît! Elle tenta en vain de communiquer à cette
nature à la fois aride et molle, faible et fermée, le feu héroïque
de son âme : Charles, depuis l'instant fugitif où le Saint-Esprit,
comme dit Alain Chartier, s'était manifesté à lui, n'eut pas un élan,
pas un éclair, et Jeanne retrouva autour de lui et en lui les mêmes
obstacles le lendemain que la veille de la victoire ! Ces voix du
ciel qui parlaient si haut à Jeanne, il y a des âmes qui ne savent
jamais les entendre, lors même que la parole éclate en merveilles!
Quand la Pucelle annonça que « il étoit temps que le roi fût
prêt de soi mettre en chemin de son couronnement à Reims »,
Charles et tout son conseil se récrièrent sur l'impossibilité de
l'entreprise, c Les ennemis du roi ont trop grande puissance! le
roi n'a mie assez de finances pour soudoyer son armée ! — Par
mon martin, repli qua-t-elle, je conduirai le gentil roi Charles
I. Interrogatoire du 5 mars 1431 , Procès^ t.I, p. 102.— Dépoititionn de
et de Bcaucroix; tbid, t. HI, p. 82, 84.
£1429] JEANNE ET CHARLES VU. 173
jusques à Reims sûrement el sans délourbier, et là le veirez cou-
ronner! » Un autre jour, elle vint frapper à la porte de la « chanir
bre de retrait » (cabinet) du roi, et, lui embrassant les genoux :
«Noble dauphin, ne tenez point tant et de si longs conseils;
venez au plus tôt à Reims prendre votre digne couronne ! Je ne
durerai guère qu*un an, répéta-t-elle sou ventes fois; il faut son-
ger à me bien employer ^ » Les incertitudes, les fluctuations du
roi la désolaient. « Quand elle étoit trop affligée, elle se tiroit à
part el se plaignoit à Dieu de ce qu*on ne la croyoit point, et, son
oraison faite, elle entendoit une voix disant : Fille Dé (fille
de Dieu), va, va, va; je serai à ton aide ; va! El lors elle étoit gran-
dement réconfortée 2. »
Jeanne l'emporta enfin à demi : le roi promit de marcher sur
Reims, mais quand on aurait reformé une armée. On avait laissé
se disperser les libérateurs d'Orléans, faute d'action immédiate.
Jeanne supplia le roi de lui donner, en attendant, quelques gens
de guerre pour débarrasser des garnisons anglaises le cours de
la Loire. Trois semaines se passèrent encore avant qu'elle eût pu
obtenir les moyens d'agir. Le roi, cependant, avait publié son
mandement de guerre et assigné le rendez-vous général à Gien.
La noblesse et les gens d'armes des provinces du centre et de
l'ouest se metlaient de toutes parts en mouvement*. Le duc d'Alen-
çon, qui n'avait pu prendre part aux premiers combats de Jeanne,
parce qu'il n'avait point encore alors achevé de payer sa rançon^,
reçut le commandement du corps qui allait agir sur la Loire,
1. Déposition du duc d'AIençon; Procès, t. lU, p. 99; du comte de Dunois,
ibid. p. 10-12; Chroniq, de Perceval de Cagni, ibid, t. IV, p. 11.
2. Déposition du comte de Dunois; f^i'd. UI, 12.
3. Une charmante lettre d'un des jeunes seigneurs qui obéirent au ban de Char-
les VII, le sire Gui de Laval, est parvenue jusqu'à nous : celte naïve et généreuse
épltre (du 8 juin) exprime bien le mouvement des esprits dans cette renaissance
de la France, et Timpression que produisait Jeanne sur le peuple et sur la jeune
noblesse. « C'est chose toute divine de son fait , et de la voir el de l'entendre ! »
s'écrie Gui de Laval, a J'allai à son logis la voir : elle fit venir le vin et me dit
qu'tUe m* en ferait bientôt boire à Paris. » (Procès, t. V, p. 105.) Rien de plus
gracieux que le portrait que fait Gui de Laval de la belle guerrière sur son grand
cheval noir, armée k blanc, télé nue, une petite hache h la main, et parlant d'une
claire et douce voix de femme.
4. Le droit des gens ne permettait pas à un prisonnier de reprendre les armes
tant qu'il n'était pas quitte envers son maître.
174 GUERRES DES ANGLAIS. [t4«»l
avec ordre exprès du roi de c taire et user entièrement par le
conseil de la Pucelle • ».
Jeanne, Alençon, le bâtard d'Orléans, se remirent en mouve-
ment dans les premiers jours de juin : ils arrivèrent, le 10, à Or-
léans à la tète de douze cents lances, y rallièrent des milices bour-
geoises accourues avec transport autour de Jeanne, et quelques
autres troupes, avec le comte de Vendôme, le maréchal de Bous-
sac, l'amiral de Culant, Graville, grand-mattre des arbalétriers,
et se portèrent sur Jargeau. Le gros des troupes anglaises, après
la levée du siège d'Orléans, s'était réparti dans les places des en-
virons pour y soutenir une guerre défensive. Le comte de Suffolk
tenait en personne Jargeau avec six ou sept cents hommes d'élite.
On lui avait laissé tout un mois pour relever le moral de ses soldats.
A l'approche des Français, il fit une brusque sortie sur les assail-
lants, qui ne s'attendaient pas à voir ainsi changer les rôles : il y
eut un moment d'hésitation et de désordre; la gendarmerie com-
mençait à plier; mais la Pucelle saisit son étendard, et lança son
coursier au plus fort de la mêlée. A cette vue, les Français re-
prirent toute leur audace; les Anglais furent refoulés dans les
murs de Jargeau (11 juin). On les y assiégea : dès le lendemain,
l'artillerie française foudroya la ville. C'était Jeanne qui avait indi-
qué la position des batteries avec une justesse de coup d'œU ex-
traordinaire. La puissance de ses perceptions extérieures égalait
celle de ses intuitions intérieures : elle sauva la vie au duc d'Alen-
çon en l'écartant brusquement de la ligne de tir d'un veuglaire
(sorte de couleuvrine) qui allait faire feu sur lui; le duc t n'éloit
pas reculé de deux toises » que le boulet emporta la tète d'un
gentilhomme à la place que le duc venait de quitter^»
1. Journal du siège d'Orléans, Cette chronique continae, après le lever da siège,
jusqu'à la fin de la campagne.
2. Déposition du duc d'Alençon; Procès, III, p. 96. « Tous s'éDoerTeilloient q«<
si hautement et sagement elle se comportât en fait de guerre comme si c'eût été
un capitaine qui eût guerroyé Tespace do vingt ou trente ans» et surtout en Ter-
donnance de l'artillerie. » Id, ibid, p. 100. « Elle se comportoit de telle sorte qa'H
n'étoit possible à homme quelconque de mieux agir en fait de guerre. » Déposi-
tion du sire de Termes, ib, \ 19. u Quand elle doit en venir aux mains avec Tel-
ncmi, elle conduit l'armée, choisit la position, forme Its lignes de bataille, et com-
bat en brave soldut upiës avoir ordouné en habile capitaine. » Lettre d*AlainCbt^
lier, ibib, t. V, p. 135.
[H29] PR18B DB JAR6EAU. 175
Le troisièrae jour du siège (14 juin), Suffolk demanda une ca-
pitulation , avec quinze jours de délai pour rendre la place s'il
n'était pas secouru : ces conditions furent refusées, et l'assaut fut
donné. U fut aussi terrible que le combat des Tournelles, et offnl
des incidents analogues : après quatre heures d'une lutte déses-
pérée, la résistance des Anglais ne faiblissant pas encore, Jeanne
monta elle-même sur ime échelle, son étendard en main,c là où la
défense étoit la plus âpre ». Une grosse pierre vint frapper sa ban-
nière et son casque, et la fit rouler au pied du rempart; mais elle se
releva aussitôt, en criant : « Sus, sus, amis ! Notre Sire a condamné
les Anglois ; à cette heure ils sont tous nôtres ! » Les Français, élec-
trisés par la voix et par les gestes de la Pucelle, s'élancèrent de
toutes parts avec une furie qui renversa tous les obstacles : la ville
et son pont fortifié furent t gagnés » de vive force, et presque tous
les Anglais furent passés par les armes. Le comte de Suffolk rendit
son épée à un écuyer d'Auvergne; son frère John Pôle fut pris,
et un autre de ses frères fut tué à ses côtés. Les « gens du com-
mun « (des communes) massacraient entre les mains des gentils-
hommes tous les prisonniers anglais que ceux-ci avaient pris à
rançon, et l'on eut grand'peine à sauver le général ennemi. Les
bourgeois et les vilains ne voulaient pas que les Anglais vaincus
pussent acheter à prix d'argent la liberté de recommencer à dé-
soler la France.
La Pucelle et ses compagnons rentrèrent en triomphe à Orléans
la nuit suivante; ils marchèrent dès le lendemain sur Meung par
la rive gauche de la Loire. Le pont de Meung, défendu par le ca-
pitaine Scales, fut pris d'assaut (15 juin); l'armée passa la Loire
sans attaquer le château de Meung, et se dirigea contre Beau-
genci. Talbot, qui commandait dans cette place, venait de la quit-
ter pour joindre Falstolf, qui ramenait un convoi de Paris. Le
lieutenant de Talbot évacua la ville de Beaugenci et se retira dans
le château, qui fut assiégé sur-le-champ. A peine le siège était-il
assis qu'un incident qui pouvait avoir de dangereuses consé-
quences jeta l'armée dans une vive agitation : l'on apprit que le
connétable arrivait au camp malgré les ordres du roi. Richemont,
qui s'était cru l'homme indispensable, le sauveur prédestiné de
l'État, avait vu toutes ses espérances déjouées par les événements:
170 GUERRBS DBS ANGLAIS. (14»]
riinminence du péril ne l'ayait pas fait rappeler à la cour, el
maintenant le péril était écarté, et la fortune de la France r^
levée par d'autres mains que les siennes. Il ne put rester les bras
croisés devant un tel spectacle ; il résolut de reprendre sa place à
tout prix dans les armées françaises : il manda ses amis et alliés
de Bretagne, d'Anjou et de Poitou, et marcha vers la Loire avec
quatre cents lances et huit cents archers. Le roi lui fit signifier
c qu'il s'en retournât à sa maison et qu*il ne fût tant hardi de
passer en avant, et que, s'il passoit outre, le roi le combattroîL
— Ce que j'en fais, répliqua Richemont, est pour le hien da
royaume et du roi, et je verrai qui me voudra combattre* ».
Il continua sa route à travers la Touraine, et arriva aux portes
d'Amboise, sans que le roi, ou plutôt la Trémoille, essayai d'ac-
complir sa menace. Le gouverneur d'Amboise livra passage an
connétable, qui franchit la Loire et qui envoya deux de ses gen-
tilshommes <i demander logis à ceux du siège » devant Beau-
genci. La Chronique de la Pucelle dit qu'il fit c supplier» Jeanne
« en toute humilité x> de le recevoir au service de la couronne,
malgré les « sinistres rapports » pour lesquels le roi l'avait pris
en haine. Le message de Richemont excita de grands débals
parmi les chefs. La Pucelle et le duc d'Alençon, qui ne connais-
saient pas le connétable, et qui avaient reçu du roi défense for-
melle de coînmuniquer avec lui, voulaient exécuter leurs instruc-
tions et repousser la jonction avec Richemont; mais les capitaines
qui avaient servi sous le connétable se prononcèrent énergique-
mcnt en sa faveur. On parvint enfin à convaincre Jeanne que
Richemont était bon Français, et qu'il fallait le recevoir en dépit
des courtisans; tous les seigneurs et capitaines se rendirent cau-
tions de sa loyauté. Le duc d'Alençon menaçait de quitter ramiée:
Jeanne le décida à rester. Le connétable arriva le 17 juin : h
Pucelle, du moins au rapport du biographe de Richemont, Guil-
laume Gruel, salua Richeyiont comme on saluait les princes, en
lui embrassant les genoux. « Jeanne, dit le connétable, on m'a
dit que vous me vouliez combattre; je ne sais si vous êtes de par
Dieu ou non; si vous êtes de par Dieu, je ne vous crains en rien,
1. tiuill. Gruel, Hiti. de RichemonL
[142113 JEANNE ET RlCHEMONT. 177
car Dieu sait bien mon vouloir; si vous êtes de par le diable, je
vous crains encore moins. » Richemont, un des hommes les plus
superstitieux dç ce temps^ ne doutait aucunement du pouvoir
surnaturel de Jeanne ; mais il doutait de la nature et de l'origine
de ce pouvoir : ses doutes furent bientôt dissipés quand il eut vu
de près la Pucelle.
Le château de Beaugenci capitula dans la nuit qui suivit la venue
du connétable, et la garnison sortit le lendemain matin avec har-
nais et chevaux. Peu d'instants après, on reçut l'avis qu'un corps
d'armée anglais avait attaqué le pont de Meung pendaut la nuit :
c'étaient Talbot, Falstolf et Scales, qui, à la tète de cinq ou six
mille combattants, restes de l'armée anglaise «de la Loire récem-
ment renforcés, tentaient trop tard une diversion pour sauver
Beaugenci. La joie éclata sur le visage de Jeanne, quand elle sut
les Anglais si près. « Ah ! beau connétable, s'écria-t-elle, vous
n'êtes pas venu de par moi; mais, puisque vous voilà, vous serez
ie bienvenu. » On marcha rapidement sur Meung; mais les An-
glais, sachant Beaugenci rendu, s'étaient déjà retirés, emmenant
la garnison qu'ils avaient dans le château de Meung. Plusieurs
des capitaines français laissèrent voir de l'hésitation lorsqu'on pro-
posa de poursuivre l'ennemi et de le forcer à recevoir la bataille.
Par une singulièrecontradiction, ces mômes hommes, qui avaient
forcé les Anglais dans des positions formidables, hésitaient à les
attaquer en plaine avec l'avantage du nombre. L'idée de la supé-
riorité des Anglais en bataille rangée avait été enracinée par tant
de victoires ! Beaucoup des « gens du roi » , au rapport du duc
d'Alençon, avaient peur, et disaient qu'il ferait bon d'avoir des
chevaux. « Combattrons-nous, Jeanne? demanda le duc d'Alen-
çon. — Avez- vous de bons épeions? répliqua-t-elle. — Quoi ! pour
fuirî— Non, pour poursuivre. Ce seront les Anglais qui fuiront, et
[ grand besoin aurez-vous d'éperons pour courir après. En nom
f Dieu, chevauchez hardiment contre eux ; quand ils seroient pen-
^ 1. La crainte et l'horreur que lui inspiraient les sorciers étaient poussées jus-
f qu'il la monomanie : il poursuivait partout, avec un acharnement incroyable, les
charlatans et les TÎsionnaires qui passaient pour r.'adonner à la magie, et il fit
krtler un grand nombre de ces malheureux en France et en Bretagne; ce que «on
biographe, Guillaume Gruel, présente comme un de ses plus beaux titres de
gloire.
T^
178 GUERRES DES ANGLAIS. (U»]
dus aux nues, nous les aurons. Nous les aurons quasi sans perte
de nos gens. Mon conseil m'a dit qu'ils sont tous nôtres ^ >
On ne perdit pas de temps : on mit à Tavant-garde les hommes
d'armes et les archers les mieux montés , quatorze ou quinze
cents chevaux, sous La Hire, Saintrailles et autres, et on leur
recommanda d'empêcher, sur toutes choses, que les Anglais ne
s'étiiblissent en c lieu fort » et ne se formassent en bataille à l'a-
bri de leurs palissades mobiles. Le connétable, le duc d'AlençoB
et le bâtard d'Orléans retinrent avec eux la Pucelle, à son grand
regret, et suivirent l'avant-garde du plus près qu'ils purent aiec
« la grosse bataille », forte de six à sept mille hommes. On che-
vaucha ainsi pendant cinq lieues sans rien voir, et Ton commen-
çait à craindre d'avoir perdu la trace des Anglais, quand les édai*
reurs de l'avant-garde firent lever un cerf qui s'enfuit à traders
les taillis. Un instant après, de grandes huées, poussées par pliH
sieurs milliers de voix, retentirent à quelque distance : le ccif
s'était jeté au milieu de l'armée anglaise. L'avant-garde française
précipita sa course.
Les capitaines anglais, en ce moment même-, débattaient h
question de savoir s'ils recevraient ou non le combat. Falstdf,
remontrant « comme lem's gens étoient ébaliis et effrayés », caor
seillait de les retirer dans les places fortes des environs, c jusqu'à
ce qu'ils fussent mieux rassurés » et qu'on eût reçu les renforts
attendus d'outre-mer. L'orgueil anglais se souleva chez la plupait
des chefs contre ce conseil de prudence. Le fier Talbot ne put se
résoudre à tourner le dos une seconde fois devant les Français,
et déclara que « si les ennemis venoient il les combattroit ». La
discussion durait encore quand on aperçut la tête de colonne de
la cavalerie française qui arrivait au grand trot. Il n'y avait plus
qu'à se défendre : les soldats anglais se mettaient en devoir de
descendre de cheval et de s'adosser à une longue haie, lorsque
plusieurs des capitaines crièrent que ce poste ne valait rien, et
qu'il fallait reculer d*un demi-quart de lieue et s'établûr entre
un bois et l'église fortifiée du village de Patai : ce mouvement (W
exécuté. Une telle manœuvre» en présence d'ennemis aussi aoda-
1. Déposition de Ounois, Procès, t. m, p. 11 ; du duc d'Alençon, ib. p. M; éi
sire de Termes, p. 120.
(1429] BATAILLE DE PATAL 179
cieux et aussi intelligents que La Hire et Saintrailles, était d'une
imprudence inouïe : avant que tous les Anglais eussent mis pied
à terre ^ et eussent planté devant eux les pieux aiguisés dont ils
se € remparoient », quinze cents cavaliers tombèrent sur eux
comme la foudre.
Le sort de la journée fut décidé en un instant : le vainqueur
de Rouvrai , Falstolf , et tous ceux des Anglais qui étaient encore
i cheval tournèrent le dos sans coup férir et a s'enfuirent à pleine
course pour sauver leurs vies ». Les autres, enfoncés et rompus du
premier choc, se jetèrent dans le bois et dans le village, et essayè-
rent de s*y rallier : ils furent poursuivis et forcés par le corps de
bataille des Français, qui n'avait pas tardé à suivre Tavant-garde.
TaJbotse rendit aux gens de Saintrailles; tous les autres capitaines
anglais, tous les riches Godom (Goddem, sobriquet des Anglais),
desquels on pouvait espérer de bonnes rançons, furent faits pri-
sonniers; on Ht main-basse sur les gens de « petit et de moyen
état », sur ces hommes d'armes et archers <i qu'ils ont coutume
d'amener de leur pays mourir en France », dit Monstrelet. Il en
resta bien trois mille morts sur la place 2. Les Français, suivant
la prédiction de Jeanne, n'avaient perdu presque personne. Telle
ftit la fin de cette belle armée qui s'était crue destinée à achever la
conquête de la France : les champs de l'Orléanais l'avaient dé-
corée tout entière (18 juin).
« Eh bien ! sire de Talbot, dit le duc d'Alençon au général
ndncu, vous ne vous attendiez pas ce matin qu'il vous en advien-
droit ainsi. — C'est la fortune de la guerre, répondit Talbot avec
rimpassibilité anglaise. » On lui montra, ainsi qu'à Suffolk, la
prophétie de Merlin sur la vierge du Bois-Chesnu. (Déposition de
1. U semblerait, d'après Monslrelet, que tous les archers des deux armées fus«
wat à cheval comme les gens d'armes.
2. U ne tint pas k Jeanne qu'on ne traitât les vaincus avec moins de rigueur :
tOe montra nne humanité touchante après la victoire. Un soldat ayant abattu san-
ibatà ses pieds un de ces malheureux, qui avait rendu les armes et qui deman-
dait merci, elle sauta k bas de son cheval tout indignée, souleva le mourant dans
ittbras, lui fit amener un confesseur, le consola et l'aida k mourir. Déposition
^ Louis de Contes, Procès, t. III, p. 72. Sur la bataille, voyez les dépositions du
<}&e d'Alençon , de Dunois , la Chronique de Perceval de Cagni , celle de Jean de
^'mln {Procès, t. III, p. U, 98; IV, p. 15, 412-424), tous témoins et acteurs, ei
^OBstreltt, Jean Chartier, la Chronique de la PuctUe.
180 GUERRES DES ANGLAIS. ii«b:
DunoisOTalbot ne resta pas longtemps captif : ce cbef an$rlab
était un homme d'un mérite éminent et d'un noble caractère, rt
SCS ennemis lui portaient une haute estime. Saintrailles, qui l'avait
pris, eut la générosité de le renvoyer sans rançon ; Talbot recomtQt
plus tard le bienfait de Saintrailles par un service semblable.
L'efl'et de cette canjpagne de huit jours fut prodigieux : peuple
et soldats ne connurent plus que Jeanne. La sublime enfant ne
changeait pas seulement la fortune; comme Jésus lui-même, elle
changeait les âmes. Le soldat oubliait son avidité et ses passions
brutales ; il venait sans « folle femme », sans pillage, sans marcU
pour sa solde, vivant de ce qu'on lui donnait, content de toot,
pourvu qu'il suivît la Pucelle. Le gentilhomme mettait bas sot
orgueil. Trop pauvre pour avoir destrier et armure, il wnrnà
sur un petit roussin , équipé en archer ou en coutillier. Ce
n'était qu'un cri dans le peuple et dans l'armée : c A Reims! i
Reims ! ' »
Il n'y avait qu'un lieu, dans le parti de la France, où le cri
public n'eût point d'écho : c'était le cabinet du roi. Là, Jeanne
s'était heurtée d'abord contre l'incrédulité; maintenant c'était
contre la peur des trop grands services. Le roi ressentait ooe
sourde jalousie contre cet ascendant impétueux qui entraînait
tout : un dévouement si éclatant l'offusquait; il sentait qu'il n'a-
vait lien h rendre à qui lui donnait tant. Jeanne, aussitôt après la
batiiille, avait couru chercher le roi à Sulli-sur-Loîre, château de
La Trénjoille, pour l'amener ù Orléans et le réconcilier avec le
connétable; elle échoua dans l'un et l'autre de ces desseins. Les
Orléanais, qui avaient déjà tendu leurs rues et paré leur ville,
ne reçurent point lu visite de l'ingiat monarque : LaTrémoiDe
ne lui permit pas de se rendre» h leurs vœux : le favori écartait
du roi tout spectacle qui eût pu ressusciter au fond de son Ane
quelque émotion virile et généreuse. Les instances de Jeanne,
secondées par le duc d'Alençon et par tous les capitaines, n'eu-
rent pas plus de succès en ce qui concernait Richemont. Le con-
nétable , au dire de son biographe, avait été jusqu'à prier U
Trémoille « qu'il lui plût le laisser servir le roi, et qu'il ferwt
1. Chionit/, de l'erccval de Cagni; — Chroniq» de la Pucelle; ap. Procès, Ul^»
p. 18. 2'i9.
CI4Î91 JEANNE ET LA TRÉMOILLE. 181
tout ce qu'il lui plairoit, fûi-ce jusqu'à le baiser aux genoux ». Il
s*humilia en vain : on lui réitéra Tordre de « retourner en sa
maison •. Charles déclara qu'il aimerait mieux n'être jamais
couronné que de voir Richemont à son sacre. Le connétable se
retira donc avec cette belle troupe de gens de guerre qui avaient
^ bien servi la cause nationale à Patai et qui n'eussent pas rendu
de moindres services dans les plaines de la Champagne ou (jie
nie-de-France. Richemont, malgré tant d'outrages, n'abandoima
point le parti de la France, et se vengea noblement en faisant la
guerre aux Anglais dans l'ouest, pour son propre compte. Xjii des
Bourbons, le comte de La Marche, ennemi de la Trémoille, fut
roavoyé comme le connétable : le favori eût volontiers traité de
même tous ces gens de guerre qui arrivaient de jour en jour au
camp, servant à leurs dépens, et ne reconnaissant d'autre nom
et d'autres ordres que ceux de la Pucelle^
Le roi, cependant, s'était transporté à Gien, rendez-vous géné-
ral assigné à l'armée. Mais, lorsque tous les chefs y furent réunis,
le 24 juin, le conseil du roi remit tout en question. « Il y a, di-
sait-on, entre Gien et Reims, trop de cités, trop de châteaux, trop
de places fortes bien garnies d'Anglois et Bourguignons! Mieux
vaut assiéger premièrement Cosne et La Charité, parachever de
nettoyer le fleuve de Loire » D'autres princes du sang et
capitaines voulaient qu'on allât en Normandie, c'est-à-dire par-
tout ailleurs qu'à Reims. Jeanne, « par dépit, se délogea et alla
loger aux champs » (27 juin) 2.
Elle ne doutait pourtant pas qu'oîi ne linîl par la suivre ; l'avant-
veille (25 juin), elle avait mandé à la vaillante et tidèle cité de
Tournai les triomphes des Français sur la Loire et l'avait invitée
à envoyer des députés au sacre du roi àReims^, puis, le 26, elle
avait fait partir pour la Flandre un héraut porteur d'une Icllre oîi
die conjurait le duc de Bourgogne de rompre avec les ennemis do
sa patrie et de venir au sacre.
1. i, Chartier, ap. Procès y 1. IV, p. 70-71.
2. Perccval de Cagni; Procès, t. IV, p. 17-18. — Chroniq, de la P«ce//c,, ib.
p. 246. ~ Déposition de Duuois, ib, t. III, p. 12.
3. « Gentils loyaux François de la ville de Tournai, la Pucelle vous fuit suvoir
des nouvelles de par deçà, etc. » Procès, t. V, p. \?.b. Elle envoya des le'ires
semblables à plusieurs bouues villes. Les TuuruuisiciiH (iéléictcui à i'iuviiuiion.
182 GUERRES DES ANGLAIS. ruïf]
Le cri de l'armée était trop fort. Elle se fût débandée plutôt que
de se laisser conduire à une autre entreprise. II fallut céder. Le
roi se mit en route, le 29 juin, à la tète de douze mille combattants,
presque tous à cheval. On ne distribua aux gens d*armes que
trois francs d'or par tôte pour leur entrée en campagne ; rien ne
rebuta les soldats. L'armée prit la route d'Auxerre. Quatre roob
à peine s'étaient écoulés depuis que Jeanne était entrée, humble
et ignorée, dans cette même ville de Gien, et avait vu pour la
première fois cette belle Loire dont elle devait immortaliser les
rivages : en quatre mois, la bergère de Domremi avait changé h
face d'un empire !
Il ne fallait pas moins que les prodiges accomplis pour répondre
des prodiges à accomplir. L'expédition de Reims était, de vrai,
un « hardi voyage » : plus de soixante lieues de pays occupé par
l'ennemi, et plusieurs «grosses villes 9, dont chacune pouvait
arrêter le roi durant toute la saison, si elle voulait se défendre,
séparaient le point de départ du but, et l'on se lançait à Taventure,
sans argent, sans provisions, sans artillerie de siège. L*audace
même de l'entreprise était ce qui enivrait le soldat. L*armée se
présenta d'abord devant Auxerre, cité dévouée au duc de Bour-
gogne, à qui le régent anglais l'avait engagée : les bourgeois
d'Auxerre agirent avec prudence et « cautelle 1 ; ils offrirent et
vendre des vivres à l'armée et prièrent le roi de passer outre et
de leur accorder provisoirement « abstinence de guerre >, s'en-
gageant à lui « faire telle obéissance que feroient les villes de
Troies, Châlons et Reims ». Leurs députés donnèrent sous main
deux mille écus d'or à La Trémoille. Le roi octroya la requête, an
grand mécontentement de la Pucelle et des capitaines, qui eussent
voulu soumission entière ou l'assaut. On s'éloigna d'Auxerre; on
entra sans résistance à Saint-Florentin, d'où Ton marcha sur
Troies. Dès qu'on eut mis le pied en Champagne, Tattitude des
populations justifia les promesses de Jeanne et les espérances de
l'armée : non-seulement les Français étaient salués sur leur pas-
sage comme des libérateurs, mais l'élite de la noblesse et do
peuple accourait grossir leurs escadrons.
Il n'en fut pourtant pas de môme à Troies : dans cette capitnie
de la Champagne, la population était divisée : le c commun peu-
[1419] MARCHE SDR REIMS. 183
pie » et le clergé inclinaient à « se tourner François » ; mais les
gentilshommes d'alentour et les notables bourgeois croyaient avoir
à redouter la vengeance de Charles VII : leur ville avait donné
son nom au trop fameux traité d'exhérédation et y avait souscrit
la première; ils étaient d'ailleurs encouragés à la résistance par
une petite garnison de cinq à six cents Anglais et Bourguignons.
Le clergé ne savait trop que penser de la Pucelle. Le fameux cor-
delier frère Richard, qui avait récemment prêché avec tant d'éclat
à Paris, était alors à Troies. L'évéque et le doyen de la cathédrale
l'envoyèrent au-devant de Jeanne pour voir si c'était bien « chose
de par Dieu ». Il la joignit comme l'armée arrivait devant Troies ;
à son aspect, il se mit à faire des signes de croix et à jeter de
Veau bénite. « Approchez hardiment, dit-elle en souriant : Je ne
m'envolerai pas^ ». Frère Richard, convaincu par celte épreuve,
rentra en ville avec le héraut porteur de la sommation du roi et
de celle de Jeanne, et commença de travailler en faveur des Fran-
çais; mais les magistrats municipaux le firent arrêter, et jetèrent
au feu la lettre de la Pucelle *. Durant cinq jours, l'armée resta
campée au pied des murs de Troies, sans que la ville parût dis-
posée à ouvrir ses portes : le conseil du roi et les chefs de guerre
étaient fort en alarme. L'abondance régnait dans la ville ; la di-
sette, dans le camp : les vivres étaient si rares et si chers que les
soldats se voyaient réduits à égrainer les épis de blé sur leurs tiges.
On fut fort heureux de trouver aux portes de Troies de grands
champs de fèves. Le conseil s'assembla sans que la Pucelle fût
appelée, et mit en délibération si l'on ne retournerait pas vers la
Loire. La Trémoille y poussa de tout son pouvoir, secondé par le
chancelier. On eût dit que l'archevêque de Reims aimait mieux
1. Procéit 1. 1, p. 99-100; interrogatoire du 3 mars 1431.
2. On a retrouvé cependant une copie de la sommation de la Pucelle « aux sei-
gneurs, bourgeois et habitants de Troies », en daie du 4 juillet.
« Jehanne la Pucelle tous mande et fait savoir, de par le roi du ciel, son droi-
tnrieret souverain seigneur, duquel elle est chacun jour en son service royal, que
TOUS fassiez obéissance an gentil roi de France qui srra bien bribf (bientôt) a
EBiMs BT A PABI8, qui que vienne contre « et en ses bonnes villes du saint
royaume, à l'aide du roi Jhésus, etc. ». Prncên, t. IV, p. 287, et Archive* législa-
tiven de la ville de ReitM, publiées par M. Varin, 2« partie, Statuts, 1. 1. Celte pièce
est extraite de la très intéressante relation de Jean Rogier, écrite d'après les chartes
et titres de Thôtel de ville de Reims.
184 GUERRES DES ANGLAIS. IMS]
ne pas recouvrer sa cite archiépiscopale que d'en devoir la recou-
vrance à Jeanne : il était de ceux qui ont « des yeux pour ne point
voir » et devant lesquels s'accomplissent en vain les miracles des
forces morales. Il assurait au roi que ce serait folie de s'opiniàtrer
davantage devant Troies, ou d'essayer de prendre d*assaut cette
grande et forte cité.
Le chancelier dctnanda successivement les opinions des assis-
tants, en commençant, suivant une bonne et louable coutume
depuis longtemps en usage dans le conseil, par les i)ersonnages
les plus jeunes et les moins considérables. La plupart opinèrent
pour le retour à Gicn; d'autres pour qu'on alldt droit à Reims
en laissant Troies; mais le vieux Robert Le Maçon, sire de Trêves
sur Loire, qui avait été chancelier du temps des Armagnacs,
et qui était parvenu à éviter de partager l'exil de ses amis Tan-
negui et Louvet, demanda qu'on ne décidât rien avant d'avoir
entendu la Pucelle. Les signes d'en haut qui laissaient insensible
l'àmc aride du chef de l'Église et de la Justice avaient touché et»
vieux factieux, qui avait gardé un cœur d'honnne. Tandis qu'on
discutait encore, on entendit frapper rudement à la porte : c'étiil
Jeatme, qui arrivait sans avoir été prévenue. On l'introduisit, et
le chancelier la requit de donner son avis. « Serai-je crue de a*
que je dirai? demanda-t-elle, en se tournant vei-s le roi. — Je ne
sais, répondit-il : si vous dites chose raisonnable et profitiible, je
vous croirai volontieis. — Serai-je crue? reprit-elle avec force.—
Oui, selon ce que vous direz. — Noble dauphin, ordonnez à votre
gent d'assiéger la ville, et ne tenez pas plus longs conseils; car,
en nom Dieu, avant trois joui*s, je vous introduirai en la ville do
Tioies par amour ou pm* puissance. — Jehanne, dit le chance-
lier, si l'on étoit ceilain de l'avoir dans six jours, on attendroit
bien, mais je ne sais si ce que vous dites est vrai. — Ne doutez de
rien! s'é(»ria-t-elie en s'adressant de nouveau au roi; vous scn'2
demain mattre de la cité ! * »
On résolut de suspendre le déj)art et de la laisser faire. lie
soir api)rochail ; Jeanne n'attendit pas jusqu'au lendemain : elle
monta à cheval, fit mettre l'armée sur pied, avancer les tentes
1. n»^|M)»iiions iW Dunois fl de Simou Charles, Procét, t. lU, p. 13-11".—
CIjui litr, ibtU, l. IV, p. 73-75. —^Journal du ùéye d*OrléiUU, ibid, p. 182.
C1429] JEANNE DEVANT TROIES. 185
jusqu'aux bords du fossé de la ville, et préparer des fascines pour
le combler. Chevaliers, écuyers, archers, manouvriers travail-
lèrent pêle-mêle à arracher, dans les maisons des faubourgs,
portes et tables, fenêtres et chevrons, à construire des t taudis »
avec ces débris pour proléger les approches, et à établir en batte-
rie le peu de menue artillerie qu'on avait amené. Jeanne, au rap-
port du comte de Dunois, « fit si merveilleuses diligences que
tant n'en auroient pu faire deux ou trois hommes de guerre des
plus expérimentés ». Le tumulte nocturne de ces préparatifs com-
mença d agiter grandement la ville. Ce fut bien pis, au lever
du soleil, quand on vit llolter devant les remparts ce mysté-
rieux étendard de la Pucelle qui passait pour doué d'une « vertu »
surhumaine, et qu'on entendit Jeanne crier à l'assaut d'une
Toix retentissante. Les bataillons français , chargés de fascines
et d'échelles, s'avançaient déjà vers le fossé avec autant d'assu-
rance que si les hautes murailles et les fortes tours de la cité
eussent été incapables de les arrêter un instant. Une terreur
soudaine glaça les assiégés : quelques-uns crurent voir voltiger
autour de la bannière de Jeanne une multitude d'esprits sous
la forme de papillons blancs; le peuple en masse cria qu'il
voulait traiter, « voulussent ou non les seigneurs, chevaliers et
écuyers* ».
La ganiison céda : l'évêque, les princii)aux bourgeois et les
« chevetaines » des gens d'armes se rendirent à la hâte auprès du
roi, qui, dans sa surprise et dans sa joie, se montra peu difficile
sur les conditions : les gens d'armes obtinrent de sortir avec
tous leurs biens; les bourgeois se mirent en l'obéissance du roi ,
et reçurent « abolition » (anmistie) générale ; les bénéflciaires
nonnnés par le gouvernement anglais gardèrent leurs bénéfices.
Il fut stipulé que ceux des bourgeois, s'il en était, qui refuse-
mient de prôtei* serment au roi, auraient huit jours pour empor-
ter leurs meubles et se défaire de leurs immeubles : la ville ne
reçut point de gouverneur ni de garnison; le roi promit que les
impôts ne seraient plus atïermés, et les Troyens conservèrent la
liberté de commercer avec Paris, la Bourgogne et les autres pays
1. Relttiiou de Jcau Rogier, up. Procès, l. IV, p. 296-297.
186 GUERRES DES ANGLAIS. ru?9]
qui n'étaient point encore réduits en Tobéissance de Charles Vil*.
La garnison anglo-bourguignonne évacua Troies le lendemah)
au point du jour : la précipitation avec laquelle on avait confia
le traité avait fait oublier qu'un certain nombre de prisonniers
français se trouvaient entre les mains des ennemis; les gens
d'armes, aux termes de la capitulation qui leur octroyait la con-
servation « de tous leurs biens », voulurent emmener leurs cap-
tifs, pour ne pas perdre les rançons : la lettre du traité était en
leur faveur, et le roi eût laissé partir les prisonniers ; mais, lors-
que ces pauvres gens, au sortir de la ville, aperçurent la Pucelle
debout près de la porte, ils se jetèrent à genoux et appelèrent
Jeanne à leur aide en pleurant. Le sang monta au visage de
Jeanne : « En nom Dieu, s'écria-t-elle, ils ne les emmèneront
pas! » Et elle ordonna au convoi de s'arrêter. Il n'y eut pas moyen
de dédire Jeanne. Le roi donna aux ennemis quelque argent dont
ils se contentèrent, et les captifs s'en allèrent libres, en comblant
la Pucelle de bénédictions *.
Le roi fit son entrée à Troies dans la matinée, aux accla-
mations populaires. Dès le lendemain, 11 juillet, sur les vives
instances de Jeanne, l'armée se remit en marche et se dirigea
rapidement sur Châlons, « la Pucelle allant toujours devant, ar-
mée de toutes pièces ». Le peuple de Châlons, son évoque en tète,
se porta joyeusement au-devant du roi et de la Pucelle : tout ce
pays était français de cœur. Jeanne retrouva à Châlons quelques-
uns de ses compatriotes de Domremi , accourus de leur village
pour la voir passer dans sa gloire. Elle les accueillit avec autant
de bienveillance et de simplicité qu'elle l'eût pu faire sous le
chaume paternel : ces bonnes gens ne se lassaient pas de la con-
templer et de la questionner; comme ils lui demandaient où elle
prenait tant de hardiesse, et si elle ne craignait pas la mort quand
cl\p allait au combat : « Je ne crains que la trahison! » répondil-
elle'^. Paroles prophétiques, qui attestent que sa candeur n'ôtait
1. Voir, dan5 le t. XIII des Ordonnanef.n, p. 142, le traitô du roi avec la Tille de
Troies, en date du 9 juillet 1429.
?. Martial de Paris, Vigilex df la mort dn roi Charte» le nepti^me. — Chromq,
de In Pucelle» — Journal du xiéqe d'Orlinm,
3. Disposition de Gérard in d'Kpinal, paysan de Domrenii. — Procès, t II» p. 423.
[14!»1 ENTRÉE A REIMS. 187
rien à sa pénétration, et qu'elle lisait, avec Tintuition du génie,
dans les âmes perverses qui entouraient le roi. Elle ne conservait
d'illusion que sur Charles.
L'arraée n'hébergea qu'une nuit à Châlons, et, le dix-huitième
jour de son voyage, elle aperçut enfin les tours de Notre-Dame de
Reims (16 juillet). Charles VII avait encore peur d'échouer au
port : la ville avait pour gouverneur le sire de Châtillon-sur-
Manie, Bourguignon opiniâtre, qui poussait les habitants à la ré-
sistance. Jeanne affirma qu'on n'aurait point à tirer l'épée. L'évé-
nement, comme à Troies, justifia sa prédiction : à la nouvelle de
rapproche des Français, les Rémois montrèrent de telles disposi-
tions, que Châtillon quitta la place. Les bourgeois expédièrent à
Charles VII des députés chargés des clefs de la ville : l'archevéque-
chancelier Regnauld de Chartres, qui n'avait pu jusqu'alors pren-
dre possession de son siège archiépiscopal, fit aussitôt son entrée
dans Reims; puis le roi entra le soir en grande pompe à la tôle de
Tarmée. La nuit fut employée aux préparatifs du sacre ; à force
de diligence, tout fut prêt pour le lendemain; c'était le dimanche
17 juillet. La journée commença heureusement: quelques heures
avant la cérémonie, on vit arriver un nombreux renfort de cava-
lerie barroise et lorraine, conduit par René d'Anjou, duc de Bar
et gendre du duc de Lorraine : la Lorraine et le Barrois, comme
nous l'avons déjà dit, s'étaient réconciliés au profit de la France,
et Jeanne n'avait peut-être pas été sans influence sur ce rappro-
chement. La Pucelle avait à cœur une autre réconciliation plus
décisive, et, avant l'heure du sacre, elle dicta une seconde lettre
au duc de Bourgogne, qui n'avait point répondu à sa première dé-
pêche, expédiée de Gien. On a conservé cette pièce intéressante* :
la forme en est analogue à celle de la sommation envoyée aux
généraux anglais devant Orléans; la lettre, comme toutes les
dépêches de Jeanne, est écrite au nom de Jhesus Maria. La Pu-
celle y prie et requiert le duc Philippe, « à mains jointes, de par
le roi du ciel, de faire bonne paix avec le roi de France ; — Par-
1. Elle est à Lille, anx archires de la chambre des comptes de Lille, atijntir-
d*bai réunies à celles du département du Nord. — On n'a plus la première lettre
de Jeanne, qui se trouve rappelée dans celle-ci , et où Jeanne convoquait le duc
Philippe au sacre.
188 GUERRES DES ANGLAIS. [1429]
donnez Tun à l'autre de bon cœur, comme doivent faire loyaux
chrétiens ! » Elle lui fait < à savoir que tous ceux guerroient au
saint royaume de France guerroient contre le roi Jhésus, et ne
gagneront plus de batailles à rencontre des loyaux François ».
Le sacre eut lieu dans Notre-Dame de Reims^ selon les rites ac-
coutumés : le duc d'Alençon , les comtes de Clermont et de Ven-
dôme, les sires de la Trémoille et de Laval, et un autre seigneur,
représentèrent les six pairs laïques de Tancienne monarchie : les
regards des assistants se portaient bien moins sur les acteurs de
cette imposante cérémonie, que sur Jeanne la Pucelle, debout,
près de l'autel, son étendard en main < . Cette céleste figure, illu-
minée par les rayons mystérieux qui tombaient des vitraux peints,
semblait l'ange de la France présidant à la résurrection de la pa-
trie : on eût dit qu'autour d'elle, à l'appel des trompettes qui son-
naient « à faire fendre les voûtes de la cathédrale > >, s'animait
tout ce peuple hnmobile et muet de séraphins, d'évêques et de rois
qui remplit et environne l'auguste basilique.
Après que les pairs eurent proclamé le roi et que Charles VII
eut reçu l'onction sainte 3, Jeanne s'avança vers lui et lui embrassa
les genoux, en « pleurant à chaudes larmes >» : t Gentil roi, lui
dit-elle, ores est exécuté le plaisir de Dieu, qui vouloit que vous
vinssiez à Reims recevoir votre digne sacre, en montrant que vous
êtes vrai roi, et celui auquel le royaume doit appartenir! > Des
acclamations entrecoupées de pleurs sympatliiques tirent retentir
de toutes parts les voûtes de la cathédrale. Qu'importait l'indi-
gnité personnelle du roi et de l'archevêque de Reims, du consé-
crateur et du consacré ? C'était la France renaissante qui se sacrait
elle-même! On senUiit que rien de si grand ne s'était accompli
dans la cité de saint Rémi, depuis le jour où l'apôti'e des Franks
avait initié Clovis et son peuple à la foi du Christ. La pâle et froide
ligure de Charles VII disparaissait dans l'auréole de la libératrice.
La gloire de Jeanne était parvenue au-dessus de toutes les gloi-
res, était surtout d'une autre nature que toute autre gloire, de
1. // avait été à la peine , dit-i^lle plus tard dle-iuéme, c'éioii bien raiton qu'il
fût a l'honneur. Procès, t. I, p. 304.
2. Lettre de trois gentilshommen antjevin», elc, ap. Procès, I. V, p. I'i9.
3. Le roi n'vui, uprcs le sucre, Tordre de chcvuleric do la iiiuiu du duc U'AUu^od.
riî29] LE SACRE. 189
môme que sa siûnteté était, aux yeux du peuple, autre que la saiu-
teté ordinaire : c'était la sainteté d'un être descendu du ciel plutôt
que d'un être qui lutte pour gagner le ciel. Le peuple la béatifie
de son vivant sans attendre l'épreuve de la mort ni la consécration
de l'Église. Les gens de guerre, les nobles hommes, abandon-
nent en foule leurs armes, leurs blasons, pour se faire faire des
étendards pareils à celui de la Pucelle^ Le peuple porte au cou
des médailles à son effigie a comme c'est la coutume pour les
saints canonisés 2 »; il place ses portraits et ses statues dans les
églises^ ; il fait introduire en son honneur, dans les offices de l'É-
glise, des collectes où l'on remercie Dieu « d'avoir délivré son peuple
parla main d'une femme ^»; il l'élève au-dessus de tous les saints,
hormis la seule Vierge Marie; c'est pour lui comme Notre-Dame
armée. Il croit qu'elle ressuscite les morts^*. Il se croit gouverné
directement par le ciel. Par elle, transporté, en quelque sorte,
dans un autre monde, le peuple vit dans le surhumain comme dans
son atmosphère naturelle. La France redevient une nation de
voyants, comme la Gaule des druides ou l'Israël des prophètes. Des
légions surnaturelles combattent avec les hommes de France.
Jeanne commande à une double armée. Au moment de la marche
sur Reims, les pays de l'ouest ont vu chevaucher vers le nord de
gnmds chevaliers blancs parmi les airs tout en feu*.
La véritable histoire de la mission de Jeanne, obscurcie dès la
génération suivante, était restée jusqu'à nos jours voilée de nuages,
qui se dissipent enfin pour la gloire éternelle de l'envoyée de Dieu,
pour l'éternelle flétrissure de ceux qu'elle avait sauvés et qui l'ont
trahie. On a cru, durant des siècles, d'après une version accréditée,
lors du procès de réhabilitation, par la politique du gouverne-
1. Procès t. I, p. 97.
2. Interrogatoire dn 3 mars 1431 ; Procès, 1. 1, p. 291. M. Rollin a donné le des-
sein d'une de ces médailles dans la Bévue de numismatique, 1. 1, p. 41 3. Elle est
en plomb, et représente, sur la face, une tête de femme grossièrement dessinée;
sur le revers, une épée entre deux fleurs de lis.
3. Ibid.f p. 290-291. On a retrouvé une de ces statuettes en bronze. M. Vallet
de Viriville Ta fait graver dans V Illustration du 15 juillet 1854.
4. Deus, auctor pacis, qui sine arca (arcu) et sagiita inimicos in te sperantes
elidis, subveni, qusesunius, Domine, ut nostrani propitius tuearis adverâitatera, ut
sicui populum tuum per manum feminœ liberasti, etc. Procès, V, 104.
5. Procès, t. I, p. 105, 290. 6. Procès, t. V, p. 121.
190 GUERRES DES ANGLAIS. [1429]
ment de Charles VII, que Jeanne, après le sacre de Reims, avait
considéré sa mission comme accomplie, et n'était restée auprès
du roi que par déférence pour lui • ; que désormais elle n'avait
plus manifesté la même certitude d'être conduite au but, la même
foi dans Tinfaillible protection d'en haut. Tout cela n'est qu'er-
reur ou mensonge : Jeanne n'avait exécuté que les premières
parties de sa mission; elle avait toujours, pour l'achever, même
ardeur, même inspiration, même puissance. L'attente immense
que le peuple avait d'elle, elle sentait en elle de quoi la remplir.
Comme elle avait annoncé la délivrance d'Orléans et le sacre de
Reims, elle aimonçait la recouvrance de Paris et de la France en-
tière; elle était assurée de pouvoir l'accomplir.
C'était là ce qu'elle annonçait en toute certitude; mais ce n'é-
tait pas tout ce qu'elle entrevoyait, sinon comme promesse for-
melle de ses voix, du moins comme espérance. Elle devait diriger
au dehors l'action de la France délivrée. Le monde n'était pas
trop grand pour les ailes de ce jeune aigle. Dans ses lettres au
régent anglais, au duc de Bourgogne, on aperçoit la pensée de
réunir toute la chrétienté contre les Turcs, contre les « Sarra-
sins », comme elle dit dans la vieille langue des croisades. Ainsi
elle rêve de prévenir la chute imminente de Constantinople. Elle
mande aux hussites de la Bohême, qu'on lui a dit être devenus
d'hérétiques païens et sarrasins, que, s'ils continuent à détruire les
saintes images et les églises, elle les visitera « avec son bras ven-
geur ». « Si vous revenez vers la lumière qui luit maintenant.
1. Le point de départ de cette erreur est la déposition du comte de Dunois, dé-
position pleine de lacunes, et dans laquelle Tancien compagnon d'armes de Jeanne
cherche évidemment à accommoder sa vénération pour la mémoire de la Pucelle
avec ses ménagements envers d*auires ; ses souvenirs sont, sans nul doute, altérés
par celte préoccupation. « Quoique Jehaune, dit-il, parlât quelquefois, par ma-
nière de jeu, pour animer les gens d'armes, de maintes choses touchant la guerre,
lesquelles peut-être ne sont point venues k effet, néanmoins, quand elle parloit
sérieusement de la guerre, de son fait et de sa vocation, elle n'affirmoit jamais
rien, sinon ceci : a Qu'elle avoit été envoyée pour lever le siège d'Orléans et
secourir le peuple opprimé en celte ville et lieux circonvoisins, et conduire le roi
k Reims pour qu'il y fût consacré. » {Procès, m. 16.) Cette déposition, écrite en
1456, sous l'empire de sentiments très complexes, ne saurait balancer en aucune
façon les témoignages surabondants de l'année 1429, la déposition du duc d'Alen-
çon, lô plus intime confident de Jeanne, la Cnrouique de Perceval de Cagni, écrite
en 1436, ni surtout lu parole de Jeanne elle-même, -v, ci -dessus, p. 16a
[I429J GLOIRE ET ASCENDANT DE JEANNE. 191
adressez-moi vos envoyés : je vous dirai ce que vous avez à
faire *.*
Le sentiment public en France et bientôt dans une partie de
l'Europe était réellement disposé à la croire en toutes choses sur
€ ce qu'il y avoit à faire ». L'Italie, l'Allemagne, les Pays-Bas,
l'Espagne étaient en émoi par les nouvelles de la « Sibylle de
France 2 ». Bonne Visconti , prétendante au duché de Milan , pré-
sentait requête à « Jehanne, envoyée du roi des cieux », pour être
remise en sa seigneurie ! * Le comte d'Armagnac , fils du trop
fameux Bernard, écrivait à Jeanne du fond de l'Aragon, où il s'était
retiré, pour lui demander « qui étoit vrai pape », de Martin V,
élu au concile de Constance, ou des deux successeurs que quel-
ques cardinaux avaient donnés, dans les montagnes de Valence,
aux vieux pape déposé, Benoit XIII *. Jeanne répondit au comte
qu'elle ne pouvait rien lui « faire savoir au vrai, pour le présent »,
parce qu'elle était t trop empôchiée au fait de la guerre », mais
que, quand elle serait à Paris, « à requoi (en repos) », elle lui
ferait « savoir tout au vrai auquel il devroit croire », et ce qu'il
aurait à faire, après qu'elle l'aurait su « par le conseil de son droi-
turier et souverain seigneur, le roi de tout le monde* ».
1. Procès, U V, p. 156. — La lettre est postérieure de quelques mois à Tépoque
du sacre : elle est du 5 mars 1430. Jeanne ne pressentait pas alors qu'elle aurait
le sort de Jean Huss!
2. Sibylla francica, v. le curieux traité écrit par un clerc de Spire sous ce
titre (juillet, septembre 1429); les Propositions de Henri de Gorkum, vice-chance-
lier de l'université de Cologne, sur IhPucelle. Procès, t. UI, p. 411-422; les poé-
sies latines d'Antoine Astesan (Antonio d'Asti); ib, t. V, p. 22, etc. Les lettres
écrites par des princes étrangers en France, pour s'informer au vrai du fait de la
Pucelle, nous ont valu deux réponses très importantes : la lettre de Perceval de Bou-
lainvilliers, sénéchal de Berri,au duc de Milan (21 juin 1429), et la lettre d'Alain
Cbariier (fin juillet 1429), a un prince qui n'est pas désigné (peut-être le duc de
Savoie, suivant les conjectures de M. Quicherat); Procès, t. V, lt4; l3l. La
lettre d'Alain est dans un latin très chargé de rhétorique, mais qui sent déjà' plu-
tôt la Renaissance que la barbarie des scolastiques contemporains. Sous cette
forme un peu artificielle éclate un enthousiasme entraînant.
3. Procès, t. V, p. 253.
4. Après la mort du pape scbismatique Benoit Xm, les cardinaux qui lui étaient
restés attachés avaient divisé leurs suffrages sur deux têtes. Quelques seigneurs
d'Aragon et de Gascogne s'obstinaient U soutenir l'un ou l'autre de ces deux pré-
tendus papes. L'un des deux, sur c^s entrefaites, fit sa soumission k Martin V.
5. Procès, t. I, p. 243-246. Nous citons d'après le texte donné au procès : il
faut dire, cependant, qu'il y a des doutes sur l'exactitude du texte, Jeanne n'ayant
pas entièrement avoué cette réponse.
192 GUERRES DES ANGLAIS. [li»]
La croyance se propageai l par tout que c*6t<'Ut tout le moins
qu'elle eût à faire
De détruire TEn^lcscherie ;
qu'elle empocherait « que la foi ne fût périe »; que
En chrcstient(^ et en TÉglise
Seroit par elle mis concorde ;
enfin, qu'elle conquerrait la Terre-Sainte et y unirait sa vie
dans la double gloire de la terre et des deux ^
1. On a retrouvé un témoignage très précieux de ce qn*on peut nommer le dii-
pazon des esprits à l'égard de la Pucelle immédiatement après le sacre. Ce sont
les derniers vers qu'ait écrits la vieille Christine de Pisan, rhistorien- poète de
Charles Y, sortie du cloître, où elle s'était enfermée depuis les calamités de 1418»
pour saluer, d'une voix près de s'éteindre, la renaissance delà France.
Je Christine, qui ai plonré Reprit k luire le soleil;
Onze ans en abbaye close. . . Il ramène le bon temps neuf
Ore k prime* me prends à rire. et la très belle
Saison qne printemps on appelle
L'an mil quatre cent vingt et neuf Oti tonte rien** se renonveUe.
• Pour !■ premier» f.»i«. ** Toatr thtme.
Tout le petit poème qui suit, en date du 31 juillet 1429, n*est qn'nne hfBncI
la PuccUe et à sa « divine mission. »
Jehanne, de bonne heure née*. Sa grand grflce, et qui ot* et a
Béni soit ciP* qui te créa! Toute largesse de hant don,
Pucelle de Dieu ordonnée. Qui te rendra assez gnerdon**?
En qui le Saint-Esprit réa '**
* Nr« daiit utip heure (or- ** Olai. * Bat.
tun4c. *" Irradia, rayonna. ** lUeompenap.
Elle la met au-dessus de tous les preux, au-dessus d'Hector et d'Achille, ao-de*-
sus de Josué, de Gédéon et de toutes les femmes fortes de la Bible, et ne trooff
que Moïse k lui comparer.
Merlin et la Sybille et Bède*, Qu'à tous cenx de qni Pen* raisonne,
Plus de mille ans a, la vélrent** Et n'a pas encor tont parfait.
En esperit, et pour remède
A France en leurs escrits la mirent Ne sai si Paris se tiendra
Et leurs prophéties en firent.
Ne si la Pucelle attendra;
Donc, dessus tous lés preux passés. Mais, s'il en fait son ennemie,
Ceste***doii porter la couronne Je me doubt que dure escremie**
Car ses faits ja montrent assez, Lui rende, si qu'aillenrs a fait.
Que plus prouesse Dieu lui donne S'il résiste heure ne demie,
* Lliiilorirn He« Aiigln-Sairtii*,
" Virent.
•L'on,
a qui Ir moyen àftc allribuail un
•" Olle ci.
"Dur
eiprit dr proplirlir.
IMMENSE ATTENTE POPULAIRE. 193
•ésuiuer cette fortune inouïe, on peut dire que cette ber-
iix-huit ans tenait dans sa main l'État et l'Église ; qu'entre
î et celle de tous les prélats de France le peuple n'eût pas
1 instant.
it le péril, là était l'écueil, non pas de sa sainteté ou de
e, mais de sa prospérité.
îmi que Jeanne avait à redouter, ce n'était pas celui au-
faisait la guerre. L'Anglais est impuissant contre elle. Si
>se agir, la marée montante du peuple armé, qu'elle sou-
[u'elle sait conduire, submergera toute résistance. L'An-
doute pas, lui, de la puissance surhumaine de Jeanne :
^eil refuse de s'humilier sous la main de Dieu, sa su-
a * accuse l'enfer de sa défaite 2. Il s'épouvante de ses
je crois, de son fait. Et les hérites** de vie orde
' entrera, qui qu'en grogue! Destraira, car ainsi l'accorde
. . Par elle Anglois Prophétie qui Ta prédit,
ois jus sans relever.
Des Sarrasins fera essart ***
ut le moins qu'affaire ait En conquérant la Sainte Terre ;
:ruire l'Englescherie, Là menra ,% Charles que Dieu gard î
a ailleurs plus haut hait : Ains qu'il muire fera tel erre ****.
3 la foi ne soit périe. Cilz est cil* qui la doit conquerrc.
Là doit-elle finer sa vie
stienté et en r Église Et l'un et Pautre gloire acquerre :
elle mis concorde. Là sera la chose assovie **.
créants dont on devise
bl».
,*, Ménerti.
• 11 eu eelui.
étique».
•"• Afânl qu"il nirure, il
** Aeeomplie.
a défricbemenl : elle
fera ce «ojage.
let Sanrasiaa.
èce, si importante pour l'histoire de Jeanne Darc, a été publiée, en
M. Jubinal, d'après un ms. de la bibliothèque de Berne. M. Quicherat
ite dans le t. V du Procèt, p. 3-21.
serstitieux comme un Anglois »» disait un proverbe cité par un des té-
irocës de rôbabiliiation; Procès, t. U, p. 370. Les Français, au contraire,
)our peu crédules, ce qui fit penser en Europe qu'on n'avait pas admis
la mission de Jeanne.
eux idées contradictoires se mêlent singulièrement dans une lettre de
ienri VI, ou plutôt au couseil d'Angleterre, écrite vraisembablement du-
rchc sur Reims. « Toute chose a prospéré pour vous jusqu'au temps du
éans, entrepris Dieu sait par quel conseil» Auquel temps, après l'aven-
c à la personne de mon cousin de Salisbury, que Dieu absolve ! arriva par
Dieu, comme il semble, un grand méchef sur vos gens qui éloient là as-
t grand nombre, lequel provint en grande partie, comme je pense, par
l des fausses croyances et folles craintes qu'ils ont eues'd'un disciple et
VEnnemi (de Saian), appelé la Pucelle, lequel a usé de faux enchante-
13
194 GUERRES DES ANGLAIS. (14»]
propres clameurs contre « la sorcière de France », clameurs qui
n*excitent que la risée de ses adversaires. Quand on pouTait dea-
ler encore, les prélats, les docteurs n'avaient-ils pas garanti qu'il
n'y avait a que tout bien et nul mal en la Pucelle? > Une voix plus
révérée qu'aucune autre dans l'Église de France, la yoîx de Jean
Gerson, ne s'était-elle pas élevée du fond du clottre pou^reme^
cier Dieu et déclarer qu'on pouvait « pieusement et salutaire-
ment » accepter l'aide et « soutenir le fait > de la Pucelle!
dernière manifestation de l'illustre vieillard qui allait mourir,
comme Siméon, après avoir vu le Sauveur envoyé de Dieu *, et qui
eut le bonheur de quitter la terre avant d'être témoin de Toppro-
bre ineffaçable dont allait se couvrir sa chère université de
Paris ^.
Mais maintenant, qu'importaient au peuple de France tous ces
témoignages, celui de Gerson même! Jeanne n'avait plus à de^
mander caution à personne sur la terre. Sa vie et ses victoires se
confirmaient mutuellement; on la voyait si pure que son aspect
suffisait à bannir du cœur des hommes toute pensée chamelle';
à la fois si impérieuse dans tout ce qui était de sa mission, c de sa
charge », comme elle disait avec tant d'énergie, et si modeste en
toute autre chose, réprimandan t doucement les bonnes gensqui lui
apportaient des anneaux à toucher et à bénir ^ et attendaient de ce
contact des vertus miraculeuses ; simple comme les enfants parmi
uients et sorcerie. Lesquels méchefs et déconfiture ont non-seulement fort diminie
le nombre de vos gens, mais abattu en merveilleuse façon le cosrage de ee« qsi
restent, et ont encouragé vos adversaires et ennemis k s'assembler incontlBent ci
grand nombre. »
Rymer, Aciat t.X,p, 408. C'est la traduction littérale. La lettre est en anglais,
suivant l'usage introduit sous Henri V.
1. L'opuscule de Gerson fut publié à Lyon le 14 mai, à la noofelle de U le
vée du siège d'Orléans. Gerson mourut le 12 juillet.
2. Gerson rejeta ainsi d'avance la solidarité du sang de Jeanne Darc Céliit
déjà trop du sang de Jean Huss! Il n'était malhcorensement pas converti. U psrli
encore, dans cet opuscule, de la nécessité d'exterminer Terrenr par le fer et par k
feu. W Imitation de Jétus-Christ associée aux bûchers I Les jnges de Jeanne Dire
ne devaient pas tenir un autre langage. Gerson. Oper» t. IV, p. S64; Paris, éd. El-
lies du Pin ; et Procès, t. III, p. 298.
3. V. les détails saisissants des dépositions de Dunois, de Gobert Thibaalt, di
duc d'Alençon, de Jean d'Aulon. Procès, t. III, p. lô, 76, 100, 219.
4. a Touchez-les vous-mêmes », disait-elle aux femmes qui rentouraicot, «cels
sera aussi bon. » Déposition de Marguerite la Touronlde.
[1429} CONJURATION CONTRE JEANNE. 195
lesquels elle aimait à recevoir la communion dans les églises des
Ddoines mendiants.
Quelques évoques, quelques docteurs, une partie du bas clergé,
s'étaient sincèrement inclinés devant la révélation nouvelle. Tout
ce qui subsistait de foi et de vie chez les ordres mendiants, forte-
ment atteints, mais non pas entièrement gangrenés par la cor-
ruption de l'Église, s'était rallumé à cette pure flamme. Les disci-
ples d'Ëlie ou de François d'Assise, ceux mêmes de Dominique
sentaient frémir le souffle de l'Esprit dans leurs sombres nefs,
quand elle venait le soir s'y agenouiller en extase au son des
cloches tintant lentement ^
Là où la religion est encore un sentimenl, un principe de vie,
le prêtre est pour Jeanne ; mais, là où elle n'est plus qu'une forme,
qu'une règle extérieure , qu'une doctrine d'école , dans le haut
clergé politique, dans la tourbe scolastique, le Messie de la France
ne soulève qu'une effroyable jalousie ; jalousie des dépositaires de
l'autorité oflicielle contre la libre inspirée qui vient directement
de Dieu et non des prêtres; jalousie des docteurs, des hommes
de la glose et du syllogisme contre l'ignorante sublime qui lit,
comme elle le dit, dans un livre où il y a plus que dans les livres
des hommes; âpre et sourde colère de cette église desséchée et
sophistique contre l'Esprit qui vient troubler ses morts dans leurs
sépulcres blanchis! enfin, il faut bien le dire, frayeur sincère de
l'étroite orthodoxie, des esclaves de la lettre, devant cette inter-
vention irrégulière de la Providence qui s'opère en dehors de
toute forme établie !
Même scission parmi les chefs de guerre. Les jeunes gens, le
duc d'Alençon, le bâtard d'Orléans, les Laval, et, parmi les vieux
capitaines, ceux qui ont conservé, à travers les vices et les vio-
lences de cet âge de fer, le vieux cœur gaulois, la générosité na-
tive, LaHire, par exemple, sentent comme le peuple, et suivraient
Jeanne au bout du monde ; mais, chez bien d'autres, il y a révolte
intérieure, humiliation de ce règne d'un enfant, d'une fille, im-
patience de cette interdiction absolue du pillage, de ce frein
imposé à tous les vices; que sera-ce donc chez ces monstres d'or-
1. Déposition de Dunois; Procès, t, III, I4é
196 GUERRES DES ANGLAIS. um
gucil, de barbarie et de dépravation, tels qu*eu a faits une inter-
minable guerre signalée, enti'e toutes, par le mépris de rhuina-
nité * , et tels que le maréchal de Retz eu fournira Tépouvantable
type!....
Le vieux Gerson avait laissé tomber, dans son patriotique opus-
cule, des paroles prophétiques. « S'il arrivoit, écrivait-il, que li
Pucelle ne remplit pas toute son attente et la nôtre, il n'en lau-
droit pas conclure que les choses qui ont été faites soient Tœuvre
de Tesprit malin plutôt que de Dieu ; mais il pourroit arriver, par
la colère d'en haut, ce qu'à Dieu ne plaise, que nous soyons trom-
pés dans notre attente à cause de notre ingratitude et de nw
blasphèmes!*...»
Cette ingratitude, elle était à l'œuvre! L'arrogance, Tégolsme,
la rapacité, tous les vices foulés aux pieds de cette vierge étaient
conjurés contre elle avec le scepticisme et la foi pharisalque, i
le favori La Trémoille et l'archevêque Regnauld de Chartres, t
le noir courtisan et le prêtre sans entrailles, et la conjuraticNi
avait pour complice le roi restauré par de si grands miracles!
Charles VII semblait préférer d'être le roi de Bourges avec Li
Trémoille que le roi de France par la Pucelle.
Deux principes se combinent, pour gouverner le mystère de ee
monde, la providence de Dieu et la liberté de l'homme. Dieu permet
que, dans des proportions inconnues, l'homme puisse seconder
ou entraver l'œuvre souveraine : dans les faits extérieurs comme
dans le phénomène intérieur de la grdce, l'homme peut s'unir
ou se refuser à Dieu. Quand l'homme, par un sacrilège suprême,
emploie sa liberté et sa volonté à empêcher les promesses di\'ines
de s'accomplir, n'est-ce pas là cet irrémissible /)^cA^ contre le saM
Esprit dont parle l'Écriture?
Il y eut, dans la France du quinzième siècle, des hommes qui
conspirèrent pour repousser de leur peuple le bras du Sauveur
et pour faire mentir Dieu!
1. « Les hommes les plus féroces peut-éire qui aient jamais existé », dit M. Hi-
cbelet.
2. Procès, t. III, p. 303.
LIVRE XXXVI
GUERRES DES ANGLAIS [suite).
)abc f suite). Coiguration de La Trémoille et do Regnauld de Chartres
Jeanne. Le roi complice. Entraves systématiques à la rccouvrance de Paris.
ace d'une partie de la Brie, de l'Ile-de-France et de la Picardie. Journée
^Espilloi. Jeanne à Saint-Denis. Le roi et les favoris font manquer Tat-
s Paris. Retour de l'armée sur la Loire. Le roi et les favoris empêchent la
ice de la Normandie. Douleur de Jeanne. Prise de Saint-Picrre-le-Moûtier.
le La Charité. Jeanne quitte le roi. Le dnc de Bourgogne attaque Com-
Jeanne à Lag^ii et à Compiôgn^e. Jeanne est prise par les Bonr^igfnons.
du duc de Bourgog:ne et de Reg^iauld de Chartres sur sa prise. L'Inquitii-
révèque de Beauvais la réclament. Rôle de l'université de Paris et de
Rochon. Politique de Bedford et de Winchester. Politique du duc de Bour-
Àffaire de l'héritage de Brabant. Les Bourguignons livrent Jeanne aux
. — Levée du siège de Compiègne et défaite des Bourguignons. — Les
font juger Jeanne par l'Inquisition et par l'évéque de Beauvais. Jeanne à
Procès de Jeanne. La Fille de Dieu et les nouveaux Pharisiens. Jeanne
at sa mission contre toute autorité humaine. Passion de Jeanne. Côn-
es de sa mission et do sa mort.
1429 — 1431.
t maintenant jeter un coup d'œil dans le camp ennemi
retrouver le contre-coup des victoires de Jeanne et appré-
suite des événements. Nous avons vu la lettre désespérée
nt Bedford au conseil d'Angleterre. La fermeté de Bedford
é un moment surprise et abattue par de si foudroyants
Il était à Corbeil le jour de la bataille de Patai (18 juin) :
1 vit arriver Falstolf et ses bandes fugitives, qui ne s'ar-
: qu'à Corbeil , il éclata en transports de douleur et de co-
accabla de reproches Falstolf; il lui ôta l'ordre du bleu
la jarretière). Il reprit bientôt, néanmoins, l'empire sur
ae; il réhabilita le général qu'il avait dégradé, et s'apprêta
er les infatigables efforts d'une âme opiniâtre et d'un cs-
)ile et fécond à l'heureuse témérité de l'enthousiasme et
e. Il sentait la Gliampagne perdue : les Anglais n'avaient
198 GUERRES DES ANGLAIS. [uti]
jamais que nominalement occupé celte grande province à peu
près livr(^c à la foi de ses habitants et à l'influence bourguignonne.
Il s'agissait de sauver Paris et la Normandie. Mais comment? Peu
de soldats, point d'argent! Exaspérer par de grandes exactions
les provinces encore anglo-françaises était trop périlleux. Il n'y
avait que deux ressources , bien dures toutes deux à l'amour-
propre de Bedford : s'humilier devant son beau-frère le duc de
Bourgogne, qu'il avait récemment offensé, qu'il avait autrefois
projeté de faire tuer en trahison, et qui le savait* ; lui livrer Paris
après lui avoir refusé Orléans! acheter à tout prix l'assistance
de son oncle le cardinal de Winchester, et se subordonner de
fait, en France môme, à l'orgueilleux cardinal, déjà mattre de
l'Aniileterre, alors gouvernée par une oligarchie d'évèques, sous sa
présidence effective 2. L'argent n'était plus que dans les mains de
cet épiscopat qui profitait de tous les bénéfices et se soustrayait &
toutes les charges.
Winchester n'eût pas donné, mais il pouvait prêter; Bedfoni
n'était pas en état de disputer sur les conditions. Durant la rapide
campagne de la Loire et la marche sur Reims, Bedford n'aiaii
cessé de conjurer le cardinal d'amener le jeune roi Henri VI avec
de l'argent et des soldats, de faire sacrer Henri en France afin
d'agir sur l'esprit du peuple : c'était s'y prendre un peu tard;
mais ce n'était pas la faute du régent anglais. Winchester, après
s'être fait longtemps marchander, consentit enfin à vendre ses
secours, et le pacte de l'oncle et du neveu se conclut aux dépens
des intérêts du catholicisme romain. Winchester, sur les instances
du pape, avait levé en Angleterre une dîme et des gens de guerre
pour une croisade contre les hussites; il emmena en Picardie
argent et croisés au lieu de les emmener en Allemagne, et pro-
mit de les employer contre les « rebelles » de France.
Winchester arriva donc à Calais avec des soldats et des écus;
1. En 1424, la question avaii été agitée entre Bedford et son frère Glocesier;
celui-ci voulait prendre l'hilippc de Bourgogne, cclui-lk voulait le tuer. lIiche^s(.
Uitt. de France y t. V, p. 189, d'uprès les archives de Lille.
2. C'était 1!l qu*avuit abouti lu révolution qui avait fondé la dynastie de Ua-
castre. Les évoques s'étaient subordonné Taristocratie féodale et la royauté mimt,
et avaient enlevé ii la cour de Rouie » les droits utiles ». v, les considérations très
intéressantes de M. Michclet, Uist» de France, t. V, p. 93*
[1429] BEDFORD, WINCHESTER ET PHILIPPE. 199
mais il n'était point à Paris, et Bedford tremblait pour celte capi-
tale. Le peuple était agité et incertain ; la magistrature bour-
geoise mal assurée. Bedford changea le prévôt des marchands et
les échevins, livra toutes les fonctions municipales aux hommes
les plus irrévocablement compromis dans la faction étrangère,
et commença de faire fortifier puissamment la capitale. Mais à
quoi servaient ces fortifications, si le peuple de Paris ne s'unis-
sait aux Anglais pour les défendre? et c'était là chose fort dou-
teuse. Le duc de Bourgogne seul avait autorité pour maintenir
les Parisiens dans l'obéissance du roi Henri. Bedford fit au duc
Philippe un appel désespéré : il lui envoya, tant en son nom
qa*ani nom des Parisiens, une ambassade composée de l'évoque
de Noyon, de deux docteurs en théologie et de plusieurs des prin-
dpÉnx bourgeois de Paris, afin de solliciter instamment ses con-
adis, ses secours, sa présence; il n'épargna rien pour ranimer
les vieux ressentiments de Philippe contre Charles VII et pour
intéresser son amour-propre à soutenir la cause du jeune Henri.
La fastueuse générosité de Philippe eût peut-être relevé Char-
les VII vaincu et terrassé ; son orgueil s'irrita de voir Charles se
relever avec éclat sans son aide. Il répondit favorablement aux
députés de Bedford, partit de Hesdin en Artois avec sept ou huit
cents chevaux, arriva à Paris le 10 juillet, et renouvela ses enga-
gements et ses alliances avec le régent. Bedford tira un grand
parti du séjour de Philippe à Paris ; il fit prêcher à Notre-Dame
un sermon passionné par un prêtre dévoué au parti anglo-bour-
guignon, devant le parlement, l'université, le corps de ville et
les notables bourgeois; puis tous les assistants furent invités à se
rendre en procession au Palais. Là, on relut devant eux le traité
solennel autrefois conclu entre Jean-sans-Peur et le dauphin,
avec un récit pathétique de la violation de ce traité et du cruel
meurtre du duc Jean , égorgé tandis qu'il tâchait de rétablir la
paix dans le royaume. Le duc Philippe, remué par ces funestes
souvenirs, se leva et demanda de nouveau justice des assassins
de son père. On lui répondit par des cris contre les Armignacs.
Bedford espéra avoir atteint son but; les passions bourguignonnes
et c^bochiennes paraissaient réveillées, et l'assistance promit, en
€ levant les mains, que tous seroient bons et loyaux au régent et
200 GUERRES DES ANGLAIS. (i4»i
au duc de Bourgogne » (15 juillet) <. Bedford donna la capitai-
nerie de Paris à rile-Adam, qui avait conservé quelque chose de
son ancienne popularité aux halles et chez les bouchers; les An-
glais s'effacèrent le plus possible derrière les Bourguignons. Le
duc Philippe repartit dès le lendemain de la scène du Palais, mais
en promettant son assistance.
Tiendra-t-il parole efficacement? Cette assistance arrivera-t-elle
à temps? La masse parisienne soutiendra-t-ellele nouveau corps
de ville imposé par l'étranger ?Voudra-t-elle combattre, si l'année
de France paraît au pied des remparts avant les renforts anglais et
bourguignons? Il semble que Paris soit à gagner à la course!
« A Paris! à Paris ! » crie Jeanne, comme elle criait naguère : i A
Reims! » Et toute l'armée crie avec elle. Le départ pour Paris est
annoncé, le jour môme du sacre, pour le lendemain 18 juillet
« Demain s'en doit partir le roi tenant son chemin vers Paris...
La Pucelle ne fait doute qu'elle ne mette Paris en l'obéissance >• >
Le 18 juillet, Bedford quitte Paris pour courir chercher lui-
même ses renforts. Le roi ne part pas!... Il retient l'armée à
Reims trois jours, trois siècles Il ne déloge que le 21 pour
aller à Saint -Marcoul toucher les écrouelles. L'eCfet du sacre,
cependant , se produit dans toute la contrée. Le 21, Charles \ïl
reçoit, à Saint-Marcoul, les clefs de la ville de Laon, où 11 envoie
La Hire comme bailli de Vermandois ; le 22, il reçoit à Yailli-sur-
Aisne les clés de Soissons; le 23, il fait son entrée à Soissons. De
bonnes nouvelles arrivent de toutes parts. La Champagne orien-
tale s'est tournée française. Les villes de la Brie se remuent Le
roi reste cinq ou six jours immobile à Soissons...
Pendant ce temps, le duc de Bedford et le cardinal de Win-
chester rentrent à Paris avec 4,000 hommes d'armes et archers
anglais (25 juillet) : L'Ile-Adam amène quelques Picards; puis
arrivent d'autres troupes anglaises tirées des garnisons de Nor-
mandie, et grossies par ceux des « nobles et autres » de l'Ile-de-
France et de la Normandie , qui répondent encore au ban du
1. Journal du Bourgeois de Paris. — Mon»trelet.
2. Lettre écrite de Reims, ie soir du sacre, 17 jaillet, par trois gentilshomme!»
de la maison du roi k la reine de France et à sa mère, la reine douairière de Si-
cile. C'est une pièce en quelque sorte officielle. Procès, t. V, p. 127-131.
roi Henri. Des Picards au service de Bourgogne viennent occuper
Meaux, que Bedford a remis en gage au duc Philippe pour ga-
rantie du prix de ses services très peu gratuits.
Jamais peut-être on n'avait vu un roi s'ingénier de la sorte à
trahir sa couronne. Il n'y a rien de pareil dans l'histoire.
Tandis que Bedford se refait à loisir une armée dans Paris,
Charles VII se décide enfin à quitter Soissons ; mais ce n'est pas
pour tourner vers la capitale , c'est pour se porter sur Château-
Thierri, qui capitule (29 juillet). L'armée espère se dédommager
de tant de retards ; on dit que Bedford va venir présenter la ba-
taille, n ne paraît pas, et le roi repasse la Marne et mène l'armée
à Provins (2 août), marchant parallèlement à Paris, au lieu de
marcher sur Paris. Le roi et ses conseillers avaient résolu d'aller
repasser la Seine au pont de Brai, et de retourner sur la Loire,
afin que ne s'accomplit point la parole de celle qui avait dit :
€ Je rendrai Paris au roi après son couronnement! »
Les habitants de Brai-sur-Seine avaient promis de mettre leur
ville en l'obéissance du roi. Ils manquèrent de parole ; ils don-
nèrent entrée, durant la nuit, à un gros détachement d'Anglais et
de Bourguignons, et, le lendemain matin, les premiers Français
qui se présentèrent pour passer le pont furent pris ou tués.
Jamais échec ne fut accueilli si joyeusement par une armée. Il
fut impossible de décider les soldats à attaquer le pont de Brai;
impossible d'empêcher l'armée de tourner tête vers Paris. L'au-
torité revenait tout entière aux mains de Jeanne : les jeunes
princes et la fleiu* des capitaines, Alençon, René d'Anjou, les
Bourbons, le bâtard d'Orléans, les Laval, La Hire, étaient avec elle
comme la multitude. La Trémoille et Regnauld de Chartres ne
virent plus qu'un seul expédient pour arrêter le torrent ; ils entre-
tenaient depuis le sacre une négociation avec des agents du duc
de Bourgogne, qui, malgré les scènes théâtrales de Paris, ne se
pressait pas de secourir sérieusement les Anglais , et ne deman-
dait guère qu'à user les deux rois l'un par l'autre. Ils signent une
trêve de quinze jours avec les Bourguignons, et annoncent que le
duc Philippe, à l'expiration de la trêve, promet de faire rendre
Paris au roi. Selon toute apparence, les agents de Philippe n'a-
vaient pas fait cette promesse dans de pareils termes, et avaient
202 GUERRES DES ANGLAIS. um
seulement promis que la trêve serait employée à préparer une
paix qui rendrait Paris au roi.
Une précieuse lettre de Jeanne atteste qu*e11e ne fut pas la dope
de ses ennemis. Elle écrit à ses « chei's et bons amis les loyanx
François de la cité de Reims » de ne point s'émenreiller si eDe
n'entre à Paris « si brièvement » qu'elle le devait faire ; que le pm
a fait trêve de quinze jours, dont elle n'est point contente. « Je
ne sais si je tiendrai ces trêves », ajoute-t-elle ; t et, si je les tiens»
ce sera seulement pour garder l'honneur du roi... Et je tiendrai et
maintiendrai ensemble l'armée du roi pour être toute prête aa
chef des dits quinze jours, s'ils (les Bourguignons) ne font la paix.
« Ëcrit ce vendredi b^ d'août, emprês un logis sur champ oa
(au) chemin de Paris ^ »
Ce fier langage aide à comprendre et la jalousie du roi et la
sourde rage des favoris.
L'armée anglaise, sur ces entrefaites, s'était portée vers CorbeD
et Melun. Les Français avancèrent de Provins et de Brai jusqu'à
Nangis, espérant y avoir bataille ; mais ils n'eurent point de nou-
velles de Bedford, qui, en ce moment, marchait sur Hontereao.
On ne pouvait se rapprocher de Paris sans franchir la Marne;
Tarmée se dirigea donc au nord, repassa cette rivière à Ghâteao-
Thierri, et entra en Valois. L'enthousiasme des populations,
durant cette marche, apporta de grandes consolations au coeur de
Jeanne, si douloureusement atteint par la défiance et l'ingratitade
royales. A la Ferté-Milon, à Crespi en Valois, tout le peuple ac-
courut au devant du roi, criant Noël, chantant Te Deum Untdamm^
et regardant et admirant la Pucclle comme l'ange de Dieu. Jeanne
en versa des larmes de tendresse. Comme elle chevauchait entre
l'archevêque de Reims et le bâtard d'Orléans : « En nom Dieu,
dit-elle, voici un bon peuple! Plût au ciel que je fusse assez heu-
reuse, quand je devrai mourir, que d'être ensevelie dans celle
terre !— Jehanne, dit l'archevêque, savez-vous quand vous mourra
et en quel lieu? — Quand il plaira à Dieu, répondit-elle, car je ne
sais pas plus que vous le temps ni le lieu. Et plût à Dieu, moB
créateur, que je pusse maintenant partir, abandonner les armei,
1. ProcéM, V, p. 140.
CU29] DÉFI DE BEDFORD AU ROI. 203
et relourner près de mes père et mère, garder leurs brebis et bétail
avec ma sœur et mes frères, qui tant se réjouiroient de me voir ' . »
C'est la première fois qu'elle ait exprimé un regret de sa paix
et de son obscurité! la première plainte de la femme, sous le
terrible fardeau du Messie! La grandeur de l'œuvre n'accablait
aucunement son génie ; mais son cœur se déchirait aux épines
que d'indignes mains semaient sur sa route. Ses vœux ne devaient
point être exaucés ! la libératrice de la France ne devait pas re-
voir le chaume paternel, ne devait pas mourir entourée d'un
peuple affranchi et reconnaissant !...
Charles VII reçut à Crespi, le 1 1 août, une dépêche de Bedford,
écrite à Montereau le 7. Le régent anglais, avec la dévote hypo-
crisie des Lancastre, reprochait à « Charles de Valois » de séduire
cl abuser « le simple peuple » en s'aidant de gens « superstitieux
et réprouvés, comme d'une femme désordonnée et difl'amée, étant
en habit d'homme et gouvernement dissolu, et aussi d'un frère
mendiant, apostat et séditieux^, tous deux, selon la sainte Écri-
ture, abominables à Dieu. » Il prétendait avoir poursuivi «Charles
de Valois de lieu en lieu sans l'avoir encore pu rencontrer », le
sommait c d'avoir pitié du pauvre peuple chrétien , tant inhu-
mainement traité et foulé à cause de lui, et de prendre, au pays
de Brie ou en FIle-de-France, place aux champs convenable, k
brief jour, pour procéder par bonnes voies de paix non feinte,
corrompue, dissimulée, violée ni parjurée, comme fut à Monte-
reau où faut Yonne, ou par journée de bataille, si l'on ne peut
profiter au bien de paix^. » Suivant un historien anglais (Hollin-
sbed), Charles VII aurait répondu au héraut de Bedford : « Ton
maître aura peu de peine à me trouver; c'est bien plutôt moi
qui le cherche! »
1. Déposition da comte de Dunois; Procès^ t. III, p. 14.
2. Le cordelier Richard. — A la nouvelle que frère Richard chevauchait avec
les Arminaz^ les gens de Paris, du moins les Bourguignons, avaient recommencé,
en dépit de lui, les jeux de tables (dames), boules, dés et autres qu'il leur avait
fait quitter : ils laissèrent un mériàu (merrcau) d'étain, au nom de Jésus, qu'il
leur avait fait prendre, et reprirent la croix bourguignonne de Saint-André. —
Journal du Bourgeois de Parti, ap. Collect, Michaud, r* sér. t. III, p. 255.
3. Monslrelct, 1. II, c. 65; ap. Procès, IV, 382. — Berri, roi d'armes; ibid.,
p. 46.
201 GUERRES DES ANGLAIS. riiM}
Les outrages de TAnglais avaient enfin ému quelque peu le roi,
et il parut désirer la bataille. L'armée, à sa grande allégresse,
avança vers Paris jusqu'à Daminarlin, le 13 août, et y attendit Ten-
nemi. Bedford avait ramené ses troupes de Montereau au iionl
de Paris, et s'était établi dans un bon poste, à Mitrî, entre Chu
et Damniartin. Il resta sur la défensive, et le conseil de guerre m
fut point d'avis de l'attaquer dans ses lignes. Le roi se replia sw
Crespi; la Pucellc et les principaux capitaines, avec une grossi
bataille de 6,000 ou 7,000 hommes d'élite, poussèrent du côté d
Senlis, jusqu'à Mont-Espilloi. Bedford vint couvrir Senlis, et s
logea, avec 8,000 à 9,000 combattants*, sur la petite rivière d
Xonette, près de l'abbaye de la Victoire, entre Senlis et Monl-Es
pilloi. Le nom et les souvenirs de cette célèbre abbaye, fondé
par Philippe-Auguste en mémoire de Bovines, semblaient d*u
heureux augure pour les Français (14 août).
Le lendemain matin (15 août), les Français descendirent d<
hauteurs en bel ordre de bataille. Ils trouvèrent leurs ennemi
couverts, en front, par des tranchées, des palissades, des lignes d
chariots; en flancs, par des fossés, des haies et des baliierscpaif
sur les derrières, par un étang profond que forme la Nonetle. Il
tàtèrent les Anglais par des escarmouches. Les Anglais ne sorti
rent qu'en petits détachements : le gros de l'armée garda so
poste. Jeanne, alors, prit son étendard en main, se mit en tèted
l'avant-garde et vint planter sa bannière devant le fossé des An
glais. Bedford ne bougea pas. Jeanne fil retirer l'avant-garde, (
manda aux ennemis que, s'ils voulaient « Siiillir hors de leii
place pour donner la bataille, nos gens se reculeroient et les laii
seroient mettre en leur ordonnance. » Bedford ne répondit jmî
On conçoit ce qu'il dut lui en coûter de n'oser répondre au dé
d*une femme, et quel trésor de haine et de vengeance dut s'amai
ser dans cette âme superbe. Il eut la force de rester fidèle à so
plan jusqu'au bout ; il laissa sortir les plus braves de ses gens, tai
qu'ils voulurent, pour escarmouchcr et s'aguerrir à voir la tenibl
Pucelle en face ; ces engagements s'accrurent jusqu'à devenir il
1. Il avuit un assez bon nombre de Picards, et sept ou huit cents des gi*a< <
duc de Bourgogne, ce qui était une singulière façon, pour ceux-ci, d*ob«en
la irC'vc.
[1429J JOURNÉE DE MONT-ESPILLOI. 205
petits combats assez meurtriers, car on n'y prenait pei-sonne à
uierci; mais toujoui^s les Anglais, quand ils étaient trop pressés,
se réfugiaient dans leurs lignes. Un incident signala une de ces
passes d'armes. La Trémoille, voulant apparemment se réhabi-
liter dans l'esprit de l'armée, se risqua à faire le coup de lance.
Son cheval s'abattit, et il courut grand risque de la vie; mal-
heureusement il fut secouru à temps.
A la nuit tombante, les Français, voyant l'impossibilité d'avoir
bataille, regagnèrent leur logis de Mont-Espilloi , et le roi, qui
était venu entre Mont-Espilloi et l'abbaye de la Victoire avec l'ar-
rière-garde, retourna à Crespi*.
Le jour d'après (16 août), Bedford décampa et reprit par Scnlis
la roule de Paris, renonçant à tenir la campagne, soit pour quel-
ques alarmes sur les dispositions de la capitale , soit pour les
mauvaises nouvelles qu'il recevait du côté de la Normandie. Au
lieu de le suivre l'épée dans les reins, le roi rappela l'armée à
Crespi, d'où il alla s'établir à Compiègne, qui venait de lui en-
voyer ses clefs (18 août). Sentis, sommé par un détachement fran-
çais, se rendit « au roi et à la Pucelle ». Beauvais en fit autant,
après avoir chassé son évéque Pierre Cauchon, qui se montrait
€ extrême et furieux pour le parti des Anglois », quoiqu'il fût
natif des environs de Reims et dût sa mitre épiscopale au duc de
Bourgogne et non aux étrangers. La soif de vengeance que la
révolution de Beauvais alluma dans cette àme haineuse et dépi-a-
vée ne contribua pas moins que Tambition et la cupidité au rôle
inftoie que Cauchon accepta plus tard de ses maîtres.
Ces faciles succès ne doivent pas faire illusion sur la faute
énorme ou plutôt sur le crime que commettaient le roi et ses con-
seillers en refusant d'écouter Jeanne et de pousser droit à Paris.
C'était toujours le même système. La trêve de quinze jours avec
les Bourguignons était expirée sans que le duc Philippe eût fait
rendre Paris; mais les négociations continuaient; l'archevôque-
diancelier, Raoul de Gaucourt et d'autres membres du conseil
1. PercCTal de Cagni, ap. Procès, t. IV, p. 22-23. — Berri, roi d*armes, ibid,
p. 47. — Jean Chartier, ibid. p. 80-84. — Monsirelet, ibid, p. 386. — Journal du
éiége d'Orléans, ibid. p. 196. Le récit de Perceval est de beaucoup le plus digne
de foi, ici comme partout
206 GUERRES DES ANGLAIS. [1429}
étaient allés trouver Philippe à Arras, et Tarchevéque avait fait
au duc, de la part du roi, « offres de réparation plus qu*à la ma-
jesté royale n'appartenoit, excusant par sa jeunesse ledit roi de
rtioinicide jadis perpétré en la personne de feu le duc Jehan de
Bourgogne; alléguant que lors, avec sa dite jeunesse, il étoitan
gouvernement de gens qui point n*avoient de regard et considé-
ration au bien du royaume ni de la chose publique, et ne les eût
pour ce temps* osé dédire ni courroucer^ >. L'archevêque et ses
collègues firent de grandes offres au duc, Texil des auteurs on
complices du meurtre de Jean-sans-Peur ; la dispense pour le duc,
sa vie durant, de toute obligation de vassalité envers le roi; di-
verses cessions de territoire. Philippe les c ouït bénignement i,
dit Monstrclet. La majeure partie des conseillers du duc c avoient
grand désir et affection que les deux parties fussent réconciliée!
Tune avec l'autre ». C'était le vœu de la grande majorité des
populations artésiennes et picardes, surtout des gens c de moyen
et de bas état » ; toutes les villes de la Somme c ne désiroient
autre chose au monde que de recevoir le roi Charles à seigneur».
Les bourgeois picards « alloient en la ville d*Arras devers le chan-
celier de France impétrer en très grand nombre rémission, lettres
de grâces, offices et autres mandements royaux, comme si le roi
fût pleinement en sa seigneurie et de ce fussent acertenés (as-
surés) 2. »
Philippe, un moment, sembla près de signer le traité; mais
deux de ses conseillers, Tévèque de Tournai' et Hugues de Lannoi,
accoururent de la part de Bedford pour c l'admonester de faire
entretenir le serment qu'il avoit fait au roi Henri ». Ils obtinrent
qu'on ne conclût rien et que le duc envoyât à son tour une am-
bassade au roi Charles afin de débattre plus amplement la paix
générale*. Gagner du temps, pour le parti anglais, c'était toot
gagner.
Jeanne ne le sentait que trop, elle dont l'inspiration, dontl'iD-
faillible instinct parlait plus haut que jamais. Elle se dévorait elie-
1. Monstrelet, 1. II» c. 57.
2. Monstrclet, ibid.
3. Évéque sans diocèse; ses diocésains ravaicnt chtssé comme Canchoa.
4. Monstrelet, 1. II, c. 69.
[1429] JEANNE Â SAINT-DENIS. 207
même en voyant son roi si mal répondre à « la grâce que Dieu
lui avoil faite* ».
Après cinq mortels jours perdus à Compiègne, elle n'y put
tenir. Un matin (le 23 août), elle appela le duc d'Alençon : € Mon
beau duc, faites appareiller vos gens et ceux des autres capitaines.
Par mon martin, je veux aller voir Paris de plus près que je ne
Taivu!»»
L'élite de l'armée la suivit sans le congé du roi. Elle rallia en
passant l'avant-garde qui occupait Senlis , et, le 26, elle entra dans
Saint-Denis sans coup férir. Les bourgeois lui livrèrent la ville.
Elle rendit ainsi à la royauté, malgré le roi , la ville des tombeaux
après la ville du sacre.
Les fautes passées étaient encore réparables. La puissance qui
avait envoyé Jeanne ne se lassait pas de tendre la main à Char-
les YU. Il suffisait que le roi n'empêchât pas, pour que l'œuvre de
délivrance s'accomplît. Les partisans français faisaient merveilles.
Ils venaient d'enlever Creil, et l'on avait appris coup sur coup la
surprise de quatre importantes forteresses de Normandie, Aumale^
Torci^ Estrepagni et le fameux Château-Oaillard d'Andeli. La
Hire, qui s'était détaché de l'armée pour aller prendre Château-
Gaillard, trouva, dans le donjon, le brave Barbasan, le défenseur
de Melun, qui languissait depuis neuf ans* dans les fers des An-
glais, sans que Charles VU eût rien fait pour obtenir sa liberté par
rançon ou par échange : ce vaillant capitaine n'en recommença
pas moins à servir énergiquement la France de sa tète et de son
bras. Il était encore des hommes qui savaient se dévouer à la
cause de l'État sans être rebutés par l'ingratitude etla nullité de son
chef. Le connétable de Richemont , qui avait continué la guerre
pour son compte dans l'ouest, après avoir emporté plusieurs
places dans le Maine et le Perche, menaçait en ce moment
1. Perceval de Cagni, Procêt, t. IV, p. 24.
2. PcrceYal de Cagni, Procès, t. IV» p. 24. — Jeanne (interrogatoire du 1*' mars)
dit que ce fut au moment de monter à cheval qu'elle reçut du comte d'Armagnac
/a lettre dont nous avons parié ci-dessus (p. 1 91). Il y aurait là une légère erreur
de mémoire ; sa réponse au comte est datée de la veille, du 22. Jeanne ajoute que
/e messager faillit a être jeté dans la rivière. » Elle n'explique pas si ce fut par
des courtisans jaloux de l'éclatant hommage qu'on lui rendait, ou par de vieux
ennemis de la maison d'Armagnac. Procès, t. I, p. 244*
208 GUERRES DES ANGLAIS. [Utt]
Ëvreux, et s'apprôtait à seconder les petits corps qui avaient
entamé la Normandie. La connivence des populations nur-
mandes avec les troupes françaises élait flagrante : les émigréî
normands rentraient les armes à la main ; les places fortes étaient
dégarnies ; le péril croissait de jour en jour pour les Anglais.
La Normandie était la base de leur domination : la Normaih
die perdue, le reste s*écroulait de soi-même. Bedford prit un
grand parti : ce fut de tout abandonner pour courir au secours
do la province que Henri Y mourant lui avait recommandé de
conserver à tout prix à son fils. Il laissa dans la capitale Louis de
Luxembourg, évéque de Térouenne, chancelier de France pour
le roi Henri , avec rile-Adam , le prévôt Morhier, un capitaine
anglais nommé Radiey, et 2,000 combattants, la plupart Fran-
çais ou Bourguignons, et quitta Paris avec tout le reste de ses
troupes, n'espérant plus y jamais rentrer. H venait de pailir lors-
que Jeanne s'empara de Saint-Denis.
Le roi, sur ces entrefaites, délogea enfin de Compiègne : on
Taltendait en grande joie à Saint-Denis; il s*arrêta à Senlis!
Ce n'était pas pour attaquer Paris qu'il avait changé de gtte,
mais pour abandonner Compiègne. Il n'avait pas conclu la paii
avec les envoyés du duc de Bourgogne, Jean de Luxembourg, l'é-
véque d'Arras et autiH^s, mais il avait conclu une nouveUe trêve
jusqu'à NoCl pour tous les pays au nord de la Seine, Paris et les
villes de la Seine non compris (28 août). Les Bourguignons ne
donnaient point Paris, mais on leur donnait Compiègne; du moins
on le leur avait promis en gage : heureusement, les habitants
refusèrent avec tant d'énergie d'ouvrir lem* ville aux Bourgui-
gnons, qu'il fallut reculer devant leur patriotique désobéissance,
et que les ambassadeurs de Philippe, pour assurer aux Bourgui-
gnons un poste sur l'Oise, durent se contenter de Pont-Sainte-
Maxeiice*. Ils promirent que, durant la trêve, le duc ménagerait
la reddition de Paris au roi. Tel fut le chef-d'œuvre diplomatique
de Kegnauld de Chartres. C'était son incrédulité môme, autant
que son orgueil de pharisien et de vieux politique, qui rendait
l'archevôque-chancelier dupe des illusions les plus grossières : il
1. ProUs, l. V, 1». 174.
avait compté que sa diplomatie recouvrerait Paris sans le con-
cours de Jeanne; encore est-ce pour lui l'interprétation la plus
favorable que de le croire dupe. Au fond, comme La Trémoille
et comme le roi lui-mômc , il préférait de beaucoup ajourner
indéfiniment la recouvrance de Paris que de la devoir à la
Pucelie.
Une impatience fiévreuse consumait Jeanne : elle tournait au-
tour de Paris comme un jeune lion autour d'une bergerie, me-
nant les escarmouches tantôt à une porte, tantôt à une autre,
examinant l'assiette de la ville, cherchant Tendroit « le plus con-
venable à donner assaut^ ». Hélas! on ne pouvait attaquer sans
le roi. On ne prend point Paris malgré lui ; et, pour que Paris se
décidât à se laisser prendre, pour que le parti national entraînât
la masse de la population , flottante encore entre le sentiment
français et les vieilles rancunes contre les Armagnacs et les Dau-
phinois, il fallait que toutes les forces morales et matérielles agis-
sent ensemble, et que Charles VU se montrât en personne au pied
des remparts.
La Pucelie, le duc d'Alençon et leurs compagnons envoyaient
au roi message sur message. Il ne venait pas ! Alençon courut,
le I" octobre, à Senlis, le presser, le supplier de venir. Il promit
de partir le lendemain, et manqua de parole ! Alençon y retourna
le 5 : quant à Jeanne , elle n'eût pu se décider à perdre de vue,
même pour un jour, les clochers de Paris ; elle était comme en-
chaînée devant la grande cité par une force surhumaine. Le roi
arriva enfin, le 7, à Saint-Denis. Jeanne oublia tous ses griefs et
toutes ses douleurs : sur son visage reparaissait une héroïque
joie que partageait toute l'armée, tous les soldats du moins! Le
cri général était : « Elle mettra le roi dedans Paris, si a lui ne
TIENT ! ' » Une immense acclamation salua l'annonce de l'assaut
pour le lendemain.
Les voix de Jeanne, toutefois, se seraient tues en ce moment
solennel, s'il en fallait croire le témoignage qu'elle porta elle-
même dix-huit mois plus tard, lorsque les événements avaient pu
troubler sa mémoire et ébranler son âme, non sur le fond, mais
1. Perceval de Cagni, ib, p. 25. 2. Perceval de Cagni, ihid, p. 25-26.
VI. 14
210 GUERRES DES ANGLAIS. [I4»l
sur certaines particularités de sa mission ^ et surtout lorsqull se
faisait en elle, à son insu, un continuel effort pour empêcher que
les hommes ne pussent accuser ses vtnx d*avoii* failli. Un incident
tout récent avait jeté dans son cœur un moment de tristesse et d'in-
quiétude vague. L*élan d'enthousiasme belliqueux et patriotique
qu'elle avait imprima aux gens de guerre s'était pleinement main-
tenu jusqu'alors, mais non pas l'élan de dévotion et de pureté
chrétienne : les soldats n'avaient pas tardé à retomber dans leurs
habitudes. La chaste Jeanne ne pouvait s'accoutumer au spec-
tacle de ces mœurs grossières, et la seule vue d'une femme c folk
de son corps » la mettait hors d'elle-même; parfois» cependant,
elle a préchoit » ces malheureuses avec douceur et les voulait
convertir; mais, un jour, à Saint-Denis, elle perdit patience et
frappa une fille de joie du plat de son épée. La lame se rompit'.
C'était la fameuse épée de Fierbois, désignée naguère i la Pucelle
[)ar révélation de ses voix^. La perte de cette arme mystérieose
parut un mauvais présage. C'était un symbole, tout au moins, si
ce n'était point un signe. Comme l'épée mystique, allait se briser
la force divine que Dieu avait envoyée aux hommes et dont les
hommes n'étaient pas dignes.
Cette impression avait passé comme une ombre rapide sur l'es-
prit de Jeanne : elle était inspirée de trop haut et trop au-dessos
de toute superstition pour dépendre de signes extérieurs. Ce qui
est certain, c'est que jamais elle n'avait montré une ardeur plus
entraînante qu'aux approches de ce nouveau combat.
L'entreprise, cependant, infaillible au lendemain du sacre,
inTaillible encore immédiatement après le dernier départ deBed-
ford, était devenue bien difficile et périlleuse. Les quinze jours
perdus parle roi, depuis que le régent anglais avait quitté la place,
avaient donné au parti anglo -bourguignon tout le loisir de se^^
mettre de sa stupeur et d'organiser la défense. Dès le 26 août,
le jour de l'entrée de Jeanne à Saint-Denis, Tévêque de Té-
1. Interrogatoires des 13 et 16 mars, ap. Procès, t. I, p. 147, 169. 262.
2. Déposition du duc d'Alcnçon, ap. Procès, t. III, p. 99. /d. de Loiii M
Contes, ibid, p. 73.
3. Suivant la tradition. Ton ne put jamais venir à bout de la ressouder. Joi^
Chtrtier, ap. Procès, t. IV, p. 93.
[1429] DISPOSITIONS DE PARIS. 211
rouenne, chancelier de France pour le roi Henri, avait fait renou-
veler les serments de la magistrature et du clergé « de vivre en
paix et union sous l'obéissance du roi de France et d'Angleterre ».
Le corps de ville, composé d'hommes irrévocablement com-
promis dans la faction, avait refusé d'entrer en négociations
avec le duc d'Alençon, et, d'accord avec le chancelier et les capi-
taines anglo-bourguignons, prenait les mesures les plus énergi-
ques. On levait des empnmts forcés sur le clergé et la bour-
geoisie , on saisissait jusqu'aux dépôts, pour entretenir les deux
mille soldats de la garnison et cette milice de la ville, triée entre
les cabochiens invétérés, qui s'était signalée naguère à la Journée
des Harengs. On faisait venir des vivres de la Beauce et de la Brie.
On fortifiait les portes de boulevards, de barrières ; on creusait
plus profondément les fossés; on « affûtoit canons et queues
(tonneaux) pleines de pierres sur les murs ». Enfin, pour contre-
Jbalancer l'irritation causée par les exactions des « gouver-
neurs », on s'efforçait d'épouvanter le peuple sur ce qu'il avait à
attendre du retour des « Armignacs » ; on représentait le roi
comme un tyran altéré de vengeance, et la Pucelle, comme une
sorcière, un démon a en forme de femme »; on répandait le
bruit que « messire Charles de Valois » avait abandonné à ses gens
la ville de Paris et les habitants ; qu'il voulait faire passer la char-
rue sur le sol de la grande cité*.
Le roi avait fait, disions-nous, tout ce qu'il fallait pour aider ses
ennemis. Il ne se démentit pas jusqu'au bout. Le gios de l'armée
vint coucher à La Chapelle, devant Paris, le 7 septembre; le roi
resta à Saint-Denis, au lieu de suivre l'armée. On se mit en mouve-
ment,néanmoins, le 8 au matin; il avait été décidé qu'on attaque-
rait par la porte Saint-Honoré. L'armée, forte d'une douzaine de
raille hommes, se divisa en deux batailles. L'une, sous le duc d'A-
lençon et le comte de Clermont, se posta derrière « une grande
butte » appelée le Marché aux Pourceaux ou la butte des Moulins 2,
pour servir de réserve et empêcher les sorties de la place. L'autre,
conduite par la Pucelle, marcha droit aux remparts. Jeanne, par
^« l^eyislres du purlemeiu de Parix, up. Procès, t. IV, p. 454-45G. — Journal
</« ùourytois de Paris, ap. CoUecl. Micliaud, !'• série, t. III, p. 225.
^- C'est la butte Sainl-Rocli, aujourd'hui presque aplanie.
212 GUERRES DBS ANGLAIS. (I4»j
une généreuse confiance et comme gage de réconcilialion» a\ait
appelé auprès d'elle ce Gaucouil qui lui avait toujours fiiit obstacle
et qui, dernièrement encore, était allé négocier avec le duc de
Bourgogne. Â la première bataille étaitaussile sire de Retz, quek
roi avait fait maréchal à Reims : c'était Tenfer associé au ciel.
L'assaut commença vers midi. Un gentilhomme dauphinois,
Saint- Vallier, mit le feu à la barrière et au boulevard de la porte
Saint-llonoré. Jeanne prit son étendard, s*élança dans la mêlée
6l y « gagna Tépée » d'un homme d'armes ennemi. Le boule-
vard fut emporté d'emblée. Jeanne passa le premier fossé de la
place, qui était à sec, escalada le « dos d'âne > qui le séparait du
second fossé, et somma les «issiégés de se rendre. Comme i
Orléans, on ne lui répondit que par des injures. Elle s'avança au
bord du second fossé. « Elle n'étoit pas bien informée de h
grande eau qui étoit es fossés, et, toutefois, il y en avoit aucuns
audit lieu qui le savoientbien, et lesquels, selon ce qu'on pouvait
considérer et conjecturer, eussent bien voulu par envie qu'il fût
inéchu à icclle Jehannc ^ . » Qui donc savait ici ce qu'ignorait
Jeanne? Il semble que le soin des infonnalions regardait surtout
les inaréchaux. Le maréchal de Retz était auprès de Jeiinne, et Tod
n'a point à craindre de calomnier le maréchal de Retz.
La prudence de Jeanne déçut l'espoir des traîtres. Elle sonda
le fossé avec sa lance et cria qu'on apportât des fagots et des
bourrées pour le combler.
En ce moment, de grandes clameurs s'élevèrent dans les diven
quartiers de la ville : « Tout est perdu ! l'ennemi est dans Paris;
siuive qui peut! » C'étaient les gens du parti de France, qui ten-
taient de jeter la panique dans le parti de l'étranger et de soulever
le peuple. La multitude, entassée dans les églises (c'était le jour
de la nativité de Notre-Dame 2), en sortit tumultueusement, niab
ne se souleva point; la plupart coururent se renfermer dans leurs
maisons, et attendirent l'événement; un certain nombre, le<
Bourguignons, les vieux cabochiens, allèrent joindre la milice aux
remparls^.
1. Chrnuiq, de la Pitcelle, ap. Collict. Michaiid, 1" série, t. III, p. |o8.
2. IMiis lurd, ou fit un crime- k Jeainic d*uvoir donné l'ussùur en « cesaîui jour.^
3. llciji.\lrei du purUtHCM ; Proccè, l. IV, p. 4-)7.
C1429] ATTAQUE DE PARIS. 213
Jeanne, cependant, continuait ses efforts pour combler et fran-
chir le fossé. Les fascines manquaient ; les préparatifs n'avaient
pas été suffisants, soit imprévoyance, soit mauvais vouloir des
maréchaux. Jeanne cependant persévérait avec une entière con-
fiance, sous une tempête de boulets, de flèches et de dnrreaux
Tarbalètes, et les soldats s'encourageaient les uns les autres, en
remarquant le peu d'effet de toute cette artillerie. Perceval de
^agni, qui était avec le duc d'Alençon, prétend qu'aucun des
P*rançais n'avait été frappé à mort, et que l'on ne voyait guère
yarmi eux que de légères blessures. « C'est la grâce de Dieu et
•heur de la Pucelle! » se disaient-ils*. Vers le soleil couchant,
Feanne, toujours debout sur le bord du fossé, et devenue le point
le niire de tous les ennemis, fut enfin atteinte profondément d'un
irait d'arbalète à la cuisse. Elle s'étendit sur le talus du fossé, et
de là elle ne cessait d'exhorter les soldats de ne pas quitter l'en-
treprise, d'aller quérir partout du bois pour remplir le fossé,
l'approcher du mur, quoi qu'il en coûtât, et toujours elle affirmait
pie la place serait prise ^. t Les pertes de l'armée ne sont pas
grandes... Sans doute les bons François qui sont dans la ville ten-
eront quelque chose cette nuit... Le roi! le roi! que le roi se
nontre!»
Si Retz et Gaucourt l'eussent secondée de tout leur pouvoir, si
le roi était venu de Saint-Denis, il est très probable que la nuit
»ûl servi l'attaque plus que la défense, et que le mouvement qui
ne s'était pas déclaré à l'intérieur de Paris dans la journée eût
éclaté à la faveur des ténèbres.
Le roi ne vint pas : les chefs ne firent rien pour ranimer la las-
situde des soldats; à plusieurs reprises, ils invitèrent Jeanne à se
retirer; enfin, entre dix et onze heures du soir, Gaucourt et
fautres la vinrent prendre, et, contre son vouloir, l'emmc-
lèrent hors des fossés. € Et avoit très grand regret d'elle ainsi
;oi départir, en disant : « Par mon martin, la place cùi été
)rise! »
€ Ils la mirent à cheval » et la ramenèrent h La Chapelle avec
1. Perceval de Cagni, ibid, p. 27.
2. Perceval de Cagni, ibid, p. 27. — Jean Chartier, ibid, p. 87. — Jjttmal du
iége d'Orléans, ibid. p. 199.
214 GUERRES DES ANGLAIS. i\hv\
l'armée < . Jennne goûtait pour la première fois au calice d'amer-
tume qu'elle devait épuiser jusqu'à la lie. Pour la première foi*,
elle avait échoué dans une de ses entreprises. Cette nuit-là, on se
réjouit dans le conseil du roi de France à Saint-Denis, autant que
dans le conseil du régent anglais à Paris.
Tout était ébranlé; rien n'était perdu. Le lendemain, Jeanne,
sans se soucier de sa blessure 3, se leva de grand matin, fit venir
le duc d*Alençon et le pria de faire sonner les trompettes poui
retourner devant Paris : « Janiais n'en partirai-je tant que j'aurai
la ville. » Un grand débat s'éleva entre les chefs : tandis qu'ils Ai^
cufaienl, on vil une troupe de gens d'armes arriver du côté de
Paris. C'était le premier baron de l'Ile-de-France, le sire de Mont-
morenci, qui, jusqu'alors attaché au parti angio -bourguignon,
se trouvait encore la veille dans les rangs des ennemis. Il venait,
avec cinquante ou soixante gentilshommes, joindre la Pucelle,
après avoir franchi une des portes, qu'il eût probablement livrée
la nuit précédente, si l'assaut eût continué*. Des cris de joie ac-
cueillirent ces nouveaux alliés, qui en promettaient d'autres. Oo
monta à cheval; déjà Ton était en marche, quand deux des princes
du sang accoururent de la part du roi. Charles priait la Pucelle
et le duc d'Alençon de revenir, et commandait à tous les autres
capitaines de ramener la Pucelle à Saint-Denis!
Ce coup fut affreux pour Jeanne. La plus grande partie de l'ar-
mée en resta atterrée comme elle. Jeanne obéit, mais en se rat-
tachant passionnément à une dernière espérance. C'était de tour-
ner Paris par un pont que le duc d'Alençon avait fait jeter sur b
Seine à Saint-Denis, et d'aller renouveler l'attaque par la rive
gauche. Le mot fut donné à tous les « gens de bon vouloir >. Le
10 septembre, « bien matin », la Pucelle, avec le duc d'Alençon
et l'élite de l'armée, se mit en mouvement afin de passer la Seine.
Le pont de Saint-Denis n'existait plus! Le roi l'avait fait c dépecer
tonte la inni* ».
1. iVrrcval de r.apni; ihid. p. 27.
'.'. X J'avitis iniilf iiiiilicis «run^fs qui iii'eusMMit emportée eu paradis si je fa»9c
inorcî .» dii-clle. Pmrrt, t. I, p. IHH.
::. rfn*(.'\al <](.> Cafini, ibid. p. ':.S. IVrreval, trinoin oculaire, est bien plat
cru .ililf ici que riiistitriograplie Jeun Cliurliin* ou que Mousirelet.
4. IVrccval de Cugui, ibid, p. 28.
rUSd] JEANNE TRAHIE. 215
Toute réflexion serait au-dessous des faits. Il n'y a pas, dans
l'histoire moderne, de crime contre Dieu et contre la patrie
comparable à celui de Charles VII et de ses favoris, de môme
qu'il n*y a pas de grandeur comparable à celle de Jeanne
Darc.
Après trois jours de débats dans le conseil du roi, débats
où les Bourbons abandonnèrent le duc d'Alençon et inclinè-
rent au « vouloir » de Charles VII, le retour sur la Loire fut
décidé. « Au parlement du roi la Pucelle ne put trouver aucun
remède. »
Le complot impie avait réussi. Le roi, le favori, l'arche vôque
de Reims étaient parvenus à repousser la main de la Providence
et à FAIRE MANQUER LA MISSION DE Jeanne, sauf à ajoumcr indéfini-
ment la délivrance de la France. L'infaillibilité de la Pucelle était
démentie aux yeux du peuple et de l'armée, « non par sa faute,
ni par l'abandon de la fortune ou l'affaiblissement de son inspi-
ration, mais par les manœuvres de ceux-là mêmes au profit de
qui elle avait accompli tant de miracles * ». Leur art devait con-
sister désormais à garder le bénéfice des premières parties de sa
mission, qui avaient réussi malgré eux, ù nier le reste, et à em-
pêcher Jeanne de se relever de l'échec qu'ils lui avaient préparé.
Ce fut alors, et non point après le sacre, que Jeanne, sentant
l'œuvre de Dieu faillir par l'ingratitude et l'impiété des hommes,
voulut se séparer du roi; mais ce n'était pas pour retourner sous
le chaume paternel : elle n'espérait déjà plus une fin paisible et
obscure; elle ne pouvait se décider à perdre de vue ce grand
Paris qu'elle s'était sentie appelée à rendre à la France; ses voix
lui criaient de rester à Saint-Denis. Elle offrit son armure à l'église
de Saint-Denis et appendit, devant l'image de Notre-Dame et les
1. Quicherat, Aperçus nouveaux sur Jeanne d'Arc, p. 35. — « Et certes aucuns
dirent depuis que, si les choses se fussent bien conduites, qu'il y avoit bien
grand apparence qu'elle en fût Tenue k son vouloir (touchant Paris). » Journal du
siège d'Orléans; Procès, t. IV, p. 200. « Et étoient les assaillants si près des
murs qu'il ne falloit que lever les échelles dont ils étoient bien garnis, et ils
eussent été dedans et croi qu'ils eussent gagné la ville de Paris si Ton les
eût laissés faire. » Chronique normande de 1430; ap. Procès, t. IV, p. 342-343.
Ainsi, k Rouen comme à Orléans, dans les provinces encore anglaises comme dans
les cités délivrées par Jeanne, les gens avisés croyaient que Paris eût été pris si
ron eût voulu le prendre.
216 GUERRES DES ANGLAIS. [I4!9]
leliques de Tapôtre de Paris, « son harnoîs complet* > avec répée
qu'elle avait conquise au boulevard Saint-Honoré. Bile voulait
demeurer là auprès de ses armes. Était-ce pour y attendre le mar-
tyre? La sympathie des uns, la politique des autres s*unireiit
contre sa résolution : princes et capitaines la comblèrent d'éloges
« pour le bon vouloir et hardi courage qu'elle avoit montrés*»:
on lui remontra le grand besoin que la France avait encore d'elle;
on l'emmena enfin, suivant ses propres paroles, c contre le voi|^
loir du Seigneur môme^ », et, c à très grand regret, elle se mil
en la compagnie du roi ^ ». Elle se reprocha grandement, plus
tard, celle première désobéissance à ses voix, et, si jamais ne se
démentirent son héroïsme, sa piété et son génie, elle n*eut plus
désormais cette perpétuelle et absolue certitude du succès qd
avait rendu son ascendant irrésistible sur les masses d'hommes.
A la retraite de Saint-Oenis commence, dans la courte carrière
de Jeanne, une période pleine de troubles d'àme et de douleurs
ignorées, transition obscure entre les splendeurs de la victoire
et celles du martyre. La nuit du Jardin des Oliviers devait durer
huit mois pour la PuccUe !
Cette belle armée de volontaires, qui avait quitté les bords delà
Loire deux mois et demi auparavant, avec la ferme confiance de
délivrer la France entière , et qui avait fait la campagne sans solde
et sans pillage, le plus grand miracle de Jeanne! repartit donc
tristement de Saint-Denis, le 13 septembre, laissant son œuvre
inachevée. Le roi, si lent quand il s'était agi de marcher en avant,
trouva de la célérité pour la retraite. Il reconduisit l'armée c aus-
sitôt que faire se put... en manière de désordonnance* », près*
que comme une armée battue , et ne mit que huit jours pour
regagner son point de départ, Gien-sur-Loire, après avoir fait un
détour pour aller passer la Marne à Lagni, qui lui avait envoyés»
souniission à Saint-Denis. Charles Vil franchit la Seine à Brai,
1. Une tradition fort douteuse veut retrouTer ce « harnoii • de la Pucelle dtis
raroiure qui porte le n* 14 dans la salle des armures, au Musée de rartilleric. k
Fai is.
2. Journal du siège d'Orléans, p. 199-200.
3. Procès, t. I, p. 57.
4. Perce val de Cagni, Procès, IV, 29.
6. Perceval de Cagni, ibid. p. 29.
)] RETRAITE DO ROI. S17
cette fois, livra son pont, puis l'Yonne à gué près de Sens,
)re anglais, et repasse la Loire le 21 septembre. L*armée se
tersa.
eu de jours après réloignement de l'armée, un détachement
le roi avait laissé à Saint-Denis évacua cette ville devant les
lo-Bourguignons, sortis de Paris, et se replia sur Senlis. Les
émis châtièrent durement les habitants d'avoir ouvert la place
Français, et emportèrent l'armure de la Pucelle, sans respect
r la consécration qu'elle en avait faite à Notre-Dame et à l'a-
e de Paris.
larles VII et ses favoris, surtout l'archevêque de Reims,
ent emporté avec eux leur rêve d'accommodement avec le
de Bourgogne, et Philippe les y entretenait fort habilement,
ooême temps qu'il publiait son ban de guerre dans ses pro-
ies du nord, il mandait au roi qu'il se rendait à Paris « pour
liller à l'avancement du traité». La trêve entre le roi et le
fut prorogée jusqu'à la Pàque de 1430, et Pont-Sainte-
ence fut remis, par ordre de Charles VII, à Philippe, qui passa
e avec un corps d'armée , et qui entra dans Paris le 30 sep-
t>re. Le régent anglais, revenu de Normandie à la nouvelle de
ique de Paris, alla au-devant de son beau-frère avec les no-
BS de la capitale. Les Parisiens accueillirent le duc Philippe de
dère à faire comprendre aux Anglais que ce n'était pas par
►ur pour eux qu'on avait résisté au roi Charles : le peuple cria
1 sur le passage du duc de Bourgogne, et l'université, le par-
ent et le corps de ville demandèrent nettement que la régence
transférée à Philippe. Bedford comprit la situation avec sa
icité ordinaire : loin de se roidir contre le vœu des Parisiens,
3 joignit à eux pour prier Philippe d'accepter, ne se réservant
le gouvernement de la Normandie. La régence , devenue
tôt charge que profit, tentait médiocrement Philippe ; Bedford
Jus, et, de concert avec le cai*dinal de Winchester, il offrit au
rguignon l'investiture de la Champagne. La possession de
B province eût réuni en un tout compact les deux moitiés de
seigneurie • de Philippe, la Bourgogne et les Pays-Bas*. Le
Les offres de Bedford forent ratifiées par le conseil d'Angleterre, «v. dans
îT uu acte daté du 9 mars 1430, t. X, p. 454.
218 GUERRES DES ANGLAIS. {\m\
duc de Boiirpcogne accepta, bien qu*on ne lui ofTiit que le droit d^
conquérir un pays presque entièrement occupé par Tennenû. D
promit de seconder puiss<imment les Anglais à rexpiration de h
trôve.
La trêve, étendue à la ville de Paris et aux ponts de ChareotOD
et de Saint- Cloud, n'existait que de nom : les Anglais wnàaA
refusé d'y être compris, et les bandes bourguignonnes s'asso-
ciaient à eux pour faire, sous la croix rouge, ce qui leur était
interdit sous la croix de Saint-André. Les Français, qui tenaient
Senlis, Creil, Compiègne, Beauvais, Lagni, n'observaient pas
mieux la suspension d'armes, et, de part et d'autre, on pillait,
on brûlait, on ravageait le pays à l'envi. Jeanne n*était plus là
pour protéger le pauvre peuple, et les soldats, un moment trau-
formés par sa sainte influence, revenaient à leurs habitudes n-
pacos et cruelles. L'hiver fut affreux pour les populations de l'Ile-
de-France, qui , après quelques années d*un repos si chèreinenl
acheté sous la domination étrangère, se retrouvaient en proie i
des calamités dont rien ne faisait plus prévoir la fin. La Norman-
die n'était guère plus heureuse : le mouvement de « recouvrance»
qui semblait devoir expulser l'étranger de cette belle contrée,
n'étant pas soutenu, s'arrêta et recula. Leduc de Bedford eut tout
le loisir de reconquérir les forteresses normandes enlevées par ks
aventuriers français : Château-Gaillard et Torci se rendirent ptf
défaut de vivres, après six ou sept mois de blocus. Aumale et
Estrepagiii avaient été repris auparavant. Les Normands qui
avaient aidé les Français à se saisir de ces places fortes, furent
exceptés des capitulations et impitoyablement mis à mort. Les
vengeances des Anglais ne découragèrent pas le parti national : un
complot se trama pour introduire dans Rouen même les troupes
françaises. Les Anglais en eurent vent : un riche bourgeois, Richard
Mites, et beaucoup d'autres citoyens de Rouen furent traînés an
supplice ^ Bedford ne réussit pourtant point à chasser entièrement
les Français de la Normandie; l'infatigable La Hire surprit Lou-
viers, au commencement de l'année 1430, et s'y cantonna.
1. Chromq. de la Pur elle. — Chérael, Rouen sous les Anglais, p. 84. — JUaBr
trelet. A Cftio i^poquc doit se rapporter la mort patriotique du poêle Olivier Bu^
selin. Nous reviendrons sur les compatjuom du vau-^e^virc.
429] LA NORMANDIE DÉLAISSÉE. 219
La cause de la France avait été trahie par le roi et par ses con-
îillers en Normandie comme devant Paris. Après la séparation
5 Tarmée à Gien, le duc d'Alençon était allé dans sa vicomte
3 Beaumont en Anjou c assembler gens pour entrer au pays de
Drmandie, et pour ce faire, requit et fit requerre le roi qu'il lui
lût lui bailler la Pucelle ». Il était sûr qu'elle lui vaudrait une
•mée; qu'au nom de Jeanne les volontaires reviendraient en
ule*. Livrée en toute liberté à ses inspirations, loin du roi et
îs favoris, et lancée dans une grande entreprise où le conné-
ble de Richcmont l'eût volontiers secondée, Jeanne eût infailli-
lement effacé l'échec de Paris par des coups éclatants. C'est ce
le ne pouvaient permettre ceux qui s'étaient placés en travers
8 sa mission. « Messire Regnauld de Chartres, le seigneur de La
rémoille, le sire de Gaucourt, qui lors gouvemeient le corps du
oi et le fait de sa guerre, ne vouldrent (voulurent) oncques con-
mtir, ne faire, ne souffrir que la Pucelle et le duc d'Alençon
issent ensemble*. » Jeanne et le duc ne se revirent jamais.
On retint Jeanne dans l'inaction à la suite du roi durant plu-
eurs semaines. Depuis son retour à Gien, « le roi passa temps
i pays de Touraine, de Poitou et de Berri. La Pucelle fut le plus
a temps vers lui, très marrie de ce qu'il n'entreprenoit à con-
aêter de ses places sur ses ennemis^ ». Le conseil du roi céda
afin à demi et consentit à la laisser remonter à cheval, mais
our aller faire, avec le seigneur d'Albret, beau-frère de La Tré-
loille et lieutenant du roi en Berri, une petite et obscure cam-
agne contre quelques forteresses que des compagnies anglo*
1. ... « Que, par le moyen d'elle, plusieurs se mettroient en sa compagnie, qni
i se bougeroient si elle ne faisoit le chemin. » Perceval de Cagni, Frocéi, 1. 1\
. 30.
2. Perceval de Cagni, ibid, p. 30. — Berri, roi d'armes, ibid, p. 48.
3. Perceval de Cagni, ibid, p. 32. — « Quand le roi se trouva au dit lieu de
ien, lui et ceux qui le gouvernoient fireut semblant qu'ils fussent contents du
>7age que le roi avoit fait, et, depuis, de longtemps après, le roi n'entreprit
aile chose & faire sur ses ennemis oU il vouslt (voulût) être en personne. On
3urroit bien dire que ce étoit par son (sol?) conseil, si lui et eux eussent
3ulu regarder la très grande grâce que Dieu avoit faite à lui et à son royaume
if renireprise de la Pucelle, message (messagère) de Dieu en celte partie, comme
ar ses faits pouvoit être aperçu. Ella fit des choses incréables à ceux qui ne l'a-
Dient vu, et peut-ou dire que encore eût fait, si le roi et son conseil se fussent
ien conduits et maintenus vers elle. » Ibid. p. 30.
220 GUERRES DES ANGLAIS. (Utt]
bourguignonnes avaient conservées sur le cours supérieur de h
Loire et qui inquiétaient le Bourbonnais et le Berri. On allaqua
Saint-Pierre -le-Moûtier, qui commande le Bec d*AUier, ou la
presqu'île que fonnent l'Allier et la Loire avant de se joindre aa-
dessous de Nevers. La garnison ennemie, nombreuse el vaillante,
repoussa si vigoureusement le premier assaut, que les assaillants
reculèrent en masse loin des remparts; la Pucelle resta délaissée
au bord du fossé avec quelques hommes d'armes, c Jehanne, loi
cria-t-on, retirez-vous de là, vous êtes toute seule ! — Je ne suis
pas seule », répondit Jeanne en ôtant son heaume et en tournant
vers les fuyards sa belle tête inspirée; € j'ai encore avec moi cin-
quante mille de mes gens!... Je ne partirai pas d'ici que je n'aie
pris la ville!... Aux fagots et aux claies tout le monde! qu'on
fasse un pont sur le fossé ! »
Les soldats crurent qu'une armée céleste, visible pour elle seale,
arrivait à leur secours : ils revinrent à la charge avec furie, coin-
blèrent le fossé, s'élancèrent à l'escalade et renversèrent tous les
obstacles * (fin octobre).
Les favoris prirent peur. Jeanne n'avait rien perdu de son élan
et ressaisissait sa puissance. Déjà elle suppliait, elle criait qu'on
la laissât rentrer dans l'Ile-de-France >. Le roi s'y refusa absolu-
ment. On l'envoya, elle, Albret et le maréchal de Boussac, c avec
bien peu de gens », devant La Charité-sur-Loire, forte place dé-
fendue par un fameux aventurier bourguignon, Perrinet Grasset
Jeanne marcha à contre cœur : ses voix se taisaient; elle se seih
tait encore une fois jetée hors de sa route. Les assauts furent
repoussés : le siège languit près d'un mois; l'hiver et les mauvais
temps étaient venus; on ne recevait ni vivres ni argent'; les sol-
dats se découragèrent; Boussac et Albret levèrent le siège en dés-
ordre, en abandonnant la meilleure part de l'artillerie (décembre
1429)^
La Trémoille compta pour peu la part qu'avait son beau -frère
1. Déposition de Jeun d'Aulon; Procès, t. III, p. 218-218.
2. Interrogatoire du 3 mars; Procès, t. I, p. 109.
3. Trop peu, du moins; la ville de Bourges avait expédié quelque argeit-
V. Procès, t. V, p. 356.
4. Perceval de Cagni, Procès, t. IV. p. 31.— Berri, ibid., p. 49. — J. Cbanicr,
ibid, p. 91.
ti429] SIÈGES DE SAIlNT-PiERRE ET DE LA CHARITÉ. 221
d*All)ret à ce second échec de Jeanne : il y avait là pour lui une
trop grande victoire ! On avait désormais un prétexte pour em-
pêcher Jeanne de rien entreprendre. On affecta de la consoler
par de vaines faveurs de cour : c On la persécuta de prévenances
et d'honneurs ^ » : Charles VII lui décerna des lettres de noblesse
pour elle, ses père, mère et frères, et toute leur postérité « mâle
et femelle » ; clause tout à fait inusitée et qui semblait im acte de
justice envers le sexe auquel appartenait l'héroïne. Deux de ses
frères avaient fait à ses côtés une partie de la campagne de 1429 :
le roi donna pour armes aux frères de la Pucelle une épée d'ar-
gent entre deux fleurs de lis d'or sur un champ d'azur. Est-il
besoin de dire que Jeanne reçut ces privilèges avec indifférence ^
(décembre 1429)?
Il y eut, pour Jeanne, depuis le retour de La Charité, quatre
mois d'angoisses que les langues humaines ne sauraient expri-
mer. Sentir que l'on porte en soi le salut d'un peuple, que Dieu
nous pousse et que les hommes nous enchaînent! Il faudrait pou-
voir s'identifier à ces êtres extraordinaires pour comprendre le
fardeau qu'ils portent quand ils se chargent ainsi des douleurs
d'un monde !
Non-seulement les pharisiens et les courtisans, les hypocrites
et les vicieux, mais les faux prophètes, conspirent contre le vrai
Messie. Depuis les triomphes de Jeanne, les visionnaires, les
prétendus révélateurs se multiplient. Maints extatiques ne sont
que des âmes pieusement exaltées qui confirment la mission
de la Pucelle et qui s'inclinent devant l'envoyée de Dieu, mais
1. Quicberat, Aperçus, etc., p. 36.
2. Ce fut « sans sa requête et sans révélation de ses voix », dit-elle expressé-
ment. Interrogatoire du 10 mars; Procès, t. I , p. 118. La seule demande que
Jeanne eût présentée à Charles VU était l'exemption d'impôts pour Domremi et
Greux, paroisse de laquelle relevait Domremi. Procès, t. V, p. 139. L'exemption,
en date du 31 juillet 1429, a duré jusqu'au siècle dernier. La généreuse ville d'Or-
léans reçut aussi, sur ces entrefaites, quelques faveurs du roi : Charles VII n'alla
pas visiter la cité qui partageait avec Jeannp l'honneur d'avoir sauvé sa couronne,
mais il lui octroya l'exemption de tous impôts tant qu'il vivrait (16 janvier 1430).
Montargis, qui avait montré un dévouement inébranlable k la cause nationale,
fut affranchi perpétuellement de tous impôts, sauf la gabelle du sel, et reçut le
uom de Montargis-le-Franc (lu libre). Les citoyens de Montargis eurent le droit de
portrr une M couronnée en broderie sur leurs habits (mai 1430). Ordonnances des
rois, l. Mil, p. i4i-l52.
222 GUERBES DES ANGLAIS. [14»]
il y a aussi des fanatiques égarés par Tesprit d*iniîtalion cl |»ar
l'esprit d'orgueil , et des imposteurs qui parodient rinspiratiun.
Dans le courant de l'automne, une certaine Catherine, de La Ro-
chelle, était arrivée à la cour, prétendant qu'une dame blanclK
vêtue de drap d'or lui apparaissait chaque nuit, et l'avait char-
gée d'aller par les bonnes villes commander à chacun de livrer
au roi tout ce qu'il avait d'or ou d'argent pour payer les gen^
d'armes de Jeanne. Elle saurait bien, disait-elle, découvrir Iw
trésors cachés. On présenta Catherine à Jeanne , qui pressa en
vain celte prétendue prophétesse de lui faire voir sa dame blanche.
Jeanne consulta ses voix, qui lui dirent que ce n'était que folie et
néant : elle empêcha le roi de se servir de Catherine, au grand
dé|)laisir de frère Richard, qui eût voulu associer Catherine à
Jeanne et les « gouverner » toutes deux ^. L'ambition d*un grand
rôle avait tourné la tête au cordelier; l'espoir de c gouverner»
Jeanne était de la démence; mais la folie devint criminelle, d
l'enthousiaste, dégénéré en intrigant, tomba dans les bas-fonds
où s'agitait sa protégée. Tous deux furent les instruments des
eimemis de laPucelle qui toutefois ne s'en contentèrent point, et
qui commencèrent à chercher quelque agent moins discrédité
que Catherine, et capable , à ce qu'ils imaginaient, de remplacer
Jeanne. Ceux qui avaient conspiré pour faire mentir Dieu son-
geaient maintenant à contrefaire Dieu!
L'élan donné par Jeanne à la France avait été si puissant qu'il
continuait de lui-même , malgré tous les efforts du roi et des
favoris pour l'étouffer. Dans les premiers mois de 1430, de bonnes
nouvelles arrivèrent des bords de l'Yonne et de la Seine : Sens,
qui avait fermé ses portes au roi quelques mois auparavant,.
venait de « se tourner françois ». Melun s'insurgea et se déhar —
rassa de sa garnison anglo-bourguignonne. Paris, rançonné aia
dedans par les soldats picards du duc de Bourgogne, harcelé aL¥
deliors par les bandes françaises qu'une garnison insuffisante do
pouvait écarter de sa banlieue, et qui venaient de s'emparer de
Saint-Maur, se désabusait de ses espérances obstinées dans le
Bourguignon : un nouveau complot fut tramé pour introduii'e lc$
1. luicrrof^utyires du 4 un 9 niar»; Procès, t. I, p. 107.
i
[1430] JEANNE, CATHERINE ET FBÊRE RICHARD. 223
ti'oupes françaises dans la ville; plusieui's membres du parlement
et du Châtelet y trempaient avec un grand nombre de marchands
et de gens de métiers. Un carme leur servait d'émissaire auprès
des capitaines français. Ce moine fut arrêté et contraint par les
tortures à dénoncer ses complices : on en prit plus de cent cin-
quante ; plusieurs furent décapités; d'autres furent noyés ou mou-
rurent dans les tourments de la « question » ; quelques-uns des
plus riches sauvèrent leur vie au prix de leur fortune (fin mars).
La plupart étaient restés enfermés à la Bastille : un jour, l'un
d'eux déroba les clefs et délivra ses camarades ; ils tuèrent les
geôliers et faillirent s'emparer de la Bastille ; malheureusement,
le gouverneur de Paris, l'Ile-Adam, était dans la forteresse, et
accourut avec ses gens d'armes ; les prisonniers furent massacrés
et jetés à la rivière (commencement de mai 1430).
Les ennemis, cependant, se préparaient à un grand effort: le
conseil d'Angleterre venait d'ordonner à tout Anglais qui possé-
dait depuis trois ans quarante livrées de terre, ou un revenu équi-
valent, de recevoir au plus tôt l'ordre de chevalerie; en môme
temps il publiait une proclamation contre les capitaines et soldats
qui, après s'être enrôlés pour le « voyage de France », ne vou-
lîdent plus partir, terrifiés qu'ils étaient c par les enchantements
delà Pucelle (3 mai)* ». Le cardinal de Winchester s'était enfin
décidé à faire amener en France le petit roi Henri VI, qui débar-
qua, le 23 avril, jour de Saint-Georges, à Calais, avec un nom-
brem cortège, où figurait Pierre Cauchon, l'évêque exilé de Beau-
^ài^ : le cardinal de Winchester amena le roi, son petit-neveu, à
^ouen, et l'installa dans le palais, ou plutôt dans la forteresse que
^^nri V avait commencée au bord de la Seine en 1420 pour tenir
"^laen en bride*. Le duc de Bourgogne, de son côté, tenait la pa-
^'^le qu'il avait donnée à Bedford, et se jouait de toutes ses pro-
^^^sses à Charles VII : tout en rendant à Bedford, après Pâques,
*^ régence, qui n'était pour lui qu'un embarras , il armait c à
P^*^nd force », au sortir des fêtes splendides par lesquelles il venait
*^ solenniser son mariage avec une princesse de Portugal * : il
t. «ymer, t. X. p. 449-459.
2. C'est le Vieux Palais 4e Rouen.
3. C'était sa iroisièuie feuime. La première, Micliellc de France, sœur de
224 GUERRES DES ANGLAIS. [i«
avait regagné, non sans peine, la Picardie chancelante, en I
|)roniet(anl de solliciter pour elle, près du roi Henri, i*aboliti
des impôts; il détermina les Picards à suivre encore une fois i
bannières, et monta à cheval, peu après Pâques, avec une noi
brcuse gendarmerie bourguignonne, picarde, artésienne et bdj
C'était pour lui, au fond, et non pour les Anglais quMl entend
tiavailler. Il tenait la Marne par Meaux : il voulait à tout p
tenir TOise par Compiègne, position bien plus importante encfl
Charles VII lui eût livré cette ville; les habitants la lui aval
refusée ; il essaya de lacheter du gouverneur, Guillaume de Fb
gentilhomme du Vermandois. Flavi répondit que sa place n'è
pas à lui, mais au roi, et garda Compiègne au roi malgré le
lui-même *. Philippe, résolu d'enlever par force ce qu'il ne pi
vait obtenir de bon gré, commença de menacer Compiègne
ne renouvela plus la trêve après Pâques.
Jeanne savait les périls qui allaient assaillir ses compagn
Charles VII, était morte du cliagrin que lui causaient les malheurs de ta fM
et lu sunglante rupture des maisons de France et de Bourgogne. Le dnc aTtit
suite épousé Bonne d'Artois, veuve de son oncle Philippe, comte de Nevers, t
Azincouri, avec laquelle il fut uni peu de tcmp?. Il donna à ses troisièmes oa
célébiées u Bruges le 10 janvier 1430, une solennité extraordinaire, ei déf
dans les fêtes du mariage une magnificence qui effaçait celle de tons \ts roi
rKuropu. Lu riche Flandre, dont la prospérité inouie semblait insulter aai mil
de la France, se para de toutes les splendeurs du luxe tit des arts pour faire 1
neur U son prince; le grand peintre Van-Eyck avait été un des envoyés de Pbil
en Portugal auprès de su fiancée; les bourgeois de Bruges et de Gand Initi
de faste avec les barons de Bourgogne et des Pays-Bas. Ce fut au milieu di
têtes que Philippe institua l'ordre de la Toison d'Or, qui rivalisa bientôt avi
Jarretière d'Edouard III. Ces deux ordres furent également créés par la galanl
au profit de la politique. Philippe, qui ne se piqua jamais de fidélité conju|
comme l'attestèrent ses quinze bâtards, était fort amoureux d'une belle da»
Bruges au moment oii il recevait si splendidement sa nouvelle duchesse. Q
ques seigneurs s'étant permis des plaisanteries messéantes sur la toison ttor à
belle Brugeoise, qui avait les cheveux roux, le duc jura, dil-on, que les plati
seraient trop hcun-ux de porter au cou la laiton d'or. Quoi qu'il en soit, PbilJ
sut se faire de cette institution chevaleresque un instrument politique très efla
il s'uttribuu, pour lui et les ducs de Bourgogne, ses successeurs, la grande i
trise de Tordre, composé de trente-un chevaliers, qui juraient, entre autres ch«
de servir loyalement le chef de la confréiie et de lui révéler m tout ce qui lii
roil contraire. » v, Barante, t. VI, p. 38-56.
1. Au moment où Compiègne avait appelé le roi, en août 1429, La Tréw
en avait demandé le gouvernement , afin de le remettre au duc de Bourgog
mais il trouva Flavi installé pur lui-même et par les habitants, et il fallut qt
roi coufiiuiàl Fluvi. Procès, t. V, p. 173.
[IÎ30] JEANNE SE SÉPARE DU ROI. 225
d'armes : elle voyait le roi imiDobilc, depuis des semaines et des
mois, dans un des châteaux de La ïrénioille, à Sulli sur Loire,
:M)mme enchanté par le génie malfaisant du maître de ce lieu.
Feanne ne pul tenir davantage à ce supplice. Les voiles s*étiiient
léchirés, les illusions étaient tombées. Ce que la généreuse fille
3C dira jamais, on le sent trop, elle connaît le roi désormais!
Jucls déchirements elle a dû endurer avant de subir cette vérité
atale, avant de reconnaître ou tout au njoins d'enirevoir que 'ce
•oî, « la racine de son cœur* », le lype vivant de la France, que
:e roi est un néant devant Dieu; qu*il n*a point d'âme! Quel effort
erril)lc que de briser ces personnifications où Ton s'est complu à
résumer l'être collectif, la patrie! Les nations entières s'olistinent
ians ces illusions durant des siècles. Qu'est-ce donc quand il faut
]U*unc seule et même âme élève et abatte l'idole aimée!
Vers le milieu d'avril 1430... « le roi étant en la ville de Sulli
;ur Loire, la Pucelle, qui avoit vu et entendu tout le fait et la
nanière que le roi et son conseil tenoient pour le recouvren)ent
le son royaume, elle, très mal contente de ce, trouva manière
le soi départir d'avec eux, et, sans le su du roi ni prendre congé
le lui, elle fit semblant d'aller en aucun ébat, et, sans retourner,
'*cn alla à la ville de Lagni sur Marne, pour ce que ceux de la
>lace faisoient bonne guerre aux Anglois de Paris et ailleurs 2. j>
Il n'y avait que treize mois qu'elle avait abordé, à Chinon,^
"ayonnante de foi et d'amour, l'ingrat qu'elle quittait aujourd'hui
K)ur ne plus le revoir. Quels prodiges, quelles joies et quelles
ingoisses également inouïes avaient rempli ce court intervalle !
Suivie d'une petite troupe de braves gens attachés à elle jusqu'à
la mort, elle partit donc sans congé, sans retour, l'âme divisée
:ontrc elle-même, disputée entre les éclatantes promesses du
passé et les pressentiments funèbres de l'avenir. La vision, naguère
1. Quichcra'.
2. Perccval de Cagni; Procès, t. IV, p. 31, 32. — Il y a deux dates différentes
assignées, dans deux ciiupitres de Pcrce\al, uu drpnrl de lu PucoUe, à savoir :
le mars et lu fin d'uvril. Une date iiiierniédiuire concorde uiit-ux avec deux
documents authentiques. La derniiMe leUn* qu'on ail de Jeanne, adressée aux
Rémois, est du 28 mars, U Sulli; Pmcôi» t. V, p. ICI; et Jeanne, suivant son
propre témoignage, »*Mail à Meluu dans la semaine de Pâiiues, c'esl-a-dire entre
le 17 et le 23 avril, Pâques étant tombé, cette année, le IC avril; ProcOs, t. I,
(i. 115; interrogatoire du 10 mars.
VI 15
2U OttttfàESÙES AfiÙLKîS. Il
si rt^plcrjîîîssanle, descendait mivînteaani à Irails^ somlwts.
voix se firent eiilciidrc à die sur Ic5 fossés de iUhiu : « Ji*!
lu «ieras prîsf! avant la Saint-Jehan ! U Tant i|u'il suit miiÉi fâll
t*iHonne point; prends tout en gré; Dieu iVideniU »
Frisc^ t'il*.' (jtii devait « eluisî^er Ijps Anglais de totUi: Pi
Vaincue, dk^ lange de victoire! Fallaîï-il rncore imc fob qtl'
pure hostie rachetât ring:ralilnJe et riiicrt^diditC* di'f lioai
EITu î**indina devant ce mystère et s'apprCb an laartm
nagiu>re mi triomphe, deinandaul î^culeinenl à * ^9 U^,;z
Paradis » de lui «"épargner les misères d'une langui! raplinie d ifc
lui obtenir la grâce d'une prompte mort. Elle prda le silci
la triste révClatiou, et montra jusqu'au bout i «es couif
mhne f^évHiM et même vaillanee, pUis adoiiraliln coDiire
une telle force d'âme qu'elle ne Fêlait atipamvant ii*r renll
siasuie d'une vieloire assurée. Senleuienl elle cei*sa dcMJi
d*impotier se^ inipcrieuse^ inspirations aux aulrts capiliLtnrs^
d*aprés son propre lénioigîîage, elle 4 s*cn nipiK»rta le plu^ ise»-
vent h eux du fait de la puerre» »»
Elle eut cependaul encore la conduite et riiomieiir du ynu t
fait d'uj tues qui signala son retour sur le tbèAIre desconiliii* •
peine ai rivée à Laj^P, clic eut avis que la campa^c ^taii
l»ar une compagnie anglo-bonrgiiif nonne anx ordres de i '
.d'Arras, aventurier aussi redouté poui* sa *cruautè que \ ^
hravoure- Elle montai à cbeval avec ses gens el félilc de h p^
tiison de Lafui, courut sus à Franquct, et, aprèa ime lulk ïrta
arbarnée, le délit et le lit prisonnier. Le baillî deSentSs et !- ■ •
de Lagni réclamèrent Franquet comme î^'élanl mh en dt J
di o5t de la guerre par ses crimes» Jeanne voulait l'èchafigcr coutrc
un prisonnier fran(:ais. Le bailli lui dit a qno e'MiU fiure framlt
1. J*rûrèêt u 1, y. lii» 2. Pnfcé*, l i, fi. 147.
3. Son p;]£!iug(! h U^n» fui ftignmté p&r un Ucldî^^at «fui aUf^u «jm^ U |*^
nV^aii ricti pcrda tîc ta M on elte, Lfa eufunt év. triH fifur* o^«Tèlf fu^étm
tignc fie «k. dcpuit lift iiiiKii4Qi-« ; f| 4liiJl ir Wul noir ir, li r«f) u'uiait Ir ^^iIhS.
Ip ciûjfant morï» Ou >ini f|uérir Icunnc |*fj«r (jii*dicî pr«àt Djî^ti c* ^.^trc-lHi?,
u tijln qtfi lu tic fù Uonn^e ii I*iinf£inu EUt- allu ri jnifl» cl h -
fjLnt; il Itiiaji in»i» foi«; in ei^tiikrur lui rt^iiui, vl li fi^L buplf"
fut itiîiiiriiC' *'H t rr* fcalfiiis \Pinttit I, ICS.J Le pcui^le ci u J. , ,
b30] LES BOURGUIGiNONS DEVANT COMPIÈGNE. 2^7
jure à j iisticc que de délivrer un tel mcurlricr, larron et Irallre * » .
aniic céda. Le prisonnier fui remis aux niagistrals, condamné
décapité. Les ennemis firent un crime à Jeanne d'avoir obéi à
stice et d'avoir écouté plutôt son Iiorreur pour ces impitoyables
lurrcaux du pauvre peuple que les préjugés de la profession
ili taire.
Les nouvelles arrivèrent, sur ces entrefaites, à Lagni, des entre-
îses du duc de Bourgogne, qui commençait à attaquer les for-
resses des environs de Compiégne. Il avait pris Gournai sur
"onde el assiégeait Choisi >, qui commande le confluent de TAisne
de rOise. Jeanne partit pour Compiègne. Elle y retrouva un
s Bourbons, le comte de Vendôme, commandant pour le roi
ins les pays au nord de la Seine, et, sinistre présage! Tarcbe-
quc de Reims, qui tâchait de renouer, depuis Texpiration de
trêve, ses dérisoires négociations avec le duc de Bourgogne^
On essaya de secourir Choisi. Le camp bourguignon était couvert
r rOîsc et par l'Aisne. Jeanne, Saintrailles et quelques autres
pîtaines tentèrent sans succès de forcer le passage de l'Oise à
ml-rÉvéque, au-dessous de Noyon; ils revinrent à Compiègne,
lis remontèrent l'Aisne pour aller la passer h Soissons. Le gou-
mcur de Soissons, secrètement vendu au duc de Bourgogne,
irsuada aux Soissonnais qu'on venait leur imposer une grosse
mison, ce qui était le grand eflroi des communes, et se fit
lerdîre par eux d'ouvrir les portes. La petite année réunie pour
pecourre » Choisi se dispersa, et le gouverneur reçut dans Sois-
ns Jean de Luxembourg, principal lieutenant du duc de Bour-
ignc. Choisi se rendit, et le duc Philippe, rcjjassant l'Oise, vint
seoir son camp devant Compiègne, du côté de Beauvaisis.
Jeanne était retoumée à Compiègne. Son crur était avec cetU.^
Ile et sa population <i si bonne françoise ». Mais la voix inté-
eure gémissiût toujours plus triste. Presque chaque jour se
iuouvelait la prophétie de la prochaine captivité ^ Suivant une
adition conservée à Compiègne, « la Pucelle, un bien malin, fit
1. Procé», t. I, p. Iû8.
2. Le Cauciacutn des rois frauks.
3. Le mot de Jeanne sur le diic de Bourgogne, c'êlaii qu'on n'en auiaii ricii
qu'au bout d'une lance ", et rien nVtail plus vrai alors. Procds^ t. I, p. 108.
A. ProUi, !.I, p. 115; inlcrrogatoirc du 10 mars.
2$R OUEtillES f^ES AN€t;il$, u^m
dire me^se à SainMucques* cl se coîifes^sn e1 tv^nl sou créalcnr,
jvuis sf^ relim près rrun des piliers de ladilc «^-gli^e, el dit à ï»Iji.
î^iinir^^ gens de h \illc qui là otoïtiTl (et y aïoil a*til ou ^ïx lingit.
Ijetilj& enfanl!? qui moull désiroîcnlà k voir]: — Mef luifiuib d
chei% anib, je volts signitîn que Ton Tn*a vendue et limlile, H ifoe.
de brief, serai livrée h la mort. Si vous sii|q»lie quv V0115 pria
Dieu pour moi; ear jamais n'aurai (dus de (luissance de faire mît-
vice au roi ne au royamiie de Franee^ »,
Hes paroles, inlerpr^*!^'es à î;m\ par le» hiî^kïnefis, ont ^n\
corroborer Topinion d'unt- traliisan îniagituiire, qui a irop )i
temps détounié mv une tôle Bacnfiée" la flëlrissure élcmclk
Hu\ vraie eôu|)riljle«î, aux vrais Irrrttres.
Jemne fit jusqu'au dernier monienl (oui 41e qu'elle eAl pu
avec la conviction de lu victoire. Elle reimrUI pour aller dm
du secours, réunit à Crespi lroi5 ou quatre cents hamiiies d*i
et se hhUx de les amener à « ses bons amis de Compièiroe »•
rentfa dans la ville au soleil levant^ le ?3 mai, par la fopôl, qi
ap|)elalt encore alors la forél de Cuise, Une sortie fui préparée
d*aicord entre elle et le gouverneur tiuillaume de Flavi,
rue fois ûnm l*action, rardeurguenière, la Mvrè des hérm
la reprenait et cbassaît loin d'elle les sombres prcs^cniimcDtK
Kl le n*eul, ce jour-là, aucun aveilissement parUcalicr^ aucin
noir prem^sT** •
Li villiî t^aii séparée de Tennemi par la rivière d'Oise. Le pûiu
de roise n'avait pas M coupé; mais il él;ul protégé [»ar un IwU'
Ipvnrd on fêle de [lont fortifiée, bu boulevard parlait uni- cbausïi^
d'iui quart de ïiene de long, qui traversaîl b prairie de VOiseM
I. Ctlts églUc istiftU «Dcorc.
t, Lr ÊUrtutfT imiiMli) *kè femncë vertuttitr»; cHé nji. Pruc^i, t, IV, y^tfl
te (iiPf u'u paru que sous Lû«U %U, muh vtvîci U fawiiou i|ne donov r«i«t#*r ;
» Ce» paroi» iti ouk's à Coniptègui^, Vm îi^H, à dcuK Kunx h «ircicn^ li««tto
Ut- \a illJiî, a^t:* Puij ije 9S «11* ri Cauirts dp St*, lesquiiU iluinitta «viih éïé. p^
Affltf en r^gfi»c ile Hakni4AC(;iie« d« Coiuf îè^iOi iklorsiiUK U tlei^uidîu Hffctbr^
ûMavttcfrlkn jifirwli?*. e
3» Cuèlimitiic ik Fî»^i, Sous rciienjr&ns Ist-iitfiiii.
4. Du hJif,iiir«\.ii b*»tjr(^ii*finoD, urHr^ dv Sîiiiït-lkii»i, o^pt* |»af i;rrirn» H»-
tpIl'Un. |ïrélfml ménw qwVItn jwï vsiitii di' rmncncr \e duc «k- Bfturifv
iUQ% Cauipifigni:; mut* k t*iii «-H f^ux et ua^ir clmt 5iU«l*K«ii*i <i d
nfiiut-CH n<>ï) iJifiiiïK iiu'tuc<Cîk; UorutriHn, qui t'iuW prNeul, l't «juj dnaDt i
CUM] SORTIE DE COMPIÈGNE. 229
aboulissail au village deMar^nî ouMarigiii. Lrs quartiers enne-
mis étaient largement espacés clans la prairie. Un délaelieinent
bourguignon, aux ordres de Baudot de Niiyelles, nuuvchal <]e
TaFinée, occupait Margni. A une denii-lieue de Margni, vers le
sud, un corps anglais, commandé par Monlgommeri, était posté
à Venette, le lieu de naissance de notre patrioticpie historien du
quatorzième siècle*. A trois quarts de lieue, au nord, dans le
village de Clairoi, était logé avec ses Picards Jean de Luxem-
bourg, seigneur de Beaurevoïr. Enfin, le duc de Bourgogne
s'était établi, avec une réserve, à Coudun sur FAronde, en arrière
de Clairoi.
Celle disposition parut favorable à un coup de main. Jeanne
résolut de couper les positions ennemis par le centre et d'enlever
le quartier de Margni. Fla\i se chargea d'empêcher les Anglais
de secourir les Bourguignons. Les Anglais ne pouvaient venir
prendre en flanc et en queue la sortie (^u'en s'emparant de la
chaussée : Flavi garnit de couleuvriniers, d*archers et d'arbalé-
triers le boulevard qui commandait la chaussée, et piépara sur
la rivière des bateaux couverts pour aider, en cas de besoin, à
accélérer la rentrée des troupes 2.
Vers cinq heures du soir, Jeanne sortit de Compiègne à la tète
de cinq cents hommes d'éhte, partie à cheval, partie à pied, et se
jeta sur Margni. La garnison de Margni sortit à sa rencontre, lut
culbutée et rejetée dans le village, où Jeanne la suivit. Les Bour-
guignons se rallièrent. Jean de Luxembourg et plusieurs barons
de Picardie et d'Artois venaient d'arriver à Margni pour conférer
du siège avec Baudot de Noyelles; ils aidèrent à la défense et en-
voyèrent quérir en toute hâte le gros de leurs gens à Clairoi. Le
détachement de Margni ne tarda pas à recevoir assistance. Les
Bourguignons grossissaient à chaque instant. UsdevinnMit bientôt
très supérieurs en nombre; mais l'élan des assaillants étitit si
grand qu'ils repoussèrent encore, dans une seconde et dans une
troisième charge, cette nmltilude toujours croissante.
Cinq cents Anglais, cependant, arrivaient du côté opposé, de
Venette. Les conipagnons de Jeanne les aperçurent de loin sur
1. Le carme Jean de Vcuctte.
2. Jiémoire sur Guillaume de Flavi, ap. Procès, l. V, p. 17(3-177.
i
»0 GUËRaES Li£S ANGLAIS. |I4
leurs deitièresî. ib oublièrcul que les Ari^rbis ne ih>uv
[ilater ctilic eu\ et In ville sans se faifp crîbter i^or rûilîïliTie
kmlevtinl. Ils se crurent coupée. Les tlcrnicrs rang^ ^o dûlAth
di'roul. Les fuyards se précipitèrent vers la birrit^re du boule*
v.ird cH niasiiju^reiit lesi Anglui^, qui alors à Tuliri i)n tir dtr k
idace, les cliargèrent hardiment et gagnèrent lu chiiusièe*.
Les i*lus bravent, les pins dévoués des compugtioos de Jcami^
ct^ux qui ne ravîiîenl pas quîilée depuis mn df pari d'*>iii
roi, un de ses frères, son écuycr Jean d'Auluii et d'aulirt
Imtlaieut loujnurs autour d'ellr, Qu^iud ils vin^nl ce qui se p^
derrière eux : « Meltex peÎTic de recouTrer là ville, lui crîta'nl-iï«,
ou vous et nous sornmeïi pei'dns ! »
Mais Jeanne èUiit lransi*orlée de eelte exluse lifroiqoe que toi
inspirait le danger. nTaÎBéîî-voufâl eria-l-ellfi H ne tiemlm qit*k
vous qu'ils ne soient deronfits ! Ne pensée! que de férir çyr rem? •
« Pour chose qu'elle dil, seâ gens ne la vouidretii (ronlurenl)
croire » : ils prirent la bride de son cheval «l lu flrcnl retonro»i
de fûree vers la ville ^.
n ettiit trop lard. Des flots de cavaliers bourpiîgiicins et ph
les suivaient tè(r$ ï^ur croupes : devant eux, enUe û\ï\ et la |i
d'autres Bourguignons, mêlés aux Anglais» poUi^&nettt IV'pcc èîm
les renis les premieiis fngllifs et assaillaient drjà la barrièj
barrière venait d ctre fermée et k [jont-tevis du boulevard
par ordre de Fluvi, Le gouverneur de Conipiègne avait craint *
ruir le buukvard et le pont de TOlse envahis par reiinirmi^ Bd^
l, HS, Qultihi^ml (Aperçtti Jiomemti'f eiç,^ |t. 8 S* $9) i iiofi UfUi^
sijp^^jirmt: \v% ratuLbai dcii chroniqueurs, iticociif IMcs en (^cs sur U |rtlK
i*»(LfnUti1 d« ruffjiirc; û fûut Ica coniparcr usvc b ièmoigtmg^ û^ immiw fKf
même. Jïii«rrogtà'(îke Ju lu uiar» j Pmcfint r, 1, |>, itfî,
î. Ntiiin èwi%rni* fcrctiml de Cttgni ; Proeé^, U IV, p, SS-34î mmli nuu
Jhi^qutt Mmi^ir^tîot* *\ni ^ftijl au t|U4irticr-|iA(iÊriiJ Jo tluc Jfi PAtir^r.fK
la PtJccllc luom» guerrière (?ui1iaiiHia*i^» tnaif |ttu^ pijsi):wi
IrnJlo^ a fiihuni grand*miiUJi^r« ri*cuLr«)rîiir »t«t ^fvns tt K^^ r
li»^</,, (i, Ifil, « «., ComeiJCïïCfertni Frnnçol» jiïcc leur r^jf i. i < m <
ilHti-uftiiifitiL*, la rucritiv, i»k«^Miii naiurt tl« feintn*', i'-- '
beaucoup d^ fKÎno 1ï rsit)Y«r »u coaift^giiU' tjc perte» •
cil ut fit crtmini: !n (iIua vcidlatit dii troupeutt. •■ Cenrgci i
gîàttn» i>t iïjfilnÎBi préî* J**fti|rvi *ijr m»q jujfti. pour la a^niC! «ji ■
de î« plticn, lU kf trr U pont Je b vilk «I f^riucr 11 fût%^ • tett^m^ éû Ci
[1S30] JEx\NNE PRISONNIERE. 2.M
tail la ressource des bateaux garnis de gens de trail : la plupart des
fantassins de la troupe de Jeanne y avaient déjà trouvé un rrfuge ;
mais Jeanne, qui ne reculait que pas à pas, tout en combattant,
et qui ne se r<?signait à rentrer que la dernière , ne put gagner
le bord de l'Oise. Elle fut poussée, avec ses amis, dans Tan^le
formé par le flanc du boulevard et par le talus de la chaussée '.
Tous les ennemis se ruaient a la fois contre elle. La bannière,
bien autrement sacrée que Toriflamme, qui avait été le salut de
la France, la bannière d'Orléans, de Patai et de Reims s'agita en
vain pour appeler à Taide. La fidèle armée de Jeanne n'était plus
là. Le saint étendard tomba, renversé par des mains fijuiçaises.
Les derniers défenseurs de la Pucelle étaient morts, caplifs ou sé-
parés d'elle par la foule des assaillants. Jeanne luttait toujours.
Cinq ou six cavaliers Tentourèrent et mirent la main, tous à la
fois, sur elle et sur son cheval. Chacun d'eux lui criait : « Ren-
dez-vous à moi ! Baillez la foi ! — J'ai juré, répondit-elle, et baillé
ma foi à autre que à vous; je lui en tiendrai mon serment^. »
Un archer la tira violemment « par sa Inique (casaque) de drap
d'or vermeil ». Elle tomba de cheval.
L'archer et « son maître » le hAtardde Wandomme^, homme
d'armes artésien au service de Jean de Luxembourg, s'emparè-
rent d'elle. Elle fut emmenée prisonnière à Margni.
La prédiction de ses voix était accomi)lie. La période de la lutte
était achevée pour elle. La période du martyre commençait^.
1. Quichcruf, Apcrçit^ uuuvemiXy clc, p. 89.
2. Percevul de Cagni ; Procès, IV, 3'*.
3. Et non Vcndûmc. Pmcéx, t. 1, p. 13. L'archer était attaché « U la lance »
ilu bâ'anl, comme ou disait aIor«.
4. Il n'est pas vrai que Jeanne, comme le dit Monstrelet et comme Tout répété
la plupart des historiens, a se soit rendue et ait donné sa foi » au bâtard de Wan-
donimc; c'est la seule inexactitude de rexcellente élude de M. Quicherui (Aper-
çue îiovvraux, etc.). Ici comme ailleurs, Perceval de Cugni a dit lu \ériié. Son té-
moignage est corroboré par la paio'e de Jeanne elle-même : u Je n'ai jamais donné
ma foi à personne », dit-elle duns son interrogatoire du 21 février; Procèx, t. I,
p, 47. Jeanne fut prise et entraînée, tout étourdie de sa chute. — Pur suite des
découvertes qui oui été faites di^puis nos premiers travaux, notre récit actuel de la
catastrophe du 23 mai 1^30 dilTùre essentiellement, sur un point capital, de notre
édition précédente. Nous avions accepté la tradition accréditée sur la trahison de
Guillaume de Flavi. Cette accusation ne peut plus se soutenir. Cet homme fut
poussé plus tard à de grands crimes par ses pa'^sions effrénées, et en fut puni par
une fin tragique : sa femme, dont il avait fait périr le père, et dont il menaçait lu
nt CUERBëS des 4NGLAIS. (illjl
Les vainqueurs iHaicnl ivres dp jcml* : ils rab^tiit^nf t \Ami
nr'u (?f reîsbaudjssemfnls k, dit Monstrtlçt, que s1U eu^^foi]
iQUlc une année. Le duc de Bourgogne arriva de Ctiuduti à Sir-
gni, au mfinienl où You amenait Jeanne. Helas! €é\mi un antrr
rcndtiz^vous qti'c lie lui doniiiiil Tan \yàmù i Reiui^î Que *e dirrof
ibï rijin|>[)e ni \vs %mi& ne Tonl jamais ré\iù[t:. Ijù iliir, dit Uoi^
irelet, « parla à elle aucunes ^laroks, dont je ne ^ul* mk bîn i
reœrs, jàçnil ce que je y étoic préiîenl » (L 1 1, c.Sfl). San- '
îc chroniqueur bourguignon lut trop bon couiiisau ptmr •
corder » de lellcs choses. Quels sentimetite lyproum ce firiocr !
français qui venait de remporter ce triomphe «irrilègc sur h
France! Y eut-il (juelquc doute, quelque Ironble dans son ûjoe!
Ou ne sait : U n*y a%ail guèn* plus de ^m moral elwîz • letiufti
duc Philippe v que chez Charles VU lui-métin*. Ce qui dou
ce fut la salisrattîon de son détestable orgunl*. Il âvajl vn
ïiee;»blé par le nombre, peu importe, rhèrolne vieloricusîel
Anglais, et croyait voiriious ses pieds !a Fnuicc el rAn^clenn
Les lettres qu'il fit e?ip6dicr pîiHout pour annonci!r b p%nk
nouvelle exultent d'emphase Aom leurs fortnules de d^tûli
hypocrite^.
fie, lai fît cotipvr la gorge par ton fiiiTljlfir, et ruchtiii lut rH<mll^t airroai
%ïn. ï^s frftr^^» de Flavi pourîmiviMnt %9 vetigefince Juram 4t» ànn^t:%, «i |
lutir 1«ttr bdk^-Miur ti t>*m iiwitiii; l«& DieojrlrlerK furviii tiiU i ii»t*rT d h cr i
Toute caille siàïigTiitito liisifiïrij liiina *ie lernb^ii» iîitprv»«4inii» dan» 1'
pic; ùà ea piûtltn pont charger la mémi»iro âc F\ti\i èa erimr. àf
^uUiuniK ti MaH h lV>plniou popululrc nue iicuuie exptilûîrc prin.
b PtlvcUi^i Oi\ Lui ji«Lu !r gtMiVi^nitnr ih Cf^mp^tgue : i\ «iimhia um:
qu'un dènïoB t^ÛI Iralii an iinije, l' ut lartî U^ hhUnkM, (mit d*t>ti
fUfiiant^ dt% fuiu et des i»tér£i& tlu tetnp», 00 roitipnruDt pu qu'
po«1uoiï qull j 4?Ûl enirt^ Ïi3^ fcriUA d. icanoc tt ki tic£4 tic FIxi^j
l«4 tuémei etintfriU que rhérmni', «( m pmîvait la iraltlr «liRi %*ti\-
Ure lui-mêtxjt*. Flii\n d'tiA« famillo ir^» m(!ui'ul« âwm h V«;riii!iBr!
vuhi^t no songerait <iii'b «e Uim A^ Compilsgu^ uô gourrructnf-uL cj
Dt I rttrclitit^qutf Begnould de Cîiiiririft%, <|Ui f i^ukktit Itvrvt Iti p!ai*K oti Jte ëi
Bourgogne, tx t\ u'airiili ft al Rendre d'eux 4|u<s tfifiuvui» vouliilr% cl »âiiiiIi« ink^
wïp«» tBodif que Jeitiine ètaU pour lui anp auitilkirr mnpfr^tlijitr^ tn f**mw^,
jc^ camma presque furiôut^ la irAditicvn p^ptihûre n mlisori iluo^ W f<^iiif ei <
dMiinIft f»rmé Hid«fiH 1i;diHuîl* Jeuuiic n été Vrtihie ei «««i-ifiéc, muiji c» &\ ^
viiQl Ci»tupii5gu«; rtavJ ii'c»t pai le vruJ coupable. Ixt dtmentlrftiluti» i|« M. |
ciiçrnL oâ laiwcat ritn è dAtirct »ur ec point, Aju^hum h*iui rtîULTg rtc-, p, 77-
t, H Qui m ftit jnjcutt Ce^ fui \l p G. Cli»»ktl»iii ; PfrK#T, i, IV, p. 4*7.
2* Ou « rvtroav^ ccUe qu'il aâttwsn, h iùk mtîme» dut babaiiuU île ici m <
[1430] DÉSOLATION \W PEUPLE. 233
Les Anglais n'avaient pas lieu d'ùtrc si satisfaits : ce n'était pas
eux qui avaient abattu le terrible étendard; mais leur haine lit
taire leur orgueil; d'ailleurs, le duc Philippe voulut bien dire,
dans ses lettres, qu'il avait vaincu pour son seigneurie roi Henri.
Les chefs anglais crurent que le a charme » qui avait changé sou-
dainement leurs triomphes en dés.'istres était enfin rompu';
qu'ils allaient reprendre le cours de leur conquête un moment
suspendu par un accident étrange, et que la France était captive
avec Jeanne. Ils se résignèrent à accepter ce bienfait d'une main
étrangère, et firent aussi grande fête de la prise d'une « pastoure »
de dix-huit ans que de la captivité du roi Jean à Poitiers ou de la
destruction de la noblesse française à Azincourt : a ils ne l'eus-
sent donnée pour Londres », dit énergiquement le poëte Martial de
Paris ^
Le deuil des populations françaises répondit à l'allégresse de
leurs ennemis : une morne stupeur se répandit |)armi le pauvre
peuple des campagnes, qui avait cru que tous ses maux allaient
prendre fin par les mains de cet ange libérateur; la consterna-
tion fut inexprimable dans les cités que la Pucelle avait conservées
ou rendues à la France; à Orléans, à Tours, à Blois, où Jeanne
était adorée, on ordonna des prières publiques et des proccï^sions
pour sa délivrance : tout le peuple de Tours, pieds nus, tétc dé-
couverte, promena dans les rues les reliciues de l'apôtre des Gaules
au chant lugubre du Miserere^. Les pauvres gens accusaient hau-
tement les seigneurs et les capitaines d'avoir trahi la sainte fille
qui t supportoit» les faibles et réprimait les vices des puissants !
Quelle part prit-on, autour du roi, à la désolation publique,
et de quelle façon intervinrent les hommes du pouvoir dans ces
tin. « ... De laquelle prise (de la Pucelle), uiusi que tenons ccriainemont, seront
grands nouvelles partout, et sera connue l'erreur ut folle créance de tous ceux qui
t* faits d'icclle femme se sont rendus enclins et favorables; et cette chose ^ous
écrivons pour vos nouvelles, espérant que en aurez joie, confort et consolation, et
en rendrez giâcvs et louanges ii notre Créateur, qui tout voit et eonnoti, etc. n
Procès, t. V, p. 166-107; d*aprÈs Us archives de Saint-Quentin.
1 . a Beaucoup d'entre eux ont affirmé, sous les serments les plus saints, que, lors-
qu'ils entendoieut retentir le nom de lu Puculle, ou qu'ils aperccvoient son éten-
dardp ils perdoient soudain force et courage, et ne pouvoient plus bandor kurs
arcs ni frapper l'ennemi. » Thomas Basin, Uisi. de ChnrUs VII, t. I, p. 72.
2. Viyiles du roi Charles le septième; Procès, t. V, p. 7'é.
3. Xaan, i/û/or. S. Eccleiiœ Turonemis, p. 164(1667}.
m
GUBRKtiS DES ANGLAIS
Iristes H pieuses intercessions de Vàmn ilc la Pr»Ece! — Jfou^i
«ïomineîi plus mx sup|io<ioiis. Un documeiil ncctiMleur «aii
dc5 arrliivc^ tle Reims : inndU que le du- ■ "■ ■ \pi
ses lettres aux bonnes villes anglo-hour^ ^.. i.: , . . iïjq^
de Ffimce crivojart les tiennes aux bonnes ailles friinçaiscs,
rcirotni\ dans une relation ùmic d*ûprès les ctiarle» de fhM
ville el éelieviiTage de Heîms*, l'analyse de h dép&cht «k
gnauld de Ch.irlrcs oux li;ihitnul»dfï sri ville iirtliié{iiscop«le^
« Il iimmù avis de lu [^rm de Jeliimne lu PoniUc devanl |
\ï]èfinc,p[ commsêiic ne vQuifjit croire conuii;Qimilm»^^^^ " ' 'i
à son plaisir. — QuH tMoîl venu verîs le roi un Jeuiie |, i
denr de breLi^ des montagnes ditGévaiid.'in eu réîèchè de Meni
f/Ufi disoit ne pim ne moins gne a mil fait Jehitnne ta PfscfiJf*, el
avoit roniJUiindenirid de Dieu d\iller iïvec Ic5 gens^du rf*i, H
âatis faute, les Angloiîict Bourgnignons scruient décnoCKs. El
te que un lui dit que loj^ Auglois avoieul rtiîl mourir Jch/i une M
celle*, il rô()Ofiditquc tant plus il leur en nîtVhermll ; et qmt\
avoit sottffert prmdre Jehmme la Pucellr pimr ce qn^rJif/éimti
tiltif^e en orf^miU ^i p<5wr les richn habiLK jfiV//e amif pris *, H \
nnruit fmi ce qve Dtm tm ûvqH ei>mmatuit^t nim nvoH fait
hnié. p
Le mystère dlnbjuit^ nooi est enfin diVoilè, Aprètutoir-
Jciinne et emjji^ché raccourplis^cnient de sa mUiiitn, non •
qu elle fiii^oit stt votonlé de préférence à ecllc de Dieu », \
parce qu'elle fai^tt la volonté de Dieu eî • ne vriulctH croire
scil j», c'est-à-dire se faire Tinstrumenl de quelqned bomtnrt
avait avisé à la remplacer. Les inspirés fobonnaietif ; on ni
t. Hclttltoti de Jtm Hogi^r. cl^jli cMn; wp, Varîii» Arthhf» if# Urimt, p
2« C'éfuii tm taux bruit qui courut appartmiatîni àû.n» ici |iremtBr« >OQrv
9. U^% p*'*!ûntfs foïigtîîjîiirct qui jugèrr-îii lu t*uftcj[r iw t!iiiar|itàri'in 71^ ir
pWir d« i'»ruK» «lu* h-nr fou m 1***1 il eiiTctt(îv6«|tj(r div adiu», ^f 1 v
tinrn it>tni;5 et dc^ beum rl^evuui iletlui ujq t]fs cTimt% 'It 1 t
droit îft Jpi in*Upciii iléticaU de ceUe Bilidimhle «iL^atm^ %t ' c
IJciïiiic iât\è , ii&soci^ui le neutifiieai du bcnti a celui du ti>ii, 1^
e^miiiiia aicc ccstte espèce d*aicèUsi»t quk t^li nui: icriu «li* ta ip
ttUu el de rcilénriïr «iinlid*», (it fjoi fteuibk p<ïijr>uivrks VUénâ û\à ^«U
cluHyuiiUmo qui n'ii coiUinemctit (ii^ini va source dans réfttigile, ni
tl430] LBTTRE DE L'ARCHEVÊQUE DE REIMS. 235
eu qu'à choisir; on élait allé chercher, parmi les bergers des Co-
vennes, population siijelte aux phénomènes de Textase, un enfanl
visionnaire qui < nionlroit ses mains et pieds et son côté tachés
de sang, comme saint François ^ » ; on lui suggérait ce qui con-
venait aux desseins de ceux qui l'avaient aposté, et l'on s'apprô-
tail à opposer ce nouveau prophète, humble et docile, à lapro-
phétesse qui avait outrepassé sa mission et perdu l'inspiration
d'en haut, comme l'attestaient ses revers de Paris et de La Charité.
L'art du mal, on doit Tavoucr, n'a jamais été poussé plus loin
que dans cette trame infernale, mais jamais non plus la démence
des méchants; ces hommes s'imaginaient reproduire les miracles
de Jeanne avec une machine de théâtre !
La catastrophe de Compiègne épargna aux favoris la lutte dan-
gereuse qu'ils s'étaient préparé à entreprendre ouvertement
contre Jeanne, et la réunion probable de Jeanne au connétable
et au duc d'Alençon, réunion qui eût été irrésistible. La Trémoillc
et Rcgnauld de Chartres conservèrent toulcfois l'instrument qu'ils
s'étaient donné, et nous verrons plus lard comment ils essajèrent
de mettre en œuvre le pâtre du Gévaudan.
Quel va être, cependant, le sort de Jeanne? C'est en réalité le
duc de Bourgogne qui en décidera. Le bâtard de Wandomme,
qui l'a prise, dépend de Jean de Luxembourg; Jean de Luxem-
bourg dépend du duc Philippe. Comment ce prince, si affectionné
aiix formes et aux dehors pompeux de la chevalerie, traitera-t-il
celle qui est « la chevalerie vivante^ » ? Celui qui a livré la France
aux Anglais leur livrera-t il aussi la libératrice de la France? Ses
lettres, écrites sous la première impression de la victoire, sont
déjà d'un triste présage !
Provisoirement, Jeanne a été remise par le bâtard de Wan-
domme à « son maître » Jean de Luxembourg, qui l'a fait con-
duire au château de Beaulieu, dans les environs de Noyon.
Avant les Anglais, d'autres se sont hâtés d'intervenir dans la
destinée de la captive. Nous avons vu le chef du clergé du parti
français, après avoir préparé le malheur de Jeanne, s'efforcer do
lui arracher, dans ce malheur, l'appui de la sympathie publique.
1. Journal du bourgeoii de Paris, ad an. 1431.
2. Micheict.
236 OUEBRES DES a:<GLA1S.
Le clergé français il y [mW an^'lats ^^ jelie stir h Mkûmt qm
livre rardjuv£*4|uc de Reims. Dl*5 le 26 iimi, k ttadeiikiin de
rivée de la « graudr rMmveU«! » à l'arii», lo i^icaire géo^^mldu^l
intiiiiâiteiir de Frnncr écrit au dut: ilc BauriîDgiie pour le • i
plier te et lut « eiijyiudre, ï^ur lei^iidiiea de droit ft^d'euioyer
sgmiière à lui, \ icaii-e géuéral ibusidlt, t verimuc feiumu ikiii(
Jelmnue, (jue les adversaires de ec ronmine rjomiut*nt h Plïu
SQUp«:onnée véhiiHeoicmcùt de plus^ieuiB i:rLri]L*^ii<enLafil Ijn^r
pour eâler h droit pur^devaiil le proitiulctir de U »aiute taïf
tion ; répondre cl piocWer, comoie lùmn deviïi, au bon oon
laveur et aide des bou^ docteurs et inallîYâ do Tumv^^nÉt
Parii»* *.
Le greftier de rutiiviïrsilé avait écrit et sîgBé celte pièce, d
lettre de rualvénsitù a[>puyait la .^mniâtion de rirupitîîîteiir
i^nglaat Ij'iburjal du siiiU oftice, preîi^jue oublk^ et |i€rdui
Tonibre depuis longues auuées» t^paralt au grand juur pool
elanier la plus glorieuse vidinic qui îiitjanuis été i ]
barre, et c\^i rmiiversitê de Paris, ce ïuver jadis si i ; -i,. .,>J
lettres et de la philosopliie, tjui ravive l'inquisilitm et s^idd
avec elle'', dernière et terrible eonséquenet» de* prificj|>e£
uaus avons siguak's eliez les^ grande doeleur.s du tJ*etiicfiie ^^
A celte logique fatale, dont le Uante uiunlre le Ijpc cbtz S
mème\ s'unit volontiers le pèclio par exccUtiEre, fimplac
orgueil. Tous ces sophistes ^cola&Uque:^ ont vu avfc rage
Icirime relever, au noui du ciel, la caU)*tî qu'ils avaicnl crue
due, qu*ilâ avaient eoudainnée comme telle, el Uunnlsaif d«
ger sur cette feiimie leur iufaiîiibiliiè compromise, en étalilii
judiciairement t|ue tout ce qui ne vient pasd*eux viefil de l*ci
Le duc de nour|i>T>g:ne ne répondit p;i.s. U ne vimbùt iioint j
gager à la légère ni ^ dessaisir û facilement d'un tel ^age.
L*uiiiveralé s'a|iprt^!a k renouveler ses instances; mal» dh
garda pas longlenipa^ la conduite de l*ent] éprise, et ne lui U
2. le \ica^ii« gi^uèrd de r^Uf{uisiUôQ tiuh ua lut^luv Un itbiciif, fut dci
r&U |tluf iÏMifk ralTuhUi i't HOU* verroat «juc ki uiSiio i i>lBeitti ift t*iii|Bl
3* }% noire t. IV p j»a&»4iTi.
4. « lu «« «fit ai* pH i|ii« jo ian^ l«iiei««t «
CI430] L'INQUISITION ET L'UNIVERSITÉ. 237
plus que rinslniment là où clic avait cru ùtrc la puissance diri-
geante. Sa déniarclic spontanée avait prévenu les dispositions cl
comblé les vœux des deux hommes qui gouvernaient rAngleterrc
et la France anglaise, le cardinal de Winchester et le duc de Bcd-
ford. Ce n'était pas assez pour eux de tirer Jeanne des mains des
Bourguignons : qu'en faire, quand ils la tiendraient? Sa captivité
ne pouvait suflire ni à leur vengeance ni à leur politique. Et, ce-
pendant, mettre h mort « une personne de si grande chevalerie ^ »,
pour avoir vaillamment soulenu son parti par les armes, eût sou-
levé par toute la chrétienté une indignation qu'ils n'osaient l)ra-
ver. D'ailleurs, sa mort même, si ce n'était qu'un fait de force
brutale, ne défaisait pas son œuvre. Il fallait qu'elle mourût, mais
déshonorée, en déshonorant avec elle son auivre, son roi et son
parti. Une seule voie s'offrait pour ce but : un procès d'hérésie ou
de sorcellerie, qui montrât dans les miracles de Jeanne des pro-
diges néfastes, dans la mission qu'elle s'attribuait une révolte
contre l'Église, dans le sacre de Charles A'Il un ouvrage de l'enfer,
dans le supplice de la Pucelle la conséquence légale d'un juge-
ment de l'autorité ecclésiastique; qui, enfin, s'il était possible,
obtint une victoire plus décisive encore que la condanmation et
que le supplice, c'est-à-dire une rétractation, un désaveu de la
mission de Jeanne par elle-même ! C'était là précisément ce que
l'université de Paris venait offrir à l'Angleterre.
Bedford et Winchester saisirent l'arme qu'on leur présentait ,
mais se réservèrent d'en modifier l'usage. Avoir affaire à tout un
corps n'était pas sans inconvénients : on pouvait craindre les
fluctuations, les variations, les retours. Winchester avait précisé-
ment sous la main un excellent intermédiaire pour traiter avec
l'université et user d'elle sans se livrer à elle. C'était l'évéque exilé
de Beauvais, Pierre Cauchon. Célèbre docteur en droit canon,
nous l'avons vu* chargé des intérêts du parti de Bourgogne au
concile de Constance contre Gerson et les autres docteurs « or-
léanois » : de retour de Constance, il s'était associé à toutes les
fureurs des cabochiens; il s'était fait nommer commissaire, en
1418, pour juger les prêtres armagnacs; puis, en tV20, élevé au
1. J. Ooichcrai.
2. V. noire l. V, p. 563.
33e Gl'EttfiËS DES A?9GLJIIS. a
.^i^ge épiscopal de Bc;iuvais, H avait li an^^fone*'^ In cour de
tieiitt" de Beauvais en un Idhunal de pei'&éiutiijn polii
Cliu^sè de sa ville épbcopale, en août 1429, |jar rjuajirvttjon
lionale, il ne lespimit que vcuge^iit%% et le cimsmt d'Anjel
à'clait d'ailleurs assuré de son dévQucnienl suite n^rvc
licitant auprès du imjtc sa tninslalion au bïù^v de Roucti dl
vacant^*
Or, lï^vôquc de Beauvais était ci» uiesure de îicrvir lu |^h':
anglaise de la njanière la plus eOiCtice. ll'uric jiarl, i) vUui
servateur en lilrc des privitégeâ de FuniveiiBitàt eicrçanl 9(i
con>s une haute infiucnL'e oflicielle; de l*aiiln? pari, H êlaî(^
k droit crclmastîr|ue, le coopt ratenr nécessaire de riniint"'"*»^
dans le procès projeté contre Jeanne, la Ptieeile lyoul 1 1
s^urla rivclieumoisinc de TOiî^, c*L*iJt-a-dire dans le diocèse
Beauvais. Cnuchoii n'iicsita pas : il se liàta d'écrire off '
au roi « de France cl d'Angleterre » pour rrdanier s^. 1 1,
dès le 12 juin, le conseil frAngletcrre informa rtiohiir&lir qwt
Yùxèqiw et Fi iirjui^i leur jugeraient eoncurretuuît*nl',
LVi uioiïî m ims^ii eu iutri^ues doot la Iraec a di5]Kirii» Peiidaii
ce temps, le duc de Bourgogne, renforcé par les comtes de Him»
lijidon el d'Aritndel , aj^s^îigeaîl Compiègnc des Aeux r4tc^ éc
rOise, cl le gouverneur el les liaBltaals, mm m laissur dti^ttfv
|iar la catastrophe du ?3 niai« eontimiûient & m défendre mw_
vaillauee. Jeanne n'étaîl plus h Bcanlien* EBc avait leiilc di?
eliapper, et réussi à enfermer hc% g^ardiens par surprise; m
mttlljeureu!!^L*fuent, elle avait ù\t renconlrée el arrêtée par le
cierge de la lour^ Jean de Luxembomg Vrnvoya hors du Uu^Ain
(le la guerre , à Beaure voir en Verujandoîs^ snr Icâ coadi» du
f*aiubrai$îs.
Le 16 Juillet, Pierre Cauchon, accompagné de notaires aposl^
liquc», se prêï^enla ù Philit^pe de Bourgogne et à Jean de Lineiii-
Ifourgt en ItibasUlie du duc (m imsUliâmû) denml r - -
et leur remit la soumiHlion du roi Henri, la sienne pro]
3. MkUvkc. litih th franc r, t. V, p iïi, Vim% m r»ff#iiViiiiA fm c
10] PIERRE CAUCHON. 2.S'J
que de Boauvais, et de nouvelles lettres de runiversllé de Paris,
nivei'silé se plaignait fort que le duc n'eût pas réj)ondu à si
imîère lettre, adjurait le duc et Luxembourg au nom du ser-
nl de Tordre de chevalerie, et parlait de Jeanne connue si
)t été un nouveau Manés ou un autre Mahomet, ayant intro-
ït « en ce royaume idolâtries, erreurs, mauvaises doctrines et
res maux innumérahles ». a S'il advenoil que icelle fennne fût
ivrée ou perdue, connue on dit aucuns adversaires se vouloir
>rcer de le faire et appliquer à ce tous leurs entendements par
es exquises (recherchées, subtiles), et, qui pis est, par argciJt
rançon, si étoit fait délivrance d'icelle, par telles voies dani-
îs, par fausseté et séduction de Tenncmi d'enfer, sans coii-
lable réparation, ce seroit déshonneur irréparable à votre
inde noblesse*, et à tous ceux qui de ce se seroient entrc-
s... Si énorme péril, inconvénient et dommage pour toute la
îsc publique de ce royaume ne seroient advenus de mémoire
lonime... » L'université requiert la remise de Jeanne, soit à
iquisiteur de la foi, soit à Tévéquc de Beauvais.
Quant à Pierre Cauchon, il déclame moins, et va plus vile
fait : il voit bien que Içs chefs bourguignons sont peu seu-
les au a grand dommage j> que Jeanne a porté à TÉglise,
il recourt à des arguments plus efticaces. Après avoir rc-
is le duc, Jean de Luxembourg et le bâtard de Wandomme
îHvoyer au roi la « femme que l'on nomme comnmnément
lianne la Pucelle » pour la délivrer à l'Église, afin de lui faire
a procès, comme soupçonnée de sortilège, idolâtrie, invoca-
n di ennemis (de démons), etc., il déclare que, bien que Jeanne,
:onsidéré ce que dit est », ne doive pas être réputée prison-
;re de guerre, le roi « veut bailler libéralement » à ceux qui l'ont
ise et détenue (Luxembourg et le bâtard) la sonune de G,000 fr.,
js deux à trois cents Uvres de rente « pour le dit bâtard ». Puis,
» capteurs de Jeanne ne paraissant pas disi)osés à accepter, il
ive la somme jusqu'à 10,000 fr. « Selon le droit, usage et cou-
ine de France », le « chef de la guerre », c'est-à-dire le prince
1. Ceci csl lu formule de lu lettre ù Jean de Luxembourg. Au duc. iU disenl :
It seroit graudcmcnl au préjudice de votre lionneurct du très clirùlien nom de
maison dv Fr.jicv I »
au nom duquel on portait k*îi unnc$, pouvall radidt*rau\ « pcf
nnm >- Irl |insonnier que ce tûl au prix de îOplKH) rran», elb
•ï jiretHHirîs i^ n*av,iiont pan droit de refuser rolTrft*.
Il sommation du « roi de France et d'Angleterre ■ iMj*a"H k
droit strict; timi*; le droit strict nV-taîl guère de mte CI\^'
sujet tel que. k duc de lîotngogtic. 11 fullait [RTsuadcr In ^ ,
[joiu qull permit à LuxcmlmnrR d'oltéîr. On ne mil quelle (ulb
rc'poujKî immédiate. Sans doute le due cl mn vnssnl i^^
vucoîv de gîïgnoî* du temps. Pour apprecii?r les tnoUfo ilc
fonduîle» il fout coiiriaUrL* rétîil de leurs afDdre**
Jean de Luxembourg, sire de Beaurçvou% 6ttiil on persooi
de gT'îinde nfiissanee et de grande amtiition » nmh de fn^lite
tune : cadet de famille, il sYîxiit tait dioisir pour Writiiîf
tau te, la eomfesse de Saint-?oI et de Ligni, an drlrimtHil de
Irère t\hïè, et travaillait h b€ faire en Piiardic ntic liaule f-
intenni*diaîre en quelque siorte entre le duc de BourtrogîiL ....
Anglais. Il avait donc à ta fois deux maîtres à ménager el I
Imlancer l'un par Tautre
Le due Philippe avait, dfî mu c6té, de graves souci*. Le
effort qu*il avait combint% au printemps de IWO, pour rrfî
le parti français , n'aboutissait pas, tnalgré un trop édatjint d^
€orupi<'';^e tenait toujouri** A Taulrc bout du royaume, \i%
guignons venaient de tenter contre le Ibuphiru* une e^^iftlflioa
à laquelle s étaient joints les Savoyards, sî longtefH|)iS iiciitresOQ
m^uie ftivortildes à la lausé française* LVulreprissearailèrlKHié^
le^ agresseurs?, conduits par le |>nnce d*Oratîge^ avaient éié mi;
en pleine dt*route à Autlion, sur le lUiÔne, iiîu- Rtinnl de Gû^
court et par le bailli de Lyon (juin 1430). La siltiaticin dcâ Piijr-
Bu» se conipliquoif. Le conseil de Henri VI, î^n' ' ■' ^^ ' -^t
ta main au due eu ce qui regardait Jeanue, l'i . ^ ii-
rêls conmiereiaux de ses provinces eu îtiterdisafil fitupor laiton
des toiles el draps des Payïi-Das en Anglelerre(19 jujllel), IVmliii
ce temps, les Liégeois, excités par les agents de b Francîe, oMm^
gnaient leur èvéquc h défier Pliilippe» et veuideni auditcicustini^l
tssîés^er Nanmr, sa récente acquisi lion, atbque qui obligea lcd«X
248 GUERRES DES ANGLAIS. [m\
paritoiir. Le promoteur fut un clianoine de Beauvais, chasjc de
son église avec l'évùque, Jean d'Estivel, Tàme damnée de Cau-
clion, aussi pervers que Cauclion môme, avec la grossièrelé ella
brutalité de plus. Les autres étaient des hommes timides, traînée
malgré eux dans ce gouffre, et qui, dVibord complices par peur,
essayèrent tardivement de mettre les formes les plus ré.railières
qu'il leur fui possil)le sur un fond monstrueux*. Quand le pre-
mier des deux notaires, Manchon, arriva, Tùvôque de Béarnais
lui signifia cpiMl fallait « servir le roi », et qu'il s'apissiiit de
a faire un heau procès contre Jehannc^ »,
Le 13 janvier, Cauchon fit lire, en présence de six tliéologien<
et juristes, parmi lesquels un secrétaire du roi d'Angleterre, les
informations qu'il avait fait faire au pays natal de Jeanne et t en
maints autres lieux. — Du conseil et délibération desdits asses-
seurs », Cauchon déciila^ que « certains notables honnnes •
rédigeraient, avec les notaires, des articles en due forme, d'après
lesdites informations, atin de voir plus clairement la matière.
Les données fournies par les informations ne suflisaient point,
cependant, pour assurer une base solide au procès. Les lénioi-
gnages recueillis à Domremi étaient, môme au point de vue ecclé-
siastique, tout à l'avantage de Jeanne ^, et Cauchon avait fort mal
1. Les notaires, Guillaume Manchon et Guillaume Colles, étaient deux prè rcf,
notaires apostoliques de riifTiiMalité de Rouen. Tous deux, ainsi que r^ppariiev
(huissier) Jean Massieu, doyen des curés de la chrétienté de Rouen, ont fait d'is-
portanîe.s dépositions iors du procès de réhabilitation, de I4à0 à liôC.
2. Déposition de G. Manchon, Procêx, UI, 137.
3. Il iuiporie d'ohservcr que, dans les procès de foi, toutes les di'cision«. ju^
qu'au jiiponient inclusivement, sont prises par les deux juges, IVvéquc cl rmqui-
^iicur. Dans le droit romain primiiif, dans le droit barbare, dans le droit fêod^
dans le droit moderne, le préleur, le graf, le seigneur, le magistrat qui préside le
tribunal ou Ks assises, ne juge pas le fait : re sont les assesseurs, ci(oyoD«, ^•'M
hommeif^ anciens, juré;, qui jugent. Ici, la jurisprudence est retournée. I.e juge dé-
cide le fait au lieu de dire le droit : ceux qui doivent juger ne sont que des cotH
sullciirx.
4 Une « informatinii >« d*un autre genre avait eu lieu k Rouen, en dehrTsdu
pnieè<i. Des matrones avaient, par ordre de la duchesse de Bedford, constate la vir*
glniié de Jeanne; a ensuiie de quoi ladite duchesse fil défendre aux gardiens ela
tous autres de se porter Ciintre elle ii aucune violence ». Déposition de Tapparîtcar
J. Massieu. Pmr^.s, t. m, p. i/i.s. l.c duc de KedTord eut la curiosité J'a>«i>ter
caché U l'examen : cette l'tclie surprise faite ii une femme qu'il destinait ii réchft-
faud, ce mélange de cyiiiMiie et de froide cruauté, caraclérise suili^amment la
moralité de ce personnage tant vanté par les historiens auglais. ibid. p 163.
CI431] CAUCHON ET L'OISELEUR. 249
accueilli le porteur du procès- verbal, « l'appelant traître et mau-
vais homme * ». D'autres renseignements prêtaient matière à in-
criminer Torlhodoxie de Jeanne; on avait acheté des dénoncia-
teurs dans le parti français ; une copie de la réponse de Jeanne à
la question du comte d'Armagnac « sur les trois papes » avait été
livrée à Cauchon. Mais on ne pouvait citer à Rouen des témoins de
cette sorte : ils n'eussent osé comparaître pour soutenir leur dire.
La procédure inquisitoriale offrit à Cauchon le moyen de sim-
plifier la situation en amenant Jeanne à fournir directement des
armes contre elle-même.
« Que nul n'approche l'hérétique (en prison), si ce n'est, de
temps à autre, deux fidèles adroits qui l'avertissent avec précau-
tion, et comme s'ils avoient compassion de lui, de se garantir de
la mort en confessant ses erreurs, et qui lui promettent que, s'il
le fait, il pourra échapper au supplice du feu ^. »
Cauchon perfectionna le procédé de l'inquisition. De concert
avec le comte de Warwick, gouverneur de Rouen, il décida un
des assesseurs, chanoine de Rouen, Nicolas L'Oiseleur, à s'intro-
duire dans la prison de Jeanne en < habit court » (en costume
lajque), et à se présenter à elle comme un prisonnier français du
c bon parti ». Jeanne donna dans le piège, et répondit sans dé-
fiance aux questions de L'Oiseleur sur ses voix et sur une foule
de choses qu'il importait à ses ennemis de connaître. Ce misé-
rable lui apprit qu'il était prêtre, afin d'obtenir d'elle, dans le
secret de la confession, la révélation de ses plus intimes pensées.
On aposta les notaires, avec des témoins, dans une chambre voi-
sine, « où étoit un trou par lequel on pouvoit écouter, » afin qu'ils
écrivissent « ce qu'elle disbit ou confessoit audit L'Oiseleur ^ »
On obtint de la sorte d'amples sujets d'interrogatoires,
1. L'information avait été faite à Donireuii par Us soins du bailli de Chau-
inont. V, les dépositions du tabellion Bailli, Procét, t. U, p. 451 ; et de J. Mo-
reau, t. III, p. 192. L'information n'avait pas eu de caraciëre ofGciel; les témoins,
qui ne reconnaissaient pas l'autorité du bailli anglo-bourguignon de Cbaumont,
n'avaient pas préié serment.
2. Docirina de modo procedendi contra hœreticos, v. notre t. IV, p 154.
3. Déposition du notaire Manchon; ap. Procès, t. II, p. lo-ll. Manchon, dans
une déposition postérieure, voulut revenir sur cet aveu, et prélendit s'être
refusé a la complicité exigée de lui; il n'est malheureusement pas possible de l'en
croire*
250 GUERRES DES ANGLAIS. a,i\\
Cinq semaines se passèrent encore à préparer les ressorts de
la sinistre machine.
Le 19 février, rintormalion préparaloirc du commissaire exami-
nateur fut lue (levant douze docteurs, entre lesquels plusieurs des
hommes les plus considérables de l'université de Paris. Cuucliou
entendait impHquer les noms les plus éminents possible dans h
solidarité de son œuvre. Il y avait là trois anciens recteurs de Tuni-
versité*, dos délégués au nouveau concile qui allait s*ouvrir à Bàle.
Ji'an Deaupére, Nicole Midi, Pierre Morice, et ce jeune Thomas
de Courcelles, qui passait pour un grand homme à Tunivcrsité, et
qui allait jouer au concile général un rôle si actif et si influente
Les plus distingués par le savoir et par Tintelligcnce, il faut bien
Tavouer, furent les pires! Ils apportèrent à la violence servile et
à la cupidité de Cauchon le concours du fanatisme à froid et de
la dureté pharisaïque.
« Sur les conseils et délibérations desdits sires et maîtres»,
Cauchon décréta qu'il y avait matière suffisante pour citer t ladite
femme en cause de foi », et, « pour la révérence du saint siège
apostolique, qui a spécialement commis les seigneurs inquisiteurs
de la dépravation héréti(|uc à la correction des erreurs qui s'é-
lèvent contre la foi orthodoxe », il conclut à appeler et sommer,
on Tabsonce de Tinquisileur général de France, son vicaire, rési-
dant à Rouen, de s'adjoindre à lui évoque dans le procès.
C'est la première mention que fassent de l'inquisition les pré-
1. n y en eut plus tard jusqu'à cinq.
2. yEncas Sylvius (depuis le pupe Pic II) Ta comblé d*éloges dans ses Cffm-
wnitairts sur h: comiU ttt Dàle : a Thomas de Courcelles, illustre entre \ti
docteurs es lettres sacrées, qui eut plus de pari que personne aux décrets de
saint concile, Iiomuie aiuiabie et véuôrable par sa doctrine, mais toujours bais-
sant niodesicmcnt les yeux vers la lerrc et semblable à un homme qui se ca-
clie. i> Éiait-cc niodcslii.'... ou remords? Dans ses Mémoiret, terminés durant sos
p'Miiificai, en 1'éC3, Pie II parle d'ailleurs de Jeanne arec une haute aduiri-
lion, bien qu'au fond en politique el non en croyant. II laisse en doute si le
Un est divin ou humain, et, trop éclairé et trop près des éTénemcnls ponr voir
dans Jeanne un simple insirunient, comme l'imagineront plus tard les tnûckio'
itUi^trs du seizième siècle, il incline h. admettre la combinaison d*un grand génie
chez celte fille et d'un savant slraiagèmc chez les ministres et les capitaincf de
Charles Vil. Telle esi l'origine de ceite interprétation jvo/f/îfiif qui finit par
tomber jusqu'aux grossières abMirdilés de du Haillan. i». Procès, t. IV, p. 5l8. L<
fond des ch'ises esi assez éclaiiei maintenant pour que nous n'ayons pas à le dis-
cuter de nouveau.
ClWi] LES DOCTEURS ET 1/lNQUlSITEUB. 251
liminaires du procès; mais il y avait déjà eu sans doute maints
poiirparlei*s erttre l'évOquc et le vicaire du saint-oflice. Celui-ci,
le dominicain Jean Lemaistre, était un moine obscur et timoiv,
dont le caractère offrait un singulier contraste avec ses terribles
fonctions. Il fit tout ce qu'il put pour éviter de participer à une
affaire qui le frappait d'épouvante. Il exprima un doute sur sa com-
pétence, le procès regardant le diocèse deBcauvais et non celui de
Rouen; il demanda du temps pour s'assurer si ses pouvoirs
étaient suffisants , approuva provisoirement, à contre-cœur,
que l'évèque passât oulre, puis vint siéger, en attendant, non
comme juge, mais comme simple assesseur, faisant, chaque jour,
un pas de plus sous les menaces des lords du conseil d'Anjj;le-
terrc*. Le conseil s'impatientait et les Anglais criaient que les
clercs ne « gagnoient pas leur argent o.
Le conseil d'Angleterre payait, en effet, à chacun des assesseurs
une indenniité de 20 sous tournois par vacation 2. Ceux qui ren-
dirent les meilleurs services reçurent en outre des présents 3.
lia régence anglaise, qui laissait à Paris les magistrats de la
cour suprême sans moyens d'existence , savait bien trouver de
Tai'genl pour solder les juges et les bourreaux de Jeanne Darc, et
pour rouvrir l'antre de l'inquisition quand se fermait le temple
de la justice.
Jeanne fut citée à comparaître le 21 février. Cauchon vint sié-
ger en tribunal, ce jour-là, dans la chapelle du château de Rouen :
autour de lui étaient assis, comme assesseurs, i)rus de quarante
docteurs, licenciés et bacheliers en théologie, en droit canon, en
droit civiH, pris dans l'université de Paris, dans les chapitres de
Rouen et des autres cités normandes et dans les grands monas-
tères de la Normandie.
1. On lui fit entendre qu'il « scroit en péril de mort », s'il u'intervcnuit an
procès. Déposition de l'appariteur Massicu; Procès, t. UT. p. 163.
2. Plus de 6 francs de. notre monnaie, égalant probablement en valeur relative
S6 2i 40 fr. d'aujourd'hui, v. l'in.éressant chapitre de 31. P. Clémenr, sur la tv;«
leur relative dc$ monnaie»t dans le t. 1" de son Jacques Ct^'ur,
3. Déposilion de Th. Marie; Procès, l. II, p. 370,
4. On compta jusqu'U 95 assesseurs, dont plusieurs appartenaient k la faculté
des arts, ou même à celle de médecine ; mais ils ne siégèrenf jamais tous en-
fomhle. t'. la lisle dans Lebrun do Charaiettcs, Ilist, de Jeanne d'Arc, t. IIU
p. 231.
252 GLEriKES DES \NGL VIS. [u:v,
Tne qiioslion pivalalilc fort frrave cùl dû cire vidée avant l'i.ii-
vcrtiiro du proivs. Jeanne, durant rinslruclion, avait lédaiu'
avec instante d'èlrc liréc des mains des^ens de jïuerrc eliciUK
en prison d'éiilise. Le droit ecdésiaslique élait formel, et il > nuii
eudV'isse/ vifs n)urnun'es à ce sujet parmi les assesseur»; nui:
aucun d'eux n'osa poser nettement la f|uestioii; tous sa\ aient Inf
(lue, pour rien au monde, les Anglais n'eussent laissé N>rlir
Jeanne de la forteresse*.
L'appariteur lit au jujre son rapport sur la cilalion adic:-
sée à l'accusée. Jeanne avait répondu qu'elle était prête à euii.-
paraître, mais «pi'elle demandait qu'il y eût au procès au-
tant de {rens d'église du parti de France que du parti d'Aii^li-
terre.
HéJas! elle appelait à son aide ceux qui se bouchaient k'^
oreilles pour ne pas entendre sa voix!
L'n des docteurs mandés par (lauchon avait réclamé pour Joaiine
plus qu'elle ne réclamait elle-même : Nicolas de Houppcvilleav»iil
dit nettement à (lauclion que le procès ne valait rien; que les en-
nemis de Jeanne ne pouvaient être ses juges, et qu'il n'y u\ait |ia<i
revenir sur l'examen cpi'elle avait subi devant le clergé de Puitirrs
et devant rarclievêciuc de Reims, métropolitain de rêvêquc d«
Ueauvais -. La voix de cet homme courageux semblait la unx
même de la conscience. 11 sommait explicitement Caucbon de De
pas faire le procès, et injpliciteuient Uegnauld de Chartres d'iih
terposer son autorité hiérarchicpie pour enqiêcher ou pour invali-
der le procès, dette \oix chrétienne futétoullée; (-auchon lit jeter
lIoui)peville en prison-"^, et iK)ursui\il son œu\re sans êtJV iu-
1. /V'wrv, I. MI. p. 137. 1:)\
2. I)i']iositii)n (le >'ii:<ilus de nuuppcvine, Pruas, !• lU, p. 17^, ~~ U. -ie
(}. Maiiclioii, ibtil. p. l3S.
ô. Il fallut riiiiii \«ntii>ii il'iiiiiiH iiitliunis pour le prC^crvcr do rcxil ; ibid. p. iTl
l.'ii auln- diM'tur rriioiuiiiè in Noniiuiidie, Jeun Loliier, rcrusu pareil'.iUJtDt J<
pari ICI pt-r u un pmces nul à ^cs veux. « pour ce que le- procès se fai»oil en cfcÂ-
U-uu fort cl lieu riiul >(ii* aux ju^^es et uux conseillers; qu'il toucboil ui>ubrc àt
^eiib qu'on n'u\i>ii point appelés, et que Jchanne u'u\oit point de cou«eii •. I>
quitta la \ille el le pa\s pour se sousiruire au resseutimcni des Angiiii». Urp-
Mliuu de i\. Mano.liou, iViKfS, t. lU. p. 138. \i\\.i\\\ au dernier poiui, r«t>tacc
de conseil. I.ohier pirlaii en lioninie qui ne reconnaît pus la jurisprudcucc .2-
quisitoriale. et cela lui fait lionueur; niuis Cuuchou était cuu\erl par Ciiu ]•>*
ijsjiiudence.
I43t] JEANNE DEVANT LE TRIBUNAL. 23)
[uiété par un mol, par un signe de son métropolitain; le crime
le Taction eut pour complice le crime du silence.
On ne mit pas môme en délibération la demande de Jeanne.
L'accusée fut amenée.
Alors commença ce procès qui n'avait pas eu son semblable au
nonde depuis celui qui s'acheva sur le Calvaire. Quand on en
Mircourt les actes décolorés, affaiblis par la plume timide des
icribes, le cœur se serre d'une insurmontable émotion ; la main
remble à feuilleter ces pages jaunies; les yeux s'emplissent de
armes d'admiration. Que serait-ce si l'on avait les actes du mar-
yre de la Pucelle, écrits par un témoin pénétré de sa pensée,
!mbu de sa mission ; si ses gestes, son accent, les mouvements de
îon ûmc, l'aspect général des débats, eussent pu ôlre observés et
recueillis, si l'on avait la vie à la place de l'aride formule offi-
;ielle et delà lettre morte*!... A travers l'informe rédaction des
notaires, la lourde latinité du traducteur^, et les souvenirs des
témoins, qui, vingt ans plus tard, vinrent révéler dans le procès
le révision tant d'affreux mystères, on entrevoit cette morne nef
3Ù s'élève l'image de Jésus crucifié, comme pour essuyer une
seconde fois les outrages des Pharisiens; ces bancs pleins de
K)mbrcs et sèches ligures oii se personnifient les mauvaises pas-
sions du prêtre aux jours de décadence, où l'avidité, la servilité
irjolentc des uns s'associent à l'implacable orgueil des autres, à
Taustérité sans entrailles, pire que le vice même, à la froide
(Tuauté du sophiste au cœur de pierre, qui s'est fait un Dieu à
son image. Parmi ces odieux visages, des faces ternes et indécises,
types de la faiblesse qui hait la violence, tremble devant les vio-
lents et se fait complice de peur d'être victime; çà et lu, quelques
pliysionomies honnêtes et loyales, où se lit le combat du cœur
qui se révolte contre les préjugés qui poussent; autour de la cha-
pelle enfin, sous l'arceau des portes, derrière les verrières des
croisées, les armes reluisantes et les visages féroces des soldats
étrangers, qui menacent l'accusée et parfois le tribunal même.
Jeanne paraît, pâle, chancelante, brisée par les angoisses de
1. Morte, toutes les fois que la parole de Jeanne n'y éclate pas comme la trom-
pette qui réTcille les morts.
2. Thomas de Courcclles, qui mil la minute en latin.
254 GUERRES DES ANGLAIS. [i.:.:
doux mois d'une liorriblc captivité *. A la tempôtc que soulè>i.- ja
vue, on dirait Tenlrùe d'un ange dans une assemblée de déinon<.
Les interpellations se croisent de toutes parts, les question!: ne
s'attendent pas runeTaulre; chaque parole de raccustT rorlftublc
le tunudte; l'assistance s'ajjite en proie à ce désordre qui, sui-
vant rKcriture, caractérise le conseil des méchants. Si reiiii»orle-
ment parfois semble s'apaiser, ce n'est que pour faire place âb
ruse : l'interrogatoire ne cesse d'être violent que pour dcvoiiir
]>crride. Jeanne est seule au milieu de tant d'ennemis, sans avocat
ni conseil, deux des assesseurs qui cberchenl à la guider, à lui
faire saisir la portée dc»s questions et des réponses, sont en buîlc
aux furieuses apostrophes de Cauchon et désignés à la venpeance
<les Anglais. Cette scène se prolonge durant ti-ois ou quatre heure*.
On veut accabler Jeanne par la fatigue physique comme par h
souflVancc morale ; on s'efforce de la mettre hors de défense, on
jetant le trouble dans son esprit, autant par la subtilité des ques-
tions que par leur multiplicité et leur incohérence. « On lui pru-
posoit»,/^ rajïport d'un des assesseurs (Isambard delà Pierre-,
« des interrogatoires tellement difficiles, subtils et cauteleux, que
les plus grands clercs de l'assistance n'y eussent su répondre qu'î
grand'peine ». Elle y répondit pourtant. Parfois simple et nai^e
comme un enfant, parfois ingénieuse et d'une charmante lincfst:
de femme, souvent sublime, elle* ne fut jamais faible; la forcede
son âme soutint son corps épuisé : elle redevint devant ses juges
ce qu'elle avait élé sur le champ de liataille, la fille au gniwl
cœur. Si quelquefois, rarement, sa mémoire se troubla, rien ne
mit en défaut sa |)résence d'esprit; sa prodigieuse lucidité stu-
péfia tellement les membres du tribunal, cpie plusieurs cnireni
ses réponses dictées par des êtres surnaturels; il y eut un niuu-
vcjuent de teneur parmi l'assistance, quand elle dit de ses esprit*:
« Ils sont là sans (pfon les voie ! » Mais n'anticipons pas, et sui-
vons cette auguste tragédie dans Tordre de son développement.
(mUicIiou débuta par exhorter « charitablement » Jeanne à «lire
la vérité et par la requérir d'en prêter serment, suivant celte kr-
l)are jurisprudence (jui transportait dans les tribunaux criuiiriils
I. 0:i \tMiaii sculciiitu! de la lircr ilr "^a rage et de lui ôlcr ses trois paîitî ùt
Ici s. Ai'iès la sOanci-, «'n lui luniii les Tors aux jiieds, Procti, i. lU, jt IM.
les maximes du tribunal de la pénitence, et qui voulait forcer
Taccusé à se dénoncer lui-niènie.
Jeanne ne voulut jurer que sauf réserves. « Je vous dirai tout
ce qui est de mon fait, sauf les révélations que j'ai eues de la
part de Dieu pour mon roi seul. Quand vous me devriez couper
la tôte, je ne vous les révélerai pas sans le congé de mon conseil ».
Dans celle séance, dans les suivantes, on la pressa, on la har-
cela en vain. Elle ne se départit point de celle restriction.
On l'interrogea sur son pays et sa famille'. Il y eut là des
réponses d'une naïveté touchante, connue lorsqu'elle dit n'avoir
appris sa « créance » de nul autre que de sa méie, qui lui « avoil
montré Pater, Ave et Credo. » L'enfant redevint l'héroïne, lorsque
Gauchon, suivant les formules, lui intima défense d(? « se relraire
de la prison à elle assignée », sous peine d'être déclarée convain-
cue d'hérésie.
« Je n'accepte point la défense! s'écria-t-clle. Je n'ai baillé ma
foi à pei'sonne. J'ai voulu et voudrai me départir de vos prisons !
Si vous étiez bien informés de moi, vous devriez vouloir que je
fusse hors de vos mains 2. »
Après quelque hésitation due à une sorte de pudeur religieuse,
elle exposa avec simplicité et grandeur le mysicre de sa vocation;
€ comment les voix lui étoicnl venues de Dieu ». Qu'elle n'eût
consulté, avant d'y ajouter foi, « évé(jue, curé ni aucune per-
sonne ecclésiastique », ce fut là un premier crime aux yeux de
ceux qiiirinlerrogeaient^.
On lui représenta la copie de la sommation adressée par elle
aux Anglais devant Orléans: elle en nia quelques mots; elle n'avait
pas dicté : c Rendez les clefs des villes à la Pucelle », mais « Ren-
dez au roi » ; elle ne s'était pas qualifiée de « chef de guerre », et
s*était bien dite envoyée de Dieu », mais non « corps pour corps».
Peul-6li-e la mémoire de Jeanne était-elle en défaut et faisait-elle
1. Quand on lui demanda son surnom {cofjnometi)^ ce qui signifiait alors le
nom de famille, elle dit qu'elle ne savait pas; ce qu'elle expliqua plus tard en
disant qu'on l'appelait tantôt Darc, tantôt Roniée, parce que dans son pays, les
filles portaient le snriwm de leur mère. Procds, 1. 1, p. 46; 190. v. Éclaircissb-
SIB!IT, n* I, SUR LES NOMS DE FAMILLE.
2. Interrogatoire du 21 février; Procès, t. I, p. 44-48; id. du 22; p. 51.
3. Procès, t. 1, p. 273.
2:>5 GL'ERRES DES ANGLAIS. [i,:t:
inù( onnaîlrc à la captive infortunée le cri alticr de sa jeun? «■:
liciirouse autlaco*. Jeanne, du reste, revendiqua ferniemenl h
dictée et la responsabilité de celle lettre et de toutes les lotirt"*
éciiles en son nom. « Si j'ai été chef de guerre, dît-elle ailleurs,
ce fui ])onr férir sur les Anglois* ».
Elle commença de bien grande manière la séance du 21 fcvritT.
Interpellant Tévéque de Beauvais :
<« Je vous le dis; prenez bien garde de ce que vous dite-s i\vx
vous êtes mon juge! Vous prenez là une grande eharpeî —Tout
lu clergé de Rouen ou de ]*aris ne sauroit me condamner, s'il ne
Ta en droit. — Vous dites que vous êtes mon juge; prenez garJf
à ce que vous faites, parce que, en vérité, je suis en\oyécdeli
part de Dieu, et que vous vous mettez en grand danger. — Jt-
suis venue de la i)arl de Dieu, et n'ai rien à faire ici. Délaissez-
moi à Dieu de qui je suis venue ^. »
Elle se laissa arracher beaucoup de détails sur srs rftt'jr, ^m?
vouloir dire « à plein tout ce qu'elle savoit * ». — Im roix nn
parlé trois fois hier. — Elle me parle ici même. Elle m'a dit:
Ur ponds hard huent : fais bon rhatje. Dieu t'aidera. — Je cn.»i%
comme je crois la foi chrétienne, que cette voix vient de Dieu.
— les voix me parlent chaque jour. Si elles ne me conforloirnl,
je sei'ois morte! — Je ne puis toujours bien ouïr ce qu'ellos
m«» (lisent, pour le bruit des prisons et les noises des ganle>.
Ah! je les ouïrois bien, si j'étois en quelque forêt* !... »
L'interrogateur connnis par Cauclion, Jean Beau|>iTe, poM
perlidement à Jeaime une question redoutable.
« Savez-vous être en la grâce de Dieu? »
Si elle se disait assurée de la gnke, on la déclarait héréliquo.
1. Dans le cas contraire, TaltiM-ation n'avait yu être le fait ijue d'un clerc t:;-
llmuiiiasio, qui aurait encore renforcé les paroles de la Pucellc en icri\an: ;>u*
sa tlu'tée. Toutes les copii-s sont iraccord.
2. Interrogatoires du 'l?. frvrier, des r' cl 28 mars; Procé», t. F. p. ÔJ, 81. 2'.'!.
3. Interrogatoire du 2'* février; Vrnci's, 1. 1, p. 6i»-62.
'i. « Les petits enfants », dit-elle naïvement, a disent qu'aucunes fois ou pc:.J
les gens pour avoir dit vérité. » Pmres, t. I, p. 65.
;■>. Intel r(»faloires des 2:!, îi, 27 février, 3, 14 mars; Proci'i, t. I. p. :.2. 'il.
7(). 9*. 1J3. Kllc ne faisait pas la distinction qu'ont faite les niy>tiques inéî&pfc>
sieicii'i entre la vision spirituelle et la vision exlérieure, cl cro\ait \oir 5e*ap|'i-
ri!i'>us II doH yeuv de son corps », Ibid, p. 93,
C14S1] BELLES RÉPONSES DE JEANNE. 257
« C est grande chose, répliqua Jeanne, de répondre à telle de-
mande!
— Oui, c'est grande chose, dit un des assesseurs, le théologien
Fabri ; l'accusée n'est pas tenue de répondre.
— Vous feriez mieux de vous taire ! cria Gauchon avec colère à
Fabri.
— Savcz-vous être en la grâce? répéta l'interrogateur.
— Si je n'y suis. Dieu m'y mette ! et si j'y suis, Dieu m'y main-
tienne! »
Ils restèrent tous muets et baissèrent la tète • .
« Je serois la plus dolente de tout le monde, reprit-elle, si je
savois n'être point en la grâce de Dieu. Si j'étois en péché, je crois
que la voix ne me viendroit point. — Je voudrois que chacun
comprit aussi bien que moi ! »
Et elle levait au ciel ses regards inspirés.
Dans la séance suivante (27 lévrier), comme on la pressait de
nouveau sur ses apparitions : « Si vous ne me cioycz, dit-elle,
allez à Poitiers. Demandez copie du livre qui est à Poitiers. J'ai
été interrogée, trois semaines durant, par les clercs de mon parti,
qui n'ont trouvé en mon fait que tout bien.
— Est-ce Dieu qui vous a prescrit de prendre habit d'homme?
— C'est petite chose que l'habit, répondit-elle* avec une sorte de
dédain ; mais je ne l'ai pris et n'ai rien fait au monde que par
Tordre de Dieu et des anges.
— C'est donc chose licite? c'est donc bien fait?
— Tout ce que j'ai fait est par ordre du Seigueur : j'en attends
bon garant et bon aide. »
Ceux qui dirigeaient le procès ne cessèrent de la tourmenter
sur son obstination à garder l'habit d'homme 2. Cet habit était
1. Procès, t. I, p. 65. — Dépositions de J. Massieu, G. Colles, J. Fabri;
ibid. t. III. p. 153, 163, 175.
2. Gauchon lui avait refusé la permission d'ouïr la messe tant qu'elle serait
- vêtue en homme, et rien ne la chagrinait davantage. L'appariteur Hassieu, lors-
* qu*il la menait de la prison au tribunal , lui permettait , pour la consoler, de
^ faire sa prière à l'entrée de la chapelle du chftteau. Le promoteur d'Estivot, s'en
y étant aperçu, accabla de sales injures l'appariteur et l'accusée, et l'évéque de
Beauvais défendit à Massieu de récidiver. Dépositions de J. Massieu ; Procès, t. II,
p. 16; III. 151. Les interrogatoires n'avaient pas continué dans la chapelle, mais
dans un bâtiment situé sur une petite cour du château.
VI. 17
pour elle le signe de m mmmi guerrière, et, lanl ciu^aa m s ..
n*tMai! pas teniiîut^e eï les Anglais Imrs de Tnincp, idlr r -
pas en droil de le qiiiUer* Elle avait un aulriî molU
refuser à ce qiion exigeait d'elle, un motirque sa pudti
pùduii* d*avouer devant une nombreuse ^isseinhUV^» vi \
vt^c|ue de Beauvrib n*ignoraît pas, eur il avait r^u plu^kii
sm plaintes. Les hurreui-s tsecii'teâ de la |»rtâcin e[raç:uefil Tlior-
reurdu proecs liiènie. Le Messie de la France n'avait pft^$eQl^
rnetit à essuyer de ses gardien*» les injures el les dérbioii^ nidii-
rées avant lui par le Christ : son sexe mell.iil Jeniine en hAit^i
des aliominaliunâ bien plus griindcs. Plusieurs toU^ le** un
f|ni ravaîent eu gttrde et cpii ne *juittâient ^ rlinoilire aijnirj
nuit avaitMil uienaie Jeanne dei dernières \î*ilencofi, Tnj
elle ne fut sauvée que par rarrivêe du comte de Wan ick, aiiifï '
par ses cris* Le riroutlie gouverneur de Ilonen i «
le foil'riil in^n)e, snit devant Texèeration dti dii... , .. iH
grandes meuaeeâ h iceux Anglois », et mil ileui. aulrt!5 gTmlieai
ïila priîion».
Criait pour dêleudre sa pudeur que Jeanne s'nptinMniit
re cIjangerTjent dlïiiljil proliiln! [lar la loi de Molipte. et, de
par les canons de relise, uniquement countie farorisoin! k lUs- ^
ordre. Mais te propre des |>hari$ien3$ et ûts li^pomles cMdr
Iner Tespiàt des leii* avec la lettre.
Outre l'habit d1ic»uime, te pnint sur lequel §*ailiarnerent {Tm-
ci paiement les îuteriogaloires fut la révélation faite par Jr
h Charles VIL Non-seulement on n obtint rien d'elle àce^^ij
mais elle écarta, avec autant de sollicitude i|ue d'habdel^ toot
ce <pii pmivail inqdîqner son roi ou les clercs de mn fKarli lU»
k responsabilité de ses actes, et surtout de nm r»- r '
dliabit. Il n'y eut pas >eulement une fiduiirablc gru.
eut dans cette âme tendre un i:i!veil d'afreciion pour Tîncnd
L Déposltloot â« G. Uunclofr, Pi^tat. t. Il, p, 29il; If], 148. tt.(70iiiuitM>-
wkk, goiivern^ar du Jmitii rot Ui^nt-I Vi, rJ4(iirRinc «j« llfiiiii) n Vkommt lepk»
eaiiMd^rabtc du conflit u^mH tr« |krinn», tihiulrn, du rc«%»if, *laa» tc^m fr Cicrt^?
(»ro^^i*» un itr.tiafocififut (itiflMublt», pcMoL par %e% niiîuuee» fUi >
H'tiirt qui unm^rulmi quclqui;» d^!i|HujtJiHiJi bitfiM^îlliinttt pam i
làuCufii i]u'[i UuJiui d vt ii \\ï»K.kxh^ vvy K'upfiliqttyi CDUc immin i m l^ j|ji§iiii»«H«a«
431] irORREURS DE LA PRISON. 250
onarque qui Tavait trahie et qui la délaissait». Aux jours de
s jeunes illusions, ses voix lui avaient dit que Dieu aiuïait son
i cl le prince captif, le duc d'Orléans, plus qu'elle-mônie. Te
avenir lui revenait au fond de son cachot et lui voilait les iu-
g^ités d'un passé plus récent. Elle a pu pardonner: l'hisloirc
! pardonnera pas.
Si elle cherche à couvrir son roi et tout le parti de France, et à
pondre pour lous, à plus forte raison s'efforce-t-elle d'empêcher
le les hommes ne puissent hlasphémer ses voix et mettre leurs
•ophétics en contradiction avec l'événemcnL On sent qu'elle
che de se persuader que ses voix ne l'avîiient pas poussée à
iltiique de Paris , puisque celte attaque n'a pas réussi ; elle
ut que ses voix soient infaillibles, et ne comprend pas que les
>mmes aient pu se refuser à Dieu. Ce n'est pas, du reste, qu'elle
l renoncé à i ecouvrer Paris et toute la France : elle ne demande
us à ses voix une mojt prompte, comme elle avait fait lors des
■cmicrs pressenlimenls de sa captivité : la jeunesse et la vie qui
millonnent dans son sein ont chassé ces pensées funèbres ; elle
oit que sa mission n'est qu'interrompue et s'achèvera.
Les interrogaleuis tâchèrent d'attribuer un caractère magique
tous les objets dont avait usé la Pucelle, et dont certains étaient
avenus si célèbies, l'épée de Fierbois et l'étendard surtout. Ils
5 réussirent qu'à faire ressortir, dans des réponses tour à tour
euses, allières et touchantes, le mépris de Jeanne pour les pré-
gés qui attachaient une vertu surnaturelle à des paroles, à des
?stes, à des rites bizarres, à des objets ou à des actes matériels
r;ngei-s aux choses de Tàme cl de la conscience. La mysticité
est pas la superstition.
c Aviez-vous des anneaux? » lui demande-t-on.
Les anneaux jouaient un grand rôle dans les rites magiques.
€ J'avois l'anneau que m'a donné mon père ou ma mère, et
Jui que m'a donné mon frère. Les Bourguignons m'ont pris
in; l'autre, vous l'avez. Montrez-le-moi! donnez-le pour moi à
Église.
I. « La voix m'a dit cette nuit moult de choses pour le bien de mon roi. Jo
tudrois qu*il les sût, et ne pas boire de vin jusqu'k l'âqucs : il en seroit pins
yeux à son dîner ;>. Procès, t. I, p. 63.
«iGO GUERRES DES ANGLAIS. IiUil
— Lequel aimiez-vous mieux de votre étendard ou de votn-
6i>ée ?
— J'aimois quarante fois mieux mon étendard que mon éiïcc.
Je le poilois moi-môme, pour éviter de luer personne. Je n'îii
oncques tué liomme ^
— Avoz-vous dit que les panonceaux (étendards) faits à la res-
semblance du vcMre étoient heureux?
— J'ai dit à mes gens : « Entrez hardiment parmi les Anglois! •
et j'y onlrois moi-même.
— Avez-vousdil h vos gens qu'ils portassent hardiment lesdil*
panonceaux, et qu'ils auroient bonheur?
— Je leur ai bien dit ce qui est advenu, et ce qui aâvimlm
enrorr /
— Oui aidoit plus, vous à l'étendard, ou l'étendard à vous?
— De la victoire de l'étendard ou de Jehanne, c'étoil tout à
Noire-Seigneur'! »
Ji\anne n'évila i)as moins heureusement ni moins dignement
les pièges à elle tendus à propos du culte que lui rendait le peuple.
Ouand on lui reprocha les messes et oraisons dites en son
honneur :
« Si ceux de mon parti ont prié pour moi, m'est avis qu'il> ne
font point de mal. S'ils me croient envoyée de par Dieu, ils n«*
sont point abusés.
— Quel étoit I«» courage (l'intention^ de ceux de votre parti,
(piand ils vous baisoient les pieds et les mains?
— Ils me baisoient les mains le moins que je pouvois; raai>
venoient les pauvn»s gens volontiers à moi, pour ce que je ne leur
1. «♦ Avr/-vous ('[{' en lieu où des Anplois aioiii v.v occis?» lui demanda-t-^s
uiu> nuire fois. » Kn nom Pieu, si ai. Couiiue \ous parlez doucement! Que nt s<
dr-partoiout-ils de France ei no s'en alloienl-il» en leur pays? » « Il v aroii lacii
prand iiiilord d'Aiijileterre qui dil, ces purulcs ouli-s : — C'esl voiremenl us?
Imnne liinnie. ijnv nVst-rlli' Ang'.oisc! n Drpnsiliun de J. Tiphaiue; Procfs^l.Ul
p. 4H. (!i's inouvenien!«i grnruux furent niull)eurcu>enient rarts chez les Ancl;;i*.
In jour, coiiinio rappaiiteur Jean Massieu nconduisnil la Pucellc dun« »à prii-s.
un clianirc il»' la rhaprlli' du rm d'AniîIelcrri- Pubordu brusquement en lui dcHi^a-
daiii >i cefi- fi'innie sérail arst- lirùlèi . « Jusques ici, rrp'Uidit Massieu. je l*j
\n que Mi'U v\ honm-ur en elle; mais je ne sais quelle en sera la fin : Dieu U ui"'
l.e priVreant-'lais alla le drnonctT sur-le-clianip aux ycus liu mi, et Massieu eu'.'
ri^qiii- (ie la Me.
'.'. ln'irn»i;aloires des 27 féviicr, 1", 3 et 17 mars; passim.
[1431] L'ARBBE DES FÉES. 261
faisoit point de déplaisir, mais les supportois à mon pouvoir ' . »
Les contemporains ont porté témoignage, en effet, de son ar-
dente charité.
Les interrogateurs eussent bien voulu tirer de Jeanne l'aveu
qu'elle avait pris < son fait », sa mission, sous < l'arbre des fées »;
c'était, du reste, chose remarquable comme sentiment populaire,
Topinion accréditée à Domremi, chez les compatriotes de Jeanne,
el ils étaient bien loin de lui en faire un crime 2. Jeanne recon-
nut seulement que ses voix étaient venues à elle en ce lieu comme
en bien d'autres. Plus tard, Jeanne, interrogée si les fées étaient de
mauvais esprits, répondit qu'elle n'en savait rien. Ce fut un grand
grief que de n'être pas convenue que les fées fussent des diables
(Procès^ 1. 1, p. 209). Une autre fois, l'interrogateur lui demanda si
elle avait été de ceux qui vont en ferre (qui errant) avec les fées. II
s'agit de promenades nocturnes, de caroles (danses) que certaines
gens menaient, disait-on, par les airs avec 4es damss faées. Cela
était bien connu à Domremi, et se pratiquai!, non pas comme
l)Our les diables et les sorcières, la nuit du sabbat (du vendredi
au samedi), mais la nuit du mercredi au jeudi, la nuit de Mer-
cure el de Gwyon, qui est encore aujourd'hui la nuit où les nains
de Bretagne dansent leurs korols autour des dolmens 3.
La lettre du comte d'Ârmagnac à Jeanne, et la réponse, dont
une copie avait été livrée à Cauchon, fournissaient une arme
redoutable. Jeanne incertaine entre les trois papes, et prenant du
temps pour décider entre eux < ! Mais elle n'avoua pas la lettre
telle qu'on la lui représentait, dit que, le comte d'Aruiagnac lui
ayant demandé à quel pape Dieu voulait qu'il crût, elle l'ignorait,
ne l'ayant point appris de ses voix, mais que, pour elle, elle
croyait au pape qui est à Rome. Ses réponses sur cet incident
offrirent de l'embarras et de l'obscurité. Elle se releva avec un
terrible éclat sur ce qui était vraiment de a son fait », du fait de
1. Interrogatoire du 3 mars; Procès, 1. 1, p. 100-106.
2. Procéâ, t. I, p. 68.
3. Ce fût à propos de l'arbre des fées qu'en rerenant sur ses visions, on lui
lit cette question ridicule et iudécente :
« Saint Michel est-il nu ?
— Croyez-Tous que Dieu n'ait pas de quoi le vêtir? »
4. V. ci-dessus, p. 191.
202 GUERRES DES ANGLAIS. [i.:i;
la jruoiTc cl de la délivrance. Elle avail déjà prcdil que les Bour-
guignons auraient guerre « s'ils ne font ce qu'ils doivent* >.
Elle dit de plus grandes choses quant aux Anglais! Uinspiration
ivssaisit «la sib\llcdc France » : ses yeux lancèrent encorcia
foudre connue dc^vanl les bastides d'Orléans : elle sembla juger
ses juges et rAngloterre. « Avant qu'il soit sept ans, les Angloii^
délaisseront un plus grand gage qu'ils n'ont fait devant Orléans,
et perdront tout en France 2. Les Anglois auront lu plus grande
perte qu'ils aient jamais eue en France, et ce sera par pnmde vic-
toire que Dieu enverra aux François. Je sais cela par révélation,
aussi bien que je sais que vous êtes là devant moi. Cela sera avant
sept ans : je serois bien fâchée que cela tardât si longtemps. Avant
la Saint-Martin d'hiver, on verra bien des choses, et il se poum
que les Anglois soient mis jus terre!
« Les saintes (sainte Catherine et sainte Marguerite), » poursui-
vit-elle, « m'ont promis que mon roi regagneroit son royaume, et
qu'elles me conduiroient eu paradis. Elles m'ont fait encore une
auti'e promesse.
— Laquelle?
— Je vous le dirai dans trois mois.
— Serez-vous donc délivrée dedans trois mois?
— Dans trois mois, je vous répondrai ; il faudra bien que je
sois délivrée. Ceux cjui me veulent ôter de ce monde pourront
s'en aller avant moi 3. — J'ai demandé souvenles fois congé à
mes voix de me départir de prison, quand je voudrai ; mais je
1. Le soûl mot violent qiron ait d'elle, est contre eus. « Je uc savoi» !i Douremi
qu'un seul Duur;;uignon; j'eu<^se voulu quMI eût In tête Coupée, pourvu que ccU
plu' à Dieu w. Procès, I. I, p. 66. C'était le souvenir d'uuc colère d'enfant ti
un\\ un son i nie n' uctucl. Ou essaya d'un tirer parti contre elle. On lui dt-
niuuilu si elle croyait que son roi eût bien fait a de tuer ou fuire tuer inooffi-
{.'neur di* Ri)ur(!r){:iii: n. Klle répondit adinirablcnicnt : u Ce fut grand douiuige
pour le royiiume de France; mais, quelque chose qu'il y ait eu entre eux, D:i:i:
m'a envoyée au secours du roi de France ». Ibid, p. 183.
'1. n Lo« Fi'an(;ois gagneront bieuiôt une grande besogne : je le dis, afin qoc.
qu-ind ce scru utivenn, on ait mémoire que je l'ai dit. « Intcrrog. du 17 Dar>;
Pi-ms, 1. 1, p. 17 i. i.a piidiciion de Jeanne ne se réalisa pas exaclenieni dans If
di'lui iuiliquê. Un plus yruml yugc fju'OrU'.tm, Paris, fut enlevé aux Anglais aiùiu
icpi ans, niais ils ne perdirent loiti vn France qu'après vîugt et quelques auuces-
L''\ ini.r de Jeanne lui avaient dit qu'elle délivrerait le duc d'Orléans avant trois
ûun, etiju'elle verrait le roi des Angliiis, ce qui ne se réalisa pas non plus.
'4. IiiterroiJaîoirc du 1" mars; Prjces, t. l, p. 8i-88.
[1431] AIDE-TOI, DIEU T'AIDERA. 263
ae l'ai point encore. Peut-être essaierai-je, pour savoir si notre
ïire en seroit content. Aide-toi , Dieu te'aidera ! »
Cette maxime convenait bien à celle qui fut le génie incarné
le la France, du peuple de l'action (Procès, 1. 1„ p. 164).
Ses juges étaient à la fois exaspérés et terrifiés de son assu-
rance. Elle maintint opiniâtrement ses audacieuses prédictions,
ît ne laissa jamais apercevoir le moindre doute sur la délivrance
inale de la France. Quant à sa personne, s'identifiant, en quel-
jue sorte, à la France, et se sentant comme une incarnation de
.a patrie, elle avait la conviction d'être délivrée par quelque grande
irictoire. Hélas ! ce terme de trois mois qu'elle assignait à ses juges,
[)ar un mystérieux pressentiment, devait s'achever pour elle
lans une autre délivrance, « la délivrance de la mort», suivant
la parole de nos aïeux. Ce n'était plus en ce monde qu'elle devait
retrouver l'auréole de victoire *.
La première phase du procès fut terminée le 3 mars. Cauchon
innonça, à la fm de la séance, qu'il allait charger quelques
lecteurs et experts en droit divin et humain d'extraire ce qui
Stait à recueillir parmi les aveux de Jeanne, et qu'ensuite, s'il y
ivait lieu de l'interroger plus amplement sur certains articles, il
(l'en fatiguerait pas la multitude des assesseurs, mais déléguerait
ï cet effet quelques-uns d'entre eux. c On mettra tout en écrit,
îf , quand besoin sera, les docteurs et experts en pourront déli-
vrer et donner leur avis. » Il leur défendit à tous de quitter
[louen sans congé *.
Le motif de Cauchon était facile à comprendre. Lui et ses
naitrcs avaient intérêt à diminuer la publicité de ces émouvantes
séances, et à soustraire les moins décidés des assesseurs à l'espèce
le fascination qu'exerçait l'accusée. Elle présente, on ne savait
!e qui pouvait arriver : elle absente, et les assesseurs donnant
eur avis sur pièces, on comptait bien qu'ils seraient tous contre.
Le travail d'extraits annoncé par Cauchon fut exécuté du 4 au
) mars. Le 10, les interrogatoires furent repris, dans la prison
1. Ç& et \k les voix résonnaient tristement dans son Ame, sans Téclaircr encore
(ur le vrai sens de sa délivrance. « Prends tout on gré : ne te cliaille (ne te soucie)
ie ton martyre! » Procès^ t. I, p. 155; inlcrrog. du 14 mars.
2. Protêt, t. I, p. 111.
26i GUERRES DES ANGLAIS. [ii)|]
même, par Cauchon, assisté seulement du commissaire examiâv
tour Jean de La Fontaine, de deux assesseurs et de deux témoins.
A partir du 13 mars, Cauchon put enfin s'autoriser du concours
officiel de l'inquisilion et donner à ses assesseurs le titre de t con-
sulteurs du saint-office p : la délégation de Tinquisiteiir général,
réclamée pîu* Tévéque de Beauvais, était arrivée, et le vice-inqui-
siteur Jean Lomaistre, forcé dans ses derniers retranchements,
s'élait résigné à siéger désormais comme juge à côté de Févéquc,
sinistre association de la peur et du crime •.
Durant toute la première partie du procès, Jeanne s'était refu-
sée à toute explication sur le signe qui avait décidé son roi à re-
connaître sa mission. Harcelée sans relâche sur ce point capital,
après avoir tour à tour prié ses juges de ne pas chercher à robli-
ger au parjure envers ses saintes*, et repoussé leurs obsessions
par des éclats d'impatience 3, elle finit par se débarrasser dos
questions à l'aide d'une allégorie toute biblique.
« Le signe est moult bel et honoré et bien créable (croyable;,
et le plus riche qui soit.
— Ce signe dure-t-il encore ?
— Il durera mille ani et plus. — Il est au trésor du roi.
— Vint-il de par Dieu?
— Ce fut un ange de par Dieu qui le bailla à mon roi. Le roi et
ceux qui étoicnt avec lui ont vu le signe.
— Est-ce le même ange qui vous appamt premièrement?
— C'est toujours tout un, et oncques ne m'a failli. »
Elle ne savait pas dire si complètement vrai en identifiant ses
voix avj^c elle-même, l'ange avec la Fillb de Dieu *.
Elle ajoufa que l'ange apporta à son roi une couronne d'or
l»ur, laquelle « sifj;nifioit le royaume de France. Elle fut baillée
à un arclievé(|ue, lequel la bailla au roi, et étois-je présente.
— L'ange qui l'apporta vint-il de haut, ou par terre?
1. Le Yice-iu.|uisiicur délrgua. uu nom du sainl-officc, les officiers déjii coa ibis
au procès par Cauclion de par raulorité épiscopalc.
2. Elle a\ait juré Ji .^c^ï voix de no pas rê\cler te signe sans leur aveu.
3. » I.e «signe qu'il vou'i faut, c*csi que Dieu mo délivre de vos maïus!}» Prcau
t. I, p. 12«\
4. C\i\ la qu'elle dii que âc5 lui'x rappelaicul comuiunémcat c Fille de Dieu ».
(1431] L'ANGE ET LE SIGNE. 265
— Il vint de haut, j'entends, par le commandement de Notre-
Seigneur^ »
Jeanne échappa pour la seconde fois au piège dressé lors de la
fameuse question de c l'état de grâce j>. Elle avait dit que son
âme serait sauvée.
€ Cette parole est de grand poids. Croyez-vous ne pouvoir faire
péché moilel ?
— Je n'en sais rien; mais m'en attends du tout à Notre-Sci-
gneur. — Je serai sauvée, pourvu que je garde bien ma virginité
de corps rt d'âme.
— Est-il besoin de se confesser quand on croit être sauvé î
— On ne sauroit trop nettoyer la conscience. >
Jeanne, avec im mélange de simplicité et d'adresse sublime, a
donc passé sur presque toutes les embûches sans s'y blesser, pa-
reille à ces vierges de nos cathédrales qui foulent aux pieds les
monstres. L'habit d'homme obstinément gardé, l'allégorie du
signe transformée par l'accusation en une fiction, en un men-
songe, c'est peu pour une qualification d'hérésie ou de sorcelle-
rie ! c'est peu pour établir que les voix viennent de l'enfer !
Reste une question terrible et décisive ! Cauchon n'a point en-
core osé la poser, parce que, si la réponse négative est la perle
de Jeanne, la réponse affirmative l'arrache des mains de ses per-
sécuteurs et renverse tout l'échafaudage du procès. Cauchon ne
tremblerait pas devant cette question, s'il était capable de com-
prendre l'âme de sa captive ; il saurait que la réponse affirmative
est impossible.
Cette question, c'est de savoir si Jeanne soumettra à une auto-
rité humaine quelconque l'autorité de sa révélation, l'authenticité
de sa mission.
C'est ici le point culminant de toute la carrière de Jeanne,
et c'est aussi un des points sur lesquels le procès de réhabili-
tation a accumulé le plus d'ombres. La contradiction est fla-
1. L'allégorie est fort claire pour l'entrevue de Cbinon et le sacre de Reims;
s'il 7 a quelque obscurité dans les détails, c'est qu'après s'être représentée elle-
même comme l'ange, la Pucelle fait ensuite des allusions à Tangc Michel qui l'ac-
compagnait, inyisiblc, avec les deux saintes. Procès, t. I, p. 113-146; interroga-
toires des 10, 12, 13 mars.
266 GUEUUES DES ANGLAIS. [Ul\
{irante, radicale entre le procès de condamnation et les dé-
positions des témoins pour la réhabilitation, acteurs eux-mêmes
autrefois dans ce premier procès qu'ils démentent. Suivant
(|uolques témoins, d'ailleurs mal d'accord entre eux quant aui
circonslanccs, Jeanne, sur cette question qui domine toutes les
autres, est incertaine, presque faible, victime de son ignorance
rt d'une équivoque perfide, puis, même, enfin, d'une \iolation
Jjrutale des règles judiciaires et d'une impudente altération de
la vérité dans l'instrument du procès. Suivant les actes du pro-
cès, au contraire, actes qui devraient, si les téinoins disaient
vrai, porter des traces d'incohérence, d'obscurité, d'incertitude,
Jeanne apparaît assurée, inébranlîible, lucide de pensée, pré-
cise de parole, ayant pleine conscience du principe qu'elle sou-
tient, ne variant pas un jour, pas une heure, et le débat se
résume dans la lutte entre deux logiques inflexibles , dans la
lutte entre l'autorité traditionnelle et l'inspiration d'en liaut,
manifestée sous la forme la plus auguste qu'ait vue le monde
depuis les premiers jours du christianisme.
Ce sont les amis posthumes de Jeanne qui la diminuent devant
la imstérité; ce sont ses ennemis qui la montrent dans toute sa
force et toute sa grandeur.
Nous contiiuierons de suivre l'instrument du procès, en exa-
minant, lorsque besoin sera, jusqu'à quel point on doit tenir
compte des assertions des témoins.
La question fut posée, le 15 mars, en l'absence de Cauchon,
juir son représenltuit La Fontaine et par le vice-inquisiteur. —
Jeanne fut requise que, « si elle a fait quelque chose qui soit
«onlre notre foi, elle s'en doit rapportera la détermination de
rÉ^lise.
— Que mes réponses soient \ues et examinées par les clercs;
et puis (pi'on me die s'il y a quelque chose qui soit contre la foi
rhrétienne: Jk saihai iuen a i»ikk, i»ak mon conseil, (ce' qi'il n
SKUA. Kl toutefois, s'il y a rien de mal contre la foi chrétienne
<|ue Notre Sire a commandée, je ne (le) voudrois soutenir et
serois bien courroucée d'îdler encontre.
'( Lui fut dédaré TK^lise tiiomjihant et l'Église militant, [ce)
que e'étoit de l'un et de l'autre. Requise que, de présent, elle se
CI43IJ SOUMISSION A DIEU SEUL. un
iHÎt en la tlélcrminalion de TÉglise de ce qirello a fait ou dit, soit
bien, soit mal, répond : Je ne vous en répondrai autre chose pour
le présent. »
Le 17 mars, la queslion fut réitérée par les mêmes inlerroga-
leurs.
« Quant à l'Église, je l'aime et la voudrois soutenir de tout mon
pouvoir pour notre foi chrétienne... Quint aux honnes œuvres
jiio j'ai faites et à mon avènement, n. faut que je m'en attende au
Roi du Ciel qui m'a envoyée. »
On insista : *« Vous en rapportez-vous à l'Église?
— Je m'en rapporte à Notre-Seigneur, qui m'a envoyée, à Notre-
Dame et à tous les benoîts saints et saintes de paradis. Ce m'est
ivis que c'est tout un de Noire-Seigneur et de l'Église. Pourquoi
raî!es-\ous difllcullé que ce ne soit tout un?
— Il y a l'Église triomphant, où est Dieu, les saints, les angles
[anges) et les âmes sauvées. L'Église militant, c'est notre saint-
père le pape, vicaire de Dieu en terre, les cardinaux, les prélats
ie l'Église et clergié, et tous bons chrétiens et calholiques; la-
quelle Église bien assemblée ne peut errer, et est gouvernée du
Saint-Esprit. — Vous rapportez-vous à l'Église militant, c'est à
savoir à celle qui est ainsi déclarée?
— Je suis venue de par Dieu, de par la vierge Marie et tous les
benoîts saints et saintes de paradis, et l'Église victorieuse de là-
iKuit, et de leur commandement ; et à celle Église-là je submeict
soumets) tous mes bons faits et tout ce que j'ai fait ou à faux*.
— Vous submettez-vous à l'Église militant?
— Je n'en répondrai maintenant autre chose *. »
1. PiOccSf t. I, p. 162, IGC, 174-176. I/appariicur J. Mussieu, un des Iciuoins
le cet iii;errogutoire, préicu'i avoir oui dire U Jeuunc : u Vous m'interrogez sur
'Église trioiiiphuni et militant : ju n'en ends point ces termes; mais je \cu\
lie subnteilre ii TEglise, comme il convient ii une bonne chré.iennc. » Proctis de
éhub.liiaiion; enquOie de 1452 ; ap. Procé.Sf t. U, p. 333. Isamburd de la Pierre,
uoine uugustiu, témoin comme Massieu, dit, de son côté, que, « par grand espace
la procès, lorsqu'on iuterrogeoit Jciiaune de se submettre k l'h^glise, elle enten-
loit de celte congrégation déjuges et assesseurs là présents et assis auts, jusqu'à
0 quVlle eût êié instruite de ce qu^: c'éioit pur Pierre Moriee (un des asse>-
cuis), et, quand elle en eut connoissancc, toujoui's se submit-elle au pape.
•ourvu qu'on la menât devers lui. » Ibid. p. 3ji). Ou vient de voir que non-seu-
emen: il n'y avait point eu d'équivoque entre rassemblée présente cl TKg ise mili-
untc, mais que la distinction des deux l^gliscs triomphante cl uiilitau'e avait été
268 GUERRES DES ANGLAIS. [i\i\:
Puis, comprenant parfailcmcnt où sa réponse pouvait la con-
duire :
a Si ainsi est qu*il me faille mener jusques en jugement, qu il
me faille dévùlir (déshabiller) en jugement', je requiers aux sei-
gneurs de rËglise qu'ils me donnent la grâce d'avoir une cheiui^
de femme.
— Puisque vous dites porter habit d*homme par comniantk-
ment de Dieu, pourquoi demandez-vous chemise de fenune en
article de mort?
— Il suffit qu'elle soit longue. »
Son seul souci, pour ce moment terrible, était une préoccupa-
tion de pudeur.
Pourtant elle ne croyait pas encore à la mort.
« J'aime mieux mourir que de révoquer ce que Xotre-Sti-
^neur m'a fait faire; mais je croi fermement que Notre Seigneur
ne laira (laissera) jà advenir de me mettre si bas, que je n'aie so
(rours bientôt de Dieu et |)ar miracle. — Pour rien ne ferois-jelc
serment de ne me jioint armer et mettre en habit d'iiommc pour
faire le plaisir de Xotre-Seigneur^. »
L'après-midi du 17 mars, Cauclion reprit rinterrogaloirc.
fort cluireinent expliquée ù Jeanne, et qu'elle y répondit non moins claireuits'..
rour s'inscrire en fuux contre rinsirumenl du procès, il faudrait accuser de fklsii-
cutiou tout îi la fois les juges el les notaires-greffiers; or, tous les témoins Vac-
oordent sur lu fiilcliié des notaires, et, quant aux juges, les deux intcrrogktoirts
(les là et 17 nturs furent conduits non par Cauclion, mais par Lemaistre, qu'oa
n*a jamais accusé d'acharnement contre Jeanne, et par La Foniaiiie, qui, au dire
des témoins, se compromit, bientôt après, en cherchant ii la sauver. Il D'yadocc
point k hésiter entre les procês-veibaux de li3i et les dépositions de l*j2. Il*
a, de plus, une objection terrible ii faire à Isainbard. — Quoi ! Jeanne éui: •(
bonne cuthuliquc romaine, soumise en toute chose au pape et à rtglis«. cl
\ous le sa\ioz, et vous avez signé les délibérations qui l'ont qualifiée de soL.*-
malique et qui ont motive sa condamuation! (i-. Procès, t. I, p. 33'J.) Isumbuj'i
se calomnia lui-même, en voulant défendre, ii sa manière, la niëuioirc de :a
sainte héroïne dont lu mort l'avait i«)ucbé. Ce moine était une bonne ftiiie. et qous
ne ruccusuns nullement de mensonge volontaire; nous lâcherons d'expliquer lom
a l'heure les erreurs de sa déposition et de quelques aulies.
1. Comme on. faisait aux condamnés.
2. Vroct'Sf t. 1, p. 176-177. — C'est dans cette même séance qu'où lui de-
manda si Dieu haïssait les Anglais.
a De l'amour ou haine que Dieu a aux Anglois, ou que Dieu leur fait i kurf
âmes, je n'eu sui rien ; mais bien sai-je qu'ils seront boutés hors de France,
excepté ceux qui y moununt, a Ibid, p. 178.
[1451] REFUS DE SE RÉTRACTER. 209
« Vous semble-t-il que vous soyez lenuc répondre pleinement
vérité au pape, vicaire de Dieu, de tout ce qu'on vous deman-
deroit touchant la foi et le fait de votre conscience?
— Je requiers d'ôtre menée devant lui, et je répondrai devant
lui tout ce que je devrai répondre ^ »
Le 18 mars, Cauchon fit lire les aveux et réponses de Jeanne
devant douze des principaux assesseurs, qui convinrent d'exami-
ner la matière et « les opinions des docteurs dans les livres au-
thentiques ». Le rapport sur les opinions des autorités fut pré-
senté, le 23, devant vingt-deux des assesseurs, et il fut conclu
de réduire la malière à un petit nombre d'articles ou de chefs
d'accusation.
Lecture fut faite à Jeanne de ses interrogatoires. Elle ne con-
testa rien. On lui offrit de nouveau la messe et la communion, si
elle quittait l'hahit d'homme. Pâques était proche, et son cœur sai-
gnait de ne pas « recevoir son Sauveur ». Elle n'en refusa pas moins.
I^ procès préparatoire était terminé : il fut décidé qu'on pro-
céderait par procès ordinaire, et que Jeanne serait interrogée de-
rechef sur les articles susdits.
Jeanne fut ramenée, le 27 mars, devant un nombreux tribunal
(38 assesseurs), pour assister à la présentation de l'acte d'accusa-
tion par le promoteur. Les plus violents voulaient qu'on l'excom-
muniât tout de suite, si elle ne commençait par jurer de dire
vérité sur toutes choses sans restriction^. La majorité opina pour
qu'on lût d'abord les articles ; que Jeanne fût tenue de ré-
pondre, et que, si elle demandait un délai sur certains points,
elle l'obtînt « compétent ».
Cauchon offrit à Jeanne de choisir un ou plusieurs des assis-
tants pour conseil.
Elle le remercia. « Je n'ai point intention de me séparer du
conseil de Dieu. Je suis prête à dire vérité de tout ce qui touche
votre procès ».
1. Procès, \,l, p. 184. Cauchon ne demandait pas en ce moment h Jeunue si elle
soumettrait la véri.é de sa mission au pape; mais si elle révélerait au pape les
choses qu'elle ne voulait pas lui révéler, à lui, Cauchon. Oa comprend que lu
réponse de Jeanne ait pu devenir, dans la mémoire troublée d'Isambard et do
quelques autres témoins, une soumission pure et simple au pape.
2. Il est II remarquer que le commissaire La Fontaine fut de ce nombre.
270 GLERRES DES ANGLAIS. [i
VA cll<î jura, sans ciileiulrc se tli'*pai1ir de sa réserve sur le se
ré\élé au roi, qui, siiivanl elle, <» ne touclioit pas le procès
dont personne n'avait droit de lui demander compte.
Deux séances furent einplojées h la lecture des articles
'J9 mars). — Le promoteur roquerait que Jeanne fùl déclarée
cière, « devine », lausse prophétesso, invocatrice de malins esp
niagicionne,scIiismali(iiie,saci ilé'^e, idolAtro, apostate, blasphê
(rice, séditieuse, perturbatrice de la paix, altérée de sang hur
et excitant à le verser, quittant sans vergogne la pudeur de
sexe et prenant scandaleusement liabil d'homme d'armes, j
ces choses et autres abominable à Dieu et aux hommes, séduci
des princes et des i-euples, usurpatrice des honneurs et du i
divins, héréticpie ou véhémentement suspecte d'hérésie, etc..
Les 70 articles de l'acte d'accusation * étaient dignes de ces i
clusions. La i)ré(ention de la Pucelle à ne soumettre sa mis
qu'à Dieu et «î TKglise « de là-haut », si elle y persisitai», sufl
bien, selon les principes d(; Rome et de l'inquisition, à la I
déclarer scbisnialique et suspecte d'hérésie, mais ne suftisail
à la rendre un objet d'horreur et de mépris aux jeux des naîi
On avait donc entassé dans celte pièce, dont la forme et le I
soulèvent le cœur, tout ce (pi'une haine envenimée peut ini
ner pour dénaturer les caractères et les faits et pour abustM* 1'
nion. Co (pi'il y a de vriiiment terrible à dire, c'est que le m
rable d'K^tivet n'était [as le seul auteur de cet acte infànK
avait eu pour auxiliaire ce Tbomas de Courcelles qu'on ap
depuis « la lumière du concile de Bàle- ».
Jeaniîe répondit article par article.
Elle s'est vantée de cbasser ou exterminer tous les enneniii
son roi (art. XVll). « J'ai porté nouvelles de la part de Die
mon roi que Notre Sire lui rendroil tout son royaume ».
1. P/oerVt, t. I, p. 202-3 '3.
2. « Il ne lil i»U'Sfiue ririi «lu n-«|uisiioiro \Jt: HbtUo) i>, lîii lo noîai.o Mai.(
•luiis une (lépositinn liés peu sinccn*, où il ménage fori Tlioniu^ lie Courcellos
(l'v, 111, l3ô. Lu qurstion n'csi pus dans lu quamitr. Cou:e«>lli.-s pi il «rubc
icsponsubililc du rrquisiioiic; car re fut lui «jui lut et e\po^u les ariicles ii
cus(^e. l'ius loiU, il est vrui. quand il iruduisil en lalin le piocès-\cibal fru
<Il-$ no'uires, il suppriinu son nom de la :cdactioD définili>c. r. Quiulicvar, Jp
nnuii'uujf p. l'iO.
ACTE D'ACCUSATION. 271
3 n'affirme plus si clairement que ce sera par ses mains, à
lu fond elle le croit toutefois encore,
lie s'est opposée à tout traité de paix et a poussé conslam-
à l'effusion du sang. — J'ai écrit pour la paix au duc de
fogne; quant aux Anglois, la paix qu'il y faut, c'est qu'ils
lillent en Angleterre.
Ile s'est attribué, à elle, créature simple et ignorante, ce qui
iltribut de la Divinité; savoir l'avenir; connaître les choses
Les. — Il est à Notre-Seigneur de révéler à qui il lui plaît ^ »
nne avait demandé délai pour répondre définitivement sur
îstion capitale, la soumission à l'Église. Jusque-là, elle avait
ï la soumission implicitement plutôt qu'explicitement : elle
restée, comme nous l'avons vu, sur ces paroles : « Je n'en
idrai maintenant autre chose ». — Le samedi saint, 31 mars,
ion, accompagné de quelques-uns des principaux asses-
, se transporta dans la prison :
'oulez-vous vous rapporter au jugement de l'Église, qui est
tre, de tout ce que vous avez dit et fait?
Je m'en rapporte à TÉf^lise njilitaut, pourvu qu'elle ne me
tiande chose impossible à faire. Ce que j'ai dit et fait, les
is et révélations que j'ai eues de par Dieu, je ne les révoquc-
)ur quelque chose; et, de ce que Notre Sire m'a fait ftiire et
nandé et commandera, ne le laisserai à faire pour homme
ive, et me seroit impossible de le révoquer. Et, en cas que
se me voudroit faire faire autre chose au contraire du com-
lement qui m'a été fait de Dieu, je ne le ferois pour quelque
îroyez-vous point que vous soyez sujette à l'Église qui est
rre, c'est à savoir : à notre saint-père le papo, cardinaux,
îvéques, évéque?, et autres prélats d'Église?
'rocc?, t. I, p. 232, 233, 234, 2:»l.
'interrogateur répéta la qucsiion sous une autre forme : « Si TÉglise niililaul
il que vos lévélations sont illusions ou choses diaboliques, vous en rappor-
eus il ri^glise? — Je m'en rapporte îi Nolre-Seigucur, duquel je ferai
rs le commandement... Ce que j'ui affirmé au procès avoir fait du comman-
t de Dieu, me si-roit impossible faire le contraire. Et, en cas que l'Église
it me commandcroii faire le contraire, je ne m'en vapporterois U homme
nde, fors à Noire-Seigneur, que je ne fasse toujours son bon commandc-
11 ». Procèx, t. I, p. 325.
272 GlI^RBES DES ANGLAIS. [i;
— Oui, Noire Sire premier servi.
— Avez-vous coniinandemcnt de vos voix que vous ne v
siibinelliez point à TÉglise iiiilitanl?
— Je ne réponds chose que je prenne en ma tôle : ce qu
réponds, c'est du connnandeinenl de mes voix : elles ne ci
mandent point que je n'obéisse à l'Église, Notre Sire preD
servi *. »
Point dVqui\o(|uo , point d'obscurité. On a comniencé
sommer Joaime de soumettre ses faits à l'Église. Elle a répoi
sans paraître dislinfiuer l'Éj^lise des gens d'église assemblés
vanl elle, que, si les clercs trouvaient dans ses faits quel
cliose contre la foi, elle saurait bien, «par son conseil », dir
qui en est, c'esl-à-dire qu'elle jugerait ses juges. On lui a
pliqué fort clairement qu'il s'agissait de l'Église militante
ce cpie c'était que la distinction enlre l'Église militante (
triomphante. Elle a dit alors qu'elle se soumellail à Dieu
l'Église triomphante; que, quant a l'autre, elle n'en « répom
mîiinteuant autre chose ». Cette réponse, ajournée, elle vieil
la donner péremptoire: soumise à l'Église sur tout autre \h
elle ne peut soumettre (|u'à Dieu ce que Dieu lui a diredei
conunandé, et si lÉglise lui ordonnait de désavouer la mis
qu'elle a reçue de Dieu, elle ne le pourrait faire.
Reconnaître à un honune ou à une assemblée le droit de
ci(h'r, par oui ou par non, si Dieu lui a donné charge desai
sa patrie, cela hii est i>n»ossuiLE=^.
1. Proa's, l I, p. 3i4-3:îG.
2. Au premier ubnrd, U>s déposilions des témoins du procès de W-habîUl
sont absolument inconciliubles avec les acics du procès de conduiiinatioi
noiuirc Manchon raconte que, dans la scntaine sainte (entre le 26 ei le 31 ■
Jeun de La Fontaine, le « lieutenant » de Caiichou, accompagné de deux me
I>uniburd de La Pierre et Martin L'Advenu, alla triiu\er Jeanne et la pressa
souniettie au pape et au saint concile, où il y avait, lui dit-il, des clercs d
p.irti rniiinie du parti des Anglais, u Le lendemain qu'elle fut ainsi avertie
dit qu'elle se voudrnit bien subnioMre h notie saint-père le pape et uu sacré
ci'.v. F.', quand monseijineur tlv Heauvaisouit cette parole, demanda qui avo
palier u elle le jour de devant... et, )>our ce eus, en rabsencc d'îeeuK de FuM
La Fontaine- et religieux, se couirouva ttcs fort...» Jean de La Foniaine, t
cljunt « menacé pour icelle cuuse, se partit dv Rouen, et depuis n*T retouroi
quant aux deux icligieux, si n\'ùt été... Mmjisiri (le vice-iuquisitt-ar Leui
qui les excusa et supplia pour eux, eu disant que, si on leur faisoil dèpl
[1431] LE VRAI POINT DU DÉBAT. 273
Le voilà dans toute sa solennité, ce débat dont le vrai caractère
a été trop longtemps voilé. Il s'agit ici de bien autre chose que
des vengeances des chefs anglais ou des bassesses de leurs ser-
viteurs français. Nous l'avons dit : c'est ici la lutte de la tradition
oi^anisée et absolue , de la règle extérieure , de l'infaillibilité
constituée, contre la spontanéité individuelle, l'inspiration im-
médiate, la voix intérieure. Oui, certes, c'est un grand péril que
Jamais ne viendroit an procès, ils eussent été en péril de mort. » Manchon ajoute
^ Jebanne sur le fait de la
de par le diable I » [Pro»
que, « dans certaines séances, quelqu'un donnant avis h Jebanne sur le fait de la
tvbmission k l*église, Tévéque lui dit : a Taisez-vous, di
cé#, t. II, p. 13; m, p. 138-139.)
f^ récit d*Isambard, acteur dans l*incident, diffère, sur les circonstances, avec
la déposition de Mancbon. U dit qu'une fois, a lui et plusieurs srutres présents, on
admonestoit Jebanne de se submettre à l'Église. Sur quoi elle répondit que to-
lonfiers se submettoit au saint père, requérant être menée vers lui, et que point
ne se submettroit au jugement de ses ennemis... Frère Isambert (Isambard) lui
conseilla de se submettre au général concile de Bftle, et ladite Jebanne lui demanda
(ce) qne c'étoit que général concile... Répondit... que«'étoit congrégation de toute
l'église uniTcrselle et la chréiienté, et qu'en ce concile y en avoit autant de sa
part (de son parti) comme de la part des Anglois. Cela entendu, elle commença
à crier: « Ob t puisqu'en ce lieu sont aucuns de notre parti, je veux bien me
rendre et submettre au concile de Bàle. » Et, tout incontinent, l'évéque de Bcau-
fais commença à crier : a Taisez-vous, de par le diable ! » et dit au notaire qu'il
se gardftt bien d'écrire la submission qu'elle avoit faite au général concile de
Bàle. A raison de ces choses et plusieurs autres, les Anglois et lears officiers me-
nacèrent horriblement ledit Isambert, tellement que, s'il .ne se taisoit, le jette-
roient en Seine. » Ibid,, t. II, p. 4-5.
Nous ferons d'abord observer que l'incident ne saurait trouver place dans Ip
semaine sainte, comme le veut Manchon. Il n'y eut point d'interrogatoire dans
Ja prison durant les premiers jours de la semaine, et La Fontaine et Isaïuburd
étaient présents aux grandes séances des 27-29 mars, oU fut lu le réquisitoire.
Il y eut un interrogatoire dans la prison le 31 mars, et ni La Fontaine ni Isam-
• bard n'y assistèrent; mais ce fut précisément ce jour-lk que, d'après le prooès-
Tcrbal écrit par Manchon lui-même, Jeanne fit sa réponse si pércmptolremen*.
négative. Or, en admettant que Cauchon, comme l'avance Isambard, eût empêché
les notaires d'écrire la vraie réponse de Jeanne, il n'eût pu, tout au moins, les
induire à écrire cette réponse toute contraire, U moins qu'ils n'eussent été les
derniers des infâmes. Certes, les pauvres gens n'avaient ni la perversité d'un te.
crime, ni le génie d'une telle réponse!
Voilli pour le- récit de Manchon; maintenant Isambard, nous l'avons vu, éta-
blit, contre Manchon, que ce fut lui, Isambard, qui donna k Jeanne l'avis relatif
au concile, eu pleine séance, devant Cauchon, dont il essuya en personne la co-
lère. Mais quand cette scène a-t-ellc pu avoir lieu? Ce ne fut pas le 31 mars,
pai5qu*Isambard était absent. Et, à partir du 31 mars, la position de Jeanne fut
tout il fart décidée par la réponse catégorique que nous avons rapportée.
Ce u'est, toutefois, que d'erreur, et non pas de mensonge, que nous accusons
sur ce point des hommes dont l'un des deux au moins, IsumbanI, inspire un«
juste sympathie, et voici ce qui nous parait l'explication probable de leurs récits.
VI. 18
274 GUERRES DES ANGLAIS. fil
l*in(]i\ idu assume une (elle responsabilité ; mais le genre liuuu
est fait pour avancer à travers les écueils : oui, sans doute, il ]
nulle faux prophètes pour un vrai : mais ce vrai renouvelle
monde, qui périrait étoufTé sous les pouvoirs infaillibles. L'
faillibilité n'est que la révélation de Dieu dans la conscience
genre humain: elle n'est pas matériellement organisable';
majorités d'un jour peuvent dire : non, quand rétcrnelle o
Il y aura eu deux incidents différents relatifs, le premier II La Fontaine, le sec
Isumbard. La Fontaine, après avoir voté contre Jeanne le 27 mars sar la qi
(ion du scrmvnt, pris de scrupule ou touché de pitié, aura été la trouver en pi
culicr pour la presser de se sauver en se souuieUant à TÉglise. et, bieo
Jeanne n'y eût point déféré, Cauclion, irrité de voir qu'on cherchât à lai
rober sa victime, aura menacé I^ Fontaine, homme timide, qui s'enfuit ci
reparut plus a partir du 29 mars. Manchon aura mêlé, dans sa mémoire, la tel
live de La Fontaine aupiës de Jeanne, avec la demande que Jeanne aviiii ù
quelque temps auparavant, d'èire menée devant le pape, demande qui n'
pliquait nuUemeni, ain^i que nous Tavous vu, la soumission de ■ son fait ■
IKipe.
Dans tout cela, le nom du concile de Dàlc u*avait pas été prononcé. Ce fat |
tard, comme nous le dirons, qu'il un fut question, et qu'Isambard aura fait, i
sujet, un nouvel effort auprès de Jeanne; sur quoi celle-ci n'aura pas manqua
dire : u Puisqu'il y a là des gens de notre parti, qu'on me mène dctani le c
elle! n comme elle avait drjà dit : « Qu'on me mène devant le pape! ■
Cauchon aura défendu d'écrire cette parole, eu la déclarant inutile et purea
dilatoire, tandis quliambard y voulut voir, vingt ans plus tard, un appel
forme avec promesse de soumission.
Pour apprécier l'esprit et la physionomie du procès de réhabilitation comme
tu r«5(>, il fuut se rendre compte des intentions du gouverncmcui qui dirigei
CMnlre-procès. Le gouveinement de Charles Vil, quand il eut recouvre la citi
la pro\ince qui avaient été !c théùtre de la condamnation de Jeanne 11
(on I «'i9\ ne voulut pas rester sous le coup d'une sentence d'hèrisic cl de !
ccllcric, (|ui euvcloppait iiiiplici'.enii.'ni le roi avec la personne qui Ta^aii com
Il rcccvnir son sacre ii Reims p. On ne songea donc qu'a démontrer à iont|
l'orthodoxie de Jeanne, et la plupart des témoins, tels qu'Isambard, Ma>»i
Manchon, etc., reçurent d'autant plus facilement cette impulsion, qu'ils y allai
(l'oux-iiiOtiies eu tcmte sincérité, pour honorer, ii leur façon, la mémoire
Jeanne. Ils ne s'apirçureni pa^, comme nous l'avous déjà dit, qu'ils se caU
niaient eux-mêmes en arguant de faux le procès de condamnation sur le p<
('«iseniiel. Un autre témoin, l'assesseur Margucrie, voyant i lus clair dans
sou\eiiirs, dit « a\oir oui dire di\ erses fois ii Jehanne que, sur ccrtuines cho!
elle n'en croiroit ni son évéquc, ni pape, ni qui que ce fùi, paicc qu'elle
leu<<ii 'le Dieu, n Procès, II. 354.
I. On a pu cependant oiganiser de très coubidérables et 1res imposantes ts
ri;é<, d'iiii il y a péril à ne pas tenir grand compte. Le vrai philosophe, qui
s'eiifeniie pas duus les ahsiiadions et qui étudie l'homme dans le dé\cloppei::
Iii>:iinque de l'esprit humain, cr)nNul!era toujours avec respect les monumc
des glandes as*^enlblécs des premiers siècles chrétiens.
LES DOUZE ARTICLES. 275
it : oui. La voix infaillible ne parle que dans Tâitie hu-
; dans Thistoire^
u 4 avril, les deux juges, de l'avis des universitaires,
umer en douze articles les soixante-dix chefs d'accusation
oteur. Ce furent deux docteurs de Paris, Nicole Midi et
ie Touraine, qui tinrent la plume, l'un dans le projet,
ans la rédaction définitive 2. Les douze articles résu-
î procès dans un esprit très hostile à Jeanne, mais en
il l'accusation des impostures et des brutalités du pro-
La lutte se dégageait de ces bas-fonds immondes, et se
ur son vrai terrain.
avril, vingt-deux docteurs et licenciés délibérèrent en-
[ir les douze articles. Ils établirent, en soumettant leurs
ioné, suivant les formules consacrées, « à la sainte Église
et à quiconque il appartiendra > , que les révélations de
l'étaient point de par Dieu, mais plutôt fictions humai-
inventées ou œuvre du malin esprit ; qu'elle y avait cru
es suffisants; qu'il y avait dans son faitdes mensonges,
lations superstitieuses, des faits scandaleux et irréli-
îs paroles téméraires , des blasphèmes contre Dieu et les
opiété envers les parents (pour les avoir quittés sans leur
irogalion, en quelques points, au précepte de l'amour
ain (envers les Anglais et Bourguignons) , idolâtrie, ou,
i, invention mensongère; qu'elle était schismalique tou-
nité, autorité et puissance de l'Église, et véhémentement
d'hérésie.
es docteurs laissiiient la question pendante entre une in-
lumaine et une inspiration de Satan. Le scepticisme et
tition se donnaient la main contre l'envoyée de Dieu,
les signataires, on remarque Isambard de La Pierre et
res des témoins du procès de réhabilitation.
:tain nombre d'autres assesseurs adhérèrent ensuite à
nécessaire d'expliquer que nous entendons, pas l'histoire, les révéla-
essives de rintelligence et de la moralité humaines, constatées par
niverselle?
r, t. 327 et suivantes, r. ce que dit M. Quicheraldes douze articles, sur
procès de réhabilitation a accrédité tant d'inexactitudes. Aperçus nou"
24 et suivantes.
1
i
] tiUi GUERRES DES ANGLAIS. [il
j cette délibération. Le chapitre de Rouen, toujours mal disp
j pour Cauchon, niontm beaucoup de répugnance à se réunir <
) délibérer. Il falhit, pour y décider la plupart des chanoines,
I menacer de les priver de leurs distributions quotidiennes de f
• et de vin. Le chapitre demanda, avant de donner son a>is, i
: les idouze articles fussent exposés en français à Jeanne, et qw
matière fût examinée par Valme université de Paris ( 1 4 avril).
;* La victime faillit, sur ces entrefaites, échapper à ses perse
teurs : le cardinal de Winchester et le comte de Warwick, inl
mes que Jeanne était gravement malade, mandèrent à la l
plusieurs médecins qui figuraient parmi les assesseurs : Wam
i s'exprima devant eux avec un cynisme naïvement atroce : « P
* rien au monde, leur dit-il, le roi ne voudroit que Jehanne moi
J de mort naturelle. Le roi Ta achetée cher; il ne veut pas qu*
! meure, si ce n'est par justice et qu'elle soit brûlée! » L'enfantH
i des volontés duquel s'autorisait Warwick, était bien innocent
forfaits qui se commettaient en son nom! Jeanne déclara i
'. médecins qu'elle avait été prise de vomissements, c après ai
mangé d'une carpe envoyée par l'évéque de Beauvais » ; Caucl
^ ne laissait pas que de redouter les conséquences du grand meui
juridique qui allait s'accomplir, et peut-être avait-il voulu s
franchir par un crime secret de la responsabilité de ce crime]
blic. Quoi qu'il en soit, une saignée tira Jeanne de péril ; mais
! promoteur d'Estivet étant venu l'accabler d'ignobles injure
cause de ce qu'elle avait dit de Cauchon^ l'accès d'indignati
• ((ue provoqua chez elle ce misérable détermina une rechute'.
* Jeanne était encore très malade, lorsque, le 18 avril, C«uich(
assisté de quelques assesseurs, vint lui adresser, dans sa prise
la première des monilions que la procédure inquisitorlale pr
crivait à la suite des interrogatoires. 11 l'exhorta c charilab
ment » de revenir « à la voie de vérité et sincère proressioD
notre foi.
— Il me semble que je suis en grand péril de mort, répond
elle; et, si ainsi est que Dieu veuille faire son plaisir de moi,
t
1 1. Dépositions des médecins Jean Tiphaine et Guillaume de La Cbambi
( Procès, t. III, p. 'é8-52.
SI] SUR LE PAPE ET LE CONCILE. 277
US requiers avoir confession, et mon Sauveur aussi (et la coni-
uiion), et d'être inhumée en terre sainte.
— Si vous vouliez avoir les sacrements de TÉglise, il faudroit
lis submetlre à TÉglise.
— Quelque chose qui m'en doive advenir, je n'en ferai ou dirai
tre chose que je n*ai dit devant au procès.
— Vous serez délaissée de l'Église comme Sarrasine.
— Je suis bonne chrétienne et mourrai comme bonne chré-
one^».
Bile ne mourut pas. Les chefs du conseil d'Angleterre eurent
joie de la voir se rétablir! Le 2 mai, eut lieu la seconde moni-
D, avec grand appareil, en présence de soixante- trois asses-
irs. Jean de Châtillon, archidiacre d'Évreux^, avait été chargé
lui remontrer comment elle se mettrait en grand péril, si
B croyait en savoir plus en matière de foi que tant de docteurs
de lettrés.
I Je m'en attends à mon juge, répondit Jeanne : c'est le roi du
1 et de la terre.
—Voulez- vous dire que vous n'ayez point de juge en terre ; et
Ire saint père le pape est-il point votre juge?
— J'ai bon maître; c'est à savoir Notre-Seigncur, à qui je m'at-
ds du tout, et non à autre.
— Vous serez hérétique, et arse (brûlée) par sentence d'autres
:e8.
— Si je véoie (voyais) le feu, si n'en feroie autre chose.
— Si le conseil (concile) général étoit ci, vous y voudriez- vous
^porter et submettre?
— Vous n'en tirerez autre chose.
— Voulez-vous vous submettre à notre saint père le pape?
— Menez-m'y, et je lui répondrai*. »
. Protêt, 1. 1, p. 374-381.
• Cet assesseur avait eu plusieurs altercations avec Cauchon sur la conduite
procès et avait blàmé les pièges qu'on tendait li Taccusée par a trop difficiles
stionsv. Cauchon se vengea, non pas en l'excluant des audiences, comme le pré-
1 l'appariteur Hassieu, mais, au contraire, en le compromettant dans un des
!S solennels de la procédure, v. Procès^ t. II, p. 329; t. III, p. 139, 153.
. Ici probablement doit se placer Tincident d'Isambard. Elle dit apparemment
iém« chose du concile que du pape.
278 GUERRES DES ANGLAIS. [i
On la pressa de nouveau sur Thabit (l*hoinme.
d Quand j*âurai Tait ce pour quoi je suis envoyée de par Di
je prendrai habit de femme.
— Voulez-vous vous rapporter, du signe baillé à voire m
rarclievùque de Reims ou autres de votre parti? »
Cï»tait très habile pour tourner en mensonge l'allégorie qu'
avait employée, en la faisant discuter comme un fait matériel
— Baillez-moi un messager, et je leur écrirai de tout ce pro
« Et autrement », dit le procès- verbal, « ne s'y est voulu en
ni rapporter à eux. »
« Si on vous envoie trois ou quatre des clercs de votre p<
qui viennent par sauf-conduit ici, vous en rapporterez-vot
eux de vos apparitions et choses contenues en ce procès ?
— Qu'on les fasse venir, et je répondrai.
— Voulez-vous vous en rapporter et submettre à l'églisi
Poitiers, où vous avez été examinée?
— Me cuidcz-vous (croyez-vous) prendre par cette nianiën
par cela attirer à vous ? »
Connneut, en efTet, celle qui avait refusé de soumettre au |
et au concile sa mission divine, c'est-à-dire rexislencede la Fra
le salut de notre nationalité, eût-elle pu accorder une telle a
rite à quelques hommes d'église, fussent-ils de son parti? I
expliquer son refus, il n'est pas besoin de recourir aux terri
{^vkk qu'elle avait contre le chef du clergé français. Elle re
parce (ju'il était impossible qu'elle acceptât. Et Cauchon,
l'avait enlin comprise, n'eût point hasardé de telles proposili
pleines d'embarras et de périls pour son procès, s'il n cùl
certain qu'elles seraient rejetées.
Cauchon termina en lui disant :
« Vous vous mettez en péril du feu éternel quant à l'Ara
du feu temporel quant au corps.
— Il vous en prendra mal au corps et à l'âme », répliqua-tn
Apres cette séance décisive, la majorité du chapitre de Ro
se décida à délibérer à fond et à déclarer que Jeanne lui par
sait devoir être réputée hérétique (4 mai).
Les évéques de Coutances et de Lisieux, consultés par di^pi
sur les douze articles, se prononcèrent contre Jeanne, c La 1m
[1)31] LÀ CHAMBRE DE LA TORTURE. 7VJ
condition de la personne j> est une des raisons ulli^guées contre la
vérité de ses révélations par Tévéque de Lisicux, l'Italien Zano
de Castiglione, un de ces neveux de cardinaux que la cour de
Rome pourvoyait volontiers des riches . bénéfices transalpins*.
Qu'eussent dit d'un tel argument les pêcheurs de Galilée ! L'évéque
d'Avranches, au contraire, fut d'avis qu'on déférât la question
au pape et au concile. Son opinion ne fut point consignée au
procès 2.
La condamnation de Jeanne était assurée; mais ce n'était là
que la moitié de l'œuvre. Il ne suffisait pas que Jeanne mourût :
il fallait qu'elle reniât sa mission , qu'elle avouât que sa révéla-
tion était un mensonge ou une inspiration de Satan ; il fallait que
la cause de la France fût c infamée » dans sa personne. Les der-
nières horreurs de la procédure inquisitoriale avaient été tenues
en réserve pour arracher cette victoire suprême.
Le 9 mai, les deux juges se transportèrent, avec huit assesseurs,
dans la grosse tour du château de Rouen, et y tirent amener
Jeanne. Derrière les juges se tenaient les bourreaux. Dans la salle
était étalé l'appareil des tortures.
c Jehanne fut requise de répondre vérité sur nombre de points
de son procès, touchant lesquels elle avoit répondu négativement
ou mensongèrement... Il lui fut dit que les officiers étoieiit pré-*
sents, lesquels sur notre ordre étoient prêts de la mettre à la tor-
ture, dont les instruments étoient préparés devant elle, afin de
la réduire à confesser la vérité, pour le salut de son âme et de
son corps, qu'elle exposoit à de graves périls par des inventions
mensongères.
— Si vous me deviez faire détraire les membres (me démem-
brer) et faire partir l'âme hors du corps, si ne vous dirai-je autre
chose. — J'ai été confortée de saint Gabriel 5. — J'ai demandé
1. Procès, 1. 1, p. 356.
2. Ce vénérable vieillard, qai siégeait & Avraiiclies depuis plus de quarante
ans, fut emprisonné, l'année suivante, par les Anglais, comme soupçonné d'avoir
■ trempé dans une conspiration pour livrer Rouen aux Français. Procé«, t. II, p. S;
déposition d'Isambard de La Pierre.
3. « Ses apparitions changèrent... L*angc Michel, l'ange des batailles, qui ne la
soutenait plus, céda la place à Gabriel, l'ange de la grâce et de l'amour divin. »
Michelet, Uist, de France, t. V, p. 140.
380 GUERRES DES ANGLAIS. [liM]
conseil à mes voix si je inc submettrois à VËglisc : — Si tu veui
que Notre-Seigneur t*aide, ni'onl-cllcs dit, attends-toi à lui de
tous tes faits. — Serai-je arse (brûlée)? ai-jc demandé. — Atleiul*-
toi à Noire Sire, et il t'aidera.
— Du signe de la couronne baillée à rarchevéque de Reiub,
voulez-vous vous en rapportera lui?
— Faites-le venir et que je l'oie (l'entende) [wirler, et puis je
vous répondrai : il n'osëkoit dire le contraire de ce qle je vois
EN AI DIT. »
A la rerinetc de sa parole, à l'éclair de son regard, on eût dit
qu'elle tenait les deux pharisiens, Regnauld de Chartres et Pierre
Cauchon, face à face devant le tribunal de Dieu. Jamais elle ne
s'était montrée plus grande!
Ses juges décidèrent de surseoir à la torture, c jusqu'à ce qu'ib
eussent là-dessus plus ample conseil, craignant, vu Tendurcis-
sement de son àine, que les tourments lui profitassent peu i.
Cauchon, sans doute, eut peur qu'elle expirât dans les mains de?
lourmenteurs*.
Douze assesseurs furent réunis, le 12 mai, pour décider s'il
était expédient de mettre Jeanne à la question. Trois sculeuunl
votèrent pour rafflrmative. L'un des trois était le chanoine L'Oi-
seleur, qui avait servi d'espion et d'agent provocateur à Cau-
chon. L'un des deux autres était Thomas de Courcellesl Voilà
le dernier terme où aboutit la logique de l'église des persé-
cuteurs, de l'église du sang, comme l'appelaient les sectaires
du douzième siècle. Le sage, le docteur de l'église du quin-
zième siècle, le successeur de Gerson à l'université, prend place
entre L'Oiseleur et d'Eslivel. Les sages supplicient les saints et les
prophètes 2.
Les horreurs de la question furent donc épargnées à Jeanne.
« Nous avons bien assez matière, sans tortures! » avait dit un des
assesseurs, Guillaume Erard. C'était là le mot du fanatisme, qui
ne voulait que bi ùler Jeanne. Ce n'était pas le mot de la politique,
1. Procès, t. 1, p. 390- 'iU2.
2. Procès» t. I, p. 4o3.Nous ne connaissons le vole de Courccllcs que par la a^i-
Lu'c des notaires; car il a eu soin de supprimer la mention des TOtcs dans Urt»
daciion définitive.
[1431] THOMAS DE COURCELLES. 281
qui voulait la déshonorer. Cauchon et ses maîtres étaient dans
une grande anxiété <
Le 19 mai, les juges communiquèrent à une nombreuse assem-
blée d'assesseurs les lettres de l'université de Paris sur la consul-
tation qui lui avait été envoyée et sur la relation orale qui lui
avait été faite par les docteurs Jean Beaupère , Nicole Midi et
Jacques deTouraine. La réponse, délibérée en assemblée géné-
rale des Facultés aux Bernardins, le 14 mai, sous la présidence
d'un recteur anglais de naissance, avait été adressée au roi de
France et d'Angleterre. L'université pressait le roi de faire mener
la matière à fin par justice brièvement, notable et grande répa-
ration étant très nécessaire afin de réduire à bonne et sainte doc-
trine le peuple qui, « par iccUe femme, a été moult scandalisé ».
L'université comblait de louanges Pierre Cauchon. Le zèle du sei-
gneur évêque de Beauvais « a arrêté les progrès du venin par le-
quel la femme perfide, dite la Puceile, a infecté le bercail très
chrétien de presque tout TOccident ».
Suivaient les déterminations et quaUfications données par les
facultés de théologie et de décret (droit canon). La faculté de théo-
logie déclarait les révélations de Jeanne fictions et mensonges,
ou superstitions procédant des démons Bélial, Satan et Behe-
moth! La faculté, plus docte que les assesseurs de Rouen, savait
1. Cest probablement Yers cette époque qu'il faut placer Tincident raconté,
dans le procès de réhabilitaiion, par Haiinoud de Maci. Ce chevalier picard dit
qu'il accompagna à Rouen le comte de Ligni (Jean de Luxembourg) durant le
procès de Jeanne. Le comte de Ligui alla, avec le comte de Warwick, le comte de
Stafford, connétable de France pour Henri VI, et le chancelier, évoque de TO-
roucnne, visiter celle qui avait été sa captive. « Jebanne, lui dit-il, je suis venu
pour vous mettre à rançon, à condition que vous promettiez de ne jamais vous armer
contre nous. — En nom Dé! n s'écria-l-clle, « vous vous raillez de moi : je sais
bien que vous n'en avez ni le vouloir ni le pouvoir ». Et, comme il insistait : « Je
sais bien », reprit-elle, a que ces Anglois me feront mourir, croyant après iwa
mort gagner le royaume de France; mais, fussent-ils cent mille yodom {yoddvw)
plas qu'ils ne sont de présent, ils n'auront point le royaume » . Le comte de Staifoi d,
furieux, tira à demi sa dague pour la frapper : Warwick lui retint le bras, pépo-
sitioD de Uuimond de Maci. Procès, t. lil, p. I2i-t22. II est difficile d'imaginor
quelque chose de plus révoltant que le t6Ie de Jean de Luxembourg. Judas, -au
moins, ne vint pas railler le Christ devant Hérode et Calphe. La réponse de Jeanne,
ai elle était exacte, indiquerait qu'elle n'avait plus la conviction absolue d'éiro
délivrée, et qu'au moins par moments, elle s'attendait à la mort; mais peut-circ
dit-elle seulement : « Ces Anglois veulent me faire mourir, croyant, etc. »
282 GUERRES DES ANGLAIS. [uji
les noms de ees déliions* ! Le reste était à Favenant, cl digne de
d'Estivet! Jeanne était blasphéinatriee, avide de sang humain,
séditieuse et provoquant à la tyrannie (à rusurpation]! idolâtre,
schisniatique, apostate!
La faculté de décret, à son tour, qualifiait Jeanne d'hérétique;
d'apostate, « pour ce qu'elle a fait couper la chevelure que Dieu
lui a donnée pour voiler sa tête, et quitté Thabit de son sexe; »
inciitouse, a pour ce qu'elle se dit envoyée de Dieu et ne l'a point
lirouNé jiar œuvre de miracle, tandis que Moïse, quand Dieu l'a
envoyé, a donné signe de changer une baguette en serpent et tui
serpent en baguette. — Si elle persiste, qu'elle soit abandonnée à
la volonté du juge séculier, afin qu'elle reçoive la %'engeancc duc
selon la qualité de son forfait^ j>.
Ce radotîige sanguinaire nous montre le corps de l'universilc
bien au-dessous des assesseurs choisis par Gauchon dans rélilc
des facultés. L'université n'était même plus cai)able de com-
prendre le sens de cette grande lutte. Quelle rapide et qucll
épouvantable décadence depuis ces derniers jours glorieux dv
lil3, où l'université avait fait effort pour tirer la France de
rabînie! Aujourd'hui, c'est elle qui est le vrai fond de l'abime!
Elle ne s'en relèvera ])as, et les sarcasmes des lettrés de la Re-
naissance nous apprendront, au seizième siècle, ce que seroDt
devenus les héritiers des grands docteurs scolastiques !
On chercherait en vain une excuse au corps universitaire da^^
son démembrement : en vain prétendrait-on que les meilleur^
ont (piitté Paris pour ne pas se &ouinetti*e à l'Anglais ; qu'ils sont
à Poitiers! Que font-ils, ceux-là, pendant que les autres agissent
à Rouen et à Paris? Que font ces évéques, ces docteurs, celti'
commission de Poitiers, {\w\ ont naguère reconnu que ce sci^ail
offenser Dieu que de repousser la mission de Jeanne, et qui ont
été, do|)uis, les téii.oins de ses vertus et de sa gloire? Ils se tai-
sent, ils s'associent à l'inaction du président de la commission de
Poitiers, de l'iiidigiie chef du clergé et de la magistrature : ils ne
s'unissent [)as nour sommer Regnauld de Chartres d'intervenir!
1. K( clic pKMiuii pour un diable l'aDimul rOcl ou ijinboliquc que li Bib!<
lii>i:iiiic lîihcmolh,
2, /Vt'cc*, l. 1, p. 'i<»i-i2î.
[l«i] LETTRES DE L'UNIVERSITÉ. 28;j
Puisqu'ils oublient la parole de leur inailrc : celui qui n'est pas
pour moi esi contre moi! ils doivent partager ranatlièmc des bour-
reaux devant la postérité.
« Les docteurs et iriaîtres étant à Rouen j> s'inclinèrent devant
Val/ne université. Les plus violents, entre les assesseurs, voulaient
en linir séance tenante. La majorité opina pour une dernière
nionition. Isambard de La Pierre et quelques autres dirent qu'a-
près la monition, si Jeanne ne se soumettait pas, ils s'en référe-
raient aux juges du mode de procéder ultérieurement; timide
ouverture à des conseils plus liumains; mais personne n'osa se
séparer ouvertement de Valma mater.
Une dernière monition fut donc adressée à Jeanne le 23 mai,
par le docteur Pierre Morice, en présence de quelques assesseurs
et des évoques de Térouenne * et de Noyon. On lui remontia
comment les clercs de l'université de Paris, lumière de toutes
sciences et extirpatrice des erreurs, et autres clercs de grand sa-
voir, qualifiaient ses faits.
« Je m'en rapporte à ce que j'ai dit au procès, et le veux sou-
tenir. Quand je serois dedans le feu, si n'endiroie-je autre chose,
et le soutiendroie jusqu'à la mort. »
Le promoteur et l'accusée renoncèrent à la parole. Les juges
déclarèrent la cause entendue , et renvoyèrent au lendemain
€ pour faire droit*. »
Le lendemain, 24 mai, Jeanne fut conduite au cimetière de
l'abbaye Saint-Ouen. Anglais et Rouennais se pressiûent en foule
dans le cimetière, les uns, tumultueux et farouches, les autres,
mornes et silencieux. Deux échafauds ou amhons (estrades) avaient
été élevés. Sur l'un siégeait, à côté des deux juges, « le cardinal
d'Angleterre ^ » : celui qui avait mené, d'une main invisible, tout
le mystère d'iniquité se montrait au dénoûment comme une
divinité infeniale qui vient réclamer sa proie. Les évoques de
Térouenne, de Noyon, de Norwich -•, et la masse des assesseurs
étaient assis alentour , sur le même échaufaud. On fit monter
1. Louis de Luxembourg,, cbancdicr de France pour Ilouri V(.
2. ProUs, l. I, p. 441-442.
3. Le cardinal Henri d'Angleterre, é\é((ucdc Winchester.
4. Garde du sceau privé de Uenri VL
[1431] JEANNE A SAINT-OUEN. 585
épuisé SCS forces; la nature ploie et la chair trouble ràine. Elle
aussi, elle demande en vain « que ce calice soit éloigné de ses
lèvres »! Ses voix lui ont dit qu'elle faillirait * !
Jeanne écoula d'abord en silence le sermon oii Guillaume
Éi-ard montra comme quoi elle s'était séparée de la sainte mère
Ëglise « par moult d'erreurs et de crimes. » Il passa outre : « Ha!
France, » dit-il, c tu es bien abusée, toi qui as toujours été la
chambre très chrétienne ! Charles, qui se dit roi de toi et gouver-
neur, s'est adhéré, comme hérétique et schismatique, aux pa-
roles et faits d'une femme diffamée et de tout déshonneur pleine;
et non pas lui seulement, mais tout le clergé de son ol)éissanci^
et seigneurie ! — C'est à toi, Jehanne, que je parle, et te dis que
ton roi est hérétique et schismatique ! »
Jeanne releva vivement la tète : « Ne parle point de mon roi :
il est bon chrétien*! »
Érard commanda à l'appariteur de la faire taire et reprit :
€ Voici messeigneurs les juges qui, plusieurs fois, vous ont
sommée et requise que voulussiez submettre tous vos faits et dits
à notre mère sainte Église.
— J'ai dit que toutes les œuvres que j'ai faites, et les dits, fussent
envoyés à Rome devers notre saint père le pape, auquel, et à
Dieu premier (après Dieu), je me rapporte. Et, quant aux dits et
faits que j'ai faits, je les ai faits de par Dieu. — De mes faits et
dits je ne charge personne, ni mon roi ni autre; et, s'il y a
quelque faute, c'est à moi et non à autre. »
Ainsi, jusqu'au dernier moment, la généreuse fille couvrait de
sa parole, comme naguère de son glaive, l'ingrat qui l'abandon-
1. Procès, 1. 1, p. 456-458.
2. Déposition de Marlin I/Advenu; Procès, I. III, p. 168. L*appariteur J. Mas-
5ieu; ib, t. II, p. 17; 333; bainbard de La Pierre, ibid. t. III, p. 353, la font
parler dans le même sens, mais moins brièvement et moins simplement. Dans les
quelques lignes du procès-verbal, relatives U la prédication d'I^rard, les notaires
et Thomas de CourccUes ne font aucune mention de cet incident. I^.tait-ce ména-
gement pour le clergé du parti français ou même pour Cliarles VII? Les deux cler- .
gi'S gardaient des égards réciproques. Krard lui-même restait en très bonnes rela-
tions a\ec Gérard Machet, confesseur de Charles VII, qui continua, après la mort de
Jeanne, à le traiter, dans ses lettres, d* « homme de très éclatante venu et de cé-
lèbre sapience», et qui lui fil obtenir, après la chute du gouvernement anglais en
France, la cure de Saint-Cervais de Paris! f. Quicherat, Aperçus nouveaux, etc.,
p. 103-104.
•i86 GUERRES DES ANGLAIS. [ii3i:
iiail après rîivoïr Iraliio, et elle assumaît sur elle seule la rc>-
ponsabililo du salut de la patrie. A elle seule, aussi, la reconnais-
sance et la gloire, tant que la France vivra entre les nations î
« Voulez-vous », poursuivit Érard, « révoquer vos faits et dits
réprouvés ?
— Je m'en rapporte à Dieu et h notre saint père le pape.
— Il ne suffit pas : on ne peut pas aller querirnotre saint pîTC
si loin*. Les ordinaires (évùques) sont juges chacun en leur dio-
cèse. Besoin est que vous vous rapportiez à noire mère sainfe
ftglise, et que vous teniez ce que les clercs et gens ayant de ^e
ronnoîssance ont déleruiiné. \>
Elle se tut, et entendit sans répondre trois monitions succ.^-
sives.
Cauchon commença de lire la sentence de condamnation, ré-
digée en son nom et au nom du vice-inquisiteur. Lorsque Jeanne
<omprit qu'elle allait être retranchée de l'Église et livrée aul)n^
séculier, c'est-à-dire au bourreau, cpi'elle voyait debout au pièfl
(le réchafaud, elle défaillit; un nuage passa sur ses yeux, et clio
(lit d'une voix éteinte :
« Je veux tenir ce que les juges et l'Église voudront dire... Jo
V(jux obéir du toul h l'ordonnance et volonté d'eux.
— Xe voul(*z-vou.^ plus soutenir vos apparitions et révéla li(.'n>!
— Je m'en rapporte aux juges et h notre mère sainte Église.
— Alors il faut abjurer et signer cette cédule », dit Érard, et il
fil lire à Jeanne par l'appariteur une pièce toute préparée p«nir
le cas 011 elle céderait... Elle y reconnaissait avoir grièvemcnl
p(Vhé en « feigiiant mcnsoni^eusement avoir eu révélations i^l
appariliiins de par Dieu ;... en faisant superstitieuses divinations;
en blasphémant Dieu, ses siiinls et ses saintes; en portant lialiil
dissolu, contre la décence de nature, et armures par grand'pro-
somption; en désirant crueusement (cruellement) cflusion d».*
1. Prorùs, t. I,^). 4i'i-'iîô. On c^inpii-nd que ces luiroU'^uicnl pu aîilcr !j uu-
ïiioirc (Ici Icinoius U il«'iia!nni, ajot-s vingt ans cl plus, lu vraie pcntcôo de JcJtisc,
^onlcnih* (luraii! ton' le inocô^. On reniurquora toutefois qui*, mêin€ en rc nio'uci/,
JiMnno iir N'ni ra|»poi ta au |»:ii»o qu'r/;)/r.» Dii-u, et qu'elle ne codait rien au f"i;\
1 1 n'ailiinMiaii pas (\\\v le salut jièiv |«iV ih'-fuire ce que Uicu avail fait. Ce quV-'e
•'.«■nianilaii, eVtaii d'aller .^'expliquer devani le pape.
[14an ABJURATION DE JEANNE. 287
sang humain... en faisant sédition, et idolâtrant mauvais esprits...
avoir été schismatique et erré en la foi j> ; lesquels crimes et
erreurs elle abjurait et jurait de n'y jamais retourner*.
L'agitation était extrême dans Tassistance. Les assesseurs, les
ofticiei*s du procès pressaient Jeanne de la voix et du geste.
c Jehanne, signez! — Jehanne, prenez pitié de vous-même!
— Jehanne, ne vous faites point mourir ! »
Les Anglais frémissaient de colère en voyant que la Pucellc
allait échapper au bûcher. Un grand murmure s'éleva sur Técha-
faud des juges. C'était un chapelain du roi d'Angleterre qui venait
d'accuser Cauchon de trahison envers le roi. Cauchon, furieux
à son tour, jeta le rôle du procès à terre, et cria qu'il laisserait
tout s'il n'avait réparation. Le « cardinal d'Angleterre » obligea
le chapelain à des excuses.
Jeanne, dans son trouble, avait mal entendu la lecture de la
cédule. Elle demanda des explications. L'appariteur Massicu lui
expliqua ce^que c'était qu'abjurer.
« Je me rapporte à l'Église universelle, si je dois abjurer
ou non?
— Il ne suffit pas.
— Eh bien , que les clercs et l'Église, es mains desquels je serai
remise, voient la cédule et me conscillcnl!
— Tu abjureras présentement », ditÉrard, « ou tu seras arsc
(brûlée)!
— J'aime mieux signer que d'être arse,,. »
On lui fit répéter la formule d'abjuration; olle traça une croix
au bas de la cédule. Un secrétaire du roi d'Angleterre lui prit la
main et lui fit écrire son nom, comme elle l'avait fait dans ses
lettres 2.
1. Procès, 1. 1, p. 447. Plusieurs témoins, du rcsic mal d'accord entre eux, éta-
blissent que la cédule présentée h. Jeanne n'était pas la même que celle qui est
consignée au procès. — Nous pensons, avec M. Quichcrat {Aperçus nouveaux,
p. 1 33- 1 38), que ce fait n'a pas toute l'importance qu'on lui a donnée, et que la dif-
férence consistait surtout dans les formules ajoutées lors de la rédaction dé-
finitive.
2. Nous n'avons pas besoin de réfuter l'absurde assertion de quelques iémoin5,
qui, croyant faire honneur à Jeanne en reprenant la version des Anglais, que tout
cela n'était qu'une truffe (une tromperie), prétendent que Jeanne se jouait de ce
qu'elle faisait, et souriait dédaigneusement pendant ce moment d'horreur!
388 GUERRES DES ANGLAIS. [lU!
Elle aussi , elle avait donc dû avoir son jour de défaillance et
(le reniement! il fut promptemcnt et glorieusement expié!
Un tumullc cffrqyable régnait dans le cimeti6re SjUnt-Ouen. !/•$
Anglais faisaient pleuvoir les pierres sur Téchafaud de la Pwvllo
Le cardinal de Winchester eut grand'peine à faire rétablir Tordre
(lauchon lui demanda respectueusement son avis sur ce qui res-
tait à faire. <i L*admettre à la pénitence , » fut-il répondu.
On lut la sentence. De la sentence de condamnation. Ton n*a\ait
changé que la conclusion.
« Puisque, i)ar le secours de Dieu, revenant au giron de la sainte
mère Église, d'un cœur contrit et d'une foi sincère , comme nous
le croyons, tu as rétracté tes erreurs de ta propre bouche, nous
le délions, par les présentes, des liens de l'excommunication,...
si toutefois tu observes ce (jui t'a été et te sera pi^escril par nous.
Mais pour ce que tu as péché témérairement contre Dieu et la
sainte ï^glise, pour accomplir une salutaire pénitence, nous le
condamnons, sauf (par) notre grâce et modération, à la priam
pei péluelle, au pain de douleur et à Teau d*angoisse, afin que tu
\ ])leures les péchés commis et que tu n'en commettes plus qui
soient à pleurer*. »
L'infortunée, une fois l'idée du supplice écartée, n*avait plus
en ce moment qu'une seule pensée, c'était d'échapper à ses odieux
gardiens. Elle interpella les juges :
H Or çà, gens d'Église, menez-moi en vos prisons; que je ne
sois plus en la main de ces Anglois! j>
La dojiiande était si bien conforme au droit ecdésiastique,
<iu'il y eut un mouvement d'ar(|uiescement parmi les as^'sseiir*.
(lauchon ne répondit que ces mots :
tf Menez-la où vous l'avez i)rise'. »
On la replongea dans cet enfer d'où on lui avait promis do la
linT.
Les Anglais ne s'apaisèri^nt pas en la voyant rester sous leur
gaide. Les valets poursui\irent de leurs huées le triste corttiii'
qui reconduisait Jeanne au château : les gens de guerre mena-
1. /»ro..-/,v. t. I, 1». lôO-t.V?.
2. /'/wco, t. il, p. 11, IH. Ui'posiiions de G. Mancho:i etde J. Ma&âieu.
tHSf] JEANNE EN HABIT DE FEMME. S89
cërent de leurs armes l*évèque de fieauvais et les docteurs, en
disant que c le roi avoit mal employé son argent avec eux », et
Warwick lui-même se plaignit à Cauchon et aux assesseurs que
le roi « étoit mal en point », puisque Jeanne échappait. « Milord,
n'ayez cure >, répondit quelqu'un de l'assistance; « nous la re-
trouverons bien* ».
Celui qui dit cette parole avait le secret de Cauchon.
Dans raprès-midi, le vice-inquisiteur, assisté de docteurs, se
transporta dans la prison, requit Jeanne de prendre l'habit de
femme, comme il lui avait été ordonné par l'Église, et la prévint
que, si elle retombait en ses erreurs, l'Église l'abandonnerait.
Jeanne prit l'habit de femme et se laissa raser la chevelure*.
Le juge l'abandonna à la garde de cinq Anglais, c dont en dcmeu-
roient trois de nuit en la chambre, et deux dehoi*s, à l'huis de
ladite chambre. De nuit elle étoit couchée, ferrée par les jambes
de deux paires de fers à chaîne, et attachée moult étroitement
d'une chaîne traversant par les pieds de son lit, tenant à une
grosse pièce de bois et fermant à clef 3. » Elle ne pouvait se lever
qu'on ne la déferrât.
Le lendemain ou le surlendemain, les juges ayant avis que
Jeanne « se repen toit aucunement d'avoir laissé l'habit d'homme »,
Cauchon montra grand zèle, et dépécha les docteurs Jean Beau-
père et Nicole Midi pour « l'admonester qu'elle persévérât en son
bon propos ». Mais on ne trouva pas le geôlier, qui, sans doute,
avait le mot, et les menaces de quelques Anglais firent bien vite
rebrousser chemin aux deux envoyés*.
Le 27, les Anglais accoururent prévenir Cauchon que Jeanne
était € rencheue » ; qu'elle avait repris ses vêlements d'homme.
L'évêque de Beauvais fit aussitôt avertir les assesseurs et les offi-
ciers du procès, qui voulurent aller sur-le-champ en grand
nombre à la prison; Cauchon ne les accompagna point, et une
centaine d'Anglais, armés et furieux, barrèrent le passage aux
1. Procès, t. n, p. 376. Déposition de J.FaTC.
2. Elle la portait taillée en rond à la manière des hommes, ce qu*on appelle U
coiffure en écucUe.
3. Déposition de G. Manchon. P'-oc^t, t. II, p. 18.
4. Déposition de J. Beaupèrc. Procès, t. II, p. 21.
TI. 10
290 GUERRES DES ANGLAIS. [usi]
gens d'église dans la cour du château, en les traitant de c traîtres
arniagneaux ». Le 28, seulement, par ordre Supérieur, Iaprisc>n
fut ouverte aux juges accompagnés de quelques assesseurs.
Ils trouvèrent Jeanne en habit d*homme, le visage gonflé et
meurtri , les larmes jaillissant à chaque parole. Que s*était-il
passé, depuis que ce gouffre s'était refermé sur la victime? —
Ce n'est pas dans le procès-verbal qu'il faut le chercher. Les pa-
roles de Jeanne, consignées au procès, sont vraies; maisCau-
clion n'a pas permis d'écrire toutes les paroles de Jeanne.
Les horreurs de ces trois jours ont été révélées par les témoins
du procès de réhabilitation. Ils ont raconté les plaintes élevées
par Jeanne, soit devant les juges, soit devant le confesseur que
les juges lui donnèrent en dernier lieu*. L'héroïne qu'un peuple
entier adorait à genoux, livrée, enchaînée, à la merci de misé-
rables de la plus vile populace anglaise... accablée d'injures et de
coups par des bandits ivres de toute la rage de cette soldatesque
qui, en la voyant sauvée du bûcher, avait voulu la lapider au cim^
tière de Saint-Ouen... Ils l'eussent tuée s'ils n'eussent craint leurs
chefs. Il y eut quelque chose de bien plus exécrable. Durant le
procès, il avait été demandé à Jeanne si, au cas qu'elle perdit sa
virginité, elle perdrait son « heur » (sa forlune) « ». Certains, pamii
les Anglais, croyaient le « charme » attaché à sa virginité, comme
d'autres, h sa vie. Poussé par une superstition atroce autant que
par les plus hideuses passions, un c grand lord d'Angleterre •
se fit ouvrir son cachot et tenta de lui faire violence' !... Ce
fut un miracle que, dans l'épuisement de ses forces, elle eût pu
encore se défendre contre cet infâme!
Une dernière scène termina ces trois jours d'abominations; et,
ici, les gardiens ne firent évidemment qu'exécuter un ordre du
dehors. Le 27, au matin, quand Jeanne demanda qu'ils la défer-
rassent pour qu'elle pût se lever, ils enlevèrent la cotte defenïnie
qui était sur son lit, mirent à la place son habit d'homme, et
1. Le dominicain Marlin L'Advenu.
2. Procéx, I. II, p. 183.
3. Celui qu'on pourruit soupçonner semble éire le comte de Sliifford, connétsb!^
de France pour Henri VI, qui avait montré durant tout le procès un acharneififE*
5au\age. — V. ({('positions de Jean Toutniouillé, d'Isanibard de La Pierre, 4ê
Martin I/Advcuu. Procès, t. H, p. 4, 6, 8, 365.
ri481] HORREURS DU CACHOT. 291
refusèrent de lui rendre l'autre vêtement. Elle hésita longtemps
à reprendre Thabit'^d'homme, puis se décida <.
Lorsque les juges vinrent enfin, le 28 mai, ils la trouvèrent,
nous l'avons dit, le corps brisé par ces horribles luttes; mais l'ex-
cès de l'indignation avait rendu à l'âme toute son énergie : les
vmx étaient revenues.
€ Pourquoi avez-vous repris l'habit d'homme, et qui vous Ta
fait prendre? demandèrent les juges.
— Je l'ai pris de ma volonté , et l'aime mieux qu'habit de
femme.
— Vous avez promis et juré ne le point reprendre.
— Je n'ai jamais entendu avoir fait serment de ne le reprendre.
— Pourquoi l'avez-vous repris?
— Pour ce qu'il m'est mieux séant avoir habit d'homme, élant
entre les hommes, que d'avoir habit de femme?... Pour ce qu'on
ne m'a point Icnu ce qu'on m'avoit promis, c'est à savoir que
j'irois à la messe et reccvrois mon Sauveur, et qu'on me mettroit
hors des fers. Si l'on me veut laisser aller à la messe et ôter hors
des fers, et mettre en prison gracieuse, et que f aie une femme (près
de moi'), je serai bonne et ferai ce que l'Église voudra.
— Depuis jeudi (le jour de l'abjuration), avez-vous entendu vos
voix?
— Oui.
— Que vous ont-elles dit ?
— Dieu m'a mandé, par saintes Catherine et Marguerite, que
c'est grand pitié de la trahison que j'ai consentie en faisant l'ab-
juration et révocation, et que je me damnois pour sauver ma vie.
Mes voix m'avoient dit, en l'échafaud, que je répondisse hardi-
ment à ce faux prêcheur! Si je disois que Dieu ne m'a envoyée,
je me damnerois. Vrai est que Dieu m'a envoyée! Mes voix m'ont
dit que j'avois fait grand mauvaiseté, de confesser que je n'eusse
1. Déposition de J. Massieu. Procès, t. II, p. 18.
2. C*est ici, évidemment, qu'il faut suppléer aux réticences imposées par Cuu-
eliOQ au procèf-vcrbal.Isambard de La Pierre rapporte lui avoir oui dire : « Si vous,
uies5eign<:urs de l'Église, m'eussiez menée et gardée en vos prisons, par aventure
ne me fûi-il pas ainsi! » Procès, l. II, p. 5.
3. Thomas de Courcelk's a efTucé ceci de la réduction définitive. Cette ré-
ticence en dit assez, et il n'y a rien de plus terrible contre Courcelles.
292 GUERRES DES ANGLAIS. [liîi]
bien fait ce que j'ai fait. De peur (ki feu, j'ai dit ce j'ai dit.
— Vous avez dil, en Téchafaud, vous ôlrc vantée mcnsongeu-
senient que cï^loioiit saintes Catherine et Marguerite*.
— Je ne Ventendois point ainsi faire ou dire. Tout ce que j"ai
fait, c'est de peur du feu, et je n'ai rien révoqué que ce ne soit
contre la véiité. J'aime mieux mourir qu'endurer plus longue-
ment peine en cliarlre (en prison). Je ne fis oncques chose conlr»»
Dieu ou la foi, quelque chose qu'on m'ait fait révoquer; ce qiii
étoit on la cédule de l'abjuration, je ne l'entendois point : je n'en-
tendois point révo(pior quehpie chose, si ce n'est pour>'u qu'il
plut à Notre Sire. Si les juges veulent, je reprendrai habit de
femme; du résidu, je n'en ferai autre chose*. »
Au sortir de bi prison, « l'évéque de Beauvais avisa le comte
do AVarwick et grand nombre d'Anglois autour de lui, et leur dit
on riant à haute voix : — Farowelle! Farowelle! (Farewell : adieu';
faites bonne chère; c'en est fail^ ! »
Le lendemain, 20 mai, Cauchon communiqua le résultat de
l'interrogatoire à une quarantaine de docteurs et maîtres. A l'una-
nimité, moins un seul *, ils opinèrent pour que les juges décla-
rassent Jeanne béréticpic et relapse, et l'aliandonnasscnl à la jus-
lice séculière, « en priant ladite justice d'agir doucement en\ei?
Jehanno ». L'hypocrisie de celte formule inquisitoriale était Lieu
inutile; car le supplice de la condamnée n'était pas même un
sous-enlendu. « Que ladite fennnc soit charitiiblement avertie du
salul de son Ame, et qu'on lui dise qu'elle n'a plus rien à es|»érer
quîint à sa vie temporelle ».
T(.'lle tut la forme que donna à son vote un des plus humains,
assurément , et des plus consciencieux entre les hommes
qui avaient pris part au procès, Isambard de La Pierre! Avec lui
signeront plusieurs des assesseurs qui devaient désavouer le pro-
cès plus ou moins radicalement vingt ans après, Martin L'Advenu,
Fabri, Tii)haine, do La Chambre; nous ne parlons pas de Cour-
1. (!*esl-ii-dire qu'on lui avait fuii u'-ju-kr les icriiies de la cédule.
2. PnnOs, l, I, \i. 'i:i'»-'i68.
3. DriMisi'ioiis d'iNUMiluid «k- I.a l*icric ci de Muriin LMdvcnu. Pi'Mf*, i. 11.
I- ;.. S.
i r.inliiii!, uicliidiacrc de r»'ji:e;i. 1! la d'.ilaia rtlai»bC, mais s'en rc!:.-: c«
jupi'5 quanl au leslc.
mai] L'ABJURATION RÉTRACTÉE. 293
celles, qui, en reniant le procès, eut à se renier lui-mùme et
reçut du moins, en expiation, cette coupe d*ignoininie à vider!
Mais qu*un homme d*un aussi bon naturel qu*Isauibard ait signé
celte hori'îble délibération, lui qui avait assisté à Tinterrogatoirc
de la veille, et qui avait entendu les plaintes de Jeanne* ! cela dit
tout sur les doctrines et sur renseignement qui pouvaient trans-
former des âmes nées pour le bien en aveugles instruments d'ac-
tions infernales !
« Les opinions entendues, les juges conclurent de procéder
ultérieurement contre ladite Jelianne selon droit et raison^, »
La sentence défmitive de condamnation ne suffisait point à
compléter l'œuvre de Gauchon. L'assemblée du 29 mai avait de-
mandé une dernière monition « pour le salut de Fume de Je-
lianne ». Gauchon n'avait garde d'y manquer.
Il avait fallu que Jeanne, après avoir abjuré, « rcncliût » pour
qu'on put la condamner à mort. Gela fait, ce n'est point assez. Si
elle meurt dans sa « rechute », elle confirme sa mission un mo-
ment rétractée ; le doute subsiste dans les esprits. Il faut donc
qu'elle abjure ou paraisse abjurer une seconde fois; maintenant
que le « repentir » ne peut plus lui sauver la vie, il faut qu'elle
meure « repentante ». Le signe évident, pour le public, sera
qu'elle soit admise à la pénitence et à la communion. Gauchon
sait le vif désir qu'elle a de « recevoir son Sauveur » ; il sait la foi
qu'elle a eue dans la promesse d'être délivrée, i)romessc de ses
voix qui ne s'est point accomplie. II niiuiœuvre habilement sur
cette double base.
Conformément au vœu de l'assemblée du 29, il adressera donc
une monition à Jeanne, dans la prison, mais sans instrument
officiel, sans notaires, car, s'il échoue, si Jeanne s'obsfine, sa ré-
sistance finale ne doit pas être constatée.
Le 30 mai 1 431 se leva, jour le plus auguste et le plus sombre
qui eût paru sur la terre depuis le jour où la croix fut plantée
au Golgotha.
Jeanne vit, de grand matin, entrer dans sa prison l'appariteur
t. V. son propre liMiioignage. Procès, t. 11, p. 5.
2. Proccs, t. I, 459-467.
ft»| GUE an ES DES AKGLàlS.
qui venait !a citer k t:oin{>araïlrc devant les jog<»» sur l^ \ i
Marché de Rouen, pour s'entetïdrc déclarer relaps, ir^nmah^i-^
niécj lièréliqiie; puis le doininirain Maj'liri L'Advenu» cli;irç^ iW
t lui uiinoticer hi mort procliaine, el de rindujpe h triir
lioti el pénitence, el rûiui* en confession i*. Ouiinfl elle ^ulît l
près II la dtirc el cruelle mort dunt il lui falloîl jûoarSr toat à
riieure », la nature se snuleva ; la jeunesse el la tîc dèboi '
dans ce coeur de vinglans. En prenant notre chnir, elle a va h jm-
liolre iijibleiiîie^ et l'ungc de la guerre, pour k sernnde Toi^t rede-
tint une fenimo. * Elle corn nieu^a às*éerier douloaivit^i*mtDt et
piteusement j h se âklmire * el arraeljer les dicveujt : — Hrla
me traîlora-l-on ainsi hurrihleiucnt el cruelliîHienl, qu^il fai]
que mon corps net en entier, qui ne fui januiis corroropii, sou
aujourd'hui consumé et rendu en cendres! Ha! Ijaiyain
mieux Hm décapitée sept fols» que d\^lre ainsJ brûli-c,,. A^
ai»pcllc devani Dieu, kgrand juge, des grands» tort^ cju'on iu<
Cauction i^arut, accompagné de sept ou Imil des oâfic&beu
Dés qu'elle raperçut : • ÉvèquCi s'écria-t-elle, 2v6qtte, yn. iim
par vous! »
Le miï^érable voulu l eflcore « lui remonli*er :
€ S\\ ! Jelianne , prenez-en patience. Vous mourot pour er
que vous n'avez tenu ce qne vous nouB aveî pronitij,
— HélasI si vous m'eussiez mific aux prisons de cour d'Églin-,
et rendue entre les mains de concierges eciiésiastlques el i\m
de mes ennemis, ceci ne fût pas advenu ; c'iîM iioan]tioî f «p-
pelle lie vous devant Dieu ^ j*
Ce qui fut dit ensulle entre Jeanne, Cauchun el ses acolytes D*i
poinf élé consigné mu$ forme atillientique au proc&î* Cnndimi
Jil écrire cet entretien, de mémoire, quelques jonft après, â>(ft
la diclée des gens d'église qui y avaient pri* pari». Les détiuli
font suspects, mais il y a du svàl dans k fond. Aucun qmt
de douleur ne devait être épargné k la grande martyre, el le
1. T^rer en %txi% dive?»»
2. n^{j4)Hliiiia il« J. Tuuimoaillé* Ptetiit t. Il, [v, S-^L CétiJi «& |iviio d>«iia^-
3. Pme^â, t l, p, *77-*».^.; b lu iiiju de» Q<'»'"* dil ffûtkk, U DfllAlr* ttc^Lti
[1431] LE DOUTE DE JEANNE. 395
abominations dont les Anglais avaient menacé la virginité de son
corps furent au moins égalées par les tortures dont les docteurs
tourmentèrent la virginité de son dme, sa foi, son espérance
immaculée. Ils pesèrent, avec une dureté implacable, sur une
pensée qui devait briser, anéantir ce cœur désolé. Au premier
mouvement d'horreur physique soulevé en elle par l'approche de
la mort, avait succédé l'horreur, bien pire, de la pensée que ses
voix l'abandonnaient à cette mort. Jusqu'au dernier jour, elle
avait cru à la délivrance promise et à la victoire. Et voici qu'au
lieu de la France armée qui vienne délivrer sa libératrice, elle voit
l'Angleterre dresser son bûcher par des mains françaises! Quoi!
déçue par son roi, elle le serait aussi par ses frères de paradis!
— Quoi! tout ce qu'elle a aimé! tout ce qui l'a inspirée! quoi!
la patrie elle-même sera-t-elle aussi un néant!...
« Jehanne » , répétaient- ils tous les uns après les autres ,
c Jehanne , vous voyez bien que vos voix vous ont trompée !
— Mes voix m'ont trompée!... Puisqu'elles m'ont trompée...
puisque Jes gens d'ÉgUse veulent qu'elles viennent de malins es-
prits, je m'en rapporte à eux... je n'y veux plus croire'... »
Ces paroles ont-elles été réellement prononcées? Il est pro-
bable que, sous la plume d'un rédacteur si suspect, le doute est
devenu une affirmation; mais ne fût-ce qu'un doute, on peut se
demander s'il y eut jamais au monde une pareille angoisse?
Tout avait réussi à Cauchon. Il avait obtenu la rétractation
pour diffamer la mission de Jeanne, la rechute pour motiver le
supplice; maintenant, une nouvelle rétractation, réelle ou appa-
rente, venait confirmer le désaveu de la mission sans sauver la
vie de la relapse. Il se hâta d'accepter les paroles échappées au
doute ou à l'accablement de Jeanne, sans lui laisser le temps de les
retirer, et au plus vite accorda la communion « à la repcntance »
de la condamnée.
Jeanne reçut l'eucharistie, « avec grande abondance de larmes».
1. SuifEDl la pièce en question, Jeanne dit qu*elle-niémc élait, dans sa pensée,
l'ange qui avait porté la couronne au roi ; mais que les ungcs raccompagnaient,
sous rapparcncc d'un grand tourbillon de toutes petites figures {In magnà muUi"
tuiiine et miuimû quaiuitate xeu mifMmit rébus) Du reste , clic n'accepte aucuQ
doute sur la réalité des apparitions. « Soit bons, soit mauvais esprits, ils me sont
apparus >. Procès, t. I, p. 480.
20ft GUERRES DES ANGLAIS. iiitq
l/h<^tire était arrivée. D<*jà le funtbrc corlége s^aatemlibill daiM
la cour du diôteau* On pasna h Jêfinne Id rhemtse lûogm fs
devait être son dernier vôtcuaent; on Uti posa sur b lêu* k mim
des condanint^^s de rinqubttiûn, iiir kqudle étaient petuts to
diables et des flammes, avec les mots : *i hérctiquo, relapse, apo-
state» idolâtre T> ; puis on la fit nionlcj' sur une diarrcHc à qmtn
clievauit, entre rappnrilcur Ma^^ieu cl k confesseur L'Adveia
Isamhard de La Pierre s'adjoipiit à L'Advenu et ne qniU^ ph»
Jeanne jusqu^à la (in.
En ce moment, un grand tumulte s*élc\ti. l'n Iionnne d>^U^.
pAlo, effaré, éUih monlé sur la cliarretle el adressait à Jeanne d&
parolt^s entrecoupées cl des gestes suppliants, trélail L'ObefeoTt
rinfAmc agent des machinations de Pierre CaueJion, qui demift-
dait pardon h sa viclime. Le^ Anglais voulaienlle mettre en pieco,
et il ne dut la vie qii*au comte de Warwitk',
Le cortège m mit en ma relie, ilnit cents lionunes d'armes cscor-
taîent la chiirrctte oufaÎMientla liaie.Toutes les troupes angitti
élaient sur pied. Le peuple &e pressait snr le passage de rcsairttc
sur ta ;dace du Yieux^larchév Une foule inunetise ëfait lîctOQfitrm?
de toutes les villes et de toutes les campagnes enrironuiinlf*^. L»
denil était snr fous les visages, Ui sympathie populajr«-
troissanl durant Ja dernière phase du procès^, el Ton s^ ,
la sympathie eût tuurn^^ bien vite à la coltire et à l'èineu
quelque diversion dn dehors eût menacé les mallrcs de Roue
liais le conseil de Charles VII retenait les troupes frtuiçabes loial
des lieux où mourait délaissée celle qui avait donni^ h CliartcsJ
la couronne*
Sur te Vieux-Marché s'élevaient non plasscuIemeuL dmxé<ï
faudâ» comme h Saint-Ouen, mais trois écliafauds el rhorrîWc,
btkber! Îa* îroisième échafaud était pour le juge laïque *, Icliaillti
L Dépotltiotl de C. Colkn Frocéi, U H, p, 320; de lequel, U III, p, ij
f Ittlbf ureux ne kounni puA ce inomcni H 6 repentit, «!« «to«t«|trci jtion i
rentra m ^f^ca nuprè» dt Cimelioti im tiinant ajouter d« frt^ukn i
rc3i|Jtce tl*ciirîut?t« poMliuiae dool nam avons pMÏf'»
%, ni-jiiifïiim de K MtgUi; ûf T* €ii<ïqtt«] ; t^ U, (». toî , lOfi ; éê t, UÊtêê^
t, llî* (». im.Xhoimii Bmtn, iihtor, Cnrnli Vil, i, U p. «3.
$. Cl) bdilli pcifUit U tiem ^à%m% U Le Baut«U)tsf x t"Hiik\\^^yi^smMa0^^^^
«a Ift n»Ttu de tz Gui t«c lÎQQL«llk'T t|Uî iiviii tr^lii aoui^u ifu l Iti»
[14S11 JEANNE AU VIEUX MARCHÉ. 297
de Rouen , intermédiaire passif entre le juge d'Église et le bour-
reau. Quand Jeanne aperçut l'instrument du supplice, une der-
nière plainte s'échappa du fond de ses entrailles. « Rouen ! Rouen !
mourrai-je ici!... Ah! Rouen, j'ai grand peur que tu n'aies à
soufTrir de ma mort^ ! »
Rouen était innocent du grand forfait qui allait s'accomplir
dans ses murailles ; mais cette parole révélait que la condamnée
recommençait à juger ses juges.
Elle se calma : elle écouta « paisiblement et avec grande con-
stance > le sermon de Nicole Midi , chargé de la prédication der-
nière. Le prêcheur termina par la formule : « Jehanne , allez en
paix!... l'Église ne peut plus te défendre!... » A ces mots, Jeanne
s'agenouilla et conunença à haute voix une longue et ardente orai-
son. Tous les sentiments de la terre, toutes les passions, même glo-
rieuses et nécessaires au combat de la vie, se sont transformées
dans cette âme déjà presque dégagée de ses liens. L'ange de la
guerre a déposé ses foudres pour se revêtir de la douceur du
Christ. Jeanne réclame les prières de tous ceux de son parti « et
de l'autre » : elle leur pardonne à tous le mal qu'ils lui ont fait ,
pardon qui embrasse deux rois et deux royaumes! elle s'élève au
ciel d'un élan si touchant et si sublime, qu'un moment, elle semble
emporter sur ses ailes ses ennemis eux-mêmes. Ces démons en
soutane se retrouvent des hommes. Tout pleure, jusqu'à Cauchon,
jusqu'au cardinal d'Angleterre!...
Surprise des sens. L'émotion sainte glisse à la surface de ces
âmes perdues ^. Il faut achever l'œuvre. Winchester fait un signe,
et Cauchon obéit. L'évoque lit la sentence :
c Tu es revenue aux erreurs et aux crimes que tu avois abjurés,
comme le chien retourne à son vomissement... Nous te déclarons
rencheue en la sentence d'excommunication que tu avois encou-
rue.— Nous te retranchons, comme un membre pourri, de l'unité
de l'Église, et te délaissons à la puissance séculière; la priant
1. Procèt, t. II, p. 355.
2. Chez d'autres , au contraire , chez des hommes qui valaient mieux que leurs
doctrines f l'impression fut inefTaçable. Il y eut là des âmes touchées et épurées
pour jamais. V. les dépositions d'Isambard , de L'Advenu , de Massicu , de Fabri »
de G. Colles, etc., etc.
nn OUÈRIfES I>ES ANCLAtS. [i
daâmtcit son jugement envers toi, qitani à la mort ri à h mvHi
fte ntrmbrfsK i
Jiinmlïi le monde n'a entendu releiitir dan!! «jn» occusionsii
lennelle celte fûrmde par taqueltc F Église ûu muvcn àfjt
nonce sa propre condamn:itîon; ceUc formule, qui n^f
lenips où les chef^ sftîrituols de la dïréîicnté, sVfigngcaiii .
[►ente où dcvûienl s'abîmer lenrs successeurs, commciioiÎFnl h r>*
clamer la n^presâion des hérétîquespar raniaritèdcsempeiriiiii
mais reculaient encore devant les peines de sang; sincère 9iûi\
elle nVst plus maintenant qu'une hypocrisie sacrilège €l qii\nie
horrible proranalion.
L'enfer a jngiS Le ciel se ticndra*t-il pour condamné? U msl
aura-l-îl celle joie jusqu'au boutî Jeanne s*e$t relevée nn
de la semence en pardonnant h ses juges. (!e ft'esl p«jînl
Elle a douté de l'œuvre de Dieu en elle. Emporleni-t-elle le
dans la tombe! Les prophètes, avant elle, oui failU : J^sos lui
aux Oliviers, a tremblé devant la coupe d'amertutne : il
plaint, sur la croîs, de Vabandon du Père. Mais Olcu a-l-ll
tant jînnais abandotmé finaiement m$ enirtifés à rînstajit
fl^rand passfigc?..,
Les jugea élaient des^cendus de leur estode, L*%Usc liinil
Jeanne. Elle appela te Cbrit^t ; elle demanda ]a croix, lîn Augbil^
en fit une avec un petit bâton. Elle la baisa et la mît dims ion
sein ; puis elle pria rappariteur et le frère l^imlMird « d'alkr en
l'églUe proctiame (Saint* Sauveur) » et de lui apporter le cmdfni
€ pour le tenir <^'levé tout droit devant ses jeuat juâqn'
de la mort... Elle rembrassa moult ètroilLmenî et
menl^,.*. »
Dix mille pci-sonries fondaient en pleurs*; tout ec peuple <i»ii
ne sut trouver pour Jeanne que des prières el mio des arfnf*s!.M
l^s c*Burs de pierre des pharisiens scolastiquc^ , ce qu'il y i
dé plus însensilïle au monde, s*élaient èimt».,* ?m une Ûbrv
liumaine ne remua chez les gens de guerre, ces btlcB «UK
vages habit n<^r:^ à chercher des voluptés de tigres dans les lo^
t. Pmr/n U l, )N à 7 2,
t, l*rih-ii, t,n,p.ê, 30,
3, Pifçtéi, U II, i* 324. ,
MES VOIX ÉTAIENT DE DIEU. 299
es paysans'. Capitaines et soldats frémissaient d'impa-
. Les chefs, sans attendre Tordre du bailli, dépôchèrent
ergcnts pour prendre Jeanne sur réchafaud où elle avait
ermon et la sentence. Elle descendit. Les hommes d'armes
nèrent avec furie. Le bailli vit bien qu'ils n'auraient pas
ncc d'entendre son arrêt, et, pour toute sentence, il fit un
cla main, en criant : « Menez! menez'! »
mg gémissement répondit dans la foule aux clameurs fé-
es Anglais. Beaucoup de gens d'Église et autres s'enfuirent,
ulant pas voir davantage.
ne était debout sur le bClchor, entre Isambard et L'Ad-
levanl vers le ciel des invocations niùlces de larmes...
coup, au moment où le bourreau l'attache au fatal poteau,
tend, à plusieurs reprises, appeler saint Michel d'une voix
le*. La forme sous laquelle sa vocation lui a été révélée
t à la dernière heure. Le bourreau approche avec sa lor-
le jette un cri... puis elle parle vivement à son confesseur,
rs le tumulte de la place, on entend confusément des pa-
îtenlissantes : Mon Dieu!... Jésus! Marie! Mes voix... Mes
»
fut ce testament suprême de la Pucclle? Dans quel senti-
'elle-môme sortit-elle de ce monde?...
rovidence a permis que l'honnne qui reçut ses dernières
ail survécu vingt-cinq ans pour rendre témoignage.
i, mes voix étoienl de Dieu... Tout ce que j'ai fait, je l'ai
l'ordre de Dieu... Non, vies voix ne m'ont pas déçue!...
élalions étoienl de Dicu^*! »
es hideux détails donnas par les contemporaius. Ce n'était plus seule-
)ru;alité, la débauche, lu rapacité; c'était le plaisir de faire souffrir, de
;ment.
Dinuicnt, préiresî nous ferez-vous dîner ici ? » Dtpî^siliou de J. Massicu;
10.
ati* ! ducaiis! Déposition de G. Manchon, t. II, p. 3 t'i. Lors du procès de
Llion, on voulut faire une grande afTaire de cette omission, comme si la
du juge laïque eùi été, de fait, autre chose qu*unc vainc formalité qui
'hypocrisie inquisitoriaie.
osition de P. Bouchier; Procès, t. II, p. 324.
tpir usqne ad /inrm viiœ smc manuteuuit et asseruit quod voces qiias ha»
anl a Deo» ei quod qmdquid fecerat, ex prœcepio Dei fccerai, nec crC"
juré de luclli e de m iiiaiii mi fdgol iam le Ijûclicr, qumi
hrftlèraiL Ttiîidk qu*U o^ctulail mu sevmnnU Jmnnt»ji;Un
nier cri qui fit relcnlir toute la iilacc. L'Apglais lanilia eai
lance. Il avail em voir, k Vtminni où Jcaimo no^lil FAuiif, ^
de lîi terre de Frîiiicc * et s'envoler au ricl une culuuibe
la Culombe du SaiûUE^jirit\
étfbat per fatdçm vûO'ê (atuc deceplamt ef r|ii(icJ rtvutatumi^i qpMt kéè%
i>ro rrmtt, ÎK^ponlUO» lie Muilin f; Ad venu. Prot/f^ t. 01, p, lîif* L^âd««
rkm dit ^ii 146U, rk'T» tin liS^j j il j^e décida i-nlin k itin^uUler h c^hk
ih lu dernier» «ur|uâlfi, r» li-iil Jusquivlà, If^aruTiard el lui »*éuieat
absiifîiiyi de rien dirr, ut sur lu réirut^uiticiii iN maHa, ri ftur U t>€ifinii*d
iiiiMJ^n ^ rtititire ih k mort. r<>ut compit:ti4rL' Tuffori i|ue «lui m Uiic 1/1
il fiiut 5C rnppdtiïr ffu^^l ^^^^^^ ^igii^^ cottimc Uaitjburtl, «amme ifins. là i
CS4St] MORT DE JEANNE. 301
Ainsi finit cette femine à laquelle les fastes du genre humain
ne présentent rien de comparable. Elle n'avait pas vingt ans.
Ce qu'elle a fait est prodigieux : qu'est-ce donc, lorsque Ton
pense à ce qu'elle eût pu faire! Son bras a été si puissant, que ce
qu'elle a ébranlé et à demi renversé, la domination étrangère, ne
se raffermira plus; que ce qu'elle a relevé et comme fondé à nou-
veau, la nationalité, ne s'écroulera plus jamais. Que serait-ce si
elle n'eût été arrêtée, au milieu de sa victorieuse carrière, par la
plus monstrueuse ingratitude dont l'histoire ait offert l'exemple!
On peut croire, sans témérité, qu'elle eût achevé la délivrance de
la France en une seule campagne !
La France, ainsi affranchie sous les auspices de la plus haute
inspiration religieuse qui ait brillé sur l'Occident, sacrée par ce
pur baptême qui n'avait été donné à aucune nation, se fût élan-
cée, dans toute sa force et sa liberté, vers ses destinées nouvelles.
La France, apparemment, n'avait pas mérité tant de bonheur
et de gloire. On put dire du Messie de la France comme du Fjls
DE l'Homme : Il est venu paumi lès siens, et les siens ne l'ont
PAS CONNU.
La France eût pu être délivrée d'un élan divin et en un mo-
ment : la déUvrance ne s'achèvera que par des moyens tout hu-
mains, lentement, douloureusement, à travers de cruelles souf-
frances populaires, dans d'équivoques et périlleuses conditions
morales et politiques, et aboutira non point à une société plus
libre, mais au renouvellement et à l'organisation plus énergique
de la monarchie arbitraire, à l'étouflement de toute institution
libre au centre de l'Étal. La France grandira, mais dans une
voie où le progrès social sera chèrement acheté, et où le génie
national, tout en perfectionnant de précieuses facultés, con-
tractera bien des habitudes funestes.
L'œuvre de Jeanne accomplie eût pu avoir des conséquences
qui éblouissent la pensée. Toute mutilée qu'elle est, elle reste
le plus grand événement de notre histoire jusqu'à la révolution
française.
Le procès de la Pucelle n'a pas une moins haute signification
que sa mission guerrière. A Orléans, elle avait combattu pour
sauver son peuple. A Rouen, c'est encore Ja France, en même
302 r.UEKKES DES ANGLAIS. ;iU«
temps que la conscience humaine, qu*ellc sert en op|K»sant »
grandement Tinspiration à rautoritt^ et le libre génie gaulois à
ce clergé romain qui veut prononcer en dernier ressort sur l'exi-
stence de la France. Par elle, le génie mystique revendique, dans
notre patrie, les droits de la personne humaine avec la môme foroe
(juc Ta déjà fait et que le fera encore le génie philosophique; un
li(*n secret miit les développements les plus divers de la |Kînséeel
du sentiment; la même âme, la grande âme de la Gaule, éclo»*
dans le Sanctuaire du Chêne, éclate également dans le libre ar-
bitn de Lérins et du Paraclet, dans la souveraine indéi)endaiKv
de rinspiralion de Jeanne et dans le Moi de Descartes.
Kii condamnant Jeanne , la doctrine du moyen âge , la doctriof
d'Innocent III et de Tinquisition, comme le vieux pharisaisme.
quatorze siècles auparavant, en condamnant le Christ, a pn-
nuncé sii propre condamnation. Elle avait d'abord brûlé des set-
t(tires qui professaient des croyances étrangères au christianisme.
puis des dissidents qui enseignaient une pure morale chrétienne;
maintenant , elle vient de brûler un prophète, un messie ! L'Esprit
s'est retiré d'elle. C'est désormais en dehors d'elle et contre eli»*
que s'opéreront les progrès de l'humanité et les manifestations du
gouvernement de la Providence sur la terre.
La mémoire de Jeanne subira de grandes vicissitudes, paral-
lèles aux révolutions de l'esprit de la France. Traliie en liaut,
pleuréc en bas plus que comprise, puis réhabilitée ofliciellement
par la jiolitique, qui entasse les nuages sur sa mission et sur son
caractère, réhabilitation qui entraîne la chute de l'inquisition en
France *, Jeanne sera méconnue et outragée, au seizième siècle,
par le scepticisme des historiens politiques formés à l'école de
Machiavel; puis, défencUie par d'autres écrivains avec plus de zèle
1. (.'o fut I.i encore un dc.-^ ))ienraits «lo Joaiinc. L'horrililc trilmnal, profuitàe-
iifMt l'iiraiili- par le |tro('<'*4 de riWiabilitation ■ 1 iôô), fut acheté par un autre proci^
duTit nous parlerons plu^ loin ( I Lui ). Il ne ]iut jamais se relever chez nuus, n.éine
diin^ les pins sauva^^es t'urcurs des Ciiicrre-i d«' Ueli^ion au seizième siéele. 1'. (^ai-
cherat , yl;fr^'us noiirr.iur. p. lôl-lô'i. La ri'haliilitation , œuvre* de la poliii-;uf
t'ii' . il fanî liit'ii le dire, iinelipie elio-!i' d,. di*rlsoire au point de vu- rdijîieux. l-t
r-U'i'nlîiUiui l ipiuiid il > a;;it de Kl pla^ iclatante s;iiutetê de rhisioire, et quan!
Il ean-irrixal.on Olail pro'li^rnée à d-^ reavjuunées contestables et à de %u!^'a.frt
a^i-'el»^* !
II4S1] JEANNE LA FRANCE INCARNÉE. 303
que de lumièies, elle restera longtemps enveloppée d'une sorte
de crépuscule, froidement honorée des uns, raillée des autres,
incomprise de tous. La conscience de la France, obscurcie par la
longue habitude d'une histoire de convention , qui personnifie la
nation dans ses rois, méconnaîtra les personnifications véritables
du génie national, et surtout la plus grande de toutes. L'esprit
classique du dix-septième siècle, l'esprit critique du dix-huitième,
seront également impuissants à percer ce mystère. La France
moderne, absorbée par la Renaissance, oubliera sa libératrice,
comme son art national, comme sa vieille poésie, comme ses
Trais ancêtres les Gaulois, qu'elle sacrifie à ses maîtres, aux
Grecs et aux Romains! elle repoussera Jeanne avec ses bourreaux
dans ce moyen âge qu'elle proscrit en masse sans le connaître.
Les temps changeront : la justice viendra. Après l'immense
révolution qui déracine et précipite dans l'abîme le passé tout
entier, toutes les traditions renaîtront, mais dégagées de leurs
voiles, comme dans un vaste jubilé de l'histoire. L'œil de la
France, alors, s'ouvrira sur tout ce passé qui semblait anéanti,
et qui, on peut le dire, commence seulement d'exister pour elle,
puisque^ pour la première fois, elle le connaît et se connaît elle-
même, pareille à un être qui, arrivé à un degré supérieur de
l'existence, embrasse d'un regard toutes les phases de son déve-
loppement.
Dans le temps comme dans l'espace , à mesure que la distance
augmente, les points intermédiaires s'abaissent, et les grandes
masses lointaines qu'ils cachaient se relèvent à l'horizon. Ainsi
les grandes colonnes de la tradition se dégagent aujourd'hui de
plus en plus parmi la multitude tumultueuse des faits , et mon-
tent de jour en jour vers le ciel. Deux figures colossales domi-
nent toute notre histoire ; loin , bien loin , à notre berceau , la
Yieille Gaule, notre mère ; plus près de nous , sur les confins du
moyen âge et de l'ère moderne, Jeanne Darc , la France incamée.
LIVRE XXXVII.
GUERRES DES ANGLAIS {SLITE).
CnARi.ES-LB-BiB!<-Siiivi. — Lb Consbil db Fbaucb. — Êchect en Bnaî«hii
et en Lorraine. — Tnîvo avec la Bourgogne. — Prise de Chartres par îe^FiB-
(;ais. Kchcc de Bedford h, Lagni. ^ Rupture entre Bedronl et le duc ds B-'C-
gognc. — Conjuration de la bclle-nière du roi avec le connétable contre U
Trénioille. Cliute du La Trémoillc. Yolande d'Aragoa. Agnès Sorel. Le Cccff£
du roi. riouverncmcnt d'Yolande d'Aragon, de Richeninut et des niinir^e!
bourgeois. Jean Bureau. Jacques Cobub. — Insurrection des paysans norviiods.
— Paix avec la Bourgogne. Traité d'Arras. Cession de la Picardie, de Bar-i3>
Seine, Auxerro et Maçon au duc de Bourgogne. — Mort de Bedlbrd.» 5octeik
révolte en Normandie. Soulëvenieul des places de Pile de France contre kf
Anglais. Paris chasse les Anglais. — La fausse Jeanne Darc. — Le duc deBcv-
gognc en guerre avec les Anglais. Désordres des Flamands. Ils écboDcEi u
siège de Calais. Révolte de Bruines et guerre civile en Flandre. — Dêvasiiticsi
des flcorcheiirs, KfToits de Richeniont contre eux. — Prise de Ifontereau. Eaifcc
du roi h Paris. — Désordre. Mieère. Kpidémie. — Persévérance de RtchesouL
Origine, fortune cl influence de Jacques Cœur. — Prise «le Meaux. — Cii^
Généraux d'Orléans. Là taillb fixk kt pkrmambxtb. Avantage» présents. Du*
gersde l'avenir. Marche vers Tarbitraire royal. — Ordonnance ponr untvwk
régulière et contre l'arbitraire féodal. Résistance des seigneurs et du écor-
cheurs. Les factieux mettent le dauphin ^Louis XI) à leur tête. I.a Prantri*.
Les rebelles comprimés. — Procès du maréchal de Rez. — > Affaires de Vt^'ia»
Lutte do la papauté et du concile de Bûle. Pragmatique sanction. — RépressidS
du brigandage. — Délivrance du duc d'Orléans. — Prise de Pontoise. — Ctâ-
liment d'Armagnac— Trêve avec rAnglclcrre.
1431— liH.
Les chefs du conseil d'Angleterre travaillèrent , avec udc
énergie désespérée, à tirer parti de leur affreuse victoire. Dès
que Jeanne eut expiré, ils avaient fait éteindre le bûcher, afin
que soldats et peuple vissent tout à leur aise ce corps à demi
consumé * , et que personne ne pût croire t la sorcière de France »
1. u faut voir le récit de l'universitaire mal à propos qualifié de Bovrgtoiti'
Paris, pour se faire une idée du cynisme et de la rruauté de ces pédants da qvt"
zième siècle, que nous ne voyons ^lue déguisés sous un décorum officiel dans '•<«
1431] EFFET DE LA MORT DE JEANNE. 305
nvoléc du milieu des flammes; puis le cardinal de Winchester
vaît fait rallumer le feu sur le cadavre et jelcr les cendres à la
«ine, de peur qu'on n'en fît des reliques. Les chefs anglais
oyaient avec inquiétude l'effet moral de la catastrophe tourner
ontre eux dans Rouen. Les sujets de l'Angleterre disaient ana-
tièmc à leurs maîtres, et les Anglais se prenaient à douter
•eux-mômes. Le peuple criait que « dame Jehanne étoit mar-
bre 1 : nombre de gens prétendaient avoir vu, au moment où
lie expira, le nom de Jésus écrit dans les flammes; maints An-
lais s'étaieut retirés consteiTiés. < Nous sommes tous perdus!
ne sainte a été brûlée ! ceux qui l'ont fait mourir sont damnés ! »
vait dît publiquement un secrétaire du roi Henri VI. Le bour-
eau était allé se jeter aux pieds d'Isambard et de Martin L'Ad-
emi. Il étoit, à ce que rapporta Isambard, « comme tout dés-
spéré, craignant de ne jamais obtenir le pardon de Dieu pour
e qu'il avoit fait à celte sainte femme; et il racontoit qu'il n'a-
oit jamciis pu venir à bout de brûler le cœur de Jehanne ». Les
jges et les plus compromis des assesseurs étaient insultés dans
3S mes : le peuple les montrait au doigt et les accablait de ma-
idîctions*. Le gouvernement anglais n'épargna rien pour réagir
ontre le sentiment public. 11 fit rédiger par Cauchon cette es-
èce d'enquéle dont nous avons parlé, sur la dernière monition
e la matinée du 30 mai : l'on y exagéra les derniers doutes de
eanne et l'on fil ajouter, par L'Oiseleur, que Jeanne était morte
avec grande contrition de ses crimes » et en demandant pardon
ux Anglais et aux Bourguignons 2. Cauchon reçut pour lui, son
ollègue et les assesseurs et officiers du procès, des lettres de ga-
aiitîe du « roi de France et d'Angleterre ». Le monarque anglais
'engageait, dans le cas où quelques-uns de ceux qui s'étaient
êtes du procès. M. Michclot les appelle « le peuple des sots » ; mais ces sol?
Uient parfois des bétes féroces. Jounuil du Bounjcois de Paris, ap. Coll. Mi-
hBUd, â" série, t. UI. p. 263-264.
1. Procès, t. H. p. 307, 3i7, 374 ; III, 165. Nous avions omis un point init-
pssant, louchant l'opposition qu'une partie du chapitre de Rouen avait faite jus-
u*4 la fin du procès; c'est que l'official et le promoteur du chapitre avaient été
uiprisonnés a ce sujet du 9 au 23 mai. Cette honorable exception ne doit pas éiro
égligée par l'histoire. Procès, l. V, p. 272.
2. Procéx, t. I, p. 485.
VI W
^m GUSetnRS DES ANr.L%tS^ fimi
eiiiremis au \n*ùcH de Jennne seraien! IniduîU |wir*-def
p4i|vc ou le concile» à les aider et défendre, i^n jugcmmt et
jugement s», h sisfniset tK'pens, h s'adjoindra au i>rùcH
Imv voudi fiit inleiiterp et roqutVait pour eux assialiiDcc de
ses Mijels ot alliés (I? juin 1431)*. te lettres sctuî ' ^ via
dérensif entre ccniîpiiceSt plul6l qirune promet
d*un gouvernement h ses sujets. Le conml iVAu^hitnt, ci
même temps quMl assumait ainsi la rcspoiiKiUllilê du crimc«i»*
Sàyade le juïSlillcr aux yeux de rKurope : dvm cirruloir^s bmsl
expédiées, dans le courant de juin, Tuneâ reiii|icretir, aui hk*,
ducs et autres prince» de toute la ctirélienl^; fciutre. aux è^
queSi aux églises^ aux seigneurs et aux commmiJio nVs du nifâiimê
de Fiance. On y anirmait que Jeanne élail nH»rtc eu d^%'oittal
< les mauvais esprits qui Tavoienl déçue »| el Ton îniltml le
é%fiques à a faire noiifier ces choses par sermons pnlilic^ et
nient aux peuples de kur diocèse* »-
Le gouvernement anglais fit de fon mieux iicmr ^tttei
plume par Tépée, AussHôt après la mort de Jeanne, le sîéjçf fit
mis dcTanl Louviers, afin de débarrasser la Haute N*finn.irf*î ^ ^
H ire, qui avait enlevé rette place aux Anglais, venrut di
prisotmier dans une ehevaucliée, et sa prise kiir i^iiibbit de l»o&
augure* La garnison de Louvfers se dèremlil tûulefois aux
niâtrcté* Sur ces entrefaites, le conseil de Oiarlcs VU, qui
retenu lei troupes françaises dans rinmjobUilé durant tout k
procès de la Pucclle, voulut, de son cAté, fiiirc \tm enîixftim*
Hegnanld de Chartres prépara une tentative pour -ïMt*r**r.îf^
Rouen, quand il fut bien assuré de n'avoir pU^ h
sauver Jeanne* Il vint à Ikmïvius avec le petit berger vnm
que La Trémoille el lui avaient mandé des Cévenn<m',e(qi
ganlaient depuis plus d*un an, sans o^er ^'eo senrir t«ftf qfur
2. PtiHiM, U t, p. 48^-40?, VoitiL, dans le Journal ém Bourift^iê (Ht t^miu iV
fialpc fin nrmoD {inlclté a Sttîiiuttdjrtiu-rleii-CJmnjpt ^r nftqsliiicxf w^^^
^nn GrMtir^iiit en pt;r9fmiii% qui dcltlu m im%\ût Ivi r«iflin les ^àa« I«i]^j«s*
sur les dcriiieii moiticnu àù Uamn^ U' Jmmml tlnnu» aii]»RniT«tit Vmmif^ •
iLtinnn d« ?Jitolc Midi doMtU U hkchtv de ItnnDe, irroïc»!! «)u<^ it# doQie* /^
II?» Actes au procès. Jmumi, etc.; Coll Uictuud, i** |ttnie, i. iU^ p, U*
1. w m*^fi^^M%f p. 2Zt>^
Cli3l] GUriLAUME LE BERGER. 307
Jeanne était de ce monde : rardicvéque de Reims montra aux
soldats « Guillaume le pastourel », comme un envoyé de Dieu qui
devait leur ouvrir les portes de Rouen ', et mit Guillaume en
campagne avec un corps d'élite que conduisaient le maréchal de
Boussac et Saintrailles.
Le coup était assez bien monté. Regnauld de Chartres avait des
inleliigenccs dans Rouen, et il était informé que le duc de Hedford
partait, en ce moment, peu accompagné pour Paris. Boussac et
Saintrailles faillirent enlever le régent anglais aux portes de
Mantes : Bedford n'eut que le temps de mettre la Seine entre les
Français et lui, tandis que ses gens se faisaient massacrer pour
assurer sa fuite. Il gagna Paris à course forcée (i août 1 431). Bous-
sac et Saintrailles, ayant manqué Bedford, rentrèrent dans le
Bcauvaisis: ils furent surpris, à leur tour, par Talbot et le comte
d'Arundel, qui avaient quitté le siège de Louviers sur le faux bruit
de la prise du régent. Les Français furent battus. Saintrailles fut
pris avec Guillaume le berger, et Boussac s'enfuit jusqu'à Beau-
vais 2. Telle fut la honteuse issue des projets de Regnauld de
Chartres.
Les vainqueur retournèrent devant Louviers, qui se rendit
au mois d'octobre, moyennant la liberté de La Hire et une capi-
f ulation honorable pour ses gens.
Les Bourguignons avaient obtenu de leur côté un succès bien
plus considérable encore : la mort du duc de Lorraine Charles II
;25 janvier 1431) venait d'allumer la guerre civile en Lorraine. Le
duc Charles avait légué son duché à sa fdie Isabelle et à son
gendre René d'Anjou, duc de Bar; mais son neveu Antoine, comte
de Vaudemont, réclamait l'héritage. La Lorraine, au dire d'An-
toine, était un fief masculin, régi par la Loi Salique, et ne pouvait
tomber en quenouille; la tradition était incertaine, et il n'existait
» point de précédents qui décidassent la queslion. Les deux partis
recoururent aux armes. René, qui avait servi Charles VU avec
zèle et assisté au sacre, appela les Français à son aide; Antoine
appela les Bourguignons. Les chances paraissaient être pour
1. Berri, roi d'anius; up. Procès, t. V, p. t72.
2. Journal du Bounjpoi» ilc Paris, — Lefèvrc de Sainl-Rciui. — Monstrelel. —
Btrri. — Jeun Charlior; aj». P/ot<?.t, t. V, p. 169-173.
im^ OUËRKES DES .ANGLAIS. riu^
ri(?rK'*î U^s KUiïs (lu duL'hCs iissciiihlfs îï N«nd, s'êliiii!nl «IMim
pour lui, ot IVniï^ereur Sigismond, suisei-aîn dt* la Lormîne, »i.ïii
leeoruiu SCS ilroits : il pril rolïotisîve. II somma le rniule Anl^îm
tk fui rendre hommage de ses fîcrs, et, mr mn refus. Il i
sa ville de Vimdeinorit; Anloinemandaà sa solde quelqu-.*^ tr u]
finplaises cl \mv tbrte bande d^avcnturiers picarde, el il (J[^* ml
jonciion avec la noblesse bourguigtionnc que lui amena le m v:*
clif»! de Bourgogne, le sire de Toulonireon. Les Élals du tludK iJc
Bourgogne, q\ii eraignnient de voir leur pars envnht el nt^t
de toutes paris, û le parti français Femporl^iU <îd Lomunr,
avaient voté 50,000 fratics d*or pour les frais de telle çoerriL Li»
Bourguignons ei les IMcards portèrent le fer et la natntnc dniif b
duclié de Bar, Le duc René maiTha au secours du OarroU a«jr
m mille eombattantB françaisjorrains et allenwinds, la plu|^|
h rbevîd. Le brave Brtrbasan» gouverneur de Cliauipairrie, è^
inarMial de lannée; Tévi^que de Metz, Iccomïedc Salni/leçmi-
vcrueut de Vaucouleurs, Baudricourt, devenu célèbre par ae§Tt-
lationsavec la Puérile, presque tous les barons de Lormioe» tHfaih
coup de grands seigneurs du Palalinat et du pays de Badfc. «
pressaient autour du duc René. Vaudemoni el Tuulongt»oii, qui
n'avaient que quatre ujiUe soldats, firent (îiee cuire Sin^lrr-
court et Butligneville. Les aj^cberjî picards cl les cf^uleiivrinim
tureïit placés a au front devant », avec des pieux flch^ dc^wl
eux h la mnnière anglaise; les hommes d'armer bourguigoo»
mirent pied Ix terre : leurs^ tlnncs et leurs derriôrcs èlaicf
!ege& par une petite rivitTe, par des fossés, par des hxÈitt ,
un rempart de cimrreltes. Barbasan conseiKa de dUTérer latla*
que et de forcer les Bourguignons à quitter leur poste en Ifcr
coupant les vivres; la jeune noblesse lorraine traita co sape «irb
de couardise : « Qui a peur ries feuilles n'aHIe pa$ «a toisî
erièrent-ils à BarbaBan. — Merci Bien ! répliqua le vîetu gucr*
rier, ]*ai vécu Jusqu'ici sans reproche» et aujouixiliui Von rttn
si j'ai parlé par lâcheté ou par t^pience ! » Le duc Bené $elai«»
entraîner par ses ïémémires coni[>agnans, et ralTaire ifcfmem
par une eliarge générale rie la cavalerie lon^iifie ef ' i«'
sur le Iront de rennenii : une gnMe de bouleli et de u . a.-
drr»ya la cavalerie à boni portant; la charge fut repoussèe. Le Jim
C14313 TRÊVE AVEC LA BOURGOGNE. 300
ol tous les siens mirent pied à lerre et revinrent liardinient h
l'attaque : le vieux Barl)asan força la ligne de cliariots qui cou-
vrait un des flancs de rennemi ; mais il fut presque aussitôt en-
veloppé, abatlu et tué. La chule de sa bannière détermina la dé-
route de l'armée; sept cents barons, chevaliers et écuyers périrent
avec deux mille soldats : le duc René fui obligé de se rendre, ainsi
que révéque de Metz et plus de deux cents seigneurs et gentils-
hommes (2 juillet 1431) *.
L'odieuse politique de Bedford et de Winchester allait-elle donc
atteindre son but? La fortune renaissante de hi France avait-elle
été jetée aux flots avec les cendres de Jeanne, et Talliance victo-
rieuse des Anglo-Bourguignons était-elle cimentée de nouveau
dans le sang de la grande victime?
Il n'en fut rien. Les Anglais, s'ils avaient cru la victoire de
BuUigneville remportée pour leur compte, furent promptemenl
désabusés. Toulongeon, qui se prétendait « chef de la guerre »,
couHue représentant le duc de Bourgogne, ne livra pas René
d'Anjou à son compétiteur, et garda cet important otîige à la
disposition du duc Philippe. Les Bourguignons regagnèrent en
liàle leur duché, menacés par un corps d'armée français réuni
à Moulins, et ne tentèrent pas d'installer à Nanci leur allié Vau-
demont. Quelques semaines après, les envoyés du duc Philip|)e
signèrent avec le roi et le comte de Clermont une trêve de deux
ans pour toutes les frontières de la Bourgogne, de la France
royale et des domaines de la maison de Bourbon (septembre
1 431) : on convint d'ouvrir des négociations pour la paix générale,
sous la présidence d'un légat du pape, le cardinal de Sainte-
Croix, qui montrait un zèle ardent pour la paciflcation de la
chrétienté. La vanité de Philippe était consolée de la défaite de
Compiègne par la victoire de BuUigneville, et il était moins éloi-
gné maintenant de prêter Toreifle au cri unanime de ses sujets :
« La paix, la paix avec la France! » Le principal effort des com-
pagnies de gens d'armes se tournait contre ses seigneuries,
moins ruinées et meilleures à piller que les provinces qui étaient
1. Slonslrelel, 1. II, c. iM7-in8. — Saint-Rcini. — Jcaii Churiicr. — Bcrri. —
Baraiitc.
GUERRES DES ANGLAIS, iioij
ilopuiâ si longlemps le Iheâtrc de la gueiTP, et I<î duc^désor
l^ieii assb dans mn empire ûes Pays-Bas, n'ajiint pla$ h \
les AnglîHs de ce CÔU% ef» d*imc aulro p.irt, n'i-^pèranl |ilit&|
(îro h Chanipngiié, était las d\iser an profil de l'An::V
argcnl, ses soldats vi le reete de sa po(*itlarilL* : îl n*« -
montrer à Paris ni dans les autres villes anjîlo-fraticai9£s
j porter nouvelles de paix ou de \rtxe.
lu sombre îTiécontenienient n^ffnait ûm$ €« tnaUimir
cités, que lu duc de Bourgogne abandonuati, el cjuc lo r^gciili
glaîs opprimait sans les protéger. Bcdtord essavâ »' lcftft>^
ristens par les pompes ibéâtralcs d'un sacre, I^ vi. ..-. .;. iU^nd VI
était arïHoncée à Pnris depuis dix-huit au vingt nml$ : ciii« 4^
eida entln à amener le jeune monarque dans b caiiilnle de • »ii
rùyarmie de France ^. Henri fît son entrée â Paris le ï déccrobir
\\:i\ : on ne voyait dam sou etscorte autnins grands barotisik
Franee ni de Bourgogne ; des (feus de la suite du rai élaieni id-
vcsli^^ en duc de Bourgogne et en cornic deNerei^ ; quain* '^
et quelques ^enldslioinmes et eliefâ d^aventurters, entn: L. i..,.
on remarquait le bailli de Uouen, Le BoutcilUer, qui avait en-
voyé Jeanne an bûclier, étaient les seuls Français notables q«r
figTiraîiseiit dans le cortège parmi les préhis cl Ic^ : .n
d'Atigteletre : les quatre évéques éLiient ceux de Pi- iV*-
roueune, de No yen, cl Teît-evéque de Beau vais *. Tandis qiifOiiH
elion, TasRajîSin de la Pueelle, ehevaueliait arrogaminent iir(*id«
roi étiviiigcr, on traînait garrotté, k la suite dti cofl^gt?, \e v'^i
berger visionnaire pris par les Anglais aiîx enrîroni de Btv^
on le noya dans la Seine aprè^ la fête.
Le roi lleuri, reçu à la i»orte Saint-Denis jmrk pt\Wàtdes^iiiiiP'
cliandîs, les éehevins el les corps de métiers, arec h? cérèrnniib>
ordinaire des entrées royales, alla descend re aux Tournclkf, ocm-
velle réïîîdence qui devait efTacer le rameujL hôlel Saint-Pot« et
qu occupait le duc de Bedford^* Quand le ruricge passa d«fm
1. Le pftp« ne »*6tDa paj( prêté à la lr»k«)ftU(ïn *U t^mho^ «ur le t\ê{
nouf^Rp et cons(^uiU 9t;ulam'iU a c<^ im*0û Inl tloutiàl VHètkéàf Uiliiii, Vhé
ttc bu(iu¥iii4, dont II! riMii|^vr«l éitH %équ«ftlré deptiis îitiK pu^ê. Ii JiraA JmtT
Ml Juir<*iini dcf L^Tsiiin» flU du ctlfcbrp iniïgUTr4r »!^ ciï nom, «t d«|>u(i ftrcbcflftf
ût RHiii» «tt auifur d*uue Hi»LOirc Je CKarlL-t YI.
2, VMHi a«« Tourooflei ^1>U sïttt^ «ur rcn^pficcmriit de U f«}t?i t\opk H
[14SI]' HENRI VI A PARIS. 311
riiôtel Sainl-Pol, veuf de ses magnificences et de ses folles joies,
la vieille reine Isabeau de Bavière se mil aux fcnùlres avec ses
dames et ses damoiselles pour voir le roi son petil-fils : Tenfanl
ôta son chapeau et la salua; elle s'inclina humblement et se dé-
tourna pour pleurer. Était-ce remords de son crime ou soulcmenl
regret de ses plaisirs perdus et de sa splendeur éteinte? Cette
pompe éphémère qui passait devant ses yeux lui rendait sa soli-
tude plus vide et son abandon plus amer : ces Anglais, auxquels
elle avait donné un royaume, lui donnaient à peine le pain quoti-
dien {Journal du Bourgeois de Paris).
Le roi Henri fut sacré le 16 décembre à Notre-Dame : ce ne fut
pas même un prélat français, ce fut le cardinal de Winchester,
qui, au grand déplaisir de Tévèque de Paris, conféra Tonclion
royale à son petit-neveu. Les fêtes du couronnement furent
mesquines et mal ordonnées : les vieillards se rappelaient trisle-
ment les belles fêles de Tancienne cour, et Ton disait assez haut
qu*un bon bourgeois qui mariait ses enfants faisait mieux les
choses que ces Anglais. Le parlement, Tuniversilé, le corps de
ville n'eurent pas même de places réservées au banquet royal!
Le roi repartit, dès le lendemain deNoCl, pour Rouen, et de
là pour TAnglcterre, «sans faire aucuns des biens à quoi ons'at-
tendoit, sans délivrer les prisonniers, ni faire cheoir maltotes,
gabelles et mauvaises coutumes » [Bourgeois de Paris], Le con-
seil de Henri VI eut beau confirmer les privilèges de Paris, avec
de grandes louanges de cette ville, que les « letlres-royaux » com-
parèrent à « Gorinthc, la plus noble cité du pays de Grèce et la
résidence principale du roi Alexandre, et à Rome, séjour des
empereurs anciens < ». Les Parisiens furent peu sensibles à toute
cette rhétorique anglaise, et la cour d'Angleterre les quitia plus
malheureux et plus mécontents qu'auparavant. L'aspect de Paris
«les rues adjacentes, presque en face de l'hôtel Saint-Pol : bàii par le ciiancelier
d'Orgenioni, il était devenu propriété do la couronne en 1417, après avoir passé
par les mains des ducs de Bcrri et d'Orléans.
1. Ordonn,, t. XHI, p. 171. — Le jour de son départ, Ilcnri VI confirma les
privilèges de l'université : les lettres-royaux vantent avec emphase les u grands
biens et œuvres fructueuses qui adviennenl de jour en jour au royaume par notre
chère et très amée fille l'université do Paris » ! L'université avait acheté assez
cher les éloges de l'étranger! — Ordoun,, t. XIII, p. 169.
Itt GUËBRES DES 4TI(«LAI9* mm
élait d'une trisleîtsâe jnexprimalile : Thorba paii^ttit ntriaéi^
grés de ces h6k»ls myaux ei ^ignetiriaui où a*èUil pdb Mplâ
bruyaiMment la plus bnilaule tiobksse du ititixiile; od fitlçoa^
iiiorl régnait tlnns les clos cl dans \vs ruelles du « |MiT5 btiot,
i|ue tfyniiimil plus la foule hru\.^mtc des C-mlierîi : des nic> eiiû^n^
étaiL^nt deïiiertes. Lliiver^ on abattait les miiJ$ûn.-i ubanétmit^Tv
pour en Lirer du bois de chauffage; le gouTerueiiienl uii^laii Cr
obligé dlnlcrveuir» idîu d'einpôdier de dînuojîr Parié pH^tt i
pièce. (Ordonn,, ï, XII, p- 174,)
Le régent ne sïluit pas» Tail longlempH illusiûn sur li>s miiim
dé la mort de Jcnnntv, et ne m di^stmiLlaii pas ce qu*ûumi 4e
précaiî'ïï la possession de l'aris, dès qu'une fimiii un peu vi;^(i>
reuâe ressaisirait in direclion da ce parti rtutiçai^ que pi^mmie
ne coudiiisiiît^ Il iHaJt rcsigné« dans le cas^ où il Iiiudmil renon-
cer au reste du royaume, à se resserrer dans h sculi! Nonfiiiï**np
ujak h la conserver à tout prix, L'Anglcteri-c élail h lu
agitée au dedans par 1rs DicLio»^> et très lasse des ^acrilk»^
lui coûtait au ddiûrsiintenninablc giïcrre de France, BUr i
surfit avec parcimûnic les secours qu*elle accordai l à lledrord,<l
celui-ci ne pouvait occuper rortcuient que la Normandie; î! %'d-
UnX'iil ilu nioins de rallacbcT cette province à rAûgleiem.% en f
niinnteuant queltjue ordre, en protrgeant les persuonc^ et Id
proprièlés. Au inolô da janvier 1432, peu de jotus avant ifoe
Henri Vï quittât la France, des « leUre^-ro} aux • îa'ïiilitèrciiK I
Caen des écoles de droit civil et da droil canon; « pour ce qa
fait-on dire au Jeune roi, a il n'y a d école de droit civil i
dans les pays de notre obéissance en France », Le ilroil romiÉi
n'étant point enangné à i*aris, on était obligé d^aller t'appmièt
h Orléans et à Angers, villes de robéissance de tl*arle:> VU. L'um-
vcrsilé de Faris essaya en vain de s*oppo«er h h fondalîoii Je
écoles de Caen : cet établisscnieut survécut à ta doininalîûn ar#-
t lÂ! roi uioB trait « si petit vouloir de »oi mettre lUi puar cmù^^
roTaumc, t\uc tou^ scn KU^ctUt cbcviilii^rA ei éctiycrs fit !ê> biiOAc» vltlr*
nbi^j««aiTcc «'en liooQirKMit trè>* ^riiud itien cijle. TA ««mUktl A U l^li^rf ^M «■
tl ^hrt^ ut pttT e»pétial ciepa*» \a pii*c tïv U l'ucdlo, U fM ei
se \rotx\trtinK dop\à\h laUiie |>riâi% plu» abui»»?! tic bon faiilw^r
Inerte vdl «J« Chimi» ûp, /Vcfc^i, tAY, p,M^
[n32] ÉCOLES DE CAEN, POITIERS, ANGERS. 313
glaise; plus lard inùme, des facultés de Ihéologie, d'arts et de
médecine furent ajoutées à lu faculté de droit, et Caeii posséda
une univei*silé plus complète que celle de Paris. Le gouvernement
de Charles Ali répondit à Tinstitution des écoles de Caen par les
Anglais en fondant l'université de Poitiers, par ordonnance du
IG mars 1432*; Tannée suivante (mai 1433), une autre ordon-
nance accrut les privilèges des écoles d'Angers, qui, de simples
écoles de droit, devinrent également une véritable université;
c'étaient autant de coups portée à l'université de Paris 2.
Les légers avantages obtenus par les Anglais en 1431 n'avaient
pas été soutenus : avant la lin de l'hiver, les capitaines français
reprirent partout une altitude agressive, et recommencèrent à
nouer des intelligences dans toutes les villes qui subissaient en-
core le joug de l'étranger. Les Anglais étaient bien gouvernés el
dirigés avec ensemble; les Français ne connaissaient ni unité, ni
discipUne; chaque chef de compagnie guerroyait pour son
compte, ne recevait d'ordres de peisonne , n'était guère mieux
obéi de ses soldats qu'il n'obéissait lui-même au roi; el cepen-
dant toul ce que pouvaient faire les Anglais, c'était de résister à
grand'peinc. Le 3 mars 1432, une conspiration, tramée par un
cordclier et par un soldat béarnais au service d'Angleterre, livra
le château de Rouen à un genlilhonuTie nonnné llicarville, cpii y
pénétra de nuit avec cent vingt hommes d'élite. Le conjte d'Arun-
del, qui avait succédé à Warwick dans le connnandement de
Rouen, n'eut que le temps de se sauver par-dessus les rem[)arts,
et l'étendard français flotta sur ces tours consacrées par la cap-
tivité de Jeanne Darc. Le niaréchal de Boussae, parti de Beau-
1. Une bulle du pape autorisa cette fondatiou : tout ce qui concernait la ciertjie
it rcnseipncincnl était encore censé du ressort <ie la papauté.
2. Ordnwi., t. XIII, p. 176-179, e!c. — On remarque, entre ces ordonnances do
Charles VII, un édit qui établit que nul ne sera admis aux bénéfices ecclésias-
tiques, sMl n*est natif du royaume et aiïeclionné au roi. Celait une barrière
«•le^éc par l'esprit parlementaire contre les entreprises de la cour de Kuine, qui
travaillait à se relever de ses échecs de Constance, et qui recominenrait ii s'arro-
ger la nomination aux prélaturcs et aux bénéfices, en dépit des droits des électeurs
et des collateurs. Les Anglais, depuis longtemps, en avaient fait autant et plus
encore dans leur lie; mais le régent anglais avait fait de grandes concessions au
pape Martin V, dans les provinos fraii(;iiseR soumises a Henri VI ; le pape
Uijniniait aux prélaiures et béuéticeb qui vaquaient pendant une moitié de l'année.
vnis, suivait Rîcarvtllcavec cinq c^nls Itinccà cl nYUll qu'à
lieue de Rouen; miii^, un nioinent de rejoindre Bicanill*^
divi?rse*s bandes qui composaicnl la pelile artn^e du ti
se pr[reril de querelle sur le parlngo. du bylioi t lequel
Monslrolel, a uïdoit pas LUiCore gagne », cl ii4în na pul Ir-
uiîncrà passer outre : elles sa sépai^^reol, rDtu(ijrêni rcntirphie,
et abandonnèrent honïeusement Ricarvîllc cl $^ cain|uigiiûii
de fortune. Cette poig^néc de brave? se defeuiltl doute jQftn en-
tiers» dans le donjon eonti^tï toutes Ic^ troupes nuglaisesi. sêfoft-
dém h conire-eœur par les Rouen tiaiSp qui euj£<i?nl chnngc de
haimtère ù les Français se fussent présenli'rs en farees suRî r'-
Ricarvillc et les siens se rendirent à discrétion, au mon-
le dnnjan, battu en brètlie de toutes parts, alkil learcrooler «r
b tôte. Tous Ie& pri.*^onnîers et un cerïrûn nom?*re d»î b<rurgn«w
leur^ fauteursi, furent dreaptfés sur la place du Vrcux-Mardi^
encore fuamnie du sang de la Pucelle'.
Le bâtard d'Orléans fut plus lietueux à Cbûrtms, que U i
clial de Bou&sac à Rouen : il éiait en correspanflancti a^cc in
niairbands et un doruinîeain de Cbarlres; les ujoincs mendaH
bien fïtiis sympathiques que le haut ticrgé atL\ scntimefits pi»o-
laircs , étaient presque purlont activement mMés aux moiplûli^
[uitHotiques. Le dominicain, prédicateur en vogue, ûYail annonoc
que, le matin du 12 avril, veille de Pâques IleurieSt il prôehenil
ilanf^ une église située h Tune des extréniités de b ville ; la bo0^
geoisie s'y porta en foule; pendant ce temp^^ des cliarretlef am-
vertes, conduites par les deux marchands et tbjir]gée$, à ce qulh
disaient, de vin , de poisson et de sel , se prèsetitèreiii & Vêutn
bout de filiartrcs, à la porte qui conduit vers Blnîs; on leiir oufril
sans défiance. Aussitôt, les cbarreiiers tirèretît de* armn d(^
dessous leurs blouses; des soldats s'élancércnl horsde$eL
leï^ portiers furent niassacré^; la cavalerie fmûçâtftc, cniInDifpc^^
à peu tle disLiTîce, fut au cenlre tle la ville avant que ralamir fil
été donnée. I/év^que Jean de Festigui^ nourguignnn de uîsgmoe
et Anglais de cœur, excita les boiu^goois à U résb^lance et leiiiii
1. tf«iiifre1«l. l* ll« a» Ul. — Charnel, Hûuwn sont Uw AmflaU^f, ni u
[143?] PRISE DE CHARTRES. 315
à leur lùle: il fut tué au premier choc; le bailli de Charlrcs,
a Fi-ancois renié, » fui pris avec la plupart des gros bourgeois et
des gens d'église, et la ville fut conquise en peu d'inslants.
PIusieui*s de ceux qui avaient gouverné pour les Anglais eurent
Ja léte coupée ; on mit les autres à rançon, ce qui ne sauva pas
Chartres du pillage ni de toutes les violences accoutumées dans les
villes prises d'assaut*.
Les brigandages et les cruautés des compagnies françaises
étaient le principal obstacle à la délivrance de la France : les po-
pulations les plus hostiles aux Anglais hésitaient à appeler de
pareils libérateurs; c'était là le seul motif qui retint encore
Paris.
Bedford tenta, dans le courant de l'été, un effort pour repren-
dre le dessus dans l'Ile-de-France et la Brie : à la tête de six mille
combattants, il assaillit Lagni, principale place d'armes des Fran-
çais aux environs de Paris. Les capitaines qui avaient pris Char-
tres vinrent au secours de Lagni, passèrent sur le corps des
troupes anglaises qui essayèrent de leur barrer le passage, ravi-
laiilùrent Lagni de vive force, et, par une diversion du côté de
Paris, contraignirent le régent à lever le siège, en abandonnant
artillerie, munitions et bagages (10 août 1432). C'était la première
déliiilc que Bedford eût essuyée en personne. Le parti français à
Paris s'agita de nouveau, et l'abbesse de Saint-Antoine, dame su-
zeraine du faubourg de ce nom, complota d'aider les Français à
entrer dans Paris par la porte Saint-Antoine : elle fut arrêtée
et emprisonnée avec plusieurs de ses nonnes. Les revers des
Anglais ne faisaient qu'empirer la situation de Paris ; tous les
environs étaient impitoyablement ravagés par les garnisons fran-
çaises : la disette, la misère, la mauvaise nourriture, engen-
drèrent une épidémie qui frappa principalement les enfants et
les jeunes gens, mais qui ne resta pas circonscrite dans les classes
pauvres, où elle avait pris naissance ; Anne de Bourgogne, du-
chesse de Bedford , en mourut le 13 novembre. Ce fut un grand
malheur pour le parti anglais : elle était « bonne et l)elle >», dit le
Journal du Bourgeois de Paris : elle eût bien voulu sauver Jeanne
1. Mousirelof. — J, Cliariicr. — Bourgeois dv Paris,
S1« GUERHë:» DBS A!4GLAli» {msn
iKirr. Les Parisicm raitiuiient fort , et cite étail i*galeiatikl ootan-
(lé rue de mu (rh'ù et de son mari , cotre lf^[uels die »aptft*
t]^iiaii à niuintcnir la Lotmc inlelligeiicc : '^ tlûticcur aoiurtk^
le chûc d€ cos deux orgueils irascibles d ouihmpeux. Li
djesse Anne ne hissa point d\*urarils, ui loul lien 43e rd*riUe
le régent et le duc Philippe fut rompu.
Les conséquences de ceUc morl ne ï^e firent guiic ûlkudfY;k
duc de Budford se remaria, au bout de quelques mois ^v^
1433)» à une jeune i^ersonne de la nmison de Luxenthoiirg, tllk
du comlfi de Saint-Pol et nièce de révoque deTéroueiuie d<b
comte de Ligni (Jean de Luxemliourg). Ce fnl une gntiidefjittt^
car Talliauce des Luxembonig ne pouvait \\^ servir le rèteoi ••
gkis autant que le mèconteutcnienl du duc de Boiu^'ugnc puciiiàl
lui nuire. Le due Phîtippe, qui n*avait 6lé consulté ni par BcdMfl
ni par les Liixeuibnurg^ ses vassaux et ëls pareiibi, §e tiuifll
extrêmement otTensé de ce mariage, qui âemhbit Mnlr pour M
de soustraire la Fieardie à son iunuerice |>rc^{uc ^oiivemitic. U
cardinal de Wincbesler s*interpuKa et ménagea une etitrufuc oïlrt
les deux ducs, Quiind ou fut arrive de part et d antiic à SÂih
Ûnier, Bedford prélendil qu*il avait fait assez d^avances eai vefufli
de si loin dan^ une ville du duc de Br>ufgogne, et ■uïh'î Jf-
vait lui rendre visite eu :^vu bgis, plutôt que de I r : m liia
convenu ù Tavance. Philippe ne céda puinf^ et Uedfurtl qujUà U
ville sans favoir vu (mai 1A33), (tétait un v^Tilable ^^
imprudente roideur du régent n avança pas les affju,!* - ^j. - ...
gliiis, et les négociations de Philippe avec la cour de Fmncc dunîil
h rirritatiou du bourguignon une impulmui plus aelive*. Lo
I* Tj. bieiiTciUftEiefi ftnec Uq^dlc t1 avait iTUÏlé i^n ftebimuifr HkM d'Alht
vilJc que k # riïcutivrunct3 âù sa comlô i^ ; Philippe i]'t:%«.ij^i p^ d'ImfMMT
kjiiiijunl k ct>mi« Antotne k k Lorraine, rcMèe liik-lc k Jlfïi^ diLiii t-n --'»
tl léîikûïjgtiii henucoup du tHniitAi^Se nu vMiiic^u, i^iAl kc c<m><il4it «Jt «a c»i
lu (ïo^i^ti ùt Jet urtft, cl qui pcijastui âur icrre, pour l« r1»ii|i«lk «le» CW-^w
Dijcrn, le* pûrîfâJt» ik Jfan «an» Peur et ik PliîtlpftJ (ai-tnluiiî. fttotf
j*r«vUffcirefMrni îi»i KUarï^ t»n iloAnuut ï(*v 111* ca oiJU(**i tt <|iiAtfc f*An«rciiCl'J
diV*^t, (infhl 1132); il pr«mU du «e rmiK^Urr, su ukua du iii&i î^$^^ è U Jnyv^
tiuti du dtici Pbîlippu. Lu puix ue lui dit pa» k «c c^mduîv talrv llenf tl mb r»»*
p^.Uhiir, qui TtrifUi»;!! à louifl* jiriHcnii^rii sur 1*- tlutiK^ *iiî t«rr»inc * U t^ lisét
dir Rrui" fut lïiini.i-i' k uu ùh du comïe Auioiue,, «t rr wur- — * ^ J*: m- Jtiis t o*-
mtiun, rnudit k Lurruiiiv uiîi Vja.udciïiân •
C14,13] PHILIPPE ET BEDFORD BROUILLÉS. 317
resscnlimenls qui avaient dicté le traité de Troios élaient depuis
longtemps amortis dans le cœur du duc de Bourgogne; Piiilippi;
n'était plus retenu que par la répugnance à défaire son ouvrage,
et par ce respect pour des engagemeiits solennels, qui était encore
chez lui une des formes de l'orgueil. Les Anglais n'eurent point ù
se plaindre de sa loyauté : s'il avait conclu pour ses Étals une
trûve séparée , il ne traita pas de la paix à leur insu ni sans
eux ; les ambassadeurs anglais furent appelés h prendre part à
toutes les négociations; mais on put s'assurer, aux conférences
d*Auxerre (juillet 1 i32), puis à celles qui furent tenues au vil-
lage de Simport * , entre Corbeil el Melun (mars 1 133), que la paix,
devenue presque facile entre Charles YII et Philippe, par les
grandes concessions auxquelles se résignait le roi , était à peu
près impossible entre Charles VII et Henri VL
Le cardinal légat et le duc de Bourgogne n'abandonnèrent ce-
pendant pas l'espoir de la paix générale. La situation de la Bour-
gogne, de la Picardie et de l'Artois attestait l'urgence d'une trans-
action; la trêve n'avait pas mis un terme aux souffrances de
ces provinces, car les chefs de compagnies n'en tenaient aucun
compte ; les populations demandaient incessamment la paix à
grands cris : deux des principaux seigneurs hourguignons, Jean
de Chalon, prince d'Orange, el le sire de Chàteau-Vilain avaient
traité séparément avec le roi ; les compagnies françaises s'étaient
saisies d'un grand nombre de places fortes dans l'intérieur de la
Bourgogne ; elles essayèrent même de surprendre Dijon. Le duc
fut obligé d'accourir de Flandre, au commencement de l'été de
1 Î33, pour délivrer son duché et cjiasser les compagnies, soute-
nues par son beau-frère le comte de Clermont, qui devint duc de
Bourbon sur ces entrefaites, par la mort du vieux duc Jean de
Bourbon, « trépassé » en AngleteiTC après dix-huit ans de capti-
vité. Philippe reprit les forteresses envahies ^ ; mais ce succès ne
lui fit pas rompre les pourparlers : la seule difficulté, fort sérieuse,
il est vrai, était que le duc voulait une paix générale dont les An-
glais pussent accepter les conditions, el que les conseillers du roi
1. Aujourd'hui Siiueport.
2. Ce fut il lu fin de cette campagne que la duchesse de Bourgogne mit au
monde. *j. Dijon, le lo novembre 1^32^ Tenfaut qui fut Charles le Téméraire.
ne CUERliES DBmRHJffS- îtw-itc^
tîharlcê visaient, snm ravoui^rcxpros^Aîiipnl, a i!r ^|
dtml les AnghiH seraient excUtâ. PlMlippe, liii^ h lîâlr
Iaissf!r le parCi françaîs rceonsliluer k tïiDnarcliîe fwr IV>
des Anglais; Il falhif, poar ses indV^tH, cpie ceux-ci pi
pied en Frniice, afin de tenir la royauté on Miei\
La surprise de Provins et de Monlargî« par escalade ^wilks- '
octahre 1432) avait uti peu consolé ramotir-[iro{ire des Miidas^:
bien qu'ils dnsscTïl lu conquête de iMonùirçTts h la lrn!,i rtm
bcan-fn^re du gouverneur, plul^t qu'il leur vailliric. irf-
gueillircnt fort de se voir matlres de eeitc ritlci qui ivm ami h
forteuïent vémlé au temps de leur plusgrande [luîssari'
(âges furent coulre-balancés par la prise de Saiiu \
Somme, el par divers échecs des Anglais dans le Naines
d'Aicucoo. Le succès même nldpuu par les Anglais & M<
lourna contre eux, en amenant la chule de Tlndigne ra?oii
depuiis plusieurs années, était le principal oli^lade à (oui r*-^
s'entrcpreuiiit pour le salut de la France, Deux îiravrs r?j;
les sires de Gravîlle cl de Guîtrî, tentèrent de ^''"' .■
gis^ pénélrèrcnl dans 1^ ville, re foulèrent les
eMlcau : La Trémoille leur avait promis de Taiigeiil, des rw-
forts, de rartillerie; il n'envoja rien, et Gravjllc el Guitri fmwl
obligés d*éva€uer Moutargis. Cet incident porta nu con^^i*» '<
haine universelle contre La Trèmoille : les plus nolalile? ,
nages de lu cour tramèrent contre lui un complot, à ta tèiedt^
quel se plaça un d«s beaux*fi"ères du roi, te jinine Cliaries dMiH
jou, comte du Maine, dirigé par sa inère, la rrdne ibiaiiinêiT
de Sicile, Yolande d*Aragôn. Lescons[drateani > enlendtrFiit jw
le €oimétablt% toojom^ exilé de la cotjr, mais loiijûttri {él6 pmiff
la cause nationale : les oITres de rAngletrrre ramicnt ïiwii*
-ncorruptible» L'histoire n!a pas assez apprécié chct
cette inébranlable tidélilè à la France, si méritoîn- clieziin
violent, vindicatif et offensé, à qui les habtludcs (Vf>di'
fraient tant de pernicieux exemples, el qui pauvail jir<
considérer comme un prince étranger, Rtchemofil donod aiii
conjurés quelques bommes d*e.\éculjon , (pielquc!^!
Bretons les plus dévoués, qui arrivèrent^ une nuit dlnv i
ibcuaî aux poîles de Chinon : le propre nercii do La Trt^nioîUr,
433] LA TRÉMOILLE RENVERSÉ. 319
; sire de Bcuil, ùtail du complot, ainsi que le grand niaîlro
aucourt, gouverneur de Ghinon, révolté contre son ancien coni-
lice. Le lieutenant de Gaucourt ouvrit aux Bretons une poterne
u château, où étaient le roi et La Trénioille; le favori fut sur-
ris dans son lit; le Breton Rosnieven Taborda avec un coup
'épée dans le ventre, et Teùt tué sur la place, si de Beuil n'eût
trôté le bras levé sur son oncle. On fit jurer à La Trénioille
e ne jamais approcher de Li personne du roi; de Beuil se
liargca de sa garde, et Tcunnena prisonnier au château de
Lontrésor. La Trémoille n'avait dû la vie qu'à son embonpoint :
î coup lancé par Rosnieven s'était perdu dans la graisse. Le
linistrc déchu ne fut relâché que lorsqu'on fut bien assuré de
'avoir plus rien à craindre de lui; encore le neveu ne rendit-il
i liberté à son oncle qu'au prix d'une bonne rançon.
Le roi, qui s'était éveillé au bruit, parut d'abord très effrayé :
>rsque de Bcuil et les Bretons montèrent à sa chambre pour lui
emontrer « en toute humilité » que ce qu'ils avaient fait était
our le bien de son royaume, il ne répondit qu'en demandant si
> connétable était avec eux : on lui dit que non, et il connncnça
e se rassurer. « La reine l'apaisa», disent les chroniques, el le
iographe de Richement prétend que, « quand on l'eut informé
e la chose, il fut 1res content... On lui bailla nouveaux gouver-
eurs ; Charles d'Anjou, frère de la reine, se mit î\ demeurer conli-
luellement avec le roi en telle autorité ou plus grande que n'avoit
té le àïi de La Trimouille*. » Charles d'Anjou, très jeune homme,
e dirigea par les conseils de sa mère, la reine douairière de Si-
îlc, et par ceux du connétable, jusqu'à ce qu'on eût réussi à
aincre l'cintipathie, ou plutôt la peur que Richement inspirait
u roi, el que le connétable pût revenir partager la direction du
[ouvernement avec la maison d'Anjou el conduire la guerre. On
■omptait bien triompher des répugnances de Charles Ali avec
m peu de pei-sévérance. Le roi se prêta à la juslilication pu-
dique de la violence qu'on venait de lui faire : les conjurés se
irésentèrent fièrement à la nation comme des libérateui-s; ils
1. Guil. Gruel; Vie de liichcmont, — J. Charlicr. — Berri. — Monstrelet, I. H,
. 146, dit ccpcudant h qu'il déplut grandement au roi du désappointement du
eigneur de La Trimouil!e. » Ce qui est sûr, c'est qu'il ne fit rieu pour le rappeler.
^olno(|ll^^cnl les lîlîil^-Grn^nuix h Tours, H riircbei^quc àt
Reirnii, fîmncolierilo Fnnce, qui avîiil Tuit m [wîIx avec Ustifo-
fliieiirî*, donna le; toup de srrâcc à son eam|ilk*i! aballu, ta dl-
cliUMnt aux Trois Ordres que le roi ap|)roiiYail la prise de I
ïrénioille*
Cï'tail là une rôparallon bien incomplète, puisque Re
do Chartres, aussi crjiiiind que LaTn'inoille, resLiît au comci.
l>aus un inémoire d'npporat, lu aux Étals par le saccTejîsiîar 4r
Piet rc Caution sur le siège de Ifeaiivais, Jean Jouïeud ou Jinf-
nul dcsUrsins, rorateur, en rappelniil les iiiervcîUeax suce» «h
roî, ne dil pas un tnot de Tauleur de ces >yi!cès*- Cctii lûtatr
qui venaienl d'aballre La Tréaioille i/osèreiit laissser èt'liappcrdc
leurs lèvres un noiu qu'on ne pouvait prottoneer sans dèiwmrî
Charles VII à la France.
De celle époque, eependanl, date la résurrerlîon , mm «k b
France, ressu&ciiée par Jeanne Darc, mais du gotivernciiieiil Inn-
çnîs. Celte nonvelle humiliation de la pei'soune royale conuoeitcr
la reconsirurtion de la monnicliie, ne^^liounni^ suptriciinF sm>
bicnl sortir de dessous terre pour envahir le eoitseil el s'iinpoecr
au roi par le droit de la capacité' et non poi le tinsanl de bi ms-
sanee ou de la faveur* La basse inlri^ue et Icâ passiûm tgM^
gardent encore plaee dans celle cour où clh» avideiil lùùgkmfi
régné seules, mais n*y éclatent plus qiie par imenralle», ei là i*r^
pondérance leur est disputée avee succès par la niisoii il*É<il,
par les légitimes nmbî lions, \m' Factivilé r/^gléi», par les («h
danccs à la slabililé dun^ les personnes et dans les vues,
A qui le mérite d'un si gi'àiid cliangemenl î Â la France, sâH»
doute, qui s'est reïrenif*ée dans l'excès du malheur, ei qui fait
surgir au quinzième siècle les réorganisateurs de l'Kuil dciTtftî
bourgeoisie qui avait produit les initiateurs de la drîinucralJt m
quator/iènie , en fan tan l Jacoc^s Crtru après Ëtjonk
Mais, pourtant, rinitiativc appartient toujours h qiielqu^iiiu
1. Qtiidrtirai» A ftfrçttë nouveaux, etc., |». i'M. Jouiepel Qdrn»e ta sié
tu fui uiifj toiidmnte » eaiiipkinii! » %\n \ii% liorrlKlc« mi^èrci 4utUp«iim:|
eQdtLTe de la pnn ik* gens tW gutîtri'.* i\ P, CU^uuui*; îtutfnr^ (Urur ri Ckofiiê
U 1", p. UOt Cfl ndma Ji>un'titiU qui prduil un éirunui' *tktHt<T ^ur lfi4t»o
tu 14^3, Jlrig«a le ptociî* de réhahiUmUoti, connue 4rditvili|ue àê leiinv
frnt filui ttrd.
CI4W YOLANDE D'ARAGON. AGNÈS SOREL. 321
connétable de Richemont aura un rôle très considérable ; mais
ce n'est pas lui qui a donné l'impulsion, et sa rudesse briserait
les ressorts si des mains plus douces ne le tempéraient. Tout
porte à attribuer une très grande et très utile influence à la mère
de la reine, à la douairière Yolande d'Aragon * . Avec moins d'éclat
et d'autorité apparente, cette habile Espagnole semble avoir
presque renouvelé chez nous Blanche de Caslille. Si les inten-
tions n'étaient pas moins louables, on n'en saurait dire autant
des moyens. La douairière d'Anjou était peu scrupuleuse , et
Charles VII n'était pas un Saint Louis ! Elle n'avait pu le gouver-
ner par sa lîlle, par la reine, par la femme légitime ; elle ne pou-
vait l'empêcher d'avoir des maîtresses; elle lui en donna une de
sa propre main et le gouverna par cet étrange intermédiaire.
Tout le monde connaît la tradition, accréditée par François I•^
qui attribue à Agnès Sorel la délivrance du royaume. La cour
galante et sceptique du vaincu de Pavie aimait mieux faire hon-
neur du salut de la France à une maîtresse de roi qu'à une
sainte 2. La tradition a abouti à un pur roman sous la plume de
Brantôme. Il y a pourtant quelque chose de vrai sous ces exagé-
rations. Charles VII, qui avait été trop dénué d'élévation dans
1. Inflaence parfaitement reconnue par M. Michelel; Hist, de France, t. V,
pasiim.
t Qcr.tille Afnèt. pla« d'honneur ta mérite.
L« enu»» eiitnt do France recouvrer.
Que t<mi te qne en elolire p<»Ht ««urrer
Cloie nonniii ni en désert ermitt* .
Ce faroeax quatrain de François !•' fut écrit au bas d'un portrait d'Agnèt
appartenant èi madame de Bois), bru d'un chambellan de Charles VH. i». Vallès
de Viriville, yotice sur Agnès Sorel; 1855. La tradition a prétendu faire figurer
Agnès Tis-à-Tis de Jeanne Darc dans la grande année 1429, et a supposé que ce
fut Agnès qui empêcha le roi de se réfugier en Dauphiné et qui rengagea a tenter
de nouveau la fortune. La liaison de Charles VII avec Agnès ne paraît pas anté-
rieure Il 1433. Agnès, née h Fromenleau, en Touraine, et fille du sire de Cou-
dun près Compiègne. était attachée, presque depuis Tenfance, h la maison d'Isa-
belle de Lorraine , femme du duc René , et ne parut sans doute ^ la cour de
Charles VII qu'avec sa maîtresse, lorsque celle-ci vint prier le roi de négocier
en faveur de son mari captif, après la bataille de Bulligneville. Brantôme a ra-
conté qu'Agnè», voyant Charles s'abandonner en quelque sorte lui-même, le me-
aaça de le quitter pour aller trouver le roi d'Angleterre, parce qu'un astrologue
loi avait prédit qu'elle serait aimée d'un des plus vaillants rois de la chrétienté,
etqn'tîllc voyait bien que ce roi si courageux n'était pas lui, mais le roi ang'ais.
Cette anecdote est une pure fable.
VI. 2»
322 GUERRES DES ANGLAIS. [ikll]
ràmc et de sentiment moral pour accepter la domination de lu
sainteté et du génie , fut pris par les sens (nous craignons de
])rofaner le nom d'amour), relenu par riiabilude, et se laissa mo-
difier par l'action persévérante d'une femme belle, spîrilucllt,
douce et adroite. La vieille Yolande avait choisi le mieux po-
sible. Agnes Sorel poussa le roi à surmonter sa paresse, et con-
tribua à lui faire vaincre, du moins, celui de ses vices qui n êtail
l)as incurable. Cliarles finit par s'intéresser à ses affaires et par
appliquer ce qu'il avait de bon sens et d'esprit pratique à écouter
les conseils utiles et à accei)ter, à maintenir, sinon à choisir de
bons instruments de gouvernement. Il avait du discernement, d
c'est ce qui ôte toute excuse à sa conduite passée! On verra trop,
dans l'avenir, que son cœur n'était pas changé !
Pour Agnes, elle était d'humeur bienveillante : elle aimait les
gens de mérite; ses lettres^ attestent qu'elle compatissait au\
souflranccs du pauvre peuple. « Elle lit beaucoui) de bien an
royaume de France », dit un chroniqueur bourguignon, dont le
lémoignage ne semhle pas suspect^. « Elle avançoit de\ei-s le
roi », poursuit cet écrivain, «jeunes gens d'armes et gentils com-
pagnons, et dont le roi s'est depuis bien servi » ; ce qu'un autre
historien du temps interprète d'une façon peu favorable à la ti-
délité d'Agnès 3. Quoi qu'il en soit, pendant une dizaine d'aniuV?,
bien qu'Agnès eût donné trois filles au roi, sii position auprès de
Charles VII demeura dans un demi-jour discret. Plus tard,ai»iC-s
la mort de la douairière Yolande (1442), qui avait maintenu, avec
un mélange d'autorité et d'adresse, l'équilibre de cette situali«n
singulière, Agnès ne sut plus se contenir dans la réserve qu'elle
avait si longtemps gardée : elle n'eut plus les mêmes égards pour
la reine ; elle afficha sa faveur avec un éclat scandaleux et un
faste excessif, précisément alors qu'elle commençait à avoir lieu
de craindre que sa [iUissance fût moins assurée et que des rivales
lui disputassent son royal amant.
1. V, V.illot de Viriville, Sulia: .sur Ayuês Sorel,
2. 01i\icr de I.a >liiic)ie; up. Cuil. Michuud. 1" série, t. III, p. 406.
3. «' Il uo ru\Mil pas Seule, ni vile tiii seul ; mais il lenoil avec cUe awi'z a-is-
bieux troupeau de da.lloi^olU■s, ad«»iinées a toii'.c espèce de Vanités. ■ ;Ccci u:*
144 i.) Thomas Il.i^in, ///*/. Curoli Ml, 1. v, c, 22.
[Ii33] LE CONSEIL DE FRANCE. 323
En somme, Agnùs a rendu des services à la France. Mais quelle
rhute que d'arriver par de tels ressorts à un bien si mélangé et si
împarrait, en quittant la vierge de Domremi et ses prodiges! La
France était retombée des cieux dans les bas-fonds de la terre!
Il ne faut pas être injuste cependant : cette phase de notre
histoire, comme nous l'avons déjà indiqué, fut signalée par des
qualités fortes. On vit renaître CluxTlcs-lc-Sage, Charles V, sinon
dans Charles VII, du moins dans le conseil de Charles-/e-J?/>n-
servi, et, avec Charles V, son adversaire Etienne Marcel, com-
binés tous deux dans ce groupe d'hommes qui fut vraiment le
CONSEIL DE France. Un comité, pour parler le langage moderne,
un comité bourgeois, en majorité, refit, contre l'étranger, et, cette
fois, avec un succès définitif, ce qu'un roi avait fait seul une pre-
mière fois. La tradiUon de Charles V fut reprise également à l'in-
térieur, améliorée sous certains rapports; mais, ici^ la question
est trop complexe pour se juger en quelques mots, et il faudra
voir se dérouler les événements.
L'importance des bourgeois est le caiactère de ce gouverne-
ment. Panni leshuit ou dix personnages qui eurent, depuis 1 î33,
la part la plus active et la plus constante aux grandes affaires du
règne, sans parler de la maison d'Anjou, qui, à vrai dire, n'a-
vait qu'une seule tète, la reine Yohmde, nous voyons un prince
de maison souveraine, Richemont, et un gentilhomme de petite
fortune, le brave et avisé Pierre de Brezé ; presque tous les au-
tres, Jacques Cœur, les frères Bureau, Cousinot, Glievalicr, les
frères JouveneP, sont des bourgeois, et non plus seulement,
comme autrefois, des hommes de robe longue, des légistes ap-
pelés parla monarchie contre les barons; mais, parmi les légistes,
cl plus illustre qu'eux tous devant la postérité, siège un homme
de négoce, un marchand.
Le mérite passif qu'on est obligé de reconnaître à Charles VII,
c'est d'avoir accepté ce mouvement^ qui sortait du fond même de
1. Guillaume Jouvcucl, maître des requêtes, puis chancelier après Regnauld
de Chartres, était frère de Jean Jouvcucl ou Juvénal des Ursins, évéquc de Bcau-
vais, puis archevêque de Reims. Nous reviendrons sur ces divers personnages II
mesure des évéuemcnts.
2. Accepté, pas complètement, nous le verrons trop pour Jacques Cœur.
324 GUERRES DES ANGLAIS. [ikM]
la France. Xi sires des fleurs de lis, ni grands barons! Ce qu'il fal-
lait surtout alors, pour tirer la France du chaos où l'avait abîimv
la guon*c étrangère et civile, c'était l'esprit d'ordre et d'organiw-
lioii. On ne pouvait trouver ces facultés que dans la classe ordon-
née et prévoyante. Le prince qui a empoché l'inspiration de déli-
vrer la France se résignera, du moins, à l'autorité du bon sen>
laborieux et de l'énergie persévérante, sans oublier son penclmnl
mvéléré h se venger de qui le sert trop bien.
La réconciliation du connétable avec le roi avait traîné encore
un an après la chute de La Trémoille : Charles VII consentit enfin
à revoir Richemont, au commencement de 1434, et le connétable
suivit le roi à Vienne. Les Étals-Généraux avaient été convoqués
hors de l'ancienne France royale, dans ce Dauphiné qui porlîdl
encoie par tradition le nom de terre d'Empire. Pour la première
luis, les députés du Languedoïl, du Languedoc et du Dauphiné se
trouvèrent réunis dans une même assemblée, sans confondre
toutefois leurs délibérations et leurs votes. Le concile de Bàle
envoya les cardinaux de Chypre et d'Arles à Vienne c devers le roi,
pour le bien de la paix», et ils eurent « bonne et douce ré-
ponse ' ». Les Étals-Généraux votèrent de faibles subsides : l'éput-
scmcnt général ne permettait pas un grand effort. Le connétable
put entrer en campagne avec un petit corps d'armée. Paris re-
muait toujours : deux nouvelles conspirations avaient été décou-
vertes et punies par des exécutions sanglantes, au mois de se|>-
lembrc 1433; la haine du peuple contre ses maîtres s'en aigrit.
Trois évéques anglo-français gouvernaient la capitale pour le
régent; c'élaicnl le chancelier Louis de Luxembourg, évéque de
Térouenne, l'évéque de Paris et Pierre Cauchon : l'évèque de Té-
rouennc était surtout en butte à l'animadvereion des Parisiens,
qui lui imputaient d'avoir empêché la conclusion d'une trêve aux
conférences de Simport. Le péril où étaient les affaires do
Henri VI détermina le conseil d'Angleterre à quelques efforts:
lliMllord reçut des secours, et ses lieutenants purent reprendre
rolTensive avec l'assistance des Luxem!)Ourg. Ils enlevèrent quel-
ques forteresses sur TOise, et resserrèrent de près Beauvais et
1. Ilist, dit Lawjucdoc, I.XXX1V. — Bcrri, roi d'armes.
[t434] RÉVOLTE MORMAISDE. 325
Laon. Sur ces enli-cfaites le connétable parui au nord de la Seine.
Les places françaises du nord furent dégagées, el les Anglais el
leurs alliés reculèrent devant Richemont, sans qu'il y eût entre
eux de rencontre décisive.
Les nouvelles de la Normandie empêchèrent les Anglais de rien
hasarder dans TIle-de-France, et les obligèrent à se replier vers
l'ouest : une grande insurrection venait d'éclater parmi les po-
pulations normandes, qu'on avait armées pour résister aux Fran-
çais, et qui tournèrent leurs armes contre ceux qui les leui
avaient mises aux mains. Les violences des troupes anglaises
poussaient les paysans au désespoir : l'esprit de désordre qui
agitait l'Angleterre se répandait dans ses armées; il ne restait
plus rien de la sévère discipline du temps de Henri V, et l'au-
torité du régent, qui n'avait plus l'ascendant de la victoire, él<iil
foulée aux pieds par les soldats; les troupes nouvellement dé-
barquées traitaient les campagnes de Normandie en pays en-
nemi. Bedford autorisa officiellement les paysans à repousser
les pillards par la force : deux mille villageois du pays de Caux
se réunirent, coururent sus aux déprédateurs, et en prirent cl
tuèrent un certain nombre. Les capitaines des compagnies an-
glaises entrèrent en pourparlers avec les paysans, el l'on conclut
une sorte de traité ; mais, comme les paysans se retiraient sans
défiance, les Anglais tombèrent sur eux à l'improviste, et en tail-
lèrent en pièces mille ou douze cents (2 août 1434). Les parents el
les amis des gens égorgés portèrent de grandes plaintes à Rouen,
devant Bedford, qui promit justice, mais ne put la faire; il avait
trop besoin de ses gens d'armes : il venait d'apprendre que tout le
pays était soulevé autour de Caen, de Bayeux et d'Avranches; les
paysans de la Basse-Normandie s'armaient en masse contre le
gouvernement anglais, et l'on disait qu'ils étaient déjà soixante
mille. Leur principal chef était un homme du peuple, nommé
Quatrepieds ou Quantepié, mais beaucoup de gentilshommes se
joignaient à eux. Quantepié marcha sur Caen à la tête de cette
multitude. Le comte d'Arundel et lord Willoughby étaient ac-
courus avec toutes les forces dont le régent avait pu disposer : un
gros corps d'Anglais, embusqué dans le faubourg de Vaucelles,
chargea en flanc les révoltés. Quantepié fut tué des premiers, cl
82G GUERRES DES ANGLAIS. [m'«-i.:;:
la foule inagucrric qui le suivait fut rompue cl mise en diTOul»*
avec un j^nantl carnage. Les paysans se dispersèrent, sauf cinq ou
six mille des plus résolus qui se retirèrent vers Avranches, où k-
duc d'Alençon les joignit avec (juelques centaines d'Iiomnies
d'annes et d'arcliers. Plusieurs niilliers de paysans se rallièrenî
de nouveau sous les bainiièrcs de France; néanmoins le ducm-
se crut pas en élat de tenir les champs contre les généraux an-
glais, et il retourna dans le Maine, emmenant ceux des pa\san<>
qui voulurent le suivre. La plupart de ces pauvres gens rega-
gnaient bientôt leurs foyei-s, au risque d'y retrouver les ven-
geances des Anglais. Bedford craignit de les réduire au déscî^poir.
et accorda aux rebelles une « abolition » dont tous leurs chef^
et tt conducteiu's » furent exceptés. Les événements de Nui-
niandie, en li3i, attestent avec quelle facilité cette province eùî
pu ètn* affranchie dans la grande année 1 i29.
Après avoir étouffé Tinsurrection de la Basse-Normandie, grâce
à la préc'ii)italion imprudente des insurgés et au peu de diligence
des généraux français à les secourir, Bedford alla passer à Pari>
une partie de Tliiver de 1434 à l'i35. Il se lit faire une réception
solennelle: on envoya au-devant de lui, hors les murs, les pn»-
cessions des ordres mendiants et des paroisses, avec croix et en-
censoirs, « comme on feroit à Dieu », dit le Journal du Bourgeui?
de Paris; les Parisiens, di.^posés à tout prendre en mal de la pari
des Anglais, ne virent, dans ce pompeux appareil, qu'un scandale
et (|u'un orgueil impie, Bedford quitta leur ville le lOfévrier I43">,
pour ne plus la revoir*.
La guerre languiss<iit : les négociations du connétable et di:
conseil de France avec le <luc Philippe, et les démarches du con-
cile et du i)ape en faveur de la paix, attiraient bien davantugr
ratlention générale (jue les escarmouches des chefs de com-
pagnies.
Les pou\oirs ecclésia>li(|ues, qui s'efforçaient de remellre li
paix enlre les pui>sancrs temporelles, irétaient pas mieux d'ac-
cord (pi'i'iles, et c't'st li; lifu de dii'c quelques mots de leur»
1. M' usirclct, 1. II, 0. io;.-i'/.». — ,1. Cliaiticr. — Dounjeois de Paris, — Btr.i,
roi J'ariiics,
CU30] AFFAIRES DE L'ÉGLISE. 327
gi-ands démêlés. Le concile de Constance, comme on Ta vu plus
haut, avait décrété la périodicité des conciles généraux : le pre-
mier devait se tenir cinq ans après la clôture de rassemblée de
Constance, le second, sept ans après le premier, puis les autres,
de dix en dix ans. Un concile fut en effet convoqué à Pavie en
1423; mais les intrigues romaines et les troubles de Tltidie l'em-
pêchèrent de porter aucun fruit : transféré à Sienne, il se sépara
en s'ajournant à Bûle pour Tannée lîSO^. La cour de Rome ne
prêta la main que de fort mauvaise grâce àTexécution des dé-
crets du concile de Constance. Toute Tannée 1430 s'écoula sans
qu'on entendît parler d'aucunes lettres du pape au sujet de l'as-
semblée de Bàle, et pouitant les matières â traiter avaient une
immense importance : c'était la situation de la France déchirée
1. Le concile de Sienuc, h défaut d'actes, produisit au moins des discours
dignes de inéinoirc : on a conservé deux sermons prononcés dans son sein sur la
dissolution du clergé, qui égalent en véhémence les plus terribles invectives des
rtformaituis hérétiques. — On voit aujourd'hui, s'écrie l'un de ces prédicateurs,
on voit des prêtres usuriers, cabarcticrs, marchands, gouverneurs de chftteaux,
notaires, économes, courtiers de débauche ; le seul métier qu'ils n'aient point
encore commencé d'exercer, est celui de bourreau!... Les évéqucs l'emportent en
fait de volupté sur Épicurc : c'est entre les pots qu'ils discutent de l'autorité du
pape et du concile! — Puis il raconte qu'un jour sainte Brigitte était en extase
dans l'église Saint-Pierre de Rome ; elle voit tout a coup l'église pleine de co-
chons mitres : elle demande a Dieu ce que signifie cette vision : — Ce sont, ré-
pond le Seigneur, les évcques et les abbés d'aujourd'hui I »
Ce violent prêcheur u'est rien moins toutefois qu'un novateur : il s'en prend k
la philosophie profane comme & la source des hérésies, et impute la révolte de la
Bohème a Platon et k Aristote. o De cette source (ia philosophie), dit-jl, décou-
lent plusieurs hérésies secrètes, surtout en Italie : les Desiiniem, les Faialittcs
(Destiuil Fatalal quelle langue!) qui attribuent tout k la nécessité, les GéiiéC''
loguc% qui donnent le gouvernement du monde aux astres, etc. v, Jacques L'En-
fant, llist, (le la guerre des llussites et du concile de Bàle,
Le prédicateur disait vrai quant k l'Italie : pendant que la Bohême et l'Alle-
magne s'entr'égorgeaicnt pour des dissidences sur les dogmes et les rites du
cliristianisme, les hautes classes de la société italienne étaient minées par le
scepticisme, le fatalisme el le matérialisme épicurien : la terre des papes était la
terre la moins chrétieine de l'Europe, et le mouvement toujours croissant de la
Keuaissunce ressuscitait en Italie, non pas seulement lu littérature et les arts, mais
les idées des derniers siècles du monde antique. Les plus grands incrédules
étaient dans le clergé; mais ceux-'.k n'étaient pus les moins zélés contre les héré-
tiques de Bohême : ils n'avaient garde de se faire lc3 martyrs de leur incrédulité;
il$ considéraient l'éiilisc el sa hiérarchie comme une institution politique érigéd
au profit des hommes d'intelligence et nécessaire a la société, et les dissidents
étaient a leurs yeux des fanatiques et des factieux bien plus que des héré!ique«.
Les grands esprits dout abondait alors l'Italie avaient plus d'intelligence que de
328 GUERRES DES ANGLAIS. [tisi-ias)
entre deux rois ennemis; la guerre des Hussites, qui p^onl^
naienl la ternuir de leurs annes victorieuses dans toute TAUe-
niagne * : les offres de l'empereur d'Orient Jean Paléologue, qui,
proscjue réduit par les Turks aux murailles de Constantinoplo,
appelait la réunion des deux églises grecque et latine, dans l'es-
poir d'intéresser l'Occident à sa défense; enfin, la #érornie des
mœurs et de la discipline.
Le concile commença de se rassembler spontanément dans k
cornant de lî31 : les dépulés du clergé français du parti de
Charles VII arrivèrent les premiers ; puis les Allemands. Le pape
Kugône IV essaya de transférer le concile à Cologne; les prt*bts
(|ui se sentaient bien plus libres à Bâle, refusèrent de jxisser les
Alpes ; le saint-pére passa de la ruse à la violence, et déclara le
concile' dissous. L'assemblée de Bàle, qui avait commencé [ku
confirmer les décrets des pères de Conslance touchant la su|m!'-
liorilé du concile sur le pape, riposta en sommant le saint-|HTc
de se rendre en personne à Bàle sous bref délai, faute de quoi il
seniit passible de déposition. La lutte de l'épîscopat et de la pa-
l)auléso renouvela ainsi i)lus ouvertement qu'à Constance même.
Les évéques du parti de Charles VII approuvèrent ceux de leurs
collègues qui s'étaient rendus à Bàle, et, dans une assemlilêe
réunie à Bourges, ils prièrent le roi d'envoyer des ambassadeurs
au concile et de s'inlcrposer afin d'amener le pape à fléchir. Le
loi Charles et l'empereur Sigismond se déclarèrent en effet pour
le concile : en France, la royauté, l'arislocratie ecclésiasiîque et
Tarii^tocralie féodale se trouvèrent d'accord pour le renouvelle-
ment des décrets de Conslance sur les élections aux pivlatnies
ri les collations de hénélices. Le conseil de (Charles VII jugea que
luoralilî'. Il est permis do douter, par evcmple, de la sincérité de rindijrQatiod
]iieusc d*.fin^'us Syhius Piccnloiiiiiii {di'puis pape sous le nom de Pie II' iOL'.Tt
h's impies BoliC'inieus. quund on voit a\ec quelle fucililé son inléréi pcrsoanil .'<
fil changer de parti dauii la qnorcllc du pape et du concile de BAle ; U plapji:
lies favants italien^, lo<i Poppc, les Pnnfanur., les Valla, furent éçulenicnl eD^*3g<'«
dans cotte quorello. sans liiMuniup plu« di- conviction rcligicuiic : ainsi le fittieui
Laurent Valla fut umr a tour Tuihi et Prnnenii de la cour de Rome, qu lique ii
posirri'.é no cnunaisro ]>lus en lui <iue K- oritique redoutable qui dimonira i'in.-
posiure des fausses di'cn-talis rt de la prétendue donation de Rome aux papis ]*:
Constaniin.
1. f. Kci.AIRClSSEME>rS, n" 2, les Hl'SHITES.
[i43S-14S4] CONCILE DE BALE. 929
rintérôt de la couronne éLiil de s'unir aux évoques, aux chapitres
et aux patrons nobles contre l'invasion romaine' .
Les ambassadeurs du duc de Bourgogne allèrent à Bâle comme
ceux du roi, mais pour contester .contre les décrets qui mena-
çaient le pape. Une querelle très vive eut lieu, dans le sein du
concile, enlt*e les Français et les Bourguignons, à propos d'une
lettre dans laquelle Henri VI s'adressait à l'assemblée en qualité
de € roi de France et d'Anglelerre » (17 août 1433). Les Bourgui-
gnons appuyant les prétentions des Anglais, les Français les qua-
lifièrent de traîtres. Cette scène n'était pas de nature à avancer
la paix; cependant le conseil de France et les autres gouverne-
ments favorables au concile expédièrent des instructions modé-
rées à leurs ambassadeurs, et l'on oblint que le concile accorde-
rait un délai au pape, qui, de son côté, finit par reconnaître la
légalité de l'assemblée de Bâle : le duc de Bourgogne protesta
de ses bonnes intentions pour la paix générale. Le concile rega-
gna le duc de Bourgogne en donnant le pas à ses ambassadeurs
sur les envoyés des électeurs du Saint-Empire et de tous les
princes qui ne portaient point la couronne royale. Ce fut un grand
sujet de mécontentement pour l'empereur, qui avait déjà vu avec
beaucoup de déplaisir les usurpations du duc Philippe dans les
Pays-Bas; Sigismond s'allia au roi de France, et alla jusqu'à dé-
lier le duc de Bourgogne; mais les embarras que les Hussites
causaient à Sigismond en Allemagne ne lui permirent pas d'in-
tervenir autrement qu'en paroles dans la guerre de France.^^
Les négociations n'avaient point empêché jusqu'alors les hos-
tilités de recommencer chaque printemps sur les marches de
la Bourgogne et des seigneuries bourbonnaises. Le nouveau duc
de Bourbon (Charles, auparavant comte de Glermont) était rentré
en Bourgogne dans les premiers mois de 1434, avec l'assistance
du sire de Château- Vilain, grand seigneur bourguignon qui était
passé aux Français : le duc Philippe revint de Flandre et reprit
l'offensive; les forteresses de Château- Vilain furent conquises ; le
1. M. Micheîet (l. V, p. 200) en explique irès bien les motifs. Celait un moyen
indirect de payer les services des barons que de leur rendre la collation des bé-
néfices provenant des dons de Icuis aicux, avec une influence sur les élections
aux préîaiures tempérée par celle de la couronne.
330 GUERRES DES ANGLAIS. lliU-USij
pa\s Je Donibos et le Beaujolais, domaines du duc de Bourku.
furent envahis à leur tour. Mais ce furent là les dernières étin-
celles de la guerre civile : les instances du pape el du concîk.
(|ui affectaient de rivaliser de zèle pour la pacification de la chni-
tlenlé, el renlremise du duc de Savoie et de la duchesse de Bour-
bon, sœur du duc de Bourgogne, tirent enfin tomber lesarmo
des mains des deux partis. Le duc Philippe donna plein pouvoir
aux ambassadeurs qu'il avait au concile, de conclure la paii gé-
nérale, ce qu'avait fait, au reste, le gouvernement anglais lui-
même ; puis une conférence eut lieu à Nevcrs, en janvier I i33.
entre les ducs de Bourgogne et de Bourbon, le connétable ei le
chancelier de France. Les deux ducs s'y raccommodèrent plei-
nement, et s'y montrèrent « aussi grande amour » que s'ils n'eus-
sent pas tant de fois désolé réciproquement leurs domaines par
le fer et le feu : tout récemment encore, on pendait de part et
d'autre les prisonniers rendus à discrétion. « Pardieu! » s'écrit
un des chevaliers bourguignons, en voyant les caresses que se
faisaient les deux beaux-frères, « entre nous autres, nous sommes
bien mal conseillés de nous aventurer et mettre en péril de cqv\»
el d'àine pour les singulières volontés des princes et des grands:
((uaud il leur plait, ils se réconcilient, et, nous autres, nous de-
meurons pauvres et déiruits (Monstrelet, 1. 11, c. 167) >. Sage
réllexioii, qui, de longtemps encore, ne corrigea personne, et
n'(Mni)é(ha pas les peuples de servir d'aveugles instruments au\
passions et aux intérêts personnels des princes!
t^etle fois, du moins, la réconciliation fut sincère et produisit
de gi ands résultats. Ai)rès dix jours de négociations, il fut araMé:
1" (pie de nouvelles conférences seraient ouvertes & Arras, le
1" juillet, pour traiter de la paix générale avec les Anglais; 3* que
le roi Charles y adresserait au roi Henri des offres « convena-
bles ", et (|ue, si le roi Henri ne les acceptait pas, le duc Phi-
lip|M' fei'ait tout ce qu'il pourrait et devrait, sauf son honneur,
|)OMr rendre la paix au royîuuJie; 3" que, dans le cas où le dui\
bon honneur sauf, (piitterait le parti du roi Henri, le roi Cliark?
lui céderait les comtés de Ponthieu et de Montreuîl-sur-Mcr.
Amiens, Doullens, et li)ules les villes, terres et seigneuries de I.i
moNCimc el basse Somme, avec tous leurs revenus, réscné le
POURPARLERS AVEC PHILIPPE. 331
le souveraineté, laquelle cession serait rachetable au prix.
,000 écusd'or; 4° que le duc Philippe engagerait le roi
à envoyer des plénipotentiaires à Arras, et que le pape,
cile et tous les souverains chrétiens seraient invités à su
cprésentcr au congrès*.
îppe quitla bientôt la Bourgogne pour aller faire en Ar-
i préparatifs de cette grande assemblée : il n*évita plus de
par Paris ; il avait enfin des paroles de consolation à por-
ctte malheureuse ville; il y entra en « noble compagnie »,
avril, menant avec lui sa femme et son jeune héritier,
s, comte de Gharolais, sans compter trois de ses bâtards,
IX Jouvenceaux > qui « chevauchoient très bien > à ses
quoique le plus âgé n'eût guère plus de dix ans. Il fit ses
5 à Paris, et y tint cour plénière à tous venants. L'univer-
'osant refuser d'être l'organe des sentiments publics, ha-
i le duc c sur le fait de la paix», et les damoiselles et
îoises de Paris allèrent prier « très piteusement » madame
irgogne « qu'elle eût la paix du royaume pour recomman-
€ Mes bonnes amies, répondit doucement la duchesse,
ne des choses de ce monde dont j'ai le plus grand désii*
it je prie plus monseigneur mon mari jour et nuit; el,
ertain, je sais bien qu'il a très grande volonté d'y exposer
3t chevauce ». La duchesse et son époux emportèrent avec
s bénédictions et les vœux des Parisiens {Bourgeois de
s et ses environs devaient avoir bien à souffrir encore. La
î d'une paix prochaine redoublait la fureur et la rapacité
iipagnies françaises et anglaises : elles semblaient se hâter
orer les restes de ces tristes contrées. L'avantage était aux
lis, et l'impulsion du connétable se faisait sentir dans la
on de la guerre. Au mois de mai, le comte d'Arundel, qui
lélruit les insurgés normands, fut à son tour vaincu et
à mort dans un combat contre La Hire et Saintrailles, à
•oi en Beauvaisis. « Ce fut grandement le profit du roi et
aume », dit le roi d'armes Berri, a car il étoit vaillant chc-
Plancher, Preuves à l'hist, de Bourgogne, i, IV, u. 117, p. 144,
332 GUERRES DES ANGLAIS. (lU^]
valier, et, s'il cill plus vécu, il eût pu faire plus grand dommage
encore à la seigneurie de France ». Le conseil d'Anglelerre, iwr
une bravade assez ridicule, venait de Tinvestir du duché deTuu-
laine, où les Anglais ne possédaient pas une seule place. La vic-
toire de Gerberoi fut très glorieuse à La Ilire et à Sainlraillc*.
qui l'avaient gagnée à nombre fort inférieur. Trois scmaiuw
a])rës, Saint-Denis ayant été surpris par Gaucourt, les capitaines
français de la province firent de celte ville leur quartier général:
un de ces chefs, appelé Flociuet, portait rcfligie du duc de Bed-
ford pendue au bout de sa lance. Dedford, voyant Paris sérieuse-
ment menacé, y envoya en toute hûte trois mille Anglais et ci»«|
cents Picards, et la banlieue fut de nouveau horriblement dé-
vastée par les deux partis, qui se livrèrent de sanglants coinlial?
sous les nmrs de Saint-Denis.
Presque partout, néanmoins, on s'abandonnait à Tcspérance
de voir bientôt la fin de tant de maux : les ambassadeurs s'apprê-
taient au voyage d'Arras; les députés du Languedoc se rassem-
blaient à Béziers, où ils accordèrent un subside au roî (mai 1435 .
Les États du Languedoïl étaient convoqués à Tours; mais on le*
remit au retour des anibassadeui*s. L'ouverture du congrès eut
lieu après quelques semaines de retard; on n'avait ]>as vu depuis
bien longtemps en Europe une réunion aussi inipo.Ninte;cefut
une véritable assemblée générale de la chrétienté ; l'Europe entière
avait compris combien elle était intéressée à la solution des des-
tinées de la France.
Le cardinal de Chypre, ambassadeur du concile, entra le pre-
mier dans Ari-as le 8 juillet, avec une suite de cent cinquaalt
chevaux; le cardinal de Sainte-Croix, de l'ordre des chartreuï,
légat du pape, arriva le 13. Après eux, vinrent successivement les
envoyés de l'empereur, des rois <le Castille, d'Aragon, de Xa\Tirre,
de Portugal, de Sicile (c'est-à-dire de Naples) *, de Trinacrie de
1. C'rtaii alors llrné d'Anj'Ui, ilOjii duc de Lorraine cl de Bar: son frers
Louis III, mon sans enfants le ?/t oclitbrc l'«34, venait de lui laisser l'Anjou, le
Maine, lu Provence ei Kis prêtt.niioiis de leur brauelie au trùue de Xaplef; i'^a-
cienne Lruui'he royale d'Anjou, dite de l)n:'u7.7o, >V'teiguit, le 2 fifvricr l43j, d^tii
la personne de lu \ieille reine de Nuidcs, Jeanne H ou Jeannclle, qui avait trcr «
tour |i)»nii< son hériiago au\ pnnces un^evins et au roi Alphonse d'Afdgou. d*îi
liiaitre de la Sieile, ou il uvait couiunnc >ou Làiard Frédéric; la posiêriii it
C143&] CONGRÈS D'ARRAS. 331
Sicile], de Pologne, de Chypre ' , de Danemark, des ducs de Milan,
de Bretagne et d*Alencon, de l'université et de la ville de Paris,
de beaucoup d'autres bonnes villes et pays de France, Bourgogne
et Pays-Bas. Le 25 juillet, on vit paraître Tauibassade d'Angle-
terre, à la tôte de laquelle ctaienl rarchcveque d'York et le comte
de Suffolk, suivis de trois cents chevaux. Comme pour braver les
Français, le conseil d'Angleterre avait adjoint à ses délégués le
meurtrier de Jeanne Darc, Piene Cauchon.
Le duc Philippe entra à son tour dans Arrasle 28 juillet, avec
une escorte d'une magnificence inouïe : le roi de Sicile, duc de
Lorraine, le duc de Gueldre, l'évoque de Liège, les comtes de
Nevers et d'Étampes^, le comte de Vaudemont, les comtes de
Ligni et de Saint-Pol ', une multitude de prélats, de seigneurs
et de chevaliers l'accompagnaient; ce cortège était d'au moins
deux mille chevaux. Le faste accoutumé de la maison de Bour-
gogne s'était surpassé dans cette occasion solennelle. L'ambassade
de France se présenta la dernière, sous la conduite du duc de
Bourbon, du connétable, du comte de Vendôme, du chancelier
Regnauld de Chartres et du maréchal de La Fayette, que suivaient
un millier de cavaliers. L'autorilé morale, dans ce groupe, était
évidemment au connétable. Les Français reçurent un accueil qui
déplut fort aux envoyés de Henri VI; le duc et la duchesse de
Bourgogne et les grands de tous pays qui se trouvaient à Arras al-
lèrent en grande pompe à la rencontre desdépulésde Charles VII,
jusqu'à un mille de la cité : tous les hérauts cédèrent le pas à
Montjoie, roi d'armes de France *.
Le 3 août, le congrès étant assemblé en l'église de Saint-Waast
Charles d'Anjon et la dynastie sicilienne, issue de son rival Pierre d'Aragon, avaient
ini presque en même temps. Isabelle de Lorraine, femme de René, puis René
loi-niéme, passèrent k Napics, et y soutinrent, durant plusieurs années, une lutte
inégale contre le monarque aragonais, qui en)pIoyaii a la conquête des provinces
napolitaines toutes les ressources d'une marine puissante et d'une nation belli-
queuse.
1. Ce dernier des États latins fondés en Orient par les croisades subsistait en-
core souA la maison française de Lusignan.
2. Les deux cousins de Philippe : il ne leur avait laissé que ces deux comtés.
3. Jean de Luxembourg et son nercu. Ils s'étaient raccommodés a\ec Phi-
lippe.
4. Saint-Remi, c. 183. — MonslrcleJ, 1. II, c. 180. — Jean Chartier. — Ba-
rante, t. VI, p. 291 et suivantes. 4 édition.
33f GUERRES DES ANGLAIS. [h:^:
(VArras, Laurenl Piiion, cvùqiic d'Auxerrc, confesseur du diu île
l^ourgognc, ciilama les conférences par un « beau sermon * «n
faveur de la paix. Les cardinaux de Chypre et de Saînle-Crf»i\
parlèrent dans le mi^nie sens, et, prenant le rôle de médialPins
oflVircnt à chacune des parties adverses de lui transineUrp l»s
propositions et les i-éponses de l'autre. Il avait ^li^ r^flé qu'^n
aviserait premièrement au différend de Charles de France et d*'
Henri d'Angleterre. Les médiateurs purent bientôt se convaincre
du peu de chances favombles qu'avait celte première partie d<^
leur mission. Ni les Anglais ni les Français ne voulaient sérieuse-
ment la paix générale : les Français espcraîcut achever la déli-
vrance du territoire; les Anglais espéraient garder ce qu'ils te-
naient encore, sinon recouvrei* un jour ce qu'ils avaient perdu d€
leurs conquêtes. Les Anglais désiraient conclure, au lieu de pii\.
une longue trêve, durant laquelle chacun conserverait ce qu'il
possédait en ce nion)ont ; les Français souhaitaient traiter avec !»•
(hic de Bourgogne à Texclusion des Anglais, et n'eurent gardod»*
consentir à une trêve qui eût permis à Henri VI de raflfermir *n
domination sur Paris, sur la Normandie et sur toutes les vill»*>il
seigneuries encore anglaises : ils offrirent à Henri VI, à titre de
tief, le thiché d'Aquitaine au complet, puis y ajoutèrent les dio-
cèse? de Baveux, Avranches et Evreux, moyennant sa renoncinlion
au titre de roi de France et la délivrance du duc Charles d'Orléans.
Les Anglais refusèrent. Le cardinal de "Winchester, qui arri^ti le
20 août, avec beaucoup de prélats et de barons anglais, voulut
rompre les pourparlers, dès qu'il vit que les Français n'admet-
taient point d'autre base que la renonciation de Henri VI à la
couronne de France. Les légats du pape et du concile, à fonv
d'instances, amenèrent alors les ambassadeurs français à ofirirh
Normandie entière avec TAquilaine, mais toujours à litre de tiof.
(i'était l'héritage que Henri V mourant avait conjuré Bedford de
garder à son lils, dans le cas où il serait forcé de renoncer au
reste de la France. Les ambassadeurs français, surtout Riche-
mont, ne craignaient rien tant que de voir leurs offres acceptée?.
Elles ne le furent point : l'orgueil l'emporta sur Fintérér etsiir
la raison; les envoyés anglais déclarèrent qu'ils n'avaient jw^ le
pouvoir de dé|iouillor leur seigneur d'une de ses deux couronnes,
CONGRES D\\RRÀS. 335
it Arras le 6 septembre, malgré les supplications des
Paris, qui les conjuraient de ne point s'opposer à la
le.
sions des conférences de Nevers étaient réalisées : des
venables » avaient été adressées par le roi Charles aux
ceux-ci « ne s'y étofent point accordés » ; le duc Phi-
lonc libre désormais de travailler à la pacification du
lans se soucier de ses exigeants et intraitables alliés,
ne lui représentaient sans cesse, non-seulement ses
[-frères, Cliarles de Bourbon et Artus de Richemont,
e son chancelier, Nicolas Raulin, ses serviteurs et la
ses barons de Bourgogne, d'Artois et de Picardie. Phi-
îfois, hésitait encore. Au contraire de son père, qui
sans scrupule tant de serments, il se piquait d'une
e fidélité aux engagements solennels; vertu qui, ainsi
avons observé ailleurs, était compatible, chez les
1 moyen Age, avec l'absence du sens moral à d'autres
qui, chez Philippe même, n'impliquait nullement une
auté dans les négociations. Un faux honneur balançait
is son âme le véritable devoir. Les légats eux-mêmes
aient pas à lui persuader de déchirer le traité de
ir qu'il fût bien assuré que son renom ne serait point
î dut faire intervenir l'autorité des plus fameux ca-
>is consultations furent écrites, la première, par des
de la suite des légats, la seconde, par des docteurs
troisième, par des docteurs français,
ir bolonais Ludovico de Gari , dans la première , de-
mllité radicale du traité de Troies. Sa tûche était fa-
i d'infirmité » du roi Charles VI, la violation flagrante
lonarchique et féodal, qui interdisait au roi, eût-il
te sa raison , d'exhéréder son fils et ses parents aU
e race étrangère, enfin Tinsuffisance du simulacre
éraux qui avaient ratifié les conventions de Troies ,
iocte Italien des armes irrésistibles. Il ajouta un argu-
ultramontain ; c'est que, si le roi avait un crime à re-
p. 277.
336 GUERRES DES ANGLAIS. [u:^]
procher à son fils , il devait se pourvoir devant le pape, qui seul
îi droit de déclarer un prince incapable d'hériler.
Les docteurs anglais répondirent en invitant le duc à ne point
se fier à Charles de France, nieurlrier de son père , et à ne point
taclier son honneur et renom par Toubli de ses promesses; ils lui
rappelaient les statuts que lui-uiénjc avait donnés à son ordre
de la T()ison-<rOi', et qui reconunandaient la loyauté aux cliem-
licrs connue la première des vertus.
Ludovico do Gari n'avait rien laissé à faire aux théologiens
français, sinon à reproduire sous d'autres formes les arguments
serrés de sa diîdectique, sauf le dernier. Après ce débat solennel,
les cardinaux de Chypre et de Sainte-Croix, qui avaient annoncé
(ju'à défaut de la paix générale, ils poursuivraient du moins h
pricillcalion intérieure du royaume de France , conjurèrent dr
nouveau le duc, « par les entrailles miséricordieuses de Xotn»-
Seigneur Jésus-Christ, par Faulorilé de notre saint père le pape,
(lu saint concile assemblé à Bàle et de TÉglisc universelle », df
lenoncer à sa vengeance contre le roi Charles.
On reçut h Arras, sur ces entrefaites, une importante nouvelle:
h» duc de Bedford était mort, le 1 i septembre, dans ce château d»'
Rouen où avait été enfermée son illustre victime. Il apprit, avant
«l'expirer, la rupture des négociations, la défection imminente
du duc de Bourgogne, et emporta au tombeau l'amère pensée Av
la décadence de l'Angleterre, que n'avaient pu arrêter ses talent?,
ses exploits ni ses crimes. Sa mort aida à vaincre les derniers
scrupules du duc Philippe. Quoique brouillé avec Bedford el
n'ayant aucun sujet «le l'aimer, il se sentait plus embarrassé *
rompre avec lui (ju'avec un autre régent auquel il n'eût pas été lii*
per.sonuellement par les traités '. Il déclara enfin qu'il était prêt
à st» l'éconcilier avec le roi Charles, d'après les bases convenues à
Nevers, et Nicolas Raulin, chancelier de Bourgogne, fit connaltr»'
aux Français à qu(*l prix son seigneur consentait à la paix : K>
1. u C'était le poini (K> viir tout litirrul du ninvon ùgc. » Michclct, ilisi •/>
l'ninrct t. V, I». 107. M. Miclh-li-l explique au«i«ii cnimncnt le* intérêts de la Flantin
]'<-^:iiL>nt l»LMiiicoii|) moins ({n'iiuti-L-fuis du cùié de TAnglGterre. Depuis que l'Aa-
^'.ai.-i n\'-taii plus seulement un producteur de luine, de matière prcmii're, nia.^
qu'il devenait fabricant, il se faifaii le concurrent et renuemi du Flamand.
tl435] CONDITIONS DE PAIX. 337
conditions étaient assez diiics, et dépassaient de beaucoup les
préliminaires de Xevers.
Le roi devait dire ou faire dire à monseigneur de Bourgogne
que la mort du feu duc Jean avait été iniquement et mauvaise-
ment « perpétrée » ; que a ledit cas » lui avait toujours déplu , et
qu'il y eût obvié de tout son pouvoir, s'il n'avait été alors « fort
jeune et de petite connoissance ». Il devait prier monseigneur de
Bourgogne d'ôter de son cœur toute haine et rancune contre lui
pour ce fait , afin qu'il y eût entre eux bonne paix et amour. Le
roi devait abandonner, pour être punis en leurs corps et leurs
biens, les auteurs et fauteurs du meurtre désignés à sa justice par
le duc de Bourgogne; si on ne les pouvait saisir, ils seraient
bannis à toujours de France et de Daui)l]iné. Diverses fondations
pieuses * étaient en outre imposées au roi , en expiation « dudit
homicide».
Le duc exigeait la cession à perpétuité, pour lui et ses héritiers,
des villes et comtés de Màcon et d'Auxerre 2, des villes et chàtelle-
nies de Bar-sur-Seine, de Péronne, Roie et Montdidicr (les villes
du Santerre avaient été déjà engagées à Philippe par Bedford),
plus la cession, avec faculté de rachat au prix de 400,000 écus
d'or ^, de toutes les autres villes cl terres de la Somme , Saint-
Quentin , Amiens, Corbie, les villes du Ponthieu, etc. Le roi lui
garantissait la possession du comté de Boulogne , qui était con-
testé entre lui et les héritiers de la feue duchesse de Berri. Les
impôts dits du domaine royal, cl tous les autres aides et subsides
sur les seigneuries cédées, appartiendraient au duc, et, après lui,
à son héritier immédiat, le ressort du parlement étant seulement
réservé. Le duc serait exempt de tout hommage et sujétion
envers le roi , leur vie durant à tous deux ; si le roi mourait le
premier, le duc rendrait hommage au successeur de Charles YII ;
si c'était le duc , son héritier ferait acte de vassal. Cette clause ,
1. L'ércciion d'une croix de pierre sur le pont de Montereau, la fondation d'un
couvent de chartreux et d'une chapelle dans l'église de Montereau, etc.
2. La ville d'Auxerre^vait été irrévocablement unie au domaine de la couronne
sous Charles V.
3. u 400,000 écus d'or vieux, de soixante-quatre au marc de Troies, huit onces
pour le marc, et d'aloi à vingt-quatre karats et un quart de karat de remède. » Le
traité dans Monstrclet, 1. II, c. 183, et dans Olivier de La Marche.
vv 99
»38 GUERRES DES ANGLAIS lui.,
qui €Oïi&lituaJl le thic Pliiliiipe souvcraiii hiii »^
mort du mi, et qai établissait comme dviix n...- ... i *. , • ii>-
liortait, pour tes sujets et vassaux du due, lu dbpcnse iI*oK*ir m
ian royal. Il est vrai que le duc s'cnpgeaîl h aoe alljaûc^
sivc avec le roi contre les Anglais, Le roi ^mnislleniit « avi:^: u^
tUution de biens, tous ceux qui avnieut tenu le (Kirli de B".>pr-
gogne , et ronoocemit à son alliance avec r«mperetir, et à loole
antre qui pourrait èïre dommageable au dut.
Moyennant ces nrtickB et d'âutres moins imporltiiiti ^ niîDppe
eonsenlaii à mettre le passé en oubft, ai à ne jamaiB ifuileraict
les Anglais sans le consentement du roi : les deux [larties dflinHSil
d'avance leurs sujels du serment de Gdèlité putois celle ûtffê dem
qui enfreindrait « rappoinlemeni », et m iionmeltAjiîni à Tel-
eommunlcation en cas de parjure. Ce Irqit^ devait Hvê «celle dct
sceaux de tous les princes du sang, prélalsj^arons ci bonnes vjifcs
du rojannie, lesquels s m rendraient tous guninls.
€ Combien que ces articles » , dit rbistorieu Jeim Clwurlia,
f fusâcnl pour le roi de fort grande cbarge ei prt^iudice, et, pmif
le duc, de trop grand profit», les pléni[ï0tcntiiiire5 ne hnla»'
cèrcnt point : le cbaneelicr de France t donna réponse ffatxordi
au nom de Cliarles VU , el Ton signa , le 21 septembre , le pidf
qui terminait ime luUc de seize années ^* Cnc messe * \2,
dausTéglisc de Saint-Waast, célébra ce gnincl év^i U
traité fut lu publiquement après TofHce : le doTcu du chapllrede
Paris, uri des envoyés du roii exécula le premier iirlidef en s'apc*
noirillant devant le duc Philippe it en lui requénifil iiierd , de b
part de Charles Vtl, pour le meurtre du due Jean. Le duc rcleit
le doyen, Tembiussa, et jura sur k Saml-Sacremcnt et mv lecnj-
cilix, entre les mains du cardinal de Saintc-Croiic , de ne j^miii
rappeler la mort de son père et d'entretenir k loujuurT? ptiii é
amour avec le roi de Fronce. Les deui légate le rt*levt*rent def
K Par «x«aipl«, li remht do corTitâ;^ ci kréiiîufkcf, t»Mf<M «
2, De 9th9 An%, I ffftrtjr do Fassui^ionE du dnc Ivm; inib d« viiifi-«|ft^ m,
si l*ou minoate h tu première RXi^lofioB d« 1» guerre dct Arsifotoi «t êm Wm-
[14353 TRAITÉ D'ARRAS. 339
serments proies aux Anglais , et tous les seigneurs et notables
français et bourguignons jurèrent après lui la juaix.
D'immenses acclamations répondirent du dehors aux voix qui
venaient de proclamer, sous les voûtes de Saint-Waast, la lin de la
grande guerre civile. La population d'Arras mêlait ses cris de
joîe à ceux des dix mille étrangers rassemblés de toutes parts
dans ses murailles. Allemands, Flamands, Wallons, Espagnols,
Italiens, s'associaient à rallégrcsse des Français, et saluaient la
réunion de la France. Dauphinois et Bovrgidgnons s'embras-
saient dans les rues : ces derniers semblaient heureux d'avoir
reconquis le droit de se dire Français. Maintenant que l'union na-
tionale était rétablie, on ne doutait plus de réussir à renvoyer les
gens d'outre-mer dans leur île. Dans toutes les villes, dans toutes
les provinces de la France royale et de la France bourguignonne
ôclatcrenl les mêmes démonstrations qu'à Arras. Le roi et les
Trois États de France ratifièrent le traité d'Arras dans la cathé-
drale de Tours, où fut chanté le Te Dettm en réjouissance : le
pape et le concile confirmèrent et garantirent le traité chacun de
leur côté, quelques semaines après *.
Cette satisfaction, cependant, n'était pas unanime. Les condi-
tions de la paix semblaient dures à ceux qui gardaient fidèlement
la mémoire de jours plus glorieux. « Le roi », dit amèrement
Perceval de Cagni, « montra bien qu'il avoit très grand vouloir
de la paix, et aima mieux à donner ses héritages de la couronne
1. Les États de Tours accordèrent au roi le rétablissement des aides « abattues
depuis son parlement de Paris » (en 1418) : Timpôt sur les ventes fut remis sur
pied à compter du 28 février 1-436. Les menues denrées, jusqu'à concurrence de
la valeur de cinq sous tournois, furent seules exemptées du droit sur la première
Tente. — n fallait bien se créer des ressources pour profiler du traité d'Arras, et
pousser vigoureusement les Anglais; mais il était fâcheux d'en revenir U cette na-
ture d'impôt, si iucommode ii percevoir, si voxatoire pour les particuliers, si gê-
nante pour les transactions. Ordowi. t. XIH, p. 211. Les Ktais de Languedoc, réu-
nis k Montpellier, accordèrent aussi, deux ans après (17 août 1437), l'impôt sur
les ventes, k savoir 12 deniers pour livre, et le huitième du vin en détail : ils dé-
rogèrent ainsi k leurs précédents, car ils avaient toujours repoussé cette sorte
d*inipôi. Le roi leur octroya l'abolition du droit de douane sur la sortie des mar-
chandises. — L'impôt sur les ventes, c'étaient, nous l'avons déjli dit, les contri-
butions indirectes du moyen âge, mais les contributions indirectes a[.'gravées,
dans le fond et dans la forme, par tous les abus qu'entraînait rinexpérience ad-
ministrative et financière de ces temps-là.
310 GUnnïïES DES AXGLi\IS. {liai
irts largement que soi antver et soufeiiir letifiilli* Je la ^iticirf* *.
Le traité d'Arnis était il e\emt nêccsîîiiirc; mais eeîîtt nta:
eiK i>u ôtre évitée, si Charles VU n*cût mieux Jiiiiir nclietcr
dut de Bourgogne une paix humiliante cl onéreuse ijiie de
uue fille des cliamps commander et ^iilncrc poor lui
Si la paix dWrras ne eonteiita pas toute la Franee, elle cu$>
pêra toute l'Angleterre,
La d*''fretion du duc Phi!ipt>c exeîia chez 1er AkJu , iIk,
d'agitation et de ressentiment que &i ce dénoûmefit ulûi iLiiilL
èlrc dès longtemps préni. Philippe avait dêpMié à Ueart VI soi
roi d'armes, Lefevre de Suinl^Remi, surnommé Toison-il*(
pour signifier le traité dWrras au jeune monarque ci à son
seiL Toison- d*Or était àrcomp.igné d'un doelair en tlit>jli)
envoyé par les légatgi, et tous deux étaient chargé* d'offrir
nouveau au gouvernement anglais la niédiâtjtin du pape,
contile et du due de Bourgogne : PIiiUp|H! flvîiil obteiia
Chailes VU réitérât roffre de k Guyenne et de k jîunna
nvee dispense pour Henri Vï de laire arte de v&ssalHè; son
eessenr seul y eût été obligé. Le roi d'armes et «on comp
reçurent J*aecueil le plus discourtois, et tûveni rtmvajfe
lettres de congé ni réponse olïk'ielle». La ]iopnliire de I^n
pour témoigner sa haine au duc, pilla les maUom des néj
flamands, hollandais et picards établis dans la ctipilule de 1*^
gleterre.
Par une singulître coïncidence, le mois ou fut anànnii \* ^
deTroies en vit disparaître le principal soulien, le duc di L->
ford, et Tun des auteurs, la reine Isalicau de BîiTière, Bcdlord <
mort le I i septemhR^ : Isaheau mourut le ?i. Les Afiglais I
vaient cruellement châtiée, par knu ingratitude, du tnal ijnV
avait fait h la France; \h ne lui donnaient pas de quw aller if
pair avec la moindre comtesse anglaise; ilsdisajenl |0U[ liant ifut
son fils Charles n'était qu'un hâtard : dqnits k Umité de Troief,
« elle n'eut bien ni Joie au dediins. Avant que de mourir », dîi
riiistorien Jean Chartiert t elle put avoir la cnit&olnliûD de roir
t. Prnf^i tic Ji'mmc d*Are, t. IV, p, 37.
MORT DE BEDFORD ET DMSABEAU. 311
a grande division el guerre mortelle qui avoit été par un si
ispacc de temps entre son fils et le duc de Bourgogne. Elle
ut chrétiennement, et son corps fut mené à Saint-Denis en
lelet, à très petit appareil et convoi, car il n'y avoit (jue
î pei-sonnes, comme si c'eût été la plus petite bourgeoise de
ce qui fut une grande honte et déshonneur aux Anglois ».
il-Denis était dans une déplorable situation au moment où
fit les funérailles d'Isaheau. Li colère avait ranimé l'é-
î des Anglais : tandis qu'on signait le traité d'Arras, ils
il réuni la meilleure partie de leurs forces contre Saint-
, et assiégeaient avec fureur celte ville, défendue par deux
hommes d'élite, sous les ordres du maréchal de Rieux.
nombreuse garnison, vaillamment secondée par les bour-
par les laboureurs réfugiés de tous les environs, et même
îs femmes et les enfants, qui ramassaient les flèches « h
îcs » au milieu des assauts, repoussa cinq ou six assauts
lin grand carnage ; cependant, les Anglais ayant réussi à
F les conmmnications de Saint-Denis avec la Seine, lagar-
fut obligée d'évacuer la place. Les Anglais se vengèrent de
istance des habitants en saccageant et en démantelant la
ils ne conseï vèrent de postes forliflés que l'abbaye el un
n appelé la « tour du Yelin ».
luccès chèrement acheté ne rétablit pas leurs affaires : à la
lie du traité d'Arras, le maréchal de l'Ile-Adam et tous
très seigneurs de l'Ile-de-France qui étaient restés jusqu'a-
lans le parti anglo-bourguignon passèrent aux Français;
n fut livré au bâtard d'Orléans : Pontoise se révolta et ap-
Ile-Adam; Saint-Germain, Corbeil, Vincennes même, tom-
t au pouvoir des Français. Le mouvement se communiqua
iveau à la Normandie : un complot introduisit le maréchal
mx dans Dieppe. A ce signal, « le connnun peuple » du
le Caux se souleva sous la conduite d'un paysan nommé Le
}r, et vingt mille hommes des bourgades et des villages se
rent à HiiMix sous l'étendard de France. Les chefs des com-
L*s fnmraises entrèrent de toutes parts dans la Haute-Nor-
ie : le connétable arri\a en personne; Fécamp, Monti-
s, Lilleboni:e, TancarNille, Saint- Yaleri-en-Caux, Ilarflcnr
342 GtJEBftBS 08$ ATiGLAIS. tUI
même, la preinit^œ con<iuîite tic Henri V en France, se «km
nèrcni ou furent pvh de vive force; toullo pajs de «kinj»«
Caudebee et Arqm^, ful^ en peu de jaursî, jifTrjindit de»*!»};!!
(décembre 1435-jûnvjer 1436), U délivrance de Iti Nofiuiuu
entière semldait inraillible.
Cotte t sjïérance fut trompée : un effroyable désonire :
aux premiers aviirilag^es remporta pnr riosurrectlon ; ni lc»<
pagnies, ni les paysans armés trebcircid tm coanéudilc uii^
maréclial de Rieux. Les soldats et les paysans w quervllènntl
se séparèrent bienlAt; une partie dcîs papsans inarcbèraiit i
Caadehec, sans être soutenus par k^ compagnie», et le fif
écraser par la ganûson angltiiso de Ronen» accouryc au
de la garnison de Caudebcc; les autrcïs étaient retotimës
leurs fûyers; ils y trouvèrent une tyrannie anssi hrutiile qiiei
des Anglais, et eurt^ut à subii^ tous les geures d'excti^ de la l
de CCS mêmes soldats qui venaient de combattre h Icurf côiès^ I
cumpagtiies ne virent dans le pajs de Caux qu'une ooiiic
proie livrée ù leur rapacité et h leurs sauvages pas^^tons* EOi^(
pillèrent stupideiucm les ressources de celle ri planfiirenfe <
trée. a Quand il nV eul plus rien à manger m* 4 prendre t,
grande pai'tîc des gens de guerre se retirèrent dans leurs fgp
resî^es des trantières de rile-dc-Fniuce et de la I*lrardtc; l»i
glais, f|ui s'étaient coneenlrés à Houen, en sortirenl altère Hb
vengeante, brûlanl bourgs et villages, et Uiant totil ce qu'iU]
valent ail râper» pour punir le soulcvenieui des « tnemies \
La jnâlèdiclîon fui si grande en Caux >, dit ime cUruntf|iie no
mande cuntemporaliie, «( que le pafsdemetini pn^qne enli
ment inhabité; [icunuies et femmes ttoyoîeîil par Icrre et par i
comme en péril de feu. » Les paysam se réfugiaii!al par iniUkti
dans les places furlilléeSj où ils mouraient de fatiii ; pliiâteui^ i
ces places, mal approvisionnées, mal défcn-^ ïo
cîilrc kî* mains des Anghîs. Les chefs des c* i . ,/ ^ o'ca «
rem pas moins rijupudencc d'aller demander au roi ijn'il Icî i
demnii^ât de^ pertes et donmiages endui'és, dtsaienMls^ en Su
niitndie pour son service ».
I Moniirelfi» LU» c* ri3, — Jeuu CMrU«r, — Bmr^U 4t Pcrfi; — 4
[1436] LES PAYSANS NORMANDS. 343
La conduite des bandes françaises en Normandie était un argu-
ment de quelque poids pour retenir les Parisiens sous l'obéis-
sance de Henri VI, et les Anglais, avec de la prudence et de Tlia-
bileté, pouvaient encore éviter d'en venir à une guerre ouverte
contre le duc de Bourgogne, qui ne s'était point engagé formel-
lement à seconder les attaques des Français. Philippe avait assez
d'occupation chez lui : son faste immodéré, joint aux nécessités
de la guerre, avait mis ses finances aux abois; le duché de Bour-
gogne était ruiné par la guerre et par les impôts; les grandes
communes de Flandre et de Brabant, qui avaient eu à supporter,
depuis plusieurs années, des charges inaccoutumées, s'agitaient
d'une façon menaçante; le rétablissement des anciennes aides
cl subsides en Picardie venait d'exciter une violente émeute à
Amiens, au moment où les officiers du duc furent installés dans
celle ville, en vertu du traité d'Arras*. Le conseil d'Angleterre et
le duc d'York, successeur de Bedford dans la régence de France,
ne surent pas profiter des embarras de Philippe pour empêcher
sa défection de se changer en hostilité déclarée. Ils bravèrent, ils
poussfTcnt à bout ce prince, déjà très blessé de la réception
injurieuse qu'on avait faite à son roi d'armes à Londres : ils
Irailèrent avec rempcreur contre lui, essayèrent de soulever ses
sujets de Flandre, de Hollande et de Zélande, et, en même temps, ce
qui n'était pas lo moyen de gagner ces populaUons, ils laissèrent
les marins anglais courir sus aux vaisseaux marchands de Flandre.
De vifs débats eurent lieu parmi les conseillers du duc : l'é-
nique de yonnaudie, citée par Chéiucl; Rouen sous les Aiujlais. — Barante, t. IV,
p. 350-353.
1. Ils y remplacèrent les officiers du roi d'Angleterre. Jusqu'au traité d'Arra^,
rAmiênois, le Vermaudois, le Ponthioii, le Boulenois avaient reconnu nominale-
ment l'autorité de Henri VI ; mais les Anglais n'y avaient point de garnisons, et
les officiers royaux, presque tous gens du pays, n'eurent guère qu'U transférer leur
hommage au duc de Bourgogne, dont ils dépendaient île fuit à l'avance. Les in-
surgés firent couper le cou en plein marché au pré\ôt Pierre Lcclerc, pour punir
ses « extorsions et rudesses ». Les chefs de Témcufe, la première effervescence
passée, essayèrent de trunsiger avec les lieutenants du duc de Bourgogne : la
conilo d'Éiampos, le bailli Jean de Brimeu et le sire de Crol leur donnèrent dû
belles paroles. On laissa entrer ces seigneurs à la tétc d'une nombreuse noblesse et
des archers de l'hôtel du duc; quand ils furent dans la ville, ils mirent la main sur
tous les meneurs; plusieurs furent pendus, noyés ou décapités; les autres furent
baunis. Monstrelct, 1. Il, c. 192.
314 GUEBRES DES Af«Gl.Al8,
vôque do Tournai, les Croï, K*s Ctiarni, !e& CrèriK*a-iîr, lai
part des soîgjieurs bourguignons et ^villoniî, une partie rfesl
bançon;; ni des l'irards, exciliiient Philîjjpe à vcngt* r «iifi lioa
cl à continuer, les arincîî h la iiiain, l*iî?iivi*e dti îrai(^ ifAr
I-ies Luxembourg, les SuverisR, \v^ Lruiuoi. les Mailli, 14^ srig
de la Picardie maritime cl de laWest^Flaadrp, qui rcémti
pour leurs terres^ hn ravages des Au{:L:iiîï, ou qui leur eraieiit a
chéfi par de longues relations, î^'eiTorçaicnt d arrvter lc«j
inents du duc. Le parti français remporta ; la giierrt* fut mdn
Le 8 mars 1430, le duc convoqua les édicvins, duyi^ns des i
ikr^, jurés cl * membres de bourgeoisie > de Giiud, ^
senler, par le grand bailli de Flandre, rinjustc
Angluis à la paix générale, et les injurcfi que w!S sujets ei M ^
uaient d'essuyer de Itnir part*. Le grand bailli pria le^ Gi
d*aîder leur seigueur à recouvrer a m. ville du Calais p, I1uli|i^
prétendiut que Caltds relevait du eamtéd*ArIotô.Lcsgi5nsde1tA
répondirent par rofTre dcleor& « corps et avoir > pour la ronq
daijalais; loules les vilks llnuiandcs suivirent cete\empl4*, i
gré roppos^îlion dequelqnes « anciens u, qui vojaient a^et dlrqjj
rupture de leurs vieilles liaisons avec rAngletei-re, L'or
communes de Flandre, nourri par rnpuleuccel la prosjH'rili
lait pas moin^ inKable que relui de leur prince, Ijï Hollande di
Zélande montrèrent la môme ardcui*. La colère des Ktamntiiisi
doubla quand lis apprirent que le couï^eil d*Auf;!rl \Hi
conférer le litre de uunUe de Flandre au duc de ii . ; ..
Tandis que les préparatifs du siège de f^alais se poursuivaie
en Flandre^ un petit corps de cavalerie hourguigBcin
J)âiidr^ «, eu rcftivini luur rrjoiutjilti, tk nï h au ulIdÎ qu'elle Ittt, [»oiirk prii ^
ttifitis, éraiii, plomb, frcuimgcs et uuire^miircimatljte^ tjuc bs Fljim«i^4ft «{•
au grund tiulrwpût tî*; CalwSsk ; il fuHaa îci fmycr cm Ifnuoie d'wn
leur rt!pr^»Mi(ît qtie lu drupCTic, n '^ut ijtioi lu pny% de FlAit»!
pnurrtilt hïvu lubMltucr les taiOft d'I^coiAc cl il'tvspafUi' hiiî U.<l:
qutilk^ éii^i^'iki {ruttjivuïH mt\i:ik il fit tiuui priVj *}»tf l<t « ru4fcli«»df fi#
pliiM furrt? tte pruilu tt^ l.u nMïinmki du rai, qui avait Mibi de *>
diirAnl U guvirc, M-niiU d*étrc Ttfofm<?c, « et dlotunl, dn ir«n
i»0Ji« du Toi ni cdb du ilnc fgulu» en viilour, » eu um*^ <r
Triiuec et î« Bo«r|rttgiît, ii'v|irtiuVMÎt«Hi j*Iuî irtniltiiiniii ni j!
Uon diah dwu ti un liomint' ifuï ik-mil rendre à lu Fibocp d .i*. u-i.
[1436] PHILIPPE ROMPT AVEC L'ANGLAIS. 315
joindre à Ponloisc le connétable de France, qui s'apprôtail à ten-
ter sérieusement la rccouvrance de Paris. L'iniporlancc nialériellc
de ce secoui-s était médiocre ; mais Timportance morale de Tappa-
rilion des croix de Saint-André dans les rangs français était jïrande,
et Ton s'émut vivement aux Halles quand on sut que le sire de
nie-Adam, ce vieux capitaine des Bourguignons et des Cabo-
chiens, était aux cbamps contre les Anglais avec le connétable du
roi Charles. Nul n'avait plus que lui versé le sang des Armagnacs,
et, s'il avait fait Sii paix avec le roi, il n'était personne qui ne pût
espérer de la faire. On commença d'ajouter beaucoup moins de
foi aux biuits répandus par les Anglais touchant les prétendus
projets de vengeance du roi contre Paris. On n'ignorait [)as que
les Anglais étaient les seuls auteurs de la continuation de la
fjucrre, et la haine populaire était au comble. On leur imputait
toutes les souffrances de la grande ville, où nulles denrées ne
pouvaient plus venir ni d'amont, ni d'aval, les garnisons fran-
çaises tenant la haute et la basse Seine, l'Oise, la MaiTie, et res-
serrant Paris dans un cercle de forteresses. La situation de Paris
était redevenue telle qu'en 1 118, sous la tyrannie du comte d'Ar-
magnac et de ses Gascons. Connue en 1 il S, une poignée d'étran-
gers contenait cette vaste cité par la terreur; il n'était permis de
sortir de la ville et d'y rentrer (ju'à heures lixes et avec des i)asse-
ports; il était défendu, sous peine de la « hart », de monter sur
les murailles; on était exposé, au moindre soupçon, à être enlevé
de nuit et égorgé au fond de quelcpie cachot, ou jeté à la Seine.
« Trois évéques, » dit le Journal du Bourgeois de Paris, a soute-
noîent et mainlenoient celle diabolique guerre : le chancelier,
honnne très cruel, l'évéque qui fut de IJeauvais, et qui pour lors
éloît de Lisieux (Gauchon), et l'évéque de Paris (Jacques du Chas-
tellîer); et, par leur fureur, sans pitié, on faisoit en secret moult
mourir de peuple ou par noyer ou auln^menl. » Au langage de
l'auteur anonyme du Journal, on reconnaît la révolution qui s'é-
tait opérée dans Tespril des plus violents adversaires des Arma-
gnacs. La domination anglaise ne s'était maintenue que gnice aux
divisions des partis : le jour où le peuple de Paris s'apercevrait
qu'il était un dans sa haine, la tjrannie était i»erdue. Les gouver-
neurs anglais, les trois évéques, le lord AVilloughhy, capitaine de
aie GUEERES DSS^A!9C3LA15. um
Paris, el le prévôt Morhier avaieiit mi beau, pcniiânr Ir
tùnirfiiudrc « loiis ceux Je Paris * de juter, éur b clatnnjiti<
leur* âuiês, œ qu'ik soroîetil bons l*1 lu^aux au nit Henri ». (h^
qucs hommes courageux refusèrent, perdîretit ieiinv lik-o*, d (b-
ïml bannis, ou « eurent encore pis »; d'aulnts èludèrenl le 9tfk
uienl; ceux qui jurèteut u'eu détcslcTcuf ijue davtnlaçf \H
oppresseurs qui leur iuiposaietit un eiigagemeot oûALnyî>i
leur conscience. Celle niesiire ne fnt pasi plus [iradtable m\ ku-
ghk que celle qui força (oust les Pfïrisien» h porlrrb fnibc rm»
d'Anglcïlerre, sous peine de perdre la vie el tesliicîDS,
La fennentatioTi croissait de jour en Jour : la gtirfiisoaélailil-
laiblie; plusieurs détadieuienls sortis pour tiller chercher du hh
tin et des provisions au dehors n'étaient pas rentréJ^; il$ tTaktf
été exterminés parles Français* Cependant, le mardi de PAqoi^
10 avril 1436, six ou huit cents Anglais parlireiit, avauil le^
pour aller brûler les villages entre Paris et Pontoiâei afln d*e
clier les Français de s* y étubtir : au bout de quelcfues beiin*», m
en vit nucourtr un peîit nombre, fuyant à vau*de-roulc deii
des cavotiers pormi lesqu^ b llotlait la bannière de FIle^Adiim.l
Anglais, après avoir pille en passant 1 eylisc de Saiul-Dcnis^fttukot
i'U} renconlrés nu delà de cette ville par le coanélshie €l |i4ir lU^
Adam, qui tes avaient battus et taillés en pitVe$; on les (
on les tua jusqu'aux bords des fosses de la porte Saint- Dénia. I
se sauva guère que ceux qui parvinrent à si! rèfbgier dons b IvoT
du Velin, h Sairit-Denii*, oi\ les Français les ni^tAgèrenl ammW.
Cet cvéneuient déteruiina la catastrophe : le» chefi du finf
bourguignon, les meueuj^ des Ualles» s'enli^ndinenl pour U \^
part avc*c leui'S anciens ennemis les « Daupbjnoi» •, qui f tailla
correspondance avec le connètablu* Michel l^ illier, DutaMe boo^
geois, qui avait déjà été obligé, en 142$, dequîtler Pâri^à bair ,
d'une consiuration avortée, et (jui, (îepui.s avait Hè aulni^tié
mit à la tête du complot, lians la mût du mercredi au jeudi
puta secrètement vers le connétable et vers? rilc-AdJini, t-.
invita à se présenter devaiél Paris, du eùté de la poHe Siii*
Jaequeî^, le vendredi nialirj, avec promesse • de l di*
la ville, pourvu que tout re qui avoit été fait cc'L„. i cri
siens fût pardonné h ceux de Paris ».
[14303 DÉLIVRANCE DE PARIS. 3i7
Le counéltiblc repondit en montrant des Ictlres d'abolilion,
scellées du sceau royal, qui avaient été rédigées à Poitiers dés le
27 février. Richcmont choisit avec sagacité les instruments de
celle grande entreprise. Tout pouvait échouer encore, si les
troupes royales débutaient, eu entrant dans Paris, par leurs vio-
lences ordinaires. Les bandes de routiers qui accompagnaient
le connétable ne rêvaient que le pillage de la grande ville ; Ri-
chemont les laissa occupées au siège de la tour du Velin. Il partit
de Saint-Denis le jeudi matin avec soixante lances seulement,
BOUS prétexte d'aller parler aux capitaines bourguignons, qui
Étaient retournés à Pontoise ; il rejoignit à Pontoise TIIe-Adam et
les Bourguignons, puis revint de Pontoise à Poissi, où il avait
donné rendez-vous au bâtard d'Orléans, qui lui amena quelques
gens d'élite. Quatre cents fantassins reçurent l'ordre de passer la
Seine, de se porter au midi de Paris, et de s'embusquer prés de
Nolre-Dame-des-Ghamps ; la cavalerie les suivit à la lîn du jour. On
dievaucha toute la nuit. Le vendredi, 13 avril, vers le lever du so-
leil, conmic on arrivait à une demi-lieue de Paris, le connétable
reçut avis que l'entreprise était découverte; il continua néan-
moins sa roule « sans mot dire », jusqu'à ce qu'il eût rejoint son
L'mbuscade derrière l'église de Notre-Dame-des-Champs, hors des
murs. Les éclaireurs s'approchèrent de la porte dite d'Enl'er ou
lie Saint-Michel. Un homme se montra sur le rempart, et leur
cria : t Tirez à la porte Saint- Jacques; celle-ci n'ouvre point : on
besogne pour vous aux Halles!... » On s'avança vers la porte
Saint-Jacques : « Qui est là? demanda le guet, composé de milice
bourgeoise. — C'est monseigneur le connétable. » Le guet pria le
connétable de conlirmer sur sa foi « l'abolition » promise, ce
qui fut fait. Richcmont dé[)loya les lettres du roi scellées de
son grand sceau : l'on ouvrit aussitôt une poterne; on introduisit
le connétable, l'Ile-Adam, le bâtard d'Orléans; puis on rompit
les « ferrures » de la porte pour donner passage à la cavalerie,
qui se précipita dans la ville en criant : « La paix! la paix!
Vivent le roi et le duc de Bourgogne '. »
1. Suivant d'uulrcs n'cit?, ce fut nic-Adam qui enlia le prouiicr par une
Schclle, cl nui planta la bannière de France sur la porte Saini-Jac«iucs, reu-
$m €OEKRES DES ANGLAIS. [lilR
Tandis (|ue k* cotini^tiiblc entrait ij.uis Paris «lUs omp Ttrir, uo
dior larrible avait \kn dans rintérit^yr de la \iliL*. Li^ Atigbi
avaieul eu vent de ce qm m prét^araîl, mais trop lard. MicM
Luîllier et iL'âiUitres dwh de \a canî^fiiratioTi ne m hkmH^mnlpmÉ
saisir dim vaï\ t't insLU'gèrerjt les Halles aïOE cm ût : « Vhoilb
roi 1 1 le duc de Dourgogue! » La icvgllc se ]>ro|m^ea ra|»idi*iiiciÉ
dan^ tout Paris; ie peuple partout courait aux anmiSi lenitoitks
chaînes des rneii, et arborait ou la croix bLinche droiti^ dt* tnsm
ou le sautoir bourguignon de Saint-André, ia^iguc^ longteiîi|tt
oppo^*ê, aujourdliul réunis contre la croix trûygiî de &iinl*rf0car-
çes. Les plus furieux contre les Anglais» étaient te» pajjHins Je II
banlieue rrfiigÎL^s dans la ville.
Lord Willougbby, Tévèque de Tèrouennc cl le |>i*û\tM>l
au premier bruit de la rebellioïi, avalctil ni«ÉCiiibl6 & la
leurs soldats anglais, qui n*etaicul pins qu*t!nTlruii qmMUt
et le [leu de partii^ansfiui leur restaient* Us fornitTcnl Irois
lounes d'attaque : le prévôt Sitnon Morbiei\ Irte vailbint bu
de guerre j uiareba droit aux Halles; révoque de Teroua
lord Willougbby se dirigèrent sur la porte Sainl-Dcnis, et le
tenant du pnHiM Jean L*Archcr, • un des plus cruels chi
du monde » alla vers ta porte Saint-Martin. Ils vuutaicuidtMipir
les principaux rasseuiblements populaires et s. ' '-
tiHes Saint-Dimii? et Saijit-Marllu, cojnnie ils Tél. .
bastille Saint-Antoine, avec laquelle Legoix le boudifr, {»laUi àU
place Baudoyer, prolongeait leurs conuiiunicattcui^. Les Aii;li^
descendirent les rues Saint-^Denis et Saiut*Maitîfi, en cniolV
t Saint Georges 1 saint Georges! traîtres de Françalsi, lausIDib
niort^i! t et en lanc;ant des tlt'^ehes h foutes Ici- croiïi^es où *e um»-
trait quelque visaffe suspect. Les deux gmiiiles i*ujîs élni -^î *'^
séries; les Anglais ne tiouvèrent que deux boui*gGoi$ k u
kur passage : niais, à' l'approcbe des portes, ils firent ea te
deux trois ou quatre niillt; bomuies annfs:. qui Iouj*n«\realixmlW
eux rarlillerîe des reiiqiarls et les acctieillirenl pur une yol'irh
coups de canon. Lord Willonfîtiby, L'Arduir el liîursgensliisltmîBl
i|u'il uvbii tiuhvt uo àaiSflàû pMX uju ^^U
[1436] PARIS CHASSE L'ANGLAIS. 3f0
précipitamment en retraite vers la rue Saint-Antoine, serrés de
près par le gros des insurgés, et accablés des « pierres, bilclics,
tables et tréteaux » qui pleuvaientde toutes les fenêtres; les re-
doutables flèches anglaises étaient de nulle défense contre ces
su:mcs populaires. Le prévôt Morbier n'avait pas été plus heu-
reux aux Halles : en se dirigeant vers ce quartier, il avait ren-
contré un « sien compère », riche boulanger, qui lui remontra
qu'il ne pouvait venir à bout de tout ce peuple et lui conseilla de
B*accommoder avec le roi. Morbier assomma ce malheureux d'un
coup de hache, et poursuivit sa route. L'accueil qu'il reçut aux
Halles lui prouva que son compère ne l'avait pas trompé; re-
poussé à grande perte, il rejoignit les débris des deux autres co-
lonnes dans la rue Saint-Antoine, et tous ensemble se renfer-
mèrent dans la Bastille.
Le combat et la victoire avaient été si rapides, que le connétable
et sa gendarmerie, qui descendaient pendant ce temps la rue
Saint-Jacques, n'arrivèrent pas à temps pour y prendre part : les
Parisiens eurent la gloire de s'affranchir eux-mêmes. Tout eni-
vrés de leur triomphe, ils reçurent si allègrement le connétable,
que ce prince et ses compagnons ne se purent tenir de « lar-
moyer » de joie. — « Mes bons amis », disait le connétable aux
bourgeois, « le bon roi Charles vous remercie cent mille fois, et
moi de par lui, de ce que vous lui avez rendu si doucement la
maîtresse cité de son royaume; et, si aucun, de quelque état qu'il
soit, a mépris (méfait) contre monseigneur le roi, il lui est tout
pardonné ». [Journal du Bourgeois de Paris,)
II fit aussitôt crier à son de trompe (pie nul homme d'armes,
sous peine d'être pendu par la gorge, ne fût si hardi de se loger
de force chez h?s bourgeois, ni de reprocher le passé, ni de piller
personne, sauf les Anglais et les gens de guerre à leur solde :
€ c'est pourquoi, dit le Journal de Paris, le peuple de Paris prit
ledit connétable en si grand amour, qu'avant qu'il fût le lende-
main, il n'étoitnul qui n'eût offert son corps et sachevancepour
détruire les Anglois ». Jamais révolution n'avait été si douce et si
clémente : l'ère sanglante des Bourguignons et des Armagnacs
était enfin close ! On pilla bien quelques maisons de partisans des
Anglais; mais il n'y eut pas un seul individu de tué après le corn-
S50 GUEIIRES DES iNGLAlS. (iU||
hat, el ramnislie fut observée avec une fMléljtt qui rt!tr*iAi( Ali
ibis le lion sens et Iti probité* du cuimd'bb΀* L*é|[riifi<'ijKîtji
\k*uK cabochienïi, oxprinié avec une sorte de imiVfl^ [tir
Journal du Bourgeois de Paris» est le plu^ bel feloge d*
nient. L'ruiteur du JuLirnal^ qui u*afteridaU de Li part des ArmtAL;.
qne massacres ctpîllngeî^, est obligé, pour expliquer kor bofiÉt
conduite, de» supposer qae « la glorieuse vierge Marie et moo^
sieur sinni Denis » avaient cliangc leurs corurs imr minidc là
secrétaire biographe de Riebeinunt, GuiUaujJieGruel, aprisicis
de nous expliquer le ?ntracfe par les sages {iréivuitionsi di» cao^
nétable : les bandes de rouliet^ qn'îl avait lui^i^ées h Sainl
ôtjiient accourues au bruit du cxirillon de Paris, ]KJur iiioir
à la victoire : mais elles trouvèrent, à leurgranclr! nilèrr.
portes soigneusement fermées ♦.
Paris ressentit dès le lendemain les heureux efTêfîï de sa
vrauce : le prix des deru'^'es de preinlère n6ei>&^ilè Imhs^ ^'
cbamp de plus de moitié^ les garnisons françaii;eî> à\i\
n'empêchant plus riniroduelion des vÎTres- La Inur du VHi
Saint-Denis, avait (Héprise le jour même du soulèvemml
Paris; les jionts fortiW^s de Saint-Cloud et de Cliarenlon. les
teresses de Chevreuse, Montlhéri et Marcous^fe se ret]dirt^ll«l^
le-champ; Ir prévût Morliierj qui avait couni de la Baslîili? 1
Charenton pour lAclicr de conserver ec poste, fui aifilic elliirt
par sîe^ propres soldats.
Les Anglais et leui*^ ijarliMUS, aggloméri^s d/ms lu Rzumtlem
nombre d*un millier, n'avaient aucun espoir de secours ri m
pEiuvaîent soutenir un long sît-gc : ils deniand^Tenl A capituler.
Le connétable eût bien voulu lesavoirà dl^rétlon; les grande»
sommes qu*il eilï tirées des lords anglais et du rî ' li-
sent aidé à poumnvre la guerre, el Ton eût pu pn-i . : , r
de Pierre nauchon*; mais le connétable nianquail d'arg* i
entamer le stlége ; quand il demanda un euji)mnt aux noUbk»
kiêittriem tir Chttrh» Vil, jk 79^*
2* U roi çl mu nhmfidm «u^^al été sms ûmn fort vinlurratiés dt j
c»|itirret
[1136] PARIS CHASSE LWNGLAIS. 351
bourgeois, ceux-ci, qui ne souhaitaient que d'être (lél)arrassés au
plus tôt des Anglais, engagèrent Richcmont à accc[)ter les proposi-
tions de l'ennemi . Les seigneurs bourguignons, anciens amis du
chancelier Louis de Luxembourg, parlèrent dans le môme sens ;
Richemont céda, et les assiégés obtinrent de s'en aller sains et
saufs avec ce qu'ils pourraient emporter de leurs biens. Ils vi-
dèrent la place le 17 avril : au sortir de la Bastille, on éviUi de
leur faire traverser Tinlérieur de Paris; on craignait que le peu])le
ne leur permît pas d'en sortir vivants; on les conduisit le long
des fossés jusqu'au delà du Louvre, où ils s'embarquèrent sur lu
Seine. Le peuple s'amassa en foule sur les remparts afin de les
voir passer, et, « pour certain, dit le Journal du Bourgeois de
Paris, onc gens ne furent autant moqués ni hués conmie ils fu-
rent, spécialement le soi-disant chancelier, le lieutenant du pré-
vôt, le maîlre des bouchers (le syndic Legoix ou Saint- Yon), et
tous ceux qui avoient été coupables de l'oppression qu'on faisait
au pauvre commun peuple. Chacun criait mi renard après l'é-
voque de Térouenne (le chancelier) >>.
L'expulsion des Anglais fut suivie de deux grandes processions
€ pour la grâce que Dieu avoit faite à la ville de Paris ». L'univer-
sité y figura tout entière, cierge en main', fîiihle expiation d'un
passé inexpiable. Le mois suivant, on exhuma les restes du comte
d'Armagnac et de ses principaux compagnons d'infortune, qui
avaient été enterrés sous un fumier, derrière Saint-Martin-des-
Champs, et on les ensevelit honorablement dans celle église : les
morts eurent leur part de la réconciliation générale. Pendant ce
temps, on réorganisait l'administration de Paris : Michel Laillier,
qui avait eu la principale partàraffranchissement de la ville, de-
vint prévôt des marchands; le sire de Tcrnant, un des capitaines
des auxiliaires bourguignons, fut fait prévôt royal, pour complaire
au duc Philippe, dont la bannière avait été arborée sur une des
portes de la ville, auprès de celle tlu roi : on ne faisait point de
différence entre la croix de France et la croix de Saint-André;
portait qui voulait l'une ou l'autre. Les grands corps deTÉlal eu-
rent leur tour après le corps de ville : un ordre envoyé de par le
1. II lui restait, suivaut le Bourgeois de Pitiis, quatre mille maîtres et écoliers.
:i52 GUERRES DES ANGl^âlS.
roi prescrivit d*a|j|ioa*i" les scelles aux r^ ^ *i ^'rcnëi
IHiiit'tïicnl, h la rbaiiibre des i!b.irïL*s di* 1 1 ■ -r:im|iLni',
€lianibr63 des comptes, du trésor et des nionnaies, H dci c^i
ini^snin.*s fuïei*t noniiiiés [Kmr juger les oiu5xîs le> lUu»
génies (22 mai 1 «G* — rM/art«. , t. Xllt , ji, 218). Tu
membres du parlement angia-bourguîgnon, malpé leiirl
soumission, vîrcut se fermer devant mx les pofics du P»l
par les instances du duc àe lîonrgngTie, on réinfi^gni i\\ut l
dou^e des moins comiu'ùinîsdan*^ le pailemeut roytil^ qui rertn
de Poitiers se réinstaller au Palais de Justice de Pumlc l*»«
ccmbre t i3R« La cour des rctimMei» de rhAlel, li cour dci i
(cour des généraux sur le fait de la juf^litè), le» chauibrrf
comptes ci io^ monnaies nrent leur rentrée a^ec le park-ioc
Cesdetix deniièrcs cours avaient étéétal>lie& à Bourges |>ettdjiij
h guerre civile, et les deux autres h Poitiers {Ottltmm., Lïl
p. 2*29)*. Paris rn^seuihla tous les ticurons éimrs de m ronron
de capitale. Une foule de citoyens, qui s*étaient exilfc* pour ne |
subir le joug éimugeCp rentrèrent dans leur cit^ï et dons I
biens.
Les deux universités s'étaient fondues conïmc les dem |
nients, et Ton put revoir sur h% mêmes bancs les garants de j
mission de Jeanne Darc et les auteurs de sa ci)ndr^' •>"-«-■ ^
ménagements du pouvoir royal |>our les gens d'I
cet égard jusqu'au dernier scandale. L'indulgence du roi el(
chancelier sentait la complicité plus que la i^lénience,
léges de runivei^ilé avaient été conlîrmés dés te an
[Ordmn,^ t- XUI, p. 220). Le petit nombre de bour|etiis <
avaient été Imimis ou avaient mîvi volontainïnieiil la itt
des Anglais, les cbcfs des bouchers, entreautres, m? Iiu-dèreût|
à olïtenir leur rappel : tout leur fut pardonné « li*ès doucenienl;
I. Le r«il, pour déElamniftgcr i^tiiljui^ peu Ft>iii<i>k <lu lUimn >i
OÎur» ccUc Tille ipr^ifOriytlrtîsiTJl unie à 1» oiirflijjuj. \Or(im,. Vil
T««r tùlt.ui du imtleitH'ut li FarU fui ttitïldu Té'uhht%emt:u\ I'm
louM? mvril 1457^ Ofthn,, XUI, p. 231), U Ulhin là un .
tonjoun |irCs^m pour cônti^nlr îos »eï|[iHMtrii tlu Midi. Le Ufi{;«i<'jmc cul iui
prtur ilr* nHÎù^^ ** B^turgi'S tw fat pLii aubîié*; ûun% l& faticr» niynlri, S«^ <
fûjrinia nHtii'ttrn k' dr&it d*nc<||]^rir ili» ji^fM i'i illTi^1T-lt4fl« âtfC ttt»|>fifaj
droib 4e fruiici-flcft n û'jiO[\iùit, — Ordoth, XI H, p. *ri*.
[143fi] AMNISTIE. 353
ils en furent quittes pour être plus chargés que les autres dans
les emprunts qu'on leva sur Paris [Bourgeois de Paris],
Tandis que, suivant la parole de la Pucelle, « un jjIus grand
gage qu'Orléans » était enlevé aux Anglais dans le délai tixé par
Jeanne, un bruit se répandit tout à coup de Lorraine en Cham-
pagne, et, de là, dans les villes de la Loire : « — La Pucelle n'est
pas morte! ce n'est pas elle qu'onahrùlée à Rouen! elle a reparu
à Metz ! elle a été reconnue par ses frères!... »
En effet, une femme, qui avait avec Jeanne une surprenante
ressemblance, s'était présentée aux deux frères de la Pucelle, et
ils Pavaient avouée pour leur soeur (20 mai 1436). La duchesse
Elisabeth de Luxembourg, nièce, par alliance, du duc de Bour-
gogne, voulant effacer la honte de son cousin Jean de Luxem-
bourg, avait fait un splendide accueil, dans Arlon, à la prétendue
Jeanne. Un des comtes de Wiiitcmberg l'emmena ensuite à
Cologne, où elle mil en i-umeur tous les pays du Rhin. L'inquisi-
tion de Cologne commençant à l'inquiéter, elle revint à Arlon,
puis à Metz, où elle épousa un chevalier, le sire Robert des
Armoises.
Pendant ce temps, l'agitation était extrême dans les contrées où
la mémoire de Jeanne était le i)lus chère. Jean Du Lis \ un des
frères de la Pucelle, venait de passer la Loire pour aller annoncer
au roi, à Loches, le retour de sa sœur. La ville d'Orléans, qui vi-
vait toujours dans la pensée du « miracle le plus évident qui a été
apparu depuis la Passion 2, » se hâta de dépêcher un « poursui-
vant d'armes » vers Jeanne à Ai'lon. Une attente fiévreuse re-
muait le cœur des peuples.
La prétendue Jeanne ne se hâta point de remplir directement
cette attente. Elle partit, non pour Paris ou Orléans, mais ])our
Rome. Elle avait conçu la pensée de se faire accepter par le Saint-
Siège; elle offrit ses services au pape Eugène IV, combattit pour
lui contre le duc de Milan, et tua, dit-on, deux soldats de sa main.
Aj^rès s'être ainsi assuré la protection de rÉglisc romaine, elle
1. Les Uarc se faisaient appuler du Lix, depuis que le roi leur avait donné pour
armes une épéc entre deux tlours de lis.
2. Guillaume Girauli ; relation conti-mporaine de la délivrance d'Orléans; ap.
Proc.es, t. IV, p. 282.
VI. 'IZ
ail su en «ES DES A^fGiaiS. iUK^i^
levlnl en France, De 1 138 h 1439, on la rdi'ouvc à U létc doue
coiin>a!îuie crhoininesd'arnics, gULTroyanl cmilrc les AngkiftiV
les niardies de Poilou et de Guyenne, el èeriiniil au toi ât
CmiiUQ pour lui demander Fas&i&tance de sa maritie* Le coDué-
titille de nastilk, dit k liironiriue d'Alvarci de Luna, moulnil
^ comme reliques n à tous ses chevaliers Ici* leUrfs de b Pocèk.
Les Espagnnls répondirent par Fenvoi d*ane encadre, fin j/A
let I i39, la prétendue Jeanne se montra enfin k Orlcam. qui tt
fit une réception enthousiaste.
JusquVti 1440, la cour se lin! sur lu réserf e, et U oc panltim
que « lu dame Jehanne des Armoises > ait chcrdié & voir le i%
Le conseil du roi jupea enfin néce.ssaSre de prendra uii pift
Charles Yll manda la prclendue Jeanne, et, coiiun« il aval] (tf
jiidis lors de la fameuse entre?tie de Chinon« il s^e confuiidii (iou
1.1 foule des gentilliommés quand elle arriva. Des cutirtiaM,
qui comptaient se servii' d'elle, lui avaient doiin6 un sipi*- ^^^^
reconnaître le roi. Elle alla droit à lui : CJiarlei riî*l i
Il se remit et lui dïi : ^ Pncelle m*amio, vous sofei b irtÉ»
hien revenue, au nom de Dieu qui fsaitle secret qui e^f '"^'
cl moi »• A CCS mots, elle i>erdit la têlc, se j*Ma h gcr
t merci » au roi.
On l'envoya à Paris, et, par jugement du i^rlenieiit, • im
montjée au peuple au Palais, sur la pierre de marbre, et Uioi
prèchée et traite (tirée, exposée} sa vie et tout saa état (toftl 1 4<Uj f,
(hi la relâcha ensuite» et elle fit^ dit-on, ntte maafnifte et iioo-
teuRc lin K
Tout ce bruit fait autour de la fausse Jcaciiio Dure Ma.
néanmoins, ravivé le souvenir de la vèrilahle, cl secoué Te^pèof
de stupeur qui glagaîl les esprits depuis son procès el ^ i
La vivacité avec laquelle le sentiment public «'ètiill m
agît sur le pouvoir royal et contribua à lui imposer pluàtattlli^
pîocès de réhabilitation.
Le peuple dut renoncer à respérance de voir se retioiivtlcr K^
miracles de 1429, Les deux grands événemems il'Ârras et ie
Paris n'amenèrent pas, couime il semblait permis de s'en flilKr.
t, Unçmnmti fur kt fûusêt Jeanne Butç ; ap. Prociâ^ U \\ i*. 311-11^
[liiïG] LA FAUSSE JEANNE DARC. 3:,j
raclièvement immédiat de l'œuvre de délivrance. Il fallut encore
de douloureux efforLs et de longs intervalles.
Les causes qui avaient récemment fait échouer Taffrancliissiv
inentde laNormandie devaient entraver plusieurs annéesencorr hi
l'cnaissance de la France. Le principal obstacle était dans la na-
ture des forces mililaii*es qu'on avait à opposer aux élranf,n?rs. (1rs
forces étaient de trois sortes : 1° les milices des villes, bourgeois
et artisans transformés par occasion en soldats, bons pour dé-
fendre et non pour assiéger des murailles : leur rôle était (ini
avec la guerre défensive; 2° la milice féodale, propre à monlcu*
à cheval pour un coup de main, mais i)eu capable de tenir la
campagne ; 3" les compagnies d'aventuriers , supérieures au
l'esté par leur habitude des armes, mais, d'ailleurs, véritables
bandes de brigands pour lesquelles la guerre nationale n'é-
tait plus qu'un prétexte, et qui étaient devenues aussi indé-
pendantes que les grandes compagnies du quatorzième siècle.
Ces bandits ne consentaient à marcher à l'ennemi que lorsqu'ils
jugeaient les chances de butin suffisantes, ou que la solde olTerte
leur agréait : il y avait telle compagnie qui restait une année imi-
liùre à manger le plat pays et à rançonner les voyageurs sans ap-
procher des places anglaises. Les paysans , leurs éternelles vic-
times, leur donnaient le uom(ïécorcheurs, depuis que le nom
di Armagnacs avait disparu avec la guerre civile. La plupart des
capitaines, môme les plus renommés, s'étaient replongés à corps
perdu dans cette carrière de boue et de sang d'où la Pucelle les
avait un instant arrachés; une bonne partie des princes et des
grands patronaient ouvertement les brigandages des capitaines,
et les trois quarts de la cour étaient complices de la dévastation
du royaume.
Le connétable, appuyé par la belle-mère du roi et par les
ministres bourgeois qui commençaient à prédominer dans le
conseil, eut assez de courage pour entreprendre de combattre le
mal, et assez de persévérance pour soutenir son entreprise. On
ne saurait douter qu'il n'eût conçu, dès la réduction de Paris, le
projet de donner à la France une armée peimanente et régulière,
et de détruire, i)ar tous les moyens, tout ce qui ne se plieiail pas
à ce grand dessein. Richemont ne pouvait s'attaquer siu'-le-
356 OUEHRËS DES A^IGLAIS* it<i|
dmmp aux compagnies; il commença par les p4»tilo« liaiidH et
jrjaramlnyrs, e1 donna Tordri^ chî ju^^ct sumimiremeni le^mr^
cfwnrx isolrs qni sc laisseraient ,irrét*^r 4ins Ici. vilIagiH. en H^
pntnt ilélil de meurtre; de viol ou de pilbgc : on tm |k n i
[vremier arhrcj on on les jetait à la rivitVe. Ekins Cfs PipiVljl
fce sign^ila un jeune homme dcs^lin^ à une terrîlde retKu
c'était Tristan TErmile, prévôt des mart^diaux, c'esl-è-dlrr cM
de la justice cl de la police militaire; Il Tut rexécnleor dis hmïe^
amvn\s de lUchcmont avant de devenir le coiifidait el le «oom»
père *> dn Louis XI, Ce peu de mauvais sang, ainsi tiré en é
m soulageait guère encore la France !
Vmm du sicgc de Calais, ontanié par le duc de Buurpogo?
la léfe des communes de Flandre, ne servit pas moins que liséfé-
neiiients de Normandie à détnonlrer la n^ce^llé d'une ncfiitdk
orgnnisalion mititaîre, cl ne sembla pas moins concluante ûoiHft
les milices bourgeoises que rexpédition de Nortnandie contre bs
comtmgïiie& d'aventuriers. Les villes flamaiidi» avnient montra k
zèle le plus bruyant et le plus aciif pour seconder leur une : Icufi
contingents élaient venus si en fnrre, que le duc atait on pott-
vôir congédier la moitié de ses gens d'armes bourguignomet
picards* Philippe eomplait sims ses étendards plo9 de Ircnle milk
lionimeâ des communes de Flandre, armés de casque*, de pte-
trous, de cottes de mailles, de lances et de matUcîs. Letir amp
èïMi magnifique : toutes ccsi tentes, peintes de eouJçors i>cktajiti'&
ornées de riches banderoles, semblaient une gnnde rilliî, dffi-
src par conniiunes, p^jr corps de métiers, par bannièn^. LesR»-
inands slniaginaîent que personne au monde n^ûsenul leurMlr
tôle; les Gantois surtout, qui, seuls, avec les gens de leur dilfd-
leuie, avaient mis sur pied dix-sept mille coiubultatil$, daidil
aniuï^s d'une incrojable présomption. « Quand les Anglo?^,
disaient-ils, samonl que messcigueurs de Gand vienne»! te»-
siéger avec loule leur |missauce, ik ne nous altcndrani pasrib
quitteront la ville et s'enfuiront en Angleterre, »
t*es Anglais n'avaient gai de de songer à évaitticr nalms : îb
eussent bravé, pour le défendre, des armées bien plu« rtéco-
tailles que celle de Flandre* Les *r gouverneurs > d'Angleterre h
vieu\ rarilina! et le duc de Gloceâler, f|itl, tout ot>>orbês da&
[1436] SIÈGE DE CALAIS. 357
leurs querelles, avaient laissé perdre Pai'is, se réveillèrent quand
ils surent Calais menacé; l'Angleterre intimait à ses cliefs de sau-
ver Calais à tout prix. « Le roi Henri, ceux de son conseil et tous
les Trois États d'Angleterre eussent laissé perdre toutes les con-
quêtes qu'ils avoient faites depuis trente ans en France, i)luti)t
que la ville de Calais (Monstrelet) ». La garnison, bien approvi-
sionnée et grossie par des renforts considérables, s'ai)préta aux
plus vigoureux efforts, en attendant qu'une armée de secours filt
prôlc à i)asser le détroit pour faii-e lever le siège. La garnison prit
inômc l'offensive en lançant de gros détachements sur les mar-
ches de la Picardie et de la West-Flandre : les premières ren-
contres furent à l'avantage des Anglais. L'armée du duc Philippe
se logea devant Calais, dans la seconde quinzaine de juin; les
petites forteresses des environs de Calais furent concpiises sans
beaucoup de peine; mais, quand on en vint aux approches de
la ville, les Flamands soutinrent mal leurs vanteries : ce n'étaient
plus les compagnons des deux Artevelde; ils avaient bien en-
core la turbulence et l'orgueil, mais non plus hi vaillance des
temps passés. La tyrannie de leurs anciens comtes avait fait des
héros de leurs pères; le gouvernement moins violent et plus
habile des ducs de Bourgogne leur ôlail par ses ménagements
l'occasion d'apprendre les armes; Jean-sans-Peur et Philii)iui
avaient su empocher les éternelles émeutes des villes de Flandnî
de grandir, connue auparavant, jusqu'à la guerre ci\ile.
Peu de jours après que le siège fut assis, le duc de tîloccsler,
lord prolecteur d'Angleterre, envoya un héraut défiei* le duc (h»
Bourgogne et lui déclarer que, s'il n'attendait hi bataille sous les
murs de Calais, Humphrey de Glocester Tirait cheicher jusque
dans ses États. « Dites à votre sire qu'il n'aura nul besoin de
prendre cette peine, et qu'il me trouvera ici,» répondit fière-
ment le duc Phiiii)pe; et il combla le héraut de présents pour la
bonne nouvelle qu'il lui avait apportée. La confiance du duc
connnençait cependant à être ébranlée, et rindiscii)line de ses
Flamands lui causait de sérieuses inquiétudes: tout les elTarou-
chait; tout les rebutait; tout excitait leurs soupçons et leurs
plaintes. Ils s'étaient d'abord montrés fort mécontents du retard
de la flotte hollandaise et zélandaisc qui devait seconder les oiié-
.t:»s GUEnitiïS des anglais. (h
nilioiïs da sîfge, et cjuj n'arrira que le 25 juillet Lci dotlei
l*hilipi)c essaya de fermer le porl mi% navîn?8 anglais, mi
liiiit diim la pm^e qm y roiiduil six grosses ncft dmifé
pierrct^; iiiiiis les Calaisictm paivinreiit à brCUer dcs lj«Uijnfl
pc*nr]ar)t une nrnirée basse, l'I le flui balaya les pierres. Ijcsi
ms hollandais jugèrent la mer Irop périUettse pcnir Hîûît k
Iiloeus dans cet oragoux délroit, et ne si'estimèrent poiiil diil-
It'urs asso^ forts pour bî:irrer le passage à l'orniéc qui %'afipii^
lait dans les ports d'Angleterre : ils remirent à la Toile et rffa
lièrent chez eux,
La leUaitc de la (lotte excita chess les Flamands une i
terrible; ils erièrent à la traliison, et ne voulurcol colaidrei
cune explîealîon. Sur ces enlrefîïites, la grimifon de Calais fif
une sortie, et as^nîtlit une baî^HUe construite par Ic^ as^té^mitft
sur une liauleur qui conunanrie la \ille : re poste, retuifi i h
garde des Flamands, et occupé par troij^ ou quai ne ceols tmi]
fut eniporlè après une résistance aBsex molle, el ^es défe
bircni passés au i\\ de Tt^pèe avant que le grf*s de TaniJi^! ptl]
secourir. Cet ècliec porta au comble rexaspérmtion des Flan
ils d^xlarcrcnt qu'ils routaient relnurner dans leur 11115**, 1%
lippe, dèsespénS accouru! an milieu d'eux, les âup|ilii) '^" "
point porter un si grand pr«>jndiceà mu lionucur^ et d*;/
au moins lairenue de lord (ilocester, qui ne pouvait tirder b
ne lï'coutèrentpas i>!us qiiWs n avaient mitrefois écoufé son pfcit
en pareille oceun enoe, et le due, la rage dam le eo-Hir, fm fih
eorc obligé dï'touiïer son juste ressentiment pouroi: point I&
poîissrr h une révolte ouveiie. t^ ^ ' ' f r une lelk prt-
ci i>italion, qu'ils abandonnèrent ' ^ lie des «
véanccs ?» et de rartillerie* Le duc fut réduit à coiirrir leur 1
traite avec sa cavalerie; puis il s*en alla Iristenietit à Lille, ar
aux moyens de défendre «es seigneuries» qui alli&jcmt éln' "'
sées aux représailles des Anglais [Monslretet, II, c. '2ùi-T
Le lendemain de la levée du siège (28 julUel), le duc d^ >
cester entra dans le port de Calais avec une floltc ebar^iLi- .:i liiv
mille combattants. Cette année, ne trouvant au lieu .1 .riL um
que des canona et de^ bagages abandonnée, se jeUi mr la ftift^
drc ocddcntalc et TA r lois, bit la Poperingues , IkiiUeiîl, de*, 6l
(143G] DESORDRES DES FLAMANDS. 359
rentra dans Calais avec un immense butin el une foule de pri-
sonniers : les Anglais ramenèrent à Calais plus de cinq mille petits
enfants pour forcer les parents à les racheter.
La flotte qui avait amené Taruiée d'Angleterre infestait on
niônie temps les côtes de Flandre et les îles de Zélande. Les tles-
ccntes des Anglais à Ostcndc, à lliilst, à rÉcluse excitèrent de
nouvelles tempêtes en Flandre. Plus les Flamands s'claient mon-
trés déchus de leur ancienne gloire, plus ils s'abandonnaient à
leurs fureurs insensées, comme pour s'étourdir sur la honte
dont ils s'étaient couverts. Les Brugeois et les gens de la côte
massacrèrent près d'Oslende l'amiral Jean de Horn , parce qu'il
n'était pas resté avec sa flotte devant Calais, malgré les fempètes
et malgré les forces supérieures de l'ennemi. Tne sédition terri-
ble éclata à Bruges, à l'occasion d'une querelle entre les Brugeois
et les habitants de l'Écluse : le scoutète , magistrat qui rendait la
justice au nom du duc , fut mis à mort , et les rebelles s'empa-
rèrent de l'artillerie de la ville pour attaquer l'Écluse. La du-
chesse de Bourgogne , qui se trouvait à Bruges avec son fils, le
petit conj le de Charolais,ne quitta pas sans péril la turbulente
cité : deux de ses dames furent arrachées de son chariot, et mises
en prison ; elle fut elle-même poursuivie par des clameurs mena-
Çfintes. Gand s'unit un moment à Bruges, et les grandes guerres
de Flandre parurent sur le point de renaître. Cependiuit les Gan-
tois n'étaient plus soutenus , comme autrefois , par la conscience
d'une juste cause; les « riches houïmes » et les gens sensés par-
vinrent à rompre Talliance des deux grandes communes : les
Gantois ne secoururent point les Brugeois, (pie le duc Philippe
bloquait du côté de la mer avec la flotte de Hollande et do Zé-
lande : seulement, les magistrats de Gand et (lYpres joignirent
leurs instances à celles des négociants de tous les pays qui tra-
fiquaient à Bruges, pour obtenir aux Brugeois une anmistie,
qu'ils acceptèrent.
Les troubles recommencèrent quinze jours après, les Brugeois
s'obstinant à vouloir imposer la juridiction de leurs magistrats
aux gens de l'Écluse, qui i)réten(laient ne rehîvcr (|ue du comté
de Flandre. Le duc Philii)po se prononça en favour de TÉcluse el
de Nieuporl, qui était dans le mémo cas, et défendit, de plus, aux
IJriïfîroif, d'unir k leur toiiiuiiirR^ telle du Franc eu nu
L'arp^ iminici[îal, comme ils avaienl résolu de le taire. Non
inoiit les firiigeûi» repo lisseront la lîécisian du jiriiice, uiù» îh
é^o^g^re^l un lU* Ictu^ hûurirmcslreh ^ attru^- iî*aviiir aniaié
IMûlip|>r contix; le peuple. IJeficndiml, un p€« cffnif éé d'une » ii
énorme arlion », ib sallicîtèrenl les aulr«^ bonnes %ill<^ cl te
nt'g^ocinnls t'inmgeti^, les « gens de* nations », d'iotercédtTi
nouveau eu leur faveur auprès du duc, PIiiJjf)iK\ sam
de réponse posilive^ se dirigea sur Bruges à b lèlii di! i|icila
cents hommes d*arnies et arrljci^ft : c'était Irop de p
uue escorte el pas assez pour une armée. Le chapîtrL
ûi le corps de ville sortirent au*df;vant de leur prince cl le ]
rent d'entrer î^eulenieut avec se» dievaliers H les giîn5 dtf la i«
sou. Philippe ne les écouta poini, el pasisa la porte aier sa :
Le peuple, à la vue de tous ces soldait;, s imagina ipie le duc \^
lait faire piller la ville par ms Picards ol se^ Rour^ignons. Lifer-
nièuïiUion alliï erois-sant: deux riches 1**^
lenns houuutiges au due sur la place du M _
îtous ses yeux par la populace; le$ archers linVenl siiir ta fiii
et un combat furieux s'engagea. Le duc se Irouia ilons lc|
^raud danger: it n'avait pas nu^nic tous lésinions autour dclm,
les Bnif^eois ayant fernit^ hrusqueinent la parlr do Ui ville uv.iffll
rentrée de Farrière-garde de Philippe, Accablée par Ic^ pn*)<^-
liles de tout genre tpu plenvaieut de chaa î ' ' ' ' i-ic
feuiMre, le duc et les siens lentèrenl une ^, . .r-
raite. Le maréchal de L'Ih>Adam , qui avait réceiuinrixt Imsià
surprendre Pouloise par les An^'lais el quillr le <cnjrc du ivi
Charles par truite de cet ethce atîribué h sa n*^#îliiîenci% conilml*
tait vaiilîunuienl auprès du duc: voyant les ardiers faiblir, il mil
pied à terre pour les enrournger; il fut onvetoppA, tertitôsé, m»**-
iacré, et Ton Iraîna son cadavre parles rues. Pin lippe c^l les coi»»
paguons qui lui rcï^taieni parvijuent ïusqu*^ la |M)rti!; cîlle^H
fennec; le duc allait ^ire tué ou pris. Un seintricr et un doyen
4es métiers Lriseient les serrures de la parle : le dur i*l ciudijues
genfilshonunes se précipitèrent hors de la ville; unk phi- 4i^
deux cenlB hommes d'armes et archers demeur^inefit au (M^fioir
de vaînquetirs forcenés^; lieaucoupd*autrei»avzileaf pird ; plosioitfi
[IS37-1438] RÉVOLTE DE BRUGES. 3G1
furent égorgés après le conibal ; les deux ciloyciis qui avîiiciil
sauvé le duc furent inipitoyableinenl mis à mort [2'2 mai 1 i37,.
Philippe regagna Lille, altéré de vengeance contre les Brugoois :
bien qu'il eût fort grevé la Flandre dans les dernières années, il
n'avait i)as commis de violences qui pussent légitimer de telles
fureurs; obligé de défendre ses frontières contre les Anglais et
contre les ccorcheurs, qui ne respectaient guère le traité d'Ari-as,
il n'était point en état de réduire Bruges par la force des armes :
il coupa les communications de Bruges avec la mer , barra les
ri\ières et les canaux , abandonna la cliàtellenie de Bruges aux
ravages des garnisons de la Flandre occidentjde, et ruina ainsi
le vaste commerce de la ville rebelle. Les Brug(M)is, de leur cùté,
assiégeaient FÉcluse, couraient le pa>s pour s'approvisionner
et saccageaient au loin les cliùtcaux ; mais, à rcîxceplion du
Franc, ils appelèrent en vain les autres conmumes à prendj-e
parti dans celte guerre insensé(». Les cinquante-deux métiers de
Gand s'armèrent, au contraire, pour y mettre un terme, élu-
rent un capitaine général , qui fut confirmé par le duc Phi-
lippe, et réprimèrent toutes les courses, tous les pillages, de ipiel-
que côté qu'ils vinssent. Les députés de toutes les boimes villes
de Flandre se réunirent afin d'aviser aux inoy(;ns de rétablir la
paix : tout le corps-de-ville de Bruges se rendit à cette assemblée,
et on ne lui promit de médiation auprès du duc que si les Brugeois
laissaient en repos l'Écluse et Nieuport et se séparaient du Franc,
qu'ils s'étaient incorporé. Ces conditions, acceptées par le corps-
de-ville de Bruges, ne furent point ratiliées par le peuple. Cepen-
dant l'interruption du commerce, la disette, la misère, eiiiin une
cruelle éi)idémie forcèrent ces «rudes gens i» àllécliir: ils jugèrent
eux-mêmes et condamnèrent à mort les plus coupables de leurs
compatriotes, rendirent au duc ses soldats prisomiiers, etenvoxè-
rent des ambassadeurs crier « merci » vers lui. Philippe n'eut [)as
rinq)rudence de s'aliéner toute la Flandre en poussant Brug(»s au
déses[)oir: il consentit à pardonner, moyennant une amende
de 200,000 riders d'or, des fondations pieuses en mémoire du
crime des Brugeois et du massacre des bons serviteurs du
duc , une indenmité aux familles des victimes , et l'abandon
de quarante-deux personnes « à sa volonté ». Ces quarante-
3^2
GUEnfîES Dis ANGLAIS.
ûm% cttoyem périrent presque lou&siir T^chafoud (mar^ i
I^s FlatnaniU» par leurs violences el Ieun> d&cirUres, umfnA
nut 6gâleujCDt ^ h Fratico, à Imr prince el k eiix^inéiiM» ; J
diticordes civiles de Flandre n'avaîciit profilé qu'atu Alij
(?t ùUK ôcurcliètirs. Le grand effort fait par liî& Anghis
secourir <]alais avait ravivé la guerre ; les Anglais rtcmi
Lîllebonne,Tancarville et d'autres forlerçsitt ilu najâdeL^i:». ^
forrèreiU la noblesse d'Artois et de Picanlia à Icter le siège 4«
Crotoi.
Les hostilités se réchauffa ietd également dans llle-dc^Fr
ei la Brie, où les Anglais ten^iicrit encore plusieurs place»: \
toutes les forteresses du Gàtlnais élaienl totiibées eolne
mains depuis la prise de Montargis, el ils étatetit Jiiiis î auitci
au cœur du royaume, iutereeptuul le coninierte de Parif
la Bourgogne et le Nivernais par Torcupation de Mouleimu, j
la Champagne par Meaux«,avcc le BeauvaisiseUc Vexm pari
Saiul'Geimaîn et Ponloise, qu'ib venaient de recouvitr
des coups de maiiK Leurs dètadieiiieiUs raTageilent le* enii]
de la tapilale comme avaiinit fait avant etuc les coiii|i
françaises ; Patïs se retrouvait aussi misérable qu'aiiml]
vrauce; m garnison le rançonnait et ne le défendait ^\\
le pauvre peuple m plaignait amôremeot de ii^aTolr pu
de nouvelles du roi que « s'il eùi été à Rome oy à Jémsilda^'
(Joitrmil du Bottrifeoù de Paris]. Les régions de fcsl, du ccdIp
du midi u*enduraierU pas de moindres souffram^^ qoe
du nord et de roucsl ; les Anglais et les ècorcbetirs ^lobk
B^érre parlagé la France; toutes les provinces délivrée»
guerre élrangéi e étaient dévorées par leii tomia^ies; les ]
grands seigneurs des frontières» Je^m de Luxcitibourf , comte de
Lignî, qui n'avait point encore voulu adliércr au limilé d'Arni>,fc
2« CuUo vîIU% ûngûgét} m duc Ue Boufg^gnc et) Hlî*. uv^lU OU ml iioéf |
h B rit for d.
%, Or tàtrnU ml» e«|;t«iid4at« dès ftepU(i»br« i iZ^, un fmpfti wsr Ia
Ttuf 4iinn le ParUU* pour pqycr tes loldjtti : il éiuU 1I0 ^ i(t<^> pvt ^Urmi^
(Ordùtm., Xm, Z27%
[1436] LES ÉCORCIIEURS. 3G3
damoiseau dcConimerci, cl aulros, faisaient le métier de chefs de
l)rigands, « menant guerre au premier rencontré, prenant et ra-
vissant de toutes parts prisonniers et l)ulin », assujettissant les
villes de leur voisinage à se racheter par des trihuts. « Tout le tour
du royaume », raconte Olivier de La Marche», « étoit plein de
places et forteresses dont les gardes vivoieni de rapines et de
proie, et par le nnlieu du royaume alloient et chevauchoient
les écorcheurs de pays en pays, sans épargner les pajs du roi ni
du duc de Bourgogne; et furent les capitaines principaux le bâ-
tard de Bourbon (frère du duc Charles de Boui'bon) , le bâtard
d'Armagnac, Rodrigue de A'illandras (Rodrigo de A'illandrando; ,
Antoine de Chabanncs (depuis comte de Dammartin), etc. : Po-
thon de Sainlrailles et La ïlire furent de ce pillage et de celle
écorcherie^; mais du moins ils combaltoient les ennemis du
royaume, et tenoient les frontières contre les Anglois, à l'hon-
neur et reconunandation de leurs renommées... A celle occasion
fallut-il que les Bourguignons se missent sus, lesquels tenoient
les champs en grand nombre et vivoieni sur le pauvre peuple, en
telle dérision et outrage que le premier mal ne faisoit qu'em-
pirer par la médecine (parle remède); et les nonnuoil-on les
relondeurs, car ils rdondoicnl ce que les premiers avoienl failli de
happer et de prendre. » Cependant le comte de Friboui-g, gou-
verneur de Bourgogne, recourant à une espèce de levée en masse,
réussit enfin à débarrasser sa province de ces bandits : il en lit de
tels massacres, que la Saône el le DouIjs « regorgeoient de leui's
charognes », et que les pécheurs les liraient dans leurs filets « au
lieu de poisson ».
Dans la France royale, la bande la plus redoutable était celle
de Ro(h*igo de A'illandrando : cet aventurier espagnol saccageait
la France après l'avoir servie contre les Anglais. Il avait groupé
autour de lui plusieurs « chevelaines », son Ijcau-frère le luUard
1. Olivier de La MarHie, gcnlilhomme bourguignon, fut maître d'iiù'el et capi-
tuine des gardes de CliarKs le Téméraire, puis gouverneur de son petit- tils
Philippe d'Autriclic, a qui il a dédié une Uisloirc qui continue celle de Lefèvre
de Saint-Rcnii.
2. Ce iiui est asseï curieux ii observer, c*cst que La Hirc el Saiutrailles éiaient
baillis, l'un de Vurniandois, l'autre de Bourge«;, et par conséquent chefs de la
jus'ico ro\ale daus ces deux districts. C'étaieui là d'étranges magistrats.
361 GUERRES D8S ANGLAIS, aJ
Alexandre de Boorbon, les Gliabatineset d'autres, ci se ijvuv
à lu li^te d*une véritahle arnit^e de tiH^ands» h b t<Mc de hq^
il eiitm t*n Languedoc» i>ro\ince jusqiraloi*s ^^^^rgiir^ par U
guerre* Les Êlatsi de Languedoc coinpas^reii! nvec Vil' " ^'••' -^
et il coûïiwilil ù quitter luur province tiio.vtnnjinl
somme d*argt:nt : iUo dirigea par la Guyenne vers k* V
la Touraine, comnie pour iûsnllcr au roi en purlnnl lu dcf^c^
lion jusqu'au \md des murs de ses réfildcnces. (Uiarli^ Vtl tïtoà
point alors aux bords de la Loire : après umlr célèbre h T<»uri.
le ^5 juin tî:)6, les noces de tfion fils, le dauphin Luuîs, atiTÉi
princesse Marguerite d*Éct>îia*\ il était aile à L>on^ cl * n '' -
plïiniV, iVoii il [ymm en Larj^iuedac comme If s lirigant)> v.
d'en sortir : leur insolence le relançait jusque rtmiji le» « i
royaux où il eacliait m^ volnpt^'^s oisives; les coir.i
lui enlever scfcs dernières ressources en rançtiri'
régions qui lui fomiiissaienl encore uii iwïii d'urgent, Aum
çhè de vive tbree à sa nouclialanre, il se r<%igna h ffinrittTà
val; il obtint des États de Langiieiioc un suhi^ldc du l2y,«JtH}
et niardiâ vet^ la Loire pour repous&er Vitlandrniido. Le*
des C*corcljeurâ hésitèrenl h cuinbaltre le rni, cl «»p rçpl
vers les domaines du due dt? Bourbon» qui Ic^ prolirgcaiî
rissoi^ sur les contins du HeiTi cl du BouriHifiii-'if*?., les -
Villandrando rencontrèrent les fowiTiei's du tx#î cl im dfrfâl^
sèreriL La colore inspira quelque énergie h Cliiirl**î: Vil, cl il
donna vivement k rliasse h la grande coiupapîile juiîqu au% IkW*
de la Saigne : les brigands se réru^ièrent diin^k it^y^dvIiomM
et la Bresse, sur terre d^Empire, d*où ils envoH^iieiil dcuisiflto
U te ditD]jhiu n^ttvail ^uc Irtàm &m^ et la priQct^tw imt^. VkirX^r^^i^ ^
Toun» utrertrtla une dUptïitsit *rAg^. yiar^mtUa MjiH tlk ilii
lYfcwcc, mo^tinoutit r octroi du c!uch* de Kerrl et iK
roi JttnjUii* ajfiint élc ft?5*îy»^iiH^ (lar non t^ftd*. iv i ,
lioiïii eyr.(itèj et le? Éc(j*âf*i* c*iiicîureni une lonpiv ^t^'*v **cc i >
f/f»Utcir»i'a Ji^mi Cti^rthr r«miftrc|uc <|ae, dun» k rei:tsi il^soooca ûl i
cLctéquc de Iktm», qui avuJL e4ïlél«r4 lo uiuria^ck, «ai It ^cialftru f4«pr
du rai,
?, Une ^nK-uie l'Ul Ik'u rer» celle époque h Lyt^ti» c-:
df»; phtâi^uri jtçrsouncs i^treui ci^entéci, d'^utret >
t. Il; c. 2U«
Cri3C-ti3:j PRISE DE MONTERE.VU. 3G5
pardon au roî, en offrant de mai'clier sons ses ordres contre les
Anglais. Le bâtard de Bonrl)on et Jacqncs de Chabannes obtin-
rent leur requête; Yillandrando, à son tour, fut reçu en grâce,
Tannée suivante, pour avoir conduit spontanément une expédi-
tion assez brillante dans le Bordelais, qui n'avait pas vu dei)uis
longtemps les armes françaises*.
Des rives de la Saône, le roi se porta sur celles de TYonne :
on l'avait décidé h entreprendre en personne la a recouvrance »
du Câlinais et de Montereau. Gomme Penlreprise se faisait prin-
cipalement pour le bien de Paris, on mit sur les Parisiens une
énorme taille dont personne ne fut exem])t. Les gens de l'uni-
versité payèrent comme les autres; seulement une ordonnance
du 2 septembre i 437 (XIIT, 239) leur promit que cette aide ex-
traordinaire ne préjudicierait pas à leurs privilèges. On prit jus-
qu'aux encensoirs, chandeliers, burettes et autres « vaisseaux
d'église qui d'argent étoieni, et la plus grande partie du trésor
des confréries ».
Le connétable et le comte de la Marche^, qui commandaient
Tavant-garde royale, prirent Cbâtcau-Landon et Nemours; puis
le roi « assit son siège » devant Montereau, avec six mille com-
battants. « Ceux de dedans, Anglois et François reniés, étoieiit
grandement fortifiés; » leur résistance se prolongea j^lus de six
semaines. Li ville fut enfin emportée après un assaut terrible,
dans lequel le roi « fit son devoir comme les autres, » dit le
clironiqueui- Berri : pour la première fois de sa vie, il paya de sa
personne 3. La ville fut pillée, mais la vie des hommes et l'honneur
des femmes furent respectés par ordre du roi : Charles VIT avait,
au moins pour vertu négative, l'antipathie des excès des gens de
guerre. La garnison se réfugia dans le château : les canons et
1. Boni, roi d'à nu es.
2. Ficro du comte régnant d'Armagnac et pciil-fils du fameux connétable. Le
comté do r.a Murcbe éiuîi passé de la maison de Bourbon dans la maison d'Arma-
guac par le mariage du comte de Pardiac, pciil-fils du connétable d'Armagnac,
a\oc la liile de ce Jacques II de Bourbon, comte de La Marche, qui avait é!é le
mari de la reine Jeanne de Naplcs, et qui s'était fait capucin èi Besancon vers
1435.
3. Le rétlacteur des Rf^fjistres du parlement raconte que le roi se jeta dans les
fossés, oii l'on avait de l'i-au au-tlessus de la ceinture, monta !i Tescalade l'épéc
au poing, rt entra dans la ville quasi des premiers. Mais cela est un peu suspect,
rbisioriograpbe Jean Cbartier et Berri u*en disant rien.
.Wi ODER» ES DES A^fGLUS.
lioiiibfirfles lies Frimcaîs, dirigée par Ji^an Rurcnii*, bartîT
luricuî^emenl cHlû rorleresse, (|nc les ûssîépciî fuicni l»*^
forcée ùe se reiûli'e h discrélion ; les « Françïib rciikH » ti'ctill
point lit! mcTci; la plupart TureTit pr^ndus; h roi tut mis^rji
dieux aux Angltib pour Famour du dauphin, entimt de
ans, qui vcnail de faire ses prcmîèriîs armes à côfé de lui iiî{
recpru iniîiTi pour les Yaineiis, Les Auiyrlaîs 0lHinrçnt la vie cl |i»
biens i^skiïh : le terrible Louis XI commença atiifii sa cairi^rf pir
un acte de cléiueucc (22 oclobre 1437].
Cetîo générosité fui lt>iii d'être approuféc de loui le lofindc:
los Vimskus furent très uiéconlcnb ([u'on eût laissé érh.v
la sorte trois ccuts « larrons el meurtriers aii|;loi<ï », et tu , j^ -
lioint de feux de joie pour la prise du chàtcan de Mcmli^cati.
Gliarlcs Vtl se rés^nbit enfin h faire, le 12 noveinlme I4Î7, •
royale enln'c dans Paris, qu'il n'avait pas rcTu ilepti^ '
glonte où il en uvuil <:té enlevé par Tannegiii niicb/tr>
fut splendidc. Près du roi, cotiverl d'tme armure dai
monté sur tin destrier raparAcjcnné de velours bleu & flem
d'or, obevaucbaient le daupbiîi Louis, armé comme son j^^,^]
connétable, les coin les d'Ângoulèmc*, du Maine, de Veiid^ii
de I^ Marche» le ^rand maître d'h6td Gaucxiiirt, le grand érat^
SainlraiUes, portant le heaume couronné du roi ; le roi * r
de Franee, portant la eotle d'armes royale; leand'Aul n
cien écuyer de la Pucelle, menait par la bride le dkemï diinii;
La lîire y était au^sL Le cortège était précédé par un mjlller dV-
rheri^que conduisait le sire de Gravilie, grand -maître dcf v^
halétrîers, Cl fermé par huit cents lances Èùm les ordnîs Ai
bâtard d'Orléans Une bannière, représentant saint Miclirf jt-
î. Berr» (ap. HevuMît deê histùrhm de Charln Vîl^ p. 'à'^^ \% ^oaJi t
1» miitlra do raTlitlcrk »: mais, teeilc *f>fnni^ lî'éuit ^n frt" ■ *"- j^^ 4».ii
ce tiir<î. î,^* fTÈr(^« BtirfïQU i^taiciH «ion bourg^oî» de Parif ri' ^a»»^^
mlTit au Cliftteli?! di^ Vath, G>à»pard, comme em)aa|^ d«iti la direcu^Q 4e r«f*
liJlcriy» oti W atnit signal* un talent iout ïiarïiculîeri piils ib n --' - . . . ~ ..
de (limrlcs VU. J«aft t^riiri* d»us râdmïniftiraiîoïi dci lînftncev
mfttic» toul tn r^iopiianl ivcc *qd frfcre U la 4lrettian ki att ;
rarlilleH« 11 >' Aurpu» e;A:«|iard, ft bOk^li^ru UlWmtiiL I4 .
ty sysiùmo dit bat le ri es el t*- trariil lîejapfi el de mine^ «pron J *- .. ..,., ^- r
lo Y^rHaM^ cr^afeur d« i*artilteric française ei d« Tari dca iil^jfev
2* PrÉre du duc d'ôrléaft».
[14S7] CHARLES VU A PARIS. 307
change sur un fond rouge semé cVt'toiles d'or, flottait en tôle de
celle gendarmerie : c'était là le nouvel étendard de France, qui
remplaçait roriflamnie, ensevelie désormais au fond du trésor de
Saint-Denis. L'élendard de saint Michel rappelait les visions de
Jeanne Darc , qui donnaient le chef des armées célestes pour
nouveau patron au royaume, et semblait un repi-oche permanent
au roi.
Le cérémonial de la réception du roi différa peu de celui qui
avait solennisé la venue de son rival Henri d'Angleterre, six ans
auparavant: comme en liSl, les corps ecclésiastiques, judiciaires
et municiiKiux allèrent à la rencontre du monarque jusqu'à
la Chapelle Saint-Denis ; le personnel ecclésiasli(iue était si peu
changé, que ce fut maître Nicole Midi qui porta la parole au nom
de l'université *. Nicole Midi, un des plus zélés auxiliaires dcTiau-
dion, l'auteur du sermon prêché devant le bûcher de Jeanne Darc,
harangua ce roi dont le cheval était conduit par récuyer de la Pu-
celie. Monstrueux spectacle, qui ôlait toute moralité et toute na-
tionalité à la réconciliation de Paiis avec Charles VII! Ce n'était
pas ainsi que Charles fût entré à Paris, s'il l'eût voulu, en 1 429!
Un rit antique des entrées royales , qui fut renouvelé pour
Charles YII, mérite cependant d'être constaté par l'histoire. Quand
le roi fut arrivé devant Notre-Dame, où étaient assemblés les pré-
lats en grand nombre, on ferma les portes de l'église, et l'évéquc
de Paris se présenta au roi, tenant un livre sur lequel le roi jura
c qu'il tiendroit loyalement et bonnement tout ce que bon roi
faire dcvoit » : les portes s'ouvrirent alors; le roi entra dans l'é-
glise, y fit son oraison, puis alla souper et coucher au Palais. Cette
cérémonie, de même que certains rites du sacre, protestait contre
les maximes d'autoa-atie royale, et rappelait aux rois qu'ils ne ré-
gnaient pas sans conditions , qu'ils ne tiraient pas leurs droits
d'eux-mêmes, et qu'on n'estimait point ces droits absolus ni in-
aniissibles ^.
« Le jour Sainte-Catherine ensuivant», on célébra un service
solennel à Saint- Martin-des-Champs pour le feu comte d'Arma-
1. Bulœus, Hisl. univers, piris,, t. V, p. 442.
2. V, Cérémomal de France, t. I, p. 6:;3-Cô6. •- Berri. — Blonslrelcl. —
Dounjeois de Paiis.
309 ÛUEnRES DES ANGLAIS. (|
gnac et pour los nuiros victimes des niassarrt!^ dt WïH.btm
assista à cvi offltc; k* teinpsi avait .1 marri la haine populairtstf
le jQurml du Hourf^efus fh ParLt renifin|ue fciilciuenl que U
îTîcnu pcu[>le fut mécontent, parce que lo* tll* du romlc tl'Ar^
mr<giiîic NO fîrenl point fie a largesse », eoinui " " t rusaçc
Le séjour ù<* Cliaiics VII ne lut p.is ploi* pt a la G8]
f]uc* oîijiîuère tYlui de Tîenri VI : le trisfi: aspect de ce^uc
Yille h demi ruiu<!^% les tragiques souvenirs qui î?'y ri^%i*
chaque paH, iirenl hieutôl fuir Cliuilcâ, duot IVpjnurûl^De
tique 8\'^loîgî)nit» tmi rju'îl pouvait, de la rue du mftl, _
écliîipper à toute imprcssioii pénible* (Uuirlcs TvparUl^ d^ Il
l] dtTeinhre, |iour les villes de la Loire, « sans avoir (M —
l>ien il la eité de Pai'is» j^ dit le Journai du ihttrp^tmê dr f'>
délivrance du Gûtimus, qut^ compléta le radiîit do MoDliupsil^
luaiiis de sou gouverneur, oftirier aragonais au sci*Tice4*j
tei'ie, ne suftlsair point h dégager les appraclif^ de k
d*tulleui^, les compagnieâ franpiM^s Cûmmettaieiil aukitilile
lenï^es dans les campagnes que les Aiigkiti cu\*uièmcs; I
rlîcurij, contenus h g^rand'pcine deux ou Iroii mois p^""f'
Hêdiliuu de Jloutereaii, &e dcclialuèrent derecheJ clai.
1 137 à iVM* Le désordre redcvinl immense, imii^crsci : Icom*
tïélablc, entravé dans ses me=^ures de réprcsHoo par le:^ piî
et par les eourtisans, mal soutenu par le rui K qm ol* i'dina'
mais, était désobéi de tout le monde; les oflleicrs qui icfiâîenll^
chaleanx de Vineermcs et de Beauté, sous le iximniundcm^nt
péiieiir du dut de lionrbon,osiîrent bien refiiôiîr rcnlrêtî deJi
places au connétable : il fut ohhf(é d'employer la foroe cûiitreeui
11 avait ùtéle gouvernement de Compit'/^ne' ûGuillauiocde FUvi,
qui avait furt bien servi, malgré le roi, en 1429 et l4Jl), iuîié^
qui commettait toutes sortes de violences cl qui ^ coiiipoitAU «h
petit souverain. Guitlaume parvînt à renlrer ûaBs Lit viUp nar
I, L« bjO£ru[ii^c ih ^iehùmtun va juimiu*^ aceitfter « If r^i ki-^oiliMi ttir
p. 77âV. Le roi ac i&umnàii rkHt mm» AoiiflfiAii luiir,
î. Noii» ûvort* ajviIr, ti |im|»iyh ij« ccHis YilW «jui Jouft ^n ^ gr»n* -*'^ * m
gutincfi dv ce leinii»^ ittie parOcrtluHtè rurien»c> : sci iclietiiiA pc^
d'f}i«)im^('«, fort rsirc cri Fiante» ut ûuM U% Aii^b-ÏH&fntftiali iiiii ic^i ^-*^*.' ^V
[1438] DÉSOKDÎIES, MISÈRES, ÉPIDÉMIE. 360
surprise, s'y maintint, fit prisonnier en trahison le maréchal de
Rieiix, ami du connétahle, et ne voulut jamais le relâcher : Rienx
inoumt en prison. Richomont ne put avoir justice de Flavi : le roi
resta passif. Il fallait au connétahle ime force d'âme admirahle
pour persévérer; il n'était i)as même dédommagé de ses travaux
par la reconnaissince pojïulaire : le grand amour que les Pari-
siens avaient pris pour lui tout d'ahord s'était déjà changé en
défiance et en aversion. L'on rejetait sur hii la responsabilité des
excès qu'il détestait, mais rpi'il ne pouvait empocher; on allait
jusqu'à le soupçonner de trahison.
Les cnielles soutTrances du peuple ne rendaient son injustice
que trop explicable ! La misère publique , en 1 138 , dépassa tout
ce qu'on avait éprouvé depuis vingt ans : des pluies conti-
nuelles ayant gâté la récolte dans les cantons où la culture
n*é1ait point abandonnée, la disette devint famine, et entraîna
après elle les maladies épidémi([ues , ses compagnes ordinaires.
Les populations tombèrent en foule sous ce double fléau. Le
Bourgeois de Paris assure rpi'il mouiiit, dans le cours de l'an-
née, environ cinq mille personnes à l'Hôtel -Dieu, et phis d(»
quarante- cinq mille dans la ville. Paris était si désert et si
désolé, que les loups y venaient la nuit par la rivière; « ils
étranglèrent et mangèrent plusieurs personnes, de nuit, dans
les rues détournées. » La plupart des hauts dignitaires avaient
quitté la ville : il n'y resta guère que le i)iemier président du
parlement, Adam de Cambrai, un président en la chambre des
comptes, appelé Simon TJiarles, le prévôt de Paris et le pré-
vôt des marchands, qui eurent le coui'age de demeurer jus-
qu'au bout pour réconforter les habitants, et garantir Paris
des entreprises des Anglais. Le prévôt de Paris était Ambroise de
Loré, Iirave capitaine qui s'était longtemps sij^iialé dans le Maine
et la Normandie *; le pi'évôt des marchands était ce Michel Lail-
lier, qui avait tant contribué à délivrer Paris de la domination
anglaise.
Rouen et les autres cités soumises aux Anglais n'étaient pas
l. Le roi nomma de LoiVî, sur ces eut refaites, « jiijjp-commissaîre et réformateur
général Hor le."* malfaiteurs du royaume, >- et lui donna droit d'am^ter les caîiitaine**
comme responsables des méfaits de leurs soldats. — {Onlonn., t. XI II, p. 2o0-21>5. ■
VI. 2/i
~m CilïKRniT!^ DES AllfVÏ*AÎ&.
vn lie nioiadres aïiguisso& que Pam : si la ronUpi^Q i
\mmi \m peu moins ^ la fautîijc y ùUûi [ûm ip^itde oin
et ces villes infartuiiées âvaieril de plm h subir la IrraaiB'
(les étrangi*rs et de knrrs cainplires les « François reoitfi, •
tels que raiclievéqiic de Hoiipn Lcmis do Litxcmtioiirç \m
1 avant évêque de Térouetme), Pierre Cauchiin, iiTor»
dcLisieux, et rex-prdvAt de Paris Siinon Mcirhier, qui av^lr
raeîjêté ou échangé, La Noruiandie succomljalt mm le ft^
maltôt&s.
HeureusE^raent encore qiie l*AogIelêrre n'étail iioinl h
proIUerde rabattement dû LMaîl la Friioce : l*Ar * 'î
ravagée que le eonlînent par la fmuinu et i
vastes progrès rappelaient la peste noire de i:Ufi; laul iPèJ
de combats avaient irnillenrs ^'puisé ce pays d1i
pent, et les écorcheurs seuls lui manquaient p^h
égalai celle de la France*
L'intérêt des dciLt royaumes leur cominauiliiil >
une transaction; le pajje et le condle, (oui en s'-i» , .um ..
thèmes, alTeclaient de rivaliser de zèle pour pacifler Irt cln
et prêchaient la paix au nom de la religion; h^ [h-
réclamaient au nom de leni's soafîranrj ' .ni^eil de r
olTrait de nouveau les conditions otTerie >, la Vtmrsw
la Normandie en fiefs; mais rorgucî! anglais ne TDitbJt pas
résoudre à trailer à des conditions raisonnahlefî : les Anglais énm
daienl en toute souveraineté toute la France au nonl delà
plus la Guyenne. En janvier 1439, des eoîïtéremt*s eureiil
sans fruit h Grâvelîues entre le canliiial de \Vi
dudiessc de Dom-gogne et les amluiïï^ïiJem'S de Charltr ; u .
furent reprises au moiïî de Jnitiet prés de Calâijs, Le eai\Iii!
Winchester y amena le due ClKuies d'Orléans qui, a rou^trflrirt
de chaque négocialion, sentait renaître l'espoir d'ol-î
liberté, et voyait toujours cet espoir dé^:;u. Le^ longs rn
la eiiptivité avalent entléreiueiit abattu son coiiragc; il n'ivril
plus qu'une idée an monde, c'était de MOrlir à Umt pn\
brouillards de TAn^ileterre, de ce sombre purpitoire où ûû lenP'
Pnrm, le marc «J^urgiïîit raïnïit alun coriroti twîaf Ihinoi. — UimP9tmi% if !^^
?JÉGOClATIOx\S, 374
holné depuis vingl-quatre ans; il était pris parfois (riin
spoir, qu'il offrait d'abandonner la cause de sa maison et
itrie, et de rendre honuuage à Henri VI pour toutes ses
ries, à condilion qu'on le laissAt retourner en France.
;enient pour lui, cette transaction déshonorante ne s'ac-
point. Ses véritables sentiments en étaient fort éloignés,
l était maître de lui-même; on le vit bien à l'amitié qu'il
ta à son frère le bâtard d'Orléans, qui faisait partie de
sade française, et qui était un des plus implacables enne-
r Angleterre. Il le récompensa des services qu'il avait
ï la France en l'investissant du comté de Dunois, portioji
itagc d'Orléans : l'illustre bâtard porta désormais le tilre
•mté. L<î duc fut ensuite obligé de retourner en sa i)rison
erre; car on ne s'accorda point encore, et les Anglais
ni toujours de le mellre à rançon , sinon lors de la paix
;. On avait eu quelque temps bon espoir : le cardinal
îhcstcr et ses collègues avaient enfin consenti à prendre
se des négociations les offres des Français, la cession de
jnne proprement dite et de la Normandie; on s'était
au 10 septembre pour en finir; mais, dans l'inler-
vent tourna à la cour de Windsor : le duc de Glocester
a de l'esprit de Henri VI, et rien ne fut conclu. Les confé-
irent n^nvojées au printemps suivant, sans même conve-
c trêve dans l'intervalle.
VI, en grandissant, ne montrait aucune disposition pour
e ni pour la politique, et son conseil était divisé par les
38 querelles du cardinal de Winchester et du duc de
r, qui représentaient, l'un, les intérêts de l'épiscopat ,
es passions du baronage : le duc était à la tête du parti
erre; le cardinal, qui voyait qu'on ne pouvait plus conli-
guerre qu'avec l'argent du clergé, s'étail fait le chef du
la paix; le l'ésultat de leurs discordes fut que l'Angleterre
lire ni la jkûx ni la guerre.
rêve « marchande » de trois ans fut signée toiit<Mbis, 1<î
)re, entre la duchesse de Bourgogne et les ambassadeurs
pour la Flandre, le Brabant, la Hollande et la Zélande :
-Bas souffraient trop de l'interruption du connnerce avec
37î fli:RRRES DES AXCLvi'-.
Tfiîniis (jti'oïï tu'^^-Ofiait iriu(ikMtii*ii( Ja Franiv avilît Hv nwmKtt
ùv pc^nlre îoiil ce qii*dlc avail rci^iign^* dcffuis îiXt, Le
t.iJylr, rebute'* de mn iniptiissancc H du peu dr hirn vmtloiri
lui 1em<ii>rnajt le rot, tint tomeil mac srs iimîs ^ir !«• ftnjn
ûe $e décharger du gouverncmenl dt»s pays au nord de b Ijùhr
Viwhel rilp-doFranre, ahandonnt^ de Rirlicnuinl. ^faictil
dus! ce Jî't'Iail plus qu'un th-si^rî livri'' aux Aiiglab cl smt «
dicurs. La résolution élaît prise, lorsqu'un hidiiriil cxtniorrfintift
rehaussa le courage du r onut' lable et Je (il changrr de «kçsrâi
GuiUuurue Gruel, le biographe de Rkbeniont, raronte que k
prieur des rhorlrenx de Paris viul Irouvcr h? nianiMalile, ri tei
dit qu'il î^avait son dessein par un frère de son cmivonf qui .mil
des nVvélafioufi : « Ne le faites point, monsagnenr, lui dil-il, rjp
Dieu V0U5 aidera; ne prenez point de smicL — Ah! lieau i^Ht^
répondit le ronnétabîe, rommenl ^ ponrroîl-îl ftilnr*y Lr nrf^
nie veut point aider ni hniller ^ens ni argent,, el h\^ gens d*«f
me haïssent pour ce que je fais justice deux, cl ne mi? ><•
obéir. — Monseigneur, ils feront ce que ttuis loudrcr^ et k m ,
vous mandera d^idler mettre le siège à Mcatr%, ri %ou* rmt
pens et ai*gent. — Ah! beau pi>re, comment ?e jviiurroil-il tih
Meaux est ^\ fort ! le roi d'Angleterre y fut lu^if inoi^ di^ç^inl.—
Monseigneur, ne prenez poiut de souci; vous n'y i^rez pa» tmt;
nyùT, toujonnî bonne espêninec en Dieu , el uiyt^ ffnjjuors huiii
Tous en viendrez k voLc^c honneur. »
Ouoî qu'il en fftt de la révélation du mi^iiieje efmiiêUiliUTPÇiit"
mr ces enirefiuteîî, une répouî^e favorable du roi, à qni il anil
demandé le^ moyens d'assiéger Meaux, et Icîi choies ne lAnî^nr^t
pas à changer de face, la cour étiul agitée par des niouv
întérîeun; rju'on est réduit k devinera travers le Hilenre inini<
gent des médiocres* Iiistoricns de celte époque : le fnf>oritiÉr ■ •
essayé de bc relever; le duc de Hourbon el la pluftarf dii
prînres et grandît seigneui'îj, qui avaient gagii£ à la déiior^
tion de riîtat une indépeudauee presque cnlJi^re, entnir;^fn( \
ce qui tendait k rétablir Tordre et à restaurer le {Kiinroir i
l. K^mer. t. X, [I. 724-736. — Ih VlMwhvr, ilhu di llMi^ifigifff. I. ir/l. li. H
[U39] lUCIlEMONT ET LE CONSEIL. 373
Les gens de moyenne condilion, c[ui étaieiil en Cuice dans le
onscil, les Jacques Cœur, les frères Bureau • , les Couslnul-, les
Ijljcvalier, les frères Jouvenel, alliés avec le connélahle el la
maison d'Anjou, a\aienl, au contraire, associé leurs intérêts à
l'intérêt public : ils remportèrent; ils s'einparèj'i*nt de Tesprit de
llharles VII et en restèrent maîtres tant quils furent unis. Parmi
les membres de cet illustre conseil, (|ui fut \rainient '< le conseil
de France, » le plus éminent par l'intelligencr' était le dernier
par le rang, le maître des monnai(»s et argentier Jac(iues Cœur;
dans celte génération d'honmies d'Etat ([ui ai'lie\èrent, par la per-
sévérance d'un bon sens énergicpie, la divine épopée diî Jeanne
Uarc retombée aux proportions ordinaires de l'histoire, Jac(|ucs
Cœm* el Jean Bureau eunMit vraiment un rayon au front, et rele-
vèrent l'esprit bourgeois jusqu'au jJiénie. Aussi le plus ;j:rand
des deux devait-il recevoir de son roi la même récompense que
Jeanne !
Le début de Jacques Ca*ur n'avait aimoncé ni ses ser\ices ni sa
gloire. Fils illettré^ d'un riche marchand pelletier de Bourges, il
avait passé sa jeunesse dans l'obscure boutique de son [lère; puis
il s'était associé, en li27, au maître des moimaies ([ui dirigeait
simultanément les ateliers monétaires di» Bourses, d'Orléans, de
Saint-Pourçain et de Poitiers. Les mauvaisi^s habitudes du mon-
nayage, ce loyer d'abus invétérés, l'entraînènjut. Le roi « gagnoit »
sur le peuple : les monnayeurs « gagnoient » sur le roi. Jacfpies
Cœur fut impliqué dans un procès intenté au maître des monnaies
Ravaut, pour aflmage au-dessous du titre. Bavant et ses associés,
en considération de leurs ser\ices, en furent (piitti^s pour une
îmiende de mille écus d'or I 'r2y\
1. t Bureau vaut éoarlate. »• Ce fut en riionncur ilos frères Bureau que le peuple
fit ce proverbe. Bureau est la niêuie chose que bure. Cette étolfe «rrossière e.-i ici
opposée à Vêcarlale prise pour toute espèce d'ôtofl'e «réclatante et riche ifiiituie.
Michelet , t. V, p. 223.
2. (iuillauine Cousinot, maître des requêtes de Ihntel, puis chambellan. Kticime
Chevalier, fils d'un secrétaire du roi , et, lui-même, secrétaire, notaire et ct)ntrôlour
du roi. V, Historiens tU OMrles VII, p. B81-H83. Cu peu plus tard , on le voit avoir la
>i^nature pour tout ce qui regarde les finances, et quehpiefois pour d'autres objets.
Jeau Bureau paraît avoir eu la si<;nature pour les attaires étran.i;cMv>, ibirl., p. : In,
— Ces notaires du cou»eil , secrétaires du rr»i, >ont l'origine des ministres slmc-
taircïs d'Ktat.
3. Sine littcris, dit Thomas Basiu (liv. v, c. 23).
874 aLîElllli;S DË5 A^(GLÂil% lUI
Celto râcliciis€ affiiire produisit une iBiprcssaun proJ
Jacipies CoDUr. Il ^ replia dans sa con^iencc et apprît k
jïuîUe lui-uiOnie, Il résolul de se relever à toiil |iri.\. Il ti^umM»
uctivité xevÈ 1(3 commerce extt^rieio'. Il partit II miu YM
GrtVe, la Syrie, TÊgyple. U siupril le secret de Voin
rèpuliliques Ualicaues, et rètwiut de rouvrir & 5ii pâlrîck]
luerce direct avec le Levant , commerce presque auûinti
longues annt*cs. Tandis rpie la France voyfiil encore scs<
maîlreâ de sa capitale et (J*iine si (grande imrlic de son lerr
il enlrepril de conquérir pour elle une large pi^rl daii» Yi
Luoiiuerciul de la Méditen*onée , ce centre dn monde. Il te
lutter seul coiilré des villes, contre des nations eritjCres,
des monopales séculuireb, et U rCmisit. La marine
cicnne, la seule marine rrançaîse de la MéditeiTaitée, pois
Provence n*étiut pas française encore, était tombée. ïl
M clal)lil, à partir do 102, le centre de bcs opérilLic
pellipr ", qui avait reçu du pape Uriïain V, en 1307, k |
de traflipier avec les n infidèles » sans encourir ItîS
TÉglise*, Il fonda une succuï-salc à Marseille » où il a4:quit U^l
de bourgeoisie, et dont il relia ainsi le nt^gucc h celui de k T^
II affranchit son pays de Tonéreux inlemièdiainti dos Yéi
des Génois, des Florc-ntins, des Catalane; tl di^putii à.
sautes mai'ines les inarchds de TOrient et de ri>cdtl^
concurrence aux Cattdaus jusque dans Bareeloiie. Trois <
teurs, une vraie armée couunercialo, m iKirtagèn:ii( k
de ses immenses opérations. Ses comptûii*s coiiTrircnt 1(^]
de la Méditerranée. « II n'y avoit en la mer d'Orient, » dit (
(îliastellain, t mU qui ne fût revêtu des fleurs de lis. • Ji
lîœur acquit, auprès des gouvenienients muiulniam,
m^t^ conduite amant que par rétenduedest^ii a(rairtô>,unn
que n*eiYt obtenu aucmi prince dirétien. U sut Uur se>
ceux de ses rivaux mêmes, et, les Vmitiiîns ayant élc nms^]
d'h^gypte par siute de querelles avec les ofïicicrâ du suada
1. MuiUjifUifr çuintimiiiiiuilt uvcr. lu miff [im un rnod. Lr |win euii â Liiu
Cttttî a détt^uè.
2. La |)«nîiisabi] JLviut Mis neatvtûév pmit utt ««iii tmrlrf ^ inii« Jwcfm$ i
:ii32-!439: JACQUES CŒIIU 375
fuiviU les ajrciils du {xvnntl ariiialciir français ((iii les firent rap-
peler. En 1 ii"), Jacques Cœur ménagea un Irailé de paix entre le
Soudan et les chevaliers de Rhodes (les chevaliei-s de Saint-Jean'.
A l'intérieur du royaume, Lyon, Tours, Bourges, étaient égale-
mont dominés par les succursales de cette maison qui cmhrassait
toutes les branches du tralic ; étoffes , épiceries , métaux , la banqu(»
ci le change*. Rii*n ne s'est jamais vu en P'rance sur de telles
proportions, et la maison de Jacques Cœur paraît avoir dépassé
celle de ses contemporains Jean et Corne de Médicis.
Si Jacques n'eilt voulu être que le plus riche des trafiquants,
il tùi resté à Montpellier; mais il nourrissiit de idus grandes
pensées. Tl préposa aux niaisons de Monl|)ellier et de Marseille
son nevi'u Jean de Village et un autre de ses principaux facteurs,
et, dès 1435, nous le trouvons réinstallé à Bourges, sa ville
natale, et investi de l'office de maître des monnaies! Il venait
hardiment chercher sa réhahililalion sur le terrain même de sa
faute. L'année suivante, il réunit dans ses niîiins Thôtel des mon-
naies de Paris à celui de Bour^ivs. Les altérations et les variations
monétaires avai(*nt été efiraNantes vers la fin de Charles VI et
l'avènement d(^ Charles VII : on avait revu les énormités de
répnquc du roi Jean. En 1 'j2;\ certaines monnaies étaient tom-
bées, en i^oids et en tilre, au iO" de leur valeur nominale!
Ciharh's MI rejeta brusquement la «< foible monnoie d à sa valeur
întriiisè(pie. On conçoit quelles perturbations durent en être la
conséfpience^. Il y eut encore, durant les premières années de
Charles VII, des « mutations » de monnaies, mais moins exorbi-
1. Il >avait rciulre trèslucratit' ri'chaii;;c du cuivre tow^v d'Occidoiit foiitre les
Dionu.'i!('< d'(>r et d'îiri,'eiit trFi^'\pto et do Syrie. Sur cet éohanprc de inûtaiix, voyez
un i»ns>ajjo de Makri<i , traduit par M. Sylvestre de Saey, dan-» Aniould , Hisioirt
'jénrT'ile dt$ fhiiiu:tf4 de Vritnir, IH')»». Cepeiulaiit il ne parait pas qu'il ait tiré béné-
fice do- ini;iO!- dar^T'-iit. il*.- t-uivri- vX. de p'ond) tpi'il exploitait dans le Lyonnais.
y, l*. CU'Hient, J>v<no"t CiPuT, t. I, ch. 5.
2. ('o (pii emp«'>chait «lue ces perturbations ne rendissent les relations sociales tout
û fait in>iMj«>*.!bIe-, c'élaiirit les moyen-» au.Miuels les parliculirrs recouraient pour s'y
sjustraire, Ain-ii, «Inns les toiitrats, on no comptait pas par livres, valeur variable,
mais par marcs d'or ou d"ar>;ent , valeur inunuable. V. Secousse, Prêfitce, au t. HI
des (Jr:l'niwuii:e^. Tandis «pie Tharles VII , en 1 122, tirait 3i><> livres 10 sous du marc
d'ar;:i;nt, ijui ne valait, en 1 tlH. «pu» î» li\ri'<,le«î An;;Iais fabriipiaii'nl de la "mon-
noie forte »• à Taris et décriaient celle du •• mi de Hour^es ••. A Uouen, ils faisaient,
connue lui, ■« de la monnoie foible. •• C'était une contusion uni\er?elle. V, 1*. Clé-
ment . J'ir^uci Coeur, 1. 1, p. Hô-HO.
37fi GIEIUIKS DES .IM;La.>v
lank's. Jacques Ctpyr y init m\ lernii*; il veiiorift le franc tu fil
vième du uiart% et restaura, dans le muitfiii>og(? < ufl cnîft, uiu
Jixilé, qui ne fiirml plus d(>ijieîilies soiis ce n^e •*
Son nMo adnunistralii" ne fui pas longteiTiiis liorn^'^ "■ '"* '"
lion ilm nionndes. Biuntùt noiurnt* ai'grnlier du rûi, *
jnlendant de la maison royale, i\ eut tmîii*c au €on§cil, net
<i grand et vif gfnie, iHiiinemfnent Aonè de b sage&èe dtu
uiundc^, lï^ s'imuiisc^a de la manièr'cjî la plus arrive diifts toufl
inU^rôts du royaunic, sans abandoiintT la tlrri'itlîon de s» pn^ ns
affaires, qui graiidiisisaîenl toujours^. 11 avait iouies les foiimliii
de rhôlel du roi, et les ordotinanees» qui, en t î38 el \i
interdirent les op^Talions du change ù Inule* pet^uiitit^
autoriïïéest favorist'rent celui qui éUiil le grand iiiartgeui* ixiiiiw*^]
le grand nrmateur du royaume, .laeques aviuï ubli'ur
eonlînuer son m^gocCj par dt'Togation sinViale aux •
qui défendaient le coimuerce h ions fd'iltiers du lu r»iii
I/6vénement jmtiria ce prhiiï'ge; ce fut danii les bi-n^llcefj
ti^*goce que Jacques puisa les sounncs ("înormes qu'il i*rf l;i div
fois sans intér*Ms au roi pour les frais de là guerre» Ce q'cH j
chose eonimune, sàm doute, t|n*un admiiiialnilt^nr âes Rt
venant, avec ses propres fonds, au scronrïi de TEdil*!
Du moiiient de son enînS^ au conseil , on doil altriinter à 1»*^
Cœur toujours une grande paît, et souvent la jKirl iirin
tout ce qui se fait d*u(ile et de considérable dan> le {^ouvirtut tii-a
Des uïésui^es de hante i>orti\> se succMèrenl dans le cow
de 1439. Dès le mois de dfrcenibm 1438^ taules Ifs aUéiwtiwf'
du fonds ou des revenus du domaine royal, e\'
vijigl ans h Charles VII, coninie dauphin uu roui
tié rétotpiées ( Ordonn,, t XIU , p. ?93); un dMoniliretni'^
rai des fiefs de la couronne fui ordonné (juillet 1439; On/*
t. Xni, 299); k dauphin, qui avait seize îins vl ipp "
des talents précoces, venait dVïrc envoyé diuiH le i
Languedoc pour réprimer les abus et les vioknrc& des tcr
L >> Cù%t lut qui nHahlH tii «luuNjui; wn« lev mmtirîttf:»^ is htê tAhmm I
tnr If Oa. *• Wjlatîc-, Traité tttt mûnmiet, p. 30*>
ai. Sur J Acquêt Ç^iùf^ V. P. Cl^iunai /ac^f» Ccrtrr f| C^m^ên fit, t
[1439] rniSE DE MEAUX. 377
on lui avait tloimé pour conseiller et y;ouveriîcur Jean (rAnna-^nae,
coinle de la Marclie et de Pardiac, qui se distinguait lionorable-
inent de sa SiUiyuinairc et avide famille; on se préparait à pous-
ser vivement les Anglais; la peste et la famine avaient cessé; les
opérations militaires devenaient moins difUciles : Jacques (lœur
fournit des ressources pécuniaires. On enrôla un grand noml)re
de routiers, qui revenaient en fort mauvais état d*une enlre-
prise qu'ils avaient tentée sur les hoj'ds du Ilhiu ' ; on les envoya
au connétable, avec de Targent et des munitions. Jean Bureau,
avec l'artillerie, vint joindre le connétable, et, le 20 juillet,
Richemont mit le siège devant Meaux. Il n'avait cpi'i^nviron
quatre mille hommes d'armes et archers, force insunisante pour
assiéger à la fois la cité et la forteresse du Marché, que sépare
la rivière de Marne : il atta(iua d'abord la cité. Le comte de
Somerset, gou\erneur de Normandie, se porta au secours de
Mcaux , à la tête de cinq ou six mille combattants. Richemont
fut averti de sa marche et le prévint, grâce aux canons de Jean
Bureau: le 12 août, la brèche fut praticable, l'assaut livré,
et la ville emportée en une demi-heure. Une partie de la gar-
nison fut tuée ou prise; le reste parvint à passer la livière et
se réfugia au Marché.
Somerset parut, le surlendemain, en \ue de Meaux: il ravi-
tailla sans obstacle le Marché, reprit de vive force l'ilc située
entre le Marché et la cité, et offrit la bataille au connétable. Ui-
chcmontnc l'accepta pas, et se renferma dans la cité. Somerset
n'osa l'y assaillir; les vivres manquaient déjà aux troupes an-
glaises; elles se repUèrent sur Pontoise. Dès qu'elles se furent
éloignées, on reprit le siège du Marché avec une nouvelh;
ligueur; on se ressaisit de l'île et de tous les « passages. » Le
roi arriva en personne à Paris , « avec griuide quantité de gens
1. L'évoque Je Strasbourg:, partisan du pape, avait cnv;aj^é, au nom du 5aiut-i)ère,
La Hire, Antoine de Cliabanncâ et p1u&ieurâ autres chef:» d'éeorclieurs à mener
leara gens à lîikle, pour di>siper le concile par la force, s'emi»arer des prélats et les
mettre à rançon. Six mille écorchenr<!. se souciant fort peu de t^e déclarer en oppobi-
tîoa ouverte avec le roi , qui soutenait la cau&e du concile, marclièreot sur Mlc et
saccadèrent horriblement la Lorraine et l'Alsace sur leur passa^. Les Alsaciens :m
levèrent en masse contre eux ; les Suisses armèrent pour la défense du concile, et les
t-corcheurs reculèrent et rentrèrent en France par la Uour],roi^ne, où ils se remirent tk
la solde du roi.
37a GUBaiiES DES AKCLâl^
irariïieis: » de forts détadiciiieiitsi, mnlumié^ à Saint- f>cat5
ailleurs, Unrt*ïit en cchec k corps d'arniêc t-Uibli à Ponfo;*r- ,:
It^ giJni^raux anglais se virent dans ritnpussiliilîli^ lie i^i
le mvilaitleuient dit Marché de Meaux. Li ganiisoii oêpIkÉkfi
cviicua, le 13 septembre, cette célèbre ftirleresse qui avait rtAàk
ê\ lùrijt^lejnps aux armes vîctarieusi^^ de Hefiri V.
ItitJieuiout fut brillaiiimenl atcueilli à k ix>ur après cet e:
H puîssji le roslc du mois ii Paris en iu' " %«s délibém^
avec le roi, les piinces et los mcmbri-s iu J. On réiuli
ne pas interrompre les bostililés pendant la mîiuvulîif 8ai*oii.c(
de prendre la Normandie à revers. On di:*ctitâ un grmil
pour lequel on allait avoir h demander le cuncoui*s ikr i. .-
(V*ri(Taux de lu langue d'oll, convoqués k Ûrléuns pour U n«ui-
mencement d'oetolire* Le rui se rendit aui Rliils à IV î
peu de semaines a|*rès que la ville d'Orléans eut t-4r m 1J^
meut rcuméè par le passage de la fausse Jeanne Ilarc. L»
d'Orléans fuient la plus intéi^ssante des iioiiibrcusâs asseuii
nationales de ce règne; prcsiiue lou& Ita princt's et les
du royauiiie y iigm'èrenl en personne ou jmr di*s reprèieil
d'tun rang iUuslre; touâ les pays el dtés do la longoc ifôd f
envoyerrjit des ^^ens notables, docteurs, clci\'S el baurgtots, jMtr
IravailUr h remettre le royauuie a eu honm |iajx, jiistia' ci
l^oliee. 31^ Comme on devait traiter la queslîan de lu ptîi twx
r Angleterre, question qui n'avait point encore èlè numide sikâ
ÉlatSj le duc de Dourgogrne, mal^Térindépendantc que lui veca^
naissait le traité d'Arras, avait dé|HVlit'î ^e> âiubafigadeors èf
même que les autres prinees ; le duc de Bretagne s'était lut
représenter par un de ses fiU. Le ehaiieelirr df ^'
vV*que de Heims^ oîirat l'asîienddée en exposant . ., ^
ciatjuu^p qui veniilent d'ètj'c suspendues trois steitMiinet u
vaut à Calais et i^envoyées au mois de mai I i SO, • pour Ui rtimJ
ou leiutt! paix ou toute guerre » ; il fit comialtre Ici liases
sées par les ambassadema français, et in\ ila les Étals A d^lil
Bur ce sujet» Daprès les termes du roi darmcs Jacques U Dot-
\ier, dit Berri» lt> ^ul lusïorien ipii ait parlé de^ ^■' ' ' ' *
avec quelque d^'taii, il ne |>arait pas ^pie les Tr
dt^Hbéi^' sépiuém^nit; tout le monde fut rôiini daim une gi
1^39] ÉTATS O'OULÉANS. 379
salle, où parla qui voulut en présence du roi et du conseil.
Les débats durèrent huit jours. Bien des gens, surtout les capi-
taines, n'approuvaient pas les concessions des ambassadeurs fran-
çais, et ne voulaient pas qu'on renonçiU, en aucun cas, à la Nor-
mandie; cependant la plupart des députés, remontrant Texcùs des
soufl'ranccs publiques, parlèrent en faveur de la paix, « au cas
que les Anglais y voulussent entendre » aux conditions offertes.
Le grand conseil du roi, après l'assemblée, discuta solennelle-
ment à son tour la question : le parti de la paix l'emporta dans
le conseil coimnc dans les États, et Ton décida de reprendre les
négociations au printemps sans suspendre les mouvements mili-
taires.
Un objet d'une importance immense, et qui dominait la ques-
tion de la guerre elle-même, fut ensuite soumis à l'assemblée.
Lt»s chroniqueurs, qui consacrent d'interminables chapitres à la
description d'une escarmouche ou d'un tournoi, ne disent pas
un mot d'une délibération qui eut, pour des siècles, une iniluence
décisive sur le sort de la France, et qm marque une des époques
fondamentales de notre histoire , la naissance de l'armée fiun-
ÇAÏSE ET LA CRÉATION DE l'iMPOT FIXE ET PERMANENT. On UC Sait CC
qui fut décidé aux États d'Orléans que par les ordonnances
royales qui en promulguèrent le résultat , et par un monument
bien postérieur, le Journal des États de 1 i8i *.
11 y eut certainement au sein des Trois Ordres une explosion
formidable de cris contre l'épouvaiitable règne des écorcheurs.
Tiers-État, clergé, une portion même de la noblesse, celle qui
restiiit sur ses terres et ne s'était pas jetée dans la vie errante
d'aventures et de brigandages, éclatèrent ensemble. Les déchirants
tableaux déjà présentés au roi dans les assemblées de 1433 et
de 1435 furent remis sous ses yeux avec une insistance plus
impérieuse. La grande guerre contre les Anglais n'était plus que
le moindre des maux du peuple, devant « cette horrible petite
guerre^» que les routiers, les écorcheurs, faisaient aux hal)i-
1. Vu autre docuuicut , un pani'îryrique aiioinme «k* Charles VII, éerit souâ
Ix)uis XI, donne aussi des lumières indirectes sur cet ol»jet; ap. Godcfroi, llùloncm
di ihnvlea 17/, en tète du volume.
2. MidKk-t.
360 rrUEttllKS riKS A?iGiA(S. imif
lAiils ùv$ vmu\tn^ieÉ ûmiê le midi ojiimR* d^ïii^ le* ourd, ilaru I
FrautH^ loiil t^iitière. Les détails i^upportôs |jar les conti'nitior
font frcinir en révclarïl 1l'^ abiiîieî» de rlùpravuticin l't de Vtrixi
où peut se précipîlar la nattin* iunnaiiic. Ce ne scraii rien de dit**
que, Iioi's les nuirs des villns, loiit le pays ilLiil livré h une iriva&ig
de Liirbaret*, Les barbares sont encore des honiriie»! On cûh
lâujvafit rexpie^siou d'un historien * , que la Finîicc cluil cntakk
jmr dey essaims du d amitié i-apportaiil de Tenfi^r des \
ineonniis^. Le cri de la France était: * l! liiul que cela ûi.
tout prix î »
Le conâeil répondit par un plan complet d'otYanÎH-vti»
IJnauceâ et de Tannée: les revenus dn domaine devnh'nt >ni lij
désonnak a fenlretien du roi, de sa famille el de sa in.inù'
et les aides el gabelles, aux dîvet^s dé|>ensc^ adniintsirïiU\4*s; U
IjûUe, altril>ut*e excluîsiveiiierd à ta solde de raniiée^ spnul fiiif
à 1,200,000 fiime^ par an pour tout le royauna*: on aiiruil mun
les moYcnîi d'euLrelenir en pcrmanenee un uambre d^terinliit^ de
L Mkhetn.
'i, « Di«u Bah \e% t^rmunles qn'ii ^cmflfrn h paa% ïn iwu[*lr «jr t'iunr» {ikt w9U%
|t Jeusattit avoir gaxiU'*,, QuAût^esi i^ï^Ibc* («MiiihU-n d'ryUvxi <#iit irii' )«»t »*»• •
regard des pauvrt»!* prétra***. H ûatre», |muvrf« Uliwitfrcr» \»tms»l \
les pretid et uiT^pdjïotiiH*, et Im mei^iîn l-ti fcr<i. <ni fo«i9*, ir» firax «mU ,iUite !.■
|^l0m£ dû vermine, et ks liiivw-o» tiiaurLr âe iû.ïm*.. on Tt^tît ir* mn»; n&t miiytp*
arrache lestlenk^ 1e^ u»utrt.'ï mnt battu* dc^ ^ru» li4tàiL^« U'^
vrés juvquËS à ce t)u*î1i îùtiriit im)c utgeiit t>lrM jjuit li'iur r
fuiliii<».«. Et tii> iippiiîient pa* seulement lujuîHiiifH, mai* l^tnrtiL . cl îilicn, eLU»
fOtiiliGiii,,. i*t etfVirçcnt,.. |irei3ii<9Ul les maru irt pure» et tes tii<*ia vu pu àiiu
fômrâÊtf «t nili!«; pveriDeiit lei» imurTÎetfi i*t îai««M»t 1«im prtiu l'nfmrtU, i'
Je wtWfHturei mi^uj^ut ; preûneni les fï^wittic-* ^fros^iM, î<s mriirjit cû
U^VOHJi et, U, oui leur fruit, ItM^rtel tLs Uidsctll Uioiirlr ïjiIix t»ii|itûiuc. '
Jctlo les femmes et eiifaui* 4 ia rivière-** JiimliiMK'Ml ; mmiîirtlitij A tm ir
Jili^t'st, tfflEmumt tju'uu paurre: villagiB e%l k atputir li li»lt mt dix jibeiïs if-ut^-tccs
Et. bi on tie jmtei wi vj» bgut^r t« fi^tj i^ villu^'-ii?*». Kt, i]U&iit1 ifv |>auM«»» r«*cf» é4^
frri«, ^t Û3 uc pou Voient ]>ii}ejf, on W§ u. fLuiLU)>c% tulu a-- • ^
Si }& ml dourMÛl ^uve-gnifUc à fmuii'res ^^IÎmOh oti lum
coïiipttt, 9«u grand tivinUoniiinir du rxJi et de su tei^fïtcuric
At Beaitviiis ( J, Joiivontd .\ ïip, l*, Cl^mi-iiit , JrXfvjw<t fiwir, I
lûs Mimifirt^ tU hnnuvQùiti^ d'Anluiiie Lui^eî „ t^t loi ai
iiij[»|»rîii>om ii^iubro de hideux d^tAils doiuué* par mi ^l
3. Il La d(!"pen!*c' ordintùiif du Iwmdiw, VArun(» incuir- ■
p& ci1nuubrt\ tmmuni envit(^) à 100 ^(HtO (rtinam \k pm
nummiie» ut six fo\a «utiuil cùmino Tj*ï^ur n'^ljitii»". «• ^ rVi j* Ju i^i î.A^tii* ti
[H39: LA TAILLE PERMANENTE. 38!
1roiii)os, canlonnrcs dans 1rs places frontières, assuivos ilo Inir
existence, payées de mois en mois par des officiers spéciaux,
dépendant entièrement du pouvoir r')yal, et n'ayant plus à
donner la nécessité de vivre pour excuse h « récorclierie. » T/élait
couper le brijjrandajre par la racine, et assurer l'action do la
Fi-ance contre Tétranfrer. La majorité des ftlats, dominée par
une préoccupation unique, reçut ce grand projet avec acclama-
lion. On ne sait dans quelle forme on discuta; on ne sait ce qui
fut dit de la part du conseil ou de la part de rassemblée. îlais
révéïK^ment fait voir que les États consentirent, au moins tacite-
ment, à ce que les 1,?00,000 francs fussent considérés comme
accordés une fois i)our toutes, tant qu'il serait nécessaire de
tenir Tarmée sur pied; ils se contentèrent de la promesse que
fit le roi de ne pas déi)asser ce cliilTre sans en référer aux Trois
Ordres, promesse qui fut tenue pendant le reste du règne '.
Les sociétés qu'absorbe une grande passion ou une grande
sonlTraniM' ne conservent guère la faculté de considérer un fait
politique sous ses divers îispects. Notre daule surtout, nation
tonte d'entraînement, n'a, dans les crises, qu'une idée à la fois
et la pousse à bout sans comparer ni prévoir, compensation mal-
heureuse de son admirable puissance d'action. La taille perma-
nente, dont le renouvellement n'aurait plus besoin d'être accordé
îi chaque exercice par les États-Généraux, allait mettre la royauté
h même de se passer habituellement des assemblées nationales :
la nécessité de leur concours serait dorénavant Texceplion au
lieu d'être la règh». La haine d(* Timpot arbitraire n'était pas
nettement associée, dans les<?sj)rils, au sentiment de l'interven-
tion permanenic de la nation dans son gouvernement. Il ])arut
tout simple à bien des gens d'éviter au pays les embarras et les
frais des assemblées annuelles : à quoi bon renouveler pério-
diquement le débat sur un élablissemcnt que tout le monde,
1 . Du moins au pîoil tlo la lettre : car on an<:^onta d'aiitros impôts, et ron fit plus
iVuiio fois de« levées c.xtranrJin:ûrc.s sous diverses formes. Le ehifl'rc total do rimp^it,
Nriiis le seiîriicuriaîre des momiaies. monta ordinairement, de 1 110 à 1 tôO, h environ
2,3i»0,OnO livres iplus de HO millions de vah'ur relative) ; les aides et pfabelles y en-
traient vraisemlilahlement pour un milli<m. V.n Lanjruedoe, laide appelée ie'ii'iii'nleut,
itn[»ôt 8ur la viande, sur le ]»oi-«?on et sur le vin en détail , allait au moins anx trois
quarts de la taille. V. V. Clément. Jirqves Ccenr, t. I , p. KU.
cxreph^ les l>ri;tirÉn<ls. jugeait m ntilf ? No ^ i ' ■
rcTOiirùt aux Étalî^ dans les cas cxtraordiii i.. . : .. :.,:
l'asseinbléG de 1439 prépara la ruine du régifOL» di!fi Élai
rain, rétabli au milieu de l'invasion H ronlre rtnvnfnoa ^Ij
gère, pI seuln fornin poî^siblc de la liberté dans cet Ap» 4f 11
toiie. Ce fut ainsi cpic^ des miniîitlres pnpulain^it cl iiiie â^^^-iiil
hlm înlentiôiinée jelèrenl sans pK^niMitatio» les premièxt:*. i
âv la iQonarddc arbltmîre, Le fonds aniuicl^ imniaiLhle ci
pendant du vote des Êtals^ assurait l*arinée |>j?nnatienU\ fl I
jnée permanente assurait à la rpjauté le pouvoir craccnolln' pi
tord arbitrairement le fond^ annuel et d'envalur Untia liîi Uh
tés, La seule garantie conire le danger des années pertuanmH
est dans le vole périodique de l'impôt, et Fou sait trop qn'^
ne suffit pas tonjouï's,
n importe d observer que la quej^Uon du infiinlleti de l'i
mée apriîîs la fin de la guerre ne fut ni trandii*e ni irième
en Î439, et que rassemblée ne âoiigea eerlaineincnt olcirB qi1|
trouver le meilleur moyen de chasser le» AngWs et d'éloolfer I
brigandage*
Les Étals furent dissous , après avoir aee^ptè les |iro]>o5iUous
de la couronne, et on les prévint qu'une nouvelle session aiirwt
lieu a Bourges au mois de février suivant, afin d'y imiter
diverses aulres matières et d'j recevoir radhésinn de* Rlali
I^anguedoe et de Danpluné* Le 2 novendire, panil TordoDr
de réformation de Tannée, promulguée i par loi et iN^ f _
perpétuel et non révocable, par forme de pragmatique -
par ravisî et délibération des seigneurs du sang royal, ia r.
Siviie \ le duc de Bourbon^ Cljaik^ d'Anjou [coiuU! du ^î
de plusieurs prélats et autres seigneui^s, barons, geu:^ .. .^..
nobles et gens de bonnes TÎlles, » Elle înterdtl & tous Its gr
d'armes, qni , de leur autorité privée et sans le eongù du roi , i
sont faitîi cbefs de compagnie ^ de s'arroger dorénavant le tilir-i
i'anturité de capitaines, slls ne sont e«jmprîs {inniii tes c^\i
laines que le roi se réserve de rboisir pour la conduite Je b
guerre, et qui commanderont elmerm un certain nomlire de lo»-
:i430] ÉDIÏ DU DEUX .NOVEMlînE, ?83
«lats. Il est défendu à qui que ce soit, sous peine de contlsca-
lion de corps et de biens, de lever des soldats sans coniniission
t'xpressc du roi. Les capitaines élus par le roi choisiront eux-
niéines leurs houinies d'armes et de trait, mais ne dépasseront
])as le nombre qui leur sera fixé, sous peine de confiscation de
lûens; ils répondront du « comportement ï> de leurs lionmies,
corps pour corps, si, par leur négligence ou connivence, le sol-
dat coupable échappe et qu'ils ne le remettent à justice. Défense
à tout homme de guerre de quitter son capitaine et se mettre en
compagnie d'autre, sous peine de perdre honneurs et biens.
Toutes pilleries, violences et incendies seront imputés à crime de
lèse majesté aux capitaines et aux soldats ; il est enjoint non-
seulement d tous justiciers royaux, mais à tous nobles hommes
et mitres d'assembler gens h armes contre quiconque « roberoit »
[pillerait) , de quelque condition qu'il soit, de lui résister par voie
de fait, et de le prendre vif ou mort; si quelrpie « pilleur » est
« occis » en telle occasion, aucune action ne pourra être inten-
tée contre celui qui l'aura tué; mais «lui sera réputé à mérite
et bienfait, d Les chevaux, harnois, et toute la dépouille des « pil-
Icui's )> appartiendront Ix qui les aura pris et livrés à justice*.
Tout juge, même non royal , est compétent contre les pilleurs,
sans distinction de territoire. Les officiers et justiciers du roi,
qui n'auraient suffisante puissance pour faire punition de délin-
quants que soutiendraient seigneurs ou autres , feront diligem-
ment les ajournements, procès, sentences, etc., et les renver-
ront incontinent devers le roi ou sa cour de parlement, et le roi
y pourvoira incontinent. Les officiers de justice qui refuseront
ou négligeront de poursuivre seront punis comme fauteurs des
coupables, tenus à dommages et intérêts envers les personnes
lésées, et dégradés de tous honneui's et offices. Les capitaines et
soldats habiteront dans leurs garnisons l'espectives, aux fron-
tières des Anglais, et ne les quitteront pour aller vivre à l'inté-
rieur sur le pays, à peine de lèsc-majeslé. S'ils le font, le roi
ordonne (jue chacun leur résiste à force d'ai'mes, comme à tous
autres pilleurs.
1. L'ordonnance revient jusqu'à cinq fois f>ur le droit ou plutôt sur le devoir de
r«âist<ince à main armée; art. Itî, 25, 27, 28^ 31.
3S4 (îTlKliïiKS DKS ANGLAIS
Le rai s*intei rlit tl«^ donner n^niissionii tmctin diHiiii|iJâiil (
Il |m'^st*ntc loi; H iii, ^ par iuifiortuiiilc de reini^rsinU ou airtir-
ih*'!it, il dntmcHt rémiîiîîioïi à îiortm, t^ il tli'fcncl û <airoijrdc |
riHiit fi à tous autres ofJiiior^v d'y obéir, et v<îut qiir, nonolM
lîiflite n'^niifïîîioîi, ils fasse jit iniiiilion Aqs dHïm\iimtH, m\ïf \n
de iirivatioTi il*honi»mirs et ofllees et eonfiscàilon «leltieii*!-— I
çdpicurs, baroiï!^ et autres capîtaineiî, (jui tirniirtif i:artii«oni (
leurs Ibrlereî^sf^s et c'IuUciiux, les rongédieriint oo lirs enlrpli
drnnt h leurs dt'pens, ^m rwn prendre sur les sujets du
prinr df làse-mnjesfe. Les sri^eiirs, roniint* îe<i eapiUlfi
riî'poiidrûiil de leurs gens. Ceux qui tieiinenl lii-iix hitU of
teirtuil h autrui les rendrotit. Défense de prriidiT ou ran
plare i! autrui fl.tril en ru!iei!>mîJiee du rtii, i\ pdoL' ilc ccrn
de vhrpH el de Idens vi la pOî;tenlé déclarée roluriêre. — ^^"^
peines ranlre les rert'^leurs el faiiteunî des diHinqtiiinlii. — ï •
sous lès iTn^mes peines» h tous left eapitaîncs, pirdes de plaoes tf
forteresses dVxiger en péage, des tnarcJifinds el HUlre$,aux ponli
Ol passiiges , denrées , niiireliandises ou deniers eii sus àt*s rm-
tuuies anciennes. Mmcs peini?s contre ies mpïimnes ^pij femaù
exuclions sur les hahilants des Imit qu1Is ont en ;.•
flscatïon de biens conti'c les seigneurs qui Ter-iieiit cw.^ . . , .,
leurs projii es terres en sus deg devoirs et rentes que leur dmoA
leurs sujets, ou tjui iitifniienteraicnl les péages et tlniiL't de trMi«at
à ein dm d aneienneté. — Le roi défend, souR pêne de torul*-
cation de corps et de biens, que qiu que re soit ne prmiic<9t
arrête les deniei'S des tailles et aidcîi du mi, sou* cotiletir de deiv
h lui due par îe roi *, 51émc défense» sous mêmes pDines, à Umb
«eiîineuîH de raetlrc aucunes « rrui"s ^ sur leurs terres pti «u^ jfr
la t ni Ile du roi.
« Et, pour ce que plusieurs nietleiit tailles sus* eu kniri»tr
sans le enïige du roi, dont le peuple eM lUOuU opîiHtiié, le
défend «lue nul, de quelque qualité qu'il soit, ntlmpo^ fJidk (T
1. Uê Fon^ifléraTtl est lntdre»»ftfit. •> Vmt vf t]i«», «outMiItt f^ia, «f
du r<mi)<re<'rat^nt dm Troln Ktjit», le roi a fnJt tndtro «u» aowar taille «c^
iwujïb' imtf le fait dp sa |*urfr«... Ut t^imuim'* i-t aiitfi» eraiièelifïiil Imi
Hâ\t4* t»JIU'.,. en U-tim trrrtui r*t eMjij^n^urirvt.. «t aisnift* lia pfwnmt^^ Ml
mHt£ta , ftvct: 17è panli^su^ lu taille du rai , aur tcurà sqjcu» aosm ipantfi
riîîio] KDiT m: deux ^ovemuuf:. 385
auliv iîitlc ou tril)uf sur ses sujets ou nuti'os, sinon pni* l(Mtivs
|iafrnti'S (lu roi, ci (KVlnrc Ir lieu ou soi^n<*urio où telles tailles
ou ai<l(»s seront niis(*s sus, confisqué envers lui\ »
Telle fut cette fauKuise ordoiuinnee qui décrétait contre les
écorclieurs la levée en masse i>rovo(iuée napruère par Jeanne
Darc contre les Anjilais , qui frappait les sei^rneurs en inéuie
teuïps que les écorclieurs, et portait au princi[»e féodal Icî coup
le plus liardi qu'il oui janiais reçu, en interposaut radicale-
ment le pouvoir ceutral entre le seigneur et ses sujr'ts; celle
ordonnance, enfin, (pii s'effoirait de garrotter le roi au nom de
]a royauté, et qui enjoijfuait au\ uiaiiistrats de défendre la loi
contre la faiblesse du roi. Fividennnent, le Tiers Étal remuait de
fait à cette heure, et il ne mau(iu<' à cette pièce exlra^udinaire
que la siirnature d'Étienm» Marcel. Devant Tédil du 2 noveiïihre,
comment s'étoimer que [)ersoime n'ait songé aux périls lointains
de la taille permanente y
Il était impossible ([u'unc irloruH' aussi radicale ne soulevât
pas de furi(Hises résistances. Toute cette masse d'intéréls illi-
cites, de mauvais(^s passions et de in-étiMitions traditionnelles
qu'on prétendait écraser, avait de redoutables moyens de défense.
Ij\ plupart des iirrands, qui iKuaient point osé lutter ouverte-
ment contre le vceu pul)lic dans les Ktats-(iénérau\, commen-
cèrent à nouer des intrigu(^s menaçantes, et le mauvais vouloir
(les pMis de guerre se montra bicMilot dans la lVicbeus(^ issue
d'une expédition t(*ntée en liasse -Normandie. Le coiînétable,
a[>r«^s la clôture des Ktats, avait entrei)ris le sié^e d'Avrancbes,
à la tète de six mille routiers; les Anj^lais marchèrent en force
à la 't recousse » d'Avrancbes. Pendant trois jours, les armérs
fui-ent en présence sur les deux rives de la Sélune, qui pro-
lé^ieait le camp français et enqiècbait les conummicatiims des
An;;lais avec la ville assié<:ée. Vu matin, les Anglais s'en^a-
gèi'ent dans les firèves du mont Saint - Michel , pendant la
marée basse, i)assèrent la rivièn* à ^ué ])rès de son end)0U-
chure, opérèrent leur jondion av(M- la i:arnison d'Avranclu^s, et
se jetèrent sur le cauq) français, tandis «pie l'armée les attendait
1. ÙrJonn., t. XIII, p. 300.
VI. 25
^^^pz luïn de lu» en amont mr la SéUim?, Le auiip hit fonV*; fci
hag;ages, les iiiuiiilbiiï^ et rtiililleri*! lonila^nta ou |K^uvoif <k
Fennemi. Si ranu«^*(î lût revenue charger k'S Ati^lnU i)ciii|i^3ifla
pillage, le sort ik' îa jonniée eût pu chrin^er eticoiv; uiaitt * loul
le niontle camnicni,ui de lircr sans urdntujïiJim devirrs b Bre-
tagne : ï ni prières ni menaces n'arrêtèrent les rotilkrsw U
connétable, la rnge rlans le cœur> fui oblip^ dv. Ivs ^ni^Tr; «laïad
il a* résigna à la reiraif e , il n'avait plus avec lui Dfînl biice* [ùa
dècenibre 1439)*
Llndignation lut extrême aulour du roi Le rui Im-mèiacit
moTitra ému de ce honleux désarroi. Au nlour du ronr * ' '
* le roi assembla son ronseil, et avisa cpi','^ li:njr tant de ti^
le thainps^ ce n*étoil qne destmction, et, ©près AYoir hieri ca^
sidéré qu*à ehaciiii roudjatlant il falloil dix elievata de bagage d
de fretin, eurume pages» feimues, \'alet:s V^et Joule LddéOûij
cpii n'éloit bonne qu'à détruire le pauvnî peiJ])lc, il ordoi
pai* K^^nide délitïération du consinl, que riiacim honum
n'auroil plui* que trois rlievau\ et denx pagi*^^ on >;ilift5 ai i«n--* r*
diaqne ardier^un seul ctieval ; que« toui^ lesinoiSiOn IcsfMflBCTBl
en revue et on les paierait ; et que tout le detninir«mt du frapfiijl
(de la valetaille) scroit chassé dehors^. » ^lonfortnémeni ^ fur-
dcmiiance du 2 novembre, on romineîïça de rlmt^ir le^ca|iilaiiicf^
et <le a leur délivrer argent, trait et artillerie, > Tuul seuibUi]
déjà « bien appointé, t* lorsque les duc» de Bourbon et d*AlencoA,
les comtes de VendOmc et de Dunois qmltén*ri! îiruiSicjueaicfilli
cour, qui était a Angori» et se retirèrent à Blois. Les ciunmii
de Tordre, grandît et petits, écorcheurs et princes, ^'iiiîf M
entendus: une conspiration s'était ourdie pour arraiibcr moùce
une fois au roi ses conseillera , non plus , coiiane au|ii;ur»iiiiitf
parce qu'ils perdaient la Pranee, mais parc^ i{ti*îls b ferfMot
trop bien, La Trémoille était l'âme du CJUiploI : il --
rendre la pareille an connétable, et iTprendre le goaveru. . ..
i. D**[irài ues pfiroli^D, m on les prend an f icd «k k \turt, un «oc^ 4#4f«a «S*
t«sw0â ifâkiaît hiûiiluitUtimi^iit nprès kl vîni^i mÛW rhctftux, %ma •* iwiikr»* ^
M bAGluraiL^â '• ft >> EfunrnLcrg m, cnilf^vés dwrmi f ilinnî miT lntiltiiiTi iTi ii [Mnil^^m
On o^xiiir^uU comment co^ pcUiCA «ritiéf^ exifr^^icnt de si gmmb fft?Bf«i. Pmt»
2, Bi^rri t roi d'unuesi ap. Uitt&ritm et ChaHn VU, p. KW«
lIUO] la PRAGUE rie. 387
du roi et du royaume à Li faveur des troubles. Plusi(Mirs des
principaux chefs de compagnies al)andonnèreut les ^jostes des
frontières oiï le conseil les avait envoyés, et dirigèrent rapi-
dement leurs gens sur Hlois et sui- la Touraine, tandis (\\w le
duc d'Alençon allait de Blois à Niort trouver le dauphin, qu'on
travaillait à entrahier dans les inlérùls des factienx; c'était le
premier pas que le duc dWlençon et le bâtard d'Orléans faisaient
hors du sentier de riionneur et de la justice; les fatales traditions
des sires des fleurs de lis les entraînaient. Dunois, héroïque, mais
personnel, était jaloux des princes d'Anjou, du connétable, des
ministres bourgeois. Alençon, âme chaleureuse, cai'actère faible,
avait perdu sa boussole et sa loi morale en perdant Jeanne Darc;
son mépris pour le roi lui lit oublier ses devoirs envers la patrir»;
sa carrière, si noblement commencée, devait bien tristement Unir!
Le connétable, pendant ce temps, était parti d'Angers pour
Paris, sans rien savoir de ce ([ui se tramait : il tomba à Timj'.ro-
vistc au milieu des princes rebelles réunis à Blois, et \ courut de
grands périls. 11 fut « fort attaqué de paroles : » le bâtard d'Or-
léans ne demandait qu'à prendre qu(?relle avec Richcmont pour
trouver un prétexte de mettre la main sur lui ; mais le comiét.ible
sut se contenir au point de ne donner aucune prise aux provo-
cations du fougueux Dunois. Les princes, néanmoins, délibérèn'iit
de l'arrêter : un chef de bandits, gentilhonune bourbonnais,
montra des senthnents plus honorables que les sires des Heurs de
liï; récorcheur Antoine de Chabannes représenta que, prendre le
connétable, c'était livrer Paris et l'Ile-de-France aux Anglais. Les
princes hésitèrent; La Trémoille heureusement n'était point avec
eux : Richemont sortit de Rlois et gagna Reaugenci sain et sauf.
Il y trouva Gaucourt et Saintrailles, que le roi et le conseil avaient
dépêchés à la hâte jiour le mander a Amboise. (Ibarles étîut
arrivé d'Angers à Amboise, entouré de ses cons(^illers résolus de
soutenir leur ouvrage jusqu'à la mort. Dès tpie les rebelles ne
s'étaient pas em])arés par surprise de la personne du roi, la bonne
cause avait toute chance. Charles soutint ses nouveaux conseillers
dans le bien avec la même obstination qu'il avait soutenu les
anciens dans le mal, et il y eut, c'est justice de l'observer, un
degré d'activité de plus, qu'il est permis d'aUribuer aux insti-
^ta oirHnnEK des ANotAia
ga(ioiiïirl';U'tièsSoreL An îiHTiiient où nich^mfMt^ i
Cliarirî^ vi*rj*jît tle i t.Tfnuiî' une fi^f lieuse riouveUr :h . ' • - u«
avait chassé son pouvfmeiir, le t'oinle de la MarrJic* {Knirsnhre
le tliie (TAIi^nrnn. ('(^ jrtmp prinetr, h ilix-huit ans, joîjEmun
à Hmiiieiir iTiriuniite ûc snn âge et (k son caradi^rc, raiiti.i,.^
froide et nMUHbio de Tî^içe mur. Vive et iiifaJigaWc» ifi(*'lli^rnnf|
il ne tenïiit de sr>n père que la sic^djeresise cFilmc ot k giiùl
libertînage; aussi détinut, aus^i dénué de ^m monil« inoh
envieux e( plus vindirîilir, il avait les viee^s de la fiimv rjinia
Bon père ceux de la faihlessc% c( rapjidjiit, ]iar «on esprit rt^
faniîlés pn^eoee^ï, f!har!e!i V et Plrilippe te BeJ, Il méprisait.
pt're, liaï:^sîiïl i\^vs Sorel , et reî;,^^ niait toutes h% iuRueno
bonnes ou mauvaises, qui gouvemaîent Charl*^TIl, eaniitR* au
d*usurjKilioneî exerrée» a miy déirinient.
On |ieut direipje ledïAtjïïiejiï de Charles \T1 inufidiiïsail tm^r
tie lui ih\m la persunii».' du dauphin. L'ingrat] Inde devait diMi^
rinp-atilude ! Les fartieux iivaienl eu peu de [M!Jne àstHlitire L
im lui r>nranl de Tnider à atteindre le but de f,e% ilisirs^, lldi
hauleujenl ipi*îl ne voulait [ilm être sujet eoninic jwir le p»»-
qu'il BH sentait en état de a faire Irfet-bïen le [profil du rojaiJinr'. >
l ne partie de In noblei^iie poitevine se rangea mus m ÏKmiùt
n IVeneîç les eliauîpîi; ijull vous souvienne du roi Bif
(Riebnrd II); no vous lûmvz enfermer en ville iiî vn phce*>Tcll
furent les premîe^rpsi paroles i\e Uîrhenioni en ahonlîinl le ï^ïiC
Clïai'les olx^'it h relie énei'f^ique iin]Hilsîûn. Mes * letircfi n^* ''^'» • V>
fendirent aux lionnes villes de donner oliéissanec ni eiiti
pbîn, aux dues de Bourbon, d'Alençon et à leurs fnuteuri. Le m^k
ronnélahle» les eoinles du Maine el de la Marche, avw ce ([u'on in
de Iroupes (IdiMes, sv portèrent sur î*oitiers: ils y forml nv*
que le duc d'Alençon et Jean de la tlooliefouràuJd, Rmècltal i
Poitou , avaient surpris la vilU* el le ehàleau de Soinl-Moiic
niatK que \e$ houvp\m et les uioine*^ délendaiént opiniiUr
une de$ portes de la ville el réalise de I^abhajcduSaint-Mtiivi:
Tau u rai de Coeiivi et l*ieri'e de lîreziS sîre de Iji Vûn^mie, f<^
ebal dVAnjou , [jarlirent au *rranrt trot avec quatre c^iil» laiiocr?
L J. CimrtirT, \k 103,
2. ClulU. (imdt t^> fïf Bichmmu; sp. lUitorimi tti Vhtfiià l'/l, |l 77i*.
J*40] LA PIIAOUERIE. 389
et arrivèrent à temps iiour secourir ces biMves gens. Les relielles
évacuèrent la ville; on leur reprit le cliî\leau, et bon nombre de
prisonniers furent exécutés connue traîtres. Les bourj^eois de
Saint-Maixent furent récompensés de leur fidélité par de iJirands
privilèges.
Les princes ne s'étaient point attendus à cette vigiunn*: ils
connnencèrent à craindre pour le succès de Tentreprise, lors-
qu'ils eurent reçu la réponse du duc de Bourgogne, (pi'ils avaient
sollicité d'entrer dans leui* alliance. Le duc Pliilippe oITrait au
daupbin sa médiation auprès du roi; mais il refusait de parti-
ciper h une guerre <iui « porteroit grand désbonneur et dom-
mage au royaume '. » Le comte de Dunois se repentit ])ien vite
de s'être engagé dans une révolte indigne de son caractère vi
dont il prévit la mauvaise issue; il abajidonna ses complices, et
obtint sans peine son pardon. Le conseil du roi fut tro|) lieureux
de ramener un liomme de si liante valeur. Les rel^elles, hors
d'état de tenir la campagne en Poitou contre le roi , ennnenèrent
le daupbin dans les domaines du duc de Bourbon, tout hérissés
de places fortes. L'armée du roi les poursuivit [)ar la Marche et
l'Auvergne : les populations se déclaraient presque partout pour
le gouvernement royal ; l'ordoimance du 2 novembre , cause de
la révolte, avait comidétement gagné à la couroime villes vX cam-
pagnes. Les nobles étaient au moins partagés : si leur orgueil de
seigneurs féodaux était blessé, leur intérêt de propriétaires était
d'accord avec les mesures cpii devaient faire cesser la dévastation
«lu plat-pays : la plupart restèrent dans le devoir; la noblesse
d'Auvergne, en grande partie vassale du duc de Bourbon, lui
refusa toute assistance. Clermont et Montferrand fermèrent leui's
portes au dauphin. Les i)rinces n'eurent pas même tous les écor-
cheurs pour eux: beaucoup furent gagnés par lîi promesscî d'une
forte solde; les routiers de la Guyenne et du Languedoc, les
fameuses bandes de Villandrando, obéirent aux mandements du
roi. Ja^s Ktats d'AuvcTgncî, ivcpiis d'accorder un subside extra-
ordinaire au roi, répondirent cpi'ils « étoient siens de corps et
de biens » , et agirent en conséquence. Les jjourgeois et manants
1. Muiistrclet, 1. II , c. 2iô.
390 €UEni\ES DES ANTiLll?^ MfiJ
jie nuoiUaienl t|uc, dans les villes et forl<*rcs§fts prises pàrl<»i.|
troupes royales sur les rebelles» le roi cl le conrjAtîibU* mif
chaient de piller t^t de maâsatrrer les pamres laîiitunls tMniii;;iT
h la nS'oUe. Les liabitudes du la ffiierre étaient devenues si liar-
_ liants f que ettle huinaniltS ou [tlulAt eelle juslicc» seialitiûl ihùaij
Dule nouvelle et digne d'admiration*
Le^ pririccs négoeîèrent* Le comte d'Ku (delâmaidund'^
iréeeuijuenf revenu d'uite captivité qui datait ie la balnilleirJ
courl, essaya de réconcilier « le roî et les scjpieurf », n lUi
bien, que Us ducs d'Alençon et de Bourbon i^romunent de râmcM*J
Je dauphin au roi; mais te jenno prince, sadiani qu'on n*ttt^i
point ^lipuli* k pnnlon do^v g^nnillshoniines de son h«'itpl , rufica
ie rctauî*aer pi-ès de son père» et la gnen'ïï recommença*
'^trûu[ies du roi envabircnt le Bourbonnaij^ : tontes le* pt^' " "
^baient en leur pouvoir prLtsque sans résistance; lu pli._
irasisaux du due de BourtH>n ^e sotiniedaient 8{»onl:mémciit :
DÎ p(3ussa ju^tpfen Forcis avec le mt^mc succès. Le comie il*Eû«]
cependant s s'clail reini^ à la licso^e : il pria le roi de se rciiin
Cuï^set , où â monseigneur le dauphin et niouseigneur de B«ap
bon * ge mett l'aient ^ %tx nns^^ricordc. Il s'en**agi!a sar sa vie i
ie^ y amener. Le roi consentit à revenir de Roanne à Cns$<ïl, cl^
I, il reçut d'abord à coniposition le duc dWIencaiip cjui
séparément ; puis aiTivèreiit le dauphin et h diu: do
[1 19 juillet liiO).
Le danplnn tlait accompagTié de La Trénioille el de deoi iH
itrigants, dignes acolytes de ce dçtesrnblc personnage. Le roiJ
'sllînîlii'r aux trois complices de ne point entrer d^in» lu villei
^parcn qu il ne voulait ni les voir ni leur pardonjier: le tlaupàoii'
^i n'avait point Hé préveim de celte exc<^ption 4 ratimisljo |
nise^ Voulait absolument s'en retourner; h ibic de Ikiurbiiii e{ I
'^eonile d*En eurent Krand'pcine h le dccider d'avancer $km k
« 't^vns de son listel » , connue il les nonriuait. Le roi, necueFll
ivec sév<:Tilé son fila et son cousm, les • adnionesla i de pin
'retomber en imrHIle faute. Après qu'il eut dttlaré qti'il
^remettait leur méfaif, le d,iupbin snllicila b grécê di^IJiTW^
aoille, de Chanmont et de Prie* « Oti'iis se retiit^nt en leurs lu
"^on*^ et s'y tiennenl ! dit le roi ; je no Iiîs veujt point voir! — I
[1440] LA PRAGUEniE. 391
ce cas, monseigneur, il faut que je m'en aille; car ainsi leur
ai- je promis. — Louis, répliqua le roi irrité, les portes sont
ouvertes, et, si elles ne vous sont assez grandes , je vous ferai
abattre quinze ou vingt toises des murs pour vous faire pas-
sage. S'il vous plaît vous en aller, allez-vous-en ; ciir, au plaisir
de Dieu, nous en trouverons assez de notre sang (pii nous aide-
ront à maintenir notre honneur et seigneurie, mieux que vous
n'avez fait jusques ici v (Monstrelet, 1. Il, c. 245).
Le dauphin resta; et le conseil, jugeant nécessaire d'adoucir
ce dangereux esprit et de donner un aliment à la soif précoce de
pouvoir qui le dévorait, engagea le roi à le mettre en possession
du Dauphiné, après avoir placé auprès de lui des gens sûi-s
(28 juillet 1440). 11 fut seulement interdit au dauphin de « désap-
pointer » les ofllcicrs alors en fonctions , sauf le cas de forfaiture,
et le sceau delphinal resta aux mains du chancelier de France
(Ordoww., XIII, c. 318).
Le duc de Bourhon rendit à Charles VII les châteaux de Loches,
de Sancen-re, de Corheil, de Bric-Comte-Rohert, de Vincennes,
et tout ce que lui et ses adhérents tenaient hors de leurs domaines
propres; après quoi des lettres de rémission furent accordées aux
auteurs et aux complices de cette réhellion, si peu excusahle et
si nuisihle au pays. Les contemporains rappelèrent la Prafjuerie,
par allusion aux guerres civiles de Prague et à ces leriihles
rebelles de la Bohème , dont le nom était devenu synonyme de la
rébellion elle-même.
La Draguer ie avait eu de fâcheuses consé([uences : d'une part,
les factieux, quoirpie vaincus, n'avaient pas entièrement échoué,^
et la complète réalisation de l'ordonnance du 2 novembre se
trouvait ajournée. De l'autre part, les Anglais, espérani tirer
avantage de ces trouhles, n'avaient point envoyé d'amhassadeurs
à Saint-Omer au printemps, ainsi qu'on en était convenu, et six
mille combattants, aux ordres de Somerset, Talbot et autres,
avaient entamé, au mois d'avril, le siège de Harfleur : les Anglais
attacliaient le plus grand prix à la recouvrancc de cette impor-
tante place maritime, la première des conrpièles de Henri V.
Le gouverneur Jean d'Estouteville et sa faible garnison, vaillam-
ment secondés par les bourgeois et par les matelots du port , se
iU*teiï(iiivnl jui^iuu l'auloninr; b conseil itn r^i n^
envdjrr ûv svvouvs qifiipKs renti«Te cMinction tic l*
Les coiiîtcs tl'Eii vi de ÏJunois, Gaitcourï. La Illn? ? iiHi*t»ill_"
enfui avec qu^tlrr itiillc î^ildals, et iitta^iiamil |iar tem^ ri\
mev le eauip des Anglab. L'ciinejni Liait bien rctninrlie : tl i
bnltre en Teïiaile ol laisser riipiluier llarllpnr. Un Uchik
d(!'dorïiïnrjger on \^rvnan\ (Umelies, h iirinri|i.ilc ^c^rt^lv«;5^
conilé d'Kvreux , et *m jeliiiit une foilc |j;ai nî^an ilarjs b^iûer
pour ïiarceler les Aiigkik \
Le vuï , après la souuùsgîioii des princes jTlielles , «'^tall nriÉ
h lîoiu*^es, Qiï 1rs Élals-GeuLratix, d*ahord eoii^tiqur!* «iii mn»^
te^TÎer, ne puiTiit, a eauBe de la IVag^uerie, se miiiir nuVii -
tenibre. On n'a jujint de docunjeut!; sur ce qui s^y [)ila<^a rcl
meut nn\ afTuires fin vnyaunie; on ne conuall que le.-
qui fuj'i'nt prisses sur les niïaire$ de rK<;*UHv Va^-
Bourges fut à la hk ÉlaU-Gênritiux et coueile iiari»iniil, lel
ayant nujîidé .Kpéelylenienl les pivlals et le^ déjHittS 4i^ rf
et des universités pour dùlilH ri-r «tir hi rêsum*clu)ii m-i tn
seliiîsiiie, La querelle du pape et du eumUe, apre*^ quelrpit^ \4à(j
feiilalives d'acroinniodenu^iit , avait reruntujenrtV dr*|iuj!i pla^â»!
années^ avec une violenee inouïe: KufiîiMî IV, e5«ipr
et eujporté, u'avaU rien uiénage; il avait diTiare le
sous etiransferè k Feriiu'e ; le*; pèrej de BAlc amieol rL^purulii d
déetaranl le pape sus[)endu de ses Iburtions» et e» Â\i]>[inH:kiit i
le déposer, taudis qu'En^^^^ue i?t mn unN^vnnrih Inncaùnil î'4ii**
thème sur rasseruldée de Râle. LMojileîeniî el la floun^n^^
favorisaient le pape : la France et Tlaupii-e meliuuienl \tT
foneile. En juin \ Î37» le roi avait inliiue défense à limii fu
français d'aller ou d'envoyer a Ferrare et de déférer au\ Mfl
de convocation du jKqM? (Ordonn.f Xlfl, 255). En jnillel lUH, b"
mi avait nHini à lîotuves un eonrile nationîil, alla tlV.^ainiiHT
iViiseuifde des tenions du rniiciie de MU\ envoyi^s en fi^ice fie'
cette atisenrblée. Malgré les eftbrts de» K'gîiU ilii sailli I%r, k^
Imbitiaiils év Louvkfm , poui- ri^ciniipdntiM'r littr fliliHiti) ¥% \m imlrmniw
ijn'iU ovwîirrii tfiiiluf ♦**♦ «i(i 11 p.iTt (1(4 An^IttH. LfoT vlll» tnnil W tUrv <k I
Kr:ifM\ bt Ua fnrrnt nutori^i^ik à portfr Mk Urvâmw mit Imin* ha^U u^ t. «
[1438] LA rUAC.MATigUE. 303
concile gallican do Bourges, d'accord avec le parlement c\ h;
conseil du roi, ratilia, sauf queliiues niodilicalions, la pluj.art
des décrets du concile, et ces décrets, qui consacraient les lilHMtés
du clergé et s<Tvaienl les tendances nionareliiques, mais surtout
les tendances nalionah^s des gens de loi, furent promulgués sous
fonnc d'ordonnaneo royale et sous le litre de Pragmaticpie Sanc-
tion, qui rappelait Tancien édit de saint Louis en faveur des
libertés gallicanes. La Pragmatiipie établissait la décennalité des
conciles, la supériorité du concile sur le pape, la libre élection
des évéques et al)])és par les chapitres et comnumautés, sauf le
veto du pape en cas d'indignité ou d*abus, et le droit du i)rince
d'adresser des « recommandations » aux électeurs, « sans i»res-
sion tyrannique [sine itfip/rssione) '.» La Pragmatiriue reconnais-
sait le droit des patrons, re[)résentants <les fondateurs, [\ ptrsnitcr
aux bénéfices, jiourvu que les pnsrntrs fusscjit gï'adués ès-uni-
vei'sités. Le pape ne conservait (pie la nomination aux l)énél[ccs
dont les titulaires mouraient ou résignaient pendant leur séjour à
Rome. U\ Pragmatique interdisait^ dans les procès ecclésiiistirpies,
les appels en cour de Rome, sauf après înoir passé par tous les
degrés de jui'idiction , et encore^ en ce cas même, les procès
devaient-ils être jugés dans W. i-oyanuic ])ar des juges délégués
du pape : certains cas spéciaux seulement, comme les procès pour
élections aux prélatures, étaient réservés au jugement (lir(»(t du
pape; enfin la Pragmalicpie proscrivait les aimâtes, coutume par
laquelle tout nouveau bénéficiaire pavait au pape la valeur d'une
amiée de son revenu, et les exiiectatives ou nominations par
avance à des bénéfices pour le cas iW, mort des titulaires. Les
prêtres qui vivaient en concubinage public, et qui étaient en
grand nombre, étaient soumis à la perle de Irois mois de Irms
revenus par année [Onlo/ui., XIII, :?07-29l ;.
La promulgation des décrets du concile sous forme d'ordon-
nance royale était un fait grave : elle consacrait 1(î droit de crin-
truie du pouvoir civil sur les décisions de l'Église, et constiitait
que la nation française et son gouvernement ne se croyaient
1. Th. Biiîiin it. I , p. 320} dit que le pouvcniouiciit de Charles VII usa inoih.n'-
ment du droit de recounnandution ; mais on ne i.*ou\nit cunipter sur la durée de ectto
modêratiun.
point ol)!i<^és de recevoir mm dUciiSî^ioii el i^n^ m^ittïmihml»
rtglernpnls des coneiîes çi''n«^^ï*au\, Li l*ra;;,^iiaiiiïBP fui n^ur ;iii
un applaiidise^emeTit nnivcrseL Prêtres, mornes^ noMosptr
y v(n nient Ia rnslaumdon lic lein^s droîls. K- - cl vîîaii
l'ojaieiit que l'or de la France allait ceîsser d** - r serslliî
et qu'il nous ix^terait pour servir & diasscr l'Anglaîjî.
Lé* roncîle de Bâk, enroura»ît^ par r/!r€e[italiiiri de se» (](-
en France, continua la lutte contre Engene I\\ el b |iûii$«i(
dernières extn^iniUs, Eugène fut déposé, et la Httrc fut offr
Amé ou AiUidée VIII, duc de Savoie, qui avait députa peu
que en faveur de son fds, pour !^e retirer, mec quelques
dans uji riant ermitage , k Ripaille, sur les lionb du ùii:
Genève, où il menait, dit-on, tme \k plus épicurienne quV
tiqne*, LVjnibilion vainquit l'amour du repos: Aiim^I^V ne
et fat proeknié à BA\ù sous le nom de Fêlut V [5 a^pleoilire I \
la chrétienté retonilm ainsi dajis le sddstoe d*oû die ^rt
peine, et cela en prtsenctî de VUiré^le armée, lu Franee mu
pas le concile dans eetle voie extri^ine ; la seconde a"-- --
Bourges (sep (eirdjre 1440), après avoir en tendu les «
deu^ partis « n'adhéra point à la déposition d'Eugi-ae iV : lemi
et le concile gallican déclarèrent que le condle deBAlei<
donné d*une iKutie de FlCurope, ne leur pamissaîl idind
certainement universel » pour procédera une DH^^un: si gniaili|
et si périlleuse, el deniandèrent la disîîolution des deux
blées de Bî\le et de FerraJX' , et la eonvocatioa d'un nouvfsan i
eilc Lêcuménique en France pour l'année sniïanle: eVtwl lei«*^
de la France de posséder le concile dans son *ein. d'à:
décrets de Constance, En attendaiït; tuie onlomuinrc r^
2 septembre signifia que la France ne rccymiattrait pas
pen^ion^i déposîtions, exeommnnieationiî, fulminéi^s (lar te i
partis Fun eonlre raiitre, et qi^elle enirutlnit re?^1ei* en
Las^!!iejul>tée de Itourges accorda une dîme ^m roi Onh^nr^,. \ïïl
311KÎ^^(5).
Ni k pape ni le concile n'aece[>tèrent le u^o^cti teiine pr
dn meiltc'tir vin et ùm meillcureii vbiidiui ipiou iwmvi/ii n-u\-<nut-. r
1* n ; c. lf*5t De là semlt venu le prorcilic de fiiiiv niutif
[1U0-1U9] L'ÉGLISE PACIFIÉE. 395
par la France : ils s'obslinèrent chacun de leur côté; Félix V fut
reconnu par ses anciens états de Savoie , par les cantons suisses
et par quelques portions de rAllemagne. Le schisme des deux
papes durait depuis huit ans, lorsque le gouvemejnent français,
en i4i7, intervhit auprès de la maison de Savoie par une ambas-
sade dont Jîicqucs Cœur faisait partie, et pressa Félix V de renon-
cer à la tiare, moyennant une transaction honoralde. Félix y
paraissait disposé, lorsque son rival, le pape de Rome, Eugène IV,
vint à mourir. Le successeur que les cardinaux romains don-
nèrent à Eugène, Nicolas V ( Tliomas de Sarzana), voulut eniporter
l'afTaire de haute lutte; d'une part, il séduisit le céh>bre .Enéas
Sylvius Piccolomini, qui avait été secrétaire du concile delîàle, et
plusieurs autres des principaux meneurs de cette assemblée ; de
l'autre part, il déclara Amédée de Savoie (Félix Y) et ses fauteurs
déchus de leurs biens et honneurs, et offrit les étals de Savoie
au roi de France. Le gouvernement français ne répondit qu'en
interposant de nouveau sa médiation et en expédiant à Rome une
somptueuse ambassade où figurait encore Jacques Cœur, et où se
trouvaient côte à cote Thomas de Courcelles, Tagcnt le plus actif
de la condanmation de Jeanne Darc, et Jean Jouvenel des Ursins,
le directeur futur du procès de réhabilitation, triste stigmate
delamorahté de ce temps (liiS). Nicolas V, érudit profond et
habile politique, ne s*opiniatra point, et se résigna i\ accorder
des conditions très-avantageuses îi son advei'saire. Le concile de
Bâle, réduit, amoindri de jour en jour, se laissa transférer par
Félix V à Lausanne (avril liiO), et, là, Félix, après avoir rétabli
tous les ecclésiastiques déposés par Eugène IV et Nicolas V, révo-
qué les analhèmes quil avait lancés, de son coté, contre les
adhérents de ces deux pontifes, et confirmé tous les actes de
son propre pontificat, déposa la tiare, et les pères du concile
f élurent » Nicolas V. Félix, ou Amédée, demeura cardinal-légat
à vie dans les états de Savoie, avec le i)remier rang dans FÉgUse
après le pape, et le droit de conserver les ornements pontificaux.
L'assemblée de Bàle se sépara enfin, le 25 avril 1419, après être
restée près de dix-huit ans en permanence : ce fut le plus long
des conciles. L'absence de conviction, la versatilité de beaucoup
des membres les plus éminents du haut clergé , qui préférèrent
2m nUERÎlES DES A?iGt\l^
leur iiitti't-t personnel k Yinivvèl du roriis, eiti|NV)i{
triomphe cuiîi[>lrl de la repiil>liqne ('pî$eo[hiIc 5ur }\\
diie papale : la papautés loiijniii'ïï palit^ntc. ftirîitîi::ilil
ptaiU hi lempî^ pour iû\\(\ ne i^ lassiiit nas, ]»uur «lUi
de refiiire m Unie h iiiesuiT quViii y {lortail la miib.j
un fait qni ldess*ait ce t|tiV*Ue nuiiinjait ses druiK lùirif
preacriplion h ses yeux, et ses eflbrls pei^vèi^iittL, [èciori
roneernait la Frariee, furent di'^nnais dirig/'îj wn Ta
la Praj^joaiiipie,
Ixs aîTîiîres de FEgliï^e n'iivaicnt pas biigicmi»* aniL*t^lf»|
Si*il do roi , tpiï reprenait aetivement les des^j^'iris mler
par la iViigiierie, Les routiers s étaient rciui^ de [ditsj
dévaster les pnivineos An nord et de YosL La rj|{iin|K
Lorraine étaient surlont le ttitVdre de leurs fiireiirï»: le*l
renonveliH^s etdre le roi Ufin^ et le coinfe iU* Vaudeii]
servîiit'nt de [>rétevle. Au cornuîeucenienl de lill, Ch
marclia eu personne vers la Clianipaiaie avec le iLiuiitiin.
n/'tnhle et le cotntc du Mainr. imn ile Luxeu,'
Lr^^ui, d'odieuï^e niéinoîre, verjait de niounr, a|
depuis e!n*i ans, la neutralité entre la Pranee H rAiiirlctr
neveu, te comte rie Sain l-Pol, lieri lier dir ses «rrandrs
ries, fut forcé de prt^icr s^eriuenl au roi; tous lo^ rhefstl
ijui désolaient la (ihanipa^^ie Hèsonniirenf; on jujUtffa i
de faire iiaruii eux xin grand exenii*le. I^ Mlntid iUrvi
Bonrhon, frère du due de Bourbon, élaîl en lion x]
|>onr ses crimes de ton l genre: il a\ait été le (
taincs îi désobéir ait roi, cl à se jeler dans la IVagiierir; ir
cotdriljué plus t|ue per?;onne à déhancher le de-
vint, comme le^ autres, demander encore uut: :
connétable obtint du roî Tordro de le lairc ia\*ndrc |
rilcrinite, II venait de mettre le comble h ^^ alnicît
double altenlat, \iol et meurtre. Soîi procès fui îii^lniill
renient; il fut cousu dans im sac et jeté diui^ l'Aube,
inenl de ce misérable» ((ue ne nicheUl poiiM du ^u]f{dja'lf (
royal (pu roulait dans seii veîaes» ré|iandit une terreur
et les iiopulalions ccïmmencérent k n^siarer, l/oiiln- [ti
en ClJànipaiirne; les places et Ic^ couipaj^DJe^ de çiiw d^
[14<0] PHOCICS DE RETZ. 397
Turent mises en mains sûres , et la solde des troupes fut assurée
de mois en mois.
Quelques mois auparavant , un aulre exemple plus érlatant
encore avait frappé un coupable plus puissant, pour des crimes
tellement étranges et lellonuMit inouïs, que cet âge de fer, qui ne
semblait pouvoir s'élonn- r de rien en fait de mal, avait été
frappé de stupeur. Ce ne fut pas, dans cette occasion, au nojn du
roi que justice fut faite, bien que le criminel fut un des grands
ofGcîers de la couronne, et qu'on n'eût agi contre lui qu'avec l'aveu
durci. En liiO, un des maréchaux de France, le sire de Iletz,
de celte maison de Laval qui était une branche de la maison
ducale des Montfort de lîrelagne, fut arrêté par onlre du duc de
Bretagne, son parent, et traduit devant le tribunal ecclésiastique
de Tévéquc de Nantes et du vicaire de l'inquisition à Nantes, le
grand-juge laïque de Bretagne coopérant avec l'inquisition. On
trouva les ossements de cent quarante enfants dans les tours et
dans les i)uils de Chantocé, de la Suze et des autres châteaux du
maréchal de Retz! L'imagination la plus monstrueusement dépi*a-
vée n'avait sans doute jamais rôvé ce que révélèrent les débats de
Bon procès. Ce siècle avait été destiné à voir réaliser sur la terre,
en face l'un de l'auhT, l'idéal céleste et l'idéal infernal; un nou-
TOau Messie devant un Antéchrist, un Moloch incarné.... noms
trop faibles pour désigner Gilles de Retz! Il est înq)ossible même
d'indiquer avec quelles épouvantables circonstances ce monstre,
qui réunissait en lui tous les genres de crime, cette « béte d'ex-
lennination *, >» assistée de deux sorciers italien et anglais, avait
Facrilié aux dénions cette multitude de victimes enlevées partout,
dans les villes et dans les canq)agnes. Il avait conmiencé par tuer
pour obl(?nir des puissances infernales a or, science et puis-
sance; >» puis il tuait pour la jouissimce de tuer. Un trait carac-
téristique et qui semble une forme du mal particulière à ce tenq)s,
c'est que cet être, qui était Tenfer même, ne croyait pas aller en
enfer, parce qu'il avait toujours évité de vouer expressément son
âine au diable: avant de monter à l'échafaud, il renq)lit bien
ponctuellement tous les devoirs de la rehgion et donne rendez-
1. Miohelet. Sur le procès de Retz, V. M. Michelet, Ilisinirc de Fram'e,t. V.
p. 203-215.
398 OUERRKS DES .\KCL4I3w
VOUS en pnnitHs à son soicier italitti , tatmnl »e» Inib^fkf
tctiiporain^ édiliés de su bonne niorl *,
Il avilit i'U' mmhmné h être pendu et hrûlè. ATanlqmî le (
fùi roijsutné^ « aucunes dames et damoisêllesde nm lig
fjlumrenl du duc de Brotagrne ses restes pour les mettre enl
t^ainte; elles l*ensevelÎR^nt de leur» ï. ains, < et fut tsà\ yinl
\ke fort solennel lenicnl en règiise des Ctirraeii de
élninge exemple de V^hns où s'emportaient i'i>'pril de i
le senti nienl de la solldarit*^ des raœs dans lu noliliîssel l*|
trriâte devait ôlre poussé jusqu'au l)Out; les rendrai de Jcfiiiiie^
dispersées dans les flots, et celles lU Hetz înliafii6i*f m
bénite!...
Tandis que le roi parifiail la Cliampagne, le res^te du royi
êtuil lrùs-pn''ncrupé <Vnn important évt^nenjenl, la dt^!i%^
duc d'Oîléans : le duc Charles %'oyait finir ses longues int
pur rinterventiou d*une maison qui avait été li*n;çrteinii»l
niortclle de la sienne. Les conférences de Sfiinf-OtneT,
solenneUenient aux Ktats d'Drléans en 1139. n'ajrani
lieu par la faute des Anglaiii, k due et la dadicss^ de 1
s'étaient vivement entremis pour que Ton trnitdl h par
ruTivon du duc d'Orlc*ans. Les Anglais n'avaient jactiair rofi
qualors séparer cette question de celle de la paix : la fvénii
trésor y décida le conseil d'Angleterre, h qui le parkn
sait presque tout subside; le cardinal de Wineliester etl
pâcilîque, malgré Poppusition du duc de Gloce^lert qui |irold
au nom des dernières volontés de Henri V, acceplèrrnt niiej
çon de 200,000 écus d'or^, dont le paiemen! éUiit ç(u*anti i
dauphin, le duc Philippe et tous les princes de Franciî,»*
consenlement du roi, Charles d*Orléans jura de oe jamais |
les armes contre rAjigleterrc. On raiîiena, le 12 îtOTcnibre H
I * J . Chiu-tief î ap . ilMariûm 4e Chsriti Yïff p , 407 \ <— et matou.. •.»«
c. 3-lB. L'harrible tilslolre de Bcte c^|pli<|tic et cxcuftc ta ibt«i«' tttvo 1
mont pouïAultJilt \^ «pmU^r». l\ nV^t |mi» clvulenx ^u«i diei Û*% i
croj4iijiit mi nippott ftv«« Vg»i>t\% du mAÎ ^ lo crhaf m M J^l#nlt
«le liotiHî inanïtaiu , cû vuleur nktire, pcoHtre ^ million», r. l\ dè^Êsa^À
[1440-1441] LE DUC D'OULÉANS DÉLIVIVÉ. 309
Gravclines, sur les terres du duc de Boui'{i:op:ne , qui lui avait
préparé une brillante réception. La joie du noble prisonnier, en
revoyant la terre natale après vingt-cinq ans de captivité, arra-
chait des larmes à tous les spectateurs : il ne pouvait se lasser
d'exprimer sa reconnaissance au « bon duc Philippe » et à madame
de Bourgofîne, qui avaient si généreusement oublié les vieilles
querelles de famille; aussi s'empressa-l-il de jurer le traité dWr-!
ras, et de tenir la promesse qu'il avait faite d*épouser mademoi-
selle de Clèves, nièce du duc de Bourgogne. Il reçut de Philippe
Tordre de la Toison-d*Or, lui donna en échange Tordre du Porc-
Épic, qu'il avait fondé *, et ne se sépara de la cour de Bourgogne
qu'après des fêtes splendides à Saint-Omer, à Bruges et à (land.
Le retour du duc Charles causait une allégresse universelle. Il
passait pour un homme sage et nu^ri par le malheur; le pauvre
peuple, qui n'avait point encore grande conllance au roi , meltait
son espoir dans le nouveau-venu : on l'avait tani i)laint, on avait
tant prié pour sa délivrance; toutes les imagiiintions (ît tous les
OBurs étaient pour lui; chacun croyait qu'il alhiit prendre en
main le gouvernement et remettre le royaume en ^ bon état. » Il
fut royalement accueilli à Paris (li janvier liSl,. Plus de (rois
cents gentilshommes, tant de ses vassaux que de ceu\ du duc
Philippe, chevauchaient autour de lui. Celle étroite union des
ducs de Bourgogne et d'Orléans, cette ponii)e, cette faveur popu-
laire, firent ombrage au roi et au conseil : (Charles Yll soui)(:r)nna,
non sans fondement, que le « bon duc Philippe » n'avait point
agi par générosité pure, que les progrès de la couronne cau-
saient quelque souci au Bourguignon, et qu'il espérait , en réunis-
sant les deux anciennes factions ou du moins les deux inlluences
d'Orléans et de Bourgogne, dominer la royauté et rempécher de
reprendre un trop puissant essor. Le roi n'avait [)as vu a\ec plaisir
Philippe envoyer la Toison-d'Or aux ducs de Bretagne el d'Alen-
çon, en même temps que le duc d'Orléans la recevait de sa main.
Le duc Charles ayant demandé au roi la permission d'aller lui
présenter ses hommages en Champagne, Charles VU répondit
1. Cet ordre ne dura pas : il ii\>n resta qu'une dovi;»o, couiservée et illustrée par
Louis XII , fils du duc Charles d'Orléaus : c'était un porc-épie, avec la légende :
Cominû* et eminùs (de près et de loin).
iûQ fîiiEïiaES DES A\r;f..\is.
(\ni\ \ errai l vnloiitier^ son roiisiii, mm% non eu *i oomlir
tmiipapiic* Le duc, iimoz « nialcontent , * dUa sïliiblir dam î
scî^^HHirîPîi trOrli'^^^ns ci tle RUiis, Stiiis aiciir lisîli» Ir nii.
. I.e siMil iiioycn fir iiiairiliMiirraiiU^îtî' rmah* t*f*îitri* l^prin
était d*! pnriii^vérer avec éneriîie dans TcHivir ûe ûvU\T^nrt<i\
ivorgrmisntion. On lo fit sentir à flbarîfs VîL L<* roi M le rtn
iablt\ ii\itv^ avoir \nivg(* (Yt'vorclmir^ le^ firovîiin*<i di^ Tj
disposèrent h un vj^'Oinrux **fforl iioiir di.LSsiT les Ançl
rives de roise, !>(* cuniiélahïe avait repris iy:«ccninienl
ri*^nnain : cînfj nilili* soliints, diriges HirPxeîl,, r
ville h cfipilulrr (tin mai 1 iil ) ; puis le vo\ en per: • , .
pagînJ de presque toiwî les vaillant» eapitiines de Fnma*, inil]
sî('ge devant Fonloise [4 juin J. La pkip.'u1 de^ priiK*!^
(jnaient, y compris lHinoiî<, qui piulageiul la lioudtTie ik
fnVe; mais htm nond>re de ^H'ïdilshiïuunes el TtHile dc«^
eommnnales aeeounirenl joindre le roi. Les eonifiaj^k
siennes y iHaient u en Ires-bel Hiû: i> on vit arr ifl
arbak''lriers de. Tonrnai; la flt'or fie h noblesse ph
la conduite du cotrito de Saînt-PoL Onn'auill pa^ru di*iHib lo
tenifîs une si belle assemblée tle geu^ de guerre; lijak le |e
peuple s'en aperçut : re nïtaicnl dans Pnvh que t^tiiU^el eiïj
fore6s; on dcmamla une taxe à l^imiverMte; ou pril Vm
ronlÏTries.
LVid reprise, en eiïel, exigeait bien de rargciil el bit'ji
sang. Les An;ilmïi avaient grandement rorlîlié l^tnluijie; ki
tanee fut opiniâtre, et le duc d'York ^ régent de Fmnce
flenri VI, envoya do Honen T/dlmt avec quatre nulle « î
Ijattantîi » au secours de la pièce. Les gens dVtnue^ tv i
datent que baiaille; le corme*abk\ qui disposait duiixoui
mille liormncs eboisis, conjura le roi de laii^ser fnirr u*s\
mais le souveîdr des grandes batailles qu*on a\7»il {>rT4fif$j»i
► contre les Angolais eiïraya (Iharïes VIL On voyail liîen que te
n'aiait t^tc ni à OrltVms^ ni à Patai, On ne condullit imh
on soufTrit que Talbot ravitaillât Ponfoise h plusinm r*^phu
(Sîjuin, 6 juillet). Les Anglais prirent l'onenstit*: vei^ Iji_
Juillet, le duc d'York, rassembhmt toutes tes fuivcs iiii|
mandes^ au moins 6gides en muubrc ninc Franç?ij^, vMÎtv]
[1441] PiaSE DE PONTOISE. 401
passer TOisc, d'atlaqucr les cainpoiiirnts des Français établis sur
les deux rives, et de les forcer à lever le siège. Ce plan réussit en
partie: les Anglais traversèrent TOise ]»rès de Royaumont; le roi
et le eonnélahle, obligés de couvrir Paris et Saint-Denis, éva-
CuèiTut le principal camp, celui de la rive gaucbe; mais l'autre
camp, du côté de la Normandie, demeura occupé par un corps
de troupes, et le duc d'Yoïk ne crut pas pouvoir le forcer.
York suivit le gros de Tarmée française jusqu'à Poissi, où le
roi s'était relire, et lui oflVit la bataille; on ne l'accepta point, et
le régent anglais fui contraint, par le manque de vivres, de se
replier sur Mantes et sm* la Normandie; mais Talbot continua de
battre la canqiagne et d'approvisionner Pontoise (mi-aoïlt).
Le roi passa trois semaines à Saint-Denis dans la tristesse et le
découragement : Taiinée menaçait de se débander : les Anglais
^câblaient de railleries le roi et ses capitaines; on n'entendait
qu'un cri à Paris contre la a couardise » de Cbarles VII ; les
princes renouaient des intrigues menaçant(\s; la levée du siég(»
de Pontoise pouvait être le signal d'ime révolution. Cbarles Vil,
après bien des hésitations, comprit enfin (pi'il fallait vaincre à
tout prix : il rassembla tout ce (jui lui l'csîait de troupes, et, vei's
la fin d'août, il revint s'établira Maubuisson, dans son ancien
camp de la rive gaucbe de l'Oise. On ne s'anuisa plus à vouloir
piTTidre Pontoise par famint^; pendant quinze jours, les canons
el les bombardes de Jean Bureau battirent la ville malin et soir'.
Le 19 septembre, Pontoise fut emiiorté dans un terrible assaut;
le roi, le daui)liin, le connétable, le comte» du Maine, entrèrent
de trois CfMés à la fois dans la ville. Ce jour- là, du moins,
Cbarles VII eut part de sa personne h la victoire. Mille ou douze
cents Anglais furent tués ou pris*; un petit nond)re i)arvinrent à
s'écliaiiper de la ville. Les vaincus furent très-durement traités:
les soldais jetèrent à l'eau, « comme des cbiens, » tous les pri-
sonnieis qui ne purent se i-acheter; mais les bourgeois n'es-
suyèrent aucun mal. Le roi préserva de toutes violences les pauvres
1. M Maître .Teaii Biirciu... telleiiu'iit s'y comporta qu'il en est digne de recom-
mandation piTiMituellc. " J. Chîirtior, p. 117.
2. Les soldats étaient si furieux qu'ils tuèrent un Anglais, sur la place de Pont-
olve, jusque sous le voutrc du che\al du roi , qui criait de lui laisser la vie. lia
faillirent tuer le cheval mênic. Th. Basin , t. 1^^, p. 116.
VI. 26
102
GUKHHES 1>KS ANGLAIS.
habitant»; puis il rL'Cûni|HMi«ë ridieniciil a^ux àc u^ bocmiis
rjiij ti\aîrnt p^n^trt' Icîs prt Jiilor*; d^u^ b ville; il leur lit dc^iiuA
dons vu or et aigenlj iciir assura des reatis* h vie pay^Ues itâitf
k ville tle Vuvh, \m anoblit ei leur donm diîs ermoirics; or
c'étaient de simples gens des communes et rottirier* \
Ikiu^ la rn^iiie semaine, Ëvrexîx avait été sur|irift jiar la garai*
son irançaisa de Gonches,
Le roi , celte fois , fut joj eusemenl reçu h IWis. Il y s^jinroi
pen , loulefojs : il ne pouvait prociu-er au {>eu|ile de BMÏàgmM
iminôdiat ; les lieureux eflets des avanlzi^es 'ililcnus siir h*$ Anglaif
ne se faisaient pas encore sentir; le clergé murmumii dr U Itmi*
gression de ses privilèges; Tuniversitr Rispndnii j^^^s anin,
provinces du sud-ouest réclamaient d'iulleurs^ la pit'ïiencr du nii
du conseil : maintes « roberies ^ avaienl lieu atiic pays if AiiJo*i«ift^
Poitou et de Sninlouge; Ut Trêniotlle et daulre** ^'j^eiirs 1 1
lisaient d'exactions avec leiè elief^ de €oui|»agfttes. te r^*î '^t^
conuèlable {ïaâsi^tt>nl lltivcrà rétîdjlir Tordre daas çf»*
\m- des rigtieurs nécessaires, et se préjwirercnl à «ecimrir, lc*c
suîianl, la ville de TiU*tas en (ïascoRne» quu les Aititktti
tiuyenne avaient assiégée, et que son seipieur, le niro il*A
avait promis de leur remettre, 8*jl n'étaîl « recous t ii.ir h ni
ilevanl la Sriint-jMn de 1142,
Ce n'était \m It^ compte des a sires des ïleurs ûe ïh », qu'on c
seil de * peli tes gens », oii liguraient à peine troi^oo qoatre |
et grands, ftt si bien sans eux les affaires du royaufnc : lisi
du roi lem^ iru[josaiont des ménagements^ qu*ils fiVuj^;$enl poinl j
dés si scB armes eussent été malbenreuseîS. Ihcssa^èrrnt uni? <
nière tentative pour ressaisir, par des moyens paritiqui^, le p»
voir que la violence n'avait pn leur donner. Ils imn'jit, ibiit<
conditions, le concours du tlue de Bourgogne, (|Ut n*aiait pa» «il
$e com])roinetlre dans ia Pragnerie. Lesdni^sdeUuurgcigiicddXl^
tonss'aboueliérent à llestîin, convinrent fp Tune iVmnriiij«rîf
des princt*^ aurait lieu à Ne vers, au mois de luai's I S il\ el €|it*a
rédigerait un cidiier de remnnlrances h pW-seiiter aiu roi, L15 dm>
d*A]ençon et d(! Itoorl*on, les eoude$ d AJigrMitème, de Ncsnoun^.
1. Jvan Clianicr* — Motittrçkl. — Binth ^ QmL tiruti. — 1
l*4«] MENÉES DES PRINCES.. 403
*Ëtanipcs, de Vendôme, de Dunois, se rendirent à l'appel. Le
onscil dirigea le roi avec prudence et niesure ; Charles VII dé])ù-
ha son chancelier à Nevers afin d'ouïr les requôtes des princes;
3 cliancelier n'éltint i)as autorisé à rien conclure, les princes
nvoyèrent par écrit leurs représentations et lein-s demandes. Ils
flcctaient , pour gagner le peuple , de déclamer sur Turgence de
i paix, sur la nécessité de faire honne justice, sur les ravages des
oldats, sur « les excessives tailles, aides, impositions et gahelles,
ïsquellcs ne doivent être mises sus sans appeler les seigneurs et
ïs États du royaume » ; leurs vrais griefs ne venaient qu'ai)rés :
le roi, ajoutaient-ils, devoit appeler aux grandes affaires du
oyaume les princes de son sang plus que nuls autres, et les
ntrctenir en leurs prérogatives et autorité. » Puis, se déroulaient
laintes réclamations de pensions, de places et d'offices. Le duc
'Orléans eut le bon goût de ne rien demander pour lui ; le duc
e Bourgogne se plaignit seulement que divers articles de la paix
'Arras fussent mal observés. Le roi, « en son conseil, » réjmndit à
)ul modérément et amiablement , accorda à chacun ce qui pou-
ait èti'c accordé sans péril et sans fîûblesse, et promit de ne trai-
;r d'aucune « haute matière sans le su des seigneurs de son
ing>, pourvu qu'eux, de leur côté, « fissent envers lui ainsi
u'iis sont tenus de faire ». I^ passage le plus remarquable de la
éponse du roi est celui relatif aux tailles : il nie les avoir établies,
isqu'alors, à Finsu et sans le concours d(*s États, « quoi qu'il pût
îs mettre sus de son autorité royale , vu les affaires du royaume
î grandes et si urgentes, » et pour délivrer ledit royaume des
nnemis; il ajoute qu'îissembler l(*s États n'est que charge et
lépenseau pauvre peuple, et que plusieurs notables seigneurs ont
equls que l'on cessAt de les convoquer (Monstrelel, 1. Il, c. ?C4).
Il importe de signaler ici le point de départ de la politique
aonarchique ; transition singulière et douloureuse à Thistorien et
.u philosophe ! Les ennenjis du peuple soutiennent les droits du
icuplc, que sapent ses amis, les hommes d'État sortis de son sein ;
es ministres patriotes sacrifient l'avenir au présent, suivant le
nalheureux penchant de notre France. « Tout pour le peuple,
ans le peuple ! » disent-ils ou laissent-ils dire. Plus tard, on dira :
tout pour le roi, pour la gloire du roi ! »
401 GUKUUK!^ riBS A\ni,Af<- |UlW4«l
Les lirînccs «enUreiit qa'ujie nouvelle I*r;^t1rfk• auniii cfuxvt
iiioîns ilr f'hîincfK (tu*? la piTJiiièn.% ni K* diii: l^)ij|j|i|>r, m h*
iViivlvsïn^ n étairnt cli^po^eî; u utie riiiïluiT violaite mvr \e
Les concessions otTcrtos par le roî furent acceplées, ri \e dur û'ik-
Ii'ïins alhi saliKT nbarles Vil h IJîïiaffos, Iâ^ n>i Ini fil ^^jzmiT
« rliùrc ^ et lui donna ^^ liait vini^t mUlr trinirs • (mur r.iîdrr i
[Kàjor M rançon; dn pïiis, une jmision linniiflli:^ de IO,Ûl¥* fnifM^
(Jepentlimlk' printi^iniisiHaii arrivé, i^l ili'iaîl trtiit>$ de ojaitUrr
enCiasrognt^ : le roi v\ le cnniirt+^iljlc assc*ndjlèri*iit à Tc»iilrit0p nr
belle arntôe, el B*avaneèrent sur Tartas. l>es .^iigULs ne se prw^li»
nnit point « pour tenir la journée », et rarwiec nnule alluqua K
pril Sain t-Se ver, Ua\ et La Rêule; Tonneinj? H Mu . ' y^i
dirent à la preniimï sonnnatîon, el lieaueou|i di' ^ . . !% i$\
Gascogne auf^Inise prirent serment au roi, (Unn de k GitNin^»^
franrnis^e, ipit s'étaîrnl arroge uno entière tftdt'pendanti' m
(le It'urs ninntagne^t, rellrenl connaissance ai/*c raitluritt: r..^^.u.
d*>nt ils étaient depuis lori^ieni[isdé*i|iid)iluéj$. ïh tviHnuhtvni les»
au iiau roynl t-t « desservirrni knu'S lli^fs *. Le nu hiverna hMt^
aubau* La France perdit, durant cet hiver, un de ses iimUe
capilaines : Klienne de Vignolles, dil L* Ilîrr, niouruf , dan^ uni
assez avancé, au ivtotir do rexpédilion de ClasoDgne. Ce lamwii
a veiïtoricr, Tinsrun de naisstinec, fut un des raractm^ les plm (
ginau\ de ce siècle*
Le ïvL au printemps de 1 i i3 , retourna de LaniîtMNlœ rn htiU^i,
et envova le daufiliin dairs les pa}& entre SeineH Snninie, dnnl ill
donna le ^ouverneuicnL Les Angkîs paraissaîeni rouUi^r pr
rolTunsivc : Talbot, après avoir enlevé anx Fraiiç;ns leclillr»»]
(lonehes, avait invesli Dieppe. On ne soufTHt |iaâ i]ul- INqifwîdR
le sort de Uurtlrur ; le dauphin , secondé par Dunuis. ^^
(IrnK'onrt et flaulres mpitaines, mardm sur Dîi^ppe,
Anglais en Tabsenee de Tidbot, leur enlevii un fort qii'iU aiaiml
hàti sur la uionlapîe ilu Poilet (lour écraser lUej»(M», f*| le^ ronu
gnit h lever le siè^e [ 1 1 aoûl . \!t*in$ clément celle ftd.s qu'à Me
reau Jl lit pendre soixanle « Frnnrurs reniés •, el (|uidqt)es Anr^
qui Iuiavîu<*fjlcr[é(lesinjtirespeTidnnt!i'rondiaLSiirresenlrr£aiIrK
Iccnrnïe di^Sunicr^H, débarqnéa (Iberlmur^ a^eelniit mille j
lialtunts, s élfiil avancé, k traders le tlolenlin» le Aliiimîd YXufi
:U43] AKKAIUES DE GASCOGNE. i05
jusqu'aux portos d'Anj^fM-s. C<»tl(î invasion, qui avait n'iKindii rcflVoi
dans les pajs de la Loire, n'eut d'autre résultait que des \illat:es
lirùlés et la prise d'un ou deux cliAleaux. Somerset rentra en
Xonnandie sans avoir rien tenté de sérieux.
Le dauphin a\ait rauK^ié ses troupes dans File de France, où leur
conduite excitait une clameur générale. Les chefs manj^eaienl l'ar-
gent des tailles a à jouer aux dés, chasser au hois, ou danser j», et
autorisaient toutes les exactions des soldats pour les empêcher de
se plaindre : les paysans étaient ohligés, connue autrefois, de
racheter leur hétail et leurs viornes à prix crargenl. L'ordoimance
de 1439 était foulée aux pieds. Le dauphin, qui avait déjà le \iin\i
de Tarbitraire, et pas encore celui de Tordre, était en (pien'llc
continuelle avec le parlement et la chamhn» des conqites, (pu
résistaient à ses caprices. On fut fort aise d'apprendre (jue hî roi le
rappelait dans le midi, où avaient surgi de nou> elles « hesof:iies »
(octobre liiS).
La succession du comté de Comminges était depuis longteinps
disputée entre les maisons de Foixet d'Armagnac : le roi mit d'ac-
cord les ju'élendanls, en se faisant léguer l'héritage par la vieille
comtesse Marguerite, dernière descendante des comtes de (lom-
ininges. Le domaine de la couronne toucha enfin au pied des Pyré-
nées. Le puissant comte de Foix, qui avait presque régné en Lan-
guedoc bien des années, était mort, et la maison de Foix garda le
silence; mais le comte d'Armagnac, fils du connétable Bernard,
résolut de se venger à tout prix du roi, (pii oubliait ainsi ce «ju'il
nommait les services de son père. Charles VII porta au condile l'ir-
ritation de cet orgueilleux s(Mgneur, en intimant à ses sujets l'or-
dre de payer la taille ro\ale, ce qu'ils n'avaient jamais fait, et en
lui défendant de se (pialifi<*r dorénavant « de coniti» i)ar la gn\ce de
Dieu, ce qui n'apjïarlenoit ni à duc, ni à comte, sujet de quelcpie
royamne*. » Armagnac appela au parlement de Paris, au pape, au
1. Cette mémo fornmle excita nu peu phus tard quelques débats entre le roi et I«
duc de Bourgogne, qui l'avait adoptée depuis qu'il s'était emparé du duché de Bra-
bant. I^ duc IMiilippe déclara t\\io les uiuts » duc par la grâce de Dieu *• ne s'ai»-
pliquaîcnt, dans sa ])cnsée, qu'au duché do Brabant, et non à la Bouri^Of^iie : le vd'i
se tint pour sutislait; rcnipercur, suzerain du Brabant, eût eu seul droit do
rêcbiiQcr. Cette formule indiquait en cHet la prétention de ne relever que de Dieu.
Ordonn,, XIV, IB. Le duc de liretu^^ne an l'était arro^^éc aussi
iOG GUIvRnKS DES AKOLAIS. (lUI-HIV
ronrile, Irai la a\ec ks Anglab» et offrit une de se9 fllle& en) louin^
ati roi Henri Yl; ses propositions furent a<M:tpt4V*« imu* II* crâliH
ihuuW CAovvsier : Armagnac, coin iilanl être [luis^ÉUiutienli
envaÎHt le mintù de Cominîngt^s, retira du s^rvicf* du roi ph
chefs de cniu[)agiiie, et entra pu n^betUon tm^^iia^ Le roi m luF
laissa [lOÈ. I'Ihvi r ponr so fi)rlitîei% et dé[ièrlin contre lui tcilui-
pliin u\ec un millier de lances et force gens de trait : la luttr firhi
[Kis longue; lc$ cunipagnieg rebelles, qui étaient en Boni!nrui% ir
Êoumirent pret5(|ue sans rêsistîuiee; tous lesî baroiii^ du wi
tonite de La Marche lui-niènie, frère d'Arma^nai!« olieirunf ...»
du roi; le rouitc dMrniiismH*, sciTé à riniprovjsle dans rile-J'/iir-
daiu par les troupes royales, Tint -^ présenter au flau|iljjn« aiir m
l;innlle, « croyant faire la paix »; le dauphin, |>eu ïîcnÂÎbl*? »V<
iîotuniysion forcée, mil la main sur le comte, et IVnviiya |«ridO(U
à Lavaur, avec sa femme, ^n fii« piilnè et ses ikifx llllwk U
prompte di faite de cette redoutsiblc niai$;on tlMniiagiiiir rcbaiM
fort l'ascendant de la eouromie.
Un nouveau rcvû-ement dt* la poliiique anglaise} avait trompé te
csp^M^mecîî riu'Annagnac avait fandecs sur Ivs sctonr?^ de ftlngk-
terre; la situation de ce royaume, sons le faillie héritier dti i
l>lc Henri V, re^scnildait de plus en plus à ce qu'd^^it (*U^ cvll«f|
la France sous Charles VI. îlenri VI, doux, religieux, éqntiiliir,
mais failde^ inintelligent el crédule, était un de ces hons [ifinno.
fph, plus ipie les tyrans mêmes, précipitent U di^catlentc lÈ^
emiiires. Après maintes fluctuations, U se déckro pour le p^rti Ar
la paix, quand il était trop tanl et que les rlumei*s de faifiî l
imix avantageuse étaient passées. La faction du dur de Gk
suecomlia sous le paili du cardinal de Winchester; un |K*rMiii
au roi que son oncle Glocester meîiaeait sa coui-onne» el un jn"
procès de sorcçllerie, qui se termina par la cotHlamjiatJon dfl
duclièïîse de Glocester à «ne prison perpétuelle» iMû an dm: Umk
chance de rega^mer la confiance du roi, bien qu'il n'eiit poial Ht
implitpié personnellement dans la prorédun-v Uk rf-
(ilocesiter, ancienne maltresse que le due a^ait éjiou-
ru|iture de son marîafje avec Jacqnt?line de Bavi^rfsHaînmiï,
avait, dit-on» cherclié h <i cinoulti*r ^ le roi, ' -
faire pùriv jKir des conJLUtdiuns m;igiques, ahn ■
11444] MARGUERITE D'ANJOU. 407
mari le chemin du trône'. Le cardinal de Wincliesler et ses amis,
les iords Somerset, Suffolk, etc., devenus maîtres du gouverne-
ment, résolurent de choisir au roi unefenune, non plus pîirmi les
adversaires de la couronne de France, niîiis dans la maison de
France elle-mt^me, pour faciliter la transaction qu'ils souhaitaient.
Leur choix s'arnMa sur Marguerite d'Anjou , « lille au hon roi René
de Sicile », et nièce du comte du Maine et de la reine de France :
c'était une jeune fille à peine sortie de l'enfance (elle n avait que
quinze ans), mais douée d'une heauté, d'une intelligence et d'mic
énergie extraordinaires. Les « gouverneurs d'Angleterre » espé-
rèrent que la reconnaissance attacherait Marguerite à leurs in-
térêts, et que l'alliance française les soutiendrait contre les mouve-
ments de l'intérieur. L'un d'eux, le comte de Suflolk, se chargea
de la conduite des négociations, et Henri VI lui donna 1rs pouvoirs
les plus illimités, lui pardonnant par avance tout ce qu'il pour-
rait faire ou suhir de désavantageux à l'Angleterre^. Le gouverne-
ment français exigea que les conférences s'ouvrissent au cœur
du royaume, à Tours; Suflblk y consentit : les plénipotentiaires
français' ne s'en montrèrent pas plus complaisants; ils ne pro-
posèrent plus aux Anglais Finvestiture de la Guyenne et de la Nor-
mandie, et ne consentirent qu'à une trêve de vingt-deux mois, du
!•* juin 1 'ii4 au 1*' avril lUG, pendant laquelle chacun garderait
ce qu'il tenait. Suffolk accepta (20 mai 1444) *, et le mariage du
roi d'Angleterre avec Marguerite d'Anjou fut conclu en même temps
que la trêve. Les ressources du roi René étaient épuisées par la
1. Elle fut promenée, pendant trois jours, dans les rues do Londres, en chemise et
la torche à la main. Wyrccster, ap. neanie, 400.
2. « Les erreurs do jugement dans lesquelles il pourrait tomber. » Ce singulier
pardon des fautes à commettre fut ratifié par le parlement. Michelet, Ilist, cf« France,
t. V, p. 272.
3. C'étaient le duc d'Orléans, le comte de Vendôme, Pierre de Brézé, sire de la
Varenne, et le sire de Boauvau. Le chancelier archevêque de Reims venait de mourir
au moment de se rendre à Tours avec eux. Regnauld de Chartres avait pu satis-
faire^ par un chapeau de cardinal, en M'î9, celte misérable ambition na:;uère si
funeste à la France ; néanmoins il ne jouait plus d«'puis longtemps <iu'un rôle subal-
terne, et subissait Tascendant d'hommes qui lui étaient bien inférieurs par le rang,
mais bien supérieurs en autorité réelle. Il fut remplacé par Guillaume Jouvenel des
L'rsins comme chancelier, et par Jean Jouvenel , frère de Guillaume, comme arche-
vêque.
4. Le duc de Bourgogne avait , de son côté , renouvelé et étendu à tous ses états
sa trêve avec l'Angleterre conclue dès 1 139 pour les Pays-Bas.
100 oiEt&nr.s uKs xsulms. îi*^
ratiçoii qu*û avail dû pa^er au diu" do Raiirsofîw», fêv I»
eivik^ que le imrlî de Vaudtniiunt avait renonvi^liSeg en Ui
el surtout lUiT lu guiTit* iimllunjitnij^t.* que livnv iiuiil
dans le royaume ûe Naidt?** contre les Anigonais, de 1 13B k
ui qui s^était teriniiiée [lar wm fXjniLsion de ec rcijfnajjic; Bro^
put aligner de dot à »n illle : Siiflolk piissa outi^, cialUi pttiâ li
il promit^ eu faveur de re Jiiariajîe, la re,stJtntioîi du M^^ H
tout ce que les An;^laLs couservairnt thm h* îlaiiH' n ù%^\
d'Anjou, oncle de Marguerile*,
A k noavcUe de la trêve, a une liesse uurueiLse, el t]ui - f
à peine dire, renijïlit les ijeutiles^ dcî^ Gaules =*, » Il y iiKnî jjv
trente ans cftie la Kranec n*avail eu un $eîû jour ilt? jiak* t
l^uples, si lonitîteiti]>s euqmsvounés, eulre leïi nnini df> vil
el des forteresses, dann un cerele de périb el di? tern*iii>,
sentoieut eunniie tiiés du fond d*un caehot. On vojuil Miilir
luule hommes el leuuues des placées fortes qui les ti voient ^jril
eonlre rinlerunnable leutpïi^te, pour aller visiter, de [«nivii
en province, les lieux de pèlerinage. Il ti'y avoil poâ^ jiii^pi'.
gens de guerre, François cl Angloi», qui ne 11:^^411 de ii
On se réjouissott d*avoir *V*îiâ[»pé k ce long A^v d^qniuviii
juents : ceux qui Ta voient vu ct«nuieneer eufanb ii voient
tenant la lôte ehenuel On se réjoui ssoit de voir les fonrt* et
rhamps, pour désolés el déserts qn'iliî fuissent, et les pn** v
et les fontaines et les rivières; beauct)iq> qui n'aviiient jai]
dépassé reuceinte des villes, voioienf ItHU cela pour la f
ruiére fois 1
a Cliose vraitiîenl inei'veilleuse el qu'un ne sauioit nq^i-t
([u'à Dieul Avant la Iréve, il y avoit entre les fieufi d'anr»*> ri 1(
peuples, de Tune et de l'autre part, haine si cruelle que nul,
péril de sa vie, ne pouvoit aller parle pa>« nn^uje suus
ronduit. SitOt la trêve pul^liée» chacun put aller el i heminer
toute sûreté, soit dans son pays, suit dans le pa>*^ adiir»*, *
mêmes qui f la veille, se [daisoient en riuipitoyahle efTunioi)
sang humain, pris piu^ on ne ^ait ijuelle douceur de ptà
1. ïïmtfi Vt fut. cim»é nccordcr setilmicnt rmiifriilt vbgcr û» i
>Cl^tfl«i.
TKÈVE AVEC L'ANGLETEUP.E. 409
ient festins el danses on grande liesse avec leui-s ennemis ,
!re aussi cruels qu'eux *. »
peuple se donnait tout entier au bien présent ; le gouverne-
pensait à l'avenir. La Irùvc n'était pour lui qu'un moyen de
rer plus sûrement raclièvement de la guerre, qu'une halle
îairc i)0ur consonnner les réformes inlérieures qui n'avaient
e qu'éljauchées au milieu des embari'as de la lulte contre
îger.
1. Baiiiii , t. l*"", p. l()l-l«)?. ('et énerjrique Uistorien mérite rattcntîun à plus
PO. Sa latiuité pesante et difluse n'est certes pas eneorc d'un cicéronien <le la
ance ; mais elle atteste pourtant le commerce des anciens et des habitudes
bien diflôrentes de celles des barbares du xv« siècle. Nous reviendrons sur
bien autrement digne d'intérêt chez lui que la forme.
LIVRE XXXVIII
GUERRES DES ANGLAIS
[SUITE KT FIS).
Cil mtES Vil ET LE coî<SEii* DE Fk ^î<Cii {"èwlr) . — R^tal«lb*^tni^)t de 1
— Ktiiéiiiiiom de Suifsê t% dci Lrirmlnc^. ^ Cm^ATlDJf l>ls i^*i.jf mck rm.u»^i
" OfgAiibaLk)» d'une cavakrie i'à^uli%r«, ^ Ecfaroir de l>ilftikil«iinu«ii»^
eîértnCVmr dvik Akl^s. — Réfunne* jiiiiîvjairps, — Euptuf«dâ
roi« Le daitt>bin m relire eti Daiiphtné. -^ OrtS^Ji»t>«iiti<}ii di» fmfto^ivlmf . ^
Burvii" Bt tsea canoim* PfOi^èà de rarti!lt?rle françniac, PrW nit i — luiw
Ijiirv irmie fc*u?e de plfi^e^. Révolte de Kt)ti€n 4?ûnlr« 1c» An^Uif» Km
livi'O li= n>i. Frise de Btirfl^^ïir et de lloitfli'ur* — M«rt 4*Agiiè« 5ff»t t«4
ck VLIli^quicr. — liAtitlth' de FormiguL Fi-dnction de 1a B«M»-XunaaMdle^ j
(ntm et d«i CliL^rlHJitr^. Lu KtinnmiAw QHiivT^ ivcquUxt, — ltt¥ftsiio
Gu^micie* PHmv de BtnJH. Capilul!itîtj*ti dit l^irtlitauc «"t île Ut^otii^r L'i
L'%\m\ié de Friiiit*, maî Cidiii*- ^ ïtéhabilïtatioM de *lt**jiiif! Hiirv^ — /
C'œwr^ îe poiiiineixe et les txrftuji-nrt^ nu X\* *'\ixW. înirmiitado iln wé. 1
âv Jaequva Citmr. ConfiAt^lIcifi d« »c« hii^n*. âi»ii érn^ùo et %a fram. — 1
delà Giîyctiiie. Le» Anglais r»iiî>flé» * Hwril^ïix* \m»i\0 cl wnprt é>7ai
t'at-lillon, Bordeaux *e soumfi» Lii (îu^curie rocouvféo. — Pîti»: lU l\
par Maliuin^l ÎL — ^ FSti d*î *jiii*rr(*n dp* Aïiylab. Fin du Mutj^* «ift;.
Ijf parti de la paix, en Angleterre, s'iUiuîniit, sill c<i
Jrnaiuor la gramhî luUe par qu<?lqut\H Irj^q^^res i:oni!»*^<iîiTi
pfiuvcmeTTient frarir^ùs sentail m fon c rrûlU*<: €t sc^^tidit
safTfiiblir. Il voulait h\m ajourner la gu<*rre, niais non fa
paix* Il se jeta n*^'iniiioiiis dans les ainMiorations |)âi iJiquc
piitiR^Hail la U^ôvo hmx autant d'anU^ur que s'il iiVt\l |k
d'aiTière-pcns^e, satljaiit bien que Lhacuno d« ces anu^lk
aii^Miientail [mur Favcnir les dmnres heureuâi»s de la eiieiTf».
que 4 les armes rurent siisiieiidues, » le ^rciuiremi!iiit'nl snpp
tom les nouveaux p^^^^es et imp()t5 étahlîs ^ur !a*i riiièr»^
Frarite, Champag:ne et Brie a pour Tentrelien dc^
[ùi'ihnih, XIU, 405). Une ardannance du mois de fcf
i*-»'*j LiA rnAAVit lu'^di'i nr.. 411
cèdent a>ait accordé aniiuelleincnt à la ville de Lyon trois foires
de vingt joui-s cliacune, avec les franelnses les plus ju-opres à
attirer les niarcliands étrangers. Lyon, ruiné par la guerre avec
la Bourgogne, par les épidémies, la eliei'té des vivres, les tailles
et les aides, avait perdu les deux tiers de ses habitants, réfugiés
sur terre d'Empire, dans la Dresse et la Savoie; le conseil du roi
avait comi)ris la nécessité de relever à tout prix cette grande
ville, a une des clés du royaume, lien de tant de régions diverses »
[Ordonn , XllI, .'>99;. Les fameuses foires franches de (Iliam-
pagnc furent rétahh'es h leur tour l'année suivante, à savoir:
une foire d'été et une foire d'hiver, de dix jours chacune Or-
donti,, Xlll, i:51 ). En même temps qu'on ranimait le commerce
intérieur, Jacques (aeur, connue ministre, donnait un caractère
officiel aux relations qu'il avait contractées avec TOrienl connue
IWLFliculier : son neveu, Jean diî Village, était envoyé au Kaire
connue ambassadeur du roi ; des jjrésents étaient échangés entre
le roi de France et le Soudan d'Égjpte et de S\rie, et le Soudan
garantissait sa protection ayx négociants et aux jjèlerins fran(;ais
qui visiteraient Al(,*\andrie ou Jérusalem. Pendant que le com-
merce recommençait ses spéculations ' , (jue les ateliers et les
Iioutiques se rouvraient dans les cités, les i)ajsans, ([ui s'étaient
entassés dans les villes et dans les forteresses, en sortaiiMit jjour
rebâtir leurs chaumières brûlées et remettre la charrue dans les
sillons abandonnés. Ceux-là même que le désespoir avait jetés
parmi les gens de guerre et les routiers, revenaient i)eu à peu au
labourage. Le désert des cami)agnes se repeuplait. En juémc
lenips, des liens d'amitié et d'intérêt se renouaiejit entre les pro-
vinces françaises et les contrées encore soumises aux Anglais.
I-.es marchands et les gens de divers métiers reprenaient leurs
anciennes « hantises » les uns avec les autres; les Normands voya-
geaient en « l'Yance, )> les Français en Normandie. Le gouverne-
ment français accorda exemption de tailles et de subsides, foires
franches, etc., à la nouvelle \ille de tiranville, fondée pai' les
Anglais sur la c()t(* de lJass<'-Normandii' , contre le Mout-Sainl-
Mich«*l, qui était t(»ujours resté français. 11 n'y avait là aupara-
.1. Jacques Cœur prutitu do la tiOvc pour èlciulrc ses opérations en Ania^IcU-nc.
4 1 2 (ï V K It II ï. S i* ES A % < J L U S.
Mini qu'une vglht^. frequenti^c par Ir-s pèli^rîtis* « Ia^ lnd:h r
înoknt fait \ille et chAlel, coiuiiic eu la [liUî; fûrtiî et avarii
\Anvp vi clù du pfiys piu* uitr cl par* tirnj qu*on [lût ln»uv
Uîuir la NoniïanfUc ni Èiuj6lî<jn. » Mais /i peine avnîmt-il^ ... u, ..
icurs travaux, (juc les Français s\*n ctoknt eiiiiKiK*» \vn Hi2],
On lâcha d'alUior là, i>enf!ant la irève, le roiRriiiTix» tle lu \nf-
iiiiinilkn Li polilique française devait lircr bon pmH deoeerd^
Ijuns au iTuouvelleuieut (le la jiucrn^ *,
L'^uuiiî^m*uicnt des cœimî, rapaiscmeul général ^ Ttf emcnl
exprimé par Tliouias llimn, u'eiK pai; duré; ili^jâ Von reooM-
iucni;îiit à courir les chaujps et à voler smts ilc « tmix %i.sii:îi'*^
(desi niaHfjnes). I^cs compagnies lieeueiècs, inin nfiuitimi
i|u'ou les fit entrer toutes dans les eadri^ projelt-îr île J .
ré^^ulière, eussent inraillîhlprnenï jelt*? sur le ]>laJ'|Ki%« un é
de bri^'anils, si le eonseil tlu roi n'eût trnu^é tnineri tti
ee torrent au deliors. t^liailes V avait laisst* un exemple
jugeu bon ù suivre : un n'-sulut de renuii vêler ta fmiieose ei
tton de Du OueRrlin; IVuraï^ion se.préa*nta tout h |>fiiut»
plus, eominc alom, vers les l*jTénécs, mais vers le Rhitu
Il y avait en re l^^nips-là une nide f^uenv en î- "
libre de Zurieli » brouillée avee 8es voisins ilej» 1 1:.. ... .
(les Waidêtwitefi : Vvi , ScliwiLfi^ Uniervvald, Zti'» el fibn
invoqué rassistance de l'empereur FrMéricd*Aulriebe' el de tuui
le barona^e de la Soualjc et des provinœji euvjro' ' - '••
l»rincos autrirbiens abborraienl les [>ayî>ans rèpuhliaii i .
&t«*tten , qui avaient secoué autrt*fois le joug de leurs aKiiv rt
leur avaient fait essuyer à euvnu'^uH"» de §an^i>infcs defoif
les gorges des Alfies; niais U*^ guerr\*5 re]i|«ieiiîk"*s de b I
et les invasions des Turk^ en llun^Tie donnaienl lru|i dVnil^vRS
à la maison d'Aulriebe, pour ((uVîle put ixiintr tonirs *i' '
contre les inontagnards de la Sufs.\e^. Lps gentibliojti,,;i : -
Souabe et d'Alsaee, faiblement seeoud(:^s jmr rejiipervru-, of «
l. Ofdom^.Xlïlf p. 439. — M»thîvki do CDuiuf , itutitlitttJiirnrile Mimscrdtfl^l
S^ Ce fï^uk f aloc> jiKwi mm\miu , n'i^t qui* U funnu U lUcWi Af vdiià éi Sa
mi tUfn trmn |ifiitrljiitiiit mntuu^ fon'tvli*T5.
[14»i EXPÉDITIONS DE SUISSE ET LOKIVAI\E. .il3
(nmvèront point en élat de tenir lèle ;ui\ monta^mards , appuu's
piir Berne, IWle, Suleure, F^ucrrne ci prescpie truites les eoni-
nuines helvétiques eonfédvTées. Les Suisses assiégeaient Zuricli.
Le inarfirave de Bade, gouverneur des domaines autrieliiens des
bords du Rhin, eonjura le due dr Bourgogne de l'aidera eontn*
ces mauvaises g(*ns, si mal intentionnés pour toute gentillesse» »
(toute nohlesse); mais TMiilippe, (pii, dans ce moment, s'euïpa-
rait du Luxemhourg malgré les [)rél('nlions des maisons d'Au-
triche et de Saxe, uiit son alliance au prix de rin\estiturc de
€ cette duché, d
L'empereur Frédéric refusa; il lit écrire au roi de France, par
son secrétaire, .Enéas S)lvius Piccolomini, une lettre pressante,
où il lui remontrait cpi'il imi)ortail à tous les lU'inces de ne pas
laisser les « sujets s'élever contre leiu's maîtn^s, ni les vilains
bmver orgueilleusement les nohles; » il lui demandait donc un
certain nond)re (h» ces com[)agnies « d'Armagnacs » et de c<»s
hardis capitaines (pii foisonnaient en France, i)our les emidoyer
contre les Suisses. Les étrangers noimnaienl encore « Arniagnacs >
les soldats d(»s handes françaises.
(i'était au moment de rexi»édition conti-c le comti» d'Armagnac :
Charles VU ne i)Ut agréer sur-le-champ la riMfuéte de rtMnpereur;
après la i)rise du comt(» et la conclusion de la trêve avec les Anglais,
rien ne; s'oi)i)osa i)lus au succès des instances (pie réitérait Fré-
déric. Ce succès alla fort au delà des espérances et uième des
désirs de rem})ereur : le conseil du roi, sans ?)eauc()up se sou-
cier, on doit l'avouer, de savoir cpii avait tort ou raison, décida
qu'on enverrait sur les terres de l'Empire, îion pas seulement un
certain nond»re de g(»ns de gU(Mre, mais tous ceux qu'avait la
France, et qu'on ne se hornerait point à l'iuNasion dr la Suisse.
Le roi René, en querelle avec la \\\\r lihre et inq)érialc de Metz,
avait sollicité les secours de Charles Vil, et rêvait (W se faire suze-
rain dos éNéchés d(» Melz, Toul et A'cM-dun, sous la souveraineté
de la couronne de France suhslituée à rEnïi)ire. Le conseil arrêta
qu'on ferait <lcux grossies armées, [)Our aller l'une, en Lorraine,
l'autn; en Suisse. Le roi devait conunander en persomie la i)re-
inière, et le dauphin, la secrmdr». On disait hauteuKMit autour d(»
Charles Vil ipi'il fallait profiter des circonstances pour « revendi-
4U ClIEUBES DES ASïiîLAIS. m\\[^
qner les ancictis droits ûe la eourrmne dt* PrmH'e sur Ifias les |
liîliips im deçà du Rbia ', »
Ainsi la FniiiiT, avant niÊme d'avoir arli<*rè de s'alîmoHiir
la rDiiquHt* élrangt^re, reprenait d*^]ft mn étiîrncllf ùniiUmv !♦-«
ks liiiiiles de la Giinle^.
îies masses farmididiies se cuncrrilrcVotil on Cli2iro|i«i^H*. nii
inoî? de jiiîllot 1414 : Tarm^e de ^imse , conduite nar k- daufiliiii
et par In plmiart des chefs de eampagnics, m dirigea ili? !
sur Mon tli»^] lard; elb rciinplaîl dtnize à fjimlorjte mtll** f.i-.H»,
français, dont au moins six mille bons roinjiattiinu, «lul
gtsns de plcid» et huit mille Anglais et Nominiîd!*. I^e* rfnilim"
anglo-nonnands avaient voulu avoir leur part i* al-
laient cherehcr les Fnin(,Miî? , el mi ks a\iiil > »J
cœnr: c*étaîeni autant de pillards de moim en Franee, Toiié»
qtie le dauphin miivait le rhemin tle BAIe, Ip rtn cl lo riinm*l
marchai cnl de Troies sur la Lorraine aver une autre iirm6e pr
aussi nombreuse.
F-c dauphin traversa ra[Mdeinent l'e^trémiti^ fC|»rriitrio«wilt*l
la Comté de Bourgogne, en éviliuit lout »ujel det^ "• - - î^rcj
Bourguignons, Les « Arnirignaes o, j^toshis par la i soa
et alsacienne, arrivi'^rent en vue de Mk avant h fln û*in\ùî\ IHT
bourgeois de BAlc, tcrrili^'s de l'approrhe df ^' ' î.-
toyable, avaient envoyé en hnHe hAte demrMi nui
Suisses.
Les montagnard?^ détaehèreni un corps d'i'^liie pour f-m "iFrh.iir
l'ennenu el l'einptVlier de passer la Uirsc, riMi^recpi] îvt ji-Ut
le Uidn au-dessus de iMle r l\ivant-^^arde du ilîuphfii awl *
franchi la Birse; k^ Suisses la ehargcrent, la €o!huti*rpîi| MM"
1* ilititfts SvîviuH, cpî*t, 87.
<i. I^ tm\Ecn ûu roi portAU sê^ nmlflttont mhnts nu Mk tki Utitliri île U Gitfk
Kti 0^1 l<t 1111^111? Attiii*!' mit 11^1 (If^ lUkHiM «]iti M illiptiUtifnt C«éii«i ■'fVi ■'W
(IliurUH \'n lua ir;ut4^ wcrH ]\mtT h rt^ialjliMieineiit du pro1«c4iufmt 6iui^a êotttm
T^imUinUL*. En lUtf , le» CumpliVcsr>i*i et Î<l* Dwria iVmjiHfvïTiil c«& f0H é< Okm
CftuiiuïJVt-JiftMO él*it!n rntîâininîh^f nvi'rit d*? *îi parole, ti Voo Mil Ir l^m «m* d# nij^^
iiVrigtig^T tbfii* uni* is^uerrij en ÎLBlk puar J*y eoniraiu4ic. Le» rrftit^M jF*r
VmUvm^tiwn* firiiid[>Al dei» négocia tlonjk t^tâUvc;» ^ G^ori. T, T. l^Viafn^.J
IHU] COMBAT DE LA BIRSE. Iï5
onlcvèronl son arlillerie et ses ])ag:ag:es, et la rejelèrenl de raulre
côté de la rivière. Ils avaient déftMise de traverser cux-mônics la
Birse : aussi indisciplinés (iirintrépidcs, ils assonnnèrent un messa-
ger des Biilois, qui voulait les enïpèclier de passer outre; ils fran-
chirent la rivière, et se ruèrent, comme des taureaux furieux, sur
Tavant-garde française ralliée par de jmissants renforts. Les nion-
lîigiiards, qui n'étaient pas deux mille, enveloppés par des masses,
furent bientôt .séparés en deux jielites troupes, dont Tune fut
acculée à la rivière, et Fautre parvint à gragner luw ladrerie» * où
elle se retrancha. La pn^mière et la plus faible des deux ])andes
fut exterminée après une résistance désespérée; puis toute Tar-
niée assaillit la ladreiie. En vain la chapelle de la ladnM'ie fut-
dle incendiée; en vain les ])oulets renversèrent-ils les clôtures
du jardin et du cimetière; les Suisses repoussèrent assaut sur
assaut : leurs longues piques et leurs hallebardes abattaient les
gens d*armes par centaines; leurs gigantesques sabies à deux
mains et leurs jiesants monjnistvni ^ broyaient connue vent;
heaumes et cuirasses. Connue les Gaulois (»t les Franks des Ages
héroïques, exaltés d*une terrible extase, on vojait les Suisses,
liachés de vingt blessures, lutter et frai)])er tant qu'il leur restait
un souffle de vie : quand ils ne pouvaient plus se tenir debout,
ils combattaient à genoux. Les plus vieux capitaines d(* France,
« qui s'étoient trouvés à tant de journées et rencontres, tant contre
les Anglois que contre autres, » n'avaient jamais vu « gens de si
grande défense, ni si téméraires à abandonner leurs >ies\ » Émus
iradmiration, ils eussent volontiers ofl'ert quartier à ces héroïques
coniballants; mais les seigneurs allemands, altérés du sang des
« \ilains », les supplièrent de n'en point épargner un seul : les
Suisses, d'ailleurs, n'eussent point consenti à se rendre.
On assure que le combat avait duré dix heures entières. Enfin,
accablés parlenondm.*, ils moururent tous, « moins vaincus que
las de vaincre* » (28 août 1 \\\\,
présence «le lances à pied, mareliant et manœuvrant rapiilemcnt sans rénonno har-
nais qui ai)p<'santissaît les pas do l'honniu» d'armes.
1. La léproserie de liàle, dite de Saint-Jneipie».
2. KlMle du matin. Massue ainsi nommée à cause des pointes de fer qui la héri.-seiit.
3. Mathieu de Cuussi , ap. 7/isf. </e Charle» VU . p. 536.
4. Vincemlu faiigati. ^Kneas Sylvius, fpvtt. 7b. Les noblea allemands étaiiutsi pco
Le ronn!i\ lonjniirs ns^rniM^ h Dûlc» nvail »
b^ïaille : les lï^Uih invf>(|iii**rcnl sa tuediatitiru ci l ..
qtiatîT évôqurs tH tloiize dorlmrs se joijrtiireol aiti flè{iulL-s ipf (|
\illo cinoya Y(*rs le daiipliiû. Ces aïiihasï^nclriirs im|4rit>*i
rirmrnrf* du prince, d liiî otîrirenl roiiv*»rt«in' drs parli**, ài
dilidTi qiril n'y rnlreriiit point « avec foule ^*è piiis^sanre »; '
m vmilail pas faire piller Uâle par ses 1iord<» de ruulicrf
am'iiti, Hf peu t]p. ji^ur^ aprt\H, il apprit ipio lût mont
avaiiiit ]ë\i* le ftir^r de Ziirid», et ^.'etaienl rctiri'^ fUn»? les lis
valWes d<^ Vîpes,
Li'iirs eniit'rnîs ne les y ^uivirnil pas : rinrolsm*! df's ftaii
avait in^|>iré au\ français une sorte de ^srnijtaUiie (jull^ r>i*|
rcnl ;rut'relâ peine deeadierft latiolite.sse allmnande. Le d*iu|il(t^l
sentit rondrïeiî la pnsitiott de ce pefil peuple [H>u^iiil m fairej"^
allie utile à la France, et se ^arda hien île le puussiT k Uf)ut\
coinplaisanêe pour rAutriehe. Après quelcpji^iî m^iigi^ &mh k ^
plaine de Snis«îe, il commença de néiiûder avec les vflte
vrfiques el les Wftifhhrffrn de la montagne, et ramena éon i
en U>ate et en Sotialie. Il ne put dêlcniiiner BAle uscdotUMfrf
France, coinnie iJ Tessajaau mépris des droiti^ de ITinpire; i
il e^mclut, le '>H oclobn^, tant en ^on nom qu'en ctini du
pt^re, un tïMÎté (le « bnnne inïelliî^ence et ferme arnSliè » ..-
noliles^» bonrpeoii? et paysan» des commîmes de Berne. Ilàli',
Lncerne, Soleure» Uri. Sthwilz, Unterwald, Zntt, Gkifb.d n%t
dnc de Savoie, l&è eomlesde Neutchîltel et de Yalian^tn,
confêd^TéM des « Ligues de la Uuule Allemapne, » alii5i qn*oci i
lïiaît tes Suisses- On dit tpie les Ligues Suîïïses |inmiîrrnl smnf^'
tenient au dau]ïlufi de inrltre quatre mille cotnbatlant> à 531 din
IHjsiliun quand il en aurait besoin.
Aux approches de Thiver, le dauidiio cpnilii im imrûs du Rbm
lifiriîM mïimtif , fjiii «vult *té la cheville oiivnt'rc dr la 1I|îtî« cvatlv le» i
rvctiitnut p»miî leMmouranti un capituint' ilu côntitii d'ildt «1^ CIoaultAfil iTr» |
riiTWur i " Non* tQticliproiin t'^ nwtr mur lîi*» mmp^* M tri^ïAh — ïlh biro* i
foni^-ci! u ri'uViqiui h\ nuHitaiirnaril ; et, iii%>cnitiUnt le nnte <l«f « ?ig
l^tn^ii uni? fiit^rrc à In tète, La ptrrre ^rnitiii Ifw ^ctix ri b Tmôe ttr ]
Muttcr, l/iil* tfM Huisnt. ^ Muh'mi *h Coupai- — J* Oirtjcr. ^— B^ri* •• I
:i<*V' r.uEnrii-: oe metz. m
pour ivjoiiidreson prro en FiOrraino, après avoir cliangr ses onne-
iiiis on alliés otsos alliés on ennemis; car la maison d'Autriche se
plaignait (jue le dauphin lui eiM fait plus de mal qu'aux Suisses,
et les bandes des « Arma^niaes » avaient commis de tehes dévas-
tations et de telles cruautés sur les deux hords du Rhin, que la
population s'était levée en masse contre eux; un grand nondjredc
routiers a\ aient été exterminés n\ détail pjir les paysans dans la
Forêt Noire et dans les vallées de l'Alsace.
L'i conduite du roi en Lorraine était encore moins propre à
satisfaire rcujpereur : tout en protestant de ses intentions amicales
pour l'Empire, Charles VF! sonunait les villes impériales d'entre
la Meuse et les Vosges de reconnaître sa suzeraineté; il déclarait,
dans ses « lettres royaux», s'être transporté vers les mairhes d(*
BaiTois et de Lorraine, et vers « l(*s Allemagnes » , pour donner
provision et remède à [ïlusieurs usurpations faites sur les droits
des royaume et couronne de France, en plusieurs pays, seigneuries,
cités et villes, étant deçà la rivière du Rhin, (jui d'ancienneté
« souloient être aux l'ois de France. » Verdun, déjà momenta-
nément réuni à la France sous Louis Hutin, Epinal, (jui relevait
de l'évéque de Metz, Orville, et d'autres petites ])laces se soumi-
rent assez volontiers [Ordoyin., XllI, i08); Tout accepta la i)rotec-
tlon du roi, mais en réservant les droits de l'EmpiiT; Metz résisUi :
cette grande conumme,hal)ituée depuis longtenq)s à s(; gouverner
en république, lépondit aux gens du roi (pi'elle ne d(;vait rien à la
couronne de France, « et n'éloil sujette au roi René ni à aucun
autre ». F^es Français s'emparèrent de vingt-cinq ou trente fort(»-
resses qui protégeaient le territoire de Metz, mais ne s(» trouvè-
rent pas en mesure d'assiéger régulièrement la puissante cité,
approvisionnée pour deux ans, bien munie d'artillerie et d'une
bonne garnison à sa solde. Cinq mois entiers, cm guerroya autour
de Metz a\ec une iuij>itoyaI)le cruauté de i)arl et d'autre. F^e capi-
taine de Metz, Jean de Vitout, alla jusqu'à faire noyer des fenunes
qui avaient, malgré sa défense, porté de l'îu-genl aux Français pour
racheter leurs maris prisonnieis. F.c» roi de France et le roi de
€ Sicile », désespérant de réduire « ces vaillantes gens » de >'etz*,
1. •• un <iplimictvc> .V'Vfxs»-.. riioiims Ba.-iii, t. I, p. Irt'l.
VI. 27
IIS
nrEîlHES ÎIE5 A\«LA15L
*!W
vilk lit un HcIk' i^rt^cnl de \aisM4le il'ur ii Ul»»^rl**?i VU, a^'
ceni tiiillc t'cus pour les Trais du sièftt\ Quant h Rejiè, les M*--»ifc»l»'
diTlmr^civut irune f^rosse doltc qu'il Jiviiît ctmtrarU-ir lîHVTirn'
t'Hu^rs leur fuiiiiniine, niaii^ ils ne rvconmimBi ymiè pliu^sa Miji--
muHù que ct'lk tUi roi tic France (27 férrîer Hî5l*. MHi ^
ruina, mais resla libre,
Le Irailé avec Metz fut accooijïagni'^ tl'iiii autre iniU*^ h\^^ ''^••
IMre : les enlrcprises de Charles YH et les\iiiletici?* ciiirui«
lei troupes du dauphin avaient inqttîéW et iirUé tmik* PA*^
iiiagiie* Les princes d'milrc*Hkln , qui nVuigenl pain!
reuipereur ihm unû querelle parlieulière h la maifion d' \
se montraient aussi dig[Kïsés que M à f!^fendro Im o
rEinpire. Charles VU et son conseil sentirent rini|M ni
y aurait à dimigor mie exptSIilitm «raventure rt d'« ^^
une grande guerre de eonquête » tandis qiw* le% Sn;:
encore de si importantes possession:? dan» le royuioiir : tm t
gea; le roi renfMii;a ù riioiinua^a* de pluMetirs desfiWwfË
rîales qu*il avait occupas , el les AUernaiidfi ncnonc^^rcnl M
îndeninités qu^îlîs avaient réclamées. Le roi garda stîtili
souverainetiUrÉpîn.iI {Onlonu., Xlîf, 502),
Les vîtstes deï^siinsi conçus un i»<'U légèrcmciil atilour du fW
avaient donc èchoutS et la France n*avait fait poiircellr tuii i|u'twc
^or(e de reconnaîssonre du cMt'* du Rliin : cette cari]|iai:i
irlorieuse, eut néanmoins un grand ivsullal {Nitir le ro;.;.;...
l'ordonnance du ? novembre 1 439 fut enfin rtelisèc. Lcf coÊOfê*
^^nies, qui avaient si kuij^qenjps dévuré ta France, se Ir-
fort nlïaiblîes : des inilUerB fie routiers avaient péri aux boni
Rhin et de la Moi^cUe; on espéra que le n-slt' ^i^-îit1 atrn
entendre raison et a accepter une existeîMre réguUtre H boo^
rable en éclum^^^e d'une indépendance désordotm^, L« |te
nnonmïés, entre les « conducteurs de gens dtà guerre, >airii
1. Lm McmIas lai Àvâli^nl |vrAté ûp r»r|r^iit pour l'^ytr tm rw^o âm àêtéê^fi^
go^«. La chujm^ d« Im |Qrui^rr(<, i^r^miti^^ on voit , ii'éUit pu* IWt iMimifMlilc «ii 4 !■§ m
HiPiié «« qui iittjiqiiii Riti vot>^m,t r.i tniitu mt Mm fimiiMs» «i4fil*l9 êé9m 4» èMH^^^*
poar ne (mi puyt.T tii?« ilcltvM. " L^^a tyr.'itk^ «, iht ThoB»« IWido 4aim «b lâÊ^m ér
tdfiubHiriHii^iim fttiM-i*iiH*^ .. «itvit?m loujouffe U liberté, tr fi|Mi «i U j«
{ivupk!!. f T. î, p< l(i)3«
:1U53 CnÉATIO.N DE L'ARMÉE. 419
promesse qu'on leur fit irtHre dos « mieux et des premiei-s pour-
vus, » répondirent de Tobéissance de leui-s hommes; la rélnnne
fut donc décidée, malgré l'opposition d'mie partie des j)riiK'rs cl
des grands ajjpelés à débiUtre la question au sein du conseil.
Il fut ordonné, de par le roi en son conseil, que l'armée serait
réduite à (juinzc compagnies, chacune de cent lances « garnies »
ou six cents chevaux, trois archers, un page et un coutillicr à
cheval étant attachés à chaque homme d'armes. Les gages des
hommes d'armes et de leurs gens devaient être pa^és mensuelle-
ment, et en monnaie royale, j)ar des counnis spéciaux, établis
dans les bailliages, sénéchaussées et préviMés où les capitaines
tiendraient garnison. Ce furent les premiers i)ayeurs e( connuis-
saires des guerres. La solde fut lixée à dix livn^s tournois par
mois pour riiomme d'armes, cinq pour le brigandinier ou cou-
tillicr *, espèce de chevau-léger, quatre pour Tarcher ^.
Les historiens contemporains nous ont laissé sur l'exécution de
cette grande mesure des détails qui méritent d'être raj)p()rtés
textuellement. « Les quinze capitaines élus, lesquels étoient tous
vaillants et experts en fait de guerre, non i)oint jeunes, ni grands
seigneurs, furent mandés en la i)résence du roi, et il leur fut
dit qu'ils gardassent étroitement les ordonnances, qu'ils ne
prissent avec eux que des gens sûrs, dont ils pussent rendre
bon compte, et ne lissent ni ne souffrissent être faits par leurs
gens aucuns dommages ni violences aux marchands, labou-
reurs ou autres. On leur bailla par écrit les lieux où ils dévoient
aller, et, après qu'ils eurent choisi , entre toutes les couîpagnies,
les hommes les plus experts et les mieux habillés, jusques au
nombre à eux fixé, tous le?s autres, c'est à savoir ceux qui n'é-
toient point pris à gages, curent ordre de se retirer sans délai
dans les pays d'où ils étoient originaires, et d'aller rcpi'endre
leui'S métiers et labourage , sans plus piller ni dérober le i)auvre
1. La brijrandinc était une armnro défensive plus légère que la cuirasse : elle se
cODipoàait de lames de fer clouées sur un pourpoint matelassé.
2. Cette solde était énorme; en valeur relative, elle représenterait aujourd'hui
environ 4,000 fr. par au pour l'homme d'armes, avec son pajjre, et 11,000 fr. pour
la " lance jjarnie. »» — Nous n'avons pas le texte de rordonnance ; M. Vallet de
Viriville a fait c<mnaîtr«» divers règlements proumly;ués pour l'exécution. T. Dibliutfu
i\t VÉcoU dis Ch.irUs, t. m, 2*? série, p. 12L
im m KIlflES DES l\r,L\|*iL
|K*upli!, mi aiïlremenl eu ferait-on justice comme de irifnsalta
donnés et sajis aveu; et, pour y pminroir, rtitY*nt efivtivcs mm
inriils aux offiriers «lu roi thm \e^ lmillîfisi-5. LfirfïMtik's onh
ïiuwos^ ùiiïnï voniii*i^ n la ronnoissance d*icciix ircrw île ptif
ih j^VpaniHrcnt incontinent en divers lieux, sans plus se îr
ensenihli% Idlement que, dnlant? les quinze jours f3nsiilT;)iit^, <
nVntondôit plus aucune nouvelle d'eux dans tous li*> p^
a Pour Ir re^^ard des quinze eiipitàincs, (pmnd ib fii.
liués avec lairs g^ns par les provinces, ib comnurmvirnt à^
eorKlnifê m'^s-doucaîient et eourtoiscuient; et >i, daft!nti
aucuns de leur^ gens conimettoienl fpielque %îoleiiee dm mspjfl
ils les chàtioient h toute rigueur, et fais^oîent npftiluiT Ir li
uia^e ;ju^ bourgeois, ou pays^ans qfii avoient éfr pilkS; aufoil
peuples se prirenl-ils k les bien ainier» et prioienl'il'^ le n)«j
tenir les lion nues de gucnT au pays où îH ï*tH;:^*voie«i leur mM
ni'ni qu*ils y dépensassent l*argent qui y Hmî leré pour Irur |iiiJ«**
ujenl; et eloient lesdits gens d*anne$ riches, car ib imrlim
leuiis kunois sans parements (peirures) et leur éliiil défendu I
mener cbicus, oiseaux (faucons), ni femmes; leurs boeypicbio^^
éltnent de ruir de cerf ou de mouton, et ûe draps ilc cotdc
fliversï*^, *îans orfèvrerie (hroderie d'or ou d'argent' ; Içurf i
courtes, de vingt ou vingt •cinq mm Taune Beiilemeni
demeurant, bien que le nond)re tles jrens de gtierre siiilM j
se monliVt a enviion neyf mille chevaux, ils liaient trop |nii <
cbatiue bonne ville pour pouvoir faire les nialtre<i sur 1rs hn
geois et manants : il n*y avoit que vin^t on trente liuinfs m dtf
villes conuî^e Troîeîi, llhillou!^, Heims ou Liaîi. l-*^ at -_
royaux et les justiciers ordinaires avoient d'ailleurs Vn^
pour observer sll» ne e(*mmettoienl pas quelques fautes, Iffih
clmnt la [mnitîon dest|uel[ei% les capilaîne<% ne llî^-nt [m»
leur devoir 3 : d autre part, il y avoit certarmi couirnîiî eTTiriS
L C<? ptix Ç5t eneoT* très-^^lfif* i ce smiit fltïjiïurtrÏMll Bâ im 4^ trabc* r
3f. Th. Bïwtî) (t. U% p, 332 J insiste arpc rtl»ftn *«t nwjHjminoe fl# la^
qtii iHiuttirttuît tm jï^'O* dp gnepti* aun jwfw or«tiiiiilrf»^ n^^- - - * rae
6UX ca|iiUilUcs que tr jitf^iniuit il^ iWlîti pt ^léirnlÊ vîxVt^ i^i^.t.i^n^ Lai
U*»: CKÉATIO-N DE L'ARMÉE. 421
iwir lo roi, qui venoionl voir jissez souvent les ^ens (rannes piisser
h la montre ;en revue], afin qu'ils s'entretinssent connue il appar-
tenoit, SiUîS vendre ni perdre leurs chevaux et liarnois; et, quand
Jl dOfailloit quelqu'un desdits fi:ens de guerre par mort ou autre-
ment, aussitôt un autre étoit mis en sa place; plusieurs mùmc
suivoient assez longuement les capitaines à leurs dépens, sur
respérance d'ùtre ennMés à leur tour.
« Que s'il survenoit au roi quelques affaires, en quelque lieu
que ce fût de son royaume, il envoyoit tout aussitôt des messa-
gers vers les cai)itaines, et incontinent, en peu de jours, ils se
i"ondoient aux lieux où il les vouloit occui)er; iku- ainsi S(» trou-
vnit-il assez soudainement pourvu d'un bon nombre de condjat-
laiits bien en point.
« Enfin , tout ce que dessus étant accompli , en dedans deux
mois, le royamne devint plus sôr et mieux en paix cpi'il navoit
été depuis trente ans. * »
Les conséquences futures de cette innovation devaient éti*e plus
considérables encore. L'apparition des cojupagnies d'aventuriers
mercenaires (routiers, brabançons, etc.), à la lin du douzième
siècle, avait porté le i)remier ('ouj) à l'organisation militaire de
la féodalité : l'institution des armées permanentes devait îuuuder
promptement cette organisation , qui avait survécu à l'indépen-
dance féodale, et qu'un siècle de guerres désastreuses avait démou-
(i*ce impuissante pour défendre la pairie. La France» allait res-
saisir, i)ar la discipline, la sui)ériorité que lui avaient enlevée
l'anarcliie des milices féodales et les premiers progrès des Anglais
dans l'art de la guerre. Ces progrès étaient dépassés de bieii loin
inconvénients du i«y«tcinc contniire , en droit et on fait , se voient de reste. La
justice ordinaire , admise onvei-s les (irens de ^crre , ne ])iinit pas :l*«s{'z éner-
ii^lqne ni assez expéditive à rét^ard des ^ens de manvaise vie : une ordonnance
du 6 octobre 1447 attriliua au prévôt de Paris la juridiction dans tout le royaume
sur tous les larrons, mendiants, •' opieurs » de chemins, ravisseurs, joueurs
de ftiux dés, faux monnayeurs, etc., et leurs •• rt-cepteurs »• (receleurs ) et complices.
Non-ficulenient le prévôt, mais ses commis, avaient droit de •• punir et faire exécuter
toutes ces sortes de ^en» en tous lieux, après enquête sommaire sur leur vie et gou-
vernement. M Cet effi-ayant arbitraire fut accuiîilU comme un bienfait par les classes
laliorieuses : la répression des violences et des pillages ne Unir semblait jamais assez
prompte ni assez Urrrible ; elles avaient tant souffert I ( Ordonn., XIII , 54)9).
1. Mathieu de Coussi, dans le Ht^ueildes hist. de Charles Vil , p. 511-547. — Eloge
thi roi Charhit Vif, ibid., entête du volume.
Ifl GlîERaES DES AKGLâlfv u^s
d'im svn\ 6lnn; la France îiv;ijt jadis eiilVmt** la rli» > J
encore hi Frann* t]ui enffintait le systènip iiiitîLniin.' j**.^.^ i
liiu^ à romplaei r lîi dievalcric* L1nîrol^i^c1iong^fl/*nl1Mlf^i^ir
règulitVns, rencHivelOfS de ronii^rc romain i«ir la Fraiit»,^
bîentrit iniïldTS |Mir le reste do FEurope» dtnajl niliidiliT îiw
dev(*lojï|»enienl des gouvoriiemenb iiiomijTliii|iieii,
La Fraoee ne senlit ti*almril <fiie ii's avantages de ccltt* prmAt.
vvèiilum, i\ui Ini assiirnit fore <î contre rcnnetni cl onlr*? nu dMnstK
tiH le règne suivant» elle ait à ^apercevoir tlt* lu fodiU^ qir
Farmee [loriimneute doiincdl à la royauté d'îiiiginerit^r b t^1k
permanente sans appel aux Étals-Gènenuix* Ce fui bien pi>
Sous* le sucresseur de CliJirle^ Vil^ bi rouruiuie |iouf^u..^
moins» par des moyena arbitmJres, dc»s ri*S4illal!i utilis et
nau\; plus tard, la puissaneo excessive que Finiiiùl oiititr
eoriibiné avec Farmt'^e permanente, assurait aux mb, in
plus qiï\j jeîer la France» pour soixajUe années, dafiîf Icîi i
el folles guerres dltalie» guerres qui aboutirent à rùri! diri
ilenee des derniers Valois **
î^tanl cti^ï nous I par les ^nlimeots hmi jthî* qwç t*ar b Fc-nm» ît î»n-tii*PT
dea éciivS-iiisi de Ia KetiÉiîssaiice, et *iiii di^-fenJ, ildn* U LiL.gvi^- .în r» ^-^^'-'-tiii
classique Jefl Ubprléâ du moyi'ii Age contre lu moiiAfiulik ïinl'>*.i7iir, n tnif^^ «l^a j
trûs-rpïiiarqtiablcà noGtre ririJStiUitîoti Jto a^a^'^ i*onTiîîiH'iit<-i. ilttJciA» tUi^^
éctî'vtùi de 1470 ik l'i75, apirèf avoir rc^coïitiu ûoTi-.cuJi^tin'iil ï uUlUr, nm» \n
slté temporftjre de rétaUlissenieni mlllmiro (1« lUI, l'ci ntuii|EP< dvi^f fxLwtjiii ir i
tien après VexpiilâJoti t3«s Angt&iH : H n'y volt, rri, tim)|i>* «lo |uii, i)tj i^tt ko«ir
tlo t^munio qui pcrmeltrii auï roin de tctitr tout ic roy^njinr *ôki. lu u^rrr^, ii
iti^tïtf^r déîuêïurétiji^tit 1rs char^ps eublique», Don guiiaDd Iv bi-^uiti , mAj* »«.i%£^t V
t'i^l^Hi^t et de reudri! les si^ctf taiLlat^c^s à mrreL >^ t'uiitior «!# ^i}« «x-U»*» . ^
Sl^vts firiiurotit t>luK rÎPH qu'ils ^mU^^init dif^ ^tr(> k vmh, ni Inurt liiru.^ m \xJ^â ks
vie. — En ifM fntMîft! *«t j^urvîitjrîte cwt touibi^ le royaoïn» dr rraiic», nair
ti libre t (jut^ tous 1e4 babitAiiU »ûc4 dc^eUréA ItAtiLniucfit , \mr lot ^
fln»riéc» et Lcrorfl commis^ tiUlliïbkd k H volonté du roi t m^^b »t^e pcfMMiiM
iimr«r OU mkm^ dinnitiiOer trii:<rct ; et que piirlcr A recu?oti,tre «crtilt |«1im p^^rtBHSl
lie reitier tout 1p Ki^mbole tle la foi, et ^eruit eliâtle en crim«* ai* In»*" mq^t^i'
Il rrprt-iscnto 1a charge du loi^iruiera de» gwu d<^ iriierre comiim IjAcb {«lot li
talilp que Ift tîillk mairie, et tnh ^U^ letir» e>)*t'tioti«i fl dt* leur» iii»y|fct«i;u« f«trr> i^=r
h5te^ nu tiiblenu qtil olfVi* une étrniigx! oppos*ltlon «rit^ cn.tiii «^iw ivoQâaivBtdMV
irapriiH MatUipu de Cous^i cl ïe i«iU('*îfyrîHt«' anonyme de OsArlei VlLL'Ii^^^l
les îfentt d'aj-mps tîiiîx îm iKitirg-coi» u'tHflit pai iK^atcttÉr^ ei I* Wl mArt Ai I
M'iivaîl jm M* niïMuteiib 1ôn>fteiiipA.
Il nie enfiuik* lu nécL-ssiit) du iiuitntivn de r«miéif en rae «lu rrtiiiir ptméhU éà (W
vnnloij élTAîigïîri», ta fiiH ot>ïif^r^er ipe ni rAî^gtetenr ni le» nuir»* vnhin* «c nri«i
ite 1a Fri&nce ne «'imifosent ulofi un mal i-^ituln et fH^rj^étitel f^um éTiUf un u:»i to^
[«*«■ TIÏOMAS BASIN, Si.j
La réforme des finances niarcliail parallèlement avec c(»lie de
TanniV; elle n'eut pas nn earaotèrc aussi monumenlal; néan-
moins ce qui s'élablil alors fui la hase de tout ce qui se lit d(*puis,
sous la monarchie, en celle nialière. Dès le 27) seplendnv lii.'),
avait paru une ordonnanc<» (pii séparait l'adminisfrafion du da-
inainc royal d'avec relie des « finances extraordinaires » tailles,
aides et suhsides , de\enue inconiparahlement plus imporlantt»
que Tautre. Toutes deux continuèrent à ressortir d(» la clKunhre
des comptes, souveraine pour le Tait de Tadminislralion finan-
cière connue le parlcMuent pour le fait de la justice *. 11 fut étahli
que les revenus du domaine seraient versés en la diamhn» du
trésor à Paris, dans les mains du chanjfeur du (résor, sur quit-
tances des trésoriers du roi ou trésoriers de Fran((^, coîilrôlées
jiar le clerc du trésor. Tous les autres deniers de Tlltat (l(,'vaient
ôtre reçus et drstrihués piu* un receveur fiénéral des finances,
séant à l^aris. La chanduv des compt(*s ne devait plus adnîettre le
rece>eur général ni aucun des chefs de services à compter par
sinqdes mandements royaux : le receveur {général était tenu de
représenter des états détaillés des dépenses, expédiés par l(»s géné-
raux = inspecteurs généraux) des finances, signés de la main du
roi et du « signet » d'un des notair(»s ou secrétaires d'Ktat , avec
mand(»ments scellés par le chancelier de France; les officicM's du
domaine devaient exhiherdescpiittances régidières du trésor; les
denU'l et improbable. Cet ar^iiincnt ne devait pas ii^arder Ioii<;teinps sa valeur, et il le
«ient bien lui-nic*me. •< Le mal », tlit-il , » ira eroissant . et , tonj(iur-<, .s'il en manquoit ,
fort;eroit-on nouvelles causes de >;uerres et de troubles, afin de maintenir milices et
tributs. Kt cette calamité ne demeurera point [larticulière au royaume de Frani'e,
mais la conta<;ion (^a^j^nera les autres nations, conmic noiLs le voyons commencer de
noiivelleté en certaines seijrneurics libres jusqu'ici de telles servitudes i la Bour-
ÇOffne). "
l\ termine par un pan/*}ryri«pie de la liberté légale et par une philippiquc contre le
despotisme, qui doivent à sa «jualité d'évêque nn intérêt tout particulier, et il combat
ceux qui cbercheiit dans IKcriture le prétexte d'une soumission servilc aux puis-
sances. •■ L'autorité divine nous commande bien d'être soumis aux princes, mais non
comme >erfs ; l'apoire dit: .Vr suytz junnt scrf-i des hommes; il dit encore : Strf ei-fu
opiitlè: nen nie point souci; mai.", ni tu pfur deveuir libre, mieuj feni^-tu. Obéissons donc
librement à qui nous commande selon la justice et la loi ; mais à qui conmiande
contre la loi et la jib^tice pour satisfaire ses iniques passions, >ubvertir IKtJit et tout
réduire en s€r\itude, n'obéissons pas, si nous a\ons pouvoir «le rési.^ter ; ce sera bien
|dua juste encore. »» Tb. Basin , Hiitnhit CmnN \ Il , liv. iv, p. 1»)9-1HL
\. En certains cas, cependant , des membres du parlement étaient appelés à assister
la cour des comptes dans ses ju;;cments.
ofticiiTS ties *i autici* iitiarires, i* des i{uit(atiOi':& du r(H*«'tt*tir - -^
rui. U^s iiiaitnîs de cbaiiibrrs iiux di^uiiTS, rargi^jtier du i
grand étîuyer, le trésorier des guerres, lo ritnJtrc de rurlHKnr^
étaient teFius de luoiilrer leur!» tials de dé|iGn$i*$ Imu* k> iiiQ
FiC receveur [j^eiièra! devait montrer ses eompirîiî h bi rliniulin*
coini»tes h prenii*MT ri'quLHirion, ej les faire a|mnT et irrilinf
ehaiiue iiïïriée u ladite clpïntn'e. Tous les rcceveiiii^ étaiefil .i-
h rendre leurs caïuptes deux fois Tîtii; ïe<s receveurs Ar
devaient lut^aie les renJie trois fois ran, tes maliensaitoh
plus faciles liour eux, el leuï^ eo«i|*teis étant |ilm ccmiipieves.
Tout rerel et malversation étaient punis de n*^itutioo, fili
d'une amende arbitraire [Onhun^y Xll!, 'AT2)
Afin que le rai « piU voir ekireoienl nu ?rai lY-Uil At
finances qrjnnd bon lui seinbleroil, » il fid pr*^scril rv
fïnances éïaui i>rès hi persoruie un roi, de tenir un r .
sérail enregistrù tout ce qui semit eouuuaiidé |«ir le riite4|
\\m\ orrlonnauces des lli février e! Vi août iU"
boît^nt la prenvièiti : le roi is'interdil d*aecorder prèim:
i\m lettres d amorlisï^enient, de légitimation, d'afTivuiclib^^rirai.
d'anoblissement, trexeiuplion^t eJ «le privilégiée ijnrJruaqBe^
est eujoiid aux ^ens des comptes el trésoriers de ne pbi> nhw
pérer à ces leltros que moyennant llnanee et eoDipQsiiinn mi^iiK
nabk\ Lej^ seigneurs qui ord re<;u du roi des trrrrs iln doni
eonlribuenint aux cbarpes de XÎàîû pour ees lerir^, on le*!
tueront k la couronne. U^s trois trésoriers de Fninci! •, rln*fe i
service des doniaines (Jean Itnreau Mait nii î\i^ lroi$;, frrooT
rentre!^ les parties du doniaiue usurpées. îls arrélfTont Ip (lairniiirf
des gages des ofiieiers qui ne rtsidenl pas, euntrainilniul !<«>
gens * non vivant iioI>lemenl » à uder tous fmH noliins au &
financer pour les garder, Vn antre édil, de juin iiiS» or]^;ifii
déllnitivi'meut la justice exceplinnnelle en uiatii^re irîni)^tl
les « f^énéraux conseillei-s sur le fait des aides» rurmènfil im^
cour souveraine» la eunr des aides» jn^^eanl en dernier
tous le» i»i'ocès civils et criminels conrernani U\^ nidrs, cahH
I. A lu flti Ju t"*^ii\ Il y nfii rut diiii.
[1*«5] FINANCES. COLK DES AIDES. Mo
t't lailles. Ia^s élus, qui, dïlus du ixîuple, étaient dexcnus les
élus du roi, composèrent les tribunaux de pnîinière instance
pour les questions d'aides, yaljelles et tailles. Les i)roeès concer-
nant le domaine furent ju^TS par les trésoriers de France. Il
fut interdit à toute jui-idiction ec'clésiaslitiue ou laïque de s'im-
iniscer dans les alTaires d'impôts : les tribunaux ecdésiîistiques
lançaient sur les ol'liciers de linarïces des exconmumications,
lorsipie ceux-ci s'adressiiient à des bonun(^ enga|iés, à quelque
degré que ce fiit, dans la cléricalure. L'édit royal statua que les
juf^es d'église, ([ui troubleniient les ollieiers de llnances dans
Icui-s fouctiojis, seraient punis par la saisie de leur temporel.
Des peines équivalentes menacèrent les magistrats lauiues', au
cas où ils recevraient les appels portés devant eux par les contri-
buables, qui, sous prétexte de divers j)riviléges, cbercliaient à
se soustraire aux imi)ôts. « Le roi, disait l'ordonnance, veut
qu'égalité soit gardée entre s(»s sujets dans les cbarges et frais
qu'ils supportent pour leur défense et celle du royaume. » Ce|)en-
dant on maintenait Texemption des tailles et aides, en deliors du
clergé, pour les écoliers des univ(»rsilés, les nobles « suivant les
arnies^, » les arcbers, arbalétriers et canonniers des boimes
villes, les officiers ordinain^s et conunensaux du roi : les pauvres
dont l'indigence est constatée ferment assez bizarrement cette liste
de privilégiés [Ordoym,, Xlll, 413, V28;'.
La juridiction exceptionnelle en matière d'inqmls, qui rendait
les ofllciers de finances juges et parties, reposait sur un principe
1. 1^^ juges scigucuriaux furcut ainsi dépouillés de toute juridiction en matière
d'impôts.
2. C'est-à-dire faisant le service de leurs fiefs. Par rort^auisntion de rarniée rc;ru-
liére, la milice féodale se trouvait réduite au rôle de réserve et d'urricrc-ban : les Wm-
dataircs obtinrent, quand on les appelait sous les armes, d'être soldés sur le même
pied que les f^ens des ^ compa^^nies d'ordonnance », pourvu qu'il» eussent réipiipe-
loeut presi-Tit \Ordonn<xnct XIV, 35i);. Ainsi les nobles cessèrent entièrement de servir
à leurs frais.
3. L'exemption des tiiilles fut accordée à tous Icm Uiur^eois de Paris «« pour aider
à repeupler ladite ville », par ordoimance du 20 mai 1 119, à la charp; ponr la ville
d'entretenir à ses frais ses fiirtifications et « autnni comumnes affaires. » l<es Pari-
i^ivn.s ont ;;ardé ce privilège jusqu'à la Révolution. Une telle **xc*option, étendue à tous
les habiuints de la «rrande cité, ét'iit furt peu conséipientc avec le principe d'éf^alité
posé par les ordonnances précédentes. Mais les ^ouveruemcnls du moyen â^e ne se
piquaient point de logique.
m nnKURKS OE^ A.\r.LAtlfL !i^
!iTSr-4laii^t'!*Mj\; 'iuriine înîitîliitinn fiiMloriîia Imi à [t\\\ '
dans la ï;iiJle dt*î< 1i*in|m; au€uri** uvUnl ilr\i iiiir p\m m\i
pmi|ile lorsque tomba la monaiTlue.
D aiitrf^s K'fonnes judifiaîres !rH''ntm*nr, au c-<mtniJn\ h^^^
api>rfj|>alicm. Losiuivilc^eïjiiiiJv^i*rsilaires,<]iiî ii^eni^iTÛ lu
fois la t'ivilisation en prolûgcanl dans i*ari.s Tcxit^eniT J'utit i
de rt'piibU<iiie lettrée, ne proU^pc^iont |>lws f|ni' Iv^ d6><ïrtircfi
rtrilioï s et lît vanité des péd^intî^: I/universilé <!e Ptiri* iir i
iîï^îiail jusiju alors qir;i la personne du roK Un rdil du t*0
1445 la soujuit au rehaut du parlement iK>m* j^i^riiti5e6génmIcC]
el les causas |irîviies dtî î^es « suppôts j^ léndhîrs, rcmcUiifl
et sulKH'dcinïiés qudroncpies) allrrenl an ChAteki cnrimie <
des bourgeaii dû P^ris. Le temps était pa^; où fous k%
de rEiirope se itéraient levés eomuie un SMil honiinf? v
attentat aux privilèges de tlcrgie, Ll% Idlrrs n'èl.iiom ,-,..
caiï.se. Il fallut rourber la tète.
Apres* avoir sotimis rimiver&jté an parlement, on n^idet
le parlement et ses suboidnnnt'^s; le parlement fui cunlinnc (
le droit de pr^^senter des candidate au roi» vu i-ïis de viu^
Défense aux membres de la cour de rec^evuir pcrt^ion.^ d^nulrr*
pei^onnes que le roi. Ordre aux membres de la emir d*NftJ
Palais h six heures un quart du matin. Amende • arbilniire » i
tous les avocats «t trop longâ et prolixes. » Ce piticédê, imioèKu
ronvenlr, étaîl plus aarbilraire » que pratique. Ifautres i
Èîijul prises eoiitre la luulliiilieatiun ijes trriitirrs et li hv
ilv% procès. Dans un édit de eôntîrnialiuu des priiîb^M^ ,i
au Languedoc par Louis X, on remarque un artk.Ie qui
« rînstruetion rt le jufcemeiit publics > des - ' • riliibn
nnîii>s que raceusé ne soit rondanuit^ h la «i - , Ciillt
miére R%rtion rontie h procMuro secr^le enq>ntuUV ou\
iniiulsiteurs devait partir du Midi» dépostilain* de-
du droit rouîain el si eruellcmenl riviilê [lar rinquLi... U
donn., XllL 4H6),
Les l'nofuiaies avaient eu leur (lai t danjs Li refonnc tH
un édiltlu 1? novembre 1 Uil avait jimst rîl le i*ours de Inulraa
monnaie que les érus d'or^ les ^ deniers nï^rands td;ine&, ^ n
dix deniers toumois, les « petits îilancs, » de la \ak*ur de dgf
il4;3: liMVKnSITK. MON.NAIKS. Ml
deniers, et les « doubles deniers noirs. » Bien des intérùls furent
lésés; mais on parxint à faire disparaître ce chaos de monnaies
de toute espèce et de loulaloi, francais(*s, anfilaises, l)our|:ui-
gnonnes, qui encombraient la circulation et gênaient les trans-
actions.
Les relations diplomatiques n'claienl pas moins bien conduites
que li*s affaires de l'intérieur : des nuages s'étaient maintes fois
éle>és entre les cours de France et de Bourgogne; ils furent
dissipés; on ne s'aimait pas; mais on se respectait; on fut pru-
dent et modéré de part et d'autre. La duchesse de Bourgogne,
femme d'un esprit actif et d'un grand sens, à (pii son mari con-
fiait presque toujours h's négociations de quelque inq>orlarice,
vint trouver Charles VII à (^hàlons, à son retour de Lorraine, et
régla pacifiquement a\ec lui les dilïéi'emls des deux cours, rela-
tifs, pour la plupart, au\ enq)iétements des officiers ro\au.\ sur
le traité d'Arras : les gens du roi ne pouvaient se résoudre à ne
point faire valoir intégralement les droits « régaliens» sur les
provinces bourguignonnes. Ni la France ni la Bourgogne n'avaient
intérêt à unt; nqiture : le duc ]*bilippe a\ait de graves end)arras
chez lui; la Fhnidre était mécontente des iinjuMs croissants et de
diverses atteintes à ses libertés; la Hollande* et la Zélande étaient
décliirées piU' les vieilles factions des /focLs et des Kahrijaics ;
Pliilippe avait à s'assurer riiéritage du duché de Luxembourg,
que lui disputait la maisrm d'Autriche; (juant au conseil de
Franc«s il n'est pas besoin de dire de quel coté se tournaient
Si'S légitimes andjitions. L'affaire chi comte d'Armagnac fut ter-
minée en même tenq)S ciue les démêlés avec le duc Philippe; le
comte inqjlora la merci du roi, qui l'accorda au\ sollicitations
de tous les grands seigneurs du Midi : le comte fut remis en
liberté et recouvra l'Armagnac; le Rouergue, (pu lui asail api)ar-
teim, fut donné au dîmiihiu, et le comté dcl^ounningesdemeuni
à Mathieu de Foix, mari de la dernière comtesse, pour retourner
à hi couronne à sa mort. Cette grâce avait été un acte de politi(pie,
et non de justice; le comte Jean, sonillé de toutes sortes de crimes,
ne méritait aucune pitié.
f-a c<iur de France, c(*pendant, était agitée par des discussions
assez graves : le crédit du connétable était un peu éclipsé par
ÏB CtJElVRKS l>BS Â?iai..\|
tTliïî 'In rniTite di* IHinoii!» i*t <Ie Jeim tl<* lUivj", L-^ii
iTiiriis honroit^ do tele cît de mmu »|tii gouvertiatl le i-
jiUûiT d Sîuis trfjp ri^inu'gner dims sa vt»rle fmncliisf*'; le ruii
son iils, tjiii ïivnirnt paru pïoinnnrnt rt'^comilii'fi dunin! ^u
tm cm] mi^, rt^t^ïHiliïiii'iiï dans une nit'*siiili'llip'tur cnns
tlnpiiiî^ la ((iTlr delà ilaii|diiiK% ^Irirguerite (riûosaJ!,]i'Uiii? ftii
siiinliulle, gt*nC*rt*ust% aijiiabk et îiiin^t di* tout k* luotulr^j
mriuinjt à viiiî^l ansa\et: doscinonîîtîJïiccs; loucliioilfs '; rl!r
fin ruHlit sur le roi, el ri le avîiil aTvi de lien cnxrv |4> iiôiv (
fils. Bien qtîo (îharles VII eût cmilic aa flau[diifi, A i4u>ir^
rt^|irises, clêaromTiïfïiidoinê-iils considérahlfi*, LmiU nVL'iil jni
content de la pari iiuon lui faisait damlauloritt-rojak*; 4 lit
diî^siïuiilé et violcfd» il traitait avec arrogance le» rciii^t'iUrr^ ila |
roî, gaul Jîirqties (Avm\ dont il tie pouvait sViiipMicr derwj*xtff
h' f^enîe, et il se inonlniit on ne peut plus diseourlo!* — • —
luadaniedc lïeautt^', preiiatil ks inlén^l^ de la mue sa lu^
vivenu'nt peiit-i^tre cpje ni* le souhaitait cetiv piinecss*» idl^viuAuicj
Lliislorien riafîuîu prétend fpi1l sVinporla un jour jiij^prA du
un s^nuKlet ù * la holle Vjj^nêii \ i> Le fail vst ûiiiiroÎKible; ce qil
ccrîain, c'est qu1l ne manquail pas d'oflleieux h la cour pijtir!
fier le feu» el <pi<* Tes^pi'it dn danfdiin ss'aigritde plus en [dtw; I
cmi vhv\ dÏTnreheurs Autoine île Cliabannc^s, di.ni^n <ioinl
l)anuii*irtin et mu^z aerrèdite aullr^5 du nu, dénonce lon« àonyl
h Cliarles Vil un roitijvlol tnuné, diMl, par le ilau{dnfi, pour dtio^l
ou tuer les rninishvs du rni et s*eniparer tU* m |ier^uioe : *
mandant de la pnle tkrossfiiî^e et pluî^ieur^ de i^eî arch* e
L lîi9t, mi, fklouh X! f paf Viihbé Ijt^tfimL
Hrtiv<iv iw Fén\n%A pim nu disij^nn âr |iropo*i fïibftinîrtîx fjii'^ii^nHmt
i^poiït* tciuJiOTirs t^neikii h croire l« mnî. KHr «ïi fût frappai» an t-œur
piuriKTiaili ', pMr uiif uhiudrjtHiriHk' di3 t'Hî* àv 141,1, iiw' pi*iiinWir tr
IMirlit 1^(1 r[nt«lt|im-i jmtr* i ii^^ii flfrrjî/iivA* |mr<t*1c<« fuTï^nt : " Ti «It )■ f ir - ^j»; . n c z.
pin'le |4tii*I M \\\ytfv. te* pttkîOH piibli*.V"i ànn* les />r*iiT*i fl# ^ Aû#CM'f*P J0 L^^^m J| i
^. Chn\i \e tîtrt^ que portjiîi At^niti Si)r4r1 , ilt^imit ijum ftr rui lui At^( Ammà
l'MiéAM ûo BcAutû^itf^lAnic*^ VfiuUtit qn'elle fiVt •• (knie de IkaiitA 1I9 fmv ««tf
<!(< fHÎl* .«
4. n^ihort Oftfui» , «le rùl^(lre «IfM ^tntlittrifiM, i^t rniiirnr 4« prt!fiil«9 tn^ fV
loin* géîï^mk di» Krntuïi*, verït à b fln »lu 3t%*« liôclt.
îl'iSO-1448: BROUILLE DU lîOI KT DU DAUPHIN. iî{i
arn>ir*s, et quelques seigneui-s de la cour prireni lîi Tuile : h* daii-
plun donna un démenti à Daininartin, qui maintint son <lire,
et (luî obtint toute créance prés du roi : plusieurs archers écos-
sais furent condanmés à mort, et le dauphin se retira dans son
pays de Daiiphiné, avec un congé de Charles VII ;1 iiO . Le pén*
et le fils ne devaient plus se revoir*. Deux ans après (en l'iiH;,
lin nouvel avis fut adressé à Charles Ali par un de ses secré-
taires, qui prétendit que le dauphin, d*accord avec le duc de
Bourjîogne, s'apprêtait à revenir à main armée « crhanger h» gou-
venicment du roi ». Le dénonciateur fut moins heureux cette fois :
ses allégations lurent déclarées mensongères, et le parlement (h^
Paris le condamna à mort connue faussaire cît calonmiateur*-*. Le
sire de Brézé, qui, de bonne foi, avait soutenu raccusat(»ur^, per-
dit la faveur du roi à Toccasion de cet incident : Dammartin au
contraire, plus dangereux dans son nouvciui métier de courtisan
que dans son ancieime pi-ofession de chef de bandits, cons(Tva et
acciiit son influence, dont il devait faire |)lus tard un fatal usage.
Ces mouvements du palais, dont le contre-coup, quelques années
auparavant, eût ébranlé tout le royaum*», ne réagirent guère sur
les affaires publiques, et n'arrêtèrent point la mar< lie ferme et régu-
lière du gouveriKMuc^nt : ils n'eurent probablement pas même
d'influence sur la prorogation de la trêve avec les Anglais, (pii fut
renouvelée à phisieurs reprises, mais à courts termes. Le gouver-
nement français n'avait pas d'intérêt à précipiter la reprise des
liostilités : chaque délai améliorait ses chances; la situation inté-
rieure de l'Angleterre enq)irait de jour en jour. Cette belle Mar-
guerite d'Anjou , qu'on avait présentée à TAugleterre connue un
page de paix, n'y avait i)orté que le trouble et la guerre : ses grandes
qualités d'esprit et de cœur, son courage, son acti\iîé, son génie
politique, qui semblaient suppléer à tout ce qui manquait à sou
faible époux, ne toiu'nèrent qu'à son niilhcur et à celui de s.i
1. Un second fils naiiuit au roi vers répo<inc «hi départ du d?.»phin. Il fut iiomnu*
Charles.
2. Dudos, llist. de Louis XI : Preuves.
.'J. l\ avait ses raisons p(»ur cn»ire le dauphin eapahie de tout. Ku lllU, Loui-i.
n'ayant pu le ^i^ner, avait, dit-on, voulu h? faire tue/. V. Lej:rraud, llitt. m^. f<*
Lonii \ï, l. I, fol. 97-li)ô, uiss. de la BibliotluMpie. La d",-irrAee de lîrézé fut de courte
durcc.
patrie mlo|>iut\ Klrvet* au trône sous tks au spires liuniOiants
l'orgiit*!! anglais, cl trop jeune et tro|) anlenlc fïoiir di?-
rftlc iJiOiliTaleur t|iii eAl convenu à sa paMlinn^ pIIi» épciiisâ Vs
paj^siiins du |>atli qin rayait laito. reine, et non les înltT*
de la mWon <|u'ello élail appel<'*e à régir; eHi« ii^ liM
k peuple anglais que l'étrangère, lu Jiiit* trAnjon, ia Frfuiftiie.
« La France », dit u!i historien (M. de Sisniondi;. • détail
nient vengt^e de sa rivde, en !ui tlunnanl un roi H tme mw
deux issus du sang des Valois! p Marguerite inspim an [cmï y
Winchester et di- SufTolk Taudar e qui hiî avait nuinqui* jn^ ;
et de îÇHindes eatasîroplie^ ne lardèrent pas k êclaler : I
tiloeester, rlief de la faelion oppostT» fut arh^té iR-ndaiil
sion du parleuienl, eomine accusé, probablement ô juslê UIiy, de-
voir cnnsfiirr de se saisir par forée du gouvcniemeiil ri
personne du roi : qyeltjues jours ajirès (i*H ft'*vrîer 1 U7 , il
trouvé mort dans son lit* On^ifpî^ son corps ne i^orlAi ai
ujftrque de violenre, et qull fiM niiïu^ depuis loriuhnnp^,
maladie încurabïei on crut généraleiuent <}ue le due avait \^
§iné : Its peuple el les soldat» avalent aimé en lui l'advcrwutr (fi-
iiiâlj*e de la France et le dernier représentani des jours «lorieiailf
!lenrj V ; sa mort souleva contre la jeune reine el contre le jwii
la paix des ressenlinients iujplaeables;, et le peuple vît le di»ict
liant dans la prompte fin du cardinal de Wincheiîler, ipiî ne^inxtà
que six scruaînes à son inforluue neveu [Il \ï\y\\ IttTj*. Lar
de la branche de Lancaj^lrc lui dès lors Jn*>rmabli»uieiil oc^ib|
mis : il m trouva quelqu*un pour recueillir le fruil de ta krine
populaire, et bien des ^ens conimeuciVen! .*i ftarlt^r à fl» :
de» droits héréditaires d'une autre branfrhe de ta maison
qui navait pas jusqu*alors[>aru se souvenir qu'elle eût ut)
trône e^tpablede balancer celui des» Lancaslrc : Itictuirxl.ducii'l^o,
40 pouvait raehfttT xivc<4' rie l'or. Il mit la ïlo^li^fe HinlAblfi, \mk\sH étifùè |ar
rb3rl4«»»-i^iiiul, ck futri^ e^li^brér U«>vafii lui mi% |iro|iry mrf^m fbfttàf* «f Maa**
*lf Ikfpiitni , Uall , i». lai. Otit, llÎMt, Cn>>lrirMT. Vi» | Il «t ûmàHemM. fH*K ^i M tvr
^m ti^rtui («UK'^t^ttfr^ m.>iH il en émit Ueo i'Ji|inUtt«. SU fhtit tu iTlilin tJkr^âir l>
in^m<\ il imraii mrtrcfol* umtn<^ le m'îiiî-Hri* tlu Umni V, Un ftiitaU, «un mtll &«^
iiich* m\i% un tûpUj tliin» la tlmmï^^*»? 4^ Wv^m V, xm hornine t^liAt^^ Cwiij ■nr"
JIV8] LES KUANCSARCIIERS. 43<
naguère nîp:ent do France pour Henri YI, descendait, \)tiv les
inàlcs, seulement du cinquième lils d'Edouard 111, mais, par les
femmes, du troisième; Henri YI descendait, parles mules, du
quatrième fils; York et ses enfants ne l'oublièrent plus.
L'opinion puhlicpie en Angleterre eut bienlôt un nouveau griei" : le
conseil de Henri YI n'avait point encore osé déclarer TengaiLiement
qu'il avait pris de restituer le Maine aux Français : il avait demandé
délai sur délai pour exécuter sa promesse. Le gouvernement fran-
çais perdit patience, et, au coumiencement de liiS, six ou sept
mille combattants vinrent mettre le siège dcNant le Mans : la place
avait une bonne garnison de deux mille cinq cents hommes; néan-
moins, à p(Mne sut-on à Londres l'agression des Français, qn(» le
conseil d'Angleterre se bâta de donner satisfaction à (llliarles \\i :
le Mans et tout le Maine furent évacués, moyennant la promesse,
pour les personnes auxquelles Henri YI avait conféré des fiefs dans
cette province, d'une indenmilé écpii valant à dix années de reviv
nas*. L'Angleterre n'obtint à ce prix qu'une nouvelle prorogation
de trêve jusqu'au 1'*^ avril liiO.
L'Angleterre en était à ce point où les concessions excitent jilu-
tôt qu'elles ne désarment l'ennemi : le cri général en France était
qu'il fallait en finir avec les Anglais; le gouvernement français
passa cette dernièn» année de trêve à préjiarer la guerre; sa cava-
lerie, organisée définitivement en lii5, était la plus belle et lu
mieux disciplinée de l'Europe; son artillerie, la plus puissantt» et
la mieux dirigée qu'on eût encore vue : un édit du '^H avril I iî8
prescrivit la formation d'une infanterie légère destinée à tenir léle
aux archers anglais; il fut enjoint aux prévôts et élus de choisir,
dans chaque paroisse^, l'homme le plus adroit à tirer de l'arc ou
de l'arbalète : cet homme devait s'é(|uiper à ses dépens, ou à ceux
delà paroisse, s'il éliût pauvre, et se nmnir d'une salade (cascpuî
léger), d'une brigandine (corselet de lames de fer), d'une hu(|ue
ou jaque (justaucoj'ps de coton piqué), d'une épée, d'une dague,
d'un arc ou d'une arbalète, et d'une trousse garnie de dix-huit
1. Uvmci-, V, Il , p. 1M9. Lu France nu iiaya rien. Cette indeiimiu^ fut roiiipensée
par lu Mippressioii des ufn-itis (raiii;(>ns abonnées) que pcrcevauMil les Fran(,'ais !»ur
les campagnes anglaises de Nuruinndie. Ibid.
2. Suivant Thunias Ua^iin it. I , p. 108), on leva un arclicr par cimiuante t'cux.
Irails", nKiyeimiiijl <[iic*i il élïiil ilt'claiT » îrmtc » cl4]tjilk d<? I
liiWU'S ri irn|HHs, hurtniî» k'S ailles et la ^îiIii^Ip. hfs • fn»
arrhors w no fmcivt pas» coiimic les gens d'armes, rinuiijic*n ««►J
paj;riji*s |ienihiîtrrit(*H; ib rnrcrit seiik^iàenl a^lr*
cires riiiUlJiires toun ït^s joui'îî tie ÏHvi^^ à |)as><*r ta • i ■ nî
une fois [lar mois au ehof-Ucu tIe leur diâtellmii! • , el ilumil f
tenir [tnMs à ohi^ir aii premier iiinmlement du rfiî , • fHitir I
guêj'iràsQn plaisir ». Tiie solde de fpiatre livres ltHiniol$|)«iri
leui" iMâit assignée en temps degueire. Il ne majKfu^il plus qui! «t
Ibriner des balaiHons de pitiiiieii^, de grosse infanlerii% poun
rnrgantsntiun uiilîlîure de Ja France fût nimiiléti? (Ord-,
pîige 1 ;iV
La îidispension dVirmes n*eiU plus été peul-t'lri* ronoindéej
auetni etis^; mais les Aogliiîs eu\-im^îiies rournîn'nl à la Pn
un moiif plausible pour nnapn- le** iiêgoeiatiMiiâ. Toitdbqiiftl
gouvernement anglais sVdTorcait d*obteiiîr lîi iiîiiv à luul prii, u^
o0iriers lie resfierlaienl pas môme la trôve 4|ui les pr
plus ^o'ajid di'sordre fermait dans les ])njvinces axi^u....... .....,.,
ks Iroupes, mal pay/^es, mal nourries, vivaniit d'c^iii-tirtn^ H di-
pîllnge. Tn capitaine espagnol au serviee d'An^'lelerrc , Praocnv»
rAniKoïKiis, ex-gouverneur du Mau»» s'êlait êfaldi, a\rt! !i!S îr— -
e\p«ds4''t?s du .Maine, sur les marebes de NontMimlie el i:
tHgrne, ravageant tous les alentours: le 24 mars HW, tpu i, '
joui's avant revpîraliun de la trêve, il surprit, pUlji d cpasfM
Fougères, nebe et eomniercanle ville, dont le dur dMleitctiQ u^
engiigé depuis lieu d'aiinéeâ la seigneurie an dur de lln-tagm-.^
Le roi de Franre et le due de Brelfigne* nivoyt*rcnt mmH
cli;' nm de leur e6té, des ambassadeurs a Eiluuinil de Lai?**'*"
duc de Somerset, que le eonscil de Henri VI avait ùiît .
ninir de Normandie , h la place du duc d'York , pour le *•
L La (;ItAlrll*TiÎM était une jiub4iTl*lot» maïuirc en tcn
ûtAJt uiit{ Miiln^Tiaimi iirfiiibÎBtrMtv^ «tt JudkdAJre. ]a' cM
il*i la tîïàtt'lli'mo.
2. I^tib XI c«M»jrft éù rendre les tfnneamchctt pf^ftis à liom ùîm 1 1! Iror 4m»
Uim iciiii iVtaJt tenu tictilr^ dcpub Jongtcmpi roirc Cbirtr* VU nS Ucnn VI . ^^
•YiU ircoiuin» tiujr k iaur l'oinu^v roK ili^ Fraiicv. i^jm âU tv dàcfAn ;<o(ir W |«>l^
[1449- JACQUES COEUR ET LA NOKMANDÏE. 433
de reslUucT Fougères et d'indoinniser les habitants*. Le régent
anglais répondit qu'il désavouait ceux qui avaient fait le coup,
mais qu'il n'était pas en son pouvoir de rendre la ville : les rou-
tiei-s qui tenaient Fougèr(»s guerroyaient, en elïet, pour leur jiropre
compte et n'eussent point obéi sîins condition aux ordres d'un
gouveiTiement qui ne les payait plus; mais le gouvernement
anglais pouvait et devait leur racheter leur prise. Le conseil d'An-
gleterre, vers lequel Charles A'Il avait aussi député, tergiversa et
chercha des faux-fuvants.
On ne perdit pas de temps en France : le duc de Bretagne déi)4^-
cha son chancelier et l'évéque de Rennes vers Charles VU , « le
requérant de l'aider à recouvrer son bien des mains des Anglois,
à cause qu'il étoit son vassal, son honnne, sujet et neveu » ; le duc
François était fils d'une sœur de Charles Vil . Le conseil du roi
s'empressa d'accueillir la re(iurt(», (»t le duc et ses barons jurèrent
de servir le roi de France « Io\aument » à l'encontre du roi d'An-
gleterre et de ses alliés. Le connélable, oncle du duc François,
était accouru, du fond du Poitou, se metlreà la léte des Bretons.
L'argent comptant nianquail. Charles Vil demanda d(^s emprunts
à « plusieurs des grands, qu'il aNoit cond)iés de richesses » : ils
s'excusèrent sous di; frivoh^s prét(»\tes-. Le roi s'adressa à Jacques
('œur. a Sire, ce cpie j'ai est vôtre! » répondit le marchand de
Bourges, et il prêta 200,000 écus d'or ' pour la recouvrance de
Nonnandir.
La guerre était déjà conunencée : quelques-uns des capitaines
du n»i , arboi'ant les couleurs et poussant le « cri de Bretiigne »
[Bntognr rt saint Ives!), connue s'ils combattaient seulement
pour l'injure du duc François, s'étaient saisis du Pou l-de-l' Arche
et d(^ Ojnches en Nonnandie, de Cognac i*n Saintonge et de Ger-
beroi en Beauvaisis (mai-juin l'i'iOj. Le duc de Somerset, ne se
1. L'indemnitc rcclomée par les envoyés liretoiis était île sciz-o mille écus d'or, et
non de « seize cent mille ", comme l'ont préteiulu Kapin Tli«)}ra9 et Hume, qui voient,
dans l'énormilé prétendue de la réclamation, un caU ul pour rendre l'accommodement
impossible. V. Jean Chartier.
2. Thomas Basin , t. I, p. 244. «Jacques Cœur»», dit Basin, « très-zi'lc pour
l'honneur du roi et le bien de l'Ktat , offrit .spontanément une {grande somme d'or. **
3. MaUiieu de Conssi , ap. //n/or. de Charles VU . p. G05. 200,000 écus valent
l,5oi>.000 fr., représentant peut-être \) millions de valeur relative.
VI. 28
434 r.LKKUES DES A.N^ÎLAIS. .HW-
ilissiniulant pas rinsuriisancc de ses foires pour faire fat-e à
rorajio, a\ail dôputé vers le roi, afin de renouer les néjL'ocia-
tiens. Tout élait si mal ordonné i)arnn les An^^Iais, que les amkif-
sadcurs n'a\ainit i)as niùme de pleins pouvoirs relativement à
Fou^èn*s; le consrii de France n'était pas disposé à se laisstT
anuiscr de la sorte : il ne refusa point aux Anplais de romrirdes
conférenies à Louviers, mais il n'accorda pas de susiKwiitn
d'arnîes ptMîdant les pouri)arlers , qui n'eurent aucun résultat:
le conseil , dans une délibération à laquelle assistèrent plusieurs
seignr'urs du sanpr, barons et prélats, décida d'une voix unanime
que le roi a\ail ])i)n et juste titre à faire guerre aux Anglais, il
<iu'ii écrirait à tr)us ses sujets, amis, alliés et c biem cillants,»
de venir à lui, « cliacun selon sa puissance, pour la recouvraïKt
de la duché de Normandie. » Une « notable » ambassade, c^d-
duite par le comte de Saint-Pol , fut envoyée au duc de Bfiur-
go«Jin<\ « afin de lui si^înilier la vérité de ce qui avoil été fait de
la part des An^lois, touchant la nq)ture des trêves, et de le requérir
(pfil lui plût oclrojer congé aux nobles chevaliei-s , écuyei-s d
Kcns (le guerre de ses pajs et seigneurie, d'aller ser^Jr le roi et
se met Ire à sa solde, si bon leur sembloit. » Le duc réi)oudit
couiloiseuîcnt qu'il avait trêve avec les Anglais et n'avait iwinl
intention de leur faire la guerre, mais que, si « aucims» nobles
honunes et gens de guerre de ses piys voulaient servir le roi, il
ne l(»s en détournerait point (Matthieu de <]oussi}.
La noblesse picarde et artésienne profila delà permission, qu'il
n*eùt pas été ju-udent au duc de refuser, (»t huit cents lances et
beaucoup d'archers des ijays bourguignons, sous les onlres de
Louis de Lu\eml)omg, comte de Saint-Pol, joignirent l'année du
roi dans la Haute Normandie.
L'invasion [lénérale des possessions anglaises avait été combina'
iViiuG manière formidable : quatre corps d'armée, sans coniplt'r
les auxiliaires picards, devaient agir sinudtanément; le preniicr,
sous le comte de Dnnois, « lieul<*naiit général du roi pour le r.ii!
de la guerre, ). coiilre la llaule Normandie et la Normandie cin-
Inile; le second, aux ordres du duc d(» llrHagne et du conm-
lable, coidre le r.ntentin; le troisième, moins considéndjle, suus
le duc d'AIrneon, dans le duché d'Alençon et le Perche; lequa-
t«9] INVASrON DE LA NORMANniE. 435
(rièine enfin et le plus nombreux, commandé jvir le comte de
Foix, contre la Gascogne anglaise : le roi en personne devait sou-
tenir Dunois avec un corps de réserve.
La campagne s'ouvrit par la surprise de Vernouil ( 19 juillet) :
un meunier, maltraité par les Anglais, introduisit les Français
dans cette ville, dont le nom rappelait une de leurs plus san-
glantes défaites ; les temps étaient ])ien changés ! Le château fut
emporté d'assaut; la garnison se réfugia dans une grosse tour:
Talbot accourut de Rouen pour secourir ce donjon ; il fut obligé
de se retirer devant les forces supérieures de Dunois; la tour de
Vcmeuil ne tarda pas à se rendre (23 août). Pendant qu'un
détachement achevait le siège du donjon de Verneuil, Dunois
s'avançait dans l'intérieur de la Normandie, et, renforcé par
les Picards du comte de Saint-Pol, et i)ar un autre détache-
ment que conduisait le comte d'Eu, il attaquait Pont-Audemer.
Cette place, incendiée par les « fusées ardentes* » qu'y lancèrent
les Français, fut enlevée au i)remier assaut 1 12 août). La prise de
Pont-Audemer amena la soumission de Lisieux et de tous h^s
environs; ce fut l'évéque de Lisieux, l'historien Thomas Hasin ,
successeur de Pierre Cauchon 2 , qui ménagea l'accommodenuMit
de ses ouailles avec le lieutenant général du roi : les Anglais
obtinrent de s'en aller sains et saufs.
De Lisieux, Dunois, avec sept ou huit mille combattants, se
rabattit sur le Vexin, où le roi le rejoignit avec une réserve de
deux cents lances. On se i)orla sur Mantes et sur A'ernon ; les
habitants forcèrent leurs fiainisons anglaises à capituler ( lin août).
La nouvelle milice des « francs-archers » se signala pour la pre-
mière fois à l'attaque du pont de Vemon. Gournai fut pris; imis
on recouvra les deux manoirs d'Harcourt et de La Roche-Gujon,
héritages de deux nobles familles spoliées par l'étranger en puni-
tion de leur fidéhté à la cause nationale. NeufchAtel, Fécan)p,
Toucques, Exmes [ou lliesmes), Argentan, et bien d'autres petites
1. C'était le vieux feu jçri^jjeols, suivant Robert Blondel; Asserlio Nornianniœ, ap.
Th. Basin , t. I, p. 210; note. Fusum sulphure ignilum , dit-il.
2. Pierre ('nuchon était mort subitement au eoncilc de Bàle, en 1442, « sans avoir
le temps de se recoiiTioltre. >« On remarque, dans la capitulation de Lisieux, que
révôque-eomtc de cette \ille en nommait le capitaine ilo gouverneur) avec confir-
mation du roi. OrJonn., XIV, p. 63.
436 (ÎLERUKS DES ANGLAIS. .M
])laoos tomberont , presque sans ofTusion de sang, au pouvoir As
Français, ('liàtoau- Gaillard se rendit après un blocus ie ^i\
semaines (20 octobre). Gisors capitula le 18 octobre , et son u«i-
vorneur, quoique Anglais de race, se « tourna François, irt
d(»vinl capitaine de Saint-Geruiain en I^ie. D'autres officiers A'
sa nation lui avaient déjà donne Texeniple, pour conserver b
I)iens qu'ils possédaient en Normandie. Les généraux Trançaiss**
montraient de bonne composition: ils avaient la clémence As
vicinires l'aciles; presque partout, les officiers subalternes, les
bénéliciaires, les feudataires établis par le gouvernement anîrlai>
conservaient leur position en prêtant serment à Cbarles Vil,
lorsqu'ils ne se trouvaient point en concurrence avec de t Lon>
François » dépossédés. Les soldats français, bien payés, bm
nourris, observaient une discipline qui achevait de gagner lis
populations à la caus(» de la France : les garnisons anglaises, jm
nombreuses, mal ap|)rovisionnées , abandonnées de leui"s gém*-
lauv, |>ressées entre l'ennemi du dehors et rennenii du dedans.
cédai(*nt pres(|ue toutes après une très-faible résistance. « Ledu»*
de Somerset, le lord Talbot et les autres capitaines de ce parti,
qui se tenoient tant à Rouen que dans les autres villes, voyoient
bien et pb^inement cpie la jdupart des bourgeois et du comniiui
peuple ne désiroient que retourner en l'obéissance du roi dr
France, et, pour ce doute [pour celte crainte), ils ne s'osiût-nt
mettre ensemble aux cliamps ni désemparer leurs gaiTiisons alin
(le secourir leurs g<»ns qu'ils savoient de jour en jour être assii-
jiés » ;Matlbieu de Coussi). Déjà une cons])iration populaiiv a^ail
failli livrcM' Rouen aux Français ])endanl Finutile tentative rpii»
Talbot avait faite pour secourir Venieuil. Le vieux Talliot, li'
béros (le rAn^let(rre, s(»ntait son impuissance avec un mom*'
di'coura^ement ; du liant des tours de Rouen, il venait deviir
bi'ùl(*r |)ar l(»s l'icards son beau ebàteau de Longempré, san>
pouvoir (Mî tirer veng(»aiiee : en vain le nagent Somei-sel et lui sol-
licitaient-ils, par de fréqu(Mits messages, les secours de Henri \\
et i\r son conseil, remontrant « couîme quoi se perd.)ient li>
bell(*s coiupiétes du feu roi Henri V. » Les divisions intestini'S d»*
l'Aniileterre enqu'clu-rent (pi'on y mît « au(Muie pnnisiun m
reuKMle; ce (pie savoii^it fort bien les François, » ajoute Maltliiou
:i449] I.NVVSION DE LA NOUMANDIE. 137
de Coussi, « par (luoi ils contiimoicnt d'avcancer dilijyreinmont
leurs besognes. »
L'armée de Bretagne n'avait pas de moindres succès que l'ar-
mée de Dunois. Les Bretons avaient commencé par prendre, au
printemps, Saint-James de Beuvron et Mortain; puis le duc et le
connétable se mirent en mouvement avec toutes leurs forces dans
les derniei*s jours d*août : trois cents lances bretonnes, aux ordres
de Pierre de Bretagne, frère du duc, bloquèrent Fougères, pen-
dant qu'mi millier de lances bretonnes et françaises entraient en
Cotenlin : Coutances, Saint-Lô, Carentan, A^alognes, Thorigni,
Gavrai, furent livrés par leurs liabitants, (|ui demandèrent seule-
ment que les garnisons anglaises se retirassent « vies et ba?;ues
sauves. » Le duc François et son oncle le connétable se réuninMit
ensuite devant Fougères à Pierre de Bretagne, et pressèrent
avec vigueur cette forte place : François FAragonais et ses
routiers se défendirent plus résolument que toutes les autres
troupes anglaises ; ils tinrent pendant un mois, sans qu'on pût
les réduire de vive force, et il fallut non-seulement leur accorder
la vie et les biens, mais acheter leur retraite par une sonune
d'ai'gent. François FAragonais i)assa au service de France. L'hiver
approchait; une é|)idémic s'était mise dans Farmée do Bretagne :
le duc et le connétaI)le congédièrent leurs gens ai)rès avoir nmni
de garnisons les villes et forteresses con([uises.
Le duc d'Alençon était parverui, de son côté, à recouvrer entiè-
rement sa seigneurie : sa ville ducale, Alençon, lui avait ou\i;rt
les portes en dépit des étrangers.
Charles VII ne recevait de toutes parts que d'heureuses nou-
velles : à Yerneuil, à Évreux, à Louviers, partout où il |)ortait
ses pas, il était accueilli par les joyeux « noOls » des bourfieois
et <f mîuiants, » ravis d'aise de se voir délivrés des Anglais. On ne
doutait pas qtie les Rouennais ne fussent dans les mémos senti-
ments, bien qu'ils n'eussent ])oinl encore pu répondre à la pro-
clamation par laciuelle le roi les avait invités à secouer le joug
f des étrangers*. Les principaux chefs anglais s'étaient concentrés
; dans cette grande ville : le conseil jugea le temps venu de l'arra-
1. Du 17 juillet. — Archives municijialis de Rouen, citées par M. Chéruel; /loui/4
tous Is An'jlais, p. 122,
438 GLKUKKS DES ANGLAIS. (1*1!»
cher de leurs mains; le roi réunit à Louvicrs les princes et l(ïu>
les capitaines « qui avoient cliar^^c de gens d'armes, » et marclia
sur Pont-de-rArclie, d'où il envoya ses t ofllciei-s d*armes >
(hérauts} vers « ceux de la ville et cité de Rouen, » pour \v>
sonnner de se rendre à lui. Les Anglais, qui gai"daient les iKirtos.
lepoussérent brutalement les hérauts, et les menaceront de mort,
a ce qui étoit, » dit Jean (ihartier, « contre tout ordre de cheva-
lerie. » On fit avancer Dunois et ses compagnies, « qui demeu-
rèrent trois jours devant la ville, par un fâcheux temps de vcnl
et d(» [)luie, sur Fespoir que les bourgeois tourncroicnt contre le>
Aiifilais; mais ils ne le purent faire, pour la grande diligence et
surveillance du duc de Somerset et du seigneur de Talbol. > Les
comi)agnies se replièrent sur Pont-de-rArche et les villages emi-
rumiants. Peu de jours après, quelques citoyens de Rouen tirent
savoir au roi qu'ils étaient prêts à lui livrer deux tours du reiu-
pari, proche la porte Saint-IIilaire. Toute Tarniie se remit en
mouvement, et, tandis que le maréchal de Culunt commençait
une fausse attaque contre la porte Beauvoisine, Dunois et d'autres
chefs se dirigèrent vers la porte Sainl-Hilaire; mais à peine tn?nte
ou quarante hommes d'annes étaient-ils ])arvenus au haut du
mur, entre les deux tours jrardées i)ar les auteurs du complot , qui-
Talhot accourut avec Télile de la garnison : le désespoir raiiiiiia
le comage des Anglais; ils chargèrent avec tant de furie les assail-
lants et leurs fauteurs, qu'ils les tuèrent, les prirent ou lescul-
bulèrent dans le fossé, avant que le gros des troupes française»
prit leur porter secours, ou que la masse des habitants eût !•■
temps (le se déclarer (IG octobre).
(le diunier coup de vigueur du vieux Talbot ne put raffernûr
la domination anglaise; dès le lendemain matin, la fermentatiun
populaire éclata parmi mouvement général. Leduc de Somerset,
entouré dans une rue de Rouen par un millier d'hommes armés.
lui conduit, bon gré, mal gré, à l'Ilotel-de-Ville, et obligé de
cMiiscjitir à l'envoi de députés vers le roi Charles. Les bourgeoî^
(lu ])arli français s'étaient procuré, dès la veille, les sauf-conduit>
nécessaires, l'ne première dépulation alla çur-le-champ trouver
le roi au Ponl-de-r Arche, pour régler les préliminaires; ce fui
TalTaire d'un moment. Aussitôt le retour des députés, une auiba^
[1449] CAPITULATION DE ROUEN. i39
sadc, inveslie de pleins pouvoirs, composée des principaux bour-
geois, et conduite par rarclievèque Raoul Roussel, partit pour le
Port-Saint-Ouen , à une lieue du Pont-de-rArche , où s'étaient
transportés le comte de Dunois, le chancelier de France Guillaume?
Jouvenel des Ursins, et d'autres membres du conseil. Le duc de
Somerset avait adjoint aux envoyés rouennais plusieurs chevaliers
et ccuyers anglais.
Les pourparlers ne furent pas longs : Tarchevéque et « ceux de
la cité » tombèrent d'accord de remettre la ville entre les mains
du roi de France, à condition que ceux des habitants qui vou-
draient demeurer et prêter le serment d'être bons Français ne
souffriraient aucun dommage en leur corps ni en leurs biens, et
que ceux qui voudraient s'en aller le pourraient faire, sans rien
perdre de ce qui leur appartenait. Le roi promit le maintien des
privilèges de la ville et du duché, de l'échiquier ou justice souve-
raine de Normandie ' , de la Charte aux Normands (la loi de 1313) ,
des Coutumes de Normandie, etc., l'abolition des nouveaux im-
pôts ét<iblis par les Anglais, et la démolition des fortifications
construites par Henri V sur le « pont de Mathilde-. » Une capitu-
lation honorable fut offerte à la garnison anglaise. Les envoyés
anglais refusèrent, protestèrent, et ivs deux fractions de l'amljas-
sade retournèrent à Rouen, dans le courant de la nuit, en très-
mauvaise intelligence.
Le lendemain matin (samedi 18 octobre), rarchevèque et ses
compagnons se rendirent à la maison de ville pour faire leur
rapport sur ce qui avait été convenu avec les gens du roi. Le
l)rojet de traité, exposé par l'archevêque, fut reçu avec acclama-
tion par les bourgeois , avec tristesse et colère par les Anglais,
1. L'échiquier ne formait un corps distinct du parlement d"- Paris que dopui» que
les Anglais avaient perdu Taris: ordinairement, c'étaient des membres de ce par-
' lenient qui venaient tenir les sessions de l'échiquier à Rouen. De même pour la
chambre des comptes.
2. Ce nom rappelait la reine, femme de Guillaume le Conquérant. Chéruel, Bouen
tous les An(flais,it. 125; il'aprës les archives de Kouen. — OrJo;i>j., XIV, 75. Lajuri-
dclion ecclésiastique recouvra les préro;;ative3 que lui avaient ôtées les Anglais.
Quelques mois aprè-», hrs U«.»uennais obtinrent du roi d'être affranchis de tous les
droits et péages que la " Compavrnie françoise » (Compagnie parisienne de la niar-
chandise de l'eau faisait peser sur la navigation de la Seine. 7 juillet 1150. Archives
di /îuMfM, citées par Michclct , t. V, p. 281.
140 (ÎLEIUVES DES ANGLAIS. li-r
cjui s'olïort'crciît m vain de le faire rejeter. « Quand ils virent la
volonté que le peuple de Rouen avoit envei-s le roi de Traîne,
le du(î de Somerset, le seignem- de Talbot et les autres se dc|'ar-
lirent de l'ilolel-de- Ville, moult ébahis et courroucés, se niireiil
tous en armes, [juis se retirèrent avec Uîurs biens dans le palais
bûti par Ilemi Y;, dans le château, sur le pont, et aux portaux
et tours (les remi)arts. Ceux de la ville se mirent pareillement on
armes, se cantonnèrent contre les Angiois, et expédièrent un mos-
safjfe vers le roi, pour qu'il lui plût venir à leur secoui's, promet-
tant qu'ils le meltroient dedans la ville.
« Le dimanche, sur les huit heures du matin, les habitant:^,
vovant les Angiois armés et marchant parmi la ville pour U-s
venir opprimer, coururent sus auvdits Anylois, et les chassi-mil
si durement et Ai)rement, qu'à g;rand' [)einc purent les uns ivn-
Uw au i)alais, les autres au chàleau; en même lenips ceux de la
xille f^a^nèrent ])ar force tous les murs et portaux de leur cité, d
en llrenl déguer])ir les Angiois*. »
bientôt parment Dunois et l'avant-garde française. Dunuis s'ar-
rêta devant le mont Sainte-Catherine, qui commande les approches
de Rouen du coté de Paris, et où s'élevait un couvent fortilié :
il sonnna ce fort, qui capitula sans résistance. Les Anglais en
sortaient au moment où le roi arrivait en personne avec le grtts
(le sesgiMiset sou arlilliTii'. Le roi se log(\i au cou\ent de Sainte-
(!ath(?rine, tandis que trois compagnies d'ordonnance entraient
dans la ville au son des fanfares; les bourgeois étaient acc(»uriis
apj)orter joyeuseniiMil les clefs au comte de Dunois, à la porte de
.Martainville. Le soir même, le pont de Rouen fut évacué par
l'ennemi, et la connnunicalion fut ouverte (Mitre les deux ri\es
de la Seine : douze cents Anglais en\irnn étaient renfermés dans
1(» |)alais, aNcc le duc de Someisi^t et lord Talbot; le reste défen-
dait le ch;\l(*au; mais le peuple et les troupes royales li»s tenaient
élrollenienl resserrés dans (vs deux retraites.
Le duc (le Somerset, apn'Sfjuebpie hésitation, demanda nnsiuif-
conduil, ^int trouNcr Charles VU au mont Sainte-Catherine, il
reijnit la liberté de se retiii*r, lui et tous les siens, « vies et bims
1. Jt-nii «"iiariior. — IV-ni. — Manliuu ilo r.m.^vi. — .Tao]uc.s Du Clcv-i •_'.-. ii;'.-
Ijoiiiiul* iîru'.'icn , auU-ur duiuî chrouiiiuc qui s'ôluiil de 1 iVS ù 1 M7;.
aufs » : c'étaient les conditions offertes ravani-veille. Le roi réjjou-
dit qu*il était trop tard, et que h^s Anglais n'auraient })lus ni.iiu-
tenant de capitulation qu'en restituant Hondeur, llarfleur et fout
le pays dcCaux. Leduc ne put se résoudre à livrer ainsi llarlleur,
le dernier espoir des .Vnglais; il i)rit congé du roi, et retourna au
palais, € regardant parmi les rues tout le peui)le portant la croix
Manche, de quoi il ifétoit guère joyeux ». Le siège du chàleau et
du palais fut aussitôt entamé avec vigueur : les Anglais n'étaient
point en état d'opjioser une longue résistance; dés les premières
décharges de rartillerie française, ils demandèrent la réou^erlure
^es négociations; on s'accorda enlin, après douze jours dt» déJjals,
}i Tex-régent de France ca[)itula pour lui et tous les si(*ns, moyen-
îiant l'évacuation d'Arqués, Caudehec, llonfleur, Tancarville,
Lillehonne et Monlivilliers, plus une rançon di.' 50,000 écus d'or.
Talhot et d'autres Anglais de grande qualité furent gardés en
otages jusqu'à l'exécution du traité.
Le duc de Somerset et les Anglais s'en allèrent donc, le i noNem-
hre, les uns à llarfleur, les autres à l^aen. Les bannièies d'Angle-
terre, portant la croix rouge en champ hlanc, furent ahallucs de
dessus le château et le palais, et remplacées i)ar les hamiières
de France : ce fut le 10 novembre que le roi fJiaili^s lil son
entrée triomphale à Rouen, lllrange phénomène de ce monde
d'apparences et d'illusions, où rien n'est à sa placer ri ne se
montre dans sa réalité, où la >crité même ne se produit le
|dus souvent (pie voilée sous des personnilicalions menson-
gères! Charles VU rencontrant le triomphe là où Jeanne Darc
a\ait trouvé l'échalaud; (iharles VI! recevant les honnrnrs dcî
lihérateur dans ces lieux on s'élait éle\é le hncher d(» la Nraie
libératrice! A llouen, connut! aulrclois à llcinis, c'était la person-
nilication de la patrie que s'imaginait saluer le cri poiiuiaire! Le
peui)le roucimais, si sombre à l'entrée du conciuérant jmglais
trente ans auparaNani, acelamail par ses « noëls » au retour d(» la
France. L'àme de la Pneelle planait sur cet étendard de Saint-
.Micliel (pii flollait en tèti* de l'armée!
Le lendemain de la splemliihM'érémonie, où les bourgeois asaient
plus regardé et honoré (praucun capitaine « messire Jacques
Cœur, par les diMiiers duquel le roi avoit ainsi coiupiis la Norman-
U2 (ÎLEIIUKS DES ANGLAIS. [liltt-Hîv
(lif *, D une dépulation dos clercs, l)Oiirif<»ois et manants vint trou-
ver le roi ù rarclicvùclié, el le pria « de ne point se désister de fairv
lii ^iiierreàses anciens ennemis les Anglois; Ciir, imr le moyen di'>
places Ibrles (pi'ils occupoienl encore en Xormandie, ils pouvoioiil
derechef causer de jrrands el énormes maux au pays; pouro*
faire, ils oflrirent au roi de l'aider de corps et dfi clicvcince >.
L'olTre fui cordialemenl accueillie, el Tliiver n'interrompit poiiil
Tonivrc de « recou\rance » : après moins d'un mois de re|K)>,
l'armée se remit aux champs; le roi laissa à Rouen le sire deBrï'Zi-
pour capitaine, Guillaume Cousinot, un des membres les piu>
actifs du conseil , pour bailli , et , malgré le froid , la pluie, la neige,
le manque de vivres, les hautes marées qui inondaient le cain|i.
le sié^e fut a i)lanté » et maintenu devant llarfleur : mille h\\vi>
(six njille chevaux), quatre mille francs-arcbers, une formidalA'
artillerie el vinjïl-cinq gros vaisseaux dieppois et picards assailli-
rent la ville par terre el par mer, du 8 au 24 décembre. Harileur,
détendu par près de deux mille Anglais , céda au canon et aux
uûnes de Jean Bureau , non moins c subtil et ingénieux i daib
tous les travaux de siège qu'à la manœuvre des 'engins de giiern'.
Harileur capitula la veille de XoOl. La garnison se retira par nier-.
Dunois investit ensuite Ilondeur , dont le gouverneur n'avait p
voulu reconnaître la capitulation de Uouen ( 17 janvier 1450;. Le
roi était allé se « rafiaîchir un temps » à la célèbre abba>e de
Jumiéges, entiv Uouen el Caudebec. Vn triste événement le fi-aiHKi
en ce lieu : Agnès Sorel, enceinte pour la quatrième fois, ètaii
venue s'établir au château d'Anneville, près deJumiéges; elle}
accoucha d'une fille, fut prise de la dyssenterie à la suite de <<*>
couches, montra ime grande contrition de ses péchés, laissai iwr
testament beaucoup de biens aux ))auvres el aux églises, et mounii
le 9 lévrier 1450. La dame de beauté avait des ennemis, le dauphin
1. Jaoqiu's Diiclercq. Los bourj^cois admirùrcnt J:um|iics. Les courti»ans T\*an;i-
(piorciit , avec d'autres s(.Mitiincnts, qnu le marchand de Bour^^cs était monti*, \étu>:
lianiaclH' au-si soniptucusemc ut que le comte de Dunui:». V. Uerri , ap. //ii.'or. ■
( /m»7'-' Vil; Martial de Paris, Vijiles Je Charles Vil; ap. 1*. Clément, Jacquts Ca^
t. II , p. 10. Les cliroiiiiiiunirs se complaisent fort à décrire les maii^ii&ccnces du ivr-
t».''i,'i- royal.
'J. ^ur tiHite celte camp;i.i,nie cl la sulvanle, voyoz .T. Charticr.— Bcrrî, roi d'arme*.
— Matthieu de Cousai. — lîuillaume O'rucl , Vie Je Uù-hemont, — Jacqueâ Duclerv<i.
[1450] M01\T D'AGNES SOREL. ii3
Cl bien d'aulres : le bruit qu'elle avait été empoisonnée ne tarda pas
à se répandre à la cour, et y fut accrédité et enlrelcnu par des
lionnnes qui s en servirent un peu plus tard pour d'infâmes macbi-
nations. L'historiograplie de Charles VII, Jean Cliarlier, cbanlrc
de Saint-Denis et continuateur des Grandes Chroniques de ce
monastère, prétend que la maladie d'Agnès provint du « chagrin
et dt^[)laisance » à elle causés par la renommée en tous lieux
réixinduc que « le roi Tentretenoit en concubinage » : le chroni-
queur ofiîciel tâche inutilement de démontrer Tinnocence d'un
commerce dont quatre enfants avaient été le fruit : ce qui est vrai ,
c'est que la dame de Beauté avait l'àme liante , et que les hom-
mages des courtisans ne lui fermaient pas les yeux sur le mé])ris
que le peuple témoignait discourtoisement à la « concubine » du
roi*. Il faut bien avouer qu'Agnès avait provoqué l'hostilité popu-
laire, depuis quelques années, par l'étalage immodéré de son crédit
et par le faste excessif dont elle doimait l'exemple à la cour et à
tout le royaume^. La France, toutefois, eut à regretter sa i)erte :
après elle, on eut des scandales bien pires, et l'on n'eut plus la
compensation de ses bonnes qualités et de ses bons conseils.
Charles VU prodigua les honneurs funéraires à Agnès : il lui fit
élever deux somptueux monuments, à Jumléges et à Loches ', avec
les insignes de duchesse. Mais , tandis qu'il étalait cette douleur
d'apparat, « la belle des belles » était déjà publiquement remplacée
par une rivale qui l'avait supplantée en secret dans les derniei*s
temps de sa vie. C'était sa propre cousine, Antoinette de Maignelais,
vile créature qui inaugura des exemples de corruption jusqu'alors
inconnus et depuis trop bien suivis, se fit marier par le roi, afin
1. En 1MB, Agnès ayant passé à Paris, en u grand état comme comtesse et du-
ciic.-se ", pour aller vi^iitcr son château do Beauté, au bout du bois de Vincenues,
les Parisiens lui firent assez mauvais accueil , et «« elle dit au départir que ce n'étoient
que vilains. »» Journal du BouryenU Je Paris. Ce journal finit en 1419.
2. Les modes qu'elle introduisit n'éiaient pas immodestes seulement par Tcxcés
du luxe : elle apprit aux femmes à se découvrir les épaules et le sein. V. G. Chastel-
lain , p. 225 ; ap. Panthéon littéraire. — L'art de Uiiller les diamants ù facettes fut ,
dii-on, inventé pour elle. V. VArt de vérifier les dates, t. VI , p. 400.
li. Le premier a été détruit dans les Guerres de llelijrion ; la statue d'Agnès, qui
ornait le second, a été brisée en 1791. La tète qu'on y a remise est apocryphe :
elle a été refaite au commencement de notre siècle. V. Vallet de Viriville, Sotice $ur
A'juèi Sorel, p. lG-17.
444 (.ri:r.ni:s ni:s anglais. [k •*
«ravoir une imsiiion offuielU», h un pauM'c p^enlillionuuo, iloril
Charles VII dora (M liira la lionto*, cl assura la porpc^luitr ilo son
crédit en se faisant la surinlentlanlc «rune ospcVo de liaroni quVli»*
rcnii»lissait de jeunes filles séduiies ou achetées à leurs iuu'enls=.
Avec A;xnès, toute dijJinité disparut de la cour et de la vie du roi.
et les historiens contemporains expriment sans jnénaircmenl l'iiii-
pression (pic pro<Uiisaient de telles mœurs sur quiconque nViWiil
pas p(M'<lu toute ])udcur'.
Si (iliarles Vlï s'enfonça de plus en plus dans la déhanche, il un
retJinha pas du moins dans la pîuvssc : les habitudes d'actiim,
qu*Af;nès avait contribué à lui faire* prendre, survécurent à Ai:riès.
Aussitôt après les funérailles de la dame de lUvuité, Charles ttail
allé retrouver Dunois d(»vant Ilonfleur, qui se rendit le 18 février:
le duc de Somerset, retiré h (laen, ne pouvait rien sans des s(*coiir>
(rAn^iîeterrc qui n'arrivaient point. Depuis six mois et plus, Ips
Angliiis, trjupiés de ville en \ ille, de chAteau en château, tournaient
en vain leius regards vers la mer : les na\ires des a cjn(i ports •
ne paraissaient pas. (le n'était ([u*un cri parmi les Anp:lais de N'm-
mandie contre le jj:ouv«»inemenî qui délaissait ainsi les conquêtes
de Henri V, et ce cri avait de Tautre côté de la Manche de fonni«l;i-
hles échos. Le conseil dWnjilelerre pi'é|)arait lentement une c\i)v-
dition à Portsmouth : Tévéque de (Ihichester, j^arde du sce'Ui pri\é,
étant allé jïorter aux trouj^es leur solde; quand on sut que c'était ir
même prélat ([ui aviiit présidé, connue envoyé du conseil, à ré\a-
cuation du Maiiuî, soldats, niat(»lots et hfuirj^^eois se s&ulevèivnt
contre lui et le massacrèrent Ojanvier 1 550). Pendant ce tenq»s,
1. I.o siri' «11» Villo(|uit'r ilrviiit (■«>ii>oilli'r et dinniltellnn du i*oi. gouverneur Ji- I..i
lirH'hcIh», vioointo df Suut-Niii\«Mir, cto., etc.
2. r. dîiii> tl. Ducli'inj, la toiii'haunî lii>toire de Ulaixrhe de Hobrcuvc.
3. I.a roiiii' Marir «rAnjun >»il»it p.i««-'ivfi!U'nt AiiloincUe do Mai^rnelais onmroec-l!*-
avait sulii Ay^iios >(nTl. Li-s onnpirs ilc l'ar^rmifrio di* la reine nieniionni*nt . a U
dat<t dii 1" janvier 1 1."«, de.-» riri'inu"> oHorics par la ri'inc à la dame de \ ilUqnùr.
Tn antro artii-Io d" ei-s conipt*»'» o.-t bu'u pî»'* exlraoniinaire. « Le 2ù juin 1 1-) î, 4
tVéri- ,Ii'lian lîmi-'irau , cnrdclicr. ]mur le restitniT de senddable .«omnie iju'il a^•.iî
ïiri't;'u comptant !•■ l'f jour do mai pa»!-, jionr bailler aux /i//m joi/fuîr* :fiile'<dc
joirî : Mitrnit h r-uir, Ii'vpii-llrs Ninn-nl dcv.Ts lailite dame la roint: deniniidtT le ni.ii,
fil 'A i'fns«ritr l livri"» 'J -.mi^ i\ di-nii-rs tnunu»is. •• V. Vallet d«* Viriville, A'-».'!, i» .»vr .
A'jnh Son! , p. JM, noî<* '.\. (^»no ilin* «b' ce p^tit tableau d'un niuinc mendiant prëunl
di'S èi'u-î d"i»r à la ri-i m' ilc l'ran 'e p.rir d'»!in(T uîie çr.ititication aux Hlle-i pr.!»'.i ]i;es
enn'-finu'nlre.-. à la M;iio de la eonr !
[1450] IJAÏAILLE l)K FOnMIOM. 445
le comte, devenu tluc de Sufl'olk, qui, depuis la mort du cardinal dr
Wincliester, gouvernait rAngleleri-c avec la reine, était accusé dv.
haute trahison par la chajubre des conuniuies, abandonné des lords,
enfermé à la Tour de Londres, et la reine et le conseil se voyaient
réduits, pour tAcher de lui sauver la vie, à le déclarer banni pour
cinq ans du ro\aume.
L*e\pé(liiion de Portsnioulh appareilla enfin au milieu de ces
désordres : elle ne portait que trois mille combattants aux ordres
de sir Thomas Kjriel, et vint débarquer à Cherbourg du 15 au
20 mars: sir Matthieu Gough' et d'autres capitaines joignirent
Kyriel avec de forts détachements des garnisons de Caen, de
Baveux, de Vire, qui portèrent sa petite armée à six mille hoimncs :
Kyriel reprit Valognes, puis se dirigea sur Bayeux et Caen, le long
des grèves de la mer. Durant le siège de Valognes, qui avait résisté
trois senjaines, les garnisons françaises s'étaient rassemblées à
Carentan, sous le commandement du comte deClermont, fils aîné
du duc de Bourbon, et le conjte se trouvait à la tète de cinq ou
six cents lances 'trois mille à trois mille six cents chevaux) des
« compagnies d'onlonnance » ; il ne put empêcher les Anglais de
passer la Vire aux gués (le Saint-Clément; mais il les serra de près
avec sa cavalerie, etmanda au connétable de Richemont, qui arrivait
en ce moment à Saint-Lo, d'accourir à son aide.
Le jeune [)rince, qui se trouvait pour la première fois sur un
champ de bataille, n'eut pas la patience d'attendre le connétable,
et fit avancer ses archers et (piehpies couleuvrines pour entamer
l'attaque. Les Anglais étaient fortement retranchés dans un terrain
coupé et couvert, i)rès du \illage de Formigni; le gros de leurs
troupes avait mis i)ied à terre : sir Matthieu Gough seulement était
demeuré à cheval avec un millier d'hommes d'armes et d'archers.
Les archers français furent rei)oussés en désordre par une charge;
de Matthieu (îough, et deux couleuvrines tombèrent en son pou-
voir. On vit alors les salutaires effets de la nouvelle discipline :
les gens d'armes ne s'ébranlèrent point; ils descendirent de cheval,
soutinrent le choc, et disputèrent opiniâtrement aux ennemis la
possession de l'artillerie; l'extrême inégalité du nombre eût fini
1, Nos rlironiqueiirs ai^iielltnt MiiUvjo ce fameux cnpitaino, qui a conservé le renoui
d'une espèce de linrU-Uhvf, Jans les traditions de uo3 provinecâ de rouest.
4i6 CîLKKnKS DES ANGLAIS. .li:it.
sans (lonlc par déridor la journée en faveur des Anglais; mais ou
ne tarda [)as à voir le connùtalde descendre au galop d'une hauleur
voisine, à la tiMe de douze ou quinze cents lumnncs.
I/arrivée de Richemont changea la face du combat : les Fran-
çais reprirent rofl\*nsive; les Anglais, cliargi's avec furie en front
i*t en flanc , a entrèrent en grand doute et crainte. » Leur ordon-
jiance de bataille fut ron)[)ue par rijnpétuosité des Français babi-
leniont dirigée; Matthieu Gough et ses cavaliers s'enfuirent du
côté de Bayeux; mais toute retraite fut fermée aux gens de ]m\,
acculés i\ une petite rivière; fout fut tué ou pris : il y eut, disent
les r(»lations du temps, trois mille sept cent SDixantc-quatorze
morts, et plus de douze cents prisonniers; entre les captifs se
trouva le général ennemi , sir Thomas Kyriel. Jamais victoire ne
fut si complète et ne coûta si peu de sang au vainciueur ( 15 a^ril' '.
L'effet de celle journée fut décisif: la sui^ériorité des nouvelles
milices françaises venait d'être constatée par une brillante \ic-
toire remportée à nondire inférieur : le dernier espoir des Anglais
avait péri à Formigni. Les vaincpieui's de Formigni se portèrent
aussilùt sur Vire-, cpii se rendit; ils se séparèrent ensuite, le
comte dedlermont, pour joindre Dunois sous les nmrsdeBajeux,
le coimélable, [)our se réunir au duc de Bretagne, qui venait de ith-
Irer eu Normandie et cpii assiégraitAvrancbes. Bayeux et A\ranchos
ouvrirent leurs portes après (juinzc ou vingt jours de siège : les
garnisons n'obtinrent que la vie et la liberté; beaucoup d'Anglais
s'étaient établis h Bayeux avec leurs familles, et l'on vit sortir de
la \ille trois ou quatre cents fenunes, « portant leurs petits enfants
sur leur col ou les tenant par la main du mieux qu'elles i»ou-
voient. » Les généiaux français eurent compassion de ces pauvivs
créatures et leur donnèrent des chevaux et des charrettes pour les
transporter à Cherbourg. Les Français montrèrent une huma-
nité qui contrastait noblement avec les barbaries commises [wir
1. Jean ( liariier. -— lît'iri. — Mattliieu «le c'oussi. — Duclorcq. — GuiUauiue Grm-l.
2. CVst ici 11* lieu (rinili«iuc'r un d<*!s faits les plus intéressa iits et IciS moin^ counu<«
de l'histoire litti-raire de cr temps : histinre littéraire qui so relie héroïquemeut à
riiiîrtoirc pulili'iue. Xous vjuilons parler ih's Oinnnnjnonif Ju Vau-Je-Vire. Ces jouv.x
oi patriotes ehanteurs populaires, >i ori^-nuuix et -^i énerpiiiies, méritent mieux
qu'une simple note, et nous renverrons aux ilci.AiiiCissKMF.XT!», n» IH, le» Cusipa-
<iXONS i>u Vau-de-Vikk.
[U50] JEAN BUREAU, SES CANONS ET SES TAUPINS. iil
Henri V au temps de ses prospérités : nulle part il n'y eut d'exé-
cutions sanglantes après la victoire. Les « François reniés » eux-
inôincs obtinrent grâce.
Le connétable, sur ces entrefaites, prenait Briquebec , Saint-
Sauveur-le- Vicomte, et recouvrait Valognes; puis toutes les forces
françaises se concentrèrent autour de Caen : le roi se rendit en
personne à l'armée avec le roi René et tous les autres princes et
seigneurs; le roi René n'avait point bésité à prendre une part
active à la guerre contre le mari de sa fille. On compta (le\a]it
les murs de Caen treize ou quatorze mille cavaliers, tant des
compagnies d'ordonnance que du ban féodal français et ])reton,
et quatre mille francs-archers*. Le duc de Somerset s'était ren-
fermé dans cette grande ville, la seconde de Normandie, avec
plus de trois mille Anglais , débris des garnisons vaincues : les
Anglais étaient disposés à une énergique défense ; mais ils com-
mencèrent à s'ébranler quand ils virent les boulevards de Vau-
celles emi)ortés par Dunois , et Jean Bureau déployer tout autour
de la ville ses bandes de sapeurs et son effroyable artillerie : les
« menues bond)ardes » étaient presque innombrables, et il yen
avait vingt-quatre grosses, dont plusieurs égalaient les dimensions
du gros canon de Gand, avec un tir bien autrement juste. La
première de ces colossales machines qui tira , vers l'abbaj e aux
Dames , jeta par terre d'un seul coup une tour du rempart et les
toits et les murs de plusieurs maisons. D'un autre côté , le rem-
part, vers l'abbaye Saint-Étienne, était déjà si bien miné (ju'il
était connue suspendu sur des élais^. Somerset demanda à trai-
ter : on eût facilement pris d'assaut la ville; mais le roi ne voulut
point exposer les habitants au sac et au pillage : les Anglais ,
d'ailleurs, eussent pu tenir encore dans le château; on leur
accorda de retourner en Angleterre avec leurs biens meubles et
lem's armes, exce[)té la grosse artillerie, en se rachetant par une
rançon de trois cent mille écus d'or ( 1" juillet) '.
1. Ltîs coutilliers ou chcvau-légers avaient été munis de çuisarraes (demi-pique ou
javelinci ; on avait ainsi des lanciers légers à côté des lanciers pesamment armés.
2. Th. Basin , t. I , p. 239-211. On appelait les mineurs de J. Bureau ]cf> francs-
taupins les taupes).
3. Somerset rendit le chiUeau malgré le gouverneur, et on raccnsa en Angleterre
d'avoir cédé aux terreurs de sa femme et de ses enfants, llollinshcd , p. 1276.
iiS r.UKIWVKS I>KS AN(ÎL.MS. Uâ?
Falîiisr, qui apparlonait à Talbot, S(* rendit on iVlianfre d(» la
lihoïli* (le co ci'lrbn» capilaino, donieûré prisonnier par suite d«'
la violation du trailr d(î Rouen à Têtard do Honflcur ' : Domfront
cîipitula pou de jours après ; Tévacuation de Clierbonrfr i 22 août -
atlii^va la délivnuice de la Normandie. Un an avait suflî pour
l)ala\er une douiiuatiou de Irente-cinq années'. Le temps de«
^rjuides rlioses reNeuaii pour la France. < Jamais si ^rand pa>s
ne lui reconquis à si ih'U d(» perte de peuple et de gens de guenv.
ni à moins île deslruciiou et d<* dommafre du iKiys. » L'active
sympalliie des populalions, qui a\ait paraljsé la défenscMlis
Anjilais, étail due surtout à Texeellento discipline de rarméc,et
le mérite de celte disci|)rmc» devait se reporter à Jacqm^s Cœur,
(pii avail assuré la subsistance «le rarméeparsaj^énérosité eti^n
inteliijience. Les deux frères llureau, surtout Jean, le hardi gim'
(|ui raisîiif de Tarlillerie un arl n(»uveau, avaient eu, avec Jacquw.
la meilleure part au succès. L'art d'atlaquer les places a\ait fait
bien plus de prop:rès que Tari de les défendre; les tours féodales
tombaient eu poussière devant ces foudres qu*on a\ ait appris à
(lirijLicr d'une main si sùn». On peut joindre cette cause matériel^
auv causes morales qui ï»\pli(iuent les rapides succès des anne>
francîiises au milieu du quinzième siècle.
Les désastreuses nou\elles (pii retentissaient coup sur coup m
Anj:leterr(» y soulevaient des tnms[îorts de douleur et de rage;^
gouvernement n'était pcuntanl pas le seul coupable : ce peuple,
1. L'iiitillorio rtiint nn'ivi'e s<iii> Fnhiisc avnnt les eompnirnies d'ordonnance, W
Âii;;l:iis inviit une vi;;(>un'n>o funi'w euntrc clk-; mais Jeun Uureau , à la tète ^^
fraiKs-avdiers, (U'-rnnlit ^i Imoii so-j canons, i\\\"ï\ «• rcncoi^^na •• Iw An^laU dan^ la
placo. .1. (.'liait ior.
i*, I.o*î chrotiiqiuMirs citiMit une particnlarité curieuse relativement aa .-iége dr
Clwilioiir^j. Jean lînroan , ou, suivant le fhroni«iuonr normand Blondel, nn lifUtî-
nant ilr Ruri'au , ap]H'I»'' niaîtro (iiraud . au «yrand étonncmont do* Ancrlais. a<sit nn»*
liattiTJc de l)onil»ai'dos sur une ;;rèvo que le tiux couvrait deux fois par jour : quarnl
la ni:ii('(' aiqirochait, les caniuniicrs Itoueliaienl leurs pièces avec des peaux pi^iss-tn'^
et I< s lai^^ait'ut à la nirn'i di's tlols: puis ils revenaient et recommençaient le fir*i
auH^iiôt la nifr n'tin-o.
'i. Mil comptaur du la prix.' de IlarHcur par Henri V. Thomas Basin (liv. iv.c. d'*
ilit ipie .ïaiM|n('S <'u'ur prôta au roi 100,000 érus d'or pour recouvrer l'alaise. n«'*rj-
tVout «'t <'lnTlu>urtr. N'ous m* savons -^i co prêt se confinul dans celui ilc 2<JO,ii4Mi êri»
nioiitiiuniO par Matthieu de (.'on<:>i. On voit soulcment. par une pièce ofncteile. *\ai
.lai"(iuc> i'aMir t*nt icinhoiuM', en dèeenihre 1 l.iO. de »îO,«'00 fr. avancés au roi pour
le sié^e de (.'herhouri,'. V. Ch-uieut , Ji'-j'irs ( n:iir, t. II . p. l>.
[1^30; LA \OKM\M)IE IVECOLVUÉi:. MO
«lifevaspi'raU la |)erto de ses couquèles , s'était rclusr aux sacii-
llros nécossaires i)our les défendre. 11 fallut une vietiine expia-
li)iiv; ce fut le duc de Suffolk; le bannissement prononcé contre
lui par la cour elle-niônie ne put le sauver; des navires, sortis
dos ports de Kenl, l'attendirent dans le Pas-de-Calais; il fut saisi,
condamné à mort i)ar les matelots, et décajûté en pleine mer.
Su(Tr)lk passait pour le principal auteur du prétendu nïeurtre de
tiluccstér, et son nom se rattachait à un souvenir insupportable
pour Tor^^ueil auj^^lais, au fatal sié.ue d'Orléans, aux premières
victoires de la Pucelle. La mort de SulTolk ne ruflit point à apai-
ser les passions poj)ulaires : les petites villes et les villajres du
pays de Kenl s'ameutèrent, sous la conduite d'un aventurier qui
se lit passer pour un Mortimer, descendant d'Edouard III , mort
depuis longtemps, (les populations se jetèrent sur Londres, qui
ou\rit ses portes: Matthieu (ioufili avait péri en cond)attant les
relK'lles; ils forcèrent les ma'iistrats de Londres à condaumer et
à faire exécuter le trésorier du roi , lord Say. L'évéque de Salis-
bury, mend)re du conseil, et le shérif de Kent avaient été aussi
mis à njort. Les bour^tîois laissèrent les paysans tuer lanl quHs
voulurent; mais, dès qu'ils couïmencèrent à i)iller, toute la cité
Unuhii sur eux, et les chassa. L'aventurier (pii les menait fut tué
(juillet 1 150). La lulle ne lit que chan|;i:er de théâtre : le chef de
l»arli qui fomentait tous ers mouvements, ou qui du uïoins se
tenait prêt à en prodler, le duc Richard d'York, parut à son tour
sur la scèn(\ Il contraignit le roi à convoquer le parlement , et
s'efforça d'envahir, avec l'aide de la chand)rc des connnunes, le
pouvoir, qui était passé des mains du malheureux Sutïolk dans
celles du duc de Somerset , l'ex-gouverneur de Normandie, non
moins impo|)ulairc que son devancier. L'Angleterre préludait aux
enr(»\ables guerres civiles de la liosr rour/rc[ de la Rose blanche' .
La faction de Lancastre ou de la reine et cc^Ile des princes d'York
allaient bient(M surjuisser les fureurs des Armagnacs et desHour-
guignons.
La fortune ne [ïouvail offrir à la France des chajices jdus favo-
rables pour expulser les Anglais du continent : les conquêtes (!«•
1. L.1 ro'P roii'/f et la v>w blowUe t'inviit ks >ipK;à <lo rallieiin'iit k\v< pnrti-:»!»** de
Lauc:«>ti'C' et d^orU.
VI. 29
ii^^ laiilUîES DES AVGLAIiv
Ik'ïirl V ètiieiit ivcoïivivrs m «'iilier; îl rcsUiil & U
deviMlir cuiitiyt'niiitt* h son tour, et à rti^poiiiller Ifâ V nÇ
de leurvicii lKTitut;t* d^Afjuilakie, On s*i' pirimm saiti . -a>-
$ilÔt après la prise de Chiibaurg, ikiusiciir& roiupagnirs dVinlsM-
mnre furent dît igces sur lu Guyenne, el le roi , laUsanl le pMh
vemeinenlde la Nonnandie au connt'labîp, s'avanrn '^' ■f''iT«»uiii
pour se rapprocher du nouveau théâtre? de la g\r ^,1^ |,i«i>.
dtint lîi euiupagnc de Normandie» au mois de scpleiiibiv 1 1W, k
comle de Foîx avîiil envalii la valK'e de Souh\ h !a Wv
noblesse et dv% «liliees du Uuiguedoc et des* lunt de Foix»
f!ommingcs, d'Astarac, de Bigorre el de tk^am, anoondinf^p
cinq à six cents lances et dîx mille arbalétriers : ta t
Mauléuu de Soûle s*éU\\l rendue k lui , sans ijue le rt*i :^
allié des Anglais , osât rien tenter pour la ^\*onrir. Aii »
cemepl de rautomne de 145Û, arrivèrent siu* la Dordo^ne cuh| »
six cents ^ lances garnies , » aux onlres de Jean de IMid^, cfinir
de Fenllnèvre, « lieutenant du roi es pays defîiiyeivne et fcjr-
delois, » Ce comte, qui avait recouvré ses sifi^ueiirieSL de BrelB$iK
l>ar suite d'un trarlt^ signé eirtiî7 avec b lu^iÎMin diicalu;
MDUtfort, était puissant dans le Midi, où îl posçètlail la \ioi
de IJmoges par héritage et « lu comté » de ï^rigwrd (lir aupii-
ïiilion du duc d*()rléajis.
Ou maintint Tordre et la discipline qui araieiit ifagtit^ b V '
royale le cœur des popolalioiis normandes; il ftil prcv i
gens de guerre de i^yer partout leur nourriiuriî et celle de icm^
che\au\» à peine de jierdre qubiHe jours de leur solde, mtît
rindemnité ; les maréchaux de l année fixèrent le prix de tant»
les denrées, aiin d*éviler tout sujet de qner^'lle entre le jHiiplrH
les sîoldatsV Les progrès des Franchis furent nipides: Rcr^Tiir,
Jouicae, Sainte-Foix, la Iloelie-Clialais furenl cniportêî; |irudi*t
que les com|iagU]et$ d'ordonnante nettayaieni les bords di* U
Dordofe^ne» un détachemenl d*élitc prenait à revers la CJnyeoiK
anglaise; le sire d'Drval, fils du seigneur d*Mlïrel » entm dai»
1, Un [iovui^iUi fut '.'AtiriK' vtii[ii fWUft Iwtirnoî» <i^it frajïc^i iioï? vncUv, ur»i»* •►-^^
%m mmiHm ^ iHini ncmm, *>u nnulniit la jurati j mic oie ou un i!liii|xut]f 4&iim Aim\tt»t
ui) 3om ; uu buiMiîiti d« tWiiieol, ÛQmm dcnkt>, olc.tt faut k [if u |irv» m \t7v|/«rr|
lu Vftïrttf r«iaUtft
:U50-1431] INVASION HK LA GiyE.WE. i;;i
Bozas, le 31 otioljiv, avec quelques ciMitaines île ca\aliers, poussa
jusqu'aux porles de IJordeaux , et mit eu pleine déroute la garni-
son anglaise et la milice de Bordeaux sorties delà ville contre lui;
les -Viiglo-Gascons , frappés d'une terreur panique, se laissèrent
assommer ou prendre comme des moutons; le nombre des
morts ou des prisonniers sm*passa de beaucoup le nombre des
vainqueurs (l" novembre 1 150).
On ne profila pas sur-le-cbamp de ce brillant avantage : rin\er
ralentit les opérations militaires; mais elles recommencèrent asec
activité aux premiers jours de inai 1 i.")! : le couïte de Duncjis \int
prendre le commandement en chef, amena un renfort de (luîilre
cents lances garnies et de trois mille francs-archers, et enljuna,
par terre et par eau, le siège de Blaie, qui conmiandc la(iirond«i
et sépare Bordeaux de la mer. Les Anglais et les Bordelais t(Mi-
lèrent en vain de secourir cette place; leurs navires fur(»nl nn"s
en fuite par les bâtiments français qui bloquaient Blaie. Li \ille
fut emportée d'assaut , dès le 22 mai, par les francs-archers et
les gens d'armes; le chAteau, où s'étaient enfermés le maiie, le
sous-maire et Tèlu de Bordeaux, le sire de TEsparre et le soul-
dich de TEstnide, chefs de la noblesse du parti anglais, cajtitula
deux jom's après, et la garnison demeura prisonnière.
La chute de Blaie entrahia celle de toute la Gujcnne anglaise :
les Bordelais, depuis si longtemps accoutumés aux gens d'outre-
mer, et liés avec eux par de grands intérêts conunerciaux , n'a-
%aient pas le cœur fran^iis connue les Normands; ils (dissent
volontiers secondé la résistance des Anglais; mais ils stMilinMit
rimpossibihté de soutenir le choc de quatre corps d'armée (jui
allaient se réunir contre eux : Dunois venait de pnMidre Bouru cf.
Lihourne en quelques jours; le comte de Foix et le sire (rAlbrel
assaillaient Dax; le Kunte de lVntliiè\re et Jean Bureau jielie-
vaient la conquête du Périgord; le comte d'Armagnac arrisait <le
son côté avec Saintrailles et les sénéchaux du Lmguedoc; les
villes se rendîiient les unes a|)rès les autres, en slii»ulant la con-
5er\ation de leurs franchises et pri\iléges. Ix»s magistrats et les
barons pris à Blaie entrèrent en négociations avec les génér;iu\
le rji.'ules VII; rarehe\è(pie de Bordeaux, les SiMgneurs de Dur-
lurl Duias , de Langoran et plusieui*s^ autres vinrent trouver
IliinniB, pour truiltT lui nom « rtt^s Trois filnli^ de h TiU<« H rîli^
rlr Boiirdeatix et du pays de Bounîelois et autre» iMij* de Guy«!
riant d^ pr^*îicml en la miiiri du roi d*Aiigkti*ni?. »
Les Français furent radies sur les conditions, et lepActf fini
n»nclu dus le 1? juin : on connut que, sî, avant In mlti^ de Sûjflh
Jean-Uaptisic (?:5 juin), le roi frAnglrtenm n'avïiil pa.^ mrfiyè
d'amiée au secours de la Guyenne, i les gens deïklit^ Troi* État
lmiUermi?nt » au roi Charles ou fi nionseîgiicur de ÏHitinb^i^iD
lieutenant, la ville de Bordeaux et le* autres ailles, châieaiitrt
forteresses « des pays de Guyenne et BourddDb» > etprèlavc^l
serment d'fiti*e dorénav,mt bons ^ vrais et loyaux sujets au roi 4i
Franco et à sa couronne. Saintrîîilles , Jean Bureau H im tmî-
bièmc délegui!*, stipulant pour te comte de Dunob, promimit 4f
teur côté que le roi ou le comte, sou repré9ci»liml , d Bonltfmi
leur était « dêlivte » le 23 juiu , jurerait, sur la arùix ei ^6tal^
gile, « le maiulicn des Ijourgeois ^ uiairliands, ttmn3ni>» el hiW*
taiïls desdites villes et pays eu leurs Inmclitses, privilégia, &n-
ii'S, slattits, lois, coutumes et nonces des pat^ de ïkMm]i!NiiifX^H
Bourdelois , Baxas et Ba/adois, Ageu et Agenoîs. > Ceux à^hO^
tanls du pay!5 qui ue voudraient [im prêter seniieiiï ai deveuir
Français auraient un un pour régler leurs aHiiireB, et pour-
raient emporter tous leurs biens meubles'; aucun dcceinqui
resteraii^ut en pnHant serment ne serait dépo^sédéi not>-H1ll^
tuent de ses liini triées et passessions qucieoDciucs , mais ie»
dignités et offices; aucun nouvel impôt, taille^ gabelle» fonagi'iM
autre, ne pomnut 6tre établi; le roi institueniit ù Boitloaux lUi
Iiôtel d<'S monnaies et une « justice souveraini* • (caurde poA^
ment] , laquelle jugerait sans ap[>cl toutes les causer du pa}!, A
les nobles et autrt^ ne* seraient point tenus de se rendre iMi tatD
du roi , sans ipie le roi h iir payât des gage» K
Le délai de onie joui^ n*était que de pure forme: on était bkn
sûr qu*jl n*aiTiverait |toint d'armée angliu£ie a\imt le 23 juin: U
•« siî((îiiotiiî<«« à UÊEL p^I^AMt pour m po» d<^f«gf r au *rniiv9t^
itil trAiiuflHiTro. B^ui'fmp df TiiurrImiitÎA tKmIrlai» éinifPfrrml *:m AA^lfiiVTii'
2. Ceci n'L'Ult paiiit nno fnveur pjiriJi;ttlu*rtff H ilrvei>*îl tlv ilivil mmÊmm, Ytjri
:i*3J] nOKUE AUX ET BAYO\.\E CONQUIS. io3
jour lîxù, apivs que les lirraufs ouiriil crir Irois fois du haut <les
loui's: « Secours de ceux d'Angleterre pour ceux de CourdeiUiY ! ^
sans que a ceux d'Angleterre » se présentassent, les portes de Bor-
deaux furent ouvertes et les clefs remises au comte de Dunois, qui
fit une entrée solennelle, ayant i)rès de lui trois princes du simg,
les comtes d'Angouléme, de Clermont et de Vendôme, le chance-
lier Jouvenel desUrsins, le grand écuyer Saiutrailles et une foule
d'autres pei^onnages illustrés dans les dernières campagnes. On
remarquait surtout dans cette conq)agnie le trésorier de France
Jean Bureau, ce petit scrihe à la mine chélive*, cet honnne de
plume qui renversait plus de murailles que n'avait fait aucun
capitaine. Jean Bureau fut nommé maire de Bordeaux. l)a\ et
Fronsac s'étaient engagés à suivre le sort du chef-lieu de Guyenne,
et tinrent parole.
Il ne restait plus aux Anglais que la seule ville de Bayonne : il
n'y avait pas deux mois qu(^ Dmiois avait pris le conunandement
de l'armée; de pareils succès passaient toute espérance. Bayonne
ne tarda ims à suivre l'exemple dn reste de l'Aquitaine : les comt(»s
de Dunois et de Foix et le seigneur d'Albret \ inrent l'assiéger hî
G août; les États de Biscaye, alliés de la France, avaient envojé
une escadre lermer l'embouchure de TAdcjur : Bîijoune capitula
dès le 18 août. La garnison se rcMidit prisonnière de guerre.
Nos chroniqueurs racontent que, le lendemain, au moment où
les Français allaient entrer dans la ville, vers hi lever du soleil,
« le ciel parut fort heau, serein et clair, et dedans une nue appa-
rut une croix blanche, laquelle demeum, sans se mouvoir, l'espace
de demi-heure, et fut >iie tout ensemble du camp et de la ville.
Ceux de la ville, avisant telle merveille, ôtèrent les bannières et
jKînnons aux croix rouges qui étoient sur leurs tours et remi)arts,
et les remplacèrent i)ar les bannières de France, disant qu'ils
voyoient bien qu'il plaisoit à Dieu qu'ils devinssent Fnmçais et
portassent tous la croix blanche.
« Peu après, partirent les barons t»l aucuns des bourgeois et
Trois Ktats des cités deBom'deaux, Dax, Bayonne, et des pays
environnants, pour aller à Taillebourg, devers le roi, conlinner
1. Th. Jkisiu, t. 1, I. V, c. 0.
m crEnnES DES ASCLAI;i
et rallfier rappoinlemenl \mmi' avec eux c?l Umv ïj Mmin.' inm
roi de ieuns terres et sciçneuncs : U? roi niUtîa ii-iit, ti I. ur .ir-
troyii <lîvûr«es grAces*, pourquoi iU s*cîi rêloumèrcnt diacuri
dipz soi, irès-cotilenls riu roi, et dn se.» seîgnairs, et de too!
5on grtmA consciL
« Ainsi , par la ç^vAve et bonté divines, furent rtMalfesctt l'oWi^
sanrfi du roi de Franm les dudii's de Normandie ûl ûe (luyennc,
cl généralement tout le royaume, exc^pt^ k*s villes do <4ilâbci
de Guines, qui demeurèrent seules aux mmis des Angliiis, an-
ciens ennemis de Frimce^» »
ÏAï pierre de rindi'peudanre <^*lAil teruiiuèe : l'anivre, c^ih
nienci^p par le satig de Jeanne DatT, ronlinui^e fiîir lf<. Iiiiu'im
perse vérantsi du eonaeil de France^ était ocbitY^!, L*an*om|*li>^
ment des promesses de la Pueelle rt*" veilla , avee ujie tiQtivfilr
[iidsîsiante , Tamotir «pic le peuple giirdai* h isa mémoire, et qiv'aoil
ravivé naîfuère le bruit fait autour «le la hm^e Jeafiiie, La rr<(^
vrance de Rouen donna îiu sentimenl populain*mie fnnni! cl un»*
dîreelion délerminte. Le cri public, à Ibnu-'îi un^me plu?
partout ailleurs , demanda rcxpiation là ou ami M ammm
k grand martyre. La politicpic royale, nous souhaitons qu'il ^\
permis de dire ausd le remords! se troui^a d^aceonl avec b
conscience deïf musses. On avait pu jusque-lik laL<s$;cr dumiir ti*
terribles souvenirs; mais, maintenant, comment la royauté but
c;nîse, renlri^<! en pos^sension du cbeMien de T^ormandic, pou^ii-
elle rester sous le coup de la sentence prononnée ati cbéleâti de
UotNu ! Los universitaires qui avaien! mené le proc^aT^cCjurlvQ
s'étaient en vain étudiés à ménager la persotmti de tlbarlcs VIL
et h coneenirer leurs analli^mes sur celle qui avait miifniMiinK^
ment revendiqué rentière responsabilité de sua œmrû. Les Atigte
n'eu gaixlaienl jms moins le droit de reprwlicr A t Cliarle^ it
Valois » d'avoir recouru aux « moyens sinislnïs » de lu l'ufetk-
ll*après la sentence de Rouen , Timpostui^ oit la «oroelli.-rie à\tù\
l. Le utuipllra dû Btirdtiïiux csc^riM^rri V^ tien en ûntU d« pml^^nirwmMt^ rtir ii, »>«<:
tofttit cllip«î!H*fl tUin^iiuirapt iVtùltt ï«o«*oîr ira {iftvuntJt* K .:,^ ... i^^ _
roi* tiour}?^ SalDt-f^mllJQn ^ Uux ut Hayontifi turt*ni irdritioil^MntiH tmia av ^
î, Jenti Cti&rtier. ^ Bcnri, — J. Diirler^Ni. — ïtauiiîcn ik CooM.
[t450: RÉHABILITATION DE JEAN.NE. lo.i
élé Tauxiliaire de Cliarlcs. C'étail une IicTélique, une in\ oratrice
de démons qui Tavait mené à Reims!
La sentence de Cauclion no pouvait donc subsister. Le roi prit
un grand parti, et s'y attaclia avec persévérance. Il y a quchpie
apparence que, parmi ses conseillers, ce furent les frères Jouvenel
qui lui suggérèrent un plan très-habile, beaucoup trop habile
pour qu on i)uisse accepter ce qui fut fait connue une expiation
sincère de\ant Dieu et devant la France!
II n'y avait qu'une seule voie ouverte; obtenir de l'Kglise la
révision du procès fait par l'Église. Mais dans quelle direction
cette révision serait-elle opérée? Évoquer la vraie Jeanne Darc
dans toute sa grandeur et son indépendance?... Mais c'était ébran-
ler le trône et l'Église! Charles Yll n'avait plus qu'à ùter la cou-
ronne de son front et à se couvrir la tète de cendres connue ces
rois pécheurs d'Israël ou de Ninive ! — On se proposa donc un
triple but : 1" étal)lir que le procès avait été imaginé uniquement
par haine contre le roi de France et pour a déprécier son hon-
neur, » et faire oublier que la haine contre le roi de France avait
eu pour auxiliaire la haine conlj-e l'hispiration religieuse de
Jeanne; en d'autres termes, faire ressortir exclusivement le côté
anglais et politique de l'affaire, et effacer le côté clérical; 2"" mon-
trer que Jeanne avait été soumise en toute chose au pape et à
l'Église, atîn qu'il n'y eiït plus à inq)uter au roi d'avoir été
conduit au sacre par une hérétique ; 3° rétablir ofiicîellement la
renommée prophétique de Jeanne, quant aux faits d'Orléans et
de Reims, en y ajoutant une vague promesse que les Anglais
seraient chassés de France, en étouffant le souvenir des prédic-
tions suivant lesquelles cette expulsion eût dû être l'ouvrage de
Jeanne elle-même, et en couvrant d'un voile épais tout ce qui
s'était passé entre le sacre et la catastroj)he de Gompiègne, sur-
tout la rupture de Jeanne avec le roi.
Ce plan fut suivi sans déviation jusqu'au bout. Des lettres-
patentes du 15 février 1 i50, trois mois après la recou\Tance de
Rouen, donnèrent commission à Guillaume Bouille, docteur en
théologie, conseiller du roi, ancien recteur de l'université de
Paris, d'informer sur «cla manière comment il a été déduit et
procédé » au procès (juc les Anglais « ont fait faire contre Jehaime
4S6 t;tJKUivEï» \mff hmihM^ {%ki^nu]
la rutt*il** , » laf|uelk' ils ont mise A mort « InîqueuirnI H livs-
criiciUi'iiierit*, i> Le cDmmissmre du roî i>mntVUi h ime iircini^Tt
(•nifutHt* h Houc^n*, enquête deslinéc /i frayer la ronli* à l'iiiit«iht^
La giande difficulté était do d^îtjder cette îiuliirilo h iiilrnrnir,
Four casser liuè acntenre do riniiuhitiou, il îMiiH alli*r ji'
saint-siégc, et, indt^pi^nd^imuiciît de loul ce tjiiL* la imiistv i ..
môme, |*rcs«^rilail de rcdnutahlf*, Viùéc souk* d'èhnuilcr k- siin»-
ortkc, de revenir mr la fho*«? iup^%, de dêsavuurr l'^uliiiitê,
frappait Uoiiic d*yrie vcïiiable teneur; le gouvemetneiU fniri(iij|
^'y prit avec adressée, l'n prrlat iiornïand, le airdiiKil dllslouli
\ille, év^qtie de IMgm, avait été envoya* coïiime li^al h Cltark»^ Vil
(lar le pape Nicolas V, alin dltivilerle roi k faire h {viiv
TAuglelerre en vue de rL'unir la cluvLiealé oinlre li-A im
Charles VII parvint à engager le légat dans Taffulrn. U* carfliial
d'KsloiUinîlle» eoiratué Rans doute autant |iar la prrssiûn «Ih
pupulaïions noruKmdeSj ses cnuipatriotes, que i^ar les îti^Ciuif^
du rui, eutt éprit doftlce la rt^vimn du prac^, s'adj^û^iU ïm-
quisiteur général de France \ Jean Brelial, Xormîwid comme Mj^H
et présida k une seconde enquôt** à lk*ucu\ dart» les fireiiiic^*
mnii!. de 1152. Tuut res[)nt du |>rocèîî de rèliahiUtatioi) e&t ûùm
la rédaction des articles sur les^iuels on interrogea les léinoitu^.
« Art. vil : item, <pje ladite JehaJme a souvenlMfols àMm
\Aiiwil\n \h ûn^fumt, fait fiifre ttl ^iiçl prcieè», pur pcrUiiiica |M*rMiftna à t«e <
«k^putéi^ pnr mi%\ ù% fabaut \&\nf.i pracc»^ lU c^UAw^iit K «icnt lâlt*< roniiiii» |
f!i*orfi fautes H obti*, ni tclknit* ïil fjin^, mayçiiimikt k*c1i| |*fof»* tt Iji Kramlii I
*|ti'î noïilit» cnnirmis atuirtit eunlri^ rlks '«i ftrt'Ut mork iiii^tii^irol H ixiiitrv t
tPÈâ-cninUemtiit \ H pour t'*î fiwc ooujt Vûuîom uivoir In vériié t|«itltt |tfoM^
dnitretucincui do cl :»{tr t^ qu« iJil «mî , vl l itifitniiniliiiti pftr «ot» pur cv fii'
iipparK^ ou *nvmm.^. i^ànUxisn aou» cl kû gvns «le notre t^mnd cvuimIL^ w fté
df Jtutvnê i^ AfT , t, 0» p, 1-2*
3. Prfx*4^^^ t. Il; p. 2t-^J , Elk c^«t rn fmuçali ; Iç» t^iutni» tout i |4«iilii L'AiIi«m,
I^mliHrrl du Lft Pierre, GuitUiumc MaïK^huti , Jcm» MAB^tîti^ Jnan Bis^pittref J<1»
TontmoiiDli-.
3, ( "i?*t-;i*dij'« il«i I.nrifftiMloji ; nxmik A\\mm ûiiîiké Av tnXf^ «itc «hwmillttii î» |
•TiiU b Totïloiiif* un iTniiiiAitiïuf-^^iJÉ^nil pour !c Lxini^cdoc.
4. Pfrxri, t. II , p, 2*Jl'3îtî* Elle etl lii^nycuîip plm î'Umîw» i(«ifi b prvmiàrv, #♦ <«^
ItrUM un plu» gTAnil iiottiliré de d^pintUarj)!.
[145Î-U55} nÉMAHILITATlO.N DK JKANxNE. ioT
devant justice ciifelif subnicttoit tous ses Diits et dits au ju|?enicnt
lie l'Église et de notre seif^^ncur le pape. »
Les articles viii, ix, xi, développent et retournent sous divers
<iS|)ects la iiiùine i)r()posilion, fondée sur les assertions de cpiel-
ï|ues témoins de la première encpuMe*.
Le cardinal d'Eslouteville, rappelé à Paris ^, puis à Kourgespar
d'autres afl'aires, laissa la conduile des inlonnations à Tincpiisi-
teur Jean Brelial, qui'voyagca dans diverses provinces i)Our s*en-
ipiérir de la vie de J(*anne, et tpii demanda des mémoires et
consultations à nombre de docteurs renommés en France et au
delioi^s'. Les autem^s de ces consullalions, raisonnant sur les
renseignements (pii leur ont élé transmis, arguënt contre la
validité du jugement d'après rinlidélité prétendue des xn articles
(|ui ont motivé les déclarations des assesseurs contre Jeanne. Le
lliùme du procès de réhabilitation va être, en elTet, que les asses-
seurs, les consuUeurs, Tuniversité ont été trompés; (pi'ils ont
condanmé Taccusée sur un faux résumé des débats. On mettra
ainsi Iiors de cause tous ces notables personnages dont plusieurs
sont aujourd'hui fort bien en cour. On oul)lie seulement (pie les
xn articles sont Touvrage, non j)as de (wuichon, mais des princi-
paux assesseurs et de ceux-là même que l'on veut couvrir!
<]auchon, heureusement, est mort, et ne peut récriminer contre
ses complices!
Tous les obstacles, cependant, n'étaient i)as surmontés. L'iuler-
vention du légat n'avait point été a|)i)rouvée à Home. On ne sait
pas bien le détail des négociations (pii eurent lieu entre la cour
de France et le saint-siége; mais, durant trois ans, la révision
demeura suspendue. (Charles VU ne ])ut rien obtenir tant (jue vécut
Nicolas V. Un nouveau pape, Calixtc». III (le Valencien AIphnns«î
Horgia), céda enlin, accueillit la reipiéte présentée au nom d'Isa-
belle Romée, mère de la Pucelle, de ses frères et autres parents (|ui
se portèrent partie civile, et donna conjmission, « le 11 des ides de
1. Procès, t. II, p. 293-295. Nous nvoiis discuté ucs t«!'MM>i;;natfCs ci-des8tis, ]». 2tîfî-27 \.
2. Il y l'éfornm les statuts de l'université eu juin 1 (52, vi autorisa, par roctroî d*in-
duljfencos, ia célébration annuelle de la Fête de la Délivrance à Orléans. Il fut nommô
archevêque de Uonon dans ci.'ttc même année.
3. Théodore tle Leiih fdei I.elii?) ; Vaul Pontanus, personnages considérables en
cuur de lioiue; notre Thomas Busiii , évêfiue de Lisicux, etc.
iùB G U £ R II Kh DES A \ i^ IM . 144 j
Juin 1455, 1» à rarciie^i^que de IlraiiSt J^*îiit Jmitciid, à I cn\|uc^
Vms^ Guillaume CharLier ', i\ l cviJqiic dt* CoulajKX», lUiluinl
Longuoil, ih pi orrdcr» avec le coiieoui-s des dclegtn!'^ dv rin^
iiouy a Uii iifluvd n\ai»*?ii vi di ridiT jîans a]»(jd siir Ip • [in
^nutrefoiîi à Rouen. » Li requête que les agcnU romain» âiiil<;fit M
^iirnor aux i>laignantsex|insaiï lt*î% faîl^ d'tim* manièir Un '
On 5 racouUiit qu*uii certain d^Ksti vet| « ou quelque auln*. . ..
coiiuiitf on croit, par certains jaloux taut de Jeli-unic que des<
ilïrres et de m uière, avait faussiMuent raïqîOrté à l*ierrc êlehnn
mêm9in\ évoque de Betiuvais, et k Teu Jehan Le Mai^lre.,, lic
iu(|uisileui% que ladite Jebimnc èloiltomWe en crime d1iiTè-ie;i^
klaqaetle Jeanne avait reelaiiié en vain d'Wre remii»e t h IVin
du sirge apôslolique, dont elle étoit jtaMe à isuhir le jugemciiU •]
el avait été aiuî^i jugée et condamnée contre le droH^
La coui' de Rome, une lois résignée à la révision, en lli^ |aftiJ
uusîïîl habiknuent que lu cour de France : Jeanne, eu réalilè, mm
été condaiiuiée jiour avoir refusé de soumet trc » mi^sioii »]
rÉglke visible; le chef de TÉglise, ne pouvant mî di^j^n^cf iiii|
Ifairc rondaiimer les juges de Jeanne, allait les Trappnr nritii;|m-
îexte de rébellion contre rautori té dn saint*siégeà laquelle Ji^niar ^
était censée avoir appelé!
Quoi qu'il en fût de ces mysléres de la politique ro)iLte et p»
UOeale, re n'en lut pûî* nioins un loueluuit spectadr '
le 7 nnveudu*e 1455, la vieine niére de Jeanne, aci- ^ ^
ICC frère de la Pucclle, qui avait été pris en conilmiUiol ijdlU»-
Iment auprès de sa saîuràConquégtie*, et soi vie d'un loii
^< d*bonorables lionimes ecclésiastiques el séculiers et , i^... i
lemmesi » venir demander jusUce, sous les voulez de Notn>Daiir,
aux prélats conmiissaires du pape. Paris tut profon<iément rcniiii
l|iar les incidents solennels dont sa calliédrnle fut le tliéilre, I
1* Triffc du pujtu Alain Clurtkr cb^ VUUt^rlcti Jca& CtiArti«r, c^ftoliv i
* Ben lu,
2. f^rtirè»^ t. IT, p, P3,
a. Il était thci^ aller et à"ai*peJrtii Vicnc i l'aulrt! ftcrc, JriLJi , r
hitut î 11 vmidit d'èire nomnit' bsiillî ili"^ \^rrniu»4liji>i vl c»vttaiitici 4'
ïji tn\&^T {ntIjIitjtiK (luu&siEiii tout OC iiul ûxtât t^iiu à Joitmr', •
tin amiic d'y c^dcf.
[U65-145C] RÉHABILITATION DE JEANNE. 450
procédure ne tarda pas à ôlrc Iransféréc à Rouen par la cilalioii
donnée, pour le 12 décembre, aux « dénonciateurs ou accusateurs
de ladite feue Jchanne, » ou à quiconque voudrait entrcpi'cndi'f
la défense de son procès.
Personne ne se présenta. Les héritiers de Pierre Cauchon décli-
nèrent la solidarité de ses actes, et se couvrirent, quant à la
l'csponsabilité civile, de Tamnistie géntTale accordée par le roi
lors de la recoun-ance de Normandie. On put donc procéder,
comme on y avait compté, sans contradiction et sans débat.
Quatre enquêtes définitives furent ouvertes simultanément à
Domremi , à Orléans, à Paris, à Rouen. On appela en masse à porter
témoignage tous ceux qui avaient vu naître et grandir Jeanne,
tous cciLx qui l'avaient vue prier, combattre et vaincre, tous ceux
qui l'avaient Mie souflrir et mourir; les vieillards qui avaient
élevé son enfance, les compagnons de ses premiers jeux, les
hôtes de son héroïque pèlerinage à travers la France, les guerriers
qu'elle avait guidés dans les batailles, les témoins et les acteurs
mêmes Je son marljrc*. Li parole est trop faible pour exprimer
l'émolion qui sort de ces documents qu'on peut appeler les Actes
du Messie de la France. La phipîut des dépositions, émanées dt*
toutes les conditions sociales, depuis les princes du sang jus-
qu'aux patres de Domremi , se ressemblent pour la précision et
la vivacité des souvenirs. Les impressions laissées par Jeanni»
dans les âmes étaient ineffaçables! On aurait eu, si on l'avait
voulu, les Actes de sa vie eiilière jusque dans'le moindre détail!
On ne le voulut pas. Si nous savons la vérité sur l'opinion que
Jeanne elle-même avait de sa mission, si aucune partie essen-
tielle de sa vie ne nous échappe plus aujom'd'hui , ce n'est point
grâce au procès de réhabilitation; c'est malgré le procès. La plu-
part des dépositions disent la vérité, mais une partie seulement
de la vérité. On avait fait appel en masse à quiconque avait des
révélations à faire; mais plusieurs persoimages considérables ne
furent i)oint cités nominativement ^ : on évita tout interrogatoire
sur les événements de la lin de 1429 et sur ceux de 1430, et Ton
1. Proch, t. II, 111, passim.
2. Par exemple, IMt-rre Turelure, niomlire Je la commUsion de Toiiiers, et Saiii-
traille;».
460 GlEURHâ DES ANlîLAlâ. HUf
restrcifiiit beaucoui) ce qui ri^ai^itit la fiuneuse caiitu^te tk IW_
tjçfSt On ilisjKînsa de comparalUx* des témciîns qui ii(nii*fil
dtés, oii Von supprima leurs déposîtions. fleaucoisp de di-
fiyiis a ont Viûr d*avoir 8ul>i de iiombn^ux ix'lmiidieifleiib^j
là direction dutinée à Veasenible des enqih*ti^ nViviiit i^u ^1
à préau^vcr cDiupléteiueiit les jugey d'appu^ridiT ce (ju1l«
voulaient pas ï^aioir. Oîi donna aux auiierisï rijiiipllot*^ i)c ia«-
(hon aillant de facililL qu'an put i>our éluder les quittions onibor-
rfiss*inte^» La dépasilion dt! Tbouias de Coiuiedlei, vl li^Hfofli
ilu principal notaire^ Manrïion» pour alléger la respoiiïSiiiiHt^ iK^
Coût celles, en sont la pïruve* Les f?ui\-fu;^ixit5, les rétic^mn»^
Im dènèï^^atioïjs par lesquelles Ccureelles ^'efforça d 'oflaocr
pîirt immense (ju'il a vu il iniae au proce» nVus^ail pm Uam
inonieMit devant min euquiMe (laussée a Ibnd. Le rûlc mbéflbk
que joua dans eetle occaBiou un iioinuie qui avait fmi h fmiàt
llgnre tlans Tt^^Use et (pji était fort avant dans In tapeur du rai^
fui la seule ejcjâalion qu'il eut h i^uldr en rc monde*.
La « recoUetiion » des pières et « inslnunenU » de la rèiiiiôq
fut faite k Paris par llnquisiteur ^rtVu^ral Jean BndjaL II j a,
les conclusions de l'inqui^ileur, un point exlivineiuent cunVici?
v'vsi qu'il invoque très-ncltt nieiil , louuiiu une anUtnlc (mt!
rpconntiandahle ^ Li propliélie ric Merlin, et cilc et mmâ&tt
fort au lofig le fruueiiv toxle aiqiiîqué h h Pueello *. Kpsh k
1 recoikction i> de Jean lîrelial, Bnuen fût tt^noin d'una aoÈor fort
exU^aordjuaire* On y aidera une nouvelle « violation > des doe»-
nienls, devant ùhvn dueteurs et conseillera « et jiajiiciiUi
a. Qiiicherût» md,, p. ïmAni.
4. Apréfl avoir r}i|»iiiïrtiS uiw iirt»|»tiétie attrUm^o ** aQ vifiMbl^ ftédft «i il i
■i&sl :
*i lî cflUTlent , }f 11*1 i*c, de (hlrc bleia plu» à^niUinUmi fncûfc au Umt iTtiU *!!• »••
iKni tiri^jrir% t^t tiû i*llit h «t» ili^ [uittto-atiortt nm tt|i{KmLii>fiii. Cur clk' uC ^•otàm
mn^ii'* du rojtiuiQc de Fï-ancc et du èwhé de Lôrmiiif'., d un rltliii^ «iptiCM Di»-
rQin{.w ouqu^l p tlCMi loin de lu muiton potenmtlc de luditr* JultAttar, tm vttit •• lièi
tiommi^, d'un tMI niim^ U: B(^»iA-ni»^iitK Omjufd Inm t^toil rinNiiu d'aruni^iirU «alK
kr* ptîMpIi^» tpi'uiïii Ptii;td(tf ùv\mi tmlué, htywlh ffn»{t dr ifmadé* nirrv cilles.^ 4
quoi nv muntjrt* |«i** pini cuncoi'diïr ce ^n'Qn Ux , uo rw «toti» du M fut , aioU ^é fttOt
|Mr Merlin , pfOftlïMc nr^j;}ob, ctjc. »• Jeun llrulinJ canïanâ le Jfmf aT«r k Lhit ii
OcoUhil d« Mouïuoadi {Ut fia uiriuitpif Brttmmia rr/vm).
[!i3G: nÉIlABlLlTATION DK JEV.WE. M
de « ceux qiii avoicnl assisté au promîor procès ci qu'on a voit
l'ctroiivés survivants en lad i le cité. » On requit, pour rélial)ililei'
Jeanne, « la délibération et le conseil » d'une partie des hommes
qui l'avaient condamnée. Cet étrange incident n'est qu'indiqué
flans le procès- verbal du procès : aucuns détails, pas même les
noms des assistants '. Seulement, on voit, ailleurs, qu'un des an-
ciens assesseurs, qui avait sijrné contre Jeanne connnc les autres,
Jean Fabri (ou Lefèvre), était mainl(»nant un des commissaires
subdélégiu''s de la réhabilitntion. Celui-là, au moins, paraît con-
\crti.de bonne foi.
Le procès proprement dit fut enfin ouvert, le 1*' juin \iT)i\,
h Rouen. Il y eut, dans la jdaidoirie de l'avocat de la partie
civile^, un passage remarquable; il sembla un instant vouloir
sortir du cercle de convention où l'on étouffait cette grande cause.
« On a fiuîssement accusé ladite Jebanne d'avoir erré, en disant
qu'elle n'a point voulu se submetire au jugement de riîglisc^
militante ou qu'elle a révoqué la submission qu'elle avoit
faite à la fin.... Elle mérite voircment d'élrc excusée toucbant ce^
choses; premièrement, parce cpie, les choses qu'elle a faites par
révélation, elle les a faites d'après un l)on esprit, comme il a été
montré ci-dessus, et, suivant de la sorte une loi particulière^, a
été exempte de la loi comuume. Bien jilus, posé qu'il y eut doute
si telle révélation procédoit du bon ou du mauvais esprit, ceci
étant caché, et connu de Dieu seul, rÉglise là-dessus ne décide
rien. En ce qui concerne les articles de foi , nous sommes tenus
<Ie suivre le jugement de l'Église; en autres choses, liberté est
donnée de tenir la créance qu'il nous plaît \.. ?»
L'avocat, connue elïrayé de sa liardiess(\ n'alla pas plus loin,
et rentra sur le terrain convenu. La cause s'acheva sans incident
nouveau, et l'arrêt fut prononcé le 7 juillet. Le tribunal, vu les
instruments du procès, les traités des docteurs, etc., « vu les ar-
ticles (les xn articles) et interrogatoires susdits... attendu les
dépositions et attestations des témoins, tant sur la conversation
1. Procè.t, 111, 3.">0.
2. Piern» Mau^-'cr, doi-tcMir en droit-canon de runiver-fitu de Pari-s.
3. Personn«'ll<' ; privnhuu.
4. Procis, III, 2H9-2λ!.).
i«2 lîtÊ-ftHEâ UEB AXîLAia [Ml
(coiîtluitc) el mm de hi diluntc* Jebaïunî du Iîmi de itm orijfti
hepje îîur son exaiiien, en prt'*srnce de niainb prèlals, doclcn»
miierts, ffiitii PoitkTt^ et riilli^ïrs'; qm? sur rndmîralilp dèh
de la cité d'OrJram» et la marrhc tchv la diù ûe Weims d
eouroiuiemenl du roi; que sur le§ drccn£t<im*c§ dti [inM?6»,
I i|uiiIH(^t$f ju^îctnçut ^t manière de jirocédiîr.., dètdar^, pn'fiiii
rement : lendits artidea corrompus, fi^audiilmiiç t calomniau
pleins de malice et fauis^éineul extraili^ de [a conri'isioti év Uubi
Jehinne, les casse, annulk^et ùiijoinl qu'Us *îoît»iU bcèW-* p
justice*
« Vu Im deux sexilenrcs rniitrntu?s au procte, la qualité te
^ juges , et do ceux &n la garde desquels étoit d/*<enu0 Indi te Jdumir;
« Vu les récusations, mliiiiissions, appe1bliou> c! tnpHf
réitiWc, par laquelle ladite Jehanne a requis »oiJ\enU\4uii Irt^
m^ixiniuient tVi^ix^û remises elle et tous «?s faits cî diU, au
siège npo.stoliqne c! à notre très-sîiinl seign*njr le
pontife, en .hé> sulmieltanï à lui, elle et toutes les <*ltoses
1 « Attendu certaine alijurntion prétendue, fauKsé, Tniiidi
I extorquée par la prisence du tounuenteur el la menace d» fe»
et ni prém<}ditéc ni coruprîse par ladite défunte, etc.;
« Nous, juges spt'TialeiTient déléiE^ués par notiT trésH>aîfil §ci\
le pape actuel {pftpd modema]... ^iè^enni eJi noire Iribiiiiiil. htui
Dieu seul devant les yeux, pronon(;ons et décUvron? 1(**j
et sentences dol, ealomnie, înjquite, coutonaot em-tir
de droit et de fait, et, avec r^ibjiïration susdite, ext-^ufion et li
i ee cpjj s'en est suivi, nuls, invalides el de nul effet,, lç$ caséom.
iinulons et leur tMons toute force; déclarant ladite 1 ' nvi
ayant-cause et ses parents, n'avoir encouru^ eu i i i
aucune tache d'iufauue, et éti'e exempte et purgée ée louldH
desdits procès el sentences*. •
1. ÏA icriteDCê H^uppiiié sur cet vnjiihc^m , lUfiÎH Ut prorA» «U* r
J» Faitkr» *, invo^ui^ ptir Jeanne dcvôjit ft» Juit*^? Le - livm dii 1'u,luj* •
noil m4i)bitRUti-nieni ( K. CMt«ii»i]*, fi. 154*157* ; lotu/» tn jtram^^ÊN Jh Miim^^
ri^AljuiUon. On ûvsii donc m bUrfC ii le* fAÎro di^iir^rn^df-, H il ai Ah prvbab^mfW
lI«C] monuments de JEANNE I>AI\a ÎO^
Tel fut ce crlMjrc anvt qui, tout en Ilélrissiint les iKuinvaiix
e! on glorifiant rinnnortelle victinie, contribua tant à fausser
l'opinion, pour des siècles, sur le vrai caractère de Jeanne et de
sa mission.
Le tribunal enjoignit rexéculion inuuédiate de son arrêt à
Rouen, avec procession «^-énérale et sermon solennel en la place
et cimetière de Saint-Ouen et au Vieux Marché, où « ladite Pucelle
fat cruellement et horriblement brûlée; » et plantation de a croix
convenable » [cruels honcsiœ] sur le Vieux Maivlié; les jujjtcs se
réservant de faire faire, « pour mémoire à venir, notable signi-
fication de leur sentence, dans les cites et lieux insignes «hi
royaume ^» La fidèle Orléans répondit à cette signiiicalion m
élevant un monument à la Pucelle sur le pont de la Loire, témoin
de tant d'exploits. C'était un groupe de bronze, représentant la
Pucelle agenouillée devant Notre-Dame, entre deux anges. <'iî
monument, brisé pendant les guerres de religion, restauré bien-
tôt après , puis déplacé au xviir siècle , a disi)aru en 1792 '-. Au liiMi
du témoignage primitif de la reconnaissance orléanaise, une
souscription nationale vient d'élever à Jeanne une statue équestre
sur une des places de la cilé qu'elle a délivrée. Les plus éininents
artistes commencent enfin à méditer autour de cette grande mé-
moire et îi chercher les traits d'un idéal nouveau (pii de\ra planer
au sommet de fart français régénéré, f/esl l'ilme même de la
Krance, inspirée du ciel, qu'il s'agit d'incarner sous ligure hu-
1. Provh, t. 111, p. 3t)l.
2. Le consc'il-;(éiK'ral de la commune d'Ol■léan^!, après un promior vote en iVivotir
«le la conservation d'un monument qui ne rappelait « ni la féodaliti^ ni la servitude
des roi-i. » mais ^ un aete de reconnaissance envers rf^tre supr«ime »», re\int sur >a
décision, et, considérant que « ce monument... ne représente pas les services de
Chéroine... » et ne rappelle par aucun si^^nc la lutte contre l'-s Anj;liii«<, ordonna
qu'on le fundît et qu'on en l'ît do^î canons dunt l'un porterait le nom de J..m/im«
ti'-4rc. Prorè.t, V, 210-213. Kn 1H03, une souscription, approuvé»; par le Trenuir
Consul, rrnïplara le uï"<>"p^ détruit par une statue tort médiocre, remplacée aujour-
d'iiui ù son tour par la statue équestre de M. Foxatier. Le ;j:roupe, mutilé (fn lôO?,
détruit on 171)2, n'avait plus, à ce qu'il paraîtrait , une {.^ramle valeur ni sou-; le raj»-
port de l'art, ni sous le rapport ln>torique : un autre monument, relatif;» .li-anui-,
est peut être piu^ rejrrettable ; c'est la tij,'ure de la Pueelle peinte sur les vitraux d«»
l'église S»-Paul , à Paris, par Henri Mellin , peintre-verrier de Charles VU. Ce vilrad
a péri lors de la démolition «le l'éi^lise, depuis la Iïév(dution. '^uant à 1 iii>i«ru!tiante
statue de n(mneiiii, que nous avions crue du teuq»-< de Louis XI , elle ne date ipic
de Louis MIL r. />r,.v<, V. 217.
ici Cl KîiaBs n£.s a^iglais rii*wi4v.
iii/jiii*\ Muis, si li.uit r[ue pui^j^e pamiiir IVfRirl intlivitiiiel^
Kninro ne «^uruit payer sa dell€ qui* [k'ir lUic iiiiHH*n?r
cnîledive. Le seul mùnuméol di^uc de miln? Mr«.î»ie n,
f-o serait une s6rîe de nionuinenls qui jiilonnail son her»iîqi«f ;
pMerinnge A tmyf^i^ lo paJne, de namrrmi h ftti^*aJ^< ' "
à Ciiriipî^gTie» du p^»n( de Omipi^gne à la phcr du i>
qui sigmdent, par de dignes marques, loule:*^ lo« <ùitbiis dem
cintre ribeuiin de ki i\roi\ ' !
Tïniditî que le ^^tm^errienienl de (llinrlej; Vil ridinbililMl1
^rande vietime, i! en hïmii une antre. Avee tn rèrisiitio du pr»W^
de la Uurelleavail roneordé le prortSi de Jactjtirs Ciï'ur! Il s^wlik
que Clinrles VII ait \^ïulu que la pnstrrît*'* ne pût ^ahiuier 5*'- •■
earaelf're ni lui hMïir compte d'une équivoque i*t tnnln^
ration envers Jeanne Dure* 11 frappa rhomme qui peiil-èlif, i|ii%<
relie à qui l'on ne saurait eonjj>arer persuime, ainil fmt le plu*
|iour la France, el ^v. chargea de venger les AngLii^ de J:irqî»^
CflPUr!
Au monieiU de la eonquêfe de la Guyenne» enaquéle à k-
quelle il avait eonhabut» jiar de nouvelles aviuicc$*, Jti4.*qua» tlofur
se mainteuîiit en s-eenrité au (allé de eetto proiligieu^" furtunr
dont il avait f*iit ïe plus fenne appui lic lî*. foriune pttlillq
Anobli i\H IVÎO, il ne ees^^sait rie recevoir les itianques les |
liauti'^ de la eonl]rujce royale; en juin 1414, i! avaU été rhuir
aver IVnrlievètiue de Toulouîsc, de pn»etder h VinMnlhlim au
1. M II ii^mii \}va\i , ** écThhîut-nGm en ISiO, i^ aux di«^ d'Oflc^R* m â^ Ummàé
lAitvir ri»itiativ(ï^ ^1 lUiuLiti III' i>i>He^4li^ onvor»^ t >>nr ïvmplin-rmrut ië la
vn*\\ i^itpîîihilii% cjM*itii iii[iiniti)*^r4t hm\ jkiw tM\pw tVnn tel «iJfj»'*, »w (Si
wei* *ïà'l»% MijmwîiH't^ ilnnti htijtuc dénuée do towt mriiiîJim '
Il plfiee im dc*vruit &'<'lLH^i.^r rimu^'*^ de la * FiUe ilc iHcu * n-Ui il fvrli
Dl^UVIiA^KClï T>K t.'i MOiîT. <J'iiiit1o dij^iiiirri fnintr un Htitltmlrr, •' 4 4éiV»*
vrir! -^ NtïU^ ttj*nif.tiiT»4, iI.'vhh iiiiiTe (^diikni do Iflia, f^it*nii# ititt . r^fiii^
•jnîl t ATC^c lin «entiiinrnt fidulis «ition In mnjojité cmhjoiiiiiufttiî iltî Jvnium^ oa mmm a
jHt lifté, (wv ifràvu et mn d^vtiuitnrtil ri'*>ii|yTti^ : • t'Vpt tii wUli»^ <lii lltt>ë« ik V<r«
sallln», fiuvrng.'v d'auv joune fonimC' tnuitii îJ!lu>tro e^^r «ton mn^ qiii^ fur m« !«»•
tii1««nl i*t AII1I iiiiddc tnnu'tcn', rt dtmt Ih FrjiiiLn^ cb^tiMrr a itlniitl l/i ftft prrnuisrrf- *
I,a priiu*i»*»<H Mtirk' a e« , vu tffcl , llîtMiii*nir *li' Uirt hr {nrm'ivr p<i* «huM cfll»
nobk meiu. — l'n ^u'ii^trc llliKiere vient de naun iL>ontrr!r Jcaiiap à HctilM^ tll^
lQÎn> dcîit l«^ i^mireirt- de i-hIKi tn^pîrAtlttit ili' irmiiil crvur vt (W ,)Cfai«l mo» ffOi ^
s fait ex^îliirv l*hiiTl( »* Vîî di» rtrwiiTi* nïti««iiwt' h b l'iirTili*
:!. Oïl en îjïiiore \v intKUnm. V, ï\ Clém*iit . io^'r^aw f<i^<, i U, |». I7l*- Xjmtê
Jae'liu*» C«*ur iravjiit t^i» d"«i'|{viil, il i*in|iît*ianii fùtir jir^t rr axi tuK
l!;;5-145l FORTLNK DK JACQUES COEL'R. 46:>
iiouvemi j»arl(Mn(»nt do Linp:uc(l()0 ; depuis, il avail fifruré, chnfpn»
année, entre les eoininissaiies du roi près les Élals Généraux de
L'inguedoe*, et il avail réi^llenient dans la main Tadministration
de celte «irande ]»rovinre; en lii"), il avait eu connnission de
jiip^er, av(M- Tarelievéque de Reims el le premier président du par-
lement de Toulouse, un différend entre le comte de Foix et les
liahitanls du comté de Conunin^^es; en 1 ii8, c'était sur ses vais-
seaux qu'avait voyajré l'ambassade envoyée à llome et dont il
fais^iit |>arlie. Son opulcMice était proverbiale : le peuple disait :
« ricbe connue Jacques Couir, » et croyait qu'à l'exemple de
Nicolas Flamel et de Raimond Lulle, il avait découvert le secret
de faire de l'or. On peut dire, au moins, que presque tout Tor.
de France lui i)assail i»ar les mains; carie cban^re et le commerce
extérieur étaient i»res(jue (Mitiéremeut dans sa dépendance. On
racontait (pie « ses chevaux et ses haquenécs étoient ferrés d'ar-
;:ent. î» 11 avait acheté plus de (juarante terres et châteaux, bâti
des liôt(»ls dans les ])rincipales villes de France; presque tout le
pa\s de Puisaie ■ canton du GAtinais' lui ap])artenait ; il y poss<''-
dait \ingt-deux paroisses. Il avait fait élire un de ses iils, à vingt-
ciiKi ans, archevétpie de Rourges, et son frère, évéquc de Luçon.
Ses princi|>aux facteurs étaient devenus de ^M*ands personnages,
et la plupart s'en montraient divines. Il justifiait pleinement Sîi
richesse par l'usaf^e qu'il en faisait : ses immenses services poli-
tiques ou économi(jues n'étaient pas les seuls qu'il rendît à son
pays; il ne se contentait pas d(» l'aider à s'atVranchir du jouf»
étrauî'iM' ni d'excilcM- du»/ lui le ^énie du commerce et la pro-
duction des riclM»sses matérielles; il poussait de tout son pouvoir
au réveil des beaux-arts à demi étouffés, dans la France royale,
sous tant de calamités; il rivalisait avec les Médicis sous ce rap-
port couime sous tant d'autres.
' L'architecture religieus(» du moyen Age arrivait, au xv« siècle,
1. Le L:ui;;u((loc suliissuit, ('.niiino le I-an:rue<iuil , la taille fixe, et pavait par an
ini pou plus i\o 2()0,0f)() fr. pDur sa part ; mais ses Kiats ne s'assemblaient pas inoin»
ton-, les ans, et avai(Mit conservr le vote annii«*l do l'inipût appelé •• l'éciuivalent ••
l^arct» qu'il remplaçait eliez eux les aides. Cet imp«*»t panlait le nom de .. don gratuit, ••
en sii,'no de ^mx libre iK'troi , i-t le ;rarda jusqu'à la fin , même après que toute lil>crté
de vo"te eut disp.nu. De llil à Ull, le don tcratuit varia de 120,000 à 170,000 fr.,
outre les accv-s-'oires. V. V. Clément, Ju.nun Coeur^ 1. 1, p. 163-lGG.
vr. 30
iGG fiLEHRES BtS AXOLAfSw WIl
avec ce qu*on a nmmiïê le m^h fttMjri ou 1'
jihasc où Tart fatigué se rarfiiR*. st.* siiï^tili«<% m :. „ ^. ^i •
ïjmtitfe;, ^'rjuiist? rn ccinibiniiisons qui étoiinenl l'Irnagitia(fiin |
qti'ellc'îi ne satîsfonl Icï goÛL U*s thii|»itcaux di^jWiraiïaM'iit d Is
nervures desarcarirs jaillisspnt itTinirdijiti'ïnpïil du fùl ties ]
Lois lignes g<'ii6raîrs de la ronstnirlion, les|rran(ls s%n'S tic5 toàft
et des veîTièiiîs exagèrent l'iHanrement et prrdeul la prajiiiHiQn :
leîî lignes ornementâtes et les liâtes des portes se siirbais
au contraire , s'èviUent, se contournent; l'oriiernentisuif! <
les façades et encadre les \'eri'i6i*es d'une sorte de vAji^l.iiiun
tmtasliquc aux lonnes richement variéets, nmîs *
. tmirmcnt^^es, èlranires'. L*art religieux perd sait ^i|iu
sérénité; on dirait i\i\*\\ veut s'étourdir ù fart^î d'itudun*, Efitm
toutes ces Uèehes gfAhîqms qui [lercent les nues, les plué k
appartiennent à ce sik'le, Olle de Rînisl>fmr|t. qui t
toutes, venait d'être aciievée, en î 'i39, par Jean lliWl/^ d»
i. n , t% <*,
temtift, pur et ttièmo Jt'Siti Iliîkit, piir le« deux d«i ?r»i7 cl |uir Uotiinj^rr* U
iwX^ Lu tijiuftiîpr fît liii iimgutlii|iic& Imii-irClit^A ihc/til du Xiit* «iikii**, h i<4»2S7,
du Jti*. tliJbrb d'un niHm i*t\lv et d'tiii nudfw tà*lv plîm ^ » »*»b*J«*^» «tI f^îf d»*
tutp» Si e^trtmrdi nuire qu«? »oU In flwbc àv Stftttbourjf , il ftitil avtiuftf f^f ^^ f*-
II'» liîtm i« piirielu tii U tîi;\ji'«it« dc5 ^hiétlkii dùi-htE» du CûniMirnc»*tti
imle» WW ni^iJii^ d<ii I» fin dr r«i[HJ*|ii(* ïxmmtiit^ C# l^rtidiffltU* tnivr:
moins la eorpomtion des tnaçnn et taîïl^wr* de pierre dr i 't i ■ ju*né> t^
iî t h%^ ittimt if tt<^r<»âiaaDt p^mr 1 "hla ii* 1 re de l ' a rt : en J iVi » rri- . . | n : - ^ l i . t <^rif«9
de fmiic^tiuiyuTaw d«« pu^r^ du liljlri <*1 du t4^¥X» di' rt^mpin* •aMun^nîta tMMf )•
oit*Ifk'e-s dcî ÎJolaln^er, BUffrénscur di* Jcîiti Hidl* : i»n 144\^( t« maHtf** #* <r(i*T«f At
totiteet1e« la^r^ ou t'utitrérii» tcutonlt]iitj« «te réuiilrctit on AMcmM
bi>ntiv » titéfi^iit tk$ réj;ks |miir la nvxïptkâEi d<.^« upprcutiii, dr^
maîtres, ètablireril do ►* sl^ica iwïûiYirN «^ rnivipir-tî* \v*tmmu\ >
tluti di.'^valf »t Ht recul liitittri* t-ntre *ftiiji, itli dofc^réi'^'ntla iri*nfi*ii
ari?liiM3cU)4 d« lu ivihédmlif d<* Sini»Wurîf î raMwuitioti fiiï iôkuncLkj
par lc« cuipi'i'U'urs^i ci les â^ndlcs d^ taakmrii dtf pk>rfv ik* "^itnxïmtmf '
piir l* tnuuîdpoJW »trôi.ÏJCiurï^i8Pdt' raaiimti
privilégt* *jii'îl8 OTit girdtf jtwqn^è l« r<^utiiuu di' -
même. »! îi*.^ri." de m% ïirtJ, tH le» oiitttrwi de >tix[ i;; [•uVivi ûu tida
cuniro le* nrehitt-cic» de lu lU^uaisBftncû ] en 1 IH4, U- i!ut? d*î StUlnu dcnuun
trÎMiTAl de Strflj*lw*ury un Hhu'lilUii Ui pfuir dîrî|ft'r ht r
do «a c*pîul<f t k* dcniitT jstuîjd nioiiuineîtt o^fivkii
m&llrcs de Stmibouref Uvriirrcut un veiiu LuitAlIlr h U L
rulu \ Ua ns puiTîiit rendn* 4 l'art du mîivvii îi^v h \ i
de Jî'bti , *«ut rf>pU<ndU<iri{ fjn1ï ^uit »utii »oii i*iiTvk?t|'' 'Jv iiixrbry IM^ti, rH M^
loin de nov ctttlii'di ulcf du xiu* kk^dc.
[U31] ÎJ:s arts Al W SIÈCLE. iG7
1*110 arcliiloclurc qui se signalait par dos efforts pareils riait puis-
sîintc encore; mais la décadence avait coniineneé, décadence dont
le inonde n'a pas encore vu le terme; car, en ce qui concerne
l'art religieux, rien n'a remplacé le système ogival.
Pour rarcliiteclm-e civile, il uni était pas de même. Là, ce qui
se manifestait n'était point une décadence, mais un développe-
ment et une transition.
Charles Y en avait doimé le signal; Jacques Cœur imprima au
mouvement une imi)ulsion plus décisive, et le fameux holel que
Targentier de Charles Vil se bàlit à Bourges 'de \\\3 à 1'».")!),
et qui subsiste encore, devint le type de tout un système de con-
struction, combiné d'après les nneurs du tenq»s et les exigences
de notre climat. Ces édilices furent la transition des fort(Tesses
féodales aux palais de la Renaissance : leurs grands combles ar-
doisés, leurs hautes lucarnes encadrées dans des dentelles de
pierre, leurs murs sombres et ornés à la fois, offrent un mélang(î
de solidité et de grâce originale : la force y est (Micore, mais elle
n'y est plus seule : on sent que la guerre intestine, la guerre;
privée n'absorbe plus toutes les pensées, n'est jjIus l'état Iiîd)ituel
de la société, mais un accident dont il faut se garantir au besr)in :
toutes les recherches d(* l'art sont enqdoNées à déguiser l'épais-
seur de ces nmrs et la sévérité d<.' ces formes; et les puissantes
tours octogones aux vives arêtes, aux meurtrières brodées de
sculptures, sendilent n'être plus là (pie pour l'effet pittorescpie,
ainsi que les grands toits coniques, destinés en réalité à faciliter
rêcoulemenl delà pluie et la chute des neiges. L'ogive aiguë,
convenable aux nefs ébnées des monuments publics, in lis non
aux habitations privées, tend à disparaître, remplacée, à l'inté-
rieur, par le cintre ou le plafond, et, dans les biiies d'entrée, par
cette courbe capricieuse qu'on a nommée «l'ogive turque,» à
cause du fré(pient usage qu'en ont fait les Othomans*.
L'iniluence de Jacques Our st» faisait sentir ég'ilement sur les
autres arts, dont le caractère se modillait en rapport avec h' pro-
1. y. l)iiM)mmeninl, In Arts au vioy^n djif. noie K du chn]). II. — tôt inlatijraUe
:irc]itM>ln;;ui' a rrimi, avec ni» /.oie «lu'oii no haurait Iroi) louer, lo.- plus préoionx «loou-
iiionts sur los oriy;iuos et le dévoloppcnicnl îles arts en Franco, matière peu connue
it >i «li;;iie de Ictre, branche spéciale de notre histoire, où tout était ù créer. (Note
<le Iblo.;
grès (le ranliitectun? civile et le Aéd'm rU* l'aft*Uiii»diirr n^
^i^'tise. VWuû I)aîssQ!t, |mr ilf*s caiis<>strA&-g^iîériil<*$; la^ciilpli
qui, ('chappét^ de hi ilurc inimalnlîtt* hi^niUijin^ avult di
des types élevés ilf scnlinicîiil et d*exprf^&$iion , tendait mtiimi'Oiiil
nvpf force, mim sam choix, à exprîimT la ri^lil^ ;i»Ui* ^bcro-
ilïiît du i\\w au portrait. La personnaliU*, par n^ qiiVHi? a ilVïroiJ
plus qin^. par co rpiVllo doit avoir de frand, cnvalibisail m|«
avait étr le doïimine tics imutcs înHpînidttfiK n»|T ï nii*
penses. L'altération <le Fesprit chrétien coinmaiç.ji, .i . ., ..:»Tivir
surtout ûnuH la transformation des tomln-îiiiiE» qui, mpi^tx
humbles et prpsipie perduïi dans l'oujhre aiistî^re dic* e|tUy»]
s'eiigeaient en soniptnciix mausolées où TcirgMeil d*!!S gmii
faroilles semblait défier la mort. Ij^s tombeaux si ricbeiiwi!
décorés des ducs de îkmrgofme IMïiUppe le ITonli et Jean an^
Veui\ h Dijon, celui du duc Jean de lîerri, h Boiît^ïe*, nuinii^l
U* pastsage de.s inodesles sépullnres^ du xm* siècle nnx nL«l«
monuments tumulaires du xvr,
Li personnalité orgueilleuse nppnralt non " rit dM«h !«
annres, mais dans la vie des arlisics, par IVn; . u. de pà>^h*m
iiicoruiues aux époques antérieures» Les rivalités» !cs jaloti>i«
Iro^Mques qui remplisïîcnt rhis^loire des arls en llntip, écUMl
ûussi en France. On connatt la légende d'Aleviiidre d« îlemcnl.
le maître verrier de Rouen , qni, surpai^si^ parîion élève, le |«i»-
gnai^a, fut condamné h mort, exécuté et en^velt d;»niï In oi^im
Tombeau que sa victime, après qu'on leur eut fait, à tous ikm
ensemide, de pôïnjieust^s lunéraillCB'^ A côté de l'cspril d^ir^urUf
Tei^prit de critique lève la tête au sein de Tart. Aux l|pesp/ii6*
\r T.d i>1tin «0iivi«nt une «impto ùsdXe %enl^îU m vrmix oii *ti CikihH rv4ieft i««lt*
fgrujiû* iicrsonriiiKf&t une sitAlur? ffiuL^liAiî »*nr util* Hïïjfv tU pifTW.
V&a^i pst ccttci iriiirro de r^fi^v^c, qiil lui i^ohîa la tic. Cnu^ nt«n^>'^ai«o«v rf^to i^
f^Rtrit-Oiinn faiimlt nlntî, tant A 1» foi)*, dfiux mm nirneiiit^ Anlitl^rttinil, «aecMif-
Uou «ubllmc à In dé^êjirrntioji Ae l'art irligrîmti , tit» ilAoïr «m «l^kNmttidQ , m li^^l^
p^c-mpk dr tu ili'^^^riifraiiiiii iiionilf» ilt'>4 ^rUniiut, C*ftt| A M ipi» iwms ifàgi^t
ri'Hlilkr l*! |Ati» ri'iiinniimbt^s tjn av* «îtVtc. C« finll jf n iririfi^H, «le UniriOMiU.ft,
|rtittr :ûfHi iUtH% i1'iinini|i^i anits La rklii^.4M^aei moUf* a'oitiviiirnt , riv fkii <|n*aj««ilrr
à r'iïr»pn^*inîùîi *lc^ irulin-^*' ît.-Uj^'^ïoiuc que tlonne* la jtfîijnj* flftntii»» 4«» iriffti.»* h k
r<Mi 4ft InrgTijr Je In nef. ^- DA(i»i uti onlt^ înf<S^rirwr â S.im4-4)tirfi , mm* dicTvo«, «K
uiitiiii' tr'iittiM^ tmitiuit^ t^-po d'élé^&ncM? H d'hanoûnlc, le /idrM#f on portique àt :
[1*511 LES AliTS AL" \V« SIÈCLE. 4G9
raux des vices, représentés p«ir les dénions et par les nionslrueuses
gargouilles', tendent à se sul)stiluer des personnilicatinns des
diverses conditions liinnaines : les « tailleurs » de ]»ierre et do
bois s'en prennent do préférence aux gens d'Église : on \oit
poindre ces innondjrables caricatures de moines, glissées par la
malice des artistes jusque sur les chaires et les stalles des abbés et
des chanoines. Les artistes dessinent et sculptent ce ((ue jacon-
taient depuis longtemps les fabliaux, ce cpie déclament en ( bainî
les prédicateurs eux-mêmes. Le moine, longlemi^s le héros de
Fart du moyen dge, iînira par en être le grolescpie ^.
Les emportements de passion ou de satjre font toutefois encore
exception. Le caractère dominant de l'art, s'il n'est |)lus idéal,
reste cahne et grave. A côté des écoles de sculpture, dont la plus
llorissante paraît être celle de Dijon', la peinture se dév(doppo
sous l'influence de la double école de Bruges et de Cologne, (pii,
au fond, n'en fait qu'une par le stjle. Les Teutons du nord de la
Gaule, auxquels la Gaule centrale, la France de la Seine, a en-
voyé l'architecture ogi\ale, lui renvoient la spicndide peinture à
l'huile *, qui détrônera notre nationale peinture sur verre. Les
Gallo-Teutons rendront tout à l'heure la compensation i)lus com-
plète en nous envoyant l'imprimerie! Jaccjues Cœur et plusieurs
autres membres du conseil favorisent les discijdes de l'illustre
Van-Eyck', (lui, de la cour de lîouigogne où brille leur maître,
1. Un des plus frappants c-st ceUe (^ar^j^ouille de ré)j;Usc do l*oissi, qui représente
la luxure : un bouc, auquel un serpent roii^e le cœur.
2. Cette jçucrro est ainsi en action à rintérieur même des éjjlises, bien avant la
liétbrme et liabelais. Toutefois, elle n'a sa grande explosion t^u'un dcnii-.siécle apiè.s
IV'poquc où nous sommes parvenus, sous Louis XII.
H. II y avait, dans cette école, des Flamands, des Français, un Araj^onais, .lean
•le la Iluerta, auteur du tombeau de Jean sans Peur. Le tombeau de riiil«p]»e lo
Hardi et le fameux l'uiis Je MoUe, avec ses six statues, ont été exécutés par Clauàs
Sluter, Clauss de Vausonne et Jacques de la lîarre.
4. Jean Van-Eyck n'a pas inventé la peinture à Thuile, connue dès le xii« siècle;
mais, avant lui, il fallait plusieurs jours aux couleurs broyées avec do l'huile pour
sécher. Il inventa rUuile grasse, cest-à-ilire qu'il lit cuire l'huile avec des ingrédients
. qui lui donnèrent, à nn bien plus haut <legré, les qualités siccatives. Pour l'usage,
ce fut toute une révolution. Voir un article de M. IVrncard dans la Hibliolh^qut de
l'École dvi Charhn^ t. I, 2* >érie, p. 510. Dans la sculpture, lécolc tcutoniquc; reste
toujours inférieure à la Franco proprement dite. Kilo tourne vite «l'une naïveté un
l>ou lourde à un maniérisme biziirre et gauche. Dans la cathédrale de Sira--bourg, la
i^tatuaire est assez généralement mauvaise sauf quelques exceptions.
5. Ce chef de T école teuton iquc^ il est intéressant de robservcr, est un hommo
îftftnES DES ANT.LAI:^,
se W'paiident (Jons la France royale*. Vïin-Eyrk, )J(*tiilin|f €l tw^^
les inaîiros flaîiiaïKl» irt rlW'iinns de cel âge, i!i*ils roncmin'ii! (»*
la iiiagiiîflcenee *Ie leur coloris au faste de la mur dti duc Mit*
lilHH% tùm oxpiiineiit auiunomeid, H faul le dire, les babJhiih^
i1tâiâulueï4; lieu de plu^^ vh*i , lïiais rîvii île |iluâ ^jHcUI qtit Nr
peiîiUirt'. celte couscieucicuso utiiUifiou ik la >*ir. On iMienllî
vnm de a*îi faiif^ueux di*borJcUH*ulgclclacliaJrijiilècliiliîrof»l|Jih
taa'tl avec Rubeus*
Ui i)cintiirL- à rijuilc mt Busclla {loîtit fkiis U Fmace nijalf «
durîHit co sièrlo, de niaiti'ps à coiiiparor à rt*s p^iids m>ui5 ;
lie nous a faisî^é qut^ bien pou de vpstiges; ninîsUi iii*jUc|nii
sur vt^lin reçut un nouvel t^'lan de celte puis^sank* conninrDw, d
un hoinine supérieiu*, Jean Fmïci]uet de Tour?, s^'insianui! «In
Flaïuaud;^ el les dt^iMfvs^ant quant «\ ré!*^jîance el A i Vlt^vntkm
t^t3k\ njuroinia , par de vrais diefsMranivre , cel arl de la
ture, qui avait eu de si longues et si hrillaiïtes de^tln^rn
France, et qui ne devait pas tarder à disparaître'.
Panui les arts secondîiires, la i»ou)|)ture sur bois m doiii
cani*''it> dans le ^l)\vJlnmboyftH(L*{ iiiulHpltait de vniies mcrvril
I/euKÛllerie sur cuivre, qui avaii illustre^ Limoges,, êtailtii
pour se relever, au wi* siMc, sruis d autres forinea, l.'-r*'- -Tiv^
Tannurerie, la serrureiic resplcndissaienl , el riiis. irj
ridies^es mobilières de Jacques Cœur aUeste les i!iic0untgejurtiili
qu'il avait donnés à ton5 tes arts de luxe*
Aiuï^i le tils de l'olm ur luarchand de Bourges esei^sil «ir U
civIIistUlou do fon pays toute raetjoii qui o |m être donmV aux
plus f:,i shkIs princes, Enivré par une éleiatifFU satiîi ciefiipl^, il
avait adopfr pour devise ce Jicr jeu de mot^, qui se lit panocd
du pu^b il^ Lb^gi.* n de lunguo frati^sLiAr. U »^iciii«a Jr.tn 1)4; Kjrk , et oa r*|fé«
iaît *y JHiun I11 Wnatm »> iwiiuin GaUitu*J. V. un Ihsim pD««airo lïe M. Jilidb»l«%, lT .
t** 3ft^. KiUre In-FnitK't!, qui , ^auf <1 Mil tan te» tfXfx>ptioQ«, o'«»i qti4* mMîicnafai
colori»tr, cl l*A][(fniiigii« d'oi)tiv-Khli] , qui ne Ve*i jwu Ji» ïoui, U'at tient «rfu
1. Utturlt*'» V^II vic<^nipt£t k*) i^c-itariM» di? toute* taillo*. nuliàitl^, yaKLi il Kiwia-
2, V. \oê tpnin lïiw». il<» l"îii*-Lîvp ^t du *to!ifpliet A la > Ââ
Il , m.
[noll COMPLOT CONTr.E JzVCOUES CCEUU. 471
rrii'ore sur les nmrs de Thnlcl de lîoui'ges : « A vaillants ciicrs
cœurs; riens impossible '. » II se eroyail inébranlnMe, parce (pril
se sentait toujours plus utile, toujours plus (li|ïne (Fune grandeur
qui ne cessait de croître. 11 ne jouit pas assez modestejnenl de sa
prospérité; ce fut là son crime. 11 ne craignait personne, lui qui
fuisiiit du bien à tous, et ne pensait pas que personne piU vouloir
tarir la source où cbacun puisiiit : presque tous les grands et les
ofliciers de Tliùtel du roi étaient ses obligés ; il avait prêté de
fortes sonn nés sans intérêts à beaucoup dVntreeux; il ne com-
prenait pas que les grands ne lui pardonneraient point ses bien-
faits. La colossale fortune de ce bourgeois était pour leur orgueil
quelque chose de monstrueux : ils ne pouvaient supporter de se
voir écrasc'S par le faste et humiliés par les dons d'un mercier
anobli : les plus ignorants et les moins corronquis d'entre eux,
incapables de conqn-endre les sources réelles de sa richesse, en
lirétendaient l'origine criminelle; ceux-là le croyaient, les autres
feignaient de le croire : une coalition redoutable se forma contre
l'objet de Tenviiî universelle : les débiteui's comptaient acquitter
leurs dettes en perdant leur créancier; les « vautours de cour'»
se partageaient en espoir sa magnifique dépouille; les connner-
çants italiens, irrités de se voir disputer par un Français les
marchés de rOrienI, n'épargnaient ni l'or ni les intrigues pour
abattre leur rival; les négociants français eux-mêmes, qui seuls
avaient (piebpies griefs légitimes, se plaignaient des privik''ges
sous lesquels Jac(jues Cœur étoulTait leur concurrence''. Si le
coTiseil fût resté uni, ces hostilités eussent été sans doute inqnn's-
santes; n^ais des influences nouvelles et malfaisantes s'étaient
glissées dans le conseil. Un ancien chef d'écorcheurs, qui avait
njontré pîU'fois les sentiments d'un chevalier h travers sa carrière
de brigandage, mais qui ne laissa jdus voir à la cour que les
sentiments d'un brigand, Antoine de Chabannes, devenu comte de
Damrnartin, é(lii)sait près de (Charles Vil le crédit des Uichemonf,
des Dunois, des Ihvzé. Une vile créatm-e qui n'avait d'autres mo-
biles cpie la cupidité et la vanité, la dame de Villequier, avait
1. ("éuiit la tl(ni>o dos siros de Saint- Far'jeau , dont il avait acheté la torro.
2. La rh:iuina^-iÎTO, Ih^t. lUt licrri.
3. Ils sr niai louaient •• de ne pouvoir rien gagner à cause d'ieelui Jac<iuet. »
gueuues des amiï..vi5. n*
i^mplaeè lUm riniiniiti: du roi cf lie ttiiuahlc el tiildli|tfiLk* -VîikH
tjui sciïilile avoii' i ri^ le lien entre h-s j^lorkuKcâ iiiius Aprt^ pr-
soritHilités *|Tn s'itaienl si hicn acrordérs pour Sd^^ir Ttlal, eu
qui se divisèrent sur la tombe rie h flune dti Iteaiili*, û*sclr
plus fortes tiMesi ilu cunseil, Jacque^î Canjr el lt*îin Utirvau.»
brouîllcrctit. I>os appuis iioturds de Jacques, les cciiijfizigntiii& «k
gcs patrioiique^tnivîuix, venanf h lui manquer, il ■ ' rîiL (x
complut contre lui alla si- reiiforciiut, mn^ Ui dii» i > . ^outk
de Darumartin, du rluutdiellan Guillauiuc Gaufller eldu nornilla
Olto Cii&iteHani, Ircs^oiier de Toulonse, intrigant i|iii %îs;i > ~
d'argentier du roi. Parmi les cnneujij^ de Jacques se nu M
nom sjuislrc de La Trémuillc : cï'tait le fil» du Irop tûmmi
Tieorges, mort en I'i4tî, Le jeune La Ti^moille, |Uir liCMfii
§ent, avait vendu de grandes terreis h Jarque:^ Câ*ui% el le L
romme si Jaequrs Icîï lui avail dènibêes,
L'inlrî^nie ne s'ctail \ms altîuiuée sur-Ie-ehaiiip âiar^furs llcru^
iïii s'élajl essayé tordre un moindri? pt*rsuuriaj:c, Jeaii d*^ ^
eoins^ receveur gcui^ral des linanres, ([u on acnj^i de jh^i
ÛB rakiiîcîitîon de l'egistres, Xainroins fui t*uudaifiit€ à
amende de f>{V,()On tVns d'or, avec eanïis(aliûn d^ toui^ ie^lifc
doni les courlisaus se îli'ent duimrr une bonne |mrt. tielki
luière vietoiro les enhardit; Charles VU aiail éUi itMiîutt?» Ns
jissailli d'insinuations perlides ^nr la mort d'A^uês Sorel, mr les
pr<Jtendues eoneuHsiuns de Jacqn(*s ikrur, et î>iir l**s reLitioâi
serrâtes que tclui-cî aurait entreteunes aice k» cliiu]iliin. coiilnii*
rement aux int^*rèti? du rai ; on lit entpndre h Htmrles qiu» Jacque»
avait donne la mort à Apîn'^ïî, à rinsll^atian du rifiHfî * «*
la condainuatlon de Xainroins, une drnon^talion foin. ui-
Itoisunnement fut adressre au vtA i>ar la dûitie de )lortiigiii\
Jeanne de Vendôme, dtmt Ir mari riait un des f î' ' de Jacques
Cœtïr; le testîimeut d*Ayn('i< Soitd fait ronnaiîi . - ^re de vi^-
semhknce de cette aceusîilioti; Agnès, jiiouninl de» fuileii d'tiiïo
coucbe malheureuse, après avoir mis au niondi? un enfant iiuî
lui survécut quelques mois, avait iustUue Janpies T^vur un de ?^
e.VtVuteur« ie&tamenlïiîretfi^ connue dernier t/'MU*itînaite «ri^^iinu:
et c^ami(i^*^
Tuule uni» vie de ^lr>neux M.TVice$ ne fit |Hjfnt haliuirci
L1451] rnOCKS DE JACQUES CCELR. 473
moment Charles VII : Jacques Cœur fut arrùtù à Taillcbourg le 31
juillet 1451. Ce premier coup fut suivi d'une série de njcsures
inouïes : les biens de Jacques Cœur furc^nl non-seulement séques-
trés, mais « mis sous la main du roi i* avant tout ju^^ement;
100,000 cens d'or furent i)ris pour la f»uerre de Guyenne, et uniî
grande partie des terres et maisons de Ja((]ues Cœur furent dis-
tribuées préalablement à Dannnartin, à Goullier, à la maîtresse
du roi et autres, tandis que ces mêmes Dannnartin et Goutïier
étaient placés à la ttied*une commission extraordinaire, chargée
d'instruire le procès de Taccusé, condanmé d'avance. On voit a\ec
douleur figurer, à cùlé de pareils noms, le nom illustre de Jean
Bureau, qui ne paraît pas être resté connnissaire jusqu'au bout,
et qui, du moins, ne souilla pas ses mains des dépouilles de la
viclhne '. Jacques Cœur démontra aisément Tabsurdilé de l'impu-
tation d'empoisonnement : la déposition du médecin du roi, un
des exécuteui*s testamentaires, prouva (pie la mort d'Agnes a\ait
été naturelle, et Jeanne de Vendôme lut obligée (hî faire amende
honorable à Jacques Cœur; le roi lui remit la i)(Mne de mort
qu'elle avait encourue pour faux témoi^nag(\ Les prétendus
complots a\ec le dauphin dispjuurent éghleinentau i)remier exa-
men : les ennemis de Jacques Cœur s'y étaient attendus; mais peu
leur importait; la victime était en prison; ses biens envaliis;
c'était le principal ; on connaissait assez le roi pour ne pas douter
que, le premier i)as fait, il ne laissât tout faire. On suscita de
nouveaux chefs d'accusation plus habileujent combinés, plus
diflicilesà éclaircir, et, en même tenq)s, plus propres à soulever
les jn'éjugés populaires et à égarer Tophiion. L'on accusa Jaccpies
d'avoir ai)pauvri le royaume en exportant du cuivre et de l'argent
chez les infidèles; — s'il exportait du cui\re, c'était en échange
de For de l'Éi^yple, éclKm;j:e dont tout i'a\antage était i»our la
France; et, quant à l'argent, il était iuipossible de connnenrr
1. Un autre dos lioimiios lo* plus lU'ilfs et les plus utiles du euuscil, Etienne ( .'lie-
valicr, exécuteur teslunif maire dWirno.s Sorel avec .laeiiues Cœur, fit aus.si partie
Je la eoniniission , et prolita de la eliute de Jaeques di'ur plus qu'il ne serait dési-
rable pour sa niéuiuire. Il lut lait, eu llôl, eontrùleur de la recette ^«^nérale des
finances : il a\a't déjà la signature i u matière de finances eunnne secivtaire du roi
id'Ktat) , et succéda û rintluciice administrative de Jac'iuea avec une autorité plus
directe.
nsvc l'Oneut ^m a]\\mni iuôta!lîi|uc' ; — d'n%oir o\U*tc lo
Uiiies à stiii proliU — iYlait lui qui avaH ri*tabll ronlriMli
iivslèimî moiiêliiire, et la (iiuto daiiî; Uwiudl*> il mnti
iiii|ilir|Uè lui tivaîl t*ti> panîoun/M: par Irllrrs il aLt-.i.:.... , -
tl\iMHr tutiiiiLÎM des i*xattioïis im lai\^neûm*i — il avait ciiiidu
fi- \Kiys par sou coiuuicf co, et Von quaVilmt é'cxnHum^ Icf jw»-
iieni.s que lui tivamut faits les^ lîlals de Lni. ' '
(* [mur ses bons mvxkt^^; » — d*avoir ev;
iulldiMes, contrairemcut atLK détrels des eûudk*$ i*t ouïs mn
hh du royaiinio; — ces nnucs 6laieid de» irrm*ii(^
Soudan d1ïgyji4c avec la permissicm du niî cl du j. .,
déilara m: pas st souvenir d'avoir ocirayê cello jMimiisFiofi ! -
d'avoir euiiii rendu uux URisulinans uu e?<!lave diréliei],
î^ liait réfugié k bord d\ui de ses navire*»; — U pmn-—
ne [>oint dV'lonnier d'ej^tlave^ était la tonditîoii e\|^res$e ^
tiuiis avec le Levant, et Jacques Cœur, en n.'rup«ii]t criie ttmuh
tion, e\M \mi\u tout le û6|4ore dXIrient et €X|H»^ les mfopiu»
eiHo|iri'ns aux derniers dangers. Le gnmd-miiltn* ik
lui-rnrioe lui avait iVrit à ce sujcit.
Ce fui suj' ('cis ba^e!^ et ^ur quelques huIix-'-* acciisaiioa- . f ^ a n^
sion, impossibles a discuter aujotnd'liul , qiHi le t Si <"»!»► 11-^
tioufller entama les inibnuations ; une nu6e de tetuoim a . if ^
geu^ pour la pJu[>art « iierdus el inlVuiies, metirtrii'î
paiilanlii ^» » ou ennemis déelarén de rarnisc, avmeni i h j ,x.y. i^---
d*^ nais eole.s; on ne voulut iMiiut appeler les iMioitis 4 liéefattfi'
qu indiquait Taccusé; on lui dénia W moicns de inaBcmWcrhs
pnVes et aetes nece»8airrî!i a sa jnslit'ieatjou; on ref»»^ * «1^
roTjdfiits II ceux de ses lartrurs i|ui uv;ùenl pri^ là f ^
L Ici f toiitmfDiM, l'acciiiiaiJûu m fmaixit «ur im fAït tuMi^oalf 1* àéJKmar
B. Nèaei, ù\t. ?. Clènieritt /^r^u^ Cvitr, t. Il, |^. ^35. i. Ltt fjàh Ir filof rm^M
naïAr. ¥>"â Huit ant^niv^ wm\i d'avoir fait ftilre, U. Mwaïu-JUrr, 1 l'-% timt^
t> fuit e$t fort ytiNjU'Ci, t^uaut à Ha pre?*3»c en v\\*ymhi»\ HViv iimi» ïisxtyr^ f^p •«.''»-
lît" ju*tiflvri| Jurcjiiirit. runw ii>ii avttll pa« i** iiii«ii*'^ I
Uhu Hti ift*ï , fit tîct iàU«*, eu vers Ici vii|fiiL(>ndii i^n n^pn
Il il ûa la luouuTch^e*
L14c2-H3â: Pr.OCÈS DE JACQUES CC«LR, 47"»
d'ùlre iinpliqués dans son procès, et (lul lussent revenus aider k
sa défense; eniin, on ne lui accorda point d'avocat. L'Kglisi'
essiiya d'intervenir. Jaccpies Cœur, (pioique marié, avait pris les
degrés inférieurs de la cléricature; il réclama le « bénéfice ih
clergie, >' etrévéque de Poitiers et rarclic\équc de Tours, dans
les diocèses desquels il fut traîné de prison en prison, réclamèrent
les droits de la juridiction ecclésiaslique : on n'en tint compte;
il faut dire que les tribunaux laïques ne reconnaissaient jdus ces
exemptions pour les gens mariés ou (pii exerçaient des fonctions
civiles. Le pape Nicolas V, qui avait Jactjues en grande considé-
ration depuis l'ambassade de 1 448, éciivit au roi une lettre pres-
sante en faveur de l'accusé; la pi'océdure n'en fut pas poursuivie
avec moins de passion : Jacques Ca»ur n'obtint que six semaines
pour a justifier de» ses faits, » avec le secours de deux de s<*s
factiHirs seulement, clioisis à dessein par les commissaires connue
les moins experts en matière de finances et les moins capables d(î
lui porter aide.
Le 13 janxier 1153, une nouvelle connnission fut instituée par
le roi : Caslellani renq)laça Gouffier; la marche du [)rocès redou-
bla de violence : on menaça le prisonnier de la torture i)Our le
forcer à rétracter son appel par-devant TÉglise; il ne céda que
sur le chevalet. Au commencement de mai , le roi, arrivé au châ-
teau de Lusignan, y fit îipporter toutes les pièces du procès pour
qu'elles fussent exann'nées en sa présence : révé(jue de Poitiers
réiléj'a sa réclamation, l'n nouveau malheur venait de frapi)er le
captif: la fenune de Jaccpies (lœur, Macée de Léodepart, n'avait
pu survivre aux revers de son mari et à la ruine de sa maison.
Cet événement donnait plus de poids aux plaintes du i)rélat,
Jacipies, dexenu veuf, se trouvant clerc so/u [cirrus sohis , Les
connnissaires du roi passèrent outre. Le roi, bien ipril eiU dit
que, si Jacques était innocent de la mort d'Agnès, il lui par-
donnerait tout le reste, le roi rendit la sentence, en son grand
conseil*, aucpiel avaient été appelés quelques mem])res des par-
lements de Paris et de Toulouse. L'arrêt fut prononcé, le
2y mai l'ir)3, par le chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins;
1. .. Km lit do justiLC ■•, ilit 'riionius Hasiii , 1. 1 , p. 315. Cet éi.Ti\aiii , :»! sévère aux
giMis ».lv (.wur, >ouiiciit i'iiergi«iueiiu'iil rinnorciicc de JatMiucs Ca-ur.
ni nUEItllElfl DES AYGL \t<
Jan|m*s ('a*ur y l'Uiit déclaré K^onvainiii ûf «
tiition de inéiaux préck-ux el «rîjniit's diex kr -
lie lèse-iîiajesté el autres mines : le roi, pour « mictiixs • îMînîm
il lui reuilus (mr ledit Jacques Cœui% et par t'^garxl pour lu irr^iLh
inundatioti de u uolre saint [ÙTt le IMI|)<% » dnignail rcUîrlLn»
-( audit Jac(|ueîJ » la peme de luort, niaii le déi*lanii! iiiltabîk ilmi<
uriiccH publicî», le eoudatriniiit à lÛU^OÛt) ttrus de rrslifiitioo i4
:îOO,000 éeuH d'ariK^nde ', coufisquait tous ses lileos* H le Immû
sîiU du rojauiiie à perpéluilé. Ce qui met lesûtniu à aHIcie
dluiquilé, c*cst rartîcle relatif à rempoisonnemenl d'Apiis; il j
est dit qu'à cet égard, le procès « rn\st [wis gti éi/it iFiMi
pour le présent, > et que * le roi u'en fait aucun jugeuinïi ,
cause. * Or, en ce nioiuenl uit^nie» l'îiccusalriee de Jacf[uc^ Our
était condamnée pour raiLXlcinoigriàge. On n>idail îic nS^r
lenir Jacques eu prison perpétuelle, en uc vidant pas ce du! i
cuÊ^atiun,
Iaî 4 juin, le eliaueelier et les cûinniisiiScures idlfrent sîi^ '
Jacques Cœur sou arrél : riioiurne à qui la Fnmn! di^
^ratïde partie, raiTranchi^senient de mn terriloire fin fi
faire atueude honoralile, à genmpt, une tonlie k la itiftoi^a
présence du peuple de Poitiers, stnpi^faii d'un tel ^^^ ' ' *
pillage de ses ljien& fut ensuite ré^itilarise, cl le^
cour, » coninie dît rénerglque Ttiouias Bââiii» iiiiiitvèa*nt 4c
se partager la proie. Par nt»e sorte de pudeur, Oattiiuarlin «*! ««
coinpliees, qui avaient pris leur [i;ul d avance, se h firent »iJh>*
;fer [mv une vente suuuléc au lïrofit de TÉtal; d'iiutn» (wrciit
^qatittcs rie raliolitiou de leurs dettes. Jacqui^ Cunir fut jfkitt
fond d'un donjon.
11 n'y resta pas jusqu'au liout. Tout le monde uc ramil pi
trahi dant) son nmUieur; il avait su s'entour\ïr dli0iiin]t!s pn*lK^,
inlcUi^^uîUs et L'oura|;,^eux ; il eu rrrncillit le bcnéfîi \it>tUm
ses facteurs et les con;niis întérexsi'S dans mu oc:: ittiiiMi-
rèrenl Ûdi^ies, et mirent à couvert, aulimt qu'ils purmt. W
K lltivifan 3 mllButi^ H d^mî de mitv moniuii*; ta tmlnr filiKft, fntl'éù^
3i âaîvttiit Jiu'quci Dïiclrri'*)] Ji*M hlvm minihle^ ei tminimliM 909 |Mi
Çtmt t*n Fra^M*i^ ^tAJ«mt (wuluik à ufi ii^illION a ti-Li«. A'ur. i^L^i vftmlr^it'E.i >«.4tMrâ'
[1454] COM»\M.\AT[ON. ÉVASION. 477
(Icbrîs (le sa fortune : Jean de Villn^^e, son neveu par allinnce,
qui dirip>nit son comptoir de Marseille, refusa de venir h Monl-
pellîer rendre compte des deniers de Jactjues aux gens du roi :
le roi René, comte de Provence, et la ville de Marseille refust'rent
de livrer Jean de Village. Dix-huit mois environ s'étaient écoulés
depuis la condamnalion de Jacques; il s'échappa, déguisé, du
cliAteau où on le prardail prisonnier*, et ti\(*ha de gagner la Pro-
vence. Reconnu à Beaucaire, au moment de franchir la frontière,
îl S4^ réfugia chez les cordeliers de cette ville. Le sénéchal diî
Beaucaire n'osa violer le droit d'asile ; mais il mit des gard(*s au
couvent pour surveiller Jacques. Celui-ci crut avoir lieu de craindn»
pire. Vu jour (c'était durant l'hiver de 1454 à. 1155), un cord(»-
lier de Beaucaire apporta î\ Jean de Village, à Marseille, une lettre
de Jacques Cœur : Jacques priait son neveu que, « pour Dicni, il
oui pitié de lui et trouvât moyen de lui aider, et de le jeter hors
de là où il étoit et de lui saui'cr la vie, »
J(»an de Village accourut à Tarascon, sur la rive provençale
du Rhnne, et dépécha un cordelier de Tarascon aux cordeliers de
Beaucaire. Ces moines montrèrent un zèle fort louable dans toutes
raiïaij'e. Jean de Village mandait à son bon maître et parent qu'il
était là pour *< entendre ce qu'il lui plairoit à lui commander. »
Jacques lui écrivit, en mie tablette : — «Je vous prie, comme à
mon lîls, que, pour Dieu, m'en jeti(»z hors; car fort doute (j(î
redout(î qu'on me fasse juourir en ladite franchise (dans le lieu
d'as\l«\ sans le su du roi. » Et il ajr)utait : « autres moult piteuses
paroles, w — « Faites bonne chère, » répondit Jean; « je vous en
mettrai hors. »
Il retourna à Marseille, s'adjoignit deux autres facteurs ou
capitaines de Fiavires, avec une viFigtainc d'honunes d'équipage,
et les ramena à Tarascon. Vers minuit, ils passèrent le Rhône en
l»arque, entrèrent dans Beaucaire par une brèche du rempart,
allèrent droit aux Cordeliers, sabrèrent les gardes et enlevèrent
Jacques. La Provence n'était plus une retraite assez sùrc. Jac-
ques et son libérateur ne firent que la travei-ser pour gagner
Nice. Uu vaisseau , jiréparé par Jean de Village, les y attendait
1. Le lieu de sa détention n'est pas connu.
rf Jeu cnïiiluîsit a Pis(\ d'où ils g^'ignneiil Riiriw^ ijjliivW I4!t;i
NJcolîi» V aecueiïlit le iimsîicrU coïiinie t^'îi i-i\i M ^iiron^(
îjuiiîslre et l*aiTibas.sîi()eiir An l'oi di? Franrr, ri le Ir»ffi«a ikfL^s
propre |>ahiîs : le ponlîfe romain «aisU Vîwrmon dr * - -ri
vu môme trmps son cslinic sincôiT pour Jacfnir^ i
mtVon lentement de rnileinte portte à la jnrtilirllofi cfrU*$4niH(
(!?iîi\le îîl, fpii Mireéda ^iircrsi rnUefaile^ h Mrnbi« V^ tiViff
moin.s do ronsîdt''ralioii pour rilliisîre réfugié, vi lui ofril]
cominandemetil d'une escadre qii*il aniiail ronlro k»» Tur^*,
venaient d'acliever la ruine de lempiiT grée. Irirriues «^laif pi
h tout, a la fîuerre comme à la paix, rt surtout h l
mer. Il s*embarcjua; maii* les chagrins et les fri(î^fle>
lia puissante organisatinn; il tomba malade rlfiraiit l>\p«*«liti(
el mnnrut dans l'tle de Chio (novembre 1156). FI
moment où les mmg^e*^ aniass{"S sur sa gloire par IVn^ i ix-
çaient à se dh^iper, au rîïoinent où la justiee du ciel ctfmtineiKd
à frapper ses perseeutfnirs : en 1457, Ollo iIiLctelbni ' ù
jugement et eomlaimié, non pour ses v^rilnblcs îu\\.,d . i_iif
[lour un prétendu crime àù magie; Guilbaimî Gooflirr fut «§►
I rainé dans la perle de ùtsteHanî, Les lionn^te^ çeiis qui u'*H.ilrnl
]ms ^n défendre Jacques Cmm\ rca^^irenl en Tavem-de »i mtiiH)ire;
(jnelrpie's re;^reti* semblèrent î> éveiller dans FAtiie du roî, 4 II
rL'eeplion d'une lellre où Jacques (îcetir moiiriml lui rtM.tifiiiiiÉlh
riait SCS enfants^ Cliarlcs VU octroya an Rdcle cl > ' Ji
de Village le pardon de tout ce qu*il avait friiJ [m , ^i
rendît aux enfanta de ce gnmd bouune la |iorlloti iliâï Iweiii Jf
leur père qtn était l'esféc à la eouronrie ' ftHrier-riortl I î'iT ', L*
nement de Lonh XI devait amener, comme noti^ le vemicuf,
1. p. Clément, iàc^uei ittur, L ît î PUctn, ti" U et 1^, |i. M7 -"<*'* ' — ^-nx \
)tiixi|u(^11cN non» «vofts ^mpntut^.^ totit [c nVit qui |tri«<HYi{(»« «ii
rin-oii(r*tiàbltî matf nous iroM^im nmxn m^rvk, atik; tu mi^mt cru/
'IrftJiinlifiiï^ ]mhMv par M. CltHrirnt \ihnl, p. 1»^J. Cm fti*râ I .
2. NkMtbM V, un dc% pLtu m ranU 1iuujma« dt l']taUc«IUt k fonibuiir tl» to irlékv
^. jAivjur^ Cœur f pûnîiiriitii im mourant no t^i i»t m »« tWblmr^.rt ima ïkm
i\if \ïarâmmfT UMi ve iirtmi avoit IkU «M^rli^finuiiil cnnirt loi. • Tli. Bkulii , t. f*»»
1». 31(3.
[1«C-U57- MORT DE JACQLES CCffiLR, i79
plus éclatanlc ivj)arali()n. La poslôritr a rendu k la viclinio la
place qui lui apparliont dans notre tradition. Le siùclc oîi nous
sommes, si dominé, trop doniini», faut-il le dire, parées puis-
sances économiques (pie Jacques Cœur avait, le premier, mises
en mouvement chez nos pères, a i)lus de raisons qu'aucun autre
pour honorer ce héros de la hanque et du négoce.
C'était parmi le tumulte d'une grande révolte et de sanglants
combats qu'avait eu lieu la condanmation de Jacques Cœur. Les
affaires publiques n'avaient pas tardé à se ressentir de la chute
du plus sage conseiller de Charles VU : le gouvernement royal
avait dû la rapidité de ses succès aux ménagements qui lui ga-
gnaient les populations; ces ménagemejits cessèrent avec la \ir-
toîre. La conservation de toutes les libertés des Gascons avait été
jurée par le roi : la plus précieuse de ces libertés et le fondement
de toutes les autres était de ne pouvoir être taxés sans le consen-
tement des États Provinciaux ; les « gouverneurs des finances du
roi » voulurent obtenir le consentement des Trois États pour éta-
blir en Guyenne « la taille des gens d'armes » et les aides t»l
subsides; les États répondirent qu'ils n'avaient que faire de? gens
d'armes, et que les bonnes villes se garderaient bien elles-mêmes.
La taille fixe, les garnisons permanentes, si faibles qu'elles fus-
sent, et, par-dessus tout, l'aide du quart du vin (l'imiiôt du quart
de la valeur) send)laient le comble de la tyrannie à ce pays de
libre commerce et de gouvernement nmnici])al, extrêmement
ménagé dei)uis longtemps par les Anglais. Les officiers royaux
passèrent outre, et la perception des nou\eaux impôts fut com-
mencée arbitrairement en divers lieux. Les gens des trois pays
capitules (bordelais, Agenois et Bazadois) envoyèrent des dé-
putés vers Charles Vil, à Bourges, afin de réclamer l'exécution
des promesses royales. Les députés n'eurent aucune « bonne
réponse ' . »
L'irritation devint extrême : la conduite du roi était d'autajit
plus impolitique, que bordeaux soutirait beaucoup de l'interrup-
tion de son commerce de vins avec l'Angleterre. Un complot
se trama pour le rappel des Anglais : deux grands barons de
1. Th. Basil! , t. Vf, i>. 2âM-i<îO. Cet liiàtoricii est le seul qui iiOus apprenne les
motifs de la lObellioii des (jasconi.
fjit^cvgm, le siro de I/Ksiparj'*^ et Pierro do Miinifi'jrnfîJ,
jïorlaîl lé titre iM/^-^rre do sotildirli de fK^tnide, fe itiimjl
r:orn}spotidnnce ovoc le rorntf *le Rlinf'nïilmn Je iii*u\ TîiIUa
rarclicv^que et los? priiRJiiaii\ liouigeois di^ Ikirdnatix, Vrki^
d'Oloron t*l pluisit^tiri autres i^hiiûiIs âeigneun; cntrt'^iviît Ama 1
conspiration. LegDu\rrneineri( de llriiri Vlélatteiicrmomaili
pru rafTernii, à lii siiHe d'une tenlalive prcHn-iluree itii dm «l'Yofi '
pour le renverser : le duc, netanl [^an siirtisimniejit ^outt^nu^
la lialion, avait été ohlij^ré de s'aeeninnioiier avec le roi et A? lut
jurer fidélité. l*a reioe Mneguerite et son afddé Somer#i*l i---«
renl de se réhabiliter aux jeux des Anghiis par la tt*i:t>uvraiï' - '
3a Guyenne, et cliargôrenl Talhot de diriger ]>A|M*dilinn b
i!H>yens dVtetîon n'elaient poinl en ra[HHt!l avec llrnporlADm
rcntrepn*5t'; on ne put donner à Tallrot {[w ipjiilre nu non
cond)atlauliî; le vieux guerrier »Vini)arïiua néanmoînâ «^>y
fiance? et deseendit dans le Meduc, le 20 nclobre HW, Il n'^
trouva point de résistante : les gens du roi nViatenl f«is
leurs gm-deîî; a l'arntetî du roi, a disent les dtnfniM|U(**, « ♦VU
retirée, et il n*étoil demeuré que peu de gens es gamiNinf
furtereBses.
« Li venue de Talbol étant sue par ceux de Bourrleoiii,
conrrneneérent à pailenienler les uits avec les antres de lu numt
de R* reiueltre en roliéiïisanre des Anciens. IMnstnur9 vcHilokfit (
le* François étant en garnison dans leur ^ille s'en alla^^nt« I
eurps et hiens saufs, mais d'autres, pentlant ce temps, allr
ouvrir la parle aux Anglois ; parqtmi furent jiri> Li ntedinii^
j)artje des François , enlre autref* lyrssire Olivier de floHiii, i
tlml de (iuycfine, et le î4ous-njaiiv de la ville l*ii ix^oli
( J. (lliartier. — Berrî. — J. Dut^lereii.)
Charlef^ VU éfriit nlors danslt* Forej;, mennrxint de ^e^i
non ses ennerniïi, niais son propre tili»; les relations du <h
nvee son père n'étaient pas devenues nieîlleuft*^ île loin i^iÈtAt*
piTs : Daturnartin et d*aulres ronseillers de Cliarli^ \ I'
saiciil de souiller la di^'orde et d'enveniiuer louk*^ les ;u.. .^j,
dauphin, Louis, de son e6té» n agiî<3<nrf pag de maiiléix- à di
les soupirons du roi; il a vint, iinrnédiatenient après lu recoinian
de la Nononntlie, Iriclié de se faire deuiaiider ,io nu \^r les il
EU5i: RÉVOLTE DE LA GUYENNE. 481
de la province comme lieutenant général de Normandie*; il tran-
chait du souverain en Daupliiné, entretenait un état militiiire liors
de proportion avec les ressources de ce pays, négociait avec les
princes d'Italie, avec Gènes, dont il eût obtenu la suzeraineté si
Charles VIT Teût secondé, s'alliait avec le duc de Savoie et fian-
çait la fille de ce prince, Charlotte de Savoie, enfant de six ans.
C'était au moment de la guerre de Guyenne (1450-1151); Louis
offrit à Charles VIT de conquérir la Guyenne à ses frais, avec hîs
200,000 écus d*or que la princesse de Savoie lui apportait en dot,
si le roi voulait lui donner le gouvernement de la Guyenne. L'oITre
fut fort mal reçue, et le roi dépécha un héraut à Chamhéri pour
s'opposer au mariage de son lils : on amusa le héraut i)en(lant
vingt-quatre heures, tandis qu'on procédait en toute lii\t(»à la célé-
bration du mariage (13 mars 1 151; ; puis le duc de Savoie écrivit au
roi une lettre d'excuses, où il prétendait qu'on avait nru trop tard
son message. Charles VU supprima la pension (|u'il faisait à son fils,
lui retira diverses terres qu'il lui avait données en apanage, et,
l'année d'après, alla jusqu'à déclarer la guerre au duc de Savoie.
Au mois d'aoïU 1 'i52, le roi se mit en marche avec un corps d'ar-
mée. Le duc invoqua la médiation du cardinal d'Estouteville, légat
du pape. Le roi hésita à réduire son fils h quitter le royaume, et
consentit à négocier. La nouvelle de la descente des Anglais hâta la
conclusion du traité, qui fut signé le 27 octohre à Feurs. Yolande
de France, seconde fille de Charles VII, épousa le prince de Pié-
mont, fils du duc de Savoie, pour sceller la réconciliation du roi
et du duc; mais le roi et le dauphin ne se virent pas. Louis ayant
offert de nouveau s(*s services contre les Anglais : « Nous avons
déjà conquis la Normandie et la Guyenne sans lui, » répondit le
roi, « et les pourrons encore conquérir de même, s'il y a lieu. »
Les troupes qui avaient accompagné le roi en Forez, aunomhre
de six cents lances « garnies, » se dirigèrent sur la Guyenne.
Elles trouvèrent la plupart des petites villes et forteresses de la
province déjà au pouvoii* des Anglais et des harons relxîlles. L'ar-
rivée des six compagnies d'ordonnance arrêta les progrès de
1. Th. lîasin , Apulniji.i. I. i, c. 1 ; ap. ///s^ ilf Ch'irlcs Vif; Vie ilo Thomas Basin ,
par Quii'herat, i>. xxxi-xxxiii. Thomas Ba>in livra au roi les lettres que le dauphin
lui avait éoritcs i>yuT l'inirajTrcr dans cctto intri^fuc.
VI. 31
WnnQuVi : on resta en alm^rvûtion trnit l*lihi*r et le prbitt*iii|«.
ieî3 AiJ^lais avnîenl reçu mi renfort de qtuiire nulle notoloi^
tiuits : rJiiirlos VIT, de son cùli\ avait imhûé soo tnamionail;
ilcïi\ n»rps trormte se formaient, l*an cuire la Churmle fl II
l>on!i»îJint', l*imlrn siir la (laroaac, et iin cariis de rihierw 5e réo»
nmmi en Sainton^e mus les ordres du roî en penwinne. Ui rwn-
impie s'ouvrît avec vigueur dans les pn^uiiers. jours de jimi;
plusittirs places, dont les Aojilaîs s't^taieïil nmparès au oonl iJc b
Dordogne, furent reprises par capitulation; Chulais fat enW
d'assaut, et i tous ceux de la langn*^ de Ga5*x»gîte » îpx*0n yîwmè
furent dccapitéi!^ cotuine Iraïtres. D*apres raTiir de Jeitn Riimin,
on rt^solut rie souinotlre toutes les villes et forteresse» d4?seiiiin&»
avant de marcher sur Bardeaux, cl, le 13 juillcl, le firiiid^
corps d'armée, commandé par te comte de PentliièiTe, les inan^
chaux de Lotiùac et de Culant , rainiral de Beuil , ltî§ rw*i^ Vm^m,
mît le siège devant Castillon en Ptrigord, forte plicequi mnh
luantîait le coui*s de la Dordo^nf?. La ppfndîimicrie, forte de «îr
à di\-liuil cents lances, tant des ordonnances ipie lîu liun féuditr
se logea ^ous les mum de la place; Jean Bureau reinmd» «a
tUliUerie dans un grand pare, entouré de fossés et de |ialtf5ad<s;
un dilaclienienl de fraucs archers sVHablit dmjs ufw abhayc f^
éloi;4iiée de la ville*
Le$ gens de CastiUon cnvoyèreal deniiuîder du sec«>tir» h ler-
deaux. « Ceu\ de Bourdeaux s*assrinblèrenl în^ ' ^
Talbot, et lui rappelercntcomment ils lui a voient . -^ . ik%
à condition qu'il iroit combattre le roi et sa [niië^nce» st k ni»
entroit en leur pays, et diitiU qu'il ùtoit heure qui! ïicrotnptt
sa promesse et alUt faire lever le si^^xe de tastillon. » II» YéA*
gèrent à mander sm -le-chamj* les parniscms des aleulnum, pour
se porter sur Castillon avec un millier de cavaliers dVUleel<n«ifr
ou cinq mille combattants à pied» tant Anglais que Gmcotm.
Le kmdeinain ( 17 Juillet}, au point du jour, h^ .\iigbik iMmu*
chèrent tout à coup d'un bois voisin de Tabbaye oA t isiU
Imit cents francs-arclieT-s de Berri et d'Anjou. Les Ti'm
surpris, furent en partie massacrés : le reste, loiil eu *^. ' *t
iragna U} jmrc de Jean Bureau, oiï !a gendai'mtTk se cou'^*«^*
i la bâte, après avoir mn pied à terre.
[1458] BATAILLE DE CASTILLON. *83
Talbot s'était anvtù dans rahbayc évacuée par les ardiers, afin
de se rafraîchir et d'ouïr la messe ; Tautel était préparé, loi-squ'un
de ses Gascons, trompé par la poussière (pic faisaient les chevaux
renvoyés par les gens d'armes, accourut lui dire : « Monseigneur,
les François abandonnent leur parc et s'enfuient : il esl heure ou
jamais d'accomplir votre promesse. » Talbot crut lro[) légèrement
cejatiffleur*; il s'écria que jamais il « n'ouïroit messe, » ou que,
ce jour-là, il « auroil rué jus la conqiagnic des Franc^ois^. » Il alla
droit à l'ennemi, à grandes « fanfares » et « cris. » Arrivé devant
leimrc, 11 vit les Français immobiles derrière leurs retranche-
ments hérissés de canons. Un vieux chevalier anglais conseilla
la retraite; Talbot, dit-on, lui donna de son épéc à travers le
visage. Il conjmanda à tous les siens de mettre jïied à terre, et
resta seul sur une petite haquenéc, « pour ce qu'il étoit vieil
honune et usé. »
Sous a la plus terrible tempête de couleuvrines et ribaudcquins'
qui jamais eût été ouïe, » les Anglais avancèrent « de grand cou-
rage j> et plantèrent la bannière de Talbot jusque sur les palis-
sades du camp. Une heure entière, ils s'opinidtrèrent à l'assaut;
la bannière de Talbot avait été renversée; les cadavres des assail-
lants jonchaient le fossé; les Anglais commencèrent à faibhr. Un
corps d'auxihaires bretons, qui n'avait point encore pris part à
l'action, fondit sur l'ennemi ébranlé; toute la gendarmerie et les
archers sortirent du parc i)Our appuyer ce mouvement, et la dé-
route des Anglais commença. Un boulet venait de tuer la haquenéc
de lord Talbot, et de le jeter à terre avec la cuisse fracassée; lord
Lisle et le bAtard de Talbot, ses deux fils, trente autres barons
et chevaliers anglais résolurent de sauver le vieux chef ou de
mourir avec lui : ils périrent tous. Talbot fut achevé par les
francs archers, qui vengèrent sur lui le massacre de leurs cama-
rades. Ainsi finit à quatre-vingts ans, « ce renommé chef anglois,
qui, depuis quarante ans, passoit pour un des fléaux les plus
refoi-midaliles de la France *, »
1. Fanfaron, bavard.
2. Matthieu de Coussi , p. 615.
3. Brouettes sur lesquelles étiiient ajustés de petits canons ou plutôt des ospècei
d'arqiicbiue».
4. J. Charticr, p. 203. — MaUi. de Coussi, p. 641. —Th. Basiu, 1. 1, 1. v, c. 6-7,
48i GUERRES DES ANGLAIS. Jiy
Quelques eeutaiues irAnglais et de Gascons se réfugièrent flan>
Castillon; d'autres s'enfuirent du cùtc de Saint-Émilion, pour-
suivis la lance dans les reins par les vainqueurs; beaucoup se
notèrent en voulant traverser la Dordoj;nc à la nage. Castillon
se rendit le lendemain; la garnison, de quinze cents « bons coiii-
battanls, » resta prisonnière. Les seigncui^s de l'Estrade, deCan-
dale, (le Rosan, de Langladc, se remirent en la merci du mi.
Sainl-Éniilion et Libournc, qui n'avaient reçu les Anglais qu'à
regret, se bâtèrent d'imiter Castillon.
Le roi, le jour même de la bataille, était parti d'Angoulèrae
avec le cori)s de réserve; il rejoignit l'armée victorieuse à
Libonrne, où il reçut la capitulation de Fronsac; le pays d'Entrc-
beux-Mers se soumit presciuc sans résistance. Pendant ce temps,
le troisième* corps d'armée, composé des gens du Midi et fort d'un
millier de lances, avait nettoyé le Bazadois, et entamé le Bordelais
méridional et I(î Médoc. Le comte de Clermont, lieutenant général
du roi en Guyemie, Albret, Saintrailles , conduisaient les oirâ-
lions de ce côté : le roi les retrouva devant Cadillac, sur la
Garonne; la ville de Cadillac fut emportée d'assaut; la garnison
continiKi de se défendre dans le château. On laissa les troupes du
comte de Clermont autour de cette forteresse, qui ne se rendit
cpi'au mois d'octobi'e*, et le reste de l'armée commença de nv
serrer Bordeaux : une grande bastille en bois fut constniite à
Lormont, sur la rive droite de la Garonne, en face de la cite
reJHîlle; on y élablit plusieurs milliei'S de gens d'annes et d'ar-
cliers, tandis cpie la Hotte royale, composée de navires, partit'
envovés par « la rivale* de Bordeaux, La Rocbellc', » et [var le
duc de Brelaiine, partie loués en Hollfinde et en Castille, entrait
dans la Gironde, fermait le port de Bordeaux, et bloquait, aun
la ville, la (lotie anglaise et bordelaise à l'ancre dans la rixiêiw
Les fiancs-arcliers complétèrent le blocus du côté des Landes.
Les déienscHMS de Br>rdeaux étaient nombreux : il y avait bien,
outre les bourgeois, trois ou quatre mille soldats anglais, et au
moins autant de vassiiux d(»s barons du pays; les seigneurs pas-
1. Les Anglais obtinrent une ciipitnl.'Uiun en ubanUonnant les Gascon:», l^ur?
camarade.-. . ipii n'eurent point de quartier : le Cûuimandaut de la place fut décapite-
2. Mididet, t. V, p. 2«».
ÎK53I REDDITION DE BORDEAUX. 485
cons s'étaient presque tous enfermés dans la ville; eependant,
après six ou sept semaines, lorsque les vivres devinrent rares,
lorsque tout esi)oir de secours se fut évanoui, les Bordelais son-
gèrent à capituler : une députalion alla « requérir merci » au roi,
Charles VII refusa de recevoir les rebelles, sinon à a son plaisir
et volonté, pour de leurs corps prendre punition selon leur of-
fense. » Jean Bureau, qui avait choisi la place de ses batteries,
répondait au roi de « lui rendre la ville toute détruite et exilée
(perdue , ruinée) en peu d'heures, si ceux de dedans ne vouloient
se soumettre. » Charles VII, pourtant, u'qw vint pas à cette extré-
mité : il avait au moins les avanta^^es négatifs de son vice, la « mé-
connoissance » et ne j^ardait guère plus de mémoire des olTenses
que des bienfaits. 11 aima mieux recouvrer Bordeaux en bon état
que de le brûler par vengeance ; les maladies, d'ailleurs, tourmen-
taient son armée; il était temps de terminer la campagne. Le roi
consentit enlln à pardonner aux Bordelais et à leur laisser la vie
et les biens, mais à des conditions assez rigoureuses : il fallut que
la ville renonçât à ses privilèges et franchises, et s'obligeât à payer
une amende de 100,000 écus d'or. Les s(»igneurs de L'Esi)arre, de
Duras, dcRosan, de L'Estrade et seize autres, tant nobles que
bourgeois, furent exceptés de l'amnistie, et bannis à perpétuité
des pays de Guyenne et « Bourdelois*. » Quant aux Anglais, ils
obtinrent de repasser librement en Angleterre. La flotte fut rennsc
au roi (9 octobre 1453). La soumission ultérieure de Bordeaux
fut assurée par la construction de deux châteaux forts, les châ-
teaux Trompette et du Hâ, l'un au nord, l'autre au midi. Jean
Bureau en joignit le commandement à son office de maire per-
pétuel.
Quelques concessions coïncidèrent avec ces mesures répres-
sives. La leçon donnée au roi et à son conseil par l'insurrection
de la GuyiMinc n'avait i)as été tout à fait perdue. L'amende de
100,000 écus fut réduite à 30,000, et le roi ne tarda pas à rendre
à Bordeaux ses droits de comnume, en gardant seulement le choix
du maire et de quelques-uns des jurats. Bordeaux n'obtint pas
de Charles VII le parlement qui lui avait été promis avant sa rébel-
1. T^ sire de L'Esparre, convaincu de nouvelles intrigues, fut repris et décapité
ranuce âui\ ante à Poitiers.
.£86 r.U KPiUES DES ANGLAIS. liîr
lion ; mais lo roi accorda qu'un prcsident et quatre conseiller? au
parlcMïioiil (Ir Paris viendraient annuellcmenl juger les appels à
Roi'dcaux. Los aides ou droits sur les ventes, si odieux aux poiai-
lations \itic(»les, furent remplacés en Guyenne par un droit «!♦'
?5 sous tournois sur chaque tonneau de vin exporté, et par un
droit de 13 (l(Mii(»rs pour livre sur les autres marchandises Im-
portées et exi)ortées; rinipôl sur les vins fut réuni au domaine,
c'esl-îi-dire rendu pcM'pétuel*.
Vn cri de douleui* et de rage éclata outre-mer, quand on siilb
défaite et la mort du vieux héros qui emportait avec lui les der-
niers restes de la gloire anglaise. Avoir perdu, par delà les con-
quêtes de Henri V, par delà les conquêtes des grands Édouanis,
riiéritage. inéuic des lîls d'Éléonore, cette Guyenne aux vin>
génériMix, qui dédommageait TAnglcterrc de rinclémence de s<^n
ciel! n'avoir plus, au levant de la Manche, que Calais et les ile?
normandes! « Le cou]) fut si douloureusement iTSsenti par TAn-
glelerre, qu'on put croire qu'elle en oublierait ses discordes....
]jO ])arlement vota des subsides, non pour trois ans, comme c'était
l'usage, mais pour la vie du roi. Il vota une armée presque aussi
forte ([ue celle d'Azincourt, vingt mille archers... On n'en le^"a
pas un ^. » Il était trop tard ! Les plus exaspérés refusaient Je
s'enrôler pour aller mourir en France. Ils aimèrent mieux sen-
tr'égorger dans leur île. Le sentiment de son impuissance poussa
l'Angli^tei'i'e à la fureur, au vertige. L'efTroyable Guerre des Ikni
lioses fit explosion. L'Angleterre eut à son tour ses Armagma
et ses Bounjui(jno7iSy pire encore, s'il est possible, et, pour long-
temps, elle fut annulée en Europe et jetée hors des affaires du
continent.
A partir de ce moment, malgré quelques incidents militaires
L Ord'inn.^ XIV, 270 et suivantes. — J. Chartier. — J. Dudercq. — Benî. —
Matthieu dt» (.'oussi. — Ku 1157, un assez vit* mécontentement se manifesta en Xor-
niundio, ù cause des infractions réitérdos de la fameuse •• Charte aux Normands: -
les pAat-s do Xurmandie, ({ui continuaient de s'assembler périodiquement depaiâ l<i
reeouvrance d(> leur pays, se rendirent l'or^ranc des iilaintcii de la province : le rv.
renontj'a . pour h»i et ses suecosfurs, à rien exij^er des Normands en sus de la lail'v.
pas mrni(* la convocation de l'arricre-ban , sans l'aveu des Trois Ktats. U 6i *euV-
ment quelques réserves sur les juridictions spéciales. Ori/wnn., XIV, p. 152 et sui-
vante-.
2. Micholct, t. V. p. 3«)l.
[1453] FIN DES GUERRES ANGLAISES. 4»7
sans conséquence * et quoiqu'il n'y ail point de paix de longtemps
encore, on peut dire que la grande GueiTe des Anglais est ter-
minée. Avec la guerre ne s'éteint jias ranlipalhie des deux peuples,
séparés non plus seulement par un bras de mer, mais par un
fleuve de sang sur lequel planent tant d'ombres vengeresses,
celte ombre auguste, surtout, qui, du bûcher de Rouen, semble
appelei- sur l'Angleterre toutes les foudres du ciel ! Les Gallo-
Romains de France et les Gallo-Teutons de l'ile de Bretagne nour-
riront nmtuellement, durant des siècles, la pire des haines, la
haine des frères ennemis, acharnée surtout chez l'insulaire con-
quérant et chassé de sa conquête. Il faudra, pour les rapprocher
dans un avenir lointain et pour leur rappeler, sous des opposi-
tions si vivement tranchées, d'essentielles atllnités primordiali^s,
la connnunauté des plus grands intérêts et des plus grands
périls.
La Guerre des Anglais a eu pour conséquence immédiate de
révéler la France à elle-même connue corps politique. En luttant
contre l'envahisseur, la France du xv« siècle a vu le génie même
de la France lui apparaître personnifié dans une vision subhme;
comme le i)rophète devîint l'ange du Seigneui', elle est restée
éblouie, et n'a com])ris qu'à demi; pourtant, le bras d'en haul,
en la louchant, lui a comnmniqué des puissances inconnues.
Avant la Guerre des Anglais, la nationaUté n'éUiit qu'un sentiment
profond déjà, mais ilotlant et vague; après la guerre, elle est une
force constituée, ayant d'elle-même une notion sinon complète,
au moins très-vigoureuse et très-déterminée, et l'on peut afllrmer
qu'il n'a pas encore existé dans le monde un groupe d'hommes
aussi considérable, occupant un territoire aussi étendu, que l'on
ait pu considérer comme étant, au même degré, une véritable
nation.
Deux événements de premier ordre marquent l'année 1 \y3 : la
cliute délinitive de la domination anglaise sur le continent, et la
chute de l'empire d'Orient. Le bruit des é\énements de Guyenne
fut étouffé par le retentissement de la grande et fatale nouvelle
1. Ed 1457, une escadre française, commandée par le sire de Brézé, grand séné-
chal de Normandie, fit une descente à Sandwich et prit cette ville d'assaut, avec les
navires qui étaient daus son havre. Voyez le continuateur de Bcrri.
ilt GUEntlES DES A3ii;LAr& ^1ISM(
qui rîiranîn stir çps pntivOiitf^s l'Eijro(ie cnlit'n^ La dir lîr r-<i(ï-l
stanlin, la inctropolc de IV^jîliB^: trorient, était mi pomnir û^i
iiilitlefes! L*étendanl ée. Maliomct flottait mr 1rs palaïf cU^s f*ji}|#p>]
nnirs grcc^, e* le glaive des Tiirks atluîmans a^nil citlln cofMpof
à riëkiiii^jiir ltIIc riche iiroie, autrefois Miap[>ée au\ Ambrsitj
aux TiirJvH R^iljoiikides J 29 mai 1 Î53),
I^ diule de tîonstanlinoplc clail dcpwSs IoiigtejU|i6 facile' ù |
voir : It^s richesses dk vie^ ijue reBt>u\e!?Nl iiii-i^s^auiruenl au i
de celle nia|xniiH[ueeite sa |jogitioii utiitjue Ahu^ le itioiide.av
permis à Tempire grec de subskter de longues années, nMn
ou peu s'en faut , à mn immense capltaîe , pan*il h une tWe <
vivrait s^^parée de son corps. (lOTislantinople eût êlè nèiamu
engloutie dès le qualorzième nMe par les Ilots de Tin vallon «Hb
inaue, si le (lêhordeiiieiil passager des Tafijres de TiiinHir-i
(Tainerlan) n'eût un nionieiit arrf^lé les prugi'ès de la puiâStniXi''
ïurke. Il (Ullut du temps aux tHhomans paur se rvmeUrp de rd
épouvantttlde cIjoc; puis Ica diversions des ïlonj^rois, des Pokv
nais, des Roumains, et les seeours dos Génois, des Wallie
chevaliers de Rhodes, des sujets du due de lk)urgouu4\ |irol
rent quelques jours encore l'a^ronie de FEiui^lrc; ui£ik ]i*5 ili
contes intestines de riîfîlisc et des peuples elirètiens, surtout
luHe acharnée de la France et de rAnj^'lcUTre, enijMtTWnefit
chrélieïiîé de tenter un elTort capable de sauver la Home d'Orr
Trois siècles plus tôt. cette catastiophc eût scitiblé la (leri*'
la république dirélienue; mais les tortes et indepenilanles u^lid
nalîlés, qui avaient remplace, de fait, en Ocddent, cette xiisXa
va^ue fédération de Tère des rroistides, sentirent (prêtiez ne |iêf
raient point par rétablissement du Turk sur le Bospburr^ lûU
menaçarit qu*jl fût; néanmoins les sjnistiMîs rcdti du Iriumidl
des intldèles, la mort du dernier des empereurs gn*cs sur
murs renversés de sa capitale, le massaeiv ou In captivité tS
tout un peujïle ebr^!tien, Haiute-Sophie et tant d'autivi^ lenipta
dit ('.hrist changés en mosquées, rttuiuérent tout rOcrJdcJîl A*tm
commotion terrible: mille cris de guerre sainte s eliuicéa^nt <
toutes iKirts; on prétendait léparer ce qu'on u'avdl pas su i!juf»(
cher. Le pape leva aux dépens du clergé cette c«c^re qiir* am
manda im moment Jacques Cœur, et qui çuemiya jilusiru
U5C] CHUTE DE CONSTANTINOPLE. 489
es dans les mers du Levant. La cour de Bourjrop:ne, (iid
maintes fois adjuré les autres princes de s*unir à elle contre
lèle, montra les dispositions les plus helliqueuses; dans un
idide festin à Lille, après de pompeux a intermèdes et allé-
!S, » une damoiselle, vêtue de deuil et représentant a Sainte-
e , » implora Tassistancc du duc et de ses chevaliers, et le
■^hilippe, « suivant la coutume anciennement instituée, par
îUc on prùtoit vœu et serment sur quelque noble oiseau, »
sur un faisan apporté par Toison-d'Or, son roi d'armes, (pi'il
en Orient combattre le Grand-Turc, corps à corps, si le roi
rance y voulait aller aussi ou commettre quelqu'un de son
à sa place, ou même, à défaut du roi et des siens, si d'autres
îcs chrétiens entreprenaient ce saint voyage. Tous les sei-
rs, chevaliers et écuyers de la cour de Bourgogne firent des
: analogues, avec ces formules et ces conditions bizarres dont
3uvaient les modèles dans les romans de chevalerie. Une vive
idescence des coutumes chevaleresques avait eu lieu depuis
icment du duc Philippe et par son influence; ce n'étaient
i emprises, » pas d'armes, tournois et « behourdis. » Les
ms de chevalerie étiiient plus en vogue que jamais dans la
îsse, mais sous la forme des nouvelles versions en prose qui
nt fait disi)arîiître de la circulation les poCmes originaux du
me au treizième siècle. Ce n'était là qu'une apparence, une
î superficielle : le quinzième siècle était bien éloigïié des sen-
its chevaleresques*; mais cette apparence, en remuant les
/expression de cette époque dure, dissolue et liypocrite, c'est le roman du
than de Saintré ; cotte p.irodie ou cette corruption d'une des plus nobles cou-
de la société chevaleresque , celle qui donnait les dames de *« los et renom »
klucatrices aux trùs-jeunea gens, aux pages, aux aspirants à la cheval»*ric,
s instruisaient en •• courtoisie » et <« parag^ ». I^ dame dos Bollos-Cousiue.s
éducation de Jehan de Saintré, en se jouant de Tamour qu'elle lui inspire et
trahissant cyniquement pour un robuste abbé. Le j^upplanté, le préféré et la
Snissent par s'entreprendre tous trois dans une lutte brutale et triviale. Voilà
itan et l'Iseult du xv^ siècle ! L'auteur, le Buun^ignon Antoine de la Sale,
e à ces belles choses une verve originale et un talent supérieur, et , quant au
il aurait pout-étro lui-mômc plus envie de pleurer que de rire de ce qu'il
e. Il ne raconte que ce qu'il voit. C'est pout-ôtre le meilleur prosateur frau-
1 XV* siècle. Sa langue, si pleine de relief^ si franche de couleur, si riche en
►ns proverbiales et populaires, est bien plus française que celle de Georifes
)llain. Des inductions ingénieuses lui ont fait attribuer par M. Génin la célèbre
iê Patelin, ce prototype de la Comédie-Française, où brille déjà la verve, mais
490 GUERKES DES A^^,LAIS. [USS-HS^
imaginations, devait Unir par toudicr les cœurs, et, aux laiix
clicvaliers (le UôO, devait succéder la \ raie chevalerie de i.ji>i.
la noble génération de Bavard, les derniei'S des preux.
Le duc Philippe avait pourtant intention de tenir iwrole; il
passa on Alloniagne pour conférer sur la croisade avec leniiKnour
Frédéric d'Autriche et les princes de TEmpire; mais Frédéric,
« endormi, craintif, avaricieux, » n'était pas homme à secondtT
de pareils projets, et Philii>{)c revint dans ses états sans avoir pu
rien conclure , hien que tous les princes d'Allemagne 1 eussent
accueilli comme s'il eiM été Fempereur même. Quant à Charles Vil,
il loua fort le zèle de « monsieur de Bourgogne; » mais il ne se
montra point dis[H)sé fi Fimiter : il fit même des représentations
au duc sur les inconvénients qu'aurait son départ et pour la Bour-
gogne et pour la France : il consentit toutefois à la levée d'uiu'
aide et d'un décime sur le clergé, dans les provinces boup^ui-
gnonnes (|ui rclevjiient dt^ la couronne*; mais les préparatifs di'
Philippe n'eurent point de résultats : tout ce grand bruit se lui
])eu à [leu, cl les Turks restèrent en possession incontestîv de
Sfawboui lia ville, la cité par excellence), comme ils appelleiil
Constant inople.
Les hisloi'iens terminent à la chute de Constantinople une des
grandes ères de Fhisloire. C'est là qu'ils ferment le Moyen Age el
qu'ils ou vient la Renaissance. En elTet, une série d'éclalimls plii-
nomènes annonce (juc le monde va changer de voies. La \ieille
non la pliilosophîc Jo Ral.olais cl de Molière. La comédie a déjà là presque tom<*« *e*
qualités littéraire-^, moins ce qui légitime le genre comique, c'estrà-dire moinf 11
luoniliié. Piiiliii m* iliit pa» étrt* «l'un nuMllcnr exemple pour le |>cuplc des ville» que
Jr'/i./ii de Sninfrr pnur la iiolilossc. Le vice est là trop amu:»aut et trop |^i ! La facilité
avec laquelle rameur jiaraît en premlrc son parti peut être une raison de douter que
cet auteur soit Antoine de la "^ale. Une autre observation à faire sur le Patelin, cVrst
la pnxlijralité «le -• vilains sennents •• qui remplit cette pièce. Jamais le nom de Pieu
n'a été » pris en vain >• si continuellement , et il est inconcevable que cela ait été
^upporté à la scène. Mais rien ne doit étonner quand il s'agit du xv» siècle.
Jtlitm (/•■ Su/if;v e>t daté de 1 lôî» : Patelin parait être à peu prés de la même épo>|ue.
Il ib'vait s'éi'ouliT prés de deux siéeles avant que notre théAtre dépassât /*«»/"'.•••'.
llien ne Téj^ila dans l'intervalle. Toutefois, les i'nrcex de la fin du xv« siècle et du
cuuimeni'ement du wi^ ne sont point à niéprir>cr. Il y a là bien des inteutzo!'.»
comi(pies et de«i traits heureux et bardis. 1'. les citation» de M. Gèuiu dans 17M.'r.-
(iurtion «le sa bi-lle édition di- P.it^tin ; Tari-i, (.'hamerot . 18") l.
1. Le mi cim-îentit an^si ipie le pape le^àt un décime des revenus du clcrg"* de
France pour le niémc objet.
[1453-1450] VIS DU MOYEN AGE. 491
rivalité dos éfi:Iiscs romaine et gi*ccque toniiiiioe, pour un temps,
par la ruine de la chrétienté orientale; Té^lisc grecque esclave ou
reléguée dans les solitudes du Nord, chez un grand peuple har-
bare* cpii restera encore, durant hicndes générations, sans com-
munications avec rOccident ; la réhellion des hussiles mal étouffée
et jetant çà xît là, dans les régions teutoniques, des étincelles qui
menacent Rome de voir un joir éclater un nouvel embrasement et
se lever un nouvel ennemi, plus voisin que Téglise grecque et plus
puissant que le hussitisme ; la France délivrée de l'invasion , pas-
sant de l'anarchie féodale et princiére i\ une monarchie fortement
armée pour le pouvoir absohi au dedans comme pour la guerre
au dehors, et menaçant déjà la Bourgogne, sa fille insoumise et
enrichie de ses dépouilles; 1rs Espagjies énergiquement trempées
dans cette interminable guerre de race et de religion contre les
Maures, qui va s'achever ])ar la chute de Grenade, compensa-
tion de la chute de Constantinoide, et se concentrant pour devenir
VEspagne; la Gaule teutonique, la Gaule du Rhin, enfantant
riMPRiMERiE et préi)arant à des pensers nouveaux un instrument
d'une puissance inctdculable , et dont aucune révolution ne sau-
rait jamais dépouiller le geiu'e humain ; enfin , Tllalie couvant
la pensée que cet instrument ne tardera pas à multiplier sans
limite, étalant le plus magnifique développement d'art plastique
qui ait paru sur la terre depuis les Grecs, et se replongeant avec
passion dans ces sources de l'antiquité classique, où doit se
retremper encore une fois TOccident, alors que tarit la sève du
Moyen Age; tel est le grand spectacle que présente l'Europe au
milieu du quinzième siècle. La Providence se sert de la mine
d'une civilisation pour en féconder une autre. Les débris de Cons-
lantinople, dispersés parmi l'Europe, y réveillent la tradition de
la Grèce. Le génie littéraire, aussi bien que religieux, avait dis-
jMiru depuis des siècles chez les chrétiens d'Orient : l'érudition
était restée; les savants byzantins apportent en Italie les monu-
ments originaux des lettres gi'ccques, avec le goût et rinteri)réla-
tion de ces monuments. Les artistes italiens avaient dc'ijà antéiieu-
rcment retrouvé et compris les monuments des arts grecs. La
1. La Uuàsic.
192 GLEIIUES DKS ANGLAIS.
science morte des Byzantins redevient la vie en touchant les peu-
ples rajeunis de TOccident. L'Italie du Moyen Age, instniili* par
rH(*llcnie antique, fait remonter la science occidentale, du laliii,
la langue des affaires ', au grec, la langue de la poésie, et iluniie
à TEurope la Renaissance. La France reçoit du dehors une i*re
nouvelle, et ])erd, pour un temps, Tinitiative dans le niontle.
1. Et bien inférieure, pour les affaires, au français modenie.
QUATRIEME PARTIE
FRANCE DE LA RENAISSANCE
LIVRE XXXIX
LUTTE DES MAISONS DE FRANCE ET DE BOURGOGNE
Charles VII et Philippe le Bon. — Guerre deGand. — Le dauphin se réfugie
chez Pliilippe. — Procès d'Alcnçon, d'Arnmgnac, de Gilles de Bretagne. — Procès
des Vaudois. Fin de l'inquisition en France. — Affaires de Gènes. — Vains efforts
de Charles VII pour ramener son fils. Fin trairique de Charles VII. — Louis XI.
Kêaction contre le ;^ouvememont de Charles VII. Abolition de la Pragmatique.
Création du parlement de Bordeaux. — Accpiisition du Roussillon. Rachat de la
Picardie. — Querelles avec la cour de Home et la Bretagne. — Alliances de
Louis XI an dehors. — Ordonnances &ur les biens d'église, les biens nobles et
la chasse. — Ligne du liien public. UévoUe du frère du roi. Révolte générale des
grands. Succès du roi en Bourbonnais. Invasion bourguignonne et bretonne.
Louis XI et Chaules le Téméraire. Bataille de Mimtlhéri. Fluctuations de Taris.
Rouen livré aux rebelles. Le roi capitule. Traité de Saint-Maur. Spoliation et
abaissement de la rovauté. Incapacité des grands à organiser leur victoire.
1450 — l/i65.
Les grandes divisions de riiisloirc ont toujours, connue la plu-
part des classifications, quelque chose d'arbitraire à la limite. Une
ère nouvelle ne commence pas à jour et heure lixes. La Renais-
sance, l'époque où la France, après Tltalie et avec le reste de
l'Occident, voit ses arts, ses idées, ses habitudes d'esprit, tout
rensemble de sa civilisation .submergé, fécondé, transformé ]ïar
un débordement de tradition anticpie bien plus vaste et plus
radicalement conquérant que le flot classique de Charlemagne ou
celui du siècle d'Abaihuxl, cette époque ne fait que poindre à peine
dans les années (pii suivent l'expulsion des Anglais. Si Ton vou-
IftI FRANCK ET BorncoowE
h\i mhi\l\h('T crtto jncimle [lùriodo i»oar Va dMïuir |iliis rt^div
iiif ji( , t.m sigoaleraît \h un laps de tretjlt! à quaiiiiili^ ans cnnnw
la LraDsïttion du Moyen Age à la lierii'iissanee* Ce n'est ffltiâ ra,
re iiY'st pas oncorc tout à fait raiilrê. Lt* niomcnt n*iî*ït posenn^
vnnu pour nous crcâqtiisscr le mouvement iutelletltid ri
àp. VAg(^ nouveau.
Le fait eapital de ttHk pi^Tiodo intiTmédîiiin! , c'e&l h !
sourde trat)ord » puii^ déclarée, dt? la France royale et de la I
gog'uc. La gueïTC dn rindiip^ndanre arhevéc, rAnglrleme Umh
ia France roslo en face de la Bourgogne, de celle grando |
Ijjhrido rorriii'L' de dcinoinbreiiiotil^ du royauiue eî de l'F
longtruips im]ilarable enneraicr de la Fnnco niyiili% «a 11161
ces luttes patricides où une armée fiancaise a pris el Une wa
Ang:laiâ la liMratrice de la Franre, puiR un rniunrnl nlliéf» du»
un im^bà d'orgueil blesst*, et, bient^M après, reloniMe daiïf «ne
uailralitC^ mal veitlaute, Quoique le duc PhilipiM? ail rcfuisi, en 1 V\<K
lie seconder réuieute brutîde et maladroite de la Priitfmrér, Uoe
s'est pas fait scrupule de ronlrc^rarrer, par des mov- r.^ m
violents, le gouvernement de niinrlest ^11, et le> i-a^ | ni
ctmt û*ùiiù tendus et dimdle& entre les âtu% entir».
Les CMisvts de conilil abondent : d'une part on voudrai l repn^fiiiir
ce qu'on a cédé par riiumiliant trailê d'Arms; de rouUe pari, t»
veut garder ïm^s avanlages el les étendre. Le parlnmenl de farif
maintient , avec une Apre sollicitude , son ressort stir les pixnitios
botirgiiignonnes et Ûamandej^ ^ Le conKril, aviT tf -^ v '^ua'ëii
revendique les droits fiscaux du roi hwr ces mt^rn- uctA, H
soutient que la dispense pei'sonnellc d'iiounnapc accordé* au due
par le roi ne dis^|»eiisc passes sujets des înipotir que paient Uh uMlr«
vaiâMUx; sur ce imrnl-lâ^tous les BourpugnonB &onl avi^c leur dac
contre le roi *. Mais aussi la France royale tout entiêrep saur<piel*ni«
VkuMvr qui vl<Hit apporter \m nj<iun)i^n)cnt ^u «tuo â«* Ptfoqy»y«ie vu pUJulMppA
d« ronlrrf ili^ U l'uÎMiii'd'Or^ 4 Brtt;«t7«i , pour tiac iiiiit»l« «Aire dfll#, #4 ^éif éê
etri^tfit. qn\ bri4t^ à croups de mfirtaati U \mtU é» U ^rimm ih ÏÀtU pour «D iivtir*
tm prisonnier quJ a vu H ftïj|>r*l^ nti iiarWm»ml.
2. Il* ftvaîpMt npiiJ*!^ tîcH s^i^fkM ilt^jïtiUé» pour tv^^ '■— v*,.,,*^. t., _. ^^-^^
trc«tv**n>îf'nt mr Un tiiiiii*»* du pti)» tî<* îït>ttr|foirn^. • ?Al
le Triâfff dn Ct^irtei, ^vViWti», *rrf#^ Jilk** imjer voi tiàiur . u,- >.. i,, u-- . .«lu -vvi*
du roi qtij vottt ^H ji^y» ju mouieigiiftir do Bùut^gn/t. >t |A«<C« p. 31^
CHARLES VII ET PHILIPPE LE BON. 195
grands, est avec le roi et le conseil pour appeler la recouvranee do
la Picardie; personne en Fiance ne se résigne à celle mutilation
du royaume. Le duc de Bourgogne compte sur ce qui reste de
grande féodalité en France pour faire diversion, au besoin, contre
cette impulsion nationale.
Les forces respectives différent beaucoup de nature et d'aspect.
Pour un regard superficiel, la cour de France, avec son conseil
de bourgeois et d'aventuriers, son roi, dont les bonnes villes ne
voient presque jamais le visage, et qui cache ses voluptés banales
au fond de quelque donjon de la Loire ou du Bcrri, la cour de
France est bien pâle, bien effacée devant ce grand duc Philippe
qui semble le vrai successeur des premiers Valois, à le voir régner
comme eux parmi les banquets, les tournois, les fêtes éternelles.
Les arts et les lettres anoblissent, pour les intelligences d'élite,
celte splendeur matérielle*, et une étiquette, dont rien dans le
monde féodal n'a jamais égalé les pompes orgueilleuses, imprime
Tétonnement et l'admiration à la foule.
La richesse qui nourrit ce faste prodigieux , jiuisée dans le
vaste commerce des Pays-Bas et surtout de la Flandre , dépasse
celle de la France royale; elle est réelle et grande, mais embar-
rassî'e. L'administration bourguignonne est mal ordonnée , et
la supériorité de richesse commerciale est bien compensée par
rextréme hétérogénéité de l'état bourguignon, si l'on peut même
l'appeler un état. Les diverses parties de « la seigneurie » de Bour-
gogne sont aussi mal liées quant au territoire que relativement
aux mœurs, aux langues, aux origines. Les hasards de l'hérédité
féodale, la violence et la ruse ont formé cet assemblage contre
nature , espèce d'empire d'Autriche du moyen âge , qui ne repré-
sente aucune nationahté et en entame plusieurs.
1. Nous avons parlé de Van-Eyck et de son école. Une foule d'écrivains , dont
qnelqaes-nns vraiment supérieurs, étaient attachés à la cour de Bourgogne, et la
célébraient comme poètes et comme historiens ; Georj^es Chastellain ; Antoine de la
Sale; Pierre Michaut, auteur du Doctrinal de cour et de la Danse aux aveugles; Mar-
tin Franc, auteur du Champioiv des Dames et de VEstrif de Fortune et de Vertu. Phi-
lippe avait rassemblé une magnifiijue » librairie n (bibliothèque), dont les manu-
scrits enrichissent aujourd'hui les principales bibliothèques de TEurope. La musique
ne florissait pas moins que la peinture à la cour de Philippe. Sa chapelle forma une
Irrillante école de musiciens qui se perpétua durant plusieurs générations. V. Ker-
Tjn de Lettenhove, Hist, de Fhtidre, t. UI, p. 254 et suivantes.
m FRANCE KT BOLIIGDGKE,
La Ik>iii'grr>;înn a Téclat, la France a la forcf; i?llc est um* Qtilkc»
sa l'îviil** est ;ï (K*iné «n i*\ui\ elle est i^uiK'ïieure p^ir runîî^, «
luoiTis rdativ(*; elle osl suiiérkHirc par l*orgiiujs^iliï>ii atsiiUiire <t
flr>anrîère. Jorcfues Cœur n'a pas c^ntraîot* àms sa mine ri»nl«
tinanrîer, ijiie niaintieniient Jean liureaii ,Kih " " r, CW
îsiiiot et autres* T>Dsmniili^ fie radnilnLslralioii . shi* jir
bien des abus retinssent \ I)an& un chc^! dnii^, If^ ti>i
chances sourit [khit- la Franee; toutefois, il y a iK>ur te duc de Ikm-
pofrne un point d'appui redouta bk* vhvi las jiutn^ sirrs ili^sflemi
rie lis et riiez les quelques grandsi vassaux qui ailtsisU^nt en dchoif
de la maison royale; tmp taihles pour r^sisler è mtKseakau m.
ils sont encore assez forts pour aider le Kourguignon, leur coi
espoir.
Les deux princes, nous Tavonâ déjà dlli m craignent H ic
nuHia^ont' et sont disposas k reculer plutôt qu*A pii6d|iita* ini:
lutle bH nu tard iné\itahle.
Le duc de Bnurg^npne n'eilt pu, (pxmé il ¥e(ïi voulu, g'iîpfMHn-
à Texpuliiion des Anglais de Fnuire, Oulre que Topinlon dr ni
sujets, surtout des Picards» était Irès-favoralile b la delh ronce â^
la Normandie, les^aiTairesde Flandre avaient Hà trop nienAÇAiitD,
à partir de 1448, pour que le duc pitt agir entaicenienl au deb«ifv
Nous avons jwu'le plus liaul ^ des Iroulites qiii avaient smn m
Flandie le ujallieureux slegc de (lalais en 1 430 : notre nVit *k II
révolu» de Bnij^es (t i:}fi-1438), trop eNcbisivcJiienl rédige ifaprt^
les clironiqiies bourguignonnes, est meoinpkl, eld*outiiâ ioah
ments nionlreut les loHs, dans celle insujtwtlon , hScn partage
entre le duc et ses sujets rebelles ^ Il y mi, ibuiB bi répR-ssiini de
K Is M oTdn àc> HiS ae nsl&cbe i on blssc 1» gaût 4é g^Km firtmtrf 4»
vltrcN âHîis piiy«^ dun» leur» mnionniïmenii*, htt |mrl»fiii«*ni vi to» Mitr^ i— ii «»•
v«rAliieA $1^ r4»cnjl^iii ri^f;uUèr«uii*tit vi illjcnt«meiitî mêU \n yAâ^ InflficDl» Ce
flvair^nt iiufciitt^fit^ pkitùt rtuu diminué i1«|iitiii b flti il< la fticryf», (IV WiMi
t, I , p, 323'32rK }
ïï, AiM»iî 11 peiralt con«tïint qno L'aminLl âs>. îlnlLiiiiJr, li* iir, : ; i ,b . t^wjkjd meiiâ k
n^à3cutimi?t*t des FUnuirnb par îles mifn i\v IAt4*vu*' mt ilr > . ^ntt«Jr tfm pm-
¥ft[|mt pnmsof pt)ur traHinim, et f{m^ le» lî- i^aj^tI Ir» «timumumil» i»n^
avec k*4 AftEflAh Le dur n'en 4^Uit piu^ < . tn^b^ «or d'ttaâN» pniii^f <■
fjtttaJquf] éult lili'ii fAli^ pour îrritir Im hn^i^t-in^.. Lra prKimSitin» d« miSM-d à tnâm
ÏEchini^ cwmm um dé^mùnuK^ d4* Oru^c^ éiaiiml fort <i»opr?ttU«t. Vw «alir àm
U8-Uol] PIIILIPI»E ET LES GANTOIS. 497
. révolte bnigcoisc, clos actes très-odieux. Ainsi, le due Plii-
ppe fît ix'rir sur rédiafaud le fils du magistrat municipal qui
J avait sauvé la vie dans le combat du 22 mai 1 437, et plusieurs
îs citoyens les plus respectables de Bruges et les plus étrangers
IX excès poi)uIaires.
La soumission de Bruges avait été suivie de dix ans de paix en
andre. Mais c'était une paix où couvaient bien des germes de
icrre. Bruges tombée, le duc avait songé à abattre l'orgueil dv
and, orgueil redoublé par l'abaissement de la cité rivale. Son
«sentiment de la défection des Gantois devant Calais et ses be-
«ns pécuniaires le poussaient également à entreprendre sur leui-s
bortés. Bien n'éclata cependant jusqu'en 1448. Mais, cette année-
, le duc, qui avait imposé à Bruges la gabelle du sel dès 1439,
1 demanda l'établissement aux Gantois : ils refusèrent. Pbilipp(»
appa d'un droit l'entrée des grains sur leur territoire, puis il
»fus*i d(» sanrlioimer l'élection de leurs écbevins, sanction qui
'était, suivant les Gantois, qu'une simple formalité authentiquant
Élection (novembre liiO *). Gand appela au roi (mars 1450).
'était le plus violent dé[)laisir que les Gantois pussent faire au
ne. Le roi était absoijjé par la recouvrance de la Normandie et
B la Guyenne. Le duc continua ses entreprises, et attenta d'une
lanière déloyale au droit qu'avaient les bourgeois de Gand de
'être point appelés en justice hors de leur cité. Il tâcha enfin
'exciter à Gand une émeute pour renverser le pouvoir munici-
î\l. L'émeute avorta; les auteurs furent mis à mort. Le bailli du
iangoinenb< survenus, depuis deux siècles, dans la confij^^uration des côtes, rEcluso
ait ce qu^avait été autrctbis Dam, le port do Bruçes, et il était très-nuisible aux
nigeois do voir établir là une forteresse ducale qui les séparait de la mer, ct'qui
iposait à leur immense commerce des péages arbitraires. Il faut dire aussi que la
ylitique des grandes villes de Flandre étuit devenue moins éj;oïste, et que Bruges, eu
Trant le droit de bourgeoisie foraine ( Haghe poortery ) à toutes les communes de
Wost- Flandre, les entraîna presque toutes dans sa cause. Bruges ne succomba que
ir rabandon de Gan»l, et Gand eut à s'en repentir. V. Michelet, Histoire de France,
V, p. 325, et, pour plus de détails, Kervyn de Lettenhove, Histoire de Flandre, t. III.
XV. Toute l'histoire du xv^ siècle est d'un haut intérêt dans le livre de M. Kervyn.
1. Un des grands griefs du duc était le développement croissant de l'élément démo-
'atique des métiei*s dans le gouvernement de Gand, et la facilité avec laquelle les
antois prodiguaient le droit de bourgeoisie pour accroître leur population et leurs
►rces. Il suffisait d'occuper une chanibre meublée dans la ville, parfois, même,
être l'hotc d'un bourgeois. Gand visait à faire toute l'Ost- Flandre gantoise.
. Kcrvyn de Lettenho>e, t. III. p. 271.
VI. 32
m FilA.XCE ET BÛCRiîOONE, MM-MiB/
dui! quitta la ville* liC corps? <h vjU«> nonujia un ju^tidiTtlu \ic\tfk
k lu ploré du rcpréseiilaiii du prinre [lin 1 V^il u
Sur c€5 ènlreraitcs, Bordeaux ,i\»^it capitulé; li»6 Anglufe éiaiem
hors de t'iiince. Une ambassade du roi arriva nu duc, a^^r ms-
gioTi « de n^montRT à monsieuj* de Duiir^-'ogm^ îiiir le fait deflâo*
dre. I' En m^îine temps, troi^ conseillci^ au piirleinenl coiuiuco-
çaicnt imc enquête sur la validité d^ la camion des rillcs dp h
Sùiiujte. Le duc, très-alarmé, c&saya sérieusement de imm ^
lesfianîuiïï. Il les avait exaspérés; sesavaaoes tuîvïii rqMia^^*
parti le pUij§ lioleut s*eiiipara du pouvoir. Mâllleun^uR* 011114,
avait là plus de vJûleiice tiue de caparité. Le [leuple tiouiiiia ir^
hmftmam [capitaines), qui n'étaient pandes-Vrlineldcs! Ilî*
rinitiathe de la ^uone; Gand adreâi^a i k Flandre lUtit^rê
appel qui fui accueilli par m\ silence presque général, Bnimi^
simvL'niul d'avoir été délaiîjsée par Gand, et refma ruruuJInamt
mn concouf!!. Les litab de Flandre eussent soulmilé d*inlen»J^
leur aiédiatian. Les» eapilairipsi gantuis n^im ^ouiua»nt |iîi*. fr
régnaient jmr la terreur; des exils, des exécntions HtlÀh
SJpnainiejit U*ur tviMunlipie doniinatîoîî; ils se llren* ' ■
une graudii expédiliDu eontrc Oudonarde et finunnuju
t7ne réaction éclalii contre citx : ils furent dé}K»^, puJ6 (k<a*
pi tés.
Le duc nV gagna rien* Les successeurs t)c£ rhefs^ mis a m(\
ruontrtrent autant d'énergie avec plu» d*équifé et de lumiitt*.
L'occasion d'une paix liunorfible était f^assée, La p\ rm
tenue avec mie extrême vigueur. Les Bourguignons U ..ur.uF. jg|
plaeable, le^Gaotob rendirent cruautés pour cruautcÊ. ]lsâvi^|
refrouvé toutes les qualités beUiqueusi*^ de leurs aïeut *. U^
exploits coidre la puissante gendarnKTÎP de lliilipp' '^\M
les sympatiiies des couununes t*n Flandre et au d* I' *t.
Tournai fais^ent pour eux des v<hix ardents : les Gniitui^ «tniirnl
un parti jusqu'en Hollande, et, poiu* la preuiJciT foi» dqiubkiii
1. Ua joar de (Mmut« , luie pdjEni4o lU Oiiolûii , m ^m%Umx ^mt hit mamt
lirnr-» {!Atii»rnttm, w battirout ^vtc t&ut aii^roï^ov c^ntTv hemi un tx»r^ û'm
dia\ ^ Mm dkrvui .» ^lnlU mmif!'M utlcitx mourif^ H«|U*ilt uttwtWcni à botom )«
[U5«] GUERHE DE GAND. 499
des gt^nérations, les campagnes de TOst-Flandrc, aliénées du duc
|>ar un droit de inoulure et par d'autres péages nouveaux, sou-
tenaient la grande ville.
Le 24 mai 1452, les capitaines, échevins et doyens des métiers
de Gand expédièrent au roi la longue liste de leurs griefs contre
le duc, et réclamèrent la garantie du roi comme gardien et con-
servateur de leurs francliises et privilèges, en sa qualité de sou-
verain seigneur de la Flandre. Le conseil du roi répondit [)ar
l'envoi d'une seconde ambassade à Philippe (juin 1452). Pendant
ce temps, rAnglelcrre, espérant remettre le pied en France par
la Flandre, offrait, de son côté, le secours de ses armes aux
Gantois. Les envoyés de Charles VII, le procureur général
Dauvet, le sénéchal de Poitou et un archidiacre de Tours, avaient
ordre de chercher le chef de leur ambassade dans le camj) même
du duc de Bourgogne : le comte de Saint-Pol, le neveu et Théri-
tîer du trop fameux Jean de Luxembourg, vassal du duc pour
SCS principaux fiefs et du roi pour le reste, était investi du rôle
délicat d'intermédiaire. Il ne s'agissait de rien jnoins que de
réclamer de Philippe, avec racceptation de la médiation royale
en Flandre, la restitution, sans rachat, des villes de Picardie,
sous prétexte que la cession n'avait eu lieu que pour protéger les
pays du duc contre les Anglais, et que, les Anglais chassés de
Normandie, la cause de la cession n'existait plus. Le conseil de
Fmnce demandait deux choses pour en avoir une. La Flandre
était le prétexte; la Picardie le but.
Le duc fit un grand effort i)0ur terminer la guerre et prévenir
rintervention du roi. Après avoir rejeté la médiation des nations^
c'est-à-dire des puissantes associations de marchands étrangers
qui avaient leurs comptoirs à Bruges, il s'était lu\té d'envahir le
pays dé WaOs, le grenier de Gand. Le 16 juin, il gagna, à
Basele, une bataille meurtrière, mais peu décisive, qui lui coûta le
mieux aimé de ses fils, le « grand bâtard » Corneille de Bour-
gogne. Les Gantois, d'un autre côté, prenaient Grainmont et
couraient jusqu'aux portes de Mons*. Phili[)pe dut écouter les
1. Il est à remarquer que, dans ceUe guerre, le succès est le plus souvent disputé
entre Tinfanterie pesante des piquicrs gantois et l'infanterie légère des archers
picards.
500
»(CE ET BOUiKiUGXL.
L*nlit' à iine Irivc de i\
envoyés tlu roi , et con&eniit' a iine irevc ae quel^iues $emm
Le '^5 juin, Ites^ amhas5Mideur& fnuiçais, motus le canilç
ToU iMilrèiênt ù CiïiikI, presque en mfrme temps ffifune iw^lik
tnjufie JïH'diers nnglnii*, roinine&i le$ Jeux cam*oiii]c$ sefufasiMil
(lispule k la cotu'St^ raliiuiice gauloise. G«iJid rûçul « à grand btxh
neur» les envayés de Charles VU, niais n*fi|fréii leur malbLlûn
qu'en &e n^snrvîint de nilitîcr les cDndiUoris de paiî. De» ctinTè^
rejjces st'ôuvrirent ii Lille. Philippe conlint la colère, que kl
]n£|itrail lu rcveudiolion de la Picardie, §ardA tnie certaior
niDdératiou dans £un refus et s'apfrliqua à gagniT Ira eamy^
de Chfirks VIL !1 n'y réuissil (pie tro[j bien. Leur !?enlpnce ariii-
irole lut uue «lentenei; de rondainnation conln? Cand. Ils ordwih
nèrent la cl/Vture perp^'tiielle de k porte par laquelle le$ Gnolok
élaient soiii&pour eomhallre le dur h ftasele, leur Iniposèrenl
ameude de 200,000 <^*ciiâ d ur, eujoij^nin^nt la âuppiK^ssîirn des
luèrcË des uiéliers et des « clia[ierotis LUuics, • co noneni ii
de la milice ^^anloi^se, iïilerdirtmt les fiS^mbkVs gétiéral**s *î^
niiHiers, :ilK>lirerit la suprématie des mai^nstnits de Gand sur
rliMellenies de la Flandre onenl;dei âoiunircul tontes leiir&d
siens à la sanction du bailli ducal, et leur enjoii^reit d'il h.
tiHe nue ni en chendse, suivis de 2,000 bout^eoiât deniûiiil^f
pardon au iluc.
Philipiie avait pris Saint-Pol par m% inlêittîi K'odatii^, et «*
coUcjTues i>ar des appâts (dus grassîei^. Il leur atloun 24|OO0 lims
€ [lour li'urH vacaliurui*, p
Les tkntois, indignés, rejetèrent la sentence, ap|>elèfi!nl au r^
de la rt fraude u de ses envoyés, et reiirireni rofllensiviî sur aïK
praude tVhelle. Des handes d'iutré|)klés uihmtajres, qpfn'lé^
tt Coiupa^înoits de la Verte Terde, o para^ qulls tenaient san»
ai«se la eampaKiie vi ne couchaien! plus sous lin loi! , allmcat
harceler renneiiii ii dix et vin^t 1 leurs k la roudr. Les imiUanifr
de Philippe crois^iient. Le Luxembourg, qu'il ainîl réecmineiït
usurpé, se révoltaiL Le duc s'allendait à voir Ir roi désavoficr 9&
ambassadeuns et [uéparer une intervention année. I^s alarme»
^mnat \àt B4ïiiiTro|^i' ) ilit 1 132; aî>, MidiMlvt, V, 352. I* rr^ciiiviir ^liw^tm! n»»iH.
lui âv% fcriibstiiMi(leur»f tfui la p«n In plui aettre aii pn^cé» de jr«aqii^ CV-r
JUoM453] OLKHRE DE (ÎAND. oOI
du duc rendirent la guerre toujours plus atroce. On brûlait et
l'on tuait tout. Sur ces entrefaites, Pliilippc et les siens ai)prirent
avec une vive joie la descente de Talbot en Guyenne et la révolte
de Bordeaux. « Pli'it à Dieu, » disait-on autour du duc, « que les
-Vnglois fussent à Rouen et en toute Normandie! » Le roi avait
désormais trop à faire au Midi pour agir efficacement au Nord.
Une troisième ambassade française reparut cependant à Lille à la
lin de janvier i \X]. Elle fut assez discourtoisement reçue par
Philippe, qui lui interdit toutes communications avec Gand. Les
conseillers du duc tirent entendre aux envoyés (pie leur [)rincc
ne craignait pas le roi ; qu'on savait le mécontentement du peui)lc
de France, a pour les tailles et aides qui coun^nt et la mangeric
qui s'y fait. » — « Sachez, au regard des aides, » répliqua un des
ambassadeurs, « (pie Taide du vin es pays de monsieur de Hour-
gognc monte plus en une seule ville que toutes les aides du roi
en deux villes. » Les envoyés s'en retournèrent fort mal contents,
après avoir tâché toutefois de ne pas donner [)réte\te au duc de
traiter avec les Anglais. Les Gantois leur avaient mandé fièrement
qu'ils attendaient l'efftît des promesses du roi et « n'étoient pas
délibérés de plus récrire à personne du mondée »
La lutte continua. Feudataires et mercenaires, Bourguignons,
Picards, Hollandais, Wallons unissaient en vain leurs fureurs. Le
duc ne réussissait [)as à enfenner les Gantois dans leurs murailles
et n'osait entreprendre le siège régulier de l'innnense cité. Le
héros des Wallons, Jacques de Lalaing, qui, par sa loyauté, son
Imnianité, la dignité de ses mœurs, semblait l'idéal de la cheva-
lerie égaré au milieu de cette noblesse orgueilleuse et cruelle,
Jacques de Lalaing venait de tomber sous les coui)s des Gantois,
pleuré de ses ennemis mêmes. La prise de deux ou ti'ois forte-
resses avait coûté des flots de sang. La trahison fit ce que la force
seule n'eût pu faire. Le duc acheta le doyen des maçons, Arnold
van-der-Speeten, qui conujiaiidait le château de Gavre. Les Bour-
guignons mirent le siège devant Gavre. Van-der-Si)eeten courut à
Gand et annonça que le duc n'avait que 4,000 ou 5,000 honnues,
et qu'on n'aurait jamais pareille occasion de le détruire. In capi-
1. Relation des ambassadeun^ ap. Kcrvyo de Lettcnhuvc, t. HI, i). 330-356.
mt FriANCB ET fiOtIR€OC?;£. Mm
taîJic anglais au service de Garni» John Fox, npptiTii de toute n
forcT Van-Jcr-Spectei3. Les Gantois oiibli^'^renf lu pi' ' •^ff
iti*|iît*lk* ils avaient évité tuute l»alaille gênî-nile, et ;.■:..: di
masse, 3tî,0(K* ou 40,000 honjnics. Ilg (rouvèrtnl en face dVia
non i»îis i,000 ou 5,000 solda ts, maïs iinv forniiMalik* arméuèU-
blic dans un excellent poste. L'Anglais John Fox, quittant i»on mnç,
courut joindre les Bourguipions : « ramène le^ ffîinif^fs, dii-il,
comme je l'ai promis ♦, *
L'instigation de latraluson venait prol: .*'
qui conspirait de nouveau contre la coui* > :
traitiut seti èteinent avec le due de lîonrgogne-
Le sort était jeté* Les Gantois altaqnèreiiL ils rureni iliiTi-^
leurs ancêtres. Leur râleur balant,*îi loni; temps Its nv^Uitaî^H d'tm
ennemi qui les avait atlirfe sur un champ de Ixitaille ûmé [ar M,
L'explosion d'un diariot de poudre * au plu5 éfiois de Unm
bataillons jeta le désordre parmi eux. Leur liene, mal li^, fat
coupée. Une de leurs divisions fut jette dans l'Escaut. La uwoq
de Bourgogîje Tailltt disparallre ànm «n vlclûirti. tn gro$ de ûts^
lois (mille ou deux mille) s'^rtaient jetés dans une i ' riloorfr
d\tn fossé et d'une haie, et avaient repoussé à i«i' _ nîprik*
les attaques des gens d'armes* Le due lance son clieral pir^ess»
le fossé; il est ciiveloi>pè : sou cheval est tmirpi* de quatre coo^
do pique. Son jeune OU, le comte de IHiarobis itiharles fe Temh
taire) ^ vole à son aîtle : il est blessé. Les deux prinrt*îi étaient ttff'
dus, si les archers picards n'eussent, en m mmmnt^ fntock^H
leur tour le fossé. La troupe gauloise se fit tuer jusqu^nu disiK
hounne, ainsi que naguère les Suisses devant fkile *.
La moitié de l'armée de Gand ri'sla mr le champ de tiataife
ou dans les flots de rKscauf {23 juillet 1453 )p I^ premier mcwiT^
ment du duc a\ait été d'ordonner la mort du |m:u û& immm\>(^
qu'on avait faits ; cependant , le s|)ecLacIe de rcs Tiogl milto tnorfi
1. Olivier dft \Sk MaitWi h j, f% -xwni^
2. « Par liaMtdr oti par pi»i'âdii? ur)tiçl<ibo...»FoDt«i U<iitemi« IV» li.
t. >• Certc»,,. on Gantois âe petit t\a,i lit cr Juin* UM tJ'initM et tant àw fw
taitcc'* qu^^ n\ c-«tt« nVAOltir^* «>u»ît Arrh^iv à un h«i]mu#' tl« h\tr%\ «m f|f»tf |« 1^ aaflf,
tt(MUnic<r, j« ui'4(M|nittciroiif tlo jiorttT lii>ntiritr k son ïiardimr^l [k «« launitiaM |. r
Olivier de la Mucljf ^l^^* <>\i\'m Hm yuiH'Ucr da ^m FLOllirpe . pi 90dtetial|i
9C« c^iéa*
[1453] BATAILLE DE G A VUE, 503
qui couvraient la plaine et le fleuve lui fit horreur. Il se retrouva
honune. « Vainqueur ou non , » dit-il , « c'est moi qui perds ; car
c'est mon peuple qui a péri... »
« Lh fut, » dit Cliastellain, « la première fois qu'il avoit eu pitié
des Gantois. j>
La vengeance était apaisée. La politique tira de la victoire les
fruits qu'elle pouvait donner. Les libertés furent frappées plus que
les personnes; toutefois les franchises de Gand furent mutilées et
non anéanties. La grandeur de la résistance semblait avoir imposé
le respect aux vainqueurs. Philippe ne voulut pas réduire les
restes des Gantois à s'ensevelir sous les ruines de leur ville. Il leur
accorda une capitulation qui différait peu de la sentence prononcée
l'année d'avant par les ambass^ideurs français '. Il confinna le
reste des privilèges de Gand, renonça à la gabelle, et, quelque
temps après, diminua l'amende et fit cpielques nouvelles conces-
sions. L'hisloire doit lui tenir compte de cette modération. C'était
la première fois que les gens des comnumes essuyaient un grand
revers sans que le i)arti féodal signalât son triomphe par les
proscriptions et les niassacres. Toutefois , la clémence ne fut pas
complète. Le duc avait pris en mortelle haine le principal cai)i-
taine des Gantois, Jean de Vos, dont les succès avaient maintes
fois irrité son orgueil. Jean de Vos s'expatria. Sept ans après, il
fut arrêté sur les terres du duc, décapité, et sa tète plantée sur
une des portes de Gand ^.
La Bourgogne et la France royale avaient vaincu, dans la même
semaine, l'une les Gantois à Gavre, l'autre, les Anglo-Gascons à
Castillon. (17-23 juillet 1453.) La position respective demeura
ainsi la même; puis l'agitation causée dans la chrétienté par la
chute de (]onslantinople détourna quelque temps les passions.
Les deux puissances rivales continuèrent de s'observer et de se
contrecarrer sans éclater. Le duc de Bourgogne avait un dange-
reux auxiliaire dans riiéritier même du trône de France, et les
1. Il y avait une disposition de plus contre la facilité du droit de bourgeoisie, et
ramondc citait aui^nientëe d'un quart.
2. Sur toute cette jj^iern» , voyez le récit émouvant de M. Kervyn de Lettenhovc ,
qui a ravivé, avec une passion patriotique, tous les grands souvenirs de la vieille
Flandre.
dt*rnièrt!s ïuinêes de Clmries Vil offrent un clmne tourne d*q
!niul(î et sévèRi mura II le.
Tout prospère au rcji flharlcs* On Tappelli? h ThiurirH^, Ctsi
en son nom, c^est pour lui que s*esl opi^ive la dtlhnino? tîu
royauniL\ La popularité lui est veonr iivw le ^uirH, U* -^ r '
des umux edrajabtcs auxi|ycls OJi \i«*iit 4'tTli.ippcr îi j^ u,
hîen-étrc rektii" de cetti^ $odàié qui renall , rendent ïoutr» to»
charges légères et la TouIé» palîenli* : le pt*u(»le fail tm-
roi le iiiérife do sa condiliou ineillrure; le jK'UpIc xui. .
lali gi'*ntTaux mioij\ que les vn^i$ ressorts cl *|ue liîs lau&cs (iiTti-
L'ulierfîs, et reporte iiaturelleuRnilsa rancune nu sa rc<vrni),\l'su
sur la personne au iioui de laquelle se fait le bien ou le umi.
Ain.si rtit^roïsnje , ïe dévcniemenl, la sauitel6, ont iit
sur le inklicr, et le vice, ringratitnde, la bosse jaloiisie îtùùtni
en paix et en splendeur aux ac rlauiâtîons de la niuItltudeT
Voilfi le delïors! lîauloiis rappareufe : \yui b r^Ulé. Cuiianl
invisible a touché au cœur le royal conq)lirc de La TK*iuoilïo «i
de Rcf^nauld de Ciharlres. Fue jtLstiriî plus R\re que \:\
liouunesa [jréimre rexpiation, Charles VU est frappé v;....
timenl qui subsiste le plus souvent eliejî k« fttnes les [dus i ;
et qui nest puur elles qu'une e^leuijjou de regulsine; donj »'
K^nlinimt de la coîdinuite, de la Iranî^missio:: * ' - ; "^%^b^^
la paternité. La défiance, sou propre vire, - itnî kll
dans son fils* Lui qui s'est di^flé, on peut le dire» de Dieu m^iw'
il voit mn lils refuser oljsfiuiiiieut toute UÂ a sa |>aroIe durant
quinze ajiiiées entiures^, et ne jaiuais admettre la poaubllile J'iuu!
sincère rétoncilialioiL Lui, le roi qui a conspire jailte fontr^ *(•«
royaume > il voit mn héritier en étiil de cum^pînitiQn pcqiètuclk
contre lui, jusqu'à sa mort impatienunent attendue ï
Depuis liiG, le daupliiu avait refusé de ivparaittre a la conft
mal{^^ré les instancetâ réitéi^êes dt5 mn jten^ : U vi\iul en &riuTci«iïn
iudépendanî au fond de son Daupluné, ioslituaiil un porl{*tnaitâ
Grenuljle, mie université h Valence, faisani la guerre ou b pstti
avec »es voisins, et déployant de rares tatenU ailmiiii^tnilif^, é
suri oui un esprit essenliellenicnl novatem* ', Daminartiu et te
:A)(I
CHARLES VU ET SON FILS. 305
ivoris poussèrent le roi à un parti cxtrônic. La révolte de
me, en 1152, avait détourné une première fois l'orage;
je reforma. Les plaintes des Dauphinois, que Louis sur-
it d'impôts i)our payer ses soldats (il avait forme jusqu'à
ipagnies d'ordonnance), servirent d'occasion ou de pré-
;s intrigues du dauphin , ses lettres aux princes du sang,
s du conseil, aux évécjues, qu'il tâchait d'intéresser à sa
tonnèrent plus de poids aux avis violents. Au commence-
145G, le roi marcha en persoime, avec des troupes, pour
son fils à revenir près de lui et à congédier les conseillers
s on imputait sa conduite, hien à tort; car Louis consul-
le monde et n'écoutait que lui-même,
protesta de sa soumission filiale, en refusant toutefois
er ses conseillers, et en priant le roi de ne pas le
dre à se rendre à la cour : il promettait de ne jamais
2 Rhône ni entrer dans le royaume sans le consentement
es VII. Le roi répliqua qu'il désiipprouvait fort , au con-
ue son fils se tînt outrc-Uhône et refusât de voir ses l)ons
LX sujets, qui avaient rendu de si grands services au
î : il parut surtout fort Ijlessé que le dauphin « ne se fidt
sa parole pour venir vers lui , » et affectât de se croire
il de son corps. » « — Mes ennemis se fient bien à moi,
fils ne le veut point faire!... » Juste jugement de la Prô-
ne céda pas : le caniclère de quelqu(;s-mis des hommes
urdient le roi , de Dannnarlin surtout, motivait assez ses
s; il se savait accusé de l'empoisonnement d'Agnès Sorel,
lait d'être jeté au fond de quelque forteresse, et assassiné
lenl par ceux qui avaient intérêt à faire passer ses droits
te de son frère Charles, enfant de dix ans. En vain le pape
lis de Caslille et d'Aragoji, alliés de la France, avaient-ils
e s'interposer : h? roi ne voulut rien entendre, et le dau-
►béit point; toutes ses actions dénotaient un mélange de
et de résolution opiniâtre; il était dévot jusqu'à la super-
1 i)lus puérile, et c'était peut-être le trait le plus singulier
caractèie que cette dévotion crédule, cette espèce de
ae, séparée conq)létement de la moralité et alliée à un
506 FRAICCg ET &OtHGDG?i£.
Cîiprit si hanli, sî positif, sî di^u^, à tom anlrra ^.^anls, tioii.
seuleineiit de loul pn'^jugi', mais de loul scnipnk : U fr r«Xii
aiandiiît dune iiicessaniment aux Siiiats Ju iKiradte, H rm
force dons el tiffrandes aux égUsi^s les iiiieax fimiècs , snwim
Niitrfi-Dnme de CliTi et k Notrô-Dame d'Embnm, car I
No[n>namo tics divers lieux de p^M^^rinage etaieiil imur i-n ^ n-c
des êtres dîsliiids' ; un môtiie leni{js^ il ordfiriiiiiit oo DûU{ftljiiir tutr
lc\ée en niasse, de dix- huit ans à soixante; maii ses To^satix
nY4nit'iit pas plus dispos*''? qne les saints à combaH ' r.
Iteiia ce iiioment critique, Louis apprit fine son Ik . . ^ , . ; Jf
de Savoie, capitulait avec le roi, et <jue le c^iiile de Hauitiiartii»,
San plus fitriind ennctni, venait denlrer en Daupbiné à la Irt*? iti
corps (i'arnukî* La r&islanre était impossible* Louis qniltiiHAi
dence $om prclexte d'une païUe de chasse, montri i rhetai , Iit*
lïuidi^nie, &ejela dans les montagnes, traversa une ftariied»
de Savoie, et g^m'à Saint-Claude, en Frandio-Coiult^, d'où U <xi
vil au roi qu*a la rt-quôte du saint-père, il alliul joindre t ssm I
onelc de Bourgopie^ a qui s'appaMaJl à « partir funlre les Tiim
puur la dèlni^e de la foi » (30 août 1 456)*
H pria donc le sire de Blaniunt, martehal de Bo(irg0giii\ àek
conduire auprès du duc, qui * tait aux l'avs-Ikis, occiifRd A inffklld^
de vive force un de ses noniljreux bâiardi$ »ur le $i^ire i^piM*c»p
dl IrechL Louis fut iT(,it h Bnt\etiesi par la durljcssi! de Bûd
po^îne avec autant dlionneur qu'eût pti Tétre le roi lni-4llteie. 1/
duc Pliilippe revint liienUH ûe Hollande pour sidui'f le diiu|àiB»
qu*îl traita a en tils mué de roi de France» > »«î tndLitit « ear|!ili
biens » k ^ disposition; il lui a^bî^na pour loi:iî> le beau etiàlan
de Genap[ie^ h une lieue de Nivelle en llralunl, avei: une ritlir
pension de 2,500 livTes par mois pour son enti*etien ': Le diuptiifl
eût \ oloutieré pris le duc au mot el reclamé le siTviï^e de foii é|MV;
mluX [rantimJivf ) il RnUiUt ikn vosux 4 » inotinear SiUi)i->S»»fair«I» EcdMi^oil
'2, Le d»iiii1nii n]ip<^1»lt Ftiillppt^on onét, ptLTvn i|titf U iSiir 4ii UoarfOgpBV %i«M
3. K\f fui pcmr aïmim*t U^ laWtr* «Su el«4iJ^»ii ûù ticniifjie f|iiB Ail oMi|pi»T ^
nnriunl *lci imf XoHTfiUf nomyilêê ^ tinltïiut«tj dw fiécmatrm lit nucmnr tf f*i^
{ ftihliAQ) uvuïi flutvî k diurne tvuiliujcc %nc k rtjnuiii ; il Vf«Jl t^Ulé I» icn r««r i*
[1450-1457] LE DAUPHIN EN BRABANT. SOT
mais PliilipiMî excepta ce ^^enre de service, et n'accorda que sa
médiation. Il envoya, par ambassadeurs, à Charles VII, les lettres
de Louis, et ses propres explications sur Taccueil qu'il n'avait pu
se dispenser de faire à a monsieur le dauphin , » ne désirant que
le bien du père et du fils.
Le roi venait de remettre le Dauphiné « en sa main *, » et de
saisir tous les revenus de son fils. Il répondit aux ambassadeurs
que c'était le dauphin qui s'était , de son plein gré , tenu éloigné
de la cour; qui, parti en liiô avec un congé de quatre mois,
n'était pas revenu depuis dix ans, et, au grand déplaisir du roi ,
n'avait pas eu part « aux victorieuses besognes faites pour le recou-
vrement du royaume. » Charles disait d'ailleurs être tout prêt a
recevoir bénignement le dauphin, pourvu qu'il se réduisit à son
devoir, et s'entourùt à l'avenir de personnes notables et bien
intentionnées. Louis répliqua en ofTrant de demander pardon au
roi , et de pardonner à son tour à « ceux du conseil » qui lui
avaient nui ; mais sa dépêche était beaucoup moins soumise dans
le fond que dans la forme : il réclamait la restitution du Dau-
phiné et le paiement de ses pensions ; mais il ne s'engageait nul-
lement à revenir ni à congédier ses amis et « féaux » conseillers.
Une seconde et une troisième ambassades du duc de Bourgogne
n'aboutirent à rien. Le peu de succès de ces négociations ne dimi-
nua nullement les égards de la cour de Bourgogne pour le dau-
phin : en février 1 457, la bru de Philippe, la comtesse de Charolais^,
étant accouchée d'une fille, le comte Charles vint en grande céré-
monie inviter le daui)hin à être son compère et à tenir l'enfant ,
qui fut baptisé avec pompe à Bruxelles. Cette enfant fut Marie de
Bourgogne.
Peu de temps après, Louis manda auprès de lui sa fennne,
prose. La licence de la plupart de ces contes ne prouve pas en faveur des mœurs du
dauphin et de ses amis, qui , à ce qu'on croit , fournirent les sujets à tour de rôle ;
la forme n'est pas si défavorable à leur jjoût : il y a beaucoup d'esprit , de mouve-
ment et de couleur. Le plus développé des contes, qui tranche sur les autres par un
caractère sérieux et touchant , paraît être d'Antoine de la Sale, Tauteur du Petit Jehan
de Saintré. On lui a attribué, sans preuves, la rédaction du tout.
1. u Ce fut l'époque de la réunion finale de cette grande province à la monar-
chie... elle ne fut jamais plus administrée, ainsi qu'elle l'avait été par Louis, comme
une souveraineté étraiifçère. n — Sismondi , llht. des Français, t. XIV, p. 3.
2. Fille du duc de Bourbon.
«tè niANCK RT UOtfkGOG?<E. kUM)
<;iiarlotlc de Savoie, « avec laquelle il ii'a^oil jKiiiil chodit U;ânù.
l>our son jeune îtge, * et qui ilail demeure*! co IteiujiluDi>, L'aiurc
îîui vante, elle mit au mot) Je un lilîî, qu'on Jipii«la Joncliim
(27 juillet 1 458) ', et le duc de Bourgogne vauliil éti'*' le pairaîu.
Le due se uiontra si utîigiullque en eeUe OLcaîiiûn , ijue le tliih
phin lui dit, nn se découvrant, eoulre Tusape dejî hèiiti-T' 'i'
France : « .^lon très-dier oncle, je ne iKiurrui jmii^Uii ^/
(recomitdlrc) le bieu que \om me fuites, sitioti que, po<u: ruar
ffuerdon [récompense ], je vons baille mon corps, le l- ' y 4
femme et le eorps de mou enfanL » Le duc îi* n:ni > j
Lelles paroles en s'agcnouillant jusqu'à ce qncî I^oiiis eût mna
son chapeau "''.
Il est dirikile de savoir jusqu'à ijuel pulnl le duc I1illi|fr
avait foi dans la reronnaissance du daupliiii; luaiâ le roi «
jugeait asa*i! bien. » Mon cousin diî RourjKoOT*' ne sait cf «juH
fait, ^ disait Cliarles Vil; ^ il nourrit le rriianl qui lU^ungcrA $fl^
poules, j>
Les ra[qKirts des deux cours s'aigi îssaieni de plus en [im^ t»
boime parlie du conseil excitait le roi h aller c quérir y imdh
les uriues à la main en BndjanL Charles Rvnla devant une Wh
entreprise; néanmoins il tit un fias très- agressif en prenaJdKo-
sa [»njlectiou ïliionvillc et d*auLi*es places du Lu\embimf|^« qiil
u'avaieul pa^ voulu m i^ouiueUre au duc Philippe , cl en jurbelnfil
les |irétenlions de la uuuson de Sa\e sur hi dorlié de Lirin»-
bonrg. Les inlrigues de la cour de Bourgngîie envcnimaienl cn«o'
le^^ tjuerellus enlix^ le roi et le duc. LtHiis de iuMMnbonr^, i:*,nBk
de Saiiit-1'ol, jaloux de la maison picarde de llrcn, qui so^qyrait
1. (*ci pnfani maurtit an bont du quntrc^ niuiftt te tUtiplifii •• ml mm |rf»M «^
liftin , H ûi vtua ^ dit-titi « k cnitc uceii^lùti âfs p« ctumoff» Jmiais «l'ooliv Cnour f^
nntiircllM racû«mic% par Lo«b XI «t an wripMrc » rMtr t^|»n*|wr - Chscliv», iHu-^
Lmiik Xtf t. 1 1 lu H*5. Il ettl trub ilc et?s flIUi» d'une «ïnuiiy du la tu ►Kl- tn-iiv^n !: n--
uoip*: iitt SiUHfiK^^n Lits îuilTt» ljÎHl4(nniiJ* n¥ mtmi j^û» du Umt d ■
InÛifM.'^ avfïC LuuÎM XI i\\m cIaiih Ia ninxiiiili" moititi il» mon n^^bt,
rv]'ri}i((.HiU*iit ttoavoal tiïité dW feutre onii» d'une* mi^LiUlc de ploial» à l'ii&ict «^
Xolrç-DtBM».
[HWÎ PnOCKS D'ALENÇON. 500
loule la faveur du duc , ne clierchait qu'à animer Cliarics VII.
Scnint-Pol, dont les grands domaines élaient situés sur la lisi(>i'c
de la France royale et des états bourguignons du nord, visait à
se faire une es[)èce de principauté entre les deux états , et à n*obéir
ni au roi ni au duc : ce jeu devait un jour lui coûter cher. Le roi,
depuis que sa puissance était si bien consolidée, affectait envei-s
Philippe une hauteur que le « grand duc d'Occident, » comme on
l'appelait en Italie et en Allemagne , était moins que jamais disposé
h supporter, lui cjui songeait alors à obtenir de l'empereur le titre
de roi de Bourgogne et le vicariat impérial de tous les pays de la
rive gauche du Rhin. L'éloquent et docte .Enéas Sylvius Piccolo-
mini, qui venait de recevoir la tiare papale sous le nom de Pie II,
secondait le duc Philippe dans ses prétentions*.
Un grand procès, sur lequel tout le royaume avait les yeux , et
qui présente à l'historien de tristes problèmes moraux, faisait
dlveraon aux démêlés du roi , de son fils et du duc de Bour-
gogne. Jean, duc d'Alcncon, avait été, dans sa première jeunesse*,
le fidèle compagnon de Jeanne Darc; malgré les fautes de son
âge mûr, il avait gardé le culte de cette auguste mémoire, et , au
commencement de lioG, il venait de faire, dans la dernière
enquête du procès de réhabilitation , la plus sincère et la plus
importante ptnil-étie de toutes les dépositions *. Cependant, au
mojnent même où il attestait ainsi la fidélité de ses souvenirs,
Jean d'Alencon conspirait non pas seulement avec le dauphin
contre le roi, mais avec les Anglais contre la France ! Pour quelques
mécontentements piûvés, et surtout par haine ])ersonnelle contre
le roi, il s'était mis en correspondance avec le duc d'York, lord
protecteur d'Angleterre , et lui avait offert de lui livrer les places
de son apanage, avec une puissante artillerie, s'il descendait en
Normandie. 11 avait suivi, aimé, pleuré Jeanne sans la comprendre.
L'achèvement de l'œuvre de délivrance par d'autres mains, au
1. Voyez, sur la querelle de Charles VII et «le son fils, Vlliftoire manuscrilf! de
Louis XI, (le l'alibé Loj|rrand, ù la Bibliothèque; — Duclos, avec les pièces jus-
tiScati^ os. — La préface Je Lenglet-Dufresnoi , dans son édition de Coiuines. —
Jacques Duclcrcq.
2. Elle serait bien autrement importante encore, si nous l'avions tout entière:
mais il n'est pas douteux pour nous qu'on ne l'ait mutilée. Heureusement , la chro-
nique de Perceval de Ca^ni y supplée presque complètement.
8fi
XT IIOLROOGNE,
profit de ce roi qui atall aulrefob Irahi b lift -^^» •
bouleversé Unîtes ks uulîoiis du liien cl du miil
• Soyons d'acconl île par Dieu on île pàt le diable l • manibiiMI
aiî duc d*York'*
iVHmi en 1455; le duc dTforfe femiil de rcjireiKlre ïmêrme^^
de vaincre et de tuer le duc de Somcrsel, diiîf ilu pîuH de h
tùmù^ et de sVinparcr de la pcrsonuc du wi Henri, alors ^
pleine démence. 11 gouvernait TAngleterrc au nom àv llmn, sa
oser encore s*arrûger la louronne. York ne put que nreroir AXfit
joie les ouvertures du due d*Alcnçon; une etitrtjprisc* coiiirr b
France eût éié le nieilleur moyen de consolider son nutorilé; i»
il ne fut pas en mesure d\igir âur*Ie-eh.imp, et bientiM il fut
nouveau renversé du pouvoir [lar le retour monienlant de Hiniri \l
h la raison et par une rtmliarî «pie dirige^ûl la renie MarTjnrnl^
Alençon essaya de renouer l*afïaire avec le iiarli de la nDîne ; mais»
8ur tes enti^cfoites, un de ses l'^mî.Hsaîres alla tout t*%^kT à
Charles VIL Le duc Jean, le 27 mai 1 i5C>, fui arr^li? h Paris («r
le comte de Dunoiâ« et conduit â Melun , où des connnisïairrs du
roi rinterrogèrcnl; il ne voulut poini leur repondre, non pte
qu'au conniHîd)U\ On le mena vers le roi, en flôinijûiiniik; (3iarl«
lui reiirocliant sa traliîson , il r^-pondit a^sc^s Ji^rcmenl qu'il n*Mt
pas traître, mais tiuil avait tait alliance avit c aucunî? ;'r<n,u
seigneurs» contre le duc de Bretigiie, qui lui dftenall ^ \l!
Fougères, sans que le roi eût voulu lui en faire < avoir raison en
m COUT. » Le roi répliqua qu^il lui ferait faire snn pwcH * tout
au long-, » « Cest chose hion piltuisa et dqd;iipanlir , t diwil
Clmrkîî, < que je me doive ainsi gaixlcr de eetix de mon sang;
plus ne saiï^-je h qui me fierî >
Cette ime aveuglée ne voyait pas la main d'en liaul qtij U rïd-
liait- i JYtaisi loyal : qui m'a fait tratlre? » eût pu lui répondre
Alcncon. Le duc resta deux ans prisoimler. La proc^ikin? Icrj
le l'oi convoqua le pîujement garni de pairs à Moniar^bi l'juin 1 » -r .
l*e due de Bourgogne, sonunif^ de venir sk^ger cnmme deu\ (*^
pair de France ( i>c)ur la Bourgogne el h Fliiiilre i ^ ri-pondil
(jn'en ^erlu du trait*> d'Arras, fl nVlail astrcinl h aucun ilHi^li
L J* Clmrtkrf |f. Ml.
[1447-1457] (ÎILLES DE BRETAGNE. oil
icodal envers la couronne, mais que, néanmoins, il voulait bien
se rendre à Montargis , et il manda le ban et rarriùre-l)an de ses
feudataires et les milices de ses bonnes villes, i)our lui servir
d'escorte. Le roi se hàla de le prévenir qu*il pouvait se dispenser
de comparaître en personne, et Philippe envoya des ambassadeurs,
non pour participer à Farrct, mais pour plaider la cause de
l'accusé.
Le duc de Breta?:ne ne figm\i point entre les juges : c*était
rillustre connétable Artus ou Arthur de Richemont qui portait
alors la couronne de Bretagne : ses trois neveux, François, Gilles
et Pierre, s'étaient éteints san5 laisser d'enfants mâles dans Tespace
de sei)t ans. Il y avait eu dans cette famille une lugubre tragédie :
le duc François, Faîne des trois frères, celui qui prit i)art à la
délivrance de la Normandie en 1159 et lioO, était entièrement
gouverne par son favori Artus de Montauban. Celui-ci, animé
d'un ressentiment implacable contre Gilles de Bretagne, qui lui
avait enlevé une riche héritière dont il ambitionnait la dot, entre-
l)rit de perdre ce i)rince. Les relations que Gilles entretenait avec
l'Angleterre, tandis que le duc François se donnait Siuis résoi-ve à
la France, furent Foccasion de sa ruine : Gilles fut arrêté j)ar les
trou[)es du roi, remis au duc son frère (1447), et traduit devant
les États de Bretagne, à Uedon, comme accusé de haute trahison
et de plusieurs viols. Le roi envoya des commissaires près de
Fassemblée de Redon. Ces délégués agiront en modérateurs plus
qu'en accusateurs. Ils firent remarquer que l'instruction du procès
était insuffisante et irrégulière; qu'on ne pouvait condaumer Gilles
sans l'avoir confi-onté avec ses accusateurs. Le duc, ou ceux qui
le gouvernaient, ne consentirent pas à la confrontation, ce qui
rend leurs imputations fort suspectes , du moins quant aux crimes
privés. Les États de Bretagne déchu'èrent le procès suspendu
faute de i)reuves, et le connétable intercéda vivement pom* son
neveu. Gilles fut reconduit dans son cachot, et y languit trois ans,
jnalgré les prières du connétable et les réclamations du roi lui-
même, qui avait réclamé le captif. Les geôliers de Gilles, après
avoir tenté en vain d(i le faire péi'ir par le poison et par la faim,
finirent par Fétoufler, sur un ordre scellé du chancelier de Bre-
tagne, neveu d'Aitus de Montauban. l'ne tradition analogue à
^n FRANCE KT iiontr*or.yE: iu%^
tvilv fini s7*lriit atladitV im siip|»lito du dernier grand •malt a* du
Tfiîiplo ni|ii»orle que Gilles rk* Breliiinrw^ avant di* fuCiUrir, iijaiirLià
son fn're lûnù devant le tribunal de Difu; le duc Krançok, ~
de rhnprin cl de nnirnrds, ne snrvernt qm? rjuidques mois à j
victime. Leur plus jeune I'hto, Pien^e» devenu diîc, dnn^todit^
son tour dnns la tombe m 1457, après avoir Tail jiisUce des me
Irîers de Gilles» et ce fut le TÎeux comte de lUdiGniofil spii Writf"
de ses trois neveu.\'.
Tout prince sauvemin qu'il fût, Aiin^ de lUcheitionl n'en éfe
im moins dHuienré «^ lion François; i> lo vè\c ravori de ^m» d«^
lîières aiuires fut une descente en Angletems il ne renv'^^^^ '-■''-^
iiu roi i*ép6e de cannéiîiWe, api't^s ^tre inoiîtt'' sur le si- ^
et dit « tpill voulait honorer ea sa vieillesse roffiei! qui lnimi
honore^ en sii jeunesse, w eondulte d'auUul plus noble que IXkltc-
innnt vivîiit depuis longtemps loin de laeouret sansci^dilaupn';»
du roi , qui avait souffert ses services siins jamais «imiîr sa iier-
Le due Artu^ , oncle de la femme du due d'AlencciEi, oe vodiH
point siéger dans le procès de ce prinee , et ne se n*xidit à Ven-
dôme, où la eour des pairs avait éié transfert^', qu*aJln d'i '
leder pour son neveu. I/assemblée se composait de la plnp.iE . >.
prinees du t^n;:, des pairs ecclésiastiques cl de quelqo*> .inu--
pr«:lats, de quelques ffrands seigneurs, des grands onkiei^ de k
couronne et d*une pnrtie de^ mt^nilires du parlemenl de Paris, i
roi , accouipagué de suu i^Tond liit^ , Charles, A^'è d** douze
ouvrit les sC^ances en pei-somie, Leti aveux du due Jean »mpli>
(livrent les fh'bals : après qu'un des ambassadeurs de Bou
eut invoqijL» la inisènconle royale ûan^ une longue el i^'-* *
tesque baranpue, le due d*Ak"nçou fui dtTlani mmiuel il
majesté, déboute de ses honneurs et dij^utês, el condAmni^ à
perdre eorps et biens (tO octobre 1 SrïH). Le roi renvtiya le due
dans sa piison, suspenrlit iu<lè(îniuient rexrâilifui mpitaJe, d
laissa une pallie des biens du coudauuié h sïi feuniie et & hs-
pn il la %iM*ifi^fnT «lu t!ii»7 r(**rn? n du wntiêtiii4i* i H dctint }mr lu ^m
[1458] LE DUC ARTL'S DE BRETAGNE. :>I3
enfants, « en faveur des nMiuètes du duc de Bretagne, » et
non de celles du duc de Bourgogne. Le duc Philippe témoigna
son nuVontenleiTient en nifiintenant le condannié sur le tableau
des chevaliers de la Toison d'or.
Quatre jours après la senlence de J(\in d'Alençon, le duc Artus
rendit hommage au roi pour le duché de Bretagne, non sans de
grandes cojitestations sur la nature de cet hommage; ces débats
se renouvelaient à ravénement de charpie duc, du moins depuis
que la longue lulte des Valois et des Plantagenets avait favorisé
les prétentions de la Bretagne à Tindépendauce. Les ducs de Bre-
tagne i)réîendaient ne devoir au roi que Thommage simple et non
riiommage-lige obligeant à obéir en personne* au ban de guerre
du roi et à siéger dans ses cours de justice; la Bretagne, suivant
eux, ne faisait point partie du ro>aumc, et les hermines ne
relevaient pas des fleurs-de-lis. Les ducs bretons ne voulaient
pas du titre de pair de France. Artus nV)ta point sa ceinture, ne
fléchit pas le genou, et prononça la formule de l'hommage,
debout, répée au côté, les mains enlre celles de Charles VII, qui
ne reçut Thommage que sous toutes réserves *.
Le duc Artus mourut deux mois après, à la suite de dévotions
excessives auxquelles il s'était livré, étant déjà malade : il eut
pour successeur son neveu François II, fils de son plus jeune
frère. Sans avoir le génie de son compatriote du Guesclin, il avait
fait presque autant que lui pour la France.
Le procès du duc d'Alençon montrait la force qu'avait reprise
la royauté; un autre grand seigneur, très-puissant aussi, quoi-
qu'il ne fût ni j)air de France ni prince du sang, était à la môme
époque traduit devant le parlement. Jean V, comte d'Armagnac
et de Rhodez, fils de ce comte d'Annagnac qui, en lî4i, avait
été pris, dépouillé de ses biens, ])uis gracié par Charles VII,
scandalisait toute la chrétienté en vivant maritalement avec sa
suîur Isabelle, dont il était épris jusqu'au délire et dont il cul
trois enfants. Le pape Nicolas V avait prié le roi de joindre son
autorité à celle de l'Église pour faire cesser cet inceste imblic.
Charles VII se contenta d'abord de remontrances pacifiques, qui
1. Lobinoan, //l*^ Je Bretagne, I, xviil, p. 672.
\l. 33
nu FnA?ÎCE ET BOOnCOGXR
lie furent |Hiînt rmiifres. A|>res b moti «le Mrubiï \ , Jc^ii ùAi-
uup^mv tisi! ilt'ïiinfhlcr à CHlixte 111, surcTsseur de rc pontife une
ili^pf^nse pour épouser sa sœur, et il Irouva, ûms 9es dmuàiiiei,
un *Wéfiur asHCz liariU ou ji^sez ï^ervile pour ^ rlinrger if iinrkllr
ué|7ôcmlion : ce fui Tév^iiue de Lectoure. La IkiI!^* de dïspm^
fui, dil-on» fal)rif|uée pai' le iioldrc el le rLfr:n*nd:iin! du fû|i!l
mn m^n. Quoi qull en fût, Anouirnac força. [Màr des menaoes ifc
mort, mn cliupelain de le mari»*r avec, <îa etrur. Le roi b'^^'lail
juicoriî à eniployer la force tonlre lui, lorstpe le mmlc «Itkn
Forage en insfallaul \iolennnenl une de se» ert«luirs«jr kriépp
îirrhii^pisropfd d*Aurh, bien tpi'uti au Ire rundidal irûl èlê roo-
finne pfir le roi et le pape, f.barlcs VII lit sakir ses deit\ comîh
par deux corps d*armée. Armapwc s'cnfujl, Uuidis quf? 1** i»wK
meut nistmbail conire lui un procès de Ihe m-ijesl^?, ei
fui rondajiiné (mr toutuniaee au l)iu)ms$efiiêJil et 4 La ctmt
des liîeris (1 i50j.
Tandis que tout pliait à Tinlérieur sous !e pouvoir cenlml. U
iViinec rueonuneiiçdt h étendre m nmn au deliur». Jàts. rspfvtrU
polilrquai avec (ji>ncs se renouvelaieni et îirrii.ii»*»!* nu [»ain4
pnur un moment » m résultat qui avait Hé niiuiqm^ du t<sii(H
de Jîieques Cœui*, En 1 Î58, la r^pnfdique de Gi^ue^i, liiujww
af;itee pur les dissensions des nobles et des pWK*iens^, ï»^ aili
ilererhef souk la protection de la France, el di^'ft^ra cncoa' our
(bis au roi et à ses représentants raulôrllé dt-» ilagisè En nésoi
trnips, la guerre de Na|jles j^e ralluma jKir suite de h «»rt *l«
irojit|Ut^nint Alfthonse V, qui avait lè^iô l*Ani|jon H ics d^pcu*
danees \ avec Ja Sitiie, à son frère Juan, déjà rftt de Naonit
pai' mariage, et Naples h son fils n»ilurd Ferdinand, L'il foft*
ronsidêrable rappela les prinees angevins dans le rriyaiuii' «t**
Xiqdes : René d\VnjoUp qui nvaîl déjà ciVlê la I^ormine ù bm 61*
Jean , duc de Galabre, lui vèûa encore u*s droits «ur Xapli^ ^
H bon roi René, i> san^ aptitude pour lesanueji ni fi " ' -nli-
tique, t^tah aeealdé i>ar ce lourd fardeau d*«ne çu> ll-
taire; il s'en débarrassa de grand cœur potir se livrer tout riHifr
h svs î^oiMs : il uViiinail que la retraite, rétude, les pbtstr* It^i^
[J1459-1460] LE B0\ HOI UENÉ. nio
({uilles et la vie molle du midi sous lo Iwîau soleil de sa Proveuce,
et il passait sa vie en artiste plus qu'en souverain, eultivani la
peinture et la poésie avec passion , sinon avec supéi'iorité : le rayon
ilu génie manquait à cet esprit bienveillant et facile. Il s'était pris
fie gi'and amour pour les traditions des troubadours, et s'effor-
fait de ressusciter la poésie provençale et les vieux us des coui's
galantes de la Langue d'Oc; cette renaissance factice a laissé en
Provence des souvenirs populaires, mais n'a pas plus enfanté de
grandes créations poétitpies que les jeux de Clémence Isiuu-e à Tou-
louse, ou que la recrudescence clievaleresque de la cour de Bour-
gogne. Uené a propagé, sinon inventé toutes ces « ])ergeries »
qui ont abouti à VAwfjnfc et à VAstrce, et dont il avait trouvé les
modèles dans quelques jolies pastourciies dialoguées des xiii* et
xiv« siècles*.
Ses enfants avaient l'humeur moins pastorale ; son Dis hwu
était aussi énergique et aussi ambitieux que sa lille Margu(»rite :
Jean d'Anjou, nonuné par Charles VII gouverneur de Tiénes,
aUa descendre à Gaëte avec \ingt galères génoises et provençales
(octobre 1459;, et se couvrit de gloire tlans la lutte (pi'il engagea
contre Ferdinand d'Arag(m, soutenu par 1(î pnpe Pie II et i)ar le
duc de Milan. Les fautes de Cliarles VU à Gènes furent fatales à
l'entreprise de Jean d'Anjou : le roi voulait aider à la fois Jean
et sa sœur, la reine Marguerite, sans ([u'il lui en coûtât rien : il
songeait àintervenir, en Angleterre, dans la Guerre des DeuxUoses,
et s'était lié au parti de Lancastre, connue le duc de Bour-
gogne au parti d'York. Il exigea des (îénois l'envoi d'une flotte au
secours de Marguerite d'Anjou, contre le parti d'York; les Génois
i-efusèrent de dépenser leur or et leur sang pour une <pierclle
1. J'ai un roi de Sicile
Vu devenir bercer,
Et sa feinnu' ^«Mitille,
De ce propre métier
Portant la panetière,
La houlette et elia[iHau,
Lojjfeant sur la bruuTe
Auprès tle son troupeau.
Ooofjjes Chasitcïllain, Un'onurlùni des merviillff advenues Je notre tempi. — Ilif luire Je
René JAnjnu. par M. «le Villeneuve.
I^li Fn.\l^CE ET BOllAOOrt^Ep
liai !rnr vit\\\ *'ifi?rilutneat rtmii^'èrr : îl$sc ri'Vf4lt'rcni ci
sèrmt knir ^ouvrnuin' cl la gamision franriiis*? 9 In;^s 1«6I
Vn corps (raniiée frunçiiîs H prùvoni;a1» hm\ ipic >iii]lcnu (iatU
nolïlnssïo gi^iioisc, s(î fit liîiltrc ûims lu*^ dt*<116s de h Ugui
fissayadf ib*^ rontrerii Gt^nps (jtîîllrl 1 ifU), ri tîi dèferlian tU^^ Ct
ruina \m niïnuvi^ de Jean ii^Aîijou, qiû finil par i^lrc dïimà
royannjc de Naplcs, Cet cTliet fit une itaprasîiian pi'^iLbleen F(
où l'on avait ponln riialjittjdf^ des ri^verfi, Lu PïYm i-^'
voytT de loin un avt'rlissenifnt à nos r+ik rwo!
de porter leurs ambitions sur l*îtalin;
Los années s'écoulaient, La sitnalion ivî^priiitu tUi inii.
fil$ ct du duc de Bour^^ogrie était (onjourslci iinhni» : on iit^'Am.
perpi'lucllerncnl sans rien Lonelnre. Le rui iivàit fait, eo ilfr-
renibre 1459, un nouvel efîorl pour rai>pc!li!r son IIU. Il 3^îii
f'Xjïédié h Bruxelles uuf ambassad*- rondnit** [mr révéj|ne di« 0*-
l;if}ecs : 1r préla» baran;^na iedani>fiirj, au nom dn mi, en [irts^r^
du duc Plu1i[ïpe; il n'cjuil houiè de déclarer ftdU'Uirul ipwilf^
élaierrt cvs |;randt^s * peurs el doutmiœ!) t UfUjcjiirs vagui
alté^Mices pour motiver lîon cloifiTienicnl ol>&tJné; il le somntft
ne plui* ^Q flérober à raffeclion d'un père qui ne T/iïTitl paînl
depuis « fretze ans pour le moins, t L'é^tique d'Arms rèpùûdR
nu nom du flanphiii, el, tont cri exaltant ^^ lu ^ i '*--:'
de Louis pour son |>êrf*, il déclara que le fi
cmîndre <r ceux i^ qui avaient fiiîingé la douceur njiliitf'lle *
(Tharles VÎI au [joint de Taniener h priver mn liérilier de tmil
conunandetnent niilitoirer de toute iR*îgneurie, diî toul liîrn:ip^
k temps iréttiît pas venu de désitçiier « ceux-là * jwr leiir^ no«i5.
et que Louis ^ [jour le présent, se liornait h supplier îmih ijfmlr
le IruRser en paix ilans riionorahle asile tpie lui nctordiilt ^m
onele de Bourgogne, L*évéque de CoatJtnte$ ne Tut jw* plui* lim-
reux dans divei-ses propositionâ quO était tliarisù d'ailn*5«^r ai
due. Un des plus graves sujets de contestxiljoti éUîl relnlif^^ li
jurîdirlion du paj*Iemetit de l*aris mr les seigneuries du diir qiU
relevaient de la couronne : le due ne con levait jkî* au larieinidit
le droit de rerevoir leji appels de ïteg ijujets, miû^ il ; rar
des voies indirectes les prérogatives de ee tribunal supr. ... , ■ ^ ^l*'Jh
dant, à voir coumunt allait le couj^ de b juâIîix: Amià ItiStiM
[1459-U61] AFKAIUKS DE (JKNES. ol7
du duc IMiilippe, cYtait im parul l)i('ii pour les vassaux de ce
prince (pie de ressortir aux juives royaux. Deimis cpie le <i hon
duc » vieillissait, le désordre re'iaîiiiail dans les sel^'^neuries hour-
ffui^Mionn(»s le terrain (lu'il avait i)erdu dans la France royaU», et
rarJ)itraire de lMiilip|)e se ('oinpIi(|uait d'une étrange anarchie*.
Le pouvoir était tiraillé eiitn* les Croi, favoris du duc,. le comte
Charles, le coude de Sainl-Pol, le comte d'Ktampes, etc. La no-
blesse en prolitait pour donnei- libre carrière à ses passions efïré-
nécs; on n'entendait parler (pie de rai)ts, de meurties, de pilleries,
le plus souvent impimis, ou, parfois, d'ini(piités judiciaires plus
atroces encore.
En ce moment même, le vicaire de l'impiisition au diocèse
d'Arras, Tadministi'ateur de ce diocèse, le doyen du chapitre
et quelqucîs autres fanaticpies, secondés i)ar le comte d'Étampes,
gouvei"m»ur d'Artois, livraient aux fUunmes heaucoup de mal-
heureux, (-(.unnie coui)al)les de viiudcrie. Quehiues « pécheurs
contre nature » axaient été di'rouverts et l)ridés dei)uis peu dans
la Picardie et les contrées v(jisines : Tima^jination des in(piisiteurs
s'alluma et crut voir, dans la coïncidt^nce des pro^iès de ce vice
avec rajiparition de (juchpies opinions hétérodox(»s, Tindice d'un
grand complot de Satan pour la ruine de rK'5dis(\ [/a(Tei)tion du
mot vauderia chanjiea et désigna non [dus seuhMuent le crime
d'hérésie, mais le crime? contre nature, la sorcellerie, la fn>
(jucntation du sabbat et l'adoration du diable ''. L(îs premiènîs
1. M Eu ce temps, par tous les pays du duc de Bour^ço^j^uo , sitôt qu'il advcnoit
qu^aucun marchand , laboureur, bourireois ou ofticier trépassoit de ce siècle , riche
et délaissaut feinuie riche, tantôt le duc, sou fils ou autres sei;;rncurs de ce pays
voaloient niarier lesdites veuves à leurs archer.4 ou autres de leurs serviteurs... Et
falloit cpie lesdites veuves obéissant ou se rachetassent par force d*arjj:ent... Et
pareillement, quand uu homme étoit riche, et qu'il avoit une fille à marier, s'il ne la
inarioit bien jeune, il étoit travaillé \ tourmenté) cumme est dit ci-dessus, w Jacques
Duclercq, 1. m, c. 27. — Lu France, les léjjistes persistaient dans une bonne voie.
Eu avril 1151, u\ ait été promul;;uée une vaste ordonnance en 12.) articles, que Ilen-
rion de Pansey a (jualitiée de •• notre iiremier code de procédure. » Vers le même
temps, uu autre édit ordonna la rédaction de toutes les coutumes; mais il resUi lon«{-
tempH sans exécution.
2. Le doyen du chapitre et l'administrateur du diocèse d'Arras, qui avait été péni-
tencier du pape , prétendaient avoir la certitude que le tiers de la chrétienté était
\'audois, et que la vauderie comptait dans son sein des évoques et jusqu'à des car-
Jinaux. Ils appelaient probablement vauduis tous les }:ens de foi douteuse et de
di^positionii sceptiques. J. Duclercq, 1. iv, c. 4. Ducloroq rapporte que le doyen
6i» FRANCE ET BOCJiOOCXE. n«»-tm
vidiines înajeiif vlè d'aîmrd ûos iWU's (li\jftio et i^
élftl ei (If HMioni rr|iiivu(iiii% qui (oii^, du rt^le, r* i. ..
aveux devant \v Inïchrrut prott*tit{^ronl de kuir ittïiOf»Mi
ranl; des passions plus viles quo le fanalisiuf wirpiiviii
derrière lui ; le conde d'ïîtîUUiH'sî vl ses rûm|dire5 enu !< [,
dans eelk* ateurde proeédure U'S fX^rsonue» ]^ idiiA ir^'.^tl
les mmix famées d'Arras, dans le but ùndmt eît? ^'cuniarer Je
leurs biens; mm pltisîeurs dos acmst'sî eu apiiclt^nml au ^lâ^l^
nienl de Paris» iiui évoqua courageus^em^^nt Vsxiïmi\, en d^'pit de
I intiuiî^ilion et de ^(*s privilèges, et qui fit an'îiela'r di* vht* fwmç
dea prisonniers de la peAlo d'AiTa^, Liî dut: Piulip|ie ,
elniueiir publique, ri-nnit h BnixeUes une frneuidi? cus?* i
docicurs de ruuiver^ité de Louvain et ifailleat^; lus diîro nr
eunel rirent à rien ; néanmoins^ la (lei^âi't'urioo m larïla jwif ii 6tt>
mri^lve. l/<!vô<jue d*Amiens el le elerg^ de T^uniiit *.*- 'f'
ineHenïenl oppnsés h Tinlrorludion des prccés df ui inv
leurs diocèses, Llnquisiteur général de Krancc, Jean Dri4wil, m
lieu de soulever un cordlil eonlre le parlement , inUr -a
vùK% et reviïiii leâ proralure^, de lun^.'crt a\ec $**:< Ht., j '•
lègues datîs l'affaire de la réhabililalinn de Jeanne Diifxr , 1
véque de Reims Jean Jauv^f^nel el IVv^que de ï^am G-uir i
fUiartier; ils eassèrent les sentences J'AiTas, U^ yia!!î«Nîr. f . 'i\u
avaient survécu h laeapti\ ité et à d'itorrilile* Imiures fun lu j • im
en liberli^, et demandèrent justiee au parïenii?nt enalre leorçiwn^
futenrsî mnh le procès dura .^i longlenips, ipic le eomle irKum-
prs, 1 intiuisileur d'Arras et les autres jugc^ étaient tous nuifl»
avant Tarriit rjui les eondaunia. Ce ne fui i|u*ûii lioul ût- Lni)^
ans (1191 1 que le parlement rendît son arr^l dêliuilir, pr Ic^né
le*« Iirriliers du duc de Bourgogne et des Ju^P5 htn*j\l rnnda
à des donnuages et intérims envers les hèrilien den virtJin« :
|Ku*lenienl d(îfendit à lous tribunaux, clenr» et laïques, d'uifr
durénavaid «le toitures iuatîcontnnii'eîî, de raUînenjents dr loi-
haiie t*ds; ffvie ceux qui av:nent rtt tiiiplovr-?^ à Arruri II <nlt •'<•}
fit^nikution vriiiltir^nt dluMiulro par b trnrriEr te* tna^ài UVUnÊrm «ff^^
1] LA VALDEIIIE IVAnUAS. 510
u parlcincnl crabolir la torture ello-niôinc cl de ne jkis
r à un degré quelconque dans rinluunanilé *.
irlure ne disparut pas; mais l'inquisition disparut ■. Le
ment de l'opinion avait été si grand , que le saint office
ilus fonctionner en France. Les tribunaux laûiues, qui
il abattu, devaient malheureusement ressusciter son esprit
ème siècle !
'ance royale avait dignement maintenu , dans cette occa-
1 suzeraineté sur la Bourgogne. « La seigneurie de Bour-
» ne compensait point, par l'union de ses princes, sou
•lié vis-à-vis de la France en lait d'ordre et d'administra-
î duc Philippe était aussi mal avec le comte de Charolais que
VII avec le dauphin, et Feffet était pire encore pour le
aixe qu'on se querellait de plus près , et que le lils rebelle
mesure de disputer le terrain. Le comte de Charolais, né
I, était devenu homme fait , et son redoutable caractère se
lit avec une énergie qui promettait de grands orages à
înt. Ses qualités , bonnes et mauvaises , étaient tout oppo-
îelles de son jière : sévère dans ses mœurs, dévot, « aumo-
n'usant jamais , même dans ses emportements , des blas-
> si commmis dans la bouche des gens de guerre , mais
3UX, dur, obstiné, inflexible ; lettré, mais n'aimant que les
tiilitaires et les livres de chevalerie , dans leurs rapports
guerre; préférant, d'ailleurs, à tous les plaisirs de Fcsprit
des sens, le maniement des armes et les plus violents exer-
1 corps, tout en lui annonçait un conquérant impitoyable,
ndant de régner, il bouleversait la cour de son père , et
îiis à la tète des nombreux mécontents qu'irritait la faveur
c des Croi : il avait eu avec son père, dès 1457, mie scène
; à l'occasion de ces favoris; le duc s'emporta jusqu'à tirer
contre Charles ; la duchesse défendit son fils , et le vieux
J. Duclercq, 1. iv. — Registres du parlementj cités dans rappendicc au 1. iv
pcq.
2ela à réï»0(iue même où l'inquisition prenait des proportions gijjantesques
^e contre les Juifs et les Maures, en Allemagne contre une épidémie de
e qui fut comme le contre-coup de notre vauderie. V. le Mnlleus inaleficurum
5 1480 par le dominicain Sprenger , code inquisitorial qui dépasse de beau-
.1 du 2II1* siècle.
duc, tout ï^gaiiS sY*hiiiç4i hors de son lo^Jîis, et itlM;\*nirlLi jii<i(d']
Ëuir à Uavers la caiiipai^i]!; Stim Sâvnir ou il alhiiL La* d^iili^ii
g'cnlrL^tnil à rtemrilîor le père cl le lils; nmh lik*iitôl letoiiAc^
de (Jiaralais quiila ilci*''clief Bmxelk^, h naii«tfiii*c* h plu
itairo ilii diitî, et se ruit A conspirer ma: le comle i\t Saint^
u îitin (le bouler jiioiiseigiieur de Croï hors de \\\Mt*[ de inc^nsé
gtieiii' le duc. » Saint-Pol sîe rendit int>iije auprC-^ du roi, ri II
RHjull aîisistanceaii lioin ilu ruiiilc defJiiir' ' ' " W\1
ne voulut poiut engager une lutte tuipic, • ! ' us
mrn .vhmim l'ciunnui de leur libre, i I^>ur deux royniunj
tcltî que le nijen, dll-]|« |e ne eoui^jilii^is poiiU h un \f
lait'
i/.iiïajbli.ssemcul de la lifinté du roi, le |)cu de dlsposîticuii i|if*A^
avait il reprendre les arnies, fuivnt vertiiuenienl [lour Ijcaoru
daîis mn refus. Toutefois il est juMe de eonfrain* r. "
diagriii rruij^arilr la vie dêdiiiaiile , iivaiefd pu » ' ju
uii ceitaiji poinl, lu sens mural dans celle âme aride, cl
fondre la ^iate de ce eœur, Cliarles VU, afvbs que lu nii^^îoiii
révt'^quc de flouUuices eiU lîehoué , avail eu des mouTeinmUt
colère et de veupance* Ses fiivorb le poussaient h Vfkùwrttcr I
luis du royaume , et à déshériter son fils iilné au pmilt du piiln
le Jeune Charlfs. On dil que (e jjape Pieîl hil eonsulUS el détenir
le roi de ee projet, »pii eiU huuleiersé la France^* Char le.i Vil. ^ il (
avait eu la vell6it(% y renonça eoiii|délcineJit , et fa varia ci cap
ta i nés éeliouérenl daiufi tous leurs edVirts poiu* Ff ' r A
l^ueri'e, 11 s absorhait tour h tour ilans un enntii ni". . iRîl
tristes voluptés qui hâliiient les înllnnîtéis de la vrVillesst*, Il |«f-
lait de son lils déftormals avec idus d'afffieliori i|Uiî de resMi^
tinient
Œ S'il m'avoit une fuis {wirlt*, » répétaît-i!^ • U eofinollroil bten qui
ne doit avoir ni doutes ni craintes. Sur ma parole de mi , itll ^n
venir vers iiïoi, quand il inVjura détiai'è slï pensée et aura co
mets intenliouî^, il puiu ra s*en n^lourner où bon lui seniUleni; i
j'ai bonne espémiiee que, lorsqu*il ronnoîlra imm vnulnJr, il
l. DudcM, PfTutM, p, 3t>0.
lUCl] MOUT DE CHARLES VIL o2l
plus joyeux cl coulent de deuieurer avec moi que de s'en aller'. »
• L'expiation n'était pas surlisante. Celui qui avait montré au
monde un prodige d'ingratilude et d'insensibilité devait se briser
à son tour contre un cœur de [nerre. Il n'eut i)oint de pardon en
cette vie. Ses angoisses allèrent grandissant. Il se crut entouré de
comi)iots, menacé de voir se renouveler l(»s scènes sanglantes où
l'on égorgeait ses favoris à ses cotés. Puis il se crut trahi par ses
favoris eux-mêmes. On lui remit une lettre interceptée, où Louis
se disait dlntelligence avec Danunartin. C'était le dauphin même
qui avait fait tomber cette dé])éche dans les mains de son père !
Puis une autre lettre encore fut surprise. Celle-là, dit-on, n'était
pas supposée. Elle était de la dame de Villequier au dauphin.
L'indigne maîtresse de Charles VII prévoyait la lin prochaine
du roi, et tAchait de se concilier le futur maître. Bientôt ce ne
fut plus seulement pour son autorité, mais pour sa vie, que crai-
gnit le malheureux [)ère. Un capitaine, « (ju'il croyoit bien l'ai-
mer, » lui dit qu'on voulait l'enqioisonner. Il soupçonna son pre-
mier médecin, Adam Fumée, et le lit mettre à la tour de Bourges.
A cette nouvelle, un de ses chirurgiens s'enfuit. Charles ne vit
plus que poison pju'tout. Un abcès, qui lui \int dans la bouche,
lui parut le premier symptôme de renqioisonnement. Sa tête
s'égara. Il ne voulut [)lus boire ni mander. C'était en vain que
son jeune Hls Charles goûtait les mets devant lui. Il s'obstina à
tout refuser. La vie s'en allait après la raison. Le conseil entier,
Dammartin même, sentant Timpossibilité d'empêcher la transmis-
sion du pouvoir a au droit héritier, » écrivit au daujihin jjour le
prévenir de l'état de son père, et lui ex[)rimer le vouloir que tous
avaient « de le servir et obéir^ » (17 juillet 1401). On lit ensuite
un d(*rnicr etlbrt pour sauver le roi malgré lui, en lui faisant
avaler de force des aliments liquides. 11 était trop tai'd. Ses
organes résistèrent connue sa volonté. Il languit cinq jours encore,
et mourut de faim!... (22 juillet) ^
1. DiicloSf Preuves, p. 188.
2. Les comtes du Maine , de Danois , do Foix , de la Marche et le sire d'Albrct
s'engîi^jférent ]»ar serment, si le roi se rétablissait, ù faire tous leurs cHbrls pour le
réconcilier avec sou fils , et demandèrent le môme serment aux autres membres du
conseil. Duclos, Preuvea, t. III, p. 190, 198.
3. J. Charticr. — Cowm, PU II, l. iv. — Duclos, Preuves , p. 201.
tu FRANCE ET BOinnOCf^C
I/hiVilier rlu ivCmo m'omiii^nsu graf HK*nimt le i:oiirri4T
crrevo U'oh chevaux pour lui appri-nclro pliis 161 ipiiî !*• lrAnivi''bil
vide. Umh aVut pas rhypocrisie lU* vouloir lucjicr Ir ûtiûl i\v
son pèro. Il nianila au coriîicil de procéder aux fiin<iiiiilJc* sut-
raltciidrc. Tandis qur îo succrsscur se ri^jûui>s:iil dr ' - niia
rtïlijrl de S€S longs drsirs^, la fonle, h Paris et à SrdnM . > .*•
rait sur lu disparition de celle ïxjyale figura, ûans lacyticUe l'ilh»*
^m\ populaîm perscumiiîail la délivrance dn m<i^ |a jujû
inlérienre H la sérurité publique K Les voiler l | -ur li^-i ^rut
de la inultitode lui cachèrent la lerrildo ironie; pnjvidt-*iiU*
[m'isida aux fanera J lies, i^t qui cor^clut co drsitTîC iiiy^cTiriiiL
règne de ^Iharles ViK C'était le prèthcar du hûcber de b IhtccVÀ
Nicole Midi, qui avait aulrerois harangue le roi a son i'olr«5c iliiiif
Paris. Sait-ûû quelle voix clirétiemne ci»Ièbra bous les vorttisiti»
Saînl-Deni«' le:^ nR'ntcî> du a très*vidori*'u\ roi ClKirle^ le Mf*
tîènK% » el appela sur son Aine la nnsérironle il eai Ijiiiil! Cfftilk
rédacteur du procès de Jeanne lïarc, le priartiml coin(vlir<» A*
Pierre Ctiuclion» Thotnas de Courcelles^L,.
Cliarles VU avait vécu cinquante -huit ans cl régné tntiiu-
neid' ans.
Les premiers actes du nouveau roi furent signidimlift. ïl daît
encore sur les terres de ce duc de Bourgogne, qui l'aïail nxueiUl,
prulé^^é, nourri depuis cinq ans, lorî>t]tril lit anvler un priiia
anglais, un I^ineiistre, le due de Somerset, fib de raficjen r^cnl
de France poin* llenri VT, qui venait, i^ans saiif-comluil du roi «le
France, négocier a\ec le duc Philippe (3 aoùl ', En tuéjnc *."»•'.
il dépêchait aux lionnes villes, h Rouen, à Tour^, h i^emin'
ciléî? de tiiiyenne, Tordre de mettre leurs lud»itanl5 sur picil et rir
1 . M Grâce à la bonne oHtonEi&tictt des gem cCiiTinii*, Itrrtto* i^ btAf«À«U »*ii*ov«#
luut b royiiutQ^, Irur }mn'j f^lHn J'or, HMnsi ^ùr^ . , .>« olmiiipt «fOt pÊtmi )0
hùxinitt viawu *i J* Diickrc(|, L tv, c, 29*
2. ChftrO«r, p. aU). — J. Dt*uhl«t, p. a:?4. — MuUiîciii «lu OtiiMrf, ]}. 739. I/o
lirftt, muuraai |mrrjftguiHUi«l«^^ lui^a ptntriiiut t^fin^rt tuî «rie |«]ie r riiicthrinl
Un dm mtîiJibrtT! d« con-tciî, Tiiiinê(fui DurtiAul , upv<*a ilti f^mMit TAiici»f«u« fnii
LoubXÎ rjc iLûdemii^û qti>n llTil. ilirîîi«îrtt î* ^ 1» e- ^\ i*^»V* -•
3. M»t. it« rnlilié Lpgfiaid , Prruin, L-artow ;?-
lU6i; niiniT dk lolis \i. 023
se bien garder pour le roi, c est-à-dire contre les gouverneurs
suspects au roi (20-27 juillet)'. Cet appel à la bourgeoisie mar-
quait le cachet du règne qui s'ousrail.
Louis avait craint des tentatives de résistance, des complots en
faveurdesonjeunefrere.il se trojnpait. Dans ce prenn'er moment,
st»s ennemis de la veille ne luttèrent que d'humilité et de protesta-
lions, pour tâcher d'effacer le passé. Tout le conseil s'unit, afin de
faire de Damniarlin le Loue émissaire qui paierait pour tous. Le
persécuteur de Jacques Cœur quitta la cour aussitôt que Charles Vil
eut rendu le dernier soupir; il alla se cacher au fond du Limousin
afin de laisser passer Torage. Il n'emporta [)as dans sa disgrâce,
connue h» grand honnne qui avait été sa victime, le témoignage
de sa conscience et l'inviolable foi de ses amis : de tous ses vas-
saux, de tous ses gens, un seul honime, un serviteur obscur, lui
resta fidèle par compassion et bonté d'ame^.
Le nouveau maître arrivait. Le roi Louis a\ait envoyé en toute
hûte prévenir le duc Philippe, qui était à llesdin, et lui avait
assigné rendez-vous à Avesnes, en Ilainaut, pour se diriger de là
sur Ueims, la ville du sacre. Le o août, un service funèbre i)Our
le roi défunt avait été célébré à Avesnes devant son héritier et le
duc de Bourgogne. Louis était «vêtu en deuil tout de noir;^
après la messe, il quitta l'habit noir et se velit de pourpre. « Sitôt
qu'un roi de France est mort, son fils aîné ou son plus prochain
est roi, et n'est point le royaume sans roi, et, pour cette cause, h*
nouveau roi ne porte le deuil, niais se revêt de pourpre ou de
rouge, signifiant qu'il y a un roi en France \ » Le duc, voulant
prévenir toute op|)Osition au sacre du nouveau roi, et surtout
faire montre de sa puissance, convoqua tous les nobles des
provinces belgiques et [)icardes à Saint-Quentin « au huitième
jour d'aoïH suivant. »
Le grand concours de seigneurs, d'officiers royaux, de députés
des corps judiciaires et des bonnes villes, qui affinèrent bientôt à
1. Archive» de Houen , citées par Michelet , t. VI, p. 3. — Mém. de Comines, ôd. de
Lenjçlet-Dufresnoi , t. I , p. xlii.
2. }fémoires de Coniùi'-s^ èdit. de LonLflct-Diifrcsnoi ; t. II , Prcura, p. 512.
3. J. Duclercq, 1. IV, c. 30. — V. ci-dossu.^, p. 86, Cliarlcs VII, à son avéne- ,
ment , s'ôUiit conformé au mémo ii«a{*o, qui exprimait la doctrine monarchique des
légistes, et non le seutiment populaire.
Ui
FiîANCE ET lîOURt;oa!fE.
a\vesnes, ih ionl Itî nurd ilii i'oy.inuK\ \nim' n'iiiliv lu '
roi Lù\sleon>:itnn(*ï*, riissiiracoiiiiJltltiiR^îil Louis :quii*. r „
(|uc k noI*leïi&^i% It'S g*»iis de guerre et les iiitlices ctïtniiimjiil*:s^
J'uvs-Uas el de Picardie se levaient en niasse |K>ur lui laeror*
< (ïrti% il ri)iotiR*rini de s^e trouver \nm trop f t ' ' " ' rncisfl^
raiU qmt ïn [dui^arl dvs [jîiys prir ou t^jit de ^ lii^^WTïl
pas$é eussent Hé Unii lullés et mangejs, il |>rin le due lliiLipiH* dr ^
di'^lHn'ter di- fain^ si i4rande arTore. w (Jari], Ducli^irq, < i'i*
tuik* tul duue fuii;^V*diée, k Siin grand rc;Lrrol, et le roi a. .. — i>
nu^nt les principaux î^oigneiii-s et vasstiux du duc à vrriir aiifiiirjY
avec leur « ùU\\ quotidien » (knir suite ordinaire^ l*.nir niaisnf»;» 1*^
qiivh a vinrent moult noWenient ni rklienierd iS|uijk*s, ci limil
bien encore (piutre niiUe cornltalliint^^ ou ilauinU^e. * LVîiïrî^ Je
Fhilijipt! dans neims fut magnitlque. On YHïi prU pcvur un t OD-
pr»ronri> et h? roi i^our mi pauvre lassaL à la luifj' ' ' ' ^^
eustunî*^ nir.squiii de Linûs. tic qui n'était pas ^m . ^ ml
cJie^ Louis, c'était Vèclalr de son rc^'ard cl rironie de son «mi-
rin^ *,
Louis XI fut saeru à Heirns» le 18 août J ICI , par rnrth ' ^^^
Jean JouveneL en pn'*senee de la pluiart tics prinec^ et ii* ..
du royauiûe. Le vieux duc d'Orliîans et les iirincei^ ilMnjtHi inaiH
qnaieut seuls à la cen^'ïuonie* Avant son courofnienirnL L*jai>Xl
voulut recevoir l'ordre de che>alerie de la main du duc »k Bcnir-
yogne ; « el fil, i* dit Jaei]unîî Duelerei|, « cre que jauiats rtii n'aïuii
l'ait, viW 1.H1 mruniienl que tou.<^ les enfantin de Franee sont dif*>
liei'S mv les fonU de baptême. • Le roi, api^*s avoir rttya IWIn:,
le conféra h mi\ tonr h deux des frère^i du duc de ihnirhoa , I
rillustre arganiiâateuj" de l'arlillrrle, Jean iturean, el h dt^nxfl*
du sire de Croï, le favori du duc de Bourgogne; on Ht eiwiiti'
plu& de deux cenls autres el»evali( r^. Le duc l^bilipiie eut IniiJ W
bonneurs de la jounit*e; ce fut lui qui, comnuî prrnuer p«ir*^
France, (iril la couronne et la posa $ur la t^^le du nril: loïit k
monde suis^it rallusion; ee fut ui\ des b«*nii\ l^oi^ do s,iî?iî.ii\
Flnlippe*
Le surlendemain du 8ùcre, le due de Bour^o^ne oili \m kn^
L r, la deiiuriptiwi tl« l>iiiKe datui Q, ChiuliaïAlti, |i, yi^lM*
[1461] UKIMS KT PAÏUS. 52r,
à ral)1)aye de Saint-Thicrri, et là, conrorinéniont au Irailr
d'Arras, il lui ronditlioniinage-ligo pour ses seigneuries de France,
et eut la courtoisie d'ajouter qu'il lui ferait service et obéissance,
non pas seulement de ces S(Mfj:neuries-là, mais de celles de TEm-
pîre. Le duc de Bourhon' et les autres feudataires de la couronne
qui étaient présents imitèrent le duc Philippe, que le roi remercia
grandement de son l)on vouloir : le « bon duc » témoi|2:nait ne
souhaiter que paix et concorde; bien qu'il eût de notables sujets
de plainte contre les conseillers de Charles VII, a[)rès le diner (Ui
sacre, il avait prié à genoux le roi, « en l'honneur de la mort et
passion de Notre-S(Mgneur Jésus-Christ, de pardonnera tous ceux
qu'il soupconnoit avoir mis la discorde entre lui et son jière, c^t de
laisser en leurs offices les ofliciers et goiivern(»urs dudit feu roi , à
moins qu'on ne trouvât par vraie et juste information qu'ils avoient
fait autre chose qu'ils ne dévoient faire. » Louis accorda la requête
du duc, en exceptant toutefois de l'amnistie huit personnes qu'il
ne nomma pas. Il se montrait, d'ailleurs, fort accessible, tout en
témoignant ne [)oint aimer les longues harangues <4 eii invitant les
complimenteursiielrehrefs.il avait recuà merveille les complaintes
de Tévéque de Lisieux, Thomas Basin, contre qui il avait pour-
tant de vieux griefs, et lui avait même demandé un mémoire sur
les moyens de remédier aux misères du peuple remontrées par
le prélats
Après Reims, Paris eut son tour. Le duc Philippe avait grande
joie de s'y faire voir api'ès vingt-neuf ans d'absence. Le ponq)eux
cortège se dirigea par Meaux sur Paris, où le duc fit son entrée le
30 août, et le roi le 31. Jamais on n'avait vu si prodigieuse foule :
on eût dit que toute la France avait reflué à Paris pour assister au
joyeux avènement. Louis XI fut sj)lendidement accueilli, et
« monsieur de Bourgogne » encore mieux. La vieille chanson des
guerres civiles : — Duc de Bouryofjne, Dieu te remaint [te main-
tienne) en joie! retentit encore une fois dans les carrefoui"s. Le
0 bon duc, » ravi, festoya magnifiquement les dames, damoiselles
et bourgeoises de Paris, et tint table et bourse ouverttîs à tous.
1. Jean II , comte de Clorniont , devenu duc de lîourbon par la mort de son père
'^'•arles I«', en dccemlire 1 lô(j.
i. Th. ÎJasin , iiust. Lvd. A7, 1. i, c. 4; ApohQin, 1. i, c. 2, 3, 4.
Le roi H « la seigneurie » pasiiei'cnt p^^-s d'tiu mah en ÎMi*»
Imnqucts et tournois *; œiiemlLait Louis avait liAlc <r*irt« vmimail
le maîtn% et; sous les expressions exugt'rte de sa rec"
envers le tluc Philipiie, il laissait pereer la g^ni; iiihî luf , .
pi'é$eiice de cet houmie qui avait Uni de dmiB Jim* lui, ei
était forcé do recevoir les conseils avec détoTiiciv Li^ 23 «fiiîmiinr,
le roi, annoncent l'intentîan de s îsiler à A ' ' ■ I.\ i
doumrîtM-e Marie d'Anjou, all-i l'Eure ses a<îi < ^ k.
en son hôtel d'Artois, et Un r6il<;'n li's plus rlmleiirefi^^s
talions* Philippe avait déjà eu mainte orcai^ion d'apprendre ii4|ii
s'en tenir à cet t^ganL Ib se séparèrent, l^uis pour clKnauc
\ers la Loire, Philippe pour retourner m Bralianl*,
Avant le départ du duc Philippe, liOuis avait diîjéï oj^érù lim
des ï mutations d dons le gouverneineut du royauiiw et < •'■
bien des uiécontentenients. On rapporte ipie le due Wiili|ip- <
sôD cousin lu duc Jean de Bourbon : « Cet homme-lii ne i\'pi<n
pas longuement en paix %mm avoir un merveilk*iiseiiH:si( ftmi
trouble '. t
La réaction contre les hommes et les choses du it^gn*? pi^Vêdr «<
avait commencé dés le séjour de b>uiî* XI à Aviî^p^ ; Jivcqur» ât.
Wrézé^ grand sénéchal de Normandie, un des |iUjs ilîî-'-
âonna^es de I epofpic, sYiait n)iî* en route pour vcnij
roi de la (mrt de» ftlats de NoiinaiHlie; Loms refuM de 1* ^<iir,
lui manda de ge retirer en sa mai^on^ et « lui tùl Cail pîi, t mê
l. l^n dîf ces tounaoïît fut tigrialé par mi ïiicitlcnt bUairv, m»H iritiiu'
tinrudt^ L't jodx^ ânn^ hnn BOtit|ïtiif.'ti)( jccôutrcme^t^^ lotir* t^oarhct «A Irxr «nti
lip, un Dqavma chttmpioD parut, proU-Jiqupm^iii nrf iiarf, liU r% «iiu rh#^.
VAUrrtPf et ^^ rîi?n qv ànra dmatit ïuL n G. Cha Mil h ml ^lâi AimH aj^^'M
futtJKSHî ulteriilerie vi la féodalitc^ 4t^i,ïéii^réc , nu ptutit »1c r»4A iiuurKiAU*,
ta Marchn, n. 34. — Jcnnu (î(* Trok-H, fhmfiî^ut 4,ymd'ihu4r CcU€ cltmn^ur, <
il*un L^nflUir *le l'Iiôwl de TjUe de l^arl*, h\ rïvu de » !■ W Uim i|m U *4
j^njrrr. On dult u ^1. UtK^Uoti ht fHiblicJitioEk de ot inoiiiinMHii , Éit |0af liq^L
^irc de l'èpat^fiic . i;\%t nn tuti],' fruipntMit c^tti l'^ti^nd «tp 14(}1 4 1100, •«m A^ ;
3. Ki'UtK^ri d({ Vf>>niiU^ datu les P^mten de Caniinf^», Mll^ «li» l^i^i^tf^rNAAii
t, II»p, 348. "
[1461] IIK ACTION. 527
rintcrvcntioii des seifrneurs de Croï. Louis donna plusieurs di.'s
grandes cliargcs de TÉlat soit à ses compagnons d'exil, soil à des
sujets du duc de Bourgogne : le bâtard de Lescun, plus connu
sous le nom de bâtard dWrmagnac, parce qu'il était (ils naturel
d'une dame de la maison dWrmagnac, devint marécbal de Franciî
à la place du sire de Lolicac, et reçut en lief le comté de Com-
minges, que Louis u'iiésila [>as à séparer du domaine de la cou-
ronne, pour faire un établissement à son at'lidé ' ; le sire de Mont-
auban, frère de cet Artus qui avait fait iiérir le prince Gilles de
Bretagne , fui investi de Tamiraulé enlevée au comte de Sancerre
(de la maison de lieuil); le sire Antoine de Croï, qui gouvernait
le duc de Bourgogne, et cpie Louis voulait s'îicquérir à tout prix,
fut nonuiié grand-maître de la maison du roi au lieu du vieux
Gaucourt : le prévôt de Pnris et le grand juaître des arl)alétriers,
deux frères de la maison (rKstouteville, furent remplacés i)ar le sire
de risIe-Adam et le ber ^ (baron) d'Auxi, Bourguignon; un mar-
chand de Bruges, ap])elé Lucois, fut général des finances; (iuil-
laume Biscbe, favori du comte de Cliarolais, devint bailli d(î
Soissons et favori du roi; Henri (lu>ur, archevêque de Bourges, un
des fils de Tillustre Jacques, fut doyen de la chambre des comptes:
un autre fils, Geoflroi (Àeur, devint échanson du roi , et Louis XI
autorisa la révision du procès de leur père. C'était un grand acte
que de dédire la royauté sur une aussi solennelle inicpiilé*. Louis,
en prescrivant une nouvelle enquête aux sénéchaux de Beau-
caîre, de Carcassonne, de Toulouse, gouverneur de Montpellier
et autres justiciers, autorisa du nom royal la requête où les (ils
de la victime (îxposèrent comment « feu Jacques Cœur... eut
grand gouvernement et administration sur le fait des finances....
où il se gouverna au bien du pays... et mit sus grand navigage
dcgalées (galères) sur mer... au grand honneur, luuange et profit
du royaume et de la chose publique des François; et aussi... con-
(juit grande chevance par son labeur et industrie, à Toccasion de
1. Dans cette occasion et dans bien d*autres, il força rcnregUtremcnt et interdit
les remontrances soit au parlement , soit à la chambre des comptes.
2. Ce vieux titre, conservé accidentellement, est curieux à remarquer.
3. CUi prit pour point de départ un appel interjeté par Jacques après sa condam-
nation.
5ÎS FEANCE ET HOt
laqij(4!e il eut |>luftî*^iir^ haînoiix el ni;ilvoilIaiil8, lesquels ^ ^
diiTîU à m deyïriidion rfe rorjiiî c*t do bit'ns, i»k\ •. >
Si uuManges qiit* juissenl ôlfe les motifs de Loub XI , Hiîslaire
duit lui tPilir roinpliî d*avoir hmù imrlor h \vriU* tH \^\lUh
ftirumli^lcs da parlenienl, que d'îiulres ack*s iiioiii-^ loiiali
pO!^èn?nl iiiiil sur cos rnlroOiites pour la p(*lîlifpiL« Au oouvmii
UéfiMhtml Leîiuroup devant la rajji^*ilioa d'um^ st^it^nci* rc
pnr un tribunal aussi corisidcrable» quoiqui» eitraordinaiff .•
sigiiro par le roi en lîun cûnsciL U* pmcumir do mi ttinrint
ttmtixr^ L^l I*a(Tïiire traîna jusqu'à dus C*vén^*ïu<»fitii ijui rendiit-iii b
solution tujposïiible, MafSi en attf'udanl, firoffrui (!a*ur, tJindk qui!*
DanuiiarUn Hmi (râLkiit doiui» h parlrumit, 5*<Viail rc^^ki, for
voie de ftiil, du chdteau de Saiul-Fargeau i*l des ymit^ flotMaiii«
que son [lèrp avait possédés dans le pays ûv I*uîsajp, t4 que s^ètail
(ail alijibuer DaiDniaHin : Loni$ XI tonflnna la reprise de piK-
Toutes les ^ uiututîons i» cipértrs |iar Louî^ m: Turtnl fvi^ntiiô
digTics d'aiiprolKition. Il s'y prit iVium i'irmm iiMmiriX! jxHirif
foire lin rhanreïjer k la plan» de (iuillaum*! JoiiviiinJ, ivnupif
ai*rèâ le sacre, II alla chercher le chef de la jui^lice mr le bniird<*
aecimés^, et conlîa les sceaux h Pierre de Morvillier?. ê^'^jur d*(l^
U'iim^ conseillcT-clen: au parli*nient de Paris,, ijtii éliiil m et
manient nuïme poui'suivi pour maiversatiom ilnnh «a» fonctraitt
judiciaires^. C'était pousser à un degré vraluîtnl elTraj^nt ^
L P» CWm^fttî Jaeqitn Caur^ t D, FUtat r*a 20 H 2h
citadt'^îtii'r fut donnée à MonflllIcT*, mérite iri^trc eUo înx^
uij peu î« vietii wullon i\f VhhUir'mu, ** MjiIUi^ Ju^mw ^B « .x.
»k'*in) a volt él^ ariniKc fravotr pri* ar;iÇOtit à totJten les dcm i- .
Tour eauîie d*fi[i Ici in^'^ii», on lui siwh d<''fen»lu ïa cltftinl'rf ' .n-:— , ,
pnrlemcnt, sm compjît^ûtWj et en i-lol<rijt ilcjA ffiilf-* * ^^agttim
Lff i-i»j fît Umu^t) (ipporti^r ni mu rliEinil>rt< a»im i{w ; . Xa^
J«h»n v'mi 4''VHnt !*• rtjl à »on tomiiii4tid**tnçDt, m m . - :• ir n 4;^-^. li k iv^.
crnnmf'fiçn à demundcr ; >• N'été»» ru u» pxilnl e/*/J (celui ) «juj 4r«v un l«i |pio^ f«i
tuUe oauic et ti^Mi" ? — Et oui, *irF, <1it rmitr**. — Kt rcwnmwit vn ptiiwi iiiin ch^di
(lOrlir] ? éu*'*'^iiti<« bien r^couforté dv vc qui en peut «uliir V «- IHif •* fU. /r *•
ricioiïfoitc IjIch en Uimi ^t oit iiiott Xmii AnùL — i*t l^mwiiiUfni nmp^m^
ftmbblif ], iiVn vomJni'^vpiD>^ intint? — Blrc^ |c niï vpat ritm ifm ^ùH^oc €A ^nitam,
•^£1 i^ui voadroit fa/rp ii^Ice, ne lit |in'nilriv%«viiui |HMfii> ^ 2*if«v 1* ^^^P tiélv
ébre en ifoUe |^r;\<^ niio;) biiuc'ile je ne fn\t flirv, rtuiis en ordjo 09 tiqtiiffi ffiil*
[1461]' RÉACTION. 5W
mépris de l'opinion, et montrer que raiulace et la dextérité étaient
les seules vertus qu'appréciât Louis XI.
Le parlement fut en grande partie renouvelé, et des pour-suites
furent ent<miées contre Dammarlin, Brézé, Cousinot, et quelques-
autres membres de l'ancien conseil, tandis qu'une anmistie pleine
et entière était octroyée au duc d'Alcnçon et au comte d'Arma-
gnac. Le duc d'Alençon, parrain du roi, avait rendu autrefois de
notaWes services, et le duc de Bourgogne avait protesté contre sa
condamnation; mais Armagnac n'avait aucun titre à l'indulgence
royale. Par contre, le duc Jean de Bourbon , qui avait bien servi
l'Étal contre les Anglais , perdit le gouvernement de la Guyenne.
Il dit au roi de rudes paroles « pour son désappointement, » et ne
cacha pas son espoir de l'en faire repentir.
C'étaient moins encore les fautes de Louis que ses éminentes
qualités qui devaient exciter les « merveilleux troubles » prédits
par le duc Philippe : les grands se fussent médiocrement inquiétés
de voir des favoris succéder à des favoris ; ils s'alarmèrent davan-
tage quand ils reconnurent que le cheval du roi « portoit avec lui
tout son conseil, » suivant l'expression du sire d(î Brézé. Ce n'est pas
que Louis ne reçût volontiers les avis : il écoutait tout le monde, mais
décidait toujours h lui tout seul. Infatigable d'esprit et de corps,
< subtiliant nuit et jour nouvelles pensées, » comme dit Georges
Chastellain, il voulait tout voir, tout savoir, tout faire par lui-même :
sa sagacité était grande, si ce n'est que, trop enclin à supposer le
mal, il le faisait parfois éclore là où il n'était point. Il s'enquérait
partout, dans les autres « seigneuries » ainsi qu'(?n ses états, « des
gens d'autorité et de valeur j> qui le pouvaient servir, et reclier-
chailde préférence les favoris des autres princes, [)our tirer d'eux
la pensée intime de leurs maîtres. Peu soucieux de la moralité
dans ses choix, il préférait les consciences flexibles aux consciences
rigides; aussi fut-il souvent trompé et trahi sans pouvoir s'en
prendre qu'à lui-même. Sa faveur était mal sûre, d'ailleurs, et il
nallc. — Comment déal voici votre procès et votre accusation en ce sac que j'ai
devers moi, et en rcfuaez-vous ma j^râce, et que j'abolisse tout?— Sire, je ne demande
grâce nulle, fors que justice... » Et le roi, alors, voyant sa constance et sa grande
a-ssurance de parler, le rcfi^arda par manière d'admiration , et, contenant sa parole
nn peu au premier mot, lui dit : — Je vous fais chancelier de France : soyez prud'-
homme ! » Georges Chastellain , Ir« partie, c. 21.
VI. 34
530
KR\?fCÈ ET nOÎ'HaOONR.
nmi
se (légoûtAÎt trop tarikïnteiit d'hofiiiuef: qu*[l a^all |rb tnitk^ |ii!iD(«
h gagnt*r. Quarui il voiilaît s'uttaelifr qiiclqifui)^ Jiwllt* finition
ne lui coûtait : riirrUier d%îr?uriU*'rix iHofi/inpiri*, fjoi ru* ié-
gTiaî*^nt parler que par ririlenuriliain* de |i*iir i!liai>felitf oiii
Ëtats-CitSiérauic on mix anibasfîideui-s des iïouwnijn^ («tranjc»,
fi'ababsîiit h care^^er, dans de lon*îS entrefn'ns, la \iinît^ dim
gentilliûiiuiie ou (rim hotirgf^ois qu'il esïiiiiail utile h ^^ df«dia
C'était le rot f|ui fîaltail les sujets! Il ne ^'iiiquiélail ^utt^ dr cfUH-
promellre la digniti^ de sa couronne; ce qii'il «stmiail en tui*
inertie^ ce nV'tait pas le roi, c'était rhojTune plim docU», j^ui
suldil, a jdus ^ge pour î^ûj tirer d*an luauvaisiwts, » plu5^a$llr(e!!î
qiïp tous les autres! Seeptique el railleur dîin^ loul ce qui «r Um*
cliait point h sn.^ superstiiianjs, il uit**]>nsaît Te^prit c^l<na!lT•--|1i^
pourses vertus non moins que pour ^(% Ui\h*s^, dnlai;çnail |*t ««lu
inent less pompes thMtrales dans lesquelles scsiiiVis a\aieni
leur niajeslè ; il st* uioulrail, <f en habit court, « nnx un \icu\ [mw-
point de futnine pise, un feutre rfif\è el a xm fuMiriot elnr^^ ' "
duns i\(*s conférejices où les souverains, ùn^ li-^piels il >
' chalt, R*splendis&iiîenl d*ûr, do soie, de velours et ih irterrtiiflL
Ainsi, au relonr dti «iaere, tandis que le dtie î'Im" " <>'
Paris des magnitieences de rtiAtel d'.Vj1uis, Luui. :. i „ i
rijôte! des Tournelles un |>lus grand Mat qu'à Gmuppe^ H ii'mç-
mentait pas ^n maison de dauphin evilé : il :i5sJ>:Ti/iit à **.»ii a^i^l
des emplois plus utiles *, L'ulile iMait m seule ri*j.^le, el \mum il
ne eomprit quelU* puîssîURe il y a daiiii; le jtis-te, il pn^frnlNi»
tonte diose» paifois rn^me h son detriniinjt, la ligne lorttii^f*
k la ligne droite, la ruse à la Toree^ r.idh^^c^* au coiihmJ
qiioiquMI eût au liesoin eet opiniâtre courage qn'inif|iirr tÊM
volont^'^ imHîranlable. Il était la réaeticin imam^i? enntje le njo^^i
Age, contre sa morale et son idéalité autant que conln-A'5 ulrr-
rations, eonUe ses liïiertés autant que eofitrc ion anarrliitt. La
dévotion ni6me de Louis, seule ineonsi^quiîiire i!*ijii raorlèn <^
1, Il nVparjfnttlt [m» ytnnt ihii'^unth^v t - H m* mrUùli tien
tmil H d<^|wikU>ir f*î/T|it'n«islu ttxit. ^ CnuiiNv*, t. II, fi, III' f
c'«it rin^UiK-t de lit l'ireulutloti qui rvtutuvtiUc , aa ..
:i461] POnTUAlï DE LOUIS XI. S'il
eût dû aller à rincrcdiililr, n'avait plus rien du fanatisme aus-
tère et grandiose d'autrefois; c'était un félicliismc matérialiste
qui remontait, par-dessus le moyen ûgc, à ces temps où les rois
barbares mettaient les saints du paradis de compte à demi dans
leurs entreprises et dans leur Imtin. A cette faiblesse près, Louis XI
fut le plus illustre discipli» di; cette politique dont les tyrans ita-
liens contemporains lui donnaient l'exemple, et dont .Afacliiavcl
devait un peu plus tard domier la théorie en lui laissant son nom.
L'usui-pateur du duché .de Milan, le fameux Francesco Sforza,
avait été le maître et le modèle de Louis XI. L'éducation italieime
envahit la France par la politique avant de l'envahir par les
beaux-arts.
Une différence, pourtant, sépare Louis de ses maîtres; une dif-
férence essentielle. Par les moyens, il est leur pareil ; par le but,
il est autre. Ces tyrans d'outre les monts n'ont qu'un but i)er-
sonnel, tout au plus un but de famille. Lui, a un but général. Il est
le chef d*une vraie société politicpie, le chef d'une nation, et il en
a conscience. C'est là seulement qu'il se sent une conscience; il a
un vigoureux instinct d'iivenir; il veut laisser œuvre qui dure
après lui. Ce mauvais hojnmc; n*est \)oini juauvais Français '.
Les princes du sang et les autres grands qui se ralliaient à eux
entrevirent bientcM l'objet capital où visait le nouveau roi, la des-
truction de ce qui subsistait de l'oligarchie princière et la con-
centration de toute la puissance nationale dans les mains du
monarque : ils comprirent que Louis « étoit naturellement ami
des gens de moyen état, et emiemi de tous grands qui pouvoient
se passer de lui » (Comines). Cette tendance, qui avait déjà tant
inquiété et mécontenté les princes chez Charles Vil, se prononçait
bien autrement énergique chez son successeur. Il était impossible
que les grands n'essayassent pas de renouveler la Pragueric contre
leur ancien complice, et avec plus de chances de succès; car le
bon accord de la couronne avec son formidable vassal de Bour-
1. « Le despote Louis XI n'est p;is de la race des tyrans égoïstes, mais de colle
dc< novateurs impitoyables. »> Aufç. Tliierry, IC^sui sur l'hiat. du Tiers-Etat, p. rtô. l\
n'éiudiait pas seulement, chez les Italiens, les tyrannies nouvelles, mais aussi les
aneiennes et durables institutions : il fit venir deux Vénitiens, »< à grand mystère, w
pour s'instruire auprès d'eux de leur gouvernement. G. Chastcllain, p. 190.
53Î FRANCE ET tiOîUl^*OG^E. tmil
fopxu Dû pouiml duj*ûr : l'cîx|>ulsiôn d^^HniUve flc& Aûgkis ti k
rHouv de la Bourgofpc soos la $uzcvmmU* n)Yalc dmiciu tV
utossaircmi^nl suivis d'une lufto cntri? Iri coun-'^"^^ -• ^' 't*^ ^ ' ^^ fr
puissance, scini-fi'aiiçnise, sem'H;lranpère^ plu
vaîssale quUndépendaiile , et poiiil d*appui ôbU|îé de t
rm^contenls. Louis XI, avec des ménegBmrnts i?l drs if-mcÉij^u i
de reconnaiKsanre pour les gervices ronilus» iiViHpii qm ni-ji
la crise jusqu^à la mort du duc Philippe : le vjolciil Qiâjiobi^
îi'îivjiil pas îiii cœur un reste de smtimcul brmçtnê C0mnw *^m
pèn*, et eût fondé mns snrupulc! sa grandeur mr h rtiw 4u
royaume et de la inai^ion de France.
Lt^s prcmJèreg agilalions du régna oraj^ettu de Louid XI nt
furent pas néanmoins I* œuvre des prînres : Loujà, à l'èpcNiiie 4c
son fsacrr, avait laissé espérer la diminniion di-s impOUcI Viiiolh
tion de ceux qui avaient été étafïlis sans le coiiR'nletnf^at cxplidlf
iim lîtat^-rtéuéranx ou Provîneiaux ; il avail aecnetili iwir de boniiei
paroles les d»*piiléis des EtiiU de Normandie, ipil se plaipinknl
que leur province eût été taxée, sou5 Charles Vli» A 400,O00fnii)Cf
d'or de taille par au K Mais Louis avait, sur les frontlétriï oNimic
sur rinlérieur, des desseins qui ne pouvaient st^eP' ' m
argent, Non-&eu Ionien t il ne put rôduire les impôts ^»
niais il mit xm nouveau droit sur les vins h rentrée de» rillcj^.
et cela au moment même nu le dur de lî«iuri,'opTip, repreiifint *oii
YÎeox rôle de popularité, le priait de «r metii^e jus » le* laJUiis, Ui
peuple irrité se souleva h Reims, h Angers, ù Aurilliie, k Ak!ncciii,0l
allleut^s; les registres desimpilts fuJvntLrûlés plusîeurK feniiifrn
des aides et gabelles furent massacrés a Bcinvs; mais Cf*« éinrul^
ne grandirent pas jusqu'à rinsnrreetion, Joacliim Rouaull^ que
le roi venait de faire maréchal de France h La plai*c du %im\
Potlion de Saintrailles, moH récemtrient , enlm dams Reims âan^
résistance avec Jean Bureau et forée gens d'armes. Bon nombrt
de pens furent décollés, pendus, t e^sorillés^ ^ ou bannis {oc^
tnbre JîCI). On voit encoï-e, à Tex teneur de la f^athédnlet
reftîgii* de^ rebelhîs, pendus, registres au rou* t^i ville dut faiir
l. ha. tiilîli\ mrH la ryrtjtirftmrt» Ûv lu KorBuiiîiîie HÛu ta Quytnm^ mil it^
2i Oreillt» w^nin^.
[1461] THOUBLES A REIMS. 533
sculpter ce Irisle monument en manière d'amende honorable *.
Angers endura semblables rigueurs. Le peuple n'oublia pas le
€ joyeux avènement » du roi Louis XI, et ce monarque, qui
écrasa les tyrans féodaux, qui vécut familièrement entre « gens
de petite condition , » qui rendit tant d'ordonnances favorables à
la bourgeoisie, mais qui fit peser sur les masses de si rudes exi-
gences, ne devint jamais véritablement populaire.
Louis, tandis qu'il sévissait contre le peuple, tâchait de déguiser
aux grands ses véritables intentions à leur égard , et les caressait
en attendant qu'il pût se passer d'eux : il ne poussa pas plus loin
la réaction qu'il avait dirigée contre les conseillers de son père ;
il donna le duché-pairie de Berri à son jeune frère Charles , et se
rapprocha du roi René et du comte du Maine , frères de sa mère ,
quoique ces deux princes l'eussent desservi près du feu roi et
n'eussent point assisté à son sacre ; il confirma le comte du Maine
dans le gouvernement de Languedoc , et se réconcilia également
avec le comte de Foix, vicomte de Béarn : surtout il « festoya »
et combla le comte de Charolais, qui l'était venu voir à Tours:
il lui fit rendre des honneurs prescjue royaux dans toutes les villes
où passa ce prince. Il lui accorda le droit de grâce. Il lui donna
une pension de 30,000 francs et l'hôtel de Nesle, à Paris. Sous
tous ces beaux semblants de confiance, Louis veillait. Sachant
que le duc François de Bretagne se disposait à lui venir rendre
hommage à Tours , il voulut empêcher cpie ce duc et le comte
de Charolais se trouvassent ensemble : il s'inquiétait fort d'un
projet d'alliance entre eux. Il retarda la visite du duc de Bretagne,
et hâta le départ du comte de Charolais, en lui conférant le gou-
vernement de Normandie et en l'engageant d'aller prendre pos-
session de ce magnifique commandement ^. L'expédient était
hasardeux! Le duc François arriva peu de jours après (18 dé-
cembre), et le roi, après avoir reçu son hommage, le nomma
son lieutenant dans tous les pays d'entre la basse Seine et la basse
Loire, durant une longue tournée qu'il s'apprêtait k faire dans le
Midi : il comptait brouiller les deux princes à l'occasion des pou-
1. Miçhelet, VI, 20 ; d'après Varin, Archives Je Beims.
2. Le comte Charles fit son entrée à Kouen, le 29 décembre 1461. On lui présenta le
TÏD, comme au roi même. Archives Je Houen, ap. Michelet, t. VI, p. 15.
iU FRANCK ET BOL'IlCOGJiR «mi
voirs conlradictniiTS quMI leur oclnmnl; mn mliul ïi'm--^ m J
LijiiJî?, ^ fon'e (Je finesse , se prit plus trime Uh^ <lîm^ :>♦ r fn h[ ir
|] venait di? faire ime grande faute, iiui timniail rooin! tui
seniiniept national sur un poiiit ijupurliinl. L'i l*ra^^umijn<
celle ctMivre populiire des coriciles géîH^rau\ cl iKiHon^m et iW
njn8<?il de France, le gûnail à la fuis loiiliuc ijii^uinf trop p«4f
|*rise h rarbilralre royal dans les élcctiDris ecdêsiaslj^iuc^, ci
Cfïnirne aicordaul ti rjp dlnlluc^nie aiix gmods dans ta pn>riiîa-
lion aux prélatnres et dans la collation des hén^ficcs infciicui».
Uue son gouvernement fi\t Imbile et foil , el rinflurâc^^ nijili«
devait évidemuient devenir plus forte que titlle des éeigneiin
dans les élections, L'ijn[)atience 6tait un grand ùHuui de I/Mib.
Il aima niimi\ s'cnlendre avec Borne contre la " que,6l
infliger à la m<Jmoire de son p^iw, sur la IouîIk .. i-. m,^ (eroWt
lie Sainl-lienis» Vidlront d'une ab^olulion pustlmniL* duuiJt^* par
Ita lé^iïï ûu pape pour le péeliè d^avoir sousrril cette loi rèpnni^
du mlnt'îîK'ge; puis il signilîa au piu^lenienl, en préftcnoe du
Cfinjtc de iJiarnlais et des grands du royaume ', fjoe la Pmguui-
tiipie pesait k sa eonseience , et qu*ii l'avait ms^n par une lettre
au saint -père, délibérée en eonseil idu 27 ivovemlirc li6l|;il
exliiba une bulle d'abolition expédiée par le pain* Pie II, la l>iivi
avec grande dévotion et commanda qu'on la «*fnUprèciiîU54*inrn!
liuns un coffret d'or **
Le fond de eette mumerie, c'est quîl espèmît [tùri - m
innible et avoir le tait la où le pape aurait le droit, - in%
flisposer en réalité des b^^néflces, L*babile Pic II lui toi^nit,
riuelrpies seinaîneâ aupara^anl : « Si les prirlats H unixeràth
(de France) défirent cpiehpie vhme de notwf, c't^l à von.-* quit
duiient s'adresser^, * 11 y avait là une illusion difncjle 4 4^oiih
|>rendre, ebe/. un es|int n\m\ fin que Louis XL 11 unit amlrt lui
les passLjons et les classes les plus divcrscis» {Kirlemeiits et uniter-
si(és, seigneurie et bourgeoisie, et n*eul point la rornpiïnîsitiQii
2. Th. Basiii, ^ J. Dimlcncq , l iv, c 33. — Mm. àû i'éàé L«ia^«
U462] IMIAGMATIQUE ABOLIE. 53î>
sur laquelle il avait ooinpU». La joie des Romains, du moins de
cel avide peuple rléi*îcal qni enlonrait le saint-siége , lit voir qu*ils
cntendai(»nt autrement que le roi de France Tabolition de la
Praginali(|ue *. lis se jetèrent sans discrétion sur la riche proiiî
qu'on leur rendait. Le pape, suivant J. Dudercq (1. v, c. i) , avait
promis de « mettre en France un légat qui donneroit les béné-
fices, afin que Tai-gent de France n'allât point à Rome : » la pro-
messe ne fut point tenue; la simonie rourdino recommença sur
la plus grande échelle, et la cour de Rome eut tous les bénéfices,
le roi , tous les inconvénients de cette contre-révolution ecclésias-
tique. Louis ne devait ])as supporter longtemps ce rôle de dupe !
Le voyage politique que fit le roi dans le Midi fut mieux en-
tendu et plus fructueux que Tabolition de la Pragmatique^. Louis
rendit à Bordeaux et aux principales villes de Guyenne et de Gas-
cogne les i)riviléges dont elles avaient été dépouillées par suite de
la rébellion de 1 153, et institua à Bordeaux un parlement aurpiel
ressortirent le Bordelais, le Bazadois, les Landes, TAgénois, le
Périgord et la Saintonge (10 juin 1 iC?), puis, bientôt après, FAn-
goumois, le Limousin et le Querci : ce fut un véritable parlement
d'Aquitaine. Le parlement de Pai'is en fut moins joyeux que les
Gascons. En même teuips que le roi s'assurait FalTection des villes
gasconnes ^ il voulut créer des grands qui lui dussent tout, et qui
fussent intéressés î\ le soutenir contre les autres grands : il fit un
puissant seigneur, pres^pie un prince, dubAtard d'Armagnac, son
plus fidèle compagnon d'exil. Le bâtard, déjà comte de Conunin-
1. Un niannoiiuin, rcpn'^«'iit:int la Pra;^natiqiio, fut brûle ii Rome. Par compen-
sation, les écoliers «le l'université de Paris jouèrent publiquement un « jeu à pcrson-
na}fe^*, contenant comment les rats avuient man^^é les sceaux de la Praji^atiquc-
Sam.-tion, et comment les rats qui en avoient manu:é eurent rou^e tète, »• allusion &
l'é^êiiue d'Arras, qui eut lo chapeau rouy^e pour prix de ses bons offices <lan8 cetto
affaire. Voyez Duclercq, liv. v, c. 4.
2. Cioor^es Chastollain (partie i, c. 39) raconte une singulière aventure qui
advînt, près de lior<leaux , à Louis XT, «lurant ce voyacre : le roi, se x>ronienant sur
la ^iironde, lui cinquième ou sixième, dans un petit batelet, faillit être enlevé par un
corsaire anjjlais : il n'échappa qu'en se cacliant dans des touffes de roseaux.
3. IJayonne fut affranchie de toutes tailles et eut deux foires par an. — Les ma- "
tjistrats nmnicipaux furent anoblis en foule. OrJonn., XV, 168. Le roi voulut fairo
aiLssi quelque cho-c pour les ^vinces du centre, et fonda, en lir>3, une université à
Bourtçes. Il avait, ihYs Util, assimilé son université daupinnoise de Valence aux
anciennes universités royales d'Orléans, Toulou'^e et Montpellier.
Bn
KftASCE ET ROUIICOIÎXE.
gm, maréchal de Fnuict% gouverneur de Dauiildiir, n*çiH Av [au
Im seîg lieu lies de iMauU*on de Soulc et de SauvetiTrCt îiwi:
gûuvcrnçiuent de la Guyenue, ôlc iju duc d«î Ilourbfin. Le ila
de Nemours, qui coniprmait de très -grandes dciDtaiiie:» dâo
l*llc-de-Fraricc et la Cliani|UigTie, Tut odroji% au*c 1a |«uric, <
Jacques d*Anna^^nac, Jîls du eoiute de Lîi Alartlic! cl de !*«
micieu gouverneur du roi. Le chef de la luaÎNm d'Arntngni
était reuiré eu possesi^îou de tous ses Lic^nsi. Le roî ne bc lij
pas luoiri^ élraiteïuent irintirêls avec la maison de Kaâ,
se servit d'elle pour alleiuJre Tobjel vt''ritalile de son ^up^^
un grand objet, ryseuliidlcmeot uatiunaL Louis suivait de Vm
depuis son avènement, les troubles violcnls titti agitaieni TArupti
et la Navarre, et sVniipretait à en profiter. Don Jumj, Trière dii i
d'Aragon Al|dionse le Maguaiiime , avait épouse la n'ine ûaSi^
varre, Blanche !1, petite-liUe de Clmrles le Mauvais Dqiuii
mort de la reine Blanrhe, en t4U, Don Juan a\iul gimU la K*f
ronue de Navan*e, au lieu de la rcn<lre à son HU don ùirh
prince de Viana, k'gilimc h^'rilier de Blanche. L'iierilier |>ril dJ
bord patience; mais, ajnès que le jj6re se Tnl rernariè el qwi
seconde renune lui eut donnt^ un autre flisi fpiî Tul Fenliiiarul
Catholique;, don Carlos, opprime dans le prèseiilt uienare é
l'avenir, poussé à bout par sa marâtre, finit [*ar récItuoiT,
armes h la main, la couronne de Navarre [li55|. Il aiî^it dii
sœurs Ju preuuer lil; Blanche, divorcée d*ave€ le mi do f^iitillj
lleuri riui puissant, et FJcouûi\\ u>ariêe i Gaslan de Gr
comte de Foix, Blanche» rainée , prit parti pour mn ùrérv.
comte et la comtesse de F(dx soutinrent le p^re» Don -' '
vaincu, s'enfuit Ji Naples^ puis en &u:itillt\ Sori |jcrc h*
lui et lâ sœur Blanche, et dCclara k comtesse de Faix tt^'ritière i
la Navarre (1457)* En 1458, don Juan lnjriia des myauuic^ d'Aï>"
gon et de Sicile, par la mort de son frère Ali^hoiiâe le Ma^n
nune. Il parut alors \ouloir se n^concilier avec $c*i en&ints jh
crits, et les manda à des co/ics gY*ncrales di* ^es ruramiies eoti^^
quèes^ L^Vrlda en Catalogne. Don ilurlos el Blnn ' * ^ i |)(
Juan les fit arrL>tcr el ordonna dViitam^jj Ivni , ffdifl
I460u L'indignation publique éclata. La Catfdogiic s^insur^^e
|)iii5 bientôt FAraj^on et Valence, Le prince fut relârlie; mâi^\
[1*62] KOUSSILLO.N ACQUIS. 537
portait, dit-on, dans ses veines le poison que lui avait donné sa
belle-mère , et il mourut au bout de quelques mois ( sei)teml)rc
14C1); Blanche fut remise, par son père et par sa marâtre, à son
beau-frère le comte de Foix, qui la retint prisonnière à Ortliez, en
attendant^le moment d'oser davantage.
La révolte cependant s'était rallumée, et, secondée par le roi
de Castille, s'étendait dans tous les étals de don Juan. La reine,
sa seconde fennne, princii)al auteur de tant de malheurs et de
crimes, était assié<j;ée dans Girone par les Catalans soulevés, qui
racontaient que l'àme de l'infortuné Carlos revenait la nuit dans
Barcelone pour dénoncer ses meurtriers. Louis Xï, calculant
froidement les l)énélîces de cette lamentable tragédie, s'était hâté
d'expédier aux Catalans un agent secriH, et avait reçu d'eux une
demande de secours qu'il accueillit i)ar de belles promesses; mais,
en même tenq)S, il accueillait tout aussi bien les ouvertures que
lui faisait le comte d(» Foix au nom du roi Juan. Le comte de
Foix, qui venait d'obtenir pour son lils aine la main de Marguc^
rite, sceur de Louis XI, agit avec une extrême activité pour siuiver
son beau-pcre et lui assurer l'appui du roi de France. Louis se
mit à renchère entre les deux partis. Ce fut la mauvaise cause
qui Fenq^orta. Les rois de France et d'Aragon s'abouchèrent à
Sauveterre en Béarn, le li mai 1 iG2, et Louis promit à don Juan
sa médiation auprès du roi de (iastille, et l'assistance d'un gros
corps de troupes contre les Catalans. L'Aragonais mil en gage aux
mains du roi de France, pour la solde de ces troui)es, les comtés
de Uoussillon et de Cerdagne. Le comte de Foix, le maréchal de
Connninges, le sire d'Albret, les frères Bureau, à la tétc de sept
cents lances des ordonnances et d'autres corps fran(;ais, forcè-
rent le ])assage des Pyrénées, tirent lever aux Catalans le siég(; de
(jirone, les délirent, et réduisirent la Catalogin», sauf Barcelone»
et Lérida, sous l'obéissance de don Juan : le roi de France prit pos-
session du Uoussillon et de la Cerdagne, que don Juan ne put raclu»-
ler, et la frontière des Pyrénées-Orientales fut acquise à la France»,
inq)orlanle acquisitioin|ui, obtenue par Finjustice, devait être re-
l>erdue par Fineptie', et reconquise définitivement par la gloire'-'.
1. Sons Charles VIIl.
2. !Sous Uichclieu.
ftSa FIUNC.K ET BoiRaornE, ili«
Ausisitôt après la côtM^hiSÎan dti Imité fie Sniiviierr?, le m
était retourné vers la Loire, d'où il allii vi)tjk*r lhirif« Citèitm
et la Nanîiaridie; il vo jugeait iiresqui? stMil, n^m •îsœrlr^ sim
il<*|K*usc , viitu quasi comme un iainiï> pèlerin t ^^«h* % «1/
u rosses patcuôlres de boiîs uucoii'» » Tuut «ou règne, cii «to,
M un perijAtuel pèicrini^ge, niais en vue d'auirc chosis qn** (ly
creL ï! ^*^ iiitjntriut et se remoniraît .V louiez les pro\incea, /i toutes
los villcï»; tin suit sa trace mx nooihreus*'? orvJ«'»titiaDO(îs «jali
iM^mail âtir Bon passage ^.
Le flodans et le dehorâ rowujiaient k la Um el au nitiw«
deê,TL\
Il ) avait m, de sa part, uneiin|iradt»ni:*: opfiari&DicàfiVnfonciî
dans le Mîdit pendant qïie rAngleterre préparait imi* «ij
contre TOiiest, et slinaxinait tirer aviinïàçe ilc la njrr. -i.
(lliarkîî VIL [ne tlotk* noniljreusRj avait ét6 am^^i: 4aniç li*^ i»«n?
anglais; mais Louis n'en avait jias grand*pcnr, et rè^*cni»«i«>f \é
donna raison.
Les î^iierres civiles d'Angleterre avaient abouti, ranii6c \)fvi\'-
diiiti% à une sanglante révokdiori dynasti{|Ui% d le$ York icj«i«u<
de traiter les Lanca^ître comme reux-ci avaient Inii 16 autrefois b
li^'iie directe des Plantagenels.
Ko juillet 14Gt), le duc Richard d*York, ^ecmidé ^lar Wan^icl,
le ff faiseur de rois *, » avait viuneu et priB, à NnrtliamploiH W rui
Ken ri VI : la reine Marguerite s'était eiifino en feo^s^ï aver »ii
liis, lo petit prince de Galles, Le duc d'York avait demandé lnf«»u-
rormc au parlement, et la rliaïubro dtrs lords Tavai! décima bên*
tier du trAne après Henri VL Marguerite d'Anjou repondit x la
decliAinee du [ïrinee ite GalleSp en insurgeant lout le nonl de IMn-
glu terre; le duc d'York fut défait el uiaîssacrL* aver' un de ses ftU
l. Mîvlutle*, Vif 26,
K'% M^ui |*r«i«rtMfmttiKfs( fïirnn riTRii^îu*'*^* |jnr !■ 'lit,
i";fiik-iiJcMt t'ict'lif^, miuLiit ici am^itiniti et ' «le
^, Il n'^it imt fib lia Wlnrwlck lie t\'^po4|tti» lU» JeaLtme Docv ; li« tmn%^ 4* "W^ai-
m\ek UMiïi pu^ (Jdti» la fAinit^e Ke^ttla,
[1462J GUEKKE DES DEUX ROSES. 539
encore enfant (décembre liGO; ; son iils aîné Edouard, comte de
Marclj, jeune homme de dix- huit ans, prit sa place et le vengea.
Proclamé roi à Londres le 4 mars liOl, Edouard, guidé par le
comte de War>vick, attaqua, le 29, à ïowton, Tannée de la reine,
qui succomba après tout un jour d'innnense carnage : trente-sei)t
mille morts restèrent sur le champ de bataille. Tout ce sang ne
suffit point au vainqueur; le parti vaincu fut proscrit en niasse,
et puisa dans son désespoir la force de prolonger cette horrible
lutte. L'indomptable Marguerite trouva des alliés en Ecosse, et
vint en chercher en France : elle descendit en Bretagne (avril 1462),
entraîna le duc François II dans son parti , et alla invoquer Tas-
sistance de Louis XI en Touraine. Louis XI, pour une petite
sonnne de 20,000 livres , ne se fit promettre rien de moins que
Calais en gage, si la reine pouvait s'en ressaisir (juin 1462). Pen-
dant ce tenips, Louis était en intelligences secrètes avec le vain-
queur de Marguerite, avec Warwick, qui conunençait à trouver
trop puissant le roi qu'il avait lait. AN'arwick, qui connnandait la
flotte anglaise, menaça les côtes de Normandie sans rien entre-
prendre, et se contenta d'une petite descente auprès de Brest
(juin-juillet).
A\'ar\\ick était encore occupé à cette inutile croisière, lorsque
Marguerite retourna débanpier dans le Northumberland, avec
deux mille a>enturiers français, aux ordres de Pierre de Brézé,
Louis Xï s'était un peu adouci envers Brézé, qui \oulait périr ou
rentrer en pleine faM^ur par un coup d'éclat. On prétend d'ailleurs
qu'il aimait Marguerite. 11 lit pour elle des prodiges de valeur, et
ne périt pas; mais il ne pouvait vaincre : les débris du parti lan-
castrien furent accablés. Henri VI , qui était resté caché dans le
Lancashîre, tomba dans les mains d'Edouard IV, et Marguerite
dut, i)0ur la seconde fois, chercher un asile sur le continent; elle
se retira dans le Barrois, domaine de sa maison, poursuivant tou-
jours le rêve d'une restauration vengeresse. Il fallut que Louis XI
renonçât à Fespoir de mettre la main sur Calais.
Calais manqué, le Roussillon, d'une autre part, faillit échapper.
I^ roi d'Aragon eût bien voulu rei)rendre son gage sans le rache-
ter, et ses intrigues avaient excité à Per[)ignan une révolte contre
les Français. Louis retourna en toute hâte dans le Midi , au com-
INCE ET BUinCOGJÎE*
nu^neeuicfit de 1 463 , t onipriina Ifl rébellion , intlmlila k
(rAiagon, et prononça, entre rAragonais et le mi de Ca5tilk« h
seîik'tice arbitrale qui lui avidl ùiè défôrêa rannée précédeiile- Lr
roi tle CasîîUe devait ei^sscr de sevMmr les rel^elltv** <le fjitalogiK^;
le roi d'Ariigon devait céder à la Cii^UUe lui omtou de k Sn^mv
(23 avril 1463)* La sentence arbilrale fut âutiii\ d'une canf'
5ur la rive françuke de lu Bidussoa, entre les roiH de France cti
C'iïititle : renlreviae tcmrna maJ. Le roi de OsUlic« dnn llunri
Vimptiismnt^ et mn favori Bertrand de la Ciievut « ï»Ar leqiid kf
grands de lu coui* diment qu'il fiiisait faire juM]u*4 ms cnfanlt'.t
élalèrenL, ainsi que toute la g^nujdcïîïie mMillîiEiîi un inst^ ilipt
de la maison de Uaurgog^ne, Louis X! vint avec sa oftaipie fri**
bruu et sou thapcau rdpé. Sa suite n'étOLit guère {ilui» LriiUult*.
U^ Caiïiillaiisî tiureut h ui(';pris cette iiegligeocc iiuirée, et Tûiift
sépara, peu satisfaits les uns des auti"es *.
Le roi d'Aragon, et surtout son gendre le comte de Foix. «Hiiieiw
inoins Batisfails encore ; le comte de Foix cria si fort sur k nuiii-
latîon de son héritage de Navîure*, que le roi lui promit le Roii>-
sUlou j et lui douua tkreassonne en page de «:eHe pn>nt«:wc
(23 mai 1-463]. Louis avait une incroyable fadlilî? h [mmiMn^d
luôiue a donner, avec Vinteution de rei^rentlre Jeu dnngcrcin tp
ne lui réuiîsit pas toujours.
11 donnait d*nn côté, il voulut prendre de Faulre. Il jinHcoJil
introduire la gabelle royîile dans les pro\inca$ bourgiti|ninnne5 ,
laii'C ilarts toutes leurii villes des a boiu^^euU du roi \ » *ji oblh
le due Philip|>e k rompre avec runurpatenr d'Angleterre, H i
eu inànie temps qu*il prenait sou$ sa sauvegardw les Ucgeoil"
contre Pbiliupe hii-niérne. Louis avaîl rumpté sur Faffiiibiiîj^
meut du victL\ duc^ depuis une t^avc maladie qu'il avait faite isi
iJ nbontit À rcxbdréiktion dû la ÛÏU in rûL
2. Ct)nitfi«ii, l. iT, (V 8. — l'Ii. Lkain, HtêL iMà, XI, ï. t, e. tf.->i. UkL «
txjtAV, p. 27*
^. lUrïKnpi (]ii'U A'a!«!iitra fiar un mm« i*vécntlik% Tunite 4uifi«|p ? 4tt a
toul1(> mciiuln rml k un ijmpoUonTiemiîiit, tom{ae t» «oifir %U\àt «l« la lonifts
FuU, Blu.[lchc^ do Ktivurri^, tuuurtît ¥%% \vxlmi\ «lu mou de èi^tsàn^ ItOl.
[UC3] LES CKOi'. 5i1
février 1462 *, et sur la connivence des Croi; le roi avait clicro-
ment acheté Tamitié de ces favoris du duc. Néanmoins , Philippe
réagit contre une pression trop peu ménagée , et les Croi eux-
mêmes se sentirent perdus s'ils ne se déclaraient pour la résistance.
Un d'eux, le sire de Chimai, gouverneur de Namur et de Luxem-
bourg, fut chargé par le duc d*aller repousser énergiquement les
exigences de Louis XI. Il y eut entre le monarque et l'envoyé une
scène très-caractéristique. « Votre duc de Bourgogne, » dit brus-
quement le roi, a est- il donc d'un autre métal que les autres
princes du royaume? — Oui, » répliqua Cliimai , « il est d'un
autre métal, puisqu'il vous a gardé et soutenu contre votre père,
ce que n'eût fait nul autre prince ! » Louis rentra dans sa cliambre
sans répondre un seul mot.
« Comment osez-vous ainsi parler au roi ! » demanda le comte
de Dunois. « Si j'avois été à cinquante lieues, » repartit Chimai ,
« et que j'eusse pensé que le roi me voulût dire telles choses de
monseigneur mon maître , je serois revenu pour lui parler comme
j'ai fait^. s>
Louis s'arrêta court, abandonna toutes ses prétentions, et, loin
de témoigner du ressentiment contre Chimai , combla plus que
jamais tous les Croi ^ : il chargea même Antoine de Croi , son
grand maître-d'hôtel, de ses pleins pouvoirs pour prendre part
aux négociations du duc Philippe avec l'usurpateur York, avec
Edouard IV : une trêve d'un an fut conclue entre la France et
l'Angleterre (27 octobre liG3). Louis, avec une merveilleuse sou-
plesse, s'était replié et ooncenlré sur une seule affaire, la plus
importante, sans comparaison, cpril pût traiter avec le duc de
Bourgogne. Ce n'était pas moins que le recouvrement des villes
1. Olivier de la Marche rapporte un fait bien singulier à l'occasion de cette ma-
ladie. « I>es médeciDs ayant conseillé au duc de se faire raire (raser) la tetc, pour
n'ôtre seul dénué de cheveux il commanda, par un édit, que tous les nobles hommes
se fissent raire la tête comme lui, et furent ordonnés messire Pierre de Ila&renbach
et autres, qui, sitôt qu'ils véoient (voyaient) un noble homme, lui ôtoient les cheveux, n
On avait eu si peur de perdre « le bon duc, » qu'on se soumit assez g^aiement à ce
bizarre caprice. Tous les états bourguijjnons redoutaient extrêmement le change-
ment de rè^e qui approchait.
2. J. Duclercq, 1. iv, c. 42.
3. Il leur donna, en fiefs ou en gouvernement, ce que la couronne avait conservé ou
recouvré dans la Picardie maritime^ les dépcndancesde Guines etArdres, les places oc-
cupées dans le Luxembourg par Charles VU, Bar-sur-Âube, etc. Michelet, VI, c. 3.
Uî
FRANCE BT 0OLfVr,O«NK*
nm\
lie lit SuLiime, qrie le tmilè d*Arr.is avait itJfiiil^ indnîlaltlifi^
ijioyeiHiiint 100,000 LTus^ror, Le coiiitèik* llturolitt!; avait, iJiMn.
obt*"fi!i du roi la iïroniPss.fî d^ nr* point op^rrr le rarliiU lant qua
Tîvrait Ut vieux duc; mais Louis almaît \mt\n voîi* scin argvni
daii*ï les iimirîs des favoris de PIiilIpiR* que dmi* celle* du i^nloii-
tahie ClKiiies : il ac liAia de nisîiemljler celle ^'mnde t^ * : ir
tous les moyem*. Philippe avait très-peu d'etim û *
rançon de la PicaidJe* Les Groï , cu3c*iu^ii)e$ » eiissettl bicu f^ula
se dît^penR^r de servir k* rcd dans une telle acriiÉiôa. lie ilniitde
hùiûs èiiïli clair; niais !c droit ne stifOsait |>2U«* Lotib metmçt k
duc en excitant des troubles à Gand contre les tnipAtii et eu tnsml
entrevoir son îidervenfion conive le duc et les G^inioi*: il mcfia^a
le-S (Iroï eu idTeL^lrint de s*appuyer sur leur rival k* eonile île
ftainl-Pol. Le duc rt*da, reçut les -KUj,iïOU f^cus, et le ni] fvaiin
en posftes§iion de Saînt-Quenlifii de Péronne, d'Amîciu, d*Alilie-
ville, de toute la Somme (octobre tl03). Le «1 ' ' ' i uuiifon de
('4'oï, le mre Antoine, joignit le gouveroemr ^dles de U
Sorrnne au gouvernement de Champagne, qne te roi lui mill
eonftVt* atires la grande-maltrisie» Les r^rol élaîenl deflnithem^t
eiicbafn*^? imr des elialneîî d'or. Celait un li«!;iu di^liut jNMir If
nouveau règne, que le rachat de la Picardie et IVrfuiMticm diî
UoufsBillon. Loius y gagna grande renomm^*e.
Il ge Ut, par compensation, un miplae:ibh' rriHiirii : ie cm
de Charolaiïi, déjà en grande <létlanre ilu roi, le prit en
mortelle, et ne songea plus^ qu'à lui susciter parloul desol^^tarJM
et des tlîuigers. Tfe le 18 juillet 1163, le runite de Hainl-hd,
principal coinseiller du eomk^ de diarolais, amit sigm^ en iw/ii
nom un pacte d'alliance avec Je duc d<^ Breïa^ie, Le roi, di^i^nt
côlô, iivait pris oflkiollement sous sa sauve^jiutle k« llro), aJnài
«jue le comte d'Iitauîpes, cl tous les t tuuiieu^i et inalveillfttilà •
1. il fît des omjiruritA aujt pfi^UU, aux clvU<i* mAvchkmU^ ]iHt fjirirpni dc^ «
^t eoo*.I|rriatlotiJ», ^t ctfluj Jrxtîii^ à lii noltlf *lw trcrti^»*''» «t dru o(Rfi»-t- <•' •-
rornit» îl «i'jKtf|ultt;i^ nu îiiû^ou de fubtiidei extra ontiïiuliVB ikifum^W* .)#
vhâeunè dca prqviïic<a Uu mjmimv. 'Iwifiiiitl, «i fniiiçjii« itit r«i»i*r, •♦ ,«j,..*j. |ié^
un «lun vokmuùr^t tin 2^,mxi écun, Quand Lptt^« XI flfti à Tuuniiii, w« b Ha
p&r une rrpri^ftitiittçin a]li<'gt»ri'jiac^ où La fitii^ tifiUff fillie ilr tft %ilJ^, pcT^9<iiAs9l
Tounmi, di^QvMtiU d'un tinii^ hvih; l'tiD j^nitiae flottr df lift ftur le oour^ -^ Vojivt
;i4G3] r.ACIIAT DE LA IMCAnDIE. 5i3
(lu comte Charles, à qui il avait relire sa pension et le ffoiivei'ne-
inent de Normandie. Charles s'était de nouveau éloi|;nr de son
|Kîre, et, se cantonnant en Hollande, avait déclaré qu'il no ren-
trerait pas à la cour de Philippe avant que les Croi et Jean
(l'ÉtaDipes en fussent dehors; le comte de Charolais accusait Ikui-
tement son cousin d'Élampes d'avoir cherché à l'empoisomirr et
Il € Tenvoulter par maléfice. » (hélait ce même comte d'l'llan]])(\s
rjui avait été le hourreau d(»s vaudois d'Arras. Louis, durant une
visite qu'il fit au duc de Bourp:()*rne à TIesdin, pour terminer
raffaire des villes picardes et de la trêve, oflrit à Philip|)e de
l'aider « à mettre monsieur de Charolois en son ohéissance; »
maïs le duc remercia « Siigemeiit, jïensimt que le roi ne souhaitoit
que metire sa maison et ses pays en jdus grands hrouillis qu'ils
n'éloient. » Louis, en elïet, Tion content d'avoir recouvré la vallée
de la Sonime, eiit voulu amener Philipi)e h revendie à la cou-
ronne le comté de Boulo;.^ne et les chAtelhMiies de la Flandre
française, Lille, Douai et Orehies, cédées auliuMois par ('harles V
il son frère Philippe le Hardi; mais la facilité du « hou duc »
n'alla pas jusque-là.
Les conseils de Louis n'étaient cepertdant pas tous contraires
aux vrais intérêts du dur, et ce fut avec sincérité que le roi
essaya de détourner Philippe; des i)rojets de croisade qui repa-
raissaient sérieusement à la cour de Bourgogne : \c roi n'eiM vu
qu'à regret Philippe s'emharquer dans des fatigues qui eussent
précipité sa fin, et désirait fort (pie Tavénement du comte Charles
à la couronne ducale fût autant retardé que possihle. Le vieux
duc, depuis son vœu du faisan, avait suspendu, mais non point
abandonné le dessein de la guerre sainte, et, dans ce moment,
il était fort préoccupé des dangers de l'Ilalie nuMiacée par les
conquérants de Constantinople ci de la Grèce. L(»s sultans otho-
mans aspiraient à Rome, connue les anciens rois harhares des
grandes invasions. Les lettres véhémentes du pape* Pie II, qui
sommait le duc de tenir son serment et de se rendre sous les
bamiiéres de la croix, que ce pontife prétendait guider en per-
sonne malgré sa vieillesse et ses infirmités, remportèrent dans
l'esprit de Philippe sur l(»s n^pi'ésentalions du roi : le duc convo-
qua, le jour de No(4 1 i03 , à Bruges , les chevaliers qui avaient
ftu FivA?<cB ET Boraaor.NE. mA
pris part au rrrw dufahan^ et ti?« L'iron», |*n^lalii el tliimlrsilis
hùnnrs villr^s i!*^ s^fs pnys, pour !rur coiiHuuniqiH'r ét^ii mlmti^a
d*îiUcr s'eiukiniuer h Ai^iios-MortÉ^sao inûis dr mai pHtclt-tu»
Il ajourna ensuite rassembli^c au 10 janvier H6i» époque à b»^
qiïdle il avait ranvoqué les Étul^ dr Flandr^\ afin di? |HiiJrvuin
gmivomnrnpTit tlf> retlo provinc^p durant son aliwncf^
Le comte de Cliarnlais invita les TmL^ Ordres de Flundrc ki
rendre d'alïord près do lui u Auvers; il voulait Irss reflu^^ri^J
lervcfiîr entre snn [itTe H lui. Le duc défendil inu diqmti
cli»fér(*r à celte InvitutiDn; mais déjà hon nombre d*eiitm«ii^
étaient alU*8 joindre le comte. Ils revinrent d'Anvers A Bru^c^nlj
les Ltats de Flandre s'ouvnr<*nt h 10 jnnvîi^r : le « bon duc »1
adrt?ssa de gi^andes [daiiiles sur les dôfrdiôiîîsîim^ei? de <;oii ilU, qn
refusait toujours de revenir, quoiqu'il eût Mè niatnLes fntsi mafid^
Les tneîllinïri'î^ Wes de rassenilïlée enfreprirpnl de n'>Yjiîrîljer (|
père et le Pds, et ]*ev^que de Tournai, Valibe de Clte^iux . H di'U
Iiaut!^ barons se transportèrent ûnprH du comte, ii Gond, L'iiltl^
refput II* eutnte, au noni des Klats^ de €(*ndt!îscendrc t au \Am
de iiionsri^fiur le duc, ^ et de « se di'porter d'aurtuit^ de
serviteurs o que Philippe avait eu d^^fianee : le eciinlc, de »(j
cftttS leur « remontra » ses grieft» contre les Crol et kmts MU
reut»» dont raiToganoe passait toute masuro; lejî d/putiS finir
[>ar se jeter k ses ^'enou\ en le eotïjurant de les suivre à Brui;i!
IHiïlippe ne devait }ïoînt, comme Charles VU, mourir $àm AViij
revu son fils. 1^ comte ctVIa , et partit de Cand, -• iiccoui|
de grand nomhrfMle nobles gens; ^ la plupart dej. feigne
la Im de la ville rie llruges ' sorti lent â is<i reneonlix*; le mit i
Crol, à la nouvelle de sîi venue». s'élail retiré près do imi Ltiuii
h Tournai; le comte desrendit à Tliôtel de son i^Ve, tri s*afl
iiouilla par trois fois devant lui , et , à la troisième fois, d lui i
« Mon Ir^s-tloux seîgrunir et pèn?, si je vous ai Iruuldt* oa eoo
roueéen aueunesclinses, je vous en prie niercT, ^ — « Jesnl^ hi(
en que valent toutes vos excuses, » répundit le duc, «ne 111*^
parlez plus; mars puisr{iie vous ôliîs ici venu h merid, mjct-i
bon fils et je vous serai bon père, »
L Dan» tc^alira 1<^ %ï\k** iliuiiiiitt**» , In timiriitr^tuir muitkàjiiilr ffwtAkw ^^1
[1404; • PHILIPPE ET CIIAKOLAÏS. 5i5
II le prit par la main et lui pardonna; puis il assigna à rassem-
blée lui nouveau rendez-vous au 8 mars, et alla trouver à Lille le
roi Louis, (pii avait passé Thiver sur les marches d'Artois et de
Flandre. Le départ des croisés, si bruyamment annoncé, n*eut
I>as lieu : le roi obtint du duc un nouveau délai d'une année, en
lui promettant un renfort de dix mille combattants, si, avant Tan-
née révolue, un traité de paix remplaçidt la trêve récennnent con-
clue avec Edouard IV d'Angleterre ; des conférences devaient avoir
lieu , dans ce but, à Saint-Omer, au mois de juillet. Le duc expé-
dia provisoirement au pape deux mille combattants conduits par
deux de ses nombreux bâtards. Une multitude de volontaires sui-
>irent les gens d'armes du duc. Jacques Duclercq prétend qu'il en
sortit au moins vingt mille des seuls états de Bourgogne, et qu'il
y eut bien, dans toute la chrétienlé, trois cent mille personnes
qui se croisèrent ( 1. v, c. 9 ).
I^a paix et la croisade avortèrent l'une connue l'autre : War-
wick, « le faiseur de rois », ne parut point à Saint-Omer, connue
Louis XI l'avait espéré; il ne vint que d(^s ambassadeurs d'un
rang secondaire et sans pouvoirs suffisants pour rien conclure.
Louis fut trés-fdché de ce contre-temps : prévoyant cle grands dé-
mêlés avec les seigneurs du sang, il eût bien voulu être tranquille
du côté de l'Angleterre; mais Edouard IV pressentait, de son
côté, les troubles qui menaçaient la France, et en était d'autant
moins disposé à la paix. Quant à la croisade, le pape Pie II étant
mort le i août, l'armée ou plutôt l'énorme coliue de pèhTins,
que ce pontife avait rassemblée à Ancône, se dispersa, et l'expédi-
tion s'en alla en fumée.
Louis XI était aussi mal avec Pie II, au moment de sa mort,
qu'il avait été bien trois ans auparavant. Dans l'aflaire de la Prag-
matique, le roi a voulu duper : il a été dupe, mais i)as longtemps.
IiC pape a tout pris pour lui, usant à la rigueur des droits que lui
a rendus Louis, conférant les bénéfices sans consulter le roi, atti-
rant tout à Rome, choses et personnes, argent et procès*, interve-
nant dans les débats entre le roi et le duc de Bretiigne, relative-
1. Il faut dire que le pape n'en était ^niére plus riche. Tout cela était dévoré par
riinniense i»eui»le para.^ite des clercs de Home. V. Hanke , Hist. de In jinjinutè av.i
xvi< et xviK iiivlff, 1. IV, g -J,
VI. oo
Ttï^ FRANCE ET BOl'llGOG^e. îUéMiNt
]neïj( à rhoïMiiiago (les évk^f|iic8 hi*<*tan5. Véi-lmi une ipesiûtiii fort
*;nivi*. Le rot lucloialait que les év6qiieii, en Bre iiigîit* caamiediiii
tout \c rdyaume^ nt^ rulevaictil que de lit nMimanc ptiiir le: Iiîid^
pfirel. Lr duc soutentiiL sa viiùlli^ «UKcrainct^, L'évéqut» de Ximtfô
tpriait (ïoTir le roi et refuwiil riiDimuage ae diu'-
f*e liapp, rii nn^nié tonips, îîtrvajl la mai54>n d'Aragon m luli>
contre ki maison di^ France, et s'entendait avec k* duc delUlia
ffDur aider Ferdinand le Bdiard à diasser de Na^ih'jî k ûls du i lKf>
roi llen^* ^^ le duc de Calaljre, Jean d'Anjou.
Louis XI, pour gripier k^ paiie, alla ju^f^u'À lui dauner te vam-
th de Valence et ck^ Die, annexes du Daupliiné, réclamer pkfk
siinï-siége en vertu du testament du dernier cututo de Vérft
tînoit^ (HG2), Uien n'y lit. Louis se retourna hru^uiîmenl 2u<
une exlrûnie vîgucuj-, Trom ordonnances des 24 mai , 19 e* »
juin 1453, t(HincUit contre 1q ra^jacité de Romï% dcdanmtqiMïI/toffS
ks t|iie5îiûns de posstîssiDn» en tti|tJèn[! de liien» d*^llM^« «^ttxit
tiéfcrtVs au ptu^lement. Di's mémotrcj scint detuaudct |«r k> «•
au [mi lenient et aux iHi^ques mr les consi^fpiences de Falmillka
de la Pniginatique. I/e piiilemenl, dansai rtrinoutraocc&^ntdnsÉt
au fait. « La muunôie est la ruesure de foutes djr>$c*.,.j Bcpoii
cette malheureuse abolition, « le Pont-au-Chinigiî* n*a (iIua ni
ohaTige ni changeurs i>. Le parlement [^n^krid qu'en trot* an*,
Rome a tiré de France trois miltions d*écus d*c/r ^ il S(i4) 1 U! mj Ht
de son nueux pour quil n'en «^oitlt pas davaiita{fe: U eha&adB
ropume kî? colk^cteiir^ du pape, et, la ifuerelle s'iiiiveidioint, 3
mit la ntain sur le temporel de trois cardinaïuc qtti aiaknldei
L* vaches et des abbayes en France. Sur ces enlrcfoiteif., le iwjic
ayant reçu rapt)el du due i\r. fîrftagne et ûtifiàié un nmmàicc
charge de ju^^^r la question de riiommage des évécpies breloitf,
I^uis fit arrêter le nonce et le tradui^t ddianl le parteuietit Le
duc de Bretai^'ue plia et reconnut rauloiitè d'une cormoisskiD
1. Ctnire d« Umi lemotïvomûnt do change à ?&rU,
2, Une vm^Tlaîne d'Afchwv^clié* H é^éché« vaGanti» il fi«<>/l àtm iTny».
HemontrmwH du pnletHmt ^ui*, Urdahtt,^ t. XV, p. J . ^^
Himnn(mntf*ih V^H'Xw *h Lifieujf , notre Thom** iiii>itu F, rfe. îî«iiû, k i; t^f^ ]
[1463-1464] BROUILLE AVEC ROME. 5i7
laïque, nommée par le roi pour décider ce débat et [)rési(léc par
le comte du Maine.
Louis ne rétablit pourtant pas les libres élections ecclésiastiques :
il entendait garder pour lui ce qu'il ôtait au pape; il s'ensuivit,
pour tout ce régne, une véritable anarcliie dans Téglise gallicane,
la cour de Rome partant toujours de Tabolilion de la Pragma-
tique; le parlement de Paris traitant cette abolition comme non
avenue, et recevant et provoquant les appels comme d'abus*; le
roi, enfin, tirant le plus qu'il pouvait de l'Église, et, quant au
reste, se rapprochant ou s'éloignant de la Pragmaticpie , suivant
qu'il avait intérêt ou non de ménager les successeurs de Pie IL
La réaction de 1 463 contre Rome eût pu ramener à Louis bien dos
esprits dans la magistrature et le haut clergé ; mais une autre
mesure lui en avait enlevé le bénéfice. Il avait fait enjoindre par
la chambre des comptes, le 20 juillet 1463, à tous les gens d'église
de donner, sous un an , décl^^ration de leurs biens et droits, afin
de somnettre leurs titres h la vérification et de mettre un terme à
leurs empiétements sur les droits du roi et de ses vassiuix. Le
même arrêt ordonnait que les fiefs, dont les détenteurs ne se se-
raient point acquittés de l'hommage et des droits dus au roi , fus-
sent mis sous la main royale. Depuis l'invasion anglaise, les nou-
veaux acquêts, les rachats, les reliefs, les francs-fiefs ne se payaient
quasi plus nulle part'. L'entreprise du roi était juste, mais trop har-
die pour le temps. L'irritation fut aussi grande, dans le clergé
et la noblesse, que s'il se fût agi d'une spoliation. Cela contribua
fort à préparer une armée aux princes mécontents.
La noblesse avait un grief bien pire, et le roi une ])rélenlion bien
plus téméraire. Il entendait faire de la chasse un droit domanial de
la couronne, interdire à tous de chasser sinon par permission
royale et moyennant finance. Thomas Basin' assure qu'il or-
donna par un édit, sous peine de confiscation de corps et de
biens, de remettre aux baillis royaux tous les filets, tous les
1. Le parlement ayant empêché un bénéficiaire nommé p;ir le pape de preinlr«
possession de son abbaye , le pape excommunia le parlement , qui n'en tint coni}>te.
Duclos , Uist, de Louis A7 , 1. 1 , p. 182.
2. OrdùTin. , t. XVI , p. 15.
3. UisU Lud. Xr, 1. i, ch. 34. V. aussi G. Oiastellain, p. 245; J. Duelercq, t. v,
ch. 1.
rHASCE KT BOiiRGOGNE.
tl4<t>
mi hïCB t à pieiidft^ bAtês >, Ce qtii «it fur, c'est qtn.
pfirtotit où il passait, il faisail brûler les en?hi ' * ns^e. A [rio^
quirgriaiMl , jmr grAve, lc& j^arcnnes des « pn i . f raiH» •. Li^
dironifjucurs s'imapînent que c'était par passion julouse j^oor
le* gibier, coniTD»^ s*il eM vmilu i^trr If» s^ul ^î èv ya>
royaume. 11 est probable (pi' au rapiraire, il songi r dispa-
raître, avec le droit de chasse, Ie$ coutiujies fécilîiles «pii jwol^
gcaîrnt le gibier contre le pajsan avec exaginilion gi alit^cedip
entravaient si t'niellenient le pro^rH de l*ai;ricultiircV
Oiioî qtill en soit, cYlait sc^ heurler k rintpcts^ible cpir de s'tK
taquer directement an droit de chasse, ce Anni antique de tait
liomnie libre sur le domaine commun de la trilm , dev» ' *nia
Jr tout pûsîiesBenr d'aHini ou do fief sur &a terrv. Li ti- m[ li
vie ni^me du gentillioînuie; autant eût valu supprimer k nobloee
d'un trait de pi urne ^. Louis dut reculer', maîsi IXM èlâit prtv
duit, et le bruit, partout répandu, gue le roi avait fait n^upiT i\^
reilie à un geidilhomme de NormaïuUe pour avoir [m$ un linct
mr m propre terre, soulevait une irritulioiî unîversdlr [unni It^
possesîieurs tle tlefs.
\hm le counirït de 146î, tous* les ferments de discorde touîl*
loiuiaient ; rexplosion semblait prochaine, hatm rôjaît venir h
péril, s'apprêtait h y faire fact\ et tAcbaît de se iaénii(rcrdc^ allir*
au dehors eonUc les ennemis du de<lans. H ^tziil en mesmr »!r
renouveler, au cœur des Pays-Bas, la perp^tueile divemiûii ik-
Liège contre la Bourgogne, Il avait renouvelé, le 27 nonmi-
hre I1C3> son ancien pacte d'amitié avec le^« Ligiics di? la llaiiîf
Allemagne » (les iuntouB suisses) ^ et, le 23 ckVemhre, ?o«i
/dliance offensive et défensive eonlrartée, avant khi av^rteiiicidAti
trAne, avec le duc de Milan, le giMnd Francescn Sfi»mi, i'ohjH de
sîi constante admiration ; jlabanduutia au duc de Milan les» pn'tcn-
tians de la couronne de France sur la « seiipieuric » de G<^e$^ ca
1 . r, le» rurieua» eiuU&n* d« M. XIiclicl«t , VT, 130» «ur \m SiiiT— iiliAt éimmlt» pit
\o vùi h du ^mnvr4m ym^ytitm éimX ntf* ^tn» ivnJeiii g4ié Is lilé , o« tell tm àùtm
rtTnit*îjt êtr»nifl(> U Irebi*, ïoh au h? Ehftl.
2. Ett tkfçç Ia nablessi' , T& htmr^mtU\ii finvilâiriéf! ; ft^nt fiftrlcr dioi
3. Il iwtila trnhiifil [H?uf Is- Dii«nh*im ijikin lt«a J. Oriimi. XVî, p. l
[14041 KDIT SUn LA CHASSE. 5i9
réservant sa suzerainolé. Sa voue, que les Français avaient conservée
depuis la révolution de Gènes, en 1461, fut remise à Sforza, et
G^ncs, menacée par les armes et divisée par les intri^ies de ce
redoutable politique, subit la domination milanaise en consolant
son amour-propre par im vain simulacre d'élection avant d'ouvrir
SCS portes à Sforza. Ce tiaité n'était pas de nature à concilier les
princes du sang au roi , et blessait la maison d'Anjou et surtout
la maison d'Orléans : le vieux duc Charles d'Orléans prétendait, du
chef de sa mère Valentine, à l'héritage de Milîin usurj)é |)ar le
condottiere Sforza, et les princes angevins voyaient dans ce même
Sforza l'allié de Ferdinand d'Aragon, leur compétiteur trop heu-
reux au Irùne de Naples; il est vrai que Sforza i)romit de d(;incurer
neutre désormais dans la querelle de Naples, et offrit 200,000 écus
d'or au duc d'Orléans pour l'abandon de ses prétentions et i)our
l'achat du comté d'Asti. Il était d'une bonne politique d'iidosser
la France royale à une puissance considérable formée avec son
appui dans la Haute Italie *. Le roi, régnant sous le nom du faible
duc Louis, son beau-pére, dans les états de Savoie (Savoie, Pié-
mont, Genève, Bresse, Vaud), tenait toute la ligne des Hautes-
Alpes, et pouvait faire déboucher à volonté les habiles condottieri
lombards sur les derrières des Bourguignons. Un des lils du duc
de Savoie, Philip|)e, comte de Bresse, faillit arracher au roi cette
«lomination indirecte : suivant l'exemple de Charolais et de Louis
lui-même, il s'était mis en rébellion contre son père : il alla jus-
qu'à massacreur le favori de celui-ci , i)endant la messe , dans la
chapelle du duc ! Le roi interposa sa médiation ; le comte de Bresse,
après ses monstrueuses violences, eut l'imprudence d'accepter im
sauf-conduit pour venir traiter avec le roi; il fut arrêté et enfermé
au château de Loches. Louis ressaisit la Savoie; mais, si criminel
que fût le comte Philippe, le moyen déloyal employé contre lui
redoubla l'hostilité des seigneurs contre le roi^.
1. Loais chercha des alliés plus loin ; il traita avec Georges Podiebrad , le roi
hussite de la Bohôrae (juillet 11<)4) , et avec Veuise. Le Turc en fut U' prétexte. Les
contractants projettent contre les infidèles une confédération européenne. Preuves
de Comines, Ëd. Lenglet , II , 43L
2. Duroont , Cor/)a diplomatique y t. III, p. 293; Guichenon, Hist. de Savoie, t. II,
p. 94-166. La création de la ]>oste royale eut lieu sur ces entrefaites (6 juin 1464),
V. Michclet, W, 89. Ou peut la considérer comme une arme offensive et défensive
5^0 FBAÎÎCE ET »0t;ilCO0NIL mm
l»ou\ Jes primes seulement |us(pi*alors rt.jHjii *:\\ .|c. •
ouvrrl** avtT LguiëXI; le eoiJitL* di^ Cliarôlai^ el hi tlw ^* iiw-
t/ipie. Ce dernier, jetmc liomme d'un c^prii niâHoiTt? ef à\w
((iract^rr faflile, iMait pxritï^ par 5cs ronseillfTS pà s^ bimri^^l
iiial^, quel que Ml le rnradère privé des^ prinfes qui rfgfiHM!»^
sur la France et mr la Bretagne» il T aviiil ià de? mmeê dt* lulU'
in^vilaljle, aussi bien ga*entre la Fmiîrtï royak cl Iji lUim-
po^e. Le roî voulait trailiT ta Birtagnc couin>c toiil mitrt
gnind fief. Li Bretagne, bien niouis puissanlc qui» b BuurçDpie,
prétendait à une îniiépcndftnce bien plus complète enmre, IVt^vf il-
laot les Iradiiîons de ses vieux rois reltifpies, elle nViiî ,' - m
ressortir au parlement de Paris, ni pajer iiuetio impôt jf
espèce liu roi. Le duc se disait « duc par la grict* de Diiii, §H
s'attriliuait tous le<^ droits rr^^aliens, Apr^s auiir reroqfiti la nim-
mission royale qui devait décider sur rhommagf dt^ é^i^dH»!
bretouî*, lorsqu'elle eut prononc*^ c^mli^ lui (?9 octobrr 1 101), il
refusa de roeonnattre la senlenw^. Non-seulemeol il attdi cm-
firme, le 22 mars 1 16K ses alliances avec le rointc de Cbafx>l4i^
envers el confre tous^ « Kam excepter monsi^i^metir b! roi, t mal^l
H né^^ociait avec Édouanl ÏV, cl promet lait de transféi^r nu mo*
narque anj^'lais riiommage de k Bn.*ta?ï:ne ; en m^ine fenqt^. il
engageait dans ses complots le duc de Bourbon, le due de Calidire
et de Lorraine, fils aîné du roi René, et jusqu'au Jeune frénp de
IjOUIS XI. Il i*tait lui-m6me poussr jmr le duc d'Aieniviu, ipiî, ni*^
fonfenl qïie le roi, en Tanmistiant» eût ganli- m^ plaix^â •
enrimts en otages. s*enfonçait de plus en plus ûmi^ h miil. .
çon avait, dit-on» fait tuer un des témoins à cbargi' de srm prucièa,
fabriqua de la fausse monnaie, et commis d'autres crimes en •
Le roi ayant en\0ïé son prtHVit Tristan riîenmtepourlepreî >
Alençon s'était liauvé en Bretagne, La duplicité du roi et » l*gf-
rett^ de paroles prêtaient des arnies h ses ad^ei^ire* : dans f=r*
conférences avec les ambassadeurs anglais, il a^ail foi!; dit-on, h
Edouard IV des avances aussi [jcu mesurées que peu stnct^r^»», H
qui n'avaient pas manqué d'être rapportées znx prini*e$, H» ii^ns
û*ti% \n ftimmU dis lottiii XI* Vu n'était %is» To r&tAbt!iiMiiPfit d««
rôliiti U« r«jj3plre ratimEu «t de Chart«i]iAgtit«
doute, fort amplifiées; le duc, ou plutôt le conseil ducal de
Breta^e, écrivit hardiment au roi pour lui demander s'il était
vrai qu'il eût offert aux Anglais la Guyenne et une partie de la
Normandie pour prix de leur alliance contre les seigneurs du
Scmg.
Louis opposait, comme un antidote , au mauvais vouloir des
princes Tlmmeur pacifique du duc de Bourgogne, et s'efforçait de
regagner l'affection du vieux Philippe, qui avait eu si peu à se
louer de lui : il l'avait \ti à Hesdin en juillet 1 464 ; il lui annonça
une nouvelle visite pour le mois de septembre ; mais, au moment
où Philippe attendait le roi, Olivier de la Marche, écuycr du
comte de Charôlais et auteur de mémoires curieux sur cette
époque , arriva de Gorkuni en Hollande , où était son maître , et
annonça au duc qu'on venait d'arrêter sur la côte un aventurier
au service de Louis XI , nommé le bâtard de Rubempré , soup-
çonné d'avoir voulu enlever en traliison le comte de Charôlais, à
l'aide d'un petit navire corsaire.
La cour de Bourgogne prit l'épouvante. Le vieux duc craignit
qu'on n'eût projeté d'attenter à sa liberté en même temps qu'à
celle de son fils, et partit précipitamment de Hesdin pour Lille,
sans vouloir attendre Louis XI. Le roi, très-mortifié, s'en alla à
Rouen, où il manda, le 28 octobre, des députés de toutes les villes
• du nord du royaume : il leur fit déclarer, par son chancelier,
« qu'il étoit fort déplaisant de ce qu'on disoit qu'il avoit voulu faire
prendre monsieur de Charolois, » et que Rubempré était chargé
de se saisir, non pas du comte, mais du vice -chancelier de Bre-
tagne, qui voyageait déguisé en moine, intriguait partout contre
le roi, et devait conférer avec « monsieur de Charolois » en reve-
nant d'Angleterre.
Cette justification avait assez de vraisemblance. Louis ne s'en
tint pas là , et envoya au duc de Bourgogne le comte d'Eu , le
diancelier Pierre de Morvilliers et l'archevêque deNarbonne, pour
se plaindre du tort qu'on faisait à son honneur. Le chancelier
parla « fort arrogamment » au duc, rei)rocha au comte de Cha-
rôlais ses liaisons avec le duc de Bretagne, demanda la délivrance
de Rubempré, et requit qu'Olivier de la Marche et un jacol)in de
Bruges, qui avait « vitupéré et honni » dans ses sermons la ma-
je-Slt* rayîile , fttRseiit Ih rts c ntre les iTjaitis du i*oî, l^e Ûmi , rr mil
lie ^a fraytnij", tratUi In fhoAt^ a^HZ k*^'<'f^'iii4;iiit, el refu» « lotiii
[ikân î les dciiiâtides de LouLs XL LotHfue le* aaiLiaâ^dain \
rcnt confié, fe roiuk* d(*ClmroIais leur dît :
tf Recamiiiaiiflez-iuoi Irès-liumbleinrnl 4 la bcmni? grtra tlo roi|
et dites-lui qu'il m'a bien fait laver la tMe |^r ^n diAiiccliin*, i
cpi'avanl qu'il soit un an, il s'en repeïitini *. »
Le roi tHait tn^^s-inqiiicl : il avait tenté en ^lilti liv f;"'^'
comte de Smnl-Pul, confident de tous les desseins de -
de Uonrpogîit*; » il cùnnucnv^it k emindie que U's Croi m U
dans rÎMpossibîlité de rcmjurer ronige. Il e*<4i\a diî hn^EM
faire de Brelagjm en obligennt les princes eux -ini^jueîî
noncer en favcui' de la couranne , avanl qu'iU fwaspnl (in&l* 1
t s'armer contre elle. Il eatnoqua ii Toui^ les t sire? du anç ^ (
le^giands barons; le jeune duc de Berri, le roi H«*ntV, le da
d*Orléansi, le eomte »iu Maine, ïc duc de Bourticin, le eon)lL* dMil
goul<>nie, le comte de Nevers (Jean de lk>nrga|;iic^ conUe d'I^taru
]ies, qui avait hérité des comtés de XevRi*» cl de Ht^thelj, les nmUl
de Fôix» de Peiilhièvre, de iJuiiois, de&tinl-Pol, le duc de .\
niours, se rendireut a cette ajitsendljlée, à laquelle as&îsl<4-4iit uni
amhassadenrs du duc fie Hourï^ugnc {1S i""' ' ■ JîGi;. A(ir
avoir fait exposer l'état des choses par le eh- .^ . i et par Icpr
niier président du parletnent de Toulouse , If roi iiarlîi rn
sonne avec élorjueuce, dit quHl savail le pcdds de la etninmiie
ne le pounmit soutenir sans leî^ princes do son santr. rpii en elnici
les appuis naturels; mais, en iiiithne temps, il dit qu'il avstil
garder mémoire du serment de ^n sacre, à savoir de ganlira
sujets et ses droits, et de fti ire justice, et il luonca nur unecel
taine fierté les suee^'s des [treiniéreÈ ann(*es de son n^gne; ilîniiî|
dit-il, relevé k cliose fiublitiue, fort abaissée vers la lin en rè|ril
de son père, et avait » peiné et travaillé, pu ^î^ritant Inoips li
lïarties de son rojanme , plus cpie ne lit.., voi de France dejM
t. PJiilîppt dt? Comlne* ^ J. i,t1i. L Id nïmmAnrtnti Iv*. ?*Ii'i:iiMrr- .\* fj. .-.
rhlnuiiri* ^ il HiiUtHna l>tu«lo «iAi^if^i! el ïmirotjdiwl*» I ^ _ . j-
ifûtiuii c*t a l'idéal riclUI dtijt liiMU^nt^ni* <|(ii tnin'»{Hiruî«'iit iln»* Ili«^«il9» H
Et .«iirlûiit Ira Tortutf il/w» n^iitutii» df chmak-rif . l-'ctok dtî Cuiniii''-- r^-^.n*it
îU FTOitwait î Conilnc» ftit lu Chnrtn V vi l* l/uah XT û» VhM^ïtx
Uii
[1464] LIGUE DU BIEN PUBLIC. rM3
Cliarleina^ne. » Il « iiioiitra » (Misuile ses griefs eonfre le duc
François, et se justifia des folles iniputalions des Bretons louchant
les prétendues offres au roi d'Angleterre*. Le roi René répondit
au nom de rassemblée , hlàina fort le duc de Bretagne, et abonda
dans le sens de Louis. Tous les princes déclarèrent qu'ils avaient
parlé par la bouche du roi René, qu'ils vivraient et mouiraient
lK)ur le roi. Le vieux duc d'Orléans prit seul la défense de l'ab-
sent, et éleva quelques plaintes contre l'administration de LouisXI;
mais, s'il faut en croire un écrivain, très-hostile à Louis XP, le
roî lui répondit avec une amertume et un dédain écrasant, « dont
le bon duc fut si ému, pour la débilité de sa personne, cpi'il en
lînit sa vie dedans douze jours. » Cet incident ne dut pas amé-
liorer les dispositions des autres princes envers le roi !
Le duc Charles d'Orléans ne laissa d'hoir mûlc cpi'un fils ûgé
de trois ans, fruit tardif de sa vieillesse : cet enfant fut le roi
Louis Xn.
Le roi n'atteignit pas son but : les princes et seigneurs , qui
venaient de jurer qu'ils vivraient et mourraient pour lui, étaient
déjà presque tous entrés dans la conspiration qui le mcnaçxiit ;
vers la fin de décembre, « une journée fut tenue en l'église Notre-
Dame de Paris, » où se réunirent, sous divers déguisements, les
envoyés des seigneurs conjurés, poiteurs des engagements scellés
de leurs maîtres; une aiguillette de soie rouge à la ceinture leur
servit de signe de reconnaissance. i Ainsi, » dit Olivier de la Marche
(c. 35), *i fut faite cette alliance, dont le roi ne put onc rien savoir,
quoiqu'il y eût plus de cinq cents, tant princes que chevaliers,
écuyers, dames et damoiselles, qui étoient tous de cette ligue;
et fut dite leur emprise (entreprise) le Bien public, pour ce qu'elle
s'entreprenoit sous couleur de dire que c'étoit pour le bien public
du royaume ». Si décevante que fût la devise des conspirateurs,
elle était, connue l'a observé un historien (M. Sismondi), un hom-
mage au progrès de la raison publique : on n'osait plus lever
l'étendard de la révolte au nom d'intérêts privés.
A la suite de l'asscMnblée de Tours, plusieurs messages furent
1. Preuves de Comincâ, éil. Lcn'^ha-Dafresnoi , II , 415.
2. riuude de Seyssel , les Ltman-jc.^ du bon roi Lnuii douzicme; tlsiiis les Preuves def
Mémoires de C'oiniiies , édit. de LeiiijU-t-l>ufresnoi , t. III.
(SÎW FKAÎ^CK ET BOli II COGNE. ÎMi
l'dianLîrs elure le rùi cl le duc do Brefagme : le rt>î eût cùmei
A tleg concessions; mais François II no chercliait i)ii\i ^Mgn6
du Icujps; autour de lui se serraient tcius les inéccmlf nts ; h
duc d**\IeDçou, Itî grand comte de DuuoIh^ doal 1p roi avait
UniprudciKC de se faire uu ennemi , le iiKirtVIinl de Uihh
Ttimiral de Beuil, destitués de leurs offices, ^Uiiiîiil h Kunles,
animés des sadiments le^ plus hofUIefi. Au mois de murs, le dur
de Ikrri , frère du roi , s'échappa de Poiliers, el ^?^jniJ,^li1 h Njuiir*
ce groupe menuput, Cliarles, duc de Bem, jciiiie hoiDUic tic
dix-neuf ani&^ nul et vaniteux, essentkllemeul proim? & servir
triastnurienl aux perturlmteurfi de VÈiiïï, a^ail Ht fiidlciiinii
p:i^é par les couî^pi râleurs, qui lut remonlraienl le < gnuMl iort
el k^ure » que lui fui.^it le roi m ne lui donmuit aucune piiil 4
radminjslratîûM du royaume; le nià grief dn inme prince 1
k contrainte cl Termui qu'il éprouvail à la cour de mn Mr
Celle cour économe cl sérieuse ^ de laquelle «iiidcnl disj^iru
souiplueux banquets, les bats et les tournois, était b
des jeunes gens et des femmes, accoulunuH à b gahuim*: de^
Charles VII ou aux pompes de Pliilippe le Bon*.
Le duc de Bcrri adressa , ou plutôt on adrcjïsa en 5on nom ^1
duc fin Bourgog^ne un manifeste cié(lafn*itoii>* «sur les d6^irdfvs
de YliUïi et mr la néceSwsiié de pourvoir au soubgemenl du fNiuvrt
peuple; le jeune luînce annonçait que lui el le* autres deigneun,
Èeê parental « avaient résolu de <i tenir les cliatnps t panr < le IM
de la ehose publique : p en conséquenec il priait • le bon du
Philippe de $e mettre sus» de son cMé, ou d'envoyer « «lonf^ieur
de Charolois à grand puissance i.
Au moment où la lettre du duc de Bcrri, ' ' 1 17» naa
arriva dans les Pays-Bas, une révolution venah 1 liiîn <
le palais du duc. Philippe. Pendant une oouvellc m«ilîidiitdu liem
duc, le comte de Cljaroku:^ avait dépossédé les Crol de toute
leurs places el gouvernement^^» Le duc rétabli, les Croi recoi**
S*rc»l» su duc l'hiliiipf* ^ h h jnk min* tlo b rouit' fi ûc la êœnT^ qiiiiuvl i
^liiriiHiti jours Irw pnrtîntolre nct-tnaumc pour c* pJsrsLdtn *li* U r»iir «li« tU
mpr^t lut lU iitmiui^e fn province i elle aecoucliA une fob dam om nàhàt$lkU ti11«€c
K50 FnA>tCE KT nOtiHCOG:«E, ^Hfv
Bastille, Tîu il ^l-ïait déteim i»ar s^uilc <ruïi amH do [Vj.!
liul'tjrôuml Bourges cl înÊur^eail k uoblesst' du Beni» U'. n
av€c k sire de Beaujeu, frère du duc de BourliOD. Cbâqiit* jour,
Louis apprtïimit des directions inattenduetî ; les îieigwiirs tpii lui
devaient lo [Jus étaient les premiers à ^'aniier amirfs^ lui.
Le roî allait ùlre atla^iué ile trais côtés ^ tîi fois : atl rej]tn% au
nord et à Touest; son activité fut au niveau du daji^er. 11 ami
renouvelé sa tr^éve avec r Angleterre; il ressenti stin nlliiJLriie a ut
Litige ; il réclama les secours; du due de Milm; il Iraiia auv le rui
de Naplciè, Ferditiand le Bûlard ; il tira cpieiqu<? aident dp<» Ik^rJini^
de Florence; îl tâcha de se nic^'oniiiioder avec Rome ei trri\ii .iu
successeur de l*io 11, au pape l*aul II, afm d'in^oiiuer ^au inl*^
ventinn contre les rebelles qui, disait-il, voulaienl i^lalilir la l*Of-
matique abolie par son zèle (ilial envers le sîunl-àiégc*. Ito le
1 6 nians, i I a vfii i expéd ii^ de Tours i hdirm par lou l >rf.in r^ ' ^
où îl renie>nlnjil aux peuples tous les maux qui iillah% -k
de < eetlé fausse et d^imnable rébeHioii, » eiifaul^c par riiilêrèt i»er-
.sonnel tles grands ci paj- Taniour du désordn* : « Si onuè avimu
couseiilip » disait-il, a àaui^menter leurs [ien^ijonijel àleur ix'nnrUrv
de roui(T kurs vassauK comme par le passé, ils n'aiirol««ul j(mt;iî>
]>ensé au bien publie. Au lej^ard des tailles et aJdt*^, ii*^ a éîé rn!U
mis ni crû de nouveau qui ne tûi du temps du feu roi ^ • Il oiTrif
amnistie à tous ceux de^ coupables qiû viendraient à merri m
L Le larlfîîijrnl lapait 4 aNrrd oor*iJaiuïié h inorl iï«r a/ifuut, «"iniitTtf — ^
Ii>iie iuiJB.'j*it' I «i iNt'jjtr'iiîbrc'' J463J. Jr^tirour^iju^ jutr tu riHij**Hli;»Uii.«i rtr '
Jotrr aux r*L'da Ju roi, Irtntqiie I<rfjutii (mn-H» par \v Lîimni«iTi im >- « ..^ i- ^ , .. .^
r#iiw îi,v#?c II* nn ilr l'antilk'. " l>i*aiîit\d est- voua Jti>iit« ou ti.
riuntié th ?*h liiinliw»^. — J»i-itlt?« î — Ivli bi^n î Je voii» L .-.,».*.
ro)uuinc «tjt- voua ilonnci 1,500 i^cu** ti'or pour %im» nnrclm t*it ,•- L'«f^
4ftU* 1^ ^onnvt^ ûi te remit ctiLrc lc> nmin* Je b juitJtH; ufiii de |«^
Lo fiiitliimmt Iv rijitdiLUuui H un b»uikit«H(«iiici)t iHirpétuel il&m Iflc ùv i.^..... i^j
I l4>:i |t C'iMiuTtM il tu; put fournir vmutiûti tpi'H no «iiuttcntll poj kr (l**u 4*^*11 »«*i^
II foi rnfvmi^ à Ia BititiU^.
2, i^ontUfiC ciY ti^ni^H, il M>n^a[7ouit ctivers tes Li^g^ott • è mi pv^Hi^ èueooé uli4
9«iHT 4 ni>tre trè« nattit Père, *< JnA«:|Q'à %^ i|uo Ir |iii.jir rût rètmtiM^ TlttlcrAit t
Ffflfi« iiy. Midulol, VJ, liiS.
[tics; GUEKKE CrVfLE. 557
dedans six semaines; il dépôcha à Paris deux de ses confidents
les plus intimes , sinon les plus dignes de Tôtre , Charles de
Melun, bailli de Sens et lieutenant du roi dans TIle-de-France, et
Jean Balue, évùquc d'Évreux , et envoya d'autres officiers dans les
autres cités. Ses oncles maternels, le roi René et le comte du
Maine, avaient refusé de s'unir aux rebelles, quoique le roi René
n'eût pu empêcher son fils, le duc de Galabre, de prendre parti
contre le roi. Louis laissa à ses oncles le soin de protéger, contre
le duc de Bretagne, leurs seigneuries et la Normandie , chargea
les trois Armagnacs, qui lui devaient tout au monde, de lui ame-
ner les gens du Midi, et entra en Berri avec un beau corps d'armée
rapidement réuni, grâce à la bonne organisation des troupes
régidières accnies en nombre depuis la conquête de la Normandie
et de la Guyenne*.
Louis espérait dompter ou ramener les chefs de la révolte dans
les régions du centre, avant que le comte de Charolais fût en
mesure de joindre ses confédérés. La campagne commença sous
d'heureux auspices : tout le Berri, excepté Bourges, et la partie du
Bourbonnais à l'ouest de l'Allier furent réduits très-vite. L'exacte
discipline des troupes du roi, la modération de Louis envers les
places qui se soumettaient, lui gagnèrent les populations. Lyon,
le Dauphiné, la meilleure partie de l'Auvergne, le Languedoc et la
Guyenne restèrent dans le devoir. Le comte de Foix et le maré-
chal de Comminges (bâtard d'Armagnac) avaient tenu leurs en-
gagements. Les deux autres Armagnacs, le comte Jean et le
duc de Nemours, arrivèrent à la tète d'un gros corps de Gas-
cons ; mais, au lieu de rejoindre Louis, ils rejoignirent le duc de
Bourbon. Nemours et la duchesse de Bourbon, sœur du roi,
avaient entamé avec Louis des négociations. Pendant les pour-
parlers, l'évéquc do Bayeux, conseiller du roi, qui vendait son
maître, proposa, dit-on, d'introduire les princes dans Montluçon
pour y surprendre le roi, ou mémo de mettre le feu aux poudres !
Les princes reculèrent devant le régicide, et se contentèrent d'es-
Louis XI , 4MC depuis son avènement il n'a - montré aucune cniauté à personne. •»
Preuves de Comines, éd. Lenglet , II , U6. Les pendaisons de Keims étaient chose
coutumiére en cas d'émeute, et ne passaient pas pour cniautc personnelle.
1. Il y avait maintenant 2,200 lances d'ordonnance
m
FR\NCE ET BOtnOOr,«*E.
^ayt^r iriaipostr ;i Unm an traité (\m Veut mis mw It toWlr
d'un conseil nuumie |Kir eus, t*l qui km eût livnû toiH les ;;fiih
Les nouvelles du iiani H de l'ouest étaicnl iit-sphi5 iiliïnîîaiiljs.
liOiiis, cependant» nVn t-lfiit pas à souscnrê de lt41c> con«litiùitt!
him que ses enncniis eussent re^u un renfort de di»iiï wntîj lança
bourjG^iJÎ^onnes, il reprit roffensive^ ims«ar\iljer, eiiijrtjrta (iio-
liât d'as,^nt el m*^rclia droit à lUoni, où 5Ï-laient r^njnis les diic^
de Bourbaii et de Xeniourj?, le cmnti^ d'Ariuagiwuî «•! lu sire d'Aï-
lifx!t. Ils n'osèrent accepter la hâtai U<^, cl ce Turent fîux qui cii|i^
tulèrent- Le 4 juillet, on î^îgna un accord, en vertu duqurl Boim^
hon et SCS amis furent antûris6s h envciyer à Piiris, à la nii-anikL
ûts ambassadeurs pnur aviser à la paix pulilîquenrec le roi H te
autres iirînces; en altendant, ils devaient [►os^ïf les anne$ d «f
pas les reprendre, n leurs alliez « ne voidoienl pomi enlcoitn: i
la paix, t
AuBsilôt U convcntiDU de Rioin signée, le roi prit wi graïuk
hàle la roule de Paris avec la meilleure piirtîe de^ » ni'i
d'ordonnance» l'arriirtj-ban de Daupliiné et <jueU|uet - i J>,
une douzaine de mille hommes choisis, pri!Si]UG tuulc cafiilt*rii!
Cnmînes, K i, c. 3). Il savait que deux années amemie^s, j«arlie«,
l'une des Pays-Ris et Taulre de la Bretogîie» si*élaient duiim» nrii-
ilez-voiis sous les murs de la Gipitale.
Les lîtals des provinces flamandes et wallonnes avaient accorda
tin subside de guerre au duc Philippe, nu plulôt ao cuuile Cly»rW,
< l le comte s'était mis aux champis le 15 mai, èpré^ a\oir (srii
congé du vieux duc, qui ne voulait plus en fontns cïh^scs que la
volonté de son fils : « Va, v lui dit-il, ^ mainliens bien ton hun-
neurp et» 8*il te faut cent mille honnnes de phis pour le iirx*r de
peînep je veux moi-même te les conduire* t Le comte Clbarie»
emmena quatorze cents lances et huit mille îitt hi'i^, sans Ici
cranequiniers (gens armés de groî^ses arbalètes), rcMilillierJ,
couleuvrinjeî^, etc., « et tant de hond>ardns, §er{>efi(in»?», cr»-
Iiaudtaux, mortiers et autre artillerie k poudre, que c'rloil nitf^
veille, p r.ette année était plus hrilLinte que Wrri tirdoiirii^e; le»
1. m»L ma. fkLmiiê Xt, par Tabhé Upiua, Vllt, 4^,
:1465) CIIAIIOLAIS DEVAiNT PAIUS. 559
splendidos milices féodales du duc Philippe élaieiit loin (régaler
en exi)érieiice et en discipline les compagnies d'ordonnance du
roi Louis*.
Le comte de Nevers, gouverneur de Picardie poiu' le roi, et le
maréchal Joachim Rouault, ne purent réunir que quatre mille
hommes à peine , pour s'opposer à cette masse : la nohlessiî
picarde, hahituée à suivre les drapeaux de Bourgogne et travail-
lée par les intrigues du comte de Saint-Pol, passa en foule dans
les rangs des envahisseurs. Nevers lui-même, effrayé, mollit; il
eût trahi, si Charles le Terrible se fiU mi peu adouci ci son égard.
Roie, Nesle, Montdidier, se rendirent au comte Charles, qui, sans
s'arrêter à assiéger les grandes villes de Picardie, franchit TOisc
à Pont Sainte-Maxence, par la trahison du capitaine, et entra, le
5 juillet, à Saint-Denis. Les capitaines hourguignons coururent
tous les environs de Paris entre Seine et Marne, faisant brûler les
registres des aides, ouvrir les greniers de la gabelle, et distribuer
le sel au peuple, « en payant seulement le droit du marchand
(Jean de Troies). On ne pillait pas; on payait tout ce qu'on pre-
nait, a comme si on eût été en Flandre ». Les gens du bieyi public
espéraient ainsi décider Paris à se soulever. Paris semblait flotter.
L'université, qui avait recouvré sa puissance numérique, sinon Sii
puissance morale, avait argué de ses privilèges, pour refuser
d'armer ses 25,000 écoliers et suppôts à la prière du roi. Les bour-
geois, néanmoins, ne firent pas de môme. Le maréchal Rouault
était accouru se mettre à leur tôte, avec i)lusieurs des membres de
l'ancien conseil de France, l'ex-chancelier Guillaume Jouvenel,
que le roi venait de nommer chambellan, Etienne Chevalier,
Guillaume Cousinot, rentré en gr.lce, et d'autres. Louis écri-
vait, coup sur coup, « à ceux de Paris, connne quoi il mettoil
en eux grande fiance et grande amours, et arriverait bien-
tôt pour les secourir. Quoique le peuple eût à se plaindre dt s
mesures fisc;des du roi, il parut comprendre qu'il aurait pire aver
les princes. Les Bourguignons demandèrent en vain des vivres,
et une tentative qu'ils firent contre la porte Saint-Denis fut vigou-
reusement repoussée par l'artillerie parisienne (8 juillet).
1. A MontllRTi, la plupart des hommes d'armes chargèrent sans cuirasse . et ne
saraient pas même coucher la lance. Coniine*», 1. i, c. 3.
j|M^ Flî AN CE ET Rori\aor,:^r luv
Lr bon sens ïioinîîîiiro eûl. liien voiilti pourl^iiil qu'une .utlnrik*
nutîonftle fût api^elte à pronouccr eiitn* lo rai el Icâ iiriiir»: ii
irivoqiiîiït ]vs Èlals*ii6nèraux; ùu fakiit ciitirir àrnis Paris unt'
bîilkHle ainsi ti*niiinéfî :
Qm ptul tlouner lou conseil pn^laotintî
Qui ? vriire ( naîmiuill qm? lest Tr^u ^tiii ik Ptanee ' 1
Les princes, pas plus (pic ie roi, no s»e doiu^iaiml des Ètà^
Généraux, nt Charolai^ tU k sannlê àrenk\
Le î^eul moyen jjuur lui d'avoir Paris, c'êlail do se nicUre mu\'
la capitale et le rai , tl de réunir, au sud de Paris, \m ilcui «i-
jjiées féodales. L'aulrn arméf^, celle dos durs de BiTri el de Brt^
lagiie, forte de dix mille hommes» s^était dirige» de la BiTUpcnr
ï^iir Paris» à travers TAtijou, lo Mmim ci la lli*^nri?j Le canitr do
Maine o*arait eu ni h forée, ni [teut-èlrc la ferme volonté de lui
elisputer le pnssn^e; aprè^ Tavoir lon^lempti rAioyêf, il avaiH
rallié le roi, qiii arrivait h marches forcées par la roiile d'ilrli^am.
Cliaralais» le 13 juillet, passa donc la Seine au |K>nt de %mh
Cloud , priîs, \ù 10, par le eomte de Sainl-Pol, el alla loger à tej.
Le ^uilendemain, il ^e porta &ur Longjurn«?4iii tjl MontllnVi, |«i!*
saut nue lei4 Bretons viendraient par F'tanipe:^. l^uij* XI, cependant,
accourait afin de ^tigner Pariï^ ik kml prix. U scolail que Paiii,
cïlait la couronne. Averti que les Itourguignaru avaient fraiKhi
la Seine, il avait mandé h Cimrlv^ de UeluB, $ofi UcultniuiJ
gi%^ral dans rile* de- France, dVxpédier de Paris dtîiiî oenb
lances, sous le raarédial Rouaull. pour pn*ndre retioeini pr
derrière. Le 15 au soir, les érlaircunî du eomle «'hariini renititt-
ù^^ient rarmée du roi ù Cliâfres (Ariiajon}. Charolnis rhoi^il md
l'hamp de bataille \ivès de LongJTimeau. Le roi» le leiideinairj
matin, tit occuper par sci* avant-pONies la tour dit Mi«ntlljén d le
sommet de la colline, tandis que Favant-gardc ennemit* tenaille
hourg, sur la pente de la colline. U* eomle de S.iinl-I\i^ qui moi-
mandait celle avanl-garde, se rnhattit dans la plaine, nn fniDil
fossé entre lui et le roi; mais lA. au lieu de k* replmr juîMfuW
Lon^jumeau, comme il en avait Tordre, U inanda au amAv
11463] BATAILLE DE MONTLHÉRI. 561
Charles que , « pour mourir, » il ne reculerait pas. Ce fut Cha-
rolais qui vint le joindre. Le roi, de son côté, était fort inquiet
de ne voir rien paraître devers Paris : il avait envoyé de nouveaux
messagers pour presser le secours; le lieutenant général, Charles
de Melun , répondit qu'il ne pouvait dégarnir la place de gens
d'armes. Les hérauts du roi coururent Paris en criant, à son de
trompe, que « la commune tôt allât au secours du roi ». Personne
ne hougca, jusqu'à ce que le maréchal Rouault, n'y pouvant
plus tenir, sortit avec cinq cents chevaux. Il était trop tard pour
qu'il i)ùt prendre part à la halaille.
Le roi, n'ayant pas celte diversion, eût souhaité d'éviter le
choc. Il n'y réussit pas. Les chefs des deux avant-gardes , Saint-
Pol et Brézé, engagèrent l'affaire malgré leurs maîtres. Louis XI
avait des soupçons sur Brézé : il lui demanda nettement s'il n'avait
point « haillé son scel aux princes. » — « Oui, sire, » répondit
Brézé en raillant , comme « il étoit accoutumé de faire : — le scel
leur demeurera, mais le corps sera^ôlre. » Et, en quittant le roi,
il dit à im de ses familiers qu'il les mettrait (le roi et Charolaîs)
« si près l'un de l'autre , qu'il seroit bien habile qui les pourroit
démêler. » Brézé tint parole : il mit ses gens et lui-môme si près
de l'ennemi , qu'il fut tué à la première escarmouche. On se tâta
longtemps néanmoins, avant de s'attaquer à fond. L'armée bour-
guignonne fut la première massée ; les Français arrivaient à la
file, et le comte Charles aurait eu avantage à les attaquer sur-le-
champ : il ne le fit pas, et perdit beaucoup de temps à débattre
si l'on chargerait à pied ou à cheval.
Les deux armées s'ébranlèrent enfin ; l'aile gauche de la gen-
darmerie française, opposée au comte de Charolais, voulut fran-
chir un fossé qui la séparait de l'ennemi : les flèches des archers
picards et wallons la repoussèrent; le comte Charles, tournant le
fossé, fondit sur ce corps français, qui se battit fort mollement,
le tïulbuta malgré la supériorité des armes et de la discipUnc, et
s'élança avec tant de fougue h la poursuite, que non-seulement
ses archers, mais la plupart de ses gens d'armes ne purent le
suivre. 11 perça, avec ime poignée d'hommes, jusqu'à l'arrière-
garde française, que commandait le comte du Maine. Soit trahi-
son , soit terreur panique , car le bruit se répandit en cet instant
Vf. 36
FICANCE F-T BOtmciQOXE.
(piê le nn ùiiûi Luè^ le tamle du Maine, riuiiirtil de Mnet/ial
et foiité rarrièrogardc , se|>l à huil cents hncis, prir^'nl U lui
deViitU une cenUiine du cavaliers el ne lounièri'iil plu» h l^lr,
Chark>« pmjrsuivil le% fuyards plus d*uî>c dcinî-lieue au dt\k de
Moiîtllk^ri; il était presque seul , lorsque deux de $c ' ' ir
te dtîcidùTeril ctifui à revenir vers ses gêné. II Tul ^' %*
frayer un ehemiii à travers des groupes de Français qui Tiitla-
qnèrent riirieim'ment ; il recul un etmp dï'j*^p duns l.i ^^*r^;ed
un iiwip de « muge v (^|Heu) à la poitrine, cl iieniit :»a biinniere,
l'écuyer gui la partait ayant été lue h ses côtés. U ne dut lu vie
qu'à la vigueur ft au courage d'un de ses hommes tl'aniii!£, ûk
d*mi médecin de l%ris,
Ui ch'àmp de liâtalUe <»(Frail en oi momeol le plus étran^
aspcl : l'îule gauche bourguiguonuc avait m à |M*fi prè^ in^nie
fortune que Faile gauehe fnàncîd&e : la jeune fi ' ' U
conipo&ail, présoïiiptueu^e eli^îonàn le, avait i)a>- in*
à SCS propres archers pour^ ruer au-devant des gens d'anm-i^
dauphinois et siavo^ardâ qui jà'avanc^iiem contre elle; clhî fut
rcnvei^e, tnise eu déroute , et s'enfuit « à bride a^nl6*, > entml*
liant avee elle le cunUe de* Saint-l^jl el le ^tus de t arriei e^^rarik;
&unt-Pol n'était peut-tïtre pas plus ferme poiir ntiirolitii^ qiR* k
fomto du Maine pour le roL f^s Dauphinois t^ullérenlen *j*î
arehers ennemis, ahandounés de Irui-s geusi d'annes, i ni
Jusqu'aux hugEges et les pilléi'entt malgré ta iTSîslanct! de^ coniluc*
tem^ du charroi, qui, plus fermes à hrur pusi' m ^
se défendirent hravenientà coups de maillets il i i .. ijv
de celte double ^ déconfiture, » la haùiilic s*élail ft ncUannée rn
cent est annouches, et les combotîaul^, sans park*r dt-s nnmhreia
fuyards qui ne re[iarurent plus, étaient lelkmenl éjiaqMlli^,
qu*ou ne voyail pas deux ciints liunuucs ensemble. Le ix>j, m^rtÊ
s'être vaillanunent cunqjorlé et s'ôti^ montré t^lc nUf k bts
gens puur [ii-ouver qu'il n'était pas mort, se relini n
de Muntlhéri aJin de se rafraîcliir et de regarder, du i
tour, ce que devenaient ses gens; mais ni lui ni Ch.>ri« tie purunl
rallier, avant la nuit, assez do mûnde pour reci^itituoneer k
combat.
Le eumlc de Charolais et ses capitaina* irnsHTenl la nuit dtn^
1*65] BATAILLE DE MONTLUÉRL 563
ine grande anxiété : ils craignaient d'être, le lendemain, attaqués
•n face par le roi , en queue par le maréchal Rouault et les Pari-
iîens. On n'avait aucune nouvelle de l'armée de Bretagne ; déjA
e comte de Saint-Pol et quelques autres proposaient la retraite
'ers les Pays-Bas , quand les coureui:^ bourguignons vinrent an-
lOficer qu'on n'avait plus d'ennemis en tête et que le roi avait
ivacué Montlhéri pour se porter sur Corbeil. « Les Bourguignons
econnurent alors qu'ils avoient victoire , puisque le champ leur
«stoît : monseigneur de Charolois demeura là tout le jour, fort
oyeux et estimant cette gloire comme étant sienne; ce qui
lepuis lui a coûté bien cher, car onc puis il n'usa de conseil
l'homme , mais seulement du sien propre, et n'aima plus que la
fuerre, et y continua tant que par là fut finie sa vie et sa mai-
;on détruite *. »
Telle fut l'issue de la plus bizarre des batailles : « Jamais, dit
îomines, plus grande fuite ne fut vue des deux parts; du côté
[u roi fut un homme d'état (de qualité), qui s'enfuit jusqu'à
iUsignan en Poitou, et, du côté du comte, un autre homme de
fien, jusques au Quesnoi en Hainaut. » Aux récits des fuyards,
ur toute la route d'Orléans , on croyait le roi mort ou pris ,
andîs que, vers la Seine et l'Oise, on en disait autant du comte
le Charolais. La perte ne fut pas égale. Les fuyards bourguignons
lurent beaucoup plus à souffrir que les fuyards français : presque
ous furent pris et dépouillés par les Parisiens, enfin sortis au
)ruit de la « déconfiture » des Bourguignons , ou par les paysans
le l'Ile-de-France; le chroniqueur parisien Jean de Troies
issure que cette déroute coûta aux Bourguignons plus de 200,000
icus. Saint -Cloud et Pont- Sainte -Maxence furent repris sans
loup férir.
Le comte de Charolais ne suivit pas le roi, qui était le vrai vain-
•
1. Philippe de Comiues, 1. i, c. 3. — Olivier de la Marche, c. 35. — Ces deux his-
oricns furent témoins et acteurs dans cette journée, et combattirent aux c6tés du
omte de Charolais. — J. Duclercq, 1. v, c. 24-33. — J. de Troies, Chroniqvn scati"
aleuse. — Voyez aussi une relation extraite des mémoires inédits de Jean de Hainin
t publiée par le bibliophile Jacob (P. Lacroix), à la suite de son intéressante
Utsertation sur les manuicrits relaUfs à l'histoire de France, conservés dans les bibliothèques
"Italie; Paris, Techener, 1839. Ce curieux récit a été écrit presque sur le champ de
lataille. — Voyez encore les Preuves de Comines, édit. de Lenglet-Dufresnoi, l. LZ,
i le continuateur de Monstrelet.
|t( l'ïlAlVCE KT BOi:RGOrt.Nf
fIU€ur, puisqu'il mjssit h gagner Paris* Le onnU' < i :u
jûiiulro k Élampcs, le 21 juillet, les due» de Berri et d^ i : , 4.\
qui anlvèrcnt enfin par Chartres; le comte Cljarles ri le dm* Ai'
Bretagne renon vêlèrent knir paete d'alliance» le S-l jui ! q|
dit due de Berri. Us se déliaient dù\h du futnr rui on r '^
\rjulîiient faire» Ils flrenl à Étamjjes une luike dp qi^i
[mh ils opéiôrenl leur rtHniioÉ ^ur la Seine, ik Moret en tiiInriftiCi
avce lus milices de Lorraine et des deux Bciurgn^ies, que îmr
amenaient le due Jean de Calabre et le niari'clial de lîrmriropiff :
parmi les gens du duc de (lalabrc (juraient cinq eenls somliniri^
suisses ', les premiers quVtn eût vus en France. T« * j^JinA*
aiMnée féodale fut encore renforct^fî par les din^ d» i^ m. ku rf if
Nemours, le eomle d'Armagnac et le sire d'Alhn?!. parjures mx
convenliou^ de Rioin. Les princes revinreni {mr Li Brie sur Pam,
Bc sitisJrent du pont de Charenlau » d , vers k 50 arii^l, ètnldiml
letus qnarliers entrt^ la Marne el la Seine, àcpuh ChiirenUm rt
Saînt-Maur jusqu'à Saint-Denis et Saint-nioud. On àsmr^ qnlb
ne eomptaîenl pas moîu^ de einquanie mille cnnibattmiti» et tle
cent mille rhevaux. (Goniines; h de Trrueî*/i
Le roi 6fait entré (^ Paris le surlendemain de la baloille : IB juil-
let)', et y étail demeuré troÎ5 semaines, ralliant, reformant ius
compagnies dispersées, faisant aux Parisiens touli*^ sortes A* wit*
cessions, accueillant tontes les remont i*ance6, a» luoofninl riTOii-
naisî^nl des moindres services. Guillaume CliaHier» ifvèqne de
Viïrh, Tint trouver Louis à rijôtel des Toumelles, aviîc îles am-
sieilkrs de ville el des gens d*égliBe, et lui prfcUii k nwes>ilA i\t
rétablir la paix el de (conduire ses aflaire^ • par bon coikteO, »
Louis consentit aussitôt à rerevoir dans son conseil six nin^*illrr&
de la ville, six du parlement et six de rnni\cr*ilé» Il n^iibit au
huitième le droit du quart ^ur les vins, et siqifirbna nni* gmndv
imrtic de§ autres aides qu'on percevait à Paris. Il itttencbit il»
de jc^l iVtatrnt nHinicM, non pan Oficor^ ilaii» U tii^iiif^ tiinîii, mal» djiu* lu inlar kê
1^. Le toir th Htm nrmi-^r, U irnnpu ehejt ClmTlr;! ât^ Mdaiïf A ipit, (o«r for^, S •#-
t«nH)itrn?i î^nvun r^piMentiinviui , n fil ttuotirr Avec Uil pltuienrt dei pkm iiolAl4c« bav*
(TViii» cft ]^ur» fi'inmi»t r il riH'i^tita ^i étot|uoTn nient ta bnUilk n 1^4 ilati^r* ^*i) «taa
[1465] FLUCTUATIONS DE PAlllS. 565
renforts considérables de Normandie, où se trouvaient plusieurs
compagnies d'ordonnance, et où il avait convoque les francs-
archers et Tarrière-ban. Ces renforts ne paraissaient pas : il com-
mença de s'inquiéter; la fidélité de la Normandie était chose capi-
tale. Il ne put contenir son impatience, et courut en personne à
Rouen. Mais , auparavant , il avait ôté sans bruit la lieutenance
générale de Paris à Charles de Melun, qui l'avait si mal servi,
pour la donner au vieux comte d'Eu , homme droit et simple. Il
laissa au comte d'Eu un gros corps de troupes, avec les maréchaux
de Comminges et Rouault (10 août).
C'était risquer beaucoup. Si Paris se perdait, la Normandie et
tout le reste étaient perdus. Paris, il est vrai, était bien difficile à
garder sans la Normandie. Les bannières des princes ligués repa-
mrent devant la capitale quelques jours après le départ du roi :
le 22 août, le duc de Berri, de Beauté-sur-Marne, envoya ses hé-
rauts à Paris avec quatre lettres pour les bourgeois, l'université,
les gens d'église et le parlement , annonçant « que lui et ceux de
son sang étoient venus pour le bien universel du royaume de
France, » et requérant la ville de lui expédier des honnnes nota-
bles en députation. La conférence fut acceptée ; les grands corps
parisiens déi)échèrent , le lendemain, au château de Beauté, une
douzaine de députés, conduits par l'évèque de Paris; parmi eux
figurait le vieux Thomas de Courcelles, doyen du chapitre. Les
princes, cette fois, parlèrent des États-Généraux; mais ils exigè-
rent d'être reçus provisoirement dans Paris. Le vieux Dunois
signifia aux députés que, si les portes n'étaient ouvertes sous
deux jours, on donnerait l'assaut le troisième.
Les grandes forces des coaUsés imposèrent à la bourgeoisie :
mille intrigues avaient travaillé la magistrature et le clergé; les
notables, assemblés à l'Hôtel-de-Ville, le 24 août, approuvèrent fort
le projet de convoquer les États, et délibérèrent de livrer pas-
sage aux princes, avec une escorte, moyennant qu'ils «baillcroient
caution que nul mal ou esclandre ne seroit fait par eux ou leurs
gens en la ville. » C'était appeler la bataille dans l'intérieur de
Paris, pour ne pas l'avoir aux remparts. Le comte d'Eu était
résolu cl soutenir le roi jusqu'au bout à la tcle de ses gens d'armes.
Au bniit de ce qui se passait à l'Hùtel-de-Ville, le menu peuple
fftANCE ET BOUtlOOG-^K.
t'amciita; avec un instinri plus sûr que le miîiûiiiirroctit àa
iioial>Ips, il cria à la Iraliisoti d se nititilru pi^l h faire* rzïïsf
conimimc avec les soldais du rai contre oçUiî hanle bcmr-
geoîsie (lui voulait iiietu^e rarmi^e <)<?§ nolilcs dans Pïirin. Vm*
îi\ée iViiïH^ leltnr du roî, qui liroineUait son J^dour iout Imii
jouî-s â la Itte d'une armée, el renlrèiî dû IVittiiml MonlanlKUi
àiitm Paris a\m « ;^rfUîdo fpiantilé de gens de pjerrc, » <led-
iïèi\*nl la question en favtiur de Li réitstanc^c ; Foàicndjii^ de
rilôld-de-Vîlle re\int sur ses» dWilKTations, et arrâta dp ne rioi
conclure sans ravcti du roi. Les princes no ^iî^[ll^^oltl [ui$ Passaul,
e\, le 28 auùi, le roi rentra dans Pai*Is, amononl deux nittlehooiioc^
d'aunes, riirrièrc-ban et les fraucg-archcrîs de NortUîifidlc, et tui
grand convoi de vivres et de munitions. Les i-ooiic^ du Maiâe el
de Penthièvre Taviitenl rallié à la t^le de leui-s trou|iojî; •• le popu-
laire » raerueillit joyeusement. Le roi dut fort remerder Notrr-
nan>e, à laquelle il était si dévote car^ « $i les pwiiiqiiiîs conuBen*
cees fuss^^jit venues & effet, le ineilteur qui lui pi*u^'
cï'toil fuir Iiors du royauiiie devers les Suisses, ou iL ....
chque, le due de Milaiu qu*U réputoit son ^M*aiid tiiui. » [CcmiitK5«
l, ïl,e. 8.) Le roi m morili*» modéré envers eea\ qui avzuenl n/"^!!-
fié avee les princes : il u^ eontenta de Iwmnir le f' c' ■; ••' f\it,
le curé de Sainl-Germaiîi-rAnxênois et trois «ii lo
expédiés le 23 août au duc de Berri.
Um deux parts on s'attefidait à luie bataille déel>i
i^rntblail en état de détior ses enneiiutî, ear ses Iroupch
bien, « peu* tpur belle tenue et ortlonnâiM^é^ • rinrériorttê du nom-
bre. 1! alJa prendre roriflannne, oublîi^ dttnmt (a floniinfttiaii
des Anglais? et le régne <le ('li.irles VU, el ap{K)itfe de Tabluaye ik
Saint-DenJs à Sainle-Catherine^iu-Val-de^-feotieri; c'c^l la der-
nière fois qu*il est question de cette cdèbi^ kiiLnlère dituâ niifit
bisiloire. Jx*roi néanmoins u*était j>as dJï!po*é h tenir niie^econik
€ journée » eonlrc les gens du bieti puèiic : la bataille de Mimi*
Uiéri ne lui donnait }>a.^ ^Tande conf];uiee dnm le ûêvimem^t lie
Si*s troupes; maitre du ronrs de la Seine depuis Paris- juâtju'^ Ia
Hïer, et certain de pouvoir faire subsiî^ter aon anuetr vl m ope
taie, it croyait tout délai à sou bénéiUe , el ^ liait iiu iemp^ d *
tion adresse pour diâsoudrelarualitian. Il eotniitnil aussi sur dem
114«5] KOUEN LIVRÉ. 667
diversions qu'il s'était ménagées au dehors : tandis que les princes
concenlraient toutes leurs forces autour de Paris, Galéas Sforza,
llls du duc de Milan, était entré en Dauphiné, et avait envalii le
Forez et les autres seigneuries du duc de Bourbon avec quatre ou
cin(i mille honunes d'élite; en môme temps, les Liégeois, soule-
vés contre leur évéque, frère du duc de Bourbon, qui n'était que
le servile instrument du duc de Bourgogne ', défiaient le due et
son fils, à l'instigation du roi, et assiégeaient Limbourg.
On escarmouchait donc et l'on négociait tour à tour devant
Paris : il n'était plus question d'États-Généraux ; les princes expo-
saient franchement leurs prétentions , et demandaient que le roi
répartit entre eux l'administration des provinces; ce n'était rien
moins (jue le partage du royaume; car chacun entendait bien se
rendre indépendant dans son gouvernement. Louis les trouva
plus difficiles à désunir qu'il ne l'avait pensé, bien que le manque
d'argent se fit sentir parmi eux , et qu'il y eût peu de sympathie
entre le violent Charolais et le faible duc de Berri, qui avait hor-
reur du sang et craignait la guerre. Le roi avait trop présumé
de son habileté dans les négociations : s'il débaucha aux princes
quelques hommes d'armes, il en perdit au moins autant par la
désertion : il voyait les Parisiens se lasser de celte guerre qui se
prolongeait indélmiment à leurs portes, et sentait le terrain
miné de nouveau sous ses pas. Bientôt de désastreuses nouvelles
arrivèrent : le 21 septembre, le capitaine de Pontoise avait vendu
sa place aux gens du duc de Bretagne ; le 26, les canons des
remparts , vers la porte Saint-Antoine , furent encloués , et une
des portes de la Bastille fut laissée ouverte la nuit : la garde
bourgeoise s'aperçut de la trahison et la déjoua; mais, le lende-
main 27 septembre, pareil complot réussit mieux à Rouen qu'à
Paris. Madame de Brézé , veuve du sénéchal de Normandie tué à
Montlhéri, et un officier des finances, livrèrent entrée au duc de
Bourbon dans le château et dans la ville. Madame de Brézé croyait
venger son mari. L'évè([ue de Bajeux, grand artisan d'intrigues,
lui avait persuadé que c'était le roi qui avait fait tuer Brézé par
1. Philippe avait forcé , par un véritable guet-apens , l'ancien évéque de Liéjje à
donner sa démission au profit de Louis de Bourbon ( 14ô5 ) . V. Michelet, t. VI, p. 21,
d'après les manuscrits de la bibliothèque de Liège.
"56Ï FRANCE ET >Ql1lt»0G!^E.
di*-rrWTi\ Les priûcipales cités normandi^s, mtraliiiH» par Ici
év^t|uo!J de Bayeux d de Lisieux« allaient , îoiis aucuff doutf,
suivre la fortune de Rouûu*
Louiîî iiiina mieux plier que rompre ; il ^ vHipm tk Liaitir 4
lout prix ayant qiia sa situation liU enlièreinent dêM^sjKvrt'i!, • 5c
refiîseîE mille chose qu\m vous dentande, pounu ijui? vous jiipii*
riez rt'Ue compa;^nïe, n lui èciivait son âllîé el songuidc, lepwd
politique Francc^sco Sforza.
La roi avait eu déjà une entrevue avec le mtuh^ île (liiarotaiir;
U étnit niontè un inntin en bateau («our le fi«jler« m^ fiant aie
parole du eonde pour la 8ùretè de sa [ler^onni** « Mon frère, •
lui avait-il dil eu t'^Lordaut, a je eonnoiK que vans élc^ grndl-
bommeel de lii maison de Franei**— lîl pouri|uoi , monsefgntur?
— Tour ce que, quaud te fol Murvilllers (le cban- h
bien à vous naguère, vou.'i nie mamiales \wt ïii.'.s. . ,u. ic
Warborme que je me repcntirois des paroles que vous avoil dilc»
tcdit Morvilliei's, avant qu'il fùl le bout de laiî. Vous m'aia
tenu promesse, et encore beaucoup plus (61 que le boni ik
Tan* Avec telles gens j'îdme besogner, qui Uenneni ee qu'ili pro-
mettent*. »
Malgré ce courlCïÎB aborrl , on ne put rien couclure , le couil
Charles ne voulant point se #parer du duc de Ikm ni dc$ auinss
seigneurs. Ceci s'était pasné avant la dèfecttou de Itoucn ; qu;md le
roi sut la « mufalion » de la Normandie^ il demanda un autre ren-
dez-vous au comte et sortit de la ville, avec mic ceaLiine de
cavaliers, iiar le faubourg Saint- Anlome- « Le comte vint aiec
\WM de gent^et sans* nulle cLTémonic. Ils se proinenènmt i*4iAdcu.i
une pièce (un espace de leiups)», 1^ rgi coûta ii t]Jmj*k^ ec qui
était advenu à Rouen, dont le comte ne savait encore riim, cl lui
dit que, de son consentement, il n'eût jamai» octn»yé la Kormiuw
die en partage à son fréi^; mais que, puisque les Non * -
taient portés d'eux*ménies à cette mumUcif, il en éUih »
et passerait le traité ainsi qu*il avait été profMKé préc^^denuunji
par les i»rlncf*s. 4 Le seiguenr de Cbarolois en fui fort joyeui , rar
son ho%{ étoit en grand néc^etisilc di! xnw ol iraryiiiU * 1 -^ • '.•*
1 , CotmlûM, L i, c. 12,
[14C5] NÉGOCIATIONS. 569
{ la (léfeclioli de la Nonuaiidie et la paix) n'étoil advenu, tout au-
tant qu'il y avoit là de seigneurs s'en fussent tous allés honteuse-
ment. » (domines, 1. I, e. 13.) Les deux princes, absorbés par
leur conversation, avançaient sans regarder où ils allaient; ils
entrèrent dans un grand boulevard de terre et de bois, cpie le roi
avait fait construire en avant de la ville. Le comte Charles, qui
n'avait que (piatre ou cinq personnes avec lui, fut bien ébahi
quand il s'aj)erçut en (piel lieu il se trouvait; il était entièrement
aux mains du roi, qui pouvait le prendre et « faire de lui à son
vouloir ». Il lit bonne contenance, et Louis ne parut pas même
avoir la pensée d'abuser de cette imprudence; on acheva Tentretien
commencé, puis Charles regagna tranquillement son camj), où
déjà Talarme s'était répandue : le souvenir de Montcreau avait
jeté le trouble dans tous les esprits ; mais le crime de Montereau
n'avait pas assez bien réussi pour que Louis XI fût tenté de le re-
nouveler.
On publia une trêve le 1" octobre, en attendant que les articles
de la paix fussent complètement réglés. Les conditions furent
arrêtées à ConHans, près de Charenton; elles étaient écrasantes
jjour la couronne ; le frère du roi fut investi de la Normandie, à.
titre héréditaire, en échange du Berri , avec la suzeraineté sur les
duchés de Bretagne et d'Alençon et sur le comté d'Eu, et tous les
droits dont avaient joui les anciens ducs normands; plus de do-
maine royal , plus d'aides, plus de ressort au parlement de Paris en
aucun cas. Le duc aurait une cour souveraine à Rouen. Le roi ne se
réserva que les bénélîces vacants en régale. Le comte de Charolais
recouvra, « pour lui et son premier héritier », toutes les villes pi-
cardes récennnent rachetées, avec faculté pour le roi et ses hoirs de
les racheter au prix de 200,000 écus d'or, après la mort du comte
Charles et de son successeur immédiat. Les chàtellenies de Péronne,
Roie et Monldidier, et le comté de Guines, furent exclus de la fa-
culté de rachat; le comté de Boulogne, contesté à la maison de
Bourgogne imr la maison de la Tour-d'Auvergne, fut garanti à
Charles et à son successeur immédiat. Le roi abandonna iuqilici-
Icment les Liégeois à la vengeance de Cliarles. « Au regard des
autres seigneurs, chacun eut sa part du butin, e!* emporta sa
pièce : ï> au duc de Calabre furent donnés Mouzon-sur-Meuse, Sainte-
W FRANCK ET BOUWOOOKE. P'
MenclHHiltl, Vaucowlêur»' et lîpinni , ^lans liatniiiaiç;e au mi, aifc
les dm'ns liii roi ^urToul et Venlun, ! 00,000 6cti6 J or tHiiDptnnt.
et la solde de cinq cerit^ liinces [icjjdiiiil t^îx moi», [Hiur l« au-
[JojiT « contre Ivs gens «if* Metz, ou k lu nHi<(tiHr ilc N ' lO
duc df nreta^*^ lescnnïtôï;d*Klajn])t^si'lde Mantfort» r. -^ .uji-
don des régales ecclé^ioi^lîques, r** qui implirpjajt lljcfitiriiiigt* dn
évrf^ques;» et le seîgiietirîa^e des monnaies de son diidiè*; au dir
de Bourbon, lluon et une autre seigueurie eti Auvergne, ratlii-
bution d'une parU»! dt^ aides împoséeïî mt t $c&imys », IÛÛ«dtt)
éctis d*or, la solde de trois cents lant^es et la restitutiuti de a
(tension et eiu gouvernement de GujeDoe; au cumtP! de Sainl-Piil,
Vùytvi* de €omu*tal>le, vacante depuis la mort du dur Ar1us;AU
duc de Nciuouî's, le gouveriicnicnt de Paiîs el de l'Hc-do-f nuwy,
lUiT imo grande [imsionj la solde de deux ft*nls lnuL^vf^, fti*- ; au
cojnte d'Anuaçrnar, la restiiulion du RoucqçTJe, la sijlde de iriU
luureH, etf. Le r^^uïtc de Dunoin, le sire d\yiiret, le ui^nklial ér
Lolii'îîc, raniiral de Betiil, le grand écuyer Tïinin^giii OucliâtH
lïinnit îudeninistS ou n'inl*^grt% dans leur? î ■- ■ ft^ offtrrsH
dîgiti tés, et eurent cl uKiin une compagnie d'or cl de fort***
sounoes d'argent; Dan m lartin rentra dans ses hkm, vi rci^iî il<
« l>eaux dons ^. »
A|»ièâ s*élre pailagé les dèpouillfs du rû|iiime, lia ïir'uiti*5
osèrent etieore parler du ùim public dauH le traité d^flaitir^ ^iiirf
k Saint-Maur-des-t'ossé^, le iî*) octobre. Ils n'y revTiîdîqut'itînt ni
les lîtats-Gént^raux, parce qu*ils n*entendaî'"ft* - -- f*T>meim* en
queslîon leurs avaîUages particuliers, ni Iti l ^ lue, pFjba*
iileinent parce que la maison de Bourgogne .i^aû dcis ndsom pmu
ménager le pape; mais ils Drent insérer que te roi nimmettrail
Irentt^sîx notables houunes» douze prélats, dmmi cbemliiTm H
2, Lii dui' Pniii^Hjm /ivall tii^i'iu.^ lUt la lUiiiU'^wLfir' <ii> Cltîirloi Vil , ixi^dimt de V3^
cjuii^r I tout» XI vonûtmîk à ranctfririf fu\orîte de i^on pcr», dirrciuxc U nmUfi^vi A
roi f et lut 4otifi3A Vih fïKHérm* sfcvtfc tin uutni lii'f,
d. tl c'était réuni bi de Sâitit-Fiir^râii, 1a plitf gtcttuif |iié<7e tl^ la «léptrullli ai
Jiicquc» Coear, 1) «'eiuiuivit uiMUlRt-miniiîitfimM"!'- "i-" i"' -^ i:- ff» ■> t'^.^- '-]ii»i
liTW^M lUmutH 4 wi»'« tttiiiîiti et jwn filtre leuri lier ' If
CanHiitim, — Sur reiincmblii du triiiti", Tûy. ïi:- ^m . . ....,.,., ^ i .^ ..*. , « ..-^«i-c*,
élit (k Lcii{$tçt-Qtifi'ciU0i, w* hXV èi lutvuttiit
[146:S] TPwMTÉ DE SAINT-MAUll. 571
écuyers, et douze personnes de conseil et de justice, pour infor-
mer et enquérir des fautes et désordres touchant le bien public et
universel du royaume, avec plein pouvoir d'y remédier par or-
donnances, édits, etc., que le roi devrait ratifier. On voulut bien
laisser au roi le choix de ces réformateurs. Chacun étant repu en
particulier, les grands s'emban'assaient peu de la réforme géné-
rale.
Le roi se soumit aux censures du pape en cas de rupture do
ses engagements.
L'abaissement de la royauté était profond : le pouvoir central
semblait anéanti ; on pouvait croire le fruit du travail politique
de plusieurs siècles perdu pour la France, et le régime de la
grande vassalité restauré sur les ruines de la monarchie. L'oligar-
chie des princes du sang, après avoir grandi à l'ombre du trône,
mettait le trône sous ses pieds.
Ce fut une solennelle épreuve pour la féodalité française. L'i
féodalité anglaise, en se faisant tétc du peuple contre la royauté,
s'était transformée en aristocratie, et avait jeté les basesd'unesociété
politique. Les grands de France usent autrement de leur victoire. Ils
n'imposent point au roi des garanties positives et créatrices : ils lui
imposent des garanties négatives. Ils lui font jurer que jamais il
ne contraindra aucun d'eux à venir vers lui et que jamais il n'ira
les trouver chez eux sans les prévenir. Ils ne réclament que l'in-
dépendance et non le pouvoir par l'association. Ils ne deviennent
pas des aristocrates, des sénateurs, ils restent ou redeviennent de
petits souverains. Ainsi, avec eux, point d'aristocratie, point de
gouvernement national, point de liberté organisée et publique;
mais démembrement, anarchie publique, tyrannies locales. La
bourgeoisie a voulu et n'a pu organiser la liberté nationale au
xi\« siècle. Les grands ne le veulent pas au xv®. Ils l'eussent pu
avec le peuple. Sans le peuple, ils ne peuvent rien, parce qu'ils ne
dois eut pas réellement leur victoire à leur force collective, mais
à la force prépondérante de l'un d'eux qui domine tous les autres
et (jui Q,sl réellcMuent un roi vassal en lutte avec le roi.
La question est décidée. 11 n'y aura jamais d'aristocratie en
France. Y aura-t-il destruction de l'unité politique, aboutissant h
mettre la royauté française sous la tutelle d'une nouvelle royauté
572 ' FRANCE ET DOLHGOGNE. :ii«3
austrasioniie? Non. La force hétérogène et accidentelle de la dynas-
tie bourguignonne ne saurait remplacer une force nationale cmH;
par des siècles et pour des siècles. Ce serait le hasard i-cniplaçant
la Providence. La royauté humiliée semble perdue. Elle va re-
prendre vigueur en touchant la terre, se relever par la nécessité
de sa restauration et vaincre à son tour iKir l'impuissance de ses
vainqueui's. Entre Tanarchie princière étalant aux yeux du peuple
indigné la nudité de son égoïsme, et Funité monarchique, même
avec tous ses abus, môme avec tous ses périls, la France ne sau-
rait hésiter. Avec celle-ci la France souffre et vit; avec l'autre elle
meurt.
riN IlU TOME SIMËME.
ÉCLAIRCISSEMENTS
SUR LES NOMS DE FAMILLE.
Nous avons dit que Jeanne Darc, lorsqu'on lui demanda son surnom {cogno'
men) , ce qui signifiait alors le nom de famille^ répondit qu'elle ne savait pas.
Elle expliqua plus tard celte réponse en disant qu'on l'appelait tantôt Darc, tantôt
Roméo y parce que, dans son pays, les filles portaient le surnom de leur mère.
Cos remarquables paroles de Jeanne nous induisent à donner ici, non point une
dl?s«?rt'ition , mais quelques lignes sur une question intéressante qui aurait dû
trouver sa place dans notre III« volume. Les noms do famille ont été usités dans
la Gaule antique, exactement dans la même forme qui subsiste encore chez les
Arabes , et dont on retrouve les vestiges chez les montagnards écossais et les
Irlandais, c'est-à-dire, la forme patriarcale; tous les membres de la tribu , soit
ivii le sang, soit par adoption, portant le nom du patriarche de la tribu, et le même
phénomène se reproduisant lorsqu'une branche se détache de la tiibu pour devenir
S4mrhe à son tour (Beni-Abd'allab; Ouled-Ibrahim ; Mac-Donald; O'Brien; c'est-à-
dire les fils dWbd'allah, etc. )• La gens latine n'est que la transformation du même
principe, encadré dans l'organisation de la cité politique qui a remplacé ou plutôt
absorbé les tribus. Un des grands signes de l'émancipation de la plèbe romaine,
c'est lorsque le plébéien , le client , dégage sa personnalité de la gens patricienne
et qu'il possMc à son tour un nom de famille. L'invasion romaine en Gaule , en
brisant les clans déjà modifiés par le développement des villes, transforme et lati-
nise les noms de famille. Le nombre des personnes qui possèdent le nom propre
[nomen) , c'est -ànlire, dans ?a société romaine, le nom de famille, va diminuant
dans une proportion croissante , par celte diminution de la population libre qtii
prépare la ruine de l'Empire. Le nom de famille est inusité non-seulement chez
les esclaves, mais chez les colons des campagnes et dans la classe inférieure des
villes. La tête seulement de la plèbe se l'était approprié. La double conquête de La
Gaule par le christianisme et par les Barbares le submerge plus ou moins com-
plètement. D'une part, le christianisme, tendant à ahsorber la société temporelle
dans la société spirituelle , ne reconnaît que le nom de baptême , qui devient à
son tour le nom propre, le nomen , changement, significatif. De l'autre part, les
Germains, qui avaient eu des noms patronymiques comme les Gaulois [Merowig-
ingen; Karl-ingen) , les perdent dans leur dispersion à travers leurs immenses
p*
ÉCLAÏIICISSRMENT^
imipM»! et eontnlmeiii i lus tiûn* irrJir .iniç G'itb-tloni«m!; par U nuifioitis
«à SfAJuOÉai FOKyenk Bcmii na nmluîrdia'ous ^uji id m ctiU' i^^rnr Un i
t&milio j& M suai asmid^lc ^ iiti9a anivin^ «pi'im lu lin , sarj^ unui mtzilu
t^p IijIq, Kn toBt css , dlG 4 ^>» tout an moim, phT> -- - jn*^ n^ pcfiae.
I/Aî)Oipïe M\ iTparat le nom de f^mUlc n'cRt pas » G« £ol app?^ upp
lin ti« an m* sif'Cli». Au iimiu propre ou île bapit^di*^ ii'ftji>uLi un «imnrii t^v-jtii^
mwi: hérédllalre; tantôt un nom du baptême îéf^U émMiX (dtïikmw -
rli^iil, fie DOiD, dcvkfit alors *f*rfiom ; tuntôl un mm île qnàlil^ ^ii,,-, ,
foorale; tatitiM un nom ûa Uea, L'^çprit fi^o4aJ tluU [MkT hii^. préttuttiioiir
livcmÊût* dam li iioble^i^^ ïû U4ta di^ Uou^ le cium df kir^.
Là boar^ûiàie saKtt» tlam des coii«liliHQ^ anjilogueâ, ilu iti« (in mu' û^iv,
,iliTi"fi qiiVJie âe M, elle mMi^ comUîuévi et fiïûe jiar ki tiliefim imiiu/lîrtl-tt-
Là, li.'S uoiKs de lieux furent, uu coatruire, IV'Jtceplivxa , iitrlonl iUiî» Ir* prrji
tiMnps; ks noms de bsipièuiiï p«?iii^lut*s, h^$ ncumsi «în qiiaUl&s , c^tti de pn-fa
citr-nt de Leaucoiîp la prâytiiidtatiû^,
La granité masse dcii désèi^lt^si , de tx'ux ^m n*iivjtkm pa« en de nnm \
ûms î\M:ttlt|iiiti^^ i^t qiif N^ (lid5ti.inîitme av^t èmancipi^ ipirÉUiiillttinKit fur 1
IwUrouago clt^a ^nb^ Its |«iytannt viurcut k» <k"rukriï, |iv tuiU Jr l^ itii^fni
mAtiun du swirta^e et du vilenugi* en roture. Kuus voyomi ijn^aa it« si
limK. /tLiH enwre cbeï eux vag^e i^t fîitlaat<*. Les por^n ik J' i
Indhpirtit ïdP WtiraUve rcniarquaLlcj fujur doiinri pari à U i»*f» ibnv ! ^
fainill^'j ti^nt'Uivn rolucîdîujt avL-c U seutimtut nouv
ou, tout au nwme, de raccrnss^-mcut ili) ï61c d« h i
aaieuTS, d'apfr* k recttfiil d^^ BaynoiLitd ^ dcf *ctcs oomlir^'UT dti i* lU ut» li^J
nîlaïife i la ntdilussc? du Midi, et qui portcni en »)n^cr*ptlfio : «« ie( /lU dunf irO^^
Il j mdi doiKî truikiice A r^kigîr conir« la ponvc-Tiiioti aniu^ur qMi usâixur à l'i»-
Initl k utiDi seul du père, LL'Spèce de p;irt.tgn i^ Aiqui^
paj JeîumÉ^t'l doùt uous ci'oyouâ qu'il exisu^ . .aiMo_
de nos i^roviiictis» f çt t»k'n dati* cet esprit, mai» û est iul-tnèmii lont orliilr:
fïaiiB uôÊ iiiTkviuce> du Nfjrd , In tnaji a»8*»cï<? It noûi ûa ItmStic di- u (t'3iii»«
lîeu, ce qui semble plu^ raliDoncl; mais» pourtâiil, oe nV^t, #-n r#dikv, qui*!
ncitn du père de ^ femme (|u'il adjolitt au nom d«! »(^n {» h-<
U*s nom» des ïaj'sani finirent par preudrï* le njème rtirarl<*fT i|ilt» <vsi &3
bourgefb, et lea ordotinauces du ivi* eiède réglai ii^fuit r^^tjit «Irj dl3<J ^
Fmteïdktiifn d« cliaupr de uoid sana aotirt^alit'U royal*', i-l par U a-.Alio» é
t^isiires de liaptèmâ Où les noms de ï^Ule furâiii constatas uto: hm i»m
ÉCLAinCISSEMENTS. 575
II
LES HUSSITES.
La longue et terrible guerre de Bohême, qui fut comme le prologue de la Ré-
forme du xvie siècle, tient une place trop notable dans l'histoire générale de 1" Eu-
rope pour qu'il nous soit pennis de la passer sous silence, bien que la Franco, qui
n'avait que trop participé à la catastrophe de Jean Huss, n'ait point été directe-
ment atteinte par les événements qui suivirent la mort de cette illustre victime.
La Bohème avait été primitivement convertie au christianisme par des moines
grecs, avant le schisme des deux Églises d'Orieut et d'Occident; le rit giec s'y sou-
tint fort longlemi>s, malgié la cour de Rome, ainsi que le mariage des prêtres et
Ja communion sous les deux espèces : l'usage du calice n'y fut entièrement inter-
dit aux laïques que dans la seconde moitié du xiv* siècle. Ces circonstances ex-
pliquent rextrême rapidité avec laquelle se pri>pageaet se nationalisa la doctrine
de Jean Huss : elle avait en grande partie ses racines dans le passé. Le peuple
bohémien croyait plutôt retrouver ses anciennes coutumes religieuses qu'en em-
br sser de nouvelles. La mort de Jean Huss et de Jérôme d( Prague souleva les
trois quarts de la Bohème contrii l'église romaine; mais il n'y eut point unité de
croyance entre les adversaires de Rome. Les HussiU-s, nom sous lequel on les con-
fondit tous au dehors, se subdivisèrent en deux ou même en trois s.'ctcs : les Ca-
lixtins, les Taborites et les Picards. Les Calixtins ne différaient des catholiques
que sur quatre articles : 1° la nécessité de la communion sous les deux espèces;
2ola prédiction libre de la parole de Dieu par les prêtres; 3 • la punition des péchés
imblics par le magistrat; 4® l'interdiction au clergé de posséder des domaines
temporels. C'était suitout une secte politique, voulant le renversement de la domi-
nation papale, l'égalité des clercs et des laïques, la destruction du pouvoir poli-
tique et teri itorial du clergé et sa subordination aux magistrats civils. La ville
de Prague était calixtiue.
Les Pirards, ti ès-peu nombreux, assez mal connus, n'ont joué qu'un rôle très-
s*}condaire; leurs chefs étaient, dit-on, venus de Picardie. On prétend que c'étaient
des Adamites, qu'ils prêchaient la nudité primitive, la promiscuité et beaucoup
d'autres extravagances ; ils furent traqués par les autres sectes comme des impies,
et le fameux Ziska les extermina.
La troisième secte, la plus célèbre, la plus redoutable, était celle des Taborites»
ainsi nommés d'une montigne sur la(iuelle ils avaient bâti une forteresse inexpu-
gnable, camp retranché de l'hérésie S sauvage Capitolo des ennemis de Rome ; aux
Taborites appartenaient presque exclusivement ces bandes si longtemps invinci-
bles qui firent trembler Rome et l'Allemague. Parmi les Taborites, fermentaient
les opinions les plus hardies des Wickleûtes et des anciens Vaudois. Ils condam-
naient toutes les traditions et tous les rites de l'Eglise, même le costume des prè-
' Tabor, dans les langues slaves , veut dire camp , enceinte ou retranchement de diarlott*
tS7€
BÏÏLÂinCIâSEMEXTh.
Ifi*»^ comme tle§ v/mit5s rlialMliques, i*l ;iTjiiiUït tnuInH k DjWi-! m bfiMmmi, , -
que thâcun y v^*^* diriN^tf ment pnisf r «a foi ft Ir^ |ihîiripr th %>-^ ar Hnm , ii% AUwti
rar«njch« et d'nm.' iïn|4acahl^ soif ûa veupîatiRe, il.i di' •
coiidiiiN^ (Uns ks exemples fiatigiimaireiï dw |ucîftL-jm* tit rlutt;* ifis ftimî»n*
(le rAï>oc.'ilyx*â*^, pTiïH? i b IcUri!. Leiir ^Tatiil cai«t5iiarv, Zïnkit, s^mbl t
ânirç rxtfirmbatnnr cïi.irgédr cbilUfr k 0al»|flcHu* t*ccl'îâiMit|tjr. m Ii
CÎî.itiUirnt-ib, M liii<!ulii*iireii:x qid n^nika ail dinihb à .tilj:^ k
qii*f'li<i ;i f^it! » Li pîuï^îirt aVîntr** vm% èinimi îiiïikMMVi ■ uîeol It f^
(in t^txrbt 4!t b rt^iitihl^^tit! lutivri'HfUi* i^^mv^niéi^ dir^tneiucDi ils D&en, ci oM
n^tnibliqut? future! kur nijpiir^iij&fiil â<'tiM li f^niu de la eùmotttturalé, de U lim
tnutis à toQ;t; Ir n)«))TU &ii^ k»tit mdi'r t'iait à litiin yi^uir i^aïf Atv cuainlltc tknt fr
f onltu^at i*ff?ui*r )n ûe^ tiiers v^:^tij|ced. Ti'Ut<'i Im éii}iiû% hixm loi Odi&irtiitfp Mr
dîtt(»)B ik I'KkIUi'* touii IrSi Ij^uv^iu lifii ]»èr&ii et il' -fil èliç atlk
uiïiUiU l:i ISiidii étui! 1« ««itil Livit du rlti-L^trJ) ; Iri^ . tfatiOli»4f^
rltiiri', ri^çTjf |vti un liotfiuic eit éUi ik Kr<k49, utu^ïi liltin i)«ië ûjim Ytml
ninurj, h 11 *t*i HoUAmp €tik Hoiijfile, avait éclaté an-
Hus# ; lauic* k» f^>rc*ii ik l'emiil^e KCnnatiiqtit% Kf ^^
i|ii*mUrR6 nftlloii* oalhollqucs, fo t:iri6*''i'»?iit à pliidktir^ rÉ»iiri?
t|iifii millitr^ trit^réttqn^â, qui n'éUtlcnt [m mim^ é*;kûn30Î mttn cos^ n r|i
liitttalrîii, Cal; " 1 <>i ries, ûàm les ittkTvalki tk» laTmiteiiill
l4*s Alkm^'iri'i . nt^^r^^v^r^blf'fiif'iTt qrr** fl^iâi diaiiM lIMMlfi» fl ?
avfiii t:cuit <U[ïMiA, FaH' I 11 nniiii^ iri iwiniYii
i*i>cr>?(ilAii^iit ibnx les !li> ^ r^aili«lk|no cÉfti/Mii « un
iiun*t!f lar h èMvt, b cohte ou h h^thn ; Ues %ft!(!â eiàtién^ tUrvnt tirt ;
li?iirs liFiIntitriti. Ij& ïïihTiyv^ de ClMiigtaDrâ eiire»ld'é|fi4tv«»UU)bi» tnÈkénnua ,
avant t4ii, on ntîjitire qnp qihim^ mille piAtrpf tt moliiè» ntaleol ilé|<k H^ iii«»
U» A\3X iihïikt^s ik' Je.iii Hiifs! Les Huséiii^s vicri^ieiLt n%-aieiil tvf0né k |iicTft
cl*«i ïi'in» rmifînis ; b Moravif? <ilâtt ^ tnix €!j i;r.^jiik )>irliè; Féfeendard un .^W
X(i iTHimi-Tiait à hi Incur iks flnmror» fcl.iii& k sa«*aic, la 3yu<| l'.Uu^dj#,
oiiiic, la Tliiirifigi^, b Ibvit r€ ; le cbef «lefl Takuiifts, J&aa ZiUu« dil «lo ^
ïîrvïmn artiigk de lK»rgnjt» tpi'lt éUlt iZi*ka bi^niSi^ U B^gm^i, tic rt^m
lani quM v<^^iTi, ib ci>n«trjirt. r* «:f>TïJiaRyifJti« .\ b vktAifty. Qttmd il » fi^iiu
di^mnnrtr, ïi ïmlmm, tlit-ct^p ik ^s geiH ile biri> nn tmkNtir «le n p«», K Wm
pnimU rjtm jvcA eiinemU D'oR^tiLnii t>n souteiur le Si^ii. U a^Dl Mmll, ;i m ({n uri
aMnîTj (^iaq t^mt ri:]c|Qante é^lbi^scl ctjuvi!BLa. O. fut, (ii^iur ajAii diro, lo offlDiln
CQtiiv drt Itndit^ |mrté dans ri> martiil^iui? t!iiii«fial/k* de miïanaNsiU r«Uçk>iÊt, (Ubh
b itio^rti ^Vg^" 4vnit janv rt:iirnpci, «>! dont rJinjui! rûiialotbo 1 40p«b onrfMyrté m
d^lvnt;, Zi^ka ml <k dlKne^ siu-c<'5âèuTs tlnîis |im étuvg Ptoaipui : ilffi ttc î«s
ÉCLAIRCISSEMENTS. 577
La force ouvortc avait définitivement (ichoué : l'Église essaya dô transiger; ello
connaissait les divisions des Hussitcs; elle tenta de ramener, par quelques con-
cessions, la secte la plus nombreuse, qui était en môme temps la moins él» «ignée
du catholicisme. Le concile de BAle,en dépit du pape Eugène IV, ouvrit des négo-
ciations avec les ÉUits de Bohème, et offrit un sauf-conduit à leurs amljassadeurs.
La Bohèmo, épuisée par ses propres triomphes, accueillit ces avances, malgré la
répugnance des Tahoritcs, et Procope le Grand, tout Taboiite qu'il était, se rendit
à Bàle, en janvier 1433, à la tête d'une nombreuse ambassade. Les chefs bohémiens
furent aussi fiers à Bàle qu'à Prague ou sur le Tabor; cependant, les Calixtins
dominant parmi les envoyés, on ne défendit que les quatre articles; ou montra, de
part et d'autre, dfs dispositions conciliantes, et Ton parvint, au bout de quelques
mois, à conclure une sorte de traité. L'usage du calice ou de la communion sous
les deux espèces fut accordé provisoirement [intcreà) aux Bohémiens : les termes
du traité furent ai^sez écjuivoqucs sur les trois auti es articles. La promulgation de
ce pacte fut le signal de l;i guerre civile; les Taborites s'y opposèrent les armes à
la main; la noblesse et une partie des villes soutinrent le traité. On combattit dans
Prague même; les Ta]»orites furent vaincus dans deux sanglantes batailles, où
pcrii"ent les duux Procopes (mai l'»34); la B(ihème fut déclarée réunie à l'Église,
et Sigismond fut rétabli sur le trône, moyennant l'engagement secret de laisser
l'élection de rarchevè(]ue de Prague, primat de Buhéme, au clergé, aux seigneurs
et aux corps municipaux du royaume, et la promesse de ne pas rendre à l'Église
ses biens envahis et de ne pas rappeler les moines. Il tint mal sa parole : l'Église
voulut profiter des termes mal définis du traité pour rétablir l'ancien état de choses.
Les Calixtins, irrités, rompirent, de leur cùté, leurs engagements; les Taborites s(
relevèrent, et les trouldes recommencèrent pour bien des années, quoique avec
des circonstances moins grandioses et moins terribles. Un seigneur calixtin,
Georges Podicbrad, s'empara du g<.iuvernenient de la Bohème, sous Théritier de
Sigismond, Ladislas d'Autriche, fils de la fille de ce monarque, et finit par se
faire proclamer roi, en 1458, et par ronjpre ouvertement avec l'Église. 11 fut ren-
versé, douze ou treize ans api es, i)ar les partisans de Home, aidés du héros hon-
grois Mathias Corvin, et l'église romaine crut JU'oir reconquis la Bohème. Cepeu-
daut, l'incendie allumé par le hussitisme ne fut jamais bien étoufl'é ; il fumait
encore, loisque la Réforme se ralluma plus vaste et plus durable au cœur de celte
Allemagne qui avait tant combattu c-.mtre elle ( voyez J. L'Enfant, Histoire de la
guerre des Uussites ) .
III
LES COMPAGNONS DU VAU-DE-VIRE.
Nous avons indii[ué, dans notre texte, à l'époque de la recouvrance de la Nor-
mandie, en 1450, l'existence de la Société poétiiiue et patriotique des Compagnons
du VaU'de-Vire. Ils ne sont pas, comme on l'a dit, les inventeurs de la chanson
VI. 37
578 ÉCLAÎRCÎSSRMENT^
À loirr, iiui^.(|(K! Tions -lYon* Fctroin^ If rli-uji c^ltiqnr. oii Un ArmoricBliai €CU>
bnxiiiiL lu loti vin, qoi a xmi mi«at que bl^re, a m il1:mt TundAiifMr» «fior k
gUivt:, W vignes gallo*)om»ines(V\ nntml. Il, p. 73). Miils iU foreul U§4jfMS
successeurs ilti* vieux ch;inleuiii ^lubia ou iMt^tOQS*
Au temps dii tltivAÂbii de Umti V^ m 14i&« «t il y avuil, tbits U Bc^â^ ]
laajiil, lUiê suciét« di! joyetuc comîi«?r(îS qui **apveMciil k» GiiiaiiUr t«f C*m
l^rn&'tf ^'î/ofjE 011 It^s G£(hs-boHt§mpM iffaks, galois^ m^uiiî si^iis qnti ffalami ; en
gaUnl ù IVigarjl dos fcmmc^s). La ville à*'. Virt\ étiit i*iTir > i .%
m Ail pour Dbjot la bai] tri Un ^.» Un prouvèrent liii^it^t cjnlîii éuîcnt tia|i%lila6 <Ié
i^cn'ir trattlr€S «HvinitAs- I^nrs ^^lifio^ons hticJiiquc* fr nftBiD3Ai'*nl faïuv^r-rJnr,
du nriTTi du faubourg où so knaicm leurs nWmiouâ, ^i l'iîtïtréçï d*i U vwtf* T.il1r« th
Virf\ C*est «k là qu'on a Uit, pjir cwniptlon, i ,i ^dûîq^-
m^irn Bouffe rt des turemii des AmiàKuaci «t d- ■ (il ttlf
ocnlrc de U Fimice. On y dianUdi «làcore quÂnd, aïUeurt, il fi'y anut plos for
du saiig Qt que di^s larniêa. L'iirrivtMZ des AngUiï, m porUiit U d-h^ttm daoâ
le» vatiêfts tiùïiniikudtiii, ne ïïi [ku^ taire le^i vitlx Ijrujwbs àes oocitittflwiiis ila Va*
de^Vire, niain cbiDgea le ton de lennî cltanb. Une râsl i , mifi»
d*iirw' soumission tmvM; jmî§, par intci valltHS. de grand' oUrkl
r^V'iltfjij ttunc fortf! dp c!K>nnunrjrj.c dans le IV?iCfJi^^; » l^iiuiii} i-i mûé^ t^imsk^
nvTU\ car cV>gt »ût riHtaoger c|u'elle diriK^iait ses ooiii4; t^d Tul T^sfioBEl » li
NomiantUe bous Icb Aitglais. LesailaMttvur« th ht aÛivfAmiy^ûU^m In âar^ib^si
du Rahtd^à, tkvuiiièut les indi^mptaïjliii inftikî:tt<»UTï5 d» k hUirîliuu, ^o*Uii
rmi de l«nrH in:is Cûuuiis^de Ums ili^w^wu!*. IIk «« fimnj un npiMliii?, ^iOl IfB
CJit TCJstt^ Yagncmcnt popnlîtiri:^ et donl la lr;wlllu»Q a fait l'ir ' a '
jii."ii5 dont ™ n trop V,^ngt<^mp& ûtibU*i les vrais Ulrm à li i , . , o'a
h géu»:reni cmpl&I de sa verre et sa liii irtifiri»^. OUvitif Ikiadm ou Vin^ui,
aacieu matelot, (siplciitait » dit-oa, mi imAiMu k foulon ihim lu f{iQbiTtii]Çy ««
Pent-dcs-VauXi ]or&(|ue les Aii^lala BViiifitirèreni de Virf, tu U17. Ou & ccoâcni
la diauôon par b^iuelle U appela le Bocage mx *irmcî.
t
it ({Wn > VOllillfkM > ullof
feu Anglptçftfl iJi^mantM t
Ik unt min Inng^ itouo *.
Eïiire vouii ♦ (Tciî» <ï<» THUgq .
Qui almcc le tm fmnçniit^
rrcne» eliastiD bon ci>uirikir«
• Vi'uluiiike.
• tjrufi^e»
»f»l:lf»U.
ÉCLAIRCISSEMENTS. 579
II
Prenez chacun une houe
Pour mieux les déraciner;
S'ils no s'en veulent aller.
Au moins faites-leur la mouo.
Ke craignez point ; allez battro
Ces godons ^ , panches ^ à pois ;
Car un de nous en vaut quatre;
Au moins en vaut-Il bien trois.
III
Afln qu'on les ébafouo'
Autant qu'en pourrez trouver,
Faites au gil)€t mener,
Et qu'en* nous les y cncrouo. *
Por Dieu I si Je les empoigne ,
Puis que j'en Jure une fois ,
Je leur montrerai sans hoigne ^
tH) quel poisant * sont mes doigts.
lia n'ont laissé porc, ne oue ^,
Ke guerno, no gucrnclller *,
Tout eutour notre quartier !
Dieu s'y met ; mal en leur Joue !
Les vœux du pauvre Basselin ne furent pas exaucés, et ce fut lui qui monta sur
le gibet dont il menaçait les oppresseurs de son pays. Voici l'oraison funèbre que
lui firent ses compagnons :
HcHas î Olivier Vaaselin ,
K'orrons-nous ® point de vos nouvelles?
Vous ont les Anglois mis a fin!
Vous soulicz *" gayemont chanter
Et démener joyeuse vie ;
Et les bons compagnooa hanter
Par le pays de Normandie ,
Jus«iu'à Saint-LO en Couatantin ",
Ouqucs ne vi tel pblcrln.
* Goddem ; Anglais.
' Panses; ventres.
* Bafoue.
* Qu'on le» y acorocho.
* Sans barguigner.
^ De quel poids.
' Oie.
* Kl aune , ni aunalc. Gxoern; en celtique, aono; arbre commun dans les voUéca humides
de rOuest.
* N'oulrons-nous.
*0 Aviez coutume.
" Cotontin.
580
ÉCLAIRCISSEMENTS.
Les Aiifflois ont fi»it ddraiaon
Anx compagnons du Vau-Jc-Virc.
Voua n'orrez plus dire chanson
A ceux qui les boulolcnt bien dlro
Nous prierons Dieu de bon cœur fin *
Et ht douce Vierge Murlc,
Quel dolnt 3 aux Anglois maie fin.
Dieu lo \iiiTe »i les maudic !
La comytagnio du Vau-<lo-Viro survécut à son capitaine, et vit ce jour de Tic-
foire ft de dolivranco qu'avait lôvé le Tyrtéc populaire du Bocage. Elle salua d'un
chœur éclatant la journée de Fonnigni :
Cuidolont ' toujours vider nOS verres.
Mettre en chartro * nos coni]>agiions ,
Tendre sur nos huis des sldoncs *
£t coutaniincr ces vallons.
Culdolent toujours dessus nos terres
Seli.ittro en joie et prand souIba',
Tour rec«)nfr»rt eniMer ' nos verres ,
Et b(i guudir de nos repa*.
Ne buvant qu'eau , tous nos courago
Etoient la vigne saik» raisin.
Kougissolent oncor nos visages,
Alnçois " de chlrc, non de vin.
S'eml témoignant de nos futailles.
Dieu a feni ' ce» cnrugle's ,
Et la dernllre des batailles
Par leur trépas nous a vengl<?8.
Buvons tous ! des jours de ddtrc»so
Jetons le record '* dans ce vin.
Ores no me chault que liesjic *' :
Buvons tous du vêprc *• au matin.
i Parfait.
2 Qu'elle donne.
3 Croyaient.
* Prisiin.
* Tendre des linceuls sur nos portes.
* Rrjoui>>ance.
' Voler.
» Mais.
» Frni)pe.
'«• Le souvenir,
•' Maintenant ne me Boucie que de joio.
»2 Du soir.
ÉCLAIRCISSEMENTS. 584
Quelle distance de cette franche et vaillante poésie populaire au fatras alam-
liiqué des poëtcs de cour, i coniniencer par Georges Chastellain lui-môme ! C'est
ici, et dans le Patelin, qu'est le vrai lien de l'ancienne poésie nationale avec la
lanfcue et la littérature de la France mcxlcrue qui vont naîtie.
N'jus citons ces fragments d'après M. Leroux de Lincy (p. 300-302, et 338-339), "
qui les a empruntes lui-même aux recueils de Vaux-de-Vire publiés en 1821 et
1833 par MM. L. Dubois et J. Travers. Le manuscrit, du x\« siècle, est conservé
à Baveux. Quant aux Œuvres d'Olivier Basselin, publiées, un siècle et demi plus
tard , par Jean Lelinux, avocat de Vire , elles manquent d'authenticité quant à la
forme, l'éditeur, très-habile versificateur, les ayant remaniées en style duivi«siècle,
et , il faut l'avouer, parfois en fort beau style.
IV
LE MYSTÈRE DU SIÈGE D'ORLÉANS.
En 1839, M. Paul Lacroix, dans la septième de ses Dissertations sur quelques
points curieux de l'Histoire de France, signala Ttixisience d'un ouvrage conservé
à la bibliothèque du Vatican , parmi les manuscrits de la reine de Suède (n® 4022),
et contenant un Mystère en 25,000 vers, sur l'avènement de la Pucelle et le siège
d'Oiléans. Ce Mystère, suivant M. Quicherat* , « n'est autre chose que le Journal ■
du siège, dialogué et mis envers; » toutefois, «ijouterons-nous, avec rinterventioii
d'un men-eilleux qui n'est pas sans grandeur; comme la scène qui se passe dans
le ciel, lorsque Dieu menace d'abandonner la cit<5 d'Orléans pour ses péchés, et
que les patrons d'Orléans, saint Aigiian et saint Euveile, intercèdent pour leur
ville devant le Seigneur, qui se laisse fléchir et promet de susciter la Pucelle.
La pièc^ est écrite à un point de vuu tout Orléanais. Elle va être publiée par les
soins de M. Guessard.
Le manuscrit est du coujmencement du xvi» siècle, et il n'y avait, jusqu'ici,
aucune indication précise snr la date à laquelle l'œuvre a été composée; mais une
brcjchure très-curieuse, qui vient de paraître à Rennes, nous met sur la voie à cet
/'gard. C'est une Soticc sur Gilles de Rais (Retz), par Armand Guérar'i; Hennés
1835, in-80. Voici Ic passage qui concerne notre r.;,jt?î. «Tantôt il (Gilles de Retz)
/est à Paris , tantôt à Angers , tantôt à Orléans. U dépense dans cette dernière
ville, en moins d'un an, jusqu'à 80,000 ou 100,000 écus, disent leS héritiers, daps
une requête au roi. Il y fait jouer sur la place publique, avec plus de magnifi-
cence qu'on n'en a déi'loyé à l'entrée de Charles VII à Paris, les Grands Mystères
représentant le Siège d'Orléans, avec personnages sans nombre. Une curieuse
recherche à faire serait de vérifier si le texte du Mystère qui se trouve au Vaticaa
ne contiendrait pas d'allusion au njaréchal (de Retz) et ne serait pas, en consé-
quence, la reproduction de celui qu'il fit jouer; car les fêtes données à cett€ occasion
• Procès de Jeanne (TArc , t. V, p. 70.
S8S
ÉCLAïaCJSSËME3IT5.
m ûurbrmi (va5 idoIûs de trois joura. GU:utnû rcpréstfaUitiim fîît lïiivip «k
11 y a ttiiitp appiniïïïûo, en efftt, que le Myytèrt dn. Vatleia ^ït f^lni «jtifî ii
jaiitjr b man^dol *k Rf^ts, c<? qni Ini nsà^ua^riii nm «lait? av , H«9.
Ua)« comment exi4iqïier liotérèl «nie cû îaûiiÉrtre pou via lutiivr - m
de JoAiiac IMrC| *l Ses déficim^s [n\:nîJKio»L*ie5 pour k edêiftwf t t^cq .
pOfl lr^fr41fiSdle à trouver. C*t^8! en U39 i^iie h tmn^t Je;iûni? I)imc jur .
m retour df »i etim{>agric catitru ks Anglais 6ur les tOArckfi âù «Sti
Poliou; or» la lAmu.* Jt'îixmy, en «nâtUnl le ûiéâlfe tie li g u
|»agiiie du gcûs d'&riîic& qti^tUu Cdiuuiaudaix chUtî ks mu; . i .
marétbal de HeU, n^"- iiês-i^eu aiutti, fut jirrt^iè par it^oï ilii jlhujc 4 .
(Ltftili Xï ), àk càu.He du «ei bngiiiidagâs K U y 'a^sàl Aam:. de» ridati^inf f ui.
fausstï Jmime.et le maiikJial. Dea documeutâ dtt itmps nyiij* ai»prcaos-jil iu'b
îutrijjiR' fui omdie pour acci^dikr k fauàâû ^minw pîvA du r<»l„ rt >[.■
trifut* urliaiia^ en 144U, i^riurt à im iuctdtiiï relatif au f:ta»viw swarti •
(Vf)y. tWdrssiis, pagi^ M 5^). Le nurMial de Kd.! L^Uât , «vu*: aiiaiti
ttmr ou uo dos auttfnin dr ccUr mtrtgu*". cl «a fut jiowrjï pKîiaict J.
mouanl fortômeiu rtmngirmlinti i^jitulairr*, qull Ut JoopTj û OiVtiuuii ait
écl&iàfll aï'pari^tly le âfji$th*9 du i^f^^i», ^U nrnni l^ii rivée de la fatM^icc
V>ïi pendant wn A^jour il Ur Itirani; «t tn &h (in^Fr'ucr. 1^ ('ivtcAâ d«i tteO fut
b^pt^ la découverie de riutrtguo e1 la tlècoaveûiii* de la îmaMt Jtftauc
LE SECÏÎET Dt: JEANNE DARC.
D;iiî5 rÉckijeiBSfinieiit ï^r^>codeïit, ïioii^^ivonç npv^k«oa ^trrftrnitt Jttfiaet
lu roi f «{ul liKt tut d*^M poiutfl cuiittaux de rtHs1/)ire de La hirf Uil Sons a^
(Toy. cinltiiistis, V- l!iS) raft<*rt*^» *^îi* cnnjmimtfiiro, iVTpbfattfm ôê oî iÉcrH
donutk\ un dJL'mi-^M^) aj^rèâ, par Pit-rre Salfti d'aï^fêsCh ** 'r julller, i
de litt»i"<i , clïaïubulliiû <lc Gbaile* V 11, el ccmliruièe jvar den ^ -^liaîi 4f I
mhtiK éito(jtie; à sa.voii qu*f Jcauûe aurait ré^^él^j au Tl^ ime jiriTjr tniiiiuk (jlI
uvnir *i*lres&éc 4 Dieu rttklivemiïîit au d'Uk^ f^ui W [munojirîut cur la lié^Ttoiliî i
aa naiiisaJice. Si Vm acodi^biit <y!tta ^x|ilimti(ia mt pkd fk In l^ilt^^ U lia
adtllt^tl^^ iia^ Jèaiiitii, du r«>nd du r^il de M^nfc, aurait Iti dinctoiiiftl ilanf I
pÊU0èe do Charles VIL Kouj; .ivouik rx^rlmA nr^Urmfmi D^itrr- ftsMlnicail WKf I
Biiiskm pmvideBtîcllf de Jeanfuj t îi^uîs avoiiR ■ pli^'ooii
Tordre exlaiiqim el mnfiuillque fl'étakTit maiiif-^ ; " ptnâ bftiEt i
^t ndiis ^vcuit émacè Tcipitiioii quti luâ révélaUttiiâ d« 1*C2itaS£ dlidesil do
juiooi siâ*jteiifSj c*wt-â'dire mt^H^^ud^, âm Téiéh{\m}»M Tluie k dk-tti-Mî'
ÉCLAlRCISSEMEiNTS. 583
non des commimicalinns objectives ou oxl^riniires avec dos créatures appartennnt
à un autic monde, commo le veulent les mystiques; mais nous n'avons pas tmcliê
à la (pirstiondes communications extatiques ou magnétiques entre habitants de la
teire. non-seulement par des moyens différents do l'action ordinaire des sens, ce
qu'il est bien difficile de nier, mais en dehors de toute condition d'espace et de
distance, et, par consé(iuent, entièrement en deliovs des sens. C'est là une autre
forme du mysticisme. On sent à quel ]ii.>int il serait dangrerenx pour l'histoire «de
sengapT dans une telle voie, et que, lorsque l'historien rencontre des faits de ce
genre, il doit chercher, tout d'abord, s'il n'est pas possibh; de les ramener aux
lois connues de la nature. 11 y a ici un fait incontestable, c'est que Jeanne dit
au roi des paroles (pii firent sur lui une impression extraordinaire; cette imprcs-
siim s'atVaililit , au bout de peu de temps , sur cette défiante et jalouse nature,
puis revint avec force plus tard, comme l'atti-stent l'anecdote de la faus?e Jeanne '
et la C'infid*;nce fuite par le roi à Boisi. Il est égah;mcnt hors do doute tpie les
parf'li's de Jeanne concernaient la légitimité de la naissance du roi, et se rappor-
taient à la juière prononcée mentalement par Charles. Mais, maintenant, Jeamie
a-t-»'Ile, en effet, répété les propres paroles de la prière? Vrtilà sur quoi le sire de
lîoisi et les antres nanateursont pu dépasser la vérité, et sur quoi nous expri-
m'">ns ici la résrrve que nous n'avons pas faite ci-d-ssus (p. 15^). Un intime
jai'port de sens entre les l'aroles de Jeaime et l'objet de la prière a pu parfaitc-
UKnt suffire i\ convaincre le roi; et ce rapport, sans cesser d'être extraordinaire,
l'eut n'être pas hors de nature. Charlrs Vil n'était pas seul préoccupé de sa
douteuse l«'gitimité; le bruit des déportements d'ïsabcau de Bavière avait pénétré
jusque dans le dernier hameau, surtout depuis iiue la mère dénaturée avait déshé-
rité son fils et livré sa fille, avec la France en dot, à l'ennemi de la France. « La
France, pi;rdue j^ar une femme, sera sauvée par une pucellel » Ce mot de
J<;anne atteste quelle proportion avait i»ris le riMe d'Isabeau dans la pensée popu-
laire, et combii-n Jeanne en était préoccupée. Il devient alors tivs-naturel qu'elle
se s«'il demandé si (^harle? VII était bien l'héritier de saint Louis; s'il était le
vrai roi au nom duquel on devait chasser Tétianger, et qu'une de ses extases ait
répondu à cette question décisive. Elle dut nécessairement rassurer Charles sur
les doutes qu'elle sentait inévitables dans son imc, et put le faire dans des termes
tivs-ana lègues à ceux qu'il avait employés dans le secret de sa pensée.
* Voy. cl-(itsî>us, 1». W'A,
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DAKS LE TOME SIXIÈME.
TROISIÈME PARTIE.
France du moyen âge. — Guerres des Anglais.
LIVRE XXXIV. — France du moyen âge. —Guerres des Anglais
(Suite,)
Nouvelle invasion anglaise. Charles VI (Suite). Henri V de Lancastre des-
cend en Normandie. Prise de Harflcur. Désastre d'Azincourt. — Guerre civile
et guerre étran<jcre. Lutte de Jean sans Peur et de Bernard d'Aruiagnac. —
Conquête de la Normandie par les An jlais. — Les Cabochiens recouvrent Pari::.
Armagnac é<][or<jé. Massacres des prisons. La guerre civile continue hors Paris.
Dauphinois et Bourguignons. — Défense héroïque de Rouen contre les Anglais.
Rouen succombe. Alain Blanchard. — Traité de réconciliation entre le dauphin
et Jean sans Peur. Entrevue de Montereau. Assassinat de Jean sans Peur.
L'héritier de Jean sans Peur^ Philippe le Bon, s'unit aux Anglais. La reine
Isabeau de Bavière s'unit aux Anglais. Traité de Troies. Le dauphin eihérédé
au nom de Charles VI^ et Henri V déclaré héritier de la couronne de France.
Paris subit et un simulacre d 'États-Généraux ratifie le traité. — Prise de Melun.
— Victoire des Dauphinois à Baugé. — Prise de Meaux par Henri V. — Mort
de Henri V. — Mort de Charles VI. Deux rois en France : Charles VII et
Henri VI de Lancastre (lil5— H22) 1
LIVRE XXXV. — Guerres des Anglais (Suile).
La France démembrée Le roi anglais et le roi français. Henri VI et
Charlks vu. — Jeanne Darc. — Régence de Bedford. Les Écossais secou-
rent la France. Défaites des Franco-Écossais à Crevant et &Verneuil. — Affaires
des Pays-Bas. Gloccster et Jacqueline de Hainaut. Philippe do Bourgogne
maître de Namur^ Hainaut^ Hollande^ Zélaiide et Frise. — Le connétable de
686 TABLE DES MATIÈRES.
Piichemout. Charles Vil cl ses favoris. La Trémoillc. — Belle défense Je
Moiitarflis. — Anarchie dans le parti françaip. — Sièye d'Orh'ans par les An-
glais. Héroï«iue résistance dos OHéanais. Journée des Harengs. Détresse du
parti français. Buine ininiineilc de la France. — Fermentation dans les pro-
fondeurs du peuple. Allente d'événements miraculeux. Prophéties. — Jeanne
Darc. Enfance et révélation de Jeanne. Elle va trouver Charles VII. Jeanne
h Chinon et à Poitiers. Elle annonce qu elle chassera les An;{iais de France.
Jeanne fait lever le »ié,q[e d'Orléans. Ueprisc de Jar^f^eau. Victoire de Patai.
Marche bur Reims. Jeanne devant Troies. Elle fait sacrer le roi à Beim«.
Cluirc de Jeanne. Innneiisc attente du peuple et de l'armée (Ii22 — li29) . 89
LIVRE XXXVI. — GuEnnr.s des Anglais [Suite),
Jeanne D.vrc (suite). Conjuration de La Trémoillc et de Be,';nauld de Chartres
contre Jeanne. Le roi complice. Entraves systématiques h. la rccouvranco de
Paris. Délivrance d'une partie de la Brie, de Tlle dc-Francc et de la Picardie.
Journée de Mont-Espilloi. Jeanne i\ Saint-Denis. Le roi et les favoris font man-
quer l'attaque de Paris. Retour de l'armée sur la Loire. Le roi et les favoris
empêchent la délivrance de la Normandie. Douleur do Jeanne. Prise de Saiut-
Pierrc-Ie-Moùtier. Echec de La Charité. Jeanne quitte le roi. Le duc de Bour-
<{o,'pie attaque Compié«jne. Jeanne à La.'jnictà Compié^ne. Jeanne est priK' par
les Bour.qui;jnons. Lettres du duc de Bourjo;jne et de Re({nauld de Chartres sur
sa prise. L'inquisition et l'évêiiue de Bcauvais la réclament. RAlc de l'université
de Paris et de Pierre Cauchon. Politique de Bcdford et de Winchester. Poli-
ticpie du duc de Bourjo'pie. Alfaire de l'héritage de Brabant. Les Bour<][ui-
;;nons livrent Jeanne aux An,';lais. — Levée du sié^e de Compid,qne et défaite
des Bourjjiiijînons. — Les Anglais font juger Jeanne par l'inquisition et par
l'évéque de Beauvais. Jeanne à Rouen. Procès do Jeanne. La Fille de Dieu et
les nouveaux Phari>iens. Jeaime maintient sa mission conlro toute autorité
humaine. Passion de Jl.^^^E. Conséquences de sa mission et de sa mort (1 129
— M3I) I'J7
LIVRE XXXVII. — GuLBRES des xInglais (StiiVe).
CuATiLF^ LE Bien Servi. — Le Conseil de Franck. — Échcci en Beauvoi^Is
et en Lorraine. — Trêve avec la Bour«io*jne. — Prise de Chartres par les Fran-
çais. Échec de Bedford i\ Lnjjni. — Rupture entre Bedford et le duc de Dour-
,qu^'ne. — Conjuration de la bellc-raère du roi avec le connétable contre La
Tréinoille. Chute de La Trémoillc. Yolande d'Aragon. Agnès Sorcl. Le Conseil
du roi. Gouvernement d'Yolande d'Aragon, de Richemont et des ministres
bourgeois. Jean Bureau. J \cgi:rs Co'u r. — Insurrection des paysans normands.
— Paix avec la Bourgogne. Traité d'Arras. Cession de la Picardie, de Bar-sur-
Seine, Auxerre et3Idcon au duc de Bourgogne. — Mort de Bedford. — Nouvelle
révolte en Normandie. Soulèvement des places de l'Ile-de-France contre les
Anglais. Paria chasse les Anglais. — La fausse Jeanne Darc. — Le duc de Bour-
gogne en guerre avec les Anglais. Désordre des Qamands. Ils échouent au
TABLE DES MATIÈRES. 587
siogc do Calais, Rj^voIIc de Bruges et (guerre civile en Flandre. — Dévastations
des Écorclmn s. Efforts do Bichemonl contre eux. — Prise de Montereau. Entrée
du roi ;\ Paris. — Désordre. Misère. Épidémie. — Persévérance deRichcmont.
Ori«,'ine, fortune et influence de Jacques Cœur. — Prise de Moaux. — États
Généraux d'Orléans. La taille fixiî et pkrmanente. Avantages présents. Dan-
gers de l'avenir. Marche vers l'arbitraire royal. — Ordonnance pour une armée
régulière et contre l'arbitraire féodal. Rési.stanco des seigneurs et des'écor-
cheurs. Les factieux mcrllent le dauphin (Louis XI) h leur tête. La Praguerie.
Les rebelles eoniprinié*. — Procès du maréchal de Ret/. — Affaires de l'Eglise.
Lutte dtî la papauté ot du concile de Bile. Pragmatitpic sanction. — Répression
du brigandage. — Délivrance du duc d'Orléans. — Prise de Pontoise. — ChA-
linient d'Armagnac. — Trêve avec l'Angleterre (1431 — 1444) .104
LIVRE XXXVIII. — Guerres des Anglais (Suite et Fin).
Charles VU lt le conseil de Franxe (Suite). — Rétablissement de la France.
— Expéditions de Suisse et de Lorraine. — Grlation de l'arsiee françaisf.
— Organisation d'une cavalerie régulière. — Réforme de l'administration linan-
eière. Cour des Aides. — Réformes judiciaires. — Rupture du dauphin avec
le roi. Le dauphin se retire en Dauphiné. — Organisation des francs-archers,
— La gnerre recommence. Invasion de la Normandie. Jacques Cœur et ses écus.
Jean Bureau et ses canons. Progrès de l'artillerie française. Prise ou soumis>ion
volontairiî d'une foule de places. Révolte de Rouen contrôles Anglais. Rouen
traite avec le roi. Prise de Harfleur et de Ronfleur. — Mort d'Agnès Sorel.
La dame de Villequier. — Bataille de Formigni. Réduction de la Basse-Nor-
mandie. Prise de Cacn et de Cherbourg. La Normandie entière recouvrée. —
Invasion de la Guyenne. Prise de Blaie. Capitulation de Bordeaux et de Bayonne.
L'Anglais expulsé de France, sauf Calais. — Réhabilitation de Jeanne Darc. —
Jacques Cu'ur, le commerce et les beaux-arts au xve siècle. Ingratitude du
roi. Procès de Jacipies Cœur. Confiscation de ses biens. Son évasion et sa mort.
— Révolte de la Guyenne. Les Anglais rappelés k Bordeaux. Défaite et mort
de Talbot à Castillon. Bordeaux se soumet. La Guyenne recouvrée. — Prise
de Constantinoplo par Mahomet II. — Fin do Guerres des Anglais. Fin du
moyen Age (U44 — 14o0) 410
QUATRIÈME PARTIE. — France de la Renaissance.
LIVRE XXXIX. — Lutte DES MAISONS de Frakce et de Bourgogne.
Charles VII et Philippe le Bon. — Guerre de Gand. — Le dauphin so réfugie
chez Philippe. — Procès d'Alençon, d'Armagnac, de Gilles do Bretagne. —
Procès des Vaudois. Fin de l'inquisition en France. — Affaires de Gênes. —
Vains efforts de Charles VII pour ramener son (ils. Fin tragique de Charles VIL
— Louis XI. Réaction contre le gouvernement de Charles VIL Abolition de
la Pragmatique. Création du parlement de Bordeaux. — Acquisition du Rous-
sillon. Rachat de la Picardie. — Querelles avec la cour do Rome et la Bretagne.
— Alliances do Louis XI au dehors. — Ordonnances sur les biens d'église, les
688 TABLE DES MATIÈRES.
biens nobles et la chasse. — Ligue du Bien public. Révolte du frère du roi.
.Révolte générale des grands. Succès du roi en Bourbonnais. Invasion bour-
'guignonne et bretonne. Louis XI et Gbarles le Téméraire. Bataille de
Montlhéri. Fluctuations de Paris. Rouen livré aux rebelles. Le roi capitule.
Traité de Saint-Maur. Spoliation et abaissement de la royauté. Incapacité des
grands à organiser leur victoire (iioO— 1465) 493
ÉCLAIRCISSEMENTS 573
FIN DE LA TADLE DES UATIÈRES DU TOME SIXIÈME.
PAraS. — IMPRIMERIE DE 1. CUTE, RUE 8AI5T-BBaOIT, 7.
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