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BIBLIOTHÈQUE
DES
SCIENCES CONTEMPORAINES
X
tIA-lf
BIBLIOTHÈQUE DES SCIENCES CONTEMPORAINES
LA
GÉOGRAPHIE MÉDICAL!
PAR
LE ly A. BORDIER
PROFESSEUR DE GÉOGRAPHIE MÉDICALE
A l'École d'anthropologie.
PARIS
C. REINWALD, LIBRAIRE-ÉDITEUR
iS, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15
1884
Tons droiU réserrét.
é/A^r
VI PRÉFACE.
L'utilité de cette étude n'est plus à démontrer : nos
confrères de la marine, qui, de tout temps, en ont ap-
précié l'importance et dont les travaux sont la mine
où j'ai largement fouillé pour recueillir mes matériaux,
ne sont plus seuls h avoir besoin des connaissances de
cette nature et à les rechercher. L'esprit colonisateur
semble, en effet, se réveiller chez nous ; le nombre
des médecins civils appelés à exercer un jour loin de
la mère patrie va donc, sans cesse, en augmentant.
D'ailleurs la rapidité, la facilité et la fréquence des
rapports internationaux (je ne parle que des rapports
pacifiques) augmentent, pour chacun de nous, les
chances d'observer, sans se déplacer, des malades de
races différentes, venus de climats différents, et créent
par conséquent la nécessité de connaître l'influence
de la race et du climat sur la marche des maladies, sur
leur pronostic et sur leur traitement.
Si là se bornait l'étude de la géographie médicale,
ce livre ne s'adresserait qu'aux médecins ; or, si je ne
m'abuse, il est, au moins parle plan qui a été suivi,
de nature à offrir quelque intérêt aux biologistes, aux
anthropologistes, aux sociologistes, aux philosophes,
et même à tous les hommes qui sont aux prises avec
les difficultés de la politique pratique.
En effet, si l'anatomie et la physiologie comparées
nous ont habitués à reconnaître l'unité des lois qui
régissent la matière vivante, depuis la monade jusqu'à
l'homme, nous allons retrouver la même unité en étu-
diant^ du bas jusqu'au haut de l'échelle zoologique, les
PRÉFACK. Vil
infractions à ces lois, ou, pour parler plus justement,
cette nouvelle manifestation de leur pouvoir, qui a nom
\dL pathologie y dans sa répartition suivant les races.
Toutes les espèces subissent, en effet, à peu près de la
même manière, l'action des mêmes causes morbides.
Cependant, sous réserve de cette unité, nous noterons
les nuances et parfois les couleurs différentes que prend
une même maladie, lorsqu'on Tétudie successivement
dans plusieurs espèces. Une part considérable a donc
été faite, dans ce livre, à la pathologie comparée^ qui
vient ici à Tappui de l'anatomie comparée. Les travaux
des médecins vétérinaires ont été souvent mis à profit.
Les recherches modernes en tératologie nous ont,
en outre, appris que les vices de conformation, les mon-
struosités comme les anomalies, sont le résultat d'un
trouble pathologique survenu chez le foetus, surpris
par ce phénomène en pleine évolution. Nous savons
que cette maladie a eu pour résultat un arrêt dans le
développement, en vertu duquel la partie lésée reste
comme pétrifiée dans la forme destinée à n'être que
passagère, qu'elle présentait au moment où l'accident
est arrivé. On sait tout le parti que la doctrine de la
descendance a tiré de ces faits, qui jouent le même
rôle dans la démonstration du développement continu
des êtres, que ces graphiques qui enregistrent^ dans
chacune de ses phases, un mouvement continu, ou
que ces photographies instantanées qui immobilisent,
devant l'œil du lecteur, chacun des temps rapides qui se
succèdent, sans qa'on puisse les distinguer^ dau^ Vi^-
VIII PRÉFACE.
lure d'un homme qui court ou d'un cheval qui galope.
C'est en se basant sur tous ces faits qu'on admet
aujourd'hui que chaque être parcourt, dans son déve-
loppement individuel ou ontogénie^ le même chemin
qu*a suivi la série zoologique dans son développement
total ou phylogénie. Cette partie de la pathologie
embryonnaire devait trouver place dans la pathologie
comparée et s'unir à Tanatomie et à l'embryologie
comparées, pour fournir une preuve nouvelle à la doc-
trine de la descendance et à la reconnaissance de notre
parenté avec les formes animales parfois les plus éloi-
gnées de la nôtre au premier abord.
Mais l'homme, à lui seul, est un sujet d'études
assez vaste ; si donc le naturaliste s'applique, dans ses
études comparées, à rechercher la place de l'homme
au milieu des autres animaux, place qui est la pre-
mière assurément si l'on considère le cerveau et la
main, mais qui ne l'est plus lorsqu'on quitte ces deux
points de vue capitaux pour se placer à d'autres moins
importants, Yanthropologiste s'attache exclusivement
à la comparaison des hommes entre eux. A Tinverse
du biologiste, qui tout à l'heure était surtout frappé de
l'identité des phénomènes pathologiques présentés par
la série animale et de ceux qu'on observe chez Thomme,
il constate, il est vrai, les plus grands rapports dans
les maladies que présentent les hommes de toutes
races, sous tous les climats, mais il est forcé de noter
des différences importantes, non seulement dans la
manière dont les hommes de race et de climat diffé-
PRÉFACE. IX
rents cxprimeni une môme maladie, mais encore
dans Inaptitude que certaines races présentent et dans
rimmunité dont certaines autres semblent jouir pour
quelques maladies. La pathologie comparée des races
humaines fournit ainsi, contre le monogénisme, des
arguments tout aussi puissants que ceux qui sont
empruntés à Tanatomie des organes profonds ou à Té-
tude des formes et des proportions. Le titre (ï Anthro-
pologie pathologique eût donc pu convenir à ce livrej
si celui de Géographie médicale n'eût été plus large et
plus général.
J'aurais d'ailleurs pu, sans sortir des limites fixées
par le titre à! Anthropologie pathologique, étendre
encore assez loin la portée pratique de ces études.
Dans nos tentatives de colonisation, comment nous
comporter avec les races indigènes, si nous ne con-
naissons pas non seulement leurs mœurs et leurs cou-
tumes, leur génie intellectuel, mais aussi leur tempé-
rament, leurs aptitudes pathologiques, leur génie
morbide ? Comment diriger nos compatriotes, en gé-
néral, et, d'une façon plus particulière, ceux du Nord
et ceux du Midi, pour telle ou telle raison détermi-
nante, sur telle colonie ou sur telle partie d'une co-
lonie, si nous n'avons étudié au préalable l'action du
climat général de la colonie et du climat spécial de ses
principales régions sur nos compatriotes en général»
et plus spécialement sur les habitants de telle ou telle
de nos anciennes provinces ? Or c'est là la condition
indispensable à toute chance d'acclimatemenl^ el^BX
X PRÉFACE.
conséquent la clef de la science de V acclimatation.
Chez nous-mêmes, d*ailleurs, comment protéger
nos diverses populations par des lois appropriées, si
Dous ne savons quel est, au moment présent, leur
tempérament social^ si nous ne sommes préalable-
ment fixés sur les phénomènes démographiques nor-
maux ou anormaux, autrement dit, sur la constitution
anatomique, la structure, la physiologie et la patho-
logie du corps social?
De même, en un mot, qu'il existe une science, Vhy-
ffiène individuelle^ qui, basée surl'anatomie, le tempé-
rament physiologique ou morbide de chaque homme,
éclairée par Is^ chimie, par la climatologie, par toutes
les sciences, enseigne à chacun de nous comment il
doit régler sa vie pour lui donner son plus grand ren-
dement et pour éviter les maladies, de même il existe,
ou du moins il devrait exister une autre science, V/nj-
giène sociale^ qui, basée sur les sciences, sur la consti-
tution et le tempérament physiologique ou morbide
de chaque peuple, doit l'amener au plus grand rende-
ment possible et le préserver de la dégénérescence.
Aux états généraux de Blois, en 1587, un membre du
tiers état, Bodin, disait déjà : « L'un des plus grands
et peut-être le principal fondement des républiques,
c'est daccommoder l'esprit des lois au naturel des
citoyens, les édits et ordonnances à la nature des
lieux, des personnes et des temps, » principes déjà
compris par Solon, qui répondit un jour, à quelqu'un
gui lui demandait si les lois qu'il avait dictées aux
Athéniens étaient parfaites : « Ce sont les meilleures
qu'ils étaient capables de recevoir. »
Hais nous ne sommes pas encore, je le crains, assez
habitués par notre éducation à la méthode scientifique,
pour que la sociologie soit considérée comme une
science exacte, basée elle-même sur l'hygiène sociale.
Il y faudra venir cependant ; car nos législateurs se-
raient certainement mieux armés contre les dangers
de la rhétorique parlementaire, si les notions que j'ai
cherché à rassembler dans ce livre sur Yhérédité^ la
sélection sociale et sur les causes de dégénérescence
des peuples étaient plus familières à un grand nombre
d'entre eux.
Ceci dit de l'esprit général de ce livre, je n'ai qu'un
mot à ajouter au sujet du plan, qui a été suivi.
Rien n'est isolé dans la nature ; chaque être vivant
subit l'action résultante des objets animés et inanimés
qui l'entourent et réagit lui-même sur ces objets. La
mésologie^ ou étude des milieux, était donc la grande
voie sur laquelle j'étais certain de rencontrer, dans
mon exposé, le plus grand nombre de faits particuliers.
Le livre I*' est consacré à l'étude des milieux exté-
rieurs à l'homme ; dans la nomenclature de ces mi-
lieux figurent non seulement V atmosphère^ le sol^ mais
encore Xd, faune, la flore, m. milieu de laquelle l'homme
lutte et a lutté, d'abord à titre d'égal, d'inférieur même,
aujourd'hui à titre de maître, surtout depuis que,
éclairé par les travaux de Pasteur, il a su découvrir les
plus nombreux, les plus petits et par conséquent les
XII PRÉFACE.
plus redoutables de ses ennemis et, les ayant décou-
verts, les asservir ou les détruire. Dans la faune, il
convient enfin de mettre à part ce qui constitue pour
chacun de nous un milieu spécial : le milieu social.
En outre, si chacun de nous est, en réalité, un atome
constituant du cosmos, au milieu duquel il est plongé,
chacun de nous est aussi un microcosme constitué de
molécules, d'éléments anatomiques qui vivent en lui,
dont Tensemble le forme et dont il est en réalité le
milieu. C'est le milieu intérieur de chacun de nous,
milieu qui diffère suivant les races, les individus, les
Ages, les sexes et qui crée des conditions biologiques
spéciales à chacun des éléments anatomiques qui y sont
plongés. Le milieu intérieur fait Tobjet du livre U.
Le livre III est consacré, non plus à l'individu, mais
à la série des individus. J'y aborde la conception de
l'espèce; j'y suis le rôle de la pathologie dans les
variations des types sans cesse flottants entre deux
forces opposées, Vatavisme et Vadaptation au milieu^
forces elles-mêmes servies tour à tour par l'hérédité.
Lorsque celle-ci transmet les caractères anciens, elle
amène l'immobilité du type; lorsque, au contraire, elle
transmet les caractères nouvellement acquis, elle en-
traîne le type mouvant dans la voie du tramformis7ne.
Sans cette dernière condition les espèces, immobilisées
dans le milieu changeant, qu'elles ne peuvent suivre
en s'y adaptant, subissent l'inévitable dégénérescence.
D' A. BORDTKR.
ParJB, novembre 1883.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
LIVRE I.
MILIEUX EXTÉRIEURS.
CHAPITRE I. — L'ATMOSPllfeKE.
Pagw,
I. Température 1
§ i. ChaUur. -^ Action do la chaleur sur les êtres infé-
rieurs. — Action de la chaleur sur les organismes
complexes. » Coup de chaleur. — Action prolongée
d'une température élevée dans les pays chauds. —
Action de la shaleur sur l'évolution sociale 1
S. Froid. — Action biologique du froid. — Anémie per-
nicieuse du Nord. — Congestions viscérales. — Ge-
lures. — Panaris. - Modiflcntions physiologiques
dans les pays froids. — Le froid au point de vue so-
cial 17
II. Lumière. —Action biologique de la lumière. — Mimétisme.
— Action sociale de la lumière. — Maladies produites par
la lumière. — Du spectre solaire. — Action des rayons du
spectre sur la rétine. ^ Action du spectre sur le cerveau. 23
III. Electricité. — Ozone. — Grippe ou influenza 38
IV. Vapeur d'eau. — Aclion biologique 41
V. Poussières atmosphériques. ^ Vents 44
VI. Altitude. Pression atmosphérique. — Action de Taltitude
sur la température. — Action de l'altitude sur la vapeur
d'eau. — Diminution de la pression atmosphérique. —
Mal des montagnes. — Du séjour sur les altitudes. —
Tension atmosphérique ; expériences de P. Bert. --Anox-
hémic des hauteurs; Jourdanet. — Action sociale des
altitudes. ^ Pathologie spéciale des allitudes. — Phy-
siologie comparée, adaptation au milieu. — De la com-
pression atmosphérique. — Rôle de la pression atmosphé-
rique dans révolution des êtres ,' 50
XIV TABLE ANALYTIQUR DES MATIÈRES.
CHAPITREII.— LESOL.
• Pages.
§ t. Pauvreté du toi «n malièru caleairu, -^ Cachexie ossirrage.
— Oatèomalacie des femmes en oouohes. — Ostéoma-
laoie des vieillards. — Ostéo malade des jeunes ver-
tébrés. — Maladie des chevaux en Cochinohine. — Rachi-
tisme 89
1. Hichêis* du sol tu matières calcaires, — Calculs. — Athè-
romes 93
3. Infiuêncê de la naturt du sol 9n général, » Action du sol
sur l'évolution organique. — Action du sol sur l'évolution
sociale 95
CHAPITRE III. — LA FAUNE ET LA FLORE — LA LUTTE
POUR l'existence.
1. AUmêBUiiOB. — Modiflcation de Tcspèce par le régime
alimentaire. — De l'alimentation de l'homme. — Influence
sociale de l'alimentation 98
g !• Inanilion. BpidéwUes de famiuê. — Famine des Flandres
(1847).— Famines do Silésie. -» Famines d'Irlande.
— Famines dans l'Inde. —Famine en Asie. — Famine
en Algérie.— Famine en Chine. — Famines en Russie.
— > Action des famines sur le mouvement des popu-
lations 110
S. Ergotisme, — Ergotisme gangreneux. -^ Ergotisme
convulsif. — Ergotisme expérimental. — Influence
des habitudes alimentaires sur la forme de Tergo-
tisme 121
3. Pellagre. — Symptômes. — Le mais, la polenta. —
Pellagre expérimentale. — Prophylaxie de la pel-
lagre 12?
4. Pelade 135
5. Acrodynie 136
6. Béribéri, — Distribution géographique.— Aptitude des
races. — Conditions étiologiques diverses. — Sym-
ptômes. — Anatomie pathologique. — Nature de la
maladie. — Pathologie comparée 137
7. Scorbut, — Histoire. — Etiologie. — > Aptitude des
races. — Symptômes 142
8. Héméralcpie, ~ Géographie. — Symptômes. — Trai-
tement. — Causes. — Nature 147
9. AlcooUsmê, — Histoire et géographie. — L'alcoolisme
oâBBB de dégénérescence sociale 150
TABLB ANALYTIQUE DES MATIÈRES. IV
Pages.
§ 10. Bthérismê 161
11. Coca, cocaîtmê, — HUtoire et géographie de la ooca.
^ Composition de la cooa. — Action physiologique.
— Cocaisrae 162
12. Èiaté, — Géographie. — Consommation. — Composi-
tion. — Matéisme 169
13. Noix de Kola^ 170
14. Kawa-Kawa. -^ Géographie. — Action physiologique.
— Composition. — Avaisme 172
15. Duboisia 173
1 6. Haschisch, — Action physiologique 173
17. Optum, thériakismê ou ihébaUnu. — Géographie. —
Effets tbébalques 175
\S, iÊorphme, morphiomaïUê 179
19. Tabac 181
20. Mastic 182
21. Bétel, — Avantages du bétel 182
II. Latte de l'homme contre la faune et la flore. — Lutte
avec les grands animaux. — Lutte contre les infiniment
petits 184
§ 1. mnfUati<m 185
2. Sutfuration 186
3. ImpaUâdismê. — Géographie de Timpaludisme. — For-
mes diverses de la fièvre. — Cachexie paludéenne. —
Crétinisme paludéen. — Nature de la malaria. — Ac-
tion favorable du dessèchement des marais. — Le
quinquina 1 87
4. Goitre. Crétinisme goitreux. -^ Distribution géogra-
phique. — Histoire. — Physiologie pathologique. —
Crétinisme goitreux. ^ Cause; nature. — Pathologie
comparée. — Gottre aigu. -^ Crétinisme aigu. —
Prophylaxie 205
5. Dysenterie, — Géographie. — Causes. — Nature 219
III. Ferments, fermentations pathologiques. — Rôle parasi-
taire des fermenté. — Inoculation. — Contagion. — Milieu
épidémique. — La npontanéité des maladies à ferment
n>xiste pas 222
§ 1. Variole, — Histoire et géographie. — Nature; con-
tagion ••*
2. Rougeole. — Histoire et géographie. — Nature, con-
tagion, inoculation • ^"^^
>. Seariaiéitê. » Histoire et géographie. — I^illQXt • • • . • • ^V\
XVI TADLB ANALYTIQUE DES MATIÈRES.
Pages.
S 4. Swttt. — Histoire i39
5. Dênçu», — Géographie. — Contagion pandémique. —
Symptômes. — Nature 240
6. Fièvre typhotd». — Histoire et géographie. — > Conta-
gion. ^ Nature 242
7. Typhus. — Histoire et géographie. — Encombrement.
— Symptômes. — Nature 247
S. Hêlapsimg fiVir, — Géographie. *- Symptômes. -- Na-
ture 250
9. TyphusbUkux 251
10. MMngU9 cérebro-ipimaU 25:^
11. Pej/f. — Histoire et géographie. — Symplômes. —
Contagion. — Nature 252
12. Choléra. — Histoire et géographie. — Causes. —
Contagion. - - Influence du sol. — Quel est l'agent
producteur du choléra? 2(m
It. Fièpr0 jaune. — Histoire et géographie. — Conta-
gion. — Pathologie comparée. » Nature 27 1
14. iHphihérii. — Histoire et géographie. — > Nature.
-- Contagion tls
15. OrHlUms. — Histinre et géographie. ^ Nature 281
16. Coqu9l%u:he, — Géographie 282
17. Krysipèiê, — Géographie et nature 28:i
18. S$pUcémi9 28:t
19. Tétanos. — Nature et géographie 283
20. Pourriture d hôpital. — Phagédénisme des pays chauds. 2S5
2i. Hmpoisonnsmeni puerpéral. — Géographie. — Nature. 2S;)
22. Hagt. — Nature. -— Géographie 2H«;
23. Morve. — Histoire et géographie. — Nature^ con-
tagion 287
24. Péripneumonie épidémique. — Histoire et géographie.
— Contagion, nature , 200
25. Fièvre aphlheuse. Cocote. — Géographie. — Aptitude.
— Nature 291
2G. Charbon baetéridien. Fièvre charbonneuse. — Géogra-
phie. — Nature 292
27. Charbon symptomatique ou bactérien. — Nature 292
la. Fièvre pemphigoîde. -- Nature. — Aptitude 293
nr. Parasitet microscopiqtaes 293
S 1. Bouton ds Biskra. — Géographie. — Symptômes. —
Aptitude. — Tentatives d'inoculation. — Pronostic.
— Etiologie. — Anatomie pathologique. » Nature. 294
2. Veruga on bouton des Andes. — Géographie et histoire.
TABLB ANALYTIQUE DES MATIÈRES. XVII
Pages.
— Symptôme». — Aptitude. — Pronostic. — Etio-
logie. — Analomie patlioloifique. - Nature. - Ana-
logie du bouton de Biskra et du bouton de» Andes.. 299
g 3. Furonculose. — Nature. — Etiologie 305
4. Pied de Madura, — Géographie. — Symptômes. —
.Anatomic pathologique. — Nature. — Maladies si-
milaires. - Etiologie 306
5. Aciinomycase. — Analomie pathologique. — luocula-
tîon 309
6. Lèpre, — Histoire et géographie. — Symptômes. —
Etiologie. — Hérédité. — Contagion. -- Pathologie
comparée. — Nature parasitaire de la lèpre 311
7. TubernUose. — Géographie. - Circonstances étiolo-
giques diverses. — Contagion. — Inoculation. — Le
microbe de la tuberculose. — Hérédité 328
S. Syphilis. -^ Histoire et géographie. — Pathologie
comparée. - Le microbe de la syphilis 339
' 9. De quelques aulres parctsites microscopiqws, — i<ô!o
des micro-urganisnies. — Maladies parasilo-infec-
tieuses des végétaux 346
ParttitM Trais 3W
.. PAIIASITES HABITANT LE TUBE DIGESTIF :
§ i. Ankylostome duodénal. — Cachexie vermineuse. —
Histoire. — Symptômes de la cachexie vermineuse.
— Description du parasite, mode d'action. — Propa-
gation. — Distribution géographique. - - Destruction.
— Pathologie comparée — Cachexies vermineuses
chez quelques animaux 348
2. Diarrhée de Cochinchine, — Symptômes. — Géogra-
phie. — Description du parasite. — Mode de propa-
gation. — Pathologie comparée. — Action prophy-
lactique du bétel. — Traitement 354
3. Tœnias. — Tasnia solium ou armé. — Taenia i norme
ou mediocanellata. — Taenia bothriocéphale ou lala.
— Taenia échinocoque. — Taînia serrata. - Tœnia
ccenurus. — Taenia marginala. — Taenia nana. —
Tsnia crassicolis. — Influence du milieu sur le dé-
veloppement des taenias 35^
k. Tricocéphalê ^^T
fi. Ascaride lombricoïdâ "^^1
6, Oajfurw virmicuiaire ^^"^
b
XVIII TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES.
Pages.
II. Parasites habitant les tissus :
§ 1 . Trichine, — Description. — Mœurs. — Géographie. —
Pronostic. — Mode de propagation. — Utilité de la
cuisson des aliments. — Maladie des végétaux voi-
sine de la trichinose 3GS
2. Néinatoïde du cheval 370
3. Distotne des écreviises. — Dismatose 370
4. Pilaire de Médine ou dragonneau. — Géographie et
histoire, description, siège, mode d'action. — Pro-
pagation. -- Destruction 371
'.'). Dragonneau aquatique 373
0. De quelques autres fUaires 373
Jll. PAnA^ITKS VIVANT DANS LE SANG :
§ 1. Strongylus armatus minor. — Migration. — Propaga-
tion 374
2. Fitaire du marsouin 37o
3 . Filaire des poissons 375
4. Filaria immitis 375
5. Anguillula intestinalis 375
fi. Quelques autres parasites semblatles 37(;
7. Distome d'Egypte ou distoma hœmatobium. — Héma-
turie. — Filaire de Bilharz. — Histoire et géogra-
phie. — Mode d'action 37r»
8. Filaire de Bancroft, Filariose. — Hématochyiurie.
— Filaire de Wucherer. — Filariose. — Ascite. —
Ilydrocèle. — Eléphantiasis. — Généalogie do la fi-
laire de Wucherer. — Filaire de Bancroft. — His-
toire et géographie de l'éléphantiasis. — Siège. —
Symptômes. — Anatomio pathologique. — Eliologie.
— Mode d'action du parasite. ^ Contagion. — Rôle
dos moustiques 377
1). Craw-craw, — Géographie. — Le parasite 384
10. Strongylus vasorum 385
11. Pathologie générale comparée. — Sarcoptes mulans.
— Eléphantiasis végétaux. — Galles végétales. —
Généralisation de l'irritation cellulaire autour d'un
stimulus animé 386
IV. Parasites habitant dans certaines cavités :
§ 1 . Calliphora anthropophaga, myasis 387
â. Sangsue de cheval. — llémopii sanguisuga 387
s. Penlastome du chim • • 387
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES. XIX
Pqifps
§ 4. Aearopsê de Méricourt 388
5. Musea cacnalia zss
6. Grégarines 388
7. Syngamus trachealis. — Histoire et géographie. --
Description. — Mode de propagation. — Destruc-
tion 389
8. Distoma Ringeri. — Hémoptysie parasitaire, — Géogra-
phie. — Description du parasite. — Symptômes. —
Traitement 389
V. Parasites habitant sur la peau :
§ 1. Berne • 390
2. Tarentule 391
3. Latrodectus trededmguttatus 39 1
4. Scorpi<m de la Nouvelle-Grenade 391
5. Simulia maculaia ou Mouche de Kolumbacs 391
6. Mouche isetsé. — Glossinia morsitans 392
7. Pulex penetrans ou Chique. — Distrihution géogra-
phique. — Mode d action. — Aptitude 393
8. Argas persicus. — Venins et virus 394
9. Mouche des sables 397
10. Rouget '. 397
1 1 . Carrapalos 397
12. Colorado 397
13. Huta 31)8
14. Tlasahuaté 398
15. Formica Léo 398
16. Gale, Acarus et Sarcoptes, — Histoire. - Variétcis.
— Géographie 398
17. Pou d'agouti 400
18. Lucinia serinata AOO
1 9. Trichodecte du mouton 40U
20. Teignes. — Teigne faveusc. — Teigne lonâurante. —
Teigne pelade. — Teigne pityriasiquc. — Aohorion
keratophagus. — Teigne de Tok«''lan ou teii,'iic im-
briquée. — Mal de la piedra 'lOO
CHAPITRE IV. — LES HOMMES. — LE MILIEU SOCL\L.
Phases de la civilisation. — La civilisation ot r.iiialomii'. —
Civilisation et physiologie sociale 402
I. Inlliieiice de la civilisation sur les maladies ^0">
§ 1. ViUes et campagnes '«0(;
IX TABLE analytique: DES MATIÈRES.
Page» .
§ i. Association 'i07
3. Domrslication - Captivité 407
\ . mouvement de ta population 40s
li. Richesse et pauvrette 40Î)
a. Professions 400
7. Etat civi! 410
II. Maladies artificielles 41 0
§ 1 . Déformation polpsutriqur. il 1
i. Tatouage 412
3. Déformation du pied chez les Chinoises 413
4. Déformations crâniennes, — Déformation couchée des
Aymaras. — Déformation toulousaine. — Déforma-
tion cunéiforme relovée des NnhiiAs 4i:i
0. Déformation du nez 41;i
G. Déformation des lèvres et des oreilles 415
7. Déformation des dents 415
8. Déformation des seins 416
D. Déformation dês doigts 416
10. Déformation des organes génitaux, — Mutilations
chez la femme. » Mutilations chez l'homme il G
III. Maladies mentales. ^ Aliénation mentale. ~ Fonction-
nement Ju cerveau dans le milieu social 417
§ 1. Aliénation mentale individuelle, - Nostalgie. — Sui-
cide 418
i. Folies épidémiquM, — Cboréomaaic. — Démonolâ-
trle. — Théomanie, — Contagion nerveuse. — La
SalpétrJèrc. — De quelques épidémies nerveuses. —
La folie chez les animaux. — Prophylaxie par la
'science 422
LIVRE 11.
mu eu iNTbniKUR.
CIIAPITHK I. — MILIEU INTÉRIEUII.
Les races, comme les individus^ diffèrent par leur milieu inlé-
ricur. - - Variabilité de l'action toxique suivant le milieu
intérieur. — Variabilité de l'action morbide suivant le
milieu intérieur. — Aptitudes communes du milieu inté-
rieur dans des races différentes. — Variabilité des sym-
pidmes d'une même maladie, suivant le milieu intérieur. . 43.$
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES. XXI
Pages.
§ 1. Variole, — Variole du sinje. — Cow-pox. — Horse-
pox. — Gourme. — Clavelée. — Variole du porc. —
Variole du cliien. — Maladie des chiens. — Variole
des oiseaux 4^
i. lioutjfeote. — Hougeolc du singe 447
3. Peste 44?
4. Fièvre iyphoide 447
5. Méningite cérébro-spinale 448
G. Dengue 448
1. Morve 448
8. Peste bovine. — Géographie. — Histoire. — Propa-
gation. -- Nature. — - Analogie. — Contagion. —
Analyse pathologique des races. — Inoculation. —
Abatage. — Le microbe 449
9. Charbon 45;;
10. Grippe, inftuema 454
1 \ . Tuberculose
IS. Particularités symplomaliques de quelques races 454
CH.\PITRE II. — pATHOLoarE comparée des races humaines.
L Races noires 455
§ 1 . Distribution géographique 455
2. Caractères anatomiques du nègre 457
3. Caractères physiologiques 459
4. Caractères pathologiques 463
II. Races jaunes 487
§ 1 . Distribution géographique 487
2. Caractères anatomiques 489
3. Caractères physiologiques 490
4. Caractères pathologiques 490
11. BRAN'cns SEPTENTRIONALE. — Chaleur des habitations.
— Alcoolisme. — Maladies nerveuses. — Syphilis.
— Purgatifs — Ophthalmies 490
11. Branche centrale. — Maladies oculaires. — Myopie.
— Scrofule. — Rareté du tétanos. — Fréquence de
l'aliénation mentale. — Suicide. - Maladie des
Scythes. — Bec-de-lièvre. — Variole. — Choléra.
— Phthisie. — Abcès palmaires 491
m. Branche méridionale. — Choléra. — Impaludisrae. —
Plaies. — Cancer. — Dengue. — Dysenterie. —
Stomatite. — Ulcère de Bassac ^®6
XXII TABLE ANALYtIQUE DES MATIÈRES.
Page».
III. Races mixtes dériTées du tronc jaune 497
I. Japonais. — Origine des Japonais 497
§ 1. Caractères anatomiques 497
2. Caractères physiologiques 'i98
3. Caractères pathologiques 49s
II. Malais. — Origine des Malais 502
§ 1. Caractères anatomiques 50;i
2. Caractères pathologiques . . 504
III. Polynésiens 507
§ 1. Migrations, mélanges y aire géographique j caractères
anatomO'physiologiques 508
2, Caractères pathologiques olo
IV. Américains 515
§ 1. Origine. — Caractères anatomiques 540
2. Caractères pathologiques 519
IV. Races blanches 521
I. BBRRàRES 522
§ 1. Aire géographique. — Migrations 522
2. Caractères analomo-physiologiqttes . , 523
3. Caractères pathologiques 523
il sémites 524
Arabes 525
§ i. Caractères anatomo-physiologiques 525
2. Caractères pathologiques 525
Israélites 52G
§ 1 . Histoire et distribution géographique 526
2. Caractères anatomo-physiologiques 52s
8. Caractères pathologiques 529
m. Indo-Européens . 530
Race df Canstadt 530
§ 1. Extension. — Caractères anatomiques 530
2. Caractères pathologiques, . ^ 530
Race de Cro-Magnon 5;m
§ 1. StOension. ~ - Caractères anatomiques. 531
2. Caractères pathologiques 531
Race db Purtooz 531
§ 1. Caractères anatomiques . . . 531
2. Caractères pathologiques r — 531
TABLB ANALYTIQUE DES MATIÈRES. Xim
Pages.
LaPOHS .... 532
§ 1 . Caractères anatomiquês et physiologiquet 532
2. Caractères pathologiques 532
Finnois 633
Aryens 533
Celtes 533
§ 1 . Extension. — Caractères anatomiques 533
2. Caractères pathologiques 534
Kymris 635
§ 1. Caractères anatomo-physiologiques 636
2. Caractères pathologiques 536
V. Population irançaise 538
§ 1 . Ethnologie complexe de la France 538
t{. Caractères anatomo-physiologiques 539
3. Caractères pathologiques 542
CHAPITRE III. — PATHOLOGIE OéNÂRALE COMPARÉE DES
TEMPÉRAMENTS, DES ÉTATS PHYSIOLOQIQUES OU PATHOLOGIQUES,
DES SEXES, DES AGES.
§ 1 . Tempérament. "— Qualilé des humeurs 546
2. Etat physiologique .' 548
3. Etat pathologique , 54H
4. i^xe 549
5. Age. — L'accroissemKnt varie auivaul lus races 550
CHAPITRE IV. — DE l'aptitude et de l'inmunité moe^bidbs.
— vaccination 562
LIVUK lll.
CHAPITRE 1. ■—. transformation de l'individu par le milieu.
Genèse des maladies à microbes 560
CHAPITRE H. — atavisme.
Atavisme analomique. — Atavisme pathologique. » Atavisme
intellectuel. — Tératologie 567
CHAPITRE m. — monstruosités. — anomalies RéVERSIVES.
Valeur philosophique des monstruosités. — Origine pathologi-
que des monstruosités. — Répartition géographique des
monstruosités • ''^•^
XXIV TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES.
Pages.
§ 1. PUotismê, — Valeur du pîlosisme comme caractère
réversif 576
2. Mamelles surnuméraires, <— Importance comme ca-
ractère réversif. 577
3. Excès de pigment, — Ncevus jngmentair§, — Anato-
mie. — Symétrie. » Correspondances anatomiques. 57^
4. Albinisme. — > Fréquence. — Distribution géogra-
phique. — Description 580
5. Bec-de^lièvre. — Mécanisme du bec-de-lièvre. L'os
intermaxiilaire. — Fréquence et distribution géo-
graphique. — Caractère réversif ii83
6. Polydactylie et syndactyHe.^Fréquence. Distribution
géographique. — Mécanisme, valeur comme caractère
de réversion 586
7. Microcéphalie, — Crâne. — Sutures crâniennes. —
Valeur comme caractère réversif 591
10 Développement pbylogénique. — Encéphale. —
Lobes. — Circonvolutions. — Plis de passage. 594
2» Développement ontogénique 59G
30 Réversion chez les microcéphales 596
CHAPITRE IV. — HÉRÉDITÉ.
> Hérédité des propriétés acquises. — Mécanisme de l'hérédité.
— Métissage. — Hérédité. — Imprégnation. — Consan-
guinité 597
CHAPITRE V. — sAliction. — concueirence vitale.
Sélection naturelle chez l'homme. — Séleotioa sociale 621
CHAPITRE VI. ^ DÉGÉNÉRESCENCE.
§ 1. Acdimatement, Défaut cT acclimatement. ^MéctLnïsme
de racclimatement. — Transformisme 627
2. Sol 638
3. Alimentation . . 638
it. Maladies 638
^, Causes sociales ... 639
GÉOGRAPHIE MÉDICALE
• '0 —s^o».-
LIVRE I
MILIEUX EXTÉRIEURS
CHAPITRE L
l'atmosphère.
I.
§ 1. CHALEUR.
Les modifications de la température sont celles qui frappent le
plus le Toyageur qui vient de débarquer dans une contrée très diffé-
rente de celle qu'il a quittée ; et la chaleur plus ou moins grande
est peut-être une des modifications de milieu les plus impor-
tantes auxquelles Thomme ait été soumis ; mais on serait exposé
à se heurter à une grande complexité de phénomènes^ si Ton vou-
lait étudier de prime-saut les effets de la température sur
Tbomme. D^aiUeurs, la suite de ce livre démontrera, je Tcspère,
que rhomme ne peut être étudié avec profit qu'à la condition
d'être regardé à sa place dans la nature, c'est-à-dire au milieu
de ses voisins, et d'être à chaque instant comparé à eux. Nous
verrons, en outre, à chaque instant, que les phénomènes com-
plexes, si difficiles à analyser, qui se passent dans les tissus de
lliomme ou de ses voisins immédiats, ne deviennent simples,
clairs et faciles à comprendre que lorsqu'on les a d'abord obser-
vés à rétat de réduction, d'ébauche ou mieux de schéma chez
les êtres inférieurs. Si, de ce premier point, sorte de thème qui
be développe ^ans la série évolutive des êtres, on tfi\^^<& ^^*
gresâremeat, on assiste alors à la croissance, au dève\oçfetu«ûXt
2 l'atmosphère.
à résolution des phénomènes, et ceux qui étaient le plus com-
ptexesy ceux qui semblaient le plus spéciaux à l'homme, appa-
raissent alors fort simples, en même temps que se comble le
fossé que la philosophie spiritualiste s'efforce en sain de creuser
entre l'homme et ses frères inférieurs.
Action de la chalear sar l<->s êtres Infériears. — Les
protoorganismes^ qui s^accroissent vile et se multiplient rapide-
ment par voie de scissiparité, croissent et multiplient d'une façon
proportionnelle à la température : plus elle est élevée, plus la
multiplication de ces organismes s'effectue rapidement.
Cette action stimulante de la chaleur sur les organismes élé-
mentaires ne nous intéresse pas seulement au point de vue de la
bioloipe générale ; elle nous touche par le côté purement médical.
.Uagrand nombre de maladies infectieuses, qui font périr les hom-
mes et les animaux qu'ils associent à leur existence, sont dues
à la multiplication, dans le sang de la victime, d'êtres microsco*
piques rudimcntaires, qui se comportent dans ce milieu en véri-
tables parasites, mais qui vivent souvent sous une autre forme en
dehors de ce milieu, tant que l'occasion attendue par le parasite
ne s'est pas présentée. Les travaux de Davaine, et surtout ceux
de Pasteur, de Chauveau, etc., grossissent tous les jours la
liste de ces êtres inférieurs, de ces murobes qui, tout petits
qu'ils sont, constituent nos plus terribles ennemis. Or, leur mul-
tiplication, dans l'eau, dans le sol ou dans Tair, où ils vivent en
attendant lc;ir victime, est d'autant plus rapide que la tempé-
rature de Peau, du sol ou de Tatmosphcre est plus élevée. Ainsi,
Davaine a constaté que la quantité de bactéridies qu'il suffit d'ino-
culer à un animal pour produire chez lui le charbon, est deux
mille fois plus considérable en hiver qu'en été ; ce qui veut dire
que les bactéridies injectées à un animal sont deux mille fois
plus vivaces, plus fécondes en été qu'en hiver, et qu'elles attei-
gnent plus vile, par conséquent, le nombre j: déterminé de bacté-
ridies qui, selon l'espèce et le volume de l'animal, constitue la
limite au-dessus de laquelle l'organisme présente les symptômes
auxquels on donne le nom de charbon.
La même dose de sang septique, injectée à des cobayes, les tue
en été et ne leur fait rien pendant l'hiver; ainsi, en hiver, ces
animaux sont tués par une dose égale à 1/10 ou l/oO de goutte
de sang septique, tandis qu'en été ils sont tués par une dose
égale à i;50 ou 1/500 de goutte (Davaine).
CHALEUH. 8
Cela nous explique comment un grand nombre d'épidémies
sévissent en été plus volontiers qu'en hiver, et pourquoi les pays
chauds sont ceui où ces maladies atteignent souvent leur maxi-
mum de fréquence et d'intensité.
Il y a mieux : d'après Davaine^ la chaleur élevée peut rendre
le sang septique propre à communiquer la septicémie à distance,
c-î qui est encore de l'inoculation, mais de Tinoculation par un
corps rendu par la chaleur capable de circuler dans Tair. Cela
rendrait compte des variations dans l'intensité de la contagion
dvs maladies, suivant les époques, les saisons ou les pays.
Il y a cependant une limite à la température favorable à
ces êtres inférieurs : la bactéridie charbonneuse semble succom-
ber mire -H 44* et -t- 45°, elle est déjà engourdie à •+• 4!» ;
c'est même à cette absence de résistance de la bactéridie char-
bonneuse à ce degré de température, que les oiseaux, dont le
sang est normalement à une température plus élevée que celui
des mammifères, doivent de présenter pour le charbon une im-
munité qui a été constatée par Pasteur sur la poule. 11 suffît,
en effet, de refroidir la poule, d'abaisser la température de son
sang au niveau de celle des mammifères, pour lui faire perdre
cette immunité et rendre son sang apte à servir au microbe de
milieu favorable.
Avant d'être trop élevée ou tro[i faible pour détruire ces orga-
nismes microscopiques, la température, à titre de milieu, agit sur
eux, comme sur tous les autres êtres ; elle modifie leurs formes,
leurs fonctions, leurs mœurs, si l'on peut ici employer ce mot.
Ainsi, à une température trop basse de + 16*, comme à latem-
p<!'rature trop élevée de -f- 44", le microbe du charbon ou bac-
téridie charbonneuse de Davaine change de forme. Il devient
pyriforme, monstrueux (Pasteur). Notons en passant ce fait capi-
tal, d'un être vivant, changeant de forme, sous nos yeux, par le
fait même du milieu. Bien plus, il change son mode de reproduc-
tion : tandisquc le microbe du charbon se reproduit par .ç/)o/v\s, ce
qui est déjà un mode de reproduction relativement élevé, bien
qu'encore asexué, il perd celte propriété, en haut et en bas de
l'échelle thermique, à -f- 1 6° comme à + 44°. Il se reproduit alors
par simple division de lui-même, par srissiparité; autrement dit,
de par les usages suivis dans nos classifications, sous l'influence
du milieu, sous l'action de la lempérafure, le même èlrc cViaiTV^-
rait àf espèce aux yeux d'un classiècaieur qui, uniquemeal ^t^oiCi*
4 l'atmosphère.
cupé de la forme à l'état statique, n'apercevrait pas l'évolution
du même individu, sous Taction du milieu.
Bien plus, cette forme nouvelle^ ce mode nouveau de repro-
duction deviennent héréditaires, et Pasteur, dans son laboratoire,
voyant se réaliser ces changements, a pu créer une race nouvelle
de microbes de Pétude desquels il a tiré les conséquences pratiques
qu'il cherchait seules, et qui nous occuperont plus loin. Pour le
moment je n'insiste que sur ce fait : production de formes, de
fonctions nouvelles par le. milieu; hérédité de ces formes et
de ces fonctions ; création d'un second état qui difierc assez du
premier, pour qu'un classiflcateur croie à une espèce nouvelle,
là où il n'y a que transformation par le milieu opérant sur une
série d'individus de même génération.
le recommande ces faits aux méditations du lecteur. Ils me
semblent particulièrement propres à éclairer la doctrine du trans-
formisme, et je ne suis pas éloigné de croire que c'est dans le monde
de ces êtres inférieurs, que cette doctrine si logique, si sensée,
la seule hypothèse sur Torigine des êtres qui ne soit pas absurde,
trouvera quelque jour sa sanction expérimentale; elle l'a déjà
trouvée, dans les faits que je viens de signaler.
Songeons que ces êtres oiTrentà l'expérimentateur, en quelques
jours, plus de générations que les animaux élevés et les plantes
supérieures n'en fournissent en des centaines de siècles. On dis-
pose ainsi du temps et des générations qu'on manie sans compter,
et on entre alors dans les conditions où s'est cflectuce, en réalité,
l'évolution organique. En résumé, on joue littéralement avec les
races, quand on opère sur ces êtres inférieurs. L'expérimenta-
teur les crée, les transforme et en dispose à son gré.
Sans doute il serait beaucoup plus démonstratif de modifier à
sa volonté les races supérieures; mais n'oublions pas quel a dû
être le rôle de ces êtres dans l'histoire biologique de notre planète.
Ce sont les êtres primordiaux, ce sont les êtres par lcsi]ueis la vie
a débuté.
Quand nous voyons combien leur organisme est encore instable,
quand nous voyons combien le milieu agit sur eux puissam-
ment, n'oublions pas que de grands changements se sont faits
dans l'atmosphère aux diverses époques géologiques. Il devient
alors vraisemblable que c'est grâce à la souplesse, à la variabi-
lité de ces êtres que s'est opérée la première étape sur la route
de révolution organique.
CHALEUR. 5
Action de 1a ehAlenr sap les organismes eomplexes.
— Lorsqu'on considère Paclion de la chaleur sur les organismes
élémentaires, on ne peut oublier que les tissus vivants, même
ceux des animaux supérieurs, sont réductibles à un ensemble,
à une véritable colonie, suivant l'heureuse expression de Per-
rier, d'organismes monocellulaires, de protoorganismes inférieurs,
et on comprend que la température élevée, actionnant la multi-
plication des éléments dont l'individu est composé, influence indi-
rectement Taccroiàsement total de cet individu ; c'est ainsi que
le mèoie végétal, souvent môme le même animal prennent, sui-
vant la température du milieu ambiant, une taille, un volume plus
ou moins considérables. Les graines des végétaux nous fournissent
un exemple de l'action stimulante de la chaleur sur leur dévelop-
pement :des graines de Simipis nigra^ maintcnuesdans un milieu
à 0<», germent en 17 jours ; dans un milieu à-f- 2°, elles germent
en 16 jours; à -+- 3", en 9 jours ; à -h 5*, en 4jours;à + 9% en
3 jours; à -H 12°*, en 1 jour 3/4. Celte expérience nous explique
comment les climats influent sur la végétation ; il semble, en un
mot, qu'un même phénomène végétal ait besoin, pour s'accomplir,
dans une espèce végétale donnée, d'une certaine somme de
chaleur : selon que, par suite de la latitude ou de l'altitude,
cette somme totale sera distribuée au végétal en 3 mois ou en
1 mois, le phénomène mettra 3 mois ou 1 mois à s^accomplir;
c'est ainsi que la végétation se fait vite dans un milieu chaud,
moins vite dans un milieu moins chaud.
Il est lK)n d'ajouter qu'il ne s'agit pas seulement du plus ou du
moins de rapidité ; la nature même des phénomènes moléculaires
intimes dont un être vivant peut être le siège varie suivant la tem-
pérature du milieu : en Ecosse, la ciguë ne renferme presque pas
de conicine ; VAconitum napellus (tue- loup) devient inofl*ensif dans
les pajs froids ; il y est comestible ; il en est de même de la digi-
tale, qui n'a pas partout des propriétés aussi actives ; le Pistacia
Imliscus ne fournit pas de mastic dans le midi de la France ; et
en Europe, le Liurus sassafras n'a pas les mêmes propriétés que
dans PAmérique du Nord.
Des phénomènes de même ordre ont lieu chez les animaux ; le
venin d^une même espèce de serpents semble plus actif dans les
pays chauds quR dans les pays froids ; les phénomènes molécu-
laires dont sont le siège les tissus des animaux supérieurs et quv
abootissent à Ja formation de l'acide un'que, de Purée, de\actèa*
« L ATMOSPHÈRE.
tiue, du gluco&c, etc., varient, chez le même animal, suivant la
thermalitè du milieu ambiant.
Mais, si la chaleur active le mouvement moléculaire de l'orga*
nismc, il est une limite à cette action, et la chaleur, toutà Theure
bienfaisante, peut devenir malfaisante, lorsqu'elle dépasse un cer-
tain degré : pour revenir à la graine du Sitiapis nitjra, nous voyons
que la température de + 12<* est le maximum qui lui soit favo-
rable ; à-f- !7<», au lieu de germer, comme à 4- i 2", en 1 jour 3/4,
elle germe en 3 jours; à+2S^ le tiers seulement des graines
parvient à germer ; à 4- 40", aucune des graines du Shinpi^ nvjra
ne germe plus.
L'action favorable de la chaleur sur les tissus animaux a égale»
ment sa limite variable selon les animaux. Il est bien entendu
qu'une température de -f- 60" à + 65°, qui coagule Talbumine,
est incompatible avec la vie des cellules qui sont composées de
substances albuminoïdes; mais, sans aller jusqu'à cette tempéra-
ture extrême, qui, tant qu'elle règne à la surface d'une planète,
empêche la vie de s*y manifester, au moins sous les formes et
dans les conditions que nous connaissons, on voit des tempé-
ratures notablement moins élevées faire cesser rechange molécu-
laire qui constitue la vie.
Un certain nombre d'animaux à sang froid ne peuvent suppor-
ter la température normale du sang des mammifères, qui est de
4- 37". Ainsi, des anguillules, des grenouilles, placées dans un
tube de verre et, avec ce tube, plongées dans le rectum d'un
mammifère, succombent ; à côté de cela, nous voyons bon nombre
de parasites qui vivent dans Tintestin des animaux à sang chaud,
ou dans leurs tissus, supporter leur température.
Les animaux à sang chaud, eux-mêmes, ne supportent pas une
température extérieure beaucoup plus élevée que leur température
propre ; ainsi, d'après les expériences de Delaroche et de Berger,
les animaux de petite masse succombent au bout de peu de
temps, dans un milieu de + 45** à +50". Les imprudents tours de
force exécutés par ces deux hardis expérimentateurs nous mon-
trent, d'ailleurs, que la résistance à la chaleur varie suivant les
sujets : de -h 49® à + 58" l'étuve devint insupportable pour
M. Delaroche, qui fut malade; M. Berger ne fut que légèrement
fatigué; ce dernier n'a pu rester que 7 minutes dans une tempé-
rature de -f 87% tandis que M. Blagden a supporté pendant 12 mi-
nutes une température de 4- 83" (Deluc, Cl. Bernard).
CHALEUR. 7
Du reste, ces chiffres n'ont pas par eux-mêmes une très
grande valeur démonstrative, car autre chose est d'entrer brus-
quement dans une étuve sèche, autre chose est de respirer,
avec Taccoutumance au milieu, un air plus ou moins humide, et
d*j être soumis à une évaporation pulmonaire et cutanée plus
ou moins considérable.
Les expériences de CL Bernard sont plus précises en ce sens
qu'elles nous montrent que, quelle que soit la manière dont la
surélévation du sang d'un animal à sang chaud ait été obtenue
(elle peut être réalisée par la fièvre dans un milieu froid), la mort
de cet animal survient quand sa température normale s'élève
de -4- 4» ou -h 3«.
Lessymptômes présentés par l'animal sontalorsinvariablement les
mêmes : accélération de la respiration, de la circulation, convul-
sions parfois, mort. L'autopsie pratiquée immédiatement montre
la température rectale accrue de -h 5° ou + 6°, le cœur arrêté,
vide ; le sang noir dans les artères, comme dans les veines ; la
rigidité cadavérique survient très rapidement.
Le début de ces symptômes est subit ; l'animal semble foudroyé.
Cette instantanéité tient à l'arrêt brusque du cœur, phénomène
qui tient lui-même à une altération musculaire qui n'est pas spé.
ciale au cœur, mais qui présente dans cet organe une gravité
immédiate. Cette altération musculaire consiste dans un chan-
gement dans l'état moléculaire de la mydinc. C'est en somme à
l'altération individuelle causée parle calorique dans les organismes
cellulaires dont Pensemble forme les muscles et le muscle car-
diaque en particulier, qu'est due la mort de l'individu élevé dont
cet organisme cellulaire est un des composants. Ainsi le mystère de
la mort des plus orgueilleux des conquérants sous le soleil des
tropiques, se réduit aux lois banales qui régissent les mouvements
osmotiques d'une cellule !
Les analyses de Cl. Bernard montrent également que la quan-
tité d*oxygène contenue dans le sang est extrêmement réduite '
de 12 ou 13 0/0 qui est son chiffre normal dans le sang veineux,
sa quantité proportionnelle se trouve réduite à i ou 3. Quant
aux globules, il ressort des expériences de Cl. Bernard qu'ils ne
sont pas altérés. A •+• 4o<» chez un mammifère les globules san-
guins ne perdent pas leur fonction, tandis que les muscles, au
contraire, la perdent, et d'une manière définitive. La chaVeut Vue
donc ranima), en tuant le muscle.
8 l'atmosphère.
Cette destruction de l'élément contractile se fait, dit Cl. Ber-
nard» vers 4- 37<» ou + 39<> chez les animaux à sang froid ; Yers
+ 43" ou 4-44° chez les mammifères ; vers -h 48° ou •+• 50» chez
les oiseaux: c'est-à-dire, en général, à une température de quel-
ques degrés plus élevée que la température normale de l'animal.
La chaleur appliquée à la surface du corps semble sans in-
fluence sur les nerfs moteurs; mais elle détermine i'anesthésie.
Cl. Bernard plonge une grenouille dans Teau à +36° ou + 37° ;
elle devient au bout de deux ou trois minutes complètement
immobile, mais le cœur continue à battre; elle n'est qu'anes-
thésiée; il sufQt de la jeter dans Teau froide pour qu'elle se
mette à nager. Yallin, en faisant tomber sur la tète d'un lapin
une température de + 45° à+ 58», détermine également Tin-
sensibilité, puis la mort. A l'autopsie, le cœur est mou et non
dur, comme lorsque la mort succède à l'élévation de température
du sang. Vallin compare, avec raison, cette expérience avec ce
qui se passe chez les militaires qui se trouvent exposés au grand
soleil, la tète couverte d'un casque métallique. On peut rappro-
cher de ces faits l'expérience de Robinson qui, au moyen d'une
lentille, concentrant sous l'eau les rayons du soleil, sur un point
quelconque de la surface d'un petit poisson, voit cet animal pé-
rir instantanément comme foudroyé; il est bon d'ajouter que
Yallin, répétant cette expérience, n'a obtenu aucun résultat. De
tous ces faits, il semble résulter qu'en outre de son action sur la
myéline^ la température trop élevée pour un animal agit sur le^
tubes nerveux. Harlcss émet l'opinion que, au-delà d'une cer-
taine limite variable pour chaque espèce, la chaleur modifie les
caractères optiques du nerf ; il va jusqu'à déterminer le point
de fusion de la moelle des tubes nerveux; selon lui, cette fusion
aurait lieu chez les grenouilles à -{-35o,5; chez Thomme à
+ 59°, chez le pigeon à + 57o. Quoi qu'il en soit de l'exactitude
plus ou moins grande de ces chiffres, il est bien évident qu'ici
comme tout à l'heure, il s'agit de lésions des éléments cellulaires
primordiaux. 11 est permis de penser que si les variétés, lesraces^
ou les espèces résistent à la chaleur d'une manière différente,
elles le doivent à des états moléculaires différents de la myéline
ou des tubes nerveux. La suite de ce livre montrera sufGsammient
que les mots toujours mystérieux d^aptitude, d^accommodation,
d* acclimatement ^ se réduisent, en réalité, à un état moléculaire
différent des éléments anatomiques dans chaque race.
CHALEUR. g
C«Bp de ehalear. —Les lignes qui précèdent permettent de
comprendre le mécanisme d'un accident qui n'est pas rare dans
les pays chauds, où il est désigné sous les noms de coup de cha-
leitr, asphyxie solaire, heai apoplexy, sun stroke, sonnenschlag,
kitzschlay, coup de soleil, etc.
Cette nomenclature variée permet de penser qu'on a englobé,
sous une même rubrique, bien des états divers. Dans un récent
travail^ J. Fayrer différencie, avec raison, trois processus patho-
logiques confondus à tort sous le même nom de coup de cha-
leur:
1<* La syncope produite par épuisement, par fatigue; 2** une
sorte de choc, dit-il, résultant de faction directe du soleil sur le
cerveau et la moelle et spécialement sur les centres nerveux res-
piratoires. Ce que j*ai dit plus haut de Faction de la chaleur sur
ks nerfs, permet de substituer à l'image un peu vague du choc.
Faction moléculaire exercée sur le système nerveux ; 3° l'hyper-
thermie de tout le corps. Les modifications de la myéline dans le
cœur expliquent ici la gravité des symptômes.
Distribution géographique, — Cette maladie s'observe partout où,
par habitude ou par accident, la température ambiante est suscep-
tible de devenir excessive. C'est dans l'Inde où elle semble avoir
été le plus fréquemment observée, surtout à Bombay et à Madras:
En une seule saison, on observa 21 cas à Berhampore. Dans
cette région, le 13" de ligne eut pendant la première journée de
marche 63 malades et 18 décès. Un autre régiment eut en 3 mois
et demi 89 hommes atteints. Il n'est pas rare, au Bengale, de
voir cet accident frapper les mécaniciens de chemins de fer.
Le coup de chaleur s'observe en Cochinchine, eo Chine, où, le
thermomètre ayant à Péking, en 1743, dépassé + 40o, il mourut
11400 personnes; il s'observe en Malaisie; il n'est pas rare en
Syrie, en Egypte, sur la mer Rouge, où les chauffeurs des navires,
parfois même les passagers, en sont atteints. En 1879, à Bassorah,
par 4- 43® à -h 50» à l'ombre, des centaines de personnes furent
frappées. En 1 874, le Liverpool perdit sur la mer Rouge, en deux
jours, 3 officiers et 21 matelots.
La chaleur de la mer Rouge est due aux montagnes qui l'en-
caissent et au sable jaunâtre qui renvoie la chaleur. Le docteur
Constant a constaté dans la mer Rouge, à bord de l'Areyron,
-f- 690 devant les fourneaux de la machine. Les pankas ow^taxv^
éventaJJ5, f/u*oa installe à bord des transports de con'^îjAft^^i^^»
10 l'atmosphère.
ne servent absolument à rien qu'à promener de l'air chaud; aussi
la traversée 'de la mer Rouge est-elle la période de leur voyage
où les navires qui rapatrient les convalescents de la Cochinchine
perdent le plus de leurs passagers.
On a observé le coup de chaleur en Algérie : en 1836, en quel-
ques heures, 200 hommes furent f^ap[»és et 11 se suicidèrent;
cette forme de suicide rappelle ces cas de délire, dont quelques-
uns se rapportent au coup de chaleur, tandis que d'autres sont
de Talcoolisme, du délire de pyrcxie ou du délire imitatif avec
nostalgie, qui ont été décrits sous le nom de calenture comme
sévissant à bord des navires jadis arrêtés par les calmes.
Le coup de chaleur s'observe pendant la saison chaude même
en Europe. Pendant la guerre d'Italie, le 4 juillet, dans une seule
division, 2000 hommes tombèrent. Il n'y a pas d'année que même
en France quelques moissonneurs ne soient frappés. L'été de 1859
fut signalé par un grand nombre d'accidents de ce genre. Gn
Belgique même, on vit la même année cet accident frapper les
deux tiers d'un régiment en marche ; enfin la maladie s'observe
même en Angleterre. 11 va sans dire qu'on l'a observée aux États-
Unis, au Mexique, en Australie, car ce n'est pas une maladie qui
puisse avoir un habitat déterminé, comme cela se voit pour cer-
taines maladies parasitaires : c'est un accident qui se présente
toutes les fois que par une chaleur excessive l'homme se place
dans de certaines conditions.
Nature, formes du coup de chaleur. — ('e n'est pas la chaleur
seule qui semble agir ici, mais la chaleur aidée de l'agglomé-
ration ou du séjour dans un air peu renouvelé. C'est sur des
hommes trop vêtus, trop chargés et marchant en colonne serrée
qu'apparaît le coup de chaleur. Le mot insolation qu'on emploie
parfois comme synonyme n'est pas heareux, car le coup de ch^i^
leur et non de soleil survient parfois pendant la nuit, sous les
tentes où Ton étouffe.
Les symptômes sont ceux que présentent les animaux dans
les éluves sèches : tantôt l'homme pâlit et tombe en syncope,
tantôt il présente de la cyanose. La respiration et les battements
du cœur s'accélèrent d'abord, pour se ralentir ensuite ou parfois
s'arrêter brusquement dans un espace de temps qui varie entre
deux et trois heures. La guérison peut avoir lieu ; mais, d'après
les relations locales faites par Morehead, j'ai calculé que la morta-
lité était de 26 O/o.
CHALEUR. il
L'aulopsie établit bien clairement ridentité entre cet accident
et les phénomènes expérimentaux produits par Cl. Bernard, Val-
lin, etc. L'hyperthermie s'élè?e encore, même après la mort, à
-f 42»,2 (Taylor), +44o (Wood). Le D'Roch. dans la baie d'Annes-
le?, à bord du Golden Ficece, où il se produisit un grand nombre
d'accidents, observa •+• 45° après la mort. Le cœur est vide et -
contracté, en état de contraction rigide. Le sang est noir et par
conséquent pauvre en oxygène ; il s'agit bien évidemment ici de
la coagulation de la myéline, dont j'ai parlé plus haut.
Les conditions de fétuve sèche et plus ou moins confinée sont
iri réalisées; cela est si vrai, que, dans la marche des troupes
en colonne, il suffit d'élargir les rangs, pour rendre le coup de cha-
leur moins fréquent (Taylor). Le resserrement des rangs, en plein
air, sous les tropiques, est aussi dangereux que l'habitation dans
des locaux encombrés. Laveran. qui adopte cette manière de voir,
fait une remarque qui nous montre Texcellence de certaines habi-
tudes que je qualifierais d'ethniques, s\ ce n'était faire un pléo-
nasme. « LesHomains, dit-il avec Niebuhr, avaient reconnu que
rien n'est aussi nuisible aux soldats en marche que de se tenir en
rangs serrés ; au contraire, les soldats prussiens marchent soudés
les uns aux autres, v La première méthode convient en effet aux
pays chauds, comme la seconde aux pays froids.
Si les races indigènes semblent souvent échapper au coup de
chaleur, c'est que leur vêtement et leurs habitudes les exposent
moins que nous à ces accidents ; mais lorsqu'on les force à (luittcr
leurs habitudes pour prendre les nôtres, ils perdent leur apparente
immunité; témoins, dans l'Inde, les soldats cipayes, qui sont
frappés presque à l'égal des soldats anglais.
Le D' Zuber et le D' Vallin ont constaté que les gens qui ne
transpiraient pas étaient plus exposés au coup de chaleur, que
ceux qui sont dans la condition inverse, ce qui s'explique par le
rafraîchissement du corps dû à l'évaporation de la sueur. L'exer-
cice vaut même mieux que Timmobilité, en raison de la sueur
qu'il provoque ; il présente, en outre, l'avantage de Iransfcumer
en mouvement une certaine quantité de chaleur, dont la soustrac-
tion soulage d'autant l'organisme. Vallin a constaté, oirecli-
veroent, que les chiens attachés et immobilisés au soleil ardent
succombaient, alors que, laissés au même endroit, à la chaîne,
avec la liberté d'exécuter certains mouvements, ils ïve sutcoux-
bent pas.
12 l'atmosphère.
AetloB proloB||ée d'ane températare élevée d«ii9 les
pays eliAvdB. — Les conditions du coup de chaleur sont heu-
reusement exceptionnelles ; tout autre est l'action qu^exerce sur
tous le milieu chaleur dans les pays chauds : au début du séjour
d'un Européen dans les régions tropicales, l'action de la chaleur
se fait d'abord sentir sur les deux organes qui sont directement
en rapport avec Pair atmosphérique : le poumon et la peau.
Absolument comme nous 1 avons tu tout à Theure (lour les végé-
taux, tous les tissus et les appareils reçoivent une vive excitation ;
c'est ainsi que les plaies, si aucune complication ne survient d'un
autre côté, se cicatrisent avec une rapidité inusitée dans les climats
tempérés; le fait a été constaté par les médecins anglais et hol-
landais, sur leurs compatriotes du Nord, dans la guerre des
Âshantis, en Afrique, et dans l'expédition contre Atchin, dans
l'archipel malais.
La peau exagère ses fonctions à tel point, même, que des érup-
tions sudordles, qu'on désigne souvent sous le nom de bourbouiUes,
sont un des premiers tributs payés par le nouvel arrivé. Chez un
grand nombre d'animaux, dont la peau fonctionne peu à Tétat
normal, cette stimulation inusitée se traduit par des modifica-
tions dans la structure du poil. La respiration s'accélère ; un
sentiment de force et de stimulation réjouit d'abord l'organisme ; la
température du corps s'élève de + !«, parfois de -h 2o. Le pouls
s'accélère également; Layet a constaté une augmentation de 72 à
84, soit 1/7. Mais ce n'est là qu'un feu de paille : à la congestion péri-
phérique succèdent la pâleur et la laxité des tissus ; la respiration
non seulement perd son accélération inusitée, mais se ralentit ; les
combustions deviennent moins considérables; la quantité d'acide
carbonique rejetée par les poumons, sous les tropiques com-
parés à l'Angleterre, diminue de 12,24 O/q, d'après Rathray. Ces
observations confirment, du reste, les résultats ex|)érimentaux
auxquels sont arrivés Edwards et Letellier. Dans leurs expé-
riences, où la température suivait une marche progressive, ils
ont constaté que, si l'élimination d'acide carbonique était égale à
2 1
i ou 0», elle devenait - à 4- 15» ou +20o, et - à-^30oou-f-40o.
* 3
Cela tient évidemment à l'abaissement de la combustion, et ce
phénomène a lui-même sa cause dans la dilatation de Pair, qui a
pour effet de diminuer non seulement sa quantité et, par con-
séquent, celle de l'oxygène contenue dans un volume pulmonaire
CHALEUR. IS
donné, mais encore et surtout de diminer la tension de cet oxygène
et, par conséquent, son affinité pour les globules do sang. Les
expériences de P. Bert, expériences dont nous aurons occasion de
parler longuement dans la suite, ont en effet montré que le con-
flit des globules avec Toxygène était surtout une question de ten-
sion et non de quantité.
Il résulte de tout ceci que soos les tropiques la température
du corps diminue, d'après Rathray, de 0<>,83.
Par suite de ce rôle amoindri, la capacité vasculaire du pou*
mon diminue de 339 à 367 centimètres cubes ; la capacité pulmo-
naire elle-même diminue, au spiromètre, de 376 centimètres cubes
(Ratbray) sur les marins anglais qu'il a examinés successivement
k Londres et sous les tropiques. Parkes a, dans plusieurs autop-
sies, constaté une diminution du poids des poumons chez les Euro-
péens dans rinde. Ratbray estime la perte totale de l'activité fonc-
tionnelle des poumons à 18,43 O/o de ce qu'elle était avant, ce qui
correspond à un déficit de* 1"°',096 dans le volume d*air con-
sommé et de 57^,20 de carbone éliminé.
Ces troubles ne se bornent pas à une moindre consommation
d'air, à une moindre élimination de carbone : la vapeur d'eau ,
surtout dans l'atmosphère souvent saturée d'humidité des régions
tropicales, est éliminée en moins grande proportion ; rélimination
de la vapeur d*eau diminue de 6,57 O/o- En outre, une foule de
matériaux de dénutrition sont retenus dans l'organisme et vien-
nent encombrer le foie, qui se congestionne.
La prédominance hépatique, qu'on rencontre dans une bonne
partie de la pathologie des Européens, dans les climats tropicaujr,
d donc sa cause dans l'hyperfonclion du foie chargé de rélimi-
nation des matériaux incomburés. L'activité rénale diminue de
17,5 O/o (Ratbray) ; seule Tactivité de la peau augmente de 24 0/0.
Des recherches comparatives exécutées parle D' Moursou, dans
la Méditerranée et dans Tocéan Indien, il résulte que l'élimination
de l'urée est moins abondante dans les régions chaudes que dans
les régions tempérées. La combustion organique est, autrement
dit, moins active.
Toutes choses égales, d'ailleurs, la mortalité semble, d'après
une statistique de Moreau de Jonnès, aller en augmentante
mesure qu'on se rapproche de la ligne équinoxiale : la Marti-
nique, par 14%44' lat., donnerait \ décès sur 28habitanU; la
Trinidad, par i(y*,IO', i décès sur 27 ; Batavia, par ô*»,\tf, V ^fe-
14 l'atmosphère.
CCS sur 26. Je n'ai pas besoin de faire ressortir les défauts de
cette statistique, qui ne tient sans doute pas compte des diiïc-
rences de race, de climat, étrangères à la latitude, et je la
donne pour ce qu'elle vaut, tout en croyant que son sens^ son
eâpri^ sinon sa lettre, sont généndement assez vrais.
Quoi qu'il en soit, après Teicès de chaleur, la plus fréquente
cause des maladies, dans les régions tropicales, c'est le refroidis-
sement, quelque paradoxal que cela puisse paraître. On y résiste
mal au rayonnement, parce qu^on produit peu de chaleur. Cela,
d'ailleurs, est tout à fait conforme aux expériences d'Edwards.
Des moineaux placés dans un vase entouré dej^lacc, perdaient,
au mois de février, 0<^,4 en 1 heure; les mêmes moineaux,
placés dans les mêmes conditions, au mois de juillet, perdaient
dix fois plus : 4o. L'élévation continue de la température diminue
donc ta faculté de produire de la chaleur, et, par conséquent,
le moyen d'en perdre.
La chaleur est, pour cette cause, la' principale cause de l'exces-
sive mortalité des enfants dans les pays chauds, surtout lu où
aucun vêtement et aucune précaution d'hy^^iènc ne viennent les
préserver. D'une manière générale la chaleur tue l'enfant comme
le froid tue le vieillard. Le docteur Vacher (du Havre) a dressé
le tableau suivant, qui montre combien la mortalité des enfants
de 0 ai an est proportionnelle à la température, même dans
notre pays :
Tempéraliiro Déc«»!« •/•
Années. moyenne d'été. deOàlan.
1833 170,7 3i,3:io
1854 18 ,4 Gi,44;i
185o . 18 ,3 3l,3(>o
1856 18 , S :)9,1(>i
1857 19 ,7 03,419 ,
1838 19 ,4 54,9;i3
1859 20 ,3 93,304
1860 17 ,1 42,123
1861 19 , S 73,72i
L'Européen ne reste pas généralement quitte avec le climat des
tropitiucs pour avoir moilifié sa physiologie pulmonaire et cuta-
née : par suite d'une sorte de balancement fonctionnel entre
la peau et la muqueuse digestive, la muqueuse de IVstomac et
souvent celle de l'intestin s'assèchent ; il en résulte un état
de dyspepsie que les condiments les plus relevés, poivre de
CHALEUR. 15
Cayenne, gingembre, etc., ne suffisent pas à modifier. La na-
Iritioo se fait mal, la fibrine diminue (Layct), les globules rouges
defiennent moins nombreui, les globules blancs augmentent, en
même temps que, selon Mazaé-Azéma, le système lymphatique se
développe considérablement; ce dernier auteur pense qu'il s'éta-
blit une sorte de parallélisme inverse entre la circulation rouge
et la circulation blanche; le sang s'appauvrit, mais les Lympha-
tiques s^engorgent. Il est à remarquer, du reste, que les mala-
dies qui s'accompagnent de lésions anatomiques du côté des
lymphatiques prennent dans les pays chauds une valeur prédo-
minante; il me suffit, pour le moment, de ciier \à lymiyfuingite
des pays ch/tuds.
Tant que ces modifications restent dans une certaine mesure,
l'Européen ne doit pas se plaindre, car c'est seulement au prix de
ces changements, qui en Europe seraient pernicieux, qu'il peut
résister au climat torride. Allez donc aux Antilles vous soumettre
au régime d'entraînement, avec vin généreux, viandes saignantes,
du lutteur de Londres! L'acclimatement individuel ne s'obtient
qu'à ce prix, et ce qui à Stockholm serait une maladie, devient phy-
siologique à réquateur. 11 faut avant tout qu'un animal soit en
harmonie avec le milieu où il vit. Je reviendrai d'ailleurs sur ces
questions au chapitre de racclimatcmcnt.
Pour le moment, il nous suffira de présumer (la démonstration
viendra plus tard) que les modifications qui se produisent chez
rEuropéeii tendent à rapprocher ses tissus de ceux de Tindigéné
et de l'indigène ; car bien que ni fun ni l'autre de ces derniers
ne semble souffrir du climat qu'ils habitent depuis plusieurs gé-
nérations, il est bien certain que le milieu où ils vivent n'est pas
sans avoir agi sur les tissus, les organes et Torganisme de leurs
parents, comme sur les leurs propres.
Action de la chaleur sur iVvoIntlon sociale. ^ Los
(Miys chauds offrent à l'homme une vie facile; la faune ci la
flore y sont abondantes, et si dans Tune et dans Taulre il trouve
de nombreux ennemis, il y trouve également sinon toujours des
amis, au moins matière à apaiser sa faim sans se donner beau-
coup de mal. Ce sont les pays par excellence des j>euples en-
fants, ou mieux des premiers groupements du Primate humain.
L'homme de Ihenay, en France, à peine encore dégage du Pylhé-
coïde, vivait dans un climat chaud, à en juger par la flore et là
faune fossiles de cette époque reculée ; mais précisémenl eu t«X-
16 l'atmosphère.
son de cette facilité, la lutte ne stimule pas suffisamment TéTO-
lution sociale, et c*est dans les pays chauds qu'on voit surtout les
sociétés s^immobiliser à un degré inférieur d'évolution.
L'histoire nous montre que les populations des pays chauds qui
sont arrivées à un développement supérieur, ne l'ont fait qu'en
tempérant la chaleur par un habitat élevé en altitude. Telles sont
les anciennes civilisations du Mexique et du lac Titicaca ; mais
toutes sont subjuguées par des populations plus rustiques venues
des pays moins tropicaux, et toutes sont rongées par cet énerve-
ment dont le Nirvana de Plnde est Tex pression philosophique et
dont le despotisme religieux est souvent la conséquence.
Virey a déjà fait remarquer que c'est dans la zone brûlante
qu'on trouve ces tempéraments nerveux facilement agités par
les sectaires religieux et les imposteurs : ce tempérament, qui,
dit-il, affaiblit la froide raison et exaspère la sensibilité ; dans
ces pays, continue-t-il, les aliénés de toute espèce, les maniaques
sont deux ou trois fois plus nombreux que dans nos climats.
Enûn, un témoin absolument peu suspect en pareille matière,
Livingstone, reconnaît lui-même que le fanatisme, le mysticisme
et la religiosité, cette prétendue caractéristique du genre humain,
•qui manque cependant en même temps aux plus humbles comme
aux plus élevés de ses membres, vont en augmentant du Cap de
Bonne- Espérance vers l'Afrique tropicale.
Le système musculaire dans ces régions n'échappe pas à l'amoin-
drissement; seul le système nerveux sensitif est dominant; les
peuples encore grossiers dans leur barbarie, présentent, sous ce
rapport, les mêmes défectuosités que nos raffines dans leur civi-
lisation, et presque sans forcer le ton, Virey, que je cite encore, a
pu, fixant cette image où Ténervement par la chaleur est rappro-
ché de réuervement par civilisation, appeler la civilisation : « cette
zone équatoriale de l'homme.* »
Malgré ces défectuosités, il serait cependant injuste de ne pas
rendre hommage aux qualités brillantes, sinon des populations de
la zone tropicale, au moins de celles que, dans notre pays, nous
nommons méridionales. Les Grecs, les Romains ont montré quel
théâtre leur pays pouvait fournir à des races bien douées; la
France méridionale elle-même, malgré les critiques d'un roman
récent, a fourni dans la littérature, la politique et même dans la
science, plus d'un nom de premier ordre. A un autre point de
vue, les méridionaux de nos pays tempérés semblent doués d'une
FROID. 17
grande résistance à laquelle la race doit sans doute également
contribuer; on n'ose plus citer, tant elle est légendaire, l'observa-
tion du méridional Larrey pendant la retraite de Russie. On sait
que la plus grande résistance à ce froid exceptionnel a été obser-
fée, non chez les Français du Nord, non même chez les Russes,
mais chez les compatriotes du chirurgien en chef de Tarmée. (Test
bien certainement à un état moléculaire de la cellule pensante,
de la fibre musculaire ou du tube nerveux, état en rapport avec
le degré moyen de la température ambiante, que sont dus ces
effets.
Je pourrais citer un grand nombre d*autres exemples de l'éner-
gie dont font preuve dans un pays' froid les populations relative-
ment méridionales : les Français supportaient tellement bien les
froids du Canada, qu'un vieux proverbe répandu dans cette popu-
lation de bûcherons, disait qu'un Français ne mourait qu'à coups
de hache. C'est par une raison analogue que dans notre pays
tempéré, les animaux du Nord résistent moins bien que ceux du
Midi.
§ 2. FROID.
AeiloB biologique do froid. — Le voyageur qui, d*un
pays tempéré, se dirige non plus vers les régions tropicales,
mais vers les latitudes plus septentrionales que la sienne, doit
supporter des modifications physiologiques non moins importantes
que celles que nous \enons d'étudier. Des phénomènes inverses à
ceux que je viens de décrire doivent être maintenant i>ignalés ;
il ne faudrait pas croire cependant que la symétrie soit com-
plète de chaque côté de la température moyenne de Paris, par
exemple, prise comme 0 moyen. Il semble que l'homme résiste
mieux à ce degré très inférieur à la température moyenne de
notre pays, que nous nommons froid excessif, qu'à ce degré très
supérieur à la température à laquelle nous sommes habitués et
que nous nommons chcilcur extrême.
Le froid et le chaud sont relatifs ; cependant, de même que la
lioiite extrême de la chaleur supportable pour les protoorga-
nismes cellulaiies est le degré qui correspond à la coagulation de
Talbumine, de même la limite du froid supportable devravt ^\t^ Vt
degré de congélation de Feau. Or, il n'en est rien ; d'aboxA v^tcfe
GÉoaa. MÉD, ^
18 l'atmosphère.
que même les animaux à sang froid dégagent de la chaleur pro-
pre ; en outre, parce que les liquides aqueux de l'organisme tien-
nent en dissolution des substances qui retardent leur congélation
et qu'ils sont animés d*un mouvement qui a le même effet.
D'une manière générale, Rumford a établi que les liquides sont
d*aotant plus mauvais conducteurs de la chaleur qu'ils sont plus
\isqueux ; il en résulte, dit de CandoUe, que la disposition des
végétaux à résister au froid^ est en raison directe de la viscosité
de leurs sucs.
Les draguages du capitaine Nordenskiold, dans les mers polai-
res, ont d'ailleurs démontré que, dans les régions sous* marines de
ces contrées, malgré une température constamment inférieure
à 0*, les êtres vivants pullulent.
Dans le courant de la même expédition, les navigateurs furent
étonnés de la quantité prodigieuse d'êtres animes qui vivaient à
l'air libre, par une température moyenne de — 40°. Déjà le
lieutenant Bellot avait constaté, sur la neige des rivages polaires,
des quantités considérables d'animaux phosphorescents ; kjell-
mann, à bord du Polhem^ le navire de Nordcnskiold, fut égale-
ment surpris de trouver des algues en pleine vigueur à une tem-
pérature presque constante de — 2«.
Ces faits n'ont rien d'étonnant pour ceux qui croient, sans com-
mentaires, aux expériences faites par Gaimard en 18*28 et 1829, sur
la congélation des animaux : pendant un voyage en Islande, cet ob-
servateur, ayant exposé en plein air une boite remplie de terre, au
milieu de laquelle se trouvaient des crapauds, fut tout surpris, au
bout de plusieurs joursy de trouver les crapauds durs, cassants, roi-
des, gelés ; il les rappela à la vie en les plaçnnt dans Teau chaude.
Ces faits étaient déjà connus, et John Hunter Ini-mômc avait écha-
faudé, sur ces signesd'oubli momentané de la vie, qui rappellent un
peu ce qui se passe pour les animaux reviviscents, un rèved'utopiste
et de savant : « Je m'étais imaginé, dit-il, qu'il serait possible de
prolonger la vie indérmiment,en plaçant un homme dans un climat
très froid. Je m'appuyais sur cette considérai ion que toute action et,
par conséquent, toute déperdition de substances seraient suspendues
jusqu'à ce que le corps fût dégelé. Je pensais même que, si un
homme voulait consacrer les dix dernières années de sa vie à cette
espèce d'alternative de repos et d'action, on pourrait prolonger sa
vie jusqu'à un millier d'années, et qu'en se faisant dégeler tous les
cent ans, il pourrait connaître tout ce qui aurait été fait pendant son
FROID. 4 9
éiat de congélation. Comme tous les faiseurs de projets, continue
notre rêveur, je m'attendais à faire fortune avec celui-là ; mais
une expérience me désillusionna complètement, i
Un animal ne saurait sans mourir être congelé, sans doute pour
plusieurs raisons, mais au moins pour celle-ci : que Teau qui passe
de rétat liquide à Tétat solide augmentant de volume, ses tissus,
qui sont gorgés d'eau, éclateraient, comme fait une pierre qui gèle.
Maif^ il se peut précisément que, en vertu de certaines dispositions
aoatomiques, certains animaux puissent résister à la congélation.
Si, en été, par exemple, on met une grenouille dans la glace, elle
gèle, car, à ce moment, elle est gorgée de sucs aqueux qui, gelant,
font éclater les tissus ; mais plongez dans la glace une grenouille
en hit>emation, au moment où elle est asséchée, non gorgée de
sucs, elle ne périra pas, au moins par ce mode de congélation.
Cest pour la même raison que les plantes herbacées résistent
moins au froid que les plantes ligneuses, et^que les graines ne
conservent leur pouvoir gcrminatif, après avoir été soumises à des
températures basses, qu'après avoir été desséchées en partie.
Tout dépend donc ici, comme en tout, du dispositif anatomique
qui est plus ou moins approprié à tel ou tel milieu. Etre asséchée,
amaigrie, dépourvue de sucs, serait en été. pour la grenouille,
une infériorité, absolument comme l'anémie est en hiver, à
Paris, une infériorité ; mais en hiver cet état devient pour la gre-
nouille sa sauvegarde ; il lui permet de résister aux gelées, comme
fanémie de l'Européen lui permettrait de résister à la chaleur des
régions tropicales. La science de l'acclimatement n'est autre chose
que la recherche du df'ta-minisme anatomique.
Mais la mon par le froid ne se réduit pas aux phénomènes rudi-
mentaires qui se passent dans la pierre qui éclate sous Tintluence
de la gelée : tandis que la température élevée altère l'élément cel-
lulaire des muscles, la température basse altère le globule san-
guin ; si la chaleur est toxique pour la fibre musculaire, le froid
est toxique du globule sanguin. Cest sans doute à cette altération
du sang qu'est due cette envie irrésistible de dormir qui envahit
les voyageurs égarés dans les plaines neigeuses des régions po-
laires. Les expériiînces de G. Pouchet ont en effet montré que le
premier effet produit par le froid est la contraction des vaisseaux
capillaires; le second est l'altération des globules ; ils deviennent
crénelés sur leurs bords et foncés en couleur.
Les expériences récentes de Ch. Richei et de P. Rondeau mou*
tO L*ATM08PHÈRE.
trent qu'avant d'arriver à ce degré mortel, le froid fait descendre
aux animaux à sang chaud Téchelle de la vie et les retient pen-
dant un certain temps dans les conditions d'animaux à sang froid :
le séjour prolongé dans un milieu réfrigérant peut faire descendre
en deux heures la température intérieure d'un lapin de -f d8<* à
-h «8«, à + 15« et même à 13%8.
Lorsque la température de cet animal atteint +25®, la respi-
ration commence à devenir inefficace; à -f 17« les fonctions du
système nerveux sont très diminuées; à -f 46** les mouvements
réflexes persistent, mais avec une lenteur extrême, qui rappelle
ce qu'on observe chez les animaux à sang froid. 1^ secousse mus-
culaircy sous Tinfluence de réiectricité, devient faible, lente et
prolongée à la descente. A 4- SS*" le cœur du lapin bat encore
80 fois par minute ; à + i7o il ne bat plus que 10 ù 42 fois. La
forme de la contraction^ lorsqu'on ouvre le thorax, rappelle celle
que présente le cœur de la tortue. Bientôt tout mouvement cesse;
il n'y a plus aucune trace de vie; et cependant, si Ton réchaufie
le lapin et si Ton pratique la respiration artificielle, on peut le
rappeler à la vie.
Cet état de mort apparente, caractérisé par tous les signes de la
mort, sans que la mort soit définitive, peut durer une demi-
heure (dans une expérience, trente et une minutes ; dans une
autre, vingt minutes; dans une autre, dix-huit minutes). Au
point de vue de la pratique médicale, le fait, ainsi que le font
remarquer MM. Richet et Rondeau, est important à noter, car il
indique que les individus refroidis, ne donnant plus signe de vie,
pourront encore être parfois rappelés à l'existence par le rcchauf-
fement de la péril hérie cutanée, combiné avec la respiration arti-
ficielle.
Dans la trame des tissus, les phénomènes nutritif? de la cel-
lule et, par conséquent, de Tindividu polyccllulaire, sont ralentis;
les végétaux croissent plus lentement; la croissance des animaux
et leur évolution d'âge en âge sont moins précoces ; pour cette rai-
son la cicatrisation des plaies se fait plus Icntemcjat (Rochard).
ADémle pernleleaae da Nord. — C'est à l'action du froid,
lors(iue rien dans l'hygiène ne vient la contrebalancer, qu'il
faut attribuer cette anémie pernicieuse, progressive, décrite pour
la première fois par Biermer en 1871, observée depuis par Soren-
scn en Daneroarck, par Warfringe à Stockholm, par Wasastjerna
à Helsingfors. Dans cette forme pernicieuse d'anémie, on voit les
FROID. t1
«globules rouges, dont le chiffre normal est de 5 millions par mil-
limètre cube de sang (Hayem), tomber à 1 million et cet état se
caractériser par des hémorrhagies surtout rétiniennes. C'est là
ane des actions que peut avoir le froid ; il en a d'autres.
G^a^^estioBs viseérales. -» Le froid diminuant le calibre des
capillaires périphériques, il en résulte un état de congestion des or-
ganes centraux, qui se traduit par des pneumonies souvent, plus sou-
vent encore par des catarrhes et des bronchites. Ces deux dernières
maladies augmentent de fréquence de Téquateur au pôle, tandis que
la pneumonie augmente avec l'altitude (Hirsch). Cette congestion
produit encore une tendance invincible au sommeil. Tous les voya-
geurs ont relaté ce sommeil, qui devient mortel si on s*y aban-
donne. Tout le monde connaît le récit de Soiander : à la Terre de
Feu, lui et ses compagnons étaient en proie à ce sommeil a fri-
fjore ; en vain leur criait-il : f Quiconque s'assied, s'endort ; qui-
conque s*endort ne se réveille plus » ; le besoin était tellement
impérieui, que plusieurs de ses hommes succombèrent de cette
façon et que lui-même s'affaissa ; il serait mort, si on ne Teût pas,
à grand'peine, réveillé.
Gelares. — Il arrive même parfois que, localement, dans UQ
pied, une main, la circulation s'arrête; quelques globules s'altè-
rent, deviennent crénelés et impropres à la vie. Tant que la cir-
culation est ralentie, ce département gelé reste inoffensif pour
l'organisme^ et il en serait ainsi même lorsque la chaleur a ranimé
le cœur, si une ligature, appliquée à temps, empêchait le caillot
qui s'est formé et les globules altérés de rentrer dans la circu-
lation générale ; malheureusement, on ne prend pas cette pré-
caution, qui pourrait, d'ailleurs, être illusoire ; on réchauffe le
malade, et globules altérés, caillots causent des embolies qui don-
nent lieu aui symptômes les plus graves et amènent parfois la
mort. Ces caillots fibrineux produisent des infarctus qui ont été
pris pour des foyers purulents, à l'autopsie ; c'est là ce qu'on a dé-
crit sous le nom de suppurations multiples sous l'influenec du froid.
La gangrène locale est généralement la conséquence de ces
gelures ou congélations. Elle s'observe souvent, pendant les hivers
rigoureux, sur les armées en campagne : Xénophon, dans la célèbre
retraite des dix mille, en observa de nombreux exemples, au pas-
sage des montagnes. Thierry de Héry raconte qu'en 1537, pendant
le passage des Alpes, aux environs de Noél, <( plusieurs euduiV
rent telle froidure, qn *à aucuns non seulement le nez el Ves omWfc^
tt l'atmosphère.
mais encore le visage se tuméfia tellement, qu'il y eut comme des
gangrènes. » En 4552, Tarmée de Charles V, devant Metz, eut
également beaucoup à souffrir : « Il fut tué plus de 300 de cette
humble misère, mais à la plupart il fallait couper les jambes. »
Les exemples que je pourrais encore citer ne sont malbeureu-*
sèment pas rares dans Phistoire.
Panaris. — C'est sous l'influence de ces troubles de la circu-
lation périphérique que le panaris se montre fréquemment dans
les régions froides : tous les chirurgiens de marine ont noté la
grande fréquence de ces maladies sur les côtes d'Islande. Le
D^ Cesliii, sur 250 hommes d'équipage, a observé 43 panaris; le
D' Jacolot, à bord de l'Artéinise, dans les mêmes parages, à peu
près autant. 11 en est de même dans les parages de Terre-Neuve
la fréquence du panaris est toutefois moins grande dans cette
dernière région, parce que la température y est moins basse.
Hodiflcatloiis physlolo|[flques dans les pays froids. — En
dehors de ces accidents^ qui ne sont, après tout, que des excep-
tions, il se produit dans l'organisme, sous rinflucnce du froid, un
certain nombre de modifications, et. comme ces modifications
donnent lieu à une sélection inévitable, les plus favorables au cli-
mat se transmettant seules, il en résulte, ici comme partout, que
ces modifications sont en léalité favorables à ceux qui les pré-
sentent ; sans cela, ils ne les présenteraient pas. Les plumes, chez
les oiseaux, se rapprochent de plus en plus de la fourrure, comme
chez le lagopède ; les mammifères prennent un pelage plus chaud ;
le tissu cellulaire lui-même se double d'une couche épaisse de
graisst*. L'alimentation des habitants de ces contrées y contribue
d'ailleurs certainement. Les Esquimaux qui sont venus mourir à
Paris de la variole étaient très gras; leur foie, énorme, était gras.
Le froid, au point de vae soelal. — Si les pays cbauds
réalisent volontiers, pour les hommes primitifs, le paradis mytho-
logique où l'homme n'a qu'à se laisser vivre, il est loin d'en être
ainsi dans les climats froids; la lutte pour Texistence y devient
terrible, et la sélection finit, forcément, par éliminer les moins
forts, les moins vivaces et les moins industrieux ; à moins, toute-
fois, que l'absence de toute compétition, dans un pays inhospi-
talier, ne vienne rendre cette lutte inutile, auquel cas le progrès
est nul, comme chez les malheureux habitants de la Terre de Feu.
D'ailleurs, même pour ceux qui, plus favorisés, ont trouvé dans
le froid une cause stimulante et chez qui la sélection a agi en éle-
LUMIÈRE. %3
Tant le niveau moyen, même pour ceux-là, la limite sur la voie du
progrès est fixée assez près du point de départ. Spencer remarque,
en effet, avec raison, que non seulement les Esquimaux dépensent
eu grande partie leurs forces à se défendre contre le froid, mais que
toutes leurs forces sont, pour ainsi dire, digestives : « 11 faut qu'il
(rEsquimau) dévore de grandes quantités de graisse ou d'huile, et
sonappareildigestif.soumisàlalourdecharge de lui fournir dequoi
. compenser les pertes excessives que lui cause le rayonnement, four-
nit moins de matériaux pour les autres fins vitales. » Le lieutenant
Pajer, par — 36**, 6, dans les régions polaires, a remarqué que la
Toionté était paralysée : « Les hommes, par leur démarche incer-
taine, leur bégaiement et la lenteur de leurs opérations mentales,
ressemblaient, dit-il, à des hommes enivres, o
En somme, si Ton considère, au point de vue de la température
seulement, le milieu où vivent les habitants de la planète, on voit
que, pour Thumme au moins, les deux extrêmes de température
trop basse ou trop élevée sont défavorables au progrès social et
que c'est dans les pays à température intermédiaire, dite plus ou
moins tempérée, qu'a le plus de chance de s'accomplir révolution
indéfinie du seul organe qui mette Thomme au-dessus des autres
animaux : le cerveau.
n. LUMIÈRE.
iieti«B biologique de la Inmlére. — Bien qu*émis simul-
tanément par le soleil, cette source de toute vie à la surface
de la planète, les rayons lumineux ne se confondent pas avec
les rayons calorifiques ; chacun de ces deux groupes a son action
propre. Cela est si vrai, que les serres de la Belgique, de la Hol-
lande ou de l'Angleterre, pourtant tout aussi chaudes que celles
de Montpellier, ne peuvent faire fleurir telle plante du Brésil ou
de l'inde, qui fleurit à Montpellier : le Nelumbvium de l'Inde
et le BowjaintiUxa du Brésil fleurissent chaque année dans les
serres du département de PHérault et ne donnent que des feuilles
dans les serres de Londres. Les minéraux eux-mêmes affectent, à
la lumière, des combinaisons qui n'ont pas lieu sous influence de
la chaleur seule. Les rayons lumineux ont donc, toutes choses égales
d'aiUeurs, relativement à la température, ufie action qui leur est
propre.et cette action, souvent méconnue, s'exerce sur les Né^éUux.
comme sur les animaux. J'ajoute tout de suite que, de ceUe cotcv*
u l'atmosphère.
munauté d'action de la lumière sur le végétal et TaDimaly il est
logique de conclure à T identité des tissus, sous ce rapport au
moins, du végétal et de l'animal.
Tout le monde sait que, sous Tinfluence de la lumière, le végétal
se colore en vert; autrement dit, la chlorophylle prend naissance.
Personne n'ignore que, sous Tinfluence des rayons lumineux,
cette chlorophylle absorbe Tacide carbonique de Tair, le dédouble
en oxygène que la feuille élimine dans l'atmosphère où les ani-
maux le reprennent, et en carbone que le végétal emmagasine
dans ses tissus ; de telle façon qu*on a pu dire, avec raison, que
le charbon de terre, qui représente aujourd'hui un élément si
important dans notre économie sociale, n'est autre chose que le
carbone accumulé dans les végétaux des époques géologiques
précédentes par les rayons solaires, jeunes alors, que recevait
notre planète à cette époque reculée.
Le pouvoir des rayons lumineux sur le dédoublement de l'acide
carbonique a été expérimentalement démontré par Boussingault :
ce savant a calculé que 1 décimètre carré de feuilles vertes, au so-
leil, décomposait par heure un nombre de centimètres cubes
d'acide carbonique égal à 7,17, tandis que la même quantité de
feuilles, à l'ombre, ne décomposait plus que 3,1 centimètres
cubes d'acide carbonique. En cela le végétal semble donc, au
premier abord, difTérer de l'animal, qui, lui, absorbe dans l'air
non de l'acide carbonique, mais de l'oxygène, et rend à l'atmos-
phère non de l'oxygène, mais de l'acide carbonique qu'il a formé
dans ses tissus en brûlant son carbone avec l'oxygène absorbé;
mais la différence de ces fonctions cesse dans l'obscurité : le végé-
tal devient alors, même par ses parties vertes, analogue à l'ani-
mal : il brûle comme lui, il absorbe de l'oxygène et fabrique aussi
comme lui, àsesdépens, avec son carbone, de Tacide carbonique qu'il
émet dans l'atmosphère comme un animal. C'est donc le milieu lu-
mière qui établit la grande différence apparente entre les ani-
maux et les végétaux, et cette différence n'existe plus pendant la
nuit ; seulement l'intensité de la fonction comburante, pendant
la nuit, est moins grande que l'intensité de la fonction réductrice
pendant le jour. A l'équinoxe, par exemple, d'après les expériences
de Boussingault, si 1 mètrecarré de feuilles, en 12 heures de jour,
décompose 6 336 centimètres cubes d'acide carbonique, la même
quantité de feuilles en 12 heures de nuit, fonctionnant inver-
sèment, ne produit que 396 centimètres cubes d'acide carbonique.
LUMIÈRE. SS
Néanmoins, si l'obscurité régnait à perpétuité sur la terre, que
la vie y fût encore possible, et elle le serait par suite de l'accom-
iDodation des êtres à leur nouveau milieu, les végétaux, au point
de vue de la respiration, deviendraient des animaux ; or, ces
conditions d^obscurité se trouvent et se sont de tout temps trou-
vées réalisées au fond des mers, et c'est là que vraisemblablement
a commencé la vie à la surface de la terre. On voit donc que la
division qu'établissent nos classifications entre le règne animal
et le règne végétal n'est qu'arbitraire, ou du moins qu'elle doit
se borner à constater une division du travail, introduite plus tard,
par voie de sélection, dans ce qu'on eût nommé pompeusement,
à une certaine époque, l'atelier de la nature.
Cetle division du travail a dû se faire par suite du changement
de milieu, à Pépoque où la vie, quittant les fonds obscurs des
mers, est devenue aérienne et ensoleillée. L'atmosphère d'alors
contenait une quantité considérable d'acide carbonique; le succès
dans la lutte pour la vie était donc assuré à ces inunenses appa-
reils verts, capables de le décomposer en carbone assimilable et en
oxygène éliminé, les grandes fougères arborescentes, les Cyca-
dées, etc. — C'est de même que plus tard une place se fît dans
l'atmosphère et fut forcément remplie, pour et par le premier appa-
reil aérien capable de mettre à profît Toxygène que les végétaux
précédents avaient déversé dans Tatmosphère : les premiers végé-
taux à fleurs apparurent. La fleur, en eflet, se comporte, même
pendant le jour, comme un animal ; elle absorbe l'oxygène et exhale
de l'acide carbonique ; elle brûle. La fleur du lis blanc absorbe en
iï heures 5 fois son volume d'oxygène; la fleur de VArum
maculatum y ens'xTon 30 fois son volume ;. aussi donne -t-elle sou-
vent au doigt une sensation très appréciable de chaleur. Les
graines brûlent également ; car les végétaux phanérogames, qui
dans la série chronologique sont venus après les cryptogames,
oe se comportent pas comme les animaux , uniquement par
leur fleur; la graine respire également comme l'animal; elle
brûle. Les recherches récentes de Pauchon lui ont même montré
que la lumière accélère d'une manière constante l'absorption de
l'oxygène par les semences en germination ; il a remarque, eu
outre, que Taction de la lumière sur le phénomène absorption
d oxygène est d'autant plus vive et puissante que la température
est plus basse, ce qui est, dit il, « conforme aux nécessités phy-
siologiques •. Cest, en effet, grâce à celte compeasaVioù ^v^fe
%Ù L*âTMOSPUÈRE.
dans les pays où la saison relativement chaude est très courte, la
germination d'un grand nombre de végétaux peut néanmoins se
faire, leur graine absorbant, à quantité égale de lumière, plus
d'oxygène par le froid que par le chaud.
Il existe d'ailleurs des êtres intermédiaires qui, comme les
plantes, sont verts et qui, comme les parties vertes de la plante,
reçoivent du soleil une excitation telle, que^ sous son influence,
ils décomposent l'acide carbonique et émettent de Toxygène au-
tour d'eux. Tels sont beaucoup d'animaux inférieurs (Termo mo-
ruts) qui vivent dans les mares au soleil. Sous leur influence,
Toxygène dissous dans feau peut s*élever à la proportion de 60 0/0
au grand avantage des poissons; une hydre verte qui renferme
de la cfUorophylle, décompose également l'acide carbonique.
L'antagonisme entre le végétal et Tanimal est donc moins
considérable qu'on le pense encore généralement. La trans*
formation de l'un dans l'autre, par le mécanisme de la division
du travail, semble au contraire toute naturelle; on peut même
dire que les fonctions du végétal et celles de Tanimal différent
par la proportion et non par leur nature. En réalité, la plante
ne cesse jamais d'absorber de Toxygènc par quelqu'une de ses
parties, et ce serait exagérer que d'établir un fossé, qui n'existe
pas, entre la plante réductrice et l'animal comburant. Cl. Ber-
nard a dit excellemment : a L'identification de l'organisme
animal à un fourneau dans lequel vient se brûler le règne végé-
tal, ne répond qu'à l'apparence chimique extérieure, ce n'est
pas une vue vraiment philosophique. La physiologie qui descend
dans la nature même des phénomènes vitaux ne saurait s'en
contenter. En effet, si le chimiste voit le sucre formé dans la
betterave se brûler dans l'animal qui la mange, le physiologiste
ne trouve là qu'un accident. U démontre au contraire que ce sucre
formé et emmagasiné était destiné à être brûlé par la betterave
elle-même dans la seconde année de la végétation, lors de sa
floraison et de sa fructification. /> D'ailleurs, si l'animal fabrique
et rejette un produit de combustion qu'on nomme Vurée^ le végé-
tal fabrique un produit d^une composition chimique presque
identique, Vaspuriujinc, La chlorophylle elle-même, si sensible
à la lumière, présente des affinités complètes, presque des
identités, avec la bilirubine (Gautier), par conséquent avec i'Acma-
tinc elle-même.
Le mouvement n*est pas, on lésait, plus caractéristique de l'a*
LUMIÈRE. 27
nimal que la respiration d*oxygène; chez lui comme chez le vé-
gétai, c'est à des changements moléculaires souvent fort simples
que peuvent se réduire les phénomènes, en apparence les plus
compliqués. Le mouvement, chez las végétaux, est dû à la réplé-
tiofl plus ou moins grande, par les gaz ou par les liquides qui
entrent et qui sortent par osmose, de certaines cellules dont la
forme est telle, que plus elles sont remplies, plus elles se recour-
bent en forme d'arc, et que plus elles sont vides, plus elles se re-
dressent. On comprend qu'un mouvement résulte forcément de
Tex tension ou de la flexion de cet arc. Les phénomènes d'osmose
des liquides et des gaz variant d'intensité et même de sens à la
lumière ou dans l'ombre, il en résulte que les rayons du soleil
portent un certain nombre de ces mouvements à leur maximum :
la forme des cellules change alors et le mouvement se produit.
La lumière est, en somme, l'excitant du mouvement végétal,
comme elle excite les mouvements de l'iris chez les animaux;
c'est elle qui, selon sa quantité, fait ouvrir ou fermer les fleurs,
fléchir ou étendre les feuilles, courber ou élever les branches.
Ainsi s'expliquent ce qu'on nomme le sommeil et le réveil des
plantes, actes qui sont réglés par l'intensité de la lumière. Cette
influence est tellement décisive sur leur production, qu'il est
aisé de tromper les plantes dont les fleurs s'ouvrent le jour et se
ferment la nuit et de provoquer les phénomènes inverses : il suffit
de les couvrir pendant la journée et de les éclairer pendant la nuit
(de Candolle). C'est de même que, pendant une éclipse totale, on
voit les oiseaux regagner rapidement leur retraite nocturne et les
coqs se mettre à chanter.
Il nV^st pas jusqu'aux phénomènes de digestion, d'ailleurs,
dans plusieurs cas, communs aux végétaux et aux animaux, qui
ne ïoient sous la dépendance du milieu lumière. Tout le monde
sait que dans l'Inde et au Brésil certains Drostra sécrètent par
la surface de leurs feuilles un suc riche en pepsine, comme le
suc gastrique des animaux, et digèrent les insectes qui viennent
se poser sur ces feuilles. Ces organes digestifs. sont d'ailleurs en
même temps des pièges qui se referment sur l'objet qui vient de
les heurter. Cette sécrétion de suc gastrique augmente sous les
rayons du soleil, c'est-à-dire au moment même où les insectes
viennent en grand nombre s'abattre sur les feuilles.
La façon dont les plantes et les animaux se com\)Ot\.eiv\. ^w v^v^-
sence du mJJJeu lumière est donc, on vient de \e Noxt, ^ ^>^
tS L*âTM08PHÈRE.
près la même. Une semblable analogie existe dans la pathologie
comparée des deux règnes : les animaux supérieurs et Thomme
lui-môme ne font pas exception.
Cette lumière qui colore 4es fleurs des sommets éclairés des
Alpes de teintes plus éclatantes que celles du bas des montagnes,
agit de la même façon sur les oiseaux. Gould a remarqué que les
oiseaux que leurs habitudes tiennent en pleine lumière, sont plus
colorés que ceux qui vivent dans les lieux sombres. Forbes a re*
marqué, de son côté, que les mollusques qui vivent à Téquateur
ou dans les régions peu profondes de la mer, où la lumière
arrive facilement, ont des couleurs plus- brillantes que ceux qui
vivent au Nord ou dans les fonds obscurs.
Ces faits sont aussi importants au point de vue et en faveur de
la doctrine du transformisme, que ceux que j'ai cilés plus haut
à Toccasion des modifications individuelles et héréditaires ac-
quises sous l'action de la température. Ainsi W. Edwards a réa-
lisé Texpérience suivante : il a pris des œufe de grenouille ; il
en a placé une certaine quantité à la lumière et une quan»
tité égale dans Pobscurité; or, il a constaté que les œufs du
second lot ne se développaient pas. 11 a été plus loin : il a pris
des têtards, les a partagés en deux lots, Tun à la lumière,
l'autre dans l'obscurité. Or, les têtards placés dans l'obscurité ne
se transformèrent pas en grenouilles et ne subirent pas révolu-
tion normale pour laquelle le milieu lumière est indispensable.
W. Edwards n'avait pas méconnu Timportance de ces expériences
au point de vue de Torigine des espèces et il disait : a En suppo«
sant la constance de l'obscurité, on pourrait concevoir des espèces
qui subsisteraient toujours sous un type différent de celui que la
nature leur avait destiné, et qui vivraient toute leur vie avec le ca-
ractère propre au jeune âge. » Il ne se trompait pas : le protée angui-
forme qui habite les eaux souterraines, reste toujours à Tétat de té-
tard, une fuis qu'il est né, dans ce milieu obscur, de parents qui y ont
été accidenlellement introduits. L'absence de lumière empêche son
évolution de s'achever, et, pendant longtemps, il a été pris à tort
pour une espèce distincte, alors que ce n'était qu'une espèce
arrêtée dans son évolution, une espèce avortée, un fruit sec, vic-
time du milieu. Il peut, sous l'influence de l'ûbscurilé, se pro-
duire des modifications orcçaniques plus étonnantes encore et
souvent opposées : Grimm a observé que certains crustacés^ les
iimphipodes du fond presque obscur de la mer Caspienne, parent
LUMIÈRE. t9
à celte obscurité par deux voies différentes : les uns prennent
des yeux énormes, c^est le cas du Qammaracanthus Caspius: chez
d*aotres, Toeil s'atrophie^ il tend à disparaître et les organes du tact
preonentpar compensation undéveloppementconsidérable, comme
fait le toucher chez les aveugles; c'est le cas duNiphargtis Caspius.
Deox procédés bien dififérents de sortir d'une situation : lutter ou
céder. Dans le même ordre d'idées, Delarouzée a découvert, dans
certaines cavernes obscures du département de i'Âriège, un petit
coléoptère aveugle qu'il nomme Anophthalmus gallicus. D'autres
anophthalmes ont été découverts depuis dans la même grotte. Ce
sont là des faits sur lesquels j'aime à insister, car, encore une fois,
c'est là du transformisme expérimental.
La lumière, chez fous les animaux, augmente l'intensité des
fonctions : ainsi, des grenouilles qui, comme tous les animaux,
respirent en absorbant de Toxygène, en comburant le carbone de
leurs tissus et en émettant de facide carbonique, placées par Mo-
leschott dans l'obscurité, émettent moins d'acide carbonique qu'à
la luûiière. Cela prouve qu'elles brûlent moins, qu'elles s'usent et
se consument moins ; aussi, perdent-elles moins de poids que des
grenouilles placées à la lumière, les unes et les autres étant, bien
entendu, privées de nourriture. Les plantes mêmes absorbent plus
d'eau à la lumière qu'à l'obscurité et, privées de nourriture, per-
dent plus de poids au soleil qu'à l'ombre.
L'obscurité met donc les animaux dans un état voisin de l'hiber-
nation, et les animaux hibernants réalisent pendant tout un hiver,
dans leur retraite obscure, les mêmes conditions que les gre-
nouilles de Moleschott : brûlant moins, ils perdent moins de leur
poids qu'ils ne feraient en pleine lumière, même dans des condi-
tions identiques d'immobilité et de privation de nourriture ; c'est
ainsi qu'un hérisson, qui consomme, pour un temps donné, i litre
d'oiygène, lorsqu'il est éveillé, ne consomme plus, dans le même
temps, que 0^04^ et même 0^02° pendant son sommeil hibernaL
Comment agit la lumière? Son action porte d'abord sur la
peau : elle y détermine des modifications dans le calibre des vais-
seaux capillaires et dans la situation des cellules du pigment,
absolument comme elle le fait pour les cellules de chlorophylle des
végétaux ; ainsi, il est aisé d'empêcher le changement de couleur
de la peau du caméléon , dans une région choisie d'avance: il suf-
fit de mettre cette région à l'abri de la lumière.
La façon dontla lumière agit sur la peau varie, d'aWVeuts ^"«^^
90 l'atmosphère.
la couleur de celle-ci : elle produit, par exemple, plus volontiers
des inflammations crysipélateuses sur la peau peu pigmentée ou
blanche que sur la peau noire : Roll a constaté que l'érysipèle
buUeux des moutons se montrait, chez les animaux pies, plus
souvent sur les parties blanches que sur les parties noires. Cela
permet de comprendre l'aisance avec laquelle le nègre supporte
les ravons du soleil.
Gardons-nous^ j'ai hâte de le dire, quelque convaincu que je
sois de la puissance du milieu, de tirer de ces faits la conclusion
que la peau du nègre n^a noirci que sous l'influence du climat et
pour s'accommoder au milieu ! je préférerais dire qu'il habite les
pays chauds parce que sa peau (pour ne pas parler des autres
organes en ce moment) lui permet de les supporter.
Admettons, j'y consens, que la formation du pigment est plus
abondante, même chez le nègre, en pleine lumière, absolument
comme chez TEsquimau dont la peau est brune ; on pourrait peut-
être dire que l'intensité delà lumière réfléchie par la neige favorise
Ici la genèse du pigment; mais je ne consens pas à aller au-delà.
La lumière ne change pas la forme du squelette ; elle ne change
pas la forme des cheveux, comme le croyait Camper, sans toute -
fois partager, je l'espère, l'opinion de Pline : « qu'il est, en Thés-
salie, un fleuve dont les eaux teignent la peau en noir et font
crêper les cheveux.» On ne devient pas nègre parce qu'on habite
la Nigritie, et Meckel avait raison d'écrire (1 757} que les nègres
sont une tout autre race d'hommes, parce que leur cerveau est
plus noir que le nôtre.
Aussi bien, puisque j*ai suivi cette idée et que je me suis laissé
entraîner par cette question également brûlante pour les mono-
génistes et les polygénistes, les Finnois et les Lapons ne nous
offrent-ils pas, dans les mêmes conditions de milieu, deux types
absolument différents : le blond et le brun? Dans tout le midi de
l'Europe, n'observe-t-on pas des populations blondes à côté de
populations brunes? et en Afrique, dans les montagnes de TAurès,
les Kabyles blonds ont-ils été modifiés par le climat depuis que
leurs. pères sont venus du continent euro|)éen, apportant l'usage
des dolmens, à travers le détroit de Gibraltar? Les Hollandais
établis au cap de Bonne-Espérance depuis trois siècles sont encore
les mêmes qu'à Rotterdam ; les Bohémiens, qui parcourent l'Eu-
rope, sont aussi bruns en Alsace qu'en Espagne ou en Valachie.
Le tjpe juif est partout sémitique, en Allemagne aussi bien qu'en
LUMIÈRB. 31
Espagne ; qu'à celte uniformité du type Israélite on n'oppose pas
les juifs blonds ou roux du nord de TAllemagne, car tout le monde
sait que ces juifs ne sont pas des Israélites, ce sont des habitants
du pays, qui, au sixième siècle, ont embrasse le judaïsme.
11 ne résulte pas moins, de ce que j*ai dit plus haut de la lumière,
que, bien quelle ne puisse changer le blanc en nègre, elle modifle
puissamment l'organisme des êtres vivants. Comment s'exerce cette
action? Elle s'exerce parce qu'on nomme une action réflexe, qui,
partie de la peau, se propage k tout l'organisme. Ce n'était pas
san« raison que les anciens recommandaient d'exposer les enfants
malingres, tout nus, dans un bain de lumière ; Humboldt, à son
tour, attribue certains avantages pour la santé à la coutume d'al-
ler tout nu.
Mais cette action réflexe stimulante, qui peut partir de la peau,
part aussi d'ailleurs. Elle part même surtout de la rétine, qui est
plus sensible que la peau à l'action de la lumière et qui, aussi
bien qu'elle, est le point de départ d^une action réflexe, laquelle
se répand dans tout l'organisme. Les expériences de James Dewar
ont montré que le choc de la lumière sur la rétine augmente
Tintensité du courant électrique normal dans le système ner-
veux; selon les espèces, il varie de 3 à iO 0/0 du courant normal.
Bien des gens connaissent, par expérience personnelle, cette mi-
graine que donne l'action prolongée d'une lumière vive sur la
rétine. Dans le tétanos, la lumière,'!qui agit sur la rétine, déter-
mine des contractions dans tous les muscles, et les tétaniques
sont sensiblement calmés par le séjour dans Tobscurité. Ces no-
tions n'étaient malheureusement pas étrangères à Denys le Tyran,
qui avait trouvé l'art de les accommoder à des supplices de plus
en plus ingénieux : c'est ce misérable qui avait imaginé de faire
attacher ses victimes, préalablement tenues dans l'obscurité,
devant un mur blanc, éclairé par le soleil, les yeux maintenus
ouverts. Or, les malheureux mouraient de ce supplice. L'action
réflexe se propageait, sans doute, jusqu'au cœur.
Sans emprunter nos exemples à la pénalité ingénieuse des inqui-
siteurs de toutes les époques, nous savons que les longs jours
des régions polaires, jours qui succèdent à des nuits non moins
longues, sont pour les voyageurs un véritable supplice; en vain
cherchent-ils le sommeil; en proie à une sorte d'égarement,
d'énervement particulier, ils ne l'obtiennent que difficWevûfctvV t\
pour peu de temps*
9t L*ATMOSPHÈRE.
Rien ne démontre mieux le retentissement de l'impression réti-
nienne sur tout Torganisme que rexpérience de Rubini : cet
expérimentateur place des grenouilles dans l'eau ; les unes tonl
aveugles, les autres ne le sont pas, et toutes sont privées de nour-
riture ; or, dans ces conditions, les aveugles perdent moins de
leur poids que les autres.. Les éleveurs qui se livrent à TéleYâge
des volailles avaient depuis longtemps observé que robscurité
favorisait rengraissement des oies et des poulardes, auxquelles
ils ont même la cruauté de crever les yeux.
Hlmétlfime. — Un des résultats les plus curieux de Faction de
la lumière sur l'organisme^ lorsque la sélection exerce ensuite son
pouvoir puissant dans la série des générations, consiste dans les
phénomènes du mirniHisme^ qui ont été étudiés expérimentalement
par G. Pouchet.
Un grand nombre d'animaux sont de la même couleur que les
objets au milieu desquels ils ont coutume de vivre : un insecte qui
habite sur le gazon vert sera vert ; celui qui passe sa vie sur les
troncs d'arbres, plus ou moins brun. Darwin a fait brillamment
valoir ces phénomènes si curieux ; il a montré que cette adapta-
tion de la couleur rendait Tanimal moins visible à Tœil de ses
nombreux ennemis et qu'elle était pour lui la meilleure des garan-
ties de sécurité. Ceux qui croient encore à des causes finales ne
manqueront pas cette occasion d*admirer une fois de plus la divine
Providence, qui a eu Tingénieuse idée de peindre la cigale en
vert, comme le gazon, ou bien peut-être de jfaire le gazon vert
comme la cigale. J'avoue que cette malice excite moins mon en-
thousiasme que la conception plus simple qui voit partout des résul-
tats fatalejfncnt liés à des causes et nulle part des buts arlificieu-
sement atteints par un scénario fécond en pmnWs, La réalité est
plus grande que ces conceptions enfantines ne la supposent :
rherbe est verte ; or, Fanimal qui aura été placé sur cette herbe,
aura d'autant plus de chances de ne pas être vu et dérangé par
ses ennemis, qu'il sera lui-même plus vert; plus cette couleur sera
la sienne, plus il aura de chances de faire souche seuiblable à
lui. Des avantages de la couleur verte ses enfants ne proûteront
pas moins ; le vert ira même ainsi, de génération en génération,
en s'accentuant davantage dans Tespèce^ et, au bout d'un
certain temps, ceux-là seuls vivront et feront souche, qui
seront verts.
11 en sera de mên>e de la couleur blanche, pour les animaux
^(ai Yivput ddns la nei^e : ours blanc, liêïre blanc, elc. ; la
sétMUiia assure ici k succès.
Le turbot, qui habite dans le sable, an milieu duquel, à
moitit i'acIil', il disparait cDiii|ilètemenl aux regards, lanl sa
cuuleur s* conTond avec celle du milieu, n'a pas la même couleur
sur tous les Tonds : quand le sable estais, l'animal devient gris;
quand le sable est jaune, il ilevienl jaune. La sélection explique-
rait, cumute tout â l'heure, que les turbots de la Hanche aient,
par exemple, pris une couleur diBerenle de celle des turbots de '
l'Océan, les uns et les autres s'étant, dès longtemps, adaptés à
leur milieu ; mais il est plus difricilc de comprendre comment le
m^mi' turbot, placé successivement iiur des sables de couleur dif-
ftrrente, prendra des couleurs variées. Pour lecoup, les causes-fma-
lirrs se font sentis pénétrés de reconnaissance envers la Provi-
iknce des turiiols, qui avait doué ces e:icellcnt3 poissons d'un talent
aussi remarquable dans l'art de mimrr ou mimétisme !
Les eipéricuces du G. Pouchet ont pourtant montré que le
phénomène est involontaire; personne, pas même le turbot, n'a
■troil de ce fait à la moindre recon naissance, pas plus qu'il ne faut
i-ii vouloir à la pierre qui tombe 11 suffit, en efTei, d'aveugler un
turbot, [wur qu'il perde immédiatement le pouvoir de changer de
couleur. Mais voilà, dira-t-on. une preuve irréfutable du rdle
de *A «olontc dans ce travestissement 1 II ne choisit la couleur
qv'a|irès l'avoir vue et appréciée, puisque quand il cesse du la
(oir.il ne la prend plus! La thèse n'est pas soutenable pour celui
qut connaît les faits que je viens de signaler. Qu'on se sou-
vienne de ce que j'ai dit plus haut de l'action réfleie, qui
f'anie de la rétine impressionnée par la lumière, arrive
t,(ntAt sur les vaisseaux de la peau qu'elle fait contracter ou
dilateff lanli'it paralyse le pncumo-gastrjque, comme dan.s la
juridique expérience de Denjs de Sjratuse, tantOt excite (l'orga -
ni^me, comme dans les longs jours polaires, et l'on compren-
dra comment, suivant la quanlilc variable de lumière qui
«rrive sur sa penu. le turbot prend une teinte plus ou moins
fhncre, par suite de l'eicilalion qui, partie de sa rétine, se réllé-
ebtl sur tes vaisseaux capillaires de sa peau. On comprend que la
lumière, renvoyée par lesable surla rétine du turbot, est d'autant
plas abondante que la couleur de ce sable est plus claire, d'uu-
unt moins qa'tiie est plu» hncée. Il en résulte que, sur tin w\i\t
i. le torbot, mal ciiairv. présentera une couleur som\iTe, «^
i
14 l'atmosphère.
que, sur un sable de couleur claire, il prendra une teinte plus
colorée. Dans beaucoup de cas, les deux couleurs pourront paraître
plus ou moins semblables.
Action sociale de la lamlère. — L'action réflexe partie de
la rétine ne se rend pas seulement à la peau ou au poumon ; elle
excite le cerveau. Nos idées, notre caractère se modiûent de
mille manières suivant Tcclat de la lumière du jour, et le spleen
est forcément plus attaché aux rives brumeuses de la Tamise
qu'aux bords ensoleillés de la Garonne. Spencer classe parmi ce
qu'il nomme h les facteurs originels externes o du mouYement
social les eflets variés que produisent le degré et le mode de
distribution de la lumière, il appose la vie et les usages casaniers
des Islandais, par suite de la longueur de la nuit arctique, à
la vie en plein soleil des habitants des tropiques, et insiste
sur les eflets que produisent sur les idées ces deux conditions si
opposées. Un matelot échappé au naufrage de /(( Jeannette dans
les mers polaires (1881), s'exprime d'ailleurs ainsi : « La nuit, une
« nuit éternelle, succède à un jour énervant. Les ténèbres s'éten-
« dent, au milieu desquelles on distingue des fantômes immenses
« qui, lentement, se meuvent dans Tombre ^les blues de glace),
c Dans cet isolement profond que toute nuit porte avec elle, Té-
« nergie du voyageur polaire, sa raison même, ont à subir d*é-
« tranges assauts. Le jour, il comprend le choc de deux glaçons et
« le fracas qui en résulte. Le soleil est là, c'est encore la vie. liais
« la nuit, ces mornes déserts lui apparaissent comme ces espaces
tt iDcréés et chaotiques que Milton a placés entre l'empire de la
« vie et celui de la mort. »
La vie en plein air, au contraire, possible uniquement dans les
pays chauds, élargit le cercle des idées, qui se rétrécit autour de
la lampe et du foyer des Esquimaux. On comprend que, suivant
ces conditions opposées, le milieu social devient absolument dif-
férent.
Maladies produites par la lamlère. — La lumière exces-
sive produit sur .la peau des érythèmes, parfois des inflanuna-
tiens huileuses. Sans doute, dans les pays chauds, il est assez
difficile de distinguer, dans Tétiologie de ces accidents, ce qui
revient à la lumière et ce qui doit être attribué aux rayons du ca-
lorique ; mais il n'en est pas de même dans les i>ays froids, où
un tapis de neige, par un ciel serein, recouvre la terre pendant
une partie de Tannée.
LUMIÈRE. 85
A ce titre doit trouver place ici Vophthalmie des nrigrs, due
i l'intensité de la lumière réfléchie par la neige éblouissante.
(Test pour éviter ou modérer celte réflexion de la lumière blanche
qoe les Esquimaux portent des lunettes. L'ophthalmie est cepen-
dant fréquente chez eux, mais la neige n'est peut être pas la
cause unique, car les ours blancs ne paraissent pas souffrir des
yein. Cette maladie a, sans doute, une cause adjuvante dans la
fomée qui emplit ordinairement Télroit réduit où s'entasse la
famille autour de la flamme d*huile de phoque.
INi spectre solaire. «- Nous avons parlé jusqu'ici de la lu-
mière totale, mais chacun des rayons qui la composent (violet,
indigo, bleu, vert, orangé, rouge), peut devenir un milieu secon-
daire. Lorsque, par exemple, nous sommes au milieu d'un pay-
sage absolument vert, sous bois, nous sommes entourés de végé-
taux qui, recevant la lumière totale du soleil, absorbent la plus
grande partie de ses rayons et nous renvoient les rayons verts.
Lorsque, en automne, ce paysage est devenu jaune, parfois rouge,
les feuilles ont subi une modification structurale telle, que conti-
nuant encore à i*ecevoir toute la lumière, elles nous renvoient les
rayons jaunes ou rouges; nous sommes alors dans un milieu de
lomière jaune ou rouge, comme au printemps nous étions dans
00 milieu de lumière verte. 11 est donc utile de connaître l'action
ipéctale de chacun des rayons du spectre solaire.
Quelques-uns passent pour être tmphiqttes; ils semblent hâter
le développement des tissus : ce sont les rayons violets et bleus,
Poez aconstaté que des pieds de vigne, aussi bien que des taureaux
ou des porcs, lorsqu'on les fait vivre dans une serre ou dans une
écurie, où on ne laisse pénétrer que les rayons violets, prennent,
soos rinflnence de cette lumière, un développement plus considé-
rable que ne le font des individus comparables, laissés dans la
lomièpe blanche.
De son côté, Serrano Fatigati, d'après une communication faite
par lui à l'Académie des sciences, a constaté que la lumière vio-
lette active le développement des infusoires et que la lumière
Terte leur est moins favorable que la lumière blanche, inférieure
elle-même à la lumière violette. Dans les expériences de Bcclard,
des œufs de mouche, placés sous des cloches de couleur difffcrcnte,
présentèrent des différences considérables : ceux des cloches vio-
lettes et ceux des cloches bleues devinrent trois fois plus gros c\\i^
ceux qui furent exposés à la lumière blanche ; le wri setubVa^
86 l'atmosphère.
la couleur la moins favorable. Tessier a constaté, de son côté*
que les feuilles verdissent facilement sous la lumière bleue ou
verte^ qu'elles restent pâles sous la lumière jaun^, et que la ger-
mination s'effectue plus vite dans la lumière violette que dans
toute autre. A Tin verse de ce qu'on observe chez les animaux, les
fonctions des feuilles ne se trouvent pas bien de Tinfluence de la
lumière violette (P. Bert, Dehérain). D*après d*autres observa-
teurs \e vert ei \e jaune sont les couleurs qui activent le plus^
chez les végétaux, le dédoublement de Tacide carbonique ; or,
chaque feuille, sur un arbre, au milieu de ses voisines, est en
réalité baignée de lumière verte.
Toutes ces expérience.^ sont fort intéressantes à coup sur, maïs
elles sont souvent contradictoires. On aurait tort d*en conclure
qu'elles sont mal faites, car il ne faut pas oublier que l'action
de chaque faisceau du prisme varie avec chaque espèce ; ainsi la
lumière rouge a plus d'action sur la germination de VIberis
amara que la lumière violette ; c'est le contraire pi»ur VEchino*
cactus Ottomi. VOxulis multifloru dépérit dans la lumière violette.
11 est vraisemblable qu'en dehors de la composition d'un terrain,
sa couleur influe sur la végétation de chaque espèce ; ainsi Lortet,
dans les plaines de Nazareth, a reman|ué combien le sol argileux,
rougcàtrc, renvoie la chaleur. Darwin, aux lies Galapagos, sous
l'équatcur, observa pendant deux jours consécutifs, une tempéra»
ture de -i- 48*^,8 sous la tente! La température en plein air était
de -¥• 420,4, et sur le sable brun de + 85°; le sable noir était
plus chaud encore. Lortet pense qu'il se fait à la surface du sol,
une décomposition de la lumière solaire , qui permet aux
rayons chimiques et calorifiques d'agir avec une grande inten-
sité. 11 explique ainsi la fréquence des coups de soleil que Ton
reçoit en Syrie, de bas en haut, la tète étant cependant
parfaitement couverte. Aussi les habitants se couTrent-il« le
bas du visage et les joues; il est permis de supposer que,
toutes choses supposées égales, la végétation à la surface de la
rouge planète. Mars , doit, par cela seul, différer de celle de la
terre.
Les progrès croissants de l'industrie de l'éclairage électrique
donnent une importance assez grande à l'étude de la lumière
électrique, comme milieu. Elle a l'inconvénient de contenir
un trop grand nombre de rayons ultra violets ; cependant lors-
qu'on s'arrange de manière ù les supprimer en interposant un
LUMIÈRE. 87
Terre transparent (Siemens) et à augmenter la quantité des
rayons jaunes, la lumière électrique, ainsi que Dehérain Ta expé-
riroeDté au palais de Pexpusition des Champs-Elysées, et que
Siemens Ta fait à Londres, donne d*cxcellents effets sur la végé-
tation, qu'elle active.
Les rayons du spectre ont sur la peau des animaux une action
sensiblement différente. Ainsi, dans une série d'expériences exé-
entées sur un même individu, il a fallu 12 secondes aux rayons
violets pour produire une phlyctëne, tandis que, dans le même
temps, les rayons rouges n'avaient fait que rubéfier la peau.
Aettoa 4es ray^as da «peetre «ar la rétine. — Hugo
Jlagnus a récemment émis l'hypothèse que Timpression ressentie
par la rétine humaine n*était plus la même que du temps d'Ho-
ffière, époque cependant peu éloignée de nous. Il se fonde sur ce
que beaucoup de teintes ne seraient pas indiquées dans l'Iliade
ou dans V Odyssée. Cette doctrine a été amplement réfutée, en
France, par Geoffroy.
Mais tous les animaux voient-ils de même? Ici encore, il pour-
rait bien y avoir des dittérences suivant les espèces et suivant
leur habitat ordinaire. — Les expériences de P. Bert sur les
daphnées-puces lui ont montré que pour ces crustacés, le spectre
A les mêmes limites que pour nous, car les rayons infra-rouges
ti ks rayons ultra- violets semblent invisibles pour eux comme
pour nous; tout cela se constate lorsqu'on projette on spectre
solaire dans Teau où sont des daphnées ; on voit ces animaux se
grouper dans le spectre visible pour nous et pas au delà. Ils se
répandent dans tout le spectre, mais surtout dans le jaune.
Pour eux, comme pour nous, le jaune est donc la couleur la plus
^daiiBDle (FraûhnhOffer).
Au eootraire, d'après C. de Merejkowsky, les Crustacés infé-
rieoTi ont la perception de toute onde lumineuse et de toutes les
di£Emnces, même très légères, de son intensité, mais ils ne sont
point capables de distinguer la nature des ondes de différentes
couleurs. Ils distinguent, en un mot, très bien l'intensité des vibra-
tiens éthérées, leur amplitude, mais point leur nombre. Il y a
done^ dans le mode de perception de la lumière, une grande diffé-
rence entre les Crustacés inférieurs et l'Homme, et même entre eux
et les Fourmis, qui, d'après Lubbock, apprécient les couleurs ;
tandis que nous voyons les différeates couleurs et leurs différentes
intensités, les Crustacés io/énecirs ne verraient qu'uue Sâ&u\^
98 l'atmosphère.
couleur, dans différentes variations d*intensité. Nous percevons
les couleurs comme couleurs, ajoute Merejkowsky ; ils ne les
perçoivent que comme lumière.
Action du spectre «iir le cerveau. — Les rayons du
spectre semblent avoir sur le travail cérébral et la formation des
idées, une action variable que Ponza ^d' Alexandrie) a proposé
d'exploiter dans le traitement de Taliénation mentale.
m. ÉLECTRICITÉ.
Le rôle de Télectricité dans le milieu atmosphérique est encore
peu connu ; il en est de même de celui du magnétisme. Au sur-
plus, nous ignorons si notre appareil organique est sufflsaroment
bien développé pour l'appréciation des variations électriques, que
beaucoup d^autres animaux semblent sentir mieux que Thomnie.
Il peut même exister dans Tatmosphëre des qualités d'ordre
électro-magnétique dont nous n'avons même pas la notion, parce
que nous ne les apprécions pas cérébralement, tout en en éprouvant
peut-être certains effets. Peut-être est-ce à des sensations de* cet
ordre, et pour nous inconnues encore, qu'obéissent le pigeon
messager et un grand nombre d'animaux migrateurs.
Pour ne parler que des phénomènes électri(|ues que nous con-
naissons, nous voyons les chats beaucoup plus impressionnés par
eux que nous ne le sommes nous-mêmes; on dit qu'au Kamtschatka
les chiens sont tellement impressionnés, quelque temps avant que
Torage éclate^ que leurs maîtres, qui, par eux-mêmes ne ressen-
tent encore rien, sont avertis de l'approche de la tempête. Les
ouragans si terribles qu'on observe parfois aux Antilles sont
toujours signalés d'avance par le mugissement des troupeaux;
enfin, dans l'espèce humaine elle-même, certains indiTidas, sur-
tout les femmes ou parfois même les hommes qui portent les
attributs de ce qu'on nomme le tempérament nerveux, éprouvent»
un peu avant l'orage, des sensations spéciales.
Oeobc. — L'électricité, comme milieu, nous intéresse surtout
en raison de la quantité d'ozone que contient l'air atmosphérique.
— L* ozone n'est autre chose que de l'oxygène qui, électrisé, a
pris un état moléculaire particulier que la notation chimique
caractérise par 0^.
On sait que la quantité d'ozone contenue dans l'atmosphère
varie selon des lois que nous ne connaissons pas encore ; nous
ÉLECTRICITÉ. 19
Doos bornons à constater le fait. Les expériences de Barlow,
de Deroarquay et d'autres encore nous ont appris que l'ozone
excite d'abord la respiration et la circulation ; mais à cette période
succède une période de dépression avec affaiblissement de la
respiration et de Faction du cœur. Localement, il irrite la mem-
brane pulmonaire , et cette irritation peut devenir mortelle dans
on milieu qui contient i 0/0 d'ozone (Barlow). Il passe pour être
to\ique pour les infiniment petits, les germes atmosphériques^
et Schœnbein ayant vu, pendant le choléra, le minimum d'ozone
coîdcider avec le maximum de répidémie, a conclu que Taug-
mentation d'ozone était, dans une certaine limite, salutaire,
puisqu'elle tuait les germes.La rareté de certaines maladies, comme
la variole, la scarlatine et la rougeole à Tîle Borkum, dans la mer
du Nord, où Tozone a été souvent trouvé abondant, a été attri-
buée à cette dernière cause (Schmidt).
Grippe ou inflaeoza. — Cet observateur attribue à l'ozone
la fréquence des catarrhes aigus des voies respiratoires. 1^
vérité est que nous sommes fort ignorants sur ce point. 11 est
d'usage, néanmoins, de rattacher la grippe à l'ozone. Je vais
donc dire ici deux mots de cette maladie qui, si elle n'est pas
due à la production de Tozone, est vraisemblablement sous la
dépendance de quelque phénomène cosmique analogue.
Géographie. Eistoir**. — La première épidémie qui soit connue
de nous apparut à Malte en 1510. En 1057, une grande épidémie
passa d'Asie en Europe et en Amérique.
. En to80, une épidémie de grippe parcourut l'Europe entière,
l'Asie, l'Afrique, où elle tua les vieillards, les infirmes, les débiles.
A Rome, elle fît 9 000 victimes et à Madrid elle décima la popu-
lation.
Eo 1590, épidémie en Allemagne; 4593, en France et en Italie.
Épidémies en 1658-1663, en Italie; 1669, en Hollande; 1675,
en Allemagne et en Angleterre; 1691 en Allemagne et Hongrie.
1729, toute l'Europe est atteinte et gravement : 908 personnes
succomlient à Londres en une seule semaine. La grippe frappe à
Vienne plus de 60 000 personnes. 1732 et 1733, nouvelle épidémie
européenoe et américaine ainsi qu'asiatique. Nouvelles épidémies
plus ou moins générales en 1737 et 1743, où 1000 personnes
meurent à Londres en une semaine. Nouveaux ravages en 1762,
où elle fat très grave dans l'armée anglaise, alors en Allemagne ;
en 1775 elle tue un grand nombre d'animaux dotueaVvc\^i»%
40 l'atmosphère.
Retour en 1782, où iOOOO personnes furent atteintes le même jour
à Saint-Pétersbourg; en i 830 elle 'parcourt le monde entier
précédant le choléra. Elle reparait en 1833-1837; en 1847 elle
fait à Londres, plus de victimes que le choléra. Elle régne en
France en 1858.
Hirsch, de 1510 à 1850, n*a pas relevé moins de 300 irruptions
de grippe, les unes locales, les autres générales; les unes béni-
gnes, les autres graves.
Pathologie comparée, — Dans presque toutes ces épidémies, la
grippe atteint les oiseaux souvent, les chevaux plus souvent
encore. En 1827, une épidémie meurtrière de grippe chevaline
sévit en Europe. En 1872, elle tua à New- York 16 000 chevaux.
Toutes les races humaines dans tous les pays semblent sujettes
à cette étrange maladie ; toutefois, elle semble plus fréquente
encore dans les pays froids, comme Tlslande, où on la nomme
quefj les îles Féroé, où elle porte le nom de krugns^ que dans
les pays chauds.
Symptômes. Nature, — La grippe envahit souvent avec une
intensité foudroyante. A Vienne, dansTépidémiede 1782, on la
nommait bUtz-catarrhe (catarrhe-éclair). Un sentiment de fai-
blesse extrême et sans rapport avec Tintensité des autres sym-
ptômes, voilà ce qui caractérise la grippe. Qu'on y ajoute tous les
symptômes d*un état catarrhal des voies respiratoires, mais avec
une dyspnée considérable et nullement en rapport avec les signes
d'auscultation. D*après Graves, le poison qui cause la grippe agit sur
le système nerveux et particulièrement sur les nerfs du poumon,
de façon à produire les phénomènes d*irritation bronchique
et la dyspnée ; la mort arrive souvent avec les signes de la para-
lysie pulmonaire. C'est donc une maladie spéciale et qui n*a rien
de commun avec cet état catarrhal auquel, en hiver, les gens du
monde donnent à tort le nom de grippe. Cette maladie est le type
de FaiTection épidcmique, non contagieuse. Au lieu de se propa-
ger, comme le choléra, avec la vitesse des communications hu-
maines et proportionnellement à celles-ci, elle se propage en de-
hors de toute direction, sans foyer ; elle s'étend k\3L fois, au même
moment, comme une atmosphère, mettant quelques jours à par-
courir l'Europe et l'Asie, frappant les agglomérés et les isolés, les
marins en pleine mer, aussi bien que les gens des villes et que
ceux des campagnes, les riches comme les pauvres, s'attaquant à
tous les âges, à tous les sexes. U ne semble donc pas que cette
VAPEUR d'eau. 41
maladie soit destinée à entrer dans le cadre chaque jour élargi
cependant des maladies infectieuses, contagieuses, qui sont dues à
on microbe, à un ferment animé et qui sont, en somme, des
maladies micro-parasitaires; l'influenza semble être, au contraire,
une maladie d'ordre cosmique, liée à la présence ou à Tabsence,
auxTariations,dansun sens quelconque, d'un des principes du mi-
lieu atmosphérique; faute de mieux, nous regardons aujourd'hui
ce principe comme étant Tozone, car, en 1847, Spengler, à Rogge-
dorf, a constaté la coïncidence de la grippe avec un excès d'ozone,
et Schœnbein a fait la même remarque à Berlin ; la même observa-
tion a été faite à Gènes, en 1858, par le docteur Granara, ainsi
qu'en France en 1857 et 1858. Ces variations dans la quantité
d^ozone semblent elles-mêmes en rapport avec des changements
brusques dans la température. En résumé, la grippe est une véri-
table pandémie^ aussi générale dans sa production que l'est, dans
ses effets, le milieu atmosphérique aux variations duquel elle est
iotimement liée.
TV. VAPEUR D*EAU.
^ Aeti«a bl«l«^qae. — Parmi les éléments qui font varier,
selon leur plus ou moins grande abondance, la nature et le mode
d'action du milieu atmosphérique, figure, au premier rang, la
vapeur d'eau . Alors même qu'elle n'est pas rassemblée sous forme
de nuages, elle joue dans l'atmosphère un rôle protecteur pour les
animaux et les végétaux, les mettant à l'abri et de la radia-
tiVmet du rayonnement^ c'est-à-dire de l'intensité des rayons trop
ardents du soleil et de rémission de calorique que font vers
les espaces célestes, lorsque le soleil a disparu à l'horizon, la
terre et les êtres qu'elle porte. Tyndall a montré, en effet»
que Fair chimiquement sec n'intercepte plus les rayons calo-
rifiques du soleil. Si donc notre atmosphère était privée de vapeur
d'eau, la chaleur du jour serait excessive, et, par suite du rayon-
nement qui serait, à son tour, aussi intense que la radiation, le
froid prendrait, pendant la nuit, une extrême intensité. C'est
pour cette raison que sur les hautes montagnes, où la vapeur
d'eau est souvent peu abondante, les coups de soleil sont très
fréqueatfl, alors même que la température à l'ombre est parfois
basse. Cest ainsi qu'à la station aujourd'hui célèbre de Davos, en
Engadiae, où un grand nombre de phthisiques vonl v^^t \t^t
42 l'atmosphère.
hiver, tandis que le thermomètre, à Tombre, indique un froid con-
sidérable, la température au soleil est assez élevée pour permettre
aux malades de déjeuner dehors, alors que la neige les entoure
de toutes parts ; c'est que cette neige réfléchit précisément les
rayons du soleil dans une atmosphère sèche.
11 est toutefois bon d'ajouttr, au point de vue purement
médical, que cette absence de vapeur d*eau dans Tair active
singulièrement Téliminatitin de ce principe chez les malades,
et que ce surcroit leur fait payer parfois très cher une chaleur
qu^ils trouveraient plus commodément pour l'organisme sur la
rive algérienne de la Méditerranée.
Pour une raison analogue à celle qui agit à Davos, Sivel et
Grocé-Spinelli, dans une de leurs périlleuses ascensions par
7 300 mètres d*altitude, avec — 24<» au thermomètre, purent
rester assis sans paletot dans la nacelle, lis constatèrent que
la vapeur d'eau avait presque disparu. Il en est de même sur les
hautes montagnes, où le froid devient, pendant la nuit, assez in-
tense pour condenser, sous forme de rosée, la plus grande partie
de la vapeur d'eau dont Patmosphère était chargée. LVaprès le bota-
niste Otto Sendtner, cette condensation d'humidité en rosée sur les
Alpes, acquiert, en été, une importance supérieure à celle de la
pluie; il la regarde comme une des causes déterminantes les plus
importantes, dans la diflusion plus ou moins grande des plantes. Il
n'est pas rare, dit-il, sur les sommets de plus de 2 00<) mètres,
de trouver le gazon mouillé de rosée^ à midi, malgré le soleil.
Dans les régions basses et chaudes, la vapeur d'eau atteint pres-
que toujours une proportion voisine de la saturation, ce qui ap-
porte dans ces régions un obstacle considérable au fonctionne-
ment de la peau et des poumons. En revanche, cet excès, joint à
la chaleur, est très favorable à la végétation . L'air est, dans ces
pays, tellement saturé de vapeur d'eau, qu'il suflit que la tempé-
rature s'abaisse un peu pendant la nuit, pour qu'il se fasse une
condensation de rosée tellement abondante, qu'elle vaut, pour le
sol, une véritable pluie. Les expériences de Duchartre ont, en effet,
montré que les feuilles n'absorbent pas la rosée et que le sol en
bénéficie seul . « Dans les pays chauds, dit Boussingault, la rosée
« apparaît avec assez d'abondance pour favoriser la végétation en
« suppléant à la pluie pendant une grande partie de Tannée... La
«t nuit (dans un bivouac) était magnifique, et cependant dans la
a forêt, dont les premiers arbres se trouvaient à quelques mètres.
VAPBUB 0 EAU. it
' il pleuvait atwndamtneni; lalumiérede la lune permellait de
•^ voir l'rau ruiasclrr de leurs branches supérii'ure*. n
La pru««nce de ta vaiieur d'eau dans l'air, utile ù tous les élrcs
niants, possède pour (|uclques-uas uoe im|K>rt<ia(-e s)>éciale : enr-
tiin» vigiilmi» eflitttueiil les mouTcoicnis qui sont nécessain^
i leur fi'eondalioD. non plus eoininc ceui dont j'ai parlé plus
haut, sous riiifliicncc d?s ra>ons solaires, mais hiun sous IVtion
delavatN^ur d'eau. Le wùcanisme de cesmouvemenls esl, dans co
MXûod cas, Irii analogue A ce qu'il étail dans le premier; ce ne
KM plus les gaz produits en plus ou moins grande abondance |vir
la plant*, sous l'inlluence de la lumière, qui distendent plus ou
nioiii!! des cellules i forme courbée et tendent plus ou moins à les
r, produisant ainsi le mouveoienl ; un mécanisme analogue
i, cette fois-ci, en Jeu, non plus par des gaz, mais par la
' d'eau, qui gonfle plus ou moins des cellules disposéi^s
piarcd'une Ta^'m analogue aux premières. Ce phénomène est (el-
ntl mécanique, qu'il persiste pLirTuisaprùs lu morl: la plantes
I lesquelles cette piTsislinre du mouvement se montre ont •
ifétepriscsparl'hniunu! Comme symbole de rimmortalltj idéale
at laquelle ils'iui'lreet mil recule nom d'immorleMcK. Chez ces
!» toealiee est coriace et (icrsIsLtnt ; lorsque l'airest chargé d'hu-
Slèf le» cellules du calice se ;;unl1unt;or, leur situation et
ireonformalionsont lelle^, qu'en segunllanl elles se recourlieol,
t te adico s'inllechit \im le centre de la flour, qu'en un mot,
fefieur we ferme ; lorsi]ue. au contraire, l'air est sec, les cellules
T^ndresaeat dans un »cns opposé; le calice s'inlléchit fcrs la
; la Oeiira'ou^re.
ata|>eur d'eau est encore plus néce&uiirt- à une foule d'êtres
ian que la sécheresse détruit. Il est vrai qu'elle ne les dé-
e momentanément ou, pour mieut dire, qu'un .tppaicncc;
s la mort était, en efTel, si vraisemblable, qu'on leur a donne
n d'ètnts rtvivîgcmU. LesRoUfiret, le* rnrtlii/ra'ic» et autres
Binres sont célèbres par leur (acuité de reviviscence appa-
;, bwa eulendu. On peut les dessécher pendant cimiunnle-
4 }oill^ dans une éluve dont la lem|icrature est mainlLnue ù
j^IflO" ; une t'uutlc d'eau rallume toutes les manifestai ion s orga-
ica qu'on crojait éteintes. Les Rotifcres ne jouissent pas seuls
« privilège; on le trouve au-dessus et au-dessous d'eux daus
I siriG. Cbo fuiigèiv, gardée par Viiniorin dans un hctUrct oiv
It amit sérjié. a, ious riallumce tic l'humiililc, repris sa ïotm»', -,
44 I^'aTMOSPHÈRE.
die a vécu et a continué à se développer régulièrement. Des
cryptogames desséchés par un séjour d'une semaine dans l'air
raréfié, et d'une autre semaine dans une étuve à 4-70^, ont pu,
sous rinfluence de Thumidité, reprendre leur aspect ordinaire.
(Test surtout par son existence chez les êtres inférieurs, connus
aujourd'hui sous le nom général de microbes, que la reviviscence
nous intéresse. Tous ces êtres que les travaux de Pasteur nous
font pressentir ou connaître comme les producteurs de la fièvre
jaune, du choléra, de la fièvre tellurique,du charbon, etc., perdent,
par la sécheresse, un pouvoir que leur rend Thumidité; ainsi s'ex-
plique comment le retour de la pluie, après une longue sécheresse,
rallume une épidémie que Ton croyait éteinte. Les prétendues épi-
démies spontanées ne sont pas autre chose que les manifestations
d*un microbe reviviscent qu'on avait oublié.
L'absence ou la présence de la vapeur d'eau dans Tair modifie
à la longue les organismes ; c'est ainsi que, dans les pays secs, les
végétaux emmagasinent Teau^dans leurs feuilles, qui deviennent
charnues, succulentes comme celles des plantes grasses; c'est là
une action de milieu analogue à celle qui, par voie de sélection, a
placé dans la bosse du chameau une réserve alimentaire, dont,
diraient les causes-finaliers,.la Nature l'a doté (?) pour lui permet-
tre de traverser le désert.
V. POUSSIÈRES ATMOSPHÉRIQUES. - VENTS.
L'enveloppe gazeuse qui entoure notre planète n'agit pas sur
les êtres vivants, uniquement par la quantité de chaleur, de
lumière, d'électricité ou de vapeur d'eau qu'elle leur fournit.
L'océan aérien, au fond duquel nous vivons, présente, lui aussi,
ses alluvions, les poussières atmosphériques ; il a ses marées et
ses grands mouvements, qui sont les vents.
Poosslères «imoiipliériqaes. — Lorsqu'on fait passer un
courant d'air à travers la ouate, ou lorsqu'on le projette sur une
surface enduite de glycérine, on recueille dans les mailles minus-
cules de cette sorte de filet constitué par la ouate, ou sur la sur-
face gluante représentée parla glycérine, un nombre considérable
de corps étrangers, qui ont, parfois, une origine très éloignée de
celle qu'on pourrait supposer.
Les uns sont des minéraux : Gaston Tissandier a rencontré des
fragments de nickel, substance qui est, comme on le sait, un des
POUSSIÈRBS ATMOSPHÉRIQUES. 45
éléments caractéristiques* des météorites; des corpuscules ferrugi-
neux magnétiques, attirables à Taimant, dont les grains se trou-
vent souvent dans Teau de pluie: une pluie de sable tombée à
Lœbau (Saxe), le \3 janvier 1835, en contenait un grand nombre.
On trouve en outre dans l'atmosphère du sable en grande quantité.
Tborburn a vu, dans la plaine de Marwat, lac desséché dans
rinde, s*élevcr des masses de sable , puissante et terrible muraille
qui. épaisse de 1000 pieds et longue de 30 milles (48 kîlom.),
obscurcit momentanément la lumière du soleil et s'avance avec
fracas, précédée d'une nuée d'oiseaux, milans, aigles et vautours
qui fuient devant elle.
Les ophthalmies, si fréquentes dans le Sahara, ne recon-
naissent pas d'autre cause que la présence de grandes quantités
de lamelles siliceuses dans Tair, et la coutume des Touaregs
de se voiler la fece a pour but de se mettre à Tabri des meurtris-
sures de ces nuages de sable.
On rencontre parfois dans Tair des poussières volcaniques.
En 1815, un volcan de l'Ile Sumbavo, le Timbora, recouvrit de
cendres une surface de terre et de mer supérieure à celle de
TAllemagne. L'effet produit sur Timaginatlon fut tellement vio-
lent, que dans l'ile de Bornéo, à i 400 kilomètres au sud du
volcan, on compte les années à dater « de la grande chute de
cendres ».
Dans la nuit du 23 au 30 mars 1875, une poussière fine tomba
en Suède et en Norvvège. Daubrée reconnut plus tard, sur les
échantillons qui lui furent envoyés, une grande ressemblance
avec les pierres ponceuses de l'Islande ; or, on apprit que, le
29 mars 1875, dans la journée qui précéda cette pluie dépoussière,
le Jœkuldal avait vomi une quantité énorme de cendres qui, sur
une couche de 15 centimètres d'épaisseur, avait obscurci les
ravons du «oleil. f^'.v
De ce fait il convient de rapprocher un brouillard sec, qui,
en 1783, couvrit pendant trois mois presque toute l'Europe,
après avoir paru d'abord à Copenhague, où il persista pendant
126 jours. Il avait pour cause une éruption en Islande.
J'insiste sur ces faits parce qu'ils donnent l'explication de
certaines ophthalmies épidémiques qui régnent parfois, h la suite
du passage de ces nuages de poussières. Ces alluvions ne sont
pas dangereuses pour l'homme seul; elles oblitèrent les stomates
des feuilles et gênent ainsi leur respiration ; c'est \K>^t ^^^
46 l'atmosphère.
raison analogue que s'étiolent et dépérissent les plantes au Toi-
sinage des fabriques.
Les autres corps étrangers charriés par Tatmosphère^ plus
importants au point de vue de la yéngraphie biologiqui'y sont
des végétaux ou des débris végétaux divers, — on trouve de
ces débris jusque dans la neige (Yung, Tissandier), qui les a
englobés dans sa chute à travers Tatmosphère, comme le réseau
d'albumine qu'on emploie pour coller le vin englobe les matières
qui le troublaient; — les prétendues p/t/tr<f île sany, dont il est fait
mention à plusieurs époques, ne sont autre chose que des spores
colorées qui viennent souvent de régions éloignées. Au Maroc
J.Brun (de Genève) a observé une de ces pluies formée par des taches
rouges qui, sur les rochers, imitaient à merveille des taches
de sang. Elles étaient constituées par le Jh^otococcus fluviaviliê,
d*un rouge vif, fort abondant dans la vase qui borde les chotts
sahariens.
On trouve enfin dans ces poussières des produits animaux
divers et des œufs, des germes. On comprend l'importance de
ces faits pour expliquer la dispersion d'un grand nombre de
maladies.
La proportion de ces substances étrangères varie d'ailleurs sui-
vant les points du globe : l'atmosphère des villes contient beau-
coup de charbon, beaucoup de 'débris animaux. L'air d'une salle
d'hôpital, examiné par Chalvet, contenait jusqu'à 36 pour 100 de
matières organiques : globules de sang, globules de pus, etc., la
contagion de certaines ophthalmies purulentes à distance ne recon-
naît pas d'autre cause.
C'est par un mécanisme semblable que beaucoup de maladies
contagieuses deviennent largement épidémiques. Les croûtes
échappées de la peau d'un varioleux peuvent ainsi semer très
loin la variole ; c'est ainsi que la dispersion gf}ographique de cer-
taines maladies prend une grande étendue. 11 en est de ces maladies
largement épidémiques^ comme de ces plantes qu'on pourrait nom-
mer de même épitellnriqttes, dont les graines, facilement disper-
sées, envahissent la terre, comme celles de VErigcron cnnadense,
par exemple. Les progrès de la chirurgie moderne tendent sur-
tout à mettre les opérés à l'abri de ces pluies, plus ou moins visi-
bles, de germes malfaisants : il suffit de citer ici le pansement de
Lister, qui les tue, ou le pansement ouaté de J. Guérin, qui les
arrête, comme au filet, dans les mailles de la ouate.
VENTS. 47
La quantité des organismes microscopiques charriés par Tair
Tarie d^ailleurs avec les saisons : Miquel, à i^obnervatoire de Mont-
souns, a constaté que leur maxioMim était en juin ; chaque litre
d'air, à Montsouris, en contient environ 41 ; — le minimum est
eo novembre, où chaque litre d*air n'en contient plus que 10;
cela tient à ce que la prolifération de ces éléments végétaux est
plus considérable en été qu*en hiver, dans les pays chauds que
dans les pays froids.
Les pluies qui lavent en quelque sorte Tatmosphère ont pour
effet immédiat d'augmenter le nombre des organismes qu'on peut
recevoir sur une plaque glycérinée, par conséquent, de diminuer
le nombre de ceux qui sont en suspension dans Tair. Les eaux de
pluie, entraînant une grande quantité de ces organismes, prennent
aiini, chez ceux qui les boivent, une valeur particulière, comme
agents producteurs de maladies.
L'océan aérien a donc ses alluvions, qu'il charrie avant de les
déposer, comme Tocéan liquide lui-même; les chiffres de G. Tis-
sandîer donnent une idée de l'importance de ce véritable dépôt
alluvionnaire fait par Tatmosphèrc : il a calculé qu*à Paris
1 mèlre cube d'air contient de 6 à *23 milligrammes de poussière;
eo prenant le minimum de 6 milligrammes, on arrive à cette con-
clusion : qu'une couche d'air de 5 mètres d'épaisseur, considérée
sur la surface du Champ de Mars, lequel mesure 300 000 mètres
carrés, ne renferme pas moins de 15 kilogrammes de poussière
atmosphérique ; Tissandier a calculé, d'un autre coté, que 1 litre
déneige à la campagne, avant d'avoir touché le sol, bien entendu,
contient 212 milligrammes de matière organique.
Vents. — Le danger des poussières atmosphériques réside
surtout dans leur transport avec l'air en mouvement, le long de
ces grands courants périodiques ou non, réguliers ou accidentels,
auxquels nous donnons le nom de vents : 1«^ vent du Sahara est
célèbre par ses poussières et par VophthcUmie qu'il provoque ; à
Buenos-Ayres, des trombes de poussière, en 1805 et en 1866,
furent assez puissantes pour rendre Tatmosphère aussi noire que
pendant la nuit et pour étouffer littéralement les passants dans la
rue; après le passage de cette trombe, la pluie versait en réalité
de la boue rar le sol. Ces courants aériens, qui charrient souvent
des germes morbides, ont au moins l'avantage de pouvoir être
assez facilement coupés : ainsi, alors qu'il suffit de se trouver
sous le vent d'un marais, pour prendre la fièvre inletiuvlleuX^)
48 L*ATMOSPHÈHE.
par compensation, un rideau de peupliers, interposé sur le pas-
sage du r^nt, suffit souvent à garantir de ses effets.
Le vent n'est pas toujours assembleur dépoussières et de germes
morbides; il les disperse aussi, et ce, au grand avantage de cer-
taines contrées : toutes conditions égales d'ailleurs, une contrée
balayée par les veuts est plus saine qu*une contrée qui, garantie
par des montagnes, laisse les germes s'accumuler, pour ainsi dire,
dans son atmosphère. Pauly a beaucoup insisté, et, avec raison,
sur la salubrité relative des grandes plaines de TAmcrique du
Sud, où rien ne fait obstacle au balayage de Tatmosphère par les
vents.
Le vent est peut-être un des modificateurs les plus puissants de
rindividu comme de l'espèce que présente l'étude du milieu atmos-
phérique : outre que, suivant qu'ils viennent d'un pays froid ou
d'un pays chaud, les vents abaissent ou élèvent la température,
ils absorbent, en outre, la vapeur d'eau et activent ainsi Tévapo-
ration, chez les végétaux comme chez les animaux.
Les végétaux ne vivent donc, là où règne un grand vent, qu'à
la condition de s'entourer d'une atmosphère immobile, retenue
dans de nombreux poils, à la surface de chaque feuille, ou bien
de pouvoir emmagasiner Peau et les sucs aqueux dans leurs propres
tissus, ainsi que je Tai dit plus haut, au sujet de la vapeur d'eau.
Les végétaux qui veulent vivre au bord de la mer doivent, en
outre, réduire leurs formes, pour oflrir le moins de prise au vent;
il est bien entendu que sous cet artifice de langage « les végétaux
qui veulent », je désigne la sélection implacable qui détruit tous
ceux qui ne remplissent pas les conditions favorables à la résis-
tance au vent. Les espècesmaritimessontnatyi^^, parce qu'elles
seules sont de taille assez réduite pour résister au vent. — C'est
pour les mêmes raisons qu'elles sont villeuses et charnues.
L'action du vent ne se fait pas moins sentir sur les animaux ;
la sélection n'a eu d'autre ressource pour eux que d'agrandir les
ailes de certains oiseaux de mer, ou bien, au contraire, de les
réduire, de les annuler même, comme chez certains insectes des
côtes, où ceux-là seuls ont persisté qui n'avaient 4]ue peu ou
point d'ailes, les autres, mieux dotés en apparence, n'étant pas
suffisamment armés contre le vent et ayant trouvé la mort dans
ooe conformation qui, dans toute autre circonstance, eut été une
supériorité.
Tjes effets d'évaporation produits par le vent sont parfois très
VENTS. 44
pénibles pour rhomme et les autres animaux: tout le monde a
eoteodn parler des effets terribles du Iram^in, en Egypte. Volneya
comparé Timpression produite par ce ^ent à celle d'un four ; la
peau se sèche, la respiration devient haletante, pénible, un ma-
laise général envahit l'organisme. Larrey, pendant Pexpcditioa
d'Egypte, faillit succomber; les chameaux eux-mêmes sont fort
incommodés et ne se mettent à Tabri qu*en se couchant, le nez
enfoncé dans le sable, jusqu'à la fin de la tempête, qui dure
environ 2 ou 3 jours. Les végétaux sur lesquels a passé le kamsin
sont grillés et desséchés.
Les climatologistes ont décrit une foule de vents plus ou
moins célèbres, sur lesquels ce n*est pas ici le lieu d'in«
sîster. Il existe aux lies Falkland un vent d'est redoutable : les
oiseaux succombent sous son influence ;les porcs, pendant tout
le temps qu'il souffle, sont dans un état violent d'agitation et de
fureur.
Les vents ont, en climatologie une importance qui n'est pas
méconnue. Des courants souvent plus ou moins permanents ont
dans ratmos[)hère un rôle analogue à ceux des courants en
général plus permanents de TOcéan ; tous les deux modifient
Je climat d'un lieu, qui cesse d'être ce que la latitude, la
longitude et l'altitude eussent fait supposer. Un des exemples les
plus curieux du rôle modificateur des courants aériens nous est
fourni en Chine. Depuis plusieurs années règne dans cette contrée
un courant atmosphérique profond, constant, dans une direction
à peu près parallèle à celle que suit le Yang-tze-kiang (fleuve
Bleu), de l'est à l'ouest. Le P. Dechevrens, qui l'a découvert,
lui attribue la sécheresse terrible dont est frappé depuis
quelques années le Nord de la Chine ; en efTet, dit Élie Mar-
gelle, par sa profondeur, sa largeur et sa rapidité, il con-
stitue une barrière infranchissable à tout courant secondaire
tentant de passer du midi au nord de la Chine ou inversement, à
une certaine distance du sol. « Or, dans un pays septentrional
€ privé de grands cours d'eau, qui n*est arrosé que par les pluies
< amenées sous forme de vapeurs au sein des courants aériens
f partis des régions équatoriales, quelle sécheresse ne doit pas
« produire l'interruption de ces courants, interceptés durant
c plusieurs années 1 Refoulés ou arrêtés , ils sont alors entrainét
« de l'ouest à l'est, puis une fois redescendus à la surface du
« sol, repris par. Talizé de nord-est, qui les a ramenés k \xa.^es%
Gioan» M ÉD. k
60 l'atmosphère.
f la Chine méridionale, abandonnant sur leur route les pluies
f qu'ils devaient transporter vers le nord. »
VI. ALTITUDS. PRESESON ATMOSPHÉRIQUS.
Nous avons jusqu^ici considéré l'atmosphère au milieu de
laquelle nous vivons, comme une enveloppe gazeuse qui s^éten-
drait autour de la terre^ avec une épaisseur partout invariable;
mais il n*en est rien : le fond de Tocéan gazeux est au contraire
très inégalement mouvementé, ici creusé de vallées, là hérissé
de montagnes. Il en résulte que Tépaisseur de la couche d'air
qui nous entoure est très variable et que cette couche d'air pro-
fonde, épaisse au-dessus des vallées basses, est, au contraire,
mince au-dessus des montagnes et d'autant plus mince que ces
montagnes sont plus hautes. .Pour se faire une idée de la varia-
bilitc d'épaisseur de cette couche d'air, il suffit de considérer
d'un côté le pourtour du lac Asphallique, en Judée , à plus de
100 mètres au-dessous du niveau de la mer, et de l'autre le
mont Everest^ dans le massif central de l'Asie^ qui ne s'élève pas
à moins de 8 840 mètres au-dessus du même niveau de la mer.
Artlon de l'altitnde snr la tempAratare. — Un des
premiers effets que ressentent les êtres vivants de l'amincissement
de la couche d'air qu'ils ont au-dessus d'eux, c'est la dimi-
nution de la température. Cette diminution tient en réalité à
ce que l'air absorbant et emmagasinant une certaine quantité
de chaleur, nous avons d'autant moins chaud, que cette sorte
de revêtement gazeux et chauffé qui nous entoure, est moins
épais. Il en résulte que la température va en diminuant, à
mesure qu'on s'élève au-dessus du niveau de la mer, et que,
sans changer de latitude, tout en continuant à recevoir le soleil
pendant le même temps et sous un même angle, on a d'autant
plus froid que Tallitudc est plus grande. Une ascension équivaut
donc à^un changement de latitude vers le nord. D'après Flam-
marion, la température décroît en moyenne de -f i*» par 189™; les
modificalions apportées dans l'organisme des êtres vivants par le
milieu atmosphérique s'échelonnent donc dans le même sens
du pied d'une montagne à son sommet que de l'équateur au
pôle.
C'est ce que le professeur Martins a bien démontré pour le mont
Venteux, qui s'élève brusquement à 1941™ au milieu de la plaine
• •
• • ' • • • • I .
• • • • • • • "
(te Pro*en«, entre Carpenlras el Avignon i tandis que la tempéra-
ture itioyrnno de la plaine est de + 13", celle du sommet du
Wnluux n'est que de + 2° ; autrement dit, landis que la
Irnifiérature moyenne de la plaine est celle de Venise , celle du
sommet est cclls que nous offre la Laponie pnr R0° de lat. N.
Mi>n(«r nu Ventoui. cela équivaut donc, au point de vue de la
lempéralure, à un déplacement d'une Tîn^taine de degrés en
btitudc. Qu'en résulte-t-ilî C'est qu'au pied de la montagne et
jUKiu'i SOO* on trouve le Pin d'Alep, l'Olivier; puis, jusqu'à
1 ISO", le Buis, le Thym, la Uvande ; de lA à ir>()0°>, le Hêtre ; de
IG60à 18I0", le Pin de montagne; à partir de ce point Jusqu'au
baut, la végétation de la Laponie : plus d'arbres, plus d'arbris-
icaui, des lichens ! les quelques plantes élevées qui subsistent â
relie hauteur sont des plantes ruiines. Dans les Mlj^'lteiries, tandis
qu'au bas, des arbres de SO" de haut forment des Torêts impéné-
trahlrt, au milieu desquelles s'épanouit la végétation parasite des
orchidées, on trouve dans le haut, au bout d'une heure de
marche, la végétalion des Alpes et du Jura : renoncules, vio-
lette, an émoncs, millepertuis, potentille, gentiane.
L4 tnèine espèce subit, sur les hauteurs, des Iransformations
ipii ont suffi psrrois à déterminer les botanistes à créer des es-
pièces dilTérentes : le genévrier de la plaine se transforme, par
iti nuance» insensibles, en genévrier nain de la montagne; le pin
tvIvcHtrr xp iran^onne inseniiiblement en pin de montagne. Gas-
loo Bonnier a profilé récemment d'un voyage qu'il a Tait en Au-
tridie et en Hongrie, pour constat/;r les niodili cation s que
prèMnte une mAne rjijiiw, lorsqu'on se déplace en altitude. A
OKsoNqu'il s'élevait Jl voyait apparaitrepInaTréquemment la colo-
rose, chci les Oeurs ordinairement blanches et peu colo-
: il a constaté au microscope que cela tenait à l'augmenta-
ilnnombre des grains du pigment.
>CMte nodiGcatinn de la température par l'altitude a été depuis
iOQgtenttn exploitée par l'homme dans les pays chauds, où l'on
se rtfugifl sut les hauteurs pour éviter la trop grande chaleur.
Ces* ainsi qu'il Mexico, par 9277" d'altilude et par 19° de lat- N.,
la température moyenne est de -|- 17", alors que, à la même
Latitude, mais presque au niveau dn la mer, la Vera-Cruz pos-
sède une température moyenne du + 26". Par 3*" lat. N., V-th,
ta capitale du Thilifi, à 3303" d'altilude, possède une rooNcnuti
■//(■ Ue-h6'.l0, tandis que, pour ia niéine laUludc,mttisa.o
5i L ATMOSPHÈRE. #
nîTeau de la mer, la température annuelle serait, en moyenne,
de H- 22».
Cest par suite de cette action de Taltitude sur la température
que nous voyons s'établir dans les pays chauds des refuges pour
les malades et les convalescents : le Sanatorium du camp Jacob,
aux Antilles, ceux des Nilgherries, dans Tlnde anglaise, tel que
le Sanatorium d*Ootacamund, à une altitude de 2!260", dont la
température moyenne est de + 15®. On voit d'ailleurs que, dans
la plu|>art des pays chauds, les conquérants qui, naturellement,
prennent la part qui leur convient le mieux, laissent le peuple
conquis sur la côte insalubre et gardent pour eux les montagnes :
ainsi ont fait à Madagascar les Howas, qui , conquérants de Tile,
habitent uniquement le centre montagneux; inversement, dans
les pays froids, en Laponie par exemple , les populations ne peu-
vent s'agglomérer et devenir sédentaires qu'au niveau et au bord
même de la mer, tandis que celles de Tintérieur sont condamnées
à la vie nomade, obligées de changer de niveau, au gré des sai-
sons, pour ne pas dépasser un minimum de température. C'est
dans le même but que se sont faites certaines migrations des
animaux : ainsi les animaux qui vivaient en France à l'époque
glaciaire ont émigré les uns vers le pôle, les autres sur les hau-
teurs mêmes de la France.
Action de raltitade snr la Tapenr d'ean. — La tempé-
rature ne diminue pas seule à mesure que l'altitude augmente;
par cela môme qu'il fait moins chaud, lair se trouve saturé avec
une moins grande quantité de vapeur d'eau ; l'air des hauteurs est
donc plus sec que celui des plaines ; il est encore plus sec au niveau
des neiges éternelles, puisque là toute la vapeur d'eau contenue
dans l'air se solidifie ; c'est ainsi que, alors qu'à la Vera-Cruz
l'hygromètre marque 85° ou 1*0°, sur le Popocatepelt, par 5 400"
d'altitude, près de Mexico^ il ne marque plus que 25*.
Dlminniioii de la pression atmosphérique.^ L'altitude
a une conséquence plus importante encore que celles que nous
venons de voir : je veux parler de la diminution de la pression
atmosphérique.
Ce mélange d'azote, d'oxygène et aussi d'un peu d'acide carbo-
nique^ qui constitue notre atmosphère, est pesant ; nous n'en
sentons pas le. poids, parce que nous n'avons jamais vécu sans
lui, mais il n'en est pas moins réel, il s'exerce sur toute sur-
face, et chacun sait que ce poids, qui servit àTorricelli à construire
PHESSION ATMOSPHÉ BIQUE.
n baromètre, esl i-gal. pour une surface doniicc, à une colonne
il« inercure Je mèuie suifucc et de 76 centimôlies de hauleur.
0",76, c'est Id, en elTt:!, la hauteur du tiaromètre au Iwrd de la
rr; mais plus on manie el moins on a d'air au-dessus de soi,
I la cttlonne barométrique descend ; c'est ainsi qu'où peut,
s une formule donnée par Laplace, mesurer la hauteur des
içnes d'après l'abaissement du baromètre.
ique être, au niTeau de la mer, porte donc, sur chaque cen-
jliln; carre de sa surrace, un poids égal à celui d'une colonne
KTcure.dc I cenlimétre carré de diamètre et do 7e centimètres
uteur ; ce poids est supérieur à 1 kilogramme. Or, comme
il peut estimer ù plus de 15000 centimètres carrés la surface
^ioppi!e du cor|is d'un homme adulte, il s'ensuit que chacun
supporte, parle Tait même du poids de l'air, au bord
lu mer, un poids égal â 200OO kilogrammes. L'enveloppe
ipliérique exerce donc sur dos tissus, à la fai^on d'une cein-
I, aat compression mécanique dont nous nous passons dinî-
iRleiODS-nous sur une montagne de 4000" h SOOO". Lit, U
miK du baromètre aura baissé de moitié : au lieu de marquer
I^W, comme au bord de la mer, il n'en marque plus que 0°>,38.
■poids de l'air sera donc moitié moindre, et, au lieu d'être égal,
r la surrace totale du corps, à 30 000 kilogrammes, il ne sera
• que de 10000 kilogrammes. Descendons au contraire au Tond
'ft mer ; Il nous faudra supporter non seulement le poids de la
POG d'air qui esl au-dessus de la mer. mais le poids d'une
Kine d'eau salée qui aura pour largeur la surface totale de
: corps et pour hauteur une mesure variable selon lapro-
leur du fond où nous nous supposons, ^pendant ce poids
e : poids de l'air + poids de l'eau, tous les êtres marins le
teat. Nous pouvons donc entrevoir déjà quelles diirerences,
rait-ce qu'au pomt de vue de lapression.implique pour uu être
it riiabitat aérien ou marin. La sélection a lellemeiit habitué
^ êtres marins â ce poids, que, du moment ou il vient à aug-
ter ou à diminuer, ils changent de niveau autant qu'ils le
at: n la pression augmente, ils montent-, si elle diminue,
eendent, de manière à supporter toujours une pression à
|l prte égale.
uboaaieT, ifui s'occupe de pisciculture avec tant de comvt-
seel de so/i/s. amoniré. en elTvt, un pliênoraènc bien cutwM*- "■
:^4 L*ATM08PHÈRB.
au inoiiieiu du frai, alors que les poissons mâles sont remplis de
ct's uia^ises énormes de laite que tout le monde a vues, alors que les
femelles sont remplies de grappes énormes d'œufs, Tabdomen des
uns et des autres est gonflé outre mesure. Ces animaux éprouvent
alors, en sus de la pression de dehors en dedans, qu'ils supportent
au fbnd des eaux, une autre pression, celle-là de dedans en dehors,
qui obstrue les vaisseaux sanguins et gène la circulation. Que
taire pour échapper à cette double pression qui les écrase? Mon-
ter! lis montent et diminuent ainsi la pression de dehors en
dedans. Les harengs montent en pareil cas à la surface de la mer
et Ton appelle cela le passage des harengs, alors que c'est en
réalité la montée des harengs ; quand ils sont déchargés de leur
laite et de leurs œufs, ils redescendent pour retrouver la même
pression. Certains poissons ne se contentent pas de monter à la
surface, mais ils choisissent une eau moins lourde, moins dense
et qui ajoute au poids inévitable de la colonne d*air un poids d'eau
moins considérable. Ils échangent Teau salée contre l'eau douce^
et remontent le cours des fleuves. Une fois la période du fhii ter-
minée, une ceinture de pression leur redevient nécessaire, comme
à quelques femelles de mammifères, lorsqu'elles viennent d'expul-
ser le contenu de leur matrice, et ils regagnent Teau salée,
comme tout à l'heure nous avons vu les harengs regagner les bas-
fonds de la mer.
Cette compression en quelque sorte mécanique de la part du
milieu est un fait tellement nécessaire à l'animal qui y est accou-
tumé, que, pour acclimater des pois>ons d'eau de mer à l'eau
douce, ou inversement, il ne s'agit pas, comme on aurait pu le
croire au premier abord, de changer petit à petit les conditions
chimiques de Tcau en valant Teau douce ou en diminuant la
salure de Peau de mer ; il suffit, pour les poissons de mer, d'aug-
menter la densité de l'eau douce, au moyen de substances inertes,
sans qualités chimiques. Paul Bert a pu faire vivre ainsi des
poissons de mer dans l'eau douce.
L'action physique et mécanique de la pression atmosphérique
n'est, d^ailleurs^ nulle part mieux démontrée que dans la ven-
touse; on voit alors que là où la pression diminue localement, les
liquides de Torganisme tendent à s'épancher en dehors ; c'est
ainsi que les aéronautes qui s'élèvent assez haut dans l'atmos-
phère pour voir la pression diminuer notablement, sont pris
d'épistaxis; cCest pour la même raison que dans l'Asie centrale les
PRESSION ATMOSPHÉRIQUE. i$
jacksqui vivent à 4 000 mètres d'altitude crachent du sang lors-
qu'on les poursuit avec trop d'insistance et qu'ils se livrent à une
course trop rapide ; mais ces phénomènes mécaniques ne sont pas
les seuls qu'il soit donné d'observer; à eux se viennent joindre
des phénomènes d'ordre chimique et physiologique sur lesquels il
nous faut maintenant insister.
Mal des m«iitacB«*- — H suffît, pour ressentir ces phéno-
mènes, de gravir une haute montagne. On pourrait donc croire
que les hommes les ont, de tout temps, bien connus. Ce
serait une erreur. L'amour pour les montagnes parait être, d'ai-
lears, un sentiment assez moderne, en quelque sorte contempo-
rain du touriste, variété humaine qui n'existait pas alors que les
communications étaient difficiles. Les grandes migrations de
peuples ont toujours suivi les cours d'eau, par conséquent les
fallées; la population immigrante se bornait dans les régions
tempérées, car j'ai fait plus haut une exception pour les pays
chauds, à contourner le massif montagneux où se; retranchait la
population envahie, qui, elle^ habituée aux phénomènes physio-
logiques provoqués par la montagne, ne les éprouvait que peu et
s'en étonnait moins encore.
Cependant les Chinois, ce peuple qui semble avoir tout inventé,
parce qu'il a de bonne heure tout enregistré, n'avaient pas été
sans s'aventurer sur les hauts plateaux de l'Asie centrale. En
WJ de notre ère, le Chinois Hiouen-Thsang consigne sur ses notes
que sur les hautes montagnes de ce pays, on éprouve des maux
de cœur et des maux de tète; mais il n'en cherche pas le motif.
Bien plus tard, au seizième siècle, les conquérants du Mexique, à
5420 mètres, bien qu'habitués aux fatigues, furent tout surpris
de leur peu de vigueur ; il en fut de même dans les Andes de
PÂmérique du Sud; mais ces hardis aventuriers n'étaient pas
fenus avec l'intention d'étudier la nature; les mines seules
avaient le don de les intéresser dans ces paysages d'un monde
nouveau, et comme ils avaient, précisément au moment de leurs
grandes fatigues dans les montagnes, rencontré des mines d'anti-
moine (sorroche, en espagnol), ces naïfs brigands ne doutèrent
pas que ce fussent les vapeurs de l'antimoine qui déterminaient
les maux de tète et les maux de cœur ; ils donnèrent donc le
nom de sorroche aux phénomènes présentés sur les montagnes
par les bêtes comme par les gens. Chacun de nous a tellement
iliabiiude de tout rapporlerà robjet de ses préoccupallous, cv\Jl>WV
la l'atmosphère.
Chinoi»qui,lui, recherchait des plantes médicinales, trouva^ dans
VAnÏG centrale, à ce que nous nommons aujourd'hui le mal des
motUtufticti» une explication différente, mais analogue. Il avait
6U\ frappé par l'abondance de la rhubarbe dans les monta-
gne» de TAsie, et il avait, dès lors, cru trouver la cause du phé-
noni(;ne dans les vapeurs de la rhubarbe. Cest là une façon de
rainonner qu^on retrouve plus d*une fois dans Phistoire des
mv.nvAiH\ tant il est vrai que l'esprit humain -suit partout les
niénieN errements!
Opendaiit, en i890, un jésuite, Acosta, avait trouvé laTéri-
tabli! (explication. « L*élément de Tair est, dit-il, si subtil en ce
44 lieu (l'Asie centrale), qu'il ne se proportionne pas à la respira-
A tion humaine, laquelle le requiert plus gras et plus tempéré,
« combien que l'air y est froid; néanmoins, ce froid n'ôte pas Tap-
f petit de manger; ce qui me fait croire que le mal qu*on en
« re^'oli virnt de la qualité de Tair qu'on y respiré, d Notons qu'à
IV*poi|ue où AcoHta parlait ainsi, Olto de Guérick, qui devait dé-
niunlrer lu pesanteur de Tair, n*élait pas encore né; Torricelli
n*avait donc pas encore construit son baromètre; Pascal n'avait
puM fait H(*s expériences de la tour Saint-Jacques; Priestley et La-
voiftier n'avaient pas découvert l'oxygène et montré son rôle dans
la respiration; enfln on ignorait, par conséquent, la loi de Ma-
riotte : « LV'space occupé par Tair atmosphérique est en raison
0 même des poids qui le compriment. » Ce jésuite avait, il faut
l'avouer, fait preuve d'une rare sagacité. Les travaux de de Saus-
•ure, de Humholdt, de Bonpland, de Martins,de Bravais, ont con-
firmé ses vues, et nous savons aujourd'hui que le mal des mon-
tagnes est causé par la rari^ faction de l'air.
Comment agit cette raréfaction? On reçoit moins de chaleur,
puisque l'altitude diminue la température; lair étant plus sec
(nous avons vu plus haut pourquoi), son pouvoir diathermane est
plus grand ; le rayonnement est donc plus actif; autrement dit,
non seulement on reçoit moins de chaleur, mais on en perd da-
vantage. De plus, on en fait moins. En efTety la chaleur se fait
avec de l'oxygène; or, l'oxygène existe, il est vrai, dans Pair ra-
réûé au même titre qu'au bord de la mer (21 volumes d'O. pour
79 volumes d'Az.); mais Tair des hauteurs n'étant plus comprimé
par l'air qui l'entoure^ se dilate, car les gaz se dilatent^ se diiïu-
.sent à l'infini ; l'air est donc, pour un même volume, moins abon-
dant qu'en bas. Chaque litre inspiré contient moins d'air, et.
PRESSION ATMOSPUËRIOUE. &7
comme la capacité pulmonaire ne change pas, chaque respiration
un entrer moins d'air dans les poumuns.
Voilà Im cunclusions auxiiuelles on s'arrêtail jusque dans ces
dcnitères années; elles suffisent, d'ailleurs, pour le nioraenl, pour
OOfQlifvndn; le mat des montagnes. Comme pour parer à ce déraut
Air. la mpiralion se fait plus fréquente, plus profonde; niais
ttft cITorls. chez un bomme nouveau venu dans la montagne, de-
inrorrjft impuissants; le poumon ne saurait augmenter brusque-
■ent &a capueilË ; la face du touriste devient donc noire ; ei, pour-
IêbI, forcé de gr&vjr des pentes rapides, il a besoin de faire des
Cflbrts musculaires considérables; il doit fournir une somme con-
sidérable de force motrice. Ea eflet, le touriste qui monte a
d'abord davantage à lutter contre la pesanteur que l'homme qui
niarcbe du in£mc pas sur un terrain plat; lise trouve, en outre,
daus des coiiditiuns spéciales par suite de cette loi de physique :
Tout corps baigné clans l'air perd de son poids un |H)ids égal à
celui du volume d'air qu'il déplace.
En Tertu de celle loi, si le Doiticu où vit un animai est très
dojise. cet animal perd de son poids une portion considérable ; il
se Iroutedoncallégé d'autant; c'est pourcela que nousuvons moins
d'efTuris faire pour nager que pour marcher, et pour nager dans
l'eau de mer moins que pour nager dans l'eau douce; l'eau de mer
ivutienl, comme disent les baigneurs. C'est pour cela que les ani-
maux aériens, même terriens, ont, en général, des organes \iico-
moteurs plus compliqués que les animaux aquatiques. Au con-
tnire, si le milieu où vit un animal est, comme l'air de plus
en plus raréDé des hauteurst de moins en moins dense, le
poids duut cet animal se trouve diminué, son volume étant inva-
mUe, est de moins eu moins considérable; à mesure qu'il monte,
((«tiitual devient, en réulilé, de plus en plus lourd, et il a be-
ivoir SCS membres, d'un effort musculaire plus con-
fie que celui qui suffisait au bas de la montagne. Voilà
rqooi l'ascensionniste en montagnes se trouve dant la néces-
t de fatinquer une force motrice énorme.
)r> celte force nmlrice, il ne la crée pas de toutes pièces; il la
Iduit, par voie de transformation, en brûlant le carbone de ses
u avec l'oiygéiie que l'air raréfié lui fournit si parcimonieu-
WDt; maigre ce défaut de matière comburante, il brùlc néan-
■■■>■> le plus ijit'JI peut, sa matière conibusliblc, c'esV-ii-A*Te w;%
m, et Sil/riquc danfuaalilts cotmdcïM<ti d'acide caT^wvvwVi^ ■
SI l'atmosphère.
Mais cet acide carbonique est un poison ; le voyageur a beau eia-
gérer la fréquence de sa respiration, il ne suffît pas à éliminer
par Tcipiration, Pacide carbonique quUl fabrique; ce gaz s'accu-
mule donc dans le sang; il paralyse les muscles, qui, sous son
influence, cessent de se contracter; il éprouve alors cette fatigue
qui avait frappé le voyageur chinois en quête de rhul>arbe et
les Espagnols à la recherche de Tantimoine ; il est forcé de s'ar-
rêter.
Sitôt qu'il s'arrête, sitôt que la plus grande partie du travail
musculaire cesse, la fabrication d'acide carbonique cesse d*étre
exagérée, et la respiration, encore accélérée, peut suffire à dé-
barrasser le sang d'une partie de l'acide carbonique en excès ; il
repart alors. Mais Texcès d'acide carbonique ne tarde pas à se
manifester de nouveau ; le repos va encore débarrasser le sang
d*une partie de cet excédent, mais moins complètement que la
première fois ; si bien qu'au bout d'un certain temps, à une cer-
taine altitude, le mal des montagnes est, en réalité, une véritable
intoxication par l'acide carbonique.
li'après ce ({uc je viens de dire, on devine que plus le voya-
geur est chargé, plus vite il est pris par le mal des montagnes.
Ainsi, pendant la guerre du Mexique, au passage des Cumbres,
par 1 000 mètres d'altitude seulement, le 95* de ligne, dont les
hommes étaient plus chargés que ceux des autres régiments, fut
fort éprouvé : il se produisit des épistaxis et même des hémor-
rhagies cérébrales.
Les symptômes sont alors les mêmes que ceux qui sont, chaque
année, déterminés chez les vignerons par le gaz qui s'échappe
de la cuve de vendanges : maux de tête, étourdissemcnts, titu-
bâtions, mal de cœur, nausée, vomissement, à la fin syncope, in-
sensibilité, délire ou coma.
Le cerveau n'échappe pas à cet empoisonnement; arrosé par un
sang trop chargé d'acide carbonique, il cesse d'élaborer aussi net-
tement la pensée : on voit ainsi des savants qui étaient montés
sur un pic élevé, pour étudier certains phénomènes déterminés,
redescendre sans une note et se borner à écrire sur leur carnet :
J'ai tout oublié; note négative, mais où l'observateur, devenu
lui-même objet d'expérience, donne lui-même la mesure des phé-
nomènes très positifs dont il a été victime! La moindre pensée,
c'est-à-dire la moindre production de force, consomme trop d'oxy-
gène; le peu dont dispose l'économie doit être employé à mouvoir
PRESSION ATMOSPHÉRIQUE. 59
le cœur et les poumons. Tel ssYant se trouve assez bien, que le
moindre calcul barométrique plonge dans la stupeur, mettant
ainsi le comble à l'empoisonnement par Tacide carbonique et à la
pénurie d*oxygène. Ainsi sont morts Sivel et Crocé-Spinelli, as-
phyxiés par leur propre sang, qui était devenu toxique, et oubliant
. même, tant leur oenreau était lui*méme empoisonné, de respirer
les ballons d*oxygène qui les auraient sauvés de la mort, et qu'ils
avaient emportée dans ce but même.
Ces troubles, d'origine chimique, se compliquent, d'ailleurs, de
phénomènes physiques analogues à ceux que nous avons vus plus
haut chez les poissons, et à ceux qui se produisent localement dans
■ne ventouse; le sang, que ne retient plus dans les vaisseaux le
poids de 20 000 kilos dont je parlais plus haut, tend à en sortir. Au
lieu que ce soit la paroi du vaisseau qui presse sur le sang, e^est
lui qui refoule la paroi de dedans en dehors; les battemenis
du cœur se précipitent. Parrot, sur lui-même, a constaté :
Au bord de la mer 70 puis.
A iOOO mètres 75
1500 — 82
2 000 — 90
S500 — 95
3000 — 100
3500 — 105
4000 — 110
Un autre observateur, Lortet, a compté sur lui-même égale-
ment :
A Chamonix (1 000") 64 puis.
Aux Granda-Mulets (3 050") 116
— (4556") 136
Sommet du mont Blanc (4 810"). . . . 172
On devine que, dans un air raréfié, la tension du sang, c'est-
à-dire la force qui le refoule dans les vaisseaux, doit diminuer;
c'est, en effet, ce qui a lieu, et le sphygmographe indique une
diminution progressive de la tension cardio-vasculaire, à mesure
que l'altitude est plus considérable.
A quelle hauteur commence le mal de montagne? Il semble dif-
ficile de répondre à cette question d'une façon précise. Va \\wv-
teur nécessaire eisu/Rsante pour produire les phénomeues v^uVY^
60 l'atmosphérb.
caractérisent varie, en effet, avec Tétat d*un même individu, avec
la race, avec Pespèce ; elle varie également suivant les régions,
et même suivant les passes d*une même montagne.
En général, le mal de montagnes apparaît chez Thomme vers
3 000 mètres. Dans les Pyrénées et dans les Alpes, la hauteur varie
entre 3 000 et 3 500 mètres ; sur les volcans du Pacifique, le mal
ne commence guère qu'à 4 000 mètres; au Mexique, entre i 500
et 5 000 mètres.
11 est assez étrange de voir, ainsi que je le disais tout à l'heure,
certaines passes de montagnes donner d'une manière en quelque
sorte spéciale le mal de montagnes. 11 faut avouer que cela était
bien fait pour donner une apparence de raison, à ceux qui
croyaient à la présence d'un air pestilentiel, qui s'échapperait de
tel ou tel point de la montagne. 11 existe dans les Andes un cer-
tain endroit où se sont amoncelés tant de cadavres de mulets et
do chevaux tués par le sorroche, que ce passage porte le nom
d'nlln dr hts hwsos, la hauteur des squelettes, le pas des Squelettes,
comme un dirait chez nous. Cette facilité avec laquelle une mon-
tagne donne plus facilement qu'une autre les phénomènes de l'al-
titude tient, en réalité, à la nature plus ou moins abrupte des
pentes par lesquelles a dû passer le voyageur : le mal de mon-
tagnes apparaît moins vite quand on monte insensiblement, par
une pente douce, que lorsqu'on monte brusquement; le mal peut
ainsi, si la configuration d'une montagne est abrupte sur un ver-
sant, en pente douce sur l'autre, prendre le voyageur à l'aller plus
bas qu'au retour, ou, inversement : c'est le cas des voyageurs qui,
en Asie, vont du nord au sud , à travers l'Asie centrale, du désert
de Gobi dansl'Hindoustan, par l'Himalaya; ils sont moins exposés
que ceux qui, revenant du midi au nord, vont de l'Hindoustan dans
le désert de Gobi ; cela tient tout simplement à ce que le versant
septentrional de l'Himalaya est en pente douce, tandis que le ver-
sant méridional est abrupt.
La rapidité de l'ascension propre aux aéronautes pourrait, d'a-
près ce que je viens de dire, faire penser que le mal des hauteurs
les attaque de bonne heure; mais il n'en est rien, parce que
Taéronaute ne fait que peu de dépense de combustible ; il ne
fabrique pas autant d'acide carbonique que le piéton; aussi peut-
il monter impunément beaucoup plus haut.
11 est permis, en présence des faits que je viens d'énumérer, de
s'étonner de voir tant de populations actives fixées sur les hau-
^Ttni
PnESSION ATHOSPHÉRIOUB.
ITS, en Asie ceolrale, au Meiique, en Abjssinic ei ailleurs en-
ciire. Comntenl des combats acharnés ont-ils pu avoir lieu dans
Jï pareilles cooditions! Cotnment des Temmes peu ven [-elles dan-
ser (lendanl toute une nuit, à Quilo ou à Polosi, à une altitude
luâsure se trouvait mal? C'esl là un point bien
inr les aliliadea. — Les populations iixées sur
y hauteurs sont nombreuses. Dans le Pùrou et dans la
I ne compte pas moins de SS localités impurtanles
s entre 2 000 et -2^00 mèlres; ou en compte 13 à 3 000 më-
fi; entre 3 000 et 3 500 mètres. H; 42 enlre 3 500 et 4 000 mè-
(; enfin 6Î au-dessus de 4 OOU mètres. Il en est de même au
kir]ue. Dans l'Asie centrale, les bergers khirg bise s |>assentl'ctLS
: leurs troupeaux de yacks et de brebis, sur le plateau dl^
ir.i une hauteur qui va jusffu'à 4750 mètres, et ne redev-
int dans la vallée de l'indoukousch qu'à l'approche de l'hi-
it. Llramme peut donc vivre dans un milieu atmosphérique peu
Iprimé. Mais s'aeclimale-t-il réellement? Dans le cas affirmalir,
Bmwnl se fait cet accliinalement? C'est ce que nous allons e\a-
ner.
H ; a déjà longtemps, Dorbigny eipliqua l'accoutumance au\
Bllitudes, cticz les Indigènes du Mexique et des Andes, en disaul
ijoe leur circonférence thoracique était plus grande que celle des
autres hommes, et que l'augmeDlnlbn de la capacité thoracique
compensait la diminution d'air, et par conséquent d'oi^gcne,
s un volume donné. Coindet confirma celte observation; il
nia même que, chez les Européens qui s'acclimataient au
, la respiration devenait plus Tréquente, et lu poitrine, à
tugue, plus ample. Malheureusement pour cette théorie, des
ions ultérieures permettent de penser que les iiidi-
s plaines basses du .Ue];ique et ceux des plaines basses
r Pérou, qui, les uns et les autres, appartiennent à la même
t qae les habitants du plateau de l'Anahuac et que ceui des
»mme eui, dans le haut comme dans le bas de
elle des altitudes, la poitrine plus grande quu nous. Il est vrai
t Jaccoud affirme que le nombre des respirations et leur amjili-
"e augmentent sur l'EngadinejArmieui a, de son côté, constaté
• augmentation de la capacité respiratoire chez les inlirniicrs
I Barè(p»; mais loul cela serail-il constant, que celle aflï,vi,\aR-
' g de k capacité thoracique ne servirait absoVumenl a ùea
61 l'atmosphébb.
et n*aiderait en rien les races américtines à s'habitiier sur les
baateurs. Voici |)ourqaoi :
TeBsi«a alai^sphéfli^aa. — Expérlcmees de P. Bert. —
La respiration n est pas on phénomène passif qui se borne à
verser Tair dans les poumons; cet air se trouve» dans les poumons,
au contact des globules sanguins ; or, ces globules arrivent des
veines noirs, chargés d*acide carlK>nique ; ils se déchargent de ce
gaz dans le poumon, qui Pélimine parTeipiration. Mais, en même
temps, les globules rencontrent Toxyg^ne de Tair, se combineni
avec lui et retournent dans les artères, modifiés, rouges, chargés
de l'oxygène qui va leur permettre d'entretenir la combustion dans
les tissus.
Or, il en est de cette combinaison comme de toutes celles qoe
la chimie nous |)ermet d'observer : elles se font toutes sous une
certaine pression, variable pour chacune, comme si l'union des
deux corps qui vont se combiner avait besoin qu^une certaine
compression les poussât en quelque sorte Tun sur Pautre. La
combinaison entre l'oxygène et l^hémoglobine, substance fonda-
mentale du globule sanguin, a besoin de la pression atmosphé-
rique. Lorsque cette force diminue et que la tension de Fair
atmosphérique diminue, elle devient insuffisante à provoquer la
combinaison de Toxygcne avec le globule, de telle façon que, quand
môme le poumon respirant plus souvent recevrait de l'air plus
souvent, quand même la poitrine agrandie recevrait davantage
d'air, le sang ne recevrait jamais que de Pair à la même tension,
impropre à provoquer la combinaison désirée. La diminution de
tension, voilà l'élément important.
L'importance de la diminution de tension ressort des belles
expériences de P. Bert, pratiquées dans des cloches, dont l'air
était presque entièrement décomprimé et passait par conséquent
par les mômes phases que Pair atmosphérique respiré par un
voyageur, qui, partant du niveau delà mer, s'élève à pied ou en
l>allon dans les hauteurs de Patmosphère. L'analyse du sang des
animaux enfermés dans ces cloches a montré à Phabile expéri-
mentateur que Phémoglobine se combinait d'autant moins avec
Poxvjîèno que la pression était moins forte; la quantité d'oxygène
contenue dans le sang diminue donc avec la pression. Ainsi, lors-
que la décompression de Pair dans la cloche correspond à une alti-
tude de 2000», le sang artériel a déjà perdu 13 0/0 de Poxy-
qu'il |K)ssède à la pression de 0<*,76 de mercure ; — à
i'RESSlO» ATHOSPBËRlOUi:. ei
JUÛO-, il a perdu 2] 0/0; —à 6500", il a perdu 43 0/0; —
a 8 600", puint où sonl morts Sivel et Crocé-Spinelli, et qui cor-
respond à une hauteur barométrique de 0",26 de mercure, il a
perdo SO 0/0. Enfin, lorsque, sous la cloche où P. Bert unTerinait
DO chien, la décompression de l'air était telle que le mnnoméLre
ne nuquait plus que 0",n de mercure au lieu de 0.76, le sang
a*mlt perdu 65 0/0 de son oij'gëni-, et le sans artériel, qui doit
omtcnir, pour 100 Tolumea de sang, 40 volumes d'oiïgfine, n'en
conlenait plus que 7 volumes. Quand cette diminution ath-int un
cerUin chiiTre inrérieur, variable d'ailleurs selon les espccc« ani-
milra, le sujet en expérience succombe.
Cet eipériences de P. Bert ont abouli à une autre conséquence
bien remarquable : dans un inéUnge gazeux, soumis à une cer-
lÛDC teiuioQ, la tension totale n'est que la somme (lc« tensions
personnelles de chacun des gaz composants. En outre, la tension
de cbaqne gu est proportionnelle au volume pour lequel ce gaz
HgUTC dÂna le mélange. Or, l'air des montagnes est, comme celui
des pUiDGS. composé de 10 volumes d'azi^>tc et de 21 volumes
d'oxygène. Si l'air des hauteurs contenait plus d'oijgëne que celui
des pldioH, il arriicrait que, bien que la tension totale Tût dirai-
nuée, la tension propre et personnelle île l'oxygène serait angmcn-
Jitt et on éviterait alors tous les'accidents du mal des montagnes.
Km ce qu'a réalisé P. Bcrl :
^pt a pu, en prenant soin d'augmenter le volume proportionnel
IpToiygéne dans l'air de ses cloches, à mesure que la tension
tbounuait, voir les animaui résister aux elTets de décompi'ession.
il a pu lui-même séjourner dans une cloche où l'air était Irés
décomprimé, puisque le baromètre était tombé de 0,70 à 0,2i.
r'ot-.i-dirc 4 une pression équivalente à 6000" d'altitude. Silût
que le» accidents cuui me n (aient, il respirait de roijgL-neetse sen-
tait immédiatement rétabli.
Les itscensionnisles en montagne ou en ballon peuvent donc
échapper nui effets de la raréfaction en rcapirani de l'oiYgéne,
car. bien que la tension totale du mélange qu'ils respireront soit
faible, U tension propre de l'oijgfcne sera d'autant plus grande.
le volume occupé par lui dans le mélange sera plus eonsidé-
!. Dans leur avaut-deniiêre ascension, Sivel et Spinelli avaient
grice û l'oxjgêne qu'ils avaient emporté avec eux dans de
bolluns, affronter [impunément de grandes hauteurs ; si la
deroitre asceoûon eut la funeste issue que l'on sait, c'en, ainsi
j.,»ielf
J
64 VaTMOSPHÉRB.
que je Tai dit plus haut, qu'ayant trop attendu pour recourir à
Toxygène, ils avaient perdu connaissance, au moment où leur
présence d'esprit était le plus nécessaire.
S'il est vrai que, dans un air à tension diminuée, il suffit
d'ajouter de roxygëne, pour que la tension propre de cet oxygène
s'élève assez pour suffire à la respiration, inversement, dans un
air à tension normale, au bord de la mer, il suffit que la quantité
d'oxygène diminue, que la tension de ce gaz s'abaisse par consé-
quent, pour faire éclater les mêmes phénomènes que sur les hau-
teurs. Ici la tension totale est et demeure suffisante ; c'est la
tension propre de l'oxygène qui diminue et devient impropre i
déterminer la combinaison avec les globules. En voici un exemple :
il y a quelques années, en Bretagne, à Huelgoat, au bord et au
niveau de la mer, des ouvriers, en pénétrant dans une galerie
de mine de pyrite, ressentirent tous les effets du mal des mon-
tagnes ; c'est que Poxygène de l'air de la galerie s*était combiné,
non avec les globules du sang, mais avec la pyrite; l'air de la
galerie ne contenait plus que 9 0/0 d'oxygène, au lieu de 21 ; la
tension de l'air était toujours de 0,76, mais celle de l'oxygène
n'était plus à peu près que ce qu'elle eût été dans un air de com-
position normale, mais à 6000"* d'altitude.
Anoshémie des haateara. Joordaaet. — 11 ressort de ce
que je viens de dire de l'inutilité de tout effort compensateur du
poumon, pour remédier au défaut de tension de l'oxygène, que
les populations des altitudes sont vouées fatalement à un état
imparfait d'oxydation. Elles vivent cependant ; mais nous allons
voir que ce n'est qu'à la condition de ne pas exécuter de mouve-
ments violents, de ne pas brûler trop, ou plutôt de ne pas Taire
beaucoup d'acide carlK)nique.
A côté du mal de montagne aigu, qui atteint le touriste, il existe
un mal de montagne rhroniqiu% endémique sur toutes les popu-
lations des altitudes. Toutes ces conséquences découlent en quelque
sorte théoriquement des expériences de P. Bcrl , mais il n*est que
juste de dire ici que ces expériences coûteuses, qui demandent
des appareils compliqués, ont été entreprises à l'instigation et
avec l'appui d'un savant qui a longtemps exercé la médecine sur
le plateau du Mexique, le docteur Jourdanet.
Antérieurement à toute expérience de laboratoire, Jourdanet
Citait revenu du Mexique avec cette théorie, fruit de son observa-
tion et de ses méditations, que la raréfaction de Pair rend les
PHESSIOH ATMOSPHËRIQUl!. as
inui aoémique»; el, comme il attribuait déjA wlto anémie
hdcruul d'oiygèiie, il avait donne à la maladie le nom d'nnoxhf-
tl<ié!aal d'oiydation du sang). Pour mieux Jessiiier sa pensée,
bnrt cnunlntit que rhnbitaot des tiauteurs subit, par le Tait
il de la décompression, une perte analogue à celle que Tcrait un
t qui, au njfcau de la mer, là où les globules se chargent
CBUConp d'ox>g^nc. verrait diminuer le nombre de ses glo-
1. Une asceiisiun aunlelà de 3000 mètres équivaut, disait-il, â
jtygénation l>aromélri()ue du sang, comme une saignée
'(9tiK dcsoijgiinalion i;lobulaire.
e foule de faits propres à la pulbologie mcuicuine conlirmcnt,
fet. celte manière de voir : Jourdanet avait été frappé de lu
j^ilé et de b l'niiiuence avuc laquelle se prcsentent les syncopis
fit plaU^au du Ueiique ; l'observalioa est tellement jusle, qu'on
~B contme dangereux, dans ce pays, de prendre un bain de
bdtaud. Tout le monde suit qu'en Europe, on peut provoquer
bijDeapeeD prenant un bain de pieds chaud, étant 'Jf6(iuf,
e que le sang ne monte plus a^sez au cerveau : mais sur le
MU du Ûcxiquc, le sang est devenu si peu e\cilant, qu'un
Bdc pieds chaud, pris mémcasfis, peut provoquer celte sjn-
le cérébrale se traduit, d'ailleurs, au Mexii|ue, par la
ir. Itiiaptitude au travail intellectuel: une des choses qui,
s Joardanel, frappent le plus les Europiïens qui arrivent
a d'acti*itc. c'est celte difficulté du travail cérébral, qui rap-
e MiIlH! je diwiis plus haut des aérooautes qui uublieiit de
nlur leur baroniétre.
krélode des populations a contirnié Jounlaiiet dans ses vue<;
I induclives. • La population du l'as Mexique, di[-il,
BTiie, Ittrbulente mfme; celle du haut Mexique lente et apa-
|Be.Aa Thitiel, que voit-on? Une population du 6 SOOOOO in-
I, établie dans un paya riche, mais vivant dans l'insou-
S et la paresse, sous la tutelle du Dalaï-Lama. De même en
■a: |)1ateau de iOOO mètres d'altitude, une pupu-
n pavrlant iotelligcnle subit un despotisme absurde. «
■•(riBle dm Bliltndea. — Jourdanet a montré que
Bps;sélCTé5, même lorsque les villes abondent, comme La r<i/,
», foto^i, Cocbabamhu, etc., sont peu peuplés. La
I de la Uulivic ne dépasse pas 2 millions d'habitants,
1 388000 kilomètres carrés.
iMtD. ^
6C L*ATMOSPHÈRB.
Le savant médecin \a plus loin. Il est porté à croire qu'un des
éléments de succès pour le Brésil, pour la République Argen-
tine et pour le Chili, c'est une altitude partout également Taible.
Les travaux musculaires sont aussi cmpî^chés que le travail cé-
rébral; au Mexique, dans les mines du Popocatepclt, à 5 000 mè-
tn;s d'altitudes on emploie des Indiens; or, ces hommes ne peu-
vent travailler que pendant quelques heures par jour, avec de
fréquentes interruptions et ils ne continuent guère ce rude mé-
tier au-delà de l'âge de vingt-huit ans. D'ailleurs, en Europe*
dans les mines do Bockstein, sur le haut du Goldberg, a 2433 mè-
tres d'altitude, les mineurs ne peuvent plus travailler au-delà de
ràgc de quarante ans. Il en est de même dans les mines voisines
du Hathausberg, à 1 990 mètres seulement.
On a tenté, il y a quelques années, d'installer des courses de
chevaux sur le plateau de TAnabuac; mais les chevaux^ qu'on
avait fait vrnir de New -York, ne pouvaient soutenir les grandes
allurrs pendant plus do 300 mètres; on a dû renoncer aux
courses,
Jourdunct assure que les porte -faix do Mexico se chargent de
fardeaux infiniment moins lourds que ceux de la Yera-Cruz, et ce-
pendant les anciennes civilisations du Mexique, celle du lac Titi-
caca, à 3 9li^ mètres d'altitude, nous ont laissé des ruines
gigantesques, qui dénotent, de la part de leurs constructeurs, des
efforts nuisculaircs considérables. 11 est probable qu'ici, comme
pour les Pvraniidcs d'Eg)'ptc, la quantité des bras à employer a
suppléé à l'intensité de l'activité musculaire de chacun d'eux.
1.0 phén(»moue qui, au début do son séjour au Mexique, avait
frappé JoiM'danot et Tavait mis sur la piste de l'idée d'anoxhémie,
c'est la couleur du sang artériel, qui, dans les opérations chirur-
gicales, lui était apparu noir et non rouge vif, rutilant, comme
en Europe. 11 fit la même observation sur le sang des bestiauxi
à Tabattoir. il y a longtemps que les guides des Alpes savent que
les touristes pris d'épistaxis perdent un sang noir. Les détails
dans lesi}ucls je suis entré à propos de la technique respiratoire
sur les hauteurs, expliquent suffisamment ces phénomènes.
Pathologie ■pédalo des altitudes. — Ces conditions nou-
Tolles de milieu ne manquent pas de donner un cachet spécial à la
pathologique des altitudes. On cite comme manifeste la rareté
de VttliriuitinH mentale, ce qui, sans doute, manque le plus sou-
vent, ce sont ces poussées congestives vers le cerveau, qui sont.
PRESSION ATMOaPilÉRIQL'E. 07
i n Europe, la forme la plus fréquente de raliénatiOD. Plusieurs
ilecins oui cilé désalignés nougcslifs, sensiblement améliorés
.11 \-: ïéjour liur les hauteurs (Guillcri).
i,.i Icndnncc ù la sjncopo signalée par Jourdanet me porterait
j l« user que les phénomûnes de congesiion encéphalique pro-
%<jqu«5 par W-pitHii n'auraient pas lieu sur les hauteurs avec la
m^me Inicnsilé. Il serait possible, dans Ce cas, que l'opium fût,
>ur l'Anahuac, supporté psr les malades ou pjr les fumeurs à
plu» baulc dose qu'en Europe et qu'en Chine. C'est une obser-
mion que les médcrins qui ciercent sur les aUiludcs pourraient
birc aist-menl. .
D'après Lombard (deGcneve), la bromhile mV/u.', la pneumonie
Il pU-urfsir miuI plus fréquentes sur les hauteurs, mais cela tient
uioiiu  la di-tom pression qu'à l'iulensilé du rajionuement et aux
rhuDgeoienls brusques de terapérdlure qu'on otiserve sur les hau-
trurs. lUm ks Nilgerrhlcs, ii Salem, les Anglais ont établi,
romine dans plusieurs autres points des montagnes, des auberges
raUiitea, conHées a des cipjycs, qui ne doivent au vuvageur que
I cl l'eau, «1 où l'on ne peut séjourner que deux jours. L«s
• ; sont eitr4memenl fraîches, l'air tri^s vif; aussi rien n'est
■ frvqueni que les alFeclions ù friij«re prises en eu point par
irs; si bien qu'on a décrit ces phénomènes comme
e spéciale sous le nom de ^t'urc deSalitn.
9 (iwt rapprocher de ces phénomËnes d /Vî^ore, les entérites
«les Ktuieni observées sur les hauteurs et décrites sous le
Jl 4e Hill-diurrhi-n . Coindet en a observa de nombieux exem-
■ wa Unique.
" I ■ également décrit sous le nom de p(™ri7i*,t pesUk-m ou
h une pleurésie qui serait spéciale aux huuleurs ; ce
I Mt spécial, c'«st la gravité non seulement de la pleurësie
mt Btec épanchemeni, mais de toutes les maladies qui
ni le champ pulmonaire, dans un milieu oii Vusliémw
r Ute pendant au mot créé par Jourdanet) est si fortement
'se. En revanche, Jourdanet au Mexique cl les frères
_„_j«liwlieil au Thllwt ont remarqué que les fièvres indam-
*%ttoirca, ces combustions exagérées qui constituent la plupart
des maladifs aiguës, élaient moins ardentes sur les hauteurs,
L'explleatjon en est toute naturelle : c'esl pour la même raison
qoon a conseillé chci nous de porter les tébricitants dont la lem-
fcnture «»l Mcessivi-. dans nus appareils û air dccomptirac.
68 l'atmosphère.
Un fait semble absolument démontré, c*cst la rareté d
phthisie chez les populations qui vivent dans l'air raréfié. L'e*
cation qu'on en pourrait donner est peut-être moins simple q
Ta dit; mais le fait est hors de doute : alors que dans le
Pérou la phthisie est extrêmement fréquente, elle diminue à
sure qu'on quitte la Costa pour la Shrra; au sommet de la
dillicrc, clic n^cxistc plus. A Mexico, le docteur Jiménès,
il 063 malades traités à Thôpital en 24 ans, a rena
143 phthisiques, et le docteur Jourdanet, sur 30000 visites en ^
en a relevé 6 faites à des phthisiques. Sur le plateau d*^
sinie, d'Abbadic a constaté également la rareté de la phtk
La statistique des Etats-Unis nous apprend, de son cùté»
dans «toute la zone basse, on compte 18 décès par phthlsk
100 décès; dans toute la zone montagneuse, dont le maxii
d'altitude est représenté par l'Etat de Montana (en moyi
1486 mètres) et le maximum par le VVioming (2 370 mètra
phthisie fi^'ure pour 6,47 pour 100 décès. Lombanl (de Gei
donne, de son coté, comme limite de la phthisie, Talliludede i
à 1 500 mètres; ù Briançoii (1300 mètres), celle nialadi<
extrèmt'nH»nl rare (l)' AU>ert), et le docteur IJrugge, dansi
gadinc (1 742 mètres), assure qu'il ne la voit jamais.
On a décrit sous le nom de typhus drs hauts plateaux une
ladie (|ui serait endémique sur celui de TAnabuac et qui, de
par les anciens Aztèques sous le nom de mataziihwilt (fièvre r
des Aztèques), aurait, à diverses reprises, exercé ses ravages p
les Indiens des Cordillères; mais nous manquons de rcnsei
ments précis sur cette maladie.
Jourdanet a constaté que sur le plateau de TAnahuac touU
maladies prenaient volontiers un caractère adyriamique
himmrh'iius utérlms sont fréquentes; mais ce savant méd
tout en constatant le fait, ne l'attribue pas à un mécan
analogue à celui de la ventouse; il l'attribue à l'anémie
populations des hauteurs. 11 est à remarquer, en effet,
Lima, lorsqu'un phthisique (et ils y sont nombreux) est
d'hémoptysie, on l'envoie vite de la Custa dans la Sitrra,
craindre que Thémorrhagic n'augmente à mesure que la pre
diminue.
Jourdanet donne également Wilbuminurie comme fréqueAt
les hauteurs. La théorie que défendait Gubler pour cxpliqui
grand nombre d'albuminuries, qu'il rattachait à une dyscrasie,
PRESSION ATMOSPUÉiliOUE. 09
ptiquerait Tralsemblablcmenl aui albuminuries des .tltitudes,
litesau df^raul dccnmbuslion.ï l'anothcmic. [I est, du reste, cn-
rieux, & l'appui d« eu rapprochement entre ranoihémie des alti-
tudes vt l'ai bumiait rie, de constater que le chai, qui est l'animal
^ai s'acclimate le moins sur les hauteurs, est, dans no« pays,
Iristajct à l'albuminurie (Rayer]. On en peut dire autant pour
k di'tfirU, qui, d'après Jonrrlanet, est Irts Tréquent au Mexique.
Phyiilnliislc comparée. Adaptation an mlllen. — \in
. - v.\A nombre d'animaux subissent, comme l'homme, l'anoïWmie
, ■ haul«ui.i. J'ai déjà cité tes chevaux et lesbreurs; je viens d'a-
/juIct les chiits : ces animaux ne peuvent vivre sur le (ialdberg:
lU ne peuvent pas, non plus, .s'acclimater sur les hauteurs des
Andes. Particularité digne de remarque, le chat est préciscmonl
l'aninial qui résistait le moins bien ft la décompression, dans les
cloches de P. Bert. En revanche, le lapin, qui, d'ailleurs, sup-
(•orlail gaillardement tes (épreuves du Collège de France, vil trè»
bien sur \k* liuuteurs; les ines semblent moins incommodés que
lei dievaux ; les mnlets sont, sous ce rapport, comme sons beau-
coup d'autres, inlormédi aires entre l'An e et le cheval; enfin, il
> a des rnccs humaines, el, dons une nifme race, des tempéra-
ment!,, dei individus, qui n^sislent mieux que d'autres i la àé-
r«m(>rcssi«[i barométrique. U'après Jourdanet, ta race espag[iole,
même lors-iu'oii considère les familles Biées au Mexique depuis
Ignj^nijis. subit gravement l'aaoxliémie ; la race iiidij^éne semble
[•lus aguerrie ; quant qui métis, comme nous l'avons vu to Jt à
l'heure pour le produit du cheval cl de l'àne, ils £ont inlermi>-
JiaifCi : mais, s'ils tiennent de l'Indien la fitcultc de mieux rifsis-
kT que l'Europceu à la décompression, ils tiennent de l'Européen
l'inlfl lige née ; il en résulte qu'eux seuls, au klexique, déploient,
dil Jxurdjni'E , une grande inteltigence. Juarez était un métis.
i^iielk est la cause du plus ou moins de résistance ik la déeom-
l-re&Mon barométrique? Tout d<^pend surtout du nombre des glo-
hnkfi sanguins. Du moment que la fonction de chaque globule e&t
de te charger d'oxjgêne, il e.^t évident que, plus le nombre de
ta globules sera grand el plus l'animal résistera longtemps au
début d'oijgcne. Cela est si vrai, que tel Européen supporte
usa facilement l'existence sur le plateau de l'Anabuac, qui de-
vient incapabicdu moindre efTori, si on lui pratique une saignée.
kUMÎ, dit Jourdanet, les médecins meiii:ains ont-ils nppris par
OpéneDCe à ne jamais pratiquer de saignée. C'est absolument
1
^ L ATSiOSPHEKE.
•^> «^ r,-.n\w Mistm qu'un canard à qui on Tient de faire une
>i!biv,NV. no |vut plus plonger pendant un temps aussi long qu'a-
\<*i \% Mi^mW*; ayant moins de globules, il a moins emmagasiné
oV.yxi^Mio |M»urles t»esr>ins de sa combustion sous Teau.
\ «"^ ch<)M*s iUant ainsi, on eût pu penser à priori que les anî*
t)viux <|ui M*nrclimatent le mieux sur les hauteurs sont ceux qui, à
Ot^mbir i^^mI de globulos, ont des globules plus propres que les
.KiirrM h Hc nimbiner avec Toxygcne; on ne se serait pas trompé.
P. iliTt a rcni, de pays situés à près de 4000 mètres d'altitude
ilauH 1rs (lordillèresy comme la Paz, du sang appartenant à des
animaux très variés. Dieu que ce sang fût abs<)lunient putréGé,
Pauti'ur admet qu*il peut encore compter sur la rigueur de ses
jtnalvses, se rapportant aux recherches de Jolyet, qui ont dé*
inontn* (|ue Thémoglobine est une substance assez stable pour
AbfH)rlH>r toujours la mOme quantité d^oxvgène, quel que soit le
iltgré de putrériirtion du sang. C'est sur cette base que s'appuie sa
conrlusinii générale, que le sang fourni par des sujets habitant
leshauteH nagions des (Cordillères a une capacité d'absorption pour
Toxygène beaucoup plus considérable que le sang des individus
de nos |mys: Tandis que 100'*' de sang de nos mammifères her-
bivores, battus au contact de Tair, n'absorbent pas plus de O^IU**
à 0,i'l" d*o\ygéne , le sang d'animaux vivant à la Paz (3 700 mè-
tres), qui lui a été adressi's par M. Eugène Guinault, a absorbé
les quantités suivantes d'oxygène par WO^^ pour chaque animal :
ce
Vifîoj^uo 19.3
Jd 19,0
Lama iiiAlc 21, G
AlpufMi 17,0
Orf «1,4
Visourhc Iti.i
Mouton 1 7,0
Porc il,G
Il pense donc que les individus h4bitant les hautes régions
peuvent absorber de grandes quantités d'oxygène et que c'est là
un clément très important pour la question de Tacclimatation.
On comprend très bien comment, par sélection, cette propriété
de fixer beaucoup d'oxygène a pu être acquise par uo grand
)) est nswî curieuï de wir que, parmi les moyens poinilaires
rrcomDutndi^ pour i^vilcr le mal de montagne, il en est un, des
plus vulgaires cepeadant, qui a précisément pour effet non pas
d'augmenter le nombre toUt des; globules de l'organisme, mais
ti'au^enlcr, ce qui est l'essentiel à un moroerit donné, le nombre
'lea glùbules qui se Irouveni k la fois dans la muqueuse pulmo-
naire, c'est-à-dire préla à se charger d'oxygène, puisque c'est dans
le poumon qu'a lieu cette combinaison. Ce moyen cmpiriifue,
e'ert l'usasçe de V'iil. Or, l'ail contient des sutures, qui s'ùliminent
d'une façon peu masquée par In poumon; en ^'éliminant, ils
congestionnent la muqueuse du puuinon, c''est-â-dire T'mt allluer
le« globules sanguins dansseï vaisseaux. Les Eaux-Bonnes, les
eaux sulfureuses en général agissent en congestionnant [a mu-
queuse des bronches, et quand, dans une bronchite chronique,
comme je l'ai vu Taire cl fait moi-mâme, tous donnez de l'atl h
UQ malade, tous asséchez aussi bien le catarrhe bronchique que
fi TDu» aviez donné de l'eau buirureuse.
Il ni un autre remÈdc populaire einplnjê dans les montagnes de
l'Europe : c'est Varienir. Les montagnards de la Slyrie en font un
grand usage et prétendent qu'il leur donne des jambes. Nous
avons vu que, dans le mal de montagne, la tension du sang est
diminuce ; or, l'arsenic augmente précisément la tension, ainsi que
j« m'en suis assuré à l'uide du sphygmographc ; il modère les
ballemcnls du cœur, que l'altitude augmente, il modère surtout
la combustion des tissus. Ainsi les malades qui prennent de l'ar*
«nie rendent moins d'urée, ce produit extrême des cumbiis-
Loni organiques ; ils fabriquent moins d'acide carbonique : c'est
parce que l'arsenic ralentit ainsi la combustion, qu'il Tait en-
graustT. I2es effets sont propres à permettre ù lorganismrf de
M roolcnter d'une moins grande quantité d'oxygène, puisqu'il
bri'tiv moins, et ils retardent son empoisonnemcnl par IVidi' car-
bonique, puisqu'il en produit moins. Ces pratiques populaires se-
raient donc dignes d'être odoptées non seulement par les touristes,
mais par les armées en montagne.
Le^ populations des Andes ont trouvé une autre substance
contre le mal de montagne : c'est la Coca. Elle augmente la
leosion du sang ; elle ralentit également la combustion des tisius ;
^Bk stimule le système nerveux mal excité par un sang yauvra
J
71 L ATMOSPHÈRE.
eo oxygène. Les Indiens, qui chiquent la feuille de coca, la re-
gardent comme le préservatif du Sonoche, et, en 1871, au siège
de la Paz, à 3720 mètres d'altitude et pendant plusieurs mois»
lestroupes ne résistèrent aux longues marches, dans les montagnes»
qu'en proportion des provisions de coca qu'elles avaient.
Ce sont là des moyens assez anodins, en somme, de lutter
contre le milieu : un grand nombre d'animaux |)ossèdent des
moyens plus efficaces de résistance à la décompression ; les oiseaux
sont de ce nombre : nous les voyons en effet s'élever successive-
ment, et en peu de temps, de la plaine au sommet des montagnes;
certains d'entre eux, comme l'aigle, parcourent, en très peo de
temps, un espace vertical énorme, et, dans les hautes montagnes
des Andes, on voit le condor planer sans fatigue à la hauteur de
8000 mètres. Tous les oiseaux jouissent même de ce privilège;
de Tobsorvatoire de New -Jersey, à Princeton (Etats-Unis),
AV. Scott, plaçant Tœil à Téquatorial, remarqua le passage d'un
grand nombre d'oiseaux dans le champ de la lunette ; il profita
de cette observation pour chercher à déterminer la hauteur à
laquelle se trouvaient ces météores d'un nouveau genre; or, le
gros de la bande passait à une hauteur de 3 kilomètres environ;
les oiseaux les plus bas placés étaient à 1 500 mètres au-dessus
du sol ; les plus hauts, à 5000 mètres; il s'agissait d'oiseaux
du pays ; piverts, pinsons, merles, etc.
Chose étrange cependant! lorsque P. Bert plaça des oiseaux et
même des oiseaux de proie, qui volent souvent très haut, dans
les cloches à air décomprimé, il constata qu'ils supportaient
l'expérience moins bien que les mammifères. On poun'ait penser
que si les oiseaux peuvent s'élever à une altitude considérable,
ils le doivent au grand nombre relatif de leurs globules sanguins,
mais leur température normale étant plus élevée que celle des
mammifères, ils doivent aussi avoir besoin d'une quantité d'oxy-
gène plus considérable qu'eux, relativement ù leur poids; d'ail-
leurs, s'ils avaient plus de globules, ils résisteraient mieux que
les mammifères, sous la cloche à air décomprimé, ce qui n'a pas
lieu. 11 faut donc chercher une meilleure explication.
Voici celle que je propoî^e : les os des oiseaux sont creusés de
cavités qui communiquent avec les poumons par l'intermédiaire
de sacs membraneux, lesquels, communiquant avec les os el
avec les voies respiratoires, s'insinuent entre les muscles, qui
*^M8ent par-dessus. On pense généralement que ces mes aériens
PRESSION ATMOSPHEllIÛUB. 7J
n'ODl d'autre ellet que du diminuer le poiiis spécirtque de l'oi-
mu; mais leur prmncc a, selon moi, un autre résultai, qui
lieol k leur dispodtion même : une de ces cellules, la cellule tViIrr-
rbnicutain, s'élend en avant de la partie antérieure de chaque
poumon, dans l'intcrvHlIe qui scpare les deui tirauches de la
fiMtchcIt^, où elle communique, en outre, avec les cellules
wtu-eulanr'«, qui occupent toute la surlace du corps. Oi.s fibres
nmsculaircs sp<!ciales entourent ce sac et peuvent, au besoin,
M contrarier sur lui. Un autre sac, la cellule thoracîque mi-
UHtttre, part du bord aiiléricur du poumon avec lequel elle
^mimique, entoure le larjni, les bronches, les gros vaisseaux
!■ cou. Vu troisiËine ordre du cellules, les Iharaeiiiua latimlrs,
pnMUt BU milieu mâroe des muscles, sous l'aisselle et sous
rMWplale. et communiquent avee l'intérieur de l'humérus ;ennn
la cellules abdomitmles, les plus volumineuses de toutes, par-
lent de la base du poumon et communiquent a«ec d'autres
edlulet, qui sont silures entre les muscles fessiers et fémoraux,
ainai qu'avec l'inlêrieur même du fémur el du bassin. 11 me
^fiÏBiblc qui: cette dîspusiibn permet de concevoirle Ton cti on ne ment
^^Uvant : ces bandes musculaires et ces muscles doivent, par leur
HBnlractioo. comprimer les sacs a«rieDs dans leur partie mem-
^■fcnncusi;, et, par couscqucnt, refouler l'air éminemment com-
pressible qu'ds renferment; s'ils ue le comprimaient pas , ils au-
rueut au moins pour efTel, en eDla<;Ant le ^stème aérien dans
une sorte de filet musculairecontraclé.d'y maintenir, à la pression
inilisle qu'il possédait, l'air emporté de la plaine. Ue toute fa^oo,
l'cHSeau, eliargeaut ce système avant de s'envoler, eniporlc avec
lui uue provision d'air, qu'il comprime à mesure qu'il vole, qu'il
Ritieiil au moins à la pression initiale, et c'est en réalité de
à un degré de tension supérieure t la tension des altitudes,
l'oiseau respire alors,
après mon hypothèse, l'oiseau agit donc eiactemcut comme
les aéronautes, qui, suivant le conseil de P. Bert, emportent avec
tilt dcâ ballons d'air comprimé; d'ailleurs, cette ressource de l'oi-
pourrait lui servir dans lesclochesàdccompressiou, puisque
I, non prévenu, ne se charge pasd'air au préalable, et que,
lile dans la cloche, il ne contracte passes muscles et, par
icnt, demeure impuissant autant à comprimer l'air que
aineos peuvent contenir, qu'à le maiiitcnita\avï»a&wïi
L'oiseau, ta somme, s'éJi?ve ou s'abaisse 4aQ9 Vutiaa
7i l'atmosphère.
aérien comme le poisson muni d'une vessie natatoire s^ctève oa
s'abaisse dans l*occan liquide.
L'homme ne ferait qu'imiter le mécanisme, que je crois exister
chez les oiseaux, en installant dans les grandes villes situées à une
grande hauteur, comme Mexico^ des établissements d'air comprimé,
ainsi que le conseille Jourdanet; la population viendrait là, de
temps en temps, se retremper dans de Pair sous tension. On aurait
une nouvelle preuve de ce fait : que bien qu'inférieur à un certain
nombre d'animaux par l'organisation de certains de ses organes,
bien que, pour ainsi dire, expulsé de certains milieux par at
conformation anatomique même, l'homme peut tout compenser et
peut s'imposer en quelque sorte à tous les milieux, par le fonc-
tionnement d'un organe qui devient ici suppléant de tous les
autres, le cerveau.
Les animaux ne sont pas seuls sensibles à faction d'un milieu
atmos{)hcrique décomprime; les végétaux subissent eux-mêmes
cette action et certaines plantes des hauteurs sont incapables de
vivre plus bas, même à égalité de température. Les modifications
de tension de l'oxygène, qui sont les mêmes pour Tacidc carbo-
nique, intéressent, en effet, la respiration végétale tout autant
que la respiration animale. Déjà, en 18â3, DObereiner avait placé
des plantes dans Tair raréfié ; il avait cons^taté que l'orge donnait
des brins moins longs que dans l'air ordinaire. P. Bert a reprisées
expériences et a constaté, lui aussi, la petitesse et le peu de vitalité
(les plantes qu'il avait fait végéter dans l'air raréfié ; cela, du reste,
est en rapport avec ce que nous savons du nanisme habituel aux
plantes alpines. L'étude de la germination a conduit le savant pro-
fesseur du Gollègede Franceàdesconclusionsdu mêmeordre : elle se
fait avec d'autant moins d'énergie que la pression est plus faible:
ainsi de l'orge, à la pression de 0,76, lui a donné des brins dont
chacun pesait 8 milligrammes; à la pression de 0,50, chaque brin
ne pesait pas plus que 7 milligrammes ; à la pression de 0,25, que
6 milligrammes; en outre, le nombre des graines levées avait été
en diminuant, à mesure que la pression était plus faible et le
temps nécessaire à la germination avait été en s'allongeant.
L'observation des végétaux sur les montagnes conduit au même
résultat que l'expérimentation sous cloche : Ebeermayer a con-
staté que le hêtre, à la limite supérieure de son domaine sur les
montagnes, porte des feuilles plus petites que dans le bas de la
région qu'il occupe ; la composition chimique de ces feuilles varie
PRESSION ATMOSPHÉRlOUfi, 7S
tgalunicni : tandis que dans le bas elles lui ont donné G, 97 "/, de
ctnJres, elles ne donnent duns le haut que 3,91 -U àe cendres.
Lm grandes alliludes amoindrissent donc la fonction du végélal
comme celle de raaimBl.
La dépression n'agit pas moins sur ras êlres microscopiques'] ui
rroduiscnl les rermenlalions : celles de la viande, du lait, de
l'urine n'ont plus lieu dans l'air très raréfié, parce que le défaut
de pression amtne la mort des organismes rudimentaires, quisnnt
Iw facteurs de œs fcrmenlations. Pour la même raison, la p!o(iarl
ilesuii(T'>fj!'.i, quifiontlesproJucleursdc nos maladies infectieuses,
succombent également ; tes végélauï, dont la pênélralion dans le
iwK d« riioiiime produit la fifcvre inlerniittenle, vcgélausi qui
nisiïtent pourtant, par GO" de latitude, à une température de + i".
prrissrnt Mir le plateau du Meiiqiie, à 2 200 mètres d'altitude, par
une tf^mpérature moyenne de + 11'. Il e);isle bien sur ces liau-
ti-un des marais, mais ces marais donnent lri:s rarement la fiovrc,
et celliM;i est toujours légère; en d'autres termes, les Tcgélaux
donl la fie dans les marais praduit la malaria sont peu nombreux
tpcD «faces.
lÂturdancI a remarque que t'extrèmc malpropreté des rues <ln
Bico, qui sont remplies d'immomllces, est sans incouTi^nit^nt
r l'bvgicne, parce que la fcrinnitali-m putride ne se développe
r ferment <)ui produit la jl'hn-e Jtiuite semble être, lui aussi,
I sensible k la diminution de pression ; car cette maladie, si
' Hitable A la Vera-Cruz, n'existe plus à Ueiico. Elle ne dcpasse
I Taltitude de tioo mètres.
1 ventya, au férou, maladie sans doute parasitaire, dont je
ferai plus loin, ne règne qu'entre 600 et t6U0 mètres.
K en est de même de la pt-ste, qui, dil-on, ne dépasse pas l'alli-
u 800 mètres. La citadelle du Caire et les collines qui uvoi-
iKot Constantinople en ont toujours Été indemnes.
' Le fh/rlMi semble capable de monter plus haut, car on l'a ob-
*er»e. en Amérique, à 2000 loètrcs; en Asie, à îMH) niÊlres;
en Euro|>e, cependant, il n'.t jamais dépassé 600 ou HOO ujèlrcs,
g mtnie k Londres, en 1847, on a observé qu'il diminuait propor-
inellemeat à la hauteur au-dessus de la Tamise (Guilberl).
a Jlrtire tjfphoiiifi est inconnue sur les Cordillères.
Vue maladie épidétni^ue, fréquente dans certaines conVt>:«s,\&
Tdifoia, a'atteiat jamais non plus, paraîl-iV, VcsV.wileWà.^t
76 L^ATMOSPHÈRB.
fait est tellement reconnu, qu'il s'est formé en Amérique, aui
États-Unis, une société, avec président, trésorier, etc., spéciale-
ment organisée pour fuir la fièvre de foin ; or, elle le fait en
gagnant les hauteurs; à la moindre alerte tous les affiliés
partent pour Bethléem, dans les montagnes BocheuscSy d*où Ton
brave la maladie redoutée.
11 est donc incontestable que tous les phénomènes biologiques
sont, dans lesgrandcs altitudes, plus ou moinsentravés par la décom-
pression ; on pourrait bien cependant trouver, dans ce nouveau
milieu, une certaine compensation; c'est au moins ce qui me
semble pouvoir résulter un jour des expériences de A. Cornu.
En s'élevant en altitude, on voit^ d'après lui, par suite do
moindre pouvoir absorbant de Tair, reculer successivement la
limite du s|)ectre ultra-violet; si bien qu'une partie du spectre
solaire, précisément l'ultra- violet, qui échappe à nos yeux au
niveau de la mer, devient visible dans les altitudes. Il est probable
qu'en môme temps que ses rayons deviennent visibles, ils aug-
mentent d'intensité; or, comme ce sont les rayons chimiques et
trophi<iucs par excellence, il est permis de penser qu'ils apportent
quelques compensations à Tanoxhémie.
Généralisant les faits dont il a été témoin, Jourdanct a cherché
à relier les enseignements de la physiologie expérimentale con-
temporaine avec les vagues légendes qui ont cours sur la migra-
tion des populations dont le berceau parait avoir été l'Asie cen-
trale. Il se demande si cette émigration du centre légendaire,
aujourd'hui altitude peu habitée et peu habitable, u'a pas été la
conséquence d'un mouvement lent d'ascension du sol, qui deve-
nait de moins en moins habitable^ parce que l'air y devenait de
plus en plus raréfié.
Ue la eooipreBBioii atmosphérique. — Les expériences de
P. Uert dans les cloches à air non plus décomprimé, comme tout
à l'heure, mais au contraire comprimé, lui ont montré que lors-
que, sa tension augmentant, 1 oxygène devenait trop abondant
dans le sang, il devenait toxique. L'animal meurt empoisonné.
Chez les chiens, cette terminaison se produit invariablement à
3 atmosphères 1/2 d'oxygène pur, soit 17 atmosphères d'air nor-
mal comme composition. Mais tous les animaux ne sont pas dans
oe cas : les récents sondages du Travailleur, pratiqués au fond de
rOcéan, nous apprennent qu'à 8 000 mètres au-dessous du niveau
de La mer, sous une pression d'environ 500 atmosphères, vivent
PRESSION ATHOSPHËHIQUË
riicorc denombreux animaux, iJc petite taille, il est vrai, mais dont
•)iiclqi]e$>una ap|urlieaoenl à des groupes élevés; tels Eont un
cruslacé aniphipodc et plusieurs cruslaci^s oslracodes; les autres
(espèces appartiennent au gniupc des foram in itères el des radiolw-
n%. L'oxjgcnn, duni la tension est alors i^nurnie, n'est donc pas
loiique pour eux, tandis <|uu dans les conditions ordinaires, il
rst toxique pour des espèces très inrêrieiires. Aiusi Postcur,
cherchant un uiojcn de cultiver le microbe du choléra des
poules J'une maniËre ntlénuéc, s'aperçut que plus ses cultures
ctairot cipoM^ ji l'oxygi'ne, moins le microbe était virulcnl. 11
tue, en un mot, de moins en moins de (loules, à mesure qu'il
utitt davantage l'action de Toxygéne ; il y a mieux : à mesura
qu*il perd dv sa virulence, il change de Tormc. Deux pb<ïniiménes
.ossurétnenl liés l'un h l'autre et qui nous donnent un exemple
l'action du milieu sur l'individu, sur le microbe. De son
, en Amérique, James Law est arrivé au mSnic ri^ltot pour
lalerobc de la peste du porc {Swine Plui/ue). L'oiygËne te dé-
tail, aprÈs avoir altéré progressivement .'in virulence.
FBMa 4« la preiralnn BlmaaphArlqne daan l'éTalnlIon
. — L'observation nous a déjà montré que, toutes les
I i|V« tu milieu se miidilie. les orgunismes vivant dans ce
Dieu ont & choisir entre la disparition pure et slnqile el une
Ulcalion fonctionnelle el organique, qui leur permette de s'nc-
Boderii leur milieu transformé, j>ar une transHirmation plus
I moins étendue.
p Inversement, il est permis d'induire, de la confurmalion des
ayant vécu pendant une épnjue géologique donnée, à la
> correspondante du milieu oîi ils vivaient.
IS. par exemple, l'expilTiiuen talion actuelle sur l'air comprimé
^l'oburvaiion de ses efTets »ur les êtres actuels montraient que
Iformes qui dnminaient aux époques très antérieures i la nuire
^dont quelques-unes subsistent encore aujourd'hui, présentaient
tconrormalion avantageuse pour vivre duns un milieu cora-
i, comparable à celui que nous produisons aujounlbui arli-
leliemeni, il serait permis de conclure, de l'organisulton À nous
BniK de ces espèces antérieures, à une analogie entre le milieu
1 leur a été propre et l'air arti&ciellemcnl comprimé uujour-
feui; il serait permis de penser que l'air atmosphérique présen-
t jadis Mneàeasité el une épaisseur supcricuTe&X\&àew\Sfe^
IVfMÙMiur de l'air Mmospbétii\ue actuel.
78 L ATMOSPHÈRE.
Cette hypothèse à posteriori serait d^auiant plus permise
que plus de raisons empruntées à un autre ordre d^idées
militeraient en sa faveur. Or, un grand nombre de saTants, par
suite de considérations variées, admettent aujourd'hui la sapé*
riorité du poids spécifique de l'atmosphère à des époques antérieu-
res. Aux époques géologiques les plus anciennes, a i'air atmosphé-
a riquo, dit Nérée Boubée, perdait chaque jour de sa hauteur et
n de sa pression, car, à mesure que le globe se refroidissait, ccr-
« taines matières, qui jusque-là étaient restées en vapeur, se con-
<c densaient, se répandaient sur le sol, dans les mers et dans les
« lacs; il n'y avait plus assez de chaleur pour les maintenir à
« rétat de gaz. o Plusieurs autres faits témoignent encore d'une
différence entre la densité de l'atmosphère à certaines époques géo-
logiques très leculées et la densité de Tatmosphcre actuelle : les
productions végétales considérables de l'époque carbonifère et no-
tamment de l'étage houiller laissent supposer une différence no-
table dans la richesse carbonique. Nous reviendrons sur fie point.
Qu'on ajoute à cette quantité plus considérable d'un gaz à poids
spécifique élevé, comme l'acide carbonique, la présence d'une
notable quantité de vapeur d'eau, qui semble démontrée par
diverses raisons d'ordre cosmique et Ton devra déjà conclure,
par ce fait seul, à une densité plus grande de ratmosphcre des
temps reculés. En outre, l'existence de périodes pluviales extrême-
ment considérables nous est démontrée non seulement par les em-
preintes aussi nettes que possible d'énormes gouttes de pluie, mais
par la condensation forcée des quantités considérables de vapeur
d'eau que nous savons avoir été en suspension dans l'atmosphère,
condensation produite sous l'influence des rcfruidisscments qui se
sont succédé depuis l'époque [irimordiale jusqu'à l'époque actuelle.
Or, les recherches de Lœwy ont montré que les pluies prolongées
dépouillent l'air à la fois d'acide carbonique et d'oxygène. Les
grandes pluies ont donc dû être une des causes de l'allégement
atmosphérique.
Plus qu'aucun autre jusqu*à ce jour, Jourdanet s'est emparé de
cette idée d'une décroissance progressive de la densité atmosphé-
rique et lui a fait jouer un rôle de premier ordre dans l'explication
de quelques phénomènes géologiques. Il a cherché à expliquer,
par le poids supérieur de l'atmosphère à Tépoque tertiaire, l'élé-
vation de température d'une partie de cette époque, élévation
dont la faune et la flore nous fournissent la preuve. Il y a plus:
i'IlESSION atmospbéhiolf:.
f rntcsscur Oswald Hccr, à propas <Ie cette tetnpéralure élevée
qu'il pense «voir été, pendant l'époque miocëne et dans l'Europe
centrale, supérieure de 9 degrés à la tcmpcralure actuelle,
avait Tait l'hypothèse d'une sorte de guir siream de la mer
miwrne, ijui aurait élevé d'environ 3 degrés la lempéralurc des
eûtes alors orientales do l'Europe miowne-, mais restent encore
6 degrés à expliiiuer. cl le professeur Heer les met sur le compte
du feu central.
Jùurdanel, se fondant sur ce phénomène constant que la coni-
prruion de l'air élève proportionnellement sa température,
eiplique les 6 degrés en question par la plus grande compression
df l'atmosphère d'alors. Ses calculs lui ont montré que, pour
cipliqucr par la pression seule une température supérieure de
A dcjETvs Ji ta température actuelle, on doit supposer une pression
birométriitue supérieure de 8 centimètres de mercure à la pres-
sion actuelle. 11 suppose donc que la pression barométrique, à
rcpcM|tie tertiaire, était de S4 centimètres au lieu de 76; elle
aurait donc baissé d'environ un dixième depuis l'époque où
rbumjne, ou au moins son précurseur, nous est connu sur la
twre. Il y aurait, sans doute, beaucoup à objecter à cette sédui-
lante précision; aussi m'attacherai -je uniquement à ce fait que
les travauidcJonrdanet s'ajoutent à ceux que j'ai cités pour nous
pcrmcitre de croire à l'existence antérieure d'une pression atmos-
phérique sufiéricure à la nAtre. Je ne suivrai donc pas plus loin
te savant dans l'hypothèse d'une oscillation barométrique plus ou
moins périodique, hypothèse d'ailleurs assez peu vraisemblable.
Mon désir est de me borner u la première opinion, et d'étendre
les connue n ces de la pressionatmosphérique non plus seulement
i l'explication de la température de l'époque tertiaire, comme le
[ait Jourdanet, mais à l'explication des tramfimmtimis qu'ont
ruhirt 1rs ftres axiai diveries époquex giologiquei. Il est temps,
cela, de rentrer dans l'étude des faits précis et démoulrés.
de Taire l'application des déduclions auxquelles nous cou-
rette étude.
J^Éludierai d'abord les effets de l'air comprimé artiriciellenienl
les différents organes et les difrérenti>s fonctions chei les diffé-
rents èlres;uous verrons ensuite s'd existe un typeorganiquequi
paraisse plus spceialcment propre à supporter lesforteslpressions^
MUS chercherons alors si ee lype- se rencontre pavtai \t5 c%\«R.î^
■■ âomiaaient aux époques très anluTieures,
«0 L*ATMOS?HÈRE.
Si nous rencontrons à ces époques un ty|>c de fonction, d'or
gane ou d'ètrc, à qui une forte pression semble avoir dû être
avantageuse et que ce type, cette fonction, cet organe ou cet être
aient pré<iominc, nous serons en droit de supposer que ces épo-
ques ont été caractérisées par une forte pression.
Si, de même, nous rencontrons un type de fonction, d*organe
ou d'être, à qui une pression supérieure à la nôtre semble dés-
avantageuse, et que ce type, celte fouclion, cet organe ou cet
être prédominent à l'époque actuelle ou aux époques les plus
voisines do nous, il nous sera permis de conclure à cette autre
hypothèse : que la pression atmosphérique a baissé à Tépoque
actuelle ou aux époques voisines de la nôtre.
Mais en admettant comme démontré que certaines espèces
sont propres à une grande pression atmosphérique, cela n*im-
pliquerait pas (]uo ces espèces aient du toutes disparaître avec
riiitensiti'; de la pression ; il leur suffirait d'avoir modifié leurs
fonctions, leurs allures, leurs organes ou simplement leur habitat,
ou même de se trouver dans des conditions d'habitat qui rendent
peu sensibles les influences du milieu atmosphérique. Un poisson,
le Cn'adniusiUi la mertriasique, commun à l'époque où se formait
ie trias, a passé longtemps pour éteint; il a été retrouvé derniè-
rement près de la îNouvelle-Hollande, vi^vant à de grandes pro-
fondeur?, où il s'est peut-être réfugié pour retrouver une pression
que ses ancMres trouvaient à des profondeurs moindres. Les
foiaminifères de la craie vivent encore aujourd'hui au fond des
mers, où ils sont en train d'édifier les bancs de craie de Tavenir
et compensent peut-être la diminution de pression atmosphérique
par la profondeur de leur habitat actuel. Il n'e^t pas impossible
que plus d'un représentant de la faune ancienne vive encore
aujourd'hui caché au plus profond de nos mers, H que quelques,
uns d'entre eux, peut-être moins rares encore dans l'antiquité
classique que de nos jours, aient donné naissance à plus d'une
légende sur les monstres marins,
Lorsciue l'on descend dans une cloche à plongeur, et qu'on
s'enferme dans un de ces appareils où l'air est comprimé par une
machine à vapeur, un des premiers eflets ({ue Ton ressente est
une sensation extrêmement désagréable dans les oreilles. Cette
sensation a pour cause l'inégalité de pression de chaque côté de
la membrane du tympan, entre l'oreille externe qui communique
par le conduit auditif externe avec l'air ambiant comprimé, et
I PRESSION ATUOSPUËRIQUE. g]
l^reille interne. — L'oreille interne deTrail, il «!s[ vrai, commu-
niquer par la trompe d'BusUche avec l'air ambiant; mais ce
canal, mou et dépressibli; chez l'homme dans une partie de son
trajet, s'iiuvre dans l'arrière-gorge par un orifice Tormé de (ieui
letres muqueuses, que la pression ne fait qu'accoler en obluranl
le conduit. I/air enfermé dans la trompe garde donc sa pression
propre ot expose la membrane du tympan à une pression inégale,
par conséqui-ril sentie cl dès lors douloureuse, jusqu'à ce qu'un
mouvement forcé de dègliuition, rendant béant roriQce de la
IrompP. vienne établir à la Tois et la communication libre et l'ét;a-
litc de la pression. Ce phénomène a lieu, quel que soit le sen« de
l'inégalitc, dans l'air comprimé aussi bien que dans l'air rarétié. Ce
(ontles ouvriers plongeurs qui ont eux-mêmes trouve sinon son
eipltcation.dumoinsce qui leur est plus utile, le moyen de lu faire
ceïscr; ce moyen consiste àeiTcctuerun mouvement de dCglulHion.
Nolonsqnclus oisenux.quisubissent en très peu de temps des pres-
sion» différentes, ont on moyen supérieur à celui des ouvriers
plongeurs : leur trompe d'BusIaclie est entourée d'un canal osscui,
qui l'cmpéclie de jc fermer, comme cela a lieu chez l'homme.
L'organr du i'uuie prend dans la cloche à air comprimé une
liiieue inusitée et proportionnelle à la compression... On s'eipli-
que, ilu reste, facilemL-nl qn'un milieu conduise d'autant mieux
Im sons qu'il est plus dense ; aussi n'est-il pas inutile de remar-
quer que. indépendamment de l'état aqueux ou aérique du milieu
1 DU plus dense que l'autre, l'organe de l'ouïe va se compliquant
tlans la série animale. dan.<s l'ordre même où la géologie nous
nonlre l'apparition des animaui. De sorie que l'organe de l'ouic
peol se classer, comme si au début et dans le bas de la série une
lllDo&pbËre très denw avait permis l'audition pour ainsi dire avec
de frais d'outillage, et comme si, à la fin de la série, la décrois-
dc la densité du milieu aënque avait rendu utile et avan-
un appareil non pas peut-être plus Gn, nous, n'en savons
rien, mais plus compliqué, pour arriver au même degré d'audition.
D'one faroii générale, ce que nous regardons comme une irifério-
nié organique n'est peut-être le signe d'une infériorité fonclion-
Delte que pour le milieu artuel; mais tel appareil organique au-
jourd'hui insufOsant et inférieur, nous dirions volontiers dimodé.
a été dans son temps, aux époques antérieures, suflisunt et peut-
être supérieur. Dans la nature, comme dans les socîÈlèsWma^vn^.
irtsul esl d'être de son temps.
•iDo&P
^jmpoi
8s l'atmosphère.
Voyons quelques exemples : Au bas de la série, chez quelques
mollusques^ genre qui apparaît dès Tépoque silurienne, raudition
ne diflère guère d'une sorte de tact, qui perçoit d*une manière péri-
phérique les vibrations d'autant plus fortes que le milieu est plus
dense. Les poissons qui vont apparaître dans le silurien, mais qui
prennent dans le dévonicn une importance considérable, ont une
oreille réduite à sa plus simple expression d'organe d'audition
loctdiséc :c^ est \e vrstibulc membraneux y sorte de sac rempli de
liquide, dans lequel nagent de petites concrétions calcaires plus
ou moins volumineuses et sur les parois duquel se ramifie un nerf
spécial. Chez les reptiles, qui n'apparaissent guère qu'à l'époque
houillère, l'oreille est déjà peut-être moins simple, mais ne pré-
sente pas encore d'organe collecteur des sons; la conque^ organe
collecteur à formes diverses, n'apparaît guère qu'avec les mam-
mifères, comme si, le milieu devenant moins dense, Taudition eût
eu besoin d'une conque chargée de collecter et, au besoin, de
renforcer les vibrations.
Si les sensations éprouvées du côté de la membrane du tympan
et l'acuïté plus grande de l'audition frappent d'abord les personnes
qui se soumettent à l'air comprimé, il est un autre phénomène
qui n'apparaît que plus tard, lorsque, par exemple, la pression
atteint 3 atmosphères'.: c'est la gène éprouvée dans les divers
modes de phunatioi}. Ce fait a été constaté par tous les observa-
teurs qui se sont placés dans les conditions voulues, notamment
par le docteur Bucquoy, qui fut attaché comme médecin aux
ouvriers employés à la construction du pont de Kchl et qui lit
lui-même de fréquentes observations dans les cloches où la com-
pression allait au moins jusqu'à 3 atmosphères. A cette pression,
il devient impossible de siffler et Ton éprouve une véritable gêne
pour arliculei' des sons. Je ne voudrais pas pousser à l'extrême les
déductions qu'il est aisé de tirer de la donnée qui nous occupe:
mais, sans prétendre préciser l'époque d'apparition du langage
articulé, on peut admettre que tant que la pression a été assez
forte pour nécessiter un effort violent de la part d'organes artiru'
htnU, le langage artieulé n'a pas été possible. Sans même parler
du langage articulé, on doit constater que les animaux qui sont
au bas de la série , les mollusques, les poissons, les reptiles, ani-
maux qui nous amènent jusqu'à la période jurassique, sont, sinon
aphones, du moins peu bruyants, tandis que de la période juras-
sique jusqu'à nos jours, les animaux phonateurs^ oiseaux et mam-
PRESSION ATifOSFHËHIOUË. g3
mîRres 'iominm/, rornmr' ti la phonation était devenue possible en
mémelerops ()uele tranaportsérien, au moyen de membres trans-
fimWs en «les, Hcvcnail lui-même possible, ea mime temps
qu'apparaissaient les premiers oiseaux.
A la m^niG pression coniidérable, quelques individus perdent le
^ùt rt TndoTSt. Il semble que les sensations oitaclivcs uu gusta-
liiea MiL-nt des sensations d'un ordre fin, pour ainsi dire, qui ne
i'eierccnt que sous de légères excitations; les excitations plus
inassitu, plus matérielles dépassant en quelque sorte la mesure.
Il sérail peut-être permis de se demander si certaines Tonetions
tcoMneiles ne vont pas en s'arUnant, si l'on peut ainsi dire, à
iDOure qnc le milieu devient moins dense et, dirions-nous, dans
un laD2*^ citra-scienlillquc, plus fIlUvé.; il est permis de se
demander si, dans l'avenir, une diminution croissante de la prcs-
iion ne pernieltra pas la r<ialisation d'un type idéal, où les Tonc-
iioni KQurielles seront plus délicates et les organismes moins
ma»ib. Hais ce sont là desconsidêralions sur lesquelles la science
"'^ pas à insister pour le moment.
i'oursulvoiM l'étude des effets de l'augmentation artificielle de
- ; tes&ioa atmosphérique sur les divers appareils. Sous la pression
i. ne colonne d'air plus dense, la poitrine sagrandil, l'inspiration
Mi^nt plus ample; elle devient en même temps plus rare, parce
"le besoin de l'oiygène est plus assouvi; c'est le contraire de
■ouffletnent et de la dyspnée '. aisance et largeur de la respi-
(jij«n, c'est ii. ce qu'on sent dans les cloches où l'on comprime
l'air dans un but thérapeutique. Mais si, poursuivant l'expérience,
■m vonltnue ù corapriraer, voici ce que l'on voit : Si, ù une pres-
uon de 10 centimètres au-dessus de la pression uonnate, la eapa-
nte pulmoDaire était égale à I mètre, elle devient ("".OS k 19 cen-
timètres; )'",36 ti 38 centimètres; puis cette progression s'arrête,
rlk S7 centimètres la capacité tombe de )'',36 àl'°,2j; elle coro-
uence à diminuer vers un point qu'on peut fixer à une demi-
xtmosphfcre surajoutée. Cette limite varie, d'ailleurs, avec la force
lie» miiKles inspirateurs qui, à un moment donné, deviennent
impatefianls à soulever la paroi tboraciquc de dedans en dehors, en
raiaoD de l'effort croissant de l'air comprima qui cntiturc la poi-
trine, eObrt qni est toujours supérieur à celui de l'air également
comprimé, qui entre dans les poumons, parce que Vé\as\.\c'iVi(ï çuV
Etiretetid à créer dans la pièire un vide virtuel.
rereaaitl à l'aaatoniie comparée, nouâ conûdÈron^ \c^ tOïi-
84 l'atmosphère.
ditions de la respiration pulmonaire sous une haute pression
naturelle, nous voyons qu'elle n'était alors possible qu avec de$
muscles inspirateurs extrêmement puissants et hors de propor-
tion avec les autres muscles. Or, il existe une certaine corrélation
organique, qui ne permet pas de ces défauts d'équilibre entre les
organes d*un même individu et, d'ailleurs, dans la nature le tra-
vail s'cfioctiie toujours le plus simplement et le plus économique-
ment possible. La pression était jadissuffisante pour que la collision
des globules avec Toxygène s'eficctuât sans le secours de TefTort
musculaire et les houppes vasculaires branchiales devaient suffire
sous une pression qui ne nécessitait pas encore l'introduction de
l'air dans des sacs pulmonaires. Aussi n'est-ce qu'à la période houil-
lère, qu'avec les reptiles, plus nombreux et plus développés encore
à l'époque du trias et à Tépoque jurassique, apparaît la respira-
tion pulmonaire, qui jusque-là n'avait pas été nécessaire.
Sous l'intluencc de l'apport plus grand d'oxygène qui résulte
de l'introduclion dans l'organisme d'un air à une forte tension,
le sang veineux s'artérialise ; il n'y a, pour ainsi dire, pas de .sang
veineux, chimiquement ivirlant, tant l'organisme est saturé d'oxy-
gène, au-delà môme de ses besoins. Le docteur Bucquoy, prati-
quant des saignées sur ses ouvriers du pont de Kebl, vit que le
sang sortait de la veine à Tétat rutilant. Il est difficile de ne pas
remarquer quels avantages devait donner jadis aux reptiles une
pression atmosphérique plus considérable que la nôtre. En effet,
la circulation, chez eux, est constituée, comme on sait, par
deux oreillettes et un ventricule unique; Foreillette gauche reçoit
le sang qui vient de s'artérialiser dans le poumon et l'oreillette
droite ret^oit le sang veineux; mais toutes deux déversant leur
contenu dans un ventricule unique, il en résulte que l'artère
pulmonaire n'emmène vers le poumon qu'un mélange de sang
veineux et de sang artériel et que Taorte ne distribue aux organes
qu'un mélange de sang artériel et de sang veineux. Si l'on admet
qu'à l'époque où dominaient les grands reptiles, la pression était
beaucoup plus considérable que de nos jours, le sang veineux
devait être rutilant, comme nous l'avons vu de nos jours chez les
ouvriers du pont de Kehl, et le mélange de sang veineux et de
sang artériel que distribuait l'aorte aux organes était, en somme,
un sang rutilant, c'est-à-dire chargé d'oxygène. En même temps le
poumon, appareil encore rudimentaire, recevait un sang qui n'était
guMncomplètement désoxydé et sur lequel l'épuration à effectuer
PRESSION ATUOSPHëBIOUB. 85
hit moins tons iilérablc que sur un sang absolument dmxydé.
nt-Jtrc celle Uisposilion, qui crée aux reptiles coolempurains
I di^vaDlagr Évident, sufiisait-elle alors à leur donner une
1 ,_li>unce et une vivacité qu'ils ont perdues! On peut supposer
\\ ■ ^Bilcmimt <iiic les grands sauriens, qui ont quatre cavités cardia-
lt«t cliei lesquels le mélange de sang veineui et de sang arté-
oe so Tait dans l'aorte qu'après que cette branche a Tourni le
g artériel de la lélc, trouvèrent déjà dans cette disposition un
Uge centre une diminution déjà .sensible de la pression.
Enfin, ai l'on songe que, sous une pression artificielle, la puis*
: moseulaire est accrue au dynamomètre, ainsi que l'ont
laii! Bucquoy, Junod et Pravai; si l'on aonge que chez les
s qui passent une partie de leur temps dans ne milieu,
rUt est augmenli^ et qu'une plus grande consommation ali-
taire devient nécessaire, on peutsc demander siles dimensions
ibles d'un grand nombre d'animaux que nous retrouvon.
Ut fossile n'étaient pas favorisées par l'excès de la pressions
r eoaprimé augmente, en effet, l'intensité vitale; il active
fe combustions, il hi\te, par conséquent la rénovation molécu-
Cel. H l'apport alimentaire augmente en même temps, condi-
i tine ipta non, le mouvement tropbique devient plus intensif.
'iedois, avant d'aller plus loin, envisager la queslion sous une
antre IJtcc et répondre d'avance à une objection qui pourrait
m'dtre faite : Nous n'avons considéré jusqu'ici que les variations
«l'ordre phytiqtte éprouvées, ou du moins paraissant avoir été
es, par l'atmosphère. Mais cette élude se complique de la
ESÎIéde nous placer niainlenant au poini de vue des variations
fdre ekimique.
'n éliminant les vapeurs métalliques, qui ont été, sans doute,
pension dans l'atmosphère aux premières époques de son
misatiun, en ne tenant plus compte non plus de la grande
iotité de vapeur d'eau que fait supposer la situation plue élevée
V pointde saturation de l'atmosphère d'alors, avons-nous quelque
donnée sur la quantité relative de l'azote, de l'oxygène, de l'acide
irartionique et de l'ammoniaque, aux diversesépoqucs géologiques?
^^ces quantités relatives ont peu varié et que leurs quantité*
^Hbolnes aient seules diminué par suite de la prédominance de la
^^■toniffinfion (biologique ou non) sur le mouvement contraire
^^HRstilution h VaitoosphÉre par les phénomènes de tcAu^va
^^^^gMaiqae ou d'expinithn chez les êtres vivaals, àV en viïi WA
l'atmosphère.
l'cpaisseLT de l'aUnosphëre a seule varié, sa composition resUot
la même, les considérai ion s que je viens de faire valoir au tiijtl
de rinflucncede ta compression barométrique demeurent intactes.
Si, au contraire, la composition de l'atmosphire a varié, les
efTets de la pression ont pu s'ajouter à ceux de la compoùtion
chimique, ou, au contraire, les contrc-ba lancer et donner lieu i
des phénomènes complexes, qu'il serait diflicilc d'analyser.
On a admis jusqu'ici et l'on admet encore généralement que la
végétation de l'époque bouillère nous indique dans l'atmosphère
la présence d'une quajilité d'acide carbonique énorme, que ces
véjrétaux auraient consommée en partie, laissant, après eui, 1*
terrain libre, en quelque sorte, pour les animaux, dont la respira-
tion, à l'inverse de celle des végétaux, emprunte à ralroosphère
son oxygène et lui restitue son acide carbonique. Uans ces condi-
tions, l'atmosphère, avant et jusqu'à l'époque Aoui'/<'rc, aurait éti-
plus riche en acide carbonique qu'en oxygène. Sa pauvreté en
oxygène aurait été, il est vrai, compensée par une tension consi-
dérable', mais sa richesse en acide carbonique à une tension, par
conséquent, plus considérable encore, eût gâné l'élimination de
l'acide carbonique par les animaux et rendu leur respiration non
comparable avec celle qu'ils cfTec'.uent dans nos cloches à air com-
primé.
Cela e^l vrai ; mais si l'on se place dans cette hypothèse, il est
permis de remarquer que la plupart des animaux que nouscon-
naissons parmi la faune cambricnne, silurienne et dévonjennc,
sont des mollusques et des poissons, animaux aquatiques; îli
vivaiontdans des eau» très calcaires, et qui devaient accaparer
une Rrande partie de l'acide carbonique dilué, pour former le*
carbonates que nous retrouvons encore ou dont s'emparaient leurs
coquilles. Le gaz resté dans l'eau à l'élal de dissolution, pour les
besoins de l'uiiimal, préiicntait donc, pour son acide carbonique,
une tension moindre, et, pour son oxygène, une tension plus con-
aidérable que ne Taisait l'air atmosphérique qui s'étendait alors
ui dessus de la surface des eaui. l^ respiration aérienne, inau-
gurée par les reptiles à la fin de l'époque houillère, aurait, en
eiïet, coïncidé avec une diminution de l'acide carbonique de l'air. _
J'ai tenu à montrer que les idées que je viens d'énoncer au '
sujet de l'influence des variations de la pression atmosphérique
«ur l'évolution organique, ne sont pas incompatibles avec l'hyiio-
tltèsed'iin djiingemcnt chimique dansVa.\m(eç\vtTii Ai\M.'ftVU£WO
PRESSION ATHOSPHËIltOUE. 87
ccordentpss imiquenicnl avec une modification d'ordre phy-
le. Mats celte dernière discussion deviendrait mètiic inulile, si
pinion de Oi. Ljeli était démonlrÉe conToruie ù la réalité des
ib. r.f-l illustre géologue, dont les travaux font justement auto-
té, s'élève, en effet, contre l'opinion d'un grand nombre de sa-
ints qui tcsmt plu, Jit-il, a ù soutenir que pendant la période
b houJIlËre l'atmosphère avait été chargée d'un excès d'acide car-
I bonique ». Pour lui, l'accumulation de la houille n'est pas plus
e preuve de Teicès de l'acide carbonique à Tépoque houillère,
t le dép^t considérable de sel marin qui se Tait chaque année
K quelques golfes de l'Inde, sous t'iniluenec de l'cvaporation,
^djque uu excès dans la salure de cette partie de la mer.
~ i n'jivons, dit-il, aucun droit de déduire de pareilles con-
E^uslons relativement ù l'ancienne constitution chimique de
l f atmosphère ; il en sera ainsi tant que nous ne posséderons pus
|àe» données sunisnnles, pour estimer le volume de l'acide car-
ique que la lerre éniel dans les régions volcaniques et qui
K«si ItMinii parles cadavres des animaux et des substances végé-
I Ulnen pulrél^clion, pour comparer ce voiuroc avec celui du
annuellement extrait de l'air et ensuite emmagasiné
Ejans l'épaisseur de la croûte terrestre sous forme d£ tourbe, de
Iboiscnfoui, de matière organique, provenml du rè^ne animal. »
mmes-nous mieux rensci^nds sur les variations dans la quan-
t Telali*o àe l'oxygène ? Les oxydatiotis qui se sont Taites, dès
micrc heure, sur la pellicule formée à la surface de la terre
a fusion, nous auioriscnt ï penser que Voxjgèue existait
k dans l'atmosphère, tout prêt û satisfaire l'aflinité des corps
ni; il a donc pu se consommer ainsi des quanlitûs
a de ce gaz au protil du la croûte du globe, mais la tension
i» avons supposée plus grande que de nos jours aurait
I compense la diminution absolue de l'oxygène. D'un autre
è l'abaissement progressif de la pression atmosphérique a pu
wher pariillcleraeut avec la restitution d'oxygène par les végé-
U, si bien qu'à mesure que la tension de l'oxygène diminuait,
itité augmentait d'une manière compensatrice et favorable
Rétablissement d'animaux de plus en plus élevés.
f Dans l'état acluel de nos connaissances l'élude de la pression
ao:q>hérique est donc le terrain le plus solide ou, pour être plus
kct, le autins mourant, sur lequel on puisse asseoil une fe"lVO-
e intime.
88 l'atmosphère.
Examinons maintenant les conséquences des Tartations physî*
ques de l'atmosphère sur les végétaux. Cette étnde ne pUûde
pas moins que celle que j'ai faite en faveur de Thypothëse de la
diminution progressive de la pression atmosphérique. Les expé-
riences de P. Bert lui ont, en cfTct^ montre que jusqu'aux
pressions de 2 et 3 atmosphères il y a avuntagcy pour les semis
placés dans Tair comprimé. A partir de -i et 5 atmosphères il y a
désavantage, mais surtout pour les graines à albumen farineux.
Or la végétation des temps primitifs se composait surtout de
plantes qui ne sont pas dans ces conditions.
Mais les expériences de P. Bert assignent une limite à la vie
sous pression; les végétaux résistent plus longtemps que les ani-
maux. Tous deux meurent ; mais les premiers vers 7 et 8 atmos-
phères environ, les seconds lors4|ue leur sang, au lieu de contenir
18 ou 20 pour IOOd\)xygène, arrive à en renfermer 30 à 35 pour
100. Los i!el)uts des êtres organisés vivants ne peuvent donc pas
remonter au-delà de répo:|ue des hautes pressions.
11 est vrai qu'une expérience remaripiable de P. Bert nous per-
met d'entrevoir encore, derrière ces débuts de premier être orga-
niste la |Htssibilitô des manifestations de la vie sur notre globe
encore comprimé par une épaisse atmosphère. En effet, tandis
que les hautes pressions empêchent les fermentations, qui sont
l'action d'un ferment ligure, en tuant les êtres organisés rudimen-
taires qui en sont les auteui^s, fermentation du vin, du viuaigrc,
de la bière, putréfaction ; les plus fortes pressions n^em pèchent
pas les fermentations zym'ttiqHrs, celles qui ont pour agent non
plus un être /Ir/ure, mais un principe soluble, dit diastasiquc^ my-
rosine, énmlsinc, etc. En un mot, les fermentations diastasiques
s'efTectuent à des pressions iwnntimtifiirs avec la vie figurée.
Ces expériences, quoique faites à un tout autre point de vue,
sont susceptibles de recevoir une interprétation qui, pour être
nouvelle, ne me; semble pas moins vraisemblable. N'est-ce pas
dans l'étude des fermentations diastasiques qu'on trouvera quelque
jour le moyen d'expliquer la genèse, non pas telle qu'elle se fait
actuellement, mais bien telle qu'elle a pu se faire au début, au
moment de la première évolution biologique de la matière?
N'est-ce pas là le trait d'union entre les panspermistes, dont les
expériences sont aujourd'hui inattaquables, et leurs adversaires,
dont les conceptions ont dû certainement êtres réalisées à l'origine
des temps et le sont peut-être encore dans les bas-fonds de l'Océan?
^
PftEiStON ATUOSFHËEIIOUE. gg
J'orr^lc ici ces considératicns sur une hypolhése. qu'un grand
iwinbi« iJi* rails l^gilirat'iil iti-jA, cl qui lue semble dignedes oiédi-
Utions des biologistes.
Ce ttmU iuVi|iosef Wncvolement à la critique que de soutenir
i|ut! l'ÛTotution dCN Atres a» eu d'autre sollicitât ion que le ilegré
pluf ou moins èicté de la pression atmosphêriq^ie. En pareille
ninlicre, lifut esit couplcie et nos Ihcorics comme nos classifica-
tiou» ne sont jamais absolument vraies, parce qu'elles sont tou-
l'iur» trop fliclusiïeâ. C'est lï une conséquence de l'application de
nvlre esprit sur un point donné; mais nous ne devons pas oublier
•|DC l'étude dp la iialnre est cotnparable à celle d'un crrcfc, dont
cous ne cunaideroQs jamais à la Sois qu'un sfgmenl.
CHAPITRE I
^os doute les êtres vivuDls sont avec l'atmMphËre dans des
rapports extrêmement inlinies; ils lui empruntent, ii cbaque
lOtUnt. lie l'oivgèae ou de l'acide carbonique et lui restituent de
l'icide carbonique ou de l'oxygène; mais plus ialime encore c»t
leur conneiioTi avec le sol et si tous lui confient, après leur mort,
le* éléœenls dont ils sont constitués, on pent dire que ce n'est lit
iL'iine restitution; car la plante n'emmagasine que ce que le sol
■ fonrai et l'animal n'eramaKasine directement ou indirecle-
1, Mlon qu'il est herbivore ou carnassier, que ce que la plante
I foumi. Le végétal est donc à proprement parler Tintermé-
e Mttre le sol et l'animal : c'est par lui que le phosphate de
~ S collines calcaires passe dans les os des animaui ; c'est
Ebu que le fer, qui se trouve dans le so\, devient un des prin-
■x éléme»l& constituants de notre sang. Nous vivons du sol
otuincm comme la betterave, la pomme de terre nu la vigne
Ml de la potasse qu'il contient ; comme d'autres plantes vivent
■ wtiile, soit au bord des eaui saumiUies des salines, soit au
d de» lacs salés, soit dans les terrains encore imprégnés de sel,
■ que ceux du Sahara; comine d'autres p\anlca \\\fcnl i\i^ \^
, telleique les prèles, etc. Va hectare de pummts 4e Ven*
90 LE SOL.
consomme par an i45 kilos de sel de potasse, et un hectare de
betteraves en consomme 200 ; du reste, dans certains pays, comme
en Allemagne, la terre contient par hectare de 40 000 à 76 000 ki-
los de potasse. Fixées au sol, les plantes sont, de tous les êtres vi-
vants, ceux qui tiennent nécessairement le plus au choix du ter-
rain, mais chaque être, végétal ou animal, veut un certain milieu
telluriquc; si la constitution chimique de ce milieu vient à chan-
ger, Tindividu change également : le rosier, Thortensia changent
la couleur de leurs fleurs selon la nature chimique du terrain,
et plusieurs botanistes, partisans bien convaincus de Timmuta*.
bilité de Tespèce, ont décrit comme espèces séparées des types
qui nY'taient autre chose que des variétés issues d*un même indi-
vidu et modifiées par la nature du sol ; c'est ainsi qu'une violette
qui croit en abondance aux environs d'Aix-la-Chapelle, dans un
terrain qui contient du zinc, a pris, sous Tinfluencc de ce métal,
une couleur jaune; c*estla Viola lutxn des botanistes. En somme,
plantes et animaux, nous sommes le reflet des matériaux divers qui
composent la croûte solidifiée de notre planète et il est certain
que dans d'autres planètes, dont la composition chimique serait
difTérente, la composition chimique des habitants serait également
différente.
i; i. PAUVRETÉ DU SOL EN MATIÈRES CALCAIRES.
Dans certaines parties de la Guyane, d'après le docteur Maurel,
la terre est extrêmement pauvre en substances calcaires, phos-
phate, sulfate et carbonate de chaux; les eaux qui lavent ces
terres sont donc elles-mêmes peu chargées de ces substances:
ainsi Teau du Rorota ne contient par litre que 4 milligrammes de
sulfate de chaux; celle du Counana et celle du Maroiii n'en con-
tiennent pas du tout. Il eu résuite que les plantes du pays sont
elles-mêmes pauvres en matière minérale. Or, dans ces conditions
de milieu tout à fait spéciales, le docteur Maurel a observé, chez
les Indiens de la Guyane, certains phénomènes, qui montrent
que rhomme, comme la plante^ est bien fils du sol.
Ce distingué confrère a constaté que, dans ce pays, les fractures
se consolident avec une extrême lenteur ; il a noté chez les In-
diens de Maroni la fréquence incomparablement plus grande
qu'ailleurs de la mrie denUiirc, enfin il a constaté la lenteur de
Vossificalion normale.
CALCAIRES DU SOL. 91
Les Indiens comprennent parfaitement le besoin de calcaire, car
Maurel, à Thôpital, en a surpris un grand nombre qui mangeaient
la chaux des murs. H y a là un appétit analogue à celui qu'on
constate chez un grand nombre d'animaux, pigeons, bœufs, etc.
Les phosphates terreux ne sont pas d'ailleurs indispensables
aux animaux seuls : les expériences déjà anciennes de Gosselin et
de Milne-Edwards ont montré que le phosphate de chaux active
également la croissance des végétaux.
Cachexie osslfrage. — Les conditions qui sont normalement
réalisées à la Guyane, le sont accidentellement dans plusieurs
pays, notamment en Allemagne; lorsque de grandes sécheresses
se produisent, les sels du sol n'ont pu être dissous par l'eau ; il
en résulte que les fourrages contiennent fort peu de principes
calcaires; le bétail qui se nourrit de ces fourrages devient alors
en proie à une maladie spéciale : les os qui s'usent chaque jour,
comme tous nos tissus, ne recevant plus de matière calcaire,
perdent chaque jour de leur poids et de leur solidité ; à la place du
tissu osseux, qui s'en va et ne se reproduit pas en quantité suffi-
sante, se forment des cavités, qui se comblent en partie d'une
moelle riche en graisse; la proportion de graisse s'élève alors
à 29 pour iOO, tandis que celle des phosphates tombe de 48 pour
iOO à 12 et même 7 pour 100; les paroisde cescavités deviennent
molles, peu résistantes; elles se cassent; les animaux ne peuvent
se tenir sur leurs jambes, qui s'incurvent sous leur poids et se
brisent au moindre mouvement.
Celte maladie porte le nom de cacliexie ossifrage, d'ostéoclasie
ou A^ijstéonialacie; elle s'observe chez la bète bovine, le porc, la
chèvre ; elle a sa source dans la pauvreté calcaire du sol et des
fourrages, en un mot, dans l'alimentation totale de l'animal;
Déannioins le vulgaire a choisi, je ne sais pourquoi, une seule des
plantes mangées par l'animal, pour l'incriminer et à cette plante,
qui est VAniheincum, on a donné le nom d'Ossifragum.
Ostéomalacle des femmes en eouehes. — La cachexie
ossiCrage atteint surtout les femelles pleines, forcées de fournir à
leur embryon une grande quantité de calcaire, au moment oîi
cette substance leur manque pour leur propre entretien ; elles
la prennent alors dans leurs propres tissus, dans leurs propres
os, qui se ramollissent. Cette maladie se montre parfois chez la
femme, dont elle ramollit, après raccouchement, les os du bassin ;
il suf&t d'avoir, dans sa vie, fait nicher des oiseaux eu ca%^> V^>)^^
•I LE SOL.
avoir remarqué que la femelle/afin d'éviter précisément semblable
accident, a Tinstinct de mauf^r la coquille des œufs qui yiennent
d'cclore, avaat de recommencer une autre ponte.
Ostéomalacle des vieillards. — Une maladie semblable
s'observe parfois chez les vieillards, dont la dépense dépasse
désormais la recette; on voit, dans ces conditions, se produire chez
eux des fractures qui ne se consolident pas.
OstéoBialaele des Jeunes vertébrés. Maladie des ehe-
vanx en CoehlDehlDe. Raehlilsme. — C'est au même méca-
nisme qu'il faut rapporter le ramollissement des os chez les jeunes
vertébrés et un certain nombre de cas de la maladie qui porte
le nom de Rachitisme, Je dis un certain nombre de cas, car le
professeur Parrot a montré que bien des lésions attribuées à tort
à du rachitisme ne sont qu'une des formes nombreuses de la
syphilis héréditaire.
Bouley fils a produit l'ostéomalacie chez les jeunes chiens, en
leur donnant de l'œuf battu, au lieu et place du lait maternel; le
moindre eflbrt suffisait pour briser leur fémur; la maladie s'ob-
serve également chez les veaux, les porcelets, à qui on rgfuse le
calcdire; c'est cet état que les éleveurs désignent parfois sous le
nom de maladie paralytique du jeune âge, mot absolument im-
propre, car il ne s'agit pas ici de paralysie musculaire, mais
d'un ramollissement des os. Cette maladie s'observe également
chez les jeunes singes. Elle s'observe chez les oiseaux, notamment
chez les faisans ; elle porte ici le nom de maladie des pattes des
jeunes faisans ; SA cause réelle est si bien l'absence de calcaire,
qu'il suffit, pour la guérir, d'ajouter du calcaire à la nourriture
des oiseaux.
C'est au défaut de calcaire qu'est due une maladie récemment
décrite par un vétérinaire de l'armée, M. Germain, sur les chevaux
égyptiens importés en Cochinchine française. Dans une note au
ministre de la guerre, il émet l'opinion que cette maladie du sys-
tème osseux tient pour la plus grande part à la disproportion très
grande des sels calcaires dans les aliments, en Egypte et en Co-
chinchine. Dans ce pays, les sels sont en quantité beaucoup moindre
qu'en Egypte et les animaux de cette origine ne les trouvent plus
en proportion sufQsante pour la nutrition normale des os, qui chan-
gent de composition, s'altèrent, en suite de quoi les animaux de-
viennent impropres au service dans un temps plus ou moins court.
Cette maladie ne s'est déclarée sur les chevaux égyptiens qu'au
CALCAIHëS du 301.
IxHit de dii-liuit mois à peu près, d'une manière Irts accusée, et
l'on n'en n retorrli- les fâcheuses consêqnetices générales qu'en
maintenant dans la ration l'orge d'E^ple. Mai» cela n'est pas suf-
fiMDt pour que les animaui n'en soient pas atteints à des degrés
plus vu moins avancés, suivant les dispositions individuelles, car
r&ObiblissemeDl dû aux grandes chaleurs humides du climat local
eit pnur quelque chose dans le développement ostensible du mal,
plus hitif, ou plus tardif, suivant la puissance ronctioiinelle de
l'organisme. Il Faudrait donc, pour conservera ces chevaux une plus
loaguc résistance, chani^er, quant aux sels calcaires, la composi-
lion des aliments produits par la Cochinchine. 11 y aurait quelque
rhaoce d'y arriver en aménageant convenablement le sol des prai-
ries destinées aui besoins des cbevaui d'Egypte. Il faudrait qu'elles
lus»:»! fiirtement chntitiei.
Le raehiliamc est d'autant plus fréqnent chez l'hommeque
les soios et surtout l'alimentation reçus par la première enfance
sont moins bien appropriés. Lorsque la guérison a lieu, il semble
que U ilo^e du calcaire osseux dépasse la mesure, même dans
les CBS où le ramollissement des os a été produit par la syphilis ;
les oa se trouvent alors en quelque sorte moulés, immobilisés ai)
milieu d'une gangue ébumée, dans la forme qu'ils aiïectaicDt
alors qu'ils étaient mous. Ils demeurent alors, pour la vie entière,
trapue, l'irdus. Un grand nombre de petits bossus, non pas tous,
la plupart des nains, sont des rachJtiques guéris; c'est parmi eui
que M recrutaient les boulTonsde cour. Deux tjpes de rachiliques,
presque devenus classiques, ont été décrits de main de muilre cl
rcstcut à jamais dessinés : ce sont ceux deRiquet à la liouppc et
de Quasimodo.
§ 2. RICBESSE I
. EN MATIÈRES CALCAtHES.
^^B«s conditions inverses de la richesse du sol en calcaire créent
^^^^rallement des conditions opposées et ce chapitre est en
^^Kelque sone la contre-partie du précédeot.
^HKkIchIb. AlbtroBes. — C'est ainsi que Boudin a signalé la
^^Hquence des ealculs du Toie oo du rein dans les pays riches ou
calcaires ; ou a même constaté, dans certaines régions, que la
carte de frêiiuence des calculs coïncidait ciaclement avec la carte
dn terrains calcaires dressée par les g-éologties.
r calcaires revient encore la rrti\uence ie tettfe
^Ljltfi le
94 LE SOL. ,
ossification partielle des artères qu^on nomme Vathérome. Or,
c*est là quelque chose de fort important que ce dépôt de matière
calcaire, qui se forme dans la trame des vaisseaux ; car, au lieu
d'être élastiques et souples, ceux-ci deviennent cassants, raides;
l'atbérome s'ouvre alors^ sur le trajet du vaisseau, comme ferait
une soupape rigide, qui viendrait à se soulever sur un conduit de
caoutchouc; une hémorrhagie a lieu dans le cerveau ou ailleurs,
ou bien, au contraire, ce noyau calcaire agissant comme ferait un
fil dans une solution saline, saturée, provoque la coagulation delà
fibrine et la formation d'un caillot, qui obslruc la lumière du
vaisseau et il se prc«duit une gangrène dans tout le territoire
arrosé par ce vaisseau. C'est là le mécanisme de ramollissement
cérébral.
Cette incrustation des artères se fait par une sorte d'imbibition ;
la matière calcaire, lorsqu'elle traverse en abondance l'orga-
nisme, se substitue, en effet, molécule pour molécule à la matière
organique, un peu comme cela se passe dans les phénomènes de
fossilisation. Or, jamais la matière calcaire n'est apportée en aussi
grande abondance à l'organisme que par les aliments végétaux
et si les eaux d'un pays doivent à la nature du sol qu'elles traver-
sent de dissoudre une grande quantité de substance minérale,
elles s'ajouteront encore, comme agent incrustant, à l'action des
végétaux, qui seront eux-mêmes plus riches en calcaires dans ce
pays que dans tout autre. Aussi Gubler a-t-il remarqué que la
précocité de Tathérome s'observait dans les classes pauvres des
campagnes, celles qui mangent le moins de viande et le plus de
légumes. Raymond, à l'appui des recherches de Gublcr, a lui-
même constaté la fréquence et la précocité de fathérome dans
un couvent de Chartreux, qui ne vivent, comme on sait, que de
légumes.
Ce qui est vrai de l'athérome, l'est aussi des calculs ; les Indiens,
qui mangent surtout des végétaux, sont très sujets aux calculs et
à l'athérome, mais nous verrons plus loin que cela tient sans
doute aussi à la race. Peut-être est-ce à la nature du sol qu'on
peut attribuer la fréquence de la pierre en Egypte; Clot-Bey a
pratiqué lui-même dans ce pays plus de 160 opérations de taille.
On voit quelle importance peut avoir la nature chimique du sol
sur la production des maladies. 11 y a plus : on aurait vu, d'après
Boudin et plusieurs autres auteurs, certaines épidémies se limiter
à certains terrains, notamment celles de suette, de Gèvre typhoïde,
KATDRE DU SOL.
fwnipcle, de choléra; mais cela se rattache à
d'idé»; il en sera parlé plus loin.
§ 3. LIFLUENCB RE LA NATURE DU SOL EN GÉNËRAL.
Am1*b da ««1 «nr l'évolution orgnnlqae. — ■ L'homme
liii-iDâme, comme le rcsic Je ses voisins, est ce que le sol le fuit :
il ivpvnil de ses variations complexes et multiples : ainsi, dans
] Atevr»ti. une moitii: du département est conslîtuiïe par du
^ctiisle, àa gneiss, du micaschiste; le seigle seul y pousse; on
noniiue ccttu rêgioa le Ségaln. Or, les recherches de Durand de
l^nis ont montre que les SégaUiis sont chétîrs, maigres, an g u-
Icui, petits; les snimaux mêmes du Scgala sont de petite taille.
L'autre moitié du département est de formation jurassique, elle
eU riche en chaux ; le froment y forme la principale culture ; c'est
la r<ru#>r. Or. les C'ius/rn'ir-ls sont amplement cliarpentës,
grands, beaux, vigoureux; les aniniaui élevés sur les Causses
■ont eut-mëmes de plus grande laîlle que ceux du Scgala.
K'agirait-elk que sur la température extérieure ou, mieux, sur
le njonnemenl, que la nature du sol aurait encore une grande
inpMiance : ainsi, en représentant par l(K) la faculté du saLlc
oitÂin de retenir la chaleur, Schûller a trouvé, pour différentes
lerrcs, les cbilTre-s suivants :
Terre do jardin.
— «rgileuae,
Sable ailiceui. .
IAcIIak au sol anr rëvolailon sociale. — Tout lu
iMKide apprécie l'influence de la nature du sol sur la niarcbe
df h civilisation; ainsi les lerraias d'altuvion, en général per-
Ricables et fertiles, lui servent souvent de point de départ et
de milieu très favorable ; c'est sur les alluvions lacustres de l'é-
poque miocène que vécut dans noire pays l'humanité encore à ses
dcliitts d'H'rfnfW In-tiaire, et peut-être non encore dégage par le
langage articulé du reste de l'animalité {Précurseur <k l'homme).
(De UoniUel.)
KCest du terrain crétacé et du terrain jurassique que nous ^s^^-
fsone graade partie des pierres de nos mouumenlSi cV tv'cïVti;
96 U FAUNE ET U FLORE.
pas la proximité des affleurements crétacés qui permit aux hommes
des premiers âges d'y trouyer le silex nécessaire à la confectioo
des outils et des armes, qui devaient leur assurer la victoire dans
la lutte avec le reste de ranimalité? Supposons que les première»
tribus de la pierre taillée n'aient pas trouvé sous leur main le
silex qui leur était nécessaire ou toute autre substance qui pût le
remplacer sans inconvénient, et les groupes même les plus con*
temporains de Thumanité ultérieure eussent été retardés doutant.
Est-il aujourd'hui un terrain plus civilisateur que le terrain car*
bonifère? On a pu dire, non sans vérité, que la richesse d*uD
pays se mesure au nombre de tonnes de charbon qu'il peut
exploiter.
Boudin a fait remarquer, avec assez de justesse, que 9ur le sol
de la France les terrains anciens qui correspondent au Nord-Ouest
et au Sud-Est sont moins fertiles, moins peuplés que ceux plus
récents relativement du Sud-Ouest et du Nord-Est; en revanche
les terrains anciens, plus montagneux, ont mieux résisté aux in*
vasions successives. Mais la configuration du sol joue ici un rôle
aussi important que sa nature chimique; si dans les pays tempé-
rés les populations envahies se réfugient dans les massifs monta-
gneux, c'est que les envahisseurs ont de la peine à les y suivre :
aussi est-ce dans ces populations que le type se conserve le plus
pur; témoin les Savoyards, les Auvergnats, les Bretons. Herbert
Spencer cite de nombreux exemples qui plaident en faveur de
cette thèse : les Uly riens, longtemps indépendants des Grecs leurs
voisins, les Suisses, les populations du pays de Galles, les Fens,
les Uighlands, etc.
CHAPITRE III.
LA FAUNE ET LA FLORE.
Nous venons de parcourir le théâtre sur lequel l'homme joue les
différents rôles auxquels est employée son existence, le Milieu ina-
nimé dans lequel il vit et nous avons vu que, au môme titre que
tous les êtres vivants, il subit les influences variées de ce milieu ;
mais il n'est pas seul au milieu de ce décor plus ou moins favo-
Ll\ lUTTE POUR L ElISTESCE. s7
le : d'autres acteurs, vivants comino lui, s'agileni autour de
lui sur celte scène, et la lutte qu'il a à soutenir contre les maté-
riaui mêmes du Ilitiltre, pour se roaiuteajr debout, n'est rien
auprùt de celle qu'it a à livrer à chncun des voisins auimés,
aai attaques de qui il est en butte et qu'il attaque souvent à son
tour; il a A se dérendre de l'envah'issenicnt de tout ce qui vii,
depuis la Torât impénétrable dans les profondeurs de laquelle il ne
se frn^feun passage que labacbe ou la torcbc à la main, depuis la
PUdU dont le Truit l'enipoisonne, lorsqu'il le porte i sa bouche,
jusqu'à son voisin, l'homuie, qui veut lui prendre sa place à ce
banquet de la vie si ardemment envié. Va philosophe a dit : hcimo
hirmiai lup'is; la vérité est vivenit \.'ivenli lupus.
Entre les deux extrêmes de la série de nos ennemis, la plante et
l'homme, prennent, en cffel, rang dans la bataille des combattants
de toutes tailles, de toutes formes, dont les plus petits ne sont pas
toujours les moins redoutables; au premier, Tigurent ces êtres
hier encore inconnus de nous, qui recevions leurs coups sans les
voir, ce» infiniment petits qui produisent dans les liquides ce que
uous nommons de^ fermenUUimis el dans notre sang les maladies
infectieuses, les microbes, monde immense que Pasteur a découvert
et dont la»:ience nous débarrassera dans l'avenir. La légende qui
nous dépeint la lullc des premiers bomuies contre les mastodontes
aujoard'liui éteints, pcrsonniGerhumanité dans Hercule pui^eant
b terre de ses monstres; l'Hercule moderne anom la science.
A cAté de ces parasites inrmiment petits, dont quelques-uns
«ont encore plutôt soupçonnés que découverts, prennent place les
parasites vrais, qui produisent chez l'homme un grand nombre
d'accidents. Nous étudierons ainsi successivement les rapports de
rbomme avec cette population ambiante, depuis le microbf jus-
qu'il l'homme lui-même.
liais nous n'avons pas que des ennemis dans ces compagnons
de vie, dans ces contemporains qui se rencoulrenl avec nous sur
h pUnète i nous avons des victimes, el pas mal, des associes, des
'» plus ou moins inlérËSsês, des auxiliaires.
H bien serait-it peu philosophique de déplorer cette lultu
R d'un faux senlimenlalisme ; elle est la condition mèroe
I lie ; c'est à prendre ou à laisser ; il faut lutler ou mourir,
ou être mangé; en réalité, on est toujours mange après
ange les autres ou, plus réellemenl, tous \cs èUca \\<ia,nVa,
le pén'odi! plus ou moins longue d'incorporation mo\étu-
•8 LA FAUNE ET LA FLORE.
laire du monde extérieur, restituent ces molécules au grand tout,
qui les leur avait prôtés t>our un temps.
Je commencerai donc Tétudc des rapports de Thomme avec
la faune et la flore qui Tentourcnt, par VaUmnitutwn, Le premier
besoin de tout ôtre c*est de manger : primo vivere ! « Si rhomme,
« dit Liebig, se nourrissait d'eau et d*air, il n'y aurait plus ni
« maîtres, ni serviteurs, ni seigneurs, ni sujets, ni amis^nienne-
« mis, ni timour, ni haine, ni vertus, ni vices, ni droit, ni injus-
4 ticc ». Manger, c'est la cause déterminante du progrès physique
et intellectuel du. genre humain. (Beketoff.)
I. ALIMENTATION.
Pnrmi 1rs animaux, les uns mangent d'autres animaux, les
autres man^MMit des végétaux ; mais la différence est moins grande
qu'uu pourrait le croire entre les carnivores et les herbivores.
l«(*s vé;,'étaux contiennent en eftct tous les principes qui entrent
dans la conqutsilion des tissus animaux : sucre, corps gras, albu-
mine, ilbrinc. Il y a plus : lorsqu'on compare la quantité de ces
substances, (|ui se trouve dans la ration d'un herbivore, avec celle
qu'il détruit ou qu'il accumule dans ses tissus, on trouve que ces
deux quantités sont égales; en d'autres termes, l'animal ne crée
pas de mutièrc organique; il la puise dans le végétal, directement
s'il est herbivore, indirectement s'il est Carnivore. Le Tégétal a
donc seul le pouvoir d'édifier la molécule organique avec la mo-
lécule minérale. L'animal ne fait que la lui emprunter; de telle
sorte que le règne végétal est, en somme, le grand pourvoyeur
alimentaire. L'alimentation végétale et l'alimentation animale
diflècent, au reste, plus par la quantité que par la qualité.
ModIflealloDs de l'capéce par le régloie alimeD*
tftire. — Nous avons vu précédemment le milieu extérieur impri-
mer a Tindividu des modifications profondes; lorsque ce milieu
pénètre les individus par l'alimentation, cette incorporation du
milieu dans l'individu le modifie plus profondément encore : ainsi
suivant la nourriture qu'on donne aux chenilles, on les force à
changer de couleur et à se transformer, plus tard, en papillons de
couleur différente; lorsqu'on donne à des oiseaux beaucoup de
chenevis, leur couleur s'efface; inversement Darwin raconte que
les naturels de l'Amazone ont l'habitude de capturer un perroquet
^rt, qui est abondant dans leur pays, et de le nuancer de diffé-
^H ALIMENTATION. 99
rentes couleurs, en te nourrissanl eidusivement de poisson. Les
naturels de Giloln font de même avec un torl. On prétend aujour-
d'hui que l'usage interne de la /«ïocirr/iiiic, principe dujaboraadî,
teinl les cheveu» blonds en brun.
Les éleveurs savent que la taille des animaux se modiSe suivant
le régime alimentaire ; les bœufs de Sologne, lorsqu'on les trans-
porte dans la Beauce, où ils sont mieux nourris, deviennent plus
grmnda au bout de deux ou trois gcnéralions. bataille diminue au
contraire, par défaut d'alimenlalion, àiet les chevaux redevenus
•avvages dans les Pampas el surtout chez les poneys de la Cordil-
liérc, de la Corse, de laSarduigne, des Landes el des îles l''alkland.
En suivant les principes de la zootechnie rationnelle, qui consi-
dère le rendement de la machine animale et son entrelien comme
detani constiluer. autant que possible, une équation, ils sont ar-
rivé*,par l'alimcntatioa intensive, à créer ce qu'on nomme les ani-
nuMix précoces, c'est-à-dire des animaux d'un rapport non seule-
nieolnittidérable. mais anticipé; les recherches de Sanson ont en
rOirt imDlrèque la caractéristique de la priVo'-Zd', c'étaient la sou-
dure Utive des épiphjses des os longs, l'apparition anticipée de
l'i^adntle. On arrive alors h produire dans les os des dilTé-
rcnce» comme celle-ci que j'emprunte à Sanson lui-même, qui
b cite d'tprès H. Sainte-Claire Deville :
Proponion PrDi«rliuD
itr on arrive à rc résultat en fournissant aux jeunes animaux,
qa'on vent rendre précoces, non seulement une nourriture très
ihomUnte, mais concentrée, riche en protéine, en potasse et en
uide (ihospiiorique. Uni à la sélection, cet entraînement alimen-
liire finit iMr produire des animaux absolument spéciaux, chacun
4h» leur genre, tel que le b<suf Durbam el le cheval de course.
P.Regn<rdaconseillé,dans ce but,d'utiliser1e sang desabattoirs,
^i, 4 Pam, représente chaque semaine 420 000 kilogrammes de
«ntitiHf" nutritive, en le donnant aux jeunes animaux sous forme
ie pooâre, après l'avoir cuit, séché et bro^é. L'augmentation du
poids des jeunes rouuIoiuâ//)5/iiourn'scst eneiïetle (ripIedeVw-
'vmoutaas soumis aux ronditions ordinaires. Ctct
I
If» LA FAUNE ET LA FLORE.
K's premiers, le poids de la laine est le double de ce qu*ilest chez les
st'ciMidâ. Le changement de formes et d'habitudes peut aller plus
loin encore; sous l'influence d'une alimentation intensive, on peut
forcer expérimentalement Thydre d'eau douce solitaire à former
une véritable colonie polypière. On ne saurait trop, à mon avis,
insister sur ces faits, qui sont bien propres à détruire le mythe
traditionnel et orthodoxe de rimmutabilité de l'espèce. Mais nulle
part le milieu alimentaire ne produit des modifications aussi pro-
fondes que chez les abeilles, où Ton arrive ainsi à modifier le sexe
dans la larve. En variant la bouillie qu'elles donnent aux larves,
les ouvrières produisent, pour ainsi dire à volonté, des ouvrières
comme elles ou des reines, c'est-à-dire des femelles arrêtées dans
leur développement ou une femelle normalement développée.
Born (de Breslau) est arrivé au même résultat chez un \ertébré,
chez la grenouille : en donnant à des têtards de Rana fuscn nouvel-
lement éclos d'œufs fécondés artificiellement dans un aquarium,
une alimentation essentiellement végétale (algues, lentilles d'eau)
au lieu de chair hachée, d'infusoires, de diatom«'îes, de nombreux
débris organiques, etc., il est arrivé ù augmenter considérable-
ment le nombre dos femelles. Les expériences de Yung tendraient,
de leur côté, à la même conclusion. H est curieux de rapprocher
de ces expériences vc fait, que les populations faméliques, qui
dégénèrent, voient d'abord augmenter dans les naissances la pro-
portion des filles sur les gardons.
De l'alimentation de rhomme. ^ L'homme n'échappe pas
plus aux lois du milieu alimentaire qu'à l'action des autres mi-
lieux ; il importe dune beaucoup au devenir de chaque race ou de
chaque peuple d'être herbivore, Carnivore ou omnivore : Therbi-
Yore est forcé de se contenter de peu ou de trouver une grande
quantité d'aliments; le carnivore est expose à en trouver plus
rarement, plus péniblement surtout, mais, à volume égal, il obtient
une nourriture plus copieuse; l'omnivore a plus de chances de
s'accommoder aux circonstances.
Si nous voulons savoir ce qu'est l'homme au point de vue alimen-
taire, il nous importe de regarder s<7s dents, car si Rrillat-Savarin
a dit avec raison : a Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu
esi», on peut ajouter : Montre-moi tes dents et je te dirai ce que tu
manges. Or l'homme ]>ossède absolument les mêmes dents que les
singes supérieurs, ses voisins immédiats dans l'ordre des Primates;
j'entends par là non seulement les Anthropoïdes, mais encore les
ALIMENTATION. iOl
PilhécieDs. 11 est donc fait pour s'asseoir à la même table qu'eux.
Lui et eux possèdent les mêmes dents, en môme nombre et dispo-
sées de la même manière, suivant la formule suivante : incisives
»«.j I I 2 2 3 3
. — - ; canines - — - ; prémolaires - — - ; molaires , — - == 32 dents.
t - t 1 — 1 z — z 3 — 3
Si bien que, comme tous les singes n^ont pas cette formule den-
taire, on peut dire que, sous le rapport de la denture, il y a plus
de différence entre les Primates comparés entre eux qu'entre les
Hominiens, les Anthropoïdes et les Pilhéciens comparés aux au-
tres Primates.
Cette sériation par ta denture a son importance au point de vue
de la classification de l'homme, quand on songe à l'importance
que tous les cla^sificatcurs d'espèces ont reconnue au système
dentaire : ainsi, lorsque Cautley et Falconer ont découvert l'hip-
popotame fossile de l'Inde, ils Tont nommé Hexapotodon et en
ont (ait une espèce à part, parce que la formule de ses incisives
était 12 et que chez Thippopotame actuel elle est 8.
Chez l'Homme, commechez les Anthropoïdes et les Pithéciens, les
molaires sont garnies de tubercules saillants, arrondis, tandis que
chez les insectivores, elles sont hérissées de saillies pointues et
chez les carnassiers de grosses saillies inégales. En outre, la série
des dents forme chez l'homme et chez les grands Primates un
plan de mastication lisse, uni, tandis que chez les carnassiers les
dents s'engrènent les unes dans les autres ou mieux pénètrent
dans des espaces libres, ménagés entre deux dents voisines, les
inférieures se logeant entre les supérieures, les supérieures entre les
inférieures. L'homme et les singes sont donc organisés comme des
frugivores; je dis frugivores, car Therbivore a des machelières, qui
lui servent à triturer les quantités considérables de fourrage qu'il
avale ; il lui faut, en outre, une panse très dilatée, pour loger cette
alimentation embarrassante, mais pauvre ; le frugivore, lui, broie
des parties végétales plus résistantes, mais aussi plus nourrissantes;
à rherbe il préfère la graine. L'homme, comme aujourd'hui les
anges, a donc été un animal frugivore, un végétarien. Sir Smith
assure d'ailleurs que les sauvages se guident souvent sur le singe
pour le choix de leur nourriture. Encore aujourd'hui même, dans
00 grand nombre de pays, les végétaux forment plus de 99 0/0
de la nourriture des habitants. Ainsi en Afrique, un grand nombre
dépopulations nègres vivent de millet et surtout de Durra {Holcus
bicolor) ; l'Égyptien vit de jattes; dans l'Asie méridiot\a\e, \^ tVi
lOt LA FAUNE ET LA FLORE.
forme la base de l'alimentation ; les Malais ont Tarbre à pain,
le sagou. Dans certaines Iles de TOcéan, les habitants doivent à
une seule espèce de Palmier la base essentielle de leur alimenta-
tion. Il y a certainement plus d'hommes qui ne vivent que de riz,
de seigle, de inuîs, de millet, quMly en a qui vivent de viande. Ia
riz a plus de consommateurs que n'en a le blé. Or il est, sans doute,
riche en fécule, mais il est pauvre en matière azotée ; aussi Tlndou
lui ajoute-t-il le karri ou au moins la pulpe de tamaririy heureux
quand il peut y joindre un peu de poisson salé; tandis que le midi
de la Chine vit de riz, la Chine du nord vit de millet, qui est plus
nourrissant; on y mange aussi les jeunes pousses de Tailante.
Cest surtout dans les pays chauds que nous trouvons les ség^-
tariens, car à mesure qu'on s'approche des latitudes froides, il
faut une nourriture plus animale. Il est donc vraisemblable que
c'est surtout à l'époque glaciaire, que l'homme a dû, chez nous,
s'habituer progressivement à un régime animal.
Il est probable également, ainsi que le pensait Cuvier, qae c*est
l'emploi du feu quia permis à l'homme d'utiliser la nourriture ani-
male; (railleurs, s'il est vrai de dire que la plus grande partie des
humains vivent de végétaux, il n'est pas moins vrai que grand est
encore le nombre de ceux qui, sans être très civilisés, apprécient
la nourriture animale : il faut d'abord placer ici les peuples pas-
teurs : en Afri«iuc, un grand nombre de peuples se livrent à l'élevé
du bétail : les Abyssins, les Nubiens, les Barris, les Balondas, les
Bassoutos, les Angolais, les Benguellans, les Somalis, les Gallas,
les Cafres, les lloltenlols élèvent des bœufs, des moutons, des
zébus; dans le Sennaar, on trouve un porc spécial, Sus senarh'nsis.
Il est vrai que ces peuples tuent peu leurs animaux; ils boivent
surtout leur lait et ne mangent guère les bètcs qu'au fur ot à
mesure qu'elles vieillissent ou succombent. Ainsi, chez les Cafres,
le lait est réservé aux enfants, qui ne vivent que de cela jusqu'à
l'âge de douze ans, et exclusivement à eux. Dès qu'ils peuvent
marcher, ils vont tous ensemble, deux fois par jour, au kraal des
vaches qu'ils tètent directement, et pourtant il n'existe point dans
ces pays de société protectrice de l'enfance! Après l'âge de douze
ans, le lait et le fromage sont défendus! On ne dédaigne pas le
foie cru du bœuf ou du mouton, qui se mange, sous le nom
d^amrara, trempé 'dans force poivre, sel et cumin; les Nubiens du
Jardin d'Acclimatation trempaient chaque bouchée de viande dans
le poivre, comme nous ferions d'un beignet dans du sucre. La
ALIMENTATION. fOS
bosse du lébu, le pied d'clcphant, le chien, le pigeon, le poulet
ne sont pas dédaignés. Il est vrai que les Bongos, les Boschmman,
moins gourmets, se contentent de lézards, de serpents, grenouilles,
araignées, termites, scarabées, chenilles diverses. Certains peuples
d*A(nque ont l'habitude de trairey en quelque sorte, le saiig de
leurs chameaux par une saignée rapide ; pendant que le sang
coule, on boit au chameau comme à une fontaine.
L'homme lui-même figure, non sur la table, mais dans le festin
de quelques peuples. H est vrai que ce n'est pas toujours dans
un but alimentaire; la religion, le mysticisme y prennent une
large part. Ou mangeson vieux père pour lui donner une sépulture
di^nede lui; on mangeson ennemi pour s^assimiler son courage,
comme le Malais mange le cœur du tigre pour devenir fort comme
lui; on mange de même un ami, un maître, pour intussusciper
ses bonnes qualités. Les catholiques, qui croient manger la chair
et le sang de leur Dieu, font, sans s'en douter, de l'anthropo-
phagie symbolique.
Mais revenons à Talimentation réelle et non symbolique. Dans
Je Tibet, le lait des yacks constitue la majeure partie de Talimen-
tationj ce lait est d'ailleurs très nourrissant; il contient beaucoup
de beurre (55 grammes de beurre pour i litre de lait, tandis que
le lait de la vache n'en contient que 32 grammes par litre). Dans
toute la Tartarie, on élève en grand le bœuf, la chèvre, le mouton et
certains propriétaires possèdent 15 000 ou 20.000 moutons; on voit
sur certains marchés jusqu'à 25 000 moutons, 300 bœufs, i 000 che-
vaux, 600 chameaux. Que sont nos foires de province auprès de
ces marchés où se croisent les costumes aux couleurs voyantes?
Au Japon, la nourriture animale consiste surtout en poisson ; il
est très abondant sur les deux côtes du pays, qui sont toutes
deux baignées par une branche de la bifurcation du grand cou-
rant chaud {KourO'Siwo) qui vient heurter sa pointe méridionale.
Le bœuf, il y a quelques années seulement, était encore inconnu
dans l'alimentation du Japonais ; quant au mouton, il ne peut
s'acclimater au Japon; il y succombe rapidement, victime, dit-on,
de la trop grande humidité. En somme, le riz forme, avec le pois-
sofly la base de l'alimentation; il la constitue parfois tout entière
avec la bouillie de fèves {Mamé)^ le blé, l'orge, le maïs, le Polygo»
num fagopirum. Ajoutons un navet colossal (Brassica japonica),
ou Datlco^rigname (Dioscoreajaponica), la patate, un fucus (Irami-
naria saccharina) , des champignons (Malsoutaké) ^ \e banAiOXi
9U Là wtzryi TZ ia f:i,iiu..
.B'"^-/.'-/. it !-L ; Qt iLferr:iLii»*r clnsf. it r».'>Tl. etc.
DtTi^ l'iLL't : Asmrjsut cl %:rd. îiT: irutTîrt îifAuKwp de Tiande :
ciatKT** rnàw*. i:--r*^t«s^ nL-T'iST^î»*"?*, qi':c D:<aiiie Jfitoftaa
ÙT'ji-ii^zti . eça.iStbt ae reziiif T'^-lî- i . «tisr duud de foîe de
ny.c»^ r«*fe^d. •.*ltk w.*vn^ rT-»*«f « »:«. vj j«s, oiseaux d^etu,
^tTjtiMjoi it'j;.??':^. înuA ^ iiiLti dBaiv^:. ie œÂebre IVmaiîftiJi
v«à!i-it ûewiKit/Ht *i liMii* *i« £Tfc:s« « îir.D^ est très oour-
n4ftUit : X31K hfTt 6t xtcmmàVJji M^im: 2;:uxit de oulîëre natri-
tj«« qo^ qc&trcr jjrrts df: riu>dt <:ràDiJiv : le mafle d'élan, la
h/fk^ de } icr m <^>Qt tre» rnbeTtikes ; k hannif pooni. les srilloas,
le» a^à^it*'. J^ fourmis piiei^ avfc des cUo-is soot un aliment
fort ç''âtc. L» Indiens HidasU. nommes aussi Gr^ys-rentreSf se
montr«rnt [»artHru)jerem^ni fninds d'un (Ut, qui semble, en eflet,
nihù*: H qui ne doit («as être miuvais du tout : c'est un fœtus de
bi«»'in '-uit d:in? l'amnios même.
Le« Indi^e-ns des bords du ^olfe du Meiique mangent beaucoup
de tortue : une de leurs grandes occupations est de leur faire la
chaste ; on marche alors au-derant des bandes de tortues» qui
Tiennent de fi^indre : chaque homme reuTerse sur le dos une de
ces énormes li*:Urs, qui se trouve ainsi mise à sa merci.
Mais \(: \*àys de la viande par excellence, c*est rAmérique du Sud.
Les Gauchos ne mangent uniquement que du bœuf pendant des
mois entiers. S^ns compter les 4000(100 de chevaux de la Pampa, cer-
tains propriétaires y possèdent jusqu'à 33 000 moutons, 5 000 bœufs,
000 chevaux. La seule province de Buenos-Ayres comptait, en
1871, Go 000 000 de moutons, et le nombre des bœufs égorgés
diaque ann(k\ dans la Plata, pour la peau et les os plus que
prmr la viande, s élève à I 900 000. On se fait d'ailleurs difficile-
ment une idcN; du gaspillage de viande à la Plata. Un eslanciero
a M)uvent à envoyer de grands troupeaux à une assez grande dis-
tance; or, il arrive souvent que les bêtes tombent sur le sol, épui-
sées de fatigue. On les tue pour la peau, mais les Gauchos n'ont
pas l'idée d*cn lever un quartier pour leur repas. 11 faut chaque
soir qu'ils tuent un nouveau bœuf pour leur souper! Lorsqu'on
veut exploiter la viande, un appareil ingénieux prend le bœuf
au lazzo, l'abat, le dépèce en six minutes. Une partie de la viande,
séchéc au soleil, se vend sous le nom de came tasajo avec du
•el et de carne dulce sans sel. Les peaux sont expédiées non tan-
ALIMENTATION. lOS
Dées, alors que les matières tannantes abondent là-bas. C'est
que ce qui manque, ce sont les bras.
Oa mange aussi au Brésil le bambou, comme au Japon, mais
cest pour manger le \er gras et succulent qui l'habite au moment
de la floraison, le Bicho cUi laquera. Il a la réputation d'anapbro-
disiaque.
Si rhomme est organisé pour une nourriture yégétale, il est
doocTrai qu'il a su, sur bien des points, s'accommoder à la nouf'
riture animale. L'organisme se plie, d'ailleurs, plus facilement
qu'on pense à cette modification ; ce sont toujours, après tout,
les mêmes principes, ainsi que je Tai dit tout à Thcure, Le
changement est considérable au point de vue de la digestion,,
mais non de l'assimilation . Le docteur Bérenger-Féraud a pu ac-
diinater une guenon au froid de notre hiver, en la mettant pro-
gressifement au régime animal ; il est vrai qu'elle est devenue dia-
bétique. En Polynésie, il y a des chiens qu'on ne nourrit que de
végétaaXy et Darwin cite des moutons qu'on a pu nourrir avec du
poisson, des porcs qu'on a nourris uniquement d'orge et enfin des
dievaux qu'on nourrissait de viande.
Quoi qu'il en soit, une fois qu'on a mordu dans la viande, il est
difficile d'y renoncer ; et Isidore GeolTroy-Saint-Hilaire, voulant
acclimater dans nos mœurs l'usage de la viande de cheval, a pu
dire avec raison que « sans la viande, il n'y a pas de grand tra-
«vail cérébral, pas de grande civilisation. » Les docteurs Loiset et
Bergane ont constaté, en France, que plus la consommation indivi-
duelle de la viande augmentait, et plus était marqué le mouvement
ascensionnel de la population. Dans un autre ordre d'idées, les
chirurgiens ont observé que les suites des grandes opérations sont
Doias heureuses chez les végétariens que chez les opérés qui
mangent de la viande habituellement; c'est là une observation
très conforme, d'ailleurs, à celle des vétérinaires^ qui ont constaté
que la résistance pathologique des carnivores était supérieure à
celle des herbivores.
Les peuples sauvages qui vivent surtout de végétaux sont peu
*forts. Galton dit que les Damaras ont un énorme développement
musculaire, mais il ajoute : « Pour la force, je n'en ai jamais
■ trouvé un qu'on pût comparer à la moyenne de nos hommes. »
D'un autre côté, en Russie, où une partie de la population fait
usage d'une boisson acidulée appelée kwas et d'un régime prin-
cipalement végétal^ les càïculs d'oialate de chaux aotvX Xt^'^
106 LA FAUNE ET LA FLORE.
fréquents : en trente ans, le docteur Betetow, à l'hôpital de Rosan,
en a soigné 275 cas.
L'alimentation exclusivement animale a également ses incontc-
nients; Boulcy a signalé la lithiase urique chez les moutoos,
qui sont, comme reproducteurs, l'objet d'une alimentation trop
succulente, et A. Robin a observé des coliques néphrétiques cba
un enfant de dix-sept mois, élevé par une chèvre, dont on rendait
ralimcntation azotée trop intensive.
L'alimentation doit, en effet, subvenir aux besoins de Torga-
nisme. Or quels sont les besoins d'un homme adulte? Ces besoins
varient avec la race, le climat, Tétai de repos ou d'activité, la
nature du travail cérébral ou musculaire; le travail cérébral con-
somme plus de phosphore et lu mot célèbre : « sans phosphore pas
a de pensée, » est absolument vrai ; le travail musculaire consomme
plus d*azote. Néanmoins, en restant dans la moyenne, on peut
penser, avec le docteur Gasparin, qu^un homme adulte qui travaille
doit recevoir, et pour son entretien propre et pour produire la
force qui est son gagne- pain :
Azote Î5f ,01
Carbone 573 ,00
Eu Angleterre, Edward Smith est arrivé à des chiffres semblables,
bien qu'inférieurs :
Azote 228,5
C arbouc 447 ,0
En Allemagne Pettenkoffer est arrivé à la formule :
Azole 251,0
Carbone :.. 377 ,0
Les divergences portent donc sur le carbone : Taccord est assex
complet sur la quantité d'azote nécessaire (25 grammes).
Or il n*est pas indifférent pour un homme de trouver ses
il} grammes d'azote dans un morceau de viande, qui les lui four-
nira et au delà, ou bien dans une masse végétale, qui ne les lui
donnera que tout ijusle. Aussi qu'arrive-t-il? C'est que rouvrier
des villes, mieux nourri en azote que Tagriculteur, donne un ren-
dement supérieur à celui de Tagriculteur, et encore est- il permis
de penser, que ce dernier trouve dans l'atmosphère un peu de
razote qui lui est nécessaire et que son alimentation stomacale
ALUKSTâlIttl. fC7
lui doDoe iooTeot avec praaiaie.QHmt à Fflciner an^^fany
niieiii DOiiiTÎ qoe roQvricr finaçai^ i dflOK aae 9MUK ée tn^
sapérieure à la sieaae. fTapres Gawret, rmnrvir aatEfa» eaa-
somme ea moyenne dU^M iTateie par jour, tandis qui*, daiv
Itf fermes de Li Corrèze, le pajsan ce pceai «loe li9^ d'aaaUt
et dans Yandnse qoe 23*^15.
L^Angleterre est le papqoi eonsomoK le ph» de viande ; eett»
consommation moyenne s*élèfe à lO^ grammes par homme <t par
jour ; en France, elle n'est qae de 33 graoHM». Or le people ançta»
est certainement on des plos maces de t^épofiae actuelle! U esc
frai qoe c*est en Angleterre et en Amériqac qoe se nsenteiit
snrtoot les l'^gumisiet^ ferrent» êdifUs de 5»i wiim et 4e
M** Kingsford, qui ont voaé one horrar eosvaiaeae à toat at
qoi est viande, mais je ne vois pas qo^os comple. parmi c«9 éva»-
gélistes d'un nouveau genre, beaocoap de fageim» 4« de]»ioean
de crochet. Donnez donc des végélan et pas de graisae anioiaie
au Esquimaux, et ils ne tarderont pas à soecomtcr de (roiii, La
graisse de veau marin est en eflet la principale noorritore aa
Kamtsdiatka, comme celle dn pboqœ ao Groïhilaod. Lûrsqa'U a
du monde à diner, famphytrion se met à senom devint flaf i:è
assb; il enfonce dans sa booclie le plus grris moccean prjwiLU à<t
graisse, en criant Viwi, tawt ; poi5, coupant avec son cootfcia ot
qui déborde des tévres de Fauni comKU^ il le waans^.
Une expérience démonstrative a d'ailleurs été faite par Talabct,
dans on établissement indostriei du département do Tarn, lia ao^'
mente la ration de viande de chaque ouvrier, et ît acoosLité quV
vaut cette innovation diaque ouvrier perdait, en m*iveaae, pour
cause de maladie, 1 5 journées de travail, tandis qoe, depuis, cha^fae
ouvrier ne perdait plus que 3 journées pour cause de nu.a lie.
J'ai dit 25 gramme d'azote. Quel beau chiffre, s*il était réalisa!
Mais c'est là en quelque sorte le <i* de féchelle alioKritaire. A'j
dessus (+} sont inscrites les classes riches; elles monterit jusqu'à
+ iOO. Mais le nombre des humains, sur la planète, mècne dans
sa partie civilisée, qoi sont inscrits au dessous i — .est plus con-
sidérable, car on ne trouve pas fazote et le carbone à i'etat co-
mestible dans la nature, et pour répondre à TêtaloQ physiologique
de Talimeotation, il faudrait manger environ 300 grammes de
viande et fl 009 grammes de pain par jour ! Or la surface en-
tière de la planète, à^ns son état actuel, serait abso\umeul '\n£a-
pabêe de foarair à chaque homme ce pain qu'Aidi^n,
108 LA FAUNE ET Lk FLORE.
Que Ton considère d'ailleurs que TEurope agricole subit actnèl-
ement ce que les éleveurs et les vétérinaires nomment iM
effrayante d*ipvcoration, que le nombre des tètes de bétail ^
sans cesse en diminuant, on comprendra quel intérêt pooflK
TEurope civilisée à faire venir du bétail comestible des im-
menses plaines de l'Amérique du Sud et de 1* Australie, où H
abonde.
La cause de cette dépécoration est bien simple ; c*est que V
cultivateur a plus de bénéfice à produire du blé, du vin, ou t08
autre végétal, que de la chair. En se plaçant au point de m
philosophique et général, on pourrait dire, avec ReketolT, qi
la plante puise dans le sol la matière brute qu'elle transfom
et /que Tanimal ne reçoit, pour Télaborer, qu'une matière d^
transformée une fuis par la plante ; or tout produit deux fo
transformé est évidemment plus cher qu^un produit qui n'
été transformé qu'une seule fois; aussi, ajoute cet auteur, depa
le commencement du siècle, en Europe, la viande et tous les pr
duits de bétail augmentent de prix plus vite que le blé. Ainsi ;
où, au commencement du siècle, on pouvait avoir, pour i60 kik
grammes de viande, 720 kilogrammes de blé, on n'en a pli
maintenant, pour la même quantité de viande, que 480 kih
grammes !
En revanche, il est vrai de dire que si le nombre de nos tètes <
bétail diminue, en France, le rendement du blé augmente. A
commencement de ce siècle, la France produisait i hectoL, 674 <
blé par habitant, en 1874, elle en produisait presque le doubli
2heclol.,«0.
Nous sommes évidemment en progrès, et Ton mange plus
mieux qu'autrefois, ce dont va nous convaincre le coup d'œii qi
nous jetterons tout à l'heure sur le temps passé.
Inflaenee soelale de l*allHieiitatloii. — c Que de grui<
« faits, dit Isidore Geoffroy-Sain t>Hilaire, dans la vie des natioo
« auxquels les historiens assignent ;dcs causes diverses et dont
« secret est dans Talimentation. L'Angleterre régnerait-elle paû
« blement sur un peuple en détresse, si la pomme de terre presqi
« seule n'aidait celui-ci à prolonger sa lamentable existence? I
« par-delà des mers, UO 000 000 d'indous obéiraient-ils à que
« ques milliers d'Anglais, s'ils se nourrissaient comme eux?L
u Brahmes, comme autrefois Pythagore, avaient voulu adoucir V
« mœurs, ils y ont réussi^ mais en énervant les hommes. ^
^H ALIMENTATION. 10»
^* tl est êtrident que le sort d'une aggloniéruiioii d'hommes
w '•bï un piys dépend de» ressources alimenlaireB que ce pays
I (CdI lui olTrir : à quoi sert un rivage propice à la pâclie si le
«f poisson I csl toijquc, comme le Dinifon des coles nco-calcdo-
ijiie de ressources, au contraire, donne le Coms nueifiru ou
i^xulier, en Polynésie, notamment aux Pomolou el dans la Sonde:
Mil mange la partie charnue, l'buile sert de ciment, de matière
ilrctxjnige, de cosmétique ; le lait du fruit sert de boisson et de
médicament: du périanlhe on lire un vin rermenié, qui devient
le T»esvak! On a pu dire que, dans certaine!' Iles, le nombre des
tanls est proportionnel i celui des cocotiers. Et VArvnga
\ariferit, dont les fibres font des cordages, dont le fruit
e du sucre et une liqueur fermcntée, le fitigoevirl et la Uura
M, et l'Opliioasylon scrpeneinum, employé comme contre-
1
B Colombie, les indigènes ont une ressource Tûgélale bien
e plante dont le suc est analogue au lait animal, le
mm galactodendroji, connue du peuple sous le n.:>m de Palo
ou arbre à la vache. Les incisions faites au tronc '
n liquide, dont le suc privé d'eau contient, d'après BouS'
Cira ut miitièreB grasses SV.IO
Sucre .1.40
Oomme ï. tS
Cutum.... *.0
Sels alaklln I . t D
Sututancei ind^ternilaéefl i.ii
1(0
;nt
» lodiens de l'Amérique du Nord ont la Pomme de terre sponla-
^,r.4>c/tpùi« tubcrota,Aonl on mange les jeunes pousses, comme
ons les asperges; VAgurr ou aloÈs américain, dont le
c cuit se mange en tranches, dont les feuilles se fument, dont
uboo sert de teinture et dont la racine donne par fermenla-
I DR alcool, l'esprit de Mescal. El le Dntlier, la richesse des
t et de l'Arabie ! « Honorez le'palraier comme votre tente
roellc, dit le Coran, il a été formé par le Créateur du reste
a limon dont il a créé l'homme. nSlrabon, qui rap|>urle que cet
C > été importé de Phénkie, porteà 3C0 le nombre im vs&HfA
lit LA FAUNE ET LA FLORE.
On se fera d'ailleurs une idée de la diffusion des irégétaux ali-
mentaires en consultant le tableau suinunt que j'emprunte à rSi-
glish Mcchimk : a Le chou est originaire de Sibérie; le céleri pro-
vient d^Âllemagne; la pomme de terre a pris naissance au Péroo;
Toignon, en Egypte; le tabac est indigène de l'Amérique du Sud;
le millet a été découvert pour la première fois dans Tlnde; le
citron est originaire d*Asie; l'avoine provient de 1* Afrique septen*
trionale ; le seigle, de la Sibérie ; le persil est spontané en Sa^
daigne ; le panais en Arabie ; te soleil (et probablement le topi-
nambour) a été apporté du Pérou; Tépinard vient d'Arabie; le
marronnier du Thibet; le coing est originaire de Tile de Crète;
la poire est indigène de l'Egypte et le raifort provient de TEu-
rope méridionale. »
Un des éléments les plus essentiels de notre alimentation, est
le sel. Les populations qui l'ont à leur portée, ont eu de tout temps
un avantage considérable, et les belles collections dcbronzeque nom
trouvons, à Tépoque du bronze, chez les populations préhistoriquci
des environs de Salins, nous indiquent quelle richesse était pour
elles le sel gemme, qu'elles exploitaient déjà. Encore aujour-
d'hui, les tribus africaines qui trouvent le sel à leur portée, sont
riches et puissantes. La Gabelle a été partout et de tout temps une
source de richesse; au Darfour, sous forme de petits cylindres et
sous le nom de Falyo, le sel sert de monnaie. C'est la matière pré-
cieuse, c'est l'or du pays.
Quoi qu'il en soit, il résulte des détails dans lesquels je viens
d'entrer, que l'homme est omnivore ; or, du jour où l'homme est
devenu omnivore, il a acquis en quelque sorte le don de cosmo-
politisme, devenant capable de plier son alimentation aux exi*
gences de tout climat !
§ i. INANITION. ÉPIDÉMIES DE FAMINE.
Combien de temps peut-on vivre sans manger? Il est difGcile,
même après les célèbres expériences (?) du docteur Tanner, de ré-
pondre bien nettement à cette question. Tout dépend de la dé-
pense de forces que Tofl fait et des réserves, des provisions qu'on
avait dans ses tissus. Le chameau, dans le désert, possède dans
sa bosse une provision de graisse, qu'il consomme, faute de mieui»
par autoabsorption ; un homme gras supportera l'inanition mieux
1. 'ï>"un Iiominc maigre. D'après les etpérieiices de Chossat sur les
)1 ■uatnmirures, la niorl par inaailion surviendrait au bout d'un
H temps larinhle , entre 8 cl I ïl jours. Mais il semble que ce terme
V Witun peu ÎDrÉrieur i la réalité.
Il est beaucoup plus scientitlquc et plus précis de dire que la
mciM Btirvicnt lorsijiic ranimai a perdu les 4/10 de son poids.
VjlenlÎD a calculé qu'un animal hibcmani perdait pendant sa
Imgue abstinence les.3/10 de son poids. L'animal se réveille donc
I Li-Mips, mais il ne serait pas prudent de dormir beaucoup plus
[i^tcmpB !
A mesure (]u'il perd de son poids, l'animal en inanition perd cha-
ijuc Jour un peu de sa température ; il nieurtquand elle est toml)ée
de-*- 37» à +23"; c'est précisément à ce point que meurt l'ani-
mal bien nourri, qu'on vient h plonger dans uii mélange riiTri-
rrntnt.
La résistance au froid se trouve d'ailleurs diminuée; ainsi h
rlinïrcneede la température observée chez un animal famélique
{lendam le jour et pendant la nuit, peut aller jusqu'à + 3'. Cela
nous explique comment meurent, dans les hivers rigoureux, ceux
r[ue l'hiver même empêche de se nourrir.
i:eltc déchéance totale de l'organisme se traduit par des sym-
ptànMs tellement caractéristiques, qu'ils restent ineffaçables dans
l'esprit de ceux qui ont eu l'occasion, je ne dis pas de les éprou-
ler, mais stulemenl de les observer cliez les autres; je ne pai-le
pas de ramaigrissement, qui dépasse les limites du vraisemblable,
nai* de l'aspect hagard des jcui:, d'une odeur spéciale, nauséeuse,
qui rappelle, amére ironie, mais résultat de l'autophagie du
bniéUqut!, l'odeur des carnassiers, d'une diarrhée fétide, enfin du
Jélire et de la concentration de tout ce qui reste de forces orga-
oiqaet. dans l'expression , par l'individu total, de ce sentiment
dans lequel tout se résume -. • J'ai faim ! d L'organisme tout entier
» bim; il ne demande qu'à absorber et il absorbe tout, à com-
iiitucer par ce qu'où nommait jadis les miasmes, les agents pro-
m'^teurs des maladies ; aussi toutes les disettes s'accompagncnl-
jles d'épidémies diverses.
^ous ignorons nous autres, et encore pas tous, ce que c'est
me la faim, dans nos pays de travail et d'association vague, si
I iapufilite qu'elle soit encore malheureusement ; mais pour les
L «dites encore peu avancées en civilisation, c'est là unpVttiottifeïvft
krt||f EMwf daas hs moments de disette ; oa mange ^^nn lï'xw^xVi
1
fis LA FAUNE ET LA FLORE.
quoi, toute racine, toute feuille, de la terre ; il sufOt de remplir
l'estomac et d'apaiser momentanément la faim ; aussi ceux qtt
nous nommons les sauvages sont-ils généralement maigres et
très agiles, mais moins forts au dynamomètre que nous autres j
Européens. Les jours de jeûne imposés par Tabsence de tout ali-
ment sont tellement fréquents, que chez les Néo- Calédoniens il
existe un singulier... vHement tilimentaire, si Ton peut ainsi dire,
simple ceinture qu'on emploie pour comprimer Tabdomen et pour
se serrer le ventre, dans le but d'apaiser les lormina de la faii&«
quand toutes les plantes sont grillées, le gibier trop fuyard, le
poisson absent ! N'a>t-on pas vu les Hébreux, dans le désert, ré-
duits à manger, sous forme de manne céleste, tant il est vrai qu'il
n'y a que la foi qui sauve, quelque chose qui vraisemblablement
n'était autre que le livhrn csrulmtus (Durando) ; ce lichen se pré-
sente encore aujourd'hui sous forme de petites masses grisâtres,
que les xVrabes nomment Oussak el Ard, excrément de la terre.
On trompe la faim par tous les moyens : en 1628, époque de
faminr, on mangeait en France une terre blanche argileuse; ks
Malais eux-mêmes, qui ne sont pourtant )>as un peuple famélique,
mauf^eut une argile rougeàtre, qui, torréfiée sur une plaque de
tôle et roulée en cornets, est vendue sous le nom d'Ampa. LÂgéo-
phagit* n'est d'ailleurs pas rare chez de nombreuses populations :
les Otoniaqucs, faute de mieux, mangent une argile grasse et
ferrifore, dont ils consomment jusqu'à une livre et demie par jour;
cela devient une sorte de condiment. Les Indiens de TAmazone
mangent souvent de la terre glaise ; au dire de Molina, les Bré-
siliens mangent de méinc une sorte d'argile d'odeur agréable,
qu'Ehrenberg a trouvé être un mélange de talc et de mica. Il en
est de même à la Guyane, à la Nouvelle-Calédonie. Les nègres de
Guinée mangent une terre savonneuse et en Sibérie on mange
une terre dite beurre de montayne.
Des peuples plus civilisés encore n'ont pas toujours eu le
bonheur d'échapper aux horreurs de la famine épidémique, cette
faim collective dont Fonssagrives a dit avec raison : « Les disettes
(c sont aux populations ce que l'inanition est aux individus, w Je ne
parlerai pas des Hsquimaux, dont certains villages sont dépeuplés;
nous abrégerons d'ailleurs cette lamentable liste des famines, car
faire leur histoire complète, ce serait écrire l'histoire de l'humanité
pendant bien dos siècles; Louandre, l'auteur classique de l'Ali'
mentation jmbliquc sous Vanciennc monarchie, n*a-t-il pas dit,
AUltEKTATION. 111
tt maDieureusement sans exagi^ratîon ; ■ Trois mois résumeat
f rhislairc de Tiiiicicnne monarchie Trançaise : la gvnrr, \apeslc.
Il famine. ■ Unis il nous Taut dire ce qu'était le fion vieux lemp>,
i cher à queli|ucs attardés. Glabér, qui vivait au %i* siècle,
jfetre pour la France, dans l'espace de 73 ans (987-10S9), ■
4S ^idémics dv famine. Il se borna à mellrc eu regard de chaque
uaéc : • K^ande famine b ou « mortalité pendant cinq ans.
• pendant sept ans x. — i L'an 1000. dit-il, les riches maigrirent
~ «t p&lirrnt, les pauvres rongùreiit les racines des Torèts, plu-
• licun (lévoTcrenl leBehairshDmaines:skir les chemins, les forts
■ uisisAaiont les faibles, les déchiraient, rôtissaient, mangeaient.
• — Chci un mendiant on trouva quarante-huit tètes d'hommes
. et d'i^nfants. ■ — En 1031, « il se trouva plusieurs personnes,
> ajoute-t-il, qui déterraient les Lorps pour les manger, qui allaient
( à la ebuae des petits enfants, qui se tenaient au coin des bois,
- comme bêles carnassières, pour dévorer les passants. » — ■ 1! y
«eut un homme, dit Mézeray, qui étala de la chair humaine dans
< U ville de Toumus. it
Le progrès des siècles n'arrâta pas ces famines ijcsaslreuses: au
lendemain de la défaite de la noblesse franraise à Poitiers, on 1 3^(1.
ta famine fut atroce ; les paysans, traqués par les Anglais, traqués
fax les nobles qui, voulant pajer leur rançon, les pressuraient, les
dr pont liai ont, se réfugiaient dans des souterrains. Ils ne purent.
ttUr aiinée-U, ni récolter ni semer et moururent de faim.
Au tv siÈde, la misère fol si grande (HIB-U2'J) que, dit
Uonslrelrt, « les cordouaniers comptèrent, le jour de leur con-
■ frérir, li)s morts de leur métier, et trouvèrent qu'ils étaient
• trépassés bien I 800, tant maîtres que varlets, — en deux mois.
• Od mourait tant et si vite, qu'il fallait faire dans les cimetières
I de grandes fossi-s où on les mettait (les morts) par trente ou qua-
> rante arrangés comme lard, et h. peine poudrés de terre. — Quand
< arrivait huit heures. Il j avait si grande presse à la porte des
I boulan^'ens qu'il faut l'avoir vu pour le croire, i Les Parisiens de
linO le croiront sans peine! A cette triste époque (14)0-1422),
il y avxit à Paris 24 OOO maisons abandonnées, et les loups, dont
les landes couraient les champs, entraient la nuit dans U ville.
Quand vint la guerre de trente ans, ce fut pire encore : les
bandes arntèes foulaient aux pieds de leurs chevaux es que la
terre donnait de récoltes : c'était le lernps où le roï V.mvi \\\\
114 U FAUNE ET LA FLORE.
M Pricul, vivez (rinduslrie, plumez la poule sans la faire crier, i
En 1 038, riiivcr Fut très rude aux environs de Metz, et la mi-
sère aussi ; un historien raconte : « qu'un jeune garçon s^étant
« allô ehaulfer chez un autre, étant près du fcu^ fut tue par le
« maître de la maison, non pour un autre sujet que pour leman-
u p'r. De quoi la justice étant avertie, elle fit appréhender cet
homme, ({ui confessa le fait, pressé par la rage de la faim, il en
ti avait mangé lionnes trancades. n^ct En un village près de Mor-
it hange, continue le chroniqueur messin, il a été vériOé par le
u kiilly de Vie, qui envoya les informations au conseil de Metz,
i< comment le fils avait mangé son père, étant mort, et puis après,
« le (Ils mourant, la mèn' le mangea. »— « Entre Metz et Nancy,
<• dit Jean l)aurhes,on vit des paysans aller à Tatrût pour y prendre
X et tuer les passants, comme on prend les lièvres, et puis
■ s'en nourrir. i> Et ailleurs : u les pauvres hommes des champs
it senililiMit (1rs carrasses déterrées ; la pasture des loups est au-
H jnurdMuii la nourriture des chrétiens ; car quand ils tiennent
n des rlu'vanx, il«s Aui's l't d'autres bestes mortes et ctouifées, ils
- se r<*[iaissi'nt Je cette chair corrompue qui les fait plutôt mourir
« que vivre... Plusieurs femmes et enfants ont été trouvés morts
u sur les chemins, la houehe pleine d'herhes. » — Un curé écrit
i|ue : «( la plupart des pauvres gens ne se nourris.sent plus que
K d'ttrties iMiiiillies. )> — A IMois, un autre prêtre « a vu un enfant
« sucer les os d'nn trépassé, comme on les tirait iVune fosse pour
'c mettre un autre corps. • — .V Bourges, un enfant de sept ans
mange le bras de sa mère ({ui vient de mourir.
Pendant la Fronde, nouvelles disettes : la quantité de hié qui
valait i à ,'1 livres coûtait IS. ±{i et M) livres. On mangeait l'herbe
«les chami s", on faisait du pain avec du chierub'ut. «le la fougère,
des co(}ues de noiv broyées. Il le fallait bien, puisque Tavanes
écrivait au grand tlomlé : <- Pour avt)ir des fourrages, le plus
tt court est de couper les blés.» — I,.i famine fut atroce en Pi-
cardie, en Verniandois, en f.liauïpagne. en Normandie, dans le
Maine, la Touraine, dans le HIaisois, le \Wit\\ la Beauce, etc.
De Lyon, Falconnel écrit à Guy-Patin : a On peut assurer que
.' lOdOO personnes .^ont mortes ici de nécessité. » C'est le grand
siècle 1 U est vrai que sous ce siècle un homme a écrit : i< On
a voit certains animaux farouches, dos màles et des femelles, ré-
« pandus par les canq)agnes, noirs, livides et tout brûlés du soleil,
M attachés à la terre tju ils fouillent et qu'ils remuent avec une
iiiiâtKlé iiif iacible. Ils ont comme une voix articulée, et quand
Il se lèvent sur leurs pieds, iln monlrent une face humaine, et,
1 tt!eX, ils sont des hommes; ils se retirent la nuit dans des
uières iiù ils vivent de pain noir, d'eau, de racines. Ils épar-
Mni aux autres hommes la peine de semer, de labourer, de
Kueillir pour vivre, et mérilnnt ainsi de ne pas manquer de
a qu'ils ont semé. « Celui qui seul osiiit jeter ce cri d'indi-
gnation au milieu do Taste de Versailles, n'était pas, on le devine,
lin rùurtisan, c'était La Bruyère!
Il laul reconnaître que si ta Bruyère est celui qui a le plus Tor-
tcuiFtit buriué cette situation du peuple français, il n'est pas le
(tut à l'avoir vue el â l'avoir dénoncée. Desmarelï, Etoisguiltiert
tlVauban partagent avec lui cette gloire moins brillante, mais
plu durable que celle de Louis XIV. a C'est une commune voix,
- écrivait Dcsmaretz, que la pauvreté des peuples dans Us pro-
• TÎnccsest fort sensible. n BoUliie nous a fait connaître, d'après la
rorrctpondancQ inédite des contrôleurs généraux des finances avec
Iti intendants des provinces, ce que c'était que la misère au temps
lie Louis XIV : le 12 janvier <C92, l'intendant du Limousin écri-
vait que, dans ses provinces, plus de 70 000 personnes, de tout
Ige et des deux sexes, allaient être réduites à mendier leur pain
• avant le mois de mars, vivant dès A préseot de châtaignes à
• d«>mi puurries. » — Au mois d'avril de la même année, finlen-
jant lie la généralité de Bordeaux écrivait à Pontcharlrarn : a 11
t <F aptia de trois mois jusqu'à la récolle; il est à craindre qu'il
■ ne périue beaucoup de personnes de faim, b En Auvergne,
OMibK de gens Turent trouvés morts d'inanition.
D est Trai que pendant qu'on mourait de faim en France, le
~ i soldais nous valait les victoires de Staffardc. de la
KÎIte, de Sleinkerque, de Neerwiuden. « Chaque jour noua
mtons des Te Deiiin, » écrivait M"* de Sévigné. t Ou périssait
il misère au bruit des Te Deum, « répondra plus tard Vollaire.
et Juin IG{I3, on écrivait de Limoges : o II meurt tous les
■i ^and nombre de pauvres, qu'il y aura des paroisses
% \\ ne restera pas le tiers des habitants. » On demande du blé,
I plus lard (7 octobre] on se ra lise : n'envoyez pas aul,inl de
jQu'on en demandait, il est devenu moins nécessaire a par la
ÉBtntitioa deshabilanU. > a Dans les élections de. Péti{;ueu\«\.
i Saria^ il est mon, y compris les petits cntanls, V^*^*^ ^^
fWeoopersoaaes depuis un au. a Fënelon lui-même tcùl a^u
116 LA FAUNE ET LA FLORE.
roi (1693) : « Sire, vos peuples meurent de faim; la culture dei
« terres est presque abandonnée ; les villes et les campagnes se
« dépeuplent; tons les métiers languissent; tout le commerce est
« anéanti! La France entière n*est plus qu'un grand hôpital dé-
« sole et sans provision. » Un courtisan bien élevé sut épargner
au roi la lecture de cette lettre et partout l'on continua à élever,
aux frais des habitants, des statues et des monuments en son
honneur. De lOSO à 1715, on estime à dix millions^ dit André
Lefèvre, le nombre des morts de faim et de misère. 11 cite à Tappiii
ce mot de Saint-Simon : c Ce royaume est un vaste hôpital de
fl mourants à qui on prend tout en pleine paix. » Et celui d'un
curé de Chartres qui, interrogé par le roi lui-même sur Tétat de
ses paroissiens, répondit : « Les hommes mangent de Fherbe
« comme des moutons et crèvent comme des mouches. » Il ne fut
pas nommé évêque.
Voici du reste Técho que trouva plus tard le cri de la nation dan»
le cœur de Louis XY (le bien-aimé) : le pacte de famine autorise
Taccaparcmcnt des grains. Louis XV sanctionne rétablissement
d'une régie dont le but ostensible était d*acbeter des grains «lors-
qu'ils seraient abondants, de les conserver dans des greniers et de
les revendre dans les années mauvaises. Ces blés achetés à vil prix
étaient envoyés à Jersey et à Guernesey et détruits parfois, pour
entretenir la rareté sur le marché (Bonnemère). Conséquences:
famine en 17 iO, 1741, 1742, 1745; famine en 1767, en 1768; en
1775, 1776; en 1784 ; famine en 1789. Ce fut la dernière!
Aux mesures prohibitives de Colbert Turgot venait de substi-
tuer la liberté du commerce et celle de rexportation,car,autrefoiS|
le blé ne pouvait passer d'une province dans la province voisine.
11 venait d'encourager la culture, tellement tombée depuis Henri IV
et Sully, que la Sologne, jadis riche en blé sous Henri IV, était
devenue à peu près ce qu'elle est encore aujourd'hui. La célèbre
ordonnance où Turgot dit aux paysans, à qui on parle pour la pre-
mière fois : « Semez , vous êtes sûrs de vendre » fut, selon
l'expression imagée de Michelct, Xà Marseillaise du blé\ c la terre
« frémit, la charrue prit Tessor et les bœufs semblèrent réveillés, i
Nous sommes maintenante l'abri de ces grandes épidémies de
famine: la terre est cultivée avec sécurité et, le plus souvent, par
son propriétaire; les communications font bénéficier de la richesse
d'une région toutes les autres régions ; les cultures sont en outre
variées dans chaque pays.
iAép. Ap. r.e. nui '
ALIMENTATION.
■ Quelques cbilTres vont donner au lecteur une idée de ce qui
nous sépare de l'ancien Tégimc, au point de vue de l'alimenta-
tion : h )s fin du stit* siècle, la Cân«>mmatian de la viande, en
France, s'^evail i peine â une livre par tète ei par mois [Dareste
de ta ChBTanni?), et encore ce n'est, bien entendu, qu'une
tnn>cnne -, la plupart des Français ne mangeaient pas de viande
du luul. D'ailleurs, la multiplicité des jours dits mni^r^s imposés
pir l'Ëglise (160 par on) était un obstacle au commerce de la boa- ,
cbcnc. Jusqu'il latin delTÎ4, les hôpitaux seuls avaient le droit di
VKfldrede la viande, pendant le carême, et ce, sur ordonnance dal
médecin et en échange de bons écus sonnants, donnes au clergé. ï
Uuant au poisson, la lenteur des commuiiicaiiuiia rendait a
Iransporl impossible ; il est vrai que certains poissons de mer u 1
mangeât uonservés, mais nous n'aiions, en 1669, que 6i
lites pour la grande p6che, alors que la Hollande en uvait IGOM
ûnit (|tte le conslatail U. de Pompone , notre ambassadeiH
daos u paye. — Aujourd'hui, au contraire, d'après la stalistiqiM
delM6, il est actuellement livré àla consommation 100000 000 (tl
Lilognoimes de tMCuf, vache, mouton, pure; :i80 000000 dekJU>*l
fraainKS de gibier, volaille, poisson, a-uTs, lait, Tromage ; lolallJ
99(1000000 de kilogrammes de viande ou de produits analogues,
tt qui tait 28 kilogramoics de ces produits par tâtc et par an,.'
Mit iifl peu plus de 76 grammes par jour. Ily a là un grand pro* I
^Tès, mais bien insuffisant encore, surtout si l'on songe que
ralion de Pans seul est à peu près de 260 gramiues de viande 1
par t£te et par jour, ce qui diminue d'autant la moyenne de Is |
province. Ce sont donc surtout les végétaux et notamment la 1
pomme de terre qui comblent le déDcil. Les Famines disparaissent, j
9 pu encore partout.
' r dti Flandres (1847). — Si les Tamines sont ei
R en Eun^, c'est parsuite de causes beaucoup moins natif I
bquedans les pays moins civilisés. Elie^ontjeur raison d'étl» |
■ l'évolution encore imparfaite du travail; la misère, comra
S eicellemment Bcrtillon, b est fllle de U graude industrtol
Su salariat. ■ Plus loin, mon savant et regretté collègue
Jn vieux proverbe Hamand disait : Coupei UêM
• pouces des fileuses lUmandes et la Flandre mourra de (aim. OeJ
cr les machines, s'emparanl de plus en plus de l'industrie linièr«||J
* exécutèrent la terrible menace, dont l'accomplissemenV ta\. «
e précipité par l'eilraordinake cherté de 18i6-lW1.i
^^P
118 LA FAUNE ET LA FLORE.-
population, réduite aux aliments a qu'auraient dédaignés les der-
« nicrs animaux, mourut en masse. On compte 95000 décès sup-
« plémcntaires et le pays fut frustré de 26 000 à 27 000 naissances,
« car la faim n'engendre pas. » (Bertillon.) Les Flandres ne sont
pas encore relevées de ce coup terrible.
Famines de Silésie, — Des famines terribles ont ravagé la
Silésie en 1707, en 1806 et en 1846.
Famines (Vîrlande, — L'Irlande a été décimée par la famine
de 1707 à 1803. De 1816 à 1817, elle a subi encore une disette
effroyable. En vain les Irlandais émigrent-ils ; sur 6000000 d'ha-
bitants, 737 000 périssent. De 1826 à 1828, la récolte des pommes
de terre fut nulle; 20 000 ouvriers sans ouvrage moururent de
faim à Dublin. — Mêmes désastres en 1836 , en 1843, en i&46;
— alors 120000 Irlandais se réfugient en Angleterre, 75000 en
Amérique. Ce pays malheureux n'en a pas encore fini avec ce que
les politiciens appellent encore pai* euphémisme la (rise agraire.
Depuis 1880, la famine et son cortège le typhus, le relapsing fever,
régnent en Irlande. — C'est un luxe que de s'y procurer de l'eau
blanche (inclangc d'un peu de farine d^avoine et de beaucoup
d'eau).
Faminrs dans l'Inde, — L'Inde a été, même en ce siècle,
ravagée par la famine. La plus célèbre épidémie est toutefois
celle de 1768 : lord Clive avait décidé que Timpôt serait payé en
riz; il cil résulta, chacun ayant apporté son riz dans les greniers
des Anglais, que les pauvres indigènes mouraient de faim devant
des magasins dont ils n'auraient eu qu'à défoncer les portes pour
vivre ; ou plutôt il était trop lard, le riz était parti déjà.
Les sauterelles se chargent parfois, dans Tlnde, de vider com-
plètement les réserves de l'indigène; il n'y a pas longtemps que
dans les districts de Madura,de Tinnevelly et de Mysore, d'énormes
vols de CCS insectes ont détruit toute espèce de récolle. Ces
terribles ravageuses forment dans Tair de véritables nuages qui
obscurcissent la clarté du soleil ; le bruit des ailes ressemble à
celui que ferait entendre une forte averse; quand le nuage s'abat,
toute la surface du sol qu'il couvre est dénudée, comme si le feu
avait passé sur elle.
Cette dernière famine deTlnde aduré 18 mois. Sur 239000 000
d'habitants, 74 677 535 ont été atteints, soit un peu plus du tiers!
Dans la seule province de Madras, sur 33 000 000 d'habitants,
20 000 000 se sont trouvés aux prises avec la famine. — Le
FAMIIIBS. ii9
ooffibre total des Tictimes a été de 3 500 000 et rémigratioa a dé-
passé i 500 000. Voilà qui s'appelle coloniser! Et cependant,
dans la seule année 1977, près de iOOOOOOOO de francs ont été
dépensés en secours !
Famine en Asie, — En i880, la famine a régné en Arménie : 150
personnes sont mortes à Âgbak. — A Van, il est mort plus de 100
adultes et de 300 enfants. — A Kerkouk, il y avait à la même
époque plus de 10 morts par jour.
Famine en Algérie. — En 1867-68, l'Algérie avait été précisé-
ment victime des sauterelles (1865), auxquelles s'étaient joints
deux antres fléaux, la guerre (1864) et la sécheresse (1866). On
vit alors, dit un témoin oculaire, le docteur l^veran, <& des fa-
« milles humaines se levant avec des allures de fauve, sous Tai*
« guillondela faim, et se jeter honteuses et farouches sur les villes.»
Il périt SI 7 000 indigènes.
Famine en Chine. — En 1878, la Chine a été en proie à une
famine effroyable, causée par la sécheresse, dont il a été parlé plus
haut au sujet dci courants atmosphériques. Sur un espace de
700 000 kilomètres carrés, habité par 70 000 000 d'individus,
n*était pas tombé une goutte d'eau depuis plusieurs années.
En vain (!), dès le mois de juin 187(3, des prièrtis publiques
avaient été prescrites par les décrets impériaux, pour obtenir du
ciel la cessation de la sécheresse, qui désolait les provinces du
Nord, pendant que celles du Midi étaient ruinées par les pluies
et par les inondations ; au mois de décembre, 20 000 fugitifs se
réfugiaient dans les villes au cri de la faim! En avril, 85 000 men-
diants mouraient de faim ; en 1878, des morts abandonnés partout,
dans ce pays par excellence du culte des morts, étaient mangés
par ceux qui voulaient vivre encore.
Fnmiws en Russie. — Certaines famines locales ont été obser-
vées en 1865, par exemple, à Pétersl>ourg, à la suite des jeûnes
rigoureux de quatre semaines avant Noël et de six semaines
avant Pâques. On ne mange alors ni viande, ni beurre, ni lait, ni
poisson ; mais ce sont là des causes spéciales. Elles n'en^sont que
plus humiliantes pour Thumanité !
On pourrait également citer ici la famine du plateau de Cher-
nosêse, pendant la guerre de Crimée, en 1 855 « L'année, [dit Saint-
« Arnauld, était comme l'équipage rationné d'un navire en pleine
« mer; le sol de la Crimée était devenu aussi nu et aussi impro-
• ductif que le pont d^un navire. »
V
•
!20 LA FAUNE ET LA FLORE.
Action des famines snr le nonvesient des p«p«latiens.
— Ces lamentables événements n'ont pas pour unique consé-
quence de faire enregistrer un nombre considérable de morts.
La perte va plus loin encore et le mouvement d'une popuiatioo
se trouve influencé pour plusieurs années.
On voit que le vieil adage plus occidit gula qtmm gladius n'est,
pour le plus grand nombre, qu'une amère dérision ; ce privilège
n'appartient qu'aux riches ; à eux seuls peut s'appliquer la divi-
sion, faite par Fonssagrives, des aliments en trois parties : une pour
le b»isoin réel, une pour la sensualité, une pour la préparation
des maladies à venir. Pour le plus grand nombre des habitants
de la planète, le besoin réel est h peine satisfait, les sensualités
rarement, mais les maladies à venir n'en sont que plus directe-
ment et mieux préparées.
La mortalité augmente constamment avec le prix du blé ; car,
chose surprenante au premier abord, plus le blc est cher et moins
on mange de viande ; il n'y a donc pas compensation, mais aggra-
vation; SI bien que, dans l'étude de la mortalité, dans ses rapports
avec ralimcntation, on peut s'attacher indifleremment à la con-
sommation du blé ou à celle de la viande ; le résultat ne varie
pas.
Non seulement la mortalité augmente, mais les mariages dimi-
nuent; les naissances, môme illégitimes, diminuent, et cela, non
dans ranuêe même, mais dans l'année suivante; ainsi, en 1817,
la disette fut extrême dans les Pays-Bas; or la comparaison de
l'année 1818 aveccellcsqui précèdent et qui suivent, montre que
c'est cette année-là que se montra l'influence néfaste de 1817.
rhiffrc»
annuels moyens Cbiffres absolus
avant et apn>s de
l'année 1818. l'année 181 S.
Naissances 199 iOO 177 000
Mariages 42 000 33 000
Décès 137 000 152 080
De même en 1771, la disette sévit en Allemagne; le tableau
suivant montre une augmentation de décès en 1772.
Décès,
1771 177Î
Berlin 6 000 8 500
Leipzig 1 180 i 840
ERGOTISME. Itl
Augsbourg 1740 2 600
Erfurt 700 1110
EnGo, d'après Moreau de Jonnès, le blé ayant été très cher en
1846y on coDstata en France, pour 1847, un déficit de 20 C36 nais-
sances et UD eicédent de décès de 24 528.
Conséquence lointaine qu'on pouvait d'ailleurs facilement pré-
voir: vingt ans après, les registres de la conscription portent encore
la trace de Tannée de disette, tant il est vrai que dans la vie d'un
peuple, comme dans la vie d'un individu, chaque époque est soli-
daire de celles qui l'ont précédée !
Mais, diront ceux qui ne comprennent qu'imparfaitement les
idées de Maltlius, si toutes ces famines, sans compter les guerres
et les épidémies, n'existaient pas, il faudrait les inventer, car la
terre serait trop étroite pour nourrir et même loger tous ces hu-
mains, concurrents dont la mort a décidément bien fait de nous
débarrasser, nous qui restons pour constater leur décès et les
pleurer!
Pour répondre à ces raisonnements, il suffit de montrer à ceux
qui les tiennent, combien est grande encore la surface du sol sans
culture et combien les populations sont encore clair-semécs à la
surface de la planète. Avant d'acquiescer à cet anéantissement
providentiel (?) du plus grand nombre au profit de quelques-uns,
les peuples civilisés doivent se souvenirquc l'émigration et le peu-
plement de tant d'hectares du sol encore vierges sont la soupape
de sûreté d'un trop-plein humain. Us doivent être assurés que les
guerres, les épidémies et les famines finiront par disparaître sous
le flot montant du Pi-ogrês ! Nous ne sommes pas encore à cet âge
d'or!
§ 2. ERGOTISME.
ErgotIsBie f^mn^^réneuiL, — Ne pas mourir de faim, c'est déjà
quelque chose I Mais encore faut-il ne pas mourir empoisonné: le
tH>ison alterne cependant avec la disette, pendant une bonne partie
du moyen âge.
Les chroniques du ix« et du x« siècle parlent d'un mal étrange,
qui s'abattait, à certaines années, sur des populations entières ;c'est
^ersB57 que ce mal semble avoir été d'abord observé en France,
<ît de cette époque à 1347 la relation a été conservée de 28 grandes
épidémies semblable».
121 LA FAUNE ET LA FLORE.
La maladie sévissait surtout dans l*Ile de France, l'Artois, la Pi-
cardie, la lorraine, la Sologne, le Dauphiné. Ce qui frappait riint-
gination^ c'était un étrange symptôme : les membres des malades,
les pieds, les mains semblaient changés en charboDS carbonisés,
comme si un feu invisible était venu les brûler. En pareil cas,comnir
si ne satisfait jamais les ignorants ; au lieu de : comme si un feu avait
hrùb', on dit : un feu a hrùléei personne n*en doute plus! Rodolphe
nous apprend que, « en 993, il régnait parmi les hommes une grande
ff nioilalité ; c'i'tait imfru rarhr{ignis iynotus) qui, dès qu'il avait
« atteint un membre, le détachait du corps, après l'avoir brûle. •
Plus tard, on 1089^ Sigcbert raconte i que les membres, noirs
« comme du charbon, se détachaient du corps et que les sujets mou-
« raient misérablement^ » ou que a privés d*un membre, ils Irai-
« naicnt une vie plus pénible que la mort. » C'était, en effet, une
véritable carbonisation qui sVm parait de ces membres, cY'tait la
(jnwjrCw arrhr^ « mcmbra r( artiis rurnpit'bdntw nec non fvimpu-
« insrrhatii. » L'idée de feu répondait à merveille au symptôme
observé; aussi ne (Ioutait-(tn pas que ce fût l'œuvre d'un dragon de
feu, c'était le fm Sftnr, Un seul remède était, parait-il, eftlcace:
c'était de se rendre dans la chapelle de Saint-Antoine à Vienne, en
Dauphiné; lu maladie s'appelait le fru Snint-Antoinr, Le fait est
qu'on était s(»uvenl, à Vienne, débarrassé du membre carbonisé, qui
tonibail, connue tonit)ent, par une évolution naturelle, toutes les
parties ^auLTenées; aussi, en 1702, voyait-on encore dans la célèbre
abbaye « quantité de membres carbonisés, ap|>endus à la muraille.»
Ce feu Saint-Antoine poursuivit ses ravages pendant les ix%
x', XI'', xn*, xni", xiv siècles. Au xv^, Petrus Parisus, auteur ita-
lien, parie d'une épidémie, qui régna de S(m temps à Palerrae et
qui était caractérisée par la mortification des extrémités. Au
xvr siècle, elle sévit partout. Au xvn', en 1630, Thuillier, médecin
du duc de Sully, observe et décrit une épidémie semblable en
Sologne, dans laGuyenne et dans le Câlinais. Au xvni» siècle (1709;,
le feu Saint-Anluine sévit à Blois;en I7i7, à Orléans, où 120 per-
sonnes sont atteintes de gangrène des extrémités. Au xii^siècle,
les épidémies de feu sacré deviennent de plus en plus rares; ce-
pendant une épidémie violente sévit encore, dans l'Isère, en 1814.
ErKoilMiiic convulHir. — La France ne fut pas seule victime
du fni S'trrr ou mal des ardémia. Sous Lothaire 11, en Allemagne,
au ix*" siècle, Vinccntius Gallus parle d'une épidémie dont
il fut témoin : les malades perdaient les mains^ les pieds, mais
ix-aucugp avaient des convulsions : « multi quoqiie ni
t traciione dlUtn-ti l'JTqufreiilur. - Cette partie du tableau de l'er-
gDtisme, la convulsion, frappe des lors les écrivains allemands,
tiadis que les écrivains Trançais semblent surtout frappés dà la
rarbonisalioni: pendant qu'on observait, en France, surtout Ter*
^lisme gan^éncux, c'était surtout l'crgollsine convulsif qu'on
observait en Allemagne. Uais cliacune de ces formes d'ergolisme
n'était pas exclusive de l'autre, carparmilcï malades rotilractîone
nmtirum ditlorti, beaucoup, même en Allemagne, perdaient les
pieds et les mains et Richard de Waiibourg, en 1099, parlant des
membres gangrenés, dit qu'ils'y ajoutait souvent une contraction
<les Rcrfâ. Néanmoins, la forme convulsive semble dominer en
Allenugne. taodis que, en France, on observe surtout la forme gan-
greneuse d'une aiiate maladie, l'ergolisme.
Bn ISSI, aux environs de Lunébourg (en Hanovre), apparaît
krtuqofiinent une épidémie terrible d'ergoti»meconrubir:500 ha-
Ulaais de la ville succomltent, el ici, on no [larlc pas. pour ainsi
&t,iê b gangrène; ce qui frappe, ce sont les fourmillements, les
tlaoceilHilits dans les mains el dans les pieds, les contractures
ilookHireuies dans les doigts, qui se crispent, de véritables accès
tifiityàt. En l'J91, la maladie sévit en Silésie ; elle revient dans
npayien la93;eD I!>9j, elle envahit la Weslphalie, l'évèché de
Ctdogse, le Brunswick, le Hanovre, la Saxe, la Heese, la Hollande.
Elle ne reparait plus qu'en lOtR en Saxe, en 1630 et en 1675,
n in£mc temps qu-j la forme gangreneuse sévissait, en France,
u'i' une nouvelle intensité.
Kn 1702, elle reparait en Saxe et en Hanovre; en 1709, 1716 et
'17 à Lucerne, el là, la gangrène et la convulsion marchent en
'TiUc : en 1716, elle envahit le Holslcin, le Schleswig, le Dane-
ii.ir^k. En (7i!3, elle ravage la Poméranie et s'élend jusqu'au
'■■■ i», jufqu'à K^ni-Nowgorod ; en 1736, elle envahit encore la
-ilr<ieella Bobi^me,cn 1749, les Flandres; làcncore,lagani;réiie
-Ak la convulsion ; en I7SI, la Suéde est envahie; en 1771,
Allemagne tout entière est aileînlc, puis la maladie s'éteint et
n apparxii plus qu'en 1789 ù Turin et à Milan.
An xix* siècle, on la trouve ^encore s'élendant à la fois
d*la Suèdes la mer iNoire; en 1821,1824,1833, 1837, 1840, elle
lé*it en Russie ; en Fialande, elle délruit, pendant cette dernière
ic, plus de Sno ficrsonnes ; en f84S'16, on o\>^t\C, en
ve, à Beuxelles, k Gand et Namur Ja forme mîxlc, %an%T»;-
12» LA FIL. NE £T LA FLÛRK.
n«^iis«^ i»t <!:iavii!.sive À Li f<>ii: i:Htti^ fonn« miite r^gne égale-
m»»nt «ians .a. Hiess»; en l5o4-!)») : en l>»"il, elle avjît séTJ en Xor-
fèse.
Ea *«icufr.';. y-*.<i U? ni ?me iiidl «jui sV-le-id ain>i sur tout le
nord 'U rEi:r -j'^. Sans ■!■ ute. la confulsion et la ;raugK'ne im-
(ir.ment a l.i rr.i.ai.'- iin cacliet ilitfcrent. mais lorsqu^on étudie
|f:s s%mpt'':.:':> -^-n Friri.c ri r?a AllȔnia:;Tie, '.n toit que ces sym-
pti')n:»»'"s à..nt. a.i r...n i. .rs n.^iiiv-s loi «et U : 1 1 tristesse, l'accable-
mr:iit MUfrrnt la si éiw : tjts r.'urmillc'ments, des clialeursdansles
doijLs \i»-n[i' ni t-nsu.te : puis apparaisât.-nt drs contractions inTO-
lonlairr'> ile-i tl'-i^t^. «luiv.- ncourbonl avec une tt*l;e force, qu^OD
homme s.)i::. *\\n \'r*.ii i irs mains du malade, no peut les étendre;
— enfin la ^\r t^e--»- dans les eitrémilés, qui se nécrosent, de-
\ienn*'itt in^rii^iM- s. n'>ire< comme lo ch.irlion , se détachent
s^'us l'iriQtience dt* k'inilammation eiiminatrice et tombent. Or,
ce sont Id i|ijj in.' symptômes, qui :»e retrouvent en France aussi
hirn f|u «Il Ail*.'nM^'nt.>, mais avec une préduminaiicedifTérente; ce
K<iiit l*> qiutri.' cla(HL'S successives d'un mèuie processus inor-
hi'le; Miii'iutjit, taillis que TAllemagiie s'arrête à la troisième
éta|H'. la riiiiviilsjon. la France vajusi|ua la gangrène. Le plus
Souvent d'ailleurs, on ne va ni jusqu'à la gangrené, ni même jus-
qu'à la corivuNiun ; — les symptùmes ne dépassent pas alors la
trist«>sr^ Ir dérouragement, Tinaptilude au travail. De ces ma.
lade>-là on ne parlt: pus ; on ne tient compte que de ccui qui
vont plus loin.
Selon le point de ce processus où s'arrêtent la plupart des ha-
bitants d'un p:iys, les imaginations sont frappées par un carac-
tère, ()ui devient saillant pour Tcsprit ; en Allemagne, la maladie
ne dépassi: presque jamais la période convuhive ; VincentusGallus
nott: cependant, à côté des nenorum contractiune distorli, cens
qui sont mnnibus auf padibus truncati ; en France, la convulsion
passe inapfM'riie à côté de la gangrène, qui arrive plus souvent et
frappe davant<i^e les esprits.
Kntre ers deux extrêmes, la France et TAllemagne, dans les pays
intcTinédiaires, la B<jlgique, la Lorraine, la Suisse, la forme gan-
greneuse et la fiirme convulsive s'équivalent comme fréquence.
La maladie apparaît partout à la môme époque, après une saison
pluvieusi!, surtout dans une contrée naturellement humide. Par-
tout, les villes, (u'i Talimcntation est variée, sont plus épargnées
f|ue les campagnes, où l'alimentation est, au contraire, uniforme-
ERGOTISME.
lî'est le rnorbus ruratii. L'imagination populaire, qui esl partout
t« inAnie, Toil purlout dans ■:ette maladie la marque indéniable
àt. la YMifteance divine, «gissanl par rinlermédiaire d'un dragon
^ëe feu aussi in«isihleque ladivinitiSqui l'envoie; mais les esprit s
^■^ accusent ralimentalion: comment, en efTet, ne pas être
^Hk|M! de l'immunilc dont jouissent k's enfants h, la mamelle?
^^b gens siricux vont plus loin et accusent, dans l'ulimentation,
^Tl«iglc pariiculiêrement,
I»s I S87. Srliwenckrcld démontre que te seigle malade est
l'unique cause du la maladie onvuUive, qu'il observe dans son
pavs. En 1716, dans le Schleswig, on constate, en eiTel. pendant
l'épidémie, que le seigle altéré (îgure pour un tiers dans la
r-'colte. Ce[>endant, en I7!i4, lorsque l'êpidêmie convulsive éclata
rn Suède, LinncG constata qu'on ne récollait que de l'orge; il
déchaf^ea dnnc le seigle do l'accusation qui pesait sur lui, et la
rr^orta sur les jiiaines d'une plante souvent associée à l'orge, le
Baptumui raphanùtrum ; la maladie prit mt^me alors le nom de
RapÂanU ; maïs une enquête, ordonnée par le gouvernement
soèdoia, n'eut pa« de peine à démontrer que le Rapkaiius Otait
innocent, que l'orge ne l'était pas moins: elle constata, en outre,
que cette année-lâ, l'orge ayant manque, on avait Tait venir du
niglc d'Allomagnc — c'était du seigle alléré. La même conslala-
lioD, i l'égard du seigle et du seigle altéré. Tut Talte, en France,
àOrléang, à [tlois.
Le Migk constituailjadis, en effet, la principale nourriture des
pajmns; au ivi' siècle, on ne cultivait que lui dans tnute
rAuverçnc, le Lyonnais, le Forci; — or cette céréale êlait, alors
comme aujourd'hui, sujette à une maladie, notamment dans les
uiwns pluvieuses et dans les pays humides, et, à cette époque
de famini' toujours menaçante, le seigle avait beau être malade,
tin le mangeait quand même ; les pauvres »urloul ne s'en raisaicnl
Il faute ; aussi étaient-ce eux qui payaient le plus lourd tribut h
. En 1783, Camper écrivait déjà : < Eu Hollande, au
19, le peuple et les pauvres mêmes jouissent de l'avantage
isne pas étte obligés de manger les grains avariés, comme cela
n Allemagne ot en France, où l'on fait passer les grains
• an moulin, immédiatement après qu'ils ont élé battus, et sans
■ les avoir mondés auparavant, n
Cette avarie des grains est due à un parasite '. Wrgol 1 Or,
■te maladie du seigle existe encore, car l;i m&deâne em-
116 U FAUNE ET U FLORE.
ploie tous les jours ce champignon ; si ralimentation de nos
campagnes redevenait précaire et qu'on dût manger, faute de
mieui. le seigio malade, nous verrions revenir l'ergotisme épi-
démique du bmi vUuj irmji^.
Eri^oiIsBie expérlneaial. — Comment Tergot agit-il sur
ror?anisme? H fait contracter les fibres musculaires lisses, non
R'ulcnient celles de Tutcrus i'c'c^t là ce qui légitime son emploi
en obstétrique',, mais celles des vaisseaux; il diminue donc par
ce moyen leur calibre et tend à on obstruer plus ou moins la
lumière |»ar la contractilitô des parois portée à son maximum.
Lorsi]u*cn médecine, en employant l'ergot, on arrive à une cer-
taine dose, on observe des phénomènes, qui sont dus à l'anémie
des centres nerveux, le cerveau, la moelle : de là la tristesse,
les troubles de la vue, la Taiblcsse, le délire même; — or, ces
efTets sont d'autant plus marques chez les populations misérables,
qui ont consommé ce |>oison, que, plongées dans la misère, elles
hont privées tle \io, d*alcool, de viande, de toutes les choses qui
tendraient à combattre le défaut d'irrigation des centres nerveux
par le sang. La circulation des extrémités est entravée, par
Milte de la diminution du calibre des vaisseaux ; de là les four-
iiiillfiiients des pieds et dos mains ; si même la dose e>t considé-
rable, si Pusage de l'ergot est longtemps continué, la circulation
des extrémités s\-irrétc, le sang se coagule, bouche les vaisseaux
ej,, priv('H.s de >ang, les extrémités se gangrènent, comme si on
avait fait la ligature des artères, qui s'y rendent. Le membre est
mort ; il sîtIh- et n'a plus qu'à tomber.
Lorsi|u'<it) iiiélan<;e le seigle ergoté à la nourriture de nos ani-
maux duniestiques, ils présentent tous les symptômes du feu Saint-
Antoine, convulsions et gangrène. On observe d'abonide l'abatte*
nient et de lu stupeur; Taninial reste couché; puis il a des con-
vulsions partielles ou totales ; enfîn surviennent des gangrènes de
Torrille, de la ({ueue, des pattes, du bec.
iBflHenre des habitudes alimentaires sur la fsrae de
reraotUmc. — A quoi lient donc la difTërencc de degré observée
entM; l'ergotisidc de rAllemagne et celui de la France? Pourquoi
l'une a-t-elle eu surtout la forme convulsive, l'autre la forme gan-
greneuse? Pourquoi, dans les pays intermédiaires, les symptômes
ont-ils éténiixteb?
A coup sûr nous ne saurions voir là une question de race, de
climat ; l'explication se trouve dans les habitudes sociales : Dans
PELLAGRE. ft?
le Nord, Torge, très cultîTé, entrait à côté du seigle pour une
large part dans ralimentation ; au contraire, le seigle était à peu
près exclusif dans Taliraentation française. Les Français étaient
donc exposés à consommer rapidement une quantité plus considé-
. rable de poison et arrlyaient ainsi plus rapidement à la gangrène.
Les Allemands, au contraire, n'en absorbaient jamais assez à la
(bis pour arriver à la gangrène, mais ils en prenaient pendant plus
longtemps et les troubles nerveux avaient le temps de se développer
davantage. L'ergotisme est, en somme, convulsif ou gangreneux,
solvant ladose,et Bonjean a pu, à une époque récente, constater
rergotisme convulsif dans une famille de sept personnes qui avait
mangé en trois jours dix-huit livres de pain contenant 1/7 d'ergot.
L'ergolisme est-il connu ailleurs qu'en Europe? Aucun fait
précis n'autorise à le dire.
On ignore également s^il était connu dans Tantiquité ; toute-
((nsGalien parle de malades, qui, pour avoir mangé du trUicum
imjpytrfycruribus vaciUabant, et même, ailleurs, il mentionne des
distemones musculorum observées en Béotie, en Thcssalic et
même à Athènes, à la suite de Tusage de grains altérés. Les an-
ciens connaissaient donc peut-être Tergotisme et certainement
ce que nous nommons aujourd'hui morbos céréales.
Au surplus Pergot envahit d'autres graminées que le seigle et
produit, dans ces nouvelles conditions, les mêmes symptômes
d^ergotisme chez ceux qui consomment ces céréales.
§ 3. PELLAGRE.
En i730, un médecin d*Oviedo, en Âsturic, Gaspar CazaI,
était, pour la première fois, frappé par robscrvation d'un
mal étrange. Ce mal, qui s'attaquait aux paysans pauvres,
était caractérisé par des troubles digestifs, des douleurs dans les
membres et par une éruption spéciale. Les troubles digcstlTs,
les douleurs et surtout l'éruption augmentaient au printemps,
sous rinfluence des rayons du soleil et, dans les campagnes ; on
avait été tellement frappé de celte coïncidence, qu'on avait déjà
donné à la maladie, que Cazal venait de découvrir, le nom pit-
toresque de mal de la Rosa.
La découverte de Cazal n'avait point franchi les Pyrénées, elle
D'atait sans doute pas dépassé les limites des Astufves» \ot^M^
1S8 U FAUNE ET U FLORE.
Thierry, qui avait suivi le duc de Duras, ambassadeur de Louis XV
à Mailrij, apprit de Cazal hii-mème Texistence de cette nouvelle
maladie ; il la lit connaître à Paris, vers 1750. où elle fut décrite
comme une curiosité sou? le nom de h^pre des Asturir*.
Vers la ni^nic c|ii>t]ue, 1750, un médecin italien, exerçant en
Vénctie, IMizati, qui ignorait complètement ce qu^on avait vu en
Espagne et ce qu'on avait dit à Paris, fut, de son côté, frappé de
rexistence d'un mal nouveau, qu*il obsen-ait sur les pauvres; il
donna à cette maladie le nom de sv^Hiut alpin ; enfin quelques
années plus tard, en 17C9, Francesco Frappolli, méiecin du grand
hôpital do Milan, vit tout ii coup un grand nombre de malades,
qui ri'pondaieiitili la description du mal des Asturies et du scorbut
alpin. Os malades, qui venaient de la campagne, étaient surtout
frappt^ par réniption, dont ils accusaient le soleil d'être la cause;
c'était le m#?/ di soir ou bien la jxV/r agra (j)€Uagra par corrup-
tion), r/est sous ce dernier nom que Frappolli décrivit la maladie,
que nous nommons jurUtigrv.
A partir de cette époque, soit que Tattention fut plus éveillée,
soit que le mal ait considérablement augmenté de fréquence, pro-
bablement |)onr Tune et Tautre cause, on vit partout, en Lom-
baniie, surgir des pella^reux; les vieux médecins du pays se rap-
pelèrent avoir vu, depuis vingt et trente ans, quelques malades de
ce genre, sur lesi^uels leur esprit, non prévenu, ne s'était pas ar-
rêté; on se souvint, qu*en 1701, Ramazzini, dans son célèbre traité
des Maladirji d*'s nrtisnjiiiy avait parlé d'un mal analogue, comme
s^observant parfois chez les paysans ; cVtait le mal de }xtdrone, le
mal du maître! Car il était fils de la misère, elle-même engendrée
par les lourdes redevances qu^il fallait payer au maître ; on ne
parla bientôt plus que de pellagre, à Milan, au Lac Majeur, à Pavie,
à Yicence, à Bassano, à Vérone, à Bresoia, à Parme, à Pistoja, en
Toscane et à Bologne, enfin dans tout le nord de Tltalie. On fonda
même, en 1781, à Lcgnagno, au nord de Milan, un hôpital spé-
cialement destiné à recevoir les peliagreux; à cette époque (1784)
Stranibio calcule que, dans certaines provinces, 1/20 de la popula-
tion a la pellagre ; plus tard, en 1810, on calcula que si le nombre
des pcllagreux était, dans tout ce qui était le nouveau royaume
d'Italie, aussi considérable que dans le département du Taglia-
mento, rUalic ne compterait pas moins de 50 000 pcllagreux ! Enfin
les progrès du mal sont tellement rapides, à cette époque, qu'en
1819 certains districts comptent 1 pcllagreux sur 6 habitants. En
PELLAGRE. 429
18iO Toici, pour piUsieurs villes et la campagne qui les environne,
l'état de la pellagre :
Nombre Sar
Absolu. 1000 hab.
Milan 3 075 12
Mantoue 1 228 8
Brescia 6 939 29
Bergame 6 071 24
Côme 1572 9
Pavie 573 3
Crémone 445 4
Lodi 377 2
On a pu croire pendant longtemps que la France, plus heureuse
qoe ses deux voisines, TEspagne et l'Italie, ne connaissait pas la
pellagre. C'était une erreur.
Ed i829 seulement, un médecin de la Teste-de-Bucb, le docteur
Bameao, se décida à parler, devant la Société de médecine de Bor-
deaux, d'une maladie qu'il observait depuis 1818 dans le bassin
d'iitachon . Voici ce qu'il en disait : a Une maladie de la peau
• qoe je crois peu connue, et qui est des plus graves, menace
< d'attaquer la population du pays que j'habite. » Cette maladie,
c'était la pellagre. La communication de Hameau ne fit pas grand
bruit. Il fallut que BrièredeBoismont, revenant d'Italie, en18^,
parlât des pellagreux qu'il avait observés, pour qu'on sedécidât, en
France, à regarder autour de soi : chacun fit alors attention,
chacun évoqua ses souvenirs. Un médecin de Castelnaudary, le
docteur Roussilhe, se souvint avoir vu des pellagreux eu 1823;
enfin, en 1842, le docteur Roussel, aujourd'hui sénateur, étudia
complètement la question de la pellagre en France. Elle existait
chez nous, méconnue, dans le Lauraguais, la Haute-Garonne,
les Hautes-Pyrénées, la Gironde, les Landes, les Basses-Pyrénées,
les Pyrénées-Orientales. En 1859, About, dans son roman agri-
cole Maitre Pteirc, estime à 3000 le nombre des pellagreux réunis
dans le département des Landes.
En dehors de l'Irlspagne, de l'Italie et de la France, la pellagre a
été vue en Valacbie, en Grèce. Ses limites sont, en somme, com-
prises entre le 42» latitude N. et 46** latitude N.; par exception, les
docteurs Bucherre et Abeille l'auraient observée sur la côte
d'Afrique.
SiaapcéBics. — Avant d'aller plus loin, un mot des s^ui^^^tcv^
ISO LA FADNE ET LA FLORE.
de la maladie : elle rappelle, sous beaucoup de points, IVrgol
Elle débute par de la tristesse, de la mélancolie, des étourdiaie
et par une éruption. Cette éruption apparaît sur le dos des c
sur le dos des pieds, sur la poitrine, dans le triangle, à ba
périeure au cou, que récartement de la chemise laisse bal
lement à découvert chez les cultivateurs. Elle apparaît, en ré
sur les points les plus frappés par la lumière ; elle augme
diminue avec Tintensité du soleil, comme dans le mal de la
Cette éruption est constituée par des plaques rouges, dites
thème, qui se recouvrent de vésicules et qui fournissent plu
une abondante desquamation épidermique; la peau crev
fendillée, a été comparée à celle d'une oie.
En même temps apparaissent les troubles digestifs : perv
de l'appétit, boulimie, pyrosis.
Bienti^t apparaissent les troubles nerveux, qui indiquer
lésion fonctionnelle de la moelle épinière : douleurs dans le d
ceinture, dans les membres, qui rappellent celles de Tergol
I^)rsque, pendant deux ou trois ans de suite, ces symp
sont revenus avec le soleil souvent, s*aggravant à chaque f
malade entre dans la deuxième période. Il perd la raison ; c
folie pellagreiisc. Un grand nombre de pellagrcux se luen
tendance au suicide est presque générale. Si le malade arrii
troisième période, ce n'est plus la folie, c*est la démence 11
complète, la stupidité la plus absolue : ramaigrissement arri
maximum; une diarrhée fétide survient et la mort arrive ïn
blement.
Le tableau suivant donne une idée de la fréquence pr
tionnelle de la folie pellagreusc et de la fréquence absolue
pellagre. Il exprime le chiffre moyen des pellagrcux et des
pellagrcux admis chaque année, de 1873 à 1877 :
Aliénés
ProTinces. Pella^reaz. pellagrcux.
Modène 37 &0 150
Mantoue 1 500 60
Bologne 1000 35
Vérone 600 25
Reggio 500 25
Milan 130 6
Florence 90 3
Novare 25 1
PELLAGRE. 111
La plupart des aliénés des asiles de la haute Italie sont des pel-
ligreux.
D'après la statistique ofOciclle du roinislëre de Tagriculture
(1880), le nombre des pellagreux était en 1879, pour Tltalie en-
tière, de 97 855, ainsi répartis :
Lombardie 40 838
Vénétie 29 836
! Emilie 18 728
I Toscane 4 382
Marches, Ombrie 2 153
Piémont 1 592
Ligurie 148
Lario 76
Cesl à la tendance au suicide, que je viens de donner comme
fréquente chez les aliénés pellnsrreux, qu'il faut demander Texpli-
cationde certains chifTres relatifs au suicide, qu^on ne compren-
(irait pas sans cela : ainsi pour 8 suicides en Sardai^ne, on en
compte 13 en Calabre, 24 dans les Touilles, 40 en Sicile, 111 en
Lombardie, 133 en Piémont et 145 dans le Milanais. Le suicide
sait la même projjrcssion que la pellagre.
ht malR, la polenta. — Quelle est donc la cause de cette
terrible maladie, qui semble spéciale à TEurope, à une certain^',
partie même de l'Europe, et qui ne semble y exister que depuis
le commencement du xvni* siècle, tout au plus -depuis la fiu
du xv»«.
Déjà dans le siècle dernier, on avait placé la pellagre dans le
g^JUpe des maladies alimentaires, à côté de Tergotisme; on avait
oèinc accusé le mais et, faisant allusion à l'ergotisme convulsif
ou rnphanie, le docteur Guerrcscbi avait nommé la pellagre
^^phnnia maizUca; d'ailleurs, dès 1798, Thouvenel avait été frappé
de la marche parallèle que suivaient la culture du muïs d'une part
etla[vellagrc de l'autre. Encore aujourd'hui la pellagre augmente,
dans les diverses provinces de Tltalie, avec la consommation de la
célèbre polenla. Les environs de Brescia et de Milan, patrie par
excellence de la polenta^ sont également renommés pour la fré-
quence de la pellagre. En Vénétie, dans la partie où Ton consomme
Cf^mets national, la pellagre abonde ; elle disparaît dans la partie de
cette province où ron mange des châtaignes. Dans toute Htalie, les
jeuoes pellagreux guérissent sous les drapeaux, quand WftabaxkâLOCk-
S3i U FAUNE ET LA FLORE.
ncnt, avec leur clocher, le plat Iradilionoel. En résnmé.la pellagre
est liée au mais ; en vain essayera-t-on encore aujourd'hui de con-
trt'dire cette vérité qui ressort, avec évidence, de la minutieuse
enquête du docteur Roussel, en Espagne, en Italie, comme en
France.
Deux conditions constantes sont communes à tous les pellagrcux,
sans exception : 1*> Talimentation à peu près exclusive avec le maïs,
surtout pendant la saison humide et froide ; 2^ la misère, qui vient
donner à cette alimentation toute son efficacité et sa puissance
morbifiques. l.e maïs est tellement lié à la pellagre, comme une
cause ù son cflot, qu'il suffirait de faire Thistoire du maïs en Eu-
rope, pour faire, en même temps, celle de la pellagre.
Le maïs est originaire d'Amérique ; il était en grand honneur
au Pérou et il a été, de bonne heure, acclimaté dans les pays
chauds, en Asie et en Africiue. Chaque pays Ta reçu ensuite pro-
«^nessivement, mais toujours d'un pays plus méridional que lui :
les diiïércnts noms que porte le maïs démontrent cette origine.
Ainsi, en Egypte, le maïs est le dourah de Syrie; à Tunis, le blé
d'Epr^ple; en Espagne et en Sicile, le blé de Tinde; en Toscane,
la grame de Sicile; en Provence, le blé de Barbarie; aux Pyré-
nées, cVst le blé d'Espagne; en HonLjric, le blé de Turquie; en
Lorraine, le blé de Uomo.
En Espagne, c'est à la fin du xvii" siècle que le maïs prend
une part importante dans ralimentaticn cl c'est au commencement
<lu xviH« qu'apparaît le vwl de la J-. >./. En lîalie, on commence,
des 1620, à trouver la nienli -n de la eu il me du maïs dans quel-
ques titres de propriété ; nuis ce n'cNt qu'on 1710 que L» çrain
d'Amériqur figure, pour la première fois, dans les comptes clu
marché de Milan et ce n*e>t 'juV'n 177 i iiu\m \uit le maïs meu-
lionné dans les actes publics de Broscia. Or, (!éjà vers 17.0, o:j
observait !a [)ellagre tn Italie. En France, c'est au n;i.ieu un
xvni'^ sii.cle (lue la céréale eu <|ucsli<»n \nviui (|uelijue impurlauce
dans les cultures du Midi et la maladie apparaît à la fin du xm!**,
ou mieux tout au début du xi\«.
Mais comment se fait-il que la pellagie due au maïs ne s'oosorve
que sur les limites, en latitude, de la culture de, celle céréale?
^^ornment se fait-il qu'on ne trouve pas cette maladie dans les pays
les plus méridionaux, véritable pairie adoptive ou naturelle du
maïs, en Afrique, en Asie, en Américiue ? C'est que le producteur de
la pellagre, c'est bien le maïs, mais le maïs altéi*é,et qu'il ne subit
celte altération, celte maladii.-. que dans les lalitudea où il ne peut
•rrii^r à de tHUines conditiitns de malurili:. Voilà pourquoi la pel-
lagre est limitée entre le i2°et le i6'laliUiile N. Dans cet espace,
le mais mûril mal ; aii-dn$s<ius du 4^° inlilude N il inûril bien et
Mi'allèra pas:au-des4ilsdu 40° latitude N, il mûrit si mal qui;
c» D'cit plus une pliinle h graines aliincnlaires, il dcvioiil piaule
bnrragcm; il ne peut donc y avoir de psllagrc!
L'allératioR que subit le mais n'est pas une maladie parasitaire,
[trÎK sur pied, comme l'ergot, parasite du seigle. C'est und atlé-
nUion qu'il subit dans les greniers humides, après la récolte. Le
ch3iii|ii!;nûn qui allèreaîQsIle maïs rûcoltê est celui que les Italiens
Docimcnt curiicrame et ce que nous nommons vndH, à cause de
U couleur verte de Injtoussiiirecryptogamiquequi enviihil le grain
«t btrme parfois 1^ do son poids.
V»Me mucëdi née K développe dans les pajs bumides; nr la vallée
du PAcM trè» humide ; les environs d'Oriedo, oti se développe le
mal 4e U Rasa, sont eut-mèmes tellement humides, qu'un chroni-
i)acir «spagnol du m* siècle dît qu'à Oviedo, même en été, les
nteiiUessont couverts dt; moisissures.
r^tasre c«i>^rimenlnl«. — Le verderamc est tellement
totiqtw. <|uc n*^ccmmetil Lombroso et Uiiiiré en ont pu retirer
un pnncipe analu},'ue ^ la slrvclinine, qui, donné aux animaux.
ITodntsatt du toutes pièces la pellagre, ainsi que B<iUidini l'avait
lait dcjj, en nourrl>suiil des poukls aveu d'J maïs altéré.
Ittas une grande compagnie de traction do Paris, on a nourri
ics chcrant av«c 4u maïs; or une parlic de la provision cnnle-
natil <lu verUerame, plusieurs chevaui sont morts. Cela s'tisl
ê il } a plusieurs mois Chei les anim.iut, le mais passe pour
M|oerl«!ruti l'o^oda Arai^u pense qu'il est de même chez
M, ce (|ui augmente encore la misère des populations qui
ntoniqueraent de mai«, Vm Colombie, la plupart des mé-
t 10, i'2, 15 eurantâ, et Pusada Arauju attribue ce (dit
% pathologie expérimentale et comparée de la pellagre nous
nJt même l'explication de Vtr^lhèiiie mlnre [miil de la Rnsii).
I ooqs nourris avec des résidus de maïs altéré ont préscnlc
l'ayUiéme prUayr''iu:.Janil\s<\ue. l'homme présente celle éruption
snrla poitrine et le dosdes mains, qui sont eKposcsauso\ev\,Veu»\
U tanTtVn sur )e seul organe qui ae soil pascoiliert,saTUcT^',
H/ matkia, le calé droit seul de la crête était maîade. tïvci tt«
J
fl4 LA FaU.NE et U floue.
Coq dont lu erèle tonibail a guuclie, si bien que le côté çaucbe
•^tait cotitiiiuelk'iiu'tit û romhre.
Ijtjtiibrtjho a pri'paiN' avec le maïs altéré une teinture, laquelle
adtniiiibtnt' à douze iridié iduf. qui s'y sont prèliïs, produisit les
MinplôuMrs d«.' la [kpliaiL're : troubles diirestife, U»ullmic, puis dé-
;rgùt des aliuuMits, diarrhée, entéralpe, lésions eu Lan l'es, prurit,
j*ti|ijreb, Ophélidcs. desquamation, echtyma. phénomènes neneai,
m^diiase, ptosis, somnolence, céphalées, vertiges. En même temps,
ou constatai l d<;s palpitations cardiaques, faccélération , puis le
ralelltis^beuH:^t du pouls, une tendance à la syncope, llaretiréde
("etle teintun* une suhstance toiique, la /W/'/f/ncr/ifC ,et une autre,
narcotiquff, la rttnisim'»
l/action phvsiolo;;ique de \à p* Ihfji-oz* in€ e&i iJentiqur à celle
tU' la >tm'hniii<', et *-*ju activité est pi us grande {»ar les temps chauds
ipii' par les Icinps froids. L^mhrobo c&plique ainsi comment ccr-
taina IH'lla^Mi'Ui tressaillent au moindre bruit et à la moindre
54'rou>!»4*, abMiiurnt'nt conmic cela s'obsenc dans les cmpoisonue-
mrnthpar lastr^rhiiine. Ses recherches eipliquent également la
firquenre plus isrAwU' des accidents pellagreui dans les saisons
chaudes. Les analo;;ies qui existent entre la pellap^rozéine et la
âtru'hnine, montrent ennimenl Pusage du vin peut être utile, poar
prrvenir et calmer les phénomènes de la pellagre; on sait que les
elt'rts d*ijiie dos4* «'norme de strychnine 'i gramme) ont pu être
retardés de i H hrures chez une femme ivre. Ces analogies nous don-
nent encore la raison d*étre de Tapiiarilion brusque de la pellagre
ou de la réapt)arition subite de phénomènes pcllagrcux, qui parais-
sent depuis lon^'temi)s atteints ou complètement guéris.
Prophylaxie de In pellai;;re. — De tout ceci il résulte que le
mais altéré h;u1 est dangereux ; mais il n'en faut rien conclure
rontre le maïs. Il fournit, au contraire, lors()u'il est sain, les clé-
ments d'une alimentation excellente ; il contient plus de matière
grasse qu*aueune autre eéréale ; ainsi s'explique son emploi dans
rengrai.'tsement des volailles; sa culture occupe, du reste, en
France, h i>eu près dans 35 départements, une surface de 631 732
hectares.
Un certain nombre de médecins seraient portés, même encore
aujourd'hui, à voir dans la pellagre non un empoisonnement,
mais une forme spéciale de misère physiologique, due à ce que le
maïs serait un aliment détestable. Nul doute que la misère phy-
siologique joue ici son rôle; au même titre on voudrait, main-
^1
BÉRIBÉRI. 1t7
Mtntoue eu 1806; on la nommait alors cheiropodnlgie, ce qui
D'est qu*un équivalent da mot acrodynie.
Lorsqu'on i828 Tacrodynie sévissait à Paris, une maladie analo-
gue régnait en Espagne, où elle avait reçu le nom de mal di
Elle règne enfin, presque chaque année, dans le Soudan, lorsque
la récolte offre certaines conditions mauvaises; la maladie se carac-
térise par de la douleur suivie d'insensibilité des extrémités et
pir des troubles digestifs.
Enfin, à certaines époques, on a observé dans Tlnde et dans la
presqu'île do Malacca, en 1825, 1826, 1830, 4831, 1832, une
flttladie attribuée par le peuple à une altération des céréales et
onctêrisée par des douleurs ainsi que des brûlures dans les pieds.
Cette maladie fut même désignée par les Anglais sous le nom de
^ing ofthe feet.
Quelle est la cause de ce curieux ensemble pathologique? Réca-
nier, en 1828, accusa les pommes de terre; Gayol les farines;
RiTercrut reconnaître une pellagre aiguë ; Trousseau et Pidoux,
Fergotisme. Tout le monde, en somme, est d*accord pour accorder
m céréales une place dans la cause de cette maladie. En Espagne,
i a semblé prouve, en 1828, que le mal di monte tenait à Tusage
dn blé altéré par Vuredo caries,
§ 6. BÉRIBÉRI.
La nourriture trop exclusivement végétale, Tabsence de sel et
peut-être quelques autres causes alimentaires encore inconnues
ionnent lieu, dans certains pays et sur les individus de certaines
nces, à une étrange maladie très mal connue : le béribéri.
BistrIbatloB |^éo|^raphlqae. — Le béribéri a été observé
ptr les Hollandais dans leurs possessions de l'archipel indien, où
ii est fréquent, à Sumatra, à Java, surtout sur les condamnés indi-
gènes qui travaillent au curage des rivières, aux Célèbes, à Ikinka,
âAmboine, aux Moluques; dans Tlnde, sur les côtes de Malabar
et de Coromandel ; à Ceylan, où il a été observé depuis longtemps,
nr les travailleurs, ce qui a valu à cette maladie le nom de mal
dp Ceylan. il est peu fréquent en Chine, mais très fréquent au
^OD, surtout dans le nord-est de Kiou-Siou ; il y est connu sous
le nom de Juikké et fait chaque année des centaines de victimes.
U plupart des médecins ^tfj ont résidé au Japon regardent VeluiXKè
j;» LA Ji'.^L IT Là FLOHE.
f.y •:.: . : '. r.: ." . -r i : . ■ ■ :• : . . Vtz >- :-:Xf :* : ie irouvernemont du
Ji:.--. 1 r.î :■: .:-■ r. i ^ .:.. lts b*:-.ul d-.stir.c au traiteiucnt da
' K.-. Kri l-'/j. A i'.;'.»]:-: vu i'Anjrrique du Sud commença i
fi •" \*':/:r '.rï rrini r. r^i :^ --r c».:.rt ou travailleurs îndous, il
a • '<: •^••::\- d E^-iîju ; ir S.l^a Lima ut Patterson. IK* puis cette
•.("/{•i':. !.'i uii.i'ii*: a •:'.*: •.:.!]:« année en augmentant au Brè-
•;!. Ijif,- U ;:u»rr'': ô^iri'.:'' U Taragua}, l'armée et la flotte brê-
si:.»:nri'-s furenl d»:'i::K'.s jrjr 1- U-rîLcri. En 1871, la maladie
t:':iit;i .1 iVmanibU'.'i, «lin» un-.- m.ii>ûn dt: détention. De Bahia»
qui \,ii:.i\i izlTfiîhn cejr.re. le i*Cribéri sesl étendu aux villes voi-
»in'r«i. /A'jrii'd le V-sTd pur S.-L*iiz-]e-Maranhao. les provinces de
0:;i:a, Uio-Grande dtl SorW., dE<;iirito-Santo, Sainte -Catherine,
Miii;is-<;i:ra«s. Il fait actuellement au Brésil des ravages énormes.
11 a i-té tiliscrvé à Cuba par leduclour Juan llava, en 1865, et c*esl
lui qui caI dési;;né par le> nêgrrsdt-s sucreries, qui en sont atteints,
sous li;.iiorn de Uiwhiztm de hs w'frùs. Le béribéri a été vu
ég:ili:riiriii il Maurice depuis 1812; mais la maladie ne s'est pas
irioiidf'fr uiiiqut;inf^nt sur les eûtes; elle a |)énctrc au Brésil, jusqu'à
lîiO lii'iH's du nvu;:(.',âMiilto-Crosso cl dans la province centrale de
Miiifis-(;i:riic^: rlh- semble avoir éclaté, en pleine mer, sur deux
lraiis|N)rls, Vl.unjdin- et le Varimntier^ jusque sous la latitude
ili; Siiiiili' Ib'lcin: ; unu autre fois à Aden, à rentrée de la mer
l(oii;;('. I)*uii<. in;i[iirre générale, la maladie semble pouvoir ré-
Knrrrnlri' \vs 40» parallèles.
A|iiliu«li; iirv rucrw. — Dans tous ces pays, le liériltéri n'at-
teint pas tiiiijiiurs indillrremment toutes les races. Il semble avoir
uni* prt'diirrtioii piiur les races colorées : les Nègres aux Antilles,
les iNoir.N hravitlinis et les Malais dans Tlnde, en Amérique et à
boni des navircN. A Yokohama, où le Ltéribcri est fréquent, sur
vMHM) étrangers environ, on n'a pas trouvé un seul cas authentique;
i>n du tpie quelques soldats anglais ont cependant eu le béribéri
en Clune. ^hianl aux Japonais» il est permis de reconnaître une
nouvelle preuve de rimmiuion du siin g malais dans leurs vei-
nes, à leur grande aptitude au béribéri; et cependant, au Brésil,
liiutes les raees semblent Atteintes; il n*en est ]>as moins vrai que
raeeUniatemeiit semble une condition indis|>ensable, car les étran*
gers uouxellenuMit animes semblent toujours indemnes. Les enfants
avant IS .ms ne prennent jamais la maladie; étrange immu-
nité, qui fait que. dans un pensionnat, la maladie fait, dans ua
xwhwt dortoir, lu demaieation exacte des âgesl Les femmes sont
BÉRIBÉRI. 139
moins «posées que les hommes; l'état puerpéral et la laclalioii
constituent cependant une prédisposition.
Caadlicloit^ étlolo^ Iqoes diverses. — A toutes les condi-
tions de milieu du béribéri, il faut ajouter cette condition, qui
semble capitale, V alimentation insuffisante. Ainsi, dans les sucre-
ries de Cuba, ce sont surtout les nègres mâles qui sont atteints du
bincbazon ; or ce sont eux qui font les grands travaux et qui, par
conséquent, à nourriture égale, ont ralimcntalion la plus insuffl-
ante. C'est donc encore là un mal del jyadrone. Lorsque le béribéri
apparaît à bord des navires qui transportent des coolies indous,
c'est toujours vers la fin de la traversée, au moment où les provi-
âons de tamarin, de sel, de piment, de safran, de poivre, de co-
riandre, qu'on ajoute au riz sont épuisées, et où le riz lui-même,
insufûsamment azoté, commence à être rationné. Aussi les Indous
qui font à bord le métier de cuisiniers, ceux qui aident les mate-
kitsetqui, à ce titre, reçoivent d'eux un supplément de ration,
ceaienQn qui ont pu emporter, à leurs frais-, un supplément de
tunarin, échappent au béribéri. H suffit d'ailleurs que le navire
relâche pendant quelque temps, qu'il puisse refaire ses provisions
^Tïuisées, pour qu'on cesse de voir apparaître de nouveaux cas de
la maladie; et cependant, je dois ajouter, tant les contradictions
s'aecumulent, quand on parle de cette maladie, qu'elle atteint en
cemoment, au Brésil, les gens qui vivent dans les meilleures con-
ditions d'hygiène.
Cette question d'alimentation semble donc, sans doute, capitale,
oiaiselle n'est pas la seule. Le refroidissement, le brusque chan-
gement de température figurent aussi dans l'étiologic.
SjsipiAsies. — Nous ne pouvons insister ici sur les symptômes,
d'ailleurs très compliqués, qui sont présentés par les malades, ils
rappellent, sous bien des rapports, ceux des maladies des céréales;
$i certaines douleurs rappellent rergotisme,les troubles intellectuels
^oQt songer à la pellagre. L'ensemble des symptômes consiste dans
des troubles sensoriels et moteurs, ainsi que dans l'hydropisie. Le
principal est la faiblesse des jamles, que le malade traîne, comme
s*il marchait dans l'eau. Les malades éprouvent une violente dou-
leor lombaire et se déclarent serrés par la taille, comme dans
une chaîne de fer, la barre béribérique. La maladie peut suivre
une marche aiguë et se terminer par la mort en 7 ou 8 jours, au
milieu des convulsions, comme on Ta vu à Maurice ; mais le plus
souvent la marche de la maladie est chronique; les maUdes, «^x\^
140 LA P1U5E ET Là FLORE.
fièvre, demeurent accroiipL5 dans un état d'apathie indescriptible,
taiit>H paralyses, tantôt en proie à un œdème considérable La
temi>erature. loin d'être augmentée, est généralement plus basse
qu*à l'eut normal ^Alvareiisra'. Tantôt on toîI prédominer Patro-
phie mu$i*uUire. tantôt l'œdème pouvant aller jusqu'à Tanasar-
que; souvent on observe une anesthésîe limitée à un membre, à
une partie du tronc, parfois s'êtendant à toute la surface du corps.
Parfois on Toit le niala io tourmenté par des palpitations, des
bruits cardiaques et artériels, de Toppression précordiale, des
pulsations alhiominales. Lu mort arrive au bout de 7 ou 8 mois.
Aaatomle |yuk«l«cH««- — A Tautopsie, on ne trouve rien le
plus souvent, parfois un ramollissement de la moelle épinière à
dilToriMits uiveaui et un certain de^re d*bydrorachis ; la rate
uVst i>a< i:a>s^. le foie pas davantage. Les docteurs Virgilio,
JiVm* Marli!is et le d^vteur Au;rusto Mahîa ont bien trouvé dans
le s«inj; un r::. r o c-riis. n«ais ce parasite n'a peut-être pas encore
nu ri:*' s<*s lettres do grande naturalisation. Pacifico Pereira
a iw'lo la do^roaoresceiice crais$eu<e du cœur, des reins et des
uuisi'les de la \iede relation: il a également trouvé dans le sang,
un niicro-orirar.tsuie. mais il n'ose aflirmer lui-même que cet
organisme $iMt producteur du lioribéri.
Xaiar« de la naladle. ~ Les opinions les plus diverses ont
été etui<es relativement ;\ cette question et, comme il advient
tûuj'uirs en pan'il cas, on a tour à tour fait j«»uer un rôle étiolo-
giqiie à rhuniiditê, à la chaleur, etc.: on a vu là une myélite plus ou
moins sitécifique. un arrêt de la transpiration, surtout dans la
forme liYdropii|ue. L'n travail récent du docteur Féris tendrait à
faire regarder le bérilMÎri non pas comme une entité morbide,
mais comme une bvdropisic de la moelle ;dan$ la forme paraly-
tique; et comme une hydropisie du tissu cellulaire ;dans la forme
œdématcusej; ces deux h ydropisies seraient d'origine névro-vas-
culaire. La chaleur humide et la transition brusque de tempéra-
ture en seraient la cause. Le béribéri serait donc, avant tout, un
trouble vaso-moteur, — je ne dis pas non; — Mais la cause?
Je serais porté à la chercher dans le parasitisme, si l'on devait
abandonnerla théorie alimentaire. On a vu là, entin, quelque chose
d'analogue à la lièvre intermittente, un miasme, comme on disait
jadis, encore un microbe, dirions-nous aujourd'hui. CTétait là et
c'est encore une opinion bien tentante et qui a rallié un grand
nombre de bons esprits. Parlant du kakké, le docteur Simmons^
To)i(Aama, qui a résidé plus Ac vingt ans au Japon, pi^nse quo
)k tiuse ta ost un miasme spéciriquit, une exhalaison lellurique.
Ucocombremeut, les drainages insuffisants ou mauvais, une aéra-
Uon durer lue use semblent développer le mal chez des gens débili-
léf, à occupation sédentaire, surmenés, mal nourris. En luut ca^
l'iccli natation défectueuse le genre de vie, la saison d'clé, le seie et
l^débulde nourriture sont lescauses prédisposantes et principales.
1! aX vrai que le docteur Whitnej ne se range pas tout à fait
r»|iinion qui pense que le kakkà et le béribéri, endémiques à
' \lan. dans l'Inde et le Brésil, sont la même maladie. Mais en
! ml cas il est difricile de concilier l'idée d'un microbe tcllurique,
jvih: l'apparition de la maladie en pleine mer, à la (In d'une
li>iigue traversée. Les Allemands voient là une anémie pemi-
'l'unt ! anémieT à coup silr ! [lernieieuse ? évidemment ! mais l'ané-
■iit pernicieuse n'espUnue rien-
Lopinion qui me semble, pour le moment, la plus probable
' iiil que l'existence des mirrobcï, vers laquelle je pencherais vo-
I iitien, ne sera pas prouvée) est celle qui admet avec Leroy de
ViTicourl. Hocfaard et van Leent, que c^est là une maladie alimeu-
lairr, voisine des grandes maladies céréales, comme l'ergolfeme,
la pellagre, l'acrodynic. Au Japon, on attribue souvent le kakké à
l'uiage du rii altéré. Yan Leent classe la maladie à cdté du scor-
hui : le scorbut succéderait à l'absence de végétaux frais; lebéri-
l'^ri à l'absence de viande, de sel, de graisse. Le fiiit est que le
Wurre, riiuilc île cacao, le lard sont les meilleurs remèdes.
>jaui qu'il en soit, il y a dans léliologie du béribéri dcuï fac-
iiri, qu'il est bon de distinguer il'un, emprunte au milieu cxté-
■ iir, niios éctiappe laliraentiilion InsufHsanle, microbe?); l'outre,
vntprunléau milieu intérieur, nous est prouvé': les races noires.
les ni:es jaunes mélangées de noir sont plus eiposées. Mais nous
aurions mauvaise grAce à ne pasconfèsser noire ignorance ubs<ilue
■a sujet lie cette maladie; plus on l'étudié, moins on la comprend.
U docteur Dammam fait remarquer, avec raison, qu'autant li'au-
tean s'en sutit occupés, autant d'opinions diverses se sont ex]iri-
lDt«s; aussi tout ce qu'on peut écrire aujourd'hui sur te liéribéri
sera vraisemblable tuent bon à brûler, dans quelques années; je
n'iiuisle donc pas, pour mon compte.
ratk«l«aie «onp«re«. — Le béribéri semble susceplllile d'at-
taquer les animaux. Le regretté Crevaux a signalé, dans l'Amérî-
■luc àa Sud, une maladie du cheval, qui ressemble ju béribéri, on
142 LÀ FAUNE ET LA FLORE.
la Domme guebrabundc ; en outre, il existe depuis longtemps, sur
les chevaux, dans IMnde et en Cocbincbine, une uialadie qui, dési-
gnée sous le nom de paraplégie, rappelle également le béribéri.
§ 7. SCORBUT.
S'il est permis de penser que le béribéri csi causé par Tabus du
régime végétal et Tabsence de viande, en revanche il est plus cer-
tain et mieux démontré, que Tabus d*un régime animal et Tab-
scnce de légumes donnent naissance au scorbut.
Histoire. — Mais tandis qu il y a des peuples exclusivement
herbivores, il n'y en a point qui soient exclusivement carnivores
d'une manière normale et habituelle ; il peut donc exister une géo-
graphie de béribéri, correspondant plus ou moins à la géographie
de Talimcntation végétale et de Talimeutation insurfisantc, mais il
n'y a point de géographie du scorbut. Ce n'est pas une maladie du
sauvage primitif, du Fuégien actuel, par exemple; le sauvage le
plus dégradé se nourrit de racines plus ou moins alibiles, qu'il
trouve en terre, faute de mieux; il meurt de faim; mais il ne
meurt pas, faute de végétaux frais, du scorbut.
Cette maladie n'apparaît donc que chez les peuples déjà plus
avancés en civilisation, qui, non seulement sont déjà faits à l'ali-
mentation animale, mais s*y sont tellement habitués, qu'elle peut
remplacer^ pour un temps, toute autre nourriture. Voilà pourquoi
le scorbut est une maladie moins ancienne que la faim et que
toutes les maladies qu'elle entraîne.
Le scorbut n'est pas> à proprement parler, une mala^lie de fa-
mine; ce n'est une maladie de famine qu'au point de vue des
matières végétales; ainsi Parkes a nourri des honmics uniquement
avec des aliments gras; ces hommes ont engraissé, mais sont de-
venus scorbutiques.
Deux conditions peuvent pousser une population à se priver
complètement de végétaux frais : Textrôme froid, qui empêche
toute vé;;étation; l'extrême chaleur, qui peut agir de même, par
(a sécheresse qu'elle entraine. Dans le premier cas se sont trouvés
à diiïérenlcs époques Tlrlande, le Canada, la Sibérie, les îles
Feroc, l'Islande, le Spilzberg, le Groenland, le Nord de la Russie;
dans le second cas, les Carolines, Aden, les Sandwich, le Penjab,
l'Asie mineure, l'Egypte, l'Algérie, la Chine.
Le nord de TEurope a été si souvent le siège de Téritables épi-
SCORBUT. U3
demies de scorbut, que c^était, pour les habitants de ces pays, la
maladie par excellence, le Mtjrbus, le Scorb (maladie). De ce mol
KK^rb est venu scorbut.
En i fc86, le scorbut, succédant à de grands froids, sévit dans
tout le nord de 1 Europe ; en 1556 et 1562, il règne en Flandre, en
Hollande.
Pendant longtemps la culture maraîchère fut très négligée des
ÀogiaiSy peuple essentiellement Carnivore; on prend une idée de
cet abandon, quand on apprend que la reine d'Angleterre, Cathe-
rine d'Aragon, femme de Henri VIII, était obligée de faire venir
de Hollande les légumes nécessaires à sa table. Aussi, à cette
époque, le scorbut était-il en permanence à Londres : de 1 676 à
I6S6, il mourut, chaque année^ 1 000 individus de cette maladie;
puis, à mesure que la culture maraîchère se développa, le scorbut
diminua : de 1686 à 1701, il ne causa plus que iOU décès par
an; il n'en causa plus que 15 de 1701 à 1716. Aujourd'hui il
a disparu .
En 1848, la Russie, à la suite d'une mauvaise récolte, eut le
scorbut ; on l'observa également, à la même époque, en Angleterre,
en Belgique et en France.
En Californie, on a vu le scorbut succéder à une extrême séche-
resse, qui avait détruit tous les végétaux.
En dehors de ces grandes endémies frappant des populations
entières, on le voit apparaître sur les navires privés, dans une
longue traversée, de végétaux frais, sur les armées mal ravitaillées
en végétaux, sur les populations assiégées, qui peuvent encore
manger des chevaux, des chiens et des rats, mais qui manquent
de légumes et de fruits.
Pline raconte que Tarmée romaine commandée par César Ger-
manicus, campée en Allemagne, au-delà du Rhin, fut prise d'un
mal qui faisait tomber les dents et qui rendait les jambes paraly-
sées. L'armée guérit, dit-il, lorsqu'elle put manger une plante, qu'il
croit être un remède spécifique, Vherba britannica.
Il semble probable qu^il est ici question du scorbut ; mais la
première atteinte bien authentique est celle qui, en Egypte, frappa
les soldats de la cinquième croisade en 1228. En 1449, nouvelle
atteinte; Louis IX, lui-même, est au nombre des malades et le
sire de Jolnville nous fait à sa manière le récit de cette épidémie :
« La maladie commença par engrcgier en Tost, de telle manière,
■ qu'il venait tant de chair morte, è5 gencives, à notre genl^(\u^*\\
144 LÀ FAUNE ET LÀ FLORE.
« convenait que barbiers ostassent chair morte, pour ce qu ilspos-
« sent maschcr et avaler aval. Grande pitié estait d*oîr brire la
« gent, parmi l'ost, auxquels on coupait la chair morte, car ils
« bréaient, comme femmes qui travaillent d'enfant. »
Plus tard, les grandes expéditions nautiques ne firent que dé-
velopper le scorbut : en 1498, l'équipage de Yasco de fîama souffre
de cette maladie, entre Mozambique et Sofala ; il perd 55 hommes.
En 1535, Jacques Cartier, au Canada, lutte contre ce terrible
ennemi : sur 110 hommes, il ne lui restait plus que 10 valides et
60 malades ; les reste était mort ! Un matelot fit heureusement ces-
ser répidémie : il découvrit que le suc des feuilles d^un certain
arbre guérissait sûrement la maladie, qui, de fait, s^arrèta. Pea
importe le nom de l'arbre ; c^était un végétal, cela suffisait !
En 1552, Tarmée de Charles V, qui faisait le siège de Metz, est
décimée par le scorbut.
Pendant la guerre de Crimée, notre armée perdait beaucoup de
monde de cette maladie; enfin, en 1871, à la fin du siège de Parie,
quelques cas, déjà assez nombreux, de scorbut commençaient àee
montrer.
11 ne faudrait pas croire que nos flottes modernes soient com-
plètement à Tabri et qu'on ne puisse plus xpir, comme au siëde
dernier, un navire, VOrifinmmc^ appartenant à l'Espagne, désert,
monté par des morts, tués par le scorbut, et errant seul au gré
des flots! En efict, le f septembre 1874 un navire anglais ren-
contra le Socnite, qui paraissait abandonné ; en Taccostant on
reconnut qu'il était monté par 7 hommes à moitié morts da
scorbut, qui gisaient, étendus, dans un coin. Le 17 aoill 1875. le
i?rr»iifT, venant de Livcrpool, était remorqué dans le port de
San Francisco. Il avait perdu en route 16 hommes du scorbut
et ceux qui restaient étaient trop malades pour pouvoir faire la
manœuvre;
Étioioffle. — Toutes conditions égales d'ailleurs, le froid hu-
mide favorise le développement du scorbut : c'est ainsi que les na»
vires qui venaient de Tlnde avant le percement de Tisthme de
Suez, étaient surtout atteints dans les parages du cap de Bonne-
Espérance ; le cap Horn est également célèbre dans les annales da
scorbut ; aussi la marine anglaise a-t-elle soin de prendre les plue
grandes précautions pour rhabillement des matelots dans ces
parages.
Au froid il convient d'ajouter, comme cause prédisposante.
SCORBUT. 145
reocombrement et les affections morales dépressives ; c*est à
Tune et à Pautre de ces deux causes adjuvantes qu'il faut attri -
buer rapparition du scorbut, en 1873, abord de deux transports,
qoi conduisaient les condamnes politiques en Calédonie, le Var et
YOme.'
ApUtade des races. — Toutes les races humaines, placées
dans des conditions favorables au développement de cette maladie,
prennent le scorbut; on a dit, cependant, qu'il épargnait les nè-
gres, mais ce n'est là qu'une apparence, dont la raison est bien
simple : c'est que les nègres, à bord des transports négriers où on
les entassait jadis, avaient une alimentation beaucoup plus végé-
tale que le blanc qui les exploitait. Aussi, alors que les bourreaux
mouraient du scorbut à côté de leurs provisions de viande salée,
les victimes noires, à qui on jetait une poignée de manioc, mou-
raient, il est vrai, de faim, mais ne mouraient pas du scorbut. Le
Doir présente si peu une immunité pour cette maladie, que, pendant
le long siège de Montevideo 1843-1851, le docteur Martin de
Moossy a vu les noirs, qui étaient soumis au même régime que les
blancs, régime obsidional , exclusivement animal , prendre le
scorbut tout comme eux.
Il serait d'ailleurs étrange de voir le nègre à Tabri du scor-
but, quand on voit le gorille, dans les mômes conditions, prendre
cette maladie, qui se caractérise, chez lui, par les mêmes symptômes
que cbez l'homme blanc. Le docteur Bérenger-Féraud ramenant
QD gorille de la côte d'Afrique et l'ayant soumis au régime ani-
mal des matelots, le vit prendre le scorbut en même temps qu'eux
et comme eux. Le porc lui-même, lorsque, croyant l'engraisser
plus facilement, on le soumet à un régime exclusivement animal,
prend le scorbut.
Sysiptdmes. — Les symptômes du scorbut sont bien connus,
le principal est constitué par des hémorrhagies, qui se font sous
la peau, sous forme de petites taches {pétvchies) difficiles à voir
chez le nègre, ce qui peut-être a contribué à faire penser, qu'il ne
prenait pas la maladie ; il se produit aussi des hémorrhagies plus
considérable», de véritables ecchymoses, parfois môme avec dccol-
leiœntdu tissu cellulaire sous-cutané; on observe, en outre, des
douleurs dans les muscles et au niveau des articulations; les gen*
cives deviennent saignantes, fongueuses, ulcérées, félidés ; les
dcots se déchaussent; les forces sont nulles, raballemcul cl V^
découragement profonds,
GÉOOn, M ÉD. VO
146 LA FAUNB ET LA FLORE.
L^examen du sang fait constater une diminution considérable
dans le nombre des globules, qui diminuent dans la proportion
de 130 ou 127 : 60. L'albumine du sang diminue ; la fibrine reste
normale, mais parait relativement accrue : elle diminue, en rét-
lité, dans la proportion de 3,5 ou 4 : 2.
Cette dépréciation de Torganisme est si réellement produite par
Fabsence de vi^étaux frais^ qu*il suffit qu^un navire frappé da
scorbut puisse relâcher et se pourvoir de légumes frais, pour que
la maladie disparaisse. En Crimée, les soldats qui pouvaient se
procurer quelques salades, échappaient au scorbut ; à bord des
navires, les officiers, dont la nourriture est plus variée que celle
des hommes, échappent en général à ce mal. Il est important
d'ailleurs de faire observer que les végétaux, pour mettre à Tabri
du scorbut, ne doivent pas être secs, comme les haricots séchés
ou les légumes ChoUet; avec cette alimentation-là, on voit pariki-
tement venir le scorbut. Ce qui est indispensable pour éviter h
maladie, ce sont des végétaux frais, herbacés, remplis de ce qu^on
a nommé, d'une manière un peu métaphysique qui cependant
exprime une idée vraie, leur eau de végétation.
Comment agissent les végétaux frais? sans doute par leurs
sels ; les pommes de terre et le citron, qui sont par excellence les
végétaux antiscorbutiques, renferment une grande quantité de
sels de potasse; cependant il ne suffit pas de distribuer à des
hommes des paquets de sels de potasse pour les mettre à Tabri da
scorbut. Il leur faut le végétal en nature, des pommes de terre et
des citrons. La marine anglaise a presque vu disparaître le scorbut,
depuis qu'elle prescrit le lime-juice à bord des navires. Voici là
composition de cette précieuse substance ;
Alcool 1/10
Alumine végétale
Débris cellulaires du citron
Huile essentielle de récorce du fruit....
Jus de citron
Réglementairement cette préparation doit être distribuée àtoot
équipage, quia plus de 14 jours de mer.
De ce qu'on vient de lire il résulte que, par suite de remploi
de la vapeur, qoi diminue la durée du séjour en mer, en raison
de la connaissance aujourd'hui approfondie des causes du scorbut
HÊMÉRALOPIE. 147
eldcs lois générales de Thygiène, cette maladie propre aux peu-
ples demi-civilisés, doit disparaître de la pathologie des peuples
très civilisés.
§ 8. nÉMÉRALOPIE.
L'alimentation insuffisante, agissant dans certaines condi-
tions spéciales encore indéterminées, donne parfois naissance
à une étrange maladie ou plutôt à un curieux symptôme^ Vhéméé'
mUfpie. L'étymologie de ce tnot (x|Mpa, jour, SirropLai, je vois) in-
dique assez que le malade qui présente ce symptôme ne peut voir
qu'en plein jour; sitôt que le soleil est au-dessous de Phorizon et
que la lumière cesse d'être vive, la cécité est complète.
Cîé«ffraphle. — L*héméralopic se rencontre dans un grand
nombre de maladies de rœil, qui n'ont pas à Ggurer ici, parce
qu'elles tiennent à des causes complètement étrangères à ralimen-
tition ; il ne sera question ici que de cette héméralopie^ qui se mon-
tre à rétat épidémique chez certaines populations, dans certaines
agglomérations d'hommes, dans certaines conditions spéciales. A
Java, dans toute la Malaisie, surtout à Tépoque de Tannée où le riz
constitue la nourriture unique et peu réparatrice, on voit se mul-
tiplier les cas de cécité nocturne. Les Malais, comme beaucoup de
peuples primitifs, sortent d'ailleurs très peu pendant la nuit.
Lliéméralopie s'observe également d'une manière épidémique
à la côte occidentale d'Afrique, au Brésil, aux Moluques, aux An-
tilles, en Chine.
En Europe, on la rencontre chez les populations mal nourries,
SOT les soldats fatigués, dans les pensions où l'alimentation est
défectueuse, sur les marins rationnés et fatigués par les chaleurs
de la zone tropicale. Elle est commune à Cadix, chez les men-
diants, qui ne se nourrissent que de fruits et d'oignons crus; chez
les paysans russes, pendant le carême sévère dont j'ai déjà parlé;
en France et en Italie, Théméralopie coïncide avec la pellagre, le
mais altéré étant non seulement un aliment toxique, mais de plus
insuffisant. Au siècle dernier, on l'observait, presque chaque an-
née, dans plusieurs villages des environs de la Roche-Guyon ;
1/20 et parfois 1/iO delà population devenait aveugle, sitôt que le
soleil était couché. En 1854, une de ces épidémies fui ob^f^^
^oia,\ti^juma au Limousin; en i854 et 1855, ou ctoaeneVYÉfe-
148 LA FAUNE ET LA FLORE.
méralopie sur les paysans du Gers; mais c'est le plus souvent sur
les hommes soumis au régime de la caserne, qu'elle s^cst montrée
à l'état cpidémique.
La première épidémie de ce genre eut lieu en France en 176î^
70 soldats devinrent, à Montpellier, aveugles le soir; le même
phénomène fut ohservé, la môme année, à Slrashourg; plusieurs
sentinelles frappées de cécité, pondant leur faction, tombèrent
môme du haut des remparts dans les fossés.
En 4782, en 1783, nouvelles épidémies. En 1816, les armées
alliées, en France, furent frappées d'héméralopie. Mômes accidents
en 4833, à Belfort ; en 1838, à Metz et à Strasbourg; en ^8^3, à
Wissembourg ; en 485t, à Strasbourg; en 1855, en Crimée, le
service des tranchées dut souvent être interrompu pour cause de
cécité nocturne. En 1856, à Besançon, les cas étaient tellement
fréquents, qu'on faisait chaque soir passer dans les rues une pa-
trouille, qui devait ramasser et reconduire à la caserne les soldats
qui, sortis pendant le jour clairvoyants, s'étaient, à la nuit tom-
bante, trouves aveugles et incapables de reconnaître leur chemin.
Les marins, pendant les longs calmes des tropiques, sont sou-
vent héméralopes : ainsi, en 1841-1843, l'équipage de la Beine-
Blanche fut frappé à plusieurs reprises; la maladie se montrait
sitôt que les marins enduraient des privations ; elle disparaissait
aussitôt que le régime du .bord s'améliorait. — Dans plusieurs
pensionnats, il a suffi que l'économe se montrât moins parcimo-
nieui, pour que les cas d'héméralopie, qui s'étaient montrés, dis-
parussent et qu'il cessât de s'en produire do nouveaux.
Symptômes. — Le plus souvent, le symptôme dominant, qui
frappe plus que tout autre Taltention, ne se montre pas seul :
tantôt les malades sont, en même temps, scorbutiques, pellagreux
ou, au moins, très anémiques, épuisés, surmenés; tantôt ils ont de
l'œdème des jambes; la nutrition, en un mot, est altérée profondé-
ment. Au bout de deux à trois semaines, la maladie disparaît
généralement, et elle ne comporte guère d'autre gravité que celle
des accidents auxquels les héméralopes sont, chaque soir, exposés.
L'oplitalmoscope devait seul pouvoir renseigner sur la nature
de cette maladie épidémique ; cette élude a été précisément faite
par le docteur Martialis: chez tous les malades, Martialis a constaté
une inOltration séreuse, un œdème de la rétine. Le docteur Fontan
signale une congestion passive des vaisseaux rétiniens, de la di-
Jatation pupiUairc et de la paralysie de l'accommodation.
HÉMÉRALOPIE. 149
Cet œdème, ainsi qu*il Ta très bien montré^ n'emprunte sa gravité
qu'à son siège et aux fonctions spéciales de la rétine, mais il
possède, en réalité, au point de vue de la nutrition générale, la
même valeur, ni moindre ni plus grande, que Tœdème des mal-
léoles qui raccompagne. L'intermittence apparente du symptôme
tient en réalité, non à ce que son intensité varie suivant les heures
4e la journée, mais à ce que, moins facile à exciter, la rétine exige,
pour fonctionner, et comme condition sine quànon, une quantité
considérable de lumière, qu'elle trouve pendant le jour, mais au-
dessous de laquelle elle ne fonctionne plus du tout. C'est à titre
d'cedème cachectique que cette infiltration séreuse de la rétine s'ob-
serîe chez les gens anémiés par une alimentation insuffisante, par
la pellagre, le scorbut, la chaleur, la ûèvre palustre, etc.
Traltcmcat. — Cela est si vrai, que fhéméralopie ne connaît
qu*un remède, qui> d'ailleurs, est aussi souverain que le citi on
contre le scorbut; ce remède, c'est l'alimentation grasse : le lard,
fbuile de foie de morue. Chose curieuse 1 les anciens, qui semblent
afoir connu cette maladie, recommandaient contre elle, ainsi que
Celse nous l'apprend, le jus qui s'écoule du foie d'un bouc ou d'un
cbevreau. Comme traitement local, surtout dirigé contre les trou-
bles d'accommodation, le docteur Fontan recommande Tésérine.
Ca«M, aatare. — Si l'on se souvient que le béribéri est pro-
voqué peut-être par l'absence de graisse dans Talimentation, il est
permis de voir un certain rapport entre cette maladie étrange et
rbéméralopie. Pour employer une image, cette dernière maladie
>erait une ébauche locale du béribéri. La fréquence du symptôme
béméralopie dans quelques affections du foie, avec ictère (docteur
Cornilloii;, et la fréquence non moins grande des maladies du
foie dans quelques pays oîi règne l'héméralopie, non dans tous
cependant, pourraient faire penser que, dans certains cas, l'hémé-
ralopie peut être liée à certains troubles climatériques du foie.
D'après les observations du docteur Fontan, l'héméralopie serait
souvent de cause paludéenne; — c'est, en un mot, un symptôme,
que plusieurs causes générales peuvent produire. — Le caractère
commun de toutes ces conditions semble être la dépréciation
de l'organisme, dans certaines circonstances encore mal déter-
minées d'agglomération, de chaleur humide et de mauvaise ali-
mentation.
«.St Là fktSE ET Là PLOEI.
^ 9. ALOOOUSHE.
Il serait difficile de pailer de rioflaence du miiîeu alimentaire
et de Taction des ingesim sur les populations, sans consacrer à
l'alcoolisme un chapitre important : Talcool constitue un des élé-
ments les plus importants du milieu alimentaire, car, bien que
substance toujours artificiellement produite, et bien qu^on ne le
trouve jamais dans la nature, son emploi semble presque général
à toutes les époques et chez tous les peuples. 11 prend d'ailleurs
facilement naissance sitôt qu'on laisse Termenter une liqueur
sucrée, le glucose se changeant en alcool et en acide carbonique :
Cil H« 0" = 2 C* H« 0* + 4 C0«
GlucoM. Aleuol. Ac.c«rb.
D'un autre côté, sous l'influence de la diastase, la Técule des
végétaux se change normalement en glucose. La fécule étant ré-
pandue dans les usages alimentaires de tous les peuples, tous ont
aimé cette double excitation de l'alcool d'une part, de l'acide car-
bonique de Tautre, et tous se sont ingéniés à trouver les œnditions
de ce dédoublement. On sait en effet que les résidus trouvés dans
les habitations lacustres de la Suisse, nous ont donné.la preuve que
les habitants de cette époque faisaient fermenter des fruits, et
s'enivraient probablement avec l'alcool ainsi produit Aujourd'hui,
tous les hommes aiment Talcool, qu'ils se procurent d'une manière
ou d'une autre.
Les singes eux-mêmes ne sont-ils pas friands d'alcool, conuue
ils le sont du thé, du café et même du tabac? En Afrique, on
prend les niandrilles avec de la bière, dont ils s'enivrent ; on a
même vu des chats s'habituer à Talcool et présenter, à leur mort,
toutes les lésions de l'estomac, du cerveau et du foie, qui carac-
.térisent l'alcoolisme chronique. On a également observé l'alcoo-
lisme chez des pigeons!
HUiiolr« et Kéc^raphle. — Les anciens Égyptiens abusaient
d'une sorte de 6itVe ou vin d'orge, que les historiens ont désignée
sous le nom de zythnsy et Diodore affirme que ce liquide était à
peine inférieur au vin de raisin ; les Égyptiens modernes prépa-
rent d'ailleurs encore, avec l'orge, une liqueur fermentée qu'on
nomme boom ou bousah ; ils font aussi une cau-de-vie de dattes.
Les Abyssins font avec le miel un hydromel qui, fermenté, leur
ALCOOLISME. 151
procure de l'alcool et, fréquemment^ les symptômes non douteux
de Talcoolisme le plus aigu; on fabrique d'ailleurs, outre l'eau-de-
▼ie de dattes, avec la sève du palmier, une liqueur sucrée, qui
subit la fermentation alcoolique et qu'on désigne sous le nom
d'alkmi ou (U-kmi ou lakmi : pour la préparer, on creuse, sur le
haut de la tige d'un vieux palmier, une incision circulaire; la sève
s*écoule, au moyen d*un roseau creux, dans un vase (kasseri) atta«
ché dans le haut de l'arbre ; on recueille ainsi, en un mois, près
de 200 litres de sève ; on bouche ensuite Tincision et, deux ans
après, le palmier, remis de sa saignée, donne des dattes. Quant
à la sève, elle ne tarde pas à fermenter et renferme, alors, d'après
Balland :
Eau 83>,80
Alcool 4 ,38
Acide carbonique 0 ,22
Acide malique 0 ,54
Glycérine 1 ,64
Mannile 5 ,60
Sucre exempt de sucre de canne. 0 ,iO
Gomme 3 ,30
Substances minérales 0 ,32
Dans le Maroc et dans la Tunisie, comme dans un certain
nombre de pays musulmans, non dans tous, l'alcoolisme est inconnu :
le café suffit à satisfaire les passions de ce genre.
Dans le Darfour, on fabrique de Talcool avec de Torgc, du blé,
du pain grillé ; on fait également, avec le millet^ une liqueur
connue sous le nom dé mzir. 11 est juste d'ajouter que Tivrognerie
est invétérée dans le Darfour, bien qu'elle n'y soit pas en honneur,
ar on ne parait jamais devant le sultan sans avoir, au préalable,
enlevé l'odeur révélatrice de l'alcool, en mâchant les feuilles lïixnv.
convolvulacée qu'on nomme ehalaub.
Les nègres ont, en général, pour l'alcool une passion prononcée,
et les Européens ne se font pas faute de la favoriser, pour arriver
plus sûrement à les abrutir et à les dominer. Les Cafres font un
hjdromel fermenté et fabriquent avec le lait fermenté de leurs
animaux une espèce de koumys.
L'alcoolisme n'est pas moins répandu en Asie. Les Turcs ont le
raki, liqueur très alcoolique, faite avec raisin, pruneaux, blé,
poires, anis, cannelle, girofle, roses, oranges amères ; ils ont aussi
kmasiic.
151 LA FAUNE ET LA FLORE.
Le Turkestan, rAfgbanistan, le Beloutchistan soDt peu adonnés
ù Talcoolisoie ; on y fabrique cependant des liqueurs alcooliques
avec la mûre, la pèche, le raisin ; avec le millet et l'orge, on j
fait une bière très enivrante, Varak. En Assyrie, les Kourdes et les
Yésidcs s'enivrent avec le vin, par mépris pour Mahomet.
Dans rinde on fait, avec le produit de la fermentation de
VAsclepias acida, un breuvage sucré, qui est fort en honneur sous
le nom de vin de Soma, Dans un des hymnes du Rig-Véda, Indra
est appelé c buveur de vin de Soma, lanceur des flèches de U
foudre, dispensateur de la fécondité des vaches aux mâchoirei
proéminentes. »
En Sibérie, on fait avec la fausse oronge une liqueur, qui, non
seulement est alcoolique, mais emprunte, aux qualités toxi(]ues et
inébriantes de la fausse oronge même, des propriétés spéciales. Il
est vrai que celte liqueur coule cher ; mais heureusement pour les
petites bourses elle est diurétique et, comme Turine des amateurs
saturés possède absolument les mêmes propriétés que la liqueur
môme et qu'elle a, parait-il, le même goût, il se crée, à côté des
buveurs directs, une classe inférieure de buveurs au second degré,
qui trouvent encore, dans ce superflu de la boisson du riche, de quoi
s*enivrer gratis!
Chez les Tobolsk, chez toutes les populations de Jénisseï Talcoo-
lisme est de règle. Les Tartares Mandchoux font fermenter dans
des jarres un mélange de viande d'agneau réduite en pâte, de lait
et de riz, qui, sous le nom de lambwine, constitue une liqueur
alcoolique fort appréciée. Les Kirghiss de la Caspienne ont leur
lait de jument ou koumys. Les Tongouses boivent aussi le lait
fermenté.
Quant aux Chinois, ils fabriquent, depuis fort longtemps, comme
tout ce qu'ils font, avec le sorgho, un alcool, le samshoo. Ce liquide
est additionné d'une forte dose d'ulcool amylique, qui le rend dif-
ficile à absorl>er en grande quantité. On raconte même que le
premier essai de distillation aurait été fait sous le premier empe-
reur de la première dynastie (2217 avant Jésus-Christ); on ajoute
que cet empereur, après avoir goûté au produit de l'alambic et
banni l'inventeur, s'écria : « Voilà une liqueur qui sera la ruine
de mon empire. » U ne connaissait pas encore Topium ! Malgré U
prédiction de l'empereur^ rien n^est rare comme de rencontrer un
Chinois en état d'ivresse. On fait aussi fermenter le riz et le millet.
Les Chinois ont encore le tchaomien, sorte de bière.
ALCOOLISME. f5S
Au Japon, l'eau-de-vie de riz, sous le nom de iaki, n'est pas
moins estimée qu*eo Chine.
AFormose, la liqueur de riz se fabrique au moyen de la mastica-
tion du riz par les jeunes femmes,qui rejettent dans des outres le
riz écrasé sous leurs dents et délayé dans leur salive. Cette li-
queur, qui ne tarde pas à fermenter, devient, parait-il, excellente !
En Malaisie, l'alcool est très répandu et Tivrognerie ne Test pas
moins : on s'enivre avec le bodik, mélange de riz fermenté et de
wi, c'est-à-dire d'oignons, de poivre noir et de piment. Los Ma-
lais ont aussi le brom, mélange de riz glulineux {kétan) et de rnzi
qu OQ laisse fermenter en terre.
Les États-Unis d'Amérique sont peut-être le pays où l'alcoolisme
est le plus répandu : le tviskey, eau-de-vie de blé, de seigle et de
mais y coule ù flots, dans les gosiers de toute race et de toute
condition sociale; ainsi, il existe, ù New- York, un asile pour les
ivrognes, qu'on ramasse dans la rue {inebHate asylum) ; or, parmi
les divers passagers de cette étrange hôtellerie, qui se sont suc-
«déen cinq ans, on trouve :
Minisires prolesUnls 39
Magistrats 8
Négociants 40
Médecins (!) 226
Genllemen f?) 240
Demoiselles de bonne maison (?!). 1 387
In autre important établissement, désigné sous le nom de Ine-
f'riaU'^s Homcy est situé à Fort Hamilton (Long Lsland) et dirigé
par le docteur Lewis Mason. On y reçoit, non seulement les alcoo-
liques dangereux, placés par l'État ou par leurs familles, mais aussi
un certain nombre de malades qui sollicitent spontanément leur
entrée dans l'établissement.
Le docteur Lewis Mason vient de publier un rapport statistique
^r 252 alcooliques traités dans l'asile de Port Hamilton, du
!•' novembre 1879 au 10 septembre 1880. Sur les 252 malades
admis, il y avait 44 femmes. La religion des malades mérite éga-
lement une mention. Le nombre des protestants s'est élevé à 157
et celui des catholiques à 94. Si l'on tient compte de la relation
oomérique qui existe entre les protestants et les catholiques, on
voit que l'alcoolisme est beaucoup plus fréquent chez ces derniers.
L'asile de Fort Hamilton reçoit chaque jour des malades açv^tXfc*
U4 LA FAUNE ET LA FLORE.
nant aux professions libérales, des avocats, des médecins, des
cleryymen même, qui viennent volontairement se soumettre à un
traitement dont ils comprennent la nécessité.
Le wiskcy n'est pas d'ailleurs seul coupable, le brandy (eau-de-
vie de patates), le rhum, le tafia, le gin, le kirschen, Vabsinthe,
le bitter, la bià'e prennent leur part dans le mélange. En 1828, la
consommation d'alcool s'élevait, dans les Etats-Unis, à 273 mil-
lions de litres et, depuis cette époque, elle a considérablement
augmenté.
Au Mexique, on boit le rhum, le pulqué fait avec Taloès, la
chica, bière d'ananas et de maïs ; la cbica est également très ré-
pandue dans TAmérique centrale ; aux Antilles, on boit : rhum,
tafia, cocoum, etc.
En Bolivie, le maïs, comme le riz à Formose, est soumis à la
mastication des femmes, qui crachent ensuite dans des outres.
Au Brésil, l'alcoolisme est rare, bien qu'on n'y consomme pas
mal de tafia ; mais les ivrognes y sont rares, et le docteur Gardner
raconte que, revenant du Brésil et débarquant à Liverpool, il ren-
contra plus d'ivrognes en un seul jour, qu'il n'en avait vu en cinq
ans au Brésil !
L'ivrognerie décime les populations de la Guyane hollan-
daise (Van Leent). Elles boivent le dram, rhum de qualité infé-
rieure, et fabriquent, en outre, elles-mêmes, une liqueur forte, le
tapana. Elles font mieux : elles mâchent le pain de cassate et
le crachent ensuite dans une auge; on ajoute des pommes de terre
écrasées et on laisse fermenter. Cette habitude répugnante d'em-
ployer les dents comme meule ou comme le pilon d'un mortier, et
la salive comme ferment, est plus répandue qu'on pourrait croire.
Dans le cas particulier on devine que la fécule de pommes déterre
transformée en glucose par la diastase salivaire, donne plus tard
de l'alcool et de Tacide carbonique.
Au Chili, l'alcoolisme fait de nombreuses victimes.
Toute la Polynésie est actuellement ravagée par l'alcoolisme.
A l'alcool de patates, que la plupart des Polynésiens fabriquaient
déjà, s'ajoutent les mauvaises eaux-dc-vie apportées par les Euro-
péens ; de notre civilisation ces pauvres insulaires n'ont guère
pris que l'alcoolisme.
Le fait est que cette maladie n'est nulle part aussi développée
que dans l'Europe civilisée. Depuis l'époque lacustre, l'Europe
avait- elle perdu la recette des liqueurs fermentées? cela n'est pas
ALCOOLISME. 4 55
rraisemblable ; mais Tengouement fut surtout grand, lorsque
d'iœ|K)rtation arabe, arriva en Europe au xi* siècle Vaqua vUœ,
Plus tard, de très bonne heure, on en distribua aux ouvriers
employés dans les mines de Hongrie ; en 1581, les Anglais s*en
servirent comme d'un cordial pour leurs troupes engagées dans la
guerre des Pays-Bas ; mais ce n'est qu*en i678 que, pour la pre-
mière fois, on trouva Ycau-de-vie aiileursque chez les apothicaires.
Les temps ont changé !
L'alcoolisme, en Europe, marche en quelque sorte progressive-
ment du sud au nord; mais, au sud comme au nord, il va chaque
jour en augmentant.
En France, la consommation de Tcau-de-vie était par an :
En 1728, de 368 857 hectol.
1828 906 357
1840 1 088 302
1842-46 1 475 000
La consommation moyenne était en France, en i876. de 4 litres
par tête et par an. A la même époque, la consommation était,
eo Angleterre, de 6 litres; en Allemagne, de 5 litres; en Rusise, de
IO.de 12 et même de 20 litres entre 1867 et i869. Partout la
progression a lieu: à Mulhouse, les cas de (k'iirium iremens iradés
à rhôpital,qui étaient au nombre de 2 en 1868, ont été au nombre
de 37 en 1877.
La répartition de Talcoolisme en France, d*après les caries
dressées par Lunier,est fort digne d'intérêt : dans 5 départements,
la consommation (réduite en alcool à 100**) varie entre 6,80 et
10 litres par habitant; ce sont la Mayenne, le Calvados, la Sci no-
Inférieure, la Somme, l'Aisne. 6 départements ont une consomma-
tion qui varie entre 6,34 et 5,05 litres d'alcool à lOO^*, par tète et
par an : ce sont la Manche, la Seine-et-Oise, la Seine, l'Oise, le
Maine, le Pas-de-Calais. 8 consomment^ par tète et par an, do
4,75 à 3,30 d'alcool à lOO» : ce sont le Finistère, rille-ct-Vilainc,
rOrne, la Sarthe, l'Eure-et-Loir, le Nord, les Ardennes, les Vos-
ges. 13 consomment de 2,61 à 2,05 : ce sont les Côtes-du-Nord, le
Morbihan, Seine-et-Marne, Loiret, Indre, Aube, Côte-d'Or, Meuse,
Meurthe-et-Moselle, Doubs, Var, Corse. 27 départements ne con-
somment que de 1,84 à 1,01 : ce sont la Loirc-lnrôrieure,
le Maine-et-Loire, la Charente-Inférieure, la Gironde, le Lot-et-
Garonne, les Landes, le Gers, le Loir-et-Cher, la HauVe-\\^uti^>
lie U FAUNE ET U FLOHE.
l'Yonne, le Cher, la Nièvre, l'Allier, la Haiile-Marnc, U RuiU-
Sadac, le Jura, la Saûne-el- Luire, l'Ain, la Loire, la Haule-Uiin,
l'Isère, TArJèche, le Gard, l'Héraut, les Bouches-du-Rhâne,
Vaucliisc, les Basses-Alpes. Les autres liéparlemenls ne conMffi-
oient, parléte et par an, queO,99 à 0,37 d'alcool à lOO*.
Dana tous ces dé parte me nls, le nombre des aliénés «t en pn»-
portioD du nonibre de litres d'alcool constaté comme étant It
moyenne par habitant; or ce sont des départements peu proilae-
teurs de vins, c'as^à■di^e où l'on boit beaucoup de ces alcoclt,
sur le pouvoir toxique desquels les travaui de Ou jardin -UeauPiett
et Audigé ont attiré l'attention. Les dcparlemenls du Centre «t
du Midi, producteurs de vins, donnent, au contraire, moinsd'alié-
nés alcooliques. Il est bon néanmoins de remarquer que le dépar-
tement de la Marne vient, pour la fréquence des suicides, aprt*
celui de la Seine et que, dans la Marne, le canton d'Aï û;;di«u
premier rang.
Il est permis de tirer de ces cliilTres cet enseignement utile k
faire connaître k nos lèjjislateurs, qu'il faudrait que lea boiaiOiM
saines, telles que le vin blanc, le vin rouge naturel, la bière, fin-
sent, autant que possible, adtanchis de droits i:t d'impôts-, il ùa- .
drait, au contraire, cherchera limiter la fabrication desalco^ en
les chargeant des impôts qu'on enlèverait aux autres boissons. Les
alcools toxiques tendent, en eflêl, de jour en jour davjntage à sa
substituer à l'alcool de vin et à s'introduire dans la consom-
Diation journalière.
Le docteur Lancereaux estime que, dans les hOpilaui de hris,
Talcoolisme figure pour I/2U de la mortalité. Voici d'ai
quelle est dans une année la consommation d'alcool, pour Putt
seulement :
I8i5-I»30
lg*»-t«SO ,
18BI-I SU ISO 0(7
Soit, par lial)jt»nt, une progreMiou dt.
G9U7I
lie
71 SIS
StSÎS
iDTei
16100
S0 0i7
t. 8
00
a
7*
10
IS
ALCnûLlSMK. 157
Une faudrait pas croire (^ne l'alcoolisme ii'ap[)artienne (ju aux
classes ignorantes et regardées par quelques personnes comme
ioiérieares ! Non ; les classes prétendues dirigeantes payent à
l'ikoolisme un tribut proportionnel à leurs moyens : parmi les
nctimes de Palcoolisme, Morel mettait en première ligne les petits
fCDtiers;puis les ofGciers, les négociants en spiritueux, les auber-
gistes, les médecins et les instituteurs, enfin, sur un même rang,
les douaniers, les prêtres, les avocats, les pharmaciens et les
libraires. La statistique anglaise montre que les professions où la
niort par alcoolisme est la plus frcquente sont celles de cocher
et de marchand de spiritueux, Tacheteur et le vendeur, consom-
mateurs Tun et l'autre !
En Suisse, les médecins estiment que Talcool tue plus de gens
ijoe ne font les fièvres, les pleurésies et toutes les maladies les
plus perfides et les plus meurtrières. La quantité d'eau-de-vie con-
sommée dans les 22 cantons peut être évaluée à 7 litres par an
poor chaque habitant. La consommation de la bière et du
Tin atteint le chiflrc annuel de 120 à 200 litres par personne. En
^éoéral, l'eau-de-vie et les vins sont r()bjet de sophistications
^lorabies; Teau-dc-vie est extraite, le plus souvent, des pommes
dp terre. Los données statistiques font défaut pour établir le
chiffre proportionnel des aliénations mentales, du délirium
treincn<ï, des décès par le fait de Tabus des boissons alcooli-
qoes.
En Angleterre, le mal est pire encore. — Il ne date pas d'au-
joord'hui, car, en 177i, la vente de l'alcool était déjà devenue tel-
lement considérable à Londres, que le Parlement dut Tinlerdire ;
cequin*empècha pas qu*cn 1751 les débitants mettaient encore
sur leur enseigne : a Pour 1 penny on peut s'enivrer, pour 4 pence
on peut devenir ivre-mort et Ton a droit à la paille l » On s'est
^uréqu'à Londres, dit Cruveilhicr, Tabusdes liqueurs fortes f'ai-
»il, chaque année, 50000 victimes. Ce chiffre est actuellement in-
férieur à la réalité. Aujourd'hui TÉcosse, à elle seule, fabrique
par an et consomme TiOG 063 hectolitres d'alcool.
Quelques chiffres vont nous montrer Tétat comparatif de l'An-
gleterre et de la France, sous le rapport de l'alcoolisme. Il s'agit
des morts, par alcoolisme aigu, dansTarmcc.
En France, ce nombre et de 0,027 pour 1 000 hommes d'ef-
fectif; en Angleterre, il est de 0,13 pour 1 000 hommes d'effectif.
Il est curieux de voir ce que devient ce chiffre O^i'^i V*^uv V Q^
158 LA FAUNE ET LA FLORE.
qui représente la mortalité par alcoolisme aigu dans Tarmée, en
Angleterre, lorsqu*on met cette armée dans les colonies.
Dans la Méditerranée, ce thifire devient 0^18, toujours pour
1 000 hommes d^eftectif.
Dans rinde. - 0 . 53
Sainte-Hélène 0.64
En Chine o.84
Aux Anliiles 1.38
A Ceylan 1.54
Aux Bermudes i.46
On voit que les dangers de l'alcool augmentent dans les pays
chauds.
En Russie, Talcoolisme est extrêmement développé. Déjà,
en 1764, Saint-Pétersbourg perdait annuellement 635 individus
par reau-dc-vie; depuis lors cela n'a fait qu'augmenter, et le
iklirium trnnens est extrêmement fréquent chez les Cosaques. De
Tourquédef porte à plus de i 00 000, par an, le nombre des vic-
times de Talcool en Russie.
En Allemagne, plus de 45 000 individus meurent, chaque
année, d'alcoolisme, et dans le Zollverein allemand, on consomme
annuellement 360 millions de quarts d'eau-de-vie, c'est-à-dire
JO litres par individu, en moyenne.
Divers journaux ont parlé récemment du projet de loi déposé
au Reichstag par le chancelier, tendant à une répression plus
rigoureuse de l'ivrognerie ; il n'est pas sans intérêt de mentionner
les résultats publiés par la préfecture de police de Berlin, au sujet
du nombre des individus arrêtés dans cette ville pendant Tan-
née 1880. Le nombre des individus arrêtés pour cause d'ivresse
s'est élevé à 7 895 (7 313 hommes et 582 femmes) : 6 267 ont été
mis en liberté aussitôt que leur ivresse était dissipée ; 980 ont été
mis sous la surveillance de la police pour cause de mendicité et
de vagabondage ; 648 ont été envoyés devant la juridiction cor-
rectionnelle et condamnés à raison de délits ou contraventions.
Parmi les hommes arrêtés 407 étaient âgés de moins de 18 ans,
2 575 avaient de 1 8 à 20 ans, 2 201 de 30 à 40 ans, 1 364 de 40 à
50 ans, 766 avaient plus de 50 ans. Quant aux femmes, 12 étaient
âgées de moins de 18 ans, 110 avaient de 18 à 30 ans, 174 de
30 à 40 ans, 161 de 40 à 50 ans, 125 avaient plus de 50 ans.
La Suède, en sa qualité de pays septentrional, présente le
ALCOOLISME. 159
m.nimuni de l'alcoolisme : depuis Gustave III, la progression a
toujours été croissant. Voici quelques chiffres qui représentent
la consommation annuelle *
1786 10 800 000 litres.
1831 44 000 000
1837 57 000 000
1876 200 000 000
Ce qui donne, pour chaque habitant et par an, une moyenne de
^ à iOO litres.
L'alcool se boit en Europe sous toutes les formes possibles; la
Kule production de la bière, qui n'est pas la façon la plus anodine
de s'alcooliser, car on en boit facilement beaucoup, donnera une
idée des facilités croissantes de l'alcoolisme.
Voici, par exemple, d'après le Journal of applied science, quels
sont les chiffres approximatifs de la production de 1876 :
Nombre Coasomma-
Hectolitres. de tion en litres
brasseries, par tète.
Grande-Bretagne 47 000 000 26 214 143
Allemagne 40187 700 23 940 94
ÉUU-Unis 14978800 3 293 88
Autriche 12176900 2448 34
Belgique 7 942 000 2 500 149
France 7 370 000 3100 21
Russie 2210 000 460 3
Hollande 1525 000 560 41
Danemark 1100 000 240 59
Suède 900000 » 23
Suisse 750 000 400 28
Norwège 650 000 » 37
Luxembourg 50 800 26 23
Sur les 23 940 brasseries de TÂllemagne, la Bavière en compte,
à elle seule, 6 524, qui, en 1878, ont fabriqué 12 442272 hecto-
litres, ce qui par tète d'habitant représente l'énorme consomma-
tion de 2C^ litres ; ce pays, d'ailleurs, fait une exportation très
importante, qui, en 1876, ne s'est pas élevée à moins de 267 651 hec-
tolitres.
La France, qui fabrique deux qualités de bière, la forte et la
petite f a vu également sa production augmenter, puisque de
3 W9W& heeioMtres qu'elle était en 1842, elle s'est è\eièt, ^n
100 L\ FAUNE ET LA FLOHK.
1870, à 7 370 000. Ost rAlIcmagnc et rAngleterro qui y im-
portent le plus; le chiffre de cette importation était, en 1864,
de 41 141 hectolitres, dont plus de moitié de bière allemande.
L.'ale*«llsaie9 eaase 4r déj^aéreseesce sociale. ^- Les
détails dans lesquels je viens d'entrer n'auraient qu'un intérêt
secondaire, si l'alcoolisme n'était, ainsi que je le montrerai
dans i]n«* autre partie de ce livre, un puissant facteur de dégc-
nérescrnce. Il engendre la phthisie (Magnus Huss}, cause elle-
même, et fort importante, de dégénérescence; il est, déplus, une
des grandes causes de la criminalité et de Paliénation. Les statis-
tiques de Morel lui ont, en eilet, permis de traduire comme suit
la descendance probable des alcoolitiues :
1» (îénéralion : alcoolisme;
*J*» Génération : manie — paralysie générale;
3" Génération : suicide, — épilepsie, — homicide, — crimi-
nalitr :
4" (irnération : idiotisme, — stupidité, — extinction de la
race .
Les prisons et les asiles se disputent les alcooliques et leurs
trisU's «icsrendants. Les preuves de cette affirmation se montrent
de jour eu jour plus nombreuses. De I82G à IS'i.'i, on reyut, à
CbarenlDU, 1 :).*>7 aliénés dont S.Tf alcooliques. Morel a calculé
qu'à celte épocjue, sur 1 000 aliénés, il y en avait 200 chez les-
quels la folie était due à Tabus des spiritueux. — Depuis lors la
pro|u»rtion des alcooliques a été sans cesse en auiimentant; elle
étail :
En \H'M) 13,f>i 0. 0
is:i7 14,9;
IS.iS 20, Oi)
18:i9 !9,'iii
iHi;o ii.io
ISG! 25,S0
Contnr un pareil état de choses on n'a pas manqué de cher-
cher à prendre des mesures, mais jusqu'ici cela a été en vain. —
Des sociétés philanthropiques, qui, comme tout ce qui dépend en
Angleterre de l'initiative privée, disposent de capitaux impor-
tants, ont fondé à Londres, sous le nom de Dninknrds' Homcf,
des Hiaisons destinées à recevoir les buveurs, qui veulent bien
consentir à être corrigés de force, en se confiant aux soins d'un
ÉTHÉRISME. 161
médecin ou d'une doctoresse, dont la spécialité est de recevoir et
de traiter les buveurs. Pour entrer dans ces maisons de détention
foloataire, le buveur doit déclarer, dans une requête écrite, signée
de sa main, sa volonté rie demeurer en asile pour un temps spé-
eiûé par lui-même et (\\ii ne peut cicéder douze mois. — Aux
Etats-Unis, ces établissements existent depuis plus de vingt ans.
A Chicago, d'après une étude de Berlhelot sur les maisons pour
buveurs habituels, rétablissement connu sous le nom de Washing-
km-House contient 70 pensionnaires. F*endant les quatre der-
nières années, sur i 104 buveurs traités, 406 seulement ont réci-
difé. Sur 27.'^ malades admis en 1878. tous, excepté 18, ont été
reconnus comme devenus sobres. A merveille ! mais lo difficile, en
semblable matière, me semble moins de guérir que de former le
dessein de s'enfermer volontairement pour guérir. Le vouloir c'est
rètre déjày en quelque sorte ! M. Berlhelot se demande s'il ne
serait pas opportun de créer en France des maisons analogues?
IV>ur ma part j'en doute un peu.
§ 10. ÉTHÉRISME.
Bien près de l'alcoolisme, quoique au-dessous, comme fré-
quence, il faut placer l'abus de Téther. Les ministres du culte
catholique, tout-puissants en Irlande, ont fait une campagne
contre Falcool et je ne saurais les désapprouver ; mais ils n'a-
vaient pas parlé de Tétlier ! La casuistique alcoolique a donc rem-
placé Palcool par l'éther; le respect de la religion était sauvé
et la raison s'égare aussi bien qu'avec l'alcool. C'est notam-
ment, parait-il, après la mission de tempérance du P. Mathews
^\ï(i\c whisky j le ginn furent remplacés par l'éther. Aujourd'hui
même les paysans boivent de l'éther et un journal racontait
récemment que, les jours de marché, la petite ville de Drapen-town
eihalait une forte odeur d'éther. Les dames élégantes se mettent
elles-mêmes à l'éther et il n*est pas rare, sur les promenades pu-
bliques, notamment sur le gazon de Hyde-Park, de voir une main
finement gantée jeter furtivement, par la portière d'un élégant
Undaa,le flacon d'éther, que vient de vider l'anémique et névropa-
thiqne promeneuse, mollement couchée au fond de la voiture.
GiOOJI. MÉD, IV
162 LA FAUNE ET LA FLORE.
§11. COCA, COCAÏSME.
La passion que la plupart des hommes ont pour Talcool, quel-
ques-uns Tont pour les feuilles de VErythroxylum coca ou cocaiett
vulgairement la cocct.
Histoire et géographie de la eoea. — Lorsque Pizarre
détruisit Tcmpire des Incas, les cocales^ où était cultivée la coca,
étaient lo privilège des grands et des prêtres, qui seuls avaient le
droit d'exploiter la précieuse plante. Parmi tous les débris des
ruines qu'ils avaient faites et au milieu desquels ils cherchaient
la richesse, les Espagnols n'oublièrent pas la coca. Cest sous
forme de ses feuilles qu^une partie de Timpôt fut pendant long-
temps pa}'ée aui vainqueurs. D'après un métis de la preroiè'e
génération (Garcillasso de la Vega), les revenus de Févèque
et des chanoines de la cathédrale de Cusco provenaient de la
(lime de ces fouilles. Il ajoute que plusieurs Espagnols faisaient
(le son temps, à ce commerce, des fortunes considérables. La
renommée de la plante lit du reste de rapides progrès, il ne lui
manqua même pas le sceau de la persécution religieuse. En
dépit des obstacles de tout genre, le commerce des feuilles de coca
est encore considérable et la récolte est évaluée aujourdliui à
2o millions par an. En 1850, le gouvernement de Bolivie n'a pas
retiré des droits sur la coca moins de 900 000 francs ; en 1839,
ce chiflrc atteignait i 500 000 francs. C'était plus que pour le
quinquina, qui ne rapportait à la même époque^ au même pays,
que 710 (K)0 francs et que pour le sucre et Pcau-de-vie, qui ne
rapportaient que 1 370 0(M) francs.
Quelle était donc Timportance de cette plante presque sacrée?
Il en était de la coca comme chez nous aujourd'hui du tabac.
C'était une habitude invétérée, source lucrative de revenus pour
leslncas et, à Tinverse du tabac, c'était une habitude utile.
La manière d'employer la feuille était et est encore, chez les
Indiens, de la chiquer (acuUcar). L'Indien porte dans sa ckuspa,
sorte de sac, un certain nombre de feuilles séchées au soleil ;
après avoir enlevé la nervure médiane de ces feuilles, il en prend
un certain nombre, qu'il roule en forme de boulette, au centre de
laquelle il a déposé une autre substance, la llipta; il insinue le
tout entre la joue et les dents, par un geste chez nous familier
aux gens qui chiquent le tabac. Cette llipta, qui s'unit à la coca
COCA, COCAÏSME. )68
pour constituer la chique, n^est autre qu'un composé alcalin, queU
quefûiâ de la chaux; on y trouve parfois du carbonate de calcium,
de magnésium, du bicarbonate de potassium, des sulfates et des
chlorures alcalins, des phosphates alcalino-terreux. C'est, en un
mot, la cendre de certaines plantes, qu'on fait brûler ;à cet effet,
le Chenopodinm chinoa, dont on brûle la tige, et le bananier,
dont on brûle les feuilles. Cela rappelle donc un peu le bétel. iTout
eo chiquant l'Indien avale sa salive ; quand la boulette a perdu
ce qu'on regarde comme ses qualités, on en fait une autre et
ainsi de suite. En somme, jour et nuit, l'Indien a de la coca dans
!4 bouche et il en consomme ainsi de 28 à 42 grammes par jour
(Gossei. Il ne s'embarque pas pour la montagne ou pour une Ion»
?iie marche sans sa coca, pas plus que le paysan de Styrie sans un
peu d'arsenic, et il marche ainsi sans nourriture et sans fatigue.
Sans la précieuse Veuille qui ne le quitte pas, il ne pounait pas,
dit-il, affronter le sorockf. Les voyageurs contemporains ont con-
staté que leurs guides, dans les Andes, faisaient de prodigieuses
courses presque sans manger, mais en ne cessant de mâcher la
coca. L'Indien fait tSO kilomètres par jour en mâchant la coca,
MUS aliment ; i4 grammes de feuilles par jour lui permettent de
rester 5 jours sans manger. Il en résulte que l'achat de la feuille
est la grande dépense de l'Indien. Des Page de dix ans, il com-
mence à s'en procurer; il en dérobe à son père ; plus lard, il en
achète et ne cesse plus désormais de acuUcar. Les fcnïmes ne so
mettent à la coca que lorsqu'elles sont vieilles. On voit que lo
roquera, c'est le nom du consommateur de coca, a plus d'un rap»
port avec l'amateur européen de tabac. Une exception cependant
relative à la vertu des feuilles déjà mâchées : on assure que ce
que nous nommerions chez nous les vieilles chiques passe pour un
précieux talisman, et qu'il est commun de rencontrer un véritable
amas de chiques, dans les lieux où l'on désire, comme dans les
mines qu^on commence à explorer, attirer l'attention de la Divinité.
Telles furent presque jusqu'à notre époque les seules données
qu'on possédât sur X Erythroxylum coca. Cela passait pour un
moyen populaire dans l'Amérique tropicale de calmer la faim et
de vivre plusieurs jours sans manger: On chique la coca dans tout
le Pérou, en Bolivie, à la Nouvelle-Grenade, à l'Equateur et dans
quelques provinces du Brésil.
Coatpositloii de la eoea. — Il nous reste à entendre la dé-
positicm de la science moderne.
164 LA FAUNE ET LA FLORE.
En 1853, le docteur Weddel crut trouver, dans la coca, un prin-
cipe analogue à la théine ; en 1857^ un chimiste irlandais, établi à
Salta (Confédération Argentine), availcruy reconnaître unprin'
cipe analogue à la caféine. C'est en 4859 que Niemann,de Vienne,
d qui Wohler, de GOttingcn, avait remis un échantillon de coca
envoyé par le docteur Scherzer, isola \airocaine. Deux autres alca-
loïdes ont été trouvés, Wrtjonincei Vhytjrine,
Action physiologique. — Lorsqu*on màche la feuille de
TErythroxylun), la salive devient jaune, abondante; on ressent
d'abord quelque chose d'analogue à Tarome du thé, puis un goût
sui gencvis, bientôt suivi d'une saveur huileuse, amère et astrin-
gente. Au bout de quelques minutes, Fastringence domine et la
salive devient moins abondante. Lorsqu'on a mâché la feuille de-
puis quinze, vingt minutes, elle a perdu son goût : on éprouve dans
toute la bouche et dans l'estomac, si on a avalé la salive, une
.K-nsation de chaleur. La muqueuse buccale est devenue insensi-
ble et ne perçoit plus le contact de la pointe de la langue (Gazeau);
le pharynx est rouge. La cocaïne cristallisée, déposée sur la lan-
gue, rend également insensible le point de cette muqueuse, qu elle
a touché 'tiazeau).
Il était intéiessant de rechercher l'origine de cet usage,qui con-
siste à associer à la coca la llipta alcaline. Demarlc a mélangé
avec la coca les diverses substances alcalines que l'analyse a fait
reconnaître dans la llipta et il s'est assuré sur lui-même quo les
sensations perçues par la langue sont alors portées à Textrénie,
surtout avec la potasse, la soude et la chaux. Gazeau a constaté
qu^en ajoutant à la feuille une petite quantité de soude, le besoin
de cracher était beaucoup moins violent et Todeur de la salive
recueillie beaucoup plus prononcé. Le rouleau de feuilles, qu'il
avait mâché depuis un certain temps, n'offrait plus aucune odeur
de coca, contrairement à ce qu'on observe lorS(|u'on mâche, pen-
dant le même temps, une même quantité de feuilles sans llipta,
ce qui ferait penser que la soude a servi ici à mieux épuiser la
feuille. Cet observateur pense donc que l'usage de la llipta pour-
rait s'expliquer ainsi : la salive dissout les principes de la coca,
parmi lesquels un sel de cocaïne, qui, se trouvant en présence
d'un alcali, se décomposerait, en abandonnant la cocaïne ainsi
mise en liberté. Les sujets de Huanco-Capac faisaient donc, sans
le savoir, de la chimie expérimentale. En ajoutant à la feuille un
acide, on ne perçoit plus aucun goût.
COCA, COCAÎSME. 165
^insensibilité observée sur la muqueuse buccale gagnerait,
d'après Gazeau, la muqueuse de Testomac et expliquerait la dimi-
nation ou Tabolitiondu sentiment de la faim, sous Pinfluence de la
coca. Cette suppression de la faim aurait, en outre, pour cause,
la chute dans l'estomac d*une grande quantité de salive, qui \ Ta-
Toriserait du reste l'absorption rapide de toute substance alimen-
taire, qui pourrait y être introduite. Or à ce dernier titre doit
figurer, il est vrai comme très faible appoint, le déficit entre le
poids de la feuille avant la mastication et celui qu'elle présente en
»rtant de la bouche : Gazeau mâche pendant vingt minutes un
poids de feuilles égal à 1^,66. Lorsque cette quantité fut sortie de
la bouche et réduite, dans rétuvc, au même état hygrométrique
^0 avant l'expérience, elle ne pesait plus que que 0s,80. Le poids
de la salive recueillie, mais que d'habitude on déglutit, était de
37 grammes. Avec une llipta, le poids de la salive, pour la môme
quantité de feuilles, n'est plus que de 27 grammes.
Quoi qu'il en soit, il était intéressant de faire porter Texpérimen-
tation sur les propriétés nutritives dont cette plante a paru douée
(lès le début à la plupart des observateurs : l'apparence au moins
(Je ces propriétés a été constatée à toutes les époques et par tout
le monde. En 178i, ainsi que je Tai dit plus haut à propos du
mal des montagnes, au siège de la Paz, oîi les Péruviens révoltés
tinrent pendant plusieurs mois leurs dominateurs bloqués, la
mortalité, qui fut terrible, n'épargna, dit Unanue, que ceux des
assiégés qui avaient des provisions de coca. Les corps d^arniée ne
résistaient à leurs longues et pénibles marches dans les Andes,
qQ*à proportion de la quantité de coca dont étaient approvision-
nés les soldats. Scherzer cite un Indien qui faisait trente lieues
par jour en ne mangeant que quelques grains de maïs rijtis; il chi-
quait 4 grammes de coca par jour. IJnanue, qui cite ces faits, s'em-
presse dtinc de regarder la coca comme le tonique par excellence
{architonico) du système nerveux; Montegazza la regarde comme
on aliment nerveux, à action puissante sur le cœur. Bologncsi
dit qu'elle provoque des congestions terribles avec vomissements.
Enfin raep|)ig la compare à Popium , Tschudy au datura, et Mon-
tegazza au hachisch.
11 est nécessaire, au milieu de tant d'opinions disparates, de
tenir compte des doses. Dans tous les cas, il est bon de remarquer,
iTant de conclure au pouvoir alimentaire de la coca, que>dcPavU
de tons les soyageurs, les ladicnsqui n'ont fait peudanl utvf^ex^
166 LA FAUNE ET LA FLORE.
pédition que chiquer la coca, n'en mangent pas moins avec vora-
cité, sitôt que la possibilité de le faire se présente.
Avec une petite dose de poudre, Gazeau a observé sur !ui-
tnème un accroissement de vigueur physique et morale; son som-
meil était, dit-il, peut-être moins facile qu'à l'ordinaire; la plu-
|>art des observateurs, Weddel entre autres, ont du reste noté
Tinsomnic; on a quelquefois observé de la diarrhée; avec une
dose plus forte (20 grammes de poudre par jour), Gazeau a res-
senti de la faiblesse générale au bout de deux jours. Se soumet*
tant, alors qu'il prenait de lacoca,à une alimentation insuffisante,
il dit n'avoir pas éprouvé le sentiment de la défaillance, qui se fait
sentir en pareil cas.
D'après les recherches de cet observateur sur Turcc, Télimioa-
tion de ce dernier corps serait augmentée. En comparant deux
périodes de dix jours chacune, où la coca était prise chaque jour
dans Tune et supprimée dans l'autre, il est arrivé à ce résultat :
que la moyenne d'urine par jour (sans coca) étant de 1 36U,75,
la moyenne (avec coca) est de i 7488,73. La coca est donc on diu-
rétique; d'a[»rès Morino y Maïz, elle s'élimine par l'urine.
Gazc^au^ dosant l'urée, est arrivé à ce résultat : que la moyenne
totale de Turéo éliminée pendant dix jours (sans coca) a été de
21,43 et de 23,80 (avec coca). La coca active donc réliminalion
de l'urée. 11 est bon, cependant, de se mettre en garde contre
ce fait : que la quantité moyenne d'urée, non pas d'une manière
absolue, mais p«iur \ 000 grammes d'urine, est plus faible avec
la coca que sans la coca : i 5,935 pour 1 000 (sans coca) et
13,89 pour i 000 (avec coca). C'est là un fait qui appelle de nou-
velles expériences. Quoi qu'il en soit, l'urée, absolument parlant,
a augmenté sous l'influence de la coca. Le poids du corps a éga-
lement diminué ((Jazeau). Morino y Maïz, Gazeau et plusieurs au-
tres expérimentateurs ont soumis des animaux à l'inanition avec
ou sans coca. Dans toutes les expériences (rats, oiseaux), l'animal
qui était soumis à la coca, mourait avant celui qui n'avait pas
eu de coca ; pesés avant l'expérience et après leur mort, les ani-
maux soumis à la coca avaient perdu plus de leur poids que les
autres (Morino y Maïz, Gazeau). H semble donc difficile d'admet*
trc que la coca soit un aliment : les théologiens avaient raison.
Car cette question de pure biologie expérimentale avait été sinon
étudiée, au moins résolue par eux au xvii« siècle. Il s^agissait de
savoir si la coca est un aliment ; mais ce n'était pas au point de Tue
COCA, COCAÏSME. 167
et dansTintérét des mineurs des Andes, qui s'en servent, comme
les mineurs de Charieroi prennent le café ; le but de cette curio-
sité scientinque était de permettre ou de prohiber la coca avant
la communion. Le P. don Alonzo de la Pina Monténégro avait
pris le boa parti : il avait déclaré que la coca ne contient aucun
priDcipe alimentaire.
Afin d'expliquer cependant comment on peut supporter quelque
temps la privation de nourriture avec le secours de la coca, Schultz
etBœker ont imaginé la théorie des agents d'épargne, qui depuis
a Tait fortune. A en croire les résultats de Gazeau, l'organisme
serait cependant loin de faire des épargnes : il y aurait au con-
traire accroissement des métamorphoses des matières azotées ; il
Y aurait suractivité de la combustion ; le coquero produirait de la
force, mais en somme à ses dépens. Montegazza disait, se bornant
à décrire ce qu'il avait vu, au moyen d'une image : f 11 semble
qu'une nouvelle force s'introduise directement dans notre orga-
nisme et dans tous les pores, comme Teau dans une éponge. »
Gazeau, avec une assez forte dose de coca, a éprouvé une lé-
icre ezcitation cardiaque et une petite élévation de la tempéra-
ture. Pour Montegazza, Texcitation cardiaque, sous Tinfluence de
la coca, est très marquée. Représentant en chiffres Texcitation
(iéterminée par l'ingestion d'eau chaude et de divers stimulants,
ii exprime. sa pensée par le tableau suivant :
Eau chaude 89,8
Thé 40,6
Café 70,0
Cacao 87,0
Maté 106,2
Coca 1 59,0
On voit que la coca serait, pour lui, de beaucoup à la tète des
excitants. D'après Morino y Maîz, le café augmenterait davantage
la tension artérielle. Cette stimulation générale se traduit, d'a-
près lui, chez les animaux qu'il a observés (cobayes), par des
convulsions tétaniques spontanées, de la dilatation pupillaire,
phénomènes de strychnisme, qui seraient assez en rapport avec
une surcharge de force médullaire. Jolyet a observé chez les gre-
nouilles une diminution de la motilité ainsi que la perte du
pouvoir coordinateur et de la sensibilité.
MoDiegazza est à peu près le seul observateur (\u\ ùl Va^NaX^
168 LA FAUNE ET LA FLORE.
sur les phénomènes d'excitation cérébrale consécutifs à une forte
dose, lia éprouvé, après avoir mâché 60 grammes de feuilles en
quelques heures, des hallucinations diverses et un bien-être très
grand : il me semblait, dit-il, que « porté sur les ailes de deoi
« feuilles de coca je volais dans les espaces de 77 438 mondes, les
« uns plus splendides que les autres... » Sans ètreforcément agréa*
ble, cette idée est, à coup sûr, étrange; il traduit du moins, pen-
dant son délire, le bonheur qu'il éprouvait, d'une façon qui dénoU
assez Texcitation imprimée au cerveau par la coca, lorsquMl écrit
sous le charme de son rêve : a Je préfère une vie de dix aiu
ff avec la coca, à une de cent mille (puis une série de zéros) sans 11
«coca. » H est ù peine besoin d'ajouter que, pendant qu'il écrivait
ces lignes, son pouls était à 134.
Gosse élève du reste la coca à la hauteur d'une question sociale,
lorsqu'il dit que c'est grâce à cet arbre ou du moins à ses feuilles,
que les Indiens doivent de ne pas avoir disparu complètement
dans les colonies hispano-américaines.
On a beaucoup parlé de ses vertus aphrodisiaques, ce qui re-
vient à dire qu'on lésa sans doute beaucoup exagérées. Toujours
est-il que la Vénus des habitants primitifs du Pérou était repré-
sentée avec une feuille de coca dans la main et même sous la
joue, ce qui, pour être, je le veux bien, une allégorie, n'en était pas
moins une façon assez peu poétique de représenter cette divinité.
11 ))aruU même que la coca joue encore un rôle dans les nom-
breuses cérémonies qui accompagnent le mariage chez les Indiens.
Il se pourrait bien que cela ne dénotât pas des vertus apbro*
disiaques plus grandes que celles que peut rappeler pour le vin la
rôtie au t;/7i encore traditiouncllc dans nos campagnes. Unanne
parle cependant de \\eu\coqucros de quatre-vingts ans a capables
a de prouesses que ne renieraient pas les jeunes gens dans la
c fleur de l'f^ge ». C'est à peu près tout ce que nous savons sui
ce sujet : les auto-expérimentateurs se montrent peu d'accord,
mais surtout sobres, sur ce sujet.
CocaiMmo. — La coca a ses victimes. Nous avons parlé, d'a-
près Mon tegazza, de l'ivresse cocalicnne, qui suit généralement hi
dose de 49-CO grammes de feuilles. Pœppig a décrit le cocatsnu
chronique, qui ne serait pas rare, parait-il,chez les Indiens : « Les
( malades maigrissent, leur teint devient bilieux, plombé; il sur-
et vient une insomnie incurable, de l'anoxerie, de l'ascite et an
« marasme général. » Tschudy nous a montré également leur dé-
MATÉ. 169
marche incertaine, leurs yeux ternes et caves. Enfin, comme
pour Talcooi, ceux qui, après avoir abusé de la coca, viennent à
cesser tout à coup, présentent une dépression absolue des forces.
Il eo est ainsi de toutes les habitudes que Torganismc s'est
doQDées.
§ 12. MATÉ.
Il est permis de rapprocher des propriétés stimulantes de la
coca les elFets analogues d'une plante qui jouit, dans une grande
partie de l'Amérique du Sud, d'une grande réputation ; cette plante
tsiï Ilex para ffuaycnsis y connue également sous le nom de layerba;
l'iafusion des feuilles se préparc dans une calebasse préparée à
cet effet, qu'on nomme maU^ ; de là le nom de la yerba maté et
par corruption inaiè, qu'on donne le plus souvent à VUex pani''
Huayemts.
6éo|(raphle. Cousoniinatioii. — (^ct arbre se trouve en
grande abondance dans tout le Paraguay, le Rio-Grando, le Pa-
raoa, la province de Sainte-Catherine. Les feuilles sont partie
fondamentale de Talimentation dans les trois provinces du sud du
Brésil, la république Argentine, une partie du (Ihili, du Pérou
et de la Bolivie. Une seule province du Brésil, le Parana, en ex-
porte chaque année environ 15 000000 de kilogrammes ; le Brésil
tout entier en exporte chaque année 30000 000 de kilogrammes
00 300 000 quintaux métriques (L. Courty). Le Paraguay en produit
moins, mais son maté est plus estimé et depuis plus longtemps.
Si l'un ajoute aux exportations du Brésil et du Paraj^uay la quantité
de maté utilisée sur place, on doit estimer à 500 000 quintaux
métriques la consommation annuelle de cet aliment. Dans tous
ces pays, le maté remplace le café, le thé, Talcool ; il est la buisson
unique et il n'y a pas de maison où la calebasse maté pleine des
feuilles infusées de Vil(*x ne circule à la ronde, de la main à la
main des hùtes, qui boivent tous au même chalumeau d'argent
(6(ii?i6i7//i), \e<\ne\ sert en même temps de passoire et de cuiller pour
remuer les feuilles, si on prend le maté sans sucre [maté cimarra),
ou le sucre en poudre avec la poudre de feuilles. Les femmes en
absorbent jusqu'à 10-12 tasses par jour.
C«Biposltion. — L'y/ex paraguayvnsis renferme, comme la
coca, un alcaloïde identique à la théine, à la caféine, à la théo-
bromine; c'est un aliment d'épargne, capable de fournir aWv s^>A
170 LA FAUNE ET LA FLORE.
les éléments d*un travail un peu prolongé (Montegazza, Courty).
11 agit, en réalité, en stimulant lorganisme.
Matcisme. — L'abus du matt} n*est pas, paratt-il, sans incon-
vénient ; on lui attribue la fréquence des gastralgies (gastralgia
malica) et de la carie dentaire observée dans TAmérique du Sud.
Montcgazza a vu les buveurs passionnés de maté présenter de
rabattement, une prostration et un abrutissement tels, quMls ne
sont plus bons qu*à « boire du maté et dormir ».
C'est quelque chose de très remarquable que de voir chaque
groupe de population avoir son stimulant spécial. Nous avons vu
Talcool et son extrême diffusion géographique ; pour être plus
localisés, le maté et la coca n'en sont pas moins la passion d'un
grand nombre d'hommes; nous n'avons pas épuisé la liste des
moyens à l'aide desquels les hommes cherchent la stimulation et
les jouissances cérébro-spinales qu'elle entraîne.
§ 43. NOIX DE KOLA.
Ce que les Américains demandent à la coca et au maté, les po-
pulations de l'Afrique cquatoriale le demandent à la noix de Kola
ou gourou ou ombvne. Il s'agit ici d'un végétal appartenant aux
Stcrculiacces, le SlcrcuUa acuminata^ répandu dans le haut Se- •
négal^ en Guinée, à Sicrra-Leone, au Gabon^ sur une grande
partie de la côte occidentale d'Afrique ; les cotylédons de sa graine
fournissent à la fois un masticatoire et un aliment fort répandus,
d'après les observations de Zweifel et deMoustier^à qui les indi-
gènes offraient la noix de Kola en signe d'amitié. MM. Ed. Heckel
et Schlagdenhauffen ont trouvé, dans l'analyse de ces cotyl^on8,la
justification de l'usage qu'en font les indigènes comme d'un exci-
tant, d'un tonique et d'un aphrodisiaque. Ils s'en servent, en
outre, pour rendre agréable et fraîche Teau la plus saumàtre et
la plus corrompue. Cette analyse a donné à ces deux savants les
résultats suivants :
NOIX DE KOLA. 171
Caféine 2»,348 \
Théobromine 0 023 f Matières solubles
Twnin 0 027 (dans le chloroforme.
Corpsgras 1 583/
Tannin 1 591 \
Roage de Kola . i 290 f Matières solubles
Glucose 2 875 ( dans l'alcool.
Sels fixes 0 070 j
.\midon 33 73i
Gomme 3 040
Matières colorantes 2 561
— protéiques 6 761
Cendres 3 325
Eau d'hydratation Il 911
Cellulose 29 831
Total 100 000
Cette analyse montre, font remarquer ces deux auteurs : 1<* que
les noii de Kola sont plus riches en caféine que les cafés les plus
estimés et que cette lûise y est renfermée à Tétat libre, non com-
binée, comme dans le café^à un acide organique; 2^ qu'elles ren-
ferment une quantité très appréciable de théobromine, qui vient
accroître les propriétés de la caféine et agit synergiquement avec
ce principe actif; 3^ qu'elles contiennent, et c*est là un point im-
portant, une quantité notable de glucose, dont le cacao ne pré-
sente aucune trace ; 4^ que la quantité d'amidon y est triple
de celle contenue dans les graines de Theobroma, ce qui explique
sa valeur nutritive. MM. Heckel et Schlagdenhauiïen ajoutent :
Ce produit déjà employé en Afrique contre les affections de Tin-
lestin, du foie et contre Tatonie des voies digestiVes, comme mas-
ticatoire tonique, semblable à la noix d'Arec, si appréciée par les
Indiens, pourrait occuper, en matière médicale, un rang distingué
à côté de la coca et des autres anti-déperditifs, sur lesquels il a la
supériorité de renfermer une quantité notable de tannin, qui lui
donne des propriétés astringentes précieuses. — Je dois ajouter
que le docteur de Rochebrune accuse la noix de Kola de provo-
quer la carie dentaire fréquente chez les Ouoloiïs; d'après lui, il
conviendrait de désigner plus spécialement sous le nom de gourou
les cotylédons de la Sterciilia tomcntosa, qu'on mAche dans un
but aphrodisiaque.
173 LA FAUMB ET LA FLORE.
§ i-4. KAWA-KAWA.
Géoi^raphie. — [)ans toute la Polynésie, on demande des
jouissances variées au PZ/xv methysticum, qui sert à préparer
le kawa, notamment aux îles de la Société, dans l'archipel
Wallis, aux Samoa, aux Vili, aux Sandwich, aui Marquises, aui
Tonga, etc. ; on prend les racines du piper et, comme à For-
mose, ce sont les femmes qui sont chargées de les mâcher, afin
d'en briser les cellules et de les imbiber de la diastase salivaire,
qui jouera son rôle dans la fermentation ultérieure. Assises en
rond autour d^in grand vase, elles mâchent lentement le piper,
qui détermine chez elles une abondante salivation. — Salive et
racine bien mâchée sont crachées dans le vase commun; on
ajoutera plus tard de l'eau, et celte liqueur, lorsqu'elle aura subi
une fermentation spéciale, deviendra le kawa-kawa.
Action physlolonçiquc. Composition. — On a longtemps
cru que la fermentation était ici alcoolique; c'est une erreur.
Cette racine ne contient pas de sucre, et la transformation de la
fécule en glucose, sous Taction de la salive, n'est pas suffisante
pour fournir une quantité notable d'alcool (Dupouy).
LVailleurs, les tllets du kawa ne sont pas ceux de Talcool. Il agit
par des propriet«!S inébrianteSjqui lui sont propres et qui rappel-
lent, comme direction donnée aux idées, les cflets aphrodisiaques
de la cantharide.
Un vieillard de Tahiti disait à Cuzcnt, pharmacien de la ma-
rine : « Quand on boit du kawa, on pense beauc(»up aux va-
« him^ (femmes), mais surtout quand le kava est fait avec T/ivim
« w^S » c'est 1<' nom d'une variété de Piper rnethystimm, qui croît
dans les terrains secs. Ainsi que l'a fait remarquer Gubler, d'après
les récits de voyageurs, Texcitalion génésiquc déterminée par le
kawa paraît avoir son siège non dans les organes sexuels, comme
sous l'influence de la cantharide, qui les irrite localement, mais
dans les centres nerveux dévolus à l'instinct de la reproduction;
il ne détermine pas du priapismc, mais bien de Vt^rotismey exci-
tation plus relevée, plus intellectuelle. Le principe actif du kawa
parait être une résine, la kawine. Il est possible que, s'éliminant
par la peau, elle l'irrite, comme fait le copahu; d'ailleurs, elle s'é-
limine aussi, comme lui, par la muqueuse génito-urinaire, et à
Tahiti, où, dit le docteur Dupouy, la blennorrhagie est aussi ré-
DUBOISIA, HACHISCH. 178
lue que les cocotiers, le kawa-kawa passe pour un remède
populaire contre cette maladie. — La providence a poussé le Po-
lynésien à la contracter; il est juste qu'elle la guérisse ! Un cause-
fnalùr verserait ici des larmes d'admiration î
Ce breuvage donne en même temps de Tassurance, de Téner-
^c, de Taplomb, du ton; il active l'idéatiun. — Avec une dose
de 300-400 grammes, on observe d'abord de la pâleur de la
face, de la petitesse do pouls, une tendance à Textase,. de Paphro-
disie.— Avec une dose de 600-700 grammes, surviennent, au con-
traire, si on n'est pas habitué, Tanaphrodisie et un sommeil de
12-15 heures. On s'habitue très bien à cette liqueur et certains
Européens en prennent chaque jour de 900 à 1 000 grammes. Pour
iediicteur Messer, c'est un calmant qui produit un état léthar-
gique de la motilité et de la sensibilité.
Avaiawie. — Mais chez les vieux buveurs de kawa, on voit
survenir une démarche incertaine, do la tilubation habituelle ; on
oe parle plus que lentement et à voix basse ; le corps est pris d'un
tremblement général ; la céphalalgie devient continue, mais Tin-
telligence demeure absolument intacto.
D'après Cuzent, Tabus du kawa donnerait lieu, dans toute la
Polynésie, à une maladie de peau particulière, rArer«r«'a, carac-
térisée par une desquamation sèche, écailleuse, par de Thypercs-
thcsie finissant par donner naissance, aux pieds et aux mains,
à des ulcérations.
*: § 45. DUBOISIA.
Il faut ajouter à ces stimulants celui que recherche TAus-
tralicn pour ses propriétés cérébrales, les feuilles de la Du-
hoisia Hopwoodii ou myriopoides ou duhoisine ou pitbury. Les
indigènes mâchent ces feuilles pour se donner du courage; à
forte dose, la duhoisine rend furieux ; elle provoque alors du dé-
lire, des hallucinations, une énorme dilatation pupillaire. D'après
le Htraid Sydney, on ne se borne pas à mâcher les feuilles, on
les fume aussi et on les applique derrière les oreilles.
§ 16. HACHISCH.
Il faut remonter bien loin pour trouver Torigine da trop
célèbre emploi du Cannabis indien ou ckanore indien. «^ Us&
174 U FAUNE ET LA FLORE.
« Scythes, dit Hérodole, prennent de la graine de chantre, îto
« entrent sous des pieux qu'enTeloppeot leurs manioaux et jettent
f cette g:raine sur des pierres rougies au feu ; elle fume aussilM
€ et ri-pand une vapeur plus abondante que celle d'aucune étuxe
« hellénique ; excités par ces vapeurs, ils se mettent à iHirler. »
Les vapeurs qui se dégageaient étaient celles auxquelles le fu-
meur et le mangeur de hachisch demandent, encore aujourd'hui,
l'excitation rcchtTchée par les anciens Scythes. Ils l'employaient
dans leurs cérémonies religieuses.
Du pays des Scythes cette mode est passée en Perse, en Syrie,
où le Viffux de lu Montaqne, avec sa secte des hnchaschins^ Va
rendue célèbre; de là en Egypte, où Ton fume le hachisch et où
on le mange également sous forme de tablettes verdÂtri's, fades
au goût, où le chanvre bro}é oi cuit est mélangé avec 50 0/(>
de lH:urre,avec musc, muscade, loses, safran, miel, girofle et sur-
tout cantharides. Ilsuflit d'avaler de cette pâte un morceau de Li
^rrnsseur d'une noisette, pour ressentir les eifets. Ces préparations
portent à Calcutta le nom de mnjoon^ au Caire celui de wapouchari
et ni Arabie celui de démnnt's. On emploie, du rei»te, tantôt le
gunjahy plante séchce après floraison et dont la résine ou cimna-
hinr n'a pas été extraite, tantôt le bang, larges feuilles avec lc$
graines, tantôt enfin le AacA/xrA proprement dit, fonnc des som-
mités et des parties tendres de la plante avant floraison. L.e
peuple consomme également une liqueur alcoolique et fume dans
le nanjiieh la poudre des bractées.
Action physloloKiqnc. — Ces modes difféi^ents ont des
nuances d'action quelque peu diflërcntes; dans tous les cas, le
chanvre excite le système cérébro spinal; on éprouve d'abord un
sentiment de bien-être, puis de la compression aux tempes, de
la constriction aux poignets, une douce chaleur, puis une sensa-
tion «le bouillonnement dans le cerveau, des tintements d'oreille
et d(! Uiimbreux spasmes dos muscles fléchisseurs (Moreau). Il
augmente au début l'appétit et Aubert-Hoche a éprouvé une faim
canine. A dose plus forte, il produit l'anestliésie et la catalepsie,
ft Le pauvre lève alors une tcte superbe au-dessus des émirs. »
Il lionne un délire souvent at;iéable, avec des éclats de rire con-
vulsifs, mais parfois provoque la fureur, que recherchaient surtout
les amis du K'Vuor de ia Mnntagnr, et pousse au meuitre, à Vas-
mstinat. Les Scythes, nous Pavons vu, poussaient des hurle-
ments féroces. L^usuge du hachisch tend, de plus en plus, à se
OPIUM, THÉRIAKISME OU THÉBAÎSME. 175
répandre dans les pays musulmans, à qui Talcool est interdît.
D*après M. Bertherand, il existe actuellement, à Alger, plus do
soixante débitants de ce produit, qui ajoute à ses eifets propres
celui des sut>stances toxiques généralement surajoutées.
§ 17. OPIUM^ TUÉRIAKISME OU TUÉBAISME.
6éo|^raphie. — L*opium est rcicitant de toutes les popula-
tions de l'extrême Orient. Elles payent à Topium le tribut que nous
payons à Talcool. C'est Tempire .turc qui est, avec l'Asie Mineure,
le plus ancien producteur de ce poison. Ce sont d'ailleurs les
Arabes, qui eux-mêmes le tenaient des Persans, qui l'ont répandu
dans rindc et de là en Chine. Actuellement en E^pte, en Asie
mineure, en Turquie, on mange l'opium, tandis qu'on le fume en
Chine, en Cochinchine et en Malaisie, dans de petites pipes spé-
ciales [kief].
L'exportation annuelle est en moyenne de 400 000 livres, dont
les 3/4 environ passent en Europe; le reste est pour l'Amérique du
Nord, où, depuis trente ans, l'usage de l'opium a presque quin-
tuplé^ et pour la Cbine.
On raconte que le premier Américain qui ait fumé à la ma-
oiére des Chinois^ était un aventurier de San-Francisco. En 1868,
cet homme fréquentait journellement les ojniim dtjtis du quartier
chinois. Son exemple, dit le Courrier (Us EUits-UniSj fut d'abord
suivi par d'autres aventuriers et par des femmes. Une enquête
établissait que l)eaucoup de jeunes gens, des femmes et des jeunes
filles appartenant à des^familles respectables visitaient les fu-
moirs de China-Town pour y consommer de Popium. En 187.';,
une ordonnance municipale prescrivit la fermeture des fumoirs
et on opéra nombre d'arrestations parmi les Chinois ; mais
les dens, devenus clandestins, ne furent pas moins fréquentés.
Aujourd'hui il existe à New- York un grand nombre de fu-
moirs que Ton appelle joints et qui sont fréquentés cha^iue jour
par trois ou quatre cents Américains des deux sexes. Dans l'un
de ces établissements, le docteur Kane a trouvé douze Américains,
des honmieset des femmes, en train de fumer de l'opium. Il y a
aussi des blanchisseurs chinois qui accueillent les fumeurs dans
leur arrière-boutique. En résumé, cette coutume, qui n'était d'a-
bord pratiquée que par des gens peu respectables et dans des
localités peu attrayantes, tend maintenant à se propager pTeiM\\i^
i76 LA FAUNE ET LA FLORE.
au ^rand jour dans des quartiers exclusivement occupés par des
Américains do la classe aisée. Il y a là un indice dont la signifi-
cation est siifiisamnx'ut ap])arente. A l'appui des observations dn
docteur Kanc, los statistiques douanières du ^gouvernement des
Ktals-l'nis ('tablisscnt que, depuis i876, bien que la population
d'origine chinoise n'ait pas augmente^ l'importatiun annuelle de
Topium à fumer s'est élevée de i>3 000 livres à 77 000 livres.
Ku (iliine, Topiuin turc est vendu sous le nom de kin-ni i^boue
d*or' et de chtindtio. Dans Tlnde britannique, on cultive beau-
coup Topium, surtout à llalwa, à Tatna et à Bénarès. Mais la Chine
c:^t aujiuird'hui le^Tand consommateur d'opium. Dans le principe,
les Chinois ne se servaient de cette substance que comme d*ua
produit pharmaceutique, et, au commencement du dernier siècle,
ils ne recevaient que peu d'opium, par Tentremise des Portu-
gais; Tiuiportation ne s'élevait guère qu'à 15 000 kilogrammes;
auj«)urd'hui, grâce à l'Angleterre et aussi à la passion croissante
des Chinois pour cette sulvstance, son importation a pris d'énormes
proportions. Peu de temps après la guerre de l'opium, cette
importation était en (ihine de 2 000000 de kilogrammes; elle
était de oOooooo en i8G7; en 1869, la valeur de l'opium importé
était de ^oOOOOOOO de francs; aujourd'hui le monopole rapporte
au gouvrnKiment indien une somme de 200 000 000 de francs.
L'opium représentait, comme valeur, en 1880,lesdeux cinquièmes
du total des importations étrangères dans les Irfnty ports : 234 mil-
hons de francs sur .'>7i ou 40 O'o; mais indépendamment des
quantités de ce produit importées dans les ports ouverts au com-
merce étran^^er, les jon<|ues chinoises venant de Hong-Kong en
introduisent dans les ports encore fermés environ 2.^)000 piculs
valant en chitfres ronds 81 000 000 de francs, ce qni porte à
31 o 000 000 de francs la valeur de l'opium étranger, consommé eo
1880 par la population du Céleste Kmpire.
Pt'udant les dii dernières années, l'introduction générale de
l'opium en Chine a augmenté de 13,50 0/0 ; l'importation de
cet article dans les treaty ports, pendant la môme période, s*esl
accrue dans la proportion de 43,50 0/0. Cet accroissement consi-
dérable .s'explique par ce fait que, durant cet intervalle de dix ans,
plusieui^ des ports du littoral chinois dont Taccès était interdit
aux navires étrangers, leur ont été ouverts.
Répandue ainsi qu'on vient de voir, en Chine et dans l'archipel
Indien, l'ivresse de l'opium cause, dans ces pays, de violents dé-
OPIUM, THÉRIÂKISME OU THÉBAÏ8ME. 177
sordres cérébraux, qui sont connus des Malais sous le nom de omok
[c'est le penchant au meurtre) ou de mata-glap ou de lata ,
délire convulsif imitatif.
Des établissements spéciaux sont ouverts à qui veut fumer
l'opiura, et Fonssagrives croit que dans la ville d'Amoy on ne compte
pas moins de cent fumeries. Un fumeur émérite, dit-il, con-
somme aisément par jour un paquet de 60 grains (3^,60) et il le
paye 8 pence (0 fr. 80), « somme considérable en Chine ». D*après
Morache, beaucoup de fumeurs vont jusqu^à 6 et 7 grammes ; il y
eD a qui vont à 50 ou 60 grammes.
Partout où vit le Chinois, il fume l'opium ; et Little estime que
sur 40000 individus mâles qui constituent la population chinoise de
Singapoor, on compte 15 000 fumeurs d'opium. 11 pense que dans
toute la Chine i/5 de la population est adonné à ce vice, auquel
les femmes n'échappent pas.
Effets iliébaiqaes. — L'opium, comme le tabac, comme tontes
les substances enivrantes que nous venons de passer en revue,
provoque des symptômes diiTérenls suivant que Thabitude est plus
00 moins ancienne et invétérée chez le consommateur :
La première période, celle d'initiation, est, comme pour le ta-
bac, caractérisée par des vomissements, de la torpeur, mais on
persiste, comme le collégien persiste à fumer malgré les consé-
quences fâcheuses de son premier cigare. La seconde période est
celle de la tolérance ; on éprouve une excitation, un sentiment de
force et de puissance, qui n*est pas sans charme; l'esprit est ou-
icrt, l'intelligence éveillée, les mouvements faciles; c'est cet état
que recherchent les lettrés mandarins, ceux qui se plaisent dans
l'excitation cérébrale. Mais, à une troisième période, surviennent
la perte de Tappétit, la lourdeur intellectuelle ; la nutrition s'al^
tère, on maigrit, l'œil devient terne, le regard atone, la parole
embarrassée.
Lorsque le fumeur d'opium a le bonheur de ne pas parvenir à
cette période, il est incontestable qu'il peut retirer de sa passion
certains effets, au premier abord au moins, favorables. Ainsi il
est rare de rencontrer un Chinois en état d'ivresse ; or il ne faut
pas «^ hâter de conclure à la tempérance et à la sobriété
des Chinois en général ; il se pourrait bien qu'il n'y eût là qu'un
exemple de tolérance pour l'alcool, tolérance duc à l'opium, ce
grand sêdateur de l'alcoolisme aigu.
11 y a plus : Taction sédative de l'opium imprègne leWenveuV,
17S LA FAUNE ET LA FLORE.
si Von peut ainsi rliro, la constitution du Chinois, son système
nerveui est tellement habitué aux calmants, qu'il est peu sensible
aux eflets du clil<»rûr«»rine. Pendant Texpéiiition de Chine, les
chirurgien^ anglais ont remarqué qu'il fillait, pour endormir un
blessé chinois, U-aucoup plus de chloroforme «jue pour endormir
un soldat anglai^.
Ledocicur Mauiice a, de son cùl*'\ fait la remarque que les Chi-
nois grands fumeurs d'opium sont beaucoup moins sujets au
tétanos qne les t'hinois non fumeurs d'opium. Ce piiTilèj^ pour-
rait s'expliquiT par Taction préTCnli?e de ce grand calmant des
tétaniques, l'opium. En revanche, le^ th'h,iiqu^f sont exposés aux
suppuratinns à Tt occasion de la moindre piqûre^et il ne serait pas
impossible q le ce fût là la cause de la fréquence des pnn'iris et
des phletjmnns ]»n!tmuns en J'hiiie.
Que ro;iiiim, comme le hachisc!i, soit absorlic par la muqueuse
de l'estoniar uu par les voies respiratoires, l'absorption a toujours
Vwiï et Vviïvi e<tlc même: aussi n'ai-je pas cru devoir faire de
dustinctioii entre le mode d'absorption de ces diverses substances
qui, étant vu réalité absorbées, peu importe jKir quelle voie, ren-
trent dans le Mijct de ce chapitre relatif à Talimentation: c'est ainsi
que je vais parler maintenant de Tabs^^rption de l'opium par l'es-
tomac, qui !rnd à prendre en Europe une extension inquiétante.
Les AiiL^lais rivaliseront bientôt avec les Chinois dans la voie
du thébaï^ine, depuis qu*une pieuse association, sous le nom de
V"ffee Tarn II C'mpatiy, a entrepris contre Talcool la croisade
dont j'ai parlé; depuis que les établisst^ments où l'on lK>it, les
j)ublic-housrSf sont fermés de lK)nne heure dans la semaine (dix
heures) et tout le jour du dimanche» le docteur .Moflat .s'est assuré
que la consommation de l'opium et du laudanum augmentait consi-
dérablement. Certains drotruistes de villau'e vendent jusqu'à S litres
et demi de lanilaiiuni par semaine; les épiciers ventlent de l'opium
et certaines familles en consomment jusqu'à là francs par semaine.
L'alcoolisme n'y perd du reste rien» car on ajoute à l'opium :
de l'eau de Cologne, de la teinture de rhukirbe, du chloroforme,
de l'éther, ainsi qu'on l'a vu plus haut, de l'hydrate de chloral et
de la chlorod\nc.
La mode de l'opium s*ctend jusqu'aux enfants au berceau, que
les nourrices et même leurs mères trouvent plus commode d'en-
dormir avec de l'opium» qu'au moyen d'un chant monotone.
Fonssagrives assure que» dans plusieurs villes manufacturièresy
HORPHINE, MORPHIOMANIE. 179
notamment à Birmingham et à Manchester, on administre con-
stamment aux enfants du laudanum, du sirop de pavot blanc et
autres composés opiacés. 11 est, dit-il, des enfants auxquels on
donne progressivement une dose de 24 gouttes de laudanum. Or
Topium est, de tous les médicaments, celui que les enfants tolè-
rent le moins bien. Fonssagrives ajoute certains faits qui peuvent
liùre craindre que cette funeste pratique envahisse la France,
qui a déjà tant de peine à élever ses enfants. 11 assure, d'après
les renseignements qui lui ont été fournis par un pharmacien de
CoUioure^ Oliver, que Thabitude d'apaiser les enfants avec une
décoction de pavots se répand dans le département des Pyrénées-
Orientales. Il importe de signaler les dangers d une semblable
pratique.
D'après un journal politique, il existait à Paris, en i 877, un club
de mangeurs d'opium. Dix ou douze artistes : peintres, sculpteurs,
écrivains, habitant les hauteurs de Montmartre, se réunissent ré-
gnlièrement, disait ce journal, une fois par semaine, pour pren-
dre ensemble le troublant poison. Un appartement décoré à l'o-
rientale a été loue tout exprès pour ces étranges séances. Il existe
— et ce sont les seules archives de cette singulière société — un
registre, sur lequel les adhérents relatent, quand ils le peuvent,
lenrs rêves et leurs extases. Les a mangeurs d'opium » ont été un
moment, en 1877, jusqu'à vingt-deux.
§ 18. MORPHINE, MORPHIOMANIE.
Les effets de la morphine différent assez de ceux de l'opium,
pour mériter un chapitre à part. D^un autre côté, l'analogie est
assez grande, pour que les deux chapitres soient, au moins, côte à
o&te. -» La nature du poison, son mode rapide d'administration
et d'absorption, en injection sous-cutanée, donnent à la inorpbio-
manie une gravité spéciale.
Dans toute TEurope, mais surtout en Allemagne, le nombre des
morphiomanes qui pratiquent des injections sous-cutanées de
morphine et arrivent à ne plus pouvoir vivre sans cela, va sans
cesse en augmentant. Des maisons de santé se créent spéciale-
ment en vue des morphiomanes, qui veulent qu'on leur fasse vio-
lence pour les débarrasser de cette habitude, dont ils connaissent
les dangers, mais qu'ils se sentent impuissants à répudxet a^\)N&.
« lisse cmnpoDDeûià la morphine, dit le docteur LeVvxi^VxîvTi^
180 LA FAUNE ET LA FLORE.
c comme le buveur à sa bouteille, d Et notez que la morphine
ainsi absorbée recrute ses victimes surtout dans les classes ks
plus éclairées et les plus éleyées. Levinstein cite des hommes
d'Etat, des hommes de guerre, des artistes, des médecins, des per-
sonnes de grande notoriété, u Au milieu de tant de personnalités
fl importantes, j'en ai surtout une en vue, ajoute Levinstein, qui*
fl jusqu'au dernier instant de sa vie, a attiré sur elle radmiration
« de tout le public scientifique. »
Les femmes semblent moins sujettes que les hommes à la mor-
pliiomniiie. Sur 100 morphiomanes, Levinstein pense qu*il y a
82 hommes et 18 femmes; relativement à la profession il a trouvé,
sur iOO morphiomanes, 32 médecins, 8 femmes de médecins,
i fils de médecin, 2 diaconesses, â infirmiers, 1 sage-femme,
i étudiant en m«'Klccinc, 6 pharmaciens^ i femme de pharma-
cien, etc.
Conmic pour le Chinois qui fume l'opium, les débuts ne sont '
pas désajjrréabl<»s; l'appétit et Tcmbonpoint sont conservés, mais
le plus souvent le visage est paie, gris-cendré, rarement cyanose,
la sueur est souvent augmentée; les yeux sont souvent privés
dVclat, le regard éteint, morne, timide ; mais une nouvelle injec-
tion le rend vif, plein de feu et d'enthousiasme. J'ai connu un
homme intelligent, atteint d'un certain degré d* agoraphobie^ qui
ne pouvait pas traverser la place de la Concorde ou celle du Car-
rousel, sans se faire une injection; il avait toujours, dans ses
poches, plusieurs seringues chargées, et, avant de se lancer, il
faisait s(:niblant de se baisser, s'isolait dans un endroit reculé et
relevant la jambe de son pantalon, se faisait lestement une injec-
tion dans la peau du mollet. Il se relevait alors, aussi plein
d'aplomb et d'assurance qu*il était, la minute avant, timide et
désorienté. Zanibaco rapporte qu'à Constantinople les thérinquU
sont communs; ils ne fument plus l'opium, ils se font des injec-
tions de morphine, a J'ai souvent vu, dit-il, des gens du monde
« en possession d'un arsenal de petits instruments à injection et
« qui avaient toujours à leur disposition, gràee à leur médecin,
fl une solution de morphine capable de les empoisonner! Des
« dames, même appartenant à la classe des plus élégantes^ pous-
• seul leur bon goût jusqu'à se faire des bijoux recelant une se«
« ringue mignonne et des flacons artistiques, destinés à contenir
« la liqueur enchanteresse. Au théâtre, dans le monde, elles s^es-
« quivent un instant, ou bien elles épient le moment favorable de
TAB\C. 181
< se lancer sur uoe partie visible de leur corps ou sur une région
N soustraite aux regards, une injection morphinée. » Mon ami le
docteur Landowski a montré récemment combien cette habitude
funeste tendait à se propager en France et en Europe.
La période stimulante de la morphine ne dure pas long-
temps; au bout d*un certain temps, les urines deviennent albumi-
neoses; l'impuissance génitale succède à Tétat contraire, qui
avait plus d'une fois poussé le morphiomane à satisfaire sa passion
pour l'opium ; la digestion cesse de se faire, un état spécial de
marasme ne tarde pas à se montrer. Mais le plus triste de cet état,
cVst que la suppression de la morphine amène parfois des consé-
quences plus terribles encore que celles qu'on voudrait éviter.
Cest néanmoins dans le but de couper court, quand il est encore
temps, à cette funeste habitude, que se sont fondées en Allemagne
des maisons de santé spéciales, analogues à celles que l'Amérique
et TAngleterre possèdent pour les buveurs qui veulent se guérir,
i Dès que le malade, dit le docteur Levinstein, s*est déclaré
f prêt à sacrifier sa liberté p* rsonnelle et qu'il veut commencer
i le traitement, qu'on le fasse conduire dans le local qui devra
« lui servir de résidence pour 8 à i5 jours et dans lequel les
« tentatives de suicide seront rendues aussi difûciles que pos-
4' sible. Les portes et fenèires ne doivent pas être suspendues sur
• des gonds, mais doivent être sur charnières à bandes, elles ne
« doivent avoir ni loquet, ni verrou, ni bouton, ni tourniquet,
• mais elles doivent être disposées de telle façon, qu'elles ne
« puissent être ni ouvertes ni fermées par le malade. 11 faut faire
€ disparaître les clous à crochet pour habits, rideaux et glaces.»
En dépit de tous les efforts^ la morphiomauie tend à » accroître,
et il y a lieu d'attirer sur ses dangers Tattention des hygiénistes.
§ 19. TABAC.
Si TAmérique du Sud a la coca, TAmérique du Nord avait de-
puis longtemps le tabac. Fumée dans le célèbre calumet du Peau-
Rouge la feuille du Nicoliana tabacum prenait un caractère sacré
€t faisait partie du culte, un peu comme Tencens dans la religion
des catholiques. On fumait le tabac jusque sur les bords du dé-
troit de Behring, et Schweinfurth a vu cultiver des variétés de tabac
dans l'Afrique centrale, près du Bahr-el-Ghazel.
D'Amérique, le tabac n'a pas tardé à se répandre eu 1.0X0^^^ ^V
i8S LA FAUNE ET LA FLORE.
son histoire est trop connue pour que je la répète ici. Je me borne
à signaler, en passant, la vÎTacité que conservent même chez les
peuples civilisés ces coutumes étranges de chiquer » fumer cl
mastiquer ou avaler certaines substances aromatiques, qui eici-
tent et engourdissent tour à tour le système nerveux, coutumes
que nous retrouvons chez tous les peuples enfants et qui corres-
pondent évidemment à un besoin de la nature humaine, puisque
partout rhomme a su trouver le moyen de satisfaire ce besoin.
L'effet pernicieux du tabac a été d'ailleurs singulièrement exagéré.
Il est certain que Tabus peut entraîner chez quelques |)ersonncs
prédisposées des troubles du cœur plus ou moins graves; mais si
fumer est une manie, c'est, en général, une manie inoflensive.
§ 20. MASTIC.
A la suite dos usages qui viennentde nous occuper, il est juste
de placer deux masticatoire$ qui, sans avoir 1* importance dessub-
stances qui précèdent, se rattachent néanmoins d'une manière
indirecte ù Talimentation^ le mastic et le bétel.
Le masik est la résine qui découle par incision du Pistacia
leiUUcus, térébinthacée qu*on cultive surtout dans Ttle Chio.
L'usage de mâcher le mastic paraît remonter fort loin, car
Pline (lit déjà qu'il purifie la bouche; il existait depuis longtemps
à Chio et dans une partie de l'Asie Mineure, mais les Turcs, à
l'époque de leur invasion au xv* siècle, se passionnèrent pour
cet usage répandu dans la population conquise et ils donnèrent
à rile de Chio le nom de l'ile du Mastic, prélevant pour le sérail
la première qualité de la récolte. Aujourd'hui encore la princi-
pale occupation d'une femme turque est de mâcher le mastic ;
cette résine sert aussi à parfumer une eau-de-vie, connue sous le
nom de maslic. Mâchée, elle blanchit les dents d'une manière en
quelque sorte mécanique et passe, en outre, grâce à la dégluti-
tion qui suit la mastication, pour un léger stimulant digestif.
§ 21. BÉTEL.
Un autre masticatoire plus répandu que le mastic et plus im-
portant dans ses conséquences sur l'organisme, c'est le bétel,
mélange assez compliqué de diverses substances et dont voici.
'T
BÉTEL. 18S
d'ailleurs, la composition la plus Tréquente : 1® feuille d'un Piper
{Piper BeUe, parfois Piper methysiicum, parfois Piper Siriboa)\
— 2* noii d'arec ou amande de VAreca cutechu^ élément le plus
constant dn bétel; — 3« chaux préparée par incinération des co-
quillages et qui rappelle la llipt^ des coquei-os, — 4^ noix mus-
cade, cannelle, girofles, tabac, camphre, cachou, en proportion
Tariable. Toutes ces substances s'enveloppent dans la feuille pour
former une sorte de chique, qu^on prépare au moment de s'en
senir^ comme les fumeurs de tabac roulent une cigarette. L'a^
mateur de bétel porte sur lui, dans une boite ad hoc, tous les
ingrédients nécessaires. — Cette mastication donne à la salive
Qoe couleur rouge, qui procure à la bouche un aspect sanguino-
lent; on croit à tort que le bétel noircit les dents. La coulcurnoire
des dents chez les peuples qui en font usage, tient en réalité à
un laquage spécial qu'on pratique sur ces organes (Mondière)
pour éviter d'avoir les dents « blanches comme celles d'un chien».
La mastication du bétel est un usage essentiellement malais.
Elle a pris une extension croissante et règne actuellement sur
tout l'espace compris entre les Moluqucs, le fleuve Jaune et les
innls de Tlndus, c'est-à-dire en Malaisie, en Cochinchine, au sud
(iela Chine et dans l'Inde. Le Camoëiis a décrit le cérémonial du
bétel à la cour de Calicut ; ce cérémonial existe encore.
Les habitants de Timor, de Java mettent dans le bétel beaucoup
de tabac ; les Papous mettent beaucoup de cachou.
Avastages dn bétel. -* La chaux qui entre dans la compo-
sition du bétel, a peut-être Tinconvénient d*altérer l'émail des
dents et de déterminer ainsi la carie dentaire, bien que cette
maladie ne semble pas fréquente chez les Malais ; mais, à côté de
cet inconvénient possible, l'usage du bétel présente de sensibles
avantages : ses propriétés excitantes et astringentes tonifient les
muqueuses, empêchent les sueurs exagérées et stimulent l'appétit.
-> C'est, en outre, un puissant taenifuge, qui, dégluti, contribue,
en Cochinchine notamment, à mettre les iiuligciies à l'abri des
nombreux parasites intestinaux auxquels on est exposé dans ce
pays et dont les germes sont apportés à l'organisme par les eaux*
Le voyageur Peron, qui s'était mis à l'usage du bétel, affirme s'en
être toujours bien trouvé et avoir dû à ce masticatoire l'immu-
Dîté dont il a joui pour les nombreux accidents auxquels sont
exposés les Européens. Delioux de Savignac et plusieurs autres
médecins de la marine ont donc proposé, avec raison, de dxsVmM^i
SS4 L4 FACNE ET LA FLO&E.
à Do« troupes eo Cdchinciiinf- Dbe prépantion èqaÎTileote, mais
dans laquelle, kùn de ménager les dents, on supprimerait U
chaux.
U
LUTTE DE L HOKME COn&E LA rAUHE ET LA FLORE.
Tous les acteurs qui j >uei:l. â cC^te de Tbomme, un rôle plus ou
moiiis ;jraod dîna ce grand drame qui a pour titre : / 1 luUe pour
ttJ^ffOnc*. . De ji>ueDt pas a- rôle de cr*m(«arses destinés a salis -
idir*: les appétits du F^remier dt'S Primatrs. Il tmuve [larmi eux^
et il a trouvé â tMUtes It^ époques, des ennemis reiouUbles. qui
ont tenu S'.fn couraj*' et khi attention en éveil et qui ont été
ulrl^i Itf's fack'Urs stimulants de ses pro;:rès.
flatte aver les ^rmmé9 aBlamax. » li suffît de contem-
pler ie^ squelettes de i'A.rr tk-num. du àiegath'Tium, de l'ours
de» casernes et de tant d^auires es;H.\"es animales aujouni*hui
tfU.'i!ilf-s, pour comprendre quels L-nnemis l'ht^mme eut à combat-
tre, Hn début dit sa lente ascension vers ce que nous nommons
auj'uid'hu: la civilisatiun.
Li le;:ende d Hi^itrule débarrassant la terre des monstres qui la
dcv^laieiit, ne repit;â<:nte pas autre chose que le triomphe de Thu-
nianib: <ïurce!r animaux au tvpe |»our nous fantastique, qui, jadis
al><indantN dans la nati^rc neile. ont fini par ne plus eiister qne
dans l»fS L' ileries di: la nuna^eric m\thoi<.»gique.
Iji; nos jo'irs encore, la faune de certains pa\s constitue ce-
pendant [Miur rhonmie un danger sérieui : en 1877, dans Klnde,
10 777 [Mjfsonnes sont mortes victimes des serpents et 2 918 ont
été man^Tires par les ti^rres!
A la Mailinique, sur une population de 1^5000 habitants, la
liioitalité caus^'C par le iri^onocéphale fer de lance [Bothrops
iuiti^uhttuK) i.'st au milins de .*>0 individus par an, sans compter
eeux qui testent estropiés pour le reste de leur vie (Rufi de Lavizon).
Kn liussie, les loups ne tuent pas moins de 150 personnes par an.
Latte roacre les iaflaiaieat petits. — Mais de DOS jours
c<;ttc lutte avec la jLTande faune n'a plus réellement d'intéi'èt, tant
la victoire de Thomme est facile et assurée. L*llercule moderne n*a
plus à combattre ces monstres gigantesques, dont les os trouves
NITRIPICATION. î%t
dins la terre étaient pris par nos pères pour des ossements de
géants; renneroi pour être devenu moins visible, n'en est pas moins
dangereux. Je veux parler de cette légion d'êtres microscopiques
que la science contemporaine découvre et étudie dans ce moment
et dont les œuvres longtemps méconnues apparaissent aujourd'hui
sous mille formes.
Un grand nombre des phénomènes dont le sous-sol est le
théâtre et qui produisent dans le milieu où vit l'homme des chan-
gements souvent importants, sont l'œuvre de ces êtres microsco-
piques. [,cur étude nous conduit directement à celle des phéno-
mènes dont le sang même de Phomme est le théâtre, à Tétudcdes
fermentations pathologiques.
§ i. NITRIFJCATIOX.
Tout le monde sait que parmi les matières salines contenues
dans certains sols et nécessaires à certaines plantes, habitauts
ré^'uliersdecessols, figure le salpêtre ou nitre, ou nitrate de po-
tasse KO, .\zO*j ; la bourrache, la buglosse, la pariétaire, la ciguë,
le tabac^ la pomme de terre contiennent de grandes quantités de
cette substance, que l'homme leur emprunte et qu'elles puisent
dans le sol.
Or on admettait, depuis Saussure, que le nitrate de potasse était
produit par la matière organique ; on pensait que les substances
organiques contenues dans le sol et qui contiennent de Tazote,
jouaient le même rôle que la mousse de platine, laquelle, on le sait,
dêtenninc la combinaison avec Toxygène, chez des corps qui ne se
combineraient pas avec ce gaz sans sa présence. Ou pensait donc
que, sous Tintluence de la matière organique du sol, ù un état de
division ei^trème, Tazote s'oxydait, pour devenir de Tacide azotique :
Az 4- œ = Az 0"'
Od admettait alors que cet acide azotique ainsi Tormé se substi-
tuait, dans les carbonates alcalins, au lieu et place de Tacide car-
bonique, qui était mis en liberté :
KOCO^ -h Az 0« = KO,Az œ -4- CO*
Les carbonates se changeaient ainsi en nitrates. C'était ce qu'on
nommait la théorie de la nitrification.
Or Schlœsing et Mûntz sont arrivés par leurs recherches à une
explication toute difTérente :
18ti LV FAUNE ET LA FLORE.
Ils ont pris île li'au -IViroiit, riche en matières organiques elen
sels calcaires, ils Tout tiltn.>e lie telle façon, que rexamen micro-
soopiquf U' plus ininuiieu\ n'y révélait plus un soûl organisme
vieillit*: ils .Hit mis cette eau biologiquementpure en rapport avec
Pair et iN ont vu alors se produire la nitritication, c*est-à-dire
la transtiPTiKition di's ^u.tatL*<i*t des carbonates en nitrates delà
uii'iue biise. Mais, en inèint» temps que s*opérait ce chan^emt'nt,i:$
"lit vu {ui' des jrjranismes nouveaux se développaient dans l'eau.
<]t*s (.- r-^ LU i suies nouveaux, il sufTisait de les prendre et de le^
transp«>i 1er ilaii^ d(;s liquides successifs, de les cultiver, pour voir,
sou< leur iiiUuence, les sels du milieu aqueux où on les plongeait,
se *rausri»riiier on nitrates.
la nitrilication qui se fait dans le sol et qui a pour Thomme
une .rrinde impurtance, est donc l'œuvre biologique d'un fer-
uii Ht. coniuie la vinilication est l'œuvre d'un ferment. Cest
U iHi i reuiier point l'iui important : ce qu'on aitnbuait à une
'{''ti-a i, ijir.v«.;jfv ? n'était autre chose que l'œuvre d'un être
vivant! Jusiin'à ce jour, ks médecins et les chimistes n*ont
que ti'itp abus^ de ces explicalious, qui mettent en jeu je ne sais
que. les intluences occupes, je ne sais quelles actions en quelque
st^rte nii ra|.bysiqne«i des corps les uns sur les autres. Le mouve-
ment •'{Ui •'iitritue anjourd'liui t)ntes les sciences loin de toutes ces
crovances my-itiiiues, nous montre partout des facteurs concrets,
palpables et vivants se substituant aux prétendues causes occultes.
S -. SLLFURATIOX.
res phénomènes de nitritication ne sont pas les seuls phéno-
mènes biol<»vri<|ues dont le sol soit le milieu. Si le ferment de la
nitritication dégage de l'oiygene, i{ui se porte sur Tazote pour for-
mer de l'acide azotique et des azotates, le sol renferme d'autres
ferments, qui. au contraire. abs«)rbent roxygèoe.
.\insi on croyait autrefi»is que les eaux sulfureuses, qui con-
tiennent du sulfure de calcium, prennent spontanément naissance
aux iUqK>ns d'eaux chargées de sulfate de chaux, lequel, cédant
son o\>gêne ii la matière organique, devient sulfure de calcium*
Ca 0, SO^ -4- matière organique = t^ S -+- matière organique 0^
Les expériences de Plauchud ont montré que cette équation
était exacte, mais que ce dédoublement était Tœuvre d'un artisan
IHPALUDISME. 187
animé, qui n^était autre qu'une microscopique sulfuraire. Il a suffi
à M. Plauchud de recueillir ces suifuraires sur un filtre et» après
les avoir lavées- avec soin, de les placer dans une eau sulfatée^
pour voir cette eau devenir sulfureuse et le sulfure se former
d*autant plus abondamment, que la multiplication des suifuraires
était plusaliondante. Deuxième exemple d'une théorie tellurique,
en quelque sorte métaphysique, concrétée par la découverte d'un
ferment animé.
Tous ces faits jettent le plus grand jour sur la nature de ce
qu'on a nommé Finfeclion (eli unique, Timpaludismc, la ma-
laria, do ce que je propose de nommer la paludatioji du sol, pour
accentuer Tanalogie entre le mécanisme de cetle action et celui de
la oitrification et de la sulfuration.
§ 3. IMPALLDISME.
Toutes les fois qu'un sol reçoit beaucoup d'eau et qu'il est en
même temps glaiseux^ c'est-à-dire imperméable, il devient ma-
rématique. Les nappes d'eau souterraines recouvertes par un ter-
rain perméable peuvent, de mème^ jouer le rôle d'un marais en
quelque sorte souterrain. L'une et l'autre de ces conditions se
rencontrent sur bien des points de la terre, et cependant tous les
marais ne donnent pas lieu à Timpaludisme.
Géographie de a'impaladisme. — Cet état pathologique ne
s observe guère, dans l'hémisphère Nord, au delà de la ligne iso-
therme de -4- 5°. Cette ligne s'élève en Suède jusqu'au 60<» ou 62°
latitude N. ; le voisinage du Gulfstream,qui réchauffe ces régions,
porte, on le voit» cette ligne à une latitude élevée, tandis qu'en
Asie le même isotherme de -H 5" correspond au SO* latitude N.
et en Amérique au Âl^ latitude N., au-dessousde Tembouchure du
Saint-Laurent.
On peut donc, dans l'hémisphère Nord, inscrire comme pays
ne présentant pas d'impaludisme : les bords de la mer d'Acliotsk,
ceux de la Lena, de l'ienisséi, de TObi, le nord de la presqu'île
Scandinave, les îles Hébrides, les Feroë, l'Islande et à peu près les
deox tiers au nord de TAmérique du Nord.
Dans l'hémisphère Sud, le domaine de la fièvre intermittente
est plus restreint : la limite n'est plus l'isotherme de -f- 5», mais
ccllede4- 15« ou + I6<». Elle passe entre le 3o* elle li^naXWu^^^.^
188 LU FAUNE ET LA FLORE.
au-dessous de Tembouchure de la Plata, au-dessous du cap de
Bonne-Espérance, entre TAustralie et la Tasmanie.
On peut donc, dans Thémisphère Sud, regarder comme étant
exempts de la fièvre intermittente : en Améilque, la partie la plus
australe de la confédération Argentine, depuis le cap Corrientes^
la partie la plus australe du Chili, toute la Patagonie ; dans
l'Océan, la Tasmanie, Tarchipel de la Nouvelle-Zélande.
Dans toute la zone comprise entre les limites que je viens d'in-
diquer règne la malaria, avec une intensité variable selon les
points.
Il importe néanmoins de signaler de suite, comme présen-
tant une exemption toujours constatée, les latitudes élevées,
comme le Mexique, par exemple, où les marais ne donnent pas la
fièvre, et certaines îles, qui pourtant manquent d'altitude : les
Bcrmudes ont des marais, mais on y observe rarement la fièvre
intermittente. En 184G, sur 11 224 hommes qui y débarquè-
rent, il y eut 25 admissions à Thôpital, pour cause de fièvre
paludéenne; — à Sainte-Hélène, sur 5 908 hommes, on n'a observé
que 30 admissions à l'hôpital pour fièvre paludéenne; — la Réu-
nion, Maurice n'avaient pas présenté de cas de fièvre avant 1866 ;
aujourd'hui la fièvre, même sous la forme pernicieuse, y est fré-
quente. En Nouvelle-Calédonie, à Taïti, en Australie, les accidents
paludéens sont extrêmement rares.
En dehors de ces points privilégiés, règne la fièvre, avec
d'autant plus de fréquence et d'intensité, que îc marais qui la
produit est plus rapproché de l'équateur.
En Euro|)e, la Suède, quoique froide, donne cependant encore
6000 cas d'impaludisme par année; Lombard place même la fièvre
intermittente au premier rang de la pathologie suédoise.
La malaria était autrefois très fréquente en Angleterre ; elle y
est rare, aujourd'hui que lo drainage y est pratiqué avec in-
telligence ; mais jusqu'au xvii< siècle, Londres était un pays
trè< malsain. Les médecins de l'époque nous ont laissé le récit
d'épidémies telluriqiies qui rappellent ce que nous ne voyons plus
aujourd'hui que sous les tropiques. En 1558 notamment, la fièvre
paludéenne joua le rôle d'une véritable peste ; une grande partie
de la rcci^lle fut perdue, faute de bras pour la ramasser; Jac-
ques l^^, Cromwell et son entourage furent eux-mêmes atteints.
Jusqu'au xvn<> siècle, il mourait chaque année, à Londres, du
fait de la fièvre intermittente, plus de 3 000 personnes; aujour*
IMPALUDISME. 189
d*hai il n'en meurt pas 500 dans toute TAjigleterre; c'est au
dessèchement des marais et aux progrès de l'agriculture qu'est
due cette amélioration.
Il en est de même en Ecosse, où la malaria est même plus rare
encore, et en Irlande, où le paludisme n'existe pour ainsi dire
pas ; cependant Dion Cassius rapporte qu'en 208 une armée
romaine, forte de 80 000 hommes^ perdit plus de 50 000 des siens
dans les marais de T Ecosse.
Les polders de la Hollande sont également moins malsains aujour-
d'hui qu'autrefois, car les Pays-Bas étaient jadis une des contrées
les plus meurtrières de TEurope. En 1747, le? troupes anjrlaises
qui occupaient Tîle de Walcheren, furent tellement maltraitées,
qu'il y avait des bataillons où il ne restait pas 4 hommes debout.
En 1748, ce fut pire encore : les Hollandais, qui avaient inondé le
pays pour se défendre, tirent, au moment des préliminaires de la
paix, rentrer les eaux dans leur lit, mais la malaria prit alors de
telles proportions, qu'on dut recommencer l'inondation. — Cette
mémetle de Walcheren devait plus tard être également funeste
aux Anglais, lorsqu'en 1 809 ils y débarquèrent de nouveau, car du
28 août au 23 décembre, sur un effectif de 39219 hommes,
4175 moururent de la fièvre; le nombre des admissions à Thô-
pital, pour fièvre, fut de 26846; à la fin de Tannée, les Anglais
retournaient chez eux avec i \ 503 malades du mal de Walcheren.
Le feu de l'ennemi ne leur avait coûté que 217 hommes. Aujour-
d'hui encore la mortalité en Hollande par fièvre intermittente est
considérable.
En Belgique, la malaria, de 1850 à 1860, a occasionné 1 606 dé-
cès, dont 684 dans la Flandre occidentale et 523 dans la Flandre
orientale. «
Fréquente sur toute la côte occidentale du Schleswig et du
Holstein, la fièvre y est connue sous le nom de fièvre de chaume-
En France, les marais de la Saintonge, des Landes, de la So-
logne, des Dombes, de la Bresse, du Forez font encore un trop
grand nombre de victimes.
En Allemagne, on observe la malaria à Tcmbouchure de la
Weser, dans TOldenbourg.
La Hongrie était tellement infestée par la malaria, qu'elle avait
reçu, au siècle dernier, le nom de tombeau dts Allemands ! La
fièvre y règne encore aujourd'hui sur tout le parcours des rivlè-
; aussi les plaines de ce pays sontf^lles célèbres par la {lè\ire
190 LA PAUNB ET LA ytORE.
de Dacie, le morbus HungaricuSf la Potistza, tous synonymes de
la malaria.
Sur tout le cours du Danube, on observe d'ailleurs la ' ma-
laria : elle a dans toute la Bulgaiie une gravité exceptionnelle
pour un pays tempéré, gravité qu^il est permis d'attribuer à une
ft^quente association avec la dysenterie.
On Tobserve fréquemment dans toute la presqu'île des Balkans
et en Grèce. Dans ce dernier pays, la mortalité par fièvre maréma-
tique forme les deux tiers de la mortalité générale.
En Russie, les fièvres de Crimée, du Caucase, de Tauris sont
des formes graves de malaria. Le campement de la Tchemaïa,
pendant la guerre de Grimét;, fut tristement célèbre.
Quaut à ritalie, les marais de la campagne de Rome y sont
classiques. Le mal date de loin, car Tite Live rapporte que
i 5 pestes successives vinrent empoisonner les débuts de la ré-
publique romaine, et lorsque, plus tard, nos ancêtres les Gau-
lois firent leur folle expédition d'Italie et vinrent, avec Brennus,
camper sous les murs de Rome, un grand nombre moururent de la
fièvre. En 1859, beaucoup de nos soldats devaient avoir le même
sort. L'agriculture et la belle civilisation romaine avaient fini, en
effet, depuis les premiers temps de la république et depuis l'in-
vasion de Brennus, par assainir la campagne romaine, mais Tin-
vasion de Tempire romain par les barbares avait coupé court à
cette lente et progressive amélioration du sol. Sous la domination
des papes, Tincurie romaine n'était pas faite pour arrêter les pro-
grès croissants de la malaria, et les bufQes devinrent bientôt les
seuls habitants de la campagne romaine. Les rizières de la haute
Italie, les chenevières de Livoume et de Naples sont avec Sienne
et Rome les principaux foyers. La mortalité générale de Rome est
d'ailleurs considérable.
La malaria est fréquente dans la péninsule ibérique, surtout
en Portugal. En Espagne, dans la Sierra de Guadarrama, par
1400 et 2700 mètres d'altitude, des fièvres palustres graves
ont régné en 1861 et 1862, pendant la construction du chemin
de fer de Madrid à Avila.
L'Afrique est peut-être la contrée du globe où Timpaludisme
sévit avec le plus d'intensité : aussi l'Algérie a-t-elle été, pour les
médecins de l'armée, la grande école où ils ont appris à bien con-
naître la fièvre palustre. La plaine de la Seybouse, près de Bone,
et la plaine de la Mitidja, dans la province d'Alger, sont particn-
IHPALUDISME. 191
lièrement célèbres. Là les indigènes, sitôt la moisson finie, se
réfugient sur les hauteurs, pour échapper à la malaria, et, dans
les six derniers mois de Tannée, non seulement la fièvre inter-
mittente domine la pathologie, mais toutes les autres maladies
revêtent sa forme, parce qu'il suffit que l'organisme soit affaibli
par une cause quelconque, pour que les effets du poison toujours
présent deviennent plus sensibles. D'une manière générale, en
Algérie, sur 1000 malades de farmée. on compte 428 fiévreux,
soit 2/5, tandis qu'en France, en tenant compte des garnisons des
pays marécageux, on compte, sur \ 000 malade:^, i05 fiévreux,
soit 1/10. D'après M. Delemotte, vétérinaire distingué, la fièvre
pernicieuse bovine est, en Algérie, un des plus grands obstacles à
racclimatemcnt des bétes à cornes qu'on fait venir d'Europe. Ces
faits sont confirmés par les agriculteurs, notamment par M. Arles
Dufour.
Le maximum de la malaria, en Afrique, se trouve sur la côte
occidentale. Au Sénégal, elle figure pour 3/4 dans les causes de
décès ; sur toute la côte de Guinée, dans le golfe de Bénin, dans
celui de Biafra, les terres basses sont couvertes de débris de végé-
tation; la terre argileuse, où prennent racine les palétuviers, y al-
terne avec les lagunes et les marigots d'eau saumàtre. C'est cette
région chaude, obscurcie par les nuages du Cloud-Ring^ que les
marins ont nommée le Pot-au-Noir ; c'est là que, surtout par le
vent N.-E., en novembre et décembre, au moment de la cessation
(les pluies, la fièvre atteint des proportions énormes. Inconnue
jadis à Maurice la fièvre y sévit depuis 1866, c'est-à-dire depuis
qu'on déboise.
En Asie, la fièvre palustre augmente, comme partout, du nord
au sud, de la Sibérie vers flndc. Très rare dans le nord de la
Sibérie, elle apparaît dans le gouvernement de Tobolsk, devient
fréquente dans la Transbaïkalie, à Irkoutsk. — La Mésopotamie,
le long du Tigre et de TEuphrate, aux environs de Bagdad et de
Bassorah, est un des principaux foyers de malaria. La vallée du
Gange est également célèbre à cet égard; depuis Bénarès jusqu*au
Delta la fièvre des jungles est en permanence. Dans F Inde en-
tière, sur 400 décès, 40'sont dus à la fièvre. En 1879, il y a eu
dans rinde 3 564 035 d^s par fièvre palustre. L'armée anglaise,
qui compte 57 810 soldats, donne 51 959 cas de fièvre, dont 1 387
ont été mortels. L'armée indigène, qui compte 130 000 hommes,
a eu 122 375 cas de fièvre, dont 1 756 suivis de mort. Si,&\x Y\t^^^
i9S LA FAUNE ET LA FLORE.
compter les décès, on calcule le nombre des malades, on voit qu^au
Bengale, sur 100 malades jl y a 72,64 Gévreux; àBombav, il y en a
61,73 ; à Madras, 31 ,62. Même sur les plateaux du Dekkan, la fièvre
apparaît ; elle y est connue sous le nom de Hill fever. En Cochin-
chine, où les 3/4 des terres cultivées sont des rizières et où Tabon-
dance des pluies transforme, pendant six mois, toutes les plaines
en marécages, la proportion des décès par malaria est énorme,
\/o des décès! La fièvre palustre règne en ce pays jusqu*à une
altitude de 1200-i:i00 mètres.
L'Amérique présente ce phénomène remarquable, que les fiè-
vres paludéennes sont plus fréquentes dans toute la zone de
TAtlantique, où se trouvent les grands fleuves, que dans la zone
du Pacifique, qui offre une disposition contraire. Le maximum
de la malaria américaine est dans la région centrale. Ainsi la
statistique des cas de fièvre intermittente observés pendant la
guerre de sécession nous apprend qu'en 1862 la région de l'At-
lantique a fourni 34 858 malades, la région du Pacifique 973 et
celle du centre 36 980.
En 18t)3, la région de l'Atlantique a fourni a'i 048 malades,
celle du Pacifique i OGi et celle du centre 133 8S8; le Texas et
toute la vallée de T A rkansas passent pour horriblement malsains.
Dans l'Arkansas, le fort Gilson a môme reçu le nom de Maison
mortuaire de l'armée de l'Union.
A la Guyane, que les eaux pluviales transforment en savanes
noyées ou pripriSy la fièvre forme les 3/4 des cas de maladie et le
i/3 des décès, souvent plus!
Formen diverses de la fièvre. — Telle est l'esquisse faite
à grands traits do la géographie de la malaria. Quelle est la forme
sous laquelle elle se présente à l'observateur? Je n'ai pas à décrire
ici la fièvre intennittenle aiguè. Tout le monde sait qu'elle se ca-
ractérise par des accès formés de trois stades : frisson, chaleur et
sueur, que ces accès se succèdent, suivant une sorte de rythme
déterminé, tous les t2, 3, 4 jours, suivant que la fièvre revôt le
type quotidien, tierce ou quarte; le type varie suivant les espèces
et les races auxquelles appartiennent les malades, mais il varie
aussi suivant les pays. Ainsi les accès semblent s'éloigner d*autant
plus l'un de l'autre, que l'altitude est plus grande, jusqu'à ce
qu'elle soit assez grande pour que l'accès n'ait plus lieu.
La fièvre paludéenne revêt souvent certaines (ormes dites
larvées, qui la font parfois méconnaître; ainsi le docteur Corre
IMPALUDISME. 1931
rattache à l'infeclion malarienne une ophtalmie épidémique qui
règne à Madagascar.
Dans les terres basses et chaudes de TAbyssinie, M. d'Abbadie
a TU la fièvre paludéenne se manifester, chez les indigènes, sous
la forme de catarrhe^ de rhume.
C'est également à Timpaludisme qu'il faut rattacher cette fièvre
de Chi/pre observée par Oswald Wood sur Tarmée d*occupation,
en 1878 et 1879; la maladie était caractérisée par une tempéra-
ture élevée et des sueurs critiques.
La môme origine doit être attribuée à ces lymphajiqites per-
nieiewies de Rio de Janeiro, décrites par Claudio da Silva, lym-
phangites tantôt fixes, tantôt erratiques qu'on jugule par le sul-
fate de quinine.
lien est de même de la fièvre bilieuse mélanurique au Sénégal.
Daprès Bérenger-Féraud,ello atteint 38-50 0/0 des individus au
Gabon et à la Côte-d'Or; 20 0/0 dans le haut Sénégal; 15 0/0 le
long des rivières du sud, la Casamance et le Rio-Nunez ; 8 0/0 au
Cayor; i-3 0/0 à Gori'e et à Saint-Louis, croissant et diminuant
partout avec Timpaludisme.
C'est encore au compte de la malaria qu'il convient de porter,
d'après un grand nombre de nos confrères de la marine, la fièvre
itUrO'hémoirhi.ujique, qui sévit à Madagascar, à la Réunion, au
Sénégal, aux Antilles.
Quant à la colique sècfte^ s'il est aujourd'hui bien démontré,
depuis le docteur Lefévre, que la plupart des cas décrits sous
ce nom appartenaient réellement à Tintoxication saturnine, jadis
fréquente à bord des vaisseaux, il est non moins prouvé, mainte-
nant que les chances d'empoisonnement par le plomb n'existent
plus, que des phénomènes névralgiques du côte de l'intestin,
identiques, pour la forme, à ceux que déterminait Tempoisonne-
ment par le plomb, peuvent être produits par Tcmpoisonne-
mentmarématique; c'est ainsi que les nègres, qui sont tout aussi
sensibles au plomb que les blancs, échappent généralement à la
colique sèche.
A la Guyane, la colique sèche n^est pas rare; on en observeen-
viron 80 cas par an (Vidal) dans le pénitencier de Caycnne. — Une
chose singulière et qui prouve bien la nature palustre de cette
maladie, c'est que desdeux pénitenciers deCayenne, aménagésTun
comme Tautre, mais orientés d'une façon différente, l'un présente
toujours la colique sèche, l'autre ne la montre jamais. î\\t \C^-
194 LA FAUNE ET LA PLORB.
teîDt que ceux qui sont exposés au yent d» marais, bien que tout
le personnel fa^se usage de la même eau. Diaprés le docteur
Vidal, c*est Timpaludismc qui prépare l'organisme à présenter, au
moindre refroidissement, les symptômes connus sous le nom de
colique sèche. Les travaux de Rochard ne laissent pas non plus
de doute sur la nature paludéenne de cette maladie aussi bien au
Sénégal qu*à Madagascar, au Brésil et dans Tlnde.
Caehexle paladéemie . — La forme aiguë de la fîèyre n*a
pas à nous occuper pour le moment; cet accès bruyant, expansif,
pour ainsi dire, c'est la manière dont un organisme vigoureux
réagit sous T influence du poison de la malaria. Or, comme tous
les réactifs, l'organisme est d'autant plus sensible, il réfèle d'au-
tant plus bruyamment la présence du poison, qu'il est lui-même
plus vigoureux; mais, au contraire, lorsque, par suite du
séjour prolongé dans un pays à fièvre, la sensibilité de l'organisme
est énioussée, il cesse de réagir aussi bruyamment et alors com-
mence la cachexie palustre, caractérisée par une anémie spéciale,
par un gonflement de la rate, par une décoloration particulière et
par une déchéance spéciale de l'individu d'abord^de la race ensuite.
Uippocrate a donné des habitints du Phase cette description,
qui peut encore aujourd'hui passer pour un modèle de peinture
de la cachexie paludéenne : f Ils ont la rate toujours volumi-
« neuse et dure; le ventre est tendu, émacié et chaud; ils ont
«les épaules et les clavicules décharnées; les femmes sont
« sujettes aux œdèmes, elles conçoivent difOcilement et leur ac-
(f couchement est laborieux ; leurs nouveau-nés sont gros et bour-
« soufflés; mais, pendant la nourriture^ ils maigrissent et devien-
« nent chétifs^de sorte que la longévité est impossible. La vieillesse
« arrive avant le temps. y>
La première manifestation de la cachexie palustre sur une
race est caractérisée par l'énorme augmentation de la, mortalité
infantile ; ainsi, tandis que, dans les parties non marécageuses de
la Hollande (le Limbourg), la mortalité infantile est de 12 0/0,
elle est de 29 0/0 dans File de Walcheren ; elle est de 39 et même
de 43 0/0 dans certains îlots de Tenibouchure de la Meuse.
Montfalcon, qui écrivait en 1824, cite des parties marécageuses
du département de l'Ain, où la population avait diminué de 1/8
depuis 1786; faisant allusion à Tinfluence de la malaria sur la
densité de la population, il ajoute que si, pour un espace donné,
on trouve, dans les parties non marécageuses du département de
IMPilLUDISMB. 19S
TAiD, 12 habitants, on n*en troufera que 5 dans la partie maré-
cageuse.
Quant à la lie moyenne, elle diminue en raison directe de
rétendue du marais^ ainsi que le montre le tableau suivant emprunté
à Becquerel :
Proportion
des parties Populalion
Df^partements. marécageuses par Vie moyeane.
pour kil. carré.
1000 bcet.
Cher 6 13,A0 30 ans, 04
Loiret 41 11,31 «82 ans, 33
Dans la Brenne, la vie moyenne est inTérieure de onze ans, à
ce qu'elle est dans la région voisine. La taille y *est également
plus petite qu'à côté. Voici, d'ailleurs, le tableau des réformés,
pour les principaux cantons :
Surface v««.k-^
d'étang p. 100. ^T''"'.
Cantons. de surface '^^'J'^Î^T"*»
du canton. P' *^^-
Chalamont 23 65
Saint-Trivier... 17 62
Chalillon 8 60
Montluel 6 47
TrévolU 8 40
Mezimieux 8 39
Les besoins du recrutement donnent, d'ailleurs, Toccasion de se
(aire une idée de Pétat des habitants des pays marécageux : les
exemptions pour «iéraut de taille, hernies, Tuiblesse de constitution
atteignent, dans les cantons marécageux, des proportions effrayan-
tes, qui, dans certaines parties des Dombcs, vont jusqu'à 62 et
65 0/0. n s'est même rencontré des années et des cantons, où Ton
ne trouvait pas un seul homme pour réponire à Tuppel de sa
classe. Toute la classe était morte avant Tâge de 21 ans.
Les individus dégradés par les ravages de l'impaludisme chro-
nique prennent un type à part : tandis que tout l'organisme
s'atrophie, la rate seule sliypertrophie. Toutes les ^fonctions se
pervertissent; beaucoup sont boulimiques, mangent de la terre et,
dans les autopsies, Burdel a vu l'estomac descendre plus bas que
rombilic.
Le cerveau et, pu: suite, Tintelligence n'échappei\l ^«a Vc^XVft
tS< LA FAUNE BT U tUiM.
déchéance. Ainsi dans le Forez, Undisque les habitants des par-
ties saines sont acUr», vif^ureui, industrieui, ceui des plaines
marécageuses sont mous, apathiques; à vin^ ans, ils paraissent
âgés de trente-cinq ans. La statistique judiciaire a montré que
Tassassinal Idchement prcmcdilc s'y montre rréquemment. C'est
surtout en Solos;iie que, dans noire pa;s, U déchéance inleliec-
tuelic, par le fait de l'impaludisme, atteint son maiimum.
CrétiBiBBe paladéeB.— Le docteur Burdel [de Vienon) a fait
contiailrr'dnnsccpaysuiie forme de cir'(»i>rRe, propre à l'inipulu-
fm"^
dismc, qui, avec certains caractères particuliers, rappelle tout à fait
le cri'tinUme goitreux des vallées de montagne. Il y vingt ans, dit
Burdel, sur 400 enfants on en vojait 70 languir. Leur md com-
mence par la fièvre, qui passe inaperçue, par des convulsions,
qui taolÂt arrêtent le mouvement nutritif général, tantôt n'arrê-
tent que l'intelligence. Il semlile que la matière cérébrale est
restée figée dans le moule de t'enrancel La gravure ci-dessui,
empruntée au docteur Uurdcl, donne une certaine idée du fades
terne, hébété cl spécial de ceîeriliiii paludéens, sans goitre.
L'individu, dans les pajs marématiques, commence par laliéf ra
IMPALUDISME. 197
intermittente, il finit par la cachexie et la race présente la dégé-
nérescence paludéenne.
^Sature de la nalaria. — Comment agit le marais? Ce que
uous avons vu plus haut, au sujet des facteurs animés de la nitri-
ficalion et de la sidfuration, va nous permettre de comprendre ce
qu'on pourrait nommer \a,palud(tti(m. Nous verrons comment des
agents semblables à ceux de la nitrification, êtres vivants qui exis-
tent dans le marais, produisent, dans l'organisme qui les absorbe,
les pfTets toxiques qui leur sont propres.
Souvent ces êtres perdent leur action par suite de la dessiccation
qu'ils ont subie, mais, comme un grand nombre d'organismes
inférieurs, ils sont doués du pouvoir de reviviscence et capables
de continuer, sous l'influence de l'humidité, une vie que la sé-
cheresse, même prolongée, semblait avoir interrompue ; celte
propriété nous permettra de comprendre comment il suffit d'ou-
vrir une tranchée dans le sol, pour redonner la vigueur à des
organismes chez qui la vie était latente. C'est ce qui s'est produit
a Paris, lorsqu'on creusa les tranchées du canal Saint-Martin ; un
jrrand nombre d'accidents paludéens se produisirent alors.
Elle est d'ailleurs bien ancienne l'idée moderne qui rattache à
•les organismes vivants la production delà malaria! Vitruve,Var-
ron.roluraelle croyaient que les accidents paludéens étaient dus à
'les insectes, qui habitaient les régions marécageuses. L'idée méta-
physique du marais agissant comme une puissance occulte ne vint
que beaucoup'plus tard. H est vrai qu'elle n'est pas encore éteinte,
bien que la nature, en quelque sorte parasitaire des accidents
|ialudéens, soit aujourd'hui amplement démontrée. Rasori, au début
de ce siècle, conseillait, pour se garantir de ce qu'il regardait
d('*jà comme des germes, de ne respirer l'air des régions maréca-
Ifeuscs qu'à travers une gaze légère; c'était là l'avant-coureur des
théories et des applications de Tyndall et de Pasteur. Enfin, de-
puis longtemps on savait que ce qu'on nommait jadis le miasme (f)
était susceptible dètre transporté ou d'être arrêté en route,
comme si cette sorte de prétendue dme invisible se revêlait d'un
f^rps palpable et tangible.
Lancisi raconte que 30 personnes de Rome se promenaient,
un jour, vers l'embouchure du Tibre. Tout à coup le vent des
marais se mit à souffler ; 29 d'entre elles furent prises de la fièvre.
Dans d'autres cas, c'est un mouvement de terrain ou une rangée
d'arbres, qui, coupant le vent du marais, met à VdXm de ses e\Sfc\&*
I
lilg LK FAUNE ET LA FLOltlï.
Marchai de Cahi donne un autre eieniple bien curieux de Iran»-
porl. Des soldaU s'embarquèrent, en emiiurUinl avec eux leurpro-
visioD d'eau puisée dans un marais; its lionimes de l'à^uiiagF
burenl.eui, l'eau qu'ils avaient embarquée duit» un autre cntlroil,
non marécageux. Or les soldats seuls eurent la fièvre. Ib
avaienl mis le miasme (!) en boureille !
Tout portait donc à croire à l'eiistence d'un véritable paraâU:
le professour Bouctaardat eut le mérite, généra icmeiil raccoiUKii
d'entrer un des premiers dans celte voie : il émit l'idée que 11
malaria était due à un venin dégagé par les orKanismes, qui pullu-
lent dans nn marais. Il allait même jusqu'à jwnser que ti 11
Nouvelle-Calédonie ne présentait pas, ainsi que nous l'jivoiu tu
plus baut, de phénomènes d'i m paludisme, cela tenait à ce que \a
agents producteursdel'emiMisonnementétaienl détruits par le Ai*-
tiuli {Melainica kuradendroa], qui, avec le McMeunt eitjrpttli de*
Moluques, fournit aux parfumeurs l'essence de cajVpui. Il allri-
buait la même propriété à Veucalj/pius eu Australie. Le ^Toteateu
Bcrthelut adopta en partie ces idées, avec une variante : il peasaJI
que les organismes du marais produisaient un ferment p«rtict>-
lier, comme l'ergot du seigle produit la diagtase.
11 eût coûté bien peu d'aller plus loin, de faire un pas de plus,
et, sans aller chercher le venin et la diastase, d'accuser directe-
ment les producteurs supposés de ce venin et de cetic diostoe.
Cette théorie vraiment parasitaire, inaugurée parSalisborj.eit
arrivée aujourd'hui à un état de développement qui semble nti»-
faisant puur l'esprit
Déjà, en (829, Heineu flis avait recueilli la rosée à l&s&rbM
des plantes d'un marais, et il en avait fuit absorber une certûnc
quanlité àdes lapins; ceux-ci eurent de la faiblesse, du tiem"
klement, de la stupeur. Son père lui-Piéuc, qui Tavail aidé
dans ses expérieiices, fut mabide aprèj avoir bu celte rosce cl dot
prendre du quinquina. Van der Corput rapporte de son dM,
qu'étant étudiant il eut des fièvres, pour avoir tenu sur sa fenétR
un vase rempli d'algues cl de plantes paluslres; le docteur flsn-
mon éprouva les mêmes accidents, pour avoir tenu sur sa fenUre
un vase rempli d'algues d'eau douce; les accès se montraient, cltei
lui, au moment du lu frucliGcalion de ces plantes; lu prufisseiir
Murren a vérifié le même fait; eulin Salisburj a transporté la terre
prise dans un marais à une distance de ce marais, de S milles bd
li>n^ueur horizuntalc el de 3U0 pieds en hauteur; il mit lu lerre du
IMPALUDISMB. !99
marais dans un vase, qu'il déposa sur la* fenêtre de la chambre
à coucher de deux jeunes gens, qui s'étaient prêtés à cette expé-
rience ; les deux jeunes gens eurent des accès de fièvre, absolu-
ment comme s'ils avaient été chasser dans le marais. Dans cette
terre, Salisbury trouva un grand nombre d organismes du genre
palmella, qu'il regarda comme producteurs de la (ièvre.
De son côté, Lemaire, en Sologne, dans une région où tout le
monde tremble la fièvre et qui, pour cette raison, est connue sous
le nom pittoresque de tremble-vif, étudia la vapeur d'eau con-
densée, qu'il avait recueillie à la surface du marais ; il vit d'abord
des cellules, des spores, puis il vit se développer sous ses
yeux des algues, des mucédinccs, des champignons ; plus tard,
ces êtres meurent et cessent de croître ; ils sont rempla-
cés par des monades, des vibrions, des spirillum, des bactéries ;
à mesure qu'ont lieu ces transformations, le liquide, qui était
d'abord limpide, se trouble, il devient floconneux et dépose une
matière organique, formée de tous les éléments que je viens de
nommer.
Tout cela est assez vague ; cependant il se pourrait que cette mul-
tiplicité des objets observés successivement ait mis sur la trace
d'une loi d'évolution ou mieux de transformation. Ainsi Hallier
(d'icna) croit qu'il s'agit d'un parasite voisin des oscillnrinées,
organismes veraiiformcs, doués de mouvements vifs et qui subis-
sent un certain nombre de métamorphoses. Scburtz (de Zwickau)
aurait surpris cette métamorphose sur le fait : il cite un savant
qui fut pris de fièvre palustre en cultivant des oscillarinées ,
chaque matin, l'odeur du marécage était répandue dans sa
chambre et, chaque matin, on trouvait dans la vapeur d'eau
déposée sur les cloches qui recouvraient les osrUlarincrs, des
ptilmellées, qui, croit-il, sont une des étapes du développcuieut
des oscillarinées et jouent un grand rôle dans la malaria. Le-
maire et Hallier ont même émis l'hypothèse que les oscillarinées
correspondaient, comme élément pathogénique, à un groupe uni-
que de maladies : la fièvre intermittente, la fièvre jaune et le
typhus, dont chacune résulterait d'une des étapes de cette méta-
morphose. Pour beaucoup de raisons, cette hypothèse semble insou-
tenable. Mais de tout ceci il résulte que les botanistes sont loin
d'être d'accord sur les formes vraisemblablement multiples, qui
pullulent dans la vapeur d'eau dégagée par un marais.
Je n'ai pas, en effet, terminé la liste de tout ce (\ue \e^ o\i^TH^-
tff LA FAUNE ET LA FLORE.
teurs différents ont troiité en pareil cas : le docteur Corre, à la
côte d'Afrique, affirme la coexistence habituelle des fièvres d^accès
et de certains protoorganismes dans latmospbère.
Wood, Balestra, Lanzi et Terrigi (1866-1875) avaient cherché
à rattacher la fièvre paludéenne à un élément figuré. Les deux
derniers disent avoir trouvé une végétation comparable aux y»**-
ifletiy à laquelle ils ont donné le nom de Burterhlium hrwmeum,
Kklund a trouvé, dans la vapeur d*eau condensée d'un marais,
un parasite, qu'il nomme Limnophysuli^ Aj^i/imr, déjà observé par
Lemaire et par Gratiolet. C'est un petit champignon; ses sporan-
ges sont parfois hh*ues et cela concorde avec ce que nous savons
de la fréquence des vomissements hlcus, ok>servés à la Havane et
signalés [»ar Sullivan dans la fièvre intermittente pernicieuse. Il
(>enso que ces sporanges sont id«?ntiques au rotiffulum hyatiny
signalé par Frerichs dans le sang des malades morts de la fièvre
intermittente. D'après Eklund, le Lhnnophysolis hyalina enire dans
le sang, soit par la muqueuse bronchique^ soit par la muqueuse
digesti\e, avec l'eau ingérée; il a toujours constaté ce parasite
dans le santr des malades atteints de fièvre intermittente ; il l'a
même retrouvé dans furine. Ce parasite croîtrait dans les glandes
intestinales et [>énétrerait petit à petit dans la circulation; on le
trouve toujours dans le sang pendant le stade fiévreux propre-
ment dit.
De leur côté, Tomas>i Crudeli (de Rome) et Klebs (de Prague)
ont étudié riin|>aludisinc dans la campagne romaine ; dans les-
couches inférii.'ures de l'atmosphère, ainsi que dans le sol maréca-
geux et dans les eaux stagnantes, ils ont découvert un fungus
microscopi()uef formé de nombreuses spores mobiles, brillantes, de
9.'i micromitlimètres; ces organismes injectés sous la peau de
plusieurs chiens ont donné à ces animaux de la lièvre, avec des
intermittences partois de 60 heures, avec une élévation de tempé-
rature allant jusqu'à H- 42^ et gonflement de la rate, qui triplait
de volume. Dans le sang de la rate ainsi que dans les vaisseaux
lymphatiques, ces spores deviennent de longs filaments, d'abord
homogènes, mais qui se subdivisent ensuite et dans l'intérieur
deiiquels se forment des spores nouvelles. Ils ont nommé ce fuugus
Bucilhis mnlnriœ.
Dans un second mémoire, Tomassi Crudeli et Klebs confirment
leurs premiers résultats et ajoutent les conclusions suivantes :
1* Dans le sol de toutes les localités palustres de la campagne
IIIPALUDISME. toi
romaine, le Bncillus mnlariœ a été trouvé à l'état de développe-
ment complet, ou bien on Tobtenait en grandes quantités à l'aide
de cultures artiQcielles. Dans les districts sains, on n'a pu obtenir
ce parasite, soit directement, soit par les cultures ;
2» Pendant les chaleurs de Tété, ce bacillus s'élève dans Tatmo-
sphère en si grande profusion, qu'il n*y a pas besoin d'appareils
spéciaux pour le recueillir dans Tair ; on le trouve en abondance
dans la sueur des mains et du visage ;
W" On ironie ronsUimment ces spores pendant la période d'acmé
lie l'accès, dans le sang des lapins infectes par la malaria, dans
le sang retiré de la rate des malades au moyen d'une méthode
in\entée par le docteur Sciamanna. La culture artificielle de ce
sang a toujours amené le développement du Banllus malarix
parfois en très grande quantité. Au contraire, la culture du sang
splénique de personnes atteintes d*autres maladies n'a donné
que des résultats négatifs ;
4® tin injectant sous la peau de chiens le sang retiré des veines
de personnes affectées de ûèvres palustres , on reproduit cette
maladie chez les animaux en expérience ;
i>** Dans tous les cas où le sang a été extrait de malades palus-
tres pendant la période d'invasion de la (lèvre, il contenait une
.irrande quantité de bacillus complètement développés. Au con-
traire, dans la période d'acmé de la fièvre, les bacillus disparais-
sent ; on ne trouve plus que les spores.
Ce^t la rate et le voisinage des os qui constituent les nids prin-
cipaux du parasite; c'est de là quMI arrive dans le sang et ce
passage signale le début de l'accès ; la fin de l'accès ou crise coïn-
cide avec la destruction ou l'élimination du parasite ; cette élimi-
nation ^c fait surtout par le rein. Antonio Ceci est arrivé à des
résultats semblables. Il a trouvé dans la terre des marais des
schistomycètes qu'il a cultivés et qui, injectés à des lapins, leur
donnaient des accès de fièvre palustre, avec gonflement de la rate.
A ces données, qui paraissaient fort simples, voici que le doc-
teur Laveran en ajoute d'autres, si bien qu'on peut dire en
réahlé que le seul argument qui reste encore au service des parti -
sins du (iofjme marimfUi que, aux adversaires du parasitisme, c'est
le grand nombre et la diversité des parasites incriminés ; le docteur
Laveran a trouvé dans le sang des malades (26 fois sur 44) des corps
sphériques, transparents, à contours très fins, de 6 millièmes de
millimèlre de diamètre ; dans l'intérieur de ces corps se Vco^xh^^X
îft LA PADHB ET LA FLORE.
des granulations pigmentaires arrondies ; parfois aulour d'eux
apparaissent des filaments très transparents, animés de mou-
▼ements rapides et qui ont Taspect d*anguinules, dont une des extré-
mités serait fixée dans rintéricur de Télémenl sphérique. Ces élé-
ments, nombreux dans le sang des malades qui ont la fièvre depuis
quel(|ue temps et qui ne sont pas traités d'une façon régulière,
disparaissent chez ceux qui ont pris pendant longtemps du sulfate
de quiiiine et qui peuvent être considérés comme guéris. Le doc-
teur laveran a donné à ce parasite, qui appartiendrait au règne
animal, le nom â'OscUhrin malariœ.
I.es recherches du docteur Laveran ont été complétées par celles
du dortcur Richard, médecin de Thôpitaldc Philippeville. D après
ce dernier observateur, les cléments que Laveran a décrits comme
corps sphéri(iu(îs, remplis de granulations et de Pi ntérieur desquels
fi'ér)i.ipprnt des filaments, comme autant d'anguillules, sont les
globiil(>H sanguins, dont le microl>e fait son habitat spécial, comme
un rhinmiym iVuw Irntillr et d'où il sort une fois qu'il est arrivé
à IV'tal parfait. Les granulations sont, d'après lui, le premier état
du parasita nicore inclus dans le globule; les filaments représen-
teraitîut U; parasite sortant de sa coque globulaire.
I)(î n'tli; l(»ri}çu(î ^numération il ressort clairement que la fw/i-
i^irifi est parasitaire et inoculable. Quel est au juste le parasite?
(î'esl sur ci; point que les observateurs difierent. Y a-t-il plusieurs
parasites? Y eu a-t-il un seul qui présente plusieurs formes, plu-
sieurs rtats? C'est ce (pion ne saurait dire encore. L*es.>entiel,
aprVîs tout, est de savoir qu'un parasite vit dans le sol, dans Teau
du marais, dans l'air qui le lèche et que ce parasite peut s'in-
troduire dans le sang. On comprend maintenant comment le vent
d'un marais peut donner la fièvre ; on s'explique ce fait signalé
parle docteur Lecadre (du Havre) du transport du mifismcÇt) pa-
ludéen sur les hauteurs, par du foin coupe dans des plaines où
règne la fièvre intermittente. On comprend l'action de l'euca-
lyptus, qui non seulement répand dans l'air une essence peut-être
toxique pour les micro-organismes, mais par ses racines prati-
que dans le sol et dans le sous-sol un véritable drainage, défa-
Torable à la vie, dans le sol, des nombreux parasites dont nous
avons vu plus haut la liste évidemment trop longue.
Arllon favorable du dcsiséchement des marais. — Cela
est si bien le résultat du marais, que, partout où on dessèche les
marais, on voit petit à petit la population augmenter et s'amé-
IMPALUDISME. S«8
liorer. Ainsi c'est en 1857 qu'on a commencé les travaux de dessè-
chement des étangs du Forez ; à Theure actuelle, on n'a encore
eiécuté que le quart des travaux et déjà la flèvre paludéenne
a diminué des 3/4; il est vrai que la dépense s'est élevée à
540 000 francs, mais la plus-value des terres est déjà de 4 500 000,
et lorsque tout sera terminé, on aura dépensé 7 millions de francs,
mais la plus-value des terres sera de 24 millions de francs.
Depuis longtemps déjà on a commencé à assainir les Dombes,
au sud de Bourg-en-Brcsse : les étangs y couvraient une super-
ficie de 19 215 hectares; la mortalité dépassait la natalité de
19 0.0 ; aujourd'hui, la densité de la population s'est accrue : elle
a passé de 21 habitants à 31 par ^kilomètre carré; la durée
moyenne de la vie, qui était de 25 ans, est devenue de 35 ans; la
proportion des réformés, qui était de 52 0/0, s*est abaissée à 9 0/0.
Oq connaît les résultats qui ont été déjà obtenus en Australie et
en Algérie. Dans la campagne romaine, dont on connaît Tinsalu-
brité proverbiale, au monastère des Trois-Fontaines, habité par
des trappistes, grâce à l'eucalyptus, une véritable oasis a été créée,
les moines, qui pouvaient à peine y rester pendant la journée, ne
sont plus obligés de rentrer à Rome chaque soir pour éviter la
fièvre.
Le drainage, voilà, en résumé, le grand moyen de combattre la
malaria ! Un des mérites des récentes recherches de Tomassi
Cradeli est d*avoir montré l'importance du drainage, non de la
surface du sol, mais du sous-sol profond. Il a montre avec raison
combien on avait tort, jusqu'à présent, de faire consister l'assai-
nissement des terres raalariqucs dans Técoulement des eaux sta-
gnantes à la surface du sol ; on ne fait alors que suspendre l'évo-
lution du ferment, mais on ne l'empêche pas complètement. En
effet, le ferment malarique se développe avec énergie dans cer-
taines couches géologiques profondes et imprégnées d'une faible
humidité; c'est ce qui a lieu dans Vagci' ronumus.
Les eaux pluviales traversent rapidement les couches poreuses
superficielles et s'accumulent dans les dépressions ou dans les
cuvettes des lits argileux, sous forme de mares souterraines; de
plus les lacs formés dans les cratères des volcans éteints et situés
sur les crêtes qui dominent la campagne romaine, alimentent ces
mares par leurs infiltrations et 'maintiennent le sous-sol dans un
état permanent d'humidité. Enfin les couches superficielles, dessé-
chées et fendillées par l'ardeur du soleil, sontfacileraeulUaLNet^ifc^'â
«•4 Là FAU5S ET LA FLORE.
par Tair atmosphérique; ainsi donc toutes les conditions favo-
rables au développement du ferment malarique se rencontrent
dans la structure géologique des collines de Tager romanus.
Le docteur Tomassi Crudeli, en faisant connaître ces faits, a
provoqué quelques travaux d'assainissement, au moyen de fossés
parallèles à la base des collines, fossés permettant le dessèche-
ment du sous-sol des vallées, leur préservation contre les infiltra-
tions et aufsi révacuation plus rapide des eaux. Ces travaux ont
été suivis de la disparition de la malaria dans les localités sur le
territoire desquelles ils ont été entrepris.
Les anciens Romains n'avaient pas d'ailleurs méconnu les bien-
faits du drainage profond et, de leur temps, la campagne romaine
n'était pas le pays malsain par excellence qu'elle constitue à l'heure
actuelle. Ils avaient creusé profondément de petits tunnels (cannli-
ntlij de 1"",50 de haut sur 0™,50 de large, qui aboutissaient soit à
des puits, soit à des canaux collecteurs de grande dimension. Ces
canaliculi n'existent que dans les endroits où le sol argileux est
imperméable et font défaut là où le sol permet la pénétration
profonde des eaux. Quelquefois plusieurs étages de cannliculî
sont superposés. Au Quirinal,on a trouvé deux étages, quatre à
l'Avintiri. — l/eucalyptus, par la grande quantité d'eau qu'il
pompe dans le sol, n'agissant que comme agent de drainage, la
théorie ni<»deme ne fait donc que confirmer ce que les anciens,
par une sorte d'intuition, avaient senti nécessaire î
I.c quinquina. — C'est de même que le traitement empirique
des fièvres de marais par le quinqiiina trouve aujourd'hui son
explication dans la théorie du parasitisme. Les travaux de Bucha-
nam ont, on effet, montré que la quinine avait une action mortelle
sur les vibrioniens. Dans les expériences in ritrn, la solution de
quinine, pour avoir sur eux un pouvoir suffisamment toxique,
doit être au moins au l/-2o0. De son côté, Antonio Ceci s'est
assuré que les schistomycctes périssaient dans un liquide de cul-
ture additionné de 1/DOO de quinine et que les injections de ce
liquide ne donnaient pas la fièvre aux la[)ins. Il est d'ailleurs
fort curieux de constater que les divers alcaloïdes du quinquina,
classés d'après l'intensité de leur action toxique sur les vibrio-
niens, se trouvent alors précisément dans l'ordre où les a mis
la commission de Madras, en prenant pour base leur action surla
fièvre telluriquc : quinine, quiniclinc, cinchonidine, cinchonie.
GOITRE, CRÉTINISME GOITREUX. tOS
§ 4. GOITRE, CRÉTINISME GOITREUX.
Bien qu'il ne soit pas d'usage de rapprocher l*cndéiDie goitreuse
de Tendémie paludéenne, il me semble logique, pour plusieurs rai-
sons que je ?ais exposer chemin faisant, de rapprocher ces deux
maladies, voisines dans leurs effets, dans leurs conséquences et,
bans doute aussi, dans leurs causes.
l/endémie goitreuse ne se caractérise pas par le gonflement de
la raie, mais par le gonflement d'une glande bien analogue à la
raie, quant à la structure et aux fonctions, le corps thyroïde. —
Elle se caractérise, en outre, par une cachexie spéciale, la cachexie
goitreuse, comparable, sous plus d'un rapport, à la cachexie palu-
déenne, enfin par une dégénérescence de la race, le entinismc
ii'fitreus, très voisin du critinisme paludéen dont j*ai parlé plus
haut.
On ne saurait donc méconnaître les rapports qui unissent les
deux affections ; il est vrai qu'elles sont séparées par un certain
nombre de différences.
DisiribotioB géographiqae. — Leur extension à la surface
du sol est d'abord différente ; la nature des terrains où on les
observe n'est pas la même: tandis que Timpaludisme sévit surtout
dans les régions basses, humides, chauJcs, l'endémie goitreuse
s'observe surtout dans les montagnes et dans les pays froids aussi
bien que dans les pays chauds. L'endémie goitreuse se rencontre,'
ea effet, dans tous les pays et frappe toutes les races ; la condi-
tioD qui semble dominante, c'est le séjour dans les montagnes.
L*endémie crétino-goîtrcuse existe en Europe : dans les mon-
tagnes de la Scandinavie; dans les Highlandsd*Ecosse; en Angle-
terre, dans le Sussex, le Hampshire, Northumber]and,le Yorkshire,
le Westmoreland ; en France, dans les Alpes, les Pyrénées, les
Vosges ; en Allemagne dans le Wurtemberg, la Prusse rhénane,
lesCarpathes ; en Russie, dans l'Oural, dans le gouvernement de
Perm, aux environs du lac Ladoga; en Italie, dans tout le sud-
ouest du Piémont, dans le pays d'Aoste, dans les vallées de Cu-
oéo, Saluzzo; en Suisse, surtout dans le Valais; en Espagne,
dans les Asturies, TEstramadure et la Nouvelle-Castille; en Grèce.
L'Allemagne, l'Italie et la France semblent occuper un des pre-
miers rangs au point de vue de la fréquence de la maladie \ il est
20G LA FAUNE ET LA FLORE.
vrai que c'est relativement à ces trois pays, que nos renseigne-
ments sont le plus complets.
Ainsi, dans certains points de ritalie, notamment dans le Ta-
rentaise, on compte 14,5 crétins sur 1 (MM) habitants; dans la Tal- -
lée d'Aoste, 27,9 sur 1 000; dans la Maurienne, on compte 4 329
goitreux et I 418 crétins, d'après la dernière enquête orûcielle.
Dans toute l'armée italienne, le crétinisme est une cause de ré-
forme daiis la proportion de 2 pour i 000, le goitre dans celle de
20,9 pour 1 000 conscrits ; dans la vallée d'Aoste, les réformés
crétins s'élèvent à 1 pour iOO (Sormani).
En France, Baillarger, dans l'enquête qu'il a été chargé de faire
et qui a été exécutée d'une manière si remarquable, estime le
nombre des goitreux à 500 000 et le nombre des crétins à 120000.
L'exemption du service militaire, pour cause de goitre ou de cré-
tinisme, a éliminé, pour la France entière, de 1831 à 1853, sur
100 000 conscrits, un chiffre qui varie entre 542 et 860, soit 5 ou
8 pour 1 000, mais ce n'est là, bien entendu, qu'une moyenne ;
— il existe, il est vrai, un bon nombre de départements dans les-
quels on ne rencontre aucune exemption pour ce motif; il en est
d'autres, au contraire, dans lesquels ces sortes d'exemptions sont
très fréqucnles. Ainsi, de 1837 à 1849, le département des Hautes-
Alpes aeu,chaqueannée,en moyenne 88,32 exemptés pour 1 000;
celui des Hautes-Pyrénées, 38,oi pour 1 OOO ; celui de Tlsère, 33,85
[H)ur 1 000.
Relativement à la fréquence du goitre, on peut diviser la
France, telle qu'elle était avant 1870, de la manière suivante,
dont la carte ci jointe donne une idée. Dans 10 départements,
le nombre des goitreux oscille entre 133 et oO pour 1000,
en moyenne 73 pour 1000 habitants; ce sont : l'Aisne, les
Vosges, le Jura, la Haute-Savoie, la Savoie, les Hautes-Alpes, les
Basses-Alpes, les Alpes-Maritimes, l'Ariège, les Hautes- Pyrénées.
— 23 départements en ont de 49-20 pour 1 000, en moyenne
32 pour 1 000; ce sont : Oise, Meuse, Moselle, Meurthe, Haute-
Marne, Haut-Rhin, Haute-Saône, Doubs, Saône-et- Loire, Rhône,
Isère, Drôme, Ardèche, Lozère, Haute-Loire, Loire, Puy-de-
Dôme, Cantal, Corrcze, Dordogne, Basses- Pyrénées, Haute-Ga-
ronne, Pyrénées-Orientales. — 13 départements ont de 17 à
10 goitreux pour 1 000, en moyenne 13 pour 1 000; ce sont : an-
cien Bas-Rhin, Marne, Aube, Côte-d'Or, Nièvre, Allier, Creuse,
Ain, Vauclusc, Lot, Aveyron, Aude.— 34 ont de 9-1 pourl 000.
GOITRE, CRÉTINISMB GOITREUX. t07
— 9 ont moins de 1 pour 1 000. — EnOn, aucun ne peut être repré-
senfé par 0.
Bailtarger, dans son enquête, est arrivé à un résultat assez ex-
traordinaire au premier abord. En consultant les chiffres des
exemptions du service militaire, pour la période de i 81 6 à 1835
et pour celle de 1846 à 1865, il est arrivé à reconnaître une dimi-
Butlon toute moderne du goitre dans certains départements^ ce
qui n'a pas lieu de nous surprendre ; mais, à côté de cela, il a noté
une augmentation, moderne également, dans un certain nombre
d'autres départements. Cette augmentation s'est produite dans
26 départements, notamment dans ceux des Ardcnnes, de TEurc,
de l'Orne, de TYonne, de la Haute-Saône, du Doubs, de la Haute-
Savoie, où le nombre des goitreux a doublé et même triplé ; la
diminution qui a été parfois de 5/6 s'est produite dans 17 départe-
ments, notamment dans les Vosges et dans nos anciens départe-
ments du Haut et du Bas-Rhin.
En Asi» Mineure, Tcndémie crétino-goitreuse existe aux envi-
rons de Bolat, de Brousse, de Smyrne ; dans le reste de l'Asie, on
l'a trouvée dans THimalaya, notamment dans le Nepaul et le Bou-
tan, jusque dans la vallée de Cachemire et dans les provinces
da Bengal et du Gondawana, dans le Sekkar, aux bords du lac
Balkal, en Kaschgarie, en Chine et, au nord, chez les Tongouses,
entre la Lesse et TAmour, dans une grande partie de la Si-
bérie.
On trouve également cette endémie à Ceylan, à Sumatra, à
iava, à Bornéo; — en Australie; — en Afrique : dans les monta-
gnes du Maroc, de l'Aurès, du Sénégal, chez les Mandingues. Le
goitre n'existe ni en Abyssinie, ni à la côte du Mozambique, ni
dans le centre montagneux de Madagascar, ni à Maurice, ni aux
Seychelles ; — on le trouve à Socotora.
Dans l'Amérique, le goitre et le crétinisme se rencontrent sur
les bords de la baie d'Hudson et dans le bas Canada, entre Saint-
Jean et Montréal. On ne les trouve pas au Groenland. Ils se trou-
vent dans toute l'étendue des Montagnes rocheuses, dans les
AUeghanyS; aux bords du lac Eric, en Californie, puis dans le
Maine, le Connecticut, le Massachussets, la Pcnsylvaniô. Au
Mexique, le goitre et le crétinisme sont fréquents dans TEtat de
Tabasco ; on les trouve également dans le Nicaragua. — Dans
l'Amérique du Sud, on les trouve dans la Nouvelle-Grenade,
TEqualeur, le Pérou, la République Argentine et le BrésiU Aa
f«8 U FÀUME ET U FLORE.
Chili, rendémiea pris, dans les vallées des Andes, une extension
considérable.
Un fait digne de remarque, c'est que le goitre et le crétin isnic
n'exisleiit [las dans les principales iles de la Polynésie, aux Viti,
aux Samoa, aux Gambier et aux Marquises. G est là un trait de
plus, qui rapproche Tcndémic créti no-goitre use de l'endémie pa-
lustre, laquelle, ainsi que je l'ai dit plus haut, n'existe pas non
plus dans ces pays.
L'impression qui résulte, lorsqu'on considère l'énorme diifu-
sion dtî Tendémie qui nous occupe, c'est que la longitude et la
latitude n*ont aucune influence sur sa production et sa réparti-
tion; la température ne semble pas non plus avoir une grande
influence. Th. de Saussure avait cru pouvoir assigner au goitre
une limite en altitude et il avait fixé cette limite à 1 200 mètres
au-dessus du niveau de la mer ; mais des observations ultérieures
ont montré que le goitre sévit aussi bien à i40 mètres, aux en-
virons de Strasbourg, qu'à 2 000 mètres et 3 000 mètres, dans les
Cordillères et dans THimalaya.
Hifiioire. — Nous venons de voir l'extension de cette endémie
dans Tespace, son extension dans le temps semble aussi considé-
rable que la première. H y a bien longtemps, en effet, qu'il existe
des goitreux dans les Alpes, car Juvénal parle, dans une de ses
satyres, du gultur tumidum des habitants des Alpes, et 400 ans
avant lui, Tiiéophrastc, que nous ne connaissons généralement
que pour ses « (iaractères », mais qui a rédigé de nombreux ou-
vrages d'histoire naturelle, parie, comme d^un etfet des eaux de
ÏAsopvs, de la faiblesse intellectuelle des Béotiens, qui, parait-il,
était proverbiale de son temps. Je n'en infère pas que ce soit là
l'origine du sens moderne qu'on donne parfois à la qualification
de hroiien ; la Béotie a d'ailleurs produit un des plus grands es-
prits de l'antiquité, Hésiode. — l^n réalité, encore aujourd'hui,
les rivages de l'ancien Asopos et les montagnes de la Béotie sont
peuplés de goitreux et de crétins.
Physiologie patholofl^lqoe. — Maintenant que nous venons
de constater la grande extension chronologique et géographique
de l'endémie goitro-crétineuse, il importo d'étudier sa marche et
ses causes, car ce sera le seul moyen de comprendre la prophy-
laxie et la nécessité d'appliquer certaines méthodes pour en ga-
rantir les populations ; la question en vaut la peine, car en pre-
nant pour moyenne le chiffre de 120000 crétins en France en
GOITRE, CRÉTINISMB GOITREUX. 209
supposant qu'il en soit ainsi dans les autres pays, nous arriverions
à on chiffre considérable de non- valeurs pour l'humanité tout
entière.
Je n*ai pas, dans un livre de la nature de celui-ci, à décrire le
gi*Ure : c'est une tumeur siégeant au-devant du cou et due à
rhjpertrophie d'un organe, qui existe chez la plupart des ver-
tébrés, le corps thyroïde. Cette tumeur, qui n*est, le plus sou-
vent, le siège d'aucune douleur, peut atteindre un volume consi-
dérable ; les goitres qui pèsent de 300 à 500 grammes ne sont
pas rares, mais on en a vu qui pesaient de 4 à 5 kilogrammes.
Cela devient alors un obstacle sérieux à la respiration. Quelle
est la valeur de cet organe ? Quel changement son hyper-
trophie amène-t-elle dans le Tonctionncment de l'organisme?
Qaelles sont ses fonctions normales? Nous ignorons tout cela à
peu près complètement; «néanmoins, lorsque Ton considère la
structure de cet organe, qui ressemble à la rate, l'analogie semble
évidente entre l'endémie splénique ou paludéenneet l'endémie goî-
tro-crétineuse, comme elle existe entre la rate et le corps thyroïde.
Cetorgane est, en effet, une glande sans canal excréteur, parsemé
de loges fermées, tapissées d'épithélium et remplies d'un liquide
particulier. Comme dans la rate, le sang afflue par un grand nom-
bre de veines et en ressort, vraisemblablement modifié, par d'im-
portantes artères; comme la rate, le corps thyroïde semble donc
jouer unrùle dans l'élaboration d'un certain nombre des éléments
da sang. Or il ne faudrait pas croire que plus le corps thyroïde
est hypertrophié et mieux sa fonction physiologique doit être
remplie; ce n'est jamais ainsi que les choses se passent : le corps
thyroïde hypertrophié fonctionne mal, comme la rate hypertro-
. phiée fonctionne mal. En somme, la cause qui agit dans les mon-
tages en se portant sur le corps thyroïde, trouble Torganisnic un
peu de la même manière que la cause qui agit dans les marais et
se porte sur la rate : dans l'un et l'autre cas, on observe un état
cachectique: cachexie paludéenne ou cachexie goitreuse; l'une et
l'autre cachexie aboutissent à une dégénérescence spéciale : cié-
tinisme paludéen et crétinisme goitreux !
CrétlBisnie fl^olireox. — C'est bien à tort, en effet, qu'on a
voulu séparer le crétinisme du goitre. Les travaux de la commis-
sion française ont complètement démontré que le crétinisme n'est
que l'aboutissant où viennent tomber les races dégénérées, issues
de parents goitreux. La relation de ces deux états, goUre t\. ct^\\«
GtOGR. MÉD. \V
2i0 U FAUNE ET LA FLORE.
nisinc, est même si évidente, qu'elle n*échappe pas aux habitants
des pays où règne cette endémie : Si on leur demande comment il
se fait qu'un ménage sain, en apparence, produise des enfants cré-
tins,ils donnent comme explication, que, parmi les ascendants qu^ils
ont connus, il y avait des goitreux. Sur 83 crétins que Bailiargera
pu observer dans la Maurienne, 65 fois les antécédents ont été con-
nus; or 52 avaient des parents goitreux et i3 des parents crétins,
ou, du moins, crétincux, car les crétins vrais n'ont heureusement
jamais d'enfants. Dans la Gironde, dans Parrondissement de Mor-
tagne, la commission française n'a trouvé qu'un seul crélin ; sa
mère était goitreuse ; enfm dans les Basses-Alpes, parmi les fa-
milles goitreuses, on trouve que une sur 13 compte des crétins,
tandis que, dans le même pays, parmi les familles non goitreuses,
une sur 3G renferme des crétins ! d'ailleurs 50 0/0 des crétins
sont eux-mêmes goitreux.
Cette filiation entre le goitre et le crélinisme est d'une impor-
tance capitale; car il est bien évident, que, puisque nous ne pou-
vons plus rien pour le crétin, nous n'avons qu'une ressource |>our
diminuer le crétinisme, c'est d'agir sur le goitreux.
Il ne faut pas croire, d'ailleurs, que le crétin soit un idtof,
comme il on naît partout, dans tous les pays.
Nous verrons plus loin que les idiots sont, le plus souvent, des
microccplialcs, par arrêt de développement, ou parfois des macro-
céphales, av( c hydrocéphalie; dans les deux cas il y a, chez l'idiot^
une maladiiî ancienne, qui a laissé des traces, mais qui, à propre-
ment parhr, n'existe plus; l'idiot est en général bien portant; il
a le cerveau petit, mais cela ne l'empôche en rien de pouvoir jouir
d'une bonne santé; cela peut même mener parfois à une certaine
situation : témoin le sorcier qui accompagnait Ataï dans le dernier
soulèvement des Canaques. Ce sorcier, dont le crâne est aujour-
d'hui au musée Broca, était un idiot microcéphale; d'autres, au
Mexique et dans l'Amérique centrale, ont exercé le métier de Dieu,
souvent nioins lucratif, il est vrai, que celui de prêtre du Dieu !
Le crétin est, au contraire, toujours malade et il reste malade,
tant qu'il vit ! ■— son cerveau n'est pas précisément plus petit
que celui d'un autre homme, mais il fonctionne mal et tous
les organes fonctionnent chez lui aussi mal que le cerveau. Le
crâne des crétins est généralement gros, plus gros proportion-
nellement chez l'enfant que chez Tadulte, la tète est asymétrique,
souvent pointue de telle façon, qu'elle forme un cône dont la su-
GOITRE, CRÉTINISME GOITREUX. iil
ture sagittale est le sommet. Les os du crâne sont souvent très
épais, ainsi qu^on le constate sur le crâne d'un crétin de Fribourg
actuellement déposé au musée Broca; le diploé sur ce crâne a
presque complètement disparu ; les sutures sont soudées préma-
turément.
Le cerveau présente souvent un aplatissement des circonvolu-
tions et il est souvent, ainsi que la moelle, baigné par une quan-
tité plus ou moins considérable de liquide. L'intelligence est en
rapport avec cette dégénérescence du cerveau ; elle est abolie
complètement ou presque complètement et l'on ne trouve même
pas, chez le crétin, cette persistance de certaines facultés locales,
dont on rencontre quelques exemples chez certains idiots. La
partie non intellectuelle du cerveau et la moelle elle-mùnic partici-
pent à cette déchéance, qui s'étend à tout le système nerveux cé-
rébro-spinal ; les sens sont amoindris, Touïe, notamment, est
souvent oblitérée; la faculté du langage articulé fait généralement
presque complètement défaut ; la sensibilité tactile est amoindrie et
un grand nombre de crétins ne peuvent exercer le sens du tou-
cher qu'en s'aidant de celui de la vue. La sensibilité au chaud et
au froid est presque nulle; aussi la plupart des crétins ailrontent-
ils, avec les mêmes haillons, le froid et le chaud, sans paraître
faire quelque diltérence; les muscles eux-mômes sont impuissants
à accomplir un effort de quelque énergie.
Tous les autres tissus sont malades : le sang contient moins de
globules, moins d*albumine, moins de fibrine ; aussi la peau e.>t-elle
livide, pâle, œdématiée, ridée. Les lèvres sont pendantes, la lan-
gueépaisse; le système pileux peu abondant; la puberté ne se
fait pas. Les dents sont mal plantées et souvent la seconde den-
tition n'a pas lieu. Enfîn il n'est pas jusqu'à la circulation et à la
respiration elles-mêmes, qui ne soient déchues : le nombre dos
respirations, par minute, diminue; Tamplitude de chacune est,
elle-même, moins considérable qu'à l'état normal. — Le crétin
consomme donc moins d'oxygène ; aussi sa température ne dé-
passe-t-el le guère -}-35° ou -{-3()"; ses pulsations sont peu nom-
breuses. — l>a mortalité chez les crétins est considérable ; ils
dépassent rarement 40 ou 45 ans.
Ils sont en outre sujets à de nombreuses infirmités : leurs mus-
cles amoindris soutenant mal les viscères, ils sont sujets aux
hernies; — ils sont sujets à la surdi-mutité, bien que cette der-
nière inûrmité ne soit pas d'ailleurs toujours liée au cYêVvm^vù^\
tl« U FAUNB ET LA FLORE.
car si la Savoie et les Hautes-Alpes, riches en goitreux et en cré-
tins, sinit les départements qui comptent le plus de sourds-muets*
rindre-et-Loirc, qui pourtant ne compte pas de crétins, est le
département, qui vient ensuite pour la fréquence de la surdi-mu-
tité. — Enfin, la scrofule, le rachitisme, parfois même l'endémie
palustre viennent s^ajouter au crélinisroc goitreux.
Ca«s«f ■•tore. — Lorsque Ton considère sur une carte
géi^aphique Tirrégularité de la dissémination des taches de
l'endémie goitreuse, la première idée qui vient à Pesprit est de
rattacher cette maladie à la constitution du sol.
Chacun se mit à Tœuvre dans cette voie. Pour ne parler que
des modernes, Billiet, évèque de Chambéry, fit faire la statistique
du goitre dans son dioct'se et vit que sur 169 paroisses 42 étaient
infectées, 127 indemnes; il consulta, d*un autre côté, la carte
géologique du diocrse de Chambéry et remarqua: 1" que le
goitre commence a se montrer avec le dépdt alluvionnaire du
Rhône; 2° qu'il augmente avec le sol arpilo-calcaire; 3» qu'il
atteint son maximum sur les sols argileux. g>'pseux, talqueux;
4** enfin qu'il cesse sur les terrains jurassiques. Voilà qui était
fort net.
Mais Mac-Clrlland fit, dans l'Inde, une enquête analogue et il
vit, non moins nettement, que les villages épargnés par le goitre
reposaient sur un sol argileux, talquenx. Dans une autre enquête
faite ailleurs, le docteur Grange trouva que le maximum de fré-
quence du goitre correspondait au lias (jurassique) et au tria»
(jurassique également). De ces observations contradictoires et
d'autres encore non moins dissemblables les unes des autres, il
est donc permis de conclure que la nature géologique du sol ne
détermine pas rendémie qui nous occupe, car on l'observe aux
Pyrénées, dans le lias et le calcaire magnésien ; aux Vosges, dans
le trias; au Jura et aui Alpes, dans le lias ; en Angleterre et en
Belgique, dans l'étage carbonifère; en Amérique et dans Tlnde,
dans la dolomie.
La nature géologique étant reconnue indifférente, on s'est re-
jeté sur la constitution chimique des terrains : on a successive-
ment incriminé la pyrite de fer, celle de cuivre, la galène argen-
tifère, la galène antimoniale; mais ces substances sont loin de se
rencontrer partout où l'on observe le goitre. Chacun a généralisé
les conditions du pays où il observait ; c'est ainsi queGarrigou a
donné comme particulièrement malsain un état chimique de Peau
OOITRE, CRÉTINISME GOITREUX. SIS
OÙ la magnésie forme de iO-25 0/0 de la totalité des sels ; un autre
médecin observant dans les Alpes, ZUzerviez, a accusé le sulfate
de baryte ; un autre (Maumené), le fluorure du calcium ; un autre,
le cblorure de sodium, et cependant les paysans goitreux man-
gent du sel et du lard salé, tout comme les autres ! Prévost (de
Genève) a accusé le manque de brome ; Chatin attribue le goitre
au manque d'iode dans le sol et par conséquent dans les eaux ;
de fait, il a rencontré, dans le Jura et dans les Alpes, beaucoup
de localités à goitre, où les eaux sont, en efiet, pauvres en iode,
lâais il ne suffît pas d'observer dans une région unique et, d'ail-
leurs, les exceptions à la loi de Chatin ne manquent pas : ainsi
\ts plaines du Pô sont infectées par l'endémie guitrcusc et on v
truuve précisément de grandes quantités d'iode, dans Tair et dans
les eaux ; dans TOise, il existe un village où le goitre est fréquent
et pourtant Peau de la fontaine de ce village est riche en iode.
£n Sibérie, on trouve des goitreux sur des couehes de lignite et
de houille, qui sont, comme toutes ces couches, assez riches en
iode. Enfin dans beaucoup d'endroits où les eaux sont séléni-
teuses et très pauvres en iode, le goitre n'apparaît pas.
l^s théories étiologiques ne manquent jamais. On a accusé le
manque d'aération de Peau (Boussingault). On a pensé que les
Qiuntagnards avaient le goitre, parce qu'ils buvaient Peau, qui
fésulte de la fonte des neige; mais, d'abord, les montagnards ne
boivent pas, autant qu'on Pa dit, une eau non aérée et résultant
imaiédiatement de la fonte des neiges; Peau qu'ils boivent géné-
ralement s'est précipitée, divisée, brisée, depuis le f;lacier, en
nombreux ressauts, où elle s'est largement aérée, tellement aércc
Qièmc, qu'elle sert de milieu à de nombreuses et magiiinques
truites, qui, si elle n'était pas très aérée, seraient incapables d'y
vivre. Eniin les Esquimaux du Groenland, qui, eux, ne boivent
que des glaçons fondus cl nullement aères, n'ont pas de goitre !
Toutes ces explications paraissant insuffisantes, on s'est ra-
battu sur la matière organique du sol ; mais dans des pays éga-
lement goitrigènes, on trouve tantôt beaucoup, tantôt fort peu
de matière organique dans le sol. .Enfin on a essayé de réunir
loulcs ces causes : chacune étant insuffisante, on a pensé que
l'ensemble doublé de la misère, du défaut de soleil, du vent, de
la pluie, de l'humidité, etc., expliquerait tout ! ~ C'est ce qu'on
Qomme la théorie des causes multiples, théorie qui se croit as-
surée de comprendre la véritable Cniuse, puisqu'elle \^s (^w^VoVy;^
^1 . I.V KAINE KT LA KLORi:.
tiHilos. C'est elle qu'avait adoplée la coiumission sarde en 1848 ;
re sont là évidemment des causes banales, mais ce ne sont que des
causes banales.
La commission française de 1873, qui avait le docteur Bail-
larger à sa télé, a mis hors de douie le rôle exclusif et unique
de Teau dans la production du goitre^ selon qu'elle prend ou ne
prond pas, dans le sol, quelque chose qui ])roduit le ^uitre. Cette
opinion, à laquelle on se rattai^he aujourd'hui, est d'ailleurs la
plus ancienne. Pline parie d'une fontaine aux environs de la-
quelle toutes les femmes purtaient au cou de larges colliers
d'ambre, pour cacher la grosseur que Tusagc de cette eau leur
faisait venir au cou. 11 est permis, à ce propos, de constater un
usage, qui appartient à Tethnologie et qui prouve que la coquet-
terie ne perd jamais ses droits; dans deux contrées de la France
les femmes portent au cou de grands colliers, avec une plaque,
un fei inoir on forme de cœur sur le devant du cou, qui se trouve
caché conimo celui des femmes dont parle Pline. C'est précisément
en Auv(>r<^Mic^ on Savoie et en Dauphiné, pays à goitre.
Dans lioaucoiipdc pays on signale des fontaines à goitre. Wa-
gniM\ uu XVII* siècle, a décrit, en Allemagne, des fontaines sem-
blahlos, qu'il nomme kropfhrunmn (puits à goitre). Lombroso
cite ùCnivasiirta une fontaine où se rendent les conscrits; quinze
jours après lour visite ils ont un goitre, qui les fait réformer. Il
e\istc (lo MK^mo, aux environs de Brianoon, à Saint-Chaiïrev, une
source dite Fontaine des gottvcux, qui sert aux mémos usages
pour ceux c{ui ne se sentent pas précisément Tàme d'un héros.
Cette propriété malfaisante n'est donc pas l'apanage d'une
assise géolugi(iue particulière ou d'une substance chimique spé-
ciale ; elle appartient à certaines eaux d'un pays et non à toutes
les eaux de ce pays. — Mac Clelland cite dansTlnde un exemple
remarquable de cette s))écialité. Un village était habité par
trois castes : par des Brahmines, des Radjpoutes, des Paryas. Los
Paryas, qui huvaient l'eau de la fontaine voisine, avaient tous un
goitre ; mais les Brahmines et les Radjpoutes, qui seuls buvaient
One autre eau, qui leur était réservée, n'avaient pas de goitre.
Pour une raison quelconque, cette eau étant venue à diminuer,
les Brahmines restèrent seuls en possession de la bonne eau : les
Radjpoutes durent boire à la même source que les Paryas et de-
vinrent goitreux comme eux. Les exemples du même genre ne
sont pas d^ailleurs fort rares : entre Salins et Arbois^ il existe une
eOITRB, CRÉTINISMB GOITREUX. ttS
commune qui est divisée en deux moitiés par la grande route ;
chaque moitié a sa fontaine; or d'un côté de la grande route
on voit des goitreux, de Pautre on n'en voit pas.
Quelle est la cause qui peut conférer à certaines eaux cette
propriété de développer le goitre? Cette propriété n'appartient
évidemment à Peau, qu'après qu'elle a flltrédans certains terrains.
Ainsi feau de pluie ne donne jamais le goitre. Dans le Jura, sur
le territoire de la commune de Grnzon, tout le monde est goitreux;
les employés de la gare le devenaient comme les autres; mais le
goitre cessa de se montrer chez le personnel du chemin de fer,
du jour où la Compagnie fit faire une citerne, qui ne sert qu'à ses
employés. Dans l'enquête qu'il a faite, l'ancien évoque de Cham-
héry, que j'ai déjà cité, a constaté, dans un hameau de 18 familles,
que 17 étaient goitreuses. Une seule ne l'était pas; or elle avait
une citerne et ne faisait usage que d'eau de pluie.
11 faut bien croire que cette propriété, il n'y a que certaines
parties 1res déterminées du sol qui puissent la conférer, car il
suffit qu'une source, qui jusqu'ici ne donnait pas le goitre, prenne
un nouveau chemin, pour qu'elle jouisse immédiatement du pou-
voir goitrigëne. Ainsi les habitants de Saillon, dans le Valais,
qui étaient exempts de goitre, ont vu naître l'endémie, du jour où
ils ont remonté d'une centaine de mètres la prise d'eau qui ali-
mente leur fontaine. Boussingault, de son côté, ra[)porte qu'à la
Nouvelle Grenade, àSocoro, des éboulements,qui changeaient la
nature du lit traversé par une source, ont suffi, dans l'espace de
trente ans, pour lui donner ou lui enlever tour à tour le pouvoir
goitrigène. Ainsi s'expliquent les oscillations qui peuvent se pro-
duire dans la statistique du goitre pour un pays.
11 semble même que ce quelque chose que l'eau prend dans le
sol, elle est susceptible de le penlre dans son parcours, comme par
one sorte de dépôt. Ainsi au Brésil, certaines sources, qui don-
nent le goitre, nont plus d*action de ce genre, lorstju'elles arrivent
canalisées dans la ville. Dans un village de goitreux de la Savoie,
uoe seule famille laissait déposer son eau avant de la boire ;
celle-là seulement n'était pas goitreuse. On comprend alors
pourquoi c*est près des sources et par conséquent souvent dans
les montagnes, que l'eau donne le goitre, c'est qu'elle n'a pas en-
core eu le temps de déposer la matière (?) goitrigène. Ce quelque
chose que Teau charrie, qu'elle prend dans le sol, qu'elle perd par
le dépôt, Tanalyse chimique a été jusqu'à ce jour im^uxittOLiiV^ k
l
ïlfi LA FAUNE ET LA KLORE.
nous li: munlrer. Tout ce que nous pouvons dire avec Daillargcr,
c'est (|u'il existe certainemenl un agent toxique, spécial, unique.
partout le m^me, qui alTt-'cte le^ organismes vivants et leur impriuM
un sceau de ilégénêrescence toujours identique, dont le goitre «t
le premier degré et le crêtiiitsinv le dernier.
Reinari]uon«, d'ailleurs, que lu chimie est aussi impnissulei
nous montrer la nature mCme du l'eDluve (!) mardmatiqwt et u-
pendanl nous savons qu'il existe dans le marais un agent toxique,
spécial, unique, partout le mâme, qui alTecte Ici orgaitismesiinnls
ellciirim|iriroe un sceau dedé^Dércsceuceloujoursîdcn tique, dont
iafi^iiri: iitlermittenleesile premier degré et Vmpnludijmu tréti-
mtuledernier.Ceqae la chimie ne nousavait pas Tait voir, le ni-
erosi:ope nous l'a révélé; les inoculations ont conrirmé U décou-
VLTte. Il est permis de |«nscr i|ua le même avenir est rcserré «h
je ne suin quoi qui produit la cachexie goitreuse, en un mM ine
la cause du goitre existe dans un ori^auite encore iacoitnu, oom-
paruLlc aux ferments.
Paiboinitle «ouparéc. — Il sera facile de pnitiquer sur les
animaux des inoculations Rxpérimehiales,car ils prennent le guilre
dans les mêmes conditions que l'honime. Dans le Valais, dans la
Uauriuiiiie, l'Autriche, la Hussie, l'Amérique, on a otisem le goitre
chez k'ii chiens, les porcs, les bceufs, les chevaux, les mulets; 4 Ho-
dane.dan.s une écurie de 20 mulets, la commission en trouva 19 goi-
treun ; en Savoie, une écurie de 60 mulets un reurerninit 28 gHlnut
' et, à Allcvard. une écurie de 5S mulets en renfermait 45 gutireui.
Une antilope de Sibérie est si souvent goitreuse, que, ^-idice i crile
maladie, elle a clé décrite comme une espèce à part, sous le nom de
antilope i/uffi»'uiiii.l£s animaux présentent même le crèlinisme.
Rajmond cite des chevaux et des chiens goitreux, dont il a re-
marqué l'état de stupidité cuniparahle a celui des crétins d'AUTi'
bourg, où le goitre est rrëqucnl; i>n l'oliiiervc souvent chet le che-
val et le chien.
CoUv« «IgN. — Comme pour parfaire la comparaison eAlre b
cachexie goitreuse et la cachexie paludéenne, comparaison sur
laquelle j'ui insisté déjii plus haut, on peut voir, comme tout â
l'heure l'impaludisme aigu, le goitre aigu. Nous avons vu luitl k
riicurc qucccrlaines fontaines donnaient un goitre eo qwinir
jours; sans aller jusque-là, l'hahilation dans les pays à goitre
l>e ut déterminer le goitre eu quelques semaines. C'eMwrloulsur
les collections d'individus non acclimatés, comme Celtei de» cot-
OOITRE, CRÉTINISMB GOITREUX. tt7
lèges et des casernes, que ces faits ont été observés. Ils prennent
aJors Tallure d'une véritable épidémie de goitre. C'est ainsi qu'à
Qermont, en 4851, sur 5 635 soldats survinrent 180 goitres,
soit t/3t . — En 1874, à Saint-Etienne, sur 1 400 hommes 280 de-
vinrent goitreux, soit 1/5. — A Colmar, en 1864, sur 600 hommes
il y eut 107 goitreux et, en 1863, 36 goitreux sur i 08^ hommes.
A Bhançon, en 18G3, sur 535 hommes il y eut 30 cas de goitre
cl, en 1864, il y eut 58 cas sur 954 hommes; — à Annecy,
128 cas sur 682 hommes ; — à Thonon, 23 cas sur 194 hommes.
En 1876, le docteur Richard observa une épidémie de goitre
sur la garnison de Belfort. Une quinzaine d'élcves avaient été
pris de goitre au collège de Belfort. Dans la garnison, 000 soldats
furent atteints. — L'épidémie disparut lorsqu'on put aérer les
casernes et les soldats, en faisant faire des manœuvres dans la
campagne. Les hommes furent d'autant plus atteints, qu'ils vi-
vaient plus confinés.
En Silésie, une garnison de 380 soldats présenta 100 goitreux.
— En 1812 les prisonniers anglais internés à Briançon présen-
lereot également le goitre épidéuiique. Eu somme, ces épidémies
u'ont jamais sévi ailleurs que dans les pays où le goitre est endé-
mique. Ainsi de 1780 à 1873 en en observa :
A Driançon 12 fois.
Clermoit 8
Colmar 3
Riom 2
Embrun S
Neuf-Bpisach 2
Saint-Étienne 2
HesançoD 2
MoDl- Dauphin 1
Annecy 1
Dans tous ces pays, les soldats n'ont pas ressenti d'autre in-
fluence que celle que ress<^ntent tous les jours les habitants du
pays; seulement leurs organismes non acclimatés ont ressenti
ces influences plus énergiquement , absolument comme nous
▼oyons à Paris la lièvre typhoïde sévir surtout sur les nouveaux
venus.
Que d^interj^rélations n'a-i-on pas tenté de donner à ces phé-
nomènes étranges de goitre aigu! On a accusé le col eu enû^ c^\i^
ff9 LA f.KUmL ST LA. PLOHS»
portaient aulreroia les :%l<iats. sans je iemaader potini>ioi le col en
crin n'avait plus la même action à Rennes ou à Brest qu'à Bnan-
ron ou 1 Colmar »;t sans songer <{ue, dans les âérninaires. les coi-
lèges, les pensions de jeunes tilles, où les épidémies semblables
ont t'iit vues, d n'y a pas de «.•ol «în crin. — Ta-t-on pas été» daus
un coilè'^, ]ii»{u à attribuer Tépidemie à rhabitude qu*aTaient
lestmfants ^le boire, it la fontaine. le cou penche en avant, à h
r«*fjtiitiflt^ ! p.jur empêcher le b»>ir«i r fa rtigttOvie,^ on fil fermer le
robinet fie la fontaine et f épidémie cessa, au ^n'and succès de la
thi*()rie de la ré^ade. — L'essentiel, c'est «^u'on avait supprimé
Teau.
CrecfalsaBe ai^a. — Il y a mieux : on peut aussi obs»eni'er,
dans certains cas, une rîorte de cretinisme aigu ; c'est du moins
ce qui ressort de l'enquête autrichienne faite en 1841. Il existait,
parait-il, à Symitz, une ferme, qui fut vendue par une famille
dont toor* \tis membres ttaieat iroîtreu\ et crétins. Le nouvel
acquér»Mjr. qui n'était pas du pays. ;irriva bien portant avec sa
femme. Telle ci mourut goitreuse, à demi crétine, llépcusa alors»
en secondes noces, une femme saine, qui devint goitreuse: lui-
même devint demi-crétin. — r'inq enfants, qu'il eut de sa pre-
mière femme, furent tous crétins.
Dans cette ftTm«\ tous les domestiques devenaient goitreux, et
la »lé;:»}nérescence du bétail était égale à colle des hommes.
Prophylaxie. — Existe -t-il un moyen d'arrêter Textension de
Cfit'f. étrange maladie sur une population? Oui certainement!
Oui, même aujourd'hui, tjue nous ne connaissons que fort incom-
plètement la cause productrice î
Plus les communications d'un pays avec ses voisins augmen-
tent ot plus décroissent le goitre et surtout le cretinisme. Les
habitants sont, en effet, par suite de ces communications, mieux
logés, mieux habillés, mieux nourris. On boit plus de vin, plus de
café, plus de bière. Tout cela contrebalance Faction nocive de
Teau ; tout cela soutient Torganisuie et retarde ou empêche la
cachexie.
Mais les meilleurs moyens sont l'abandon des sources goîtri-
gèncs, leur canalisation, leur filtrage, la construction de citernes
ou au moins de réservoirs, au fond desquels Teau puisse laisser
son dépôt Enfin le grand moyen, sinon prophylactique, au moins
thérapeutique, c'est liode.
Remarquons bien, d^ailleurs, que si Tiodc guérit le goitre, cela
DYSENTERIE. SI 9
BeproaTe pas le moins du monde que le goitre soit causé par
l'abseDce de Tiode dans les eaux! Faire ce raisonnement serait
lossi absurde que de dire : le sulfate de quinine dégorge la ratc^
0 guérit la fièvre intermittente, il empoche ou retarde la ca-
dieiie paludéenne ; donc la grosseur de la rate, la fièvre inter-
mittente et la cachexie paludéenne sont dues à Tabsence de qui-
nine dans les eaux! 11 se pourrait bien que Tioile a^it ici, comme
le quinquina dans la fièvre intermittente, comme toxique des
ferments. — Ce moyen avait, d'ailleurs, été conseillé par Coindet
(de Genève) bien avant que Chatin n'émit sa théorie de Tiodc,
et déjà, même avant Goindet, on recommandait contre le goitre
l'éponge grillée, qui contient de Tiode.
Liùde a aujourd'hui fait ses preuves. Le docteur Dagaud a,
dans une seule école, guéri plus de 400 enfanis. Dans certaines
écoles, on donne chaque jour aux enfants une pastille, qui con-
tient un centigramme d'iodurc de potassium ; or sur 6è0 enfants
ainsi traités 490 orU guéri, 120 ont été améliorés.
Guérir les goitreux c'est prévenir le crétinisme. Cette question
(le thérapeutique prophylactique possède donc une haute impor-
tance.
j:; 5. DYSENTERIE.
La dysenterie joue un rôle considérable dans la mortalité
humaine. Revenant tous les ans dans les pays qu'elle habite,
elle y fait plus de victimes que les grandes épidémies qui n'ap-
paraissent qu'à intervalles, telles que le choléra, la fièvre jaune
et la pe^te. (/est essentiellement une maladie des pays chauds,
ear il ne faut pas confondre la dysenterie épidémique, qui va nous
occuper et qui est une maladie des pays chauds, avec la dysen-
terie banale, sporadique, qui, toute difierente comme cause et
comme nature, s'observe partout. Partout où elle s'observe, dans
les pays chauds, elle accompagne la fièvre intermittente grave ;
Ces deux maladies ont le même terrain ; elles semblent dériver de
deux causes communes; ce sont elles qui, dansées pays chauds,
rendent difficile Tacclimatement des Européens. Toutes deux ré-
sultent de la putréfaction des matières organiques dans un sol
imprégné d'eau et toutes deux sont exaspérées par l'activité
même de ces fermentations, dans un pays très chaud, sous uu
soleil ardent.
tu LA rAL'.\£ tT Ll FLORE.
CooiDW U tiem iatermiuonto, U liysenlerie n'est pas conU-
^K-U9« ; cite aiiein( tous les â^e». tous les seiesct une première
atUinU' ne pre^^rve pas dtrs autres, au contraire. — C'est ainsi
«]U(* dan» l'liiiie«L>iidpu \oir 120 dysentériques sur 1000 hommes.
i!c >^mi ce^HTudant des uia.diies ditTêrentes par leur géofçra-
ph:e, par U'urs s>mp^^uIe^. par leur gravite, par leur cause im-
uKdialc» t' Il lia ^ur leur e^nique d\ipparition dans un même pays.
Ur««rapkie. — La d>>e;itoràe epidouiique forme autour du
^K'U- une s^rie do ceinture t\]UJitoriale, qui 'Comprend toute la
ione de^ clmuts torrides et qui cuipiote sur les limites mêridio-
ttales>le> dtuutscluu Uel mou'e t*.-in{H.*as. t)n a remarque quVlIr
est piits tVvqiente viatis l'heuiispliLre ln^real que dans l'hémisphère
aust: aU uuii> ii faut du?si tenir compte de ce fait, que les terre>
»(.i.'i: plus vU {i luc> d'uu côte que de i\iutre. Elle augmente, d'ail-
leurs à uie>ure qu'ion se rapproche de l'equateur. Tandis qu'en
Ai^i.iic cilo lionue :î deces pour 1 ilH) hommes, cUe forme au
Seii'-aî 1'- t ^ de la mortalité tt Jonne -iT 0 0 des décès, alors
qiK" la li ne i'alu>tre li.-:u:e au Xiieial pour ..U 0/0 des décès. Si
tiuii *\y.v liK^ ueu.\, ces uu.adies \oisiaes figurent |)our6bOU
d.iiis ... N il.\r> Jt.'i Euro^Kei:» dû N.iii.i:al.
I :i L^ji U\ . lu. diminue di.* li\queiice.à nu-ure qu'on descend
Ir N.î; iii anuio.tis, pendant U campagne d'Egypte O*'^^*^!)'
e.lo a tue plu'i de s.»liaisque la peste, qui re.;;nait alors.
ti:i AdU't i<)ue, laudis qu'au sud des grands lacs elle est rare,
e l le c» u >e V i an s la VI • r ide de j à .» deces ^^.^ u r I 0*.»0 hom mes. A u
>U*\i(pii\ liie a ete \ l^oO-l^0.< plus fatale à notre armée que la
lie\(e jaune. Aux ludos, elle d«.[ni** dans Tannée anglaise {'A-
:*> de\vs pour I UOO iiouunes, et, i>our plus de précision, 72,0i ma-
Uvles sur KK) hommes; à tkimLu\, GU'Jd malades sur 100; à Ma-
diUN JLO,! sur U'O hommes.
t. a dysenterie, comme les tiewes intermittent^.^, airectc de
pivlVrvnce les leriaiiis mareca;:cu\, tels que ceux de la côte oc-
eiJenlale d'AlVique, riche en lagune» et eu f.rmentatiuns mare-
ca^euNe>, ciMinuOd s^ms le nom de tii'U'fj.>t<.
i'Aiioir I Hsivre.— In grand nombre de médecins de la marine,
MM. lîochard, Mahe, Fvuissag ri u's. ai mettent .lujourd'hui que la
fermentai h 'u dcN substance» xegetales produit la fièvre intermit-
lente ou pkytjh'.inU^ tandis que la fermentation, sur le même
point. de<debrisanunau\ produit lad\>enterieou /tir/oAt'MiV; mais
SI cette causi' générale est co:umune au\ deux maladies, U cause
DYSENTERIE. Sil
spéciale diffère. On peut coucher au milieu des marigots ; on pren-
dra une fièvre pernicieuse, mais on ne prendra pas la dysenterie.
Pour prendre la dysenterie, il ne suffit pas de respirer les germes
qui se dégagent des marais ; il faut boire Teau de ce marais, té-
moin le fait suivant, rapporté parle docteur Napias, alors médecin
delà marine. En 1866, plusieurs centaines d*hommes appartenant
aux compagnies de discipline furent débarqués à la Guadeloupe;
ils furent^ dès leur arrivée, divisés en deux troupes : Tune buvait
l'eau pure et fraîche d'un torrent, auprès duquel elle était
campée ; Tautre fut installée au voisinage d'une rivière, qu'on
nomme la Rivière aux herbes et qui contenait une grande quan-
tité de détritus animaux et végétaux en voie de fermentation.
Dans cette dernière troupe, 18 hommes tombèrent rapidement
malades de la dysenterie, alors que dans la première on n'en
observa pas un seul cas. Les travailleurs du canal de Suez, en
1H63, ont été pendant quelque temps décimés par la dysenterie,
alors qu'ils buvaient Tcau saumâtre qui était à leur portée; la
maladie a cessé le jour où Teau du Nil est venue remplacer
cette eau dans leurs chantiers.
Si donc la dysenterie présente de grands rapports avec la fièvre
intermittente, elle ne se prend pas de la même manière qu'elle,
elle ne règne pas à la même époque ; elle sévit, en général, après
l'époque des fièvres, comme si les ferments, qui produisent la
6èvre intermittente des pays chauds, avaient besoin d'une évo-
lution ultérieure, pour produire la dysenterie. Ce ferment n'agit
plus enfin sur la rate ; il agit sur les glandes du gros intestin, sur
lequel il produit des ulcérations et des désordres considérables.
Si ce ferment n'agit pas sur la rate, il n'agit pas non plus uni-
quement sur le gros intestin ; il agit encore sur une autre glande,
qui, comme la rate, joue un grand rôle dans la confection du sang,
le foie. Les conséquences de la dysenterie épidémique sont on effet
Teogorgement du foie, Tinflammation de cet organe et finale-
ment sa suppuration. L'abcès du foie est la suite de l'hépatite,
compagne elle-même de la dysenterie. Aussi la même carie s'appli-
quc-t-elle à l'hépatite et à la dysenterie. L'hépatite sévit au Sénégal,
même sur les animaux de boucherie, qu'on trouve souvent atteints
d'abcès dans le fuie. Le 1/4 des décès y est dû à l'abcès du foie,
compliquant ou non la dysenterie. Au Gabon, pourune cause incon-
nue, les abcès du foie sont moins fréquents qu'au Sénégal. Mais, je
le répète, dans aucune localité on ne trouve l'abcès du lo*\c ^x\Aft-
i2i LA PACSB KT Là FLOU.
nnqoe, sans qœ la drKoierie règne soes la fonne graTe. Il semble
donc qoe le foîe joue, dans celte Caçoo d'im paludisme grave, le
même rôle que la rate dans llmpalodisme ordinaire, on que le
corps thyroïde dans le goitre. Voilà donc trois maladies tello-
riqoes: 1* la fièrre paludéenne, 2* le goitre, 3* la dysenterie
épîdémique, qui sont dues à faction d'on ferment tellurique sur
chacune des trots glandes hématopoîcliqoes : la rcUe, le corps
thyroïde, le foie, et qui produisent, en effet, une anémie pro-
fonde.
La fièYre intermittente, la dysenterie, Thépatite avec abcès du
foie, c*est là une sorte de trilogie, qui fait l'insalubrité eitréme
des pays chauds^ surtout s'ils sont humides et peu balayés par les
vents. Comme indications pratiques nous pouvons déduire ce grand
principe : éviter, dans les pays chauds, fusagedes eaux non cou-
rantes et trop chargées de matières organiques, les boire au
moins filtrées ou bouillies.
III
FERMENTS, FERMENTATIONS PATHOLOGIQUES.
Vitléd de rattacher les maladies cpidémiques, qui s'abattent sur
une population entière^ à des êtres invisibles qui joueraient dans
rorganismo le rôle de véritables parasites, n'est d'ailleurs pas
neuve; elle était déjà vieille du temps de Lucrèce. L'atmosphère,
dit-il, est remplie d'une infinité de corpuscules, qui la rendent
malsaine.
Kt porturbanint cœlum, fit morbidus aer.
« Ces œrpuscules se répandent dans les eaux, sur les moissons,
«( ils se mêlent au)iL aliments des hommes et des troupeaux. »
Aut in aqims cadit, aiit frngcs persidit in ipsas^
A lit alios hominum pnstus peciidiim queciliatus.
Encore dans l'antiquité, Varro et Columella (de re rustica)
croient que certaines fièvres, qui atteignent à la fois toute une
population, sont dues à de petits animaux, mais cette idée féconde
fut vite et [)our longtemps étouffée par le mysticisme du moyen
Age. 11 semblait même aux médecins plus naturel de faire inter-
venir ce qu'on a nommé et ce que quelques-uns s'obstinent
FBRMSNTS ET FERMENTATIONS. S2I
eDCore à nommer le génie épidémique^ sorte de puissance occulte,
surnaturelle, ou d'attribuer la maladie directement à une ven-
geance personnelle de la Divinité. Ceux qui voulaient absolument
concréter, matérialiser la cause l'attribuaient aux Juifs, qui em«
poisonnaient les fontaines. Clot-Bey lui-mème,avcc je ne sais quel
fatalisme musulman, disait : « Quoi qu'on fasse, la peste d'Egypte
t viendra toujours à son jour et à son heure, au moment où le cycle
t épidémique aura fixé son cours». Il y a quelque cinquante ans, une
épidémie de peste désola le Caire, on mourait subitement; le bruit
se répandit qu'un nègre parcourait la ville en prononçant le mot
Kau, et que les gens à qui il s'adressait étaient immédiatement
foudroyés. L'explication parut suffisante à la plupart et cela de-
vint Vépidémie de Kau; elle fit époque et plus d*un vieillard
comptait, il y a quinze ans, le nombre de ses années en disant :
0 Tavais tel âge à Tépidémie de Kau. o Cependant, dès le
ivn* siècle, Tidée de Lucrèce avait été reprise et même avec
exagération. Athanase Kircber soutient que la plupart des ma-
ladies sont dues à des vers invisibles. Plus, tard la découverte
des infusoircs par Leuwenhoeck vint donner à ces idées, qui ratta-
chaient les maladies infectieuses à un parasitisme microscopique,
uoe base plus scientifique ; la découverte de la levure de bière par
Cagoiard-Latour vint préparer le terrain à des recherches d'un
autre ordre; enfin aujourd'hui les travaux de Davaine et surtout
ceux de Pasteur ont fait entrer Tétudc des maladies épidé-
miques et contagieuses dans une phase absolument scientifique.
Ce que la philosophie du poète latin avait conçu, les recherches
du laboratoire lont montré réel et nous sommes aujourd'hui
en mesure de démontrer que ce qu'on nommait jadis génie épi-
flmiqup, génie contagietix, se réduit à une simple question de
pirasitisme, mais de parasitisme microscopique.
Rôle parasltmlre des ferments. — En i849| Pollandcr exa-
mina le sang d'animaux morts du charbon, du sang de rate; il y
trouva de petits corps en forme de bâtonnets. En 1857, Rrancllo
examina le sang d'Unimaux vivants, mais atteints aussi de charbon^
des moutons, des chevaux, des hommes ; il montra que ces bâton-
nets existaient pendant la vie chez les animaux qui devaient mou-
rir et qu'ils n'existaient pas chez ceux qui, atteints d'une pustule
locale, devaient au contraire guérir. Enfin, en 1863, Davaine
donna à ces travaux leur véritable valeur ; il montra que ces bâ-
tonnets devaient être rangés dans la classe des Bactéridies et que
SSI4 LA FAUNE ET LA FLORE.
dans CCS Bactéridies résidait le principe de la maladie charbon-
neuse. En môme temps Pasteur fut amené, par l'étude de ce que
nous nommons les fermentations, à voir que chaque fermentation
était le résultat du travail aiM^ompli dans le milieu fermentant, par
un organisme microscopique, analogue à la Bactéridie charbon-
neuse : pour la fermentation butyrique, pour Tacéti que, pour Pal-
coolique, pour celle de la bière, pour la fermentation viniquc du
rooûtdu raisin, il montra un ferment particulier et Tinduction porta
dès lors à admettre que toutesles maladies générales^dans lesquelles
on trouvait dans le sang un corpsa nalogue aux ferments déjà décou-
verts, étaient elles-mêmes dans l'organisme quelque chose d'analo-
gue aux fermentations qui se produisent dans nos bouteilles. Cette
idée féconde eut pour résultat la recherche dans le sang, pour
chacune de ces maladies, de ferments spéciaux et, pour un grand
nombre d'entre elles ces ferments ont été déjà trouvés. Un ferment
analogue a été découvert dans la rougeole, la scarlatine^ la diphthr-
rtr, la variole, la vaccine^ la morve, le farcin, dans rtVysip^/e, le
choléra des poules, maladie qui, à certaines époques, a détruit les
volailles de l'Europe entière, le rouget du porc. Dans la seph-
cémie, cette maladie qui fait périr les amputés et les grands
Opérés; dans \à fiivre puetj>érale, qui, à certaines époques, décime
nos maternités; parasitaire également le pcbrinc du ver à soie,
maladie dont la cause semblait jadis insaisissable et qui rui-
nait les magnaneries du midi de la France et de Tltalie, avant
que Pasteur ait montré la cause et n'ait indiqué la prophy-
laxie ; parasitaires ces épidémies qui sévissent sur tous les insectes
d'une contrée et qui sont dues à l'envahissement du sang de ces
animaux par les globules parasitaires de Ventomophfhoi^a. Et voilà
peut-être que cette découverte va avoir une conséquence inat-
tendue, la transmission de cette maladie parasitaire des insectes
à cet autre insecte, ailé pendant une partie de sa vie, qui nous
préoccupe tant aujourd'hui et pour cause, le phylloxéra !
Dans toutes ces recherches, M. Pasteur se sert d'une méthode
qu'il a inaugurée, la Méthode dts cultures. Au lieu de se borner
à observer, dans le sang de Tanimal vivant, les microbes parasi-
taires, il les isole. Avec ces graines, il ensemence un liquide qu'il
a choisi, liquide alcalin, comme le sang, chauffé à la même
température que le sang et il attend. H obtient ainsi, pendant un
temps indéfini, des générations successives de ces êtres, qui mul-
tiplient, dans ce milieu artificiel, aussi bien que dans le sang de
FfiBMBNTS ET FERMENTATIONS. SIS
ranimai malade qui a fourni la première graine. De temps en
temps comme éprcute de sa culture, il inocule une goutte de ce
liquide de culture à un animal sain et voit alors la maladie du
premier animal se reproduire et cette maladie se caractériser par
la multiplication, dans le sang de Tanimal inoculé, d'êtres identi-
ques aux êtres de culture qu'il a introduits. Bockhart (de Wurz-
borg) a inoculé à Vhomme, avec succès, le microbe de la blennor-
rbagie cultivé dans une éprouvette et, en outre, dans un but
thérapeutique, celui de Térysipèle. La médecine actuelle rat-
tache donc les grandes maladies infectieuses, contagieuses, épi-
démiques à la classe des maladies parasitaires, ou, mieux, des
fermentations. On croyait jadis que toutes les maladies étaient le
résultat d^une action bizarre, exercée sur Torganismc par quelque
cause mystérieuse, impalpable, insaisissable. Aujourd'hui, nous
mesurons, nous comptons, nous élevons, nous détruisons à notre
gré cette cause.
La maladie infectieuse ainsi comprise devient quelque cht>se
d'aussi bien réglé que le dégagement de Talcool dans un verre
d'eau sucrée, où Ton viendrait à mettre de la levure de bière. —
A quelques esprits il répugne encore d'admettre cette simplicité
dans la cause, mais la gale a 'bien passé elle-mômc par cette phase
de scepticisme.
Au xii« siècle, Averrhoès croyait déjà la gale parasitaire;
en 1762, un traité parle de VAcarus humanus. Ce ciron, dit-on,
«introduit sous la peau et produit les pustules des galeux. Linnée
parle dans le même sens, et cependant il faut l'arrivée ù Paris,
en 1834, d'un étudiant corse, Renucci, pour que la croyance de
toutes les vieilles femmes de son pays s'implante. Cela suffit à
peine, car en 1834 ne voit-on pas Devergie dire encore : a Pour
< moi, au lieu de ne reconnaître dans la gale qu'un effet do la pré-
« sence d'un insecte, je suis porU3 à croire qu'elle consiste, avant
« tout, dans une éruption. » Soyons persuadés qu'il en sera de
même pour la théorie des ferments.
Les ferments sont-ils bien les seuls facteurs delà maladie? A
cetie question les expériences de Pasteur et de Chauveau, s'inspi-
rantde celles par lesquelles Spallanzani démontra que le pouvoir
fécondant du sperme réside dans les corpuscules qu'il contient, ré-
pondent suffisamment. Chauveau prend le sérum du vaccin,
^nim qui est composé d'un liquide dans lequel nagent des cor-
puscules. Or lorsqu'on vient à isoler ces corpuscules cl à VesVf^wvc
GSOOR. MED. \^
ttt LA FAU.Vfi ET LA FLORE.
dans Icaii distillée, la goutte d'rau dislill^o prend des propriétés
vaccinifèrcs é^lcs à celles du vaccin ; en revanche, le sérum prnc
de SOS corpuscules est devenu absolument incffcnsif. Pour le
lii|uido morveux, Chauveau est arrivé à des résultats identiques.
Toussaint filtre du sang charbonneux à travers des filtres de
papier; comme les globules sanguins sont doués de mouvements
amiboîdes, ils s*emient et passent ; mais les bâtonnets (bactéridics)
ne passent pas ; le sang ainsi filtré est devenu inofTensir. L'agent
morbigène est donc bien le forment, la bacléridie.
Un liquide pris au bout d*unc lancette n'est donc contagiftTe
qu'autant que les hasards auront amené sur la |)ointe de la lan-
cette non le sérum, où elle plonge^ mais un des corpuscules qui
nagent dans ce sérum.
Quf tli^icnt Iv ftrmetU dans in sang ? D'abord, à l'inverse dos
substances toxiques, reflet produit n*est pas ici proportionnel à la
dose de ferment ; ainsi il y a dans une goutte de sang charbon-
■eux 8-10 miilions de bactéridics; or une dissolution du cette
goutte nu milUonièinr produit sûrement la mabidic mortelle. Les
bactéridics du charbon R' multiplient, en elTct, suivant une prtv
grcssion géométrique. Ainsi Davaino a calculé que si l'on inocuUt
1 bactéridie, au bout de 2 heures, on a 2 bactéridics ; au bout de
4 heures, on eu a \ ; au bout de 6 heures, on en a 8 ; au bout de
7 heures, on en a 10; au bout de 24 heures, on en a 4 096;
au bout de 48 heures, on a 16 777 216 bactéridies, soit 1 bactéri-
die pour 3 500 globules. L'emfioisonnement commence alors. Alais
au bout de 60 heures, il y a 1 milliard de iKictéridies ; au bout de
72 heures, il y en a 71 milliards; au bout de 74 heures, le nom-
bre est doublé et les bactéridics sont i)lus nombreuses que les
globules.
Les s\mi)tômes n'éclatent que lorsque le nombre de bactéridics
a atteint un certain chiffre. Jusque-là c'est Vinrubaihn. Cette in-
cubation peut varier de quelques heures ù queUiues mois, comme
dans la rage.
Le docteur Richardson range les maladies à ferment en cinq
groupes, suivant que Tincubatiou est :
jo Tris courte, — De un ù quatre jours: choléra, pustule ma-
ligne, i)esto;
T Cvurtc. — De deux à sii jours : scarlatine, roséole idiopa-
thique, diphtérie, érysipèle, fièvre jaune, pyohémie, grippe, co-
queluche, morve, farcin, crou|), fièvre puerpérale;
FERMENTS ET FERMENTATIONS. 227
a* Moymnc, — De cinq à huit jours : fièvre à rechute, gonor-
rbée, vaccine, variole inoculée ;
4*> Longue. — De dix à quinze jours : variole, varicelle, rou-
geole, lyphu>. fièvre typhoïde, oreillons, malaria;
5° Très longue. — De quarante jours et plus : syphilis, rage.
Avons-nous la preuve que ces ferments circulent dans le sang ?
Chauveau Ta donnée dans une remarquable expérience. Lorsque
la circulation cesse dans un organe et que cet organe se trouve au
contact de Tair, il ne peut résister à l'action des germes de gan-
grène, Bacteriumtei'mo eiBneterium catinaUi^ qui, répandus dans
l'atmosphère, amènent chez lui la gangrène; il subit la fermen-
tation putride. Lorsqu'au contraire Porgane, dans lequel la circu-
lation est interrompue, n'est pas au contact de l'air, comme il
ne reçoit pas de ferments de gangrène, il se momifie, mais il ne
iie gangrène pas, il ne se putréfie pas. Ainsi,daQsla castration telle
qu'on la pratique chez le bélier, par le histournnge^ on ne fait pas
de plaie, on se borne à arrêter la circulation dans le testicule, qu'on
veut détruire, et, comme il n'y a pas accès de l'air, il n'y a pas gan-
grène, il y a simplement momification. OrCbauveau, avant de pra»
tiquer le bistournage et alors que la circulatioti se fiiit encore dans
l'organe, injecte dans la carotide des ferments putrides; l« testicule,
quoique privé ensuite deîcirculation, se gangrène, comme s'il était
au contact de l'air, parce que les germes de putridité lui sont
parvenus et ont été enfermés dans sa propre circulation; — si, au
contraire, on arrête à'ahord la circulation dans le testicule et
qu'on injecte ensuite les ferments putrides dans le sang, alor»
leur passage dans la circulation du testicule ne pouvant plus se
faire, cet organe se momifie, mais ne se gangrène pas.
Les ferments agissent-ils duns le sang ? Une expérience de
Cl. Bernard va nous le prouver. Les amandes amères sont un
produit de fermentation normale ; Tamygdaline, sous l'influence
d'un ferment, Véinuldne^ forme de l'acide cyanhydrique. C'est
pour cela qu'un loch qui fermente, finit par contenir de l'acide
cyanhydrique. Eh bien, Cl. Bernard a injecté dans les veines d^un
chien de l'amygdaline d'une part, de Témulsine de l'autre et a
trouvé de l'acide cyanhydrique dans le sang ; la fermentation s'y
est donc produite. Dans une autre expérience, il injecte de l'eau
sucrée et de la levure de bière, il y récolte de Talcool absolument
comme dans un verre d'eau sucrée, qui aurait fermenté ; enfin
autre expérience : Popoffa injecté dans les veines d'uu ^tiVcgaN.
Si8 LA FAUNE ET LA FLORE.
»
de la levure de bière seule ; l'animal est mort avec des signes de
typhus; il avait des ulcérations intestinales et ces ulcérations
s'étaient formées, parce que les vaisseaux de Tintcstin étaient
oblitérés par des embolies de levure.
Comment agissent les ferments ? Les ferments du charbon, de
\aL septicémie agissent, aussi eux, en produisant les fermentations
qui leur sont propres et en déterminant des embolies mécaniques,
comme la levure. Pasteur a montré que les bactéridies du char-
bon, comme les organismes du choléra des poules, agissent en
soutirant Toxygène des globules et que, de plus, ils forment dans
les petits vaisseaux des embolies visibles au microscope sur les
Ans vaisseaux du péritoine.
Maintenant que nous venons d'étudier les conditions propres à
la graine, nous pouvons nous rendre compte d'un certain nombre
de phénomènes de pathologie générale : ïinoculation^ la con-
tagion, le milieu épidémique.
inoevUtloB.— Puisque le microbe ou ferment est le seul agent
delà maladie, il faut de toute nécessité, pour que la maladie éclate,
que le ferment soit semé. Lorsque nous voyons une giroflée pousser
sur un mur, nous n'hésitons pas à penser qu'une graine de giroflée
a étq apportée là ; mais comment s'est fait ce transport du ferment?
Dans nos expériences, nous comprenons bien comment la pointe
d'une lancette a pu transporter dans le sang la bactéridie, dont elle
était chargée et qui tout à Thcure va multiplier; or c'est encore l'ino-
culation qui se produit dans la nature pour un grand nombre de
maladies. Puisque nous avons pris le charbon pour exemple, nous
savons qu'il suffit qu'une mouche ait touché un animal charbon-
neux et qu'elle nous pique ensuite, pour que, véritable lancette
vivante, elle nous inocule la maladie. Pour être à nos yeux beau-
coup moins agréable à contempler, le phénomène est leunème que
celui que nous montrent les insectes, qui, butinant de fleur en
fleur, transportent le pollen et accomplissent, par inoculation, la
fécondation des fleurs femelles; ce sont de môme les mouches,
qui sont les agents inoculateurs de cette maladie expérimen-
talement inoculable qu'on nomme la pourriture des végétaux,
maladie^qui tient à un bacterium. Le professeur Verneuil a dési-
gné fort ^ingénieusement sous le nom d'auto-inoculation infec-
tieuse, des faits dont l'explication n'avait pas été entrevue avant
lui : il.s'stgit de cas dans lesquels un parasite gros ou petit, circu-
lant en liberté dans les vaisseaux, est mi^ en liberté par un trauma
FERMENTS, FERMENTATIONS. 229
▼asculaire^ pénètre dans les espaces conjonctifs ou dans les pa-
renchymes et s'y développe. C'est ainsi que les opérations chez
les tuberculeux peuvent donner naissance à des phénomènes d'auto-
inoculation. Verneuil explique ainsi comment, lorsqu*un malade
porte plusieurs blessures, les unes fermées, les autres ouvertes,
les microbes peuvent se trouver, môme dans les foyers paren-
chymateux qui sont à l'abri de Tair ; enfin M. Bonceur explique de
même comment une rupture vasculaire peut mettre en liberté
des embryons d'échinocoques, qui vont s'enkyster ailleurs.
Costaj^ion. — Mais le contact n'est pas toujours aussi immé-
diat, en apparence : lorsque, comme pour la variole, la rougeole,
ou d'autres maladies, le ferment est assez léger, assez volatil
pour se répandre dans l'air, on ne dit plus inoculation, on dit
'^inlagion;ei cependant, c'est encore une réelle inoculation qui
se fait, soit par les parties dépourvues accidentellement d'épi-
derme, soit par la muqueuse pulmonaire, soit par la muqueuse
digestive.
Hilieo épldémlqae. — Lorsque Tatmosph ère est remplie de
ces germes, on dit alors qu'il y a milieu épid/miquc ; mais c'est
toujours de l'inoculation. C'est un milieu cpidcmique, dans son
?enre, que l'air de nos vignobles au moment de la vendange.
Pasteur a montre, en effet, que ce qui fait fermenter le jus du
raisin pour en faire du vin, c'est un parasite, la Torula vint. Le
frrain de raisin serait donc autorisé à regarder cela comme une
maladie, dont le germe est répandu dans Pair; car ce germe est
«i bien dans l'air, comme celui de nos maladies, qu'il suffit d'en-
tourer la grappe d'un abri protecteur, la ouate, pour la préserver
de la contasjion et pour qu'elle soit impuissante, mise en cuve, à
fermenter. La comparaison faite par Pasteur entre la fermenta-
tion du moût de raisin, à l'époque des vendanges, et un milieu
t^pidémique est fort juste et il semble qu'on se comporte, en
réalité, pour éviter certaines fermentations, comme on se com-
porterait si on voulait éviter le vent d'un marais, par exemple. Il
est de règle, à la Vera-Cruz, de ne jamais mettre le vin en bou-
teille que lorsqu'il fait soleil et que le vent souffle du sud ou du
sud -est. Si le vent vient du nord ou du nord-est, le vin aigrit. Il
en est de même de nos maladies; il suffit de nous garantir des
germes pour être, aussi nous, incapables de fermenter et de devenir
malades. Le pansement ouaté de Jules Guérin, qu'on applique aux
amputés et aux grands opérés, n'a d'autre effet que de filtrer Talc
1» LA MUSE ET LA FLORE.
«livanl la mvlhoile do Tïmlall et «le lo dtlwrrasscr des
'^iri'mitiU)^ i]u*(I t'onienait. Le pansement pliiJni<|uû d<
iv* liw. IVi^lcur a donc proposé avec raison anx porsoni
MMil bimV.tdo «ivri! dans un miliivu i'|iid('Tnii[ue, •!•■ ne r
an maypn iTun appareil qu'il serait aisé d'imaginer, ijui; i
liltré par la oualt: les niédecitrs pousses par ce qu'on ap
rrjtpx-r huiiviiii ont rerusi'r. C'ist comme un cuirassier qui
rait dVti<liv<ser sa cuirasi«, sous prétexte qu'il est peu li
At sF [>rul('p;r coalrc les iKilles ou contre les coupa de s:
pourlaiil ccj microbes nous entourent ilc toutes parts! Ei
|I^N'a ajaiil Tait laver les murs de sa salle de chirurgie
ilt-s ^'luI'uii'S de jiusdans le liquide evprîmé de l'éponge,
dan< unr salle occupée par des cnratils atteints d'opli
trouva l'^M le ment ilcs gloliules de pus dans Pair; la eoi
n'est dune ,-u ré-alité qm: de l'inncnlulion. Ce qu'un noi
)wi'ii>'i( ii-s:'-',minl su l'cduil, en suninie, a uu certain non
germes île maladies, véritables lancettes vivantis, prêtes
culatioii, qui circnlent dans l'air. Tout cela est bien clair
pendant iniu de utédcciiis se refusent encore à cette sim
Tour .M. J.ic'und, par exemple, ce n'est pas la bactérie qu
virulcneir ; i''i>t le milieu d'uii elle vient '.
I.KNpiiiilnBéll^dpsDialMtllrivA rermenl n'cKlwle
Les ni.iliiilii's il fi-mient ne sauraient donc jamais être spon
elles ne miiisriit pas pins sans que le ferment ail été inoci
les poulils m- naissent sans qu'nn œuf ail été rêcondé. p
touvé. ll'iM meure 4 l'asteur et à Toussaint que nous di
rertilnde duces ciinnais«mce^. ICn tiisaut, en Beauce, l'i
d'animaux rnorlsducliarlton prétendu spontané, Toussaint
auv enviruns de la iHiuclie, îles i^nu^lious durs, cnjzoï^és.
(lés; i>r le ganglion eiipirgé accompagne toujours le poini
cubljun dn cliarlion expérimental -, si Lien que, sur des a
morts du rliarlHin qu'un expériuienliilcur aurait inoculés
points divers, Toussaint reconnaît toujours le siège de l'inoi
au gan^'liini engorgé. Il [lensi donc qui' c'est en mange
tierlii's 1 rcnuveilcs de li.ictéridics tt d'ailleurs piquant
les lu^li's poiivaii'nt, on l'abscucc de voisins charbuuneui
cnleren lé.tlité lu cbarlHin et paraître l'avoir spontanêui
'el, le eluirluri dit xjiniit'iHi- t«lale généralement pen
t et alors <iuc les animaux sont, non au p:
■ nourris d'herbages sec».
VARIOLE. 2Si
D'où viennent alors ces bactéridies? Clies peuvent avoir clé dé-
posées par un troupeau ou par un animal malade longtemps avant ;
mais comment se conservaient-elles? Pasteur enterra un mouton
mort du sang de rate ; quatorze mois après, une solution de cette
terre inoculait encore le charbon. Les bactéridies se conservent
donc ; elles sont séchées ; mais comme elles sont reviviscentes,
Thinnidité de la bouche leur rend toute leur virulence. Toussaint
aconservé, pendant dix-huit mois, dans un flacon, un morceau de
papier buvard qui avait été imbibé de sérum charbonneux ; il lui
a sufQ d'humecter ce papier, pour que, avec l'eau qui le lavait, il
iiiucuiàt le charbon . C'est ainsi que des animaux peuvent prendre
le charbon dans une écurie vide depuis des mois, mais qui a logé
un animal charbonneux; c'est ainsi ({ue des volailles peuvent
prendre le choléra des poules dans un poulailler qui a logé des
[)Qules atteintes de la maladie. Il en est de même des salles
(rhi>pital fermées, puis réouvertes sans avoir été désinfectées.
§ I. VARIOLE.
Un des exemples les plus remarquables des maladies infec-
tieuses, contagieuses et inoculables dont nous venons d'esquisser
la théorie générale, est la variole. C'est dans l'histoire et dans la
marche de cette maladie que sont le mieux résumées les lois
générales, qui régissent les processus de cette nature; elle peut
servir de tvpe.
En elFet, au point de vue de la marche, nous pouvons entrevoir
dans le passé une époque où quelques points limités du globe la
connaissaient seuls; dans le présent, nous ue connaissons plus
que quelques points limités qui ne la connaissent pas encore ou
ne !a connaissent que d'hier; mais ces points deviennent de jour
en jour moins nombreux. Il est vrai que, dans l'avenir, nous
pouvons entrevoir une époque où elle aura disparu ou au
moins considérablement diminué, grâce à la vaccine.
Histoire et géographie. — L'origine de la variole semble
devoir être reportée dans l'Inde. H en est question dans un
vieux document sanscrit, le Saleya Granlhim, attribué à Dhan-
wantari, l'Esculape hindou, qui nous reporte à plus de 3000 ans.
Les rapports déjà anciens de l'Asie centrale avec la Chine sem-
blent l'avoir propagée, de bonne heure, dans ce pays, où elle
SSS LA FAUNE ET LA FLORE.
est connue depuis plus de ÎOOO ans et où, cependant, elle fait
encore des ravages considérables : elle y atteint même des vieil-
lards ; de là elle passa plus tard au Japon, où elle fait encore des
ravages considérables sous le nom de "Poofo ou Sekkio ; elle y
produit surtout un grand nombre d'aveugles.
Pendant tout ce temps lointain, notre antiquité classique, les
Grecs et les Romains ignoraient la variole; ce sont les Arabes qui
semblent Tavoir prise sur la côte du Coromandel; elle était in«
connue encore en Occident, lorsqu'une épidémie terrible éclata au
siège de la Mecque, en 569, un an avant Tépoque de la naissance
de Mahomet. Elle devait voyager dès lors, pour ainsi dire, sur
Tailcde l'Islamisme; en 640, elle passa en Egypte avec Tarmée
conquérante du kalife Omar ; au vni* siècle, elle passe, avec les
Sarrasins, en Espagne et en France ; de là elle se propage d*autant
plus vite que les communications sont plus fréquentes. Elle passe
en Danemark en 1527; en Suède en i578; en Islande en 1707 ;
en Sibérie en 1030; au Groenland en 1733 ; au Kamtchatka en
1 767. Los Suédois la transportent à leur tour en Laponic, où la
population fut réduite des 3/i et où les habitations furent, dit uo
contemporain, abandonnées aux bêtes fauves. Nous-mêmes nous
Pavons portée en Amérique au xvi* siècle^ notamment au Mexique,
où elle fit périr, peu après la conquête, 800000 indigènes. Nous
lavons portée à Saint-Domingue en 1518; nous l'avons donnée
aux Peaux-Rouges; dans la première épidémie qu'ils subirent, sur
40000 Pieds-Noirs 39 000 sont morts ; la moitié des habitants de la
Californie a succombé après notre ^enue. Nous Tavons portée aa
cap de Bon ne -Espérance on 1748 ; en Australie en 1788 ; elle éclata
sitôt après Toccupation de Botany-Bey, avec une intensité telle,
qu'on trouva dos cavernes remplies de cadavres de varioleux. Ce
n'est qu*cn 1842 qu'un navire américain porta la maladie à Ta-
hiti, où elle fit des ravages considérables; vers la même époque,
Taviso le Diamant la porta à Nouka-Hiva ; elle arriva en 1853
seulement aux lies Sandwich et en 1852 à la Réunion.
L'Afrique la reçut probablement de deux côtes : par les Arabes,
sur la côte orientale ; par les Européens, sur la côte occidentale.
Aussi les Bechouanas connaissent-ils la variole depuis fort long-
temps; les Maures, au nord du Sénégal, la connaissent depuis
longtemps aussi et sont encore souvent victimes de ses coups.
D'après Burton, les habitants de TAfriquo orientale sont décimés
l par elle; elle existe donc aujourd'hui à peu près partout.
VARIOLE. 2SS
C'est une chose bien remarquable que la gravité de la va-
riole, comme de toutes les maladies de cette nature, dans un
pays qui en est jusqu'à un moment donne demeuré vierge! Les
Esquimaux, qui sont venus récemment prendre la variole en
Europe^sont morts avec la forme foudroyante de la variole hémor-
rhagique. Cependant, au siècle dernier, bien que depuis] long-
temps fixée en Europe, la maladie y faisait encore des ravages con-
sidérables ; c'était alors la plus meurtrière des affections aiguës;
elle causait i/f 0 des décès et elle était responsable de la moitié
des cas de cécité. Toute la descendance de Louis XIV, sauf
Louis XV, succomba sous ses coups.
I^'atare, contai^ioii. — La variole est éminemment conta-
gieuse et ce pouvoir contagieux commande Tisolement absolu des
varioleux comme la désinfection des voitures, qui servent à les
transporter dans les hôpitaux. Pendant le siège, elle a été extrê-
mement fréquente dans l'armée de Paris ainsi que parmi les
mobiles logés chez les habitants ; le nombre des soldats qu'elle a
atteints a été de 6,76 0/0, près de 7 0/0. Cette contagion présente
toutefois ceci de particulier, qu'elle ne s'effectue pas à une très
grande distance : il y a donc des contages plus volatiles que celui
de la pelite vérole. Ainsi, pendant le siège, bien que tous les va-
rioleux de l'armée de Paris fussent réunis à Bicêtre, on ne vit
pas plus de varioleux qu'ailleurs dans le fort de Bicêtre situé à
100 mètres environ de l'hospice, mais qui n'avait aucune com-
munication avec lui ; les habitations échelonnées le long de la
route, sur le passage des varioleux, présentèrent, au contraire, un
grand nombre de cas de variole ; il en résulte cet enseignement
au point de vue pratique, que, le contage de la variole étant peu
volatile, il est utile d'avoir des hôpitaux spéciaux, maii^ inutile de
les reléguer très loin. C'est dans ces conditions qu'a été construit
à Londres le nouveau Mail Pox Hospital, qui, élevé en 1850, n'a
jamais transmis la variole aux quartiers avoisinanls.
De nombreux travaux nous autorisent à ranger la variole dans
les maladies à ferments. Chauveau a montré que le pouvoir con-
tagieux réside dans des corpuscules; Coze et Feltz ont trouvé des
bactéries dans le sang et dans les vésicules qui deviennent plus
tard des pustules. Ce sang inoculé par ces savants au lapin a
donné lieu dans le sang de cet animal à la reproduction des mêmes
bactéries; Hallicr a trouvé dans le vaccin humain et dans la
lymphe variolique des spores mobiles; Brouardel a, de son côtâ^
214 LA FAUNE ET LA FLORE.
constaté, dans les vésicules, révolution de ces bactéries sous forme
de granulations fines et très brillantes; Cobn^ en tin, a pu cul-
tiver artificiellement ce quMl nomme le Mivrococcus vaecinœ dans
du lait, dans de l'urine^ du blanc d^œuf, des pommes de terre
cuites et reproduire, avec les générations ainsi obtenues artifi-
ciellement, des générations semblables dans le sang de lapin.
Les recherches faites en collaboration par le professeur Jolyet
(de Bordeaui) et ses élèves, Delagc et Lagrolet, ont jeté le plus
grand jour sur la variole du pigeon, ou picoUe. L'éruption a lieu au
poui*tour des yeui, au cou, à la face interne des ailes et des cuisses.
L'cxainen microscopique du sang des pigeons atteints de variole
montre que ce liquide contient un nombre infini de corpuscules
élémentaires, de dimensions assez variables. La forme des cor-
puscules, les plus ténus, est assez difficile à déterminer, à cause
(le leur extrême petitesse, même lorsqu'on cherche à la préciser
avec un grossissement de 12 à 1 400 diamètres. Au moment où la
maladie est nettement caractérisée, ces corpuscules sont en nom-
bre incalculable et occupent en quelque sorte tout le champ du
microscope. I^ développement de ces microbes est proportionnel
à la maladie.
Si Ton examine, chaque jour, à partir de Tinoculation, le sang
des pigeons au microscope, en faisant une petite piqûre sur une
veine de la patte, voici ce que Ton observe : le premier et le
deuxième jour, souvent le troisième jour, le sang ne présente
rien d'anormal en apparence, ni dans le plasma sanguin, ni dans
les corpuscules hématiqucs et lymphatiques. Toutefois, vers la fin
du troisième jour, un examen attentif montre, sur quelques pré-
parations seulement, la présence de microbes animés dans le
sang. Les jours suivants, le développement parasitaire augmente
d'une façon excessive et, lorsque le pigeon présente les symptômes
manifestes de la maladie, la préparation du sang offre l'aspect
décrit plus haut, c'est-à-dire que le champ microscopique est occupé
par des myriades de microbes en mouvement.
Cette période de la maladie, correspondant au développement
silenrieux du microbe dans le sang, depuis le moment de Tinocu-
lation jusqu'à Tapparition des phénomènes morbides, répond à
la période dite d'inrubation, période si caractéristique du début
des maladies virulentes et contagieuses.
ROUGEOLE. 2)5
§ â. ROUGEOLE.
Histoire et gëo|^rapliie. — La rougeole nous a, comme
la variole, été apportée au vm» siècle par les Sarrasins. Ni
les Grecs ni les Romains ne Tont connue. Tout ce que nous
savons d'elle, c'est qu'elle existe, comme la variole, depuis long-
temps dans rinde, qu'elle est fréquente en Malaisie et très com-
mune au Japon, sous le nom de fakisa. Elle était inconnue en
Amérique avant la conquête et c'est nous qui l'y avons portée ;
aujourd'hui, elle est à peu près diffusée dans le monde entier,
bien que certaines îles reculées ne l'aient reçue que récemment.
Nous sommes généralement habitués à regarder la rougeole
comme une maladie de l'enfance et comme une de ces maladies
sans beaucoup de gravité, que tout le monde doit avoir subies.
Le fait est que c'est une maladie de l'enfance ; mais pour cett,e
raison qu'elle n'atteint qu'une seule fois et que peu de gens lui
échappent. Lorsqu'elle survient chez l'adulte, elle constitue alors
une maladie parfois très redoutable. C'est dans ces conditions
qu'elle s'observe parfois dans l'armée, sous la forme d'une épi-
demie grave. En 1837, au Val- de-Gràce, iMicliel Lévy, sur 60 ma-
lades, eut 16 morts; en 1838, à Versailles, la mortalité sur les
adultes était de 31 O/o; en 1860, au Val-de-Gràce, Laveran
père, sur 425 malades, eut iO morts. En 1870, pendant le siège
de Paris, où elle a sévi sur les troupes en même temps que la
▼ariole, la mortalité a été de 1/3. Pendant la guerre des Etats-
Ij'nis, elle a également sévi avec grande intensité sur rannée.
Pendant la première année, sur 21676 cas, il y eut o.'il décès,
et, pendant la seconde, sur 16 34o cas, il y eut 1 313 décès. D'une
faç<«i générale, elle figure, en France et dans l'armée, pour
27/1000 décès. L'agglomération d'hommes jeunes lui donne donc
une fréquence et une gravité exceptionnelles. C'est ainsi que,
pendant TEmpire, la fréquence de la rougeole avait diminué
<ians l'armée, parce que, par suite des réengagements, l'Age
ni'^yen du soldat s'était élevé. Comme la variole, elle prend une
gravité particulière chez les populations qui ne la connaissent pas
encore. Ainsi, en 1784, apportée aux îles Feroë, elle y atteignit
lous les habitants, sans distinction d'àgc ni de sexe, et en fit
Diourir un grand nombre; elle disparut forcément, puisque tous
les survivants se Irpuvaient en état d'immunité ; mais, 6o ans
tlO LA FAUNE ET LA FLORE.
après, en 1846, elle fut apportée de nouveau par un bâtiment ;
sur 7782 habitants, il y eut 6 000 malades; les 1 700 exempts
étaient des gens de plus de 65 ans, qui avaient eu la rougeole
lors de la première épidémie. En 1875, apportée aux îles Viti,
elle a décimé la population à l'égal de la peste la plus redoutable.
Bien qu'elle ait été promenée partout, elle semble, du reste,
préférer les pays froids. Ainsi sur 309 épidémies relevées par
Hirscli, on en trouve 96 en hiver, 94 au printemps, 43 pendant
l'été, 76 en automne.
La gravité de la rougeole épidémique par les grands froids a,
du reste, accrédité pendant longtemps une erreur, qui ne compte
plus aujourd'hui que peu de partisans : dans plusieurs garnisons^
milieu où, par suite de l'agglomération de la jeunesse, les épidé-
mies de rougeole sont fréquentes, il survint, en même temps que
les épidémies de rougeole, une épidémie de bronchite capillaire;
on a donc décrit la bronchite Cdpilluire épidémique des armées
comme une épidémie spéciale, comme une maladie à part. Ainsi,
à Lyon, en 1841, 600 jeunes soldats furent portés à Thôpital
comme atteints de bronchite capillaire épidémique; la mortalité
fut considérable ; or voici ce qu'il en est : la rougeole est carac-
térisée par une éruption, qui se fait à la peau, sur la conjonctive,
sur la pituilairc et sur les bronches ; mais lorsque, par les grands
froids, il y a beaucoup de bronchites, si une épidémie de rou-
geole règne en môme temps, l'éruption se fait alors uniquement
sur les bronches ; clic manque à la peau ; la rougeole est alors
méconnue. C'est de môme que, dans la variole, si le malade porte
un vésicaloire, on verra l'éruption, discrète partout, être con-
fluente sur le point qu'a occupé le vésicaloire.
I\'ature, contai^ioii, inocalation. — Eminemment conta-
gieuse, la rougeole est inoculable au moyen du mucus nasal, des
larmes, du sang et de la desquamation épidermique, qui succède
à l'éruption. L'inoculation a été pratiquée, en 1758, par Home;
en 183-2, par Spéranza; en 1847, par Michael (de Catona); sur
iOO inoculations qu'il a pratiquées pendant une épidémie grave,
il a réussi 93 fois et 93 fois la maladie fut bénigne, jamais mor-
telle. Cette méthode des inoculations est d'ailleurs conseillée par
Guersant et Blache en temps d'épidémie grave.
Hallier a trouvé dans le mucus bronchique un ferment, qu'il
, appelle miicor mucedo verus. Cultivé sur un mélange d'empois
d'amidon et de phosphate d'ammoniaque, ce micrococcus se
SCARUTINE. i37
transforma, au bout de six jours^ en mucormucedo; dans les
crachats, on trouvait toujours des spores de pénicillium. Ces
obserTalions concordent avec celles de Salisbury, qui admet que
Torigine de la rougeole se trouve dans la paille en putréfaction.
Keber a reconnu Texistence de noyaux nombreux et de granu-
lations dans les lamelles épidermiques provenant de la desqua-
mation des taches de rougeole et il est tenté de les considérer
comme les éléments de la contagion. De leur côté, Coze et FcUz
ont trouvé dans le sang des éléments très fins, qu'ils rattachent
aux bactéries.
§ 3. SCARLATINE.
Histoire et c^oéf^apiiie. — Si la variole et la rougeole nous
ont été apportées d'Orient, la scarlatine semble être bien à nous;
elle semble même moderne. 11 n'en est nulle part fait mention
avant le xvi* siècle, époque où elle est décrite, à Naples, par
Ingrassias, puis à Poitiers par Coytar. On la nommait alors fièvre
pourprée épidémique.
Elle apparaît à Breslau en i625. Depuis lors elle est diffusée,
mais présente cependant encore une géographie assez limitée.
Elle est moins cosmopolite que la variole et que la rougeole. Pour
ne parler que de TEurope, elle se groupe dans le nord et le nord-
ouest, devenant de plus en plus rare du nord au midi, à partir
du littoral européen de la Méditerranée. — Tandis qu'en France
elle cause 3 fois moins de décès que la rougeole, déjà en Bel-
gique elle cause plus de décès que cette maladie. — En Angle-
terre, elle 6gure au premier rang parmi les causes de mortalité.
Elle tue 3 fois plus de monde que la variole et elle joue dans
la mortalité le rôle qui, chez nous, est dévolu à la fièvre typhoïde;
ainsi tandis qu'à Paris elle donne en moyenne 100 décès par an,
à Londres elle adonné, en 1863,5 075 ; en 1869, 5 841 ; en général
de 400Dà5 000.
Dans certains points de l'Angleterre, elle Ggure pour la moitié
des décès. — A Paris^ il y a des années où elle ne figure pas dans
Ja mortalité.
La période de 1832 à 1855 se répartit ainsi :
8 années 0 décès par scarlatine.
11 années , 1-8 —
4 années (t 837-40-4 8-49).... mortalité plus élevée.
t88 U FAUNE ET LA FLORE,
Depuis quelques années, elle tend notablement à augmenter.
Pour toute TAngleterre, elle a donnée de 1847 à 18G2, 15 000 dé-
cès par an, soit i/20 de la mortalité.
En 1834, elle a causé plus de décès que la première épidémie
du choléra. — En 1863, elle tue 30475 individus, soit 1,48/1000
vivants.
Dans la Suède, le Danemark, la Finlande, la scarlatine est fré-
quente et grave. Elle s'atténue vers l'est et le nord est d'Europe;
ainsi en Allemagne et en Russie, elle n'est pas plus fréquente qu'en
France ; dans le nord de l'Amérique, elle se comporte comme au
nord de l'Europe ; au Canada, elle est aussi meurtrière qu'à
Londres et à Edimbourg ; à Philadelphie, elle cause, proportion-
nellement au nombre des habitants, 20 fois plus de décès qu'à
Paris; aux Etats-Unis, la mortalité par fièvre éruptive étant
8,85/100 décès, la rougeole figure pour 1,09/100; la variole pour
0,35/100; et la scarlatine pour 7,41/100.
Dans l'Orient, la scarlatine est à peu près inconnue; elle
n'existe en Perse que depuis 1869 à 1870.
Quant à la saison, c'est l'automne qu'elle préfère : Hirsch a
noté, sur iOO épidémies: au printemps 21, en été 24, en au-
tomne 30, en hiver 25.
Ce qu'il y a de remarquable, dans l'histoire de la scarlatine,
c'est la gravité inégale des épidémies. A l'inverse de ce que Ton
voit généralement, la gravité de la maladie semble augmenter
avec l'ancienneté de son existence, alors que, pour d'autres épi-
démies, c'est le contraire qui a lieu. Ainsi Sydenham regardait ia
scarlatine comme très fréquente, mais tiès peu grave : «On n'en
« meurt, disait-il, que lorsque le médecin la prend trop au sé-
a rieux et la soigne nimis docte: » La même opinion régnait en
Saie au siècle dernier, lorsqu'une épidémie fit périr 40 000 vic-
times. De même, en France, Bretonneau, qui n'avait jamais vu
mourir un seul scarlatineux de 1793 à 1822, dut changer d'opi-
nion en 1824, en présence d'une violente épidémie qui sévit à
Tours, et ce médecin distingué finit par ranger, au point de vue
de la gravité, la scarlatine à côté de la peste.
mature. — En 1762, Plenciz (de Vienne) plaçait la cause de la
scarlatine dans des corpuscules animés; Coze et Feltz ont trouvé
dans le sang des scarlatineux des myriades de bactéries, auxquelles
Riersa donné le nom de Bacterium punctum. Ils ont fait mieux :
ils ont injecté un peu de sang scarlatineux à des lapins, qui sont
8UETTE. S39
morts en quelques heures, après avoir donné naissance^ dans leur
sang, à des myriades de bactéries identiques. Enfin Hallier a cul-
tivé ces organismes dans des liquides artificiels et il les a vus se
transformer par évolution, par voie de métamorphose^ lorsqu'on
les cahive dans un liquide très azoté,'en un micrococcus, cham-
pignon qu'il a nommé Tilletia scarlatinosa , 0. Hoffmann, qui a
traité un grand nombre de malades atteints de scarlatine à Taide
d^nveloppements froids, a toujours trouvé des micrococcus en
^nd nombre dans les linges qui avaient servi à Tenveloppement.
§ 4. SUETTE.
Histoire. — Au mois d'août 1485, pendant que la rivalité des
maisons de Lancastre et d'York allumait en Angleterre cette guerre
civile, connue sous le nom de gueire des Deux Roses, une maladie
nouvelle apparut ; c'était la suette. Elle éclatait tout à coup au
camp de Henri Tudor, qui venait de remporter sur Richard 111 la
bataille de Bosworth ; les hommes étaient pris de frisson, puis
d'une fièvre vive, d'une oppression considérable, avec anxiété car-
diaque, enfin d'une sueur profuse et fétide, de là le nom de siietle.
La mort arrivait huit à dix heures après le début de la maladie,
quelquefois plus tôt. Du camp de Bosworth la maladie s'étendit de
l'ouest à Test jusqu'à Londres et ravagea toute l'Angleterre, mais
l'Ecosse et l'Irlande furent épargnées.
Vingt-deux ans plus tard, en 1507, une nouvelle épidémie,
moins grave que la première, éclata à Londres même et ne dé-
passa pas ce rayon.
En 1518, troisième apparition de la même maladie, plus grave
que la première ; les malades mouraient en deux ou trois heures.
Elle enleva sur plusieurs points le i/3 et même la 1/2 de la popu-
lation. Elle s'étendit à toute l'Angleterre, mais, comme la pre-
mière fois, respecta l'Ecosse et l'Irlande. Pour la première fois,
elle traversa le détroit et apparut à Calais, alors au pouvoir des
Anglais. Chose curieuse! à Calais, elle n'atteignit que les Anglais;
tout ce qui n'était pas anglais fut exempt.
En 1529, quatrième apparition de la suette encore en Angle-
terre ; elle tue en cinq ou six heures, respecte encore Tlrlande,
TEcosse, vient à Calais, où elle ne frappe encore que les Anglais,
mais, pour la première fois, elle quitte l'Angleterre ou du moins
t40 LA FAUNE ET LA FLORE.
TÂnglais ; un navire anglais perd plusieurs hommes en route et
arrive à Hambourg, où la suette éclate. Elle tue iOOO personnes
en 22 jours. De Hambourg elle se répand vers Test, le long
de la Baltique, à Lubeck, à Brème, à Stettin, à Dantzig, à Koe-
nigsbcrg, en Lithuanie, en Pologne, en Livonic, où, en i530«
elle enlève les 2/3 de la population. Vers le nord, elle envahit le
Danemark, laSuède, la Norwège. A Copenhague, elle fait 400 morts
en un seul jour. Vers le sud-ouest, elle passe en Westphalie ; elle
s'étend de û Weser au Rhin ; Cologne, Spire, Nuremberg, Mul-
bouse, Augsbourg, où en 8 jours on compte 1 500 malades et
800 morts, sont successivement envahis. Au sud, elle envahit le
Wurtemberg, le duché de Bade, le Palatinat, la Bavière ; à Vienne,
alors assiégée par Soliman, les Turcs assiégeants ne prennent
pas la maladie, alors que les assiégés en sont atteints. La Suisse,
Bâle, Soleure, Berne sont atteints ; la France est épargnée.
Enfm le 13 avril 1551, éclate en Angleterre une cinquième épi-
démie de suette, plus terrible que toutes les précédentes; les popu-
lations affolées s'enfuient en Irlande, en Ecosse, en France, où
elles savent que la suette ne règne jamais, mais, cette fois encore,
alors que les fuyards anglais emportent avec eux la contagion et
meurent en Irlande, en Ecosse, en France, dans les Pays-Bas,
seuls les Irlandais, les Ecossais, les Français n'éprouvent rien, et
les étrangers, qui restent dans TAngleterre désertée par les An-
glais, n'ont rien non plus ! Ce fut la dernière épidémie de suette
unglaisc; elle était venue 5 fois en 70 ans.
§ 5. DENGUE.
Géoi^raphie. — Le dengue, ou fièvre courbaturale, m'daga-
montt^ et m'rogni^dcs nègres, fièvre des diUtes, ou fièvre épidèmique
<ie Calcuttn, ou fièvre éruptive de l'Inde^ ne nous est pas encore
venue. Elle semble jusqu'ici limitée dans les pays à la fois chauds
et humides. Elle a été observée pour la première fois, dans l'Inde,
en i 780, sur la côte du Coromandel ; presque toute la population
fut atteinte. En 1 824, on la revit dans la présidence de Bombay
et à Calcutta. Elle revint en 1825, 1844, 1853, 1854. En 1871,
on la vit à Bombay, à Madras, à Calcutta et, en 1872, à
Pondichéry, mais elle ne resta pas limitée dans l'Inde. On vit,
dans la plupart des épidémies, la maladie se répandre : en 1780,
DENGUK. 2^1
jusqu'à Philadelphie et jusqu'à Cadiï, où clic reçut le nom de
febris fjfidiUina, Elle y atteignit 4400 personnes. En 1824, elle
sévit aux Antilles et sur le littoral atlantique des Etats-Unis, à
New-York, aux Berraudes. En 1846, elle s'étend à la Nouvelle-
OrléaDs, au Brésil, au Sénégal, où on la retrouve en 1845, 1848,
1856, 18€5; en 1870, on la voit sur la côte orientale d'Afrique;
en 1871-1872, à Aden ; en 1873, en Cochinchine, à la Réunion;
en 1878, dans la régence de Tripoli. Elle apparaît presque [chaque
année à Tahiti, aux Sandwich, sous le nom de hou-hou ; c'est à
tort qu'on a prétendu qu'au Sénégal elle précédait toujours la
fièvre jaune : les années de dengue en ce pays sont en cfTet 1845,
1848, 1865, 1869 et les années de fièvre jaune, 1830, 1837, 1859,
1866, 1867. La coïncidence n'a lieu qu'une seule fois.
C«iita|^loii pandémiqae. — Lorsqu'elle apparaît dans un
pays, elle frappe tout le monde. A Adcn, sur 900 soldats anglais,
TOO furent frappés ; à bord de in Comète, qui quittait l'Inde en
temps d'épidémie, sur 66 matelots, 59 furent malades ; à Saint-
Denis (Réunion), sur 509 soldats, il y eut 320 malades; tous les
infirmiers furent atteints; sur 11 médecins, 9 furent frappés; en
somme, sur 35 000 habitants, il y eut 20000 malades. Eminem-
ment contagieuse, elle suit, dans ses migrations, le chemin des
migrations humaines ; c'est donc à tort que Hirsch la regarde
comme une pandémie non contagieuse, comparable à la grippe.
'En 1872, l'épidémie de Pondichéry éclata le lendemain de la fôte
de Velangamy, village situé à une centaine de milles de Pondi-
chéry, où avait été attiré un immense concours d'indigènes. Elle
offrit même ceci de remarquable, à l'inverse des fièvres conta-
gieuses, qu'elle ne présenta pas, pour ainsi dire, cette période d'in-
cubation qui leur est habituelle et pendant laquelle le ferment se
multiplie en silence, jusqu'au moment où le nombre des microb(?s
a atteint un certain chiffre; ainsi un enfant séparé de son frère
atteint de dengue trompe la surveillance et entre un instant d^ns
la chambre du malade ; peu d'instants après, il est atteint lui-
même brusquement. Un plaisant s'amuse un jour, dans la cham-
bre d'un ami malade, à contrefaire la mine de ce malade ; au
milieu de sa pantomime, il est atteint lui-même et on n'a que le
temps de le porter dans son lit.
Cependant, malgré l'intensité du pouvoir contagieux, quelque
aetites que soient les communications avec les hauteurs, celles ci
sont toujours à l'abri. C'est ici une question de tempéraVutt V^^'^
Gioaa. lâÈD, V^
S4i LA FAC.VE ET LA FLORE.
que de dépression baromctriqiic. Ainsi les hauteurs du Salazie,
à 900 mètres d'alfitude, n'ont jamais vu la denguc. A 700 et
800 mètres, on est toujours à 1 abri.
SyMptAaies* — Les symptômes de la denguc ne sont pas moins
étranges que sa marche envahissante; on peut les diviser en cinq
périodes:
Le début est marqué par un malaise général, des vertiges, de
rabattement et des douleurs dans les articulations; ce sont ces
douleurs et Tallure qu'elles donnent au malade^ qui ont valu à la
dengue le nom de fvhris ph'dosa et de ilmdy, à cause de la
marche raide qu'elles donnent au patient. De là est venu le nom
de denguc.
Alors apparaît une première éruption ; le corps se couvre de
rougeurs, qui rappellent à la fois celles de Turtiraîreet celles de la
scarlatine; des vomissements surviennent; la fièvre est vive^ la
température de 40®.
Au troisième jour, la fièvre tombe, la guérison semble se faire ;
mais surviennent alors au cou, aux aines, aux aisselles des gan-
glions bien différents, d'ailleurs, de ceux de la peste ; cette pé-
riode dure deux à trois jours.
Mais la fièvre se rallume ; une nouvelle éruption survient, qui
rappelle celle de la rougeole.
Enfm une desquamation abondante annonce la convalescence ;
mais celle-ci est longue et pénible.
Les rechutes sont fréquentes, et il n'est pas rare de voir les
malades tramer de la sorte pendant deux mois sans se remettre.
La maladie n'est d'ailleurs pas grave ; elle est rarement mortelle^
sauf chez les très jeunes enfants et chez les vieillards, car, sur
8069 cas rassemblés par le docteur Martialis, il ne s'est produit
que 37 décès. A Maurice, sur 80 000 malades en t879, elle en tua
729.
Nature. — Bien que le microbe de la dengue ne soit pas encore
connu, la place de la maladie en cet endroit du livre ne m*en
semble pas moins légitime.
§ 6. FIÈMIE •npiioiDE,
Histoire et géof^aphie. — La maladie dont nous allons
nous occuper est sans doute bien ancienne; il y a longtemps
qu'elle sévit sur l'humanité et cependant elle n'est connue que de
FIÈVRE typhoïde. 24S
ce siècle! Tous les auteurs anciens, tous les médecins de toutes
les époques nous ont laissé la relation de fièvres graves, qui
régnaient souvent d'une manière épidémique et qui causaient
une grande mortalité ; mais ces fièvres - graves, les médecins
frappés surtout de leurs caractères négatifs, nous disent bien
ce qu'elles n'étaient pas; ils ne nous disent pas ce qu'elles
étaient. En 1693, ces fièvres malignes, putridrs, comme on les
appelait, régnèrent àRochefort. Chirac fit un graqd nombre d'au-
topsies et découvrit que, dans les lièvres malignes, la muqueuse
de rintestin était ulcérée : cela satisfit peut-être la curiosité de
quelques médecins, mais on n*en continua pas moins à regarder
les fièvres malignes, putrides, comme un ramassis de maladies
Dop classées, assez ,vagucs et assez mal déterminées. Baglivi,
Spiegel, Stohl virent aussi des ulcérations dans fintestin ; Rœde-
rer et Wagler les constatèrent de leur côté, à Gottingen, dans
une épidémie qu'on appelle la maladie defiottingcn; mais ce
n'est qu'en 1812 que Petit et Serres comprirent la valeur de ces
ulcérations et firent de tout ce répertoire des fièvres malignes une
classe nette, définie, la fiè\:re entôro-mi}sentériqne, inaugurant,
d'ailleurs, ainsi qu'ils le disaient, a la médecine éclairée par
« l'observation et l'ouverture des corps. » En 1829, Louis déga-
gea encore mieux cette entité ; il créa la fièvre typhoïde, Andral,
Chomel achevèrent son œuvre ; enfin Bretonneau montra qu'il
s'agissait d'une fièvre éruptive, dont l'éruption si longtemps mé-
connue se faisait dans Tintcstin.
Comme la fièvre typhoïde ne fut d'abord connue qu'en France,
on crut d'abord que cette maladie n'était propre qu'à la France ;
mais on ne tarda pas à voir, à mesure que la découverte fran-
çaise se répandait, que cette maladie était fréquente à peu près
partout ; néanmoins, si elle est connue à peu près partout, elle
est loin d'avoir partout la même fréquence ; elle n'a pas non plus
partout une gravité égale. Nulle part elle ne sévit autant qu'en
Europe ; c'est là qu'est son maximum. Dans l'Europe môme, ce
maximum est dans la zone tempérée et, dans cette zone, dans la
portion inférieure. Ainsi en Suède, en Danemark, en Angleterre,
en Belgique, la fièvre typhoïde est moindre qu'en France, en Alle-
magne, en Russie. Dans ces pays mêmes, elle va croissant du
nord au midi. Pour la France, la mortalité, dans l'armée, par
fièvre typhoïde, a été, en 1866 : dans le nord, 1,23 sur i 000 hom-
mes; dans le centre, de 1,79 sur lOOO hommes; dans le sud^
Uk LA FAUNE ET LA FLORE.
2,90 pour 1 000 hommes. En 1872^ pour le nord, 0,85; pour le
centre, 1 > 53; pour le sud^ 3,63 pour 1 000 hommes.
Lorsque, en quittant la zone tempérée, on s'approche de l'équa-
teur, la fièvre typhoïde devient moins fréquente, mais plus grave;
ainsi, elle est particulièrement grave en Algérie, aux Indes (Mur-
chisson), sur les côtes d'Afrique (Villiams) ; à Tahiti, les malades
présentent une grande tendance à Tataxie. Déjà en Europe, où
elle est de plus en plus fréquente, c'est une maladie grave, puis-
qu'elle tue assez souvent le 1 /4 des malades. Elle n'est pas rare en
Amérique, et le docteur Van Rensselaer HoflT s'est assuré, par
l'anatomie pathologique, qu'il fallait rattacher à la fièvre typhoïde
la maladie désignée sous le nom de fièvre des montagnes Rocheiisrs.
Dans l'agglomération parisienne et dans toutes les régions sou-
mises a un régime climatérique analogue, la fièvre typhoïde est une
maladie de Tété ou dell'autorone. — La loi est absolue, hors cer-
taines exceptions dont nous avons précisé la fréquence, la nature
et la signification.
Dans les régions où elle règne en permanence, comme à Paris,
son accroissement saisonnier commence régulièrement au mois
de juin ou au mois de juillet ; son progrès occupe les mois d'août,
de septembre et d'octobre. En novembre ou en décembre, la dé-
clinaison est commencée et elle continue régulièrement jusqu'à
la fin du printemps.
La mortalilé typhoïde varie régulièrement avec la saison et elle
atteint son apogée normale durant les chaleurs de l'été. Alors
même que les épidémies sont locales et accidentelles, celles qui
appartiennent à la saison d'été et d'automne, sont toujours plus
meurtrières que les autres, qu'il s'agisse de la population civile
ou de la population militaire.
La fièvre typhoïde est d'autant plus redoutable que les gens
qu'elle atteint sont tous jeunes; son maximum de fréquence est
de 20 à 25 ans, puis de 15 à 20 ans; de 30 à 40 ans, elle dimi-
nue; après 50 ans, elle est rare. Après la phthisie, c'est, dans
l'Europe centrale, la maladie la plus redoutable, car au lieu de
s'attaquer aux valétudinaires, elle s'attaque de préférence aux
constitutions robustes; aussi, l'armée, qui présente ce double
caractère, la jeunesse et un choix préalable, par élimination des
moins robustes, est-elle particulièrement frappée. A Munich,
en 1855, la mortalité par fièvre typhoïde a été de 8,4 sur \ 000 pré-
sents; à Paris, en 1853, tandis que la mortalité civile de 20 à
FIÈVRE typhoïde. 245
to ans a été de 8,21/1 000 vivants, la mortalité militaire^ au même
âge, a été de 9,34/1 000.
Cette prédilection de la fièvre typhoïde pour les militaires tient
en outre à l'agglomération ; c'est pour cela que les villes sont
toujours plus frappées que les campagnes; dans les villes, elle
tue i,46/l000 habitants; dans les campagnes, 0,94/1000 habi-
tants.
CoBtai^ion. — A l'agglomération vient encore s'ajouter la con-
tagion, contagion par les malades,contagion au moyen des matières
rejetées par les malades et livrées au ruisseau ou à Tégout ; c'est
par les égouts que se propagent souvent les épidémies de fièvre ty-
phoïde dans les grandes villes, dans les casernes, les collèges, les
séminaires; c'est par les cours d'eau, où on a lavé le linge des ty-
phiques, où l'on a vidé les vases qui leur ont servi, que se propa-
gent, ù la campagne, de petites épidémies le long d'un cours d'eau ;
c'est par la même raison que les blanchisseuses sont plus fré-
quemment atteintes de fièvre typhoïde que les membres de toute
autre profession; c'est par le même procédé que les matières fil-
trées dans le sol, si le sol est perméable, entretiennent la fréquence
des épidémies dans un terrain poreux.
Souvent enfin, c'est la contagion directe qui agit, c'est-à-dire
l'arrivée d'un malade dans une localité exemple de fièvre typhoïde;
Celte contagion a été niée et l'est encore; mais elle a été niée
dans les grandes villes, où la promiscuité des habitants est telle-
ment grande, qu'il est difficile de dire où tel malade a pris telle
maladie contagieuse ; pareille cause d'erreur n'existe pas dans les
campagnes. C'est là que les docteurs Gendron et Piedvache (de
tlioan) lont saisie sur le fait et en ont fait ensuite la démons-
tration évidente. Pendant six ans, le docteur Gendron, dans un
Mllage, n'avait pas eu un seul cas de fièvre typhoïde; arrive dans
ce village un homme convalescent de fièvre typhoïde; la maladie
éclate dans sa maison, puis dans les maisons voisines; dans une
maison se déclarent 10 cas; dans une autre 9; dans une autre? ;
dans une autre 6; dans une autre encore 5. En 18ii, à North-
fioston, petit village de l'Etat de New-York, la fièvre typhoïde
était inconnue; un malade atteint de cette maladie arrive à Tau-
berge et y meurt. Tout le village vient le voir, chacun vient pour
ses propres affaires à l'auberge ; 23 jours après son arrivée, 2 cas
éclatent dans la famille de l'aubergiste, 5 ailleurs, 2 ailleurs ;
chaque famille a bientôt son ou ses fiévreux. Une seule UmvVV^
246 LA FAUNE ET LA FLORE.
fut épargnée; celle-là était Wcbée avec Taubcrgiste et c'était
la seule qui se fût abstenue de venir à Tauberge, dont elle n^était
pourtant séparée que par une vingtaine de mètres!
La contagion, cependant, a été niée et Test encore par ceux qui
croient encore que la fièvre typhoïde peut naître, de toutes pièces,
par le voisinage de la putréfaction, par renconibrement ; or il
est remarquable que les égoutiers et les vidangeurs, non seule-
ment ne sont pas plus ex[)Osés à la fièvre typhoïde, mais le
sont même moins que les autres hommes, ce qui n'aurait pas
lieu si la putréfaction seule pouvait produire la fièvre typhoïde.
Loin de là, la putréfaction détruit au contraire la virulence des
ferments spécifiques; c'est ainsi que la paille des animaux morts
du charbon, si on la jette sur le fumier et qu'elle fermente, perd
toute virulence. Une autre fermentation, non spéciiique, a rem-
placé la fermentation charbonneuse, spécifique.
^atare. — SjK^cifique est bien la fièvre typhoïde, par son érup-
tion, qui est constante et caractéristique sur les follicules clos de
l'intestin, les plaques de Peyer. Spécifique est le pouvoir des ma-
tières qui s'échappent de ces ulcérations cl (|ui. Huant par Tintes-
tin, empoisonnent ainsi les coursd'eau, les fosses d'aisances. Spéci-
fique est le fennent, qui, absorbé par l'organisme, y multiplie en
y produisant la maladie, puis est rrjcté par les malades pour
végéter ensuite dans le sol humide et reproduire à nouveau la
même maladie !
Des liactéridies ont été trouvées dans le sang des typhiques, par
Tigri, pur Coze et Feltz; par Signol et Mégnin, dans le sang du
cheval atteint de fièvre typhoïde. Coze et Fellz ont même vu chez
le lapin, non seulement des bactéridies se reproduire, mais une
éruption intestinale, avec ulcération des plaques de Peyer, appa-
raître. Feltz a fait plus : il a pu cultiver artificiellement ces bacté-
ridies, dans un flacon rempli d'air pur, montrant ainsi comment
les ferments virulents de la fièvre typhoïde peuvent se répandre
dans une maison, dans une ferme ou une caserne.
Klein (1874) a trouvé dans les plaques de Peyer enflammées,
dans les 1} niphatiques et dans les vein(>s de l'intestin, des élé-
ments réunis en chaîne, de véritables zooglies; Letzcritch^ dans
les déjections des typhiques, a trouvé des schistomycctcs, qui,
donnés à des lapins par la voie buccale ou en injections sous-cuta-
nées, produisent chez cet animal un véritable typhus abdominal
avec localisation anatomique, identique à celle qu'on observe chez
TYPHUS. 247
rhoinme. — Dans le cours d'une épidémie de fièvre typhoïde qui
régnait à Calane, le professeur Guido Tizzoui (de Catanc) avait
constaté que Teau de la ville contenait de 4-9 milligrammes de
résidu organique par litre et notamment des amas de zooglîps. Il
résolut de faire absorber cette matière, surtout les zooglies, à
des chiens. Or il put constater que l'injection sous la peau des
chiens de ces matières sus|)endues dans de Teau distillée pro-
duisait chez eux les symptômes cliniques et anatomiques de la
fièvre typhoïde. Il s'est assuré, par des autopsies, que les lésions
anatomiques du typhus expérimental cl spécialement des ulcéra-
tions des plaques de Pcycr, l'infiltration médullaire des ganglions
mésentériques et le gonflement de la rate sont dus à la présence
de très petits parasites. Ces productions sont situées dans les in-
terstices des éléments anatomiques, dans l'intérieur même de ces
éléments et aussi dans les vaisseaux qui alimentent les tissus. Ce
sont des micrococcus constitués par des amas globuleux, des zoo-
glies (Plasmakugeln) et du mycélium rameux à contenu très fine-
ment granuleux, à anneaux très courts. D'où il résulte que la
Cèvre typhoïde doit, en réalité, être considérée comme une schis-
tomicose, une véritable maladie parasitaire. Klebs semble avoir
très nettement déterminé la nature de Torganite, qu'il a nommé
Burillus typhosus; il pense qu'il envahit l'organisme, tantôt par
fintestin, tantôt par la voie pulmonaire.
Pasteur est arrivé de son côté à isoler le mirrohc de la fièvre ty-
phoïde. L'infection typhiquea pu, par lui, être transmise d'un ani-
mal à l'autre au mojcn de ht transfusion du sang. Dans ces cas, à
cause de l'acuité de l'empoisonnement direct du sang, il observa
de remarquables modifications dans quelques-uns des phénomènes
clini^iues et spécialement dans la marche de la température.
§ 7. TYPUUS.
A côté de la fièvre typhoïde il faut placer le typhus humain.
O sont là deux maladies voisines, mais difîérentes et aussi dis-
semblables l'une de l'autre que le sont la scarlatine et la rougeole.
Le typhus exanthématique présente un centre d'où il rayonne; il
en présente même au moins deux : ce sont Tirlande et la Silésie.
Histoire et géographie. — La maladie est connue en Irlande
sous le nom de typhus fever; cWey représente le 1/10 de la mor-
talitéj tandis qu'à Londres elle ne figure que pour ,l|oQ e\k V^.t\s^
S48 LA FAUNE ET LA FLORE.
pour 0. De Tlrlande, le typhus passe en Angleterre, à Liverpool,à
Manchester, à Bristol. D'irknde encore, il passe en Amérique;
dans l^Améiique du Nord, le typhus se nomme maladie des vais-
seaux irlandais et s'observe à New-York, à Philadelphie, à
Boston, à Baltimore, au Canada; le typhus a mùme été observé au
Brésil, au Pérou, au Mexique.
Son autre foyer est en Silésie ; c*est de lu qu'il envahit la Russie,
TAllemagne, la Belgique ; toutes les guerres avec cette partie
orientale de PEurope ont amené le typhus. C'est de Silésie que,
se dirigeant vers Test, le typhus gagne l'Asie centrale et la Chine.
Aussi voit-on, comme cela se produit également pour la peste
bovine, les événements politiques liés à l'extension de la maladie.
C'est de Silésie qu'avec l'armée de Charles V était venu le ty-
phus, qui nous apparaît pour la première fois dans l'hisloire, en
1528, au siège de Naples, par Lautrec. 30000 hommes de 1 armée
française périrent, et Lautrec lui-même fut au nombre des vic-
times ; en 15o2, Charles V, avec ses bandes recrutées dans toutes
les parties de l'Allemagne, fait le siège de Metz ; il arrive avec
00 000 hommes, 100 pièces de «:anon, 7 000 travailleurs; mais
au bout de deux mois, après 1 100 coups de canon, le typhus le
force à lever le siège ; les Français sortent et se jettent à la pour-
suite des assiégeants; mais voyant, dit Vieilleville, c qu'ils n'ont
c< affaire qu'à des malades, ils cessent le feu, les ramassent, les
« emmènent dans Melz, qui fut décimée par le typhus ». Pen-
dant la fm du xvi° siècle, les combats de l'armée impériale
en Hongrie y portent le typhus, qui est décrit sous le nom de
morbus hinnjarirus; la guerre de Trente ans n'est qu'une longue
exploNion de typhus ; les armées danoise, suédoise, allemande,
françai»e y piétinent, de 1618 à 1648, l'Allemagne et en parti-
cufier la Silésie, ce foyer de typhus. En 1733, avec ce qu'on
nomme la guerre de la succession de Pologne, encore le typhus !
L'année russe est ravagée par lui de 1736-1737; l'armée fran-
çaise le transporte en Lorraine; en somme, pendant toutes les
guerres du xvni<^ siècle, le typhus de Silésie se répand de proche
en proche dans les armées d'Europe. Vers la On du xviu^ siècle,
en 1793, grande épidémie à Nantes, assiégée par les Vendéens;
en 1796, l'armée autrichienne porte le typhus à Mantouo elles
troupes françaises l'apportent à leur retour dans le midi de la
France.
Les guerres de l'Empire^ mêlant les peuples, sèment encore le
TYPHUS. 249
typhus, et, chaque fois, les prisonniers le rapportent dans leur
pays : après Austerlitz, répidémic se répand partout, dit Larrey,
en suivant la ligne d'évacuation des blessés ; après léna, le ty-
phus se répand, au retour des blessés, à Âutun, à Semur, àLan-
gres; après Wagram, Vienne encombrée de blessés devient le
centre d'une épidémie, qui se répand dans toute TÂlIemagne. Ainsi
envisagée, la gloire militaire perd quelque peu de son prestige !
Après la défaite de Moscou, le prestige se perd encore plus ; à
Viloa, sur 30 000 prisonniers, 25000 meurent du typhus; à
Dantzig, 10 000 habitants et 13000 soldats français succombent;
à Mayence, le typhus tue 30000 hommes et dépeuple la ville. Les
blessés répandent le typhus partout. De Paris, on expédie des
blessés par la Seine ; ils portent le typhus à Rouen. C'en était fini
(lu t>phus, que la paix européenne laissait chez lui, en Irlande
et en Silésie, lorsque vint la guerre de Crimée ; alors les Russes
donnèrent le typhus aux Anglais et aux Français ; de (Crimée, les
malades évacués sur Gonstantinople le portèrent à Marseille, à
Toulon, à Paris (Val-dc-Gràce), en Algérie.
Ce germe déposé en Algérie allait, quelques années plus tard,
trouver une occasion bien belle de se développer : la famine
lie 1868! la récolte de 1867 avait été détruite par les saute-
relles ; le typhus semé récemment éclata sous T influence de la
misère.
Eneombrement. — Dans cette longue histoire du typhus, il
est un élément qui ne manque jamais, c'est Tcncombrement ; aussi
a-t-on dit que le typhus naissait de toutes pièces, de Tcncombre-
raent! Je me suis déjà expliqué sur l'impossibilité de la présence
dune plante quelque part, si la graine de cette plante n'a d'abord
été importée; Tencombrement n'est donc ici que la cause acciden-
telle, .singulièrement efficace, sans doute, mais nullement sufli-
sante; cffuocc^caiT Pringle raconte qu'en 1577, en Hollande, alors
que le typhus régnait dans les prisons, parmi les juges qui avaient
passe quelques heures dans ces maisons avec les mal i'aiteurs, plu-
sieurs moururent; sur 6 juges, 4 périrent; mais non suffisante^ car
en 1870, à Metz, où l'encombretnent ne manqua pas, pendant le
siège, à Paris, où l'encombrement et la misère ne manquèrent
pas non plus, on ne vit pas de typhus; le milieu était favorable,
mais la graine manqua fort heureusement !
De profondes différences séparent, on le voit, le typhus exan-
thématique de la fièvre typhoïde; le typhus préseule uti^î ^^o^^-
tSO LA FAUNE ET LA FLORE.
phie beaucoup plus limitée que celle de la fièvre typhoïde; il est
encore plus éminemment contagieui qu'elle.
Symptômes. — Les symptômes sont caractérisés par une érup-
tion ruhéolique, qui manque dans la fièvre typhoïde; la durée est
plus courte, la défervescencc plus brusque, plus rapide: on ne
rencontre jamais dans le typhus la lésion des plaques de Peyer,
qu'on trouve toujours dans la fièvre typhoïde de Thomme et des
animaux, comme dans la peste bovine.
rvaturo. — Le ferment du typhus est encore à découvrir :
d'après Hallier, ce serait le Rhizojms myricans Ehrenbergii. Il est
évident que ce microbe, encore inconnu i>eut-étre, existe et qu'il
sera prochainement découvert.
§ 8. RELAPSING FEVER.
Gôon^raphl'e. — Il existe une autre maladie typhique, qui
semble presque spéciale à l'Europe, c'est le relapsing fevei' ou
finrc à rechutes.
Elle a été vue pour la première fois en Irlande, 1816-1821 ;
puis en Ecosse, i 826-1 8 il ; elle règne aujourd'hui dans toutes
les lles-Brilanniques.
Son autre foyer est, comme pour le typhus exanthématiquo, la
Silésie ; de là elle gagna, en 1864, Saint-Pétersbourg, et s'étendit
jusqu'à Odessa. Quelques petites épidémies ont sévi en Perse et
en Chine. C'est au relapsing fever qu'il faut rattacher, sans doute,
les lièvres dites de Hony-Kongj de Snnyhni.
Le relapsing fever a été observé dans Tlnde, à Bombay, à Cal-
cutta, où il avait été importé. Griesinger Ta observé en Egypte;
le docteur Maurel pense l'avoir observé à la Guyane, sur les bords
du Maroni.
11 n'est pas rare, depuis quelques années, en Allemagne, sur
les malheureux, les mendia ntï>, les vagabonds. En un an,
E. Wagner, à l'hôpital Saint-Jacques de Leipsig, a traité 146 cas;
Thôpilal-baraque de Berlin, en un an (1879-1880), en a reçu
31 ;$ cas. Il a paru pour la première fois, dans le duché de Uesse,
en 1879, et pour la première fois à Breslau, en 1872-73. D'après
Heis, il est commun chez les égoutiers.
Sympt6mes. — Les symptômes sont tout à fait caractéristi-
ques : au bout de cinq à six jours, l'état typhique, qui a ouvert
la scène^ disparait, le pouls et la température tombent, la guérison
TYPHUS BILIEUX. 551
a l'air d'être obtenue, puis tout à coup, rechute; encore une
deuxième fois guérison apparente ; puis troisième rechute I La
mortalité est cependant beaucoup moindre que dans le typhus et
que dans la fièvre typhoïde.
L'Europe est en somme le pays des typhus : i° fièvre typhoïde;
2® typhus; 3^ relapsing fever. Voilà trois maladies bien voisines,
qui sont surtout européennes et qui valent pour TEurope, au point
de vue do la mortalité, le choléra, la dysenterie, la fièvre intermit-
tente, la fièvre jaune, dont les foyers et les maxima sont ailleurs.
!\atnre. — A Tautopsie, on ne trouve pas d'ulcération dans
l'intestin, comme dans le typhus, mais on rencontre toujours une
lésion de la rate, qui est hypertrophiée, lésion exsudative des
glomérules de Malpighi.
Eminemment contagieux, le relapsing fcvtr suit aussi le chemin
des migrations humaines; il a été transporté par les Anglais aux
Indes.
Carter et Obermeier, dans le sang des malades atteints defifh:rc
rêcwrrnte, oi\[ trouvé un champignon du genre spirillum; ils sont
arrivés à inoculer ce spirillum à des singes [semnopithecus et ma-
meus), par injection hypodermique de sang humain défibriné et
contenant des .s7)/nY/</, et ils ont vu ces spirilla multiplier dans le
sang des animaux. Déjà en 1868, un parasite semblable a été
trouvé dans le sang des malades atteints de relapsing fcvfn\ à
Berlin ; pendant une épidémie qui régnait à Nancy, Engel a
trouvé des spirilhi dans les eaux d'égout. En 1879, à Berlin, chez
touî> les malades, Kannonherg a aussi trouvé des spirilles.
Les alternatives de guérison apparente et de rechute semblent en
rapport avec l'élimination par l'organisme et la reproduction dans
le sang de nouvelles générations de parasite. — Moczukowsky,
paisSpitz ont constaté que le nombre des spirilles dans le sang
atteint son apogée au moment du maximum de Taccès.
§ 9. TYPHUS BILIEUX.
Ici doit trouver place une forme mal déterminée encore du
typhus, caractérisée par l'ictère et anatomiquement par une
double lésion du foie et de la rate (Griesinger)i qui, doublée et
triplée de volume, est ramollie avec hyperplasie des corpuscules
de Malpighi.
Le typhus icUrocle ou bilieux a été observé sur tout le \\ovi^out
S5S LA FAUNE ET LA FLORE.
méditerranéen et dans les iles orientales ; on Ta décrit sous le
nom de mediterranean fever ; il existe en Syrie et en Asie Mineure;
«n 1821, dans TAraérique du Nord, il sévit avec violence et fit
mourir un grand nombre d'esclaves nègres.
C'est vraisemblablement à cette forme de typhus bilieux qu il
faut rattacher les fièii'es bilieuses des pays chauds y rémittentes,
infUimmatoires^eXc, (Mahé).
§ 10. MÉNINGITE CÉBÊBRO-SPINALE.
Oiî doit prendre rang cette maladie, assez mal connue d'ail-
leurs, qui a régné à différentes reprises en Europe, en Angleterre,
Allemagne^ Italie, Espagne, Suède et notamment en France, et
dans l'Amérique du Nord? En Allemagne, une épidémie violente
fut observée en 1863-1865 ; on Ta revue en 1871 et 1873. — Elle
a sévi eu Grèce et en Asie Mineure en 1868.
Elle est apparue aux Etats-Unis en 18i2. Quelques cas avaient
été signalés au Brésil vers 1810. On Ta vue en Algérie. La pre-
mière mention semble en avoir été faite, en 1805, à Genève, à
Grenoble et à Strasbourg.
Elle sévit d'une manière épidémique, manifestement conta-
gieuse, surtout sur les jeunes gens agglomérés et par conséquent
sur les jeunes soldats. En France, sur 57 épidémies, 39 ont ré-
gné sur des militaires, 7 sur la population civile, 5 sur les deux.
6 fois la maladie s'est étendue de la population militaire à la po-
pulation civile.
Les symptômes de la maladie sont ceux de la méningite; néan-
moins quchiuc incertitude règne encore sur sa nature. Tour
Laveran, il s'agit ici d'une forme larvée de scarlatine; pour d'au-
tres, notamment Czoniczer, d'une forme larvée de fièvre inler-
miltenle; Gaucher croit cependant avoir trouvé un parasite spé-
cial, un jnicrococcuSy s'éliminant par le rein en provoquant une
néphrite infectieuse.
§ 11. PESTE.
Aucune maladie n'a plus légitimement frappé de terreur les
populations qui nous ont précédés sur la terre, que la peste, dont
le nom seul est devenu synonyme de grande mortalité. Maladie
très anciennement connue, elle a parcouru, à une certaine épo-
PESTE. Î58
que, l'Europe entière et semble aujourd'hui en voie de dispa-
raître. Après une période d'augmentation, elle présente donc une
période de retrait ou de diminution, mais ce serait s'endormir
dans une sécurité trompeuse, que de compter sur Finsénescence
naturelle de cette maladie, comme si, usée en quelque sorte, elle
n'était plus capable de frapper des coups aussi multipliés ou aussi
dangereux. Le chemin qu'elle a parcouru, elle pourrait, si nous
n'y prenions garde, le parcourir à nouveau, et, à ce point de vue,
il est intéressant pour nous de connaître ce chemin.
Histoire et idéographie. — Le berceau de la peste nous
apparaît au milieu de Tantiquc civilisation chaldcenne, là où est
encore son empire, entre le Tigre et TEuphrate. Là où lesToura-
niens, déjà mélangés aux Kouskitcs négroïdes, sous le nom de
Chaldéens, pcrsonniGaient les maux et les biens sous la forme
de bons et de mauvais génies, la peste était le dieu Idpa. Les
premiers envahissements de l'Egypte sur la Chaldée eurent
pour conséquence son apport en Egypte, au milieu du butin.
L'Egypte, comme la Chaldée, devint donc un foyer de peste per-
manent. Pendant la période mcmphitique des premières dynas-
ties égyptiennes, sous Semenpsès, une terrible épidémie décima
ce pays; promenée par les communications fréquentes, elle
étendit alors son foyer sur tout le pourtour oriental de la Médi-
terranée, formant un cercle dont la Syrie est le centre.
Du côté du couchant, ce foyer est limité : au sud, par la Bar-
barie; au nord, par la Moldo-Valachie ; du côté du levant, il
est limité : au nord, par la mer Rouge, la mer Caspienne, au
sud, par le golfe Persique. A Test, il se prolonge jusqu'à l'Hima-
laya, où, endémique, la peste est connue sous les noms de
peste indienne, peste pnerimoniquey peste hémoptoique, peste de
Paliy peste noire. C'est dans cette vaste surface que la peste
est encore endémique aujourd'hui, comme il y a 5 000 ans, pré-
sentant de temps en temps des recrudescences épidémiques.
C'est là qu'elle est connue, encore aujourd'hui, sous les noms
de la peste de Bagdad, ville où elle fit, il y a quelques années,
20000 victimes, de peste de Mésopotamie et à Touest de son em-
pire de peste de Cyrénaique,
C'est de ce foyer qu'à toutes les époques elle s'est déversée sur
les pays plus ou moins voisins; mais, même dans ces excursions,
il est des limites qu'elle n'a jamais franchies; c'est ainsi qu'en
latitude, elle ne dépasse jamais au sud la limite des cWtaaV^ 0\^>\^^^
S54 LA FAUNE ET LA FLORE.
risotherme de -t- 25«, n'allant jamais en Nubie et ne dépassant
pas le fond du golfe Persique, tandis qu'au Nord, «lie a souvent
irradié dans toute la zone tempérée^ vraisemblablement jusqu'à
sa limite nord, l'isotherme 'de -{-o^- En longitude^ elle est plus
restreinte ;elle n'a jamais dépassé à l'ouest la longitude de i2<^ ;
elle n'a jamais été en Amérique. A Test, sa limite incertaine est
vers le i20<* longitude est : le ferment de la peste craint donc Tex-
trômc chaleur. 11 y a plus : dans la zone chaude, il fuit les lieux bas
et cherche contre la chaleur un abri dans l'altitude, comme dans
PHimalaya, le (Caucase, l'Arménie, le Liban. La peste est si peu
une maladie de la zone torride, qu'un navire partant du fond du
golfe Persique, en pleine épidémie de peste, pour contourner
TArabie et revenir par Suez, verrait la peste disparaître en che*
min, à mesure que la latitude deviendrait plus chaude. Cest pour
cette raison qu'en Egypte la maladie est une maladie d^'hiver,
comme en Perse, comme en Mésopotamie; tandis que déjà, à
Constantinople, c'est une maladie d'été.
Le véritable foyer de la peste semble être, d'ailleurs, TAsie.
Elle existe en effet en permanence dans le Yun^Nam (Midi ora-
geux). Cette contrée, dit Rochard, qui mesure 300000 kilomètres
csiTTés de surface et qui ne compte pas moins de 6000000 d'ha-
bitants, est bornée : au sud, par l'empire d'Annam, à l'ouest, par
le royaume de Birnam ; au nord -ouest, par le Thibet; au nord-
est, par les provinces chinoises de Szechuin, de Koueî-Chou, de
Knangs. — Les lettres du pays affirment qu'elle a été importée
de Birmanie à une époque qu'ils ne précisent pas ; d'autres pré-
tendent qu'elle y est entrée avec les Tai-Pingj venos du nord de
la Chine, lors de la grande insurrection de 1856. Ce qui est cer-
tain, dit toujours le professeur Rochard, c'est qu'à cette époque
elle prit un redoublement d'activité et qu'elle ravagea toute la
province. Depuis lors, elle n'a pas cessé de régner. Quand elle ne
fait que traverser une localité, elle tue 4-5 0/0 de la population ;
mais lorsqu'elle s'implante quelque part, les familles disparaissent
les unes après les autres. — La Birmanie touche aux possessions
anglaises de l'Inde par toute sa frontière de l'ouest, et la peste
s'est montrée bien des fois dans Tlnde anglaise. En somme, dit le
savant professeur que je cite, il y a une chaîne de peste, qui
s'étend du nord de la Chine au littoral de la Méditerranée. Pour
le D' Zuber, le foyer de la peste serait moins éloigné vers l'est; ce
serait la région montagneuse comprise entre les lacs de Van et
PESTE. 255
iTOurmùih. Le lac d'Ourmiah est en Perse, à 40 kilomètres sud-
ouest de Tauris.
La grande peste d'Athènes est la première peste européenne,
dontl'histoire aitgardé le souvenir; son origine est d'ailleurs bien
conforme à ce que nous savons du foyer de cette maladie; elle eut
pour point de départ l'armée des Perses. Les guerres médiques
étaient finies, la Grèce avait détruit, à Salamine, la flotte de
Xerxès; ellcnesetrouvaitplusqu'en contact pacifique avecTarmée
d'Artaxerce Longue-main, le successeur de Xerxès : or cette ar-
mée, qui se recrutait jusqu'à TEuphrate et qui venait de faire
la guerre à TEgypte révoltée, avait la peste, f Sans que nous
« fassions la guerre, on nous la fait (écrit Artaxerce à un Grec,
« Pœtus), ayant pour ennemi la béte qui dévaste les tioupeaux. »
C'est dans cette lettre célèbre qu'Arlaxerce affolé supplie Hippo-
crate de venir à Sardes, en Asie-Mineure, pour combattre le fléau
et lui promet Foret les honneurs. Plus célèbre encore est la réponse
d'Hippocrate, déclarant « qu'il ne veut, à aucun prix, soustraire
f aux maladies les barbares, qui sont les ennemis de la Grèce. »
On n'avait pas encore la notion de l'hygiène internationale, sans
quoi Hippocrate eût eu mieux à faire que d'écrire,'en soignant les
Perses, et surtout en profitant de la confidence du roi des Perses,
pour garantir la Grèce de tout contact avec eux. Il n'en fit "rien ;
aussi, en 430 avant J.-C., pendant la guerre du Péloponcsc,
la peste, qui avait franchi TArchipel, éclata-t-elleà Athènes.
Thucydide nous a laissé de la- maladie une description saisis-
sante ; il dépeint l'agitation, l'angoisse des malades, leur peau
livide, recouverte d'ulcères en certains points, leur soif tellement
inextinguible, qu'un certain nombre d'entre eux se jettent dans
les puits, pour mieux Tassouvir.
Ce grand historien nous montre la panique générale ; on accuse
les fontaines d'être empoisonnées, comme on le fit plus tard au
moyen âge. La crainte de la contagion éloigne des malades les
parents les plus proches ; les cadavres sont abandonnés, les tem-
ples déserts ; l'argent, dit-il, ne tient plus dans les mains et
chacun s'empresse de jouir !
Il compte parmi les morts 4 400 soldats, 300 chevaliers et un
nombre considérable de serviteurs. Périclès fut une des premières
victimes. L^épidémie se promena dans TAttique pendant trois
années.
?esU de Syracuse— C'est encore de l'Egypte, peuV-^Vc^vcA^ftA
256 LA FAUNE ET LA FLORE.
de la Cyrénaîque que vint en Sicile la deuxième épidémie euro-
péenne; elle était apportée, en 395 avant J.-C, parla flotte car-
thaginoise, qui, sous les ordres d'Amilcar, faisait le siège de
Syracuse. Diodore de Sicile, qui vivait au !•' siècle avant J.-C,
nous a raconté rétrospectivement cette épidémie.
Peste (TOrosius. — i25 ans après J.-C, la peste sévit sur toute
la côte septentrionale de TAfrique, où elle fait périr un million
d'hommes.
Peste antonine. — 166 ans après J.-C, une armée romaine pst
envoyée en Syrie ; elle en rapporte la peste. A Rome, les cada-
vres étaient si nomhreux, qu'on les chargeait en masse sur des
tombereaux; Tépidémic dura jusqu'en idO et Marc-Aurèle en
mourut ; mais la maladie de Syrie ne s'arrêta pas là ; elle gagna
les Gaules et s'étendit jusqu'au Rhin.
Peste de CypHen. — 251 ans après J.-C, elle arrive encore
d'Egypte en Italie. Elle envahit le monde connu jusqu'aux der-
nières limites occidentales.
Peste de Justinien, — En 542, la peste règne à Constanti-
nople; elle y tue de 5000 à 10000 personnes par jour; clic
s'étend en Grèce, en Gaule (545), en Italie.
Jusqu'ici nous avons vu la peste s'enhardir, pour ainsi dire, et
pousser plus loin, à chacune de ses sorties, hors de son foyer
oriental. A mesure que POccident nait de plus en plus à la vie
orientale, à mesure que ses communications avec l'Orient aug-
mentent, la peste agrandit son cercle, à chaque fois, davantage.
Le mouvement des Croisades eut pour résultat de ramener plus
d'une fois la peste ; mais elles ramenèrent aussi bien d'autres
maladies graves et tout était alors confondu sous le nom de peste.
Peste noire. — Au xiv* siècle, elle arrive en Europe à son apo-
gée. Un habitant de Plaisance, Gabriel de Mussis, raconte qu'il
était en Crimée (1346) lorsque la peste y éclata. Cette peste
n'avait pas, comme les précédentes, suivi le chemin jusqu'alors
unique de la Méditerranée; elle venait directement de la Tar-
tarie, de la Perse, du Caucase, inaugurant un chemin, qui, depuis
lors, a été fréquemment suivi par toutes les épidémies venues
d'Orient.
Le vaisseau qui ramenait en Europe Gabriel de Mussis et les
autres fuyards apporta la peste à Constantinople, où d'ailleors
10 passagers seulement arrivèrent vivants. A Constantinople, le
ûlsde Tempereur Cantacusène succomba; enfin, en 1348, elle
PESTE. S57
arrive en Italie. Elle fait à Naples 60000 morts; à Gênes, 40 000 ;
à Venise, 100 000 ; à Florence, 96000. La peste tombe, non invi-
tée, au milieu des fêtes élégantes que Jeanne de Naples donnait à
Boccace et à Pétrarque. Le tableau que nous a laisié Boccace
rappelle d^ailleurs celui que Thucydide a tracé de la peste
d'Athènes. Ici, comme là, on se grise de plaisir ; partout les
morts sont abandonnés, les maisons vides, les troupeaux errants
dans les champs ! « On avait, dit encore Boccace, de grandes
« fosses, où Ton entassait des corps par centaines, comme des
« marchandises dans un vaisseau. Oh ! s'écrie- 1- il, que de belles
Cl maisons restèrent vides ; que de fortunes sans héritiers ; que de
« belles dames et d'aimables jeunes gens dînèrent le matin avec
« leurs amis, qui, le soir venant, s'en allaient souper avec leurs
«aïeux! » En France, même spectacle. Froissard constate qu'en
« ce temps, par tout le monde généralement, une maladie que
«Ton clame épidémie courait, dont bien la tierce partie du
<i monde mourut, d Et c'est tout ! Le continuateur de Guillaume
de Nangis nous donne plus de détails. Il nous montre le gonfle-
ment à raine et aux aisselles, la rapidité foudroyante de la mala-
die, comme en Italie; la panique est partout, a Aussi, dit-il, en
€ plusieurs villes petites et grandes, les prêtres s'éloignaient,
< laissant à quelques religieux plus hardis le soin d'administrer
« les malades, n Arles perdit presque tous ses habitants ; à Nar-
bonne, 30000 personnes moururent en quelques semaines ; à
Avignon, 2000 périrent en trois jours, parmi lesquelles Laure de
Nofes, immortalisée par Pétrarque ; à Montpellier, pas un méde-
cia ne survécut ; enfin, à Paris, 50000 à 80 000 personnes suc-
combent! 16 000 victimes à Saint-Denis 117 000 à Amiens! C'est
alors que des bandes affolées croient implorer la miséricorde
divine en se chargeant de coups ; elles parcourent les rues en don-
nant le spectacle de la démence humaine ; ce sont les Flagel-
lants. En Allemagne, en Suisse, en Italie, en France, le délire se
joint à la peste. Chemin faisant, les flagellants se livrent à tous
les désordres, à tous les pillages, à toutes les cruautés, si bien
que a seigneurs et bourgeois prennent le parti de leur courir sus
€ comme à des bêtes féroces d. En même temps, on brûle les
juifs, qu'on accuse sottement d'empoisonner les fontaines. A
Strasbourg, sur i 884 juifs, 900 furent brûlés, les autres se con-
vertirent. Dans les villes du Rhin, une bande armée de faux,
sous prétexte de poursuivre les juifs, dévaste eV pvW^ \A>>àX\
oioG. Méo. 11
SB3 LA FAUNE ET LA FLOEIE.
12000 juirs, à Uayence, se tuent pour ^happer aux percées-
tioDs! Sans doute c'êlait bien l'ignorance salle et le fAnaiimt
religieux, qui portaient à brâler les juifs, mais c*éiait titMi
quelque chose de pire, si cela est possible : les juifs prélAÎenl M
l'argent ; allumer les bùcbers, c'était donc une manière coœoiode
de a'acquiller. Seule, Venise, la grande cité internat ioti^lc d'iloi»
inaugura des mesures sanitaires vraiment intelligentes. En 1343,
elle établit 3 provéditeurs de santé armés de pouvoin eicepljoa-
nels pour toutes les mesures à prendre contre la peste. En 1403.
Icsprovéditeursétablisscnt le premier lazaret, dans unellc tnisine.
Gènes en fait autant en UG7; enfin Marseille imite wsm^
en 1416.
En somme, Hecker évalue à 25 millions d'habitants les perW
occasionni^es par la peste noire de 1318 en Europe ! En Awr, Is
même maliidie BtS3 millions de victimes; soit 48 miBiom t^
proximalivement!
Après une telle dévastation, il se produisît
démographique constaté par le continuateur de Nangîs,
il l'avait clé par Thucydide : le Tepeuplement. •• Sitôt que la pnte
■ eut cessé, les hommes et les femmes qui restaient se niarièTOl
t à l'envi. Les épouses conçurent outre mesure par tout le
a monde ; nulle ne ilemeurait stérile ; on ne voyait, par tous les
■ lieux, que femmes enueiuteset beaucoup eufautaient deux, voire
< trois enfants vivants, e
Au reste, à partir de cette époque, la peste ne quitte plui
l'Europe; mais, comme toutes les fois qu'une maladie k fixe sur
une population, elle devient moins grave; chaque fois elle Attaque
moins de monde et devient moins meurtrière; ainsi, en 13i8,elte
avait attaqué les S/3 des habitants, personne n'avait giiériien
1361, elle attaque ta 1/2 des habitants, il y a gucli/wt gaérisota;
en 1371, elle attaque le l/IO des habitants, bmueoup ^érisscat;
en 138-2, elle attaque le 1/20 des habitants, la plupart guérutoit.
Cependant, le xV siècle prcsenle encore 4 épidétoio en
Allemagne : 1449, 1460, 1473, 1482 ; en Frauce, la peste se prv-
mcne encore dans plusieurs de nos provinces, noumment en
Bourgogne. En 1414, Marguerite du Bavière, qui liubilnit Dîjou,
avait fui h Auionne. C'est de la qu'elle écrivait : « Chera et bien
t imés, pour ce qu'il y a maintenant à Dijon pestilence cl morta-
■ Jité de bosse (bubon), qui ert dxtftt (;tntv&%\«tt»^, comme »ou»
•t sarez, nous voulons et vtms Ti\anàoi\a, ivoc Mni-à^toVa taxiîaft
PESTE. 159
(t notifier par bonne et gracieuse manière, audit lieu de Dijon,
c que les habitants d'illecques se déportent de venir ni fréquen-
c ter en la ville d'Âuxonne, où nous et nos enfants nous sommes
« retraits pour esciiiver ladite pestilence. »
En somme, du xi^ au xv« siècle, la peste avait fait 32 appari-
tions, dont chacune avait duré en moyenne 1â ans.
Au xvr siècle, elle se rallume ; on finissait en quelque sorte
par s'y habituer ; en 1530, Bonivard écrit de Genève : c J*ai de-
« meure en ce pajs, tandis que la peste y brigandoit en telle
•< sorte, que telle maison a été, qu'elle n'y a laissé aucun habitant ;
« ce nonobstant vous eussiez vu les filles danser au virolis et chan-
« 1er des airs de carême-prenant et cependant voyiez Tune d'entre
« elles, que le frisson de la fièvre serroit, si, quMl falloit l'emporter
*■ à sa maison et de sa maison le matin au cimetière, et n'inler*
« ruinpaientpas les au très de leur danse pour cela.oTout le monde
De prend cependant pas la chose aussi gaiement ; car, au mois
d'août 1518, nous voyons le parlement de Dijon se sauver à Arnay^
le-Duc ; c'est de là qu'il écrivait au maire et échevin, le 7 décem^
bre 1519 : « Nous vous remercions de ce que vous avez fait ; nous
« TOUS prions y vouloir persévérer et mettre on si bon ordre et
* diligence, que aucun inconvénient ne nous advienne. Vous nou»
« avertirez, à la fôtc de S. Thomas, comme Ton se portera audit
*( Dijon, sfOn que, en bref délai, nous y puissions retourner, et
« nous ferez plaisir, o Cela prouve moins la couardise du parlement
que rabaissement des mœurs de ce temps, où manquait le grand
juge moderne, l'opinion publique!
Au XVII* siècle, la peste décroit en général, sauf quelques épi-
démies locales, à Bàle en 1604, à Nimègue et à Amsterdam
«n 1637, à Arras en 1654, à Londres, où;, de 1665 à 1688, elle
enlève 8000 hommes; Sydenham lui-même fuit ; ce grand médecin
^l^t plus logique que courageux, puisqu'il regardait la peste
^omm un effet de la vengeance divine ; à Vienne, en 1675, en
I^noce, en 1648, les horreurs de la peste s'ajoutent aux misères
de la Fronde ; 17000 personnes succombent à Rouen ; Rotrou est
>u nombre des victimes. Un récit du temps nous raconte « que
< les malades se trouvaient 8 ou 10 dans un même lit et quelque*
< fois un seul vivant au milieu de 7 ou 8 corps morts. » En 1650,
^ Rouen, « dans la salle dite de la Santé, il y avait plus de 800 ma-
t lades, jetés et entassés les uns sur les autres. Il fallut mettre ce
( que celte salle ne pouvait contenir dans la chapelle, ou VeaVùiim
S60 LA FAUNE ET LA FLORE.
« mourir dans la cour. H fallut même employer la remise du chariot
a dans laquelle on logea 80 enfants.» Et ces secours, il fallait bien
les accepter ; car, en i633, Tintendant de Champagne, Isaac Lafife-
mas, ordonne a qu*au moindre symptôme de contagion, les men-
« diants et vagabonds eussent à venir déclarer leur malaise, sous
a peine d'être arquebuses! »
Tel était encore à peu près l'état des esprits, lorsqu'en 1720 la
peste fut apportée à Marseille par un navire venant de Syrie. Au
bout de quelque temps, la contagion s'étant étendue dans les
montagnes du Gévaudan, de PAuvergne et du Limousin, tout
le pays était désert. Michelet raconte qu'un abbé, qui voyageait
dans la voiture publique, non loin de Paris, s'étant écarté un mo-
ment, fut happé par les chiens ; on retrouva ses os. Des villages
entiers n'étaient peuplés que de morts non enterrés.
Depuis lors (i720), la peste n'a plus reparu en France. A Mos-
cou, elle n*a pas reparu depuis i770 ; en Hollande, depuis 1797.
Elle a donc progressivement quitté PEurope et TAsie tout à
fait occidentale ; mais elle ne s*est retirée que lentement vers
Test. En 1812, elle était encore à Malte, à Odessa, à Bukarost;
en 1815, dans le royaume de Naples, où le 1/10 des habitants
périt ; en 1848, en Grèce; en 1836, en Turquie; en 1848, dans la
régence de Tripoli.
Depuis lors, la peste n'ë^t pas sortie de ce que nous pourrions
considérer comme son ancien domaine, où, toujours endémique,
elle a de temps en temps des recrudescences épidémiques. Ainsi,
en 1831, près de 60000 personnes ont |)éri à Bagdad ; en 1863, le
désastre fut égal ; ce qu'on nomme Tlrak- Arabie est son centre
principal ; de TEuphrate les pèlerins qui se rendent à la Mecque
la transportent au plateau d'Assyr en Arabie , où se trouve un
foyer secondaire fort important ; enfm un troisième foyer existe
en Cyrénaïque, où il est entretenu par le commerce des cara-
vanes ; c'est là qu'a succombé, il y a quelques années, victime de
la peste, le docteur Laval, qui y avait été envoyé en mission.
Mais ce serait une erreur de croire que la peste, par une clé*
mence dont nous devions nous féliciter, ait volontairement et
spontanément restreint son domaine ; elle n'est maintenue dans
ces limites que par la volonté humaine ; mais le jour où les efforts
combinés des états européens cesseront, la peste franchira la
frontière comme autrefois.
C'est ce qui a failli arriver ; la peste régnait épidémiquement
PESTE. S61
eo i872 sur rirak- Arabie^ en 1874 sur le plateau d'Assyr, en
1876 en Syrie, en 4877 en Perse et c'est au milieu de ces con-
ditions que Tarmée russe franchit le Caucase.
Il n^en fallut pas davantage pour que la maladie, comme en
i348y nous vint, soit par terre, soit par la Caspienne, par As-
trakan. C'est ce qui eut lieu ; la peste éclata au village de Wel-
tianka, près d^Astrakan, au moment même où arrivèrent des
Cosaques revenant du Caucase; 21 pour 100 de la population suc-
comba ; mais le mal s'arrêta devant la désinfection et devant le
cordon sanitaire; il demeura limité par le Don et le Volga; nulle
démonstration meilleure ne peut être donnée des progrès de la
science moderne. 11 y a deux siècles et même moins, on eut fait
des processions, on eût brûlé pas mal de juifs et PEurope eût été
décimée! Aujourd'hui, la Russie nous a préservés pour la somme
deoOOOOO francs. Voici en effet ce qu'a coûté cette économie
d'hommes que nous avons faite :
Cordon sanitaire 100 000 fr.
Garde du Volga 60 000
Personnel «îoO 000
Médicaments i
ri<. • r » * ^ 90000
Désmfectan t )
500 000 fr.
C'est pour rien !
Sympiùmes. — La peste débute souvent avec une brusquerie
extrême; le plus souvent elle est précédée d'une lassitude très
grande, de frissons et d'un mal de tète avec vertiges et éblouis-
sements ; la station debout devient, en quelques heures, impos-
sible: la figure exprime l'abattement et* la stupeur; la soif est
inextinguible, signe déjà noté par Thucydide.
La fièvre est vive ; des vomissements sanguinolents survien-
nent, enfin apparaissent quatre grands symptômes inégalement
développés : les bubons, les anthrax, les charbons, les pétéchies.
Les bubons sont formés par les ganglions lymphatiques de l'ais-
selle, du cou, de l'aine, du jarret, qui deviennent volumineux,
durs et parfois suppurent ; l'anthrax, énorme clou, apparaît dans
le dos; son fond est gangreneux et la peau se décolle tout autour;
sur différentes parties du corps apparaissent ensuite de petites
vésicules, qui rappellent celles du charbon ou pustules malignes,
qui s'ulcèrent et donnent naissance, si la mort alarme v^ A ^^
ses LA FAUNE ET LA FLORE.
larges plaies gangreneuses; enfin les pétéchies sont des taches
formées par le sang épanché sous la peau .
Dans certains cas, la peste prend la forme dite fruste, Rensa,
parlant d'une peste qui ravagea P Au triche au xtiii* siècle^ cite
des malades qui ne se mettaient point au lit, qui mangeaient de
bon appétit, dormaient et marchaient, nettoyaient et pansaient
eux-mêmes leurs bubons. Dans Tépidémie de Marseille, Chycoi-
neau a rencontré des cas semblables. Fauvel pense que, dans
rintervalle des manifestations épidémiques, des cas de peste fruste
se produisent de temps en temps, dans le Levant, sous cette forme
atténuée.
La durée moyenne de la maladie varie entre quatre et huit jours ,
mais lorsque la guérison a lieu, Tintelligence reste afiaiblie et
longtemps languissante. Thucydide nous apprend lui-même que,
dans la peste d'Athènes, a les convalescents ne reconnaissent ni
« eux-mêmes ni leurs! proches ». Dans répidémie de Marseille,
en 1720, on vit un certain nombre de cas absolument foudroyants.
Les épidémies de peste qui se sont montrées dans l'antiquité
avaient- elles les mêmes symptômes qu'aujourd'hui? Un grand
nombre d'auteurs ont pensé que non ; ils se fondent sur ce que
Thucydide, dans la description de la peste d'Athènes, ne parle
pas des bubons; on a donc donné à la maladie décrite par lui
le nom de peste antique, par opposition à la peste bubonique.
Mais on peut faire une première objection : le bubon a pu échap-
per à Thucydide ; en outre, il a|pu manquer, car si la mort sur-
vient vite, le bubon ne se forme pas. Enfin, Denys de Sirta, qui
vivait au m' siècle avant J.-C, dont les œuvres ont été perdues,
mais se retrouvent en partie dans la collection d'Oribase, parie
des bubons pestilentiels'^ qu'on observait de son temps (iii« siècle
avant J.-C.) en Lybie, en Egypte, en Syrie.
CoDtagloD. -— La maladie est éminemment contagieuse et l'on
peut dire qu'elle n'est jamais venue en Europe, à aucune époque,
sans y avoir été importée de son foyer d'origine, PÀsie occidentale.
En 1720, c'est un vaisseau venu de Syrie, qui amena la peste; six
hommes étaient morts de la maladie pendant la traversée. En
i770, la peste de Moscou fut importée par des prisonniers turcs;
elle fit iOOOOO victimes. L'épidémie de Malte fut importée par le
navire S<m Niccolo, qui venait d'Alexandrie, oi^ régnait la peste.
L'épidémie de Naples, en 1815, fut importée de la côte de Ual-
matie. En somme, la contagion est le seul transport du germe de
PESTE. 26t
la maladje'et toutes les fois qu'on a pu éviter ce transport, on a
éfité la maladie.
Les bardes sont un mode de contagion. Une des causes qui ont
entretenu la peste en Europe et notamment en France, pendant
deux siècles, a été la vente ,des effets des pestiférés, faite dans
un endroit qu'on nommait d'un nom significatif: la pouillerie,
BoUrd s*est couché dans le lit de pestiférés, il a porté leurs
chemises sans rien éprouver ; mais les cas négatifs ne prouvent
rien : au Caire, des condamnés couchés dans les draps de pesti-
férés moururent de peste. Ce pouvoir indiscutable de la contagion .
donne, il faut le reconnaître, une certaine vraisemblance à un
récit qu'on a d'ailleurs exagéré, celui des semeurs de peste. Ces se-
meurs, ou prétendus tels, étaient accusés de répandre la matière
qui s'échappait de l'anthrax ou des bubons et de la semer sur des
objets qu'ils jetaient ensuite dans la rue et que la cupidité faisait
ramasser. Un grand nombre furent brûlés. SMl faut même en
croire les mémoires de La Roche Flavin, « en 1563, se préseu-
« tèrent au roi certains Italiens, qui promettaient faire mourir
'< tous les huguenots de la peste. » il ajoute : a qu'en 1681 per-
( mission fut accordée aux Parisiens de tuer les gens qui seme-
« raient des cornets dans la rue. » Je ne voudrais pas affirmer
qu'il y a eu ou qu'il n'y a pas eu de semeurs de peste , mais
étant donné que l'idée du crime a poussé (et il est permis de le
penser), il est évident que la propagation de la peste par ce moyen
est possible. Si en Europe les juifs passaient pour échapper à la
peste, c'est que leur vie sobre et recluse les mettait relativement à
l'abri de la contagion et cette immunité réelle les a sans doute
fait accuser de semer la peste.
La peste est inoculable; mais les essais d'inoculation préven-
tive qui ont été faits, sont loin d'avoir été aussi heureux que ceux
de l'inoculation variolique. En 1812, un médecin anglais, White,
s'ioocula le liquide d'un bubon et mourut de la peste au huitième
jour. En 1824, un pharmacien nommé Céruti, moins courageux,
Biais plus hardi, inocula six personnes de bonne volonté : cinq
succombèrent. Desgenettes, le médecin en chef de l'expédition
d'Egypte, s'inocula la peste à Jaffa; il accomplissait cet acte héroï-
que dans le seul but de rassurer les soldats sur les dangers de la
contagion. 11 n'eut heureusement rien; mais un fait négatif ne
prouve rien et de ce que l'inoculation variolique ne prend pas
toujours, personne ne conclut que la variole ne so\l v^ VciQ-
9
S64 LA FAUNE ET LA FLORE.
culable. A Thôpital de TEsbekié, aa Caire, Gaétany-Bey, Clot-
Bey, Buland ont fait des inoculations. Sept condamnés à mort
furent livrés à Texpérimentation, un seul contracta la peste. —
Glot-Bey s'inocule lui-même et ne contracte pas la maladie. Ce
dernier mode d'expérimentation est à coup sûr plus noble. Pas-
teur a cependant donné un bon exemple, lorsqu'il a dit : « On
« peut regretter que l'usage ne soit pas passé dans nos mœurs,
ff de proposer aux condamnés le choix, entre la mort immédiate
« et l'inoculation d'une maladie virulente, avec certitude de la
« vie sauve, en cas de guérison. p
Comme pour toutes les maladies contagieuses et inoculables,
une première atteinte confère une immunité presque absolue.
Ainsi en Orient les pestiférés guéris sont connus sous le nom de
Mortis; ce sont eux qui sont employés de préférence comme gar-
diens auprès des pestiférés et ils ne prennent aucune précaution en
soignant les malades, enterrant les morts ou maniant leurs bardes.
iVaturc. — La peste appartient donc aux maladies à ferments,
dont elle est même le type accompli. Nous n'avons jamais encore
trouvé le ferment, mais nous connaissons ses mœurs, nous savons
qu'une température de + 50» le détruit, car les effets portés à cette
température perdent tout pouvoir contagieux: la désinfection
par la chaleur acte également employée avec le plus grand succès
en Russie.
§ 12. CHOLÉRA.
Histoire, fl^éographle. — Le point de départ de cette ma-
ladie, son habitat permanent est le delta du Gange, ou mieux cet
immense quadrilatère alluvionnaire, formé par deux grandsfleuves:
le Brahmapoutra et le Gange. Les conditions telluriques qui lui
donnent naissance sont suilout réalisées sur la plaine du Gange
inférieur^ qui, pendant la saison des pluies (juin, juillet, août), est
recouverte de 5 à 6 pieds d'eau dans un espace de plus de 30 lieues
de chaque côté du fleuve, sur 50 de long. C'est là que le choléra
est connu depuis une époque reculée, car les manuscrits tamouis
antérieurs aux Vcdas et à la conquête aryenne de l'Inde, parlent
d'une maladie dans laquelle les ongles et les lèvres sont noirâtres,
la peau insensible, les vomissements fréquents, la voix éteinte ; or
ce sont là les symptômes caractéristiques du choléra. L'auteur dra-
vidien nous éclaire d'ailleurs sur la gravité de la maladie et ajoute :
CHOLÉRA. f65
« quand le inalade est dans cet état, on peut l'emporter sur le bû-
cher, il ne guérira pas ».
Lorsqu^au tu* siècle les Arabes envahirent l'Inde, leurs méde-
cins rencontrèrent le choléra et le décrivirent sous le n om de
Eachiasa,
Au Yii* siècle, Cristoval d'Acosta (1d43) décrit dans Tinde
les mêmes symptômes : crampes, cyanose; la mortalité de Tépi-
démieà laquelle il assista était considérable, car sur 100 malades
10 à peine échappèrent.
Au xvn* siècle, un médecin de la compagnie des Indes, Bontius,
assista à une autre épidémie violente; sa femme fut même au
nombre des victimes. Enfin au xviu* siècle, les Anglais ont eu
par trois fois, en 1757, 1769, 1781, sérieusement à compter,
dans l'Inde, avec le choléra. En 1781 notamment, 5000 hommes
étaient en marche sous les ordres du colonel Pears, en une heure,
SOO hommes tombèrent foudroyés. La maladie s'appelait parmi
les troupes d'un nom expressif la mort-de-chien.
En 1783, le grand pèlerinage d'Hurdwaar fut Toccasion d'une
recrudescence, qui fit périr plus de 20000 Hindous en 8 jours;
eofin en 1817 la maladie devint plus terrible que jamais; la divi-
sion du marquis de Hastings, composée de 10000 soldats et
lk)0OO valets, fut aux trois quarts anéantie; la maladie était fou-
droyante, les sentinelles tombaient en faction et il fallut employer
jusqu'à quatre hommes pour faire une faction de deux heures !
Les hommes qui portaient les malades à Tinfirmerie tombaient
eux-mêmes en route ; en somme il y eut, en cinq jours, 5000 dé-
cès. Des 10000 soldats 7000 périrent, des 80000 valets 8000 pé-
rirent. L'Inde entière perdit plus de 600000 hommes !
Jusqu alors le choléra était resté enfermé dans ses limites du
Gange; pour la première fois il en sortit.
Première épidémie, — Au sud, l'épidémie se propage jusqu'à
Ccylan d'un côté, de Fautre jusqu'à Sumatra, Java, Bornéo, les
Philippines, jusqu'au Japon qu'elle atteint en 1823; elle traverse
en même temps la Mélanésie, la Polynésie et arrive à la Nouvelle-
Zélande; au nord, elle envahit l'Asie centrale, le Thibet ; au sud-
onesl, elle traverse THindoustan, atteint Madagascar et gagne la
côte de Zanzibar; enfin à l'ouest, elle atteint successivement la
Perse, la Mésopotamie, l'Asie Mineure, l'Egypte, les bords de la mer
Caspienne et ceux de la mer Noire. Elle est en 1823 à Astrakan,
delà elle gagne Moscou (1830), l'Allemagne du Nord (^U3V\.,e\le
166 LA FAUNE BT LA FLORE.
arrive à Hambourg, en Danemark^ en Suède, fait sa première
apparition en Norwège en 1832 et frappe 1,3 habitant sur 100 et
62 O/o des malades meurent. En 1833, nouvelle apparition ; gra-
Yité : 56 morts O/q ; en 1834, o5 morU O/o ; 1848,en 48 morts O/o;
en 1850, 57 morts O/o ; en 1853,68 morts O/o; en 1855, 71 morU
O/o; en 1866, 55 morts O/o. De là elle passe en Angleterre et en
Ecosse, puis en Irlande^ traverse TOcéau, arrive à New-York,
ravage TAmérique du Nord, arrive aui Antilles et de là au
Mexique.
D'Angleterre Tépidémie était venue à Calais (1832), de là à
Paris; traversant la France jusqu'à Marseille^ elle y faisait
i 00 000 victimes, gagnait, de là, la côte orientale d'Espagne et la
côte nord d'Afrique. En même temps que Tépidémie partait d'As-
trakan par la mer Caspienne et gagnait l'Europe, elle envahissait
d'un autre côté, par la mer Noire, le cours du Danubeet l'Autriche.
Deuxième épidémie.^ En 1848, le choléra quitte encore une
seconde fois le Gange et prend le chemin de l'ouest; il arrive en
Perse, en Mésopotamie, traverse la mer Caspienne, arrive encore
une fois à Astrakan, à Moscou, envahit l'Allemagne du Nord (1849),
Hambourg et suit le même chemin que l'épidémie de 1832, visi-
tant Londres, Calais, Paris, la France, où il fait 110000 victimes,
Marseille, la côte nord d'Afrique (1849).
Troisième épidémie, — En 1851, un foyer mal éteint se ral-
lume dans le nord de TAUeniagne, l'épidémie gagne la Hollande,
(1854), lu France, qu'elle traverse en faisant 143 000 victimes,
Marseille, le nord de l'Algérie et, en même temps (1854-55), se
dirige par la Sicile et par la Grèce sur Constantinople, traverse la
mer Noire avec la flotte anglo- française et arrive à Scbastopol.
La même épidémie avait de la France gagné l'Angleterre, Tir-
lande, de là elle avait gagué New-York et les Antilles, mais pour
la première fois, elle atteignait l'Amérique du Sud et ravageait
le Brésil (1855).
Quatrième épidémie, — Les épidémies précédentes étaient ve-
nues par la mer Caspienne et la mer Noire, elles étaient entrées
en Europe par la Russie. L'épidémie de 1865 encore partie du
Gange arrive par la Mecque, ou la portèrent les pèlerins hindous,
de là elle gagne l'Egypte, le nord de l'Afrique et elle arrive en
même temps en Italie, en Espagne et à Marseille. Elle fait en
France 146 000 victimes.
Cinquième épidémie. — La cinquième épidémie (1873), sans
CHOLÉRA. 167
doDte Tenue du même point et passant encore par la mer Cas-
pienne, ne sortit guère de l'Europe. Tout récemment le choléra
est Tenu aui portes de TEurope, sur la mer Rouge, mais il a été
conjuré par le progrès qu'a fait, dans l'esprit des populations
earopéennes, le sentiment de solidarité, en matière d'hygiène au
moins, car cette notion si féconde et appelée à féconder dans
l'avenir Tunion de tous les Etats européens, n'en est qu'à encore
ses débuts. Les précautions sanitaires internationales nous garan-
tiront complètement du choléra, mais ce, à la condition qu'elles
seront scrupuleusement observées ; en pareille matière, il n'y a
pas de petit oubli.
Cauiies. — Quelles sont les causes qui font du Gange la source
permanente du choléra? Sans parler des eaux si souvent débor-
dées du fleuve sacré, il faut ici mentionner les cadavres, qui sont
charriés par elles, la misère des populations, mais surtout les
grandes foires qui réunissent chaque année des millions d'in-
dividus dans les conditions les plus déplorables.
Ce qui s'est passé à la foire et au pèlerinage (car les fidèles
unissent volontiers le profane au sacré) d'Hardwaay,se renouvelle
chaque année à Juggurnath, au nord-ouest du golfe de Bengale,
à CoDjeveram, au sud de Madras et ailleurs encore. Sur ces divers
Nots, i 00 000 ou 200000 individus arrivent de tous côtés, à pied,
souvent après un trajet de plusieurs centaines de lieues ; Tagglo-
mération, la fatigue, le surmenage, le mysticisme, la débauche
préparent au choléra autant de proies faciles.
Tantum religio potuit suadere malonim.
Contagion. — Le choléra difiere de la fièvre intermittente et
de la dysenterie en ce que ce poison, non content de pouvoir ha-
biter pendant un certain temps Torganisme humain, s'y repro-
duit et peut, de cet organisme, passer à un autre ; le choléra est
contagieux et chaque malade devient un multiplicateur de la ma-
ladie. C'est ainsi que, multiplié et promené dans l'Inde même, par
les pèlerins, il est transporté par les caravanes dans la haute
Asie et dans la Russie orientale, par les armées dans le Caucase,
par les émigrants en Amérique, enfin par les pèlerins musulmans
del'lDde àla Mecque, d'où il gagne l'Egypte et de là l'Europe. Les
populations de l'Afrique centrale qui ne sont pas sur le passage du
ilothumain^échappent ainsi au choléra ; partout eu eUel il marctie
L
tes LA FACiNE ET U FLORE.
porté non pas sur l'aile dn vents, comme ta fièvre paliuin,
comme la grippe, mais avec les hommes el avec la mi-me vitoN
qu'eux. La lapeur a, pour le choléra comme pour Iburame, np-
prochi! les distances.
Longtemps, niée, la contagion ne fait plus aujourd'hui uican
doute. Le germe I?j du choiera se propage, tant que le milieu loi
permet de vivre; or ce germe semble peu diflicilc en matière dl
milieu extérieur : sur 314 épidémies locales étudiées pu Hincfa.
la moitié appartical à l'été; les saisons qui viennent ensuite sont
le printemps et l'automne; la saison la plus rarement (riaerne
est l'hirer. Dans les pajs chauds, dans l'Inde par exemple. U re-
crudescence de l'endémie correspond à la saison des pluies. D'de
manière générale on peut dire que le choléra s'accommode d'iu
température d'au moins + IS", mais que sa violence semUe être
en raison directe de la température.
Il est .vrai qu'on a vu le choléra sévir à Moscou par— tt*
Sttint-I'étersbourg par — 30' i mais il importe de dis^pcr ici on
malentendu général au sujet de la température.
Sans doute, si la température est assez basse pour détruire le
ferment d'un marais, celui-ci ne donnera pas la lièvre, oiosi que
cela a ilieu dans les marais des latitudes très septenlrionalcs ;
mais il eu est autrement des Tcrments que l'homme porte dans
lui, sur lui ou avec lui ; bien que la température, dans le eu que
je citais tout à l'heure, fut dans les rues de Moscou, de — 30<
Termcnt était, en réalité, dans les habitations, cultivé en serre
chaude.par une tcmpératured'au moins+âO". C'est par degruides
chaleurs qu'on a vu mourir à ta Guadeloupe 2'.i pvnoaoet par
jour sur une population de 18 000 individus et â la iNonvcUe-
Orléans 600 personnes en 19 jours, sur uue population que l'^i-
pation avait réduite i 35OO0 individus.
lalacnee da aal. — On a voulu taire jouer, dans la prodoc-
lion du choléra, un râle êliologiqueA la nature du sol. BÔodIn a
soutenti que le choléra se développait plutôt dans les terrains po-
reux, dans les alluvions, que dans les terrains compacts. Cepen-
dant la Bretagne, les Pyrénées, les Cévennes, pour nu parler qm
de la France, n'ont point été épai^ées, et, i la Guadeloupe, I
docteur Walther a constaté, pendant uncépidémie.fue la maladi
était plus violente sur la partie volcanique, où la mortalité tutàt
f 3,il 0/0. que dans la partie calcaire, où elle Tut de 3.70 0/0.
Certaines villes ont prcseHlé,\cs wacs Mnt ■\TOwiw\\\K,NMkva.VK^
CHOLÉRA. 269
une aptitude, aussi inexpliquées Tune que Tautre : Timmunité
doDt Lyon et Versailles semblent jouir, l'aptitude que semblent
présenter Berlin et Munich en sont des exemples.
Qael est l'agent prodaetear da eholéra ? — Trois faits
sont hors de contestation : i<^ cet agent réside dans le sol humide
de Tembouchure du Gange; 2<» il habite également les matières
rendues par les cholériques, car c'est surtout en elles que réside
le pouvoir contagieux; 3^ il s'échappe de ces matières pour trans-
mettre la maladie.
En 1849, Pouchet (de Rouen) signala Texistence de vibrions en
quantité considérable dans les déjections cholériques. Le fait fut
confirmé parDavaine, par Rainey et Hassall à Londres, en 1857,
en Allemagne. En i853, à la Charité, Rayer trouva un nombre .
considérable de cercomonades ; enfin, en 1867, Hallier (d'iéna),
décrivit et figura un champignon, qu'il avait trouvé dans les mêmes
circonstances.
Il est un critérium bien sûr, qui permet de connaître et d'ap-
précier le rôle de ces sortes de parasites, dans la genèse du cho-
léra; il suffit de s'assurer si l'inoculation de ces champignons
produit la maladie. Or les expériences de Guyon, de Namias, de
Magendie, de Meyer sont demeurées sans succès.
Thienck (de Munich) fut le premier qui obtint des inoculations
positives; mais, au lieu d*injccter à ses animaux le liquide intes-
tinal fraîchement rendu par les cholériques, il attendait que ce li-
quide fût rejeté depuis plusieurs jours. Il mêla le liquide rendu
depuis six jours à Talimentation d'un certain nombre de souris,
taudis qu'un certain nombre d'autres souris recevait, de la même
manière, un liquide fraîchement évacué par les malades. 70 souris
burent du liquide frais, 3î burent du liquide de plusieurs jours ;
les 70 premières ne présentèrent aucun trouble^ les 34 dernières
forent toutes malades et 12 moururent. Hallier (d'iéna) a donné
de ces faits une explication : Si, dit-il, le liquide cholérique a
besoin d'avoir cinq ou six jours, si les observateurs ont trouvé dans
ce liquide des formes ditTérentes, c'est qu'il s'agit ici d'un fer-
ment qui évolue, qui parcourt un certain nombre de métamor-
phoses. L'étonnement des expérimentateurs négatifs serait donc
comparable à celui d'un autre expérimentateur, qui, voulant
trouver la cause des cysticerques, s'étonnerait de semer le cysti-
cerque et de récolter le ténia, ou inversement.
Il a donc supposé que les formes adultes, qui &e trou^^tiiV^^^
t70 U FAUNE ET LA FLORE.
les déjections des cholériques, ne propageaient pas directement la
maladie, mais que ce rôle appartenait aux spores que ces formes
adultes émettaient. Mais à cette hypothèse ingénieuse manquait
une vérification expérimentale : si ces liquides, à formes adultes^
émettaient dans Pair des formes embryonnaires à pouvoir conta-
gieux, il devait être possible de les recueillir et, après les avoir
recueillies, d'inoculer avec elles le choléra ; c'est ce qu'ont réussi
k faire à Paris Legros et Onimus. Ils ont répandu des vapeurs dans
une salle de cholériques. Ces vapeurs, ils les ont condensées^ es-
pérant qu'elles emprisonneraient les spores, si spores il y avait,
qu'elles opéreraient dans Tair de la salle ce qu'opèrent, en réa-
lité, les pluies dans Tatmosphcre, ce qu'opère le collage par Tal-
bumine dans nos tonneaux de vin. Ils ont injecté dans les veines
d'un chien ces vapeurs condensées, et ce chien a présenté tous les
symptômes du choléra. On s^explique ainsi comment les fumiga-
tions de chlore faites dans une salle de cholériques peuvent pré-
venir la contagion.
L'hypothèse d'Hallier est donc confirmée. Mais le savant mé-
decin d'iéna a été plus loin encore : il avait été frappé de la res.
semblance entre le champignon trouvé dans les matières cholé-
riques et certains champignons du genre urocystis; or les cham-
pignons du genre urocystis sont précisément des champignons à
métamorphoses; certains d'entre eux, par exemple, vivent,
à une certaine période de leur développement, sur le blé, sur
le riz, dont les grains sont alors envahis par des tubes de my-
célium.
Voici donc ce qu'il imagina : il arrosa des graines de riz, pen-
dant leur germination, avec des déjections de cholériques et il est
arrivé à ce résultat que toutes les graines ont été envahies par
les tubes de mycélium de Turocystis.
Ces expériences permettent de penser que le parasite infectieux,
qui produit chez un certain nombre d'animaux les symptômes, à
Tensemble desquels nous donnons le nom de choléra, subit plu-
sieurs métamorphoses et qu'à chacune d'elles il habite successi-
vement : 1<^ dans le sol humide ; 2° dans le riz ; 3<^ dans le sang de
l'homme et de plusieurs autres animaux. Nouvel exemple propre
à montrer que dans la lutte pour l'existence que l'homme doit
soutenir, il n'y a pas de petit ennemi.
A toutes ces expériences il convient d'ajouter la relation d'un
fait cité par le docteur Laveran : la grande épidémie de 1817, celle
FIÈVRE JAUNE. Î71
qui a TU, pour la première fois, le choléra indien entrer en Eu-
rope, coïncida avec une maladie du riz.
Une dernière conséquence : tout le monde a été frappé de voir
certaines épidémies s'allumer tout à coupen Europe, comme un in-
cendie qui serait allumé dans un foyer mal éteint. Les partisans de
la spontanéité n*ont pas manqué de voir là un îyrgument en
leur faveur, tandis qu'il est permis de croire, grâce à ce que nous
savons, d'ailleurs, de la reviviscence des germes, avec les doc-
teurs Tholozan et Budd, qu'il s'agit ici de germes cholériques qui
ont conservé leur pouvoir, comme cela a lieu pour le charbon, ou
qui bénéficient de la reviviscence dans certaines conditions favo-
rables de milieu.
§ 43. FIÈVRE JAUNE.
Histoire et géographie. — Le foyer endémique de cette
maladie est exclusivement dans la zone torride et mémo dans
certains points très limités de cette zone. Le golfe du Mexique et
notamment les villes de la Vera-Cruz, Alvarado, Tlacotalpam,
Laguna, Campéche, Cuba d'un côté ; la côte du golfe de Guinée
de Tautre, sont les deux seuls foyers endémiques. Elle est
inconnue dans l'Inde. L'Afrique est-elle ici tributaire de l'Améri-
que? En reçoit-elle la maladie ? Ou, au contraire, est-ce PAméri-
que qui l'a reçue de l'Afrique? Les deux opinions sont soutenues
mais sans preuves suffisantes. Ce qui est incontestable, c'est
qu actuellement il y a deux foyers d'endémie. En un mot, la fièvre
jaune est endémique sur les deux rives torrides de l'océan Atlan-
tique.
L'histoire authentique de la fièvre jaune ne remonte pas plus
loin que le xviu« siècle et encore ! On parle bien d'une maladie
des Indiens, le Matlazakualt, qui serait antérieure à la conquête,
mais rien ne prouve que ce soit la fièvre jaune, quoique cela sem-
ble probable. On a dit qu'au moment de la conquête les Espagnols
furent décimés par cette maladie (Herreira), mais cela n'est pas
proové non plus. On dit enfin que la naissance de la fièvre jaune
en Amérique date de l'invasion européenne. Le fait est possible,
mais avec un commentaire : supposons que la maladie existât en
Amérique avant l'arrivée des Européens, il est évident quefarrivée
d'individus non acclimatés a dû donner un nouvel élan à une ma-
ladie qui trouvait ainsi une pâture exceptionneUe. l\ tCe«\ ^^3^^
i72 LA FAUNE ET LA FLORE.
pas étonnant qu'on ait fait dater de la venue des Européens Texis-
tence d^épidémies mémorables de Gèvre jaune.
Quoi qu*il en soit, de son foyer américain, le golfe du Mexique,
comme de son foyer africain, le golfe de Guinée, la maladie s*est
répandue à diverses époques en dehors de ses limites normales.
Dans chacune de ces épidémies la gravité a été parfois considé-
rable : en 1830, à Corée, il y eut 144 malades sur 450 Européens;
à Saint-Louis, 328 morts sur 6S8 individus. En 1837, à Gorée,
80 malades sur 160 Européens et 46 morts sur {80 malades. —
En 1858, à Gorée» 86 morts sur 122 malades; en 1866, 83 morts
sur 178 malades.— La dernière épidémie a été plus grave encore,
et plusieurs médecins de la marine, entre autres le regrette Bour-
garel, ont été au nombre des victimes. Mais dans le Sénégal, et
cela est utile à faire connaître pour l'avenir de notre colonie, la
fièvre jaune n'a jamais pris naissiance spontanément, elle a tou-
jours été importée; importée d'où? De Sierra-Leone. Elle a tou-
jours, au Sénégal, marché du sud au nord. Le Sénégal a eu cinq
grandes épidémies : 1830, 1837, 1858, 1878,1881.
Dans toute TEspagne, de 1800 à 1823, il est mort de la fièvre
jaune 140 000 personnes. Dans la seule ville de Cadix, en 1800,
il y a eu 10 000 décès sur 48000 habitants.
En France, la fièvre jaune, qui s'est montrée à plusieurs re-
prises, s'est éteinte rapidement et n'a jamais fait un nombre con-
sidérable de victimes.
H n'en est pas de même en Amérique : les Etats-Unis ont été
éprouvés par la fièvre jaune en 88 années différentes. Toujours
rimportation de la maladie a été démontrée. On estime que la
dernière épidémie a produit aux Etats-Unis 120000 cas de fièvre
et 20000 décès. Le congrès apprécie, d'une façon qui ne vise pas
d'ailleurs au sentimentalisme, la perte causée par ces décès à
12000000 de dollars. Il estime le préjudice total causé au pays par
la maladie à 200000000 de dollars. — De 1756 à 1879, la Nouvelle-
Orléans a eu 38 épidémies. — Il n'y a pas longtemps que la Gèvre
jaune a sévi à la Guadeloupe ; à la Martinique, la morbidité varie,
suivant les épidémies, de 1 à 50 pour 100 habitants et la morta-
lité de 14 — 20 — 50 — 80 pour 100 malades.
11 est à remarquer que les épidémies se renouvellent d'autant
plus souvent sur un point que ce point est plus rapproché du
centre épidémique. Les habitudes du germe de la Qèvre jaune
semblent essentiellement côtières ; ni les continents ni la pleine
F!t;Vi
; JAUNE.
' RWrtir liiifonticnncnl. En 1873, U malii>)ie remonte le cours du
Paraguaj ^ une distance de 200 lieues jusqu'à l'Assomption;
en 1878. elle remonte le cours du Uùsissipi jusqu'à Sainl-Louis
et le cours du Sénégul jusqu'à Bakel. La plupart des épidémicâ
ont d'aillcars lieu dans les ports. Sur 291 épidcmies locales de
romito negro observées dans l'Amérique du Nord,. 157 le furent
an bord dr- la mer, 1 33 sur les rires de fleuves navigables ; S Tois
Muleinent la maladie s'éloigna des rives .j une distance de S ou
!0 mitles. Cependant, à mesure que les chemins de Tersc dévelop-
pent,U maladie s'ctend dans les terres. Faul-il en conclure, avec
le proreseeur Colin, que l'ouverture de l'isthme de Panama aura
poor conséquence le passage de la (lèvre jaune sur la cdtc du
l'adfi<iue? La chose est possible ; mais, serait-elle certaine, que
e*Ia ne eerail pas un argument contre une œuvre, qui aura
''■tinmc cum [Pensât ion des avantages civilisateurs inconlestuliles.
i Ttr conditioa indispensable au développement de la maladie,
-;t relevai ion de la température; sa mojennc doit être d'au
I ;i.ins4-S!!« à + SS". Ainsi, à bord des navires, on a vu la
'ire jaune cesser par les froids du cap Horn , pour renaître
Tiieâurc que le navire regagnait des latitudes plus chaudes.
. ne peut donc sévir en toute saison que dans les régions lor-
r.le^. Ainsi ou peut l'observer à toute époi|ue de l'année aui
Antilles, en Guinée, au Sénégal; mais, dans les pajs uù la
RKivenne de l'hiver descend seulement à + 20°, elle devient alors
wrs'jrtnitVe. comme à la Nouvelle'^rléans, à Mobile et dans tout
k «ud des Etats-Unis. Toutefois, dans ces pajs, l'épidémie peut
birn disparaître avec la saison chaude, mais, l'hiver doux étant
imi, elle peut, et cela s'est vu, reparaître, revivre »ans nouvelle
importation, parce que la gelée, qui est rare dans ces pays, n'est
ftt tenue détruire les germes. A ^ew-Yo^k, au contraire, la ma-
"s oe peut pas se rallumer sans une nouvelle imporlation,
fAite que, l'hiver étant rigoureux, la gelée détruit les germes,
"■loin de féquateur encore, non seulement elle ne peut régner
~ 0 été, mais encore uniquement dans la courte périoile oli
fttempératurc moyenne des 24 heures dépasse + 20° ou + 22".
t Cette acbon de la température a, pour nous autres Européens,
l nu tc(« grande importance pratique. Les saisons étant inverses des
: bAIk* atHlesâous de l'équaleur, il s'ensuit que Texlension de la
I "**» jione dans l'Amérique du Sud ne saurait être pour ïiovi^ Mtic
< fiwporl3tm), puisque les navires qui quiUenl \e BïétW ca
S74 LA FAUNE ET LA FLORE.
été, au moment peut-être où sévit la Hèvre jaune, arrivent chez
nous en hiver, à un moment où elle ne pourrait pas se propager,
il en est de même pour la partie sous-équatoriale de la côte
d^Afrique. Mais il n'en est pas de même du golfe du Mexique.
Aussi est-ce de là, de la Havane notamment, que nous est venue
et que pourra nous venir encore la maladie qui nous occupe.
C'est en raison de rabaissement de la température que la fièvre
jaune ne sévit pas, en général, même dans les pays chauds, sur
les altitudes. Au Mexique, elle ne dépasse pas Cordova (903**). Elle
n'atteint ni les hauteurs de Ténériffe, ni le Camp-Jacob à la
Guadeloupe, ni les hauteurs de Newcast à la Jamaïque. Madrid,
en 1 878, a été atteint pour la première fois par le vomito negro ;
cette ville semble devoir sa presque immunité : i^ à son éloigne-
ment du littoral ; 2» à l'absenec d'une navigation pouvant être
infectante sur le Mançanarez; 3<^ à son altitude de 675"*. Toute-
fois, on a vu une épidémie, à Las Animas, à plus de lOCO^d^'altitude.
Contagion.^ La maladie est absolument contagieuse et la con-
tagion présente ceci de remarquable, qu'elle semble se faire par les
choses au moinsaussi bien que parles hommes. L'épidémie de Saint-
Nazaire en 1861 montra bien et la réalité de la contagion et le rôle
des choses, des objets inanimés dans cette contagion. UAnne-Marie^
en destination de Saint-Nazaire, quitte la Havane, où régnait la
lièvre jaune, avec une cargaison de sucre; 17 jours après le départ,
la maladie éclate; sur 16 hommes d'équipage^ 5 sont malades,
aucun ne succombe. Devant Saint-Nazaire , V Anne-Marie reste
10 jours en quarantaine ; après ce temps, aucun nouvel accident
ne s'étant déclaré, elle obtient sa libre pratique. Les 16 hommes
se dispersent dans leurs familles, où ils ne portent aucun germe
morbide. Pendant ce temps, le commandant en second, resté seul
à bord, fait opérer le déchargement par 17 déchargeurs de Saint-
Nazaire. A peine avail-on ouvert la cale, qui était restée fermée
pendant toute la traversée, que la fièvre jaune éclate : les 2/3
des déchargeurs sont frappés ; 6 meurent. Dans le bassin à flots,
un navire voisin est atteint : il avait 5 hommes, il eut a morts.
Trois autres navires voisins perdent.chacun 2 hommes. Le docteur
Chaillou, qui soigne à terre un des déchargeursy prend de luiU
maladie et en meurt. Le germe de la fièvre était donc en réalité
emmagasiné dans les flancs du navire. Mais Tépidémie de Saint'
Nazaire s'arrêta parce qu'il faut cerlaines conditions pour que l6
germe transporté vive et multiplie.
FIÈVRE JAUNE. Î75
A Madrid, l*épîdémie a éclaté dans un quartier où étaient
Yenus se Oxer plusieurs soldats licenciés de Tarmée de Cuba.
Aucun n*avait été malade, ni pendant la traversée, ni au port de
débarquement, ni même à Madrid ; leurs hardes ont seules été
coupables, car ce n'est qu'après l'ouverture de leurs malles que
répidémie a éclaté, se bornant d'ailleurs à 30 ou 35 victimes et
s'éteignant au bout d'un mois.
Une condition favorable à la propagation de la fièvre jaune est
Vagglomération.On a remarqué que son extension dans l'Améri-
que du Sud avait coïncidé avec Textension sociale de ce pays, où
beaucoup de villages sont devenus de petites villes.
Le tempérament joue un rôle : ici, à Tinverse du choléra, mais,
comme pour la fièvre typhoïde, les tempéraments robustes sem-
blent plus exposés.
Les meilleures conditions d'hygiène ne préservent pas : ainsi, à
Lisbonne, les atteintes ont été, dans l'armée, de 75 0/0 parmi les
offiders et de 25 0/0 seulement parmi les soldats.
Nous verrons'plus loin que la fièvre jaune atteint les noirs beau-
coup moins que les blancs ; mais, même pcmr les blancs et pour
leslndiens, le séjour prolongé dans le pays confère un certain degré
d'immunité apparente, mais sur laquelle il faut s'entendre : il
s'agit en réalité d'une sélection, d'une accoutumance^ comme elle
tlieu pour la fièvre typhoïde chez un grand nombre de Parisiens.
Ainsi, sur 2 295 cas de fièvre jaune traités à l'hôpital de la Vera-
Cmz, les Espagnols figurent pour 355 ; les Vera-cruzaniens pour
S9 ; les Mexicains des hautes terres, contrée où le vomito ne règne
pas pour 1 785; les étrangers divers pour 92.
Pathologie eompmrée. — Parmi les animaux, un seul par-
tage avec r homme le privilège de prendre la fièvre jaune: c'est
^ singe. Le docteur Levvel assure que cet animal a disparu de
crains points du Brésil depuis que la fièvre jaune y est venue. Ce-
pendant le docteur Pasqual-Beau ville (delà Havane) a constaté sui
^ chiens et les chevaux, en même temps que régnait la fièvre
jaone,une maladie caractérisée par de la jaunisse et des épislaxis
^ rappelle le vomito negro. La commission américaine a
<^ndant fait des expériences sur 4 chiens, 2 chats, 6 lapins, 6
^bayes, i singe, 6 poules, 12 pigeons, 2 oies, envoyés de New-
York par le steamer le Niagara. Ces expériences consistaient
^ faire séjourner des animaux pendant 48 heures dans un navire
infecté ; les 6 hommes de l'équipage, durant ces 4% \ie>iT^«^
276 LA FAUNE ET LA FLORE.
moururent de la fièvre jaune ; aucun des animaux exposés ne
fut atteint, aucun ne fut malade les jours suivants au labo»
ratoire. Un chien eut une attaque de fièvre , mais c'était un
cas d'une maladie commune chez les chiens importés à Cuba
et connue sous le nom de romadizo ; cette maladie est très
diflerente de la fièvre jaune. Des injections pratiquées dans la
veine fémorale des animaux avec du sang recueilli sur des hommes
moribonds en traitement à Thôpital restèrent sans succès; même
insuccès avec l'enveloppement dans des couvertures ayant servi à
des malades, ou après Tusage exclusif, pour boisson, d'une eau
ayant servi à laver des couvertures souillées par les malades. En
définitive, les tentatives de transmission de la fièvre jaune aux
animaux n'ont donné à la commission que des résultats négatifs.
IKatnre.— Nous avons vu qu'on parle dugerme, du ferment de
la fièvre jaune ; depuis longtemps il est enefifet permis de deviner
qu'il en sera de cette redoutable maladie comme du choléra, de
la fièvre typhoïde, du charbon... La façon dont l'Anne-Afarie a
transporté la maladie rendait Thypothése vraisemblable.
Avec un courage qui ne sera pas son moins beau titre de gloire,
au milieu de tant de belles découvertes qui lui sont dues. Pasteur
s'est transporte au lazaret de Pauillac, espérant y trouver des ma-
lades atteints de fièvre jaune et étudier cette maladie contagieuse.
Malheureusement, ou peut-être heureusement, tous les malades
étaient guéris, lorsque Pasteur est arrivé. — Le docteur Monard,
médecin civil, a été plus heureux et non moins courageux : parti
volontairement pour le Sénégal au moment de la dernière épi-
démie de fièvre jaune, il fut assez heureux pour pouvoir envoyer
au laboratoire de pathologie générale de la Faculté de médecine
de Turinc, du sang et de la sérosité péricardique, recueillis et
conservés suivant la méthode et les procédés de Pasteur. Les
docteurs Capitan et Charrin ont pu constater dans ces liquides de
très nombreux microbes, consistant en micrococcus isolés ou
constituant des points doubles, de petits bâtonnets; les tubes rénaux
contenaient aussi une albumine rétractile. Des cultures faites avec
les liquides reçus du docteur Monard ont parfaitement réussi
et des inoculations ont été faites à des cobayes, qui sont morts.
Déjà Tanatomie pathologique avait montré, dans la fièvre jaune,
la présence dans le sang de matériaux de combustion, dérivés im-
parfaits de l'urée et indices d'un ralentissement de la combustion.
Le rein est profondément altéré et c'est par la néphrite iofec*
1
FIÈVRE JAUNE. S77
tieuse qu*on explique ce symptôme douloureux, accusé par les
malades et désigné sous le nom de coup de barre. Tous les tissus
sabissent la dégénérescence graisseuse. Déjà un pharmacien dis-
tingué de la marine, Cuuisset, avait expliqué ces faits par un
dédoublement des matières albuminoïdes en graisse, qui s'accu-
mule dans les éléments anatomiques et en dérivés imparfaits de
l'urée, dérivés qu'on retrouve dans les liquides de l'organisme.
Il attribuait déjà ce dédoublement à un ferment avide d'oxygène.
Le docteur Carmona del Valle a découvert dans les urines des ma-
ladesy dans le sang et dans la sérosité, un microbe qu'il propose
d'appeler peronospora luten, La couleur du romito tiegro serait
due de même au mycélium coloré. D'après lui, les spores de la
peronospora se retrouveraient pendant longtemps dans l'urine des
personnes qui ont eu la fièvre jaune et l'immunité durerait tant
que persiste cette production. Il s*est injecté à lui-même cette
urine prophylactique et n'aéprouvé aucun eilct fâcheux. Ses uiines '
contenaient néanmoins, pendant quelque temps, des granula-
tions spécifiques. L'avenir confîrmera ou infirmera ces vues; mais
Texistence d'un microbe parasitaire semble dès maintenant ac-
quise.
La prophylaxie n'avait pas attendu non plus cette conûrmation
pour chercher dans cette voie : le docteur Pi;2[eaux attribue Taug-
mentation de la fièvre jaune dans le golfe du Mexique à la des-
truction des tortues, qui ne sont plus là pour manger les produits
de décomposition divers, absolument , comme la destruction des
<Hseaux augmente les ravages causés par les insectes. D'après le
docteur Manuel da Gama Lobo (de Rio-de-Janeiro), on trouverait
dans les eaux des localités infectées par la fièvre jaune un infu-
soire spécial, qu'il croit producteur de la maladie, Vopmma mexi-
crfna. Dernièrement en Amérique, le docteur Gibbon a proposé
d*employer le froid contre ce qu'il nomme le parasitr de lu fièvre
jaune. Cette induction est légitimée, au moins en théorie, par
ce que nous savons de l'action de l'abaissement de la tem-
pérature sur cette maladie. La même idée a été reprise par
le professeur Gamgee (de Londres), et une dame généreuse,
M** Elisabeth Thompson, a même offert de contribuer pécuniai-
rement à sa réalisation : il s'agirait de construire un navire
frigorifique, muni d'un puissant ventilateur qui injecterait de
Tair froid dans tous les navires suspects de receler la fièvre
jaune. Enfin le docteur Humboldt (de la Havane^, fiVs deV"\VL>3&Vc^
S78 Là FAUNE ET LÀ fLORE.
Humboldt, a publié récemment plusieurs faits, qu'il serait bien
intéressant de vérifier ! 11 a prétendu que le poison de la fièvre
jaune pouvait être combattu par un autre poison, le venin du
scorpion. Confiant dans son procédé , il s'est servi du venin de
scorpion comme nous nous servons du vaccin contre la variole.
11 a inoculé, en temps d'épidémie, 2i78 hommes blancs de la
garnison de Cuba. Or 676 seulement ont été atteints et seize seu-
lement ont snccombt^! De nouveaux faits sont nécessaires, mais il
y a là une idée qui me semble digne de ne pas tomber dans l'oubli.
Le docteur Hard (de la Floride) a, dans le même ordre d'idées,
recommandé Tacide sulfureux ; il pense même que des décharges
d'artillerie tirées pendant la nuit, lorsque les germes sont répandus
dans Tair, les détruiraient en produisant de l'acide sulfureux( I?).
Un capitaine de la marine marchande a fait une remarque sin-
gulière : le navire qu'il montait était chargé de guano. Aucun des
hommes qui maniaient le guano en le déchargeant ne fut atteint.
11 est bon de rapprocher ces faits de ce que nous savons de l'ac-
tion nocive de l'hydrogène sulfuré sur les ferments et deTimmu-
nitc dont les vidangeurs paraissent jouir pour certaines épidé-
mies.
§ 14. DIPHTUÉRIE.
Histoire et géographie.— Nous manquons de documents sur
l'histoire de cette redoutable maladie contagieuse. Hippocrate la
connaissait et elle semble avoir été connue depuis longtemps sous
le nom de mal syriaque,' ce qui reporterait son origine vers l'Orient ;
mais il faut arriver au xvr siècle pour trouver des descriptions,
qui permettent de la reconnaître nettement. Elle semble, à celte
époque, avoir sévi avec une grande gravité en Espagne, où elle por-
tait le nom de yarrotillo, en Italie (malc in canna) et en Allemagne.
L'Europe paraît être encore actuellement son siège de prédilec-
tion. La diplithérle n'a été portée en Irlande qu'en 1 856. El le serait
encore inconnue aux îles Feroo (Lombard). Elle est fréquente en
Suède et en Norwègc; en Finlande, elle règne épidémiquement,
surtout dans les districts humides. Dans toute la Russie, elle
est extrêmement grave et commune, mais pas depuis un
temps fort long. Dans l'automne 1882, elle a causé à Saint-
Pétersbourg plus de 400 décès ; elle est surtout fréquente dans
les districts de Poltava, à Kiev et à Tchernigow. Le seul dis-
DIPHTHÉRIE. %79
trict de Micgoud,eD i879-80,a eu 47000 malades sur 123000 ha-
bitants. Dans un seul village de rarrondissement de Borzna,
300 enfants sont morts en 2 mois. Elle ne règne en Bessarabie
que depuis 1872, mais elle a, depuis cette époque, fait périr plus
de 12000 enfants. Elle fait périr dans toute la Russie un grand
nombre d^nfants. Elle est 1 fois 1/2 plus redoutable que la petite
vérole et que la scarlatine, 3 fois plus que la rougeole, 4 fois plus
que le typhus et 8 fois plus que la coqueluche.
On peut dire que, dans toute une partie de la Russie, la diph-
thérie a fait, depuis 8 à 10 ans, autant de ravages que la peste la
plus meurtrière en a jamais faits. Dans le district de Novgorod,
la population , depuis 1875, a diminué de 2 pour 100 par le fait
de cette maladie ; le gouvernement de Tchernigow a été également
très maltraité.
Une ancienne opinion, dont je ne garantis pas Tcxactitude,
consiste à regarder la diphthéric comme relativement rare sur tout
le pourtour du bassin méditerranéen. On Tobservc cependant en
Italie et elle a fait en Espagne de grands ravages ;^elle existe en
Syrie, en Asie Mineure ; la Perse ne la connaît, parait-il, que
depuis 1869. La maladie parait rare dans Tlnde (Mahé). La Chine,
en 1865, a été ravagée par une épidémie de diphthérie, qui n'a
pas enlevé moins de 25000 personnes. On la trouve en Poly-
nésie, en Afrique. Elle est très grave et très fréquente sur les
côtes orientales des latitudes moyennes de TAmérique du Nord
(Mahé). Elle est rare au Mexique ; d'après Tschudi, elle serait au
contraire plus fréquente au Pérou, dans les Andes que dans la
Costa. D'une façon générale, c'est une maladie des latitudes éle-
vées, surtout des latitudes moyennes et tempérées de TEurope ou
de l'Amérique. Elle a fait récemment des ravages considérables à
Ludington, dans le Micbigan.
rvatnre, contaiploii. — Eminemment contagieuse, la diph-
thérie est souvent communiquée à Thomme par les animaux et
réciproquement. Elle sévit parfois sur les volailles et atteint alors
le personnel de la ferme. Cela a été vu notamment aux environs
de Naples par Cozzolino, par Nicati (de Marseille) et par d'autres
eocore. On a vu la diphthérie passer indistinctement de l'homme
à la poule, au veau et à la vache, à Kilburn, près de Londres, où sé-
vissait sur les vaches laitières une épidémie de gargot. Cette mala-
die entre en efifet de plein droit dans la classe chaque jour grossie
des maladies à ferment. Gaucher a constaté la prèseuc^ d^ m\*
fiSO LA FAUNE ET LA FLORE.
crococcus dans le sang des diphlhcriques et dans leur urine albu*
mineuse ; il regarde la néphrite qu'on obsenre alors comme para-
sitaire et pense que l'organisme tend à se débarrasser par
les reins des microbes qui Tinfectent. M. Talamon a fait avec
succès des cultures artificielles de ce microbe. A Tétat de com-
plet développement, ce ferment se présente sous la forme
de mycéliums et de spores caractéristiques. Les mycéliums sont
tantôt sous forme [de longs tubes, cloisonnés de distance en dis-
tance, d'une réfringence spéciale, en général très clairs ; ils ont
depuis 2 jusqu'à 4 et 5 millièmes de millimètre de Large. Quand
les conditions de croissance sont bonnes, ils s'allongent extrême-
ment, se bifurquent de temps à autre et les bouts bifurques sont
par eux-mêmes très caractéristiques; ils dessinent, par leurs deux
branches légèrement incurvées, une figure qu'on ne peut com-
parer plus exactement qu'à une lyre ou à un diapason. D'autres
ibis les mycéliums ne s'allongent pas ainsi; tout en se multipliant
de manière à couvrir rapidement la surface du liquide de culture,
ils restent courls, prenant des formes bizarres, dont la plus com-
mune peut être comparée à une béquille ; il existe alors une foule
de bâtonnets droits, de 3 à 4 millièmes de millimètre de large sur
i^, 20, 40 millièmes de long.
Les spores sont de deux espèces : des spores rondes ou ovales,
qu'on peut appeler les spores de (jcrminationy des spores rectan-
gulaires, qui rcitrôscntcnt le dernier terme de développement
du champignon et qu'on nomme des conidies. Ces dernières ca-
ractérisent l'espèce ; elles ont la forme de petits rectangles, dont
la grandeur est très variable ; la largeur varie depuis i à 2 jusqu'à
7 et 8 millièmes de millimètre et quelquefois plus ; leur longueur
varie de même depuis 5 à 6 jusqu'à 10 et 15 millièmes de milli-
mètre. Kilos sont tantôt isolées, tantôt réunies par 2, 3 ; très sou-
vent en chapelets de 10, 42, 15 grains, ou en chaînettes briséeS'
en zigzags. Homogènes d'abord, elles se remplissent bientôt de
petits grains ronds, très brillants, du volume des micrococcus^
ordinaires, qui, pour M. Talamon, sont le véritable germe du.
champignon. L'inoculation de ce parasite à des lapins, à des co-
chons dinde, à des oiseaux et même à des grenouilles, les a fait*
périr et a déterminé chez eux des fausses membranes avec pulla-
lation de l'organi>me microscopique semé. Le sang, le liquide
péritouéal et, chez les grenouilles, le cœur lymphatique contien-
nent de nombreux échantillons du microbe. Â Ludington, Wood
OREILLONS. 181
et Fonnad ont trouvé et cultivé des micrococcus quMls ont ino-
culés avec succès à des animaux.
La vitalité de ce parasite semble considérable et le fait possède,
au point de vue de la transmission de la maladie, une réelle impor-
tance : Un habitant de la Russie méridionale perdit en cfiet, il y
a quatre ans, un enfant par suite de diphthéric. On construisit
plus récemment un caveau de famille et le cercueil de Tenfant
y fut transporté après exhumation. Avant la fermeture défmitive
du caveau, le père, voulant s'assurer que Tenfant n'avait pas été
jadis inhumé vivant, fit ouvrir la bière et toute la famille, com-
prenant cinq enfants, assista à cette triste cérémonie. Le lende-
main, les cinq enfants tombèrent malades du croup, et Tun d'eux
succombait quelques jours après. Les expériences de Pasteur sur
les germes de la bactéridie charbonneuse et les connaissances
que nous avons d'ailleurs sur la reviviscence de ces êtres donnent
au récit de ce fait une très grande probabilité d'exactitude. Les
écoles, les églises sont souvent, par le même motif, des lieux de
contagion pour les enfants.
§ 13. OREILLONS.
Histoire et géographie. — Les oreillons paraissent bien an-
^srieurs, en Europe, aux fièvres éruptives, dont on les a, avec
^^ison, rapprochés. Hippocrate nous a en effet laissé, d'une épidé-
mie qu'il avait observée, une description non douteuse, car il
ajoute à la description des tumeurs au cou et aux oreilles : « Chez
l« uns immédiatement, chez les autres après quelque temps, il
survenait des phlegmasies douloureuses au testicule d'un côté
^ulenient, ou des deux à la fois. » A cette description, il n'est
P*5 permis de méconnaître les oreillons et ce qu'on a nommé
^'^chite métastatique.
Hirsch,de 1714 à 1859, a fait une liste de 120 épidémies d'oreil-
wns en Europe et en Amérique; on les connaît en Afrique, en
Arabie, en Syrie, dans Tlnde; ils y portent même le nom de Pon-
^^^uvinguy, ce qui veut dire : désir ardent de l'or. Celte déno-
mination étiologique pourrait faire penser à une épigramme, qui
baisserait croire que les oreillons ont été apportés dans l'Inde par
1^ Portugais, chez qui, comme chez tous les Européens, les Hindous
^^^ pu constater de bonne heure le désir ardent de l'or . CaVVfc
S8i LA FAUNE ET LA FLORE.
maladie parait, en somme, ubiquitaire. Elle sévit surtout sur les
enfants, sur les agglomérations d^hommes jeunes, dans les caser-
nes, abord des navires. En 1750, à Lima, et en noi, à Edim-
bourg, tous les soldats de la garnison furent atteints. 11 en fut de
même à Lyon en 1779, à Paris en 4847 et dans une ioule d'autres
circonstances.
r%^atare. — Les allures de cette maladie, son caractère épidé-
mique et contagieux, Timmunité qu'elle semble conférer, pour
elle-même, à ceux qu^elle a déjà frappés une première fois, tout
autorisait à ranger, à prtori, les oreillons parmi les maladies à
microbe. Ce qui était probabilité est devenu certitude depuis les
recherches de Capitan et de Charrin. Us ont en effet trouvé, dans le
sang des malades atteints d'oreillons, des microbes, toujours iden-
tiques comme forme (petits bâtonnets et micrococcus). Ces mi-
crobes se sont multipliés, toujours semblables àeux-mèmes, dans
des cultures artificielles faites dans du bouillon Liebig. Les mêmes
microbes ont été trouvés dans la salive et dans rurine, ce qui ajou-
terait aux néphrites infectieuses du professeur Bouchard une
nouvelle espèce, la néphrite d'oreillons.
Les inoculations faites jusqu'à ce jour n'ont pas, que je sache,
réussi.
§ 16. COQUELUCHE.
Bien que le microbe, qui caractérisera quelque jour cette ma-
ladie épidémique et contagieuse, n'ait pas encore été découvert,
c'est parmi les fermentations et à côté des oreillons qu'il conyient,
je crois, de la placer.
Géographie. — Nous ne savons rien de son histoire. On pense
qu'elle est rare dans les régions très froides du Nord (l^ahé) ; elle
n'aurait régné que trois fois en Irlande et aux îles Feroë (Hirsch).
Elle semble avoir son maximum de fréquence ainsi que de gravité au
centre et au nord de l'Europe^en Ecosse, en Irlande. Elle est fré-
quente dans l'Asie Mineure, rare en Chine. On l'a observée en
Australie, en Polynésie ; elle est fréquente et grave à Madagascar ;
elle a, dit-on, été apportée, pour la première fois, au Labrador
en 1875. Elle existe dans toute l'Amérique du Sud; en somme,
elle est à peu près ubiquitaire.
TÉTANOS. t8$
§ 17. ÉRYSIPÈLE.
Géoi^aphle et natare. — Uérysipèle, dont je parle ici, n'est
pasledermlte par insolation, cen*est pas non plus la lymphangite
parasitaire des pays chauds dont je parlerai plus loin, au sujet de
la filariose; il n'est question ici que de Térysipèle infectieux,
nosocomialy éminemment contagieux.
Il est complètement ubiquitaire ; il passe cependant pour être
rare en Irlande et dans les lies Feroë ; il est fréquent et meurtrier
ea Angleterre, beaucoup -moins en Irlande; il passe pour très
rare en Birmanie ; il est très répandu dans le nord de T Amérique.
Malgré toutes les probabilités qui militent en faveur de son
existence, on n'a pas encore isolé d'une manière certaine le mi-
crobe de Térysipèle. On regarde cependant comme tel, en Alle-
magne, une granulation sphérique (micrococcus, monade, bactc"
rium punctum), dont le caractère, d'après Dupeyrat, serait l'im-
mobilité. Orth a réussi à élever ce bactérium dans des liquides de
cultures, mais ses expériences d'inoculation ne sont pas pleine-
ment démonstratives, et Pillmans, sur 17 inoculations^ n'a réussi
que 3 fois.
§ 18. SEPTICÉMIE.
Cette maladie, qui devient de plus en plus rare dans nos hôpi-
^tix, depuis que les travaux de Pasteur, de Tyndall et de Lister
^ni transformé la chirurgie, est également ubiquitaire ; elle sévit
surtout dans les grands centres civilisés de l'Europe et de l'Amé-
''que; elle est rare dans l'extrême Orient ainsi que dans une
grande partie de l'Afrique, de l'Asie et de l'Océanie (Mahé)
Pasteur a montré que la septicémie est produite par le vibrion sep-
tique et la pyohémie par le vibrion pyogénique.
§ 19. TÉTANOS.
Katnre et ipéoipraphle. — Il me semble absolument légitime,
à l'exemple de Roser, de classer le tétanos parmi les maladies que
nous nommions infectieuses , il y a quelques années, et que nous
nommons à microbes aujourd'hui. Il semble difficile de ne pas se
résoudre à lui donner cette place, quand on son^^ qu'vV esX ^vvh^uV.
/
184 LA FâUNB et Là FLORB.
épidcmique, contagieux et que sa distribution dans lemonde semble
liée à la distribution d'un parasite inconnu qui lui donnerait nais-
sance... Ces lignes étaient écrites lorsque j*ai eu la satisfaction de
trouver un appui en faveur de mon opinion dans une communica-
tion faite à la Société de chirurgie (22 février i 882), par Th . Anger ;
Vhabile chirurgien , signalant une petite épidémie de tétanos qu'il a
eu Toccasion d'observer à rhôpitalCochin Tannée dernière et dans
laquelle il a perdu coup sur coup quatre malades de cette affec-
tion, se demande s'il n'y a pas autre chose qu*une coïncidence,
d'autant plus qu'étant prosecteur à Clamart, il a vu mourir de
tétanos une chienne ayec ses six petits chiens, qui habitaient
dans une écurie où deux .chevaux étaient aussi morts de tétanos.
De son côté, Nocard penche également vers la doctrine micro-
bienne du tétanos ; mais ses recherches dans ce sens et ses inocu-
lations sont demeurées jusqu'ici sans résultat. Arloing a lui-
mi^me injecté sans aucun résultat à un cheval sain le sang
d'un cheval atteint de tétanos. Mais ces faits négatifs n'auto-
risent pas encore à renoncer à cette hypothèse.
En Europe, le tétanos n'est pas très fréquent ; cependant, pen-
dant la guerre de 4870, j'ai vu mourir plusieurs blessés dans la
même baraque, comme cela s'était largement montré déjà, en
Italie, sur nos blessés, en 1859.
Convient-il, à Texemple d'un grand nombre d'auteurs, de séparer
d'une manière absolue le tétanos dit traumatiquc du tétanos dit
spontanf* ? Je serais porté à croire que tous les deux sont de même
nature : tous deux sont des tétanos inoculés; seulement, dans le
tétanos dit spontané, la porte d'inoculation, la porte d'entrée
est trop petite et méconnue!
Le tétanos dit spontané, comme l'autre, est plus fréquent, à
latitude égale, en Amérique qu'en Europe. 11 est fréquent surtout
à Long-lsland, près de New-York, dans la Caroline du Sud et dans
le golfe du Mexique. Il est extrêmement fréquent dans l'Amérique
équatoriale, en Colombie, à la Guyane, aux Antilles. Quelques
points de ces pays sont cependant épargnés, sans qu'on puisse
savoir pourquoi (Mahé). Il apparaît très fréquemment au Brésil,
À la Plata, à Montevideo, à Buenos-Ayres.
L'Afrique tropicale est, après l'Amérique, le foyer le plus con-
sidérable de tétanos. On le voit en Egypte, en Syrie ; dans cer-
tains districts de l'Inde, sa fréquence est extrême : à Bombay, en
particulier, il figure pour le quart des décès à l'hôpital de lam-
EMPOISONNEMENT PUERPÉRAL. 285
setjee (Morhead); il est fréquent à Pondichéry; il est rare en
Malaisie et dans rindo-Chine (Mahé).
Le trismus des noni^eau-néSy qu'il faut rapprocher du tétanos,
sans confondre ensemble ces deux maladies, présente une distri*
bution géographique à peu près superposable à la sienne, pas
complètement cependant. Ainsi, il est fréquent dans la Guyane et
dans TAmérique centrale, mais on l'observe surtout arec une re-
marquable intensité dans les îles du Nord : Hébrides, Saint-Kilda,
Islande ; sur Tilot de Westmannoc il enlève parfois 64 O/o des
enfants. En revanche, il est inconnu aux îles Feroê.
§ 20. POURRITURE d'hôpital. — PHAGÉDÉNISME
DES PAYS CHAUDS.
11 me semble logique de rapprocher de la pourriture d'hôpital
une bonne partie de ce qu'on décrit sous le nom àe phigédénisme
des pays chauds, le reste étant du domaine de la syphilis, ainsi
que nous le verrons plus loin.
U pourriture, bien connue des anciens, d'Ambroise Paré et des
^ieux chirurgiens, est heureusement à peu près inconnue, de-
puis que la propreté est devenue la première vertu du chirurgien ;
nous l'avons vue cependant encore, pendant la guerre, sur des
blessés abandonnés pendant deux à trois jours après le combat
dans des villages déserts. Elle a été observée à peu près partout.
Dans les pays chauds, elle semble, je le répète, compliquer les
ulcères sordides, où le pus subit tant de fermentations variées et
^lle amène le phagédénisme.
§ 21. EMPOISONNEMENT PUERPÉRAL.
Géographie. — Cette plaie de nos maternités a été connue,
sans doute, de tout temps, dans les agglomérations ; elle semble
donc, en quelque sorte, proportionnelle à la civilisation. Son maxi-
mum correspond en effet à l'Europe, surtout à l'Europe centrale et
septentrionale. C'est là que sont les grandes villes, Paris, Lyon,
Dublin, Londres, Copenhague, Prague, Berlin, Wurtzbourg:
voilà en effet les villes où la statistique dressée par Hirsch
donne le plus grand nombre d'épidémies ; on le voit cependant
aussi au Groenland, où les conditions sont tout opposées. On le
SS6 LA FAUNB BT LA PLOIE.
voit en Syrie, en Palestine, en Asie Mineure, en Perse» dans
riDde,en Australie, dans les deox Amériqoes. 11 est Traisemblable
qu'on le toit partout.
5iatare. — Pasteur a trouvé, dans les lochies et dans le sang
des femmes qui sont atteintes de ce qu'on appelait encore hier la
fifhre puerpéral€y un organisme qui se présente sous forme de
chapelets de grains sphériques. Ces organismes recueillis dans
les lochies ou dans le sang du doigt de la malade ont pu être
ensemencés et cultivés dans des bouillons divers et Doleriz a pu,
par la présence de ces microbes dans les lochies ou dans le sang,
prévoir les accidents, que rien ne faisait cliniquement pressentir et
qui allaient éclater chez des femmes nouvellement accouchées.
§ !22. RAGE.
lîatare. — Je voudrais pouvoir dessiner ici le microbe encore
invisible de cette redoutable maladie ; la chose n^est pas encore
iwssible ; mais il existe, nous pouvons le présager !
Le microbe en forme de 8 que Pasteur avait trouvé dans la
salive d'un cnfunt enragé et qui, inoculé à des cobayes, les avait
tués, s'est retrouvé dans la salive d'un homme bien portant. La
nouvelle maladie découverte par Pasteur n'est donc pas la rage ;
il est néanmoins curieux de se souvenir que Wright, injectant à
des animaux une grande quantité de salive, a produit des sym-
ptômes ressemblant à la rage. Mais ce n'est pas à dire que des
expériences ultérieures no seront pas plus heureuses: le docteur
Lussana vit un jour arriver à son hôpital un malheureux confrère
(|ui, trois mois avant, avait été mordu par un chien enragé, le
docteur Agostino Marin, médecin aux environs de Padoue; con-
naissant le sort inéluctable auquel il était rés«;rvé, il attendit avec
résignation l'apparition des premiers symptômes et c^est avec une
héroïque fermeté qu'il vint demander de mourir à l'hôpital, loin
des siens, « pour ne pas les attrister par le spectacle épouvantable
d'une mort par la rage ». Cinq grammes de sang extraits du
malade au moyen de sangsues furent délayés dans 20 grammes
d'eau distillée; 5 autres grammes de sang recueillis dans des
ventouses appliquées sur les morsures des sangsues servirent à
faire une solution semblable. Les deux solutions furent injectées
dans la veine fémorale de deux chiens, qui tous deux moururent
enragés.
HORVE. 187
De son côté, Pasteur, conduit par une observation judicieuse de
Duboué (de Pau) sur le siège du pouvoir virulent dans les cen-
tres nerveux, car la lésion du quatrième ventricule usi constante
dans la rage, porta directement, au moyen de la trépanation,
le bulbe d'un chien enragé dans le cerveau d'un chien, qui mou-
rut enragé.
Enfin Gallier (de Lyon) a pu injecter dans le santj de plusieurs
moutons la salive d'un chien enragé; cette injeefion, au lieu de
donner la rage, comme Teût fait une inoculation sous-cutanée, a
eu pour effet de rendre ces animaux réfractaires à la rage et in-
capables de devenir désormais enragés, à la suite d'une inocu-
lation rabique : le vaccin de la rage serait-il donc trouvé? La
science est peut- être sur la voie!
Géographie. — La rage est d'ailleurs commune à peu près
dans tous les pays; elle est cependant beaucoup plus rare ea
Orient, en Turquie, en Syrie, où cependant les chiens abondent
et ne sont Tobjet d'aucune ordonnance de police. Elle est extré-
inement fréquente dans Tlnde: 105 cas mortels d'hydrophobie,
chez l'homme, ont été constatés à Bombay pendant une seule
^née. On peut dire, néanmoins, qu'elle a son minimum de
fréquence dans les pays froids ainsi que dans les pays équato-
n^ux et son maximum dans les régions tempérées.
Dans tous ces pays, elle est transmise par le chien, le loup (les
inorsures du loupenragé donnent larageàThomme 66 O/o, celles
<*u chien enragé 33 O/o), le renard, le chat, le bœuf, le mouton,
1* chèvre, le porc, le cheval. On a pu la transmettre expérimen-
t^ement au lapin. Chez chacun de ces animaux la durée de Tin-
cubaiion varie; elle est chez le chien de 3, 6, 7, \0 semaines;
chez le cheval, de V6 jours à 2 mois ; chez le bœuf, de 9 jours à
^ an (?}, chez le mouton et la chèvre, de2 à 4 semaines ; chez le
porc, de 9 jours à plusieurs mois.
§ 23. MORVE.
■istoire. — L'antiquité ne nous a rien laissé qui permette
d'affirmer qu'elle connaissait la morve ; on ne trouve la première
indication de cette maladie qu'au iv« siècle chez un hippiâtre
grec, qui était vétérinaire des écuries de Constantin le Grand,
Absyrlhe. Végèce, qui vivait également à la fin du iv« siècle, nous
a laissé la description du malleus humidus, qui semble être la
fi88 LA FAUNE ET LA FLORE.
monre. 11 ne doute pas que le malleus humidus ne soit contagten^f
11 Tant arriver ensuite jusqu'au xvii* siècle, pour rencontrer ôfi
nouveau une description de la morte: en 4582, un écuverd^
Louis XIV, Solleysel, dans un manuel du Parfait Maresrhal^ noC
seulement nous parle de la morve et de son c cousin germain w
le farcin, mais 1 empirique artiste formule la théorie de la fer*
mentaiion appliquée aux maladies infectieuses et virulentes. 11
semble se faire de leur processus une idée très voisine de celle
que j'ai exposée plus haut d'après les travaux contemporains.
« Pour expliquer en deux mots, dit-il, ^ que c'est que ce virus,
« est aura venenata ; ce sont des esprits corrompus qui pénè-
« trent les parties du corps d'un cheval Cet esprit sert de
« levain, qui cause la corruption du sang, i»
Chez l'homme, la morve ne fut reconnue que beaucoup plus
tard : ce n'est qu'en i821 que Schilling, chirurgien militaire à
Berlin, la vit, la décrivit, mais sans la nommer. Kn 1822, Tarozzi,
sans reconnaître non plus cette maladie, assista, à Ostiano, à une
épidémie de morve, qui Ot périr 40 personnes sur 11 qui pas*
saient leurs veillées, comme on le faisait autrefois, dans une éta-
ble où étaient enfermés 3 vaches et 2 chevaux morveux. Malgré
ces faits et quelques autres qui suivirent, c'est à Rayer que re-
vient l'honneur d'avoir le premier reconnu et nommé la morve
chez le malheureux Prost (4837), charretier devenu célèbre. Le
docteur Ramon, de Charenton, se souvint alors d'avoir observé,
chez les palefreniers d'Alfort, des fièvres putrides ^ qui n'étaient
que de la morve.
Géoi^raphie. — La morve semble répandue dans le monde
entier. Elle n'a jamais cependant été observée en Nouvelle-Calé-
donie. Elle passe pour fréquente surtout en Irlande. Elle est
aussi très fréquente en Allemagne. En 1875, en Prusse, on a
dû abattre 4 715 chevaux morveux. Les indemnités payées par
les associations provinciales et communales se sont élevées à
297 557 marks. L'Etat est intervenu pour 31 862 marks.
Nature. Contagion. — Il n'en est pas de l'agent contagieux
de la morve comme de celui de la diphthérie : le pouvoir viru-
lent semble détruit par la dessiccation, d'après les expériences
de Renault, au kout de deux mois.— Galtier (de Lyon) a montré
le pouvoir inoculant de la salive de cheval morveux ; là se trouve
Texplication de la propagation de la morve par l'intermédiaire
des abreuvoirs communs. — Ce pouvoir contagieux de la salive a
PÉRIPNEUICONIE É?1DÉ1CIQUE. t89
même porté Galtier à demander à Tautorité compétente la sup-
pression de TabreuToir commun dans les quartiers de cavalerie.
Comme on le voit, c'est la campagne contre la gamelle entre-
prise par les vétérinaires de Tarmée, comme elle Ta été avec
succès par les médecins. L^injection hypodermique de la salive
transmet également la maladie.
Quant au microbe, qui jouerait le rôle actif dans la contagion,
Christot etRiener ont signalé dans le sang, en même temps qu'une
augmentation considérable de globules blancs, constatée également
par Trasbot sur le cheval, la présence d'un grand nombre de bacté-
ries. ^ Hallier a trouvé sur la muqueuse des sinus frontaux des mi-
(Tororrux, qu'il a retrouvés dans le sang; selon lui, ils altéreraient
les globules. 11 a cultivé les spores et obtenu un champignon spé-
cial, auquel il a donné le nom de malleomyces. Chose assez cu-
rieuse ! il a rapproché les formes aifisi obtenues de celles du
champignon de la syphilis et il n'a pu reconnaître de différence
entre ces dem variétés. Il est digne de remarque que la clinique
et Tanatomie pathologiques ont fait déjà plus d'un rapprochement
entre la maladie morvo-farcineuse et la syphilis. Bouchard, Capi-
tan et Charrin ont depuis isolé ce microbe. Tout cultivé et inoculé
à des ânes ainsi qu'à des cobayes.
§ Si. PÉRIP.NEUMONIE ÉPIDÉMIQUE.
Hintolre ei n^éographle. — Cette maladie générale^ à lo-
calisation sur le poumon, grave, contagieuse, inoculable et propre
aux bêles bovines^ semble avoir son point de départ en Asie : elle
apparut pour la première fois en Europe, venant de Russie, à
la fin du XVII* siècle ; elle sévit depuis lors, généralement avec vio-
lence, en Bohème, en Moravie, en Autriche. Ainsi en Prusse, en
4879, on a abattu 1738 tètes de bétail. Les associations provin-
ciales ont payé, comme indemnité, 357256 marks; l'Etat est in-
tervenu pour 2651 marks. — La maladie semble n'avoir pénétré
en Hollande qu'en 1833, mais elle y a fait depuis des ravages con-
sidérables ; elle a été portée en Irlande, en 1839 et 1841, par un
taureau allemand. En 1843, elle apparut en Ecosse. Elle causa à
la même époque des ravages considérables en Angleterre, dans
les fermes laitières qui avoisinent les grands centres, Londres,
Manchester, Birmingham, Liverpool. — En somme le Royaume-
Uni a perdu depuis 25 ans, environ 54 millions par «lu à^ \àV
GÉOOR. uiD, i%
S90 LA FAUNE ET LA FLORE.
de la péripneuinonie. Cette redoutable maladie a été portée efi
Australie, en 1858, par une vache anglaise de Tespèce courtes*
cornes. La Hollande l*a donnée à la Suède vers 1848.
Aux Etats-Unis, elle a été directement importée d'Europe,
Yers i8i3, par une vache allemande et communiquée à une
étable dans Brooklyn, à New-York. Depuis cette époqâe, elle a
sévi plus ou moins dans King's County (Long-Island). En 1847,
la maladie fit son apparition dans le Delaware, importée d'Angle-
terre par Thomas Richardson. Tout son stock, estimé iOOOO livres,
fut abattu pour prévenir Textension du mal. En 18oi, le Delaware
fut de nouveau envahi et, dans les trois années qui précèdent
i870, les ravages de la péri pneumonie ont été considérables dans
les districts de Colombie ainsi que dans les régions voisines du Ma-
ryland etde la Virginie. En \ 859, la maladie fut importée à Belmont
(Massachussets). Elle ravagea le Massachussets; la Pensylvanie,
l'Etat de New-York. Il est important de faire observer que, dans
tous les documents dont il vient d'être question, aucune men-
tion n*est faite de Texistence de la péripneumonie dans les États
situés à l'ouest des Alleghanys. On peut néanmoins dire, avec
Bouley, que c'est la maladie qui, par la continuité avec laquelle
elle règne, cause à Tagriculturc les dégâts les plus considé-
rables.
Concafflon, nature. — Cette maladie, contagieuse de rang en
rang ùansTétable, semble, dans certains cas, pouvoir se commu-
niquer à Phomme. AuziasTurenne cite un fait, où des boutons
étant apparus sur le pis d'une vache atteinte de |)éripneumoDie,
une femme qui la trayait en eut autant sur les mains. Les
boucs semblent prendre la maladie des bêtes bovines par conta-
gion de voisinage (Auzias-Turenne). Le docteur Wynter Bly^th a
pu réunir, en outre, certains faits qui laisseraient penser qu'en
dehors et à côté de la pneumonie franche à frigore, il existe chez
rhomme certaines pneumonies cpidémiques et contagieuses, qui»
d'après Parkes, auraient plus d'un rapport avec la pneumonie
contagieuse des bètes à cornes.
Cette maladie appartient, on le devine, à la classe nombreuse
des nialudicsquej'aicomparéesàune fermentation. Du reste Weîss
et Zurn ont trouvé dans les liquides du poumon des micrococcus
(mucoi' muredo) analogues à ceux que Hallier a trouvés dans la
rougeoie ; de leur côté, Bruylants et Yerriest (de Bruxelles] ont ren- .
contre dans le liquide de la plèvre des granulations très tenues,
FIÈVRE APHTHEUSB, COCOTE. 291
qu'ils regardent comme le Termcnt particulier de lapnemonie.
Ils ont pu cultiver ces organismes dans des solutions appropriées
jusqu'à la 6« génération et les essais d'inoculation avec ce microbe
de culture ont donné lien à des phénomènes locaux, analogues à
ceux qui se produisent à la suite de Finoculation du virus puisé
directement dans les organes malades. Le docteur Wiiicms^ à
rinstigation duquel ces recherches ont été faites^ rapporte même
que toutes les bêles, au nombre de plus de cent, qui ont été ino-
culées à Hasselt, avec du liquide <io culture^ ont présenté, pour la
plupart, des phénomènes moins graves que ceux qui se produisent
après Tinoculation du liquide naturel.
§ 25. nÈVRE APHTUEUSE, COCOTE.
tiéoi^raphle. — Cette fièvre éruptive, dont nous ignorons
rhistoire, s'étend aujourd'hui d'une manière épidémique dans un
grand nombre de pays. Elle semble sévir surtout sur le continent
européen, notamment en France, dans la Nièvre, en Allemagne,
en Hollande, en Angleterre, notamment dans le pays de Galles
et dans le comté de Durham ; elle semble inconnue encore co
Ecosse ; elle règne également aux Etats-Unis. Le docteur Hulin
a rendu compte d*une épidémie considérable en France; Eggeling
et El len berger en ont vu récemment une autre à Berlin.
Aptitude. — Elle atteint lebœuF, le mouton, le porc^ le cheval,
les oiseaux et l'homme. Chez tous elle se caractérise par de la fièvre
et par une éruption vésiculo>nplitheuse dans la bouche, entre
les doigts, à l'origine de la corne, uu pis chez la vache, à la
membrane interdigitale chez les oies, à la crèle chez les poules.
Elle n'est grave que chez les jeunes veaux et chez lesjennesenfants,
mais aux animaux adultes elle fait perdre poids, travail, lait;
elle cause donc ainsi des ravages financiers considérables qui,
répétés, finissent par équivaloir à ceux de la peste, lesquels,
au moins, sont intermittents. Ainsi Bouley fait le calcul suivant,
qui me semble absolument démonstratif: en Angleterre, en 1871,
la cùcote a frappé 691565 animaux, dont 2051 ont été abattus;
5853 sont morts; 683084 ont guéri. Elle a fait 7 001 morts, qui,
à 250 francs pièce, représentent une perte de 1 076000 francs.
Ce ii*est pas tout. Un animal guéri perd, en moyenne, 50 francs
de sa valeur; cela fait donc 31654200 francs à ajouter aux
4 976000 précédente. Total : 33 630 200 francs.
S99 LA FAUNE ET LA FLORE.
Les filles de ferme, les palefreniers, les enfants qui Uoitent le
lait de ranimai malade et les adultes, lorsqu*ils ne le font pas
bouillir, ont souvent présenté la maladie.
KaCarc. — Le microbe n*est pas encore connu, mais il est
permis de prévoir son existence.
t; 26. CUARBON BACTÉRIOIEN, FIÈVRE CUARBONNEUSE.
CàéocraphJe. — J'ai parlé déjà du charbon dans les généralités
sur les fermentations morbides. Je ne puis que renvoyer à ce cha-
pitre. Cette redoutable maladie, commune sur le bétail en France,
dans le pays chartrain, dans toute FEurope, notamment dans la
Uussie méridionale, dans l'Amérique du Sud, où se trouvent
d'immenses troupeaux de bœufs à moitié libres, était connue de
r.else. Elle est transmissible à l'homme.
IVaCare. — Elle est due à la présence, dans le sang, de la bac-
t /'«r//V de Da vaine, dont les spores conservent dans le sol le pou-
voir virulent à l'état latent et sont d'ailleurs ramenés à la surface
])ar les vers de terre (Pasteur), sur le rôle général desquels, .dans
la morpliolugic superficielle du globe, Darwin a récemment attiré
l'attention. On peut dans des cultures artificielles élever la bacté-
I idic et la semer ensuite dans le sang de lapin, dans celui du rat.
S 27. CUAHBON SYMPTOMATIQUE OU BACTÉRIEN.
r.elte autre forme de charbon |K)ssède vraisemblablement une
aire d'extension encore plus considérable que la précédente. Elle
est pi-esque aussi grave, car, dans le Bassigny, Thomas a vu, dans
une seule saison, périr de cette maladie 70 animaux sur 400.
IVatare. — Cette deuxième variété de charbon, reconnue par
(^liabert, fut appelée par lui charbon symptomntique, parce qu^elle
est caractérisée par un symptôme objectif : l'éruption de tumeurs,
que s'inspirantde la doctrine hippocratique, il considérait comme
des tumeurs critiques, c'est-à-dire comme Texpression d'un effort*
de la nature pour se débarrasser de l'humeur morbide dont l'or-
ganisme était accablé. Le caractère particulier de ces tumeurs
propres au charbon symptomatique est, dit Bouley, d*ètre très
rapidement grandissantes et de devenir emphysémateuses,
sans altération putride des tissus, qui en sont le siège, pbéno-
PIËVRË PEUPHIGÛIOË. 101
mine siagulier et qui élaJl raicément incx|j|iiiué, taat que l.t
ilk'orie des rermenlationsnaTsit pas i;té trouvée.
Le cliarlion sym|)toinatiqueest(lù, nonàritnmohilcfca'-fM'tfiV,
comme la fièvre churbonneiise, mais à la mobile ttirrrrû'.qui. elle,
est un vibrion. Il n'y adonc aucun rapport en tri? ksdeuxmaludteâ.
L'animal qui a acquis l'immunité contre le rluirbon symjil—
mnii'iHc, par une inoculation Intrd-veineusc, n'est pas pour cela
prOsvrté contre la nèvre charbonncusi! ; la UtHMilk a encui'it
pri«e sur lui et réciproquement ta 'ixrdWe du charbon symptoma-
tique aencore prise sur l'animal vaceinÉ contre la hiiHi-ridir,
^"pWgus; c'
— Gibier de Satigny a découvert le microbe du pem-
igus: c*est encore une ImcO-rii? conMilucc, h l'élat adulte, par
une série d'arlicles disposés en cliapelet, de 2 millièmes de mil-
limétré de large sur une longueur de* à 40 millièmes de millimè-
tre, composés de 2 à 20 articles arrondis, qui se confondent nu
niveaudu point en contact. A l'clai jeune clic est furinâe de granu-
lalkins arrondies, scmblatiles à celles qui uonsiitucnt les bAtonncls.
mais isolées ou groupées. On Irouvt! celle bactérie dans le lii|ui(li'
âci bulles Traielics de peniphigus ainsi que dans l'urine naiche
des malades. La culture de l'urine ou du Ijiiuidc des bulles )iern>ri
d'en obtenir la l'cproduction. La maladie inrcclieuse, que curau-
lérise celle bactérie, ne parait pas ce|>endant iooculatile.
M4e. — Celle maladie ciislc à l'êtst conlagieux cliei le
le ehirii, le mnuloii, dans la race bovine; chei l'hutniin:
S noté de peliles épidémies de pemphigus. Les hommes sur
JÔS on oie plus souvent observé le ]H!inphigus sont les charculiei s
«t les tripiers. Au point de vue de l'oriniue des parasite*, il \ a
là, comme le dit Gibier de Savigny, » une piste *.
^^ PARASITES UICROSCOPIQUES.
A vrai dire il n'y a pas, entre les ferments qui viennent de
nous occuper elles parasites dont nous allons parler, du dil&reockï
^^Oodameniale : le parasitisme est le même îles liim* c!»\.«i. ç;^^*.
^^Ueqaeition de roltime, eo réalilé. ou du mums \es \i\wvïVk\ft\\ft^
194 LA FAUNE ET LA FLORE.
aigus, surtout caractérises par la chaleur, que nous sommes habi-
tués à rattacher aux fermentations , manquent ou sont moins ac-
cusés. C'est sur cette nwmcc que repose une division, dont je re-
connais, comme à toutes nos divisions, le caractère artificiel.
Cette classe des maladies parasitaires se grossit d'ailleurs
chaque jour d'acquisitions nouvelles. Félicitons-nous de cette ten-
dance, car, ainsi que nous Talions voir, nous sommes aujourd'hui
en mesure, grdceà cette conception de parasitisme, de comprendre
plus d^une maladie regardée jusqu'ici comme étrange et en
quelque sorte paradoxale.
î5 i, BOUTON DE DISKRA.
La synonymie de cette maladie : boiUdU (TAlep, bnuton dr
Ba<jd(ul, iU^Mhiy dtsZihanSydc Bombay y de Guzerate,chanvrr du
Sofun-fiy utrvre d'Orient nous donne une idée de Taire géogra-
phique qu'elle occupe.
<>éoKrapliie. — Elle est connue sous des noms divers, car
dans chacun des points où on la rencontre, elle passe pour être
spéciale au pays; mais, en réalité, elle s'étend dans une zone assez
Mon déterminée, (lui comprend : une certaine partie de l'Afrique
septentrionale, Tile de Candie et une partie de TAsie occidentale.
En Afri(iue, on l'observe: au Maroc, au sud de la province
d'Alger, à Lagliouat, au sud de la province de Constantine, sur-
tout à Biskra, à /aalcha, à Tuggurtli, dans une partie du Sahara.
On Tobserve en Kgypte: au Caire, à Alexandrie, à Suez, où elle
porte le nom de hinilon du y il. On Tobserve : dans Tîle de Can-
die. Enfin en Asie, sous le nom de bouton d'Alep : à Alep, à
Damas, à Uiarbekir, à Mossoul. à Bagdad, dans toute la Mésopota-
mie, à Tu mis, à Ispahan, à Téhéran, où elle porte le nom de sa-
icck eu wdl d'un an ; enfin dans Tlndc anglaise, notamment à
Delhi, elle est connue sous le nom de bouton de Delhi. Dans toute
cette zone la maladie ne règne pas également partout; elle ne
peut être iudii|uée sur une carte que par des taches plus ou
moins étendues, en dehors desquelles on la chercherait en vain:
ainsi elle est connue depuis longtemps à Delhi, où elle «ifleetait
jadis les troupes indigènes, qui y tenaient garnison, mais les trou'
pes anglaises^ campées à 2 ou 3 milles de la ville, avaient toujours
échappe; en 1857, une révolte des Cipaycs avait arraché Delhi au
pouvoir des Anglais, les Européens avaient été massacres et le
BOUTON DE BISKRA. 295
Grand Mogol proclamé roi des Indes; en septembre l8o7, les An-
glais reprirent Delhi et les troupes anglaises roccupèrenl désor-
mais; depuis ce jour elles furent atteintes de la maladie, qui les
a^ait toujours épargnées à une petite distance de la ville.
Symptémes. — Cette maladie, qui, comme son nom Tindique,
est caractérisée par Tapparition de boutons sur certains points
du corps, débute par des prodromes, par un état général fébrile,
qui cependant peut manquer ou au moins passer inaperçu. Le doc-
leur Villemain a cité plusieurs enfants, chez lesquels l'apparition
des boutons avait été précédée d'une fièvre à caractère intermit-
tent ou rémittent. L'éruption commence alors par une sensation
de prurit intolérable sur le point ou sur les points où elle appa-
raîtra ; une nodosité se forme dans l'épaisseur de la peau ; elle
est arrondie, du volume d'un pois, rouge, violacée, peu dou-
loureuse. Cette nodosité met quelquefois plusieurs semaines et
roème deux, trois mois à doubler ou tripler de volume; pendant ce
temps, à son niveau, l'épiderme se fendille et dcsquamme, puis
sur la surface, apparaissent en nombre variable de petites vési-
<^ules, qui laissent échapper une sérosité transparente assez abon-
dante. Si, à ce moment, on introduit un stylet par l'orifice de
chacune de ces vésicules, on sent qu'on pénètre dans une toute
petite cavité. La sécrétion finit d'ailleurs par donner naissance à
une croûte dite ostracéc, sous laquelle les petites cavités se réu-
uisscnl et. forment une ulcération. Cette ulcération finit par
mesurer de 2 à 5 centimètres de diamèlre. Son fond est inégal,
ntamelonné, grisâtre par endroits; ses bords sont saillants, iné-
gaux, durs, bosselés. Une zone érysipélateuse s'étend tout autour
et dans certains cas même l'inflammation se propage Jusqu'aux
vaisseaux ou aux ganglions lymphatiques voisins. Enfin au bout
d'un certain temps, qui varie entre cinq, sept, huit, dix mois, les
^fds s'affaissent, le fond s'élève, la rougeur s'éteint, la cicatri-
^l>on se fait, mais il reste une cicatrice indélébile, au niveau de
•^quelle la peau est décolorée, déprimée, fine et gaufrée. Le
"ûmbrc des boutons est souvent unique; on dit alors que le
''Onton est mdie. On nomme boutons femelles ceux qui sont
*^ïulliples; on peut en voir quinze, vingt chez le même individu,
^n en a vu trente, trente-six et môme soixantedix-scpt.
Le siège de ces boutons varie; sur 183 boutons, qui ont
^^^ examinés par le docteur Weber, il y en avait 87 sur
*^s membres inférieurs, 73 sur les membres supètveut%, V"l ^
Sf6 U FAUN& ET LA FLORE.
la face, 6 sur le tronc. Eo générai c'est au Toisinage des articu-
lations qu'ils apparaissent.
Aptitade. — Le bouton semble atteindre toutes les races.
La race blancbe semble cependant y être plus sujette que la noire,
car, sur 400 nègres examinés en 1861 par Castaing, il ne s*eD
trouvait que 2 atteints, tandis que sur un relevé, fait par le doc-
teur Hamel, de 2275 blancs ayant tenu garnison à Biskra pendant
lesannées 1844, 18io, 1847, 1851, on trouve 232 malades, soit
10 0,0 de Teffectif ; mais cette proportion prise sur des troupes
de passage noires ou blanches n^est pas exacte pour deux motifs :
d*abord parce qu'un certain nombre de soldats notés à Biskra
comme exempts du bouton sont pris de la maladie plus tard^
après leur retour en France ou dans le nord de TAlgérie ; c^est
ainsi que le docteur Raymondaud en a observé plusieurs cas à
Limoges; en second lieu, le temps de séjour des troupes n'est
pas tdujours suflisant ; enfin parmi les indigènes, la nuyonté a
eu le bouton pendant les sept ou huit premières années de la vie,
ce qui )a met souvent à Tabri d'une seconde atteinte.
L'opinion des gens du pays esteneiïet que la maladie confère
rimmuiiitc pour elle-même à ceux qu'elle a déjà frappés; néan-.
moins les récidives, bien qu'exceptionnelles, ne sont pas rares.
Bien du reste n'est variable comme la durée de séjour néces*
saire : dans certains cas quelques jours de résidence suffisent et
d'un autre coté on a vu des soldats pris de bouton plusieurs mois
après leur retour en France.
Relativement à Page, on u observé le bouton de Biskra chei les
enfants à la mamelle.
Relativement à l'influence du milieu social, on Tobserve dans
la garnison de Biskra aussi souvent sur les officiers que sur les
soldats.
La maladie atteint d'ailleurs les animaux comme Thomme,
moins souvent toutefois. Elle a été vue chez le cheval, le chat,
le chien, chez qui elle siège presque toujours sur la partie nue
du museau ; elle a été vue chez certains oiseaux carnivores.
TenCatlves d'Inoeuiaiion. — Un certain nombre de méde-
cins croient la maladie inoculable; à Alep, comme à Biskra, un
grand nombre d'inoculations sont restées négatives. Le D^ Weber
aurait cependant réussi, dans deux cas, à produire des boutons
de même aspect que le bouton inoculant, en déposant sous
l'épiderme, avec sa lancette, la croûte réduite en poussière et
BOUTON DE BISKRA. t97
délayée dans Feau. On conclut donc que le clou de Biskra est
inoculable et que le principe actif réside dans la croûte ; mais ces
expériences ne me semblent pas encore concluantes : avec une
pustule d'ectbyma simple, on peut en effet reproduire de Tecthyma,
mais en prenant le liquide de cette première inoculation positive,
peut-on faire une seconde inoculation positive et spécifique? Voilà
ce qu'on n'a pas fait encore. Au surplus, la maladie ne semble pas
contagieuse dans les hôpitaux où les hommes atteints du bouton
se trouvent mélangés aux autres malades.
ProBosiie. — Le pronostic de la maladie n*est pas grave, en
ce sens qu*elle n'est jamais mortelle, sauf complication ; mais sa
longue durée, les souffrances qu'elle provoque^ surtout pendant
la nuit, enfin, si les boulons sont nombreux, l'abondance de la
suppuration en font, en somme, une maladie redoutable.
Etloloi^ie. — Quelle est la cause de cette étrange maladie ?
Pv suite d'une tendance naturelle, !a même qui, dans lesépi-
<lénQies, a, de tout temps, fait accuser les fontaines, on a accusé
Teau des localités où la maladie est endémique ; on a pensé que
l'eau de Biskra était chargée de sel, que ce sel s'éliminait par la
peau et donnait naissance, pendant son passage à travers celte
membrane, à des phénomènes d'irritalion. Une analyse de Teau
^ Biskra faite à une certaine époque montrait en effet 2s,30
de résidu salin par litre, ce qui était énorme; mais aujourd'hui, à
Biskra, il existe des citernes, dont Teau ne donne plus que 09,75 de
fésidu salin par litre et le bouton se produit avec la même fré-
quence que par le passé. Au surplus, dans beaucoup d'autres en-
droits, à Delhi, à Alep et ailleurs encore Peau ne présente rien de
particulier.
Il est permis de remarquer que la maladie qui nous occupe est
toujours observée dans la zone «où Ton cultive le palmier dat-
^^^r* Les Zibans, pluriel de Zcb (oasis), ne sont qu'une accunm-
lation de bois ou de forêts de dattiers, au milieu desquels se trou-
vent les agglomérations de maisons. On a donc de bonne heure
rapproché, au point de vue étiologique, les dattes et la ma-
Mie ; cela était d'autant plus permis, qu à Alep, aussi bien
^ue dans les Zibans, elle porte un nom qui signifie maladie
^ datles et que Fépoque de son maximum de fréquence
^rrespond à celle de la maturation de ces fruits. Malheureu-
^tQent pour cette explication, beaucoup d'Européens qui ont le
^utoD, iqangent peu de dattes; enfin les cUe\au\, \e%eYi\^tv&^
JM LA PAUSE ET U FLORE.
n'en mangent jamais. l^cJii^eJu boiitmi <Jc tli&bra i-(ttit ilo»
Tort obscure, lorsque priccnt nuissaocc un cerl^iin noiutiredt re-
cherches moilern es.
AMstonle paibolaci^ae. — Lorsqu'oo a Tuccnsion de t>n-
liquer une coupe du boulon de Biskra, voici ce qu'on toii;
le corps niuqueux de Malpighi esl hyperptasitf par prolirirrationo
mulliplicalioti de ses cellules; les vaisseaux lymphatiques nK
gorgés de suc, remplis de liquide lymphatique; enlK les cel-
lules prolirL-rêes de la couche de Halpighi se troutent da
esfnces clairs, arrondis ou ovoïdes, séparés par des doison* cri-
luïaires et plus ou moins remplis de globules blancs. Cesl donc
une rln-mife, avec production considérable de liquide Ijmfbt-
tique et probablement hjpcrpinsic des vaisseaut l;nip>is(iquei.
Mais celle dermite est s|iccirii)ne. !.e docteur Carier fde BomlM}).
en IST5, a en etîet trouve dans ce tissu, autour de gludcs
sudoi'iparcs daus les vaisseaux lymphatiques cl dans les espaces
pleins de globules blancs, Aea xjiires rryiitoy u mi'itirx \ttfUM ta-
lurcescn brun; ces Faits ont étii vérifiés par ledocluur H'eber, qd
a trouvé le mime dcrmopbjtc sous la formu de filamcDls ntre-
lacOselémetlant des spores.
Nnlarc. — La tumeur du boulon de Biskra est donc, {Mlbâ-
bicmcni une prodmtioa pathologique de tisxu animal nce, jat
irritatiou, autour d'un parasite vê(;étal, dé|H>sii dans le tlvu. Or
tout te monde connull un exemple inverse: ce sont les gttles det
végétaux, rosier, cbéne. Là, c'est une lutocur. productioopalbo-
logiqucde tissu vi'gétal née, par irritation, autour d'uii|liaAc
animal (la larve de c;nipsj déposé dans le tissu végétal.
D'où vient ici rc parasite végélaiî II pourrait, en titilSé.
venir de l'eau, mais il semble prouvé que l'usatje de l'eitt
bouillie et miïme bi privation conipléle de ce liquide ne pnaaitttL
pas. Weber admetcounue probabteque ce parasite vitsur
ou pcut-éire n lu surrace du sol. On pourrait alors» dei
si le parasite vé^lal luuibe directement sur la peiiu, pênttndll
son tissu pour donner naissance ensuite au bouton ; un Uen 1
lolrvduit dans l'économie, suit par la voie aérienne, soil pu:
voie digestivc, ilnechcmincp3s,dans unbul J*éliminalioii.lelai
des Ijimphatiqucs jusqu'à la surface cutanée. Ce qui portenBl
admettre cette dernière hypothèse, c'est le développe ment II
l>outon longtemps après qu'on a quitté le pajs où il règne, eum>
^'il V avait besoin d'une sorte d'évolution préalable du partsilt
VERUGA OU BOUTON DBS ANDES. 299
tfabord absorbé ; ce sont en outre ces phénomènes généraux, qui
précèdent l'éruption et qui l'ont fait prendre pour une sorte de
fàre iruptive. L'apparition des boutons correspondrait donc à
une étape ultime dans l'évolution du parasite, étape qui aurait
pour conséquence sa mise en dehors, sous une forme durable ou
non, et la guérison, après une période en rapport avec l'évolu-
tion du parasite. Le bouton de Biskra serait, en somme, produit
P^r l'élimination d'un parasite par la peau et la maladie, considérée
dans son ensemble, serait plus comparable qu'on avait cru à une
l»è\rc éruptive ; au lieu d'un ferment petit, mais répandu par
tnvriadcs, capable de produire dans le sang des phénomènes de
transformation chimique, il s'agirait ici de parasites plus gros,
nwins nombreux, incapables d'agir comme ferments chimiques,
nwis bien comme irritants physiques, comme agents caustiques,
virulents, ou simplement mécaniques.
Il n'est pas jusqu'au triritement qui ne milite en faveur de celte
lïV|)othescî Eu ellel, le meilleur traitement, le seul qui abrège
la durée du bouton, c'est de promener, dans son centre, un crayon
^^ nitrate d'argent, qui semble tuer le parasite.
(^n somme le bouton de Bii^kra semble être produit par un pa-
rasite végétal pris sur les dattes ou dans le sol, absorbé par les
inlciiins ou parles poumons, charrié par les lymphatiques et enfin
'iliniiné par la peau. Cet exemple serait-il unique? Cette interpré-
tation, que je propose, ne s'appliquerait-ellc pasà une maladie plus
étrange encore que le bouton de Biskra, la véruga ? J'ai lieu de
'« penser.
S 2. VÉRUGA ou BOUTON DES ANDES.
^^grapblo et hlKtoire. — La véruga est peut-être la ma-
ladie lu plus limitée, dans son domaine, que nous connaissions ;
^" aire géographique forme un quadrilatère limité du N. au S.
ParltîOMat. S. elle 11» lat. S. et de l'ouest à l'est par le 75*» et
le Si» long, ouest, dans une partie très limitée des Andes. Elle
^ règne que sur le versant occidental, dans les vallées qui, in-
clinées de E.-N.-E.àO.-S.-O., descendent delà Sierra et ont, elles-
^^m%, leur fond à une altitude de i 700 à 2000 mètres. Ces val-
lées sont des sortes d'entonnoirs, dont l'ouverture supérieure
*°^ure de 800 à iiOO mètres, dont la largeur, au fond, est de
^OOà 400 mètres, dont la paroi verticale mesure de tiOO ^ %0^ tsùi-
tOO LA FAUNE ET LA FLORE.
ires de haut. Tandis que le fond de ces vallées est couvert d'une
végétation plantureuse, les parois sont abruptes, dénudées et
dépourvues de toute végétation ; elles donnent issue à des eaui
transparentes. Les vallées les plus célèbres pour la véruga sont
celles de San Bartholomeo, d'Aqua da Yerugas, Coesta Blanca,
Surco» SanMatteo. Dans ces vallées, Pendémie est tellement limi-
tée, que la vallée de San Ulaya, qui est renommée pour la fré-
quence de la véruga, cesse d'en présenter un seul cas, là où,
faisant un coude, elle débouche brusquement dans la vallée du
Rimac.
Il y a longtemps que cette région des Andes est connue pour
donner naissance à cette maladie spéciale, car on en retrouve la
description dans l'historien Zaraste qui, en 1548, écrivait Fbis-
toire de la conquête du Pérou. Il parle c d'une maladie caracté-
a risée par une sorte de verrue (véruga) ou de petit furoncle
« malin et dangereux, qui apparaît à ki figure et dans d^autres
« parties du corps, qui est plus terrible que la petite vérole et
a presi^ue autant que la peste ».
Symptômes. — Voici cn quoi consiste cette maladie elle débute,
plus souvent encore que le bouton de Biskra, par de la fièvre in-
termittente ou rémittente, du mal de tète, du malaise; survient en
même temps de lu dysphagie, symptôme caractéristique, sur
lequel beaucoup d'auteurs insistent particulièrement; puis appa-
raissent dos douleurs dans les membres, dans les os, douleurs
nocturnes^ qui siègent surtout au niveau des articulations; il
semble au malade qu'on les fasse éclater avec un coin. Cette pé-
riode dure de un à trois mois ; leruption se fait alors, petit à
petit, progressivement et, à mesure qu'elle se produit, il semble
qu'il se fasse une détente dans Torganismc.
La durée moyenne de cette seconde période est de trois mois.
Les points où va se faire féruption sont (comme dans le bouton
de Biskra) le siège de prurit, de démangeaisons, eulin Téruptioa
apparaît. La verrue se présente d'abord sous la forme d'une petite
bosse sessile, sans pédoncule, formant sous la peau une nodosité
rouge, peu douloureuse ; dans un degré Iplus avancé, auquel elle
ne parvient pas toujours, la saillie de la tumeur augmente et elle
tend à se pédiculer, elle se pédicule même tout à fait. La gros-
seur de la tumeur varie : elle passe progressivement du volume
d'un grain de millet [miliar) à celui d'une lentille, d'une fram-
boise, d'un œuf de pigeon, d'un œuf de poule. A mesure qu*elle
VÉRUOA OU BOUTON DES ANDES. tOt
grossit, la peau se tend, parcourue par les iraisseaux de plus en
plus foncés, qui rampent à sa surface, elle se colore en rouge.
Elle prend une sorte de fluctuation et ressemble à une petite
tumeur érectile. En même temps Tépiderme qui la recouvre
défient corné, stratifié en couches épaisses; c'est alors qu'elle
prend la forme d'une verrue.
Mais arrivée à ce degré, la tumeur présente, au moindre attou-
chement, un phénomène considérable, Thémorrhagic. L'écoule-
ment de sang qui se produit parfois pendant la nuit dans le lit du
malade, peut devenir considérable*et atteindre UOO grammes. La
plupart des auteurs et surtout le docteur Dounon <5nt insisté sur
cefait,que le défaut de pression des altitudes diminuant la résis-
tance atmosphérique et facilitant l'hémorrhagie, cet écoulement
qui est le principal danger de la maladie, a lieu d'autant plus faci-
lement que le malade est plus haut en altitude. Le véruga devient
alors d'autant plus grave, que le malade reste davantage sur les
hauteurs; aussi la descente vers la Costa est-elle le premier pré-
<^pte que doive suivre tout homme qui en est atteint.
Constatons déjà cette différence importante entre le bouton de
Biskra et la véruga : que, tandis que le bouton de Biskra donne
on écoulement de lymphe, la véruga donne un écoulement san-
^in. Il se forme ici une croûte sanguine, qui, au lieu d^ôtre jaune
^erdàtre, ostracée, comme dans le bouton de Biskra, est noire,
fouge foncé, sanguine. Derrière elle se fait, comme dans le bouton
de Biskra, une ulcération, qui, au lieu d'être remplie de globules
purulents, est remplie d'un caillot de globules sanguins. On
voit souvent autour de ces tumeurs non plus la menace érysi-
pélateuse, non plus Tangioleucite, inflammation des vaisseaux
lymphatiques,' mais la phlébite, inflammation des veines, avec
caillot obturateur et souvent œdème. Parfois (mais rarement) la
suppuration s'empare de la tumeur et la détruit; le plus souvent,
si, mincement pédiculéc, elle n'est pas tombée ou n'a pas été en-
levée, elle s'affaisse au boutde deux ou trois mois et disparait par
résolution. Elle laisse à sa place une cicatrice (comme le bouton
de Biskra) et cette cicatrice estd*autant plus petite, que la tumeur
était mieux pédiculée. Le nombre des verrues qui apparaissent est
variable (encore comme le bouton de Biskra) : 3, 4, parfois un
très grand nombre; elles se manifestent sur la face, sur les mem-
bres, surtout à leur partie externe, ce qui appelle encore le bouton
de Biskra. Mais ce qui sépare la véruga du bouton de Biskra^ c'e&t
802 LA FAUNE ET LA FLORE.
qu'elle se manifeste aussi sur les muqueuses, dans la gorge,
dans le larynx, déterminant ainsi l'asphyxie par œdème de la
glotte, dans Testomac, déterminant des hématémcses, dans Tin-
testin, donnant lieu à du mclœna, dans l'utérus, donnant lieu à
des hémorrhagics utérines^ dans les os, donnant lieu à un redou-
blement de douleurs ostéocopes. Tschudy prétend avoir retiré d'un
ancien tombeau péruvien le squelette et la momie d'un Inca qui
serait mort de vtrugaC!), Il fonde son dire sur ce que les extré-
mités articulaires étaient gonflées ; la substance du diploé hyper-
trophiée et que plusieurs points du squelette présentaient des
exostoses spongieuses. Cela pouvait bien être aussi un Inca
syphilitique.
Apcitade. — Comme le bouton de Biskra, la véruga semble
atteindre toutes les races et même la race blanche semble plus
sujette à cette maladie que la race américaine et que la race
noire. A Tépoque de la construction récente du chemin de fer
transandien (1872-1874), qui fait communiquer le versant occi-
dental et le versant oriental des Andes, par un tunnel placé à
2 ^00 mètres d'altitude, un grand nombre d'ouvriers européens
se trouvèrent réunis dans la vallée de laOroya; il y eut une vé-
ritable épidémie de véruga. Sur 40 marins anglais déserteurs 30
succombèrent. Tous les ingénieurs du chemin de fer ont eu la
véruga et, sur 10, 5 sont morts.
Il suffit, dans certains cas, de quelques jours de résidence pour
prendre la véruga (encore comme pour le bouton de Biskra) et
elle se développe fatalement au bout de quelques semaines de sé-
jour. Les chiens, les chats, les mulets, les gallinacés môme sont
sujets à prendre la maladie ; ils présentent les verrues, les tumeurs
caractéristiques et leurs cris montrent qu'ils ressentent, comme
l'homme, des douleurs dans les articulations et dans les os.
Il ne semble pas que la maladie soit contagieuse : à Lima, les
malades atteints de véruga sont couchés à côté des autres, les
médecins manipulent leurs verrues et aucun cas de contagion n'a
été noté.
PronoKtIe. — Le pronostic de la maladie est beaucoup plus
grave que celui du bouton de Biskra; il varie, du reste, suivant
qu'elle est simple ou compliquée, suivant que l'éruption est in-
terne ou externe, selon qu'elle se fait facilement ou difficilement,
enfin suivant la race et suivant faltitude ; ainsi elle est moins
grave chez les noirs que chez les blancs. Chez les blancs, lorsque
f
VERUOA OU BOUTON DES ANDES. SOS
Tcruption se fait bien, la mortalité est de i2 à 16 0/0. Si Térup-
tionse fait surtout sur les muqueuses, elle est de 94 0/0. Dans
la Casta, la guérison est la règle ; à Fhôpital de Lima, la mor-
talité est de 5 malades sur 50, tandis qu'à 3000 et 3 500 mètres
c^est la mort qui est la règle, précisément à cause des hémor-
I bagics.
ECIoloi^ie . — Ici encore on a accusé Peau de produire de
la maladie; on a même donné à celle qui découle des flancs
dénudés des montagnes qui encaissent les vallées, le nom (Vaqua
dfi veiiigas, Tschudy, qui a contribue à répandre cette idée popu-
laire, cite même deux bataillons, dont Tun, qui avait bu à une
source ^'aqua da verugas, eut la vcruga, tandis que l'autre, qui
n'avait pas bu de cette eau, n'eut pas la véruga. Mais le docteur
Dounon cite nombre de gens, à commencer par lui-même, qui ont
bu uniquement Vaqua da vcnigas et qui n'ont jamais eu la ma*
ladie. Les Indiens, qui se gardent bien de Voqna da verugas,
ont presque ,tous la véruga. Enfin le docteur Dounon cite un
moine, qui passa trente jours à Matucana ; bien qu'il ait fait venir
de Lima aliments et boissons, il partit bel et bien atteint de
Téruga! J'ajoute que Teau de véruga souvent analysée est claire,
limpide, transparente, exempte de matière organique, puisqu'elle
sort de roches sans végétation, et qu'elle ne présente aucun
principe chimique particulier.
Après Feau le grand accuse c'est toujours le sol ; comme la
fièvre palustre n'est pas rare dans quelques-unes de ces vallées,
on a regardé la véruga comme une manifestation palustre. L^qui-
page de l* Atlante, allant visiter le chemin do fer de l'Oroya, eut
même la prudence de prendre, avant de partir, une dose de sul-
fate de quinine!
• On a été jusqu'à accuser d'innocents batraciens, qui vivent
dans les nappes d'eau !
AAatomIe patlioloi^lqne. — Lorsqu'on pratique une coupe
dans une véruga, on voit, sous une couche épidermique cornée,
épaisse, le corps muqueux deMalpighi hypeiplasié; ce ne sont que
grosses cellules embryonnaires, séparées par de nombreux vais-
seaux. La lésion fondamentale est la même que dans le bouton
deBiskra; l'irritation conjonctive est la même; seulement, au lieu
des lacunes pleines de lymphe, au lieu des vaisseaux lympha-
tiques gorgés, on voit une abondance de vaisseaux sanguins
dilatés et de nouvelle formation ; au lieu d'un écoulement séreux
104 U FAUNE ET LA FLOBE.
OU séro-purulent, avec croûte jaune, on a un écoulement sanguin
atec croûte noire. Cest donc encore une dcrmite, avec hyperplasie
non plus des vaisseaux lymphatiques, mais des vaisseaux san-
guins. Ce processus anatomique est néanmoins sensiblement
voisin du premier et je donnerais volontiers à la maladie le nom
de bouton des Andes, pour impliquer ses rapports avec le bouton
de Biskra, d'Alep, de Bagdad,
Nature. — Mais cette dcrmite est-elle spécifique? A-t-on jus-
qu'ici trouvé, comme Ta fait le docteur Carter pour le bouton de
Biskra, le dermophyte du bouton des Andes? Personne encore ;
cependant, voici ce qu*écrit le docteur Dounon : a 11 sort, en même
f temps que du sang, des fragments mous, transparents, gélati-
« neux, irréguliers, qui ne sont autre chose que des débris du
« stroma de la tumeur. Placés sur une feuille de papier, ils se
f liquéfient et ne laissent qu'une tache d'un gris-clair après leur
« dessiccation. » Connaissons-nous un seul élément anatomique,
ainsi amorphe, transparent, gélatineux, déliquescent? Ne serait-
ce pas là la production végétale chercjiée et digne de faire pen-
dant au dermophyte du bouton de Biskra? C'est là une hypo-
thèse, je le sais, mais elle me semble digne d'être vérifiée par les
médecins, qui ont Toccasion de voir la véruga sur les lieux.
L'analogie avec le bouton de Biskra la rend légitime.
D'où viendrait ce végétal ? H ne viendrait sans doute pas de
l'eau, puisqu'il est démontré qu^on peut se préserver de Vaqua
(la verugas^ sans se préserver de la véruga ! Je crois qu'on pour-
rait le chercher sur ces ro:hes nues, que tous les observateurs
ont remarquées dans les vallées de véruga et d'où sortent des
eaux transparentes, si longtemps incriminées.
La présence, sur leurs parois nues, d'une algue aérienne dont les
spores seraient dans l'air et qu'on cesserait de rencontrer .sitôt que,
la vallée changeant de direction, la végétation vient la chasser,
n'a rien d'invraisemblable : il existe, en effet, sur le Broken,
dans le Harz, une algue aérienne microscopique, le Chrodepus
<ijlithus, qui donne à la roche une couleur rosée et une forte
odeur de violette, due à l'huile renfermée dans ses cellules. EUe
vit sur les roches, sans matière organique et ses zoospores, garnis
de cils vibratiles, sont chassés par le vent. Il se pourrait que
quelque végétal du même genre existât dans les Andes. On com-
prendrait alors son absorption par l'organisme, les phénomènes gé-
néraux et l'éruption qu'elle détermine; éruption analogue à
FURONCULOSE. t05
celle du bouton de Biskra^ dont le parasitisme est déjà démontré.
Le docteur Dounon aurait donc eu raison de dire: « L'économie
« semble infestée d*un principe qui s'élimine naturellement parla
ff peau.» Cette élimination semble d'autant plus essentielle à l'éco-
nomie, que, de tous les moyens médicaux, ce sont ceux qui pous-
sent à la peau, qui favorisent Téruption, qui réussissent le mieux.
Analogie du bouton de BIskra et du bonton des Andes.
— De tout ceci il résulle que le bouton de Biskra et la maladie que
je propose de nommer bouton des Andes sont sans doute deux ma-
ladies similaires; toutes deux semblent dues à un parasite végétal,
qui, absorbé par les muqueuses, cheminerait dans Péconomic et
serait éliminé, après évolution, par la surface cutanée. Tandis que
Tun a été trouvé déjà dans les lymphatiques, l'autre serait à cher-
cher dans les vaisseaux sanguins.
J'ajouterai enfin que de ce processus dcrmophylique, peut-
être il faudrait rapprochei deux maladies peu coimues des Andes:
rti(a, caractérisé par un ulcère; la carucha, constituée par de
larges pustules, qui viennent sur les bras, sur la poitrine et lais-
sent une cicatrice indélébile.
§ 3. FUKONCULOSE.
Xntare. — C'est vraisemblablement à ci's boulons, qu*on dési-
gne aussi sous le nom de flous (de Biskra), qu'il convient de ratta-
cher ces furoncles successifs, épidémiqucs et contagieux (Tras-
tour), dont les travaux récents de Pasteur et de Lœwenberg ont
montre la nature parasitaire. Il y a longtemps que Ton connaît cer-
tains faits, dont le caractère n'avait pas jusqu'ici pu être compris.
Ainsi, en 1834 35, Martin observa à Mauléon une épidémie de clous
sur le 57* de ligne. En 1855, une véritable épidémie de clous,
décrite par Hunt, parcourut en dix ans successivement les deux
Amériques. Rien n'est fréquent comme de voir certaines person-
nes avoir des séries de elous et le bon sens populaire a, depuis
longtemps, attribué ces séries à Vdcret*^ du sang. Remplaçons le
mot âcrelé par le mot levain, comme le vétérinaire des chevaux de
Louis XIV le fit pour la morve, ou par le moimierobe parasitaire^
et nous serons bien près d'être d'accord avec le bon sens populaire.
Hoeter attribuait déjà le furoncle à un schizomycète. Pasteur a dé-
couvert en effet, dans le pus des furoncles de plusieurs individus
atteints de ce qu'on nommait la dia thèse furomuleu^e^ MXi^x^-
oéooR. utu. %^
•te U FAUNE ET LA FLORE.
nisme foriDc de petits points sphériques, réunis par couples de
deux grains, rarement de quatre, mais fréquemment associés ea
petits amas. Cet organisme 'ensemencé dans du bouiilon de poule
ou dans du bouillon de levure a proliféré. Lœvenberg a trouvé le
même organisme dans plusieurs furoncles auriculaires.
Etlolofle. — Ces parasites peuvent facilement venir du dehors,
soit de Teau, soit de Tair.
Les vétérinaires connaissent depuis longtemps certains anthrau:,
qu'ils attribuent d Tusage de Peau dans certaines vallées encadrées
de tous côtés. On ne saurait méconnaître là un certain rapport avec
le elou de Bhkrn et surtout avec le Hou ou bouton des Andes.
§ i. PIED DE MADt'RA.
Géo^raplile. — Celte maladie n'a jamais été observée que dans
rinde ; elle semble régner, par places au moins, dansVlnde entière,
depuis le cap Comorin jusqu'au Penjab ; elle règne notamment
dans la présidence de Madras, à Pondichéry, à Madura (de là le
nom de la maladie). Elle règne aussi dans le centre, notamment
à Bellary. On l'a vue dans la présidence de Bombay, à Cochin (pied
deCorhin). Enfm on la trouve dans le nord de l'Inde, à Bikanir,
sur la frontière du Penjab, dans tes déserts du nord-ouest, sur la
frontière du Cachemire, dans le Radjpoutana. Ou ne Ta pas encore
signalée dans. le Bengale. Elle est limitée, comme on le voit, dans
la zone torride de Tlnde entre les deux lignes isothermes de+2.'><>.
Elle n'atteint que les Hindous, le plus souvent ceux des castes
inférieures ; on ne l'observe jamais chez les Européens; on ne l'a
Vue qu'une fois chez un musulman.
Synptéaies. — Elle siège toujours au pied ; à l'un des deux,
rarement aux;deux. Dans quelques castrés rares, on Ta vue atta-
quer latmaiu. Voici en quoi consiste la maladie : elle commence
par une ou plusieurs petites tumeurs, par des nodosités qui siè-
gent sous la peau du pied, à la plante, sur le dos, entre les doigts.
D'abord mobiles, peu douloureuses elles grossissent, devien-
nent fixes, douloureuses, finissent par se réunir entre elles et
par^ifaire du pied tout entier une masse volumineuse, bosselée,
déformée ; le pied grossit toujours et, au bout de 5, 6, 7 années,
il acquiert un volume triple de son volume normal, de là le nom
de ptriknl (gros pied), d'amiikal (pied d'éléphant) que porte ea
PIED DE MADURA. S07
tamoul cette étrange déformation. La peau est rugueuse, dure,
mamelonnée, comme couverte de petits œufs d'oiseau ; aussi, dans
certaines parties de Tlnde, la maladie porte-t-cUe le nom de goul-
'imt-mnhdi (réunion d'œufs); chacun de ces petits œufs s'ouvre à
son centre et un stylet introduit pénètre dans un pertuis, par lequel
il s'enfonce sans résistance jusqu*au milieu des os mêmes, qui sont
friables, fongueux, ramollis. Un pus fétide s*écoule de cette sorte
d'épongé en laquelle s'est en réalité transformé le pied tout entier.
Avec un pareil appendice, à la fois volumineux et douloureux, la
marche devient à peu près impossible; cependant, même à cette
période, la santé générale ne semble pas atteinte et, si Ton pratique
à temps Tamputation , qui est le seul remède, la guérison a lieu ;
mais, si Ton attend trop longtemps, la suppuration fmit par épuiser
Torganisme et le malade succombe dans le dernier degré de ma-
rasme.
Aaatomle patlioloclqne. — Lorsqu'on vient à examiner le
pas, qui s'écoule de tous ces orifice?, on y rencontre de nombreux
corpuscules, de forme irrégulière, noirs ou gris ; lorsque, après
Famputation^ on examine le pied, on constate que le couteau en
pratique la section facilement, sans aucune résistance, comme il
ferait d'un fruit mûr; la coupe offre à l'œil l'aspect d^un tissu
homogène, au milieu duquel les masses granuleuses, qu'on avait
vues dans la suppuration , sont groupées en conglomérats plus
ou moins gros, depuis le volume d'une épingle jusqu'à celui d'une
balle de fusil. Les muscle? sont changés en une masse spongieuse,
homogène, gélatineuse ; les os mômes sont complètement détruits;
ils n'offrent plus leurs éléments normaux et sont creusés de
larges cavités remplies par les granulations.
IVatare. — Quelle est la nature de cette maladie? Depuis long-
temps les Hindousont été frappés par l'aspect de ces paquets de gra-
nulations; ils les prennent pour autant de vers parasites et ils
nomment encore la maladie kirinagras ou demeure des vers. Le
W Ballingall émit le premier, scientifiquement, l'idée que cette
maladie (Maladie (le fia/Z/ngra//) devait être parasitaire, a les forma-
«(^tions nouvelles, dit-il, prennent graduellement la place de la sub-
« stance osseuse normale, qui se détruit probablement par absorp-
c tion ». Plus Urd, le D' Biddie et enGn le D' Van Dyck-Carter
(de Bombay) constatèrent qu'il s'agissait, en effet, d'un parasite vé-
gétal du genre éesMyxôsporées. Les Myxosporées ((&»»«» muco%\\ii^
ano^, graine) sont des moisissures, qui subisaenl UWem^uX \m-
t08 LA FAUNE ET LA FLORE.
fluence des milieux, que lorsqu'elles se trouvent dans certaines
conditions mauvaises, leur mycélium cesse de fournir les organes
normaux de fructification ; elles prennent alors la consistance
d'une substance aréolaire, ferme, compacte, qu'on nomme sclero^
tia. La forme de sclérotia se maintient tant que le végétal reste
dans le même milieu défavorable ; mais qu'on prenne la sclérotia
et qu'on la place dans des conditions plus favorables, alors elle
fructiGera normalement et reproduira l'espèce qui a servi de point
de départ. C'est même lu, soit dit en passant, un exemple remar-
quable du peu de fixité des espèces devant le milieu changeant!
C'est ce qui arrive pour le végétal en question : lorsqu'on vient à
prendre, dans un pied malade, ces végétations en forme de sc/r^
rotia et qu'on les dépose dans un milieu qui leur convienne, dans
de la colle de riz humide par exemple, alors on les voit se dévelop-
per sous la forme féconde d'un mycélium coloré en rouge : Ber-
keley a donné à cette moisissure à l'état complet le nom de
Chioniphe Carterii; elle ressemble d'ailleurs à celle qui constitue
la rouille d'un gi'and nombre de végétaux. Les médecins de l'Inde
admettent donc, avec Carter et Berkeley, que le parasite du pied
de Madura n'est que la forme transitoire, dans le milieu humain
défavorable, du Chioniphe Carterii, qu'ils ont pu cultiver.
De l'analogie entre cette moisissure et la rouille parasite des
végétaux ils induisent, que l'habitat normal de cette moisissure
se trouve dans certains végétaux de l'Inde, peut-être dans le co-
tonnier.
Le pied de Madura serait donc un nouvel exemple de ces gallcê
animales dont je parlais à propos du bouton de Biskra.
Maladies similaires. — L'exemple d'un parasite végétal, pas-
sant, comme le font beaucoup de parasites animaux, par uneiiérie
de métamorphoses, n^est pas unique. Ainsi, il existe, en Suisse, sur
les poiriers, un champignon parasite, une rouille, qui les fait mou-
rir. Or ce parasite n'habite pas toujours le poirier; il subitdes meta*
morphoses et, à l'une d'elles, il habile le Juniperus sabina. Si bien
qu'il suffit, dans une contrée, d'arracher les Juniperus j^nr gué-
rir les poiriers. Il y a de même une rouille de céréales, un cham-
pignon qui, à l'une de ses métamorphoses, habite Vépine-vinette;
si bien qu'il suffit d'arracher l'épine-vinette dans un endroit, pour
détruire cette sorte de rouille céréale.
De même autour d'Edimbourg, dansl^cours même et dans les
affluents de la Solway, une maladie grave, récemment étudiée.
ACTINOMYCOSE. 309
règoe sur les saumons ; elle est due à une algue rameuse, Sapro-
4é:gnia ferox, qui envahit les parties dépourvues d'écaillés (nez,
front) ; de là, elle s'étend rapidement aux parties voisines et le
poisson finit par succomber, farci de la production végétale et
«ouvert d'ulcérations.
Ctlolocl«. — Quand on songe maintenant que le C/Uoniphe
f'arterii n'envahit généralement que le pied, qu*il n'atteint que
les Hindous, les seuls qui marchent généralement pieds nus, il est
permis de penser que leurs courses pieds nus, au milieu des four-
rés, sont l'occasion d'une véritable inoculation ; soit que le para-
site entre, comme le pense Hirz, par le^ glandes sudoripares;
tïoitque les blessures, les piqiîres, notamment celles qui sont pro-
duites par une épine de Mimosa ^ fréquemment accusée, leur
ouvrent la porte d*entrée.
§ 5. ACTINOMYCOSE.
Amatomle palholo^lque. — Au pied de Madura doit être
rattachée une maladie plus générale, étudiée récemment par Ponlick
ideBreslau), par BoUinger (de Munich), par Vanlair et que le pro-
fesseur Corn il a le premier fait connaître en France, Vaciinomycose.
Cette maladie a été décrite chez le hœuf^ en i877, par Boilin-
^er : elle consiste dans la production dans lu mâchoire ou dans
la langue d'une tumeur blanchâtre qui, prenant naissance dans
les alvéoles des molaires ou dans la substance spongieuse de l'os,
aaiène un gontlement considérable et Tmitleplus souvent par se
faire jour au dehors, après avoir déterminé la chute des dents
et détruit les uns après les autres tous les tissus interposés.
La surface de cette tumeur, dit Cornil, est ordinairement
lobulée et ses dimensions peuvent atteindre et même dépasser
celles d'une tète d'enfant. La substance qui la compose est muUe,
succulente et montre, à la coupe, une grande quantité de foyers
jaunâtres, puri formes. Le slroma est formé d'un tissu de granula-
tions, tantôt fibreux, tantôt cellulaire et les foyers sont constitués
par des dépôts de pus, dont on peut extraire, par le raclage, de
petits grumeaux du volume d'un grain de chenevis, d'une nuance-
jnttnc' soufre, donnant au toucher l'impression d'une substance
graisseuse. Ces grainseux-mèmes, soumis à un examen microsco-
pique approfondi, apparaissent comme des masses opaques, arbo-
risées, gUindtdi formes, rappelant assez bien l'aspect d'ua^ uv^Va
tiO LA FAUNE ET LA FLORE.
hydatique minuscule. Uoe légère pression suffit pour dissocier ^^
masse et la résoudre en ses éléments; on voit alors netteme^^
que ces derniers sont constitués par des filaments ténus, à stril^'
ture homogène, que leur mode de division (bifurcation, rami(i ^
cation collatérale, verticilles) et le renflement pyriforme qui \0^
termine, identifient manifestement avec certaines végétation^
cryptogaaiiques.
En raison de la disposition radiaircdes filaments jointe à d'autre^
caractères, Harz a fait de ce produit un champignon r(iyonnt\ wvt
nctinomycètc. — La maladie que sa présence occasionne chez le
bœuf a reçu de BoUinger le nom d*aHinomycose,
Les grains caractéristiques ne se rencontrent d'ailleurs pas seu-
lement dans la masse néoplasique du maxillaire; mais on les
trouve encore dans les productions secondaires du pharynx, du
larynx, de la rauququse stomacale et dans les glandes lympha-
tiques on relation avec ces organes.
En 1«78, Israël rencontra la môme maladie chez rhnmme :
Ponfick, en 1879, trouva les mômes parasites dans un phlegmon
pré vertébral. On possède actuellement la relation de 17 cas
d'actinotni/cDsia hominù :
« L atrection débute, dit Cornil, le plus souvent par la ré-
gion faciale, la partie supérieure du cou, notamment par les dents
et les alvéoles dentaires. De là, la lésion descend insensiblement
vers la poitrine, Tabdomen et le bassin, en donnant lieu à des
péri et à des parapleurites, à des caries des vertèbres et des côtes,
à des psoïtes, à des péritonites,
a Elle détermine la formation de foyers métastatiques dans
diffcrcnts viscères, notamment dans le cœur, le foie et le pou-
mon.
« Elle se caractérise localement par Texistence de véritables
clapiers avec trajets fistuleux, qui diffèrent par plusieurs points
des abcès froids ordinaires. Ainsi, les orifices des fistules sont
nombreux, de forme irrégulière et entourés d*une peau excessive-
ment mince, flasque, bleuâtre, ù dentelures aiguës, sans inflam-
mation des tissus interposés. Si Ton introduit le stylet, on tombe
dans un labyrinthe de fistules, dont les parois sont couvertes de
granulations fongueuses et tremblotantes. En dépit de leur ap-
parence anémique, ces granulations sont parsemées détaches blanc
jaunâtre, qui représentent les vestiges d'anciennes extravasations.
I^ sécrétion est séreuse et Ton ne peut l'amener au dehors que
LÈPRE. SH
par des pressions réitérées. C'est dans cette sécrétion que l'on
rencontre les grains caractéristiques.
f La marche est ordinairement lente. La durée moyenne
est d'un an.
« Quelques malades guérissent, mais la plupart succombent
dans un état de marasme compliqué de dégénérescence amyloîde;
d'autres sont emportés par des accidents pyohémiqucs; d'autres
encore par des complications cardiaques, hépatiques ou pulmo-
naires.
laocalatioii. — Si les données prccédentcs ne permettaient
P^int encore de reconnaître, dans un cas donné, raclinomvcosc
de l'homme, on pourrait recourir à V inocula fi on, Ponfick a dé-
montré, en efîet, quelebœuf — ainsi qu'on devait le supposer à
priori — était susceptible de contracter raclinomycose par voie
expérimentale. L'introduction du champignon, soit dans le tissu
sous-cutané ou intermusculaire, soit dans la cavité péritonéale, a
donné ;lieu chez le veau au développement de nombreuses tu-
n^ursactinomycétiques, qui se sont formées d'abord aux alentonrs
du point inoculé et se sont ensuite propagées au loin. Linjection
dans le sang a produit des foyers pulmonaires, il ne faut pas plus
d'un mois pour que les accidents deviennent manifestes. L'absor-
Plion par la voie gastrique intacte n'a produit aucun eflet. Le
^inet le chien paraissent inaccessibles à Tinfeclion. n
l^'atufe. — En somme, il s'agit d'un organisme parasitaire
visible à l'œil nu ; cette maladie ne procède pas par voie inflam-
oiâtoire, mais par voie néoplasi(iuc; Tactinomycose établit ainsi
avec le pied de Mndura une transition entre les maladies pur fer-
fnentatum €t les maladies plus simplemerit parasHnires, Elle a sa
place u cùté de la lèpre.
§ 6. LÈI'IIE.
Histoire et ^éo^rapliie. — Il semble que, lorsqu'on parle
de la lèpre, on ne fasse, en quelque sorte, que de Tarchéologie
etqu^on n'éveille à l'esprit que le souvenir d'une des mille plaies
du sombre moyen âge. Nous allons voir, au contraire^ que si la
lèpre est une des maladies les plus anciennement connues, elle
n'en est pas moins une maladie actuelle contemporaine.
On s'accorde généralement pour faire remonter à Moïse la pre-
mière description de la lèpre, mais le chapitre XUl d\x L^nvVx^vkVî,
su Là PAU5E ET U FLORE.
auquel 00 fait toujocrs allusion, englobe éTÎdemment une foule ôa
maladies diflerentes, dont le législateur, en bon bjgiéniste, engage
le peuple à se mëûer. « LTternel paria ainsi à Moïse et à Aaron,
« disant : Lorsqu'il y aura dans la peau de la chair d'un homme
« une lumeur,ou de la gale, ou un bouton, ou ramènera à Aaroo
« sacrificateur ou à l'un de ses fils sacrificateurs. » L'auteur du
lx-%ilique entre alors dans la discussion, par voie d*énumcration,
(les diverses maladies qui peuvent répondre à cette première des-
cription : c'est là, en réalité, un chapitre de ce que nous nomme-
rions aujourd'hui la soméiotique des maladies de la peau. .Apre»
avoir énuméré tous les signes qui ne devront |»as effrayer le sacri-
ficateur, il ajoute :; « Si le bouton est plus enfoncé que la peau,
« s'il y a quelque tumeur blanche dans la peau et que le poil soit
M devenu blanc et qu'il paraisse de la chair vive dans la tumeur,
« c'est la lèpre; le sacrificateur le jugera souillé. » Voilà le dia-
;:nostic.
Voici le traitement : « 1^ lépreux aura ses vêlements déchirés
« et la tète nue ; il se couvrira jusque sur la lèvre de dessus et
» s'écriera: Le souillé! le souillé! Pendant tout le temps il sera
<( jugé souillé ! il est souillé ! Il demeurera seul et sa demeure
u sera hors du camp, n» Si Ton passe au livre de Job, on voit réu-
nies sur ce malheureux toutes les plaies possibles, mais on ne peut
pas reconnaître scientifiquement la lèpre. Job semble n'être d'ail-
leurs qu'un personnage idéal, sur qui s'appesantit la colère de
l'Eternel, manifestée par un ensemble, en quelque sorte, schéma-
tique de tous les maux physiques, au milieu desquels la lèpre vient
ù son raug. Ou recoiinait les douleurs nocturnes de la syphilis
dans cette plainte : « Si je suis couché, je dis : ^uand me lé-
« verai-je? et quaud est-ce que la nuit aura achevé sa mesure?
« etjenrinquièlc cruellement jusqu'au point du jour. » On recon-
naît la scques(rati<»n déjà appliquée ù la lèpre dans cette autre
lamentation : « L'Eternel a écarté de moi mes frères et ceux qui
« me connaissaient se sont éloignés de moi ; ceux qui habitaient
« dans ma maison et mes servantes m'ont tenu pour un inconnu
• et m'ont réputé pour étranger ; mon haleine est devenue odieuse
« à ma femme, bien que je la supplie par les enfants qui sont sortis
« de moi. Mes os sont attachés à ma peau et à ma chair » et, trait
caractéristique de la lèpre a à peine mes lèvres couvrent-elles mes
« dents. » Mais cette description symbolique n'a pour but que de
montrer la crainte du Seigneur et sa toute-puissance, car, ce qui
LËPRE. IIS
n'est guère caractéristique de la lôpi'e. Job, bL'ni par rEltrnel.qui
lui dotiiiu UiHW lircbis, rtOOO chameaux, I 000 couples de
twiiTicl lOOo âncsses, « eut K|>t Tils et liois Hllesd vùcut encore
• quarante ang.puis il mourut Ag6 et rassasié de jours». Il ressort
tirantnoins du ces citations du Lévitiquc et du livre de Job, que
\(^ Hébreux connurent la lèpre, qu'elle avait, nous le verrons tout
à l'heure, lesmAmcs sjmptomes qu'aujourd'hui et qu'elle iaspi-
rail la iiiânie horreur.
Les Dèbreui avaienl-ils pris celle maladie en Egypte? Toute
l'antiquité l'a admis et Toeitc dit : h Plurimi aitctorei rmtentiitnt
■ •fta per .Egyplum liibr, qux cm-ptirn fatliirrt, « Ce qu'il y a de
i^i^rUiii, c'est que Ilippocrate parle d'un mal terrible, U-m'iljihê-
"'ci'Ti, qui pourrait bien Èlrc la [lèpre, mais qu'il ne décrit pas
'Virement. Arisloie est plus explicite; il a vu.cn Orient, une
"latadic a i/iwm i-iUjnam appeUamug ». Elle se caractérise par
''^ poussifs, qui seront sur iliiïérents points de la race; la pbysio-
^Oat ressemble à celle d'un animal, à celle d'un satyre entre
^"'rcs; c'est de même que la comparaison avec la face du lion a
''' uaitrc depuis le mot LiMnliash.
'■1 comparaison avec un animal est du reste aussi générale que
'"-'Ci ce qu'ArislOte nommait Salyrinsis, ce que nous nommons
■'*(m»i**, tes Grecs l'appelaient Elephantianis, d'où le nom
'^'•^jih<rnti(iWj« i^sf^'cf, qui sert aujourd'hui & différencier la
"^l'***] d'une autiT maladie toute d'issemblable, que nous désignons
*<^« le nom A-Eléplvinllath rfc» Arabes.
'-'e»l sous le nom d'Eléphantiasisque Pline nous décrit la Icpre,
''"'t après avoir cnvabi l'Egypte, l'Asie occidentale, la Grèce, où
rlle «Yaitélé apportée par les conquêtes d'Alexandre, avait envahi
"**lie. Celte maladie, dit Pline, ûlail inconnue en Italie, jus-
1**'4u temps de Pompée le Grand, qui la rapporta d'Asie avec son
^''■Uiic. Ce mal. qu'il décrit à merveille, était, dil-il, particulier ù
Svpte u quand M attaquait les rois, il était Tuncite au peuple,
' '^r. pour les guMir, on leur TaisBit prendre des Imitis uii il en-
* 'nii du sang bunialD. »
Au v[i* siècle, en lîil, ce n'est plus â Kome que nous voyons
* U-pre, c'est en Lombardie: en C*3, une ordonnance de Rulha-
"*. roi des Lombards, prescrit que les lépreux soient réCugiés
"^Hs un lieu isolé, les déclare morts civilement et les dépouille
*^ leurs biens. Elle passe ea France, où on îsoWil \t& Xt^teut
"* n Lombardie. Ea 7j7, Pépin autorise le à'\iOTce\«'Cï<\>i" >i«.
SI 4 LA FAU5E ET LA FLORE.
des époux devient lépreux: en TdO^Charlemagne retranche com-
plètement ces malheureux de la société.
Mais le grand mouvement des croisades, où tant de pauvres
hères rappurtcrent la lèpre pour tout butin, porta à son maximum
le nombre des lépreux dans toute TEurope, pendant les xi«, xu*
et xiii" siècles. Cjc fut le mal de Lazare ; uu ordre religieux,
dont le grand m.aitrc devait toujours être lépreux et qui subsista
jusqu'en I2'»:t,rut fondé en 10^8 par le pape Damèse 11 pour soi-
gner les pauvres ladrf's ou mczels, comme on appelait alors les
lépreux.
Les pratiques de réprobation inaugurées par Moïse contre les
lépreux, au nom de Thygiènc, subsistèrent dans toute leur in-
tégrité; ces pratiques étaient d'ailleurs dictées moins |)ar une
opinion dérivée de Thygiène que par le sentiment d'horreur,
qu'Inspirait aux imaginations naïves la marque aussi visihk' de la
vengeance divine. Ils s'en vont sur les roules * quérant leur vie w et
sont fobjel de décrets et d'ordonnances. « Mandons, dit Charles Vl>
(f et étroitement enjoignons que, sans délai, tous les mésraux
« hommes, femmes et enfants qui ne sont nés en notre bonne
(( ville et qui, par privilèges, ordonnances et statuts anciens d'i-
<t celle, n'y doivent être reçus es maladreries pour ce establics,
^ reparlent de noire bonne ville.» Déjà, sous le règne précédent,
les lépreux avaient été brûlés pour avoir empoisonné les fon-
taines, a N(»us-mème, dit un chroniqueur du temps, nous avoo»
«vu en Poitou une lépreuse qui passait ; craignant d'être prise,
« elle jcla derrière elle un chiffon lié qui fut aussitôt porté en
« justice, et Ton y trouva une tète de couleuvre, des pattes de
« crapauds et comme des cheveux de femmes. » Elle fut brûlée !
Tout le monde sait de quels procédés terribles le clergé, dont
lo rùle eût été de les secourir, usait au contraire avec eux. On réci-
tait devant le pauvre lépreux loffice des Morts, après quoi on lui
remettait une robe, deux chemises, un baril, une écuelle, un en*
tonnoir, une baguette, des cliquettes et une crécelle en lui disant :
« Je te défends entrer es églises, marchés, moulins et lieux è»
0 quels il y aaffluence de peuple ; je te défends laver tes mains
(( et choses à ton usage es fontaines, ruisseaux, et si tu veulx j
tt boire, faut prendre avec un vaisseau honneste; je te défends
a toucher aucune chos<'. que tu voudras acheter que avec une
« verge nette, pour la démon trance ; je te défends manger et
« boire en autre compagnie que lépreux et saches que quand ta
LÈPRE. S16
c mourras, tu seras enseveli sous ta maison, si n'est de grâce qui
c ie sera faite par le prélat ou ses vicaires. » Grâce accordée
contre espèces SK>nnan tes, bien entendu !
. L,es léproseries ou maladreries finirent par se remplir, mais
elles ne se remplirent pas que de lépreux; une simple dénoncia-
tion suffisait pour faire passer pour lépreux un homme atteint
d*une affection légère de la peau et, comme le dit Voltaire, a la
€ lèpre était parfois quelque chose, comme la lettre de cachet de
« ce temps-là ». Le sacrificateur dont parle le Lévitique, était
alors un employé subalterne, qui jugeait, à certains signes, s'il
s^agissait bien de la lèpre. Chaque pays avait d'ailleurs sa recette,
son critérium infaillible : ainsi, en Hollande, on jetait de la pous-
sière de plomb dansfurine de la personne suspecte ; si la poussière
tombait au fond, on était jugé lépreux ;on devine que le contraire
arrivait rarement. La lèpre était une poudre de succession d'un
nouveau genre. Aux gens qui étaient déclarés lépreux par leurs
Iwriliers se joignaient, en outre, comme aujourd'hui les faux
manchots, les faux aveugles qui mendient dans nos mes, les faux
li^preia. Il y avait mèpae dos faux lépreux patentés, comme nous
(lirions aujourd'hui ; ainsi, la ville de Harlem autorisait des gens
bien portants à s'habiller en lépreux, pour qu'ils puissent mendier
plus lucrativement. Enfin, à coté des vrais et des faux lépreux,
'^y avait tous ces pauvres malades qui peuplent aujourd'hui
^'^ôpital Saint Louis, atteints de lésions syphilitiques, de lupus
^rofuleux, de maladies de la peau souvent curables. Broca, fouil-
'*Dt le cimetière d'une ancienne léproserie, a reconnu facilement
alésions syphilitiques non douteuses sur un grand nombre de
crânes; il arriva même ceci, c'est que, quand la lèpre diminua et
^^sparul môme à \)eu près delà France, il y avait toujours autant
"c malades dans les léproseries! Si bien qu'en 1626, lorsque deux
^^ecins, David et Juste Laigneau, furent chargés par Louis XHI
^'inspecter toutes les léproseries, afin de voir si on ne pourrait pas
^fï fermer quelques-unes, ils ne trouvèrent pas un seul lépreux;
bien qu'elles fussent toutes remj)lies, on les ferma toutes.
La lèpre, cependant, existait encore en 1782 au centre de la
France, depuis les environs du Mont-Dore jus«|ue près de Salcrs;
<^n l'y désignait sous le nom de mal de Saint-Main. Il n'en existe
plus que quelques rares échantillons, sur la cote de Provence, le
long de fétang de Ber, à Martigues, Yitrol, Turbie, Nice, Toulon
peut-être.
tl6 Là FAUNE ET LA FLORE.
En Espace, après avoir diminué, elle tend à augmenter de
nouTeau. Dans la province de Valence, on acompte, en 1878, 1 16
cas de lèpre, dont 71 morts. On Vj nomme le mal du Mn^ire.
En Portugal, dans le district de Laloes, il existe environ 3000
lépreux. Au siècle dernier, il y avait encore 20 léproseries en
Andalousie et en .Vsturio. La maladie règne encore en Catalogne,
en Andalousie, en Galicie, en Asturie et à Grenade.
En Grèce, il y avait, en 1840, 900 lépreux connus; mais leur
nombre a considérablement augmenté depuis cette époque. A
Candie, il y avait, à la même épot^ue, 900 lépreux sur 250 000 ha-
bitants. On en compte un assez grand nombre dans les îles de
Cépbalonie, Eubée, Andros, Samos et Tenedos. La lèpre n^est pas
rare à Chio; elle a été importée de Syrie, en 1720. En 1737,
deux léproseries ont été construites.
En Islande» il y avait, en 18o7, loO lépreux sur 52000 habi-
tants ; les îlesFeroë avaient, en 1816. 66 lépreux.
Elle exerce encore des ravages considérables en Scandinavie,
sous le nom de $p*^daiski\l. On compte en Norwcge, dans le Fin*
marck, f lépreux sur 1383 habitants: dans le nord de Drotbeim,
1 sur 1530 : dans le sud 1 sur %8; en Strevangen, 1 sur 871 ;
en Nordiand, 1 sur 528; dans le sud de Bergen, 1 sur 580; dans
le nord, 1 sur â72. Dans toute la Norwège, on ne comptait plus
que 2847 lépreux en 1856 et que I 832 en 1874.
En Suède (province de Helsingeland), on comptait, il y a quel-
ques années. 1 lépreux sur 95 habitants.
En Finlande, en Esthonie, en Courlande, la lèpre est très fré-
quente. Il en est de même en Oimée, le long de la mer dWzow, au
Caucase et jusqu'à Astrakan, sur les bords du Don. dans TOural.
En Italie, on trouve la lèpre sur la cote orientale, dans les la-
gunes de Ferrare et dans le golfe de Gènes depuis Chiavari jusqu'à
Nice; en Sicile. Faugmentation du nombre des malades est même
telle, qu'il est sérieusement question de rétablir des léproseries.
La lèpre est fréquente en Palestine : quand, dans un village^
un homme devient lépreux, il doit se réfugier, soità Ramlet, près
de JafTa, soit à Naplouse. soit à Jérusalem, où existent, en quelque
sorte, des associations de lépreux ; ils y vivent cantonnés dans
une sorte de phalanstère lépreux, sous la direction et l'autorité
d*un lépreux, qui prend le titre reconnu de cheick. Moyennant
400 piastres versées dans la caisse de la communauté, on a droit
à son chez soi ; sinon, on est associé, dans une chambre, à oa
LÈPRE. tl7
autre lépreai. Dans la journée, celle cour des miracles se vide,
cfaacun va mendier et parlag^ le soir avec ses collègues. Les ma-
riages entre lépreux n*y sont pas rares et, pour 400 piastres, un
lépreux peut encore prétendre à une compagne, hélas, semblable
à lui, dont la principale fonction, bien entendu, est de préparer
les aliments. Il nait cependant quelques enfants. Le mariage d'un
lépreux est célébré par un immense diner, où prend place toute la
colonie. Ces malheureux reçoivent, environ tous les trois mois,
la visite de leurs parents, qui leur apportent différents comestibles.
La lèpre existe en Perse ; elle existe à Samarkand, sous le nom
de mukkoto, Pallas, au siècle dernier, l'a décrite chez les Co-
saques de Jaîk, qui prétendent qu'elle leur a été apportée d'As-
trakan et de Crimée.
En Chine, les léproseries sont très nombreuses ; dans certaines
provinces du midi on en compte I par 1000 habitants. A Foottchow^
clic est également très répandue. Les lépreux vivent dans quatre
grades léproseries; bien heureux quand on ne les abandonne
P^ sur un bateau au cours du fleuve, ce qui leur arrive beau-
coup plus souvent qu'aux prétendus petits Chinois ! La lèpre est
Clément fréquente au Japon.
Dans certaines parties des Iles de la Sonde, la maladie, qui
porte le nom de cascadoè est si fréquente, que 5 0/0 des habitants
^ sont atteints. La lèpre est fréquente à Malacca, à Singapour ;
6ile est fréquente à Java, à Bornéo, à Sumatra, aux Philippines.
Dans rinde, l'hôpital de Madras reçoit chaque année environ
200 lépreux. Elle a été récemment introduite à Tranquebar par
des esclaves africains ; elle s'est montrée a Négapatam et se répand
dans les environs. Dans les environs de Belgaum, on compte en-
viron 4 131 lépreux sur 900000 habitants.
A la Nouvelle-Zélande, elle est connue sous le nom de ygcrcn-
gère et à Tahiti sous celui de Oovi.
Elle est fréquente à Madagascar, au Maroc, dans la vallée du
Nil, au bord de la mer Rouge, en Abyssinie, au Darfour, en Séné-
gambie, à Sierra-Leone, au Congo, au Cap, à Mozambique, à
Maiurice, à la Réunion, à Sainte-Hélène.
Dans l'Amérique, elle porte les noms de cacabay, aux Antilles ;
de Iota ou boasie, à la Guyane ; decarate, à la Nouvelle-Grenade»
au Venezuela, à l'Equateur ; de mal de los pintos^ au Mexique ;
de morphea, au Brésil. Aux Etas-Unis, la lèpre existe et se déve-
loppe toua les jours.
LÈPRE. lit
tikspouuentdanilfïs Tossesnasales, dans la gorge, dans les pou-
inona.Les lésions de la peau, comme celles de l'inlérieur, s'ulcë-
renl, suppurent, donnent une odeur infecle et repoussante, en
même lempsquela respiration du malheureux est compromise.
'^ulcérations de ,1a peau succèdent aux bulles et aui tuber-
<vtei; elles donnent lieu il des plaies, qui se recouvrent de i.'ros-
H) croates. Dans certains cas, on voit tomber des phalanges,
do loenibrcs entiers, comme si un chirurgien malhabile avait
fisse par 1&; c'est la forme ampulanle, représentée chez le jeune
'lipreux dont je donne le portrait emprunlë, comme celai de la
lépreuse, à Godard. En m£me temps les muscles s'atrophient, les
tendons se rétractent et donnent parfois à la main un aspect de
ffri/^e particulier et caractéristique. Enfin arrive ce qu'on nomme
la phthitie lépreuse et la mort survient dans le marasme, l'intel-
ligence assistant intacte à cette triste déchéance de roTga.avnsft.
III U TklSB ET U FLOU.
Cn lerribles symplûmes ne se déroulenl pas itm une çnnde
npidité : on coasiale des temps d'arrêt ; t'etl ainsi qv'on toîI
dei lépreux qui se marienl ; des médccios lépreux onl pu con*
tinuer leur fîoteumn. Il y a surtout dans la première périodedei
LÈPRE. til
temps d^arrètsoiiyent très prolongés, pendant lesquels un homme
porteur de macules anesthésiques peut vivre, co apparence, de
la vie de tout le monde. La durée possible de la maladie varie,
d^ailleurs, suivant la forme tuberculeuse ou anesthésique ; la
forme tuberculeuse peut durer de 8 à 10 ans; la forme anesthé-
sique^ de i8 à 20 ans!
Ktî9Î9gie. — La lèpre disparait d*Europe, à mesure que Tali-
mentation s'améliore; elle a disparu de France, à mesure que la
consommation du vin augmentait; elle a disparu d'Angleterre, à
mesure que celle du cidre et de la bière devenait plus grande.
Cela ne veut pas dire que la mauvaise alimentation soit par
elle-même cause directe de la lèpre, mais elle empêche dercsister à
l'influence descauses réelles qui produisent directement la maladie.
Elle disparait des îles Féroè à mesure que la population, qui ne
vivait que de la pèche, s'est adonnée à l'agriculture.
De tout temps, d'ailleurs, on a accusé spécialement la nourriture
exclusivement ichtyophage. En Birmanie, on aaccusé le (/riappee, ou
poisson pourri, qui est le plat favori des Birmans ; on s'étayait d'une
observation faite par Camper, qui relatait qu*en Islande, aux Or-
cades, où Ton nourrissait les chevaux et le bétail avec du poisson
séché, ces animaux perdaient poils^ cornes, sabots, etc.; en Nor-
wége, on alla même jusqu'à accuser directement les soles et les
truites de contenir un parasite, qui produisait la lèpre. Delioux
de Savignac, le professeur Colin attribuent la maladie à l'absence
de pain de froment, à l'absence de gluten, s'appuyant sur ce fait
que la lèpre s'observe surtout chez les peuples qui ne vivent que
de poiSy de lentilles, de mais, de riz. Les Botocudos eux-mêmes,
qui sont sujets à une sorte de lèpre qui fait tomber les cheveux et
dans laquelle la peau se couvre d'ccailles ou d'ulcères, attribuent
leur maladie à l'usage alimentaire qu'ils font de l'amande d'un
Ucylhis et des fruits du coco. Au Brésil, on l'attribue à l'usage
d*un fruit très répandu dans la classe pauvre, celui de VArau-
€aria brasUianay connu sous le nom de pinhiw ou pignon. On se
croit d'autant plus autorisé à cette hypothèse, que les porcs se
nourrissent, aussi eux, de ces pignons et qu'ils sont, parait-il,
sujets, au Brésil, à une maladie qui rappelle la lèpre humaine. Il
est en somme démontré qu'elle diminue à mesure que Talimen-
tation devient plus complète, plus saine et il semble que l'état
alimentaire des peuples qui ne vivent que de poisson dispose à la
maladie.
OÂOGR. litD, %V
»)n *w siiiniâU f ii-t jp-, iL "ïttaL*n»?r Jii ctimat. car eîle eiiste
iMii> «■-> -:iiDiLis cs )ius 'n>iijs rjinintf laas ies ptascluo'ls.
■ewittc» ~ w.Vr>.*iicL>>r< ne Ml t»'suiii«?*'tr acoate5t«tf. Daniels-
MB -a Boe* «. iMi nn -'.uiiii' iia^!:?traleni»*nt le .fp^'Tyzhk^d ou
■ppr^ <<.'M:ir-f/e.;.^ /ijt. sir iî.î tanîus. tT'a"»** 1S:> enCints «le lé-
pr»:«ix- ■£:! >ian«.«. ^jJif»"uu ^ir 'lî «;pr««x. d tp^avè 125 fils de
Iet>n:!tix : ''it»^«jiitf ^<i it!Tn>ntr-e ars lettemea: par le fail sui-
vaiii . idii< a «lUvaite ii!:riiiS4* nuit •^labii. I j a ane trentaine
•i*&iint*rs^ jii uzan^f. ^r^ant k .tfî)m:«ere:«>ft<etiblissenient était
eutuur^ »ariuatir rbus miknnes. r->is ie ces thbos refus<.*reiit
tib>t!iit.-iut:ric :uut ~ippi*n iv*^.* .e uzarvt: ia «{iiatrieflie* ia tribu
•les V.,r^ «-. ^ui it'*^ -apfoi-S' iwc e iajarec et mène des rap-
purs SI iiiimtSw TM^'i ■.'v>tait. iuetiTu**< années aprè!^. un assez
^prtuM lutiiDn* ie mecs: jr .*«» iirtu^ -fUi Hat tons bépreui. La
't'pi-*.' -:?< uMii" H*r»î«iUain;. tu ut e rnuitiie l jàntet.
CnaK^i^a — %iis :r^ <;ile >Mncu;:'i;u><e? Ostlà m point d^une
l^niiiiit: tiuMnum.'e unni|u»* -in ?r^^nct; ï\iJi^ oaUdiesi gra^eet
-H il T^ bit:. \ oette |ue<tii>u. :uute ^iiiCMuite. «Jefwb Moïse, ré-
putiii 'u :i i;:*t Mt ■:«jiiM:«4ut?iii.'rf. !suisioittff '<;» riïniettrSf dont nous
vv^Hii> es tpirux jLVJDii.-s« ?^iitc :'.>aiiaiiiaabies« mais si elles ont
une -.Acus^. : t^ iaos la cr*'yjoce a Ll coatasioo. Or l'anti-
«)uice n.'uc 'ti.-t^rv. philosophes^ aaturaiist)». peuple, a cru à la
cuiiLi:ro<i. ijit^upj but aième. les 3»^upies croient encore à la
coiiLi^*i;n« uajs a ïûupart les tn«;?le*:! !s a ntect. Cette nè^tion
ft'est cei*eiidj(i i pas z»:t:en!e. cur. «en t S6î. une enquête officielle
fVit ix'le pa.' :' tu^ecerr»; ia'is sescvioaies: U3 questionnaire sor
la CL»nCJL:!i*rt Tut a*Jn;<iie i t<jiis 'es tnetiecins. qui «.Mit occasioii de
loir lie* l*;pn;ai. Sor <5i# raptvrts «^ui furent envoyés. 45 con-
cluaK.>ot à La noQ-co{i:jj:K^« ^ o.>ncluai«?at à la contarion, l:î dé*
clanii«?nt n< pi.»u^o:r se prvntMcer. Le R->yil Collece, chargé de
coili^r les rapo«rt$« de«r{ari Jooc. en vertn de art te sorte de
scrutin, que ta !epre n*est pas contagieuse et qu1l c>r a pas lien
d'isoler les .epreui. Plus d'une voti sV.e^. cependant, sor cette
î^n de juçer une question scirnt:iîque. A la Guyane notamment»
où Schilling a^ait afRimê la cootadon. le IV Camcron l'affirma
de nouveau. Le D' Manget et le ïf Ed^, euTOTés par le Rojal
Collège pour vérifier Tasserlion du D' Cameron, revinrent ane
on rapport affirmant la contagion ; néanmoins, à la majorité des
^x,le Royal Collège non convaincu décréta encore qoe la lèpre
n^est pas contagieuse !
LÈPRE. 32t
Une foule d*obscrTations de contagion se produisirent alors :
Le D' Cbeckley (Saint- Vincent) cite un enfant contaminé par le
contact d*un ulcère lépreux ; Rogers(de la Barbade) cite deux
cas semblables; Stevenson pense que la maladie peut se commu*
niquer par contact direct ; le D' Âquart cite le fait d'une jeune
fille, qui prend la lèpre, après avoir passé la nuit dans un même lit,
avec une de ses amies lépreuse; le D' F'ollard, à la Giivanc, cite
deux enfants européens, qui deviennent lépreux, après avoir joué
avec un petit ni'gre lépreux ; ailleurs, c'est un jeune homme qui
a fumé dans la pipe d'un de ses amis lépreux et qui le devient;
ailleurs ce sont des médecins, une religieuse et des infirmiers,
qui deviennent lépreux, après avoir pansé des ulcères lépreux.
Il y a plus : un certain nombre de contagionnistes voient dans les
faits d'hérédité, qui, ceux-là, sont admis par tout le monde, autant
de faits de contagion, alléguant, non sans raison, que la contagion
ne s'exerce nulle part aussi facilement que dans la vie de famille.
Malgré tout, la plupart des médecins européens nient aujourd'hui
ou niaient hier encore la contagion ! Or il est curieux de remar->
quer que ceux-là même qui nient cette contagion reconnaissent
cependant que la lèpre a passé d'Egypte en Asie, d'Asie en Grèce»
de Grèce en Italie, que les croisés l'ont rapportée de la terre sainte !
Ib nient la contagion et ils admettent que la maladie circule ainsi
en suivant le courant humain des migrations !
Un seul médecin a trouvé un moyen terme, qui, je l'avoue, me
semble inacceptable, c'est Bazin : k La lèpre, dit-il, a été conta-
f gicuse, mais elle ne l'est plus ! i D'autres, ne pouvant nier que
toute l'antiquité a affirmé la contagion, disent : c Oui, Tanti-
€ quité l'a affirmée, mais elle n^y croyait pas! C'est l'hérédité que
f Moïse visait, quand il avait l'air de croire à la conUigion ! En
f philosophe, il prenait les gens par l'intérêt personnel.» H faut
évidemment avouer que tous les faits de prétendue contagion, que
je viens d'énuniérer, pourraient s'expliquer, à la rigueur, autre*
ment; on pourrait répondre : Mais, cet enfant européen qui
a joué avec un nègre lépreux et qui est devenu lépreux, était
dans les mêmes conditions étiologiques que lui ! Je l'accorde,
mais il n'en est plus de même pour les faits que je vais maintenant
citer :
A la Trinidad, la lèpre, depuis quelques années, augmente
beaucoup dans les familles blanches : En 1805, sur 30000 habi-
taois, on comptait 3 lépreux: en 1813, sur 32 000 ha\AVeiv\\a.^CiW
914 U FAUNE ET LA FLORE.
comptait 73 Icpreux; en 1878, sur 120 000 habitants, on comptait
800 lépreux. La proportion des lépreux a donc marché plus Tite
que Faccroissement de la population et Thérédité ne suffit pas
à expliquer le fait.
A la Guyane, même augmentation, si bien que le D' Laure
pense qu'aujourd'hui le dixième de la popobtion a la lèpre.
A Maurice^ en 1760,ilyaTait i lépreux ;en i781, il yenavait?!;
en 1861» ils étaient plusieurs milliers. Ici encore, Taccroissement
de la lèpre a marche plus vite que Taccroissement de la popu-
lation !
A cet ordre de faits, j'en veux joindre un antre : beaucoup de
pays étaient exempts de la lèpre, qui en sont maintenant atteints
depuis Tarrivée de populations ou de familles lépreuses, qu'on
|H>umiit citer. Les Varrvw\ dont j'ai parlé tout à l^heure, eurent
aussi pour enfants des lépreux, directs^ non métis; or ils n^en
avaient pas avant et aucune des truis tribus plus réservées, qui
.(vaiout fui le contact du lazaret, n>n a eu. Ici, ce n^est donc
plus rhérédité, c'est bien la contagion !
Autres exemples : les Canaries ont été contaminées au xiv« siècle
par les Espagnols; Madère, les Açores, le Cap- Vert, au xv* siècle
par les Portugais; l'Amérique, au xiv«, xv*,xvi* siècles par les Espa-
gnols et par les nègres, ce qui, d'ailleurs, est admis par tout le
monde ! La Trinidad a été contaminée en 1800 par une impor-
tation de Bahama; le New-founswick en 1815 par une impor-
tation de la Martinique; Maurice, en 1760, par une importation
de Mozambique et d'individus malgaches; TAustralie, en 1850,
par des Chinois; Touestdes Etats-Unis, en 1853, par un bateau
norwégien.
• 11 n'y avait pas de lépreux aux Sandwich avant 1852. Le pre-
mier lépreux fut un Chinois ; six de ses voisins immédiats devin-
rent lépreux ; ils ont été vus par les médecinsd'Honolulu ; en 1864,
les 6 lépreux étaient devenus 250! en 1876, on avait déjà compté
1 570 lépreux dont $00 étaient morts; il en restait 670; eo 1878,
le nombre des lépreux qui ont été connus dansllle était de 5000!
Enfin, en Angleterre, le Royal Collège, qui se refuse à admettre
la contagion de la lèpre, dut bien, cependant, constater un bit :
c^est que la lèpre devient de plus en plus fréquente dans la marine
anglaise, ainsi que Ta constaté le D' Laycock !
Le D' Veyricres cite un fait où la contagion semble indiscutable :
Une femme sans antécédents héréditaires, originaire de Nioe,
LÈPRE. %%$
OÙ la lèpre est aussi rare qu^à Paris, épouse un homme également
de Nice, mais ayant voyagé. Le mari, déjà lépreux peut-être au
moment de son mariage, voit sa maladie suivre son cours et il est
emporté en l'espace de quinze à vingt ans, durée commune de la
lèpre. La femme, bien portante jusqu'à son mariage, voitsasanlé
s'altérer peu àpeu; il survient d*abord des éruptions à caractère
indéterminé; plus tard, malgré tous les soins possiblesja maUdie
suit son cours ascendant. Au moment où le Dr Veyrière Tobserva
à la Bourboule, la lèpre était indiscutable. Le D' Vallin a cité un
cas de lèpre chez un Européen venant de Cayenne,qui avait perdu
de la lèpre^ un an auparavant, un jeune nègre de douze ans, avec
lequel il vivait dans des rapports d'intimité très grands. Le doc-
teur Rendu cite également un soldat d'inTanterre de murine
atteint de lèpre ; il pensait Tavoir prise en vivant, pendant trois
mois, à Haïti, dans une cabane, avec une famille dont Tun des
membres était lépreux ! Le D' Van Leent, à Surinam, croit que
la contagion est fréquente et qu*elle a sa source dans Tusage du
calumet de paix^ que les tribus indiennes échangent avec tout
étranger.
Fatholofiple comparée. — Il n*est pas jusqu'aux animaux eux-
mêmes qui ne puissent déposer en faveur de la contagion : un
bœuf d*un asile de lépreux mourut, à Maurice, avec tous les signes
de la lèpre; on parle de chats, de chiens qui seraient morts dans
une léproserie avec des symptômes étranges ; enfin, une perruche,
qu'un lépreux avait apprivoisée et qui, seul ami qui ne Teût pas
abandonné, venait chercher sa nourriture dans sa bouche, mourut
dans le marasme, avec des tubercules dans le bec. Le docteur
Laycock, celui qui a constaté les progrès de la lèpre chez les ma-
rins anglais, un contagion niste, recommande avec raison Tctude
de la lèpre au moyen des inoculations sur les animaux.
Comment concilier la théorie des causes banales, ou même
alimentaires de la lèpre, avec la notion d'hérédité et de contigion ?
La pellagre et Tergotisme ne sont ni contagieux ni héréditaires !
Nature parasitaire de la lèpre. — Toutes ces contradic-
tions disparaissent devant les résultats des travaux contempo-
rains, qui font de la lèpre une maladie parasitaire.
Le D' Ârmauer Hansen, inspecteur du service de la lèpre à
Bergen^ avait, depuis quelques années, trouvé la cause parasi-
taire de la lèpre, mais n'avait encore rien publié, lorsque les
mêmes études furent entreprises par Eklund et poLt \^ev%A^tk V^^
826
LA FAUNE ET LA FLORE.
Breslau). Le parasite de la lèpre n'est autre chose qu'une bactérie
{BncUbis Irprœ), parasite dont l'existence est aujourd'hui bien dé-
montrée et qui a été vu depuis par Cohn. par Cornîl. par Gaucher
et Hillairel— Lorsqu'on étudie les tubercules de la peau et ceux
des muqueuses, on voit que répiderme qui recouvre le tut>erculc
lépreux est intact; il forme donc un vernis protecteur, qui s'oppose
à la contagion, tant qu'il n\v a pas d'ulcération. Le derme est
rempli de grosses cellules [rrllulfs If^iireuses de Virchow j remplies
elles-mêmes de bactéries, qui se meuvent autant qu'ellesle peuvent,
sous forme do i)ctits bàtuiinets. Tout autour de ces cellules repré-
sentées ci-contre d'après Cornil, le tissu
cellulaire est sclérosé ; la lésion est la
même dans la peau, dans les mu-
queuses, dans le foie, dans les testicu-
les. — La paroi des vaisseaux est épais-
sie, le tiévrilèmc durci, ce qui explique
les troubles variés, que Ton constate du
côté du s>stcme nerveux. Gaucher, Hil-
lairot et Vallin ont observé des bactéries
libres, ainsi que les spores par lesquelles elles se reproduisent,
dans le satiu rtu^me des lépreux. Gaucher et Hillairet ont même
pu faire dvs lihvafjes, des cultures artificielles. Les inoculations
pratiquées sur le lapin sont restées jusqu'ici négatives, mais il
est vraisemblable qu'elles aboutiront quelque jour. Van Leent a
conseillé avec raison de les pratiquer sur le porc, qui passe pour
avoir la lèpre aussi facilement que l'homme.
Déjà, à une époque très^antérieure, Uanielssen et Boeck avaient
fait de nombreuses analyses du sang des lépreux, et ils avaient
constate une diminution du sérum, une altération des globules,
dont la matière colorante semble se dissoudre dans le séram, au-
quel elle dorme une couleur rose, une augmentation de Talbu-
mine, une augmentation de la fibrine. Les tubercules leur avaient
semblé constitués par des amas de fibrine, principe apporté par
les vaisseaux, qui sont en effet extrêmement abondants à la base
de chaque tubercule. Daiiicissen et Boeck avaient même constaté
quePallérationdu sang précédait féruption des tubercules et beau-
coup de cliniciens avaient remarqué de leur côté qu'un mieax
sensible dans l'état général se produisait après chaque éruption.
L'évolution, la fixation et l'élimination momentanée du parasite
expliquent maintenant tout cela. La physiologie pathologique
LÈPRE. 817
nous donoe la clef de beaucoup d'autres symptômes ; ainsi les
deux médecins Scandinaves avaient montre que le tubercule lé-
preux, dans répaisseur de la peau, englobe et fait disparaître
glandes, follicules pileux, rameaux nerveux; ils avaient montré
comment les nerfs eux-mêmes, qui partent de la moelle, n'échap-
pent pas à ce dépôt d'exsudat ; ils les avaient trouvés emprisonnés
et atrophiés dans une gangue plastique de même nature que les
tut>ercules cutanés. La composition de ce dépôt plastique avait été
trouvée riche en Hbrine. Us avaient montre enfin que le système
nerveux ganglionnaire n^échappe pas non plus à cette compression
et que, comme c'est lui qui préside à la nutrition des organes, il
n'y avait pas à s*étonner des troubles trophiques qui surviennent,
non plus que des éruptions huileuses qui apparaissent, analo-
gues à celles ({ui accompagnent certains herpès graves.
La présence des bactéries dans le testicule explique de même
Vh'rèfiitJ. Le même motif qui faisait isoler les lépreux, en vue de
se garantird*unecontagionniéeà tort par la science, mais sentie
par le vulgaire, avait vraisemblablement fait germer ridée de la
castration, comme moyen de s'opposer sûrement à l'hérédité et, par
une altération fréquente dans Tinterprétalion de certaines pra-
tiques, la castration avait même fini par devenir un prétendu re-
mède : ainsi, dans une lettre du pape Innocent III à rarchevéque
de Paris, on voit le signataire de la lettre permettre à un prêtre,
chtUré pour cause de lèprCj de continuer sa profession « par ex-
ftception aux Canons de rËglise,qui excluent les eunuques des
« fonctions ccclésiastiquei. » Etrange inconséquence qui recom-
mande le célibat et maintient le testicule! Guillaume deMalmes-
bury rapporte, de son côté, que l'évoque Hugo, étant devenu
lépreux, se laissa persuader de se soumettre à la castration. Il lui
advint ce qui arrivait sans doute toujours en pareil cas : Oppro-
bium spadtjnis tulit episcopus, et iiullum invenit remediumy
quoad vixit, Icprosus,
C'est une opinion répandue au Brésil, que la morsure du serpent
à sonnettes guérit la lèpre, mais rien ne le prouve Jusqu^à pré-
sent. II faut cependant prendre garde, que cette croyance n'est pas
isolée : au Mexique, oh dit la même chose de la tarentule et on
dit en Perse que le mal d'un an, bouton d'Alep, est incompatible
avec la lèpre. Ce sont là des opinions similaires qu'il sera bon de
vérifier.
128 Là Faune et la flore.
§ 7. TUBERCULOSE.
Si on nous annonçait que, dans Tannée, une maladie surviendra,
qui, sévissant sur la terre entière, fera mourir plus de trois mil'
lions iVindividus, nous verrions les pays civilisés en proie à une
de ces paniques que la peste, le choléra et tous les fléaux, que nous
redoutons avec raison, ont eu seuls jusqu*ici le privilège de pro-
voquer ; or cette maladie existe, c'est la phthisie pulmonaire ou
tuberculose, la plus grave, à coup sûr, et la plus terrible de toutes
celles que nous connaissons.
Elle figure, à elle seule, dans nos pays civilisés, pour le i/8 et
même pour le 1/5 des décès et elle choisit ses victimes dans la
période de 15 à 45 ans, c*est-à-dire ù l'âge du maximum de valeur
de rindividu, pour la famille comme pour la patrie. Cependant
nous vivons avec la phthisie, non seulement sans nous inquiéter
beaucoup, ce qui est bien, mais ce qui est mal, sans faire aucune
tentative sérieuse pour en débarrasser la société. Nous verrons
pourtant tout à Tbeure, que certaines influences de milieu sont
capables de réduire ou d'augmenter ces chiffres de moitié et que
nous aurions mieux à faire que courber fatalement la tète devant
le fléau.
Géoi^raphle.— Il importe d'abord de nous enquérir d*une ma-
nière précise de Pétut de la phthisie dans les différents pays
d*Europe: au nord de TEurope, sur les limites du cercle polaire»
en Islande, dans ce pays froid, pauvre, déshérité, la phthisie est
inconnue ! Inconnue également aux îles Féroë. Dans le nord de
la Norwége, par delà le cercle polaire, elle est rare également ;
mais il n'en est pas de môme dans le reste de ce pays : là»
elle n^^ure pour le quart des décès, et ce qui est remarqua-
ble, c'est que le midi de la Nonsvége est plus frappé que Vest,
qui est plus fertile, et que l'ouest, qui est plus riche en poissoD.
En Angleterre (de 1838 à 1842}, la phthisie figure pour plus de
i/6 dans la mortalité; elle tue, par an, plus de 4 habitants sur
i Ot)0. En Belgique, elle forme le 1/5 de la mortalité ; sur i 000 ha-
bitants, elle tue chaque année : dans le Limbourg belge^ 4,9; dans
la Flandre, 4,6; à Bruxelles, 4,1; à Namur, 2,5. En France, la
proportion est à peu près la même qu'en Belgique : la phthisie
cause 1/5 des décès; sur 1 000 habitants, elle tue : à Paris, 4,1 ; à
Bordeaux, 3,3. En Suisse, à (ienève, du moins, la proportioo
TUBERCULOSE. 829
n'est plus que de 2,5 phlhisiques par 1 000 habiiauts. En Alle-
nia^e, elle est de 4,2 par 1 000 habitants. Sans avoir des chif-
fres précis» il semble acquis que TEspagne, Fltalie et la Russie
ne s^éloignent guère du chiffre de 1/5 de la mortalité et de
4 phthîsiques pour 1 000 habitants.
Sur TAste nous ne possédons que peu de renseignements. Il en
est de même pour l'ensemble des payssans statistique; nous n^avons
sur eux que quelques renseignements locaux : le Japon passe
pour être très frappé par la phthisie, qui y détruit surtout la
population infantile.
En Amérique, au Groenland, la maladie est très fréquente, alors
pourtant que la latitude est plus élevée, pour une partie du
moins, que celle de Tlsiande ; à Terre-Neuve et surtout à Mique-
lon, elle cause les 3/4 de la mortalité; aux îles Aléoutiennes, la
majeure partie des métis de Russes et d'indigènes meurent de
phthisie ; au Canada, elle atteint tous les métis d'Anglais et d'In-
diennes, mais elle épargne les populations blanches du haut
Canada ; aux Etats-Unis, d'une façon générale, la phthisie est
moins fréquente qu'en Europe : à Boston, elle ne figure que pour
le 1/6 des décès. Cependant dans TAraérique du Sud, à la
Guyane, elle enlève le i/3 de la population; au Brésil, elle était
extrêmement rare avant 4848 ; mais elle fait maintenant dans tout
ce pays des ravages énormes ! le 1 /5 de la population y meurt de
tubercules comme à la Guyane. Au Pérou, la phthisie est la ma-
ladie dominante; elle figure pour les 3/10, parfois les 5/8 des
décès.
En Afrique, nous verrons, à propos des races, que la phthisie
est fréquente : je n'ai pas de chiffres exacts, nous savons cepen-
dant.qu'au Darfour elle est peu commune ; en Egypte, elle est
fréquente, surtout dans la basse Egypte ; aux Açores, elle est rare :
on trouve 2 phlhisiques sur 465 chroniques. A Thôpital, à
Madagascar, elle est fréquente.
En Australie, à Melbourne notamment, elle tue le 1 /3 de la po-
pulation de 20 à 45 ans et près du 1/4 de la populalion totale.
Mais nulle part ia phthisie n'atteint une fréquence égale à celle
qu'elle présente en Polynésie. Elle dépeuple aujourd'hui ce pays
et fera disparaître d'ici quelques années la race polynésienne. A
délaut de statistique, il suffit de constater que la plupart des cas
de mort ont lieu par phthisie et que le nombre des habitants dé-
croit a%ec une rapidité effrayante.
331 LA FAINE ET LA FLORE.
ClrroBsCaBcm éliol^cHv^s diverses. — La phthisie est
donc^ beaucoup moins qu'on le croit généralement, eo rapport
avec le clim.it. A toutes les hUitud-^s nous \otods des immunités.
Je citerai Tlslande, les îles Fén»ê. le nord de la Norwége, le
pa\s des Kir^hiss, le Darfour, déjà mentionné, le Mexique, le
Teias, les Aii<lcs, les montagnes du Harz et de la Thurînge;
d'un autre c«j lé, à toutes les latitudes nous la voyons régner :
elle figure au GroèoUnd, par exemple, comme au Brésil. Si la lati-
tude ne senihle pas avoir d'inQuencc très marquée sursa produc-
tion, elle semble, au contraire, avoir une inOuence incontestable
sur sa marche, qui est plus lente dans les pays froids, plus rapide
dans les pays chauds. C'est ainsi que ce trouble de nutrition que
présentent les ongles et les extrémités digitales dans la phthisie
clironitiue et que nous connaissons sous le nom d'ongles hippocra-
tûjws, a été noté comme n'ayant pas lieu dans les pays chauds ;
c'c>l tout simplement parce qu'il n'a pas le temps de se produire.
Dans un même pays les saisons ne sont pas sans influence; le
printemps, et non l'automne des poètes, est de beaucoup la saison
par excellence de la phthisie.
Il r.tiit convenir cependant que FattUuiie semble jouer un rôle
plus iin)tortant que la latitude: Fuchs a trouvé, en 1853, pour
FAlleniaf^nc, (|u'à Hambourg, au niveau de la mer, la phthisie
ligure pour 23 0/0 des décès; à i60 mètres d'altitude, pour 1*2 0/0
des décès; à o84 mètres, pour 9 0/0 des décès. Lombard (de
Genève) est ai rivé à desrésultj\ts analogues : la phthisie cause dans
les Iwsses régions (200-500«nJ, 12 0/0 des décès ; de 500 à 900*,
9,4 0/0 des décès; dans les hautes régions (900-1300»), 5,1 0/0. Au-
dessus de 1 OOOm, la phthisie n'existe plus. Dans l'Engadine, par
i 7i2"», le docteur Brugge constate que la phthisie est rare et
qu'elle se guérit chez les gens du pays, qui, après l'avoir quitté, y
reviennent ; ù Briançon, par 130iiB, le docteur Albert a constaté
rcxtréuic rareté delà phthisie; à Lima, où elle est très fréquente,
nous venons de le voir, il est d'usage d'envoyer les malades dans
la Sierra, notamment dans la vallée de Jauja (3 200") et, d'après
le docteur Fuentes, 79 0/0 d'entre eux trouvent là la guérison.
Nous avons vu déjà, en parlant des altitudes, qu'à l'hôpital de
Mexico, le \y Ji menés, sur 1 1 963 malades traités en 24 ans, avait
rencontré S(!ulcnient 143 phlhisiques et que le 0' Jourdanet, sur
30000 visites faites à Mexico, en a marqué 0 seulement faites en
ville à des phthisiques. Sur le plateau d'Abyssinic, d'Abbadie a
TUBERCULOSE. ISl
constate également rextrème rareté de la pbthisie. Enfin, aux
Etats-Unis, tandis que la moyenne des décès parphthisie est, pour
toute la zone basse» de 18/100, elle est, dans la zone'montagneuse,
de 6,47/ i 00. C'est que Tair décomprimé est sédatif, peu excitant
pour le poumon et que dans cet air décomprimé, la gymnastique
pulmonaire s'exerce largement comme sans danger; or Texcrcice
pulmonaire c^t un des meilleurs préser>'atirs de la plithisic. Enfin,
et ce côté de la question ne doit pas être négligé, la mortalité in-
fantile, par rayonnement de calorique, est considérable sur lef^
liauteurs et il se fait là une véritable sélection, la mort prenant,
des le berceau, ceux qu'elle eût fait tomber plus tard sous les
coups de la pbthisie !
La flrnsiU^ de la i)opulation diminue comme l'altitude aug-
mente; les fabriques, les usines diminuent d'une façon inverse à
l'altitude. Sans préjudice des autres éléments de leur action com-
plexe, on peut donc dire que les altitudes sont préservatrices de la
plithisie, parce que la densité des populations leur est pro{)ortion-
nellement inverse. Il est tellement vrai que la diminution dans la
densité des populations joue son rôle ici, que les |)opulations peu
denses, mais sans altitude, ont la même immunité. Voilà pourquoi
la phlhisie est aussi rare dans les plaines peu élevées des Kirghiss
nomades que sur les hauteurs peu i>euplées.
Veut-on voir un exemple de l'action de la densité de la popu-
lation sur la pbthisie? cet exemple sera fourni, pour l'Angleterre,
par le D' PearSjau moyen d'une statistique qui porte sur 300000 ha-
bitants de 3i districts du Devonshire, observés pendant une pé-
riude de 10 ans (1861-1870).
Superficie Dcco« phlliisiqucn
DifllricU. ' en ni«'trc8 carrés. par 1 oou vivaul».
Tavislsck 80 000 0.37
Darnslaple 32300 \,M
Molton ihîHO 1/ij
Saiiit-Thonias 6470 :£,/i2
Newton 1738 2.Gi
Plymoulh 84 2,8..
Londres 84 2.S7
La pbthisie est si bien une maladie qui croît comme la densité
de la population, que la mortalité, qu'elle provoque dans les
campagnes même les plus peuplées, est toujours inférieure à celle
qu'elle occasioime dans les villes voisines. On a donc raison de
regarder rémigraliou des campagnes, rexteasiou Ae >^\u^m^\.\;\^
I8t LA FAUNE ET LA FLORE.
et les difficultés de la Tîe ouvrière daos les grandes villes comme
une des causes de son accroissement.
Un autre exemple bien remarquable de l'influence de l'encom-
brement sur la production de la pbthisie nous est fourni par
sa fréquence incomparablement plus grande dans la population
militaire que dans la population civile. Cet exemple a d^autant
plus de valeur, qu'il s'agit ici d*une population préalablement triée
par les conseils de revision ; on élimine, en efÎTet, non seulement
les phthisiques, mais ceux qui semblent disposés à le devenir :
ainsi, la poitrine étroite étant regardée comme un signe de
prédisposition à la pbthisie, on élimine en Angleterre tous ceux
dont le périmètre thoracique, mesuré aux mamelons, ne dépasse
pas la demi-taille d'au moins 2 centimètres, si Tindividu a 1",60,
et de 3 centimètres, si l'individu a moins de 1",60. Eo Autriche,
on élimine tout homme dont le périmètre thoracique ne dépasse
pas la demi'taille de 2 centimètres 1/2 ; en Prusse, on fait la même
chose, depuis 1855 ; en France, cette appréciation est laissée au
jugement de chaque médecin. Eh bien, malgré ce triage, malgré
cette sélection préalable, on arrive à voir se produire, chez ces
jeunes gens relativement choisis, qui passent 4 ans au régiment,
une mortalité par pbthisie très supérieure à celle de la population
civile de même âge, dans laquelle ont été cependant refoulées les
non-valeurs. Dans Tarmée française, par exemple, tandis que le
nombre des réformés par le conseil de revision est en moyenne
de 0,72/1000, le nombre de ceux qui meurent ou sont renvoyés
du régiment pour pbthisie est de 4,55/1000. Dans l'armée an-
glaise, le nombre des morts par pbthisie ou renvoyés phthisiques
est de 7,82/1000.
UencombremctU est si bien la cause de cette pbthisie, qu^il suffît
qu'un régiment soit campé, pour que la pbthisie diminue. Cette
action de l'encombrement est d'ailleurs bien marquée, quand
on examine la mortalité dans les ditTérents corps : les casernes
d'infanterie ont besoin de peu d'espace relatif; elles ont peu
de chevaux, pas de voitures ; elles n'ont donc pas de grandes
cours, comme celles que nécessitent les chevaux ; or la mortalité
en France y est de 7/1000, au lieu d'être de 4/iOOO comme dans
la population civile. L'artillerie est dans des conditions contrai-
res : elle a des chevaux, des canons à loger et à faire évoluer ;
elle dispose donc de beaucoup d'espace ; aussi la mortalité dans
ce corps est-elle de 4,6/1000.
TUBERCULOSE. 188
La mortalité par phthisie sévit, en outre, dans les différents
corps, à proportion de l'exercice que prennent les hommes. Ainsi,
en 1845, alors que les chasseurs d'Orléans faisaient des exercices
spéciaux, leur mortalité par phthisie était de' 1J/1(M)0; aujour-
d'hui encore les pompiers ont une mortalité par phthisie infé-
rieure à celle de Tinfanterie^ 6/iOOO au lieu de 1, mais supé-
rieure cependant à celle de la cavalerie.
La maladie sévit en outre en proportion de la durée du service
militaire : en Angleterre, là où Tinfanterie présente une mor-
talité phthisique de i 0,2/ 1000, les gardes, tous vieux soldats,
ont une mortalité de 13/1000.— A Paris, la garde dite de Paris, re-
crutée parmi les soldats ayant déjà servi, présente une mortalité
de 10,66/1000, au lieu de 7/1000, comme Tinfanterie, argument
considérable en faveur de la diminution de la durée du service
militaire,
La question du service militaire et de ses conséquences sur la
santé est si importante, que j'ai tenu à m'y arrêter ; mais, pour le
moment, j'en veux seulement tirer cette conséquence : production
de la phthisie par l'encombrement et par le défaut d'exercice.
D'autres professions nous conduiraient au même résultat. Ainsi,
sur 100 décès, les bouchers ont 8,2 par phthisie ; les cordonniers,
38,4 ; les tailleurs, 39,9.
CoBtasion, hMcaJUition. » On se contenta de ces consi-
dérations d'étiologie, jusqu'au jour où devint adulte l'idée de la
contagion de la phthisie pulmonaire ; je dis : «devint adulte», car
la naissance de l'idée date sans doute de la même époque que
la naissance de la phthisie elle-même. Hippocrate signale en
effet dans l'île de Thasos une véritable épidémie (Littré, son tra*
ducteur, emploie ce mot) de phthisie. Galien, Rhazès, Fracastor
ont, toute leur vie, cru à la contagion. Plus récemment, le
D' Bowdith a fait une enquête sur la contagion de la phthisie ;
il a demandé leur opinion à 210 médecins de l'Etat de Massa-
diussets ; 110 ont répondu ont; — 45 ont répondu non; — 27
ont déclaré ne pouvoir se prononcer ; — 28 n'ont pas répondu
du tout. La majorité, dans ce nouveau plébiscite, n'en était pas
moins favorable à la contagion. Telle était d'ailleurs vaguement
la croyance populaire, lorsque, en 1839, le D' Malin apporta des
(aits d'inoculation de la matière tuberculeuse à des animaux; mais
cela ne Gt aucun bruit et demeura ignoré; en 1843, le D' Klenke
réussit de même à inoculer les tubercules aux animaux ^^w^ o^^^
S14 U FAUNE ET LA FLORE.
sa dt'oouurtr fit p^u^ de bruit que la pn-niière ; maU, en 1K6à, il
uVn fut |ia> de même: le D' Yiiicmin vint annoncer à rAcademic
dt* mcditim, qiie 17 cochons d*lnde et {± lapins qui avaient reru.
A\ec une lancette, à ia Uaso de Toreille, la matière lulierculeuse
di^ fH»umtins de Thomme. présentaient, pnur la !,i dVntre cai,
dt's ;;ranul;itii*n» tuLerculeu>«'< : les faits semblables s'accumu-
lèrent : Parrot. liera rd, Corn il inciculèrcnl des tubercules aui
lap]n> t-t C'>n<«tati.Tent que ces animani devenaient tuliorculeux.
L4>UTt fil une prc-mièri- critique en prétendant qu^ou rendait ces
animaux tulicrruleux. niême en leur injectant des matières non
tubrrruiruMS. On fit. en outre, à M. Viik-min, une autre objection
qui nVtait |ias sans valeur : on loi reprisenta que ces animaux
cniupissant, de génération en gênëratioti, au fond d*une boîte
mal arrt-e. sans e\rrcice. sans air, étaient déjà tous tuberculeux,
sans inoTulation II arriva même encore d'au très expérimentateurs,
qui, m«>iitièrent que si l'on inocule au lapin nMmjiorte quoi,
IH'urvti que ce rongeur timide ait de la fièvre, qu'il suppure et
qu'il « roiip><o au fond de sa boite, il ne demande, pour ainsi
dire, qij'.i i\vM nir tuberculeux.
Il fallait Mirtir du lapin ; c^est ce qu'a fait Chauveau (de
l.\f>u : il a pris environ 50 botes : vaches, gc-nisses, chevaux, en
pl«'iii pâtura«:e. laisstvs au grand air, dans les meilleures con-
ditioii^ il'hx^'iene possible. A quelques-unes il a inoculé la matière
tulH rculfuse de Thomme, à d*autres, des produits quelconques de
putrrfacljon, h d'autres rien ; il a abattu toutes ces liètcs ; les
premières, inoculées avec les tubercules, étaient toutes tubercu-
leuses ; relies qui avaient été inoculées avec des produits quel-
conques de putréfaction avaient eu des inflammations locales,
niais ne prés<'nlaient pas de tubercules ; le troisième lot, qui n^avaii
sulii Hueiine inoculation, n'était pas tuberculeux. Diculafoy et
le regretté Krishabcr ont inoculé avec succès le tuliercule à de
nouiliH'ux singes.
Chauveau a fait mieux : après avoir montré que Tinoculation
par la peau reproduisait le tubercule, il s*est proposé de recher-
chi*r qu(>lle était la conséquence de l'absorption de la viande tu-
iMMTuUruse par l'intestin; il a nourri des veaux, en ajoutant au lait
qu'ils eoiiHimunaient à discrétion, des boulettes contenant des frag*
inents (U\ matière tuberculeuse prise sur Thomme et il a vu
tous res veaux devenir tul)€rcultux ; si bien qu*il a pu formuler
que, hur 100 veaux de lait issus de parents sains^ il n'y en a pas
TUBERCULOSE. 815
un seul qui présente des tubercules, tandis que, sur 100 veaux
de lait issus de parents sains, tous seraient tuberculeux six semai-
nes ou deux mois après avoir avalé de la matière tuberculeuse!
Deux faits ressortent de ces expériences : Tinoculation par la
pcauei l'inoculation par V intestin. Enfin Trapeiner, en Allemagne,
a dilué dans Peau des crachats de phthisique, et, avec un
appareil à pulvérisation, lésa fait inhaler à il chiens, qui tous
sont devenus tuberculeux. Nous pouvons donc conclure à une
troisième conséquence, Finocnlalion pulmonaire.
L'inoculation de la tuberculose donne l'explication d*un fait
étrange : Laênnec, dont le nom est à jamais attaché à Tétudc de
la phthisie, s'était blessé en faisant Tautopsie d'un tuberculeux ; il
s*en était d'autant moins préoccupé, qu'il ne croyait pas que l'ino-
culation fût possible ; or ce grand médecin est mort tuberculeux.
Quant à l'expérience de Trapeiner, elle nous permet de com-
prendre comment la présence, d'ailleurs constatée dans l'air, de
produits sortis de la poitrine de phthisiques peut inoculer le tu-
bercule et produire en somme ce que nous regardons comme de
la contagion. Que chacun cherche dans ses souvenirs et je suis
sûr qu'il trouvera des exemples d'un ménage, où l'un des époux
tuberculeux a transmis la maladie à l'autre, qui n'y paraissait
nullement prédisposé. En 1870, une thèse du D'Compin a réuni
lit cas, où la contagion lui a semblé non douteuse. Hermann
Weber cite môme l'exempled'unhommequiavaiteu une hémoptysie
à 20 ans ; il mourut phthisique, api es avoir vu mourir successi-
vement de la phthisie ses quatre femmes, qui n'étaient nullement
prédisposées.
Nous pouvons maintenant comprendre comment les chances de
phthisie augmententen proportion du nombre des hommes agglo-
mérés. Déjà Tholozan et d'autres, frappés de voir combien l'agglo-
mération augmentait la fréquence de la phthisie, avaient songea
l'hypothèse, alors non encore démontrée, de la contagion. Lacnnec
lui-même avait cité un couvent, dont toutes les religieuses étaient
atteintes de phthisie, sauf la sœur tourière, que ses fondions ap-
pelaient souvent au dehors et qui, d'ailleurs, vivait plus isolée.
Dans les étables, la contagion de bète à béte n'est pas moins évi-
dente : il sufBt d'une vache tuberculeuse, pour que toutes les bêtes
de retable le deviennent.
On comprend comment, dans les villes, la valeur des causes
prédisposantes, mauvais air, défaut d'exercice, esV^sm^ifct^VX^-
IS6 LA FAUKE ET Là FLORE.
Uemeot décuplée par la contagion ; on comprend pourquoi., de-
puis 1844, l'extension de la phtbisie ao Brésil est due à la grande
afflueoce des étrangers et, en Daisant aux malheureux Polynésiens
Tapplication de ces données, on est forcé de reconnaître que k
maladie est renue chez eux avec nous, et que son intensité est
proportionnelie à notre nombre; on s*eiplique enfin, puisqu'il
s*agit d'une maladie virulente, comment, toutes choses égales d'ail-
leurs, la chaleur semble augmenter le pouvoir contagieux et l'in-
tensité de la virulence de la phthisie.
L'inoculation par riotestin nous intéresse peut-être plus encore,
tous personnellement. Aux (kits de Chauveau s^en sont d'ailleurs
ajoutés d'autres : Bollinger, professeur d'anatomie pathologique à
l'Ecole de Munich, s'est procuré une truie, qui avait 8 petits.
4 furent nourris avec le lait d'une vache non tuberculeuse, 4 au-
tres avec le lait d'une vache tuberculeuse. On abattit les ^ vaches,
les 8 petits et la truie. La vache présumée saine, la truie, les 4 pe.
tits nourris par la vache saine n'avaient pas de tubercules; au
contraire, la vache présumée tuberculeuse et les 4 petits qu'elle
avait nourris de son lait furent trouvés tuberculeux. Le EN* Orth,
dans une cage bien exposée, a mis 5 lapins; l'un d'eux,
nourri comme à l'ordinaire, devait servir de terme de comparai-
son ; 2 furent nourris avec de la matière purulente non tu-
berculeuse (casécuse); 2 avec le tubercule sous forme de ce
qu'on nomme, chez les bètes à cornes, la matière perlée; deax
seulement, ceux qui avaient mangé la matière perlée, furent troa-
vés tuberculeux. — La conséquence de (eut ceci : c'est que nous de-
vons nous mélicr du lait des animaux tuberculeux et des matières
animales, qui, imparfaitement cuites, pourraient contenir de la
matière tuberculeuse. Le professeur Dcmme, médecin de l'hôpital
des Enfants à Berne, a cité des cas de turberculisation par la
lait cru de vaches tuberculeuses chez des enfants d'abord bien
constitués et sans tare héréditaire.
Le microbe de la toberenloae. — On voit,'par ce qui pré-
cède, que la plithisie a sa place marquée parmi les maladies in-
fectieuses et parasitaires, qui nous occupent actuellement. Déjà,
en i875, Klebs avait émis l'hypothèse, que dans la tubercalose
vraie il ne serait pas impossible que l'on découvrit un conlage
parasitaire ; plus tard, il signala le Monas tuberculosum sous forme
d'éléments accouplés par deux ou trois, animés d'un mouvement
très vif j pour lui c'est là le parasite de la tuberculose et Rein-
TUBERCULOSE. 837
stadler put confirmer cette manière de Toir par des cultures suc-
oessîTes. Toussaint est arrivé, de son côté, à cultiver un mtcro-
eoccus spécial, qui, inoculé, donne une tuberculose locale d'abord,
généralisée ensuite. Ce microbe est constitué pour lui |)ar des gra-
nulations petites, géminées ou réunies en amas, qu'il a pu cultiver
jusqu*à la quinzième génération.
L'inr»culation réussit non seulement chez le bœuf, qui présente
une grande tendance à la tuberculose, mais encore chez le chien
et le porc. On comprend comment les animaux peuvent se conta-
gionner à Tabreuvoir ou à Tétable par le mucus nasal ; de même
dans la vaccination animale, la sérosité vaccinale peut transmettre
la tul)erculo§e, résultat identique à celui que produit chez les
enfants et les malades l'usage de la viande crue ou du jus de
muscles, lorsqu'ils proviennent d'animaux tuberculeux.
Koch prétend avoir mis en évidence, par un procédé nouveau
de coloration des éléments anatomiqucs, le parasite de la tuber-
culose. 11 serait arrivé à l'isoler, à le cultiver; enfin, en l'inoculant
seul dans Torganisme, il serait parvenu à reproduire la maladie
initiale. Ce microbe n*est ni la monade si mobile de Klebs ni le
minrororcus de Toussaint ; c'est une bactérie se présentant sous
forme de bâtonnets, douée de mouvements exclusivement molé-
culaires, un hacillus analogue à celui de la lèpre, d'une extrême
petitesse, car son diamètre ne dépasse jamais celui d'un globule
rouge et peut être quatre fois moindre. Ces bacilli sont accumulés
parti>ut où le processus tuberculeux est à la première période ; à
la périphérie des masses caséeuses on les trouve isolés ; plus les
lésions sont anciennes, plus le nombre en diminue.
Koch a rencontré ces bactéries, non seulement dans les granu-
lations tut>erculeuses du poumon, du cerveau, de l'intesiin, mais
encore dans les foyers de pneumonie caséeuse, dans les adénites
sirumeuses et au milieu des fongosités articulaires ; elles se re-
trouvent dans les !crachats, même desséchés depuis longtemps,
des phthisiques. Hiller a trouvé les bacilli dans les crachats
bérooptoîques du début, Balmer et Fraenzel dans les crachats
purulents. Ils existent également dans la tuberculose expéri-
mentale, ainsi qu'en font foi des recherches qui ont porté sur plus
de200animaux, cobayes, lapins, chats. Enfin Koch a cultivé ces
bacilli et des inoculations faites, dit-il, avec une rigueur scienti-
fique absolue ont reproduit, chez dirers animaux, dans Tesçace dvt
trois ou quatre semaines^ une tuberculose généraWsée. \>3^^\¥ijc^
oioan. méd. W
8S8 LA FAUNE ET LA FLORE.
n'hésite-t'il pas ù voir dans ce micro-organisme Tagent spécifique
de la tuberculose. Dans la tubercuU^se des organes génito-urinaires,
Babcs, en France, a trouvé le bacillus dans Turine.
Ck)rnila fait l'examen approfondi de la granulation tuberculeuse.
« Si on examine, dit-il, une masse tuberculeuse, développée
sur la pie-mère, on constate d'habitude, h son centre, un vaisseau
oblitéré par de la fibrine et dans cette fibrine les bacilles carac-
téristiques de la tuberculose. Sur les parois du vaisseau et dans
son voisinage, on en rencontre également en plus ou moins grand
nombre. Il est probable que c'est la coagulation fibrineuse intra-
vasculaire qui est envahie la première. Lorsque, à une période
un peu plus avancée, il existe des granulations dans le tissu des
circonvolutions cérébrales, les mêmes particularités se retrouvent
dans ces granulations.
De même pour la granulation pleurale ; c'est également dans
les coagulations fibrineuses qui occu[)ent les vaisseaux et dans les
tubercules développés autour d'eux que se trouvent les bacilles.
On rencontre également des bacilles dans la pleurésie chronique
de nature tuberculeuse ; seulement ils sont disposés d^une façon
un peu différente. Dans un fait de pleurésie chronique de cette
nature, la séreuse était constituée par un tissu fibreui plus ou
moins dense, semi -transparent, limitant des cavités d'Stendue
variable, dans lesquelles il y avait un liquide caséeux. Cest dans
ce liquide caséeux que se voient les bacilles, principalement dans
les anfractuosités intermédiaires qui unissaient les deux plèvres.
Le nombre de ces bacilles et leur dissémination sont des plus
variables. Ils ressemblent sous beaucoup de rapports à ceux de la
lèpre, ils eu différent surtout par leur habitat, leur mode de grou-
pement et la façon dont ils se comportent en présence de certaines
substances colorantes.
Héréélté. — La phtbisie n'est pas seulement contagieuse, elle
est héréditaire et ainsi s'explique, ce que la contagion directe se*
rait à elle seule impuissante à produire, la rapide et profonde
extension de la maladie dans les races. Cette notion de la conta-
gion et de l'hérédité ne détruit pas, d'ailleurs, la valeur descauiei
banales, prédisposantes, adjuvantes, occasionnelles. C*est ainsi que
la fréquence des refroidissements, des rhumes et par conséquent
un climat variable, une mauvaise hygiène du vêtement reo*
dront plus efficace la contagion et Thérédité, qui ne se seraieat
peut-être jamais manifestées sans cela. Une mauvaise alimeoti-
SYPHILIS. 8S9
tioD, les excès, toutes les causes débilitantes, le défaut d'aéra-
tion, le défaut d'exercice favorisent également l'hérédité et
la contagion. Si les climats chauds, sans excès, comme la côte
d'Algérie» sont souvent utiles, c'est parce qu'ils permettent
de vivre dehors, sans s'exposer à avoir froid. Si dans certains cas
les montagnes, aujourd'hui à la mode, sont utiles, c'est qu'elles
permettent, dans un air raréfié, peu excitant, Texercice et la gym-
nastique pulmonaire, c'est qu'elles éloignent des agglomérations.
Cette gymnastique pulmonaire est si utile contre la phthisie, que le
silence prolongé dans les prisons et dans les couvents augmente la
statistique de la phthisie; aussi, dans les régiments, la mortalité
pbthis'ique des musiciens est-elle inférieure à celle des autres
soldats.
La prophylaxie de la phthisie doit être dominée par ces deux faits,
la contagion, l'hérédité. Nous ne savons pour quel chiffre figure
la contagion alimentaire, mais nous pouvons être persuadés
qu'elle existe; or il est facile de l'éviter par le choix des animaux,
par la cuisson. Quant à la contagion par la voie pulmonaire, c'est
la plus fréquente de toutes. La contagion de la phthisie n'est
pas heureusement aussi rapide ni aussi facile que celle de la va-
riole, de la scarlatine ou du choléra. 11 faut une vie intime, inces-
sante, en commun comme la vie en ménage. Or ces conditions
normales en ménage sont exceptionnellement réalisées dans les
casernes et encore aujourd'hui le sont-elles moins qu'autrefois.
§ 8. SYPHILIS.
Histoire, géographie. — La syphilis est actuellement répan-
due à peu près dans le monde entier. En Norv^ége, où elle est
grave, elle porte le nom de radeyzyc; les affections osseuses y
sont nombreuses, la mort en est la terminaison fréquente. Elle est
très commune en Russie, surtout dans les gouvernements de
&iew, de Pultava ; le D' Codolinski cite des villages, où le tiers
des habitants a la syphilis. Dans le village de Jarolawka, sur 420
familles qu'il connaît, 30 sont syphilitiques, 64 ne le sont pas ;
quant aux 26 autres, il ignore leur état de santé. Dans un autre
village^ celui de Lipianka, il a to dans un seul été plus de 50
jeunes filles de 16-25 ans syphilitiques. Il attribue ce fait à la
débauche, qui suit l'embauchage pour la culture de\a YieW^iv^^
840 LA FAUNE ET LA FLORE.
et la fabrication du sucre. Dans certains districts, la syphilis fait
de tels ravages, qu'ils ont de la peine à fournir leur contingent
militaire, notamment à Moscou, à Odessa» àTïQis.
Dans toute la Chinc^ la syphilis est extrêmement fréquente; il
en est de même au Japon, où elle est devenue k)énigne, grâce à soo
extrême diffusion. Aux îles Aléoutiennes, sa fréquence est grande
également. Au Groenland, elle pénètre de tem|)sen temps jusqu'au
cercle polaire (70^ de latitude) avec les l>aleiniers.
Au Mexique, d'après le D'Libermann, elle affecterait le quart
de la population. Au Chili, sa fréquence est également considé-
rable> on trouve 485 syphilitiques sur 939 malades.
En Eg}'pte, elle est aussi très commune ; on la nomme emito-
reck (la bénite) ou le mal des chameaux, ce qui indique assez
qu*elie suit la route des caravanes. Elle est très répandue aussi
dans le Kordofan, dans le Darfour.
Elle sembU* ne pouvoir s'acclimater dans certaines régions
froides; ainsi, en Islande, en 1756, quelques cas furent observé»
chez les tisserands deReijk-Jawick, mais en 1763 la maladie était
devenue rare; en 1774 elle n'existait plus; en 1837, le D' Thor-
stensen écrivait : n Morhus veneretts non existit in Ulandia »;
aujourd'hui, elle n'existe pas davantage, bien que, chaque année,
80 vaisseaux danois et 150 vaisseaux français ou hollandais abor-
dent dans cette île ! Cette étrange immunité tient-elle à la race ?
Non, car 1rs Danois, les Suédois et les Norwégiens ne se fontpas
faute ailleurs de prendre la syphilis. Tient-elle au climat ? Pas
davantage, car la température moyenne de Reijk-Jawick est de
-H 4^; elle ne diffère donc pas beaucoup de celle de -f- 5* qu'on
trouve en Norwége. Il est probable que ce privilège tient à la
grande simplicité des mœurs et surtout à l'absence de relatioas
entre la capitale et l'intérieur de Tile. La preuve que telle en est
bien la cause, c'est que la même immunité existe au centre de
l'Afrique, là où les populations sont vierges de notre contact.
La syphilis, dans sa propagation, suit en eifet les voiesde commo*
nication ou les armées. Elle a été importée aux îles Féroë (1844)»
aux ilesEngano et Gavantolo (Sonde) depuis 1854. En Italie, c*est
à ce grand attroupement d'hommes de tous les pays qui eut lieu
au xY'siècle qu'éclata la grande épidémie de syphilis de 1494. D'où
venait-elle? Grande question, souvent débattue ! Trois opiniofis
ont eu cours : Tune soutenait l'origine moderne et autochtone;
la seconde Torigine américaine ; la troisième rorigine ancienne.
SYPHILIS. 841
L'origine moderne et autochtone ne se conçoit guère ; il
faut reléguer dans la fable tout ce qui a été dit à ce propos,
sur rafQoité avec la lèpre, le farcin, sur la conjonction des astres.
De même que chaque peuple donne généralement à la syphilis
ie nom de son voisin, le vieux monde pensa avoir reçu la maladie
du nouveau. Gonzalve-Fernandez d'Oviedo écrivait^ en i535, à
son retour d*ispaniola (Saint-Domingue) : « La vérole est commune
« dans ces pays, mais, par un effet de la bonté divine, on y trouve
« partout le remède propre à guérir, savoir le bois de gaïac; elle
« règne aussi parmi les chrétiens, mais seulement depuis peu. i
Plus tard, en 1540, Roderic Diaz de Tlsle écrivait à Jean III de Por-
tugal : a La vérole parut en 1493 à Barcelone. Cette ville fut la
« première infectée; ensuite TEurope. La maladie venait originai-
« rement de File Espagnole, car l'amiral Colomb ayant découvert
c cette ile, ses soldats gagnèrent le mal, qui était contagieux. >
D'Espagne elle aurait été facilement portée à Naples et de là dis-
séminée dans le monde entier, il est avéré qu'elle a été portée en
i526 en Afrique, où les nègres Tout transformée en pian, que
nous étudierons plus loin.
La vérole existait -elle en Amérique avant la conquête? Les lé-
gendes mexicaines rapportent que la syphilis existait avant Tarrivée
des hommes barbus : les Mexicains l'adoraient même sous le nom
de Nanahualt. Le D' Jourdanet a trouvé dans les écrits de
Bernard Diaz dcl Castillo la preuve de Texistence de la vérole au
Mexique avant la conquête. L'auteur espagnol en parle très net-
tement, sous le nom de Bubas. Enfin Parrot a fourni la preuve de
Texistence de la syphilis héréditaire, existant avant la conquête
dans l'Amérique centrale, au Pérou. Le savant professeur, étu-
diant la syphilis héréditaire actuelle, est en effet arrivé à établir
nettement, qu'elle se localise souvent dans le crâne. La lésion
consiste dans le dépôt, sous le périoste, d'ostéophytes poreux ; ces
ostéophytes apparai.ssent dans les deux premières années de la
vie ; ce sont de larges espaces médullaires, à trabécules perpendi-
culaires à la surface de l'os et,'comme ils siègent souvent au niveau
des bosses pariétales, ils produisent une déformation que Parrot
nomme natiformey qui rappelle celle d'Ancon et qui est absolu-
ment caractéristique de la syphilis héréditaire. Or la même lésion
syphilitique héréditaire fut retrouvée par lui sur 3 crânes anté-
rieurs à la conquête : 2 crânes du musée Broca et i crâne
d'adulte du Muséum.
842 LA FAUNE ET LA FLORE.
Les deui crânes du musée Broca, offerts [var le D' Destmges,
proviennent de Guayaquil (Equateur). Ce sont des crânes d'en-
fants, qui présentent la lésion ostéophytique, poreuse que je viens
de décrire. Ils ont été extraits d'une sépulture certainement anté-
rieure à la conquête espagnole.
Le troisième crâne appartient au Muséum [n^ 9, collection Cham-
peaux), il a été trouvé à ('ihancaï, au nord de Lima, dans un
tombeau contenant des étoffes, dos bracelets en argent, des graines
de cacao, un sac à coca, tous objets qui, d'après Hamy et plusieurs
archéologues, sont incontestablement antérieurs à la conquête.
Les lésions de ce crâne sont également caractéristiques. La sy-
philis existait donc en Amérique avant la conquête européenne.
D'un autre côté, au xiv^ siècle, à Copenhague, un manuscrit
parle d'un mal horrible qu'on nomme le mal français. Au moyen
âge, un grand nombre d'auteurs parlent d'ulcérations, qui sont
véoérienne^i mais qui peuvent n'être pas syphilitiques. Un seul,
Géraud, médecin du Berri au xin* siècle, dit : « Virga inficHur
M et (iliqnando totum corpua. v Enfin, dans un précieux manuscrit
du IX' siècle, on parle également d'accidents généraux: t Alia
ff mnnhra aordida vel maligna indc fiant. »
A toutes ces preuves littéraires de l'ancienneté de la syohilis
en Europe, Broca ajouta la première preuve anatomique : en
fouillant remplacement actuel de la rue de Bruxelles, on trouva
les restes d'une léproserie, où il trouva plusieurs crânes inconies-
tablemonl syphilitiques, qui, au moyen âge, avaient passe pour
lépreux, |la lèpre englobant tout. Enfin un autre document
anatomique nous permet, comme tout à Theure pour l'Amérique
avant la con(iuête, de poursuivre la syphilis dans notre pays, jus-
qu'au viio siècle. 11 s'agit d'une mâchoire inférieure, mérovin-
gienne, trouvée à Breny (Aisne), par M. Moreau et qui présente
sur les dents une lésion encore pour Parrot caractéristique de la
syphilis héréditaire, lésion formée par une série de sillons et
de cupules. Nous pouvons donc remonter pour l'Europe aa
moins jusqu'au vii» siècle.
Dans Tantiquité, silence presque absolu, expliqué toutefois par
un passage de Celse : a Ce n'est pas une entreprise facile de traiter
c de ces maladies (vénériennes) pour quiconque veut garder les
€ règles de la pudeur. )> Dans les satiriques, on trouve cependant
quelques passages qui sont significatifs et visent certainement
la syphilis.
SYPHILIS. 843
Mentnia quum doleat puero, libi, Scxvole, culus :
Non sam divinus, sed scio quid facias.
Martial, Epigr., lib. III, 71.
Horace parle, dans ses Satires, de fœdti ciciUrix, une cicatrice
honteuse que porte au front un débauché atteint de morhuscam-
fanus^ le mal de Campanie, comme on dit le mal napolitain, le
m/f/ français. Les partisans de la doctrine de i*anti({uitc de la
syphilis mettent en outre à leur actif un passage assez obscur
d'Hippocrate : « Beaucoup eurent des aphtes et des ulcérations à
« la bouche, Quxions sur les parties génitales, ulcérations, tu-
« meurs dans les aines, ophlhalmies, carnosités aux paupières. »
Enfin, une découverte de Prunières (de Marvejols) vint assigner
à la syphilis une naturalisation européenne plus reculée qu'on n'eût
jamais pensé : en fouillant une sépulture de Tépoque de la pierre
polie, ce savant distingué a trouvé des crânes identiques à ceux
du Pérou et à ceux que Parrot avait étudiés.
Dans le dolmen de Cauqucnos, dans celui de Boujassac, des
lésions syphilitiques du crâne, trouvées par Pruniers, ont été éga-
lement reconnues telles par Parrot. Un crâne d'enfant a reproduit
exactement les lésions modernes et anciennes de la syphilis dans
le Mexique. Parrot lui-même a regardé ces deux crûnes comme
atteints de syphilis héréditaire et on peut lire dans le procès- verbal
delà séance du 27 août du Congrès de Paris, procès-verbal revu
parBroca lui-même : « M. Broca adresse ses félicitations à M. Pru-
« nièrcs pour les découvertes qu'il vient de faire connaître; la plus
I importante est assurément celle de la syphilis; il avait hésité,
« dans le temps, à faire remonter, d'après ces faibles documents,
« l'existence de la syphilis à une époque aussi reculée ; mais,
« après les comparaisons établies par M. Parrot et les con«:lusions
« qu'il en tire, il ne peut plus hésiter : la syphilis existait bien
a chez nous dés Pépoque néolithique . »
Dans l'Inde, un livre qui remonte au commencement de Père
des chrétiens, VAgurvedn de SuçiUras, parle comme d'une chose
honteuse de certaines maladies de peau, d'ulcères, d'ophlhalmies,
d'éruptions « in planta, in palma », de pustules coloi'écs, de bu-
bons. Enfin, en Chine, 2637 avant Jésus-Christ, l'empereur
Huang-ty parle du chancre qu'il nomme Yang-nuci-kan, de des-
tructions honteuses du nez, dont il fait cinq classifications et qu'il
ordonne de traiter par le mercure.
844 LA FAUNE ET U FLORE.
la syphilis avait-elle été apportée par une invasiou tenant de
re.-t? son antiquité dans l'Asie nous indique-t-elle qu il faut
chercher là son berceau ? Nous Tignorons. Cette théorie pourrait
b eta}cr d'une [appréciation récente du D' Re\ : c Dans toute la
« Chine, dans les immenses plaines de la terre des herbeSf les
« populations paraissent depuis longtemps saturées de syphilis. >
11 n'y a, entre tous ces faits, rien d'incompatible : la syphilis
existait en Europe à Tépoque néolithique ; elle existait en AmC'
rii)ue avant la conquête. Ces deux pays ne se sont rien donné; U^
ont fait échange de virus. Les mauvaises conditions de la guerr^
d'Italie, ont, en outre, au xvi* siècle, été un terrain favorable ai^
renforcement d*un mal qui existait déjà !
C'est à cette opinion mixte qu'il faut, selon moi, se rattacher.
11 est d'ailleurs curieux de voir que la syphilis a surtout pris son
c^sor au moment où la lèpre disparaissait et qu'aux Moluques on
croit encore que l'inoculation de la syphilis (framhœsia) empêche
la lèpre !
Putbologle eonparée. — Les inoculations expérimentales
et dès longtemps celles qui ont été pratiquées par le 1)' Auzîas-Tu-
reniie, ont prouvé que la syphilis était transmissible au singe, au
chat, au chien : un expérimentateur courageux, Robert de Welz,
s'inoculant à lui-même la maladie développée chex ces ani-
maux, a pu constater qu'il s'était inoculé la syphilis.
La maladie semble d'ailleurs avoir des sièges de prédilection
diltérents chez chacun de ces animaux. Le singe prend volontiers
d(>s ophlhalmies, des manifestations cutanées, comme l'homme,
des ganglions considérables, comme l'homme, mais surtout
comme le nègre. Auzias-Turenne dit en propres termes : t Les
muqueuses de ces animaux sont, moins souvent que la peau,
le siège de l'éruption. » Nous ferons plus loin la même remarque
à propos du inan du nègre. Tous les singes ne prennent |>as d'ail-
leurs la syphilis avec une égale facilité ; les Cébiens, moins rap-
prochés de riiomme par leurs caractères anatomiques, la pren-
nent plus difficilement que les Pithéciens, qui, dans Tordre des
Primates, viennent après les Anthropoïdes. On a pu observer, sur
la face d'un singe, une éruption syphilitique, qui rappelle un peu
le itinn. On a constaté chez le singe des gommes multiples de
(oie et de poumon. MM.Martineau et Hamonic ont réussi à inocu-
ler la syphilis au singe et au porc; ils ont constaté que l'évolution
de la maladie est plus rapide que chez l'homme et que l'inocula-
SYPHILIS. 845
tioQ du porc à ud autre porc ou au singe ne semble pas réussir.
Chez le chat, Vernois et Mal^aigne ont constaté des exostoses
syphilitiques ; un de ces chats était un chat d'un hôpital affecté
aux syphilitiques ; il avait l'habitude de manfifer les plumasseaux
de charpie, qui avaient reposé sur les plaies ; c'est ainsi qu'il s'ino-
cula la maladie dont il mourut. Or les griffes jouant, chez le chat,
un grand rôle, cet animal donna un exemple de l'application de
celte loi, qui veut que, plus un organe fonctionne, plus souvent
i7 soit choisi par la maladie : les manifestations syphilitiques de
la maladie portèrent surtout sur les griffes; il eut de Vonyxis sy^
phUitique.
Boudin a dit que le pian se communiquait aussi aux dindes, aux
poulets, aux pigeons, qui cohabitent côte à côte avec les nègres
malades.
Il est un autre animal, moins éloigné, il est vrai, de Thomme^
^ui contracte la syphilis : c'est le cheval. La dourinc, c'est le nom
qu'on donne à la syphilis du cheval, se nomme encore morbus à
*^Mu; elle sévit notamment en Algérie, où elle atteint les étalons,
^juments et les ànesses. La syphilis équine est assez commune
<^n Orient et elle a été importée dans quelques haras d'Europe
par des étalons venus d'Orient. Elle est encore inconnue en An-
c'elene, mais elle a été observée en France, en Prusse, en Autri-
che, en Russie. Elle a été récemment étudiée chez nous par un
vétérinaire de Tarmée, Laquerrière. Elle est communiquée par
Thomme syphilitique aux juments et aux ànesses, par suite de
certains actes de bestialité, qui ne sont pas rares en Orient. 11 y a
one raison à ce contage, une raison ethnologique : c'est qu'en
Algérie un triste préjugé fait croire aux hommes qui ont la syphilis,
qu'ils ne guériront qu'en la passant à un cheval ! Les étalons pren-
nent ensuite la maladie et les poulains l'apportent en naissant.
L'inoculation ex (>éri mentale, par la lancette faite par Paune-
cbmidt et par Hertwig, latransmetd'ailleursd'un cheval à un autre.
Les ulcérations locales, celles qui frappent tout d'abord ceux qui
soignent les animaux, sont les seules qui apparaissent. La maladie
évolue ensuite par une série de tumeurs sous -cutanées, qui ne
s'ulcèrent pas, puis elle gagne rapidement les centres nerveux et
leurs enveloppes osseuses. On voit alors survenir des paralysies,
souvent limitées à la face, comme chez l'homme, puis des para-
lysies totales et l'animal, après une période d'amaigrissement et
d'émaciaUoD , succombe fatalement ; nouvel exemple qui aous
146 LA FAUNE ET LA FLORE.
montre combien la patholo^Me étend la zone d^affinité entre
rhomme et les autres animaux !
Le mlerAbe de la sjphllls. — Tout ce qui vient d^ôtre dit
de la syphilis et tout ce que le lecteur en sait d*ai Heurs déjà nous
autorisent ù présumer que la syphilis a sa place marquée dans
la class<; de maladies qui nous occupe.
Hallier (d'Iéna) Ta depuis longtemps étudiée à ce point de vue.
Klt'bs a repris ces expériences et a constaté dans les liquides ino-
culables des orp:anismes,qui se préf^entent sous la forme de granu-
lations (louées de mouvements très animés et de bâtonnets courts,
de (liincnsions assez considérables. A cause de la forme bélicoïde
qu'ils alfeclenl parfois, il les a nommés HH'nomfmfis. De ces hélico-
monas il a fait des cultures artificielles et Tinoculation de ces
cultures a reproduit la syphilis. Aufrecht a, de son côté, observé
des min'nrfK'nts assez volumineux; le professeur Bouchard admet
égaliMnent Pexir^tence d'un min'ohr syphUitique, mais la démons-
tralion la pbm nette a été laite par Martincau et Hamonic,qui ont
trouvé dans le liquidechancreuxuneW^riV? sous forme de bâton-
net. Ils Toril cultivée d'après la méthode de Pasteur et ont fait,
avec ces cultures, des inoculations positives au porc. Le sang dos
porcs inoculés présentait la bactérie et la reproduisait par culture.
§ 0. HE OtELQUES AUTHES PARASITES MICROSCOPIQUES.
1161e des nilcro-orKanismcs. — Je ne puis terminer ce cha-
pitre consacré aux pseudo-parasites, inlermédiaires entre les fer-
ments et les parasites proprement dits, sans insister sur leur rôle
Considérable dans l«.'s métamorphoses de la matière, phénomènes
dont ils sont les facteurs nombreux, actifs et longtemps ignorés.
Sans eux, les cadavres des animaux et des végétaux infesteraient
rutinosphère. Aussi en trouve-t-on parlout et s'altaquent-ils
ù tout. Mi(iuel, au laboratoire de Montsouris, a découvert une
bactirie du ntoutrhouc mlcanisé, (jui le ronge en dégageant de
Tacide sulfhydrique.
Hnladies paruslto - infectieuses de» végélaax. — Ils
s'attaquent aux animaux comme aux végétaux et sont pour les
uns comme pour les autres une cause fré(iuente de. maladie et de
mort ; j'en citerai quelques exemples :
La pouniture des vt^gétauxcsi due à un bacterium, qu'on trouve
PARASITES VRAIS. 347
d'abord dans les racines, ensuite dans toute la plante et qui se
communique aux autres végétaux par une véritable inoculation.
Cette maladie générale, infectieuse est tellement liée au bacterium,
qu*il suffit d'exposer la plante à une température de -f ^^** '^
-4-55®, température nocive pour le parasite, pour qu'elle guérisse.
De même la Peronospora infestans de la pomme de terre, ap-
portée par le vent, s*abat sur sa victime comme une vciitable épi-
démie et la détruit en pénétrant dans les stomates des feuilles et
en rongeant la plante comme un cancer.
Les laitues sont détruites par le mnmier ; les oignons par une
wrocistis : la mauve par un cryptogame d'Amérique ; en Ligurie
et en Sicile, les vieux arbres sont détruits par la cagne ; les citron-
niers et les orangers par la fumagginc; un petit champignon, la
pottrridiè (Rœsleria hypofjœa) détruit les noyers dans certaines
régions de la Haute-Marne.
Un champignon, sous forme de traînée de mycélium hkmc, est
en train de faire périr les chdtnhjnici's dans les Cévcnnes, dans
le Gard, dans les environs de Bayonne, dans la haute Italie et
aux Açores. Un parasite voisin attaque les snfransj les pommiers,
les abj'icotiers, les lilds^ les marromiiers d'Inde,
PARASITES VRAIS.
Une progression insensible nous a conduit des ferments, en pas-
sant par les parasites microscopiques, aux parasites plus gros ou
parasites vrais, dont le nombre grossit tous les jours.
Il semble que cette sorte dMnclusion des animaux les uns dans
les autres, comme descornets, les plus petits dans les plus grands,
n a pas de limites, te parasite ayant souvent lui-même son para-
site. Ainsi les insectes sont criblés de parasites et le D' Osman
Galeb vient de découvrir rien que dans les blattes de nos maisons,
toute une faune bel minthologique très riche; or ces helminthes
étaient eux-mêmes habités par une quantité d'infusoires et d'al-
gues inférieures.
Parmi les parasites, les uns habitent dans le tube digestif d'a-
nimaux supérieurs, d'autres dans le sang, d'autres dans certaines
cavités closes ou ouvertes, d'autres enfin sur la peau.
t4ê Là 7A:m rr l& ntu.
:£ 1. JL^rETLiXFnjSE DC0M3(AL
— Da temps de U traite
^iis t^An. ''tié t^\rriftT^ r«iJ»>iti:est piMr leur beiail hamaîn une
aulaii>i. ->.i:t ils ooco^âsunat U xr&iitê et loot ils >aTaient lafré-
t^ueO':»:. .'ettrî {nxa.:;-:. i*^! le Bocn tkriTiit de$ eii^ressàons roèmes
•i*.at ?e j«:rvii«eaî l<s ae^nes i|ji en etAÎeal attciats. s'appelait le
mfU-T'nfr: oo U iKManiait tniote »if •f'^itùm-^^ ds ntgrts oa
'-'icA'fX'V 'ifriotin-'. Elle attA)uiit ks oè^re» ausâi bien sur U
ctjVt d'Afri^Q*» q'iâ b>.>rd diîs transports^ où un les entassait, ou
<ians les colO{:i«:s, où on les Ciisoit travailler.
Hjwuptém^n de la emrke&ie Yet^mlBease. — Voici eo quoi
«oosistait U maladie : le nè^re devenait triste, ahattu« ses forces
d^ciioait'Ut. il devenait inapte et malhabile au travail; sa peau
se dccuiuruit, les mu<:iaeuses surtout deveoaient blanches et l'on
comprnit >a langue, devenue froide et cxsanjnie, à une langue
et, gnnonilU : les malades finissaieut par mourir souvent dans
une syncope, après un lent dt: périsse ment qui avait souvent mis
deux an^ à se fjire. Ce qui frappait le plus chez eui, c'était la
perversion de Tappétit; on voyait les noirs refuser la nourriture
qu'on l*'ur donnait et dévorer avec avidité de la terre, des poils,
des niorf>rau\ de bois, du sable, du lin?o, des excréments ; de
Jà le nom de ge^ophagie par lequel on désignait aussi la maladie.
Comme on soupçonnait les nègres de mettre dans tout cela beau-
coup de mauvaise volonté et de subir, en quelque sorte, la con-
tagion de Texemple, on les traitait surtout par les coups de
bâton ou les coups de corde à haute dose! Ceux qui, cependant,
voulaient bien regarder le mal-cœur des nègres moins en maîtres
blancs et plus en médecins, accusèrent le climat et nommèrent
la maladie hypohêmie intertropicale. Cette théorie était d*autaot
plus admissible, qu'on observe, mèmechez les blancs, dans les pays
chauds, une anémie profonde. On expliquait cette hypohémie du
noir par le dur labeur auquel on le forçait dans un pays chaud
et on comprenait même pourquoi elle attaquait généralement
le nègre mdle, celui-ci étant Fobjet de moins de soins et de moins
de ménagements que la négresse, qui, elle, fait un travail moins
dur. D'autres rattachaient la maladie au béribéri; d'autres encore
ANKYLOSTOMB DUODÉNAL. B49
aux manifestatioDs palustres, qui manquent cependant sur beau-
coup de points où sévissait la maladie.
Les choses en étaient là et on regardait Thypohémie intertropi-
cale, le mal-cœur, comme une maladie presque complètement
propre au nègre, lorsqu^en 4838, Dubini (de Milan) fit une décou-
verte inattendue : chez un homme blanc^ profondément anémique,
il trouva dans Pintestin plusieurs vers, de la classe des nématoides
(de vviyLX, fil). Cette découverte passait inaperçue, lorsque Grei-
singer, au Caire, faisant Fautopsie de blancs, qui étaient morts
ivec une forme spéciale d^anémie, qu'on nommaitalors, en Egypte,
thlorose d'Egypte^ trouva dans Tintestin les mêmes vers que
Dubini avait trouvés à Milan. Enfin, on se prit à chercher dans Tin-
testin de ces nègres qui succombaient du mal-cœur aux colonies,
et chez tous on trouva les mêmes vers. Les docteurs Wucherer^
en 1866^ Silva Lima, au Brésil, Grenet, à Mayotte^ Riou-Kerangal,
àCayenne trouvèrent les mêmes vers chez des hommes de toutes
races, présentant tous un même degré d*extrême anémie.
Descriptioii dn parasite» mode d'aetion. — C*est toujours
dans le duodénum qu^on rencontre ces parasites ; leur nombre est
parfois énorme : le docteur Sousa-Vaz en a compté jusqu'à 24
sur une surface de deux centimètres carrés; quant au ver, il
est long de 3-4-0 millimètres; les mâles sont plus petits que les
femelles ; ils sont, du reste, moins nombreux dans la proportion
de 1/3. Le ver est cylindrique, transparent; sa tète est légèrement
recourbée et sa bouche s'ouvre de côté, de là le nom â^anhylo-
itome (i7x6Xs;,côté, oTop.a, bouclie). Cette bouche estarmée de quatre
crochets, qui servent à l'animal à s'implanter dans la muqueuse;
elle est munie en outre de quatre ventouses, au moyen desquelles
il suce le sang de la muqueuse. A chaque point d'insertion de
ces vers, on voit, en effet, une ecchymose percée, souvent ulcérée
à son centre, entourée parfois d'un décollement, qui est lui-même
rempli par un caillot, au milieu duquel est logé l'animal.
L'hémon hagie incessante, entretenue à leur profil par ces êtres,
est donc assez intense, ou du moins assez continue, pour amener
une décoloration de tous les tissus. En outre, les chatouillements
que les vers exercent sur la muqueuse du duodénum donnent lieu,
par action rctlexe, à des troubles sympathiques de l'estomac, à
du mal de cœur, à de la pierr,à de la malacia, comme cela se voit
dans beaucoup d'affections vermineuses de l'intestin. Les pi-
qûres irritent la muqueuse et y provoque^ de^ ^vo\& ^\Tk-
850 hk FAUNE ET LA PLORB.
flammation, des ulcérations même; de sorte que, non content de
prendre le sang, l'ankylostome empêche Talimentation d'avoir
lieu et Tabsorption de ce qui a été mange de se faire. Si le noiD'
bre de ces vers est peu considérable, si l'organisme est TÎgourcoïf
si l'alimentation est variée, hygiénique, abondante ^Vankylostofn^
n'éclatera pas ou passera inaperçue; c'est ainsi que Greisingef f
pu prétendre que le iji de la population de l'Egypte en ét^*
atteinte sans s'en douter. Mais si leur nombre est considérable^
si l'organisme est débilité par le climat, l'excès de travail ou p^
toute autre cause, comme cela a lieu dans les mines ou dans \e^
tunnels, si l'alimentation n'est pas suffisamment réparatrice #
l'ankylostome donnera lieu aux troubles les plus profonds, à cca^
de la cachexie africaine.
Ainsi s'explique pourquoi ce sont les classes inférieures plutôt
que les ra4:es inférieures qui, partout^en sont atteintes et, comment
les nègres ont semblé, peut être non sans raison, avoir pour ce
parasite une sorte de spécialité.
PropagAtioB. — L'histoire naturelle de Tankylostome noos
explique comment la maladie est contagieuse : les femelles, qui
sont plus nombreuses que les mâles, sont vivipares; les jeunes
ankylostonies ne sont pas armés ; ils parcourent donc le tube diges-
tif sans pouvoir s'y fixer; ils en sortent et tombent, soit dans l'eau
qui sera avalée en boisson, soit sur les légumes qui seront man-
gés-; ils reviendront ainsi s'accrocher dans le premier duodénum
qu'ils rencontreront. La provenance de l'ankylostome peut, d'ail-
leurs, résulter de plusieurs conditions diverses : d'après Bergnion,
il passe la première phase de son existence dans le limon et dans
la vase des flaques d'eau ; c'est en buvant de l'eau malpropre
ot renfermant de jeunes larves du parasite que l'homme en
reçoit l'infection. S'il est prouvé, comme cela semble possible, que
l'ankylostome soit originaire de la côte d'Afrique, on compren-
drait alors comment le nègre semble en avuir été le premier
atteint et comment il a diffusé la maladie partout où il a émigré
et où on l'a conduit.
DUtribuiion fpéofpraphlque. — Quoi qu'il en soit, l'aire géo-
graphique de ce parasite et, parconséquent delà maladie qu'ilpro*
duit, semble s'étendre. C'est à tort qu'on Ta d'abord crue limitée
à la zone torride, sur la côte ouest d'Afrique, Sierra-Leone,
Côte-d'Or, Egypte et Algérie. 11 est depuis longtemps dans le
nord de l'Italie, puisque c'est là qu'il a été découvert en 1838 par
AiNKïLÛSTOMË DUODËNÂL. 351
l>ubiDi; il a été trouvé à Turia par le docteur Bozzolo, chez
^eux malades dont Tun n'aTait jamais quitté le Piémont et dont
^"^aatre avait été en Sardaigne; voilà qu*il vient d*ètre trouvé
Par les docteurs Goncato et Perroncito, chez les ouvriers qui tra-
'^'aillaient au percement du Gothard. Des centaines d'entre eux
sont atteints d'ankylustomes qui percent aussi, eux, leurs galeries
*'ans leur intestin. Ce n'est pas tout : Perroncito est venu en
■• rancn et, comme Ricmbault et Manouvriez, il a montré que la
•^laladie des mineurs de Saint- Et ictmr n'était autre chose que
* *inémie produite par rankylostome ; Losagc, de son côté, a pu
'^ assurer qne l'anémie célèbre des mineurs cTAnzin est duc clle-
*^Omc à la même cause ; les mêmes faits ont été observes en
Hongrie, dans les mines de Schemnitz et du Kremnitz. Des acci-
^l^nts semblables à ceux qu'ont présenté les ouvriers employés
*ii percement du Gothard, avaient déjà été observés à l'époque
plus ancienne du percement du tunnel de Fréjus. Dans quel-
ques cas, Tanéniie est grave et mortelle. Sommes-nous mena-
cés de rankylostome? la chose ne serait pas absolument impos-
sible et je ne voudrais pas affirmer que plus d'un torrent des
Alpes ne charrie pas, actuellement, des ankylostomes en quôte
ti'un duodénum à leur convenance. L'ankylostome duodénal n'est
pas rare au Japon (Remy).
DesiraccioB. — Les docteurs Goncato et Perroncito se croient
!>ur la voie d'un parasilicide, qui n'est autre que l'eau chaude
à H- 45 ou -H46% seulement il faudrait la faire passer dans le duo-
dénum. 11 y a peut-être un autre moyen : bien t]ue, logé dans
le duodénum, là où afflue la bile, Tankylostomc n'aimerait pas un
excès de ce liquide, et le docteur Riou-Kerangal, à la^Guyano, a
remarqué que les ankylostomes ne se trouvent jamais dans le
duodénum des gens qui présentent des symptômes bilieux avec
flux de bile. Dans cette hypothèse, les cholagogues pourraient
peut-être leur faire lâcher prise, un peu comme les gardes-ma-
lades font lâcher prise aux sangsues en les saupoudrant de sel.
Mais les [expériences faites sur les parasites en général, doivent
rendre méfiant dans la recherche des parasilicides propres à dé-
loger l'ankylostomc duodénal de Thomme : des larves d'œstre
ont en effet pu vivre dans l'eau pendant 00 heures, dans l'eau
salée pendant i09 heures, dans l'alcool pendant 48 heures, dans
rbuile de ricin pendant 108 heures, dans Phuile d'olive pendant
10 jours; elles résistent à Pacide sulfbydriquey kVaiCÀ^^ c»i>û^-
951 LA PAUNB ET LA PLORB.
nique, à la stnchnine, à la morphine. L*extrait de fougère mâle
et l*acide thymique semblent toutefois très bien réussir à tuer ks
ankylostomes.
PAthoiogie comparée, cachexies Termineasca chei
quelques animaux. — Le docteur Grenet, qui a observé Fan-
kylostome duodénal chez Thomme, à Mayotte, dit Tavulr trouié
dans le reuillet du hn-uf. Ce parasite produisait chez lui des hé-
morrhagics et une anémie identiques à celle qu'il produit chez
l'homme.
De ran«';mie produite chez Thomme par l*ankylostomc, il
faut rapprocher Vanimir doi rhiejis de meute due à Taction des
ankylostomes (Dothmius (rigonoee])haliis), qui criblent leur
intestin et y déterminent de petites h'mnrrhnfjies. Outre la petite
hémorrhaî^ie dans celte maladie décrite parMe^nin, parTrasIiot,
par Haillet, les ankylostomes déterminent chez les chiens de
meute de la Saintonge et du Poitou une entente chronique
amenant une anémie comparable à celle des mineurs et tuant par
le marasme, souvent avec des êpistnxis.
Il importe cependant de différencier ces épistaxis de Tanémie
des chiens de meule, d'autres épistaxis, plus locaux comme cause,
qui surviennent également dans les meutes et qui sont dus <S
la présence de prntHsiomes dans les fosses nasales ^Trasbot).
Lankyslfitomie se voit également chez le chat.
Des troubles semblables sont produits dans le rumen du bœuf,.
du mouton^ do la rhèire, par un autre parasite, VAmphistommn
conirum.
Enfin, une cachexie semblableàlacachexie africaine peut se mon-
trer chezl^ cheval, sous Tinfluence de la larve de la mouche de che-
val ou (pstride de cheval : la mouche adulte, qui tourmente si fort les
chevaux en été dépose ses larves le long des poils, notamment sur
ceux des jambes; ces larves, qui sont garnies de petites aspérités
irritantes, chatouillent le cheval et tout le monde a vu avec quel
acharnement il mord ses jambes ; il avale alors les larves, qui, mu-
nies de crochets, une fois dans Testomac, s'incrustent ; elles per-
forent la muqueuse et y vivent de mucus et de sang, jusqu^au jour
où elles sortiront par l'anus, sous forme de mouches parfaites, qar
semblent, en quelque sorte, éclore des excréments du cheval. Pres-
quetousles chevaux ont des larves dans l'estomac, comme le 1/4
des Egyptiens a des ankylostomes dans le duodénum ; certains vé-
térinaires ont même prétendu, qu'il était bon que les chevaux akot
ANKYLOSTOME DUODÉNilL. 353
des larves, que cela stimulait la digestion, sans doulc comme le
taenia chez TÂbyssinien. Mais lorsqu'elles sont trop nombreuses
(on en a vu jusqu'à 80 par décimètre carré de surface de Teslomac),
il se produit des ulcérations, des perforations même ; le cheval
ne mange plus, il ne digère plus, ses muqueuses se décolorent ;
il est atteint, lui aussi, de quelque chose de comparable à la ca-
€heiie africaine.
Le duodénum du chien est également habité par le Distoma
echinatum, découvert par Generali. Les travaux d'Ercolani ont
montré les métamorphoses par lesquelles passe cet eiitozoaire :
Generali et Ercolani convinrent d'administrer au chien des Cer-
carifi echinata^ qui se trouvent en abondance dans les Paludines,
afin de voir si, comme Ercolani Tavait obtenu dans le canard,
on obtiendrait aussi leur développement en DUtoma echinatum,
dans rintestin du chien. L'expéricnee réussit complclement ; on
obtint des Distomes qui ressemblaient à ceux qu'on trouve acci-
dentellement dans le chien.
Chez le mouton^ la clavéc, ou pourriture ou cachexie aqueuse^
est également produite par des vers de Tordre des Trématodes,
Fnsnola hepatica et Distoma lanceolatum, qui se logent dans les
caaaui hépatiques. On pense que les larves de ces animaux sont
des cercaires, sans sexe, qui, à cette époque de la vie à métamor-
phoses de ce parasite, habitent l'intérieur des limaces et, d après
Leuckart, les tissus de jeunes mollusques Lymnœm tninutus,
L. pereyer, L, paluslris ou L. nuricularis. Le mouton avale le mol-
lusque attaché aux herbes qu'il broute; rhclminthe, avalé avec la
limace, passe dans l'intestin du mouton, en août et septembre;
en novembre, devenu distome, il s'installe dans les canaux du
foie; le mouton maigrit, s'affaiblit ; s'il survit jusqu'en mai ou
juin, les distomes quittent le canal biliaire, viennent s'accoupler
dans l'intestin et meurent; leurs cadavres sont expulsés, mais,
avec eux, tombent leurs embryons qui, dans l'herbe, vont, jeunes
cercaires, habiter les limaces, jusqu'à ce que leur destinée les ap-
pelle, avec la limace et le brin d'herbe qui la soutient, dans Testo-
macd^un nouveau mouton. Certaines épidémiesderf/cAextV aqueuse
^nt une véritable ruine pour Tagriculture, tuant non seulement les
moutons, mais même les bcmfs, chez qui, par exception, on a vu
le parasite enkysté dans le poumon. La maladie sévit surtout
dans les terrains bas, inondés, quand les troupeaux se désaltèrent
dans les fossés et dans les mares.
OftOOR. UEO. %^
ntiiitiin^ mr^ la niiniiuiiiiUïr m W. >*> iiiiijiiji- i ii*:*jbc.
LU1H r-T iirmi^r^ inm-r--. a, loimtonna »«iit« a» ii Fnart
•r le ir-r-^nii» *iiil»«' T.ir-in»r IttnillÏT HlPiinUi^ iuai:<». Lft9â>^<if
* mf"^. 'e I i!i:»»îrr"* -»:!»: -^^ L •■r'i:r;nHn:: i*^ itîiî zns*:^ — -
vnMii*. .'-«nuLt ' *.'fi» ' > ï?ai!r*-{^jrninr i inriu, aar «ii -•* se -*
• irrif*: lî iinifMrr«f. H' ' ■» ti: *»î- n*-iiriMi?!-. Z inttr'. a'-f^cju: f«;ifti
,•■-*.• 1 V- • 1- II» t "ni.» os -trr l îo* ii- nnïne ina:t Ji ha0^
ttAi.f -n \ K.-i::ir -»t -:! ? .lOinn C»! ••• l i 'S'i. ■& cacbeue
*it;fîi.t»* T i -;i?t ".li" >"ir'^ m* Mi.-T le : Ji» H»!! n* iLyca» 'ioi» Iti
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l'.rîiî'i " 'j.rriT.e ".r.fz •*'* niinmant'i.. C^i^i suxi -i^ake ésaieoient
fj»rr -nut}. r.of-: v.vtn'. Mn» ;if l'ii-tiKtium lu bisuf^ do cerf,
':.. •.h.i;*>r;iii, -l.i 'îhrîi.. L'un ■! -îui, i'i •j't.irr»iu'fwf dn rke»
■ ■/,••:. .i^iiri'i.int m EjT'pte.' »*. ^.a l>T»?. iL 61 ptifiir on grand
r.or,,b.-*: <:r ':he«j'ii ; ;♦» *enrn» tla piifa*iLe «st muni d'un nombre
\'tt.t.r «-n^ri n» r.t k ct*:^ai ':o n]ao;rtr, de digcrer d le plongent
4J11M !•- n..jr.i«rT:*;. O: (fara.<»itK *:^t a.>nez frtqiicnt à U Giiadelou|ie.
L»-* ifruff ilK-f .:a-iri>ii^|u»r:», i!:ipulM.-s ùe fin test in. donnent des
l.jr^<-«, '{lii Vintrti*iui.v.'ni dans t'es inMCtt-s <^u dans les liniaces
d*"^ pr»*. \ deiri^-nnent d*s cercaires enkystes et peuvent achever
It-ur r>cU: dana t«;s AUjt.L* du genre the^al qui les avalent avec
§ 2. MAhldlLE DE iIirCUI.XCUl.NL.
La n:f';nie «Treur, qui avait fait d'aburd attribuer à la race, au
f liniat, ce qu^on nommait la 'nrht'xit* h fr haine et ce qui n*éthit
que te ri'hultat de l'œuvre de raiikvlostonie duodénal, s'est
|»ro<liiite |Miur la diarihre de Cuchiixhine.
hepuis que nos relations avec ce |)avs sont fréquentes, les
Kurop<*rns ont à lutter, dans ce climat diaud, humide et mai-
haiti, contre imc maladie redoutable, la iimrhèe^ qui présente,
depuis qu'on Tobserve, quelque chose de si particulier, dans les
symptômes dont elle est accom|)agiiéo, dans sa marche, dans sa
gravité, dans son traitement, quelle avait reçu depuis longtemps
un nom spécial, celui de diurrhte dt' O.vhiwhinc.
DIARRHÉE DE COCHINCHINB. 33S
SxaiptùmeB. — Les symptômes sont caractérisés d'abord par
le phénomène dont le nom s'est imposé à la maladie, la diar-
rhée; mais cette diarrhée a quelque chose de spécial ; c*est d'abord
une simple incommodité, par su Tréquoncc^ et clic ne gène en
rien les fonctions de la vie ordinaire; mais elle ne tarde pas à de-
venir lientériquc ; à partir de ce moment commence Tamaigris-
sement, dû à ce que les repas n'apportent plus, en somme, qu'une
•linientation insuffisante; l'organisme, ainsi déprimé une pre-
mière fois, se trouve alors dans un cercle vicieux : la faiblesse
augmente la diarrhée ; celle-ci augmente l'anémie; la maigreur
devient extrême, les joues sont enfoncées, les yeux excavés, la
voix faible, le ventre douloureux ; l'anémie devient grave, l'œdème
se montre et la mort survient par un afTaiblissemcnt graduel,
qui peut mettre deux ou trois ans à se produire.
Géographie. — Malgré son nom de diarrhée df* Cnrhinchinr,
cette maladie n'est pas limitée à la Cochinchine; elle s'étend de-
pois Singapour jusqu'à Chang-Haï et même dans quelques îles
de la Malaisie, Restant surtout comprise dans la zone torride, entre
les deux isothermes de -+- 25°.
Elle n'aITtcle presque exclusivement que les Européens; les in-
digènes en sont presque complètement exempts.
Heseripcion da parjisite. — C'est par l'anatomie patholo-
gique qu'en 1876 le D' Normand a pu éclairer la question et Aa
montrer sous un jour absolument nouveau. Examinant, au mi-
croscope, les matières rendues par les malades, il trouva des quan-
tités considérables de vers; pratiquant l'autopsie, il a retrouvé îles
quantités plus considérables encore des mêmes vers, dans loint
l'intestin ; le parasite se présente dans les matières^ comme dans
Tinlestin. sous plusieurs formes successives, qui ne sont que les
étapes qu'il traverse, dans l'intestin même, avant d'évo1u(T jus-
qu'à la f(»rme adulte. Le D'' Normand a rencontré successivement
l'cBuf contenant l'embryon, la jeune larve, un état plus avancé
où ranimai mue, enfin l'état adulte. A l'état adulte, It^ mâle
mesure 1 millimètre de longueur et ^ centièmes de millimètre
de largeur; le corps est cylindrique, renflé en avant, effilé en
arrière; la bouche, non armée, est munie de trois lèvres distinctes;
la femelle contient environ trente œufs, et ces œufs éclosent dans
riotestin. Le b' Normand estime à \ million le nombre de vers
qui peuvent se trouver dans les intestins. Ce parasite est ucv^
anguiUule, voisine d'une anguillule terrestre , dccnle vait\ivV\îi\^\tL
)S6 LA PâCXE et U flore.
SOUS le nom de HhnbdUis terricoUt ; le D' Normand Ta nommée
AnguUlui'i stnrojnilis.
Sur les cadavres, tandis que les adultes, peu mobiles, semblent
fixés dans un points les jeunes, plus mobiles, nagent au miliea
des mucosités. En général, répithélium manque; les lésions sont
étendues, mais superficielles, ce qui explique comment, lorsque la
maladie est coufenablement traitée, elle guérit et ne laisse aucna
reliquat ; les mucosités sont d'autant plus épaisses et abondaates
que la maladie est plus ancienne ; la muqueuse est alors en-
flammée, par places, ulcérée parfois, dans les cas très graTes et,
dans une phase très avancée, couverte de cicatrices.
La présence, dans l'intestin, de cette population nombreuse
surUtiKurfaitemeut a nousexpliquer toutes les péripéties de la mala-
die : par leur mouvement, par leur présence, ces parasites irritent
d'abord Fintestin ; cette irritation , répétée sur un million de
points, amène une sécrétion abondante de liquide glandulaire,
c'est la diarrhic; cependant, si Tindividu est sain, bien portant,
si ses fonctions intestinales se font ré^rulièrement, sMl mange co-
pieusement, le passage naturel des matières.solides dans.l'intestin
sufQt à balayer cette vermine indiscrète; mais que, sous l'in-
fluence de conditions diverses, les fonctions de ce même individu
viennent à languir et il va devenir le plus faible dans la latte
qu'il avait jusqu'ici soutenue vaillamment. 11 est si rnx que le
parasite peut demeurer latent, sans allumer de symptômes, tant
que Texpuision se fait bien, Torganisme restant encore le plus
fort, que le D' Normand pense que bien peu d'Européens échap-
pent, en Cocliinchine, à Taflèction parasitaire; tous cependant
ne sont pas malades ! La présence des anguillules reste sans con>
séquence, jusqu'au moment où une erreur de régime, une indi-
gestion, un refroidissement, un accès de fièvre, vient faire faiblir
l'organisme; le parasite prend alors, un moment, le dessus et le
garde ! Aussi, la plupart des malades, peu observateurs d'eux-
mêmes, oubliant une longue période de diarrhée, font-ils re-
monter le début de leur maladie à quelque accident de ce genre.
L'inflammation de la muqueuse est allumée et, quand bien
même le [larasite viendrait à disparaître, ia maladie de l'intestin
n'en continuerait pas moins. C'est ainsi que Vactarus de la gale,
maladie bien certainement parasitaire, allume parfois des ec-
zémas,qui durent longtemps aprèsia destruction du parasite^eCquî
font dire aux tonnes femmes que la gale est pasiée dans iesang!
DURRHÉE DE COCfllNCHINE. «57
■•de de pr^paipailon. ^ Etant donnée la nature parasitaire
de cette maladie, son caradtère contagieux s'impose. Rappe-
loDS-nous que i million de femelles peuvent donner naissance
à 30 millions d^individus, dont» à chaque garde-robe, une partie
sort de l'intestin et se répand au dehors. La première idée qui
Tient à Tesprit, c'est que les eaux doivent entraîner un grand
Dombrc d'anguillules ; on a, en effet, comme toujours, accusé
Feau ; 'les eaux du Mékong sont d'ailleurs entretenues dans un
état permanent de délK)rdement pour les rizières ; aussi» lorsque
ces eaux ont été analysées récemment encore par le D' Lapeyrère,
ont-elles donné un résidu de 38 centigrammes par litre, dont
30 centigrammes de matières organiques. Sans doute, ù la tem-
pérature de + 29* ou 4- 32<*, qui est la leur, ces eaux doivent
fermenter ; elles contiennent beaucoup de ces palmclla, qui sont
les facteurs de la fièvre intermittente; mais elles n*ont présenté
aucune trace d'anguillules, à aucun degré de leur développe-
ment. A coup sûr, il est bon de les clarifier par Talun, comme
font les Annamites» ou de les faire bouillir, comme font encore
ces peuples qui ne boivent que du thé; cela est d'autant plus sur,
que les meilleurs filtres laissent passer une grande partie de la
matière organique; mais la véritable cause de^la propagation de
la diarrhée parasitaire de Cochinchinc ne semble pas être là. Le
D' Normand, obéissant à un préjugé répandu parmi les Européens,
n'a bu que de Teau d'Europe et il a été atteint de la diarrhée pa-
rasitaire de Cochinchine; il est donc probable que ce sont les lé-
gumes, qui sont les agents de la propagation. Les légumes sont
arrosés, par les jardiniers chinois, avec de Vcngrais humain. Or
les parasites de la diarrhée de Cochinchinecontinuent à vivre dans
les matières rendues par les malades pendant cinq ou six jours ;
ils ne meurent que lorsque la fermentation s'est emparée de ces
matières; ils peuvent donc être déposés vivants par les maraî-
chers chinois. D'ailleurs ils sont reviviscents et si la sécheresse les
avait tués en apparence, la pluie, l'arrosage leur rendraient
Texistence, qui était demeurée latente. On pourrait se demander
alors si le transport à l'hôpital Saint-Mandrier, de Toulon, d'un
grand nombre de malades atteints de diarrhée de Cochinchine
D^est pas un danger pour la Provence ; car on pratique» là aussi,
l'arrosage avec l'engrais humain ! Mais il y a deux raisons qui,
fort heureusement, empêchent ici la contagion : les paysans
emploient des matière où les liquides ne sont v^^ ^v^t^"^ ^^^
S54 LA PAL'NE ET U FLORE.
solides; îl y a ùonc udc fi^nnenlation ammoniacale . qui tue le (va-
rasîte; en uutre, les froids de Dotre hÎTer le tuent également.
Pailioio;;ie eoM^rer. — Que la contagion vienne de Teauou
des lt'L'unie<, on peut se demander si son action s*éteod aux
animaux. Or. Oibbiili a constate que le parasite se trouve dans
rintcstin <!♦•< • l'ph'inis^ qui, vu IVpaisseur de leur muqueuse,
résistt'nt (ia\aiitajre et. tout en ayant le parasite, n*ont pas, à
proprement park-r. la diarrhée de Cocliinchiue.
ArlioB prophylacciqae ém bctrl. — Le rùle prophylac-
tique e>t joué, en Cochinchine, par une haliitude s<*cialc dont
j*ai parle plus haut, le 6'7«/, substance à la fois para>iticide,qui tue
les vers, et substance .tannante, qui durcit la muqueuse, s'oppose
à la diarrhée, au ramollis<eaicnt et à Tulceration.
Il y a dmic. dans rimmunitê dos indigènes pour la diarrhcn;
de Cochinchine, non une question de race, mais smiplement d'hy-
gioiie eihniquc. Cela démontre une fois de plus, qu'il faut pren-
dn; l<:s mccurs des pays où Ton est et que le meilleur préservatif
que U's européens ftuissent trouver, c'est de se mettre, comme les
lii(li^t:ncs, X l'usage du lu' H ou de quelque breuvage analoi^ue.
Traiiement. — Il semble que la découverte du caractère pa-
rasitaire d'une maladie simplifie beaucoup le traitement et qu'il
ne s'agisse plus que d'un moyen de permettre à un homme de
ti:<'r un animal de 1 millimètre de long I mais on rencontre ici
pn.V'tque toujours le môme écueil : le médecin est exposé à faire
comme cet ours, qui prenait un pavé pour tuer une mouche posée
sur le nez de son ami. Telle substance, qui tuera le parasite,
irritera Tintoslin ; toile nutre, qui ménagera Tintestin, ne tuera
pas le parasite ; et cela est vrai cgulemenl pour les ferments, dont
nous pariions plus haut. Tuer le ferment n'est pas diflicile; mais
ne pas tuer du niéuie coup le globule sanguin, c est là le dif-
ficile ! CVst ainsi que Tacide phénique était d'abord indiqué;
mais, û la dose de 80 ceutigranmies à 1 gramme par jour, à la-
quelle ou le donne délayé dans Peau , il ménage Tnitestin et
ne tue pas tous les parasites, b'un autre ciUé, le |>arasite
étant enveloppé dans du mucus échappe aux doses qui sont com-
patibles avec les besoins de l'intestin : la santonine, lu lait de
chaux, le sublimé, l'arsenic, le grenadier restent pour cette
raison inefficaces. Normand, expérimentant sur la plaque de verre
du microscope, a vu que l'huile tuait le parasite; Thuile aduDné
( u elfet d'assez bons résultats, mais il faut que le malade la
T.fiNIAS. 35»
digère, il faut qu'elle n'augmente pa.< la diarrhée ; l'huile de foie
de morue présenlerait cet avantage d'être un parasiticide, en même
•temps qu'un reconstituant. Lon^emps avant la découverte du
D^Normand, l'empirisme avait indique un moyen qui est encore col ut
qui réussit le mieux, c'est le lait. Le D^ Normand a remarqué que
les malades qui étaient soumis au régime lacté, rendaient un
grand nombre de parasites morts. Or le lait agit ici par la matière
grasse quMl contient ; il agit de plus, en constipant, en asséchant
rinlcstin, ce qui gène les parasites. Grâce au régime lacté, la
mortalité est tombée de 16/100 à 5-(i/100.
§ 3. TiENIAS.
Parmi les parasites, il n'en est pas de plus intéressants
que le t<enia ou ver solitaire. Aucun ne nous montre mieux
rélroite intimité, la fraternité qui existe, au point de vue
de la maladie, entre l'homme et les autres animaux. Ces parasites
ont, en etfet, des métamorphoses multiples et, à chacune d'elles,
correspond un habitat particulier ; or Fhomme devient ,
an même titre que les autres animaux, le logeur de ces para-
sites, à Tune ou à l'autre de leurs métamorphoses. Cette évo-
lution, de domicile en domicile, d'un être, qui ni use^ pour ainsi
dire, plusieurs autres, dans le cycle qui constitue sa vie, n'est
pas une anomalie, c'est même un phénomène fréquent : la rouilie
dejf crréttlcs {Uredo rubigo) vit bien, à l'une de ses métamor-
phoses, sur l'épinc-vinette ! les taenias nous fournissent un exempte
du même genre;
Taenia Holium ou armé. — Le point de départ de ce para-
site est la chair du porc Otdrc : le tissu cellulaire de ce porc ladre
contient un parasite, qu'on désigne sous le nom de cysticerque
(KioTc;, vessie ; îtipxo;, queue). Ce cysticerque mesure de 15 à
20 millimètres de long sur 5 à 6 de large. 11 apparaît sous la
forme d*une ampoule ombiliquée, mais, sous cette forme, il est
rentré en lui-même ; lorsqu'il s'étend, il est alors composé d'une
tête, d'un cou, d'une queue en vessie; la tête est composée d'une
masse renflée, de la proboscide, d'une double couronne de 32 cro-
chets, de 4 surEaces saillantes appelées oscules; quant aux cro-
chets, ils sont composés d'un mnnrhCy d'une {farde, d'une griffe.
Placé dans le tissu cellulaire, entre les muscles, le cysticerque
ai^MiraU généralement, mais non toujours, sous la Uu^u^^ ^^\^
i«t LA r^L5S El LA TUjAL.
le WAn do Iftngw^jKwrt *iu |^j4v. qn'oo doone à ci^ui qui reditf-
dient b la/ii^rie; le parasite se posseate soos U forme de petites
turaeors ccrfDine des ^rèlijcu, qoe ies Grecs appeîaieoi ziàs^% et .
Il» Latins fjrnndo^ d*où le oom de ^-Di'irii^ dooné. en français, à
ia maladie.
Le cysticcrque demeurera soos cette forme dans le tissu cellu-
laire du porc, jusqu^au j'^ur où ce porc sera mangé par m
homme; il s'organi«e at«irs en rjmtVi $-Aium, La tète est tonte
armée p^iur se fixer dans l'intestin, le ver mbané se développe alors
éil, rallongé d'un nombre considérable d^anneanx, il peut ne-
!^urer 7, 8, 15 mètres de long et donner lieu à des troubles
varif^s : fierversion de Tappétit, boulimie, pica. coDTulsîons épi-
l<;ptiformes. Ici, pour la première fois sur l'animal, apparaissent
les organes sexuels. Chaque anneau, à la fois mâle et femelle, se
t'éroiide lui-même, mais, chacun de ces anneaux, qu*(m nomme
dr'H rucurhitins, en raison de leur rapport avec certaines graines
dos cucurbitacée», se détache naturellement, comme un fruit mûr,
<iu érnet au moins ses œufs fécondés au dehors : dans Tun et
rantn; ca«i, cucurbitins pleins d'œufs, œufs eux-mêmes tombent,
s'iit sur le sol, soit dans l'eau, soit sur les légumes; dans tous ces
f:as, ih ftonl ex[)osés à être avalés par les porcs, chez qui ils don-
nent de nouveau naissance à des cysticerques, qui, eux-mêmes,
deviendront Uvni/is solium, dans l'iutestin de Thomme.
(jette transformation a été prouvée par des faits nombreux et bien
rAtnuus. Qu^il me suffise de rappeler que Kûcbenmeister ^de Zittau),
rn iHX'f, a fait avaler à une femme condamnée à mort 75 çysti-
i:en|ueH vX qu'à Tautopsie, 48 heures après la mort, on trouva
tïmintum intestin 10 |)elits tœnias. Lcuckart fit avaler des cysti-
i,en|U(;s k un jeune homme qui s*y était prêté de bonne Yolonté,
t!t ce jeune honinic eut plusieurs tœnias. Le D' Hunibert (de Ge-
nevi:) a fuit mieux, il a opéré sur lui-même : il avala plusieurs
eysticerques et il eut le tienia. D'un autre coté, rexpérience
inverse a été faite; on a nourri des porcs avec des cucurbitins,
ou avec des œ.ufs de ticnias, et ces porcs sont devenus ladres; ils
ont eu de» cynticcrqucs. L'œuf contient en effet un embryon, qoi
possède 3 paires de crochets (hexacanthe) et qui, ainsi armé,
|H!rcc rintestin du porc, pour aller se loger dans le tissu cellu-
laire de cet animal.
Mais ce cycle, dont le porc et Thomme sont les deux termai»
peut 8*accomplir chez Tbomme seul; les recherches de Mégnio
TiENIAS. S61
oot montré que l*œuf du taenia de l'homme pouvait devenir cys-
tîoerque, non seulement dans le porc, mais dans le tissu cellu-
laire de rhomme lui-même; ainsi s^explique comment la ladrerie,
c^est-à-dire Texistence du cysticerque dans le tissu cellulaire, peut
se rencontrer chez V homme, par auto-infection. Le D' Rathery
et le D' Duguet ont cité des cas de ladrerie, chez des hommes qui
étaient ou avaient été porteurs du tsenia; d'ailleurs, le D' Redon
a eu le courage d*avaler des cysticerques de Thomme et il a eu le
Umia armé ou solium, absolument comme s*il avait avalé des
cysticerques de pore.
Habitat géographique. — Le tœnia solium de Thomme se trouv(3
lié d'une façon étroite avec les rapports de l'homme et de cet
animal depuis longtemps domestiqué, le porc. Aussi ne trouve-ton
le tasnia solium ni dans les pays juifs, ni dans les pays musul-
mans. Néanmoins, à part ces exceptions, le tsenia solium semble
occuper dans le monde une aire géographique égale à celle du
porc lui-même ; on le trouve à peu près partout. On le rencontre
dans toute l'Europe : en Irlande, en Angleterre, dans le sud de
la Scandinavie, en Danemark, en France, surtout dans Touest,
en Allemagne, en Italie, en Grèce, en Espagne^ dans l'Amérique
du Nord, surtout aux Etats-Unis. La fréquence du taenia, enAUe-
inagne, correspond à la fréquence de la ladrerie du porc. Ainsi,
à Oantzig, on compte 1 porc ladre sur 66; à Kœnigsberg, i/6t);
àBreslau, i/i43; à Posen, i/337; à Erfurth, i/360; dans toute
l'Allemagne, 1/367. Le txnia devrait même être plus fréquent
qu'il n'est réellement, si la cuisson ne détruisait le plus souvent
les cysticerques et si les expériences ne nous avaient pas montre
que, sur 75 cysticerques ingérés, iO seulement se sont transformes
en taenia. 11 n'est pas rare et Asie et en Cochinchine. 11 semble
inconnu aux Iles Sandwich.
TKBlmiBcrine ou MeëloeanellaCa.— Le porc n'est pas seul
à posséder, dans son tissu cellulaire, un cysticerque capable de se
changer en tœnia chez l'homme. Le bœuf possède, lui aussi, un
autre cestoidc,sous forme de cysticerque. Mais la télc de ce cysti-
cerque n'est pas munie de crochets ; elle est arrondie et pourvue
seulement de quatre ventouses saillantes. Lorsque ce cysticerque
arrive^ avec la chair de bœuf, dans l'intestin de l'homme, il ne
t'accroche pas, puisqu'il est inerme, mais il s'applique contre les
parois de l'intestin avec ses ventouses, puis il se développe en
▼er rubané. Les anneaux sont plus larges, plus épava (v^t t^>«^ 4>\
362 LA FAUNE ET LA FLORE.
taenia arme ; les cucurbitins sont plus vivaces et s*cchap|)ent plas
racilcment au dehors, sans la volonté du malade ; le ruban est
plus long; les cucurbitins ont une raie au milieu (MediocancUaUi),
Les symptômes auxquels il donne lieu sont exactement les
mûmes; seulement, il est plus facile de déloger la tète, celle-ci
irétaiit pas retenue dans l'intestin par des crochets. Le taenia
inerme émet un nombre considérable d'œufs, qui, entraînés par les
eaux ou déposés sur Therbe des pâturages, sont entraînés dans le
tube digestif du bœuf; ils le quittent alors, s'enfoncent dans son
tissu cellulaire et doiment lieu chez lui à un nouTeau cysticerqoe.
La différence absolue entre le tvnia nrm^ et le txnui inerme àéié
bien démontrée et la transformai ion du taenia inermeen cysticerque
chez le seul bœuf, a d'ailleurs élé démontrée expérimentalement:
toutos les fois qu'on a fait man;::cr des ta3niasinermesâdesveaux
et à dos porcs, les veaux sont devenus ladres, lesporcs jamais.Toutes
les fois que le veau a mangé des taenias armés, il n'a rien éprouvé;
or, dans celte circonstance, le porc devient toujours ladre.
llihiVit yrofjrnphif/w. — Dans les pays musulmans, où Ton ne
mange pas de ()orc$, chez les juifs, fidèles observateurs de leur
religion, au Sénégal, en Guinée, dans le Soudan, en Egypte, aa
Cap, dans rin<le, en Perse, on ne voit que le taenia inerme; de-
puis qu'en Russie la méthode de traiter la diarrhée des enfants
par la viande crue a été imaginée par le D^ Weiss, on a vu les
cas de (Tuid hifrmr [de plus en plus fréquents; enfin depais
qu'en France on fait aussi beaucoup usage de la viande de bœaf
crue, on a vu le taenia inerme devenir plus fréquent que le tœnia
soliuni; mais cette fréquence a surtout augmenté, depuis qu'on
trouve sur les marchés français pas mal de bœufs d'Algérie, qui
sont très souvent ladres. La fréquence du tœrjia inorme en France,
en rapport avec la consommation du bœuf algérien, s'exprime en
un triangle, dont les côtes méditerranéennes seraient la base et
Paris le sommet. Lu Provence notamment, on ne voit que du
tœnia inerme et le taenia y a tellement augmenté, que rhùpital
Saint-Mandrier donne la statisti(|ue suivante : 1860-1862, pasuo
seul cas de taenia; 1862-1863, i cas; 1866 1873, les casent aug-
menté; 1877, 52 cas; 1878, i)8 cas ; 4871), 163 cas; partout l'aug-
mentation est proportionnelle à l'importation des bœufs algériens.
En Abyssinie, où Ton fait usage, comme plat national, d*uM
bouillie de bœuf cru, le brondo, le tœnia est la règle. Tout homme
a son tœnia ; celui qui n*en aurait pas se croirait maudit. Oo
TENIAS. t6«
borne à rémonder, à lui faire rendre quelques anneaux; avec le
kouxso tout disparaît, sauf la tête. En Syrie, le lœnia inerme, dû
au cyslicerque du bœuf, est tellement fréquent, que, dans notre
expédition de Syrie, sur 6 000 hommes, il y eut 300 lœnias:
Téquipagedu Ducouédic, nourri avec du bœuf ladre, à son arrivée
à Bt^yrouth, eut, deux mois après, 19 hommes, sur 152, atteints
du taenia ; les parasites expulsés étaient des taenias incrmes. De
même, aux Indes, plusieurs Hindous, qui avaient mangé du bœuf
ladre, observés par Cobbold, eurent le tœnia inerme. Au Séné-
gal, le bœuf est aussi souvent ladre ; il Test également en Algérie; il
Test dans les steppes, il l'est au Japon. Le tœnia inerme est fré-
quent dans TAmériquc du Sud et dans toute la région de la Plata.
Le taenia interne est en somme plus répandu que le sulium.
TKnia bothrlocépkAlc OU Inta. — Il existe, chez l'homme,
unlroisicnie ver, c'est le bothrincéphale ou Ifenh laia. Sa tête
a une forme spéciale, d'où lui vient son nom (3od?t&;, fossette,
«?iXt., tète); elle porte, en effet, deux fossettes qui sont l'ouver-
ture du canal digestif, mais elle n'a ni crochets ni ventouses. Le
ruban se distingue par la couleur, qui est gris-jaundtre et non
blanche comme celle du lœnia armé ou du t«Tnia inerme, par les
cucurbitins, qui sont plus larges que longs et dont le pore géni-
tal est situé au milieu, au lieu d'être placé sur le côté.
Habitat géographique. — Mais le bothriocéphale a une aire géo-
grapliiquc beaucoupplus limitéeque les deux autres tœnias. On le
trouve dans le 2/3 nord de la Scandinavie, en Bothnie, en Fin-
lande, sur tout le contour de la mer Baltique ; en Hollande ; au-
tour du lac de Genève et de différents lacs de Suisse, dans le Jura,
à f)eylan, au Japon. C'est, en somme, au bord de la mer,
au bord de certains fleuves et au bord des grands lacs, que
s'observe uniquement le ticnia bothriocéphale ; il est très fréquent
à Saint-Pétersbourg, car 15 0/0 des habitants en sont atteints.
11 est donc permis de présumer que ses cysticerques habitent
quelques poissons, dont les populations riveraines font volontiers
leur nourriture : on a soupçonné les salmonés; mais, en somme,
on ignore encore où habite le cysti:erque du bothriocéphale. Ré-
fiemment le L)*' Braum (de Dorpat) a soupçonné le brochet (;t
Tanguille de communiquer ce ver à Thomme. lia fait mangera
des chats plusieurs de ces poissons infectés et ces chats ont eu
la bothriocéphalis.
T»mlm écltiBoceqae. — Jusqu'ici nous avons nu VVvqvvwsv^
S64 LA rAU5E ET LA FLORE.
senrir d*ctape ultime, d*étape U plus aTaocée à ces animaai à
métamorphoses ; il loge géDéralemeot le Ter rubané, dont 1 évo-
lution antérieure s*est faite ailleurs, dans le porc, dans le bœuf
ou dans certains poissons ; mais tel n^esi pas toujours son rôle Tis-
à-vis d'autres espèces de cestoîdes.
U en est une, dont il loge le cysticerque, tandis que le ^er ra-
bane, sexué, complet, habite un autre compagnon de rhorome»
le chien. Ces cysticerques diffèrent notablement des cysticerques
du taenia soiium dans le porc, de ceux du tsnia inerme dans le
bœuf; les échinocoques sout desTcrs enfermés dans une Tcssie
membraneuse; ils naissent des parois mêmes de cette vessie, qui
forme un kyste et deviennent libres dans le liquide qu*elle con-
tient ; ils ont le volume d'un grain de millet et chacun d'eux est
formé par un animal, qui rentre en lui-même et a été, pour ce
motif, con parc à un hérisson (îx^^c^ hérisson, xoxxoc, graio). Quand
ranimai est développé, il présente une extrémité antérieure mu-
nie d^oscules et de crochets, comme le txnia; il ressemble, du
reste, beaucoup à un cysticerque de tœnia soiium. La grande diflo-
rencc, c'est que le cysticerque du porc, celui du bœuf sont solitaires.
Les échinocoques dans leur kyste se multiplient, au contraire,
sans cesse par bourgeonnement. Us nagent librement dans le
liquide du kyste ; ce liquide n'est pas albumineux, tant que les
iK^hinocoques sont vivantes ; mais lorsqu'elles viennent à mourir, le
kyste persiste toujours au milieu des tissus et son liquide devient
albumineux (Gubler) ; cela tient à ce que, vivantes, les échinocoques
mangeaient |>our ainsi dire Talbumine et que, une fols qu*elles
sont mortes, le liquide séreux, qui est normalement albumineux,
ne loge plus aucun être qui consomme son albumine. Ces kystes se
trouvent dans les organes splanchniques, fuie, poumon, reins,
cerveau même ; ils ont d'ailleurs un signe spécial : c'est la sensation
f'instique que donne la percussion et un frémissement dit kydoHque.
Mode de propagation. Habitat géographique, — On les observe
en France, quelquefois en Allemagne, mais surtout en Islande;
t/7 de la population de cette île en est atteint. On les voit éga-
lement en Egypte. Les recherches de Siebold , de Leuckart, de
Krabbe ont montré que les échinocoques naissent des œufs d'un
t«Tnia très fréquent chez le chien, le Txnia cchinococcus. L'œuf du
Tœnia cchinoeoccus du chien, alors qu'il tombe dans l'intestin
de l'homme, donne naissance à une larve, qui traverse les panus
de l'intestiu, pour aller s'enkyster dans le foie, sous forme de kyste
TENIAS. 865
à échinocoques ; mais cette lanre s*est embarquée dans une im-
passe. Il n'y a guère de chances en effet pour que l'échinocoque,
cysticerqoe habitant les tissus de Thomme. passe dans l'intestin
d'un chien, où elle pourrait poursuivre sa carrière et devenir à son
tour Tœnia echinococcus.
Les partisans des causes Gnales n'ont donc aucune excuse à al-
léguer, pour légitimer la fréquence de cette maladie chez Tlsian-
dais, puisque simple accident sans avenir, elle ne sert à aucun être.
L'espèce de tœnia qui nous occupe serait donc éteinte depuis
longtemps, si Phomme n*avait pas un collègue dans le privilège de
loger la larve du tsnia du chien ; ce collègue, c'est le mouton. Les
œufs du Txnia echinococcus sont répandus par le chien partout,
mais surtout dans Therbe, où, repris par le mouton , ils deviennent
•échinocoques (cyslicerques).Le chien répand sans doute aussi les
(Bu(s de son taenia sur les objets mangés par Thomme, dans les
tissus de qui ils deviennent cysticerques, mais cysticerques sans
avenir^ sans espoir; or, les chiens mangent souvent les entrailles,
lacervelle du mouton, et prennent Téchinocoque, qui devient Txnia
*thinococcu8y tandis que ceux-ci ne mangent pas Thomme ! On a
calculé qu'en Islande, pour une population de 70000 individus, il y
avait bien 20 000 chiens, soit i chien pour3. 5 habitants! Or ces chiens
sont atteints de Tœnia echinococcus dans la proportion de 28 0/0. De
plus, la malpropreté des habitants est extrême. Ils vivent confmés
avec leurs chiens, dans une promiscuité qui explique les occasions
de contagion. Il est si vrai que les chiens sont les agents de la
transmission, que les pécheurs de la côte, qui ont peu de chiens,
qui en ont toujours moins que la population agricole du centre et
qui ne vivent pas aussi conHnés avec eux, ont beaucoup moins de
kystes hydatiques que les populations agricoles.
T«Bia ■«rraïa. — Le chien possède un autre ts^ia, le Txnia
serrata^ dont la larve habite, sous forme de cysticerque, Cysticer-
IMS pisiformiSf dans le péritoine des lapins et des lièvres, à qui
il arrive souvent de tomber sous la dent du chien ! Chauvcau,
administrant les œufs du Taenia scrrata à des lapins, a vu chez
tous se produire un nombre considérable de Cysticercus pisi-
formis. L'ingestion de ces œufs par des moutons est au contraire ^
demeurée sans effet.
Taenia eceniirafl. — Le loup et même le chien possèdent un
autre tœnia, le Taenia ccmurus. Sa larve habite, sous forme de
cysticerque (Canurus cerebralis) dans le cerveau dvv tW5>>a\sycv ^V
146 LA FAUNB ET LA FLORE.
produit chez cet animal le phénomène connu sous le nom de ffintr-
nis. Tous les moutons auxquels Chauvcaa a donné des œufs de
Tamia rœmtrtts ont eu le tournis, c'esl-à-dirc le Cysticercusnrcbralis,
Ces mêmes œufs, donnés à des lapins, sont demeurés sans résultat.
Taenia maricinata. — Le chien possède un autre tsnia, le
Tœnin mmujiwUa, dont la larve, sous le nom de Cystirtrcus teimi-
roilisy habite le péritoine des ruminants (bœuf, mouton). Or les
intestins de ces ruminants, mangés souvent par le chien, lui don-
nent le taenia marginata. Chauvcau a donné des œufs de t£oia
marginata du chien à des lapins, qui n'ont rien eu ; de tous les
moutons auxquels il en a donné, aucun n'a eu le tournis, mais
tous ont eu le Cysticercm tenuicoUis.
Taenia nana. — I.c cysticerque per/'o/m/a du cheval devient,
dans Tintestin du chien qui mange son cadavre, un f>etit tirnia,
le Tœiiia nana.
Tienia craR»icolis. — De même le chat possède unlœnia,
Tcmia (rassirolis, dont le cysticerque habite le foie de la souris
et du rat.
Inflacnce du milieu sur ie développement des taenias.-^
Nous avons vu, d'une part, le cysticerque du lapin mangé devenir
taMiid dans Tinteslin du chien qui le mange, et d'autre (lart Tœuf
du taenia du cliien tomber sur l'herbe et redevenir c\sticerque dans
le tissu cellulaire du lapin qui mange Therbe ; cette n>gle est vraie
toutes les fois que le cysticerque habite un herbivore et que le
tœnia habite un Carnivore, lequel mange cet herbivore, a v«c son cys-
ticerque. Mais on doit alors se demander comment il peut exister
des tœnias chez les herbivores, eux qui ne peuvent déchirer de la
dent les chairs de Tan i mal logeur du cysticerque I L'œuf du tœnia
peut, en cfTet, dans certaines conditions, devenir directement
tsenia^ sans passer par l'état de cysticerque ; un exemple en a été
observé pour le ixnia bothriocvpfiaie. Eu France, aux environs de
Paris, une dame qui habitait un château et qui ne l'avait jamais
quitte, avait le bolhriocéphale, lequel cependant n'existe qu'en
Suisse ou sur les bordsde la mer Baltique. Or on découvrit que cette
dame avait, pour soigner son potager, un jardinier suisse et que
cet homme avait le bothriocéphale ! La filiation s'explique, et dans
ce cas, les œufs fécondés de tœniaque le jardinier avait seniéssor les
légumes, s'étaient développés directement en tœniachezla dame,
sans passer par Pétat de cysticerque. 11 en est de même |>our les
herbivores : ceux-ci peuvent parfois prendre le tœnia directemenl
OXYURE VERMICUUIRE. 167
enavalant sur Therbedcsœufs de ténia, quisedéveloppentchez eux,
sans passer par Tétai de cysticcrque. Enfin, les travaux de Mcgnln
oavri'nt un horizon nouveau : pour lui, le même cyslicerque
deviendrait volontiers tel taenia ou tel autre, selon le milieu, se-
lon l'intestin on il tombe. Ainsi, le Cystirercus perfoliatus du
tissu cellulaire du cheTal, qui, dans Tintcstin du chien, donne le
Taenia narviy pourrait tomber dans Yintcstin du même cheval et de-
venir là le Txniaperfoliata; de même le Cysticercus pisifœ*mis du
lapin, qui, dans Tintestindu chien, donne leTa?ma serrata, devien-
drait, dans l intestin même du lapin, Ta?72iapec^imf(a. Pour Mcgnin,
le c)sticerque du porc peut sans doute produire chezlMionnnc le
iœnia armé ou solmmy mais celui-ci, se reproduisant directement
chez rhomme même, donnerait le Txnia inci*me.
Ces faits Sont très importants; d'abord ils combleraient une la-
cune en expliquant l'existence du taenia chez les herbivores ; en
outre, ils auraient, au point de vue de la zoologie philosophique
une grande importance, puis(|u'ils nous donneraient un exemple
remarquable de transformation rapide des espèces, en présence
du milieu. Mégnin ne cite encore, il est vrai, que deux exemples,
le cheval et le lapin.
§ \. TRICOCÉPHALE .
Ces petits vers longs de 4 à 6 centimètres, é|)ais de 2 à 4 mil-
limètres, sont fréquents en Allemagne, en France, en Angleterre,
en Italie. Ils sont extrêmement communs chez les enfants en
Syrie, en Kgypte, aux Etats-Unis et dans Tarchipcl Indien.
§ 5. ASCARIDE LOMBRICOIDE.
Ce ver bien connu est d'une fréquence extrême en Syrie, en
Abyssinic, en Egypte, en Afrique et dans Tlnde. Il n'est pas rare
non plus en Europe.
Les noirs semblent avoir pour les ascarides lombricoïdcs une
aptitude toute spéciale, car on en trouve dans leurs intestins de
Téntables paquets.
Ils se trouve sous tous les climats, car il est fréquent en Suède.
§ 6. OXYURE VERMICULAIRE.
Il est répandu dans le monde entier ; les oxyures sont cependant
moins fréquents qu'ailleurs dans la Plata et dans loule Vi\S\V^m.
368 LA FAUNE ET LA FLORE.
II. PARASITES HABITANT LES TlSStiS.
§ t. TRICHINE.
Deseription^ mœurs. — Cest encore dans le porc que ré*
side, pour Tliommc, le germe de ce redoutable parasite, la tri-
rhint'^ et de la redoutable maladie qu'il produit, la Trichinose. Il
est logé dans la fibre musculaire de cet animal; au milieu même
de la fibre existent des kystes extrêmement petits» dans chacua
desquels se trouve une cavité relativement grande, dans laquelle
le ver, contourné endeui ou trois tours de spirale (Trichina spi-
raliS'j est susceptible de se mouvoir. Il est généralement seul
dans ce kyste, mais il peut s'en trouver plusieurs; la longueur de
la trichine est de cinq dixièmes de millimètre; le nombre de ces
kystes, dans un même porc^peut atteindre plusieurs millions; sur
un morceau de porc gros comme une tète d'épingle, Scoutetten
a compté 18 kystes, c'est-à-dire 18 trichines; une seule bouchée
de viande peut donc facilement en contenir 2000 ou 3000.
Qu*un homme vienne à manger pareille viande, le kyste est di-
^'éré et voilà les trichines libres dans rintc>tin ; elles grandissent
alors! elles atteignent, en quelques jours, l"*"',2à l"",o; les or-
ganes sexuels a[)paraissent ; on commence à distinguer les mâles
et les lemellcs; ce qui n'était jqu^une larve devient un adulte par-
fait ; raccouplement se fait; les trichines, qui sont vivipares, met-
tent au monde leurs embryons, qui mesurent 8 à i2/100de milli-
mètre. Une seule femelle produit ainsi jusqu'à 1000 embryons; à
peine sont-ils nés, qu'ils traversent la paroi de l'intestin; ils partent,
ils émigrent vers « une terre promise » la fibre musculaire, choi-
sissant de préférence la nuque, les muscles de l'épaule, la langue,
le diaphragme, les muscles du bras, le biceps, le deltoïde ; parvenus
In, ils s'enkystent, comme leurs mères étaient enkystées dans les
muscles du porc et, si Thôte qu'ils ont choisi survit, ils peuvent
vivre ainsi pendant des années; après quoi, n'ayant jamais ren-
contré un intestin, où ils pussent parachever leur évolution, ils
meurent ; le kyste s'encroûte de matières calcaires et on ne trouie
plus qu'elles, bien des années après.
Le plus souvent, cette migration des jeunes trichines ne se fiit
pas sourdement; dans une première période, qui dure de huit à
dix jours, on observe des signes d'embarras gastrique ; c'est pen-
dant ce temps que s'opèrent la destruction digestive du kyste
TRICHINE. S69
la croissance des trichines, leur accouplement; une seconde pé-
riode répond à la naissance des embryons, qui, jetés par millions
dans Tintestin, en percent les parois et occasionnent de la ûcvre ;
la troisième période, caractérisée par des douleurs musculaires,
une gène de la respiration, des douleurs atroces, un aspect ty-
pbique^ dure six semaines ou deux mois et se termine souvent
par la mort; la quatrième période, quand, par bonheur, elle a
Ueu, est celle d'amélioration, delà guérison ; elle correspond à
la crétification du kyste.
Géofl^raphie. — L'aire géographique de la trichinose humaine
correspond à Taire de cette maladie chez le porc : à Chicago, on
trouve environ 28 porcs trichineux sur 4400, soit 1/50; sur210jam-
• bons introduits d'Amérique en Suède, 8 soit 4 0/0, ont été trouvés
tnchineux ; à Chicago même, une commission, qui a fonctionoc ré-
cemment, estime le nombre des porcs trichines à 4/50 ; en 1 879, sur
35 510 jambons d^Amérique examinésà Hambourg, 297 contenaient
des trichines. Sur 44000 quartiers de lard, 85 étaient infectés.
En Allemagne, la trichinose humaine sévit généralement par
épidémies; de 4860 à 1865 on n'a pas compté moins de 40 épidé-
mies, dans 30 localités difTérentes. De 4865 à 4870, on y a
observé environ 2000 cas. D'ailleurs, la proportion des porcs tri-
cbioeux est considérable. A Braunsweig, elle est de 1/5000; à
fialle, de 4/3 000; à Gotha, 4/4 800.
A Copenhague, la proportion est de 4/465; à Stockholm, de
4/266 et dans certaines contrées de Suède, de 4/63. En 1877, le
nombre des porcs trichines a été, en Allemagne, de 172800,
Dans le district de Stettin, 98 trichinoses humaines ont été
constatées, dont 54 dans la ville.
ProBostie. — Cette maladie est loin d'être toujours mortelle ,
cependant, sa gravité est considérable; la plus bénigne des épi-
dànies, celle de Plaucn, compte 10 0/0 de morts ; celle de Kalbc.
il 0/0; celle de Hettstaedt, 48 0/0; celle de Burg, 22 0/0; colle de
Hedersleben (la plus grave), 27 0/0.
M«de d« propaffaiioB. ~ On ne comprend pas bien par
quelle voie la trichine, qu'on trouve dans les muscles du co-
Àon, y peut entrer! Comme on a trouvé les rats el les souris
iarcis parfois de trichines et qu'ils sont quelquefois mangés par les
porcs, on a accusé ces rongeurs de donner la trichine au porc.
Mais qui la leur donne à eux-mêmes? Les nombreux essais d'in-
fection artificielle ont réussi à la transmettre rarement avi cV\\^\\^
OiOGR. MÉD. ik
B70 LA FAUNE ET LA FLORE.
plus souvent au lapin, au veau, au renard, jamais aux oiseaox.
On a acciiFé la betterave de contenir le germe de la trichine, mais
rien ne confirme cette opinion. Il se pourrait, cependant, que le
parasite provînt primitivement d'un végétal, car Hcckel a trouté
des trichines dans les muscles d'un hippopotame, animal her-
bivore, mort au Jardin zoologique de Mars^eille; il est vrai que
quelque souris a pu passer avec le foin, comme hors-d'œuvre,
dans la gueule immense du pachyderme.
Utilité de la ciilnson des aliments. — Dans F ignorance où
nous sommes de la cause réelle de la trichine, nous n'avons
qu'un moyen de prophylaxie, c'est de la détruire par une cuisson
suffisante; ce sont nos habitudes culinaires, diiTéreutes de celles
des Allemands, qui font que nous n'avons pas, comme eux Ja
trichinose chez nous. Kn eifet, de petits morceaux de viande
trichinée, plongés pendant 22 minutes dans leau bouillante,'
contenaient encore des trichines vivantes; mais après 25-30
minutes, elles étaient toutes mortes.
Maladie des véig^étaux voUino de la IrichlBose. "
1.C b' Jouhert, au Brésil, a signalé la destruction imminente des
caféiers, à Cantagallo, province de Uio-de-Janeiro, à Sil)eiria, à
Serraria et dans la Fezenda de San-Clemente; les racines de ces
arbres se couvrent de nodosités, qui contiennent des kystes où
sont enfermés de petits vers néniatoïdcs de 1/4 de milUmclrc de
long. Un pied de café peut contenir 30000000 di» ces parasites.
§ 2. XÉMATOÏDK nu CHEVAL.
Dans les muscles du cheval, Giard (do Lille) et Viltu ont trouvé
des kystes do plusieurs millimètres d'étendue, par conséquent
visibles à Tccil nu et offranl en général la grosseur et Taspect
d'un grain de seigle. Dans leur intérieur élait un nématoîdeen*
kyste en dégénérescence crétacée et ra|)pelant par conséquent
beaucoup la trichine ; tous les muscles étaient atteints. PendaDt
sa vie, le cheval n'était pas maigre, mais se couchait volootienel
dénotait une certaine gène dans les mouvements du train de
derrière. C'est le premier parasite de celte sorte, qu'on ait observé
dans les muscles d*un solipède.
§ 3. DISTOME DES ÉCnEViSSES. — DISMATOSE.
On sait que, depuis plusieurs années, une mortalité considé-
rable frappe les ccrevisses dans toute l'Europe centrale : en AUice,
^ILAIRB DE MÉDINE OU DRAGONNEAU. fl\
n Allemagne, ce crustacc lend à disparaître de la Meuse, de la
»adne, du Danube et de l'Oder. Un pisciculteur de Munich en a
'0 périr 25000 en moins dé quatre semaines.
Harz (de Munich) a reconnu que la cause de cette maladie était
e Disloma rirrigerum, qui habite le tissu musculaire, où il s'en-
Lj%le. Ces distomes sont agames ; ils doivent donc acquérir leur
iéveloppement complet dans un hôte difîércnt. Harz pense que
cet hôte doit être la carpe ou la tanche ; Zundel soupçonne l'an-
gaiile ; d'autres croient que c'est le rat d'eau, très friand d'écre-
Yisses.
8 i. PILAIRE DE MÉDINE OU DRAGONKEAU.
Géoipraphle. Histoire. — Plus de la moitié de la po[)ula-
tion de la côte des Esclaves est parfois attaquée par ce parasite;
il empêche parfois tout travail; aussi a-ton nommé la maladie
9danto hlnka (corde qui amarre le brave) ! 11 est surtout fréquent
dans toute la zone tropicale, dans le Kordofan, le Darfour, le
Seanaar ; on ne l'observe môme en Egypte, que depuis la con-
^ète du Sennaar; ce sont des noirs qui Tout apporté. On l'ob-
serre enfin en Guinée {ner de Guinée) et en Abyssinic ; il est in-
connu dans le Dahomey et dans le Soudan. Il est très commun
dans tout le pourtour du golfe Persique ; la filaire de Mcdine
atteint le i/10 de la population de Bokkara.
Dans certains terrains argileux de Tlndc, tous les régiments
anglais qui s'y succédaient en étaient atteints. Dans certaines
plaines de cette contrée, la proportion des gens atteints de
filaire est de 8 ou 10 0/0. Dans la présidence de Bombay, elle
atteint 3 0/0 et dans le nord du Dckan, 5 0/0 de la population.
Portée en Amérique par les noirs elle est surtout fréquente à
Curaçao, où le 1/i de la population est atteint. Au Brésil, elle
niïte sous le nom de 6icAo da CosVi, Moins fréquente dans ce
pays depuis que la traite des noirs a cessé, elle semble se limiter
à l'état endémique dans la province de Bahia.
PJutarque la connaissait déjà : « Les peuples, dit-il, qui séjour-
• nent près de la mer Rouge sont tourmentés par des accidents
f aussi extraordinaires qu'inouïs. Il sort de leur corps des vers en
« forme de petits serpents, qui rongent leurs bras et leurs jambes;
fl quand on les touche, ils se retirent, s'entortillent dans les mus-
« des, et causent des souffrances horribles. %
37S LA FAUNE ET LA FLORE.
Description. Slè^e. Mode d'action. — Cette description
n'est pas exagérée ; le ver siège toujours sous la peau. On Toit
survenir, chez les gens qui en sont atteints, des abcès, qui de-
viennent fistuleux, qui, surtout chez le nègre, ne tarissent pas
et dont la longue suppuration Unit parfois par entraîner la mort.
A chaque abcès correspond un ver; or chaque malade en porte
!>, 3, li. Arlhus en cite 12 chez le même individu. Pouppée-Des-
portes cite un nègre, chez qui il en a vu 50. Presque toujours
ces vers et les abcès qu'ils déterminent ont leur siège dans la
moitié inrérieure du corps, aux jambes notamment.
La structure de ce ver est très simple. Sa longueur varie de
10 - 13 - 2o centimètres ; sa largeur, de 1 à 15 millimètres. Son
corps filiforme, ainsi que l'indique son nom, est grêle, cylin-
drique et a été comparé à une corde à violon. La femelle est
plus longue que le mâle et elle est ovovivipare. 11 semble que ce
ver soit susceptible d'habiter, pendant un certain temps, les tissus
de rhomme, sans manifester sa présence ; c'est ainsi qu'on voit
des gens présenter les premiers symptômes dix dragonneau^ sii
mois et plus après avoir quitté les pays où il est endémique. Cette
période silencieuse correspond évidemment à une phase particu-
lière de la vie de l'animal, mais elle ne peut se prolonger et voici
pourquoi : les larves du parasite ne sont pas, comme leur mère,
faites pour vivre dans le milieu humain ; elles ne peuvent vivre
que dans Teau. L'animal adulte, qui est entré par Tintestin ou
par la peau, cherche donc une porte de sortie, pour la généra-
tion qui lui succède. Il s'achemine vers l'extérieur et c'est sa pré-
sence sous la peau, à laquelle peut-être s'ajoute une sorte de tra-
vail irritatif, non pas souterrain, mais sous-cutané, qui provoque
l'abcès; les œufs ou les larves s'écoulent avec le pus et chercbeol
un milieu favorable.
Propaffatlon. — Beaucoup de ces larves ne le trouvent pas,
fort heureusement, mais le nombre de celles qui achèvent leur
destinée est encore trop grand, paraît-il, puisque la maladie se
propage par l'eau. On a en effet signalé, dans certains réserfoin
de ilnde, sous le nom de Tank worms (vers des réservoirs), de
jeunes filaircSf qui, avalées avec les boissons, donnent lieu à la
lilaire de Médine. 11 existe de même au Brésil, dans la province
de Bahia, une rivière qui donne, dit-on, la filaire de Médine, à tous
ceux qui boivent son eau.
D*après Tredschenko (i874), la première phase de la vie du
DE QUELQUES AUTRES PILAIRES. 87S
iiragonncau se passerait dans le corps de crustacés microscopi-
ques, les Cyclopsy que l'homme avale avec Teau.
DestmeUoii. — Les nègres et les vieilles négresses ont au
Sénégal la spécialité d'extraire ce parasite indiscret. Sitôt qu'au
fond de Tabcès on a reconnu lafîlairc, on attire une de ses extré-
mités au dehors, on Tenroule autour d'un bâton et Ton tire
doucement. La tradition des matrones noires est que, si Ton vient
à rompre le ver, la maladie devient alors très grave et que le
malade peut en mourir. Cette tradition est absolument juste ; en
effet, lever rompu meurt; mort, il se putréfie et, putréHé, il ex-
pose le malade à quelque chose d^analogue à ce que nous nom-
mons unepi^wre anatomique,
^ En Perse, on fait mieux : les matrones enroulent le ver, aussi
elles, mais les médecins Tanesthésicnt et le tuent par le chloro-
forme.
§ 5. DRAGONNEAU AQUATIQUE.
Il existe une autre variété de dragonneau, connu sous le nom
<1p Dragonneau aquatique, qui passe une moitié de son existence
<lans Teau et , moins ambitieux que la Pilaire de M^^dine, passe
l'autre moitié dans le corps d'un insecte. Si elle est moins noble
<iue celle que reçoit la filaire de l'homme, Thospitalité forcée que
donne le corps de Piosecte à cette (llaire est aussi plus sûre, car
il ignore le moyen de la détruire et de s'en débarrasser.
§ 6. DE QUELQUES AUTRES PILAIRES.
De la filai re de Médine il faut rapprocher une filaire qu'on trouve
chez la gerboise d'Afrique et certaines filaires plus petites, qui,
sans doute également avalées avec l'eau, viennent former abcès à
h peau chez le mouton, le chien, le cheval (Colin, Baillet). Cette
affection est notamment commune chez le cheval de Hongrie.
M. Fourment décrit une Glaire recueillie dans la cavité abdo-
minale d^un lémurim de Madaga.scar. Les détails anatomiqucs
qu'il a observés lui paraissent caractériser une espèce nouvelle,
qu'il propose d'appeler Filaria lepilemuriSy en raison de son ha-
bitat chez le lémurien où il Ta rencontrée.
d74 LA FAUNE ET LA FLORE.
111. PARASITES VIVANT DANS LE SANG.
Les parasites qui vont maintenant nous occuper n'habitent plus
riiiteslin ou les tissus, comme ceux que nous avons vus jusqu'ici:
ils habitent les vaisseaux sanguins; on les nomme sanguicoks.
§ 1. STRONGYLUS ARMATUS MINOR.
Ces animaux sanguicoles ont été souvent observés chez le che-
val, ràne, Thémione : chez ces solipcdes, un paquet de vers plus
ou moins nombreux s'arrête en un point des ancres, souvent les
mésentériques, dilate et irrite ce point, et finit par produire ce
qu'on nomme un anévrysme artériel ; ces cas ont été constatés
par de nombreux observateurs : par Kuysch le premier, puis par
ChabcTt (1725j, par Rudolphi, par Trousseau et Leblanc, enfin
par Rayer. Le ver ainsi trouvé est le Slromjylus armatus minor.
Ce strongylus se reproduit dans le sang du cheval qu'il habite
et ses embryons, qui ne sont pas destinés à vivre dans le sang
avant d'être devenus adultes à leur tour, gagnent la périphérie,
la peau de l'animal sur laquelle ils provoquent une éruption.
Condamiiie et Drouilly ont toujours retrouve la (ilaire embryon-
naire dans des boutons hémorrhagiques qui se développent sur
la peau des chevaux, qui ren Ferment le strongylus dans leur
sang.
SH^railon. Propagation. — (^est généralement sur des
chevaux de Hongrie que la maladie a été observée. Voici com-
ment elle est contagieuse : les boutons que le cheval porte à la
peau s'ulcèrent; au besoin, il les ouvre lui-même, en se frottant
contre les arbres ou en se roulant dans Thcrbe des prés; les jeunes
iilaires embryonnaires, contenues dans les boutons et, filles du
strongylus du sang, trouvent alors, sur Therbe humide, uo nou-
veau milieu favorable-; elles y deviennent adultes et les femelles
fécondées, qui vont être avalées par un cheval sain, s*installe«
ront à leur tour dans ses vaisseaux ; les embryons qu'elles pro-
duiront iront, comme firent leurs parents, former sous la peao
des tumeurs analogues à celles d'où elles sont elles-mêmes sor-
ties; déposés dans Therbe, ces embryons passeront dans les vais-
seaux d'un cheval et y deviendront adultes. Le même cercle
recommencera toujours dans les prés de la Hongrie et ces che*
vaux seront longtemps encore habités par ce parasite.
ANOUILLULA INTESTINALIS. 87S
§ 2. PILAIRE DU MABSOUIN.
Les solipèdes ne sont pas les seuls animaux ainsi habités ; le
marsouin possède souvent, dans ses artères bronchiques, un
Ter adulte, analogue à celui que le cheval renferme dans ses ar-
tères nicsentériques.
§ 3. PILAIRE DES POISSONS.
Beaucoup de poissons contiennent des vers semblables, qui
agissent de môme, habitent le sang et envoient leurs petits se
développer denors.
§ A. PILARIA IMMITIS.
Chez le chien, ces parasites sont fréquents; ceux qui ont été
trouvés chez lui, par un grand nombre d'auteurs^ dans ses
grosses artères et dans le cœur môme, appartiennent à trois es-
pèces différentes.
L'un de ces parasites, la Filaria immilin, mesure, pour la fe-
melle» de 7 à 10 tentimctres de long et i millimètre 1/2 de large ;
des paquets de ces vers plus ou moins nombreux dilatent ou
rétrécissent les orifices du cœur, où on les trouve dans la moitié
des cas. Ils donnent lieu kdeîianih}rysm''s vnrmhieux, qui donnent
aux chiens des étouflements, des essoufflements, des syncopes.
On ne trouve souvent que 3 ou i Pilaires, mais leurs embryons, qui
mesurent 25/100 de millimètre de long sur 8/iOOO de large, sont
extrêmement nombreux ; ils circulent dans le sang et on a pu
estimer à 220000 le nombre des individus embryonnaires en circu-
lation dans le sang d'un môme chien. D'autres fois, ces embryons
s'accumulent en grand nombre dans les parois d*uQ organe, Tœ-
aophage par exemple, et donnent lieu à des nHrécissemnnts ver-
mineux; ou bien , par le chemin des vaisseaux, ils gagnent les
centres nerveux et l'animal présente alors des convulsions, de
la paraplégie, etc. En Chine, les 3/4 des chiens sont, parait-il,
atteints de ce parasitisme.
§ 5. ANGUILLULA INTESTINALIS.
1^8 gros vaisseaux de la grenouille sont également habités par
un ver ncmatoïde, VAnguilluUi int.'Uinalis de NaXewWu, ^viwV.Xv^'î.
376 LA KAUNB ET LA FLORE.
nombreux embrvons circulent avec le sang dans toutes les p^^'
ties du corps.
§ G. OLTLQUES AUTRES PARASITES SEMBLABLES.
Eckor a ronslalc un même processus chez le corbeau et d^^
hémalozoaircs semblables chez le rat, le mulot, le phoque^ le ht:'^
run, le bmrhrf^ le .'/ow/o/i, etc.
L'homme, lui-même, n'est pas à Tabri du choix indiscret de cff^
parasites.
S 7. mSTOME I) 'EGYPTE OU DISTOMA RfMATOBIUM.
Hématurie fliaire de Bilharz. Histoire. Géof^aphle.
— l^n 18.'U, nilbarz trouva plusieurs lilaires dans le sang de
la veine-porte ; leur inférieur était rempli de globules sanguins.
Gricsinger, qui a observe également ce parasite et qui Ta nommé
llisloma humatoffium, assurait que la moitié des Coptes et des
Fellahs en sont atteints. Sur 363 autopsies, il a été trouvé il 7fois.
Chez les Nubiens, il a été vu ; il a été rencontré une seule fois
sur le nègre ; sa présence peut d'ailleurs passer facilement ina-
perçue pendant la vie. Le mâle a la grosseur d*Qn fil à coudre; il
mesure de 7 à 0 millimètres de longueur ; sa présence dans une
grosse veine passerait donc facilement inaperçue et la consom-
mation d<;s globules qu'il peut faire ne doit pas être énorme;
mais il est rarement solitaire.
Mode d'action. -> Les distomes produisent un nombre con-
sidérable d'œufs, qui peuvent boucher, à la façon d'une embolie,
les vaisseaux de petit ou de moyen calibre et déterminer, dans les
ramifications de la veine-porte, où ils habitent surtout, des troubles
variés. S'aclieminant dans les vaisseaux du rein, les distomes ou
leurs œufs augmentent la pression au-dessous du point où ils se
sont arrêtés et donnent lieu ù la sortie du sang hors des vaisseaux.
Le sang du rein s'écoule alors avec Turine ; c'est ce qu'on nomme
Vhnnaturir d'Hffypte. Cette hématurie fks pays chauds s^obserre
au Cap, à Natal, à Madagascar, à Bourbon, à Maurice. Au bordda
lac Nyassa et dans tout le bassin du Zambèse, beaucoup d^habi-
tants en sont atteints et attribuent la maladie à des vers qu'ils
verraient de temps à autre sortir par le canal de Turèthre (?).
Elle s'observe en Amérique depuis le 30" latitude Nord jusqu'au
35" latitude Sud, mais surtout au Brésil.
PILAIRE DE BANCROFT. FILARIOSE. 877
Le Distome d'Egypte ou Pilaire de Bilharz, qui nous occupe
actuellement, s'engage aussi fréquemment dans les parois de la
vessie ; les œufs, s'échappant dans celte cavité, d'où ils ne peu-
Tcnt sortir, deviennent le noyau de pétrifications calculeuses ;
ils s'entourent de végétations, de fongosités et donnent lieu
à une cystite vermineuse terrible. Us peuvent également softir par
rintestin et y produire des fongosités d'apparence polypeuse (Zan-
carol); le singe, le bœuf, le mouton peuvent être infectés par le
Di^tr^jnfi hœmatohium. Ses embryons habitent les mollusques. On
les trouve en abondance dans ceux du canal Mahmoudieh.
§ 8. PILAIRE DE BANCROFT. FILARIOSE.
Hémato-ehylnrle. Filalre de IVncherer. Filariose.
Aselte. Hydroeèle. Eléphaniiasis. — Il existe une autre
forme àlièmaturie; on la nomme hémato-chyluric des pays chauds ;
elle est due, aussi elle, à une filaire, mais cette filai re est autre ;
ses conséquences sont plus graves encore ; elle est surtout fré-
quente dans rinde et dans l'Amérique du Sud ; c'est la filaire
^ff Wuchernr.
Dans un cas (Thfimato-chyluric, le D' Wucherer (de Dahia),
voulant cherchef la filaire que Bilharz avait décrite, en 4851,
dans l'hématurie d'Egypte, ne la trouva pas ; mais il trouva une
autre filaire, qui prit le nom de filaire de Wucherer. La même
filaire fut trouvée encore, dans l'hémato-chylurie, par le D*" Cre-
. vaux, à la Guadeloupe, en 1870; puis, dans un cas semblable, par
le D' Cobbold, non seulement dans les urines, mais dans le sang
des malades.
En somme, Vhématurie et {'hùmato-chyluric sont l'œuvre de deux
animaux sanguicoles distincts: en Afrique, le Distome de Bilharz
produit l'hématurie; en Asie et en Amérique, la filaire de
Wucherer produit l'hémato-chylurie.
La filaire de Wucherer fut alors trouvée dans bien d'autres cas;
à Calcutta, dans le sang d'un homme atteint d'un de ces érysipcles
du scrotum qui finissent par l'éléphantiasis, le D' Lewis découvrit
une filaire, qu'il appela Filarûi sanguinis hnminis et qui n'était
autre que la filaire de Wuchertrr, La même filaire fut encore trou-
vée par Sonsino dans le sang d'un homme atteint d'hémato-chy-
lurie, en Australie ; elle fut retrouvée dans le liquide d'une Ascite
par le D' Winckell. Enfin, au Brésil, la môme filaire fut eivc^t^
378 L\ FAUNE ET LA FLORE.
retrouvée dans le sang du doigt de deux hommes atteints d'élé-
phantiasis et d'un troisième atteint d'hémato-chylurie.
€rénéalo|(io de la fliaire dolVaeh«rer. Pilaire de Baa-
erof t. — Tous ces observateurs ne mcconhaissaient |>a5 que les
filairos qu'ils trouvaient en grand nombre dans le sang de leurs
malades étaient asexuées et présentaient tous les caractères d'ani-
maux embryonnaires. On en était là, lorsqu'en t876, chez un
homme atteint iVriphantlasis des Arabes, Cobbold retrouva les
mêmes Pilaires, mais, à côté d'elles, un œuf dans te sang! La
même année, en Australie, le D^ Bancroft trouva Taniroal adulte,
le progénilcur de Tœuf ; c'est la Filarin BancrofU. En 1877, le D'da
Silva Arango (de Bahia) fut plus heureux: il observait t:n homme
qui était atteint à la fois d'abcès lymphatique du scrotum avec
éléphnntiasis et de chylurie; il trouva dans Turine la ftlaire de
Wucherer (l'embryon) et dans le sang la filairedeBancrofi(radalte).
EnOn ilexistt^ au itn^sil une maladie caractérisée par des abcès
multiples et qui n'atteint, dit le populaire, que les personnes qui
se sont baignées dans la lagune de Feiticeira. Chez un homme qui
s'était bai;^né, qui avait leruption en question et qui présentait
un abcès lymphatique, le D' Felicio Sanlos trouva à son tour : dans
le sang, ladlaire, de Wucherer ; dans rabeos même, lafilaire de
Bancroft. En somme, il serait mal aisé de réunir plus de preuves
pour démontrer <|ue Vht'malft-fhyluric, \\ié})hiintinsi$, certaines
hydrorrles, si fré«jucnts dans l'Inde, certaines ascitrs, qui accom-
pagnent CCS maladies, sont la localisation, sur divers points, de
parasites embryonnaires (filaircs de Wucherer) produits dans le
sang par un parasite adulte (la Pilaire de Bancroft), parasite qui
pourrait bien lui-même, comme cela se voit chez le chien, être
pour (|uelque chose dansées affections cardiaques, qu'on voit sur-
venir, en Chine et dan<> Tlnde, en dehors du rhumatisme et des
causes habituelles des maladies du cœur. On désigne cet ensem-
ble de maladies sous le nom de filariosr.
Mais i\lrpkantiusis, la plus importante des manifestations de
la fUariose, mérite une élude à part.
Histoire. Géographie de réléphantiaMlfi. «- La première
indication relative à ce point de géographie médicale se trouve
dans le poème de Lucrèce. Le poète remarque que chaque climat
présente dos maladies particulières, comme il présente des hom-
mes de couleur et de visage particuliers ; comme exemple, il nous
cite la maladie qui va nous occuper :
riLAlRB DE BANCROFT. FILARIOSE. 379
Est elephas morbus qui, propter fluroina Nili
GignituriEgypto in medio^ neque praeterea usqnam.
Ces différences tiennent, dit-il, à Tatmosphère :
Varius concinnat id acr.
Ce mal d'éléphant, elephas morbus, avait donc fait iiaitrc déjà
dansTespritun rapport entre les jambes monstrueuses et défurmées
de ceux qui en sont atteints et les pattes cylindriques de Ténorme
pachyderme ; elephiis morbus csl devenu VelcphantUisis et, comme
la première bonne étude en a été faite par les médecins arabes
Rhazès et Avicennes, le nom d'rU^phantiasis des Arabes lui a été
donné.
Lucrèce se trompait lorsqu'il disait que Vélt'phdnlinsis, que nous
nommons des Arabes, se trouvait en Egypte, et au delà point, ne-
que prxtcrea usquam. On le trouve en réalité dans toute la zone
torride, môme dans la zone chaude; on le trouve dans une grande
partie de l'Afrique, en Egypte, en Abyssinie, en Arabie, et c'est
là que les Arabes l'ont étudié ; on Tobservc en Perse, mais seule-
ment dans le midi, près du golfe Persique. La maladie est surtout
fréquente à Ceylan, dans l'Inde, sur la côte de Malabar surtout;
on Tobserve en Cochinchine, en Chine, ù Java, à Sumatra, à
Bornéo et dans une bonne partie de TOcéanie, enfîn aux An-
tilles, à la Barbade, où la maladie a reçu un nom spécial ; c'est le
mal des Barbades ou la jambe des Barbades,
Dans tous ces pays, rélé|)hanliasis ne sévit pas également, avec
une égale fréquence sur tous les points. Nous venons de dire que,
dans rindo, il est plus fréquent sur la cote de Malabar. 11 est très
commun aussi à Pundichéry ; îi Ceylun, il sévit surtout sur la cote
ouest. Le D'' Godard, qui l'a étudié en Egypte, dit qu'il sévit dans
certaines villes plus que dans d'autres. Ainsi il sévit à Dumictte
et à Rosette plus souvent qu'à Aleiandrie et, dans ces villes, il
est plus fiéqueiit dans les quartiers bas, humides, habités par la
classe pauvre. A Damiette il est beaucoup plus fréquent qu'ailleurs,
dans le quartier dit dWcantara, qui est situé sur le bord du ca-
nal. Il y a des districts de l'Inde où, d'après Hirsch, 1/20 de la
popula.tion est atteint.
Siège, — Le siège de la maladie peut varier ; les jambes en
sont le plus habituel et généralement une seule jambe est prise;
le scrotum et les grandes lèvres sont fréquemment attcinis; Uis
3S0 LA FAUNE ET LA FLORE.
seins, les bras et quelquefois la face sontalteints également, mais
les jambes et le scrotum le sont beaucoup plus que toutes les
autres régions.
Sympcùmes. — La maladie débute par delà douleur, au pli de
Taille, parexcmple, s'il s'ngitdelajambe; puis apparaissent, sur la
penu, de petites traînées rouges, qui sont identiques à ce que nous
connaissons sous le nom d'angioleuntc ; parfois un cordon dur,
situé plus profondément sous la peau, le long du trajet d'une
veine, dénote une phlébilc: la rougeur s'étend progressivement,
devient plus diffuse et varie d'ailleurs depuis le simple érythème
jusqu'à l'érysi pèle. Ces phénomènes sont, du reste, d*autant moins
ap[)arents, qu'on les recherche chez une race plus colorée. La
jambe, s'il s'agit d'elle, est visiblement enflée, œdéniatiée, chaude ;
ta peau, tendue, brillante, est le siège d'élancements; en roéme
temps, il y a des vertiges, des éblouissements, parfois des vomis-
sements ; puis, au bout de quelques jours, tout s'apaise, tout
rentre dans Tordre; le jambe reste seulement un peu engorgée;
mais ce n'était là qu'un début : au bout d'un temps variable,
depuis quelques jours jusqu'à plusieurs semaines, nouvelle
poussée; retour des vertiges, des vomissements, retour du gonfle-
ment, de la douleur et de Tenflure, qui dépasse sa limite précé-
dente et qui, lorsque La nouvelle crise sera passée, restera plus
considérable encore qu'elle n'était restée après la première attaque.
Au l)Out d'un certain nombre de ces crises, qui, rapprochées,
constituent, dans leur ensemble, la période aiguë, Vrh'phnntiasis
est constitué !
La partie malade a fini par prendre et garder un volume sou-
vent énorme, ainsi que le montrent les figures ci-contre pour le
scrotum et pour les jambes; les vaisseaux ont change ce qu'on
nommerait, on hydraulique, leur régime. Les uns sont oblitérés,
les autres élargis et dilatés ; la nutrition du membre est troublée,
tous les tissus s'engorgent et s'hypertrophient ; cette évolution
nutritive se continue pendant la période chronique, accélérée de
temps en temps par de nouvelles exacerbations aiguës, qui se ré-
pètent à des intervalles variables et dont chacune donne, pour
ainsi dire, un nouveau coup de fouet à la maladie.
La peau et les tissus qui la doublent acquièrent alors une
épaisseur monstrueuse, chaque poussée, suivant le point où elle a
porté, marquant son passage par autant de tumeurs, dont l'en-
semble fait du membre une masse énorme et monstrueuse, que
nUlRE DK BANCROPT. FlLAtlIOSE.
IBI
le iDBlbeureDi malade est condamné à Iraîner. Une Touli^ de
troubles superficiels viennent s*ajouter à cet ensemble : Tépi-
derme est corné, fendille, suintant, durci en certains points,
ramolli sur certains autres. Le membre ressemble en réalité à
quelqu'un de ces ormeaux, qu'on voit bossues sur leur tronc
par d'énormes tumeurs ligneuses, inégales et bosselées 1 Le malade
devenu impotent, monstrueui, dirrorme, s'habitue en quelque
sorte à son borrible inrirmiié et la mort ne semble pas souvent
résulter directement de la maladie. Dans certains cas, l'amputa -
tlon a été pratiquée, mais souvent alors, la maladie se reproduit
ailleurs.
AB«t*Bl« p«tlioI«([lqDc. — Lorsqu'on vient à examiner le
membre amputé et qu'un pratique de larges coupes dans sa
masse, on voit s'écouler, des mailles de tissu cellulaire comme
d'un citron, nne sérosité plus ou moins abondante. La coupe
présente l'aspect et la consistance d'une énorme couenne de lard;
le derme est épais et rappelle, même avec exaeération, celui des
grands pachydermes. Le tissu cellulaire qui, d'ordinaire, double
finement la peau, laquelles'en détache facilcioenV,tteÎB,\Vv\'i%oïi'Mi
S82 LA FALNB ET LA PLORB.
avec elle; tous deux sont souder par d'épai.<ses cloisons fîbreuses.
\je derme est lui-m<^me dur et donne, sous le couteau, la consis-
tance d*un fruit mal mûri. Au milieu de cette masse sont en-
glolx's les vaisseaux, les nerfs et les muscles. Les. vaisseaux sont,
les uns bouchés par un caillot, les autres dilatés en une sorte
d'ampoule pleine de sang; les nerfs sont le plus souvent atrophiés
et comme étoufTés dans la masse dure, qui les emprisonne ; les
muscles minces, atrophiés sont aux trois quarts disparus et ont
subi la tUtji'w'rescenve graisseuse : les os sont souvent sains ; mais,
dans certains cas, on a vu le tibia triplé de volume et uni au
péroné par des sortes de stalactites osseuses, qui lui donnaient
un aspect bosselé et irrégulier.
Kciologie. — Quelles |>euvcut être les causes de cette étrange
et redoutable maladie? Sa présence uniquement dans les pays
chauds, devait naturellement conduire à accuser d^abord U cha-
leur; un certain nombre do médecins se sont, en efTet, ranges à
l'opinion, qui voyait, dans cette maladie, un effet de la chaleur
sur les glandes et sur les vaisseaux lymphatiques. On admit et
quelques médecins admettent encore, qu'il ne s'agit là que de
troubles de nutrition, apportés par une s('Tie de ce qu'on nomme
des lymphangites r^lienlaires des jyiys ehnuds. Mais il est bon de
constater d'abord que les nègres, qui, même de Tavis des par-
tisims de cette doctrine, sont peu sujets à la lymphangite des
pays chauds, sont, au contraire, très sujets à réléphantiasis des
Arabes; d'ailleurs, si la chaleur était la véritable cause de la
malarlie, celle-ci sévirait dans tous les pays chauds également,
ce qui n'est pas; elle y sévirait môme en raison et on propor-
tion de la chaleur, ce qui n'est pas; enfin elle attaquerait les ré-
gions découvertes du corps ei c'est le contraire qui a lieu! force
est donc d'abandonner la chaleur. J'en dirai autant de Texpli-
cation qui attribue la maladie aux transitions brusques de
température.
On s'est alors rejeté sur l'alimentation : un grand nombre des
populations sujettes à réléphantiasis se nourrissent en effet, très
habituellement, de poissons sal<^s; eu Kgyptc on a accusé la chair
du marsouin, celle d'une détestable poule d eau, enfin l'usage dei
fruits pourris.
Toutes ces explications ne sont pas absolument mauvaises, nous
le verrons bientôt ; mais, outre ce que chacune d'elles peut pré-
senter de particulier, elles répondent toutes à deux coadiUont
FILAIRE DE BANCKOFT. FILARIOSE. S83
communes, le séjour au bord de l'eau , ou au moins dans un lieu
humide, et la misère. On pourrait peut-être dire, que c'est peut-
être bien parce que toutes ces conditions varient avec les races,
que les races se comportent d'une manière différente devant
réléphantiasis.
Modo d'action du pamsice. — Cette maladie est aujourd'hui
rattachée au parasitisme et nous venons de voir qu'elle n'est
qu'une des formes d'une même maladie parasitaire, la filariose.
Plusieurs symptômes de réléphantiasis s'expliquent alors à
merveille : ces nausées, ces vertiges du début, qui ne sont pas
en rapport avec l'état inflammatoire, trouvent leur explication
dans les phénomènes réflexes, que provoquent les parasites ,
peut-être même dans leur passage dans les vaisseaux du cerveau
ou de la moelle ; enfin ces poussées périodiques, qu'on voit sur-
venir dans la période aiguë et même dans la période chronique,
sont dues, vraisemblablement, à des pontes périodiques et, pour
ainsi dire, à une marée montante de nouvelles générations de
filaires de Wacherer, 11 se peut que plus tard, dans la période
tout à fait chronique, le parasite ait disparu, mais il reste tou-
jours le travail nutritif qu'il a développé, ce qui pour le malade
est tout un.
Contagion. R61e des moustiques. — Il reste à expliquer le
mécanisme ainsi que le modedepropagation et de contagion, car un
grand nombre de faits démontrent que Véléphanliasis des Arabes
est contagieux : leD^Manson, en Chine, a démontré expérimenta-
lement que l'intermédiaire oblige entre ces deux états d'un même
animal, l'état de filaire de Bancroft, animal adulte qui se trouve
dans le sang de Téléphantiasique, et l'état de filaire de Wurherc^',
embryon qui se trouve dans la partie malade, c'était le moustique
00 culex, si abondant dans les pays chauds. 11 s'est assuré que,
lorsque le culex suçait le sang d'un éléphantiasique (or les mous-
stiques le piquent à chaque instant), il avait l'estomac rempli en
moyenne de 120 filaires de Wucherer. 5 ou 6 seulement de ces
V20 filaires peuvent, nouveaux Jonas, échapper à la mort; elles
achèvent même leur développement dans ce milieu et elles ac-
quièrent i millimètre de long sur 5/100 de millimètre de large.
C'est précisément le moment où le moustique se réfugie sur l'eau,
pour y pondre ses œufs et mourir. La filaire de Wucherer, de-
venue adulte, c'est-à-dire devenue filaire de Bancroft, dans Tes-
tomac du culex, s'échappe alors; elle est fécondée i^ait X^'^ vcâ\^^
884 LA FAUNE ET LA FLORE.
et toute prête, si elle est absorbée par un homme avec Teaii des
boissons, à vivre dans son sang et à Pinfester de ses embryons ou
filaires de Wiœhei'er, qui, selon les hasards de leur migration,
feront de cet homme un él^hnntiasique, un hémato chylurique,
un homme atteint d'hydrocélCy d*ascite, eto.
Mais ce n'est pas tout : le moustique chargé de filaires de Wu-
rherer peut, avant d'aller pondre dans Teau, sucer le sang d'un
individu sain, y semer quelques filaires, qui, soit qu'elles restentà
l'état embryonnaire de fUaire deWucherery soit qu'elles y évoluent
en filaires de Bancj'oft, pourront inoculer l'élephantiasis et donner
raison au préjugé populaire qui croit la maladie contagieuse. On
comprend alors comment il se peut que les nègres aient, ainsi
qu^on Ta dit, importé l'élephantiasis en Amérique et comment, à
la Barbade, la maladie a éclaté brusquement, à la fin du siècle ;
on comprend, eniin^ comment la géographie médicale de Vêlé-
phantixtsis est superposable à la géographie zoologiquc du mous-
tique,
§ 6. CRAW-CRAW.
Géographio. — C'est près de la filariose qu'il faut ranger cette
maladie connue depuis longtemps, à la côte d'Afrique, sous le
nom de eraw-eraio et qui consiste en une éruption vcsiculo-pus-
tuleuse, qui rappelle la gale et qui porte le malade à se gratter.
Récemmcnt,en France, le professeur Nielly a observe un mousse
de Brest, de quatorze ans, qui n'avait jamais voyagé et qui était
atteint d'une sorte de pseudo-gale. La présence de papules lui
a été révélée par des démangeaisons. Le prurit était d'ailleurs
assez léger. Les papules et vésico-pustules étaient disséminées
sur le bras et l'avant-bras gauches, confluentes sur le dos de la
main, il n'y avait rien dans les espaces interdigitaux. Le membre
supérieur droit était beaucoup moins atteint. H y avait même
quelques papules sur le tronc et les membres inférieurs. En
piquant le sommet d'une vésico-pustule, Nielly trouva des nc-
matoîdes.
Le parasite. — L'animal est facilement visible au micro-
scope. C^cst un ver incolore, mesurant 300 millièmes de milli-
mètre de longueur et i millième de millimètre de diamètre.
C'est une filaride ou une anguillule,
Nielly ignore d'où provient cette affection. Les urines ne con-
tenaient rien de particulier. Le sang, au contraire, renfermait oo
PATHOLOGIE GÉNÉRALE COMPARÉE. 885
grand nombre de ces animalcules. « Il parait donc, disait Tau-
« leur, exister en France une dermatose spéciale, qui est ou non
« le craw-crawy mais absolument nouvelle pour les observateurs
« des pays tempérés. »
Il me semblerait plus probable que ce jeune mousse aurait
contracté la maladie en sUnoculanl, d'une manière ou d'une
autre, à bord d'un navire arrivant des parages à filaires, les em-
bryons d'un animal sanguicole. Mais, tous renseignements pris,
il était candidat mousse de l'Aiisterlitz et n'avait jamais voyagé;
il était berger. C'est donc dans les mares qu'il aura peut-être
pris une filaire du mouton. Le docteur Nielly la nomme Anguil-
lula leptodera.
§ 10. STRONGYLUS VASORUM.
Le chien loge également dans son sang un nématoîde adulte,
Strongyhis vasorum, qui habite le ventricule droit et les grandes
divisions de l'artère pulmonaire. Les individus y sont réunis en
nomLre tellement considérable, qu'ils forment des pelotons qui
gênent le cours du sang. C'est là qu'a lieu l'accouplement ; mais
les embryons émigrent vers les bronches de petit calibre ; de là,
ils sont expulsés au dehors, pour être ensuite introduits dans
l'appareil digestif d'un autre chien, dont [ils percent la paroi
intestinale et dans le cœur duquel ils vont vivre à l'état d'adultes.
Laulanié a montré qu'autour des embryons bronchiques du
Strongylus vasorum du chien se développe un travail identique
à celui qui se développe autour des tubercules.
§ 11. PATUOLOGIE GÉNÉRALE COMPARÉE.
Au point de vue de la pathologie des êtres organisés en général,
il y a dans ces faits une source de réflexions fécondes : ce fait de
troubles nutritifs, bypertrophiques, comme ceux que nous avons
vus constituer Véléphanliasis dcs^ Arabes, n'est pas unique en son
genre. Chez un coq de Houdan, Mégnin a observe quelque chose de
très comparable à Téléphantiasis : un sarcopte, le Sarcoptes mu-
tans, avait rendu la patte véritablement monstrueuse ; elle était
couverte de tubercules blanchâtres, qui avaient quadruplé son
diamètre en la rendant en même temps très irrégulière et rabo-
teuse ; ces tubercules étaient constitués exclusivement par des pro-
GÉOOR. MéD. ^"^
186 LA FAUNE ET LA FLORE.
ductions épidermiques stratifiées, et sous leur couche profonde,
on Toyait encliatonnées, cbacone dans une petite loge, comme
des perles microscopiques, des myriades de femelles du S^trcoptes
mutans toutes occupées à pondre.
Chez les végétaux, des irritations semblables produisent des *
effets analogues, des sortes iVtHêphantiasis végétaux^ si Ton peut
employer cette métaphore : sous Pinfluence de la piqûre d*OD
charançon, la racine d'un certain chou devient globuleuse, sphé-
roîdalc: elle emmagasine de la matière cellulaire et cette sorte
d'élt'pfytnliasis végétal rend comestible pour Thomme une racine
atteinte en réalité d'une maladie, que les Anglais nomment club»
Priliieux a montre que le blé niellé résulte d'une hypertrophie des
étamines du blé, à la suite de leur piqûre par une anqtdUult,
Ces exemples d'hypertrophie végétale, sous Tinfluence d'une ir-
ritation parasitaire, sont fréquents. 11 suffit de rappeler encore
ici les galles qui se développent chez les végétaux à la suite d^une
piqûre de cynips, les tumeurs qui se développent sur les feuilles
de rhododendron des Alpes, celles qui se forment sur les racines
du lupin des jardins, Michel Woronine a constaté, au milieu du
suc qui baigne ces tumeurs, un nombre considérable de bactéries
animées de mouvements.
De Candolle avait déjà vu une action générale dans ce qu'on
regarde le plus souvent comme un simple traumatisme : au sujet
de Taction irritante de certains parasites, il avait émis Tidée que
les morsures que font aux racines des plantes certains animaux,
tels que les cottrtiliàrs, les larves de /iAn?ic^07i, n'expliquaient pas
la mort de ces plantes par simple traumatisme ; il pensait que
ces animaux doivent sécréter une humeur toxique, qui entraîoe
rapidement la mort du végétal. Descendons au-delà des limites
qu'assigne à nos connaissances sur les éléments figures Timper-
fection de nos yeux, et nous verrons des sucs irritants produire des
tumeurs par l'irritation qu'ils déterminent au milieu des tissus :
les grosses tumeurs des arbres sont peut-être dans ce cas et dans
cet ordre d'idées, le D' Davaine a pu se demander si le cancer lui-
même n'était pas dû à la formation cellulaire déterminée autour
d'un stimulus animé.
Autrement dit, lorsqu'une épine est déposée dans les tissus,
elle provoque autour d'elle une irritation locale, non spéciGque;
répine seule est spécifique.
PKMTASTOME DU CHIEN. 8«7
IV. PARASITES HABITANT DANS CERTAINES CAVITES.
>S I. CALLIPHORA ANTHROPOPHAGA OU LUCILU HOMINIVORA.
Dans la république Argentioe, dans le Venezuela et dans
plusieurs contrées de TAmcrique tropicale, au Mexique et à la
Guyane, existe une mouche qui dépose dans les fosses nasales de
riiomme un nombre énorme de larves, qui, en quelques heures,
perforent les organes, amènent les désordres les plus graves et
la mort. Cet animal porte au Mexique le nom de bicheiro des
fosses nasales. Il arrive parfois que Tintroduction a lieu en flai-
rant des fleurs, sur lesiiuelles la mouche a déposé ses œufs.
On donne le nom de myasis à Fensemble des accidents déter*
minés par le dépôt d*œufs ou de larves que font certains insectes,
notamment des diptères, dans les cavités naturelles de l'organisme.
§ 2. SANGSUE DU CEEVAL. DEMOPIS SANGUISUGA.
Elle sMnlroduit dans la bouche de l'animal avec l'eau, et de là
sur la partie postérieure du pharynx, où elle cause des hémor-
rhagies. Ce parasite a été trouvé dans la bouche de nos chevaux
pendant la campagne de Tunisie ; tous les ruisseaux de TAfrique
septentrionale en contiennent.
§ 3. PENTASTOME DU CDIEN.
Il existe, dans les sinus frontaux des carnassiers (chien, loup),
des parasites vermiformes, nomoïés pentastomes ; ils sont longs de
5-10 centimètres, sont sexués. Leurs œufs, sortant par le nez,
tombent sur Therbe; ils sont avalés par des herbivores (lièvre,
lapin), dans l'intestin desquelles jeunes pentastomes passent leur
vie embryonnaire; ils s'enkystent dans le foie, dans le poumon,
et ne deviennent aduKes, avec un sinus frontal pour habitat,
que lorsque le lapin, leur hôte, a été mangé par un chien ou par
un loup. J'ai dit plus haut qu'ils amènent souvent des épistaxis.
888 LA PAUME ET LA FLORE.
§ 4. ACAROPSE DE MÉRICOURT.
Cet animal a été trouvé, par notre savant confrère de la marine,
dans Toreille d'un officier qui arrivait de la Havane. 11 a été dé-
crit et nommé par Moquin-Tandon.
De ce parasite il faut rapprocher celui qui csiuse VépUepsie con-
tagieusc des chiais : dans les cas d*épilepsie contagieuse, M^ia
a reconnu que les accidents épilepti formes étaient provoqués, par
action réfleie, par un parasite irritant Toreille, \eChorioptes scanda-
tus ou ecaitdatus (Nocard), commun chez le cAten, le chat et \e furet.
11 provoque parfois chez le chat des accès de fureur. On rencontre
chez le lapin les mêmes accidents, provoqués par le séjour du Pso-
Toptes longirostris dans Toreilie; on rencontre également ce para-
site chez te cheval. Tous ces parasites amènent quelque chose de
comparable à la maladie de Meniêre,
§ 5. MUSCA CACNALIA.
Le docleur Manez a publié récemment plusieurs observations
de ce qu'il nomme la conjonctivite vermineuse des bergers. Il s'agit
d'une inflammation du sac c»culo-palpébral, sous rinfluence des
larves déposées par la Musca cacnalia chez des gens endormis au-
près des troupeaux.
Il suffit de tuer les larves avec Tessence de romarin, pour gué-
rir la conjonctivite.
Cette maladie se rencontre dans l'Amérique du Sud.
Peut-être faut-il rapprocher de la conjonctivite vermineuse des
bergers Vophthalmie de Ceylan, décrite par le EK Cameroo, à
moins, cependant, qu'il ne s'agisse d'une manifestation du pa-
ludisme.
§ 6. GRÉGARINES.
Des parasites extrèmementrépandus, qu'on peut regarder comme
habitant les cavités muqueuses, ce sont les grégarines, dont oo
trouve chez les oiseaux ies colonies considérables, enkystées dans
le tissu conjonctif sous-muqueux et dont la présence et la pullu-
lation amènent une inflammation intestinale, de la diarrhée et la
mort. — Les grégarines sont des êtres inférieurs du règne des Pro-
tistes (Hcckcl).— On les trouve chez un grand nombre d'animaux :
DISTOMA RINGERI. HâMOPTYSIE PARASITAIRE. 889
je citerai Gregarina mie8cherina,cïiei le porc, la brebis, la Tache,
le lapin, le cheval ; G. atn'tim, dans Fintestin des poules ; G. mûris,
chez le rat ; G, Lindemanii, dans le rein de Thomme ; — G, mut-
leriana (c'est la psorospermie des poissons). -^ D'autres protistes
se trouvent ailleurs : le Cytospermum viride, dans les cellules pul-
monaires du macaque ; C. Zumiif dans l'intestin du veau ; C. ranœ,
chez la grenouille; C. ^ominû, chez l'homme; C. canis; Psoro-
spermium avium. Tous ces êtres ont été étudiés récemment par
Rivolta.
§ 7. SYNGAMUS TRACnEALIS.
Histoire, géof^raphle. — Ce parasite ou rcr rouge se rencon-
tre dans la trachée des faisans et des poulets, qu'il fait périr actuel-
lement par centaines et par milliers dans les faisanderies. Celte ma-
ladie des jeunes faisans, se caractérisant pardcsbàillements répété!»
a reçu le nom de gape en Angleterre et en Amérique, où elle est
fréquente. Le docteur Crisp estime ù un demi-million le nombre
des poulets que le ver rouge détruit en Angleterre, sans compter
les faisans et les perdrix. A Rambouillet, chez M. de Rothschild, on
trouve parfois, le matin, douze cents faisans tuôs par la gape. Cette
maladie a, d'ailleurs, été observée pour la première fois, en 1799,
à Baltimore, sur les poules et les dindons, par le D' Wiescnthal ;
elle a été récemment étudiée en France par Mégnin.
Deseription. — Le ver mâle, rouge, cylindrique, mesure 2 mil-
limètres de long sur 0™™,20 de large ; la femelle mesure 5 milli-
mètres de long sur 0"'»,35 de large.
Mode de propagation. — A l'état adulte, Tanimal habite la
trachée ; c*est là qu'il s'accouple. Les œufs et les larves, qui ont
Taspect d*anguillules, sont rejetés en dehors, dans l'eau ou dans
les pâtées alimentaires; là ils sont absorbés par les oiseaux. Une
fois dans les voies digestives, ils en traversent les parois et se ren-
dent dans les sacs aériens et dans les cellules pulmonaires, où ils
deviennent adultes.
Destraetion. — 11 suffit de mettre une certaine quantité de
rue, d*ail ou d'acide salicylique dans la boisson et dans la pâtée
des oiseaux pour détruire les jeunes larves. •
§ 8. DISTOMA RINGERI. HÉMOPTYSIE PARASITAIRE.
Géograpliie. — Le professeur Baelz (de Tokio) a montré le
premier la présence au Japon, chez Thomme, d'une héaio^t^*i»\&
890 LA FAUNE ET LA FLORE.
parasitaire étudiée plus tard par Manson et signalée réccmoient
par le D' Remy. Cette maladie n'existe que dans les régions toi-
caniques du Japon, à Formose et sur la côte orientale d^Asie.
DeserlptloB da parasite. — Le facteur de cette hémoptysiti
est le Disloma Ringeri ou pulmonale de la famille des trématodes.
L'animal adulte habite les bronches de Thomme. Ses œufs sont
expulsés au dehors; les larves, habitant Teau où elles ont été jetées
avec les crachats, retournent, avec les boissons ou les légumes,
dans rhomme, dont elles habitent l'intestin d'abord, comme tout
à rhcure les larves de Syngamus, pour passer ensuite dans les
bronches.
SymptùnicB. — Leur présence dans les bronches amène des
hémoptysies. Au milieu du sang on reconnaît les œufs.
Traltenienc. — Le traitement est basé sur la nature parasi-
taire de Taffection : inhalations de vapeurs émanées d'infusions
de quassia, de kousso, de solutions alcooliques de térébenthine et
de santonine ; inhalations de vapeurs sulfureuses.
Y. PARASITES IIAEITANT SUR LA PEAU.
g 1. BERNE.
On désigne au Brésil, sous ce nom, un insecte qui se sert
de l'homme comme un cynips fait du rosier, ou richneumon
fait de certains insectes : cette mouche dépose ses œufs dans
le ti&)U cellulaire sous-cutané de Thommc et des animaux. Pour
Martin Coste, cet insecte n'est autre chose que l'œtre du liœuf,
Hypodcrma bovis; pour le D' Mello Branduo, c'est le Cutirebrti
ryanivenlris ; il choisit le nègre de préférence au blanc. La larve
déposée par la mcre se développe et donne naissance à une tumeur
de 2 ou 'A centimètres de diamètre, qui provoque des déman-
geaisons, de la fièvre, du délire ; il suffit d'ouvrir la tumeur, vé-
ritable galle aiiiniale, pour voir sortir la larve.
Les nègres, contre les accidents généraux, emploient les
culots de pipe {savro de rachimbo) comme stupéfiants ; ils font
sortir la larve par |)ression ; elle mesure de 1 à 3 millimètres de
long; ils ont soin d'abord d'agrandir l'ouverture avec des feuilles
de tabac. •
Ce parasite, commun à Bahia, à Rio-Janeiro, dans les ter-
rains bas et humides, s'attaque également aux bestiaux, aux
SIMULIA MàCULATà ou MOUCHE DE KOLUMBACZ. I9i
cbevaux^aux chiens de dusse. A Cayenne, on désigne la maUdia
sous le nom de ver macaque; à la Nouvelle-Grenade, c'est le
gusano^ la nuché, la suglaram ; au Brésil, c'est le ver maringouin.
11 y faut joindre le wr de Cayor, larve de la mouche Ochromya
anthropophaga^ fréquente au Sénégal, surtout dans le Cayor,
au pays de Thiés.
§ 2. TARENTULE.
t
Bien qu'on ait beaucoup exagéré les symptômes du tarcntulisme,
et que sous ce nom se cachent plusieurs maladies d'ordre social
et qui n'ont rien de parasitaire, il n'en est pas moins vrai que
la piqûre de la tarentule, araignée noire, fréquente aux environs
de Tarente (de là le nom de larentisme, employé également), donne
lieu à des accidents généraux du côte du système nerveux ; les sons
de la guitare font sauter, danser, hurler le malade, et ce trai-
tement est excellent, car il fait transpirer; c'est de la diaphorôse;
le jaborandi ferait tout aussi bien.
§ 3. LATRODECTOS TREDECIHGUTTATOS.
Cet insecte, connu sous le nom ^craUjw^e noire, est répandu en
Corse, en Italie; rare dans le Languedoc, en Provence, où on le
rencontre cependant, notamment dans le Gard ; il donne lieu, par
sa morsure, à de la céphalalgie, de la dyspnée, de la constriction
à la base du thorax, des fourmillements, du refroidissement des
extrémités et de la syncope.
§ 4. SCORPION DE LA NOUVELLE-GRENADE.
A la Nouvelle -Grenade, un scorpion, d'après Posada Aranjo,
produit, outre la douleur locale, une plai^ue érythéniateuse, avec
point ecchymolique au centre, de Tangoisise, du malaise et un
mgourdissetnent très marqué de la langue, une sorte de para-
lysie incomplète de cet organe. Tout guérit d'ailleurs en 24 heures,
sauf chez les enfants et les personnes alfaiblies, qui peuvent en
mourir.
§ 5. SIMULIA MACULATA OU MOUCUE DE KOLUMBACZ.
Cet insecte est ainsi nommé parce qu'il est fréquent aux environs
du vieux château de Kolumbacz, dans le district serbe de Pa&&a.vQ-
19) LA FAUNE ET LA FLORK.
witz, sur la rive droite du Danube; il le rencontre en Hongrie,
en Autriche, en Moravie, en Silésie, en Bohème, dans le Mecklem-
bourg et le Brandebourg. Ses essaims sont tellement épais, qu'ib
simulent parfois de véritables nuages. Leurs piqûres nombreuses
font mourir les bœufs et les chevaui.
Quelques-uns des animaux attaqués meurent aussitôt après la
piqûre; d'autres peu d'heures après; d'autres enûn la nuit sui-
vante.
On a des exemples de petits enfants tués par ces insectes, ce
qui a lieu surtout lorsque les mères, travaillant aux champs, lais-
sent leurs nourrissons couchés dans Therbe.
§ 6. LA MOUCUE TSETSÉ. GLOSSI.NA MORSITANS.
Fréquente dans certains points de TAfrique, notamment en
Abyssinie, la mouche tsetsé est devenue célèbre. Dans toute rAbique
équatorialc, sa piqûre fait périr les bœufs, les chevaux, les ânes,
les chameaux et les chiens. Le D' Kirk, consul d'Angleterre à
Zanzibar, n'hésite pas à la regarder comme un des obstacles les
plus sérieux à la civilisation de l'Afrique, en raison des dangers»
quelle fait courir au bétail et aux bètes de somme, dont elle rend
remploi impossible dans les régions qu'elle habite. « Les tsitsés,
dit Livingstone, sont un peu plus grandes que la mouche ordinaire,
mais plus petites que la mouche à miel. Elles sont d'une couleur
terne et la partie inférieure de leur corps est traversée par des
lignes jaunes; leurs ailes sont plus longues que leur corps. Leur
blessure est sans danger pour Thomme. Mais nous connaissons
plusieurs exemples dans lesquels tous les bestiaux , les chevaux
et les chiens d'un voyageur ont été détruits entièrement par ces
mouches venimeuses. Le capitaine V..., doutant que ce fussent
les tsetsés auxquels il fallait attribuer la mort des animaux , amena
un cheval dans une localité où se trouvaient ces insectes ; 50 en-
viron volèrent sur l'animal et immédiatement il commença à
maigrir ; il est mort le onzième jour. Nous avons perdu, dans
cette excursion, environ 30 bœufs par la piqûre des tsetsés. Les
éléphants, les bufQes, les zèbres, les pallahs (espèce d'antilope),
les porcs sauvages, lesjackals, les water-bucks, les gnons, etc.,
abondent dans les endroits où les tsetsés se trouvent en grand
nombre et n'éprouvent aucun effet de leur venin. Bien plus, on
chien nourri avec du lait périt à la suite d'une piqûre, tandis que
PULBX PENBTRANS OU CHIQUB. 893
celui qui vit de chair, daOB le môme district, ne meurt pas. » Je
laisse à Livingstone la responsabilité de cette dernière assertion ,
qui serait digne d'être vérifiée.
Lorsque la Isetsé aperçoit sa proie, elle se lance avec une grande
rapidité sur sa victime, lui enfonce la partie moyenne de sa trompe,
qui se trouve composée de trois pièces, dans la peau. Elle se gorge
de sang, son abdomen se gonfle ; lorsqu'elle s'échappe, l'endroit
piqué prend une teinte rouge foncé, et un léger prurit succède à
cette blessure.
C'est surtout le long des fleuves et dans les marais que l'on
rencontre cette mouche ; elle se tient dans les buissons et les
herbes aquatiques. Elle s'observe rarement dans la plaine ; elle
est du reste toujours cantonnée dans des espaces dont elle ne
semble jamais s'écarter.
En volant, elle fait entendre on bourdonnement qui parait être
bien connu des animaux qui doivent lui fournir son aliment : car,
dès qu*ils l'entendent^ ils s'enfuient et semblent frappés d'une
épouvante irrésistible.
Après s'être repue du sang de sa victime, la tsetsé laisse écouler
dans la plaie une goutte d'un venin sécrété par une glande placée
à la base de sa trompe.
Certains animaux sont pris de vertige et deviennent aveugles.
Le seul moyen de faire échapper les animaux domestiques aux
attaques des tsetsés est de leur faire traverser les cantonnements
où se trouvent rassemblés ces insectes pendant la nuit, au clair
de la lune et dans les saisons froides. Les mouches.sont alors en-
gourdies et incapables de piquer.
§ 7. PULEX PENETRANS OU CEIOUE.
DIstrIbatlon géoi^raphlqae. — Ce parasite est fréquent
dans le» terres basses du Mexique, du Venezuela, de la Guyane et du
Brésil (Bicho do Pe) et rare dans les régions élevées. On le trouve
également aux Antilles, où le D^ Guillon a décrit les ulcérations
qu'il provoque. On le trouve au Congo; il a été récemment importé
au Gabon.
Mode d'aetloB. — Cet animal, après s'être attaché à la peau,
pompe le sang et grossit tellement de volume, qu'il devient une
véritable tumeur vivante. La chique du chien peut nous donner
une idée très réduite de ce qui se passe alors. Lorsqu'elle est
S94 LA FAUNE ET LA FLORE.
tombée, une ulcération s*établit souteot, qui, eutretenue par
!a chaleur, Phumidité et le défaut d'hygiène, devient rebelle «
tout traitement ; lorsque la chique s*introduit sous les ODgles,elle
donne lieu à un accident spécial, Vonyxis; celte sorte d'onyxiV,
étudiée par le D' Maurel à Gayenne, a donné lieu, parmi les cod-
victs, sur 1 200 hommes, à 1 079 journées d'hôpital. L'ulcération
s*étend parfois à tout le pied, même à toute une partie du membre
inférieur et peut causer la mort.
Aptitude. — Humboldl assurait que la chique s*attaque rare-
ment aux créoles, et seulement aux nouveaux venus de race
blanche ou noire. Nous verrons plus loin que la chose n^a rien d'im-
possible. Le D' Brassac prétend néanmoins qu'il y a là aussi une
question d'habitudes et de propreté. Il est incontestable qoc
les noirs sont plus souvent piqués que les blancs et que la piqûre
est chez eux plus souvent qu*ailleurs le |K>int de départ d'ulcères
qui deviennent graves par le fait de leur négligence. Quoi qu'il en
soil, le D' Niger assure qu'il y a des individus dont on dit: « lU
du sang à chiques, » et en effet ces individus ont toujours des
chiques. Le D^ Bonnet remarque que ces gens sont souvent
lymphatiques. Martin croit que Todeur du nègre attire les chiques.
11 n'y a là rien d'étonnant ; notre vulgaire puce affectionne
incontestablement chez nous certains individus plus que d'autres.
Les indigènes de la Guyane ont quelque chose qui les met à Tabri
dupulcx: c'est Tusage de se peindre avec du rocoit.
§ 8. ARGAS PERSICUS.
Oeseription, aptitude, Immnnlté. — H se pourrait d'au-
tant plus que certaines immunités qu'on raconte au sujet du
Pulex penctrans fussent vraies, qu'on dit la môme chose d'un
grand amrien, qui a la taille d'une forte punaise et qui se ren-
contre en Perse. Dans un livre lithographie à Téhéran et qui a
pour titre : Tei^minologie pharmacvutique et anthropologique fnm-
çaisc-pcrsanc sur les muladies endémiques et particuliiTcs les plut
Intfressantes des habitants de la Perse ^ L. Schiimmer, ancien pro-
fesseur de médecine au collège polytechnique de Perse, médecia
sanitaire de Tarmée persane, médecin sanitaire de Téhéran (je cite
tous les titres de Tauteur, afin de montrer qu'il doit évidemment
connaître pertinemment la Perse), s'exprime ainsi :
« Argas pcrsi'ius, punaise de Mianeh. Il est de notoriété pu-
AROAS PERSICU8. t95
ce Llique que la punaise de Mianeh se plaît à attaquer les élran-
« gers de passage et ne mord ou ne pique jamais les indigènes ;
« je crois qu*on se trompe et que tout habitant de Mianeh doit
« avoir été mordu une fois de sa vie par cette triste punaise, sans
« s^en être aperçu, comme enfant à la mamelle ou en bas âge,
« ou sans s*en rappeler, et n'est pas par cela même susceptible
« d'en éprouver les effets une seconde fois, me basant sur ce que,
« à mon premier passage à Mianeb, je souffrais moi-même de la
« piqûre et qu'à ma seconde et troisième visite à celle petite
« ville, j'ignore si j'en fus mordu, mais en tout cas je n'en fus
« pas le moins inquiété ou incommode ; de même que sur 800 cas
« de piqûre de scorpion en Perse, je n'ai pas pu trouver un
V unique individu, qui pouvait se rappeler d'en avoir été piqué
« deux fois de sa vie ; serait-ce une espèce d'inoculation, qui ren-
« drait une seconde imprégnation inefûcace, comme la vaccine
« détruit la susceptibilité pour la variole? question curieuse qui
*« mériterait des recherches ultérieures. En tout cas, les sym-
« ptômes provoqués par la piqûre de Vargas de Mianeh ont une
« analogie frappante avec ceux d'une fièvre rémittente : lassitude
"( extrême, dégoût du travail, bâillement avec chaleur et sueurs
« partielles, mais sans trop de soif avec aggravation et soulage-
*( ment à des heures déterminées de la journée ; de telle sorte que
•* quelques Européens sont d'avis qua l'afTection particulière qui
« frappe une grande partie des étrangers, qui, en général, ne
« passent qu'une unique nuit à Mianeh, serait moins l'effet de la
*< piqûre de la punaise que celui de la malaria de Mianeh et de
* ses environs, qui influencerait lesétrangers, tout en épargnant
*< les indigènes. Je doute beaucoup qu'il existe à Mianeh quelque
« malaria spéciale, vu que les indigènes sont loin d'offrir ce type
« particulier, qui distingue à la première vue les habitants des
« contrées où les lièvres paludéennes sont endémiques, et je crois
«( bien plutôt que c'est en réalité la piqûre qui fait tous les frais
« de l'afifection, influençant de préférence les voyageurs soumis
« à des excès de fatigue et à des privations que les voyages pé-
« nibles et les veilles inabituées à dos de cheval entraînent avec
« eux^ vu qu'à Dhahroudé et Bestham, sur la grande route de
« Téhéran à Khorangan, l'argas de Perse existe de même et y
c provoque absolument les méa\es symptômes sans quMl y ait là
K encore quelque malaria. Quoi qu'il en soit, j'ai eu occasion de
K traiter cette affection en 1858 sur une large échelle^ par L'ac-
8U6 LA FAUNE ET LA FLORE.
a rivée a Téhéran du second régiment de /TAo-^e, dont 400 hommes
« environ se disaient piqués, durant leur courte station à ifin-
« neh; plusieurs déclaraient ne pas même savoir Tendroit da
<( corps où la piqûre aurait eu Heu; mais tous souffraient à degrés
a diflcrents des symptômes mentionnés plus haut et tous presque
« guérirent promptement à l'aide de la poudre minérale de Bon-
« din, et dans les quelques cas rares rcfractaires, le sulfate de
tt quinine mil fin à tous les symptômes insidieux.
(( J*avais presque oublié de dire que les habitants du Khoraçao
a connaissent V Argus pcrsicus, qu'on trouve aussi à Dhnhroudé
« et à Brstkam, sous le nom de Bhebguèze, c'est-à-dire mordant
« la nuit. »
Venins et virus. — J'ai tenu à donner dans son entier cette
note pleine d'intérêt, parce que Tingénieuse comparaison faite par
M. Schlimmer entre le liquide venimeux de VArgas persicus et les
virus me semble depuis longtemps fort juste. Les symptômes gé'
ncraux^ qu'allume dans Torganisme la présence d'une petite quan-
tité de venin dans le sang de l'homme mordu, sont très compa*
râbles aux symptômes généraux des maladies infectieuses, et l'of^
ne voit pas pour quelle raison les facteurs directs de la propriété
toxique des venins ne se comporteraient pas dans le sang comme
les facteurs directs de la virulence. On comprendrait alors que«
dans l'un comme dans l'autre cas, le sang déjà habité par le venin
ou par le virus devînt impropre à lui servir une seconde fois dr
milieu, absolument comme le sang dans lequel la bactéridie char-
Ivonneuse a végété une première fois est devenu impropre à lui
servir une seconde fois. La première piqûre de l'argas aurait pour
effet de vacciner en réalité non pas contre les piqûres ultérieures,
mais contre leurs effets.
Le fait ne serait pas d'ailleurs exceptionnel : dans beaucoup
de pays, les moustiques passent pour s'attaquer de préférence
aux étrangers ainsi qu'aux enfants, et ces derniers, n'étant pas
encore vaccinés par les inoculations antérieures, éprouvent des
accidents positifs^ tandis que les acclimatés reçoivent comme eux
l'inoculation de Aioustiques, mais l'effet en est négatif.
Quant à VArgas persiciis, il serait intéressant de vériQer d*aboni
quelle est la nature du venin ; en second lieu, si son action s'épuise
sur le même individu, de façon à ce que la première inoculation
devienne vaccinante. Tholozan a signalé des accidents assez graves
à la suite de sa piqûre. Mégniu et Liboulbène ont trouvé cette
COLORADO. «97
piqûre innocente; mais les individus que Mégnin possédait à Paris
semblaient dans de mauvaises condltioirs de santé.
11 existe en Colombie un autre argas analogue : argas chinche,
§ 9. MOUGUE DES SABLES.
Ce parasite, désigné sous le nom de sand-fly, se rencontre en
Perse, où sa piqûre donne do Turticaire et un état général qu'on
désigne sous le nom de nabot el leyl ou de Ihr, Elle attaque, sur-
tout en été; les nouveaux venus. Les acclimatés ne sont plus sen-
sibles à ses atteintes, nouvel exemple d'une immunité acquise,
comparable à celle que confèrent pour elles-mêmes les maladies
infectieuses.
§ 10. ROUGET.
Notre rouget, larve du Trombidium, peut passer pour un très
petit diminutif de la chique ; comme elle, il se gonQe de sang et
peut quadrupler son volume ; il reste implanté dans les canali-
cales sodori pares et sébacés. Il est surtout fréquent dans Touest
<le la France.
§ il. CARRAPATOS.
Ce parasite, Lcodes rugica, fréquent au Brésil et à Surinam, s'at-
taque aux animaux et même aux hommes. Le D' Saint-Hilaire ra-
conte que, dans un ravin, son guide l'engagea à monter achevai pour
éviter les morsures du carrapatos. Malgré cette précaution, son
pantalon fut couvert de ces insectes ; il pense qu'on avait fait
paitre à cet endroit des mulets et des chevaux, car c'est dans ces
lieux que vivent ces animaux, ainsi que dans le voisinage des
habitations. Il y a deux sortes de carrapatos : les cnrrapaios
grandes et les carrapatos mindos ; dans certaines contrées de la
province de Minas, il n'y a pas un seul brin d'herbe qui n'en soit
couvert ; quand on se couche sur Therbe, on est dévoré par
eux. A la côte de Mozambique, où ce parasite existe, on désigne
les accidenté généraux qu'il provoque, sous le nom de fiè\:r€ de
earrapato,
§ 12. COLORADO.
Le Colorado est un petit insecte qui, dansles Antilles espagnoles,
occasionne des ulcères à la surface de tout le corps.
198 LÀ FAUNE ET LA PLORK.
§ 13. IILTA.
Ce parasite est fréquent au Pérou, surtout à la qaebrada de
Santa Rosa de Quibe, sur la route de Lima aux mines de Gerro
de Pasco, c'est-à-dire à une altitude de 1 200 à i 500 mètres. —
Il provoque des ulcérations au scrotum.
§ 14. TLASAHUATÉ.
Au Mexique, on désigne sous ce nom un petit insecte qui se
fixe aux paupières, aux aisselles, au nombril ; on Textrait avec
une aiguille ou une tige de graminée. Il cause de violentes Jéniin-
geaisons, de la rougeur, du gonflement et de la suppuration.
§ i5. FORMICA LEO.
Cet insecte, armé de pinces gigantesques, cause au Brésil des
morsures parfois redoutables. On utilise, en revanche, ses pinces
comme serre-fine, pour recoudre les plaies. On fait pincer les deus
lèvres de la plaie par ces fourmis vivantes, après quoi, on coupe
. l'animal en deux : les pinces continuent à serrer et les lèvres de
la plaie demeurent appliquées.
§ 16. GALE, ACARUS ET "^ SARCOPTES.
Histoire. — Je n'ai pas à insister ici sur cette maladie bien
connue. Sa nature parasitaire ne se discute plus et Devergie fat
le seul représentant de Tantique croyance à la gale dans le sang.
Je ne devrais pas dire : antique croyance, car Mégnin a trouvé à
la bibliothèque nationale (n^ 1028, folio 169, recto) une traduction
allemande d'un manuscrit d'Avcrroès (xii* siècle) où Tauteurdit,
à propos de la gale : « Si on soulève Tépiderme sur quelques points»
« on trouve un petit animal très difficile à voir. Les graines de.
a carthame et d*orlie détruisent ces animaux ; on en fait aa
« onguent avec de Thuile d'amandes amères ou de Thuile de
« ricin, et on oint les parties malades. » Averroès connaissait
donc la nature parasitaire de la gale et son traitement. On se
demande, par exemple, pourquoi il ajoutait un traitement ioteme
dont une partie serait peu applicable à Thôpital Saint-Louis : « se
nourrir de perdrix et de pain fermenté ! />
OÂLE. 199
Variétés. — Il n*existe pas moins de sept espèces de gales sar-
coptiques, divisibles elles-mêmes en un certain nombre de variétés.
Mégnio ne reconnaît pas moins de six variétés dans Tespèce Sar-
copies scabiei,
La première variété» suis (Mégnin), cause la gale sarcoptique du
sanglier et du porc ; c*est la plus grande des variétés de cette es-
pèce : elle a près de trois fois les dimensions de la plus petite,
qui est celte de Tbomme.
La deuxième variété, un peu inférieure à la précédente au
point de vue des dimeasions et qui vit sur les grands carnassiers,
comme le lion, Thyène, le loup, porte le nom de variété lupi.
La troisième, la variété equi, appartient au cheval et aux autres
équidés.
La quatrième, ta variété ctimeli, a été rencontrée sur le dro-
madaire, le lama et la girafe.
La cinquième, la variété caprœ, cause la gale sarcoptique de
la chèvre, du mouton, du mouflon et de la gazelle.
Enfin, la sixième n*est autre que celle de l'homme et diflère
peu de la précédente, qui est presque aussi petite qu'elle.
Le Sarcoptes noteodres habite le rat, le coati, le chat, le lapin ;
le S. nnttans, les gallinacés ; — le Psoroptes longirostris, le
cheval, le bœuf, le mouton, le lapin; — le Chorioptes spathiferus,
le cheval; le Chorioptes satifeniSy le boeuf, la chèvre, le mouton,
le renard, l'hyène ; — le Chorioptes ecaudatus. Te chat.
Tous ces parasites ne se transmettent pas indifféremment d*un
hôte à un autre. 11 est cependant quelques échanges qui se font
souvent et Thomme figure dans le nombre. Du cheval, du chat à
l'homme, la contagion est fréquente; pour la gale des chevaux no-
tamment, les grandes guerres sont toujours suivies d'épidémies
qui du cheval passent au cavalier. On le vit en 1814-1815; les
Autrichiens importèrent alors en France des bestiaux galeux ; il
en fut de même en 1870.
Une gale grave de Thomme, dite gale norwégienne, est, selon
Mégnin, causée par une variété de Sarcoptes scabiei propre aux
grands carnassiers sauvages ; elle atteint parfois les fourreurs.
Une variété semblable existe dans Tinde, à Arungabad et à Ma-
labar.
Gé«graphi«. — La gale est répandue dans tous les pays: en
Scandinavie, en Afrique, dans Flnde. Tous les domestiques hindous
en sont affectés ; ils la transmettent aux enfants de leurs iiiQlVt^<9»^
499 Là FAUNE ET LA PLORE.
chez qui prend alors oaissaDce une éruption connue dans llnde
sous le nom de carpang, La gale est générale en Afrique et bien
portée au Brésil. Sous le nom delnrbisch, au Sénégal, on désigne
une sorte de gale fréquente chez les noirs du Oualo. A laGuyaoe,
elle est fréquente sous le nom de maracane; au Pérou, sous k
nom de carracha finale.
Les végétaux ont leur gale, et le Locus nitri est une sorte de poo
qui recouvre le citron d'une sorte de duvet dans lequel il habite.
§ 17. POU D* AGOUTI.
Ce parasite doit son nom à ce qu^il se rencontre souvent sur
la peau de ce rongeur. C*est un acarien microscopique. Il estez-
trémemont fréquent à la Guyane, où, dans certains points, il est
impossible de s'asseoir par terre sans être envahi. Sa piqûre oc-
casionne des démangeaisons insupportables.
§ 18. LUaLIA SERINATA.
Le VUeqcnziekte de Schapens est une maladie des moulons, fré-
quente en Hollande et causée par le Lncilia serinnla, qui dépose
ses œufs sur les parties où la peau est la plus fine, notamment au
voisinage de lanus. Les larves qui naissent de ces œufs percent
la peau et, par suite d'un manque de soins, peuvent occasionner
de grandes pertes. Habituellement, on trouve dans le voisinage
de l'anus, jusque sur lu croupe, des nids entiers de petites larves
placées dans la peau, sous une laine feutrée. La peau est percée
comme une écumoire. Par la pression, on fait sortir de ces trous
de nombreuses larves, petites et grosses, qui rentrent ausaiiM
dans leurs trous, lorsque la pression cesse.
§ 19. TRICnOBECTE DU MOUTON.
Ce parasite se nourrit de la laine des moutons ou du poil des
chevaux.
§^20. TEIGNES.
Les champignons qui vivent en parasites à la surface de b
peau sont nombreux chez Thomme et chez les autres animaux. U
TEIGNES. AOl
fréquence de ces maladies, comme de toutes les affeclions para-
sitaires, va du reste en augmentant à mesure qu'on se rapproche
de réquateur.
La telgae faveose (Achorion Schœnkii) ne s'observe ni chez
le bœuf, ni chez le cheval, mais chez la souris, le chien, le chat;
elle s*observe fréquemment en Cochinchine chez Thomme; la
poule dite de Cochinchine l'aurait apportée en Europe. Elle ne
s'observe pas à la Martinique.
La tcli^ne tonsorante (Tricophyton tonsurans) passe du cheval,
du bœuf à Thomme {herpès drcinné) ; cette maladie prend actuel-
lement une extension considérable. On Tobserve souvent sur les
cavaliers. A Londres, c'est de Vherpês tonsitrant qui a été décrit
à tort comme une maladie spéciale, le ringtvorms. Elle est 1res
fréquente en Chine, au Japon dans les iles de la Sonde, notam-
ment à Banca. Dans certaines parties de Tlnde, 90 0/0 des habi-
tants en sont atteints.
La (i/ir^re des veaux est due au Tricophyton dccalvans communi-
cable à Thomme.
•I^ teigne pelade est extrêmement, fréquente aux Antilles.
La telipne plCyrlasiqne {Pityriasis versicolor) est très fréquente
au Sénégal.
Achorion keraCophaf^as. — Des teignes, il faut rapprocher
Tachorion décrit par Ercolani et nommé par lui h-ratophage,
parce qu'il loge sous Fongle de Thomme, qu'il détruit et semble
manger ;'\\^ trouve aussi sur les solipèdes, notamment chez
Tàne, au sabot. La maladie se nomme onyxomycosis chez Thomme
et fourmis chez le solipède.
TeiffBe de Tokélan on Ceigne Imbriquée. — On désigne
ainsi une affection parasitaire qui règne à Samoa, à Malacca et
dans la Malaisie et qui passe pour avoir été importée de l'île de
Tokélan. Elle consiste en une série de plaques desquamatives, res-
semblant, comme apparence générale, à de Tichthyose, mais dis-
posées de façon à décrire des cercles concentriques. Ces plaques
occupent aussi bien les parties découvertes et privées de poils que
les parties pileuses ; elles s'accompagnent de rougeurs, de dé-
mangeaisons et d'irritation de la peau. Le caractère contagieux de
cette affection est bien démontré.
Le docteur Manson a trouvé^ dans les squames de cette der-
matose, un nouveau parasite, qu'il a pu même inoculer; il a vu
ainsi que Tincubation durait à peu près neut '^out%. Vl ^^m\.
OÉOGR. MXD. %^
401 L£S HOMMES, LE MILIEU SOCIAL.
révolution du chdmpignon, qui, dans les premières phases, res-
semble assez àcelle du favus. Cette maladie semble être la mèiot
que Mac Grcgor a décrite chez les habitants des Nouvelles-Hébri-
des et des lies Fidji.
Mal de la piedra. ~ C'est enfin dans cet ordre de maladies,
qu'il faut ranger sans doute une uialadie fréquente dans la pro-
vince de Canca, en Colombie, chez les indigènes, don telle attaque
les cheveux, la piedra! Ce nom fait allusion aux petites coo-
crétions qui sont attachées le long des cheveux, et qui ne sont
autre chose, d'après le D' Desenne, que les tubes de. mvceiiuoa
d'un parasite cryptogamique.
CHAPITRE IV.
LES HOMMES, LE MILIEU SOCIAL.
Il est juste que nous terminions l'étude des rapports de
l'homme avec les êtres vivants qui l'entourent, par Tétude des
conditions qui lui sont créées par les autres hommes. La vie en
commun constitue en effet un milieu non moins importantque les
autres, le milieu social^ qui, tout en dépendant du milieu faune et
flore, mérite cependant les honneurs d'un chapitre spécial, et
dont nous allons étudier Tinfluence en parlant de la citilisatinn
et de son action.
Phasefi de la civilisation.— Les premiers groupes humains
furent de peu d'individus; un trop grand nombre de bouches eût
rendu la vie impossible et le partage des aliments rencontre»
eût donné lieu à une part de dividende trop peu importante.
Aujourd'hui encore, les Fuégiens ou Pécherais de la terre de
Feu errent le long des rivages, par groupes fort peu nombreux; or
c'est par l'état du Fuégien actuel qu'a débuté Thumanité, partie
sans doute de plus bas encore, et cet état est encore celuii non
seulement des Fuégiens, mais des Australiens, des Tasmaniens,
des Boschimans, des Dokos (d'Abyssinie), des Andaman, des
Weddahs (de Ceyian) des Orangs-Benna (Sumatra) ; à peine plus
haut viennent les tribus sauvages des Windhyas, les Nogas delà
vallée de Brahma-Poutra , la plupart des Papous et un gnoà
nombre de groupes brésilo-guaraniei:s. Tous ces peuples aoot
LA CIVILISATION ET l'aNATOMIB. 408
encore à Tâge de la pierre taillée et, en les contemplant^ nous
a^oDS vraisemblablement une image véridiquc de ce qu'étaient
nos grands -pères de la vallée de la Somme, à Tépoque paléoli-
thique ; là aucune idée générale, aucune conception même er-
ronée; une seule occupation, un seul besoin, mnn^fr ; c'est ce
qu'ion nomme, avec raison, \ai phase nutritive delà civilisation.
Dans une phase ultérieure, Thomme ressent les bienfaits de
Tassociation et de la division du travail ; il forme de grandes
tribus ou d^importantes agglomérations ; c*est ce qu'on appelle la
phase sensUive, 11 a déjà assez de loisir et assez de bien-être, pour
adapter son système nerveux à autre chose qu'au mouvement
musculaire et à la digestion : le fétichisme, les conceptions re-
ligieuses viennent, faute de mieux, meubler, mais non remplir
sa cervelle encore vide. Les populations de la Polynésie, en pleine
pierre polie, représentaient cette période ali siècle dernier. 11 per-
fectionne ses instruments et les applique, soit à la chasse, comme
les Peaux-Rouges, au moment où nous les avons connus; soit à la
vie pastorale, comme aujourd'hui les Kaffirs dans l'Afghanistan, les
Mongols nomades, les Tongousses, les Bouriates, les riverains
du lac Baîkal, les Kirghisses, les Baskirs, les Ostiaks, les Hotten-
tots; soit à Fagriculture, comme les Cafres, les monarchies des-
potiques du Soudan, les empires nègres des rives du Tanganika.
Plus haut enfin et plus tard, c'est la phase psychique, celle des
grandes civilisations classiques, celle de l'Inde, celle de la Chine,
avec ses grandes conceptions polythéistes ou monothéistes, avec
tout ce qui est du domaine de la métaphysique.
Plus haut enfin, mais cette période-là ne fait que commencer,
viendrait la phase intellectuelle ^ caractérisée par la décadence de
la métaphysique et le triomphe de la science, qui substitue dé-
finitivement son influence à celle des religions évanouies !
La elvilisation et ranaiomie. — Mais ces étapes ne se par-
courent qu'en une longue série de siècles; elles sont en effet corré-
Jatives de modifications anatomiques, fatales, inéluctables, indis-
pensables; or, comme les modifications anatomiques demandent
un temps fort long pour se fixer dans une race par hérédité et
par sélection, il en résulte qu'on ne peut décréter, comme les t)u-
ropéens veulent trop souvent le faire avec les sauvages, la pro-
motion d'une population d'Australiens à l'état de civilisation des
Européens ; vous faites des chemins de fer, des télégravVv^*&^NQ\x%
habillez le sauvage, vous lui donnez l'alcool, \a. p\i^, kV vGoXvt ^^
4 04 LES HOMMES, LE MILIEU SOCIAL.
Londres, vous lui donnez même Tinstruction classique, dans les
meilleurs collèges d'Angleterre ; le sauvage garde la pipe et
Talcool, il jette tout le reste, à commencer par son bagage péda-
gogique et il court tout nu chasser le kangourou avec son boome-
rang ! Si vous insistez, il meurt! Ainsi font les Polynésiens; aiosi
font les Australiens.
Ces modifications anatomiques consistent d*ahord dans Taccrois-
sèment du volume du cerveau à mesure que les siècles s^écoulent.
Dans la série animale même, qui fmit à Thomme eiclusivemeot,
Lartet a d'ailleurs constaté que, plus on recule dans les temps géo-
logiques et plus le volume cérébral se réduit chez les mammifères
fossiles ; pour ne parler que de Thomme, on commence au crâne
de Néanderthal, d'Iilguisheim, à la mâchoire de la Naulette;c*est la
race de Cansladt, dont le crâne jauge 1 200.centi mètres cubes. Plus
tard, ce sont les crânes d*Engis, de l'Olmo; à l'époque de Solutré, le
crâne de Cro-Magnon; àTépoquede la Madeleine, celui de Furfooz.
Mais le cube n'est pas tout. La simplicité des sutures, caractère
des mtclligences bornées se retrouve encore chez les peuples inci-
vilisés contemporains et leur ossification se fait d'avant en arrière
et non d'arrière en avant, comme dans les races civilisées et civi-
lisables. Ce qui veut dire que chez les incivilisés, les parties
antérieures cessent de bonne heure de s'accroître, tandis que les
parties postérieures, moins nobles, s'accroissent longtemps en-
core, et que le contraire s'observe chez les civilisés.
Ce mouvement progressif se poursuit d'ailleurs jusqu'à notre
époque, et Broca a |)u constater que le cube moyen des crânes des
Parisiens du xip siècle est moins considérable que celui des
Parisiens du xix*. Si même l'on compare uniquement entre
eux les crânes du xii* siècle, on voit que les tombeaux des
classes aristocratiques, alors plus instruites, renferment des
crânes plus volumineux que les tombeaux plébéiens; aujourd^hoi
c'est uniquement à Taristocratie intellectuelle, bien difTérente à»
Tautre, qu'appartiennent les crânes volumineux et Broca, compa-
rant d'un côté les infirmiers de Bicètre, de Tautrc les élèves en
médecine et en pharmacie, a vu que ces derniers avaient le crAne
plus volumineux que les premiers ; comparant les ouvriers des
fabriques de Clichy aux menuisiers, aux charpentiers, tous ou*
vriers plus intelligents, il a vu que le volume du crâne était plus
considérable chez ces derniers; mais on comprend que ces modi-
fications anatomiques ne s'improvisent pas dans une race et que,
<
INFLUENCE DE LA CIVILISATION SUR LES MALADIES. A05
versât-on la civilisation à flots dans un pays sauvage, c'est le
crâne des hommes qui est trop étroit pour la recevoir! On peut
donc dire qu'il y a un équilibre absolu et indispensable entre Va-
nntomie cérébrale d'un peuple et sa civilisation, ce qui est la tra-
duction scientifique d'un adage bien connu : Un peuple n'a jamah
^(ue le gouvernement qu'il mérite.
Civilisation et physiologie soelale. ^ Cet équilibre entre
Tétai cérébral d'un peuple et sa civilisation est si absolu, que les
phénomènes sociaux, auxquels donne lieu la civilisation, se re-
produisent pour lui, chaque année, dans le môme nombre.
Prenons la France; certes, on m'accordera. qu'elle peut compter
parmi les pays très civilisés, bien que son bilan laisse encore à
désirer, car elle compte, sur 508 habitants, seulement 1 lettre,
{ savant, 1 artiste, elle compte 2i7000 vagabonds et 71 000 in-
firmes sans ressources. Eh bien, si Ton étudie la statistique offi-
cielledes années 1875, 1874, 1873, 1872, on voit, d'après Le Bon,
que les phénomènes sociaux, en apparence les plus fortuits, s'y
reproduisent, chaque année en nombre invariable. Je ne parle ici
ni des mariages, ni des naissances, ni des décès, mais voici quelques
chiffres :
I87Ï i874 «873 187i
Blessures involoDtaires 1 092 1 095 i 097 1 128
Assassinats 243 233 259 251
Empoisonnements 2u 23 2C 25
Mendicité 7 152 7 753 7 064 7 437
Escroqnepies 3 424 3 760 3 582 3 215
Abus de conQance 3 464 3 556 3 793 3 465
Suicides 5 472 5 617 5 525 5 275
Faillites 5 361 5 596 5 508 5 30G
L INFLUENCE DE LA CIVILISATION SUR LES BCALADIES.
Chaque étape de civilisation correspondant à un état anatomique
particulier et à un état physiologique particulier comporte, par
conséquent, un état pathologique particulier. Malheureusement,
ce serait une erreur de croire qu'à mesure que le développement
cérébral s'accroît, le nombre des maladies décroît.
Sans doute, certaines maladies disparaissent, à mesure que la
civilisation augmente : les maladies de famine, les maladies ali-
mentaires sont dans ce cas; ainsi on a désigné, sous le nom
^usure paléontologique des dents, une usure qu'on croyait s\^é-
406 LES HOMMES, LE MILIEU SOCIAL.
ciale aux races préhistoriques^ qui présentent toutes les deDts
usées ', mais cette usure se rencontre aujourd'hui encore, chez
toutes les races qui, comme les races préhistoriques, n'ont qn*une
alimentation grossière; elle ne se montre plus chez les civilisés.
Mais il est juste d'à vouer que d'autres maladies semblent appa-
raître ou, du moins, se développent davantage : ce sont précisément
les mataftics sociaH^ celles qui vont nous occuper. Elles varient
selon certaines conditions que nous allons passer en revue.
§ I. VILLES ET CAMPAGNES.
A certains égards, le séjour dans les villes est producteur
de maladies; Tanémie urbaine, ce qu'on a appelé la cachexie m-
haine, les domine toutes ; les maladies nerveuses y prennent une
extension et une importance inconnues dans les campagnes. La
constitution totale est amoindrie dans les villes. Ainsi, leD' Fran-
cis Galton a relevé, en Angleterre, la taille et le poids des en-
fants de lians qui fréqucnlaicnt les écoles publiques : 509 étaient
élevés ù Londres, 206 à la campagne. Or la taille des enfants
élevés à la campagne dépassait celle des enfants des villes de
3 centiini'tres et le poids des campagnards dépassait celui des
citadins de 3 kilogrammes.
La civilisation et les rapports de plus en plus fréquents entrr
les hommes augmentent le nombre des maladies contagieuses.
J'ai (lit déjà plus haut (|ue le climat artificiel, créé, par exemple,
dans les pays froids, par la civilisation, y entretient des ma-
ladies que leur nature semble éloigner d'un climat aussi froid.
L'atmoNphêre artificielle et condensée des villes joue le même
rôle, comparée à celle des campagnes, pour certaines maladies
contagieuses, choléra, lièvre jaune, qui sont surtout des maladies
de villes.
Cette règle n*est cependant pas vraie pour toutes les maladies;
ainsi, dans les pays à malaria, la circonférence des villes est plus
prise que la ville, et le centre de la ville est indemne, parce que
les maisons forment un rempart. Néanmoins, tout compte fait,
on meurt plus dans les villes que dans les campagnes. Ainsi, en
France, de 1K61 à 1865, la mortalité des campagnes est de
2i,5/l 000 habitants et dans les villes de 26,1. En Suède, la dif-
férence est encore plus marquéo : la mortalité des campagnes
est de 19,65/1 000; celle de la ville, de 26,5/1000.
DOMESTICATION, CAPTIVITÉ. 407
§ 2. ASSOCUTIOX.
Les phénomènes de protection qui résultent de Tassociation ne
sont plus à démontrer.
Les :plantes sociales elles-mêmes en offrent l'exemple. Ces
plantes qu'on voit rarement isolées, qui se montrent par groupes,
etqu^ona pour cette raison nommées 5ocwi^5, sont en effet mieux
protégées contre le vent ; au moment de la floraison, Tensemble
de leurs fleurs attire davantage les mouches qui viennent butiner
dans la corolle et la fécondation est mieux assurée; les herbi-
vores sont plus attirés et laissent plus d'engrais.
Des avantages du même genre, mais plus sensibles encore,
sont évidemment appréciés par les animaux qui vivent en société,
antilopes, chevaux, éléphants, certains singes, etc. Remarquons
d'ailleurs que ce sont ceux [qui vivent en société, entre eux et
qui sont déjà mûrs pour leur civilisation à eux, qui sont aussi
les plus aptes à trouver avantageuse la civilisation humaine,
c'est-à-dire à se laisser domestiquer.
§ 3. DOMESTICATION, CAPTIVITÉ .
La domestication hàle la maturité ; ainsi nos races perfection-
nées de moutons arrivent plus vite que les autres à maturité.
La/irowfZ/^^' se trouve aussi accrue chez les animaux domestiques ;
ainsi, tandis que le lapin sauvage a, par an, 4 portéesde4-8 petits
chacune, le lapin domestique a 6-8 portées de chacune 4-11 petits.
La femelle du sanglier a de 4-8 petits à chaque portée ; la truie,
jamais moins de 8. La cane sauvage pond 8-10 œufs; la cane
domestique 80-100 œufs. L'oie sauvage, de 5-S œufs; Poie do-
mestique, 13-18. Les pigeons de volière sont plus proliflques que
les pigeons de colombier.
Au contraire, les animaux qui ne sont pas mûrs pour
la sociabilité entre eux, ne reçoivent pas la domestication ; ils
subissent h captivité, dont les effets sont tout différents. Le lièvre,
par exemple, peut subir -la captivité, mais n'est pas domesti-
qué. Alfred Audap a fait Texpérience suivante : il a pris un
couple de lièvres et l'a tenu captif; la femelle a eu plusieurs
portées qui étaient en décroissance au point de vue du nombre
A08 LES HOMMES, LE MILIEU SOCIAL.
des petits; elle a eu d^abord 6 petits, puis 5, 5^ 2, 4, qui sont
morts en quinze jours ; f mort-né, puisO. U a gardé i7 petits
de la première génération et 4, près de 25/100, sont demeurés
stériles. 11 y a même des animaux qui, plus amis encore de la
liberté que le lièvre, ne se reproduisent jamais en captivité.
L'histoire du lièvre et de tous les animaux captifs, mais
non domestiques, est absolument celle des Australiens, des Pcaui-
Rouges, des Polynésiens. Ils ne sont pas tout à fait captifs, mais
nous leur prenons leur terre, leur liberté, leurs habitudes ; leurs
unions demeurent stériles, ils ont moins d'enfants, leurs enfants
vivent moins et la race s'éteint.
§ 4. MOUVEMENT DE LA POPULATION.
La civilisation, pour l'homme, comme la domestication, pour les
animaux, augmentant la protection et la prolifération, il en ré-
sulte que l'accroissement des populations est en raison directe da
mouvement ascendant de la civilisation ; la durée moyenne de la
vie e>t en outre accrue, ce qui est dû, moins encore au grand
nombre des vieillards, qu'au plus grand nombre d^enfants qu'on
élève. Ainsi, sans remonter bien loin, en 1730, à Londres, les
2/3 des enfiints mouraient dans les deux premières années ; au-
jourd'hui il n'en meurt plus que le 1/5. Aussi, la densité de la po-
pulation en Belgique, par exemple, est de 151 habitants par kilo-
mètre carré, tandis que celle de la Russie est de 3 habitants par
kilomètre carré.
La civilisation n'a sans doute que de bons côtés, mais elle
a cependant des conséquences moins avantageuses que celles-là:
dans la vie sauvage^ tout être qui n'est pas armé suffisamment,
soit par ses muscles, soit par son intelligence, pour la lutte pour
la vie, succombe. La vie civilisée, au contraire, secourt et élève
ceux qui, par eux-mêmes, seraient trop débiles ou trop impuis-
sants pour lutter. Llle leur permet de faire souche semblable à
eux-mêmes; elle conserve un plus grand nombre d'individus, mais
il est certain que la moyenne de puissance de la population
se trouve ainsi diminuée, la sélection n'étant plus là et l'héré-
dité continuant son action. Les anciens avaient trouvé un moyen
simple: ils tuaient les enfants débiles ; Aristote et Sénèque se
sont fait les défenseurs de cette terrible doctrine ; cela se passe
encore ainsi chez les Béchuanas et cela, pour le prétexte le plu^
PROFESSIONS. 406
futile; un enfant, dont les incisives supérieures poussent les pre-
mières, est déclaré Tlolo et mis à mort ! Deux jumeaux sont Tlolo
et misa mort! Les albinos, adorés ailleurs, sont ici Tlolo et mis
à mort.
§ 6. RICHESSE ET PAUVRETÉ.
Certaines conditions spéciales changent d'ailleurs la valeur
du milieu social. Les pauvres ne sont pas soumis aux mêmes
maladies que les riches et les mêmes maladies prennent
souvent chez eux un caractère différent. Cette différence est
d'autant plus accentuée, que le climat est moins tempéré:
il n'y a que dans les pays chauds que la paresse et la pauvreté
contemplatives aient pu, comme dans l'Inde, être élevées à
la hauteur d*un dogme. En Angleterre, les enfants des misérables
meurent dans la proportion de 90 0/0, les enfants des riches dans
ia proportion de 10 0/0. Villermé a montré que de son temps
(1830), à Paris, la mortalité des quartiers riches (Bourse) était de
l3-i6/l 000 habitants, tandis que dans les quartiers pauvres,
surtout alors, des Buttes-Chaumont, elle était de 25-31/1 000. A
lAulhouse, il a trouvé que de 1823-1824 la moitié des décès chez
l^s patrons survenait avant 28 ans, tandis qoe chez les
ouvriers et dans leurs familles la moitié des décès survenait avant
10 ans. Us sont donc purement philosophiques, mais nullement
Pï'atiques, ces vers du poète :
Pallida mors a;quo puisât pede, pauperum labernas
Regumque turres.
Il faut cependant distinguer: si la pauvreté semble malsaine,
l'extrême richesse, lorsqu'elle engendre Toisiveté, ne semble pas
plus saine. Ainsi, en Angleterre, où se voient ces deux extrêmes,
la mortalité frappe en haut et en bas; Vaurca mcdiorritas, qui tra-
vaille, est plus saine et, chez les détenteurs des grosses fortunes
héréditaires de TAngleterre, la mortalité, de 15 à 60 ans, est plus
considérable que chez leurs fermiers.
§ 6. PROFESSIONS.
La nature des professions crée encore, dans un pays civilisé,
des inégalités considérables au point de vue de la çaXVvoV^^vî.
410 LES HOMMES, LE MILIEU SOCIAL.
et de la morlaliié ; je ne puis citer ici les professions dangereuses
propres ù la seule civilisation, celles où Ton travaille le mercure^ le
plomb^ les mineurs, les fabricants d'allumettes, les piqueurs de
meules, les tisseurs. D'une façon générale, à Liverpool, ville de fa-
briques, la mortalité annuelle est de 35,25/1 000, tandis qu*à Lon-
dres, elle est seulement de 25,7/1 000. Voici d'ailleurs un tableau
de la mortalité annuelle en Angleterre, pour cbaque profes-
sion pour 1000 vivants:
Domestiques .*. . 11,67
Epiciers et commerces qui s'y rapportent 13,81
Valets de ferme 14,37
Mineure ^ 15,78
Boulangers 16,17
Ministres de toutes les religions 17,40
Cordonniers 18,00
Nobles et rentiers îl,80
Médecins Î4,30
Aubergistes, marchands de spiritueux 30,2H
S 7. ÉTAT CIVIL.
Enfm rétat civil apporte, dans la pathologie et dans la morta-
lité d'un groupe, de notables difTérences. Les pays polygames
produisent plus de filles que de garçons et sont, par conséquent,
certainement voués à la déchéance. Dans les pays monoga-
mes, les travaux de mon regretté collègue et ami Bertîllon ont
montré que les gens mariés meurent moins que les célibataires.
Ainsi, un aHibataire de 25 ans a autant de chances de mourir
qu'un homme marié de 45 ans. Les veufs meurent dans des pro-
portions énormes, plus encore que les garçons : un veuf de 25 à
30 ans a autant de chances de mourir qu'un garçon tie 50 ans ou
qu'un homme marif^ de 57 ans. Le suicide, Taliénation mentale,
quoique disent les mauvaises langues, sont plus fréquents chez les
célibataires que chez les gens mariés.
n. ICALAOIES ARTIFIGIEIJLES.
Il appartient, en outre, aux diverses périodes de l'étal social,
de créer des maladies de toutes pièces, véritables maladies artifi-
cielles qu'on appellerait volontiers professionpclles, si elles
DÉFORMATION POLYSARCIQUE. 41i
tenaient à des professions et non à des coutumes plus ou moins
al>surde!:.
Dans le bas de la pkfise nutritive des sociélés^ ces coutumes
n^existent pas encore ; elles semblent prendre leur maximum dans
la i^hnse sensitive ; elles sont loin de s'éteindre dans la phase psy-
chique^ et je ne crois pas que la phase intellectuelle ^en soit elle-
même exempte.
Les mutilations que pratiquent sur eux-mêmes certains peuples
créent des maladies très diverses et il est peu d'organes dont la
déformation voulue, recherchée ne soit de mode dans quelque
pays.
§ 1. DÉFOaMATIOX POLYSARCIQUE.
On doit citer d'abord ce qu'on pourrait appeler la défor-
mai ion totale, la déformation par Tengraissement, véritable
polysarcie; elle est bien ancienne, car elle existait en Egypte du
temps de la xii« dynastie. En Egypte, le comble du bonheur
était d'être gras et, ainsi que le montre Mariettc-Bey, on avait
fini pur indiquer sur les hypogées, par un embonpoint chargé,
ropulcncc du défunt et le bonheur dont il avait joui sur la terre.
Une statuette de Saqquarah, exposée par Mariette-Bey, représen-
tait un polysarcique ; encore aujourd'hui l'embonpoint est fort
prisé et le D' Franck, médecin de l'armée d'Orient, raconte, dans
son rapport à Desgenettes, que le rêve des femmes de Rosette est
d'avoir de Tembonpoint et qu'on dise d'elles: «Elle est belle comme
« la lune. » Quant à l'origine de cette déformation, il est probable
qu'elle est venue en Egypte du sud au nord. Le tombeau d'un
haut fonctionnaire de Thoutmès tll, découvert à Thcbes, est
en effet décoré de bas- relief qui représentent une sorte de
défilé de toutes les nations soumises par Thoutmès. Parmi
les personnages de ce défilé, on voit figurer la reine de Poun,
et cette reine est polysarcique ; ses jambes énormes, surchar-
gées de plis de graisse, soutiennent un corps d\in embon-
point démesuré, qui rappelle celui de la statuette de Saqqua-
rah. Or cette pratique existe encore dans l'ancien royaume de la
reine de Poun, sur les confins du Zanguebar. Là, encore aujour-
d'hui, l'engraissement des femmes, qui a pour origine le désir
jaloux de les empêcher de marcher, s'obtient par la pratique
combinée du lait à Mute dose et de V immobilité. Le capitaiae
412 LES HOMMES) LE MILIEU SOCIAL.
Speke, présenté à la reine des Ounyamounés, laquelle était très
fière de son embonpoint, fut admis à Thonneur de la mesurer;
or voici ses mesures: tour du bras, 57 centimètres; tour du
mollet, 50 centimètres; tour de taille, l",o2.
C'est là évidemment une maladie artiQcielle, analogue à celle
que nos éleveurs produisent sur les animaux de boucherie, maladie
qui les laisse encore sains, au moment où on les tue^ mais qui les
ferait à coup sûr succomber, si on les laissait vivre plus long-
temps.
§ 2. TATOUAGE.
Dans la plupart des pays, c'est surtout la peau qui est Tobjet
de la déformation, soit par le^tatouage, au moyen de substances
colorantes, soit par des incisions, sur lesquelles on tâche d'obtenir
une cicatrice difforme. Les Polynésiens, les nègres et les Japo-
nais fournissent aujourd'hui des exemples de ces différents
tatouages. Cet usage est d'ailleurs la marque d'un état social
inférieur. H était très en honneur chez les Polynésiens, qui le nom-
maient TalaoHy d*où nous avons fait le nvot tatouage; il était
usité chez les populations préhistoriques de la grotte d'Aurignac
(Lartet), dans l'ancienne Egypte et chez les Huns d'Attila, li se
retrouve aujourd'hui dans nos sociétés, surtout chez les criminels
et les prostituées. Les hommes qui, encore aujourd'hui, se font,
chez nous, tatouer, sont exposés à certaines maladies, crysipèles,
inflammations des vaisseaux et des ganglions lymphatiques,
absorption de certains virus et notamment de la syphilis; un
médecin militaire a publié récemment plusieurs faits de ce genre.
Mais à combien d'accidents plus nombreux sont exposés les Poly-
nésiens et notamment les Maoris, lorsqu'ils se font pratiquer leurs
tatouages compliqués! Aussi un grand nombre meurent-ils de
tétanos, d'éry>ipèle, d'infection purulente, ainsi que Ta constaté
Lesson ; Tépotiue du tatouage est donc une date, un événement
solennel dans la famille. 11 en est de même, au point de vue des
accidents qu'elles déterminent, des cicatrices kéloïdien nés que les
nègres provoquent en remplissant de sel les incisions ornemen-
tales quUls viennent de se faire.
DÉFORMATIONS CRANIENNES. 418
§ 3. DÉFORMATION DU PIED CHEZ LES CHINOISES.
Les accidents les plus graves succèdent encore à une autre dé-
formation, celle du pied des Chinoises. Pour retenir les femmes
dans leur maison^ les Chinois ont recours, non plus à Ten*
graissement du corps, mais à l'atrophie du pied. Cette mons«
trueuse déformation, vieille de 8-iO siècles, a été abolie par les
Tartares, qui régnent aujourd'hui à Pe-King, mais, si elle suffit
aujourd'hui pour exclure une femme du palais, elle règne encore
dans la classe moyenne, où elle cause de fréquentes maladies.
Voici en quoi elle consiste : en emprisonnant de honne heure le
pied dans une sorte d^étau, on arrive à luxer le calcanéum, qui,
au lieu de s'articuler avec l'astragale par sa face supérieure, s'ar-
ticule avec cet os par sa face antérieure, pivotant ainsi sur lui-
même d'avant en arrière et de haut en bas, de telle sorte que la
face supérieure devienne postérieure, la postérieure inférieure et
queFinférieure, se relevant, devienne antérieure. Tous les vais-
seaux du pied se trouvant ainsi comprimés, la nutrition de cet
organe ne se fait plus ; son atrophie et sa dégénérescence graisseuse
le réduisent singulièrement de volume; mais cela a des consé-
quences plus graves: les os de la jambe, de la cuisse, du bassin
s'atrophient; Taccouchement est souvent difficile et dangereux;
en outre il se produit, par l'atrophie des nerfs, le même préno-
mène que chez les amputés : la moelle elle-même s'atrophie; il en
résulte des dégénérescences graves de la moelle. On dit que la
vulve prend, par compensation, un développement inverse, très
recherché des Chinois ; mais le fait ne me parait pas démontré.
4. DÉFORMATIONS CRANIENNES.
De toutes les déformations, les plus importantes sont celles
qui portent sur le crâne, parce qu'elles réagissent sur le cerveau,
Torgane social par excellence.
Défomation eoa«^hée des Aymaras. Uéforonation ton-
loasalne. — Cet usage des déformations cràniennesest bien ancien,
carHippocratedit, parlantd'une nation du Caucase, lesMacrocépha-
les: a Aucune nation n'a la tète conformée comme eux ; cette cou-
« tume provient de l'idée de noblesse qu'ils attachent aux longues
« tètes. Voici la description de leur pratique: dès cv\^ >C«^Saxî\
414 LKS UOMMËSy LE MILIEU SOCIAL.
« vient de naître et pendant que, dans ce corps si tendre, la tète
« conserve encore sa mollesse^ on la façonne avec les mains, et on
« la force à s'allonger à Taide de bandages et de machines conve-
« nables qui en altèrent la forme sphcrique. » Or, du côté de TOc-
cident, cette déformation des Macrocéphales a été retrouvée de nos
jours en Crimée, en Hongrie, en Silésic, en Belgique et jusqu'en
France, dans les Deux-Sèvres et à Toulouse ; à Test du Caucase,
elle se retrouve, en Asie, à Malacca, en Malaisie, en Polynésie,
enfin dans une partie de TAmérique du Sud et notamment
au bord du lac Titicaca. — Il est donc permis de voir une liaison
entre la déformation des Aymaras, au bord du lac Titicaca, et la
déformation semblable qui se pratique dans certaines parties de
la France. Nous savons d*ailleurs que. ce sont les invasions des
Cimmériens qui Tont apportée de l'est, et qu'une de leurs puis-
santes tribus, les Volskes Teclosages, Tout apportée dans les
Deux-Sèvres et à Toulouse. Sans doute cela ne prouve pas une
migration directe, mais, du moins, une imitation, une mode,
dont la contagion s'est faite de proche en proche par la Polynésie,
FAsic, le Caucase. Cette déformation couchée était jusqu'à ces der-
nières années si constante, qu^elle a permis à Broca de reconnaître
Torigine toulousaine de gens qui en étaient atteints.
Comme elle se pratique encore, nous pouvons savoir quelles
sont ses conséquences; or Lunier s'est assuré que, dans les Deux-
Sèvres, elle déterminait souvent répilepsie; les médecins de Tou-
louse ont remarqué de leur côté qu'on la rencontrait souvent chez
les aliénés, qui entrent dans les asiles. Enfin Broca s'est assuré
que la déformation dite toulousaine diminue le poids et le volume
du cerveau : une Toulousaine examinée par lui cubait i 043 centi-
mètres cubes, et le poids de son encéphale était de 1 079 grammes.
Déforniation ennélfornie relevée des Kahnas. — Il
est une autre déformation crânienne, c'est celle des Nabuas,
caractérisée par l'aplatissement de la tète d'arrière en avant.
Partie de la Floride, elle se retrouve au Mexique, elle remonte le
Mississipi, et descend le long de l'isthme de Panama; on la re-
trouve à Ancon ; celle-là avait une autre influence, sur le cerveau.
Onaditque la déformation des Aymaras aplatissant la région anté-
rieure, faisait des guerriers, que celle dos Nahuas aplatissant la
région postérieure, faisait des penseurs ; cette opinion n'est pas
exacte; nous connaissons du reste moins que pour la déforma-
tion toulousaine, les conséquences pour le cerveau de la déforma-
DÉFORMATION DES DENTS. 415
tion des Nahuas; ce que nous savons, c'est que Régalia (de
Florence) a trouvé sur les crânes déformés d'Âncon, de nom-
breuses traces d'ostéite: 24 0/0 des adultes portent des exostoses
et beaucoup d'enfants semblent avoir succombé pendant que
Tappareil compresseur était appliqué.
§ 5. DÉFORMATION DU NEZ.
Certaines populations, en Papouasie et en Australie, dans le
Népaul, dans PAmérique du Nord, près du détroit de Bebrin^, et
même en Nubie, se passent au travers de la cloison nasale^ sejHum
nasale^ soit un bâton, soit un os, soit un anneau, soit même un
tube de thermomètre^ légué par quelque navire. Cet instrument,
qui semble éminemment sternutatoire, porte, en Australie, le nom
imitatif de ztigau. En réalité^ cette mode entretient, dans la
cloison nasale, une lésion qui rappelle la perforation dont sont
presque tous porteurs les ouvriers qui fabriquent chez nous les
bichromates,
§ 6. DÉFORMATION DES LÈVRES ET DES OREILLES.
Nous ne nous étonnons pas encore des anneaux de calibre mo-
déré que nos femmes portent aux oreilles, que les mariniers et
quelques Auvergnats ont seuls conservés parmi la population
masculine de nos pays; mais nous nous étonnons déjà du même
ornement passé dans la lèvre inférieure, qu'il s'agisse de Tépingle
des femmes galibis ou de Pénorme botoqiie des Botonidos et de
certains peuples du détroit de Behring ou du Mackensie. C'est
un progrès dans nos mœurs.
§ 7. DÉFORMATION DES DENTS.
En Australie, au Pérou, beaucoup de tribus s*arrachent les
deux incisives médianes de la mâchoire supérieure ; d'autres, à
Panama, au Brésil, taillent leurs canines en pointe ; d'autres,
notamment en Mélanésie, taillent, sur la surface extérieure des
dents, des espèces de rigoles ou de dessins. Dans la baie de
Trinidad, au Mackensie, on abrase complètement certaines
dents; au Yucatan, on les taille en scie. Les Toltcques les per-
çaient d'un trou et enchatonnaient parfois des pierres précieuses
dans ces trous.
41 d LES HOMMES, LE MILIEU SOCIAL.
§ S. DÉFORMATION DES SEINS.
En Âbyssinie, Tidéal d'une jeunefille est d'avoir les seins longs
etpendantSi d'avoir surtout un mamelon allongé et digitirorme.
Sans attendre le secours assuré des années, les élégantes parvien-
nent à leur but, en s'allongeant le mamelon par le moyen d'un
insecte, le Myrmileo fonnirarinHy qu'on attache par ses pinces
à cet organe qu'il irrite et fait ainsi grossir et allonger démesu-
rément.
§ 9. DÉFORMATION DES DOIGTS.
En Polynésie, «n Californie et au Paraguay, il est de bon ton
de se réséquer une des phalanges des doigts de la main droite,
A chaque deuil qui frappe la famille. Le souvenir des morts de.
vient ainsi ineiTaçable ; aussi voit-on peu d'adultesqui jouissent de
toutes leurs phalanges. Je n'ose pas faire un rapprochement entre
cette coutume de s'amputer les doigts en signe de regret et notre
expression de se n mordre les (2oi(;(5,» employée comme synonyme
de regretter. Les Boschimans ont la même coutume, mais à titre de
simple mesure d'hygiène et comme préservatif de maladies; leur
théorie ne vaut pas moins ici que celle des bonnes femmes qui,
en Europe, coupent la queue de leur chat, pour conserver la
santé de leur animal favori.
§ 10. DÉFORMATION DES ORGANES GÉNITAUX.
Matilatlons chez la fcmne. — Un grand nombre de peuples
^ de l'Afrique pratiquent chez toutes les femmes, dès qu^elles sont
nubiles, Texcision du clitoris. D'autres cousent les petites lèvres et
ne les décousent qu'au moment du mariage, moyen pratiqua,
de conserver leur capital, — D'autres déformations ont leur
source dans un autre ordre d'idées : telles sont l'allongement des
petites lèvres, qui tombent et pendent, à la façon d'un tablier,
chez les Hottentotes. — Dans l'Inde, on pratique, dans certaines
contrées, une prétendue castration de la femme ; mais il n'est
pas certain qu'on enlève réellement Tovaire.
Hatilatlons chez rhomne.— En Australie, beaucoup d'hom-
mes se font pratiquer une incision sur un côté de la verge, inci-
sion qui pénètre jusqu'à l'urèthre et qui crée un véritable hypospa-
dias^ donnant à l'urine et au sperme une voie d'écoulemeot et
MALADIES MENTALES. 417
d^éjaculation latérale. Cette pratique semble avoir pour but de
rendre la fécondation moins fréquente.
Tout le monde connaît la circoncision des juifs et des anciens
Egyptiens.
Certains peuples de l'Afrique pratiquent une demi-circoncision^
se bornant à faire une fente longitudinale, qui agrandit le four-
reau préputial, sans en rien enlever.
La castraUon a été d'abord une déformation infligée par le vain-
queur au vaincu, dont il prenait les femmes, mettant ainsi un
arrêt forcé sur de légitimes représailles. La reine Sémiramis
passe pour avoir poussé très loin ce procédé de despotisme. — La
castration est restée comme une conséquence forcée de leur état
conjugal dans presque tous les pays polygames. Elle n'est plus^
depuis longtemps, qu'un acte dejfolie ascétique^ depuis les prêtres
de Cybèle jusqu'à Origène, qui se montrait au moins logique dans
cette manière radicale de comprendre le célibat des prêtres. —
Elle a son dernier refuge, dans les pays civilisés, k la cour de Rome,
jalouse de doter la chapelle Sixtine des plus élevés soprani. —
Etudiée au point de vue biologique, la castration détermine des
phénomènes trophiques particuliers sur les tissus et sur le cer-
veau, phénomènes qui se caractérisent par la rotondité des for-
mes, l'amoindri ssement du système pileux et un certain degré de
féminisme cérébral. -^ La zootechnie utilise ces conséquences chez
les animaux, que la castration rend plus comestibles |)our la bou-
cherie et plus facilement domptables pour le service et la traction.
La demi-castration est pratiquée chez certaines populations de
l'Afrique centrale, qui s'imaginent ainsi, par une naïve compa-
raison, éviter d'avoir des jumeaux.
m. MAUIDIES BfENTALES.
Aliénation mentale. Fonetlonnement dn eervean dans
le mllien soelal. — De toutes les maladies aucune n'est plus
en rapport avec le milieu social et avec le degré de civilisation,
que l'aliénation mentale. — Le cerveau est, en effets de
tous les organes, celui dont le développement et le fonctionne-
ment sont le plus intimement liés avec le développement de la
civilisation ; or plus un organe fonctionne et plus les manifesta-
tions morbides ont de tendance à se porter sur loi ! Le rhuma-
tisme articulaire aigu, par exemple, est, par luv-m^me^^v^^^^V
GéOOB. UtD, ¥1
U8 LES HOMMES, LE MILIEU SOCIAL.
atteindre indifTéremment toutes les articulations ; cependant chez
les gens qui marchent beaucoup,il atteint, de préférence, les arti-
culations des jambes ; chez les ouvriers qui travaillent surtout
des bras, il atteint de préférence les articulations du bras; chez les
hommes qui pensent beaucoup, il atteint volontiers les enveloppes
du cerveau.
Si aux preuves anatomiques, que nous venons de constater, du
parallélisme entre le développement de la civilisation et celui du
cerveau, il était nécessaire d^ajouter des preuves physiologiques,
il me suffirait de rappeler les résultats des travaux de thermo-
métrie cérébrale obtenus par Broca. Entourant le crâne d'une
couronne de thermomètres, notre regretté maître a vu que les
régions frontales avaient une température supérieure à celle des ré-
gions occipitales ; que chez les gens peu lettrés, la simple lecture
élevait la température des régions antérieures et que, chez les
gens plus lettrés, un calcul mathématique quelque peu ardu l'êlevait
encore plus. Le travail cérébral s'accompagne donc d*une plus
grande irrigation sanguine, d'une plus grande production de
chaleur de la part du cerveau et il augmente^ par suite, les
chances d'altérations consécutives.
C'est ainsi qu'en Angleterre les médecins ont décrit récem-
ment une maladie, qui serait fréquente chez les jeunes gens qui
surmènent leur cerveau, la suractivité mentale .(mental ttrain)^
caractérisée par Tinsomnic et par un sentiment d'exténuation.
§ 1. ALIÉNATION MENTALE INDIVIDUELLE.
Il résulte de tout celaque Taiiénalion ne s'observe guère dans cette
première phase de la civilisation, que nousavons nommée nutrititr,
comme celle où sont actuellement les Fuégiens et les Boschimans;
elle est rare chez tous les sauvages inférieurs; elle prend, au con-
traire, un développement progressif dans les phases psychiques et
intellectuelles : partout nous voyons le nombre des aliénés croître
avec le mouvement intellectuel et décroître avec lui. Aux Etats-
Unis, par exemple, la statistique de 1862 a montré que l'aliénation
mentale était beaucoup plus rare chez le nègre, sans culture
intellectuelle, que chez le blanc: la proportion des fous est de
0.76/1 000 chez les blancs et de 0.10/ 1 000 chez les nègres esclaves;
mais, phénomène digne de remarque, l'afiyanchissement des
nègres, qui a eu pour conséquence de leur donner une plus
ALIÉNATION MENTALE INDIVIDUELLE. 419
grande et plus noble activité cérébrale, a eu ce résultat d*aug-
menter l'aliénation : tandis que les nègres esclaves présentaient
une proportion d*aliénés égale à 0.10/1 000, les nègres affranchis
en présentent une de O.liji 000, presque comme les blancs!
La couche sociale à laquelle un homme appartient, dans une
société civilisée, influe de même sur ses chances, en quelque
sorte sur ses droits à la folie. Ainsi, en France, les soldats ont
une proportion de fous de 0^33/1 000 ; les sous-ofOciers en ont une de
0,72/1 000 ; les officiers une de \ .05/1 000. Les professions libérales
donnent 3,10 aliénés sur iOOO sujets; les militaires et marins
1.99/1000; les commerçants et négociants 0^42/i 000.
On arriverait exactement au même résultat de classification^
si au lieu de prendre l'aliénation comme Ipoint de départ, on
prenait le volume du crâne ; si dans les pays habités par plusieurs
races l'aliénation affecte, pour chaque race, des chiffres différents,
cela tient donc moins à la race elle-même, qu*à son degré de
▼ie intellectuelle; ainsi, à la Guyane, le nombre des aliénés, pro-
portionnellement aux représentants de chaque race, est pour
i 000, chez les créoles de l'Inde, de 0.41 ; — chez les coolies
hindous, de 0.82 ; — chez les Portugais, de i ; — chez les Chinois,
de i.59.
11 faut, d'ailleurs, lorsqu'on compare les résultats différents de
la statistique de Taliénation chez des peuples également civili-
sés^ tenir compte de conditions complexes. Ainsi on comptait en
Irlande, on 1861 , 0.76 aliénés pour 1 000 habitants et en 1871,
1 ,35 pour 1 000. L'aliénation augmente donc. Cet accroissement
tient à deux causes : à rémigration, qui depuis 20 ans, a enlevé
dMrlande 2 000 000 d'habitants et qui a prélevé ce qu'il y avait de
plus sain, de plus robuste et de plus vaillant dans ce pays; à
la misère, car il a été constaté par les aliénistes anglais et irlan*
dais, que Taliénation et la misère, chez un peuple civilise, mar*
chent, comme ils le disent, la main dans la main.
Dans une liste de fréquence de l'aliénation croissante, après
l'Irlande vient le Brésil, où le nombre des aliénés est de 1.25 sur
1 000 habitants ; puis, viennent, dans un ordre croissant, la France,
où Ton compte 1 aliéné sur412 habitants, soit 2,37/1 000; la Prusse
2,21/1 000;rAngleterre2,62/1 000; le grand -duché d'Oldembourg
3,61/1 000; l'Italie, 17,07/1000. Ce chiffre élevé est dû à la pellagre
cause fréquente de la folie. Mais de tous les pays civilisés, le plus
fra ppé est la Chine ; les Chinois cm igrés en Amérique doïvv\^w\.V ;s^\v^^
4tO LES HOMMES, LB MILIEU SOCIAL.
sur i40 habitants. D'une manière générale, Taliénation augmente
avec la civilisation. On admet qu^elle est moins fréquente dans les
campagnes que dans les villes. Ainsi elle attein 1 1 habitant sur 301
à Paris et 1 suri 474 danslescampagnesenvironnantes; i surSOOà
Nancy et \ sur 1 438 dans le reste du département de la Meurtbe.
D'une façon générale, l'aliénation augmente aujourd'hui partout :
en France, tandis que la population s'est accrue, de 1835-1869,
de 11,23/100, les aliénés ont augmenté de nombre dans (a propor-
tion de 530,87/100, soit 47 fois plus vite que la population. En
Angleterre, de 1846 à 1879, la population a augmenté de 45/100,
tandis que le nombre des aliénés s*est accru de 250/100. D*après
cette proportion, on a calculé qu'en 1912, le nombre des aliénés
en Angleterre sera de un quart de million.
l\'ostalgie. — Il est une forme spéciale des troubles mentaux
(lui varie proportionnellement h Tinstruction, c'est la nostalgie,
fréquente chez les Lapons, les Peaux-Rouges, les Australiens. Nous
l'avons vue, en France, sur les mobilisés de la Bretagne^ pendant
la guerre de 1870; elle est fréquente dans l'armée italienne-, avant
l'unification, de 1867 à 1870, elle donnait 203 malades à Thôpital,
et 8 décès.
Suicide. — Si, au lieu d'étudier l'aliénation en général^ on
étudie un phénomène qui n'est le plus souvent qu*une de ses
formes, le suicide^ on voit qu'il correspond dans ses phases de
fréquence^ beaucoup moins à une carte géographique des races,
qu'à une carte chronologique ou géographique des situations
sociales. Le nombre absolu ne nous indique pas, en effet,
grand'chosc : sur 1 000 000 d'individus on trouve :
Suicides.
En Belgique 57
En Suède 67
En Angleterre 84
En France 100
En Prusse 108
En Norwége 108
En Saxe 202
A Qenève 267
En Danemark 988
Mais il n'en est pas de même si l'on compare les chiffres de
deux, périodes. Dans les pays où se sont passés de grands boule-
versements politiques, le suicide augmente. Ainsi, en France, on
SUICIDE. 421
trouve pour chacune des périodes suivantes, des chiffres crois-
sants :
1836-45 2 762
1846-55 3 543 (Révolution de 1848. Coup d'EUt.)
1K56-65 4 331 (Jeu, fortunes rapides.)
1866-75 5 133 (Guerre, invasion. Guerre civile.)
L'Italie, bien qu'elle ait fait pacifiquement son unification, a vu
les suicides augmenter. On en compte :
En 1867 753
En 1873 975
En 1874 1015
Quant à la Russie, qui est à la veille d'une crise sociale considé-
rable, on trouve :
En 1864 57 suicides
En 1869 102
En 1874 167
La Prusse, au contraire, semble avoir bénéficié, malgré Taug-
roentation de la misère qui a suivi ses violentes conquêtes, de
cette satisfaction de soi-même, de cet enivrement que donne la
victoire. On y \oit:
En 1869 318G suicides
En 1870 2 963 —
En 1871 2723 —
En 1872 2 550 —
Il est vrai qu'elle a un palliatif, Vcmigrathn.
D'une manière générale, on peut dire que les événements poli-
tiques utilisent les fous, les mettent en valeur, plutôt qu'ils ne les
créent. Jeannes d'Arc, utopistes financiers, électriciens, politiciens,
policiers, sont les rôles que se partagent les fous, suivant les cir-
constances sociales du moment.
Si l'état politique et social possède une influence considérable
sur le suicide, l'influence individuelle de Vétat civil ne l'est pas
moins. Le suicide, comme la mort naturelle, frappe les gens
mariés moins que tous autres, puis les célibataires, puis au
maximum les veufs. Ainsi, en Bavière, on compte de 1857 à 1871 :
1857«1871 Gens mariés 98 suicidés
Célibataires 115 —
Veufs \91 -
422 LES HOMMES, LE MILIEU SOCIAL.
Enfin les saisons ont aussi leur influence : les suicides sont
beaucoup plus fréquents au printemps qu'en toute autre saison;
on voit d'ailleurs cette influence du printemps se faire sentir dans
un grand nombre d'états morbides.
Il n'y a pas jusqu'au mode de suicide, que la statistique ne
montre diflerent, dans les diflerents pays : en Danemark, la corde
domine; en Suède et en Allemagne, c'est le poison; en France,
ce sont Teau et le revolver ; en Chine, cela diffère : il appartenaità
ce peuple d'imaginer le suicide à la feuille d*or : une mince
feuille dV fortement aspirée vous étoufle et vous asphyxie
proprement.
Dans toutes ces spécialités de forme de suicide, l'imitation joue,
d'ailleurs, un grand rôle.
§ 2. FOLIES EPIDÉMIQUES
Ce qui caractérise l'aliénation, dans la période sensitive de la
civilisation, c'est son caractère épidémique, contagieux, imitatif.
Choréonanle. — Ce qu'il y a, du reste, de remarquable,
c'est que les premiers délires collectifs sont des délires moteurs^
tels que la choréomanie.
Pour ne parler que du passé de notre Europe, nous voyons au
vn« siècle, dans les pays de Galles, les Cicèles, pour mieux hono-
rer leur Dieu, parcourir les rues en dansant et en sautant, jusqu'à
ce qu'ils tombent anhélants et épuisés. En 1021, en Allemagne,
il passe par la tète de douze paysans de troubler rofGce de Noël
par leurs cris et leurs danses ; le prieur du couvent a la malen-
contreuse idée de les maudire, en leur souhaitant de danser
ainsi pendant un an ; les malheureux, terrifiés, ne s'arrêtent plus
et toute la population se met à gambader ! Au xiii* siècle, Vincent
de Beau vais raconte absolument la même histoire : des per-
sonnes se mettent à danser dans un cimetière ; le curé de la
paroisse, dans un mouvement d'indignation, les voue à l'ana-
thèmc et voilà toute une population prise de la fureur de la danse,
sans qu'il lui soit possible de s'arrêter.
Mais c'est au xiv* siècle que ces épidémies de choréomanie pren-
nent, en Europe, leur plus grande extension; en 1373^ une grande
épidémiedechoréomanieséviten Hollande; les gens iedépouillentde
leurs habits, se couvrent de fleurs et se mettent à danser, à sauter,
dans les rues, jusqu'à épuisement complet ; c'est le mal de Saint-
DÉMONOLATRIB 428
Jean. Déjà au xiv<^ siècle, en Italie, des landes d'hallucinés par-
couraient les rues, à moitié nus, en s'appliquant réciproquement
des coups de fouet sur les épaules ; c*étaient les flagellants. Ils se
donnaient eux-mêmes le nom de dévots , ou de blancs battus, à
cause du manteau blauc à croix rouge qu'adoptaient ceux qui,
tous les jours, entraient dans la confrérie ! On sait quelle exten-
sion prit l'épidémie des flagellants, an moment où les tètes affo-
lées par la peste noire de i348 ne demandaient plus qu*à tourner.
Des bandes de flagellants existaient encore, dans le midi de la
France, au siècle dernier !
DémonolAirle. — Dans une période ultérieure, le délire devient
plus intellectuel, la croyance aux esprits, aux anges, aux dé-
mons, farfadets, follets, lutins, gnomes, dieux de tout rang,
domine tous les délires. V anthropomorphisme , qui prête à toute
la nature une forme humaine et une âme aussi peu démontrée
que celle de Thomme, apparaît de bonne heure. On croit que
les fous logent des esprits; or, pour les déloger, il y a deux
moyens : la trépanation , qu'on pratiquait à Tépoque de la
pierre taillée, et Vexorcisme par l'eau bénite. La trépanation
avait au moins l'avantage d'être logique. Ces grandes épidé-
mies nerveuses de choréomanie, de flagellation se compli-
quent donc, en vertu du fétichisme du moyen âge, de la croyance
aux df'mons, aux incubes, aux succubes, aux loups-garous, aux
vampires, et jouent dans les imaginations des fous d'alors le
même rôle que la physique, l'électricité, le fluide magnétique,
la police et même la politique dans l'imagination des fous d'au-
jourd'hui; seulement, aujourd'hui chacun de nous est mieux
armé contre la contagion et puis, on ne persécute plus les fous,
ce qui est toujours un attrait de moins : on les soigne. Alors, au
contraire, il était défendu aux médecins, sous peine d'excommu-
nication, d'entreprendre le traitement des possédés et plus tard
l'honnête Ambroise Paré dira lui-même : «des sorciers ne peuvent
« pas guérir les maladies naturelles, ni les médecins les maladies
« venues par sortilège ».
En Italie, régnait depuis le xuie siècle une étrange manie :
c^était dans la Fouille, pays encore aujourd'hui pauvre, sec,
mal nourri, où l'aliénation mentale est encore fréquente : des
populations entières prises de la danse de Saint-Guy parcou-
raient les campagnes en dansant et en gambadant ; chacun avait
à la main un objet rouge ; on s'imaginait que ces malVv<i^>\t^>rL
424 LES HOMMES, LE MILIEU SOCIAL.
avaient été piqués par le scorpion, dont j'ai parlé plus haut, la
tarentule et on nommait la maladie tarentisme.
En i436, tout le pays de Vaud fut en proie à une monomanie
épidémique : d'honnêtes cultivateurs^ de crédules et pacifiques
dévots venaient s'accuser d'avoir mangetout crus 10, 15, 20 pe-
tits enfants ; ils en dénonçaient d'autres, tout aussi coupables
qu'eux ; par centaines on les mettait à la torture du chevalet
et par centaines on les brûlait ; il en venait toujours se confesser
et dénoncer!
Kn li:)9, l'Artois fut victime d'une épidémie semblable et les
théologiens ne doutaient pas « que le démon fût parvenu à impo-
« ser sa volonté à tous les habitants ». Monstrelet raconte «qu'au
(( pays d'Artois advint un terrible cas et pitoyable, que Ton nom-
« niait Vattcloisc, je ne sais pourquoi ». Nous savons, nous, pour-
quoi ; c'était on souvenir de Tépidémie du pays (le Vaud. Les
gousse confessaient d'être enlevés la nuit par les démons; ils
avouaient qu'ils se trouvaient soudainement « es bois et es
forêts p, et trouvaient a illec, un diable, en forme d'homme,
« qui leur tournait le dos... et leur faisait biiiser son » On
extermina, pour ce fait, des centaines de pauvres diables, dans
1 Artois.
Certaine bulle d'Innocent Vlll, en 1484, nous indique que la
déuionolàtrie est endémique à Cologne, à Mayence, à Trêves, à
Brème et que Belzébuth régne en maître sur les bords du
Rhin.
De 1491 à 1494, les religieuses de Cambrai furent, dit on chro-
niqueur, a vexées d'une manière horrible par les démons » ; on
voyait les possédées courir^ << comme chiennes », à travers la
campagne, s'élancer en l'air, << comme des oiseaux », contrefaire
les cris dos animaux et prophétiser l'avenir; les noms des possé-
dées furent envoyés à Rome et lus tout haut par le pape, pendant
la messe ; rien n'y fit; on trouva enfin le remède : Jeanne Po-
thière, une pauvre sœur, confessa qu'elle avait elle-même
introduit Belzébuth dans le cloître ; elle fut brûlée !
A mesure que les théologiens, qui ont été, sans s'en douter, en
matière d'hystérie et de maladies nerveuses, un peu ce que les
alchimistes ont été à la chimie actuelle, accumulent les observa-
tions, on reconnaît l'hystérie, telle que Charcot nous la montre à
la Salpêtrière!
Ainsi les inquisiteurs s'accordent à reconnaître que le culte du
DÉMONOLATRIE. 425
diable est héréditaire dans certaines familles, quMl se commu-
nique surtout «aux personnes du sexe », et surtout aux filles à la
cheYelure noire et abondamment fournie. On peut donc dire que
les inquisiteurs avaient devancé les médecins^ en matière de dia-
gnostic de rhystérie ; il est vrai qu'en matière de thérapeutique
ils en différaient notablement : aujourd'hui, on donne des douches
aux malades; à cette époque-là, on les mettait sur des bûchers !
Au xvi*' siècle^ la déraison se matérialisa en quelque sorte : on
n'est plus simplement emporté par le diable, on est changé en
animal ; ce sont les grandes épidémies de Lycanthropie. En Lom-
bardie, de 1504 à iô'id, une foule de femmes s'imaginent qu'elles
sont changées en chatte et qu'elles vont, la nuit, sous cette
livrée, manger les petits enfants.
On devine aisément à quels commérages donnait lieu, dans
un village^ la nouvelle que telle voisine avait été changée en
chatte! Plus d'une, curieuse^ enviait secrètement son sort; plus
d'une autre tremblait d'avoir à son tour la visite de Satan et, la
nuit suivante, c'étaient 10 femmes qui avaient couru les toits sous
forme de chattes! Le pape Jules II lui-même s'en émiit et
Adrien \I autorisa les dominicains à explorer toute la Lombard ie
et à y poursuivre, à outrance, toute la race des sorcières. Les
dominicains explorèrent si bien, que pendant 4 ans ces bons
Pères firent brûler plus de 1 000 personnes par an, dans tout
le pays de Côme.
L'Espagne^ pays par excellence de l'inquisition, ne devait pas
demeurer en retard : là, les femmes adoraient un bouc noir ;
il suffisait de porter dans ses poches un peu de ses excréments,
pour avoir le pouvoir de s'envoler dans les airs: en 1536,
i 50 femmes furent brûlées pour ce fait à Saragosse et 200 furent
fouettées sur les épaules nues.
On se demande^ en vérité, où étaient les fous! Parmi Jes mal-
heureux qui s'accusaient de tant de sottises ou parmi les bour-
reaux, qui, sous prétexte de théologie, les martyrisaient?
Deux causes dominent ici : la misère physiologique et l'imita-
tion ; ce sont toujours des paysans mal nourris ou des filles re-
cluses: à la An d'un carême rigide, où les couvents n'avaient eu
pour nourriture que du suc de rave, on vit les religieuses affolées
dans le Brandebourg, la Hollande, l'Italie, TAllemagne ; c'est ce
qu'alors on nomma ïà possession des nonnains! Tantôt, dans une
communauté de femmes, les nonnes s'imaginent que Belzébuth.
426 LES HOMMES, LE MILIEU SOCIAL.
leur chatouille la plaate des pieds et toute la communauté est
prise d*un rire conYulsif ! Taatôt une pauvre fille, qu'un amour
contrnrv: a conduite au couvent, est prise, la première nuit qu'elle
y passe, d'une attaque d'hystérie : les voisines en font autant,
et voilà toute la communauté en contorsions ; voilà les nonnes
qui imitent les cris d'animaux ! Tout le monde connaît la célèbre
histoire des Ursulines de Louduu et d'Urbain Grandier. La ma-
ladie gagna les séculières de Chinon, de Tours. Aujourd'hui encore,
lorsque, à la Salpètrière^ une attaque éclate dans les dortoirs,
l'hystérie, comme une traînée de poudre, s^allume de lit en lit
et il faut le lendemain, pour exorcisme, une douche générale !
Je n'en finirais pas si je voulais énumérer toutes les épidémies
locales d'hystérie et de démonolâtrie, qui éclatent partout dans la
seconde moitié du xvi« siècle : en i 560, tout un couvent, à Cologne,
est en proie à la démonolâtrie ; en 1566, dans un couvent d^enfants
trouvés, 70 enfants sont pris d'hallucinations et se mettent à
courir la nuit, sur les toits. Les parlements eux-mêmes sont ten-
tes de succomber et le Parlement de Dôle autorise les paysans à
faire lachasseauxloups-garous ! Grégoire de Toulouse, alors pro-
fesseur de droit à Pont-à-Mousson, écrit « que les sorciersqui furent
«jugés à Toulouse en 1577 étaient plus nombreux, à eux seuls, que
« tous les accusés, non-sorciers, qui furent déférés à la justice pen-
« dant 2 ans. » I! estime à 400 le nombre de ceux qui périrent,
en 1577, dans les flammes ! Deson côté Nicolas Rémy, procureur
criminel de Lorraine, estime que de 1580 à 1595, on a brûlé plus
de 900 démonolàtres, dans son pays ! Dans la petite commune de
Saint-Claude, dans le Jura, près deFcrnet, la future résidence de
Voltaire, on brûla de 1598 à 1600 plus de 600 lycanthropes.
Cependant nous sommes déjà à une époque de progrès ; car c'est
en 1598 que se produisit ce fait alors inouï: un lycanthrope, con-
damné à mort par le lieutenant criminel d'Angers, fut envoyé
par le Parlement de Paris dans un hospice de fous !
Théomanic. — Les guerres de religion vinrent raviver la folie,
qui semblait s'éteindre devant les progrès du savoir humain. C'est la
tht^omunie eiXa convulsion prophtUique qui dominent àce moment:
alors on vit se renouveler, comme chez les anabaptistes d*Allcmagne
au XVI* siècle, les nouveaux Enoch, les nouveaux Elle, les nouveaux
apôtres. Tel honnête et timide artisan, tourmenté par sa femme,
se réveillait prophète et trouvait une ville pour suivre sa folie.
De même, au xvii* siècle, les calvinistes persécutés dans les Gé*
CONTAGION NERVEUSE. 427
vennes, dans le Dauphiné, sont pris du délire prophétique : ils
marchent en chantant, au-devant des dragons de Louis XIV ;
les enfants eux-mêmes se mettent à prophétiser. Dans le
Labourd, anjourd^hui département des Basses-Pyrénées, 27 Til-
lages se donnent au démon, dansent, prophétisent^ confessent et
se font brûler. En 4 mois le président Espagnet, envoyé i
Bordeaux, donne la question à 500 fous et en brûle 80 !
Le xviii<^ siècle lui-même, le grand siècle intellectuel, ne devait
pas échapper à cet étalage de la bêtise humaine : on y déterre*
pour les mutiler, les morts qu*on accuse de revenir sous forme de
mmpires ; une communauté de Paris a ses mtau/an^es, qui miau-
lent comme chattes, pendant les offices ; le confesseur est en-
voyé à la Bastille; les miaulements redoublent. Une véritable
encyclopédie de démonolàtrie est mise, en quelque sorte, en
action sur le célèbre tombeau du diacre Paris, au cimetière de
Saint-Médard. La démonolàtrie s^organise avec discipline. On se
nomme du nom de frère et de sœur. On se fait figuriste, chargé
d'imiter, pendant la convulsion, les diverses scènes de la passion ;
secouriste, rôle moins désagréable, qui consiste à administrer aux
frères et aux sœurs les petits secours, pour les empêcher de se
blesser et les grands secours y qu'on donne en les frappant avec des
bûches et en piétinant à vingt ou trente ensemble sur leur ventre !
De i 727 à 1 73 1 ,'plus de 800 attaques officielles ont lieu sur le tom-
beau ; la célèbre afliche « Défense à Dieu de faire miracles en ce
lieu > ne lit pas tout cesser et le convulsionnarisme clandestin per-
sista jusqu'en 1762, époque où les jésuites cessèrent de persécuter
les jansénistes. Mais nous sortons ici de la médecine pure; ce
ne sont plus ici uniquement des malades : les jongleurs appa-
raissent déjà derrière eux, et nous les trouverions en majorité,
si nous voulions suivre, au xix'^ siècle, les disciples de l'antique
sorcellerie.
ContayloB nerTense. — On peut cependant encore, même
au milieu de notre société beaucoup moins sceptique qu^on le dit^
observer, surtout il est vrai chez les enfants et chez les ignorants,
(les faits de contagion nerveuse : En 1848, dans un ouvroir des
environs de Paris, où se trouvaient réunies 400 ouvrières, il y
eut, en trois jours, li5 cas de syncopes convulsivcs. En 186i,
dans une église de Montmartre, où iSO jeanes filles faisaient
leur première communion. Tune d'elles, terrifiée par les ser-
mons, qui ne lui parlaient que des flammes de TenCer^ &t[)iv\:^V\^
428 LES HOMMES, LE MILIEU SOCIAL.
par la retraite, eut une syncope convulsive ; au même instant,
comme part un feu de peloton, 40 enfants eurent la syncope codtuI-
sive. Tout récemment, en Italie, à Verzegnis, un père jésuite
faisait à des jeunes filles un sermon, qui avait pour but de leor
inspirer une peur horrible du diable ; aussitôt 30 enfants boule-
versées se mettent à imiter le chant du coq, à miauler, aboyer,
hurler, gesticuler et éclater de rire !
Le suicide devient quelquefois épidémique dans les régiments,
et tout le monde connaît Thistoire d*une célèbre guérite, qu'il
fallut faire changer, pour empêcher le factionnaire de s*y tuer.
Dernièrement, le 82* de ligne prussien a présenté, en 2 ans,
19 suicides. Et nous-mêmes n'avons-nous pas vu ce que peuvent
donner l'imitation, la contagion de la sottise, même chez un peuple
qui passe pour spirituel^ quand toute une ville comme Paris s'est
mise, il y a quelques années, à crier : Eh ! Lambert! Le courage
et la peur, cette dernière surtout, sont manifestement contagieux.
Dans la foule d'un théâtre^ les applaudissements, comme les
sifflets, se communiquent. Telle est l'expHcation des paniques qui
se voient même chez les animaux^ sur les champs de foire et dans
les régiments de cavalerie.: en 1870, tout un escadron de cava-
lerie s'emballa sans motif et, en Algérie, 2000 chevaux quittè-
rent une nuit le bivouac.
La Salpécrlére. — Mais si nous voulons voir se reproduire
sous nos yeux la catalepsie, la convulsion, la manie prophétique
des xv^, xvi" et xvn« siècles, c'est à la Salpêtrière qu'il nous faut
aller; là, le professeur Charcot, au moyen d'une vive lumière qui
excite leur système nerveux, comme faisaient jadis la frayeur ou la
persécution, fait revivre les convulsions du vieux temps; il les fait
cesser à sa volonté, par la compression de l'abdomen, comme jadis
la même compression, faite au moyen d'une ceinture ou, au besoin,
du poids de plusieurs hommes^ les faisait cesser. Seulement, alors,
on croyait avoir délogé le diable ! comme autrefois, les théologiens
et les inquisiteurs, nous pourrions constater l'anesthésie de la
peau; c'est ce qu'ils nommaient stigmata Diaboli, Tout ce
vieux décor est relégué aujourd'hui dans l'hospice, j'allais dire
dans le musée rétrospectif de la Salpêtrière, et si nous voulons voir
des convulsionnaires en action, comme au moyen Âge, c'est hors
de notre pays, fort heureusement, qu'il faut aller.
De quelques épidémies nerveuses. — En Laponie, on
observe un état hallucinatoire épidémique, qui sévit par les
DE QUELQUES ÉPIDÉMIES NERVEUSES. 429
grands froids, dans les moments de misère et de mauvaise
alimentation : c'est le ragle des neiges.
On trouve encore, sur la côte de Guinée, certaines associations
magiques, dont les mystères nocturnes ne peuvent être révélés, dit-
ODy sous peine de mort ; de la côte d'Afrique, ils ont été importés
aux Antilles par les nègres; ils y existaient encore, il y a quelques
années, sous le nom de vaudoux. Une victime est immolée, et,
autour d'elle, une ronde s*agite, tourne, hurle jusqu'à pâmoison,
chacun venant frapper du pied sa tète.
En Abyssinie, le délire nerveux n'est pas rare chez les femmes;
lorsque Tune d'elles est atteinte, on envoie chercher les musiciens
et, toute la famille, les amis accompagnent, en dansant, la malade,
qui danse elle-même; tout le monde finit par danser pour son compte.
Uoeépidémiede ce genreareçule nom de tigritier, Lalycanthropie
n'est pas rare, non plus, dans ce pays : les potiers, les forgerons
passent pour avoir le pouvoir de se métamorphoser en hyènes;
ils ne sont pas brûlés, mais fort redoutés.
Dans diverses parties de l'Ethiopie, des délires semblables por-
tent le nom d'Asiaragazza,
A Madagascar, en 1863, le roi Radama se montrait plein de
confiance envers l'Europe et il admettait volontiers les Euro-
péens; le parti arriéré du pays fut indigné; de vieilles femmes
virent, la nuit, les ancêtres de Kadama sommer leur pelit-Gls
de chasser les étrangers. Conversations, commentaires, ampli Q-
cations, ne manquèrent pas ; alors une bande de fanatiques se
mit à prophétiser; cette bande devint une armée; ils couraient
jusqu'à la syncope et, l'imitation grossissant la troupe en route,
deux mille aliénés choréiques parurent ainsi devant Radama. Le
roi envoya son fils pour calmer les manifestants ; mais quel ne
fut pas rétonnement, lorsqu'on vit le jeune Radama, au milieu
de son allocution, se mettre lui-même à danser.
En Sibérie, il existe, sous le nom de tara^ une maladie imita-
tive, convulsive, qui n'attaque que les jeunes femmes d'un même
district. Dans l'Inde, les danses convulsives atteignent un tel de-
gré d'exaltation, que les assistants, insensibilisés, finissent par ma-
nier des charbons ardents. Une chorée imitative existe à Java et
dans une grande partie de Tarchipel Indien, sous le nom de lata,
La période de civilisation dans laquelle se trouvent actuelle-
ment les Peaux-Rouges de l'Amérique du Nord, se prête à mer-
veille à la production des épidémies mentales : l'hallvxdvx^vSsïGLA'^
480 LES HOmiSS, LE MILIEU SOCIAL.
monomanie, sont fréquentes, au dire du voyageur Pinart, chez
les Déné-Dindjé et chez toutes ces tribus du Nord-Ainérique,
auxquelles les trappeurs français ont donné les noms fort célèbres
dans les romans d'une certaine époque, de couteaux-jaunes, cas-
tors, mauvais-monde, tétes-platesy pieds-noirs. 11 n'est pas jus-
qu'aux flagellants qui ne se retrouvent chez eux : un vieillard ad-
ministre des coups à tous ceux qui se présentent ; on doit se laisser
rouer et déchirer jusqu'à la syncope, sous peine de passer pour
un lâche ! On se fait une idée du degré d'insensibilité où peut
pousser le fanatisme, lorsqu'on lit les récits contemporains des
danses du Soleil, chez les Sioux : on danse pendant plusieurs jours
et plusieurs nuits ; on se coupede cinquante à deux cents morceaux
de chair; à ces trous, comme à des sétons, pendent des tètes de
bison; d'autres portent ainsi des pieux; on voit ces maiheureiix
tomber épuises, évanouis, ensanglantés.
Enfîn, il y a quelques années, ce n'est pas chez les Sioux, mais
chez les Anglo-Saxons, qu'on a pu voir des scènes semblables :
dans un camp-meeting tenu par les méthodistes, où dix mille
ou douze mille dévots étaient réunis, les fidèles se sont mis à
danser, à chanter, à rire, à pleurer, à écumer, à se rouler et à
s'évanouir par centaines; il n'y eut pas moins de huit cents
maniaques en pâmoison.
L'état social, bien plus que le climat, suscite ces maladies
étranges; car on les observe sous tous les climats. II est même à
remarquer qu'elles ont aujourd'hui deux maxima opposés : le
nord et les tropiques.
Au nord, en Islande, en Sibérie, certains Samoyèdes tombent
en convulsion au bruit de la musique ; la dcmonomanie est endé-
mique dans le nord de la Norwége ; on a attribué le fait à Tex-
citation nerveuse due aux , longs jours polaires ou, au contraire,
au pouvoir hallucinant des longues nuits polaires. Mais la vraie
cause c'est l'ignorance. Al'équateur, tous les empires nègres nous
montrent les mêmes exemples.
La folie chez les aDimanx. — Si l'association, si la cifi»
lisation sont productrices de folie, en est-il de même pour l^asso-
ciation et pour ce qui ébauche la civihsation chez les animaux?
La réponse est non^ pour ceux qui, avec saint Thomas, les regar*
dent comme de simples machines; elle est otit, pour ceux qui, avec
saint Augustin, avec Lactance, croient qu'ils ont une raison
et une âme. Pour nous, qui savons qu'ils ont un cerveau comme le
LA POLIE CHEZ LES ANIMAUX. 4»!
nôtre, mais moins parfait, fonctionnant comme le nôtre, mais moins
finement et que la vie et la pensée ne sont chez eux, comme chez
nous, que le résultat de phénomènes physiques, nous admettons,
a priori^ que les troubles cérébraux doivent succéder, chez les
animaux, comme chez nous, aux désordres anatomiques du cer-
veau, mais que ces désordres doivent être d'autant moins fré-
quents chez eux, que leur cerveau fonctionne moins. Nous savons,
en effet, que c'est chez les plus domestiqués et, parmi eux, chez
les plus intelligents, qu'on observe la folie. Le délire, le rùve, les
hallucinations s'observent chez les animaux, chez le chien, le che-
val. Un vétérinaire de Lausanne, Levrat, dit avoir souvent ob-
servé la folie chez le cheval ; elle frappe souvent, dit-il, les che-
vaux de race allemande, qui ont la tète étroite au front et les
oreilles rapprochées. La folie puerpérale, analogue, identique
même a celle de la femme, est fréquente chez la chienne. Quant
à rinfluence de Tintelligence, on cite précisément, comme ayant
succombé à une affection cérébrale, le Régent, cheval savant
dressé par Franconi et certain cheval sauvage des Landes, qui,
grâce aux tactiques habiles, qui l'avaient maintes fois servi et
sauvé, portait le nom de Napoléon des chevaux. Il fut pris
dans sa vieillesse et mourut par le cerveau.
L'influence de Timitation n'est pas moindre chez eux : la
toux, le bâillement sont imitatifs, comme chez l'homme ; le tic
des chevaux est imitatif dans les casernes.
Les théologiens et lesjésuites ont d'ailleurs longtempsjugéque les
animaux pouvaient être possédés comme l'homme; voici quelques
exemples qui prouventd'ailleurs et surtout, que si les animaux peu-
vent devenir fous, l'homme le devient plus sou ven t encore ! En 1 1 20,
l'évêque de Laon lance un bref d'excommunication contre les che-
nilles et les mulots. En i247, un prêtre de Soissons, consulte par
une sorcière, baptise un crapaud et lui donna le nom de Jean,
Vers la même époque, un essaim d'abeilles, ayant tué un homme,
fut jugé et condamné à être briilé. Le 22 septembre 1543, dans
une assemblée tenue par le conseil municipal de Grenoble, un
conseiller exposa que les limaces et les chenilles faisaient un tort
épouvantable; il fut convenu qu'on prierait M. rofficial de vou-
loir bien excommunier lesdites bêtes. Le grand vicaire les (il as-
signer devant lui et, après information solennelle et plaidoirie
contradictoire^ il les condamna à sortir du diocèse a et à faute de
ce faire, les déclarons maudites et excommuniées « . L& \sv^m^
4SS LES HOMUtS, LE IdiLlËU SOCIAL.
fait se reproduis! l encore au \viii' siècle, à l>ODt-ilu-ChimD,ii
Auvergne et, ce qui est plus grave, c'est que ce Tul le jug« Liiq>
gui enjoienit aux chenilles de se retirer,
Pvaphjl«Kie pKr I* science. — {H tous c<^s faiti m
pouvons conclure, que les étapes de civilisation {Mnsiiht, pif.
rkique), caractérisées par la foi, la superstition, le fétichint,
l'ignorance sont un milieu favorable à la folie individnelk m
collective. Nous pouvons en déduire une conséquence tlién(«»
tique, c'est que, dans i^phnse intelkctmlU, le dêvcloppi^iDenl de
l'instruction et la substitution du savoir au erotrr sont le mn^
et la prophjlaiic.
LIVRE II
MILIEU INTÉRIEUR
CHAPITRE I.
Les raeesy ««aiHie les IndlTldas* différent par lear
■illlea Intériear. — - Quel que soit celui des milieux extérieurs
dont nous venons de faire Tétude, qui agisse sur lui^ chaque
être dépend en outre de son milieu intérieur.
Il ne faut pas croire que ce mot milieu intérieur soit une image ;
c^est une réalité, dont il importe de se rendre compte : ainsi que le
faisait judicieusement remarquer Cl. Bernard^ Tanimal composé
d^une seule cellule, la monade^ qui nage dans Teau, n'est pas im-
bibée par cette eau ; elle est imbibée par un liquide, à elle, qui lui
est propre, qui constitue ce que je nomme, avec Ci. Bernard, son
milieu intérieur. Or les animaux, même plus élevés, sont composés
d'éléments histologiques, de cellules, dont chacune se comporte
comme la monade, dont chacune possède son milieu spécial ; ces
éléments histologiques, baignés dans les sucs qui les imbibent, y
trouvent, en quantités variables, Toxygène, Tazote, Tacide carbo-
nique, les sels et c'est là qu'ils « respirent directement, disait en-
core Cl. Bernard, comme le poisson. dans Teau ». Les conditions
propres à chaque race et à chaque individu tiennent donc^ en
réalité, à la structure, au nombre, à la qualité des éléments
histologiques, à la composition, à la qualité, à la quantité des
sucs, qui les baignent dans chaque race ou dans chaque individu ;
ce sont là autant de différences anatomiques, que nous ne
connaissons pas encore en elles-mêmes, mais dont nous apprécions
les effets.
Nous savons bien que le pouls n'est pas le même, comme
nombre, dans toutes les races humaines ; mais nous ne savons
pas pourquoi.
Nous ignorons également, si, dans un même milieu ^t&è^m^^
OÉOOR. MiD. i&
4S4 MILIEU INTÉRIEUR.
la température de toutes les espèces est la même. Or nous avons
vu quelle importance pouvait avoir la température dans le méca-
nisme de Taptitude ou de Timmunité pathologique ! des recher-
ches sont à faire dans ce sens.
11 est un autre desideratum important, c'est de connaître
la vitesse avec laquelle les sensations périphériques chemi-
nent, d'une manière centripète, vers le cerveau, qui les appré-
cie, les goûte, et la vitesse avec laquelle le cerveau renvoie sa
réponse, dans le sens centrifuge, sous forme de mouvement voulu.
Cette vitesse varie non seulement suivant les races, mais suivant
les individus et, chez le même individu, suivant les circonstances,
ainsi, chez un homme qui a pris du café cette vitesse augmente ; il
parera plus vite un coup d'épée ; elle augmente chez le cheval sous
rinfluence de Tavoine (Sanson) ; il serait intéressant de mesurer
ces différences suivant les races. Divers appareils fort ingénieux
ont été imaginés par les docteurs Obcrsteiner et Exner, en Amé-
rique, ainsi que par les docteurs Lebon et Noël, en France.
Ce que je viens de dire des perceptions centripètes reçues par
le cerveau et des mouvements centrifuges voulus et répondus par
cet organe, est également vrai pour la moelle, qui, elle, ne veut
pas, mais qui cependant renvoie les sensations sous forme de
mouvement, qui les réfléchit sous forme d'action n^/Uxe. Or toute
la pathologie est là : la variabilité de l'action réflexe, suivant les
races, est une des causes de la variabilité des symptômes morbides,
suivant les races.
D'une façon générale, c*est avec le milieu intérieur que varie ce
que Ton peut nommer Vessence de la race, laquelle diffère notable-
ment d'une race à Tautre. C'est à une différence chimique dans les
tissus que tiennent Vodew* propre à chaque race et même le gont
spécial que T anthropophage trouve àchaqne race humaine: lé nè-
gre est, parait-il, ce qu'il y a de meilleur ; le blanc est, dit-on, dé-
testable ! Broca avait remarqué que, dans les amphithéâtres, les
muscles du nègre se putréfient moins vite que ceux du blanc.
Tous ces faits sont autant d'exemples d'une différence dans
la constitution physique ou chimique des tissus, d'une différence
de densité, de température, d'hydratation ou de concentration et
Cl. Bernard avait bien raison, lorsqu^il disait : « Il y a dans cha-
ff que animal des conditions physiologiques de milieu intérieur
« qui sont d'une variabilité extrême. Or, chez un animal^ les
« phénomènes vitaux ne varient que suivant des conditions de
VAHIABIUTÉ DE l'aCTION TOXIQUE. 485
a milieu intérieur précises et déterminées. » Ce que nous nom-
mons l'essence de chaque race est donc Vensemble de ces condU
tions anatomiques particulières.
%'AriAblllté de rAetion t«xiqae saiTant le milieu Inté-
rlear. — C'est bien évidemment à des conditions anatomiques de
cet ordre que tiennent les différences entre les effets d'une même
substance toxique, chez des races ou des espèces distinctes.
Je pourrais en citer de nombreux exemples : la Rann escu-
Imta et la Rana temporaria réagissent différemment sous Tin-
fluence d'une même dose de caféine, — La Rana viridis est moins
sensible que les deux précédentes à l'action de la vrratrine ; —
les chèvres mangent* du tabac; — la thébaine, bien tolérée par
Xhomme à la dose de 10 centigrammes, l'est mal parle chien ; —
la belladone est sans action sur les rongeurs. Un cochon d'Inde,
du poids de 540 grammes, a pu recevoir, en injection, une dose
de oO centigrammes de cette substance, dose équivalente, chez
lui, à une dose de 24 grammes chez un homme de 65 kilo-
grammes; — d'après Rabuteau, l'immunité* des rongeurs pour
les accidents provoqués par l'atropine tiendrait à ce que le sang
du lapin est très alcalin et que, sous Tinfluence de cette
alcalinité considérable, l'atropine se dédouble en tropine
et en acide tropique ; — la morphine est pour le cheval un
violent excitant ; — Vescargot demeure insensible à l'action de
la digitale. Enfin Darwin assure que, dans le Tarcntin, les habi-
tants n'élèvent que des mourons noirs, parce que VHypericum nw-
puniy qui y est abondant, tue les moutons blancs; — le coquelicot
est pour les Bovidés un poison assez violent ; — le sucre est véné-
neux pour les grenouilles et les vers intestinaux; — la racine de
manioc^ qui est un poison pour l'homme, est impunément man-
gée par les rongeurs et par les porcs, tandis qu'elle tue les bœufs,
les chevaux et les moutons ; — les faines, données aux chevaux et
aux ânes, provoquent chez eux des inflammations de la muqueuse
intestinale ; elles n'ont aucun effet nuisible chez les autres ani-
maux ; ~- les bourgeons de sapin, de genévrier, de chêne, de peu-
plier, d'aubépine donnent des hématuries aux bêtes bovines; —
la mercuriale est très toxique pour les moutons; — le seigle er-
goté est très nuisible aux porcs; il Test peu pour les chevaux et
pour les bètes bovines ; — d'après Collin (de Balgneville), le
lotier corniculé, plante réputée fourragère, est un poison pour les
soUpèdes ; — le Sapindus ^dulis du Brésil tue V<is d\tiâiXyô& ^\. t^^
430 MILIEU INTÉRIEUR.
fait pas de mal aux autres oiseaux ; — la Rubia noxia^ appelée
lamjaracn et herht' aux rats, produit sur les rats les mêmes eflSels
que la valériane sur les chats ; — une espèce d'arnica, le Donh
nicum, tue le chien et est, dit-on, mangée sans iDconvénient, par
le chameau ; — les Euphorbes sont mangées par ce dernier; — la
Salsola soda empoisonne les chevaux cl est mangée par les cha-
meaux ;— la phellandrie aquatique, qui tueles chevaux, est mangée
par le bœuf; — Vaconit est sans danger pour les chevaux et pour
les chèvres ; le porc supporte à merveille Vnntimoine; le mou-
ton, le kirmts ; — le café tue le perroquet et ne fait rien aux
moineaux ni aux corbeaux; — la grive mange des graines de
ciguë; — le faisan, les graines de Datura; — la fausse oronge est
inolTensive pour les limaces. Il faut bien que les organes de ces
animaux présentent des différences anatomiques que nous n*ap-
précions pas encore.
Un exemple de ce que peut produire la prédisposition orga-
nique sur Faction des substances nous est fourni par les solanées:
les solaw^es vireuses, les consolantes, comme on les appelait,
parce qu'elles apportent le solanum, Toubli, la consolation, n'agis-
sent que parce que leur action se porte sur le cerveau, sur les
éléments histologiques de Torgane de la pensée. Or, suivant la
remarque de M. le professeur Bouchardat, elles ont d'autant moins
d'énergie sur les animaux, que ceux-ci ont moins (Tintelligence.
C'est, sans doute, pour la même raison, et en vertu d'une plus
ou moins grande excitabilité cérébrale, qu'on voit des gens qui,
pour la moindre fièvre ont le délire, tandis que d'autres présen-
tent rarement ce symptôme.
Gréhant a constaté que, pour un même poids et un même vo-
lume, les chiens, selon leur race, résistaient différemment à Tac*
tion toxique de Voxydc de carbone — certaines races succom
bent lorsque la proportion de ce gaz dans Tair respiré s'élève
à 1/200; d'autres à i/300; d'autres à 1/400. D'après Darwin^ les
cochons noirs peuvent manger impunément les racines du Lach-
nantes tincloria, qui occasionne la chute des sabots chez tous les
porcs qui ne sont pas noirs. On aurait, pour ce motif, renoncé,
en Virginie, à élever des cochons blancs !
D'après Cl. Bernard, le curare^ introduit dans les voies diges-
lives, est inoffensif pour les mammifères et tue, au contraire, les
oiseaux. Diverses sortes de pêches, à chair jaune, souffrent d'une
maladie qui n'atteint pas au même degré les pèches à chair
VARIABILITÉ DE l'aCTION MORBIDE. 4S7
blanche (Darwin), l/illustre naturaliste et philosophe assure en-
core que le sarrasin (Polygonum fagopyrum) en fleurs est nuisible
aux porcs blancs et non aux noirs !
Variabilité de l'aetlon morbide snlvant le mlllen Inté-
rieur. — Le terrain sur lequel s'exerce Paction morbide elle-même,
est quelque chose de tellement important, que les parasites les mieux
reconnus, Vacarus de la gale, Icspoux^ envahissent de préférence
les individus malades! La canneà sucrea pour ennemi un insecte,
\e borer. Lui-même ne vient que sur les cannes attaquées par un
cryptogame et ce cryptogame n'envahit que les cannes malades,
pour avoir été trop poussées en guano. Le lapin et le cobaye, qui
sont cependant deux rongeurs bien voisins, se comportent tout dif-
fféremment à la suite de Tinoculation d'un miciobe, qui n'est pas
celui de la rage et que Pasteur a trouvé pour la première fois dans la
salive d'un enfant enragé, le lapin est tué, le cobaye n'éprouve rien.
Cela peut tenir, ainsi que Tilluslre expérimentateur Ta lui-même
supposé, à ce que, dans le sang d'un cobaye, le microbe en question
.aurait besoin d'une incubation beaucoup plus longue, autrement
dit qu'il y multiplierait moins rapidement. Quoi qu'il en soit^ la
dififérence dans la longueur de l'incubation d'une même maladie
virulente, chez desanimaux voisins, prouve déjà combien \tuv milieu
inU' rieur est différent. Les moutons algériens ^ qui ont une immu-
nité pour le sang (le rate, en ont une également pour la clavelée
{Toussaint). Ils apportent à nos moutons, qu'elle décime dans le
midi de la France, cette maladie, qui, pour eux, est inofTensive.
Boudin a montré que la mortalité des chevaux varie suivant
leur provenance : ainsi, les chevaux de Guingamp, de Morlaix
ont une mortalité de 31 0/0, tandis que les chevaux de Caen, de
Guéret, d'Aurillac et de Saint-Maixent ont une mortalité de 31 0/0,
et ceux d'Auch et de Villers, de 02 0/0. Leur morbidité varie
d'ailleurs comme leur mortalité, témoin le tableau suivant :
Sur 1 000 chevaux.
Maladies
Localités. Faroin. respiratoires. Morve.
Saint-Maixent 16,5 11,9 24,4
Caen 16,2 13,7 19,6
Auch 14,8 12,9 31,9
Villers 14,6 16,9 32,3
Guéret et Aurillac 13,2 10,59 96,6
Guingamp et Morlaix.... 12,0 12,07 17,5
Chevaux étrangers 11,1 B,9V %^)%
488 MILIEU INTÉRIEUR.
Tous ces faits sont évidemment liés à des conditions anatomi-
ques inconnues. C'est à cet ordre d'idées que faisait allusion
Cl. Bernard lorsqu'il écrivait : « J'ai constaté dans plusieurs races
de chiens et de chevaux des caractères physiologiques tout à fait
particuliers, qui sont relatifs à des degrés différents dans les pro-
priétés de certains éléments histologiques, particulièrement du
svstème nerveux, o
Ce sont également des particularités anatomiques par nous mé-
connues que nous décèle le choix, que les maladies semblent faire
de telle ou telle race.
Le virus morveux, par exemple, si actif chez le cheval. Tàne et
rhomine, ne produit souvent chez le chien que des accidents
locaux.
La jhripncumonie contagieuse des bèlcs à cornes, maladie in-
fectieuse qui décime parfois les établcs, fait, sur les bêles dVi-
gine hollandaise, beaucoup moins de ravage que sur les autres.
Il ne suffit pas de semer une graine dans un terravu il faut
qu'elle puisse vivre et germer dans ce terrain ; c'est ce que nous
nommons en médecine la prédisposition morbide individuelh^y
due au tempéraments au sexe, à l'âge, à la race : ainsi le profes-
seur Peter a pu, sims rien éprouver, badigeonner sa gorge avec
des fausses membranes de diphthérie et cependant la maladie est
contagieuse : absence de prédisposition individuelle! Il y a des
gens qui sont, pendant toute leur vie. réfractaires à la variole, à
la vaccine, à la syphilis. Cette question de convenance est même
tellement évidente, que s'il ne s'agissait d'ôtres aussi infimes que
ces microbes, on dirait qu'il y a choiXy choix d'ailleurs aussi légi-
time, que celui du lion qui préfère l'homme noir à l'homme blanc,
que celui de la puce qui préfère le chien à l'homme, certains
hommes à certains autres, ou que celui des poux dont parle Dar-
win, qui, habitués ù vivre sur la tête des Polynésiens, mouraient
sur la tète des mat»?lots anglais.
11 existe dans les fruits un acide qui se nomme Vacide tor-
trique. Toujours identique ù lui-même pour le chimiste, tantôt
cet acide dévie à gauche la lumière polarisée, tantôt il la dévie à .
droite. On distingue donc deux acides tartriques, le droit et le
gauche. Ces deux acides, chimiquement identiques pour nous,
sont susceptibles de se détruire par le fait d'un ferment. Or le
ferment qui détruit l'acide tartrique droit, ne fait pas fermenter
l'acide tartrique gauche et réciproquement, et, dans Vacide mcé-
VARIABILITÉ DE INACTION MORBIDE. 439
mique^ qui est un mélange diacide tartrique droit et d'acide tar-
trique gauche, si on introduit le ferment du droit, il fera dispa-
raître tout le droit et respectera le gauche! Voilà donc un
ferment qui sait mieux que nous faire la différence entre les deux
yariétés d*acide tartrique ! Quoi d'étonnant que des ferments sem-
blables fassent mieux que nous l'analyse des tempéraments dans
les diverses races animales, dans les diverses races humaines, et
que certaines espèces soient plus que les autres sujettes à certaines
maladies? Cest ainsi que le microbe du choléra des poules, inocule
à une poule, la tue certainement, tandis qu'inoculé à un cochon
d'Inde, il le laisse bien portant, sauf peut-être un petit abcès local
qu'il déterminera. Certains parasites des végétaux ne s'attaquent
qu'aux crucifères, d'autres qu'aux labiées, aux graminées, aux
renonculacées, aux ombellifères; c'est ainsi qu'on voit la teigne,
qui roussit les lilas (Gi^acillaria syringclla) produire les mêmes
dégâts^ causer la même maladie sur le frêne, sur le troène, plantes
qui différent du lilas, mais qui appartiennent, comme lui, aux jas-
minées. La pyrale de la vigne [Tortrix pilleriana) dans les pays
où il n'y a pas de vigne, vit sur la clrmatilc. Le papillon hHc de
mor^ qui vit sur la pomme de terre^ vivait sur d'autres solanées
avant l'introduction de ce tubercule. Le donjphera de la pomme
de terre vit également sur d'autres solanées. C'est un choix que fait
la bacléridie en faveur des races hovines de Bourgogne et de Fran-
che-Comté, qui prennent plus facilement le charbon que celles de
Normandie ou de Bretagne ! C'est le résultat d'un choix analogue
que la différence que fait la bactéridie charbonneuse entre le
mouton mérinos, qui prend facilement le charbon et les moutons
algériens, qui, même en France, ne le prennent pas! N'est-ce pas
pour la même raison que le microbe de la fièvre jaune respecte
le nègre inOniment plus que le blanc? Que l'empoisonnement pa-
ludéen est^ de même, moins fréquent chez le noir que chez le
blanc?
Comment les tissus d'un animal peuvent-ils offrir à une bacté-
ridie, une différence appréciable de milieu? Lescultures artificielles
de Pasteur nous l'apprennent : le bouillon, l'eau de levure, sont
les liquides où se cultivent le mieux, artificiellement^ la bactéridie
charbonneuse. Un pareil milieu ne convient pas, au contraire, au
parasite du choléra des poules: le bouillon de poulet lui est mieux
approprie ; l'urine alcaline lui convient à merveille ; mais qu'on
modifie la réaction de ces liquides de culture et les fermeatâ s&'^Qi'clV
440 MILIEU INTÉRIEUR.
modifies; ils pourront même ne plus proliférerdu tout dans le milieu
ainsi transformé. Des modifications chimiques de même nature,
produites dans le sang des animaux, décident de même de la facilité
avec laquelle le ferment producteur de telle maladie s'acclimatera
dans leur organisme. La température du milieu sanguin est elle-
même une condition des plus importantes. Ainsi les oiseaux, qui
prennent si bien le choléra des poules, ne prennent pas le charbon.
Pasteur, notamment, n'avaitjamais réussi, ainsi que je Tai dit plus
haut, à inoculer le charbon à des poules, alors que l'inoculation du
même liquide virulent réussissait toujours chez les mammi-
fères. Or, entre autres différences, il en est une capitale
entre les mammifères et les oiseaux, c^est que la tem-
pérature normale des seconds est beaucoup plus élevée que celle
des premiers : celle des oiseaux est de 4- 4lo ou 44®, celle
des mammifères de H- 37°. Pasteur s'est donc demandé si le milieu
sanguin des oiseaux n'était pas un milieu trop chaud pour plaire
à la bactéridie charbonneuse ; Texpérience lui a montré qu'il ne
s'était pas trompé. Il fit refroidir une poule en la plongeant dans
un bain froid, de telle façon que sa température normale cessât
d'être supérieure à celle des mammifères; il inocula alors la bac-
téridie et la poule mourut du charbon, le sang étant rempli de
bactéridics. Inversement, il suffit de mettre dans Teau chaude
une grenouille, qui, normalement, est réfractaire au charbon,
pour que, son sang prenant une température égale à celle des
mammifères, elle devienne susceptible de prendre le charbon.
Pasteur a fait mieux : chez une poule qui, refroidie, avait
été inoculée et qui présentait déjà les premiers symptômes du
charbon, il lui a suffi de la réchauffer pour arrêter la maladie,
c'est-à-dire l'évolution des bactéridies. Il découle de là une in-
duction pratique : suffirait-il d'élever la température d'un mam-
mifère au niveau de celle d'un oiseau pour l'empêcher de prendre
la maladie charbonneuse? Cette démonstration, ce n*est pas
Pasteur qui Ta faite, c'est un modeste vétérinaire du Jura, qui,
depuis longtemps, sans soupçonner des théories et des expé-
riences qui n'étaient pas encore nées ou faites, s'est acquis une
célébrité locale, dans le traitement du charbon, par des frictions
irritantes et l'enveloppement de l'animal avec de la paille ou
du foin arrosés de vinaigre chaud, ce qui revenait à élever la
température.
L'aptitude des races à choisir^ pour ainsi dire, au milieu des
VARIABILITÉ DE INACTION MORBIDE. 44i
maladies infectieuses, ou plutôt l'aptitude de chaque ferment à
choisir^ à l'exemple de celui de Tacide tartrique droit ou gauche,
le milieu intérieur qui sera pour lui le meilleur des milieux exté^
rieurs, cette aptitude, dis-je, a été très joliment démontrée par
Toussaint : à du sang charbonneux il ajoute une très petite quan-
tité de sang septique et un peu de sang d'une poule morte du cho-
léra des poules ; il inocule le mélange à des animaux différents
et le même sang, ainsi inoculé, fait périr les lapins de septicémie,
les poulets du choléra des poules, les moutons et les cobayes du
charbon. Chacun de ces animaux a été choisi par le parasite auquel
il convenait, alors qu'il a été réfractaire à l'action des autres.
On peut encore rapprocher du choix fait par le ferment de
l'acide tartrique, ce fait de deux cactus semblables, dont parle
Dqrwin, cactus qui vivent dans l'Inde. L'un a été importé de
Canton, l'autre de l'Amérique du Sud ; or la cochenille^ qui fait
entre les deux une différence que nous n'apprécions pas, ne vit
que sur ce dernier. C'est de même que, toujours d'après Darwin,
les terriei^s blancs sont plus sujets que les autres à la maladie des
chiens. Dans TÂmérique du Nord, les pruniei's à fruits pourprés
sont sujets à une maladie qui n'atteint pas les autres et, à Maurice,
les cannes à sua'e blanches sont atteintes, depuis quelques années,
d'une maladie qui ne sévit pas sur la canne à sucre rouge. De
même les poussins blancs sont plus sujets que les autres aux pa-
rasites (Darwin) ; à Malaga, les vignes blanches plus souvent
malades que les noires (Darwin). Crevaux, dans son voyage sur
rOyapock, a remarqué que les poux des Indiens différaient de
ceux du nègre et que ces deux espèces de poux n'étaient pas non
plus semblables au Pedinulus capitis de la race blanche.
Un autre exemple des différences du milieu intérieur : la bac-
térie du charbon symptomatique, introduite dans le sang du
bœuf, ne donne lieu qu'à une maladie bénigne, tout éphémère,
qui a, cependant, ce résultat durable, de revêtir l'organisme
d'une immunité complète contre les invasions ultérieures de la
maladie, par quelque voie que l'on tente de la faire pénétrer.
Elle se comporte tout autrement, quand on l'introduit dans le
tissu cellulaire et surtout dans le tissu musculaire. Là, elle se
trouve dans son véritable milieu de culture et donne lieu immé-
diatement à des phénomènes locaux de fermentation, qui se
traduisent par un grand dégagement de gaz.
Si le microbe du charbon symptomatique se comv^tVft ^\ ^\S^v^-
i'.i M1L1ËD INTËniEUR.
reoimcnt suivant qu'il est dans le sang ou dans les frarDOdon
(les muscles, cela dépend, on peut l'admellre, de ce <iu'il tfjK-
tient aux espèces auaêrobies. Le sang, par l'abùndaiice de l'on-
gène qu'il runterme, n'est pas un milieu conTomte h satuton.
dans lo muscle, au contraire, il maniresle toutes ses actiiilêt a
absorbant, pourles besoinsde âanutrilioa,l'oijj;éne de cotnptni-
lioQ des tissus et en donnant lieu à un mouvement de tainea-
latioD, dont le dégagement du gaz acide carbonique csl le li^
indubitable.
Aplllndes emamuneB do milieu iBt^ricMr ûmm» êet
raecB dlffcrenleH, — Ccriaines maladies parasitaires, »u aUm
à ferment, s'attaquent néanmoins à un grand nombre d'^prce
el du races diiïéreriles, comme si leur Turmoat était, e» ^oéitiK
sorte, d'un acclimatement Facile dans tous les milieui ; c'otainu
qu*on menljonne un grand nombre d'épizooties commuocfà <Ik
animaux très difrérenls :
En 1712, près d'Augsbourg, une épiiootie rcgnn sur ki ebe-
Tani, les bŒufs, les porcs et les oiseaux de basse-roar. En l'G3,
une épizoolie régna, en Europe, sur les chiens et les ^gtoat : n
outre, un grand nombre d'épizooties Turent rn inéme teDipsde
é|)ldémies. Ainsi, de l'an 376 de notre êie jusqu'à U (ru ilu
XV* siècle, les chroniqueurs mentionnent 134 épidemiet «u
épizooties et, dans ce nombre, on trouve 2D épidémies, U if'
zoolies et G2 épidcmo-zooties, c'est-à-dire di maladies cuouun»
aux hommes et aux animaux.
Beaucoup de maladies sont communes à un grand noobnd'a
pèces. Galien a décrit l'hydropisie du péricarde cliet un MSp ; d
avait vu la péricardile chez le coq, sous Toroïc d'une tanKor du
cœur, squirrheuse, à plusieurs Teuillets, description dcrnire b-
quelle il est aisé de reeon naître la pérlcardito mcmbraneuK tiM-
sique; Rajer également a signalé la péricardite ebez le 004. <■
canard, le faisan. J'en ai rooi-mâme observé un d«* plm ht»ax
tjpes qu'on puisse voir, rappelant tout A fait la compar«iKiii,di^
sique enanatomic pathologique, avec du Uvrre &Tiui mr le fimi
i^une assimile, chez une serine, qui, pendant sa maladie, avait k*
pattes rouges, enflées, douloureuses, notammeut au DiVBia do
jointures, qui, en un mot, avait un véritable riiumalisne artiat-
laire aigu.
Le dUitélc sucré a été constaté chez le cheml par Ledctt.
VARIABILITÉ DES SYMPTOMES. 443
chez cet animal et déposé dans les coUeclions du laboratoire des
haulesétudesàrinstitut anthropologique lesfémursetleshumérus
d'uQ singe, qui sont renflés et rappellent absolument une pha-
lange métacarpienne de Thomme, qui serait atteinte de 8pina
vent osa.
Les chevaux atteints de pousse guérissent à Cauterets, abso-
lument comme leurs maîtres.
On sait combien \aiblennorrhagieesl fréquente chez le chien.
Le mwjiiet est commun à Thomme et aux animaux (agneaux).
La stomatite gangreneuse de Thomme s'observe, sous le nom de
glossanthrax^ chez le cheval , le bœuf y le chien; {'anthrax du gosiei'
des oiseaux semble analogue à Pangine gangreneuse de Thomme.
Les verrues épithéliales sont fréquentes sur la langue du chien.
Nocard a observé la leucoc) thémie chez le rhien ; tous les gan-
glions étaient volumineux. Le foie pesait i 680 grammes, au lieu
de 4G5 grammes, son chiffre normal; la rate, 390 grammes,
au lieu de 150. Les globules rouges étaient tombés de 7 000000
(chiffre moyen du chien) à 2 000000. Les globules blancs s'éle-
vaient à 32585, soit 1 blanc et 85 rouges. Cette maladie a été vue
chez le cheval et chez le porc.
J'ai dit plus haut que la diphlh'vie s'éicndait à de nombreux
animaux.
Certaines maladies, tout en étant capables de se diffusera plu-
sieurs espèces, sont cependant plutôt propres à telle espèce que
telle autre. Ainsi le charbon est une maladie de la bête bovine,
bien que d'autres espèces puissent le contracter. L'homme prend
le charbon, mais lui seul est suseeptible de prendre parfois le
charbon demeuré local (pustule maligne); les autres animaux
prennent de suile la fièvre charbonneuse. Bouchard regarde éga-
lement la phthisie comme une maladie bovine, La syphilis est spé-
cialement humaine, bien qu'elle s'étende aussi à d'autres animaux.
Les diverses espèces animales représentent, pour chacune des
graines dont nous venons d'étudier la répartition géographique,
des terrains différents et la différence du milieu intérieur donne
à ces graines des destinées différentes.
Variabilité des symptdmes d'une même maladie,
suivant le milieu intérieur. — Quand des races différentes
prennent avec une égale facilité la même maladie, elles l'expri-
ment, du moins, par des symptômes différents.
Ainsi 9 sous l'influence de la même bactéridie chacboaiv<!.vis<^^
444 MILIEU INTÉRIBUR.
le lapin, le mouton, le bœuf, le cheval, présentent des symptômes
différents.
C'est ainsi qu'un môme cynips produit, sur différentes plantes,
«liflerentes galles d'aspect différent. Les Qiœrcus robur, jmlunnt'
hitfi, sessiflora, pubcscens, sous la piqûre du même cynips,
autour de la même larve, produisent quatre galles absolument
dissemblables.
La tnhirculosc de la bète bovine a une forme lente ; celle du porc
rappelle la forme galopante de Thomme. Les complications ner-
veuses des maladies sont moins fréquentes chez les ruminants
(]ue chez les chevaux et les chiens.
En somme, comme Ta dit excellemment M. le professeur de
Ouatrefages : « A quelque règne qu'elles appartiennent, qu'il
« s'agisse des animaux ou des végétaux, les races ont leurs
« cararttrcs pathologiques, aussi bien que leurs caractères exté-
<( rieurs ou anatomiques propres. )> M. de Quatrefages ajoute :
tt L'homme n'échappe pas à cette loi. »
Avant d'étudier les caractères pathologiques des races hu-
maines, voyons quelques exemples de la différence d'expression
symptomatique dans les diverses races animales.
i5 1. VARIOLE.
Variole dn slnice. ^- La variole a été observée chez le
singe, par Bergmann; de son côté Valentin, de Norfolk (en Vir-
ginie), raconte que, pendant que la petite vérole régnait dans une
maison, il vit un singe familier en être atteint. Le plus grand
nombre des pustules était comme chez l'homme, à la face, au
ventre, aux aisselles.
Cow-pox. — La même maladie existe dans l'espèce bovine,
sous le nom de cow-poXf caractérisée par une éruption, qui se
fait sur plusieurs points du corps, mais notamment sur les trayons
et sur le pis. Le cow-pox n'est même pas très rare à l'état épidé-
mique: en i831, en 1835, près de 200 vaches furent atteintes du
cow-pox, dans le royaume de Wurtemberg ; en 1833, une épidémie
régna à Calcutta; en 1836, une petite épidémie fut observée à
Passy; une autre dans l'Eure-et-Loir. En 1838, plusieurs épizoo-
lies de cow-pox sévirent en Angleterre et en Russie.
La variole sévit sur les chamelles, dans Tlnde, et en Laponie,
sur les femelles du renne.
CLâVELÉE. 445
Hora«-pox« govroie. — Elle sévit chez le cheYal, chez lequel
elle donne lieu à une éruption surtout abondante sur la muqueuse
buccale et au paturon, qui suppure; de là le nom d'eaux aux
jambes, que prend la maladie ; elle se nomme aussi horse-pox ou
grease. Dans plusieurs cas, des garçons de ferme, ayant en même
temps à soigner des chevaux et des vaches, ont transmis le cow-
pox aux chevaux ou, inversement, le horse-pox aux vaches. On
arrive expérimentalement, par Tinoculation, au même résultat;
c'est ainsi que le liquide des jambes du cheval a été inoculé avec
succès à un autre cheval ; de celui-ci à une vache, à un taureau,
à un zébu, à une jument de Java, à un cheval siamois et enfin à
un dernier cheval.
Les recherches de Trasbot ont montré que la gourme des jeunes
chevau X n'est que de la variole . L'éruption d u /lor^e-poo; est réru ption
essentielle de la gourme ; elle a lieu sur lapituitaire, dans la bouche
et sur la surface du corps; le jetage, le gonflement ganglionnaire,
la lymphangite de la face, tous symptômes qu'on regarde comme
fondamentaux de la gourme, ne sont que des localisations ampli-
fiées de réruption variolique. De même la localisation exagérée
aux jambes et aux jointures donne de Tarthrite et ce qu'on
nomme les eaux aux jambes; mais l'éruption caractéristique se
retrouve toujours disséminée sous le poil. L'inoculation vaccinale
empêche d'ailleurs la gourme de se produire chez les chevaux.
Bouley, de son côté, depuis que son attention a été attirée sur ce
point par Trasbot, a toujours constaté le horse-pox chez les che-
taux gourmnix,
11 y a bien des anné^^ ^ a*un marchand de chevaux de Paris m'a
raconte que, depui'* .igtemps, il préférait que ses jeunes chevaux
fissent leur gourme à son gré et qu'il n'aimait pas que la maladie
apparût spontanément. Il a l'habitude, lorsqu'un jeune cheval a la
gourme, de le mettre dans une écurie à part ; quand ce cheval est
guéri, il met dans cette écurie d'autres jeunes chevaux, qui con-
tractent ainsi la gourme, au moment qu'il a choisi.
Clav«lé«.— Chez le mouton la variole constitue, sous le nom de
ekxveléey une épizootie des plus graves, caractérisée par une éruption,
qui, comme chez l'homme, peut être hémorrhagique, confluente,
gangreneuse. Un grand nombre d'observateurs: Béale, 1863; HaU
lier et Zù rn, i 867 ; Chauvcau , i 868 ; enfin Coze et Feltz, Klebs, Cris-
mann, Cohne, Kber, ont constaté des corpuscules de mierococcm
dans la sérosité des pustules de clavelée.— Sur les bot^^ ^^ \>5.
446 MILIEU INTÉRIEUR.
Méditerranée, en France, laclavelée fait de très grands ravages ;
apportée par les moutons algériens, sur lesquels elle est inoffensive,
elle détruit parfois 60 et 70 pour iOO de nos moutons.— Chauveao
a recueilli le microbe de la clavelée et a fait des cultures artiû-
cicllcs ; il Ta obtenu alors sous deux états : celui de bactéries et
celui de spores. Les bactéries, d'abord petites, agiles,, grossissent
et donnent une spore à chacune de leurs deux extrémités. Avec
ces bactéries de culture, Chauveau a vacciné des moutons.
Variole dn pore. — Le porc^ la chèvre prennent souvent la
variole au contact des moutons qui ont la clavelée.
Variole dn chien. Maladie des ehlens. — Le chien,
fidèle compagnon de Thomme, partage avec lui même la variole :
en 1792, un paysan du canton d'Essex, pour donner à ses
enfants une variole préventive, avait imaginé de leur faire man-
ger des croûtes varioliques, sur une tartine de beurre Un chien
familier sMnvita à ce repas, qui n'avait pas été préparé pour lui ;
il eut, au quatrième jour, une éruption de variole et, au neu-
vième jour, des pustules noires. On cite, enfin, Thistoire tou-
chante d'un chien, qui léchait les mains de son maître atteint
de variole et qui succomba quelques jours plus tard, atteint
lui-même.
La variole est d'ailleurs plus fréquente qu'on le pense chez
le chien. Trasbot a, en effet, démontré que ce qu'on nomme la
maiadic (les chiens^ maladie inoculable, ne se développait pas
chez ceux à qui on a inoculé le cow-pox et que le cow-pox ne
prenait pas sur ceux qui ont eu la maladie des chiens.
Variole des oiseaux. — Il n'est pas jusqu'aux oiseaux qui
ne prennent la variole ; Valentin raconte que, pendant une épi-
démie de variole humaine, il vit un grand nombre d'oiseaux mou-
rir de cette maladie. Rayer Ta observée sur les pigeons. Holwell
cite enfin un perroquet, dont la maîtresse avait la petite vérole;
le pauvre oiseau mourut et à son autopsie, on trouva la gorge,
Veslomac, l'intestin boursouflés et couverts de pustules, ainsi
que la surface du corps. Charlieu cite enfin des poules, qu'il a
vues mourir de variole, après avoir becqueté, dans l'écurie, les
jambes d'un cheval atteint de horse-pox. J'ai parlé plus haut des
expériences de Jolyet sur les pigeons.
FIÈVRE typhoïde. 447
§ 2. ROUGEOLE.
Roa^eole da alB^e. — La rougeole a été observée sur le
singe. Je ne possède pas de renseignements relatifs aux autres
animaux.
§ 3. PESTE.
La peste atteint-elle toutes les races? Des témoignages nom-
breux nous montrent qu'elle atteint certains animaux : Boccace
nous donne un détail intéressant pour la pathologie comparée :
a J'ai vu, dit-il, de mes yeux, deux porcs, qui, dans la rue, se-
4 couèrent du grouin les haillons d'un mort; une petite heure
« après, ils tournèrent et tombèrent ; ils étaient morts eux-
« mêmes. »
Ce fait a été signalé dans beaucoup d'épidémies. Toutes les épi-
démies de peste observées dans TEgypte et dans l'Inde, ont pré-
senté ce caractère remarquable, que l'invasion de l'épidémie est
précédée d^une grande mortalité parmi les animaux domestiques
et même parmi les rats et les souris.
Le même fait a été observé en Chine, sur les moutons et les
rhêvres,
§ 4. FIÈVRE typhoïde.
Elle a été observée chez un assez grand nombre d'animaux,
chez le cheval, chez le singe (Serres), enfin chez le porc.
Cette maladie du porc, récemment découverte et connue depuift
longtemps sous le nom de mal rouge de porc, a été observée
récemment en Angleterre par Klein, et à Mantes parMégnin.
En 1882, cette maladie n'a pas tué moins de 20000 porcs dans
la seule vallée du Rhône. Elle est souvent épizootique en Amé-
rique où Klein l'étudia en 1877 et 1878, en Angleterre et en
Allemagne. Elle est répandue en Italie, où elle a été étudiée par
Perroncito comme un typhus. Comme chez l'homme, on trouve,
chez les porcs qui succombent, l'hypertrophie, puis l'ulcération
des glandes de Peyer et, dans le sang ainsi que dans la rate, des bac-
téries en chapelet ; cultivé dans des bouillons artificiels, ce para-
site a pu, à la huitième génération, reproduire la fièvre typhoïde
chez le porc, et cette maladie est si bien Panalogi!^ de la fièvre
typhoïde de l'homme^ que, dans plusieurs épidémies^ oa «.hwV^
448 MILIEU INTÉRIEUR.
mal rouge du porc coïncider avec une épidémie de fièvre typhcidf
sur les boiumes de la même ferme.
Dans un grand nombre de cas observés surtout en Angleterre,
la fièvre typhoïde des animaux a été communiquée à Tbomme
par leur lait.
L'échange de la fièvre typhoïde entre l'homme et les animaux est,
du reste, plus fréquent qu'on le pense.
En 1867, la fièvre typhoïde régnait sur les bords du lac Léman
et du lac de Neufchàtel, on vit mourir des centaines de mille de
perches; leurs tissus et surtout l'intestin étaient remplis de bac-
téries.
La maladie, ainsi que s'en assurèrent les D" Forel et du Plessis,
était inoculable aux perches, mais aux perches seules.
Enfin, il y a quelque temps, à Bulach, près de Zurich, après un
banquet où s'étaient réunis 700 orphéonistes, 500 eurent la fièvre
typhoïde ; on finit par découvrir que le restaurateur avait acheté des
veaux atteints de fièvre typhoïde. Un chien, qui avait mangé les
déchets, mourut de la fièvre typhoïde, et les animaux d*une
ménagerie, qui avaient eu leur part de ce festin, furent eux-
mêmes malades.
Le professeur Huguenin raconte, à ce propos, qu'il avait
souvent vu, dans les fermes, la fièvre typhoïde des maîtres passer
aux veaux et donner lieu chez eux à l'éruption caractéristique
des f)la(iues de Peyer.
§ 5. MÉNINGITE CÉRÉBRO-SPINALE.
Elle a été observée sur le cheval au Canada et aux Etats-Unis,
avec un caractère épizootique. Elle atteint surtout les juments.
§ 6. DENGUE.
Les animaux eux-mêmes n'y échappent pas, ainsi qu'on Ta
constate à Cadix, et, à plusieurs reprises,dansrinde,oùles vcu^eSy
les chevaux, sont souvent atteints.
§ 7. MORVE.
Elle atteint tous les monodactyles, se transmet en outre à U
chèvre, au mouton, au lapin et à l'homme; le bomf et le porc se
sont montrés jusqu^ici réfractaires ; le chien n'éprouve» après
PESTE BOVINE. 4i9
l'iooculatioo, que des accidents locaux; le chat, le lion, Vours
contractent la monre lorsqu'on les nourrit des débris d'animaux
iDoryeuz.
§ 8. PESTE BOVINE.
Géoi^mplile. — L'importance de cette maladie est considé-
rable pour rhumanité et notamment pour l'Europe occidentale;
en effet, tandis qu'en Russie le nombre des tètes de bétail va sans
cesse en augmentant, si bien qu'en 1866 on comptait dans ce
pays 20 980000 bêtes bovines, 40700000 moutons et, en 1876,
28600000 bétes bovines et 54000000 de moutons, au con-
traire, dans l'Europe occidentale , le mouvement est inverse et
l'on se plaint de ce que j'ai déjà mentionné sous le nom de la
dépécoration. Or les steppes, qui s'étendent au sud-est de la Russie
d'Europe et surtout de la Russie d'Asie, sont habitées par une
population bovine nombreuse et semi-libre ; ces steppes consti-
tuent donc une source de matière bovine, de matière alimentaire,
qui semble intarissable et toujours prête à se déverser de l'est à
Touest sur l'Europe ; c'est ce qui arrive en effet, mais ces steppes
sont habitées aussi par une maladie qui y est endémique sur le
bétail, le typhus bovin; là, les bœufs, comme tous les animaux
pour qui une maladie est habituelle, y sont sans doute sujets,
mais elle est chez eux peu grave, tandis que, transportée en de-
hors de ses foyers sur une population bovine qui ne la connaît
pas, la même maladie donne une mortalité de 80, 90, 95 0/0.
Grâce à son voisinage immédiat des steppes, la Russie, malgré les
précautions qu'elle prend pour s'en prémunir, perd chaque année
de 2 000 à 4000 têtes de bétail par le fait de cette maladie. A l'est,
la peste bovine se répand jusque sur le plateau central de l'Asie,
Tcrs la Chine.
Dans l'état actuel de la science, il semble permis de rapprocher
de la peâte bovine, une maladie qui préoccupe beaucoup en ce
moment les vétérinaires d'Amérique, la fièvre du Texas. La peste
€st observée également dans Tlnde.
Histoire. Propagation. — Le transport, constant dans This-
toire,de la peste bovine à la suite du bétail des steppes peut servir
de type de propagation des maladies contagieuses et montre,
une fois de plus, l'étroite solidarité de l'homme et des animaux.
A l'époque des invasions des Huns, la peste bovine vint, en
effet, avec eux, du fond des steppes. Quamvis sani, dit un contcoL-
OtOG. UÈD, ^^
450 MILIEU INTÉRIEUR.
porain, boves odore morhidorttm afflante pereunt. Un peu plos
tard, un contemporain la signale comme venue de Hongrie, d'il-
lyrie; en 570^ Marius, évèque d'Âvranches, parle d*un mal qvi
fit périr presque toutes les bètes à cornes en France et en Italie.
Plus tard, les guerres de Charlemagne avec des armées voisines
des steppes, la ramenèrent en 809, en 850, en 870, en 878;
dans les années 940-941-942, presque tous les bœurs d'Alle-
magne, d'Italie et de France périrent. Au xiu* siècle, les moun-
ments des hordes mongoles, qui, sous Gengiskan, s'ébranlèrent
jusque dans l'Europe méridionale, ramenèrent encore une fois le
typhus bovin. En 1710, guerre de Charles XII contre la Russie,
grande épidémie, qui se répand sur la Pologne, la Bessarabie, li
Hongrie, la Moldavie, l'Italie, l'Allemagne, la France. En <7M,
la peste traverse le détroit et passe en Angleterre, après avoir en-
levé 100000 bêtes en Silésie, 70000 à Naples, 300000 aux Pays-
Bas, près de 1500 000 dstns TEurope entière. En 4740, nouvelle
invasion, qui coïncide avec la conquête de la Silésie par Frédéric.
De 1735 à 1770, elle ne cesse de sévir sur l'Europe, à laquelle
elle enlève plus de 3000000 de bétes; la Hollande seule perd
300000 bètcs en un an, la France 500000, le Danemark 180000
en quatre ans. Pendant la guerre de Sept ans, la peste bovine est
continuelle. De 1792 à 1815, époque de guerres perpétuelles,
peste perpétuelle ! En 1 827, guerre de la Russie et de la Turquie ;
peste bovine! En 1831, guerre de la Russie contre la Pologne ;
peste bovine! En 18V8, la Russie vient au secours de rAutriche
dans sa lutte contre la Hongrie; peste bovine!
Ce qui s'était produit de tout temps, se produisit donc en 1870:
l'armée prussienne avait derrière elle des bœufs des steppes atteints
de la peste; nous cilmcs la malechance de lui prendre un peudeoe
dangereux butin et la maladie se propagea chez nous, jnsqa^aa
fond de la Bretagne. Notre agriculture perdit, cette année-là,
plus de 100000 tètes de bétail. En résumé, toutes les fois qu'une
invasion vient de l'Europe orientale, ou seulement qu'une lutte
s'engage entre Toccident et l'orient de l'Europe, comme rarmée
de l'Europe orientale traîne toujours à sa suite le bœuf des
steppes, elle amène infailliblement la peste bovine, qui se propage.
Mais la guerre n'est pas toujours la pourvoyeuse de la pote
bovine ; le commerce, quand il se fait avec les steppes, arrive ab-
solument au même résultat : ainsi^ en 1841 et en 1864, l'impor-
tation en Egypte de bestiaux d'origine sud-européenne a r^MUMiB
PESTE BOVINE. 452
la peste; en 1862, des bœufs de Dalmatie amènent la peste
boYÎne à Naples et en Sicile; en 1865, un troupeau de bœufs
des steppes est embarqué à Reye\, port de l'Estbonie, sur la Bal-
tique, à destination d'Angleterre; il y amène la peste bovine et
' on est forcé de jeter deux bêtes à la mer pendant la traversée.
La maladie est alors, il faut le reconnaître, absolument mécon-
nue, et, faute de prendre les mesures nécessaires, on perd, en
Angleterre, 350000 tètes de bétail. L'Irlande seule comprit: elle
ferma ses ports et fut épargnée. Enfin le Parlement, un peu
tard, se décide à édicter les mesures nécessaires; il ordonne
Tabatage de tout animal suspect et Tépizootie cesse sur V ordre
du Parlement!
Douze tètes de bétail vinrent, pendant ce temps, d'Angleterre
en Allemagne, et Tépizootie fit eu Hollande 150 000 victimes;
encore sur Tordre du Parlement, Tépizootie s'arrêta.
En France, nous étions sur nos gardes, bien décidés à empê-
cher la maladie de passer. Nous perdîmes 43 têtes, grâce, on peut
le dire, au professeur Bouley, dont Ténergie sauva des sommes
incalculables !
Récemment encore la peste bovine régnait en Pologne, dans
quelques localités d'Autriche, mais le mal était circonscrit.
mature. Analoj(les. — Quelle est cette maladie? A quel titre
inststé-jc sur elle? C'est que ses lésions anatomiques sont iden-
tiques à celles de la fièvre typhoïde de l'homme; on trouve, sur
les animaux, la lésion caractéristique des glandes de Peyer. Au
point de vue anatomique, il semble donc que le typhus bovin soit
Tanalogue de notre fièvre typhoïde, et cependant, alors que le
cheval, le porc présentent, en même temps que nos épidémies de
fièvre typhoïde, des épizoolies de mal rouge ou de ftèvre typhoïde,
on ne voit point la fièvre typhoïde de Thomme ni le mal rouge du
porc marcher parallèlement avec le typhus bovin !
CoBtaffion. Analyse patholofl^lqoe des races. — Le
typhus bovin présente, en outre, quelque chose de très curieux
et de très important pour nous : c'est son mode de contagion.
Dans le genre Bos, il est extrêmement contagieux, mais la
contagion peut s'étendre plus loin, ainsi qu'on le vit, en 1865, au
Jardin d'acclimatation : deux gazelles lui furent alors expédiées
d'Angleterre dans un wagon qui avait transporté des bœufs at-
teints .de typhus; ces deux gazelles arrivèrent. au Jardin conta-
minées et communiquèrent la maladie à une anliVopey^^e^ ^^\V%^
452 MILIEU INTÉRIEUR.
à des yacks, à des aurochs, à des zèbres» à des moutons, à des chè-
vres ; on put alors constater que, chez tous ces animaux, la maladie
était déjà moins grave que chez le bœuf, qui avait servi de point
de départ. Ainsi, tandis que chez le bœuf laguérison n^a lieu que
7 à 8 fois sur 0/0, elle a lieu 30 à 39 fois sur 0/0 chez le mouton et
chez la chèvre ; enfin, on a constaté que le ferment de cette ma-
ladie reconnaissait, parait-il, comme nous le faisons nous-mêmes,
nous naturalistes, un certain caractère commun à ce que nous nom-
mons les ruminants, puisqu'il ne se communique qu'à eux seuls.
11 y eut cependant une exception : il y eut un animal, au Jardin
d'acclimatation, qui prit le typhus, quoique n*appartenant pas aux
ruminants, c'est le j^tcari. Or, il se trouve précisément que le pé-
cariy qui n'appartient pas aux ruminants, possède précisément un
estomac à compartiments, comme celui des ruminants; il pré-
sente, sous ce rapport anatomique, une afCnité avec eux. L'ana-
lyse faite par le parasite est donc ici bien exacte et bien fine, et
il faut croire qu'il lui trouve quelque chose comme une saveur de
ruminant due à un état chimique de ses humeurs, comme nous
reconnaissons nous-mêmes que sa conformation en fait presque
un ruminant!
En dehors des ruminants la contagion peut-elle s exercer? Quel-
ques faits pourraient faire penser à l'homme ; mais ces faits
sont bien peu nombreux relativement au grand nombre d'occa-
sions de contagion qui se sont présentées. On parle cependant
en 1870, en Bretagne, de 204 mobiles, qui furent occupés pen-
dant vingt jours à enfouir des bœufs morts du typhus; on dit bien
que sur ces 204 hommes G moururent de fièvre typhoïde, que 12
restèrent malades à L^inderneau et que plusieurs ont eu, plus
tard, la fièvre typhoïde. Hancok, vétérinaire anglais, aurait, en
outre, à la Société pathologique de Londres, pu montrer, sur sa
propre main, une éruption spéciale et produite par l'inoculation
de la peste bovine; on cite enfin un autre vétérinaire anglais, qui
serait mort après avoir fait l'autopsie d'une vache atteinte delà
peste. Le IV Costello a rapproché de la peste bovine qui régnait
dans le Pcnjab, en 1875, une épidémie de pneumonie foudroyante,
infectieuse, contagieuse et mortelle, qu'il a observée concurrem-
iiiciit sur les hommes d'un régiment d'infanterie, à Abbotabad.
Inocnlatlon. — Comme toutes les maladies contagieuses, la
peste bovine est inoculable au moins aux ruminants, et Camper
nous apprend qu'on avait songé, dès le siècle dernier, à rinociiia-
CHARBON. 453
lion préventive. 11 montre même que cette méthode d'inoculation
a été pratiquée avec succès dans le duché de Brunswick en 17 46, en
Hollande en 1755, à Londres en 1757, enfin par lui-même à Gro-
ning en i7G9. La maladie inoculée guérit dans la moitié des
cas, tandis que la maladie non inoculée donne 2 cas sur 7 de
guérison.
Abaïa^e. — La méthode de Pabatage immédiat fait perdre
moins de bétail et est plus efficace.
Le microbe. — Harris et Stiles ont observé et étudié attenti-
vement cette maladie dans le Texas. Les auteurs ont trouvé, dans
le sang et dans la bile des animaux atteints de peste, des éléments
spéciaux (ferments), qu'ils considèrent comme Torigine du
mal. Hallier a étudié et cultivé ces éléments; il a de plus suivi
lui-même une épidémie de peste bovine, qui s*était développée sur
une vaste échelle à Landau. Il a obtenu, à la suite d'essais nom-
breux de culture, des formes de champignons auxquelles il a
donné le nom de Pilobolus et Lorduria, Klebsl a décrit un Micm-
coccus spécial, Pestis bovinw,
Albrecht décrit une maladie dont les caractères se rapprochent
de la peste bovine. Les animaux atteints avaient été nourris avec
de la balle d'avoine mêlée de spores de Tilletia, de Puccinia et
de Pleospora, Les fillesde ferme qui avaient distribué ce fourrage
furent elles-mêmes atteintes d'éruptions pustuleuses aux mains,
aux bras et aux pieds.
§ 9. CUARBON.
Pour une autre maladie inoculable, le charbon, les symptômes
ne sont pas non plus les mêmes chez toutes les espèces. Ainsi, chez
le lapin, les symptômes apparaissent tardivement; deux l..:ures
avant la mort, on constate de l'inquiétude, de Texcitation ; le
nombre des respirations s'élève à 100. 11 y a de la somnolence,
du coma, quelques convulsions.
Chez le mouton, les symptômes sont plus accentués que chez le
lapin; sa température est déjà augmentée de -j- 1° à +2*», qu'il
est encore fort bien portant en apparence ; puis tout à coup en 15
à 20 minutes, le sang de rate éclate; Tanimal tombe; il a de
rhématurie, des convulsions, du tétanos. Toussaint attribue ces
symptômes à Tanémie des centres nerveux, dont les vaisseaux
sont bouchés par des amas de bactéridies.
454 MILIEU INTÉRIEUR.
Chez le cheval, les troubles cardiaques ainsi que les coliques do-
minent. Un symptôme commun à toutes les espèces, c'est Télé-
vation considérable de la température. Le charbon n'atteint pas
également toutes les races de bétail.
§ iO. GRIPPE IKFLUENZA.
Les chevaux sont, comme Thomme, susceptibles d'être atteints
par la grippe ou influenza. Elle sévit chez eux avec les mêmes
symptômes que chez nous, avec complication cependant, 9 fois
sur 10, d'une ophthalmie interne concomitante.
§ 11. TUBERCULOSE.
Tandis que la tuberculose suit, chez la bête bovine, une marche
lente, elle prend, chez le porc, une forme qui rappelle la forme
galopante de l'homme.
S 12. PARTICULARITES SYMPTOMATIQUES DE QUELQUES RACES.
Chez les ruminants^ la plupart des maladies restent plus long-
temps localisées (R511) que chez les chevaux et chez le chien, à
cause de la moindre irritabilité de leur système nerveux ; peu
d'affections suivent, chez eux, une marche rapide (RÔll). Les
avides ont une grande tendance aux affections cachectiques, aux
maladies chroniques de la peau et aux parasites internes (Roll);
dans Tcspèce caprine, on remarque, au contraire, une grande
fréquence des complications nerveuses. D'après Roll encore, la
tendance aux affections nerveuses est plus grande chez ce qu'il
appelle les races nobles (?) (lisez : dégénérées). Parmi les chevaux,
le hongrois est, dit-on, plus disposé au farcin; V allemand au t^er^
tige; Vanglais aux coliques, La suppuration est rare chez les
oiseaux.
RACES NOIRES. — DISTRIBUTION OfiOORAPHIQUK. 455
CHAPITRE II
PATHOLOGIE COMPARÉE DES RAGES HUMAINES.
I. RACES NOIRES.
§ 1. DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE.
On croit avoir séparé les races humaines en trois types bien
tranchés, lorsqu'on a fait la division en races noire Jaune, blanche.
Mais on ne tarde pas à s*apercevoir qu'il y a, en réalité^ plusieurs
races noires, distinctes par l'habitat, par Tanatomie, bien qu'au
fond rapprochées par bon nombre de caractères pathologiques. Je
donne à la page suivante un tableau des races noires.
Il n'est pas question ici de nègres d'Amérique, puisque, sauf
quelques tribus marrones des bords de TOrénoquc, le nègre n'est
pas là à l'état naturel et qu'il y a été importé. L'observation du
nègre, en Amérique, nous a, il est vrai, beaucoup appris, mais
sur le nègre africain seulement, et encore sur le nègre africain
moyen, les nègres venant de tous les points de l'Afrique.
Je dis le nègre africain moyen, car, même en Afrique, on trouve
encore de notables différences d'une population noire à une autre
plus ou moins voisine, et Broca a pu écrire : a C'est à tort qu'on
« a cru pendant longtemps à l'existence d'une race éthiopienne,
c car il y a, en Ethiopie, des races nombreuses, qui diffèrent plus
« entre elles que ne diffèrent les races caucasiques. »
E.a chmiear et la eoalear noire. — Le pays par excel-
lence de toutes les races nègres ce sont les régions tropicales;
cela tient à beaucoup de raisons : d'abord à ce que, physiolo-
giquement, les races noires peuvent résister à la chaleur et cela
en raison même de la couleur de leur peau; le noir, en effet,
absorbe, il est vrai, la chaleur, mais il l'émet en même temps.
Piètrement a fait ressortir, judicieusement, que les anciens Egyp-
tiens recherchaient, comme plus propres au travail, sous leur
climat chaud, les tHBufs à robe noire. Aussi, la présence d'un
escarbot ou tache de pigment noir sur la muqueuse buccale ren-
dait ranimai sacré; Tescarbot était un des attributs du bœuf Apis.
456 PATHOLOOIB COMPARÉE DBS RACB8 HU1IA15B8.
Sègres vrais.
I Afrique.
Sahara Tibous.
IYoloffs.
Sérèrea.
Maodingues.
Bambaras.
Côtedu Poivre. I^**^"I^-
Côte d'Or jAMinieos.
( Ashaotis.
Côte des Es-
claves DahomicDs.
GaboQ Pahouini.
i Nègres Loango.
— du Congo.
— d'Augola.
» deBenguela.
SoadtD ou Ni- ( N*«'*« f " ?»'^T
gritie supé-
rieure
ce
s
u
Nigritie infé-
rieure
— du Ouadal.
— duBaghinni.
— du Darfour.
Niam-Niam.
Tribus du Loualaba.
— duTaogauiJta
Cafrt$.
Hottentots.
SégriUcs. . . .
\
Loango Babonkot.
Offovw \^T^-
r Akoas.
Nigritie supé-
rieure Akkas.
I( Corumbas.
Mundan Dekkao | Khotas.
>( Poulleyers.
Negrito!^ ...A ConUnenUux. . Siamangs.
( Insulaires Andamans.
Maiaisis . Negritos, . . . Luçon ACtas.
... . ( Papous,
< Australtetis .
lE .... ^ T(isffianiens .
CARACTÈRES ANATOMIQUES DU NÈGRB. 457
Le saYant vétérinaire, que je viens de citer, en tire cette consé-
quence, que, voulant avoir des animaux noirs, les anciens Egyp-
tiens savaient déjà qu'avec un reproducteur den'importe quelle
couleur, mais muni d'un escarbot, un éleveur intelligent peut
obtenir, en peu de temps et par sélection, des bètes bovines à
robe noire. En second lieu, nous verrons plus loin que, seules, le»
races humaines noires peuvent, par suite de certaines immunités
pathologiques, vivre dans certaines régions chaudes.
Maintenant que nous connaissons Textension géographique des
races noires, étudions leurs caractères organiques généraux.
Avant de rechercher les différences de tissu, d'essence, de mi-
lieu intérieur, d'où dépendent les aptitudes et les immunités que
nous allons rencontrer, il n'est pas inutile de rappeler^ en deux
mots, les grosses particularités anatomiques du nègre : cela nous
habituera à considérer L'analyse pathologique comme un élément
du même ordre que l'analyse anatomiquc.
§ 2. CARACTÈRES ANATOMIQUES DU NÈGRE.
GrAne et a^aelette en f^énéral. — Le crâne du nègre
diffère de celui du blanc; il est plus allongé, moins large;
il est dolichocéphale ; il y a cependant à cela des exceptions :
les nègres brachycéphales et petits de taille de l'Afrique, lesiVe-
grilles (Hamy), dont la taille varie entre i",35 et <",40, et les
Négritos, qui sont, eux aussi, brachycéphales et de plus petite
taille encore. La capacité du crâne noir est faible.
Le noir est platyrhinicn, autrement dit, l'ouverture des fosses
nasales est plus large par rapport à sa hauteur que chez le blanc.
11 est prognathe. Les dents sont saillantes et obliques; notons
leur blancheur et aussi leur bon état de conservation.
Le reste du squelette présente également des différences : les
proportions de ses membres ne sont pas les mêmes que chez le
blanc. La conformation du bassin diffère. On dit enûn, mais le
fait est à vérifier, que les os contiennent plus de phosphate de
chaux, qu'ils sont plus blancs que ceux du blanc. On explique
même ainsi la moins grande fréquence àurachiiisme et du ramol-
lissement des os chez le nègre.
Pean. — La peau, dans les races noires, présente des teintes
variées, depuis le noir d'ébène(Yolofls) jusqu'au jaune (Hottentots),
Du reste, nous ne voyons jamais, en Europe, la couleur u«X>w^V\fc
458 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RAGES HUMAIMES.
du oègre ; au sojet de sa coloration de la peau, je dois même insister
ici sur le parti théorique qu'on a voulu tirer de ce fait, qu'elle pâlis-
sait en Europe : on a voulu donner une valeur considérable à ce
phénomène de décoloration ; le fait est exact, mais Texplication
qu'on en a donnée est fausse. Si le nègre blanchit en Europe,
a-t-on dit, c'est pour s'accommoder au climat, et, par conséquent,
s'il a noirci en Afrique, c'était pour s*accommoder au milieu : on
saisit d'ici la manœuvre monogéniste! Quelque convaincu que
je sois de la puissance du milieu, j'avoue que cette explication,
faite uniquement pour les besoins de la cause monc^niste, ne
me satisfait pas. Le nègre blanchit en Europe, parce qu'il y est
mal portant. Broca a pu, à l'hôpital, en suivant les phases de la
maladie de poitrine d'une négresse, voir sa teinte décroître pro-
gressivement. C'est par suite d'un même raisonnement qu'on a dit
que les négrillons naissaient blancs et que ce n'était que lorsqu^on
les exposait à la lumière, qu'ils commençaient à noircir. La vérité
est, et le D' Thaly a fourni cette très juste explication, que les né-
grillons asphyxient dans la case étroite où la fumée, les matrones
et les porteurs de grigris les étouffent et que lorsqu'on les sort
de ce milieu, ils respirent mieux et par conséquent se colorent.
Cheveux. — Tous les nègres ont les cheveux noirs et crépus,
sauf les Mundas et les Australiens, qui ont les cheveux noirs et
lisses.
Haselea. — Sur un squelette différent, à certains égards, s^in-
sèrent des muscles, qui sont eux-mêmes différents de ceux du blanc.
Qu'il me suffise de rappeler certaines différences dans l'insertion du
muscle sterno'cléido'fnastoidien , dans un muscle moteur de la
langue, le styloglosse; on a même rattaché à un moindre déve-
loppement de ce muscle la difficulté qu'ont les nègres de prononcer
la lettre R. Les muscles de la face, au lieu d'être distincts et sé-
parés nettement, comme chez le blanc, semblent fusionnés en un
seul ; de là la physionomie à la fois mobile et effacée du nègre.
Plusieurs autres muscles, le grand dorsal, le grand droit de l'ab-
domen, \e petit psoas^ présentent des dispositions qu'on rencontre
chez le singe et qu'on ne rencontre jamais ou rarement chez
le blanc.
Des muscles plus puissants que ceux du blanc meuvent les
mâchoires. Cela peut expliquer, par suite de l'augmentation de
la force sur la résistance, la fréquence plus grande chez le nègre
de la luxation du maxillaire inférieur.
GARACTÈRBS PHYSIOLOGIQUES DU NÈQRE. 459
IX* — Je n'insiste pas sur la conformation du larynx,
qui rappelle en abrégé celle des sacs laryngiens du singe.
ExoBiphale. — Il est, cependant, un fait normal plutôt que
pathologique, que je veux mentionner ici, c^est non pas la fré-
quence, mais la constance de Vexomphale, c'est-à-dire de la hernie
ombilicale, chez le négrillon, et cela, quels que soient les pro-
cédés de section, de ligature ou de pansement du cordon, qu'on
emploie au moment de la naissance. Le D*" Corre pense qu'une
dissection attentive conduirait sans doute à reconnaître chez le
noir un moindre développement des fîbres musculaires lisses
signalées par Richet autour de Tombilic.
§ 3. CARACTÈRES PHYSIOLOGIQUES.
SaBff. Aetion thérapeatl^ue. — Les analyses compara-
tives du sang du nègre nous manquent encore ; les médecins
de la marine s'accordent toutefois à reconnaître que ce sang est
plus épais, plus noir, qu'il ne jaillit pas, sous la lancette, comme
celui du blanc. Ils ajoutent, fait important, qu'il se coagule plus
rapidement dans le vase où il est versé. 11 présente, en un mot,
une plus grande plasticité.
Cela permet au nègre de supporter plus facilement que nous les
grandes pertes de sang, notamment les saignées faites par le mé-
decin. Cette grande plasticité du sang du nègre lui permet de sup-
porter, beaucoup mieux que le blanc, un médicament, qui précisé-
ment diminue cette plasticité, le mercure. Les globules sanguins,
comparés à ceux des autres races, paraissent plus adhérents entre
eux, mieux empilés.
Le pouls du nègre est, normalement, plus lent que celui du
blanc ; il ne faudrait donc pas s'attendre à voir la fièvre élever,
chez lui, les pulsations autant que chez le blanc.
Les D" Corre et Levacher, qui ont eu l'occasion de soigner
un grand nombre de nègres, s'accordent à dire que, bien qu'on
rencontre dans la race nègre, comme dans la race blanche, tou-
tes les variétés de tempéraments, le tempérament sanguin semble
dominer ; le tempérament nerveux de notre race blanche n'existe
pas ; le tempérament lymphatico-sanguin me semble, en somme,
le plus fréquent.
C'est aussi, probablement, à son tempérament sanguin, peu
disposé à la syncope et à la faiblesse nerveuse, qu'est due la.
460 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RAGES HUMAINES.
particularité qu*il présente de supporter des doses de tartre 8tibi(^
beaucoup plus considérables que le blanc.
Sensibilité. — Une certaine obtusion de la sensibilité périphé-
rique existechezlenègre; cette o&^tx?toM, due à Tabsencede finesse
dans letoucher, s'accorde avec une disposition anatomique particu-
lière au nègre, Taplatissemcnt des coussinets tactiles. Or la sensibi-
lité périphérique est un des modes par lequel nous communiquons
le mieux avec le monde extérieur : la sensibilité périphérique éveille
Pidéation, car a ni7i*7 est in intellectu quod prius non fucrit in
sensu ». Il y a donc là une raison anatomique, fondamentale à
rinfériorité intellectuelle de la plupart des nègres. A Tappui de
cette diminution de sensibilité, Livingstone a remarqué que les
nègres supportaient volontiers , sans sourciller, les opérations les
plus douloureuses ; or le silence n'est pas seulement une question
de courage et, d'ailleurs, la sensibilité plus ou moins marquée
en a bien sa part dans ce qu'on prend bien souvent pour du
courage. Le D' Mondière rapporte qu'il a vu une négresse suppor-
ter, sans broncher, l'amputation de la moitié du maxillaire infé-
rieur! Dès que l'opération fut terminée, avant le pansement,
elle entonna un cantique d'actions de grâces.
Action réflexe. — Cette fièvre réflexe, qui s'allume à la suite
des grandes plaies, et qui se nomme laficvretraumatiqucy fait presque
complètement défaut chez les nègres; aussi obtient -on chez eux des
succès chirurgicaux qu'on n'obtiendrait pas chez le blanc, même
dans les pays chauds, aux Antilles par exemple. Une des opérations
les plus graves chez le blanc, làdt^sarticulation du genou, a été pra-
tiquée deux fois, chez le nègre, par M. le D' Brassac, et deux fois
avec le plus grand succès. Les plaies d'armes ù feu guérissent aussi
merveilleusement bien. 11 en est de môme des incisions : on voit
des Yolotfs s'ouvrir le ventre avec un couteau, pour essayer la vertu
du grigri qui vient de leur être donné par le marabout, puis rentrer
paisiblement leur intestin prêt à s'échapper par la plaie et guérir
sans péritonite et surtout sans cet état nerveux, dépressif et parti-
culier, qui domine dans la péritonite et que Gubler a nommé le
péritonisme. Gela nous montre le peu d'intensité de faction ré-
flexe chez le nègre.
En voici une autre preuve dans un autre ordre d'idées :
le D' Lichtenstein, qui a séjourné longtemps chez les Cafres,
dit qu'il ne les a jamais vus ni étemuer ni bdiller ; or ce petit
fait, s'il était conGrméj aurait son importance : on ne voit jamais
CARACTÈRES PHYSIOLOGIQUES DU NÈGRE. 461
un blanc très malade éternuer, car il faut, pour que la synergie
réflexe qui constitue réternuement s'accomplisse, qu'il existe une
grande finesse dans le réflexe ; aussi lorsqu'à la fin d'une maladie
grave on voit le malade éternuer ou bâiller, cela est-il bon signe.
Eh bien, les affections internes du nègre trouvent, comme les
passions morales, son organisme difficile à ébranler, à mettre en
réflexe.
La pneumonie, par exemple très fréquente chez le nègre, pré-
sente chez lui une marche insidieuse particulière : il a à peine
de la fièvre, à peine d'oppression ; la maladie semble locale et
l'organisme ne semble pas y participer, parce qu'il manque ce con-
sensus, je dirais volontiers cette unité réflexe^ qui existe dans d'au-
tres races et cependant le malade meurt inopinément» sans que
son organisme ait eu, pour ainsi dire, la force de sonner l'alarme.
Ce n'est pas uniquement dans certaines races humaines qu'on
voit des organismes aussi difficiles à ébranler et qui supportent
impunément les grands traumatismes : le chien est dans le même
cas ; tous les grands chasseurs savent avec quelle impunité le chien
courant peut être éventré par un sanglier, sous la simple condi-
tion qu'un valet de chiens, ait, tant bien que mal, rentré les
boyaux. — La chèvre, le mouton et le lapin sont, au contraire, très
impressionnables et meurent facilement.
Aleoolisme. — Cette diminution de Texcitabilité nerveuse fait
que le nègre est moins sensible que le blanc à TefTet de Valcool, Sans
doute l'alcoolisme (ce qu'on nomme l'eau-de-vie de traite, le tafia
et autres aidant) s'observe chez les noirs ; mais le nègre, au dire
de tous les marins, supporte des doses d'alcool beaucoup plus
considérables que le blanc et il en use fortement le matin, ce qui
s'appelle, au Sénégal, mata-bicho (mot à mot, tuer le re?'). Sous
ce rapport, les blancs différent peu des noirs !
Le D^ Levacher constate également chez le nègre le peu d'in-
tensité de Wiction nerveuse. Ses muscles énormes ne sont pas ani-
més par autant de force que ceux du blanc.
Sapparatlon. — Le nègre présente une grande tendance à
suppurer; un chirurgien lui coupera la cuisse^ sans qu'il ait pour
ainsi dire de ûèvre, mais la piqûre d'un moustique sera pour lui
l'occasion d'une petite suppuration, d'une petite plaie, qui ne se
guériront que lentement. Au contraire, sur la rive droite du
Sénégal, chez les Maures, où domine l'élément sémite, le D' Thaly
a constaté que les plaies guérissaient sans sui^wiet.
46S PATHOLOGIE COMPARÉE DBS RACES HUMAIHES.
Cieatrisation. Chéloldes. — 11 présente une grande ten-
dance à l'organisation et au développement du lissu cicatriciel ;
on donne à ces cicatrices fibreuses le nom de chéloides, à cause
de leur ressemblance avec les tumeurs chêloidesy qui elles-mêmes
doivent leur nom à ce que, bourrelets saillants, étoiles^ elles res-
semblent à un crabe à pattes d*ccrevisse (xsXt), pince d'écrevisse,
tî^oç, apparence).
Les coups de fouet qu'on distribuait, au temps de Tesclavage,
souscrivaient sous forme de cicatrices de ce genre en traits sail-
lants; les ventouses, les scarifications médicales et même les coups
de couteau en font autant. Prenant la chose du bon côté, le nègre
en a même fait un objet d'ornement : le signe distinctif de chaque
tribu nègre consiste dans la présence, sur les tempes, les joues
ou les épaules, d*un certain nombre de lignes cicatricielles, sail-
lantes, dont la vue ne laisse méconnaître à aucun initié le nom
de la tribu à laquelle appartient celui qui les porte. Cette dispo-
sition à faire du tissu cellulaire induré nous la retrouvons dans la
pathologie nègre : les fibromes de l'oreille ne sont pas rares chez
les négresses, dont les oreilles sont chargées de lourds pendants
et nous verrons que le développement du tissu cellulaire ou hy-
perplasie fibreuse du foie et de la rate n'est pas rare non plus. Le
D' Sinéty donne lui-même le fibrome ulirin comme plus fréquent
dans la race noire que dans la race blanche.
Cette disposition à faire du tissu cellulaire cicatrisé, induré,
normale dans les races noires, se voit parfois, par exception, dans
la race blanche; elle y est héréditaire.
Un travail analogue s'observe chez plusieurs végétaux : les
ormes, notamment, ne peuvent recevoir une plaie, sans faire une
cicatrice saillante, purement fibreuse, peu vasculaire.
Etat électrique. — D'après une opinion ancienne, les nègres
seraient moins souvent frappés par la foudre que les blancs;
cette opinion, qui mérite attention, est bien de nature, si
elle est fondée, à nous montrer toute la différence d'essence
entre les tissus des noirs et les tissus des blancs. H ne faut pas toute-
fois se dissimuler qu'il y a de nombreuses causes d'erreur dans l'ob-
servation des faits de ce genre ; cependant les nègres, travaillant
toujours dans les champs,sont plus exposés à être frappés de la fou-
dre que le blanc, qui fait la sieste dans son humac le résultat de-
vrait donc être contraire ; d'ailleurs il semble bien possible qu'en
vertu d'un état électrique encore inconnu, il y ait, dans une même
CARAGTÈRRS PATHOLOGIQUES DU NÈORE. 463
race, des essences personnelles, pour ainsi dire, qui attirent moins
que d'autres Télectricité atmosphérique. On voit certaines per-
sonnes être frappées, par la foudre, plusieurs fois dans leur vie,
comme en vertu d*un état particulier d'affinité de leurs tissus ;
dans les végétaux, ne sait-on pas que le noyer, par exemple, à
part son état d'isolement fréquent dans nos champs, à part son
volume souvent plus considérable que celui des autres arbres^ est
plus souvent frappé de la foudre que le peuplier et que le sapin,
qui, par leur forme, seraient pourtant plus aptes à jouer le rôle de
paratonnerres ? La couleur, à elle seule, a peut-être même une
influence qui se confond avec celle de Tétat électrique ou s'ajoute
à elle. Heusinger, qui admet, comme Boudin, que les nègres sont
moins souvent frappés de la foudre que les blancs, rapproche cette
immunité relative de ce fait que, dans les campagnes, il serait
d'observation que les animaux à poil noir sont moins souvent
frappés que ceux dont le pelage est clair et qu'enfin, chez les ani-
maux tachetés, ce sont les taches blanches qui sont le plus sou-
vent atteintes par le fluide.
§ 4. — CARACTÈRES PATHOLOGIOUES.
Hortalité faible dans les pays ehaads. — La mortalité des
nègres est inférieure dans les pays chauds à celle des blancs. Il
suffit, pour l'apprécier, de jeter les yeux sur le tableau compare de
la mortalité des nègres et des Anglais aux colonies, de 181 7-1 836,
sur i 000 :
AogUis. Nègres.
Guyane 84 40
Trinité 106 39
Tabago 152 34
Nouvelle-Grenade... 61 28
Saint- Vincent 51 36
Barbades 58 46
Sain le- Lucie 122 42
Dominique 137 35
Il semble probable qu'ils jouissent d'une grande longévité : aux
Etats-Unis, du moins, ce caractère est marqué, car on y compte
I centenaire sur 2448 esclaves noirs, tandis qu'en France on
fîompte 1 centenaire sur 240 000 blancs.
4»4 fiam&umz gompabés bës Bios iinuisKS.
la mortalité vam <f ailleon avec les aatsoas : à Caba. RaoïM
de la Sagra a constaté que ko noirs soccombeot duis la sais»
froide, 1^ blancs dans la saison cfaaade ; témoin le tabkaa m-
tant, sur 100 décès.
HiTer ±5.60 àT.iî
Friotemps... iS.SS i4 33
Eté iô.Si 23.98
Aotomne 23.12 24.25
■•rbMité dUaa les paj" «baMis. -* U en est de même de
la mf/rhidiU : dans Teipédition angtatse, chez les Asbantîs, les
blancs ont foorni, sor 100 hommes, 71 malades; les noirs, sur
100 hommes^ 55,5 malades. Voici à ce snjet la statistique amén-
caine :
BUnes. 5o«n.
Affections vermineuses 1 000 7S65
TéUnot — 4»0«
lUchitisme — 4739
InOuenza. - «795
Hydropisie — 2 001
Pneumonie -- 1515
Choléra - 1 055
Affections roiasmatiqaes — 958
Fièvre intermittente — 955
Affections du système nerveux — 718
Cancer — 634
(iouttc 638
Hépatite — 843
DiabMe — 829
Fièvre jaune — 190
Caneer.— Dés maintenant ce tableau nous renseigne au sujet
de ce quVm a nommé Fimmunité du nègre pour le cancer. On y
voit qu'aux Etat^-Unis, pour 1 000 décès de blancs par cancer, on
compte seulement 634 décès de noirs par la même cause; c'est déjà
une diflorence, mais son expression est fausse. Pour qui sait, eu
diet, avec quel lUiir les Américains savent reconnaître le sang noir
dans son mélange avec le sang blanc, il est évident qu'un très grand
nombre de mulâtres doivent figurer sur ce tableau, sous la rubri-
que noir s ^ opposés aux blancs. Le résultat des observations faites,
dans l'Afrique occidentale, sur des noirs purs, est tout différent:
CARACTÈRES PATHOLOGIQUES DU NÈORE. 4G5
au Sénégal, Girard et Huard disent n'avoir jamais observé de
cancer dans la race noire; le D** Chassaniol n'en a vu qu'un seul
cas, c'était un cancer du sein, chez une négresse. Le D^ Landry
(de Montréal) a vu également un seul cas de cancer dans la
race noire et c'était précisément chez une mulâtresse.
Le cancer est donc très rare chez le nègre et cette différence
entre une race humaine et les autres est d'autant plus remarqua-
ble, que le cancer est fréquent chez certains animaux, le cheval,
le chien, le chat.
Scrofole. — La scrofulejn'est pas rare chez le nègre, mais
elle est surtout cutanée, ce qui tient sans doute à l'activité dont
la peau est le siège chez lui et sous son climat. Les écrouclles
sont moins fréquentes qu*eQ Europe ; en revanche on y observe
une sorte de lupus, de scrofulide rongeante, spéciale, le roul^
fétin.
Arthricis. — L'arthritis n'est pas* rare, mais on voit celte
diathèse donner naissance au lumbago, à la jtleurodynie, plus
fréquemment qu'au rhumatisme articulaire, aigu, franc.
La goutte ne s'observe que rarement; il est vrai (|ue le régime
des nègres d'Afrique et celui des nègres transportés n'ont rien de
commun avec la table plantureuse des riches goutteux anglais,
par exemple; mais à Haïti, où il existe des nègres fort riches,
fort amis du lute et vivant fort bien, la goutte est également rare.
On cite les Ho vas de Madagascar comme souvent goutteux, mais
les Hovas sont des Malais.
Une manifestation diathésiquebien connue dans la race blanche,
où elle se caractérise par de petits boutons spéciaux, qui ont pour
siège les glandes sébacées et qui apparaissent à la face et dans le
dos, à deux époques de la vie, la puberté et la ménopause, Vann^
sébacé, ne se voit jamais chez le nègre, tandis que, d'après le
D' Rufz, eile apparaît déjà chez le mulâtre.
La calvitie est également moins fréquente chez les noirs que
chez les blancs.
La gravelle et la pierre sont inconnues chez les nègres et cela
non seulement en Afrique, mais même en Amérique. Dans ce
pays, on n'a jamais pratiqué la lithotritie sur un nègre : Livings-
tone a lui-même été frappé de cette immunité, dans les régions
les plus calcaires, où les eaux incrustent rapidement les vases et
les conduites d'eau. Le milieu histologique int&ieur du nègre
filtre donc les eaux autrement que le nôtre.
O&OGR. UéD. \^
466 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RACES HUMAINES.
Tètano*. — La Statistique américaine nous montre que, dansle
même milieu, pour i 000 blancs qui meurent du tétanos, il meurt
4906 noirs; je disais tout àTbeure que le chirurgien pouvait tout
oser dans la race noire; cela serait vrai, sans le tétanos, qm est la
grande complication chez le nègre et cela sous tous les climats.
Etant interne à Thôpital Beaujon, dans le service de Gubler, à
répoque du dernier choléra et chargé de la salle spéciale aux
cholériques, j'ai vu le tétanos survenir une seule fois comme
complication de cette dernière maladie, c'était chez un nègre !
Le tétanos paraît également assez fréquent chez le singe; le
D' Morice en a vu deux cas en Cochinchine, chez un macaque
et chez un bonnet chinois. Il est fréquent chez le chien, chez qui
nous avons pourtant noté, comme chez le nègre, une grande ré-
sistance aux traumatismes.
Trismaa des noaveaii-nés. — Une maladie, non pas spé-
ciale au nègre, mais plus fréquente chez lui que dans toute autre
race, qui se caractérise par la contracture des mâchoires chez les
jeunes enfants, le trismus des nouveau-néSy enlève, au Sénégal,
pendant la saison froide, les 2/3 des nouveau-nés.
Le tétanos des nouveau-nés est également fréquent chez les
agneaux.
Ophthalmle. — Une autre maladie fréquente, c'est TophUial-
mie ; cela tient à plusieurs causes : à la poussière ; car on dit dans
le Soudan, pour exprimer l'intensité de la poussière, qu'elle entre
dfins les œufs; cela tient aussi au soleil, à la malpropreté, enfin à
Texistence d'un vestige de membrane clignotante ou troisième pau-
pière qu'on trouve chez le nègre. Dans certaines tribus du Sénégal,
5 0/0 des noirs sont aveugles; on voit des bandes d'aveugles men-
diants. Les marabouts soignent les opbthalmies par des scarifica-
tions temporales, que les Sarracolais aiment beaucoup, parce que
la cicalrice devient un ornement.
La cataracte est très fréquente ; les nègres savent même l'opé-
rer : le D' Cbassaniol a vu un nègre opérer par abaissement la-
téral, avec une énorme épine de mimosa.
Dlphchérle. — La diphthérie est rare chez le nègre ; le croup
surtout est rare chez le négrillon.
Obésité. — Je disais tout à Theure que des différences sépa-
raient les races noires les unes des autres ; Vobésité en est un
exemple : rare chez le noir guinéen, elle est fréquente chez les
Cafres et chez les Zoulous ; le prédécesseur de rinfortunéCetivayo,
CABACTÈRBS PATHOLOGIQUES DU NÈGRE. 467
le roi Panda, était extrêmement obèse; nous verrons toutefois la
tendance à Tobésité encore bien plus développée dans d'autres
races.
Carie Jentmlre. -» La carie dentaire est rare dans les races
noires, et, sur les nombreuses tètes de noirs du musée Broca,
on aurait quelque peine à trouver des dents cariées.
De qnelqaes aatres earaetérea patholof^i^nea. — Par-
lerai-je de quelques autres particularités physiologiques ou pa-
thologiques? de l'extrême rareté de la constipation, chez le nègre,
quel que soit son régime alimentaire? de la rareté des varices,
et cela, même chez les femmes enceintes, même chez les vieux
travailleurs les plus surmenés? de la rareté du diabète? Il est
vrai que ce symptôme passe souvent inaperçu, faute d'être re-
cherché.
En revanche^ on note la fréquence des afifections du pancréas,
qui, diaprés le D' Chassaniol, serait plus grande que chez le blanc.
Il est vrai que les maladies du pancréas sont assez mal connues,
même chez nous.
Ainhaai. — Symptômes. — C'est en 1867 que le D' Da Silva
Lima observa pour la première fois cette maladie chez un nègre,
à Bahia, au Brésil. Sans cause appréciable, parfois à la suite d'une
piqûre ou d'un choc, le petit doigt d'un pied présente, dans la moitié
de sa circonférence, à sa base, dans le pli qui sépare la première
phalange de la plante, un sillon, sans ulcération, sans suintement,
sans changement de couleur; en même temps le doigt grossit,
is'arrondit ; au bout d'un certain temps, le sillon s'étant creusé
de plus en plus et le doigt ayant augmenté de plus en plus de
volume, en s'arrondissant, est devenu de la forme et du volume
d'une pomme de terre et ne pend plus que par un mince pédicule
de 4 à 5 millimètres. Cette sorte de grelot pendant s'accroche
alors à tous les objets et rend la marche douloureuse et impos-
sible. La maladie met un temps variable, de 1 an à 10 ans, à
atteindre son summum et à parvenir à l'état où l'amputation
du doigt devient inévitable. Le mot « amputation » est ici bien
gros, car il est aisé de sectionner ce mince pédicule, sans hé-
morrhagie.
Anatomie. -» Lorsqu'on examine alors ce doigt, on voit que
la peau qui le recouvre est dure, rugueuse, épaisse ; lorsqu'on la
coupe, on constate que cet épaississement se fait dans l'épiderme
plutôt que dans le derme ; Texamen» fait par ComV»mQTiV\^\i'^
468 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RACES HUMAINES.
tissu homogène, où toute trace de tendons, de vaisseaux, de nerfs
et parfois d'os a disparu ; des globules de graisse se sont substi-
tués, place pour place, aux éléments histologiques normaux ; la
partie a subi, en d'autres termes, la dégénérescence graisseuse,
dans le tissu cellulaire, comme dans le tissu cartilagineux, comme
dans le tissu osseux. Quant à Tanneau constricteur, il est formé
uniquement de tissu fibreux, sans mélange de fibres élastiques.
Aptitude spéciale des noirs, — Cette étrange maladie, qui,
d'ailleurs, n'altère pas la santé générale, n'a encore été observée
que chez des noirs. Le plus souvent il s'agit de noirs d'origine
africaine, comme au Brésil, plus souvent encore de nègres ha-
bitant encore la côte occidentale d'Afrique. Le D' Corre Ta vue
chez un nègre de Bourbon; on l'a vue chez lin Cafre; puis à
Pondichéry, sur des noirs Moundas. Enfin, elle a été vue aux îles
Gilbert sur un noir à cheveux plats, par le D' Cuyot, autrement
dit sur un métis de Papou et de Polynésien. L'ainhuma donc été
vu à peu près dans toutes les races noires; ce sont les noirs d'ail-
leurs qui ont créé le mot ainhum ou ainhoum, qu'ils traduisent»
lorsqu'ils veulent parler portupfais, par le mot freira, qui signifie
gerçure. Un cas unique, sinon d'ainhum, au moins d'une maladie
voisine, a été observé, en 1863, chez une blanche, par le D' Mi-
rault (d'Angers) : plusieurs doigts s'étranglèrent par un sillon fi-
breux, dans l'espace de quinze ans ; seulement, c'était à la main;
chez le noir, c'est presque toujours au pied. La main était cepen-
dant prise chez un Canaque : le mal s'observe presque toujours
au cinquième doigt; le D' Corre a vu le quatrième malade, mais
le cinquième se prenait. Bérenger-Féraud a vu tous les orteils
amputés ; le D' Guyot a même retrouvé des sillons constricteurs
jusque sur la jambe ou la cuisse. Enfin, il atteint presque uni-
quement le noir mâle ; deux négresses seulement ont été obser-
vées, l'une par le D' Paterson, l'autre par le D'Faria. 11 s'observe
presque uniquement chez les adultes. Le Canaque observé par le
D' Guyot était une exception; chez lui, la maladie était congéni-
tale; elle avait débuté in utero et avait évolué depuis. Les nègres
disent eux-mêmes que le maladie sévit à la côte d'AfHque et
qu'on la voit souvent atteindre les membres d'une même famille.
Nature, — Est-ce une manifestation de la lèpre et notamment
de lèpre amputante? Cette opinion est défendue par le D' Collas.
Plusieurs médecins brésiliens en font, eux aussi, l'analogue de ce
qu'on nomme la guigila ou ora/etra, sorte d'éléphantiasis des Grecs,
CARACTÈRES PATHOLOOIQUES DU KÈGRE. 469
avec contracture et déformation des doigts, production de tuber-
cules à la peau et d'une éruption particulière qu'on nomme le
pityriasis Mthiopium. Mais cette dernière maladie atteint égale-
ment les deux sexes; elle touche les mains aussi bien que les pieds ;
«lie s^accompagne d'anesthésic et d'atrophie musculaire. L'opi-
nion qui semble provisoirement la plus admissible, c'est celle du
D' Guimaraès, qui regarde la maladie comme produite, sous Tin-
fluence de troubles nerveux vaso-moteurs, par la contracture des
fibres lisses des vaisseaux. L'aînhum se trouverait ainsi voisin
de ce qu'on nomme syncope locale^ asphyxie locale, gangrène
<ies extrémités et, comme ces maladies, il aurait une origine
centrale. A ces causes se joint, en outre, cette tendance à faire
•du tissu fibreux qui est propre au nègre ; de sorte que l'anneau
fibreux lui-même, conséquence des troubles trophiques, devien-
drait cause à son tour; en effet, Moncorvo a arrêté la maladie
en sectionnant cet anneau. Le D' Corre pense que Tainhum est
^us rinfluence d'une lésion nerveuse trophique, ayant probable-
ment son origine en un territoire du système nerveux spinal : il
y a tout d'abord résorption des parties profondes, soit au ni-
veau d'une articulation, soit au niveau d'un point quelconque de
la continuité d'un os; — cette résorption appelle autour d'elle
comme une sorte de travail cicatriciel, qui aboutit à la formation
du sillon scléreux : les parties situées au-delà du sillon éprouvent
nécessairement des modifications dans leur nutrition ; le tissu
graisseux, qui s'accommode d'une nutrition languissante, béné-
ficie de l'amoindrissement des échanges, il tend à se développer
•davantage, tandis que les autres tissus, de vitalité plus grande,
s'atrophient peu à peu. Mais il n'y a pas, selon lui, dégénéres-
cence graisseuse, dans la rigoureuse acception du mot, bien
moins encore gangrène. Le D' Frontan ne croit pas la maladie
^spéciale au nègre : il se résume ainsi :
1<^ La prétendue entité morbide appelée aînhum n'existe pas,
en tant que maladie locale spéciale aux races colorées ;
2^ La même affection se rencontre aussi dans les races blan-
<;hes, où elle commence ordinairement dès l'époque congénitale.
On peut la rencontrer aussi à tout âge de la vie ;
3* Elle est caractérisée essentiellement par un sillon constric-
leur progressif, sans cause mécanique, pouvant aller jusqu'à l'am-
putation et amenant secondairement dans la partie étranglée
une dégénérescence graisseuse ; *
470 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RAGES HUMAINES.
À^ Cette maladie appartient vraisemblablement à la classe do
Iropho- névroses;
5® Son processus anatomique est celui de la sclérodermie et
elle mérite le nom de sclérodermie annulaire.
Ce processus semble très voisin de celui que déterminent les
amputations congénitales.
Maladie do sommeil. — Histoire. — La maladie du sommeil
est encore une maladie étrange et qui passe pour être propre au
nègre; elle a été signalée pour la première fois en 1819, sur le
littoral du golfe de Bénin, par Winlerbottorn, puis en 1840, par
le D' Klark, à Sierra Leone, depuis lors^ par un grand nombre
d'observateurs, au Congo, au Sénégal, en Egypte et même aux
Antilles, toujours sur des nègres. La maladie se nomme aussi
hypnosic (iNicolas), lalangolo (côte d'Afrique). On le nomme aussi
nHavnn, mot qui veut dire dormir en yoloff, et dadan, qui exprime
la môme idée en serère. Cependant, d'après plusieurs médecins,
le D' Nicolas notamment, le nélnvan serait une maladie différente.
Symptômes. — Trois grands symptômes dominent : céphalalgie
sus-orbilaire, chute progressive delà paupière supérieure, accès vé-
ritables de sommeil physiologique. Le nègre devient leât, pares-
seux; on le trouve souvent endormi, il maigrit, prend la diarrhée;
en môme temps les accès du sommeil augmentent, la langue reste
bonne, Tappélit est conservé, mais à peine le malade porte-t-il à
sa bouche ce qu*il veut manger, qu'il 8*endort; on voit au soleil,
devant lescases, des nègres endormis, que rien au monde ne ferait
lever.
Ils dorment; si on les secoue, ils vous regardent, mais leurs
paupières se ferment aussitôt et ils se montrent, vis-à-vis toutes
les excitations, d'une indifférence absolue. Leur ventre grossit,
leurs yeux s'injectent, ils maigrissent, la peau s'écaille, parfob
les jambes enflent un peu, des convulsions surrienncnt, ce serait
alors, d'après Nicolas, le nélavan, forme différente de Thypnosie.
La mort arrive infailliblement, en dormant, au bout de cinq ou
six mois, un an ; les voisins, les parents, dès le débat, savent à
quoi s'en tenir et les Yoloffs savent que lorsqu'un Yoisîn a le
nelavan, les Serères savent que lorsqu'on a le dadan, on finit
par jie plus se réveiller.
Étioloyie. Spécialité du nègre. — C'est généralement pendant
rhivernage, saison chaude el humide, chez les noirs mal nourris,
dans des conditions d'hygiène déplorables, surtout de 18-20 ans,
CARACTÈRES PATHOLOGIQUES DU NÈORB. 471
que se déclare la maladie; elle est commune au Sénégal, notam-
ment au bords de rio Nunez, de la Casamance, de la Gambie, à
Saint-Louis, à Corée, à Bakel, à Sierra-Leone, au Congo, sur la
côte de Bénin ; les noirs prétendent qu*elle a été apportée du
midi au nord. Mais elle ne se déclare pas que dans les conditions
insalubres de Tbivernage, et les navires qui faisaient jadis la
traite étaient habitués à voir un certain nombre de passagers
noirs s'endormir du nélavan, La moyenne de la mortalité par
somnolence est de 5/1200. On a vu la maladie se déclarer chez les
nègres depuis longtemps (7 ans) débarqués aux Antilles, mais
jamais chez ceux qui y étaient nés. En tout cas, on ne l'a jamais
observée que chez le nègre africain. Un seul cas a été vu par le
D' Ghassan iol sur un mulâtre.
Anatomic, — Dans un cas le D' Griffon, de Bellay, a noté à
l!!autopsie le ramollissement de la protubérance annulaire. Les
D'^L'Herminier et Gaigneron ont observe la même altération, mais
la chaleur était excessive; cela ne prouve donc rien. Le D' Corre a
trouvé une seule fois le cerveau induré et il a pensé à une for-
mation de tissu conjonctif cérébral, ù ce qu'on nomme la sdtrose
cérébrale, d'autant plus que les nègres ont, nous l'avons vu, une
grande tendance à cette formation scléreuse.
Le D' Cuérin a trouve une fois une infiltration séreuse des
méninges. On a trouvé de Peau dans les ventricules; de là le nom
de sleepy-dropsy (hydropisic somnolente), que les Anglais ont
donné à la maladie.
Dans tous les cas on a trouvé les vaisseaux de Tencéphale et les
sinus de la dure-mère gorgés de sang. Du reste c'est là une con-
dition même du sommeil naturel.
Nature. — On voit parfois la maladie sévir sur les membres
de la même famille et l opinion qu'elle est contagieuse est assez
répandue; elle passe môme pour héréditaire. On en a fait une
manifestation de la fièvre intermittente, mais on ne comprendrait
pas alors qu'elle se développât en dehors des foyers de malaria.
On en fait aussi une forme de scrofule cérébrale ; il est possible
que la scrofule joue là son rôle ; témoin les ganglions gonflés du
cou, ceux de Tabdomen, qui s'engorgent aussi. Le D' Corre voit
là quelque chose d'analogue à ce que Bazin nommait enccphah-
palhie scrofuleuse; il va môme jusqu'à dire que c'est la manière
da nègre, d'être phthisique chez lui.
Les nègres ont été frappés de ces ganglions du cou et, comme
47i PATUOLOQiB COUPARÉB DES RACES HUMAINES.
à rexcmple de plus d*un blanc, ils ne doutent pas que la Provi-
dence marque les maladies d'un signe, d'une signature, qui rap-
pelle leur cause, ils les attribuent à Timprudence qu'aurait faite
le malade, de manger une sorte de poulet à gros cou ou certains
poissons dont les ouïes sont gonûces.
Dans le môme ordre d'idées on a attribué la maladie à la récolte,
mais tout le monde serait alors malade et Ton ne comprendrait
pas que la maladie éclatât en mer ; aux Antilles, on Ta attribué aux
chagrins, à l'alcoolisme, à Tusagc du chanvre indien , au travail
cérébral (?) exi^é de quelques domestiques nègres.
Il n'était pas possible qu'une maladie aussi mystérieuse ne fût
pas classée parmi les maladies à microbes. C'est là une tendance
qui fut favorisée par h; fait suivant : le choléra des poules, maladie
infectieuse de la volaille^ étudiée par Pasteur, présente comme
symptôme \a. somnolence. Le D' Talmy a donc pense que la somno-
lence du nègre était due, elle aussi, à un ferment, à un microbe,
analogue à celui du choléra des poules ; on s'est alors souvenu
que les nègres attribuaient la maladie à l'usage de certains pou-
lets. Singulière coïncidence? J'ajoute que le D' Declat, d''après le
P. Bosch, missionnaire à Dakar, parle d'un cas de somnolence,
guéri par l'acide phénique, par la médication parasilicide. Ce sont
là des faits à voir. Le D*^ Nicolas ne repousse pas cette hypothèse,
mais il ne l'accepte que pour le ntf/aiym, maladie, selon lui^absolu-
ment difTérenle de Vhypnose, Cette dernière caractérisée unique-
ment par le sowTnei/ serait sporadique ; \c7ul(wan, au contraire * pa-
raît infectieux au premicrchef, dévastedes villagescntiers ; ailleurs,
les habitants fuient devant lui ; les malades sont partout un objet
d'effroi; de plus c'est une maladie essentiellement purulente;
l'engorgement ganglionnaire est habituel, et l'on dit que Tabla-
tion des ganglions suppures rétablit la santé d'une manière par-
fois délinitive. En outre, la somnolence, qui est assez habituelle,
lui donne un point de ressemblance de plus avec le choléra 'des
poules. Le nêlavan a toutes les allures d'une maladie parasitaire,
mais les symptômes qui lui sont assignés sous la forme épidémique
qa'il revêt sur le littoral nord de l'Afrique occidentale le distin-
guent, d'une manière essentielle, de la maladie du sommeil ou
somnoscy que j'ai décrite d'après les cas observés au Gabon, au
Congo et aux Antilles sur les uoirs importés.
11 existe aussi, chez le cheval, une maladie qui n^est pas sans
rapport avec la maladie du sommeil du nègre et sur laquelle des
CARACTÈRES PATHOLOGIQUES DU SÈORE. 478
études comparatives pourraient peut-être être faites avec quelque
utilité. C'est Vimmobilité, Elle «évit sur les chevaux de race com-
mune, de tempérament lymphatique; elle est occasionnée par
une mauvaise alimentation , par la ehaleur excessive, par une
écurie insalubre, chaude et humide; voilà bien des rapports avec
la maladie du sommeil : le cheval devient indifférent à tout ce qui
Tentoure, somnolent^ hébété; ses paupières sont à moitié fer-
mées; il mange maladroitement, plus souvent encore, il oublie
de manger, enfin il meurt avec des convulsions, parfois avec des
symptômes de vertige et à Tautopsie on trouve de Teau dans les
ventricules du cerveau.
^ Tobereolose. — La chaleur est, pour le nègre, un milieu ab-
solument nécessaire; aussi supporte-t- il avec une grande difficulté
le moindre abaissement de température. Dans le Fezzan, on ne
s^aborde qu'en se souhaitant o de ne pas prendre froid». Boudin^
en raison de ce fait, disait de la race noire, qu'elle était peu
pliable et incapable, comme la race blanche ou la race jaune, de
s'accommoder de tous les climats. Même dans la zone (orride, le
nègre en effet craint, à un haut degré, les refroidissements; même
chez lui, il succombe à des affections de poitrine. Sur la côte
de Sierra-Leone, tandis que, sur 1 000 décès survenant dans la
garnison anglaise^ 4,9 sont dus aux affections des voies respira-
toires, les mêmes maladies entrent, chez les nègres, sur le même
nombre de décès, pour 6,3. Au Sénégal, la phthisie est extrê-
mement fréquente chez le nègre; et il sufRt qu^on le déplace
dans son propre pays, pour que la fréquence de cette maladie
augmente encore. Les chiffres comparés entre la mortalité an-
(ilaise et la mortalité des nègres, par phthisie, dans les colonies
anglaises de la zone torride, sont caractéristiques ; témoin le ta-
bleau ci-contre.
Mortalité comparée des Anglais et des nègres par phthisie
pour 1 000 décès :
Anglais. Nègres.
Jamaïque 7,5 10,3
Dominique 8,3 16,8
Guyane 6,4 17,9
Ceylan 4,9 10,5
Gibraltar 5,3 43,0
474 PATHOLO01E COMPARÉE DES RACES HUMAIMES.
Souvent, à bord des navires, dans les parages de la côte d'Afri-
que, on prend des auxiliaires nègres, qui vivent et travaillent
dans les mêmes conditions que les matelots ; sitôt qu'on navigue
un peu vers le nord, on les voit tousser et devenir phthisiques.
Si on déplace le noir des zones chaudes, pour le conduire vers les
régions tempérées, les différences deviennent plus considérables
encore : ainsi, la mortalité des nègres par phthisie, à Gilbraltar,
est 43 pour \ 000 décès, au lieu de 5,3, chiffre des Anglais.
Partout où le nègre se trouve avec d'autres races, il est plus
disposé qu'elles à la phlhisic. C'est ce qui s'observe bien à Ceylan,
sur les troupes anglaises, où plusieurs races sont représentées :
là, sur 1 000 hommes, la mortalité phthisique s'exprime ainsi :
Indigènes 1,6
Malais 3,6
Anglais 4,1
Nègres 10,5
Au Pérou, où nous avons vu combien grande était la Tréquence
de la phthisie, elle ne sévit pas non plus avec égalité sur les
diverses races : les Indiens sont le moins frappés; les Européens
le sont un peu plus, mais plus encore le sont les Espagnols des-
cendants de la conquête, nés de vieilles familles héréditairement
abîmées par le climat et vivant dans la mollesse ; enfin les nè-
gres payent le plus lourd tribut ! Il en est de même au Brésil :
Sur 100 décès la phthisie tue dans ce pays :
Indiens 1 ,7
Métis blancs "I^qi;
— indiens ,.\ '
Blancs 34,3
Nègres 48,5
Elle est également très fréquente chez les Australiens.
La phthisie n'est pas rare non plus chez les animaux : les
races bovines montagnardes, transférées dans les plaines, devien-
nent souvent tuberculeuses. Mais de tous les animaux celui qui,
pour la facilité avec laquelle il succombe au catarrhe ou à la
phthisie, se rapproche le plus du nègre, c'est le singe. Tous les
singes qu on amène en Europe, sauf ceux qui, en petit nombre,
vivent à Gibraltar, deviennent phthisiques. Le singe devient
phthisique, même en liberté dans son pays; ainsi le naturaliste et
GABÂCTÈRES PÂTHOLOOIQUES BU NÈGRB. 415
vojageur Rengger afGrme qu'au Paraguay, le cebus azarée suc-
combe fréquemment au catarrhe et à la phtbisie pulmonaire. Si,
dans la succession des races, la noire, qui paraît être la plus
ancienne, est appelée à disparaître, comme cela est probable, elle
disparaîtra par la phtbisie.
Flévro palustre. — < Les nègres, en revanche, ont pu seuls
défricher des terrains, où l'Européen mourait, sitôt qu'il y avait
mis le pied. Aussi une foule de contrées d'Afrique, où prospèrent
des tribus nègres, sont-elles, à cause de Timpaludisme, inhabi-
tables pour l'Européen; et, si nous avons pu dire que la phtbisie
est ce qui modère et empêche même Textension des noirs dans
les zones tempérées^ nous pouvons dire maintenant que ce qui
empêche l'extension des blancs dans les pays chauds, c^est Timpa-
ludisme, et d'une manière générale cette sorte de trilogie formée
par la fièvre paludéenncy la dysenterie et VhépatUe, Est-ce à dire
que le nègre soit^ comme on l'a cru, à tort, absolument rcfrac-
taire à Timpaludisme ou à la fièvre intermittente? non assuré-
ment. Mais il est atteint beaucoup moins souvent que le blanc,
et lorsqu'il est atteint, la gravité de son mal est beaucoup moin-
dre. Témoin le tableau suivant :
Morlalilé comparée des nègres et des Anglais par fièvre paUidéenne
pour 1 000 :
Anglaif. Nègrei.
Jamaïque 101,9 8,3
Guyane 59,2 8,5
Trinité 61,6 8,ï
Ceylan 24,6 1,1
Maurice 1,7 0
Sierra-Leone 410 2,4
Ainsi donc le nègre a bien moins souvent que le blanc la
fièvre intermittente. Voilà qui prouve une profonde différence
dans l'organisme et, ainsi que Ta écrit Darwin, « cela prouve
« mieux que toute analyse chimique, une différence dans le sang,
« le système nerveux ou les autres tissus o ! Lorsqu'il a d'ailleurs,
par exception, cette fièvre intermittente, il l'a autrement que le
blanc : l'Européen, dans les contrées marécageuses, prend ce
qu'on nomme le type quotidien ou le type subintrant, c'est-
à-dire que, une fois par jour à la même heure, il est pris de
frisson, de chaleur, de sueur, ou que l'accès revient plusieurs fois
476 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RACES HUMAINES.
par jour, de façon qu'une nouvelle crise commence, quand la
première est à peine terminée. Chez le nègre, rien de semblable;
le type est tierce, c'est-à-dire que l'accès revient tous les trois
jours, avec un jour d'intervalle, où l'on n*observe rien. Quant
à la fièvre pernicieuse, cette Oèvre qui emporte le malade au pre-
mier, au second, au plus tard au troisième accès, elle est très
rare chez le nègre. Le D' Berger en a constaté deux cas ; c'était
chez deui mulâtres. Mulâtres étaient sans doute aussi, les nègres
qui ont présenté la fièvre pernicieuse au b' Crevaux, à la Guyane.
Ces faits ne sont pas sans importance, lorsqu'il s'agit de recru-
ter le personnel d'une expédition, dans les régions marécageuses
de la zone torride : en 1841 , trois navires anglais remontaient
les eaux du Niger. Ils étaient montés par 145 blancs et 158 noirs
Crowmcm. Un mois après, 130 blancs sur 145 avaient des fièvres
paludéennes graves, 40 succombèrent; 1 1 noirs seulement sur 158
eurent de légères indispositions, aucun ne mourut. Il est bon de
remarquer que ces 11 nègres avaient tous habité l'Angleterre
pendant plusieurs années.
Pathologie comparée. — Il y a également des animaux et des
végétaux parfaitement acclimatés au marais: féléphant, le rbi-
noccros, Porang-outang à Bornéo, la loutre et le rat d'eau chez
nous, enfin tous les oiseaux de marais, le héron, la bécassine, le
canard, les courlis, etc. Les bœufs gris à longues cornes de la
campagne romaine vivent au uiilieu des marais Pontins, sans en
ressentir les effets et cependant il ne descendent pas du bœuf an-
tique, car ils ont été importés de Podolie au iv* et au vi« siècle.
En revanche, beaucoup d'animaux sont sujets à la fièvre inter-
mittente : le D' iMac Culloch, cité par Darwin, dit que le
chien la prend volontiers et, chose remarquable, qu'il prend, lui
aussi, le type tierce. Le D' Grahan dit avoir vu, dans le Dekan,
des chevaux de cavalerie pris de fièvre, tout comme leurs cava-
liers ; pendant les travaux d'un chemin de fer, le D' Âdenot a
observé un cheval de charroi qui, tous les deux jours, à la même
heure, était pris de frissons et de tremblements ; mais le plus
souvent, les animaux prennent la cachexie, avec la grosse rate ;
les chevaux de la Sologne ont tous la rate volumineuse; ils sont pe-
tits, sans énergie, leur ventre est gros; dans la campagne de Rome*
les chèvres sont même sujettes à des ruptures spontanées de la
rate. Cette observation est d'ailleurs bien ancienne, et les augures
ne cherchaient pas autre chose que la grosse rate, lorsqu'atant
CARACTÈRES PATHOLOGIQUES DU NÈGRE. 477
rétablissement d'un camp ou d'une colonie dans une contrée
ils sacriGaient les animaux de cette contrée^ pour observer leurs
Tiscères.
Hjrsenierle. — Cette maladie redoutable existe chez le nègre ;
elle existe chez lui^ même au Sénégal ; mais elle est, chez lui^
d'abord moins fréquente et surtout moins grave. Elle ne prend
pas aussi souvent, chez lui, ce caractère de malignité qu'elle
présente chez TEuropéen ; l'intestin s*uicèie moins et les lésions
demeurent pius superficielles. On dit qu'elle est plus catarrhale.
11 suffit de consulter le tableau suivant :
Décès pour 1 000 hommes.
Anglais . Nègres.
Gayaoe.. 8,9 5,8
Trinité 17,9 5,5
Tabago 24,0 4,8
Saint- Vincent 24,2 4,2
Barbade 20,8 12,1
Sainte-Lucie 39,3 7,1
Dominique 70,3 7,4
La difTérence entre les Anglais et les nègres est considérable ;
elle Test moins, cependant, que celle que nous avons constatée
au sujet de la fièvre intermittente. La difTérence dans les tissus
du noir et du blanc s'affîrme néanmoins une fois de plus. On a
signalé de grands ravages faits par la dysenterie chez les Mal-
gaches; mais rélément noir est ici fortement métissé de malais;
ce sont donc des mulâtres malais et non des noirs.
Hépatite. ^ Il est une maladie qui complique souvent la dy-
senterie, bien qu'elle apparaisse aussi isolément et qui semble
engendrée par des causes miasmatiques bien voisines, c'est Thé-
patite ou inûammation du foie, aboutissant souvent à la forma-
tion, dans cet organe, d'abcès fréquemment mortels. L'hépatite
est, au Sénégal, extrêmement fréquente; elle entre pour 1/4
dans les décès des Européens. Elle s'observe, du reste, également
dans la race nègre; mais sa fréquence est encore moins grande
que celle de la dysenterie. Boudin qui, au Sénégal, a observé
70 cas d^hépatite dans la race blanche, n'en a vu que 1 cas chez
un nègre. 11 a exprimé la fréquence comparée de cette maladie,
chez le nègre et chez l'Européen, dans les colonies anglaises,
dans le tableau suivant, rapporté à 1 000 hommes :
478 PATHOLOGIE OOMPilRÉE DBS RACES HUMAINES.
Anglais. Nègres.
Guyane 1,0 0,3
Trinité 1,1 0,8
Tabago 2,0 1,0
Saint- Vincent 1,6 0
Barbade 1,4 0,9
Salnle-Lucie 1,0 0,9
Dominique 1,7 0,6
L'hépatite et l'abcès du foie sont néanmoins assez Guniliers
aux nègres, pour que ceux-ci aient imaginé un procédé de traite-
ment chirurgical ; il est identique au nôtre, et ce n'est pas soq
moindre mérite : pour pénétrer dans le foie, Tinstrument^qui vient
du dehors, doit entrer d^abord dans la cavité péritonéale et la tra-
verser pour ainsi dire ; or c'est là une source de dangers : Tiotro-
duction de Tair du dehors dans le péritoine n*est pas moins à
redouter que la pénétration, dans cette cavité, du pus qu*on se pro-
pose de faire écouler du foie au dehors. Les nègres, malgré leur
peu de tendance à la péritonite, ont reconnu ce danger et ils ont
trouvé le moyen de l'éviter : ils ont appris, par empirisme, qu'une
brûlure profonde, faite à la peau de Pabdomen, déterminait, sur
)e point voisin du péritoine, une inflammation qui a pour effet de
faire adhérer entre elles les deux parois de la cavité péritonéale,
de supprimer, en réalité, cette cavité en ce point. 11 suffit, alors,
de pénétrer dans le foie au niveau même de ces adhérences, là où
la cavité n'existe plus, pour que l'opérateur n'ait plus à redouter
l'entrée, dans le péritoine ainsi fermé, ni de Tair venu du dehors,
ni du pus venu du dedans. Les opérateurs indigènes savent tout
cela ; ils promènent donc sur la peau, dans la région du foie, au
niveau de l'abcès, un fer rouge. Deux jours après, quand ils pen-
sent que l'adhérence est faite, ils l'ouvrent.
Fièvre Jaane. — Le nègre est incomparablement moins flrappé
que le blanc; on a môme dit qu'il avait une immunité complète»
mais les faits ont démontré qu'il n'en était pas ainsi ; il est vrai
qu'en 1830 un certain nombre de nègres sont morts de lafiène
jaune au Sénégal, qu'il en a été de même, en 1878, à la Jamaïque
et plus récemment au Sénégal. Quelques chiffres et quelques faits
vont nous donner la mesure de cette quasi-immunité : à Gorée,
dans une épidémie, Bérenger-Féraud a vu mourir 32 blancs, 1 noir,
4 mulâtres. Remarquons, comme toujours, la situation intermé-
diaire du mulâtre ; dans l'Amérique du Sud, les nègres ont too«
CARACTÈRES PATHOLOGIQUES DU NÈGRE. 479
jours été épargnés. Enfin tout le monde connaît Texpérience dé-
monstrative qui a été faite à la Vera-Cruz pendant la guerre du
Mexique : des 453 nègres du Darfour et du Kordofan qui avaient
été prêtés par le vice-roi d'Egypte à Tannée française^ aucun, à
la Vera-Cruz, n*a eu la fièvre jaune et notre bataillon de turcos^
composé de Kabyles, d'Arabes et de nègres, a présenté un faii
remarquable : les Kabyles et les Arabes succombaient comme les
blancs, les nègres étaient indemnes.On peut donc admettre ce mot
éQ D'Nott: c un quart de sang nègre vaut mieux pour préserver
« de la fièvre jaune, que la vaccine pour préserver de la varioles.
Le danger de prendre la fièvre jaune croit, en effet, pour les
métis, avec la quantité de sang blanc qu*ils présentent : en i862,
114 volontaires (mulâtres très clairs) viennent de la Martinique
à la Vera-Cruz; quatre mois après, il n'en restait plus que 57. La
même compagnie est reportée à i29 (mulâtres très clairs), quatre
mois après, il n'en reste plus que 47, puis 35 ; il en revient 4 à la
Martinique !
Pathologie comparée. — Nous avons vu plus baut que les
singes, ceux d'Amérique au moins, ne sont pas à Tabri de la fièvre
jaune et qu'au Brésil on a même remarqué que leurs espèces
avaient disparu sur les côtes qui, depuis 1849 seulement, sont visi-
tées par la maladie. Si le fait n'est pas à l'avantage de l'immunité
de leur organisme, il est au moins à l'avantage de leur prudence
et de leur intelligence. Je signale cette aptitude du singe pour la
fièvre jaune. Nous prenons, en effet, trop souvent l'habitude
d'établir une série,' qui, de l'anthropoïde au blanc, passerait par
le nègre; sans doute cela est vrai pour un grand nombre de
points: le cerveau^les muscles, le prognathisme; mais non pas pour
tous ! Sous le rapport de l'aptitude à la fièvre jauue, le blanc
dififere moins du singe que n'en diffère le nègre.
FlèTre typhoïde. — Les nègres présentent une immunité
relative pour la fièvre typhoïde. D'après le docteur Rufz de La-
vison, elle n'atteint ni les nègres ni les mulâtres.
Cholérm. — Toutes les races humaines ne prennent pas le
choléra également : de toutes les races, celle qui le prend le
plus volontiers, c'est la race nègre: à laPointe-à-Pitre,il a frappé
1 304 nègres, pendant que les blancs jouissaient d'une immunité
absolue. Dans d'autres épidémies, où les blancs étaient frappés, les
nègres Tétaient toujours davantage. Aux Etats-Unis, pendant répî-
demie de 1866 et dans l'armée, la mortalité des blancs ^^V^ \^
480 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RACES HUMAINES.
77/1000 ; la mortalilé, pour les troupes noires, a été de 13o/f000.
En 1869-1870, le choléra a sévi, àNossi-Bc, sur une populatioD
moitié cafre moitié arabe ; or la mortalité des Arabes était de
76 0/0, celle des Carres de 83 0/0. Les mulâtres, moins exposé»
que les noirs, le sont plus que les blancs. Ainsi, en 1865, d*après
le D' Walther, la mortalité des noirs a été de 9,44 0/0, celle des
mulâtres de 6,32 0/0, celle des blancs de 4,31 0/0.
Cette tendance au choléra s'applique aussi bien aux noirs de
rindc qu'aux noirs africains ; le choléra étant endémique, diof
rinde, dans la vallée du Gange, cela a dû contribuer à la supré-
matie du jaune d'abord, du blanc ensuite, dans l'Inde.
Peste. — La peste frappe également les nègres plus que les
Sémites et que les blancs.
11 faut cependant tenir compte des habitudes sociales. Dans les
pays où les nègres sont chez eux, la peste, nous lavons vu plus
haut, n'est pas commune, à cause de la chaleur ; elle ne les prend
que dans les pays d'Orient, où ils jouent le rôle social inférieur,
adonnés aux excès, vivant dans de mauvaises conditions d^hygiène.
Eléphantlmsis des Armbes. — L'éléphantiasis des Arabes
est plus fréquent, toutes choses égales d'ailleurs, chez les nègres.
Cela est vrai, non seulement des nègres d'Afrique, car au Séuégal
l'élcphantiasis est commun, ainsi que dans le nord de l'Afrique,
mais encore des noirs hindous^ des Papous et des Néo-Calédo-
nicns, généralement métis de Papou et de Polynésien.
Lèpre. — Le nègre présente également une prédisposition
particulière à la lèpre : ce sont les nègres africains qui Tont ap-
portée en Amérique. Ce sont encore les nègres, qui sont le plus
fréquemment atteints; après eux, leurs métis, les mulâtres.
IVostaIffle. — Il y a une maladie, qui est très fréquente, cbei
le nègre, c'est la nostalgie. Je ne sais plus quel est le poète sa-
tyrique, qui, en parlant d'un homme toujours triste et ennuyé,
donnait cette explication : « C'est qu'il s'emporte toujours avec
c lui. Y) Je ne veux pas médire de l'amour du pays, mais il est
bien certain que le cerveau, qui porte en soi-même sa propre
pâture, son propre fonds, s'aperçoit moins du vide laissé dans
ses souvenirs par le pays absent ! Que le fait soit dû à son état
social ou à sa conformation, le cerveau du nègre semble man-
quer de ce fonds. Sitôt qu'on le déplace, le noir s'ennuie, devient
phthisique et meurt; et cela à Tâge de vingt-cinq ans euviroo.
Plus jeune, son cerveau semble plus pliable.
aRACTÈRBS PÂTHOLOOIQUES DU NÈGRE. 481
L*homme en général et le nègre en particulier, ne présentent
pas seuls ce phénomène, car, autant il est facile de faire oublier aux
jeunes animaux les grands bois et le plein air, autant la nostal-
gie souvent mortelle s'empare d'eux à l'Age adulte. La fréquence
de la nostalgie est grave pour la destinée d'un peuple et l'Amé-
rique ne serait pas aujourd'hui ce qu'elle est , si la race anglo-
saxonne n*était pas pour ainsi dire réfractaire à cette maladie.
Folle. — Les troubles cérébraux des peuples nègres sont moins
individuels et plus collectifs que les nôtres. Je m'explique :
Chez les nègres, la faculté d'imitation est très développée et
rimitation semble être une des grandes causes de leurs folies épi-
démiques.
En Guinée, l'alcool aidant, les associations magiques, avec
leurs mystères nocturnes, rappellent tout à fait nos scènes de
démonolàtrie du xvi« et du xvii* siècle, avec leurs hallucinations.
J*ai parlé ailleurs du Vaudoux^ de VAstaragaza et du Ramaniri'
jana. La théomanie est fréquente chez les Néo-Calédoniens, chez
les Polynésiens. Comme chez tous les peuples, chez qui la théo-
maoie est fréquente, si on ne brûle pas les aliénés et les idiots, on
les adore. C'est ce qui était arrivé au sorcier d'Atal, dont le crâne,
ainsi que celui de son maître, est au musée Broca. Le comman-
dant Luguières, qui Ta connu, m'a affirmé qu'il était idiot, et
qu'il était de plus atteint d'un torticolis congénital, que Broca
avait diagnostiqué par la déviation de la face.
En dehors de ces folies contagieuses, imitatives, l'aliénation
mentale, tndmdue//e,est moins fréquente chez le noir que chez le
blanc! Cela pouvait être prévu, en raison de moindre développe-
ment du cerveau et du moindre développement des facultés céré-
brales. Nous avons vu précédemment que sur 1 UOO individus, on
compte 0,76 blancs fous et 0,10 nègres; il s'agit ici de nègres es-
claves, chez qui le cerveau travaillait peu, car il a suffi, nous
l'avons vu, d'affranchir les nègres, pour que de 0,10 le chiffre de
l'aliénation passât à 0,71.
C'est là un fait doublement instructif. D'abord il nous montre
que plus on se sert de son cerveau, plus cet organe a de chances
d'être malade; mais surtout cela nous montre ce que produit la
concurrence intellectuelle appliquée pour la première fois à une
race: Les nègres, libres du jour au lendemain, n'étaient pas prêts
pour la lutte ; un grand nombre ont succombé par le cerveau,
d'autres par d'autres organes; les observateurs su^r€LGM.\& ^twV
eAoo. MÉD. ^V
4St FITHOLOGIE OQK?A&EE DES lACES HUMADIB8.
dit alors : « Voos voyez, les nit^rts sont faits pour êtres esdaTes. i
Mais tons It» focapables om fois elimioés par cette sélection,
ceux qaî resleot soot plus forts!
PlAB. — Ijorsquoocoasulte lesTOTageursdusiècle dernier ouda
oomineDoeiDeQt de oeUii^,OQ est frappé des descriptions étranges
et effrayantes qa*ils font des maladies qu'ils avaient observées chez
les nègres, soit en Afrique, soit en Anicriqae. Ces maladies ont été
décrites sous des noms spéciaux : c'est le yairs sur la cùte occi-
dentale de TAfrique : sur la côte orientale et au Brésil , ce sont les
boubas: c'est le gallao sur la côte de Guinée; dans les eolooies
d'Amérique, c'est le pian ; dans Tlnde, c'est la frambatsia ; à Am-
boine, c'est le bouton d'Amboint: ailleurs, le tonga.
\jè pian, dont toutes ces autres dénominations sont synonymes,
règne en effet sur la côte occidentale d*Afri^ue, depuis la rive
gauche du Sénégal jusqu'au cap Négro.
Il règne à la côle de Mozambique (bubas)^ à Madagascar, aux
Comores, à la côte de Goromandeivsur les Indiens seuls},à Suma-
tra, à Java, aux Moluques ^bouton (TAmboinéjy au snd des États-
Unis, aux Antilles, à la Guyane, dans l'Amérique méridionale et
centrale, au Brésil, en Océanie {tonga).
Or on ne tarda pas à s'apercevoir que les yaus^les Imbas^ le gai*
lao et le pian n'étaient, en somme, que les tariantes d'une même
maladie, qui sévissait sur la race nègre et que les noirs disaient
eux-mêmes avoir apportée de la côte d'Afrique. L.e pwn n'attaque
que les nègres, il attaque moins souvent les mulâtres et jamais
les blancs; il n'atteint donc que les races noires et leurs métis.
C'est ainsi qu'en Afrique il n'atteint que les nègres; dans l'Inde,
que les descendants plus ou moins mélangés des noirs Moundas;
en Malaisie, les Malais ne sont atteints qu'en raison du sang noir
qu'ils possèdent ; il en est même en Océanie, pour le sang papou;
partout c'est une maladie des noirs. La carte du pian correspond
à la carte des noirs et, par conséquent, à la zone torride.
Symptômes, — Voici ses symptômes : c'est d'abord un état de
langueur, de fatigue générale ; des douleurs vagues surviennent
dans les articulations ; rarement la fièvre apparaît ; la peau noire
du nègre devient alors farineuse^ elle dcsquamme, et c'est dire
qu'elle vient alors d'être le siège d'une éruption passagère, d'une
sorte de roséole^ qui a passé inaperçue, en raison de la couleur du
malade, tandis que, au contraire, la desquammation furfuracée,
blanche de l'épiderme, qui succède à la roséole, apparaît mieux
CARÂCTÈRKS PATHOLOGIQUES DU NÈGRE. 483
qu^elle ne le forait sur la peau d'un blanc. J*ai vu des nègres at-
teints de rougeole et de leur éruption rose on ne voyait que les
suites, c*est-à-dirc la desquammation blanche de l'épidermc. Plus
ard apparaissent sur le front et sur divers points du corps de pe-
tites papules ; ces papules, sortes de verrues, sécrètent un liquide
îchoreùx; ce sont de Téritables plaques muqueuses. Leur suppu-
ration est fétide et le fond de chaque petite plaie est lardacé,
saillant, semblable à une petite framboise, de là le nom de fram-
hsesia,que la même maladie porte dansTInde. Ces papules gros-
sissent, deviennent des pustules recouvertes d'une croûte; cette
croûte tombe plusieurs fois; souvent deux ou plusieurs ulcéra-
tions voisines se réunissent en une seule et donnent lieu à un
gros bouton, qu^aux Antilles, dans la langue créole, on nomme
la mère-pian j la mama-pidn. On donne aussi parfois ce nom à une
ulcération large, indurée, saillante, qui a été le début de toute la
maladie. Après une éruption successive de petits pians ou de
petites pustules, [on voit survenir, entre les doigts, à la planta^
des pieds et dans différentes parties du corps, de petits bourrelets
de chair suintants, qn*on nomme des guignes ou crabes; d'autres
fois dans la paume des mains et à la plante des pieds survient
une desquamation épidermique, sèche, analogue au psoriasis
palmaire et qu'on nomme saonaonas; puis surviennent parfois
des douleurs dans les os, surtout pendant la nuit; on nomme cette
complication le mal aux os. Pendant toute la durée de la maladie,
les ganglions de l'aine, ceux du cou, se sont engorgés; il s'y est
formé des abcès et ils deviennent le siège de longues suppura-
tions. Au bout d'une année la maladie a parcouru toutes ses pé-
riodes et s'éteint. On sait alors qu^on est désormais à Tabri de ses
coups, car elle n'attaque qu'une fois le même individu.
Comparaison du pian et de la syphilis en général, — A coup
sûr ridée n'a pas manqué de venir aux premiers observateurs
de cette étrange et redoutable maladie, qu'elle présentait de
grandes afGnités avec une maladie bien connue en Europe, la
syphilis; mais on recula devant l'identité et, de fait, que de
différences! La syphilis, en Europe, donne lieu à des affections
graves de la gorge et du nez ; le mal aux os, les exostoscs, les
gourmes sont bien plus fréquents; elle donne rarement lieu à
des éruptions aussi horribles et aussi multipliées du côté de la
peau ; le pian semble plus cutané, plus étalé en surface ; la sy-
philis est plus profonde, plus constitutionnelle ; enùu W ^\it^ ^^\^
484 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RACES HCUAIMES.
maladie est bien plus longue et puis il y a d'autres difTérences,
qu'on alléguait encore : la syphilis, en Europe, n'atteint guère,
aujourd'hui, que ceux qui s'y exposent, et tout le monde sait quelle
est la façon de s'y exposer ; aussi les accidents du début siègent-
ils dans des régions et sur des organes tout à fait spéciaux. Le
pian, au contraire, sévit sur les enfants, sur les jeunes filles les
plus chastes, sur les hommes travaillant dans un même atelier.
La maladie est donc éminemment contagieuse ; elle l'est, même à
la façon spéciale de notre syphilis, mais elle Test aussi beaucoup
plus souvent qu'elle et de mille autres façons; on voit des familles
entières, depuis le père et la mère jusqu'aux enfants, en être at-
teintes. Dans les usines, dans les sucreries notamment, on voit
tous les nègres d'un même atelier atteints du pian, en même
temps. (lomme la syphilis, la maladie est inoculable et hérédi-
taire.
La syphilis et le pian sont donc les transformations équivalentes,
loivant le milieu de la race, d'une même cause morbide : la preuve
^ en est dans ce fait, que des inoculations accidentelles ou volontaires
du pian du nègre sur le blanc ont produit la syphilis ; on semait le
pian, on récoltait la syphilis ! Malgré la grande autorité de Uunter
il faut donc reconnaître que c'est bien la syphilis modifiée par la
race ; nous avons d'ailleurs avec nous RoUet, Rochard et tous les
médecins de la marine. Le peu de profondeur constitutionnelle
du pian, son caractère superficiel, sa courte durée s'accordent
en outre avec ce qu'ont dit les voyageurs de la résistance du nègre
à la syphilis. Tous reconnaissent, en effet, que la syphilis, chez
le nègre, est plus bénigne, moins tertiaire, qu'elle guérit facile-
ment seule, toutes les fois qu'elle ne prend pas la forme de piao.
Livingstone rapporte même qu'elle guérit seule et qu'elle est inca-
pable de se fixer au centre de l'Afrique. Il y a mieux : là où les
nègres sont vierges de notre contact, ils n'ont ni syphilis ni pian !
De sorte que, si le nègre, ou mieux , le noir a apporté avec lui le
pian, il n'a fait que faire produire et circuler, après l'avoir fait
germer sur son terrain spécial, une graine que nous avions d'abord
déposée sur les côtes d'Afrique.
La tendance au phagédénisme est propre au nègre; c^est mèoie
l'aspect que prennent les plaies sousl'infiuence du phagédénisme,
qui a reçu à tort le nom de plaie d'Yémen, d^ulcère de Mozam-
bique, Ce même phagédénisme complique souvent le pian. La
tendance aux longues suppurations, que j*ai signalée plus haut,
CABACTÈRES PATHOLOGIQUES DU NÉOBE. 485
fait que le bubon, qui est fréquent chez le nègre, suppure sou-
vent. La tendance aux dépôts fibreux donne naissance à Vindu-
ration, même pour les accidents secondaires. Nous voyons enfin,
qu'au dire des voyageurs, le mercure réussit moins bien contre le
pian que contre notre syphilis. Qu'est-ce à dire, si ce n'est qu*il
faut plus de mercure? Nous pouvions nous y attendre, connais-
sant la grande plasticité du sang nègre et, par suite^ sa tolérance
pour un médicament qui diminue précisément la plasticité du
sang!
Le cachet si spécial imprimé par la race à la syphilis, se com-
plique, en outre, de différences dans le milieu social et dans le
climat.
Rapports du pian avec la syphilis du moyen dgre.— Relativement
au milieu social, si Ton veut comparer le pian à la syphilis, ce
n'est pas à notre syphilis actuelle qu'il faut le faire, mais à
celle du xvi" siècle; c'est là une démonstration qui a été faite,
avec beaucoup de talent, par un savant syphiliographe, le D' RoUel
(de Lyon). La syphilis, en effet, a chez nous beaucoup perdu
de sa grarvité depuis cette époque, et cela pour plusieurs raisons :
d'abord on la soigne et on ne la soignait pas alors, pas plus que
les nègres soignent le pian; en outre il s'est produit ce qu'on
nomme Vaccoutumance^ ce que le D' Auzias-Turenne a fort jus-
tement nommé, devançant les découvertes modernes, un fait de
syphilisation. Nous sommes devenus, par hérédité, moins aptes à
contracter la syphilis, parce que nous comptons tous un plus
grand nombre d'ancêtres qui ont été atteints de cette maladie ;
elle sévit, en effet, bien plus gravement sur les populations de qui
elle a été jusqu'alors inconnue et les nègres semblent depuis
moins longtemps familiers avec le pian, que nous autres avec la
syphilis, ce qui contre-balance le peu de tendance que possède
d'ailleurs leur organisme à contracter la maladie.
Enfin, depuis le moyen âge, les progrès de la civilisation, ceux
de ('individualisme, par suite desquels op vit moins en commun,
plus chez soi, ont diminué la fréquencede ce qu'on peut nommer les
contagions banales. Les nègres, eux, sont encore en pleine période
de promiscuité, sans compter que le fait de vivre nu augmente
les chances de contagion .
Qu'on n'oublie pas ce qui est arrivé en Europe même, à une
époque de communications moins fréquentes, lorsque la syphilis
était moins diffusée qu'aujourd'hui, toutes Ves W\s q^vil^W^ ^\»\\.
486 PÂTHOLOOIB COMPARÉE DES RACES HUMAINES.
son apparition dans un point reculé du territoire : elle a toujours
donné naissance à de véritables épidémies, que les enfants, les
femmes, les hommes prenaient en buvant dans le môme verre, en
se servant d'une même cuiller et autrement aussi... Ces épidé-
mies brusques déjouaient l'attention des médecins eux-mêmes et
recevaient un nom spécial :
En 1827, dans un petit village nommé Sainte-Eupbémie, une
sage-femme sypbilise sa clientèle ; les femmes syphilisent leurs
enfants, leurs maris; en quatre mois, 80 personnes furent ma-
lades. Cette maladie méconnue fut désignée sous le nom de mal
de Sainte-Euphémie.
En 1823, sur la côte occidentale d'Irlande, apparut, apportée
par les marins, une maladie caractérisée par des ulcérations à la
bouche; on la nommait bouton d'Irlande. Les D'» Wallaceet Cor-
rigan montrèrent que c'était la syphilis!
Ailleurs, dans la commune de Chavane, en 1815, un homme est
arrêté par les Autrichiens et emmené à Montbéliard ; là, il boit
dans le verre où venait de boire un soldat qui avait mal aux lèvres;
deux mois après, un grand nombre d'enfants, d'bomu)es et de
femmes étaient atteints d^un mal inconnu dans le pays, qu'on
nomma le mal de Chavane; c'était la syphilis !
En 1800 apparut, à Fiume, un mal, le srhcrliero ou mal de
Fiume, qui n'était autre que la syphilis et ({ui se répandit dans
ristrie.
Syphilis encore la falcadine, qui apparut en 1786 au petit
village de Falcado, dans la province de Bellune, limitrophe du
Tyrol, où elle fut introduite par une mendiante, qui fut observée
par le D' Zecchinelli.
En 1770 apparut, dans la baie de Saint-Paul, au Canada, une
maladie inconnue, avec boutons, ulcères; en 1785, on comptait,
au Canada, 5 800 malades; on rappelait le mal de la baie île
Saint-PauL Beaumont, chirurgien français, envoyé à Québec, re-
connut la nature syphilitique de la maladie méconnue.
A Nérac, un nourrisson est infecté par sa nnurrice, étrangère
au pays ; la nourrice est renvoyée et en attendant celle qui lui succé-
dait, plusieurs femmes donnent le sein à l'enfant et sont conta-
minées par lui. Elles donnent^ à leur tour, la maladie à leurs pro-
pres enfants; ceux-ci aux personnes qui les embrassent; celles-là
à leurs maris; les objets de toilette, les vêtements, tout devient
un sujet de contagion; la maladie, reconnue depuis syphilitique.
RACES JAUNES. DISTRIBUTION OÉOORAPHIQUB. 487
^mbla au D' Raulin tellemeat analogue aux descriptions qu*il
avait lues du pian, qu'il lui donna le nom impropre de pian de
Nà'oCy « un mal qui a beaucoup d'analogie avec la maladie des
« nègres appelée pian, s'est, dit- il, manifesté à Nérac x>.
En iliO, un navire russe apporte en Norwège un mal, qui parut
si repoussant, qu'on le nomma mal immonde ou radezyge; c'est la
syphilis, bien différente du spedalskcd ou lèpre.
Vers 1650, les soldats de Cromwell apportent en Ecosse un mal
qui donne des boutons, qui rappellent les framboises et qu'on
nomme sibbens { framboise) ^ mal évidemment identique à la
fmmbxsia, puisque ses symptômes suscitent dans deux pays
éloignés la même comparaison. U attaque surtout les enfants, qui
le transmettent à leur nourrice.
En 1578, en Moravie, à Brunn, un ventouscur, qui appliquait
des ventouses scaritices avec un instrument contaminé, répand
dans sa clientèle la syphilis, qui fut méconnue et qui prit le nom
de maladie de Brunn; plus de 200 personnes furent atteintes.
Voilà les effets d'un milieu social équivalent à celui que le pian
rencontre aujourd'hui.
Uuant au climat, il semble avoir également son influence;
comme Ta dit le D^ Rollet, il semble qu*il y ait deux syphilis :
une syphilis du Nord, profonde, osseuse, durable, la radezyge,
le sibbens ; une syphilis du Midi, superficielle, cutanée, moins
durable; le pian est une des formes de cette dernière.
H. RACES JAUNES.
Appliquons ù la race jaune le même procédé d^analysc que
nous venons d'appliquer à la race noire, autrement dit, voyons
si, à côté des caractères analomiqucs, nous sommes autorisés à
placer des caractères pathologiques, propres aux races jaunes.
La manière de reconnaître ces caractères pathologiques, est de
voir comment la race jaune se comporte dans les maladies com-
munes et si, en outre, elle est susceptible d'ap(//{((/c5 spéciales ou
dUmmunilés spéciales.
§ 1. DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE.
Que faut-il entendre par races jaunes? c'est là une appellation»
à tous les points de vue, beaucoup moins nette que celle de races
noires. La démarcation par la couleur est en effet tieavic<^M^
4«8 PÂTH0L06IB COMPARÉS DES RACBS HUMAINES.
moiiis tranchée ; eo outre le métissage, beaucoup plus fréquent,
est beaucoup moins Tisible. D'ailleurs, de même qu'il y a plu-
sieurs races noires, il y a plusieurs races jaunes; à Texemple de
Quatrerages, à qui j'emprunte le tableau suivant, nous séparerons
donc, dans cette étude» la race jaune proprement dite de ce qu*il
nomme les races mixtes, plus ou moins dérivées du tronc jaune.
Nom.
Branches. RamMDX. Famille.
4 Samoyède
, Ougrien. { ,,
Boréale, i I Vogoule.
Saùmi. Lapone.
(Turque.
Mongole.
JAUNES ' ^~ — *,,... «...V,..
MÉRI-
DIONALE, sinique.
Tongouse.
Chinoise.
Populationt.
Samoyèdes.
fVogouls.
Ostiaks.
Lapons.
Uhsbeck.
Osmanlis.
Nogals.
Tackouls.
Kalmouks.
Mandchouz.
Chinois.
, , , . . ( Cochiochinois,
Indo-chinoise. j giamois.
' Birmans.
TibéUine. \ Tibétains.
' Népaliens.
En somme, la race jaune pure se présente à nous sous trois
branches : septentrionale, centrale, méridionale.
La branche septentrionale (ougrienne, boréale) empiète sur
TEurope où elle disparaît de jour en jour comprenant Lapons,
Yogouls, Ostiaks^ Samoyèdes; elle habite les climats Troids, où
elle se croise avec les populations blanches que le professeur
de Quatrcfages nomme allophyles (les Coloutches, les Tschoutchis,
les Aïnos). Son affinité Tentraine vers le détroit de Behring.
La branche centrale est celle qui semble avoir le plus d'affinité
pour l'Occident; elle correspond aux Touraniens, nom donné par
les populations iraniennes ou indo-européennes de la Perse aux
populations de TAsie centrale et de l'Asie occidentale avec les-
quelles elle étaient en guerre. Ce sont les Touraniens, que les
anciens désignaient sous le nom de Sq/thes, peuple dans qui nous
reconnaissons les Scythes nomades de nos jours, buvant le lait fer-
menté de leurs juments, le koumyss, déjà décrit par Uippocrate et
RACES JAUNES. CARACTÈRES ANATOMIQUES. 489
par Hérodote et € dont le pays est rempli de plumes, » c^est-à-dire
de neige Yolant dans Fair, de vouvoies, comme disait le vieui
français, ils sont représentés aujourd'hui par les Mandchoux, qui
actuellement dominent en Chine; par les Mongols proprement
dits, qui ont envahi TEurope à plusieurs reprises ; par les Kal-
mouks, fixés en Europe, entre le Volga et la mer Caspienne, de-
puis 1630; par les KirghissesKhajas et les Kara-Rirghisses, qui,
en Asie centrale, confinent aux populations iraniennes (Gallchas,
Tadjicks) ; enfin par les Usbecks et les Osmanlis, qui, croisés avec
rélément sémile et Télément arien de Géorgie, ont formé le Turc
actuel.
La branche la plus méridionale est le rameau sinique, qui,
surtout dans laCochinchine,est croisé avec l'élément noir autoch-
tone. Les Tibétains, seuls, grâce à l'altitude, ont conservé leur
unité.
§ 2. CARACTÈRES ANATOMIQUES.
Le crdnc est généralement brachycéphale; la racine du nez apla-
tie; l'indice nasal est de 48 (mésorrhiiiie) alors que le Hottentot a
58 et TEspagnot 44 ; Vindice orbitaire est mégasème (93) ; la face
est aplatie, les pommettes saillantes, Vorbite peu profonde ;
Les cheveux sont noirs, gros, droits ; peu de barbe, peu de
poils sur le corps; V oreille est grande, le plus souvent écartée de la
télé;
La voix présente peu de différence dans les deux sexes ;
A Pangle interne de rœi7, existe un repli vertical, falci forme,
débris de la membrane clignotante ; à l'angle externe existe une
sorte de dédoublement transversal de la paupière supérieure, qui
est bridée ; Tceil est à fleur de tète ;
L'homme de race jaune exhale une odeur spéciale qui rappelle
Ja paille humide ;
Au pied, le pouce est écarté des autres doigts ; le pied tout en-
tier est petit, court; il n'y a pas de coude-pied ;
Le sein est hémisphérique chez la femme et jamais py ri forme.
90 PATHOLOOIB COMPARÉE DBS RACES HUMAINES.
§ 3. CARACTÈRES PHYSIOLOGIQUES.
La puberté est précoce et cela dans les climats très dirers oà
habite la race jaune. La précocité de la puberté n'est donc pas
une affaire de climat, mais de race.
Les naissances g^meHaircs sont rares; elles sont, au contraire,
communes dans d'autres races ;
On cite dans un grand nombre de groupes de la race jaune, une
grande résistance à la douleur et, comme caractère physiologi-
que, peu ôî'nciion réflexe, peu de cette êmotivité du grand sympa-
thique, qui fail rougir ou pâlir sous Tinfluence d'une émotion;
Un caractère tout à fait spécial de la race Jaune est la tendance
kVobésUé, Hippocrate avait déjà remarque que les Scythes avalent
une tendance à l'embonpoint. En Chine, on tire même de son
embonpoint une certaine vanité; cela donne l\iir bien posé.
§ 4. CARACTÈRES PATIIOLOGIQUES,
La race jaune forme un groupe tellement peu homogène, elle
habite des climats si variés, elle se trouve a des degrés de civili-
sation si différents, enlin elle affecte avec ses voisins des croise-
ments si complexes, qu'il en faut scinder Tétude et prendre
successivement les trois branches septentrionale, centrale et
méridionale.
I. Branche ^icptentrionale.
Chalcor des hablcaclons. — !1 ne faut pas s^exagérer Pim-
portance du climat exceptionnel des régions boréales ; on aurait en
effet tort de croire, que, par cela seul qu'une race les habite^elle
est àTabri de certaines maladies infectieuses ; car il faut distinguer
ici, je Fai déjà dit, la température réelle de Tatmosphère extérieure
d'avec la température artificielle et souvent très élevée, au milieu de
laquelle les populations des pays froids passent un temps d'autaat
plus prolongé, que le pays est plus froid. Cest ainsi que peuvent,
par suite d'une acclimatation artificielle et en quelque sorte en
serre chaude, s'acclimater dans un pays, des maladies infectieuses
dues à des germes, dont la nature semble ne se pas prêter à l'exis-
tence dans un climat froid. Les peuples septentrionaux sont donc
moins privés qu'on le pense de Texcitation de la chaleur; souvent
RACES JAUNES. CARACTÈRES PATHOLOOIOUES. 491
même cette chaleur est exagérée. C'est là un privilège de Thomme
seul ! Trouvant la chaleur dans leurs maisons, les peuples hyper-
boréens jouissent d*un excitant analogue à ceux des peuples plus
méridionaux.
Alcoolisme. — Quant à Texcitation cérébrale, ils la deman-
dent à ValcooL Ces populations sont en train de disparaître, mais
elles ne disparaissent pas» comme on pourrait le croire, devant la
rigueur du climat, ni même sous les coups de la phthisic, comme
on pourrait le penser ; elles disparaissent par le fait de VcUcoo^
lisme, qui leur est naturel et que le voisinage de la civilisation ne
fait qu'accroître.
Xaladles ncrveases. — C'est vraisemblablement à Tinfluence
de l'alcoolisme qu'il faut attribuer ces épidémies convidsives, fré-
quentes dans ces contrées, épidémies dont Pallas nous a donné la
description et qui ont été confirinées par plusieurs voyageurs.
L'hystérie prend souvent en Sibérie la forme imitalivc ; la jeune
ûlle imitant tous les gestes qu'on fait devant elle et mon ami le
D' Landowski a vu la crise provoquée par Vodeur du tabac, qui n'a
ici qu'une valeur mystique, parce qu'il est défendu par certaines
sectes religieuses. Il faudrait aller dans les pays chauds, l'Inde,
l'Abyssinie, Madagascar, pour trouver une excitabilité nerveuse
pareille à celle que présentent ces Hyperboréens.
Syphilis. — La civilisation leur a enfin apporté, comme tou-
jours, la syphilis, d'autant plus grave,, que les soins hygiéniques
font complètement défaut et que la promiscuité est aussi grande
que possible.
Pargatifs. — Je dois signaler ici un phénomène qui a été
observé par plusieurs médecins et qui tient au moins autant à
ralimcntation qu'au climat ou à la race ; c'est la grande résistance
de la race jaune aux purgatifs drastiques. La cause de celte ré-
sistance est sans doute dans l'usage fréquent de graisses, qu'elle
fait dans son alimentation; c'est également pour cela qu'elle a
l'alcoolisme sans présenter l'ébriété préalable.
OpiithainiieB. — L'inflammation des milieux de l'œil est sou-
Tent produite, dans ces pays où le soleil fait trop souvent défaut,
par l'intensité de la réflexion, par la neige, de la lumière diffusi'.
tut PATHOLOGIE COMPAHËE DES RACES DCUUHBS.
11. Branche centrale.
Maladies orulalres. — La riitaraete «st très fkAilIMBtttl
cette tiniDChede la raccjaune. D'après le D'Hondiè^TV ellf mh- 1
(juentcde 45 â SO ans; mais tly a là, peul-ôlre. autant onr h
ladic du race qu'une maladie ducila réverliéraliouilc la Iqdm', I
dans ces pays peu ombragés, sur le IfSt jaune qui I
La présence d'énormes nuages de poussière ne c
peu à la fréquence de l'oph/halmie chez les Chint»
une autre cause qu'il faut y joindre : le Chinois <
de lecteurs, 11 fatigue souvent ses yeux; il tes a k'i
lèle, il a peu de eils, pour les garantir des coips é
en outre, la scrofule, qui est très fréquente en Chine. «
cause frcquEute de ces maladies de? yeu;c. Enfia U pnoantlé
de la vie chinoise, [surtout dans le nord, pendant le n " " "
facilite la contagion. L'efTcl est d'autant plus rerUia qM W,
barbier après avoir rasé, massé, douché son client, lui rOMrw
les paupières, et passe, sur leur muqueuse, une peiUttf
d'ivoire, ou mieux une canine de cliieu ou dv rcsud. H m
résulte que tout homme se rendant chei un barbier, tui^nt
d'une ophlhalmie, devient le point de départ tl'une tkitMrtfi-
demie, qui parcourt toute la clientèle du barhîer; In (lawvitn^
aont-elles saines, que ce raclage eiercé presi]ue rhaqoe Jimr m
leur partie interne, suflil pour développer ces varices et en pt*
nulations, qui constituent l'ophlbalmie chronique.
Myopie. — La myopie semble être chei les ChlaM |
fréquente que dans aucune race. Du reste ce peuple, qni il
avait inventé, inventé les lunettes h une époque où l'atitiqaiUtlB'
siquen'y avait point encore songé. Je ne vcui pas pooswrtniM-
séquencei de l'ethnologie plus loin qu'elles doivent allir, mil >
me semble qu'à t'examen des peintures chinoises, où led«tail tff**
une telle perfection, alors que la pcrsprciive semble si «al em-
prise, on eût pu deviner, ce que plus lard ont constaté lemédidn
européens eierçant en Chine, la grande tTéquenre de la iiijtf*'
Serofule. — Je donnais, tout à l'Iieure, la lavftdt «■*
une des causes de la fréquence des (^bthalmîes; e'cst ipi'aid>l
le Chinois en particulier passe pour le peuple lo plin wOfMÊÊX
de la terre: la race iaunc etv^éuétil doit même h nia son ol "
r
RACES JAUNES. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES. 49S
tétanos est moins fréquent dans la race jaune que dans la race
noire, il est dans la race jaune incomparablement moins fréquent
chez les fumeurs d'opium. Je me suis expliqué déjà sur ce point;
c'est pour la même raison que le Chinois résiste à Talcoolisme.
Fréqneaee de raUéaatioB meaUile. — Il est une maladie,
bien autrement grave que Fophthalmie, qui est très fréquente
en Chine, c'est Valiénation mentale, fait qui semble à coup sûr
donner raison à ceux qui pensent que la fréquence de la folie
est chez un peuple en raison directe de Tancienneté et de Tin-
tensité de la civilisation. Elle n'est pas du reste fréquente que
chez les mandarins, les lettrés ou les philosophes, qui sont abon-
dants dans Tempire du Milieu ; cette fréquence s'observe même
dans la basse classe. Ainsi dans la Nouvelle-Galles du Sud où abon-
dent les coolies chinois, on compte ialiénésur 140 Chinois. L'opium
et l'alcool réunis n'ont pas sur cette malaûie moins d'influence
que la philosophie, il faut le reconnaître.
Solelde. — A titre d'Asiatique le Chinois professe pour la
mort un mépris absolu. Il en résulte que Taliénation mentale
prend volontiers, chez lui, la forme suicide; la strangulation est
le mode le plus fréquent ; vient ensuite l'empoisonnement par
l'arsenic, enfin j'ai déjà parlé d'un mode de suicide, que je crois
spécial à ce [leuple raffiné, c'est l'asphyxie par la feuille d'or.
Il est une catégorie de suicides qui ne sont pas rares en Chine
et qui peignent bien jusqu'où peut aller chez un Chinois l'art de
compter : une loi prescrit que tout propriétaire d'un terrain, sur
lequel on aura trouvé un homme mort, payera aux héritiers de
cet homme une indemnité. Il en résulte que le suicide devient un
mode d'assurance sur la tête de ses enfants. Enfin, parfois dans
un but de haine et conséquemment pour attirer une mauvaise
aflDsiire sur la tête d'un ennemi, on va se suicider chez lui.
Xaladle des Seyches.— Une vésanie déjà propre aux anciens
Scythes, c'est la maladie des Scythes, Voici ce qu'en dit Hippo-
crate: « 11 existe parmi les Scythes beaucoup d'hommes impuls-
ai sants ; ils se condamnent aux travaux des femmes et parient
« comme elles; on les nomme efféminés, avav^ptî;. Les indigènes
€ attribuent la cause de cette impuissance à la Divinité ; ils vé-
f nèrent cette espèce d'hommes et les adorent, chacun craignant
fl pour soi une pareille affliction, v Hippocrate a soin d'ajouter
que cette maladie n'émane pas de la Divinité, non plus que les
autres ; noais l'explication qu^il en donne est presque aussi oiaM-
494 PATHOLOGIE COMPARÉE DBS RACES HUMAIIIES.
Taise que celle qu'il réfute : elle consiste à incriminer Hiabitode
du cheval et les sai^^nées fréquemment pratiquées derrière les
oreilles. Hérodote, lui, ne met pas en doute Torigine divine de
cette étrange maladie. 11 raconte comment, dans une des incur-
sions des Scythes, Psammétique, roi d'Egypte, vint au deTantd*eux
dans la Palestine syrienne et les força de revenir sur leurs pas et
comment une petite troupe des leurs pilla, en passant, le temple de
Vénus. La déesse irritée leur infligea une maladie qui les rendait
semblables à des femmes. Elle leur accorda, cependant, une com-
pensation : elle donna aux androgynes le don de prédire Pavenir.
fonction dont cette fois les malades s'acquittaient, dit Hérodote,
fort bien, en s'aidant d'une baguette de saule ou de tilleul. Au-
jourd'hui, dans les campagnes c'est la baguette de coudrier qui a
le don cabalistique.
A la fin du siècle dernier (1796), Reinegg raconta ce qu'il
avait vu dans le Caucase, chez des tribus, à type mongole très
accentué, les Nogays. Il arrive souvent, dit-il, que leur peau se
sillonne de rides , leur barbe tombe et dans cet état ils res-
semblent tout à fait à des vieilles femmes. Ils deviennent impuis-
sants et vivent désormais au milieu des femmes, dont ils adoptent
le costume. La môme remarque fut faite chez les mêmes Tartares
Nogays, par Jules Klaproth, en 1812. Le fait semble donc exact,
mais les observations de quelques voyageurs contemporains per-
mettent au moins de croire que la maladie devient moins fré-
quente. Je pense que c'est cette idée supertitieuse rapportant jadis
à Vénus, aujourd'hui à quelque malin esprit ou à Dieu lui-même,
Pimpuissance une première fois constatée, qui fait éclater, avec le
secours de l'imitation, chez une masse d'hommes ignorants, une
monomanie spéciale, comme notre moyen âge nous en a donné
tant d'exemples; cette spécialité de prédire Pavenir, dont parle
déjà Hérodote, est du reste un trait fréquent chez les monomanes.
Plusieurs auteurs se sont d'ailleurs rattachés â cette idée et
Bogard entre autres a justement comparé cet état moral patho-
logique à celui des hommes qui pensaient jadis que le démoD
leur avait noué l'aiguillette ^ comme on disait alors.
La maladie des Scythes ne serait donc qu'une sorte de inélan-
eolie, dont les exemples étaient communs autrefois. On connaît
les épidémies de zoanthropie qui n'étaient pas rares an xv« el an
XVI* siècle; on se croyait changé en animal; les lycanthropes
notamment se croyaient changés en loups et en prenaient aotaot
BAGSS JAUNES. CARACTÈRES PATHOIiOOIQUES. 495
que possible les habitudes : ils marchaient à quatre pattes, dépe-
çaient de leurs dents des chairs pantelantes et croupissaient
dans les bois. D'autres, mieux favorisés parle démon, à coup sûr,
se croyaient changés en femmes et en prena:ent les habitudes
ainsi que le costume. 11 est curieux de retrouver fixée dans le Cau-
case, depuis Tantiquité, une si étrange vésanie et cela nous prouve
une fois de plus toute la force et toute la pérennité de Figno-
rance et de la peur !
Bee-de-llèvre. — Le bec- de- lièvre est, paraît-il, extrême-
ment fréquent; on ne peut, disent plusieurs médecins, traverser
les rues de certaines villes chinoises, sans y rencontrer, de temps
en temps, toutes les variétés de ce vice de conformation.
ITarlole. — La variole, bien que plus anciennement connue on
Chine qu'en Europe, puisque cette maladie n'est venue en Europe
qu'au vil* siècle, exerce encore aujourd'hui dans toute la Chine
de profonds ravages et cela en dépit de Tinocuiation qui y est
connue depuis une haute antiquité. Contrairement à ce qui se
passe généralement en Europe, il n'est pas rare de voir un Chi-
nois en être atteint plusieurs fois ; la variole fait également des
ravages considérables chez les Kirghisses. La terreur qu'elle in-
spire est telle que le nom même eu est maudit; c'est un crime que
d*eD parier et d'y faire allusion. Une famille atteinte par la ma-
ladie est une famille perdue et abandonnée.
Ckoléra. — La race jaune semble au contraire moins sujette
au choUra que la race blanche. Ainsi à la Guadeloupe, d'après
Walther, la mortalité qui était, pour les noirs de 9,44 0/0, pour
les mulâtres de 6,32 0/0, pour les blancs de 4,31 0/0^ et pour les
coolies hindous de 3,86, devient pour les jaunes (Chinois) 2,70 0/0.
Or remarquons ce fait qui nous montre l'utilité de l'analyse pa-
thologique, dans les études anthropologiques: les coolies hindous,
qui sont un mélange de noirs (Moundas) et de jaunes (Dra vidas), ont
une mortalité de 3,86 0/0, c'est-à-dire inférieure à celle des noirs,
mais supérieure à celle des jaunes.
Phthiaie. — La race jaune semble peu disposée à la phthisie;
certaines peuplades même, soit par leur genre de vie (Kirghisses),
soit par Taltitude (Tibétains), en sont exemptes.
Akeès palmaires. -» Une singularité remarquable de la pa-
thologie de la race jaune, ou du moins de celle des Chinois, c'est
la fréquence inexpliquée d'abcès étendus, siégeant à la paume de
la nmn et entraînant des désordres qui intéressent même le& qs«
496 PÂTHOLOOIB COMPARÉE DES RACES HUMAIIIBS.
III. Branche méridionale.
Ce qui est vrai de la race jaune, lorsqu'elle est pure, ne Test
plus lorsqu'elle est mélangée avec les races noires de l'Asie,
comme le sont les Annamites.
Choléra. — Nous avons vu que le choléra était endémique en
Cochinchine, mais il sévit surtout chez les Annamites, qui sem-
blent avoir comme les nègres une grande facilité à prendre la
maladie. Chez TAnnamite les symptômes du choléra ont même
un caractère particulier : la période dite algide est, diaprés le
D' Morice, plus courte et moins grave; la période réaction estaa
contraire plus longue et plus grave, que chez l'Européen.
ImpalndUme. — Les Annamites ont en outre une immu-
nité relative pour la fièvre intermittente et, en cela encore, ils
tiennent de l'élément noir.
Plaies. — Chez les Annamites les plaies se cicatrisent rapide-
ment de ravis de tous les médecins, les D*^' Rochard, Morice,
notamment. Les plaies présentent, chez eux, une tendance remar-
quable à la cicatrisation et à la prompte réparation ; cette rapidité
rappelle encore ce qui se passe chez le nègre. On doit cependant
signaler une forme de phagédénisme qui donne lieu à ce qu'on
nomme la plaie annamite,
Caneer. — Un autre rapport entre l'Annamite et le nègre c'est
la rareté du cancer épithélial ou cancroîde, tant il est vrai que
Tanalyse pathologique vaut ici l'analyse anatomique.
Deasae. — La dengue est également plus grave chez lui que
chez les Européens.
Dyseaierle. — Les Annamites ne possèdent, en revanche,
aucune immunité pour la dysenterie.
Stomatite. — La stomatite est fréquente, mais elle est due à
l'emploi du bétel ou plutôt de la chaux qui raccompagne.
Uleére de Baasae. — Le D' Mondière décrit c^mme spécial
à l'Annamite ce qu'il nomme Vulcère de Bassac; cela diflfère pour
lui complètement autant de l'ulcère de Cochinchine, qui n*est
que du phagédénisme entretenu par l'humidité, la malpropreté,
le défaut de soin , que de la syphilis. Cela prend surtoat le sexe
féminin, de 13 à 43 ans. La maladie occupe Textension des
membres, le dos du pied, le dos de la main, le genou, la face anté-
rieure des cuisses; l'éruption est symétrique et oonstitiiée par de
JAPONAIS. CARACTÈRES ANATOMIQUES. 497
grosses bolles pemphigoldes de 8 à 10 millimètres. Elle avait été
décrite par Cazenave, comme une forme de lèpre, sous le nom de
Tsarath aphymatode.
m. RACES mZTES DERIVEES DU TRONC JAUNE.
Les races mixtes dérivées du tronc jaune sont : les Japonais, les
MalaiSy les Polynésiens^ les Américains,
Ce que nous cherchons, ce n*est pas la nomenclature des ma-
ladies qui sévissent dans les pajs très divers habités par ces races ;
cela a été Tobjet de la première partie de ce livre, où nous avons
étudié le milieu extérieur; ce sont des caractères pathologiques
à mettre, en anthropologie, à côté des caractères anatomiqucs
et des caractères physiologiques.
I. JAPOi\AIS.
Orlglae des Japonais. — La population japonaise résulte de
la fusion de plusieurs races. On retrouve chez elle bon nombre
de caractères de la race jaune : le cheveu noir, droit, gros; les
pommettes saillantes; peu de barbe; les yeux obliques; la peau
plus ou moins jaune. L'histoire nous signale en outre un mélange
avec les Ainos, autochtones à peau blanche, très velus, sous-
dolicliocéphales (indice, 76), aujourd'hui refoulés à l'état de pa-
rias, au nord de Yeso. Un autre mélange a eu lieu avec les Jetas
ou Jetoris, autres parias, qui, au nombre de 250000, mendient,
disent la bonne aventure et semblent être venus de Tlnde, comme
les Gitanos ou Bohémiens d'Europe. Un autre mélange a eu lieu
avec les noirs brachycéphales des Philippines, pour qui Formose,
Siou-Khiou furent des étapes faciles; autre mélange avec les
Mongols d'Asie; mélange avec les Coréens; enfm et surtout mé-
lange avec les Malais.
§ 1. CARACTÈRES ANATOMIQUES.
Ainsi composé de pièces diverses, le Japonais est petit, trapu,
TÎgoureux; le mollet chez lui est très développé, la jambe présente
une courbure exagérée; il est très musclé; sa force de traction est
considérable, ses membres sont courts, ses extrémités petites.
Habillés dans notre costume, quMls affectent volonlv^t^ ^<^ V^\\&x
oAOOft. llftD. ^1
I
4gs PATHOLOGlii; COUPARËE DES RACES HUtUlKES.
contrairement aux Cliiaois, qui le repoussent, les J«]Mutf r^
pellent souvent les repréuntants, nombreux A Paris, delà al»-
nie 11 ispa no- américaine. Ce n'est pas là une opinion tantia^
ou tout au moins individuelle, car Brocaa'y tminpa bd joai
atait remarque dans son service, parmi les nombreux élèm^«
suivaient sa visite d'hfipital, un jeune bommc, brun, jaune, pM.
paraissant fort studieux, fort silencieux et prenant beauconpi:
notes. — Il finit par lui demander s'il nrtoit pas Japona». —
Non, monsieur le prurcsseur, lui répondit le jeune liomoïc, je ■»
du Brésil, mais beaucoup de personnes i Paris in'oni prù^
pour un Japonais.
^j 2. CAHACTÈRES PBVStOLOOlQUES.
La constitution du Japonais est volontiers lymphatique, pour
ne pas dire plus, et en cela il se montre bien dérivé dé Ifl r*er
jaune, qui est celle on la scrorule est lu plus développée : Cal,
par parentlièsc, à son mélange de sang jaune que la RuMieM
aussi sa tendance à la scrorule. D'après le D' Mai^l, ka nuii*
dies du Japonais ne sont pas francbement inflamaulMnii' Icf
lésions traumatiqucs les plus f^aves allument, cfaci lai. pc« te
réaction. Il vieillit et se décrépit de Tort bonne lit^ure; c'est Bbm
observation qui a été faite, non seulement au Japon, maî^ â Paru,
par U. le regretté Krishaber, depuis longtemps médecin it fam-
bossade japonaise. Le D' Maget dit également que le hpotân
supporte mal nos grands médicaments. Il aflecle une grande inxn-
sibilitcà ladouleurphysiqueet morale, semble avoir le:
de la température pou développé. Les femmes ont uoe
gilaclogcne considérable et nourrissent leur» cnfaola JUHb'
§ 3. CARACTËHES PATHO LOGIQUES.
On sait quelle révolution considérable a été faite an JjfW;
ce pays a maintenant son budget; mais, comme toutes tm iM-
lutions, celle-là ne laut pas une évolution mûre, normale, pbjv
logique. La pathologie japonaise se ressent de ce que ccUi à<#-
salion, hier xin" siècle, aujourd'hui uUra-iii* siècle,
siècle, prcKOk*
JAPONAIS. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES. 499
et toutes les maladies du civilisé. 11 a de plus les caradères patho-
logiques de tous les éléments dont il est formé.
Les maladies qui lui sont communes avec les Européens pren-
nent chez lui un caractère spécial : ainsi on observe dans la
Kèvre typhoïde une tendance au collapsus. Les affections ner-
veuses "Boni fréquentes et on a observé une forme de lycanthro-
pie, la maladie du rcruird, où les malades se croient changes en
renard.
La BiorCallcé InfaiiCtle est au Japon considérable; mais le
rachitUme n'y existe pas.
SeorkaC. — L'alimentation dans les basses classes et même
dans la moyenne est extrêmement défectueuse; elle consiste
presque uniquement en poisson séché et en riz. Aussi le scorbut,
maladie d'incivilisé, que le civilisé n'a pour ainsi dire pas le droit
d'avoir en pleine paix, est-il une maladie fréquente.
La lèpre est fréquente.
La variole faisait récemment au Japon de ces ravages que
cette maladie éminemment contagieuse n'exerce plus que parmi
les populations sans hygiène. Apportée, dit-on, au viii* siècle,
elle faisait chaque année un nombre considérable d*aveuglcs. 11
n'en est plus de même aujourd'hui que la vaccination est obliga-
toire chez ce peuple éminemment progressif et que le gouverne-
ment a créé, depuis. 1874, un institut central de vaccination, qui
envoie des tubes de lymphe dans toutes les villes.
La rougeole ou fakisa fait chaque année, parmi les enfants,
un nombre considérable de victimes, parce qu'on ne prend con-
tre elle, ni au point de vue de la contagion, ni au point de vue
des soins à donner pendant la maladie, aucune espèce de précau-
tion.
La searlocine et la eoqueluehe sont au contraire des mala-
dies peu communes.
Gale. — Le peuple vivant dans un état d'extrême aggloméra-
tion, la gale csif au Japon, presque générale; on y distingue
d'ailleurs deux sortes de gales : la gale vraie ou acarienne, due à
l'acarus, et ce qu'on nomme chez nous la gale des épiciers. Cette
maladie de la peau des mains s'observait, chez nos épiciers, à une
époque où, avant que les conserves fussent aussi répandues
qu'aujourd'hui et que la boutique de l'épicier prit volontiers les
apparences d'une officine de pharmacien, les employés maniaient
toute la journée des substances salées, mais, cej^ad^tiX, ^\>x'3i ^>\
500 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RACES HUMAINES.
moins altérées et plus ou moins irritantes : c'est la même cause '
qui agit sur les mains du peuple japonais.
Voilà des maladies d'incivilisés ; mais les grandes maladies do
civilisé, la syphilis, la phthisie, Vakoolisme, le Japonais les cod-
nait tout autant.
La BTphillB, bien qu'elle soitconnue depuis longtemps, acquiert
au Japon une gravité exceptionnelle et nullement comparable à
ce qui se voit en Chine. En cela on peut reconnaître rinfluence
de rélément malais. Le sulfure rouge de mercure est, du reste,
employé comme spécifique; on a recours également aux eaux
thermales sulfureuses, qui sont fréquentes au Japon.
La phihisie est très fréquente, et même cette disposition du
Japonais est une exception dans la race jaune, qui, pure, est peu
disposée à cette maladie. Elle débute presque aussi souvent par
des péritonites exsudatives, qui guérissent pour un temps, que
par des pleurésies (Réray).
AleoollBine. — Le Japonais se distingue enfm du Chinois par
la fréquence de Yalcoolisme. Or remarquons que le Japonais ne
boit pas plus d'alcool que le Chinois; il aime, comme lui, Pal-
cool de riz ou saki, mais il ne fume pas d'opttim, et cela nous
prouve combien nous avions raison d'attribuer plus à l'opium,
dont ils usent et abusent, qu'à leur sobriété, la rareté de Talcoo-
lisme chez les Chinois.
Choléra. — Le choléra sévit parfois durement sur les Japo-
nais; apporté à Kiou-Siou par une jonque chinoise en 4822, il y
a fait d'importants ravages. Encore sur ce points la grande apti-
tude au choléra, le Japonais s'éloigne de la race jaune pure et
se rapproche des races négroïdes; dans la dernière épidémie de
Tokio, les Japonais étaient presque seuls atteints; les Européens
n'éprouvaient rien.
J'en dirai autant de la facilité du Japonais à prendre le béri-
béri ou kacké.
Senki.-— Kœmpfer a, en 1713, décrit, après l'avoir observée au
Japon, une maladie absolument nouvelle, qu'il nomme, d'après les
indigènes, le senki; elle serait propre aux Japonais et se carac*
tériserait par des douleurs abdominales, des spasmes, de la suf-
focation et des tumeurs sur diverses points du corps, entre les
sourcils, sur les parties génitales. Cette maladie ressemble sin-
gulièrement à la lèpre, sous certains rapports; par d'autres ^m-
ptômes^ on hi pourrait confondre avec la colique sèche.
JAPONAIS. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES. 5«1
Ophchalmlea. — C'est biea à son titre de membre de la race
jaune, aux orbites peu profondes, aux yeux à fleur de tète, aux
paupières peu fournies de cils, que le Japonais doit, comme le Chi-
nois, la fréquence des ophthalmies. Les aveugles sont extrêmement
nombreux au Japon : on les entend^ dans les villes^ s'annoncer
bruyamment au moyen d*un sifflet, qui avertit les passants.
Parasites Intestinaux. — Avant de quitter le Japon, je dois
signaler la fréquence extrême des parasites intestinaux et des pa-
rasites en générai, pour lesquels la constitution du Japonais a
peut-être une aptitude spéciale; mais cette fréquence tient sans
doute aussi aux procédés de culture du Japonais dont les champs
sont arrosés d'engrais humain, lequel dépose ainsi sur les plantes
qui se mangent crues des œufs de parasites, qui évoluent dans
Tintestin du consommateur.
Fièvre des fleuves. — On donne ce nom à une étrange ma-
ladie contagieuse, qui sévit, soit en juillet et août, soit au prin-
temps, à répoque du débordement des fleuves. Le début de la
maladie a lieu 6 ou 7 jours après le séjour dans les localités sus-
pectes, par un accès fébrile très net (frisson, perte d'appétit,
céphalée, etc.). Puis au t>out de 7 jours, le malade ressent une
douleur dans les ganglions de quelque partie du corps (aine,
aisselle, cou, etc.), et lorsque Ton cherche ù la périphérie, on
tombe invariablement sur une eschare, petite place noire et sèche,
de la largeur d'une pièce de 50 centimes à 1 franc, autour de
laquelle on ne remarque ni lymphangite, ni rien de ce genre. Au
sixième ou septième jour, la fièvre continuant, apparaît un exan-
thème, qui siège souvent au visage et ressemble beaucoup à celui
de la rougeole. 11 dure de -4 à 7 jours et pendant ce temps les
phénomènes fébriles prennent une gravité qui les fait ressembler
à ceux de la fièvre typhoïde. Au bout de la seconde semaine, la
courbe thermique présente de grandes oscillations et une crise
s^établit, plus rapide que celle de la dothiénentérie, plus lente que
celle de la rougeole. Rien d'anormal du côté des autres appareils,
à l'exception d'une constipation opiniâtre. Pas d'albumine dans les
urines.
La nature de cette singulière affection n'est pas connue. Les in-
digènes la considèrent comme résultant de la piqûre d'un insecte
(Akamushi) ; mais cette opinion n'est pas soutenable, quand on
examine de près les choses. Baelz pense qu'il s'agit d'une maladie
infectieuse, miasmatique, spéciale au Japon, préaeTiU\iX/\\^^\.'«t^\<
50i PATHOLOGIK COMPARÉE DES RACES HUMAINES.
quelques ressemblances atec d'autres maladies (le charbon, par
exemple, ou la diphthérie), mais qor, en somme, occupe une place
isolée dans le cadre nosologique.
En résumé, la pathologie du Japonais nous montre remprunte
de sa ciTilisation à la fois avancée et reculée et Tempreinte de ses
origines ethniques multiples : jaune, malaise et négroïde.
II. MALAIS.
Le Malais semble être actuellement le meilleur exemple qu*on
puisse donner d'une race humaine, artificielle, comparable à celles
que créent nos éleveurs. — Je m*explique : à la façon de ces
races animales, où Thomme fait intentionnellement ce que les
hasards de l'histoire ont ici accompli, la race malaise représente
actuellement le groupement momentanément fixé d^éléments com-
posants divers. Elle semble en effet résulter de la fusion d'éléments
blancs, jaunes et noirs, en proportions inégales et variables, sui-
vant les points de la Malaisie. Ce mélange nous est démontré par
quatre ordres de preuves : preuves anatomiques, ethnologiques,
linguistiques et pathologiques.
Origine den Malais. — La linguistique nous montre que
20 mots sur iOO de la langue malaise, en rapport avec un état
social encore primitif, mais un peu développé cependant, comme
les mots qui expriment Tidée dVor, sont des mots tamouls,
c'est-à-dire évoquent des races dravidiennes. — 16 mots sur 100
sont sanscrits : — ce sont ceux qui représentent une idée plus
ou moins philosophique, plus ou moins élevée; ils évoquent T idée
des blancs aryens. Tous les mots qui expriment des idées simples
(50 mots 0/0 de la langue), ceux qui expriment les idées de
ciel, de terre, d'eau, sont polynésiens, autrement dit, ont été im-
portés avec eux par les Polynésiens, dans leur exode vers l'Orient.
On trouve encore dans le malais des mois arabes et même des
mots hollandais, qui se rapportent aux choses du commerce.
L'ethnologie nous montre de même ce peuple essentiellement
pirate, entreprenant, ce nomade de la mer, donnant la main,
dans toutes les directions, aux populations les plus diverses. La
légende fait descendre les Malais du Tibet, le long des grands
cours d'eau, jusqu'à la pointe sud-orientale de TÂsie, exécutant
vers le sud-est un mouvement analogue à celui que d'autres popa-
MALAIS. CARACTÈRES ANATOMIQUES. 503
latioDS jaunes exécutaient, à la même époque, vers TEurope, dans
la direction du sud-ouest. C'est là la légende ; — mais Thistoire
ne les connaît, pour ainsi dire, orficiellement que vers Tan 1160,
alors qu'une émigration malaise, partie de Palcmbang (Sumatra)
va fonder Singapour, dans la presqu'île de Malacca. — Depuis
lors, leur empire s'est étendu en suivant non plus les fleuves,
mais les grands courants marins, véritables fleuves dans TO'ian
même. D'abord naviguant de proche en proche, ils ont pénétré
dans toute la Sonde, à Sumatra, Java, Timor, Bornéo, les Célèbes,
les Moluques. — Là, ils ont rencontre rélément Négrito. Suivant
le contre-courant équatorial d'ouest à est, ils pénètrent jusqu'à la
côte de la Nouvelle-Guinée, où ils trouvent l'élément Papou. Sui-
vant vers le nord le courant du Kouro-Siwo, ils poussent jusqu'à
Formose et jusqu'au Japon, où ils trouvent les Ainos; enfin, vers
le sud-ouest, suivant le courant du golfe de Bengale, ils s'avan-
cent jusqu'au canal de Mozambique, en s'échelonnant aux Maldi-
ves, aux Seychelles, et pénètrent sous le nom d'Owas à Madagas-
car, au milieu de rélément cafre et de Télément arabe. En un
mot, véritables Arabes de l'Orient, comme les a justement nom-
més M. de Quatrefages, ils s'étendent dans toutes les directions,
promenant avec eux Tislamisme.
§ 1. CARACTÈRES AXATOMIOUES.
Ce mélange de races que nous montre la linguistique, que nous
indique l'histoire , l'anatomie ["enregistre dans la race malaise
actuelle. Sans doute certains détails anatomiques sont propres
aax Malais : ainsi la présence du point basilaire ou troisième con-
dyle de l'occipital, saillie qui s'implante sur le bord antérieur du
trou occipital et s'articule avec l'apophyse odontoïJe de l'axis, est
une disposition fréquente chez le Malais, tandis qu'elle est rare
dans les autres races. La partie occipitale du crâne, chez lui, est
aplatie, raccourcie, mais on reconnaît surtout chez lui les éléments
empruntés à diverses races : de la ràce jaune, le Malais, en géné-
ral, possède la brachycéphalie ; 29 Javanais ont donne à Broca un
indice céphalique moyen de 81,6; de la race jaune il possède
encore la mésorrhinie (indice nasal, 51,47), la peau jaune, les
pommettes saillantes, l'absence ou la rareté de la barbe, les cheveux
noirs, droits, gros, la taille petite, la tendance à l'obésité. De la
race noire il tient, tout en demeurant dans la mésorrhinie, une
&0t PATHOLOGIE COMPARÉE DES tUCES BClUtXES.
lenJance à la platyrrhinie (l'indice aastil SI, 4 est, ni cflrl, iahc
médiaire entre celui des Chinois 4S, et celui des ntpttvA-
nieDS b'-i), le nez épalé, les nariaes dilatées, le prognsibiiac «■
est le plus prand qu'on connaisse en ilehondcs races miiitt: h
selD pirirorme des femmes, enfin la couleur caooctle de b peu.
sont des caractères einprunlés & l'élcnient noir compount. De I*
race Manche enlin, certains Malais, qui se iiommviit lu Uali;»-
Poljnésicns, tienoenl la taille plusclevéc, la tétc aïoiiti teidi*-
cépbale, la chevelure moins druilu, p&rTuis bouclrà, Ictcia^
bulcux chei la femme. L'inégalité des mélangea anatotui^iMsdoil
je «iens de parler permet d'ailleurs de classer les UaUis en lUn
branches, suivant ta prédominance du Ijpe jauni; ou noir 4'm
côté, ou du tjpe blanc de l'autre.
< Atcbinnis (uord de Sunuiln).
,, , . IMaJurWi.
Mslaia vrais (
/'l'iKals [l>bllippincs;.
{ Ow» (Mada^ucir).
SBaKAks (oûle oeoiJcaUle de i!ao«tn:.
Mscassan ■Céltbcii|.
I DoDjmaiB (Célèb«*).
'. Dtjaki (BumioJ.
§ i. CABaCT^BES PATItOLOGIOL-EB.
Les traces de mélange que préscnletil les caractères untooi-
qucs, ethnologiques et litiguisliques se relrourent ici. U oiÊK
uiënie des caractères palhoiouiquci propres, comme J «nkén
curaclërcs aiialomiques propres.
SMtelde. — Cunime chez beaucoup de pupulalions Ue la m*
jaune, noUmmcnl chez les Chinois, on constate cbei let JUIm
une fréquente tendance au suirirlr.
Tjrpc morbide ~ Comme au Japon, comme en CbitWi, «■ wé*
le (oriKlcrc peu iii^ummatoire iki maladirs du Halai*, akm^il
ciMé, dans le même milieu, les Européens prcaenteot aa eancitit
innammatoire des mêmes maladies, ce qui, par conséquni, pf
met de inctirc de câlii l'inRuence du climat ; le Ijpe tnorMt ■>
autre. Le WaW», comme VJtts.\a4V*»Hi'0iWiit\«3(L\vi««.,wtHi!ti
1
MAUIS. CARACTÈRES PATHOLOOIQUES. 505
aux ophthalmies. Tandis que, par exemple, les kératites, qui sont
fréquentes, suivent, chez l'Européen, une marche aiguë, elles
suivent, chez le Malais, une marche chronique.
Scrofule. — La scrofule, surtout dans sa Tprme écrouelleuse,
est d'une fréquence extrême à Sumatra; or nous savons que la
race jaune est la race la plus scrofuleuse de la terre.
Arihrliis. — Si, par les caractères pathologiques qui précè-
dent, les Malais sont de race jaune, ils appartiennent, en revan-
ehe, à la race blanche par la fréquence des affections cardiaques
et du rhumatisme articulaire aigu, qui leur donne souvent nais-
sance. Aussi, à titre de rhumatisants, les Malais sont-ils experts
dans Tart du massage^ des frictions, qui sont exécutés avec raf-
ûnement pendant une ou deux heures, sous le nom de pitjil, par
les dois^ habiles des vieilles femmes.
Tétanos. — L'élément noir, qui perce pour ainsi dire en lui,
a donné au Malais, contrairement à ce que nous avons vu dans la
race jaune, une tendance extrême au tétanos; le lecteur se sou-
vient combien cette maladie est fréquente dans les races noires.
Phihlsle. — La phthisie, que j'ai dit être peu fréquente dans
la race jaune et au contraire très fréquente dans Les races noires,
est, chez les Malais, beaucoup plus fréquente que chez les Chinois.
Fièvre paladéenne. — Un caractère essentiellement négroïde,
c'est une quasi-immunité pour \bl fièvre intermittente, si fréquente
chez les Européens qui traversent les districts lampongs.
Choléra. — Le choléra sévit sur les Malais tout autant que
sur les Européens. Or si, comme jaunes, ils devraient y être moins
exposés, à titre de noirs ils devraient l'être davantage. Nous voyons
encore ici le métissage s'accuser par des caractères pathologiques
intermédiaires.
Sjphllls. — En parlant de la syphilis, nous avons vu que le
pian, la frambœsia, le bouton d'Amboine étaient propres aux
Malais et aux nègres.
Béribéri. — Enfin il faut noter, comme un caractère propre
aux races jaunes métissées de négroïdes, comine le Malais, la ten-
dance marquée à prendre le béribéri. Le béribéri est même une
maladie essentiellement malaise; son aire géographique par excel-
lence est constituée par la Malaisie et c'est Télément malais, qui
figure dans le Japonais, qui vaut à ce dernier la tendance à pren-
dre cette singulière maladie. C'est au même titre de maladie de
négroïde que le béribéri appartient aussi aux coolies de l'Iade^sM^
506 PATHOLOGIE COMPARÉB DES RACES HUMA1HB8*
les côtes de Coromandel, de Malabar et de Ceylan ; ce soot les
coolies qui, depuis 1863, ont transporté arec eux le béribéri ta
Brésil, à Bahia.
FacBlié àe ploBfer. — Mais le Malais n^est pas un simple mé-
lange; pour employer une image empruntée à la chimie, ce n*esl
pas un mélange, c^est une combinaison : à côté de certains des ca-
ractères des éléments composants se trouvent donc des caractères
propres, nouveaux, siii gcneris. Ainsi le Malais présente seul une
particularité physiologique bien curieuse, c'est celle de pouvoir
plonger sous Tcau pendant fort longtemps. Le D' Pooty a vu des
plongeurs malais demeurer sous Teau pendant 4 à 5 minutes,
après avoir pris la précaution de se frotter d*hui1e. Je ne m*explique
pas. le motif de cette dernière pratique; mais le fait de pouvoir de-
meurer ainsi sous Teau doit être en rapport avec une particularité
anatomique encore inconnue, qu'il serait bon d'étudier. Les canards
plongent, on le sait, pendant fort longtemps, et lorsqu'on fait une
saignée à un canard, il perd d'autant plus la faculté de demeurer
sous Teau, sans respirer, que la saignée a été plus copieuse, autre-
ment dit, lorsque le canard a moins de globules qui emmagasinent
Toxygèno, en se combinant avec lui, il a besoin de remonter plus
souvent à la surface de Teau, pour renouveler sa provision. Il serait
donc curieux d'étudier le nombre des globules du sang dans la
race malaise, et de voir si les Malai.s, ou au moins les plongeurs
maldis, n'ont pas plus de globules que nous.
Des plongeurs malais il est curieux de rapprocher le coureur
japonais, qui, d'une race voisine, parcourt en une seule journée,
et toujours courant, des espaces considérables.
Horialicé et morbidité. — Les médecins qui ont eu occasion
de voir les Chinois et les Malais côte à côte, dans le même milieu,
disent que le Malais est plus facilement malade que le Chinois, et
qu'il meurt plus vite. La statistique nous montre au moins qu il
meurt plus souvent : ainsi à Batavia (Java), la mortalité des Chi-
nois est de 1 sur 16,53 habitants, tandis que celle des Malais est de
i sur 24,80 habitants. Le D^ Armand cite cependant de nombreux
cas de longévité chez les Malais de Sumatra ; aux Philippines, uo
recensement, fait en 1875, des individus de Manille compris entre
80 et 100 ans, a donné : 4 Espagnols, 226 métis, 2 Chinois,
5746 Indiens tagals.
Maladies oealalrcs. — Comme particularité pathologique
de la race malaise, on cite la rareté plus grande que partout
MALAIS. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES. 507
ailleurs et surtout que chez les Chinois , des anomalies de la
VÎSH».
PneoM^Mle. — Je mentionne seulement la rareté de la pneu-
monie; en 5 ans, la statistique du Dr Van Leent, à Sumatra, donne :
12 661 pleurésies, 2 pneumonies.
Ta^s dorsalis. — Le D' Van Leent signale, en revanche,
la fréquence extrême d'une maladie bien connue chez nous, de-
puis les travaux de Duchenne (de Boulogne), le taf}es dorsalis ou
atcueie locomotrice progressive.
FléTre iBtérmliieBte. — Si la fièvre intermittente est moins
fréquente chez le Malais que chez TEuropt^en, elle existe cepen-
dant, mais elle est autre. Tandis que chez PEuropéen la fièvre per-
nicieuse est algide,dans le même milieu, elle est comateuse chez le
Malais. 11 existe aussi à Sumatra une forme syncopale de la fièvre
pernicieuse, forme qui, d'après le D' Rochas , serait propre aux
indigènes.
Maladies de la pean t lèpre, éléphanClasIs. — On signale
encore chez eux une grande fréquence de Vichthyose ou kikis ou
eascadoé, une grande fréquence de la lèpre, notamment chez les
Dayacks de Bornéo, une grande fréquence de Vélépluintiasis des
Arabes.
Folles épldémlqnes. — Je dois encore signaler, chez les Ma-
lais, la fréquence de délires épidùmiqucs imitatifs, contagieux.
J'ai parlé déjà de ce délire contagieux, qui fut observé à Ma-
dagascar, chez les Owas, la ramaninjnna ; chez le Malais de Su-
matra, c'est le lata, délire imitatif des gestes et le mata glap ou
délire homicide.
■éiel. — Enfin, pour terminer ce qui caractérise le Malais, je
rappelle le bétel. L'habitude de mâcher le bétel est exclusivement
malaise; elle s'est étendue de proche en proche et règne actuelle-
ment depuis les Moluques jusqu'au llcuve Jaune et jusqu'au bord
de rindus, c'est-à-dire : en Malaisie, en Cochinchine, dans le sud
de la Chine et dans une partie de flnde.
m. POLYNÉSIENS.
L'analyse d'anthropologie pathologique que nous venons d'ap-
pliquer aux Japonais et aux Malais, nous allons l'appliquer aux
Polynésiens.
508 PATHOLOOIB COMPARÉE -DES RACES HUMAINES.
§ 1. MIGRATIONS, MÉLANGES, AIRE GÉOGRAPHIQUE, CARACTÈRES
ANATOMO-PHYSIOLOGIQUES.
Je disais tout à l'heure qu*à côté des Malais vrais on trouTait,
en Malaisie, des populations qu'on a nommées malayo-polyné-
siennes, et j'ai cilé les Baltaks (Sumatra), les Macassais, les Bcu-
ghuis (Célèbes), les Dajaks (Bornéo); je citais ces populations
comme de taille plus haute que les Malais, aux pommettes moins
saillantes, au nez plus mince, moins aplati, à la barbe plus four-
nie, aux cheveux parfois bouclés, à la tète moins brachycépbale,
enfin comme présentant beaucoup de caractères du type blanc;
les voyageurs s'accordent en effet à reconnaître un grand rap-
port entre ces populations et les Polynésiens proprement dits.
L^histoire de Tcthnologie polynésienne nous explique cette appa-
rence.
Nous avons vu se former la race malaise : nous avons vu ce qui
devait devenir le noyau de cette race suivre d'abord les grands
fleuves continentaux et descendre du Tibet, vers la presqu'île de
Malacca ; nous avons vu plus tard les Malais suivre les courants
marins, ces véritables fleuves océaniens, et essaimer dans toute la
Malaisie : vers le nord, le long du Kouro-Siwo, jusqu'au Japon,
vers le sud-ouest, jusqu^à Madagascar; cet écoulement des popu-
lations du centre de l'Asie vers la mer ne s*est pas fait d*un seul
jet, mais à des époques successives, par flots successifs, dont Tun
poussait l'autre; suivant les époques où le départ des futurs
Malais avait lieu, ils partaient plus ou moins chargés d'élément
blanc ou d^élément jaune; suivant les points d'arrivée, ils ont ren-
contré des populations qui, elles-mêmes, plus ou moins blanches
ou jaunes ou noires, ont donné au type malais résultant un carac-
tère particulier, suivant ces points. Ainsi l'élément jaune domine
au Japon; l'élément cafre domine à Madagascar; en Malaisie, Télé-
ment négroïde domine, chez les Malais vrais; l'élément blanc
domine chez le Malayo-Polynésien.
Ce jet de populations parti de TAsie et lancé au travers des
diverses populations autochtones devait se continuer par le même
chemin des courants marins. 11 existe un grand courant éqaato-
rialqui va de Touest à Test; ct^ courant, la population nomade
dont nous parlons devait le prendre. Le jet de population qui
POLYNÉSIENS. CARACTÈRES ANATOMO-PHYSIOLOOIQUES. 509
aurait IraYersé les peuples autochtones négritosy repartit de Pile
Hourou, entre les Célèbes et les Moluques, et traversa les popu-
lations des Papous. Un groupe de Papous visiblement métissé de
blanc et retrouvé par Moresley est resté comme témoignage, à la
pointe de la Louisiade. Mais, suivant le même courant, ceux qui
devaient devenir les Polynésiens atteignent les îles Samoa, qu'ils
trouvent inhabitées, les iles Fidji, où ils trouvent les Papous. Au
V* siècle, ils atteignent les Marquises ou archipel Nouka-Hiva ; en
ilOO, Tahiti ou les îles de la Société, puis les Sandwich ou Havaï;
aux Sandwich, Pélément négroïde reparait, par suite d'une inva-
sion venue des Carolines. Le contre-courant équatorial de Test
à Touest, entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande, les amène dans
cette île. Là , ils trouvent Télément noir australien ; aussi les
Maoris sont-ils très mêlés de noir; les femmes sont pubères de
H à 42 ans, elles sont très fécondes.
On devine que le type polynésien diffère, suivant que Tenvahis-
seur a trouvé l'Ile d^rte, habitée par des noirs, ou déjà peuplée
par d'autres blancs comme lui; d'une manière générale, à mesure
que ce peuple envahissant s'enfonce vers l'est, il se dépouille de
l'élément noir et l'élément blanc domine de plus en plus. Les
chefs surtout, qui se mêlent moins que le commun des mortels,
présentent le type blanc d'une manière plus accusée. En i606 on
trouva à Tahiti un chef qui avait les cheveux rouges; de même
aux Wallis en 1767; de même aux iles Salomon, à Tile de Pâ-
ques. A mesure qu'on s'avance vers Test sur la limite de leur aire
d'extension, on voit surgir un autre type composant, le type amé-
ricain.
Sous le rapport de l'indice nasal, le type polynésien est, comme
dans la race jaune, mésorrhinien (49,25), entre les Chinois (48,53),
les Mongols (48,68) et les Australiens (53), les Néo-Calédo-
niens (53), les nègres d'Afrique (54). Mais cet indice varie suivant
les points : c^est ainsi que chez les Maoris, l'élément australien a
fait monter l'indice à 52. L'indice céphalique est mésaticéphale :
tandis que l'Australien a 7i,49, le Néo-Calédonien 71,78, le Poly-
nésien a 76,30, les Mongols ont 81, les Javanais 81. Sous le rap-
port de l'indice orbitaire les Polynésiens sont mégasèmes, comme
toute la race jaune (indice, 92), entre le Chinois (93), le Java-
Dais (91), et le Nco-Calédonien (80), l'Australien (80). La cheve-
lure du Maori est noire et épaisse, non laineuse ; la peau jaune,
le nez épaté, la bouche large, les lèvres épaisses. Le crâne est
510 PATHOLOOIB COMPARÉE DES RACES HUMA1HB8.
renflé au niveau des bosses pariétales, la crètc médiane, en forme
de carène, se retrouve dans certains crânes américains.
Comme aspect extérieur il tient du type blanc; taille élevée,
élancée, élégance de manières, disposition aux arts et à la danse,
à la poésie, à la musique. Cheveux pas toujours noirs, fins, par-
fois bouclés. Du type jaune le Polynésien tient une certaine
obliquité des yeux., la couleur jaune de la peau, la saillie des
pommettes ; encore du type jaune, la tendance à Vobésité précoce :
à Tahiti, une femme de 30 ans est obèse. H en est de même de
Tarchipel de la Louisiade, où Tobésilé est fréquente, surtout chez
la femme.
Au milieu de ces différences il existe cependant une grande
unité du type polynésien moyen : stature moyenne, yeux grands,
front saillant, nez effilé, cheveux fins et plats, bouche grande,
dents belles, peu de barbe, cou long, extrémités petites. Grande
unité (le la langue également : un homme des Sandwich comprend
de suite un Néo-Zélandais. Unité de croyance, de coutumes, témoin
le tabou, qu'on retrouve chez les Dajaks de Bornéo. Pas d*arc,
pas de flèches ; ces armes sont propres aux Papous; cette question
de Tare représente du reste un excellent réactif des races; à la
côte sud-csl de la Nouvelle-Guinée, où commence la race jaune,
Tare cesse : Tare cesse avec la plantation de Varec qui sert au
hrtcl; un autre caractère, c'est un grand amour du tatouage!
§ 2. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES.
Nous allons retrouver dans la pathologie les mêmes traces
d'hybridité, mais aussi la même unité de race.
Arihriila. » De la race blanche, comme le Malais, mais plus
encore que lui, le Polynésien tient une disposition prononcée au
rhumatisme ; comme le Malais et pour le même motif, il excelle
dans Fart de la fridion, qu*on pratique avec le suc irritant d'une
piperacée, des fumigations, qu*on pratique en jetant dans Teao
des pierres préalablement rougies au feu, enfin du massage, œmmt
le Piljit des Malais. Aux Sandwich , cela est tellement dans les
mœurs, que la première chose qu'on offre au voyageur, c'est un
bain; après le bain, une femme âgée vient le masser flomiiomi]*
Peut-être est-ce encore Tinfluence blanche, au moins la fréquence
de l'arthritis, qui donne aux Polynésiens la fréquence de la pneU"
monte. Je rappelle ce que j'écrivais au contraire dans le cha-
POLTNà8IRH8. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES. 511
pitre précédent, de la rareté de la pneumonie chez les Malais; chez
les Polynésiens, la bronchite aigué, la pneumonie , la pleurésie,
toutes les trois désignées sous le même nom de hoia, sont très
fréquentes. Les indigènes soignent ces maladies par un vomitif et
par la saignée, qu^ils pratiquent avec une lancette faite avec un
fragment d'obsidienne.
Ser«fale. — La fréquence de la scrofule, de Vophthalmie rap-
pelle jusqu^à un cerlain point la fréquence que nous avons pré-
cédemment constatée dans la race jaune; Tophthalmie blcnnor-
rhagique est commune.
Sous le rapport de deux maladies, réléphanclasls, la sy-
philis, on peut dire que, sous le masque du blanc, perce le noir
Papou. — Véléphantiasis des Arabes est en effet fréquent chez le
Polynésien autant que chez les nègres. L'éléphantiasis du scrotum
est très fréquent, si fréquent que chaque famille possède un petit
appareil, sorte de tabouret, qui sert à faire reposer le scrotum de
réléphantiasique, comme ferait la tète sur un appuie-tète de bois.
Une forme négroïde de maladie est cette variété de syphilis, ce
pian dont j'ai parlé et qui, fréquent à Tarchipel Tonga, porte le nom
de ionga; il est caractérisé par des ulcérations saillantes, comme
la framhmsia; il est contagieux et n'atteint qu'une fois. Il donne
lieu à des abcès qu'on ouvre avec une dent de requin. Chez les
Papous personne n'y échappe ; dans les iles Polynésiennes, sa fré-
quence diminue, comme le sang blanc augmente.
Uleères piiagédénlqaes. — Notons encore, comme propres
aui races colorées, la tendance à la pérennité des ulcères chroni-
ques des jambes, analogues à Tulcère de Mozambique, à rulcère
de l'Yemen.
Fièvre palndéenne. — Parmi les caractères spéciaux on se-
rait tenté de noter comme précieux V immunité pour la fièvre
intermittente, immunité qu'on pourrait rapprocher de la quasi-
immunité de la race noire, mais ce serait une erreur : ce n'est
pas le Polynésien qui ne prend pas la fièvre intermittente, c'est la
Polynésie qui ne la donne pas, bien que la culture du taro donne
lieu à toutes les conditions qui font naître la malaria! Le climat
de Tahiti nous intéresse directement, puisque c'est maintenant
une colonie française : du temps de Dutroulau, pendant huit ans,
la mortalité de la garnison de cette colonie n'a jamais dépassé,
même en temps de guerre, 0,98 0/0 de l'effectif, elle est même
descendue en 1850 à 0,39 0/0, et cependant on défrichait! Tous
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P0LYRÉ811M. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES. 5tS
exagéré la fréquence ; cette barbare coutume existait, jadis, dans
la secte des Arioi, mais elle a disparu.
La vraie cause de la dépopulation, c*est la phlhisie. Nulle part
cette maladie ne fait de plus grands ravages, que dans cette belle
Polynésie, qui, cependant, donne en quelque sorte Timage de
YEden de la légende. Le thermomètre ne s'y élève jamais au-
dessus de 34*; il ne descend jamais au-dessous de il^; on n*y
voit aucune de ces maladies qui rendent les pays chauds si trom-
peurs; on n*y connaît pas la fièvre intermittente ; la nourriture
vient à Thomme sans autre peine que celle de la cueillir; Varbre
à pot», le cocotier avec son lait, son sucre, son huile, les poissons
de rivière et de mer, les volailles rendent la vie douce et facile;
les Polynésiens sont doux, aimables, policés ; ils passent volontiers
leur vie enjeux et danses; ils n'éprouvent aucun des inconvé-
nients de Tencombrement, et cependant ils meurent avec une
sorte de fatalisme conscientqui n*est pas sans philosophie. «Comme
« le trèfle a tué la fougère, dit le Maori, le chien européen, le
« chien maori , comme le rat maori disparaît devant le rat eu-
« ropéen, de même notre peuple sera graduellement supplanté
« par les Européens, p H n'y a donc pas là une affaire de climat,
mais bien de race.
Un planteur de Taîti fit venir i 200 Chinois; en 5 ans 112 étaient
morts par suicide, blessures, phthisie; il fit venir alors des Poly-
nésiens des lies Gilbert; ils moururent tous phthi^iques ! d'ailleurs
la phthisie du Polynésien est spéciale : l'amaigrissement est rapide;
on note la fréquence de Tenvie de dormir, des sueurs profuses^
on n'observe qu'une petite toux ; la durée est de 3-4 mois. C'est
donc une question de race ; la preuve, c'est que les métis sont
moins sujets à la tuberculose, les quarterons moins encore que
les métis (D' Brulfert).
Dans tous les cas, voici une idée de la dépopulation en Poly-
nésie :
Aux Sandvirich, le chiffre de la population est successivement :
En 1778 300 000 habitants
1850 78 000 —
1858 70000 * --
1869 53 000 —
AUX Marquises, de 20 000 elle passe à 10 000.
gAoor. m&d. ^^
514 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RACM HUMAUCES.
A Taîti :
En 1774 80000 habitants
1797 16000 —
1829 8568 —
1838 8000 —
1869 7 «12 —
Aux Gambier, elle tombe de 1 650 à 600.
A Râpa, de i 500 à 1 98.
A la Nouvelle-Zélande, on compte :
En 17G9 500 000 liablUntn
1840 140 000 -
1841 107000 —
1867 45470 —
1877 38540 —
Aux lies Samoa, en 1839, la population était de 56 600; en 1853,
elle devenait, 33 90i.
Le Polynésien meurt de pbtbisie et cependant son pays déli-
cieux ne connaissait pas la phlhisie au moment où les Européens
y sont venus ; aujourd'hui même, dans chaque ile> les ravages
de la phthisie sont, en quelque sorte, proportionnels au nombre
des Européens. Un seul groupe dlles n'est pas en décadence, en
Polynésie, ce sont les îles Diingcremes de l'archipel Pomotou, ha-
bitées par un peuple peu endurant; elles ont été jusqu'ici rela-
tivement préservées et de nous-mêmes et de la phthisie.
Si le Polynésien meurt phthisique chez lui, il meurt également
phthisique ailleurs. En 1863, un spéculateur anglais introduisit,
comme colons, à Lima, 2 000 individus des Marquises; en moins
de dix-huit mois les trois quarts étaient morts de phthisie.
Pourquoi donc le Polynésien meurt-il invariablement de phthi-
sie? A cette question on répond le plus souvent d'une façon mys-
tique, en disant : C'est le contact du civilisé et de TinciTilisé qui
le veut ainsi ! et cependant les conditions qui lui sont faites par
l'Européen sont relativement douces : il meurt chez lui, libre»
heureux et son sort ne ressemble en rien à celui du Peau*Rouge,
qui meurt, parce qu'il n'a plus de territoire de chasse, parce quil
ne mange plus et que, noyé par la civilisation qui monte et le
refoule, il meurt de faim.
On ajoute : Le Polynésien, le nègre meurent phlbisiqnes, pour
▲MfiRlflUMS. CARACTÈRES ANATOMIOUBS. 515
la même caus«, qui fait que nos animaux domestiques entassés
dans nos étables ou dans nos écuries meurent phthisiques ou delà
mà\&â\e pommeliêrc ; ils meurent comme font les singes que nous
amenons captifs en Europe, ou que nous conservons simplement
captifs dans leur propre pays! H est de fait que les mammifères
de? iennent phthisiques par agglomération , par encombrement,
par captivité, absolument comme les hommes; mais si cela est
vrai pour les nègres au temps de la traite et de l'esclavage, cela
n'est vrai ni pour les Polynésiens, ni pour les nègres au Brésil.
On croit enfm avoir formulé une explication suffisante, en disant
doj^matiquement : « 11 faut que les races inférieures disparais-
sent devant les races supérieures, la phthisie est le moyen.» Mais
cela ne veut absolument rien dire.
En réalité, le Polynésien meurt de phthisie, parce que cette
maladie est contagieuse et que nous la lui avons apportée. Quel que
soit le procédé, il y a des races qui disparaissent. C'est là un spec-
tacle attristant, mais il n'y a pas à gémir devant un progrès. H y a
là des contrées salubres; aux Européens de les mettre en valeur !
IV. AXEEICAINS.
Qu'est-ce que les Américains? Sommes-nous autorisés à réunir
en un seul groupe des populations aussi distinctes que TEsqui-
mauy le Peau-Rouge, le Patagon, qui s'échelonnent du 70^ latitude
nord au 55<* latitude sud et en altitude, des bords des deux océans
aux sommets les plus élevés des Andes, par 4000 mètres. Nous
sommes loin, assurément, de Tépoquc où Morton écrivait : « Qui
a vu un Américain lésa vus tous. » Nous savons aujourd'hui qu'il
existe des difTérences considérables entre les différents groupes
de populations américaines, dans le crâne par exemple ; mais
nous savons aussi que, sous ces différences, on reconnaît cer-
tains caractères communs.
§ 1. ORIGINES. CARACTÈRES ANATGMIQUES.
11 fut une époque où les rapports s'expliquaient facilement;
quant aux différences, on ne s'en souciait pas; on pensait que le
nouveau monde avait été peuplé par l'ancien, qui s'était déversé
sur lui par le détroit de Behring. Rien de plus simple. Beaucoup
se rattachaient à cette doctrine, par la seule néces&vVÀ 4^ ^^\^
B16 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RACES HUMAINES.
acte de monogénisme. D'autres invoquaient une raison scientifi-
que, qui n*est pas sans fondement : on était d'abord frappe de h
différence entre la faune et la flore américaines et la faune et 11
flore européennes. Ne voyant, avec raison, aucun motif, pour que
rhomme échappât aux lois de la faune, on disait : L'homme est
un type de l'ancien monde ; on disait enfin : Les anthropoïdes soot
de Tancien monde : le gorille est d'Afrique, le chimpanzé, Torang
le gibbon, d'Asie; on ajoutait: Dans Tancien monde, les singes
fossiles sont déjà des anthropoïdes (ic gibbon fossile de Lartetà
Sansan) ou au moins des pithéciens, comme les semnopithèques
de THimalaya, de la Grèce (Gaudry); tandis que TAmérique ne
renferme à l'état vivant ou fossile que des Ccbiens, famille plus
éloignée.
Mais tout cela ne prouve rien : une partie de ce monde pré-
tendu nouveau, le Brésil, est un des continents les plus anciens
de notre planète. Nous savons, d'ailleurs, que l'homme quater-
naire et peut-être Phomme tertiaire existaient déjà en Amérique.
Il faut donc admettre en Amérique un homme, au moins relative-
ment, autochtone: Un crâne humain tossile a été trouvé par Lund
au Brésil, dans d'anciens campements; dans des paraderos pré-
historiques de la Patagonie, Moreno a trouvé cinq crânes avec
divers ossements d'animaux disparus; des ossements humains
ont été trouvés par Agassiz dans un récif de corail de la Floride;
près de la Nouvelle-Orléans, un squelette humain tout entier a
été trouvé sur les rives du Mississipi, enseveli sous quatre forêts
superposées; un bassin humain, encore dans le diluvium du
Mississipi, était accompagné de débris d'espèces animales depuis
longtemps éteintes; enfin un crâne humain a été trouvé dans
des terrains volcaniques de la Californie. Or tous ces crânes fos-
siles américains sont très dolichocéphales ; Tindice des crânes de
M. Ameghino est de 72,02 ; l'indice du crâne brésilien de 69,72.
Nous pouvons donc conclure qu'une race autochtone, en Améri-
que, est doUchoci^phale et qu'elle a eu son point de départ dans
ce que la géologie nous donne comme le plus vieux continent de
notre terre, l'Amérique du Sud.
D'un autre côté il existe, dans l'Amérique du Nord, entre les
Alleghany et les montagnes Rocheuses, particulièrement autour du
Mississipi, des tertres, des tumuli, qu'on nomme mounds; oT
ces mounds qui ont des formes variées d'hommes, d'animaux,
contiennent des crânes brachycéphales. Si donc, en Amérique,
AMÉRIOAINS. CARACTÈRES ANATOMIQUSS. 517
nous trouvons une race autochtone, fossile, dolichocéphale, \\ existe
peut-être aussi une race immigrée non fossile, brachycéphale,
11 y a mieux : un mélange ancien semble s'être fait entre ces
populations braehycépbales des mounds-builders et la popula-
tion autochtone, préhistorique, car le professeur Wyman a trouvé
sur certains crânes de ces constructeurs de mounds braehycé-
pbales, le trou occipital très en arrière, comme chez le chimpanzé,
et les tibias en lame de sabre. L'existence aujourd'hui en Améri-
que de braehycépbales, de dolichocéphales et de mésaticéphales,
de peaux de couleur différente, enfin de langues différentes sont
rindice d'un mélange incontestable.
11 suffit d'ailleurs de jeter les yeux sur une carte, pour com-
prendre comment a dû se faire l'immigration de populations étran-
gères : le détroit de Behring, avec File Saint-Diomède en son
milieu, est encore et fut de tout temps un passage facile d'Asie
en Amérique. La chaîne des iles Aléouliennes complète encore ce
passage du Kamtchatka à TAlaska. L'existence sur les deux rives
asiatique et américaine de populationsTchouktchis est là d'ailleurs
pour témoigner de ce passage. Plus au sud existe un courant ma-
rin, dont j'ai déjà parlé, le Kouro-Siwo, qui amène directement des
côtes du Japon. Ainsi depuis 1782, suivant les calculs de Brockes,
41 barques japonaises sont venues échouer sur la côte américaine ;
28 de ces naufrages ont eu lieu depuis 1852 seulement. 11 serait
bien étonnant que l'émigration volontaire ou involontaire n'ait
pas suivi le même chemin. Nous en avons d'ailleurs des preuves:
la tradition chinoise parle d'un pays, le Fou-sang, où Ton trouve
de l'or, de l'argent, du cuivre, mais pas de fer. Ce n'est pas le
Japon qui a beaucoup de fer, mais bien la Californie ! Paravay a
rapporté de Chine une vieille image, qui représentait un lama,
animal américain; enfin, preuve directe, en 1725, un Indien, Mon-
cachtapé, qui connaissait les Européens, remontant en Californie,
vit des hommes venir en barque, avec de grandes robes, de mau-
vais fusils; on lui dit qu'ils venaient tous les ans. Il y a plus, ce
même courant de Kouro-Siwo a sans doute amené des Carolines
ou des Philippines ces noirs Californiens, que Cook a décrits comme
des nègres aux cheveux plats. On ne voit pas pourquoi le contre-
courant qui amena les Malais dans toute la Polynésie, ne les
aurait pas amenés en Amérique.
Les mêmes considérations s'appliquent au versant atlantique :
deux courants équatoriaux ont pu amener les tvv^^t^^ ^ ^Ân^^^
'^™",»'J"«l»'..Vi,l.„,
Ce son, d-,L„^ ,„
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AMÉRICAINS. CARACTÈRES PATHOLOOIQUES. 519
le contre-courant malayo-polynésien. Tous deux sont mésaticé-
pbales et ont un indice céphalique de 78 ; ils pratiquaient les
défermations. Leur thorax est bombé; Dorbigny a dit que leurs
œllahs pulmonaires étaient plus grandes que celles des Euro-
péens, ce qui n^est pas prouvé. Leur cornée est teintée de jaune.
Enfin, diaprés Tchudy et Riveiro, les crânes des Âymaras seraient
caractérisés par Tos de VInca; mais cela se voit dans toutes les
races; leur indice nasal est également mésorrhinien ; les Péru-
viens ont 50,23, un peu moins que les Peaux-Rouges 50,52. En
dehors de ces deux peuples qui forment le rameau péruvien de
Dorbigny, tous les autres sont dolichocéphales; leur indice nasal
est moins mésorrhinien (48) ; le nez est plus étroit, TAméricain du
Snd en bloc a 48. Les plus dolichocéphales de tous sont les Boto-
cudos (indice céphalique, 73), et si on veut leur trouver un analogue
comme dolichocéphalie, ce serait chez les Esquimaux (indice, 73);
même ressemblance entre les Esquimaux et les Botocudos, sous le
rapport de Tindice nasal, leptorrhinien (42) : Esquimaux (42),
Botocudos (39-43).
11 semble donc que, tandis que Tinvasion brachycéphale,
comme un coin à base tournée vers le nord, enfonce sa pointe vers
le sud, la dolichocéphalie autochtone, dans un mouvement con-
traire, à base au sud et pointe au nord, pousse jusqu'aux Esqui-
maux. Les Botocudos et les Esquimaux, quoique fort éloignés les
uns des autres, représenteraient donc le plus fidèlement la race
autochtone, malgré les croisements. Il n'est pas jusqu'à la boto-
que, qu'on ne retrouve tout à fait au nord ; les uns devraient
à leur férocité, les autres au climat du Groenland, leur pureté
relative actuelle.
A part toutes ces différences, les Américains ont beaucoup de
caractères communs : cheveux noirs, droits, gros, pommettes
saillantes, peau jaune, tendance à Tobésité.
§ 2. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES.
Dlsp«ritiom des Amérlealns. — Un fait commun aux In-
diens d'Amérique et aux Polynésiens, c*est leur disparition, mais
pour des motifs différents : au Pérou, on parlait, il y a quelques
années, de 15000 Indiens; ils ne sont plus que 4000. Ils cessent
simplement de se reproduire.
520 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RACES HUMAINES.
Crevaux, chez les Roucouyennes^ dans la Guyane, a été frappé
du petit nombre des habitants : là où, pourtant, ils vivent seuls,
libres, sur les bords de TOyapoc, ils ne sont pas plus de i 000; iJ
faut 7 jours de marche pour atteindre le premier village qd a
30 habitants, à 6 jours plus loin on rencontre 20 habitants, plus
loin 5 villages, ensemble 200 habitants.
Chez les Antisiens, ceux qui rappellent le plus les Polynésiens,
et qui peuvent être venus par le contre-courant^ comme eux, oo
note la fréquence de V infanticide.
Le Peau-Rouge ne meurt pas phthisique, comme le Polynésien;
il meurt parce qu'on lui prend son territoire de chasse et que
Talcooiisme amène sa dégénérescence; il meurt aussi par les
ravages de la variole et des autres fièvres éruptives; en 1563, U
variole fit sur l*Amazone périr 30000 Indiens.
Pathologie préhlBlorlqne dams rAmérlqve div Sad. —
Nous sommes naturellement peu éclairés sur la pathologie fossile;
cependant Ameghino, dans des terrains tertiaires de TAmérique
du Sud, a trouvé une femme petite, avec des lésions d^arthrite
sèche et de rhumatisme chronique.
Canlcie. — L'Américain, comme dans la race jaune, ne blan-
chit que fort peu en vieillissant ; le D' Forbes n*a pas vu un seul
cas do canilie chez les Quichas ni chez les Aymaras.
Goitre. — Les Indiens sont dans les Andes sujets au goitre;
les métis le sont moins; viennent ensuite les blancs, enfin les noirs.
Maladies du système nerveux. — On trouve chex les Gua-
ranis, comme chez les Malais, une grande fréquence des maladies
à Vaxe cMbro- spinal; à Rio de Janeiro, elles figurent pour 10,OS/iOO
de la mortalité totale. Coindet, au Mexique, a noté la fréquence de
la foliCf comme en Chine.
Géophagle. — Humboldt a signalé, dans toute la zone torride
américaine, la géophagie.LesOttomaques, au nord du Brésil, man-
gent une argile ferrugineuse; au bord de TAmazone on mange de
la terre glaise ; les jésuites durent même parfois surveiller leur
vaisselle! Ce n'est pas chez eux cette géophagie pathologique^
comme chez le nègre ; cela semble une habitude commune dans
la race jaune. Cela se fait en Chine, à Java, où Ton a même, à
tort, appelé certaines ten-es terres comestibles.
Maladies de la peau. — Les maladies de peau sont firé«
quentes. Dans le nord de TAmérique, une gale fréquente rappelle
la gale des épiciers et celle des Japonais, c'est la gale des liiin^is.
RACES BLANCHIS. 511
Daos rAmérique du Sud^ on voit fréquemment une sorte de vitiligo,
avec décoloration, taches rosées, diminution de la sensibilité;
Crefaux a observé cette maladie chez les Galibis. Dans les Andes, le
mal est connu sous le nom de taches endémiques des Cordillères
00 carrathes; au Mexique sous le nom de los pintos ou pinta.
Typhus. •— La fièvre typhoïde, fréquente chez les Européens,
est rare chez les Indiens; en revanche^ le typhus est fréquent;
c'est le matazahualt des Aztèques.
Fiévrre |aume. — La fièvre jaune attaque les Indiens , tout
aussi bien que les blancs; toutefois^ comme les créoles blancs^
ils présentent un diminutif de la fièvre jaune^ qui a reçu le nom
de fièvre rémittente bilieuse; néanmoins le D' Bâtes voyait là une
preuve de rétablissement des Indiens, dans les contrées brûlantes
de l'Amérique , à une époque relativement moderne ; « leur con-
« stitution, dit-il, ne s'est pas encore bien acclimatée ! »
Fléwre palvacre. — Les Indiens ne sont pas aussi bien préser-
vés de la fièvre palustre que les noirs, mais ils le sont en grande
partie. Les Chinois, les Malais se rapprochent, une fois de plus,
des Américains par la manière dont ils résistent aux émanations
palustres, ce qui prouve que c'est bien une affaire de race et non
d'habitude, ce qui prouve encore qu'ils appartiennent bien tous à
la même race jaune. D'ailleurs, la Floride, qui contient beaucoup
de marais, possède une population qui résiste à merveille, les
Séminoles; mais il ne faut pas oublier qu'il y a eu là une immi-
gration de nègres.
Dans les terres de Magellan, on trouve des furoncles fréquents,
cela rappelle la façon dont à Sumatra, d'après Van Leent, se
montre parfois la fièvre intermittente ; elle y prend la forme de
furoncle.
PhtliiBie. — Au Pérou, la phthisie est fréquente , mais sur le
blanc et le noir, et non sur Tlndien ; il résulte en effet des chiffres
que les Indiens, au Brésil comme au Pérou, semblent peu dis-
posés à la phthisie, que le blanc européen y est au contraire très
disposé et qu'il lègue cette tendance avec son s&ng à ses métis.
IV. RAGES BUUVCHBS.
Nous allons passer en revue, successivement, la race lybienne
oal>erbère, la race sémitique, la race allophyle, la race arienne.
I
S3t PATBOLOGIE: COVPAnÉE DEB RACBS UUttAinCS.
I. BERBÈRES.
§ 1. AIRE GÉOGHAPHIQDE. — StGBATI05B.
Le BcrhSre ou Kabyle est rcpaadu dans l' A^rriijue septcntriooifc,
du golfe deTripoliârOcéan, de la mer au Sahara. I,es popoUtàw
berl)Ëres sont: les Kabjles, les Berbères, les Touarcg«, \n Wotaliw,
lesShiilahs, les anciens Guanches(Canaries], quelque* popoUliau
du sud de l'Espagne. Ce sont les anciens Lj'biens, <\ue lei> E^jf-
tiens, 3 000 ans avant Ji^us-Christ, connaissaient comni* in no-
sins redoutables et qu'ils désignaient sous le nom de TomIim.
Ces Tamahous ont une large part dans les origines cl iMi It
développe ment de la ciiilisation ^ptleiine, mnb ils ne Mst pH
resiés purs dans le nord de l'Afrique et de Donibreuses iataùis
sont venues là se superposer. La première grande bataâmnBt
vrai semblob le ment de l'Europe, «ers 1 000 ans avant Jésu-Chrôt.
Elle était Taiie par des Européens blonds, qui vcoaieni de Cifaral-
tar par Tanger, qui aTaîcnl traversé l'Espagne, Tenant de
haut encore et Tujanl, eux-mêmes, devant une inviuiaa de kw
pa;s, peut-être une invasion des Celtes. C'étaient da ooMinc-
tions de dolmens et ce sont les pierres dressées par ni. sw h
cfite arricainc qui nous occupe, qui ont permis na géoénl ttà'
dherbe de reconstituer leur histoire. Aujourd'hui eneotv, la irte
kabyle et blonde des Denhndja altirmc qu'elle descend te *■!>•
ques constructeurs de ces monuments mégalJlhiqiiesqu'ottnuT.
dans le pays, les tombcaui des Djouhala. La tribu de» Dcahmi
dresse encore des pierres symboliques, qu'elle nomme iaffmJL
En présence d'un malheur publie, d'une défaite, par iirfii,
elle renverse ses S'nobs. Viennent des jours meilleur», cUc ki
relève. Ainsi, battus par nous en 1835, les Dcnhadja anl reavoié
6 s'nobs, qu'ilsont récdiriés on 1S38. Mêlés aux Lybiens, c«s bUmb
constituèrent avec eui le peuple berbère et ont oncarc asjo^
d'bui leurs descendants dans les Berbères blonds, aui ytut bloh
des montagnes de la Kabylie. Bien des invasions se sont MceUt
sur celte couclie dé^rmais fondue de Berbères blonds ou btM>:
1500 ans avant J.-C, ce sont les Phéniciens; 150 ans avant J.'C<
les Romains; avant tous, sans doute, des nègres; 400 âai«^
J.^., les VanMe&\ cafnv IKfi zxis, v^'cis^ les Arabes; puis nM*
nent au \n* s\fec\e Ves Tmcs, 4dw\ \ft^ isW'a v^tMoiiLSk. wiaA
BERBÈRES. CARACTÈRES PATHOLOOIQUES. 5S8
Kouloughlis, les Israélites, les Génois, qu'on retrouve encore à
Oran et à Bougie ; tout cela forme, on le voit, un milieu ethnique
très compleiCy moins cependant qu'on ne pourrait le croire. Le
général Faidherbe a apprécié, dans ce tableau, la proportion cen-
tésimale de chaque élément, dans la population totale :
Lybiens indigèoes, blonds du Nord (Berbères)... 73 0/0
Phéniciens 1
Romains, leurs auxiliaires, Grecs du Bas-Empire
(Bélisaire) 1
Vandales (dans TEst) 0 50
Arabes 15
Nègres (de tout pays) 5
Israélites (bien voisins des Arabes) 2
Turcs et Européens renégats 0 50
■>«
100 00
On comprend toute l'importance de ces notions ethnologiques,
pour l'avenir de nos colonies ; on parle en effet presque toujours,
jusqu'ici du moins, des Arabes, alors que ce sont les Kabyles qui
sont eo majorité; or leur génie est tout différent.
§ 2. CARACTERES ANAT0M0-PIIYSI0L0GIQUE8.
Le Kabyle est brave, industrieux, fier, actif, passionné, séden*
taire et cultivateur; il tient à la propriété individuelle et la défend
avec son fusil, dont il se sert habilement, à pied, dans la mon-
tagne. 11 est monogame et n'a pas d'esclaves. Sa taille est au-
dessus de la moyenne; il est muscuieux, sa peau blanche bru-
nit à Tair ; ses cheveux sont droits, noirs ; ses yeux bruns, se
oreilles écartées. 11 est dolichocéphale (74,4],leptorrhinien (44,3).
Son tempérament est robuste, La femme accouche debout, ce qui
ne l'empêche pas, le lendemain, de faire une longue marche.
§ 3. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES.
Mésistanee an froid. — Le Kabyle se distingue de TArabe
par une résistance beaucoup plus grande au froid, auquel il est
depuis longtemps exposé, dans les montagnes où il s'est retiré
au moment de l'invasion arabe. Les Turcos, qui étaient composés
surtout de Kabyles, ont à Paris beaucoup mieux résisté au froid
que les spahis, qui étaient des cavaliers arabes.
52 ( PATHOLOGIE COMPARÉE DBS RACES HUMAINES.
Type partienller de la ftérre lAterMittente. — Grande
difTérence au point de vue de la 6èvre intermittente : partout où
l'Européen, dans les mêmes conditions, prend le type quatidkiif
le Kabyle prend le type quarte. Le D' Chassagne a constaté qa'eo
Algérie la fièvre quarte se montre sur l'Européen i fois sur 400,
chez le Kabyle 70 fois sur 100. Le D' Boudin, sur 249 cas de fiène
chez des Kabyles, a vu : quotidiennes^ 36 ; tierces^ 73 ; quartes, 438.
Nous avons vu précédemment que, dans d'autres parties de l'Afri-
que, r Européen prenait aussi là le type quotidien, ou subintrant,
tandis que le nègre prenait le type tierce, quand il prenait la fiè-
vre. Ainsi trois races, le nègre, TEuropéen, le Berbère, ont trois
manières différentes de réagir : le type tierce, le type quotidien,
le type quarte.
Syphilis. — Quant à la syphilis, nous ne retrouvons plus, chez
les Kabyles, les formes propres au nègre ; nous retrouvons les
mômes formes qu'en Europe, mais plus graves et comme modifiées
d'une façon qui rappelle ce qu'était chez nous, la maladie, au
moyen âge. D'après le D' Martin, sur lOdécès d*enfants en Kabylie,
6 sont dus à cette maladie. Mais elle diflere, en outre, de ce
qu'elle est chez les Européens, par la grande fréquence des
lésions osseuses, chez les Kabyles. Nous avons vu le contraire,
pour les nègres. Les accidents cutanés n'y sont pas, d'ailleurs,
moins graves, et ce sont eux qu'on a décrits sous le nom de lèpre
kabyle. Les indigènes de l'Algérie se distinguent de l'Européen par
l'absence presque complète d*accidents blennorhagîques,la grande
rareté des ulcérations génitales primitives, la fréfiuence extrême
de la syphilis constitutionnelle. Quant à sa fréquence, Léon TAfri-
cain écrivait : « et quant à ce mal qu'on appelle communément
a en Italie, mal français, et en France, mal de Naples, je me
a pense, que la dixième partie de toutes les villes de Barbarie eo
a sont infestées, et vient avec douleurs, aposthèmes et plaies très
« profondes. »
II. SÉMITES.
Le type sémite est représenté par deux éléments : V Arabe, l'If-
raélite.
ARABES. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES. 525
Arahei.
Les Arabes eux-mêmes ont deux divisions : ceux de TYemen
(Hymiarites); ceux de THedjaz, petits-6ls d* Abraham^ par Ismaêl
son Gis et Agar son esclave (Ismaélites).
§ i. CARACTÈRES ANATOMO-PATHOLOGIQUES.
L^Arabe n'a pas d'industrie ; il est arrogant, paresseux et fata-
liste ; nomade il ne sait pas cultiver. 11 ne comprend que la pro-
priété collective; son cbeval au galop, dans la plaine, est son seul
luxe et sa seule joie. 11 est polygame et esclavagiste. Ce sont les
Ismaélites qui, longtemps avant Mahomet, ont introduit à la
Mecque le culte de la Kaaba ou maison carrée d'Abraham et d'is-
maêl ; mais c^est Mahomet qui leur a donné l'impulsion par suite
de laquelle ils ont envahi TAfrique septentrionale, TEspagne et la
France elle-tnème. L'Arabe s'étend actuellement de TEgyptc au
Maroc, d'Abyssinie au pays des Foulhes, du golfe d'Aden à la Ca-
frerie, sur le Tanganycka; il s'étend jusqu^au Gange, à Mada-
gascar, en Malaisie, où il se mêle à la race jaune. Il est moins
grand que le Kabyle, il est sec, nerveux, peu musclé; sa barbe
est fournie, les oreilles rapprochées de la tète, le nez fin, délié,
mince, aquilin; il est dolichocéphale (74), Icptorhinien , mais
moins que le Berbère (45). 11 n'a aucune tendance à Tobésité.
§ 2. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES.
La sobriété de TArabe est proverbiale: il s'aventure dans le
désert avec un petit sac de farine, une outre d'eau et quelques
dattes; de cette farine il pétrît, dans une coupe de bois, cinq ou
six boulettes, de la grosseur d'une noix, qu'il fait sécher au soleil
ou cuire sur la braise et avec quelques dattes, cela lui suffit pour
la journée. A ce régime, il est d'ailleurs anémique et dans cer-
taines contrées il accroît son anémie par la manie des saignées.
L'Arabe n'a pour s'exciter que le café et le catha cdulis ou thé
d'Arabie, qu'il emploie en infusion et dont il chique la feuille
comme l'Indien celle de la coca.
11 présente une grande tendance à la phihisic, surtout lorsqu'il
quitte la vie nomade pour la vie sédentaire.
Il supporte mieux que le Kabyle les grandes opérations; il est
5S6 PATHOLOGIE COMPARÉE DBS JUGES HUMAINES.
moins nerveux, moins impressionnable ; les pl«iies guérissent, cba
lui, plus facilement.
Quoique habitant des pays chauds, il paye un large tribut à U
dysenterie, à Vhépatite et aux abcès du foie ; la pneumonie est
chez lui grave.
La fièvre typhoïde est rare chez lui ; en cela il diflère notable*
ment de l'Européen.
On a noté une fréquence remarquable des hémorrhoides.
II est particulièrement sujet à Ut variole.
Israélites.
§ I. HISTOIRE ET DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE.
La légende dit que les Israélites ou les Hébreux descendent
d'Abraham et de Sara par leur fils Israël, Des Sémites, sous U
conduite de Tharé, dit la Bible, quittèrent cette Chaldée où ils
s'étaient développés à côté des Kouschites, à côté d^autres Sémites
et de Touranions. Étaient-ils chassés? fuyaient-ils une nou-
velle invasion touranienne? nous l'ignorons. Ils allèrent rejoindre
d'autres Sémites, les Chananéens en Mésopotamie, en Syrie ; ils
allèrent jusqu'au Jourdain, et passèrent en Egypte. Ce fut sans
doute un long défllé que celui de ces hommes traînant derrière eux
leurs chameaux, leurs chariots, leurs chevaux, leurs femmes,
leurs troupeaux! C'était l'époque où TEgypte, démembrée sous
la XIV* dynastie, agonisait : la résistance fut nulle et le pillage
pratiqué par les envahisseurs ne connut pas de limites: les
Egyptiens se bornèrent à les traiter de voleurs (Sous) et leur roi,
leur chef, de roi des voleurs : Hic sous, Cesk ce mot grécisé qui
est devenu dans l'histoire l'invasion des HycsoSy dite aussi inva-
sion des pasteurs. Manéthoo, Thistorien de cette invasion, les
traite de race lépreuse. Faut-il en conclure qu'elle apporta la
lèpre? le fait n*est pas impossible. Quoi qu'il en soit, \e% Hicsos
régnèrent 150 ans en Egypte et pendant ce temps un écoulcmeot
incessant de Sémites nouveaux venus se fit en Egypte, avec Abra-
ham, avec les frères de Joseph et avec d'autres encore ! Après 450
ans, l'Egypte se releva, chassa les Sémites, envahit même U Judée,
et ceux qui restèrent ne le firent pas en maîtres, mais en esclaves.
L'esclavage dura jusqu'au jour où, la fortune redevenant une
deuxième fois, contraire à l'Egypte, Moïse, sous le règne de Setilli
IBRAtLlTES. CIRAGTÈRES PATHOLOQIOUES. 517
pat emmener définKifement son peuple et le conduire à la con-
quête de la Palestine. Je n'ai pas à rappeler les é? énements clas-
siques du royaume de Judée, la captivité de Babylone, le retour des
juife en Judée favorisé par Cyrus. Le peuple juif prend fin en 135,
dispersé par Tempereur Adrien, qui vient de brûler Jérusalem et
de faire massacrer 5(K) 000 juifs; mais si le peuple juif a disparu
de rhistoircy la race juive disséminée dans le monde entier, dans
les deux hémisphères, conserve intact son cachet sémitique, sans
qu'aucun des peuples au milieu desquels elle vit, ait pu raltcrer,
persistance de type qui est favorisée par Phabitude fréquente des
Israélites, de ne se marier qu'entre eux.
Quelques exceptions apparentes ont été opposées à cette règle
de la persistance du type : on a cité des juifs à cheveux roux,
du nord de l'Allemagne et du nord-est de la France. On a même
été jusqu'à voir, dans Tinfluence prolongée du climat septen-
trional, la cause de cette transformation du type de la race d'Is-
raël, liais le climat, si puissant qu'il soit, ne fait pas, depuis que
l'homme observe, du moins, de ces transformations radicales;
ces exceptions apparentes ne reposent que sur un oubli de This-
toire, qui doit toujours être consultée.
Les Juifs blonds du nord de l'Europe ne sont que des Israé-
lites métissés d'Européens, ou même des juifs par la religion,
mais non des Israélites par le sang: vers le ix* siècle, en effet^
ane partie des peuples slaves qui occupaient la Pologne et la
Russie méridionale embrassa le judaïsme; au premier rang de
ces peuples, il faut citer les Chazares, qui étaient blonds; ils
furent convertis de deux côtés : par des missionnaires venus de
Hongrie où les juifs étaient établis depuis longtemps, par des
missionnaires karaîtes venus de Crimée. Le judaïsme continua
d'ailleurs de prospérer en Pologne et en Russie, où se firent de
nombreuses conversions en sa faveur. En Pologne surtout les
juifs gardèrent longtemps une grande influence ; il faut même
croire qu'ils épousaient souvent des femmes chrétiennes, puis-
qu'en f 092 le roi Ladislas se crut forcé d'interdire ces alliances.
Les juifs blonds du nord de l'Europe ne sont donc pas des Israé-
lites, ce ne sont pas des Sémites, ou, tout au moins, ils ne le
sont pas de race pure.
Actuellement les juifs, race cosmopolite s'il en fut, s'élèvent
dans le monde au nombre de 4 à 5 millions, plus exactement
4160000, soit:
B28 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RACES HUMAINES.
En Russie 2 800 000
En Autriche 850 000
En Allemagne 350 000
En Turquie aoo 000
§ 2. CARACTÈRES ANATOMO-PnTSIOLOGIQUES.
L'Israélite a le nez aquilin, les lèvres un peu épaisses, les yeui
beaux. Gomme les Phéniciens, il présente pour le négoce une
aptitude bien connue; son aptitude pour les sciences est incon-
testable; enfin, parmi ses aptitudes marquées, à côté de celles
du négoce et des sciences, figure l'aptitude à la musique. 11 suffit
de citer Meyerbeer, Halévy, liendelssohn et même Rossini, qui
étaient d'origine juive.
Partout ils présentent ce double caractère, une grande natalité,
une faible mortalité. Les naissances mâles prédominent chez eux.
Us se marient en général de bonne heure, ce qui a des chances
d'augmenter le nombie des enfants. Le nombre des naissances
illégitimes est moins fréquent chez eux qu'ailleurs, ce qui aug-
mente la vitalité des enfants, car Berlillon a montré que la mor-
talité des enfants illégitimes est, pour des causes variées, plus
considérable que la mortalité des enfants légitimes. A Francfort,
la mortalité infantile, de 0 à 5 ans, est de 24/100 cbez les chré-
tiens et de 12,0/100 chez les juifs; le nombre des mort-nés est
également moins considérable. Enfin la longévité des juifs est
plus grande que celle des populations au milieu desquelles iU
vivent; à Francfort, la vie moyenne des chrétiens est de 37 ans 7;
celle des juifs de 49 ans 9. Dans la même ville, d'après Boadin,
le i/4 de la population chrétienne succombe à 6 ans 11 mois; le
1/4 de la population juive succombe à 28 ans 3 mois; la i/f des
chrétiens à 36 ans 6 mois; la 1/2 des juifs à 53 ans. Enfin les
3/4 des chrétiens à 59 ans 10 mois ; les 3/4 des juifs à 71 ans.
En Algérie, la mortalité des juifs est également moindre que
celle des Européens.
Aussi leur accroissement est-il plus rapide que celui d'aucun
autre peuple de l'Europe.
Voici leur accroissement pour 100 habitants pour une année:
ISRAÉLITES. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES 529
Hollande 1,4
Prusse 1,8
Bavière 2.1
Suisse 3,1
Belgique 4,1
Algérie 6,3
Sobre, économe, travailleur, ardent pour le négoce, il vil en
somme sous tous les climats; bien plus, il est le seul qui ait pu
fonder un empire prospère dans cette vallée du Jourdain, qui
à 400 mètres au-dessous du niveau de la mer est tellement in-
salubre, que la plupart des savants européens qui ont voulu Têtu-
dier, elle ou son fond, la mer Morte, y ont succombé.
§ 3. CARACTÈRES rATUOLOGIQUES.
iBiBiunltés pathologiques. — Un fait qui ;i frappé à toutes
les époques, c'est Fimmunité des juifs pour la peste. Tout le moyen
âge a constaté cette immunité; or de là à les accuser d'empoison-
ner les fontaines, il n'y avait pas loin pour le populaire. Tschudi,
un ancien historien, dit formellement : a Celle maladie n^atteint
jamais les juifs. » Diger, pour l'épidémie de dysenterie qui sévit
àNimègue en 1736, constate le même fait d'immunité; Fracastor
signale la même immunité, pour le typhus de 1505; Ramazzini,
l)our les ûèvres paludéennes à Rome en 1691. Pour comprendre
ces faits, il faut tenir compte des mœurs des juifs au moyen
âge, mœurs sédentaires, sobres, calmes, par suite desquelles,
communiquant peu avec le dehors, ils étaient moins exposés que
tous les autres à prendre les maladies régnantes.
C'est sans doute pour la même raison, que les juifs ont passé
pour être moins souvent frappés par la foudre. Occupes du négoce,
au fond d'une boutique de lapidaire, ou d'orfèvre, ou de préteur,
ils avaient évidemment moins de chances d'èire frappés par la
foudre, que ceux de leurs contemporains qui passaient leur vie
dehors.
Le croup serait, dil-on, moins fréquent dans la race juive ; il en
est de même du goitre.
Le tasnia est rare, mais cela tient uniquement à ce que, pré-
cisément dans ce but, leur religion leur défend l'usage du porc.
D'après Bouchardat, le diabète est fréquent chez les juifs.
Aliénation mentale. — Eu revanche, d'après cerU.vi\^% ^V^-
530 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RACES HUMAINES.
tistiqucs, raliénation mentale serait plus fréquente chez eux que
dans les autres races : les songes, les hallucinations, le don de
prophétie jouent en effet un grand rôle dans TAncien Testament
et montrent la fréquence considérable, chez le peuple juif, des
phénomènes cérébraux d^excitation : en Danemark, sur i 000 ha-
bitants on compte 3,34 aliénés chrétiens* et 5,83 aliénés juiCs;
le suicide est rare chez eux.
111. INDO- EUROPÉENS.
Les populations qu*on nomme indo-européennes, parce que la
légende, Phistoire, la linguistique nous montrent que, parties de
rinde, elles se sont déversées de TAsie sur l'Europe, ces popula-
tions blanches, dites également aryennes, ont pendant longtemps
seules compté dans Tethnologie européenne ; si bien que lorsqu'on
s'est décidé à compter avec les populations autochtones anté-
rieures aux Aryens , on les a englobées sous l'expression de Us
autres races, créée par Prichard, allophyles (de «XXc;, autre, çuXii,
race). Il est juste de rendre à ces populations dites allophyles le
rang qui leur appartient parmi les populations européennes;
nous allons commencer par elles.
Race de Canstadt.
§ \ . EXTENSION. CARACTKRES ANATOMIQUES.
La race allophyle la plus ancienne est celle dont le crâne bien
connu de Néanderthal donne le type ; elle s'appelle encore race
de Canstadt (Quatrefages et Hamy) ou dolichoplatycéphale. Son
indice ccphalique est de 72. Son aire géographique semble aToir
embrassé une grande partie de TEurope occidentale et sa chro-
nologie remonte au début de l'époque quaternaire. Des crânes
contemporains analogues aux crânes de Néanderthal ont été ob-
servés aux environs de Paris, en Hainaut, dans le Loir-et-Cher, en
Allemagne. De Quatrefages et Hamy sont convaincus que les po-
pulations actuelles « ne sont pas autre chose que les descendajitf
« de ces populations quaternaires. »
§ 2. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES.
De sa pathologie nous ne savons rien, bien entendu, sinon
que sur le crâne de Bruce on remarque une lésion, qui, si elle a*est
pas syphilitique, est scrofuleuse.
RACE DE PURFOOZ. CARACTÈRES ANATOMO-PATHOLOOIQUES. 511
Race de Cro-Hagnon.
§ I. EXTENSION. CARACTÈRES ANATOMIQUES.
]a secoode race allophyle serait celle de Cro-Magnon, race en-
core dolichocéphale, dont l'indice moyen est de 73,41^ à région
frontale plus développée que la précédente, à tibia platycnémique,
ou en lame de sahre. Il semble que ce soit le même type (jui se
continue chez les Basques actuels^ chez les Guanches, les Berbères
actuels et peut-être chez les anciens Atlantes.
§ 2. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES.
On a signalé la fréquence de la carie dentaire dans ces races
préhistoriques^ comme cela se voit encore chez les Basques actuels.
Race de Furfoos.
§ i. CARACTÈRES ANATOMIQUES.
A la Gn de Tépoque quaternaire, apparaît une race brachycé-
phale, la race de Furfooz de Hamy et Quatrefages. Le crâne,
lorsqu*il était sans mélange, comme à Grenelle ou à la Truchère,
mesurait 83 d'indice céphalique; la taille était petite : 1™,53 en-
viron ; cette race vivait à Tépoque glaciaire, avec le renne. Hamy
et Quatrefages ont nommé son type laponoide^ parce qu'ils pen-
sent que les Lapons sont les descendants de cette race préhisto-
rique, dont les ancêtres ont suivi le renne.
§ 2. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES.
De cette pathologie préhistorique nous ne connaissons que la
chirurgie, qui nous éclaire sur certains usages sociaux. Ainsi les
fouilles du D' Prunières ont montré des pointes de flèche bien
barbelées, comme celles de la pierre polie, fichées encore dans
les os du bassin et dans le fémur de la race vaincue ; les traces
d^une longue suppuration indiquent les soins que recevaient déjà
les malades; même une fracture du radius indique qu'une main
secourable avait appliqué un appareil. J'ai dit, dans une autre
partie de ce livre, que des traces de syphilis héréditaire (Parrot)
avaient été vues dans la collection Prunières.
532 PATHOLOOIB COMPARÉE DES RACES HUMAINES. .
Lapons.
§ t. CARACTÈRES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES.
Descendant de ces populations préhistoriques le Lapon est au-
jourd'hui le seul peuple nomade en Europe. C'est le plus bn-
chycéphale actuel (85,6, Bertillon) ; son crâne, presque rond, i
reçu de Virchow le nom de troehocéphale. Sa face est courte et
large; Linné a dit de lui : t Corpore parx'o, capillis nigris, brevi-
bus, rectis. » Les Lapons du Jardin d'acclimatation, qui Tenaient
de Norwège, étaient blonds, \uiT croisement avec les Finnois, mais
le Lapon est brun ; il existe même un proverbe norwégien qui dit:
c Noir comme un Lapon, n Leur prognathisme est extrèmemeot
faible ; c'est le plus faible avec celui des Basques et celui des Espa-
gnols modernes. La capacité crânienne est grande (1492}, plus
grande que celle du Parisien (1i61). Bertillon a été frappé des
dimensions considérables du trou occipital, qui, comparé à celui
des Parisiens, est à ce dernier comme liS est à 100. Ce regretté
collègue en concluait, que si le cerveau du Lapon est gros^ c'est
parce que la moelle est grosse ; en d'autres termes, ce qui domine-
rait, ce ne serait pas la cellule grise^ pensante, ce serait la moelle.
§ 2. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES.
Le Lapon aurait donc un système organique sensitif considé-
rable; cela serait en rapport avec la fréquence du dé/îre impulsif,
brutal, bestial, qui éclate brusqucmmt chez lui, comme en ictus,
en môme temps qu'avec sa grande rusticité, sa forte résistance et
sa longévité.
Son extrême bracliycéphalie a fait penser à Virchow que le crâne
lapon portait les traces d'une évolution pathologique de nature
rachitique, due à une mauvaise alimentation et à une mauvaise
hygiène. Mais c'est là une erreur : sa nourriture est grossière,
ses dents sont usées par elle ainsi que par la préparation des peaoi,
comme chez les races préhistoriques, mais la chair, le lait, le saog
de renne lui fournissent, avec le poisson, une nourriture large-
ment réparatrice. Au reste, les Esquimaux, qui se trouvent dans
les mêmes conditions et qui sont venus mourir à Paris de la va-
riole, avaient tous le foie énorme et chargé de graisse.
La conjonctivite chronique est de règle chez le Lapon. C'est aue
rare exception, que de trouver un L»apon q|ii n'ait pas mal aux
yeux, ce qui tient aux mauvaises conditions hygiéniques.
ARYENS. CELTES. 53S
La lèpre est fréquente.
Actuellement les Lapons sont relégués au nord de la Norwège,
de la Suède et de la Russie; ils sont limités par l'Océan, la mer
Blanche, le Cercle polaire; leur nombre ne dépasse pas 26000.
Finnois.
Ici doivent prendre place les populations finnoises, qu'on range
parmi les ailophyles, c'est-à-dire, qu'on croit s'être étendues jadis
dans une grande partie de l'Europe; même après avoir été refou-
lés, les Finnois occupaient encore au début de notre ère le pour-
tour méridional et oriental de la Baltique, la Poméranie, l'Es-
thoDÎe, la Courlande; d'après de Quatrefages, une partie de la
nation prussienne actuelle serait issue de ces allophyles. Aujour-
dliai, ils sont relégués dans la Finlande proprement dite et dans
le Finmark norwégien, où ils se croisent avec les Lapons.
Ils sont blonds et rouges, aux yeux gris ou verts, brachycé-
phales, petits. Pennones corpore ioroso, capillis flavis, prolixis,
oculorum iridibtis fuscis (Linné). Aux races finnoises se ratta-
chent les Hongrois qui descendent en Dacie au i\^ siècle sous la
conduite d'Arpad. En résumé, les races allophyles s'écartent,
cèdent sous l'entrée, faite comme en coin, des races venues d'Asie,
des Aryens. Nous ne savons rien de spécial de leur pathologie.
Aryens.
Ils se composent des Iraniens, des Celtes, des Ligures et des
Kymris; pour employer une expression très juste de de Quatre-
fages, c c'est du mélange de ces éléments brassés par la guerre,
« fusionnés par les habitudes de la paix, que sont sorties les
«( populations européennes actuelles, n Je ne parierai que des
Celtes et des Kymris, n'ayant rien à dire des autres.
Celles,
§ i. EXTENSION. CARACTÈRES ANATOMIQUES.
Leur point de départ semble être dans le Pamire, où Ujfalvy les
a récemment retrouvés, chez les Galtchas, les Tadjicks de l'Asie
centrale. L'élément celte comprend d'ailleurs des populations très
diverses : Il comprend les Slaves (Polonais, Tchèques, Slovaques,
Croates, Bulgares et Serbes), les Savoyards, les Auvergnats, les
Bretons, les Irlandais^ tous formant une immense chaîne, qui va de
M4 PATHOLOGIE COMPARÉE DES RACES HUMAINES.
Pancîenne Àrmorique par T Auvergne, la Sa? oie, TAlsace , li Bi«
▼ière, la Croatie, la Roumaoie, jusque dans TAsie centrale. Tons
ces peuples sont brachycéphales et leur brachycéphalie est d'au-
tant plus prononcée, qu'on se rapproche plus de Test, autrement
dit, de leur point de départ; foici leurs indices céphaliques :
Bretons 8S
Auvergnats S4
Savoyards S5
Serbes, Croates . . 84,4
Galtchas 85
La poitrine du Celte est bombée, les épaules larges, la tailie
[letite, les cheveux bruns, le corps très velu; la menstruation
s'établit de bonne heure, à 15 ans, en moyenne; le sein est
arrondi, globuleux, volumineux.
§ 2. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES.
On rencontre chez lui peu d'infirmités, sa constitution est ro-
buste, énergique, vigoureuse; je n'ai pas de maladie spéciale à
mentionner, sauf la pliquc des Slaves ou plutôt des Polonais
(Plica polonica), qu'Hufeland regardait comme une maladie de la
race sarmate.
Pllqoe polonaise. — Mon ami le D' P. Landowski a bien voulu
me remettre sur cette maladie des notes détaillées, prises enPologne
même. Tout le monde connaît de nom la plique polonaise; on con-
naît sa description légendaire et fabuleuse : les cheveux sont agglu*
tincs, réunis par un liquide ; quand on les coupe, il sort du sang !
La maladie s'observe depuis la Vistule jusqu'aux Carpathes,
dans le grand-duché de Posen, en Lithuanie, en Gallicie, en Vol-
hynie, dans l'Ukraine et aussi en Bohème, dans la Souabe et
en Saxe; en 1808. elle était si fréquente, que Lafontaine dît quelle
atteint 2 ou 3/10 paysans, 2/30 ou 40 nobles. D'après le D' Sio-
kalski, le nombre des plica variait en Pologne, de i 10 000 à
i 50 000 ; la vérité est qu'on voyait, il y a quelques années et
qu'on voit encore des chevelures, qui semblent réunies en une
seule masse dans laquelle le peigne ne pourrait passer, Téritablei
forêts vierges, repoussantes d'odeur comme d'aspect.
On a beaucoup écrit sur la plique polonaise : au moyen Age on
Ta prise pour une façon de syphilis; cette idée a même été reprise
par Larrey. Elle a encore été regardée, à la même époque, comme
ARYENS. KYMRIS. 5Sft
un effet de sorcellerie, comme un méfait des juifs, mais les juifs
avaient aussi la plica I En i844, Walter y trouve des champi-
gnons qu*il nomme epiphytes. En 1848, Guensburg découvrit un
mycoderme du genre tricophyton; il serait étonnant qu*on n^
eût pas découvert de champignons et de poux.
La véritable nature de la plique, c'était dans les pratiques du
peuple même quUl fallait la chercher; c'est là que la trouvèrent
Lebrun, Sokalski et Dobriski. Or le peuple et le médecin croyaient
et croient encore à une diathèse pliqueuse : on provoquait la plica
comme exutoire ; il fallait que le mal sortit par les cheveux ; il
sortait souvent par la peau, chez les syphilitiques ; il sortait par
la peau, par les ongles, chez les eczémateux, parfois môme par
la tète, grâce à la malpropreté, à la longueur des cheveux ; c'était
Teczéma capitis; il n'en fallait pas plus! On aidait donc la nature
avec du goudron et de la cire bénite à l'église. On arrivait ainsi
à reproduire en nature la déûnition de la plique : agglutinatio,
cotnplicatio, conO>rplicaiio pilorum inexpUcahilis, indissolubilis, 11
est tellement vrai que la maladie était artiricielle, que quand elle
cessa d'être une exemption du service militaire , elle devint moins
fréquente; c'était donc une façon de déformation ethnique, nne
mutilation, une maladie arliûcielle, quelque chose comme la sec-
tion de la queue des chats, qu'on pratique pour les empêcher d'a-
voir le ver, comme le respect et l'entretien de Vimpetigo du cuir
chevelu des enfants (gourme) destinés à leur donner la vue claire.
En Autriche, on fit un jour le recensement des pliqueux. Le bruit
courut alors qu'on allait leur faire payer un impôt : ils diminuè-
rent immédiatement! Néanmoins, en 1872, sur 1 000 conscrits on
en trouva encore 158. Hirsch avait donc raison de dire en 1872 :
Cest une pseudo-mcUadiCyUnmal de lêse-société.Ces^i en somme
une maladie artificielle, qui a son point de départ dans l'ignorance
et peut-être aussi dans le patriotisme. Je m'explique : on dit, en
effet, qu'elle débuta en 1281, à l'époque de l'invasion desTartares;
or les Tartares ayant la tète rasée, il n'est pas impossible que, par
protestation, la mode soit venue de laisser croître ses cheveux ; la
malpropreté aidant, un eczéma se déclara; les théories humorales
se chargèrent alors de faire regarder la chose comme heureuse.
Kymris,
Le type blond d'Europe correspond aux Galates, Cimmériens,
Belges, Germains, Suèves, Alamans, Wisigoths, Burgondes,
536 PATHOLOOIB COMPARÉE DES RACES HUMAINES.
Francs, Saxons, Flamands , Normands; il a son roaximam en
Islande, en Scandinavie, en Danemark , puis en Hollande, dans
l'Allemagne du Nord, en Saxe, en Belgique, aux Iles-Britanni-
ques, enûn dans le nord de la France.
§ i. CARACTÈRES ANATOMO-PHTSIOLOGIQUES.
Le Kymri est grand, blond, dolichocéphale ; ses membres sont
longs, il présente uno certaine prépondérance des organes digestifs
sur les organes respiratoires ; ainsi les cuirasses faites pour cette
race ont besoin d*étre moins bombées que pour les Celtes; le tube
digestif est plus long, la tunique musculaire plus épaisse que chez
les Celtes; la puberté est tardive chez les Glles, comme chez
les hommes; longissima apud eos pueritia est (Tacite); sur
3840 jeunes filles à Copenhague, la puberté s'est montrée, en
moyenne, à 16 ans iO mois 5 jours; sur 137 jeunes filles de Gôt-
tingen, à i6 ans 1 mois 4 jours; le sein est ici conique, pyriforme.
§ S. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES.
La carie des dents est très fréquente ; le cancer est moins fréquent
que chez les Celles; les maladies de peau sont plus communes.
Beddoc avait déjà remarqué qu'en Angleterre les personnes
blondes supportaient, sans sourciller, les plus grandes souffrances.
Longtemps avant lui, Végcce (iv* siècle) conseillait de prendre,
comme soldats de choix, les hommes blonds du Nord. Or, il y a
quelque trente ans, la thèse inaugurale de mon ami le D' Topinard
fit un certain bruit à Paris, lorsqu'il annonça que la mortalité
chirurgicale, dans les hôpitaux anglais, était moitié de ce qu'elle
est dans les hôpitaux français! Velpeau comprit toute la portée
de ce fait et, trouvant le mot juste, formula : c C'est que la chair
« anglaise diffère de la chair française». Remplaçons, si vous vou-
lez, le mot chair par le mot mUieu intérieur et Velpeau aura
formulé la notion que je cherche à démontrer dans ce livre.
C'est à une sorte de prédisposition spéciale de la chair anglo^
saxonne que tient la fréquence du diabète et cela même en Amé-
rique. C'est à la nature de la chair anglo-saxonne que tiennent la
fréquence des affections de l'aorte et du cœur, la fréquence en
Angleterre de la goutte, beaucoup moins commune en Irlande et
en Pologne et à peine connue dans la race jaune.
Sneite anglo-saxonne. — J*ai, dans une autre partie de ee
SUBITE ANOLO-SAZONNE. S37
livre, à propos de la sueite, montré que cette maladie avait surtout
sévi en Angleterre. C'est quelque chose de bien étrange que cette
prédilection de la suette pour TAngleterre, et un médecin da
temps, Jean Kaye, qui se faisait appeler Caius Britannicus, avait
été, comme tous ses contemporains, frappé de ce fait : a Cette
« maladie nous suit, dit-il, nous autres Anglais, comme notre
« ombre ; elle atteint tout ce qui vivendi raiione et consnetudine fac-
« twn est britannicum ». Les populations avaient été elles-mêmes
frappées de cette particularité inexplicable, jusqu'au jour où, en
i529, la quatrième épidémie de suette envahit le Hambourg et de
là se répandit; on la regarda dès lors comme une maladie propre
à tous les pays, mais nous pouvons maintenant tirer de cette his-
toire de la suette des conclusions différentes.
Nous ne saurions admettre, comme on Ta dit^ que ce soit une
maladie de la race anglaise, pour cette raison qu'il n'existe pas
de race anglaise, mais nous ne saurions cependant nous laisser
détourner, par Textension de 1529, de l'idée de la spécificité de la
suette pour certaines races humaines. Dans le Royaume-Uni, nous
voyons seulement les pays anglo-saxons être frappés; Tlrlande,
pays celte, est au contraire préservée ; Textension se fait dans les
pays mêmes d'où sont partis les Anglo-Saxons ; Tétude ethnologique
des pays frappés par la suette anglaise va nous le faire comprendre.
I..es Angles, les Saxons appartiennent, en effet, ^ au rameau
ingévon de la famille germanique, rameau jadis répandu dans
la Basse-Saxe et la Frise. Tacite parle des Angles comme d'un
petit peuple, sans avenir, situé dans les forêts du nord de la Ger-
manie, près de l'Océan (la Baltique). Les Saxons sont placés par
Ptolémée, entre les bouches de l'Elbe et ce que nous nommons
aujourd'hui le Schleswig. Or ce sont ces Angles et ces Saxons, qui,
aux V* et VI* siècles de notre ère, envahissent ce qui est aujourd'hui
la Grande-Bretagne, en se limitant dans la moitié inférieure de
nie, TAngleterre proprement dite ; enfm à ces Anglo- Saxons se
joignent, aux ix*, x* et xi* siècles, deux peuples Scandinaves, les
Danois et les Normands; la carte de l'extension de la suette, don-
née plus haut, coïncide avec la carte ethnologique ci-jointe des élé-
ments anglo -saxons de l'Angleterre. La suette anglaise n'est donc
pas, comme on l'a dit, une maladie de la race anglaise, mais de la
race anglo-saxonne : ainsi comprise, la localisation géographique
de la suette <u)nstitue, je le crois, un des éléments les plus impor-
tants et les plus curieux de notre étude des races par la ^a.\.\;vQVQ%\^«
6S8 PATHOLOGIE COMPAREE DB LA POPUUTIO.S rsUifAlU.
Seftrlkltno. — Il en est presque de mâme pour In witllIiM.
Le D* Lombard (de Suisse) a constaté que, métae en Suive, U ks-
latine eft plus Tréqucnle et plus grave cbcz les AngUtU rénâiM
dan; ce pays. La scarlatine semlili; donc encore être une auUt
de la race anglo-saionne et de ses congi'^nËrcs.
V. t>OPULJ^TION FRAUCAISK.
La nature de ce livre me permet, si je ne m'abas«, it n'iai-
ter un instant du plan que j'ai suivi, plan qui coosisle à Mute
les races sans m'occuper des nationalités et de taire une tvxjHiM
pour la France, en étudiant spécialement son antAropcrfogtc ft-
thaloi/ique ou la pulhologie i-omparée Je sa popuUlian.
§ 1. ETHNOLOGIE COHPLE.\E DE LA FRA^ICS.
Les Commentaires de César commencent ainsi : La Carit (rt
divisée en trois parties habitées par les Bvlg», Ica Cdies d la
Aquitains; ces trois peuples diOcrent, dit-il, par la tufoc, la
institutions, les lois; quant aui limites géograpbiqun, là CdW
sont séparés des Aquitains par la Garonne et dn Bdpxparlt
Marne el la Seine, ainsi que le montre la carte ci-joinle. Ca tfoâi
peuples de César eiisteat encore; ils ne diUcreul pin» que b<t
peu par la langue, ils ne difTèrcnt plus par les institiitiMUDi for
les tois> mais ils dilIËrent encore par les i^^pes anatonUquc, ftpio-
logique el pattwlogiquc; sans doute la E^éqncnce de plu «a flm
grande des communications a amené la Tusiun el ené m ttve
français mo^en, comme ont disparu les coutumes proiiorâla «I
les patuis: mais derrië» ce ty|)e mo.veu, ou reotunail eaean la
origines ethniques.
Les détails dans lesquels je suis entre, au sujet des
de l'Europe occidentale, me permettent d'être bief dans l'i
ration des races, dont les alluvions suecnssivcs onl formé laptT*'
lation actuelle de nolic pays. La race de ISéandetituI, li rac *
Cro-Magnon, les Basques, les Ligures, petit ipctjt reroulflfc,na(ii«
autochtones, dont l'cxteusion a élé plus grande qu'elle n'ai m-
jourd'hui ; les Celtes, petits, bruns, bracbjcépbiles, *oul ik» ttf
faiaseurs très anciens, peut-être de l'époque de U pierre polii;!^
venus d'Asie centrale (Galtcbas], se sont éjpxa^lciOflj^dB^
nube, datisYXfte«iaï,i\e.4'4'àM)i, " ' - •- -^-
FRANCK. CARACTÈRES AMAT0B10-PHYSI0L0OIQUB8. 5S1>
tagne, aux Iles-Britanniques. Les races germaniques, Galates,
Gimmériens, grandes^ blondes, dolichocéphales, sont venues après
les Celtes, qu'elles ont refoulés dans leurs montagnes (Alpes, Au-
Torgne» Bretagne) ou en Irlande. A ce dernier élément se rappor-
tent les Belges de César, les Sue? es, les Alamans, les Burgondes,
les Lombards, les Francs, derniers envahisseurs qui ont donné
leur nom à la France. Sidoine Apollinaire signale la chevelure
blonde de ces Francs, leurs yeux glauques, terribles^ leurs mem-
bres longs, leur peau blanche, leur courage indomptable; ils
étaient dolichocéphales. Aux Celtes et aux Germains ajoutons les
races finnoises, mongoles, qui sous le nom de Huns envahirent
notre pays, les Arabes-Sarrasins, conquérants éphémères qui ont
cependant laissé quelque peu de leur sang dans le midi de la
France ; je ne parle que pour mémoire de l'élément romain.
§ 2. CARACTÈRES ANATOMO-PHYSIOLOGIQUES.
Indice nasal. — Les variations de Tindice nasal nous don-
nent ridée de la persistance, de Vaction anatomique d'une race ;
l'indice nasal dans notre pays, à Tépoque de la pierre polie, était
46,93; à Tépoque du bronze, 46,89; à l'époque gallo-romaine,
46,74. Tout à coup, après l'invasion des Francs, il devient 48,87.
11 y avait donc un élément mésorrhinien apporté par les Francs ;
au xii* siècle, l'indice nasal des Parisiens est encore 48,25 ; au
XTi% il est redevenu 47,97; au xix% 46,81.
Taille.— Nous retrouvons de même, dans la taille relevée sur
les registres de la conscription, la trace de ces éléments ethniques.
Les pays peuplés par les Celtes, petits, fournissent en effet plus
d'exemptions que les autres pour défaut de taille ; une carte dressée
par Broca sur les relevés de i 831 -i 860, e*est-à-dire à une époque
où la taille qu'il fallait avoir était de l'^,56, montre quels sont les
pays où il y a le plus d'hommes petits : dans tout le nord-nord-est,
peuplé surtout par les blonds et grands Germains, puis dans les
Deux-Sèvres, dans la Charente-Inférieure, peuplées par lesAlains,
grands et blonds, le nombre des exemptions pour défaut de taille
est de 24 à 56 pour i 000. Au contraire dans l'ancienne Gaule cel-
tique, dans la Bretagne, l'Auvergne, la Savoie, dans les Landes
le nombre des exemptions pour défaut de taille est de 84 à 174
pour i 000 ; enfin, dans la partie qui correspond aux pays habités
par les Aquitains, les Ligures, que les historiens disent petits et
ft40 PATHOLOGIE COMPARÉS DE LA POPULATION PRAITÇAISB.
OÙ, d'ailleurs, la fusion par voisinage avec les Celles a po se
faire, le nombre des exemptés pour défaut de taille est de 57 à
8i pour 1 000, ainsi que le montre la carte ci-jointe.
Boudin avait fait une rediercbe complémentaire; il avait fait
une enquête sur les tailles sopérieures à \^,13f., taille alors exigée
chez les cuirassiers; or les départements qui ont le plus d*hommes
de 1",73 sont précisément ceux qui ont le moins d^exemptîons
pour défaut de taille, ce sont ceux qui sont peuplés parles Kymris.
Le nombre des individus qui out plus de i"y732 y est de 543 à
1560 sur 10000 conscrits. Encore ici, les Deux-Sèvres et la Cha-
rente-Inférieure ont beaucoup de grandes tailles, en souvenir des
Alains. Un autre département, l'Hérault, a également beaucoup
d*hommes grands, ce que Lagneau attribue aux Volces,qui étaient
d*origine germanique et qui sont venus s'établir dans cette con-
trée, il suffit de consulter la carte ci-jointe.
Cette inégalité ethnique dans la taille porte avec elle une con-
séquence grave, c'est qu^il y a beaucoup plus d'exemptés pour
défaut de taille dans les départements celtiques que dans les dé-
partements kymriques, ce qui est une injustice ; en outre, tandis
que les hommes grands sont condamnés au célibat et exposés à être
tués, les hommes petits se marient et font des enfants. Il en ré-
sulte donc que la taille doit diminuer en France et que le type
celtique doit tendre à étouffer le type kymrique. Tenon disait déjà
en 1783 : « La guerre et surtout les longues guerres font baisser
« la taille commune, par la consommation des hommes les plus
« hauts ; » en effet, on note une grande proportion d'exemptés
pour défaut de (aille, dans les classes de 1831 à 1836, qui corres-
pondaient, comme conception, à i 811 et 181 6, époque où la guerre
fauchait tout ce qui n'était pas trop petit. Aujourd'hui il se crée,
par suite de plus grande intensité de relations, une taille moyenne,
qui est l'indice d'une tendance à l'unité dans la nation.
Les cheveux varient également : les marchands qui veulent des
cheveux blonds vont en Allemagne, en Flandre, au Catelet; ceux
qui veulent des cheveux châtains vont en Bretagne, en Anjou;
les cheveux bruns se trouvent en Auvergne, dans la Haute-Loire*
De même les cordonniers de Strasbourg savaient qu'il faut des se-
melles plus larges pour lespieds alsaciensque pour les piedsdu Midi.
Les corsetiers font le corset long, droit, haut, plat par derrière
pour les races blondes; ils le font court, cambré, arrondi pour
les brunes du Midi.
FRANCE. CARACTÈRBS ANATOMO-PHYSIOLOOIQUBS. 541
Le sein des nourrices flamandes est conique, en forme de pain
de sucre, tandis que celui des femmes celtiques est arrondi.
Paberté. — Cesi pour la même raison que varie iëpoque de
rétablissement des règles : ainsi, à Marseille, cette fonction ap-
paraît à 13 ans 949, près de 14 ans; à Gœtlingen, à 16 ans 08.
Ritciborski attribue cet effet à la température ; on alla même jus-
qu'à formuler cette loi que : « chaque degré de latitude voit des-
c cendre ou monter d'environ un mois l'époque de la puberté,
« selon que Ton s'approche ou s'éloigne de l'équateur » ; à quoi on
peut répondre que chez les négresses à la Jamaïque, comme chez les
Esquimaux du Labrador, Tàge moyen de la puberté oscille entre
i4 et i5 ans. Tilt se contente de dire : Dans les pays chauds la
puberté se fait à 13 ans i6 jours; dans les pays tempérés, à
Î4 ans 4 mois 4 jours; dans les pays froids, 15 ans iO mois 5 jours.
On crut alors (Brière de Beaumont) que l'apparition de la puberté
variait avec la situation sociale : 14 ans 10 mois pour les pauvres^
i4 ans 5 mois pour Vaurea mediocritas, 13 ans 8 mois pour les
riches. Or ni Tune ni Tautre de ces appréciations exclusives ne
résiste aux faits : à Marseille la puberté a lieu à 13 ans 11 mois
i 3 jours ; à Gorfou, à 14 ans ; aux Sables-d'Olonne (colonie basque),
à 14 ans 8 mois 18 jours; à Lyon, à 15 ans 5 mois; à Paris, à
14 ans 8 mois 14 jours.
La vérité est que les blondes aux yeux bleus sont réglées plus
tard que les brunes; les Kymris plus tard que les Celtes. D'après
le D' Marc d'Espine, les races blondes sont réglées après 15 ans;
les races brunes avant 15 ans; relativement aux races germaniques.
Tacite avait déjà remarqué leur peu de précocité : « sera juvenum
c venus nec virgines fcstinanturia , Quant aux Celtes, qu'on voit
pubères de bonne heure dans le Cumberland (ancienne Cambrie),
au nord-ouest de l'Angleterre, Hoël inscrivait en 940, parmi les
lois de leur pays, que la jeune fille arrivée à Tàge de 12 ans de-
vait être pourvue d'un mari. La race celtique était donc précoce
là où elle était pure, malgré le climat septentrional ! En général,
pour la France, on peut dire que les anciens pays ligures sont
précoces : la puberté y a lieu à 14 ans 1 mois 13 jours; dans les
pays celtes, à 14 ans 1 1 mois 13 jours ; enfm dans les pays kymris,
à 15 ans 8 mois 28 jours.
Un caractère des Celtes serait la lenteur du pouls; le D'Gros
avait déjà signalé le peu de rapidité du mouvement du cœur chez
les Bretons; le D' Regnard, dans les ambulances^ s^tXfôà \ûsîàv-
542 PATHOLOGIB COMPARÉE DE LA POPULATION rRANÇAISB.
lises de la Bretagne, a constaté le même phénomène. Le D' de
Ransea fait la même remarque : le pouls se maintenait à 56-52; s
la fièvre survenait, il montait à 66-70. La température était peo
élevée (37%5).
§ 3. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES.
Morimllté. — La mortalité générale en France, bien qu'infloen*
cée par des conditions très diverses, conditions da climat, condi-
tions sociales ou autres, semble varier dans un certain rapport avec
la race. Diaprés Bertillon, la vie moyenne des Bretons (Celtes) serait
plus courte que celle des Normands (Scandinaves), lians les pays
ligures (méditerranéens), la mortalité infantile de 0 à 5 ans est
énorme ; dans les départements d'origine celtique, la mortalité est
assez élevée aux âges moyens de la vie, de 20 à 40 ans et au delà;
au contraire, dans le nord et en Normandie, là où le peuplement a
été fait par les Danois, les Scandinaves, les Norwégiens, ks North-
mans, la mortalité est assez faible; précisément dans les pays Scan-
dinaves mêmes, la mortalité est encore aujourd'hui faible! Tai dit
que les races Scandinaves, germaniques, anglo-saxonnes présen-
taient une grande résistance au traumatisme, et j*ai cité Beddoè,
Topinard, Yelpeau, or nous ne savons pas jusqu*à quel point
cette résistance n'a pas été transmise à nos compatriotes du
nord. Lagneau est même tenté d'attribuer en partie à la race les
succès d'ovariotomic obtenus par Koeberlé sur les Alsaciennes.
8uette plearde. — J*ai dit que la suette qu^on a nommée
suette anglaise aimait la race blonde anglo-saxonne; il semble que,
en proportion avec la représentation de l'élément kymrique dans
notre population, la suette anglaise soit représentée chez nous par
un diminutif, ainsi de même que, au milieu delà population kym-
rique pure, on voit la suette anglaise, de même au milieu de nos po-
pulations blondes dérivées des Kymris on voit la suette picarde;
c'est à Leipzig, qu'en i652 apparaît pour la première fois cette
suette amoindrie, cent vingt-trois ans après l'extension de la suette
anglaise. Soixante-six ans plus tard, elle semble se fixer en Pi^
cardie, pays où domine l'élément le plus rapproché des races angkh
saxonnes; si bien qu'on dit la suette picarde, comme on avait dit
la mette anglaise. Petit à petit elle s'acclimate, descend plus vers
le midi en France : on la voit en Normandie , dans les pays des
blonds Burgondes, la Franche-Comté, la Bourgogne; de petili
FRANCE. CARACTÈRES PATHOLOGIQUES. 543
foyers éclatent çà et là. Â Rottingen,en i802 (en Franconie), ap-
parition le 25 novembre; Tépidémie dura 12 jours, puis s^arréta
brusquement le 5 décembre, époque où le thermomètre s^abaisse
brusquement. Petite épidémie en i82i (Beauvais), en 1845 (Poi-
tiers); enûn en 4835 (Espagne); en 1849 (nord de Htalie); 1856
(Hollande); en 1864 (Kissingen). Mais ces épidémies sont sans
gravité, sans durée ; le milieu que représente notre population, ou
celui que représente notre climat, ne convient pas à ce ferment.
^litlilsle. — La phtbitie est de même moins commune en France
qu'en Angleterre, moins commune dans le midi qu'au nord; or il
n'y a pas là qu'une différence de climat ; il y a la différence de race.
CMe«la* — La maladie calcuUuse passe pour rare en Alsace ;
en revanche elle est très fréquente en Lorraine ; le docteur Castère
(de Lunéville) fournit un tableau de 1527 calculeux lorrains
traités en quatre-vingt-dix ans, dont 103 de Nancy et 90 de Luné-
ville. On comprend pourquoi Stanislas (de Pologne) avait fondé à
Lunéville on établissement pour les calculeux de la contrée!
iBArmllés. — Boudin avait déjà remarqué que les jeunes gens
exemptés pour cause d'infirmités étaient moins nombreux en
France qu'en Allemagne; de même il vit que l'aptitude au service
militaire est moindre dans les départements du nord que dans ceux
du midi, dans les départements de race kymrique ou normande
que dans ceux de race celte : ainsi le nombre des exemptés pour
infirmités est de 327,8 pour 1 000 dans les départements de la
Manche, du Calrados, de l'Orne, de l'Eure, de la Seine-Inférieure ;
tandis qu'il est de 216,3 pour 1 000 dans les départements celtes
du Finistère, des Côtes-du-Nord, du Morbihan, d'Ille-et-Vilaine,
de la Loire-Inférieure et de la Mayenne, ainsi qu'on le voit sur la
carte ci-jointe.
La répartition des infirmités en particulier à la surface du terri-
toire est essentiellement en rapport avec la proportion, dans cha-
que pays, des éléments ethniques que nous venons de passer rapi-
dement en vue :
, Mjople. — Ainsi la myopie est de beaucoup plus fréquente
qu'ailleurs dans les départements aquitains et jigures : ba fré-
quence est de 517^8 sur 100000 conscrits, dans les départements
de la Gironde, Lot-et-Garonne, Gers, Tarn-et-Garonne, Haute-
Garonne, Hautes-Pyrénées, Basses-Pyrénées, Ariège, Aude, Pyré-
nées-Orientales, Hérault, Gard, Bouches-du-Rhône,Vaucluse,Var,
Basses-Alpes ; elle est de 372 pour 100000 dans les déçaxt&\&ft.tl^&
544 PATHOLOGIE COMPARÉB DB U POPULATION FRANÇAISE.
celles du Finistère, des Côtes-du-Nord, du Morbihan. d'Hier-
Vilaine, Loire-Inférieure, de la Mayenne, dans ceux du Lot, Cor-
rèze. Cantal, Creuse, Puy-de-Dôme, Haute-Loire, Jmîre, Indre-et-
Loire, Allier, Cher, Nièvre, Loiret, Rhône, Maine-et-Loire, et
même dans les départements normands de la Manche et du Cal-
vados; enfin le nombre des myopes est seulement de i66 à i73
pour iOO 000 dans les départements de rOrne, Seine-Inférieure,
Eure, Eure-et-Loir, Seine-et-Oise, Seine, Oise, Somme, Pas-de-
Calais, Nord, Aisne, Seine-et-Marne, Moselle, Daute-Marne.
Carie deatalre. — La carie dentaire est de beaucoup plus
fréquente chez les Kymris-Normands, puis chez les Ligures, enâo
chez les Celtes. Ainsi le nombre des exemptés pour cette cause
est de 1917 sur 100000 dans les départcmcnls de TAisne, du
Pas-de-Calais, Seine-et-Marne, Ardennes. Eure-etrLoir, Orne,
Somme, Calvados, Seine-el-Oise, Oise, Seine-Inférieure, et de
TEure. Il est de ol9 pour iOOOOO dans les départements de Yau>
cluse, Basses-Alpes, Var, Bouches-du-Khône et dans la Dordogoe ;
de 124 à 177 pour i 00000 dans les départements celtes de la Bre-
tagne et du centre de la France : Finistère, Morbihan, Mayenne,
Côtes-du-Nord, lUe-et-Vilaine, Puy-de-Dôme, Haute -Loire, Rhône,
Cantal, Corrèze, Loire, Drôme, Allier, Ain, Lozère, Ardècbe,
Saône-et-Loirc, Isère, Hautes-Alpes, Aveyron, Nièvre, Cher.
Hernies. — Leshernies sont également plus fréquentes chez les
Normands que chez les Celtes : le nombre des exemptions qu'elles
entraînent est de 2 190 pour 100 000, dans la Manche, le CaWados,
la Seine-Inférieure, TOrne, l'Eure, et de i 0^5 à 1 300 pour iOOOOO
dans rille-et-Vilaine, Morbihan, Côtes-du-Nord, Finistère, Loire-
Inférieure, Ardèche, Aveyron, Creuse, Puy-de-Dôme, Lozère, Lot,
Loire, Haute-Loire, Indre, Cantal, Allier.
Varices. — Les varices figurent pour 3 007 exemptions sur
IOOOOO conscrits dans les départements normands de la Manche,
du Calvados, de la Seine-Inférieure, de TOrne, de l'Eure; pour
1224 à 1370 pour IOOOOO dans les départements celtes delà
Bretagne, Morbihan, Côtes-du-Nord, Loire-Inférieure, Finistère,
llle-et-Vilaine, Tarn, Ardèche, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Loire,
Aveyron, Lozère, Haute- Vienne, Lot, Allier, Corrèze, Greose»
Dordognc, indrc, Vienne, Cantal.
¥arleoeéle. — La carte des exemptions pour varicocèU est
presque identique et superposable à celle des exemptions pour va-
rices : le chiffre des exemptions pour cette cause est de 1 783 pour
PRANCE. CàRACTftRES PATHOLOGIQUES. ft45
100000 dans la Manche, le CaWados, la Seine- Inférieure, TOrne,
l'Eure, et de 453 à 570 pour 100000 dans les départements celtes.
Dans une remarquable étude sur la géographie médicale de la
France, Chervin a réuni un grand nombre de tableaux auxquels
j^emprunte les détails qui vont suivre :
Faiblesse de eoascltailoii. ~ C'est surtout la Sologne qui
fournit la plus grande partie des faibles de constitution. Or, la
Sologne a été pendant longtemps et est encore aujourd'hui, quels
que soient les progrès réalisés, un pays sablonneux, insalubre,
pauvre, où la population se nourrit mal ; dès lors il n'y a rien
d'étonnant à ce qu'il produise une population débile.
Le Rhône, l'Ain et l'Isère forment un heureux groupe où les
exemptés pour faiblesse de constitution sont rares, tandis qu'aux
environs, surtout à l'ouest, le département de la Loire en compte
au contraire une grande quantité.
GoAvalsIoms. — Les convulsions sont fréquentes dans deux
groupes différents : d'une part dans la Normandie, d'autre part
dans certains départements alpins, tels que la Savoie, les Hautes-
Alpes, les Alpes-Maritimes et surtout les Basses-Alpes, auxquels on
peut joindre le département de Vaucluse.
Dans la Normandie, le Coteutin et l'Avranchin à l'ouest, le
pays de Caux, le Vexin, le Lieuvain, le paysd'Auche, les Marches
à l'est sont les plus frappés, tandis qu'entre ces deux groupes se
placent le Bessin, le Bocage et le pays d'Auge, qui ont au contraire
une moyenne extrêmement basse.
Strabisme. — Le strabisme est plus fréquent dans le nord,
par exemple dans la Normandie, l'Artois, la Picardie, la Champa-
gne, les Flandres.
Bé^aes. — Quant au bégayemcnt, dans lequel il est si compé-
tent, Chervin le regarde comme moins fréquent au nord qu'au
midi; le nord-est est en particulier plus épargné que le sud-est.
Le midi compte bien plus de bègues que le nord, parce que
dans les pays froids, les habitants sont plus réfléchis, plus mo-
dérés, tandis que dans les pays chauds, ils sont irascibles, em-
portés et indolents tout à la fois.
Toujours d'après Chervin, les bègues sont nombreux sur la
route des vents polaires : la Manche et le golfe de Gascogne ; plus
nombreux encore sur la route du mistral : vallée du Rhône, côte du
Languedoc et de la Provence.
De toutes les causes qui influent sur la production d\i V^^v^^-
oioGiu mAd. ^^
546 PATHOLOGIE GÉNÉRALE COMPARÉE.
ment et qui par conséquent permettent d'expliquer la distribution
géographique de cette infirmité, les plus fréquentes sont les causes
morales, les chutes, les frayeurs et les émotions vives, toutes choses
qui dépendent en grande partie du milieu dans lequel on vit.
Aussi voyons-nous par exemple les départements où les écoles sont
le plus fréquentées, présenter moins de bègues que dans ceux
où elles le sont peu.
Snrdl- mutité. — La surdi- mutité a son maximum (3,i0 à
3,66 pour 1000) dans la Haute-Savoie, la Savoie, les Hautes-Alpes,
puis dans le Cher, la Creuse et l'Indre-et-Loire.
Alléaatioa neatale. — L^aliénation mentale est surtout fré-
quente (1,35 à \ ,60 pour 1000) dans le Pas-de-Calais, la Somme, les
Ardennes, Loir-et-Cher, Indre-et-Loire, Maine-et>lx)ire, Creuse,
Puy-de-Dôme.
Épllepsie. — LY'pilepsie n de beaucoup son maximum (5 à
6 pour 1000) dans la Lozère, les Landes, la Haute-Garonne.
CHAPITRE III.
PATHOLOGIE GÉNÉRALE COMPARÉE
DES TEMPÉRAMENTS,
DES ÉTATS PHYSIOLOGIQUES OU PATHOLOGIQUES,
DES SEXES, DES AGES.
§ I. TEMPÉRAMENT.
Si, au lieu de considérer la race en bloc, nous considérons dans
chaque race les individus, nous voyons que le milieu intérieur,
tout en restant celui de la race, varie. Un exemple vulgaire:
chaque race a son odeur et cependant, sous cette commune odeur,
le chien reconnaît la nuance individuelle de son maître ; de même,
bien que d^une même race, nous ne sommes pas tous égalemeot
propres à prendre les maladies : il y a des gens chez qui le vaedn
n*a jamais pris; il y a des individus réfractaires à la syphilis. H
y a déjà longtemps que Liebig a dit : « Le sang d'hommes de tem-
« péraments dilférents, quoiqu*habitant le même pays, émet une
« odeur différente », mais ces différences, parfois accessibles à nos
ÉTAT PHYSIOLOGIQUE. 547
sens, sont plus visibles encore pour la chimie, et la réceptiiW,
morbide individuelle varie suivant les individus d'une même race
avec TtHat chimique des humeurs, qui correspond à ce qu*on nomme
le tempérament; c'est ainsi que les teignes, le favus trouvent chez
les enfants scrofuleux un milieu favorable et n'atteignent guère
qu*eux. Virey a dit excellemment : « Parmi tous les individus d'une
c même race humaine il se trouve des idiosyncrasies ou des natures
« particulières qui les difTérencient (proportion variable des li-
aquides et des solides, prédominance nerveuse, etc.); tous les
(c tempéraments ont leur influence sur les actions de Tindividu,
« commesur le gouvernement des nations». Les tempéraments, ab«
solument comme les espèces, les races, les sexes et les âges, doi-
vent donc leur aptitude diverse aux maladies, ù des raisons anato-
miques; ces différences tiennent à des différences de proportion de
Talbumine, de la fibrine, etc., dans le san^; c'est ainsi que le Pt-
tyiiasis vcrsicolor est surtout fréquent chez les phthisiques et
chez les arthritiques et que VérysipHc atteint de préférence les
convalescents.
Qaalilé des hamears. — L*aptitu(le morbide est si bien due
à une question de chimie, qu'il suffit, dans certains ras, de chan-
ger la nourriture d'un animal, pour modifier complètement son
aptitude morbide.— Ainsi une expérience, répétée plusieurs fois par
Tesser (de Munich), lui a montré ()ue les rais blancs, lorsqu'on les
nourrit avec de la viande, sont réfractairesauc/iarôon; chez ceux
qui, au contraire, ne mangent que du pnin, l'inoculation réussit,
et tel animal qui a résisté aux inoculations, tant qu'il a mangé
de la viande, perd toute immunité une fois qu'il n*est plus nourri
que de pain. Cela nous montre que, pour que la bactéridie se
plaise à vivre dans le sang, il faut qu'elle y trouve non seule-*
ment une température donnée, mais un état chimique donné.
C est parce que les tempéraments varient que, dans une mémo
race, varie l'aptitude individuelle. Ainsi, le chien passe, à bon
droit, pour avoir de l'aptitude à prendre la rage, et cependant les
inoculations faites à cet animal ne réussissent que dans la propor-
tion de 2/5 ou 2/3. Hertu^ig, dans l'espace de trois ans, a inoculé le
même chien trois fois, sans succès. La morve n'est pas, non plus,
fatalement inoculable au cheval : dans la première année, l'ino*
culation réussit même rarement. Toutes ces différences tiennent
à des différences dans la qualité des humeurs.
548 PATHOLOGIE GÉNÉRALE COMPARÉS.
§ 2. ETAT PHTSIOLOGIOUE.
Jeune. — Être à jeun constitue déjà une condition d^aptitode
morbide : optimum medicamenttim cibus opportunus (Gelse). Aussi
dans les pays à ûèfres, est-il populaire qu*il convient de ne jamais
sortir sans avoir mangé ; Talcool et tous les poisons s'absorbent
plus vite à jeun, et Celse disait avec raison : lUud ignorari non
oportet, omnis serpentis ictum et jejuni et jejuno magis nocere.
Cl. Bernard a d'ailleurs montré que le chien, en digestion, sup-
porte telle dose de curare qui le tuera, s'il est à jeun.
Qnaailté des humears. — A celte condition de Tétat de plé-
nitude ou de vacuité des organes absorbants il en faut joindre une
autre : la masse du sang a son influence sur Taptitude et sur Tim-
munité morbides des races et des individus. Cl. Bernard a, en effet,
montré que Tabsorption augmente ou diminue à mesure que la
masse du sang diminue ou augmente : il retire à un chien une
demi-livre de sang et lut donne un poison violent ; tel effet qui
n'aurait dû se produire, si on n'avait pas saigné Tanimal, qu'après
deux minutes, se produit alors après trente secondes; rabsorption
s'est donc faite quatre ou cinq fois plus vite. Mais si Ton remplace
la demi-livre de sang par une demi-livre d'eau, la rapidité d'ab-
sorption revient à son taux normal.
Rut. — Pour une même espèce^ une même race, un môme
sexe, un même âge, un même individu, Vaptitude morbide varie
avec certains états physiologiques : chez la grenouille en rut,
l'arsenic n'a pas le même pouvoir toxique que chez la même gre»
nouille à l'état normal.
Grossesse. — Pendant sa grossesse, la femme n'a ni les mêmes
aptitudes ni les mômes immunités morbides, qu'avant ou apr^
La scarlatine est alors fréquente chez elle.
On observe de môme chez les brebis pleines une aptitude mor-
bide spéciale.
§ 3. ÉTAT PATHOLOGIQUE.
L'état pathologique antérieur possède également une influence;
le professeur Verneuil a montré que les diathèses influent sur la
marche des blessures accidentelles et des blessures chirurgicales :
il a montré, en outre* que ces blessures sont souvent, les unes et
les autres, une cause d'éclosion ou mieux d'explosion des mala-
dies constitutionnelles. C'est ainsi qu^un coup reçu sur ïtpied a
SEXE. 649
|.u déterminer une première attaque de goutte; c'est pour la même
aptitude locale que deux hommes, dont Tun sera boulanger, se
serrant surtout de ses bras, et Tautre, facteur rural, se servant
de ses jambes, seront pris, dans le même courant d^air, Pun d*une
arthrite rhumatismale du bras, l'autre d'une arthrite du genou ;~
si la fonction fait l'organe, elle fait aussi la localisation morbide.
Certaines maladies, la scarlatine par exemple, s'attaquent souvent
aux opérés avec une certaine préférence.
Le surmenage est une cause d'aptitude morbide bien connue ; ce
sont les chevaux surmenés qui prennent le plus la morve (Bouley),
et Galien avait déjà remarqué la morbidité et la mortalité consi-
dérables des athlètes. L'alcoolisme, la misère, le chagrin, agis-
sent de même; en somme, le déterminisme du terrain n*a pas
moins d'importance que celui de la graine. Ainsi le diabète, la
tuberculose, la stéatose du foie, sont des contre-indications chi-
rorgicales formelles.
Si les états pathologiques antérieurs créent parfois laptitude
pathologique, ils peuvent aussi amener l'immunité ; i\ me suftira
de citer ici Vantagonisme pathologique entre la tuberculose et la
fièvre paludéenne.
§ 4. SEXE.
La différence des sexes ne consiste pas uniquement dans la diffé-
renciation de certains organes; il y a des caractères sexuels dans
la proportion des membres, dans le crâne, dans Taspect extérieur,
dans rintelligence ; il y a de même des difTérences physico-chimi-
ques, qui sont sexuelles et qui font que certaines maladies infec-
tieuses prennent les femmes plus que les hommes; la scarlatine,
la tuberculose, la choréc, la chlorose, Tacné rosé, les maladies
nerveuses sont plus fréquentes chez elles; Faction des médica-
ments est loin d'être la même chez la femme que chez Thomme.
Les eunuques et les animaux hongres ont de même des apti-
udes morbides spéciales ; ainsi, chez Teunuque, on observe de
préférence la tuberculose, le calarrhe pulmonaire chronique, l'em-
physème, le pityriasis, l'iclhyose, Tobésité ; nos animaux de bou-
cherie en sont une preuve. Chez les castrats, l'activité nutritive est
augmentée, tandis que les dispositions morbides, qui sont sous
rînfluence de la génération, s'effacent naturellement.
Les animaux mâles qui ont une plus grande vigueur de l'ap-
pareil locomoteur, une richesse plus grande de sang, ont aus&v
550 PATHOLOGIE GÉNÉRALE COMPARÉE.
des maladies inflammatoires plus violentes ; chez les femelles, la
phénomènes nerveux dominent.
§ 5. AGE.
Depuis la naissance jusqu'à la mort, l'organisme évolue en
suivant une marche de moins en moins accélérée; la première
dentition, la deuxième dentition, la puberté, Tossification succes-
sive des sutures du crâne constituent la ligne ascensionnelle; puis,
en descendant, Tàge de retour, caractérisé par la disparition des
phénomènes dont Téclosion avait fait la puberté, le retard de plus
en plus long de révolution jusqu^à Tarrét organique, constituent
les étapes successives que nous nommons enfance, adolescence,
jeunesse, âge adulte, vieillesse. Or, les dispositions chiraico-aoa-
tomiques propres à chacune de ces étapes sont susceptibles de
donner à l'individu des maladies spéciales et une conformation
spéciale variant suivant les âges. Il se fait à chaque âge, dans
Tordre physico-chimique, moléculaire, microscopique, une évolu-
tion parallèle à révolution macro-anatomique. Ce sont des modi-
fications anatomiques bien réelles, quoique pour nous invisibles,
qui font que chaque âge a non seulement « ses goûts et ses plai-
sirs», mais aussi ses maladies : dans la première enfance on ob-
serve une grande sensibilité au refroidissement, qui tue chaque
année un si grand nombre de nouveau-nés; plus tard apparaît la
prédominance du système lymphatique absorbant ;on observe alors
la fréquence de la scrofule, de la tuberculose, des fièvres éruptives ;
au développement cérébral correspond la fréquence des méningites.
D'après Bertitlon, de 0 à 5 ans, on observe les maladies du pou-
mons, du cerveau, le choléra infantile, la scarlatine ; de 5 à 10 ans,
la scarlatine, la fièvre typhoïde, la phthisie; de iO à 20 ans, la
phthisie, la fièvre typhoïde; après 20 ans, la phthisie! La récepti-
vité pour la variole et les autres fièvres éruptives est plus grande
dans l'enfance ; Woodville estime que les enfants sont réfraclaires
à la variole dans la proportion de i sur 60 et les adultes dans U
proportion de i sur 20. L'aptitude du jeune âge à prendre les
maladies infectieuses n'est cependant pas absolue; ainsi, lorsque
Ton fait manger à une poiUe avec son grain les microbes du du>iéra
des poules, elle prend infailliblement la maladie; lorsqu'au con-
traire Pasteur a fait la même expérience avec de jeunes poussins
il les a trouvés réfractaires! Us résistaient de même aux inocula*
ÂGE. 651
tions sous-cutanées. La fièvre typhoïde elle-même fait bien plus
de victimes chez les adolescents que chez les jeunes enfants.
L'acerolssenieiit varie salvanC les raees. — Mais cette
évolution des âges ne se fait pas du même pas dans toutes les
races. Les troubles de la dentition ne se font pas dans toutes les
races à la même époque et avec la même intensité. L'accroissement
de ia taille ne se fait pas non plus avec la même vitesse dans toutes
les races, fait important au point de vue de la conscription mili-
taire. Ainsi en France, chez nos Celtes, la croissance est lente et
n'est pas achevée à 2a ans ; chez les Kymris, la croissance est ra-
pide, elle est achevée à 25 ans. Ghampouillon, en examinant
pour la garde nationale mobile, en 1868, des hommes qui avaient
été refusés en 1864-65-66 pour défaut de taille, vit donc que sur
iOO refusés de 1864 pour taille, 71 atteignaient en 1868 la taille
réglementaire; sur 100 refusés de 1865 il en trouva 55 qui étaient
arrivés à la taille; sur 100 de 1866 il en vit 45.
La durée et l'intensité du développement intra-utérin varient
chez le nègre et chez le blanc : la durée de la grossesse est-elle la
même? nous l'ignorons. Ce que nous savons, c^est que Pintensité
de Taccroissement intra-utérin est plus grande chez le blanc que
chez le noir; d'après Hamy, voici en effet les longueurs du blanc
et du noir au même âge :
4 mois, blanc 138 millim.
— noir 109 —
5 mois, blanc 256 —
— noir 201 —
6 mois, blanc 814 ^
— noir 250 —
7 mois, blanc 380 —
— noir 265 —
8 mois, blanc 416 —
— noir 365 —
9 mois, blanc 485 —
— noir 420 —
Ce fait a d'abord pour conséquence la facilité des accouchements
dans la race noire ; il en aurait une autre d'après Meckel, s'il faut
admettre avec lui que les premières étapes de l'organisation sont
parcourues d'autant plus vite, que l'animal doit atteindre un rang
plus élevé; mais cela nous entraîne à un ordre de considérations qui
ne doivent trouver place que dans la troisième partie de ce volume*
55t PATHOLOGIE GÉNÉRALE COMPARÉE.
CHAPITRE IV.
DE l'aptitude et DE l'iMMUNITÉ MORBIDES,
VAGGINATION.
L'aptitude peut naître tout d*un coup. Ainsi un parasite, im
microbe, vivait inaperçu dans le sang d'un animal ; ce milieu lai
était peu favorable et l'organisme de Tanimal logeur ne présentait
donc aucun trouble; mais que les qualités chimiques de ce sang
viennent à changer pour une cause ou pour une autre et Ke microbe
va tout à coup pulluler, comme si le milieu lui convenait mieux.
L'existence de microbes latents a été constatée par Witticb, eo
examinant, par hasard, le sang d'un hamster, qui pourtant parais-
sait bien portant. Quant au rôle favorable au parasite, que joue la
substance accidentellement introduite dans le sang, et qui en
change les qualités chimiques, Rossbach a constaté le fait suivant;
en examinant le sang de lapins sains, il y trouva quelques corps
immobiles analogues à ceux du hamster. Or, une injection de5 een«
tigrammes à i gramme d'une solution fraîche de papayotine tua
ces lapins en moins d'une heure, et l'autopsie faite immédiatement
permit de constaler, dans leur sang, des quantités énormes de l>ac-
téries sphériques ou linéaires animées de mouvements très rapides.
Une substance chimique d'origine végétale, non organisée, ne
renfermant certainement pas de parasites, modifierait donc pro-
fondément l'organisme en communiquant une activité prodigieuse
aux bactéries jusque-là latentes que renfermait le sang normal.
— L'introduction d'une petite quantité du poison chimique suffi-
rait pour produire ce résultat.
Du reste, déjà en 1860, le professeur Vulpian avait vu se déve-
lopper des vibrions, pendant la vie, dans le sang de grenouilles»
empoisonnées par la cyclamine; et l'inoculation de ce sang à des
grenouilles saines avait produit sur celles-ci les mêmes effets.
L'aptitude morbide est donc cet état de l'organisme qui est ou
est devenu propre à servir de terrain favorable à la graine patho-
logique. L*immunité, c'est l'état certain.
Ce qui nous intéresse , c'est de savoir comment un indifidu
peut acquérir arUQciellement l'immunité. Or les travaux de Pas-
teur permettent de le comprendre; ils autorisent, par exemple^ à
APTITUDE. IMMUNITÉ. VACCINATION. 65t
reprendre en connaissance de cause une idée ancienne, je veux
parler de remploi de la belladone comme prophylactique de la
scarlatine. Tout le monde sait qu^on a conseillé de dissoudre
iO centigrammes d'extrait de belladone dans 32 grammes d'eau ,
et d'en donner aux enfants 2 à 4 gouttes en temps d'épidémie;
on trouve dans le tome II de la Bibliothèque de thérapeutique de
Bayle que, sur 2027 individus soumis à Tadministration pro-
phylactique de la belladone, 1 948 ont échappé à l'influence épi-
démique. Zeuch, Sehenk, Berdost, Koller, Dutember ont cité
des cas nombreux en faveur de celte méthode. Ce dernier, dit
Grisolle, pour rendre ses résultats plus concluants, omettait vo-
lontairement de donner le préservatif à un enfant dans chaque
famille, et celui-là était le seul qui fût atteint; procédé qui, par
parenthèse, excellent dans un laboratoire, est simplement une
mauvaise action en clinique! Userait même arrivé, parait-il, que
certains individus qui n'avaient pris que peu de belladone étaient
pris de la scarlatine, mais d'une forme légère, avortée. Guersant,
Delens à Paris, le D' Godelle à Soissons, le D' Stevenard à Valen-
ciennes, se sont montrés, dans le temps, favorables à cette mé-
thode ; le D' Stevenard a donné la belladone à 400 personnes,
toutes ont été préservées; la maladie atteignait des individus de
la même localité, placés dans des conditions identiques, mais qui
n'avaient pas pris de belladone. Grisolle, qui rapporte ces faits,
ajoute : a D'après tous ces faits, on ne saurait s'empêcher d'admi-
ci nistrer la belladone aux sujets qui sont exposés à la contagion. »
Malgré l'autorité de certains noms, la méthode prophylactique
n'eut pas de succès dans l'esprit des médecins ; pratique empi-
rique, dont rien n'indiquait la valeur logique possible, elle répu-
gna à la plupart des esprits, j'ajoute même que, bien que mon
expérience personnelle soit nulle à cet égard, j'ai longtemps re-
gardé cette méthode comme indigne même d'être tentée. La
façon dont nous comprenons maintenant le rôle des microbes
dans le sang rend au contraire aujourd'hui l'idée de belladoner
le sang très plausible. Quand on voit que le microbe du charbon
ne s'acclimate pas dans le sang des oiseaux, parce que ce liquide
est trop chaud; qu'il sufQt de refroidir ce sang pour que le
parasite s'y acclimate -, quand on considère que l'aptitude et l'im-
munité des individus d'une race ou d'une espèce pour une maladie
à ferment, tiennent à ce que le sang de cet individu, de cette race
ou de cette espèce présente des conditions physico-chimiGL^es
654 PATHOLOGIE GÉNÉRALE COMPARÉE.
(cha-eur, densité, alcalinité, etc.) qui plaisent ou ne plaisent pas,
conviennent ou ne conYÎennent pas au microbe, l'esprit admet
comme possible que la présence de l'atropine dans le sang fasse
de ce liquide un milieu défavorable au microbe de la scarlatine.
L^expérience peut au moins être tentée dans des cultures artifi-
cielles et peut-être réaliserait-on ainsi, non seulement une décoo-
-verte prophylactique contre la scarlatine, mais une méthode nou-
velle d'immunité : à côté de Timm unité conférée par un microbe
dégénéré ou vaccin, on aurait Timmunité toxique, acquise par
rintroductioû dans le sang, d'une manière préventive, d'un
toxique du microbe.
Le passé de nos connais&inces en fait de maladies épidémiques
et contagieuses nous semble aujourd'hui tellement éloigné, grâce
aux Pasteur, aux Ghauveau et aux Toussaint, que nul n'a le droit
de douter des surprises que l'avenir nous réserve ! Nous n*avons
plus le droit d'être incrédules, maintenant que nous savons qu^il
suffit d'ajouter à une liqueur de culture 1/50000 de zinc pour y
faire vivre un parasite, Vaspergillus, et qu'il suffit d'ajouter à la
môme liqueur 1/1 600000 de nitrate d'argent pour tuer cet asper^
yillus. Si l'aspergillus était un parasite vivant dans le sang humain
et donnant à l'homme une maladie, il suffirait de mettre dans
le sang 5 milligrammes de nitrate d'argent pour le détruire et
guérir le malade.
Pourquoi, aujourd'hui, ne pas croire au pouvoir du cuivre
d'empêcher le microbe de la fièvre typhoïde et celui du choléra
de vivre dans le sang, alors que dans plusieurs épidémies de l'une
et de Tautre maladie, le D' Burq a été frappé de rimmuniié pré-
sentée par les ouvriers qui travaillent le cuivre?
i L'Immunité acquise rentre dans la même règle que Timmunité
spontanée : on sait qu'un homme qui a eu la variole ne peut plus
l'avoir; il en est de même pour la rougeole, la scarlatine, etc.
Le milieu n'est plus favorable et il en est du sang de ces individus
comme d'un verre d'eau sucrée dans lequel on a mis de la levure;
le liquide a fermenté, mais n'est plus apte à fermenter de nou-
veau, si on met une seconde fois de la levure ; le parasite a, dans
ces cas, usé tout ce qui lui convenait, il a épuisé le terrain, et il
faudra souvent un temps très long, qui pourra même être plus
long que la vie de Tindividu, avant que les conditions favorables
qui ont été utilisées renaissent. Il n'y a pas, du reste, que les io-
finiment petits qui agissent ainsi; on pourrait citer les végétaux
APTITUDE. IMMUNITÉ. VACCINATION. 655
qui épuisent le terrain et qui sont remplacés par d'autres par la
méthode des assolements.
De la connaissance de rimmunité conférée par une première
atteinte était née, dans tous les pays qui de bonne heure connu-
rent la variole, l'idée de Pinoculation artificielle de la maladie,
aux hommes et aux animaux. Ainsi, en Bessarabie, l'inocula-
tion de la clavelée d'une manière préventive se pralii]ue sur les
moutons depuis fort longtemps. Les paysans, chez nous, ont eux-
mêmes fini par accepter, en temps d'cpizootie« la clavelisation
de leurs troupeaux. L^inoculation de la variole à l'homme lui-
même fut également pratiquée de hoinic heure dans tous les pays
situés à notre orient, pays d'où nous est venue la variole. C*est
ainsi qu'en Abyssinie elle se pratique depuis fort longtemps :
une incision de 2-3 centimètres de long est faite sur l'avant-bras
avec un rasoir. Les Béchuanas pratiquent Tinoculation variolique
en faisant uue incision sur le front; on frotte dans cette incision
la matière prise sur un varioleux. C'est à Constantinople que lady
Montagut, noble anglaise, se trouvait en 1717, lorsqu'elle y eut
connaissance de cette pratique orientale de Pinoculation ; voici ce
qu*elle écrivait : a La petite vérole est ici une bagatelle, par le
a moyen de Tinoculation qu'on a découverte. Il y a une troupe
i< de vieilles femmes dont Tunique métier est de faire cette ino-
« culation. On prend ici la petite vérole, comme ailleurs les eaux,
a par amusement ! Je ne manquerais pas de l'écrire à nos méde-
a cins, si je les croyais assez zélés pour sacrifier leur intérêt parti-
« culier au bien du genre humain, et pour perdre une partie
« considérable de leurs revenus ; mais je craindrais au contraire
« de m*exposer à leur ressentiment qui est dangereux, si j*entre-
u prenais de leur faire un tort si considérable. » De retour en An-
gleterre, lady Monta^ut répandit la méthode en Europe et contre
sou attente elle ne trouva pas de plus zélés partisans que les mé-
decins; jusqu'en 1841, on inoculait encore en Angleterre et la
petite vérole avait, depuis l'inoculation, diminué de fréquence ainsi
que de gravité. Ce n'était cependant pas une pratique exempte
de dangers; il arrivait parfois qu'une variole confluente prenait
naissance du fait même de Tinoculation et l'inoculation était
mortelle 1 fois sur 300. Livingstone a observé un grand nombre
d*accidents semblables chez les Béchuanas.
Cette première cliente de la variole, Tlnde, avait déjà trouvé
mieux et cela du temps de Dhanvaotar ! on trempait ua QX ^tt!&
556 PATHOLOGIE OàNÉRALB COMPARÉS.
le liquide des vésicules du cnw-pox et on le passait, comme oa
selon, sous la peau du bras des enfants. Le même usage existe
de temps immémorial dans le Béloucbistao ; seulement il est mas-
qué s6us la forme d'une pratique empirique, pour guérir lesooa-
pures : chaque fois qu*un enfant se fait, pour la première fois,
une coupure aux mains, on Tenvoîe, pour le guérir» traire une
vache atteinte de picote.
11 n'était pas possible que la même observation ne fût pas faite
en Europe : en 1774, un fermier de Glocester, B. Jesty, à un mo-
ment où rinocdlatioii était en vogue, convaincu que le cow-pox,
maladie peu grave de la vache, n*était qu'une variole, eut Tidée
d'inoculer ce cow-pox à ses enfants; il faillit être lapidé ; plus
tard en 1784 un ministre protestant de Massilargue près de Lunel,
Rabaul-Pommier , frère du constituant Rabaut Saint -Etienne,
apprit de quelques pâtres que la picote, mal peu grave chez la
vache, était la variole. 11 songea donc à Tinoculer ; il fit part de
son idée à deux Anglais : Irelnnd, négociant de Bristol, et Pugh,
médecin à Londres, qui se promirent d'en parler à un médecin de
leurs amis du nom de Jenner. Jenner était en effet déjà sur la
même piste; il avait souvent remarqué que l'inoculation ne réus-
sissait pas chez les maréchaux ferrants et chez les bouviers; enfin
la duchesse de Claveland lui avait affirmé qu'elle ne craignait
pas la variole, ayant eu dans son pays une maladie qu'elle avait
contractée dans les fermes de sa famille et qui l'en préservait,
disait-elle. Jenner dut voir dans l'idée de Rabaut-Pommier, non
un trait de lumière nouvelle, mais un encouragement et en 1798,
il put affirmer que le cow-pox et le horse-pox étaient la variole. La
vaccination découverte depuis longtemps ne fut donc établie que
depuis Jenner. Déjà en Laponie on prenait, avant Jenner, le vac-
cin sur les rennes; aujourd'hui on prend le vaccin de la vache;
on le prend aussi sur le cheval et un grand nombre de vaccina-
tions ont été faites avec le liquide des eaux aux jambes.
Comme à toute idée nouvelle les détracteurs ne manquèrent pas
à la vaccine : on prétendait que les enfants vaccinés prenaient
une tète de vache, qu'ils devenaient bêtes et qu'il leur poussait des
cornes ! 11 se trouva même un médecin, Erkmann (de Francfort},
qui, s'appuyant sur les « Saintes Ecritures », chercha à démontrer
que la vaccine n'était autre chose que l'Antéchrist ! cependant toutes
ces accusations insensées durent se taire devant la diminution,
j'allais dire roxtinclioii de la variole à mesure que l'usage de la vac-
APTITUDE. IMMUNITÉ. VACCINATION. 5S7
eine se répandait; les détracteurs se rejetèrent alors sur la fièvre
typhoïde, qui augmentait, disaient-ils, depuis la vaccine. Il est
clair que plus d'un individu se rencontra qui, s'il était mort de
la variole à 5 ans, n'eût pas eu la fièvre typhoïde à i8 ans; mais
on ne prétend pas rendre Phomme immortel.
Cest de la connaissance de l'immunité conférée par une pre-
mière atteinte qu'est née l'idée de se procurer volontairement
cette première atteinte, mais il n'y aurait guère d'avantage à se
procurer la petite vérole, si elle était aussi grave que celle qui
viendrait seule; cela rappellerait la légende trop connue de Gri-
t)ouille! Le problème est donc : étant donmie une maladie grave,
trouver une maladie identique, mais légère, qui confère l'im-
munité; pour la variole, ce problème est résolu par la vaccine;
autrement dit, voici ce qui se passe : le microbe de la variole
humaine trouve dans la vache, dans le cheval, un milieu suffi-
sant pous y vivre et produire le cow-pox, les eaux aux jambes,
mais il est moins bien cultivé là, que dans le sang de Thommc;
il s'y atrophie, de telle sorte que si, de la vache, du cheval, il
retourne à l'homme, il produira bien encore une variole, mais
une variole légère, avortée, locale, maladie qui, variole cepen-
dant, suffira pour garantir de la variole.
Cette condition d'une vaccine, Pasteur l'a peut-être trouvée
pour toutes les maladies qui sont produites par un ferment. Ainsi
il a pris le ferment du choléra des poules; il Ta cultivé dans le
milieu artificiel qui lui convient le mieux, le bouillon de poulet,
et il a vu que ce ferment ainsi cultive, inoculé à une poule, la
tuait infailliblement; il a alors cherché, non plus le meilleur
mode de culture, mais le plus mauvais, exigeant cependant que
ce fût encore une culture, c'est-à-dire que le ferment multiplie,
mal il est vrai, mais enfin multiplie et vive! H a inoculé ce fer-
ment, toujours identique comme nature, mais malingre, chétif,
avorté, et il a vu que la poule était encore malade, mais qu'elle
guérissait toujours, et rapidement. Or cette poule inoculée avec
de la mauvaise culture, cette poule qui a pu guérir, si on Vino-
cule de nouveau, mais cette fois avec la meilleure culture, avec
celle du bouillon de poulet, celle qui tue sûrement, elle n'éprouve
absolument rien.
Pasteur a cherché pour chacun des ferments le plus mauvais
mode de culture et a obtenu ainsi pour beaucoup d'entre eux
un ferment chétif, capable de donner la maladie, et d'en préser-
558 PÂTHOLOOIE OÉNÉRÂLB COMPARÉB.
ver par conséquent dans l'ayenir, maïs capable seulement de
donner une maladie légère. Nous sommes donc à la veille d'avoir
autant de vaccins que nous connaissons de contages, ou, da
moins, nous sommes sur le chemin !
Pour le charbon, comme pour le choléra des poules, la démon-
stration est amplement faite. Dans la ferme de PouiUy-le-Fort, on
réunit 50 moutons et une dizaine d'animaux de Tespèce bovine; la
moitié seulement de ces animaux furent inoculés avec des baciéri-
dics charbon ncuses obtenues par la culture de Pasteur, bouillon de
culture altcnué donné comme vaccin ; l'autre moitié ne reçut rien ;
to jours après, tous les animaux, les vaccinés comme les non vac-
cinés, furent inoculésavec les cultures les plus virulentes. Au t>out
de 48 heures, les animaux non vaccinés mouraient, tandis que tous
les vaccinés demeurèrent en bonne santé. A Chartres, la même
expérience fut faite, non plus avec des bactéridies de culture, mais
avec des bactéridies prises dans le sang frais d'un animal char-
bonneux; encore ici tous les vaccinés furent épargnés, tous ceux
qui ne relaient pas furent frappes à mort, un seul excepté. Au-
jourd'hui la méthode de Tinoculation charbonneuse préventive
entre chaque jour dans la pratique.
Il en est (le môme pour la pfhripneumonie. C'est le D' Wil-
lems qui, il y a plus de trente ans, conseilla Tinaculalion pré-
ventive de la péripneumonie. Il est bon de ne pas oublier ce-
pendant que, en 1800, Odier (de Genève) avait dit : o Qui sait
« cependant si la pulmonie, qui fait tant de ravages parmi les
« bêtes à cornes, ne pourrait pas être prévenue par quelque
« aniHce semblable à la vaccination? » Il n'en est pas moins
vrai que le mérite de la méthode revient à Willems. Or l'inocula-
tion préventive est aujourd'hui un fait de pratique courante chez
les grands éleveurs de Hollande, de la Belgique, d'Angleterre,
et môme du nord de la France et de la Normandie. La Hollande
a rendu cette inoculation obligatoire par une loi du 8 août 1878.
Des indemnités sont accordées aux propriétaires des animaux qui
périssent par îfuite de l'inoculation, mais comme il en périt en
somme beaucoup moins que par le fait de la maladie, et comme
les choses sont ici comparables à la variole et à l'ancien ne ino-
culation variolique, la dépense qui en est résultée pour l'Etat a
paru minime à côté de l'abaissement de la fortune publique.
Ajoutons maintenant que l'inoculation avec les microbes de cul-
ture semble moins dangereuse et tout aussi efficace ; ce n'est
APTITUDE. IMMUNITÉ. VACCINATION.
559
plus Tancienne inoculation varioliquc, c^est la vaccine moderne.
Pasteur possède déjà, dans son laboratoire de la rue d'Ulm, plu-
sieurs chiens qui sont yaccinés contre la rage par Tantécédence
d*une rage atténuée qu'il leur a communiquée.
Pour la scarlatine, Miquel (d*Amboise) a, de son côté, réussi en
i834 à pratiquer un grand nombre d'inoculations qui se sont
montrées préservatrices. La fréquence plus grande de la scarlatine
dans nos hôpitaux permettrait de renouveler ces expériences de
laboratoire. Peut-être arriverait-on à créer ces microbes dégt^nérés
capables de conférer la maladie, mais de conférer une scarlatine
assez peu grave pour éliminer tout danger, et assez marquée ce-
pendant pour conférer Timmunité pour l'avenir.
La voie est trouvée, et la méthode d*at(énuation des virus par
la culture, par la chaleur ou autrement, cette méthode de pro-
duction de maladies bénignes et préservatrices, méthode dont Pas-
teur est Tauteur^ est une des plus belles découvertes que le génie
de rhomme ait rencontrées.
LIVRE m
CHAPITRE L
TRANSFORMATION DE L'INDIVIDU PAR LE MILIEU.
Dans les deui premières parties de ce livre, dous avons vu le
milieu extérietir et le milieu intérieur exercer sur le devenir de
rindividu une action considérable ; il nous reste maintenant à
étudier non plus seulement l'indifidu isolé, mais la série des in-
dividus reliés entre eux par les liens de la génération, Vespèee.
Un premier fait s'impose à notre attention, comme résultat de
nos études ; c'est la transformation des individus.
Les exemples de cette transformation abondent, aussi bien dans
le règne animal que dans le règne végétal, lequel présente une
grande tendance à la variation ; on sait que c'est sur autant de
spécimens de vaHation fixable par hérédité que les botanistes ont
fondé les trop nombreuses variétés qu'ils ont cataloguées.
Le genévrier de la plaine se transforme, par des nuances in-
sensibles, en genévrier nain de la montagne. Le pin sylvestre se
transforme insensiblement en pin de montagne. M. Gaston Bon-
nier a profit*^, récomment d'un voyage qu'il a fait en Autriche
et en Hongrie, pour constater les modifications que présente une
même espèce^ lorsqu'on se déplace en altitude: A mesure qu'on
s^élève, on voit apparaître plus fréquemment la coloration rose,
chez les fleurs ordinairement blanches et peu colorées; il a con-
staté au microscope que cela tient à l'augmentation du nombre
des grains du pigment. De même, la coloration normalement rosée
des fleurs de Thortensia a passé au blanc bleuâtre dans certains
terrains. Mon illustre et regretté maître, Gubler, avait depuis
longtemps fait la remarque qu'au bord de la mer, sous Tinfluence
du vent et pour résister à l'évaporation, les feuilles des variétés
dites maritimes, sont devenues charnues et succulentes, ou se
sont couvertes de poils, qui arrivent au même but par une voie
TRANSFORMATION DE l'iNDIVIDU PAR LE MILIEU. 561
diiïérente. Beaucoup de variétés marilimes sont également af-
fectées de nauisme et Gubler n'avait pas laissé échapper ce
fait, sans Téclairer de son esprit éminemment philosophique et
généralisateur.
Tout le monde sait que notre mouton transporté sous les tro-
piques [)erd sa laine^ qui est remplacée par un poil droit et
raide.
Certains crustacés présentent des variations encore bien plus
curieuses, sous l'influence du plus ou moins de salure de Teau.
M. Schmantrevitchy dans les lagunes salées des environs d*Odessa,
la«;unes qui présentent, par endroits, de grandes différences dans
la salure et, par conséquent, dans la densité de l'eau, a trouvé
des variétés très diverses d'un même Daphnis.
L^adaptation à un milieu obscur a donné lieu à des phénomènes
très curieux également. M. Grimm a observé que certains crus-
tacés, les amphipodes du fond presque obscur de la mer Cas-
pienne, parent à cette difficulté par deux voies différentes: 1o les
uns prennent des yeux énormes, c'est le cas du Gammaracanthus
Ca$pius; 2^ chez d'autres, Tœil s'atrophie, il tend à disparaître
et les organes du tact prennent, par compensation, un développe-
ment considérable, comme le toucher chez les aveugles ; c'est le
cas du Niphargius Caspius . Dans le même ordre d'idées, M. De-
larouzée a découvert, dans certaines cavernes obscures du dépar-
tement de l'Ariège, un petit coléoptèi^c aveugle, qu'il nomme
Anophtalmus gallicus. D'autres anophtalmes ont été découverts
depuis dans la même grotte.
Un poisson, le callichtes, étudié par M. Jobert(de Dijon), habite
les eaux du Rio au Brésil. Cet animal, comme tous les poissons,
respire dans l'eau par des branchies, mais son tube intestinal
est garni d'appendices filiformes, en formede houppes vasculaires,
qui jouent le rôle du poumon lorsque, le Uio étant à sco, ce pois-
son n'a plus d'autre ressource pour respirer dans l'air qu'il avale.
Il s'acclimate ainsi grâce à cette sorte d'hyperhémie intestinale.
Les animaux à métamorphose nous montrent, en quelque sorte,
d'une manière schématique, la réduction de ce que sont les accom-
modations au milieu^ la chenille étant faite pour les feuilles oij
elle doit manger, la chrysalide pour le cocon où elle s'endort, le
papillon pour l'air où, de fleur en fleur^ il doit aller s'accoupler.
Les métamorphoses d'un même individu, correspondant cha-
cune à un milieu différent, sont d'ailleurs fréquentes daws Va. w^-
GÉOOIl. MÉD. ^^
StfS TRANSFORMATION DE L*INDIViDU PAR LB MILIEU.
ture et ne s'observent pas que chez les insectes. Cette accommo-
dation est même si intime, que si le milieu s'immobilise, la forme,
la période correspondante de métamorphose s'immobilisent égale-
ment. Ainsi les protées, les salamandres, subissent des métamor-
phoses: d'abord têtards, ils respirent dans Teau au moyen de
branchies et sont pourvus d'une queue. Plus tard, adultes, ils
respirent dans Pair avec deux poumons et perdent leur queue ; eh
bien ! un certain protée des grottes obscures, qui ne peut quitter
Teau, ne quitte jamais Pétat de têtard et, sous le nom de protée
anguiforme, il a été longtemps décrit comme une espèce à part.
Autre exemple : la Sfilamandra atra est vivipare ; elle met au
monde des petits tout pulmonés, déjà transformés, et qui ont été
têtards dans le ventre de leur mère. Or M"<^ Chauvin, en forçant
Taccouchement à s'effectuer dans Teau, est arrivée à les maintenir
à rétat de têtard, avec leurs branchies embryonnaires, pendant
seize semaines. Elle a fait mieux : ou sait que les axolotls à bran-
chies respirent dans l'eau et se transforment plus tard en amblys-
tomes pulmonés respirant dans Tair. Elle remit dans Teau un
amblystome déjà transformé par et pour l'air, déjà pulmoné par
conséquent; ses branchies se développèrent de nouveau^ la frange
caudale se reforma, il redevint axolotl. Ce n'est pas tout : placé
dans l'eau bouillie, c'est-à-dire privée d'air, cet animal redevint
encore amblystome !
Les travaux de Megnin sur les métamorphoses et les migrations
des tœnias ont montre toute l'importance du milieu^ en pareille
matière. Nous avons vu plus haut que, suivant lui, le txnia armé
et le tœnia inerme ne seraient que des variétés d'un même anima
suivant le milieu. 11 pense que lorsque, dans les 1 issus d'un her-
bivore, un ver vésiculaire rencontre une cavité quelconque en
rapport avec l'intestin, il devient, dans son intestin, tœnia armé.
Quelque intéressants que soient ces faits, ils sont rares, ils sont
exceptionnels, ils ne sont pas, pour ainsi dire, d'un maniement
expérimental facile. Les cultures artificielles, que fait Pasteur,
des microbes des maladies dont il cherche le vaccin, vont nous
fournir un terrain bien autrement commode.
En effet, on peut ici modifier le milieu à son gré.;En outre, la
multiplication de ces êtres se faisant avec une grande rapidité, on
obtient en quelques jours, en quelques semaines, autant de gé-
nérations et même plus, que des animaux plus élevés en fourni-
raient en plusieurs siècles.
TRANSFORMATION DB l'INDIVIDU PAR LE MILIEU. 96»
Pasteur, cherchant un moyen de cultiver le microbe du choléra
des poules, de manière à lobtenir atténué, s'aperçut que plus
ses cultures étaient exposées à Tozygène, moins le microbe
était Tirulent: Il tuait de moins en moins de poules, à mesure
qu'il avait subi davantage l'action de Toxygène ; il y a mieux :
à mesure qu'il perd de sa virulence, le microbe change de forme;
deux phénomènes assurément liés Tun à Tautre et qui nous don-
nent un exemple de l'action du milieu sur Tindividu. De son côté,
en Amérique, James Law est arrivé au même résultat pour le
microbe de la peste du porc (swine plague).Voxygène le détruit,
après avoir altéré progressivement sa virulence. Jusque-là, rien
de très étonnant; mais si Ton prend, dans chacune de ces cul-
tures d'intensité décroissante, un microbe de virulence amoindrie
et qu'on le sème dans un liquide encore vierge, ce microbe se
reproduit et reproduit des microbes d'une intensité virulente égale
à la sienne, c'est-à-dire amoindrie au même degré que la sienne.
On crée donc ainsi de toutes pièces des variétés individuelles, et
ces variétés sont fixées par l'hérédité. Voilà une espèce fixée en
quelques heures, c'est-à-dire, ici, en quelques centaines de géné-
rations! Voilà une espèce nouvelle qui vient d'être créée par le
milieu.
Peut-on la régénérer par le milieu aussi facilement?
Pasteur prend ce microbe, qui représente, par hérédité, le der-
nier degré de la virulence, le degré le plus amoindri, microbe
qui ne tue plus une poule ; il l'inocule à un petit oiseau, du plus
petit calibre; ce petit oiseau, moins volumineux que la poule, va
être malade ; mais le sang de cet oiseau est un milieu favorable
pour le microbe, qui s'y est pour ainsi dire reconstitué ; le sang
de cet oiseau va donc donner à son tour des microbes, qui, eux,
tueront un oiseau plus gros. Le sang de celui-ci ensemencé, don-
nera des microbes qui tueront un oiseau plus gros encore ; et
voilà une espèce de microbes de plus en plus virulents, qui va être
de nouveau créée et fixée, puisque chacun de ces microbes de
plus en plus virulents^ semé dans un bouillon de culture artifi-
cielle, reproduira des microbes exactement au même degré de vi-
rulence où il est lui-même remonté.
11 se fait là, en réalité, un véritable acclimatement du microbe
à son nouveau milieu ; c'est une véritable évolution, qui donne
naissance à des microbes de plus en plus parfaits, je veux dire de
plus ea plus virulents.
564 TRANSFORMATION DE L'INDIVIDU PAR LE MILIEU.
Les expériences do Chauveaa et de Toussaint, relatires i
rinoculation de la tuberculose, montrent de même que les do-
quièmcs séries de culture dans le sang de l'animal, sont plos
abondantes en microbes et plus rapides en leurs effets que les
premières ; que les dixièmes le sont plus que les cinquièmes. Dans
ce dernier cas, comme dans les expériences de M. Pasteur, nous
sommes en présence d'une évolution progressive d*un espèce de
microbe, sous Tinfluence d'un milieu de plus en plus approprié.
Nous venons de voir tout à Theure qu'on pouvait, sous l'action
du milieu, voir décroître la virulence; cette virulence peut même
disparaître et, parallèlement, la forme du parasite peut être ab-
solument changée par le milieu, témoin les expériences de Green-
fleld et de Bûchner : une infusion fcrmentée de foin ne tarde pas>
dans les conditions ordinaires, à se remplir de nombreux spéci-
mens d'un petit champignon parfaitement inoffensif (le BacUius
subtilis) ; d'un autre côté, nous savons qu'on trouve dans le sang
des animaux atteints du charbon un végétal, la bactéridie de Da-
vainc, ou Bacillus anthracis, qui, inoculé, donne le charbon. Ces
deux végétaux, similaires par la forme, autant que nous en pou-
vons juger, diffèrent, on le voit, d'une manière énorme par leurs
effets. Or Grecnficld, cultivant le Bacillus anthracis (bactéridie
charbonneuse) dans l'humeur aqueuse, Ta destitué en six généra-
tions de toute virulence et en fit un inolTensif Baa7/tis subtilis du
foin. Bûchner prit, à son tour, le Bacillus subtilis inoffensif du
foin et, au lieu de le cultiver au contact de l'air, dans une infusion
de foin, le cultiva presque à Tabri de l'air, dans l'extrait de viande.
Il obtint le Banllus anthracis, qui tua des souris et des lapins et
reproduisit dans leur sang la bactéridie charbonneuse, avec toute
sa virulence.
Les recherches de Grawitz sur la végétation des champignons
et des moisissures dans l'organisme humain, lui ont également
montré qu'en variant le milieu de culture, on arrivait à des formes
et surtout à des propriétés physiologiques et pathologiques com-
plètement différentes ; ainsi on peut, par une culture prolongée,
créer telle variété voulue, et, partant de l'une des variétés obte-
nues, on peut arriver à une autre, par une culture systématique,
au bout de douze à vingt générations. Pour cela, il faut adap-
ter, par une série de cultures, des champignons vivant à des tem-
pératures variant entre H- 8* et H- PO**, à un milieu albuoHiieDX
alcalin et à une température de -f 38* à -1-40». Pour lui, il est
TRANSFORMATION DIS L'iNDIVIDU PâR LE MILIEU. 565
aujourd'hui démontré qu'une seule et même espèce peut végéter,
comme parasite de la putréfaction, ou détruire les organismes
animaux vivanls^ comme parasite pathogène malin. De son
coté, Kaufmann, répétiteur à l'Ecole Yétérinaire de Lyon, trans-
forme les variétés de micropbytes inoffensives en variétés mali-
gnes et infectieuses en changeant la nature du milieu de culture.
Mais ce n'est pas tout encore ! Ce n'est pas seulement la viru-
lence et par conséquent Tétat anatomique moléculaire qui la
constitue, qu'on peut modifier par le milieu, c'est l'évolution tout
entière, c'est le mode de reproduction d'un être vivant.
Le microbe du choléra des poules, comme la levure, ne se repro-
duit pas par spores, mais par segmentation, par bouture. Le mi-
crobe du charbon au contraire se reproduit par spores, par graines.
Or, comme toutes les graines, ces spores ne sont pas altérées
par l'oxygène ; M. Pasteur ne pouvait donc arriver à détruire la
virulence de ces spores par l'oxygène, comme il l'avait fait pour
les boutures du choléra des poules, s'il ne détruisait pas d'id>ord
Je mode de reproduction par spores, s'il ne créait en un mot une
espèce nouvelle de bactéridie, à reproduction analogue à celle du
microbe du choléra des poules. Ce&i ce qu'il fit :
A la température de -f- 16<^ et à celle de -H 45"*, le microbe du
charbon devient monstrueux, pyriforme,ce qui nous donne encore
un exemple de production tératologique sous l'influence du milieu;
il cesse d'émettre des spores et se reproduit, comme le microbe
du choléra des poules, par segmentation. Si on le sème alors, il
donne naissance à une espèce qui affectera le même mode de
reproduction et sera dès lors, comme le microbe du choléra des
poules, sensible à l'action de l'oxygène.
Oublions, pour un moment, les conséquences pratiques de
celte découverte et n'en retenons que ce fait : qu'on joue litté-
ralement avec les espèces, quand on opère sur ces êtres infé-
rieurs. L'expérimentateur les crée, les transforme et en dispose à
son gré !
Sans doute, il serait beaucoup plus démonstratif de modifier -à
sa volonté les espèces et les races supérieures; mais n'oublions
pas quel a dû être le rôle de ces êtres dans l'histoire biologique
de notre planète. Ce sont les êtres primordiaux ; ils sont les êtres
par lesquels la vie a débuté. N'oublions pas combien l'espèce était
aliMvet est encore instable; n'oublions pas combien le milieu agit
sur eux puissamment ; or de grands changements se sont C^\V2k
566 OBNÈSB DES MALADIES A MICROll.
dans Fatmosphère aux diverses époques géologiques et il est frai-
semblable que c'est grâce à la souplesse de ces -êtres que s*est
faite la première étape sur la route de révolution organique.
Genèse des maladies à nlerobe. — Ce qui précède n'io-
téresse pas seulement Tbistoire naturelle, en détruisant le dogme
de la fixité de Tespèce; on peut en tirer avec Pasteur des con-
séquences qui intéressent directement la i»athologie.
L'bistoire nous enseigne que les maladies d'un même pays,
d*une même race, ne sont pas les mêmes à toutes les époques.
Ainsi la variole, la rougeole étaient inconnues des anciens; nous
avons vu que ce sont les Arabes qui ont apporté ces maladies ;
mais eux-mêmes ne les ont pas toujours connues; il faut donc
bien qu'elles aient eu un commencement. 11 en est de même
pour la syphilis ! Cependant le microbe^ facteur de ces mala-
dies, est un être vivant d'ordre inférieur, qui a pu exister aux
éiK>ques géologiques les plus anciennes; il a même dû exister,
sur notre planète, à une époque où ni Thomme, ni les mam-
mifères, ni peut-être les oiseaux, n'existaient encore. On peut
penser que le Bacilltis subtUis, que nous cultivons dans les
infusions de foin, a pu exister depuis longtemps, bien avant
rhomme et les autres animaux élevés ; une infusion végétale
quelconque a pu être son premier milieu et il a pu demeurer
ainsi, jusqu'au jour où le hasard a placé pour la première fois un
Bacillus subtilis dans un liquide animal quelconque. Ce jour-là,
ce Bacillus subtilis est devenu la souche du Bacilltis aniliracis et
le charbon était né !
Or ce qui est vrai pour le charbon peut l'être pour toutes les
maladies infectieuses, qui résultent, pour Thomme et les ani-
maux, du parasitisme d'un microbe : sans doute, le microbe peut
être antérieur à Thomme, mais la maladie n^existait pas, tant
que la culture d*un premier microbe dans son sang n'avait pas
donné naissance à une nouvelle race de ce microbe^ race en rap-
port avec ce nouveau milieu. 11 en est de même pour la variole,
la rougeole, la morve, la syphilis; leurs microbes sont, sans
doute, antérieurs aux animaux que ces maladies attaquent au-
jourd'hui; mais il est bien évident que la maladie, autrement dit
l'appellation sous laquelle nous désignons l'action de ces microbes
sur les animaux qu'ils attaquent, n'existait pas avant ces animaux;
il est certain que la rougeole humaine a pris naissance le jour
où un homme est devenu, pour le microbe de la roogeoiev un
ATAVISME. 567
milieu favorable, milieu dans lequel ce microbe, qui jusque-là vivait
dans un autre milieu, a donné naissance à une espèce nouvelle
adaptée au milieu humain ; c'est ainsi que le microbe du choléra
des poules, destitué de toute virulence par Toxygëne, devenu inof-
fensif, demeurera tel pendant des siècles, jusqu*au jour où le
hasard, ou bien un eipérimentateur, le replaçant dans un milieu
convenable^ tel que le sang d'un oiseau, lui rendra sa virulence
première.
Nous comprenons maintenant la genèse des maladies virulentes.
Comme dans la nature tout phénomène qui a eu lieu aura
lieu encore, nous assisterons peut-être quelque jour à Téclosion
d'une maladie infectieuse nouvelle ; il suffira que, ce jour-là,
quelque microbe, aujourd'hui inofTensif, qui vit obscur je ne sais
où, rencontre le sang d'un de nos animaux et le nôtre même,
s'y plaise, s'y acclimate, y prospère tellement, qu'il écrasera les
globules sanguins de Tanimal, dans la concurrence qu'il leur fera.
Ce microbe deviendra donc, pour cet animal, un parasite mortel ;
il deviendra virulent dans son nouveau milieu ; il donnera nais-
sance à des microbes, qui hériteront de sa forme nouvelle et
de ses qualités nouvelles. Une nouvelle espèce de microbes sera
née du milieu infectieux et une nouvelle maladie aura pris nais-
sance !
Laissons, pour un moment, de côté ces considérations de patho-
logie chronologique ; bornons- nous à reconnaître cette grande loi
biologique en vertu de laquelle les êtres sont, à chaque instant,
sollicités par la nécessité de l'accommodation au milieu dans cette
sorte d'équilibre instable où ils se trouvent. Cette accommodation
rend les espèces et les races flottantes pour ainsi dire au gré des
vents; mais elle i-eprésente le progrès, la movibilité, le change-
ment, le nouveau, l'avenir.
CHAPITRE IL
ATAVISME.
Contre la force qui pousse au changement s'en élève une
autre, tout opposée, qui tend non seulement à maintenir le type
dans le statu quo (elle prend alors le nom d'hérédUé)^ mais à la
568 ATAVISME.
ramener en arrière, à rétrograder; celte force qui, à la roanière
d*un sénat conservateur, s'oppose au progrès, demande l'inamo-
vibilité, le respect de la tradition, qui s*épouvante du nouveau et
s'accroche au passé, c'est Vatavisme.
On Qommeatavisme la réapparition, dans un individu, de carac-
tères positifs ou négatifs que ses parents directs n'avaient pas,
mais que possédait un de ses ancêtres plus ou moins éloigné; c*est
ce que Vilmorin nomme {'attraction vers le type de l'espèce; eo
d'autres termes, sous les masques divers que fespèce a employés,
sous les livrées qu'elle a successivement revêtues, pour s^accom-
moder au milieu, qui changeait, perce tout d*un coup le type
primitif, archaïque, le plus souvent non en harmonie avec le mi-
lieu actuel. L'atavisme diffère, on le voit, considérablement de
l'hérédité, qui, elle, confère à un individu les caractères de ses
progéniteurs directs.
Que, chez un membre d'une famille depuis plusieurs généra-
tions acclimatée aux Antilles, percent tout à coup les caractères
d'un ancêtre reculé, homme du nord de TEurope ; notre créole,
devenu dès lors semblable à un Européen du Nord, sera person-
nellement privé du bénéfice de l'acclimatement, dont jouissaient
ses parents directs et sur lequel il comptait, en énumérant la
longue liste de ses ancêtres déjà acclimatés; ce sera là un exemple
d*atavisme. Aux maladies qu'il prendra, au peu d'aptitude qu'il
présentera pour le climat chaud, on reconnaîtra d'une manière
indéniable son origine nord-européenne.
Les exemples d'atavisme sont nombreux dans la nature ; ils se
manifestent aussi bien dans l'ordre anatomique t|ue dans l'ordre
pathologique ou dans l'ordre intellectuel. Quelques exemples, pui-
sés dans l'ordre anatomique, montreront comment je comprends
l'atavisme pathologique et quelle valeur philosophique on peut lui
accorder.
AiavIsDie anatoniqoe. — Les graines de la pensée cultivée
(Viola tricolor)y lorsqu'on les sème, donnent le type ancestral de
la pensée sauvage. 11 en est de même des pommiers, des poiriers,
qui, par greffe, reproduisent un être perfectionné comme eux,
mais qui, par graine, retournent au sauvageon, leur ancêtre sou-
vent éloigné.
L'exemple des pigeons est bien connu, grâce à Darwin : tout le
monde sait, en efîet, depuis que Tillustre naturaliste a tant iaiisté
sur ces faits, que les nombreuses Tariétés de pigeons, de toote
ATWISMB ANATOMIQUE. 569
couleur, de toute forme, de toutes mœurs, retournent toujours au
bizet, à la Columba livia, d*ua bleu ardoisé, avec le croupion blanc
et les rémiges rayées de noir.
Dans les races de moutons sans cornes, depuis longtemps fixées,
on Yoit apparaître de temps en temps des individus pourvus de
corner. Les races bovines du Galloway n^ont plus de cornes depuis
cent cinquante ans et cependant on voit, de temps en temps, ap-
paraître parmi elles un veau qui a des cornes.
Dans un troupeau depuis longtemps composé uniquement de
brebis et de béliers entièrement blancs, il n'est pas rare de voir
apparaître des agneaux tachés de noir ou même complètement
noirs. Dans ces cas, on retrouve toujours un ancêtre noir, ancêtre
souvent fort éloigné.
Le professeur de Quatrefages a connu rarrière-petil-fils du bailli
de Sutfren ; il était le portrait frappant de son ancêtre, après quatre
générations et ne ressemblait ni à son père ni à sa mère. On voit
de même parfois, dans un ménage où ni le père ni la mère ne
sont roux, apparaître des enfants roux, comme était un de leurs
ancêtres plus ou moins éloignés. Azara rapporte que, lorsqu'on
voit un Indien avec un peu de barbe, on peut être certain que,
parmi ses ancêtres, il y a eu, du côté paternel ou maternel,
une personne de race européenne. Enfin, tout le monde connaît
le type fossile de Néandcrthal; or il n'est pas rare, surtout en
Allemagne, de voir, par un véritable atavisme , reparaître, de
temps en temps, ce type aussi bien caractérisé que possible. Vir-
chovir cite un avocat de Berlin, dont le crâne est absolument néan-
derthaloîJe.
L^atavisme peut remonter à une époque encore plus reculée :
ainsi Darwin, se fondant sur la présence d'une robe Isabelle ou
sillonnée de rayures chez beaucoup de poulains, a induit cette
conclusion, que le cheval se rattachait, par voie de descendance,
à un animal rayé comme le zèbre qui serait Tancêtre commun
du zèbre, de Tàne, de Thémioiie et de nos chevaux domestiques.
C'est encore par un atavisme très éloigné que de nombreux
muscles apparaissent anormalement chez Thomme qui ont leur
état normal chez les animaux moins élevés que lui, et notamment
chez le singe. Tels sont, je me borne à le rappeler, le stemalis
tnUonmi, qu'on trouve chez l'homme 18 fois sur 600; VelevcUor
claviculœ, qu'on trouve 1 fois sur 60 ; les muscles dorso-épitro^
chUen, moteurs de l'oreille et peauciers.
570 ATAVIS>IE.
La présence de canines chez Hiomme, ainsi que celle da dk»-
iùmn, ou espace qai sépare la canine des cncûtv^^, est de mène
nn caractère que Thomme, sortool cdni des races inférieiires, pré-
sente fréquemment par un fait d^ata^isme simien. Darwin le-
marque même, avec une une pointe d*ironie, que ceux des hommes
qu'une pareille pensée met en manvaise humeur, n*oot d'aatie
manière d^xprimer la colère que motiTe cette géoéalo^ qui
n'est pas de leur g^oût, que de montrer ces malheareuses canines,
absolument conime lait encore aujourd'hui le singe contrarié.
La dent, si ironiquement nommée de sagesse, ne serait elle-
même qu'un hériXagt phylogénique. En eiSet, TéTolution de la deot
de sagesse se fait chez les singes plus lot que chez l*homnie, et,
dans rhumanité, chez les races inférieures plus tôt qoe chez les
races supérieures. En Italie, elle se Dût aujourd'hui, dit Mante-
gazza, plus tard qu^autrefois, dans le même pays. Cette dent ne
sert d'ailleurs à rien ; elle se carie presque toujours, et c'est
elle qui occasionne la stomatite uleéro-membraneuUf Jadis crue
épidt'mique, parce que tous les soldats ayant le même âge eo
étaient atteints au même moment; actuellement, chez beaucoup
de gens, elle n'évolue pas; si bien qu'on peut préToir que l'homme
de l'avenir, plus civilisé sinon plus sage, n'aura pas de dent de
sagesse.
Encore de l'atavisme que la persistance d'une suture au mi-
lieu de Vos mtilairel Chez quelques quadrumanes et chez d'autres
mammifères, cet os est composé, en effet, de deux parties; c'est
également dans cet état qu'on le trouve chez le fcetua humain
de deux mois ; par exception, cette disposition persiste parfois chez
rhomme, surtout dans les races prognathes inférieures.
Il en est de même de la sutwe métopiqiie ; elle existe chez
l'embryon, chez Tenfant et chez les mammifères inférieurs, à Tàge
adulte; par exception elle persiste chez Tbomme adulte, mais sur
les crânes anciens, cet état s'observe plus souvent que sur les
crânes récents.
Encore de l'atavisme que la persistance du repli semi-lunaire
à l'angle interne de Taeil, comme un vestige de la membrane cli-
gnotante 1 Atavisme l'appendice vermiforme du gros intestin!
Les mamelles surnuméraires chez la femme, les mamelles par-
fois même inguinales, sont également un cas de réversion ances-
trale par atavisme.
L'utérus double ou plutôt divisé en deux, chez la femme, est,
ATAVISME INTELLECTUEL. 571
par ataTÎsme, an souvenir de Tutérus complètement double des
marsupiaux et de Tutérus à moitié divisé en deux des rongeurs.
D'ailleurs, même à Tétat normal, Tutérus de la femme et celui
des singes présentent un vestige de la duplication primitive, qui
consiste dans Texistence d'un léger repli interne. Ce sont là,
comme le dit Darwin, des conformations dormantes, qui sont
fMurfois rappelées à Texistence.
AtavIsDie paiholo^qoe. — Le raisonnement est absolument
le même dans l'ordre pathologique ; à côté des exemples précé-
demment notés de ressemblance des traits à ceux d'un ancêtre
plus ou moins éloigné , il faut placer ici ces maladies qu'on ne
tient ni de son père, ni de sa mère^ mais d'un grand-père, ou d'un
aïeul plus éloigné : le cancer, la goutte, etc. On dit alors que ces
maladies sautent une ou plusieurs générations. Cest, en réalité,
de Tatavisme morbide.
De même que toutà Theure, l'atavisme reculant de plus en plus,
nous considérions, dans l'ordre anatomique, l'atavisme phylogé-
nique, qui permet de relier le cheval au zèbre et l'homme au
singe, de même l'atavisme morbide peut prendre une valeur pliy-
logénique et se révéler par des aptitudes ou des immunités patho-
logiques : ainsi, la communauté d'aptitude que nous avons, pour
certaines maladies, avec beaucoup d'animaux, est un titre de plus
à ajouter aux archives qui établissent notre parenté avec eux. Il
me suffit de citer notre aptitude à la phthisie, qui nous est com-
mune avec le singe et qui s'observe surtout chez le nègre ; l'apti-
tude à la syphilis est commune au singe, au cheval, au chat et à
l'homme, peut-être à tous les mammifères. L'aptitude à la variole
descend jusqu'aux oiseaux inclusivement.
On voit par cet aperçu que, dans ma pensée, l'étude de la pa-
thologie comparée est appelée à jeter sur la biologie philosophique
une lumière égale à celle qu'y projette l'anatomie comparée.
Toutes ces aptitudes morbides tiennent, en somme, à des dis-
positions anatomiques d'ordre moléculaire, sur lesquelles agit
l'atavisme.
AlavisBie intell«etoei. — H en est de même des aptitudes
intellectuelles, artistiques ou manuelles. Dans le cerveau de tel
de nos contemporains, par suite de l'apparition d'une conforma-
tion ancestrale, apparaissent des idées qui sont celles du moyen
âge et qui font que ce contemporain, fossile vivant, est abso-
lument inaccessible aux idées modernes. Parlez donc libre exa.-
ft7t TÉBàTOLOGIE.
men, libre échange, association, égalité, pariez donc science à cet
homme du moyen âge, à ce réactionnaire ! il est aussi peu de soo
temps, cérébralement, sous le masque de nos mœurs contempo-
raines, que, s*il avait un pourpoint mi-parti jaune et bleu, il senût
peu de son temps, au point de vue du costume.
Tai montré ailleurs qu'un grand nombre de criminels préseD-
taient une conformation crânienne, qui rappelle celle de Tépoque
préhistorique ; ce sont des sauvages, des incivilisés, des insoumis,
par atavisme, des déclassés qui « sont venus trop tard dans uo
monde trop vieux ». Ce phénomène, en vertu duquel il naît dans
certaines familles civilisées et même honorables des gredins, qui
ont tous les caractères des hommes préhistoriques, a été si bieo
compris de tout temps du public et si bien comparé à Tatavisme
du mouton, par exemple, que Darwin dit qu'en Angleterre une
expression populaire qualifie de tels sujets de « moutons noirs de
la famille ».
Tératologie. — En somme, partout on constate la lotte entre
CCS deux principes : le milieu qui veut le changement et Tata-
Tismc qui veut maintenir le statu quo et revenir en arrière. Cette
lutte est, en quelque sorte, schématisée dans un petit fait observé
par Mer et présenté par Duchartre à TAcadémie des sciences ; il peut
servir d'exemple idéal : il a vu, dans un lac, le Ranuncuius flam"
mula; sur les bords du lac, là où il y a peu d'eau, les feuilles sont
nalantes, étalées à la surface de l'eau et présentent, comme cela
est la règle, des stomates à leur face supérieure ou aérienne;
dans le milieu du lac, là où la profondeur est plus considérable, les
feuilles sont submergées ; elles ne présentent souvent plus de sto-
mates ; ces organes sont en effet devenus inutiles ; cependant, un
grand nombre de feuilles submergées apparaissent de temps en
temps avec des stomates à leur face supérieure ; la réapparition
d'organes qui étaient utiles aux ancêtres, mais dont ceux qui les
portent n'ont que faire, c'est de l'atavisme !
En résumé^ se modifier avec les temps et les lieux, avec le mi-
lieu, c'est la loi du progrès ; les organismes frappes d'inamovi-
bilité, arrêtés, par conséquent, dans leur développement, sont
des monstres. — Aussi bien suis-je amené à parler ici des mon-
struosités et des anomalies.
MONSTRUOSITÉS. ANOMALIBS RÉVBRSIYES. 57 S
CHAPITRE III.
MONSTRUOSITÉS, ANOMALIBS RÉVERSIVBS.
Valeur philosophiqoe des moBslrnosités. — Les ètre9
vivants qui, par atavisme, présentent certains caractères, qui ne
sont plus ceux que leur race présente, de leur temps et qui, par
consèG|uent, ne sont plus, comme Tétaient leurs parents éloignés,
adaptés au milieu où ils doivent vivre, prennent le nom de mons"
très. Ainsi, un cheval qui présente un doigt bifide et qui, au lieu
du caractère essentiel dessoUpèdes, possède par atavisme ce carac-
tère qui nous montre son origine et nous indique sa descendance
de rhipparion, est un monstre; un homme qui présente une dispo-
sition du cœur ou des muscles propre aux quadrupèdes, porte une
monstruosité denrème valeur philosophique que le cheval au pied
biOde. Ainsi compris, le mot monstruosité devient synonyme
d*anomalie et, dans le cas particulier, tTanomalie réversive ; je
m^éloigne donc complètement de Tusage adopté dans le langage
courant, où on attache an mot monstruosité un caractère plus ou
moins grand de gravité, je m'éloigne de la définition même qu'Isi-
dore Geoffroy Saint-Uilaire donne de la monstruosité : « une ano-
malie très grave ». Il est inutile d'insister pour faire comprendre
que c'est là en effet une division tout arbitraire. Le bec* de -lièvre
ne serait donc pas une monstruosité? le sexdigitisme non plus?
ce nom ne conviendrait-il qu'à Tanencéphalie?
Cest d'ailleurs dans le sens d'anomalie que Kantiquité emploie
le mot monstre. Toute anomalie était une monstruosité qui avait
pour effet et même pour but, car la théorie des causes finales
date de loin, de monere^ de monstrare quelque chose de l'avenir :
le pied du cheval de César, le célèbre Buccphale, prédisait, pour
celui qui le montait, l'empire du monde; chez les Chaldéens, un
enfant à six doigts était destiné à vaincre l'ennemi; on augurait
pour Tavenir : « Monstra appellantur quia monstrant », dit Cicé-
ron. Pour nous, les anomalies ont pour effet de nous monere, de
monstrare non plus l'avenir, mais le passé. Le pied fourchu d'un
cheval ne nous indique plus que le descendant de l'hipparion ; le
sexdigitisme, le bec-de- lièvre nous indiquent pour l'homme une
origine plus éloignée encore.
Mais que de temps il a fallu pour arriver à cette coiic^<^\.\^\^>V
ftT4 MOHtTftUOSnrÉS. ABOHALIBS RÉTKRSIVKS.
Les moaslres ont été r^irdés ccMDine refiel d^an caprice de Dieo,
oa des Dieos, saîTant le nombre , eomme dd jeu de U luitiire.
Le moyen âge, imbu de Tidée d^incube et de succube, y voit le
résultai d*an commerce bestial et les traités d'embryologie saerée
agiteot la question du baptême des monstres; on s*arréte à U
formule : « Si tu es un bomme, je te baptise » ; grâce à ce it, on
éritait de se compromettre ! Comment les Uiéologiens eussent-ils
ériié pareille sottise, quand Ambroise Paré luinaoème croit à Tin-
terrention du démon dans les destinées et à sa participation cha^
nelle à la Cibrication des monstres? lorsque Van Helmont est cod-
Taincu des maléfices du diable et que les astrologues croient à
Tinfluence du zodiaque ou de la lune? Vers 1200^ Albert le Grand
n*a-t-il pas prouvé que les astres étaient la cause de la naissance
d^un veau à tète humaine? Albert le Grand avait, en somme, rela-
tivement raison contre ceux qui accusaient le berger d'être le père
du veau et, comme tel, le voulaient brûler. Ce n*est que bien
plus tard qu*on entra dans une période d^apparence plus scienti-
fique, mais tout aussi erronée.
La science du développement des êtres partait en effet de cette
idée fausse, de la préexistence, de VemboUemeni des germes, qui
admettait que chaque œuf contenait non seulement un individu
minuscule, qui n'avait plus qu'à grossir, mais toutes les généra*
lions de Ta venir, filles de cet individu, emboîtées comme des cor-
nets, les uns dans les autres; les noms de Swammerdam, de Mal-
pighi se rattachent à cette théorie de Pierre Sylvain.
Régis Tadapta à la tératologie : pour lui les monstres sont
préeiistants ; le germe est monstre dès son début. 11 est démontré
maintenant que les germes normaux deviennent monstrueux par
accident, à une époque plus ou moins éloignée du point de départ
de leur développement. Mais la tératologie ne pouvait entrer dans
la voie scientifique que lorsque Wolf eut montré que les organes
de l'embryon, au lieu d'être tout préformés, s'ajoutaient succes-
sivement les uns aux autres, par épigénèse; c'est alors que Le-
mery montra que les monstruosités étaient des accidents, quisor-
venaient. Le terrain était en outre préparé par Goethe, qui montra
Tunité de type, et par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, qui insista
sur l'unité de composition organique. Meckel et lui démontrèrent
définitivement que les monstruosités sont dues à un accident qoi
est venu arrêter le développement dans son évolution. Etienne
GeofiDroy Saint-Uilaire formula même : « Les êtres anormaui sont
ORIOIMB PATHOLOQIQUE DBS MONSTRUOSITÉS. 575
« des embryons permanents ; ils nous montrent, à leur naissance,
« des organes simples, comme aux premiers jours de leur forma-
« tion ; comme si la nature se fut arrêtée en ciiemin pour donner à
« notre observation trop lente le temps et le moyen de ratteindre, »
Déjà Harvey avait écrit que la nature : « iisdem gradibus in forma-
a tione cujuscunque animalis, transiens peromnium animalium
« consUtutiones, ovum, vermen, fœtus perfectionem in singuUs
« acquirit ». La doctrine moderne qui nous montre Vontogénie,
ou développement de l'individu, comme une reproduction en rac-
courci, comme un diminutif de la phylogénie, ou développement
de Tespèce, ne dit pas autre chose.
On sait aujourd'hui que Tembryon des animaux supérieurs, y
compris Thomme, commence modestement par une simple cellule,
une amibe, puis qu'il devient synamibe, grade plus élevé, qu*il
monte ainsi successivement; tous les êtres parcourent, en somme,
la même voie ; mais tous ne vont pas jusqu'au bout ; l'homme seul va
jusqu'à ce bout, le plus avancé pour le moment; les autres s'arrêtent
à des stations plus ou moins rapprochées du point de départ, sta-
tions par où l'homme lui même a passé, mais où il ne s'est pas
arrêté!
Origine pathologique des monslraosltés. — Or la plupart
des maladies qui troublent Tembryon, plus ou moins localement,
quelles qu'elles soient, ont pour effet d'arrêter son développement
dans un point plus ou moins étendu, le reste de l'embryon ache-
vant de parcourir son chemin normal. Il en résulte qu'une partie
de ranimai se trouve moulée, pour ainsi dire, surprise en flagrant
délit d'évolution et iixée dans un état où elle ne devait que pas-
ser; de telle sorte que l'animal vient au monde avec les caractères
de son espèce, sauf sur un point , où il présente les caractères
d'une espèce inférieure et moins avancée dans l'évolution. Cet
animal, qui s'éloigne ainsi du type classique de son espèce et de
sa race, est réputé monstre !
Les maladies du fœtus agissent donc absolument comme les ma-
nipulations auxquelles, dans son laboratoire, Dareste se livre sur
les œufs, en manipulant les œufs de poule, soit en les recouvrant
de vernis, soit en les exposant à la chaleur, en les troublant, en
somme, par un procédé quelconque. Dareste trouble l'évolution ;
il arrête le développement sans savoir, au préalable, où il l'ar-
rêtera; en un mot, il enregistre un état fœtal qui devient ainsi
dterabie et permanent.
B76 UONSTRi:0S[TË3. ANOHAUES HeVKBSlVEB.
Bép»rtltlon s^asraplilqBe 4e« «■•■■Éraamll*». — fM^
livement ïi la rcpartilion des uionslres à la surfais ilii gMn,'
ne faudrait pas se lier à un rer^nsemont même approiimMt ii
tous tes monsin» vivant dans un pays, rar A*ns iHrauenof 4
sociëlés on les tuait et on les lue encore; ils sont plu^ rr^oHfe
parmi les populations qui vivent par petits jn^upM cl Tbàr^*
Tait comprendre pouriiuoi, puis<|ue ci-s ^ens ne sr. manenl fu«
ainsi dire <)u 'entre parents.
D'après le docicur Gujot, les monstruosités 6er>i«nl trto ht-
quentea aux Iles Gilbert.
En ne tenant cnmple quedes naissances moii£irueuK«.nflM«
seraient, d'après certains voyageur», plus rioquenles en Etmft
que dans l'Inde; elles sont plus iTéquentes, ch<M
comme clifz les animaux, dans les espèces domestiquât :«<les5oat
plus frériuentes chez le chnt que chci le chien, plus frë-tuetil'»
chez le bœur que chez le mouton ; en France, GeotTin; Stbnt-
Hilaire estimait leur nombre annuel chez l'homme à 3 30D, ckilTrr
Ëvidemmetit trËs uu- dessous de la réaliié. Elles varient d*«iUeaif
suivant le milieu sociul : Isidore GeofTrov Saint-HiUtra •
que les Tcmmes pauvres qui sont obligées de travailler
leur grossesse donnent, plus souvent que d'autres,
des monstres.
Je n'ai pas la prélenlion de passer ici en revue
monslruosilÉs; je me harnurai h dire un mol il<% pins
ou au moins des plus cékbres et des mieux cunnuct.
§ 1. PltOSlSME.
Un des exemples tes mieux connus de pilosisme i^iohi^qac
a été présenlc par une Tamille birmane : un faomini'. mm fih tlii
(Ille étaient recouverts, comme de véritables grilToiii h poil lodg
de poils de Sâ8 pouces de longueur; b (Itle eut cllt^-mim« qaMir
filles dont une seule était velue; le chef de cette dvnastir rtiil
lioufTon & la cour du roi de Birmanie. 11 n'avait que 3 deats 1 ti
mâchoire inrérieurc cl i H la supérieure; à m naisuncc»
oreilles étaient velues, le poil avait alors } pouces dclonf;!*
structure de ces poils était la môme que celle du duvet «■*
hryonnnire.
Voilà certcf un exemple d'hérédité bien net I SuppoM» pt
la sélection se fit eieccée ici comme pour nos
HAMBLLBS SURNUMÉRAIRES. B77
à la création d'un type humain à coup sûr bien différent du
nôtre!
11 en était de même de ce Busse, connu à Paris sous le nom de
VHomme^hien : ses poils étaient longs de 7 à 8 centimètres; son
fils Fédor, âgé de trois ans, était aussi velu que lui ; ce dernier
n'a que o dents en tout : 4 en bas, 1 en haut et ne les a eues qu'à
dix sept ans ! Fédor a 0 en haut et 4 en bas. On montrait récem-
ment à Londres, sous le nom de Krao, une fille de 7 ans qui était'
originaire de Laos. Cette anomalie serait-elle plus fréquente dans
ces contrées qu'ailleurs? Une danseuse espagnole velue, la Julia
Pastrana, a été vue à Londres. Elle ne possédait que peu de
dents aussi, elle.
Il y a là, d'ailleurs, un exemple peu rare de balancement orga^
nique. Les dents et les poils sont souvent en raison inverse les
ans des autres. Il y a cependant des exceptions à cette loi : ainsi,
le sanglier qui devient cochon perd sa fourrure et perd également
le volume de ses dents; de même le chien nu a peu de dents;
dans ces deux exemples le poil et les dents décroissent ensemble.
Cest le contraire le plus habituellement et c'était le contraire
chez les hommes velus de Birmanie et de Russie.
Valear da piiosisme eomme earaetère réTerslf. —
Cette monstruosité est une des plus remarquables au point de
vue de la réversion : on sait, en effet, que le poil est propre aux
mammifères; on sait, d'un autre côté, que le fœtus humain en est
couvert {lanugo), sauf à la paume de la main et à la plante des
pieds; ce lanugo, qui tombe après la naissance, est donc un legs
d'un antique ancêtre velu ! aussi la femme, qui possède toujours
plus de caractères embryonnaires que l'homme, présente-t-elle
habituellement plus de duvel que lui.
> La persistance du poil et d'un poil à caractères anatomiques
embryonnaires, comme celui des sujets dont je viens de parler,
est en somme due à la persistance d'un état fœtal, lequel n'est lui-
même que le vestige d'un état atavique, un souvenir de famille, la
marque d'un rang inférieur dans l'animalité, par lequel l'homme
révèle son origine plus antique que noble.
§ 2. MAMELLES SURNUMÉRAIRES.
La présence de mamelles surnuméraires n'est pas très rare chez
l'homme : Mitchell Bruce en a observé 65 cas en 3 ans. Sur 3 1 o iad'vr
GÉOOR. MÉD. ^'X
I
S7H UONSTRUOSITÉa. ANOMALIES REVSttSlVES.
vidus, 7,62 pour 100 présentaient cette annin«lic. Chotc emtim.
elle stirait, d'a|>ri.'s lui, plus rrL'ijueate dicz riionime que Asb
femme.
Importantio enafine «^»ra«16re rév*»>lr. — Pour birn nr
prendretoutela valcurréver9ivetkceUeiui>nslru. / '
sidérer dans son ensemble l'évolution pbjlog'Jiii',
en particulier i.'L<Ie la peau en général. Les a)i|i.:r
soDt en elTet une dii peu (lance de la peau: la ^l:i' <
après le pilosisme est donc naturelle.
A partir des oiseaux, la peau, dans ta série. e*l povnv *
nombreuses glandes dites sébacées, dont l'épithéliatn tuA-
rainé par une mue incessante dans un état lîe iti^eaitmam
grai^euse, c'est le svl/iim. Une Je ces glande» dm les imbki.
dans le voisinage des organes Rcnitaui, au croupino, lucadmte
un développement considérable et si-rt, i. titre de ràtm dt
cosmiïlique pour lustrer les plumes; elle a hrs dootr nu
son riMe au moment des amours et se rapprorhe aiMi de
glandes analogues qui .'îc retrouvent chez le dievrobi fait-
musc cl chez bon nombre d'autres mammifères. Ctwi ks n^
mifèies inrérieurs, chez l'ornithorliynquc par eiemple:, n tm-
tain nombre de glandes sébacées, sans changer noUUcnmdt
forme, sans faire plus de saillie que les autres, sccrèirataiiMlMii
plus liquide, plus gras, c'est du lait ; en réalité, que}i|«ei gludu
sébucéei; élevées à la dignité de glandes â lait, un peu it rliun
élevé au rang de lait et la traniJtion de l'otsenii
est accomplie ! A mesure <iu'on s'élève dans la série ie^
niifères, on voit le nombre des glandes à lait se limiter, Inr
importance individuelle augmenter, leur volume s'accaxr
saillie sous la peau ; on arrive enfin aux deux manu-tlet piil^tif
qui ne se trouvent que chez les éléphants, ]ci chciroHfm> l>
singe et l'Iiomme.
Les mamelles surnuméraires sont donc un retour aui
[ères inférieurs; la présence de mamelles h peine
disséminées sur divers points de la surface cutanée i I* taç»l»
glandes sébacées, rappelle l'nrnithorhynque.
.S; 3. EXCÈS m PHiMENT. H(KVVS PISMEKTAIB».
On voit parfoisle pigment s'accumuler sur GerUinspoiiM4lk
peau et, GonsbVueï an« ^VxXkA^^^j^ukwj^as. «Ulule. fl*
KXCES DE PIGMENT. I40EVUS PIOUENTAIRE. 579
OU moins volumineuse et de couleur brune : le nœvus pigmentaire
diffère absolu menl du nœvus vasculaire ou tumeur éreclile, dont
je n'ai pas ù parler ici. Quand ils sont petits, on désigne vul-
gairement ces nœvi sous le nom de grains de beauté, Â coup sûr,
ce n*est pas là une monstruosité grave; cela est pourtant le signe
d'une imperfection notable du réseau cutané, aux premières
époques de sa formation.
Anaiomie. — Lorsqu'on a l'occasion de faire une coupe de ces
tumeurs pigmentaires, au lieu de voir, comme dans la peau nor-
male une superposition en quelque sorte géologique de Tépiderme,
du corps de Malpigbi, du' pigment, du derme et du pannicule grais*
seux, on constate que le derme est absent au niveau de la tumeur
et que le pannicule graisseux a fait hernie, comme par un trou, à
travers les mailles ouvertes du derme, en refoulant devant lui la
couche pigmentaire épaissie, le corps de Malpighi et Tépiderme
aminici. Cela dénote donc une lésion en réalité assez grave, puis>
qu'il s'agit d'un véritable arrêt de développement du derme qui
s'est trouvé perforé ; mais cela n'est pas tout.
Symétrie. Corrc^spondanees anatomiqoes.— Ces tumeurs
pigmentaires, ces grains de beauté sont souvent symétrique.^ ; cela
dénote donc que cette sorte de perforation symétrique du derme
est due à une cause profonde, qui a troublé le développement em-
bryonnaire du système nerveux central. Ce trouble central du
système nerveux présidant à des taches symétriques, rappelle ce
qui se passe chez un grand nombre d'animaux, chez les oiseaux
notamment, qui sont généralement marqués d'une manière ab^
solument symétrique.
Il arrive s«»uvent que ces taches ne sont pas précisément symé*
triques, mais qu'une certaine correspondance semble exister entr-e
deux taches placées cbucune dans un point dilTerent; si bien (|ue
des gravures fort répandues à une certaine époque permettaient^
disaient au moins leurs auteurs, étant donné un grain de beauté
sur le visage d'une femme, de deviner qu'elle en avait un sem^-
blable sur tel ou tel point plus secret de son corps. On comprend
de quelle ressource cela était pour la pornographie ; le fait n'en
est pas moins curieux et il rappelle la correspondance que l'on
constate parfois entre certaines taches blanches chez les chevaux,
les baisâmes et l'escarbot par exemple.
On peut rapprocher ces exemples de corresponJance trophique
entre deux points qui ne sont cependant pas symétric^ues^ d^^
580 H0M8TRU081TÉ8» ANOMALIES RÊYBRS1VB8.
faits de correspondance ou de coojagaison de scDsibiliié signalés
par Gubler : ce délical observateur avait remarqué et montré à
ses élèves, pour mon compte, je Fai souvent constaté, qu^une pi-
qûre d^épingie faite en certains points de la peau éveillait souvent
une sensation dans un autre point non symétrique très éloigné
et toujours le même. Au point de vue pratique, il ne faut pas
oublier que deux points ainsi conjugués pour la sensibilité sont
évidemment l'un pour Fautre deux points de révulsion exceUeols.
§ 4. ALBINISME.
L*albinisme consiste dans Pabsencede pigment sur une étendue
du corps plus ou moins grande. Or le pigment existant normale-
ment dans les poils, dans la peau, la choroïde et Fins, l'albi-
nisme est constitué par la décoloration de ces trois parties.
Il faut éliminer de Falbinisme les animaux qui ont le poil
blanc tout en ayant la peau et Firis noirs, comme les chevaui
blancs. H en faut éliminer également le blanchiment accidentel
des cheveux. Tout le monde connaît le fait, toujours cité, de Marie-
Antoinette blanchissant en une nuit; mais il est permis de sup*
poser que dans sa prison cette reine était privée de quelque tein-
ture habituelle. M. Clément, dans la Nature^ cite cependant le
fait d'un autre prisonnier, un incffensif chardonneret, qui, pris
par la patte, blanchit en un jour; tout différent est également le
cas d'une dame soignée par Gubler : cette dame était sujette à de
fréquentes migraines, qui duraient 3 ou 4 jours. Pendant ces
migraines ses cheveux poussaient blancs; ils poussaient entre
les accès avec leur couleur naturelle; si bien que les cheveux de
cette dame étaient segmentés de blanc, comme les poils d*un
porc-épic et qu'on pouvait compter le nombre de ses accès de
migraine par le nombre des anneaux blancs présentés par chaque
cheveu, il en faut éliminer également la canitie sénile, ainsi que
la chlorose des plantes, qui blanchissent dans les caves, comme la
chicorée. 11 est, au contraire, permis de rapprocher de Falbinisine
vrai les variétés végétales dites albinos de nos montagnes.
Le pigment n'apparaît sous la couche de Malpighi qu'à la Gn
du troisième mois de la vie embryonnaire; Valbinisme cutané est
doue dû à un arrêt de développement, qui s'est manifesté à cette
époque ; les cellules de la choroïde se remplissant de pigment vers
ALBINISME. 581
la même époque, il s'ensuit que la choroïde se trouve, chez les
albinos, décolorée comme la peau et pour la même cause qu^elle.
L'arrêt de développement dépasse souvent d'ailleurs les limites
de la peau ; il s'étend à d'autres organes : c'est ainsi qu*on observe
souvent chez les albinos, la persistance de la membrane pupil-
laire, la persistance du duvet embryonnaire, diverses autres ano-
malies, enfin le sexe féminin, qui lui-même est un .arrêt de déve-
loppement et plus sujet que le masculin aux monstruosités; on
rencontre aussi les pieds plats, les oreilles mal conformées; les
chats albinos sont toujours sourds.
Fréqaenee. DIsIribatlon ^éo^raphlqne. — L'albinisme se
voit dans une foule de races et d'espèces, chez Toiseau, le lapin,
le singe; Téléphant albinos est adoré dans le Siam, où Ton croit
qu*il loge Tesprit de Bouddha. Les sultans de Java avaient à leur
conr des hommes albinos; Montézuma en avait égalemenL II se *
voit dans toutes les races humaines, mais avec une préférence
marquée dans la race noire. Il est vrai que c'est chez elle qu'il
contraste le plus avec la couleur normale. Les albinos ne sont pas
très rares au Brésil, ctiez les nègres; le major Serpa-Pinto, dans
son récent voyage en Afrique, en a signalé des tribus entières.
L'amiral Fleuriot de Langle a signalé dans le Gabon une tribu de
nègres blancs, aux yeux bleus et aux cheveux rouges; l'albi-
nisme n'est pas très rare non plus au Sénégal, sur les côtes de
Guinée; cependant on y tue presque tous les albinos, car ils
sont regardés comme un mauvais présage; il est très fréquent
dans l'Amérique centrale et d'une façon générale on peut dire que
l'albinisme s'observe surtout dans les races colorées, dans une
zone de 10^ de chaque côté de l'équateur. Les albinos sont connus
à Ceyian sous le nom de Bedas; à Java, sous celui de chacrelas;
ailleurs sous celui de blafards.
Description. — L'albinisme ne change généralement rien au
type ethnique : le nègre garde son type; il prend seulement les
cheveux rougeàtres et la peau blafarde; chez l'Européen, les che-
veqx de Palbinos sont blancs; chez le chai albinos, qui, je l'ai
dit, est toujours sourd, les yeux sont bleus et non rouges ; le
serin jaune des Canaries est un albinos; le type normal de cet
oiseau est vert; en même temps, on observe assez souvent une
anémie concomitante plus ou moins prononcée, du rachitisme,
de la scrofule ; cependant cela n'est pas toujours vrai ; on
observe quelquefois de l'idiotie, mais pas toujours non \^lvis^«.vQfik
itt aosmcosiTÉs. Asmun eéteksitis.
qaVa a été U prenre m méAtâm a&isvs» le IK Sachs» car U a
UifiS'.' tt nwMioênptiie eC edW 4e si smr, albisos ëgateiaent
Tous les albiDOf Mit Pîm nMige, «issi fmc chacsa k eooslale
diez les Upiiis bUocs; cette eoloratioc s*cxpK^oe aiséfiient : Tîm,
n^'éiaot pas doaMê de pi^ineot,Uî»e Toir les Ta»eaun par traiispt-
ivtioe. En inèfDe temps, la lomière on pe« abondante aTeo?ie les
albinos, parce qo'eiie pttsse, eomme par antaot de papilles «opplé-
mentairef. à traTers tes espaces Ubres, qvi séparent les fibres
iDiiscaUJres Je l'iris, espaces qai sont comblés oonnalement par
le pigment et qui se trooTent ïâ oorerts, poisqoe ce piârroent est
chez eui absent; aussi les albinos ne Toîenl*îK t»ien qoe pen-
dant la naît. CroTaux a tu, chez les Roncooyennes de U Gajaoe,
des tribus albinos qui ne chassent qoe la naît et donnent pendant
le jour ; plusieurs autres ▼o\'2gears rapportent de même qu'on
élèTe dans T Amérique du Sud des chefaox albinos, destinés eiclo-
siTcment à un service de nuit.
Les yeux des albinos présentent en outre généralement un Ireoi-
Mement particulier, ou mieux, une oscillation spéciale, qui est
connue sous le nom de nyKtagmtu. Ils sont de plus myopes te
plus souvent et Broca a judicieusement expliqué la cause initiale
de cette myopie par le besoin que ressentent de bonne heure tes
albinos aveuglés par la lumière, de faire ombre sur leors livres
avec leur tète et par conséquent d*approcher le papier de leurs
yeux autant que possible.
Les albinos ne sont pas toujours impuissants et Talbinisme
ainsi peut devenir héréditaire. Le D' Vincent cite un ménage
nègre, où 9 grossesses ont donné :
1 '* grosMf se I garçon albinos.
2« — 2 jumelles ooires.
3« — 1 albinos.
h* — 1 noire.
5« — 1 noire.
6« — 1 albinos.
?• — t noir.
8« — 1 noire.
9« — l albinos.
Le D' Coindre cite de son côté un homme blanc alcoolique, qui,
de deux femmes différentes, eut 3 enfants, tous les 3 albinos ; l'al-
coolisme parait avoir joué ici le rôle de cause. On a naturellement
BEC-DB-LIÈYRB . 58t
accasé ailleoTs la consanguinité, mais la ?érité est que nous igno«
rons la cause de toutes les monstruosités en général et celle de
Talbinisme en particulier.
Je n'ai point à parler du traitement de Talbinisme ; je n'en dirais
donc rien, si je ne tenais à relever l'erreur où est tombé Living-
stone : frappé du grand nombre d'albinos qu'il rencontrait en
Afrique, le hardi missionnaire avait conçu naïvement Tespoir,
tout en blanchissant leur âme, pensait-il du moins, au moyen da
catholicisme, de noircir leur peau au moyen du nitrate d'argent.
Hélas! ce dernier moyen n'était pas plus efficace que l'autre. Sans
doute on voit parfois le nitrate d'argent, se déposant dans les gra-
nulations du pigment, noircir à la lumière et donner aux cellules
une couleur plus foncée que celle qui leur est normale; mais,
puisque les granulations pigmentaires manquent ici, le nitrate
d'argent ne saurait s'y déposer pour y noircir.
§ 5. BEC-DELIÈTRE.
Tout le monde connaît la description sommaire du bec-de-lièvre
et cette expression populaire, éminemment pittoresque, donne im-
médiatement ridée de la difformité dont je vais parler.
Les idées les plus singulières ont été de bonne heure émises sor
le mécanisme qui concourt à sa formation : Jourdain pensait que
le fœtus s'était fait lui-même une déchirure avec les poings ; Am-
broise Paré accusait déjà un défaut de force formatrice; c'est ce que
nous traduisons aujourd'hui par le mot arrêt de développemeni.
Blumenbach émit l'hypothèse que la lèvre supérieure se déve*
loppait normalement par un certain nombre de points, qui ou-
bliaient de se souder entre eux; Meckel pensait que dans le bec-
de-lièvre la bouche persistait dans sa configuration primitive et
que les ûssures primordiales ne s'oblitéraient pas. Il appartenait à
Coste de montrer qu'en réalité le bec-de-lièvre est bien dû à un
arrêt de développement.
Mée»BlsMe da bee-de-llévre. I«'os intermaxlllalre.—
Pour comprendre le mécanisme de la formation du bec-de-liè-
vre, il suffit de suivre pas à pas le développement de l'os inter-
maxillaire. L'os intermaxillaire est, ainsi que l'indique son nom,
situé entre les maxillaires; formé de deux pièces symétriques,
dont chacune porte deux incisives, il est constitué, après la fusion
de ses deux moitiés, par un os qui porte les quatre incisives et se
48S MONSTRUOSITÉS. ANOMALIES RÉVERSIVBS.
qu*en a été la preuve un médecin albinos, le D*" Sachs, car il a
laisse sa monographie et celle de sa sœur, albinos également.
Tous les albinos ont Tiris rouge, ainsi que chacun le constate
chez les lapins blancs ; cette coloration s'explique aisément : Piris,
n^étant pas doublé de pigment, laisse voir les vaisseaux par transpa-
rence. En même temps, la lumière un peu abondante aveugle les
albinos, parce qu'elle passe, comme par autant de pupilles supplé-
mentaires, à travers les espaces libres, qui séparent les fibres
musculaires de Tiris, espaces qui sont comblés normalement par
le pigment et qui se trouvent ici ouverts, puisque ce pigment est
chez eux absent; aussi les albinos ne voient-ils bien que pen-
dant la nuit. Crovaux a vu, chez les Roucouyennes de la Guyane,
des tribus albinos qui ne chassent que la nuit et dorment pendant
le jour; plusieurs autres voyageurs rapportent de môme qu'on
élève dans TAmérique du Sud des chevaux albinos, destinés exclu-
sivement à un service de nuit.
Les yeux des albinos présentent en outre généralement un trem-
blement particulier, ou mieux, une oscillation spéciale, qui est
connue sous le nom de nystagmus. Ils sont de plus myopes k
plus souvent et Broca a judicieusement expliqué la cause initiale
de cette myopie par le besoin que ressentent de bonne heure les
albinos aveuglés par la lumière, de faire ombre sur leurs livres
avec leur tète et par conséquent d'approcher le papier de leurs
yeux autant que possible.
Les albinos ne sont pas toujours impuissants et Talbinisme
ainsi peut devenir héréditaire. Le D' Vincent cite un ménage
nègre, où 9 grossesses ont donné :
ire grossesse . . , 1 gtirçon albinos.
2« — 2 jumelles noires.
3« — 1 albinos .
4« — 1 noire.
5« — 1 noire.
6» — 1 albinos.
7« — 1 noir.
8« — 1 noire.
9« - 1 albinos.
Le D' Coindre cite de son côté un homme blanc alcoolique, qui,
de deux femmes différentes, eut 3 enfants, tous les 3 albinos ; l'ai*
coolisme parait avoir joué ici le rôle de cause. On a naturellemeot
BEC-DE-LIÈVRB . 588
accusé ailleurs la consanguinité, mais la vérité est que nous igno-
rons la cause de toutes les monstruosités en général et celle de
Talbinisme en particulier.
Je n'ai point à parler du traitement de Talbinisme ; je n'en dirais
donc rien, si je ne tenais à relever l'erreur où est tombé Living-
stone : frappé du grand nombre d^albinos qu'il rencontrait en
Afrique, le hardi missionnaire avait conçu naïvement l'espoir,
tout en blanchissant leur âme, pensait*il du moins, au moyen du
catholicisme, de noircir leur peau au moyen du nitrate d'argent.
Hélas! ce dernier moyen n'était pas plus efficace que l'autre. Sans
doute on voit parfois le nitrate d'argent, se déposant dans les gra*
nulations du pigment, noircir à la lumière et donner aux cellules
une couleur plus foncée que celle qui leur est normale; mais,
puisque les granulations pigmentaires manquent ici, le nitrate
d'argent ne saurait s'y déposer pour y noircir.
§ 5. BEG-DE-LIÈVRE.
Tout le monde connaît la description sommaire du bec-de-lièvre
et cette expression populaire, éminemment pittoresque, donne im-
médiatement l'idée de la difformité dont je vais parier.
Les idées les plus singulières ont été de bonne heure émises sur
le mécanisme qui concourt à sa formation : Jourdain pensait que
le fœtus s'était fait lui-même une déchirure avec les poings ; Am-
broise Paré accusait déjà un défaut de force formatrice; c'est ce que
nous traduisons aujourd'hui par le mot arrêt de développement,
Blumenbach émit l'hypothèse que la lèvre supérieure se déve->
loppait normalement par un certain nombre de points, qui ou-
bliaient de se souder entre eux; Meckel pensait que dans le bec-
de-lièvre la bouche persistait dans sa configuration primitive et
que les ùssures primordiales ne s'oblitéraient pas. Il appartenait à
Coste de montrer qu'en réalité le bec-de-lièvre est bien dû à un
arrêt de développement.
MéeaAlsme da bee-de-lléTre. I«*os Interaaxlllalre.—
Pour comprendre le mécanisme de la formation du bec-de-liè-
vre, il suffît de suivre pas à pas le développement de l'os inter-
maxillaire. L'os intermaxillaire est, ainsi que l'indique son nom,
situé entre les maxillaires; formé de deux pièces symétriques,
dont chacune porte deux incisives, il est constitué, après la fusion
de ses deux moitiés, par un os qui porte les quatre incisives et se
&«4 MONSTRUOSITÉS. ANOICALIBS RÉYBRSIVBS.
limite, de chaque côté, au maxillaire qui porte la canine, et en
haut à l'ouverture des fosses nasales.
Des discussions célèbres se sont élevées sur cet os, qni a été
regardé comme propre aux animaux à Texclusion de i*homme. Oa
a même fait une différence caractéristique entre Vhomme qui n'eo
aurait pas et le singe qui en aurait. C'est sur ce point que se parta-
geaient les avis:Galien, qui n'avait disséqué que des magots, croyait
que rhomme avait un intermaxillaire; Vesale était de TopinioD
contraire ; Camper prétendait que nous n'avions pas d'os inter-
maxillaire; en revanche, Gœthe assure Tavoirvu; Vicqd*Azyr éga-
lement; Robert Nesbitt le vit chez Tembryon ; mais la question De
fut scientifiquement étudiée assez récemment que par Hamy, qui
montra que l'os intermaxillaire existait chez tous les animaux,
même chez Thomme, mais qu'il se «loudait à ses voisins, les maiii*
laires, de façon à disparaître complètement. Cette fusion se fai-
sant chez rhomme au troisième mois de la vie embryonnaire,
les intermaxillaires devenaient invisibles à la naissance.
Une progression sériaire, qui va des autres animaux à l'homme,
montre du reste que la soudure de Tintermaxillaire se fait de
plus en plus tôt, à mesure qu'on approche de Thomme. Un grand
nombre d animaux ont un intermaxillaire qui se soude tard,
parce qu'ils en ont besoin pour prendre leur nourriture, ainsi
que l'avait dit Gœthe. On peut en résumé classer les animaux, au
point de vue de la soudure de Tintermaxillaire, de la façon sui-
vante : 1® les carnassiers, les ruminants, chez qui l'os intermaxil-
laire persiste séparé, non soudé, visible toute la vie; — 2* les singes
inférieurs, chez qui la soudure se fait tard, dans la vieillesse; —
3* l'orang, le gibbon, le semnopitbèque, chez qui elle a lieu un
peu moins tard, dans lâge adulte ; — 4« le gorille et le chimpanzé,
chez qui cette soudure se fait dans la première jeunesse; —
5<> l'homme prognathe, chez qui elle se fait à la fin de Ut vie uté-
rine, de telle façon qu'elle n'est pas toujours terminée au mo-
ment de la naissance ; — 6" enfin l'homme blanc, européen, chei
qui la soudure se fait au troisième mois de la vie intra-utérine.
Les explications qui précèdent, permettent de comprendre
les combinaisons suivant lesquelles Tabsence de soudure peot
s'observer : chacune d'elles correspond à nne forme de bec-de-
lièvre profond.
Il se peut, par exemple, que les deux intermaxillaires ne se
soudent ni entre eux, deux à deux, ni aux maxillaires voisins;
BBC-DB-LIÈVRE. 585
on a alors trois fentes qui séparent quatre bourgeons : deux bour-
geons latéraux portant les canines, séparés par deux bougeons
maxillaires médians qui siiUt eux-mêmes séparés. Cet état est
normal jusqu'au troisième mois de la vie embryonnaire ; sa per-
sistance constitue le bec-de-lië?re profond, compliqué.
11 se peut que les deux intermaxillaires oublient de se souder
Tun à l'antre, tout en se soudant aui maxillaires ; ou alors une
fente médiane qui fait communiquer la cavité buccale avec les
fosses nasales, c'est le cloaque bucco-nasal.
11 se peut que la soudure se fasse partout, excepté d'un côté,
entre un intermaxillaire et le maxillaire voisin. C'est le bec-de-
liëvre latéral, qui a généralement lieu à gauche ; cet oubli peut se
présenter des deux côtés, de façon à laisser un bourgeon médian ;
cette anomalie semble, par sélection, rendue fréquente chez les
Orangs-Gargassi, naturels des lies de TAmirauté, qui regardent >
comme un ornement la saillie en avant des dents incisives atta-
chées sur un bourgeon spécial, bien séparées des canines et por-
tées en avant comme une pelle.
Il se peut enQn que les os intermaxillaires manquent complète-
ment; un hiatus sépare alors les deux maxillaires; les cavités
buccales et nasales n'en font plus qu'une seule; cette hideuse
diiïormité constitue la gueule de loup.
La fissure intermaiillaire se complique souvent d'autres ano-
malies : ainsi, sur 618 monstres humains, Panum Ta vue 77 fois;
au musée Dupuytren,sur 170 monstres humains elle figure 24 fois.
Ce que je viens de dire s'applique aux parties profondes ; une
théorie analogue donne l'explication des fiatvres superficielles,
qui n'intéressent que les parties molles.
Les lèvres supérieure et inférieure se développent en effet par
six bourgeons : pour la lèvre supérieure deux bourgeons maxil-
laires latéraux et deux bourgeons intermaxillaires médians ; deux
bourgeons pour la lèvre inférieure. Supposons donc, pour la lèvre
inférieure, que les deux bourgeons ne se soudent pas, et Ton
a le bec-de-lièvre inférieur médian, variété très rare; supposons
que les deux bourgeons médians de la lèvre supérieure, ou bour-
geons intermaxillaires superficiels oublient de se souder l'un
à l'autre, et l'on a la conformation du lièvre, anomalie rare; que
le bourgeon incisif gauche oublie de se sonder au bourgeon
maxillaire gauche, et l'on a le bec-de-lièvre superficiel latéral
gauche, le plus fréquent de tous.
586 MONSTRUOSITÉS. ANOMALIES RÉYBRSIVES.
Fréquence et dIsCrIbatlon ^o^raphlque* — La fré-
quence du bec-de-lièvre varie avec les espèces :
Chez le bwuf elle 8e voit 6 «/o monstres.
Chez le chien 3,7 Vo
Chez la brebis 3,4 Vo
Chez le poro 3^2 Vo
Cette étrange maladie est héréditaire; Darwin cite une famille,
qui, pendant le cours d'un siècle, a présenté plusieurs membres
atteints de cette difformité. Elle est extrêmement fréquente en
Chine, où on en observe toutes les variétés. En France, elle a m
maximum constant qui varie de 0,96 à 2,2i pour iOOO conscrits,
dans les départements qui correspondent à la Normandie, le
Maine, TAnjou, la Touraine, TOrléanais et la Champagne. Le
D^ Chervin signale pour la France un grand rapport entre la
géographie du bec-de-lièvre et la géographie des mort-nés.
D'après Bertillon, cette coïncidence est très remarquable. Cest
là un fait qui vient à Tappui de ce que je disais plus haut, à
savoir que le bec-de-lièvre, comme toutes les monstruosités, est
produit par une maladie du fœtus, arrêté dans son développe-
ment. Il n'est donc pas étonnant que, dans les départements où
ces maladies de fembryon sont le plus communes, elles occa*
sionnent également le plus souvent sa mort.
Caractère réversif. — Il est inutile d*insister sur le carac-
tère réversif de l'anomalie qui vient de nous occuper : si la fissure
médiane de la lèvre nous fait descendre au lama, au lièvre, etc.,
la division profonde du palais, qui constitue le cloaque bucco-
nasal, nous fait descendre bien plus bas encore dans Téchelle
zoologique.
§ 6. POLYDACTYUE ET SYNDACTYLIE.
On nomme ainsi la présence chez un animal, à une ou à plu-
sieurs extrémités, d'un nombre de doigts supérieur au nombre
normal ; or aucun mammifère, aucun oiseau, aucun reptile n'a
plus de 5 doigts; beaucoup en ont moins, et Ton démontre, en
anatomie comparée, que cette réduction a lieu par soudure de
plusieurs doigts en un seul : le chien, le chat ont 5 doigts aux
pattes antérieures et 4 aux pattes postérieures ; le porc a 4 doigts
POLTDACTTLIE ET SYNDAOTYLIE. 587
réunis 2 par 2: le bœuf a 2 doigts avec fusion du métacarpien ; le
cheval actuel n*a qu'un doigt par fusion complète des 3 doigts
de son ancêtre fossile.
La syndactylie chez Thomme, réalise Tétat d'emprisonnement
des doigts, qu'on observe chez le bœuf, le cochon, le cheval. Cette
soudure s'effectue au nom de l'attraction de soi pour soi, en
vertu de laquelle les organes homologues tendent à se souder.
La polydactylie commence donc chez le cheval du jour où
il a 2 doigts, comme Bucéphale d'Alexandre et pour l'homme du
jour où il a 6 doigts; c'est le sexdigitisme. Le polydactylisme est
d'ailleurs complet ou incomplet : autrement dit, l:i duplicature
peut s'étendre au métacarpien et au doigt; au doigt tout entier
avec ses 3 phalanges ; à 2 phalanges seulement; à i seulement,
la dernière; ou même à une moitié de cette dernière qui se trouve
seulement bifurquée à son extrémité. Le musée Broca possède le
moulage du pied d'un Annamite, qui présente cette bifurcation
de la phalangette unguéale du pouce ; dans le même musée de
l'institut anthropologique se trouve, à côté de ce pied, une pha-
langette nue, qui pourrait passer pour le squelette du moulage voi-
sin , mais qui remonte en réalité à l'époque préhistorique (pierre
polie). Cette phalangette bifurquée a été trouvée par Prunlères
(de Marvejols) dans ses célèbres et fructueuses fouilles des dolmens
de la Lozère.
Quelques mots sur le mécanisme de ces anomalies : à une
époque où Broca, qui, depuis, avait changé d'opinion, croyait
que la diplogénèse tenait à la fissuration d'un individu unique,
il regardait les faits de diplogénèse locale dont le polydactylisme
donne l'exemple, comme dus, dans certains cas, à des doigts fis-
surés ; il reconnaissait cependant que, le plus souvent^ le doigt
surnuméraire tient à un bourgeonnement surnuméraire; nous
savons maintenant que ces cas de demi-section apparente sont
des cas de duplicature avec demi-fusion ; nous savons qu'il s'est
passé là, entre le doigt surnuméraire et le voisin normal, ce qui
ce passe par syndactylie, chez le cheval, chez le bœuf. Le poly-
dactylisme et le syndactylisme sont donc deux phénomènes qui, en
apparence opposés, marchent au contraire souvent côte à côte.
Broca citait lui-même l'exemple suivant d'une famille dans
laquelle six générations consécutives avaient présenté, avec une
sorte d'équivalence, le polydactylisme et le syndactylisme aux
pieds ou aux mains :
588 MONSTRUOnTÉS. ANOMALUS RÉVBRSIVBS.
1 génération . . • sezdigititme maint, pieds.
2 — id.
3 — sexdigititme pied.
syndaotylisme main.
4 — • sezdigitisme mains, pieds.
5 — sexdigitisme main droite.
syndactylisme main gauche.
6 — syndactylisme i mains.
Fréqiieiiee« dlsCrlbnCloii Kéoipraplilqiie. — • Le polydacty-
lisme s*observe d'ailleurs, tantôt aux mains, tantôt aux pieds, tan-
tôt aux pieds et aux mains; les mains le présentent cependant plas
souvent que les pieds, et le pouce est le plus souvent le doigt sup-
plémentaire. 11 est très fréquent chez le nègre. M. le D' Napias
m*a dit avoir été frappé du grand nombre de nègres sexdigitaires
qu'il a rencontrés à la Guadeloupe, dans un court séjour chez
eux, « au moins une douzaine » ; tantôt (communication écrite)
« il s'agissait, chez un petit garçon de quelques mois, d'une
« phalange supplémentaire attachée au niveau de rarticulation
« de la troisième phalange du petit doigt ; la phalange supplé-
«( mentaire avait un ongle et le squelette était une phalangette
« mal formée; tantôt il s'agissait d'un doigt supplémentaire
u complet attaché par un pédicule au niveau de l'articulation
« métacarpo-phalangienne du petit doigt ; tantôt le doigt sup-
« plémentaire était implanté sur le 5* métacarpien, rigide et
ff .sans articulation, presque perpendiculaire au 5* métacarpien,
u Dans ce cas, qui m'a été signalé par un de nos collègues, le
(( D' Maltei, qui exerçait à la Guadeloupe, les phalanges supplé-
ff mentaires existaient aux pieds ; sur la face supérieure de cha-
« que pied existait une série de 4 rangées de doigts supplémen-
« taires, de volume décroissant, imbriqués les uns sur les autres,
a comme les tuiles d'un toit, jusqu'au milieu du cou-de-pied,
o Dans une famille de mulâtres que j'ai connue, le mari et li
« femme avaient des doigts supplémentaires. Ils eurent 5 enfants
« qui eurent des doigts supplémentaires, un sixième naquit sans
« supplément d'aucune sorte.... et le mari battit sa femme ».
A Rome, dans lantiquité, celte anomalie devait se montrer asaei
fréquemment avec un caractère d'hérédité, car plusieurs Ci-
milles y portaient le surnom de Sexdigitati. Les sexdigitisme est
en effet héréditaire et Darwin en a cité des exemples, qu'il avait
pu suivre dans une famille, pendant 5 générations. M"* Clémence
POLTDACTYUE ET SYNDACTYLIB. 589
Royer a connu une famille où les mâles avaient 6 doigts. Cette
anomalie peut même sauter une génération ; autrement dit, le
sexdigitisme peut être transmis par quelqu'un qui ne Ta pas lui-
même, par atavisme ; c'est de même qu'un taureau, fils d'une
vache bonne laitière, transmet à ses GUes les qualités laitières
que lui-même n'avait pas, bien entendu, mais que possédait sa
mère. Dans certains cas, il semble que l'hérédité accentue le sexdi-
gitisme, de génération en génération : ainsi le D' Struthers a vu
un doigt supplémentaire apparaître de la façon suivante, pen-
dant 4 générations :
ire génération 1 main.
2* génération 2 mains.
.3* génération 2 mains, 1 pied.
^ 4* génération 2 mains, 2 pieds.
C'est d'ailleurs grâce à l'hérédité que se formeraient facilement
des races sexdigltaires, si la mode en pouvait naître : au com-
mencement de ce siècle, dans Tlsère, loin des communications
habituelles, il y avait un village de sexdigitaires; ces gens^ qui ne
sortaient jamais de chez eux, ne se mariaient qu'entre eux; il
a suffi de faire des routes et de donner de l'expansion à la popu-
lation, pour faire inconsciemment disparaître le sexdigitisme.
Par sélection, un membre distingué de la Société d'anthropo-
iogie^M. Martinet, a réussi à faire une race de pouletsà 5 doigts;
il est en chemin d'en faire une à 6 doigts.
Cette anomalie en accompagne souvent plusieurs autres; ainsi
une femme célèbre dans l'histoire, Anne de Boleyn, femme de
Henri VIII d'Angleterre, celle qu'on appelait la Haquenée'd'An-
gleterre et qui fut mère d'Elisabeth, avait 6 doigts; elle avait
en outre une mamelle surnuméraire et une dent de plus que Tétat
normal le comporte.
Mécmnlsme i valeur comme caractère de réversion.
— On pourrait, au premier abord, se demander comment la pré-
sence d'un certain nombre de doigts surnuméraires constituant
un luxe, un excès, peut être rattachée à un arrêt de développe-
ment; cependant la biologie montre que souvent le progrès, l'évo-
lution sont liés à la disparition de certains organes et non à leur
augmentation; ainsi révolution ne grossit pas le thymus, elle le
fait au contraire disparaître.
Cette objection n'aura plus d'ailleurs sa raison d'être^ si nous
590 MONSTRUOSITÉS. ANOMAUKS RÉVERSIVES.
considérons que c'est moins Tarrèt de développement qui fait
la monstruosité, que la persistance de l'état fœtal et la persis-
tance dans le haut de Téchelle zoologique de caractères inférieurs
et qui ne sont normaux que dans le bas de cette échelle.
Voyons donc en quoi le sexdigitisme est dû à lu persistance
d'un état fœtal et en quoi, chez Thomme^ il est le maintien dans
le haut de Téchellc zoologique d'un caractère inférieur : aucun
animal actuel (mammifère, oiseau ou reptile) n'a plus de 5 doigts:
de plus, le type le plus ancien auquel il faille renoonter pour voir
apparaître 5 doigts, est celui des amphibies. Gegenbauer n'a pas
eu de peine à montrer que les extrémités pentadactyles des am-
phibies, animaux qu'on voit apparaître à la période carbonifère
et dont on trouve les empreintes dans les terrains triasiqucs,
dérivent des nageoires polydactyles des poissons, nageoirts qui,
par rcduclion du nombre des doigts, se sont accommodées à leur
nouveau rôle, qui était de prendre un point d'appui sur la terre
devenue ferme et non plus sur Tonde mobile.
Or si les cinq doigts apparaissent aux amphibies, il faut, de
toute nécessité, pour qu'un arrêt de développement, par persis-
tance d'un état fœtal, donne six doigts ou plus, il faut, dis-je,
que l'embryon ait été arrêté, saisi, pendant cette phase ontogé-
nique qui correspond à une étape phylogéniqne antérieure aux
amphibies, c'est-à-dire correspondante aux poissons. La seule pré-
sence d'un sixième doigt a donc, on le voit par l'analyse que je
viens de faire, une valeur réversive considérable; mais ce n'est
pas tout.
Une particularité qui n*est pas moins curieuse, présentée par
les dofgts surnuméraires, qu'on cherche souvent à enlever, c'est
celle de repousser lorsqu'on les a amputés. Le D' Whitc parle d'un
enfant de trois ans, qui avait deux pouces à chaque main ; on
coupa une première fois Tun des pouces, il repoussa. On l'enleva
une deuxième fois, il repoussa encore ! Des cas semblables de
reproduction d'un doigt surnuméraire amputé ont été cités par le
D' Strulhers et par le D' Falconner. Or cette propriété présentée
par des tissus de rebourgeonner sous la section, de repousser, est
un caractère essentiellement fœtal, embryonnaire. Simpson cite en
effet le cas d'un fœtus dont le bras fut amputé par un repli mem-
braneux dans l'utérus même ; of, au moment de la naissance,
on voyait, sur le moignon résultant de cette section complète du
bras, trois tronçons, ou mieux trois bourgeons, qui indiquaient
MICROCÉPHALIE. 5r>l
la tendance des tissus du bras à repousser ! Cette propriété de
repousser, qui est propre aux tissus de Tembryon humain, est
normale dans le premier état des Batraciens anoures avant leur
métamorphose; chez le têtard, la queue repousse en effet, tandis
que chez la grenouille adulte, la patte amputée ne repousse pas ;
c'est encore là un exemple de la persistance chez Tcmbryon ou,
dans les premières périodes de révolution ontogcnique,des carac-
tères qui sont propres à certains animaux inférieurs, c'est-à-dire au
début de l'évolution phylogénique. Cette propriété persiste même
chez certains animaux à Tétat adulte : Spallanzani a coupé et re-
coupé jusqu*à six fois les pattes et la queue d'une salamandre, six
fois ces organes ont repoussé. Bonnet a pu réussir jusqu'à huit
fois chez le même individu; de leur côté, Briggs et Buckland,
après avoir coupé les nageoires pectorales de certains poissons,
nageoires qui sont après tout des membres, les ont vues repousser
en six semaines.
En résumé, la propriété de repousser que possèdent parfois les
doigts surnuméraires est due à la persistance d'un état fœtal
des tissus ; et comme cette propriété des tissus à Tétat fœtal n'est
elle-même que le vestige, que le souvenir d'une propriété qui
était normale à une étape inférieure dans la série phylogénique,
il s'ensuit que cette persistance de la propriété de repousser dé-
note, chez Tadulte qui la présente, un caractère atavique très in-
férieur, puisque c'est là un legs qui leur a été fait [lar nos ascen-
dants reculés, les vertébrés les plus inférieurs.
§ 7. MICROCÉPHALIE.
On nomme ainsi la réduction congénitale du volume du crâne,
due à un arrêt de développement, il en résulte, comme consé-
quence forcée, une réduction proportionnelle de rintelligence,
qui reste enfantine.
La microcéphalie n'est cependant pas synonyme d'idiotie, car
si tous les microcéphales sont plus ou moins idiots, tous les idiots
ne sont pas microcéphales.
CrAne. — Ce qui frappe chez ces monstres, c'est l'opposition
entre la face, qui suit une évolution normale, et le crâne, qui,
seul, est atrophié. Comme le remarque C. Vogt, il semble que le
crâne, comme chez les singes, ait glissé en arrière. Le crâne
592 MICROCÉPHAUE.
seul est resté simien, tandis que la face a pris le type humain;
en effet, si sur une ligne horizontale tangente au bord supérieur
de l'arcade zygomatique, on abaisse une ligne perpendiculaire
passant par l'articulation du malaire avec le frontal, on coupe une
partie notable du cerveau chez Tbomme, on l'entame de quel-
ques millimètres seulement chez le chimpanzé, on ne Tentaine
plus chez le gorille. Or sous ce rapport, le microcéphale est inter-
médiaire entre le chimpanzé et le gorille.
La plupart des microcéphales ont Poccipital taillé à pic; eo
même temps on constate chez eux une grande saillie du nez, par
suite du balancement fonctionnel, habituel en biologie.
Si, au lieu de considérer la forme du crâne, on considère son
évolution, son développement, voici ce qu'on constate : d*après
les tableaux de Welcker, la capacité crânienne de l'enfant nou-
veau-né est le quart ou 25 0/0 de ce qu'elle sera à Page adulte. A
un an, l'enfant a déjà, comme capacité crânienne, atteint ^ 0/0
de celle qu'il aura k Tâge adulte ; à Tadolescence, il a à peu près
atteint la capacité de l'adulte. Chez le singe, le nouveau-né a
déjà près de 60 0/0 de ce qu'il aura à l'âge adulte. Le microcé-
phale, lui, a déjà en naissant plus de 60 0/0 de ce qu'il aura ja-
mais. Autrement dit : révolution progressive du crâne se poursuit
pendant plus longtemps chez Thomme que chez le singe et que
chez le microcéphale.
Un caractère essentiel, c'est la réduction du cube crânien, ré-
duction d'ailleurs variable, qui a fait diviser ces monstres par
Broca en demi-microccphales et microcéphales vrais. Les limites
de cette division varient, on le comprend, suivant les races. Dans
la race blanche, les demi-microcéphales adultes ont un cube crâ-
nien inférieur à M 50 centimètres cubes et une circonférence
horizontale moindre que 480 millimètres chez l'homme et 475 mil-
limètres chez la femme. Le microcéphale vrai oscille entre 272 et
6^2 centimètres cubes, ce qui est plus près du gorille mâle, 500,
du chimpanzé, 477, du gorille femelle, 418, que de l'homme, 1400.
Divers microcéphales ont présenté 285, 401, 403, 462, 490, 505,
668 centimètres cubes. Lorsque le microcéphale cube plus de 500,
il s'éloigne plus du type simien que de l'humain. C'est le contraire
au-dessous de 500.
Sutures erAnienDes. — Ce qui est très intéressant, c'est que,
même chez l'adulte, les sutures sont ouvertes ; cela contredit for-
mellement la théorie de Yirchow. Ce savant avait dit en effet que
MICROCÉPHALIE. 598
si le cerveau restait petit, c'est que la boite crânienne se fermait
sur lui. Cela est faux ; la cause de la microcéplialie n'est donc
pas crânienne y elle est cérébrale.
Gela diffère complètement de l'arrêt de développement consé-
cutif à la naissance, qui, lui^ est crânien et détermine sur le cer-
veau, qui demande à croître, des déformations spéciales.
Valeur eomme earaetère réversif. — Comme pour le
bec-de-lièvre et lesexdigitisme,nous ne comprendrions pas la va-
leur philosophique de cette anomalie tératologique, si nous ne
recherchions quelle est révolution cérébrale dans Téchelle phylo-
génique, comme dans l'échelle ontogénique.
1, Développement phylogénique.
Encéphale, — Chez les cyclostomes, comme la lamproie, Texlré-
mité antérieure du cylindre médullaire commence à se renfler en
une ampoule pyriforme, qui est le premier rudiment du cerveau;
plus haut dans l'échelle, cette ampoule unique se divise en trois
renflements, qui se suivent d*avant en arrière ; plus haut encore,
le premier et le troisième de ces renflements se divisent en deux,
ce qui donne naissance à cinq ampoules cérébrales, qu'on dé-
sire d'avant en arrière sous les noms de cerveau antérieur, in-
termédiaire, moyen, postérieur et arrière-cerveau. Tous les êtres,
même Thomme, passent par cette étape ; beaucoup s'y arrêtent
et restent munis de ces cinq ampoules ; l'embryon humain et ce-
lui des autres animaux supérieurs vont plus loin : le cerveau anté-
rieur donne naissance aux deux hémisphères, au lobe olfactif, au
corps calleux, aux corps striés; le cerveau intermédiaire à la
couche optique ; le cerveau moyen aux tubercules quadriju-
meaux ; le cerveau postérieur au cervelet ; l'arrière-ccrveau à la
moelle allongée. Chez les poissons, les tubercules quadrijumeaux
et le cervelet prennent un développement supérieur aux autres
parties ; chez les mammifères, ce sont les deux hémisphères et le
cervelet qui dominent. Chez la plupart d'entre eux, le cerveau
n'est pas assez grand pour recouvrir le cervelet, (|u'on aperçoit
facilement ; chez l'homme et les autres primates, le développe-
ment du cerveau antérieur est tellement considérable, qu'il efface
tout et masque presque complètement le cervelet. En outre, l'ex-
trémité antérieure des hémisphères, pointue chez les autres mam-
mifères et chez les pithéciens, est renflée et ovalaire cbiex V&^^-
OéOGR. M ÉD. '^>i»
594 MONSTRUOSITÉS. AMOMALIBS RÉVBRSIVES.
rille, Porang, le chimpanzé, et surtout chez l'homme. Enfia, le bet
de l'encéphale, cette partie inférieure et interne des hémbphèrea,
qui s*engage dans la fosse elhmoîdale, tend à devenir un bee de
plus en plus pointu, à mesure qu^on quitte les races blanches pour
passer aux races inférieures et qu'on s*éloigne de Phomme pour
arriver au singe. Cela tient à la voussure plus grande de la paroi
orbitaire et à la plus grande profondeur du creux ethmoîdal,
profondeur en rapport avec l'importance du lobe olfactif.
Lobes, — Les dimensions relatives des lobes varient également
dans la série phylogénique. On trouve toujours le lobe antériear
limité par le sillon de Rolando, le pariétal limité par le silloa
perpendiculaire, Toccipital en arrière et le temporal limité par
la scissure de Sylvius; mais plus on monte des pithéciens à
l'homme et plus augmente le lobe frontal, plus diminue Poccipital.
Ce dernier lobe a son maximum chez le cynocéphale, il décroît
chez le chimpanzé et diminue encore chez Thomme.
Circonvolutions, — Ce qui varie surtout dans la série des pri-
mates, ce sont le nombre et la forme des circonvolutions ainsi que
des sillons qui séparent les circonvolutions voisines. Elles ont leur
maximum chez l'homme, puis chez le chimpanzé et Torang, di-
minuent chez le gorille, diminuent encore plus chez les pithé-
ciens et s'effacent chez les cébiens. Celles du lobe occipital sont
nulles chez les macaques et chez le cynocéphale ; ce lobe apparaît
alors lisse et saillant en arrière des lobes fronto- pariétaux plissés
et amoindris qu'il coiffe comme une calotte. C'est le nom qu^on
donne à cette disposition inférieure du lobe occipital.
Quant à certaines circonvolutions en particulier, la circonvo-
lution de Broca est atrophiée chez les singes ; le pli courlpc^ très
développé chez les singes et les anthropoïdes, diminue chez
l'homme.
Flis de passage, — On a, depuis Gratiolet, attaché une grande
importance aux plis de passage. On nomme ainsi des plis sail-
lants, véritables circonvolutions variables, qui s'interposent entre
deux autres circonvolutions ordinairement réunies ou mieux sépa-
rées par un sillon. Les plis de passage ne sont donc pas des pools
qui vont d'une circonvolution à l'autre ; ce sont plutôt des digues
formées par le fond du sillon, qui s'élève de plus en plus, de sorte
que, en écartant les deux circonvolutions que le pli de passage
réunit, au lieu de voir le fond du sillon profondément situé, ce fond
apparaît saillant, à fleur de circonvolution. On dislingue quatre
MICROCÉPHALIB. 595
plis de passage : deux pariéto-occipitaux et deux temporo-occipi-
taux. Gratiolet avait cru trouver dans la disposition de ces plis
de passage une caractéristique de rhomme; mais c'est là une
erreur : les deux inférieurs (temporo-occipitaux) sont constants :
minces chez les pithéciens, iis grossissent chez le chimpanzé et
Torang, ils grossissent encore plus chez Thomme ; il en résulte
que la partie inférieure de la scissure ainsi comblée disparait à
mesure qu'on s'élève des pithéciens à Thomme. Les deux plis
supérieurs (pariéto-occipitaux) ne sont pas davantage caractér
ristiques de Thomme : profonds chez les singes, cachés au fond du
sillon, ils ne font que grossir chez Thomme ; mais le premier et le
second existent profonds chez Torang ; le second existe profond
chez le chimpanzé ; le premier et le second existent profonds chex
la guenon ; enfin si le premier et le second existent superficiels
chez rhomme, ce dernier lui-même manque parfois du premier,
parfois du second pli de passage supérieur.
II. Développement ontogénique,
L*embryon humain commence, lui aussi, par ses cinq ampoules
cérébrales. A deux mois, son cerveau est lisse comme celui d'un
ouistiti. A quatre mois, la scissure de Sylvius s'ouvre et laisse
voir rinsula. A cinq mois, apparaît le sillon de Rolando ; c'est le
cerveau d'un cébien. Jusque-là le cerveau est demeuré symétri-
que : à partir de ce moment il devient asymétrique. A six ou sept
mois, le cerveau de l'embryon humain est semblable à celui des
singes supérieurs.
III. Réversion chez les microcéphales.
Toutes ces étapes se retrouvent chez le microcéphale.
Le poids varie entre 104,283,288,342,438, 600 grammes.
La réduction porte surtout sur les lobes frontal et pariétal; l'oc-
cipital et le temporal sont souvent peu réduits.
Le cervelet est souvent découvert, comme chez les singes ; la
partie antérieure des hémisphères est pointue et forme un ôec,
comme chez eux. Le lobe occipital lisse, comme chez les singes,
forme calotte; la scissure de Sylvius ouverte laisse voir l'insula.
Quant aux circonvolutions, la circonvolution de Broca est atro-
phiée ; les plis de passage sont minces, profonds ou manquent ;
le pli courbe prend un développement inusité chez l'homme ; le
cerveau est resté symétrique. Ne sont-ce pas là autant de carac-
596 MONSTRUOSITÉS. ANOMALIBS RBVBRSIVBS.
tères de réversion, non seulement ontogénique oa fœtale, mais
même phylogénique?
La preuve en est que, comme pour en accentuer la signiBca-
lion, d'autres caractères réversifs, disséminés sur différents or-
ganeSy apparaissent chez les microcéphales.
Leur poumon présente souvent quatre lobes à droite et trois
lobes à gauche ; or, à Tétat normal, le gorille, le chimpanté et
rhomme ont trois lobes pulmonaires à droite et deux à gauche.
Le chiffre de 4 et 3 se retrouve au contraire chez les quadru-
pèdes ; il est chez eux en rapport avec l'attitude non bipède,
un lobe pulmonaire venant se loger entre la colonne vertébrale
et le cœur. Dans une certaine période de révolution du fœtns
humain, on retrouve également cette tendance.
Le foie des mierocéphales est souvent trilobé, disposition qu*on
trouve chez les carnassiers et chez les pithéciens, tandis que chez
l'homme le foie est normalement à peine divisé par un sillon.
Le c()/or} présente souvent chez les microcéphales un méso-côlon,
c'est-à-dire qu'il est flottant et suspendu, comme le bras d'un
blessé dans son écharpe, dans un repli du péritoine qui le sou-
tient. Cette disposition n'existe ni chez Thomme ni chez les an-
thropoïdes; l'attitude bipède n'exige pas en effet cette précaution;
le côlon est chez eux seulement appliqué contre la paroi posté-
rieure par le péritoine, qui passe devant lui et sur lui, sans l'en-
tourer et sans céder assez sous son effort pour lui faire une
écbarpe. Au contraire, la disposition fréquente chez les microcé-
phales se retrouve chez les quadrupèdes et chez les pithéciens, qui
ont normalement un méso-côlon.
Le caecum présente également chez certains microcéphales un
méso-CiCeum comme chez les quadrupèdes.
Quant à Vappendice Uéo-aecal, cet organe inutile, ce rudiment
dégénéré de la poche ileo-cœcale des carnassiers, il n'existe
comme vestige du passé phylogénique que chez l'homme et les
anthropoïdes. Or il manque souvent chez les microcéphales.
Après tant de preuves, il me semble difficile de ne pas admettre
avec Cari Vogt, que la microcéphalie est un des exemples les plus
nets du caractère réversif des lésions tératologiques.
HÉRÉDITÉ. 597
CHAPITRE IV.
HÉRÉDITÉ.
Le type de l'espèce étant tiré en deux sens contraires, en arrière
par V atavisme, en avant par l'action modificatrice du milieu, les
formes seraient dans un équilibre absolument instable et Ton
ne verrait jamais le fils ressembler à son père, si une autre force
n'était toujours présente : cette îorce^fesiV hérédité, en Yertu de
laquelle, ainsi que le dit judicieusement Sanson, les ascendants
transmettent à leurs descendants les propriétés qui leur appar-
tiennent à un titre quelconque et cela aui points de vue physi-
que, intellectuel, moral, physiologique, pathologique, etc.
C'est l'hérédité qui donne aux espèces cet aspect assez immua-
ble en apparence, pour que la théorie, cependant fausse, de la
fixité de l'espèce ait pu réunir un si grand nombre de partisans.
C*e8t en vertu de l'hérédité, qu*il est vrai de dire, dans un cer-
tain nombre de cas, que le père et la mère se reproduisent dans
leur enfant, qui n'est en quelque sorte qu'une nouvelle édition
d'une page déjà composée. En somme, quelles que soient les mo-
difications qu'impose le milieu, c'est grâce à l'hérédité que se
conservent les types classiques de l'espèce; c'est grâce à l'hérédité
que parler du type anglais, du type français, du type teuton,
n'est pas un non-sens, bien que les mélanges ethniques qui ont
constitué les Anglais, les français et les Allemands soient nom-
breux : les Français ont conservé le caractère des Gaulois, leurs
ancêtres ; c^est aux pirates Scandinaves, dont ils sont descendus,
que les Anglais ont emprunté leur activité ; les Allemands du Nord
sont encore tels que Tacite nous les a dépeints.
L'hérédité fait que nous reproduisons non seulement la forme
de nos ancêtres, mais aussi leur évolution. Nous passons par les
mêmes phases qu'eux ; c'est ainsi que l'ontogénie de chacun de
nous reproduit, par réduction, la phylogénie générale ; la rapidité,
la lenteur du développement sont héréditaires et ces dispositions
sont l'apanage de certaines races. La longévité et, d'une façon
générale, la durée de la vie sont, sous certains rapports, hérédi-
taires. Il y a plus : l'hérédité semble se faire âge par ^e; ainsi nous
présentons, à un certain âge, les phénomènes que i\q^ ^^\i^asi\&
598 HÉRÉDITÉ.
ont présentés au même âge; les personnes qui s^occupent de
l'éducation des vers à soie savent que certaines graines présenteot
des qualités^ qui ne sont héréditaires que pour la graine ; que
certains vers présentent des taches ou certaines particularités de
la mue héréditaires pour le ver seulement; que la chrysalide et
son cocon présentent également des phénomènes héréditaires seu-
lement pour la chrysalide et le cocon ; cependant, dans toutes
ces variétés fixées par hérédité par Thomme , le papillon est tou-
jours le même. De même, chez Thomme il y a tel phénomène que
le père a présenté à cinquante ans et que le Gis ne présentera
qu'à cinquante ans; jusque-là l'hérédité a été, dit -on, latente;
c'est ainsi qu'on voit Tapoplexie survenir chez les enfants au
même âge que chez leurs parents ; il en est de môme du cancer.
Les mêmes causes qui font que nous héritons des conformations
anatomiques et des aptitudes intellectuelles de nos ancêtres, font
aussi que nous héritons de leurs aptitudes pathologiques ; il n'y a
donc pas d'hérédité morbide; il y a de l'hérédité, voilà tout. Il n'y
a pas deux sortes d'hérédité, la physiologique et la morbide ; on
hérite ou on n'hérite pas ; cela ne se prend pas sous bénéGce d'in-
ventaire; cependant l'hérédité a été niée par Louis, qui, pous-
sant le scepticisme dans ses limites extrêmes, déclarait n'avoir
entendu « sur ce sujet (l'hérédité), que des allégations vagues,
« qu'une tradition reçue aveuglément et transmise de siècle en
« siècle, sous l'autorité de quelques faits particuliers, dont les
« différentes circonstances paraissent ne pas avoir été exactement
« observées ». Il voulait dire par là, par exemple, que si le père et
le fils sont goutteux, c'est que le père et le fils ont eu le même ré-
gime qui donne la goutte. Or il n'est pas niable que la goutte se
transmette précisément du père au fils plus qu'aux filles dans la
proportion de 50 pour iOO; sans doute cela légitimerait en appa-
rence ce que disait Louis, le fils étant plus adonné que la fille au
régime qui donne la goutte^mais il ne faut pas oublier que le
fils ressemble déjà au père par le sexe ; pourquoi ne lui ressem
blerait-it pas aussi par l'aptitude à la goutte? L'aliénation men-
tale est absolument héréditaire: en 1844, Baillarger, sur 600 fous,
en a trouvé 453 qui l'étaient par hérédité, soit 75 pouriOO; il eu
est de même du suicide. Le professeur Bail cite 4 frères dont i s'est
jeté à Teau^ 1 s'est pendu, 1 s'est coupé la gorge avec un ra-
soir, 1 s'est jeté par la fenêtre. Un homme de quarante ans se
jette un jour à l'eau; on le mène à Bioâtre et voici ce qu'on
HÉRÉDITÉ. 599
trouve chez ses ascendaDts: son grand-père s^est pendu, sa grande-
mère menaçait toujours de se tuer comme sa sœur, qui s'était jetée
dans un puits; en outre, ce grand-père avait 3 enfants, dont 2 étaient
par conséquent les oncles du malade de M. Bail et 1 son père ; tous
trois se sont suicidés. Enfîn ses 2 frères, sans motifs plus que
lui, se sont tués. Gela fait 9 suicides en 3 générations. A la maison
centrale de Gaillon, parmi les jeunes détenus enfermés pour leurs
mauvais instincts, le D' More! a eu souvent des fils et des petits-
fils d'anciens condamnés, dont le souvenir s'était conservé dans
rétablissement. Le docteur Taguet cite un exemple curieux :
5 sœurs naissent à New-York d'une seule mère; de 1720 à 1770,
elles ont, en 6 générations, donné 834 individus; sur ce nombre,
204 furent assistés par TEtat, pendant une durée totale de 830 an-
nées; 76 furent condamnés pour 115 crimes, vols, incendies, et
firent 116 ans de prison ; 128 furent prostituées. Dans un ordre
d'idées heureusemei^ opposé, on pourrait citer les Bernouilli,
les Gassini comme calculateurs, les Bach comme musiciens, car
on compte 22 Bach célèbres; ce qui est vrai des races, Test donc
des familles, où se perpétue ce qu'on nomme un air de famille ;
exemples: le nez des Bourbons, Tœil à la Montmorency; sur les
bords du Missouri, une tribu de Sioux, les Mandans, est caracté-
risée par une mèche de cheveux blancs, qui est héréditaire. Il n'est
pas jusqu'à l'accent qui ne puisse se transmettre héréditairement
en dehors de toute imitation, comme cela aurait lieu, par exem-
ple, chez un Provençal élevé en Picardie, loin de ses parents et
qui, sans parler, bien entendu, le provençal, aurait un certain
accent; ne sont-ce pas des dispositions an atomiques et par con-
séquent héréditaires, qui font que les Polynésiens et les nègres
remplacent les dentales d, t par les gutturales g, k.
Il y a dans les familles des susceptibilités thérapeutiques particu-
lières pour le café, pour l'opium, pour certaines odeurs: les immu-
nités, les aptitudes patholo^^iques se transmettent de même. Tous
les nègres transmettent à leurs enfants l'immunité pour la fièvre
jaune, l'aptitude pour le choléra; Ghauveau a vu que les moutons
algériens qui ont une immunité marquée pour le charbon, le trans-
mettent à leurs petits. Il en est de même de l'aptitude: parmi un
grand nombre de bêtes inoculées, une seule brebis succomba ; or
son petit, inoculé de son côté, faillit mourir. L'immunité est donc
héréditaire et héréditairement proportionnelle à celle de la mère.
Il y a des familles où les grossesses gémellaires sont hécédv^
600 HÉRÉDITÉ.
taires: le nom de Besson, qui n^est pas rare et qui signifie jtmem
est souvent porté par des familles où les jumeaux abondent. Uo
homme peut d'ailleurs parfaitement transmettre la gémeiliU,
comme un taureau transmet les qualités laitières à sa mère. C'eit
précisément parce que la gémellité est héréditaire que le nom-
bre des jumeaux varie avec les populations et qu*il est anauelle-
ment toujours le même pour chacune d'elles. Ce nombre est:
Ed Suède, de 14 pour 1 000
En Finlande, de 13 —
En Prusse, de 13 —
En France, de 9 —
En CocliiDchine, de 1 —
Alors que la gémellité semble rare dans la Cochinchine consi-
dérée dans son ensemble, le D' Mondière a remarqué que sur
lo cas de gémellité qu'il a observés en 6 ^s, un seul district,
celui de Bentré, lui en a à lui seul fourni 9.
D'après Tchouriloff, la gémellité serait surtout fréquente dans
les races blondes et grandes.
L'hérédité ne consiste pas toujours à transmettre la même
forme morbide ; pour employer le langage consacré, elle n'est pas
toujours isomorphe; elle est aussi hétéromorphe. Cela ne veut pas
dire que la scrorule n'engendre pas la scrofule ; mais la forme, la
localisation de la scrofule différeront chez les enfants de ce qu'elles
étaient chez le père ; c'est de même que Tépilepsie, le suicide, la
monomauie, l'ignorance, la débauche, le génie même vont parfois
en alternant : a Des névroses, des excentricités, des vices, des
A crimes, parfois du génie, écrit le professeur Bail, car ainsi que
« Ta si bien démontré mon excellent maître Moreau (de Tours),
« rien n'est plus fréquent que de rencontrer dans la famille, des
« hommes de génie, des cas d'idiotie, d'imbécillité ou d'aliénation
a mentale. » Le représentant de l'école réaliste, M. Zola, dans sa
célèbre généalogie des Rougon-Macquart, a donc fait œuvre
scientifiquement exacte, prise d'ailleurs dans Prosper Lucas. Il
semble même y avoir, dans la série des générations qui dérivent
Tune de Tautre, une sorte d'évolution morbide, qui peut aller de
la névrose au génie, en passant par l'alcoolisme et le crime. Cet
hétéromorphisme aboutit d'ailleurs à un type complexe de dé-
chéance héréditaire admirablement décrit par le D' Morel.
Lamartine, lui-même, dans un ordre d'idées bien différent,
HÉRÉDITÉ* tiOl
nVt-il pas écrit : « Le génie semble s'accumuler lentement ^
« successivement et presque héréditairement , pendant plusieurs
« générations, par des prédispositions ou des manifestations de
« talent plus ou moins parfait, jusqu'au degré où il éclôt, enfin,
« dans sa perfection, dans un dernier enfant de cette génération
« prédestinée au génie. -* En sorte qu*un homme illustre n'est
« en réalité, ajoute-t-il, qu'une famille accumulée et résumée en
a lui; le dernier fruit de cette sève, qui a coulé, de loin, dans ses
« veines Une famille n'arrive pas à la gloire du pre-
« mier coup, il y a une croissance dans la famille, comme dans
d Tindividu. La nature procède par développement successif. Un
tt génie qui se croit né de lui-même, est né du temps, m
Hérédité des propriétés aeqnlses. — Mais il n'en est pas
toujours ainsi et l'hérédité peut transmettre un caractère nou-
vellement acquis; sans cela, il n'y aurait pas d'ailleurs de mo-
dificaliori possible. On transmet à son enfant ce qu'on possède
au moment où on le fait et, comme Ta écrit Abdel- Kader : « Le
« dernier des Arabes sait que toutes les maladies qui sont inhé-
« rentes aux os, aux tendons, aux nerfs, aux veines et qui se
« trouvent dans Tétalon, au moment de la monte, se perpétuent
« dans son produit. » Ainsi un ménage bien portant aura des
enfants sains; mais que le père devienne malade et les enfants
qu'il aura alors seront malades.
I^ tératologie est féconde en exemples d*accidents arrivés pen-
dant la vie utérine et qui sont cependant le plus souvent hérédi-
taires : c'est par accident que la suture des os incisifs ne s'est pas
faite, parce que le fœtus de 35 jours a eu une maladie, et pour-
tant le bec-de- lièvre ainsi produit sera héréditaire! C'est par
accident que le fœtus n'a pas, vers 3 mois, pris de pigment et
voilà que l'albinisme ainsi produit va devenir héréditaire! C'est
par accident que le polydactytisme prend naissance et cependant
il devient héréditaire ! C'est par accident que naquit, en 1828, un
agneau avec une laine longue et soyeuse, bien que ses parents
fussent des mérinos ordinaires; depuis lors, par sélection cette
race est fixée : ce sont les moutons Mauchamp, En 1791 naquit
en Angleterre un mouton qui avait le corps très long et les pattes
très courtes; cette disposition, qui Tempèchait de sauter aussi
facilement que les autres moutons, par-dessus les haies, fut appré-
ciée des éleveurs, et l'hérédité aidée de la sélection a formé, par
la transmission de ces caractères, les moutons Loutres ou Ancon.
602 HÉRÉDITÉ.
Les bcBiifs sans cornes du Paraguay viennent d*un taureau cpi
naquit sans cornes en 1770. De même il existe, dans les Pampu
de Buenos-Àyres, une race de bœufs camards, dite race Niata; elle
remonte à une origine tératologique et son fondateur est un Tean
qui présentait comme anomalie la mâchoire inférieure en gana-
che. En manipulant les œufs, Dareste produit parfois une hernie
du cerveau, un monstre préencéphale; or c'est un monstre
semblable, transmettant sa monstruosité entretenue par sélec-
tion, qui a donné naissance aux poules de Padoue ou Polonaises.
Naudin, chez les végétaux, a montré que des monstruosités acci-
dentelles peuvent devenir Torigine de races particulières, et
Darwin pensait que nos dogues et les chèvres de Nubie, qui pré-
sentent la mâchoire en ganache, ont une origine sembhible à
celle des bœufs Niata,
Dira-t-on que les mutilations accidentelles ne sont héréditaires
que lorsqu'elles ont lieu pendant la vie intra-utérine? En effet,
nous ne naissons pas avec les oreilles percées comme nos mères;
malgré la circoncision, les juifs naissaient avec un prépuce ; les
chats naissaient avec une queue; le bouledogue, avec une queue
et des oreilles; les amputé;; ne donnent pas naissance à des
enfants sans jambes! Les peuples qui avaient Tusage des défor-
mations crâniennes, ont conservé leur type crânien ethnique.
Il est vrai que le D^ Gosse a prétendu que les Aymaras avaient
fini par prendre ce caractère, mais leurs crânes non déformés
que nous possédons, prouvent le contraire : Hippocrate croyait
de même à tort que la déformation des macrocéphales était hé-
réditaire.
Quoi qu'il en soit , le pouvoir héréditaire peut aller jusqu'à
transmettre une organisation que le procréateur vient d'acquérir.
En voici quelques exemples empruntés à Darwin : une Yache,
ayant perdu une corne par accideot, donna ensuite naissance à
3 veaux auxquels ta corne du même côté de la tète manquait. Il
n'est pas douteux pour Darwin que, chez le cheval, les exostoses
des jambes causées par un excès de travail, soient héréditaires.
Blumenbach cite un homme dont le petit doigt était tordu et à
demi coupé; ses enfants naquirent ainsi. Enfin Daubenton parle
d*un cheval dont le père avait reçu un coup de lance sur la
croupe et qui portait une marque en ce point. Mais le phénomène
le plus curieux est l'épi lepsie héréditaire donnée par Brown-Séquard
èi des cochons d'Inde, lorsqu'il pratique à leurs parents l'hémi-sec-
HÉRÉDITÉ. 601
lion de la moelle ; plus récemment le savant expérimentatear faî*
sant à des cobayes des lésions de bulbe, les a tus donner naissance
à des enfants qui avaient des lésions de la cornée, ou des altéra-
tions profondes de Tœil ; enfin dernièrement, à la Société de bio-
logie, il était question d'animaux dératés et guéris, qui engen-
draient des animaux à rate petite. Les chevaux qu'on accoutume
à marcher Tamble donnent des poulains qui ont cette allure.
Un organe s'accoutume d^ailleurs peu à peu à l'état dans lequel
il est le plus souvent placé. La nutrition, sans cesse agissante, le
façonne peu à peu, de manière à le mettre en harmonie avec les
impressions les plus fréquentes, à les lui rendre moins vives et, au
contraire, à le rendre plus apte aux réactions le plus fréquemment
sollicitées. C'est ainsi que se transmettent par hérédité, certaines
aptitudes manuelles; les manouvriers dont les pieds, les mains
surtout sont déformés par le travail, ont des enfants aux atta-
ches moins fines. C'est ainsi également, que Pétat anatomique de
notre cerveau en rapport avec notre civilisation, se transmet par
hérédité. « Pour le médecin , dit encore le professeur Bail , la
« civilisation est une disposition particulière, du système nerveux
f acquise par de longs et laborieux efforts et dont les efiets sont
« accumulés par la transmission héréditaire. » Le D' Bail en cite
même une preuve, en faisant allusion à ces Australiens qu'on
habille tout à coup en civilisation et qui fuient dans les bois. Au
lieu de voir avec J.-J. Rousseau la supériorité de l'état de nature,
il ajoute : <t que ces changements anatomiques n'ont pas le temps
« de se faire et que la courte durée de la vie humaine ne suffit
« pas. » De tout cela, il résulte qu'en certains points, pour un
certain milieu social, l'hérédité des fonctions a sa raison d'être :
en Afrique, il y a des sorciers, médecins, pécheurs, chasseurs,
héréditaires ; on pourrait même défendre la noblesse, si à son
début, elle avait eu pour origine des qualités intellectuelles, les
seules qui comptent aujourd'hui. Il en a au contraire été souvent
tout autrement.
Mécanisme de l'hérédité. — Pour bien saisir ce qu'on nomme
le mécanisme de l'hérédité, il suffit de considérer que la tendance
à la réalisation d'une forme déterminée se retrouve non-seule-
ment chez les végétaux et chez les animaux, mais aussi dans le
monde inorganique. Ainsi dans une dissolution saline, les molé-
cules d'un sel déterminé s'agrègent suivant un plan déterminé,
de manière à toujours reproduire un cristal de la même forme.
604 HÉRÉDITÉ.
Dans les êtres TÎTants, pour comprendre le mécanisme de lliérè-
dite, il faut étudier la reproduction» dans ses degrés inférieurs, là
où elle ne nécessite que TinterTention d'un seul individu.
Lorsqu'un être inférieur se reproduit par simple dédoublement,
par scissiparité, l'hérédité se comprend ; c'est toujours le même
individu. Il en est de même de Thérédité par bourgeon ; c'est
k^ujours en quelque sorte le même individu, qui se prolonge lui-
même. Dans tous ces cas. le nouvel individu résulte d*un individu
unique; il n'a pas à choisir pour hériter, puisque c'est le même
individu qui se continue avec ses habitudes physiologiques et pa-
thologiques. Tous d'ailleurs tant que nous sommes nous débutons
ainsi : une cellule ovulaire unique qui se divise.
Dans un type plus élevé, le nouvel individu résulte de la ren-
contre plus ou moins intime de deux autres individus. La grtfft
est le premier de ces modes de reproduction d'un individu nou-
veau par deux autres individus préexistants; l'unification est là
tellement intime, que le pied sur lequel on greffe produit parfois
des feuilles modifiées par Tindividu qui a été greffé ; parfois même,
chez le châtaignier notamment, on a vu, ce qui est plus naturel,
l'être qui a été greffé prendre les aptitudes morbides, même para-
sitaires de la souche sur laquelle on l'a greffé. Il en est peut-être
de môme pour les greffes dermiques, chez tes animaux. Les expé-
riences de P. Bert ont montré que la greffe réussissait entre rat et
chat, animaux d'ailleurs plus voisins qu'ils eu ont l'air; la greffe du
périoste a été faite avec succès par Patterson, du chien à l'homme ;
mais tout cela n'a pas encore montré si une propriété patholo-
gique, une aptitude du tissu greffé pouvaient persister, tandis que,
dans le cas de greffe végétale, il s'agit bien d'une véritable trans'
fusion de la sève de la souche dans le rameau greffé ; l'hérédité
apparaît alors bien nettement, comme un simple cas particulier
de la contagion. L'hérédité est de même très bien schématisée dans
la pébrine, dont les corpuscules, siégeant d'abord dans les organes
génitaux du papillon, passent dans l'œuf, de là dans le ver, de là
dans la chrysalide. C'est en réalité de l'inoculation, autant que
de l'hérédité. Il est probable qu'il en est de même pour les ani-
maux élevés : nous ne savons pas si, par la transfusion, lorsqu'elle
est possible, on ne modifierait pas l'aptitude morbide d'une espèce ;
cela a été conseillé pour la fièvre jaune et l'on a dit : Le nègre
ne prenant pas la fièvre jaune, peut-être que le sang de nègre
transfusé donnerait au blanc l'immunité du nègre. Jolyet a va
MÉTISSAGE. HYBRIDITÉ. 605
qu'en transfusant le sang d'un mouton atteint de variole à un
autre mouton, on lui donnait la variole. 11 est probable qu'en
transfusant le sang d'un animal, qui aurait acquis Timmunité,
on ferait partager à cet animal la même immunité. Il y a là toute
une série d'expériences à faire. Ce serait un premier schéma du
mécanisme de l'hérédité, que la greffe du milieu intérieur.
Toute autre apparaît l'hérédité dans les conditions de repro-
duction par fécondation sexuelle, où s'opère la fusion d'un élément
cellulaire vibratile mâle avec un élément cellulaire pavimenteux
femelle ; alors, comme Ta dit excellemment Marc Lorin dans'une
thèse excellente sur Thérédité, en 2875, les attributs des êtres pro-
créés sont commandés par les attributs des deux êtres procréateurs.
■étIssAce, hybridllé. — Le produit apparaît alors comme
une résultante entre deux forces; eïicore faut-il que résul-
tante il y ait, autrement dit, que Taccouplement soit fécond. Or,
orsqu'il s'agit de croisement de deux êtres voisins, mais cepen-
dant dissemblables, on fait de la fécondité ou de l'infécondité
de leur union, une caractéristique propre à décider si ces deux
êtres appartiennent ou non à la même espèce. Deux êtres don-
nent-ils le plus souvent naissance à un produit, on déclare ce
produit métis, et les parents sont regardés comme d'une même
espèce ; deux êtres donnaient-ils rarement naissance à un produit,
ce produit rare est, quand il existe, nommé hybride, et les deux
progéniteurs sont placés dans deux espèces différentes II semblait
jadis et il semble encore à ceux qui croient à ce critérium infail-
lible, qu'il y ait là quelque chose de mystique, alors que tout se
réduit, en somme, à une question de volume. Le tube pollinique
peut-il pénétrer dansie pistil, chez les végétaux? le spermatozoïde,
chez les animaux, peut-il pénétrer dans l'ovule ? Tout est là. Que
deux végétaux de même espèce soient faits de telle sorte que cette
pénétration soit impossible, et Ils seront inféconds ; que chez deux
végétaux d'espèce différente, cette pénétration soit possible, et ils
seront féconds. C'est ce qu'avait parfaitement compris Cl. Bernard
lorsquMl disait : « Les espèces animales et végétales sont séparées par
« des conditions spéciales, qui les empêchent de se mélanger par
<c fécondation, par greffe, par transfusion. Ce sont là des pro-
f blêmes que je crois abordables et susceptibles d'être réduits à
a des différences de propriétés physiques, chimiques du milieu. >»
Et plus loin ; « Si la fécondation est empêchée entre espèces dif-
M férentes, c'est par des raisons physico-chimiques. » Tell^ ^^V^
e06 HÉRÉDITÉ.
ainsi que je le disais tout à Thenre, la condition de Tolume cjoe
doit présenter le spermatozoïde, pour pénétrer dans ToTule, en
traversant le chorion par le micropyle.
D'ailleurs, Thybridation, c'est-à-dire la copulation féconde de
deux êtres réputés d'espèce différente, a des degrés : c'est déjà on
premier acheminement, que la seule tentative heureuse ou non
de coït : or en fait de tentative, que les moralistes nommeraient
contre nature , hi captivité, la continence forcée, amènent des
résultats bien inattendus! N'a-t-on pas vu l'accouplement du chien
et de la truie, du taureau et de hi jument, du cerf et de la vache,
du coq et de la cane ! on a même parlé de je ne sais quelles
amours entre un lapin et une poule (?) entre un chien et une oie (?)
Les grands singes entrent certainement en érection devant la
femme, enfin la mythologie et les arts ont enregistré des amours,
aussi hybrides, où Thumanité tant6t mâle, tantôt femelle, prenait
sa part.
Broca, dans son remarquable mémoire sur l'hybridité, a juste-
ment distingué Vhybridité abortive, qui n'aboutit jamais à un
produit viable de Phybrldité homogénésique, c'est-à-dire féconde.
Celle-ci peut être unilatérale ou bilatérale; dans ce dernier cas, en
exprimant l'accouplement sous une forme qui parle aux yeux,
g est aussi fécond que ^ ; tel est Taccouplement r^^ == bardeau,
;■ rs mulet. Dans l'hybridation unilatérale, g est fécond,
. B A. boue , ,. . bélier ^
">«"» Â = •> • c;^. = "•"*""• "*» chi;;; = ^-
En dehors de ces considérations sur les sens unilatéral et bila-
téral de l'homogénésie, Broca a justement divisé l'homogénésie
en agénésique, dysgénésiquet para§éné8ique et eugénésique.
Quelques formules suivant la méthode que j'adopte au tableau,
dans mon cours, feront comprendre ma pensée plus facilement
que de longues périphrases.
1® Homogénésie agénésique.
g ss C (le produit de la conception),
C A
mais C *^
MÉTISSAGE. HTBRIDITÉ. 607
§=«
Autrement dit, les produits sont inféconds entre eux et avec
leurs parents.
2* Homogénésie dysgénésique.
Mais
-- s= C' (produit de 2* génération.)
A
5 = ^
Autrement dit, les produits sont inféconds entre eux, mais
féconds aTcc leurs parents.
3» Homogénétie paragénésique.
g = C mais QÎ = 0
Autrement dit, les produits ne sont pas indéfiniment féconds
entre eux.
Mais
A ^^ B - ^
9!1
G"
G'"
//*
Les produits non indéfiniment féconds entre eux sont donc
avec leurs parents indéfiniment féconds.
4* Homogénésie eugénésique.
A
B
=
G
G
G
ra
G'
G
A
et
G
B
=s
C*
G'
G' '
= 1
C"
G"
=
c
//»
608 HâRÉDlTÊ.
Les produits sont donc indéfiniment féconds et entre eux et
avec leurs parents.
Nous allons voir maintenant que des animaux très différents
peuvent fournir des exemples d*eugénésie, et qu^au contraire
des animaux très rapprochés peuvent fournir des exemples
d'agénésie. Comme exemples à*eugénésie, je citerai les formules
suivantes :
ohieo de renard chameau à 1 bosse viftoftne
chien d'arrêt chameau à S bosses lama
frinicilli». oie commune
frinifiUe, oie de Chine
"T. — , croisement poussé par Buffon jusqu^à la 4* génération;
. 1^^ - , résultat digne d'être étudié, car le taureau a 26 cotes
et le bison 30, et d'autant plus remarquable que u'^m " = ^ »
j'ai déjà cité g^^ = chabin ou ovicapre ou pellion (Chili):
j'ajoute le léporide, aussi bien ^^ (abbé Gagliari, 1773) quo
Il AoMA
ii^ (Roux. i847. Broca).
En revanche le cheval et Tàne sont agénésiques.
cheval A /^ i. j
OU - = C bardeau
anesse B
âne B ^ , .
ou T ss C mulet.
jument A
Le bardeau et le mulet sont inféconds.
C Ce
Autrement dit, r; = 0, et souvent même 7 et t^ =0
(> A 13
Cest que le plus souvent le mulet mâle manque de sperma-
tozoïdes et que la femelle présente souvent des corps jaunes avor-
tés ; elle est du reste plus souvent fécondée par le cheval que
par ràne.
Les faits qui précèdent montrent le peu de valeur de ce pré-
tendu critérium de l'espèce, puisque, d'après lui, le taureau et le
' bison, le bouc et la brebis, le lièvre et le lapin seraient de même
^ espèce, tandis que Tàne et le cheval seraient d'espèce différente.
Il y a mieux : dans une même espèce se trouvent des races qui
MÉTISSAGE. HYBRIDITÉ. 609
ne sont pas fécondes entre elles; le prétendu critérium les place-
rait dans des espèces différentes^ ainsi :
cochon d*Inde civilisé ^
cochon d'Inde sauvage ""^
chat du Paraguay marron
oliat domestique
A nie de Porto-Santo, des lapins jadis déposés, en 1419, par
quelques navires sont devenus sauvages; ils ont pris des carac-
tères particuliers, sont devenus une espèce, le Lepus Huxleyiù Or
lepos Huxleyii ^
lapin
Qu*est-ce à dire? sinon que les espèces ne sont qtie des variétés
fixées et que les variétées sont les espèces de l'avenir. Cela n'em-
pêche qu'il y a quelque vingt ans, la question de la modification
des espèces végétales, par Thybridation artificielle, ayant été
portée devant la Société morphologique d'horticulture de Londres^
la majorité des membres décida quMl fallait écarter cette ques-
tion, comme impie et attentatoire à Vœuvre du créateur nécessaire'
ment parfaite. Du reste il ne faut pas s'illusionner au point de
croire que c'était Thybridation des choux qui soulevait si fort la
bonne âme de ces pieux horticulteurs; c'était Thomme qu*on
visait et le prétendu critérium de l'espèce devait se traduire
ainsi : tous les individus de même espèce sont eugénésiques ; or
tous les hommes sont eugénésiques ; donc tous les hommes sont
de même espèce^ quod erat demonstrandum.
Malheureusement le critérium Se retourne ici contre les mono-
génistes, à qui nous serions en droit de dire : Tous les hommes
ne sont pas de la même espèce, car ils ne sont pas eugénésiques.
Qu'ils se rassurent. Je ne leur retournerai pas cet argument, at-
tendu qu'il ne vaut absolument rien ; mais il faut bien recon-
naître cependant que tous les hommes ne sont pas eugénésiques.
Les métis de noir et blanche ou de blanc et de noire, quand ils
existent, sont le plus souvent peu féconds, et le mot mulâtre rap-
pelle la comparaison avec le mulet stérile. Les Hollandais et les
Malais ont produit des métis, les Upplapcn. Or les métis du l'^sang
sont assez féconds entre eux^ ceux de la 2°*' génération sont
peu féconds^ ceux de la 3»*' ne produisent plus que des filles. Ces
iipplapen sont inintelligents. Dans la Caroline du Sud, qui a été
colonisée par la race anglo-saxOnne, les métis de nèpes sk^^\\.x«:^^^
OKOOR. MéD. V^
9
61 1> HÉRÉDITÉ.
chétifs, peu féconds ; à la Jamaïque, les mulâtres ne se repro-
duisent jamais entre eux. Au contraire, sur le golfe du Mexiqœ
là où domine la race espagnole, les mulâtres sont plus nombreux.
plus robustes, plus fécond^'. Les métis dlndien et de nègre sont
nombreux au Brésil et sont généralement assez tigoureux, mai»
ces Zambos constituent les 4/5 de la population des prisons. A Pon-
dichcTv, la morialité des métis de blanc et d'Indoue ou Topas t^st
considérable. Le métis de Papou et de Polynésien semble rénssir.
A la Térité, il y a des individus qui, dans la reproduction, mar-
quent plus que d^autres leur empreinte; cette influence de la
personnalité varie avec Tâge chez Pindividu; mais elle est aussi
une affaire de race; il y en a, comme disent les vétérinaires,
qui r<rcerU davantti^c. Le D' Nottcitc un exemple de Pinégalitédcs
deux forces dans Paccouplemcnt : il possédait des lévriers rapides
à la course ei des terriers à Podoral fin. il rêva une race mixte,
qui joindrait à la célérité du lévrier, le nez du terrier. Il n*y
arriva pas pur le premier croisement, comme cela eût eu lieu s'il
avait croisé deux forces égales ; il dut aller jusqu'au métis qui avait
i/8 du sang du lévrier et 7/8 du sang de terrier. Donc le terrier,
race moins, donne moins facilement son empreinte, puisqu'il a
fallu 7 fois plus de tnrirr que de lévrier. Cesi ainsi que dans
les métis où figure le Chinois, le type du Chinois a une tendance
à dominer chez le produit. De même dans le croisement du Slave
et du Buuriate (race jaune), le métis a invariablement les yeu\
obliques, les cheveux noirs, gros, droits du Bouriate.
Dans les croisements, tantôt il y a transaction entre les types
(Quatrcfages), apparition de caractères intermédiaires, exemple:
noir et blanc donnant un produit gris; tantôt il y a juxtaposition
des caractères du |)ère et de la mère, exemple : noir et blanc
donnant un produit pie. Du reste, dans cette ré^ultante entre deus
forces que représente l'hérédité, tous les caractères ne se trans-
mettent pas également : les cheveux du nègre sont ce qui persiste
le plus chez le métis; ce que le blanc transmet le plus volontiers,
ce sont ses qualités cérébrales. Ainsi, au siècle dernier, vécut à
rile Maurice, alors colonie française, un mathématicien distingué,
correspondant de PAcadémic des sciences, Lislet-Geoffroy ; il était,
par sa mère, négresse vulgaire, aussi nègre que possible et n*avait
pas même l'air d'un mulâtre. De son père, qui était blanc, il tenait
uniquement l'intelligence. Les Pouls, en Afrique, nous montrent
une juxtaposition de caractères supérieurs et de caractères ioré-
MÉTISSAGE. HYBKIDITÉ. 611
rieurs; plus ils sont mclangés de noir, plus le goût de Tagricul-
iure domine (Faidherbe).
Ce que je viens de dire des caractères anatomiques des che-
veux, de la peau, des caractères anatomiques du cerveau (intel-
ligence), s'applique aux caractères des tissus» des liquides et des
solides, d'où dépendent l'aptitude et Timmunité morbides. Ainsi
les mulâtres tiennent du nègre une immunité pour la fièvre
jaune, proportionnelle à la quantité de sang noir qu'ils possèdent.
Livingstoir dit que la syphilis guérit seule chez le nègre ; il
ajoute que chez les Griquas et les Coronas^ qui ne sont p.ts des
nègres purs, la syphilis fait autant de ravages qu'en Europe. J'ai
eu déjà Toccasion de dire que les moutons algériens présentaient
une remarquable immunité pour le charbon, or les métis de ces
moutons algériens ont cette même immunité. Le D' Nott a dit que
1/4 de sang nègre vaut mieux pour braver la fièvre jaune, (jue la
vaccine pour braver la variole. Nous savons que l'odeur de noir
persiste chez le quarteron, qui possède 7/8 de sang blanc.
De ce que je viens de dire^ il résulte que le croisement de deux
races peut être plein d'avantages : ainsi par le croisement do
nègre et du blanc, dans les pays chauds, le blanc donnera au pro-
duit une plus grande intelligence, le noir lui donnera Timmunité
contre les maladies des pays chauds; et voilà une race mixte qui,
plus intelligente ((ue rautochtone, plus résistante que la race
Conquérante, aura pour elle Tavenir de la colonisation; c'est de
même qu'on a conseillé l'hybridation de la vigne pour la mettre
à l'abri du phylloxéra.
Cette question des croisements est, du reste, loin d'être jugée
de la même façtm par les meilleurs esprits. Les adversaires des
croisements les regardent comme absolument pernicieux /p.9o
ftiHo, Gobineau n'attribue pas à autre chose qu'aux croisements,
entre individus de race diflerente, la chute de l'empire romain;
les civilisations européennes périront, d'après lui, pour la même
cause. Périer, dans une série de travaux remarquables, s'est éga-
lement inscrit contre les croisements; pour lui, un peuple qui
dégénère est un peuple (|ui n'a plus dans ses veines le sang de
ses ancêtres. Enfin cette thèse a été soutenue dernièrement, non
sans talent, par mon collègue et ami le D' Daily. Il e>t partisan
de la division du travail et, trouvant que les choses sont pour le
mieux, il demande à rester blanc, mais il désire que Le noir reste
noir. Chacun son nictier, chacun sa couleur ! Soyez nè^re si c'^'tX
fit HÉRÉDITÉ.
▼otre métier, mais pas de croisement ! Appliquant ee colle di
pur sang aux races qui se coudoient et coudoient les nôtres a
Algérie, il s'élève contre la tendance qai rendrait pratique dav
notre colonie le mélange des sangs.
Aux raisons de sentiment, les arguments de fait ne manqneit
d'ailleurs pas de s'ajouter. De même qu'en chimie, en combioaM
deux substances toxiques on obtient un composé inoffensif ou ré-
ciproquement, de même, il se pourrait que la fécondation, l'oo
par l'autre, de deux inditidus non pathologiques, donne un indi-
vidu voué à la pathologie. Le cheik arabe Mohamed £l^-Oma^
el-Tourny, dans un ouvrage remarquable, dont nous devons k
traduction à Pevron, dit : La durée de la vie diffère d*une ûlçob
considérable, dans les enfants nés au Darfour ; ceux qui naissent
de père forien et de mère forienne, sont vivaces et bien constitués.
On trouve beaucoup de familles de dix ou douxe enfants. Il en est
de même dans les tribus arabes de sang pur ; U encore on meurt
vieux. Mais, ajoute-t-il, lorsque le Forien prend une Arabe pour
femme ou lorsque TArabe épouse la Forienne, il arrive toujoun
que les enfants vivent peu. Le D' Nott assure que les mulâtres
sont sujets aux maladies chroniques et qu'on rencontre parmi
eux un ^Tand nombre d'infirmes.
Les partisans de Texcellence du croisement ipso facto ne sont
pas, de leur côté, eu peine d'arguments : Gerdy avait commencé
une brillante campagne ; de Quatrefages la continue. On cite €1-
cilomeiit la beauté de beaucoup de mulâtresses. On cite au Brésil
une race croisée excellente, les Paulistes, métis de Portugais et
d'Indiens ; les Cafres, les Malais, les Japonais ne sont-ils pat des
métis, produits remarquables du mélange de plusieurs races?
Il ne faut donc pas se dissimuler que des deux cotés, adver-
saires et partisans, donnent d'excellentes raisons. La vérité, c'est
qu'il en est du mélange ou de la combinaison des sangs comme dt;
tous les mélanges et comme des combinaisons que nous présente
la chimie. Il y en a de bons, il y en a de mauvais; il y a des
combinaisons fixos, il y en a d'instables. H faut en outre, dans
cette étude, tenir compte des conditions mômes où s'est faite
l'expérimentation, sur laquelle s'appuie le raisonnement. Les
conditions sont toutes difrérentcs, quand il s'agit des croisements
humains, de ce qu'elles sont dans les croisements entre nos ani-
maux. Veut-on savoir si le loup et le chien, le lièvre et le lapio
donnent des métis ou hybrides^ comme on voudra les nommer.
IMPRÉGNATION. 61)
▼iables ? On entoure les produits obtenus, de toutes les précau-
tions, de tous les soins, de tous les égards ; tandis que pour
beaucoup de métis humains, notamment pour ceux du blanc et
de la négresse, qui sont les mulâtres les plus fréquents, c'est le
contraire qui a lieu. En général les sangs mêlés sont méprisés
par chacun des pur sang composants !
Inprégiiatloii. — Le croisement, Thybridation peuvent avoir,
dans certains cas, une conséquence bien singulière : le croisement
a été fécond, mais il a rendu la mère désormais stérile. Ainsi, dit
le D' Strzelecki, une femme australienne, qui est devenue grosse
des œuvres d'un blanc, est désormais stérile avec tout Australien,
comme si la première fécondation par le blanc avait imprimé à
la femme australienne un cachet, une marque indélébiles, comme
si elle avait été imprégnée pour toujours au contact du blanc. On
a dit la même chose des Hurons, des Séminols, des Araucans, des
Polynésiens et des Mélanésiens. Ces faits dHmprégnation ne sont
pas isolés : on a, de tout temps, vu une femme veuve se remarier
et avoir de son deuxième mari un enfant qui ressemblait au pre-
mier. D'autres faits, plus suspects il est vrai, avaient été remar-
qués : on avait vu un enfant incontestablement adultérin, ressem-
bler au père par la loi, de là cet axiome : fUium ex adultéra
excusare matrem a culpa. Mais la question est trop difQcile, trop
compliquée lorsqu'il s agit de Tespèce humaine. Tout le monde au
contraire connaît le fait de cette jument, couverte par un zèbre,
qui eut un poulain zébré, puis qui, couverte par un étalon, eut
UD poolain qui ressemblait au zèbre. On ne peut plus ici donner,
comme tout à l'heure, cette explication, qui consistait à prétendre
que la femme avait pensé, mal à propos, à son premier mari. La
même influence d'un premier accouplement sur les portées futures
est bien commune sur les chiennes et les amateurs, craignant à
ce point de vue, la mésalliance, ne laissent jamais couvrir une
belle chienne par un mâle de basse extraction.
On comprendrait difficilement ces phénomènes, si nous n'avions
à mettre à côté d'eux quelques autres faits capables de faire la lu-
mière. Il y a des femelles qui, après avoir été fécondées une pre-
mière fois, restent fécondées pour toujours, sans accouplement
nouveau, comme si le mâle, dans son premier accouplement, avait
imprimé à la femelle une fécondation indélébile, comme s'il Pavait
imprégnée pour toujours. Ce phénomène, normal chez les puce-
rons, chez les abeilles, porte le nom de parthénogenèse, et, quoique
G14 HÉRÉDITÉ.
en apparence absolument opposé à celui de tout à l'heure, proore,
comme lui, Faction durable» imprégnante d*un premier accoi-
plement fécond, sur la femelle.
Cette modification par un premier mari dn milieu intérieur de
la femme est tout à fait comparable aux modifications d'aptitode
et d'immunité, que confère une première atteinte, par une mala-
die virulente, (|ui semble avoir pour toujours imprégné Porganisme.
Elle pourrait même, d'après Gobler, créer une aptitude morbide
nouvelle. Le cancer est rare dans la race noîre, or le cancer du
sein a été observé par Gubler, chez une négresse, qui avait ud
mari blanc, dont elle avait un enfant. Il se demandait si cette
imprégnation, en vertu de laquelle il eût pu se faire que volontiers
cette négresse imprégnée par un blanc, comme la jument par le
zèbre, eût eu elle-même d'un nègre un enfant mulâtre, si cette
imprégnation, dis-jc, qui afait blanchi son milieu intérieur, ne lui
a fait perdre l'immunité naturelle au nègre.
CoBsangnlMlté. — Les partisans du croisement à outrance,
convaincus de la nécessité de ce qu'ils nomment rafraîchir le sang,
voient naturellement, dans la méthode contraire, la consanguiniU,
la cause d'une foule de maux : de même que tout à l'heure nous
avons vu deux camps, ceux qui croient le croisement bon ipso facto,
en princip«; et ceux qui, aussi radicalement, le croient mauvais;
do même nous trouvons ici les partisans de la consanguinité quand
même, comme bonne ipso factx) et ses ennemis par principe ! Or,
de même que les croisements peuvent être bons, peuvent être
mauvais, selon ce qu'on croise ; de même la consanguinité peut
être bonne, peut être mauvaise, selon ce que vaut le sang^ qu*en
accumule ainsi sur lui-même, in and in. Pour juger ce que vaut oa
ne vaut pas la consanguinité, jetons un coup d'œil sur la repro-
duction en général.
Au bas de la série , c'est la consanguinité qui nous apparaît
comme mode unique de reproduction : un protiste existe; il se
divise en deux par scissiparité et voilà deux protistes; au bout de
quelque temps, par le même mécanisme, nous trouvons 4-8-t6 pro-
tistes, qui sont consanguins; c'est bien en effet le même sang, si
sang il y avait, puisque c'est le même être! plus haut dans l'échelle,
sur l'animal ou le végétal polycellulaire se forme un petit groupe
de cellules; c'est un bourgeon. Ce bourgeon se détache, devient
un être semblable à celui qui Ta produit; c'est en somme un mor-
ceau du même être; encore de la consanguinité! plus haut, une
CONSANGUINITÉ. 615
cellule unique se détache de Fétre producteur; c^est une spore
(fougères, cryptogames, certaines hydres inférieures); dans la yas-
trula (éponge) apparaissent deux spores ou cellules identiques,
chargées de la reproduction ; ces deux cellules identiques, char-
gées de la reproduction dans la gastrula, nous conduisent à un
point capital dans la sériation : supposons en efiet qu*à ce moment
une légère différence apparaisse entre l'une et Tautre de ces deux
cellules, cette dififérence se fixera par sélection naturelle et bientôt
la présence de deux eettoles de reproduction différentes constituera
deux sexeë réunis sur le même individu. Les animaux hermaphro-
dites et les fleurs monoïques auront ainsi pris naissance.
\}\\ végétal ou un animal hermaphrodite peut, à coup sûr, se fé-
conder lui-même, et c'est encore là de la consanguinité, c'est même
ce qu'on pourrait nommer le com6/e de la consanguinité! Une or-
chidée, VOphris apifera, la tomate, Taubergine. le piment, le pois
de senteur (Lathyms odoratus) ne se fécondent pas autrement ;
parmi les animaux je citerai les vers, les hydreii les ascidies, les
ascarides^ les colimaçons, les sangsues. Mais cette autoféconda-
tion présente évidemment des chances d'insuccès : la fonction
mâle et la fonction femelle étant remplies par le même iiidiTidu, *
ti)utc faiblesse, toute altération de cet individu unique est aussitôt
fonctionnellement doublée ; cette absence de division du travail
est évidemment contraire à sa bonne exécution, en vertu de ce
principe vulgaire, qu'il est mauvais de n'avoir qu'une corde à
son arc, ou de mettre tous ses œufs dans un même panier. Il est
si vrai que Tautofécondation est mauvaise, que dans I4p grand
nombre de cas, chez les végétaux monoïques, elle donne des
graines qui ne germent pas, ou peu de graines, ou même pas de
graines du tout. Il y a plus : Fritz Muller a constaté que le pollen
d'une fleur est parfois toxique pour le pistil de la même fleur. Tan-
dis qu'il se rencontre tant d*occasions diverses qui peuvent faire
manquer Tautofécondation ou ultra-consanguinité; au contraire,
les insectes, butinant de fleur en fleur, transportent le pollen
d'une fleur sur le pistil d'une autre fleur très éloignée ; ailleurs ce
transport est eflectué par le vent, par les oiseaux, par Peau, pour
certains animaux ; de sorte que même chez un être hermaphrodite,
qui pourrait se féconder lui-même, la division du travail tend
forcément à être établie. Cette division qui fait, chez tel animal
d'abord hermaphrodite fonctionner uniquement l'organe mâle,
et chez tel autre également hermaphrodite, fonctionner exclusi-
616 lÉRSOITÉ.
Temeot Torgane femelle, amène bientôt chei fan et dm Ttotie
Tatrophie de l'organe qui n'a rien à foire, et an boni d'nn cortiio
temps les deux hermaphrodites détiennent denx nnisemés, Fim
mâle, l'autre femelle.
Il y a donc dans la nature une véritable sénation évointrre,
qui va de raltra-eonsanguinité an croisement, de Tafleiué an
sexué, de Thermaphrodisme à Funiseinalité. L^homme et tous ks
vertébrés, dans leur ontogénie, eommencent même par rherma-
pbrodisme, absolument comme dans la série pbylogénique U
reproduction part de la consanguinité pour arriver au croise-
ment.
Ce qui est vrai de révolution organique, ne Test fta moins de
révolution sociale : nous trouvons encore là, la consanguinité à
la base, le croisement au sommet Prenons pour exemples des
peuples à divers degrés d'éfolution sociale : nous voyons les Chip-
peouayens, d'après Heame, épouser leur mère, leur sœur, leur
fille ; le même usage existe chez les Kadiaks (Bancrofl), chez les
Karens du Tenasserin (Helcr). Les rois du Gabon, aQn de ne pas
altérer la pureté du sang royal, épousent leurs filles et les reines
leurs fils. Torquemada rapporte qu'en Amérique, chez les Incas,
les mariages entre frère et soenr étaient fréquents. Il en est de
même actuellement aux îles Sandwich, dans la classe noble; chez
les Malgaches et à Ceylan, on épouse sa sœur cadette ; chez les
Coroados actuels du Brésil, il n*est pas rare qu'un homme soit
le frère de son fUs, L'infortuné Crevaux avait constaté le même
fait chezjes Roucouyennes. Jadis, chez les Tartares, les SejUiei»
les Mèdes et les Perses, le père épousait sa fille» le fib sa mère,k
frère sa soBur. Sisymithrés, satrape de Sogdiane, avait épousé sa
mère et en avait deux filles ; maUr, dit Quinte-Curce, eademqua
conjux. Saint Jérôme dit que : Persa^ Medi, cum matribits et magis
cum fUiabus et nepotibus copulantur, Cambyse épousa sa sœur.
Cette coutume exista chez les juifs et Joseph, le père de Jésus, était
l'oncle au troisième degré de Marie. Les unions consanguines fu-
rent cependant rapidement regardées comme criminelles, et la
peste de Thèbes fut attribuée par le peuple au mariage inces-
tueux d'GEdipe avec sa mère Jocaste, dont il avait quatre fils. Mais
si eUtt furent défendues, c'est moins au point de vue médical
que dans l'intérêt des bonnes mœurs, par respect pour le toit de la
famille. Au reste, tous les peuples qui défendent ces unions, les
défendent entre parents par alliance aussi bien qu'entre parents
CONSANGUINITÉ. 617
par le sang. La loi française les défend dans toute la ligne directe
et, en ligne collatérale^ entre parents du deuxième degré (frères
et sœurs), et du troisième (oncle et nièce), sauf permission.
La question des unions consanguines fut posée, ou mieux indi-
quée, pour la première fois en 1815, par Fodéré, qui regardait les
unions au troisième degré, entre oncle et nièce, comme tendant
à abâtardir l'espèce ; mais elle ne devint médicale qu*en 1856,
époque où le D' Menière annonça que les unions entre parents
donnaient naissance à des enfants sourds-muets. Rilliet (de Ge-
nève) soutint à son tour que la stérilité, Tavortement, les mons-
truosités, répilepdie^ Tidiotie et la surdi-mutité résultaient sou-
vent des unions consanguines. Enfin Devay (de Lyon), réunissant
artificiellement, ainsi qu'il le reconnut lui-même, en déclarant
qu'il lies avait choisis, 121 mariages consanguins, trouva parmi
eux : 1 6 fois la stérilité, 6 fois Tavortement au début de la grossesse*
11 fois à la fin, S fois le bec-de-lièvre et le pied-bot, 17 fois. la
polydactylie ; en tout 52 accidents. Boudin, de son côté, fit le rai-
sonnement suivant : il y a en France 2/100 mariages consanguins;
si les sourds-muets n*ont rien à voir dans la question et qu'ils
soient également répartis, il y aurait 2/100 consanguins sourds-
muets. Or, sur 100 sourds-moeto, il y a 25 consanguins à Lyon,
28 à Paris, 29 à Nogent-le-Rotrou, 30 à Bordeaux ; il formula donc :
si le danger d'avoir un enfant sourd-muet dans un mariage croisé
est de 1 , il est de 18 entre cousins germains (4« degré), de 37 entre
oncles et nièces, de 70 entre neveux et tantes (3° degré). 11 don-
nait comme exemple la fréquence relative des sourds-muets chez
les catholiques, les protestants et les Israélites, fréquence quMl re-
gardait comme proportionnelle à celle des mariages consanguins
dans chacune de ces religions; sur 10000 mariages de chacune
de ces trois religions, il trouve en effet : chez les catholiques
3,1 sourds-muets; chez les protestants, 6; chez les Israélites, 27.
Morris a établi, de son côté, la proportion suivante : les mariages
entre parents au 8'^ degré et entre cousins, fils d'issus de germains
(3* degré de cousinage), donnent une proportion de 40 infirmes
pour 100; entre issus de germains, ou parents au 6« degré
(2* de cousinage), la proportion est de 42,5 pour 100; entre ger-
mains (4« degré), de 67,2 pour 100 ; entre oncle et nièce (3* degré),
de 81 pour 100; dans les unions incestueuses (1*' degré direct
et 2* collatéral), de 96 pour 100.
On a également accusé la consanguinité de produire la réti^
6)8 HÉRÉDITÉ.
ni te pigmentairc. Elle fournirait, d'après Liebreich, 4/2 des cas;
de celle maladie ; 1/6 d'après Hering; 1/9 d'après Mooren. Mais les
faits de Liebreich ont été pris dans un établissement de sourds-
muets, où les causes pathologiques sont extrêmement complexes.
De leur côté, Galezowski et Maurice Perrin se refusent à voir
aucun rapport entre la rétinite pigmentaire et la consanguinité.
Fieuzaly sur 21 cas de rétinite, a trouvé 8 consanguins et 13 non
consanguins.
On a prétendu aussi que les sourds-muets étaient plus nom-
breux en Amérique chez les noirs que chez les blancs : on a
dit que cela tenait à une plus grande fréquence, chez les premiers,
de mariages consanguins ; on a cité jusqu'à des frères qui, nés de
frères et sœurs, auraient été idiots et sourds-muets.
On a également cité la stérilité chez le porc (Àubartia, ADier),
sans songer, comme Ta fait avec raison remarquer Sanson, qu'il
s'agissait de porcs en dégénérescence graisseuse.
Tous ces faits présentent un défaut capital : ils sont choisis.
Beaucoup de prétendus exemples, propres à montrer les dangers
de la consanguinité, ont en outre été pris en Suisse, où l'idiotie
reconnaît le plus souvent une cause toute différente. On a enfia
comparé des populations très diverses, en supputant le nombre des
inlirmes dans chacune, sans tenir compte de l'influence que pou-
vaient avoir la race et l'état social. Il est un autre fait auquel ou
n'a pas, à mon avis, assez songé : la plupart des mariages entre
cousins ont lieu enti^ gens très jeunes; quand un bomme épouse
sa cousine, à laquelle il est souvent fiancé dès l'enfance, c'est
généralement de 20 à 25 ans. Or toutes les stalisliques montrent
que, lorsque les deux époux, le mari surtout, sont très jeunes,
l'excès même de l'ardeur conjugale est une cause fréquente de
fausses couches ou de troubles éprouvés par l'embryon. Cela seul
suffirait à expliquer, si elle était démontrée, la plus grande fré-
quence des fausses couches et des accidents tératologiques dans
les mariages entre consanguins.
On cherche toujours des exemples de surdi-mutité dans la con-
sanguinité ; mais rien ne prouve que l'une soit la cause de l'autre.
Le D' Daily a, dans une discussion célèbre, dit avec raison : Si, dans
une lie isolée, vous placez un ménage consanguin et qu'au bout
d'un certain nombre d'années, il n'y ait pas un seul infirme,on peot
affirmer que, dans ce cas, la consanguinité n'a eu aucun incon-
vénient. Tandis que si, dans cette même ile, on voyait apparaître
CONSANGUINITÉ. 619
des sourJs-rauets, il faudrait prouver que c'est bien le fait même
de la consanguinité qui en est la cause. Or les exemples de con-
sanguinité sans infirmité ne manquent pas : à tous les peuples de
l'antiquité, on pourrait ajouter les Esquimaux. 11 faut encore citer
le bourg de Batz, où toiR les habitants se marient entre eux et où
il n'y a pas d'infirmes; Voisin a étudié cette population. Gubler a
étudié dans les Pyrénées la population de Gaust, qui est superbe ;
les jeunes gens ne s'y marient ordinairenent qu'entre eux; il en
est de même à Pauillac (D' Ferrie). Il existe enfin, dans le royaume
du Dahomey, 100 individus qui descendent d'un traitaat portu-
gais et de ses 400 négresses; ils se marient uniquement entre
eux, ils sont déjà à la troisième génération; il n'y a parmi
eux, dit le D'' Thibault, ni un sourd-muet, ni un crétin, ni un
aveugle. On cite toujours, à la Réunion, un groupe d'Européens
qui ne se recrutent qu'entre eux, les petits blancs, qui sont très
florissants.
Le D' Bourgeois, qui était fils de consanguins et se disposait,
je crois, à épouser sa cousine, a fait une enquête sur sa propre
famille, dont il est d'ailleurs un brillant représentant : en 160 ans,
elle a compté 416 membres issus d'un couple consaguin au 3^ degré.
11 y a eu 16 unions sur-consanguines; en tout il y a eu 91 allian-
ces fécondes et pas un infirme! La famille illustre des Séguin a
présenté, avec la famille non moins illustre des Montgolfier,
ÎO unions consanguines; on ne trouve pas un infirme dans Tune
ni dans l'autre.
Quant à la fécondation entre frère et sœur et même entre
parents directs, elle est fréquente chez les pigeons, elle a été la
règle dans beaucoup de sociétés humaines. La race bovine de Sa-
1ers vit, dans les pâturages de l'Auvergne, à l'état de semi-liberté;
Je taureau ne s'accouple qu'avec sa mère, ses tantes, ses soiurs,
ses filles; la race est superbe. La race célèbre de Durham est issue
d'unions consanguines; elle fut créée par (!h. Colling avec un tau-
reau (Hubbach) qui avait une remarquable faculté d'assimilation.
Favourit, un de ses fils, couvrit, pendant six générations, ses filles
et ses petites-filles; de sa mère Phénix, Favourit eut Cornet, qui
fut vendu 26250 francs; les produits consanguins de Favourit et
de Cornet, en tout 47 bêtes, furent vendues 1 77 000 francs. Notons
qu'il eut bien pu arriver que le taureau Favourit, en vieillissant,
donnât naissance à des enfants infirmes ou débiles, ce qu'on
n'eût pas manqué de mettre sur le compte de la consanguinité.
eiO HÉRÉDITÉ.
Les moutons de Mauchamp sont également on produit de la con-
sanguinité, tiré depuis 1828, par Graux, de la descendance d*une
brebis, par le croisement consanguin , breeding in and in. Tool
le monde sait que les vainqueurs du turf sont issus d'accouple-
ments entre consanguins.
11 n*est pas jusqu'aux végétaux eux-mêmes, pour lesquels on
ne recbercbe parfois la consanguinité, en évitant avec soin les
croisements. Dans certaines provinces d'Angleterre, les cultiva-
teurs de choux disent qu'il faut empêcher les choux « de s'amou-
racher les uns des autres » .
De tout cela il ressort que la consanguinité, par elle-même, ne
crée aucune condition favorable à la production de la surdi-
mutité ni des autres infirmités. Des recherches de Benjeogue,
dites en Russie, il ressort que la surdi-mutité semble héréditaire,
que presque tous les sourds-muets ont des maladies de Toreille,
que plus de la moitié ont des maladies cérébrales héréditaires. On
n*a donc pas assez vu en somme que tous ces gens, qui sont pa-
rents, ont une parenté morbide ; c'est donc de l'hérédité. Les éle-
veurs anglais, qui ont adopté la méthode in and in, savent qu'elle
est la meilleure méthode de sélection pour élever l'hérédité à sa
plus haute puissance. Aussi le regretté Bertillon me semble avoir
admirablement résumé les choses, lorsqu'il a dit : « Si une famille
« est entachée d'affections héréditaires et que les membres se
u marient entre eux, le vice héréditaire doit aller s'aggravanl et
« peut-être plus rapidement encore qu'il n'arriverait par le fait
« d'un mariage entre deux familles étrangères Tune à l'autre,
« mais entachées l'une et l'antre du même vice. » Si au contraire
les familles sont saines, dit-il : « La consanguinité apparaît alors
« comme un moyen de sélection pour faire vite évoluer le fond et
« le tréfond organique (pathologique ou sain) des familles. C'est
« une pierre de touche, signalant tout de suite cerlaines impuretés
« d'un sang. Les familles indemnes de vice retrempent, doublent,
« au contraire, dans la consanguinité, leur résistance et leur vertu,
« et en sortent plus fécondes, plus saines que jamais ! »
SÉLECTION. CONCURRENCE VITALE. 621
CHAPITRE V
8ÉLMTI0N. — CONCURRENCE VITALE.
Nous avons vu> dans les chapitres précédents, survenir chez
certains individus, soit par le fait du milieu extérieur , soit par
le fait !du milieu intérieur, des modifications souvent peu consi-
dérables, caractérisées par certaines conformations, certaines ap-
titudes, certaines immunités pathologiques ou non, car on a pu
voir, dans le courant de ce livre, que la pathologie et la physio-
logie étaient, à dessein, intimement confondues. Nous avons vu
que ces variations sont héréditaires et perpétuent, sous une même
forme, ce qu'on nomme, par suite d'une convention, Vespèce. Les
croisements* tendent à modifier ce que l'hérédité avait fixé, et à
créer des espèces nouvelles, tandis que la consanguinité, ou héré-
dité renforcée, agit en sens contraire.
Ce sera la gloire de Lamarck d*avoir formulé cette théorie de
l'instabilité de Tespèce et de la lente et graduelle évolution des
types suivant le milieu; il est cependant juste de reconnaître que
cette théorie, qu'on pourrait nommer lamarckismey avait été déjà
entrevue par Démocrite, et transmise vaguement de ranliquité au
moyen âge, par les Arabes. « Quand le peuple ignorant, écrivait
« Al-Khazim, entend dire aux savants que l'or est un corps qui
« s'est formé par voie de perfectionnement, il comprend qu'il a
« passé par la forme des autres corps métalliques, c'est-à-dire qu'il
a était d'abord plomb, puis étain, puis bronze, puis argent, puis
a qu'il est devenu finalement or. H ne sait pas que les philosophes
a veulent dire, ce qu'ils veulent dire aussi de l'homme, quand ils
t avancent qu'il est arrivé à l'état où il se trouve aujourd'hui
a progressivement et non point par des transformations totales,
fl comme s'il avait passé par la figure du bœuf, puis par celle de
<K Tàne, puis du cheval, puis du singe, et finalement était devenu
0 homme. » Celle théorie, Gœlhe en 1790, en 1796 et en 1807,
Oker en 1809, l'avaient comprise. Il n'en est pas moins vrai que
Lamarck eut le mérite de la formuler complètement dans sa PhU
losophie zoologique de 1801-1809. Lyell, qui a montre toute l'im-
portance trop méconnue jusqu'à lui de Télément temps dans les
62i SÉLBCTION. CONCURRENCE VITALE.
grands phénomènes de la nature, Waliace, Darwin et Heckel n'ont
fait que continuer sous ce rapport l'œuvre du Français Lamarck.
Ce qui cependant est bien Tœuvre de Darwin, et ce qui con-
stitue le Darwinisme , c'est d'avoir montré le mécanisme de la
formation des types, en faisant voir que la survivance appartient
au plus apte. Cela détruit pour toujours ta vieille et absurde théorie
des causes finales, qui pense que Toiseau a des ailes pour voler,
au lieu de constater simplement que les ailes se sont développées
par la nécessité de voler. La gloire de Darwin, c'est d'avoir montré
que si, dans la nature, tout est pour le mieux, il ne faut pas oublier
qu'il n'en peut pas être autrement. Car la lutte pour la yie^StruQ"
gle for life, la sélection ne laissent subsister que ce qui est bien
et détruisent, dès qu'elles apparaissent, les formes manquées.
Cette idée de la concurrence vitale, Darwin en avait été frappé
après la lecture de Malthus. La célèbre théorie malthusienne de
la progression arithmétique des subsistances et de la progres-
sion géométrique des individus lui avait fait chercher le moyen
employé par l'implacable nature pour éliminer ceux qui sont de
trop au banquet de la vie, et il l'avait trouvé dans la sélection,
qui assure à tout individu qui porte un caractère avantageux,
non seulement la victoire immédiate, mais la transmission de ce
caraclère avantageux à 3es enfants. Il en résulte que tout carac-
tère utile dure, que tout caractère inutile ou nuisible disparait;
si bien que le progrès est forcé et qu'il ne se peut pas que tout
ne soit pas pour le mieux. Que la vessie natatoire d'un poisson
communique par accident avec Tair extérieur, et voilà un pou-
mon ! Le poisson ne pouvait vivre que dans l'eau et lamphibie
pourra vivre également hors de Teau. Avoir de grands bois plats
en forme de palette, cela est gênant pour le cerf, mais ceux-là seuls
qui possédaient cette disposition ont pu trouver leur nourriture
sous la neige, parce que leur bois leur servait, comme une pelle,
à enlever la neige, et la nature prévoyante (disent les causes-
fiiialieis) a donné de grands bois plais au Cervus mcgaceros.
L'amour maternel lui-même est un produit de la sélection, car
supposez une femelle qui en soit privée, elle n'élèvera pas ses petits
et ne fera par conséquent pas souche.
11 en est de même d'une foule de caractères. Vous admirez la
nature ou la providence qui ont eu la bonne idée de donner des
feuilles charnues aux végétaux des pays secs; mais il eût fait beau
voir la nature ou la prétendue providence agir autrement ! Comme
SÉLECTION NATURELLE CHEZ L'hOUUE. 62S
les végétaux à feuilles charnues sont les seuls qui aient pu résister
à la sécheresse et faire souche, il est évident qu'au hout d'un
certain temps, il n*y a plus dans les pays secs que des végétaux à
feuilles charnues, puisque tous ceux qui n'ont pas ce caractère
succombent! On pourrait multiplier à Tinfini ces exemples de
la sélection naturêUe. L'homme appliquant aux animaux et aux
végétaux, qu'il- élève ou qu'il cultive, les procédés de la nature,
pratique sur eux la sélection artificielle, il fabrique pour ainsi dire
et modèle les êtres vivants à son gré, suivant son caprice et ses
besoins. Un éleveur de pigeons disait un jour à Darv^in : (( En
f trois ans, je produis une plume donnée; il faut six ans pour
ff obtenir une tète ou un bec. i Les jardiniers obtiennent de
même les fleurs et les fruits qu'ils veulent.
Séleetion naturelle ehez rhomme. — L'homme lui-même
n'échappe pas à cette double sélection, naturelle et artiliciclle.
La sélection sexuelle s'exerce, à son insu, tout aussi impérieuse-
ment que chez les oiseaux, et |)ar la prédilection inconscient'} qu'il
accorde à tel ou tel type, il favorise la fréquence du tempérament
qui correspond à ce type et des aptitudes ou immunités morbides
qui en sont les attributs. Il est certain que le rapt des femmes,
qui a partout précédé la coutume des unions plus ou moins léga-
lisées^ a dû contribuer à améliorer le type au point de vue de ce
que nous regardons comme la beauté, les plus belles filles ayant
été enlevées de préférence à celles qui étaient laides. C'est de
même au sang des prêtresses grejques de l'ancien temple de Vénus
Ericinc à Trapani, qu'est encore due la beauté des femmes ac-
tuelles de ce pays. Même dans nos villes, au milieu de nos mœurs
bourgeoises, la sélection sexuelle s'exerce plus qu'on pourrait le
penser. Lorsque dans les galeries de tableaux de Londres on con-
sidère les portraits de l'ancien temps et que l'on compare le type
qu'ils représentent au type actuel, on est frappé de ce fait, que
les blonds semblent aujourd'hui moins fréquents qu'autrefois.
Beddoe, de son côté, a fait la remarque suivante : il a noté la
couleur des cheveux de 736 femmes de 20 à 50 ans ; il en a trouvé
367 blondes et 369 brunes. Puis il a cherché quel était, dans
chaque catégorie déterminée par la couleur, le nombre propor-
tionnel des célibataires et il a vu que ce nombre, qui était de
32,5 pour iOO pour les blondes, était de 20 pour 100 pour les
brunes. Les brunes sont donc plus recherchées en mariage que les
blondes ; il n'est donc pas étonnant que cette sélection sexuelle, en
6S4 SÉLECTION. CONCURRENCB YITALB.
faveur des brunes, rende le type blond moins fréquent. O qui
est vrai de cette couleur des cheveux, Test évidemment du tem*
périment, des aptitudes et des immunités morbides qui l'acoom-
pagpent.
Sélection soelale. — Mais Thomme subit une sélection qui
lui est presque complètement propre, ou plutM qui s*exerce sur
lui d'une manière plus marquée que sur aucun autre animal et
avec des conséquences spéciales : c*est la sélection sociale et une
de ses subdivisions, la sélection militaire.
L'habitude encore, et plus que jamais, suivie par les pays civi-
lisés de prendre les hommes les plus jeunes, les plus forts, les
plus vigoureux, de les empêcher de se marier et de les tenir
casernes en temps de paix, pour les envoyer sur les champs de
bataille en temps de guerre , a pour conséquence d'exercer la
sélection en faveur des moins jeunes, des moins forts et des moins
vigoureux et d'abaisser ainsi le type de la population. Ainsi dans
la période 1831-1836, sur 10000 conscrits examinés on en trouva
9071 bons; en 1860, on en trouve 9400, soit 329 en plus; or la
période inférieure (1831-1836) correspondait aux guerres de
l'empire (1811-1816); la seconde période, plus favorisée cor-
respondait à répoque peu brillante, mais du moins pacifique
de 1840. Après 20 ans, Tempire faisait encore sentir sa funeste in-
fluence ! La taille se relève en effet et le nombre des exemptions
diminue à mesure qu'on s'éloigne de cette époque funeste à tant
de titres pour notre pays! Sur 10000 concrits, les exemptions
pour défaut de taille étaient :
*
En 1844, de Sa
En 1850, de 781
En 1864, de 523
En 1868, de 506
Aujourd'hui, puisque moins que jamais, parait-il, on ne peut
supprimer la guerre, on devrait du moins rayer le défaut de taille
des causes d'exemption, car les armes se chargeant par la culasse
il n'y a d'autre inconvénient qu'au point de vue de l'art à ce que
le fusil soit plus grand que le fantassin.
La sélection sociale a encore une autre conséquence : sous le
nom de charité, d'assistance, la société moderne protège les in-
firmes, les faibles d'esprit; elle a de plus, dans ses nombreux
cadres, des places toutes trouvées où sans responsabilité, sans
SÉLECTION SOCIALE. 625
effort, sans lutte, on vit passivement, n*ayant qifà recevoir ses
appointements fixes. Un grand nombre de non -valeurs que la
société protège, nourrit et entrelient, la fournissent ainsi pour
l'avenir d'autant de non-valeurs faites à leur image. Que de mala-
dies qui, grâce aux soins dont Tenfance est entourée» se perpé-
tuent assez longtemps, non pour guérir, mais pour donner, à
celui qu'elles atteignent, la faculté d'engendrer des enfants mala-
difs comme lui. La serre chaude sociale mènera encore assez loin
cet avorton pour lui permettre de se reproduire dans un avorton
semblable à son père. Ainsi se perpétuent et demeurent dans nos
sociétés un grand nombre d'états morbides. Dans la vie sauvage,
tout être qui n'est pas armé suffisamment soit par ses muscles,
soit par son intelligence, pour la lutte pour la vie, succombe;
dans la vie civilisée, au contraire, on secourt et on élève ceux
qui, par eux-mêmes, seraient trop débiles et trop impuissants
pour lutter. Les anciens avaient trouvé un moyen simple, ils
tuaient les enfants débiles; Âristote et Sénèque se sont même
faits les défenseurs de cette terrible doctrine. Cela se passe
encore ainsi chez les Bechuanas, et cela pour le prétexte le plus
futile: un enfant dont les incisives supérieures poussent les pre-
mières, est déclaré Tlolo et mis à mort. Les Albinos, adorés
ailleurs, sont ici Tlolos et mis à mort.
Cette conservation des faibles par la société civilisée mène à
une conséquence inattendue : bien que le Parisien moderne soit
intellectuellement supérieur aux hommes de l'époque préhisto-
rique^ en notre pays, et bien que le cerveau soit, d'une manière
générale, proportionnel à Tintelligence, cependant, alors que la ca-
pacité moyenne du crâne à Tépoque préhistorique est de 1 606 cen-
timètres cubes pour les hommes, elle est chez le Parisien moderne
de 1558. Différence de 48 ! Cela tient évidemment à ce que dans
la moyenne des Parisiens actuels, figurent une foule de cerveaux
faibles, qui suffisent tellement quellement à leurs peu enviables
possesseurs, tandis que la moyenne des hommes adultes de l'épo-
que préhistorique dont le crâne nom$ reste, était depuis longtemps
débarrassée par la sélection des cerveaux faibles. Ce résultat para-
doxal au premier abord, peut être comparé à celui qu'à donné
pour les nègres cette demi-civilisation qu'ils achetaient malgré eux
en échange de la liberté, auprès de leurs maîtres américains.
Tandis que le crâne du nègre libre, en Afrique, cube i 371 centi-
mètres cubes, le crâne du nègre esclave, à certains points de vue
GéOGR. MéD. *^^
6f6 DÉOÉNÉRESCENCB.
plus élevé, cubait 1 323^50; différence 47,58, presque 48, comme
tout à l'heure ; cela prouve au moins que la liberté est encore la
condition de développement le plus favorable.
CHAPITRE VI
DÉOÉNéRESCENCB.
Nous venons de voir, dans les chapitres précédents, que l'héré-
dité fixait les caractères; que la sélection assurait la prépon-
dérance aux caractères utiles et avantageux; nous en avons
conclu que le progrès est fatal. Cela est vrai, d'une manière
générale, pour Thumanité tout entière : elle est aujourd'hui plus
instruite, plus morale, mieux nourrie, mieux portante, plus long-
temps vivante, meilleure à tous les points de vue, qu'aux temps
passés. Mais si cela est vrai pour Thumanité dans son ensemble,
cela n'est pas toujours vrai des peuples considérés individuelle-
ment. Sans doute le flambeau de la civilisation brille toujours,
et d'un éclat de plus en plus grand, mais ce n'est pas toujours la
même main qui le tient : les peuples, eux aussi, qucisi cursores
titai lampada tradunt. Que sont devenues les civilisations de
Palanqué, du Mexique, du lac de Titicaca? Et celles du Cambodge,
de Java ? Des ruines muettes sont tout ce qui demeure debout
pour attester la grandeur de la civilisation qui les a élevées, et les
animaux sauvages ont remplacé les hommes qui avaient élevé ces
monuments! Nous-mêmes, si fiers de nos monuments, de nos
arts, de nos chemins de fer, de nos usines, sommes nous sûrs de
ne pas disparaître un jour? Sommes-nous certains de ne pas dégé-
nérer,ce qui est l'acheminement vers la disparition? Cela dépend
de nous ; cela dépend de Vhygiène sociale, qui seule peut pré-
server les peuples, comme Vhygiène individuelle préserve les
individus.
Qu'est-ce que dégénérer ? D'après Morel, c'est s'éloigner da
type primitif. Mais le type primitif de l'homme n'a rien qui doive
exciter notre ambition ; le mieux que Thomme ait à faire, c'est
même de s*en éloigner le plus possible. Nous n'admettons plus
avec J.-J. Rousseau un âge d'or originel, ni avec les catholiques
DÉGÉNÉRESCENCE.
627
Climat,
Soi,
Alimentation.
Maladies,
une déchéance de l'humanité, depuis sa création (?). Nous
savons, comme Lucrèce Tavait déjà dit, que les dents, les pierres
et les bâtons furent les premières armes de nos pères et Homère
ne se dissimulait pas que € les premiers hommes n'avaient pas
c d'assemblées, pour délibérer; chacun donnait la loi à ses fem-
c mes et à ses enfants et ne s'inquiétait pas des autres. » Dégé-
nérer, ce n'est donc pas s'éloigner du type primitif. Dégénérer,
c'est prendre des caractères, qui amènent par les maladies la
mort de l'individu et par stérilité celle de la race.
Ces causes sont nombreuses, et, sans prétendre les nommer
toutes, on peut tenter de les résumer, dans le tableau suivant :
CAUSES BB DÉGÉNÉRESCENCE.
Défaut d'acclimatation dans un climat.
Modification du climat lui-même.
Impaludisme, crétinisme paludéen, gottre, crélinisme
goitreux, anoxhémie des altitudes.
Famine, argotisme, pellagre, alcoolisme etc.
Toules les maladies, mais surtout les maladies épi-
démiques et contagieuses; principalement la va-
riole, la pbthisie, la syphilis.
Causes sociales. Changement dans les habitudes, contact de deux peu-
ples à deux degrés très divers de civilisation. Cou-
tume des [castes fermées. Séjour dans les villes.
Emigration des villes dans les campagnes.
§ \ . ACCLIMATEMENT, DÉFAUT d'aCGLIMATEMENT.
La dégénérescence peut être la conséquence des modifications
que présente le climat lui-même. C'est sous l'influence de cette
lente modification du climat, que s'éteignent les espèces : ITr-
sus spelœus, VElephas primigenius, le Cervus megaceros, le renne,
habitants successifs de notre pays, doué successivement de climats
différents, ont successivement dégénéré.
Mais la dégénérescence est plus souvent causée, au contraire,
par l'inaptitude de l'organisme, à se plier à un nouveau climat
qu'il est allé chercher au loin. Les races humaines diverses sup-
portent, du reste, inégalement un même climat; elles ne peu-
vent donc pas habiter indifféremment tous les climats, ce que
Ton a traduit, en disant : L'homme n'est pas cosmopolite. L'homme
du Nord meurt en Algérie; le Français du Nord y est plus ex-
posé à l'hépatite que le Français du Midi, dans le rapport de
611t DÉOÉNÉREftCBNOB.
138 à 71 (LaTeran et Louis). De même les soldats du nord el
du nord-est sont plus exposés que ceux du midi de la Franee
aux accidents cérébraux de Tinsolation. Dans nos colonies d'Al-
gérie, les français du Nord réussissent beaucoup moins bien, que
ceux du Midi. Aussi les Alsaciens-Lorraina, qu^on a enfojés
comme colons en Algérie, ont-ils rapidement dépéri. Les Espa-
gnols, les Maltais, les Français du Blidi sont, au contraire, ceux
qui réussissent le mieux.
Le Français n*cst pas acclimaté davantage aux Antilles. Le
D' Rochoux déclare que les familles qui ne sont pas de temps en
temps retrempées, s'éteignent à la troisième ou quatrième géné-
ration. 11 ajoute que des régiments coloniaux, qu'on s'abstiendrait
de renouveler, dans la pensée qu'il s'acclimateraient, se fondraient,
fait qu'il n'est pas inutile de rappeler aujourd'hui qu*on songe à
faire des régiments coloniaux. En revanche, les Français ont rapi-
dement prospéré dans la Nouvelle-Ecosse, qui, bien qu'à la latitude
de 45<>, comme le midi de la France, se trouve sur la même ligne
isotherme que le Danemark +5** à +6<^. Les 400 ou 500 émigrés
français partis en t671 étaient, sous Louis XV, devenus 70000.
De môme 10000 émigrants français qui passèrent au Canada de
i€63 à 1760, sont devenus plus de 1 000000. La population croit
chaque année de 25 à 40 pour 1 000.
Le Français s'acclimate donc plus volontiers dans les pays plus
froids que le sien, que dans les pays plus chauds que le sien.
Les Anglais à Malte, dans l'armée, meurent beaucoup plus que
les Maltais de l'armée: on compte 15,3/1000 décès anglais et
9,5/1000 mallais.
La cause même de ces décès difière : sur i 000 hommes, ainsi
que le montre le tableau suivant, chaque maladie tue :
Anglais. Maltais.
Fièvre 4,79 0,6
Appareil respiratoire 7,93 3,8
Foie 0,76 0,9
Maladies gaslro-inleslin^es 5,00 0,9
Suicide i,« 0,0
La mortalité des Anglais à Sierra-Leone est énorme, soit
480/1 000 de reffectif ; au Cap Coast elle est 680/1 000.
La race anglo-saxonne n'est pas acclimatée non plus aux Antil-
les. La vie moyenne y est raccourcie, ainsi que le montrent les
tables d'assurances.
ACCLIMATEMENT, DÉFAUT D^ACCLIMATEMENT. 619
Aux Indes, la mortalilé Infantile des Anglais, comparée à la
mortalité des enfants de même âge en Angleterre, a été pendant
Yingi-neuf ans pour 1 000 habitants et par âge :
Ages. Angleterre. Bengtle.
De 0 à 5 ao8 67,58 148,10
5 à lOans 8,80 17,73
10 àl5 ans 4,98 11^51
Les enfants qu*on parvient à élever restent débiles à Tâge
adulte. Us demeurent yaiétudinaires et ne se reproduisent pas.
Aussi beaucoup d*enfants dont les parents sont restés dans les
ludes, sont-ils élevés en Angleterre.
Pour les adultei, la mortalité comparée des soldats anglais et
cipayes pour 1 000 est environ :
AngUit. Cipayet.
Bombay 55,3 6,4
Pouroah 18,7 7,6
Ahmednagger 16,9 6,6
Shalapore i0,2 2,1
Kolapore 80,3 6,9
beijaum 16,4 7,4
La différence apparaît encore micux^ lorsqu'on compare la cause
des décès; ainsi la phthisie dans la province de Madras, sur
1 000 hommes enlève chaque année :
Anglais. Cipayet.
Littoral 1,4 0,6
Plaine 0,7 0,6
Plateaux C,9 0,6
Cette maladie sévit donc sur les Anglais, dans Tlnde, d'autant
plus qu'il fait plus chaud.
Pour Vhépatite sur 1000 hommes, on trouve la proportion
suivante :
Anglais. Cipayet.
Bengale 4,0 0,07
Bombay 4,1 0,19
Madras 2,9 0,18
De même pour la fièvre inlermittente :
Anglais. Cipayet.
Bengale 19,9 5,2
Bombay 13,7 5,0
Madras 3,7 8,0
6ro DÉGÉMÉRKSCEMCB.
Et pour la dysenterie :
Anglai». Cip«y»s.
Bengale iM 1,7
Bombay 17,1 1,9
Madras lî,4 1.9
Od remarque également la grande fréquence d«6 avortemcnu
chez les Anglaises, dans Flnde; on Tattribue à la àéqaence des
métrorrhagies. En somme, les Anglais ne font pas '«cache dans
rinde. Le D' Wise^ qui a passé trente ans dans ce pays, déclare
qu*il n'a jamais vu un individu, issu de sang européen, à la troi-
sième génération. Aussi nos voisins peuvent domioer dans Tlnde.
mais ils ne la coloniseront jamais! Leurs chittk^ttiêmes sont dans
le même cas; Darwin dit que les grands IMiers anglais per-
dent dans rinde leur type et qu*ils disparaissent à la troisième
génération ; de même, les chevaux d'Europe qu'on emmèoe à la
Côte d'Or et ceux qu'on emmène en Cochinchine, ne tardent pts
à succomber. Au contraire, la race bovine prospère à merveille,
à la côte d'Afrique.
En revanche, la race anglo-saxonne prospère merveilleusement
dans les Etats-Unis du Nord.
Nous pouvons donc conclure que, encore plus que les Français,
l'Anglais aime le Nord et craint les pays chauds.
Nous venons de voir que c'est la race espagnole qui réussit le
mieux en Algérie ; elle s'acclimate très bien à Cuba, et même dans
toute l'Amérique du Sud.
Le Chinois s'acclimate bien aux pays chauds ; quand on con-
sulte la mortalité de diverses races, à la Martinique sur 100 indi-
vidus on voit que la^ortalité des Hindous est de 12, tandis que
celle des Chinois est 9,66.
Il y a des races animales qui sont, pou)r*ainsi dire, can-
tonnées dans certains endroits et qui vivent mal ailleurs. Les
moulons dils cheviotSy qui fournissent les étoffes de ce nom, ne
vivent que dans les montagnes d'Ecosse. Darwin raconte qu'il a
observé un troupeau composé de moutons de Linco/iisAtre, lourds,
gros, et de Norfolk, légers, minces, tous élevés dans un même pâ-
turage, en pente; le haut de ce pâturage était montueux, sec ; le
bas était marécageux. Or la séparation des moutons se faisait
seule: d'eux-mêmes les lincolnshires prenaient le bas, les norfolks
le haut.
ACCLIMATEMENT, DÉFAUT D'aCCLIMATEMEMT. G3f
Les animaux souterrains vivent toujours dans un milieu à
température à peu près constante; aussi le lapin, le rat sont-ils
très cosmopolites. Les plus cosmopolites sont surtout les espèces
domestiques, le cheval, le mou Ion, la chèvre, le bœuf, le porc,
la poule, le pigeon, le chat, le chien ; c'est que pour, tou» ces ani-
maux, dont rhomme prend soin, il y a, dans la lutte contre le
climat, un grand avantage ; l'homme les couvre, les abrite con-
tre le froid» les rafraîchit contre la chaleur. C'est de la même
façon que Thomme civilisé tend à effacer pour lui-même les dif-
férences des climats, et que le civilisé est pour cela même plus
cosmopolite que l'incivilisé.
C'est vraisemblablement à ses mœurs que le juif doit le cos-
mopolitisme évident, dont fait preuve son histoire passée, comme
son étal présent. En Egypte, les juifs étaient tellement acclimatés,
ils multipliaient tellement, que les Égyptiens s'en effrayèrent et
iei chassèrent ; en Palestine, ils s'acclimatent partout, depuis la
profonde et malsaine vallée du Jourdain, jusqu'au sommet du
Liban. Ils habitent aujourd'hui dans toute l'Europe, même dans
le Nord, même au Canada, aussi bien que dans les pays chauds.
Mais le juif travaille peu dehors ; il ne défriche pas, il vit dans
les villes, se défendant contre le froid et contre le chaud, sans
s'exposer aux intempéries.
Le nègre est dans une condition opposée; lui, il est peu cos-
mopolite; le froid le tue surtout rapidement, ce qui tient à son
état social. Quelques exemples le montrent de suite : il meurt de
froid à Gibraltar; il est très mal acclimaté en Egypte ; tout dépend
d'ailleurs des soins qu'il reçoit ou recevait. Les États où l'on
cultive le coton et oii, comme le dit Bertillon. on transforme le
nègre en balles de coton, sont dits consommateurs du nègre. Au
contraire, dans ceux où on ne cultive pas le coton, où Ton fait du
nègre, où l'on cultive le nègre, et qui sont producteurs du nègre,
il prospère.
Quoi qu'il en soit, il ressort de tout ce que nous venons de voir,
que les gens du Nord supportent mal les pays chauds ; les Anglais,
l'Inde ; les Français du Nord, l'Algérie.
Ce qui est vrai de l'homme. Test aussi des animaux. Aux Antilles,
les chiens de forte race meuriût avec des ulcérations cutanées;
leurs nouveau-nés sont également soumis à une mortalité exces-
sive. Le changement des saisons trouble et bouleverse les époques
d'accouplement.
«92 DÉGÉNÊRBSCKNCB.
Cependant Thistoire de TEurope, pour ne parler que d^lle,
nous montre que nos pères craignaient moins que nous le chan-
gement de climat. Commençons donc par constater de quels chan-
gements de climat l'histoire a gardé le soutenir ; nous verrons
alors quels sont les procédés dont elle nous montre le succès ;
nous pourrons comprendre le mécanisme de l'acclimatement et
nous pourrons arriver à formuler les lois de Tacclimatation.
La première et plus ancienne migration qui nou^^téresse,
est celle des Ariens, nos pères, partis du plateau de TAsie cen-
trale, entre 34* et 41» de latitude, sous la même ligne isotherme
que la France. Les uns entrent en Europe, deviennent, après
bien des siècles et bien des mélanges, les Celtes, les Pelages, les
Hellènes, les Slaves, les Goths, les Germains; les autres vont au
midi et fondent dans le chaud Hindoustan, là où les Anglais meu-
rent aujourd'hui, une belle civilisation ; ils y sont encore. Or quel
est le procédé suivi par eux ? Leur acheminement a mis des sièeka
k se faire; il ne s'est fait que pas à pas, et nous ne constatons
qu'une succession de petits acclimatements. De plus, partout oà
il a passé, TArien s*est métissé avec la femme du vaincu. Le mé-
tissage a donc aidé ici le petit acclimatement. Comme le dit Ber-
tillon : « Ainsi s*est diversifiée la race indo-européenne, par une
« migration de proche en proche, n'exigeant de Torganisme de
« plusieurs générations, que la modification peu profonde du pe-
a ttt acclimatement; par des croisements avec les femmes des
« vaincus aborigènes et par une longue sélection, l'organisme
« indo-européen s'est coordonné aux diverses latitudes de TEu-
f rope et même à l'insalubre climat de Tlnde et ainsi ils se sont ré-
c paiidus en vainqueurs, triomphant à la fois et des climats et des
« habitants, depuis le cercle polaire, presque jusqu'à Tcquateur. t
Cette race indo-européenne, qui se montre si souple à l'accli-
matement lorsqu'elle a pour elle la marche par étape, un grand
nombre de siècles et les croisements, perd au contraire cette
souplesse lorsqu'elle opère brusquement. Ainsi le Romain vain-
queur a eu beau coloniser TAlgérie, il n'y a rien laissé, ni type
ni mœurs, que des ruines, comme les Anglais dans Tlnde; alors
qu'au contraire, dans tous les pays au nord des Alpes, son
empreinte dure encore ! Les barbares qui vinrent détruire Tem-
pire romain, étaient eux-mêmes des Ariens, mais changés d^à
par leur habitat dans les pays du Nord et par le métissage. Là où
ils sont venus brusquement, ils n'ont subsisté que dans les pays
ACCLIIIATEIIENT, DÉFAUT D'aCCLIIIATEIIENT. 63 S
du Nord. Tels, les Anglais, les Saxons, les Normands, les Francs,
les Bourguignons, les Germains; au contraire les Goths ont fondu.
Comme le dit Ph. Le Bas : « Le climat du midi impitoyable pour
f un homme du Nord, décime promptement cette armée con-
f quérante, et il ne fallait pas un siècle, pour qu'il fût impossible
t de trouver un Goth en Italie. » Les Wisigoths ont eu, en Espa-
c gne, un sort plus heureux; mais cela a été dû à de nombreuses
f et fréquentes unions entre eux et les Espagnoles, b Ce sont leurs
métis qui, partis du nord de la Péninsule, repousseront plus tard
les Maures; ils parlent latin, dit Bertillon : a mais ils retiennent
a les rudesses et les aspirations du gothique. » Quant aux Yan*
dales, ils fondirent, tout seuls, au soleil d'Afrique, et Bélisaire ne
trouva plus que des ombres à expulser.
Les procédés dont l'histoire nous montre l'efficacité sont donc:
le métissage, le petit acclimatement, la longue durée des temps !
Les peuples qui n'ont pas suivi ces lois ont rapidement dégénéré.
Ainsi les Scandinaves avaient jadis fait une colonie au Groenland ;
mais cette colonie n*a pu durer. En Islande, la population Scandi-
nave, c'est-à-dire arienne, va toujours en diminuant. Au con-
traire, les peuples qui suivent ces lois, s^acclimatent. Les Russes
s'avancent chaque jour davantage vers le Nord, mais ces Russes
ne sont pas seulement des Slaves, c'est-à dire des Ariens, mais
aussi des Finnois, des Ougriens et ils s'acheminent lentement. Si
les Espagnols colonisent si bien dans les pays chauds, c'est que le
sang espagnol est depuis longtemps mélangé de sang sémile, par
Tyr, par les Ibères, par les Maures et que l'Espagnol n'a pas hor-
reur de la négresse même, comme le Français et surtout comme
l'Anglo-Saxon.
■éeaaUme de l'aecllmatement. — Voyons quels sont les
changements favorables ou défavorables qui se produisent, lorsque
l'acclimatement a lieu, ou au contraire lorsque le nouveau venu
dégénère ; voyons quel est le mécanisme de l'acclimatement et du
non -acclimatement. S'acclimater, c'est subir, sous l'influence du
milieu, un certain nombre de modifications, qui, dans ce milieu
donné, sont utiles, et les transmettre, par hérédité, à ses enfants
pour qui on a fait ainsi les premiers pas dans la voie de l'accli-
matement. Sans doute ces modifications, si la race n'avait pas
changé de milieu, seraient un désavantage* mais, dans le milieu
nouveau, elles sont un avantage : ainsi perdre sa laine, pour un
mouton, c'est, sous les tropiques, un avantage ; dans notre i^a^s^
634 DÉGÉNÉRESCENCE.
ce serait pathologique. Prendre une feuille charnue, velue, pour
un végétal dans un lieu humide, frais, abrité serait désavanta-
geux, pathologique; au bord de la mer c*est un avantage. Pren-
dre un certain degré d*anémie, un fonctionnement spécial du foie,
une coloration particulière de la peau, en France, serait une ma-
ladie ; aux Antilles, ce sera un premier pas vers racclimatement.
Dans les pays chauds, le premier effet est une stimulatioo,
un sentiment de force; tout semble possible. Les habitants rient
de cet enthousiasme, qu*ils savent par expérience n'être pas
de longue durée ; c'est la première période qui commence. Elle
est caractérisée par l'aptitude à la ûèvre jaune, à la dysen-
terie, par des troubles gastro-intestinaux, par de Tanémie ; elle
dure deux ou trois ans ! La deuxième période dure autant que le
colon; elle est caractérisée par la décrépitude, la dysenterie,
riiépatitc, car Thabitude ne confère pas Timmunité. Ainsi on croit
généralement qu'un même individu acquiert d'autant plus d'apti-
tude pour le climat chaud, qu'il Thabite depuis plus longtemps;
c'est une erreur : il n'y a d'autre immunité que celle que confère
le t'ait d'avoir eu déjà la maladie et c'est à tort qu'on prend pour
de l'immunité l'état latent, ou mieux chronique, de l'empoisonne-
ment paludéen, avec grosse rate, gros foie et troubles dyspepti-
ques. Les Anglais ont si bien compris que Thabitude ne sert à rien,
qu'ils ont dû renoncer à l'échelonnement des garnisons sur
la route des climats insalubres. Us ont dû avoir recours à la
création de troupes indigènes et à la séquestration des troupes
curofiéennes sur les hauteurs pendant la saison chaude.
Quoi qu'il en soit, au bout d'un certain temps, grâce à la sélec-
tion, il s'est fait dans le milieu intérieur de l'acclimaté certains
cliangenients en harmonie avec le climat. Ces changements sont
tels, que les insectes peuvent les apprécier. Ainsi, Darwin dit que
les blancs, nés sous la zone torride, peuvent marcher pieds nus
dans un appartement, où le blanc débarqué d'Europe sera envahi
par la chique (Pulex penctrans); c'est-à-dire que le milieu intérieur,
les sucs du créole ont pris sous l'influence du climat, ce je ne
sais quoi d'appréciable pour le Pulex pénétrons. Ce choix fait par
un insecte, il est fait également par les microbes des maladies
virulentes ; c'est ainsi, par une foule de changements plus ou
moins appréciables, que se fait l'adaptation au milieu. Jusqu'à
un certain point, un certain degré d'anémie n'est pas défavorable
sous les tropiques ; les espèces laineuses perdent leur laine ; c'est
ACCLIMATEMENT, DÉFAUT d' ACCLIMATEMENT. 635
ainsi que le Yankee prend un type spécial, caractérisé par la dis-
parition du tissu cellulo-adipeux, Tamoindrissement du système
glandulaire, l'allongement des formes. Néanmoins, il est faux de
dire que le Yankee tourne au Peau- Rouge.
Par une série de mensurations faites sur le personnel d'un
navire^ le D' Rattray a vu que la capacité pulmonaire augmen-
tait dans les pays chauds de 12,24/100, de ce qu^elle était avant.
Chez le même équipage, revenu des pays tropicaux en Angle-
terre, la capacité pulmonaire diminuait. Dans toutes les races,
le phénomène est dans le même sens, mais la capacité pulmo-
naire du noir diminue davantage que celle du blanc, lorsqu'il
passe du chaud au froid; ce qui explique la tendance qu'il pré-
sente à la phthisie.
Le nombre des respirations par minute diminue : il est de i4dans
les pays chauds, au lieu de 17 dans les pays tempérés; de sorte
qu'en t\n de compte l'absorption de Toxygène est moins considé-
rable. Rattray estime à 15 le nombre de pouces cubes introduit
dans le poumon, à chaque inspiration, en Angleterre, et à 16,836
ce même nombre sous les tropiques. 11 fait alors le calcul suivant:
15 >< 17 respirations = 255 pouces cubes; 16,836 x 14 respi-
rations = 235, p. c. 704. Soit une différence de 19,296 ou
7,567 0/0, en faveur des pays tempérés.
Quant à la distribution du travail de Télimination de Teau par
les organes. Le tableau suivant donne la mesure de celte élimi-
nation par les organes différents :
Pays
tempérés. Tropiqaes.
Reind 59,54 de Teau totale éliminée. 4â
Poumons 26,97 22
Peau 8,55 30,99
Intestin 4 ,93 5
On voit que, dans les pays tempérés, le maximum du travail
éliminateur de Teau, appartient aux reins, tandis que, dans les
pays tropicaux, le maximum de ce travail est effectué après les
reins et par la peau, ce qui nous explique la fréquence des ma-
ladies de peau dans ces régions.
Une autre action organique des climats chauds, c*est la fonction
exagérée des vaisseaux lymphatiques ; c'est à elle qu'il faut attri-
buer la lymphangectasie et Vérysipèle lympluttique rvticulairc
686 DÉGÉNÉRESCENCE.
des pays chauds. Dans certains cas, l'hématurie chyteuse &i peut-
être rattachable à cette hyperfonction des lymphatiques ; mais le
plus souvent, ainsi que je Pai dit précédemment, la maJadie est
parasitaire et due au Distoma hematobium.
Le cerveau n'échappe pas à Taction spéciale des pays chauds :
le D' Mondière a remarqué que ces pays donnent à l'Européen
une disposition nerveuse spéciale, par suite de laquelle l'individa
le plus doux devient d'une irritabilité extrême, qui le porte par
exempte à faire frapper un serviteur maladroit ; il explique ainsi
les mœurs barbares trop souvent adoptées par les Européens dans
ces contrées.
L'acclimatement de la race ne suit pas forcément racclimale-
ment individuel ; ainsi il faut compter avec la mortalité considé-
rable des nouveau-nés, qui parfois se présente avec un acclima-
tement apparent des individus adultes. Un exemple célèbre est
fourni par les Mameloucks circassiens, qui, puissants en Egypte, y
perdaient cependant leurs enfants et ne se recrutaient que par un
arrivage toujours nouveau. Les individus qui ont échappé aux
dangers qui attendent le nouvel arrivant, sont déjà choisis, la
sélection a fait déjà son action sur eux ; on observe bien encore
chez eux les formes ébauchées des quatre grandes maladies tropi-
cales : Taiiémie, la fièvre palustre, la dysenterie et Thépatite; mais
on n'observe que des sortes de diminutifs de ces maladies, comme
le tonlo qui, au Mexique, est un diminutif de la fièvre jaune. La
sélection opérant toujours, on finit ainsi par acclimater des séries
d'individus; mais pour que racclimatement soit réel et non pas
seulement apparent, il faut qu'après un certain nombre de géné-
rations, le nombre des naissances soit supérieur à celui des décès;
c'est ainsi que les Espagnols, à Cuba, bien qu'ils soient très loin
d'être exempts des maladies des Européens dans les pays chauds,
ont cependant une natalité de 41/1000, tandis qu'en Espagne la
natalité n'est que 36/1 000. H y a plus : d'après Ramon de la Sagra,
leur mortalité (24/1 000), est moindre qu'en Espagne (27/i 000).
TransformUme. — Dans tous ces cas, la transformation de
Torganisme s'est effectuée sous l'excitation du climat. Il est
intéressant de trouver dans Tite-Live, à la fois un exemple et
une théorie de ces faits. Parlant de ces Gaulois qui, six cents
ans avant Jésus-Christ, traversèrent la Germanie de l'Ouest à
l'Est et finirent par être battus sous le nom de Galates, à
Delphes, par Manlius, il raconte que ce général dit à ses sol-
TRANSFORMISME. 637
dats : a Ce ne sont plus les Gaulois du tumultus gallicus que
f vous allez combattre ; ceux-là sont dégénérés ; ils sont nés en
f terre étrangère. » Et il ajoute: Sicut in frugibus pecudi--
busqué non tantum semina ad servandam indolem valent,
quantum terras proprietas cadique sub quo alantur mutât.
Autrement dit, comme pour les fruits et les troupeaux, la valeur
n'est pas seulement une affaire de race, c'est aussi une affaire de
milieu. Il faut pour trouver le père de la théorie de Tinstabilité de
l'espèce, remonter après Tite-Live, à Bacon. « Les plantes dé-
< génèrent quelquefois, dit-il, jusqu'au point de se convertir en
M plantes d'une autre espèce. » Et dans sa Nouvelle Atlan-
tidCy supposant, dans une île imaginaire, tous les progrès réalisés,
il place de vastes jardins, où, à Taide de méthodes appropriées,
« on transforme les arbres et les plantes d'une espèce en végé«
ff taux d'une autre espèce. » Le transformisme a d'ailleurs pour lui
BufTon (2« manière), car après une première période, 1753-1 756,
où partisan de l'invariabilité, il disait : « Les espèces dans les
0 animaux sont toutes séparées par un intervalle que la nature
ff ne peut franchir, elle dicte des lois simples, mais immuables,
c imprimant sur chaque espèce des caractères inaltérables, » il
ajoute (deuxième période, 1761-1766): « Combien d'espèces se sont
ff dénaturées , c'est-à-dire perfectionnées ou dégradées par les
c grandes vicissitudes de la terre, et ne sont plus les mômes
a qu'elles étaient autrefois. On sera surpris de la promptitude
« avec laquelle les espèces varient et de la facilité qu'elles ont de
a se dénaturer en prenant de nouvelles formes. » Enfin, « il est
a une considération importante, c'est celle du chanj^ement des
M espèces mêmes, c'est cette dégénération qui paraît s'être faite
ff de tout temps, dans chaque famille. » H est vrai que dans une
troisième période, BufTon adopte une opinion mixte (1766-1778).
ff L'empreinte de chaque espèce est un type dont les traits prin-
a cipaux sont gravés en caractères ineflaçables et permanents à
ff jamais, mais toutes les touches accessoires varient. »
Un ancêtre du transformisme qu'on ne cite guère, c'est Cuvier.
Pourtant en 1795, il écrivait : « Ce que nous appelons espèce
ff pourrait bien n'être que les diverses dégénérations d'un même
tf type. j> Il est vrai qu'en 1817, il décrète l'inamovibilité, a Tous
ff les êtres appartenant à Tune des formes perpétuées depuis l'ori-
« gine des choses, constituent ce qcft Ton appelle une espèce. »
Enfin à une époque où Lamarck croyait encore au dogme de
eus DEOÉNÉRESCENGE.
rinamovibilité de l'espèce, Geoffroy Saint-Hilaire disait : c L^es-
ff pèce est fixée, sous la raison du maintien de Tétat conditionnel
c de son milieu ambiant, elle se modifie, elle change, si le mi«
f lieu ambiant varie, et selon la portée de ses variations, t Mais
c*est Lamarck qui a dit : f La variabilité est illimitée, la nature
f par la succession des générations^ et à Taide de beaucoup de
f temps et d'une diversité lente, mais constante dans les circon-
ff stances, a pu produire dans les corps vivants de tous les ordres,
f les changements les plus extrêmes et amener peu à peu, à
c partir des premières ébauches de Tanimalilé et de la végétalité,
ff l'état de choses que nous observons maintenant. La nature
ff n'offre que des individus qui se succèdent les uns aux autres
fl par la génération, et qui proviennent les uns des autres ; les
ff espèces, parmi eux, ne sont que relatives, et ne le sont que
(K temporairement ; la chétive durée de Thomme lui permet diffi-
ff cilement d^apercevoir les mutations considérables qui ont lieu
ff à la suite de beaucoup de temps, i
§ â. SOL.
J'ai longuement décrit dans une autre partie de ce livre la
dégénérescence palustre et le crétinisme spécial, si bien décrit
par Burdel (de Vierzon) ; ie véritable remède à cette cause de
dégénérescence est dans le dessèchement par l'agriculture et, pour
y arriver plus sûrement, par plusieurs routes, dans la division de
la propriété, il faut que la terre appartienne à ceux qui la culti'
vent; c'est là une conséquence sociale inévitable quelque dure
qu'elle puisse paraître aux classes qui se sont crues et intitulées
jusqu'ici dirigeantes. Sous Henri IV, alors que les protestants la
travaillaient, la Sologne était fertile. La république romaine elle-
même a péri par Tabsence de division de la propriété. Lati-
fundia perdiderunt Rempublicam, Je n*ai pas non plus à revenir
ici sur le goitre, ni sur Tanémie des altitudes.
§ 3. AUMENTATION.
Nous avons étudié ailleurs, les maladies d'alimentation:
famines, ergotismes, pellagres, alcoolisme.
§ 4. MALADIES.
Je n'ai pas à revenir non "^I us sur la variole, la syphilis et la
phthisie pulmonaire. 11 est incontestable que cette dernière ma-
CAUSES 80CULE8. 639
ladie est une des principales causes de la dégénérescence des
races : c'est contre elle que doivent réagir ceux qui s*occupent
d'hygiène individuelle et mieux de cette science naissante qui
est appelée quelque jour à régir les républiques scientifiques de
l'aYenir, Vhygiène sociale, « La recherche de la tuberculose, dit
€ le D' Gueneau de Mussy, se rattache à la question de la dégé-
nération des races, n 11 serait intéressant de rechercher, c quels
<r auiiliaires les envahissements de cette maladie, trouvent dans
« notre état social actuel, dans nos institutions, et dans les
« erreurs de Thygiène publique. Le remède de la phthisie, dit
<r éloquemment Pidoux, on ne le trouvera pas dans la médecine
(( individuelle, mais dans la médecine sociale; celle dont les
u bons esprits appellent et préparent Tavènement ; celle qui,
« prenant la race au berceau, la suivra dans son évolution,
f jusqu'au développement physique. Une part plus équitable dans
€ l'éducation de la jeunesse veillera à la salubrité des habita-
« tiens et des aliments, combattra par l'éducation, plus large-
<{ meut distribuée, par l'enseignement populaire de Tliygiène,
a les vices destructeurs, les erreurs inévitables de l'ignorance. »
§ 5. CAUSES SOCIALES.
•
Les défauts et peut-être les conséquences forcées d'un état
social avancé, telles sont, surtout, les causes capitales de la dégé-
nération des races. Dans les familles aristocratiques, dans les
castes fermées, dans la noblesse, le défaut de lutte pour la vie,
cette sorte de pléthore financière, qui engendre l'apathie intellec-
tuelle et générale, ne sont pas moins préjudiciables que le défaut
contraire, l'excès de lutte et l'anémie générale qui caractérisent
actuellement les classes militantes, c'est-à-dire les plus nom-
breuses. On brûle l'existencCf disent quelquefois ceux qui la brû-
lent le moins; le fait est qu'il y a moins de vieillards aujourd'hui
qu'autrefois. En 1751, en Suède sur 10000 habitants, on comp-
tait un nombre de vieillards au-delà de 90 ans, égal à 6,60 pour
les hommes et 10,4 pour les femmes. En 1855, on ne trouve plur
sur 10000 que 1,25 pour les hommes et 3,3 pour les femmes.
C'est qu'une foule de maladies perpétuées dans les familles ont
pour aboutissant commun la dégénérescence. On voit, dit Morel :
<( la terminaison fatale d'une série d'existences antérieures, qui
« se résument par leur côté maladif, dans une existence indivi-
•4t DtaÉIÉEESCBHCI.
€ iluelk. f Void eomiiient cet obsermleiir si original décril
celle e&pèce de dégénérés : « Il existe des individus, qui réso-
c ment dans leur personne, les dispositions organiques vicieoseï
c de plusieurs générations aniérieores; ces gens sont caracté-
c risés par des habitudes physiques particulières : petitesse os
ff mauvaise conrormatinn de la tète, prédominance d*an tempéra-
c ment maladif, difformités spéciales, anomalies dans la structure
c des organes, impossibilité de se reproduire, aberrations étnm-
€ ges dans Texercice des facultés intellectuelles et des senti-
c ments moraux, t
La dégénérescence s*accuse surtout dans les villes. Parmi les
causes de dégénérescence qui agissent sur la plus grande
partie des populations urbaines Ûgurent les conditions mal-
saines où s'exerce encore Tindustrie. Diaprés Layet, tandis que
les départements agricoles donnent 8 058 réformés sur 20 000 con-
scrits, les départements manufacturiers en donnent 14451. Dans
les régiments, la résistance des campagnards est supérieure à celle
des citadins. Tandis qu*à Londres la mortalité est de 25,7/1 000,
elle est à Liverpool, ville essentiellement industrielle, de
35,25/1 000. Sans doute la vie industrielle sera toujours moins
saine que la vie agricole, mais cette condition de l'industrie est
cependant appelée à s'améliorer. Tant que la force motrice, si
coûteuse, peu transportable, peu divisible, a été uniquement aux
mains du capital argent, celui-ci a dû Taccumuler dans un foyer
unique autour duquel viennent se grouper les travailleurs, comme
les mouches autour de la lumière ; Tusine caserne marchant mili-
tairement sous un maître, est une conséquence forcée de Tétai de
la mécanique actuel ; or Tusine caserne évoque de suite une série
de causes de dégénérescence physique, intellectuelle, sociale en un
mot. Il n'en sera plus de même, le jour où, ainsi que les der-
nières expériences de Munich, de Paris et de Grenoble permet-
tent de le prévoir, rélcctricité permettra non-seulement de
transformer sur place en force utile, les forces de la nature,
mais surtout de diviser, de détailler la force motrice et de la
transporter au loin. Alors au lieu que ce soient les ouvriers qui
Tiennent chercher la force motrice aux dépens de leur santé et de
toutes les conditions physiologiques qui font la vie morale, ce
sera la force motrice qui, comme Teau, comme le gaz, sera dis-
tribuée dans le ménage de l'ouvrier, qui Tutilisera chez lui, seul
ou associé avec quelques voisins.
CAUSES SOCIALES. 4i4t
En dehors des conditions industrielles à proprement parler, les
villes présentent d'ailleurs de nombreuses causes de dégénéres-
cence; tandis que dans les campagnes, la mortalité est de 212
sur 10000 habitants, elle est de 271 dans les villes (Lagneau).
Dans les grandes villes, à Paris, non-seulement la mortalité est plus
considérable, mais la constitution des survivants finit par perdre
de sa force et de sa vigueur et, caractère essentiel de la dégé-
nérescence, la race s*éteint. Tous ceux qui ont fait des recherches
dans ce sens s'accordent en effet à reconnaître la rareté, dans
la population parisienne, des natifs à la 3* génération ; ils ne con-
stituent que 1/3 de la population totale. Ceux de la 4* génération
ne figurent dans la population totale que pour 1/14 (Lagneau).
C'est parmi les dégénérés que Morel n'eût pas manqué d'inscrire
cette lie des grandes villes, qui, victime de notre état social autant
que de sa propre paresse, constitue la matière première avec
laquelle la société fabrique les vagabonds d'abord, les récidivistes
ensuite.
La gravité de ces conditions est d'autant plus grande que, par
un mouvement progressif, la population des campagnes tend de
plus en plus à affluer dans les villes. Lagneau estime en effet que,
depuis 26 ans, les campagnes ont donné aux villes 1/15 de
la population totale du pays, soit 66,4 habitants sur 10000. Il cotn-
pare cette situation à celle de l'empire romain au moment de
l'invasion des barbares. La comparaison n'est heureusement pas
juste de tous poiuts. Si notre société présente ce même phé-
nomène, les temps sont différents et les individus aussi. Si les
campagnes sont désertées, c'est qu'elles n'offrent pas encore aux
intelligences d'élite la pâture suffisante ; mais qu'on y répande
l'instruction, les lectures, les conférences, qu'on y développe sur-
tout l'enseignement professionnel qui y manque à peu près com-
plètement et on aura plus fait pour enrayer le mouvement que
nous déplorons, que par tous les discours, qui ne convainquent
que ceux qui sont déjà convaincus d'avance.
L'instruction, l'abandon de tous les vieux préjugés, la science
prise comme unique guide de la vie individuelle et de la vie so-
ciale : voilà le seul moyen d'éviter la dégénérescence. Les temps
ne sont plus où la foi sauvait ; les sociétés modernes ne doivent
pas oublier qu'il n'y a que la Science qui puisse les conduire.
FIN.
OÉOGR. uto. KV
1
• *>
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES
Abcès palmaires, fréquents en
Chine, 495.
— du foie, 526.
Absinthe, 154.
Acnrus, choisit les sujets mala-
des, 437.
Acclimatement, 8.
— dans les pays chauds, 15, 627.
— son mécanisme, 633.
Accommodation, 8.
Accroissement du corps suivant
la race, 551.
Acerotherium, 184.
Achorion keratophagtts^ 401.
— Schœnlii, 401.
Acide arsénieux, contre la pella-
gre, 135.
— racémique, 438.
— sulfureux, comme prophy-
lactique de la Oèvre jaune,
278.
— tartrique, 438.
— tartrique (ferment spécial de
1'), 439.
Aconit, mangé sans danger par
les chevaux et les chèvres, 436.
Aconitum napellus, 5.
Acrodynie, 136.
Actinômycète, 310.
Actinomycosc, 309.
Actinomvcosis hominiSf 310.
Adanto blaka, 871.
Affections miasmatiques, leur
fréquence comparée chez lus
Anglais et les nègres, 464.
— nerveuses, 464.
— vermineuses, 464.
Afrique (mortalité des Anglais
en), 62K.
Agave, 109.
Age, son influence sur Tapti-
tude morbide, 550.
A^rénésie, 608.
Ail, son action sur le mal des
montagnes, 71 .
Aiuhum, 467.
Alnos, 497.
Air (raréfaction de T), 56.
Alamans, 535.
Albinisme, 580.
— distribution géographique,
581.
Albinos, 581.
Albuminurie, sa fréquence sur
les altitudes, 68.
— fréquente chez le chat, 69.
Alcoolisme, histoire et géogra-
phie, 150.
— {inebriate asylum contre Y),
153.
— dans Tannée, 167.
— Dnmkard's Homes, 160.
— cause de dégénérescence so-
ciole, 160.
— (croisade de Coffee tavcm
Company contre 1'), 178, 627.
Algérie (acclimatement en), 628.
Aliénation mentale, rare sur les
hauteurs, 66^ 417, 418.
Alimentation, 98.
— de rhomme, 100.
— son influence sociale, 108.
— insuffisante, 139.
— sou influence sur l'aptitude
au charbon, '547.
— son action sur la dégénéres-
cence, 627, 638.
Alkmi ou Lakmi, liqueur faite
avec le suc de palnii&\:>l^V«
Allophyles, \&^0.
644
TABLE ALPflABÉTIQUB DBS MATIÈRES.
Alpaca, analyse de son sang
sur les altitudes, 70.
Alpentisch, 67.
Alsace (rareté des calculs en),
548.
Altitude, son action sur la tem-
pérature, 50.
— son action sociale, 65.
— (pathologie spéciale des], 66.
— (action des) sur la phthisie,
930.
Américains, leur origine, 515.
— (migration des), 517.
— caractère pathologique, 519.
— caractères préhistori(iue8,leur
. pathologie, 520.
Ampa, 112.
Amphipodes, 28.
Amphistome du bœuf, 354.
Amphistomum conicum, 352.
Analkal, 306.
Androgynes, 494.
Anémie'pcruicieusc du Nord, 20.
— des cnions de meute, 332.
Anes (action toxique des faines
sur les), 435.
Aneethésie produite par la chu-
Ifur, 8.
— lépreuse, 818.
An^vrv8m«»8 vermiueux, 875.
Aiigioleucite éléphantiasique,
380.
Anglais, leur degn^ d'acclimate-
ment à Malte, 628.
Anglo-Saxons, 536.
— acclimatés aux Etats-Unis,
630.
Anguiilula stercoralis^ 356.
— intestinaliSy 375.
Animaux (phénomènes com-
muns aux) etaux végétaux, 27.
Ankylostom(> duodénol, 348,350.
— tfu bœuf, 352.
— du chat, 352.
Anomalies réversives. 573.
Anophthalmus gaUicus^ 29.
Anoxhémie des hauteurs^ 64,
65,627.
Anthropomorphisme. 423.
Antilles (acclimatement aux),
628.
Antilope gutturota^ 216.
Antimoine, passe pour être sans
action sur le porc, 486.
Antisiens, 520.
Aptitude, 8.
— de la canne A sucre pour co^
taines maladies parasitaires,
437.
~ morbide, rarie saîTant U
couleur, 436, 437, 441.
~ des indiTidus malades poor
les parasites, 437.
— des membres d*une même
famille végétale pour on
même parasite, 439.
» morbide, 547, 548, 549, 552.
— morbide locale, 549.
Aqua da verugas, 803.
Aquitaine, 538
Arabes, 523, 525.
— leur caractère pathologique,
525.
— supportent les grandes opé-
rations, 525.
Arak, bière de millet et d'orge,
152.
Araucaria brasiliana, 821.
Arbre à la vache, 109.
- à pain, 513.
Arc (usage de T), 510.
Arec, 510.
Areca catechu,i^Z.
Arenga saccharifera, 109.
Arevarera, dermatose qui ca-
ractérise Tavatsme, 178.
Ariol, 513.
Arrêt de développement, 575.
Arsenic, son action sur le mal
des montagnes, 71.
Arthrite sèche en Amérique, 520.
Articulation des sons, son dé-
but, 82.
Arum maculatum, 25.
Aryens, 538.
Ascaride lombricolde, 367.
Ascite parasitaire, 377.
Asctepias acida^ 152.
— tuberosOf 109.
Asparaçine, 26.
Asphyxie solaire, 9.
Association, 407.
Assolements, 555.
Astoragazza, 429^ 431.
Atavisme, 567.
— anatomique, 568.
— intellectuel, 571.
— pathologique, 571.
Athéromes, 93.
Atmosphère, i.
TABLB ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
645
Atmosphérique (poussière), 44.
— (germes), 46.
— (pression), sadiminution, 52.
— (teusion), 6i.
— (pression), son augmenta-
tion, 76.
— (pression), son rôle dans
l'évolution organique, 77.
Auvergnats, 533.
Avaisme, 173.
Aveugles (animaux) par adap-
tation au milieu, 561.
Avortement, fréquent dans
rinde chez les Anglaises, 630.
Aymaras, 413, 518.
B
BacUlus malariêg, 200.
- typhoswi, 247.
— leprx, 326.
— de la phthisie, 337.
— suùtilis, 564.
— anlhracitf 564.
Bacti^ridie charbonneuse (action
de la chaleur sur la), 2.
Bacteridium bi^unneum, 200, 292.
— punctunij dans l'érysipèle,
28.1.
Bactérie du charbon, 293.
— du pemphigus, 293.
— de la phthisie, 337.
— de la syphilis, 346.
— du caoutchouc vulcanisé, 346.
Bactet'ium punctum dans la
scarlatine, 238.
Balancement organique, 577.
Bananier, 163.
Bang, sorte du cannabis indicay
174.
Barbades, mortalité comparée
des Anglais et des nègres, 463.
Bec de Tencéphale, 594, 595.
— de-lièvre, 583.
— de-lièvre, sa distribution
géographique, 586.
Bechuanas, 555.
Bedas, 581.
Belges, 535.
Belladone, sans action sur les
rongeurs, 431.
— sou emploi prophylactique
contre la scarlatine, 553.
Berbères, 522.
Béribéri, géographie, 137.
Béribéri, prédilection pour cer-
taines races, 138.
— causes et symptômes, 139.
— nature etanatomie, 140.
— (micrococcus de), 140, 141.
— pathologie comparée, 141.
Béribérique (barre), 139.
Bétel, 182.
— son rôle prophylactique con-
tre la diarrhée de Cochin-
chine, 358.
Beurre de montagne, 112.
Bichoda Costa, 371.
Bicho da taquera, 105.
Bière, 154.
Bilirubine, 26.
Bitter, 154.
Blafards, 581.
Blancs battus, 423.
— petits, 619.
Blennorrhagie (inoculation du
microbe de la), 225.
Boasie, 317.
Bodik, liqueur de Malaisie faite
avec le riz, 153.
Bœufs (action des altitudes sur
les), 69.
— hollandais, ont peu d'apti-
tude pour la péripneumonie,
438.
— niata, 602.
Bohémiens, 30.
fiooza, liqueur faite avec Torge,
150.
Botocudos, 415, 519.
Botoque, 415.
Bothrops lanceofatut, 184.
Boubas, 482.
Bougainvillœa, 23.
Bouhou, 241, 512.
Bourbouilles, 12.
Bouton d'Alep, 294, 304.
-- d'Amboine, 482, 505.
— des Andet, 299.
- de Bagdad, 294, 304.
— de Biskra, 294, 304.
- de Bombay, 294.
~ de Delhi, 294.
— de Guzerate, 294.
— d'Irlande, 486.
— du Nil, 294.
— des Zibaus, 294.
Bovidés, craigucut le coqueli-
cot, 435.
Brandy, 154.
6^6
TABLS ALPHABÉTIQUE DBS MATIÈRES.
Brassica japoniea, 103.
Bretons, 533.
Brom, aliment fermenté et usité
eu Malaisie, 153.
Bronchite, fréquente sur les
hauteurs, 67.
— capillaire épidémique des
armées, 236.
Brondo, 362.
Brosimum galactodendron ,109.
Bubas, 341.
Bubons pestilentiels, 262.
Bulgares, 533.
Burgondes, 535.
Buming of the feet, 137.
Cacabay, 317.
Cachexie africaine, 848, 354 .
— aqueuse chez le mouton et
chez le bœuf, 353.
— ossifrage, 91.
— paludéenne, 194.
— urbaine, 406.
— vermineuse, 348, 352.
Cactus (aptitude différente de
deux) voisins pour une même
maladie parasitaire, 441.
Csecum, ses anomalies chez les
microcéphales, 596.
Café, 486, 525.
Caféine, son action différente
sur deux espèces de grenouil-
les, 435.
Cagnc, maladie des arbres, 347.
Calcaires, leur action, 90.
Calculs, 93.
Calenture, 10.
Calotte, disposition spéciale
d'une partie de Tencéphaïe
chez les singes et chez les
microcéphales, 695.
Calumet, ses coniéquences chez
les Peaux-Rouges, 325.
Campagnes, leur action, 406.
— (abandon des), 627.
— fréquence de Tathérome^
94.
Cancer , fréquence comparée
chez les Anglais et chez les
nègres, 464.
Canitie en Amérique, 520.
Cannabine, 174.
Cannabis in&ica, 173.
Caprines (espèces), leurs aptitu-
des pathologiques, 454.
Captivité, son action, 407.
Caracha, 305.
Carate, 317.
Cardiopathies parasitaires, 37S.
Carie dentaire chez les OuoloSs,
due à la noix de Kola, 171.
— fréquente à la Guyane, 90.
— fréquente chez les popula-
tions préhistoriques, 531.
— fréquente chez les popula-
tions kymriques, 5J6.
Carrathes, 521.
Cascadoé, 317, 507.
Cassave (pain de), sa mastica-
tion, 154.
Castes, leur action, 627.
Castration, proposée contre la
lèpre. 327.
— cnez la femme, 416.
— chez l'homme, 417.
— (demi-), 417.
— son action sur les aptitude
pathologiques, 549.
Catha eduiis, 525.
Caussenards, 95.
Ceinture contre la faim, 112.
Celtes, 533, 541.
Cercaria echinata, 353.
Cerf (analyse de son sang sur
les altitudes), 70.
Cerveau, action de la lumière
sur lui, 38.
•^ action de la décompression
atmosphérique, 58.
— lenteur de ses fonctions sur
les altitudes, 65.
— son volume varie avec l'état
de civilisation, 404.
Cbacrelas, 581.
Chalaub, son emploi, 151 .
Chaleur, son action sur les êtres
inférieurs, 2.
— son action sur les organis-
mes complexes, 5.
— son action sur la germina-
tion, 5.
— résistance variable des ani-
maux à sang froid et des
animaux à sang chaud, 6.
— comment elle tue, 7.
— (eoup de), 9.
— son action dans les pays
chauds, 12.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
647
Chaleur, cause de mortalité in-
fantile, 14.
— son action sur l'évolution
sociale, 15.
— influence de la couleur noire,
455.
— dans les habitations, 490.
— son action sur la respira-
tion, 635.
Chameau, immunité toxique,
436.
Chancre du Sahara, 294.
Chandoo, préparation d'opium
usitée en Chine, 176.
Charbon bactéridien, 292.
— symptomatique, 292.
— b'actérien, 292.
— (sang dans le), 441, 458,558.
Chat (fréquence do Talbuminu-
rie chez le), 69.
Chauiage des blés, sa nécessité
en Cochinchine, 93.
Cheiropodalgie. 137.
ChenoDodium cninoa, 163.
Cheval (action des altitudes sur
le), 69.
— ses maladies en Cochin-
chine, 92.
— aptitude toxique, 435, 436.
— (action de la morphine sur
le), 435.
— présente une mortalité qui
varie suivant sa provenance,
437.
— sujet au diabète sucré, 442.
- guéri de la pousse à Caute-
rets, 443.
— sujet à la dengue, 448.
— (méningite cérébro-spinale
du), 448.
— présente une forme spéciale
dn charbon, 454.
— sujet à la grippe, 454.
Cheveux (nature des) dans la
race jaune, 489.
Chèvre, mange le tabac et Ta-
conit, 435, 436.
Chica, bière d'ananas et de
mais, 154.
Chien (ankylostomie du), 353.
— son rôle dans le transport du
tœnia échinocoque, 364 «
— aptitudes toxiques, 4Sit, 436.
— résiste plus ou moins à
l'oxyde de carbone, 436.
Chien, son peu d'aptitude pour
la morve, 438.
— blennorrhagie, 448.
— (verrues épithéliales sur la
langue du), 443.
— (leucocytnémie chez le), 443.
— (maladie des), 446.
— sa résistance aux traumatis-
mes, 461.
— anglais, mal acclimaté dans
rinde, 630.
Chinois, leur tolérance pour les
anesthésiques, 178.
Chioniphe Carterii^ dans le pied
de Madura, 308.
Chlorophylle (action de la lu-
mière sur la), 26.
Chlorose d'Egypte, 349.
Choléra, sa limite en altitude, 75.
— fréquence comparée chez les
Anglais et chez les nègres, 464.
— fréquent chez les nègres, 479.
— des poules, 224, 441, 472^ 550,
557.
Choréomanie, 422.
Chrooleput o^/iYAuj, 304 .
Cicètes, 422.
Ciguë, immunité de quelques
animaux pour ses effets, 436.
Cimmériens, 585.
Circoncision, 417.
Circonvolutions cérébrales (dé-
veloppement phylogénique
des), 594.
Civilisation, sorte de zone équa-
toriale i>our l'homme, 16.
— son action, 402.
— ses phases, 403.
— (anatomie et), 403.
— son influence sur les mala-
dies, 405.
— rapport de ses phases avec
les maladies artificielles, 411.
— son actlflu sur les peuples
incivil isés, 627.
Clavée, maladie parasitaire du
mouton, 358.
Clavelée, immunité des mou-
tons algériens. 437, 445.
Clavelisation, 555.
Clift, 518.
Climat, son influence sur la dé-
générescence, 627.
Clou de Biskra, 365.
aoud-Ring, 191.
64S
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
CSons, S05.
Coca, 71.
Cocaïer, 16«.
Cocaïne, 164.
Cocalsme, 168.
Cocales, 16t.
Cochinchine (maladie des che-
vaux en), 92.
Cocos nucî fera, 109.
Cocote, 291.
Cocotier, 513.
Cocoum, liqueur des Antilles,
154.
Cœnurus cerehralis, 365.
Colique sèche, 193.
Colonies animales, 5.
Côlon, ses anomalies chez les
microcéphales, 596.
Concurrence vitale, 621 .
Consanguinité, 614.
Contagion nerveu8e,228,î29,427 .
Convulsion prophétique, 426.
Coquelicot, son action sur les
bovidés, 435.
Coqueluche, 282.
Coqucro, 168, 183.
Coulfetin, 465.
Coup de barre, ilans la fiôvre
jaune, 277.
Cow-pox, 444, 556.
Crabes, 483.
Crâne, ms déformation:*, 413.
— dans la race jaune, 489.
— chez les microcéphales, 591.
Craw-craw, 384.
Crétinisme aigu, 218.
— paludéen, 196, 627.
— goitreux, 196. 205, 627.
Croâtos, 533.
Croisements, 609 et suiv.
Cuisson, son utilité dans la tri-
chinose, 870.
Culex, son rôle dans la trans-
mission de Téléphantiasis,
3S3.
Cultures, mrthode Pasteur, 224.
— artificielle, 534.
Curare, diff^'-rence d'action chez
les mammifères et les oi-
seaux, 436.
Cyclamioe, 552.
Cyclops, leur influence dans le
transport du drngonneau, 373.
Cysticercus perfoliatuSy 366, 367.
— pitiformis, 866, 367 .
Cysticercus tenuieoUis, 366.
Cystite vermiueuse, 877.
Dadan, 470.
Dalko, 103.
Dandy, synonyme de dengue,
242.
Danse de Saint-Cuy, 423.
Dartre des veaux, 401.
Darwinisme, 622.
Dattier, 109.
Datura, son action sur les lah
sans, 486.
Davanes , préparation du has-
chisch. 174.
Déformation, totale ou polysar-
cique, 411.
— du pied, eu Chine, 413.
— du crâne, 418.
— toulousaine, 411.
— natiforme, 841.
— du nez, 415.
— des lèvres. 415.
— des oreilles, 415.
— des dents, 415.
— des seins, 416.
•^ des doigts, 416.
— des organes génitaux, 416.
Dégénérescence, ses causes,
626, 627.
— causes sociales, 639.
Déglutition, son rùle dans les
cloches à plongeur, 81 .
Délire (aptitude au), 436.
— épidémique, 422.
— — à Mulhouse, 155.
— — chez les Cosa-
ques, 158.
Démonolâtrie, 423.
Démons, 423.
Dengue, 240.
Densité de la population, son
rôle, 321.
Dents, leur déformation, 413.
— de sagesse, 570.
— usure paléontologique, 405.
Dépécoration, 108, 449.
Dessèchement des marais, 202.
Dètenuiuisme anatomique, 19.
Dévote, 423.
Diabète, crée une aptitude mor-
bide spéciale, 549.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
649
Diabète , flréqnence comparée
chez les Anglais et les nègres,
464.
Diarrhée de Cochinchine, 354.
Diathèse furonculeuse, 305.
— (influence des) sur la marche
des plaies, 548.
Digitale, immunité de quelques
animaux pour ses effets, 435.
Dindon, aptitude toxique spé-
ciale, 435.
Diodon, 109.
Dioscorta japonica^ 103.
Diphthérie, 224,278.
Distoma tchinatum, 353.
— cirngerumj 371.
— hœmatobiumf 376.
— lanceolatunij 353.
Distomatose, 370.
Distome des écrevisses, 370.
— d'Egypte, 376.
Dochmius trigonocephnltts^ 352.
Doigts (déformation des), 416.
Domestication, 407.
Dominique (mortalité comparée
des Anglais et des nègres à
la), 463.
Doronicum, toxique pour les
chiens, 436.
Dourine, 345.
Douve, 354.
Drngonneau, 371.
— aquatique, 373.
Drnm, sorte de rhum de la
Guyane, 154.
Drosera, 27.
Dufjoisia Hopwoodiif 173.
Duboisine, 173.
Dysenterie, niortnlité comparée
'des Anglais et des nègres, 477.
— mortalité comparée des An-
glais et des Hindous, 190, 219,
526, 630.
Eau (vapeur d), 41, 52.
— de végétation, 146.
Eaux aux jambes, 445, 557.
Ecchymoses scorbutiques, 145.
£c couine, 164.
Efl'eminés, 493.
Egypte (fréquence de la pierre
en), 94.
Electricité, 38.
Eléphant (diarrhée de Cochin-
chine chez T), 358.
Eléphantiasis des Arabes, 313,
877, 878.
— des Grecs, 313.
Elephcu morbuSy 379.
Emoareck, nom de la syphilis
en Egypte, 34v.
Emigration, 421.
Encéphale, 594, 595.
Encéphalopathie scrofuleuse
chez les nègres, 471.
Encombrement, sou rôle dan»
le typhus, 249.
— son rôle dans la phthisie, 332.
Engrais humain, ses dangers
en Cochinchine, 357.
Entomophtora, 224.
Epidémie de Kau, 223.
Epidémique (génie), 228.
Epigénèse, 574.
Epilepsie héréditaire, 60f .
Epistaxis contagieuse des chiens,
352.
Ergot de seigle, 125.
Ergotisme, 121, 627.
— influence des habitudes ali-
mentaires sur sa forme, 126.
— expérimental, 126.
— convulsif, 12-^.
— gangreneux, 121.
Erigeron canadensiSy 46.
Erysipèle, 224, 283.
-- aptitude des convalescents,
547.
— lymphatique réticnlaire des
pavs chauds, 635. .
Erythème solaire dans la pella-
gre, 133.
Ei'yihroxylum coca, 162.
Escargot, immunité toxique,
435.
Espagnols, leur acclimatement
dans les pays chauds, 630.
Espèce, ses modifications sous
1 influence de la chaleur, 3.
— ses modiflcations sous Tac-
tiou de la lumière. 28.
— ses variations suivant l'alti-
tude, 51.
— suivant le régime alimen-
taire, 98.
— (doctrine de r),621, 609.
Esprit de Mescal, 109.
Esquimaux, 23, 511.
650
TABLK ALPHABÉTIQUB DBS MATIÈRES.
Eftsence de niaonli, son rôle en
Polynésie, 5t2.
Etat civil, son action sur les phé-
nomëne8dëmographique8,410,
4ti.
Eth/Tisme, 16i.
Ethniques (usages), en rapport
avec le milieu, li.
Eucalyptus, son rôle en Poly-
nésie, 512.
— son action fébrifuge, 198.
Eugénésie, 608.
Evolution, ses débuts, 4.
~ frôle de la pression atnios-
pnérique sur 1 ), 77, 56S.
Exorcisme, 423.
Faines (aptitude de certains
animaux pour les effets toxi-
ques des), 435.
Faisan, ses immunités toxiques,
486.
— (maladie des pattes des jeu-
nes), 92.
Fakisa, 235, 499.
Falcadine, 486.
Falgo, monnaie de sel, 110.
Famine, 110.
— dans les Flandres, 117.
•- dans rinde, 118.
— en Irlande, 118.
— en Silésie, 118.
— en Russie, 119.
— en Chine, 119.
— en Asie, 119.
— en Algérie, 119.
— (action des) sur le mouve-
ment des populations, 120,627.
Farcin, 224, 288.
— aptitude de certains che-
vaux, 437.
Fardoia hepatica, 853.
Febrii piedota, 242.
— gaditana, 24.
Fécondité accrue par la domes-
tication, 407.
Fermentation putride, n'a pas
lieu sur les altitudes, 75.
— zymotique, 88, 97.
— pathologique, 222.
Ferments, 222.
— leur rôle en pathologie, 225.
— leur rôle dans le sang, 226.
Ferments, leur mode d*actioD.
228.
Feu sacré, 122.
Fever mediterranean, 152.
Fièvre aphtheuse, 291.
— bilieuse, mélanurique au Sé-
négal, 193.
— bilieuse des pay^ chauds, 232.
— charbonneuse, 292.
— courbaturale, 240.
-- inflammatoire des pays
chauds, 252.
— furonculeuse, 521.
— ictéro-hémorrhagique, 193.
— jaune, 75, 271, 273.
— jaune, chez les animaux, 275.
— jaune, son microbey277, 464,
521.
— maligne, 248.
— paludéenne, son tvpe chez
les Kabyles, 192, 521, 524.
— paludéenne, comparée chei
les Anglais et les Hindous, 629.
— paludéenne, comparée chez
les Anglais et les Maltais, 628.
» pernicieuse bovine en Algé-
rie, 191.
-- paludéenne, à Sumatra, 521.
— paludéenne, immunité d*uD
grand nombre d animaux ,
476.
— paludéenne, comparée chez
les Anglais et les nègres, 464.
— paludéenne, chez les nègres,
475.
— pemphigolde, 224, 286, 293.
-- puerpérale, 238.
— putride, 243.
^ pourprée épidémique, 237.
— rémittente bilieuse, 521.
— rémittente des pays chauds,
252.
— récurrente, 250, 231.
— typhoïde, inconnue sur les
Cordillères, 75, 242, 248.
— chez les animaux, 447.
— chez les nègres, 479.
— chez les Arabes, 526.
— des Aztèques, 68.
-- épidémique de Calcutta, 240.
— du Caucase, 190.
— de ChanghaT, 250.
— de Chypre, 193.
— de Cnmée, 190.
— de Dacie, 190.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
651
Fièvre de dattes, 240.
— de foin, 75.
— des fleuves, 501.
— de Hong-KoDg, 250.
— éruptive de rinde, 240.
— des jungles, 191.
— des moutagnes Rocheuses,
244.
— de Salem, 67.
— de Tauris, 190.
— du Texas, 449.
Filaire de Bancroft, 377.
— de Bilharz, 876.
— de la gerboise, 373.
— du marsouin, 375.
— de Médine, 371.
— des poissons, 375.
— de Wucherer, 377.
Filaria immitis, 375.
— lepilemuriSt 373.
— sanguinis hominis, 377.
Filaride du craw-craw, 884.
Filariose, 377.
Finnois, 30, 533.
Flagellants, 257, 423.
— chez les Sionx, 430.
Flamands, 536.
Foie, sa fonction dans les pays
chauds, 13.
— ses anomalies chez les micro-
céphales, 596.
— (mortalité comparée des An-
glais et des Maltais par mala-
dies de), 628.
Folie pellagreuse, 130.
— épidémique, 422.
— chez les animaux, 430, 481.
— fréquente au Mexique, 520.
Foudre (aptitude des races pour
la,) 462.
— prétendue immunité des
juifs, 529.
Fourmis, maladie des solipèdes,
401.
Fracture, leur mauvaise conso-
lidation à la Guyane, 90.
Frambœsia, 344, 482, 505, 511.
France, 536.
— aliénation mentale, S46.
— bégaiement, 545.
— calculs, 543.
— cambrure dorso-lombaire,
540.
— carie dentaire, 544.
— faiblesse et constitution, 645.
France, convulsions, 545.
— couleur des cheveux, 540.
— épilepsie, 546.
— ethnologie, 538.
~ hernies, 544»
— - indice nasal, 539.
— mfirmités, 543.
— mortalité, 542.
— myopie, 643.
— phthisie, 543.
— pied, 540.
— population, 538.
— puberté, 541.
— seins, 541.
— strabisme, 545.
— surdi-mutité, 546.
— taille, 539.
— varices, 544.
— varicocèle, 544.
Froid, son action, 17, 18.
— résistance des races, 19, 523.
— cause de congestions viscé-
rales, 21.
— son action sociale, 22.
— prophylactique de la fièvre
jaune, 277.
Fumagffine, 3 kl.
Furoncles, fréquents à la terre
de Magellan, 521.
Furonculose, 305.
G
Gabelle, 110.
Galates, 585.
Gale, 225.
— des épiciers, 499.
— des Illinois, 520.
Gallao, 482.
Galles animales, 308.
Galtchas, 533.
Gambier (dépopulation de l'ar-
chipel), 514.
Gammaracanthui caspius^ 29.
Gangrène, fréquente dans les
pays froids, 21 .
Gargot des vaches, 279.
Garrotillo, 278,
Gastrai^ia matica, 170.
Gastrodisque du cheval, 354.
Gaudes, 136.
Gelures, 21.
Gémellité, sa distribution géo-
graphique, 600.
Génois, 523.
est
T4BLS ALPHABETIQUE DK8 MATIÈRES.
Géophagie en Amérique, 5t0.
— cneï les nègres, 348.
Germains, 533.
Germes, 574.
Ginn, 154.
Gitanos, 497.
Glandes sébacées, leur évolu-
tion, 578.
Globules sanguins , altération
dans la fièyre paludéenne, 202.
Glossanthrax, 443.
Goitre, géographie, 205.
— aigu, 216.
— chez les animaux, 216.
— prophylaxie, 218.
— dans les Andes, 520.
Gourme, 445.
Gourou, 170.
Goutte, fréquence comparée chez
les Anglais et les nègres, 464.
~ (aptitude à la), 549.
Grain d'^Vinërique, 132.
Grand ine, ladrerie du porc, 360.
Grease, 445.
Grecs, 523.
Greffe, 604.
Grenouilles, aptitude toxique,
435.
Grippe, 39.
Grossesse, détermine certaines
aptitudes morbides, 548.
Guano, son action prophylacti-
que contre la fièvre lauue,
278.
Guebrabunde, 142.
Gueule de loup, 585.
Guignes, 483.
Gunjah, sorte du cannabis in-
dica, 174.
Guyane, rareté du calcaire dans
le sol, 90.
— mortalité comparée des An-
glais et des nègres, 468.
H
Hachaschins, 174.
Hachiasa, 265.
Hachisch, 173.
Helicomoucis, 346.
Hématine, 26.
Hémato-chylurie, 377.
Hématurie, 376.
Héméralopie, 147.
Hémorrhagie utérine, fréquente
sur les altitudes, 68.
HémorrhoTdes, fréquentes dan»
certaines races, 526.
Hépatite, fréquence comparée
chez les Anglais et les nè-
gres, 464, 478.
— fr<'>quence comparée chez les
Anglais et les Hindous, 627.
— chez les Arabes, 626.
Herba brUannica, 143.
Herbe aux rats, 436.
Hérédité, 567, 597, 598, 600,601.
Hermaphrodisme, 615.
Heraie, ft^quente chez les cré-
tins, 211.
— ombilicale, fréquente chez
les Nè^s, 459.
Herpès circinné, 401.
Hibernation, 29.
Hill-diarrhea, 67.
llill-fever, 192.
Hinchazon de los Negros. 138.
Hollandais au cap de Bonne-
Espérance, 30.
Homme tertiaire, 95.
— laction de l'homme sur T).
402.
— préhistorique en Amérique
516.
— chien. 577.
Homogénésie. 606, 607.
Horse-pox, 445, 556.
Hota, nom de plusieurs mala-
dies chez les Polynésiens. 511.
Humeurs, 547, 548.
Hura crépitons, 109.
Hybridité, 605, 606.
Hycsos, 526.
Hydrocèle parasitaire, 377.
Hydropisie, fréquence comparée
chez les Anglais et les nè-
gres, 464.
Hygiène sociale, 626, 639.
Hygrine, 164.
Hypericum crispum, son action
sur les moutons noirs, 435.
Hypnosie, 470.
Hypohémie intertropicale, 348.
Hypospadias artificiel, 416.
I
Iléo-cœcal (appendice), ses ano-
malies chez les microcépha-
les, 596.
TABLE ALPHABETIQUE DES MATIÈRES.
C6S
tlex Paraguay ensis^ 169.
Iiniuûbiliti' du chvul, 472.
Immimit/* morbide, 352, 554.
Impaludisioe, 187, 627.
Impréç;nation, 613.
Inanitiou, 110.
Incubation, 2i6, S34.
Incubes, 423.
Indes (mortalité des Anglais
aux), 629.
Indices dans les races, 489.
Indo-Européens, 530.
Indiens (fréquence de l'athé-
rouie chez les), 94.
Infanticide en Amérique, 520.
influenza, 39.
— sa fréquence comparée chez
les Anglais et chez les nègres,
464.
Inoculation, 228.
— - variolique, 555.
Insolation, 10.
Iode, son action contre l'endé-
mie crétino-goltreuse, 218.
Irlandais, 533.
Islande, absence de la syphilis,
340.
Israélites, 5^3, 526.
— leur cosmopolitisme, 527.
- leur faible mortalité, 528.
- leur forte natalité, 528.
- leur longévité, 528.
- leurs immunités pathologi-
ques, 529.
— leurs aptitudes pathologi-
ques, 529.
— leur facile acclimatement,
631.
Jambe des Barbades, 379.
Japonais, leur origine, 497.
— caractères anatomiaues, 497.
- caractères physiologiques,
498.
— caractères pathologiques,498y
500, 501.
— mortalité infantile, 499.
- coureurs, 606.
Jetas. 497.
Jetoris, 497.
Jeûne, son action sur Taptitude
pathologique, 548.
Juifs (voyez Ist^aélites),
Jumeaux, rares d&DS la race
jaune, 490.
Kabyles, 30, 522, 523.
— manière d*accoucher, 523.
— caractères pathologiqueB,523.
Kacké, 137, 500.
Kamsin, 49.
Kawa-kawa, 172.
Kawine, 172.
Kératophage, 401.
Kermès, son action sur le mou-
ton, 436.
Kikis, 507.
Kin-ni, préjparation d'opium
usitée en Chine, 176.
Kirinagras, 307.
Kouloughlis, 523.
Koumyss, 151, 152.
Kouro-siwo, 108.
Kymris, 535.
— ^ leur faible mortalité chirur-
gicale, 536.
Kystes hydatiques, 365.
Lachnantes tinctorial son action
sur les cochons noirs, 436.
Ladrerie chez le porc, 359.
— chez l'homme, 361.
Ladres, 314.
Lait, dans la diarrhée de Co-
chinchine, 359.
— son emploi dans la déforma-
tion polysarcique, 411.
Lalaugolo, 470.
Lama, analyse de son sang sur
les altitudes, 70.
Lamarkisme, 621.
Lambwine, liqueur faite avec le
riz, 152.
Laminaria saccharina, 103.
Langue de grenouille, 848.
Lanugo, 577.
Lapin (action des altitudes sur
le), 69.
— aptitudes morbides différen-
tes de celles du cobaye, 437.
— (forme spéciale du charbon
chez le), 453.
» peu de résistance aux tr^^-
maU&m^%, k^V.
654
TABLB ALPHABÉTIQUE DBS MATIÈRB8.
Lapoue, 30, 53f .
— caractères pathologique8,5S2.
Lata, délire à Java, 177, 429,507.
Latitude, son action en patho-
logie, 330.
Laurus sassafras y 5.
Lecythis, 321.
Légumes Chollet, 146.
Légumistes, 107.
Léoutiasis, 313, 318.
Lèpre des Asturies, 128.
~ cellules lépreuses, 311, 326.
— tuberculeuse, 318.
— phvmatode, 318.
— apuymatode, 318.
— amputante, 319.
» (griffe dans la), 319.
— Scandinave, 32i.
— clioz les animaux, 325.
— en Laponie, 533.
— aptitude du nègre, 480.
Lépreux (faux), 315.
— analyse du sang, 326.
Less, 8o*n iulluence sur la vue,
492.
Lèvres, leur déformation, 415.
— petites, leur suture, 410.
Licneii esculentiis, 112.
Limaces, immunités toxiques,
436.
Limo-juice, 146.
Limnophysalis hyalina, son ri^le
dans la malaria^ 200.
Lipplapen, 609.
Lliptn, chique de chaux, asso-
ciée à la coca, 162, 183.
Lobes de rencéphul»*, leur dé-
veloppement phvlogéniqne,
694.
Lorraine (fréquence des calculs
en), 543.
Loto, 317.
Lotier corniculé, toxique pour
les solipèdes, 435.
Loui>s-garous. 423.
Lumière, action biologique, 23.
— action sur les végétaux, 24.
— rayons trophiques, 35.
Lutte pour l'existence, 97,184.
Lybiens. 523.
Lycanthropie, 425, 499.
Lymphangectasie des pays
chauds, 635.
Lymphangites pernicieuses de
Rio-Janeiro,-lo, 193,' 382.
M
Macules de la lèpre, 318.
Mais, 181, 136.
— mastiqué en Bolivie, 154.
MaTsine, 134.
Mal d*un an, 294.
~ des ardents, 122.
— de la baie de Saint-Paul, 486.
— des Barbades, 379.
— de Campanie, 343.
— de Ccylan, 137.
- rouge* de Guyenne, 318.
—- des chameaux, 340.
-^ de Chavane, 486.
— cœur, 348.
— d'estomac des Nègres, 34s.
— de Fiume, 486.
^ français, 342, 343.
— immonde, 487.
— du Maure, 816.
— des montagnes, 55.
— di Monte, 137.
— napolitain, 343.
- aux os, 483.
— del padrone, 128, 139.
-• de la piedra, 402.
— de los pintos. 317.
- de la Rosa, 127,
- rouge du porc, 447.
— de Saiute-Ëuphémie, 486.
— de Saint-Jean, 422.
— de Saint-Main, 315.
— des Sandwich, 512.
— di sole, 128.
— syriaque, 278.
Maladie mentale, 417.
— du sommeil, 470,
— du système nerveux, 520.
— à microbe, 566.
— leur action sur la dégéné-
rescence des races, 627.
— de l'appareil respiratoire,
comparées chez les Anglais et
les Maltais, 628.
— artificielles, 410.
— de Ballingall, 307.
— de Brunn, 487.
— des dattes, 297.
— du Golhard, 351.
— de Gotlingen, 243.
— des mineurs d'Anzin et de
Saint-Etienne, 351.
— paralytique du jeune âge, 91.
^ du renard au Japon, 499.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
655
Maladies sociales, 406.
— d«*s Scythes, .^93.
— des vaisseaux irlandais, 248.
Malais (origine des), 50â.
— caractères physiologiques,
506.
— caractères pathologiques, 504,
505, 50t», 507.
Malaria, 349.
— sa nature, 197.
Maie in canna, 278.
Malleo myces, 389.
Maliens humidus, 287.
Mamelles surnuméraires, 577.
Mameloucks, 636.
Manioc, inolTensif pour les ron-
gfurs et pour les porcs, 435.
Manne des Hébreux, 112.
Mapouchari, préparation do
hachisch, 174.
Marigots, leur rôle dans Tétio-
logie de la dysenterie. 220.
Marquises, diminution du uom-
br<^ de leurs habitants, 513.
Mastic, 5, 151, 182.
Masticatoires. 182.
Mata-glap, délire spécial en
Malaisie, 177, 507.
Matuzahuatl, 68,271, 52t.
Maté, ir.9.
Matéisme, 170.
Maturité, hAtée par la domesti-
cation, 407.
Maxillaire inférieur, fréquence
de sa luxation chez le nègre,
458.
M'dagamonté, nom de la dcn-
gue, 5»A0.
Mégathérium, 184.
Meialeuca leucodendron^ 198.
— cajeputi, 198.
— son nMe en Polynésie. 512.
Méningite cérébro-spinale, 252.
Mrntal strain, 418.
Mercuriales toxique pour les
moutons, 435.
Mrn'-pian, 483.
Métissage, 605.
Meunier, 3*7.
Mexiijue, 65.
Mezels, 314.
Miaulantes, 427.
Microbes (action de la chaleur
sur les), 2.
— (reviviscence des), 44.
Microbes (action de Taltitude sur
les), 75.
— de la fièvre jaune, 277.
— des oreillons, 282.
— de l'érysipèle, 283.
— dans les lochies, 286.
— de la péripneumonie, 289.
— de la morve, 289.
— de la tuberculose, 386.
— leur rôle dans la nature, S46.
— de la syphilis, 346.
— > latents, 552.
— dégénérés, 559.
Microcéphalie, 591.
Micrococcus vaccins^ 2S4.
— de la rougeole, 236.
— de la scarlatine, 239.
— de la méningite cérébro-spi-
nale, 252.
— de la fièvre jaune, 276.
— de la diphtherie, 280.
— de la phthisie, 387.
— pe$tis bovina, 433.
— de la clavelée, 445.
Mikiak, 104.
Miliar, forme de veruga, 800.
Milieu extérieur, 1 .
— (adaptation au), sur les alti-
tudes. 69.
— épidémique, 228, 229.
— son influence sur le déve-
loppement du tœnia, 866.
— social, 402.
— intérieur, 433.
» intérieur, cause de rnptitudc
et de rimmunité pauiologi-
ques, 437.
— entraine des aptitudes com-
munes dans des races diffé-
rentes, 442.
— cause de transformisme, 560.
Militaire (conséquences du ser-
vice), 332, 333.
Mimétisme, 32.
Monas tuberculosum^ 336.
Monstres marins, réalité des lé-
gendes à leur endroit, 80.
Monstruosités, 573, 575, 576.
Morbus campanusj 343.
— hungaricus, 190, 248.
Morphea, 317.
Morphine, 179.
— son action sur le [cheval,
435.
Morphiomaiûe, Vî^.
§56
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
MorUlité, 13, 14.
Mort-de-chien, 265.
Mortis, 264.
Mort-nés, répartition, 586.
Morve, 224, 287, 448.
— aptitudes spéciales de cer-
tains chevaux, 437.
Mounds, 516.
Moustiques, leur rôle dans la
transmission de Téléphantia-
sis, 383.
Mouton, analyse de son ^ng
sur les altitudes, 70.
— (ankylostome du), 353.
— (tilaire du), 373.
— aptitudes toxiques spéciales,
4H5, 436.
— immunité des Algériens pour
la clavelée, 437.
— leur immunité pour le sang
de rate, 437.
— (forme spéciale du charbon
chez le), 453.
— ancon, 601.
— mauchamp, 601.
— loutre, 601.
— cheviot, 630.
M'rogni, synonyme de dengue,
24Ô.
Mucor mucedo de la péripneu-
nionie, 290.
-- de la coqueluche, 236.
Mukkow, nom de la lèpre à Sa-
markand, 317.
Mulâtres, 609.
Mycélium do la diphthérie, 2«0.
My{>ljne, son altération dons le
coup de chahnir, 7, 11.
Myrmiieo formicariuSf son em-
ploi, 416.
Myxosporée dans U: pied de
Madura, 307.
Mzir, liqueur faite avec le mil-
let, 151.
N
Nahuas, leur déformation crA-
nienne, 414.
Nanahualt, 341.
Nanisme, chez les végétaux, 48,
51.
— sur les altitudeSi 74.
Kécrohémie, 220.
Nègre, caractères pathologi-
ques, 460, 461, 462, 463, 464,
465, 466, 467. 468, 469, 471, •
471, 472, 473, 474, 475, 476.
477, 478. 479, 480.
— caractères auatooiiques, 457,
458, 459.
Négrilles, 457.
Négritos, 457.
Nelavan. 470.
Nelumbrium, 2S.
NématoTde, 349.
— du cheval, 370.
Nez (déformation du), 415.
Ngerengerè. 317.
Niaouli, 198.
Sicotiana tabacum, \H{.
Nitrification, 185, 197.
Nœvus pigmentaire, 578.
Noix d'Arec, 183.
— de Kola, 170.
— de coco, 321.
Normands, 536.
Nostalgie, 420.
— fréquente cliez le nègre,
480.
Nouvelle - Zélande, mortalité
comparée des Anglais et des
Nègres, 463.
Nystagmus chez les albinos,
582.
0
Obésité. 490.
Obscurité, son action sur les
animaux, 29.
Odeur, varie dans chaque race,
489.
OEstride du cheval, 352.
Oiseaux, mécanisme de leur
accommodation aux change-
ments d'altitude, 73.
— (rhumatisme articulaire chez
les), 442.
— (variole des), 446.
— leurs aptitudes pathologi-
ques, 454.
Ombène, 170.
Omok, délire thébalque en Ma*
laisie, 177.
Ongles, 330.
Ontoçénie, 575.
Onyxis syphilitique chez le
chat, 845.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
657
Oni/xomycosiSy 401.
Oovi, ;il7.
Ofihf/o.ri/lon set^pentinum^ 109.
nphthaiiuio iutorue du cheval,
4- 1
O I.
— d«; >Ia<lii;;îisr*îir, 193.
- piirulmte. 'iG.
— i'*pi».lriniqu(', 45.
— «lu SuliJira, 45.
d»»s in'ijr»'S, 35.
Opium, t'oii artiou sur Ioî» ulti-
tudop, (>7, 175.
— «Ml dliiu»', 175, 177.
— iClul) d«*s Uiaujjrriirs d"). à
Paris, 179.
- abus ipi'on »>u fait chez li*s
l'iifants v\\ Aujxl».'t«'iT»\ 179.
Opmtsia nirrictuia, 8«»n riM»»
daus Irthilojrir t\(* In tièvn»
jaiiiH*, :i77.
(Mrliitr nn'la.-tatique, :i8l.
(h'.'ili.'s, l.ur «It'formntiou, 415.
(Mt'illous. is\.
ih'iit' [Wii'vo d«« vin vi d"i, 150.
Oi'ini^'»' faiissi*, l5i.
Os, |»Mir rainoIIisst'UHMit fir-
«pn'Mt. rhfz lo uèfçre. 457.
— d«' riiira, 519.
— iiit«Tuia\dlair<>, 5i>3.
— ijialairi'. 57».
Ost'iUiina malariœ^ 199, iOi.
()sl»';«M'iasi«*. 91.
0>t«'-oiiij||îiri«.' du liidaii, 91.
di's f'Miiuii.'s «Ml couches, 91.
- d«»s vieillards, \M.
— di*s ji'uui's verli'bré;». 9:*.
(.)>sitlcatii>u, su h'utiiur ii la
(ia\jnie. 90.
Ouir.sou évolution dans la b6-
rii* aiiiiualt^ 81.
Onsv^ak f! Ard, 11:^.
ovidi's. liMu-s aptitude.^) palho-
l(>;zi<|iifri, 45i.
liv<|iii'nci' du tétanos d»*s
nouv»'au-ués, 466.
Oxliruii*», 67.
Uxvur.' v<'rniirulair»'. 3G7.
Ozoïn». 3s.
I»
Palniellérs. Ifur l'Aie danî" la
malaria, 199.
Palo de li'che. 109.
Paludation, 197.
QiiOOH. MÉD,
Palustre (catarrhe), en Abyssi-
nie, 193.
Panaris, frrquent en Chine, 178.
ï^apavotinc, 552.
Paraplcjçie, chez les chevaux,
142.
Parasitaire (inclusion), 347.
Parasites», leur rùle eu patholo-
ti'u\ âi3.
-- micro.-c«»piquep, 293.
— de la veruiza, 304.
— de l'épine-vinette, 30H.
— ilu junipertis xaàina^ 308.
— dos châtaigniers, 347.
— <le la lèpre', 3i5.
— du tube di«e.*tif, 348.
— dos tisti^us, 368.
du san;;, 374.
Parthénogenèse. 613.
Pauvreté, son action daus la
production des maladies, 40t.
Pavot, a!)us qu'on en fait chei
les enfants dans le midi de la
France, 179.
Peau, intluenc»*. d»? î^a couleur
sur rai»titude pathologii|ae,
30.
— dans les races noires, 457.
— sa ftmction dans le» pajr»
rhnmls. M.
Peaux-lltJUges, 519.
Priirine, 224.
Pécari, son aptitude pour la
peste bovine, 452.
Pelade, 135.
Pelatina, 136.
Pellagre, 127, 129, 133, 134, 687.
Pellagrozéine, 134.
Pi'umiican, 104.
Pemphigus lépreux, 318.
— chez les animaux, 293.
IVutastome du chien, 352.
Périkal, 306.
Péripneuniouie des bètCB à
corne, 289, 438, 558.
Perouosporn. 277, 347.
Pérou (fré(pience de la phthîsie
au), 521.
Peste, limiti; eu altitude, 75, 25<.
— indienne, 253.
^ pneumoniqui-S 253.
— némoptoïque, 253.
- de Pâli, 253.
— de Bagdad, 253.
Vi.
658
T4BLS ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
Peste noire, 253.
^ de Cyrénaïque, 253.
— d'Athènes, 253.
— de Syracuse, 255.
— d'Orosius, 256.
<— autouine, 256.
— Doire, 256.
— de JustinicQ, 236.
— de Cyprien, 236.
— frustre, 262.
— antique. 262.
— bubonique, 2C2.
— (semeurs de), 268.
— chez les animaux, 447, 563.
— bovine, 449.
— (aptitude des nègres pour
la), 480.
Pétéchies, 145.
Phagédénisnie des pays chauds,
285, 484.
— > dans la race jaune, 496.
Hiellandrie acpiatique, son ac-
tion sur h's chi'vaux, 436.
Phénicirus, 5^3.
Phlegoion palmaire^ fréqutuit
en Chine, i7K.
Phonation, conditions physi-
ques qui lui sont ])ropres.*Ki.
Phthisie, rare sur les hauteurs^
68.
— l«>preuse, 319.
— pulmonaire, 3:28.
— chez len Polynésiens, 513.
— fréquente au Pérou, uil.
— > aptitude inégale des Anglais
et des Hindous, 627, 629.
Phyloftéuie, 575.
Physiologie sociale, 405.
Phylohémie, 2iO.
Pian, 344, 482, 505, 511.
— de Nérac, 487.
Pieu, 349.
Picottr, ii34.
Pied, sa déformation, 413.
— dans diverses races, 489.
— de Coehin, 306.
— de Madura, 306.
Pigment. 578.
Pignon, 3âi.
Pilocarpine, 99.
Pilosisme, 576.
Pinhao, 321.
Pinta, 521.
Pintos (los), 521 .
P^* betle, 183.
Piper methysthum^ 172^ 183.
— siriboa^ 183.
Pistacia lentiscut, 5, 182.
Pilbury, 173.
Piljut.503.
Pityriasis venicolar^ aptitudes
de certains tempérament^,
401, 5'i7.
— celtriopium, 469.
Plaie annamite, 496.
— d'Yémen, 484.
Plantes sociales, 407.
Pleurésie, fréquente sur les
hautinira, 67.
Pleuritis pestilcns, 67,
Pli courbe, 59 i, 595.
— de passage. 594, 595.
Pli({ue polonaise. 534.
Pluies, leur action sur Fatmos-
plière. 47.
— d«* sanjç, 46.
Pneumonie, fréquence compa-
rer chez les Anglais «*t les
nègres, 464.
chi'z l'Arabe, 526.
— fréquente sur l«'s liautiMirs,
67.
P(Mssous. uni» des causes d».*
leurs migrations, 54.
Polentii, 131.
Politique, son rôle dans la pro-
durtion de la folie. 4i1.
Polonais, 533.
Polvilactylie, SHii.
Polynésiens, 507, 509-312.
Pul'yffi/numf'agopirum, 103, 437.
Ponimrlière imaladic), 515.
Pomotou (ih's», population. 514.
PonnoucouviuMuy, synonyme
di's oreillons, *:i81.
Population (uiouv^'uient de la),
408.
Pore, innnunité toxique et opti-
tude, 435, 436.
— analyse de son sang sur les
hauteurs, 70.
Possession des nonnaius, 425.
Pol-au-noir, 101.
Pouillerie, 263.
Pouls (action d» l'air déconi-
* primé sur le), 59.
Poumon (action des pays chauds
sur le). 13.
— (anomalies du) chex les mi-
crocéphales, 596.
TAULE ALPHABÉTIQUE DRS MATIÈRES.
650
PiHirrnlii*. S'i?.
I^oiirrilni'i' «l'iiùpilnl. 4X5.
ili- vr|jr«''tîni\, :\M\.
— iii.ilatiii' ili's moulons. JaS.
|*nii.>l/;i. lUo.
IMvfncit"' «'M ZnntiM'hllii*. Ul».
l*r»''iMii"-"'ni" i\r riiiiinuit', î».i.
Pi''<li:^|H»>irnni uu*rl»i«l«'. i;JS.
I»rij.!i>, \\\1.
Pi «>l".-rioiis, N'Ui- îH*tinn,333, 400.
l*ri.|t'cti«»ii. rniis/'<|nPin*i' ili» Vii<-
«-•M'iîitioii. '»07.
I^fftfnr'iri i/s /fnrhifills, 40,
Prot"f ;iii^nir«»niif. :ÎS.
Pu.'l>l.»-. r»is.
Piii-rp/ral i ••iiipoisoiiin'iiUMil) ,
Puil> ;ï ^oiti»', iil4.
lMil<|n«'', li«|inMir faite «v«'c l'a-
l(M"r, loi.
()
«Jii'f. ^ynoiiynn' «riijfliH'nzn, 40.
Hliirljas. .'ils.
nuiii([iiiiiM, iO'i.
K
ll.K.'cr j)rn|ti'i'''t''- «!«'', 61 fl.
I{a<"<'S jaun»'S. raraiir-iTs |»îitln»-
l.ij^i/|ii<s, 4s7. 'i.vj, 4i»0, 4yi,
4'.ii. iHii. '.l>...
Harps .a{)ti(n«i«' «Ifs'i jionr If
i)r'.iilMTi. i:iK.
aiialw" ]iallii>lnirii|Ui', 4i>i*.
— paliiiilfiîiit' coiiipuivp. <!«•}:)
hiiiiiMincs. \:'i'\,
— hlaiirlu'. 'M],
— blnmlf. ;i4l.
— .!'• Caii.-hhlt, ."ioO.
— ili" (!ro-.Mairiioii. o3l.
— «1.' l'iirfno/, 3;JI.
— jaun.', 4n7. 'ihU, ?.»0, 401, 492.
\\)\. V.ry, \'M',.
iioirT, 4.».» «'t sniv.
Hariiitisiinr. l'n'MiiH'in'if chftZ l<^
jirj-'Fi'. 4i>7.
— fiv«[Mi'lirr r(nnj>aivp rlii'z \t'>
Anglais l't Ifs î!r«.'irs. 4t)4.
Ka«l«'z>^'.\ XVJ. iS7.
Ilailiatioii molaire. 41.
}\(F.<li.'i'ni hi/pngda, 347,
KaV.', -JKfi.'o39.
Kdki, 131.
Raiiiaiiinjaiia. 4?0, 481, 507.
Uapn (ilrpopulntiitii de rili>),5i4.
lifi/inania m/tystira, i'M.
Uu|)lmni«s li3, i:n.
Hnjihanua vaphanistrum, 125.
llat>. aptiluii»! toxiipn-, 43ri.
jla/î:i. i!Oii(iimoiit ueito iii Ma-
Urlli'X»' (ilr» rai.lion) suivant loi*
racfs. 4!M).
R«'fri»iiliss»'inpnt. na fivf|ui»iirtî
dans It's iv^iuu:> tropicalc^i
14.
Ri'Iapsiii^ fiîwr, 230,
HepcupIftiuMit apr^s 1g>« grau-
(li'S rpi(ii'ini(.>s, 238.
K<>pri>du('tion (U>rt doi;;!:^ sumn-
iiif'rain':? auipiitrs, 5!M.
U<''tn';ci>Bioment veriuiiieux. 975.
Jli'.vivisrLMic»', 43.
- fins pTuiort d« luularia, 197.
— <li'.-i jLreniiPS df la diphtii6rie,
281.
tlhaluliiis inrrirola, 336.
Uhlf/oijuit îiiqricans Ehrenhergii^
•j:-.o.
iîlium, 154.
lîhnm.itiruu' m Am^M'iqiio, 5i0.
iUrhi'?si', pon action, 40'.>.
Ihn^wniuis. 401.
Jîiz. .-> 1 luusticiition à ForuiosCi
lînui.uti/o. maladif^ de:) chieDS
(pruu oliHiTvi'. à Cuba, S27G.
lldUiainr, 3i3.
jlniiutiirr, aptitudes toxiques,
'i33.
UoUCnUVriiUi-S, 320.
llouîicnlf, Ja4, 235.
Rou^roL du poTT, ii4.
Houill».' des vi'-f^i'-taux, 808, 359,
liuhin jio,via^ 43(î.
iluiuinanto, aptitudi-s patholo-
^i«[urs pour la pr^t(', 43:2, 454.
Kut.sou arlion sur Ird aptito-
d'.'S morbides, 548.
S
Sairoovir, lOi).
Saisons, lear action f^ur la folie^
Mi.
— iniortalit*' «'imiparéi' «les An-
glais ctded iiègred tw^U^^SLV.^^
TABLI ALPHABtTIIinE DES H^TIËABS.
060
S«ki. m. 500.
Semoa (Iks), il'' population, $14.
Satui'hoo, a|r>)iit de sorgho, iSj.
gaiidwich {ne*], dépopulation,
SIS.
guig (uialyi'c du) sur tes alti-
tvifl -de l'ftlc, imninnit^ de»
moutons iilici^rii'ii». 137. K$3.
I. iM
h*
SâçinduM edulis, ncltiin
dhiduiie, 439.
&^rolegma /W-ox, 3D9.
fiatyria«is. 3)3.
Sauriens, cause» de leur nn-
BWnj'ardr, iti.
Buons, SIB.
•Hrhktin? . %ii. 137. ^51. 5r,9.
— Iptitudi! d<-8 Aupliiie. 538.
— pendant la (jrossi'i'iii'. âtï.
— uuUtiidP lies op<>rés, ïtU.
SdérodiTiun; JUJttitoï'O, 47U.
Sd*ro»e c^.'ivbrule, 471.
SeleruhcioHiniuiin, 1311.
Scorb 3
Scorbul&If ia, lie. m. lU, 1 15.
ficroriil^, 530.
Séanlais. 9â.
Sem (lil^formatioa* artificietk.'
dn], 41S.
SAlei'lion, Gjl,6i3.
— WM-i;ilp. flS4.
SénôteK, iH.
Senh, 500.
Septiréuiic, 1, iH. tts. 4(1.
B«sdi)tttl>imi>. ."itiK.
Sest' iiiptitml.' patholo^iiqiic
- fr<''i|Ufnri> dp la KMulf. 4 M
- (rioi^i'olf do). 447.
- frt'-iiut'ui-e du ti-tanii?. 108.
Sol, 89, 9S. 617.638.
Solauêp». Ipiirai-tiou ci'Ti'-iir,ilp
proport ioauplh: û l'iiiUlli-
•il (L-oiipdt), 0.
Solip^des, dptitildi^ii loxiiiui^,:
iî5.
Somnolence, t7ï.
Sorroehe, 55, 7*. 163.
Sppclre eolain-, 33. TH.
Sprdiilskpd. 31fi, 3îi, ^117.
Spirillum danii le l'i'liipiiiiifi f.j-
Sploeîl. 3S.
Spoillnii'-iir def inntaili>>s, iïO.
Sléutus>'du foif. SI*).
SIemilùi ariiminata. 170.
— lomeiiiima. 171.
Stt^rilili'-, an.
Sligmita liiaioli 41?.
Stoinilili'. ulcère membraneux
fpidùmlquï, 570.
'. 53S.
Suicide. 410, 6ïK.
Siilfuration, 186, 197.
Suppuration [!•'» races uiit nue
Icndaurf ïui^tfnlo à ln<. 454.
fiur««tivil^jiieutiil[; 41S.
SuiYti-uiulit-'- frfqueute chi't Ira
cr<^tin«, il .
SuruiPiDi^''. rri^e des apliludes
PHlholu^ii|U(>it spt'-cialfi'. 5)9.
8uliir<'ii iTdiiii'iiiies. leurïiupli-
citA. 404.
— li-ur ossilii'sitiou. 404.
~ iniHcipiciue, 570.
— molaire. 5TD.
■Swiiii^plntdle du poi'ft, 77.
Syaiétric ji.' ceiiuiaeâ dii')irtsi-
tiOlu anBloiliiqura et de riT-
tnines lissions, £7U.
S;uptâiUD«. Tariont «uivant
les races. 441. 44t.
Syncope, fr^qm-ute sur le« slti-
S,vii.l;i
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
661
Svjihilis .111 nuïVPJi jlffc, 485.
— |Mvhistori«|u«», oJO, 531.
— siiiv.iiil h's raci?:*, bi4.
Syphilisjitiou, 4.s5.
T.ilKir. IHl.
— SI ni iu'tinii î*iir l«*s oh«»vn.'s,
■'i;;.).
TiiliM^o.uiurtiililr «'ouipurée des
Anglais et (les nègres, 463.
T.jIxhi. .'iio.
T.irhf «'ini»''iniqiH* dos CordilW»-
n's, iïil.
Ta.Iji.ks, H:i3.
TiiMiia. .i.iO.
— iiitliii'iiri» du milit'u Hur hou
df'VclojipciIliMlt. 366.
— l)ollirn>côphal«* ou lula, 36'i,
.sert.
— r/"axs';Vo//i.s*, .<GG.
— (;(:hiuoroi]n<>, 363.
— inrnij»\ 3t>7.
mavf/huita, 366.
— mffdiocanrilata, 361.
— ;ïaM(i, 3rir>, 367.
pet'tÎTmtii^ 367.
— perfoliata. 367.
— serrata^ 3ti5, 367.
— S'Uium, 3.>î>, 367.
ïnfia. 134.
Taille action de:» villes Hur la),
Taili. sa di'*popalatioii, 514.
Taiiiahoiis. Mt.
Tançai ara , î36.
Ta pana, liipii'ur dt» la Guvanc,
i:i4.
Tara df Siln'H»', 4Î9.
Tari'iitiil»*, 4i'i.
Tari'ntisiiii>, 4i4.
Tartn* stihi»'*, tidi'Taiico du uô-
pN». 460.
Ta taon, 412.
TatnuafZfî. 41i. 510.
Ti'liaoniicu, *orUs do bière usitée
«•n Chine, 132.
TilHMpi.-s, 33».
Tfi^Mi»* fjiv«'us»», 401.
— iiid)ri(pit'>e, 401.
— prlad»', 401.
— pitvrinâique, 401.
— de'^Tukélan, 401.
Tcij^no tonsurante, 401.
Tt'inpéranif'ut. son inQuenee
sur l'aptituili! morbide, 546.
T«mpératun», 1.
— du milieu inlérieur. 440.
Tension do l'oxy^^ène atmosphé-
riqu«', 13.
TiTatolofirio, 372.
Terrain pathoIof;;i({UP, 532.
Terre des herbi's, 344.
— Comestible, 520.
Tétanos. 31.
— rare rli.^z los Chinois qui fu-
ment l'opium, 17k, 283.
— fréciuiMtee compar(>e chez les
Anf?fais et les nègres, 464.
Thébalne, mal toléjrée par les
ehieus, 435.
ThéliHïsme, 173.
Théobroma, 171, 426.
Théouiani(>, 426.
Thériakisme, 175.
Thermométrie. cérùbralo, 418.
Thibet (population du), 65.
Tif;ritier. 42i».
Tilletin scarlatinota, 239.
Tlolo, coutume de sélection, 409.
Toesvak, vin de coco, 109.
Ton^a. 482.
— forme du pian, 511.
Topas, 610.
Touaregs, 45.
Tournis chez le mouton, 866.
Transformation dus êtres aux
époques géologiques, 79.
— lio. Vindividu pur le milieu,
560.
Transformisme, 560.
— rapide chez les ioftoiment
petits, 364, 636.
Transfusion du sang, 247.
Travail (divisiou da) dans la
nature, 23.
Trépanation, hîA,
Trichine, 368.
Trichinose, 368.
— (maladie des végétaux, Toi-
sine do la), 370.
Tricocéphalô, 867.
Tricophyton, 533.
— deLWvans, 401.
— ton,turans, 401.
Trinité, mortalité comparée des
An^daÎA et des nègres, 463.
Trismus desQov(«^>^-^^>^K^*
66S
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
Tsarath nphsrmotode, 497.
Tubprciilosp, 328.
— f;l luarcho suivant Ica races,
4ri4.
— (mortalité c<»iiip.'iri'*p dos Au-
jrlJiij» «'t «los ih'^ros par la), 473.
— (aptitu«l»'rt morbides créées
par la/. 5il).
Turcs. 5i3.
Typhus, 247.
— altitud»'?ld«'i«, 68.
— (Ml Aiiiériquc, 521.
--- bilieux, 251.
— bovin, 449.
— ictérode, 251.
U
Ulcèro de Bas.<ac, 49(i.
— de Mozambique, 484.
— d'Orient. 294.
Urée, 26.
Uredo caries, 137.
-- rut)it/o, 359.
Urocysiis des oi^uons, 347.
Uta, 305.
Vaccination, 559.
Vaccine, 224, îi."i5.
Vampires, 4:*3.
Vandales, 523.
Variatinu des espèces, 560.
Variétés. 560, 609.
Variole, 224,231,627.
— ch»*z l'Aralx', 526.
-- chez \o chien, 446,
— en Chine, 495.
— chex le pon\ *46.
— chez le ëiuge, 444.
Varrow, S84.
Vaudoise, 494.
Vttudoux. 429. 481.
Végétaux (maladie infectieuse
parîisitaiix- des), 3i6.
Venin. 5.
— de scorpion contre la tiùvro
Jaune, 278.
Vent, 4 4, 47.
Ver de iininéi;, 371.
Vératrine, inunuuités et aptitu-
des de certains animaux, 433.
Verd*'ranic, 133.
Viîrdet, 13:î.
Veru^'a, sa limite en altitude. 75.
299.
Vibrion pyop'uique. 2s3.
— septi<|Uc. 283.
Vidangeurs, leur inininuiié
p«uir certaines maladies, ^78.
Vie (condili<»ns de la), 89.
Vigogne, analyse de. son sang
sur les nltituiles. 70.
Villes, leur actii>n en pnthol'>-
j:ie, 4UG, 64«.
- - (.séjour dans les'i. 627.
Vincent (Saint-'î. mortalité com-
parée des Anglais et des ni'-
gres, 463.
Visache, analyse de sou saufi
sur les altitude^, 70.
Vision des couleurs. 37.
Voix, suivant les races, 489.
Vomissements lileus dans la
lièvre palustre d la llavant^
:i00.
Vomito negro, 273,
W
Wisigoths. 535.
Wiskoy, 153.
Yawo, 482.
Yerba (la), 169.
Z
Zanibos, 610.
Zélandeî Nouvelle^, sa dépopula-
tion, ;>I4.
Zooglen. leur rôle dans la mala-
ria. 2U0.
Ztigau eu Australie, 415.
Zrthus, 150.
DU MÊME AUTEUR :
Ji'pid^jnîr rhol-rlquc d*' IfiûO fï l'hôpital Bt'aujon. — Pari». Assfîlin, 18Ô7.
/tr r>'niplni tta f^phiftjiauijraphc dum C étude det agents thérapeutique». — Paris.
IlriiniiNiM', l'^'-S.
Des vj-fs v'jstt-iifil/'urs. — P.iris. Loricrc, lf*fi!».
JJe l'i fj'f/iiisurir iia.ix lu roin-niesn-ncr df's inuhidU't aigUf'x. Piri^. Assclin, 1868.
Af'fr'tiu' lArti'-li- ilii Dii-tintiD'iin.i i'iu-y>'l«tpi''«Jnpnî des i^cioDCCii mi'dicalos), en
•■■•llili'ir.iiii.ii .ivi'u* CïuM.'P. — P;iri"». Mansuii. lK7i.
A''r/''is/'/"/iyu>'v lAi-'.i^lr* <lii LJi<\iiMiDa[ri: •.■ncyoIopûdiqucdcB ficiencc!) médicales).
-- V iiis. M.i»-iiiii, l'»7:{.
fh' l'rlii"\nnil'in dt'< niv'iirumentu. — Parirt. Ilennuyor, ls73.
/;- I ntfho'W'- dti iujriiUiii'ij »/'■ la jirt!sswn atinosphi^ri*iue sur Vêvnlution orgU'
..i,/ir. - l'.'nib. M.'iSMiri, l'»77.
Z''< /'\'/iii'ii'iii.r nu Jin'din d'orrUtuntiitinu, — Pnris. Manaon, 1S77,
yiiiit w//- !>■< é//.'fs ri.in'nti'/ti'"( du pi'fiftixydr d'asnte. •■• Paris. Mn^iioi], 1877.
Tiiifn/i.'f'fn n t-t 1rs bui'dt du luc Titivncu (iu DuUclini* du la Société d'anthropo-
l^:
/ .
Jh\ I iitifis(itlfin< ri'r''hrafi'.^ {iu Rrvui; d'anthropnlogiû, 1H77).
/ii*,t::- ti'ini jioiir l'if'- ilr Afndiiijfi>!rar, ^- P:iriri. Maisniii. 1K7'<,
/.'•^ finucho^ >iu Jardin d'acclimatriti'jn[iii I;iilli:liii^ de la Soi-iéto d'anllirupologie,
/.-'v Lii-nui au Jnrditi d'ntHimatation (in lUillulirid de la Si.iciétû d'aiiiliroimlMgie
\^~~ }.
Ii>- i tt^'ii/i- de l'arc vt */'•< êihasst'» en Oci'nnie (id.*:.
I ' Cji'",it."H di'x sci^'V KS unthrt'ftnluyitfues. — P;iri^. Uciiiwald, lî«7>'.
/ ■'^f.-'C-t nii^ jniui' laMalatsit (in Itullclin^ de la Sufirté d'autlin^ixilugic, 137'J).
/i.^iit-' liiius fni'r fn J.'tpnnit' Ad].
l'i'idi' sur unr s-rit' du frûnei d'assaitsins. ~-- Paris. Masfon, 1870; 2' C'ditîoD,
.V'>^•'' •!>■ ;i'i(/i ,/(.(7.i» ej-'dl'fite. — /.'■ Jhiutnn df lUsh'a et la Xeroqa [Utiuton d**a
\ .-/... . _ j.-l;. Util h. I.-. is^o.
l!iy;,>-it 4»*r il- urijc tindirl wm nullitiiis* ili* lu Siirit-lc d*aii(hr<.)pol<>gic, IS^*!).
ti ^., :ri ,ti,- ri'ff-.iit,i:ij.!:!>- dii .\f.n!:ensit: (ït\.). l'y!?!.
/». • iiii/il.id-' •'■ ; l•(^■'■^ f.hi.i-li\ d' l'i'.unipi' pour In .S!//*//e (iJ., lb>l)i
./.',! ' .' A 't Mr.ùu: .-. Il Ml.' (r:i;itliii>ii>>liiL'ii*. H!'81^
.\ !■•■•' ..';r ■'•: '■ .': Hnfi d'nnthrn-.ijltif/ir prfhistoriqut du Muxtfuiil d'kiftoitÊ no^
tu,--li>- d,- tii: .ii.h'c. — (Jr'iii'liji;. i>iipout, l!<^l.
A :.i. .-'•iiit-' '/il-' ./ ////..•:' tt d-nunt hi science. — tiroiuililiî. Ihipont, 188i.
/. ! .11 !■ n'-r il If. f^hc.itiiiii du travail. — (iiCUôMc. hu[>oii'.. l>si.
/•"•»/i,M/-f li .1/. li- .-ffiii-'' '/•■ firriifi/d' sur nnr crpt-ricncc de trantpoH de la furet
„!';/. ■.•''.' nu 1.1 nj.-n •/■' l'i'li-tncd:'. Gruoiiblo. l>iipuat, lï^3.
A!-:.! il - : ^'iiv:. f\,nditran'ji'. — Fer. — Musc. — Xirntianine. — «Yiro/mr.
^J,ln^\irl. — Itnij'-rt. - H-'fidrilifM. —. Santal. — ScnntMOnt'c. — 'f^C. (in Dic-
l ••iiiiain: L'ucyrlnp. dinui: dl.'^» s>'iiMu*v:« inrdii'alesî. — P.iris. Mmssod.
Arl!'!""»: A// u«« <///•'. — Ai'/' rie. litrif-rri. — /Jrtutnn Ji* /IoAto- — Choléra.
— Ih t/tifi-rcKt'uirc ifi l'ictuinnairo de.- ':ciûnrcs anUirûpulogiilucs). — ParU-
Diiiil.
l'.i-> Mil ; II) Jdvmnl dr ihcraptrutique de Huiler. — Dulletin de th-rapeutique.^ —
ti- -c \ii.',iii/iqw. — Jte*ut' interfiatitntnle d>'$ sc.ienBtê. — Archvc^ de mt'de-
' i' . — A/t/»»i'.'5 de inrdeciih' navaie. — La fiazrttehfhdomndaiivdc mcdecine
ti 'I- I /nrurçir. ~ Jiullctini delà So'irté anatouiique. — DuUetmt de la Société
de th''i'apfutiqnr. — Uulletins de la Société d'uni hropoloqie. — La Xatwê. ^
fc !^'ational — le Républicain 4e l'Isère. — le Jtèvnfdu Ikn^kmé^^^^
i-.
-» .... • .^ j|
Sv*.
-^'"^^^'^- MiMilMiiTti^-i