Skip to main content

Full text of "La géographie médicale"

See other formats


Google 


This  is  a  digital  copy  of  a  book  thaï  was  prcscrvod  for  générations  on  library  shelves  before  it  was  carefully  scanned  by  Google  as  part  of  a  project 

to  make  the  world's  bocks  discoverablc  online. 

It  has  survived  long  enough  for  the  copyright  to  expire  and  the  book  to  enter  the  public  domain.  A  public  domain  book  is  one  that  was  never  subject 

to  copyright  or  whose  légal  copyright  term  has  expired.  Whether  a  book  is  in  the  public  domain  may  vary  country  to  country.  Public  domain  books 

are  our  gateways  to  the  past,  representing  a  wealth  of  history,  culture  and  knowledge  that's  often  difficult  to  discover. 

Marks,  notations  and  other  maiginalia  présent  in  the  original  volume  will  appear  in  this  file  -  a  reminder  of  this  book's  long  journcy  from  the 

publisher  to  a  library  and  finally  to  you. 

Usage  guidelines 

Google  is  proud  to  partner  with  libraries  to  digitize  public  domain  materials  and  make  them  widely  accessible.  Public  domain  books  belong  to  the 
public  and  we  are  merely  their  custodians.  Nevertheless,  this  work  is  expensive,  so  in  order  to  keep  providing  this  resource,  we  hâve  taken  steps  to 
prcvcnt  abuse  by  commercial  parties,  including  placing  lechnical  restrictions  on  automated  querying. 
We  also  ask  that  you: 

+  Make  non-commercial  use  of  the  files  We  designed  Google  Book  Search  for  use  by  individuals,  and  we  request  that  you  use  thèse  files  for 
Personal,  non-commercial  purposes. 

+  Refrain  fivm  automated  querying  Do  nol  send  automated  queries  of  any  sort  to  Google's  System:  If  you  are  conducting  research  on  machine 
translation,  optical  character  récognition  or  other  areas  where  access  to  a  laige  amount  of  text  is  helpful,  please  contact  us.  We  encourage  the 
use  of  public  domain  materials  for  thèse  purposes  and  may  be  able  to  help. 

+  Maintain  attributionTht  GoogX'S  "watermark"  you  see  on  each  file  is essential  for  informingpcoplcabout  this  project  and  helping  them  find 
additional  materials  through  Google  Book  Search.  Please  do  not  remove  it. 

+  Keep  it  légal  Whatever  your  use,  remember  that  you  are  lesponsible  for  ensuring  that  what  you  are  doing  is  légal.  Do  not  assume  that  just 
because  we  believe  a  book  is  in  the  public  domain  for  users  in  the  United  States,  that  the  work  is  also  in  the  public  domain  for  users  in  other 
countiies.  Whether  a  book  is  still  in  copyright  varies  from  country  to  country,  and  we  can'l  offer  guidance  on  whether  any  spécifie  use  of 
any  spécifie  book  is  allowed.  Please  do  not  assume  that  a  book's  appearance  in  Google  Book  Search  means  it  can  be  used  in  any  manner 
anywhere  in  the  world.  Copyright  infringement  liabili^  can  be  quite  severe. 

About  Google  Book  Search 

Google's  mission  is  to  organize  the  world's  information  and  to  make  it  universally  accessible  and  useful.   Google  Book  Search  helps  rcaders 
discover  the  world's  books  while  helping  authors  and  publishers  reach  new  audiences.  You  can  search  through  the  full  icxi  of  ihis  book  on  the  web 

at|http: //books.  google  .com/l 


Google 


A  propos  de  ce  livre 

Ceci  est  une  copie  numérique  d'un  ouvrage  conservé  depuis  des  générations  dans  les  rayonnages  d'une  bibliothèque  avant  d'être  numérisé  avec 

précaution  par  Google  dans  le  cadre  d'un  projet  visant  à  permettre  aux  internautes  de  découvrir  l'ensemble  du  patrimoine  littéraire  mondial  en 

ligne. 

Ce  livre  étant  relativement  ancien,  il  n'est  plus  protégé  par  la  loi  sur  les  droits  d'auteur  et  appartient  à  présent  au  domaine  public.  L'expression 

"appartenir  au  domaine  public"  signifie  que  le  livre  en  question  n'a  jamais  été  soumis  aux  droits  d'auteur  ou  que  ses  droits  légaux  sont  arrivés  à 

expiration.  Les  conditions  requises  pour  qu'un  livre  tombe  dans  le  domaine  public  peuvent  varier  d'un  pays  à  l'autre.  Les  livres  libres  de  droit  sont 

autant  de  liens  avec  le  passé.  Ils  sont  les  témoins  de  la  richesse  de  notre  histoire,  de  notre  patrimoine  culturel  et  de  la  connaissance  humaine  et  sont 

trop  souvent  difficilement  accessibles  au  public. 

Les  notes  de  bas  de  page  et  autres  annotations  en  maige  du  texte  présentes  dans  le  volume  original  sont  reprises  dans  ce  fichier,  comme  un  souvenir 

du  long  chemin  parcouru  par  l'ouvrage  depuis  la  maison  d'édition  en  passant  par  la  bibliothèque  pour  finalement  se  retrouver  entre  vos  mains. 

Consignes  d'utilisation 

Google  est  fier  de  travailler  en  partenariat  avec  des  bibliothèques  à  la  numérisation  des  ouvrages  apparienani  au  domaine  public  et  de  les  rendre 
ainsi  accessibles  à  tous.  Ces  livres  sont  en  effet  la  propriété  de  tous  et  de  toutes  et  nous  sommes  tout  simplement  les  gardiens  de  ce  patrimoine. 
Il  s'agit  toutefois  d'un  projet  coûteux.  Par  conséquent  et  en  vue  de  poursuivre  la  diffusion  de  ces  ressources  inépuisables,  nous  avons  pris  les 
dispositions  nécessaires  afin  de  prévenir  les  éventuels  abus  auxquels  pourraient  se  livrer  des  sites  marchands  tiers,  notamment  en  instaurant  des 
contraintes  techniques  relatives  aux  requêtes  automatisées. 
Nous  vous  demandons  également  de: 

+  Ne  pas  utiliser  les  fichiers  à  des  fins  commerciales  Nous  avons  conçu  le  programme  Google  Recherche  de  Livres  à  l'usage  des  particuliers. 
Nous  vous  demandons  donc  d'utiliser  uniquement  ces  fichiers  à  des  fins  personnelles.  Ils  ne  sauraient  en  effet  être  employés  dans  un 
quelconque  but  commercial. 

+  Ne  pas  procéder  à  des  requêtes  automatisées  N'envoyez  aucune  requête  automatisée  quelle  qu'elle  soit  au  système  Google.  Si  vous  effectuez 
des  recherches  concernant  les  logiciels  de  traduction,  la  reconnaissance  optique  de  caractères  ou  tout  autre  domaine  nécessitant  de  disposer 
d'importantes  quantités  de  texte,  n'hésitez  pas  à  nous  contacter  Nous  encourageons  pour  la  réalisation  de  ce  type  de  travaux  l'utilisation  des 
ouvrages  et  documents  appartenant  au  domaine  public  et  serions  heureux  de  vous  être  utile. 

+  Ne  pas  supprimer  l'attribution  Le  filigrane  Google  contenu  dans  chaque  fichier  est  indispensable  pour  informer  les  internautes  de  notre  projet 
et  leur  permettre  d'accéder  à  davantage  de  documents  par  l'intermédiaire  du  Programme  Google  Recherche  de  Livres.  Ne  le  supprimez  en 
aucun  cas. 

+  Rester  dans  la  légalité  Quelle  que  soit  l'utilisation  que  vous  comptez  faire  des  fichiers,  n'oubliez  pas  qu'il  est  de  votre  responsabilité  de 
veiller  à  respecter  la  loi.  Si  un  ouvrage  appartient  au  domaine  public  américain,  n'en  déduisez  pas  pour  autant  qu'il  en  va  de  même  dans 
les  autres  pays.  La  durée  légale  des  droits  d'auteur  d'un  livre  varie  d'un  pays  à  l'autre.  Nous  ne  sommes  donc  pas  en  mesure  de  répertorier 
les  ouvrages  dont  l'utilisation  est  autorisée  et  ceux  dont  elle  ne  l'est  pas.  Ne  croyez  pas  que  le  simple  fait  d'afficher  un  livre  sur  Google 
Recherche  de  Livres  signifie  que  celui-ci  peut  être  utilisé  de  quelque  façon  que  ce  soit  dans  le  monde  entier.  La  condamnation  à  laquelle  vous 
vous  exposeriez  en  cas  de  violation  des  droits  d'auteur  peut  être  sévère. 

A  propos  du  service  Google  Recherche  de  Livres 

En  favorisant  la  recherche  et  l'accès  à  un  nombre  croissant  de  livres  disponibles  dans  de  nombreuses  langues,  dont  le  français,  Google  souhaite 
contribuer  à  promouvoir  la  diversité  culturelle  grâce  à  Google  Recherche  de  Livres.  En  effet,  le  Programme  Google  Recherche  de  Livres  permet 
aux  internautes  de  découvrir  le  patrimoine  littéraire  mondial,  tout  en  aidant  les  auteurs  et  les  éditeurs  à  élargir  leur  public.  Vous  pouvez  effectuer 
des  recherches  en  ligne  dans  le  texte  intégral  de  cet  ouvrage  à  l'adressefhttp:  //book  s  .google .  coïrïl 


!!<jyNlBi 


BIBLIOTHÈQUE 


DES 


SCIENCES   CONTEMPORAINES 


X 


tIA-lf 


BIBLIOTHÈQUE  DES  SCIENCES  CONTEMPORAINES 


LA 


GÉOGRAPHIE  MÉDICAL! 


PAR 


LE  ly  A.    BORDIER 

PROFESSEUR  DE  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE 

A  l'École  d'anthropologie. 


PARIS 

C.    REINWALD,    LIBRAIRE-ÉDITEUR 

iS,  RUE  DES  SAINTS-PÈRES,  15 


1884 

Tons  droiU  réserrét. 


é/A^r 


VI  PRÉFACE. 

L'utilité  de  cette  étude  n'est  plus  à  démontrer  :  nos 
confrères  de  la  marine,  qui,  de  tout  temps,  en  ont  ap- 
précié l'importance  et  dont  les  travaux  sont  la  mine 
où  j'ai  largement  fouillé  pour  recueillir  mes  matériaux, 
ne  sont  plus  seuls  h  avoir  besoin  des  connaissances  de 
cette  nature  et  à  les  rechercher.  L'esprit  colonisateur 
semble,  en  effet,  se  réveiller  chez  nous  ;  le  nombre 
des  médecins  civils  appelés  à  exercer  un  jour  loin  de 
la  mère  patrie  va  donc,  sans  cesse,  en  augmentant. 
D'ailleurs  la  rapidité,  la  facilité  et  la  fréquence  des 
rapports  internationaux  (je  ne  parle  que  des  rapports 
pacifiques)  augmentent,  pour  chacun  de  nous,  les 
chances  d'observer,  sans  se  déplacer,  des  malades  de 
races  différentes,  venus  de  climats  différents,  et  créent 
par  conséquent  la  nécessité  de  connaître  l'influence 
de  la  race  et  du  climat  sur  la  marche  des  maladies,  sur 
leur  pronostic  et  sur  leur  traitement. 

Si  là  se  bornait  l'étude  de  la  géographie  médicale, 
ce  livre  ne  s'adresserait  qu'aux  médecins  ;  or,  si  je  ne 
m'abuse,  il  est,  au  moins  parle  plan  qui  a  été  suivi, 
de  nature  à  offrir  quelque  intérêt  aux  biologistes,  aux 
anthropologistes,  aux  sociologistes,  aux  philosophes, 
et  même  à  tous  les  hommes  qui  sont  aux  prises  avec 
les  difficultés  de  la  politique  pratique. 

En  effet,  si  l'anatomie  et  la  physiologie  comparées 
nous  ont  habitués  à  reconnaître  l'unité  des  lois  qui 
régissent  la  matière  vivante,  depuis  la  monade  jusqu'à 
l'homme,  nous  allons  retrouver  la  même  unité  en  étu- 
diant^ du  bas  jusqu'au  haut  de  l'échelle  zoologique,  les 


PRÉFACK.  Vil 

infractions  à  ces  lois,  ou,  pour  parler  plus  justement, 
cette  nouvelle  manifestation  de  leur  pouvoir,  qui  a  nom 
\dL  pathologie  y  dans  sa  répartition  suivant  les  races. 
Toutes  les  espèces  subissent,  en  effet,  à  peu  près  de  la 
même  manière,  l'action  des  mêmes  causes  morbides. 
Cependant,  sous  réserve  de  cette  unité,  nous  noterons 
les  nuances  et  parfois  les  couleurs  différentes  que  prend 
une  même  maladie,  lorsqu'on  Tétudie  successivement 
dans  plusieurs  espèces.  Une  part  considérable  a  donc 
été  faite,  dans  ce  livre,  à  la  pathologie  comparée^  qui 
vient  ici  à  Tappui  de  l'anatomie  comparée.  Les  travaux 
des  médecins  vétérinaires  ont  été  souvent  mis  à  profit. 
Les  recherches  modernes  en  tératologie  nous  ont, 
en  outre,  appris  que  les  vices  de  conformation,  les  mon- 
struosités comme  les  anomalies,  sont  le  résultat  d'un 
trouble  pathologique  survenu  chez  le  foetus,  surpris 
par  ce  phénomène  en  pleine  évolution.  Nous  savons 
que  cette  maladie  a  eu  pour  résultat  un  arrêt  dans  le 
développement,  en  vertu  duquel  la  partie  lésée  reste 
comme  pétrifiée  dans  la  forme  destinée  à  n'être  que 
passagère,  qu'elle  présentait  au  moment  où  l'accident 
est  arrivé.  On  sait  tout  le  parti  que  la  doctrine  de  la 
descendance  a  tiré  de  ces  faits,  qui  jouent  le  même 
rôle  dans  la  démonstration  du  développement  continu 
des  êtres,  que  ces  graphiques  qui  enregistrent^  dans 
chacune  de  ses  phases,  un  mouvement  continu,  ou 
que  ces  photographies  instantanées  qui  immobilisent, 
devant  l'œil  du  lecteur,  chacun  des  temps  rapides  qui  se 
succèdent,  sans  qa'on  puisse  les  distinguer^  dau^  Vi^- 


VIII  PRÉFACE. 

lure  d'un  homme  qui  court  ou  d'un  cheval  qui  galope. 

C'est  en  se  basant  sur  tous  ces  faits  qu'on  admet 
aujourd'hui  que  chaque  être  parcourt,  dans  son  déve- 
loppement individuel  ou  ontogénie^  le  même  chemin 
qu*a  suivi  la  série  zoologique  dans  son  développement 
total  ou  phylogénie.  Cette  partie  de  la  pathologie 
embryonnaire  devait  trouver  place  dans  la  pathologie 
comparée  et  s'unir  à  Tanatomie  et  à  l'embryologie 
comparées,  pour  fournir  une  preuve  nouvelle  à  la  doc- 
trine de  la  descendance  et  à  la  reconnaissance  de  notre 
parenté  avec  les  formes  animales  parfois  les  plus  éloi- 
gnées de  la  nôtre  au  premier  abord. 

Mais  l'homme,  à  lui  seul,  est  un  sujet  d'études 
assez  vaste  ;  si  donc  le  naturaliste  s'applique,  dans  ses 
études  comparées,  à  rechercher  la  place  de  l'homme 
au  milieu  des  autres  animaux,  place  qui  est  la  pre- 
mière assurément  si  l'on  considère  le  cerveau  et  la 
main,  mais  qui  ne  l'est  plus  lorsqu'on  quitte  ces  deux 
points  de  vue  capitaux  pour  se  placer  à  d'autres  moins 
importants,  Yanthropologiste  s'attache  exclusivement 
à  la  comparaison  des  hommes  entre  eux.  A  Tinverse 
du  biologiste,  qui  tout  à  l'heure  était  surtout  frappé  de 
l'identité  des  phénomènes  pathologiques  présentés  par 
la  série  animale  et  de  ceux  qu'on  observe  chez  Thomme, 
il  constate,  il  est  vrai,  les  plus  grands  rapports  dans 
les  maladies  que  présentent  les  hommes  de  toutes 
races,  sous  tous  les  climats,  mais  il  est  forcé  de  noter 
des  différences  importantes,  non  seulement  dans  la 
manière  dont  les  hommes  de  race  et  de  climat  diffé- 


PRÉFACE.  IX 

rents  cxprimeni  une  môme  maladie,  mais  encore 
dans  Inaptitude  que  certaines  races  présentent  et  dans 
rimmunité  dont  certaines  autres  semblent  jouir  pour 
quelques  maladies.  La  pathologie  comparée  des  races 
humaines  fournit  ainsi,  contre  le  monogénisme,  des 
arguments  tout  aussi  puissants  que  ceux  qui  sont 
empruntés  à  Tanatomie  des  organes  profonds  ou  à  Té- 
tude  des  formes  et  des  proportions.  Le  titre  (ï Anthro- 
pologie pathologique  eût  donc  pu  convenir  à  ce  livrej 
si  celui  de  Géographie  médicale  n'eût  été  plus  large  et 
plus  général. 

J'aurais  d'ailleurs  pu,  sans  sortir  des  limites  fixées 
par  le  titre  à! Anthropologie  pathologique,  étendre 
encore  assez  loin  la  portée  pratique  de  ces  études. 
Dans  nos  tentatives  de  colonisation,  comment  nous 
comporter  avec  les  races  indigènes,  si  nous  ne  con- 
naissons pas  non  seulement  leurs  mœurs  et  leurs  cou- 
tumes, leur  génie  intellectuel,  mais  aussi  leur  tempé- 
rament, leurs  aptitudes  pathologiques,  leur  génie 
morbide  ?  Comment  diriger  nos  compatriotes,  en  gé- 
néral, et,  d'une  façon  plus  particulière,  ceux  du  Nord 
et  ceux  du  Midi,  pour  telle  ou  telle  raison  détermi- 
nante, sur  telle  colonie  ou  sur  telle  partie  d'une  co- 
lonie, si  nous  n'avons  étudié  au  préalable  l'action  du 
climat  général  de  la  colonie  et  du  climat  spécial  de  ses 
principales  régions  sur  nos  compatriotes  en  général» 
et  plus  spécialement  sur  les  habitants  de  telle  ou  telle 
de  nos  anciennes  provinces  ?  Or  c'est  là  la  condition 
indispensable  à  toute  chance  d'acclimatemenl^  el^BX 


X  PRÉFACE. 

conséquent  la  clef  de  la  science  de  V acclimatation. 

Chez  nous-mêmes,  d*ailleurs,  comment  protéger 
nos  diverses  populations  par  des  lois  appropriées,  si 
Dous  ne  savons  quel  est,  au  moment  présent,  leur 
tempérament  social^  si  nous  ne  sommes  préalable- 
ment fixés  sur  les  phénomènes  démographiques  nor- 
maux ou  anormaux,  autrement  dit,  sur  la  constitution 
anatomique,  la  structure,  la  physiologie  et  la  patho- 
logie du  corps  social? 

De  même,  en  un  mot,  qu'il  existe  une  science,  Vhy- 
ffiène  individuelle^  qui,  basée  surl'anatomie,  le  tempé- 
rament physiologique  ou  morbide  de  chaque  homme, 
éclairée  par  Is^  chimie,  par  la  climatologie,  par  toutes 
les  sciences,  enseigne  à  chacun  de  nous  comment  il 
doit  régler  sa  vie  pour  lui  donner  son  plus  grand  ren- 
dement et  pour  éviter  les  maladies,  de  même  il  existe, 
ou  du  moins  il  devrait  exister  une  autre  science,  V/nj- 
giène  sociale^  qui,  basée  sur  les  sciences,  sur  la  consti- 
tution et  le  tempérament  physiologique  ou  morbide 
de  chaque  peuple,  doit  l'amener  au  plus  grand  rende- 
ment possible  et  le  préserver  de  la  dégénérescence. 
Aux  états  généraux  de  Blois,  en  1587,  un  membre  du 
tiers  état,  Bodin,  disait  déjà  :  «  L'un  des  plus  grands 
et  peut-être  le  principal  fondement  des  républiques, 
c'est  daccommoder  l'esprit  des  lois  au  naturel  des 
citoyens,  les  édits  et  ordonnances  à  la  nature  des 
lieux,  des  personnes  et  des  temps,  »  principes  déjà 
compris  par  Solon,  qui  répondit  un  jour,  à  quelqu'un 
gui  lui  demandait  si  les  lois  qu'il  avait  dictées  aux 


Athéniens  étaient  parfaites  :  «  Ce  sont  les  meilleures 
qu'ils  étaient  capables  de  recevoir.  » 

Hais  nous  ne  sommes  pas  encore,  je  le  crains,  assez 
habitués  par  notre  éducation  à  la  méthode  scientifique, 
pour  que  la  sociologie  soit  considérée  comme  une 
science  exacte,  basée  elle-même  sur  l'hygiène  sociale. 
Il  y  faudra  venir  cependant  ;  car  nos  législateurs  se- 
raient certainement  mieux  armés  contre  les  dangers 
de  la  rhétorique  parlementaire,  si  les  notions  que  j'ai 
cherché  à  rassembler  dans  ce  livre  sur  Yhérédité^  la 
sélection  sociale  et  sur  les  causes  de  dégénérescence 
des  peuples  étaient  plus  familières  à  un  grand  nombre 
d'entre  eux. 

Ceci  dit  de  l'esprit  général  de  ce  livre,  je  n'ai  qu'un 
mot  à  ajouter  au  sujet  du  plan,  qui  a  été  suivi. 

Rien  n'est  isolé  dans  la  nature  ;  chaque  être  vivant 
subit  l'action  résultante  des  objets  animés  et  inanimés 
qui  l'entourent  et  réagit  lui-même  sur  ces  objets.  La 
mésologie^  ou  étude  des  milieux,  était  donc  la  grande 
voie  sur  laquelle  j'étais  certain  de  rencontrer,  dans 
mon  exposé,  le  plus  grand  nombre  de  faits  particuliers. 

Le  livre  I*'  est  consacré  à  l'étude  des  milieux  exté- 
rieurs à  l'homme  ;  dans  la  nomenclature  de  ces  mi- 
lieux figurent  non  seulement  V atmosphère^  le  sol^  mais 
encore  Xd,  faune,  la  flore,  m.  milieu  de  laquelle  l'homme 
lutte  et  a  lutté,  d'abord  à  titre  d'égal,  d'inférieur  même, 
aujourd'hui  à  titre  de  maître,  surtout  depuis  que, 
éclairé  par  les  travaux  de  Pasteur,  il  a  su  découvrir  les 
plus  nombreux,  les  plus  petits  et  par  conséquent  les 


XII  PRÉFACE. 

plus  redoutables  de  ses  ennemis  et,  les  ayant  décou- 
verts, les  asservir  ou  les  détruire.  Dans  la  faune,  il 
convient  enfin  de  mettre  à  part  ce  qui  constitue  pour 
chacun  de  nous  un  milieu  spécial  :  le  milieu  social. 

En  outre,  si  chacun  de  nous  est,  en  réalité,  un  atome 
constituant  du  cosmos,  au  milieu  duquel  il  est  plongé, 
chacun  de  nous  est  aussi  un  microcosme  constitué  de 
molécules,  d'éléments  anatomiques  qui  vivent  en  lui, 
dont  Tensemble  le  forme  et  dont  il  est  en  réalité  le 
milieu.  C'est  le  milieu  intérieur  de  chacun  de  nous, 
milieu  qui  diffère  suivant  les  races,  les  individus,  les 
Ages,  les  sexes  et  qui  crée  des  conditions  biologiques 
spéciales  à  chacun  des  éléments  anatomiques  qui  y  sont 
plongés.  Le  milieu  intérieur  fait  Tobjet  du  livre  U. 

Le  livre  III  est  consacré,  non  plus  à  l'individu,  mais 
à  la  série  des  individus.  J'y  aborde  la  conception  de 
l'espèce;  j'y  suis  le  rôle  de  la  pathologie  dans  les 
variations  des  types  sans  cesse  flottants  entre  deux 
forces  opposées,  Vatavisme  et  Vadaptation  au  milieu^ 
forces  elles-mêmes  servies  tour  à  tour  par  l'hérédité. 
Lorsque  celle-ci  transmet  les  caractères  anciens,  elle 
amène  l'immobilité  du  type;  lorsque,  au  contraire,  elle 
transmet  les  caractères  nouvellement  acquis,  elle  en- 
traîne le  type  mouvant  dans  la  voie  du  tramformis7ne. 
Sans  cette  dernière  condition  les  espèces,  immobilisées 
dans  le  milieu  changeant,  qu'elles  ne  peuvent  suivre 
en  s'y  adaptant,  subissent  l'inévitable  dégénérescence. 

D'  A.  BORDTKR. 
ParJB,  novembre  1883. 


TABLE  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


LIVRE  I. 

MILIEUX    EXTÉRIEURS. 

CHAPITRE    I.    —    L'ATMOSPllfeKE. 

Pagw, 

I.  Température 1 

§  i.  ChaUur.  -^  Action  do  la  chaleur  sur  les  êtres  infé- 
rieurs. —  Action  de  la  chaleur  sur  les  organismes 
complexes.  »  Coup  de  chaleur.  —  Action  prolongée 
d'une  température  élevée  dans  les  pays  chauds.  — 

Action  de  la  shaleur  sur  l'évolution  sociale 1 

S.  Froid.  —  Action  biologique  du  froid.  —  Anémie  per- 
nicieuse du  Nord.  —  Congestions  viscérales.  —  Ge- 
lures. —  Panaris.  -  Modiflcntions  physiologiques 
dans  les  pays  froids.  —  Le  froid  au  point  de  vue  so- 
cial       17 

II.  Lumière.  —Action  biologique  de  la  lumière.  —  Mimétisme. 

—  Action  sociale  de  la  lumière.  —  Maladies  produites  par 
la  lumière.  —  Du  spectre  solaire.  —  Action  des  rayons  du 
spectre  sur  la  rétine.  ^  Action  du  spectre  sur  le  cerveau.      23 

III.  Electricité.  —  Ozone.  —  Grippe  ou  influenza 38 

IV.  Vapeur  d'eau.  —  Aclion  biologique 41 

V.  Poussières  atmosphériques.  ^  Vents 44 

VI.  Altitude.  Pression  atmosphérique.  —  Action  de  Taltitude 

sur  la  température.  —  Action  de  l'altitude  sur  la  vapeur 
d'eau.  —  Diminution  de  la  pression  atmosphérique.  — 
Mal  des  montagnes.  —  Du  séjour  sur  les  altitudes.  — 
Tension  atmosphérique  ;  expériences  de  P.  Bert.  --Anox- 
hémic  des  hauteurs;  Jourdanet.  —  Action  sociale  des 
altitudes.  ^  Pathologie  spéciale  des  allitudes.  —  Phy- 
siologie comparée,  adaptation  au  milieu.  —  De  la  com- 
pression atmosphérique.  —  Rôle  de  la  pression  atmosphé- 
rique dans  révolution  des  êtres ,' 50 


XIV  TABLE  ANALYTIQUR  DES   MATIÈRES. 

CHAPITREII.— LESOL. 

•  Pages. 

§  t.  Pauvreté  du  toi  «n  malièru  caleairu,  -^  Cachexie ossirrage. 

—  Oatèomalacie  des  femmes  en  oouohes.  —  Ostéoma- 
laoie  des  vieillards.  —  Ostéo malade  des  jeunes  ver- 
tébrés. —  Maladie  des  chevaux  en  Cochinohine.  —  Rachi- 
tisme        89 

1.  Hichêis*  du  sol  tu  matières  calcaires,  —  Calculs.  —  Athè- 
romes 93 

3.  Infiuêncê  de  la  naturt  du  sol  9n  général,  »  Action  du  sol 
sur  l'évolution  organique.  —  Action  du  sol  sur  l'évolution 
sociale 95 

CHAPITRE  III.  —  LA   FAUNE  ET  LA  FLORE  —  LA  LUTTE 

POUR  l'existence. 

1.  AUmêBUiiOB.  —  Modiflcation  de  Tcspèce  par  le  régime 
alimentaire.  —  De  l'alimentation  de  l'homme.  —  Influence 
sociale  de  l'alimentation 98 

g  !•  Inanilion.  BpidéwUes  de  famiuê.  —  Famine  des  Flandres 
(1847).—  Famines  do  Silésie.  -»  Famines  d'Irlande. 
—  Famines  dans  l'Inde.  —Famine  en  Asie.  —  Famine 
en  Algérie.—  Famine  en  Chine.  —  Famines  en  Russie. 
— >  Action  des  famines  sur  le  mouvement  des  popu- 
lations     110 

S.  Ergotisme,  —  Ergotisme  gangreneux.  -^  Ergotisme 
convulsif.  —  Ergotisme  expérimental.  —  Influence 
des  habitudes  alimentaires  sur  la  forme  de  Tergo- 
tisme 121 

3.  Pellagre.  —  Symptômes.  —  Le  mais,  la  polenta.  — 

Pellagre  expérimentale.  —  Prophylaxie  de  la  pel- 
lagre      12? 

4.  Pelade 135 

5.  Acrodynie 136 

6.  Béribéri,  —  Distribution  géographique.—  Aptitude  des 

races.  —  Conditions  étiologiques  diverses.  —  Sym- 
ptômes. —  Anatomie  pathologique.  —  Nature  de  la 
maladie.  —  Pathologie  comparée 137 

7.  Scorbut,  —  Histoire.   —  Etiologie.  — >  Aptitude  des 

races.  —  Symptômes 142 

8.  Héméralcpie,  ~  Géographie.  —  Symptômes.  —  Trai- 

tement. —  Causes.  —  Nature 147 

9.  AlcooUsmê,  —  Histoire  et  géographie.  —  L'alcoolisme 

oâBBB  de  dégénérescence  sociale 150 


TABLB  ANALYTIQUE    DES  MATIÈRES.  IV 

Pages. 
§  10.  Bthérismê 161 

11.  Coca,  cocaîtmê,  —  HUtoire  et  géographie  de  la  ooca. 
^  Composition  de  la  cooa.  —  Action  physiologique. 

—  Cocaisrae 162 

12.  Èiaté,  —  Géographie.  —  Consommation.  —  Composi- 

tion. —  Matéisme 169 

13.  Noix  de  Kola^ 170 

14.  Kawa-Kawa.  -^  Géographie.  —  Action  physiologique. 

—  Composition.  —  Avaisme 172 

15.  Duboisia 173 

1 6.  Haschisch,  —  Action  physiologique 173 

17.  Optum,  thériakismê  ou  ihébaUnu.  —  Géographie.  — 

Effets  tbébalques 175 

\S,  iÊorphme,  morphiomaïUê 179 

19.  Tabac 181 

20.  Mastic 182 

21.  Bétel,  —  Avantages  du  bétel 182 

II.  Latte  de  l'homme  contre  la  faune  et  la  flore.  —  Lutte 

avec  les  grands  animaux.  —   Lutte  contre  les  infiniment 
petits 184 

§  1.  mnfUati<m 185 

2.  Sutfuration 186 

3.  ImpaUâdismê.  —  Géographie  de  Timpaludisme.  —  For- 

mes diverses  de  la  fièvre.  —  Cachexie  paludéenne.  — 
Crétinisme  paludéen.  —  Nature  de  la  malaria.  —  Ac- 
tion favorable  du  dessèchement  des  marais.  —  Le 
quinquina 1 87 

4.  Goitre.  Crétinisme  goitreux.  -^  Distribution  géogra- 

phique. —  Histoire.  —  Physiologie  pathologique.  — 
Crétinisme  goitreux.  ^  Cause;  nature.  —  Pathologie 
comparée.  —  Gottre  aigu.  -^  Crétinisme  aigu.  — 
Prophylaxie 205 

5.  Dysenterie,  —  Géographie.  —  Causes.  —  Nature 219 

III.  Ferments,  fermentations  pathologiques.  —  Rôle  parasi- 

taire des  fermenté.  —  Inoculation.  —  Contagion.  —  Milieu 
épidémique.  —  La  npontanéité  des  maladies  à  ferment 
n>xiste  pas 222 

§  1.  Variole,  —  Histoire  et  géographie.  —  Nature;   con- 
tagion      ••* 

2.  Rougeole.  —   Histoire  et  géographie.  —  Nature,  con- 
tagion, inoculation • ^"^^ 

>.  Seariaiéitê.  »  Histoire  et  géographie.  —  I^illQXt  •  •  • .  •  •    ^V\ 


XVI  TADLB  ANALYTIQUE   DES  MATIÈRES. 

Pages. 
S  4.  Swttt.  —  Histoire i39 

5.  Dênçu»,  —  Géographie.  —  Contagion  pandémique.  — 
Symptômes.  —  Nature 240 

6.  Fièvre  typhotd».  —  Histoire  et  géographie.  — >  Conta- 
gion. ^  Nature 242 

7.  Typhus.  —  Histoire  et  géographie.  —  Encombrement. 

—  Symptômes.  —  Nature 247 

S.  Hêlapsimg  fiVir,  —  Géographie.  *-  Symptômes.  --  Na- 
ture     250 

9.   TyphusbUkux 251 

10.  MMngU9  cérebro-ipimaU 25:^ 

11.  Pej/f.  —  Histoire  et  géographie.  —  Symplômes.  — 
Contagion.  —  Nature 252 

12.  Choléra.  —  Histoire  et   géographie.  —   Causes.  — 

Contagion.  -  -  Influence  du  sol.  —  Quel  est  l'agent 

producteur  du  choléra? 2(m 

It.  Fièpr0  jaune.  —  Histoire  et  géographie.  —  Conta- 
gion. —  Pathologie  comparée.  »  Nature 27 1 

14.  iHphihérii.    —  Histoire  et  géographie.    — >  Nature. 

--  Contagion tls 

15.  OrHlUms.  —  Histinre  et  géographie.  ^  Nature 281 

16.  Coqu9l%u:he,  —  Géographie 282 

17.  Krysipèiê,  —  Géographie  et  nature 28:i 

18.  S$pUcémi9 28:t 

19.  Tétanos.  —  Nature  et  géographie 283 

20.  Pourriture  d hôpital.  —  Phagédénisme  des  pays  chauds.    2S5 
2i.  Hmpoisonnsmeni  puerpéral.  —  Géographie.  —  Nature.    2S;) 

22.  Hagt.  —  Nature.  -—  Géographie 2H«; 

23.  Morve.  —  Histoire  et  géographie.  —  Nature^  con- 

tagion       287 

24.  Péripneumonie  épidémique.  —  Histoire  et  géographie. 

—  Contagion,  nature ,    200 

25.  Fièvre  aphlheuse.  Cocote.  —  Géographie.  —  Aptitude. 

—  Nature 291 

2G.  Charbon  baetéridien.  Fièvre  charbonneuse.  —  Géogra- 
phie. —  Nature 292 

27.  Charbon  symptomatique  ou  bactérien.  —  Nature 292 

la.  Fièvre  pemphigoîde.  -- Nature.  —  Aptitude 293 

nr.  Parasitet  microscopiqtaes 293 

S  1.  Bouton  ds  Biskra.  —  Géographie.  —  Symptômes.  — 
Aptitude.  —  Tentatives  d'inoculation.  —  Pronostic. 

—  Etiologie.  —  Anatomie  pathologique.  »  Nature.    294 
2.  Veruga  on  bouton  des  Andes.  —  Géographie  et  histoire. 


TABLB   ANALYTIQUE   DES   MATIÈRES.  XVII 

Pages. 
—  Symptôme».  —  Aptitude.  —  Pronostic.  —  Etio- 

logie.  —  Analomie  patlioloifique.  -  Nature.    -  Ana- 
logie du  bouton  de  Biskra  et  du  bouton  de»  Andes..    299 
g  3.  Furonculose.  —  Nature.  —  Etiologie 305 

4.  Pied  de  Madura,  —   Géographie.  —  Symptômes.  — 

.Anatomic  pathologique.  —  Nature.  —  Maladies  si- 
milaires. -   Etiologie 306 

5.  Aciinomycase.  —   Analomie  pathologique.  —  luocula- 

tîon 309 

6.  Lèpre,  —  Histoire  et  géographie.  —  Symptômes.  — 

Etiologie.  —  Hérédité.  —  Contagion.  --  Pathologie 
comparée.  —  Nature  parasitaire  de  la  lèpre 311 

7.  TubernUose.  —   Géographie.     -  Circonstances  étiolo- 

giques  diverses.  —  Contagion.  —  Inoculation.  —  Le 

microbe  de  la  tuberculose.   —  Hérédité 328 

S.  Syphilis.   -^  Histoire  et  géographie.   —    Pathologie 

comparée.    -    Le  microbe  de  la  syphilis 339 

'  9.  De  quelques  aulres  parctsites  microscopiqws,  —  i<ô!o 
des  micro-urganisnies.  —  Maladies  parasilo-infec- 
tieuses  des  végétaux 346 

ParttitM  Trais 3W 

..    PAIIASITES   HABITANT    LE  TUBE   DIGESTIF  : 

§  i.  Ankylostome  duodénal.  —  Cachexie  vermineuse.  — 
Histoire.  —  Symptômes  de  la  cachexie  vermineuse. 

—  Description  du  parasite,  mode  d'action.  —  Propa- 
gation. —  Distribution  géographique.  -  -  Destruction. 

—  Pathologie  comparée  —  Cachexies  vermineuses 
chez  quelques  animaux 348 

2.  Diarrhée  de  Cochinchine,   —  Symptômes.   —  Géogra- 

phie. —  Description  du  parasite.  —  Mode  de  propa- 
gation. —  Pathologie  comparée.  —  Action  prophy- 
lactique du  bétel.  —  Traitement 354 

3.  Tœnias.  —  Tasnia  solium  ou  armé.  —  Taenia  i  norme 

ou  mediocanellata.  —  Taenia  bothriocéphale  ou  lala. 

—  Taenia  échinocoque.  —  Taînia  serrata.  -  Tœnia 
ccenurus.  —  Taenia  marginala.  —  Taenia  nana.  — 
Tsnia  crassicolis.  —  Influence  du  milieu  sur  le  dé- 
veloppement des  taenias 35^ 

k.  Tricocéphalê ^^T 

fi.  Ascaride  lombricoïdâ "^^1 

6,  Oajfurw  virmicuiaire ^^"^ 

b 


XVIII  TABLE   ANALYTIQUE   DES   MATIÈRES. 

Pages. 
II.  Parasites  habitant  les  tissus  : 

§  1 .  Trichine,  —  Description.  —  Mœurs.  —  Géographie.  — 
Pronostic.  —  Mode  de  propagation.  —  Utilité  de  la 
cuisson  des  aliments.  —  Maladie  des  végétaux  voi- 
sine de  la  trichinose 3GS 

2.  Néinatoïde  du  cheval 370 

3.  Distotne  des  écreviises.  —  Dismatose 370 

4.  Pilaire  de  Médine  ou  dragonneau.  —  Géographie  et 

histoire,  description,  siège,  mode  d'action.  —  Pro- 
pagation. --  Destruction 371 

'.').  Dragonneau  aquatique 373 

0.  De  quelques  autres  fUaires 373 

Jll.    PAnA^ITKS   VIVANT   DANS   LE   SANG  : 

§  1.  Strongylus  armatus  minor.  —  Migration.  —  Propaga- 
tion    374 

2.  Fitaire  du  marsouin 37o 

3 .  Filaire  des  poissons 375 

4.  Filaria  immitis 375 

5.  Anguillula  intestinalis 375 

fi.  Quelques  autres  parasites  semblatles 37(; 

7.  Distome  d'Egypte  ou  distoma  hœmatobium.  —  Héma- 

turie. —  Filaire  de  Bilharz.  —  Histoire  et  géogra- 
phie. —  Mode  d'action 37r» 

8.  Filaire  de  Bancroft,    Filariose.   —    Hématochyiurie. 

—  Filaire  de  Wucherer.  —  Filariose.  —  Ascite.  — 
Ilydrocèle.  —  Eléphantiasis.  —  Généalogie  do  la  fi- 
laire de  Wucherer.  —  Filaire  de  Bancroft.  —  His- 
toire et  géographie  de  l'éléphantiasis.  —  Siège.  — 
Symptômes.  —  Anatomio  pathologique.  —  Eliologie. 

—  Mode  d'action  du  parasite.  ^  Contagion.  —  Rôle 

dos  moustiques 377 

1).  Craw-craw,  —  Géographie.  —  Le  parasite 384 

10.  Strongylus  vasorum 385 

11.  Pathologie  générale  comparée.   —  Sarcoptes  mulans. 

—  Eléphantiasis  végétaux.  —  Galles  végétales.  — 
Généralisation  de  l'irritation  cellulaire  autour  d'un 
stimulus  animé 386 

IV.  Parasites  habitant  dans  certaines  cavités  : 

§  1 .  Calliphora  anthropophaga,  myasis 387 

â.  Sangsue  de  cheval.  —  llémopii  sanguisuga 387 

s.  Penlastome  du  chim •  • 387 


TABLE  ANALYTIQUE   DES   MATIÈRES.  XIX 

Pqifps 

§  4.  Aearopsê  de  Méricourt 388 

5.  Musea  cacnalia zss 

6.  Grégarines 388 

7.  Syngamus  trachealis.  —   Histoire  et  géographie.  -- 

Description.  —  Mode  de  propagation.  —  Destruc- 
tion   389 

8.  Distoma  Ringeri.  —  Hémoptysie  parasitaire,  —  Géogra- 

phie. —  Description  du  parasite.  —  Symptômes.  — 

Traitement 389 

V.  Parasites  habitant  sur  la  peau  : 

§  1.  Berne • 390 

2.  Tarentule 391 

3.  Latrodectus  trededmguttatus 39 1 

4.  Scorpi<m  de  la  Nouvelle-Grenade 391 

5.  Simulia  maculaia  ou  Mouche  de  Kolumbacs 391 

6.  Mouche  isetsé.  —  Glossinia  morsitans 392 

7.  Pulex  penetrans  ou  Chique.  —  Distrihution  géogra- 

phique. —  Mode  d  action.  —  Aptitude 393 

8.  Argas  persicus.  —  Venins  et  virus 394 

9.  Mouche  des  sables 397 

10.  Rouget '. 397 

1 1 .  Carrapalos 397 

12.  Colorado 397 

13.  Huta 31)8 

14.  Tlasahuaté 398 

15.  Formica  Léo 398 

16.  Gale,  Acarus  et  Sarcoptes,  —  Histoire.    -  Variétcis. 

—  Géographie 398 

17.  Pou  d'agouti 400 

18.  Lucinia  serinata AOO 

1 9.  Trichodecte  du  mouton 40U 

20.  Teignes.  —  Teigne  faveusc.  —  Teigne  lonâurante.  — 

Teigne  pelade.  —  Teigne  pityriasiquc.  —  Aohorion 
keratophagus. —  Teigne  de  Tok«''lan  ou  teii,'iic  im- 
briquée. —  Mal  de  la  piedra 'lOO 

CHAPITRE    IV.    —   LES    HOMMES.  —    LE   MILIEU   SOCL\L. 

Phases  de  la  civilisation.  —  La  civilisation  ot   r.iiialomii'.  — 

Civilisation  et  physiologie  sociale 402 

I.  Inlliieiice  de  la  civilisation  sur  les  maladies ^0"> 

§  1.  ViUes  et  campagnes '«0(; 


IX  TABLE   analytique:   DES   MATIÈRES. 

Page» . 

§  i.  Association 'i07 

3.  Domrslication    -  Captivité 407 

\ .  mouvement  de  ta  population 40s 

li.  Richesse  et  pauvrette 40Î) 

a.  Professions 400 

7.  Etat  civi! 410 

II.  Maladies  artificielles 41 0 

§  1 .   Déformation  polpsutriqur. il  1 

i.  Tatouage 412 

3.  Déformation  du  pied  chez  les  Chinoises 413 

4.  Déformations  crâniennes,  —  Déformation  couchée  des 

Aymaras.  —  Déformation  toulousaine.  —  Déforma- 
tion cunéiforme  relovée  des  NnhiiAs 4i:i 

0.  Déformation  du  nez 41;i 

G.  Déformation  des  lèvres  et  des  oreilles 415 

7.  Déformation  des  dents 415 

8.  Déformation  des  seins 416 

D.  Déformation  dês  doigts 416 

10.  Déformation  des   organes   génitaux,  —  Mutilations 

chez  la  femme.  »  Mutilations  chez  l'homme il  G 

III.  Maladies  mentales.  ^  Aliénation  mentale.  ~  Fonction- 

nement Ju  cerveau  dans  le  milieu  social 417 

§  1.  Aliénation  mentale  individuelle,    -  Nostalgie.  —  Sui- 
cide   418 

i.  Folies   épidémiquM,  —  Cboréomaaic.  —  Démonolâ- 

trle.  —  Théomanie,  —  Contagion  nerveuse.  —  La 

SalpétrJèrc.  —  De  quelques  épidémies  nerveuses. — 

La  folie  chez  les   animaux.  —  Prophylaxie  par  la 

'science 422 


LIVRE  11. 

mu  eu  iNTbniKUR. 

CIIAPITHK  I.    —  MILIEU    INTÉRIEUII. 

Les  races,  comme  les  individus^  diffèrent  par  leur  milieu  inlé- 
ricur.  -  -  Variabilité  de  l'action  toxique  suivant  le  milieu 
intérieur.  —  Variabilité  de  l'action  morbide  suivant  le 
milieu  intérieur.  —  Aptitudes  communes  du  milieu  inté- 
rieur dans  des  races  différentes.  —  Variabilité  des  sym- 
pidmes  d'une  même  maladie,  suivant  le  milieu  intérieur. .    43.$ 


TABLE  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES.         XXI 

Pages. 
§  1.  Variole,  —  Variole  du  sinje.  —  Cow-pox.  —  Horse- 

pox.  —  Gourme.  —  Clavelée.  —  Variole  du  porc.  — 

Variole  du  cliien.  —  Maladie  des  chiens.  —  Variole 

des  oiseaux 4^ 

i.  lioutjfeote.  —  Hougeolc  du  singe 447 

3.  Peste 44? 

4.  Fièvre  iyphoide 447 

5.  Méningite  cérébro-spinale 448 

G.  Dengue 448 

1.  Morve 448 

8.  Peste  bovine.  —  Géographie.  —  Histoire.  —  Propa- 

gation. --  Nature.  — -  Analogie.  —  Contagion.  — 
Analyse  pathologique  des  races.  —  Inoculation.  — 
Abatage.  —  Le  microbe 449 

9.  Charbon 45;; 

10.  Grippe,  inftuema 454 

1  \ .  Tuberculose 

IS.  Particularités  symplomaliques  de  quelques  races 454 

CH.\PITRE  II.  —  pATHOLoarE  comparée  des  races  humaines. 

L  Races  noires 455 

§  1 .  Distribution  géographique 455 

2.  Caractères  anatomiques  du  nègre 457 

3.  Caractères  physiologiques 459 

4.  Caractères  pathologiques 463 

II.  Races  jaunes 487 

§  1 .  Distribution  géographique 487 

2.  Caractères  anatomiques 489 

3.  Caractères  physiologiques 490 

4.  Caractères  pathologiques 490 

11.  BRAN'cns  SEPTENTRIONALE.  —  Chaleur  des  habitations. 

—  Alcoolisme.  —  Maladies  nerveuses.  —  Syphilis. 

—  Purgatifs  —  Ophthalmies 490 

11.  Branche  centrale.  —  Maladies  oculaires.  —  Myopie. 

—  Scrofule.  —  Rareté  du  tétanos.  —  Fréquence  de 
l'aliénation  mentale.  —  Suicide.  -  Maladie  des 
Scythes.  —  Bec-de-lièvre.    —  Variole.  —   Choléra. 

—  Phthisie.  —  Abcès  palmaires 491 

m.  Branche  méridionale.  —  Choléra.  —  Impaludisrae.  — 

Plaies.  —  Cancer.  —  Dengue.  —  Dysenterie.  — 
Stomatite.  —  Ulcère  de  Bassac ^®6 


XXII  TABLE   ANALYtIQUE  DES  MATIÈRES. 

Page». 

III.  Races  mixtes  dériTées  du  tronc  jaune 497 

I.  Japonais.  —  Origine  des  Japonais 497 

§  1.  Caractères  anatomiques 497 

2.  Caractères  physiologiques 'i98 

3.  Caractères  pathologiques 49s 

II.  Malais.  —  Origine  des  Malais 502 

§  1.  Caractères  anatomiques 50;i 

2.  Caractères  pathologiques  . . 504 

III.  Polynésiens 507 

§  1.  Migrations,   mélanges  y  aire  géographique  j  caractères 

anatomO'physiologiques 508 

2,  Caractères  pathologiques olo 

IV.  Américains 515 

§  1.  Origine.  —  Caractères  anatomiques 540 

2.  Caractères  pathologiques 519 

IV.  Races  blanches 521 

I.  BBRRàRES 522 

§  1.  Aire  géographique.  —  Migrations 522 

2.  Caractères  analomo-physiologiqttes . , 523 

3.  Caractères  pathologiques 523 

il  sémites 524 

Arabes 525 

§  i.  Caractères  anatomo-physiologiques 525 

2.  Caractères  pathologiques 525 

Israélites 52G 

§  1 .  Histoire  et  distribution  géographique 526 

2.  Caractères  anatomo-physiologiques 52s 

8.  Caractères  pathologiques 529 

m.  Indo-Européens .  530 

Race  df  Canstadt 530 

§  1.  Extension.  —  Caractères  anatomiques 530 

2.  Caractères  pathologiques, .  ^ 530 

Race  de  Cro-Magnon 5;m 

§  1.  StOension.  ~  -  Caractères  anatomiques. 531 

2.  Caractères  pathologiques 531 

Race  db  Purtooz 531 

§  1.  Caractères  anatomiques . .   .  531 

2.  Caractères  pathologiques r  — 531 


TABLB  ANALYTIQUE   DES  MATIÈRES.  Xim 

Pages. 

LaPOHS ....  532 

§  1 .  Caractères  anatomiquês  et  physiologiquet 532 

2.  Caractères  pathologiques 532 

Finnois 633 

Aryens 533 

Celtes 533 

§  1 .  Extension.  —  Caractères  anatomiques 533 

2.  Caractères  pathologiques 534 

Kymris 635 

§  1.  Caractères  anatomo-physiologiques 636 

2.  Caractères  pathologiques 536 

V.  Population  irançaise 538 

§  1 .  Ethnologie  complexe  de  la  France 538 

t{.  Caractères  anatomo-physiologiques 539 

3.  Caractères  pathologiques 542 

CHAPITRE   III.  —  PATHOLOGIE  OéNÂRALE  COMPARÉE  DES 
TEMPÉRAMENTS,   DES  ÉTATS  PHYSIOLOQIQUES  OU   PATHOLOGIQUES, 

DES  SEXES,  DES  AGES. 

§  1 .   Tempérament.  "—  Qualilé  des  humeurs 546 

2.  Etat  physiologique .'   548 

3.  Etat  pathologique , 54H 

4.  i^xe 549 

5.  Age.  —  L'accroissemKnt  varie  auivaul  lus  races 550 

CHAPITRE  IV.  —  DE  l'aptitude  et  de  l'inmunité  moe^bidbs. 

—  vaccination 562 

LIVUK  lll. 

CHAPITRE  1.  ■—.  transformation  de  l'individu  par  le  milieu. 

Genèse  des  maladies  à  microbes 560 

CHAPITRE  H.  —  atavisme. 

Atavisme  analomique.  —  Atavisme  pathologique.  »  Atavisme 

intellectuel.  —  Tératologie 567 

CHAPITRE    m.    —    monstruosités.  —  anomalies  RéVERSIVES. 

Valeur  philosophique  des  monstruosités.  —  Origine  pathologi- 
que des  monstruosités.  —   Répartition  géographique  des 

monstruosités • ''^•^ 


XXIV  TABLE   ANALYTIQUE  DES   MATIÈRES. 

Pages. 
§  1.  PUotismê,  —  Valeur  du  pîlosisme  comme  caractère 

réversif 576 

2.  Mamelles  surnuméraires,  <—  Importance  comme  ca- 
ractère réversif. 577 

3.  Excès  de  pigment,  —  Ncevus  jngmentair§,  —  Anato- 
mie.  —  Symétrie.  »  Correspondances  anatomiques.    57^ 

4.  Albinisme.   — >  Fréquence.  —  Distribution    géogra- 
phique. —  Description 580 

5.  Bec-de^lièvre.  —  Mécanisme  du  bec-de-lièvre.  L'os 

intermaxiilaire.    —    Fréquence  et  distribution  géo- 
graphique. —  Caractère  réversif ii83 

6.  Polydactylie  et  syndactyHe.^Fréquence.  Distribution 
géographique.  —  Mécanisme,  valeur  comme  caractère 

de  réversion 586 

7.  Microcéphalie,  —  Crâne.  —  Sutures  crâniennes.  — 
Valeur  comme  caractère  réversif 591 

10  Développement  pbylogénique.  —  Encéphale.  — 

Lobes.  —  Circonvolutions.  —  Plis  de  passage.  594 

2»  Développement  ontogénique 59G 

30  Réversion  chez  les  microcéphales 596 

CHAPITRE  IV.  —  HÉRÉDITÉ. 

>  Hérédité  des  propriétés  acquises.  —  Mécanisme  de  l'hérédité. 
—  Métissage.  —  Hérédité.  —  Imprégnation.  —  Consan- 
guinité       597 

CHAPITRE  V.  —  sAliction.  —  concueirence  vitale. 
Sélection  naturelle  chez  l'homme.  —  Séleotioa  sociale 621 

CHAPITRE  VI.  ^  DÉGÉNÉRESCENCE. 

§  1.  Acdimatement,  Défaut  cT acclimatement.  ^MéctLnïsme 

de  racclimatement.  —  Transformisme 627 

2.  Sol 638 

3.  Alimentation . .  638 

it.  Maladies 638 

^,  Causes  sociales ...  639 


GÉOGRAPHIE  MÉDICALE 


•  '0  —s^o».- 


LIVRE  I 

MILIEUX     EXTÉRIEURS 


CHAPITRE  L 

l'atmosphère. 


I. 

§  1.   CHALEUR. 

Les  modifications  de  la  température  sont  celles  qui  frappent  le 
plus  le  Toyageur  qui  vient  de  débarquer  dans  une  contrée  très  diffé- 
rente de  celle  qu'il  a  quittée  ;  et  la  chaleur  plus  ou  moins  grande 
est  peut-être  une  des  modifications  de  milieu  les  plus  impor- 
tantes auxquelles  Thomme  ait  été  soumis  ;  mais  on  serait  exposé 
à  se  heurter  à  une  grande  complexité  de  phénomènes^  si  Ton  vou- 
lait étudier  de  prime-saut  les  effets  de  la  température  sur 
Tbomme.  D^aiUeurs,  la  suite  de  ce  livre  démontrera,  je  Tcspère, 
que  rhomme  ne  peut  être  étudié  avec  profit  qu'à  la  condition 
d'être  regardé  à  sa  place  dans  la  nature,  c'est-à-dire  au  milieu 
de  ses  voisins,  et  d'être  à  chaque  instant  comparé  à  eux.  Nous 
verrons,  en  outre,  à  chaque  instant,  que  les  phénomènes  com- 
plexes, si  difficiles  à  analyser,  qui  se  passent  dans  les  tissus  de 
lliomme  ou  de  ses  voisins  immédiats,  ne  deviennent  simples, 
clairs  et  faciles  à  comprendre  que  lorsqu'on  les  a  d'abord  obser- 
vés à  rétat  de  réduction,  d'ébauche  ou  mieux  de  schéma  chez 
les  êtres  inférieurs.  Si,  de  ce  premier  point,  sorte  de  thème  qui 
be  développe  ^ans  la  série  évolutive  des  êtres,  on  tfi\^^<&  ^^* 
gresâremeat,  on  assiste  alors  à  la  croissance,  au  dève\oçfetu«ûXt 


2  l'atmosphère. 

à  résolution  des  phénomènes,  et  ceux  qui  étaient  le  plus  com- 
ptexesy  ceux  qui  semblaient  le  plus  spéciaux  à  l'homme,  appa- 
raissent alors  fort  simples,  en  même  temps  que  se  comble  le 
fossé  que  la  philosophie  spiritualiste  s'efforce  en  sain  de  creuser 
entre  l'homme  et  ses  frères  inférieurs. 

Action  de  la  chalear  sar  l<->s  êtres  Infériears.  —  Les 
protoorganismes^  qui  s^accroissent  vile  et  se  multiplient  rapide- 
ment par  voie  de  scissiparité,  croissent  et  multiplient  d'une  façon 
proportionnelle  à  la  température  :  plus  elle  est  élevée,  plus  la 
multiplication  de  ces  organismes  s'effectue  rapidement. 

Cette  action  stimulante  de  la  chaleur  sur  les  organismes  élé- 
mentaires ne  nous  intéresse  pas  seulement  au  point  de  vue  de  la 
bioloipe  générale  ;  elle  nous  touche  par  le  côté  purement  médical. 
.Uagrand  nombre  de  maladies  infectieuses,  qui  font  périr  les  hom- 
mes et  les  animaux  qu'ils  associent  à  leur  existence,  sont  dues 
à  la  multiplication,  dans  le  sang  de  la  victime,  d'êtres  microsco* 
piques  rudimcntaires,  qui  se  comportent  dans  ce  milieu  en  véri- 
tables parasites,  mais  qui  vivent  souvent  sous  une  autre  forme  en 
dehors  de  ce  milieu,  tant  que  l'occasion  attendue  par  le  parasite 
ne  s'est  pas  présentée.  Les  travaux  de  Davaine,  et  surtout  ceux 
de  Pasteur,  de  Chauveau,  etc.,  grossissent  tous  les  jours  la 
liste  de  ces  êtres  inférieurs,  de  ces  murobes  qui,  tout  petits 
qu'ils  sont,  constituent  nos  plus  terribles  ennemis.  Or,  leur  mul- 
tiplication, dans  l'eau,  dans  le  sol  ou  dans  Tair,  où  ils  vivent  en 
attendant  lc;ir  victime,  est  d'autant  plus  rapide  que  la  tempé- 
rature de  Peau,  du  sol  ou  de  Tatmosphcre  est  plus  élevée.  Ainsi, 
Davaine  a  constaté  que  la  quantité  de  bactéridies  qu'il  suffit  d'ino- 
culer à  un  animal  pour  produire  chez  lui  le  charbon,  est  deux 
mille  fois  plus  considérable  en  hiver  qu'en  été  ;  ce  qui  veut  dire 
que  les  bactéridies  injectées  à  un  animal  sont  deux  mille  fois 
plus  vivaces,  plus  fécondes  en  été  qu'en  hiver,  et  qu'elles  attei- 
gnent plus  vile,  par  conséquent,  le  nombre  j:  déterminé  de  bacté- 
ridies qui,  selon  l'espèce  et  le  volume  de  l'animal,  constitue  la 
limite  au-dessus  de  laquelle  l'organisme  présente  les  symptômes 
auxquels  on  donne  le  nom  de  charbon. 

La  même  dose  de  sang  septique,  injectée  à  des  cobayes,  les  tue 
en  été  et  ne  leur  fait  rien  pendant  l'hiver;  ainsi,  en  hiver,  ces 
animaux  sont  tués  par  une  dose  égale  à  1/10  ou  l/oO  de  goutte 
de  sang  septique,  tandis  qu'en  été  ils  sont  tués  par  une  dose 
égale  à  i;50  ou  1/500  de  goutte  (Davaine). 


CHALEUH.  8 

Cela  nous  explique  comment  un  grand  nombre  d'épidémies 
sévissent  en  été  plus  volontiers  qu'en  hiver,  et  pourquoi  les  pays 
chauds  sont  ceui  où  ces  maladies  atteignent  souvent  leur  maxi- 
mum de  fréquence  et  d'intensité. 

Il  y  a  mieux  :  d'après  Davaine^  la  chaleur  élevée  peut  rendre 
le  sang  septique  propre  à  communiquer  la  septicémie  à  distance, 
c-î  qui  est  encore  de  l'inoculation,  mais  de  Tinoculation  par  un 
corps  rendu  par  la  chaleur  capable  de  circuler  dans  Tair.  Cela 
rendrait  compte  des  variations  dans  l'intensité  de  la  contagion 
dvs  maladies,  suivant  les  époques,  les  saisons  ou  les  pays. 

Il  y  a  cependant  une  limite  à  la  température  favorable  à 
ces  êtres  inférieurs  :  la  bactéridie  charbonneuse  semble  succom- 
ber mire  -H  44*  et  -t-  45°,  elle  est  déjà  engourdie  à  •+•  4!»  ; 
c'est  même  à  cette  absence  de  résistance  de  la  bactéridie  char- 
bonneuse à  ce  degré  de  température,  que  les  oiseaux,  dont  le 
sang  est  normalement  à  une  température  plus  élevée  que  celui 
des  mammifères,  doivent  de  présenter  pour  le  charbon  une  im- 
munité qui  a  été  constatée  par  Pasteur  sur  la  poule.  11  suffît, 
en  effet,  de  refroidir  la  poule,  d'abaisser  la  température  de  son 
sang  au  niveau  de  celle  des  mammifères,  pour  lui  faire  perdre 
cette  immunité  et  rendre  son  sang  apte  à  servir  au  microbe  de 
milieu  favorable. 

Avant  d'être  trop  élevée  ou  tro[i  faible  pour  détruire  ces  orga- 
nismes microscopiques,  la  température,  à  titre  de  milieu,  agit  sur 
eux,  comme  sur  tous  les  autres  êtres  ;  elle  modifie  leurs  formes, 
leurs  fonctions,  leurs  mœurs,  si  l'on  peut  ici  employer  ce  mot. 
Ainsi,  à  une  température  trop  basse  de  +  16*,  comme  à  latem- 
p<!'rature  trop  élevée  de  -f-  44",  le  microbe  du  charbon  ou  bac- 
téridie charbonneuse  de  Davaine  change  de  forme.  Il  devient 
pyriforme,  monstrueux  (Pasteur).  Notons  en  passant  ce  fait  capi- 
tal, d'un  être  vivant,  changeant  de  forme,  sous  nos  yeux,  par  le 
fait  même  du  milieu.  Bien  plus,  il  change  son  mode  de  reproduc- 
tion :  tandisquc  le  microbe  du  charbon  se  reproduit  par  .ç/)o/v\s,  ce 
qui  est  déjà  un  mode  de  reproduction  relativement  élevé,  bien 
qu'encore  asexué,  il  perd  celte  propriété,  en  haut  et  en  bas  de 
l'échelle  thermique,  à  -f- 1 6°  comme  à  +  44°.  Il  se  reproduit  alors 
par  simple  division  de  lui-même,  par  srissiparité;  autrement  dit, 
de  par  les  usages  suivis  dans  nos  classifications,  sous  l'influence 
du  milieu,  sous  l'action  de  la  lempérafure,  le  même  èlrc  cViaiTV^- 
rait  àf espèce  aux  yeux  d'un  classiècaieur  qui,  uniquemeal  ^t^oiCi* 


4  l'atmosphère. 

cupé  de  la  forme  à  l'état  statique,  n'apercevrait  pas  l'évolution 
du  même  individu,  sous  Taction  du  milieu. 

Bien  plus,  cette  forme  nouvelle^  ce  mode  nouveau  de  repro- 
duction deviennent  héréditaires,  et  Pasteur,  dans  son  laboratoire, 
voyant  se  réaliser  ces  changements,  a  pu  créer  une  race  nouvelle 
de  microbes  de  Pétude  desquels  il  a  tiré  les  conséquences  pratiques 
qu'il  cherchait  seules,  et  qui  nous  occuperont  plus  loin.  Pour  le 
moment  je  n'insiste  que  sur  ce  fait  :  production  de  formes,  de 
fonctions  nouvelles  par  le.  milieu;  hérédité  de  ces  formes  et 
de  ces  fonctions  ;  création  d'un  second  état  qui  difierc  assez  du 
premier,  pour  qu'un  classiflcateur  croie  à  une  espèce  nouvelle, 
là  où  il  n'y  a  que  transformation  par  le  milieu  opérant  sur  une 
série  d'individus  de  même  génération. 

le  recommande  ces  faits  aux  méditations  du  lecteur.  Ils  me 
semblent  particulièrement  propres  à  éclairer  la  doctrine  du  trans- 
formisme, et  je  ne  suis  pas  éloigné  de  croire  que  c'est  dans  le  monde 
de  ces  êtres  inférieurs,  que  cette  doctrine  si  logique,  si  sensée, 
la  seule  hypothèse  sur  Torigine  des  êtres  qui  ne  soit  pas  absurde, 
trouvera  quelque  jour  sa  sanction  expérimentale;  elle  l'a  déjà 
trouvée,  dans  les  faits  que  je  viens  de  signaler. 

Songeons  que  ces  êtres  oiTrentà  l'expérimentateur,  en  quelques 
jours,  plus  de  générations  que  les  animaux  élevés  et  les  plantes 
supérieures  n'en  fournissent  en  des  centaines  de  siècles.  On  dis- 
pose ainsi  du  temps  et  des  générations  qu'on  manie  sans  compter, 
et  on  entre  alors  dans  les  conditions  où  s'est  cflectuce,  en  réalité, 
l'évolution  organique.  En  résumé,  on  joue  littéralement  avec  les 
races,  quand  on  opère  sur  ces  êtres  inférieurs.  L'expérimenta- 
teur les  crée,  les  transforme  et  en  dispose  à  son  gré. 

Sans  doute  il  serait  beaucoup  plus  démonstratif  de  modifier  à 
sa  volonté  les  races  supérieures;  mais  n'oublions  pas  quel  a  dû 
être  le  rôle  de  ces  êtres  dans  l'histoire  biologique  de  notre  planète. 
Ce  sont  les  êtres  primordiaux,  ce  sont  les  êtres  par  lcsi]ueis  la  vie 
a  débuté. 

Quand  nous  voyons  combien  leur  organisme  est  encore  instable, 
quand  nous  voyons  combien  le  milieu  agit  sur  eux  puissam- 
ment, n'oublions  pas  que  de  grands  changements  se  sont  faits 
dans  l'atmosphère  aux  diverses  époques  géologiques.  Il  devient 
alors  vraisemblable  que  c'est  grâce  à  la  souplesse,  à  la  variabi- 
lité de  ces  êtres  que  s'est  opérée  la  première  étape  sur  la  route 
de  révolution  organique. 


CHALEUR.  5 

Action  de  1a  ehAlenr  sap  les  organismes  eomplexes. 

—  Lorsqu'on  considère  Paclion  de  la  chaleur  sur  les  organismes 
élémentaires,  on  ne  peut  oublier  que  les  tissus  vivants,  même 
ceux  des  animaux  supérieurs,  sont  réductibles  à  un  ensemble, 
à  une  véritable  colonie,  suivant  l'heureuse  expression  de  Per- 
rier,  d'organismes  monocellulaires,  de  protoorganismes  inférieurs, 
et  on  comprend  que  la  température  élevée,  actionnant  la  multi- 
plication des  éléments  dont  l'individu  est  composé,  influence  indi- 
rectement Taccroiàsement  total  de  cet  individu  ;  c'est  ainsi  que 
le  mèoie  végétal,  souvent  môme  le  même  animal  prennent,  sui- 
vant la  température  du  milieu  ambiant,  une  taille,  un  volume  plus 
ou  moins  considérables.  Les  graines  des  végétaux  nous  fournissent 
un  exemple  de  l'action  stimulante  de  la  chaleur  sur  leur  dévelop- 
pement :des  graines  de  Simipis  nigra^  maintcnuesdans  un  milieu 
à  0<»,  germent  en  17  jours  ;  dans  un  milieu  à-f-  2°,  elles  germent 
en  16  jours; à  -+-  3",  en  9  jours  ;  à  -h  5*,  en  4jours;à  +  9%  en 
3  jours;  à  -H  12°*,  en  1  jour  3/4.  Celte  expérience  nous  explique 
comment  les  climats  influent  sur  la  végétation  ;  il  semble,  en  un 
mot,  qu'un  même  phénomène  végétal  ait  besoin,  pour  s'accomplir, 
dans  une  espèce  végétale  donnée,  d'une  certaine  somme  de 
chaleur  :  selon  que,  par  suite  de  la  latitude  ou  de  l'altitude, 
cette  somme  totale  sera  distribuée  au  végétal  en  3  mois  ou  en 
1  mois,  le  phénomène  mettra  3  mois  ou  1  mois  à  s^accomplir; 
c'est  ainsi  que  la  végétation  se  fait  vite  dans  un  milieu  chaud, 
moins  vite  dans  un  milieu  moins  chaud. 

Il  est  lK)n  d'ajouter  qu'il  ne  s'agit  pas  seulement  du  plus  ou  du 
moins  de  rapidité  ;  la  nature  même  des  phénomènes  moléculaires 
intimes  dont  un  être  vivant  peut  être  le  siège  varie  suivant  la  tem- 
pérature du  milieu  :  en  Ecosse,  la  ciguë  ne  renferme  presque  pas 
de  conicine  ;  VAconitum  napellus  (tue- loup)  devient  inofl*ensif  dans 
les  pajs  froids  ;  il  y  est  comestible  ;  il  en  est  de  même  de  la  digi- 
tale, qui  n'a  pas  partout  des  propriétés  aussi  actives  ;  le  Pistacia 
Imliscus  ne  fournit  pas  de  mastic  dans  le  midi  de  la  France  ;  et 
en  Europe,  le  Liurus  sassafras  n'a  pas  les  mêmes  propriétés  que 
dans  PAmérique  du  Nord. 

Des  phénomènes  de  même  ordre  ont  lieu  chez  les  animaux  ;  le 
venin  d^une  même  espèce  de  serpents  semble  plus  actif  dans  les 
pays  chauds  quR  dans  les  pays  froids  ;  les  phénomènes  molécu- 
laires dont  sont  le  siège  les  tissus  des  animaux  supérieurs  et  quv 
abootissent  à  Ja  formation  de  l'acide  un'que,  de  Purée,  de\actèa* 


«  L  ATMOSPHÈRE. 

tiue,  du  gluco&c,  etc.,  varient,  chez  le  même  animal,  suivant  la 
thermalitè  du  milieu  ambiant. 

Mais,  si  la  chaleur  active  le  mouvement  moléculaire  de  l'orga* 
nismc,  il  est  une  limite  à  cette  action,  et  la  chaleur,  toutà  Theure 
bienfaisante,  peut  devenir  malfaisante,  lorsqu'elle  dépasse  un  cer- 
tain degré  :  pour  revenir  à  la  graine  du  Sitiapis  nitjra,  nous  voyons 
que  la  température  de  +  12<*  est  le  maximum  qui  lui  soit  favo- 
rable  ;  à-f-  !7<»,  au  lieu  de  germer,  comme  à  4-  i  2",  en  1  jour  3/4, 
elle  germe  en  3  jours;  à+2S^  le  tiers  seulement  des  graines 
parvient  à  germer  ;  à  4-  40",  aucune  des  graines  du  Shinpi^  nvjra 
ne  germe  plus. 

L'action  favorable  de  la  chaleur  sur  les  tissus  animaux  a  égale» 
ment  sa  limite  variable  selon  les  animaux.  Il  est  bien  entendu 
qu'une  température  de  -f-  60"  à  +  65°,  qui  coagule  Talbumine, 
est  incompatible  avec  la  vie  des  cellules  qui  sont  composées  de 
substances  albuminoïdes;  mais,  sans  aller  jusqu'à  cette  tempéra- 
ture extrême,  qui,  tant  qu'elle  règne  à  la  surface  d'une  planète, 
empêche  la  vie  de  s*y  manifester,  au  moins  sous  les  formes  et 
dans  les  conditions  que  nous  connaissons,  on  voit  des  tempé- 
ratures notablement  moins  élevées  faire  cesser  rechange  molécu- 
laire qui  constitue  la  vie. 

Un  certain  nombre  d'animaux  à  sang  froid  ne  peuvent  suppor- 
ter la  température  normale  du  sang  des  mammifères,  qui  est  de 
4-  37".  Ainsi,  des  anguillules,  des  grenouilles,  placées  dans  un 
tube  de  verre  et,  avec  ce  tube,  plongées  dans  le  rectum  d'un 
mammifère,  succombent  ;  à  côté  de  cela,  nous  voyons  bon  nombre 
de  parasites  qui  vivent  dans  Tintestin  des  animaux  à  sang  chaud, 
ou  dans  leurs  tissus,  supporter  leur  température. 

Les  animaux  à  sang  chaud,  eux-mêmes,  ne  supportent  pas  une 
température  extérieure  beaucoup  plus  élevée  que  leur  température 
propre  ;  ainsi,  d'après  les  expériences  de  Delaroche  et  de  Berger, 
les  animaux  de  petite  masse  succombent  au  bout  de  peu  de 
temps,  dans  un  milieu  de  +  45**  à  +50".  Les  imprudents  tours  de 
force  exécutés  par  ces  deux  hardis  expérimentateurs  nous  mon- 
trent, d'ailleurs,  que  la  résistance  à  la  chaleur  varie  suivant  les 
sujets  :  de  -h  49®  à  +  58"  l'étuve  devint  insupportable  pour 
M.  Delaroche,  qui  fut  malade;  M.  Berger  ne  fut  que  légèrement 
fatigué;  ce  dernier  n'a  pu  rester  que  7  minutes  dans  une  tempé- 
rature de  -f  87%  tandis  que  M.  Blagden  a  supporté  pendant  12  mi- 
nutes une  température  de  4- 83"  (Deluc,  Cl.  Bernard). 


CHALEUR.  7 

Du  reste,  ces  chiffres  n'ont  pas  par  eux-mêmes  une  très 
grande  valeur  démonstrative,  car  autre  chose  est  d'entrer  brus- 
quement dans  une  étuve  sèche,  autre  chose  est  de  respirer, 
avec  Taccoutumance  au  milieu,  un  air  plus  ou  moins  humide,  et 
d*j  être  soumis  à  une  évaporation  pulmonaire  et  cutanée  plus 
ou  moins  considérable. 

Les  expériences  de  CL  Bernard  sont  plus  précises  en  ce  sens 
qu'elles  nous  montrent  que,  quelle  que  soit  la  manière  dont  la 
surélévation  du  sang  d'un  animal  à  sang  chaud  ait  été  obtenue 
(elle  peut  être  réalisée  par  la  fièvre  dans  un  milieu  froid),  la  mort 
de  cet  animal  survient  quand  sa  température  normale  s'élève 
de  -4-  4»  ou  -h  3«. 

Lessymptômes  présentés  par  l'animal  sontalorsinvariablement  les 
mêmes  :  accélération  de  la  respiration,  de  la  circulation,  convul- 
sions parfois,  mort.  L'autopsie  pratiquée  immédiatement  montre 
la  température  rectale  accrue  de  -h  5°  ou  +  6°,  le  cœur  arrêté, 
vide  ;  le  sang  noir  dans  les  artères,  comme  dans  les  veines  ;  la 
rigidité  cadavérique  survient  très  rapidement. 

Le  début  de  ces  symptômes  est  subit  ;  l'animal  semble  foudroyé. 
Cette  instantanéité  tient  à  l'arrêt  brusque  du  cœur,  phénomène 
qui  tient  lui-même  à  une  altération  musculaire  qui  n'est  pas  spé. 
ciale  au  cœur,  mais  qui  présente  dans  cet  organe  une  gravité 
immédiate.  Cette  altération  musculaire  consiste  dans  un  chan- 
gement dans  l'état  moléculaire  de  la  mydinc.  C'est  en  somme  à 
l'altération  individuelle  causée  parle  calorique  dans  les  organismes 
cellulaires  dont  Pensemble  forme  les  muscles  et  le  muscle  car- 
diaque en  particulier,  qu'est  due  la  mort  de  l'individu  élevé  dont 
cet  organisme  cellulaire  est  un  des  composants.  Ainsi  le  mystère  de 
la  mort  des  plus  orgueilleux  des  conquérants  sous  le  soleil  des 
tropiques,  se  réduit  aux  lois  banales  qui  régissent  les  mouvements 
osmotiques  d'une  cellule  ! 

Les  analyses  de  Cl.  Bernard  montrent  également  que  la  quan- 
tité d*oxygène  contenue  dans  le  sang  est  extrêmement  réduite  ' 
de  12  ou  13  0/0  qui  est  son  chiffre  normal  dans  le  sang  veineux, 
sa  quantité  proportionnelle  se  trouve  réduite  à  i  ou  3.  Quant 
aux  globules,  il  ressort  des  expériences  de  Cl.  Bernard  qu'ils  ne 
sont  pas  altérés.  A  •+•  4o<»  chez  un  mammifère  les  globules  san- 
guins ne  perdent  pas  leur  fonction,  tandis  que  les  muscles,  au 
contraire,  la  perdent,  et  d'une  manière  définitive.  La  chaVeut  Vue 
donc  ranima),  en  tuant  le  muscle. 


8  l'atmosphère. 

Cette  destruction  de  l'élément  contractile  se  fait,  dit  Cl.  Ber- 
nard» vers  4-  37<»  ou  +  39<>  chez  les  animaux  à  sang  froid  ;  Yers 
+  43"  ou  4-44°  chez  les  mammifères  ;  vers  -h  48°  ou  •+•  50»  chez 
les  oiseaux:  c'est-à-dire,  en  général,  à  une  température  de  quel- 
ques degrés  plus  élevée  que  la  température  normale  de  l'animal. 

La  chaleur  appliquée  à  la  surface  du  corps  semble  sans  in- 
fluence sur  les  nerfs  moteurs;  mais  elle  détermine  i'anesthésie. 
Cl.  Bernard  plonge  une  grenouille  dans  Teau  à  +36°  ou +  37°  ; 
elle  devient  au  bout  de  deux  ou  trois  minutes  complètement 
immobile,  mais  le  cœur  continue  à  battre;  elle  n'est  qu'anes- 
thésiée;  il  sufQt  de  la  jeter  dans  Teau  froide  pour  qu'elle  se 
mette  à  nager.  Yallin,  en  faisant  tomber  sur  la  tète  d'un  lapin 
une  température  de  +  45°  à+  58»,  détermine  également  Tin- 
sensibilité,  puis  la  mort.  A  l'autopsie,  le  cœur  est  mou  et  non 
dur,  comme  lorsque  la  mort  succède  à  l'élévation  de  température 
du  sang.  Vallin  compare,  avec  raison,  cette  expérience  avec  ce 
qui  se  passe  chez  les  militaires  qui  se  trouvent  exposés  au  grand 
soleil,  la  tète  couverte  d'un  casque  métallique.  On  peut  rappro- 
cher de  ces  faits  l'expérience  de  Robinson  qui,  au  moyen  d'une 
lentille,  concentrant  sous  l'eau  les  rayons  du  soleil,  sur  un  point 
quelconque  de  la  surface  d'un  petit  poisson,  voit  cet  animal  pé- 
rir instantanément  comme  foudroyé;  il  est  bon  d'ajouter  que 
Yallin,  répétant  cette  expérience,  n'a  obtenu  aucun  résultat.  De 
tous  ces  faits,  il  semble  résulter  qu'en  outre  de  son  action  sur  la 
myéline^  la  température  trop  élevée  pour  un  animal  agit  sur  le^ 
tubes  nerveux.  Harlcss  émet  l'opinion  que,  au-delà  d'une  cer- 
taine limite  variable  pour  chaque  espèce,  la  chaleur  modifie  les 
caractères  optiques  du  nerf  ;  il  va  jusqu'à  déterminer  le  point 
de  fusion  de  la  moelle  des  tubes  nerveux;  selon  lui,  cette  fusion 
aurait  lieu  chez  les  grenouilles  à  -{-35o,5;  chez  Thomme  à 
+  59°,  chez  le  pigeon  à  +  57o.  Quoi  qu'il  en  soit  de  l'exactitude 
plus  ou  moins  grande  de  ces  chiffres,  il  est  bien  évident  qu'ici 
comme  tout  à  l'heure,  il  s'agit  de  lésions  des  éléments  cellulaires 
primordiaux.  11  est  permis  de  penser  que  si  les  variétés,  lesraces^ 
ou  les  espèces  résistent  à  la  chaleur  d'une  manière  différente, 
elles  le  doivent  à  des  états  moléculaires  différents  de  la  myéline 
ou  des  tubes  nerveux.  La  suite  de  ce  livre  montrera  sufGsammient 
que  les  mots  toujours  mystérieux  d^aptitude,  d^accommodation, 
d* acclimatement ^  se  réduisent,  en  réalité,  à  un  état  moléculaire 
différent  des  éléments  anatomiques  dans  chaque  race. 


CHALEUR.  g 

C«Bp  de  ehalear.  —Les  lignes  qui  précèdent  permettent  de 
comprendre  le  mécanisme  d'un  accident  qui  n'est  pas  rare  dans 
les  pays  chauds,  où  il  est  désigné  sous  les  noms  de  coup  de  cha- 
leitr,  asphyxie  solaire,  heai  apoplexy,  sun  stroke,  sonnenschlag, 
kitzschlay,  coup  de  soleil,  etc. 

Cette  nomenclature  variée  permet  de  penser  qu'on  a  englobé, 
sous  une  même  rubrique,  bien  des  états  divers.  Dans  un  récent 
travail^  J.  Fayrer  différencie,  avec  raison,  trois  processus  patho- 
logiques confondus  à  tort  sous  le  même  nom  de  coup  de  cha- 
leur: 

1<*  La  syncope  produite  par  épuisement,  par  fatigue;  2**  une 
sorte  de  choc,  dit-il,  résultant  de  faction  directe  du  soleil  sur  le 
cerveau  et  la  moelle  et  spécialement  sur  les  centres  nerveux  res- 
piratoires. Ce  que  j*ai  dit  plus  haut  de  Faction  de  la  chaleur  sur 
ks  nerfs,  permet  de  substituer  à  l'image  un  peu  vague  du  choc. 
Faction  moléculaire  exercée  sur  le  système  nerveux  ;  3°  l'hyper- 
thermie  de  tout  le  corps.  Les  modifications  de  la  myéline  dans  le 
cœur  expliquent  ici  la  gravité  des  symptômes. 

Distribution  géographique, —  Cette  maladie  s'observe  partout  où, 
par  habitude  ou  par  accident,  la  température  ambiante  est  suscep- 
tible de  devenir  excessive.  C'est  dans  l'Inde  où  elle  semble  avoir 
été  le  plus  fréquemment  observée,  surtout  à  Bombay  et  à  Madras: 
En  une  seule  saison,  on  observa  21  cas  à  Berhampore.  Dans 
cette  région,  le  13"  de  ligne  eut  pendant  la  première  journée  de 
marche  63  malades  et  18  décès.  Un  autre  régiment  eut  en  3  mois 
et  demi  89  hommes  atteints.  Il  n'est  pas  rare,  au  Bengale,  de 
voir  cet  accident  frapper  les  mécaniciens  de  chemins  de  fer. 

Le  coup  de  chaleur  s'observe  en  Cochinchine,  eo  Chine,  où,  le 
thermomètre  ayant  à  Péking,  en  1743,  dépassé  +  40o,  il  mourut 
11400  personnes;  il  s'observe  en  Malaisie;  il  n'est  pas  rare  en 
Syrie,  en  Egypte,  sur  la  mer  Rouge,  où  les  chauffeurs  des  navires, 
parfois  même  les  passagers,  en  sont  atteints.  En  1879,  à  Bassorah, 
par  4-  43®  à  -h  50»  à  l'ombre,  des  centaines  de  personnes  furent 
frappées.  En  1 874,  le  Liverpool  perdit  sur  la  mer  Rouge,  en  deux 
jours,  3  officiers  et  21  matelots. 

La  chaleur  de  la  mer  Rouge  est  due  aux  montagnes  qui  l'en- 
caissent et  au  sable  jaunâtre  qui  renvoie  la  chaleur.  Le  docteur 
Constant  a  constaté  dans  la  mer  Rouge,  à  bord  de  l'Areyron, 
-f-  690  devant  les  fourneaux  de  la  machine.  Les  pankas  ow^taxv^ 
éventaJJ5,  f/u*oa  installe  à  bord  des  transports  de  con'^îjAft^^i^^» 


10  l'atmosphère. 

ne  servent  absolument  à  rien  qu'à  promener  de  l'air  chaud;  aussi 
la  traversée  'de  la  mer  Rouge  est-elle  la  période  de  leur  voyage 
où  les  navires  qui  rapatrient  les  convalescents  de  la  Cochinchine 
perdent  le  plus  de  leurs  passagers. 

On  a  observé  le  coup  de  chaleur  en  Algérie  :  en  1836,  en  quel- 
ques heures,  200  hommes  furent  f^ap[»és  et  11  se  suicidèrent; 
cette  forme  de  suicide  rappelle  ces  cas  de  délire,  dont  quelques- 
uns  se  rapportent  au  coup  de  chaleur,  tandis  que  d'autres  sont 
de  Talcoolisme,  du  délire  de  pyrcxie  ou  du  délire  imitatif  avec 
nostalgie,  qui  ont  été  décrits  sous  le  nom  de  calenture  comme 
sévissant  à  bord  des  navires  jadis  arrêtés  par  les  calmes. 

Le  coup  de  chaleur  s'observe  pendant  la  saison  chaude  même 
en  Europe.  Pendant  la  guerre  d'Italie,  le  4  juillet,  dans  une  seule 
division,  2000  hommes  tombèrent.  Il  n'y  a  pas  d'année  que  même 
en  France  quelques  moissonneurs  ne  soient  frappés.  L'été  de  1859 
fut  signalé  par  un  grand  nombre  d'accidents  de  ce  genre.  Gn 
Belgique  même,  on  vit  la  même  année  cet  accident  frapper  les 
deux  tiers  d'un  régiment  en  marche  ;  enfin  la  maladie  s'observe 
même  en  Angleterre.  11  va  sans  dire  qu'on  l'a  observée  aux  États- 
Unis,  au  Mexique,  en  Australie,  car  ce  n'est  pas  une  maladie  qui 
puisse  avoir  un  habitat  déterminé,  comme  cela  se  voit  pour  cer- 
taines maladies  parasitaires  :  c'est  un  accident  qui  se  présente 
toutes  les  fois  que  par  une  chaleur  excessive  l'homme  se  place 
dans  de  certaines  conditions. 

Nature,  formes  du  coup  de  chaleur.  —  ('e  n'est  pas  la  chaleur 
seule  qui  semble  agir  ici,  mais  la  chaleur  aidée  de  l'agglomé- 
ration ou  du  séjour  dans  un  air  peu  renouvelé.  C'est  sur  des 
hommes  trop  vêtus,  trop  chargés  et  marchant  en  colonne  serrée 
qu'apparaît  le  coup  de  chaleur.  Le  mot  insolation  qu'on  emploie 
parfois  comme  synonyme  n'est  pas  heareux,  car  le  coup  de  ch^i^ 
leur  et  non  de  soleil  survient  parfois  pendant  la  nuit,  sous  les 
tentes  où  Ton  étouffe. 

Les  symptômes  sont  ceux  que  présentent  les  animaux  dans 
les  éluves  sèches  :  tantôt  l'homme  pâlit  et  tombe  en  syncope, 
tantôt  il  présente  de  la  cyanose.  La  respiration  et  les  battements 
du  cœur  s'accélèrent  d'abord,  pour  se  ralentir  ensuite  ou  parfois 
s'arrêter  brusquement  dans  un  espace  de  temps  qui  varie  entre 
deux  et  trois  heures.  La  guérison  peut  avoir  lieu  ;  mais,  d'après 
les  relations  locales  faites  par  Morehead,  j'ai  calculé  que  la  morta- 
lité était  de  26  O/o. 


CHALEUR.  il 

L'aulopsie  établit  bien  clairement  ridentité  entre  cet  accident 
et  les  phénomènes  expérimentaux  produits  par  Cl.  Bernard,  Val- 
lin,  etc.  L'hyperthermie  s'élè?e  encore,  même  après  la  mort,  à 
-f  42»,2  (Taylor),  +44o  (Wood).  Le  D'Roch.  dans  la  baie  d'Annes- 
le?,  à  bord  du  Golden  Ficece,  où  il  se  produisit  un  grand  nombre 
d'accidents,  observa  •+•  45°  après  la  mort.  Le  cœur  est  vide  et  - 
contracté,  en  état  de  contraction  rigide.  Le  sang  est  noir  et  par 
conséquent  pauvre  en  oxygène  ;  il  s'agit  bien  évidemment  ici  de 
la  coagulation  de  la  myéline,  dont  j'ai  parlé  plus  haut. 

Les  conditions  de  fétuve  sèche  et  plus  ou  moins  confinée  sont 
iri  réalisées;  cela  est  si  vrai,  que,  dans  la  marche  des  troupes 
en  colonne,  il  suffit  d'élargir  les  rangs,  pour  rendre  le  coup  de  cha- 
leur moins  fréquent  (Taylor).  Le  resserrement  des  rangs,  en  plein 
air,  sous  les  tropiques,  est  aussi  dangereux  que  l'habitation  dans 
des  locaux  encombrés.  Laveran.  qui  adopte  cette  manière  de  voir, 
fait  une  remarque  qui  nous  montre  Texcellence  de  certaines  habi- 
tudes que  je  qualifierais  d'ethniques,  s\  ce  n'était  faire  un  pléo- 
nasme. «  LesHomains,  dit-il  avec  Niebuhr,  avaient  reconnu  que 
rien  n'est  aussi  nuisible  aux  soldats  en  marche  que  de  se  tenir  en 
rangs  serrés  ;  au  contraire,  les  soldats  prussiens  marchent  soudés 
les  uns  aux  autres,  v  La  première  méthode  convient  en  effet  aux 
pays  chauds,  comme  la  seconde  aux  pays  froids. 

Si  les  races  indigènes  semblent  souvent  échapper  au  coup  de 
chaleur,  c'est  que  leur  vêtement  et  leurs  habitudes  les  exposent 
moins  que  nous  à  ces  accidents  ;  mais  lorsqu'on  les  force  à  (luittcr 
leurs  habitudes  pour  prendre  les  nôtres,  ils  perdent  leur  apparente 
immunité;  témoins,  dans  l'Inde,  les  soldats  cipayes,  qui  sont 
frappés  presque  à  l'égal  des  soldats  anglais. 

Le  D'  Zuber  et  le  D'  Vallin  ont  constaté  que  les  gens  qui  ne 
transpiraient  pas  étaient  plus  exposés  au  coup  de  chaleur,  que 
ceux  qui  sont  dans  la  condition  inverse,  ce  qui  s'explique  par  le 
rafraîchissement  du  corps  dû  à  l'évaporation  de  la  sueur.  L'exer- 
cice vaut  même  mieux  que  Timmobilité,  en  raison  de  la  sueur 
qu'il  provoque  ;  il  présente,  en  outre,  l'avantage  de  Iransfcumer 
en  mouvement  une  certaine  quantité  de  chaleur,  dont  la  soustrac- 
tion soulage  d'autant  l'organisme.  Vallin  a  constaté,  oirecli- 
veroent,  que  les  chiens  attachés  et  immobilisés  au  soleil  ardent 
succombaient,  alors  que,  laissés  au  même  endroit,  à  la  chaîne, 
avec  la  liberté  d'exécuter  certains  mouvements,  ils  ïve  sutcoux- 
bent  pas. 


12  l'atmosphère. 

AetloB  proloB||ée  d'ane  températare  élevée  d«ii9  les 
pays  eliAvdB.  —  Les  conditions  du  coup  de  chaleur  sont  heu- 
reusement exceptionnelles  ;  tout  autre  est  l'action  qu^exerce  sur 
tous  le  milieu  chaleur  dans  les  pays  chauds  :  au  début  du  séjour 
d'un  Européen  dans  les  régions  tropicales,  l'action  de  la  chaleur 
se  fait  d'abord  sentir  sur  les  deux  organes  qui  sont  directement 
en  rapport  avec  Pair  atmosphérique  :  le  poumon  et  la  peau. 

Absolument  comme  nous  1  avons  tu  tout  à  Theure  (lour  les  végé- 
taux, tous  les  tissus  et  les  appareils  reçoivent  une  vive  excitation  ; 
c'est  ainsi  que  les  plaies,  si  aucune  complication  ne  survient  d'un 
autre  côté,  se  cicatrisent  avec  une  rapidité  inusitée  dans  les  climats 
tempérés;  le  fait  a  été  constaté  par  les  médecins  anglais  et  hol- 
landais, sur  leurs  compatriotes  du  Nord,  dans  la  guerre  des 
Âshantis,  en  Afrique,  et  dans  l'expédition  contre  Atchin,  dans 
l'archipel  malais. 

La  peau  exagère  ses  fonctions  à  tel  point,  même,  que  des  érup- 
tions sudordles,  qu'on  désigne  souvent  sous  le  nom  de  bourbouiUes, 
sont  un  des  premiers  tributs  payés  par  le  nouvel  arrivé.  Chez  un 
grand  nombre  d'animaux,  dont  la  peau  fonctionne  peu  à  Tétat 
normal,  cette  stimulation  inusitée  se  traduit  par  des  modifica- 
tions dans  la  structure  du  poil.  La  respiration  s'accélère  ;  un 
sentiment  de  force  et  de  stimulation  réjouit  d'abord  l'organisme  ;  la 
température  du  corps  s'élève  de  +  !«,  parfois  de  -h  2o.  Le  pouls 
s'accélère  également;  Layet  a  constaté  une  augmentation  de  72  à 
84,  soit  1/7.  Mais  ce  n'est  là  qu'un  feu  de  paille  :  à  la  congestion  péri- 
phérique succèdent  la  pâleur  et  la  laxité  des  tissus  ;  la  respiration 
non  seulement  perd  son  accélération  inusitée,  mais  se  ralentit  ;  les 
combustions  deviennent  moins  considérables;  la  quantité  d'acide 
carbonique  rejetée  par  les  poumons,  sous  les  tropiques  com- 
parés à  l'Angleterre,  diminue  de  12,24  O/q,  d'après  Rathray.  Ces 
observations  confirment,  du  reste,  les  résultats  ex|)érimentaux 
auxquels  sont  arrivés  Edwards  et  Letellier.  Dans  leurs  expé- 
riences, où  la  température  suivait  une  marche  progressive,  ils 
ont  constaté  que,  si  l'élimination  d'acide  carbonique  était  égale  à 

2  1 

i  ou  0»,  elle  devenait  -  à  4- 15»  ou  +20o,  et  -  à-^30oou-f-40o. 

*  3 

Cela  tient  évidemment  à  l'abaissement  de  la  combustion,  et  ce 
phénomène  a  lui-même  sa  cause  dans  la  dilatation  de  Pair,  qui  a 
pour  effet  de  diminuer  non  seulement  sa  quantité  et,  par  con- 
séquent, celle  de  l'oxygène  contenue  dans  un  volume  pulmonaire 


CHALEUR.  IS 

donné,  mais  encore  et  surtout  de  diminer  la  tension  de  cet  oxygène 
et,  par  conséquent,  son  affinité  pour  les  globules  do  sang.  Les 
expériences  de  P.  Bert,  expériences  dont  nous  aurons  occasion  de 
parler  longuement  dans  la  suite,  ont  en  effet  montré  que  le  con- 
flit des  globules  avec  Toxygène  était  surtout  une  question  de  ten- 
sion et  non  de  quantité. 

Il  résulte  de  tout  ceci  que  soos  les  tropiques  la  température 
du  corps  diminue,  d'après  Rathray,  de  0<>,83. 

Par  suite  de  ce  rôle  amoindri,  la  capacité  vasculaire  du  pou* 
mon  diminue  de  339  à  367  centimètres  cubes  ;  la  capacité  pulmo- 
naire elle-même  diminue,  au  spiromètre,  de  376  centimètres  cubes 
(Ratbray)  sur  les  marins  anglais  qu'il  a  examinés  successivement 
k  Londres  et  sous  les  tropiques.  Parkes  a,  dans  plusieurs  autop- 
sies, constaté  une  diminution  du  poids  des  poumons  chez  les  Euro- 
péens dans  rinde.  Ratbray  estime  la  perte  totale  de  l'activité  fonc- 
tionnelle des  poumons  à  18,43  O/o  de  ce  qu'elle  était  avant,  ce  qui 
correspond  à  un  déficit  de*  1"°',096  dans  le  volume  d*air  con- 
sommé et  de  57^,20  de  carbone  éliminé. 

Ces  troubles  ne  se  bornent  pas  à  une  moindre  consommation 
d'air,  à  une  moindre  élimination  de  carbone  :  la  vapeur  d'eau , 
surtout  dans  l'atmosphère  souvent  saturée  d'humidité  des  régions 
tropicales,  est  éliminée  en  moins  grande  proportion  ;  rélimination 
de  la  vapeur  d*eau  diminue  de  6,57  O/o-  En  outre,  une  foule  de 
matériaux  de  dénutrition  sont  retenus  dans  l'organisme  et  vien- 
nent encombrer  le  foie,  qui  se  congestionne. 

La  prédominance  hépatique,  qu'on  rencontre  dans  une  bonne 
partie  de  la  pathologie  des  Européens,  dans  les  climats  tropicaujr, 
d  donc  sa  cause  dans  l'hyperfonclion  du  foie  chargé  de  rélimi- 
nation des  matériaux  incomburés.  L'activité  rénale  diminue  de 
17,5  O/o  (Ratbray)  ;  seule  Tactivité  de  la  peau  augmente  de  24  0/0. 
Des  recherches  comparatives  exécutées  parle  D'  Moursou,  dans 
la  Méditerranée  et  dans  Tocéan  Indien,  il  résulte  que  l'élimination 
de  l'urée  est  moins  abondante  dans  les  régions  chaudes  que  dans 
les  régions  tempérées.  La  combustion  organique  est,  autrement 
dit,  moins  active. 

Toutes  choses  égales,  d'ailleurs,  la  mortalité  semble,  d'après 
une  statistique  de  Moreau  de  Jonnès,  aller  en  augmentante 
mesure  qu'on  se  rapproche  de  la  ligne  équinoxiale  :  la  Marti- 
nique, par  14%44'  lat.,  donnerait  \  décès  sur  28habitanU;  la 
Trinidad,  par  i(y*,IO',  i  décès  sur  27  ;  Batavia,  par  ô*»,\tf,  V  ^fe- 


14  l'atmosphère. 

CCS  sur  26.  Je  n'ai  pas  besoin  de  faire  ressortir  les  défauts  de 
cette  statistique,  qui  ne  tient  sans  doute  pas  compte  des  diiïc- 
rences  de  race,  de  climat,  étrangères  à  la  latitude,  et  je  la 
donne  pour  ce  qu'elle  vaut,  tout  en  croyant  que  son  sens^  son 
eâpri^  sinon  sa  lettre,  sont  généndement  assez  vrais. 

Quoi  qu'il  en  soit,  après  Teicès  de  chaleur,  la  plus  fréquente 
cause  des  maladies,  dans  les  régions  tropicales,  c'est  le  refroidis- 
sement, quelque  paradoxal  que  cela  puisse  paraître.  On  y  résiste 
mal  au  rayonnement,  parce  qu^on  produit  peu  de  chaleur.  Cela, 
d'ailleurs,  est  tout  à  fait  conforme  aux  expériences  d'Edwards. 
Des  moineaux  placés  dans  un  vase  entouré  dej^lacc,  perdaient, 
au  mois  de  février,  0<^,4  en  1  heure;  les  mêmes  moineaux, 
placés  dans  les  mêmes  conditions,  au  mois  de  juillet,  perdaient 
dix  fois  plus  :  4o.  L'élévation  continue  de  la  température  diminue 
donc  ta  faculté  de  produire  de  la  chaleur,  et,  par  conséquent, 
le  moyen  d'en  perdre. 

La  chaleur  est,  pour  cette  cause,  la'  principale  cause  de  l'exces- 
sive mortalité  des  enfants  dans  les  pays  chauds,  surtout  lu  où 
aucun  vêtement  et  aucune  précaution  d'hy^^iènc  ne  viennent  les 
préserver.  D'une  manière  générale  la  chaleur  tue  l'enfant  comme 
le  froid  tue  le  vieillard.  Le  docteur  Vacher  (du  Havre)  a  dressé 
le  tableau  suivant,  qui  montre  combien  la  mortalité  des  enfants 
de  0  ai  an  est  proportionnelle  à  la  température,  même  dans 
notre  pays  : 

Tempéraliiro  Déc«»!«  •/• 

Années.  moyenne  d'été.  deOàlan. 

1833 170,7  3i,3:io 

1854 18  ,4  Gi,44;i 

185o .  18  ,3  3l,3(>o 

1856 18  , S  :)9,1(>i 

1857 19  ,7  03,419  , 

1838 19  ,4  54,9;i3 

1859 20  ,3  93,304 

1860 17  ,1  42,123 

1861 19  , S  73,72i 

L'Européen  ne  reste  pas  généralement  quitte  avec  le  climat  des 
tropitiucs  pour  avoir  moilifié  sa  physiologie  pulmonaire  et  cuta- 
née :  par  suite  d'une  sorte  de  balancement  fonctionnel  entre 
la  peau  et  la  muqueuse  digestive,  la  muqueuse  de  IVstomac  et 
souvent  celle  de  l'intestin  s'assèchent  ;  il  en  résulte  un  état 
de  dyspepsie  que  les  condiments  les  plus   relevés,   poivre  de 


CHALEUR.  15 

Cayenne,  gingembre,  etc.,  ne  suffisent  pas  à  modifier.  La  na- 
Iritioo  se  fait  mal,  la  fibrine  diminue  (Layct),  les  globules  rouges 
defiennent  moins  nombreui,  les  globules  blancs  augmentent,  en 
même  temps  que,  selon  Mazaé-Azéma,  le  système  lymphatique  se 
développe  considérablement;  ce  dernier  auteur  pense  qu'il  s'éta- 
blit une  sorte  de  parallélisme  inverse  entre  la  circulation  rouge 
et  la  circulation  blanche;  le  sang  s'appauvrit,  mais  les  Lympha- 
tiques s^engorgent.  Il  est  à  remarquer,  du  reste,  que  les  mala- 
dies qui  s'accompagnent  de  lésions  anatomiques  du  côté  des 
lymphatiques  prennent  dans  les  pays  chauds  une  valeur  prédo- 
minante; il  me  suffit,  pour  le  moment,  de  ciier  \à  lymiyfuingite 
des  pays  ch/tuds. 

Tant  que  ces  modifications  restent  dans  une  certaine  mesure, 
l'Européen  ne  doit  pas  se  plaindre,  car  c'est  seulement  au  prix  de 
ces  changements,  qui  en  Europe  seraient  pernicieux,  qu'il  peut 
résister  au  climat  torride.  Allez  donc  aux  Antilles  vous  soumettre 
au  régime  d'entraînement,  avec  vin  généreux,  viandes  saignantes, 
du  lutteur  de  Londres!  L'acclimatement  individuel  ne  s'obtient 
qu'à  ce  prix,  et  ce  qui  à  Stockholm  serait  une  maladie,  devient  phy- 
siologique à  réquateur.  11  faut  avant  tout  qu'un  animal  soit  en 
harmonie  avec  le  milieu  où  il  vit.  Je  reviendrai  d'ailleurs  sur  ces 
questions  au  chapitre  de  racclimatcmcnt. 

Pour  le  moment,  il  nous  suffira  de  présumer  (la  démonstration 
viendra  plus  tard)  que  les  modifications  qui  se  produisent  chez 
rEuropéeii  tendent  à  rapprocher  ses  tissus  de  ceux  de  Tindigéné 
et  de  l'indigène  ;  car  bien  que  ni  fun  ni  l'autre  de  ces  derniers 
ne  semble  souffrir  du  climat  qu'ils  habitent  depuis  plusieurs  gé- 
nérations, il  est  bien  certain  que  le  milieu  où  ils  vivent  n'est  pas 
sans  avoir  agi  sur  les  tissus,  les  organes  et  Torganisme  de  leurs 
parents,  comme  sur  les  leurs  propres. 

Action  de  la  chaleur  sur  iVvoIntlon  sociale.  ^  Los 
(Miys  chauds  offrent  à  l'homme  une  vie  facile;  la  faune  ci  la 
flore  y  sont  abondantes,  et  si  dans  Tune  et  dans  Taulre  il  trouve 
de  nombreux  ennemis,  il  y  trouve  également  sinon  toujours  des 
amis,  au  moins  matière  à  apaiser  sa  faim  sans  se  donner  beau- 
coup de  mal.  Ce  sont  les  pays  par  excellence  des  j>euples  en- 
fants, ou  mieux  des  premiers  groupements  du  Primate  humain. 
L'homme  de  Ihenay,  en  France,  à  peine  encore  dégage  du  Pylhé- 
coïde,  vivait  dans  un  climat  chaud,  à  en  juger  par  la  flore  et  là 
faune  fossiles  de  cette  époque  reculée  ;  mais  précisémenl  eu  t«X- 


16  l'atmosphère. 

son  de  cette  facilité,  la  lutte  ne  stimule  pas  suffisamment  TéTO- 
lution  sociale,  et  c*est  dans  les  pays  chauds  qu'on  voit  surtout  les 
sociétés  s^immobiliser  à  un  degré  inférieur  d'évolution. 

L'histoire  nous  montre  que  les  populations  des  pays  chauds  qui 
sont  arrivées  à  un  développement  supérieur,  ne  l'ont  fait  qu'en 
tempérant  la  chaleur  par  un  habitat  élevé  en  altitude.  Telles  sont 
les  anciennes  civilisations  du  Mexique  et  du  lac  Titicaca  ;  mais 
toutes  sont  subjuguées  par  des  populations  plus  rustiques  venues 
des  pays  moins  tropicaux,  et  toutes  sont  rongées  par  cet  énerve- 
ment  dont  le  Nirvana  de  Plnde  est  Tex pression  philosophique  et 
dont  le  despotisme  religieux  est  souvent  la  conséquence. 

Virey  a  déjà  fait  remarquer  que  c'est  dans  la  zone  brûlante 
qu'on  trouve  ces  tempéraments  nerveux  facilement  agités  par 
les  sectaires  religieux  et  les  imposteurs  :  ce  tempérament,  qui, 
dit-il,  affaiblit  la  froide  raison  et  exaspère  la  sensibilité  ;  dans 
ces  pays,  continue-t-il,  les  aliénés  de  toute  espèce,  les  maniaques 
sont  deux  ou  trois  fois  plus  nombreux  que  dans  nos  climats. 
Enûn,  un  témoin  absolument  peu  suspect  en  pareille  matière, 
Livingstone,  reconnaît  lui-même  que  le  fanatisme,  le  mysticisme 
et  la  religiosité,  cette  prétendue  caractéristique  du  genre  humain, 
•qui  manque  cependant  en  même  temps  aux  plus  humbles  comme 
aux  plus  élevés  de  ses  membres,  vont  en  augmentant  du  Cap  de 
Bonne- Espérance  vers  l'Afrique  tropicale. 

Le  système  musculaire  dans  ces  régions  n'échappe  pas  à  l'amoin- 
drissement; seul  le  système  nerveux  sensitif  est  dominant;  les 
peuples  encore  grossiers  dans  leur  barbarie,  présentent,  sous  ce 
rapport,  les  mêmes  défectuosités  que  nos  raffines  dans  leur  civi- 
lisation, et  presque  sans  forcer  le  ton,  Virey,  que  je  cite  encore,  a 
pu,  fixant  cette  image  où  Ténervement  par  la  chaleur  est  rappro- 
ché de  réuervement  par  civilisation,  appeler  la  civilisation  :  «  cette 
zone  équatoriale  de  l'homme.*  » 

Malgré  ces  défectuosités,  il  serait  cependant  injuste  de  ne  pas 
rendre  hommage  aux  qualités  brillantes,  sinon  des  populations  de 
la  zone  tropicale,  au  moins  de  celles  que,  dans  notre  pays,  nous 
nommons  méridionales.  Les  Grecs,  les  Romains  ont  montré  quel 
théâtre  leur  pays  pouvait  fournir  à  des  races  bien  douées;  la 
France  méridionale  elle-même,  malgré  les  critiques  d'un  roman 
récent,  a  fourni  dans  la  littérature,  la  politique  et  même  dans  la 
science,  plus  d'un  nom  de  premier  ordre.  A  un  autre  point  de 
vue,  les  méridionaux  de  nos  pays  tempérés  semblent  doués  d'une 


FROID.  17 

grande  résistance  à  laquelle  la  race  doit  sans  doute  également 
contribuer;  on  n'ose  plus  citer,  tant  elle  est  légendaire,  l'observa- 
tion du  méridional  Larrey  pendant  la  retraite  de  Russie.  On  sait 
que  la  plus  grande  résistance  à  ce  froid  exceptionnel  a  été  obser- 
fée,  non  chez  les  Français  du  Nord,  non  même  chez  les  Russes, 
mais  chez  les  compatriotes  du  chirurgien  en  chef  de  Tarmée.  (Test 
bien  certainement  à  un  état  moléculaire  de  la  cellule  pensante, 
de  la  fibre  musculaire  ou  du  tube  nerveux,  état  en  rapport  avec 
le  degré  moyen  de  la  température  ambiante,  que  sont  dus  ces 
effets. 

Je  pourrais  citer  un  grand  nombre  d*autres  exemples  de  l'éner- 
gie dont  font  preuve  dans  un  pays' froid  les  populations  relative- 
ment méridionales  :  les  Français  supportaient  tellement  bien  les 
froids  du  Canada,  qu'un  vieux  proverbe  répandu  dans  cette  popu- 
lation de  bûcherons,  disait  qu'un  Français  ne  mourait  qu'à  coups 
de  hache.  C'est  par  une  raison  analogue  que  dans  notre  pays 
tempéré,  les  animaux  du  Nord  résistent  moins  bien  que  ceux  du 
Midi. 


§   2.    FROID. 

AeiloB  biologique  do  froid.  —  Le  voyageur  qui,  d*un 
pays  tempéré,  se  dirige  non  plus  vers  les  régions  tropicales, 
mais  vers  les  latitudes  plus  septentrionales  que  la  sienne,  doit 
supporter  des  modifications  physiologiques  non  moins  importantes 
que  celles  que  nous  \enons  d'étudier.  Des  phénomènes  inverses  à 
ceux  que  je  viens  de  décrire  doivent  être  maintenant  i>ignalés  ; 
il  ne  faudrait  pas  croire  cependant  que  la  symétrie  soit  com- 
plète de  chaque  côté  de  la  température  moyenne  de  Paris,  par 
exemple,  prise  comme  0  moyen.  Il  semble  que  l'homme  résiste 
mieux  à  ce  degré  très  inférieur  à  la  température  moyenne  de 
notre  pays,  que  nous  nommons  froid  excessif,  qu'à  ce  degré  très 
supérieur  à  la  température  à  laquelle  nous  sommes  habitués  et 
que  nous  nommons  chcilcur  extrême. 

Le  froid  et  le  chaud  sont  relatifs  ;  cependant,  de  même  que  la 
lioiite  extrême  de  la  chaleur  supportable  pour  les  protoorga- 
nismes cellulaiies  est  le  degré  qui  correspond  à  la  coagulation  de 
Talbumine,  de  même  la  limite  du  froid  supportable  devravt  ^\t^  Vt 
degré  de  congélation  de  Feau.  Or,  il  n'en  est  rien  ;  d'aboxA  v^tcfe 

GÉoaa.  MÉD,  ^ 


18  l'atmosphère. 

que  même  les  animaux  à  sang  froid  dégagent  de  la  chaleur  pro- 
pre ;  en  outre,  parce  que  les  liquides  aqueux  de  l'organisme  tien- 
nent en  dissolution  des  substances  qui  retardent  leur  congélation 
et  qu'ils  sont  animés  d*un  mouvement  qui  a  le  même  effet. 

D'une  manière  générale,  Rumford  a  établi  que  les  liquides  sont 
d*aotant  plus  mauvais  conducteurs  de  la  chaleur  qu'ils  sont  plus 
\isqueux  ;  il  en  résulte,  dit  de  CandoUe,  que  la  disposition  des 
végétaux  à  résister  au  froid^  est  en  raison  directe  de  la  viscosité 
de  leurs  sucs. 

Les  draguages  du  capitaine  Nordenskiold,  dans  les  mers  polai- 
res, ont  d'ailleurs  démontré  que,  dans  les  régions  sous* marines  de 
ces  contrées,  malgré  une  température  constamment  inférieure 
à  0*,  les  êtres  vivants  pullulent. 

Dans  le  courant  de  la  même  expédition,  les  navigateurs  furent 
étonnés  de  la  quantité  prodigieuse  d'êtres  animes  qui  vivaient  à 
l'air  libre,  par  une  température  moyenne  de  —  40°.  Déjà  le 
lieutenant  Bellot  avait  constaté,  sur  la  neige  des  rivages  polaires, 
des  quantités  considérables  d'animaux  phosphorescents  ;  kjell- 
mann,  à  bord  du  Polhem^  le  navire  de  Nordcnskiold,  fut  égale- 
ment surpris  de  trouver  des  algues  en  pleine  vigueur  à  une  tem- 
pérature presque  constante  de  —  2«. 

Ces  faits  n'ont  rien  d'étonnant  pour  ceux  qui  croient,  sans  com- 
mentaires, aux  expériences  faites  par  Gaimard  en  18*28  et  1829,  sur 
la  congélation  des  animaux  :  pendant  un  voyage  en  Islande,  cet  ob- 
servateur, ayant  exposé  en  plein  air  une  boite  remplie  de  terre,  au 
milieu  de  laquelle  se  trouvaient  des  crapauds,  fut  tout  surpris,  au 
bout  de  plusieurs  joursy  de  trouver  les  crapauds  durs,  cassants,  roi- 
des,  gelés  ;  il  les  rappela  à  la  vie  en  les  plaçnnt  dans  Teau  chaude. 
Ces  faits  étaient  déjà  connus,  et  John  Hunter  Ini-mômc  avait  écha- 
faudé,  sur  ces  signesd'oubli  momentané  de  la  vie,  qui  rappellent  un 
peu  ce  qui  se  passe  pour  les  animaux  reviviscents,  un  rèved'utopiste 
et  de  savant  :  «  Je  m'étais  imaginé,  dit-il,  qu'il  serait  possible  de 
prolonger  la  vie  indérmiment,en  plaçant  un  homme  dans  un  climat 
très  froid.  Je  m'appuyais  sur  cette  considérai  ion  que  toute  action  et, 

par  conséquent,  toute  déperdition  de  substances  seraient  suspendues 
jusqu'à  ce  que  le  corps  fût  dégelé.  Je  pensais  même  que,  si  un 
homme  voulait  consacrer  les  dix  dernières  années  de  sa  vie  à  cette 
espèce  d'alternative  de  repos  et  d'action,  on  pourrait  prolonger  sa 
vie  jusqu'à  un  millier  d'années,  et  qu'en  se  faisant  dégeler  tous  les 
cent  ans,  il  pourrait  connaître  tout  ce  qui  aurait  été  fait  pendant  son 


FROID.  4  9 

éiat  de  congélation.  Comme  tous  les  faiseurs  de  projets,  continue 
notre  rêveur,  je  m'attendais  à  faire  fortune  avec  celui-là  ;  mais 
une  expérience  me  désillusionna  complètement,  i 

Un  animal  ne  saurait  sans  mourir  être  congelé,  sans  doute  pour 
plusieurs  raisons,  mais  au  moins  pour  celle-ci  :  que  Teau  qui  passe 
de  rétat  liquide  à  Tétat  solide  augmentant  de  volume,  ses  tissus, 
qui  sont  gorgés  d'eau,  éclateraient,  comme  fait  une  pierre  qui  gèle. 
Maif^  il  se  peut  précisément  que,  en  vertu  de  certaines  dispositions 
aoatomiques,  certains  animaux  puissent  résister  à  la  congélation. 
Si,  en  été,  par  exemple,  on  met  une  grenouille  dans  la  glace,  elle 
gèle,  car,  à  ce  moment,  elle  est  gorgée  de  sucs  aqueux  qui,  gelant, 
font  éclater  les  tissus  ;  mais  plongez  dans  la  glace  une  grenouille 
en  hit>emation,  au  moment  où  elle  est  asséchée,  non  gorgée  de 
sucs,  elle  ne  périra  pas,  au  moins  par  ce  mode  de  congélation. 
Cest  pour  la  même  raison  que  les  plantes  herbacées  résistent 
moins  au  froid  que  les  plantes  ligneuses,  et^que  les  graines  ne 
conservent  leur  pouvoir  gcrminatif,  après  avoir  été  soumises  à  des 
températures  basses,  qu'après  avoir  été  desséchées  en  partie. 

Tout  dépend  donc  ici,  comme  en  tout,  du  dispositif  anatomique 
qui  est  plus  ou  moins  approprié  à  tel  ou  tel  milieu.  Etre  asséchée, 
amaigrie,  dépourvue  de  sucs,  serait  en  été.  pour  la  grenouille, 
une  infériorité,  absolument  comme  l'anémie  est  en  hiver,  à 
Paris,  une  infériorité  ;  mais  en  hiver  cet  état  devient  pour  la  gre- 
nouille sa  sauvegarde  ;  il  lui  permet  de  résister  aux  gelées,  comme 
fanémie  de  l'Européen  lui  permettrait  de  résister  à  la  chaleur  des 
régions  tropicales.  La  science  de  l'acclimatement  n'est  autre  chose 
que  la  recherche  du  df'ta-minisme  anatomique. 

Mais  la  mon  par  le  froid  ne  se  réduit  pas  aux  phénomènes  rudi- 
mentaires  qui  se  passent  dans  la  pierre  qui  éclate  sous  Tintluence 
de  la  gelée  :  tandis  que  la  température  élevée  altère  l'élément  cel- 
lulaire des  muscles,  la  température  basse  altère  le  globule  san- 
guin ;  si  la  chaleur  est  toxique  pour  la  fibre  musculaire,  le  froid 
est  toxique  du  globule  sanguin.  Cest  sans  doute  à  cette  altération 
du  sang  qu'est  due  cette  envie  irrésistible  de  dormir  qui  envahit 
les  voyageurs  égarés  dans  les  plaines  neigeuses  des  régions  po- 
laires. Les  expériiînces  de  G.  Pouchet  ont  en  effet  montré  que  le 
premier  effet  produit  par  le  froid  est  la  contraction  des  vaisseaux 
capillaires;  le  second  est  l'altération  des  globules  ;  ils  deviennent 
crénelés  sur  leurs  bords  et  foncés  en  couleur. 

Les  expériences  récentes  de  Ch.  Richei  et  de  P.  Rondeau  mou* 


tO  L*ATM08PHÈRE. 

trent  qu'avant  d'arriver  à  ce  degré  mortel,  le  froid  fait  descendre 
aux  animaux  à  sang  chaud  Téchelle  de  la  vie  et  les  retient  pen- 
dant un  certain  temps  dans  les  conditions  d'animaux  à  sang  froid  : 
le  séjour  prolongé  dans  un  milieu  réfrigérant  peut  faire  descendre 
en  deux  heures  la  température  intérieure  d'un  lapin  de  -f  d8<*  à 
-h  «8«,  à  +  15«  et  même  à  13%8. 

Lorsque  la  température  de  cet  animal  atteint  +25®,  la  respi- 
ration commence  à  devenir  inefficace;  à  -f  17«  les  fonctions  du 
système  nerveux  sont  très  diminuées;  à  -f  46**  les  mouvements 
réflexes  persistent,  mais  avec  une  lenteur  extrême,  qui  rappelle 
ce  qu'on  observe  chez  les  animaux  à  sang  froid.  1^  secousse  mus- 
culaircy  sous  Tinfluence  de  réiectricité,  devient  faible,  lente  et 
prolongée  à  la  descente.  A  4-  SS*"  le  cœur  du  lapin  bat  encore 
80  fois  par  minute  ;  à  +  i7o  il  ne  bat  plus  que  10  ù  42  fois.  La 
forme  de  la  contraction^  lorsqu'on  ouvre  le  thorax,  rappelle  celle 
que  présente  le  cœur  de  la  tortue.  Bientôt  tout  mouvement  cesse; 
il  n'y  a  plus  aucune  trace  de  vie;  et  cependant,  si  Ton  réchaufie 
le  lapin  et  si  Ton  pratique  la  respiration  artificielle,  on  peut  le 
rappeler  à  la  vie. 

Cet  état  de  mort  apparente,  caractérisé  par  tous  les  signes  de  la 
mort,  sans  que  la  mort  soit  définitive,  peut  durer  une  demi- 
heure  (dans  une  expérience,  trente  et  une  minutes  ;  dans  une 
autre,  vingt  minutes;  dans  une  autre,  dix-huit  minutes).  Au 
point  de  vue  de  la  pratique  médicale,  le  fait,  ainsi  que  le  font 
remarquer  MM.  Richet  et  Rondeau,  est  important  à  noter,  car  il 
indique  que  les  individus  refroidis,  ne  donnant  plus  signe  de  vie, 
pourront  encore  être  parfois  rappelés  à  l'existence  par  le  rcchauf- 
fement  de  la  péril  hérie  cutanée,  combiné  avec  la  respiration  arti- 
ficielle. 

Dans  la  trame  des  tissus,  les  phénomènes  nutritif?  de  la  cel- 
lule et,  par  conséquent,  de  Tindividu  polyccllulaire,  sont  ralentis; 
les  végétaux  croissent  plus  lentement;  la  croissance  des  animaux 
et  leur  évolution  d'âge  en  âge  sont  moins  précoces  ;  pour  cette  rai- 
son la  cicatrisation  des  plaies  se  fait  plus  Icntemcjat  (Rochard). 

ADémle  pernleleaae  da  Nord.  —  C'est  à  l'action  du  froid, 
lors(iue  rien  dans  l'hygiène  ne  vient  la  contrebalancer,  qu'il 
faut  attribuer  cette  anémie  pernicieuse,  progressive,  décrite  pour 
la  première  fois  par  Biermer  en  1871,  observée  depuis  par  Soren- 
scn  en  Daneroarck,  par  Warfringe  à  Stockholm,  par  Wasastjerna 
à  Helsingfors.  Dans  cette  forme  pernicieuse  d'anémie,  on  voit  les 


FROID.  t1 

«globules  rouges,  dont  le  chiffre  normal  est  de  5  millions  par  mil- 
limètre cube  de  sang  (Hayem),  tomber  à  1  million  et  cet  état  se 
caractériser  par  des  hémorrhagies  surtout  rétiniennes.  C'est  là 
ane  des  actions  que  peut  avoir  le  froid  ;  il  en  a  d'autres. 

G^a^^estioBs  viseérales.  -»  Le  froid  diminuant  le  calibre  des 
capillaires  périphériques,  il  en  résulte  un  état  de  congestion  des  or- 
ganes centraux,  qui  se  traduit  par  des  pneumonies  souvent,  plus  sou- 
vent encore  par  des  catarrhes  et  des  bronchites.  Ces  deux  dernières 
maladies  augmentent  de  fréquence  de  Téquateur  au  pôle,  tandis  que 
la  pneumonie  augmente  avec  l'altitude  (Hirsch).  Cette  congestion 
produit  encore  une  tendance  invincible  au  sommeil.  Tous  les  voya- 
geurs ont  relaté  ce  sommeil,  qui  devient  mortel  si  on  s*y  aban- 
donne. Tout  le  monde  connaît  le  récit  de  Soiander  :  à  la  Terre  de 
Feu,  lui  et  ses  compagnons  étaient  en  proie  à  ce  sommeil  a  fri- 
fjore  ;  en  vain  leur  criait-il  :  f  Quiconque  s'assied,  s'endort  ;  qui- 
conque s*endort  ne  se  réveille  plus  »  ;  le  besoin  était  tellement 
impérieui,  que  plusieurs  de  ses  hommes  succombèrent  de  cette 
façon  et  que  lui-même  s'affaissa  ;  il  serait  mort,  si  on  ne  Teût  pas, 
à  grand'peine,  réveillé. 

Gelares.  —  Il  arrive  même  parfois  que,  localement,  dans  UQ 
pied,  une  main,  la  circulation  s'arrête;  quelques  globules  s'altè- 
rent, deviennent  crénelés  et  impropres  à  la  vie.  Tant  que  la  cir- 
culation est  ralentie,  ce  département  gelé  reste  inoffensif  pour 
l'organisme^  et  il  en  serait  ainsi  même  lorsque  la  chaleur  a  ranimé 
le  cœur,  si  une  ligature,  appliquée  à  temps,  empêchait  le  caillot 
qui  s'est  formé  et  les  globules  altérés  de  rentrer  dans  la  circu- 
lation générale  ;  malheureusement,  on  ne  prend  pas  cette  pré- 
caution, qui  pourrait,  d'ailleurs,  être  illusoire  ;  on  réchauffe  le 
malade,  et  globules  altérés,  caillots  causent  des  embolies  qui  don- 
nent lieu  aui  symptômes  les  plus  graves  et  amènent  parfois  la 
mort.  Ces  caillots  fibrineux  produisent  des  infarctus  qui  ont  été 
pris  pour  des  foyers  purulents,  à  l'autopsie  ;  c'est  là  ce  qu'on  a  dé- 
crit sous  le  nom  de  suppurations  multiples  sous  l'influenec  du  froid. 

La  gangrène  locale  est  généralement  la  conséquence  de  ces 
gelures  ou  congélations.  Elle  s'observe  souvent,  pendant  les  hivers 
rigoureux,  sur  les  armées  en  campagne  :  Xénophon,  dans  la  célèbre 
retraite  des  dix  mille,  en  observa  de  nombreux  exemples,  au  pas- 
sage des  montagnes.  Thierry  de  Héry  raconte  qu'en  1537,  pendant 
le  passage  des  Alpes,  aux  environs  de  Noél,  <(  plusieurs  euduiV 
rent  telle  froidure,  qn  *à  aucuns  non  seulement  le  nez  el  Ves  omWfc^ 


tt  l'atmosphère. 

mais  encore  le  visage  se  tuméfia  tellement,  qu'il  y  eut  comme  des 
gangrènes.  »  En  4552,  Tarmée  de  Charles  V,  devant  Metz,  eut 
également  beaucoup  à  souffrir  :  «  Il  fut  tué  plus  de  300  de  cette 
humble  misère,  mais  à  la  plupart  il  fallait  couper  les  jambes.  » 
Les  exemples  que  je  pourrais  encore  citer  ne  sont  malbeureu-* 
sèment  pas  rares  dans  Phistoire. 

Panaris.  —  C'est  sous  l'influence  de  ces  troubles  de  la  circu- 
lation périphérique  que  le  panaris  se  montre  fréquemment  dans 
les  régions  froides  :  tous  les  chirurgiens  de  marine  ont  noté  la 
grande  fréquence  de  ces  maladies  sur  les  côtes  d'Islande.  Le 
D^  Cesliii,  sur  250 hommes  d'équipage,  a  observé  43  panaris;  le 
D' Jacolot,  à  bord  de  l'Artéinise,  dans  les  mêmes  parages,  à  peu 
près  autant.  11  en  est  de  même  dans  les  parages  de  Terre-Neuve 
la  fréquence  du  panaris  est  toutefois  moins  grande  dans  cette 
dernière  région,  parce  que  la  température  y  est  moins  basse. 

Hodiflcatloiis  physlolo|[flques  dans  les  pays  froids. — En 
dehors  de  ces  accidents^  qui  ne  sont,  après  tout,  que  des  excep- 
tions, il  se  produit  dans  l'organisme,  sous  rinflucnce  du  froid,  un 
certain  nombre  de  modifications,  et.  comme  ces  modifications 
donnent  lieu  à  une  sélection  inévitable,  les  plus  favorables  au  cli- 
mat se  transmettant  seules,  il  en  résulte,  ici  comme  partout,  que 
ces  modifications  sont  en  léalité  favorables  à  ceux  qui  les  pré- 
sentent ;  sans  cela,  ils  ne  les  présenteraient  pas.  Les  plumes,  chez 
les  oiseaux,  se  rapprochent  de  plus  en  plus  de  la  fourrure,  comme 
chez  le  lagopède  ;  les  mammifères  prennent  un  pelage  plus  chaud  ; 
le  tissu  cellulaire  lui-même  se  double  d'une  couche  épaisse  de 
graisst*.  L'alimentation  des  habitants  de  ces  contrées  y  contribue 
d'ailleurs  certainement.  Les  Esquimaux  qui  sont  venus  mourir  à 
Paris  de  la  variole  étaient  très  gras;  leur  foie,  énorme,  était  gras. 

Le  froid,  au  point  de  vae  soelal.  —  Si  les  pays  cbauds 
réalisent  volontiers,  pour  les  hommes  primitifs,  le  paradis  mytho- 
logique où  l'homme  n'a  qu'à  se  laisser  vivre,  il  est  loin  d'en  être 
ainsi  dans  les  climats  froids;  la  lutte  pour  Texistence  y  devient 
terrible,  et  la  sélection  finit,  forcément,  par  éliminer  les  moins 
forts,  les  moins  vivaces  et  les  moins  industrieux  ;  à  moins,  toute- 
fois, que  l'absence  de  toute  compétition,  dans  un  pays  inhospi- 
talier, ne  vienne  rendre  cette  lutte  inutile,  auquel  cas  le  progrès 
est  nul,  comme  chez  les  malheureux  habitants  de  la  Terre  de  Feu. 

D'ailleurs,  même  pour  ceux  qui,  plus  favorisés,  ont  trouvé  dans 
le  froid  une  cause  stimulante  et  chez  qui  la  sélection  a  agi  en  éle- 


LUMIÈRE.  %3 

Tant  le  niveau  moyen,  même  pour  ceux-là,  la  limite  sur  la  voie  du 
progrès  est  fixée  assez  près  du  point  de  départ.  Spencer  remarque, 
en  effet,  avec  raison,  que  non  seulement  les  Esquimaux  dépensent 
eu  grande  partie  leurs  forces  à  se  défendre  contre  le  froid,  mais  que 
toutes  leurs  forces  sont,  pour  ainsi  dire,  digestives  :  «  11  faut  qu'il 
(rEsquimau)  dévore  de  grandes  quantités  de  graisse  ou  d'huile,  et 
sonappareildigestif.soumisàlalourdecharge  de  lui  fournir  dequoi 
.  compenser  les  pertes  excessives  que  lui  cause  le  rayonnement,  four- 
nit moins  de  matériaux  pour  les  autres  fins  vitales.  »  Le  lieutenant 
Pajer,  par  —  36**, 6,  dans  les  régions  polaires,  a  remarqué  que  la 
Toionté  était  paralysée  :  «  Les  hommes,  par  leur  démarche  incer- 
taine, leur  bégaiement  et  la  lenteur  de  leurs  opérations  mentales, 
ressemblaient,  dit-il,  à  des  hommes  enivres,  o 

En  somme,  si  Ton  considère,  au  point  de  vue  de  la  température 
seulement,  le  milieu  où  vivent  les  habitants  de  la  planète,  on  voit 
que,  pour  Thumme  au  moins,  les  deux  extrêmes  de  température 
trop  basse  ou  trop  élevée  sont  défavorables  au  progrès  social  et 
que  c'est  dans  les  pays  à  température  intermédiaire,  dite  plus  ou 
moins  tempérée,  qu'a  le  plus  de  chance  de  s'accomplir  révolution 
indéfinie  du  seul  organe  qui  mette  Thomme  au-dessus  des  autres 
animaux  :  le  cerveau. 

n.  LUMIÈRE. 

iieti«B  biologique  de  la  Inmlére.  —  Bien  qu*émis  simul- 
tanément par  le  soleil,  cette  source  de  toute  vie  à  la  surface 
de  la  planète,  les  rayons  lumineux  ne  se  confondent  pas  avec 
les  rayons  calorifiques  ;  chacun  de  ces  deux  groupes  a  son  action 
propre.  Cela  est  si  vrai,  que  les  serres  de  la  Belgique,  de  la  Hol- 
lande ou  de  l'Angleterre,  pourtant  tout  aussi  chaudes  que  celles 
de  Montpellier,  ne  peuvent  faire  fleurir  telle  plante  du  Brésil  ou 
de  l'inde,  qui  fleurit  à  Montpellier  :  le  Nelumbvium  de  l'Inde 
et  le  BowjaintiUxa  du  Brésil  fleurissent  chaque  année  dans  les 
serres  du  département  de  PHérault  et  ne  donnent  que  des  feuilles 
dans  les  serres  de  Londres.  Les  minéraux  eux-mêmes  affectent,  à 
la  lumière,  des  combinaisons  qui  n'ont  pas  lieu  sous  influence  de 
la  chaleur  seule.  Les  rayons  lumineux  ont  donc,  toutes  choses  égales 
d'aiUeurs,  relativement  à  la  température,  ufie  action  qui  leur  est 
propre.et  cette  action,  souvent  méconnue,  s'exerce  sur  les  Né^éUux. 
comme  sur  les  animaux.  J'ajoute  tout  de  suite  que,  de  ceUe  cotcv* 


u  l'atmosphère. 

munauté  d'action  de  la  lumière  sur  le  végétal  et  TaDimaly  il  est 
logique  de  conclure  à  T identité  des  tissus,  sous  ce  rapport  au 
moins,  du  végétal  et  de  l'animal. 

Tout  le  monde  sait  que,  sous  Tinfluence  de  la  lumière,  le  végétal 
se  colore  en  vert;  autrement  dit,  la  chlorophylle  prend  naissance. 
Personne  n'ignore  que,  sous  Tinfluence  des  rayons  lumineux, 
cette  chlorophylle  absorbe  Tacide  carbonique  de  Tair,  le  dédouble 
en  oxygène  que  la  feuille  élimine  dans  l'atmosphère  où  les  ani- 
maux le  reprennent,  et  en  carbone  que  le  végétal  emmagasine 
dans  ses  tissus  ;  de  telle  façon  qu*on  a  pu  dire,  avec  raison,  que 
le  charbon  de  terre,  qui  représente  aujourd'hui  un  élément  si 
important  dans  notre  économie  sociale,  n'est  autre  chose  que  le 
carbone  accumulé  dans  les  végétaux  des  époques  géologiques 
précédentes  par  les  rayons  solaires,  jeunes  alors,  que  recevait 
notre  planète  à  cette  époque  reculée. 

Le  pouvoir  des  rayons  lumineux  sur  le  dédoublement  de  l'acide 
carbonique  a  été  expérimentalement  démontré  par  Boussingault  : 
ce  savant  a  calculé  que  1  décimètre  carré  de  feuilles  vertes,  au  so- 
leil, décomposait  par  heure  un  nombre  de  centimètres  cubes 
d'acide  carbonique  égal  à  7,17,  tandis  que  la  même  quantité  de 
feuilles,  à  l'ombre,  ne  décomposait  plus  que  3,1  centimètres 
cubes  d'acide  carbonique.  En  cela  le  végétal  semble  donc,  au 
premier  abord,  difTérer  de  l'animal,  qui,  lui,  absorbe  dans  l'air 
non  de  l'acide  carbonique,  mais  de  l'oxygène,  et  rend  à  l'atmos- 
phère non  de  l'oxygène,  mais  de  l'acide  carbonique  qu'il  a  formé 
dans  ses  tissus  en  brûlant  son  carbone  avec  l'oxygène  absorbé; 
mais  la  différence  de  ces  fonctions  cesse  dans  l'obscurité  :  le  végé- 
tal devient  alors,  même  par  ses  parties  vertes,  analogue  à  l'ani- 
mal :  il  brûle  comme  lui,  il  absorbe  de  l'oxygène  et  fabrique  aussi 
comme  lui,  àsesdépens,  avec  son  carbone,  de  Tacide  carbonique  qu'il 
émet  dans  l'atmosphère  comme  un  animal.  C'est  donc  le  milieu  lu- 
mière qui  établit  la  grande  différence  apparente  entre  les  ani- 
maux et  les  végétaux,  et  cette  différence  n'existe  plus  pendant  la 
nuit  ;  seulement  l'intensité  de  la  fonction  comburante,  pendant 
la  nuit,  est  moins  grande  que  l'intensité  de  la  fonction  réductrice 
pendant  le  jour.  A  l'équinoxe,  par  exemple,  d'après  les  expériences 
de  Boussingault,  si  1  mètrecarré  de  feuilles,  en  12  heures  de  jour, 
décompose  6  336  centimètres  cubes  d'acide  carbonique,  la  même 
quantité  de  feuilles  en  12  heures  de  nuit,  fonctionnant  inver- 
sèment,  ne  produit  que  396  centimètres  cubes  d'acide  carbonique. 


LUMIÈRE.  SS 

Néanmoins,  si  l'obscurité  régnait  à  perpétuité  sur  la  terre,  que 
la  vie  y  fût  encore  possible,  et  elle  le  serait  par  suite  de  l'accom- 
iDodation  des  êtres  à  leur  nouveau  milieu,  les  végétaux,  au  point 
de  vue  de  la  respiration,  deviendraient  des  animaux  ;  or,  ces 
conditions  d^obscurité  se  trouvent  et  se  sont  de  tout  temps  trou- 
vées réalisées  au  fond  des  mers,  et  c'est  là  que  vraisemblablement 
a  commencé  la  vie  à  la  surface  de  la  terre.  On  voit  donc  que  la 
division  qu'établissent  nos  classifications  entre  le  règne  animal 
et  le  règne  végétal  n'est  qu'arbitraire,  ou  du  moins  qu'elle  doit 
se  borner  à  constater  une  division  du  travail,  introduite  plus  tard, 
par  voie  de  sélection,  dans  ce  qu'on  eût  nommé  pompeusement, 
à  une  certaine  époque,  l'atelier  de  la  nature. 

Cetle  division  du  travail  a  dû  se  faire  par  suite  du  changement 
de  milieu,  à  Pépoque  où  la  vie,  quittant  les  fonds  obscurs  des 
mers,  est  devenue  aérienne  et  ensoleillée.  L'atmosphère  d'alors 
contenait  une  quantité  considérable  d'acide  carbonique;  le  succès 
dans  la  lutte  pour  la  vie  était  donc  assuré  à  ces  inunenses  appa- 
reils verts,  capables  de  le  décomposer  en  carbone  assimilable  et  en 
oxygène  éliminé,  les  grandes  fougères  arborescentes,  les  Cyca- 
dées,  etc.  —  C'est  de  même  que  plus  tard  une  place  se  fît  dans 
l'atmosphère  et  fut  forcément  remplie,  pour  et  par  le  premier  appa- 
reil aérien  capable  de  mettre  à  profît  Toxygène  que  les  végétaux 
précédents  avaient  déversé  dans  Tatmosphère  :  les  premiers  végé- 
taux à  fleurs  apparurent.  La  fleur,  en  eflet,  se  comporte,  même 
pendant  le  jour,  comme  un  animal  ;  elle  absorbe  l'oxygène  et  exhale 
de  l'acide  carbonique  ;  elle  brûle.  La  fleur  du  lis  blanc  absorbe  en 
iï  heures  5  fois  son  volume  d'oxygène;  la  fleur  de  VArum 
maculatum y  ens'xTon  30  fois  son  volume  ;. aussi  donne -t-elle  sou- 
vent au  doigt  une  sensation  très  appréciable  de  chaleur.  Les 
graines  brûlent  également  ;  car  les  végétaux  phanérogames,  qui 
dans  la  série  chronologique  sont  venus  après  les  cryptogames, 
oe  se  comportent  pas  comme  les  animaux ,  uniquement  par 
leur  fleur;  la  graine  respire  également  comme  l'animal;  elle 
brûle.  Les  recherches  récentes  de  Pauchon  lui  ont  même  montré 
que  la  lumière  accélère  d'une  manière  constante  l'absorption  de 
l'oxygène  par  les  semences  en  germination  ;  il  a  remarque,  eu 
outre,  que  Taction  de  la  lumière  sur  le  phénomène  absorption 
d  oxygène  est  d'autant  plus  vive  et  puissante  que  la  température 
est  plus  basse,  ce  qui  est,  dit  il,  «  conforme  aux  nécessités  phy- 
siologiques  •.   Cest,  en  effet,  grâce  à  celte  compeasaVioù  ^v^fe 


%Ù  L*âTMOSPUÈRE. 

dans  les  pays  où  la  saison  relativement  chaude  est  très  courte,  la 
germination  d'un  grand  nombre  de  végétaux  peut  néanmoins  se 
faire,  leur  graine  absorbant,  à  quantité  égale  de  lumière,  plus 
d'oxygène  par  le  froid  que  par  le  chaud. 

Il  existe  d'ailleurs  des  êtres  intermédiaires  qui,  comme  les 
plantes,  sont  verts  et  qui,  comme  les  parties  vertes  de  la  plante, 
reçoivent  du  soleil  une  excitation  telle,  que^  sous  son  influence, 
ils  décomposent  l'acide  carbonique  et  émettent  de  Toxygène  au- 
tour d'eux.  Tels  sont  beaucoup  d'animaux  inférieurs  (Termo  mo- 
ruts)  qui  vivent  dans  les  mares  au  soleil.  Sous  leur  influence, 
Toxygène  dissous  dans  feau  peut  s*élever  à  la  proportion  de  60  0/0 
au  grand  avantage  des  poissons;  une  hydre  verte  qui  renferme 
de  la  cfUorophylle,  décompose  également  l'acide  carbonique. 

L'antagonisme  entre  le  végétal  et  Tanimal  est  donc  moins 
considérable  qu'on  le  pense  encore  généralement.  La  trans* 
formation  de  l'un  dans  l'autre,  par  le  mécanisme  de  la  division 
du  travail,  semble  au  contraire  toute  naturelle;  on  peut  même 
dire  que  les  fonctions  du  végétal  et  celles  de  Tanimal  différent 
par  la  proportion  et  non  par  leur  nature.  En  réalité,  la  plante 
ne  cesse  jamais  d'absorber  de  Toxygènc  par  quelqu'une  de  ses 
parties,  et  ce  serait  exagérer  que  d'établir  un  fossé,  qui  n'existe 
pas,  entre  la  plante  réductrice  et  l'animal  comburant.  Cl.  Ber- 
nard a  dit  excellemment  :  a  L'identification  de  l'organisme 
animal  à  un  fourneau  dans  lequel  vient  se  brûler  le  règne  végé- 
tal, ne  répond  qu'à  l'apparence  chimique  extérieure,  ce  n'est 
pas  une  vue  vraiment  philosophique.  La  physiologie  qui  descend 
dans  la  nature  même  des  phénomènes  vitaux  ne  saurait  s'en 
contenter.  En  effet,  si  le  chimiste  voit  le  sucre  formé  dans  la 
betterave  se  brûler  dans  l'animal  qui  la  mange,  le  physiologiste 
ne  trouve  là  qu'un  accident.  U  démontre  au  contraire  que  ce  sucre 
formé  et  emmagasiné  était  destiné  à  être  brûlé  par  la  betterave 
elle-même  dans  la  seconde  année  de  la  végétation,  lors  de  sa 
floraison  et  de  sa  fructification.  />  D'ailleurs,  si  l'animal  fabrique 
et  rejette  un  produit  de  combustion  qu'on  nomme  Vurée^  le  végé- 
tal fabrique  un  produit  d^une  composition  chimique  presque 
identique,  Vaspuriujinc,  La  chlorophylle  elle-même,  si  sensible 
à  la  lumière,  présente  des  affinités  complètes,  presque  des 
identités,  avec  la  bilirubine  (Gautier),  par  conséquent  avec  i'Acma- 
tinc  elle-même. 

Le  mouvement  n*est  pas,  on  lésait,  plus  caractéristique  de  l'a* 


LUMIÈRE.  27 

nimal  que  la  respiration  d*oxygène;  chez  lui  comme  chez  le  vé- 
gétai, c'est  à  des  changements  moléculaires  souvent  fort  simples 
que  peuvent  se  réduire  les  phénomènes,  en  apparence  les  plus 
compliqués.  Le  mouvement,  chez  las  végétaux,  est  dû  à  la  réplé- 
tiofl  plus  ou  moins  grande,  par  les  gaz  ou  par  les  liquides  qui 
entrent  et  qui  sortent  par  osmose,  de  certaines  cellules  dont  la 
forme  est  telle,  que  plus  elles  sont  remplies,  plus  elles  se  recour- 
bent en  forme  d'arc,  et  que  plus  elles  sont  vides,  plus  elles  se  re- 
dressent. On  comprend  qu'un  mouvement  résulte  forcément  de 
Tex tension  ou  de  la  flexion  de  cet  arc.  Les  phénomènes  d'osmose 
des  liquides  et  des  gaz  variant  d'intensité  et  même  de  sens  à  la 
lumière  ou  dans  l'ombre,  il  en  résulte  que  les  rayons  du  soleil 
portent  un  certain  nombre  de  ces  mouvements  à  leur  maximum  : 
la  forme  des  cellules  change  alors  et  le  mouvement  se  produit. 

La  lumière  est,  en  somme,  l'excitant  du  mouvement  végétal, 
comme  elle  excite  les  mouvements  de  l'iris  chez  les  animaux; 
c'est  elle  qui,  selon  sa  quantité,  fait  ouvrir  ou  fermer  les  fleurs, 
fléchir  ou  étendre  les  feuilles,  courber  ou  élever  les  branches. 
Ainsi  s'expliquent  ce  qu'on  nomme  le  sommeil  et  le  réveil  des 
plantes,  actes  qui  sont  réglés  par  l'intensité  de  la  lumière.  Cette 
influence  est  tellement  décisive  sur  leur  production,  qu'il  est 
aisé  de  tromper  les  plantes  dont  les  fleurs  s'ouvrent  le  jour  et  se 
ferment  la  nuit  et  de  provoquer  les  phénomènes  inverses  :  il  suffit 
de  les  couvrir  pendant  la  journée  et  de  les  éclairer  pendant  la  nuit 
(de  Candolle).  C'est  de  même  que,  pendant  une  éclipse  totale,  on 
voit  les  oiseaux  regagner  rapidement  leur  retraite  nocturne  et  les 
coqs  se  mettre  à  chanter. 

Il  nV^st  pas  jusqu'aux  phénomènes  de  digestion,  d'ailleurs, 
dans  plusieurs  cas,  communs  aux  végétaux  et  aux  animaux,  qui 
ne  ïoient  sous  la  dépendance  du  milieu  lumière.  Tout  le  monde 
sait  que  dans  l'Inde  et  au  Brésil  certains  Drostra  sécrètent  par 
la  surface  de  leurs  feuilles  un  suc  riche  en  pepsine,  comme  le 
suc  gastrique  des  animaux,  et  digèrent  les  insectes  qui  viennent 
se  poser  sur  ces  feuilles.  Ces  organes  digestifs. sont  d'ailleurs  en 
même  temps  des  pièges  qui  se  referment  sur  l'objet  qui  vient  de 
les  heurter.  Cette  sécrétion  de  suc  gastrique  augmente  sous  les 
rayons  du  soleil,  c'est-à-dire  au  moment  même  où  les  insectes 
viennent  en  grand  nombre  s'abattre  sur  les  feuilles. 

La  façon  dont  les  plantes  et  les  animaux  se  com\)Ot\.eiv\.  ^w  v^v^- 
sence  du  mJJJeu  lumière  est  donc,  on  vient  de  \e  Noxt,  ^  ^>^ 


tS  L*âTM08PHÈRE. 

près  la  même.  Une  semblable  analogie  existe  dans  la  pathologie 
comparée  des  deux  règnes  :  les  animaux  supérieurs  et  Thomme 
lui-môme  ne  font  pas  exception. 

Cette  lumière  qui  colore  4es  fleurs  des  sommets  éclairés  des 
Alpes  de  teintes  plus  éclatantes  que  celles  du  bas  des  montagnes, 
agit  de  la  même  façon  sur  les  oiseaux.  Gould  a  remarqué  que  les 
oiseaux  que  leurs  habitudes  tiennent  en  pleine  lumière,  sont  plus 
colorés  que  ceux  qui  vivent  dans  les  lieux  sombres.  Forbes  a  re* 
marqué,  de  son  côté,  que  les  mollusques  qui  vivent  à  Téquateur 
ou  dans  les  régions  peu  profondes  de  la  mer,  où  la  lumière 
arrive  facilement,  ont  des  couleurs  plus- brillantes  que  ceux  qui 
vivent  au  Nord  ou  dans  les  fonds  obscurs. 

Ces  faits  sont  aussi  importants  au  point  de  vue  et  en  faveur  de 
la  doctrine  du  transformisme,  que  ceux  que  j'ai  cilés  plus  haut 
à  Toccasion  des  modifications  individuelles  et  héréditaires  ac- 
quises sous  l'action  de  la  température.  Ainsi  W.  Edwards  a  réa- 
lisé Texpérience  suivante  :  il  a  pris  des  œufe  de  grenouille  ;  il 
en  a  placé  une  certaine  quantité  à  la  lumière  et  une  quan» 
tité  égale  dans  Pobscurité;  or,  il  a  constaté  que  les  œufs  du 
second  lot  ne  se  développaient  pas.  11  a  été  plus  loin  :  il  a  pris 
des  têtards,  les  a  partagés  en  deux  lots,  Tun  à  la  lumière, 
l'autre  dans  l'obscurité.  Or,  les  têtards  placés  dans  l'obscurité  ne 
se  transformèrent  pas  en  grenouilles  et  ne  subirent  pas  révolu- 
tion normale  pour  laquelle  le  milieu  lumière  est  indispensable. 
W.  Edwards  n'avait  pas  méconnu  Timportance  de  ces  expériences 
au  point  de  vue  de  Torigine  des  espèces  et  il  disait  :  a  En  suppo« 
sant  la  constance  de  l'obscurité,  on  pourrait  concevoir  des  espèces 
qui  subsisteraient  toujours  sous  un  type  différent  de  celui  que  la 
nature  leur  avait  destiné,  et  qui  vivraient  toute  leur  vie  avec  le  ca- 
ractère propre  au  jeune  âge.  »  Il  ne  se  trompait  pas  :  le  protée  angui- 
forme  qui  habite  les  eaux  souterraines,  reste  toujours  à  Tétat  de  té- 
tard,  une  fuis  qu'il  est  né,  dans  ce  milieu  obscur,  de  parents  qui  y  ont 
été  accidenlellement  introduits.  L'absence  de  lumière  empêche  son 
évolution  de  s'achever,  et,  pendant  longtemps,  il  a  été  pris  à  tort 
pour  une  espèce  distincte,  alors  que  ce  n'était  qu'une  espèce 
arrêtée  dans  son  évolution,  une  espèce  avortée,  un  fruit  sec,  vic- 
time du  milieu.  Il  peut,  sous  l'influence  de  l'ûbscurilé,  se  pro- 
duire des  modifications  orcçaniques  plus  étonnantes  encore  et 
souvent  opposées  :  Grimm  a  observé  que  certains  crustacés^  les 
iimphipodes  du  fond  presque  obscur  de  la  mer  Caspienne,  parent 


LUMIÈRE.  t9 

à  celte  obscurité  par  deux  voies  différentes  :  les  uns  prennent 
des  yeux  énormes,  c^est  le  cas  du  Qammaracanthus  Caspius:  chez 
d*aotres,  Toeil  s'atrophie^  il  tend  à  disparaître  et  les  organes  du  tact 

preonentpar  compensation  undéveloppementconsidérable,  comme 
fait  le  toucher  chez  les  aveugles;  c'est  le  cas  duNiphargtis  Caspius. 
Deox  procédés  bien  dififérents  de  sortir  d'une  situation  :  lutter  ou 
céder.  Dans  le  même  ordre  d'idées,  Delarouzée  a  découvert,  dans 
certaines  cavernes  obscures  du  département  de  i'Âriège,  un  petit 
coléoptère  aveugle  qu'il  nomme  Anophthalmus  gallicus.  D'autres 
anophthalmes  ont  été  découverts  depuis  dans  la  même  grotte.  Ce 
sont  là  des  faits  sur  lesquels  j'aime  à  insister,  car,  encore  une  fois, 
c'est  là  du  transformisme  expérimental. 

La  lumière,  chez  fous  les  animaux,  augmente  l'intensité  des 
fonctions  :  ainsi,  des  grenouilles  qui,  comme  tous  les  animaux, 
respirent  en  absorbant  de  Toxygène,  en  comburant  le  carbone  de 
leurs  tissus  et  en  émettant  de  facide  carbonique,  placées  par  Mo- 
leschott  dans  l'obscurité,  émettent  moins  d'acide  carbonique  qu'à 
la  luûiière.  Cela  prouve  qu'elles  brûlent  moins,  qu'elles  s'usent  et 
se  consument  moins  ;  aussi,  perdent-elles  moins  de  poids  que  des 
grenouilles  placées  à  la  lumière,  les  unes  et  les  autres  étant,  bien 
entendu,  privées  de  nourriture.  Les  plantes  mêmes  absorbent  plus 
d'eau  à  la  lumière  qu'à  l'obscurité  et,  privées  de  nourriture,  per- 
dent plus  de  poids  au  soleil  qu'à  l'ombre. 

L'obscurité  met  donc  les  animaux  dans  un  état  voisin  de  l'hiber- 
nation, et  les  animaux  hibernants  réalisent  pendant  tout  un  hiver, 
dans  leur  retraite  obscure,  les  mêmes  conditions  que  les  gre- 
nouilles de  Moleschott  :  brûlant  moins,  ils  perdent  moins  de  leur 
poids  qu'ils  ne  feraient  en  pleine  lumière,  même  dans  des  condi- 
tions identiques  d'immobilité  et  de  privation  de  nourriture  ;  c'est 
ainsi  qu'un  hérisson,  qui  consomme,  pour  un  temps  donné,  i  litre 
d'oiygène,  lorsqu'il  est  éveillé,  ne  consomme  plus,  dans  le  même 
temps,  que  0^04^  et  même  0^02°  pendant  son  sommeil  hibernaL 

Comment  agit  la  lumière?  Son  action  porte  d'abord  sur  la 
peau  :  elle  y  détermine  des  modifications  dans  le  calibre  des  vais- 
seaux capillaires  et  dans  la  situation  des  cellules  du  pigment, 
absolument  comme  elle  le  fait  pour  les  cellules  de  chlorophylle  des 
végétaux  ;  ainsi,  il  est  aisé  d'empêcher  le  changement  de  couleur 
de  la  peau  du  caméléon  ,  dans  une  région  choisie  d'avance:  il  suf- 
fit de  mettre  cette  région  à  l'abri  de  la  lumière. 

La  façon  dontla  lumière  agit  sur  la  peau  varie,  d'aWVeuts  ^"«^^ 


90  l'atmosphère. 

la  couleur  de  celle-ci  :  elle  produit,  par  exemple,  plus  volontiers 
des  inflammations  crysipélateuses  sur  la  peau  peu  pigmentée  ou 
blanche  que  sur  la  peau  noire  :  Roll  a  constaté  que  l'érysipèle 
buUeux  des  moutons  se  montrait,  chez  les  animaux  pies,  plus 
souvent  sur  les  parties  blanches  que  sur  les  parties  noires.  Cela 
permet  de  comprendre  l'aisance  avec  laquelle  le  nègre  supporte 
les  ravons  du  soleil. 

Gardons-nous^  j'ai  hâte  de  le  dire,  quelque  convaincu  que  je 
sois  de  la  puissance  du  milieu,  de  tirer  de  ces  faits  la  conclusion 
que  la  peau  du  nègre  n^a  noirci  que  sous  l'influence  du  climat  et 
pour  s'accommoder  au  milieu  !  je  préférerais  dire  qu'il  habite  les 
pays  chauds  parce  que  sa  peau  (pour  ne  pas  parler  des  autres 
organes  en  ce  moment)  lui  permet  de  les  supporter. 

Admettons,  j'y  consens,  que  la  formation  du  pigment  est  plus 
abondante,  même  chez  le  nègre,  en  pleine  lumière,  absolument 
comme  chez  TEsquimau  dont  la  peau  est  brune  ;  on  pourrait  peut- 
être  dire  que  l'intensité  delà  lumière  réfléchie  par  la  neige  favorise 
Ici  la  genèse  du  pigment;  mais  je  ne  consens  pas  à  aller  au-delà. 
La  lumière  ne  change  pas  la  forme  du  squelette  ;  elle  ne  change 
pas  la  forme  des  cheveux,  comme  le  croyait  Camper,  sans  toute  - 
fois  partager,  je  l'espère,  l'opinion  de  Pline  :  «  qu'il  est,  en  Thés- 
salie,  un  fleuve  dont  les  eaux  teignent  la  peau  en  noir  et  font 
crêper  les  cheveux.»  On  ne  devient  pas  nègre  parce  qu'on  habite 
la  Nigritie,  et  Meckel  avait  raison  d'écrire  (1 757}  que  les  nègres 
sont  une  tout  autre  race  d'hommes,  parce  que  leur  cerveau  est 
plus  noir  que  le  nôtre. 

Aussi  bien,  puisque  j*ai  suivi  cette  idée  et  que  je  me  suis  laissé 
entraîner  par  cette  question  également  brûlante  pour  les  mono- 
génistes  et  les  polygénistes,  les  Finnois  et  les  Lapons  ne  nous 
offrent-ils  pas,  dans  les  mêmes  conditions  de  milieu,  deux  types 
absolument  différents  :  le  blond  et  le  brun?  Dans  tout  le  midi  de 
l'Europe,  n'observe-t-on  pas  des  populations  blondes  à  côté  de 
populations  brunes?  et  en  Afrique,  dans  les  montagnes  de  TAurès, 
les  Kabyles  blonds  ont-ils  été  modifiés  par  le  climat  depuis  que 
leurs. pères  sont  venus  du  continent  euro|)éen,  apportant  l'usage 
des  dolmens,  à  travers  le  détroit  de  Gibraltar?  Les  Hollandais 
établis  au  cap  de  Bonne-Espérance  depuis  trois  siècles  sont  encore 
les  mêmes  qu'à  Rotterdam  ;  les  Bohémiens,  qui  parcourent  l'Eu- 
rope, sont  aussi  bruns  en  Alsace  qu'en  Espagne  ou  en  Valachie. 
Le  tjpe  juif  est  partout  sémitique,  en  Allemagne  aussi  bien  qu'en 


LUMIÈRB.  31 

Espagne  ;  qu'à  celte  uniformité  du  type  Israélite  on  n'oppose  pas 
les  juifs  blonds  ou  roux  du  nord  de  TAllemagne,  car  tout  le  monde 
sait  que  ces  juifs  ne  sont  pas  des  Israélites,  ce  sont  des  habitants 
du  pays,  qui,  au  sixième  siècle,  ont  embrasse  le  judaïsme. 

11  ne  résulte  pas  moins,  de  ce  que  j*ai  dit  plus  haut  de  la  lumière, 
que,  bien  quelle  ne  puisse  changer  le  blanc  en  nègre,  elle  modifle 
puissamment  l'organisme  des  êtres  vivants.  Comment  s'exerce  cette 
action?  Elle  s'exerce  parce  qu'on  nomme  une  action  réflexe,  qui, 
partie  de  la  peau,  se  propage  k  tout  l'organisme.  Ce  n'était  pas 
san«  raison  que  les  anciens  recommandaient  d'exposer  les  enfants 
malingres,  tout  nus,  dans  un  bain  de  lumière  ;  Humboldt,  à  son 
tour,  attribue  certains  avantages  pour  la  santé  à  la  coutume  d'al- 
ler tout  nu. 

Mais  cette  action  réflexe  stimulante,  qui  peut  partir  de  la  peau, 
part  aussi  d'ailleurs.  Elle  part  même  surtout  de  la  rétine,  qui  est 
plus  sensible  que  la  peau  à  l'action  de  la  lumière  et  qui,  aussi 
bien  qu'elle,  est  le  point  de  départ  d^une  action  réflexe,  laquelle 
se  répand  dans  tout  l'organisme.  Les  expériences  de  James  Dewar 
ont  montré  que  le  choc  de  la  lumière  sur  la  rétine  augmente 
Tintensité  du  courant  électrique  normal  dans  le  système  ner- 
veux; selon  les  espèces,  il  varie  de  3  à  iO  0/0  du  courant  normal. 
Bien  des  gens  connaissent,  par  expérience  personnelle,  cette  mi- 
graine que  donne  l'action  prolongée  d'une  lumière  vive  sur  la 
rétine.  Dans  le  tétanos,  la  lumière,'!qui  agit  sur  la  rétine,  déter- 
mine des  contractions  dans  tous  les  muscles,  et  les  tétaniques 
sont  sensiblement  calmés  par  le  séjour  dans  Tobscurité.  Ces  no- 
tions n'étaient  malheureusement  pas  étrangères  à  Denys  le  Tyran, 
qui  avait  trouvé  l'art  de  les  accommoder  à  des  supplices  de  plus 
en  plus  ingénieux  :  c'est  ce  misérable  qui  avait  imaginé  de  faire 
attacher  ses  victimes,  préalablement  tenues  dans  l'obscurité, 
devant  un  mur  blanc,  éclairé  par  le  soleil,  les  yeux  maintenus 
ouverts.  Or,  les  malheureux  mouraient  de  ce  supplice.  L'action 
réflexe  se  propageait,  sans  doute,  jusqu'au  cœur. 

Sans  emprunter  nos  exemples  à  la  pénalité  ingénieuse  des  inqui- 
siteurs de  toutes  les  époques,  nous  savons  que  les  longs  jours 
des  régions  polaires,  jours  qui  succèdent  à  des  nuits  non  moins 
longues,  sont  pour  les  voyageurs  un  véritable  supplice;  en  vain 
cherchent-ils  le  sommeil;  en  proie  à  une  sorte  d'égarement, 
d'énervement  particulier,  ils  ne  l'obtiennent  que  difficWevûfctvV  t\ 
pour  peu  de  temps* 


9t  L*ATMOSPHÈRE. 

Rien  ne  démontre  mieux  le  retentissement  de  l'impression  réti- 
nienne sur  tout  Torganisme  que  rexpérience  de  Rubini  :  cet 
expérimentateur  place  des  grenouilles  dans  l'eau  ;  les  unes  tonl 
aveugles,  les  autres  ne  le  sont  pas,  et  toutes  sont  privées  de  nour- 
riture ;  or,  dans  ces  conditions,  les  aveugles  perdent  moins  de 
leur  poids  que  les  autres..  Les  éleveurs  qui  se  livrent  à  TéleYâge 
des  volailles  avaient  depuis  longtemps  observé  que  robscurité 
favorisait  rengraissement  des  oies  et  des  poulardes,  auxquelles 
ils  ont  même  la  cruauté  de  crever  les  yeux. 

Hlmétlfime.  —  Un  des  résultats  les  plus  curieux  de  Faction  de 
la  lumière  sur  l'organisme^  lorsque  la  sélection  exerce  ensuite  son 
pouvoir  puissant  dans  la  série  des  générations,  consiste  dans  les 
phénomènes  du  mirniHisme^  qui  ont  été  étudiés  expérimentalement 
par  G.  Pouchet. 

Un  grand  nombre  d'animaux  sont  de  la  même  couleur  que  les 
objets  au  milieu  desquels  ils  ont  coutume  de  vivre  :  un  insecte  qui 
habite  sur  le  gazon  vert  sera  vert  ;  celui  qui  passe  sa  vie  sur  les 
troncs  d'arbres,  plus  ou  moins  brun.  Darwin  a  fait  brillamment 
valoir  ces  phénomènes  si  curieux  ;  il  a  montré  que  cette  adapta- 
tion  de  la  couleur  rendait  Tanimal  moins  visible  à  Tœil  de  ses 
nombreux  ennemis  et  qu'elle  était  pour  lui  la  meilleure  des  garan- 
ties de  sécurité.  Ceux  qui  croient  encore  à  des  causes  finales  ne 
manqueront  pas  cette  occasion  d*admirer  une  fois  de  plus  la  divine 
Providence,  qui  a  eu  Tingénieuse  idée  de  peindre  la  cigale  en 
vert,  comme  le  gazon,  ou  bien  peut-être  de  jfaire  le  gazon  vert 
comme  la  cigale.  J'avoue  que  cette  malice  excite  moins  mon  en- 
thousiasme que  la  conception  plus  simple  qui  voit  partout  des  résul- 
tats fatalejfncnt  liés  à  des  causes  et  nulle  part  des  buts  arlificieu- 
sement  atteints  par  un  scénario  fécond  en  pmnWs,  La  réalité  est 
plus  grande  que  ces  conceptions  enfantines  ne  la  supposent  : 
rherbe  est  verte  ;  or,  Fanimal  qui  aura  été  placé  sur  cette  herbe, 
aura  d'autant  plus  de  chances  de  ne  pas  être  vu  et  dérangé  par 
ses  ennemis,  qu'il  sera  lui-même  plus  vert;  plus  cette  couleur  sera 
la  sienne,  plus  il  aura  de  chances  de  faire  souche  seuiblable  à 
lui.  Des  avantages  de  la  couleur  verte  ses  enfants  ne  proûteront 
pas  moins  ;  le  vert  ira  même  ainsi,  de  génération  en  génération, 
en  s'accentuant  davantage  dans  Tespèce^  et,  au  bout  d'un 
certain  temps,  ceux-là  seuls  vivront  et  feront  souche,  qui 
seront  verts. 

11  en  sera  de  mên>e  de  la  couleur  blanche,  pour  les  animaux 


^(ai    Yivput  ddns  la   nei^e  :  ours  blanc,  liêïre  blanc,  elc.  ;   la 
sétMUiia  assure  ici  k  succès. 

Le  turbot,  qui  habite  dans  le  sable,  an  milieu  duquel,  à 
moitit  i'acIil',  il  disparait  cDiii|ilètemenl  aux  regards,  lanl  sa 
cuuleur  s*  conTond  avec  celle  du  milieu,  n'a  pas  la  même  couleur 
sur  tous  les  Tonds  :  quand  le  sable  estais,  l'animal  devient  gris; 
quand  le  sable  est  jaune,  il  ilevienl  jaune.  La  sélection  explique- 
rait, cumute  tout  â  l'heure,  que  les  turbots  de  la  Hanche  aient, 
par  exemple,  pris  une  couleur  diBerenle  de  celle  des  turbots  de  ' 
l'Océan,  les  uns  et  les  autres  s'étant,  dès  longtemps,  adaptés  à 
leur  milieu  ;  mais  il  est  plus  difricilc  de  comprendre  comment  le 
m^mi'  turbot,  placé  successivement  iiur  des  sables  de  couleur  dif- 
ftrrente,  prendra  des  couleurs  variées.  Pour  lecoup,  les  causes-fma- 
lirrs  se  font  sentis  pénétrés  de  reconnaissance  envers  la  Provi- 
iknce  des  turiiols,  qui  avait  doué  ces  e:icellcnt3  poissons  d'un  talent 
aussi  remarquable  dans  l'art  de  mimrr  ou  mimétisme  ! 

Les  eipéricuces  du  G.  Pouchet  ont  pourtant  montré  que  le 
phénomène  est  involontaire;  personne,  pas  même  le  turbot,  n'a 
■troil  de  ce  fait  à  la  moindre  recon naissance,  pas  plus  qu'il  ne  faut 
i-ii  vouloir  à  la  pierre  qui  tombe  11  suffit,  en  efTei,  d'aveugler  un 
turbot,  [wur  qu'il  perde  immédiatement  le  pouvoir  de  changer  de 
couleur.  Mais  voilà,  dira-t-on.  une  preuve  irréfutable  du  rdle 
de  *A  «olontc  dans  ce  travestissement  1  II  ne  choisit  la  couleur 
qv'a|irès  l'avoir  vue  et  appréciée,  puisque  quand  il  cesse  du  la 
(oir.il  ne  la  prend  plus!  La  thèse  n'est  pas soutenable  pour  celui 
qut  connaît  les  faits  que  je  viens  de  signaler.  Qu'on  se  sou- 
vienne de  ce  que  j'ai  dit  plus  haut  de  l'action  réfleie,  qui 
f'anie  de  la  rétine  impressionnée  par  la  lumière,  arrive 
t,(ntAt  sur  les  vaisseaux  de  la  peau  qu'elle  fait  contracter  ou 
dilateff  lanli'it  paralyse  le  pncumo-gastrjque,  comme  dan.s  la 
juridique  expérience  de  Denjs  de  Sjratuse,  tantOt  excite  (l'orga - 
ni^me,  comme  dans  les  longs  jours  polaires,  et  l'on  compren- 
dra comment,  suivant  la  quanlilc  variable  de  lumière  qui 
«rrive  sur  sa  penu.  le  turbot  prend  une  teinte  plus  ou  moins 
fhncre,  par  suite  de  l'eicilalion  qui,  partie  de  sa  rétine,  se  réllé- 
ebtl  sur  tes  vaisseaux  capillaires  de  sa  peau.  On  comprend  que  la 
lumière,  renvoyée  par  lesable  surla  rétine  du  turbot,  est  d'autant 
plas  abondante  que  la  couleur  de  ce  sable  est  plus  claire,  d'uu- 
unt  moins  qa'tiie  est  plu»  hncée.  Il  en  résulte  que,  sur  tin  w\i\t 
i.  le  torbot,  mal  ciiairv.  présentera  une  couleur  som\iTe,  «^ 


i 


14  l'atmosphère. 

que,  sur  un  sable  de  couleur  claire,  il  prendra  une  teinte  plus 
colorée.  Dans  beaucoup  de  cas,  les  deux  couleurs  pourront  paraître 
plus  ou  moins  semblables. 

Action  sociale  de  la  lamlère.  —  L'action  réflexe  partie  de 
la  rétine  ne  se  rend  pas  seulement  à  la  peau  ou  au  poumon  ;  elle 
excite  le  cerveau.  Nos  idées,  notre  caractère  se  modiûent  de 
mille  manières  suivant  Tcclat  de  la  lumière  du  jour,  et  le  spleen 
est  forcément  plus  attaché  aux  rives  brumeuses  de  la  Tamise 
qu'aux  bords  ensoleillés  de  la  Garonne.  Spencer  classe  parmi  ce 
qu'il  nomme  h  les  facteurs  originels  externes  o  du  mouYement 
social  les  eflets  variés  que  produisent  le  degré  et  le  mode  de 
distribution  de  la  lumière,  il  appose  la  vie  et  les  usages  casaniers 
des  Islandais,  par  suite  de  la  longueur  de  la  nuit  arctique,  à 
la  vie  en  plein  soleil  des  habitants  des  tropiques,  et  insiste 
sur  les  eflets  que  produisent  sur  les  idées  ces  deux  conditions  si 
opposées.  Un  matelot  échappé  au  naufrage  de  /((  Jeannette  dans 
les  mers  polaires  (1881),  s'exprime  d'ailleurs  ainsi  :  «  La  nuit,  une 
«  nuit  éternelle,  succède  à  un  jour  énervant.  Les  ténèbres  s'éten- 
«  dent,  au  milieu  desquelles  on  distingue  des  fantômes  immenses 
«  qui,  lentement,  se  meuvent  dans  Tombre  ^les  blues  de  glace), 
c  Dans  cet  isolement  profond  que  toute  nuit  porte  avec  elle,  Té- 
«  nergie  du  voyageur  polaire,  sa  raison  même,  ont  à  subir  d*é- 
«  tranges  assauts.  Le  jour,  il  comprend  le  choc  de  deux  glaçons  et 
«  le  fracas  qui  en  résulte.  Le  soleil  est  là,  c'est  encore  la  vie.  liais 
«  la  nuit,  ces  mornes  déserts  lui  apparaissent  comme  ces  espaces 
tt  iDcréés  et  chaotiques  que  Milton  a  placés  entre  l'empire  de  la 
«  vie  et  celui  de  la  mort.  » 

La  vie  en  plein  air,  au  contraire,  possible  uniquement  dans  les 
pays  chauds,  élargit  le  cercle  des  idées,  qui  se  rétrécit  autour  de 
la  lampe  et  du  foyer  des  Esquimaux.  On  comprend  que,  suivant 
ces  conditions  opposées,  le  milieu  social  devient  absolument  dif- 
férent. 

Maladies  produites  par  la  lamlère.  —  La  lumière  exces- 
sive produit  sur  .la  peau  des  érythèmes,  parfois  des  inflanuna- 
tiens  huileuses.  Sans  doute,  dans  les  pays  chauds,  il  est  assez 
difficile  de  distinguer,  dans  Tétiologie  de  ces  accidents,  ce  qui 
revient  à  la  lumière  et  ce  qui  doit  être  attribué  aux  rayons  du  ca- 
lorique ;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  dans  les  i>ays  froids,  où 
un  tapis  de  neige,  par  un  ciel  serein,  recouvre  la  terre  pendant 
une  partie  de  Tannée. 


LUMIÈRE.  85 

A  ce  titre  doit  trouver  place  ici  Vophthalmie  des  nrigrs,  due 
i  l'intensité  de  la  lumière  réfléchie  par  la  neige  éblouissante. 
(Test  pour  éviter  ou  modérer  celte  réflexion  de  la  lumière  blanche 
qoe  les  Esquimaux  portent  des  lunettes.  L'ophthalmie  est  cepen- 
dant fréquente  chez  eux,  mais  la  neige  n'est  peut  être  pas  la 
cause  unique,  car  les  ours  blancs  ne  paraissent  pas  souffrir  des 
yein.  Cette  maladie  a,  sans  doute,  une  cause  adjuvante  dans  la 
fomée  qui  emplit  ordinairement  Télroit  réduit  où  s'entasse  la 
famille  autour  de  la  flamme  d*huile  de  phoque. 

INi  spectre  solaire.  «-  Nous  avons  parlé  jusqu'ici  de  la  lu- 
mière totale,  mais  chacun  des  rayons  qui  la  composent  (violet, 
indigo,  bleu,  vert,  orangé,  rouge),  peut  devenir  un  milieu  secon- 
daire. Lorsque,  par  exemple,  nous  sommes  au  milieu  d'un  pay- 
sage absolument  vert,  sous  bois,  nous  sommes  entourés  de  végé- 
taux qui,  recevant  la  lumière  totale  du  soleil,  absorbent  la  plus 
grande  partie  de  ses  rayons  et  nous  renvoient  les  rayons  verts. 
Lorsque,  en  automne,  ce  paysage  est  devenu  jaune,  parfois  rouge, 
les  feuilles  ont  subi  une  modification  structurale  telle,  que  conti- 
nuant encore  à  i*ecevoir  toute  la  lumière,  elles  nous  renvoient  les 
rayons  jaunes  ou  rouges;  nous  sommes  alors  dans  un  milieu  de 
lomière  jaune  ou  rouge,  comme  au  printemps  nous  étions  dans 
00  milieu  de  lumière  verte.  11  est  donc  utile  de  connaître  l'action 
ipéctale  de  chacun  des  rayons  du  spectre  solaire. 

Quelques-uns  passent  pour  être  tmphiqttes;  ils  semblent  hâter 
le  développement  des  tissus  :  ce  sont  les  rayons  violets  et  bleus, 
Poez  aconstaté  que  des  pieds  de  vigne,  aussi  bien  que  des  taureaux 
ou  des  porcs,  lorsqu'on  les  fait  vivre  dans  une  serre  ou  dans  une 
écurie,  où  on  ne  laisse  pénétrer  que  les  rayons  violets,  prennent, 
soos  rinflnence  de  cette  lumière,  un  développement  plus  considé- 
rable que  ne  le  font  des  individus  comparables,  laissés  dans  la 
lomièpe  blanche. 

De  son  côté,  Serrano  Fatigati,  d'après  une  communication  faite 
par  lui  à  l'Académie  des  sciences,  a  constaté  que  la  lumière  vio- 
lette active  le  développement  des  infusoires  et  que  la  lumière 
Terte  leur  est  moins  favorable  que  la  lumière  blanche,  inférieure 
elle-même  à  la  lumière  violette.  Dans  les  expériences  de  Bcclard, 
des  œufs  de  mouche,  placés  sous  des  cloches  de  couleur  difffcrcnte, 
présentèrent  des  différences  considérables  :  ceux  des  cloches  vio- 
lettes  et  ceux  des  cloches  bleues  devinrent  trois  fois  plus  gros  c\\i^ 
ceux  qui  furent  exposés  à  la  lumière  blanche  ;  le  wri  setubVa^ 


86  l'atmosphère. 

la  couleur  la  moins  favorable.  Tessier  a  constaté,  de  son  côté* 
que  les  feuilles  verdissent  facilement  sous  la  lumière  bleue  ou 
verte^  qu'elles  restent  pâles  sous  la  lumière  jaun^,  et  que  la  ger- 
mination s'effectue  plus  vite  dans  la  lumière  violette  que  dans 
toute  autre.  A  Tin  verse  de  ce  qu'on  observe  chez  les  animaux,  les 
fonctions  des  feuilles  ne  se  trouvent  pas  bien  de  Tinfluence  de  la 
lumière  violette  (P.  Bert,  Dehérain).  D*après  d*autres  observa- 
teurs \e  vert  ei  \e  jaune  sont  les  couleurs  qui  activent  le  plus^ 
chez  les  végétaux,  le  dédoublement  de  Tacide  carbonique  ;  or, 
chaque  feuille,  sur  un  arbre,  au  milieu  de  ses  voisines,  est  en 
réalité  baignée  de  lumière  verte. 

Toutes  ces  expérience.^  sont  fort  intéressantes  à  coup  sur,  maïs 
elles  sont  souvent  contradictoires.  On  aurait  tort  d*en  conclure 
qu'elles  sont  mal  faites,  car  il  ne  faut  pas  oublier  que  l'action 
de  chaque  faisceau  du  prisme  varie  avec  chaque  espèce  ;  ainsi  la 
lumière  rouge  a  plus  d'action  sur  la  germination  de  VIberis 
amara  que  la  lumière  violette  ;  c'est  le  contraire  pi»ur  VEchino* 
cactus  Ottomi.  VOxulis  multifloru  dépérit  dans  la  lumière  violette. 
11  est  vraisemblable  qu'en  dehors  de  la  composition  d'un  terrain, 
sa  couleur  influe  sur  la  végétation  de  chaque  espèce  ;  ainsi  Lortet, 
dans  les  plaines  de  Nazareth,  a  reman|ué  combien  le  sol  argileux, 
rougcàtrc,  renvoie  la  chaleur.  Darwin,  aux  lies  Galapagos,  sous 
l'équatcur,  observa  pendant  deux  jours  consécutifs,  une  tempéra» 
ture  de  -i-  48*^,8  sous  la  tente!  La  température  en  plein  air  était 
de  -¥•  420,4,  et  sur  le  sable  brun  de  +  85°;  le  sable  noir  était 
plus  chaud  encore.  Lortet  pense  qu'il  se  fait  à  la  surface  du  sol, 
une  décomposition  de  la  lumière  solaire ,  qui  permet  aux 
rayons  chimiques  et  calorifiques  d'agir  avec  une  grande  inten- 
sité. 11  explique  ainsi  la  fréquence  des  coups  de  soleil  que  Ton 
reçoit  en  Syrie,  de  bas  en  haut,  la  tète  étant  cependant 
parfaitement  couverte.  Aussi  les  habitants  se  couTrent-il«  le 
bas  du  visage  et  les  joues;  il  est  permis  de  supposer  que, 
toutes  choses  supposées  égales,  la  végétation  à  la  surface  de  la 
rouge  planète.  Mars  ,  doit,  par  cela  seul,  différer  de  celle  de  la 
terre. 

Les  progrès  croissants  de  l'industrie  de  l'éclairage  électrique 
donnent  une  importance  assez  grande  à  l'étude  de  la  lumière 
électrique,  comme  milieu.  Elle  a  l'inconvénient  de  contenir 
un  trop  grand  nombre  de  rayons  ultra  violets  ;  cependant  lors- 
qu'on s'arrange  de  manière  ù  les  supprimer  en  interposant  un 


LUMIÈRE.  87 

Terre  transparent  (Siemens)  et  à  augmenter  la  quantité  des 
rayons  jaunes,  la  lumière  électrique,  ainsi  que  Dehérain  Ta  expé- 
riroeDté  au  palais  de  Pexpusition  des  Champs-Elysées,  et  que 
Siemens  Ta  fait  à  Londres,  donne  d*cxcellents  effets  sur  la  végé- 
tation, qu'elle  active. 

Les  rayons  du  spectre  ont  sur  la  peau  des  animaux  une  action 
sensiblement  différente.  Ainsi,  dans  une  série  d'expériences  exé- 
entées  sur  un  même  individu,  il  a  fallu  12  secondes  aux  rayons 
violets  pour  produire  une  phlyctëne,  tandis  que,  dans  le  même 
temps,  les  rayons  rouges  n'avaient  fait  que  rubéfier  la  peau. 

Aettoa  4es  ray^as  da  «peetre  «ar  la  rétine.  —  Hugo 
Jlagnus  a  récemment  émis  l'hypothèse  que  Timpression  ressentie 
par  la  rétine  humaine  n*était  plus  la  même  que  du  temps  d'Ho- 
ffière,  époque  cependant  peu  éloignée  de  nous.  Il  se  fonde  sur  ce 
que  beaucoup  de  teintes  ne  seraient  pas  indiquées  dans  l'Iliade 
ou  dans  V Odyssée.  Cette  doctrine  a  été  amplement  réfutée,  en 
France,  par  Geoffroy. 

Mais  tous  les  animaux  voient-ils  de  même?  Ici  encore,  il  pour- 
rait bien  y  avoir  des  dittérences  suivant  les  espèces  et  suivant 
leur  habitat  ordinaire.  —  Les  expériences  de  P.  Bert  sur  les 
daphnées-puces  lui  ont  montré  que  pour  ces  crustacés,  le  spectre 
A  les  mêmes  limites  que  pour  nous,  car  les  rayons  infra-rouges 
ti  ks  rayons  ultra- violets  semblent  invisibles  pour  eux  comme 
pour  nous;  tout  cela  se  constate  lorsqu'on  projette  on  spectre 
solaire  dans  Teau  où  sont  des  daphnées  ;  on  voit  ces  animaux  se 
grouper  dans  le  spectre  visible  pour  nous  et  pas  au  delà.  Ils  se 
répandent  dans  tout  le  spectre,  mais  surtout  dans  le  jaune. 
Pour  eux,  comme  pour  nous,  le  jaune  est  donc  la  couleur  la  plus 
^daiiBDle  (FraûhnhOffer). 

Au  eootraire,  d'après  C.  de  Merejkowsky,  les  Crustacés  infé- 
rieoTi  ont  la  perception  de  toute  onde  lumineuse  et  de  toutes  les 
di£Emnces,  même  très  légères,  de  son  intensité,  mais  ils  ne  sont 
point  capables  de  distinguer  la  nature  des  ondes  de  différentes 
couleurs.  Ils  distinguent,  en  un  mot,  très  bien  l'intensité  des  vibra- 
tiens  éthérées,  leur  amplitude,  mais  point  leur  nombre.  Il  y  a 
done^  dans  le  mode  de  perception  de  la  lumière,  une  grande  diffé- 
rence entre  les  Crustacés  inférieurs  et  l'Homme,  et  même  entre  eux 
et  les  Fourmis,  qui,  d'après  Lubbock,  apprécient  les  couleurs  ; 
tandis  que  nous  voyons  les  différeates  couleurs  et  leurs  différentes 
intensités,  les  Crustacés  io/énecirs  ne   verraient  qu'uue  Sâ&u\^ 


98  l'atmosphère. 

couleur,  dans  différentes  variations  d*intensité.  Nous  percevons 
les  couleurs  comme  couleurs,  ajoute  Merejkowsky  ;  ils  ne  les 
perçoivent  que  comme  lumière. 

Action  du  spectre  «iir  le  cerveau.  —  Les  rayons  du 
spectre  semblent  avoir  sur  le  travail  cérébral  et  la  formation  des 
idées,  une  action  variable  que  Ponza  ^d' Alexandrie)  a  proposé 
d'exploiter  dans  le  traitement  de  Taliénation  mentale. 

m.  ÉLECTRICITÉ. 

Le  rôle  de  Télectricité  dans  le  milieu  atmosphérique  est  encore 
peu  connu  ;  il  en  est  de  même  de  celui  du  magnétisme.  Au  sur- 
plus, nous  ignorons  si  notre  appareil  organique  est  sufflsaroment 
bien  développé  pour  l'appréciation  des  variations  électriques,  que 
beaucoup  d^autres  animaux  semblent  sentir  mieux  que  Thomnie. 
Il  peut  même  exister  dans  Tatmosphëre  des  qualités  d'ordre 
électro-magnétique  dont  nous  n'avons  même  pas  la  notion,  parce 
que  nous  ne  les  apprécions  pas  cérébralement,  tout  en  en  éprouvant 
peut-être  certains  effets.  Peut-être  est-ce  à  des  sensations  de* cet 
ordre,  et  pour  nous  inconnues  encore,  qu'obéissent  le  pigeon 
messager  et  un  grand  nombre  d'animaux  migrateurs. 

Pour  ne  parler  que  des  phénomènes  électri(|ues  que  nous  con- 
naissons, nous  voyons  les  chats  beaucoup  plus  impressionnés  par 
eux  que  nous  ne  le  sommes  nous-mêmes;  on  dit  qu'au  Kamtschatka 
les  chiens  sont  tellement  impressionnés,  quelque  temps  avant  que 
Torage  éclate^  que  leurs  maîtres,  qui,  par  eux-mêmes  ne  ressen- 
tent encore  rien,  sont  avertis  de  l'approche  de  la  tempête.  Les 
ouragans  si  terribles  qu'on  observe  parfois  aux  Antilles  sont 
toujours  signalés  d'avance  par  le  mugissement  des  troupeaux; 
enfin,  dans  l'espèce  humaine  elle-même,  certains  indiTidas,  sur- 
tout les  femmes  ou  parfois  même  les  hommes  qui  portent  les 
attributs  de  ce  qu'on  nomme  le  tempérament  nerveux,  éprouvent» 
un  peu  avant  l'orage,  des  sensations  spéciales. 

Oeobc.  —  L'électricité,  comme  milieu,  nous  intéresse  surtout 
en  raison  de  la  quantité  d'ozone  que  contient  l'air  atmosphérique. 
—  L* ozone  n'est  autre  chose  que  de  l'oxygène  qui,  électrisé,  a 
pris  un  état  moléculaire  particulier  que  la  notation  chimique 
caractérise  par  0^. 

On  sait  que  la  quantité  d'ozone  contenue  dans  l'atmosphère 
varie  selon  des  lois  que  nous  ne  connaissons  pas  encore  ;  nous 


ÉLECTRICITÉ.  19 

Doos  bornons  à  constater  le   fait.  Les  expériences  de  Barlow, 
de  Deroarquay  et  d'autres  encore  nous  ont  appris  que  l'ozone 
excite  d'abord  la  respiration  et  la  circulation  ;  mais  à  cette  période 
succède  une   période  de  dépression  avec  affaiblissement  de  la 
respiration  et  de  Faction  du  cœur.  Localement,  il  irrite  la  mem- 
brane pulmonaire ,  et  cette  irritation  peut  devenir  mortelle  dans 
on  milieu  qui  contient  i  0/0  d'ozone  (Barlow).  Il  passe  pour  être 
to\ique  pour  les  infiniment  petits,  les  germes  atmosphériques^ 
et  Schœnbein  ayant  vu,  pendant  le  choléra,  le  minimum  d'ozone 
coîdcider  avec  le  maximum  de  répidémie,  a  conclu  que  Taug- 
mentation  d'ozone  était,  dans  une  certaine  limite,   salutaire, 
puisqu'elle  tuait  les  germes.La  rareté  de  certaines  maladies,  comme 
la  variole,  la  scarlatine  et  la  rougeole  à  Tîle  Borkum,  dans  la  mer 
du  Nord,  où  Tozone  a  été  souvent  trouvé  abondant,  a  été  attri- 
buée à  cette  dernière  cause  (Schmidt). 

Grippe  ou  inflaeoza.  —  Cet  observateur  attribue  à  l'ozone 
la  fréquence  des  catarrhes  aigus  des  voies  respiratoires.  1^ 
vérité  est  que  nous  sommes  fort  ignorants  sur  ce  point.  11  est 
d'usage,  néanmoins,  de  rattacher  la  grippe  à  l'ozone.  Je  vais 
donc  dire  ici  deux  mots  de  cette  maladie  qui,  si  elle  n'est  pas 
due  à  la  production  de  Tozone,  est  vraisemblablement  sous  la 
dépendance  de  quelque  phénomène  cosmique  analogue. 

Géographie.  Eistoir**.  —  La  première  épidémie  qui  soit  connue 
de  nous  apparut  à  Malte  en  1510.  En  1057,  une  grande  épidémie 
passa  d'Asie  en  Europe  et  en  Amérique. 

.  En  to80,  une  épidémie  de  grippe  parcourut  l'Europe  entière, 
l'Asie,  l'Afrique,  où  elle  tua  les  vieillards,  les  infirmes,  les  débiles. 
A  Rome,  elle  fît  9  000  victimes  et  à  Madrid  elle  décima  la  popu- 
lation. 

Eo  1590,  épidémie  en  Allemagne;  4593,  en  France  et  en  Italie. 

Épidémies  en  1658-1663,  en  Italie;  1669,  en  Hollande;  1675, 
en  Allemagne  et  en  Angleterre;  1691  en  Allemagne  et  Hongrie. 

1729,  toute  l'Europe  est  atteinte  et  gravement  :  908  personnes 
succomlient  à  Londres  en  une  seule  semaine.  La  grippe  frappe  à 
Vienne  plus  de  60  000  personnes.  1732  et  1733,  nouvelle  épidémie 
européenoe  et  américaine  ainsi  qu'asiatique.  Nouvelles  épidémies 
plus  ou  moins  générales  en  1737  et  1743,  où  1000  personnes 
meurent  à  Londres  en  une  semaine.  Nouveaux  ravages  en  1762, 
où  elle  fat  très  grave  dans  l'armée  anglaise,  alors  en  Allemagne  ; 
en  1775  elle  tue  un  grand  nombre  d'animaux  dotueaVvc\^i»% 


40  l'atmosphère. 

Retour  en  1782,  où  iOOOO  personnes  furent  atteintes  le  même  jour 
à  Saint-Pétersbourg;  en  i  830  elle 'parcourt  le  monde  entier 
précédant  le  choléra.  Elle  reparait  en  1833-1837;  en  1847  elle 
fait  à  Londres,  plus  de  victimes  que  le  choléra.  Elle  régne  en 
France  en  1858. 

Hirsch,  de  1510  à  1850,  n*a  pas  relevé  moins  de  300  irruptions 
de  grippe,  les  unes  locales,  les  autres  générales;  les  unes  béni- 
gnes, les  autres  graves. 

Pathologie  comparée,  —  Dans  presque  toutes  ces  épidémies,  la 
grippe  atteint  les  oiseaux  souvent,  les  chevaux  plus  souvent 
encore.  En  1827,  une  épidémie  meurtrière  de  grippe  chevaline 
sévit  en  Europe.  En  1872,  elle  tua  à  New- York  16  000  chevaux. 

Toutes  les  races  humaines  dans  tous  les  pays  semblent  sujettes 
à  cette  étrange  maladie  ;  toutefois,  elle  semble  plus  fréquente 
encore  dans  les  pays  froids,  comme  Tlslande,  où  on  la  nomme 
quefj  les  îles  Féroé,  où  elle  porte  le  nom  de  krugns^  que  dans 
les  pays  chauds. 

Symptômes.  Nature,  —  La  grippe  envahit  souvent  avec  une 
intensité  foudroyante.  A  Vienne,  dansTépidémiede  1782,  on  la 
nommait  bUtz-catarrhe  (catarrhe-éclair).  Un  sentiment  de  fai- 
blesse extrême  et  sans  rapport  avec  Tintensité  des  autres  sym- 
ptômes, voilà  ce  qui  caractérise  la  grippe.  Qu'on  y  ajoute  tous  les 
symptômes  d*un  état  catarrhal  des  voies  respiratoires,  mais  avec 
une  dyspnée  considérable  et  nullement  en  rapport  avec  les  signes 
d'auscultation.  D*après  Graves,  le  poison  qui  cause  la  grippe  agit  sur 
le  système  nerveux  et  particulièrement  sur  les  nerfs  du  poumon, 
de  façon  à  produire  les  phénomènes  d*irritation  bronchique 
et  la  dyspnée  ;  la  mort  arrive  souvent  avec  les  signes  de  la  para- 
lysie pulmonaire.  C'est  donc  une  maladie  spéciale  et  qui  n*a  rien 
de  commun  avec  cet  état  catarrhal  auquel,  en  hiver,  les  gens  du 
monde  donnent  à  tort  le  nom  de  grippe.  Cette  maladie  est  le  type 
de  FaiTection  épidcmique,  non  contagieuse.  Au  lieu  de  se  propa- 
ger, comme  le  choléra,  avec  la  vitesse  des  communications  hu- 
maines et  proportionnellement  à  celles-ci,  elle  se  propage  en  de- 
hors de  toute  direction,  sans  foyer  ;  elle  s'étend  k\3L  fois,  au  même 
moment,  comme  une  atmosphère,  mettant  quelques  jours  à  par- 
courir l'Europe  et  l'Asie,  frappant  les  agglomérés  et  les  isolés,  les 
marins  en  pleine  mer,  aussi  bien  que  les  gens  des  villes  et  que 
ceux  des  campagnes,  les  riches  comme  les  pauvres,  s'attaquant  à 
tous  les  âges,  à  tous  les  sexes.  U  ne  semble  donc  pas  que  cette 


VAPEUR   d'eau.  41 

maladie  soit  destinée  à  entrer  dans  le  cadre  chaque  jour  élargi 
cependant  des  maladies  infectieuses,  contagieuses, qui  sont  dues  à 
on  microbe,  à  un  ferment  animé  et  qui  sont,  en  somme,  des 
maladies  micro-parasitaires;  l'influenza  semble  être,  au  contraire, 
une  maladie  d'ordre  cosmique,  liée  à  la  présence  ou  à  Tabsence, 
auxTariations,dansun  sens  quelconque,  d'un  des  principes  du  mi- 
lieu atmosphérique;  faute  de  mieux,  nous  regardons  aujourd'hui 
ce  principe  comme  étant  Tozone,  car,  en  1847,  Spengler,  à  Rogge- 
dorf,  a  constaté  la  coïncidence  de  la  grippe  avec  un  excès  d'ozone, 
et  Schœnbein  a  fait  la  même  remarque  à  Berlin  ;  la  même  observa- 
tion a  été  faite  à  Gènes,  en  1858,  par  le  docteur  Granara,  ainsi 
qu'en  France  en  1857  et  1858.  Ces  variations  dans  la  quantité 
d^ozone  semblent  elles-mêmes  en  rapport  avec  des  changements 
brusques  dans  la  température.  En  résumé,  la  grippe  est  une  véri- 
table pandémie^  aussi  générale  dans  sa  production  que  l'est,  dans 
ses  effets,  le  milieu  atmosphérique  aux  variations  duquel  elle  est 
iotimement  liée. 

TV.  VAPEUR  D*EAU. 

^  Aeti«a  bl«l«^qae.  —  Parmi  les  éléments  qui  font  varier, 
selon  leur  plus  ou  moins  grande  abondance,  la  nature  et  le  mode 
d'action  du  milieu  atmosphérique,  figure,  au  premier  rang,  la 
vapeur  d'eau .  Alors  même  qu'elle  n'est  pas  rassemblée  sous  forme 
de  nuages,  elle  joue  dans  l'atmosphère  un  rôle  protecteur  pour  les 
animaux  et  les  végétaux,  les  mettant  à  l'abri  et  de  la  radia- 
tiVmet  du  rayonnement^  c'est-à-dire  de  l'intensité  des  rayons  trop 
ardents  du  soleil  et  de  rémission  de  calorique  que  font  vers 
les  espaces  célestes,  lorsque  le  soleil  a  disparu  à  l'horizon,  la 
terre  et  les  êtres  qu'elle  porte.  Tyndall  a  montré,  en  effet» 
que  Fair  chimiquement  sec  n'intercepte  plus  les  rayons  calo- 
rifiques du  soleil.  Si  donc  notre  atmosphère  était  privée  de  vapeur 
d'eau,  la  chaleur  du  jour  serait  excessive,  et,  par  suite  du  rayon- 
nement qui  serait,  à  son  tour,  aussi  intense  que  la  radiation,  le 
froid  prendrait,  pendant  la  nuit,  une  extrême  intensité.  C'est 
pour  cette  raison  que  sur  les  hautes  montagnes,  où  la  vapeur 
d'eau  est  souvent  peu  abondante,  les  coups  de  soleil  sont  très 
fréqueatfl,  alors  même  que  la  température  à  l'ombre  est  parfois 
basse.  Cest  ainsi  qu'à  la  station  aujourd'hui  célèbre  de  Davos,  en 
Engadiae,  où  un  grand  nombre  de  phthisiques  vonl  v^^t  \t^t 


42  l'atmosphère. 

hiver,  tandis  que  le  thermomètre,  à  Tombre,  indique  un  froid  con- 
sidérable, la  température  au  soleil  est  assez  élevée  pour  permettre 
aux  malades  de  déjeuner  dehors,  alors  que  la  neige  les  entoure 
de  toutes  parts  ;  c'est  que  cette  neige  réfléchit  précisément  les 
rayons  du  soleil  dans  une  atmosphère  sèche. 

11  est  toutefois  bon  d'ajouttr,  au  point  de  vue  purement 
médical,  que  cette  absence  de  vapeur  d*eau  dans  Tair  active 
singulièrement  Téliminatitin  de  ce  principe  chez  les  malades, 
et  que  ce  surcroit  leur  fait  payer  parfois  très  cher  une  chaleur 
qu^ils  trouveraient  plus  commodément  pour  l'organisme  sur  la 
rive  algérienne  de  la  Méditerranée. 

Pour  une  raison  analogue  à  celle  qui  agit  à  Davos,  Sivel  et 
Grocé-Spinelli,  dans  une  de  leurs  périlleuses  ascensions  par 
7  300  mètres  d*altitude,  avec  —  24<»  au  thermomètre,  purent 
rester  assis  sans  paletot  dans  la  nacelle,  lis  constatèrent  que 
la  vapeur  d'eau  avait  presque  disparu.  Il  en  est  de  même  sur  les 
hautes  montagnes,  où  le  froid  devient,  pendant  la  nuit,  assez  in- 
tense pour  condenser,  sous  forme  de  rosée,  la  plus  grande  partie 
de  la  vapeur  d'eau  dont  Patmosphère  était  chargée.  LVaprès  le  bota- 
niste Otto  Sendtner,  cette  condensation  d'humidité  en  rosée  sur  les 
Alpes,  acquiert,  en  été,  une  importance  supérieure  à  celle  de  la 
pluie;  il  la  regarde  comme  une  des  causes  déterminantes  les  plus 
importantes,  dans  la  diflusion  plus  ou  moins  grande  des  plantes.  Il 
n'est  pas  rare,  dit-il,  sur  les  sommets  de  plus  de  2  00<)  mètres, 
de  trouver  le  gazon  mouillé  de  rosée^  à  midi,  malgré  le  soleil. 

Dans  les  régions  basses  et  chaudes,  la  vapeur  d'eau  atteint  pres- 
que toujours  une  proportion  voisine  de  la  saturation,  ce  qui  ap- 
porte dans  ces  régions  un  obstacle  considérable  au  fonctionne- 
ment de  la  peau  et  des  poumons.  En  revanche,  cet  excès,  joint  à 
la  chaleur,  est  très  favorable  à  la  végétation .  L'air  est,  dans  ces 
pays,  tellement  saturé  de  vapeur  d'eau,  qu'il  suflit  que  la  tempé- 
rature s'abaisse  un  peu  pendant  la  nuit,  pour  qu'il  se  fasse  une 
condensation  de  rosée  tellement  abondante,  qu'elle  vaut,  pour  le 
sol,  une  véritable  pluie.  Les  expériences  de  Duchartre  ont,  en  effet, 
montré  que  les  feuilles  n'absorbent  pas  la  rosée  et  que  le  sol  en 
bénéficie  seul .  «  Dans  les  pays  chauds,  dit  Boussingault,  la  rosée 
«  apparaît  avec  assez  d'abondance  pour  favoriser  la  végétation  en 
«  suppléant  à  la  pluie  pendant  une  grande  partie  de  Tannée...  La 
«t  nuit  (dans  un  bivouac)  était  magnifique,  et  cependant  dans  la 
a  forêt,  dont  les  premiers  arbres  se  trouvaient  à  quelques  mètres. 


VAPBUB   0  EAU.  it 

'  il  pleuvait  atwndamtneni;  lalumiérede  la  lune  permellait  de 
•^  voir  l'rau  ruiasclrr  de  leurs  branches  supérii'ure*.  n 

La  pru««nce  de  ta  vaiieur  d'eau  dans  l'air,  utile  ù  tous  les  élrcs 
niants,  possède  pour  (|uclques-uas  uoe  im|K>rt<ia(-e  s)>éciale  :  enr- 
tiin»  vigiilmi»  eflitttueiil  les  mouTcoicnis  qui  sont  nécessain^ 
i  leur  fi'eondalioD.  non  plus  eoininc  ceui  dont  j'ai  parlé  plus 
haut,  sous  riiifliicncc  d?s  ra>ons  solaires,  mais  hiun  sous  IVtion 
delavatN^ur  d'eau.  Le  wùcanisme  de  cesmouvemenls  esl,  dans  co 
MXûod  cas,  Irii  analogue  A  ce  qu'il  étail  dans  le  premier;  ce  ne 
KM  plus  les  gaz  produits  en  plus  ou  moins  grande  abondance  |vir 
la  plant*,  sous  l'inlluence  de  la  lumière,  qui  distendent  plus  ou 
nioiii!!  des  cellules  i  forme  courbée  et  tendent  plus  ou  moins  à  les 
r,  produisant  ainsi  le  mouveoienl  ;  un  mécanisme  analogue 
i,  cette  fois-ci,  en  Jeu,  non  plus  par  des  gaz,  mais  par  la 
'  d'eau,  qui  gonfle  plus  ou  moins  des  cellules  disposéi^s 
piarcd'une  Ta^'m  analogue  aux  premières.  Ce  phénomène  est  (el- 
ntl mécanique,  qu'il  persiste  pLirTuisaprùs  lu  morl:  la  plantes 
I  lesquelles  cette  piTsislinre  du  mouvement  se  montre  ont  • 
ifétepriscsparl'hniunu!  Comme  symbole  de  rimmortalltj  idéale 
at  laquelle  ils'iui'lreet  mil  recule  nom  d'immorleMcK.  Chez  ces 
!»  toealiee  est  coriace  et  (icrsIsLtnt  ;  lorsque  l'airest  chargé  d'hu- 
Slèf  le»  cellules  du  calice  se  ;;unl1unt;or,  leur  situation  et 
ireonformalionsont  lelle^,  qu'en  segunllanl  elles  se  recourlieol, 
t  te  adico  s'inllechit  \im  le  centre  de  la  flour,  qu'en  un  mot, 
fefieur  we  ferme  ;  lorsi]ue.  au  contraire,  l'air  est  sec,  les  cellules 
T^ndresaeat  dans  un  »cns  opposé;  le  calice  s'inlléchit  fcrs  la 
;  la  Oeiira'ou^re. 
ata|>eur  d'eau  est  encore  plus  néce&uiirt-  à  une  foule  d'êtres 
ian  que  la  sécheresse  détruit.  Il  est  vrai  qu'elle  ne  les  dé- 
e  momentanément  ou,  pour  mieut  dire,  qu'un  .tppaicncc; 
s  la  mort  était,  en  efTel,  si  vraisemblable,  qu'on  leur  a  donne 
n  d'ètnts  rtvivîgcmU.  LesRoUfiret,  le*  rnrtlii/ra'ic»  et  autres 
Binres  sont  célèbres  par  leur  (acuité  de  reviviscence  appa- 
;,  bwa  eulendu.  On  peut  les  dessécher  pendant  cimiunnle- 
4  }oill^  dans  une  éluve  dont  la  lem|icrature  est  mainlLnue  ù 
j^IflO"  ;  une  t'uutlc  d'eau  rallume  toutes  les  manifestai  ion  s  orga- 
ica  qu'on  crojait  éteintes.  Les  Rotifcres  ne  jouissent  pas  seuls 
«  privilège;  on  le  trouve  au-dessus  et  au-dessous  d'eux  daus 
I  siriG.  Cbo  fuiigèiv,  gardée  par  Viiniorin  dans  un  hctUrct  oiv 
It  amit  sérjié.  a,  ious  riallumce  tic  l'humiililc,  repris  sa  ïotm»',  -, 


44  I^'aTMOSPHÈRE. 

die  a  vécu  et  a  continué  à  se  développer  régulièrement.  Des 
cryptogames  desséchés  par  un  séjour  d'une  semaine  dans  l'air 
raréfié,  et  d'une  autre  semaine  dans  une  étuve  à  4-70^,  ont  pu, 
sous  rinfluence  de  Thumidité,  reprendre  leur  aspect  ordinaire. 
(Test  surtout  par  son  existence  chez  les  êtres  inférieurs,  connus 
aujourd'hui  sous  le  nom  général  de  microbes,  que  la  reviviscence 
nous  intéresse.  Tous  ces  êtres  que  les  travaux  de  Pasteur  nous 
font  pressentir  ou  connaître  comme  les  producteurs  de  la  fièvre 
jaune,  du  choléra, de  la  fièvre  tellurique,du  charbon, etc.,  perdent, 
par  la  sécheresse,  un  pouvoir  que  leur  rend  Thumidité;  ainsi  s'ex- 
plique comment  le  retour  de  la  pluie,  après  une  longue  sécheresse, 
rallume  une  épidémie  que  Ton  croyait  éteinte.  Les  prétendues  épi- 
démies spontanées  ne  sont  pas  autre  chose  que  les  manifestations 
d*un  microbe  reviviscent  qu'on  avait  oublié. 

L'absence  ou  la  présence  de  la  vapeur  d'eau  dans  Tair  modifie 
à  la  longue  les  organismes  ;  c'est  ainsi  que,  dans  les  pays  secs,  les 
végétaux  emmagasinent  Teau^dans  leurs  feuilles,  qui  deviennent 
charnues,  succulentes  comme  celles  des  plantes  grasses;  c'est  là 
une  action  de  milieu  analogue  à  celle  qui,  par  voie  de  sélection,  a 
placé  dans  la  bosse  du  chameau  une  réserve  alimentaire,  dont, 
diraient  les  causes-finaliers,.la  Nature  l'a  doté  (?)  pour  lui  permet- 
tre de  traverser  le  désert. 

V.  POUSSIÈRES  ATMOSPHÉRIQUES.  -  VENTS. 

L'enveloppe  gazeuse  qui  entoure  notre  planète  n'agit  pas  sur 
les  êtres  vivants,  uniquement  par  la  quantité  de  chaleur,  de 
lumière,  d'électricité  ou  de  vapeur  d'eau  qu'elle  leur  fournit. 
L'océan  aérien,  au  fond  duquel  nous  vivons,  présente,  lui  aussi, 
ses  alluvions,  les  poussières  atmosphériques  ;  il  a  ses  marées  et 
ses  grands  mouvements,  qui  sont  les  vents. 

Poosslères  «imoiipliériqaes.  —  Lorsqu'on  fait  passer  un 
courant  d'air  à  travers  la  ouate,  ou  lorsqu'on  le  projette  sur  une 
surface  enduite  de  glycérine,  on  recueille  dans  les  mailles  minus- 
cules de  cette  sorte  de  filet  constitué  par  la  ouate,  ou  sur  la  sur- 
face gluante  représentée  parla  glycérine,  un  nombre  considérable 
de  corps  étrangers,  qui  ont,  parfois,  une  origine  très  éloignée  de 
celle  qu'on  pourrait  supposer. 

Les  uns  sont  des  minéraux  :  Gaston  Tissandier  a  rencontré  des 
fragments  de  nickel,  substance  qui  est,  comme  on  le  sait,  un  des 


POUSSIÈRBS  ATMOSPHÉRIQUES.  45 

éléments  caractéristiques* des  météorites;  des  corpuscules  ferrugi- 
neux magnétiques,  attirables  à  Taimant,  dont  les  grains  se  trou- 
vent souvent  dans  Teau  de  pluie:  une  pluie  de  sable  tombée  à 
Lœbau  (Saxe),  le  \3  janvier  1835,  en  contenait  un  grand  nombre. 
On  trouve  en  outre  dans  l'atmosphère  du  sable  en  grande  quantité. 
Tborburn  a  vu,  dans  la  plaine  de  Marwat,  lac  desséché  dans 
rinde,  s*élevcr  des  masses  de  sable ,  puissante  et  terrible  muraille 
qui.  épaisse  de  1000  pieds  et  longue  de  30  milles  (48  kîlom.), 
obscurcit  momentanément  la  lumière  du  soleil  et  s'avance  avec 
fracas,  précédée  d'une  nuée  d'oiseaux,  milans,  aigles  et  vautours 
qui  fuient  devant  elle. 

Les  ophthalmies,  si  fréquentes  dans  le  Sahara,  ne  recon- 
naissent pas  d'autre  cause  que  la  présence  de  grandes  quantités 
de  lamelles  siliceuses  dans  Tair,  et  la  coutume  des  Touaregs 
de  se  voiler  la  fece  a  pour  but  de  se  mettre  à  Tabri  des  meurtris- 
sures de  ces  nuages  de  sable. 

On  rencontre  parfois  dans  Tair  des  poussières  volcaniques. 
En  1815,  un  volcan  de  l'Ile  Sumbavo,  le  Timbora,  recouvrit  de 
cendres  une  surface  de  terre  et  de  mer  supérieure  à  celle  de 
TAllemagne.  L'effet  produit  sur  Timaginatlon  fut  tellement  vio- 
lent, que  dans  l'ile  de  Bornéo,  à  i  400  kilomètres  au  sud  du 
volcan,  on  compte  les  années  à  dater  «  de  la  grande  chute  de 
cendres  ». 

Dans  la  nuit  du 23  au  30  mars  1875,  une  poussière  fine  tomba 
en  Suède  et  en  Norvvège.  Daubrée  reconnut  plus  tard,  sur  les 
échantillons  qui  lui  furent  envoyés,  une  grande  ressemblance 
avec  les  pierres  ponceuses  de  l'Islande  ;  or,  on  apprit  que,  le 
29  mars  1875,  dans  la  journée  qui  précéda  cette  pluie  dépoussière, 
le  Jœkuldal  avait  vomi  une  quantité  énorme  de  cendres  qui,  sur 
une  couche  de  15  centimètres  d'épaisseur,  avait  obscurci  les 
ravons  du  «oleil.  f^'.v 

De  ce  fait  il  convient  de  rapprocher  un  brouillard  sec,  qui, 
en  1783,  couvrit  pendant  trois  mois  presque  toute  l'Europe, 
après  avoir  paru  d'abord  à  Copenhague,  où  il  persista  pendant 
126  jours.  Il  avait  pour  cause  une  éruption  en  Islande. 

J'insiste  sur  ces  faits  parce  qu'ils  donnent  l'explication  de 
certaines  ophthalmies  épidémiques  qui  régnent  parfois,  h  la  suite 
du  passage  de  ces  nuages  de  poussières.  Ces  alluvions  ne  sont 
pas  dangereuses  pour  l'homme  seul;  elles  oblitèrent  les  stomates 
des  feuilles  et  gênent  ainsi  leur  respiration  ;   c'est  \K>^t  ^^^ 


46  l'atmosphère. 

raison  analogue  que  s'étiolent  et  dépérissent  les  plantes  au  Toi- 
sinage  des  fabriques. 

Les  autres  corps  étrangers  charriés  par  Tatmosphère^  plus 
importants  au  point  de  vue  de  la  yéngraphie  biologiqui'y  sont 
des  végétaux  ou  des  débris  végétaux  divers,  —  on  trouve  de 
ces  débris  jusque  dans  la  neige  (Yung,  Tissandier),  qui  les  a 
englobés  dans  sa  chute  à  travers  Tatmosphère,  comme  le  réseau 
d'albumine  qu'on  emploie  pour  coller  le  vin  englobe  les  matières 
qui  le  troublaient; —  les  prétendues p/t/tr<f  île  sany,  dont  il  est  fait 
mention  à  plusieurs  époques,  ne  sont  autre  chose  que  des  spores 
colorées  qui  viennent  souvent  de  régions  éloignées.  Au  Maroc 
J.Brun  (de  Genève)  a  observé  une  de  ces  pluies  formée  par  des  taches 
rouges  qui,  sur  les  rochers,  imitaient  à  merveille  des  taches 
de  sang.  Elles  étaient  constituées  par  le  Jh^otococcus  fluviaviliê, 
d*un  rouge  vif,  fort  abondant  dans  la  vase  qui  borde  les  chotts 
sahariens. 

On  trouve  enfin  dans  ces  poussières  des  produits  animaux 
divers  et  des  œufs,  des  germes.  On  comprend  l'importance  de 
ces  faits  pour  expliquer  la  dispersion  d'un  grand  nombre  de 
maladies. 

La  proportion  de  ces  substances  étrangères  varie  d'ailleurs  sui- 
vant les  points  du  globe  :  l'atmosphère  des  villes  contient  beau- 
coup de  charbon,  beaucoup  de 'débris  animaux.  L'air  d'une  salle 
d'hôpital,  examiné  par  Chalvet,  contenait  jusqu'à  36  pour  100  de 
matières  organiques  :  globules  de  sang,  globules  de  pus,  etc.,  la 
contagion  de  certaines  ophthalmies purulentes  à  distance  ne  recon- 
naît pas  d'autre  cause. 

C'est  par  un  mécanisme  semblable  que  beaucoup  de  maladies 
contagieuses  deviennent  largement  épidémiques.  Les  croûtes 
échappées  de  la  peau  d'un  varioleux  peuvent  ainsi  semer  très 
loin  la  variole  ;  c'est  ainsi  que  la  dispersion  gf}ographique  de  cer- 
taines maladies  prend  une  grande  étendue.  11  en  est  de  ces  maladies 
largement  épidémiques^  comme  de  ces  plantes  qu'on  pourrait  nom- 
mer de  même  épitellnriqttes,  dont  les  graines,  facilement  disper- 
sées, envahissent  la  terre,  comme  celles  de  VErigcron  cnnadense, 
par  exemple.  Les  progrès  de  la  chirurgie  moderne  tendent  sur- 
tout à  mettre  les  opérés  à  l'abri  de  ces  pluies,  plus  ou  moins  visi- 
bles, de  germes  malfaisants  :  il  suffit  de  citer  ici  le  pansement  de 
Lister,  qui  les  tue,  ou  le  pansement  ouaté  de  J.  Guérin,  qui  les 
arrête,  comme  au  filet,  dans  les  mailles  de  la  ouate. 


VENTS.  47 

La  quantité  des  organismes  microscopiques  charriés  par  Tair 
Tarie  d^ailleurs  avec  les  saisons  :  Miquel,  à  i^obnervatoire  de  Mont- 
souns,  a  constaté  que  leur  maxioMim  était  en  juin  ;  chaque  litre 
d'air,  à  Montsouris,  en  contient  environ  41  ;  —  le  minimum  est 
eo  novembre,  où  chaque  litre  d*air  n'en  contient  plus  que  10; 
cela  tient  à  ce  que  la  prolifération  de  ces  éléments  végétaux  est 
plus  considérable  en  été  qu*en  hiver,  dans  les  pays  chauds  que 
dans  les  pays  froids. 

Les  pluies  qui  lavent  en  quelque  sorte  Tatmosphère  ont  pour 
effet  immédiat  d'augmenter  le  nombre  des  organismes  qu'on  peut 
recevoir  sur  une  plaque  glycérinée,  par  conséquent,  de  diminuer 
le  nombre  de  ceux  qui  sont  en  suspension  dans  Tair.  Les  eaux  de 
pluie,  entraînant  une  grande  quantité  de  ces  organismes,  prennent 
aiini,  chez  ceux  qui  les  boivent,  une  valeur  particulière,  comme 
agents  producteurs  de  maladies. 

L'océan  aérien  a  donc  ses  alluvions,  qu'il  charrie  avant  de  les 
déposer,  comme  Tocéan  liquide  lui-même;  les  chiffres  de  G.  Tis- 
sandîer  donnent  une  idée  de  l'importance  de  ce  véritable  dépôt 
alluvionnaire  fait  par  Tatmosphèrc  :  il  a  calculé  qu*à  Paris 
1  mèlre  cube  d'air  contient  de  6  à  *23  milligrammes  de  poussière; 
eo  prenant  le  minimum  de  6  milligrammes,  on  arrive  à  cette  con- 
clusion :  qu'une  couche  d'air  de  5  mètres  d'épaisseur,  considérée 
sur  la  surface  du  Champ  de  Mars,  lequel  mesure  300  000  mètres 
carrés,  ne  renferme  pas  moins  de  15  kilogrammes  de  poussière 
atmosphérique  ;  Tissandier  a  calculé,  d'un  autre  coté,  que  1  litre 
déneige  à  la  campagne,  avant  d'avoir  touché  le  sol,  bien  entendu, 
contient  212  milligrammes  de  matière  organique. 

Vents.  —  Le  danger  des  poussières  atmosphériques  réside 
surtout  dans  leur  transport  avec  l'air  en  mouvement,  le  long  de 
ces  grands  courants  périodiques  ou  non,  réguliers  ou  accidentels, 
auxquels  nous  donnons  le  nom  de  vents  :  1«^  vent  du  Sahara  est 
célèbre  par  ses  poussières  et  par  VophthcUmie  qu'il  provoque  ;  à 
Buenos-Ayres,  des  trombes  de  poussière,  en  1805  et  en  1866, 
furent  assez  puissantes  pour  rendre  Tatmosphère  aussi  noire  que 
pendant  la  nuit  et  pour  étouffer  littéralement  les  passants  dans  la 
rue;  après  le  passage  de  cette  trombe,  la  pluie  versait  en  réalité 
de  la  boue  rar  le  sol.  Ces  courants  aériens,  qui  charrient  souvent 
des  germes  morbides,  ont  au  moins  l'avantage  de  pouvoir  être 
assez  facilement  coupés  :  ainsi,  alors  qu'il  suffit  de  se  trouver 
sous  le  vent  d'un  marais,  pour  prendre  la  fièvre  inletiuvlleuX^) 


48  L*ATMOSPHÈHE. 

par  compensation,  un  rideau  de  peupliers,  interposé  sur  le  pas- 
sage du  r^nt,  suffit  souvent  à  garantir  de  ses  effets. 

Le  vent  n'est  pas  toujours  assembleur  dépoussières  et  de  germes 
morbides;  il  les  disperse  aussi,  et  ce,  au  grand  avantage  de  cer- 
taines contrées  :  toutes  conditions  égales  d'ailleurs,  une  contrée 
balayée  par  les  veuts  est  plus  saine  qu*une  contrée  qui,  garantie 
par  des  montagnes,  laisse  les  germes  s'accumuler,  pour  ainsi  dire, 
dans  son  atmosphère.  Pauly  a  beaucoup  insisté,  et,  avec  raison, 
sur  la  salubrité  relative  des  grandes  plaines  de  TAmcrique  du 
Sud,  où  rien  ne  fait  obstacle  au  balayage  de  Tatmosphère  par  les 

vents. 

Le  vent  est  peut-être  un  des  modificateurs  les  plus  puissants  de 
rindividu  comme  de  l'espèce  que  présente  l'étude  du  milieu  atmos- 
phérique :  outre  que,  suivant  qu'ils  viennent  d'un  pays  froid  ou 
d'un  pays  chaud,  les  vents  abaissent  ou  élèvent  la  température, 
ils  absorbent,  en  outre,  la  vapeur  d'eau  et  activent  ainsi  Tévapo- 
ration,  chez  les  végétaux  comme  chez  les  animaux. 

Les  végétaux  ne  vivent  donc,  là  où  règne  un  grand  vent,  qu'à 
la  condition  de  s'entourer  d'une  atmosphère  immobile,  retenue 
dans  de  nombreux  poils,  à  la  surface  de  chaque  feuille,  ou  bien 
de  pouvoir  emmagasiner  Peau  et  les  sucs  aqueux  dans  leurs  propres 
tissus,  ainsi  que  je  Tai  dit  plus  haut,  au  sujet  de  la  vapeur  d'eau. 
Les  végétaux  qui  veulent  vivre  au  bord  de  la  mer  doivent,  en 
outre,  réduire  leurs  formes,  pour  oflrir  le  moins  de  prise  au  vent; 
il  est  bien  entendu  que  sous  cet  artifice  de  langage  «  les  végétaux 
qui  veulent  »,  je  désigne  la  sélection  implacable  qui  détruit  tous 
ceux  qui  ne  remplissent  pas  les  conditions  favorables  à  la  résis- 
tance au  vent.  Les  espècesmaritimessontnatyi^^,  parce  qu'elles 
seules  sont  de  taille  assez  réduite  pour  résister  au  vent.  —  C'est 
pour  les  mêmes  raisons  qu'elles  sont  villeuses  et  charnues. 

L'action  du  vent  ne  se  fait  pas  moins  sentir  sur  les  animaux  ; 
la  sélection  n'a  eu  d'autre  ressource  pour  eux  que  d'agrandir  les 
ailes  de  certains  oiseaux  de  mer,  ou  bien,  au  contraire,  de  les 
réduire,  de  les  annuler  même,  comme  chez  certains  insectes  des 
côtes,  où  ceux-là  seuls  ont  persisté  qui  n'avaient  4]ue  peu  ou 
point  d'ailes,  les  autres,  mieux  dotés  en  apparence,  n'étant  pas 
suffisamment  armés  contre  le  vent  et  ayant  trouvé  la  mort  dans 
ooe  conformation  qui,  dans  toute  autre  circonstance,  eut  été  une 
supériorité. 

Tjes  effets  d'évaporation  produits  par  le  vent  sont  parfois  très 


VENTS.  44 

pénibles  pour  rhomme  et  les  autres  animaux:  tout  le  monde  a 
eoteodn  parler  des  effets  terribles  du  Iram^in,  en  Egypte.  Volneya 
comparé  Timpression  produite  par  ce  ^ent  à  celle  d'un  four  ;  la 
peau  se  sèche,  la  respiration  devient  haletante,  pénible,  un  ma- 
laise général  envahit  l'organisme.  Larrey,  pendant  Pexpcditioa 
d'Egypte,  faillit  succomber;  les  chameaux  eux-mêmes  sont  fort 
incommodés  et  ne  se  mettent  à  Tabri  qu*en  se  couchant,  le  nez 
enfoncé  dans  le  sable,  jusqu'à  la  fin  de  la  tempête,  qui  dure 
environ  2  ou  3  jours.  Les  végétaux  sur  lesquels  a  passé  le  kamsin 
sont  grillés  et  desséchés. 

Les  climatologistes  ont  décrit  une  foule  de  vents  plus  ou 
moins  célèbres,  sur  lesquels  ce  n*est  pas  ici  le  lieu  d'in« 
sîster.  Il  existe  aux  lies  Falkland  un  vent  d'est  redoutable  :  les 
oiseaux  succombent  sous  son  influence  ;les  porcs,  pendant  tout 
le  temps  qu'il  souffle,  sont  dans  un  état  violent  d'agitation  et  de 
fureur. 

Les  vents  ont,  en  climatologie  une  importance  qui  n'est  pas 
méconnue.  Des  courants  souvent  plus  ou  moins  permanents  ont 
dans  ratmos[)hère  un  rôle  analogue  à  ceux   des  courants  en 
général  plus  permanents  de  TOcéan  ;  tous  les  deux  modifient 
Je   climat  d'un  lieu,  qui  cesse  d'être  ce  que  la  latitude,  la 
longitude  et  l'altitude  eussent  fait  supposer.  Un  des  exemples  les 
plus  curieux  du  rôle  modificateur  des  courants  aériens  nous  est 
fourni  en  Chine.  Depuis  plusieurs  années  règne  dans  cette  contrée 
un  courant  atmosphérique  profond,  constant,  dans  une  direction 
à  peu  près  parallèle  à  celle  que  suit  le  Yang-tze-kiang  (fleuve 
Bleu),  de  l'est  à  l'ouest.  Le  P.  Dechevrens,  qui  l'a  découvert, 
lui  attribue   la    sécheresse    terrible    dont    est    frappé    depuis 
quelques  années  le  Nord  de  la  Chine  ;  en  efTet,  dit  Élie  Mar- 
gelle, par  sa  profondeur,   sa  largeur  et  sa    rapidité,    il  con- 
stitue une  barrière  infranchissable  à  tout   courant  secondaire 
tentant  de  passer  du  midi  au  nord  de  la  Chine  ou  inversement,  à 
une  certaine  distance  du  sol.  «  Or,  dans  un  pays  septentrional 
€  privé  de  grands  cours  d'eau,  qui  n*est  arrosé  que  par  les  pluies 
<  amenées  sous  forme  de  vapeurs  au  sein  des  courants  aériens 
f  partis  des  régions  équatoriales,  quelle  sécheresse  ne  doit  pas 
«  produire  l'interruption  de  ces  courants,  interceptés  durant 
c  plusieurs  années  1  Refoulés  ou  arrêtés  ,  ils  sont  alors  entrainét 
«  de  l'ouest  à  l'est,  puis  une  fois  redescendus  à  la  surface  du 
«  sol,  repris  par.  Talizé  de  nord-est,  qui  les  a  ramenés  k  \xa.^es% 

Gioan»  M  ÉD.  k 


60  l'atmosphère. 

f  la  Chine  méridionale,  abandonnant  sur  leur  route  les  pluies 
f  qu'ils  devaient  transporter  vers  le  nord.  » 

VI.  ALTITUDS.  PRESESON  ATMOSPHÉRIQUS. 

Nous  avons  jusqu^ici  considéré  l'atmosphère  au  milieu  de 
laquelle  nous  vivons,  comme  une  enveloppe  gazeuse  qui  s^éten- 
drait  autour  de  la  terre^  avec  une  épaisseur  partout  invariable; 
mais  il  n*en  est  rien  :  le  fond  de  Tocéan  gazeux  est  au  contraire 
très  inégalement  mouvementé,  ici  creusé  de  vallées,  là  hérissé 
de  montagnes.  Il  en  résulte  que  Tépaisseur  de  la  couche  d'air 
qui  nous  entoure  est  très  variable  et  que  cette  couche  d'air  pro- 
fonde, épaisse  au-dessus  des  vallées  basses,  est,  au  contraire, 
mince  au-dessus  des  montagnes  et  d'autant  plus  mince  que  ces 
montagnes  sont  plus  hautes.  .Pour  se  faire  une  idée  de  la  varia- 
bilitc  d'épaisseur  de  cette  couche  d'air,  il  suffit  de  considérer 
d'un  côté  le  pourtour  du  lac  Asphallique,  en  Judée ,  à  plus  de 
100  mètres  au-dessous  du  niveau  de  la  mer,  et  de  l'autre  le 
mont  Everest^  dans  le  massif  central  de  l'Asie^  qui  ne  s'élève  pas 
à  moins  de  8  840  mètres  au-dessus  du  même  niveau  de  la  mer. 

Artlon  de  l'altitnde  snr  la  tempAratare.  —  Un  des 
premiers  effets  que  ressentent  les  êtres  vivants  de  l'amincissement 
de  la  couche  d'air  qu'ils  ont  au-dessus  d'eux,  c'est  la  dimi- 
nution de  la  température.  Cette  diminution  tient  en  réalité  à 
ce  que  l'air  absorbant  et  emmagasinant  une  certaine  quantité 
de  chaleur,  nous  avons  d'autant  moins  chaud,  que  cette  sorte 
de  revêtement  gazeux  et  chauffé  qui  nous  entoure,  est  moins 
épais.  Il  en  résulte  que  la  température  va  en  diminuant,  à 
mesure  qu'on  s'élève  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  et  que, 
sans  changer  de  latitude,  tout  en  continuant  à  recevoir  le  soleil 
pendant  le  même  temps  et  sous  un  même  angle,  on  a  d'autant 
plus  froid  que  Tallitudc  est  plus  grande.  Une  ascension  équivaut 
donc  à^un  changement  de  latitude  vers  le  nord.  D'après  Flam- 
marion, la  température  décroît  en  moyenne  de  -f  i*»  par  189™;  les 
modificalions  apportées  dans  l'organisme  des  êtres  vivants  par  le 
milieu  atmosphérique  s'échelonnent  donc  dans  le  même  sens 
du  pied  d'une  montagne  à  son  sommet  que  de  l'équateur  au 
pôle. 

C'est  ce  que  le  professeur  Martins  a  bien  démontré  pour  le  mont 
Venteux,  qui  s'élève  brusquement  à  1941™  au  milieu  de  la  plaine 


•  • 


•  •  '    •  •      •         •  I . 

•  •  •  •  •      •         •  " 


(te  Pro*en«,  entre  Carpenlras  el  Avignon  i  tandis  que  la  tempéra- 
ture itioyrnno  de  la  plaine  est  de  +  13",  celle  du  sommet  du 
Wnluux  n'est  que  de  +  2°  ;  autrement  dit,  landis  que  la 
Irnifiérature  moyenne  de  la  plaine  est  celle  de  Venise ,  celle  du 
sommet  est  cclls  que  nous  offre  la  Laponie  pnr  R0°  de  lat.  N. 
Mi>n(«r  nu  Ventoui.  cela  équivaut  donc,  au  point  de  vue  de  la 
lempéralure,  à  un  déplacement  d'une  Tîn^taine  de  degrés  en 
btitudc.  Qu'en  résulte-t-ilî  C'est  qu'au  pied  de  la  montagne  et 
jUKiu'i  SOO*  on  trouve  le  Pin  d'Alep,  l'Olivier;  puis,  jusqu'à 
1  ISO",  le  Buis,  le  Thym,  la  Uvande  ;  de  lA  à  ir>()0°>,  le  Hêtre  ;  de 
IG60à  18I0",  le  Pin  de  montagne;  à  partir  de  ce  point  Jusqu'au 
baut,  la  végétation  de  la  Laponie  :  plus  d'arbres,  plus  d'arbris- 
icaui,  des  lichens  !  les  quelques  plantes  élevées  qui  subsistent  â 
relie  hauteur  sont  des  plantes  ruiines.  Dans  les  Mlj^'lteiries,  tandis 
qu'au  bas,  des  arbres  de  SO"  de  haut  forment  des  Torêts  impéné- 
trahlrt,  au  milieu  desquelles  s'épanouit  la  végétation  parasite  des 
orchidées,  on  trouve  dans  le  haut,  au  bout  d'une  heure  de 
marche,  la  végétalion  des  Alpes  et  du  Jura  :  renoncules,  vio- 
lette, an  émoncs,  millepertuis,  potentille,  gentiane. 

L4  tnèine  espèce  subit,  sur  les  hauteurs,  des  Iransformations 
ipii  ont  suffi  psrrois  à  déterminer  les  botanistes  à  créer  des  es- 
pièces  dilTérentes  :  le  genévrier  de  la  plaine  se  transforme,  par 
iti  nuance»  insensibles,  en  genévrier  nain  de  la  montagne;  le  pin 
tvIvcHtrr  xp  iran^onne  inseniiiblement  en  pin  de  montagne.  Gas- 
loo  Bonnier  a  profilé  récemment  d'un  voyage  qu'il  a  Tait  en  Au- 
tridie  et  en  Hongrie,  pour  constat/;r  les  niodili  cation  s  que 
prèMnte  une  mAne  rjijiiw,  lorsqu'on  se  déplace  en  altitude.  A 
OKsoNqu'il  s'élevait  Jl  voyait  apparaitrepInaTréquemment  la  colo- 
rose,  chci  les  Oeurs  ordinairement  blanches  et  peu  colo- 
:  il  a  constaté  au  microscope  que  cela  tenait  à  l'augmenta- 
ilnnombre  des  grains  du  pigment. 
>CMte  nodiGcatinn  de  la  température  par  l'altitude  a  été  depuis 
iOQgtenttn  exploitée  par  l'homme  dans  les  pays  chauds,  où  l'on 
se  rtfugifl  sut  les  hauteurs  pour  éviter  la  trop  grande  chaleur. 
Ces*  ainsi  qu'il  Mexico,  par  9277"  d'altilude  et  par  19°  de  lat- N., 
la  température  moyenne  est  de  -|-  17",  alors  que,  à  la  même 
Latitude,  mais  presque  au  niveau  dn  la  mer,  la  Vera-Cruz  pos- 
sède une  température  moyenne  du  +  26".  Par  3*"  lat.  N.,  V-th, 
ta  capitale  du  Thilifi,  à  3303"  d'altilude,  possède  une  rooNcnuti 
■//(■  Ue-h6'.l0,  tandis  que,  pour  ia  niéine  laUludc,mttisa.o 


5i  L  ATMOSPHÈRE.  # 

nîTeau  de  la  mer,  la  température  annuelle  serait,  en  moyenne, 
de  H-  22». 

Cest  par  suite  de  cette  action  de  Taltitude  sur  la  température 
que  nous  voyons  s'établir  dans  les  pays  chauds  des  refuges  pour 
les  malades  et  les  convalescents  :  le  Sanatorium  du  camp  Jacob, 
aux  Antilles,  ceux  des  Nilgherries,  dans  Tlnde  anglaise,  tel  que 
le  Sanatorium  d*Ootacamund,  à  une  altitude  de  2!260",  dont  la 
température  moyenne  est  de  + 15®.  On  voit  d'ailleurs  que,  dans 
la  plu|>art  des  pays  chauds,  les  conquérants  qui,  naturellement, 
prennent  la  part  qui  leur  convient  le  mieux,  laissent  le  peuple 
conquis  sur  la  côte  insalubre  et  gardent  pour  eux  les  montagnes  : 
ainsi  ont  fait  à  Madagascar  les  Howas,  qui ,  conquérants  de  Tile, 
habitent  uniquement  le  centre  montagneux;  inversement,  dans 
les  pays  froids,  en  Laponie  par  exemple ,  les  populations  ne  peu- 
vent s'agglomérer  et  devenir  sédentaires  qu'au  niveau  et  au  bord 
même  de  la  mer,  tandis  que  celles  de  Tintérieur  sont  condamnées 
à  la  vie  nomade,  obligées  de  changer  de  niveau,  au  gré  des  sai- 
sons, pour  ne  pas  dépasser  un  minimum  de  température.  C'est 
dans  le  même  but  que  se  sont  faites  certaines  migrations  des 
animaux  :  ainsi  les  animaux  qui  vivaient  en  France  à  l'époque 
glaciaire  ont  émigré  les  uns  vers  le  pôle,  les  autres  sur  les  hau- 
teurs mêmes  de  la  France. 

Action  de  raltitade  snr  la  Tapenr  d'ean.  —  La  tempé- 
rature ne  diminue  pas  seule  à  mesure  que  l'altitude  augmente; 
par  cela  môme  qu'il  fait  moins  chaud,  lair  se  trouve  saturé  avec 
une  moins  grande  quantité  de  vapeur  d'eau  ;  l'air  des  hauteurs  est 
donc  plus  sec  que  celui  des  plaines  ;  il  est  encore  plus  sec  au  niveau 
des  neiges  éternelles,  puisque  là  toute  la  vapeur  d'eau  contenue 
dans  l'air  se  solidifie  ;  c'est  ainsi  que,  alors  qu'à  la  Vera-Cruz 
l'hygromètre  marque  85°  ou  1*0°,  sur  le  Popocatepelt,  par  5  400" 
d'altitude,  près  de  Mexico^  il  ne  marque  plus  que  25*. 

Dlminniioii  de  la  pression  atmosphérique.^  L'altitude 
a  une  conséquence  plus  importante  encore  que  celles  que  nous 
venons  de  voir  :  je  veux  parler  de  la  diminution  de  la  pression 
atmosphérique. 

Ce  mélange  d'azote,  d'oxygène  et  aussi  d'un  peu  d'acide  carbo- 
nique^ qui  constitue  notre  atmosphère,  est  pesant  ;  nous  n'en 
sentons  pas  le.  poids,  parce  que  nous  n'avons  jamais  vécu  sans 
lui,  mais  il  n'en  est  pas  moins  réel,  il  s'exerce  sur  toute  sur- 
face, et  chacun  sait  que  ce  poids,  qui  servit  àTorricelli  à  construire 


PHESSION   ATMOSPHÉ BIQUE. 

n  baromètre,  esl  i-gal.  pour  une  surface  doniicc,  à  une  colonne 
il«  inercure  Je  mèuie  suifucc  et  de  76  centimôlies  de  hauleur. 
0",76,  c'est  Id,  en  elTt:!,  la  hauteur  du  tiaromètre  au  Iwrd  de  la 
rr;  mais  plus  on  manie  el  moins  on  a  d'air  au-dessus  de  soi, 
I  la  cttlonne  barométrique  descend  ;  c'est  ainsi  qu'où  peut, 
s  une  formule  donnée  par  Laplace,  mesurer  la  hauteur  des 
içnes  d'après  l'abaissement  du  baromètre. 
ique  être,  au  niTeau  de  la  mer,  porte  donc,  sur  chaque  cen- 
jliln;  carre  de  sa  surrace,  un  poids  égal  à  celui  d'une  colonne 
KTcure.dc  I  cenlimétre  carré  de  diamètre  et  do  7e  centimètres 
uteur  ;  ce  poids  est  supérieur  à  1  kilogramme.  Or,  comme 
il  peut  estimer  ù  plus  de  15000  centimètres  carrés  la  surface 
^ioppi!e  du  cor|is  d'un  homme  adulte,  il  s'ensuit  que  chacun 
supporte,  parle  Tait  même  du  poids  de  l'air,  au  bord 
lu  mer,  un  poids  égal  â  200OO  kilogrammes.  L'enveloppe 
ipliérique  exerce  donc  sur  dos  tissus,  à  la  fai^on  d'une  cein- 
I,  aat  compression  mécanique  dont  nous  nous  passons  dinî- 

iRleiODS-nous  sur  une  montagne  de  4000"  h  SOOO".  Lit,  U 

miK  du  baromètre  aura  baissé  de  moitié  :  au  lieu  de  marquer 

I^W,  comme  au  bord  de  la  mer,  il  n'en  marque  plus  que  0°>,38. 

■poids  de  l'air  sera  donc  moitié  moindre,  et,  au  lieu  d'être  égal, 

r  la  surrace  totale  du  corps,  à  30  000  kilogrammes,  il  ne  sera 

•  que  de  10000  kilogrammes.  Descendons  au  contraire  au  Tond 

'ft  mer  ;  Il  nous  faudra  supporter  non  seulement  le  poids  de  la 

POG  d'air  qui  esl  au-dessus  de  la  mer.  mais  le  poids    d'une 

Kine  d'eau  salée  qui  aura  pour  largeur  la  surface  totale  de 

:  corps  et  pour  hauteur  une  mesure  variable  selon  lapro- 

leur  du  fond  où  nous  nous  supposons,  ^pendant  ce  poids 

e  :  poids  de  l'air  +  poids  de  l'eau,  tous  les  êtres  marins  le 

teat.  Nous  pouvons  donc  entrevoir  déjà  quelles  diirerences, 

rait-ce qu'au pomt  de  vue  de  lapression.implique  pour  uu  être 

it  riiabitat  aérien  ou  marin.  La  sélection  a  lellemeiit  habitué 

^  êtres  marins  â  ce  poids,  que,  du  moment  ou  il  vient  à  aug- 

ter  ou  à  diminuer,  ils  changent  de  niveau  autant  qu'ils  le 

at:  n  la  pression  augmente,  ils  montent-,  si  elle  diminue, 

eendent,  de  manière  à  supporter  toujours  une  pression  à 

|l  prte  égale. 

uboaaieT,  ifui  s'occupe  de  pisciculture  avec  tant  de  comvt- 

seel  de  so/i/s.  amoniré.  en  elTvt,  un  pliênoraènc  bien  cutwM*-  "■ 


:^4  L*ATM08PHÈRB. 

au  inoiiieiu  du  frai,  alors  que  les  poissons  mâles  sont  remplis  de 
ct's  uia^ises  énormes  de  laite  que  tout  le  monde  a  vues,  alors  que  les 
femelles  sont  remplies  de  grappes  énormes  d'œufs,  Tabdomen  des 
uns  et  des  autres  est  gonflé  outre  mesure.  Ces  animaux  éprouvent 
alors,  en  sus  de  la  pression  de  dehors  en  dedans,  qu'ils  supportent 
au  fbnd  des  eaux,  une  autre  pression,  celle-là  de  dedans  en  dehors, 
qui  obstrue  les  vaisseaux  sanguins  et  gène  la  circulation.  Que 
taire  pour  échapper  à  cette  double  pression  qui  les  écrase?  Mon- 
ter! lis  montent  et  diminuent  ainsi  la  pression  de  dehors  en 
dedans.  Les  harengs  montent  en  pareil  cas  à  la  surface  de  la  mer 
et  Ton  appelle  cela  le  passage  des  harengs,  alors  que  c'est  en 
réalité  la  montée  des  harengs  ;  quand  ils  sont  déchargés  de  leur 
laite  et  de  leurs  œufs,  ils  redescendent  pour  retrouver  la  même 
pression.  Certains  poissons  ne  se  contentent  pas  de  monter  à  la 
surface,  mais  ils  choisissent  une  eau  moins  lourde,  moins  dense 
et  qui  ajoute  au  poids  inévitable  de  la  colonne  d*air  un  poids  d'eau 
moins  considérable.  Ils  échangent  Teau  salée  contre  l'eau  douce^ 
et  remontent  le  cours  des  fleuves.  Une  fois  la  période  du  fhii  ter- 
minée, une  ceinture  de  pression  leur  redevient  nécessaire,  comme 
à  quelques  femelles  de  mammifères,  lorsqu'elles  viennent  d'expul- 
ser le  contenu  de  leur  matrice,  et  ils  regagnent  Teau  salée, 
comme  tout  à  l'heure  nous  avons  vu  les  harengs  regagner  les  bas- 
fonds  de  la  mer. 

Cette  compression  en  quelque  sorte  mécanique  de  la  part  du 
milieu  est  un  fait  tellement  nécessaire  à  l'animal  qui  y  est  accou- 
tumé, que,  pour  acclimater  des  pois>ons  d'eau  de  mer  à  l'eau 
douce,  ou  inversement,  il  ne  s'agit  pas,  comme  on  aurait  pu  le 
croire  au  premier  abord,  de  changer  petit  à  petit  les  conditions 
chimiques  de  Tcau  en  valant  Teau  douce  ou  en  diminuant  la 
salure  de  Peau  de  mer  ;  il  suffit,  pour  les  poissons  de  mer,  d'aug- 
menter la  densité  de  l'eau  douce,  au  moyen  de  substances  inertes, 
sans  qualités  chimiques.  Paul  Bert  a  pu  faire  vivre  ainsi  des 
poissons  de  mer  dans  l'eau  douce. 

L'action  physique  et  mécanique  de  la  pression  atmosphérique 
n'est,  d^ailleurs^  nulle  part  mieux  démontrée  que  dans  la  ven- 
touse; on  voit  alors  que  là  où  la  pression  diminue  localement,  les 
liquides  de  Torganisme  tendent  à  s'épancher  en  dehors  ;  c'est 
ainsi  que  les  aéronautes  qui  s'élèvent  assez  haut  dans  l'atmos- 
phère pour  voir  la  pression  diminuer  notablement,  sont  pris 
d'épistaxis;  cCest  pour  la  même  raison  que  dans  l'Asie  centrale  les 


PRESSION    ATMOSPHÉRIQUE.  i$ 

jacksqui  vivent  à  4  000  mètres  d'altitude  crachent  du  sang  lors- 
qu'on les  poursuit  avec  trop  d'insistance  et  qu'ils  se  livrent  à  une 
course  trop  rapide  ;  mais  ces  phénomènes  mécaniques  ne  sont  pas 
les  seuls  qu'il  soit  donné  d'observer;  à  eux  se  viennent  joindre 
des  phénomènes  d'ordre  chimique  et  physiologique  sur  lesquels  il 
nous  faut  maintenant  insister. 

Mal  des  m«iitacB«*-  —  H  suffît,  pour  ressentir  ces  phéno- 
mènes, de  gravir  une  haute  montagne.  On  pourrait  donc  croire 
que  les  hommes  les  ont,  de  tout  temps,  bien  connus.  Ce 
serait  une  erreur.  L'amour  pour  les  montagnes  parait  être,  d'ai- 
lears,  un  sentiment  assez  moderne,  en  quelque  sorte  contempo- 
rain du  touriste,  variété  humaine  qui  n'existait  pas  alors  que  les 
communications  étaient  difficiles.  Les  grandes  migrations  de 
peuples  ont  toujours  suivi  les  cours  d'eau,  par  conséquent  les 
fallées;  la  population  immigrante  se  bornait  dans  les  régions 
tempérées,  car  j'ai  fait  plus  haut  une  exception  pour  les  pays 
chauds,  à  contourner  le  massif  montagneux  où  se;  retranchait  la 
population  envahie,  qui,  elle^  habituée  aux  phénomènes  physio- 
logiques provoqués  par  la  montagne,  ne  les  éprouvait  que  peu  et 
s'en  étonnait  moins  encore. 

Cependant  les  Chinois,  ce  peuple  qui  semble  avoir  tout  inventé, 
parce  qu'il  a  de  bonne  heure  tout  enregistré,  n'avaient  pas  été 
sans  s'aventurer  sur  les  hauts  plateaux  de  l'Asie  centrale.  En 
WJ  de  notre  ère,  le  Chinois  Hiouen-Thsang  consigne  sur  ses  notes 
que  sur  les  hautes  montagnes  de  ce  pays,  on  éprouve  des  maux 
de  cœur  et  des  maux  de  tète;  mais  il  n'en  cherche  pas  le  motif. 
Bien  plus  tard,  au  seizième  siècle,  les  conquérants  du  Mexique,  à 
5420  mètres,  bien  qu'habitués  aux  fatigues,  furent  tout  surpris 
de  leur  peu  de  vigueur  ;  il  en  fut  de  même  dans  les  Andes  de 
PÂmérique  du  Sud;  mais  ces  hardis  aventuriers  n'étaient  pas 
fenus  avec  l'intention  d'étudier  la  nature;  les  mines  seules 
avaient  le  don  de  les  intéresser  dans  ces  paysages  d'un  monde 
nouveau,  et  comme  ils  avaient,  précisément  au  moment  de  leurs 
grandes  fatigues  dans  les  montagnes,  rencontré  des  mines  d'anti- 
moine (sorroche,  en  espagnol),  ces  naïfs  brigands  ne  doutèrent 
pas  que  ce  fussent  les  vapeurs  de  l'antimoine  qui  déterminaient 
les  maux  de  tète  et  les  maux  de  cœur  ;  ils  donnèrent  donc  le 
nom  de  sorroche  aux  phénomènes  présentés  sur  les  montagnes 
par  les  bêtes  comme  par  les  gens.  Chacun  de  nous  a  tellement 
iliabiiude  de  tout  rapporlerà  robjet  de  ses  préoccupallous,  cv\Jl>WV 


la  l'atmosphère. 

Chinoi»qui,lui,  recherchait  des  plantes  médicinales,  trouva^  dans 
VAnÏG  centrale,  à  ce  que  nous  nommons  aujourd'hui  le  mal  des 
motUtufticti»  une  explication  différente,  mais  analogue.  Il  avait 
6U\  frappé  par  l'abondance  de  la  rhubarbe  dans  les  monta- 
gne» de  TAsie,  et  il  avait,  dès  lors,  cru  trouver  la  cause  du  phé- 
noni(;ne  dans  les  vapeurs  de  la  rhubarbe.  Cest  là  une  façon  de 
rainonner  qu^on  retrouve  plus  d*une  fois  dans  Phistoire  des 
mv.nvAiH\  tant  il  est  vrai  que  l'esprit  humain -suit  partout  les 
niénieN  errements! 

Opendaiit,  en  i890,  un  jésuite,  Acosta,  avait  trouvé  laTéri- 
tabli!  (explication.  «  L*élément  de  Tair  est,  dit-il,  si  subtil  en  ce 
44  lieu  (l'Asie  centrale),  qu'il  ne  se  proportionne  pas  à  la  respira- 
A  tion  humaine,  laquelle  le  requiert  plus  gras  et  plus  tempéré, 
«  combien  que  l'air  y  est  froid;  néanmoins,  ce  froid  n'ôte  pas  Tap- 
f  petit  de  manger;  ce  qui  me  fait  croire  que  le  mal  qu*on  en 
«  re^'oli  virnt  de  la  qualité  de  Tair  qu'on  y  respiré,  d  Notons  qu'à 
IV*poi|ue  où  AcoHta  parlait  ainsi,  Olto  de  Guérick,  qui  devait  dé- 
niunlrer  lu  pesanteur  de  Tair,  n*élait  pas  encore  né;  Torricelli 
n*avait  donc  pas  encore  construit  son  baromètre;  Pascal  n'avait 
puM  fait  H(*s  expériences  de  la  tour  Saint-Jacques;  Priestley  et  La- 
voiftier  n'avaient  pas  découvert  l'oxygène  et  montré  son  rôle  dans 
la  respiration;  enfln  on  ignorait,  par  conséquent,  la  loi  de  Ma- 
riotte  :  «  LV'space  occupé  par  Tair  atmosphérique  est  en  raison 
0  même  des  poids  qui  le  compriment.  »  Ce  jésuite  avait,  il  faut 
l'avouer,  fait  preuve  d'une  rare  sagacité.  Les  travaux  de  de  Saus- 
•ure,  de  Humholdt,  de  Bonpland,  de  Martins,de  Bravais,  ont  con- 
firmé ses  vues,  et  nous  savons  aujourd'hui  que  le  mal  des  mon- 
tagnes est  causé  par  la  rari^ faction  de  l'air. 

Comment  agit  cette  raréfaction?  On  reçoit  moins  de  chaleur, 
puisque  l'altitude  diminue  la  température;  lair  étant  plus  sec 
(nous  avons  vu  plus  haut  pourquoi),  son  pouvoir  diathermane  est 
plus  grand  ;  le  rayonnement  est  donc  plus  actif;  autrement  dit, 
non  seulement  on  reçoit  moins  de  chaleur,  mais  on  en  perd  da- 
vantage. De  plus,  on  en  fait  moins.  En  efTety  la  chaleur  se  fait 
avec  de  l'oxygène;  or,  l'oxygène  existe,  il  est  vrai,  dans  Pair  ra- 
réûé  au  même  titre  qu'au  bord  de  la  mer  (21  volumes  d'O.  pour 
79  volumes  d'Az.);  mais  Tair  des  hauteurs  n'étant  plus  comprimé 
par  l'air  qui  l'entoure^  se  dilate,  car  les  gaz  se  dilatent^  se  diiïu- 
.sent  à  l'infini  ;  l'air  est  donc,  pour  un  même  volume,  moins  abon- 
dant qu'en  bas.  Chaque  litre  inspiré  contient  moins  d'air,  et. 


PRESSION   ATMOSPUËRIOUE.  &7 

comme  la  capacité  pulmonaire  ne  change  pas,  chaque  respiration 
un  entrer  moins  d'air  dans  les  poumuns. 

Voilà  Im  cunclusions  auxiiuelles  on  s'arrêtail  jusque  dans  ces 
dcnitères  années;  elles  suffisent,  d'ailleurs,  pour  le  nioraenl,  pour 
OOfQlifvndn;  le  mat  des  montagnes.  Comme  pour  parer  à  ce  déraut 
Air.  la  mpiralion  se  fait  plus  fréquente,  plus  profonde;  niais 
ttft  cITorls.  chez  un  bomme  nouveau  venu  dans  la  montagne,  de- 
inrorrjft  impuissants;  le  poumon  ne  saurait  augmenter  brusque- 
■ent  &a  capueilË  ;  la  face  du  touriste  devient  donc  noire  ;  ei,  pour- 
IêbI,  forcé  de  gr&vjr  des  pentes  rapides,  il  a  besoin  de  faire  des 
Cflbrts  musculaires  considérables;  il  doit  fournir  une  somme  con- 
sidérable de  force  motrice.  Ea  eflet,  le  touriste  qui  monte  a 
d'abord  davantage  à  lutter  contre  la  pesanteur  que  l'homme  qui 
niarcbe  du  in£mc  pas  sur  un  terrain  plat;  lise  trouve,  en  outre, 
daus  des  coiiditiuns  spéciales  par  suite  de  cette  loi  de  physique  : 
Tout  corps  baigné  clans  l'air  perd  de  son  poids  un  |H)ids  égal  à 
celui  du  volume  d'air  qu'il  déplace. 

En  Tertu  de  celle  loi,  si  le  Doiticu  où  vit  un  animai  est  très 
dojise.  cet  animal  perd  de  son  poids  une  portion  considérable  ;  il 
se Iroutedoncallégé d'autant;  c'est  pourcela  que  nousuvons moins 
d'efTuris  faire  pour  nager  que  pour  marcher,  et  pour  nager  dans 
l'eau  de  mer  moins  que  pour  nager  dans  l'eau  douce;  l'eau  de  mer 
ivutienl,  comme  disent  les  baigneurs.  C'est  pour  cela  que  les  ani- 
maux aériens,  même  terriens,  ont,  en  général,  des  organes  \iico- 
moteurs  plus  compliqués  que  les  animaux  aquatiques.  Au  con- 
tnire,  si  le  milieu  où  vit  un  animal  est,  comme  l'air  de  plus 
en  plus  raréDé  des  hauteurst  de  moins  en  moins  dense,  le 
poids  duut  cet  animal  se  trouve  diminué,  son  volume  étant  inva- 

mUe,  est  de  moins  eu  moins  considérable;  à  mesure  qu'il  monte, 

((«tiitual  devient,  en  réulilé,  de  plus  en  plus  lourd,  et  il  a  be- 
ivoir  SCS  membres,  d'un  effort  musculaire  plus  con- 
fie que  celui  qui  suffisait  au  bas  de  la  montagne.  Voilà 
rqooi  l'ascensionniste  en  montagnes  se  trouve  dant  la  néces- 
t  de  fatinquer  une  force  motrice  énorme. 
)r>  celte  force  nmlrice,  il  ne  la  crée  pas  de  toutes  pièces;  il  la 
Iduit,  par  voie  de  transformation,  en  brûlant  le  carbone  de  ses 
u  avec  l'oiygéiie  que  l'air  raréfié  lui  fournit  si  parcimonieu- 
WDt;  maigre  ce  défaut  de  matière  comburante,  il  brùlc  néan- 
■■■>■>  le  plus  ijit'JI  peut,  sa  matière  conibusliblc,  c'esV-ii-A*Te  w;% 
m,  et  Sil/riquc danfuaalilts  cotmdcïM<ti  d'acide  caT^wvvwVi^ ■ 


SI  l'atmosphère. 

Mais  cet  acide  carbonique  est  un  poison  ;  le  voyageur  a  beau  eia- 
gérer  la  fréquence  de  sa  respiration,  il  ne  suffît  pas  à  éliminer 
par  Tcipiration,  Pacide  carbonique  quUl  fabrique;  ce  gaz  s'accu- 
mule donc  dans  le  sang;  il  paralyse  les  muscles,  qui,  sous  son 
influence,  cessent  de  se  contracter;  il  éprouve  alors  cette  fatigue 
qui  avait  frappé  le  voyageur  chinois  en  quête  de  rhul>arbe  et 
les  Espagnols  à  la  recherche  de  Tantimoine  ;  il  est  forcé  de  s'ar- 
rêter. 

Sitôt  qu'il  s'arrête,  sitôt  que  la  plus  grande  partie  du  travail 
musculaire  cesse,  la  fabrication  d'acide  carbonique  cesse  d*étre 
exagérée,  et  la  respiration,  encore  accélérée,  peut  suffire  à  dé- 
barrasser le  sang  d'une  partie  de  l'acide  carbonique  en  excès  ;  il 
repart  alors.  Mais  Texcès  d'acide  carbonique  ne  tarde  pas  à  se 
manifester  de  nouveau  ;  le  repos  va  encore  débarrasser  le  sang 
d*une  partie  de  cet  excédent,  mais  moins  complètement  que  la 
première  fois  ;  si  bien  qu'au  bout  d'un  certain  temps,  à  une  cer- 
taine altitude,  le  mal  des  montagnes  est,  en  réalité,  une  véritable 
intoxication  par  l'acide  carbonique. 

li'après  ce  ({uc  je  viens  de  dire,  on  devine  que  plus  le  voya- 
geur est  chargé,  plus  vite  il  est  pris  par  le  mal  des  montagnes. 
Ainsi,  pendant  la  guerre  du  Mexique,  au  passage  des  Cumbres, 
par  1 000  mètres  d'altitude  seulement,  le  95*  de  ligne,  dont  les 
hommes  étaient  plus  chargés  que  ceux  des  autres  régiments,  fut 
fort  éprouvé  :  il  se  produisit  des  épistaxis  et  même  des  hémor- 
rhagies  cérébrales. 

Les  symptômes  sont  alors  les  mêmes  que  ceux  qui  sont,  chaque 
année,  déterminés  chez  les  vignerons  par  le  gaz  qui  s'échappe 
de  la  cuve  de  vendanges  :  maux  de  tête,  étourdissemcnts,  titu- 
bâtions,  mal  de  cœur,  nausée,  vomissement,  à  la  fin  syncope,  in- 
sensibilité, délire  ou  coma. 

Le  cerveau  n'échappe  pas  à  cet  empoisonnement;  arrosé  par  un 
sang  trop  chargé  d'acide  carbonique,  il  cesse  d'élaborer  aussi  net- 
tement la  pensée  :  on  voit  ainsi  des  savants  qui  étaient  montés 
sur  un  pic  élevé,  pour  étudier  certains  phénomènes  déterminés, 
redescendre  sans  une  note  et  se  borner  à  écrire  sur  leur  carnet  : 
J'ai  tout  oublié;  note  négative,  mais  où  l'observateur,  devenu 
lui-même  objet  d'expérience,  donne  lui-même  la  mesure  des  phé- 
nomènes très  positifs  dont  il  a  été  victime!  La  moindre  pensée, 
c'est-à-dire  la  moindre  production  de  force,  consomme  trop  d'oxy- 
gène; le  peu  dont  dispose  l'économie  doit  être  employé  à  mouvoir 


PRESSION  ATMOSPHÉRIQUE.  59 

le  cœur  et  les  poumons.  Tel  ssYant  se  trouve  assez  bien,  que  le 
moindre  calcul  barométrique  plonge  dans  la  stupeur,  mettant 
ainsi  le  comble  à  l'empoisonnement  par  Tacide  carbonique  et  à  la 
pénurie  d*oxygène.  Ainsi  sont  morts  Sivel  et  Crocé-Spinelli,  as- 
phyxiés par  leur  propre  sang,  qui  était  devenu  toxique,  et  oubliant 
.  même,  tant  leur  oenreau  était  lui*méme  empoisonné,  de  respirer 
les  ballons  d*oxygène  qui  les  auraient  sauvés  de  la  mort,  et  qu'ils 
avaient  emportée  dans  ce  but  même. 

Ces  troubles,  d'origine  chimique,  se  compliquent,  d'ailleurs,  de 
phénomènes  physiques  analogues  à  ceux  que  nous  avons  vus  plus 
haut  chez  les  poissons,  et  à  ceux  qui  se  produisent  localement  dans 
■ne  ventouse;  le  sang,  que  ne  retient  plus  dans  les  vaisseaux  le 
poids  de  20  000  kilos  dont  je  parlais  plus  haut,  tend  à  en  sortir.  Au 
lieu  que  ce  soit  la  paroi  du  vaisseau  qui  presse  sur  le  sang,  e^est 
lui  qui  refoule  la  paroi  de  dedans  en  dehors;  les  battemenis 
du  cœur  se  précipitent.  Parrot,  sur  lui-même,  a  constaté  : 

Au  bord  de  la  mer 70  puis. 

A  iOOO  mètres 75 

1500      —     82 

2  000      —     90 

S500       —     95 

3000       —     100 

3500       —     105 

4000       —     110 

Un  autre  observateur,  Lortet,  a  compté  sur  lui-même  égale- 
ment : 

A  Chamonix  (1 000") 64  puis. 

Aux  Granda-Mulets  (3  050") 116 

—  (4556") 136 

Sommet  du  mont  Blanc  (4 810"). . . .  172 

On  devine  que,  dans  un  air  raréfié,  la  tension  du  sang,  c'est- 
à-dire  la  force  qui  le  refoule  dans  les  vaisseaux,  doit  diminuer; 
c'est,  en  effet,  ce  qui  a  lieu,  et  le  sphygmographe  indique  une 
diminution  progressive  de  la  tension  cardio-vasculaire,  à  mesure 
que  l'altitude  est  plus  considérable. 

A  quelle  hauteur  commence  le  mal  de  montagne?  Il  semble  dif- 
ficile de  répondre  à  cette  question  d'une  façon  précise.  Va  \\wv- 
teur nécessaire  eisu/Rsante  pour  produire  les  phénomeues  v^uVY^ 


60  l'atmosphérb. 

caractérisent  varie,  en  effet,  avec  Tétat  d*un  même  individu,  avec 
la  race,  avec  Pespèce  ;  elle  varie  également  suivant  les  régions, 
et  même  suivant  les  passes  d*une  même  montagne. 

En  général,  le  mal  de  montagnes  apparaît  chez  Thomme  vers 
3  000  mètres.  Dans  les  Pyrénées  et  dans  les  Alpes,  la  hauteur  varie 
entre  3  000  et  3  500  mètres  ;  sur  les  volcans  du  Pacifique,  le  mal 
ne  commence  guère  qu'à  4  000  mètres;  au  Mexique,  entre  i  500 
et  5  000  mètres. 

11  est  assez  étrange  de  voir,  ainsi  que  je  le  disais  tout  à  l'heure, 
certaines  passes  de  montagnes  donner  d'une  manière  en  quelque 
sorte  spéciale  le  mal  de  montagnes.  11  faut  avouer  que  cela  était 
bien  fait  pour  donner  une  apparence  de  raison,  à  ceux  qui 
croyaient  à  la  présence  d'un  air  pestilentiel,  qui  s'échapperait  de 
tel  ou  tel  point  de  la  montagne.  11  existe  dans  les  Andes  un  cer- 
tain endroit  où  se  sont  amoncelés  tant  de  cadavres  de  mulets  et 
do  chevaux  tués  par  le  sorroche,  que  ce  passage  porte  le  nom 
d'nlln  dr  hts  hwsos,  la  hauteur  des  squelettes,  le  pas  des  Squelettes, 
comme  un  dirait  chez  nous.  Cette  facilité  avec  laquelle  une  mon- 
tagne donne  plus  facilement  qu'une  autre  les  phénomènes  de  l'al- 
titude tient,  en  réalité,  à  la  nature  plus  ou  moins  abrupte  des 
pentes  par  lesquelles  a  dû  passer  le  voyageur  :  le  mal  de  mon- 
tagnes apparaît  moins  vite  quand  on  monte  insensiblement,  par 
une  pente  douce,  que  lorsqu'on  monte  brusquement;  le  mal  peut 
ainsi,  si  la  configuration  d'une  montagne  est  abrupte  sur  un  ver- 
sant, en  pente  douce  sur  l'autre,  prendre  le  voyageur  à  l'aller  plus 
bas  qu'au  retour,  ou,  inversement  :  c'est  le  cas  des  voyageurs  qui, 
en  Asie,  vont  du  nord  au  sud ,  à  travers  l'Asie  centrale,  du  désert 
de  Gobi  dansl'Hindoustan,  par  l'Himalaya;  ils  sont  moins  exposés 
que  ceux  qui,  revenant  du  midi  au  nord,  vont  de  l'Hindoustan  dans 
le  désert  de  Gobi  ;  cela  tient  tout  simplement  à  ce  que  le  versant 
septentrional  de  l'Himalaya  est  en  pente  douce,  tandis  que  le  ver- 
sant méridional  est  abrupt. 

La  rapidité  de  l'ascension  propre  aux  aéronautes  pourrait,  d'a- 
près ce  que  je  viens  de  dire,  faire  penser  que  le  mal  des  hauteurs 
les  attaque  de  bonne  heure;  mais  il  n'en  est  rien,  parce  que 
Taéronaute  ne  fait  que  peu  de  dépense  de  combustible  ;  il  ne 
fabrique  pas  autant  d'acide  carbonique  que  le  piéton;  aussi  peut- 
il  monter  impunément  beaucoup  plus  haut. 

11  est  permis,  en  présence  des  faits  que  je  viens  d'énumérer,  de 
s'étonner  de  voir  tant  de  populations  actives  fixées  sur  les  hau- 


^Ttni 


PnESSION   ATHOSPHÉRIOUB. 


ITS,  en  Asie  ceolrale,  au  Meiique,  en  Abjssinic  ei  ailleurs  en- 
ciire.  Comntenl  des  combats  acharnés  ont-ils  pu  avoir  lieu  dans 
Jï  pareilles  cooditions!  Cotnment  des  Temmes  peu  ven  [-elles  dan- 
ser (lendanl  toute  une  nuit,  à  Quilo  ou  à  Polosi,  à  une  altitude 
luâsure  se  trouvait  mal?  C'esl  là  un  point  bien 

inr  les  aliliadea.  —  Les  populations  iixées  sur 
y  hauteurs  sont  nombreuses.  Dans  le  Pùrou  et  dans  la 
I  ne  compte  pas  moins  de  SS  localités  impurtanles 
s  entre  2 000  et -2^00  mèlres;  ou  en  compte  13  à  3  000  më- 
fi;  entre  3  000  et  3  500  mètres.  H;  42  enlre  3  500  et  4  000  mè- 
(;  enfin  6Î  au-dessus  de  4  OOU  mètres.  Il  en  est  de  même  au 
kir]ue.  Dans  l'Asie  centrale,  les  bergers  khirg  bise  s  |>assentl'ctLS 
:  leurs  troupeaux  de  yacks  et  de  brebis,  sur  le  plateau  dl^ 
ir.i  une  hauteur  qui  va  jusffu'à  4750  mètres,  et  ne  redev- 
int dans  la  vallée  de  l'indoukousch  qu'à  l'approche  de  l'hi- 
it.  Llramme  peut  donc  vivre  dans  un  milieu  atmosphérique  peu 
Iprimé.  Mais  s'aeclimale-t-il  réellement?  Dans  le  cas  affirmalir, 
Bmwnl  se  fait  cet  accliinalement?  C'est  ce  que  nous  allons  e\a- 
ner. 

H  ;  a  déjà  longtemps,  Dorbigny  eipliqua  l'accoutumance  au\ 

Bllitudes,  cticz  les  Indigènes  du  Mexique  et  des  Andes,  en  disaul 

ijoe  leur  circonférence  thoracique  était  plus  grande  que  celle  des 

autres  hommes,  et  que  l'augmeDlnlbn  de  la  capacité  thoracique 

compensait  la  diminution  d'air,  et   par  conséquent  d'oi^gcne, 

s  un  volume  donné.  Coindet  confirma  celte  observation;    il 

nia  même  que,  chez  les  Européens    qui  s'acclimataient  au 

,  la  respiration  devenait  plus  Tréquente,  et  lu  poitrine,  à 

tugue,  plus  ample.  Malheureusement  pour  cette  théorie,  des 

ions  ultérieures  permettent  de    penser   que    les  iiidi- 

s  plaines  basses  du  .Ue];ique  et  ceux  des  plaines  basses 

r  Pérou,  qui,  les  uns  et  les  autres,  appartiennent  à  la  même 

t  qae  les  habitants  du  plateau  de  l'Anahuac  et  que  ceui  des 

»mme  eui,  dans  le  haut  comme  dans  le  bas  de 

elle  des  altitudes,  la  poitrine  plus  grande  quu  nous.  Il  est  vrai 

t  Jaccoud  affirme  que  le  nombre  des  respirations  et  leur  amjili- 

"e  augmentent  sur  l'EngadinejArmieui  a,  de  son  côté,  constaté 

•  augmentation  de  la  capacité  respiratoire  chez  les  inlirniicrs 

I  Barè(p»;  mais  loul  cela  serail-il  constant,  que  celle  aflï,vi,\aR- 

'  g  de  k  capacité  thoracique  ne  servirait  absoVumenl  a  ùea 


61  l'atmosphébb. 

et  n*aiderait  en  rien  les  races  américtines  à  s'habitiier  sur  les 
baateurs.  Voici  |)ourqaoi  : 

TeBsi«a  alai^sphéfli^aa.  —  Expérlcmees  de  P.  Bert.  — 
La  respiration  n  est  pas  on  phénomène  passif  qui  se  borne  à 
verser  Tair  dans  les  poumons;  cet  air  se  trouve»  dans  les  poumons, 
au  contact  des  globules  sanguins  ;  or,  ces  globules  arrivent  des 
veines  noirs,  chargés  d*acide  carlK>nique  ;  ils  se  déchargent  de  ce 
gaz  dans  le  poumon,  qui  Pélimine  parTeipiration.  Mais,  en  même 
temps,  les  globules  rencontrent  Toxyg^ne  de  Tair,  se  combineni 
avec  lui  et  retournent  dans  les  artères,  modifiés,  rouges,  chargés 
de  l'oxygène  qui  va  leur  permettre  d'entretenir  la  combustion  dans 
les  tissus. 

Or,  il  en  est  de  cette  combinaison  comme  de  toutes  celles  qoe 
la  chimie  nous  |)ermet  d'observer  :  elles  se  font  toutes  sous  une 
certaine  pression,  variable  pour  chacune,  comme  si  l'union  des 
deux  corps  qui  vont  se  combiner  avait  besoin  qu^une  certaine 
compression  les  poussât  en  quelque  sorte  Tun  sur  Pautre.  La 
combinaison  entre  l'oxygène  et  l^hémoglobine,  substance  fonda- 
mentale du  globule  sanguin,  a  besoin  de  la  pression  atmosphé- 
rique. Lorsque  cette  force  diminue  et  que  la  tension  de  Fair 
atmosphérique  diminue,  elle  devient  insuffisante  à  provoquer  la 
combinaison  de  Toxygcne  avec  le  globule,  de  telle  façon  que,  quand 
môme  le  poumon  respirant  plus  souvent  recevrait  de  l'air  plus 
souvent,  quand  même  la  poitrine  agrandie  recevrait  davantage 
d'air,  le  sang  ne  recevrait  jamais  que  de  Pair  à  la  même  tension, 
impropre  à  provoquer  la  combinaison  désirée.  La  diminution  de 
tension,  voilà  l'élément  important. 

L'importance  de  la  diminution  de  tension  ressort  des  belles 
expériences  de  P.  Bert,  pratiquées  dans  des  cloches,  dont  l'air 
était  presque  entièrement  décomprimé  et  passait  par  conséquent 
par  les  mômes  phases  que  Pair  atmosphérique  respiré  par  un 
voyageur,  qui,  partant  du  niveau  delà  mer,  s'élève  à  pied  ou  en 
l>allon  dans  les  hauteurs  de  Patmosphère.  L'analyse  du  sang  des 
animaux  enfermés  dans  ces  cloches  a  montré  à  Phabile  expéri- 
mentateur que  Phémoglobine  se  combinait  d'autant  moins  avec 
Poxvjîèno  que  la  pression  était  moins  forte;  la  quantité  d'oxygène 
contenue  dans  le  sang  diminue  donc  avec  la  pression.  Ainsi,  lors- 
que la  décompression  de  Pair  dans  la  cloche  correspond  à  une  alti- 
tude de  2000»,  le  sang  artériel  a  déjà  perdu  13  0/0  de  Poxy- 
qu'il  |K)ssède  à  la  pression  de  0<*,76  de  mercure  ;  —  à 


i'RESSlO»   ATHOSPBËRlOUi:.  ei 

JUÛO-,  il  a  perdu  2]  0/0;  —à  6500",  il  a  perdu  43  0/0;  — 
a  8  600",  puint  où  sonl  morts  Sivel  et  Crocé-Spinelli,  et  qui  cor- 
respond à  une  hauteur  barométrique  de  0",26  de  mercure,  il  a 
perdo  SO  0/0.  Enfin,  lorsque,  sous  la  cloche  où  P.  Bert  unTerinait 
DO  chien,  la  décompression  de  l'air  était  telle  que  le  mnnoméLre 
ne  nuquait  plus  que  0",n  de  mercure  au  lieu  de  0.76,  le  sang 
a*mlt  perdu  65  0/0  de  son  oij'gëni-,  et  le  sans  artériel,  qui  doit 
omtcnir,  pour  100  Tolumea  de  sang,  40  volumes  d'oiïgfine,  n'en 
conlenait  plus  que  7  volumes.  Quand  cette  diminution  ath-int  un 
cerUin  chiiTre  inrérieur,  variable  d'ailleurs  selon  les  espccc«  ani- 
milra,  le  sujet  en  expérience  succombe. 

Cet  eipériences  de  P.  Bert  ont  abouli  à  une  autre  conséquence 
bien  remarquable  :  dans  un  inéUnge  gazeux,  soumis  à  une  cer- 
lÛDC  teiuioQ,  la  tension  totale  n'est  que  la  somme  (lc«  tensions 
personnelles  de  chacun  des  gaz  composants.  En  outre,  la  tension 
de  cbaqne  gu  est  proportionnelle  au  volume  pour  lequel  ce  gaz 
HgUTC  dÂna  le  mélange.  Or,  l'air  des  montagnes  est,  comme  celui 
des  pUiDGS.  composé  de  10  volumes  d'azi^>tc  et  de  21  volumes 
d'oxygène.  Si  l'air  des  hauteurs  contenait  plus  d'oijgëne  que  celui 
des  pldioH,  il  arriicrait  que,  bien  que  la  tension  totale  Tût  dirai- 
nuée,  la  tension  propre  et  personnelle  île  l'oxygène  serait  angmcn- 
Jitt  et  on  éviterait  alors  tous  les'accidents  du  mal  des  montagnes. 
Km  ce  qu'a  réalisé  P.  Bcrl  : 

^pt  a  pu,  en  prenant  soin  d'augmenter  le  volume  proportionnel 
IpToiygéne  dans  l'air  de  ses  cloches,  à  mesure  que  la  tension 
tbounuait,  voir  les  animaui  résister  aux  elTets  de  décompi'ession. 
il  a  pu  lui-même  séjourner  dans  une  cloche  où  l'air  était  Irés 
décomprimé,  puisque  le  baromètre  était  tombé  de  0,70  à  0,2i. 
r'ot-.i-dirc  4  une  pression  équivalente  à  6000"  d'altitude.  Silût 
que  le»  accidents  cuui me n (aient,  il  respirait  de  roijgL-neetse  sen- 
tait immédiatement  rétabli. 

Les  itscensionnisles  en  montagne  ou  en  ballon  peuvent  donc 
échapper  nui  effets  de  la  raréfaction  en  rcapirani  de  l'oiYgéne, 
car.  bien  que  la  tension  totale  du  mélange  qu'ils  respireront  soit 
faible,  U  tension  propre  de  l'oijgfcne  sera  d'autant  plus  grande. 
le  volume  occupé  par  lui  dans  le  mélange  sera  plus  eonsidé- 
!.  Dans  leur  avaut-deniiêre  ascension,  Sivel  et  Spinelli  avaient 
grice  û  l'oxjgêne  qu'ils  avaient  emporté  avec  eux  dans  de 
bolluns,  affronter  [impunément  de  grandes  hauteurs  ;  si  la 
deroitre  asceoûon  eut  la  funeste  issue  que  l'on  sait,  c'en,  ainsi 


j.,»ielf 


J 


64  VaTMOSPHÉRB. 

que  je  Tai  dit  plus  haut,  qu'ayant  trop  attendu  pour  recourir  à 
Toxygène,  ils  avaient  perdu  connaissance,  au  moment  où  leur 
présence  d'esprit  était  le  plus  nécessaire. 

S'il  est  vrai  que,  dans  un  air  à  tension  diminuée,  il  suffit 
d'ajouter  de  roxygëne,  pour  que  la  tension  propre  de  cet  oxygène 
s'élève  assez  pour  suffire  à  la  respiration,  inversement,  dans  un 
air  à  tension  normale,  au  bord  de  la  mer,  il  suffit  que  la  quantité 
d'oxygène  diminue,  que  la  tension  de  ce  gaz  s'abaisse  par  consé- 
quent, pour  faire  éclater  les  mêmes  phénomènes  que  sur  les  hau- 
teurs. Ici  la  tension  totale  est  et  demeure  suffisante  ;  c'est  la 
tension  propre  de  l'oxygène  qui  diminue  et  devient  impropre  i 
déterminer  la  combinaison  avec  les  globules.  En  voici  un  exemple  : 
il  y  a  quelques  années,  en  Bretagne,  à  Huelgoat,  au  bord  et  au 
niveau  de  la  mer,  des  ouvriers,  en  pénétrant  dans  une  galerie 
de  mine  de  pyrite,  ressentirent  tous  les  effets  du  mal  des  mon- 
tagnes ;  c'est  que  Poxygène  de  l'air  de  la  galerie  s*était  combiné, 
non  avec  les  globules  du  sang,  mais  avec  la  pyrite;  l'air  de  la 
galerie  ne  contenait  plus  que  9  0/0  d'oxygène,  au  lieu  de  21  ;  la 
tension  de  l'air  était  toujours  de  0,76,  mais  celle  de  l'oxygène 
n'était  plus  à  peu  près  que  ce  qu'elle  eût  été  dans  un  air  de  com- 
position normale,  mais  à  6000"*  d'altitude. 

Anoshémie  des  haateara.  Joordaaet.  —  11  ressort  de  ce 
que  je  viens  de  dire  de  l'inutilité  de  tout  effort  compensateur  du 
poumon,  pour  remédier  au  défaut  de  tension  de  l'oxygène,  que 
les  populations  des  altitudes  sont  vouées  fatalement  à  un  état 
imparfait  d'oxydation.  Elles  vivent  cependant  ;  mais  nous  allons 
voir  que  ce  n'est  qu'à  la  condition  de  ne  pas  exécuter  de  mouve- 
ments violents,  de  ne  pas  brûler  trop,  ou  plutôt  de  ne  pas  Taire 
beaucoup  d'acide  carlK)nique. 

A  côté  du  mal  de  montagne  aigu,  qui  atteint  le  touriste,  il  existe 
un  mal  de  montagne  rhroniqiu%  endémique  sur  toutes  les  popu- 
lations des  altitudes.  Toutes  ces  conséquences  découlent  en  quelque 
sorte  théoriquement  des  expériences  de  P.  Bcrl ,  mais  il  n*est  que 
juste  de  dire  ici  que  ces  expériences  coûteuses,  qui  demandent 
des  appareils  compliqués,  ont  été  entreprises  à  l'instigation  et 
avec  l'appui  d'un  savant  qui  a  longtemps  exercé  la  médecine  sur 
le  plateau  du  Mexique,  le  docteur  Jourdanet. 

Antérieurement  à  toute  expérience  de  laboratoire,  Jourdanet 
Citait  revenu  du  Mexique  avec  cette  théorie,  fruit  de  son  observa- 
tion et  de  ses  méditations,  que  la  raréfaction  de  Pair  rend  les 


PHESSIOH   ATMOSPHËRIQUl!.  as 

inui  aoémique»;  el,  comme  il  attribuait  déjA  wlto  anémie 

hdcruul  d'oiygèiie,  il  avait  donne  à  la  maladie  le  nom  d'nnoxhf- 

tl<ié!aal  d'oiydation  du  sang).  Pour  mieux  Jessiiier  sa  pensée, 

bnrt  cnunlntit  que  rhnbitaot  des  tiauteurs  subit,  par  le  Tait 

il  de  la  décompression,  une  perte  analogue  à  celle  que  Tcrait  un 

t  qui,  au  njfcau  de  la  mer,  là  où  les  globules  se  chargent 

CBUConp  d'ox>g^nc.  verrait  diminuer  le  nombre  de  ses  glo- 

1.  Une  asceiisiun  aunlelà  de  3000  mètres  équivaut,  disait-il,  â 

jtygénation  l>aromélri()ue  du  sang,  comme  une  saignée 

'(9tiK  dcsoijgiinalion  i;lobulaire. 

e  foule  de  faits  propres  à  la  pulbologie  mcuicuine  conlirmcnt, 

fet.  celte  manière  de  voir  :  Jourdanet  avait  été  frappé  de  lu 

j^ilé  et  de  b  l'niiiuence  avuc  laquelle  se  prcsentent  les  syncopis 

fit  plaU^au  du  Ueiique  ;  l'observalioa  est  tellement  jusle,  qu'on 

~B  contme  dangereux,  dans  ce  pays,  de  prendre  un  bain  de 

bdtaud.  Tout  le  monde  suit  qu'en  Europe,  on  peut  provoquer 

bijDeapeeD  prenant  un  bain  de  pieds  chaud,  étant 'Jf6(iuf, 

e  que  le  sang  ne  monte  plus  a^sez  au  cerveau  :  mais  sur  le 

MU  du  Ûcxiquc,  le  sang  est  devenu  si  peu  e\cilant,  qu'un 

Bdc  pieds  chaud,  pris  mémcasfis,  peut  provoquer  celte  sjn- 

le  cérébrale  se  traduit,  d'ailleurs,  au  Mexii|ue,  par  la 

ir.  Itiiaptitude  au  travail  intellectuel:  une  des  choses  qui, 

s  Joardanel,  frappent  le  plus  les  Europiïens  qui  arrivent 

a  d'acti*itc. c'est  celte  difficulté  du  travail  cérébral,  qui  rap- 

e  MiIlH!  je  diwiis  plus   haut  des  aérooautes  qui  uublieiit  de 

nlur  leur  baroniétre. 

krélode  des  populations  a  contirnié  Jounlaiiet  dans  ses  vue<; 

I  induclives.  •  La  population   du    l'as  Mexique,  di[-il, 

BTiie,  Ittrbulente  mfme;  celle  du  haut  Mexique  lente  et  apa- 

|Be.Aa  Thitiel,  que  voit-on?  Une  population  du  6  SOOOOO  in- 

I,  établie  dans  un  paya  riche,  mais  vivant  dans  l'insou- 

S  et  la  paresse,  sous  la  tutelle  du  Dalaï-Lama.  De  même  en 

■a:  |)1ateau  de  iOOO  mètres  d'altitude,  une  pupu- 

n  pavrlant  iotelligcnle  subit  un  despotisme  absurde.  « 

■•(riBle  dm  Bliltndea.  —  Jourdanet  a  montré  que 
Bps;sélCTé5,  même  lorsque  les  villes  abondent,  comme  La  r<i/, 
»,  foto^i,  Cocbabamhu,  etc.,  sont  peu  peuplés.  La 
I  de  la  Uulivic  ne  dépasse  pas  2  millions  d'habitants, 
1 388000  kilomètres  carrés. 

iMtD.  ^ 


6C  L*ATMOSPHÈRB. 

Le  savant  médecin  \a  plus  loin.  Il  est  porté  à  croire  qu'un  des 
éléments  de  succès  pour  le  Brésil,  pour  la  République  Argen- 
tine et  pour  le  Chili,  c'est  une  altitude  partout  également  Taible. 

Les  travaux  musculaires  sont  aussi  cmpî^chés  que  le  travail  cé- 
rébral; au  Mexique,  dans  les  mines  du  Popocatepclt,  à  5  000  mè- 
tn;s  d'altitudes  on  emploie  des  Indiens;  or,  ces  hommes  ne  peu- 
vent travailler  que  pendant  quelques  heures  par  jour,  avec  de 
fréquentes  interruptions  et  ils  ne  continuent  guère  ce  rude  mé- 
tier au-delà  de  l'âge  de  vingt-huit  ans.  D'ailleurs,  en  Europe* 
dans  les  mines  do  Bockstein,  sur  le  haut  du  Goldberg,  a  2433  mè- 
tres d'altitude,  les  mineurs  ne  peuvent  plus  travailler  au-delà  de 
ràgc  de  quarante  ans.  Il  en  est  de  même  dans  les  mines  voisines 
du  Hathausberg,  à  1  990  mètres  seulement. 

On  a  tenté,  il  y  a  quelques  années,  d'installer  des  courses  de 
chevaux  sur  le  plateau  de  TAnabuac;  mais  les  chevaux^  qu'on 
avait  fait  vrnir  de  New -York,  ne  pouvaient  soutenir  les  grandes 
allurrs  pendant  plus  do  300  mètres;  on  a  dû  renoncer  aux 
courses, 

Jourdunct  assure  que  les  porte -faix  do  Mexico  se  chargent  de 
fardeaux  infiniment  moins  lourds  que  ceux  de  la  Yera-Cruz,  et  ce- 
pendant les  anciennes  civilisations  du  Mexique,  celle  du  lac  Titi- 
caca,  à  3  9li^  mètres  d'altitude,  nous  ont  laissé  des  ruines 
gigantesques,  qui  dénotent,  de  la  part  de  leurs  constructeurs,  des 
efforts  nuisculaircs  considérables.  11  est  probable  qu'ici,  comme 
pour  les  Pvraniidcs  d'Eg)'ptc,  la  quantité  des  bras  à  employer  a 
suppléé  à  l'intensité  de  l'activité  musculaire  de  chacun  d'eux. 

1.0  phén(»moue  qui,  au  début  do  son  séjour  au  Mexique,  avait 
frappé  JoiM'danot  et  Tavait  mis  sur  la  piste  de  l'idée  d'anoxhémie, 
c'est  la  couleur  du  sang  artériel,  qui,  dans  les  opérations  chirur- 
gicales, lui  était  apparu  noir  et  non  rouge  vif,  rutilant,  comme 
en  Europe.  11  fit  la  même  observation  sur  le  sang  des  bestiauxi 
à  Tabattoir.  il  y  a  longtemps  que  les  guides  des  Alpes  savent  que 
les  touristes  pris  d'épistaxis  perdent  un  sang  noir.  Les  détails 
dans  lesi}ucls  je  suis  entré  à  propos  de  la  technique  respiratoire 
sur  les  hauteurs,  expliquent  suffisamment  ces  phénomènes. 

Pathologie  ■pédalo  des  altitudes.  —  Ces  conditions  nou- 
Tolles  de  milieu  ne  manquent  pas  de  donner  un  cachet  spécial  à  la 
pathologique  des  altitudes.  On  cite  comme  manifeste  la  rareté 
de  VttliriuitinH  mentale,  ce  qui,  sans  doute,  manque  le  plus  sou- 
vent, ce  sont  ces  poussées  congestives  vers  le  cerveau,  qui  sont. 


PRESSION   ATMOaPilÉRIQL'E.  07 

i  n  Europe,  la  forme  la  plus  fréquente  de  raliénatiOD.  Plusieurs 
ilecins  oui  cilé  désalignés  nougcslifs,  sensiblement  améliorés 
.11  \-:  ïéjour  liur  les  hauteurs  (Guillcri). 

i,.i  Icndnncc  ù  la  sjncopo  signalée  par  Jourdanet  me  porterait 
j  l«  user  que  les  phénomûnes  de  congesiion  encéphalique  pro- 
%<jqu«5  par  W-pitHii  n'auraient  pas  lieu  sur  les  hauteurs  avec  la 
m^me  Inicnsilé.  Il  serait  possible,  dans  Ce  cas,  que  l'opium  fût, 
>ur  l'Anahuac,  supporté  psr  les  malades  ou  pjr  les  fumeurs  à 
plu»  baulc  dose  qu'en  Europe  et  qu'en  Chine.  C'est  une  obser- 
mion  que  les  médcrins  qui  ciercent  sur  les  aUiludcs  pourraient 
birc  aist-menl.  . 

D'après  Lombard  (deGcneve),  la  bromhile  mV/u.',  la  pneumonie 
Il  pU-urfsir  miuI  plus  fréquentes  sur  les  hauteurs,  mais  cela  tient 
uioiiu  Â  la  di-tom pression  qu'à  l'iulensilé  du  rajionuement  et  aux 
rhuDgeoienls  brusques  de  terapérdlure  qu'on  otiserve  sur  les  hau- 
trurs.  lUm  ks  Nilgerrhlcs,  ii  Salem,  les  Anglais  ont  établi, 
romine  dans  plusieurs  autres  points  des  montagnes,  des  auberges 
raUiitea,  conHées  a  des  cipjycs,  qui  ne  doivent  au  vuvageur  que 
I  cl  l'eau,  «1  où  l'on  ne  peut  séjourner  que  deux  jours.  L«s 
•  ;  sont  eitr4memenl  fraîches,  l'air  tri^s  vif;  aussi  rien  n'est 
■  frvqueni  que  les  alFeclions  ù  friij«re  prises  en  eu  point  par 
irs;  si  bien  qu'on  a  décrit  ces  phénomènes  comme 
e  spéciale  sous  le  nom  de  ^t'urc  deSalitn. 
9 (iwt  rapprocher  de  ces  phénomËnes  d /Vî^ore,  les  entérites 
«les  Ktuieni  observées  sur  les  hauteurs  et  décrites  sous  le 
Jl  4e  Hill-diurrhi-n .  Coindet  en  a  observa  de  nombieux  exem- 
■  wa  Unique. 

"  I  ■  également  décrit  sous  le  nom  de  p(™ri7i*,t  pesUk-m  ou 
h  une  pleurésie  qui  serait  spéciale  aux  huuleurs  ;  ce 
I  Mt  spécial,  c'«st  la  gravité  non  seulement  de  la  pleurësie 
mt  Btec  épanchemeni,  mais  de  toutes  les  maladies  qui 
ni  le  champ  pulmonaire,  dans  un  milieu  oii  Vusliémw 
r  Ute  pendant  au  mot  créé  par  Jourdanet)  est  si  fortement 
'se.  En  revanche,  Jourdanet  au  Mexique  cl  les  frères 
_„_j«liwlieil  au  Thllwt  ont  remarqué  que  les  fièvres  indam- 
*%ttoirca,  ces  combustions  exagérées  qui  constituent  la  plupart 
des  maladifs  aiguës,  élaient  moins  ardentes  sur  les  hauteurs, 
L'explleatjon  en  est  toute  naturelle  :  c'esl  pour  la  même  raison 
qoon  a  conseillé  chci  nous  de  porter  les  tébricitants  dont  la  lem- 
fcnture  «»l  Mcessivi-.  dans  nus  appareils  û  air  dccomptirac. 


68  l'atmosphère. 

Un  fait  semble  absolument  démontré,  c*cst  la  rareté  d 
phthisie  chez  les  populations  qui  vivent  dans  l'air  raréfié.  L'e* 
cation  qu'on  en  pourrait  donner  est  peut-être  moins  simple  q 
Ta  dit;  mais  le  fait  est  hors  de  doute  :  alors  que  dans  le 
Pérou  la  phthisie  est  extrêmement  fréquente,  elle  diminue  à 
sure  qu'on  quitte  la  Costa  pour  la  Shrra;  au  sommet  de  la 
dillicrc,  clic  n^cxistc  plus.  A  Mexico,  le  docteur  Jiménès, 
il  063  malades  traités  à  Thôpital  en  24  ans,  a  rena 
143  phthisiques,  et  le  docteur  Jourdanet,  sur  30000  visites  en  ^ 
en  a  relevé  6  faites  à  des  phthisiques.  Sur  le  plateau  d*^ 
sinie,  d'Abbadic  a  constaté  également  la  rareté  de  la  phtk 
La  statistique  des  Etats-Unis  nous  apprend,  de  son  cùté» 
dans  «toute  la  zone  basse,  on  compte  18  décès  par  phthlsk 
100  décès;  dans  toute  la  zone  montagneuse,  dont  le  maxii 
d'altitude  est  représenté  par  l'Etat  de  Montana  (en  moyi 
1486  mètres)  et  le  maximum  par  le  VVioming  (2  370  mètra 
phthisie  fi^'ure  pour  6,47  pour  100  décès.  Lombanl  (de  Gei 
donne,  de  son  coté,  comme  limite  de  la  phthisie,  Talliludede  i 
à  1  500  mètres;  ù  Briançoii  (1300  mètres),  celle  nialadi< 
extrèmt'nH»nl  rare  (l)'  AU>ert),  et  le  docteur  IJrugge,  dansi 
gadinc  (1  742  mètres),  assure  qu'il  ne  la  voit  jamais. 

On  a  décrit  sous  le  nom  de  typhus  drs  hauts  plateaux  une 
ladie  (|ui  serait  endémique  sur  celui  de  TAnabuac  et  qui,  de 
par  les  anciens  Aztèques  sous  le  nom  de  mataziihwilt  (fièvre  r 
des  Aztèques),  aurait,  à  diverses  reprises,  exercé  ses  ravages  p 
les  Indiens  des  Cordillères;  mais  nous  manquons  de  rcnsei 
ments  précis  sur  cette  maladie. 

Jourdanet  a  constaté  que  sur  le  plateau  de  TAnahuac  touU 
maladies  prenaient  volontiers  un  caractère  adyriamique 
himmrh'iius  utérlms  sont  fréquentes;  mais  ce  savant  méd 
tout  en  constatant  le  fait,  ne  l'attribue  pas  à  un  mécan 
analogue  à  celui  de  la  ventouse;  il  l'attribue  à  l'anémie 
populations  des  hauteurs.  11  est  à  remarquer,  en  effet, 
Lima,  lorsqu'un  phthisique  (et  ils  y  sont  nombreux)  est 
d'hémoptysie,  on  l'envoie  vite  de  la  Custa  dans  la  Sitrra, 
craindre  que  Thémorrhagic  n'augmente  à  mesure  que  la  pre 
diminue. 

Jourdanet  donne  également  Wilbuminurie  comme  fréqueAt 
les  hauteurs.  La  théorie  que  défendait  Gubler  pour  cxpliqui 
grand  nombre  d'albuminuries,  qu'il  rattachait  à  une  dyscrasie, 


PRESSION   ATMOSPUÉiliOUE.  09 

ptiquerait  Tralsemblablcmenl  aui  albuminuries  des  .tltitudes, 
litesau  df^raul  dccnmbuslion.ï  l'anothcmic.  [I  est,  du  reste,  cn- 
rieux,  &  l'appui  d«  eu  rapprochement  entre  ranoihémie  des  alti- 
tudes vt  l'ai bumiait rie,  de  constater  que  le  chai,  qui  est  l'animal 
^ai  s'acclimate  le  moins  sur  les  hauteurs,  est,  dans  no«  pays, 
Iristajct  à  l'albuminurie  (Rayer].  On  en  peut  dire  autant  pour 
k  di'tfirU,  qui,  d'après  Jonrrlanet,  est  Irts  Tréquent  au  Mexique. 

Phyiilnliislc  comparée.  Adaptation  an  mlllen.  —  \in 
.  -  v.\A  nombre  d'animaux  subissent,  comme  l'homme,  l'anoïWmie 
,  ■  haul«ui.i.  J'ai  déjà  cité  tes  chevaux  et  lesbreurs;  je  viens  d'a- 
/juIct  les  chiits  :  ces  animaux  ne  peuvent  vivre  sur  le  (ialdberg: 
lU  ne  peuvent  pas,  non  plus,  .s'acclimater  sur  les  hauteurs  des 
Andes.  Particularité  digne  de  remarque,  le  chat  est  préciscmonl 
l'aninial  qui  résistait  le  moins  bien  ft  la  décompression,  dans  les 
cloches  de  P.  Bert.  En  revanche,  le  lapin,  qui,  d'ailleurs,  sup- 
(•orlail  gaillardement  tes  (épreuves  du  Collège  de  France,  vil  trè» 
bien  sur  \k*  liuuteurs;  les  ines  semblent  moins  incommodés  que 
lei  dievaux  ;  les  mnlets  sont,  sous  ce  rapport,  comme  sons  beau- 
coup d'autres,  inlormédi aires  entre  l'An e  et  le  cheval;  enfin,  il 
>  a  des  rnccs  humaines,  el,  dons  une  nifme  race,  des  tempéra- 
ment!,, dei  individus,  qui  n^sislent  mieux  que  d'autres  i  la  àé- 
r«m(>rcssi«[i  barométrique.  U'après  Jourdanet,  ta  race  espag[iole, 
même  lors-iu'oii  considère  les  familles  Biées  au  Mexique  depuis 
Ignj^nijis.  subit  gravement  l'aaoxliémie  ;  la  race  iiidij^éne  semble 
[•lus  aguerrie  ;  quant  qui  métis,  comme  nous  l'avons  vu  to  Jt  à 
l'heure  pour  le  produit  du  cheval  cl  de  l'àne,  ils  £ont  inlermi>- 
JiaifCi  :  mais,  s'ils  tiennent  de  l'Indien  la  fitcultc  de  mieux  rifsis- 
kT  que  l'Europceu  à  la  décompression,  ils  tiennent  de  l'Européen 
l'inlfl  lige  née  ;  il  en  résulte  qu'eux  seuls,  au  klexique,  déploient, 
dil  Jxurdjni'E ,  une  grande  inteltigence.  Juarez  était  un  métis. 

i^iielk  est  la  cause  du  plus  ou  moins  de  résistance  ik  la  déeom- 
l-re&Mon  barométrique?  Tout  d<^pend  surtout  du  nombre  des  glo- 
hnkfi  sanguins.  Du  moment  que  la  fonction  de  chaque  globule  e&t 
de  te  charger  d'oxjgêne,  il  e.^t  évident  que,  plus  le  nombre  de 
ta  globules  sera  grand  el  plus  l'animal  résistera  longtemps  au 
début  d'oijgcne.  Cela  est  si  vrai,  que  tel  Européen  supporte 
usa  facilement  l'existence  sur  le  plateau  de  l'Anabuac,  qui  de- 
vient incapabicdu  moindre  efTori,  si  on  lui  pratique  une  saignée. 
kUMÎ,  dit  Jourdanet,  les  médecins  meiii:ains  ont-ils  nppris  par 
OpéneDCe  à  ne  jamais  pratiquer  de  saignée.  C'est  absolument 


1 


^  L  ATSiOSPHEKE. 

•^>  «^  r,-.n\w  Mistm  qu'un  canard  à  qui  on  Tient  de  faire  une 
>i!biv,NV.  no  |vut  plus  plonger  pendant  un  temps  aussi  long  qu'a- 
\<*i  \%  Mi^mW*;  ayant  moins  de  globules,  il  a  moins  emmagasiné 
oV.yxi^Mio  |M»urles  t»esr>ins  de  sa  combustion  sous  Teau. 

\  «"^  ch<)M*s  iUant  ainsi,  on  eût  pu  penser  à  priori  que  les  anî* 
t)viux  <|ui  M*nrclimatent  le  mieux  sur  les  hauteurs  sont  ceux  qui, à 
Ot^mbir  i^^mI  de  globulos,  ont  des  globules  plus  propres  que  les 
.KiirrM  h  Hc  nimbiner  avec  Toxygcne;  on  ne  se  serait  pas  trompé. 

P.  iliTt  a  rcni,  de  pays  situés  à  près  de  4000  mètres  d'altitude 
ilauH  1rs  (lordillèresy  comme  la  Paz,  du  sang  appartenant  à  des 
animaux  très  variés.  Dieu  que  ce  sang  fût  abs<)lunient  putréGé, 
Pauti'ur  admet  qu*il  peut  encore  compter  sur  la  rigueur  de  ses 
jtnalvses,  se  rapportant  aux  recherches  de  Jolyet,  qui  ont  dé* 
inontn*  (|ue  Thémoglobine  est  une  substance  assez  stable  pour 
AbfH)rlH>r  toujours  la  mOme  quantité  d^oxvgène,  quel  que  soit  le 
iltgré  de  putrériirtion  du  sang.  C'est  sur  cette  base  que  s'appuie  sa 
conrlusinii  générale,  que  le  sang  fourni  par  des  sujets  habitant 
leshauteH  nagions  des  (Cordillères  a  une  capacité  d'absorption  pour 
Toxygène  beaucoup  plus  considérable  que  le  sang  des  individus 
de  nos  |mys:  Tandis  que  100'*'  de  sang  de  nos  mammifères  her- 
bivores, battus  au  contact  de  Tair,  n'absorbent  pas  plus  de  O^IU** 
à  0,i'l"  d*o\ygéne ,  le  sang  d'animaux  vivant  à  la  Paz  (3  700  mè- 
tres), qui  lui  a  été  adressi's  par  M.  Eugène  Guinault,  a  absorbé 
les  quantités  suivantes  d'oxygène  par  WO^^  pour  chaque  animal  : 

ce 

Vifîoj^uo 19.3 

Jd 19,0 

Lama  iiiAlc 21, G 

AlpufMi 17,0 

Orf «1,4 

Visourhc Iti.i 

Mouton 1 7,0 

Porc il,G 

Il  pense  donc  que  les  individus  h4bitant  les  hautes  régions 
peuvent  absorber  de  grandes  quantités  d'oxygène  et  que  c'est  là 
un  clément  très  important  pour  la  question  de  Tacclimatation. 

On  comprend  très  bien  comment,  par  sélection,  cette  propriété 
de  fixer  beaucoup  d'oxygène  a  pu  être  acquise  par  uo  grand 


))  est  nswî  curieuï  de  wir  que,  parmi  les  moyens  poinilaires 
rrcomDutndi^  pour  i^vilcr  le  mal  de  montagne,  il  en  est  un,  des 
plus  vulgaires  cepeadant,  qui  a  précisément  pour  effet  non  pas 
d'augmenter  le  nombre  toUt  des;  globules  de  l'organisme,  mais 
ti'au^enlcr,  ce  qui  est  l'essentiel  à  un  moroerit  donné,  le  nombre 
'lea  glùbules  qui  se  Irouveni  k  la  fois  dans  la  muqueuse  pulmo- 
naire, c'est-à-dire  préla  à  se  charger  d'oxygène,  puisque  c'est  dans 
le  poumon  qu'a  lieu  cette  combinaison.  Ce  moyen  cmpiriifue, 
e'ert  l'usasçe  de  V'iil.  Or,  l'ail  contient  des  sutures,  qui  s'ùliminent 
d'une  façon  peu  masquée  par  In  poumon;  en  ^'éliminant,  ils 
congestionnent  la  muqueuse  du  puuinon,  c''est-â-dire  T'mt  allluer 
le«  globules  sanguins  dansseï  vaisseaux.  Les  Eaux-Bonnes,  les 
eaux  sulfureuses  en  général  agissent  en  congestionnant  [a  mu- 
queuse des  bronches,  et  quand,  dans  une  bronchite  chronique, 
comme  je  l'ai  vu  Taire  cl  fait  moi-mâme,  tous  donnez  de  l'atl  h 
UQ  malade,  tous  asséchez  aussi  bien  le  catarrhe  bronchique  que 
fi  TDu»  aviez  donné  de  l'eau  buirureuse. 

Il  ni  un  autre  remÈdc  populaire  einplnjê  dans  les  montagnes  de 
l'Europe  :  c'est  Varienir.  Les  montagnards  de  la  Slyrie  en  font  un 
grand  usage  et  prétendent  qu'il  leur  donne  des  jambes.  Nous 
avons  vu  que,  dans  le  mal  de  montagne,  la  tension  du  sang  est 
diminuce  ;  or,  l'arsenic  augmente  précisément  la  tension,  ainsi  que 
j«  m'en  suis  assuré  à  l'uide  du  sphygmographc  ;  il  modère  les 
ballemcnls  du  cœur,  que  l'altitude  augmente,  il  modère  surtout 
la  combustion  des  tissus.  Ainsi  les  malades  qui  prennent  de  l'ar* 
«nie  rendent  moins  d'urée,  ce  produit  extrême  des  cumbiis- 
Loni  organiques  ;  ils  fabriquent  moins  d'acide  carbonique  :  c'est 
parce  que  l'arsenic  ralentit  ainsi  la  combustion,  qu'il  Tait  en- 
graustT.  I2es  effets  sont  propres  à  permettre  ù  lorganismrf  de 
M  roolcnter  d'une  moins  grande  quantité  d'oxygène,  puisqu'il 
bri'tiv  moins,  et  ils  retardent  son  empoisonnemcnl  par  IVidi'  car- 
bonique, puisqu'il  en  produit  moins.  Ces  pratiques  populaires  se- 
raient donc  dignes  d'être  odoptées  non  seulement  par  les  touristes, 
mais  par  les  armées  en  montagne. 

Le^  populations  des  Andes  ont  trouvé  une  autre  substance 

contre  le  mal  de  montagne  :  c'est  la  Coca.  Elle  augmente  la 

leosion  du  sang  ;  elle  ralentit  également  la  combustion  des  tisius  ; 

^Bk  stimule  le  système  nerveux  mal  excité   par  un  sang  yauvra 


J 


71  L  ATMOSPHÈRE. 

eo  oxygène.  Les  Indiens,  qui  chiquent  la  feuille  de  coca,  la  re- 
gardent comme  le  préservatif  du  Sonoche,  et,  en  1871,  au  siège 
de  la  Paz,  à  3720  mètres  d'altitude  et  pendant  plusieurs  mois» 
lestroupes  ne  résistèrent  aux  longues  marches,  dans  les  montagnes» 
qu'en  proportion  des  provisions  de  coca  qu'elles  avaient. 

Ce  sont  là  des  moyens  assez  anodins,  en  somme,  de  lutter 
contre  le  milieu  :  un  grand  nombre  d'animaux  |)ossèdent  des 
moyens  plus  efficaces  de  résistance  à  la  décompression  ;  les  oiseaux 
sont  de  ce  nombre  :  nous  les  voyons  en  effet  s'élever  successive- 
ment, et  en  peu  de  temps,  de  la  plaine  au  sommet  des  montagnes; 
certains  d'entre  eux,  comme  l'aigle,  parcourent,  en  très  peo  de 
temps,  un  espace  vertical  énorme,  et,  dans  les  hautes  montagnes 
des  Andes,  on  voit  le  condor  planer  sans  fatigue  à  la  hauteur  de 
8000  mètres.  Tous  les  oiseaux  jouissent  même  de  ce  privilège; 
de  Tobsorvatoire  de  New -Jersey,  à  Princeton  (Etats-Unis), 
AV.  Scott,  plaçant  Tœil  à  Téquatorial,  remarqua  le  passage  d'un 
grand  nombre  d'oiseaux  dans  le  champ  de  la  lunette  ;  il  profita 
de  cette  observation  pour  chercher  à  déterminer  la  hauteur  à 
laquelle  se  trouvaient  ces  météores  d'un  nouveau  genre;  or,  le 
gros  de  la  bande  passait  à  une  hauteur  de  3  kilomètres  environ; 
les  oiseaux  les  plus  bas  placés  étaient  à  1  500  mètres  au-dessus 
du  sol  ;  les  plus  hauts,  à  5000  mètres;  il  s'agissait  d'oiseaux 
du  pays  ;  piverts,  pinsons,  merles,  etc. 

Chose  étrange  cependant!  lorsque  P.  Bert  plaça  des  oiseaux  et 
même  des  oiseaux  de  proie,  qui  volent  souvent  très  haut,  dans 
les  cloches  à  air  décomprimé,  il  constata  qu'ils  supportaient 
l'expérience  moins  bien  que  les  mammifères.  On  poun'ait  penser 
que  si  les  oiseaux  peuvent  s'élever  à  une  altitude  considérable, 
ils  le  doivent  au  grand  nombre  relatif  de  leurs  globules  sanguins, 
mais  leur  température  normale  étant  plus  élevée  que  celle  des 
mammifères,  ils  doivent  aussi  avoir  besoin  d'une  quantité  d'oxy- 
gène plus  considérable  qu'eux,  relativement  ù  leur  poids;  d'ail- 
leurs, s'ils  avaient  plus  de  globules,  ils  résisteraient  mieux  que 
les  mammifères,  sous  la  cloche  à  air  décomprimé,  ce  qui  n'a  pas 
lieu.  11  faut  donc  chercher  une  meilleure  explication. 

Voici  celle  que  je  propoî^e  :  les  os  des  oiseaux  sont  creusés  de 
cavités  qui  communiquent  avec  les  poumons  par  l'intermédiaire 
de  sacs  membraneux,  lesquels,  communiquant  avec  les  os  el 
avec  les  voies  respiratoires,  s'insinuent  entre  les  muscles,  qui 
*^M8ent par-dessus.  On  pense  généralement  que  ces  mes  aériens 


PRESSION   ATMOSPHEllIÛUB.  7J 

n'ODl  d'autre  ellet  que  du  diminuer  le  poiiis  spécirtque  de  l'oi- 
mu;  mais  leur  prmncc  a,  selon  moi,  un  autre  résultai,  qui 
lieol  k  leur  dispodtion  même  :  une  de  ces  cellules,  la  cellule  tViIrr- 
rbnicutain,  s'élend  en  avant  de  la  partie  antérieure  de  chaque 
poumon,  dans  l'intcrvHlIe  qui  scpare  les  deui  tirauches  de  la 
fiMtchcIt^,  où  elle  communique,  en  outre,  avec  les  cellules 
wtu-eulanr'«,  qui  occupent  toute  la  surlace  du  corps.  Oi.s  fibres 
nmsculaircs  sp<!ciales  entourent  ce  sac  et  peuvent,  au  besoin, 
M  contrarier  sur  lui.  Un  autre  sac,  la  cellule  thoracîque  mi- 
UHtttre,  part  du  bord  aiiléricur  du  poumon  avec  lequel  elle 
^mimique,  entoure  le  larjni,  les  bronches,  les  gros  vaisseaux 
!■  cou.  Vu  troisiËine  ordre  du  cellules,  les  Iharaeiiiua  latimlrs, 
pnMUt  BU  milieu  mâroe  des  muscles,  sous  l'aisselle  et  sous 
rMWplale.  et  communiquent  avee  l'intérieur  de  l'humérus  ;ennn 
la  cellules  abdomitmles,  les  plus  volumineuses  de  toutes,  par- 
lent de  la  base  du  poumon  et  communiquent  a«ec  d'autres 
edlulet,  qui  sont  silures  entre  les  muscles  fessiers  et  fémoraux, 
ainai  qu'avec  l'inlêrieur  même  du  fémur  el  du  bassin.  11  me 
^fiÏBiblc  qui:  cette  dîspusiibn  permet  de  concevoirle  Ton  cti  on  ne  ment 
^^Uvant  :  ces  bandes  musculaires  et  ces  muscles  doivent,  par  leur 
HBnlractioo.  comprimer  les  sacs  a«rieDs  dans  leur  partie  mem- 
^■fcnncusi;,  et,  par  couscqucnt,  refouler  l'air  éminemment  com- 
pressible qu'ds  renferment;  s'ils  ue  le  comprimaient  pas  ,  ils  au- 
rueut  au  moins  pour  efTel,  en  eDla<;Ant  le  ^stème  aérien  dans 
une  sorte  de  filet  musculairecontraclé.d'y  maintenir,  à  la  pression 
inilisle  qu'il  possédait,  l'air  emporté  de  la  plaine.  Ue  toute  fa^oo, 
l'cHSeau,  eliargeaut  ce  système  avant  de  s'envoler,  eniporlc  avec 
lui  uue  provision  d'air,  qu'il  comprime  à  mesure  qu'il  vole,  qu'il 

Ritieiil  au  moins  à  la  pression  initiale,  et  c'est  en  réalité  de 
à  un  degré  de  tension  supérieure  t  la  tension  des  altitudes, 
l'oiseau  respire  alors, 
après  mon  hypothèse,  l'oiseau  agit  donc  eiactemcut  comme 
les  aéronautes,  qui,  suivant  le  conseil  de  P.  Bert,  emportent  avec 
tilt  dcâ  ballons  d'air  comprimé;  d'ailleurs,  cette  ressource  de  l'oi- 
pourrait  lui  servir  dans lesclochesàdccompressiou,  puisque 
I,  non  prévenu,  ne  se  charge  pasd'air  au  préalable,  et  que, 
lile  dans  la  cloche,  il  ne  contracte  passes  muscles  et,  par 
icnt,  demeure  impuissant  autant  à  comprimer  l'air  que 
aineos peuvent  contenir,  qu'à  le  maiiitcnita\avï»a&wïi 
L'oiseau,  ta  somme,  s'éJi?ve  ou  s'abaisse  4aQ9  Vutiaa 


7i  l'atmosphère. 

aérien  comme  le  poisson  muni  d'une  vessie  natatoire  s^ctève  oa 
s'abaisse  dans  l*occan  liquide. 

L'homme  ne  ferait  qu'imiter  le  mécanisme,  que  je  crois  exister 
chez  les  oiseaux,  en  installant  dans  les  grandes  villes  situées  à  une 
grande  hauteur,  comme  Mexico^  des  établissements  d'air  comprimé, 
ainsi  que  le  conseille  Jourdanet;  la  population  viendrait  là,  de 
temps  en  temps,  se  retremper  dans  de  Pair  sous  tension.  On  aurait 
une  nouvelle  preuve  de  ce  fait  :  que  bien  qu'inférieur  à  un  certain 
nombre  d'animaux  par  l'organisation  de  certains  de  ses  organes, 
bien  que,  pour  ainsi  dire,  expulsé  de  certains  milieux  par  at 
conformation  anatomique  même,  l'homme  peut  tout  compenser  et 
peut  s'imposer  en  quelque  sorte  à  tous  les  milieux,  par  le  fonc- 
tionnement d'un  organe  qui  devient  ici  suppléant  de  tous  les 
autres,  le  cerveau. 

Les  animaux  ne  sont  pas  seuls  sensibles  à  faction  d'un  milieu 
atmos{)hcrique  décomprime;  les  végétaux  subissent  eux-mêmes 
cette  action  et  certaines  plantes  des  hauteurs  sont  incapables  de 
vivre  plus  bas,  même  à  égalité  de  température.  Les  modifications 
de  tension  de  l'oxygène,  qui  sont  les  mêmes  pour  Tacidc  carbo- 
nique, intéressent,  en  effet,  la  respiration  végétale  tout  autant 
que  la  respiration  animale.  Déjà,  en  18â3,  DObereiner  avait  placé 
des  plantes  dans  Tair  raréfié  ;  il  avait  cons^taté  que  l'orge  donnait 
des  brins  moins  longs  que  dans  l'air  ordinaire.  P.  Bert  a  reprisées 
expériences  et  a  constaté,  lui  aussi,  la  petitesse  et  le  peu  de  vitalité 
(les  plantes  qu'il  avait  fait  végéter  dans  l'air  raréfié  ;  cela,  du  reste, 
est  en  rapport  avec  ce  que  nous  savons  du  nanisme  habituel  aux 
plantes  alpines.  L'étude  de  la  germination  a  conduit  le  savant  pro- 
fesseur du  Gollègede  Franceàdesconclusionsdu  mêmeordre  :  elle  se 
fait  avec  d'autant  moins  d'énergie  que  la  pression  est  plus  faible: 
ainsi  de  l'orge,  à  la  pression  de  0,76,  lui  a  donné  des  brins  dont 
chacun  pesait  8 milligrammes;  à  la  pression  de  0,50,  chaque  brin 
ne  pesait  pas  plus  que  7  milligrammes  ;  à  la  pression  de  0,25,  que 
6  milligrammes;  en  outre,  le  nombre  des  graines  levées  avait  été 
en  diminuant,  à  mesure  que  la  pression  était  plus  faible  et  le 
temps  nécessaire  à  la  germination  avait  été  en  s'allongeant. 

L'observation  des  végétaux  sur  les  montagnes  conduit  au  même 
résultat  que  l'expérimentation  sous  cloche  :  Ebeermayer  a  con- 
staté que  le  hêtre,  à  la  limite  supérieure  de  son  domaine  sur  les 
montagnes,  porte  des  feuilles  plus  petites  que  dans  le  bas  de  la 
région  qu'il  occupe  ;  la  composition  chimique  de  ces  feuilles  varie 


PRESSION   ATMOSPHÉRlOUfi,  7S 

tgalunicni  :  tandis  que  dans  le  bas  elles  lui  ont  donné  G, 97  "/,  de 
ctnJres,  elles  ne  donnent  duns  le  haut  que  3,91  -U  àe  cendres. 
Lm  grandes  alliludes  amoindrissent  donc  la  fonction  du  végélal 
comme  celle  de  raaimBl. 

La  dépression  n'agit  pas  moins  sur  ras  êlres  microscopiques']  ui 
rroduiscnl  les  rermenlalions  :  celles  de  la  viande,  du  lait,  de 
l'urine  n'ont  plus  lieu  dans  l'air  très  raréfié,  parce  que  le  défaut 
de  pression  amtne  la  mort  des  organismes  rudimentaires,  quisnnt 
Iw  facteurs  de  œs  fcrmenlations.  Pour  la  même  raison,  la  p!o(iarl 
ilesuii(T'>fj!'.i,  quifiontlesproJucleursdc  nos  maladies  infectieuses, 
succombent  également  ;  tes  végélauï,  dont  la  pênélralion  dans  le 
iwK  d«  riioiiime  produit  la  fifcvre  inlerniittenle,  vcgélausi  qui 
nisiïtent  pourtant,  par  GO"  de  latitude,  à  une  température  de  +  i". 
prrissrnt  Mir  le  plateau  du  Meiiqiie,  à  2  200  mètres  d'altitude,  par 
une  tf^mpérature  moyenne  de  +  11'.  Il  e);isle  bien  sur  ces  liau- 
ti-un  des  marais,  mais  ces  marais  donnent  lri:s  rarement  la  fiovrc, 
et  celliM;i  est  toujours  légère;  en  d'autres  termes,  les  Tcgélaux 
donl  la  fie  dans  les  marais  praduit  la  malaria  sont  peu  nombreux 
tpcD  «faces. 
lÂturdancI  a   remarque  que  t'extrèmc  malpropreté  des  rues  <ln 

Bico,  qui  sont  remplies  d'immomllces,  est  sans  incouTi^nit^nt 
r  l'bvgicne,  parce  que  la  fcrinnitali-m  putride  ne  se  développe 

r  ferment  <)ui  produit  la  jl'hn-e  Jtiuite  semble  être,  lui  aussi, 
I  sensible  k  la  diminution  de  pression  ;  car  cette  maladie,  si 
'  Hitable  A  la  Vera-Cruz,  n'existe  plus  à  Ueiico.  Elle  ne  dcpasse 
I  Taltitude  de  tioo  mètres. 
1  ventya,  au  férou,  maladie  sans  doute  parasitaire,  dont  je 
ferai  plus  loin,  ne  règne  qu'entre  600  et  t6U0  mètres. 
K  en  est  de  même  de  la  pt-ste,  qui,  dil-on,  ne  dépasse  pas  l'alli- 
u  800  mètres.  La  citadelle  du  Caire  et  les  collines  qui  uvoi- 
iKot  Constantinople  en  ont  toujours  Été  indemnes. 
'  Le  fh/rlMi  semble  capable  de  monter  plus  haut,  car  on  l'a  ob- 
*er»e.  en  Amérique,  à  2000  loètrcs;  en  Asie,  à  îMH)  niÊlres; 
en  Euro|>e,  cependant,  il  n'.t  jamais  dépassé  600  ou  HOO  ujèlrcs, 
g  mtnie  k  Londres,  en  1847,  on  a  observé  qu'il  diminuait  propor- 
inellemeat  à  la  hauteur  au-dessus  de  la  Tamise  (Guilberl). 
a  Jlrtire  tjfphoiiifi  est  inconnue  sur  les  Cordillères. 
Vue  maladie  épidétni^ue,  fréquente  dans  certaines  conVt>:«s,\& 
Tdifoia,  a'atteiat jamais  non  plus, paraîl-iV,  VcsV.wileWà.^t 


76  L^ATMOSPHÈRB. 

fait  est  tellement  reconnu,  qu'il  s'est  formé  en  Amérique,  aui 
États-Unis,  une  société,  avec  président,  trésorier,  etc.,  spéciale- 
ment organisée  pour  fuir  la  fièvre  de  foin  ;  or,  elle  le  fait  en 
gagnant  les  hauteurs;  à  la  moindre  alerte  tous  les  affiliés 
partent  pour  Bethléem,  dans  les  montagnes  BocheuscSy  d*où  Ton 
brave  la  maladie  redoutée. 

11  est  donc  incontestable  que  tous  les  phénomènes  biologiques 
sont, dans  lesgrandcs  altitudes,  plus  ou  moinsentravés  par  la  décom- 
pression ;  on  pourrait  bien  cependant  trouver,  dans  ce  nouveau 
milieu,  une  certaine  compensation;  c'est  au  moins  ce  qui  me 
semble  pouvoir  résulter  un  jour  des  expériences  de  A.  Cornu. 

En  s'élevant  en  altitude,  on  voit^  d'après  lui,  par  suite  do 
moindre  pouvoir  absorbant  de  Tair,  reculer  successivement  la 
limite  du  s|)ectre  ultra-violet;  si  bien  qu'une  partie  du  spectre 
solaire,  précisément  l'ultra- violet,  qui  échappe  à  nos  yeux  au 
niveau  de  la  mer,  devient  visible  dans  les  altitudes.  Il  est  probable 
qu'en  môme  temps  que  ses  rayons  deviennent  visibles,  ils  aug- 
mentent d'intensité;  or,  comme  ce  sont  les  rayons  chimiques  et 
trophi<iucs  par  excellence,  il  est  permis  de  penser  qu'ils  apportent 
quelques  compensations  à  Tanoxhémie. 

Généralisant  les  faits  dont  il  a  été  témoin,  Jourdanct  a  cherché 
à  relier  les  enseignements  de  la  physiologie  expérimentale  con- 
temporaine avec  les  vagues  légendes  qui  ont  cours  sur  la  migra- 
tion des  populations  dont  le  berceau  parait  avoir  été  l'Asie  cen- 
trale. Il  se  demande  si  cette  émigration  du  centre  légendaire, 
aujourd'hui  altitude  peu  habitée  et  peu  habitable,  u'a  pas  été  la 
conséquence  d'un  mouvement  lent  d'ascension  du  sol,  qui  deve- 
nait de  moins  en  moins  habitable^  parce  que  l'air  y  devenait  de 
plus  en  plus  raréfié. 

Ue  la  eooipreBBioii  atmosphérique.  —  Les  expériences  de 
P.  Uert  dans  les  cloches  à  air  non  plus  décomprimé,  comme  tout 
à  l'heure,  mais  au  contraire  comprimé,  lui  ont  montré  que  lors- 
que, sa  tension  augmentant,  1  oxygène  devenait  trop  abondant 
dans  le  sang,  il  devenait  toxique.  L'animal  meurt  empoisonné. 

Chez  les  chiens,  cette  terminaison  se  produit  invariablement  à 
3  atmosphères  1/2  d'oxygène  pur,  soit  17  atmosphères  d'air  nor- 
mal  comme  composition.  Mais  tous  les  animaux  ne  sont  pas  dans 
oe  cas  :  les  récents  sondages  du  Travailleur,  pratiqués  au  fond  de 
rOcéan,  nous  apprennent  qu'à  8  000  mètres  au-dessous  du  niveau 
de  La  mer,  sous  une  pression  d'environ  500  atmosphères,  vivent 


PRESSION    ATHOSPHËHIQUË 


riicorc  denombreux  animaux,  iJc  petite  taille,  il  est  vrai,  mais  dont 
•)iiclqi]e$>una  ap|urlieaoenl  à  des  groupes  élevés;  tels  Eont  un 
cruslacé  aniphipodc  et  plusieurs  cruslaci^s  oslracodes;  les  autres 
(espèces  appartiennent  au  gniupc  des  foram  in  itères  el  des  radiolw- 
n%.  L'oxjgcnn,  duni  la  tension  est  alors  i^nurnie,  n'est  donc  pas 
loiique  pour  eux,  tandis  <|uu  dans  les  conditions  ordinaires,  il 
rst  toxique  pour  des  espèces  très  inrêrieiires.  Aiusi  Postcur, 
cherchant  un  uiojcn  de  cultiver  le  microbe  du  choléra  des 
poules  J'une  maniËre  ntlénuéc,  s'aperçut  que  plus  ses  cultures 
ctairot  cipoM^  ji  l'oxygi'ne,  moins  le  microbe  était  virulcnl.  11 
tue,  en  un  mot,  de  moins  en  moins  de  (loules,  à  mesure  qu'il 
utitt  davantage  l'action  de  Toxygéne  ;  il  y  a  mieux  :  à  mesura 
qu*il  perd  dv  sa  virulence,  il  change  de  Tormc.  Deux  pb<ïniiménes 
.ossurétnenl  liés  l'un  h  l'autre  et  qui  nous  donnent  un  exemple 
l'action  du  milieu  sur  l'individu,  sur  le  microbe.  De  son 
,  en  Amérique,  James  Law  est  arrivé  au  mSnic  ri^ltot  pour 
lalerobc  de  la  peste  du  porc  {Swine  Plui/ue).  L'oiygËne  te  dé- 
tail, aprÈs  avoir  altéré  progressivement  .'in  virulence. 
FBMa  4«  la  preiralnn  BlmaaphArlqne  daan  l'éTalnlIon 
.  —  L'observation  nous  a  déjà  montré  que,  toutes  les 
I  i|V«  tu  milieu  se  miidilie.  les  orgunismes  vivant  dans  ce 
Dieu  ont  &  choisir  entre  la  disparition  pure  et  slnqile  el  une 
Ulcalion  fonctionnelle  el  organique,  qui  leur  permette  de  s'nc- 
Boderii  leur  milieu  transformé,  j>ar  une  transHirmation  plus 
I  moins  étendue. 

p Inversement,  il  est  permis  d'induire,  de  la  confurmalion  des 

ayant  vécu  pendant  une  épnjue  géologique  donnée,  à  la 

>  correspondante  du  milieu  oîi  ils  vivaient. 

IS.  par  exemple,  l'expilTiiuen talion  actuelle  sur  l'air  comprimé 

^l'oburvaiion  de  ses  efTets  »ur  les  êtres  actuels  montraient  que 

Iformes  qui  dnminaient  aux  époques  très  antérieures  i  la  nuire 

^dont  quelques-unes  subsistent  encore  aujourd'hui,  présentaient 

tconrormalion  avantageuse  pour  vivre  duns  un   milieu  cora- 

i,  comparable  à  celui  que  nous  produisons  aujounlbui  arli- 

leliemeni,  il  serait  permis  de  conclure,  de  l'organisulton  À  nous 

BniK  de  ces  espèces  antérieures,  à  une  analogie  entre  le  milieu 

1  leur  a  été  propre  et  l'air  arti&ciellemcnl  comprimé  uujour- 

feui;  il  serait  permis  de  penser  que  l'air  atmosphérique  présen- 

t  jadis  Mneàeasité  el  une  épaisseur  supcricuTe&X\&àew\Sfe^ 

IVfMÙMiur  de  l'air  Mmospbétii\ue  actuel. 


78  L  ATMOSPHÈRE. 

Cette  hypothèse  à  posteriori  serait  d^auiant  plus  permise 
que  plus  de  raisons  empruntées  à  un  autre  ordre  d^idées 
militeraient  en  sa  faveur.  Or,  un  grand  nombre  de  saTants,  par 
suite  de  considérations  variées,  admettent  aujourd'hui  la  sapé* 
riorité  du  poids  spécifique  de  l'atmosphère  à  des  époques  antérieu- 
res. Aux  époques  géologiques  les  plus  anciennes,  a  i'air  atmosphé- 
a  riquo,  dit  Nérée  Boubée,  perdait  chaque  jour  de  sa  hauteur  et 
n  de  sa  pression,  car,  à  mesure  que  le  globe  se  refroidissait,  ccr- 
«  taines  matières,  qui  jusque-là  étaient  restées  en  vapeur,  se  con- 
<c  densaient,  se  répandaient  sur  le  sol,  dans  les  mers  et  dans  les 
«  lacs;  il  n'y  avait  plus  assez  de  chaleur  pour  les  maintenir  à 
«  rétat  de  gaz.  o  Plusieurs  autres  faits  témoignent  encore  d'une 
différence  entre  la  densité  de  l'atmosphère  à  certaines  époques  géo- 
logiques très  leculées  et  la  densité  de  Tatmosphcre  actuelle  :  les 
productions  végétales  considérables  de  l'époque  carbonifère  et  no- 
tamment de  l'étage  houiller  laissent  supposer  une  différence  no- 
table dans  la  richesse  carbonique.  Nous  reviendrons  sur  fie  point. 

Qu'on  ajoute  à  cette  quantité  plus  considérable  d'un  gaz  à  poids 
spécifique  élevé,  comme  l'acide  carbonique,  la  présence  d'une 
notable  quantité  de  vapeur  d'eau,  qui  semble  démontrée  par 
diverses  raisons  d'ordre  cosmique  et  Ton  devra  déjà  conclure, 
par  ce  fait  seul,  à  une  densité  plus  grande  de  ratmosphcre  des 
temps  reculés.  En  outre,  l'existence  de  périodes  pluviales  extrême- 
ment considérables  nous  est  démontrée  non  seulement  par  les  em- 
preintes aussi  nettes  que  possible  d'énormes  gouttes  de  pluie,  mais 
par  la  condensation  forcée  des  quantités  considérables  de  vapeur 
d'eau  que  nous  savons  avoir  été  en  suspension  dans  l'atmosphère, 
condensation  produite  sous  l'influence  des  rcfruidisscments  qui  se 
sont  succédé  depuis  l'époque  [irimordiale  jusqu'à  l'époque  actuelle. 
Or,  les  recherches  de  Lœwy  ont  montré  que  les  pluies  prolongées 
dépouillent  l'air  à  la  fois  d'acide  carbonique  et  d'oxygène.  Les 
grandes  pluies  ont  donc  dû  être  une  des  causes  de  l'allégement 
atmosphérique. 

Plus  qu'aucun  autre  jusqu*à  ce  jour,  Jourdanet  s'est  emparé  de 
cette  idée  d'une  décroissance  progressive  de  la  densité  atmosphé- 
rique et  lui  a  fait  jouer  un  rôle  de  premier  ordre  dans  l'explication 
de  quelques  phénomènes  géologiques.  Il  a  cherché  à  expliquer, 
par  le  poids  supérieur  de  l'atmosphère  à  Tépoque  tertiaire,  l'élé- 
vation de  température  d'une  partie  de  cette  époque,  élévation 
dont  la  faune  et  la  flore  nous  fournissent  la  preuve.  Il  y  a  plus: 


i'IlESSION  atmospbéhiolf:. 

f  rntcsscur  Oswald  Hccr,  à  propas  <Ie  cette  tetnpéralure  élevée 
qu'il  pense  «voir  été,  pendant  l'époque  miocëne  et  dans  l'Europe 
centrale,  supérieure  de  9  degrés  à  la  tcmpcralure  actuelle, 
avait  Tait  l'hypothèse  d'une  sorte  de  guir  siream  de  la  mer 
miwrne,  ijui  aurait  élevé  d'environ  3  degrés  la  lempéralurc  des 
eûtes  alors  orientales  do  l'Europe  miowne-,  mais  restent  encore 
6  degrés  à  expliiiuer.  cl  le  professeur  Heer  les  met  sur  le  compte 
du  feu  central. 

Jùurdanel,  se  fondant  sur  ce  phénomène  constant  que  la  coni- 
prruion  de  l'air  élève  proportionnellement  sa  température, 
eiplique  les  6  degrés  en  question  par  la  plus  grande  compression 
df  l'atmosphère  d'alors.  Ses  calculs  lui  ont  montré  que,  pour 
cipliqucr  par  la  pression  seule  une  température  supérieure  de 
A  dcjETvs  Ji  ta  température  actuelle,  on  doit  supposer  une  pression 
birométriitue  supérieure  de  8  centimètres  de  mercure  à  la  pres- 
sion actuelle.  11  suppose  donc  que  la  pression  barométrique,  à 
rcpcM|tie  tertiaire,  était  de  S4  centimètres  au  lieu  de  76;  elle 
aurait  donc  baissé  d'environ  un  dixième  depuis  l'époque  où 
rbumjne,  ou  au  moins  son  précurseur,  nous  est  connu  sur  la 
twre.  Il  y  aurait,  sans  doute,  beaucoup  à  objecter  à  cette  sédui- 
lante  précision;  aussi  m'attacherai -je  uniquement  à  ce  fait  que 
les  travauidcJonrdanet  s'ajoutent  à  ceux  que  j'ai  cités  pour  nous 
pcrmcitre  de  croire  à  l'existence  antérieure  d'une  pression  atmos- 
phérique sufiéricure  à  la  nAtre.  Je  ne  suivrai  donc  pas  plus  loin 
te  savant  dans  l'hypothèse  d'une  oscillation  barométrique  plus  ou 
moins  périodique,  hypothèse  d'ailleurs  assez  peu  vraisemblable. 

Mon  désir  est  de  me  borner  u  la  première  opinion,  et  d'étendre 
les  connue n ces  de  la  pressionatmosphérique  non  plus  seulement 
i  l'explication  de  la  température  de  l'époque  tertiaire,  comme  le 
[ait  Jourdanet,  mais  à  l'explication  des  tramfimmtimis  qu'ont 
ruhirt  1rs  ftres  axiai  diveries  époquex  giologiquei.  Il  est  temps, 
cela,  de  rentrer  dans  l'étude  des  faits  précis  et  démoulrés. 
de  Taire  l'application  des  déduclions  auxquelles  nous  cou- 
rette étude. 

J^Éludierai  d'abord  les  effets  de  l'air  comprimé  artiriciellenienl 
les  différents  organes  et  les  difrérenti>s  fonctions  chei  les  diffé- 
rents èlres;uous  verrons  ensuite s'd  existe  un  typeorganiquequi 
paraisse  plus  spceialcment  propre  à  supporter  lesforteslpressions^ 
MUS  chercherons  alors  si  ee  lype-  se  rencontre  pavtai  \t5  c%\«R.î^ 
■■  âomiaaient  aux  époques  très  anluTieures, 


«0  L*ATMOS?HÈRE. 

Si  nous  rencontrons  à  ces  époques  un  ty|>c  de  fonction,  d'or 
gane  ou  d'ètrc,  à  qui  une  forte  pression  semble  avoir  dû  être 
avantageuse  et  que  ce  type,  cette  fonction,  cet  organe  ou  cet  être 
aient  pré<iominc,  nous  serons  en  droit  de  supposer  que  ces  épo- 
ques ont  été  caractérisées  par  une  forte  pression. 

Si,  de  même,  nous  rencontrons  un  type  de  fonction,  d*organe 
ou  d'être,  à  qui  une  pression  supérieure  à  la  nôtre  semble  dés- 
avantageuse, et  que  ce  type,  celte  fouclion,  cet  organe  ou  cet 
être  prédominent  à  l'époque  actuelle  ou  aux  époques  les  plus 
voisines  do  nous,  il  nous  sera  permis  de  conclure  à  cette  autre 
hypothèse  :  que  la  pression  atmosphérique  a  baissé  à  Tépoque 
actuelle  ou  aux  époques  voisines  de  la  nôtre. 

Mais  en  admettant  comme  démontré  que  certaines  espèces 
sont  propres  à  une  grande  pression  atmosphérique,  cela  n*im- 
pliquerait  pas  (]uo  ces  espèces  aient  du  toutes  disparaître  avec 
riiitensiti';  de  la  pression  ;  il  leur  suffirait  d'avoir  modifié  leurs 
fonctions,  leurs  allures,  leurs  organes  ou  simplement  leur  habitat, 
ou  même  de  se  trouver  dans  des  conditions  d'habitat  qui  rendent 
peu  sensibles  les  influences  du  milieu  atmosphérique.  Un  poisson, 
le  Cn'adniusiUi  la  mertriasique,  commun  à  l'époque  où  se  formait 
ie  trias,  a  passé  longtemps  pour  éteint;  il  a  été  retrouvé  derniè- 
rement près  de  la  îNouvelle-Hollande,  vi^vant  à  de  grandes  pro- 
fondeur?, où  il  s'est  peut-être  réfugié  pour  retrouver  une  pression 
que  ses  ancMres  trouvaient  à  des  profondeurs  moindres.  Les 
foiaminifères  de  la  craie  vivent  encore  aujourd'hui  au  fond  des 
mers,  où  ils  sont  en  train  d'édifier  les  bancs  de  craie  de  Tavenir 
et  compensent  peut-être  la  diminution  de  pression  atmosphérique 
par  la  profondeur  de  leur  habitat  actuel.  Il  n'e^t  pas  impossible 
que  plus  d'un  représentant  de  la  faune  ancienne  vive  encore 
aujourd'hui  caché  au  plus  profond  de  nos  mers,  H  que  quelques, 
uns  d'entre  eux,  peut-être  moins  rares  encore  dans  l'antiquité 
classique  que  de  nos  jours,  aient  donné  naissance  à  plus  d'une 
légende  sur  les  monstres  marins, 

Lorsciue  l'on  descend  dans  une  cloche  à  plongeur,  et  qu'on 
s'enferme  dans  un  de  ces  appareils  où  l'air  est  comprimé  par  une 
machine  à  vapeur,  un  des  premiers  eflets  ({ue  Ton  ressente  est 
une  sensation  extrêmement  désagréable  dans  les  oreilles.  Cette 
sensation  a  pour  cause  l'inégalité  de  pression  de  chaque  côté  de 
la  membrane  du  tympan,  entre  l'oreille  externe  qui  communique 
par  le  conduit  auditif  externe  avec  l'air  ambiant  comprimé,  et 


I  PRESSION   ATUOSPUËRIQUE.  g] 

l^reille  interne.  —  L'oreille  interne  deTrail,  il  «!s[  vrai,  commu- 
niquer par  la  trompe  d'BusUche  avec  l'air  ambiant;  mais  ce 
canal,  mou  et  dépressibli;  chez  l'homme  dans  une  partie  de  son 
trajet,  s'iiuvre  dans  l'arrière-gorge  par  un  orifice  Tormé  de  (ieui 
letres  muqueuses,  que  la  pression  ne  fait  qu'accoler  en  obluranl 
le  conduit.  I/air  enfermé  dans  la  trompe  garde  donc  sa  pression 
propre  ot  expose  la  membrane  du  tympan  à  une  pression  inégale, 
par  conséqui-ril  sentie  cl  dès  lors  douloureuse,  jusqu'à  ce  qu'un 
mouvement  forcé  de  dègliuition,  rendant  béant  roriQce  de  la 
IrompP.  vienne  établir  à  la  Tois  et  la  communication  libre  et  l'ét;a- 
litc  de  la  pression.  Ce  phénomène  a  lieu,  quel  que  soit  le  sen«  de 
l'inégalitc,  dans  l'air  comprimé  aussi  bien  que  dans  l'air  rarétié.  Ce 
(ontles  ouvriers  plongeurs  qui  ont  eux-mêmes  trouve  sinon  son 
eipltcation.dumoinsce  qui  leur  est  plus  utile,  le  moyen  de  lu  faire 
ceïscr;  ce  moyen  consiste  àeiTcctuerun  mouvement  de  dCglulHion. 
Nolonsqnclus  oisenux.quisubissent  en  très  peu  de  temps  des  pres- 
sion» différentes,  ont  on  moyen  supérieur  à  celui  des  ouvriers 
plongeurs  :  leur  trompe  d'BusIaclie  est  entourée  d'un  canal  osscui, 
qui  l'cmpéclie  de  jc  fermer,  comme  cela  a  lieu  chez  l'homme. 

L'organr  du  i'uuie  prend  dans  la  cloche  à  air  comprimé  une 
liiieue  inusitée  et  proportionnelle  à  la  compression...  On  s'eipli- 
que,  ilu  reste,  facilemL-nl  qn'un  milieu  conduise  d'autant  mieux 
Im  sons  qu'il  est  plus  dense  ;  aussi  n'est-il  pas  inutile  de  remar- 
quer que.  indépendamment  de  l'état  aqueux  ou  aérique  du  milieu 
1  DU  plus  dense  que  l'autre,  l'organe  de  l'ouïe  va  se  compliquant 
tlans  la  série  animale.  dan.<s  l'ordre  même  où  la  géologie  nous 
nonlre  l'apparition  des  animaui.  De  sorie  que  l'organe  de  l'ouic 
peol  se  classer,  comme  si  au  début  et  dans  le  bas  de  la  série  une 
lllDo&pbËre  très  denw  avait  permis  l'audition  pour  ainsi  dire  avec 
de  frais  d'outillage,  et  comme  si,  à  la  fin  de  la  série,  la  décrois- 
dc  la  densité  du  milieu  aënque  avait  rendu  utile  et  avan- 
un  appareil  non  pas  peut-être  plus  Gn,  nous,  n'en  savons 
rien,  mais  plus  compliqué,  pour  arriver  au  même  degré  d'audition. 
D'one  faroii  générale,  ce  que  nous  regardons  comme  une  irifério- 
nié  organique  n'est  peut-être  le  signe  d'une  infériorité  fonclion- 
Delte  que  pour  le  milieu  artuel;  mais  tel  appareil  organique  au- 
jourd'hui insufOsant  et  inférieur,  nous  dirions  volontiers  dimodé. 
a  été  dans  son  temps,  aux  époques  antérieures,  suflisunt  et  peut- 
être  supérieur.  Dans  la  nature,  comme  dans  les  socîÈlèsWma^vn^. 
irtsul  esl  d'être  de  son  temps. 


•iDo&P 


^jmpoi 


8s  l'atmosphère. 

Voyons  quelques  exemples  :  Au  bas  de  la  série,  chez  quelques 
mollusques^  genre  qui  apparaît  dès  Tépoque  silurienne,  raudition 
ne  diflère  guère  d'une  sorte  de  tact,  qui  perçoit  d*une  manière  péri- 
phérique les  vibrations  d'autant  plus  fortes  que  le  milieu  est  plus 
dense.  Les  poissons  qui  vont  apparaître  dans  le  silurien,  mais  qui 
prennent  dans  le  dévonicn  une  importance  considérable,  ont  une 
oreille  réduite  à  sa  plus  simple  expression  d'organe  d'audition 
loctdiséc  :c^  est  \e  vrstibulc  membraneux  y  sorte  de  sac  rempli  de 
liquide,  dans  lequel  nagent  de  petites  concrétions  calcaires  plus 
ou  moins  volumineuses  et  sur  les  parois  duquel  se  ramifie  un  nerf 
spécial.  Chez  les  reptiles,  qui  n'apparaissent  guère  qu'à  l'époque 
houillère,  l'oreille  est  déjà  peut-être  moins  simple,  mais  ne  pré- 
sente pas  encore  d'organe  collecteur  des  sons;  la  conque^  organe 
collecteur  à  formes  diverses,  n'apparaît  guère  qu'avec  les  mam- 
mifères, comme  si,  le  milieu  devenant  moins  dense,  Taudition  eût 
eu  besoin  d'une  conque  chargée  de  collecter  et,  au  besoin,  de 
renforcer  les  vibrations. 

Si  les  sensations  éprouvées  du  côté  de  la  membrane  du  tympan 
et  l'acuïté  plus  grande  de  l'audition  frappent  d'abord  les  personnes 
qui  se  soumettent  à  l'air  comprimé,  il  est  un  autre  phénomène 
qui  n'apparaît  que  plus  tard,  lorsque,  par  exemple,  la  pression 
atteint  3  atmosphères'.:  c'est  la  gène  éprouvée  dans  les  divers 
modes  de  phunatioi}.  Ce  fait  a  été  constaté  par  tous  les  observa- 
teurs qui  se  sont  placés  dans  les  conditions  voulues,  notamment 
par  le  docteur  Bucquoy,  qui  fut  attaché  comme  médecin  aux 
ouvriers  employés  à  la  construction  du  pont  de  Kchl  et  qui  lit 
lui-même  de  fréquentes  observations  dans  les  cloches  où  la  com- 
pression allait  au  moins  jusqu'à  3  atmosphères.  A  cette  pression, 
il  devient  impossible  de  siffler  et  Ton  éprouve  une  véritable  gêne 
pour  arliculei'  des  sons.  Je  ne  voudrais  pas  pousser  à  l'extrême  les 
déductions  qu'il  est  aisé  de  tirer  de  la  donnée  qui  nous  occupe: 
mais,  sans  prétendre  préciser  l'époque  d'apparition  du  langage 
articulé,  on  peut  admettre  que  tant  que  la  pression  a  été  assez 
forte  pour  nécessiter  un  effort  violent  de  la  part  d'organes  artiru' 
htnU,  le  langage  artieulé  n'a  pas  été  possible.  Sans  même  parler 
du  langage  articulé,  on  doit  constater  que  les  animaux  qui  sont 
au  bas  de  la  série ,  les  mollusques,  les  poissons,  les  reptiles,  ani- 
maux qui  nous  amènent  jusqu'à  la  période  jurassique,  sont,  sinon 
aphones,  du  moins  peu  bruyants,  tandis  que  de  la  période  juras- 
sique jusqu'à  nos  jours,  les  animaux  phonateurs^  oiseaux  et  mam- 


PRESSION   ATifOSFHËHIOUË.  g3 

mîRres 'iominm/,  rornmr' ti  la  phonation  était  devenue  possible  en 
mémelerops  ()uele  tranaportsérien,  au  moyen  de  membres  trans- 
fimWs  en  «les,  Hcvcnail  lui-même  possible,  ea  mime  temps 
qu'apparaissaient  les  premiers  oiseaux. 

A  la  m^niG  pression  coniidérable,  quelques  individus  perdent  le 
^ùt  rt  TndoTSt.  Il  semble  que  les  sensations  oitaclivcs  uu  gusta- 
liiea  MiL-nt  des  sensations  d'un  ordre  fin,  pour  ainsi  dire,  qui  ne 
i'eierccnt  que  sous  de  légères  excitations;  les  excitations  plus 
inassitu,  plus  matérielles  dépassant  en  quelque  sorte  la  mesure. 
Il  sérail  peut-être  permis  de  se  demander  si  certaines  Tonetions 
tcoMneiles  ne  vont  pas  en  s'arUnant,  si  l'on  peut  ainsi  dire,  à 
iDOure  qnc  le  milieu  devient  moins  dense  et,  dirions-nous,  dans 
un  laD2*^  citra-scienlillquc,  plus  fIlUvé.;  il  est  permis  de  se 
demander  si,  dans  l'avenir,  une  diminution  croissante  de  la  prcs- 
iion  ne  pernieltra  pas  la  r<ialisation  d'un  type  idéal,  où  les  Tonc- 
iioni  KQurielles  seront  plus  délicates  et  les  organismes  moins 
ma»ib.  Hais  ce  sont  là  desconsidêralions  sur  lesquelles  la  science 
"'^  pas  à  insister  pour  le  moment. 
i'oursulvoiM  l'étude  des  effets  de  l'augmentation  artificielle  de 
-  ;  tes&ioa  atmosphérique  sur  les  divers  appareils.  Sous  la  pression 
i. ne  colonne  d'air  plus  dense,  la  poitrine  sagrandil,  l'inspiration 
Mi^nt  plus  ample;  elle  devient  en  même  temps  plus  rare,  parce 
"le  besoin  de  l'oiygène  est  plus  assouvi;  c'est  le  contraire  de 
■ouffletnent  et  de  la  dyspnée  '.  aisance  et  largeur  de  la  respi- 
(jij«n,  c'est  ii.  ce  qu'on  sent  dans  les  cloches  où  l'on  comprime 
l'air  dans  un  but  thérapeutique.  Mais  si,  poursuivant  l'expérience, 
■m  vonltnue  ù  corapriraer,  voici  ce  que  l'on  voit  :  Si,  ù  une  pres- 
uon  de  10  centimètres  au-dessus  de  la  pression  uonnate,  la  eapa- 
nte  pulmoDaire  était  égale  à  I  mètre,  elle  devient  ("".OS  k  19  cen- 
timètres; )'",36  ti  38  centimètres;  puis  cette  progression  s'arrête, 
rlk  S7  centimètres  la  capacité  tombe  de  )'',36  àl'°,2j;  elle  coro- 
uence  à  diminuer  vers  un  point  qu'on  peut  fixer  à  une  demi- 
xtmosphfcre  surajoutée.  Cette  limite  varie,  d'ailleurs,  avec  la  force 
lie»  miiKles  inspirateurs  qui,  à  un  moment  donné,  deviennent 
impatefianls  à  soulever  la  paroi  tboraciquc  de  dedans  en  dehors,  en 
raiaoD  de  l'effort  croissant  de  l'air  comprima  qui  cntiturc  la  poi- 
trine, eObrt  qni  est  toujours  supérieur  à  celui  de  l'air  également 
comprimé,  qui  entre  dans  les  poumons,  parce  que  Vé\as\.\c'iVi(ï  çuV 

Etiretetid  à  créer  dans  la  pièire  un  vide  virtuel. 
rereaaitl  à  l'aaatoniie  comparée,  nouâ  conûdÈron^  \c^  tOïi- 


84  l'atmosphère. 

ditions  de  la  respiration  pulmonaire  sous  une  haute  pression 
naturelle,  nous  voyons  qu'elle  n'était  alors  possible  qu  avec  de$ 
muscles  inspirateurs  extrêmement  puissants  et  hors  de  propor- 
tion avec  les  autres  muscles.  Or,  il  existe  une  certaine  corrélation 
organique,  qui  ne  permet  pas  de  ces  défauts  d'équilibre  entre  les 
organes  d*un  même  individu  et,  d'ailleurs,  dans  la  nature  le  tra- 
vail s'cfioctiie  toujours  le  plus  simplement  et  le  plus  économique- 
ment possible.  La  pression  était  jadissuffisante  pour  que  la  collision 
des  globules  avec  Toxygène  s'eficctuât  sans  le  secours  de  TefTort 
musculaire  et  les  houppes  vasculaires  branchiales  devaient  suffire 
sous  une  pression  qui  ne  nécessitait  pas  encore  l'introduction  de 
l'air  dans  des  sacs  pulmonaires.  Aussi  n'est-ce  qu'à  la  période  houil- 
lère, qu'avec  les  reptiles,  plus  nombreux  et  plus  développés  encore 
à  l'époque  du  trias  et  à  Tépoque  jurassique,  apparaît  la  respira- 
tion pulmonaire,  qui  jusque-là  n'avait  pas  été  nécessaire. 

Sous  l'intluencc  de  l'apport  plus  grand  d'oxygène  qui  résulte 
de  l'introduclion  dans  l'organisme  d'un  air  à  une  forte  tension, 
le  sang  veineux  s'artérialise  ;  il  n'y  a,  pour  ainsi  dire,  pas  de  .sang 
veineux,  chimiquement  ivirlant,  tant  l'organisme  est  saturé  d'oxy- 
gène, au-delà  môme  de  ses  besoins.  Le  docteur  Bucquoy,  prati- 
quant des  saignées  sur  ses  ouvriers  du  pont  de  Kebl,  vit  que  le 
sang  sortait  de  la  veine  à  Tétat  rutilant.  Il  est  difficile  de  ne  pas 
remarquer  quels  avantages  devait  donner  jadis  aux  reptiles  une 
pression  atmosphérique  plus  considérable  que  la  nôtre.  En  effet, 
la  circulation,  chez  eux,  est  constituée,  comme  on  sait,  par 
deux  oreillettes  et  un  ventricule  unique;  Foreillette  gauche  reçoit 
le  sang  qui  vient  de  s'artérialiser  dans  le  poumon  et  l'oreillette 
droite  ret^oit  le  sang  veineux;  mais  toutes  deux  déversant  leur 
contenu  dans  un  ventricule  unique,  il  en  résulte  que  l'artère 
pulmonaire  n'emmène  vers  le  poumon  qu'un  mélange  de  sang 
veineux  et  de  sang  artériel  et  que  Taorte  ne  distribue  aux  organes 
qu'un  mélange  de  sang  artériel  et  de  sang  veineux.  Si  l'on  admet 
qu'à  l'époque  où  dominaient  les  grands  reptiles,  la  pression  était 
beaucoup  plus  considérable  que  de  nos  jours,  le  sang  veineux 
devait  être  rutilant,  comme  nous  l'avons  vu  de  nos  jours  chez  les 
ouvriers  du  pont  de  Kehl,  et  le  mélange  de  sang  veineux  et  de 
sang  artériel  que  distribuait  l'aorte  aux  organes  était,  en  somme, 
un  sang  rutilant,  c'est-à-dire  chargé  d'oxygène.  En  même  temps  le 
poumon,  appareil  encore  rudimentaire,  recevait  un  sang  qui  n'était 
guMncomplètement  désoxydé  et  sur  lequel  l'épuration  à  effectuer 


PRESSION   ATUOSPHëBIOUB.  85 

hit  moins  tons iilérablc  que  sur  un  sang  absolument  dmxydé. 

nt-Jtrc  celle  Uisposilion,  qui  crée  aux  reptiles  coolempurains 

I  di^vaDlagr  Évident,   sufiisait-elle  alors  à  leur  donner  une 

1     ,_li>unce  et  une  vivacité  qu'ils  ont  perdues!  On  peut  supposer 

\\  ■  ^Bilcmimt  <iiic  les  grands  sauriens,  qui  ont  quatre  cavités  cardia- 

lt«t  cliei  lesquels  le  mélange  de  sang  veineui  et  de  sang  arté- 

oe  so  Tait  dans  l'aorte  qu'après  que  cette  branche  a  Tourni  le 

g  artériel  de  la  lélc,  trouvèrent  déjà  dans  cette  disposition  un 

Uge  centre  une  diminution  déjà  .sensible  de  la  pression. 
Enfin,  ai  l'on  songe  que,  sous  une  pression  artificielle,  la  puis* 
:  moseulaire  est  accrue  au  dynamomètre,  ainsi  que  l'ont 
laii!  Bucquoy,  Junod  et  Pravai;  si  l'on  aonge  que  chez  les 
s  qui  passent  une  partie  de  leur  temps  dans  ne  milieu, 
rUt  est  augmenli^  et  qu'une  plus  grande  consommation  ali- 
taire  devient  nécessaire,  on  peutsc  demander  siles  dimensions 
ibles  d'un  grand  nombre  d'animaux  que  nous  retrouvon. 
Ut  fossile  n'étaient  pas  favorisées  par  l'excès  de  la  pressions 
r  eoaprimé  augmente,  en  effet,  l'intensité  vitale;  il  active 
fe  combustions,  il  hi\te,  par  conséquent  la  rénovation  molécu- 
Cel.  H  l'apport  alimentaire  augmente  en  même  temps,  condi- 
i  tine  ipta  non,  le  mouvement  tropbique  devient  plus  intensif. 
'iedois,  avant  d'aller  plus  loin,  envisager  la  queslion  sous  une 
antre  IJtcc  et  répondre  d'avance  à  une  objection  qui  pourrait 
m'dtre  faite  :  Nous  n'avons  considéré  jusqu'ici  que  les  variations 
«l'ordre  phytiqtte  éprouvées,  ou  du  moins  paraissant  avoir  été 
es,  par  l'atmosphère.  Mais  cette  élude  se  complique  de  la 
ESÎIéde  nous  placer  niainlenant  au  poini  de  vue  des  variations 
fdre  ekimique. 

'n  éliminant  les  vapeurs  métalliques,  qui  ont  été,  sans  doute, 
pension  dans  l'atmosphère  aux  premières  époques  de  son 
misatiun,  en  ne  tenant  plus  compte  non  plus  de  la  grande 
iotité  de  vapeur  d'eau  que  fait  supposer  la  situation  plue  élevée 
V  pointde  saturation  de  l'atmosphère  d'alors,  avons-nous  quelque 
donnée  sur  la  quantité  relative  de  l'azote,  de  l'oxygène,  de  l'acide 
irartionique  et  de  l'ammoniaque, aux  diversesépoqucs  géologiques? 
^^ces  quantités  relatives  ont  peu  varié  et  que  leurs  quantité* 
^Hbolnes  aient  seules  diminué  par  suite  de  la  prédominance  de  la 
^^■toniffinfion  (biologique  ou  non)  sur  le  mouvement  contraire 
^^HRstilution  h  VaitoosphÉre  par  les  phénomènes  de  tcAu^va 
^^^^gMaiqae  ou  d'expinithn  chez  les  êtres  vivaals,  àV  en  viïi  WA 


l'atmosphère. 


l'cpaisseLT  de  l'aUnosphëre  a  seule  varié,  sa  composition  resUot 
la  même,  les  considérai  ion  s  que  je  viens  de  faire  valoir  au  tiijtl 
de  rinflucncede  ta  compression  barométrique  demeurent  intactes. 
Si,  au  contraire,  la  composition  de  l'atmosphire  a  varié,  les 
efTets  de  la  pression  ont  pu  s'ajouter  à  ceux  de  la  compoùtion 
chimique,  ou,  au  contraire,  les  contrc-ba lancer  et  donner  lieu  i 
des  phénomènes  complexes,  qu'il  serait  diflicilc  d'analyser. 

On  a  admis  jusqu'ici  et  l'on  admet  encore  généralement  que  la 
végétation  de  l'époque  bouillère  nous  indique  dans  l'atmosphère 
la  présence  d'une  quajilité  d'acide  carbonique  énorme,  que  ces 
véjrétaux  auraient  consommée  en  partie,  laissant,  après  eui,  1* 
terrain  libre,  en  quelque  sorte,  pour  les  animaux,  dont  la  respira- 
tion, à  l'inverse  de  celle  des  végétaux,  emprunte  à  ralroosphère 
son  oxygène  et  lui  restitue  son  acide  carbonique.  Uans  ces  condi- 
tions, l'atmosphère,  avant  et  jusqu'à  l'époque  Aoui'/<'rc,  aurait  éti- 
plus  riche  en  acide  carbonique  qu'en  oxygène.  Sa  pauvreté  en 
oxygène  aurait  été,  il  est  vrai,  compensée  par  une  tension  consi- 
dérable', mais  sa  richesse  en  acide  carbonique  à  une  tension,  par 
conséquent,  plus  considérable  encore,  eût  gâné  l'élimination  de 
l'acide  carbonique  par  les  animaux  et  rendu  leur  respiration  non 
comparable  avec  celle  qu'ils  cfTec'.uent  dans  nos  cloches  à  air  com- 
primé. 

Cela  e^l  vrai  ;  mais  si  l'on  se  place  dans  cette  hypothèse,  il  est 
permis  de  remarquer  que  la  plupart  des  animaux  que  nouscon- 
naissons  parmi  la  faune  cambricnne,  silurienne  et  dévonjennc, 
sont  des  mollusques  et  des  poissons,  animaux  aquatiques;  îli 
vivaiontdans  des  eau»  très  calcaires,  et  qui  devaient  accaparer 
une  Rrande  partie  de  l'acide  carbonique  dilué,  pour  former  le* 
carbonates  que  nous  retrouvons  encore  ou  dont  s'emparaient  leurs 
coquilles.  Le  gaz  resté  dans  l'eau  à  l'élal  de  dissolution,  pour  les 
besoins  de  l'uiiimal,  préiicntait  donc,  pour  son  acide  carbonique, 
une  tension  moindre,  et,  pour  son  oxygène,  une  tension  plus  con- 
aidérable  que  ne  Taisait  l'air  atmosphérique  qui  s'étendait  alors 
ui  dessus  de  la  surface  des  eaui.  l^  respiration  aérienne,  inau- 
gurée par  les  reptiles  à  la  fin  de  l'époque  houillère,  aurait,  en 
eiïet,  coïncidé  avec  une  diminution  de  l'acide  carbonique  de  l'air.   _ 

J'ai  tenu  à  montrer  que  les  idées  que  je  viens  d'énoncer  au  ' 
sujet  de  l'influence  des  variations  de  la  pression  atmosphérique 
«ur  l'évolution  organique,  ne  sont  pas  incompatibles  avec  l'hyiio- 
tltèsed'iin  djiingemcnt  chimique  dansVa.\m(eç\vtTii  Ai\M.'ftVU£WO 


PRESSION   ATHOSPHËIltOUE.  87 

ccordentpss  imiquenicnl  avec  une  modification  d'ordre  phy- 
le.  Mats  celte  dernière  discussion  deviendrait  mètiic  inulile,  si 
pinion  de  Oi.  Ljeli  était  démonlrÉe  conToruie  ù  la  réalité  des 
ib.  r.f-l  illustre  géologue,  dont  les  travaux  font  justement  auto- 
té,  s'élève,  en  effet,  contre  l'opinion  d'un  grand  nombre  de  sa- 
ints qui  tcsmt  plu,  Jit-il,  a  ù  soutenir  que  pendant  la  période 
b  houJIlËre  l'atmosphère  avait  été  chargée  d'un  excès  d'acide  car- 
I  bonique  ».  Pour  lui,  l'accumulation  de  la  houille  n'est  pas  plus 
e  preuve  de  Teicès  de  l'acide  carbonique  à  Tépoque  houillère, 
t  le  dép^t  considérable  de  sel  marin  qui  se  Tait  chaque  année 
K  quelques  golfes  de  l'Inde,  sous  t'iniluenec  de  l'cvaporation, 
^djque  uu  excès  dans  la  salure  de  cette  partie  de  la  mer. 
~     i  n'jivons,  dit-il,  aucun  droit  de  déduire  de  pareilles  con- 
E^uslons  relativement  ù  l'ancienne  constitution   chimique  de 
l  f atmosphère  ;  il  en  sera  ainsi  tant  que  nous  ne  posséderons  pus 
|àe»  données  sunisnnles,  pour  estimer  le  volume  de  l'acide  car- 
ique  que  la  lerre  éniel  dans  les  régions  volcaniques  et  qui 
K«si  ItMinii  parles  cadavres  des  animaux  et  des  substances  végé- 
I  Ulnen  pulrél^clion,  pour  comparer  ce  voiuroc  avec  celui  du 
annuellement  extrait  de  l'air  et  ensuite  emmagasiné 
Ejans  l'épaisseur  de  la  croûte  terrestre  sous  forme  d£  tourbe,  de 
Iboiscnfoui,  de  matière  organique,  provenml  du  rè^ne  animal.  » 
mmes-nous  mieux  rensci^nds  sur  les  variations  dans  la  quan- 
t  Telali*o  àe  l'oxygène  ?  Les  oxydatiotis  qui  se  sont  Taites,  dès 
micrc  heure,  sur  la  pellicule  formée  à  la  surface  de  la  terre 
a  fusion,  nous  auioriscnt  ï  penser  que  Voxjgèue  existait 
k  dans  l'atmosphère,  tout  prêt  û  satisfaire  l'aflinité  des  corps 
ni;  il  a  donc  pu  se  consommer  ainsi  des  quanlitûs 
a  de  ce  gaz  au  protil  du  la  croûte  du  globe,  mais  la  tension 
i»  avons  supposée  plus  grande  que  de  nos  jours  aurait 
I  compense  la  diminution  absolue  de  l'oxygène.  D'un  autre 
è  l'abaissement  progressif  de  la  pression  atmosphérique  a  pu 
wher  pariillcleraeut  avec  la  restitution  d'oxygène  par  les  végé- 
U,  si  bien  qu'à  mesure  que  la  tension  de  l'oxygène  diminuait, 
itité  augmentait  d'une  manière  compensatrice  et  favorable 
Rétablissement  d'animaux  de  plus  en  plus  élevés. 
f  Dans  l'état  acluel  de  nos  connaissances  l'élude  de  la  pression 
ao:q>hérique  est  donc  le  terrain  le  plus  solide  ou,  pour  être  plus 
kct,  le  autins  mourant,  sur  lequel  on  puisse  asseoil  une  fe"lVO- 
e  intime. 


88  l'atmosphère. 

Examinons  maintenant  les  conséquences  des  Tartations  physî* 
ques  de  l'atmosphère  sur  les  végétaux.  Cette  étnde  ne  pUûde 
pas  moins  que  celle  que  j'ai  faite  en  faveur  de  Thypothëse  de  la 
diminution  progressive  de  la  pression  atmosphérique.  Les  expé- 
riences de  P.  Bert  lui  ont,  en  cfTct^  montre  que  jusqu'aux 
pressions  de  2  et  3  atmosphères  il  y  a  avuntagcy  pour  les  semis 
placés  dans  Tair  comprimé.  A  partir  de  -i  et  5  atmosphères  il  y  a 
désavantage,  mais  surtout  pour  les  graines  à  albumen  farineux. 
Or  la  végétation  des  temps  primitifs  se  composait  surtout  de 
plantes  qui  ne  sont  pas  dans  ces  conditions. 

Mais  les  expériences  de  P.  Bert  assignent  une  limite  à  la  vie 
sous  pression;  les  végétaux  résistent  plus  longtemps  que  les  ani- 
maux. Tous  deux  meurent  ;  mais  les  premiers  vers  7  et  8  atmos- 
phères environ,  les  seconds  lors4|ue  leur  sang,  au  lieu  de  contenir 
18  ou  20  pour  IOOd\)xygène,  arrive  à  en  renfermer  30  à  35  pour 
100.  Los  i!el)uts  des  êtres  organisés  vivants  ne  peuvent  donc  pas 
remonter  au-delà  de  répo:|ue  des  hautes  pressions. 

11  est  vrai  qu'une  expérience  remaripiable  de  P.  Bert  nous  per- 
met d'entrevoir  encore,  derrière  ces  débuts  de  premier  être  orga- 
niste la  |Htssibilitô  des  manifestations  de  la  vie  sur  notre  globe 
encore  comprimé  par  une  épaisse  atmosphère.  En  effet,  tandis 
que  les  hautes  pressions  empêchent  les  fermentations,  qui  sont 
l'action  d'un  ferment  ligure,  en  tuant  les  êtres  organisés  rudimen- 
taires  qui  en  sont  les  auteui^s,  fermentation  du  vin,  du  viuaigrc, 
de  la  bière,  putréfaction  ;  les  plus  fortes  pressions  n^em pèchent 
pas  les  fermentations  zym'ttiqHrs,  celles  qui  ont  pour  agent  non 
plus  un  être  /Ir/ure,  mais  un  principe  soluble,  dit  diastasiquc^  my- 
rosine,  énmlsinc,  etc.  En  un  mot,  les  fermentations  diastasiques 
s'efTectuent  à  des  pressions  iwnntimtifiirs  avec  la  vie  figurée. 

Ces  expériences,  quoique  faites  à  un  tout  autre  point  de  vue, 
sont  susceptibles  de  recevoir  une  interprétation  qui,  pour  être 
nouvelle,  ne  me;  semble  pas  moins  vraisemblable.  N'est-ce  pas 
dans  l'étude  des  fermentations  diastasiques  qu'on  trouvera  quelque 
jour  le  moyen  d'expliquer  la  genèse,  non  pas  telle  qu'elle  se  fait 
actuellement,  mais  bien  telle  qu'elle  a  pu  se  faire  au  début,  au 
moment  de  la  première  évolution  biologique  de  la  matière? 
N'est-ce  pas  là  le  trait  d'union  entre  les  panspermistes,  dont  les 
expériences  sont  aujourd'hui  inattaquables,  et  leurs  adversaires, 
dont  les  conceptions  ont  dû  certainement  êtres  réalisées  à  l'origine 
des  temps  et  le  sont  peut-être  encore  dans  les  bas-fonds  de  l'Océan? 


^ 


PftEiStON   ATUOSFHËEIIOUE.  gg 

J'orr^lc  ici  ces  considératicns  sur  une  hypolhése.  qu'un  grand 
iwinbi«  iJi*  rails  l^gilirat'iil  iti-jA,  cl  qui  lue semble  dignedes  oiédi- 
Utions  des  biologistes. 

Ce  ttmU  iuVi|iosef  Wncvolement  à  la  critique  que  de  soutenir 
i|ut!  l'ÛTotution  dCN  Atres  a»  eu  d'autre  sollicitât  ion  que  le  ilegré 
pluf  ou  moins  èicté  de  la  pression  atmosphêriq^ie.  En  pareille 
ninlicre,  lifut  esit  couplcie  et  nos  Ihcorics  comme  nos  classifica- 
tiou»  ne  sont  jamais  absolument  vraies,  parce  qu'elles  sont  tou- 
l'iur»  trop  fliclusiïeâ.  C'est  lï  une  conséquence  de  l'application  de 
nvlre  esprit  sur  un  point  donné;  mais  nous  ne  devons  pas  oublier 
•|DC  l'étude  dp  la  iialnre  est  cotnparable  à  celle  d'un  crrcfc,  dont 
cous  ne  cunaideroQs  jamais  à  la  Sois  qu'un  sfgmenl. 


CHAPITRE  I 


^os  doute  les  êtres  vivuDls  sont  avec  l'atmMphËre  dans  des 
rapports  extrêmement  inlinies;  ils  lui  empruntent,  ii  cbaque 
lOtUnt.  lie  l'oivgèae  ou  de  l'acide  carbonique  et  lui  restituent  de 
l'icide  carbonique  ou  de  l'oxygène;  mais  plus  ialime  encore  c»t 
leur  conneiioTi  avec  le  sol  et  si  tous  lui  confient,  après  leur  mort, 
le*  éléœenls  dont  ils  sont  constitués,  on  pent  dire  que  ce  n'est  lit 
iL'iine  restitution;  car  la  plante  n'emmagasine  que  ce  que  le  sol 

■  fonrai  et  l'animal  n'eramaKasine  directement  ou  indirecle- 
1,  Mlon  qu'il  est  herbivore  ou  carnassier,  que  ce  que  la  plante 

I  foumi.  Le  végétal  est  donc  à  proprement  parler  Tintermé- 
e  Mttre  le  sol  et  l'animal  :  c'est  par  lui  que  le  phosphate  de 
~  S  collines  calcaires  passe  dans  les  os  des  animaui  ;  c'est 
Ebu  que  le  fer,  qui  se  trouve  dans  le  so\,  devient  un  des  prin- 
■x  éléme»l&  constituants  de  notre  sang.  Nous  vivons  du  sol 
otuincm  comme  la  betterave,  la  pomme  de  terre  nu  la  vigne 
Ml  de  la  potasse  qu'il  contient  ;  comme  d'autres  plantes  vivent 

■  wtiile,  soit  au  bord  des  eaui  saumiUies  des  salines,  soit  au 
d  de»  lacs  salés,  soit  dans  les  terrains  encore  imprégnés  de  sel, 

■  que  ceux  du  Sahara;  comine  d'autres  p\anlca  \\\fcnl  i\i^  \^ 
,  telleique  les  prèles,  etc.  Va  hectare  de  pummts  4e  Ven* 


90  LE   SOL. 

consomme  par  an  i45  kilos  de  sel  de  potasse,  et  un  hectare  de 
betteraves  en  consomme  200  ;  du  reste,  dans  certains  pays,  comme 
en  Allemagne,  la  terre  contient  par  hectare  de  40  000  à  76  000  ki- 
los de  potasse.  Fixées  au  sol,  les  plantes  sont,  de  tous  les  êtres  vi- 
vants, ceux  qui  tiennent  nécessairement  le  plus  au  choix  du  ter- 
rain, mais  chaque  être,  végétal  ou  animal,  veut  un  certain  milieu 
telluriquc;  si  la  constitution  chimique  de  ce  milieu  vient  à  chan- 
ger, Tindividu  change  également  :  le  rosier,  Thortensia  changent 
la  couleur  de  leurs  fleurs  selon  la  nature  chimique  du  terrain, 
et  plusieurs  botanistes,  partisans  bien  convaincus  de  Timmuta*. 
bilité  de  Tespèce,  ont  décrit  comme  espèces  séparées  des  types 
qui  nY'taient  autre  chose  que  des  variétés  issues  d*un  même  indi- 
vidu et  modifiées  par  la  nature  du  sol  ;  c'est  ainsi  qu'une  violette 
qui  croit  en  abondance  aux  environs  d'Aix-la-Chapelle,  dans  un 
terrain  qui  contient  du  zinc,  a  pris,  sous  Tinfluencc  de  ce  métal, 
une  couleur  jaune;  c*estla  Viola  lutxn  des  botanistes.  En  somme, 
plantes  et  animaux,  nous  sommes  le  reflet  des  matériaux  divers  qui 
composent  la  croûte  solidifiée  de  notre  planète  et  il  est  certain 
que  dans  d'autres  planètes,  dont  la  composition  chimique  serait 
difTérente,  la  composition  chimique  des  habitants  serait  également 
différente. 

i;    i.    PAUVRETÉ   DU   SOL   EN   MATIÈRES    CALCAIRES. 

Dans  certaines  parties  de  la  Guyane,  d'après  le  docteur  Maurel, 
la  terre  est  extrêmement  pauvre  en  substances  calcaires,  phos- 
phate, sulfate  et  carbonate  de  chaux;  les  eaux  qui  lavent  ces 
terres  sont  donc  elles-mêmes  peu  chargées  de  ces  substances: 
ainsi  Teau  du  Rorota  ne  contient  par  litre  que  4  milligrammes  de 
sulfate  de  chaux;  celle  du  Counana  et  celle  du  Maroiii  n'en  con- 
tiennent pas  du  tout.  Il  eu  résuite  que  les  plantes  du  pays  sont 
elles-mêmes  pauvres  en  matière  minérale.  Or,  dans  ces  conditions 
de  milieu  tout  à  fait  spéciales,  le  docteur  Maurel  a  observé,  chez 
les  Indiens  de  la  Guyane,  certains  phénomènes,  qui  montrent 
que  rhomme,  comme  la  plante^  est  bien  fils  du  sol. 

Ce  distingué  confrère  a  constaté  que,  dans  ce  pays,  les  fractures 
se  consolident  avec  une  extrême  lenteur  ;  il  a  noté  chez  les  In- 
diens de  Maroni  la  fréquence  incomparablement  plus  grande 
qu'ailleurs  de  la  mrie  denUiirc,  enfin  il  a  constaté  la  lenteur  de 
Vossificalion  normale. 


CALCAIRES   DU   SOL.  91 

Les  Indiens  comprennent  parfaitement  le  besoin  de  calcaire,  car 
Maurel,  à  Thôpital,  en  a  surpris  un  grand  nombre  qui  mangeaient 
la  chaux  des  murs.  H  y  a  là  un  appétit  analogue  à  celui  qu'on 
constate  chez  un  grand  nombre  d'animaux,  pigeons,  bœufs,  etc. 

Les  phosphates  terreux  ne  sont  pas  d'ailleurs  indispensables 
aux  animaux  seuls  :  les  expériences  déjà  anciennes  de  Gosselin  et 
de  Milne-Edwards  ont  montré  que  le  phosphate  de  chaux  active 
également  la  croissance  des  végétaux. 

Cachexie  osslfrage.  —  Les  conditions  qui  sont  normalement 
réalisées  à  la  Guyane,  le  sont  accidentellement  dans  plusieurs 
pays,  notamment  en  Allemagne;  lorsque  de  grandes  sécheresses 
se  produisent,  les  sels  du  sol  n'ont  pu  être  dissous  par  l'eau  ;  il 
en  résulte  que  les  fourrages  contiennent  fort  peu  de  principes 
calcaires;  le  bétail  qui  se  nourrit  de  ces  fourrages  devient  alors 
en  proie  à  une  maladie  spéciale  :  les  os  qui  s'usent  chaque  jour, 
comme  tous  nos  tissus,  ne  recevant  plus  de  matière  calcaire, 
perdent  chaque  jour  de  leur  poids  et  de  leur  solidité  ;  à  la  place  du 
tissu  osseux,  qui  s'en  va  et  ne  se  reproduit  pas  en  quantité  suffi- 
sante, se  forment  des  cavités,  qui  se  comblent  en  partie  d'une 
moelle  riche  en  graisse;  la  proportion  de  graisse  s'élève  alors 
à  29  pour  iOO,  tandis  que  celle  des  phosphates  tombe  de  48  pour 
iOO  à  12  et  même  7  pour  100;  les  paroisde  cescavités  deviennent 
molles,  peu  résistantes;  elles  se  cassent;  les  animaux  ne  peuvent 
se  tenir  sur  leurs  jambes,  qui  s'incurvent  sous  leur  poids  et  se 
brisent  au  moindre  mouvement. 

Celte  maladie  porte  le  nom  de  cacliexie  ossifrage,  d'ostéoclasie 
ou  A^ijstéonialacie;  elle  s'observe  chez  la  bète  bovine,  le  porc,  la 
chèvre  ;  elle  a  sa  source  dans  la  pauvreté  calcaire  du  sol  et  des 
fourrages,  en  un  mot,  dans  l'alimentation  totale  de  l'animal; 
Déannioins  le  vulgaire  a  choisi,  je  ne  sais  pourquoi,  une  seule  des 
plantes  mangées  par  l'animal,  pour  l'incriminer  et  à  cette  plante, 
qui  est  VAniheincum,  on  a  donné  le  nom  d'Ossifragum. 

Ostéomalacle  des  femmes  en  eouehes.  —  La  cachexie 
ossiCrage  atteint  surtout  les  femelles  pleines,  forcées  de  fournir  à 
leur  embryon  une  grande  quantité  de  calcaire,  au  moment  oîi 
cette  substance  leur  manque  pour  leur  propre  entretien  ;  elles 
la  prennent  alors  dans  leurs  propres  tissus,  dans  leurs  propres 
os,  qui  se  ramollissent.  Cette  maladie  se  montre  parfois  chez  la 
femme,  dont  elle  ramollit,  après  raccouchement,  les  os  du  bassin  ; 
il  suf&t  d'avoir,  dans  sa  vie,  fait  nicher  des  oiseaux  eu  ca%^>  V^>)^^ 


•I  LE   SOL. 

avoir  remarqué  que  la  femelle/afin  d'éviter  précisément  semblable 
accident,  a  Tinstinct  de  mauf^r  la  coquille  des  œufs  qui  yiennent 
d'cclore,  avaat  de  recommencer  une  autre  ponte. 

Ostéomalacle  des  vieillards.  —  Une  maladie  semblable 
s'observe  parfois  chez  les  vieillards,  dont  la  dépense  dépasse 
désormais  la  recette;  on  voit,  dans  ces  conditions,  se  produire  chez 
eux  des  fractures  qui  ne  se  consolident  pas. 

OstéoBialaele  des  Jeunes  vertébrés.  Maladie  des  ehe- 
vanx  en  CoehlDehlDe.  Raehlilsme. —  C'est  au  même  méca- 
nisme qu'il  faut  rapporter  le  ramollissement  des  os  chez  les  jeunes 
vertébrés  et  un  certain  nombre  de  cas  de  la  maladie  qui  porte 
le  nom  de  Rachitisme,  Je  dis  un  certain  nombre  de  cas,  car  le 
professeur  Parrot  a  montré  que  bien  des  lésions  attribuées  à  tort 
à  du  rachitisme  ne  sont  qu'une  des  formes  nombreuses  de  la 
syphilis  héréditaire. 

Bouley  fils  a  produit  l'ostéomalacie  chez  les  jeunes  chiens,  en 
leur  donnant  de  l'œuf  battu,  au  lieu  et  place  du  lait  maternel;  le 
moindre  eflbrt  suffisait  pour  briser  leur  fémur;  la  maladie  s'ob- 
serve également  chez  les  veaux,  les  porcelets,  à  qui  on  rgfuse  le 
calcdire;  c'est  cet  état  que  les  éleveurs  désignent  parfois  sous  le 
nom  de  maladie  paralytique  du  jeune  âge,  mot  absolument  im- 
propre, car  il  ne  s'agit  pas  ici  de  paralysie  musculaire,  mais 
d'un  ramollissement  des  os.  Cette  maladie  s'observe  également 
chez  les  jeunes  singes.  Elle  s'observe  chez  les  oiseaux,  notamment 
chez  les  faisans  ;  elle  porte  ici  le  nom  de  maladie  des  pattes  des 
jeunes  faisans  ;  SA  cause  réelle  est  si  bien  l'absence  de  calcaire, 
qu'il  suffit,  pour  la  guérir,  d'ajouter  du  calcaire  à  la  nourriture 
des  oiseaux. 

C'est  au  défaut  de  calcaire  qu'est  due  une  maladie  récemment 
décrite  par  un  vétérinaire  de  l'armée,  M.  Germain,  sur  les  chevaux 
égyptiens  importés  en  Cochinchine  française.  Dans  une  note  au 
ministre  de  la  guerre,  il  émet  l'opinion  que  cette  maladie  du  sys- 
tème osseux  tient  pour  la  plus  grande  part  à  la  disproportion  très 
grande  des  sels  calcaires  dans  les  aliments,  en  Egypte  et  en  Co- 
chinchine. Dans  ce  pays,  les  sels  sont  en  quantité  beaucoup  moindre 
qu'en  Egypte  et  les  animaux  de  cette  origine  ne  les  trouvent  plus 
en  proportion  sufQsante  pour  la  nutrition  normale  des  os,  qui  chan- 
gent de  composition,  s'altèrent,  en  suite  de  quoi  les  animaux  de- 
viennent impropres  au  service  dans  un  temps  plus  ou  moins  court. 
Cette  maladie  ne  s'est  déclarée  sur  les  chevaux  égyptiens  qu'au 


CALCAIHëS   du   301. 

IxHit  de  dii-liuit  mois  à  peu  près,  d'une  manière  Irts  accusée,  et 
l'on  n'en  n  retorrli- les  fâcheuses  consêqnetices  générales  qu'en 
maintenant  dans  la  ration  l'orge  d'E^ple.  Mai»  cela  n'est  pas  suf- 
fiMDt  pour  que  les  animaui  n'en  soient  pas  atteints  à  des  degrés 
plus  vu  moins  avancés,  suivant  les  dispositions  individuelles,  car 
r&ObiblissemeDl  dû  aux  grandes  chaleurs  humides  du  climat  local 
eit  pnur  quelque  chose  dans  le  développement  ostensible  du  mal, 
plus  hitif,  ou  plus  tardif,  suivant  la  puissance  ronctioiinelle  de 
l'organisme.  Il  Faudrait  donc,  pour  conservera  ces  chevaux  une  plus 
loaguc  résistance,  chani^er,  quant  aux  sels  calcaires,  la  composi- 
lion  des  aliments  produits  par  la  Cochinchine.  11  y  aurait  quelque 
rhaoce  d'y  arriver  en  aménageant  convenablement  le  sol  des  prai- 
ries destinées  aui  besoins  des  cbevaui  d'Egypte.  Il  faudrait  qu'elles 
lus»:»!  fiirtement  chntitiei. 

Le  raehiliamc  est  d'autant  plus  fréqnent  chez  l'hommeque 
les  soios  et  surtout  l'alimentation  reçus  par  la  première  enfance 
sont  moins  bien  appropriés.  Lorsque  la  guérison  a  lieu,  il  semble 
que  U  ilo^e  du  calcaire  osseux  dépasse  la  mesure,  même  dans 
les  CBS  où  le  ramollissement  des  os  a  été  produit  par  la  syphilis  ; 
les  oa  se  trouvent  alors  en  quelque  sorte  moulés,  immobilisés  ai) 
milieu  d'une  gangue  ébumée,  dans  la  forme  qu'ils  aiïectaicDt 
alors  qu'ils  étaient  mous.  Ils  demeurent  alors,  pour  la  vie  entière, 
trapue,  l'irdus.  Un  grand  nombre  de  petits  bossus,  non  pas  tous, 
la  plupart  des  nains,  sont  des  rachJtiques  guéris;  c'est  parmi  eui 
que  M  recrutaient  les  boulTonsde  cour.  Deux  tjpes  de  rachiliques, 
presque  devenus  classiques,  ont  été  décrits  de  main  de  muilre  cl 
rcstcut  à  jamais  dessinés  :  ce  sont  ceux  deRiquet  à  la  liouppc  et 
de  Quasimodo. 


§   2.    RICBESSE  I 


.  EN    MATIÈRES   CALCAtHES. 


^^B«s  conditions  inverses  de  la  richesse  du  sol  en  calcaire  créent 
^^^^rallement  des  conditions  opposées  et  ce  chapitre  est  en 
^^Kelque  sone  la  contre-partie  du  précédeot. 
^HKkIchIb.  AlbtroBes.  —  C'est  ainsi  que  Boudin  a  signalé  la 
^^Hquence  des  ealculs  du  Toie  oo  du  rein  dans  les  pays  riches  ou 
calcaires  ;  ou  a  même  constaté,  dans  certaines  régions,  que  la 
carte  de  frêiiuence  des  calculs  coïncidait  ciaclement  avec  la  carte 
dn  terrains  calcaires  dressée  par  les  g-éologties. 

r  calcaires  revient  encore  la   rrti\uence  ie  tettfe 


^Ljltfi  le 


94  LE   SOL.    , 

ossification  partielle  des  artères  qu^on  nomme  Vathérome.  Or, 
c*est  là  quelque  chose  de  fort  important  que  ce  dépôt  de  matière 
calcaire,  qui  se  forme  dans  la  trame  des  vaisseaux  ;  car,  au  lieu 
d'être  élastiques  et  souples,  ceux-ci  deviennent  cassants,  raides; 
l'atbérome  s'ouvre  alors^  sur  le  trajet  du  vaisseau,  comme  ferait 
une  soupape  rigide,  qui  viendrait  à  se  soulever  sur  un  conduit  de 
caoutchouc;  une  hémorrhagie  a  lieu  dans  le  cerveau  ou  ailleurs, 
ou  bien,  au  contraire,  ce  noyau  calcaire  agissant  comme  ferait  un 
fil  dans  une  solution  saline,  saturée,  provoque  la  coagulation  delà 
fibrine  et  la  formation  d'un  caillot,  qui  obslruc  la  lumière  du 
vaisseau  et  il  se  prc«duit  une  gangrène  dans  tout  le  territoire 
arrosé  par  ce  vaisseau.  C'est  là  le  mécanisme  de  ramollissement 
cérébral. 

Cette  incrustation  des  artères  se  fait  par  une  sorte  d'imbibition  ; 
la  matière  calcaire,  lorsqu'elle  traverse  en  abondance  l'orga- 
nisme, se  substitue,  en  effet,  molécule  pour  molécule  à  la  matière 
organique,  un  peu  comme  cela  se  passe  dans  les  phénomènes  de 
fossilisation.  Or,  jamais  la  matière  calcaire  n'est  apportée  en  aussi 
grande  abondance  à  l'organisme  que  par  les  aliments  végétaux 
et  si  les  eaux  d'un  pays  doivent  à  la  nature  du  sol  qu'elles  traver- 
sent de  dissoudre  une  grande  quantité  de  substance  minérale, 
elles  s'ajouteront  encore,  comme  agent  incrustant,  à  l'action  des 
végétaux,  qui  seront  eux-mêmes  plus  riches  en  calcaires  dans  ce 
pays  que  dans  tout  autre.  Aussi  Gubler  a-t-il  remarqué  que  la 
précocité  de  Tathérome  s'observait  dans  les  classes  pauvres  des 
campagnes,  celles  qui  mangent  le  moins  de  viande  et  le  plus  de 
légumes.  Raymond,  à  l'appui  des  recherches  de  Gublcr,  a  lui- 
même  constaté  la  fréquence  et  la  précocité  de  fathérome  dans 
un  couvent  de  Chartreux,  qui  ne  vivent,  comme  on  sait,  que  de 
légumes. 

Ce  qui  est  vrai  de  l'athérome,  l'est  aussi  des  calculs  ;  les  Indiens, 
qui  mangent  surtout  des  végétaux,  sont  très  sujets  aux  calculs  et 
à  l'athérome,  mais  nous  verrons  plus  loin  que  cela  tient  sans 
doute  aussi  à  la  race.  Peut-être  est-ce  à  la  nature  du  sol  qu'on 
peut  attribuer  la  fréquence  de  la  pierre  en  Egypte;  Clot-Bey  a 
pratiqué  lui-même  dans  ce  pays  plus  de  160  opérations  de  taille. 

On  voit  quelle  importance  peut  avoir  la  nature  chimique  du  sol 
sur  la  production  des  maladies.  11  y  a  plus  :  on  aurait  vu,  d'après 
Boudin  et  plusieurs  autres  auteurs,  certaines  épidémies  se  limiter 
à  certains  terrains,  notamment  celles  de  suette,  de  Gèvre  typhoïde, 


KATDRE    DU    SOL. 

fwnipcle,  de  choléra;  mais  cela  se  rattache  à 
d'idé»;  il  en  sera  parlé  plus  loin. 

§   3.    LIFLUENCB   RE   LA   NATURE  DU   SOL  EN   GÉNËRAL. 

Am1*b  da  ««1  «nr  l'évolution  orgnnlqae.  — ■  L'homme 
liii-iDâme,  comme  le  rcsic  Je  ses  voisins,  est  ce  que  le  sol  le  fuit  : 
il  ivpvnil  de  ses  variations  complexes  et  multiples  :  ainsi,  dans 
]  Atevr»ti.  une  moitii:  du  département  est  conslîtuiïe  par  du 
^ctiisle,  àa  gneiss,  du  micaschiste;  le  seigle  seul  y  pousse;  on 
noniiue  ccttu  rêgioa  le  Ségaln.  Or,  les  recherches  de  Durand  de 
l^nis  ont  montre  que  les  SégaUiis  sont  chétîrs,  maigres,  an  g  u- 
Icui,  petits;  les  snimaux  mêmes  du  Scgala  sont  de  petite  taille. 
L'autre  moitié  du  département  est  de  formation  jurassique,  elle 
eU  riche  en  chaux  ;  le  froment  y  forme  la  principale  culture  ;  c'est 
la  r<ru#>r.  Or.  les  C'ius/rn'ir-ls  sont  amplement  cliarpentës, 
grands,  beaux,  vigoureux;  les  aniniaui  élevés  sur  les  Causses 
■ont  eut-mëmes  de  plus  grande  laîlle  que  ceux  du  Scgala. 

K'agirait-elk  que  sur  la  température  extérieure  ou,  mieux,  sur 
le  njonnemenl,  que  la  nature  du  sol  aurait  encore  une  grande 
inpMiance  :  ainsi,  en  représentant  par  l(K)  la  faculté  du  saLlc 
oitÂin  de  retenir  la  chaleur,  Schûller  a  trouvé,  pour  différentes 
lerrcs,  les  cbilTre-s suivants  : 


Terre  do  jardin. 

—    «rgileuae, 


Sable  ailiceui.  . 


IAcIIak  au  sol  anr  rëvolailon  sociale.  —  Tout  lu 
iMKide  apprécie  l'influence  de  la  nature  du  sol  sur  la  niarcbe 
df  h  civilisation;  ainsi  les  lerraias  d'altuvion,  en  général  per- 
Ricables  et  fertiles,  lui  servent  souvent  de  point  de  départ  et 
de  milieu  très  favorable  ;  c'est  sur  les  alluvions  lacustres  de  l'é- 
poque miocène  que  vécut  dans  noire  pays  l'humanité  encore  à  ses 
dcliitts  d'H'rfnfW  In-tiaire,  et  peut-être  non  encore  dégage  par  le 
langage  articulé  du  reste  de  l'animalité  {Précurseur  <k  l'homme). 
(De  UoniUel.) 

KCest  du  terrain  crétacé  et  du  terrain  jurassique  que  nous  ^s^^- 
fsone  graade  partie  des  pierres  de  nos  mouumenlSi  cV  tv'cïVti; 


96  U   FAUNE   ET  U  FLORE. 

pas  la  proximité  des  affleurements  crétacés  qui  permit  aux  hommes 
des  premiers  âges  d'y  trouyer  le  silex  nécessaire  à  la  confectioo 
des  outils  et  des  armes,  qui  devaient  leur  assurer  la  victoire  dans 
la  lutte  avec  le  reste  de  ranimalité?  Supposons  que  les  première» 
tribus  de  la  pierre  taillée  n'aient  pas  trouvé  sous  leur  main  le 
silex  qui  leur  était  nécessaire  ou  toute  autre  substance  qui  pût  le 
remplacer  sans  inconvénient,  et  les  groupes  même  les  plus  con* 
temporains  de  Thumanité  ultérieure  eussent  été  retardés  doutant. 
Est-il  aujourd'hui  un  terrain  plus  civilisateur  que  le  terrain  car* 
bonifère?  On  a  pu  dire,  non  sans  vérité,  que  la  richesse  d*uD 
pays  se  mesure  au  nombre  de  tonnes  de  charbon  qu'il  peut 
exploiter. 

Boudin  a  fait  remarquer,  avec  assez  de  justesse,  que  9ur  le  sol 
de  la  France  les  terrains  anciens  qui  correspondent  au  Nord-Ouest 
et  au  Sud-Est  sont  moins  fertiles,  moins  peuplés  que  ceux  plus 
récents  relativement  du  Sud-Ouest  et  du  Nord-Est;  en  revanche 
les  terrains  anciens,  plus  montagneux,  ont  mieux  résisté  aux  in* 
vasions  successives.  Mais  la  configuration  du  sol  joue  ici  un  rôle 
aussi  important  que  sa  nature  chimique;  si  dans  les  pays  tempé- 
rés les  populations  envahies  se  réfugient  dans  les  massifs  monta- 
gneux, c'est  que  les  envahisseurs  ont  de  la  peine  à  les  y  suivre  : 
aussi  est-ce  dans  ces  populations  que  le  type  se  conserve  le  plus 
pur;  témoin  les  Savoyards,  les  Auvergnats,  les  Bretons.  Herbert 
Spencer  cite  de  nombreux  exemples  qui  plaident  en  faveur  de 
cette  thèse  :  les  Uly riens,  longtemps  indépendants  des  Grecs  leurs 
voisins,  les  Suisses,  les  populations  du  pays  de  Galles,  les  Fens, 
les  Uighlands,  etc. 


CHAPITRE  III. 

LA  FAUNE    ET   LA  FLORE. 

Nous  venons  de  parcourir  le  théâtre  sur  lequel  l'homme  joue  les 
différents  rôles  auxquels  est  employée  son  existence,  le  Milieu  ina- 
nimé dans  lequel  il  vit  et  nous  avons  vu  que,  au  môme  titre  que 
tous  les  êtres  vivants,  il  subit  les  influences  variées  de  ce  milieu  ; 
mais  il  n'est  pas  seul  au  milieu  de  ce  décor  plus  ou  moins  favo- 


Ll\  lUTTE   POUR   L  ElISTESCE.  s7 

le  :  d'autres  acteurs,  vivants  comino  lui,  s'agileni  autour  de 
lui  sur  celte  scène,  et  la  lutte  qu'il  a  à  soutenir  contre  les  maté- 
riaui  mêmes  du  Ilitiltre,  pour  se  roaiuteajr  debout,  n'est  rien 
auprùt  de  celle  qu'it  a  à  livrer  à  chncun  des  voisins  auimés, 
aai  attaques  de  qui  il  est  en  butte  et  qu'il  attaque  souvent  à  son 
tour;  il  a  A  se  dérendre  de  l'envah'issenicnt  de  tout  ce  qui  vii, 
depuis  la  Torât  impénétrable  dans  les  profondeurs  de  laquelle  il  ne 
se  frn^feun  passage  que  labacbe  ou  la  torcbc  à  la  main,  depuis  la 
PUdU  dont  le  Truit  l'enipoisonne,  lorsqu'il  le  porte  i  sa  bouche, 
jusqu'à  son  voisin,  l'homuie,  qui  veut  lui  prendre  sa  place  à  ce 
banquet  de  la  vie  si  ardemment  envié.  Va  philosophe  a  dit  :  hcimo 
hirmiai  lup'is;  la  vérité  est  vivenit  \.'ivenli  lupus. 

Entre  les  deux  extrêmes  de  la  série  de  nos  ennemis,  la  plante  et 
l'homme,  prennent,  en  cffel,  rang  dans  la  bataille  des  combattants 
de  toutes  tailles,  de  toutes  formes,  dont  les  plus  petits  ne  sont  pas 
toujours  les  moins  redoutables;  au  premier,  Tigurent  ces  êtres 
hier  encore  inconnus  de  nous,  qui  recevions  leurs  coups  sans  les 
voir,  ce» infiniment  petits  qui  produisent  dans  les  liquides  ce  que 
uous  nommons  de^  fermenUUimis  el  dans  notre  sang  les  maladies 
infectieuses,  les  microbes,  monde  immense  que  Pasteur  a  découvert 
et  dont  la»:ience  nous  débarrassera  dans  l'avenir.  La  légende  qui 
nous  dépeint  la  lullc  des  premiers  bomuies  contre  les  mastodontes 
aujoard'liui  éteints,  pcrsonniGerhumanité  dans  Hercule  pui^eant 
b  terre  de  ses  monstres;  l'Hercule  moderne  anom  la  science. 

A  cAté  de  ces  parasites  inrmiment  petits,  dont  quelques-uns 
«ont  encore  plutôt  soupçonnés  que  découverts,  prennent  place  les 
parasites  vrais,  qui  produisent  chez  l'homme  un  grand  nombre 
d'accidents.  Nous  étudierons  ainsi  successivement  les  rapports  de 
rbomme  avec  cette  population  ambiante,  depuis  le  microbf  jus- 
qu'il l'homme  lui-même. 

liais  nous  n'avons  pas  que  des  ennemis  dans  ces  compagnons 
de  vie,  dans  ces  contemporains  qui  se  rencoulrenl  avec  nous  sur 
h  pUnète  i  nous  avons  des  victimes,  el  pas  mal,  des  associes,  des 
'»  plus  ou  moins  inlérËSsês,  des  auxiliaires. 

H  bien  serait-it  peu  philosophique  de  déplorer  cette  lultu 
R  d'un  faux  senlimenlalisme  ;  elle  est  la  condition  mèroe 
I  lie  ;  c'est  à  prendre  ou  à  laisser  ;  il  faut  lutler  ou  mourir, 
ou  être  mangé;  en  réalité,  on  est  toujours  mange  après 
ange  les  autres  ou,  plus  réellemenl,  tous  \cs  èUca  \\<ia,nVa, 
le  pén'odi!  plus  ou  moins  longue  d'incorporation  mo\étu- 


•8  LA  FAUNE   ET  LA  FLORE. 

laire  du  monde  extérieur,  restituent  ces  molécules  au  grand  tout, 
qui  les  leur  avait  prôtés  t>our  un  temps. 

Je  commencerai  donc  Tétudc  des  rapports  de  Thomme  avec 
la  faune  et  la  flore  qui  Tentourcnt,  par  VaUmnitutwn,  Le  premier 
besoin  de  tout  ôtre  c*est  de  manger  :  primo  vivere  !  «  Si  rhomme, 
«  dit  Liebig,  se  nourrissait  d'eau  et  d*air,  il  n'y  aurait  plus  ni 
«  maîtres,  ni  serviteurs,  ni  seigneurs,  ni  sujets,  ni  amis^nienne- 
«  mis,  ni  timour,  ni  haine,  ni  vertus,  ni  vices,  ni  droit,  ni  injus- 
4  ticc  ».  Manger,  c'est  la  cause  déterminante  du  progrès  physique 
et  intellectuel  du. genre  humain.  (Beketoff.) 

I.  ALIMENTATION. 

Pnrmi  1rs  animaux,  les  uns  mangent  d'autres  animaux,  les 
autres  man^MMit  des  végétaux  ;  mais  la  différence  est  moins  grande 
qu'uu  pourrait  le  croire  entre  les  carnivores  et  les  herbivores. 
l«(*s  vé;,'étaux  contiennent  en  eftct  tous  les  principes  qui  entrent 
dans  la  conqutsilion  des  tissus  animaux  :  sucre,  corps  gras,  albu- 
mine, ilbrinc.  Il  y  a  plus  :  lorsqu'on  compare  la  quantité  de  ces 
substances,  (|ui  se  trouve  dans  la  ration  d'un  herbivore,  avec  celle 
qu'il  détruit  ou  qu'il  accumule  dans  ses  tissus,  on  trouve  que  ces 
deux  quantités  sont  égales;  en  d'autres  termes,  l'animal  ne  crée 
pas  de  mutièrc  organique;  il  la  puise  dans  le  végétal,  directement 
s'il  est  herbivore,  indirectement  s'il  est  Carnivore.  Le  Tégétal  a 
donc  seul  le  pouvoir  d'édifier  la  molécule  organique  avec  la  mo- 
lécule minérale.  L'animal  ne  fait  que  la  lui  emprunter;  de  telle 
sorte  que  le  règne  végétal  est,  en  somme,  le  grand  pourvoyeur 
alimentaire.  L'alimentation  végétale  et  l'alimentation  animale 
diflècent,  au  reste,  plus  par  la  quantité  que  par  la  qualité. 

ModIflealloDs  de  l'capéce  par  le  régloie  alimeD* 
tftire.  —  Nous  avons  vu  précédemment  le  milieu  extérieur  impri- 
mer a  Tindividu  des  modifications  profondes;  lorsque  ce  milieu 
pénètre  les  individus  par  l'alimentation,  cette  incorporation  du 
milieu  dans  l'individu  le  modifie  plus  profondément  encore  :  ainsi 
suivant  la  nourriture  qu'on  donne  aux  chenilles,  on  les  force  à 
changer  de  couleur  et  à  se  transformer,  plus  tard,  en  papillons  de 
couleur  différente;  lorsqu'on  donne  à  des  oiseaux  beaucoup  de 
chenevis,  leur  couleur  s'efface;  inversement  Darwin  raconte  que 
les  naturels  de  l'Amazone  ont  l'habitude  de  capturer  un  perroquet 
^rt,  qui  est  abondant  dans  leur  pays,  et  de  le  nuancer  de  diffé- 


^H  ALIMENTATION.  99 

rentes  couleurs,  en  te  nourrissanl  eidusivement  de  poisson.  Les 
naturels  de  Giloln  font  de  même  avec  un  torl.  On  prétend  aujour- 
d'hui que  l'usage  interne  de  la /«ïocirr/iiiic,  principe  dujaboraadî, 
teinl  les  cheveu»  blonds  en  brun. 

Les  éleveurs  savent  que  la  taille  des  animaux  se  modiSe  suivant 
le  régime  alimentaire  ;  les  bœufs  de  Sologne,  lorsqu'on  les  trans- 
porte dans  la  Beauce,  où  ils  sont  mieux  nourris,  deviennent  plus 
grmnda  au  bout  de  deux  ou  trois  gcnéralions.  bataille  diminue  au 
contraire,  par  défaut  d'alimenlalion,  àiet  les  chevaux  redevenus 
•avvages  dans  les  Pampas  el  surtout  chez  les  poneys  de  la  Cordil- 
liérc,  de  la  Corse,  de  laSarduigne,  des  Landes  el  des  îles  l''alkland. 

En  suivant  les  principes  de  la  zootechnie  rationnelle,  qui  consi- 
dère le  rendement  de  la  machine  animale  et  son  entrelien  comme 
detani  constiluer.  autant  que  possible,  une  équation,  ils  sont  ar- 
rivé*,par  l'alimcntatioa  intensive,  à  créer  ce  qu'on  nomme  les  ani- 
nuMix  précoces,  c'est-à-dire  des  animaux  d'un  rapport  non  seule- 
nieolnittidérable.  mais  anticipé;  les  recherches  de Sanson  ont  en 
rOirt  imDlrèque  la  caractéristique  de  la priVo'-Zd',  c'étaient  la  sou- 
dure Utive  des  épiphjses  des  os  longs,  l'apparition  anticipée  de 
l'i^adntle.  On  arrive  alors  h  produire  dans  les  os  des  dilTé- 
rcnce»  comme  celle-ci  que  j'emprunte  à  Sanson  lui-même,  qui 
b  cite  d'tprès  H.  Sainte-Claire  Deville  : 


Proponion         PrDi«rliuD 


itr  on  arrive  à  rc  résultat  en  fournissant  aux  jeunes  animaux, 
qa'on  vent  rendre  précoces,  non  seulement  une  nourriture  très 
ihomUnte,  mais  concentrée,  riche  en  protéine,  en  potasse  et  en 
uide  (ihospiiorique.  Uni  à  la  sélection,  cet  entraînement  alimen- 
liire  finit  iMr  produire  des  animaux  absolument  spéciaux,  chacun 
4h»  leur  genre,  tel  que  le  b<suf  Durbam  el  le  cheval  de  course. 

P.Regn<rdaconseillé,dans  ce  but,d'utiliser1e  sang  desabattoirs, 
^i,  4  Pam,  représente  chaque  semaine  420  000  kilogrammes  de 
«ntitiHf"  nutritive,  en  le  donnant  aux  jeunes  animaux  sous  forme 
ie  pooâre,  après  l'avoir  cuit,  séché  et  bro^é.  L'augmentation  du 
poids  des  jeunes  rouuIoiuâ//)5/iiourn'scst  eneiïetle  (ripIedeVw- 
'vmoutaas  soumis  aux  ronditions  ordinaires.  Ctct 


I 


If»  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

K's  premiers,  le  poids  de  la  laine  est  le  double  de  ce  qu*ilest  chez  les 
st'ciMidâ.  Le  changement  de  formes  et  d'habitudes  peut  aller  plus 
loin  encore;  sous  l'influence  d'une  alimentation  intensive,  on  peut 
forcer  expérimentalement  Thydre  d'eau  douce  solitaire  à  former 
une  véritable  colonie  polypière.  On  ne  saurait  trop,  à  mon  avis, 
insister  sur  ces  faits,  qui  sont  bien  propres  à  détruire  le  mythe 
traditionnel  et  orthodoxe  de  rimmutabilité  de  l'espèce.  Mais  nulle 
part  le  milieu  alimentaire  ne  produit  des  modifications  aussi  pro- 
fondes que  chez  les  abeilles,  où  Ton  arrive  ainsi  à  modifier  le  sexe 
dans  la  larve.  En  variant  la  bouillie  qu'elles  donnent  aux  larves, 
les  ouvrières  produisent,  pour  ainsi  dire  à  volonté,  des  ouvrières 
comme  elles  ou  des  reines,  c'est-à-dire  des  femelles  arrêtées  dans 
leur  développement  ou  une  femelle  normalement  développée. 

Born  (de  Breslau)  est  arrivé  au  même  résultat  chez  un  \ertébré, 
chez  la  grenouille  :  en  donnant  à  des  têtards  de  Rana  fuscn  nouvel- 
lement éclos  d'œufs  fécondés  artificiellement  dans  un  aquarium, 
une  alimentation  essentiellement  végétale  (algues,  lentilles  d'eau) 
au  lieu  de  chair  hachée,  d'infusoires,  de  diatom«'îes,  de  nombreux 
débris  organiques,  etc.,  il  est  arrivé  ù  augmenter  considérable- 
ment le  nombre  dos  femelles.  Les  expériences  de  Yung  tendraient, 
de  leur  côté,  à  la  même  conclusion.  H  est  curieux  de  rapprocher 
de  ces  expériences  vc  fait,  que  les  populations  faméliques,  qui 
dégénèrent,  voient  d'abord  augmenter  dans  les  naissances  la  pro- 
portion des  filles  sur  les  gardons. 

De  l'alimentation  de  rhomme.  ^  L'homme  n'échappe  pas 
plus  aux  lois  du  milieu  alimentaire  qu'à  l'action  des  autres  mi- 
lieux ;  il  importe  dune  beaucoup  au  devenir  de  chaque  race  ou  de 
chaque  peuple  d'être  herbivore,  Carnivore  ou  omnivore  :  Therbi- 
Yore  est  forcé  de  se  contenter  de  peu  ou  de  trouver  une  grande 
quantité  d'aliments;  le  carnivore  est  expose  à  en  trouver  plus 
rarement,  plus  péniblement  surtout,  mais,  à  volume  égal,  il  obtient 
une  nourriture  plus  copieuse;  l'omnivore  a  plus  de  chances  de 
s'accommoder  aux  circonstances. 

Si  nous  voulons  savoir  ce  qu'est  l'homme  au  point  de  vue  alimen- 
taire, il  nous  importe  de  regarder  s<7s  dents,  car  si  Rrillat-Savarin 
a  dit  avec  raison  :  a  Dis-moi  ce  que  tu  manges,  je  te  dirai  qui  tu 
esi»,  on  peut  ajouter  :  Montre-moi  tes  dents  et  je  te  dirai  ce  que  tu 
manges.  Or  l'homme  ]>ossède  absolument  les  mêmes  dents  que  les 
singes  supérieurs,  ses  voisins  immédiats  dans  l'ordre  des  Primates; 
j'entends  par  là  non  seulement  les  Anthropoïdes,  mais  encore  les 


ALIMENTATION.  iOl 

PilhécieDs.  11  est  donc  fait  pour  s'asseoir  à  la  même  table  qu'eux. 
Lui  et  eux  possèdent  les  mêmes  dents,  en  môme  nombre  et  dispo- 
sées de  la  même  manière,  suivant  la  formule  suivante  :  incisives 

»«.j  I I  2 2  3 3 

. — -  ;  canines  - — -  ;  prémolaires  - — -  ;  molaires , — -  ==  32  dents. 

t  -  t  1  —  1  z  —  z  3  —  3 

Si  bien  que,  comme  tous  les  singes  n^ont  pas  cette  formule  den- 
taire, on  peut  dire  que,  sous  le  rapport  de  la  denture,  il  y  a  plus 
de  différence  entre  les  Primates  comparés  entre  eux  qu'entre  les 
Hominiens,  les  Anthropoïdes  et  les  Pilhéciens  comparés  aux  au- 
tres Primates. 

Cette  sériation  par  ta  denture  a  son  importance  au  point  de  vue 
de  la  classification  de  l'homme,  quand  on  songe  à  l'importance 
que  tous  les  cla^sificatcurs  d'espèces  ont  reconnue  au  système 
dentaire  :  ainsi,  lorsque  Cautley  et  Falconer  ont  découvert  l'hip- 
popotame fossile  de  l'Inde,  ils  Tont  nommé  Hexapotodon  et  en 
ont  (ait  une  espèce  à  part,  parce  que  la  formule  de  ses  incisives 
était  12  et  que  chez  Thippopotame  actuel  elle  est  8. 

Chez  l'Homme,  commechez  les  Anthropoïdes  et  les  Pithéciens,  les 
molaires  sont  garnies  de  tubercules  saillants,  arrondis,  tandis  que 
chez  les  insectivores,  elles  sont  hérissées  de  saillies  pointues  et 
chez  les  carnassiers  de  grosses  saillies  inégales.  En  outre,  la  série 
des  dents  forme  chez  l'homme  et  chez  les  grands  Primates  un 
plan  de  mastication  lisse,  uni,  tandis  que  chez  les  carnassiers  les 
dents  s'engrènent  les  unes  dans  les  autres  ou  mieux  pénètrent 
dans  des  espaces  libres,  ménagés  entre  deux  dents  voisines,  les 
inférieures  se  logeant  entre  les  supérieures,  les  supérieures  entre  les 
inférieures.  L'homme  et  les  singes  sont  donc  organisés  comme  des 
frugivores;  je  dis  frugivores,  car  Therbivore  a  des  machelières, qui 
lui  servent  à  triturer  les  quantités  considérables  de  fourrage  qu'il 
avale  ;  il  lui  faut,  en  outre,  une  panse  très  dilatée,  pour  loger  cette 
alimentation  embarrassante,  mais  pauvre  ;  le  frugivore,  lui,  broie 
des  parties  végétales  plus  résistantes,  mais  aussi  plus  nourrissantes; 
à  rherbe  il  préfère  la  graine.  L'homme,  comme  aujourd'hui  les 
anges,  a  donc  été  un  animal  frugivore,  un  végétarien.  Sir  Smith 
assure  d'ailleurs  que  les  sauvages  se  guident  souvent  sur  le  singe 
pour  le  choix  de  leur  nourriture.  Encore  aujourd'hui  même,  dans 
00  grand  nombre  de  pays,  les  végétaux  forment  plus  de  99  0/0 
de  la  nourriture  des  habitants.  Ainsi  en  Afrique,  un  grand  nombre 
dépopulations  nègres  vivent  de  millet  et  surtout  de  Durra  {Holcus 
bicolor)  ;  l'Égyptien  vit  de  jattes;  dans  l'Asie  méridiot\a\e,  \^  tVi 


lOt  LA   FAUNE    ET   LA  FLORE. 

forme  la  base  de  l'alimentation  ;  les  Malais  ont  Tarbre  à  pain, 
le  sagou.  Dans  certaines  Iles  de  TOcéan,  les  habitants  doivent  à 
une  seule  espèce  de  Palmier  la  base  essentielle  de  leur  alimenta- 
tion. Il  y  a  certainement  plus  d'hommes  qui  ne  vivent  que  de  riz, 
de  seigle,  de  inuîs,  de  millet,  quMly  en  a  qui  vivent  de  viande.  Ia 
riz  a  plus  de  consommateurs  que  n'en  a  le  blé.  Or  il  est,  sans  doute, 
riche  en  fécule,  mais  il  est  pauvre  en  matière  azotée  ;  aussi  Tlndou 
lui  ajoute-t-il  le  karri  ou  au  moins  la  pulpe  de  tamaririy  heureux 
quand  il  peut  y  joindre  un  peu  de  poisson  salé;  tandis  que  le  midi 
de  la  Chine  vit  de  riz,  la  Chine  du  nord  vit  de  millet,  qui  est  plus 
nourrissant;  on  y  mange  aussi  les  jeunes  pousses  de  Tailante. 

Cest  surtout  dans  les  pays  chauds  que  nous  trouvons  les  ség^- 
tariens,  car  à  mesure  qu'on  s'approche  des  latitudes  froides,  il 
faut  une  nourriture  plus  animale.  Il  est  donc  vraisemblable  que 
c'est  surtout  à  l'époque  glaciaire,  que  l'homme  a  dû,  chez  nous, 
s'habituer  progressivement  à  un  régime  animal. 

Il  est  probable  également,  ainsi  que  le  pensait  Cuvier,  qae  c*est 
l'emploi  du  feu  quia  permis  à  l'homme  d'utiliser  la  nourriture  ani- 
male; (railleurs,  s'il  est  vrai  de  dire  que  la  plus  grande  partie  des 
humains  vivent  de  végétaux,  il  n'est  pas  moins  vrai  que  grand  est 
encore  le  nombre  de  ceux  qui,  sans  être  très  civilisés,  apprécient 
la  nourriture  animale  :  il  faut  d'abord  placer  ici  les  peuples  pas- 
teurs :  en  Afri«iuc,  un  grand  nombre  de  peuples  se  livrent  à  l'élevé 
du  bétail  :  les  Abyssins,  les  Nubiens,  les  Barris,  les  Balondas,  les 
Bassoutos,  les  Angolais,  les  Benguellans,  les  Somalis,  les  Gallas, 
les  Cafres,  les  lloltenlols  élèvent  des  bœufs,  des  moutons,  des 
zébus;  dans  le  Sennaar,  on  trouve  un  porc  spécial,  Sus  senarh'nsis. 
Il  est  vrai  que  ces  peuples  tuent  peu  leurs  animaux;  ils  boivent 
surtout  leur  lait  et  ne  mangent  guère  les  bètcs  qu'au  fur  ot  à 
mesure  qu'elles  vieillissent  ou  succombent.  Ainsi,  chez  les  Cafres, 
le  lait  est  réservé  aux  enfants,  qui  ne  vivent  que  de  cela  jusqu'à 
l'âge  de  douze  ans,  et  exclusivement  à  eux.  Dès  qu'ils  peuvent 
marcher,  ils  vont  tous  ensemble,  deux  fois  par  jour,  au  kraal  des 
vaches  qu'ils  tètent  directement,  et  pourtant  il  n'existe  point  dans 
ces  pays  de  société  protectrice  de  l'enfance!  Après  l'âge  de  douze 
ans,  le  lait  et  le  fromage  sont  défendus!  On  ne  dédaigne  pas  le 
foie  cru  du  bœuf  ou  du  mouton,  qui  se  mange,  sous  le  nom 
d^amrara,  trempé 'dans  force  poivre,  sel  et  cumin;  les  Nubiens  du 
Jardin  d'Acclimatation  trempaient  chaque  bouchée  de  viande  dans 
le  poivre,  comme  nous  ferions  d'un  beignet  dans  du  sucre.  La 


ALIMENTATION.  fOS 

bosse  du  lébu,  le  pied  d'clcphant,  le  chien,  le  pigeon,  le  poulet 
ne  sont  pas  dédaignés.  Il  est  vrai  que  les  Bongos,  les  Boschmman, 
moins  gourmets,  se  contentent  de  lézards,  de  serpents,  grenouilles, 
araignées,  termites, scarabées,  chenilles  diverses.  Certains  peuples 
d*A(nque  ont  l'habitude  de  trairey  en  quelque  sorte,  le  saiig  de 
leurs  chameaux  par  une  saignée  rapide  ;  pendant  que  le  sang 
coule,  on  boit  au  chameau  comme  à  une  fontaine. 

L'homme  lui-même  figure,  non  sur  la  table,  mais  dans  le  festin 
de  quelques  peuples.  H  est  vrai  que  ce  n'est  pas  toujours  dans 
un  but  alimentaire;  la  religion,  le  mysticisme  y  prennent  une 
large  part.  Ou  mangeson  vieux  père  pour  lui  donner  une  sépulture 
di^nede  lui;  on  mangeson  ennemi  pour  s^assimiler  son  courage, 
comme  le  Malais  mange  le  cœur  du  tigre  pour  devenir  fort  comme 
lui;  on  mange  de  même  un  ami,  un  maître,  pour  intussusciper 
ses  bonnes  qualités.  Les  catholiques,  qui  croient  manger  la  chair 
et  le  sang  de  leur  Dieu,  font,  sans  s'en  douter,  de  l'anthropo- 
phagie symbolique. 

Mais  revenons  à  Talimentation  réelle  et  non  symbolique.  Dans 
Je  Tibet,  le  lait  des  yacks  constitue  la  majeure  partie  de  Talimen- 
tationj  ce  lait  est  d'ailleurs  très  nourrissant;  il  contient  beaucoup 
de  beurre  (55  grammes  de  beurre  pour  i  litre  de  lait,  tandis  que 
le  lait  de  la  vache  n'en  contient  que  32  grammes  par  litre).  Dans 
toute  la  Tartarie,  on  élève  en  grand  le  bœuf,  la  chèvre,  le  mouton  et 
certains  propriétaires  possèdent  15 000 ou  20.000  moutons;  on  voit 
sur  certains  marchés  jusqu'à  25  000  moutons,  300  bœufs,  i  000  che- 
vaux, 600  chameaux.  Que  sont  nos  foires  de  province  auprès  de 
ces  marchés  où  se  croisent  les  costumes  aux  couleurs  voyantes? 
Au  Japon,  la  nourriture  animale  consiste  surtout  en  poisson  ;  il 
est  très  abondant  sur  les  deux  côtes  du  pays,  qui  sont  toutes 
deux  baignées  par  une  branche  de  la  bifurcation  du  grand  cou- 
rant chaud  {KourO'Siwo)  qui  vient  heurter  sa  pointe  méridionale. 
Le  bœuf,  il  y  a  quelques  années  seulement,  était  encore  inconnu 
dans  l'alimentation  du  Japonais  ;  quant  au  mouton,  il  ne  peut 
s'acclimater  au  Japon;  il  y  succombe  rapidement,  victime,  dit-on, 
de  la  trop  grande  humidité.  En  somme,  le  riz  forme,  avec  le  pois- 
sofly  la  base  de  l'alimentation;  il  la  constitue  parfois  tout  entière 
avec  la  bouillie  de  fèves  {Mamé)^  le  blé,  l'orge,  le  maïs,  le  Polygo» 
num  fagopirum.  Ajoutons  un  navet  colossal  (Brassica  japonica), 
ou  Datlco^rigname  (Dioscoreajaponica),  la  patate,  un  fucus (Irami- 
naria  saccharina) ,  des  champignons  (Malsoutaké)  ^  \e  banAiOXi 


9U  Là  wtzryi  TZ  ia  f:i,iiu.. 


.B'"^-/.'-/.  it  !-L  ;  Qt  iLferr:iLii»*r  clnsf.  it  r».'>Tl.  etc. 

DtTi^  l'iLL't  :  Asmrjsut  cl  %:rd.  îiT:  irutTîrt  îifAuKwp  de  Tiande  : 
ciatKT**  rnàw*.  i:--r*^t«s^  nL-T'iST^î»*"?*,  qi':c  D:<aiiie  Jfitoftaa 
ÙT'ji-ii^zti .  eça.iStbt  ae  reziiif  T'^-lî-  i  .  «tisr  duud  de  foîe  de 
ny.c»^  r«*fe^d.  •.*ltk  w.*vn^  rT-»*«f  «  »:«.  vj j«s,  oiseaux  d^etu, 
^tTjtiMjoi  it'j;.??':^.  înuA  ^  iiiLti  dBaiv^:.  ie  œÂebre  IVmaiîftiJi 
v«à!i-it  ûewiKit/Ht  *i  liMii*  *i«  £Tfc:s«  «  îir.D^  est  très  oour- 
n4ftUit  :  X31K  hfTt  6t  xtcmmàVJji  M^im:  2;:uxit  de  oulîëre  natri- 
tj««  qo^  qc&trcr  jjrrts  df:  riu>dt  <:ràDiJiv  :  le  mafle  d'élan,  la 
h/fk^  de  }  icr m  <^>Qt  tre»  rnbeTtikes  ;  k  hannif  pooni. les  srilloas, 
le»  a^à^it*'.  J^  fourmis  piiei^  avfc  des  cUo-is  soot  un  aliment 
fort  ç''âtc.  L»  Indiens  HidasU.  nommes  aussi  Gr^ys-rentreSf  se 
montr«rnt  [»artHru)jerem^ni  fninds  d'un  (Ut, qui  semble, en  eflet, 
nihù*:  H  qui  ne  doit  («as  être  miuvais  du  tout  :  c'est  un  fœtus  de 
bi«»'in  '-uit  d:in?  l'amnios  même. 

Le«  Indi^e-ns  des  bords  du  ^olfe  du  Meiique  mangent  beaucoup 
de  tortue  :  une  de  leurs  grandes  occupations  est  de  leur  faire  la 
chaste  ;  on  marche  alors  au-derant  des  bandes  de  tortues»  qui 
Tiennent  de  fi^indre  :  chaque  homme  reuTerse  sur  le  dos  une  de 
ces  énormes  li*:Urs,  qui  se  trouve  ainsi  mise  à  sa  merci. 

Mais  \(:  \*àys  de  la  viande  par  excellence,  c*est  rAmérique  du  Sud. 
Les  Gauchos  ne  mangent  uniquement  que  du  bœuf  pendant  des 
mois  entiers.  S^ns  compter  les  4000(100  de  chevaux  de  la  Pampa,  cer- 
tains propriétaires  y  possèdent  jusqu'à  33  000  moutons,  5  000  bœufs, 
000  chevaux.  La  seule  province  de  Buenos-Ayres  comptait,  en 
1871,  Go  000  000  de  moutons,  et  le  nombre  des  bœufs  égorgés 
diaque  ann(k\  dans  la  Plata,  pour  la  peau  et  les  os  plus  que 
prmr  la  viande,  s  élève  à  I  900  000.  On  se  fait  d'ailleurs  difficile- 
ment une  idcN;  du  gaspillage  de  viande  à  la  Plata.  Un  eslanciero 
a  M)uvent  à  envoyer  de  grands  troupeaux  à  une  assez  grande  dis- 
tance; or,  il  arrive  souvent  que  les  bêtes  tombent  sur  le  sol,  épui- 
sées de  fatigue.  On  les  tue  pour  la  peau,  mais  les  Gauchos  n'ont 
pas  l'idée  d*cn  lever  un  quartier  pour  leur  repas.  11  faut  chaque 
soir  qu'ils  tuent  un  nouveau  bœuf  pour  leur  souper!  Lorsqu'on 
veut  exploiter  la  viande,  un  appareil  ingénieux  prend  le  bœuf 
au  lazzo,  l'abat,  le  dépèce  en  six  minutes.  Une  partie  de  la  viande, 
séchéc  au  soleil,  se  vend  sous  le  nom  de  came  tasajo  avec  du 
•el  et  de  carne  dulce  sans  sel.  Les  peaux  sont  expédiées  non  tan- 


ALIMENTATION.  lOS 

Dées,  alors  que  les  matières  tannantes  abondent  là-bas.  C'est 
que  ce  qui  manque,  ce  sont  les  bras. 

Oa  mange  aussi  au  Brésil  le  bambou,  comme  au  Japon,  mais 
cest  pour  manger  le  \er  gras  et  succulent  qui  l'habite  au  moment 
de  la  floraison,  le  Bicho  cUi  laquera.  Il  a  la  réputation  d'anapbro- 
disiaque. 

Si  rhomme  est  organisé  pour  une  nourriture  yégétale,  il  est 
doocTrai  qu'il  a  su,  sur  bien  des  points,  s'accommoder  à  la  nouf' 
riture  animale.  L'organisme  se  plie,  d'ailleurs,  plus  facilement 
qu'on  pense  à  cette  modification  ;  ce  sont  toujours,  après  tout, 
les  mêmes  principes,  ainsi  que  je  Tai  dit  tout  à  Thcure,  Le 
changement  est  considérable  au  point  de  vue  de  la  digestion,, 
mais  non  de  l'assimilation .  Le  docteur  Bérenger-Féraud  a  pu  ac- 
diinater  une  guenon  au  froid  de  notre  hiver,  en  la  mettant  pro- 
gressifement  au  régime  animal  ;  il  est  vrai  qu'elle  est  devenue  dia- 
bétique. En  Polynésie,  il  y  a  des  chiens  qu'on  ne  nourrit  que  de 
végétaaXy  et  Darwin  cite  des  moutons  qu'on  a  pu  nourrir  avec  du 
poisson,  des  porcs  qu'on  a  nourris  uniquement  d'orge  et  enfin  des 
dievaux  qu'on  nourrissait  de  viande. 

Quoi  qu'il  en  soit,  une  fois  qu'on  a  mordu  dans  la  viande,  il  est 
difficile  d'y  renoncer  ;  et  Isidore  GeolTroy-Saint-Hilaire,  voulant 
acclimater  dans  nos  mœurs  l'usage  de  la  viande  de  cheval,  a  pu 
dire  avec  raison  que  «  sans  la  viande,  il  n'y  a  pas  de  grand  tra- 
«vail  cérébral,  pas  de  grande  civilisation.  »  Les  docteurs  Loiset  et 
Bergane  ont  constaté,  en  France,  que  plus  la  consommation  indivi- 
duelle de  la  viande  augmentait,  et  plus  était  marqué  le  mouvement 
ascensionnel  de  la  population.  Dans  un  autre  ordre  d'idées,  les 
chirurgiens  ont  observé  que  les  suites  des  grandes  opérations  sont 
Doias  heureuses  chez  les  végétariens  que  chez  les  opérés  qui 
mangent  de  la  viande  habituellement;  c'est  là  une  observation 
très  conforme, d'ailleurs,  à  celle  des  vétérinaires^  qui  ont  constaté 
que  la  résistance  pathologique  des  carnivores  était  supérieure  à 
celle  des  herbivores. 

Les  peuples  sauvages  qui  vivent  surtout  de  végétaux  sont  peu 
*forts.  Galton  dit  que  les  Damaras  ont  un  énorme  développement 
musculaire,  mais  il  ajoute  :  «  Pour  la  force,  je  n'en  ai  jamais 
■  trouvé  un  qu'on  pût  comparer  à  la  moyenne  de  nos  hommes.  » 
D'un  autre  côté,  en  Russie,  où  une  partie  de  la  population  fait 
usage  d'une  boisson  acidulée  appelée  kwas  et  d'un  régime  prin- 
cipalement végétal^  les  càïculs   d'oialate  de  chaux  aotvX  Xt^'^ 


106  LA   FAUNE   ET  LA   FLORE. 

fréquents  :  en  trente  ans,  le  docteur  Betetow,  à  l'hôpital  de  Rosan, 
en  a  soigné  275  cas. 

L'alimentation  exclusivement  animale  a  également  ses  incontc- 
nients;  Boulcy  a  signalé  la  lithiase  urique  chez  les  moutoos, 
qui  sont,  comme  reproducteurs,  l'objet  d'une  alimentation  trop 
succulente,  et  A.  Robin  a  observé  des  coliques  néphrétiques  cba 
un  enfant  de  dix-sept  mois,  élevé  par  une  chèvre,  dont  on  rendait 
ralimcntation  azotée  trop  intensive. 

L'alimentation  doit,  en  effet,  subvenir  aux  besoins  de  Torga- 
nisme.  Or  quels  sont  les  besoins  d'un  homme  adulte?  Ces  besoins 
varient  avec  la  race,  le  climat,  Tétai  de  repos  ou  d'activité,  la 
nature  du  travail  cérébral  ou  musculaire;  le  travail  cérébral  con- 
somme plus  de  phosphore  et  lu  mot  célèbre  :  «  sans  phosphore  pas 
a  de  pensée,  »  est  absolument  vrai  ;  le  travail  musculaire  consomme 
plus  d*azote.  Néanmoins,  en  restant  dans  la  moyenne,  on  peut 
penser,  avec  le  docteur  Gasparin,  qu^un  homme  adulte  qui  travaille 
doit  recevoir,  et  pour  son  entretien  propre  et  pour  produire  la 
force  qui  est  son  gagne- pain  : 

Azote Î5f  ,01 

Carbone 573  ,00 

Eu  Angleterre,  Edward  Smith  est  arrivé  à  des  chiffres  semblables, 
bien  qu'inférieurs  : 

Azote 228,5 

C  arbouc 447  ,0 

En  Allemagne  Pettenkoffer  est  arrivé  à  la  formule  : 

Azole 251,0 

Carbone :.. 377  ,0 

Les  divergences  portent  donc  sur  le  carbone  :  Taccord  est  assex 
complet  sur  la  quantité  d'azote  nécessaire  (25  grammes). 

Or  il  n*est  pas  indifférent  pour  un  homme  de  trouver  ses 
il}  grammes  d'azote  dans  un  morceau  de  viande,  qui  les  lui  four- 
nira et  au  delà,  ou  bien  dans  une  masse  végétale,  qui  ne  les  lui 
donnera  que  tout  ijusle.  Aussi  qu'arrive-t-il?  C'est  que  rouvrier 
des  villes,  mieux  nourri  en  azote  que  Tagriculteur,  donne  un  ren- 
dement supérieur  à  celui  de  Tagriculteur,  et  encore  est- il  permis 
de  penser,  que  ce  dernier  trouve  dans  l'atmosphère  un  peu  de 
razote  qui  lui  est  nécessaire  et  que  son  alimentation  stomacale 


ALUKSTâlIttl.  fC7 

lui  doDoe  iooTeot  avec  praaiaie.QHmt  à  Fflciner  an^^fany 
niieiii  DOiiiTÎ  qoe  roQvricr  finaçai^  i  dflOK  aae  9MUK  ée  tn^ 
sapérieure  à  la  sieaae.  fTapres  Gawret,  rmnrvir  aatEfa»  eaa- 
somme  ea  moyenne  dU^M  iTateie  par  jour,  tandis  qui*,  daiv 
Itf  fermes  de  Li  Corrèze,  le  pajsan  ce  pceai  «loe  li9^  d'aaaUt 
et  dans  Yandnse  qoe  23*^15. 

L^Angleterre  est  le  papqoi  eonsomoK  le  ph»  de  viande  ;  eett» 
consommation  moyenne  s*élèfe  à  lO^ grammes  par  homme  <t  par 
jour  ;  en  France,  elle  n'est  qae  de  33  graoHM».  Or  le  people  ançta» 
est  certainement  on  des  plos  maces  de  t^épofiae  actuelle!  U  esc 
frai  qoe  c*est  en  Angleterre  et  en  Amériqac  qoe  se  nsenteiit 
snrtoot  les  l'^gumisiet^  ferrent»  êdifUs  de  5»i  wiim  et  4e 
M**  Kingsford,  qui  ont  voaé  one  horrar  eosvaiaeae  à  toat  at 
qoi  est  viande,  mais  je  ne  vois  pas  qo^os  comple.  parmi  c«9  éva»- 
gélistes  d'un  nouveau  genre,  beaocoap  de  fageim»  4«  de]»ioean 
de  crochet.  Donnez  donc  des  végélan  et  pas  de  graisae  anioiaie 
au  Esquimaux,  et  ils  ne  tarderont  pas  à  soecomtcr  de  (roiii,  La 
graisse  de  veau  marin  est  en  eflet  la  principale  noorritore  aa 
Kamtsdiatka,  comme  celle  dn  pboqœ  ao  Groïhilaod.  Lûrsqa'U  a 
du  monde  à  diner,  famphytrion  se  met  à  senom  devint  flaf  i:è 
assb;  il  enfonce  dans  sa  booclie  le  plus  grris  moccean  prjwiLU  à<t 
graisse,  en  criant  Viwi,  tawt  ;  poi5,  coupant  avec  son  cootfcia  ot 
qui  déborde  des  tévres  de  Fauni  comKU^  il  le  waans^. 

Une  expérience  démonstrative  a  d'ailleurs  été  faite  par  Talabct, 
dans  on  établissement  indostriei  du  département  do  Tarn,  lia  ao^' 
mente  la  ration  de  viande  de  chaque  ouvrier, et  ît  acoosLité  quV 
vaut  cette  innovation  diaque  ouvrier  perdait,  en  m*iveaae,  pour 
cause  de  maladie,  1 5  journées  de  travail,  tandis  qoe,  depuis,  cha^fae 
ouvrier  ne  perdait  plus  que  3  journées  pour  cause  de  nu.a  lie. 

J'ai  dit  25  gramme  d'azote.  Quel  beau  chiffre,  s*il  était  réalisa! 
Mais  c'est  là  en  quelque  sorte  le  <i*  de  féchelle  alioKritaire.  A'j 
dessus  (+}  sont  inscrites  les  classes  riches;  elles  monterit  jusqu'à 
+  iOO.  Mais  le  nombre  des  humains,  sur  la  planète,  mècne  dans 
sa  partie  civilisée,  qoi  sont  inscrits  au  dessous  i —  .est  plus  con- 
sidérable, car  on  ne  trouve  pas  fazote  et  le  carbone  à  i'etat  co- 
mestible dans  la  nature,  et  pour  répondre  à  TêtaloQ  physiologique 
de  Talimeotation,  il  faudrait  manger  environ  300  grammes  de 
viande  et  fl  009  grammes  de  pain  par  jour  !  Or  la  surface  en- 
tière de  la  planète,  à^ns  son  état  actuel,  serait  abso\umeul  '\n£a- 
pabêe  de  foarair  à  chaque  homme  ce  pain  qu'Aidi^n, 


108  LA  FAUNE   ET  Lk  FLORE. 

Que  Ton  considère  d'ailleurs  que  TEurope  agricole  subit  actnèl- 
ement  ce  que  les  éleveurs  et  les  vétérinaires  nomment  iM 
effrayante  d*ipvcoration,  que  le  nombre  des  tètes  de  bétail  ^ 
sans  cesse  en  diminuant,  on  comprendra  quel  intérêt  pooflK 
TEurope  civilisée  à  faire  venir  du  bétail  comestible  des  im- 
menses plaines  de  l'Amérique  du  Sud  et  de  1* Australie,  où  H 
abonde. 

La  cause  de  cette  dépécoration  est  bien  simple  ;  c*est  que  V 
cultivateur  a  plus  de  bénéfice  à  produire  du  blé,  du  vin,  ou  t08 
autre  végétal,  que  de  la  chair.  En  se  plaçant  au  point  de  m 
philosophique  et  général,  on  pourrait  dire,  avec  ReketolT,  qi 
la  plante  puise  dans  le  sol  la  matière  brute  qu'elle  transfom 
et /que  Tanimal  ne  reçoit,  pour  Télaborer,  qu'une  matière  d^ 
transformée  une  fuis  par  la  plante  ;  or  tout  produit  deux  fo 
transformé  est  évidemment  plus  cher  qu^un  produit  qui  n' 
été  transformé  qu'une  seule  fois;  aussi,  ajoute  cet  auteur,  depa 
le  commencement  du  siècle,  en  Europe,  la  viande  et  tous  les  pr 
duits  de  bétail  augmentent  de  prix  plus  vite  que  le  blé.  Ainsi  ; 
où,  au  commencement  du  siècle,  on  pouvait  avoir,  pour  i60  kik 
grammes  de  viande,  720  kilogrammes  de  blé,  on  n'en  a  pli 
maintenant,  pour  la  même  quantité  de  viande,  que  480  kih 
grammes  ! 

En  revanche,  il  est  vrai  de  dire  que  si  le  nombre  de  nos  tètes  < 
bétail  diminue,  en  France,  le  rendement  du  blé  augmente.  A 
commencement  de  ce  siècle,  la  France  produisait  i  hectoL,  674  < 
blé  par  habitant,  en  1874,  elle  en  produisait  presque  le  doubli 
2heclol.,«0. 

Nous  sommes  évidemment  en  progrès,  et  Ton  mange  plus 
mieux  qu'autrefois,  ce  dont  va  nous  convaincre  le  coup  d'œii  qi 
nous  jetterons  tout  à  l'heure  sur  le  temps  passé. 

Inflaenee  soelale  de  l*allHieiitatloii.  —  c  Que  de  grui< 
«  faits,  dit  Isidore  Geoffroy-Sain t>Hilaire,  dans  la  vie  des  natioo 
«  auxquels  les  historiens  assignent ;dcs  causes  diverses  et  dont 
«  secret  est  dans  Talimentation.  L'Angleterre  régnerait-elle  paû 
«  blement  sur  un  peuple  en  détresse,  si  la  pomme  de  terre  presqi 
«  seule  n'aidait  celui-ci  à  prolonger  sa  lamentable  existence?  I 
«  par-delà  des  mers,  UO  000  000  d'indous  obéiraient-ils  à  que 
«  ques  milliers  d'Anglais,  s'ils  se  nourrissaient  comme  eux?L 
u  Brahmes,  comme  autrefois  Pythagore,  avaient  voulu  adoucir  V 
«  mœurs,  ils  y  ont  réussi^  mais  en  énervant  les  hommes.  ^ 


^H  ALIMENTATION.  10» 

^*  tl  est  êtrident  que  le  sort  d'une  aggloniéruiioii  d'hommes 
w  '•bï  un  piys  dépend  de»  ressources  alimenlaireB  que  ce  pays 
I  (CdI  lui  olTrir  :  à  quoi  sert  un  rivage  propice  à  la  pâclie  si  le 
«f     poisson  I  csl  toijquc,  comme  le  Dinifon  des  coles  nco-calcdo- 

ijiie  de  ressources,  au  contraire,  donne  le  Coms  nueifiru  ou 
i^xulier,  en  Polynésie,  notamment  aux  Pomolou  el  dans  la  Sonde: 
Mil  mange  la  partie  charnue,  l'buile  sert  de  ciment,  de  matière 
ilrctxjnige,  de  cosmétique  ;  le  lait  du  fruit  sert  de  boisson  et  de 
médicament:  du  périanlhe  on  lire  un  vin  rermenié,  qui  devient 
le  T»esvak!  On  a  pu  dire  que,  dans  certaine!'  Iles,  le  nombre  des 
tanls  est  proportionnel  i  celui  des  cocotiers.  Et  VArvnga 
\ariferit,  dont  les  fibres  font  des  cordages,  dont  le  fruit 
e  du  sucre  et  une  liqueur  fermcntée,  le  fitigoevirl  et  la  Uura 
M,  et  l'Opliioasylon  scrpeneinum,  employé  comme  contre- 
1 
B  Colombie,  les  indigènes  ont  une  ressource  Tûgélale  bien 
e  plante  dont  le  suc  est  analogue  au  lait  animal,  le 
mm  galactodendroji,  connue  du  peuple  sous  le  n.:>m  de  Palo 
ou  arbre  à  la  vache.  Les  incisions  faites  au  tronc  ' 
n  liquide,  dont  le  suc  privé  d'eau  contient,  d'après  BouS' 


Cira  ut  miitièreB  grasses SV.IO 

Sucre .1.40 

Oomme ï.  tS 

Cutum.... *.0 

Sels  alaklln I .  t  D 

Sututancei  ind^ternilaéefl i.ii 


1(0 

;nt 


»  lodiens  de  l'Amérique  du  Nord  ont  la  Pomme  de  terre  sponla- 

^,r.4>c/tpùi«  tubcrota,Aonl  on  mange  les  jeunes  pousses,  comme 

ons  les  asperges;  VAgurr  ou  aloÈs  américain,  dont  le 

c  cuit  se  mange  en  tranches,  dont  les  feuilles  se  fument,  dont 

uboo  sert  de  teinture  et  dont  la  racine  donne  par  fermenla- 

I  DR  alcool,  l'esprit  de  Mescal.  El  le  Dntlier,  la  richesse  des 

t  et  de  l'Arabie  !  «  Honorez  le'palraier  comme  votre  tente 

roellc,  dit  le  Coran,  il  a  été  formé  par  le  Créateur  du  reste 

a  limon  dont  il  a  créé  l'homme.  nSlrabon,  qui  rap|>urle  que  cet 

C  >  été  importé  de  Phénkie,  porteà  3C0  le  nombre  im  vs&HfA 


lit  LA  FAUNE  ET  LA  FLORE. 

On  se  fera  d'ailleurs  une  idée  de  la  diffusion  des  irégétaux  ali- 
mentaires en  consultant  le  tableau  suinunt  que  j'emprunte  à  rSi- 
glish  Mcchimk  :  a  Le  chou  est  originaire  de  Sibérie;  le  céleri  pro- 
vient d^Âllemagne;  la  pomme  de  terre  a  pris  naissance  au  Péroo; 
Toignon,  en  Egypte;  le  tabac  est  indigène  de  l'Amérique  du  Sud; 
le  millet  a  été  découvert  pour  la  première  fois  dans  Tlnde;  le 
citron  est  originaire  d*Asie;  l'avoine  provient  de  1* Afrique  septen* 
trionale  ;  le  seigle,  de  la  Sibérie  ;  le  persil  est  spontané  en  Sa^ 
daigne  ;  le  panais  en  Arabie  ;  te  soleil  (et  probablement  le  topi- 
nambour) a  été  apporté  du  Pérou;  Tépinard  vient  d'Arabie;  le 
marronnier  du  Thibet;  le  coing  est  originaire  de  Tile  de  Crète; 
la  poire  est  indigène  de  l'Egypte  et  le  raifort  provient  de  TEu- 
rope  méridionale.  » 

Un  des  éléments  les  plus  essentiels  de  notre  alimentation,  est 
le  sel.  Les  populations  qui  l'ont  à  leur  portée,  ont  eu  de  tout  temps 
un  avantage  considérable,  et  les  belles  collections  dcbronzeque  nom 
trouvons,  à  Tépoque  du  bronze,  chez  les  populations  préhistoriquci 
des  environs  de  Salins,  nous  indiquent  quelle  richesse  était  pour 
elles  le  sel  gemme,  qu'elles  exploitaient  déjà.  Encore  aujour- 
d'hui, les  tribus  africaines  qui  trouvent  le  sel  à  leur  portée,  sont 
riches  et  puissantes.  La  Gabelle  a  été  partout  et  de  tout  temps  une 
source  de  richesse;  au  Darfour,  sous  forme  de  petits  cylindres  et 
sous  le  nom  de  Falyo,  le  sel  sert  de  monnaie.  C'est  la  matière  pré- 
cieuse, c'est  l'or  du  pays. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  résulte  des  détails  dans  lesquels  je  viens 
d'entrer,  que  l'homme  est  omnivore  ;  or,  du  jour  où  l'homme  est 
devenu  omnivore,  il  a  acquis  en  quelque  sorte  le  don  de  cosmo- 
politisme, devenant  capable  de  plier  son  alimentation  aux  exi* 
gences  de  tout  climat  ! 

§  i.    INANITION.    ÉPIDÉMIES  DE  FAMINE. 

Combien  de  temps  peut-on  vivre  sans  manger?  Il  est  difGcile, 
même  après  les  célèbres  expériences  (?)  du  docteur  Tanner,  de  ré- 
pondre bien  nettement  à  cette  question.  Tout  dépend  de  la  dé- 
pense de  forces  que  Tofl  fait  et  des  réserves,  des  provisions  qu'on 
avait  dans  ses  tissus.  Le  chameau,  dans  le  désert,  possède  dans 
sa  bosse  une  provision  de  graisse,  qu'il  consomme,  faute  de  mieui» 
par  autoabsorption  ;  un  homme  gras  supportera  l'inanition  mieux 


1.  'ï>"un  Iiominc  maigre.  D'après  les  etpérieiices  de  Chossat  sur  les 
)1  ■uatnmirures,  la  niorl  par  inaailion  surviendrait  au  bout  d'un 
H  temps  larinhle ,  entre  8  cl  I  ïl  jours.  Mais  il  semble  que  ce  terme 
V     Witun  peu  ÎDrÉrieur  i  la  réalité. 

Il  est  beaucoup  plus  scientitlquc  et  plus  précis  de  dire  que  la 
mciM  Btirvicnt  lorsijiic  ranimai  a  perdu  les  4/10  de  son  poids. 
VjlenlÎD  a  calculé  qu'un  animal  hibcmani  perdait  pendant  sa 
Imgue  abstinence  les.3/10  de  son  poids.  L'animal  se  réveille  donc 
I  Li-Mips,  mais  il  ne  serait  pas  prudent  de  dormir  beaucoup  plus 
[i^tcmpB  ! 

A  mesure  (]u'il  perd  de  son  poids,  l'animal  en  inanition  perd  cha- 
ijuc  Jour  un  peu  de  sa  température  ;  il  nieurtquand  elle  est  toml)ée 
de-*- 37»  à  +23";  c'est  précisément  à  ce  point  que  meurt  l'ani- 
mal bien  nourri,  qu'on  vient  h  plonger  dans  uii  mélange  riiTri- 
rrntnt. 

La  résistance  au  froid  se  trouve  d'ailleurs  diminuée;  ainsi  h 
rlinïrcneede  la  température  observée  chez  un  animal  famélique 
{lendam  le  jour  et  pendant  la  nuit,  peut  aller  jusqu'à  +  3'.  Cela 
nous  explique  comment  meurent,  dans  les  hivers  rigoureux,  ceux 
r[ue  l'hiver  même  empêche  de  se  nourrir. 

i:eltc  déchéance  totale  de  l'organisme  se  traduit  par  des  sym- 

ptànMs  tellement  caractéristiques,  qu'ils  restent  ineffaçables  dans 

l'esprit  de  ceux  qui  ont  eu  l'occasion,  je  ne  dis  pas  de  les  éprou- 

ler,  mais  stulemenl  de  les  observer  cliez  les  autres;  je  ne  pai-le 

pas  de  ramaigrissement,  qui  dépasse  les  limites  du  vraisemblable, 

nai*  de  l'aspect  hagard  des  jcui:,  d'une  odeur  spéciale,  nauséeuse, 

qui  rappelle,  amére  ironie,  mais  résultat  de  l'autophagie  du 

bniéUqut!,  l'odeur  des  carnassiers,  d'une  diarrhée  fétide,  enfin  du 

Jélire  et  de  la  concentration  de  tout  ce  qui  reste  de  forces  orga- 

oiqaet.  dans  l'expression  ,  par  l'individu  total,  de  ce  sentiment 

dans  lequel  tout  se  résume  -.  •  J'ai  faim  !  d  L'organisme  tout  entier 

»  bim;  il  ne  demande  qu'à  absorber  et  il  absorbe  tout,  à  com- 

iiitucer  par  ce  qu'où  nommait  jadis  les  miasmes,  les  agents  pro- 

m'^teurs  des  maladies  ;  aussi  toutes  les  disettes  s'accompagncnl- 

jles  d'épidémies  diverses. 

^ous  ignorons  nous  autres,  et  encore  pas  tous,  ce  que  c'est 

me  la  faim,  dans  nos  pays  de  travail  et  d'association  vague,  si 

I      iapufilite  qu'elle  soit  encore  malheureusement  ;  mais  pour  les 

L     «dites  encore  peu  avancées  en  civilisation,  c'est  là  unpVttiottifeïvft 

krt||f  EMwf  daas  hs  moments  de  disette  ;  oa  mange  ^^nn  lï'xw^xVi 


1 


fis  LA   FAUNE   ET    LA   FLORE. 

quoi,  toute  racine,  toute  feuille,  de  la  terre  ;  il  sufOt  de  remplir 
l'estomac  et  d'apaiser  momentanément  la  faim  ;  aussi  ceux  qtt 
nous  nommons  les  sauvages  sont-ils  généralement  maigres  et 
très  agiles,  mais  moins  forts  au  dynamomètre  que  nous  autres      j 
Européens.  Les  jours  de  jeûne  imposés  par  Tabsence  de  tout  ali- 
ment sont  tellement  fréquents,  que  chez  les  Néo- Calédoniens  il 
existe  un  singulier...  vHement  tilimentaire,  si  Ton  peut  ainsi  dire, 
simple  ceinture  qu'on  emploie  pour  comprimer  Tabdomen  et  pour 
se  serrer  le  ventre,  dans  le  but  d'apaiser  les  lormina  de  la  faii&« 
quand  toutes  les  plantes  sont  grillées,  le  gibier  trop  fuyard,  le 
poisson  absent  !  N'a>t-on  pas  vu  les  Hébreux,  dans  le  désert,  ré- 
duits à  manger,  sous  forme  de  manne  céleste,  tant  il  est  vrai  qu'il 
n'y  a  que  la  foi  qui  sauve,  quelque  chose  qui  vraisemblablement 
n'était  autre  que  le  livhrn  csrulmtus  (Durando)  ;  ce  lichen  se  pré- 
sente encore  aujourd'hui  sous  forme  de  petites  masses  grisâtres, 
que  les  xVrabes  nomment  Oussak  el  Ard,  excrément  de  la  terre. 

On  trompe  la  faim  par  tous  les  moyens  :  en  1628,  époque  de 
faminr,  on  mangeait  en  France  une  terre  blanche  argileuse;  ks 
Malais  eux-mêmes,  qui  ne  sont  pourtant  )>as  un  peuple  famélique, 
mauf^eut  une  argile  rougeàtre,  qui,  torréfiée  sur  une  plaque  de 
tôle  et  roulée  en  cornets,  est  vendue  sous  le  nom  d'Ampa.  LÂgéo- 
phagit*  n'est  d'ailleurs  pas  rare  chez  de  nombreuses  populations  : 
les  Otoniaqucs,  faute  de  mieux,  mangent  une  argile  grasse  et 
ferrifore,  dont  ils  consomment  jusqu'à  une  livre  et  demie  par  jour; 
cela  devient  une  sorte  de  condiment.  Les  Indiens  de  TAmazone 
mangent  souvent  de  la  terre  glaise  ;  au  dire  de  Molina,  les  Bré- 
siliens mangent  de  méinc  une  sorte  d'argile  d'odeur  agréable, 
qu'Ehrenberg  a  trouvé  être  un  mélange  de  talc  et  de  mica.  Il  en 
est  de  même  à  la  Guyane,  à  la  Nouvelle-Calédonie.  Les  nègres  de 
Guinée  mangent  une  terre  savonneuse  et  en  Sibérie  on  mange 
une  terre  dite  beurre  de  montayne. 

Des  peuples  plus  civilisés  encore  n'ont  pas  toujours  eu  le 
bonheur  d'échapper  aux  horreurs  de  la  famine  épidémique,  cette 
faim  collective  dont  Fonssagrives  a  dit  avec  raison  :  «  Les  disettes 
(c  sont  aux  populations  ce  que  l'inanition  est  aux  individus,  w  Je  ne 
parlerai  pas  des  Hsquimaux,  dont  certains  villages  sont  dépeuplés; 
nous  abrégerons  d'ailleurs  cette  lamentable  liste  des  famines,  car 
faire  leur  histoire  complète,  ce  serait  écrire  l'histoire  de  l'humanité 
pendant  bien  dos  siècles;  Louandre,  l'auteur  classique  de  l'Ali' 
mentation  jmbliquc  sous  Vanciennc  monarchie,  n*a-t-il  pas  dit, 


AUltEKTATION.  111 

tt  maDieureusement  sans  exagi^ratîon  ;  ■  Trois  mois  résumeat 
f  rhislairc  de  Tiiiicicnne  monarchie  Trançaise  :  la  gvnrr,  \apeslc. 
Il  famine.  ■  Unis  il  nous  Taut  dire  ce  qu'était  le  fion  vieux  lemp>, 
i  cher  à  queli|ucs  attardés.  Glabér,  qui  vivait  au  %i*  siècle, 
jfetre  pour  la  France,  dans  l'espace  de  73  ans  (987-10S9),  ■ 
4S  ^idémics  dv  famine.  Il  se  borna  à  mellrc  eu  regard  de  chaque 
uaéc  :  •  K^ande  famine  b  ou  «  mortalité  pendant  cinq  ans. 

•  pendant  sept  ans  x.  —  i  L'an  1000.  dit-il,  les  riches  maigrirent 
~  «t  p&lirrnt,  les  pauvres  rongùreiit  les  racines  des  Torèts,  plu- 

•  licun  (lévoTcrenl  leBehairshDmaines:skir  les  chemins,  les  forts 

■  uisisAaiont  les  faibles,  les  déchiraient,  rôtissaient,  mangeaient. 

•  —  Chci  un  mendiant  on  trouva  quarante-huit  tètes  d'hommes 
.  et  d'i^nfants.  ■  —  En  1031,  «  il  se  trouva  plusieurs  personnes, 

>  ajoute-t-il,  qui  déterraient  les  Lorps  pour  les  manger,  qui  allaient 
(  à  la  ebuae  des  petits  enfants,  qui  se  tenaient  au  coin  des  bois, 
-  comme  bêles  carnassières,  pour  dévorer  les  passants.  »  —  ■  1!  y 
«eut  un  homme,  dit  Mézeray,  qui  étala  de  la  chair  humaine  dans 

<  U  ville  de    Toumus.  it 

Le  progrès  des  siècles  n'arrâta  pas  ces  famines  ijcsaslreuses:  au 
lendemain  de  la  défaite  de  la  noblesse  franraise  à  Poitiers,  on  1 3^(1. 
ta  famine  fut  atroce  ;  les  paysans,  traqués  par  les  Anglais,  traqués 
fax  les  nobles  qui,  voulant  pajer  leur  rançon,  les  pressuraient,  les 
dr  pont  liai  ont,  se  réfugiaient  dans  des  souterrains.  Ils  ne  purent. 
ttUr  aiinée-U,  ni  récolter  ni  semer  et  moururent  de  faim. 

Au  tv  siÈde,  la  misère  fol  si  grande  (HIB-U2'J)  que,  dit 
Uonslrelrt,  «  les  cordouaniers  comptèrent,  le  jour  de  leur  con- 

■  frérir,  li)s  morts  de  leur  métier,  et  trouvèrent  qu'ils  étaient 

•  trépassés  bien  I  800,  tant  maîtres  que  varlets,  —  en  deux  mois. 

•  Od  mourait  tant  et  si  vite,  qu'il  fallait  faire  dans  les  cimetières 

I  de  grandes  fossi-s  où  on  les  mettait  (les  morts)  par  trente  ou  qua- 

>  rante  arrangés  comme  lard,  et  h.  peine  poudrés  de  terre. —  Quand 

<  arrivait  huit  heures.  Il  j  avait  si  grande  presse  à  la  porte  des 
I  boulan^'ens  qu'il  faut  l'avoir  vu  pour  le  croire,  i  Les  Parisiens  de 
linO  le  croiront  sans  peine!  A  cette  triste  époque  (14)0-1422), 
il  y  avxit  à  Paris  24  OOO  maisons  abandonnées,  et  les  loups,  dont 
les  landes  couraient  les  champs,  entraient  la  nuit  dans  U  ville. 

Quand  vint  la  guerre  de  trente  ans,  ce  fut  pire  encore  :  les 
bandes  arntèes  foulaient  aux  pieds  de  leurs  chevaux  es  que  la 
terre  donnait  de  récoltes  :  c'était  le  lernps  où  le  roï  V.mvi  \\\\ 


114  U   FAUNE    ET   LA   FLORE. 

M  Pricul,  vivez  (rinduslrie,  plumez  la  poule  sans  la  faire  crier,  i 
En  1 038,  riiivcr  Fut  très  rude  aux  environs  de  Metz,  et  la  mi- 
sère aussi  ;  un  historien  raconte  :  «  qu'un  jeune  garçon  s^étant 
«  allô  ehaulfer  chez  un  autre,  étant  près  du  fcu^  fut  tue  par  le 
«  maître  de  la  maison,  non  pour  un  autre  sujet  que  pour  leman- 
u  p'r.  De  quoi  la  justice  étant  avertie,  elle  fit  appréhender  cet 
homme,  ({ui  confessa  le  fait,  pressé  par  la  rage  de  la  faim,  il  en 
ti  avait  mangé  lionnes  trancades.  n^ct  En  un  village  près  de  Mor- 
it  hange,  continue  le  chroniqueur  messin,  il  a  été  vériOé  par  le 
u  kiilly  de  Vie,  qui  envoya  les  informations  au  conseil  de  Metz, 
i<  comment  le  fils  avait  mangé  son  père,  étant  mort,  et  puis  après, 
«  le  (Ils  mourant,  la  mèn'  le  mangea.  »—  «  Entre  Metz  et  Nancy, 
<•  dit  Jean  l)aurhes,on  vit  des  paysans  aller  à  Tatrût  pour  y  prendre 
X  et  tuer  les  passants,   comme  on  prend   les  lièvres,  et  puis 
■  s'en  nourrir.  i>  Et  ailleurs  :  u  les  pauvres  hommes  des  champs 
it  senililiMit  (1rs  carrasses  déterrées  ;  la  pasture  des  loups  est  au- 
H  jnurdMuii  la  nourriture  des  chrétiens  ;  car  quand  ils  tiennent 
n  des  rlu'vanx,  il«s  Aui's  l't  d'autres  bestes  mortes  et  ctouifées,  ils 
-  se  r<*[iaissi'nt  Je  cette  chair  corrompue  qui  les  fait  plutôt  mourir 
«  que  vivre...  Plusieurs  femmes  et  enfants  ont  été  trouvés  morts 
u  sur  les  chemins,  la  houehe  pleine  d'herhes.  »  —  Un  curé  écrit 
i|ue  :  «(  la  plupart  des  pauvres  gens  ne  se  nourris.sent  plus  que 
K  d'ttrties  iMiiiillies.  )> —  A  IMois,  un  autre  prêtre  «  a  vu  un  enfant 
«  sucer  les  os  d'nn  trépassé,  comme  on  les  tirait  iVune  fosse  pour 
'c  mettre  un  autre  corps.  •  —  .V  Bourges,  un  enfant  de  sept  ans 
mange  le  bras  de  sa  mère  ({ui  vient  de  mourir. 

Pendant  la  Fronde,  nouvelles  disettes  :  la  quantité  de  hié  qui 
valait  i  à  ,'1  livres  coûtait  IS.  ±{i  et  M)  livres.  On  mangeait  l'herbe 
«les  chami  s",  on  faisait  du  pain  avec  du  chierub'ut.  «le  la  fougère, 
des  co(}ues  de  noiv  broyées.  Il  le  fallait  bien,  puisque  Tavanes 
écrivait  au  grand  tlomlé  :  <-  Pour  avt)ir  des  fourrages,  le  plus 
tt  court  est  de  couper  les  blés.» —  I,.i  famine  fut  atroce  en  Pi- 
cardie, en  Verniandois,  en  f.liauïpagne.  en  Normandie,  dans  le 
Maine,  la  Touraine,  dans  le  HIaisois,  le  \Wit\\  la  Beauce,  etc. 
De  Lyon,  Falconnel  écrit  à  Guy-Patin  :  a  On  peut  assurer  que 
.'  lOdOO  personnes  .^ont  mortes  ici  de  nécessité.  »  C'est  le  grand 
siècle  1  U  est  vrai  que  sous  ce  siècle  un  homme  a  écrit  :  i<  On 
a  voit  certains  animaux  farouches,  dos  màles  et  des  femelles,  ré- 
«  pandus  par  les  canq)agnes,  noirs,  livides  et  tout  brûlés  du  soleil, 
M  attachés  à  la  terre  tju  ils  fouillent  et  qu'ils  remuent  avec  une 


iiiiâtKlé  iiif  iacible.  Ils  ont  comme  une  voix  articulée,  et  quand 
Il  se  lèvent  sur  leurs  pieds,  iln  monlrent  une  face  humaine,  et, 
1  tt!eX,  ils  sont  des  hommes;  ils  se  retirent  la  nuit  dans  des 
uières  iiù  ils  vivent  de  pain  noir,  d'eau,  de  racines.  Ils  épar- 
Mni  aux  autres  hommes  la  peine  de  semer,  de  labourer,  de 
Kueillir  pour  vivre,  et  mérilnnt  ainsi  de  ne  pas  manquer  de 
a  qu'ils  ont  semé.  «  Celui  qui  seul  osiiit  jeter  ce  cri  d'indi- 
gnation au  milieu  do  Taste  de  Versailles,  n'était  pas,  on  le  devine, 
lin  rùurtisan,  c'était  La  Bruyère! 

Il  laul  reconnaître  que  si  ta  Bruyère  est  celui  qui  a  le  plus  Tor- 
tcuiFtit  buriué  cette  situation  du  peuple  français,  il  n'est  pas  le 
(tut  à  l'avoir  vue  el  â  l'avoir  dénoncée.  Desmarelï,  Etoisguiltiert 
tlVauban  partagent  avec  lui  cette  gloire  moins  brillante,  mais 
plu  durable  que  celle  de  Louis  XIV.  a  C'est  une  commune  voix, 
-  écrivait  Dcsmaretz,  que  la  pauvreté  des  peuples  dans  Us  pro- 

•  TÎnccsest  fort  sensible. n  BoUliie  nous  a  fait  connaître,  d'après  la 
rorrctpondancQ  inédite  des  contrôleurs  généraux  des  finances  avec 
Iti  intendants  des  provinces,  ce  que  c'était  que  la  misère  au  temps 
lie  Louis  XIV  :  le  12  janvier  <C92,  l'intendant  du  Limousin  écri- 
vait que,  dans  ses  provinces,  plus  de  70  000  personnes,  de  tout 
Ige  et  des  deux  sexes,  allaient  être  réduites  à  mendier  leur  pain 

•  avant  le  mois  de  mars,  vivant  dès  A  préseot  de  châtaignes  à 

•  d«>mi  puurries.  »  —  Au  mois  d'avril  de  la  même  année,  finlen- 
jant  lie  la  généralité  de  Bordeaux  écrivait  à  Pontcharlrarn  :  a  11 
t  <F  aptia  de  trois  mois  jusqu'à  la  récolle;  il  est  à  craindre  qu'il 
■  ne  périue  beaucoup  de  personnes  de  faim,  b  En  Auvergne, 
OMibK  de  gens  Turent  trouvés  morts  d'inanition. 

D  est  Trai  que  pendant  qu'on  mourait  de  faim  en  France,  le 
~  i  soldais  nous  valait  les  victoires  de  Staffardc.  de  la 

KÎIte,  de  Sleinkerque,  de  Neerwiuden.  «  Chaque  jour  noua 
mtons  des  Te  Deiiin,  »  écrivait  M"*  de  Sévigné.  t  Ou  périssait 
il  misère  au  bruit  des  Te  Deum,  «  répondra  plus  tard  Vollaire. 
et  Juin  IG{I3,  on  écrivait  de  Limoges  :  o  II  meurt  tous  les 
■i  ^and  nombre  de  pauvres,  qu'il  y  aura  des  paroisses 
%  \\  ne  restera  pas  le  tiers  des  habitants.  »  On  demande  du  blé, 
I  plus  lard  (7  octobre]  on  se  ra lise  :  n'envoyez  pas aul,inl  de 
jQu'on  en  demandait,  il  est  devenu  moins  nécessaire  a  par  la 
ÉBtntitioa  deshabilanU.  >  a  Dans  les  élections  de.  Péti{;ueu\«\. 
i  Saria^  il  est  mon,  y  compris  les  petits  cntanls,  V^*^*^  ^^ 
fWeoopersoaaes  depuis  un  au.  a  Fënelon  lui-même   tcùl  a^u 


116  LA  FAUNE   ET  LA  FLORE. 

roi  (1693)  :  «  Sire,  vos  peuples  meurent  de  faim;  la  culture  dei 
«  terres  est  presque  abandonnée  ;  les  villes  et  les  campagnes  se 
«  dépeuplent;  tons  les  métiers  languissent;  tout  le  commerce  est 
«  anéanti!  La  France  entière  n*est  plus  qu'un  grand  hôpital  dé- 
«  sole  et  sans  provision.  »  Un  courtisan  bien  élevé  sut  épargner 
au  roi  la  lecture  de  cette  lettre  et  partout  l'on  continua  à  élever, 
aux  frais  des  habitants,  des  statues  et  des  monuments  en  son 
honneur.  De  lOSO  à  1715,  on  estime  à  dix  millions^  dit  André 
Lefèvre,  le  nombre  des  morts  de  faim  et  de  misère.  11  cite  à  Tappiii 
ce  mot  de  Saint-Simon  :  c  Ce  royaume  est  un  vaste  hôpital  de 
fl  mourants  à  qui  on  prend  tout  en  pleine  paix.  »  Et  celui  d'un 
curé  de  Chartres  qui,  interrogé  par  le  roi  lui-même  sur  Tétat  de 
ses  paroissiens,  répondit  :  «  Les  hommes  mangent  de  Fherbe 
«  comme  des  moutons  et  crèvent  comme  des  mouches.  »  Il  ne  fut 
pas  nommé  évêque. 

Voici  du  reste  Técho  que  trouva  plus  tard  le  cri  de  la  nation  dan» 
le  cœur  de  Louis  XY  (le  bien-aimé)  :  le  pacte  de  famine  autorise 
Taccaparcmcnt  des  grains.  Louis  XV  sanctionne  rétablissement 
d'une  régie  dont  le  but  ostensible  était  d*acbeter  des  grains  «lors- 
qu'ils seraient  abondants,  de  les  conserver  dans  des  greniers  et  de 
les  revendre  dans  les  années  mauvaises.  Ces  blés  achetés  à  vil  prix 
étaient  envoyés  à  Jersey  et  à  Guernesey  et  détruits  parfois,  pour 
entretenir  la  rareté  sur  le  marché  (Bonnemère).  Conséquences: 
famine  en  17 iO,  1741,  1742,  1745;  famine  en  1767,  en  1768;  en 
1775, 1776;  en  1784  ;  famine  en  1789.  Ce  fut  la  dernière! 

Aux  mesures  prohibitives  de  Colbert  Turgot  venait  de  substi- 
tuer la  liberté  du  commerce  et  celle  de  rexportation,car,autrefoiS| 
le  blé  ne  pouvait  passer  d'une  province  dans  la  province  voisine. 
11  venait  d'encourager  la  culture,  tellement  tombée  depuis  Henri  IV 
et  Sully,  que  la  Sologne,  jadis  riche  en  blé  sous  Henri  IV,  était 
devenue  à  peu  près  ce  qu'elle  est  encore  aujourd'hui.  La  célèbre 
ordonnance  où  Turgot  dit  aux  paysans,  à  qui  on  parle  pour  la  pre- 
mière fois  :  «  Semez ,  vous  êtes  sûrs  de  vendre  »  fut,  selon 
l'expression  imagée  de  Michelct,  Xà  Marseillaise  du  blé\  c  la  terre 
«  frémit,  la  charrue  prit  Tessor  et  les  bœufs  semblèrent  réveillés,  i 

Nous  sommes  maintenante  l'abri  de  ces  grandes  épidémies  de 
famine:  la  terre  est  cultivée  avec  sécurité  et,  le  plus  souvent,  par 
son  propriétaire;  les  communications  font  bénéficier  de  la  richesse 
d'une  région  toutes  les  autres  régions  ;  les  cultures  sont  en  outre 
variées  dans  chaque  pays. 


iAép.  Ap.  r.e.  nui  ' 


ALIMENTATION. 

■  Quelques  cbilTres  vont  donner  au  lecteur  une  idée  de  ce  qui 
nous  sépare  de  l'ancien  Tégimc,  au  point  de  vue  de  l'alimenta- 
tion  :  h  )s  fin  du  stit*  siècle,  la  Cân«>mmatian  de  la  viande,  en 
France,  s'^evail  i  peine  â  une  livre  par  tète  ei  par  mois  [Dareste 
de  ta    ChBTanni?),  et  encore  ce  n'est,  bien    entendu,  qu'une 
tnn>cnne  -,  la  plupart  des  Français  ne  mangeaient  pas  de  viande 
du  luul.  D'ailleurs,  la  multiplicité  des  jours  dits  mni^r^s  imposés 
pir  l'Ëglise  (160  par  on)  était  un  obstacle  au  commerce  de  la  boa-  , 
cbcnc.  Jusqu'il  latin  delTÎ4,  les  hôpitaux  seuls  avaient  le  droit  di 
VKfldrede  la  viande,  pendant  le  carême,  et  ce,  sur  ordonnance  dal 
médecin  et  en  échange  de  bons  écus  sonnants,  donnes  au  clergé.  ï 
Uuant  au  poisson,  la  lenteur  des  commuiiicaiiuiia  rendait  a 
Iransporl  impossible  ;  il  est  vrai  que  certains  poissons  de  mer  u  1 
mangeât  uonservés,  mais  nous  n'aiions,  en  1669,  que  6i 
lites  pour  la  grande  p6che,  alors  que  la  Hollande  en  uvait  IGOM 
ûnit  (|tte    le   conslatail  U.   de  Pompone ,  notre    ambassadeiH 
daos  u  paye.  —  Aujourd'hui,  au  contraire,  d'après  la  stalistiqiM 
delM6,  il  est  actuellement  livré  àla consommation  100000 000 (tl 
Lilognoimes de  tMCuf,  vache,  mouton,  pure;  :i80 000000  dekJU>*l 
fraainKS  de  gibier,  volaille,  poisson,  a-uTs,  lait,  Tromage  ;  lolallJ 
99(1000000  de  kilogrammes  de  viande  ou  de  produits  analogues, 
tt  qui  tait  28  kilogramoics  de  ces  produits  par  tâtc  et  par  an,.' 
Mit  iifl  peu  plus  de  76  grammes  par  jour.  Ily  a  là  un  grand  pro*  I 
^Tès,  mais  bien  insuffisant  encore,  surtout  si  l'on  songe  que 
ralion  de  Pans  seul  est  à  peu  près  de  260  gramiues  de  viande  1 
par  t£te  et  par  jour,  ce  qui  diminue  d'autant  la  moyenne  de  Is  | 
province.  Ce  sont  donc  surtout  les  végétaux  et  notamment  la  1 
pomme  de  terre  qui  comblent  le  déDcil.  Les  Famines  disparaissent,  j 

9  pu  encore  partout. 

'  r  dti  Flandres  (1847).  —  Si  les  Tamines  sont  ei 
R  en  Eun^,  c'est  parsuite  de  causes  beaucoup  moins  natif  I 

bquedans  les  pays  moins  civilisés.  Elie^ontjeur  raison  d'étl»  | 

■  l'évolution  encore  imparfaite  du  travail;  la  misère,  comra 
S eicellemment  Bcrtillon,  b  est  fllle  de  U  graude  industrtol 

Su  salariat.  ■  Plus  loin,  mon  savant  et  regretté  collègue 

Jn  vieux  proverbe  Hamand  disait  :  Coupei  UêM 

•  pouces  des  fileuses  lUmandes  et  la  Flandre  mourra  de  (aim.  OeJ 
cr  les  machines,  s'emparanl  de  plus  en  plus  de  l'industrie  linièr«||J 

*  exécutèrent  la  terrible  menace,  dont  l'accomplissemenV  ta\.  « 
e  précipité  par  l'eilraordinake  cherté  de   18i6-lW1.i 


^^P 


118  LA   FAUNE   ET  LA  FLORE.- 

population,  réduite  aux  aliments  a  qu'auraient  dédaignés  les  der- 
«  nicrs  animaux,  mourut  en  masse.  On  compte  95000  décès  sup- 
«  plémcntaires  et  le  pays  fut  frustré  de  26  000  à  27  000  naissances, 
«  car  la  faim  n'engendre  pas.  »  (Bertillon.)  Les  Flandres  ne  sont 
pas  encore  relevées  de  ce  coup  terrible. 

Famines  de  Silésie,  —  Des  famines  terribles  ont  ravagé  la 
Silésie  en  1707,  en  1806  et  en  1846. 

Famines  (Vîrlande,  —  L'Irlande  a  été  décimée  par  la  famine 
de  1707  à  1803.  De  1816  à  1817,  elle  a  subi  encore  une  disette 
effroyable.  En  vain  les  Irlandais émigrent-ils ;  sur  6000000  d'ha- 
bitants, 737  000  périssent.  De  1826  à  1828,  la  récolte  des  pommes 
de  terre  fut  nulle;  20  000  ouvriers  sans  ouvrage  moururent  de 
faim  à  Dublin.  —  Mêmes  désastres  en  1836 ,  en  1843,  en  i&46; 
—  alors  120000  Irlandais  se  réfugient  en  Angleterre,  75000  en 
Amérique.  Ce  pays  malheureux  n'en  a  pas  encore  fini  avec  ce  que 
les  politiciens  appellent  encore  pai*  euphémisme  la  (rise  agraire. 
Depuis  1880,  la  famine  et  son  cortège  le  typhus,  le  relapsing  fever, 
régnent  en  Irlande.  —  C'est  un  luxe  que  de  s'y  procurer  de  l'eau 
blanche  (inclangc  d'un  peu  de  farine  d^avoine  et  de  beaucoup 
d'eau). 

Faminrs  dans  l'Inde,  —  L'Inde  a  été,  même  en  ce  siècle, 
ravagée  par  la  famine.  La  plus  célèbre  épidémie  est  toutefois 
celle  de  1768  :  lord  Clive  avait  décidé  que  Timpôt  serait  payé  en 
riz;  il  cil  résulta,  chacun  ayant  apporté  son  riz  dans  les  greniers 
des  Anglais,  que  les  pauvres  indigènes  mouraient  de  faim  devant 
des  magasins  dont  ils  n'auraient  eu  qu'à  défoncer  les  portes  pour 
vivre  ;  ou  plutôt  il  était  trop  lard,  le  riz  était  parti  déjà. 

Les  sauterelles  se  chargent  parfois,  dans  Tlnde,  de  vider  com- 
plètement les  réserves  de  l'indigène;  il  n'y  a  pas  longtemps  que 
dans  les  districts  de  Madura,de  Tinnevelly  et  de  Mysore,  d'énormes 
vols  de  CCS  insectes  ont  détruit  toute  espèce  de  récolle.  Ces 
terribles  ravageuses  forment  dans  Tair  de  véritables  nuages  qui 
obscurcissent  la  clarté  du  soleil  ;  le  bruit  des  ailes  ressemble  à 
celui  que  ferait  entendre  une  forte  averse;  quand  le  nuage  s'abat, 
toute  la  surface  du  sol  qu'il  couvre  est  dénudée,  comme  si  le  feu 
avait  passé  sur  elle. 

Cette  dernière  famine  deTlnde  aduré  18  mois.  Sur  239000  000 
d'habitants,  74  677  535  ont  été  atteints,  soit  un  peu  plus  du  tiers! 
Dans  la  seule  province  de  Madras,  sur  33  000  000  d'habitants, 
20  000  000  se  sont  trouvés  aux  prises  avec  la  famine.  —  Le 


FAMIIIBS.  ii9 

ooffibre  total  des  Tictimes  a  été  de  3  500  000  et  rémigratioa  a  dé- 
passé i  500  000.  Voilà  qui  s'appelle  coloniser!  Et  cependant, 
dans  la  seule  année  1977,  près  de  iOOOOOOOO  de  francs  ont  été 
dépensés  en  secours  ! 

Famine  en  Asie,  —  En  i880,  la  famine  a  régné  en  Arménie  :  150 
personnes  sont  mortes  à  Âgbak.  —  A  Van,  il  est  mort  plus  de  100 
adultes  et  de  300  enfants.  —  A  Kerkouk,  il  y  avait  à  la  même 
époque  plus  de  10  morts  par  jour. 

Famine  en  Algérie.  —  En  1867-68,  l'Algérie  avait  été  précisé- 
ment victime  des  sauterelles  (1865),  auxquelles  s'étaient  joints 
deux  antres  fléaux,  la  guerre  (1864)  et  la  sécheresse  (1866).  On 
vit  alors,  dit  un  témoin  oculaire,  le  docteur  l^veran,  <&  des  fa- 
«  milles  humaines  se  levant  avec  des  allures  de  fauve,  sous  Tai* 
«  guillondela  faim,  et  se  jeter  honteuses  et  farouches  sur  les  villes.» 
Il  périt  SI 7  000  indigènes. 

Famine  en  Chine.  —  En  1878,  la  Chine  a  été  en  proie  à  une 
famine  effroyable,  causée  par  la  sécheresse,  dont  il  a  été  parlé  plus 
haut  au  sujet  dci  courants  atmosphériques.  Sur  un  espace  de 
700  000  kilomètres  carrés,  habité  par  70  000  000  d'individus, 
n*était  pas  tombé  une  goutte  d'eau  depuis  plusieurs  années. 
En  vain  (!),  dès  le  mois  de  juin  187(3,  des  prièrtis  publiques 
avaient  été  prescrites  par  les  décrets  impériaux,  pour  obtenir  du 
ciel  la  cessation  de  la  sécheresse,  qui  désolait  les  provinces  du 
Nord,  pendant  que  celles  du  Midi  étaient  ruinées  par  les  pluies 
et  par  les  inondations  ;  au  mois  de  décembre,  20  000  fugitifs  se 
réfugiaient  dans  les  villes  au  cri  de  la  faim!  En  avril,  85  000  men- 
diants mouraient  de  faim  ;  en  1878,  des  morts  abandonnés  partout, 
dans  ce  pays  par  excellence  du  culte  des  morts,  étaient  mangés 
par  ceux  qui  voulaient  vivre  encore. 

Fnmiws  en  Russie.  —  Certaines  famines  locales  ont  été  obser- 
vées en  1865,  par  exemple,  à  Pétersl>ourg,  à  la  suite  des  jeûnes 
rigoureux  de  quatre  semaines  avant  Noël  et  de  six  semaines 
avant  Pâques.  On  ne  mange  alors  ni  viande,  ni  beurre,  ni  lait,  ni 
poisson  ;  mais  ce  sont  là  des  causes  spéciales.  Elles  n'en^sont  que 
plus  humiliantes  pour  Thumanité  ! 

On  pourrait  également  citer  ici  la  famine  du  plateau  de  Cher- 
nosêse,  pendant  la  guerre  de  Crimée,  en  1 855  «  L'année,  [dit  Saint- 
«  Arnauld,  était  comme  l'équipage  rationné  d'un  navire  en  pleine 
«  mer;  le  sol  de  la  Crimée  était  devenu  aussi  nu  et  aussi  impro- 
•  ductif  que  le  pont  d^un  navire.  » 


V 


• 


!20  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

Action  des  famines  snr  le  nonvesient  des  p«p«latiens. 

—  Ces  lamentables  événements  n'ont  pas  pour  unique  consé- 
quence de  faire  enregistrer  un  nombre  considérable  de  morts. 
La  perte  va  plus  loin  encore  et  le  mouvement  d'une  popuiatioo 
se  trouve  influencé  pour  plusieurs  années. 

On  voit  que  le  vieil  adage  plus  occidit  gula  qtmm  gladius  n'est, 
pour  le  plus  grand  nombre,  qu'une  amère  dérision  ;  ce  privilège 
n'appartient  qu'aux  riches  ;  à  eux  seuls  peut  s'appliquer  la  divi- 
sion, faite  par  Fonssagrives,  des  aliments  en  trois  parties  :  une  pour 
le  b»isoin  réel,  une  pour  la  sensualité,  une  pour  la  préparation 
des  maladies  à  venir.  Pour  le  plus  grand  nombre  des  habitants 
de  la  planète,  le  besoin  réel  est  h  peine  satisfait,  les  sensualités 
rarement,  mais  les  maladies  à  venir  n'en  sont  que  plus  directe- 
ment et  mieux  préparées. 

La  mortalité  augmente  constamment  avec  le  prix  du  blé  ;  car, 
chose  surprenante  au  premier  abord,  plus  le  blc  est  cher  et  moins 
on  mange  de  viande  ;  il  n'y  a  donc  pas  compensation,  mais  aggra- 
vation; SI  bien  que,  dans  l'étude  de  la  mortalité,  dans  ses  rapports 
avec  ralimcntation,  on  peut  s'attacher  indifleremment  à  la  con- 
sommation du  blé  ou  à  celle  de  la  viande  ;  le  résultat  ne  varie 
pas. 

Non  seulement  la  mortalité  augmente,  mais  les  mariages  dimi- 
nuent; les  naissances,  môme  illégitimes,  diminuent,  et  cela,  non 
dans  ranuêe  même,  mais  dans  l'année  suivante;  ainsi,  en  1817, 
la  disette  fut  extrême  dans  les  Pays-Bas;  or  la  comparaison  de 
l'année  1818  aveccellcsqui  précèdent  et  qui  suivent,  montre  que 
c'est  cette  année-là  que  se  montra  l'influence  néfaste  de  1817. 

rhiffrc» 

annuels  moyens  Cbiffres  absolus 
avant  et  apn>s  de 

l'année  1818.  l'année  181  S. 

Naissances 199  iOO  177  000 

Mariages 42  000  33  000 

Décès 137  000  152  080 

De  même  en  1771,  la  disette  sévit  en  Allemagne;  le  tableau 
suivant  montre  une  augmentation  de  décès  en  1772. 

Décès, 

1771  177Î 

Berlin 6  000  8  500 

Leipzig 1 180  i  840 


ERGOTISME.  Itl 

Augsbourg 1740  2  600 

Erfurt 700  1110 

EnGo,  d'après  Moreau  de  Jonnès,  le  blé  ayant  été  très  cher  en 
1846y  on  coDstata  en  France,  pour  1847,  un  déficit  de  20  C36  nais- 
sances et  UD  eicédent  de  décès  de  24  528. 

Conséquence  lointaine  qu'on  pouvait  d'ailleurs  facilement  pré- 
voir: vingt  ans  après,  les  registres  de  la  conscription  portent  encore 
la  trace  de  Tannée  de  disette,  tant  il  est  vrai  que  dans  la  vie  d'un 
peuple,  comme  dans  la  vie  d'un  individu,  chaque  époque  est  soli- 
daire de  celles  qui  l'ont  précédée  ! 

Mais,  diront  ceux  qui  ne  comprennent  qu'imparfaitement  les 
idées  de  Maltlius,  si  toutes  ces  famines,  sans  compter  les  guerres 
et  les  épidémies,  n'existaient  pas,  il  faudrait  les  inventer,  car  la 
terre  serait  trop  étroite  pour  nourrir  et  même  loger  tous  ces  hu- 
mains, concurrents  dont  la  mort  a  décidément  bien  fait  de  nous 
débarrasser,  nous  qui  restons  pour  constater  leur  décès  et  les 
pleurer! 

Pour  répondre  à  ces  raisonnements,  il  suffit  de  montrer  à  ceux 
qui  les  tiennent,  combien  est  grande  encore  la  surface  du  sol  sans 
culture  et  combien  les  populations  sont  encore  clair-semécs  à  la 
surface  de  la  planète.  Avant  d'acquiescer  à  cet  anéantissement 
providentiel  (?)  du  plus  grand  nombre  au  profit  de  quelques-uns, 
les  peuples  civilisés  doivent  se  souvenirquc  l'émigration  et  le  peu- 
plement de  tant  d'hectares  du  sol  encore  vierges  sont  la  soupape 
de  sûreté  d'un  trop-plein  humain.  Us  doivent  être  assurés  que  les 
guerres,  les  épidémies  et  les  famines  finiront  par  disparaître  sous 
le  flot  montant  du  Pi-ogrês  !  Nous  ne  sommes  pas  encore  à  cet  âge 
d'or! 

§  2.  ERGOTISME. 

ErgotIsBie  f^mn^^réneuiL,  —  Ne  pas  mourir  de  faim,  c'est  déjà 
quelque  chose  I  Mais  encore  faut-il  ne  pas  mourir  empoisonné:  le 
tH>ison  alterne  cependant  avec  la  disette,  pendant  une  bonne  partie 
du  moyen  âge. 

Les  chroniques  du  ix«  et  du  x«  siècle  parlent  d'un  mal  étrange, 
qui  s'abattait,  à  certaines  années,  sur  des  populations  entières  ;c'est 
^ersB57  que  ce  mal  semble  avoir  été  d'abord  observé  en  France, 
<ît  de  cette  époque  à  1347  la  relation  a  été  conservée  de  28  grandes 
épidémies  semblable». 


121  LA   FAUNE    ET   LA   FLORE. 

La  maladie  sévissait  surtout  dans  l*Ile  de  France,  l'Artois,  la  Pi- 
cardie, la  lorraine,  la  Sologne,  le  Dauphiné.  Ce  qui  frappait  riint- 
gination^  c'était  un  étrange  symptôme  :  les  membres  des  malades, 
les  pieds,  les  mains  semblaient  changés  en  charboDS  carbonisés, 
comme  si  un  feu  invisible  était  venu  les  brûler.  En  pareil  cas,comnir 
si  ne  satisfait  jamais  les  ignorants  ;  au  lieu  de  :  comme  si  un  feu  avait 
hrùb',  on  dit  :  un  feu  a  hrùléei  personne  n*en  doute  plus!  Rodolphe 
nous  apprend  que,  «  en  993,  il  régnait  parmi  les  hommes  une  grande 
ff  nioilalité  ;  c'i'tait  imfru  rarhr{ignis  iynotus)  qui,  dès  qu'il  avait 
«  atteint  un  membre,  le  détachait  du  corps,  après  l'avoir  brûle.  • 
Plus  tard,  on  1089^  Sigcbert  raconte  i  que  les  membres,  noirs 
«  comme  du  charbon,  se  détachaient  du  corps  et  que  les  sujets  mou- 
«  raient  misérablement^  »  ou  que  a  privés  d*un  membre,  ils  Irai- 
«  naicnt  une  vie  plus  pénible  que  la  mort.  »  C'était,  en  effet,  une 
véritable  carbonisation  qui  sVm parait  de  ces  membres,  cY'tait  la 
(jnwjrCw  arrhr^  «  mcmbra  r(  artiis  rurnpit'bdntw  nec  non  fvimpu- 
«  insrrhatii.  »  L'idée  de  feu  répondait  à  merveille  au  symptôme 
observé;  aussi  ne  (Ioutait-(tn  pas  que  ce  fût  l'œuvre  d'un  dragon  de 
feu,  c'était  le  fm  Sftnr,  Un  seul  remède  était,  parait-il,  eftlcace: 
c'était  de  se  rendre  dans  la  chapelle  de  Saint-Antoine  à  Vienne,  en 
Dauphiné;  lu  maladie  s'appelait  le  fru  Snint-Antoinr,  Le  fait  est 
qu'on  était  s(»uvenl,  à  Vienne,  débarrassé  du  membre  carbonisé,  qui 
tonibail,  connue  tonit)ent,  par  une  évolution  naturelle,  toutes  les 
parties  ^auLTenées;  aussi,  en  1702,  voyait-on  encore  dans  la  célèbre 
abbaye  «  quantité  de  membres  carbonisés,  ap|>endus  à  la  muraille.» 

Ce  feu  Saint-Antoine  poursuivit  ses  ravages  pendant  les  ix% 
x',  XI'',  xn*,  xni",  xiv  siècles.  Au  xv^,  Petrus  Parisus,  auteur  ita- 
lien, parie  d'une  épidémie,  qui  régna  de  S(m  temps  à  Palerrae  et 
qui  était  caractérisée  par  la  mortification  des  extrémités.  Au 
xvr  siècle,  elle  sévit  partout.  Au  xvn',  en  1630,  Thuillier,  médecin 
du  duc  de  Sully,  observe  et  décrit  une  épidémie  semblable  en 
Sologne,  dans  laGuyenne  et  dans  le  Câlinais.  Au  xvni»  siècle  (1709;, 
le  feu  Saint-Anluine  sévit  à  Blois;en  I7i7,  à  Orléans,  où  120  per- 
sonnes sont  atteintes  de  gangrène  des  extrémités.  Au  xii^siècle, 
les  épidémies  de  feu  sacré  deviennent  de  plus  en  plus  rares;  ce- 
pendant une  épidémie  violente  sévit  encore,  dans  l'Isère,  en  1814. 

ErKoilMiiic  convulHir.  —  La  France  ne  fut  pas  seule  victime 
du  fni  S'trrr  ou  mal  des  ardémia.  Sous  Lothaire  11,  en  Allemagne, 
au  ix*"  siècle,  Vinccntius  Gallus  parle  d'une  épidémie  dont 
il  fut  témoin  :  les  malades  perdaient  les  mains^  les  pieds,  mais 


ix-aucugp  avaient  des  convulsions  :  «  multi  quoqiie  ni 
t  traciione  dlUtn-ti  l'JTqufreiilur.  -  Cette  partie  du  tableau  de  l'er- 
gDtisme,  la  convulsion,  frappe  des  lors  les  écrivains  allemands, 
tiadis  que  les  écrivains  Trançais  semblent  surtout  frappés  dà  la 
rarbonisalioni:  pendant  qu'on  observait,  en  France,  surtout  Ter* 
^lisme  gan^éncux,  c'était  surtout  l'crgollsine  convulsif  qu'on 
observait  en  Allemagne.  Uais  cliacune  de  ces  formes  d'ergolisme 
n'était  pas  exclusive  de  l'autre,  carparmilcï  malades  rotilractîone 
nmtirum  ditlorti,  beaucoup,  même  en  Allemagne,  perdaient  les 
pieds  et  les  mains  et  Richard  de  Waiibourg,  en  1099,  parlant  des 
membres  gangrenés,  dit  qu'ils'y  ajoutait  souvent  une  contraction 
<les  Rcrfâ.  Néanmoins,  la  forme  convulsive  semble  dominer  en 
Allenugne.  taodis  que,  en  France, on  observe  surtout  la  forme  gan- 
greneuse d'une  aiiate  maladie,  l'ergolisme. 

Bn  ISSI,  aux  environs  de  Lunébourg  (en  Hanovre),  apparaît 
krtuqofiinent  une  épidémie  terrible  d'ergoti»meconrubir:500  ha- 
Ulaais  de  la  ville  succomltent,  el  ici,  on  no  [larlc  pas.  pour  ainsi 
&t,iê  b  gangrène;  ce  qui  frappe,  ce  sont  les  fourmillements,  les 
tlaoceilHilits  dans  les  mains  el  dans  les  pieds,  les  contractures 
ilookHireuies  dans  les  doigts,  qui  se  crispent,  de  véritables  accès 
tifiityàt.  En  l'J91,  la  maladie  sévit  en  Silésie  ;  elle  revient  dans 
npayien  la93;eD  I!>9j, elle  envahit  la  Weslphalie,  l'évèché  de 
Ctdogse,  le  Brunswick,  le  Hanovre,  la  Saxe,  la  Heese,  la  Hollande. 

Elle  ne  reparait  plus  qu'en  lOtR  en  Saxe,  en  1630  et  en  1675, 
n  in£mc  temps  qu-j  la  forme  gangreneuse  sévissait,  en  France, 
u'i'  une  nouvelle  intensité. 

Kn  1702,  elle  reparait  en  Saxe  et  en  Hanovre;  en  1709, 1716  et 
'17  à  Lucerne,  el  là,  la  gangrène  et  la  convulsion  marchent  en 

'TiUc  :  en  1716,  elle  envahit  le  Holslcin,  le  Schleswig,  le  Dane- 
ii.ir^k.  En  (7i!3,  elle  ravage  la  Poméranie  et  s'élend  jusqu'au 
'■■■  i»,  jufqu'à  K^ni-Nowgorod  ;  en  1736,  elle  envahit  encore  la 
-ilr<ieella  Bobi^me,cn  1749,  les  Flandres;  làcncore,lagani;réiie 

-Ak  la  convulsion  ;  en  I7SI,  la  Suéde  est  envahie;  en  1771, 

Allemagne  tout  entière  est  aileînlc,  puis  la  maladie  s'éteint  et 
n  apparxii  plus  qu'en  1789  ù  Turin  et  à  Milan. 

An  xix*  siècle,  on  la  trouve  ^encore  s'élendant  à  la  fois 
d*la  Suèdes  la  mer iNoire;  en  1821,1824,1833,  1837,  1840, elle 
lé*it  en  Russie  ;  en  Fialande,  elle  délruit,  pendant  cette  dernière 
ic,  plus  de  Sno  ficrsonnes  ;  en  f84S'16,  on  o\>^t\C,  en 
ve,  à  Beuxelles,  k  Gand  et  Namur  Ja  forme  mîxlc,  %an%T»;- 


12»  LA   FIL. NE    £T   LA    FLÛRK. 

n«^iis«^  i»t  <!:iavii!.sive  À  Li  f<>ii:  i:Htti^  fonn«  miite  r^gne  égale- 
m»»nt  «ians  .a.  Hiess»;  en  l5o4-!)»)  :  en  l>»"il,  elle  avjît  séTJ  en  Xor- 
fèse. 

Ea  *«icufr.';.  y-*.<i  U?  ni  ?me  iiidl  «jui  sV-le-id  ain>i  sur  tout  le 
nord  'U  rEi:r -j'^.  Sans  ■!■  ute.  la  confulsion  et  la  ;raugK'ne  im- 
(ir.ment  a  l.i  rr.i.ai.'-  iin  cacliet  ilitfcrent.  mais  lorsqu^on  étudie 
|f:s  s%mpt'':.:':>  -^-n  Friri.c  ri  r?a  AllȔnia:;Tie,  '.n  toit  que  ces  sym- 
pti')n:»»'"s  à..nt.  a.i  r...n  i.  .rs  n.^iiiv-s  loi  «et  U  :  1 1  tristesse,  l'accable- 
mr:iit  MUfrrnt  la  si  éiw  :  tjts  r.'urmillc'ments,  des  clialeursdansles 
doijLs  \i»-n[i'  ni  t-nsu.te  :  puis  apparaisât.-nt  drs  contractions  inTO- 
lonlairr'>  ile-i  tl'-i^t^.  «luiv.-  ncourbonl  avec  une  tt*l;e  force,  qu^OD 
homme  s.)i::.  *\\n  \'r*.ii  i  irs  mains  du  malade,  no  peut  les  étendre; 
—  enfin  la  ^\r  t^e--»-  dans  les  eitrémilés,  qui  se  nécrosent,  de- 
\ienn*'itt  in^rii^iM- s.  n'>ire<  comme  lo  ch.irlion ,  se  détachent 
s^'us  l'iriQtience  dt*  k'inilammation  eiiminatrice  et  tombent.  Or, 
ce  sont  Id  i|ijj in.' symptômes,  qui  :»e  retrouvent  en  France  aussi 
hirn  f|u  «Il  Ail*.'nM^'nt.>,  mais  avec  une  préduminaiicedifTérente;  ce 
K<iiit  l*>  qiutri.'  cla(HL'S  successives  d'un  mèuie  processus  inor- 
hi'le;  Miii'iutjit,  taillis  que  TAllemagiie  s'arrête  à  la  troisième 
éta|H'.  la  riiiiviilsjon.  la  France  vajusi|ua  la  gangrène.  Le  plus 
Souvent  d'ailleurs,  on  ne  va  ni  jusqu'à  la  gangrené,  ni  même  jus- 
qu'à la  corivuNiun  ;  —  les  symptùmes  ne  dépassent  pas  alors  la 
trist«>sr^  Ir  dérouragement,  Tinaptilude  au  travail.  De  ces  ma. 
lade>-là  on  ne  parlt:  pus  ;  on  ne  tient  compte  que  de  ccui  qui 
vont  plus  loin. 

Selon  le  point  de  ce  processus  où  s'arrêtent  la  plupart  des  ha- 
bitants d'un  p:iys,  les  imaginations  sont  frappées  par  un  carac- 
tère, ()ui  devient  saillant  pour  Tcsprit  ;  en  Allemagne,  la  maladie 
ne  dépassi:  presque  jamais  la  période  convuhive  ;  VincentusGallus 
nott:  cependant,  à  côté  des  nenorum  contractiune  distorli,  cens 
qui  sont  mnnibus  auf  padibus  truncati  ;  en  France,  la  convulsion 
passe  inapfM'riie  à  côté  de  la  gangrène,  qui  arrive  plus  souvent  et 
frappe  davant<i^e  les  esprits. 

Kntre  ers  deux  extrêmes,  la  France  et  TAllemagne,  dans  les  pays 
intcTinédiaires,  la  B<jlgique,  la  Lorraine,  la  Suisse,  la  forme  gan- 
greneuse et  la  fiirme  convulsive  s'équivalent  comme  fréquence. 
La  maladie  apparaît  partout  à  la  môme  époque,  après  une  saison 
pluvieusi!,  surtout  dans  une  contrée  naturellement  humide.  Par- 
tout, les  villes,  (u'i  Talimcntation  est  variée,  sont  plus  épargnées 
f|ue  les  campagnes,  où  l'alimentation  est,  au  contraire,  uniforme- 


ERGOTISME. 
lî'est  le  rnorbus  ruratii.  L'imagination  populaire,  qui  esl  partout 
t«  inAnie,  Toil  purlout  dans  ■:ette  maladie  la  marque  indéniable 
àt.  la  YMifteance  divine,  «gissanl  par  rinlermédiaire  d'un  dragon 
^ëe  feu  aussi  in«isihleque  ladivinitiSqui  l'envoie;  mais  les  esprit  s 
^■^  accusent  ralimentalion:  comment,  en  efTet,  ne  pas  être 
^Hk|M!  de  l'immunilc  dont  jouissent  k's  enfants  h,  la  mamelle? 
^^b  gens  siricux  vont  plus  loin  et  accusent,  dans  l'ulimentation, 
^Tl«iglc  pariiculiêrement, 

I»s  I S87.  Srliwenckrcld  démontre  que  te  seigle  malade  est 
l'unique  cause  du  la  maladie  onvuUive,  qu'il  observe  dans  son 
pavs.  En  1716,  dans  le  Schleswig,  on  constate,  en  eiTel.  pendant 
l'épidémie,  que  le  seigle  altéré  (îgure  pour  un  tiers  dans  la 
r-'colte.  Ce[>endant,  en  I7!i4,  lorsque  l'êpidêmie  convulsive  éclata 
rn  Suède,  LinncG  constata  qu'on  ne  récollait  que  de  l'orge;  il 
déchaf^ea  dnnc  le  seigle  do  l'accusation  qui  pesait  sur  lui,  et  la 
rr^orta  sur  les  jiiaines  d'une  plante  souvent  associée  à  l'orge,  le 
Baptumui  raphanùtrum  ;  la  maladie  prit  mt^me  alors  le  nom  de 
RapÂanU  ;  maïs  une  enquête,  ordonnée  par  le  gouvernement 
soèdoia,  n'eut  pa«  de  peine  à  démontrer  que  le  Rapkaiius  Otait 
innocent,  que  l'orge  ne  l'était  pas  moins:  elle  constata,  en  outre, 
que  cette  année-lâ,  l'orge  ayant  manque,  on  avait  Tait  venir  du 
niglc  d'Allomagnc  —  c'était  du  seigle  alléré.  La  même  conslala- 
lioD,  i  l'égard  du  seigle  et  du  seigle  altéré.  Tut  Talte,  en  France, 
àOrléang,  à  [tlois. 

Le  Migk  constituailjadis,  en  effet,  la  principale  nourriture  des 
pajmns;  au  ivi'  siècle,  on  ne  cultivait  que  lui  dans  tnute 
rAuverçnc,  le  Lyonnais,  le  Forci;  —  or  cette  céréale  êlait,  alors 
comme  aujourd'hui,  sujette  à  une  maladie,  notamment  dans  les 
uiwns  pluvieuses  et  dans  les  pays  humides,  et,  à  cette  époque 
de  famini'  toujours  menaçante,  le  seigle  avait  beau  être  malade, 
tin  le  mangeait  quand  même  ;  les  pauvres  »urloul  ne  s'en  raisaicnl 
Il  faute  ;  aussi  étaient-ce  eux  qui  payaient  le  plus  lourd  tribut  h 
.  En  1783,  Camper  écrivait  déjà  :  <  Eu  Hollande,  au 
19,  le  peuple  et  les  pauvres  mêmes  jouissent  de  l'avantage 
isne  pas  étte  obligés  de  manger  les  grains  avariés,  comme  cela 
n  Allemagne  ot  en  France,  où  l'on  fait  passer  les  grains 
•  an  moulin,  immédiatement  après  qu'ils  ont  élé  battus,  et  sans 
■  les  avoir  mondés  auparavant,  n 

Cette  avarie  des  grains  est  due  à  un  parasite  '.  Wrgol  1  Or, 
■te  maladie  du  seigle  existe  encore,  car    l;i  m&deâne  em- 


116  U   FAUNE   ET   U   FLORE. 

ploie  tous  les  jours  ce  champignon  ;  si  ralimentation  de  nos 
campagnes  redevenait  précaire  et  qu'on  dût  manger,  faute  de 
mieui.  le  seigio  malade,  nous  verrions  revenir  l'ergotisme  épi- 
démique  du  bmi  vUuj  irmji^. 

Eri^oiIsBie  expérlneaial.  —  Comment  Tergot  agit-il  sur 
ror?anisme?  H  fait  contracter  les  fibres  musculaires  lisses,  non 
R'ulcnient  celles  de  Tutcrus  i'c'c^t  là  ce  qui  légitime  son  emploi 
en  obstétrique',,  mais  celles  des  vaisseaux;  il  diminue  donc  par 
ce  moyen  leur  calibre  et  tend  à  on  obstruer  plus  ou  moins  la 
lumière  |»ar  la  contractilitô  des  parois  portée  à  son  maximum. 
Lorsi]u*cn  médecine,  en  employant  l'ergot,  on  arrive  à  une  cer- 
taine dose,  on  observe  des  phénomènes,  qui  sont  dus  à  l'anémie 
des  centres  nerveux,  le  cerveau,  la  moelle  :  de  là  la  tristesse, 
les  troubles  de  la  vue,  la  Taiblcsse,  le  délire  même;  — or,  ces 
efTets  sont  d'autant  plus  marques  chez  les  populations  misérables, 
qui  ont  consommé  ce  |>oison,  que,  plongées  dans  la  misère,  elles 
hont  privées  tle  \io,  d*alcool,  de  viande,  de  toutes  les  choses  qui 
tendraient  à  combattre  le  défaut  d'irrigation  des  centres  nerveux 
par  le  sang.  La  circulation  des  extrémités  est  entravée,  par 
Milte  de  la  diminution  du  calibre  des  vaisseaux  ;  de  là  les  four- 
iiiillfiiients  des  pieds  et  dos  mains  ;  si  même  la  dose  e>t  considé- 
rable, si  Pusage  de  l'ergot  est  longtemps  continué,  la  circulation 
des  extrémités  s\-irrétc,  le  sang  se  coagule,  bouche  les  vaisseaux 
ej,,  priv('H.s  de  >ang,  les  extrémités  se  gangrènent,  comme  si  on 
avait  fait  la  ligature  des  artères,  qui  s'y  rendent.  Le  membre  est 
mort  ;  il  sîtIh-  et  n'a  plus  qu'à  tomber. 

Lorsi|u'<it)  iiiélan<;e  le  seigle  ergoté  à  la  nourriture  de  nos  ani- 
maux duniestiques,  ils  présentent  tous  les  symptômes  du  feu  Saint- 
Antoine,  convulsions  et  gangrène.  On  observe  d'abonide  l'abatte* 
nient  et  de  lu  stupeur;  Taninial  reste  couché;  puis  il  a  des  con- 
vulsions partielles  ou  totales  ;  enfîn  surviennent  des  gangrènes  de 
Torrille,  de  la  ({ueue,  des  pattes,  du  bec. 

iBflHenre  des  habitudes  alimentaires  sur  la  fsrae  de 
reraotUmc. — A  quoi  lient  donc  la  difTërencc  de  degré  observée 
entM;  l'ergotisidc  de  rAllemagne  et  celui  de  la  France?  Pourquoi 
l'une  a-t-elle  eu  surtout  la  forme  convulsive,  l'autre  la  forme  gan- 
greneuse? Pourquoi,  dans  les  pays  intermédiaires,  les  symptômes 
ont-ils  éténiixteb? 

A  coup  sûr  nous  ne  saurions  voir  là  une  question  de  race,  de 
climat  ;  l'explication  se  trouve  dans  les  habitudes  sociales  :  Dans 


PELLAGRE.  ft? 

le  Nord,  Torge,  très  cultîTé,  entrait  à  côté  du  seigle  pour  une 
large  part  dans  ralimentation  ;  au  contraire,  le  seigle  était  à  peu 
près  exclusif  dans  Taliraentation  française.  Les  Français  étaient 
donc  exposés  à  consommer  rapidement  une  quantité  plus  considé- 
.  rable  de  poison  et  arrlyaient  ainsi  plus  rapidement  à  la  gangrène. 
Les  Allemands,  au  contraire,  n'en  absorbaient  jamais  assez  à  la 
(bis  pour  arriver  à  la  gangrène,  mais  ils  en  prenaient  pendant  plus 
longtemps  et  les  troubles  nerveux  avaient  le  temps  de  se  développer 
davantage.  L'ergotisme  est,  en  somme,  convulsif  ou  gangreneux, 
solvant  ladose,et  Bonjean  a  pu,  à  une  époque  récente,  constater 
rergotisme  convulsif  dans  une  famille  de  sept  personnes  qui  avait 
mangé  en  trois  jours  dix-huit  livres  de  pain  contenant  1/7  d'ergot. 

L'ergolisme  est-il  connu  ailleurs  qu'en  Europe?  Aucun  fait 
précis  n'autorise  à  le  dire. 

On  ignore  également  s^il  était  connu  dans  Tantiquité  ;  toute- 
((nsGalien  parle  de  malades,  qui,  pour  avoir  mangé  du  trUicum 
imjpytrfycruribus  vaciUabant,  et  même,  ailleurs,  il  mentionne  des 
distemones  musculorum  observées  en  Béotie,  en  Thcssalic  et 
même  à  Athènes,  à  la  suite  de  Tusage  de  grains  altérés.  Les  an- 
ciens connaissaient  donc  peut-être  Tergotisme  et  certainement 
ce  que  nous  nommons  aujourd'hui  morbos  céréales. 

Au  surplus  Pergot  envahit  d'autres  graminées  que  le  seigle  et 
produit,  dans  ces  nouvelles  conditions,  les  mêmes  symptômes 
d^ergotisme  chez  ceux  qui  consomment  ces  céréales. 


§  3.  PELLAGRE. 

En  i730,  un  médecin  d*Oviedo,  en  Âsturic,  Gaspar  CazaI, 
était,  pour  la  première  fois,  frappé  par  robscrvation  d'un 
mal  étrange.  Ce  mal,  qui  s'attaquait  aux  paysans  pauvres, 
était  caractérisé  par  des  troubles  digestifs,  des  douleurs  dans  les 
membres  et  par  une  éruption  spéciale.  Les  troubles  digcstlTs, 
les  douleurs  et  surtout  l'éruption  augmentaient  au  printemps, 
sous  rinfluence  des  rayons  du  soleil  et,  dans  les  campagnes  ;  on 
avait  été  tellement  frappé  de  celte  coïncidence,  qu'on  avait  déjà 
donné  à  la  maladie,  que  Cazal  venait  de  découvrir,  le  nom  pit- 
toresque de  mal  de  la  Rosa. 

La  découverte  de  Cazal  n'avait  point  franchi  les  Pyrénées,  elle 
D'atait  sans  doute  pas  dépassé  les  limites  des  Astufves»  \ot^M^ 


1S8  U  FAUNE   ET  U  FLORE. 

Thierry,  qui  avait  suivi  le  duc  de  Duras,  ambassadeur  de  Louis XV 
à  Mailrij,  apprit  de  Cazal  hii-mème  Texistence  de  cette  nouvelle 
maladie  ;  il  la  lit  connaître  à  Paris,  vers  1750.  où  elle  fut  décrite 
comme  une  curiosité  sou?  le  nom  de  h^pre  des  Asturir*. 

Vers  la  ni^nic  c|ii>t]ue,  1750,  un  médecin  italien,  exerçant  en 
Vénctie,  IMizati,  qui  ignorait  complètement  ce  qu^on  avait  vu  en 
Espagne  et  ce  qu'on  avait  dit  à  Paris,  fut,  de  son  côté,  frappé  de 
rexistence  d'un  mal  nouveau, qu*il  obsen-ait  sur  les  pauvres;  il 
donna  à  cette  maladie  le  nom  de  sv^Hiut  alpin  ;  enfin  quelques 
années  plus  tard,  en  17C9,  Francesco  Frappolli,  méiecin  du  grand 
hôpital  do  Milan,  vit  tout  ii  coup  un  grand  nombre  de  malades, 
qui  ri'pondaieiitili  la  description  du  mal  des  Asturies  et  du  scorbut 
alpin.  Os  malades,  qui  venaient  de  la  campagne,  étaient  surtout 
frappt^  par  réniption,  dont  ils  accusaient  le  soleil  d'être  la  cause; 
c'était  le  m#?/  di  soir  ou  bien  la  jxV/r  agra  (j)€Uagra  par  corrup- 
tion), r/est  sous  ce  dernier  nom  que  Frappolli  décrivit  la  maladie, 
que  nous  nommons  jurUtigrv. 

A  partir  de  cette  époque,  soit  que  Tattention  fut  plus  éveillée, 
soit  que  le  mal  ait  considérablement  augmenté  de  fréquence,  pro- 
bablement |)onr  Tune  et  Tautre  cause,  on  vit  partout,  en  Lom- 
baniie,  surgir  des  pella^reux;  les  vieux  médecins  du  pays  se  rap- 
pelèrent avoir  vu,  depuis  vingt  et  trente  ans,  quelques  malades  de 
ce  genre,  sur  lesi^uels  leur  esprit,  non  prévenu,  ne  s'était  pas  ar- 
rêté; on  se  souvint,  qu*en  1701,  Ramazzini,  dans  son  célèbre  traité 
des  Maladirji  d*'s  nrtisnjiiiy  avait  parlé  d'un  mal  analogue,  comme 
s^observant  parfois  chez  les  paysans  ;  cVtait  le  mal  de  }xtdrone,  le 
mal  du  maître!  Car  il  était  fils  de  la  misère,  elle-même  engendrée 
par  les  lourdes  redevances  qu^il  fallait  payer  au  maître  ;  on  ne 
parla  bientôt  plus  que  de  pellagre,  à  Milan,  au  Lac  Majeur, à  Pavie, 
à  Yicence,  à  Bassano,  à  Vérone,  à  Bresoia,  à  Parme,  à  Pistoja,  en 
Toscane  et  à  Bologne,  enfin  dans  tout  le  nord  de  Tltalie.  On  fonda 
même,  en  1781,  à  Lcgnagno,  au  nord  de  Milan,  un  hôpital  spé- 
cialement destiné  à  recevoir  les  peliagreux;  à  cette  époque  (1784) 
Stranibio  calcule  que,  dans  certaines  provinces,  1/20  de  la  popula- 
tion a  la  pellagre  ;  plus  tard,  en  1810,  on  calcula  que  si  le  nombre 
des  pcllagreux  était,  dans  tout  ce  qui  était  le  nouveau  royaume 
d'Italie,  aussi  considérable  que  dans  le  département  du  Taglia- 
mento,  rUalic  ne  compterait  pas  moins  de  50  000  pcllagreux  !  Enfin 
les  progrès  du  mal  sont  tellement  rapides,  à  cette  époque,  qu'en 
1819  certains  districts  comptent  1  pcllagreux  sur  6  habitants.  En 


PELLAGRE.  429 

18iO  Toici,  pour  piUsieurs  villes  et  la  campagne  qui  les  environne, 
l'état  de  la  pellagre  : 

Nombre  Sar 

Absolu.      1000  hab. 

Milan 3  075  12 

Mantoue 1  228  8 

Brescia 6  939  29 

Bergame 6  071  24 

Côme 1572  9 

Pavie 573  3 

Crémone 445  4 

Lodi 377  2 

On  a  pu  croire  pendant  longtemps  que  la  France,  plus  heureuse 
qoe  ses  deux  voisines,  TEspagne  et  l'Italie,  ne  connaissait  pas  la 
pellagre.  C'était  une  erreur. 

Ed  i829  seulement,  un  médecin  de  la  Teste-de-Bucb,  le  docteur 
Bameao,  se  décida  à  parler,  devant  la  Société  de  médecine  de  Bor- 
deaux, d'une  maladie  qu'il  observait  depuis  1818  dans  le  bassin 
d'iitachon .  Voici  ce  qu'il  en  disait  :  a  Une  maladie  de  la  peau 
•  qoe  je  crois  peu  connue,  et  qui  est  des  plus  graves,  menace 
<  d'attaquer  la  population  du  pays  que  j'habite.  »  Cette  maladie, 
c'était  la  pellagre.  La  communication  de  Hameau  ne  fit  pas  grand 
bruit.  Il  fallut  que  BrièredeBoismont,  revenant  d'Italie,  en18^, 
parlât  des  pellagreux  qu'il  avait  observés,  pour  qu'on  sedécidât,  en 
France,  à  regarder  autour  de  soi  :  chacun  fit  alors  attention, 
chacun  évoqua  ses  souvenirs.  Un  médecin  de  Castelnaudary,  le 
docteur  Roussilhe,  se  souvint  avoir  vu  des  pellagreux  eu  1823; 
enfin,  en  1842,  le  docteur  Roussel,  aujourd'hui  sénateur,  étudia 
complètement  la  question  de  la  pellagre  en  France.  Elle  existait 
chez  nous,  méconnue,  dans  le  Lauraguais,  la  Haute-Garonne, 
les  Hautes-Pyrénées,  la  Gironde,  les  Landes,  les  Basses-Pyrénées, 
les  Pyrénées-Orientales.  En  1859,  About,  dans  son  roman  agri- 
cole Maitre  Pteirc,  estime  à  3000  le  nombre  des  pellagreux  réunis 
dans  le  département  des  Landes. 

En  dehors  de  l'Irlspagne,  de  l'Italie  et  de  la  France,  la  pellagre  a 
été  vue  en  Valacbie,  en  Grèce.  Ses  limites  sont,  en  somme,  com- 
prises entre  le  42»  latitude  N.  et  46**  latitude N.;  par  exception,  les 
docteurs  Bucherre  et  Abeille  l'auraient  observée  sur  la  côte 
d'Afrique. 

SiaapcéBics.  —  Avant  d'aller  plus  loin,  un  mot  des  s^ui^^^tcv^ 


ISO  LA   FADNE   ET  LA  FLORE. 

de  la  maladie  :  elle  rappelle,  sous  beaucoup  de  points,  IVrgol 
Elle  débute  par  de  la  tristesse,  de  la  mélancolie,  des  étourdiaie 
et  par  une  éruption.  Cette  éruption  apparaît  sur  le  dos  des  c 
sur  le  dos  des  pieds,  sur  la  poitrine,  dans  le  triangle,  à  ba 
périeure  au  cou,  que  récartement  de  la  chemise  laisse  bal 
lement  à  découvert  chez  les  cultivateurs.  Elle  apparaît,  en  ré 
sur  les  points  les  plus  frappés  par  la  lumière  ;  elle  augme 
diminue  avec  Tintensité  du  soleil,  comme  dans  le  mal  de  la 
Cette  éruption  est  constituée  par  des  plaques  rouges,  dites 
thème,  qui  se  recouvrent  de  vésicules  et  qui  fournissent  plu 
une  abondante  desquamation  épidermique;  la  peau  crev 
fendillée,  a  été  comparée  à  celle  d'une  oie. 

En  même  temps  apparaissent  les  troubles  digestifs  :  perv 
de  l'appétit,  boulimie,  pyrosis. 

Bienti^t  apparaissent  les  troubles  nerveux,  qui  indiquer 
lésion  fonctionnelle  de  la  moelle  épinière  :  douleurs  dans  le  d 
ceinture,  dans  les  membres,  qui  rappellent  celles  de  Tergol 

I^)rsque,  pendant  deux  ou  trois  ans  de  suite,  ces  symp 
sont  revenus  avec  le  soleil  souvent,  s*aggravant  à  chaque  f 
malade  entre  dans  la  deuxième  période.  Il  perd  la  raison  ;  c 
folie  pellagreiisc.  Un  grand  nombre  de  pellagrcux  se  luen 
tendance  au  suicide  est  presque  générale.  Si  le  malade  arrii 
troisième  période,  ce  n'est  plus  la  folie,  c*est  la  démence  11 
complète,  la  stupidité  la  plus  absolue  :  ramaigrissement  arri 
maximum;  une  diarrhée  fétide  survient  et  la  mort  arrive  ïn 
blement. 

Le  tableau  suivant  donne  une  idée  de  la  fréquence  pr 
tionnelle  de  la  folie  pellagreusc  et  de  la  fréquence  absolue 
pellagre.  Il  exprime  le  chiffre  moyen  des  pellagrcux  et  des 
pellagrcux  admis  chaque  année,  de  1873  à  1877  : 

Aliénés 
ProTinces.  Pella^reaz.  pellagrcux. 

Modène 37  &0  150 

Mantoue 1  500  60 

Bologne 1000  35 

Vérone 600  25 

Reggio 500  25 

Milan 130  6 

Florence 90  3 

Novare 25  1 


PELLAGRE.  111 

La  plupart  des  aliénés  des  asiles  de  la  haute  Italie  sont  des  pel- 
ligreux. 

D'après  la  statistique  ofOciclle  du  roinislëre  de  Tagriculture 
(1880),  le  nombre  des  pellagreux  était  en  1879,  pour  Tltalie  en- 
tière, de  97  855,  ainsi  répartis  : 

Lombardie 40  838 

Vénétie 29  836 

!                           Emilie 18  728 

I                          Toscane 4  382 

Marches,  Ombrie 2 153 

Piémont 1  592 

Ligurie 148 

Lario 76 

Cesl  à  la  tendance  au  suicide,  que  je  viens  de  donner  comme 
fréquente  chez  les  aliénés  pellnsrreux,  qu'il  faut  demander  Texpli- 
cationde  certains  chifTres  relatifs  au  suicide,  qu^on  ne  compren- 
(irait  pas  sans  cela  :  ainsi  pour  8  suicides  en  Sardai^ne,  on  en 
compte  13  en  Calabre,  24  dans  les  Touilles,  40  en  Sicile,  111  en 
Lombardie,  133  en  Piémont  et  145  dans  le  Milanais.  Le  suicide 
sait  la  même  projjrcssion  que  la  pellagre. 

ht  malR,  la  polenta.  —  Quelle  est  donc  la  cause  de  cette 
terrible  maladie,  qui  semble  spéciale  à  TEurope,  à  une  certain^', 
partie  même  de  l'Europe,  et  qui  ne  semble  y  exister  que  depuis 
le  commencement  du  xvni*  siècle,  tout  au  plus -depuis  la  fiu 
du  xv»«. 

Déjà  dans  le  siècle  dernier,  on  avait  placé  la  pellagre  dans  le 
g^JUpe  des  maladies  alimentaires,  à  côté  de  Tergotisme;  on  avait 
oèinc  accusé  le  mais  et,  faisant  allusion  à  l'ergotisme  convulsif 
ou  rnphanie,  le  docteur  Guerrcscbi  avait  nommé  la  pellagre 
^^phnnia  maizUca;  d'ailleurs,  dès  1798,  Thouvenel  avait  été  frappé 
de  la  marche  parallèle  que  suivaient  la  culture  du  muïs  d'une  part 
etla[vellagrc  de  l'autre.  Encore  aujourd'hui  la  pellagre  augmente, 
dans  les  diverses  provinces  de  Tltalie,  avec  la  consommation  de  la 
célèbre  polenla.  Les  environs  de  Brescia  et  de  Milan,  patrie  par 
excellence  de  la  polenta^  sont  également  renommés  pour  la  fré- 
quence de  la  pellagre.  En  Vénétie,  dans  la  partie  où  Ton  consomme 
Cf^mets  national,  la  pellagre  abonde  ;  elle  disparaît  dans  la  partie  de 
cette  province  où ron  mange  des  châtaignes.  Dans  toute  Htalie,  les 
jeuoes  pellagreux  guérissent  sous  les  drapeaux,  quand  WftabaxkâLOCk- 


S3i  U   FAUNE   ET   LA  FLORE. 

ncnt,  avec  leur  clocher,  le  plat  Iradilionoel.  En  résnmé.la  pellagre 
est  liée  au  mais  ;  en  vain  essayera-t-on  encore  aujourd'hui  de  con- 
trt'dire  cette  vérité  qui  ressort,  avec  évidence,  de  la  minutieuse 
enquête  du  docteur  Roussel,  en  Espagne,  en  Italie,  comme  en 
France. 

Deux  conditions  constantes  sont  communes  à  tous  les  pellagrcux, 
sans  exception  :  1*>  Talimentation  à  peu  près  exclusive  avec  le  maïs, 
surtout  pendant  la  saison  humide  et  froide  ;  2^  la  misère,  qui  vient 
donner  à  cette  alimentation  toute  son  efficacité  et  sa  puissance 
morbifiques.  l.e  maïs  est  tellement  lié  à  la  pellagre,  comme  une 
cause  ù  son  cflot,  qu'il  suffirait  de  faire  Thistoire  du  maïs  en  Eu- 
rope, pour  faire,  en  même  temps,  celle  de  la  pellagre. 

Le  maïs  est  originaire  d'Amérique  ;  il  était  en  grand  honneur 
au  Pérou  et  il  a  été,  de  bonne  heure,  acclimaté  dans  les  pays 
chauds,  en  Asie  et  en  Africiue.  Chaque  pays  Ta  reçu  ensuite  pro- 
«^nessivement,  mais  toujours  d'un  pays  plus  méridional  que  lui  : 
les  diiïércnts  noms  que  porte  le  maïs  démontrent  cette  origine. 
Ainsi,  en  Egypte,  le  maïs  est  le  dourah  de  Syrie;  à  Tunis,  le  blé 
d'Epr^ple;  en  Espagne  et  en  Sicile,  le  blé  de  Tinde;  en  Toscane, 
la  grame  de  Sicile;  en  Provence,  le  blé  de  Barbarie;  aux  Pyré- 
nées, cVst  le  blé  d'Espagne;  en  HonLjric,  le  blé  de  Turquie;  en 
Lorraine,  le  blé  de  Uomo. 

En  Espagne,  c'est  à  la  fin  du  xvii"  siècle  que  le  maïs  prend 
une  part  importante  dans  ralimentaticn  cl  c'est  au  commencement 
<lu  xviH«  qu'apparaît  le  vwl  de  la  J-.  >./.  En  lîalie,  on  commence, 
des  1620,  à  trouver  la  nienli  -n  de  la  eu  il  me  du  maïs  dans  quel- 
ques titres  de  propriété  ;  nuis  ce  n'cNt  qu'on  1710  que  L»  çrain 
d'Amériqur  figure,  pour  la  première  fois,  dans  les  comptes  clu 
marché  de  Milan  et  ce  n*e>t  'juV'n  177  i  iiu\m  \uit  le  maïs  meu- 
lionné  dans  les  actes  publics  de  Broscia.  Or,  (!éjà  vers  17.0,  o:j 
observait  !a  [)ellagre  tn  Italie.  En  France,  c'est  au  n;i.ieu  un 
xvni'^  sii.cle  (lue  la  céréale  eu  <|ucsli<»n  \nviui  (|uelijue  impurlauce 
dans  les  cultures  du  Midi  et  la  maladie  apparaît  à  la  fin  du  xm!**, 
ou  mieux  tout  au  début  du  xi\«. 

Mais  comment  se  fait-il  que  la  pellagie  due  au  maïs  ne  s'oosorve 
que  sur  les  limites,  en  latitude,  de  la  culture  de, celle  céréale? 
^^ornment  se  fait-il  qu'on  ne  trouve  pas  cette  maladie  dans  les  pays 
les  plus  méridionaux,  véritable  pairie  adoptive  ou  naturelle  du 
maïs,  en  Afrique,  en  Asie,  en  Américiue  ?  C'est  que  le  producteur  de 
la  pellagre,  c'est  bien  le  maïs,  mais  le  maïs  altéi*é,et  qu'il  ne  subit 


celte  altération,  celte  maladii.-.  que  dans  les  lalitudea  où  il  ne  peut 
•rrii^r  à  de  tHUines  conditiitns  de  malurili:.  Voilà  pourquoi  la  pel- 
lagre est  limitée  entre  le  i2°et  le  i6'laliUiile  N.  Dans  cet  espace, 
le  mais  mûril  mal  ;  aii-dn$s<ius  du  4^°  inlilude  N  il  inûril  bien  et 
Mi'allèra  pas:au-des4ilsdu  40°  latitude  N,  il  mûrit  si  mal  qui; 
c»  D'cit  plus  une  pliinle  h  graines  aliincnlaires,  il  dcvioiil  piaule 
bnrragcm;  il  ne  peut  donc  y  avoir  de  psllagrc! 

L'allératioR  que  subit  le  mais  n'est  pas  une  maladie  parasitaire, 
[trÎK  sur  pied,  comme  l'ergot,  parasite  du  seigle.  C'est  und  atlé- 
nUion  qu'il  subit  dans  les  greniers  humides,  après  la  récolte.  Le 
ch3iii|ii!;nûn  qui  allèreaîQsIle  maïs  rûcoltê  est  celui  que  les  Italiens 
Docimcnt  curiicrame  et  ce  que  nous  nommons  vndH,  à  cause  de 
U  couleur  verte  de  Injtoussiiirecryptogamiquequi  enviihil  le  grain 
«t  btrme  parfois  1^  do  son  poids. 

V»Me  mucëdi  née  K  développe  dans  les  pajs  bumides;  nr  la  vallée 
du  PAcM  trè»  humide  ;  les  environs  d'Oriedo,  oti  se  développe  le 
mal 4e  U  Rasa,  sont  eut-mèmes  tellement  humides,  qu'un chroni- 
i)acir  «spagnol  du  m*  siècle  dît  qu'à  Oviedo,  même  en  été,  les 
nteiiUessont  couverts  dt;  moisissures. 

r^tasre  c«i>^rimenlnl«.  —  Le  verderamc  est  tellement 
totiqtw.  <|uc  n*^ccmmetil  Lombroso  et  Uiiiiré  en  ont  pu  retirer 
un  pnncipe  analu},'ue  ^  la  slrvclinine,  qui,  donné  aux  animaux. 
ITodntsatt  du  toutes  pièces  la  pellagre,  ainsi  que  B<iUidini  l'avait 
lait  dcjj,  en  nourrl>suiil  des  poukls  aveu  d'J  maïs  altéré. 
Ittas  une  grande  compagnie  de  traction  do  Paris,  on  a  nourri 
ics  chcrant  av«c  4u  maïs;  or  une  parlic  de  la  provision  cnnle- 
natil  <lu  verUerame,  plusieurs  chevaui  sont  morts.  Cela  s'tisl 
ê  il  }  a  plusieurs  mois  Chei  les  anim.iut,  le  mais  passe  pour 
M|oerl«!ruti  l'o^oda  Arai^u  pense  qu'il  est  de  même  chez 
M,  ce  (|ui  augmente  encore  la  misère  des  populations  qui 
ntoniqueraent  de  mai«,  Vm  Colombie,  la  plupart  des  mé- 
t  10,  i'2,  15  eurantâ,  et  Pusada  Arauju  attribue  ce  (dit 

%  pathologie  expérimentale  et  comparée  de  la  pellagre  nous 
nJt  même  l'explication  de  Vtr^lhèiiie  mlnre  [miil  de  la  Rnsii). 
I  ooqs  nourris  avec  des  résidus  de  maïs  altéré  ont  préscnlc 
l'ayUiéme  prUayr''iu:.Janil\s<\ue.  l'homme  présente  celle  éruption 
snrla  poitrine  et  le  dosdes  mains,  qui  sont  eKposcsauso\ev\,Veu»\ 
U  tanTtVn  sur  )e  seul  organe  qui  ae  soil  pascoiliert,saTUcT^', 
H/  matkia,  le  calé  droit  seul  de  la  crête  était  maîade.  tïvci  tt« 


J 


fl4  LA   FaU.NE   et   U   floue. 

Coq  dont  lu  erèle  tonibail  a  guuclie,  si  bien  que  le  côté  çaucbe 
•^tait  cotitiiiuelk'iiu'tit  û  romhre. 

Ijtjtiibrtjho  a  pri'paiN'  avec  le  maïs  altéré  une  teinture,  laquelle 
adtniiiibtnt'  à  douze  iridié iduf.  qui  s'y  sont  prèliïs,  produisit  les 
MinplôuMrs  d«.'  la  [kpliaiL're  :  troubles  diirestife,  U»ullmic,  puis  dé- 
;rgùt  des  aliuuMits,  diarrhée,  entéralpe,  lésions  eu  Lan  l'es,  prurit, 
j*ti|ijreb,  Ophélidcs.  desquamation,  echtyma.  phénomènes  neneai, 
m^diiase,  ptosis,  somnolence,  céphalées,  vertiges.  En  même  temps, 
ou  constatai l  d<;s  palpitations  cardiaques,  faccélération ,  puis  le 
ralelltis^beuH:^t  du  pouls,  une  tendance  à  la  syncope,  llaretiréde 
("etle  teintun*  une  suhstance  toiique,  la  /W/'/f/ncr/ifC ,et  une  autre, 
narcotiquff,  la  rttnisim'» 

l/action  phvsiolo;;ique  de  \à  p* Ihfji-oz*  in€  e&i  iJentiqur  à  celle 
tU'  la  >tm'hniii<',  et  *-*ju  activité  est  pi  us  grande  {»ar  les  temps  chauds 
ipii'  par  les  Icinps  froids.  L^mhrobo  c&plique  ainsi  comment  ccr- 
taina  IH'lla^Mi'Ui  tressaillent  au  moindre  bruit  et  à  la  moindre 
54'rou>!»4*,  abMiiurnt'nt  conmic  cela  s'obsenc  dans  les  cmpoisonue- 
mrnthpar  lastr^rhiiine.  Ses  recherches  eipliquent  également  la 
firquenre  plus  isrAwU'  des  accidents  pellagreui  dans  les  saisons 
chaudes.  Les  analo;;ies  qui  existent  entre  la  pellap^rozéine  et  la 
âtru'hnine,  montrent  ennimenl  Pusage  du  vin  peut  être  utile,  poar 
prrvenir  et  calmer  les  phénomènes  de  la  pellagre;  on  sait  que  les 
elt'rts  d*ijiie  dos4*  «'norme  de  strychnine  'i  gramme)  ont  pu  être 
retardés  de  i  H  hrures  chez  une  femme  ivre.  Ces  analogies  nous  don- 
nent encore  la  raison  d*étre  de  Tapiiarilion  brusque  de  la  pellagre 
ou  de  la  réapt)arition  subite  de  phénomènes  pcllagrcux,  qui  parais- 
sent depuis  lon^'temi)s  atteints  ou  complètement  guéris. 

Prophylaxie  de  In  pellai;;re.  —  De  tout  ceci  il  résulte  que  le 
mais  altéré  h;u1  est  dangereux  ;  mais  il  n'en  faut  rien  conclure 
rontre  le  maïs.  Il  fournit,  au  contraire,  lors()u'il  est  sain,  les  clé- 
ments d'une  alimentation  excellente  ;  il  contient  plus  de  matière 
grasse  qu*aueune  autre  eéréale  ;  ainsi  s'explique  son  emploi  dans 
rengrai.'tsement  des  volailles;  sa  culture  occupe,  du  reste,  en 
France,  h  i>eu  près  dans  35  départements,  une  surface  de 631  732 
hectares. 

Un  certain  nombre  de  médecins  seraient  portés,  même  encore 
aujourd'hui,  à  voir  dans  la  pellagre  non  un  empoisonnement, 
mais  une  forme  spéciale  de  misère  physiologique,  due  à  ce  que  le 
maïs  serait  un  aliment  détestable.  Nul  doute  que  la  misère  phy- 
siologique joue  ici  son  rôle;  au  même  titre  on  voudrait,  main- 


^1 


BÉRIBÉRI.  1t7 

Mtntoue  eu  1806;  on  la  nommait  alors  cheiropodnlgie,  ce  qui 
D'est  qu*un  équivalent  da  mot  acrodynie. 

Lorsqu'on  i828  Tacrodynie  sévissait  à  Paris,  une  maladie  analo- 
gue régnait  en  Espagne,  où  elle  avait  reçu  le  nom  de  mal  di 

Elle  règne  enfin,  presque  chaque  année,  dans  le  Soudan,  lorsque 
la  récolte  offre  certaines  conditions  mauvaises;  la  maladie  se  carac- 
térise par  de  la  douleur  suivie  d'insensibilité  des  extrémités  et 
pir  des  troubles  digestifs. 

Enfin,  à  certaines  époques,  on  a  observé  dans  Tlnde  et  dans  la 
presqu'île  do  Malacca,  en  1825,  1826,  1830,  4831,  1832,  une 
flttladie  attribuée  par  le  peuple  à  une  altération  des  céréales  et 
onctêrisée  par  des  douleurs  ainsi  que  des  brûlures  dans  les  pieds. 
Cette  maladie  fut  même  désignée  par  les  Anglais  sous  le  nom  de 
^ing  ofthe  feet. 

Quelle  est  la  cause  de  ce  curieux  ensemble  pathologique?  Réca- 
nier, en  1828,  accusa  les  pommes  de  terre;  Gayol  les  farines; 
RiTercrut  reconnaître  une  pellagre  aiguë  ;  Trousseau  et  Pidoux, 
Fergotisme.  Tout  le  monde,  en  somme,  est  d*accord  pour  accorder 
m  céréales  une  place  dans  la  cause  de  cette  maladie.  En  Espagne, 
i  a  semblé  prouve,  en  1828,  que  le  mal  di  monte  tenait  à  Tusage 
dn  blé  altéré  par  Vuredo  caries, 

§  6.   BÉRIBÉRI. 

La  nourriture  trop  exclusivement  végétale,  Tabsence  de  sel  et 
peut-être  quelques  autres  causes  alimentaires  encore  inconnues 
ionnent  lieu,  dans  certains  pays  et  sur  les  individus  de  certaines 
nces,  à  une  étrange  maladie  très  mal  connue  :  le  béribéri. 

BistrIbatloB  |^éo|^raphlqae.  —  Le  béribéri  a  été  observé 
ptr  les  Hollandais  dans  leurs  possessions  de  l'archipel  indien,  où 
ii  est  fréquent,  à  Sumatra,  à  Java,  surtout  sur  les  condamnés  indi- 
gènes qui  travaillent  au  curage  des  rivières,  aux  Célèbes,  à  Ikinka, 
âAmboine,  aux  Moluques;  dans  Tlnde,  sur  les  côtes  de  Malabar 
et  de  Coromandel  ;  à  Ceylan,  où  il  a  été  observé  depuis  longtemps, 
nr  les  travailleurs,  ce  qui  a  valu  à  cette  maladie  le  nom  de  mal 
dp  Ceylan.  il  est  peu  fréquent  en  Chine,  mais  très  fréquent  au 
^OD,  surtout  dans  le  nord-est  de  Kiou-Siou  ;  il  y  est  connu  sous 
le  nom  de  Juikké  et  fait  chaque  année  des  centaines  de  victimes. 
U  plupart  des  médecins  ^tfj  ont  résidé  au  Japon  regardent VeluiXKè 


j;»  LA   Ji'.^L    IT   Là  FLOHE. 

f.y  •:.:  .  : '.  r.: ." .  -r  i  :  .  ■  ■  :•  : . .  Vtz >- :-:Xf  :* :  ie  irouvernemont  du 
Ji:.--.  1  r.î  :■:  .:-■  r.  i  ^  .:..  lts  b*:-.ul  d-.stir.c  au  traiteiucnt da 
'  K.-.  Kri  l-'/j.  A  i'.;'.»]:-:  vu  i'Anjrrique  du  Sud  commença  i 
fi  •"  \*':/:r  '.rï  rrini  r.  r^i  :^  --r  c».:.rt  ou  travailleurs  îndous,  il 
a  • '<:  •^••::\-  d  E^-iîju  ;  ir  S.l^a  Lima  ut  Patterson.  IK* puis  cette 
•.("/{•i':.  !.'i  uii.i'ii*:  a  •:'.*:  •.:.!]:«  année  en  augmentant  au  Brè- 
•;!.  Ijif,-  U  ;:u»rr'':  ô^iri'.:''  U  Taragua},  l'armée  et  la  flotte  brê- 
si:.»:nri'-s  furenl  d»:'i::K'.s  jrjr  1-  U-rîLcri.  En  1871,  la  maladie 
t:':iit;i  .1  iVmanibU'.'i,  «lin»  un-.-  m.ii>ûn  dt:  détention.  De  Bahia» 
qui  \,ii:.i\i  izlTfiîhn  cejr.re.  le  i*Cribéri  sesl  étendu  aux  villes  voi- 
»in'r«i.  /A'jrii'd  le  V-sTd  pur  S.-L*iiz-]e-Maranhao.  les  provinces  de 
0:;i:a,  Uio-Grande  dtl  SorW.,  dE<;iirito-Santo,  Sainte -Catherine, 
Miii;is-<;i:ra«s.  Il  fait  actuellement  au  Brésil  des  ravages  énormes. 
11  a  i-té  tiliscrvé  à  Cuba  par  leduclour  Juan  llava,  en  1865,  et  c*esl 
lui  qui  caI  dési;;né  par  le>  nêgrrsdt-s  sucreries,  qui  en  sont  atteints, 
sous  li;.iiorn  de  Uiwhiztm  de  hs  w'frùs.  Le  béribéri  a  été  vu 
ég:ili:riiriii  il  Maurice  depuis  1812;  mais  la  maladie  ne  s'est  pas 
irioiidf'fr  uiiiqut;inf^nt  sur  les  eûtes;  elle  a  |)énctrc  au  Brésil,  jusqu'à 
lîiO  lii'iH's  du  nvu;:(.',âMiilto-Crosso  cl  dans  la  province  centrale  de 
Miiifis-(;i:riic^:  rlh-  semble  avoir  éclaté,  en  pleine  mer,  sur  deux 
lraiis|N)rls,  Vl.unjdin-  et  le  Varimntier^  jusque  sous  la  latitude 
ili;  Siiiiili' Ib'lcin:  ;  unu  autre  fois  à  Aden,  à  rentrée  de  la  mer 
l(oii;;('.  I)*uii<.  in;i[iirre  générale,  la  maladie  semble  pouvoir  ré- 
Knrrrnlri'  \vs  40»  parallèles. 

A|iiliu«li;  iirv  rucrw.  —  Dans  tous  ces  pays,  le  liériltéri  n'at- 
teint pas  tiiiijiiurs  indillrremment  toutes  les  races.  Il  semble  avoir 
uni*  prt'diirrtioii  piiur  les  races  colorées  :  les  Nègres  aux  Antilles, 
les  iNoir.N  hravitlinis  et  les  Malais  dans  Tlnde,  en  Amérique  et  à 
boni  des  navircN.  A  Yokohama,  où  le  Ltéribcri  est  fréquent,  sur 
vMHM)  étrangers  environ,  on  n'a  pas  trouvé  un  seul  cas  authentique; 
i>n  du  tpie  quelques  soldats  anglais  ont  cependant  eu  le  béribéri 
en  Clune.  ^hianl  aux  Japonais»  il  est  permis  de  reconnaître  une 
nouvelle  preuve  de  rimmiuion  du  siin g  malais  dans  leurs  vei- 
nes, à  leur  grande  aptitude  au  béribéri;  et  cependant,  au  Brésil, 
liiutes  les  raees  semblent  Atteintes;  il  n*en  est  ]>as  moins  vrai  que 
raeeUniatemeiit  semble  une  condition  indis|>ensable,  car  les  étran* 
gers  uouxellenuMit  animes  semblent  toujours  indemnes.  Les  enfants 
avant  IS  .ms  ne  prennent  jamais  la  maladie;  étrange  immu- 
nité, qui  fait  que.  dans  un  pensionnat,  la  maladie  fait,  dans  ua 
xwhwt  dortoir,  lu  demaieation  exacte  des  âgesl  Les  femmes  sont 


BÉRIBÉRI.  139 

moins  «posées  que  les  hommes;  l'état  puerpéral  et  la  laclalioii 
constituent  cependant  une  prédisposition. 

Caadlicloit^  étlolo^ Iqoes  diverses.  —  A  toutes  les  condi- 
tions de  milieu  du  béribéri,  il  faut  ajouter  cette  condition,  qui 
semble  capitale,  V alimentation  insuffisante.  Ainsi,  dans  les  sucre- 
ries de  Cuba,  ce  sont  surtout  les  nègres  mâles  qui  sont  atteints  du 
bincbazon  ;  or  ce  sont  eux  qui  font  les  grands  travaux  et  qui,  par 
conséquent,  à  nourriture  égale,  ont  ralimcntalion  la  plus  insuffl- 
ante. C'est  donc  encore  là  un  mal  del  jyadrone.  Lorsque  le  béribéri 
apparaît  à  bord  des  navires  qui  transportent  des  coolies  indous, 
c'est  toujours  vers  la  fin  de  la  traversée,  au  moment  où  les  provi- 
âons  de  tamarin,  de  sel,  de  piment,  de  safran,  de  poivre,  de  co- 
riandre, qu'on  ajoute  au  riz  sont  épuisées,  et  où  le  riz  lui-même, 
insufûsamment  azoté,  commence  à  être  rationné.  Aussi  les  Indous 
qui  font  à  bord  le  métier  de  cuisiniers,  ceux  qui  aident  les  mate- 
kitsetqui,  à  ce  titre,  reçoivent  d'eux  un  supplément  de  ration, 
ceaienQn  qui  ont  pu  emporter,  à  leurs  frais-,  un  supplément  de 
tunarin,  échappent  au  béribéri.  H  suffit  d'ailleurs  que  le  navire 
relâche  pendant  quelque  temps,  qu'il  puisse  refaire  ses  provisions 
^Tïuisées,  pour  qu'on  cesse  de  voir  apparaître  de  nouveaux  cas  de 
la  maladie;  et  cependant,  je  dois  ajouter,  tant  les  contradictions 
s'aecumulent,  quand  on  parle  de  cette  maladie,  qu'elle  atteint  en 
cemoment,  au  Brésil,  les  gens  qui  vivent  dans  les  meilleures  con- 
ditions d'hygiène. 

Cette  question  d'alimentation  semble  donc,  sans  doute,  capitale, 
oiaiselle  n'est  pas  la  seule.  Le  refroidissement,  le  brusque  chan- 
gement de  température  figurent  aussi  dans  l'étiologic. 

SjsipiAsies.  —  Nous  ne  pouvons  insister  ici  sur  les  symptômes, 
d'ailleurs  très  compliqués,  qui  sont  présentés  par  les  malades,  ils 
rappellent,  sous  bien  des  rapports,  ceux  des  maladies  des  céréales; 
$i  certaines  douleurs  rappellent  rergotisme,les  troubles  intellectuels 
^oQt songer  à  la  pellagre.  L'ensemble  des  symptômes  consiste  dans 
des  troubles  sensoriels  et  moteurs,  ainsi  que  dans  l'hydropisie.  Le 
principal  est  la  faiblesse  des  jamles,  que  le  malade  traîne,  comme 
s*il  marchait  dans  l'eau.  Les  malades  éprouvent  une  violente  dou- 
leor  lombaire  et  se  déclarent  serrés  par  la  taille,  comme  dans 
une  chaîne  de  fer,  la  barre  béribérique.  La  maladie  peut  suivre 
une  marche  aiguë  et  se  terminer  par  la  mort  en  7  ou  8  jours,  au 
milieu  des  convulsions,  comme  on  Ta  vu  à  Maurice  ;  mais  le  plus 
souvent  la  marche  de  la  maladie  est  chronique;  les  maUdes,  «^x\^ 


140  LA  P1U5E  ET  Là   FLORE. 

fièvre,  demeurent  accroiipL5  dans  un  état  d'apathie  indescriptible, 
taiit>H  paralyses,  tantôt  en  proie  à  un  œdème  considérable  La 
temi>erature.  loin  d'être  augmentée,  est  généralement  plus  basse 
qu*à  l'eut  normal  ^Alvareiisra'.  Tantôt  on  toîI  prédominer  Patro- 
phie  mu$i*uUire.  tantôt  l'œdème  pouvant  aller  jusqu'à  Tanasar- 
que;  souvent  on  observe  une  anesthésîe  limitée  à  un  membre,  à 
une  partie  du  tronc,  parfois  s'êtendant  à  toute  la  surface  du  corps. 
Parfois  on  Toit  le  niala  io  tourmenté  par  des  palpitations,  des 
bruits  cardiaques  et  artériels,  de  Toppression  précordiale,  des 
pulsations  alhiominales.  Lu  mort  arrive  au  bout  de  7  ou  8  mois. 

Aaatomle  |yuk«l«cH««-  —  A  Tautopsie,  on  ne  trouve  rien  le 
plus  souvent,  parfois  un  ramollissement  de  la  moelle  épinière  à 
dilToriMits  uiveaui  et  un  certain  de^re  d*bydrorachis  ;  la  rate 
uVst  i>a<  i:a>s^.  le  foie  pas  davantage.  Les  docteurs  Virgilio, 
JiVm*  Marli!is  et  le  d^vteur  Au;rusto  Mahîa  ont  bien  trouvé  dans 
le  s«inj;  un  r::.  r  o  c-riis.  n«ais  ce  parasite  n'a  peut-être  pas  encore 
nu  ri:*'  s<*s  lettres  do  grande  naturalisation.  Pacifico  Pereira 
a  iw'lo  la  do^roaoresceiice  crais$eu<e  du  cœur,  des  reins  et  des 
uuisi'les  de  la  \iede  relation:  il  a  également  trouvé  dans  le  sang, 
un  niicro-orirar.tsuie.  mais  il  n'ose  aflirmer  lui-même  que  cet 
organisme  $iMt  producteur  du  lioribéri. 

Xaiar«  de  la  naladle.  ~  Les  opinions  les  plus  diverses  ont 
été  etui<es  relativement  ;\  cette  question  et,  comme  il  advient 
tûuj'uirs  en  pan'il  cas,  on  a  tour  à  tour  fait  j«»uer  un  rôle  étiolo- 
giqiie  à  rhuniiditê,  à  la  chaleur,  etc.:  on  a  vu  là  une  myélite  plus  ou 
moins  sitécifique.  un  arrêt  de  la  transpiration,  surtout  dans  la 
forme  liYdropii|ue.  L'n  travail  récent  du  docteur  Féris  tendrait  à 
faire  regarder  le  bérilMÎri  non  pas  comme  une  entité  morbide, 
mais  comme  une  bvdropisic  de  la  moelle  ;dan$  la  forme  paraly- 
tique; et  comme  une  hydropisie  du  tissu  cellulaire  ;dans  la  forme 
œdématcusej;  ces  deux  h ydropisies  seraient  d'origine  névro-vas- 
culaire.  La  chaleur  humide  et  la  transition  brusque  de  tempéra- 
ture en  seraient  la  cause.  Le  béribéri  serait  donc,  avant  tout,  un 
trouble  vaso-moteur,  — je  ne  dis  pas  non;  —  Mais  la  cause? 
Je  serais  porté  à  la  chercher  dans  le  parasitisme,  si  l'on  devait 
abandonnerla  théorie  alimentaire.  On  a  vu  là,  entin,  quelque  chose 
d'analogue  à  la  lièvre  intermittente,  un  miasme,  comme  on  disait 
jadis,  encore  un  microbe,  dirions-nous  aujourd'hui.  CTétait  là  et 
c'est  encore  une  opinion  bien  tentante  et  qui  a  rallié  un  grand 
nombre  de  bons  esprits.  Parlant  du  kakké,  le  docteur  Simmons^ 


To)i(Aama,  qui  a  résidé  plus  Ac  vingt  ans  au  Japon,  pi^nse  quo 
)k  tiuse  ta  ost  un  miasme  spéciriquit,  une  exhalaison  lellurique. 
Ucocombremeut,  les  drainages  insuffisants  ou  mauvais,  une  aéra- 
Uon  durer  lue  use  semblent  développer  le  mal  chez  des  gens  débili- 
léf,  à  occupation  sédentaire,  surmenés,  mal  nourris.  En  luut  ca^ 
l'iccli natation  défectueuse  le  genre  de  vie,  la  saison  d'clé,  le  seie  et 
l^débulde  nourriture  sont  lescauses  prédisposantes  et  principales. 
1!  aX  vrai  que  le  docteur  Whitnej  ne  se  range  pas  tout  à  fait 
r»|iinion  qui  pense  que  le  kakkà  et  le  béribéri,  endémiques  à 
'  \lan.  dans  l'Inde  et  le  Brésil,  sont  la  même  maladie.  Mais  en 
!  ml  cas  il  est  difricile  de  concilier  l'idée  d'un  microbe  tcllurique, 
jvih:  l'apparition  de  la  maladie  en  pleine  mer,  à  la  (In  d'une 
li>iigue  traversée.  Les  Allemands  voient  là  une  anémie  pemi- 
'l'unt  !  anémieT  à  coup  silr  !  [lernieieuse  ?  évidemment  !  mais  l'ané- 
■iit  pernicieuse  n'espUnue rien- 
Lopinion  qui  me  semble,  pour  le  moment,  la  plus  probable 
'  iiil  que  l'existence  des  mirrobcï,  vers  laquelle  je  pencherais  vo- 
I  iitien,  ne  sera  pas  prouvée)  est  celle  qui  admet  avec  Leroy  de 
ViTicourl.  Hocfaard  et  van  Leent,  que  c^est  là  une  maladie  alimeu- 
lairr,  voisine  des  grandes  maladies  céréales,  comme  l'ergolfeme, 
la  pellagre,  l'acrodynic.  Au  Japon,  on  attribue  souvent  le  kakké  à 
l'uiage  du  rii  altéré.  Yan  Leent  classe  la  maladie  à  cdté  du  scor- 
hui  :  le  scorbut  succéderait  à  l'absence  de  végétaux  frais;  lebéri- 
l'^ri  à  l'absence  de  viande,  de  sel,  de  graisse.  Le  fiiit  est  que  le 
Wurre,  riiuilc  île  cacao,  le  lard  sont  les  meilleurs  remèdes. 
>jaui  qu'il  en  soit,  il  y  a  dans  léliologie  du  béribéri  dcuï  fac- 
iiri,  qu'il  est  bon  de  distinguer  il'un,  emprunte  au  milieu  cxté- 
■  iir,  niios  éctiappe  laliraentiilion  InsufHsanle, microbe?);  l'outre, 
vntprunléau  milieu  intérieur,  nous  est  prouvé':  les  races  noires. 
les  ni:es  jaunes  mélangées  de  noir  sont  plus  eiposées.  Mais  nous 
aurions  mauvaise  grAce  à  ne  pasconfèsser  noire  ignorance  ubs<ilue 
■a  sujet  lie  cette  maladie;  plus  on  l'étudié,  moins  on  la  comprend. 
U docteur  Dammam  fait  remarquer,  avec  raison,  qu'autant  li'au- 
tean  s'en  sutit  occupés,  autant  d'opinions  diverses  se  sont  ex]iri- 
lDt«s;  aussi  tout  ce  qu'on  peut  écrire  aujourd'hui  sur  te  liéribéri 
sera  vraisemblable  tuent  bon  à  brûler,  dans  quelques  années;  je 
n'iiuisle  donc  pas,  pour  mon  compte. 

ratk«l«aie  «onp«re«.  —  Le  béribéri  semble  susceplllile  d'at- 
taquer les  animaux.  Le  regretté  Crevaux  a  signalé,  dans  l'Amérî- 
■luc  àa  Sud,  une  maladie  du  cheval,  qui  ressemble  ju  béribéri,  on 


142  LÀ  FAUNE   ET   LA  FLORE. 

la  Domme  guebrabundc  ;  en  outre,  il  existe  depuis  longtemps,  sur 
les  chevaux,  dans  IMnde  et  en  Cocbincbine,  une  uialadie  qui, dési- 
gnée sous  le  nom  de  paraplégie,  rappelle  également  le  béribéri. 

§  7.  SCORBUT. 

S'il  est  permis  de  penser  que  le  béribéri  csi  causé  par  Tabus  du 
régime  végétal  et  Tabsence  de  viande,  en  revanche  il  est  plus  cer- 
tain et  mieux  démontré,  que  Tabus  d*un  régime  animal  et  Tab- 
scnce  de  légumes  donnent  naissance  au  scorbut. 

Histoire.  —  Mais  tandis  qu  il  y  a  des  peuples  exclusivement 
herbivores,  il  n'y  en  a  point  qui  soient  exclusivement  carnivores 
d'une  manière  normale  et  habituelle  ;  il  peut  donc  exister  une  géo- 
graphie de  béribéri,  correspondant  plus  ou  moins  à  la  géographie 
de  Talimcntation  végétale  et  de  Talimeutation  insurfisantc,  mais  il 
n'y  a  point  de  géographie  du  scorbut.  Ce  n'est  pas  une  maladie  du 
sauvage  primitif,  du  Fuégien  actuel,  par  exemple;  le  sauvage  le 
plus  dégradé  se  nourrit  de  racines  plus  ou  moins  alibiles,  qu'il 
trouve  en  terre,  faute  de  mieux;  il  meurt  de  faim;  mais  il  ne 
meurt  pas,  faute  de  végétaux  frais,  du  scorbut. 

Cette  maladie  n'apparaît  donc  que  chez  les  peuples  déjà  plus 
avancés  en  civilisation,  qui,  non  seulement  sont  déjà  faits  à  l'ali- 
mentation animale,  mais  s*y  sont  tellement  habitués,  qu'elle  peut 
remplacer^  pour  un  temps,  toute  autre  nourriture.  Voilà  pourquoi 
le  scorbut  est  une  maladie  moins  ancienne  que  la  faim  et  que 
toutes  les  maladies  qu'elle  entraîne. 

Le  scorbut  n'est  pas>  à  proprement  parler,  une  mala^lie  de  fa- 
mine; ce  n'est  une  maladie  de  famine  qu'au  point  de  vue  des 
matières  végétales;  ainsi  Parkes  a  nourri  des  honmics  uniquement 
avec  des  aliments  gras;  ces  hommes  ont  engraissé,  mais  sont  de- 
venus scorbutiques. 

Deux  conditions  peuvent  pousser  une  population  à  se  priver 
complètement  de  végétaux  frais  :  Textrôme  froid,  qui  empêche 
toute  vé;;étation;  l'extrême  chaleur,  qui  peut  agir  de  même,  par 
(a  sécheresse  qu'elle  entraine.  Dans  le  premier  cas  se  sont  trouvés 
à  diiïérenlcs  époques  Tlrlande,  le  Canada,  la  Sibérie,  les  îles 
Feroc,  l'Islande,  le  Spilzberg,  le  Groenland,  le  Nord  de  la  Russie; 
dans  le  second  cas,  les  Carolines,  Aden,  les  Sandwich,  le  Penjab, 
l'Asie  mineure,  l'Egypte,  l'Algérie,  la  Chine. 

Le  nord  de  TEurope  a  été  si  souvent  le  siège  de  Téritables  épi- 


SCORBUT.  U3 

demies  de  scorbut,  que  c^était,  pour  les  habitants  de  ces  pays,  la 
maladie  par  excellence,  le  Mtjrbus,  le  Scorb  (maladie).  De  ce  mol 
KK^rb  est  venu  scorbut. 

En  i  fc86,  le  scorbut,  succédant  à  de  grands  froids,  sévit  dans 
tout  le  nord  de  1  Europe  ;  en  1556  et  1562,  il  règne  en  Flandre,  en 
Hollande. 

Pendant  longtemps  la  culture  maraîchère  fut  très  négligée  des 
ÀogiaiSy  peuple  essentiellement  Carnivore;  on  prend  une  idée  de 
cet  abandon,  quand  on  apprend  que  la  reine  d'Angleterre,  Cathe- 
rine d'Aragon,  femme  de  Henri  VIII,  était  obligée  de  faire  venir 
de  Hollande  les  légumes  nécessaires  à  sa  table.  Aussi,  à  cette 
époque,  le  scorbut  était-il  en  permanence  à  Londres  :  de  1 676  à 
I6S6,  il  mourut,  chaque année^  1  000  individus  de  cette  maladie; 
puis,  à  mesure  que  la  culture  maraîchère  se  développa,  le  scorbut 
diminua  :  de  1686  à  1701,  il  ne  causa  plus  que  iOU  décès  par 
an;  il  n'en  causa  plus  que  15  de  1701  à  1716.  Aujourd'hui  il 
a  disparu . 

En  1848,  la  Russie,  à  la  suite  d'une  mauvaise  récolte,  eut  le 
scorbut  ;  on  l'observa  également,  à  la  même  époque,  en  Angleterre, 
en  Belgique  et  en  France. 

En  Californie,  on  a  vu  le  scorbut  succéder  à  une  extrême  séche- 
resse, qui  avait  détruit  tous  les  végétaux. 

En  dehors  de  ces  grandes  endémies  frappant  des  populations 
entières,  on  le  voit  apparaître  sur  les  navires  privés,  dans  une 
longue  traversée,  de  végétaux  frais,  sur  les  armées  mal  ravitaillées 
en  végétaux,  sur  les  populations  assiégées,  qui  peuvent  encore 
manger  des  chevaux,  des  chiens  et  des  rats,  mais  qui  manquent 
de  légumes  et  de  fruits. 

Pline  raconte  que  Tarmée  romaine  commandée  par  César  Ger- 
manicus,  campée  en  Allemagne,  au-delà  du  Rhin,  fut  prise  d'un 
mal  qui  faisait  tomber  les  dents  et  qui  rendait  les  jambes  paraly- 
sées. L'armée  guérit,  dit-il,  lorsqu'elle  put  manger  une  plante,  qu'il 
croit  être  un  remède  spécifique,  Vherba  britannica. 

Il  semble  probable  qu^il  est  ici  question  du  scorbut  ;  mais  la 
première  atteinte  bien  authentique  est  celle  qui,  en  Egypte,  frappa 
les  soldats  de  la  cinquième  croisade  en  1228.  En  1449,  nouvelle 
atteinte;  Louis  IX,  lui-même,  est  au  nombre  des  malades  et  le 
sire  de  Jolnville  nous  fait  à  sa  manière  le  récit  de  cette  épidémie  : 
«  La  maladie  commença  par  engrcgier  en  Tost,  de  telle  manière, 
■  qu'il  venait  tant  de  chair  morte,  è5  gencives,  à  notre  genl^(\u^*\\ 


144  LÀ  FAUNE   ET  LÀ  FLORE. 

«  convenait  que  barbiers  ostassent  chair  morte,  pour  ce  qu  ilspos- 
«  sent  maschcr  et  avaler  aval.  Grande  pitié  estait  d*oîr  brire  la 
«  gent,  parmi  l'ost,  auxquels  on  coupait  la  chair  morte,  car  ils 
«  bréaient,  comme  femmes  qui  travaillent  d'enfant.  » 

Plus  tard,  les  grandes  expéditions  nautiques  ne  firent  que  dé- 
velopper le  scorbut  :  en  1498,  l'équipage  de  Yasco  de  fîama  souffre 
de  cette  maladie,  entre  Mozambique  et  Sofala  ;  il  perd  55  hommes. 

En  1535,  Jacques  Cartier,  au  Canada,  lutte  contre  ce  terrible 
ennemi  :  sur  110  hommes,  il  ne  lui  restait  plus  que  10  valides  et 
60  malades  ;  les  reste  était  mort  !  Un  matelot  fit  heureusement  ces- 
ser répidémie  :  il  découvrit  que  le  suc  des  feuilles  d^un  certain 
arbre  guérissait  sûrement  la  maladie,  qui,  de  fait,  s^arrèta.  Pea 
importe  le  nom  de  l'arbre  ;  c^était  un  végétal,  cela  suffisait  ! 

En  1552,  Tarmée  de  Charles  V,  qui  faisait  le  siège  de  Metz,  est 
décimée  par  le  scorbut. 

Pendant  la  guerre  de  Crimée,  notre  armée  perdait  beaucoup  de 
monde  de  cette  maladie;  enfin,  en  1871, à  la  fin  du  siège  de  Parie, 
quelques  cas,  déjà  assez  nombreux,  de  scorbut  commençaient  àee 
montrer. 

11  ne  faudrait  pas  croire  que  nos  flottes  modernes  soient  com- 
plètement à  Tabri  et  qu'on  ne  puisse  plus  xpir,  comme  au  siëde 
dernier,  un  navire,  VOrifinmmc^  appartenant  à  l'Espagne,  désert, 
monté  par  des  morts,  tués  par  le  scorbut,  et  errant  seul  au  gré 
des  flots!  En  efict,  le  f  septembre  1874  un  navire  anglais  ren- 
contra le  Socnite,  qui  paraissait  abandonné  ;  en  Taccostant  on 
reconnut  qu'il  était  monté  par  7  hommes  à  moitié  morts  da 
scorbut,  qui  gisaient,  étendus,  dans  un  coin.  Le  17  aoill  1875.  le 
i?rr»iifT,  venant  de  Livcrpool,  était  remorqué  dans  le  port  de 
San  Francisco.  Il  avait  perdu  en  route  16  hommes  du  scorbut 
et  ceux  qui  restaient  étaient  trop  malades  pour  pouvoir  faire  la 
manœuvre; 

Étioioffle.  —  Toutes  conditions  égales  d'ailleurs,  le  froid  hu- 
mide favorise  le  développement  du  scorbut  :  c'est  ainsi  que  les  na» 
vires  qui  venaient  de  Tlnde  avant  le  percement  de  Tisthme  de 
Suez,  étaient  surtout  atteints  dans  les  parages  du  cap  de  Bonne- 
Espérance  ;  le  cap  Horn  est  également  célèbre  dans  les  annales  da 
scorbut  ;  aussi  la  marine  anglaise  a-t-elle  soin  de  prendre  les  plue 
grandes  précautions  pour  rhabillement  des  matelots  dans  ces 
parages. 

Au  froid  il  convient  d'ajouter,  comme  cause  prédisposante. 


SCORBUT.  145 

reocombrement  et  les  affections  morales  dépressives  ;  c*est  à 
Tune  et  à  Pautre  de  ces  deux  causes  adjuvantes  qu'il  faut  attri  - 
buer  rapparition  du  scorbut,  en  1873,  abord  de  deux  transports, 
qoi  conduisaient  les  condamnes  politiques  en  Calédonie,  le  Var  et 
YOme.' 

ApUtade  des  races.  —  Toutes  les  races  humaines,  placées 
dans  des  conditions  favorables  au  développement  de  cette  maladie, 
prennent  le  scorbut;  on  a  dit,  cependant,  qu'il  épargnait  les  nè- 
gres, mais  ce  n'est  là  qu'une  apparence,  dont  la  raison  est  bien 
simple  :  c'est  que  les  nègres,  à  bord  des  transports  négriers  où  on 
les  entassait  jadis,  avaient  une  alimentation  beaucoup  plus  végé- 
tale que  le  blanc  qui  les  exploitait.  Aussi,  alors  que  les  bourreaux 
mouraient  du  scorbut  à  côté  de  leurs  provisions  de  viande  salée, 
les  victimes  noires,  à  qui  on  jetait  une  poignée  de  manioc,  mou- 
raient, il  est  vrai,  de  faim,  mais  ne  mouraient  pas  du  scorbut.  Le 
Doir  présente  si  peu  une  immunité  pour  cette  maladie,  que,  pendant 
le  long  siège  de  Montevideo  1843-1851,  le  docteur  Martin  de 
Moossy  a  vu  les  noirs,  qui  étaient  soumis  au  même  régime  que  les 
blancs,  régime  obsidional  ,  exclusivement  animal ,  prendre  le 
scorbut  tout  comme  eux. 

Il  serait  d'ailleurs  étrange  de  voir  le  nègre  à  Tabri  du  scor- 
but, quand  on  voit  le  gorille,  dans  les  mômes  conditions,  prendre 
cette  maladie,  qui  se  caractérise,  chez  lui,  par  les  mêmes  symptômes 
que  cbez  l'homme  blanc.  Le  docteur  Bérenger-Féraud  ramenant 
QD  gorille  de  la  côte  d'Afrique  et  l'ayant  soumis  au  régime  ani- 
mal des  matelots,  le  vit  prendre  le  scorbut  en  même  temps  qu'eux 
et  comme  eux.  Le  porc  lui-même,  lorsque,  croyant  l'engraisser 
plus  facilement,  on  le  soumet  à  un  régime  exclusivement  animal, 
prend  le  scorbut. 

Sysiptdmes.  —  Les  symptômes  du  scorbut  sont  bien  connus, 
le  principal  est  constitué  par  des  hémorrhagies,  qui  se  font  sous 
la  peau,  sous  forme  de  petites  taches  {pétvchies)  difficiles  à  voir 
chez  le  nègre,  ce  qui  peut-être  a  contribué  à  faire  penser,  qu'il  ne 
prenait  pas  la  maladie  ;  il  se  produit  aussi  des  hémorrhagies  plus 
considérable»,  de  véritables  ecchymoses,  parfois  môme  avec  dccol- 
leiœntdu  tissu  cellulaire  sous-cutané;  on  observe,  en  outre,  des 
douleurs  dans  les  muscles  et  au  niveau  des  articulations;  les  gen* 
cives  deviennent  saignantes,  fongueuses,  ulcérées,  félidés  ;  les 
dcots  se  déchaussent;  les  forces  sont  nulles,  raballemcul  cl  V^ 
découragement  profonds, 

GÉOOn,  M  ÉD.  VO 


146  LA  FAUNB   ET  LA  FLORE. 

L^examen  du  sang  fait  constater  une  diminution  considérable 
dans  le  nombre  des  globules,  qui  diminuent  dans  la  proportion 
de  130  ou  127  :  60.  L'albumine  du  sang  diminue  ;  la  fibrine  reste 
normale,  mais  parait  relativement  accrue  :  elle  diminue,  en  rét- 
lité,  dans  la  proportion  de  3,5  ou  4  :  2. 

Cette  dépréciation  de  Torganisme  est  si  réellement  produite  par 
Fabsence  de  vi^étaux  frais^  qu*il  suffit  qu^un  navire  frappé  da 
scorbut  puisse  relâcher  et  se  pourvoir  de  légumes  frais,  pour  que 
la  maladie  disparaisse.  En  Crimée,  les  soldats  qui  pouvaient  se 
procurer  quelques  salades,  échappaient  au  scorbut  ;  à  bord  des 
navires,  les  officiers,  dont  la  nourriture  est  plus  variée  que  celle 
des  hommes,  échappent  en  général  à  ce  mal.  Il  est  important 
d'ailleurs  de  faire  observer  que  les  végétaux,  pour  mettre  à  Tabri 
du  scorbut,  ne  doivent  pas  être  secs,  comme  les  haricots  séchés 
ou  les  légumes  ChoUet;  avec  cette  alimentation-là,  on  voit  pariki- 
tement  venir  le  scorbut.  Ce  qui  est  indispensable  pour  éviter  h 
maladie,  ce  sont  des  végétaux  frais,  herbacés,  remplis  de  ce  qu^on 
a  nommé,  d'une  manière  un  peu  métaphysique  qui  cependant 
exprime  une  idée  vraie,  leur  eau  de  végétation. 

Comment  agissent  les  végétaux  frais?  sans  doute  par  leurs 
sels  ;  les  pommes  de  terre  et  le  citron,  qui  sont  par  excellence  les 
végétaux  antiscorbutiques,  renferment  une  grande  quantité  de 
sels  de  potasse;  cependant  il  ne  suffit  pas  de  distribuer  à  des 
hommes  des  paquets  de  sels  de  potasse  pour  les  mettre  à  Tabri  da 
scorbut.  Il  leur  faut  le  végétal  en  nature,  des  pommes  de  terre  et 
des  citrons.  La  marine  anglaise  a  presque  vu  disparaître  le  scorbut, 
depuis  qu'elle  prescrit  le  lime-juice  à  bord  des  navires.  Voici  là 
composition  de  cette  précieuse  substance  ; 

Alcool 1/10 

Alumine  végétale 

Débris  cellulaires  du  citron 

Huile  essentielle  de  récorce  du  fruit.... 
Jus  de  citron 

Réglementairement  cette  préparation  doit  être  distribuée  àtoot 
équipage,  quia  plus  de  14  jours  de  mer. 

De  ce  qu'on  vient  de  lire  il  résulte  que,  par  suite  de  remploi 
de  la  vapeur,  qoi  diminue  la  durée  du  séjour  en  mer,  en  raison 
de  la  connaissance  aujourd'hui  approfondie  des  causes  du  scorbut 


HÊMÉRALOPIE.  147 

eldcs  lois  générales  de  Thygiène,  cette  maladie  propre  aux  peu- 
ples demi-civilisés,  doit  disparaître  de  la  pathologie  des  peuples 
très  civilisés. 


§  8.  nÉMÉRALOPIE. 

L'alimentation  insuffisante,  agissant  dans  certaines  condi- 
tions spéciales  encore  indéterminées,  donne  parfois  naissance 
à  une  étrange  maladie  ou  plutôt  à  un  curieux  symptôme^  Vhéméé' 
mUfpie.  L'étymologie  de  ce  tnot  (x|Mpa,  jour,  SirropLai,  je  vois)  in- 
dique assez  que  le  malade  qui  présente  ce  symptôme  ne  peut  voir 
qu'en  plein  jour;  sitôt  que  le  soleil  est  au-dessous  de  Phorizon  et 
que  la  lumière  cesse  d'être  vive,  la  cécité  est  complète. 

Cîé«ffraphle.  —  L*héméralopic  se  rencontre  dans  un  grand 
nombre  de  maladies  de  rœil,  qui  n'ont  pas  à  Ggurer  ici,  parce 
qu'elles  tiennent  à  des  causes  complètement  étrangères  à  ralimen- 
tition  ;  il  ne  sera  question  ici  que  de  cette  héméralopie^  qui  se  mon- 
tre à  rétat  épidémique  chez  certaines  populations,  dans  certaines 
agglomérations  d'hommes,  dans  certaines  conditions  spéciales.  A 
Java,  dans  toute  la  Malaisie,  surtout  à  Tépoque  de  Tannée  où  le  riz 
constitue  la  nourriture  unique  et  peu  réparatrice,  on  voit  se  mul- 
tiplier les  cas  de  cécité  nocturne.  Les  Malais,  comme  beaucoup  de 
peuples  primitifs,  sortent  d'ailleurs  très  peu  pendant  la  nuit. 

Lliéméralopie  s'observe  également  d'une  manière  épidémique 
à  la  côte  occidentale  d'Afrique,  au  Brésil,  aux  Moluques,  aux  An- 
tilles, en  Chine. 

En  Europe,  on  la  rencontre  chez  les  populations  mal  nourries, 
SOT  les  soldats  fatigués,  dans  les  pensions  où  l'alimentation  est 
défectueuse,  sur  les  marins  rationnés  et  fatigués  par  les  chaleurs 
de  la  zone  tropicale.  Elle  est  commune  à  Cadix,  chez  les  men- 
diants, qui  ne  se  nourrissent  que  de  fruits  et  d'oignons  crus;  chez 
les  paysans  russes,  pendant  le  carême  sévère  dont  j'ai  déjà  parlé; 
en  France  et  en  Italie,  Théméralopie  coïncide  avec  la  pellagre,  le 
mais  altéré  étant  non  seulement  un  aliment  toxique,  mais  de  plus 
insuffisant.  Au  siècle  dernier,  on  l'observait,  presque  chaque  an- 
née, dans  plusieurs  villages  des  environs  de  la  Roche-Guyon  ; 
1/20  et  parfois  1/iO  delà  population  devenait  aveugle,  sitôt  que  le 
soleil  était  couché.  En  1854,  une  de  ces  épidémies  fui  ob^f^^ 

^oia,\ti^juma  au  Limousin;  en  i854  et  1855,  ou  ctoaeneVYÉfe- 


148  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

méralopie  sur  les  paysans  du  Gers;  mais  c'est  le  plus  souvent  sur 
les  hommes  soumis  au  régime  de  la  caserne,  qu'elle  s^cst  montrée 
à  l'état  cpidémique. 

La  première  épidémie  de  ce  genre  eut  lieu  en  France  en  176î^ 
70  soldats  devinrent,  à  Montpellier,  aveugles  le  soir;  le  même 
phénomène  fut  ohservé,  la  môme  année,  à  Slrashourg;  plusieurs 
sentinelles  frappées  de  cécité,  pondant  leur  faction,  tombèrent 
môme  du  haut  des  remparts  dans  les  fossés. 

En  4782,  en  1783,  nouvelles  épidémies.  En  1816,  les  armées 
alliées,  en  France,  furent  frappées  d'héméralopie.  Mômes  accidents 
en  4833,  à  Belfort  ;  en  1838,  à  Metz  et  à  Strasbourg;  en  ^8^3,  à 
Wissembourg  ;  en  485t,  à  Strasbourg;  en  1855,  en  Crimée,  le 
service  des  tranchées  dut  souvent  être  interrompu  pour  cause  de 
cécité  nocturne.  En  1856,  à  Besançon,  les  cas  étaient  tellement 
fréquents,  qu'on  faisait  chaque  soir  passer  dans  les  rues  une  pa- 
trouille, qui  devait  ramasser  et  reconduire  à  la  caserne  les  soldats 
qui,  sortis  pendant  le  jour  clairvoyants,  s'étaient,  à  la  nuit  tom- 
bante, trouves  aveugles  et  incapables  de  reconnaître  leur  chemin. 
Les  marins,  pendant  les  longs  calmes  des  tropiques,  sont  sou- 
vent héméralopes  :  ainsi,  en  1841-1843,  l'équipage  de  la  Beine- 
Blanche  fut  frappé  à  plusieurs  reprises;  la  maladie  se  montrait 
sitôt  que  les  marins  enduraient  des  privations  ;  elle  disparaissait 
aussitôt  que  le  régime  du  .bord  s'améliorait.  —  Dans  plusieurs 
pensionnats,  il  a  suffi  que  l'économe  se  montrât  moins  parcimo- 
nieui,  pour  que  les  cas  d'héméralopie,  qui  s'étaient  montrés,  dis- 
parussent et  qu'il  cessât  de  s'en  produire  do  nouveaux. 

Symptômes.  —  Le  plus  souvent,  le  symptôme  dominant,  qui 
frappe  plus  que  tout  autre  Taltention,  ne  se  montre  pas  seul  : 
tantôt  les  malades  sont,  en  même  temps,  scorbutiques,  pellagreux 
ou,  au  moins,  très  anémiques,  épuisés,  surmenés;  tantôt  ils  ont  de 
l'œdème  des  jambes;  la  nutrition,  en  un  mot,  est  altérée  profondé- 
ment. Au  bout  de  deux  à  trois  semaines,  la  maladie  disparaît 
généralement,  et  elle  ne  comporte  guère  d'autre  gravité  que  celle 
des  accidents  auxquels  les  héméralopes  sont,  chaque  soir,  exposés. 
L'oplitalmoscope  devait  seul  pouvoir  renseigner  sur  la  nature 
de  cette  maladie  épidémique  ;  cette  élude  a  été  précisément  faite 
par  le  docteur  Martialis:  chez  tous  les  malades,  Martialis  a  constaté 
une  inOltration  séreuse,  un  œdème  de  la  rétine.  Le  docteur  Fontan 
signale  une  congestion  passive  des  vaisseaux  rétiniens,  de  la  di- 
Jatation  pupiUairc  et  de  la  paralysie  de  l'accommodation. 


HÉMÉRALOPIE.  149 

Cet  œdème,  ainsi  qu*il  Ta  très  bien  montré^  n'emprunte  sa  gravité 
qu'à  son  siège  et  aux  fonctions  spéciales  de  la  rétine,  mais  il 
possède,  en  réalité,  au  point  de  vue  de  la  nutrition  générale,  la 
même  valeur,  ni  moindre  ni  plus  grande,  que  Tœdème  des  mal- 
léoles qui  raccompagne.  L'intermittence  apparente  du  symptôme 
tient  en  réalité,  non  à  ce  que  son  intensité  varie  suivant  les  heures 
4e  la  journée,  mais  à  ce  que,  moins  facile  à  exciter,  la  rétine  exige, 
pour  fonctionner,  et  comme  condition  sine  quànon,  une  quantité 
considérable  de  lumière,  qu'elle  trouve  pendant  le  jour,  mais  au- 
dessous  de  laquelle  elle  ne  fonctionne  plus  du  tout.  C'est  à  titre 
d'cedème  cachectique  que  cette  infiltration  séreuse  de  la  rétine  s'ob- 
serîe  chez  les  gens  anémiés  par  une  alimentation  insuffisante,  par 
la  pellagre,  le  scorbut,  la  chaleur,  la  ûèvre  palustre,  etc. 

Traltcmcat.  —  Cela  est  si  vrai,  que  fhéméralopie  ne  connaît 
qu*un  remède,  qui>  d'ailleurs,  est  aussi  souverain  que  le  citi  on 
contre  le  scorbut;  ce  remède,  c'est  l'alimentation  grasse  :  le  lard, 
fbuile  de  foie  de  morue.  Chose  curieuse  1  les  anciens,  qui  semblent 
afoir  connu  cette  maladie,  recommandaient  contre  elle,  ainsi  que 
Celse  nous  l'apprend,  le  jus  qui  s'écoule  du  foie  d'un  bouc  ou  d'un 
cbevreau.  Comme  traitement  local,  surtout  dirigé  contre  les  trou- 
bles d'accommodation,  le  docteur  Fontan  recommande  Tésérine. 

Ca«M,  aatare.  —  Si  l'on  se  souvient  que  le  béribéri  est  pro- 
voqué peut-être  par  l'absence  de  graisse  dans  Talimentation,  il  est 
permis  de  voir  un  certain  rapport  entre  cette  maladie  étrange  et 
rbéméralopie.  Pour  employer  une  image,  cette  dernière  maladie 
>erait  une  ébauche  locale  du  béribéri.  La  fréquence  du  symptôme 
béméralopie  dans  quelques  affections  du  foie,  avec  ictère  (docteur 
Cornilloii;,  et  la  fréquence  non  moins  grande  des  maladies  du 
foie  dans  quelques  pays  oîi  règne  l'héméralopie,  non  dans  tous 
cependant,  pourraient  faire  penser  que,  dans  certains  cas,  l'hémé- 
ralopie peut  être  liée  à  certains  troubles  climatériques  du  foie. 
D'après  les  observations  du  docteur  Fontan,  l'héméralopie  serait 
souvent  de  cause  paludéenne;  —  c'est,  en  un  mot,  un  symptôme, 
que  plusieurs  causes  générales  peuvent  produire.  —  Le  caractère 
commun  de  toutes  ces  conditions  semble  être  la  dépréciation 
de  l'organisme,  dans  certaines  circonstances  encore  mal  déter- 
minées d'agglomération,  de  chaleur  humide  et  de  mauvaise  ali- 
mentation. 


«.St  Là  fktSE  ET  Là  PLOEI. 

^  9.  ALOOOUSHE. 

Il  serait  difficile  de  pailer  de  rioflaence  du  miiîeu  alimentaire 
et  de  Taction  des  ingesim  sur  les  populations,  sans  consacrer  à 
l'alcoolisme  un  chapitre  important  :  Talcool  constitue  un  des  élé- 
ments les  plus  importants  du  milieu  alimentaire,  car,  bien  que 
substance  toujours  artificiellement  produite,  et  bien  qu^on  ne  le 
trouve  jamais  dans  la  nature,  son  emploi  semble  presque  général 
à  toutes  les  époques  et  chez  tous  les  peuples.  11  prend  d'ailleurs 
facilement  naissance  sitôt  qu'on  laisse  Termenter  une  liqueur 
sucrée,  le  glucose  se  changeant  en  alcool  et  en  acide  carbonique  : 

Cil  H«  0"  =  2  C*  H«  0*  +  4  C0« 

GlucoM.  Aleuol.       Ac.c«rb. 

D'un  autre  côté,  sous  l'influence  de  la  diastase,  la  Técule  des 
végétaux  se  change  normalement  en  glucose.  La  fécule  étant  ré- 
pandue dans  les  usages  alimentaires  de  tous  les  peuples,  tous  ont 
aimé  cette  double  excitation  de  l'alcool  d'une  part,  de  l'acide  car- 
bonique de  Tautre,  et  tous  se  sont  ingéniés  à  trouver  les  œnditions 
de  ce  dédoublement.  On  sait  en  effet  que  les  résidus  trouvés  dans 
les  habitations  lacustres  de  la  Suisse,  nous  ont  donné.la  preuve  que 
les  habitants  de  cette  époque  faisaient  fermenter  des  fruits,  et 
s'enivraient  probablement  avec  l'alcool  ainsi  produit  Aujourd'hui, 
tous  les  hommes  aiment  Talcool,  qu'ils  se  procurent  d'une  manière 
ou  d'une  autre. 

Les  singes  eux-mêmes  ne  sont-ils  pas  friands  d'alcool,  conuue 
ils  le  sont  du  thé,  du  café  et  même  du  tabac?  En  Afrique,  on 
prend  les  niandrilles  avec  de  la  bière,  dont  ils  s'enivrent  ;  on  a 
même  vu  des  chats  s'habituer  à  Talcool  et  présenter,  à  leur  mort, 
toutes  les  lésions  de  l'estomac,  du  cerveau  et  du  foie,  qui  carac- 
.térisent  l'alcoolisme  chronique.  On  a  également  observé  l'alcoo- 
lisme chez  des  pigeons! 

HUiiolr«  et  Kéc^raphle.  —  Les  anciens  Égyptiens  abusaient 
d'une  sorte  de  6itVe  ou  vin  d'orge,  que  les  historiens  ont  désignée 
sous  le  nom  de  zythnsy  et  Diodore  affirme  que  ce  liquide  était  à 
peine  inférieur  au  vin  de  raisin  ;  les  Égyptiens  modernes  prépa- 
rent d'ailleurs  encore,  avec  l'orge,  une  liqueur  fermentée  qu'on 
nomme  boom  ou  bousah  ;  ils  font  aussi  une  cau-de-vie  de  dattes. 

Les  Abyssins  font  avec  le  miel  un  hydromel  qui,  fermenté,  leur 


ALCOOLISME.  151 

procure  de  l'alcool  et,  fréquemment^  les  symptômes  non  douteux 
de  Talcoolisme  le  plus  aigu;  on  fabrique  d'ailleurs,  outre  l'eau-de- 
▼ie  de  dattes,  avec  la  sève  du  palmier,  une  liqueur  sucrée,  qui 
subit  la  fermentation  alcoolique  et  qu'on  désigne  sous  le  nom 
d'alkmi  ou  (U-kmi  ou  lakmi  :  pour  la  préparer,  on  creuse,  sur  le 
haut  de  la  tige  d'un  vieux  palmier,  une  incision  circulaire;  la  sève 
s*écoule,  au  moyen  d*un  roseau  creux,  dans  un  vase  (kasseri)  atta« 
ché  dans  le  haut  de  l'arbre  ;  on  recueille  ainsi,  en  un  mois,  près 
de  200  litres  de  sève  ;  on  bouche  ensuite  Tincision  et,  deux  ans 
après,  le  palmier,  remis  de  sa  saignée,  donne  des  dattes.  Quant 
à  la  sève,  elle  ne  tarde  pas  à  fermenter  et  renferme,  alors,  d'après 
Balland  : 

Eau 83>,80 

Alcool 4  ,38 

Acide  carbonique 0  ,22 

Acide  malique 0  ,54 

Glycérine 1  ,64 

Mannile 5  ,60 

Sucre  exempt  de  sucre  de  canne.  0  ,iO 

Gomme 3 ,30 

Substances  minérales 0  ,32 

Dans  le  Maroc  et  dans  la  Tunisie,  comme  dans  un  certain 
nombre  de  pays  musulmans,  non  dans  tous,  l'alcoolisme  est  inconnu  : 
le  café  suffit  à  satisfaire  les  passions  de  ce  genre. 

Dans  le  Darfour,  on  fabrique  de  Talcool  avec  de  Torgc,  du  blé, 
du  pain  grillé  ;  on  fait  également,  avec  le  millet^  une  liqueur 
connue  sous  le  nom  dé  mzir.  11  est  juste  d'ajouter  que  Tivrognerie 
est  invétérée  dans  le  Darfour,  bien  qu'elle  n'y  soit  pas  en  honneur, 
ar  on  ne  parait  jamais  devant  le  sultan  sans  avoir,  au  préalable, 
enlevé  l'odeur  révélatrice  de  l'alcool,  en  mâchant  les  feuilles  lïixnv. 
convolvulacée  qu'on  nomme  ehalaub. 

Les  nègres  ont,  en  général,  pour  l'alcool  une  passion  prononcée, 
et  les  Européens  ne  se  font  pas  faute  de  la  favoriser,  pour  arriver 
plus  sûrement  à  les  abrutir  et  à  les  dominer.  Les  Cafres  font  un 
hjdromel  fermenté  et  fabriquent  avec  le  lait  fermenté  de  leurs 
animaux  une  espèce  de  koumys. 

L'alcoolisme  n'est  pas  moins  répandu  en  Asie.  Les  Turcs  ont  le 
raki,  liqueur  très  alcoolique,  faite  avec  raisin,  pruneaux,  blé, 
poires,  anis,  cannelle,  girofle,  roses,  oranges  amères  ;  ils  ont  aussi 
kmasiic. 


151  LA  FAUNE   ET   LA  FLORE. 

Le  Turkestan,  rAfgbanistan,  le  Beloutchistan  soDt  peu  adonnés 
ù  Talcoolisoie  ;  on  y  fabrique  cependant  des  liqueurs  alcooliques 
avec  la  mûre,  la  pèche,  le  raisin  ;  avec  le  millet  et  l'orge,  on  j 
fait  une  bière  très  enivrante,  Varak.  En  Assyrie,  les  Kourdes  et  les 
Yésidcs  s'enivrent  avec  le  vin,  par  mépris  pour  Mahomet. 

Dans  rinde  on  fait,  avec  le  produit  de  la  fermentation  de 
VAsclepias  acida,  un  breuvage  sucré,  qui  est  fort  en  honneur  sous 
le  nom  de  vin  de  Soma,  Dans  un  des  hymnes  du  Rig-Véda,  Indra 
est  appelé  c  buveur  de  vin  de  Soma,  lanceur  des  flèches  de  U 
foudre,  dispensateur  de  la  fécondité  des  vaches  aux  mâchoirei 
proéminentes.  » 

En  Sibérie,  on  fait  avec  la  fausse  oronge  une  liqueur,  qui,  non 
seulement  est  alcoolique,  mais  emprunte,  aux  qualités  toxi(]ues  et 
inébriantes  de  la  fausse  oronge  même,  des  propriétés  spéciales.  Il 
est  vrai  que  celte  liqueur  coule  cher  ;  mais  heureusement  pour  les 
petites  bourses  elle  est  diurétique  et,  comme  Turine  des  amateurs 
saturés  possède  absolument  les  mêmes  propriétés  que  la  liqueur 
môme  et  qu'elle  a,  parait-il,  le  même  goût,  il  se  crée,  à  côté  des 
buveurs  directs,  une  classe  inférieure  de  buveurs  au  second  degré, 
qui  trouvent  encore,  dans  ce  superflu  de  la  boisson  du  riche,  de  quoi 
s*enivrer  gratis! 

Chez  les  Tobolsk,  chez  toutes  les  populations  de  Jénisseï  Talcoo- 
lisme  est  de  règle.  Les  Tartares  Mandchoux  font  fermenter  dans 
des  jarres  un  mélange  de  viande  d'agneau  réduite  en  pâte,  de  lait 
et  de  riz,  qui,  sous  le  nom  de  lambwine,  constitue  une  liqueur 
alcoolique  fort  appréciée.  Les  Kirghiss  de  la  Caspienne  ont  leur 
lait  de  jument  ou  koumys.  Les  Tongouses  boivent  aussi  le  lait 
fermenté. 

Quant  aux  Chinois,  ils  fabriquent,  depuis  fort  longtemps,  comme 
tout  ce  qu'ils  font,  avec  le  sorgho,  un  alcool,  le  samshoo.  Ce  liquide 
est  additionné  d'une  forte  dose  d'ulcool  amylique,  qui  le  rend  dif- 
ficile à  absorl>er  en  grande  quantité.  On  raconte  même  que  le 
premier  essai  de  distillation  aurait  été  fait  sous  le  premier  empe- 
reur de  la  première  dynastie  (2217  avant  Jésus-Christ);  on  ajoute 
que  cet  empereur,  après  avoir  goûté  au  produit  de  l'alambic  et 
banni  l'inventeur,  s'écria  :  «  Voilà  une  liqueur  qui  sera  la  ruine 
de  mon  empire.  »  U  ne  connaissait  pas  encore  Topium  !  Malgré  U 
prédiction  de  l'empereur^  rien  n^est  rare  comme  de  rencontrer  un 
Chinois  en  état  d'ivresse.  On  fait  aussi  fermenter  le  riz  et  le  millet. 
Les  Chinois  ont  encore  le  tchaomien,  sorte  de  bière. 


ALCOOLISME.  f5S 

Au  Japon,  l'eau-de-vie  de  riz,  sous  le  nom  de  iaki,  n'est  pas 
moins  estimée  qu*eo  Chine. 

AFormose,  la  liqueur  de  riz  se  fabrique  au  moyen  de  la  mastica- 
tion du  riz  par  les  jeunes  femmes,qui  rejettent  dans  des  outres  le 
riz  écrasé  sous  leurs  dents  et  délayé  dans  leur  salive.  Cette  li- 
queur, qui  ne  tarde  pas  à  fermenter,  devient,  parait-il,  excellente  ! 

En  Malaisie,  l'alcool  est  très  répandu  et  Tivrognerie  ne  Test  pas 
moins  :  on  s'enivre  avec  le  bodik,  mélange  de  riz  fermenté  et  de 
wi,  c'est-à-dire  d'oignons,  de  poivre  noir  et  de  piment.  Los  Ma- 
lais ont  aussi  le  brom,  mélange  de  riz  glulineux  {kétan)  et  de  rnzi 
qu  OQ  laisse  fermenter  en  terre. 

Les  États-Unis  d'Amérique  sont  peut-être  le  pays  où  l'alcoolisme 
est  le  plus  répandu  :  le  tviskey,  eau-de-vie  de  blé,  de  seigle  et  de 
mais  y  coule  ù  flots,  dans  les  gosiers  de  toute  race  et  de  toute 
condition  sociale;  ainsi,  il  existe,  ù  New- York,  un  asile  pour  les 
ivrognes,  qu'on  ramasse  dans  la  rue  {inebHate  asylum)  ;  or,  parmi 
les  divers  passagers  de  cette  étrange  hôtellerie,  qui  se  sont  suc- 
«déen  cinq  ans,  on  trouve  : 

Minisires  prolesUnls 39 

Magistrats 8 

Négociants 40 

Médecins  (!) 226 

Genllemen  f?) 240 

Demoiselles  de  bonne  maison  (?!).  1  387 

In  autre  important  établissement,  désigné  sous  le  nom  de  Ine- 
f'riaU'^s  Homcy  est  situé  à  Fort  Hamilton  (Long  Lsland)  et  dirigé 
par  le  docteur  Lewis  Mason.  On  y  reçoit,  non  seulement  les  alcoo- 
liques dangereux,  placés  par  l'État  ou  par  leurs  familles,  mais  aussi 
un  certain  nombre  de  malades  qui  sollicitent  spontanément  leur 
entrée  dans  l'établissement. 

Le  docteur  Lewis  Mason  vient  de  publier  un  rapport  statistique 
^r  252  alcooliques  traités  dans  l'asile  de  Port  Hamilton,  du 
!•' novembre  1879  au  10  septembre  1880.  Sur  les  252  malades 
admis,  il  y  avait  44  femmes.  La  religion  des  malades  mérite  éga- 
lement une  mention.  Le  nombre  des  protestants  s'est  élevé  à  157 
et  celui  des  catholiques  à  94.  Si  l'on  tient  compte  de  la  relation 
oomérique  qui  existe  entre  les  protestants  et  les  catholiques,  on 
voit  que  l'alcoolisme  est  beaucoup  plus  fréquent  chez  ces  derniers. 
L'asile  de  Fort  Hamilton  reçoit  chaque  jour  des  malades  açv^tXfc* 


U4  LA   FAUNE    ET   LA   FLORE. 

nant  aux  professions  libérales,  des  avocats,  des  médecins,  des 
cleryymen  même,  qui  viennent  volontairement  se  soumettre  à  un 
traitement  dont  ils  comprennent  la  nécessité. 

Le  wiskcy  n'est  pas  d'ailleurs  seul  coupable,  le  brandy  (eau-de- 
vie  de  patates),  le  rhum,  le  tafia,  le  gin,  le  kirschen,  Vabsinthe, 
le  bitter,  la  bià'e  prennent  leur  part  dans  le  mélange.  En  1828,  la 
consommation  d'alcool  s'élevait,  dans  les  Etats-Unis,  à  273  mil- 
lions de  litres  et,  depuis  cette  époque,  elle  a  considérablement 
augmenté. 

Au  Mexique,  on  boit  le  rhum,  le  pulqué  fait  avec  Taloès,  la 
chica,  bière  d'ananas  et  de  maïs  ;  la  cbica  est  également  très  ré- 
pandue dans  TAmérique  centrale  ;  aux  Antilles,  on  boit  :  rhum, 
tafia,  cocoum,  etc. 

En  Bolivie,  le  maïs,  comme  le  riz  à  Formose,  est  soumis  à  la 
mastication  des  femmes,  qui  crachent  ensuite  dans  des  outres. 

Au  Brésil,  l'alcoolisme  est  rare,  bien  qu'on  n'y  consomme  pas 
mal  de  tafia  ;  mais  les  ivrognes  y  sont  rares,  et  le  docteur  Gardner 
raconte  que,  revenant  du  Brésil  et  débarquant  à  Liverpool,  il  ren- 
contra plus  d'ivrognes  en  un  seul  jour,  qu'il  n'en  avait  vu  en  cinq 
ans  au  Brésil  ! 

L'ivrognerie  décime  les  populations  de  la  Guyane  hollan- 
daise (Van  Leent).  Elles  boivent  le  dram,  rhum  de  qualité  infé- 
rieure, et  fabriquent,  en  outre,  elles-mêmes,  une  liqueur  forte,  le 
tapana.  Elles  font  mieux  :  elles  mâchent  le  pain  de  cassate  et 
le  crachent  ensuite  dans  une  auge;  on  ajoute  des  pommes  de  terre 
écrasées  et  on  laisse  fermenter.  Cette  habitude  répugnante  d'em- 
ployer les  dents  comme  meule  ou  comme  le  pilon  d'un  mortier,  et 
la  salive  comme  ferment,  est  plus  répandue  qu'on  pourrait  croire. 
Dans  le  cas  particulier  on  devine  que  la  fécule  de  pommes  déterre 
transformée  en  glucose  par  la  diastase  salivaire,  donne  plus  tard 
de  l'alcool  et  de  Tacide  carbonique. 

Au  Chili,  l'alcoolisme  fait  de  nombreuses  victimes. 

Toute  la  Polynésie  est  actuellement  ravagée  par  l'alcoolisme. 
A  l'alcool  de  patates,  que  la  plupart  des  Polynésiens  fabriquaient 
déjà,  s'ajoutent  les  mauvaises  eaux-dc-vie  apportées  par  les  Euro- 
péens ;  de  notre  civilisation  ces  pauvres  insulaires  n'ont  guère 
pris  que  l'alcoolisme. 

Le  fait  est  que  cette  maladie  n'est  nulle  part  aussi  développée 
que  dans  l'Europe  civilisée.  Depuis  l'époque  lacustre,  l'Europe 
avait- elle  perdu  la  recette  des  liqueurs  fermentées?  cela  n'est  pas 


ALCOOLISME.  4  55 

rraisemblable  ;  mais  Tengouement  fut  surtout  grand,  lorsque 
d'iœ|K)rtation  arabe,  arriva  en  Europe  au  xi*  siècle  Vaqua  vUœ, 
Plus  tard,  de  très  bonne  heure,  on  en  distribua  aux  ouvriers 
employés  dans  les  mines  de  Hongrie  ;  en  1581,  les  Anglais  s*en 
servirent  comme  d'un  cordial  pour  leurs  troupes  engagées  dans  la 
guerre  des  Pays-Bas  ;  mais  ce  n'est  qu*en  i678  que,  pour  la  pre- 
mière fois,  on  trouva  Ycau-de-vie  aiileursque  chez  les  apothicaires. 
Les  temps  ont  changé  ! 

L'alcoolisme,  en  Europe,  marche  en  quelque  sorte  progressive- 
ment du  sud  au  nord;  mais,  au  sud  comme  au  nord, il  va  chaque 
jour  en  augmentant. 

En  France,  la  consommation  de  Tcau-de-vie  était  par  an  : 

En  1728,  de 368  857  hectol. 

1828 906  357 

1840 1  088  302 

1842-46 1  475  000 

La  consommation  moyenne  était  en  France,  en  i876.  de  4  litres 
par  tête  et  par  an.  A  la  même  époque,  la  consommation  était, 
eo  Angleterre,  de  6  litres;  en  Allemagne,  de  5  litres;  en  Rusise,  de 
IO.de  12  et  même  de  20  litres  entre  1867  et  i869.  Partout  la 
progression  a  lieu:  à  Mulhouse,  les  cas  de  (k'iirium  iremens  iradés 
à  rhôpital,qui  étaient  au  nombre  de  2  en  1868,  ont  été  au  nombre 
de  37  en  1877. 

La  répartition  de  Talcoolisme  en  France,  d*après  les  caries 
dressées  par  Lunier,est  fort  digne  d'intérêt  :  dans  5  départements, 
la  consommation  (réduite  en  alcool  à  100**)  varie  entre  6,80  et 
10  litres  par  habitant;  ce  sont  la  Mayenne,  le  Calvados,  la  Sci no- 
Inférieure,  la  Somme,  l'Aisne.  6  départements  ont  une  consomma- 
tion qui  varie  entre  6,34  et  5,05  litres  d'alcool  à  lOO^*,  par  tète  et 
par  an  :  ce  sont  la  Manche,  la  Seine-et-Oise,  la  Seine,  l'Oise,  le 
Maine,  le  Pas-de-Calais.  8  consomment^  par  tète  et  par  an,  do 
4,75  à  3,30  d'alcool  à  lOO»  :  ce  sont  le  Finistère,  rille-ct-Vilainc, 
rOrne,  la  Sarthe,  l'Eure-et-Loir,  le  Nord,  les  Ardennes,  les  Vos- 
ges. 13  consomment  de  2,61  à  2,05  :  ce  sont  les  Côtes-du-Nord,  le 
Morbihan,  Seine-et-Marne,  Loiret,  Indre,  Aube,  Côte-d'Or,  Meuse, 
Meurthe-et-Moselle,  Doubs,  Var,  Corse.  27  départements  ne  con- 
somment que  de  1,84  à  1,01  :  ce  sont  la  Loirc-lnrôrieure, 
le  Maine-et-Loire,  la  Charente-Inférieure,  la  Gironde,  le  Lot-et- 
Garonne,  les  Landes,  le  Gers,  le  Loir-et-Cher,  la  HauVe-\\^uti^> 


lie  U   FAUNE    ET   U   FLOHE. 

l'Yonne,  le  Cher,  la  Nièvre,  l'Allier,  la  Haiile-Marnc,  U  RuiU- 
Sadac,  le  Jura,  la  Saûne-el- Luire,  l'Ain,  la  Loire,  la  Haule-Uiin, 
l'Isère,  TArJèche,  le  Gard,  l'Héraut,  les  Bouches-du-Rhâne, 
Vaucliisc,  les  Basses-Alpes.  Les  autres  liéparlemenls  ne  conMffi- 
oient,  parléte  et  par  an,  queO,99  à  0,37  d'alcool  à  lOO*. 

Dana  tous  ces  dé  parte  me  nls,  le  nombre  des  aliénés  «t  en  pn»- 
portioD  du  nonibre  de  litres  d'alcool  constaté  comme  étant  It 
moyenne  par  habitant;  or  ce  sont  des  départements  peu  proilae- 
teurs  de  vins,  c'as^à■di^e  où  l'on  boit  beaucoup  de  ces  alcoclt, 
sur  le  pouvoir  toxique  desquels  les  travaui  de  Ou  jardin -UeauPiett 
et  Audigé  ont  attiré  l'attention.  Les  dcparlemenls  du  Centre  «t 
du  Midi,  producteurs  de  vins,  donnent,  au  contraire,  moinsd'alié- 
nés  alcooliques.  Il  est  bon  néanmoins  de  remarquer  que  le  dépar- 
tement de  la  Marne  vient,  pour  la  fréquence  des  suicides,  aprt* 
celui  de  la  Seine  et  que,  dans  la  Marne,  le  canton  d'Aï  û;;di«u 
premier  rang. 

Il  est  permis  de  tirer  de  ces  cliilTres  cet  enseignement  utile  k 
faire  connaître  k  nos  lèjjislateurs,  qu'il  faudrait  que  lea  boiaiOiM 
saines,  telles  que  le  vin  blanc,  le  vin  rouge  naturel,  la  bière,  fin- 
sent,  autant  que  possible,  adtanchis  de  droits  i:t  d'impôts-,  il  ùa-  . 
drait,  au  contraire,  cherchera  limiter  la  fabrication  desalco^  en 
les  chargeant  des  impôts  qu'on  enlèverait  aux  autres  boissons.  Les 
alcools  toxiques  tendent,  en  eflêl,  de  jour  en  jour  davjntage  à  sa 
substituer  à  l'alcool  de  vin  et  à  s'introduire  dans  la  consom- 
Diation  journalière. 

Le  docteur  Lancereaux  estime  que,  dans  les  hOpilaui  de  hris, 
Talcoolisme  figure  pour  I/2U  de  la  mortalité.  Voici  d'ai 
quelle  est  dans  une  année  la  consommation  d'alcool,  pour  Putt 
seulement  : 

I8i5-I»30 


lg*»-t«SO , 

18BI-I  SU ISO  0(7 

Soit,  par  lial)jt»nt,  une  progreMiou  dt. 


G9U7I 

lie 

71  SIS 

StSÎS 

iDTei 

16100 

S0  0i7 

t.        8 

00 

a 

7* 

10 

IS 

ALCnûLlSMK.  157 

Une  faudrait  pas  croire  (^ne  l'alcoolisme  ii'ap[)artienne  (ju  aux 
classes  ignorantes  et  regardées  par  quelques  personnes  comme 
ioiérieares  !  Non  ;  les  classes  prétendues  dirigeantes  payent  à 
l'ikoolisme  un  tribut  proportionnel  à  leurs  moyens  :  parmi  les 
nctimes  de  Palcoolisme,  Morel  mettait  en  première  ligne  les  petits 
fCDtiers;puis  les  ofGciers,  les  négociants  en  spiritueux,  les  auber- 
gistes, les  médecins  et  les  instituteurs,  enfin,  sur  un  même  rang, 
les  douaniers,  les  prêtres,  les  avocats,  les  pharmaciens  et  les 
libraires.  La  statistique  anglaise  montre  que  les  professions  où  la 
niort  par  alcoolisme  est  la  plus  frcquente  sont  celles  de  cocher 
et  de  marchand  de  spiritueux,  Tacheteur  et  le  vendeur,  consom- 
mateurs Tun  et  l'autre  ! 

En  Suisse,  les  médecins  estiment  que  Talcool  tue  plus  de  gens 
ijoe  ne  font  les  fièvres,  les  pleurésies  et  toutes  les  maladies  les 
plus  perfides  et  les  plus  meurtrières.  La  quantité  d'eau-de-vie  con- 
sommée dans  les  22  cantons  peut  être  évaluée  à  7  litres  par  an 
poor  chaque  habitant.  La  consommation  de  la  bière  et  du 
Tin  atteint  le  chiflrc  annuel  de  120  à  200  litres  par  personne.  En 
^éoéral,  l'eau-de-vie  et  les  vins  sont  r()bjet  de  sophistications 
^lorabies;  Teau-dc-vie  est  extraite,  le  plus  souvent,  des  pommes 
dp  terre.  Los  données  statistiques  font  défaut  pour  établir  le 
chiffre  proportionnel  des  aliénations  mentales,  du  délirium 
treincn<ï,  des  décès  par  le  fait  de  Tabus  des  boissons  alcooli- 
qoes. 

En  Angleterre,  le  mal  est  pire  encore.  —  Il  ne  date  pas  d'au- 
joord'hui,  car,  en  177i,  la  vente  de  l'alcool  était  déjà  devenue  tel- 
lement considérable  à  Londres,  que  le  Parlement  dut  Tinlerdire  ; 
cequin*empècha  pas  qu*cn  1751  les  débitants  mettaient  encore 
sur  leur  enseigne  :  a  Pour  1  penny  on  peut  s'enivrer,  pour  4  pence 
on  peut  devenir  ivre-mort  et  Ton  a  droit  à  la  paille l  »  On  s'est 
^uréqu'à  Londres, dit  Cruveilhicr,  Tabusdes  liqueurs  fortes  f'ai- 
»il,  chaque  année,  50000  victimes.  Ce  chiffre  est  actuellement  in- 
férieur à  la  réalité.  Aujourd'hui  TÉcosse,  à  elle  seule,  fabrique 
par  an  et  consomme  TiOG  063  hectolitres  d'alcool. 

Quelques  chiffres  vont  nous  montrer  Tétat  comparatif  de  l'An- 
gleterre et  de  la  France,  sous  le  rapport  de  l'alcoolisme.  Il  s'agit 
des  morts,  par  alcoolisme  aigu,  dansTarmcc. 

En  France,  ce  nombre  et  de  0,027  pour  1  000  hommes  d'ef- 
fectif; en  Angleterre,  il  est  de  0,13  pour  1  000  hommes  d'effectif. 
Il  est  curieux  de  voir  ce  que  devient  ce  chiffre  O^i'^i  V*^uv  V  Q^ 


158  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

qui  représente  la  mortalité  par  alcoolisme  aigu  dans  Tarmée,  en 
Angleterre,  lorsqu*on  met  cette  armée  dans  les  colonies. 

Dans  la  Méditerranée,  ce  thifire  devient  0^18,  toujours  pour 
1 000  hommes  d^eftectif. 

Dans  rinde.  - 0 .  53 

Sainte-Hélène 0.64 

En  Chine o.84 

Aux   Anliiles 1.38 

A  Ceylan 1.54 

Aux  Bermudes i.46 

On  voit  que  les  dangers  de  l'alcool  augmentent  dans  les  pays 
chauds. 

En  Russie,  Talcoolisme  est  extrêmement  développé.  Déjà, 
en  1764,  Saint-Pétersbourg  perdait  annuellement  635  individus 
par  reau-dc-vie;  depuis  lors  cela  n'a  fait  qu'augmenter,  et  le 
iklirium  trnnens  est  extrêmement  fréquent  chez  les  Cosaques.  De 
Tourquédef  porte  à  plus  de  i 00  000,  par  an,  le  nombre  des  vic- 
times de  Talcool  en  Russie. 

En  Allemagne,  plus  de  45  000  individus  meurent,  chaque 
année,  d'alcoolisme,  et  dans  le  Zollverein  allemand,  on  consomme 
annuellement  360  millions  de  quarts  d'eau-de-vie,  c'est-à-dire 
JO  litres  par  individu,  en  moyenne. 

Divers  journaux  ont  parlé  récemment  du  projet  de  loi  déposé 
au  Reichstag  par  le  chancelier,  tendant  à  une  répression  plus 
rigoureuse  de  l'ivrognerie  ;  il  n'est  pas  sans  intérêt  de  mentionner 
les  résultats  publiés  par  la  préfecture  de  police  de  Berlin,  au  sujet 
du  nombre  des  individus  arrêtés  dans  cette  ville  pendant  Tan- 
née 1880.  Le  nombre  des  individus  arrêtés  pour  cause  d'ivresse 
s'est  élevé  à  7  895  (7  313  hommes  et  582  femmes)  :  6  267  ont  été 
mis  en  liberté  aussitôt  que  leur  ivresse  était  dissipée  ;  980  ont  été 
mis  sous  la  surveillance  de  la  police  pour  cause  de  mendicité  et 
de  vagabondage  ;  648  ont  été  envoyés  devant  la  juridiction  cor- 
rectionnelle et  condamnés  à  raison  de  délits  ou  contraventions. 
Parmi  les  hommes  arrêtés  407  étaient  âgés  de  moins  de  18  ans, 
2  575  avaient  de  1 8  à  20  ans,  2  201  de  30  à  40  ans,  1  364  de  40  à 
50  ans,  766  avaient  plus  de  50  ans.  Quant  aux  femmes,  12  étaient 
âgées  de  moins  de  18  ans,  110  avaient  de  18  à  30  ans,  174  de 
30  à  40  ans,  161  de  40  à  50  ans,  125  avaient  plus  de  50  ans. 

La  Suède,  en  sa  qualité  de  pays  septentrional,  présente  le 


ALCOOLISME.  159 

m.nimuni  de  l'alcoolisme  :  depuis  Gustave  III,  la  progression  a 
toujours  été  croissant.  Voici  quelques  chiffres  qui  représentent 
la  consommation  annuelle  * 

1786 10  800  000  litres. 

1831 44  000  000 

1837 57  000  000 

1876 200  000  000 

Ce  qui  donne,  pour  chaque  habitant  et  par  an,  une  moyenne  de 
^  à  iOO  litres. 

L'alcool  se  boit  en  Europe  sous  toutes  les  formes  possibles;  la 
Kule  production  de  la  bière,  qui  n'est  pas  la  façon  la  plus  anodine 
de  s'alcooliser,  car  on  en  boit  facilement  beaucoup,  donnera  une 
idée  des  facilités  croissantes  de  l'alcoolisme. 

Voici,  par  exemple,  d'après  le  Journal  of  applied  science,  quels 
sont  les  chiffres  approximatifs  de  la  production  de  1876  : 

Nombre    Coasomma- 
Hectolitres.  de        tion  en  litres 

brasseries,    par  tète. 

Grande-Bretagne 47  000  000  26  214  143 

Allemagne 40187  700  23  940  94 

ÉUU-Unis 14978800  3  293  88 

Autriche 12176900  2448  34 

Belgique 7  942  000  2  500  149 

France 7  370  000  3100  21 

Russie 2210  000  460  3 

Hollande 1525  000  560  41 

Danemark 1100  000  240  59 

Suède 900000  »  23 

Suisse 750  000  400  28 

Norwège 650  000  »  37 

Luxembourg 50  800  26  23 

Sur  les  23  940  brasseries  de  TÂllemagne,  la  Bavière  en  compte, 
à  elle  seule,  6  524,  qui,  en  1878,  ont  fabriqué  12  442272  hecto- 
litres, ce  qui  par  tète  d'habitant  représente  l'énorme  consomma- 
tion de  2C^  litres  ;  ce  pays,  d'ailleurs,  fait  une  exportation  très 
importante,  qui,  en  1876,  ne  s'est  pas  élevée  à  moins  de  267  651  hec- 
tolitres. 

La  France,  qui  fabrique  deux  qualités  de  bière,  la  forte  et  la 
petite f  a  vu  également  sa  production  augmenter,  puisque  de 
3  W9W&  heeioMtres  qu'elle  était  en  1842,  elle  s'est  è\eièt,  ^n 


100  L\    FAUNE    ET    LA    FLOHK. 

1870,  à  7  370  000.   Ost  rAlIcmagnc  et  rAngleterro  qui  y  im- 
portent le  plus;  le  chiffre  de  cette  importation  était,  en  1864, 
de  41 141  hectolitres,  dont  plus  de  moitié  de  bière  allemande. 
L.'ale*«llsaie9  eaase  4r  déj^aéreseesce  sociale.  ^-  Les 

détails  dans  lesquels  je  viens  d'entrer  n'auraient  qu'un  intérêt 
secondaire,  si  l'alcoolisme  n'était,  ainsi  que  je  le  montrerai 
dans  i]n«*  autre  partie  de  ce  livre,  un  puissant  facteur  de  dégc- 
nérescrnce.  Il  engendre  la  phthisie  (Magnus  Huss},  cause  elle- 
même,  et  fort  importante,  de  dégénérescence;  il  est,  déplus,  une 
des  grandes  causes  de  la  criminalité  et  de  Paliénation.  Les  statis- 
tiques de  Morel  lui  ont,  en  eilet,  permis  de  traduire  comme  suit 
la  descendance  probable  des  alcoolitiues  : 

1»  (îénéralion  :  alcoolisme; 

*J*»  Génération  :  manie  —  paralysie  générale; 

3"  Génération  :  suicide,  —  épilepsie,  —  homicide,  —  crimi- 
nalitr  : 

4"  (irnération  :  idiotisme,  —  stupidité,  —  extinction  de  la 
race . 

Les  prisons  et  les  asiles  se  disputent  les  alcooliques  et  leurs 
trisU's  «icsrendants.  Les  preuves  de  cette  affirmation  se  montrent 
de  jour  eu  jour  plus  nombreuses.  De  I82G  à  IS'i.'i,  on  reyut,  à 
CbarenlDU,  1  :).*>7  aliénés  dont  S.Tf  alcooliques.  Morel  a  calculé 
qu'à  celte  épocjue,  sur  1  000  aliénés,  il  y  en  avait  200  chez  les- 
quels la  folie  était  due  à  Tabus  des  spiritueux.  —  Depuis  lors  la 
pro|u»rtion  des  alcooliques  a  été  sans  cesse  en  auiimentant;  elle 
étail  : 

En  \H'M) 13,f>i  0.  0 

is:i7 14,9; 

IS.iS 20, Oi) 

18:i9 !9,'iii 

iHi;o ii.io 

ISG! 25,S0 

Contnr  un  pareil  état  de  choses  on  n'a  pas  manqué  de  cher- 
cher à  prendre  des  mesures,  mais  jusqu'ici  cela  a  été  en  vain.  — 
Des  sociétés  philanthropiques,  qui,  comme  tout  ce  qui  dépend  en 
Angleterre  de  l'initiative  privée,  disposent  de  capitaux  impor- 
tants, ont  fondé  à  Londres,  sous  le  nom  de  Dninknrds'  Homcf, 
des  Hiaisons  destinées  à  recevoir  les  buveurs,  qui  veulent  bien 
consentir  à  être  corrigés  de  force,  en  se  confiant  aux  soins  d'un 


ÉTHÉRISME.  161 

médecin  ou  d'une  doctoresse,  dont  la  spécialité  est  de  recevoir  et 
de  traiter  les  buveurs.  Pour  entrer  dans  ces  maisons  de  détention 
foloataire,  le  buveur  doit  déclarer,  dans  une  requête  écrite,  signée 
de  sa  main,  sa  volonté  rie  demeurer  en  asile  pour  un  temps  spé- 
eiûé  par  lui-même  et  (\\ii  ne  peut  cicéder  douze  mois.  —  Aux 
Etats-Unis,  ces  établissements  existent  depuis  plus  de  vingt  ans. 
A  Chicago,  d'après  une  étude  de  Berlhelot  sur  les  maisons  pour 
buveurs  habituels,  rétablissement  connu  sous  le  nom  de  Washing- 
km-House  contient  70  pensionnaires.  F*endant  les  quatre  der- 
nières années,  sur  i  104  buveurs  traités,  406  seulement  ont  réci- 
difé.  Sur  27.'^  malades  admis  en  1878.  tous,  excepté  18,  ont  été 
reconnus  comme  devenus  sobres.  A  merveille  !  mais  lo  difficile,  en 
semblable  matière,  me  semble  moins  de  guérir  que  de  former  le 
dessein  de  s'enfermer  volontairement  pour  guérir.  Le  vouloir  c'est 
rètre  déjày  en  quelque  sorte  !  M.  Berlhelot  se  demande  s'il  ne 
serait  pas  opportun  de  créer  en  France  des  maisons  analogues? 
IV>ur  ma  part  j'en  doute  un  peu. 

§    10.    ÉTHÉRISME. 

Bien  près  de  l'alcoolisme,  quoique  au-dessous,  comme  fré- 
quence, il  faut  placer  l'abus  de  Téther.  Les  ministres  du  culte 
catholique,  tout-puissants  en  Irlande,  ont  fait  une  campagne 
contre  Falcool  et  je  ne  saurais  les  désapprouver  ;  mais  ils  n'a- 
vaient pas  parlé  de  Tétlier  !  La  casuistique  alcoolique  a  donc  rem- 
placé Palcool  par  l'éther;  le  respect  de  la  religion  était  sauvé 
et  la  raison  s'égare  aussi  bien  qu'avec  l'alcool.  C'est  notam- 
ment, parait-il,  après  la  mission  de  tempérance  du  P.  Mathews 
^\ï(i\c  whisky j  le  ginn  furent  remplacés  par  l'éther.  Aujourd'hui 
même  les  paysans  boivent  de  l'éther  et  un  journal  racontait 
récemment  que,  les  jours  de  marché,  la  petite  ville  de  Drapen-town 
eihalait  une  forte  odeur  d'éther.  Les  dames  élégantes  se  mettent 
elles-mêmes  à  l'éther  et  il  n*est  pas  rare,  sur  les  promenades  pu- 
bliques, notamment  sur  le  gazon  de  Hyde-Park,  de  voir  une  main 
finement  gantée  jeter  furtivement,  par  la  portière  d'un  élégant 
Undaa,le  flacon  d'éther,  que  vient  de  vider  l'anémique  et  névropa- 
thiqne  promeneuse,  mollement  couchée  au  fond  de  la  voiture. 


GiOOJI.  MÉD,  IV 


162  LA  FAUNE  ET  LA  FLORE. 

§11.  COCA,  COCAÏSME. 

La  passion  que  la  plupart  des  hommes  ont  pour  Talcool,  quel- 
ques-uns Tont  pour  les  feuilles  de  VErythroxylum  coca  ou  cocaiett 
vulgairement  la  cocct. 

Histoire  et  géographie  de  la  eoea.  —  Lorsque  Pizarre 
détruisit  Tcmpire  des  Incas,  les  cocales^  où  était  cultivée  la  coca, 
étaient  lo  privilège  des  grands  et  des  prêtres,  qui  seuls  avaient  le 
droit  d'exploiter  la  précieuse  plante.  Parmi  tous  les  débris  des 
ruines  qu'ils  avaient  faites  et  au  milieu  desquels  ils  cherchaient 
la  richesse,  les  Espagnols  n'oublièrent  pas  la  coca.  Cest  sous 
forme  de  ses  feuilles  qu^une  partie  de  Timpôt  fut  pendant  long- 
temps pa}'ée  aui  vainqueurs.  D'après  un  métis  de  la  preroiè'e 
génération  (Garcillasso  de  la  Vega),  les  revenus  de  Févèque 
et  des  chanoines  de  la  cathédrale  de  Cusco  provenaient  de  la 
(lime  de  ces  fouilles.  Il  ajoute  que  plusieurs  Espagnols  faisaient 
(le  son  temps,  à  ce  commerce,  des  fortunes  considérables.  La 
renommée  de  la  plante  lit  du  reste  de  rapides  progrès,  il  ne  lui 
manqua  même  pas  le  sceau  de  la  persécution  religieuse.  En 
dépit  des  obstacles  de  tout  genre,  le  commerce  des  feuilles  de  coca 
est  encore  considérable  et  la  récolte  est  évaluée  aujourdliui  à 
2o  millions  par  an.  En  1850,  le  gouvernement  de  Bolivie  n'a  pas 
retiré  des  droits  sur  la  coca  moins  de  900  000  francs  ;  en  1839, 
ce  chiflrc  atteignait  i  500  000  francs.  C'était  plus  que  pour  le 
quinquina,  qui  ne  rapportait  à  la  même  époque^  au  même  pays, 
que  710  (K)0  francs  et  que  pour  le  sucre  et  Pcau-de-vie,  qui  ne 
rapportaient  que  1  370  0(M)  francs. 

Quelle  était  donc  Timportance  de  cette  plante  presque  sacrée? 
Il  en  était  de  la  coca  comme  chez  nous  aujourd'hui  du  tabac. 
C'était  une  habitude  invétérée,  source  lucrative  de  revenus  pour 
leslncas  et,  à  Tinverse  du  tabac,  c'était  une  habitude  utile. 

La  manière  d'employer  la  feuille  était  et  est  encore,  chez  les 
Indiens,  de  la  chiquer  (acuUcar).  L'Indien  porte  dans  sa  ckuspa, 
sorte  de  sac,  un  certain  nombre  de  feuilles  séchées  au  soleil  ; 
après  avoir  enlevé  la  nervure  médiane  de  ces  feuilles,  il  en  prend 
un  certain  nombre,  qu'il  roule  en  forme  de  boulette,  au  centre  de 
laquelle  il  a  déposé  une  autre  substance,  la  llipta;  il  insinue  le 
tout  entre  la  joue  et  les  dents,  par  un  geste  chez  nous  familier 
aux  gens  qui  chiquent  le  tabac.  Cette  llipta,  qui  s'unit  à  la  coca 


COCA,    COCAÏSME.  )68 

pour  constituer  la  chique,  n^est  autre  qu'un  composé  alcalin, queU 
quefûiâ  de  la  chaux;  on  y  trouve  parfois  du  carbonate  de  calcium, 
de  magnésium,  du  bicarbonate  de  potassium,  des  sulfates  et  des 
chlorures  alcalins,  des  phosphates  alcalino-terreux.  C'est,  en  un 
mot,  la  cendre  de  certaines  plantes,  qu'on  fait  brûler ;à  cet  effet, 
le  Chenopodinm  chinoa,  dont  on  brûle  la  tige,  et  le  bananier, 
dont  on  brûle  les  feuilles.  Cela  rappelle  donc  un  peu  le  bétel. iTout 
eo  chiquant  l'Indien  avale  sa  salive  ;  quand  la  boulette  a  perdu 
ce  qu'on  regarde  comme  ses  qualités,  on  en  fait  une  autre  et 
ainsi  de  suite.  En  somme,  jour  et  nuit,  l'Indien  a  de  la  coca  dans 
!4  bouche  et  il  en  consomme  ainsi  de  28  à  42  grammes  par  jour 
(Gossei.  Il  ne  s'embarque  pas  pour  la  montagne  ou  pour  une  Ion» 
?iie  marche  sans  sa  coca,  pas  plus  que  le  paysan  de  Styrie  sans  un 
peu  d'arsenic,  et  il  marche  ainsi  sans  nourriture  et  sans  fatigue. 
Sans  la  précieuse  Veuille  qui  ne  le  quitte  pas,  il  ne  pounait  pas, 
dit-il,  affronter  le  sorockf.  Les  voyageurs  contemporains  ont  con- 
staté que  leurs  guides,  dans  les  Andes,  faisaient  de  prodigieuses 
courses  presque  sans  manger,  mais  en  ne  cessant  de  mâcher  la 
coca.  L'Indien  fait  tSO  kilomètres  par  jour  en  mâchant  la  coca, 
MUS  aliment  ;  i4  grammes  de  feuilles  par  jour  lui  permettent  de 
rester  5  jours  sans  manger.  Il  en  résulte  que  l'achat  de  la  feuille 
est  la  grande  dépense  de  l'Indien.  Des  Page  de  dix  ans,  il  com- 
mence à  s'en  procurer;  il  en  dérobe  à  son  père  ;  plus  lard,  il  en 
achète  et  ne  cesse  plus  désormais  de  acuUcar.  Les  fcnïmes  ne  so 
mettent  à  la  coca  que  lorsqu'elles  sont  vieilles.  On  voit  que  lo 
roquera,  c'est  le  nom  du  consommateur  de  coca,  a  plus  d'un  rap» 
port  avec  l'amateur  européen  de  tabac.  Une  exception  cependant 
relative  à  la  vertu  des  feuilles  déjà  mâchées  :  on  assure  que  ce 
que  nous  nommerions  chez  nous  les  vieilles  chiques  passe  pour  un 
précieux  talisman,  et  qu'il  est  commun  de  rencontrer  un  véritable 
amas  de  chiques,  dans  les  lieux  où  l'on  désire,  comme  dans  les 
mines  qu^on  commence  à  explorer,  attirer  l'attention  de  la  Divinité. 

Telles  furent  presque  jusqu'à  notre  époque  les  seules  données 
qu'on  possédât  sur  X Erythroxylum  coca.  Cela  passait  pour  un 
moyen  populaire  dans  l'Amérique  tropicale  de  calmer  la  faim  et 
de  vivre  plusieurs  jours  sans  manger:  On  chique  la  coca  dans  tout 
le  Pérou,  en  Bolivie,  à  la  Nouvelle-Grenade,  à  l'Equateur  et  dans 
quelques  provinces  du  Brésil. 

Coatpositloii  de  la  eoea.  —  Il  nous  reste  à  entendre  la  dé- 
positicm  de  la  science  moderne. 


164  LA   FAUNE   ET   LA  FLORE. 

En  1853,  le  docteur  Weddel  crut  trouver,  dans  la  coca,  un  prin- 
cipe analogue  à  la  théine  ;  en  1857^  un  chimiste  irlandais,  établi  à 
Salta  (Confédération  Argentine),  availcruy  reconnaître  unprin' 
cipe  analogue  à  la  caféine.  C'est  en  4859  que  Niemann,de  Vienne, 
d  qui  Wohler,  de  GOttingcn, avait  remis  un  échantillon  de  coca 
envoyé  par  le  docteur  Scherzer,  isola  \airocaine.  Deux  autres  alca- 
loïdes ont  été  trouvés,  Wrtjonincei  Vhytjrine, 

Action  physiologique.  —  Lorsqu*on  màche  la  feuille  de 
TErythroxylun),  la  salive  devient  jaune,  abondante;  on  ressent 
d'abord  quelque  chose  d'analogue  à  Tarome  du  thé,  puis  un  goût 
sui  gencvis,  bientôt  suivi  d'une  saveur  huileuse,  amère  et  astrin- 
gente. Au  bout  de  quelques  minutes,  Fastringence  domine  et  la 
salive  devient  moins  abondante.  Lorsqu'on  a  mâché  la  feuille  de- 
puis quinze,  vingt  minutes,  elle  a  perdu  son  goût  :  on  éprouve  dans 
toute  la  bouche  et  dans  l'estomac,  si  on  a  avalé  la  salive,  une 
.K-nsation  de  chaleur.  La  muqueuse  buccale  est  devenue  insensi- 
ble et  ne  perçoit  plus  le  contact  de  la  pointe  de  la  langue  (Gazeau); 
le  pharynx  est  rouge.  La  cocaïne  cristallisée,  déposée  sur  la  lan- 
gue, rend  également  insensible  le  point  de  cette  muqueuse,  qu  elle 
a  touché  'tiazeau). 

Il  était  intéiessant  de  rechercher  l'origine  de  cet  usage,qui  con- 
siste à  associer  à  la  coca  la  llipta  alcaline.  Demarlc  a  mélangé 
avec  la  coca  les  diverses  substances  alcalines  que  l'analyse  a  fait 
reconnaître  dans  la  llipta  et  il  s'est  assuré  sur  lui-même  quo  les 
sensations  perçues  par  la  langue  sont  alors  portées  à  Textrénie, 
surtout  avec  la  potasse,  la  soude  et  la  chaux.  Gazeau  a  constaté 
qu^en  ajoutant  à  la  feuille  une  petite  quantité  de  soude,  le  besoin 
de  cracher  était  beaucoup  moins  violent  et  Todeur  de  la  salive 
recueillie  beaucoup  plus  prononcé.  Le  rouleau  de  feuilles,  qu'il 
avait  mâché  depuis  un  certain  temps,  n'offrait  plus  aucune  odeur 
de  coca,  contrairement  à  ce  qu'on  observe  lorS(|u'on  mâche,  pen- 
dant le  même  temps,  une  même  quantité  de  feuilles  sans  llipta, 
ce  qui  ferait  penser  que  la  soude  a  servi  ici  à  mieux  épuiser  la 
feuille.  Cet  observateur  pense  donc  que  l'usage  de  la  llipta  pour- 
rait s'expliquer  ainsi  :  la  salive  dissout  les  principes  de  la  coca, 
parmi  lesquels  un  sel  de  cocaïne,  qui,  se  trouvant  en  présence 
d'un  alcali,  se  décomposerait,  en  abandonnant  la  cocaïne  ainsi 
mise  en  liberté.  Les  sujets  de  Huanco-Capac  faisaient  donc,  sans 
le  savoir,  de  la  chimie  expérimentale.  En  ajoutant  à  la  feuille  un 
acide,  on  ne  perçoit  plus  aucun  goût. 


COCA,    COCAÎSME.  165 

^insensibilité  observée  sur  la  muqueuse  buccale  gagnerait, 
d'après  Gazeau,  la  muqueuse  de  Testomac  et  expliquerait  la  dimi- 
nation  ou  Tabolitiondu  sentiment  de  la  faim,  sous  Pinfluence  de  la 
coca.  Cette  suppression  de  la  faim  aurait,  en  outre,  pour  cause, 
la  chute  dans  l'estomac  d*une  grande  quantité  de  salive,  qui  \  Ta- 
Toriserait  du  reste  l'absorption  rapide  de  toute  substance  alimen- 
taire, qui  pourrait  y  être  introduite.  Or  à  ce  dernier  titre  doit 
figurer,  il  est  vrai  comme  très  faible  appoint,  le  déficit  entre  le 
poids  de  la  feuille  avant  la  mastication  et  celui  qu'elle  présente  en 
»rtant  de  la  bouche  :  Gazeau  mâche  pendant  vingt  minutes  un 
poids  de  feuilles  égal  à  1^,66.  Lorsque  cette  quantité  fut  sortie  de 
la  bouche  et  réduite,  dans  rétuvc,  au  même  état  hygrométrique 
^0  avant  l'expérience,  elle  ne  pesait  plus  que  que  0s,80.  Le  poids 
de  la  salive  recueillie,  mais  que  d'habitude  on  déglutit,  était  de 
37  grammes.  Avec  une  llipta,  le  poids  de  la  salive,  pour  la  môme 
quantité  de  feuilles,  n'est  plus  que  de  27  grammes. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  était  intéressant  de  faire  porter  Texpérimen- 
tation  sur  les  propriétés  nutritives  dont  cette  plante  a  paru  douée 
(lès  le  début  à  la  plupart  des  observateurs  :  l'apparence  au  moins 
(Je  ces  propriétés  a  été  constatée  à  toutes  les  époques  et  par  tout 
le  monde.  En  178i,  ainsi  que  je  Tai  dit  plus  haut  à  propos  du 
mal  des  montagnes,  au  siège  de  la  Paz,  oîi  les  Péruviens  révoltés 
tinrent  pendant  plusieurs  mois  leurs  dominateurs  bloqués,   la 
mortalité,  qui  fut  terrible,  n'épargna,  dit  Unanue,  que  ceux  des 
assiégés  qui  avaient  des  provisions  de  coca.  Les  corps  d^arniée  ne 
résistaient  à  leurs  longues  et  pénibles  marches  dans  les  Andes, 
qQ*à  proportion  de  la  quantité  de  coca  dont  étaient  approvision- 
nés les  soldats.  Scherzer  cite  un  Indien  qui  faisait  trente  lieues 
par  jour  en  ne  mangeant  que  quelques  grains  de  maïs  rijtis;  il  chi- 
quait 4  grammes  de  coca  par  jour.  IJnanue,  qui  cite  ces  faits,  s'em- 
presse dtinc  de  regarder  la  coca  comme  le  tonique  par  excellence 
{architonico)  du  système  nerveux;  Montegazza  la  regarde  comme 
on  aliment  nerveux,  à  action  puissante  sur  le  cœur.  Bologncsi 
dit  qu'elle  provoque  des  congestions  terribles  avec  vomissements. 
Enfin  raep|)ig  la  compare  à  Popium ,  Tschudy  au  datura,  et  Mon- 
tegazza au  hachisch. 

11  est  nécessaire,  au  milieu  de  tant  d'opinions  disparates,  de 
tenir  compte  des  doses.  Dans  tous  les  cas,  il  est  bon  de  remarquer, 
iTant  de  conclure  au  pouvoir  alimentaire  de  la  coca,  que>dcPavU 
de  tons  les  soyageurs,  les  ladicnsqui  n'ont  fait  peudanl  utvf^ex^ 


166  LA   FAUNE   ET  LA   FLORE. 

pédition  que  chiquer  la  coca,  n'en  mangent  pas  moins  avec  vora- 
cité, sitôt  que  la  possibilité  de  le  faire  se  présente. 

Avec  une  petite  dose  de  poudre,  Gazeau  a  observé  sur  !ui- 
tnème  un  accroissement  de  vigueur  physique  et  morale;  son  som- 
meil était,  dit-il,  peut-être  moins  facile  qu'à  l'ordinaire;  la  plu- 
|>art  des  observateurs,  Weddel  entre  autres,  ont  du  reste  noté 
Tinsomnic;  on  a  quelquefois  observé  de  la  diarrhée;  avec  une 
dose  plus  forte  (20  grammes  de  poudre  par  jour),  Gazeau  a  res- 
senti de  la  faiblesse  générale  au  bout  de  deux  jours.  Se  soumet* 
tant, alors  qu'il  prenait  de  lacoca,à  une  alimentation  insuffisante, 
il  dit  n'avoir  pas  éprouvé  le  sentiment  de  la  défaillance,  qui  se  fait 
sentir  en  pareil  cas. 

D'après  les  recherches  de  cet  observateur  sur  Turcc,  Télimioa- 
tion  de  ce  dernier  corps  serait  augmentée.  En  comparant  deux 
périodes  de  dix  jours  chacune,  où  la  coca  était  prise  chaque  jour 
dans  Tune  et  supprimée  dans  l'autre,  il  est  arrivé  à  ce  résultat  : 
que  la  moyenne  d'urine  par  jour  (sans  coca)  étant  de  1  36U,75, 
la  moyenne  (avec  coca)  est  de  i  7488,73.  La  coca  est  donc  on  diu- 
rétique;  d'a[»rès   Morino   y  Maïz,  elle   s'élimine  par   l'urine. 
Gazc^au^  dosant  l'urée,  est  arrivé  à  ce  résultat  :  que  la  moyenne 
totale  de  Turéo  éliminée  pendant  dix  jours  (sans  coca)  a  été  de 
21,43  et  de  23,80  (avec  coca).  La  coca  active  donc  réliminalion 
de  l'urée.  11  est  bon,  cependant,  de  se  mettre  en  garde  contre 
ce  fait  :  que  la  quantité  moyenne  d'urée,  non  pas  d'une  manière 
absolue,  mais  p«iur  \  000  grammes  d'urine,  est  plus  faible  avec 
la  coca  que  sans  la  coca  :  i 5,935  pour  1  000  (sans  coca)  et 
13,89  pour  i  000  (avec  coca).  C'est  là  un  fait  qui  appelle  de  nou- 
velles expériences.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'urée,  absolument  parlant, 
a  augmenté  sous  l'influence  de  la  coca.  Le  poids  du  corps  a  éga- 
lement diminué  ((Jazeau).  Morino  y  Maïz,  Gazeau  et  plusieurs  au- 
tres expérimentateurs  ont  soumis  des  animaux  à  l'inanition  avec 
ou  sans  coca.  Dans  toutes  les  expériences  (rats,  oiseaux),  l'animal 
qui  était  soumis  à  la  coca,  mourait  avant  celui  qui  n'avait  pas 
eu  de  coca  ;  pesés  avant  l'expérience  et  après  leur  mort,  les  ani- 
maux soumis  à  la  coca  avaient  perdu  plus  de  leur  poids  que  les 
autres  (Morino  y  Maïz,  Gazeau).  H  semble  donc  difficile  d'admet* 
trc  que  la  coca  soit  un  aliment  :  les  théologiens  avaient  raison. 
Car  cette  question  de  pure  biologie  expérimentale  avait  été  sinon 
étudiée,  au  moins  résolue  par  eux  au  xvii«  siècle.  Il  s^agissait  de 
savoir  si  la  coca  est  un  aliment  ;  mais  ce  n'était  pas  au  point  de  Tue 


COCA,    COCAÏSME.  167 

et  dansTintérét  des  mineurs  des  Andes,  qui  s'en  servent,  comme 
les  mineurs  de  Charieroi  prennent  le  café  ;  le  but  de  cette  curio- 
sité scientinque  était  de  permettre  ou  de  prohiber  la  coca  avant 
la  communion.  Le  P.  don  Alonzo  de  la  Pina  Monténégro  avait 
pris  le  boa  parti  :  il  avait  déclaré  que  la  coca  ne  contient  aucun 
priDcipe  alimentaire. 

Afin  d'expliquer  cependant  comment  on  peut  supporter  quelque 
temps  la  privation  de  nourriture  avec  le  secours  de  la  coca,  Schultz 
etBœker  ont  imaginé  la  théorie  des  agents  d'épargne,  qui  depuis 
a  Tait  fortune.  A  en  croire  les  résultats  de  Gazeau,  l'organisme 
serait  cependant  loin  de  faire  des  épargnes  :  il  y  aurait  au  con- 
traire accroissement  des  métamorphoses  des  matières  azotées  ;  il 
Y  aurait  suractivité  de  la  combustion  ;  le  coquero  produirait  de  la 
force,  mais  en  somme  à  ses  dépens.  Montegazza  disait,  se  bornant 
à  décrire  ce  qu'il  avait  vu,  au  moyen  d'une  image  :  f  11  semble 
qu'une  nouvelle  force  s'introduise  directement  dans  notre  orga- 
nisme et  dans  tous  les  pores,  comme  Teau  dans  une  éponge.  » 
Gazeau,  avec  une  assez  forte  dose  de  coca,  a  éprouvé  une  lé- 
icre  ezcitation  cardiaque  et  une  petite  élévation  de  la  tempéra- 
ture. Pour  Montegazza,  Texcitation  cardiaque,  sous  Tinfluence  de 
la  coca,  est  très  marquée.  Représentant  en  chiffres  Texcitation 
(iéterminée  par  l'ingestion  d'eau  chaude  et  de  divers  stimulants, 
ii  exprime. sa  pensée  par  le  tableau  suivant  : 

Eau  chaude 89,8 

Thé 40,6 

Café 70,0 

Cacao 87,0 

Maté 106,2 

Coca 1 59,0 

On  voit  que  la  coca  serait,  pour  lui,  de  beaucoup  à  la  tète  des 
excitants.  D'après  Morino  y  Maîz,  le  café  augmenterait  davantage 
la  tension  artérielle.  Cette  stimulation  générale  se  traduit,  d'a- 
près lui,  chez  les  animaux  qu'il  a  observés  (cobayes),  par  des 
convulsions  tétaniques  spontanées,  de  la  dilatation  pupillaire, 
phénomènes  de  strychnisme,  qui  seraient  assez  en  rapport  avec 
une  surcharge  de  force  médullaire.  Jolyet  a  observé  chez  les  gre- 
nouilles une  diminution  de  la  motilité  ainsi  que  la  perte  du 
pouvoir  coordinateur  et  de  la  sensibilité. 

MoDiegazza  est  à  peu  près  le  seul  observateur  (\u\  ùl  Va^NaX^ 


168  LA  FAUNE   ET   LA  FLORE. 

sur  les  phénomènes  d'excitation  cérébrale  consécutifs  à  une  forte 
dose,  lia  éprouvé,  après  avoir  mâché  60  grammes  de  feuilles  en 
quelques  heures,  des  hallucinations  diverses  et  un  bien-être  très 
grand  :  il  me  semblait,  dit-il,  que  «  porté  sur  les  ailes  de  deoi 
«  feuilles  de  coca  je  volais  dans  les  espaces  de  77  438  mondes,  les 
«  uns  plus  splendides  que  les  autres...  »  Sans  ètreforcément  agréa* 
ble,  cette  idée  est,  à  coup  sûr,  étrange;  il  traduit  du  moins,  pen- 
dant son  délire,  le  bonheur  qu'il  éprouvait,  d'une  façon  qui  dénoU 
assez  Texcitation  imprimée  au  cerveau  par  la  coca,  lorsquMl  écrit 
sous  le  charme  de  son  rêve  :  a  Je  préfère  une  vie  de  dix  aiu 
ff  avec  la  coca,  à  une  de  cent  mille  (puis  une  série  de  zéros)  sans  11 
«coca.  »  H  est  ù  peine  besoin  d'ajouter  que,  pendant  qu'il  écrivait 
ces  lignes,  son  pouls  était  à  134. 

Gosse  élève  du  reste  la  coca  à  la  hauteur  d'une  question  sociale, 
lorsqu'il  dit  que  c'est  grâce  à  cet  arbre  ou  du  moins  à  ses  feuilles, 
que  les  Indiens  doivent  de  ne  pas  avoir  disparu  complètement 
dans  les  colonies  hispano-américaines. 

On  a  beaucoup  parlé  de  ses  vertus  aphrodisiaques,  ce  qui  re- 
vient à  dire  qu'on  lésa  sans  doute  beaucoup  exagérées.  Toujours 
est-il  que  la  Vénus  des  habitants  primitifs  du  Pérou  était  repré- 
sentée avec  une  feuille  de  coca  dans  la  main  et  même  sous  la 
joue,  ce  qui,  pour  être,  je  le  veux  bien,  une  allégorie,  n'en  était  pas 
moins  une  façon  assez  peu  poétique  de  représenter  cette  divinité. 
11  ))aruU  même  que  la  coca  joue  encore  un  rôle  dans  les  nom- 
breuses cérémonies  qui  accompagnent  le  mariage  chez  les  Indiens. 
Il  se  pourrait  bien  que  cela  ne  dénotât  pas  des  vertus  apbro* 
disiaques  plus  grandes  que  celles  que  peut  rappeler  pour  le  vin  la 
rôtie  au  t;/7i  encore  traditiouncllc  dans  nos  campagnes.  Unanne 
parle  cependant  de  \\eu\coqucros  de  quatre-vingts  ans  a  capables 
a  de  prouesses  que  ne  renieraient  pas  les  jeunes  gens  dans  la 
c  fleur  de  l'f^ge  ».  C'est  à  peu  près  tout  ce  que  nous  savons  sui 
ce  sujet  :  les  auto-expérimentateurs  se  montrent  peu  d'accord, 
mais  surtout  sobres,  sur  ce  sujet. 

CocaiMmo.  —  La  coca  a  ses  victimes.  Nous  avons  parlé,  d'a- 
près Mon  tegazza,  de  l'ivresse  cocalicnne,  qui  suit  généralement  hi 
dose  de  49-CO  grammes  de  feuilles.  Pœppig  a  décrit  le  cocatsnu 
chronique,  qui  ne  serait  pas  rare,  parait-il,chez  les  Indiens  :  «  Les 
(  malades  maigrissent,  leur  teint  devient  bilieux,  plombé;  il  sur- 
et vient  une  insomnie  incurable,  de  l'anoxerie,  de  l'ascite  et  an 
«  marasme  général.  »  Tschudy  nous  a  montré  également  leur  dé- 


MATÉ.  169 

marche  incertaine,  leurs  yeux  ternes  et  caves.  Enfin,  comme 
pour  Talcooi,  ceux  qui,  après  avoir  abusé  de  la  coca,  viennent  à 
cesser  tout  à  coup,  présentent  une  dépression  absolue  des  forces. 
Il  eo  est  ainsi  de  toutes  les  habitudes  que  Torganismc  s'est 
doQDées. 

§    12.    MATÉ. 

Il  est  permis  de  rapprocher  des  propriétés  stimulantes  de  la 
coca  les  elFets  analogues  d'une  plante  qui  jouit,  dans  une  grande 
partie  de  l'Amérique  du  Sud,  d'une  grande  réputation  ;  cette  plante 
tsiï  Ilex  para  ffuaycnsis  y  connue  également  sous  le  nom  de  layerba; 
l'iafusion  des  feuilles  se  préparc  dans  une  calebasse  préparée  à 
cet  effet,  qu'on  nomme  maU^  ;  de  là  le  nom  de  la  yerba  maté  et 
par  corruption  inaiè,  qu'on  donne  le  plus  souvent  à  VUex  pani'' 
Huayemts. 

6éo|(raphle.  Cousoniinatioii.  —  (^ct  arbre  se  trouve  en 
grande  abondance  dans  tout  le  Paraguay,  le  Rio-Grando,  le  Pa- 
raoa,  la  province  de  Sainte-Catherine.  Les  feuilles  sont  partie 
fondamentale  de  Talimentation  dans  les  trois  provinces  du  sud  du 
Brésil,  la  république  Argentine,  une  partie  du  (Ihili,  du  Pérou 
et  de  la  Bolivie.  Une  seule  province  du  Brésil,  le  Parana,  en  ex- 
porte chaque  année  environ  15  000000  de  kilogrammes  ;  le  Brésil 
tout  entier  en  exporte  chaque  année  30000  000  de  kilogrammes 
00  300  000  quintaux  métriques  (L.  Courty).  Le  Paraguay  en  produit 
moins,  mais  son  maté  est  plus  estimé  et  depuis  plus  longtemps. 
Si  l'un  ajoute  aux  exportations  du  Brésil  et  du  Paraj^uay  la  quantité 
de  maté  utilisée  sur  place,  on  doit  estimer  à  500  000  quintaux 
métriques  la  consommation  annuelle  de  cet  aliment.  Dans  tous 
ces  pays,  le  maté  remplace  le  café,  le  thé,  Talcool  ;  il  est  la  buisson 
unique  et  il  n'y  a  pas  de  maison  où  la  calebasse  maté  pleine  des 
feuilles  infusées  de  Vil(*x  ne  circule  à  la  ronde,  de  la  main  à  la 
main  des  hùtes,  qui  boivent  tous  au  même  chalumeau  d'argent 
(6(ii?i6i7//i),  \e<\ne\  sert  en  même  temps  de  passoire  et  de  cuiller  pour 
remuer  les  feuilles,  si  on  prend  le  maté  sans  sucre  [maté  cimarra), 
ou  le  sucre  en  poudre  avec  la  poudre  de  feuilles.  Les  femmes  en 
absorbent  jusqu'à  10-12  tasses  par  jour. 

C«Biposltion.  —  L'y/ex  paraguayvnsis  renferme,  comme  la 
coca,  un  alcaloïde  identique  à  la  théine,  à  la  caféine,  à  la  théo- 
bromine;  c'est  un  aliment  d'épargne,  capable  de  fournir  aWv  s^>A 


170  LA  FAUNE   ET   LA   FLORE. 

les  éléments  d*un  travail  un  peu  prolongé  (Montegazza,  Courty). 
11  agit,  en  réalité,  en  stimulant  lorganisme. 

Matcisme.  —  L'abus  du  matt}  n*est  pas,  paratt-il,  sans  incon- 
vénient ;  on  lui  attribue  la  fréquence  des  gastralgies  (gastralgia 
malica)  et  de  la  carie  dentaire  observée  dans  TAmérique  du  Sud. 
Montcgazza  a  vu  les  buveurs  passionnés  de  maté  présenter  de 
rabattement,  une  prostration  et  un  abrutissement  tels,  quMls  ne 
sont  plus  bons  qu*à  «  boire  du  maté  et  dormir  ». 

C'est  quelque  chose  de  très  remarquable  que  de  voir  chaque 
groupe  de  population  avoir  son  stimulant  spécial.  Nous  avons  vu 
Talcool  et  son  extrême  diffusion  géographique  ;  pour  être  plus 
localisés,  le  maté  et  la  coca  n'en  sont  pas  moins  la  passion  d'un 
grand  nombre  d'hommes;  nous  n'avons  pas  épuisé  la  liste  des 
moyens  à  l'aide  desquels  les  hommes  cherchent  la  stimulation  et 
les  jouissances  cérébro-spinales  qu'elle  entraîne. 

§  43.    NOIX   DE  KOLA. 

Ce  que  les  Américains  demandent  à  la  coca  et  au  maté,  les  po- 
pulations de  l'Afrique  cquatoriale  le  demandent  à  la  noix  de  Kola 
ou  gourou  ou  ombvne.  Il  s'agit  ici  d'un  végétal  appartenant  aux 
Stcrculiacces,  le  SlcrcuUa  acuminata^  répandu  dans  le  haut  Se-  • 
négal^  en  Guinée,  à  Sicrra-Leone,  au  Gabon^  sur  une  grande 
partie  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  ;  les  cotylédons  de  sa  graine 
fournissent  à  la  fois  un  masticatoire  et  un  aliment  fort  répandus, 
d'après  les  observations  de  Zweifel  et  deMoustier^à  qui  les  indi- 
gènes offraient  la  noix  de  Kola  en  signe  d'amitié.  MM.  Ed.  Heckel 
et  Schlagdenhauffen  ont  trouvé,  dans  l'analyse  de  ces  cotyl^on8,la 
justification  de  l'usage  qu'en  font  les  indigènes  comme  d'un  exci- 
tant, d'un  tonique  et  d'un  aphrodisiaque.  Ils  s'en  servent,  en 
outre,  pour  rendre  agréable  et  fraîche  Teau  la  plus  saumàtre  et 
la  plus  corrompue.  Cette  analyse  a  donné  à  ces  deux  savants  les 
résultats  suivants  : 


NOIX  DE   KOLA.  171 

Caféine 2»,348  \ 

Théobromine 0  023  f     Matières  solubles 

Twnin 0  027  (dans  le  chloroforme. 

Corpsgras 1  583/ 

Tannin 1  591  \ 

Roage  de  Kola .  i  290  f     Matières  solubles 

Glucose 2  875  (        dans  l'alcool. 

Sels  fixes 0  070  j 

.\midon 33  73i 

Gomme 3  040 

Matières  colorantes 2  561 

—        protéiques 6  761 

Cendres 3  325 

Eau  d'hydratation Il  911 

Cellulose 29  831 

Total 100  000 

Cette  analyse  montre,  font  remarquer  ces  deux  auteurs  :  1<*  que 
les  noii  de  Kola  sont  plus  riches  en  caféine  que  les  cafés  les  plus 
estimés  et  que  cette  lûise  y  est  renfermée  à  Tétat  libre,  non  com- 
binée, comme  dans  le  café^à  un  acide  organique;  2^  qu'elles  ren- 
ferment une  quantité  très  appréciable  de  théobromine,  qui  vient 
accroître  les  propriétés  de  la  caféine  et  agit  synergiquement  avec 
ce  principe  actif;  3^  qu'elles  contiennent,  et  c*est  là  un  point  im- 
portant, une  quantité  notable  de  glucose,  dont  le  cacao  ne  pré- 
sente aucune  trace  ;  4^  que  la  quantité  d'amidon  y  est  triple 
de  celle  contenue  dans  les  graines  de  Theobroma,  ce  qui  explique 
sa  valeur  nutritive.  MM.  Heckel  et  Schlagdenhauiïen  ajoutent  : 
Ce  produit  déjà  employé  en  Afrique  contre  les  affections  de  Tin- 
lestin,  du  foie  et  contre  Tatonie  des  voies  digestiVes,  comme  mas- 
ticatoire tonique,  semblable  à  la  noix  d'Arec,  si  appréciée  par  les 
Indiens,  pourrait  occuper,  en  matière  médicale,  un  rang  distingué 
à  côté  de  la  coca  et  des  autres  anti-déperditifs,  sur  lesquels  il  a  la 
supériorité  de  renfermer  une  quantité  notable  de  tannin,  qui  lui 
donne  des  propriétés  astringentes  précieuses.  —  Je  dois  ajouter 
que  le  docteur  de  Rochebrune  accuse  la  noix  de  Kola  de  provo- 
quer la  carie  dentaire  fréquente  chez  les  Ouoloiïs;  d'après  lui,  il 
conviendrait  de  désigner  plus  spécialement  sous  le  nom  de  gourou 
les  cotylédons  de  la  Sterciilia  tomcntosa,  qu'on  mAche  dans  un 
but  aphrodisiaque. 


173  LA  FAUMB   ET  LA  FLORE. 

§    i-4.   KAWA-KAWA. 

Géoi^raphie.  —  [)ans  toute  la  Polynésie,  on  demande  des 
jouissances  variées  au  PZ/xv  methysticum,  qui  sert  à  préparer 
le  kawa,  notamment  aux  îles  de  la  Société,  dans  l'archipel 
Wallis,  aux  Samoa,  aux  Vili,  aux  Sandwich,  aui  Marquises,  aui 
Tonga,  etc.  ;  on  prend  les  racines  du  piper  et,  comme  à  For- 
mose,  ce  sont  les  femmes  qui  sont  chargées  de  les  mâcher,  afin 
d'en  briser  les  cellules  et  de  les  imbiber  de  la  diastase  salivaire, 
qui  jouera  son  rôle  dans  la  fermentation  ultérieure.  Assises  en 
rond  autour  d^in  grand  vase,  elles  mâchent  lentement  le  piper, 
qui  détermine  chez  elles  une  abondante  salivation.  — Salive  et 
racine  bien  mâchée  sont  crachées  dans  le  vase  commun;  on 
ajoutera  plus  tard  de  l'eau,  et  celte  liqueur,  lorsqu'elle  aura  subi 
une  fermentation  spéciale,  deviendra  le  kawa-kawa. 

Action  physlolonçiquc.  Composition.  —  On  a  longtemps 
cru  que  la  fermentation  était  ici  alcoolique;  c'est  une  erreur. 
Cette  racine  ne  contient  pas  de  sucre,  et  la  transformation  de  la 
fécule  en  glucose,  sous  Taction  de  la  salive,  n'est  pas  suffisante 
pour  fournir  une  quantité  notable  d'alcool  (Dupouy). 

LVailleurs,  les  tllets  du  kawa  ne  sont  pas  ceux  de  Talcool.  Il  agit 
par  des  propriet«!S  inébrianteSjqui  lui  sont  propres  et  qui  rappel- 
lent, comme  direction  donnée  aux  idées,  les  cflets  aphrodisiaques 
de  la  cantharide. 

Un  vieillard  de  Tahiti  disait  à  Cuzcnt,  pharmacien  de  la  ma- 
rine :  «  Quand  on  boit  du  kawa,  on  pense  beauc(»up  aux  va- 
«  him^  (femmes),  mais  surtout  quand  le  kava  est  fait  avec  T/ivim 
«  w^S  »  c'est  1<'  nom  d'une  variété  de  Piper  rnethystimm,  qui  croît 
dans  les  terrains  secs.  Ainsi  que  l'a  fait  remarquer  Gubler,  d'après 
les  récits  de  voyageurs,  Texcitalion  génésiquc  déterminée  par  le 
kawa  paraît  avoir  son  siège  non  dans  les  organes  sexuels,  comme 
sous  l'influence  de  la  cantharide,  qui  les  irrite  localement,  mais 
dans  les  centres  nerveux  dévolus  à  l'instinct  de  la  reproduction; 
il  ne  détermine  pas  du  priapismc,  mais  bien  de  Vt^rotismey  exci- 
tation plus  relevée,  plus  intellectuelle.  Le  principe  actif  du  kawa 
parait  être  une  résine,  la  kawine.  Il  est  possible  que,  s'éliminant 
par  la  peau,  elle  l'irrite,  comme  fait  le  copahu;  d'ailleurs,  elle  s'é- 
limine aussi,  comme  lui,  par  la  muqueuse  génito-urinaire,  et  à 
Tahiti,  où,  dit  le  docteur  Dupouy,  la  blennorrhagie  est  aussi  ré- 


DUBOISIA,    HACHISCH.  178 

lue  que  les  cocotiers,  le  kawa-kawa  passe  pour  un  remède 
populaire  contre  cette  maladie.  —  La  providence  a  poussé  le  Po- 
lynésien à  la  contracter;  il  est  juste  qu'elle  la  guérisse  !  Un  cause- 
fnalùr  verserait  ici  des  larmes  d'admiration  î 

Ce  breuvage  donne  en  même  temps  de  Tassurance,  de  Téner- 
^c, de  Taplomb,  du  ton;  il  active  l'idéatiun.  —  Avec  une  dose 
de  300-400  grammes,  on  observe  d'abord  de  la  pâleur  de  la 
face,  de  la  petitesse  do  pouls,  une  tendance  à  Textase,.  de  Paphro- 
disie.—  Avec  une  dose  de 600-700  grammes,  surviennent,  au  con- 
traire, si  on  n'est  pas  habitué,  Tanaphrodisie  et  un  sommeil  de 
12-15  heures.  On  s'habitue  très  bien  à  cette  liqueur  et  certains 
Européens  en  prennent  chaque  jour  de  900  à  1  000  grammes.  Pour 
iediicteur  Messer,  c'est  un  calmant  qui  produit  un  état  léthar- 
gique de  la  motilité  et  de  la  sensibilité. 

Avaiawie.  —  Mais  chez  les  vieux  buveurs  de  kawa,  on  voit 
survenir  une  démarche  incertaine,  do  la  tilubation  habituelle  ;  on 
oe  parle  plus  que  lentement  et  à  voix  basse  ;  le  corps  est  pris  d'un 
tremblement  général  ;  la  céphalalgie  devient  continue,  mais  Tin- 
telligence  demeure  absolument  intacto. 

D'après  Cuzent,  Tabus  du  kawa  donnerait  lieu,  dans  toute  la 
Polynésie,  à  une  maladie  de  peau  particulière,  rArer«r«'a,  carac- 
térisée par  une  desquamation  sèche,  écailleuse,  par  de  Thypercs- 
thcsie  finissant  par  donner  naissance,  aux  pieds  et  aux  mains, 
à  des  ulcérations. 

*:     §  45.    DUBOISIA. 

Il  faut  ajouter  à  ces  stimulants  celui  que  recherche  TAus- 
tralicn  pour  ses  propriétés  cérébrales,  les  feuilles  de  la  Du- 
hoisia  Hopwoodii  ou  myriopoides  ou  duhoisine  ou  pitbury.  Les 
indigènes  mâchent  ces  feuilles  pour  se  donner  du  courage;  à 
forte  dose,  la  duhoisine  rend  furieux  ;  elle  provoque  alors  du  dé- 
lire, des  hallucinations,  une  énorme  dilatation  pupillaire.  D'après 
le  Htraid  Sydney,  on  ne  se  borne  pas  à  mâcher  les  feuilles,  on 
les  fume  aussi  et  on  les  applique  derrière  les  oreilles. 

§   16.   HACHISCH. 

Il  faut  remonter  bien  loin  pour  trouver  Torigine  da  trop 
célèbre  emploi  du  Cannabis  indien  ou  ckanore  indien.  «^  Us& 


174  U  FAUNE   ET  LA  FLORE. 

«  Scythes,  dit  Hérodole,  prennent  de  la  graine  de  chantre,  îto 
«  entrent  sous  des  pieux  qu'enTeloppeot  leurs  manioaux  et  jettent 
f  cette  g:raine  sur  des  pierres  rougies  au  feu  ;  elle  fume  aussilM 
€  et  ri-pand  une  vapeur  plus  abondante  que  celle  d'aucune  étuxe 
«  hellénique  ;  excités  par  ces  vapeurs,  ils  se  mettent  à  iHirler.  » 
Les  vapeurs  qui  se  dégageaient  étaient  celles  auxquelles  le  fu- 
meur et  le  mangeur  de  hachisch  demandent,  encore  aujourd'hui, 
l'excitation  rcchtTchée  par  les  anciens  Scythes.  Ils  l'employaient 
dans  leurs  cérémonies  religieuses. 

Du  pays  des  Scythes  cette  mode  est  passée  en  Perse,  en  Syrie, 
où  le  Viffux  de  lu  Montaqne,  avec  sa  secte  des  hnchaschins^  Va 
rendue  célèbre;  de  là  en  Egypte,  où  Ton  fume  le  hachisch  et  où 
on  le  mange  également  sous  forme  de  tablettes  verdÂtri's,  fades 
au  goût,  où  le  chanvre  bro}é  oi  cuit  est  mélangé  avec  50  0/(> 
de  lH:urre,avec  musc,  muscade,  loses,  safran,  miel,  girofle  et  sur- 
tout cantharides.  Ilsuflit  d'avaler  de  cette  pâte  un  morceau  de  Li 
^rrnsseur  d'une  noisette,  pour  ressentir  les  eifets.  Ces  préparations 
portent  à  Calcutta  le  nom  de  mnjoon^  au  Caire  celui  de  wapouchari 
et  ni  Arabie  celui  de  démnnt's.  On  emploie,  du  rei»te,  tantôt  le 
gunjahy  plante  séchce  après  floraison  et  dont  la  résine  ou  cimna- 
hinr  n'a  pas  été  extraite,  tantôt  le  bang,  larges  feuilles  avec  lc$ 
graines,  tantôt  enfin  le  AacA/xrA  proprement  dit,  fonnc  des  som- 
mités et  des  parties  tendres  de  la  plante  avant  floraison.  L.e 
peuple  consomme  également  une  liqueur  alcoolique  et  fume  dans 
le  nanjiieh  la  poudre  des  bractées. 

Action  physloloKiqnc.  —  Ces  modes  difféi^ents  ont  des 
nuances  d'action  quelque  peu  diflërcntes;  dans  tous  les  cas,  le 
chanvre  excite  le  système  cérébro  spinal;  on  éprouve  d'abord  un 
sentiment  de  bien-être,  puis  de  la  compression  aux  tempes,  de 
la  constriction  aux  poignets,  une  douce  chaleur,  puis  une  sensa- 
tion «le  bouillonnement  dans  le  cerveau,  des  tintements  d'oreille 
et  d(!  Uiimbreux  spasmes  dos  muscles  fléchisseurs  (Moreau).  Il 
augmente  au  début  l'appétit  et  Aubert-Hoche  a  éprouvé  une  faim 
canine.  A  dose  plus  forte,  il  produit  l'anestliésie  et  la  catalepsie, 
ft  Le  pauvre  lève  alors  une  tcte  superbe  au-dessus  des  émirs.  » 
Il  lionne  un  délire  souvent  at;iéable,  avec  des  éclats  de  rire  con- 
vulsifs,  mais  parfois  provoque  la  fureur,  que  recherchaient  surtout 
les  amis  du  K'Vuor  de  ia  Mnntagnr,  et  pousse  au  meuitre,  à  Vas- 
mstinat.  Les  Scythes,  nous  Pavons  vu,  poussaient  des  hurle- 
ments féroces.  L^usuge  du  hachisch  tend,  de  plus  en  plus,  à  se 


OPIUM,    THÉRIAKISME   OU   THÉBAÎSME.  175 

répandre  dans  les  pays  musulmans,  à  qui  Talcool  est  interdît. 
D*après  M.  Bertherand,  il  existe  actuellement,  à  Alger,  plus  do 
soixante  débitants  de  ce  produit,  qui  ajoute  à  ses  eifets  propres 
celui  des  sut>stances  toxiques  généralement  surajoutées. 

§   17.   OPIUM^  TUÉRIAKISME  OU   TUÉBAISME. 

6éo|^raphie.  —  L*opium  est  rcicitant  de  toutes  les  popula- 
tions de  l'extrême  Orient.  Elles  payent  à  Topium  le  tribut  que  nous 
payons  à  Talcool.  C'est  Tempire .turc  qui  est,  avec  l'Asie  Mineure, 
le  plus  ancien  producteur  de  ce  poison.  Ce  sont  d'ailleurs  les 
Arabes,  qui  eux-mêmes  le  tenaient  des  Persans, qui  l'ont  répandu 
dans  rindc  et  de  là  en  Chine.  Actuellement  en  E^pte,  en  Asie 
mineure,  en  Turquie,  on  mange  l'opium,  tandis  qu'on  le  fume  en 
Chine,  en  Cochinchine  et  en  Malaisie,  dans  de  petites  pipes  spé- 
ciales [kief]. 

L'exportation  annuelle  est  en  moyenne  de  400  000  livres,  dont 
les  3/4  environ  passent  en  Europe;  le  reste  est  pour  l'Amérique  du 
Nord,  où,  depuis  trente  ans,  l'usage  de  l'opium  a  presque  quin- 
tuplé^ et  pour  la  Cbine. 

On  raconte  que  le  premier  Américain  qui  ait  fumé  à  la  ma- 
oiére  des  Chinois^ était  un  aventurier  de  San-Francisco.  En  1868, 
cet  homme  fréquentait  journellement  les  ojniim  dtjtis  du  quartier 
chinois.  Son  exemple,  dit  le  Courrier  (Us  EUits-UniSj  fut  d'abord 
suivi  par  d'autres  aventuriers  et  par  des  femmes.  Une  enquête 
établissait  que  l)eaucoup  de  jeunes  gens,  des  femmes  et  des  jeunes 
filles  appartenant  à  des^familles  respectables  visitaient  les  fu- 
moirs de  China-Town  pour  y  consommer  de  Popium.  En  187.';, 
une  ordonnance  municipale  prescrivit  la  fermeture  des  fumoirs 
et  on  opéra  nombre  d'arrestations  parmi  les  Chinois  ;  mais 
les  dens,  devenus  clandestins,  ne  furent  pas  moins  fréquentés. 
Aujourd'hui  il  existe  à  New- York  un  grand  nombre  de  fu- 
moirs que  Ton  appelle  joints  et  qui  sont  fréquentés  cha^iue  jour 
par  trois  ou  quatre  cents  Américains  des  deux  sexes.  Dans  l'un 
de  ces  établissements,  le  docteur  Kane  a  trouvé  douze  Américains, 
des  honmieset  des  femmes,  en  train  de  fumer  de  l'opium.  Il  y  a 
aussi  des  blanchisseurs  chinois  qui  accueillent  les  fumeurs  dans 
leur  arrière-boutique.  En  résumé,  cette  coutume,  qui  n'était  d'a- 
bord pratiquée  que  par  des  gens  peu  respectables  et  dans  des 
localités  peu  attrayantes,  tend  maintenant  à  se  propager  pTeiM\\i^ 


i76  LA   FAUNE   ET   LA  FLORE. 

au  ^rand  jour  dans  des  quartiers  exclusivement  occupés  par  des 
Américains  do  la  classe  aisée.  Il  y  a  là  un  indice  dont  la  signifi- 
cation est  siifiisamnx'ut  ap])arente.  A  l'appui  des  observations  dn 
docteur  Kanc,  los  statistiques  douanières  du  ^gouvernement  des 
Ktals-l'nis  ('tablisscnt  que,  depuis  i876,  bien  que  la  population 
d'origine  chinoise  n'ait  pas  augmente^  l'importatiun  annuelle  de 
Topium  à  fumer  s'est  élevée  de  i>3  000  livres  à  77  000  livres. 

Ku  (iliine,  Topiuin  turc  est  vendu  sous  le  nom  de  kin-ni  i^boue 
d*or'  et  de   chtindtio.  Dans  Tlnde  britannique,  on  cultive  beau- 
coup Topium,  surtout  à  llalwa,  à  Tatna  et  à  Bénarès.  Mais  la  Chine 
c:^t  aujiuird'hui  le^Tand  consommateur  d'opium.  Dans  le  principe, 
les  Chinois  ne  se  servaient  de  cette  substance  que  comme  d*ua 
produit  pharmaceutique,  et,  au  commencement  du  dernier  siècle, 
ils  ne  recevaient  que  peu  d'opium,  par  Tentremise  des  Portu- 
gais; Tiuiportation  ne  s'élevait  guère  qu'à  15  000  kilogrammes; 
auj«)urd'hui,  grâce  à  l'Angleterre  et  aussi  à  la  passion  croissante 
des  Chinois  pour  cette  sulvstance,  son  importation  a  pris  d'énormes 
proportions.  Peu  de  temps  après  la  guerre  de   l'opium,    cette 
importation  était  en  (ihine   de  2  000000  de  kilogrammes;  elle 
était  de  oOooooo  en  i8G7;  en  1869,  la  valeur  de  l'opium  importé 
était  de  ^oOOOOOOO  de  francs;  aujourd'hui  le  monopole  rapporte 
au   gouvrnKiment  indien  une  somme  de  200  000  000  de  francs. 
L'opium  représentait,  comme  valeur,  en  1880,lesdeux  cinquièmes 
du  total  des  importations  étrangères  dans  les  Irfnty  ports  :  234  mil- 
hons  de  francs  sur  .'>7i  ou  40  O'o;  mais  indépendamment  des 
quantités  de  ce  produit  importées  dans  les  ports  ouverts  au  com- 
merce étran^^er,  les  jon<|ues  chinoises  venant  de  Hong-Kong  en 
introduisent  dans  les  ports  encore  fermés  environ  2.^)000  piculs 
valant  en  chitfres  ronds  81  000  000  de  francs,  ce  qni  porte  à 
31  o  000  000  de  francs  la  valeur  de  l'opium  étranger,  consommé  eo 
1880  par  la  population  du  Céleste  Kmpire. 

Pt'udant  les  dii  dernières  années,  l'introduction  générale  de 
l'opium  en  Chine  a  augmenté  de  13,50  0/0  ;  l'importation  de 
cet  article  dans  les  treaty  ports,  pendant  la  môme  période,  s*esl 
accrue  dans  la  proportion  de  43,50  0/0.  Cet  accroissement  consi- 
dérable .s'explique  par  ce  fait  que,  durant  cet  intervalle  de  dix  ans, 
plusieui^  des  ports  du  littoral  chinois  dont  Taccès  était  interdit 
aux  navires  étrangers,  leur  ont  été  ouverts. 

Répandue  ainsi  qu'on  vient  de  voir,  en  Chine  et  dans  l'archipel 
Indien,  l'ivresse  de  l'opium  cause,  dans  ces  pays,  de  violents  dé- 


OPIUM,   THÉRIÂKISME   OU   THÉBAÏ8ME.  177 

sordres  cérébraux,  qui  sont  connus  des  Malais  sous  le  nom  de  omok 
[c'est  le  penchant  au  meurtre)  ou  de  mata-glap  ou  de  lata , 
délire  convulsif  imitatif. 

Des  établissements  spéciaux  sont  ouverts  à  qui  veut  fumer 
l'opiura,  et  Fonssagrives  croit  que  dans  la  ville  d'Amoy  on  ne  compte 
pas  moins  de  cent  fumeries.  Un  fumeur  émérite,  dit-il,  con- 
somme aisément  par  jour  un  paquet  de  60  grains  (3^,60)  et  il  le 
paye  8  pence  (0  fr.  80),  «  somme  considérable  en  Chine  ».  D*après 
Morache,  beaucoup  de  fumeurs  vont  jusqu^à  6  et  7  grammes  ;  il  y 
eD  a  qui  vont  à  50  ou  60  grammes. 

Partout  où  vit  le  Chinois,  il  fume  l'opium  ;  et  Little  estime  que 
sur  40000  individus  mâles  qui  constituent  la  population  chinoise  de 
Singapoor,  on  compte  15  000  fumeurs  d'opium.  11  pense  que  dans 
toute  la  Chine  i/5  de  la  population  est  adonné  à  ce  vice,  auquel 
les  femmes  n'échappent  pas. 

Effets  iliébaiqaes. —  L'opium,  comme  le  tabac,  comme  tontes 
les  substances  enivrantes  que  nous  venons  de  passer  en  revue, 
provoque  des  symptômes  diiTérenls  suivant  que  Thabitude  est  plus 
00  moins  ancienne  et  invétérée  chez  le  consommateur  : 

La  première  période,  celle  d'initiation,  est,  comme  pour  le  ta- 
bac, caractérisée  par  des  vomissements,  de  la  torpeur,  mais  on 
persiste,  comme  le  collégien  persiste  à  fumer  malgré  les  consé- 
quences fâcheuses  de  son  premier  cigare.  La  seconde  période  est 
celle  de  la  tolérance  ;  on  éprouve  une  excitation,  un  sentiment  de 
force  et  de  puissance,  qui  n*est  pas  sans  charme;  l'esprit  est  ou- 
icrt,  l'intelligence  éveillée,  les  mouvements  faciles;  c'est  cet  état 
que  recherchent  les  lettrés  mandarins,  ceux  qui  se  plaisent  dans 
l'excitation  cérébrale.  Mais,  à  une  troisième  période,  surviennent 
la  perte  de  Tappétit,  la  lourdeur  intellectuelle  ;  la  nutrition  s'al^ 
tère,  on  maigrit,  l'œil  devient  terne,  le  regard  atone,  la  parole 
embarrassée. 

Lorsque  le  fumeur  d'opium  a  le  bonheur  de  ne  pas  parvenir  à 
cette  période,  il  est  incontestable  qu'il  peut  retirer  de  sa  passion 
certains  effets,  au  premier  abord  au  moins,  favorables.  Ainsi  il 
est  rare  de  rencontrer  un  Chinois  en  état  d'ivresse  ;  or  il  ne  faut 
pas  «^  hâter  de  conclure  à  la  tempérance  et  à  la  sobriété 
des  Chinois  en  général  ;  il  se  pourrait  bien  qu'il  n'y  eût  là  qu'un 
exemple  de  tolérance  pour  l'alcool,  tolérance  duc  à  l'opium,  ce 
grand  sêdateur  de  l'alcoolisme  aigu. 

11  y  a  plus  :  Taction  sédative  de  l'opium  imprègne  leWenveuV, 


17S  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

si  Von  peut  ainsi  rliro,  la  constitution  du  Chinois,  son  système 
nerveui  est  tellement  habitué  aux  calmants,  qu'il  est  peu  sensible 
aux  eflets  du  clil<»rûr«»rine.  Pendant  Texpéiiition  de  Chine,  les 
chirurgien^  anglais  ont  remarqué  qu'il  fillait,  pour  endormir  un 
blessé  chinois,  U-aucoup  plus  de  chloroforme  «jue  pour  endormir 
un  soldat  anglai^. 

Ledocicur  Mauiice  a,  de  son  cùl*'\  fait  la  remarque  que  les  Chi- 
nois grands  fumeurs  d'opium  sont  beaucoup  moins  sujets  au 
tétanos  qne  les  t'hinois  non  fumeurs  d'opium.  Ce  piiTilèj^  pour- 
rait s'expliquiT  par  Taction  préTCnli?e  de  ce  grand  calmant  des 
tétaniques,  l'opium.  En  revanche,  le^  th'h,iiqu^f  sont  exposés  aux 
suppuratinns  à  Tt occasion  de  la  moindre  piqûre^et  il  ne  serait  pas 
impossible  q  le  ce  fût  là  la  cause  de  la  fréquence  des  pnn'iris  et 
des  phletjmnns  ]»n!tmuns  en  J'hiiie. 

Que  ro;iiiim,  comme  le  hachisc!i,  soit  absorlic  par  la  muqueuse 
de  l'estoniar  uu  par  les  voies  respiratoires,  l'absorption  a  toujours 
Vwiï  et  Vviïvi  e<tlc  même:  aussi  n'ai-je  pas  cru  devoir  faire  de 
dustinctioii  entre  le  mode  d'absorption  de  ces  diverses  substances 
qui,  étant  vu  réalité  absorbées,  peu  importe  jKir  quelle  voie,  ren- 
trent dans  le  Mijct  de  ce  chapitre  relatif  à  Talimentation:  c'est  ainsi 
que  je  vais  parler  maintenant  de  Tabs^^rption  de  l'opium  par  l'es- 
tomac, qui  !rnd  à  prendre  en  Europe  une  extension  inquiétante. 

Les  AiiL^lais  rivaliseront  bientôt  avec  les  Chinois  dans  la  voie 
du  thébaï^ine,  depuis  qu*une  pieuse  association,  sous  le  nom  de 
V"ffee  Tarn  II  C'mpatiy,  a  entrepris  contre  Talcool  la  croisade 
dont  j'ai  parlé;  depuis  que  les  établisst^ments  où  l'on  lK>it,  les 
j)ublic-housrSf  sont  fermés  de  lK)nne  heure  dans  la  semaine  (dix 
heures)  et  tout  le  jour  du  dimanche»  le  docteur  .Moflat  .s'est  assuré 
que  la  consommation  de  l'opium  et  du  laudanum  augmentait  consi- 
dérablement. Certains  drotruistes  de  villau'e  vendent  jusqu'à  S  litres 
et  demi  de  lanilaiiuni  par  semaine;  les  épiciers  ventlent  de  l'opium 
et  certaines  familles  en  consomment  jusqu'à  là  francs  par  semaine. 

L'alcoolisme  n'y  perd  du  reste  rien»  car  on  ajoute  à  l'opium  : 
de  l'eau  de  Cologne,  de  la  teinture  de  rhukirbe,  du  chloroforme, 
de  l'éther,  ainsi  qu'on  l'a  vu  plus  haut,  de  l'hydrate  de  chloral  et 
de  la  chlorod\nc. 

La  mode  de  l'opium  s*ctend  jusqu'aux  enfants  au  berceau,  que 
les  nourrices  et  même  leurs  mères  trouvent  plus  commode  d'en- 
dormir avec  de  l'opium»  qu'au  moyen  d'un  chant  monotone. 
Fonssagrives  assure  que»  dans  plusieurs  villes  manufacturièresy 


HORPHINE,    MORPHIOMANIE.  179 

notamment  à  Birmingham  et  à  Manchester,  on  administre  con- 
stamment aux  enfants  du  laudanum,  du  sirop  de  pavot  blanc  et 
autres  composés  opiacés.  11  est,  dit-il,  des  enfants  auxquels  on 
donne  progressivement  une  dose  de  24  gouttes  de  laudanum.  Or 
Topium  est,  de  tous  les  médicaments,  celui  que  les  enfants  tolè- 
rent le  moins  bien.  Fonssagrives  ajoute  certains  faits  qui  peuvent 
liùre  craindre  que  cette  funeste  pratique  envahisse  la  France, 
qui  a  déjà  tant  de  peine  à  élever  ses  enfants.  11  assure,  d'après 
les  renseignements  qui  lui  ont  été  fournis  par  un  pharmacien  de 
CoUioure^  Oliver,  que  Thabitude  d'apaiser  les  enfants  avec  une 
décoction  de  pavots  se  répand  dans  le  département  des  Pyrénées- 
Orientales.  Il  importe  de  signaler  les  dangers  d  une  semblable 
pratique. 

D'après  un  journal  politique,  il  existait  à  Paris,  en  i  877, un  club 
de  mangeurs  d'opium.  Dix  ou  douze  artistes  :  peintres,  sculpteurs, 
écrivains,  habitant  les  hauteurs  de  Montmartre,  se  réunissent  ré- 
gnlièrement,  disait  ce  journal,  une  fois  par  semaine,  pour  pren- 
dre ensemble  le  troublant  poison.  Un  appartement  décoré  à  l'o- 
rientale a  été  loue  tout  exprès  pour  ces  étranges  séances.  Il  existe 
—  et  ce  sont  les  seules  archives  de  cette  singulière  société  —  un 
registre,  sur  lequel  les  adhérents  relatent,  quand  ils  le  peuvent, 
lenrs  rêves  et  leurs  extases.  Les  a  mangeurs  d'opium  »  ont  été  un 
moment,  en  1877,  jusqu'à  vingt-deux. 

§    18.   MORPHINE,    MORPHIOMANIE. 

Les  effets  de  la  morphine  différent  assez  de  ceux  de  l'opium, 
pour  mériter  un  chapitre  à  part.  D^un  autre  côté,  l'analogie  est 
assez  grande,  pour  que  les  deux  chapitres  soient,  au  moins,  côte  à 
o&te.  -»  La  nature  du  poison,  son  mode  rapide  d'administration 
et  d'absorption,  en  injection  sous-cutanée,  donnent  à  la  inorpbio- 
manie  une  gravité  spéciale. 

Dans  toute  TEurope,  mais  surtout  en  Allemagne,  le  nombre  des 
morphiomanes  qui  pratiquent  des  injections  sous-cutanées  de 
morphine  et  arrivent  à  ne  plus  pouvoir  vivre  sans  cela,  va  sans 
cesse  en  augmentant.  Des  maisons  de  santé  se  créent  spéciale- 
ment en  vue  des  morphiomanes,  qui  veulent  qu'on  leur  fasse  vio- 
lence pour  les  débarrasser  de  cette  habitude,  dont  ils  connaissent 
les  dangers,  mais  qu'ils  se  sentent  impuissants  à  répudxet  a^\)N&. 
«  lisse  cmnpoDDeûià  la  morphine,  dit  le  docteur  LeVvxi^VxîvTi^ 


180  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

c  comme  le  buveur  à  sa  bouteille,  d  Et  notez  que  la  morphine 
ainsi  absorbée  recrute  ses  victimes  surtout  dans  les  classes  ks 
plus  éclairées  et  les  plus  éleyées.  Levinstein  cite  des  hommes 
d'Etat,  des  hommes  de  guerre,  des  artistes,  des  médecins,  des  per- 
sonnes de  grande  notoriété,  u  Au  milieu  de  tant  de  personnalités 
fl  importantes,  j'en  ai  surtout  une  en  vue,  ajoute  Levinstein,  qui* 
fl  jusqu'au  dernier  instant  de  sa  vie,  a  attiré  sur  elle  radmiration 
«  de  tout  le  public  scientifique.  » 

Les  femmes  semblent  moins  sujettes  que  les  hommes  à  la  mor- 
pliiomniiie.  Sur  100  morphiomanes,  Levinstein  pense  qu*il  y  a 
82  hommes  et  18  femmes;  relativement  à  la  profession  il  a  trouvé, 
sur  iOO  morphiomanes,  32  médecins,  8  femmes  de  médecins, 
i  fils  de  médecin,  2  diaconesses,  â  infirmiers,  1  sage-femme, 
i  étudiant  en  m«'Klccinc,  6  pharmaciens^  i  femme  de  pharma- 
cien, etc. 

Conmic  pour  le  Chinois  qui  fume  l'opium,  les  débuts  ne  sont  ' 
pas  désajjrréabl<»s;  l'appétit  et  Tcmbonpoint  sont  conservés,  mais 
le  plus  souvent  le  visage  est  paie,  gris-cendré,  rarement  cyanose, 
la  sueur  est  souvent  augmentée;  les  yeux  sont  souvent  privés 
dVclat,  le  regard  éteint,  morne,  timide  ;  mais  une  nouvelle  injec- 
tion le  rend  vif,  plein  de  feu  et  d'enthousiasme.  J'ai  connu  un 
homme  intelligent,  atteint  d'un  certain  degré  d* agoraphobie^  qui 
ne  pouvait  pas  traverser  la  place  de  la  Concorde  ou  celle  du  Car- 
rousel, sans  se  faire  une  injection;  il  avait  toujours,  dans  ses 
poches,  plusieurs  seringues  chargées,  et,  avant  de  se  lancer,  il 
faisait  s(:niblant  de  se  baisser,  s'isolait  dans  un  endroit  reculé  et 
relevant  la  jambe  de  son  pantalon,  se  faisait  lestement  une  injec- 
tion dans  la  peau  du  mollet.  Il  se  relevait  alors,  aussi  plein 
d'aplomb  et  d'assurance  qu*il  était,  la  minute  avant,  timide  et 
désorienté.  Zanibaco  rapporte  qu'à  Constantinople  les  thérinquU 
sont  communs;  ils  ne  fument  plus  l'opium,  ils  se  font  des  injec- 
tions de  morphine,  a  J'ai  souvent  vu,  dit-il,  des  gens  du  monde 
«  en  possession  d'un  arsenal  de  petits  instruments  à  injection  et 
«  qui  avaient  toujours  à  leur  disposition,  gràee  à  leur  médecin, 
fl  une  solution  de  morphine  capable  de  les  empoisonner!  Des 
«  dames,  même  appartenant  à  la  classe  des  plus  élégantes^  pous- 
•  seul  leur  bon  goût  jusqu'à  se  faire  des  bijoux  recelant  une  se« 
«  ringue  mignonne  et  des  flacons  artistiques,  destinés  à  contenir 
«  la  liqueur  enchanteresse.  Au  théâtre,  dans  le  monde,  elles  s^es- 
«  quivent  un  instant,  ou  bien  elles  épient  le  moment  favorable  de 


TAB\C.  181 

<  se  lancer  sur  uoe  partie  visible  de  leur  corps  ou  sur  une  région 
N  soustraite  aux  regards,  une  injection  morphinée.  »  Mon  ami  le 
docteur  Landowski  a  montré  récemment  combien  cette  habitude 
funeste  tendait  à  se  propager  en  France  et  en  Europe. 

La  période  stimulante  de  la  morphine  ne  dure  pas  long- 
temps; au  bout  d*un  certain  temps,  les  urines  deviennent  albumi- 
neoses;  l'impuissance  génitale  succède  à  Tétat  contraire,  qui 
avait  plus  d'une  fois  poussé  le  morphiomane  à  satisfaire  sa  passion 
pour  l'opium  ;  la  digestion  cesse  de  se  faire,  un  état  spécial  de 
marasme  ne  tarde  pas  à  se  montrer.  Mais  le  plus  triste  de  cet  état, 
cVst  que  la  suppression  de  la  morphine  amène  parfois  des  consé- 
quences plus  terribles  encore  que  celles  qu'on  voudrait  éviter. 
Cest  néanmoins  dans  le  but  de  couper  court,  quand  il  est  encore 
temps,  à  cette  funeste  habitude,  que  se  sont  fondées  en  Allemagne 
des  maisons  de  santé  spéciales,  analogues  à  celles  que  l'Amérique 
et  TAngleterre  possèdent  pour  les  buveurs  qui  veulent  se  guérir, 
i  Dès  que  le  malade,  dit  le  docteur  Levinstein,  s*est  déclaré 
f  prêt  à  sacrifier  sa  liberté  p*  rsonnelle  et  qu'il  veut  commencer 
i  le  traitement,  qu'on  le  fasse  conduire  dans  le  local  qui  devra 
«  lui  servir  de  résidence  pour  8  à  i5  jours  et  dans  lequel  les 
«  tentatives  de  suicide  seront  rendues  aussi  difûciles  que  pos- 
4'  sible.  Les  portes  et  fenèires  ne  doivent  pas  être  suspendues  sur 

•  des  gonds,  mais  doivent  être  sur  charnières  à  bandes,  elles  ne 
«  doivent  avoir  ni  loquet,  ni  verrou,  ni  bouton,  ni  tourniquet, 

•  mais  elles  doivent  être  disposées  de  telle  façon,  qu'elles  ne 
«  puissent  être  ni  ouvertes  ni  fermées  par  le  malade.  11  faut  faire 
€  disparaître  les  clous  à  crochet  pour  habits,  rideaux  et  glaces.» 
En  dépit  de  tous  les  efforts^  la  morphiomauie  tend  à  »  accroître, 
et  il  y  a  lieu  d'attirer  sur  ses  dangers  Tattention  des  hygiénistes. 

§    19.    TABAC. 

Si  TAmérique  du  Sud  a  la  coca,  TAmérique  du  Nord  avait  de- 
puis longtemps  le  tabac.  Fumée  dans  le  célèbre  calumet  du  Peau- 
Rouge  la  feuille  du  Nicoliana  tabacum  prenait  un  caractère  sacré 
€t  faisait  partie  du  culte,  un  peu  comme  Tencens  dans  la  religion 
des  catholiques.  On  fumait  le  tabac  jusque  sur  les  bords  du  dé- 
troit de  Behring,  et  Schweinfurth  a  vu  cultiver  des  variétés  de  tabac 
dans  l'Afrique  centrale,  près  du  Bahr-el-Ghazel. 

D'Amérique,  le  tabac  n'a  pas  tardé  à  se  répandre  eu  1.0X0^^^  ^V 


i8S  LA  FAUNE   ET  LA  FLORE. 

son  histoire  est  trop  connue  pour  que  je  la  répète  ici.  Je  me  borne 
à  signaler,  en  passant,  la  vÎTacité  que  conservent  même  chez  les 
peuples  civilisés  ces  coutumes  étranges  de  chiquer  »  fumer  cl 
mastiquer  ou  avaler  certaines  substances  aromatiques,  qui  eici- 
tent  et  engourdissent  tour  à  tour  le  système  nerveux,  coutumes 
que  nous  retrouvons  chez  tous  les  peuples  enfants  et  qui  corres- 
pondent évidemment  à  un  besoin  de  la  nature  humaine,  puisque 
partout  rhomme  a  su  trouver  le  moyen  de  satisfaire  ce  besoin. 
L'effet  pernicieux  du  tabac  a  été  d'ailleurs  singulièrement  exagéré. 
Il  est  certain  que  Tabus  peut  entraîner  chez  quelques  |)ersonncs 
prédisposées  des  troubles  du  cœur  plus  ou  moins  graves;  mais  si 
fumer  est  une  manie,  c'est,  en  général,  une  manie  inoflensive. 

§  20.    MASTIC. 

A  la  suite  dos  usages  qui  viennentde  nous  occuper,  il  est  juste 
de  placer  deux  masticatoire$  qui,  sans  avoir  1* importance  dessub- 
stances qui  précèdent,  se  rattachent  néanmoins  d'une  manière 
indirecte  ù  Talimentation^  le  mastic  et  le  bétel. 

Le  masik  est  la  résine  qui  découle  par  incision  du  Pistacia 
leiUUcus,  térébinthacée  qu*on  cultive  surtout  dans  Ttle  Chio. 

L'usage  de  mâcher  le  mastic  paraît  remonter  fort  loin,  car 
Pline  (lit  déjà  qu'il  purifie  la  bouche;  il  existait  depuis  longtemps 
à  Chio  et  dans  une  partie  de  l'Asie  Mineure,  mais  les  Turcs,  à 
l'époque  de  leur  invasion  au  xv*  siècle,  se  passionnèrent  pour 
cet  usage  répandu  dans  la  population  conquise  et  ils  donnèrent 
à  rile  de  Chio  le  nom  de  l'ile  du  Mastic,  prélevant  pour  le  sérail 
la  première  qualité  de  la  récolte.  Aujourd'hui  encore  la  princi- 
pale occupation  d'une  femme  turque  est  de  mâcher  le  mastic  ; 
cette  résine  sert  aussi  à  parfumer  une  eau-de-vie,  connue  sous  le 
nom  de  maslic.  Mâchée,  elle  blanchit  les  dents  d'une  manière  en 
quelque  sorte  mécanique  et  passe,  en  outre,  grâce  à  la  dégluti- 
tion qui  suit  la  mastication,  pour  un  léger  stimulant  digestif. 

§  21.  BÉTEL. 

Un  autre  masticatoire  plus  répandu  que  le  mastic  et  plus  im- 
portant dans  ses  conséquences  sur  l'organisme,  c'est  le  bétel, 
mélange  assez  compliqué  de  diverses  substances  et  dont  voici. 


'T 


BÉTEL.  18S 

d'ailleurs,  la  composition  la  plus  Tréquente  :  1®  feuille  d'un  Piper 
{Piper  BeUe,  parfois  Piper  methysiicum,  parfois  Piper  Siriboa)\ 
—  2*  noii  d'arec  ou  amande  de  VAreca  cutechu^  élément  le  plus 
constant  dn  bétel;  —  3«  chaux  préparée  par  incinération  des  co- 
quillages et  qui  rappelle  la  llipt^  des  coquei-os,  —  4^  noix  mus- 
cade, cannelle,  girofles,  tabac,  camphre,  cachou,  en  proportion 
Tariable.  Toutes  ces  substances  s'enveloppent  dans  la  feuille  pour 
former  une  sorte  de  chique,  qu^on  prépare  au  moment  de  s'en 
senir^  comme  les  fumeurs  de  tabac  roulent  une  cigarette.  L'a^ 
mateur  de  bétel  porte  sur  lui,  dans  une  boite  ad  hoc,  tous  les 
ingrédients  nécessaires.  —  Cette  mastication  donne  à  la  salive 
Qoe  couleur  rouge,  qui  procure  à  la  bouche  un  aspect  sanguino- 
lent; on  croit  à  tort  que  le  bétel  noircit  les  dents.  La  coulcurnoire 
des  dents  chez  les  peuples  qui  en  font  usage,  tient  en  réalité  à 
un  laquage  spécial  qu'on  pratique  sur  ces  organes  (Mondière) 
pour  éviter  d'avoir  les  dents  «  blanches  comme  celles  d'un  chien». 
La  mastication  du  bétel  est  un  usage  essentiellement  malais. 
Elle  a  pris  une  extension  croissante  et  règne  actuellement  sur 
tout  l'espace  compris  entre  les  Moluqucs,  le  fleuve  Jaune  et  les 
innls  de  Tlndus,  c'est-à-dire  en  Malaisie,  en  Cochinchine,  au  sud 
(iela  Chine  et  dans  l'Inde.  Le  Camoëiis  a  décrit  le  cérémonial  du 
bétel  à  la  cour  de  Calicut  ;  ce  cérémonial  existe  encore. 

Les  habitants  de  Timor,  de  Java  mettent  dans  le  bétel  beaucoup 
de  tabac  ;  les  Papous  mettent  beaucoup  de  cachou. 

Avastages  dn  bétel.  -*  La  chaux  qui  entre  dans  la  compo- 
sition du  bétel,  a  peut-être  Tinconvénient  d*altérer  l'émail  des 
dents  et  de  déterminer  ainsi  la  carie  dentaire,  bien  que  cette 
maladie  ne  semble  pas  fréquente  chez  les  Malais  ;  mais,  à  côté  de 
cet  inconvénient  possible,  l'usage  du  bétel  présente  de  sensibles 
avantages  :  ses  propriétés  excitantes  et  astringentes  tonifient  les 
muqueuses,  empêchent  les  sueurs  exagérées  et  stimulent  l'appétit. 
->  C'est,  en  outre,  un  puissant  taenifuge,  qui,  dégluti,  contribue, 
en  Cochinchine  notamment,  à  mettre  les  iiuligciies  à  l'abri  des 
nombreux  parasites  intestinaux  auxquels  on  est  exposé  dans  ce 
pays  et  dont  les  germes  sont  apportés  à  l'organisme  par  les  eaux* 
Le  voyageur  Peron,  qui  s'était  mis  à  l'usage  du  bétel,  affirme  s'en 
être  toujours  bien  trouvé  et  avoir  dû  à  ce  masticatoire  l'immu- 
Dîté  dont  il  a  joui  pour  les  nombreux  accidents  auxquels  sont 
exposés  les  Européens.  Delioux  de  Savignac  et  plusieurs  autres 
médecins  de  la  marine  ont  donc  proposé,  avec  raison, de  dxsVmM^i 


SS4  L4   FACNE   ET   LA    FLO&E. 

à  Do«  troupes  eo  Cdchinciiinf-  Dbe  prépantion  èqaÎTileote,  mais 
dans  laquelle,  kùn  de  ménager  les  dents,  on  supprimerait  U 
chaux. 


U 
LUTTE  DE  L  HOKME  COn&E  LA  rAUHE  ET  LA  FLORE. 

Tous  les  acteurs  qui  j  >uei:l.  â  cC^te  de  Tbomme,  un  rôle  plus  ou 
moiiis  ;jraod  dîna  ce  grand  drame  qui  a  pour  titre  :  / 1  luUe  pour 
ttJ^ffOnc*. .  De  ji>ueDt  pas  a-  rôle  de  cr*m(«arses  destinés  a  salis - 
idir*:  les  appétits  du  F^remier  dt'S  Primatrs.  Il  tmuve  [larmi  eux^ 
et  il  a  trouvé  â  tMUtes  It^  époques,  des  ennemis  reiouUbles.  qui 
ont  tenu  S'.fn  couraj*'  et  khi  attention  en  éveil  et  qui  ont  été 
ulrl^i  Itf's  fack'Urs  stimulants  de  ses  pro;:rès. 

flatte  aver  les  ^rmmé9  aBlamax.  »  li  suffît  de  contem- 
pler ie^  squelettes  de  i'A.rr  tk-num.  du  àiegath'Tium,  de  l'ours 
de»  casernes  et  de  tant  d^auires  es;H.\"es  animales  aujouni*hui 
tfU.'i!ilf-s,  pour  comprendre  quels  L-nnemis  l'ht^mme  eut  à  combat- 
tre, Hn  début  dit  sa  lente  ascension  vers  ce  que  nous  nommons 
auj'uid'hu:  la  civilisatiun. 

Li  le;:ende  d  Hi^itrule  débarrassant  la  terre  des  monstres  qui  la 
dcv^laieiit,  ne  repit;â<:nte  pas  autre  chose  que  le  triomphe  de  Thu- 
nianib:  <ïurce!r  animaux  au  tvpe  |»our  nous  fantastique,  qui,  jadis 
al><indantN  dans  la  nati^rc  neile.  ont  fini  par  ne  plus  eiister  qne 
dans  l»fS  L' ileries  di:  la  nuna^eric  m\thoi<.»gique. 

Iji;  nos  jo'irs  encore,  la  faune  de  certains  pa\s  constitue  ce- 
pendant [Miur  rhonmie  un  danger  sérieui  :  en  1877,  dans  Klnde, 
10  777  [Mjfsonnes  sont  mortes  victimes  des  serpents  et  2  918  ont 
été  man^Tires  par  les  ti^rres! 

A  la  Mailinique,  sur  une  population  de  1^5000  habitants,  la 
liioitalité  caus^'C  par  le  iri^onocéphale  fer  de  lance  [Bothrops 
iuiti^uhttuK)  i.'st  au  milins  de  .*>0  individus  par  an,  sans  compter 
eeux  qui  testent  estropiés  pour  le  reste  de  leur  vie  (Rufi  de  Lavizon). 
Kn  liussie,  les  loups  ne  tuent  pas  moins  de  150  personnes  par  an. 

Latte  roacre  les  iaflaiaieat  petits.  —  Mais  de  DOS  jours 
c<;ttc  lutte  avec  la  jLTande  faune  n'a  plus  réellement  d'intéi'èt,  tant 
la  victoire  de  Thomme  est  facile  et  assurée.  L*llercule  moderne  n*a 
plus  à  combattre  ces  monstres  gigantesques,  dont  les  os  trouves 


NITRIPICATION.  î%t 

dins  la  terre  étaient  pris  par  nos  pères  pour  des  ossements  de 
géants;  renneroi  pour  être  devenu  moins  visible,  n'en  est  pas  moins 
dangereux.  Je  veux  parler  de  cette  légion  d'êtres  microscopiques 
que  la  science  contemporaine  découvre  et  étudie  dans  ce  moment 
et  dont  les  œuvres  longtemps  méconnues  apparaissent  aujourd'hui 
sous  mille  formes. 

Un  grand  nombre  des  phénomènes  dont  le  sous-sol  est  le 
théâtre  et  qui  produisent  dans  le  milieu  où  vit  l'homme  des  chan- 
gements souvent  importants,  sont  l'œuvre  de  ces  êtres  microsco- 
piques. [,cur  étude  nous  conduit  directement  à  celle  des  phéno- 
mènes  dont  le  sang  même  de  Phomme  est  le  théâtre,  à  Tétudcdes 
fermentations  pathologiques. 

§   i.    NITRIFJCATIOX. 

Tout  le  monde  sait  que  parmi  les  matières  salines  contenues 
dans  certains  sols  et  nécessaires  à  certaines  plantes,  habitauts 
ré^'uliersdecessols,  figure  le  salpêtre  ou  nitre,  ou  nitrate  de  po- 
tasse KO,  .\zO*j  ;  la  bourrache,  la  buglosse,  la  pariétaire,  la  ciguë, 
le  tabac^  la  pomme  de  terre  contiennent  de  grandes  quantités  de 
cette  substance,  que  l'homme  leur  emprunte  et  qu'elles  puisent 
dans  le  sol. 

Or  on  admettait,  depuis  Saussure,  que  le  nitrate  de  potasse  était 
produit  par  la  matière  organique  ;  on  pensait  que  les  substances 
organiques  contenues  dans  le  sol  et  qui  contiennent  de  Tazote, 
jouaient  le  même  rôle  que  la  mousse  de  platine,  laquelle,  on  le  sait, 
dêtenninc  la  combinaison  avec  Toxygène,  chez  des  corps  qui  ne  se 
combineraient  pas  avec  ce  gaz  sans  sa  présence.  Ou  pensait  donc 
que,  sous  Tintluence  de  la  matière  organique  du  sol,  ù  un  état  de 
division  ei^trème,  Tazote  s'oxydait,  pour  devenir  de  Tacide  azotique  : 

Az  4-  œ  =  Az  0"' 
Od  admettait  alors  que  cet  acide  azotique  ainsi  Tormé  se  substi- 
tuait, dans  les  carbonates  alcalins,  au  lieu  et  place  de  Tacide  car- 
bonique, qui  était  mis  en  liberté  : 

KOCO^  -h  Az  0«  =  KO,Az  œ  -4-  CO* 
Les  carbonates  se  changeaient  ainsi  en  nitrates.  C'était  ce  qu'on 
nommait  la  théorie  de  la  nitrification. 

Or  Schlœsing  et  Mûntz  sont  arrivés  par  leurs  recherches  à  une 
explication  toute  difTérente  : 


18ti  LV    FAUNE    ET   LA    FLORE. 

Ils  ont  pris  île  li'au  -IViroiit,  riche  en  matières  organiques  elen 
sels  calcaires,  ils  Tout  tiltn.>e  lie  telle  façon,  que  rexamen  micro- 
soopiquf  U'  plus  ininuiieu\  n'y  révélait  plus  un  soûl  organisme 
vieillit*:  ils  .Hit  mis  cette  eau  biologiquementpure  en  rapport  avec 
Pair  et  iN  ont  vu  alors  se  produire  la  nitritication,  c*est-à-dire 
la  transtiPTiKition  di's  ^u.tatL*<i*t  des  carbonates  en  nitrates  delà 
uii'iue  biise.  Mais,  en  inèint»  temps  que  s*opérait  ce  chan^emt'nt,i:$ 
"lit  vu  {ui'  des  jrjranismes  nouveaux  se  développaient  dans  l'eau. 

<]t*s  (.- r-^ LU i suies  nouveaux,  il  sufTisait  de  les  prendre  et  de  le^ 
transp«>i  1er  ilaii^  d(;s  liquides  successifs,  de  les  cultiver,  pour  voir, 
sou<  leur  iiiUuence,  les  sels  du  milieu  aqueux  où  on  les  plongeait, 
se  *rausri»riiier  on  nitrates. 

la  nitrilication  qui  se  fait  dans  le  sol  et  qui  a  pour  Thomme 
une  .rrinde  impurtance,  est  donc  l'œuvre  biologique  d'un  fer- 
uii Ht.  coniuie  la  vinilication  est  l'œuvre  d'un  ferment.  Cest 
U  iHi  i  reuiier  point  l'iui  important  :  ce  qu'on  aitnbuait  à  une 
'{''ti-a  i,  ijir.v«.;jfv  ?  n'était  autre  chose  que  l'œuvre  d'un  être 
vivant!  Jusiin'à  ce  jour,  ks  médecins  et  les  chimistes  n*ont 
que  ti'itp  abus^  de  ces  explicalious,  qui  mettent  en  jeu  je  ne  sais 
que. les  intluences  occupes,  je  ne  sais  quelles  actions  en  quelque 
st^rte  nii  ra|.bysiqne«i  des  corps  les  uns  sur  les  autres.  Le  mouve- 
ment •'{Ui  •'iitritue  anjourd'liui  t)ntes  les  sciences  loin  de  toutes  ces 
crovances  my-itiiiues,  nous  montre  partout  des  facteurs  concrets, 
palpables  et  vivants  se  substituant  aux  prétendues  causes  occultes. 

S   -.   SLLFURATIOX. 

res  phénomènes  de  nitritication  ne  sont  pas  les  seuls  phéno- 
mènes biol<»vri<|ues  dont  le  sol  soit  le  milieu.  Si  le  ferment  de  la 
nitritication  dégage  de  l'oiygene,  i{ui  se  porte  sur  Tazote  pour  for- 
mer de  l'acide  azotique  et  des  azotates,  le  sol  renferme  d'autres 
ferments,  qui.  au  contraire.  abs«)rbent  roxygèoe. 

.\insi  on  croyait  autrefi»is  que  les  eaux  sulfureuses,  qui  con- 
tiennent du  sulfure  de  calcium,  prennent  spontanément  naissance 
aux  iUqK>ns  d'eaux  chargées  de  sulfate  de  chaux,  lequel,  cédant 
son  o\>gêne  ii  la  matière  organique,  devient  sulfure  de  calcium* 

Ca  0,  SO^  -4-  matière  organique  =  t^  S  -+-  matière  organique  0^ 

Les  expériences  de  Plauchud  ont  montré  que  cette  équation 
était  exacte,  mais  que  ce  dédoublement  était  Tœuvre  d'un  artisan 


IHPALUDISME.  187 

animé,  qui  n^était  autre  qu'une  microscopique  sulfuraire.  Il  a  suffi 
à  M.  Plauchud  de  recueillir  ces  suifuraires  sur  un  filtre  et»  après 
les  avoir  lavées-  avec  soin,  de  les  placer  dans  une  eau  sulfatée^ 
pour  voir  cette  eau  devenir  sulfureuse  et  le  sulfure  se  former 
d*autant  plus  abondamment,  que  la  multiplication  des  suifuraires 
était  plusaliondante.  Deuxième  exemple  d'une  théorie  tellurique, 
en  quelque  sorte  métaphysique,  concrétée  par  la  découverte  d'un 
ferment  animé. 

Tous  ces  faits  jettent  le  plus  grand  jour  sur  la  nature  de  ce 
qu'on  a  nommé  Finfeclion  (eli unique,  Timpaludismc,  la  ma- 
laria, do  ce  que  je  propose  de  nommer  la  paludatioji  du  sol,  pour 
accentuer  Tanalogie  entre  le  mécanisme  de  cetle  action  et  celui  de 
la  oitrification  et  de  la  sulfuration. 


§  3.    IMPALLDISME. 

Toutes  les  fois  qu'un  sol  reçoit  beaucoup  d'eau  et  qu'il  est  en 
même  temps  glaiseux^  c'est-à-dire  imperméable,  il  devient  ma- 
rématique.  Les  nappes  d'eau  souterraines  recouvertes  par  un  ter- 
rain perméable  peuvent,  de  mème^  jouer  le  rôle  d'un  marais  en 
quelque  sorte  souterrain.  L'une  et  l'autre  de  ces  conditions  se 
rencontrent  sur  bien  des  points  de  la  terre,  et  cependant  tous  les 
marais  ne  donnent  pas  lieu  à  Timpaludisme. 

Géographie  de  a'impaladisme.  —  Cet  état  pathologique  ne 
s  observe  guère,  dans  l'hémisphère  Nord,  au  delà  de  la  ligne  iso- 
therme de  -4-  5°.  Cette  ligne  s'élève  en  Suède  jusqu'au  60<»  ou  62° 
latitude  N.  ;  le  voisinage  du  Gulfstream,qui  réchauffe  ces  régions, 
porte,  on  le  voit»  cette  ligne  à  une  latitude  élevée,  tandis  qu'en 
Asie  le  même  isotherme  de  -H  5"  correspond  au  SO*  latitude  N. 
et  en  Amérique  au  Âl^  latitude  N.,  au-dessousde  Tembouchure  du 
Saint-Laurent. 

On  peut  donc,  dans  l'hémisphère  Nord,  inscrire  comme  pays 
ne  présentant  pas  d'impaludisme  :  les  bords  de  la  mer  d'Acliotsk, 
ceux  de  la  Lena,  de  l'ienisséi,  de  TObi,  le  nord  de  la  presqu'île 
Scandinave,  les  îles  Hébrides,  les  Feroë,  l'Islande  et  à  peu  près  les 
deox  tiers  au  nord  de  TAmérique  du  Nord. 

Dans  l'hémisphère  Sud,  le  domaine  de  la  fièvre  intermittente 
est  plus  restreint  :  la  limite  n'est  plus  l'isotherme  de  -f-  5»,  mais 
ccllede4- 15«  ou  +  I6<».  Elle  passe  entre  le  3o*  elle  li^naXWu^^^.^ 


188  LU   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

au-dessous  de  Tembouchure  de  la  Plata,  au-dessous  du  cap  de 
Bonne-Espérance,  entre  TAustralie  et  la  Tasmanie. 

On  peut  donc,  dans  Thémisphère  Sud,  regarder  comme  étant 
exempts  de  la  fièvre  intermittente  :  en  Améilque,  la  partie  la  plus 
australe  de  la  confédération  Argentine,  depuis  le  cap  Corrientes^ 
la  partie  la  plus  australe  du  Chili,  toute  la  Patagonie  ;  dans 
l'Océan,  la  Tasmanie,  Tarchipel  de  la  Nouvelle-Zélande. 

Dans  toute  la  zone  comprise  entre  les  limites  que  je  viens  d'in- 
diquer règne  la  malaria,  avec  une  intensité  variable  selon  les 
points. 

Il  importe  néanmoins  de  signaler  de  suite,  comme  présen- 
tant une  exemption  toujours  constatée,  les  latitudes  élevées, 
comme  le  Mexique,  par  exemple,  où  les  marais  ne  donnent  pas  la 
fièvre,  et  certaines  îles,  qui  pourtant  manquent  d'altitude  :  les 
Bcrmudes  ont  des  marais,  mais  on  y  observe  rarement  la  fièvre 
intermittente.  En  184G,  sur  11  224  hommes  qui  y  débarquè- 
rent, il  y  eut  25  admissions  à  Thôpital,  pour  cause  de  fièvre 
paludéenne;  — à  Sainte-Hélène,  sur  5  908  hommes,  on  n'a  observé 
que  30  admissions  à  l'hôpital  pour  fièvre  paludéenne;  —  la  Réu- 
nion, Maurice  n'avaient  pas  présenté  de  cas  de  fièvre  avant  1866  ; 
aujourd'hui  la  fièvre,  même  sous  la  forme  pernicieuse,  y  est  fré- 
quente. En  Nouvelle-Calédonie,  à  Taïti,  en  Australie,  les  accidents 
paludéens  sont  extrêmement  rares. 

En  dehors  de  ces  points  privilégiés,  règne  la  fièvre,  avec 
d'autant  plus  de  fréquence  et  d'intensité,  que  îc  marais  qui  la 
produit  est  plus  rapproché  de  l'équateur. 

En  Euro|)e,  la  Suède,  quoique  froide,  donne  cependant  encore 
6000  cas  d'impaludisme  par  année;  Lombard  place  même  la  fièvre 
intermittente  au  premier  rang  de  la  pathologie  suédoise. 

La  malaria  était  autrefois  très  fréquente  en  Angleterre  ;  elle  y 
est  rare,  aujourd'hui  que  lo  drainage  y  est  pratiqué  avec  in- 
telligence ;  mais  jusqu'au  xvii<  siècle,  Londres  était  un  pays 
trè<  malsain.  Les  médecins  de  l'époque  nous  ont  laissé  le  récit 
d'épidémies  telluriqiies  qui  rappellent  ce  que  nous  ne  voyons  plus 
aujourd'hui  que  sous  les  tropiques.  En  1558  notamment,  la  fièvre 
paludéenne  joua  le  rôle  d'une  véritable  peste  ;  une  grande  partie 
de  la  rcci^lle  fut  perdue,  faute  de  bras  pour  la  ramasser;  Jac- 
ques l^^,  Cromwell  et  son  entourage  furent  eux-mêmes  atteints. 
Jusqu'au  xvn<>  siècle,  il  mourait  chaque  année,  à  Londres,  du 
fait  de  la  fièvre  intermittente,  plus  de  3  000  personnes;  aujour* 


IMPALUDISME.  189 

d*hai  il  n'en  meurt  pas  500  dans  toute  TAjigleterre;  c'est  au 
dessèchement  des  marais  et  aux  progrès  de  l'agriculture  qu'est 
due  cette  amélioration. 

Il  en  est  de  même  en  Ecosse,  où  la  malaria  est  même  plus  rare 
encore,  et  en  Irlande,  où  le  paludisme  n'existe  pour  ainsi  dire 
pas  ;  cependant  Dion  Cassius  rapporte  qu'en  208  une  armée 
romaine,  forte  de  80  000  hommes^  perdit  plus  de  50  000  des  siens 
dans  les  marais  de  T Ecosse. 

Les  polders  de  la  Hollande  sont  également  moins  malsains  aujour- 
d'hui qu'autrefois,  car  les  Pays-Bas  étaient  jadis  une  des  contrées 
les  plus  meurtrières  de  TEurope.  En  1747,  le?  troupes  anjrlaises 
qui  occupaient  Tîle  de  Walcheren,  furent  tellement  maltraitées, 
qu'il  y  avait  des  bataillons  où  il  ne  restait  pas  4  hommes  debout. 
En  1748,  ce  fut  pire  encore  :  les  Hollandais,  qui  avaient  inondé  le 
pays  pour  se  défendre,  tirent,  au  moment  des  préliminaires  de  la 
paix,  rentrer  les  eaux  dans  leur  lit,  mais  la  malaria  prit  alors  de 
telles  proportions,  qu'on  dut  recommencer  l'inondation.  —  Cette 
mémetle  de  Walcheren  devait  plus  tard  être  également  funeste 
aux  Anglais,  lorsqu'en  1 809  ils  y  débarquèrent  de  nouveau,  car  du 
28  août  au  23  décembre,  sur  un  effectif  de  39219  hommes, 
4175  moururent  de  la  fièvre;  le  nombre  des  admissions  à  Thô- 
pital,  pour  fièvre,  fut  de  26846;  à  la  fin  de  Tannée,  les  Anglais 
retournaient  chez  eux  avec  i  \  503  malades  du  mal  de  Walcheren. 
Le  feu  de  l'ennemi  ne  leur  avait  coûté  que  217  hommes.  Aujour- 
d'hui encore  la  mortalité  en  Hollande  par  fièvre  intermittente  est 
considérable. 

En  Belgique,  la  malaria,  de  1850  à  1860,  a  occasionné  1  606  dé- 
cès, dont  684  dans  la  Flandre  occidentale  et  523  dans  la  Flandre 
orientale.  « 

Fréquente  sur  toute  la  côte  occidentale  du  Schleswig  et  du 
Holstein,  la  fièvre  y  est  connue  sous  le  nom  de  fièvre  de  chaume- 

En  France,  les  marais  de  la  Saintonge,  des  Landes,  de  la  So- 
logne, des  Dombes,  de  la  Bresse,  du  Forez  font  encore  un  trop 
grand  nombre  de  victimes. 

En  Allemagne,  on  observe  la  malaria  à  Tcmbouchure  de  la 
Weser,  dans  TOldenbourg. 

La  Hongrie  était  tellement  infestée  par  la  malaria,  qu'elle  avait 
reçu,  au  siècle  dernier,  le  nom  de  tombeau  dts  Allemands  !  La 
fièvre  y  règne  encore  aujourd'hui  sur  tout  le  parcours  des  rivlè- 

;  aussi  les  plaines  de  ce  pays  sontf^lles  célèbres  par  la  {lè\ire 


190  LA  PAUNB   ET   LA  ytORE. 

de  Dacie,  le  morbus  HungaricuSf  la  Potistza,  tous  synonymes  de 
la  malaria. 

Sur  tout  le  cours  du  Danube,  on  observe  d'ailleurs  la  '  ma- 
laria :  elle  a  dans  toute  la  Bulgaiie  une  gravité  exceptionnelle 
pour  un  pays  tempéré,  gravité  qu^il  est  permis  d'attribuer  à  une 
ft^quente  association  avec  la  dysenterie. 

On  Tobserve  fréquemment  dans  toute  la  presqu'île  des  Balkans 
et  en  Grèce.  Dans  ce  dernier  pays,  la  mortalité  par  fièvre  maréma- 
tique  forme  les  deux  tiers  de  la  mortalité  générale. 

En  Russie,  les  fièvres  de  Crimée,  du  Caucase,  de  Tauris  sont 
des  formes  graves  de  malaria.  Le  campement  de  la  Tchemaïa, 
pendant  la  guerre  de  Grimét;,  fut  tristement  célèbre. 

Quaut  à  ritalie,  les  marais  de  la  campagne  de  Rome  y  sont 
classiques.  Le  mal  date  de  loin,  car  Tite  Live  rapporte  que 
i  5  pestes  successives  vinrent  empoisonner  les  débuts  de  la  ré- 
publique romaine,  et  lorsque,  plus  tard,  nos  ancêtres  les  Gau- 
lois firent  leur  folle  expédition  d'Italie  et  vinrent,  avec  Brennus, 
camper  sous  les  murs  de  Rome,  un  grand  nombre  moururent  de  la 
fièvre.  En  1859,  beaucoup  de  nos  soldats  devaient  avoir  le  même 
sort.  L'agriculture  et  la  belle  civilisation  romaine  avaient  fini,  en 
effet,  depuis  les  premiers  temps  de  la  république  et  depuis  l'in- 
vasion de  Brennus, par  assainir  la  campagne  romaine,  mais  Tin- 
vasion  de  Tempire  romain  par  les  barbares  avait  coupé  court  à 
cette  lente  et  progressive  amélioration  du  sol.  Sous  la  domination 
des  papes,  Tincurie  romaine  n'était  pas  faite  pour  arrêter  les  pro- 
grès croissants  de  la  malaria,  et  les  bufQes  devinrent  bientôt  les 
seuls  habitants  de  la  campagne  romaine.  Les  rizières  de  la  haute 
Italie,  les  chenevières  de  Livoume  et  de  Naples  sont  avec  Sienne 
et  Rome  les  principaux  foyers.  La  mortalité  générale  de  Rome  est 
d'ailleurs  considérable. 

La  malaria  est  fréquente  dans  la  péninsule  ibérique,  surtout 
en  Portugal.  En  Espagne,  dans  la  Sierra  de  Guadarrama,  par 
1400  et  2700  mètres  d'altitude,  des  fièvres  palustres  graves 
ont  régné  en  1861  et  1862,  pendant  la  construction  du  chemin 
de  fer  de  Madrid  à  Avila. 

L'Afrique  est  peut-être  la  contrée  du  globe  où  Timpaludisme 
sévit  avec  le  plus  d'intensité  :  aussi  l'Algérie  a-t-elle  été,  pour  les 
médecins  de  l'armée,  la  grande  école  où  ils  ont  appris  à  bien  con- 
naître la  fièvre  palustre.  La  plaine  de  la  Seybouse,  près  de  Bone, 
et  la  plaine  de  la  Mitidja,  dans  la  province  d'Alger,  sont  particn- 


IHPALUDISME.  191 

lièrement  célèbres.  Là  les  indigènes,  sitôt  la  moisson  finie,  se 
réfugient  sur  les  hauteurs,  pour  échapper  à  la  malaria,  et,  dans 
les  six  derniers  mois  de  Tannée,  non  seulement  la  fièvre  inter- 
mittente domine  la  pathologie,  mais  toutes  les  autres  maladies 
revêtent  sa  forme,  parce  qu'il  suffit  que  l'organisme  soit  affaibli 
par  une  cause  quelconque,  pour  que  les  effets  du  poison  toujours 
présent  deviennent  plus  sensibles.  D'une  manière  générale,  en 
Algérie,  sur  1000  malades  de  farmée.  on  compte  428  fiévreux, 
soit  2/5,  tandis  qu'en  France,  en  tenant  compte  des  garnisons  des 
pays  marécageux,  on  compte,  sur  \  000  malade:^,  i05  fiévreux, 
soit  1/10.  D'après  M.  Delemotte,  vétérinaire  distingué,  la  fièvre 
pernicieuse  bovine  est,  en  Algérie,  un  des  plus  grands  obstacles  à 
racclimatemcnt  des  bétes  à  cornes  qu'on  fait  venir  d'Europe.  Ces 
faits  sont  confirmés  par  les  agriculteurs,  notamment  par  M.  Arles 
Dufour. 

Le  maximum  de  la  malaria,  en  Afrique,  se  trouve  sur  la  côte 
occidentale.  Au  Sénégal,  elle  figure  pour  3/4  dans  les  causes  de 
décès  ;  sur  toute  la  côte  de  Guinée,  dans  le  golfe  de  Bénin,  dans 
celui  de  Biafra,  les  terres  basses  sont  couvertes  de  débris  de  végé- 
tation; la  terre  argileuse, où  prennent  racine  les  palétuviers,  y  al- 
terne avec  les  lagunes  et  les  marigots  d'eau  saumàtre.  C'est  cette 
région  chaude,  obscurcie  par  les  nuages  du  Cloud-Ring^  que  les 
marins  ont  nommée  le  Pot-au-Noir  ;  c'est  là  que,  surtout  par  le 
vent  N.-E.,  en  novembre  et  décembre,  au  moment  de  la  cessation 
(les  pluies,  la  fièvre  atteint  des  proportions  énormes.  Inconnue 
jadis  à  Maurice  la  fièvre  y  sévit  depuis  1866,  c'est-à-dire  depuis 
qu'on  déboise. 

En  Asie,  la  fièvre  palustre  augmente,  comme  partout,  du  nord 
au  sud,  de  la  Sibérie  vers  flndc.  Très  rare  dans  le  nord  de  la 
Sibérie,  elle  apparaît  dans  le  gouvernement  de  Tobolsk,  devient 
fréquente  dans  la  Transbaïkalie,  à  Irkoutsk.  —  La  Mésopotamie, 
le  long  du  Tigre  et  de  TEuphrate,  aux  environs  de  Bagdad  et  de 
Bassorah,  est  un  des  principaux  foyers  de  malaria.  La  vallée  du 
Gange  est  également  célèbre  à  cet  égard;  depuis  Bénarès  jusqu*au 
Delta  la  fièvre  des  jungles  est  en  permanence.  Dans  F  Inde  en- 
tière, sur  400  décès,  40'sont  dus  à  la  fièvre.  En  1879,  il  y  a  eu 
dans  rinde  3  564  035  d^s  par  fièvre  palustre.  L'armée  anglaise, 
qui  compte  57  810  soldats,  donne  51  959  cas  de  fièvre,  dont  1  387 
ont  été  mortels.  L'armée  indigène,  qui  compte  130  000  hommes, 
a  eu  122  375  cas  de  fièvre,  dont  1  756  suivis  de  mort.  Si,&\x  Y\t^^^ 


i9S  LA  FAUNE   ET   LA  FLORE. 

compter  les  décès,  on  calcule  le  nombre  des  malades,  on  voit  qu^au 
Bengale,  sur  100  malades  jl  y  a  72,64  Gévreux;  àBombav,  il  y  en  a 
61,73  ;  à  Madras,  31 ,62.  Même  sur  les  plateaux  du  Dekkan,  la  fièvre 
apparaît  ;  elle  y  est  connue  sous  le  nom  de  Hill  fever.  En  Cochin- 
chine,  où  les  3/4  des  terres  cultivées  sont  des  rizières  et  où  Tabon- 
dance  des  pluies  transforme,  pendant  six  mois,  toutes  les  plaines 
en  marécages,  la  proportion  des  décès  par  malaria  est  énorme, 
\/o  des  décès!  La  fièvre  palustre  règne  en  ce  pays  jusqu*à  une 
altitude  de  1200-i:i00  mètres. 

L'Amérique  présente  ce  phénomène  remarquable,  que  les  fiè- 
vres paludéennes  sont  plus  fréquentes  dans  toute  la  zone  de 
TAtlantique,  où  se  trouvent  les  grands  fleuves,  que  dans  la  zone 
du  Pacifique,  qui  offre  une  disposition  contraire.  Le  maximum 
de  la  malaria  américaine  est  dans  la  région  centrale.  Ainsi  la 
statistique  des  cas  de  fièvre  intermittente  observés  pendant  la 
guerre  de  sécession  nous  apprend  qu'en  1862  la  région  de  l'At- 
lantique a  fourni  34  858  malades,  la  région  du  Pacifique  973  et 
celle  du  centre  36  980. 

En  18t)3,  la  région  de  l'Atlantique  a  fourni  a'i  048  malades, 
celle  du  Pacifique  i  OGi  et  celle  du  centre  133  8S8;  le  Texas  et 
toute  la  vallée  de  T A rkansas  passent  pour  horriblement  malsains. 
Dans  l'Arkansas,  le  fort  Gilson  a  môme  reçu  le  nom  de  Maison 
mortuaire  de  l'armée  de  l'Union. 

A  la  Guyane,  que  les  eaux  pluviales  transforment  en  savanes 
noyées  ou  pripriSy  la  fièvre  forme  les  3/4  des  cas  de  maladie  et  le 
i/3  des  décès,  souvent  plus! 

Formen  diverses  de  la  fièvre.  —  Telle  est  l'esquisse  faite 
à  grands  traits  do  la  géographie  de  la  malaria.  Quelle  est  la  forme 
sous  laquelle  elle  se  présente  à  l'observateur?  Je  n'ai  pas  à  décrire 
ici  la  fièvre  intennittenle  aiguè.  Tout  le  monde  sait  qu'elle  se  ca- 
ractérise par  des  accès  formés  de  trois  stades  :  frisson,  chaleur  et 
sueur,  que  ces  accès  se  succèdent,  suivant  une  sorte  de  rythme 
déterminé,  tous  les  t2,  3,  4  jours,  suivant  que  la  fièvre  revôt  le 
type  quotidien,  tierce  ou  quarte;  le  type  varie  suivant  les  espèces 
et  les  races  auxquelles  appartiennent  les  malades,  mais  il  varie 
aussi  suivant  les  pays.  Ainsi  les  accès  semblent  s'éloigner  d*autant 
plus  l'un  de  l'autre,  que  l'altitude  est  plus  grande,  jusqu'à  ce 
qu'elle  soit  assez  grande  pour  que  l'accès  n'ait  plus  lieu. 

La  fièvre  paludéenne  revêt  souvent  certaines  (ormes  dites 
larvées,  qui  la  font  parfois  méconnaître;  ainsi  le  docteur  Corre 


IMPALUDISME.  1931 

rattache  à  l'infeclion  malarienne  une  ophtalmie  épidémique  qui 
règne  à  Madagascar. 

Dans  les  terres  basses  et  chaudes  de  TAbyssinie,  M.  d'Abbadie 
a  TU  la  fièvre  paludéenne  se  manifester,  chez  les  indigènes,  sous 
la  forme  de  catarrhe^  de  rhume. 

C'est  également  à  Timpaludisme  qu'il  faut  rattacher  cette  fièvre 
de  Chi/pre  observée  par  Oswald  Wood  sur  Tarmée  d*occupation, 
en  1878  et  1879;  la  maladie  était  caractérisée  par  une  tempéra- 
ture élevée  et  des  sueurs  critiques. 

La  môme  origine  doit  être  attribuée  à  ces  lymphajiqites  per- 
nieiewies  de  Rio  de  Janeiro,  décrites  par  Claudio  da  Silva,  lym- 
phangites tantôt  fixes,  tantôt  erratiques  qu'on  jugule  par  le  sul- 
fate de  quinine. 

lien  est  de  même  de  la  fièvre  bilieuse  mélanurique  au  Sénégal. 
Daprès  Bérenger-Féraud,ello  atteint  38-50  0/0  des  individus  au 
Gabon  et  à  la  Côte-d'Or;  20  0/0  dans  le  haut  Sénégal;  15  0/0  le 
long  des  rivières  du  sud,  la  Casamance  et  le  Rio-Nunez  ;  8  0/0  au 
Cayor;  i-3  0/0  à  Gori'e  et  à  Saint-Louis,  croissant  et  diminuant 
partout  avec  Timpaludisme. 

C'est  encore  au  compte  de  la  malaria  qu'il  convient  de  porter, 
d'après  un  grand  nombre  de  nos  confrères  de  la  marine,  la  fièvre 
itUrO'hémoirhi.ujique,  qui  sévit  à  Madagascar,  à  la  Réunion,  au 
Sénégal,  aux  Antilles. 

Quant  à  la  colique  sècfte^  s'il  est  aujourd'hui  bien  démontré, 
depuis  le  docteur  Lefévre,  que  la  plupart  des  cas  décrits  sous 
ce  nom  appartenaient  réellement  à  Tintoxication  saturnine,  jadis 
fréquente  à  bord  des  vaisseaux,  il  est  non  moins  prouvé,  mainte- 
nant que  les  chances  d'empoisonnement  par  le  plomb  n'existent 
plus,  que  des  phénomènes  névralgiques  du  côte  de  l'intestin, 
identiques,  pour  la  forme,  à  ceux  que  déterminait  Tempoisonne- 
ment  par  le  plomb,  peuvent  être  produits  par  Tcmpoisonne- 
mentmarématique;  c'est  ainsi  que  les  nègres,  qui  sont  tout  aussi 
sensibles  au  plomb  que  les  blancs,  échappent  généralement  à  la 
colique  sèche. 

A  la  Guyane,  la  colique  sèche  n^est  pas  rare; on  en  observeen- 
viron  80  cas  par  an  (Vidal)  dans  le  pénitencier  de  Caycnne. —  Une 
chose  singulière  et  qui  prouve  bien  la  nature  palustre  de  cette 
maladie,  c'est  que  desdeux  pénitenciers  deCayenne,  aménagésTun 
comme  Tautre,  mais  orientés  d'une  façon  différente,  l'un  présente 
toujours  la  colique  sèche,  l'autre  ne  la  montre  jamais.  î\\t  \C^- 


194  LA   FAUNE   ET   LA  PLORB. 

teîDt  que  ceux  qui  sont  exposés  au  yent  d»  marais,  bien  que  tout 
le  personnel  fa^se  usage  de  la  même  eau.  Diaprés  le  docteur 
Vidal,  c*est  Timpaludismc  qui  prépare  l'organisme  à  présenter,  au 
moindre  refroidissement,  les  symptômes  connus  sous  le  nom  de 
colique  sèche.  Les  travaux  de  Rochard  ne  laissent  pas  non  plus 
de  doute  sur  la  nature  paludéenne  de  cette  maladie  aussi  bien  au 
Sénégal  qu*à  Madagascar,  au  Brésil  et  dans  Tlnde. 

Caehexle  paladéemie .  —  La  forme  aiguë  de  la  fîèyre  n*a 
pas  à  nous  occuper  pour  le  moment;  cet  accès  bruyant,  expansif, 
pour  ainsi  dire,  c'est  la  manière  dont  un  organisme  vigoureux 
réagit  sous  T influence  du  poison  de  la  malaria.  Or,  comme  tous 
les  réactifs,  l'organisme  est  d'autant  plus  sensible,  il  réfèle  d'au- 
tant plus  bruyamment  la  présence  du  poison,  qu'il  est  lui-même 
plus  vigoureux;  mais,  au  contraire,  lorsque,  par  suite  du 
séjour  prolongé  dans  un  pays  à  fièvre,  la  sensibilité  de  l'organisme 
est  énioussée,  il  cesse  de  réagir  aussi  bruyamment  et  alors  com- 
mence la  cachexie  palustre,  caractérisée  par  une  anémie  spéciale, 
par  un  gonflement  de  la  rate,  par  une  décoloration  particulière  et 
par  une  déchéance  spéciale  de  l'individu  d'abord^de  la  race  ensuite. 

Uippocrate  a  donné  des  habitints  du  Phase  cette  description, 
qui  peut  encore  aujourd'hui  passer  pour  un  modèle  de  peinture 
de  la  cachexie  paludéenne  :  f  Ils  ont  la  rate  toujours  volumi- 
«  neuse  et  dure;  le  ventre  est  tendu,  émacié  et  chaud;  ils  ont 
«les  épaules  et  les  clavicules  décharnées;  les  femmes  sont 
«  sujettes  aux  œdèmes,  elles  conçoivent  difOcilement  et  leur  ac- 
(f  couchement  est  laborieux  ;  leurs  nouveau-nés  sont  gros  et  bour- 
«  soufflés;  mais,  pendant  la  nourriture^  ils  maigrissent  et  devien- 
«  nent  chétifs^de  sorte  que  la  longévité  est  impossible.  La  vieillesse 
«  arrive  avant  le  temps.  y> 

La  première  manifestation  de  la  cachexie  palustre  sur  une 
race  est  caractérisée  par  l'énorme  augmentation  de  la,  mortalité 
infantile  ;  ainsi,  tandis  que,  dans  les  parties  non  marécageuses  de 
la  Hollande  (le  Limbourg),  la  mortalité  infantile  est  de  12  0/0, 
elle  est  de  29  0/0  dans  File  de  Walcheren  ;  elle  est  de  39  et  même 
de  43  0/0  dans  certains  îlots  de  Tenibouchure  de  la  Meuse. 

Montfalcon,  qui  écrivait  en  1824,  cite  des  parties  marécageuses 
du  département  de  l'Ain,  où  la  population  avait  diminué  de  1/8 
depuis  1786;  faisant  allusion  à  Tinfluence  de  la  malaria  sur  la 
densité  de  la  population,  il  ajoute  que  si,  pour  un  espace  donné, 
on  trouve,  dans  les  parties  non  marécageuses  du  département  de 


IMPilLUDISMB.  19S 

TAiD,  12  habitants,  on  n*en  troufera  que  5  dans  la  partie  maré- 
cageuse. 

Quant  à  la  lie  moyenne,  elle  diminue  en  raison  directe  de 
rétendue  du  marais^  ainsi  que  le  montre  le  tableau  suivant  emprunté 
à  Becquerel  : 

Proportion 

des  parties    Populalion 
Df^partements.       marécageuses       par         Vie  moyeane. 

pour  kil.  carré. 

1000  bcet. 

Cher 6  13,A0        30  ans,  04 

Loiret 41  11,31        «82  ans,  33 

Dans  la  Brenne,  la  vie  moyenne  est  inTérieure  de  onze  ans,  à 
ce  qu'elle  est  dans  la  région  voisine.  La  taille  y  *est  également 
plus  petite  qu'à  côté.  Voici,  d'ailleurs,  le  tableau  des  réformés, 
pour  les  principaux  cantons  : 

Surface  v««.k-^ 

d'étang  p.  100.   ^T''"'. 
Cantons.  de  surface    '^^'J'^Î^T"*» 

du    canton.         P'  *^^- 

Chalamont 23  65 

Saint-Trivier... 17  62 

Chalillon 8  60 

Montluel 6  47 

TrévolU 8  40 

Mezimieux 8  39 

Les  besoins  du  recrutement  donnent,  d'ailleurs,  Toccasion  de  se 
(aire  une  idée  de  Pétat  des  habitants  des  pays  marécageux  :  les 
exemptions  pour  «iéraut  de  taille,  hernies,  Tuiblesse  de  constitution 
atteignent,  dans  les  cantons  marécageux,  des  proportions  effrayan- 
tes, qui,  dans  certaines  parties  des  Dombcs,  vont  jusqu'à  62  et 
65  0/0.  n  s'est  même  rencontré  des  années  et  des  cantons,  où  Ton 
ne  trouvait  pas  un  seul  homme  pour  réponire  à  Tuppel  de  sa 
classe.  Toute  la  classe  était  morte  avant  Tâge  de  21  ans. 

Les  individus  dégradés  par  les  ravages  de  l'impaludisme  chro- 
nique prennent  un  type  à  part  :  tandis  que  tout  l'organisme 
s'atrophie,  la  rate  seule  sliypertrophie.  Toutes  les  ^fonctions  se 
pervertissent;  beaucoup  sont  boulimiques,  mangent  de  la  terre  et, 
dans  les  autopsies,  Burdel  a  vu  l'estomac  descendre  plus  bas  que 
rombilic. 

Le  cerveau  et,  pu:  suite,  Tintelligence  n'échappei\l  ^«a  Vc^XVft 


tS<  LA   FAUNE   BT  U   tUiM. 

déchéance.  Ainsi  dans  le  Forez,  Undisque  les  habitants  des  par- 
ties saines  sont  acUr»,  vif^ureui,  industrieui,  ceui  des  plaines 
marécageuses  sont  mous,  apathiques;  à  vin^  ans,  ils  paraissent 
âgés  de  trente-cinq  ans.  La  statistique  judiciaire  a  montré  que 
Tassassinal  Idchement  prcmcdilc  s'y  montre  rréquemment.  C'est 
surtout  en  Solos;iie  que,  dans  noire  pa;s,  U  déchéance  inleliec- 
tuelic,  par  le  fait  de  l'impaludisme,  atteint  son  maiimum. 

CrétiBiBBe  paladéeB.— Le  docteur  Burdel  [de  Vienon)  a  fait 
contiailrr'dnnsccpaysuiie  forme  de  cir'(»i>rRe,  propre  à  l'inipulu- 


fm"^ 


dismc,  qui,  avec  certains  caractères  particuliers,  rappelle  tout  à  fait 
le  cri'tinUme  goitreux  des  vallées  de  montagne.  Il  y  vingt  ans,  dit 
Burdel,  sur  400  enfants  on  en  vojait  70  languir.  Leur  md  com- 
mence par  la  fièvre,  qui  passe  inaperçue,  par  des  convulsions, 
qui  taolÂt  arrêtent  le  mouvement  nutritif  général,  tantôt  n'arrê- 
tent que  l'intelligence.  Il  semlile  que  la  matière  cérébrale  est 
restée  figée  dans  le  moule  de  t'enrancel  La  gravure  ci-dessui, 
empruntée  au  docteur  Uurdcl,  donne  une  certaine  idée  du  fades 
terne,  hébété  cl  spécial  de  ceîeriliiii  paludéens,  sans  goitre. 
L'individu,  dans  les  pajs  marématiques,  commence  par  laliéf ra 


IMPALUDISME.  197 

intermittente,  il  finit  par  la  cachexie  et  la  race  présente  la  dégé- 
nérescence paludéenne. 

^Sature  de  la  nalaria.  —  Comment  agit  le  marais?  Ce  que 
uous  avons  vu  plus  haut,  au  sujet  des  facteurs  animés  de  la  nitri- 
ficalion  et  de  la  sidfuration,  va  nous  permettre  de  comprendre  ce 
qu'on  pourrait  nommer  \a,palud(tti(m.  Nous  verrons  comment  des 
agents  semblables  à  ceux  de  la  nitrification,  êtres  vivants  qui  exis- 
tent dans  le  marais,  produisent,  dans  l'organisme  qui  les  absorbe, 
les  pfTets  toxiques  qui  leur  sont  propres. 

Souvent  ces  êtres  perdent  leur  action  par  suite  de  la  dessiccation 
qu'ils  ont  subie,  mais,  comme  un  grand  nombre  d'organismes 
inférieurs,  ils  sont  doués  du  pouvoir  de  reviviscence  et  capables 
de  continuer,  sous  l'influence  de  l'humidité,  une  vie  que  la  sé- 
cheresse, même  prolongée,  semblait  avoir  interrompue  ;  celte 
propriété  nous  permettra  de  comprendre  comment  il  suffit  d'ou- 
vrir une  tranchée  dans  le  sol,  pour  redonner  la  vigueur  à  des 
organismes  chez  qui  la  vie  était  latente.  C'est  ce  qui  s'est  produit 
a  Paris,  lorsqu'on  creusa  les  tranchées  du  canal  Saint-Martin  ;  un 
jrrand  nombre  d'accidents  paludéens  se  produisirent  alors. 

Elle  est  d'ailleurs  bien  ancienne  l'idée  moderne  qui  rattache  à 
•les  organismes  vivants  la  production  delà  malaria!  Vitruve,Var- 
ron.roluraelle  croyaient  que  les  accidents  paludéens  étaient  dus  à 
'les  insectes,  qui  habitaient  les  régions  marécageuses.  L'idée  méta- 
physique du  marais  agissant  comme  une  puissance  occulte  ne  vint 
que  beaucoup'plus  tard.  H  est  vrai  qu'elle  n'est  pas  encore  éteinte, 
bien  que  la  nature,  en  quelque  sorte  parasitaire  des  accidents 
|ialudéens,  soit  aujourd'hui  amplement  démontrée.  Rasori,  au  début 
de  ce  siècle,  conseillait,  pour  se  garantir  de  ce  qu'il  regardait 
d('*jà  comme  des  germes,  de  ne  respirer  l'air  des  régions  maréca- 
Ifeuscs  qu'à  travers  une  gaze  légère;  c'était  là  l'avant-coureur  des 
théories  et  des  applications  de  Tyndall  et  de  Pasteur.  Enfin,  de- 
puis longtemps  on  savait  que  ce  qu'on  nommait  jadis  le  miasme  (f) 
était  susceptible  dètre  transporté  ou  d'être  arrêté  en  route, 
comme  si  cette  sorte  de  prétendue  dme  invisible  se  revêlait  d'un 
f^rps  palpable  et  tangible. 

Lancisi  raconte  que  30  personnes  de  Rome  se  promenaient, 
un  jour,  vers  l'embouchure  du  Tibre.  Tout  à  coup  le  vent  des 
marais  se  mit  à  souffler  ;  29  d'entre  elles  furent  prises  de  la  fièvre. 
Dans  d'autres  cas,  c'est  un  mouvement  de  terrain  ou  une  rangée 
d'arbres,  qui,  coupant  le  vent  du  marais,  met  à  VdXm  de  ses  e\Sfc\&* 


I 


lilg  LK    FAUNE    ET    LA    FLOltlï. 

Marchai  de  Cahi  donne  un  autre  eieniple  bien  curieux  de  Iran»- 
porl.  Des  soldaU  s'embarquèrent,  en  emiiurUinl  avec  eux  leurpro- 
visioD  d'eau  puisée  dans  un  marais;  its  lionimes  de  l'à^uiiagF 
burenl.eui,  l'eau  qu'ils  avaient  embarquée  duit»  un  autre  cntlroil, 
non  marécageux.  Or  les  soldats  seuls  eurent  la  fièvre.  Ib 
avaienl  mis  le  miasme  (!)  en  boureille  ! 

Tout  portait  donc  à  croire  à  l'eiistence  d'un  véritable  paraâU: 
le  professour  Bouctaardat  eut  le  mérite,  généra icmeiil  raccoiUKii 
d'entrer  un  des  premiers  dans  celte  voie  :  il  émit  l'idée  que  11 
malaria  était  due  à  un  venin  dégagé  par  les  orKanismes,  qui  pullu- 
lent dans  nn  marais.  Il  allait  même  jusqu'à  jwnser  que  ti  11 
Nouvelle-Calédonie  ne  présentait  pas,  ainsi  que  nous  l'jivoiu  tu 
plus  baut,  de  phénomènes  d'i  m  paludisme,  cela  tenait  à  ce  que  \a 
agents  producteursdel'emiMisonnementétaienl  détruits  par  le  Ai*- 
tiuli  {Melainica  kuradendroa],  qui,  avec  le  McMeunt  eitjrpttli  de* 
Moluques,  fournit  aux  parfumeurs  l'essence  de  cajVpui.  Il  allri- 
buait  la  même  propriété  à  Veucalj/pius  eu  Australie.  Le  ^Toteateu 
Bcrthelut  adopta  en  partie  ces  idées,  avec  une  variante  :  il  peasaJI 
que  les  organismes  du  marais  produisaient  un  ferment  p«rtict>- 
lier,  comme  l'ergot  du  seigle  produit  la  diagtase. 

11  eût  coûté  bien  peu  d'aller  plus  loin,  de  faire  un  pas  de  plus, 
et,  sans  aller  chercher  le  venin  et  la  diastase,  d'accuser  directe- 
ment les  producteurs  supposés  de  ce  venin  et  de  cetic  diostoe. 

Cette  théorie  vraiment  parasitaire,  inaugurée  parSalisborj.eit 
arrivée  aujourd'hui  à  un  état  de  développement  qui  semble  nti»- 
faisant  puur  l'esprit 

Déjà,  en  (829,  Heineu  flis  avait  recueilli  la  rosée  à  l&s&rbM 
des  plantes  d'un  marais,  et  il  en  avait  fuit  absorber  une  certûnc 
quanlité  àdes  lapins;  ceux-ci  eurent  de  la  faiblesse,  du  tiem" 
klement,  de  la  stupeur.  Son  père  lui-Piéuc,  qui  Tavail  aidé 
dans  ses  expérieiices,  fut  mabide  aprèj  avoir  bu  celte  rosce  cl  dot 
prendre  du  quinquina.  Van  der  Corput  rapporte  de  son  dM, 
qu'étant  étudiant  il  eut  des  fièvres,  pour  avoir  tenu  sur  sa  fenétR 
un  vase  rempli  d'algues  cl  de  plantes  paluslres;  le  docteur  flsn- 
mon  éprouva  les  mêmes  accidents,  pour  avoir  tenu  sur  sa  fenUre 
un  vase  rempli  d'algues  d'eau  douce;  les  accès  se  montraient,  cltei 
lui,  au  moment  du  lu  frucliGcalion  de  ces  plantes;  lu  prufisseiir 
Murren  a  vérifié  le  même  fait;  eulin  Salisburj  a  transporté  la  terre 
prise  dans  un  marais  à  une  distance  de  ce  marais,  de  S  milles  bd 
li>n^ueur  horizuntalc  el  de  3U0  pieds  en  hauteur;  il  mit  lu  lerre  du 


IMPALUDISMB.  !99 

marais  dans  un  vase,  qu'il  déposa  sur  la*  fenêtre  de  la  chambre 
à  coucher  de  deux  jeunes  gens,  qui  s'étaient  prêtés  à  cette  expé- 
rience ;  les  deux  jeunes  gens  eurent  des  accès  de  fièvre,  absolu- 
ment comme  s'ils  avaient  été  chasser  dans  le  marais.  Dans  cette 
terre,  Salisbury  trouva  un  grand  nombre  d  organismes  du  genre 
palmella,  qu'il  regarda  comme  producteurs  de  la  (ièvre. 

De  son  côté,  Lemaire,  en  Sologne,  dans  une  région  où  tout  le 
monde  tremble  la  fièvre  et  qui,  pour  cette  raison,  est  connue  sous 
le  nom  pittoresque  de  tremble-vif,  étudia  la  vapeur  d'eau  con- 
densée, qu'il  avait  recueillie  à  la  surface  du  marais  ;  il  vit  d'abord 
des  cellules,  des  spores,  puis  il  vit  se  développer  sous  ses 
yeux  des  algues,  des  mucédinccs,  des  champignons  ;  plus  tard, 
ces  êtres  meurent  et  cessent  de  croître  ;  ils  sont  rempla- 
cés par  des  monades,  des  vibrions,  des  spirillum,  des  bactéries  ; 
à  mesure  qu'ont  lieu  ces  transformations,  le  liquide,  qui  était 
d'abord  limpide,  se  trouble,  il  devient  floconneux  et  dépose  une 
matière  organique,  formée  de  tous  les  éléments  que  je  viens  de 
nommer. 

Tout  cela  est  assez  vague  ;  cependant  il  se  pourrait  que  cette  mul- 
tiplicité des  objets  observés  successivement  ait  mis  sur  la  trace 
d'une  loi  d'évolution  ou  mieux  de  transformation.  Ainsi  Hallier 
(d'icna)  croit  qu'il  s'agit  d'un  parasite  voisin  des  oscillnrinées, 
organismes  veraiiformcs,  doués  de  mouvements  vifs  et  qui  subis- 
sent un  certain  nombre  de  métamorphoses.  Scburtz  (de  Zwickau) 
aurait  surpris  cette  métamorphose  sur  le  fait  :  il  cite  un  savant 
qui  fut  pris  de  fièvre  palustre  en  cultivant  des  oscillarinées , 
chaque  matin,  l'odeur  du  marécage  était  répandue  dans  sa 
chambre  et,  chaque  matin,  on  trouvait  dans  la  vapeur  d'eau 
déposée  sur  les  cloches  qui  recouvraient  les  osrUlarincrs,  des 
ptilmellées,  qui,  croit-il,  sont  une  des  étapes  du  développcuieut 
des  oscillarinées  et  jouent  un  grand  rôle  dans  la  malaria.  Le- 
maire et  Hallier  ont  même  émis  l'hypothèse  que  les  oscillarinées 
correspondaient,  comme  élément  pathogénique,  à  un  groupe  uni- 
que de  maladies  :  la  fièvre  intermittente,  la  fièvre  jaune  et  le 
typhus,  dont  chacune  résulterait  d'une  des  étapes  de  cette  méta- 
morphose. Pour  beaucoup  de  raisons,  cette  hypothèse  semble  insou- 
tenable. Mais  de  tout  ceci  il  résulte  que  les  botanistes  sont  loin 
d'être  d'accord  sur  les  formes  vraisemblablement  multiples,  qui 
pullulent  dans  la  vapeur  d'eau  dégagée  par  un  marais. 

Je  n'ai  pas,  en  effet,  terminé  la  liste  de  tout  ce  (\ue  \e^  o\i^TH^- 


tff  LA   FAUNE   ET   LA  FLORE. 

teurs  différents  ont  troiité  en  pareil  cas  :  le  docteur  Corre,  à  la 
côte  d'Afrique,  affirme  la  coexistence  habituelle  des  fièvres  d^accès 
et  de  certains  protoorganismes  dans  latmospbère. 

Wood,  Balestra,  Lanzi  et  Terrigi  (1866-1875)  avaient  cherché 
à  rattacher  la  fièvre  paludéenne  à  un  élément  figuré.  Les  deux 
derniers  disent  avoir  trouvé  une  végétation  comparable  aux  y»**- 
ifletiy  à  laquelle  ils  ont  donné  le  nom  de  Burterhlium  hrwmeum, 
Kklund  a  trouvé,  dans  la  vapeur  d*eau  condensée  d'un  marais, 
un  parasite,  qu'il  nomme  Limnophysuli^  Aj^i/imr,  déjà  observé  par 
Lemaire  et  par  Gratiolet.  C'est  un  petit  champignon;  ses  sporan- 
ges sont  parfois  hh*ues  et  cela  concorde  avec  ce  que  nous  savons 
de  la  fréquence  des  vomissements  hlcus,  ok>servés  à  la  Havane  et 
signalés  [»ar  Sullivan  dans  la  fièvre  intermittente  pernicieuse.  Il 
(>enso  que  ces  sporanges  sont  id«?ntiques  au  rotiffulum  hyatiny 
signalé  par  Frerichs  dans  le  sang  des  malades  morts  de  la  fièvre 
intermittente.  D'après  Eklund,  le  Lhnnophysolis  hyalina  enire  dans 
le  sang,  soit  par  la  muqueuse  bronchique^  soit  par  la  muqueuse 
digesti\e,  avec  l'eau  ingérée;  il  a  toujours  constaté  ce  parasite 
dans  le  santr  des  malades  atteints  de  fièvre  intermittente  ;  il  l'a 
même  retrouvé  dans  furine.  Ce  parasite  croîtrait  dans  les  glandes 
intestinales  et  [>énétrerait  petit  à  petit  dans  la  circulation;  on  le 
trouve  toujours  dans  le  sang  pendant  le  stade  fiévreux  propre- 
ment dit. 

De  leur  côté,  Tomas>i  Crudeli  (de  Rome)  et  Klebs  (de  Prague) 
ont  étudié  riin|>aludisinc  dans  la  campagne  romaine  ;  dans  les- 
couches  inférii.'ures  de  l'atmosphère,  ainsi  que  dans  le  sol  maréca- 
geux et  dans  les  eaux  stagnantes,  ils  ont  découvert  un  fungus 
microscopi()uef  formé  de  nombreuses  spores  mobiles,  brillantes,  de 
9.'i  micromitlimètres;  ces  organismes  injectés  sous  la  peau  de 
plusieurs  chiens  ont  donné  à  ces  animaux  de  la  lièvre,  avec  des 
intermittences  partois  de  60  heures,  avec  une  élévation  de  tempé- 
rature allant  jusqu'à  H-  42^  et  gonflement  de  la  rate,  qui  triplait 
de  volume.  Dans  le  sang  de  la  rate  ainsi  que  dans  les  vaisseaux 
lymphatiques,  ces  spores  deviennent  de  longs  filaments,  d'abord 
homogènes,  mais  qui  se  subdivisent  ensuite  et  dans  l'intérieur 
deiiquels  se  forment  des  spores  nouvelles.  Ils  ont  nommé  ce  fuugus 
Bucilhis  mnlnriœ. 

Dans  un  second  mémoire,  Tomassi  Crudeli  et  Klebs  confirment 
leurs  premiers  résultats  et  ajoutent  les  conclusions  suivantes  : 

1*  Dans  le  sol  de  toutes  les  localités  palustres  de  la  campagne 


IIIPALUDISME.  toi 

romaine,  le  Bncillus  mnlariœ  a  été  trouvé  à  l'état  de  développe- 
ment complet,  ou  bien  on  Tobtenait  en  grandes  quantités  à  l'aide 
de  cultures  artiQcielles.  Dans  les  districts  sains,  on  n'a  pu  obtenir 
ce  parasite,  soit  directement,  soit  par  les  cultures  ; 

2»  Pendant  les  chaleurs  de  Tété,  ce  bacillus  s'élève  dans  Tatmo- 
sphère  en  si  grande  profusion,  qu'il  n*y  a  pas  besoin  d'appareils 
spéciaux  pour  le  recueillir  dans  Tair  ;  on  le  trouve  en  abondance 
dans  la  sueur  des  mains  et  du  visage  ; 

W"  On  ironie  ronsUimment  ces  spores  pendant  la  période  d'acmé 
lie  l'accès,  dans  le  sang  des  lapins  infectes  par  la  malaria,  dans 
le  sang  retiré  de  la  rate  des  malades  au  moyen  d'une  méthode 
in\entée  par  le  docteur  Sciamanna.  La  culture  artificielle  de  ce 
sang  a  toujours  amené  le  développement  du  Banllus  malarix 
parfois  en  très  grande  quantité.  Au  contraire,  la  culture  du  sang 
splénique  de  personnes  atteintes  d*autres  maladies  n'a  donné 
que  des  résultats  négatifs  ; 

4®  tin  injectant  sous  la  peau  de  chiens  le  sang  retiré  des  veines 
de  personnes  affectées  de  ûèvres  palustres ,  on  reproduit  cette 
maladie  chez  les  animaux  en  expérience  ; 

i>**  Dans  tous  les  cas  où  le  sang  a  été  extrait  de  malades  palus- 
tres pendant  la  période  d'invasion  de  la  (lèvre,  il  contenait  une 
.irrande  quantité  de  bacillus  complètement  développés.  Au  con- 
traire, dans  la  période  d'acmé  de  la  fièvre,  les  bacillus  disparais- 
sent ;  on  ne  trouve  plus  que  les  spores. 

Ce^t  la  rate  et  le  voisinage  des  os  qui  constituent  les  nids  prin- 
cipaux du  parasite;  c'est  de  là  quMI  arrive  dans  le  sang  et  ce 
passage  signale  le  début  de  l'accès  ;  la  fin  de  l'accès  ou  crise  coïn- 
cide avec  la  destruction  ou  l'élimination  du  parasite  ;  cette  élimi- 
nation ^c  fait  surtout  par  le  rein.  Antonio  Ceci  est  arrivé  à  des 
résultats  semblables.  Il  a  trouvé  dans  la  terre  des  marais  des 
schistomycètes  qu'il  a  cultivés  et  qui,  injectés  à  des  lapins,  leur 
donnaient  des  accès  de  fièvre  palustre,  avec  gonflement  de  la  rate. 

A  ces  données,  qui  paraissaient  fort  simples,  voici  que  le  doc- 
teur Laveran  en  ajoute  d'autres,  si  bien  qu'on  peut  dire  en 
réahlé  que  le  seul  argument  qui  reste  encore  au  service  des  parti - 
sins du  (iofjme  marimfUi que,  aux  adversaires  du  parasitisme,  c'est 
le  grand  nombre  et  la  diversité  des  parasites  incriminés  ;  le  docteur 
Laveran  a  trouvé  dans  le  sang  des  malades  (26  fois  sur  44)  des  corps 
sphériques,  transparents,  à  contours  très  fins,  de  6  millièmes  de 
millimèlre  de  diamètre  ;  dans  l'intérieur  de  ces  corps  se  Vco^xh^^X 


îft  LA   PADHB   ET  LA  FLORE. 

des  granulations  pigmentaires  arrondies  ;  parfois  aulour  d'eux 
apparaissent  des  filaments  très  transparents,  animés  de  mou- 
▼ements  rapides  et  qui  ont  Taspect  d*anguinules,  dont  une  des  extré- 
mités serait  fixée  dans  rintéricur  de  Télémenl  sphérique.  Ces  élé- 
ments, nombreux  dans  le  sang  des  malades  qui  ont  la  fièvre  depuis 
quel(|ue  temps  et  qui  ne  sont  pas  traités  d'une  façon  régulière, 
disparaissent  chez  ceux  qui  ont  pris  pendant  longtemps  du  sulfate 
de  quiiiine  et  qui  peuvent  être  considérés  comme  guéris.  Le  doc- 
teur laveran  a  donné  à  ce  parasite,  qui  appartiendrait  au  règne 
animal,  le  nom  â'OscUhrin  malariœ. 

I.es  recherches  du  docteur  Laveran  ont  été  complétées  par  celles 
du  dortcur  Richard, médecin  de  Thôpitaldc  Philippeville.  D  après 
ce  dernier  observateur,  les  cléments  que  Laveran  a  décrits  comme 
corps  sphéri(iu(îs,  remplis  de  granulations  et  de  Pi ntérieur  desquels 
fi'ér)i.ipprnt  des  filaments,  comme  autant  d'anguillules,  sont  les 
globiil(>H  sanguins,  dont  le  microl>e  fait  son  habitat  spécial,  comme 
un  rhinmiym  iVuw  Irntillr et  d'où  il  sort  une  fois  qu'il  est  arrivé 
à  IV'tal  parfait.  Les  granulations  sont,  d'après  lui,  le  premier  état 
du  parasita  nicore  inclus  dans  le  globule;  les  filaments  représen- 
teraitîut  U;  parasite  sortant  de  sa  coque  globulaire. 

I)(î  n'tli;  l(»ri}çu(î  ^numération  il  ressort  clairement  que  la  fw/i- 
i^irifi  est  parasitaire  et  inoculable.  Quel  est  au  juste  le  parasite? 
(î'esl  sur  ci;  point  que  les  observateurs  difierent.  Y  a-t-il  plusieurs 
parasites?  Y  eu  a-t-il  un  seul  qui  présente  plusieurs  formes, plu- 
sieurs rtats?  C'est  ce  (pion  ne  saurait  dire  encore.   L*es.>entiel, 
aprVîs  tout,  est  de  savoir  qu'un  parasite  vit  dans  le  sol,  dans  Teau 
du  marais,  dans  l'air  qui  le  lèche  et  que  ce  parasite  peut  s'in- 
troduire dans  le  sang.  On  comprend  maintenant  comment  le  vent 
d'un  marais  peut  donner  la  fièvre  ;  on  s'explique  ce  fait  signalé 
parle  docteur  Lecadre  (du  Havre)  du  transport  du  mifismcÇt)  pa- 
ludéen sur  les  hauteurs,  par  du  foin  coupe  dans  des  plaines  où 
règne  la  fièvre  intermittente.  On  comprend  l'action  de  l'euca- 
lyptus, qui  non  seulement  répand  dans  l'air  une  essence  peut-être 
toxique  pour  les  micro-organismes,  mais  par  ses  racines  prati- 
que dans  le  sol  et  dans  le  sous-sol  un  véritable  drainage,  défa- 
Torable  à  la  vie,  dans  le  sol,  des  nombreux  parasites  dont  nous 
avons  vu  plus  haut  la  liste  évidemment  trop  longue. 

Arllon  favorable  du  dcsiséchement  des  marais.  —  Cela 
est  si  bien  le  résultat  du  marais,  que,  partout  où  on  dessèche  les 
marais,  on  voit  petit  à  petit  la  population  augmenter  et  s'amé- 


IMPALUDISME.  S«8 

liorer.  Ainsi  c'est  en  1857  qu'on  a  commencé  les  travaux  de  dessè- 
chement des  étangs  du  Forez  ;  à  Theure  actuelle,  on  n'a  encore 
eiécuté  que  le  quart  des  travaux  et  déjà  la  flèvre  paludéenne 
a  diminué  des  3/4;  il  est  vrai  que  la  dépense  s'est  élevée  à 
540  000  francs,  mais  la  plus-value  des  terres  est  déjà  de  4  500  000, 
et  lorsque  tout  sera  terminé,  on  aura  dépensé  7  millions  de  francs, 
mais  la  plus-value  des  terres  sera  de  24  millions  de  francs. 

Depuis  longtemps  déjà  on  a  commencé  à  assainir  les  Dombes, 
au  sud  de  Bourg-en-Brcsse  :  les  étangs  y  couvraient  une  super- 
ficie de  19  215  hectares;  la  mortalité  dépassait  la  natalité  de 
19  0.0  ;  aujourd'hui,  la  densité  de  la  population  s'est  accrue  :  elle 
a  passé  de  21  habitants  à  31  par  ^kilomètre  carré;  la  durée 
moyenne  de  la  vie, qui  était  de  25 ans,  est  devenue  de  35  ans; la 
proportion  des  réformés,  qui  était  de  52  0/0,  s*est  abaissée  à  9  0/0. 

Oq  connaît  les  résultats  qui  ont  été  déjà  obtenus  en  Australie  et 
en  Algérie.  Dans  la  campagne  romaine,  dont  on  connaît  Tinsalu- 
brité  proverbiale,  au  monastère  des  Trois-Fontaines,  habité  par 
des  trappistes,  grâce  à  l'eucalyptus,  une  véritable  oasis  a  été  créée, 
les  moines,  qui  pouvaient  à  peine  y  rester  pendant  la  journée,  ne 
sont  plus  obligés  de  rentrer  à  Rome  chaque  soir  pour  éviter  la 
fièvre. 

Le  drainage,  voilà,  en  résumé,  le  grand  moyen  de  combattre  la 
malaria  !  Un  des  mérites  des  récentes  recherches  de  Tomassi 
Cradeli  est  d*avoir  montré  l'importance  du  drainage,  non  de  la 
surface  du  sol,  mais  du  sous-sol  profond.  Il  a  montre  avec  raison 
combien  on  avait  tort,  jusqu'à  présent,  de  faire  consister  l'assai- 
nissement des  terres  raalariqucs  dans  Técoulement  des  eaux  sta- 
gnantes à  la  surface  du  sol  ;  on  ne  fait  alors  que  suspendre  l'évo- 
lution du  ferment,  mais  on  ne  l'empêche  pas  complètement.  En 
effet,  le  ferment  malarique  se  développe  avec  énergie  dans  cer- 
taines couches  géologiques  profondes  et  imprégnées  d'une  faible 
humidité;  c'est  ce  qui  a  lieu  dans  Vagci'  ronumus. 

Les  eaux  pluviales  traversent  rapidement  les  couches  poreuses 
superficielles  et  s'accumulent  dans  les  dépressions  ou  dans  les 
cuvettes  des  lits  argileux,  sous  forme  de  mares  souterraines;  de 
plus  les  lacs  formés  dans  les  cratères  des  volcans  éteints  et  situés 
sur  les  crêtes  qui  dominent  la  campagne  romaine,  alimentent  ces 
mares  par  leurs  infiltrations  et 'maintiennent  le  sous-sol  dans  un 
état  permanent  d'humidité.  Enfin  les  couches  superficielles,  dessé- 
chées et  fendillées  par  l'ardeur  du  soleil,  sontfacileraeulUaLNet^ifc^'â 


«•4  Là  FAU5S   ET  LA   FLORE. 

par  Tair  atmosphérique;  ainsi  donc  toutes  les  conditions  favo- 
rables au  développement  du  ferment  malarique  se  rencontrent 
dans  la  structure  géologique  des  collines  de  Tager  romanus. 

Le  docteur  Tomassi  Crudeli,  en  faisant  connaître  ces  faits,  a 
provoqué  quelques  travaux  d'assainissement,  au  moyen  de  fossés 
parallèles  à  la  base  des  collines,  fossés  permettant  le  dessèche- 
ment du  sous-sol  des  vallées,  leur  préservation  contre  les  infiltra- 
tions et  aufsi  révacuation  plus  rapide  des  eaux.  Ces  travaux  ont 
été  suivis  de  la  disparition  de  la  malaria  dans  les  localités  sur  le 
territoire  desquelles  ils  ont  été  entrepris. 

Les  anciens  Romains  n'avaient  pas  d'ailleurs  méconnu  les  bien- 
faits du  drainage  profond  et,  de  leur  temps,  la  campagne  romaine 
n'était  pas  le  pays  malsain  par  excellence  qu'elle  constitue  à  l'heure 
actuelle.  Ils  avaient  creusé  profondément  de  petits  tunnels  (cannli- 
ntlij  de  1"",50  de  haut  sur  0™,50  de  large, qui  aboutissaient  soit  à 
des  puits,  soit  à  des  canaux  collecteurs  de  grande  dimension.  Ces 
canaliculi  n'existent  que  dans  les  endroits  où  le  sol  argileux  est 
imperméable  et  font  défaut  là  où  le  sol  permet  la  pénétration 
profonde  des  eaux.  Quelquefois  plusieurs  étages  de  cannliculî 
sont  superposés.  Au  Quirinal,on  a  trouvé  deux  étages,  quatre  à 
l'Avintiri.  —  l/eucalyptus,  par  la  grande  quantité  d'eau  qu'il 
pompe  dans  le  sol,  n'agissant  que  comme  agent  de  drainage,  la 
théorie  ni<»deme  ne  fait  donc  que  confirmer  ce  que  les  anciens, 
par  une  sorte  d'intuition,  avaient  senti  nécessaire  î 

I.c  quinquina.  —  C'est  de  même  que  le  traitement  empirique 
des  fièvres  de  marais  par  le  quinqiiina  trouve  aujourd'hui  son 
explication  dans  la  théorie  du  parasitisme.  Les  travaux  de  Bucha- 
nam  ont,  on  effet,  montré  que  la  quinine  avait  une  action  mortelle 
sur  les  vibrioniens.  Dans  les  expériences  in  ritrn,  la  solution  de 
quinine,  pour  avoir  sur  eux  un  pouvoir  suffisamment  toxique, 
doit  être  au  moins  au  l/-2o0.  De  son  côté,  Antonio  Ceci  s'est 
assuré  que  les  schistomycctes  périssaient  dans  un  liquide  de  cul- 
ture additionné  de  1/DOO  de  quinine  et  que  les  injections  de  ce 
liquide  ne  donnaient  pas  la  fièvre  aux  la[)ins.  Il  est  d'ailleurs 
fort  curieux  de  constater  que  les  divers  alcaloïdes  du  quinquina, 
classés  d'après  l'intensité  de  leur  action  toxique  sur  les  vibrio- 
niens, se  trouvent  alors  précisément  dans  l'ordre  où  les  a  mis 
la  commission  de  Madras,  en  prenant  pour  base  leur  action  surla 
fièvre  telluriquc  :  quinine,  quiniclinc,  cinchonidine,  cinchonie. 


GOITRE,   CRÉTINISME    GOITREUX.  tOS 


§  4.   GOITRE,    CRÉTINISME   GOITREUX. 

Bien  qu'il  ne  soit  pas  d'usage  de  rapprocher  l*cndéiDie  goitreuse 
de  Tendémie  paludéenne,  il  me  semble  logique,  pour  plusieurs  rai- 
sons que  je  ?ais  exposer  chemin  faisant,  de  rapprocher  ces  deux 
maladies,  voisines  dans  leurs  effets,  dans  leurs  conséquences  et, 
bans  doute  aussi,  dans  leurs  causes. 

l/endémie  goitreuse  ne  se  caractérise  pas  par  le  gonflement  de 
la  raie,  mais  par  le  gonflement  d'une  glande  bien  analogue  à  la 
raie,  quant  à  la  structure  et  aux  fonctions,  le  corps  thyroïde.  — 
Elle  se  caractérise,  en  outre,  par  une  cachexie  spéciale,  la  cachexie 
goitreuse,  comparable,  sous  plus  d'un  rapport,  à  la  cachexie  palu- 
déenne, enfin  par  une  dégénérescence  de  la  race,  le  entinismc 
ii'fitreus,  très  voisin  du  critinisme  paludéen  dont  j*ai  parlé  plus 
haut. 

On  ne  saurait  donc  méconnaître  les  rapports  qui  unissent  les 
deux  affections  ;  il  est  vrai  qu'elles  sont  séparées  par  un  certain 
nombre  de  différences. 

DisiribotioB  géographiqae.  —  Leur  extension  à  la  surface 
du  sol  est  d'abord  différente  ;  la  nature  des  terrains  où  on  les 
observe  n'est  pas  la  même:  tandis  que  Timpaludisme sévit  surtout 
dans  les  régions  basses,  humides,  chauJcs,  l'endémie  goitreuse 
s'observe  surtout  dans  les  montagnes  et  dans  les  pays  froids  aussi 
bien  que  dans  les  pays  chauds.  L'endémie  goitreuse  se  rencontre,' 
ea  effet,  dans  tous  les  pays  et  frappe  toutes  les  races  ;  la  condi- 
tioD  qui  semble  dominante,  c'est  le  séjour  dans  les  montagnes. 

L*endémie  crétino-goîtrcuse  existe  en  Europe  :  dans  les  mon- 
tagnes de  la  Scandinavie;  dans  les  Highlandsd*Ecosse;  en  Angle- 
terre, dans  le  Sussex,  le  Hampshire,  Northumber]and,le  Yorkshire, 
le  Westmoreland  ;  en  France,  dans  les  Alpes,  les  Pyrénées,  les 
Vosges  ;  en  Allemagne  dans  le  Wurtemberg,  la  Prusse  rhénane, 
lesCarpathes  ;  en  Russie,  dans  l'Oural,  dans  le  gouvernement  de 
Perm,  aux  environs  du  lac  Ladoga;  en  Italie,  dans  tout  le  sud- 
ouest  du  Piémont,  dans  le  pays  d'Aoste,  dans  les  vallées  de  Cu- 
oéo,  Saluzzo;  en  Suisse,  surtout  dans  le  Valais;  en  Espagne, 
dans  les  Asturies,  TEstramadure  et  la  Nouvelle-Castille;  en  Grèce. 
L'Allemagne,  l'Italie  et  la  France  semblent  occuper  un  des  pre- 
miers rangs  au  point  de  vue  de  la  fréquence  de  la  maladie  \  il  est 


20G  LA    FAUNE    ET    LA    FLORE. 

vrai  que  c'est  relativement  à  ces  trois  pays,  que  nos  renseigne- 
ments sont  le  plus  complets. 

Ainsi,  dans  certains  points  de  ritalie,  notamment  dans  le  Ta- 
rentaise,  on  compte  14,5  crétins  sur  1  (MM)  habitants;  dans  la  Tal-  - 
lée  d'Aoste,  27,9  sur  1 000;  dans  la  Maurienne,  on  compte  4  329 
goitreux  et  I  418  crétins,  d'après  la  dernière  enquête  orûcielle. 
Dans  toute  l'armée  italienne,  le  crétinisme  est  une  cause  de  ré- 
forme daiis  la  proportion  de  2  pour  i  000,  le  goitre  dans  celle  de 
20,9  pour  1 000  conscrits  ;  dans  la  vallée  d'Aoste,  les  réformés 
crétins  s'élèvent  à  1  pour  iOO  (Sormani). 

En  France,  Baillarger,  dans  l'enquête  qu'il  a  été  chargé  de  faire 
et  qui  a  été  exécutée  d'une  manière  si  remarquable,  estime  le 
nombre  des  goitreux  à  500  000  et  le  nombre  des  crétins  à  120000. 
L'exemption  du  service  militaire,  pour  cause  de  goitre  ou  de  cré- 
tinisme, a  éliminé,  pour  la  France  entière,  de  1831  à  1853,  sur 
100  000  conscrits,  un  chiffre  qui  varie  entre  542  et  860,  soit  5  ou 
8  pour  1  000,  mais  ce  n'est  là,  bien  entendu,  qu'une  moyenne  ; 

—  il  existe,  il  est  vrai,  un  bon  nombre  de  départements  dans  les- 
quels on  ne  rencontre  aucune  exemption  pour  ce  motif;  il  en  est 
d'autres,  au  contraire,  dans  lesquels  ces  sortes  d'exemptions  sont 
très  fréqucnles.  Ainsi,  de  1837  à  1849,  le  département  des  Hautes- 
Alpes  aeu,chaqueannée,en  moyenne  88,32  exemptés  pour  1  000; 
celui  des  Hautes-Pyrénées,  38,oi  pour  1 OOO  ;  celui  de  Tlsère,  33,85 
[H)ur  1  000. 

Relativement  à  la  fréquence  du  goitre,  on  peut  diviser  la 
France,  telle  qu'elle  était  avant  1870,  de  la  manière  suivante, 
dont  la  carte  ci  jointe  donne  une  idée.  Dans  10  départements, 
le  nombre  des  goitreux  oscille  entre  133  et  oO  pour  1000, 
en  moyenne  73  pour  1000  habitants;  ce  sont  :  l'Aisne,  les 
Vosges,  le  Jura,  la  Haute-Savoie,  la  Savoie,  les  Hautes-Alpes,  les 
Basses-Alpes,  les  Alpes-Maritimes,  l'Ariège,  les  Hautes- Pyrénées. 

—  23  départements  en  ont  de  49-20  pour  1  000,  en  moyenne 
32  pour  1  000;  ce  sont  :  Oise,  Meuse,  Moselle,  Meurthe,  Haute- 
Marne,  Haut-Rhin,  Haute-Saône,  Doubs,  Saône-et- Loire,  Rhône, 
Isère,  Drôme,  Ardèche,  Lozère,  Haute-Loire,  Loire,  Puy-de- 
Dôme,  Cantal,  Corrcze,  Dordogne,  Basses- Pyrénées,  Haute-Ga- 
ronne, Pyrénées-Orientales.  —  13  départements  ont  de  17  à 
10  goitreux  pour  1  000,  en  moyenne  13  pour  1  000;  ce  sont  :  an- 
cien Bas-Rhin,  Marne,  Aube,  Côte-d'Or,  Nièvre,  Allier,  Creuse, 
Ain,  Vauclusc,  Lot,  Aveyron,  Aude.—  34 ont  de  9-1  pourl  000. 


GOITRE,    CRÉTINISMB   GOITREUX.  t07 

—  9  ont  moins  de  1  pour  1  000. —  EnOn,  aucun  ne  peut  être  repré- 
senfé  par  0. 

Bailtarger,  dans  son  enquête,  est  arrivé  à  un  résultat  assez  ex- 
traordinaire au  premier  abord.  En  consultant  les  chiffres  des 
exemptions  du  service  militaire,  pour  la  période  de  i 81 6  à  1835 
et  pour  celle  de  1846  à  1865,  il  est  arrivé  à  reconnaître  une  dimi- 
Butlon  toute  moderne  du  goitre  dans  certains  départements^  ce 
qui  n'a  pas  lieu  de  nous  surprendre  ;  mais,  à  côté  de  cela,  il  a  noté 
une  augmentation,  moderne  également,  dans  un  certain  nombre 
d'autres  départements.  Cette  augmentation  s'est  produite  dans 
26  départements,  notamment  dans  ceux  des  Ardcnnes,  de  TEurc, 
de  l'Orne,  de  TYonne,  de  la  Haute-Saône,  du  Doubs,  de  la  Haute- 
Savoie,  où  le  nombre  des  goitreux  a  doublé  et  même  triplé  ;  la 
diminution  qui  a  été  parfois  de  5/6  s'est  produite  dans  17  départe- 
ments, notamment  dans  les  Vosges  et  dans  nos  anciens  départe- 
ments du  Haut  et  du  Bas-Rhin. 

En  Asi»  Mineure,  Tcndémie  crétino-goitreuse  existe  aux  envi- 
rons de  Bolat,  de  Brousse,  de  Smyrne  ;  dans  le  reste  de  l'Asie,  on 
l'a  trouvée  dans  THimalaya,  notamment  dans  le  Nepaul  et  le  Bou- 
tan,  jusque  dans  la  vallée  de  Cachemire  et  dans  les  provinces 
da  Bengal  et  du  Gondawana,  dans  le  Sekkar,  aux  bords  du  lac 
Balkal,  en  Kaschgarie,  en  Chine  et,  au  nord,  chez  les  Tongouses, 
entre  la  Lesse  et  TAmour,  dans  une  grande  partie  de  la  Si- 
bérie. 

On  trouve  également  cette  endémie  à  Ceylan,  à  Sumatra,  à 
iava,  à  Bornéo;  —  en  Australie;  —  en  Afrique  :  dans  les  monta- 
gnes du  Maroc,  de  l'Aurès,  du  Sénégal,  chez  les  Mandingues.  Le 
goitre  n'existe  ni  en  Abyssinie,  ni  à  la  côte  du  Mozambique,  ni 
dans  le  centre  montagneux  de  Madagascar,  ni  à  Maurice,  ni  aux 
Seychelles  ;  —  on  le  trouve  à  Socotora. 

Dans  l'Amérique,  le  goitre  et  le  crétinisme  se  rencontrent  sur 
les  bords  de  la  baie  d'Hudson  et  dans  le  bas  Canada,  entre  Saint- 
Jean  et  Montréal.  On  ne  les  trouve  pas  au  Groenland.  Ils  se  trou- 
vent dans  toute  l'étendue  des  Montagnes  rocheuses,  dans  les 
AUeghanyS;  aux  bords  du  lac  Eric,  en  Californie,  puis  dans  le 
Maine,  le  Connecticut,  le  Massachussets,  la  Pcnsylvaniô.  Au 
Mexique,  le  goitre  et  le  crétinisme  sont  fréquents  dans  TEtat  de 
Tabasco  ;  on  les  trouve  également  dans  le  Nicaragua.  —  Dans 
l'Amérique  du  Sud,  on  les  trouve  dans  la  Nouvelle-Grenade, 
TEqualeur,  le  Pérou,  la  République  Argentine  et  le  BrésiU  Aa 


f«8  U  FÀUME   ET   U  FLORE. 

Chili,  rendémiea  pris,  dans  les  vallées  des  Andes,  une  extension 
considérable. 

Un  fait  digne  de  remarque,  c'est  que  le  goitre  et  le  crétin isnic 
n'exisleiit  [las  dans  les  principales  iles  de  la  Polynésie,  aux  Viti, 
aux  Samoa,  aux  Gambier  et  aux  Marquises.  G  est  là  un  trait  de 
plus,  qui  rapproche  Tcndémic  créti  no-goitre  use  de  l'endémie  pa- 
lustre, laquelle,  ainsi  que  je  l'ai  dit  plus  haut,  n'existe  pas  non 
plus  dans  ces  pays. 

L'impression  qui  résulte,  lorsqu'on  considère  l'énorme  diifu- 
sion  dtî  Tendémie  qui  nous  occupe,  c'est  que  la  longitude  et  la 
latitude  n*ont  aucune  influence  sur  sa  production  et  sa  réparti- 
tion; la  température  ne  semble  pas  non  plus  avoir  une  grande 
influence.  Th.  de  Saussure  avait  cru  pouvoir  assigner  au  goitre 
une  limite  en  altitude  et  il  avait  fixé  cette  limite  à  1  200  mètres 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer  ;  mais  des  observations  ultérieures 
ont  montré  que  le  goitre  sévit  aussi  bien  à  i40  mètres,  aux  en- 
virons de  Strasbourg,  qu'à  2  000  mètres  et  3  000  mètres,  dans  les 
Cordillères  et  dans  THimalaya. 

Hifiioire.  —  Nous  venons  de  voir  l'extension  de  cette  endémie 
dans  Tespace,  son  extension  dans  le  temps  semble  aussi  considé- 
rable que  la  première.  H  y  a  bien  longtemps,  en  effet,  qu'il  existe 
des  goitreux  dans  les  Alpes,  car  Juvénal  parle,  dans  une  de  ses 
satyres,  du  gultur  tumidum  des  habitants  des  Alpes,  et  400  ans 
avant  lui,  Tiiéophrastc,  que  nous  ne  connaissons  généralement 
que  pour  ses  «  (iaractères  »,  mais  qui  a  rédigé  de  nombreux  ou- 
vrages d'histoire  naturelle,  parie,  comme  d^un  etfet  des  eaux  de 
ÏAsopvs,  de  la  faiblesse  intellectuelle  des  Béotiens, qui,  parait-il, 
était  proverbiale  de  son  temps.  Je  n'en  infère  pas  que  ce  soit  là 
l'origine  du  sens  moderne  qu'on  donne  parfois  à  la  qualification 
de  hroiien  ;  la  Béotie  a  d'ailleurs  produit  un  des  plus  grands  es- 
prits de  l'antiquité,  Hésiode.  —  l^n  réalité,  encore  aujourd'hui, 
les  rivages  de  l'ancien  Asopos  et  les  montagnes  de  la  Béotie  sont 
peuplés  de  goitreux  et  de  crétins. 

Physiologie  patholofl^lqoe.  —  Maintenant  que  nous  venons 
de  constater  la  grande  extension  chronologique  et  géographique 
de  l'endémie  goitro-crétineuse,  il  importo  d'étudier  sa  marche  et 
ses  causes,  car  ce  sera  le  seul  moyen  de  comprendre  la  prophy- 
laxie et  la  nécessité  d'appliquer  certaines  méthodes  pour  en  ga- 
rantir les  populations  ;  la  question  en  vaut  la  peine,  car  en  pre- 
nant pour  moyenne  le  chiffre  de  120000  crétins  en  France  en 


GOITRE,    CRÉTINISMB  GOITREUX.  209 

supposant  qu'il  en  soit  ainsi  dans  les  autres  pays,  nous  arriverions 
à  on  chiffre  considérable  de  non- valeurs  pour  l'humanité  tout 
entière. 

Je  n*ai  pas,  dans  un  livre  de  la  nature  de  celui-ci,  à  décrire  le 
gi*Ure  :  c'est  une  tumeur  siégeant  au-devant  du  cou  et  due  à 
rhjpertrophie  d'un  organe,  qui  existe  chez  la  plupart  des  ver- 
tébrés, le  corps  thyroïde.  Cette  tumeur,  qui  n*est,  le  plus  sou- 
vent, le  siège  d'aucune  douleur,  peut  atteindre  un  volume  consi- 
dérable ;  les  goitres  qui  pèsent  de  300  à  500  grammes  ne  sont 
pas  rares,  mais  on  en  a  vu  qui  pesaient  de  4  à  5  kilogrammes. 
Cela  devient  alors  un  obstacle  sérieux  à  la  respiration.  Quelle 
est  la  valeur  de  cet  organe  ?  Quel  changement  son  hyper- 
trophie amène-t-elle  dans  le  Tonctionncment  de  l'organisme? 
Qaelles  sont  ses  fonctions  normales?  Nous  ignorons  tout  cela  à 
peu  près  complètement;  «néanmoins,  lorsque  Ton  considère  la 
structure  de  cet  organe,  qui  ressemble  à  la  rate,  l'analogie  semble 
évidente  entre  l'endémie  splénique  ou  paludéenneet  l'endémie  goî- 
tro-crétineuse,  comme  elle  existe  entre  la  rate  et  le  corps  thyroïde. 
Cetorgane  est,  en  effet,  une  glande  sans  canal  excréteur,  parsemé 
de  loges  fermées,  tapissées  d'épithélium  et  remplies  d'un  liquide 
particulier.  Comme  dans  la  rate,  le  sang  afflue  par  un  grand  nom- 
bre de  veines  et  en  ressort,  vraisemblablement  modifié,  par  d'im- 
portantes artères;  comme  la  rate,  le  corps  thyroïde  semble  donc 
jouer  unrùle  dans  l'élaboration  d'un  certain  nombre  des  éléments 
da  sang.  Or  il  ne  faudrait  pas  croire  que  plus  le  corps  thyroïde 
est  hypertrophié  et  mieux  sa  fonction  physiologique  doit  être 
remplie;  ce  n'est  jamais  ainsi  que  les  choses  se  passent  :  le  corps 
thyroïde  hypertrophié  fonctionne  mal,  comme  la  rate  hypertro- 
.  phiée  fonctionne  mal.  En  somme,  la  cause  qui  agit  dans  les  mon- 
tages en  se  portant  sur  le  corps  thyroïde,  trouble  Torganisnic  un 
peu  de  la  même  manière  que  la  cause  qui  agit  dans  les  marais  et 
se  porte  sur  la  rate  :  dans  l'un  et  l'autre  cas,  on  observe  un  état 
cachectique:  cachexie  paludéenne  ou  cachexie  goitreuse;  l'une  et 
l'autre  cachexie  aboutissent  à  une  dégénérescence  spéciale  :  cié- 
tinisme  paludéen  et  crétinisme  goitreux  ! 

CrétlBisnie  fl^olireox.  —  C'est  bien  à  tort,  en  effet,  qu'on  a 
voulu  séparer  le  crétinisme  du  goitre.  Les  travaux  de  la  commis- 
sion française  ont  complètement  démontré  que  le  crétinisme  n'est 
que  l'aboutissant  où  viennent  tomber  les  races  dégénérées,  issues 
de  parents  goitreux.  La  relation  de  ces  deux  états,  goUre  t\.  ct^\\« 

GtOGR.   MÉD.  \V 


2i0  U   FAUNE    ET  LA   FLORE. 

nisinc,  est  même  si  évidente,  qu'elle  n*échappe  pas  aux  habitants 
des  pays  où  règne  cette  endémie  :  Si  on  leur  demande  comment  il 
se  fait  qu'un  ménage  sain,  en  apparence, produise  des  enfants  cré- 
tins,ils  donnent  comme  explication, que, parmi  les  ascendants  qu^ils 
ont  connus,  il  y  avait  des  goitreux.  Sur  83  crétins  que  Bailiargera 
pu  observer  dans  la  Maurienne,  65  fois  les  antécédents  ont  été  con- 
nus; or  52  avaient  des  parents  goitreux  et  i3  des  parents  crétins, 
ou,  du  moins,  crétincux,  car  les  crétins  vrais  n'ont  heureusement 
jamais  d'enfants.  Dans  la  Gironde,  dans  Parrondissement  de  Mor- 
tagne,  la  commission  française  n'a  trouvé  qu'un  seul  crélin  ;  sa 
mère  était  goitreuse  ;  enfm  dans  les  Basses-Alpes,  parmi  les  fa- 
milles goitreuses,  on  trouve  que  une  sur  13  compte  des  crétins, 
tandis  que,  dans  le  même  pays,  parmi  les  familles  non  goitreuses, 
une  sur  3G  renferme  des  crétins  !  d'ailleurs  50  0/0  des  crétins 
sont  eux-mêmes  goitreux. 

Cette  filiation  entre  le  goitre  et  le  crélinisme  est  d'une  impor- 
tance capitale;  car  il  est  bien  évident,  que,  puisque  nous  ne  pou- 
vons plus  rien  pour  le  crétin,  nous  n'avons  qu'une  ressource  |>our 
diminuer  le  crétinisme,  c'est  d'agir  sur  le  goitreux. 

Il  ne  faut  pas  croire,  d'ailleurs,  que  le  crétin  soit  un  idtof, 
comme  il  on  naît  partout,  dans  tous  les  pays. 

Nous  verrons  plus  loin  que  les  idiots  sont,  le  plus  souvent,  des 
microccplialcs,  par  arrêt  de  développement,  ou  parfois  des  macro- 
céphales,  av(  c  hydrocéphalie;  dans  les  deux  cas  il  y  a,  chez  l'idiot^ 
une  maladiiî  ancienne,  qui  a  laissé  des  traces,  mais  qui,  à  propre- 
ment parhr,  n'existe  plus;  l'idiot  est  en  général  bien  portant;  il 
a  le  cerveau  petit,  mais  cela  ne  l'empôche  en  rien  de  pouvoir  jouir 
d'une  bonne  santé;  cela  peut  même  mener  parfois  à  une  certaine 
situation  :  témoin  le  sorcier  qui  accompagnait  Ataï  dans  le  dernier 
soulèvement  des  Canaques.  Ce  sorcier,  dont  le  crâne  est  aujour- 
d'hui au  musée  Broca,  était  un  idiot  microcéphale;  d'autres,  au 
Mexique  et  dans  l'Amérique  centrale,  ont  exercé  le  métier  de  Dieu, 
souvent  nioins  lucratif,  il  est  vrai,  que  celui  de  prêtre  du  Dieu  ! 

Le  crétin  est,  au  contraire,  toujours  malade  et  il  reste  malade, 
tant  qu'il  vit  !  ■—  son  cerveau  n'est  pas  précisément  plus  petit 
que  celui  d'un  autre  homme,  mais  il  fonctionne  mal  et  tous 
les  organes  fonctionnent  chez  lui  aussi  mal  que  le  cerveau.  Le 
crâne  des  crétins  est  généralement  gros,  plus  gros  proportion- 
nellement chez  l'enfant  que  chez  Tadulte,  la  tète  est  asymétrique, 
souvent  pointue  de  telle  façon,  qu'elle  forme  un  cône  dont  la  su- 


GOITRE,    CRÉTINISME  GOITREUX.  iil 

ture  sagittale  est  le  sommet.  Les  os  du  crâne  sont  souvent  très 
épais,  ainsi  qu^on  le  constate  sur  le  crâne  d'un  crétin  de  Fribourg 
actuellement  déposé  au  musée  Broca;  le  diploé  sur  ce  crâne  a 
presque  complètement  disparu  ;  les  sutures  sont  soudées  préma- 
turément. 

Le  cerveau  présente  souvent  un  aplatissement  des  circonvolu- 
tions et  il  est  souvent,  ainsi  que  la  moelle,  baigné  par  une  quan- 
tité plus  ou  moins  considérable  de  liquide.  L'intelligence  est  en 
rapport  avec  cette  dégénérescence  du  cerveau  ;  elle  est  abolie 
complètement  ou  presque  complètement  et  l'on  ne  trouve  même 
pas,  chez  le  crétin,  cette  persistance  de  certaines  facultés  locales, 
dont  on  rencontre  quelques  exemples  chez  certains  idiots.  La 
partie  non  intellectuelle  du  cerveau  et  la  moelle  elle-mùnic  partici- 
pent à  cette  déchéance,  qui  s'étend  à  tout  le  système  nerveux  cé- 
rébro-spinal ;  les  sens  sont  amoindris,  Touïe,  notamment,  est 
souvent  oblitérée;  la  faculté  du  langage  articulé  fait  généralement 
presque  complètement  défaut  ;  la  sensibilité  tactile  est  amoindrie  et 
un  grand  nombre  de  crétins  ne  peuvent  exercer  le  sens  du  tou- 
cher qu'en  s'aidant  de  celui  de  la  vue.  La  sensibilité  au  chaud  et 
au  froid  est  presque  nulle;  aussi  la  plupart  des  crétins  ailrontent- 
ils,  avec  les  mêmes  haillons,  le  froid  et  le  chaud,  sans  paraître 
faire  quelque  diltérence;  les  muscles  eux-mômes  sont  impuissants 
à  accomplir  un  effort  de  quelque  énergie. 

Tous  les  autres  tissus  sont  malades  :  le  sang  contient  moins  de 
globules,  moins  d*albumine,  moins  de  fibrine  ;  aussi  la  peau  e.>t-elle 
livide,  pâle,  œdématiée,  ridée.  Les  lèvres  sont  pendantes,  la  lan- 
gueépaisse;  le  système  pileux  peu  abondant;  la  puberté  ne  se 
fait  pas.  Les  dents  sont  mal  plantées  et  souvent  la  seconde  den- 
tition n'a  pas  lieu.  Enfîn  il  n'est  pas  jusqu'à  la  circulation  et  à  la 
respiration  elles-mêmes,  qui  ne  soient  déchues  :  le  nombre  dos 
respirations,  par  minute,  diminue;  Tamplitude  de  chacune  est, 
elle-même,  moins  considérable  qu'à  l'état  normal.  —  Le  crétin 
consomme  donc  moins  d'oxygène  ;  aussi  sa  température  ne  dé- 
passe-t-el  le  guère  -}-35°  ou  -{-3()";  ses  pulsations  sont  peu  nom- 
breuses. —  l>a  mortalité  chez  les  crétins  est  considérable  ;  ils 
dépassent  rarement  40  ou  45  ans. 

Ils  sont  en  outre  sujets  à  de  nombreuses  infirmités  :  leurs  mus- 
cles amoindris  soutenant  mal  les  viscères,  ils  sont  sujets  aux 
hernies;  —  ils  sont  sujets  à  la  surdi-mutité,  bien  que  cette  der- 
nière inûrmité  ne  soit  pas  d'ailleurs  toujours  liée  au  cYêVvm^vù^\ 


tl«  U   FAUNB   ET   LA   FLORE. 

car  si  la  Savoie  et  les  Hautes-Alpes,  riches  en  goitreux  et  en  cré- 
tins, sinit  les  départements  qui  comptent  le  plus  de  sourds-muets* 
rindre-et-Loirc,  qui  pourtant  ne  compte  pas  de  crétins,  est  le 
département,  qui  vient  ensuite  pour  la  fréquence  de  la  surdi-mu- 
tité. —  Enfin,  la  scrofule,  le  rachitisme,  parfois  même  l'endémie 
palustre  viennent  s^ajouter  au  crélinisroc  goitreux. 

Ca«s«f  ■•tore.  —  Lorsque  Ton  considère  sur  une  carte 
géi^aphique  Tirrégularité  de  la  dissémination  des  taches  de 
l'endémie  goitreuse,  la  première  idée  qui  vient  à  Pesprit  est  de 
rattacher  cette  maladie  à  la  constitution  du  sol. 

Chacun  se  mit  à  Tœuvre  dans  cette  voie.  Pour  ne  parler  que 
des  modernes,  Billiet,  évèque  de  Chambéry,  fit  faire  la  statistique 
du  goitre  dans  son  dioct'se  et  vit  que  sur  169  paroisses  42  étaient 
infectées,  127  indemnes;  il  consulta,  d*un  autre  côté,  la  carte 
géologique  du  diocrse  de  Chambéry  et  remarqua:  1"  que  le 
goitre  commence  a  se  montrer  avec  le  dépdt  alluvionnaire  du 
Rhône;  2°  qu'il  augmente  avec  le  sol  arpilo-calcaire;  3»  qu'il 
atteint  son  maximum  sur  les  sols  argileux.  g>'pseux,  talqueux; 
4**  enfin  qu'il  cesse  sur  les  terrains  jurassiques.  Voilà  qui  était 
fort  net. 

Mais  Mac-Clrlland  fit,  dans  l'Inde,  une  enquête  analogue  et  il 
vit,  non  moins  nettement,  que  les  villages  épargnés  par  le  goitre 
reposaient  sur  un  sol  argileux,  talquenx.  Dans  une  autre  enquête 
faite  ailleurs,  le  docteur  Grange  trouva  que  le  maximum  de  fré- 
quence du  goitre  correspondait  au  lias  (jurassique)  et  au  tria» 
(jurassique  également).  De  ces  observations  contradictoires  et 
d'autres  encore  non  moins  dissemblables  les  unes  des  autres,  il 
est  donc  permis  de  conclure  que  la  nature  géologique  du  sol  ne 
détermine  pas  rendémie  qui  nous  occupe,  car  on  l'observe  aux 
Pyrénées,  dans  le  lias  et  le  calcaire  magnésien  ;  aux  Vosges,  dans 
le  trias;  au  Jura  et  aui  Alpes,  dans  le  lias  ;  en  Angleterre  et  en 
Belgique,  dans  l'étage  carbonifère;  en  Amérique  et  dans  Tlnde, 
dans  la  dolomie. 

La  nature  géologique  étant  reconnue  indifférente,  on  s'est  re- 
jeté sur  la  constitution  chimique  des  terrains  :  on  a  successive- 
ment incriminé  la  pyrite  de  fer,  celle  de  cuivre,  la  galène  argen- 
tifère, la  galène  antimoniale;  mais  ces  substances  sont  loin  de  se 
rencontrer  partout  où  l'on  observe  le  goitre.  Chacun  a  généralisé 
les  conditions  du  pays  où  il  observait  ;  c'est  ainsi  queGarrigou  a 
donné  comme  particulièrement  malsain  un  état  chimique  de  Peau 


OOITRE,    CRÉTINISME   GOITREUX.  SIS 

OÙ  la  magnésie  forme  de  iO-25  0/0  de  la  totalité  des  sels  ;  un  autre 
médecin  observant  dans  les  Alpes,  ZUzerviez,  a  accusé  le  sulfate 
de  baryte  ;  un  autre  (Maumené),  le  fluorure  du  calcium  ;  un  autre, 
le  cblorure  de  sodium,  et  cependant  les  paysans  goitreux  man- 
gent du  sel  et  du  lard  salé,  tout  comme  les  autres  !  Prévost  (de 
Genève)  a  accusé  le  manque  de  brome  ;  Chatin  attribue  le  goitre 
au  manque  d'iode  dans  le  sol  et  par  conséquent  dans  les  eaux  ; 
de  fait,  il  a  rencontré,  dans  le  Jura  et  dans  les  Alpes,  beaucoup 
de  localités  à  goitre,  où  les  eaux  sont,  en  efiet,  pauvres  en  iode, 
lâais  il  ne  suffît  pas  d'observer  dans  une  région  unique  et,  d'ail- 
leurs,  les  exceptions  à  la  loi  de  Chatin  ne  manquent  pas  :  ainsi 
\ts  plaines  du  Pô  sont  infectées  par  l'endémie  guitrcusc  et  on  v 
truuve  précisément  de  grandes  quantités  d'iode,  dans  Tair  et  dans 
les  eaux  ;  dans  TOise,  il  existe  un  village  où  le  goitre  est  fréquent 
et  pourtant  Peau  de  la  fontaine  de  ce  village  est  riche  en  iode. 
£n  Sibérie,  on  trouve  des  goitreux  sur  des  couehes  de  lignite  et 
de  houille,  qui  sont,  comme  toutes  ces  couches,  assez  riches  en 
iode.  Enfin  dans  beaucoup  d'endroits  où  les  eaux  sont  séléni- 
teuses  et  très  pauvres  en  iode,  le  goitre  n'apparaît  pas. 

l^s  théories  étiologiques  ne  manquent  jamais.  On  a  accusé  le 
manque  d'aération  de  Peau  (Boussingault).  On  a  pensé  que  les 
Qiuntagnards  avaient  le  goitre,  parce  qu'ils  buvaient  Peau,  qui 
fésulte  de  la  fonte  des  neige;  mais,  d'abord,  les  montagnards  ne 
boivent  pas,  autant  qu'on  Pa  dit,  une  eau  non  aérée  et  résultant 
imaiédiatement  de  la  fonte  des  neiges;  Peau  qu'ils  boivent  géné- 
ralement s'est  précipitée,  divisée,  brisée,  depuis  le  f;lacier,  en 
nombreux  ressauts,  où  elle  s'est  largement  aérée,  tellement  aércc 
Qièmc,  qu'elle  sert  de  milieu  à  de  nombreuses  et  magiiinques 
truites,  qui,  si  elle  n'était  pas  très  aérée,  seraient  incapables  d'y 
vivre.  Eniin  les  Esquimaux  du  Groenland,  qui,  eux,  ne  boivent 
que  des  glaçons  fondus  cl  nullement  aères,  n'ont  pas  de  goitre  ! 

Toutes  ces  explications  paraissant  insuffisantes,  on  s'est  ra- 
battu sur  la  matière  organique  du  sol  ;  mais  dans  des  pays  éga- 
lement goitrigènes,  on  trouve  tantôt  beaucoup,  tantôt  fort  peu 
de  matière  organique  dans  le  sol.  .Enfin  on  a  essayé  de  réunir 
loulcs  ces  causes  :  chacune  étant  insuffisante,  on  a  pensé  que 
l'ensemble  doublé  de  la  misère,  du  défaut  de  soleil,  du  vent,  de 
la  pluie,  de  l'humidité,  etc.,  expliquerait  tout  !  ~  C'est  ce  qu'on 
Qomme  la  théorie  des  causes  multiples,  théorie  qui  se  croit  as- 
surée de  comprendre  la  véritable  Cniuse,  puisqu'elle  \^s  (^w^VoVy;^ 


^1  .  I.V    KAINE    KT    LA    KLORi:. 

tiHilos.  C'est  elle  qu'avait  adoplée  la  coiumission  sarde  en  1848  ; 
re  sont  là  évidemment  des  causes  banales,  mais  ce  ne  sont  que  des 
causes  banales. 

La  commission  française  de  1873,  qui  avait  le  docteur  Bail- 
larger  à  sa  télé,  a  mis  hors  de  douie  le  rôle  exclusif  et  unique 
de  Teau  dans  la  production  du  goitre^  selon  qu'elle  prend  ou  ne 
prond  pas,  dans  le  sol,  quelque  chose  qui  ])roduit  le  ^uitre.  Cette 
opinion,  à  laquelle  on  se  rattai^he  aujourd'hui,  est  d'ailleurs  la 
plus  ancienne.  Pline  parie  d'une  fontaine  aux  environs  de  la- 
quelle toutes  les  femmes  purtaient  au  cou  de  larges  colliers 
d'ambre,  pour  cacher  la  grosseur  que  Tusagc  de  cette  eau  leur 
faisait  venir  au  cou.  11  est  permis,  à  ce  propos,  de  constater  un 
usage,  qui  appartient  à  Tethnologie  et  qui  prouve  que  la  coquet- 
terie ne  perd  jamais  ses  droits;  dans  deux  contrées  de  la  France 
les  femmes  portent  au  cou  de  grands  colliers,  avec  une  plaque, 
un  fei  inoir  on  forme  de  cœur  sur  le  devant  du  cou,  qui  se  trouve 
caché  conimo  celui  des  femmes  dont  parle  Pline.  C'est  précisément 
en  Auv(>r<^Mic^  on  Savoie  et  en  Dauphiné,  pays  à  goitre. 

Dans  lioaucoiipdc  pays  on  signale  des  fontaines  à  goitre.  Wa- 
gniM\  uu  XVII*  siècle,  a  décrit,  en  Allemagne,  des  fontaines  sem- 
blahlos,  qu'il  nomme  kropfhrunmn  (puits  à  goitre).  Lombroso 
cite  ùCnivasiirta  une  fontaine  où  se  rendent  les  conscrits;  quinze 
jours  après  lour  visite  ils  ont  un  goitre,  qui  les  fait  réformer.  Il 
e\istc  (lo  MK^mo,  aux  environs  de  Brianoon,  à  Saint-Chaiïrev,  une 
source  dite  Fontaine  des  gottvcux,  qui  sert  aux  mémos  usages 
pour  ceux  c{ui  ne  se  sentent  pas  précisément  Tàme  d'un  héros. 

Cette  propriété  malfaisante  n'est  donc  pas  l'apanage  d'une 
assise  géolugi(iue  particulière  ou  d'une  substance  chimique  spé- 
ciale ;  elle  appartient  à  certaines  eaux  d'un  pays  et  non  à  toutes 
les  eaux  de  ce  pays.  —  Mac  Clelland  cite  dansTlnde  un  exemple 
remarquable  de  cette  s))écialité.  Un  village  était  habité  par 
trois  castes  :  par  des  Brahmines,  des  Radjpoutes,  des  Paryas.  Los 
Paryas,  qui  huvaient  l'eau  de  la  fontaine  voisine, avaient  tous  un 
goitre  ;  mais  les  Brahmines  et  les  Radjpoutes,  qui  seuls  buvaient 
One  autre  eau,  qui  leur  était  réservée,  n'avaient  pas  de  goitre. 
Pour  une  raison  quelconque,  cette  eau  étant  venue  à  diminuer, 
les  Brahmines  restèrent  seuls  en  possession  de  la  bonne  eau  :  les 
Radjpoutes  durent  boire  à  la  même  source  que  les  Paryas  et  de- 
vinrent goitreux  comme  eux.  Les  exemples  du  même  genre  ne 
sont  pas  d^ailleurs  fort  rares  :  entre  Salins  et  Arbois^  il  existe  une 


eOITRB,   CRÉTINISMB   GOITREUX.  ttS 

commune  qui  est  divisée  en  deux  moitiés  par  la  grande  route  ; 
chaque  moitié  a  sa  fontaine;  or  d'un  côté  de  la  grande  route 
on  voit  des  goitreux,  de  Pautre  on  n'en  voit  pas. 

Quelle  est  la  cause  qui  peut  conférer  à  certaines  eaux  cette 
propriété  de  développer  le  goitre?  Cette  propriété  n'appartient 
évidemment  à  Peau,  qu'après  qu'elle  a  flltrédans  certains  terrains. 
Ainsi  feau  de  pluie  ne  donne  jamais  le  goitre.  Dans  le  Jura,  sur 
le  territoire  de  la  commune  de  Grnzon,  tout  le  monde  est  goitreux; 
les  employés  de  la  gare  le  devenaient  comme  les  autres;  mais  le 
goitre  cessa  de  se  montrer  chez  le  personnel  du  chemin  de  fer, 
du  jour  où  la  Compagnie  fit  faire  une  citerne,  qui  ne  sert  qu'à  ses 
employés.  Dans  l'enquête  qu'il  a  faite,  l'ancien  évoque  de  Cham- 
héry,  que  j'ai  déjà  cité,  a  constaté,  dans  un  hameau  de  18  familles, 
que  17  étaient  goitreuses.  Une  seule  ne  l'était  pas;  or  elle  avait 
une  citerne  et  ne  faisait  usage  que  d'eau  de  pluie. 

11  faut  bien  croire  que  cette  propriété,  il  n'y  a  que  certaines 
parties  1res  déterminées  du  sol  qui  puissent  la  conférer,  car  il 
suffit  qu'une  source,  qui  jusqu'ici  ne  donnait  pas  le  goitre,  prenne 
un  nouveau  chemin,  pour  qu'elle  jouisse  immédiatement  du  pou- 
voir goitrigëne.  Ainsi  les  habitants  de  Saillon,  dans  le  Valais, 
qui  étaient  exempts  de  goitre,  ont  vu  naître  l'endémie,  du  jour  où 
ils  ont  remonté  d'une  centaine  de  mètres  la  prise  d'eau  qui  ali- 
mente leur  fontaine.  Boussingault,  de  son  côté,  ra[)porte  qu'à  la 
Nouvelle  Grenade,  àSocoro,  des  éboulements,qui  changeaient  la 
nature  du  lit  traversé  par  une  source,  ont  suffi,  dans  l'espace  de 
trente  ans,  pour  lui  donner  ou  lui  enlever  tour  à  tour  le  pouvoir 
goitrigène.  Ainsi  s'expliquent  les  oscillations  qui  peuvent  se  pro- 
duire dans  la  statistique  du  goitre  pour  un  pays. 

11  semble  même  que  ce  quelque  chose  que  l'eau  prend  dans  le 
sol,  elle  est  susceptible  de  le  penlre  dans  son  parcours,  comme  par 
one  sorte  de  dépôt.  Ainsi  au  Brésil,  certaines  sources,  qui  don- 
nent le  goitre,  nont  plus  d*action  de  ce  genre,  lorstju'elles  arrivent 
canalisées  dans  la  ville.  Dans  un  village  de  goitreux  de  la  Savoie, 
uoe  seule  famille  laissait  déposer  son  eau  avant  de  la  boire  ; 
celle-là  seulement  n'était  pas  goitreuse.  On  comprend  alors 
pourquoi  c*est  près  des  sources  et  par  conséquent  souvent  dans 
les  montagnes, que  l'eau  donne  le  goitre,  c'est  qu'elle  n'a  pas  en- 
core eu  le  temps  de  déposer  la  matière  (?)  goitrigène.  Ce  quelque 
chose  que  Teau  charrie,  qu'elle  prend  dans  le  sol,  qu'elle  perd  par 
le  dépôt,  Tanalyse  chimique  a  été  jusqu'à  ce  jour  im^uxittOLiiV^ k 


l 


ïlfi  LA    FAUNE    ET   LA    KLORE. 

nous  li:  munlrer.  Tout  ce  que  nous  pouvons  dire  avec  Daillargcr, 
c'est  (|u'il  existe  certainemenl  un  agent  toxique,  spécial,  unique. 
partout  le  m^me,  qui  alTt-'cte  le^  organismes  vivants  et  leur  impriuM 
un  sceau  de  ilégénêrescence  toujours  identique,  dont  le  goitre  «t 
le  premier  degré  et  le  crêtiiitsinv  le  dernier. 

Reinari]uon«,  d'ailleurs,  que  lu  chimie  est  aussi  impnissulei 
nous  montrer  la  nature  mCme  du  l'eDluve  (!)  mardmatiqwt  et  u- 
pendanl  nous  savons  qu'il  existe  dans  le  marais  un  agent  toxique, 
spécial,  unique,  partout  le  mâme, qui  alTecte  Ici  orgaitismesiinnls 
ellciirim|iriroe  un  sceau  dedé^Dércsceuceloujoursîdcn tique, dont 
iafi^iiri:  iitlermittenleesile  premier  degré  et  Vmpnludijmu  tréti- 
mtuledernier.Ceqae  la  chimie  ne  nousavait  pas  Tait  voir,  le  ni- 
erosi:ope  nous  l'a  révélé;  les  inoculations  ont  conrirmé  U  décou- 
VLTte.  Il  est  permis  de  |«nscr  i|ua  le  même  avenir  est  rcserré  «h 
je  ne  suin  quoi  qui  produit  la  cachexie  goitreuse,  en  un  mM  ine 
la  cause  du  goitre  existe  dans  un  ori^auite  encore  iacoitnu,  oom- 
paruLlc  aux  ferments. 

Paiboinitle  «ouparéc.  —  Il  sera  facile  de  pnitiquer  sur  les 
animaux  des  inoculations  Rxpérimehiales,car  ils  prennent  le guilre 
dans  les  mêmes  conditions  que  l'honime.  Dans  le  Valais,  dans  la 
Uauriuiiiie,  l'Autriche,  la  Hussie,  l'Amérique,  on  a  otisem  le  goitre 
chez  k'ii  chiens,  les  porcs,  les  bceufs,  les  chevaux,  les  mulets;  4  Ho- 
dane.dan.s  une  écurie  de  20  mulets,  la  commission  en  trouva  19  goi- 
treun  ;  en  Savoie,  une  écurie  de  60  mulets  un  reurerninit  28  gHlnut 
'  et,  à  Allcvard.  une  écurie  de  5S  mulets  en  renfermait  45  gutireui. 
Une  antilope  de  Sibérie  est  si  souvent  goitreuse,  que,  ^-idice  i  crile 
maladie,  elle  a  clé  décrite  comme  une  espèce  à  part,  sous  le  nom  de 
antilope  i/uffi»'uiiii.l£s  animaux  présentent  même  le  crèlinisme. 
Rajmond  cite  des  chevaux  et  des  chiens  goitreux,  dont  il  a  re- 
marqué l'état  de  stupidité  cuniparahle  a  celui  des  crétins  d'AUTi' 
bourg,  où  le  goitre  est  rrëqucnl;  i>n  l'oliiiervc  souvent  chet  le  che- 
val et  le  chien. 

CoUv«  «IgN.  —  Comme  pour  parfaire  la  comparaison  eAlre  b 
cachexie  goitreuse  et  la  cachexie  paludéenne,  comparaison  sur 
laquelle  j'ui  insisté  déjii  plus  haut,  on  peut  voir,  comme  tout  â 
l'heure  l'impaludisme  aigu,  le  goitre  aigu.  Nous  avons  vu  luitl  k 
riicurc  qucccrlaines  fontaines  donnaient  un  goitre  eo  qwinir 
jours;  sans  aller  jusque-là,  l'hahilation  dans  les  pays  à  goitre 
l>e ut  déterminer  le  goitre  eu  quelques  semaines.  C'eMwrloulsur 
les  collections  d'individus  non  acclimatés,  comme  Celtei  de»  cot- 


OOITRE,    CRÉTINISMB   GOITREUX.  tt7 

lèges  et  des  casernes,  que  ces  faits  ont  été  observés.  Ils  prennent 
aJors  Tallure  d'une  véritable  épidémie  de  goitre.  C'est  ainsi  qu'à 
Qermont,  en  4851,  sur  5  635  soldats  survinrent   180  goitres, 
soit  t/3t .  —  En  1874, à  Saint-Etienne,  sur  1  400  hommes  280  de- 
vinrent goitreux,  soit  1/5.  —  A  Colmar,  en  1864,  sur  600  hommes 
il  y  eut  107  goitreux  et,  en  1863,  36 goitreux  sur  i  08^  hommes. 
A  Bhançon,  en  18G3,  sur  535  hommes  il  y  eut  30  cas  de  goitre 
cl,  en  1864,  il  y  eut  58  cas  sur   954  hommes;  —  à  Annecy, 
128  cas  sur  682  hommes  ;  —  à  Thonon,  23  cas  sur  194  hommes. 
En  1876,  le  docteur  Richard  observa  une  épidémie  de  goitre 
sur  la  garnison  de  Belfort.  Une  quinzaine  d'élcves  avaient  été 
pris  de  goitre  au  collège  de  Belfort.  Dans  la  garnison,  000  soldats 
furent  atteints.  —  L'épidémie  disparut  lorsqu'on  put  aérer  les 
casernes  et  les  soldats,  en  faisant  faire  des  manœuvres  dans  la 
campagne.  Les  hommes  furent  d'autant  plus  atteints,  qu'ils  vi- 
vaient plus  confinés. 

En  Silésie,  une  garnison  de  380  soldats  présenta  100  goitreux. 
—  En  1812  les  prisonniers  anglais  internés  à  Briançon  présen- 
lereot  également  le  goitre  épidéuiique.  Eu  somme,  ces  épidémies 
u'ont  jamais  sévi  ailleurs  que  dans  les  pays  où  le  goitre  est  endé- 
mique. Ainsi  de  1780  à  1873  en  en  observa  : 

A  Driançon 12  fois. 

Clermoit 8 

Colmar 3 

Riom 2 

Embrun S 

Neuf-Bpisach 2 

Saint-Étienne 2 

HesançoD 2 

MoDl- Dauphin 1 

Annecy 1 

Dans  tous  ces  pays,  les  soldats  n'ont  pas  ressenti  d'autre  in- 
fluence que  celle  que  ress<^ntent  tous  les  jours  les  habitants  du 
pays;  seulement  leurs  organismes  non  acclimatés  ont  ressenti 
ces  influences  plus  énergiquement ,  absolument  comme  nous 
▼oyons  à  Paris  la  lièvre  typhoïde  sévir  surtout  sur  les  nouveaux 
venus. 

Que  d^interj^rélations  n'a-i-on  pas  tenté  de  donner  à  ces  phé- 
nomènes étranges  de  goitre  aigu!  On  a  accusé  le  col  eu  enû^  c^\i^ 


ff9  LA   f.KUmL   ST  LA.   PLOHS» 

portaient  aulreroia  les  :%l<iats.  sans  je  iemaader  potini>ioi  le  col  en 
crin  n'avait  plus  la  même  action  à  Rennes  ou  à  Brest  qu'à  Bnan- 
ron  ou  1  Colmar  »;t  sans  songer  <{ue,  dans  les  âérninaires.  les  coi- 
lèges,  les  pensions  de  jeunes  tilles,  où  les  épidémies  semblables 
ont  t'iit  vues,  d  n'y  a  pas  de  «.•ol  «în  crin.  —  Ta-t-on  pas  été»  daus 
un  coilè'^,  ]ii»{u  à  attribuer  Tépidemie  à  rhabitude  qu*aTaient 
lestmfants  ^le  boire,  it  la  fontaine.  le  cou  penche  en  avant,  à  h 
r«*fjtiitiflt^  !  p.jur  empêcher  le  b»>ir«i  r  fa  rtigttOvie,^  on  fil  fermer  le 
robinet  fie  la  fontaine  et  f  épidémie  cessa,  au  ^n'and  succès  de  la 
thi*()rie  de  la  ré^ade.  —  L'essentiel,  c'est  «^u'on  avait  supprimé 
Teau. 

CrecfalsaBe  ai^a.  —  Il  y  a  mieux  :  on  peut  aussi  obs»eni'er, 
dans  certains  cas,  une  rîorte  de  cretinisme  aigu  ;  c'est  du  moins 
ce  qui  ressort  de  l'enquête  autrichienne  faite  en  1841.  Il  existait, 
parait-il,  à  Symitz,  une  ferme,  qui  fut  vendue  par  une  famille 
dont  toor*  \tis  membres  ttaieat  iroîtreu\  et  crétins.  Le  nouvel 
acquér»Mjr.  qui  n'était  pas  du  pays.  ;irriva  bien  portant  avec  sa 
femme.  Telle  ci  mourut  goitreuse,  à  demi  crétine,  llépcusa  alors» 
en  secondes  noces,  une  femme  saine,  qui  devint  goitreuse:  lui- 
même  devint  demi-crétin.  — r'inq  enfants,  qu'il  eut  de  sa  pre- 
mière femme,  furent  tous  crétins. 

Dans  cette  ftTm«\  tous  les  domestiques  devenaient  goitreux,  et 
la  »lé;:»}nérescence  du  bétail  était  égale  à  colle  des  hommes. 

Prophylaxie. —  Existe -t-il  un  moyen  d'arrêter  Textension  de 
Cfit'f.  étrange  maladie  sur  une  population?  Oui  certainement! 
Oui,  même  aujourd'hui,  tjue  nous  ne  connaissons  que  fort  incom- 
plètement la  cause  productrice  î 

Plus  les  communications  d'un  pays  avec  ses  voisins  augmen- 
tent ot  plus  décroissent  le  goitre  et  surtout  le  cretinisme.  Les 
habitants  sont,  en  effet,  par  suite  de  ces  communications,  mieux 
logés,  mieux  habillés,  mieux  nourris.  On  boit  plus  de  vin,  plus  de 
café,  plus  de  bière.  Tout  cela  contrebalance  Faction  nocive  de 
Teau  ;  tout  cela  soutient  Torganisuie  et  retarde  ou  empêche  la 
cachexie. 

Mais  les  meilleurs  moyens  sont  l'abandon  des  sources  goîtri- 
gèncs,  leur  canalisation,  leur  filtrage,  la  construction  de  citernes 
ou  au  moins  de  réservoirs,  au  fond  desquels  Teau  puisse  laisser 
son  dépôt  Enfin  le  grand  moyen,  sinon  prophylactique,  au  moins 
thérapeutique,  c'est  liode. 

Remarquons  bien,  d^ailleurs,  que  si  Tiodc  guérit  le  goitre,  cela 


DYSENTERIE.  SI  9 

BeproaTe  pas  le  moins  du  monde  que  le  goitre  soit  causé  par 
l'abseDce  de  Tiode  dans  les  eaux!  Faire  ce  raisonnement  serait 
lossi  absurde  que  de  dire  :  le  sulfate  de  quinine  dégorge  la  ratc^ 
0  guérit  la  fièvre  intermittente,  il  empoche  ou  retarde  la  ca- 
dieiie  paludéenne  ;  donc  la  grosseur  de  la  rate,  la  fièvre  inter- 
mittente et  la  cachexie  paludéenne  sont  dues  à  Tabsence  de  qui- 
nine dans  les  eaux!  11  se  pourrait  bien  que  Tioile  a^it  ici,  comme 
le  quinquina  dans  la  fièvre  intermittente,  comme  toxique  des 
ferments.  —  Ce  moyen  avait,  d'ailleurs,  été  conseillé  par  Coindet 
(de  Genève)  bien  avant  que  Chatin  n'émit  sa  théorie  de  Tiodc, 
et  déjà,  même  avant  Goindet,  on  recommandait  contre  le  goitre 
l'éponge  grillée,  qui  contient  de  Tiode. 

Liùde  a  aujourd'hui  fait  ses  preuves.  Le  docteur  Dagaud  a, 
dans  une  seule  école,  guéri  plus  de  400  enfanis.  Dans  certaines 
écoles,  on  donne  chaque  jour  aux  enfants  une  pastille,  qui  con- 
tient un  centigramme  d'iodurc  de  potassium  ;  or  sur  6è0  enfants 
ainsi  traités  490  orU  guéri,  120  ont  été  améliorés. 

Guérir  les  goitreux  c'est  prévenir  le  crétinisme.  Cette  question 
(le  thérapeutique  prophylactique  possède  donc  une  haute  impor- 
tance. 

j:;   5.    DYSENTERIE. 

La  dysenterie  joue  un  rôle  considérable  dans  la  mortalité 
humaine.  Revenant  tous  les  ans  dans  les  pays  qu'elle  habite, 
elle  y  fait  plus  de  victimes  que  les  grandes  épidémies  qui  n'ap- 
paraissent qu'à  intervalles,  telles  que  le  choléra,  la  fièvre  jaune 
et  la  pe^te.  (/est  essentiellement  une  maladie  des  pays  chauds, 
ear  il  ne  faut  pas  confondre  la  dysenterie  épidémique,  qui  va  nous 
occuper  et  qui  est  une  maladie  des  pays  chauds,  avec  la  dysen- 
terie banale,  sporadique,  qui,  toute  difierente  comme  cause  et 
comme  nature,  s'observe  partout.  Partout  où  elle  s'observe,  dans 
les  pays  chauds,  elle  accompagne  la  fièvre  intermittente  grave  ; 
Ces  deux  maladies  ont  le  même  terrain  ;  elles  semblent  dériver  de 
deux  causes  communes;  ce  sont  elles  qui,  dansées  pays  chauds, 
rendent  difficile  Tacclimatement  des  Européens.  Toutes  deux  ré- 
sultent de  la  putréfaction  des  matières  organiques  dans  un  sol 
imprégné  d'eau  et  toutes  deux  sont  exaspérées  par  l'activité 
même  de  ces  fermentations,  dans  un  pays  très  chaud,  sous  uu 
soleil  ardent. 


tu  LA  rAL'.\£    tT  Ll   FLORE. 

CooiDW  U  tiem  iatermiuonto,  U  liysenlerie  n'est  pas  conU- 
^K-U9«  ;  cite  aiiein(  tous  les  â^e».  tous  les  seiesct  une  première 
atUinU'  ne  pre^^rve  pas  dtrs  autres,  au  contraire.  —  C'est  ainsi 
«]U(*  dan»  l'liiiie«L>iidpu  \oir  120  dysentériques  sur  1000  hommes. 

i!c  >^mi  ce^HTudant  des  uia.diies  ditTêrentes  par  leur  géofçra- 
ph:e,  par  U'urs  s>mp^^uIe^.  par  leur  gravite,  par  leur  cause  im- 
uKdialc»  t' Il  lia  ^ur  leur  e^nique  d\ipparition  dans  un  même  pays. 

Ur««rapkie.  —  La  d>>e;itoràe  epidouiique  forme  autour  du 
^K'U-  une  s^rie  do  ceinture  t\]UJitoriale,  qui  'Comprend  toute  la 
ione  de^  clmuts  torrides  et  qui  cuipiote  sur  les  limites  mêridio- 
ttales>le>  dtuutscluu  Uel  mou'e  t*.-in{H.*as.  t)n  a  remarque  quVlIr 
est  piits  tVvqiente  viatis  l'heuiispliLre  ln^real  que  dans  l'hémisphère 
aust: aU  uuii>  ii  faut  du?si  tenir  compte  de  ce  fait,  que  les  terre> 
»(.i.'i:  plus  vU {i  luc>  d'uu  côte  que  de  i\iutre.  Elle  augmente,  d'ail- 
leurs à  uie>ure  qu'ion  se  rapproche  de  l'equateur.  Tandis  qu'en 
Ai^i.iic  cilo  lionue  :î  deces  pour  1  ilH)  hommes,  cUe  forme  au 
Seii'-aî  1'-  t  ^  de  la  mortalité  tt  Jonne  -iT  0  0  des  décès,  alors 
qiK"  la  li  ne  i'alu>tre  li.-:u:e  au  Xiieial  pour  ..U  0/0  des  décès.  Si 
tiuii  *\y.v  liK^  ueu.\,  ces  uu.adies  \oisiaes  figurent  |)our6bOU 
d.iiis  ... N  il.\r>  Jt.'i  Euro^Kei:»  dû  N.iii.i:al. 

I  :i  L^ji  U\  .  lu.  diminue  di.*  li\queiice.à  nu-ure  qu'on  descend 
Ir  N.î;  iii  anuio.tis,  pendant  U  campagne  d'Egypte  O*'^^*^!)' 
e.lo  a  tue  plu'i  de  s.»liaisque  la  peste,  qui  re.;;nait  alors. 

ti:i  AdU't  i<)ue,  laudis  qu'au  sud  des  grands  lacs  elle  est  rare, 
e  l  le  c»  u  >e  V  i  an  s  la  VI  •  r  ide  de  j  à  .»  deces  ^^.^  u  r  I  0*.»0  hom  mes.  A  u 
>U*\i(pii\  liie  a  ete  \  l^oO-l^0.<  plus  fatale  à  notre  armée  que  la 
lie\(e  jaune.  Aux  ludos,  elle  d«.[ni**  dans  Tannée  anglaise  {'A- 
:*>  de\vs  pour  I UOO  iiouunes,  et,  i>our  plus  de  précision,  72,0i  ma- 
Uvles  sur  KK)  hommes;  à  tkimLu\,  GU'Jd  malades  sur  100;  à  Ma- 
diUN  JLO,!  sur  U'O  hommes. 

t. a  dysenterie,  comme  les  tiewes  intermittent^.^,  airectc  de 
pivlVrvnce  les  leriaiiis  mareca;:cu\,  tels  que  ceux  de  la  côte  oc- 
eiJenlale  d'AlVique,  riche  en  lagune» et  eu  f.rmentatiuns  mare- 
ca^euNe>,  ciMinuOd  s^ms  le  nom  de  tii'U'fj.>t<. 

i'Aiioir  I  Hsivre.—  In  grand  nombre  de  médecins  de  la  marine, 
MM.  lîochard,  Mahe,  Fvuissag  ri  u's.  ai  mettent  .lujourd'hui  que  la 
fermentai  h 'u  dcN  substance»  xegetales  produit  la  fièvre  intermit- 
lente  ou  pkytjh'.inU^  tandis  que  la  fermentation,  sur  le  même 
point. de<debrisanunau\  produit  lad\>enterieou  /tir/oAt'MiV;  mais 
SI  cette  causi'  générale  est  co:umune  au\  deux  maladies,  U  cause 


DYSENTERIE.  Sil 

spéciale  diffère.  On  peut  coucher  au  milieu  des  marigots  ;  on  pren- 
dra  une  fièvre  pernicieuse,  mais  on  ne  prendra  pas  la  dysenterie. 
Pour  prendre  la  dysenterie,  il  ne  suffit  pas  de  respirer  les  germes 
qui  se  dégagent  des  marais  ;  il  faut  boire  Teau  de  ce  marais,  té- 
moin le  fait  suivant,  rapporté  parle  docteur  Napias,  alors  médecin 
delà  marine.  En  1866,  plusieurs  centaines  d*hommes appartenant 
aux  compagnies  de  discipline  furent  débarqués  à  la  Guadeloupe; 
ils  furent^  dès  leur  arrivée,  divisés  en  deux  troupes  :  Tune  buvait 
l'eau  pure    et  fraîche   d'un   torrent,  auprès  duquel  elle  était 
campée  ;  Tautre  fut  installée  au  voisinage  d'une  rivière,  qu'on 
nomme  la  Rivière  aux  herbes  et  qui  contenait  une  grande  quan- 
tité de  détritus  animaux  et  végétaux  en  voie  de  fermentation. 
Dans  cette  dernière  troupe,  18  hommes  tombèrent  rapidement 
malades  de  la  dysenterie,  alors  que  dans  la  première  on  n'en 
observa  pas  un  seul  cas.  Les  travailleurs  du  canal  de  Suez,  en 
1H63,  ont  été  pendant  quelque  temps  décimés  par  la  dysenterie, 
alors  qu'ils  buvaient  Tcau  saumâtre  qui  était  à  leur  portée;  la 
maladie  a  cessé  le  jour  où  Teau  du  Nil  est  venue  remplacer 
cette  eau  dans  leurs  chantiers. 

Si  donc  la  dysenterie  présente  de  grands  rapports  avec  la  fièvre 
intermittente,  elle  ne  se  prend  pas  de  la  même  manière  qu'elle, 
elle  ne  règne  pas  à  la  même  époque  ;  elle  sévit,  en  général,  après 
l'époque  des  fièvres,  comme  si  les  ferments,  qui  produisent  la 
6èvre  intermittente  des  pays  chauds,  avaient  besoin  d'une  évo- 
lution ultérieure,  pour  produire  la  dysenterie.  Ce  ferment  n'agit 
plus  enfin  sur  la  rate  ;  il  agit  sur  les  glandes  du  gros  intestin,  sur 
lequel  il  produit  des  ulcérations  et  des  désordres  considérables. 

Si  ce  ferment  n'agit  pas  sur  la  rate,  il  n'agit  pas  non  plus  uni- 
quement sur  le  gros  intestin  ;  il  agit  encore  sur  une  autre  glande, 
qui,  comme  la  rate,  joue  un  grand  rôle  dans  la  confection  du  sang, 
le  foie.  Les  conséquences  de  la  dysenterie  épidémique  sont  on  effet 
Teogorgement  du  foie,  Tinflammation  de  cet  organe  et  finale- 
ment sa  suppuration.  L'abcès  du  foie  est  la  suite  de  l'hépatite, 
compagne  elle-même  de  la  dysenterie.  Aussi  la  même  carie  s'appli- 
quc-t-elle  à  l'hépatite  et  à  la  dysenterie.  L'hépatite  sévit  au  Sénégal, 
même  sur  les  animaux  de  boucherie,  qu'on  trouve  souvent  atteints 
d'abcès  dans  le  fuie.  Le  1/4  des  décès  y  est  dû  à  l'abcès  du  foie, 
compliquant  ou  non  la  dysenterie.  Au  Gabon, pourune  cause  incon- 
nue, les  abcès  du  foie  sont  moins  fréquents  qu'au  Sénégal.  Mais,  je 
le  répète,  dans  aucune  localité  on  ne  trouve  l'abcès  du  lo*\c  ^x\Aft- 


i2i  LA  PACSB   KT  Là   FLOU. 

nnqoe,  sans  qœ  la  drKoierie  règne  soes  la  fonne  graTe.  Il  semble 
donc  qoe  le  foîe  joue,  dans  celte  Caçoo  d'im paludisme  grave,  le 
même  rôle  que  la  rate  dans  llmpalodisme  ordinaire,  on  que  le 
corps  thyroïde  dans  le  goitre.  Voilà  donc  trois  maladies  tello- 
riqoes:  1*  la  fièrre  paludéenne,  2*  le  goitre,  3*  la  dysenterie 
épîdémique,  qui  sont  dues  à  faction  d'on  ferment  tellurique  sur 
chacune  des  trots  glandes  hématopoîcliqoes  :  la  rcUe,  le  corps 
thyroïde,  le  foie,  et  qui  produisent,  en  effet,  une  anémie  pro- 
fonde. 

La  fièYre  intermittente,  la  dysenterie,  Thépatite  avec  abcès  du 
foie,  c*est  là  une  sorte  de  trilogie,  qui  fait  l'insalubrité  eitréme 
des  pays  chauds^  surtout  s'ils  sont  humides  et  peu  balayés  par  les 
vents.  Comme  indications  pratiques  nous  pouvons  déduire  ce  grand 
principe  :  éviter,  dans  les  pays  chauds,  fusagedes  eaux  non  cou- 
rantes et  trop  chargées  de  matières  organiques,  les  boire  au 
moins  filtrées  ou  bouillies. 

III 
FERMENTS,  FERMENTATIONS  PATHOLOGIQUES. 

Vitléd  de  rattacher  les  maladies  cpidémiques,  qui  s'abattent  sur 
une  population  entière^  à  des  êtres  invisibles  qui  joueraient  dans 
rorganismo  le  rôle  de  véritables  parasites,  n'est  d'ailleurs  pas 
neuve;  elle  était  déjà  vieille  du  temps  de  Lucrèce.  L'atmosphère, 
dit-il,  est  remplie  d'une  infinité  de  corpuscules,  qui  la  rendent 
malsaine. 

Kt  porturbanint  cœlum,  fit  morbidus  aer. 

«  Ces  œrpuscules  se  répandent  dans  les  eaux,  sur  les  moissons, 
«(  ils  se  mêlent  au)iL  aliments  des  hommes  et  des  troupeaux.  » 

Aut  in  aqims  cadit,  aiit  frngcs  persidit  in  ipsas^ 
A  lit  alios  hominum  pnstus  peciidiim  queciliatus. 

Encore  dans  l'antiquité,  Varro  et  Columella  (de  re  rustica) 
croient  que  certaines  fièvres,  qui  atteignent  à  la  fois  toute  une 
population,  sont  dues  à  de  petits  animaux,  mais  cette  idée  féconde 
fut  vite  et  [)our  longtemps  étouffée  par  le  mysticisme  du  moyen 
Age.  11  semblait  même  aux  médecins  plus  naturel  de  faire  inter- 
venir ce  qu'on   a  nommé  et  ce  que   quelques-uns  s'obstinent 


FBRMSNTS   ET    FERMENTATIONS.  S2I 

eDCore  à  nommer  le  génie  épidémique^  sorte  de  puissance  occulte, 
surnaturelle,  ou  d'attribuer  la  maladie  directement  à  une  ven- 
geance personnelle  de  la  Divinité.  Ceux  qui  voulaient  absolument 
concréter,  matérialiser  la  cause  l'attribuaient  aux  Juifs,  qui  em« 
poisonnaient  les  fontaines.  Clot-Bey  lui-mème,avcc  je  ne  sais  quel 
fatalisme  musulman,  disait  :  «  Quoi  qu'on  fasse,  la  peste  d'Egypte 
t  viendra  toujours  à  son  jour  et  à  son  heure,  au  moment  où  le  cycle 
t  épidémique  aura  fixé  son  cours». Il  y  a  quelque  cinquante  ans,  une 
épidémie  de  peste  désola  le  Caire,  on  mourait  subitement;  le  bruit 
se  répandit  qu'un  nègre  parcourait  la  ville  en  prononçant  le  mot 
Kau,  et  que  les  gens  à  qui  il  s'adressait  étaient  immédiatement 
foudroyés.  L'explication  parut  suffisante  à  la  plupart  et  cela  de- 
vint Vépidémie  de  Kau;  elle  fit  époque  et  plus  d*un   vieillard 
comptait,  il  y  a  quinze  ans,  le  nombre  de  ses  années  en  disant  : 
0  Tavais  tel  âge  à  Tépidémie   de  Kau.   o   Cependant,  dès  le 
ivn*  siècle,  Tidée  de  Lucrèce  avait  été  reprise  et  même  avec 
exagération.  Athanase  Kircber  soutient  que  la  plupart  des  ma- 
ladies sont  dues  à  des  vers  invisibles.  Plus,  tard  la  découverte 
des  infusoircs  par  Leuwenhoeck  vint  donner  à  ces  idées,  qui  ratta- 
chaient les  maladies  infectieuses  à  un  parasitisme  microscopique, 
uoe  base  plus  scientifique  ;  la  découverte  de  la  levure  de  bière  par 
Cagoiard-Latour  vint  préparer  le  terrain  à  des  recherches  d'un 
autre  ordre;  enfin  aujourd'hui  les  travaux  de  Davaine  et  surtout 
ceux  de  Pasteur  ont  fait   entrer   Tétudc  des  maladies  épidé- 
miques  et  contagieuses  dans  une  phase  absolument  scientifique. 
Ce  que  la  philosophie  du  poète  latin  avait  conçu,  les  recherches 
du  laboratoire   lont  montré  réel  et  nous  sommes  aujourd'hui 
en  mesure  de  démontrer  que  ce  qu'on  nommait  jadis  génie  épi- 
flmiqup,  génie  contagietix,  se  réduit  à  une  simple  question  de 
pirasitisme,  mais  de  parasitisme  microscopique. 

Rôle  parasltmlre  des  ferments.  —  En  i849|  Pollandcr  exa- 
mina le  sang  d'animaux  morts  du  charbon,  du  sang  de  rate;  il  y 
trouva  de  petits  corps  en  forme  de  bâtonnets.  En  1857,  Rrancllo 
examina  le  sang  d'Unimaux  vivants,  mais  atteints  aussi  de  charbon^ 
des  moutons,  des  chevaux,  des  hommes  ;  il  montra  que  ces  bâton- 
nets existaient  pendant  la  vie  chez  les  animaux  qui  devaient  mou- 
rir et  qu'ils  n'existaient  pas  chez  ceux  qui,  atteints  d'une  pustule 
locale,  devaient  au  contraire  guérir.  Enfin,  en  1863,  Davaine 
donna  à  ces  travaux  leur  véritable  valeur  ;  il  montra  que  ces  bâ- 
tonnets devaient  être  rangés  dans  la  classe  des  Bactéridies  et  que 


SSI4  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

dans  CCS  Bactéridies  résidait  le  principe  de  la  maladie  charbon- 
neuse.  En  môme  temps  Pasteur  fut  amené,  par  l'étude  de  ce  que 
nous  nommons  les  fermentations,  à  voir  que  chaque  fermentation 
était  le  résultat  du  travail  aiM^ompli  dans  le  milieu  fermentant,  par 
un  organisme  microscopique,  analogue  à  la  Bactéridie  charbon- 
neuse :  pour  la  fermentation  butyrique,  pour  Tacéti que, pour  Pal- 
coolique,  pour  celle  de  la  bière,  pour  la  fermentation  viniquc  du 
rooûtdu  raisin,  il  montra  un  ferment  particulier  et  Tinduction  porta 
dès  lors  à  admettre  que  toutesles  maladies  générales^dans  lesquelles 
on  trouvait  dans  le  sang  un  corpsa  nalogue  aux  ferments  déjà  décou- 
verts, étaient  elles-mêmes  dans  l'organisme  quelque  chose  d'analo- 
gue aux  fermentations  qui  se  produisent  dans  nos  bouteilles.  Cette 
idée  féconde  eut  pour  résultat  la  recherche  dans  le  sang,  pour 
chacune  de  ces  maladies,  de  ferments  spéciaux  et,  pour  un  grand 
nombre  d'entre  elles  ces  ferments  ont  été  déjà  trouvés.  Un  ferment 
analogue  a  été  découvert  dans  la  rougeole,  la  scarlatine^  la  diphthr- 
rtr,  la  variole,  la  vaccine^  la  morve,  le  farcin,  dans  rtVysip^/e,  le 
choléra  des  poules,  maladie  qui,  à  certaines  époques,  a  détruit  les 
volailles  de  l'Europe  entière,  le  rouget  du  porc.  Dans  la  seph- 
cémie,  cette  maladie  qui  fait  périr  les  amputés  et  les  grands 
Opérés;  dans  \à  fiivre  puetj>érale,  qui,  à  certaines  époques,  décime 
nos  maternités;  parasitaire  également  le  pcbrinc  du  ver  à  soie, 
maladie  dont  la  cause  semblait  jadis  insaisissable  et  qui  rui- 
nait les  magnaneries  du  midi  de  la  France  et  de  Tltalie,  avant 
que  Pasteur  ait  montré  la  cause  et  n'ait  indiqué  la  prophy- 
laxie ;  parasitaires  ces  épidémies  qui  sévissent  sur  tous  les  insectes 
d'une  contrée  et  qui  sont  dues  à  l'envahissement  du  sang  de  ces 
animaux  par  les  globules  parasitaires  de  Ventomophfhoi^a.  Et  voilà 
peut-être  que  cette  découverte  va  avoir  une  conséquence  inat- 
tendue, la  transmission  de  cette  maladie  parasitaire  des  insectes 
à  cet  autre  insecte,  ailé  pendant  une  partie  de  sa  vie,  qui  nous 
préoccupe  tant  aujourd'hui  et  pour  cause,  le  phylloxéra  ! 

Dans  toutes  ces  recherches,  M.  Pasteur  se  sert  d'une  méthode 
qu'il  a  inaugurée,  la  Méthode  dts  cultures.  Au  lieu  de  se  borner 
à  observer,  dans  le  sang  de  Tanimal  vivant,  les  microbes  parasi- 
taires, il  les  isole.  Avec  ces  graines,  il  ensemence  un  liquide  qu'il 
a  choisi,  liquide  alcalin,  comme  le  sang,  chauffé  à  la  même 
température  que  le  sang  et  il  attend.  H  obtient  ainsi,  pendant  un 
temps  indéfini,  des  générations  successives  de  ces  êtres,  qui  mul- 
tiplient, dans  ce  milieu  artificiel,  aussi  bien  que  dans  le  sang  de 


FfiBMBNTS   ET  FERMENTATIONS.  SIS 

ranimai  malade  qui  a  fourni  la  première  graine.  De  temps  en 
temps  comme  éprcute  de  sa  culture,  il  inocule  une  goutte  de  ce 
liquide  de  culture  à  un  animal  sain  et  voit  alors  la  maladie  du 
premier  animal  se  reproduire  et  cette  maladie  se  caractériser  par 
la  multiplication,  dans  le  sang  de  Tanimal  inoculé,  d'êtres  identi- 
ques aux  êtres  de  culture  qu'il  a  introduits.  Bockhart  (de  Wurz- 
borg)  a  inoculé  à  Vhomme,  avec  succès,  le  microbe  de  la  blennor- 
rbagie  cultivé  dans  une  éprouvette  et,  en  outre,  dans  un  but 
thérapeutique,  celui  de  Térysipèle.  La  médecine  actuelle  rat- 
tache donc  les  grandes  maladies  infectieuses,  contagieuses,  épi- 
démiques  à  la  classe  des  maladies  parasitaires,  ou,  mieux,  des 
fermentations.  On  croyait  jadis  que  toutes  les  maladies  étaient  le 
résultat  d^une  action  bizarre,  exercée  sur  Torganismc  par  quelque 
cause  mystérieuse,  impalpable,  insaisissable.  Aujourd'hui,  nous 
mesurons,  nous  comptons,  nous  élevons,  nous  détruisons  à  notre 
gré  cette  cause. 

La  maladie  infectieuse  ainsi  comprise  devient  quelque  cht>se 
d'aussi  bien  réglé  que  le  dégagement  de  Talcool  dans  un  verre 
d'eau  sucrée,  où  Ton  viendrait  à  mettre  de  la  levure  de  bière.  — 
A  quelques  esprits  il  répugne  encore  d'admettre  cette  simplicité 
dans  la  cause,  mais  la  gale  a 'bien  passé  elle-mômc  par  cette  phase 
de  scepticisme. 

Au  xii«  siècle,  Averrhoès  croyait  déjà  la  gale  parasitaire; 
en  1762,  un  traité  parle  de  VAcarus  humanus.  Ce  ciron,  dit-on, 
«introduit  sous  la  peau  et  produit  les  pustules  des  galeux.  Linnée 
parle  dans  le  même  sens,  et  cependant  il  faut  l'arrivée  ù  Paris, 
en  1834,  d'un  étudiant  corse,  Renucci,  pour  que  la  croyance  de 
toutes  les  vieilles  femmes  de  son  pays  s'implante.  Cela  suffit  à 
peine,  car  en  1834  ne  voit-on  pas  Devergie  dire  encore  :  a  Pour 
<  moi,  au  lieu  de  ne  reconnaître  dans  la  gale  qu'un  effet  do  la  pré- 
«  sence  d'un  insecte,  je  suis  porU3  à  croire  qu'elle  consiste,  avant 
«  tout,  dans  une  éruption.  »  Soyons  persuadés  qu'il  en  sera  de 
même  pour  la  théorie  des  ferments. 

Les  ferments  sont-ils  bien  les  seuls  facteurs  delà  maladie?  A 
cetie  question  les  expériences  de  Pasteur  et  de  Chauveau,  s'inspi- 
rantde  celles  par  lesquelles  Spallanzani  démontra  que  le  pouvoir 
fécondant  du  sperme  réside  dans  les  corpuscules  qu'il  contient,  ré- 
pondent suffisamment.  Chauveau  prend  le  sérum  du  vaccin, 
^nim  qui  est  composé  d'un  liquide  dans  lequel  nagent  des  cor- 
puscules. Or  lorsqu'on  vient  à  isoler  ces  corpuscules  cl  à  VesVf^wvc 

GSOOR.  MED.  \^ 


ttt  LA  FAU.Vfi   ET   LA   FLORE. 

dans Icaii  distillée,  la  goutte  d'rau  dislill^o  prend  des  propriétés 
vaccinifèrcs  é^lcs  à  celles  du  vaccin  ;  en  revanche,  le  sérum  prnc 
de  SOS  corpuscules  est  devenu  absolument  incffcnsif.  Pour  le 
lii|uido  morveux,  Chauveau  est  arrivé  à  des  résultats  identiques. 
Toussaint  filtre  du  sang  charbonneux  à  travers  des  filtres  de 
papier;  comme  les  globules  sanguins  sont  doués  de  mouvements 
amiboîdes,  ils  s*emient  et  passent  ;  mais  les  bâtonnets  (bactéridics) 
ne  passent  pas  ;  le  sang  ainsi  filtré  est  devenu  inofTensir.  L'agent 
morbigène  est  donc  bien  le  forment,  la  bacléridie. 

Un  liquide  pris  au  bout  d*unc  lancette  n'est  donc  contagiftTe 
qu'autant  que  les  hasards  auront  amené  sur  la  |)ointe  de  la  lan- 
cette non  le  sérum,  où  elle  plonge^  mais  un  des  corpuscules  qui 
nagent  dans  ce  sérum. 

Quf  tli^icnt  Iv  ftrmetU  dans  in  sang  ?  D'abord,  à  l'inverse  dos 
substances  toxiques,  reflet  produit  n*est  pas  ici  proportionnel  à  la 
dose  de  ferment  ;  ainsi  il  y  a  dans  une  goutte  de  sang  charbon- 
■eux  8-10  miilions  de  bactéridics;  or  une  dissolution  du  cette 
goutte  nu  milUonièinr  produit  sûrement  la  mabidic  mortelle.  Les 
bactéridics  du  charbon  R'  multiplient,  en  elTct,  suivant  une  prtv 
grcssion  géométrique.  Ainsi  Davaino  a  calculé  que  si  l'on  inocuUt 
1  bactéridie,  au  bout  de  2  heures,  on  a  2  bactéridics  ;  au  bout  de 
4  heures,  on  eu  a  \  ;  au  bout  de  6  heures,  on  en  a  8  ;  au  bout  de 
7  heures,  on  en  a  10;  au  bout  de  24  heures,  on  en  a  4  096; 
au  bout  de  48  heures,  on  a  16  777  216  bactéridies,  soit  1  bactéri- 
die pour  3  500  globules.  L'emfioisonnement  commence  alors.  Alais 
au  bout  de  60  heures,  il  y  a  1  milliard  de  iKictéridies  ;  au  bout  de 
72  heures,  il  y  en  a  71  milliards;  au  bout  de 74  heures,  le  nom- 
bre est  doublé  et  les  bactéridics  sont  i)lus  nombreuses  que  les 
globules. 

Les  s\mi)tômes  n'éclatent  que  lorsque  le  nombre  de  bactéridics 
a  atteint  un  certain  chiffre.  Jusque-là  c'est  Vinrubaihn.  Cette  in- 
cubation peut  varier  de  quelques  heures  ù  queUiues  mois,  comme 
dans  la  rage. 

Le  docteur  Richardson  range  les  maladies  à  ferment  en  cinq 
groupes,  suivant  que  Tincubatiou  est  : 

jo  Tris  courte,  —  De  un  ù  quatre  jours:  choléra,  pustule  ma- 
ligne, i)esto; 

T  Cvurtc.  —  De  deux  à  sii  jours  :  scarlatine,  roséole  idiopa- 
thique,  diphtérie,  érysipèle,  fièvre  jaune,  pyohémie,  grippe,  co- 
queluche, morve,  farcin,  crou|),  fièvre  puerpérale; 


FERMENTS   ET   FERMENTATIONS.  227 

a*  Moymnc,  —  De  cinq  à  huit  jours  :  fièvre  à  rechute,  gonor- 
rbée,  vaccine,  variole  inoculée  ; 

4*>  Longue.  —  De  dix  à  quinze  jours  :  variole,  varicelle,  rou- 
geole, lyphu>.  fièvre  typhoïde,  oreillons,  malaria; 
5°  Très  longue.  —  De  quarante  jours  et  plus  :  syphilis,  rage. 
Avons-nous  la  preuve  que  ces  ferments  circulent  dans  le  sang  ? 
Chauveau  Ta  donnée  dans  une  remarquable  expérience.  Lorsque 
la  circulation  cesse  dans  un  organe  et  que  cet  organe  se  trouve  au 
contact  de  Tair,  il  ne  peut  résister  à  l'action  des  germes  de  gan- 
grène, Bacteriumtei'mo  eiBneterium  catinaUi^  qui,  répandus  dans 
l'atmosphère,  amènent  chez  lui  la  gangrène;  il  subit  la  fermen- 
tation putride.  Lorsqu'au  contraire  Porgane,  dans  lequel  la  circu- 
lation est  interrompue,  n'est  pas  au  contact  de  l'air,  comme  il 
ne  reçoit  pas  de  ferments  de  gangrène,  il  se  momifie,  mais  il  ne 
iie  gangrène  pas,  il  ne  se  putréfie  pas.  Ainsi,daQsla  castration  telle 
qu'on  la  pratique  chez  le  bélier,  par  le  histournnge^  on  ne  fait  pas 
de  plaie,  on  se  borne  à  arrêter  la  circulation  dans  le  testicule,  qu'on 
veut  détruire,  et,  comme  il  n'y  a  pas  accès  de  l'air,  il  n'y  a  pas  gan- 
grène, il  y  a  simplement  momification.  OrCbauveau,  avant  de  pra» 
tiquer  le  bistournage  et  alors  que  la  circulatioti  se  fiiit  encore  dans 
l'organe,  injecte  dans  la  carotide  des  ferments  putrides;  l«  testicule, 
quoique  privé  ensuite  deîcirculation,  se  gangrène,  comme  s'il  était 
au  contact  de  l'air,  parce  que  les  germes  de  putridité  lui  sont 
parvenus  et  ont  été  enfermés  dans  sa  propre  circulation;  —  si,  au 
contraire,  on  arrête  à'ahord  la  circulation  dans  le  testicule  et 
qu'on  injecte  ensuite  les  ferments  putrides  dans  le  sang,  alor» 
leur  passage  dans  la  circulation  du  testicule  ne  pouvant  plus  se 
faire,  cet  organe  se  momifie,  mais  ne  se  gangrène  pas. 

Les  ferments  agissent-ils  duns  le  sang  ?  Une  expérience  de 
Cl.  Bernard  va  nous  le  prouver.  Les  amandes  amères  sont  un 
produit  de  fermentation  normale  ;  Tamygdaline,  sous  l'influence 
d'un  ferment,  Véinuldne^  forme  de  l'acide  cyanhydrique.  C'est 
pour  cela  qu'un  loch  qui  fermente,  finit  par  contenir  de  l'acide 
cyanhydrique.  Eh  bien,  Cl.  Bernard  a  injecté  dans  les  veines  d^un 
chien  de  l'amygdaline  d'une  part,  de  Témulsine  de  l'autre  et  a 
trouvé  de  l'acide  cyanhydrique  dans  le  sang  ;  la  fermentation  s'y 
est  donc  produite.  Dans  une  autre  expérience,  il  injecte  de  l'eau 
sucrée  et  de  la  levure  de  bière,  il  y  récolte  de  Talcool  absolument 
comme  dans  un  verre  d'eau  sucrée,  qui  aurait  fermenté  ;  enfin 
autre  expérience  :  Popoffa  injecté  dans  les  veines  d'uu  ^tiVcgaN. 


Si8  LA   FAUNE   ET    LA   FLORE. 

» 

de  la  levure  de  bière  seule  ;  l'animal  est  mort  avec  des  signes  de 
typhus;  il  avait  des  ulcérations  intestinales  et  ces  ulcérations 
s'étaient  formées,  parce  que  les  vaisseaux  de  Tintcstin  étaient 
oblitérés  par  des  embolies  de  levure. 

Comment  agissent  les  ferments  ?  Les  ferments  du  charbon,  de 
\aL  septicémie  agissent,  aussi  eux,  en  produisant  les  fermentations 
qui  leur  sont  propres  et  en  déterminant  des  embolies  mécaniques, 
comme  la  levure.  Pasteur  a  montré  que  les  bactéridies  du  char- 
bon, comme  les  organismes  du  choléra  des  poules,  agissent  en 
soutirant  Toxygène  des  globules  et  que,  de  plus,  ils  forment  dans 
les  petits  vaisseaux  des  embolies  visibles  au  microscope  sur  les 
Ans  vaisseaux  du  péritoine. 

Maintenant  que  nous  venons  d'étudier  les  conditions  propres  à 
la  graine,  nous  pouvons  nous  rendre  compte  d'un  certain  nombre 
de  phénomènes  de  pathologie  générale  :  ïinoculation^  la  con- 
tagion, le  milieu  épidémique. 

inoevUtloB.—  Puisque  le  microbe  ou  ferment  est  le  seul  agent 
delà  maladie,  il  faut  de  toute  nécessité,  pour  que  la  maladie  éclate, 
que  le  ferment  soit  semé.  Lorsque  nous  voyons  une  giroflée  pousser 
sur  un  mur,  nous  n'hésitons  pas  à  penser  qu'une  graine  de  giroflée 
a  étq  apportée  là  ;  mais  comment  s'est  fait  ce  transport  du  ferment? 
Dans  nos  expériences,  nous  comprenons  bien  comment  la  pointe 
d'une  lancette  a  pu  transporter  dans  le  sang  la  bactéridie,  dont  elle 
était  chargée  et  qui  tout  à  Thcure  va  multiplier;  or  c'est  encore  l'ino- 
culation qui  se  produit  dans  la  nature  pour  un  grand  nombre  de 
maladies.  Puisque  nous  avons  pris  le  charbon  pour  exemple,  nous 
savons  qu'il  suffit  qu'une  mouche  ait  touché  un  animal  charbon- 
neux et  qu'elle  nous  pique  ensuite,  pour  que,  véritable  lancette 
vivante,  elle  nous  inocule  la  maladie.  Pour  être  à  nos  yeux  beau- 
coup moins  agréable  à  contempler,  le  phénomène  est  leunème  que 
celui  que  nous  montrent  les  insectes,  qui,  butinant  de  fleur  en 
fleur,  transportent  le  pollen  et  accomplissent,  par  inoculation,  la 
fécondation  des  fleurs  femelles;  ce  sont  de  môme  les  mouches, 
qui  sont  les  agents  inoculateurs  de  cette  maladie  expérimen- 
talement inoculable  qu'on  nomme  la  pourriture  des  végétaux, 
maladie^qui  tient  à  un  bacterium.  Le  professeur  Verneuil  a  dési- 
gné fort  ^ingénieusement  sous  le  nom  d'auto-inoculation  infec- 
tieuse, des  faits  dont  l'explication  n'avait  pas  été  entrevue  avant 
lui  :  il.s'stgit  de  cas  dans  lesquels  un  parasite  gros  ou  petit,  circu- 
lant en  liberté  dans  les  vaisseaux,  est  mi^  en  liberté  par  un  trauma 


FERMENTS,    FERMENTATIONS.  229 

▼asculaire^  pénètre  dans  les  espaces  conjonctifs  ou  dans  les  pa- 
renchymes et  s'y  développe.  C'est  ainsi  que  les  opérations  chez 
les  tuberculeux  peuvent  donner  naissance  à  des  phénomènes  d'auto- 
inoculation.  Verneuil  explique  ainsi  comment,  lorsqu*un  malade 
porte  plusieurs  blessures,  les  unes  fermées,  les  autres  ouvertes, 
les  microbes  peuvent  se  trouver,  môme  dans  les  foyers  paren- 
chymateux  qui  sont  à  l'abri  de  Tair  ;  enfin  M.  Bonceur  explique  de 
même  comment  une  rupture  vasculaire  peut  mettre  en  liberté 
des  embryons  d'échinocoques,  qui  vont  s'enkyster  ailleurs. 

Costaj^ion.  —  Mais  le  contact  n'est  pas  toujours  aussi  immé- 
diat, en  apparence  :  lorsque,  comme  pour  la  variole,  la  rougeole, 
ou  d'autres  maladies,  le  ferment  est  assez  léger,  assez  volatil 
pour  se  répandre  dans  l'air,  on  ne  dit  plus  inoculation,  on  dit 
'^inlagion;ei  cependant,  c'est  encore  une  réelle  inoculation  qui 
se  fait,  soit  par  les  parties  dépourvues  accidentellement  d'épi- 
derme,  soit  par  la  muqueuse  pulmonaire,  soit  par  la  muqueuse 
digestive. 

Hilieo  épldémlqae.  —  Lorsque  Tatmosph ère  est  remplie  de 
ces  germes,  on  dit  alors  qu'il  y  a  milieu  épid/miquc  ;  mais  c'est 
toujours  de  l'inoculation.  C'est  un  milieu  cpidcmique,  dans  son 
?enre,  que  l'air  de  nos  vignobles  au  moment  de  la  vendange. 
Pasteur  a  montre,  en  effet,  que  ce  qui  fait  fermenter  le  jus  du 
raisin  pour  en  faire  du  vin,  c'est  un  parasite,  la  Torula  vint.  Le 
frrain  de  raisin  serait  donc  autorisé  à  regarder  cela  comme  une 
maladie,  dont  le  germe  est  répandu  dans  Pair;  car  ce  germe  est 
«i  bien  dans  l'air,  comme  celui  de  nos  maladies,  qu'il  suffit  d'en- 
tourer la  grappe  d'un  abri  protecteur,  la  ouate,  pour  la  préserver 
de  la  contasjion  et  pour  qu'elle  soit  impuissante,  mise  en  cuve,  à 
fermenter.  La  comparaison  faite  par  Pasteur  entre  la  fermenta- 
tion du  moût  de  raisin,  à  l'époque  des  vendanges,  et  un  milieu 
t^pidémique  est  fort  juste  et  il  semble  qu'on  se  comporte,  en 
réalité,  pour  éviter  certaines  fermentations,  comme  on  se  com- 
porterait si  on  voulait  éviter  le  vent  d'un  marais,  par  exemple.  Il 
est  de  règle,  à  la  Vera-Cruz,  de  ne  jamais  mettre  le  vin  en  bou- 
teille que  lorsqu'il  fait  soleil  et  que  le  vent  souffle  du  sud  ou  du 
sud -est.  Si  le  vent  vient  du  nord  ou  du  nord-est,  le  vin  aigrit.  Il 
en  est  de  même  de  nos  maladies;  il  suffit  de  nous  garantir  des 
germes  pour  être,  aussi  nous,  incapables  de  fermenter  et  de  devenir 
malades.  Le  pansement  ouaté  de  Jules Guérin,  qu'on  applique  aux 
amputés  et  aux  grands  opérés,  n'a  d'autre  effet  que  de  filtrer  Talc 


1»  LA  MUSE  ET   LA  FLORE. 

«livanl  la  mvlhoile  do  Tïmlall  et  «le  lo  dtlwrrasscr  des 
'^iri'mitiU)^  i]u*(I  t'onienait.  Le  pansement  pliiJni<|uû  d< 
iv*  liw.  IVi^lcur  a  donc  proposé  avec  raison  anx  porsoni 
MMil  bimV.tdo  «ivri!  dans  un  miliivu  i'|iid('Tnii[ue,  •!•■  ne  r 
an  maypn  iTun  appareil  qu'il  serait  aisé  d'imaginer,  ijui;  i 
liltré  par  la  oualt:  les  niédecitrs  pousses  par  ce  qu'on  ap 
rrjtpx-r  huiiviiii  ont  rerusi'r.  C'ist  comme  un  cuirassier  qui 
rait  dVti<liv<ser  sa  cuirasi«,  sous  prétexte  qu'il  est  peu  li 
At  sF  [>rul('p;r  coalrc  les  iKilles  ou  contre  les  coupa  de  s: 
pourlaiil  ccj  microbes  nous  entourent  ilc  toutes  parts!  Ei 
|I^N'a  ajaiil  Tait  laver  les  murs  de  sa  salle  de  chirurgie 
ilt-s  ^'luI'uii'S  de  jiusdans  le  liquide  evprîmé  de  l'éponge, 
dan<  unr  salle  occupée  par  des  cnratils  atteints  d'opli 
trouva  l'^M  le  ment  ilcs  gloliules  de  pus  dans  Pair;  la  eoi 
n'est  dune  ,-u  ré-alité  qm:  de  l'inncnlulion.  Ce  qu'un  noi 
)wi'ii>'i(  ii-s:'-',minl  su  l'cduil,  en  suninie,  a  uu  certain  non 
germes  île  maladies,  véritables  lancettes  vivantis,  prêtes 
culatioii,  qui  circnlent  dans  l'air.  Tout  cela  est  bien  clair 
pendant  iniu  de  utédcciiis  se  refusent  encore  à  cette  sim 
Tour  .M.  J.ic'und,  par  exemple,  ce  n'est  pas  la  bactérie  qu 
virulcneir  ;  i''i>t  le  milieu  d'uii  elle  vient  '. 

I.KNpiiiilnBéll^dpsDialMtllrivA  rermenl  n'cKlwle 
Les  ni.iliiilii's  il  fi-mient  ne  sauraient  donc  jamais  être  spon 
elles  ne  miiisriit  pas  pins  sans  que  le  ferment  ail  été  inoci 
les  poulils  m-  naissent  sans  qu'nn  œuf  ail  été  rêcondé.  p 
touvé.  ll'iM  meure  4  l'asteur  et  à  Toussaint  que  nous  di 
rertilnde  duces  ciinnais«mce^.  ICn  tiisaut,  en  Beauce,  l'i 
d'animaux  rnorlsducliarlton  prétendu  spontané,  Toussaint 
auv  enviruns  de  la  iHiuclie,  îles  i^nu^lious  durs,  cnjzoï^és. 
(lés;  i>r  le  ganglion  eiipirgé  accompagne  toujours  le  poini 
cubljun  dn  cliarlion  expérimental  -,  si  Lien  que,  sur  des  a 
morts  du  rliarlHin  qu'un  expériuienliilcur  aurait  inoculés 
points  divers, Toussaint  reconnaît  toujours  le  siège  de  l'inoi 
au  gan^'liini  engorgé.  Il  [lensi  donc  qui'  c'est  en  mange 
tierlii's  1  rcnuveilcs  de  li.ictéridics  tt  d'ailleurs  piquant 
les  lu^li's  poiivaii'nt,  on  l'abscucc  de  voisins  charbuuneui 
cnleren  lé.tlité  lu  cbarlHin  et  paraître  l'avoir  spontanêui 

'el,  le  eluirluri  dit  xjiniit'iHi-  t«lale  généralement  pen 
t  et  alors  <iuc  les  animaux  sont,  non  au  p: 
■  nourris  d'herbages  sec». 


VARIOLE.  2Si 

D'où  viennent  alors  ces  bactéridies?  Clies  peuvent  avoir  clé  dé- 
posées par  un  troupeau  ou  par  un  animal  malade  longtemps  avant  ; 
mais  comment  se  conservaient-elles?  Pasteur  enterra  un  mouton 
mort  du  sang  de  rate  ;  quatorze  mois  après,  une  solution  de  cette 
terre  inoculait  encore  le  charbon.  Les  bactéridies  se  conservent 
donc  ;  elles  sont  séchées  ;  mais  comme  elles  sont  reviviscentes, 
Thinnidité  de  la  bouche  leur  rend  toute  leur  virulence.  Toussaint 
aconservé,  pendant  dix-huit  mois,  dans  un  flacon,  un  morceau  de 
papier  buvard  qui  avait  été  imbibé  de  sérum  charbonneux  ;  il  lui 
a  sufQ  d'humecter  ce  papier,  pour  que,  avec  l'eau  qui  le  lavait,  il 
iiiucuiàt  le  charbon .  C'est  ainsi  que  des  animaux  peuvent  prendre 
le  charbon  dans  une  écurie  vide  depuis  des  mois,  mais  qui  a  logé 
un  animal  charbonneux;  c'est  ainsi  ({ue  des  volailles  peuvent 
prendre  le  choléra  des  poules  dans  un  poulailler  qui  a  logé  des 
[)Qules  atteintes  de  la  maladie.  Il  en  est  de  même  des  salles 
(rhi>pital  fermées,  puis  réouvertes  sans  avoir  été  désinfectées. 

§   I.    VARIOLE. 

Un  des  exemples  les  plus  remarquables  des  maladies  infec- 
tieuses, contagieuses  et  inoculables  dont  nous  venons  d'esquisser 
la  théorie  générale,  est  la  variole.  C'est  dans  l'histoire  et  dans  la 
marche  de  cette  maladie  que  sont  le  mieux  résumées  les  lois 
générales,  qui  régissent  les  processus  de  cette  nature;  elle  peut 
servir  de  tvpe. 

En  elFet,  au  point  de  vue  de  la  marche,  nous  pouvons  entrevoir 
dans  le  passé  une  époque  où  quelques  points  limités  du  globe  la 
connaissaient  seuls;  dans  le  présent,  nous  ue  connaissons  plus 
que  quelques  points  limités  qui  ne  la  connaissent  pas  encore  ou 
ne  !a  connaissent  que  d'hier;  mais  ces  points  deviennent  de  jour 
en  jour  moins  nombreux.  Il  est  vrai  que,  dans  l'avenir,  nous 
pouvons  entrevoir  une  époque  où  elle  aura  disparu  ou  au 
moins  considérablement  diminué,  grâce  à  la  vaccine. 

Histoire  et  géographie.  —  L'origine  de  la  variole  semble 
devoir  être  reportée  dans  l'Inde.  H  en  est  question  dans  un 
vieux  document  sanscrit,  le  Saleya  Granlhim,  attribué  à  Dhan- 
wantari,  l'Esculape  hindou,  qui  nous  reporte  à  plus  de  3000  ans. 
Les  rapports  déjà  anciens  de  l'Asie  centrale  avec  la  Chine  sem- 
blent l'avoir  propagée,  de  bonne  heure,  dans  ce  pays,  où  elle 


SSS  LA   FAUNE   ET   LA  FLORE. 

est  connue  depuis  plus  de  ÎOOO  ans  et  où,  cependant,  elle  fait 
encore  des  ravages  considérables  :  elle  y  atteint  même  des  vieil- 
lards ;  de  là  elle  passa  plus  tard  au  Japon,  où  elle  fait  encore  des 
ravages  considérables  sous  le  nom  de  "Poofo  ou  Sekkio  ;  elle  y 
produit  surtout  un  grand  nombre  d'aveugles. 

Pendant  tout  ce  temps  lointain,  notre  antiquité  classique,  les 
Grecs  et  les  Romains  ignoraient  la  variole;  ce  sont  les  Arabes  qui 
semblent  Tavoir  prise  sur  la  côte  du  Coromandel;  elle  était  in« 
connue  encore  en  Occident,  lorsqu'une  épidémie  terrible  éclata  au 
siège  de  la  Mecque,  en  569,  un  an  avant  Tépoque  de  la  naissance 
de  Mahomet.  Elle  devait  voyager  dès  lors,  pour  ainsi  dire,  sur 
Tailcde  l'Islamisme;  en  640,  elle  passa  en  Egypte  avec  Tarmée 
conquérante  du  kalife  Omar  ;  au  vni*  siècle,  elle  passe,  avec  les 
Sarrasins,  en  Espagne  et  en  France  ;  de  là  elle  se  propage  d*autant 
plus  vite  que  les  communications  sont  plus  fréquentes.  Elle  passe 
en  Danemark  en  1527;  en  Suède  en  i578;  en  Islande  en  1707  ; 
en  Sibérie  en  1030;  au  Groenland  en  1733  ;  au  Kamtchatka  en 
1 767.  Los  Suédois  la  transportent  à  leur  tour  en  Laponic,  où  la 
population  fut  réduite  des  3/i  et  où  les  habitations  furent,  dit  uo 
contemporain,  abandonnées  aux  bêtes  fauves.  Nous-mêmes  nous 
Pavons  portée  en  Amérique  au  xvi*  siècle^  notamment  au  Mexique, 
où  elle  fit  périr,  peu  après  la  conquête,  800000  indigènes.  Nous 
lavons  portée  à  Saint-Domingue  en  1518;  nous  l'avons  donnée 
aux  Peaux-Rouges;  dans  la  première  épidémie  qu'ils  subirent,  sur 
40000  Pieds-Noirs  39  000  sont  morts  ;  la  moitié  des  habitants  de  la 
Californie  a  succombé  après  notre  ^enue.  Nous  Tavons  portée  aa 
cap  de  Bon  ne -Espérance  on  1748  ;  en  Australie  en  1788  ;  elle  éclata 
sitôt  après  Toccupation  de  Botany-Bey,  avec  une  intensité  telle, 
qu'on  trouva  dos  cavernes  remplies  de  cadavres  de  varioleux.  Ce 
n'est  qu*cn  1842  qu'un  navire  américain  porta  la  maladie  à  Ta- 
hiti, où  elle  fit  des  ravages  considérables;  vers  la  même  époque, 
Taviso  le  Diamant  la  porta  à  Nouka-Hiva  ;  elle  arriva  en  1853 
seulement  aux  lies  Sandwich  et  en  1852  à  la  Réunion. 

L'Afrique  la  reçut  probablement  de  deux  côtes  :  par  les  Arabes, 
sur  la  côte  orientale  ;  par  les  Européens,  sur  la  côte  occidentale. 
Aussi  les  Bechouanas  connaissent-ils  la  variole  depuis  fort  long- 
temps; les  Maures,  au  nord  du  Sénégal,  la  connaissent  depuis 
longtemps  aussi  et  sont  encore  souvent  victimes  de  ses  coups. 
D'après  Burton,  les  habitants  de  TAfriquo  orientale  sont  décimés 
l        par  elle;  elle  existe  donc  aujourd'hui  à  peu  près  partout. 


VARIOLE.  2SS 

C'est  une  chose  bien  remarquable  que  la  gravité  de  la  va- 
riole, comme  de  toutes  les  maladies  de  cette  nature,  dans  un 
pays  qui  en  est  jusqu'à  un  moment  donne  demeuré  vierge!  Les 
Esquimaux,  qui  sont  venus  récemment  prendre  la  variole  en 
Europe^sont  morts  avec  la  forme  foudroyante  de  la  variole  hémor- 
rhagique.  Cependant,  au  siècle  dernier,  bien  que  depuis]  long- 
temps fixée  en  Europe,  la  maladie  y  faisait  encore  des  ravages  con- 
sidérables ;  c'était  alors  la  plus  meurtrière  des  affections  aiguës; 
elle  causait  i/f  0  des  décès  et  elle  était  responsable  de  la  moitié 
des  cas  de  cécité.  Toute  la  descendance  de  Louis  XIV,  sauf 
Louis  XV,  succomba  sous  ses  coups. 

I^'atare,  contai^ioii.  —  La  variole  est  éminemment  conta- 
gieuse et  ce  pouvoir  contagieux  commande  Tisolement  absolu  des 
varioleux  comme  la  désinfection  des  voitures,  qui  servent  à  les 
transporter  dans  les  hôpitaux.  Pendant  le  siège,  elle  a  été  extrê- 
mement fréquente  dans  l'armée  de  Paris  ainsi  que  parmi  les 
mobiles  logés  chez  les  habitants  ;  le  nombre  des  soldats  qu'elle  a 
atteints  a  été  de  6,76  0/0,  près  de  7  0/0.  Cette  contagion  présente 
toutefois  ceci  de  particulier,  qu'elle  ne  s'effectue  pas  à  une  très 
grande  distance  :  il  y  a  donc  des  contages  plus  volatiles  que  celui 
de  la  pelite  vérole.  Ainsi,  pendant  le  siège,  bien  que  tous  les  va- 
rioleux de  l'armée  de  Paris  fussent  réunis  à  Bicêtre,  on  ne  vit 
pas  plus  de  varioleux  qu'ailleurs  dans  le  fort  de  Bicêtre  situé  à 
100  mètres  environ  de  l'hospice,  mais  qui  n'avait  aucune  com- 
munication avec  lui  ;  les  habitations  échelonnées  le  long  de  la 
route,  sur  le  passage  des  varioleux,  présentèrent,  au  contraire,  un 
grand  nombre  de  cas  de  variole  ;  il  en  résulte  cet  enseignement 
au  point  de  vue  pratique,  que,  le  contage  de  la  variole  étant  peu 
volatile,  il  est  utile  d'avoir  des  hôpitaux  spéciaux,  maii^  inutile  de 
les  reléguer  très  loin.  C'est  dans  ces  conditions  qu'a  été  construit 
à  Londres  le  nouveau  Mail  Pox  Hospital,  qui,  élevé  en  1850,  n'a 
jamais  transmis  la  variole  aux  quartiers  avoisinanls. 

De  nombreux  travaux  nous  autorisent  à  ranger  la  variole  dans 
les  maladies  à  ferments.  Chauveau  a  montré  que  le  pouvoir  con- 
tagieux réside  dans  des  corpuscules;  Coze  et  Feltz  ont  trouvé  des 
bactéries  dans  le  sang  et  dans  les  vésicules  qui  deviennent  plus 
tard  des  pustules.  Ce  sang  inoculé  par  ces  savants  au  lapin  a 
donné  lieu  dans  le  sang  de  cet  animal  à  la  reproduction  des  mêmes 
bactéries;  Hallicr  a  trouvé  dans  le  vaccin  humain  et  dans  la 
lymphe  variolique  des  spores  mobiles;  Brouardel  a,  de  son  côtâ^ 


214  LA  FAUNE   ET   LA  FLORE. 

constaté,  dans  les  vésicules,  révolution  de  ces  bactéries  sous  forme 
de  granulations  fines  et  très  brillantes;  Cobn^  en  tin,  a  pu  cul- 
tiver artificiellement  ce  quMl  nomme  le  Mivrococcus  vaecinœ  dans 
du  lait,  dans  de  l'urine^  du  blanc  d^œuf,  des  pommes  de  terre 
cuites  et  reproduire,  avec  les  générations  ainsi  obtenues  artifi- 
ciellement, des  générations  semblables  dans  le  sang  de  lapin. 

Les  recherches  faites  en  collaboration  par  le  professeur  Jolyet 
(de  Bordeaui)  et  ses  élèves,  Delagc  et  Lagrolet,  ont  jeté  le  plus 
grand  jour  sur  la  variole  du  pigeon, ou  picoUe.  L'éruption  a  lieu  au 
poui*tour  des  yeui,  au  cou,  à  la  face  interne  des  ailes  et  des  cuisses. 
L'cxainen  microscopique  du  sang  des  pigeons  atteints  de  variole 
montre  que  ce  liquide  contient  un  nombre  infini  de  corpuscules 
élémentaires,  de  dimensions  assez  variables.  La  forme  des  cor- 
puscules, les  plus  ténus,  est  assez  difficile  à  déterminer,  à  cause 
(le  leur  extrême  petitesse,  même  lorsqu'on  cherche  à  la  préciser 
avec  un  grossissement  de  12  à  1  400  diamètres.  Au  moment  où  la 
maladie  est  nettement  caractérisée,  ces  corpuscules  sont  en  nom- 
bre incalculable  et  occupent  en  quelque  sorte  tout  le  champ  du 
microscope.  I^  développement  de  ces  microbes  est  proportionnel 
à  la  maladie. 

Si  Ton  examine,  chaque  jour,  à  partir  de  Tinoculation,  le  sang 
des  pigeons  au  microscope,  en  faisant  une  petite  piqûre  sur  une 
veine  de  la  patte,  voici  ce  que  Ton  observe  :  le  premier  et  le 
deuxième  jour,  souvent  le  troisième  jour,  le  sang  ne  présente 
rien  d'anormal  en  apparence,  ni  dans  le  plasma  sanguin,  ni  dans 
les  corpuscules  hématiqucs  et  lymphatiques.  Toutefois,  vers  la  fin 
du  troisième  jour,  un  examen  attentif  montre,  sur  quelques  pré- 
parations seulement,  la  présence  de  microbes  animés  dans  le 
sang.  Les  jours  suivants,  le  développement  parasitaire  augmente 
d'une  façon  excessive  et,  lorsque  le  pigeon  présente  les  symptômes 
manifestes  de  la  maladie,  la  préparation  du  sang  offre  l'aspect 
décrit  plus  haut,  c'est-à-dire  que  le  champ  microscopique  est  occupé 
par  des  myriades  de  microbes  en  mouvement. 

Cette  période  de  la  maladie,  correspondant  au  développement 
silenrieux  du  microbe  dans  le  sang,  depuis  le  moment  de  Tinocu- 
lation  jusqu'à  Tapparition  des  phénomènes  morbides,  répond  à 
la  période  dite  d'inrubation,  période  si  caractéristique  du  début 
des  maladies  virulentes  et  contagieuses. 


ROUGEOLE.  2)5 

§  â.   ROUGEOLE. 

Histoire  et  gëo|^rapliie.  —  La  rougeole  nous  a,   comme 
la   variole,  été  apportée   au  vm»  siècle  par  les  Sarrasins.  Ni 
les  Grecs  ni  les  Romains  ne  Tont  connue.  Tout  ce  que  nous 
savons  d'elle,  c'est  qu'elle  existe,  comme  la  variole,  depuis  long- 
temps dans  rinde,  qu'elle  est  fréquente  en  Malaisie  et  très  com- 
mune au  Japon,  sous  le  nom  de  fakisa.  Elle  était  inconnue  en 
Amérique  avant  la  conquête  et  c'est  nous  qui  l'y  avons  portée  ; 
aujourd'hui,  elle  est  à  peu  près  diffusée  dans  le  monde  entier, 
bien  que  certaines  îles  reculées  ne  l'aient  reçue  que  récemment. 
Nous  sommes  généralement  habitués   à  regarder  la  rougeole 
comme  une  maladie  de  l'enfance  et  comme  une  de  ces  maladies 
sans  beaucoup  de  gravité,  que  tout  le  monde  doit  avoir  subies. 
Le  fait  est  que  c'est  une  maladie  de  l'enfance  ;  mais  pour  cett,e 
raison  qu'elle  n'atteint  qu'une  seule  fois  et  que  peu  de  gens  lui 
échappent.  Lorsqu'elle  survient  chez  l'adulte,  elle  constitue  alors 
une  maladie  parfois  très  redoutable.  C'est  dans  ces  conditions 
qu'elle  s'observe  parfois  dans  l'armée,  sous  la  forme  d'une  épi- 
demie  grave.  En  1837,  au  Val-  de-Gràce,  iMicliel  Lévy,  sur  60  ma- 
lades, eut  16  morts;  en  1838,  à  Versailles,  la  mortalité  sur  les 
adultes  était  de  31    O/o;    en  1860,  au  Val-de-Gràce,  Laveran 
père,  sur  425  malades,  eut  iO  morts.  En  1870,  pendant  le  siège 
de  Paris,  où  elle  a  sévi  sur  les  troupes  en  même  temps  que  la 
▼ariole,  la  mortalité  a  été  de  1/3.  Pendant  la  guerre  des  Etats- 
Ij'nis,  elle  a  également  sévi  avec  grande  intensité  sur  rannée. 
Pendant  la  première  année,  sur  21676  cas,  il  y  eut  o.'il  décès, 
et,  pendant  la  seconde,  sur  16  34o  cas,  il  y  eut  1  313  décès.  D'une 
faç<«i  générale,  elle  figure,  en  France  et  dans  l'armée,   pour 
27/1000  décès.  L'agglomération  d'hommes  jeunes  lui  donne  donc 
une  fréquence  et  une  gravité  exceptionnelles.  C'est  ainsi  que, 
pendant  TEmpire,  la  fréquence  de  la  rougeole   avait  diminué 
<ians  l'armée,  parce  que,  par   suite  des  réengagements,  l'Age 
ni'^yen  du  soldat  s'était  élevé.  Comme  la  variole,  elle  prend  une 
gravité  particulière  chez  les  populations  qui  ne  la  connaissent  pas 
encore.  Ainsi,  en  1784,  apportée  aux  îles  Feroë,  elle  y  atteignit 
lous  les  habitants,  sans  distinction  d'àgc  ni  de  sexe,  et  en  fit 
Diourir  un  grand  nombre;  elle  disparut  forcément,  puisque  tous 
les  survivants  se  Irpuvaient  en  état  d'immunité  ;  mais,  6o  ans 


tlO  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

après,  en  1846,  elle  fut  apportée  de  nouveau  par  un  bâtiment  ; 
sur  7782  habitants,  il  y  eut  6  000  malades;  les  1  700  exempts 
étaient  des  gens  de  plus  de  65  ans,  qui  avaient  eu  la  rougeole 
lors  de  la  première  épidémie.  En  1875,  apportée  aux  îles  Viti, 
elle  a  décimé  la  population  à  l'égal  de  la  peste  la  plus  redoutable. 

Bien  qu'elle  ait  été  promenée  partout,  elle  semble,  du  reste, 
préférer  les  pays  froids.  Ainsi  sur  309  épidémies  relevées  par 
Hirscli,  on  en  trouve  96  en  hiver,  94  au  printemps,  43  pendant 
l'été,  76  en  automne. 

La  gravité  de  la  rougeole  épidémique  par  les  grands  froids  a, 
du  reste,  accrédité  pendant  longtemps  une  erreur,  qui  ne  compte 
plus  aujourd'hui  que  peu  de  partisans  :  dans  plusieurs  garnisons^ 
milieu  où,  par  suite  de  l'agglomération  de  la  jeunesse,  les  épidé- 
mies de  rougeole  sont  fréquentes,  il  survint,  en  même  temps  que 
les  épidémies  de  rougeole,  une  épidémie  de  bronchite  capillaire; 
on  a  donc  décrit  la  bronchite  Cdpilluire  épidémique  des  armées 
comme  une  épidémie  spéciale,  comme  une  maladie  à  part.  Ainsi, 
à  Lyon,  en  1841,  600  jeunes  soldats  furent  portés  à  Thôpital 
comme  atteints  de  bronchite  capillaire  épidémique;  la  mortalité 
fut  considérable  ;  or  voici  ce  qu'il  en  est  :  la  rougeole  est  carac- 
térisée par  une  éruption,  qui  se  fait  à  la  peau,  sur  la  conjonctive, 
sur  la  pituilairc  et  sur  les  bronches  ;  mais  lorsque,  par  les  grands 
froids,  il  y  a  beaucoup  de  bronchites,  si  une  épidémie  de  rou- 
geole règne  en  môme  temps,  l'éruption  se  fait  alors  uniquement 
sur  les  bronches  ;  clic  manque  à  la  peau  ;  la  rougeole  est  alors 
méconnue.  C'est  de  môme  que,  dans  la  variole,  si  le  malade  porte 
un  vésicaloire,  on  verra  l'éruption,  discrète  partout,  être  con- 
fluente  sur  le  point  qu'a  occupé  le  vésicaloire. 

I\'ature,  contai^ioii,  inocalation.  —  Eminemment  conta- 
gieuse, la  rougeole  est  inoculable  au  moyen  du  mucus  nasal,  des 
larmes,  du  sang  et  de  la  desquamation  épidermique,  qui  succède 
à  l'éruption.  L'inoculation  a  été  pratiquée,  en  1758,  par  Home; 
en  183-2,  par  Spéranza;  en  1847,  par  Michael  (de  Catona);  sur 
iOO  inoculations  qu'il  a  pratiquées  pendant  une  épidémie  grave, 
il  a  réussi  93  fois  et  93  fois  la  maladie  fut  bénigne,  jamais  mor- 
telle. Cette  méthode  des  inoculations  est  d'ailleurs  conseillée  par 
Guersant  et  Blache  en  temps  d'épidémie  grave. 

Hallier  a  trouvé  dans  le  mucus  bronchique  un  ferment,  qu'il 

,  appelle  miicor  mucedo  verus.  Cultivé  sur  un  mélange  d'empois 

d'amidon   et  de  phosphate  d'ammoniaque,  ce  micrococcus  se 


SCARUTINE.  i37 

transforma,  au  bout  de  six  jours^  en  mucormucedo;  dans  les 
crachats,  on  trouvait  toujours  des  spores  de  pénicillium.  Ces 
obserTalions  concordent  avec  celles  de  Salisbury,  qui  admet  que 
Torigine  de  la  rougeole  se  trouve  dans  la  paille  en  putréfaction. 
Keber  a  reconnu  Texistence  de  noyaux  nombreux  et  de  granu- 
lations dans  les  lamelles  épidermiques  provenant  de  la  desqua- 
mation des  taches  de  rougeole  et  il  est  tenté  de  les  considérer 
comme  les  éléments  de  la  contagion.  De  leur  côté,  Coze  et  FcUz 
ont  trouvé  dans  le  sang  des  éléments  très  fins,  qu'ils  rattachent 
aux  bactéries. 

§  3.    SCARLATINE. 

Histoire  et  c^oéf^apiiie.  —  Si  la  variole  et  la  rougeole  nous 
ont  été  apportées  d'Orient,  la  scarlatine  semble  être  bien  à  nous; 
elle  semble  même  moderne.  11  n'en  est  nulle  part  fait  mention 
avant  le  xvi*  siècle,  époque  où  elle  est  décrite,  à  Naples,  par 
Ingrassias,  puis  à  Poitiers  par  Coytar.  On  la  nommait  alors  fièvre 
pourprée  épidémique. 

Elle  apparaît  à  Breslau  en  i625.  Depuis  lors  elle  est  diffusée, 
mais  présente  cependant  encore  une  géographie  assez  limitée. 
Elle  est  moins  cosmopolite  que  la  variole  et  que  la  rougeole.  Pour 
ne  parler  que  de  TEurope,  elle  se  groupe  dans  le  nord  et  le  nord- 
ouest,  devenant  de  plus  en  plus  rare  du  nord  au  midi,  à  partir 
du  littoral  européen  de  la  Méditerranée.  —  Tandis  qu'en  France 
elle  cause  3  fois  moins  de  décès  que  la  rougeole,  déjà  en  Bel- 
gique elle  cause  plus  de  décès  que  cette  maladie.  —  En  Angle- 
terre, elle  6gure  au  premier  rang  parmi  les  causes  de  mortalité. 
Elle  tue  3  fois  plus  de  monde  que  la  variole  et  elle  joue  dans 
la  mortalité  le  rôle  qui,  chez  nous,  est  dévolu  à  la  fièvre  typhoïde; 
ainsi  tandis  qu'à  Paris  elle  donne  en  moyenne  100  décès  par  an, 
à  Londres  elle  adonné,  en  1863,5  075  ;  en  1869, 5  841  ;  en  général 
de  400Dà5  000. 

Dans  certains  points  de  l'Angleterre,  elle  Ggure  pour  la  moitié 
des  décès.  —  A  Paris^  il  y  a  des  années  où  elle  ne  figure  pas  dans 
Ja  mortalité. 

La  période  de  1832  à  1855  se  répartit  ainsi  : 

8  années 0  décès  par  scarlatine. 

11  années , 1-8      — 

4  années  (t 837-40-4 8-49)....     mortalité  plus  élevée. 


t88  U  FAUNE   ET   LA    FLORE, 

Depuis  quelques  années,  elle  tend  notablement  à  augmenter. 
Pour  toute  TAngleterre,  elle  a  donnée  de  1847  à  18G2, 15  000  dé- 
cès par  an,  soit  i/20  de  la  mortalité. 

En  1834,  elle  a  causé  plus  de  décès  que  la  première  épidémie 
du  choléra.  —  En  1863,  elle  tue  30475  individus,  soit  1,48/1000 
vivants. 

Dans  la  Suède,  le  Danemark,  la  Finlande,  la  scarlatine  est  fré- 
quente et  grave.  Elle  s'atténue  vers  l'est  et  le  nord  est  d'Europe; 
ainsi  en  Allemagne  et  en  Russie,  elle  n'est  pas  plus  fréquente  qu'en 
France  ;  dans  le  nord  de  l'Amérique,  elle  se  comporte  comme  au 
nord  de  l'Europe  ;  au  Canada,  elle  est  aussi  meurtrière  qu'à 
Londres  et  à  Edimbourg  ;  à  Philadelphie,  elle  cause,  proportion- 
nellement au  nombre  des  habitants,  20  fois  plus  de  décès  qu'à 
Paris;  aux  Etats-Unis,  la  mortalité  par  fièvre  éruptive  étant 
8,85/100  décès,  la  rougeole  figure  pour  1,09/100;  la  variole  pour 
0,35/100;  et  la  scarlatine  pour  7,41/100. 

Dans  l'Orient,  la  scarlatine  est  à  peu  près  inconnue;  elle 
n'existe  en  Perse  que  depuis  1869  à  1870. 

Quant  à  la  saison,  c'est  l'automne  qu'elle  préfère  :  Hirsch  a 
noté,  sur  iOO  épidémies:  au  printemps  21,  en  été  24,  en  au- 
tomne 30,  en  hiver  25. 

Ce  qu'il  y  a  de  remarquable,  dans  l'histoire  de  la  scarlatine, 
c'est  la  gravité  inégale  des  épidémies.  A  l'inverse  de  ce  que  Ton 
voit  généralement,  la  gravité  de  la  maladie  semble  augmenter 
avec  l'ancienneté  de  son  existence,  alors  que,  pour  d'autres  épi- 
démies, c'est  le  contraire  qui  a  lieu.  Ainsi  Sydenham  regardait  ia 
scarlatine  comme  très  fréquente,  mais  tiès peu  grave  :  «On  n'en 
«  meurt,  disait-il,  que  lorsque  le  médecin  la  prend  trop  au  sé- 
a  rieux  et  la  soigne  nimis  docte:  »  La  même  opinion  régnait  en 
Saie  au  siècle  dernier,  lorsqu'une  épidémie  fit  périr  40  000  vic- 
times. De  même,  en  France,  Bretonneau,  qui  n'avait  jamais  vu 
mourir  un  seul  scarlatineux  de  1793  à  1822,  dut  changer  d'opi- 
nion en  1824,  en  présence  d'une  violente  épidémie  qui  sévit  à 
Tours,  et  ce  médecin  distingué  finit  par  ranger,  au  point  de  vue 
de  la  gravité,  la  scarlatine  à  côté  de  la  peste. 

mature.  —  En  1762,  Plenciz  (de  Vienne)  plaçait  la  cause  de  la 
scarlatine  dans  des  corpuscules  animés;  Coze  et  Feltz  ont  trouvé 
dans  le  sang  des  scarlatineux  des  myriades  de  bactéries,  auxquelles 
Riersa  donné  le  nom  de  Bacterium  punctum.  Ils  ont  fait  mieux  : 
ils  ont  injecté  un  peu  de  sang  scarlatineux  à  des  lapins,  qui  sont 


8UETTE.  S39 

morts  en  quelques  heures,  après  avoir  donné  naissance^  dans  leur 
sang,  à  des  myriades  de  bactéries  identiques.  Enfin  Hallier  a  cul- 
tivé ces  organismes  dans  des  liquides  artificiels  et  il  les  a  vus  se 
transformer  par  évolution,  par  voie  de  métamorphose^  lorsqu'on 
les  cahive  dans  un  liquide  très  azoté,'en  un  micrococcus,  cham- 
pignon qu'il  a  nommé  Tilletia  scarlatinosa ,  0.  Hoffmann,  qui  a 
traité  un  grand  nombre  de  malades  atteints  de  scarlatine  à  Taide 
d^nveloppements  froids,  a  toujours  trouvé  des  micrococcus  en 
^nd  nombre  dans  les  linges  qui  avaient  servi  à  Tenveloppement. 

§   4.    SUETTE. 

Histoire.  —  Au  mois  d'août  1485,  pendant  que  la  rivalité  des 
maisons  de  Lancastre  et  d'York  allumait  en  Angleterre  cette  guerre 
civile,  connue  sous  le  nom  de  gueire  des  Deux  Roses,  une  maladie 
nouvelle  apparut  ;  c'était  la  suette.  Elle  éclatait  tout  à  coup  au 
camp  de  Henri  Tudor,  qui  venait  de  remporter  sur  Richard  111  la 
bataille  de  Bosworth  ;  les  hommes  étaient  pris  de  frisson,  puis 
d'une  fièvre  vive,  d'une  oppression  considérable,  avec  anxiété  car- 
diaque, enfin  d'une  sueur  profuse  et  fétide,  de  là  le  nom  de  siietle. 
La  mort  arrivait  huit  à  dix  heures  après  le  début  de  la  maladie, 
quelquefois  plus  tôt.  Du  camp  de  Bosworth  la  maladie  s'étendit  de 
l'ouest  à  Test  jusqu'à  Londres  et  ravagea  toute  l'Angleterre,  mais 
l'Ecosse  et  l'Irlande  furent  épargnées. 

Vingt-deux  ans  plus  tard,  en  1507,  une  nouvelle  épidémie, 
moins  grave  que  la  première,  éclata  à  Londres  même  et  ne  dé- 
passa pas  ce  rayon. 

En  1518,  troisième  apparition  de  la  même  maladie,  plus  grave 
que  la  première  ;  les  malades  mouraient  en  deux  ou  trois  heures. 
Elle  enleva  sur  plusieurs  points  le  i/3  et  même  la  1/2  de  la  popu- 
lation. Elle  s'étendit  à  toute  l'Angleterre,  mais,  comme  la  pre- 
mière fois,  respecta  l'Ecosse  et  l'Irlande.  Pour  la  première  fois, 
elle  traversa  le  détroit  et  apparut  à  Calais,  alors  au  pouvoir  des 
Anglais.  Chose  curieuse!  à  Calais,  elle  n'atteignit  que  les  Anglais; 
tout  ce  qui  n'était  pas  anglais  fut  exempt. 

En  1529,  quatrième  apparition  de  la  suette  encore  en  Angle- 
terre ;  elle  tue  en  cinq  ou  six  heures,  respecte  encore  Tlrlande, 
TEcosse,  vient  à  Calais,  où  elle  ne  frappe  encore  que  les  Anglais, 
mais,  pour  la  première  fois,  elle  quitte  l'Angleterre  ou  du  moins 


t40  LA  FAUNE   ET  LA  FLORE. 

TÂnglais  ;  un  navire  anglais  perd  plusieurs  hommes  en  route  et 
arrive  à  Hambourg,  où  la  suette  éclate.  Elle  tue  iOOO  personnes 
en  22  jours.  De  Hambourg  elle  se  répand  vers  Test,  le  long 
de  la  Baltique,  à  Lubeck,  à  Brème,  à  Stettin,  à  Dantzig,  à  Koe- 
nigsbcrg,  en  Lithuanie,  en  Pologne,  en  Livonic,  où,  en  i530« 
elle  enlève  les  2/3  de  la  population.  Vers  le  nord,  elle  envahit  le 
Danemark,  laSuède,  la  Norwège.  A  Copenhague,  elle  fait  400 morts 
en  un  seul  jour.  Vers  le  sud-ouest,  elle  passe  en  Westphalie  ;  elle 
s'étend  de  û  Weser  au  Rhin  ;  Cologne,  Spire,  Nuremberg,  Mul- 
bouse,  Augsbourg,  où  en  8  jours  on  compte  1  500  malades  et 
800  morts,  sont  successivement  envahis.  Au  sud,  elle  envahit  le 
Wurtemberg,  le  duché  de  Bade,  le  Palatinat,  la  Bavière  ;  à  Vienne, 
alors  assiégée  par  Soliman,  les  Turcs  assiégeants  ne  prennent 
pas  la  maladie,  alors  que  les  assiégés  en  sont  atteints.  La  Suisse, 
Bâle,  Soleure,  Berne  sont  atteints  ;  la  France  est  épargnée. 

Enfm  le  13  avril  1551,  éclate  en  Angleterre  une  cinquième  épi- 
démie de  suette,  plus  terrible  que  toutes  les  précédentes;  les  popu- 
lations affolées  s'enfuient  en  Irlande,  en  Ecosse,  en  France,  où 
elles  savent  que  la  suette  ne  règne  jamais,  mais,  cette  fois  encore, 
alors  que  les  fuyards  anglais  emportent  avec  eux  la  contagion  et 
meurent  en  Irlande,  en  Ecosse,  en  France,  dans  les  Pays-Bas, 
seuls  les  Irlandais,  les  Ecossais,  les  Français  n'éprouvent  rien,  et 
les  étrangers,  qui  restent  dans  TAngleterre  désertée  par  les  An- 
glais, n'ont  rien  non  plus  !  Ce  fut  la  dernière  épidémie  de  suette 
unglaisc;  elle  était  venue  5  fois  en  70  ans. 

§   5.   DENGUE. 

Géoi^raphie.  —  Le  dengue,  ou  fièvre  courbaturale,  m'daga- 
montt^  et  m'rogni^dcs  nègres,  fièvre  des  diUtes,  ou  fièvre  épidèmique 
<ie  Calcuttn,  ou  fièvre  éruptive  de  l'Inde^  ne  nous  est  pas  encore 
venue.  Elle  semble  jusqu'ici  limitée  dans  les  pays  à  la  fois  chauds 
et  humides.  Elle  a  été  observée  pour  la  première  fois,  dans  l'Inde, 
en  i  780,  sur  la  côte  du  Coromandel  ;  presque  toute  la  population 
fut  atteinte.  En  1 824,  on  la  revit  dans  la  présidence  de  Bombay 
et  à  Calcutta.  Elle  revint  en  1825,  1844,  1853,  1854.  En  1871, 
on  la  vit  à  Bombay,  à  Madras,  à  Calcutta  et,  en  1872,  à 
Pondichéry,  mais  elle  ne  resta  pas  limitée  dans  l'Inde.  On  vit, 
dans  la  plupart  des  épidémies,  la  maladie  se  répandre  :  en  1780, 


DENGUK.  2^1 

jusqu'à  Philadelphie  et  jusqu'à  Cadiï,  où  clic  reçut  le  nom  de 
febris  fjfidiUina,  Elle  y  atteignit  4400  personnes.  En  1824,  elle 
sévit  aux  Antilles  et  sur  le  littoral  atlantique  des  Etats-Unis,  à 
New-York,  aux  Berraudes.  En  1846,  elle  s'étend  à  la  Nouvelle- 
OrléaDs,  au  Brésil,  au  Sénégal,  où  on  la  retrouve  en  1845,  1848, 
1856,  18€5;  en  1870,  on  la  voit  sur  la  côte  orientale  d'Afrique; 
en  1871-1872,  à  Aden  ;  en  1873,  en  Cochinchine,  à  la  Réunion; 
en  1878,  dans  la  régence  de  Tripoli.  Elle  apparaît  presque  [chaque 
année  à  Tahiti,  aux  Sandwich,  sous  le  nom  de  hou-hou  ;  c'est  à 
tort  qu'on  a  prétendu  qu'au  Sénégal  elle  précédait  toujours  la 
fièvre  jaune  :  les  années  de  dengue  en  ce  pays  sont  en  cfTet  1845, 
1848, 1865, 1869  et  les  années  de  fièvre  jaune,  1830, 1837, 1859, 
1866,  1867.  La  coïncidence  n'a  lieu  qu'une  seule  fois. 

C«iita|^loii  pandémiqae.  —  Lorsqu'elle  apparaît  dans  un 
pays,  elle  frappe  tout  le  monde.  A  Adcn,  sur  900  soldats  anglais, 
TOO  furent  frappés  ;  à  bord  de  in  Comète,  qui  quittait  l'Inde  en 
temps  d'épidémie,  sur  66  matelots,  59  furent  malades  ;  à  Saint- 
Denis  (Réunion),  sur  509  soldats,  il  y  eut  320  malades;  tous  les 
infirmiers  furent  atteints;  sur  11  médecins,  9  furent  frappés;  en 
somme,  sur  35  000  habitants,  il  y  eut  20000  malades.  Eminem- 
ment contagieuse,  elle  suit,  dans  ses  migrations,  le  chemin  des 
migrations  humaines  ;  c'est  donc  à  tort  que  Hirsch  la  regarde 
comme  une  pandémie  non  contagieuse,  comparable  à  la  grippe. 
'En  1872,  l'épidémie  de  Pondichéry  éclata  le  lendemain  de  la  fôte 
de  Velangamy,  village  situé  à  une  centaine  de  milles  de  Pondi- 
chéry, où  avait  été  attiré  un  immense  concours  d'indigènes.  Elle 
offrit  même  ceci  de  remarquable,  à  l'inverse  des  fièvres  conta- 
gieuses, qu'elle  ne  présenta  pas,  pour  ainsi  dire,  cette  période  d'in- 
cubation qui  leur  est  habituelle  et  pendant  laquelle  le  ferment  se 
multiplie  en  silence,  jusqu'au  moment  où  le  nombre  des  microb(?s 
a  atteint  un  certain  chiffre;  ainsi  un  enfant  séparé  de  son  frère 
atteint  de  dengue  trompe  la  surveillance  et  entre  un  instant  d^ns 
la  chambre  du  malade  ;  peu  d'instants  après,  il  est  atteint  lui- 
même  brusquement.  Un  plaisant  s'amuse  un  jour,  dans  la  cham- 
bre d'un  ami  malade,  à  contrefaire  la  mine  de  ce  malade  ;  au 
milieu  de  sa  pantomime,  il  est  atteint  lui-même  et  on  n'a  que  le 
temps  de  le  porter  dans  son  lit. 

Cependant,  malgré  l'intensité  du  pouvoir  contagieux,  quelque 
aetites  que  soient  les  communications  avec  les  hauteurs,  celles  ci 
sont  toujours  à  l'abri.  C'est  ici  une  question  de  tempéraVutt  V^^'^ 
Gioaa.  lâÈD,  V^ 


S4i  LA   FAC.VE   ET   LA   FLORE. 

que  de  dépression  baromctriqiic.  Ainsi  les  hauteurs  du  Salazie, 
à  900  mètres  d'alfitude,  n'ont  jamais  vu  la  denguc.  A  700  et 
800  mètres,  on  est  toujours  à  1  abri. 

SyMptAaies*  —  Les  symptômes  de  la  denguc  ne  sont  pas  moins 
étranges  que  sa  marche  envahissante;  on  peut  les  diviser  en  cinq 
périodes: 

Le  début  est  marqué  par  un  malaise  général,  des  vertiges,  de 
rabattement  et  des  douleurs  dans  les  articulations;  ce  sont  ces 
douleurs  et  Tallure  qu'elles  donnent  au  malade^  qui  ont  valu  à  la 
dengue  le  nom  de  fvhris  ph'dosa  et  de  ilmdy,  à  cause  de  la 
marche  raide  qu'elles  donnent  au  patient.  De  là  est  venu  le  nom 
de  denguc. 

Alors  apparaît  une  première  éruption  ;  le  corps  se  couvre  de 
rougeurs, qui  rappellent  à  la  fois  celles  de  Turtiraîreet  celles  de  la 
scarlatine;  des  vomissements  surviennent;  la  fièvre  est  vive^  la 
température  de  40®. 

Au  troisième  jour,  la  fièvre  tombe,  la  guérison  semble  se  faire  ; 
mais  surviennent  alors  au  cou,  aux  aines,  aux  aisselles  des  gan- 
glions bien  différents,  d'ailleurs,  de  ceux  de  la  peste  ;  cette  pé- 
riode dure  deux  à  trois  jours. 

Mais  la  fièvre  se  rallume  ;  une  nouvelle  éruption  survient,  qui 
rappelle  celle  de  la  rougeole. 

Enfm  une  desquamation  abondante  annonce  la  convalescence  ; 
mais  celle-ci  est  longue  et  pénible. 

Les  rechutes  sont  fréquentes,  et  il  n'est  pas  rare  de  voir  les 
malades  tramer  de  la  sorte  pendant  deux  mois  sans  se  remettre. 
La  maladie  n'est  d'ailleurs  pas  grave  ;  elle  est  rarement  mortelle^ 
sauf  chez  les  très  jeunes  enfants  et  chez  les  vieillards,  car,  sur 
8069  cas  rassemblés  par  le  docteur  Martialis,  il  ne  s'est  produit 
que  37  décès.  A  Maurice,  sur  80  000  malades  en  t879,  elle  en  tua 
729. 

Nature.  —  Bien  que  le  microbe  de  la  dengue  ne  soit  pas  encore 
connu,  la  place  de  la  maladie  en  cet  endroit  du  livre  ne  m*en 
semble  pas  moins  légitime. 

§  6.  FIÈMIE  •npiioiDE, 

Histoire  et  géof^aphie.  —  La  maladie  dont  nous  allons 
nous  occuper  est  sans  doute  bien  ancienne;  il  y  a  longtemps 
qu'elle  sévit  sur  l'humanité  et  cependant  elle  n'est  connue  que  de 


FIÈVRE  typhoïde.  24S 

ce  siècle!  Tous  les  auteurs  anciens,  tous  les  médecins  de  toutes 
les  époques  nous  ont  laissé  la  relation  de  fièvres  graves,  qui 
régnaient  souvent  d'une  manière  épidémique  et  qui  causaient 
une  grande  mortalité  ;  mais  ces  fièvres  -  graves,  les  médecins 
frappés  surtout  de  leurs  caractères  négatifs,  nous  disent  bien 
ce  qu'elles  n'étaient  pas;  ils  ne  nous  disent  pas  ce  qu'elles 
étaient.  En  1693,  ces  fièvres  malignes,  putridrs,  comme  on  les 
appelait,  régnèrent  àRochefort.  Chirac  fit  un  graqd  nombre  d'au- 
topsies et  découvrit  que,  dans  les  lièvres  malignes,  la  muqueuse 
de  rintestin  était  ulcérée  :  cela  satisfit  peut-être  la  curiosité  de 
quelques  médecins,  mais  on  n*en  continua  pas  moins  à  regarder 
les  fièvres  malignes,  putrides,  comme  un  ramassis  de  maladies 
Dop  classées,  assez  ,vagucs  et  assez  mal  déterminées.  Baglivi, 
Spiegel,  Stohl  virent  aussi  des  ulcérations  dans  fintestin  ;  Rœde- 
rer  et  Wagler  les  constatèrent  de  leur  côté,  à  Gottingen,  dans 
une  épidémie  qu'on  appelle  la  maladie  defiottingcn;  mais  ce 
n'est  qu'en  1812  que  Petit  et  Serres  comprirent  la  valeur  de  ces 
ulcérations  et  firent  de  tout  ce  répertoire  des  fièvres  malignes  une 
classe  nette,  définie,  la  fiè\:re  entôro-mi}sentériqne,  inaugurant, 
d'ailleurs,  ainsi  qu'ils  le  disaient,  a  la  médecine  éclairée  par 
«  l'observation  et  l'ouverture  des  corps.  »  En  1829,  Louis  déga- 
gea encore  mieux  cette  entité  ;  il  créa  la  fièvre  typhoïde,  Andral, 
Chomel  achevèrent  son  œuvre  ;  enfin  Bretonneau  montra  qu'il 
s'agissait  d'une  fièvre  éruptive,  dont  l'éruption  si  longtemps  mé- 
connue se  faisait  dans  Tintcstin. 

Comme  la  fièvre  typhoïde  ne  fut  d'abord  connue  qu'en  France, 
on  crut  d'abord  que  cette  maladie  n'était  propre  qu'à  la  France  ; 
mais  on  ne  tarda  pas  à  voir,  à  mesure  que  la  découverte  fran- 
çaise se  répandait,  que  cette  maladie  était  fréquente  à  peu  près 
partout  ;  néanmoins,  si  elle  est  connue  à  peu  près  partout,  elle 
est  loin  d'avoir  partout  la  même  fréquence  ;  elle  n'a  pas  non  plus 
partout  une  gravité  égale.  Nulle  part  elle  ne  sévit  autant  qu'en 
Europe  ;  c'est  là  qu'est  son  maximum.  Dans  l'Europe  môme,  ce 
maximum  est  dans  la  zone  tempérée  et,  dans  cette  zone,  dans  la 
portion  inférieure.  Ainsi  en  Suède,  en  Danemark,  en  Angleterre, 
en  Belgique,  la  fièvre  typhoïde  est  moindre  qu'en  France,  en  Alle- 
magne, en  Russie.  Dans  ces  pays  mêmes,  elle  va  croissant  du 
nord  au  midi.  Pour  la  France,  la  mortalité,  dans  l'armée,  par 
fièvre  typhoïde,  a  été,  en  1866  :  dans  le  nord,  1,23  sur  i  000  hom- 
mes; dans  le  centre,  de  1,79  sur  lOOO  hommes;  dans  le  sud^ 


Uk  LA   FAUNE   ET   LA  FLORE. 

2,90  pour  1 000  hommes.  En  1872^  pour  le  nord,  0,85;  pour  le 
centre,  1  >  53;  pour  le  sud^  3,63  pour  1  000  hommes. 

Lorsque,  en  quittant  la  zone  tempérée,  on  s'approche  de  l'équa- 
teur,  la  fièvre  typhoïde  devient  moins  fréquente,  mais  plus  grave; 
ainsi,  elle  est  particulièrement  grave  en  Algérie,  aux  Indes  (Mur- 
chisson),  sur  les  côtes  d'Afrique  (Villiams)  ;  à  Tahiti,  les  malades 
présentent  une  grande  tendance  à  Tataxie.  Déjà  en  Europe,  où 
elle  est  de  plus  en  plus  fréquente,  c'est  une  maladie  grave,  puis- 
qu'elle tue  assez  souvent  le  1  /4  des  malades.  Elle  n'est  pas  rare  en 
Amérique,  et  le  docteur  Van  Rensselaer  HoflT  s'est  assuré,  par 
l'anatomie  pathologique,  qu'il  fallait  rattacher  à  la  fièvre  typhoïde 
la  maladie  désignée  sous  le  nom  de  fièvre  des  montagnes  Rocheiisrs. 

Dans  l'agglomération  parisienne  et  dans  toutes  les  régions  sou- 
mises a  un  régime  climatérique  analogue,  la  fièvre  typhoïde  est  une 
maladie  de  Tété  ou  dell'autorone.  —  La  loi  est  absolue,  hors  cer- 
taines exceptions  dont  nous  avons  précisé  la  fréquence,  la  nature 
et  la  signification. 

Dans  les  régions  où  elle  règne  en  permanence,  comme  à  Paris, 
son  accroissement  saisonnier  commence  régulièrement  au  mois 
de  juin  ou  au  mois  de  juillet  ;  son  progrès  occupe  les  mois  d'août, 
de  septembre  et  d'octobre.  En  novembre  ou  en  décembre,  la  dé- 
clinaison est  commencée  et  elle  continue  régulièrement  jusqu'à 
la  fin  du  printemps. 

La  mortalilé  typhoïde  varie  régulièrement  avec  la  saison  et  elle 
atteint  son  apogée  normale  durant  les  chaleurs  de  l'été.  Alors 
même  que  les  épidémies  sont  locales  et  accidentelles,  celles  qui 
appartiennent  à  la  saison  d'été  et  d'automne,  sont  toujours  plus 
meurtrières  que  les  autres,  qu'il  s'agisse  de  la  population  civile 
ou  de  la  population  militaire. 

La  fièvre  typhoïde  est  d'autant  plus  redoutable  que  les  gens 
qu'elle  atteint  sont  tous  jeunes;  son  maximum  de  fréquence  est 
de 20  à  25  ans,  puis  de  15  à  20  ans;  de  30  à  40  ans,  elle  dimi- 
nue; après  50  ans,  elle  est  rare.  Après  la  phthisie,  c'est,  dans 
l'Europe  centrale,  la  maladie  la  plus  redoutable,  car  au  lieu  de 
s'attaquer  aux  valétudinaires,  elle  s'attaque  de  préférence  aux 
constitutions  robustes;  aussi,  l'armée,  qui  présente  ce  double 
caractère,  la  jeunesse  et  un  choix  préalable,  par  élimination  des 
moins  robustes,  est-elle  particulièrement  frappée.  A  Munich, 
en  1855,  la  mortalité  par  fièvre  typhoïde  a  été  de  8,4  sur  \  000  pré- 
sents;  à  Paris,  en  1853,  tandis  que  la  mortalité  civile  de  20  à 


FIÈVRE   typhoïde.  245 

to  ans  a  été  de  8,21/1  000  vivants,  la  mortalité  militaire^  au  même 
âge,  a  été  de  9,34/1  000. 

Cette  prédilection  de  la  fièvre  typhoïde  pour  les  militaires  tient 
en  outre  à  l'agglomération  ;  c'est  pour  cela  que  les  villes  sont 
toujours  plus  frappées  que  les  campagnes;  dans  les  villes,  elle 
tue  i,46/l000  habitants;  dans  les  campagnes,  0,94/1000  habi- 
tants. 

CoBtai^ion.  —  A  l'agglomération  vient  encore  s'ajouter  la  con- 
tagion, contagion  par  les  malades,contagion  au  moyen  des  matières 
rejetées  par  les  malades  et  livrées  au  ruisseau  ou  à  Tégout  ;  c'est 
par  les  égouts  que  se  propagent  souvent  les  épidémies  de  fièvre  ty- 
phoïde dans  les  grandes  villes,  dans  les  casernes,  les  collèges,  les 
séminaires;  c'est  par  les  cours  d'eau,  où  on  a  lavé  le  linge  des  ty- 
phiques,  où  l'on  a  vidé  les  vases  qui  leur  ont  servi,  que  se  propa- 
gent, ù  la  campagne,  de  petites  épidémies  le  long  d'un  cours  d'eau  ; 
c'est  par  la  même  raison  que  les  blanchisseuses  sont  plus  fré- 
quemment atteintes  de  fièvre  typhoïde  que  les  membres  de  toute 
autre  profession;  c'est  par  le  même  procédé  que  les  matières  fil- 
trées dans  le  sol,  si  le  sol  est  perméable,  entretiennent  la  fréquence 
des  épidémies  dans  un  terrain  poreux. 

Souvent  enfin,  c'est  la  contagion  directe  qui  agit,  c'est-à-dire 
l'arrivée  d'un  malade  dans  une  localité  exemple  de  fièvre  typhoïde; 
Celte  contagion  a  été  niée  et  l'est  encore;  mais  elle  a  été  niée 
dans  les  grandes  villes,  où  la  promiscuité  des  habitants  est  telle- 
ment grande,  qu'il  est  difficile  de  dire  où  tel  malade  a  pris  telle 
maladie  contagieuse  ;  pareille  cause  d'erreur  n'existe  pas  dans  les 
campagnes.  C'est  là  que  les  docteurs  Gendron  et  Piedvache  (de 
tlioan)  lont  saisie  sur  le  fait  et  en  ont  fait  ensuite  la  démons- 
tration évidente.  Pendant  six  ans,  le  docteur  Gendron,  dans  un 
Mllage,  n'avait  pas  eu  un  seul  cas  de  fièvre  typhoïde;  arrive  dans 
ce  village  un  homme  convalescent  de  fièvre  typhoïde;  la  maladie 
éclate  dans  sa  maison,  puis  dans  les  maisons  voisines;  dans  une 
maison  se  déclarent  10 cas;  dans  une  autre  9;  dans  une  autre?  ; 
dans  une  autre  6;  dans  une  autre  encore  5.  En  18ii,  à  North- 
fioston,  petit  village  de  l'Etat  de  New-York,  la  fièvre  typhoïde 
était  inconnue;  un  malade  atteint  de  cette  maladie  arrive  à  Tau- 
berge  et  y  meurt.  Tout  le  village  vient  le  voir,  chacun  vient  pour 
ses  propres  affaires  à  l'auberge  ;  23  jours  après  son  arrivée,  2  cas 
éclatent  dans  la  famille  de  l'aubergiste,  5  ailleurs,  2  ailleurs  ; 
chaque  famille  a  bientôt  son  ou  ses  fiévreux.  Une  seule  UmvVV^ 


246  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

fut  épargnée;  celle-là  était  Wcbée  avec  Taubcrgiste  et  c'était 
la  seule  qui  se  fût  abstenue  de  venir  à  Tauberge,  dont  elle  n^était 
pourtant  séparée  que  par  une  vingtaine  de  mètres! 

La  contagion,  cependant,  a  été  niée  et  Test  encore  par  ceux  qui 
croient  encore  que  la  fièvre  typhoïde  peut  naître,  de  toutes  pièces, 
par  le  voisinage  de  la  putréfaction,  par  renconibrement  ;  or  il 
est  remarquable  que  les  égoutiers  et  les  vidangeurs,  non  seule- 
ment ne  sont  pas  plus  ex[)Osés  à  la  fièvre  typhoïde,  mais  le 
sont  même  moins  que  les  autres  hommes,  ce  qui  n'aurait  pas 
lieu  si  la  putréfaction  seule  pouvait  produire  la  fièvre  typhoïde. 
Loin  de  là,  la  putréfaction  détruit  au  contraire  la  virulence  des 
ferments  spécifiques;  c'est  ainsi  que  la  paille  des  animaux  morts 
du  charbon,  si  on  la  jette  sur  le  fumier  et  qu'elle  fermente,  perd 
toute  virulence.  Une  autre  fermentation,  non  spéciiique,  a  rem- 
placé la  fermentation  charbonneuse,  spécifique. 

^atare.  —  SjK^cifique  est  bien  la  fièvre  typhoïde,  par  son  érup- 
tion, qui  est  constante  et  caractéristique  sur  les  follicules  clos  de 
l'intestin,  les  plaques  de  Peyer.  Spécifique  est  le  pouvoir  des  ma- 
tières qui  s'échappent  de  ces  ulcérations  cl  (|ui.  Huant  par  Tintes- 
tin,  empoisonnent  ainsi  les  coursd'eau,  les  fosses  d'aisances.  Spéci- 
fique est  le  fennent,  qui,  absorbé  par  l'organisme,  y  multiplie  en 
y  produisant  la  maladie,  puis  est  rrjcté  par  les  malades  pour 
végéter  ensuite  dans  le  sol  humide  et  reproduire  à  nouveau  la 
même  maladie  ! 

Des  liactéridies  ont  été  trouvées  dans  le  sang  des  typhiques,  par 
Tigri,  pur  Coze  et  Feltz;  par  Signol  et  Mégnin,  dans  le  sang  du 
cheval  atteint  de  fièvre  typhoïde.  Coze  et  Fellz  ont  même  vu  chez 
le  lapin,  non  seulement  des  bactéridies  se  reproduire,  mais  une 
éruption  intestinale,  avec  ulcération  des  plaques  de  Peyer,  appa- 
raître. Feltz  a  fait  plus  :  il  a  pu  cultiver  artificiellement  ces  bacté- 
ridies, dans  un  flacon  rempli  d'air  pur,  montrant  ainsi  comment 
les  ferments  virulents  de  la  fièvre  typhoïde  peuvent  se  répandre 
dans  une  maison,  dans  une  ferme  ou  une  caserne. 

Klein  (1874)  a  trouvé  dans  les  plaques  de  Peyer  enflammées, 
dans  les  1} niphatiques  et  dans  les  vein(>s  de  l'intestin,  des  élé- 
ments réunis  en  chaîne,  de  véritables  zooglies;  Letzcritch^  dans 
les  déjections  des  typhiques,  a  trouvé  des  schistomycctcs,  qui, 
donnés  à  des  lapins  par  la  voie  buccale  ou  en  injections  sous-cuta- 
nées, produisent  chez  cet  animal  un  véritable  typhus  abdominal 
avec  localisation  anatomique,  identique  à  celle  qu'on  observe  chez 


TYPHUS.  247 

rhoinme.  —  Dans  le  cours  d'une  épidémie  de  fièvre  typhoïde  qui 
régnait  à  Calane,  le  professeur  Guido  Tizzoui  (de  Catanc)  avait 
constaté  que  Teau  de  la  ville  contenait  de  4-9  milligrammes  de 
résidu  organique  par  litre  et  notamment  des  amas  de  zooglîps.  Il 
résolut  de  faire  absorber  cette  matière,  surtout  les  zooglies,  à 
des  chiens.  Or  il  put  constater  que  l'injection  sous  la  peau  des 
chiens  de  ces  matières  sus|)endues  dans  de  Teau  distillée  pro- 
duisait chez  eux  les  symptômes  cliniques  et  anatomiques  de  la 
fièvre  typhoïde.  Il  s'est  assuré,  par  des  autopsies,  que  les  lésions 
anatomiques  du  typhus  expérimental  cl  spécialement  des  ulcéra- 
tions des  plaques  de  Pcycr,  l'infiltration  médullaire  des  ganglions 
mésentériques  et  le  gonflement  de  la  rate  sont  dus  à  la  présence 
de  très  petits  parasites.  Ces  productions  sont  situées  dans  les  in- 
terstices des  éléments  anatomiques,  dans  l'intérieur  même  de  ces 
éléments  et  aussi  dans  les  vaisseaux  qui  alimentent  les  tissus.  Ce 
sont  des  micrococcus  constitués  par  des  amas  globuleux,  des  zoo- 
glies (Plasmakugeln)  et  du  mycélium  rameux  à  contenu  très  fine- 
ment granuleux,  à  anneaux  très  courts.  D'où  il  résulte  que  la 
Cèvre  typhoïde  doit,  en  réalité,  être  considérée  comme  une  schis- 
tomicose,  une  véritable  maladie  parasitaire.  Klebs  semble  avoir 
très  nettement  déterminé  la  nature  de  Torganite,  qu'il  a  nommé 
Burillus  typhosus;  il  pense  qu'il  envahit  l'organisme,  tantôt  par 
fintestin,  tantôt  par  la  voie  pulmonaire. 

Pasteur  est  arrivé  de  son  côté  à  isoler  le  mirrohc  de  la  fièvre  ty- 
phoïde. L'infection  typhiquea  pu,  par  lui,  être  transmise  d'un  ani- 
mal à  l'autre  au  mojcn  de  ht  transfusion  du  sang.  Dans  ces  cas,  à 
cause  de  l'acuité  de  l'empoisonnement  direct  du  sang,  il  observa 
de  remarquables  modifications  dans  quelques-uns  des  phénomènes 
clini^iues  et  spécialement  dans  la  marche  de  la  température. 

§  7.    TYPUUS. 

A  côté  de  la  fièvre  typhoïde  il  faut  placer  le  typhus  humain. 
O  sont  là  deux  maladies  voisines,  mais  difîérentes  et  aussi  dis- 
semblables l'une  de  l'autre  que  le  sont  la  scarlatine  et  la  rougeole. 
Le  typhus  exanthématique  présente  un  centre  d'où  il  rayonne;  il 
en  présente  même  au  moins  deux  :  ce  sont  Tirlande  et  la  Silésie. 

Histoire  et  géographie.  —  La  maladie  est  connue  en  Irlande 
sous  le  nom  de  typhus  fever; cWey  représente  le  1/10  de  la  mor- 
talitéj  tandis  qu'à  Londres  elle  ne  figure  que  pour  ,l|oQ  e\k  V^.t\s^ 


S48  LA   FAUNE   ET  LA   FLORE. 

pour  0.  De  Tlrlande,  le  typhus  passe  en  Angleterre,  à  Liverpool,à 
Manchester,  à  Bristol.  D'irknde  encore,  il  passe  en  Amérique; 
dans  l^Améiique  du  Nord,  le  typhus  se  nomme  maladie  des  vais- 
seaux irlandais  et  s'observe  à  New-York,  à  Philadelphie,  à 
Boston,  à  Baltimore,  au  Canada;  le  typhus  a  mùme  été  observé  au 
Brésil,  au  Pérou,  au  Mexique. 

Son  autre  foyer  est  en  Silésie  ;  c*est  de  lu  qu'il  envahit  la  Russie, 
TAllemagne,  la  Belgique  ;  toutes  les  guerres  avec  cette  partie 
orientale  de  PEurope  ont  amené  le  typhus.  C'est  de  Silésie  que, 
se  dirigeant  vers  Test,  le  typhus  gagne  l'Asie  centrale  et  la  Chine. 

Aussi  voit-on,  comme  cela  se  produit  également  pour  la  peste 
bovine,  les  événements  politiques  liés  à  l'extension  de  la  maladie. 

C'est  de  Silésie  qu'avec  l'armée  de  Charles  V  était  venu  le  ty- 
phus, qui  nous  apparaît  pour  la  première  fois  dans  l'hisloire,  en 
1528,  au  siège  de  Naples,  par  Lautrec.  30000  hommes  de  1  armée 
française  périrent,  et  Lautrec  lui-même  fut  au  nombre  des  vic- 
times ;  en  15o2,  Charles  V,  avec  ses  bandes  recrutées  dans  toutes 
les  parties  de  l'Allemagne,  fait  le  siège  de  Metz  ;  il  arrive  avec 
00  000  hommes,  100  pièces  de  «:anon,  7  000  travailleurs;  mais 
au  bout  de  deux  mois,  après  1  100  coups  de  canon,  le  typhus  le 
force  à  lever  le  siège  ;  les  Français  sortent  et  se  jettent  à  la  pour- 
suite des  assiégeants;  mais  voyant,  dit  Vieilleville,  c  qu'ils  n'ont 
c<  affaire  qu'à  des  malades,  ils  cessent  le  feu,  les  ramassent,  les 
«  emmènent  dans  Melz,  qui  fut  décimée  par  le  typhus  ».  Pen- 
dant la  fm  du  xvi°  siècle,  les  combats  de  l'armée  impériale 
en  Hongrie  y  portent  le  typhus,  qui  est  décrit  sous  le  nom  de 
morbus  hinnjarirus;  la  guerre  de  Trente  ans  n'est  qu'une  longue 
exploNion  de  typhus  ;  les  armées  danoise,  suédoise,  allemande, 
françai»e  y  piétinent,  de  1618  à  1648,  l'Allemagne  et  en  parti- 
cufier  la  Silésie,  ce  foyer  de  typhus.  En  1733,  avec  ce  qu'on 
nomme  la  guerre  de  la  succession  de  Pologne,  encore  le  typhus  ! 
L'année  russe  est  ravagée  par  lui  de  1736-1737;  l'armée  fran- 
çaise le  transporte  en  Lorraine;  en  somme,  pendant  toutes  les 
guerres  du  xvni<^  siècle,  le  typhus  de  Silésie  se  répand  de  proche 
en  proche  dans  les  armées  d'Europe.  Vers  la  On  du  xviu^  siècle, 
en  1793,  grande  épidémie  à  Nantes,  assiégée  par  les  Vendéens; 
en  1796,  l'armée  autrichienne  porte  le  typhus  à  Mantouo  elles 
troupes  françaises  l'apportent  à  leur  retour  dans  le  midi  de  la 
France. 

Les  guerres  de  l'Empire^  mêlant  les  peuples,  sèment  encore  le 


TYPHUS.  249 

typhus,  et,  chaque  fois,  les  prisonniers  le  rapportent  dans  leur 
pays  :  après  Austerlitz,  répidémic  se  répand  partout,  dit  Larrey, 
en  suivant  la  ligne  d'évacuation  des  blessés  ;  après  léna,  le  ty- 
phus se  répand,  au  retour  des  blessés,  à  Âutun,  à  Semur,  àLan- 
gres;  après  Wagram,  Vienne  encombrée  de  blessés  devient  le 
centre  d'une  épidémie,  qui  se  répand  dans  toute  TÂlIemagne.  Ainsi 
envisagée,  la  gloire  militaire  perd  quelque  peu  de  son  prestige  ! 
Après  la  défaite  de  Moscou,  le  prestige  se  perd  encore  plus  ;  à 
Viloa,  sur  30  000  prisonniers,  25000  meurent  du  typhus;  à 
Dantzig,  10  000  habitants  et  13000  soldats  français  succombent; 
à  Mayence,  le  typhus  tue  30000  hommes  et  dépeuple  la  ville.  Les 
blessés  répandent  le  typhus  partout.  De  Paris,  on  expédie  des 
blessés  par  la  Seine  ;  ils  portent  le  typhus  à  Rouen.  C'en  était  fini 
(lu  t>phus,  que  la  paix  européenne  laissait  chez  lui,  en  Irlande 
et  en  Silésie,  lorsque  vint  la  guerre  de  Crimée  ;  alors  les  Russes 
donnèrent  le  typhus  aux  Anglais  et  aux  Français  ;  de  (Crimée,  les 
malades  évacués  sur  Gonstantinople  le  portèrent  à  Marseille,  à 
Toulon,  à  Paris  (Val-dc-Gràce),  en  Algérie. 

Ce  germe  déposé  en  Algérie  allait,  quelques  années  plus  tard, 
trouver  une  occasion  bien  belle  de  se  développer  :  la  famine 
lie  1868!  la  récolte  de  1867  avait  été  détruite  par  les  saute- 
relles ;  le  typhus  semé  récemment  éclata  sous  T influence  de  la 
misère. 

Eneombrement.  —  Dans  cette  longue  histoire  du  typhus,  il 
est  un  élément  qui  ne  manque  jamais,  c'est  Tcncombrement  ;  aussi 
a-t-on  dit  que  le  typhus  naissait  de  toutes  pièces,  de  Tcncombre- 
raent!  Je  me  suis  déjà  expliqué  sur  l'impossibilité  de  la  présence 
dune  plante  quelque  part,  si  la  graine  de  cette  plante  n'a  d'abord 
été  importée;  Tencombrement  n'est  donc  ici  que  la  cause  acciden- 
telle, .singulièrement  efficace,  sans  doute,  mais  nullement  sufli- 
sante;  cffuocc^caiT  Pringle  raconte  qu'en  1577,  en  Hollande,  alors 
que  le  typhus  régnait  dans  les  prisons,  parmi  les  juges  qui  avaient 
passe  quelques  heures  dans  ces  maisons  avec  les  mal i'aiteurs,  plu- 
sieurs moururent;  sur  6  juges,  4  périrent;  mais  non  suffisante^  car 
en  1870,  à  Metz,  où  l'encombretnent  ne  manqua  pas,  pendant  le 
siège,  à  Paris,  où  l'encombrement  et  la  misère  ne  manquèrent 
pas  non  plus,  on  ne  vit  pas  de  typhus;  le  milieu  était  favorable, 
mais  la  graine  manqua  fort  heureusement  ! 

De  profondes  différences  séparent,  on  le  voit,  le  typhus  exan- 
thématique  de  la  fièvre  typhoïde;  le  typhus  préseule uti^î ^^o^^- 


tSO  LA   FAUNE   ET  LA   FLORE. 

phie  beaucoup  plus  limitée  que  celle  de  la  fièvre  typhoïde;  il  est 
encore  plus  éminemment  contagieui  qu'elle. 

Symptômes.  —  Les  symptômes  sont  caractérisés  par  une  érup- 
tion ruhéolique,  qui  manque  dans  la  fièvre  typhoïde;  la  durée  est 
plus  courte,  la  défervescencc  plus  brusque,  plus  rapide:  on  ne 
rencontre  jamais  dans  le  typhus  la  lésion  des  plaques  de  Peyer, 
qu'on  trouve  toujours  dans  la  fièvre  typhoïde  de  Thomme  et  des 
animaux,  comme  dans  la  peste  bovine. 

rvaturo.  —  Le  ferment  du  typhus  est  encore  à  découvrir  : 
d'après  Hallier,  ce  serait  le  Rhizojms  myricans  Ehrenbergii.  Il  est 
évident  que  ce  microbe,  encore  inconnu  i>eut-étre,  existe  et  qu'il 
sera  prochainement  découvert. 

§   8.    RELAPSING   FEVER. 

Gôon^raphl'e.  —  Il  existe  une  autre  maladie  typhique,  qui 
semble  presque  spéciale  à  l'Europe,  c'est  le  relapsing  fevei'  ou 
finrc  à  rechutes. 

Elle  a  été  vue  pour  la  première  fois  en  Irlande,  1816-1821  ; 
puis  en  Ecosse,  i 826-1 8 il  ;  elle  règne  aujourd'hui  dans  toutes 
les  lles-Brilanniques. 

Son  autre  foyer  est,  comme  pour  le  typhus  exanthématiquo,  la 
Silésie  ;  de  là  elle  gagna,  en  1864,  Saint-Pétersbourg,  et  s'étendit 
jusqu'à  Odessa.  Quelques  petites  épidémies  ont  sévi  en  Perse  et 
en  Chine.  C'est  au  relapsing  fever  qu'il  faut  rattacher,  sans  doute, 
les  lièvres  dites  de  Hony-Kongj  de  Snnyhni. 

Le  relapsing  fever  a  été  observé  dans  Tlnde,  à  Bombay,  à  Cal- 
cutta, où  il  avait  été  importé.  Griesinger  Ta  observé  en  Egypte; 
le  docteur  Maurel  pense  l'avoir  observé  à  la  Guyane,  sur  les  bords 
du  Maroni. 

11  n'est  pas  rare,  depuis  quelques  années,  en  Allemagne,  sur 
les  malheureux,  les  mendia ntï>,  les  vagabonds.  En  un  an, 
E.  Wagner,  à  l'hôpital  Saint-Jacques  de  Leipsig,  a  traité  146  cas; 
Thôpilal-baraque  de  Berlin,  en  un  an  (1879-1880),  en  a  reçu 
31  ;$  cas.  Il  a  paru  pour  la  première  fois,  dans  le  duché  de  Uesse, 
en  1879,  et  pour  la  première  fois  à  Breslau,  en  1872-73.  D'après 
Heis,  il  est  commun  chez  les  égoutiers. 

Sympt6mes.  —  Les  symptômes  sont  tout  à  fait  caractéristi- 
ques :  au  bout  de  cinq  à  six  jours,  l'état  typhique,  qui  a  ouvert 
la  scène^  disparait,  le  pouls  et  la  température  tombent,  la  guérison 


TYPHUS    BILIEUX.  551 

a  l'air  d'être  obtenue,  puis  tout  à  coup,  rechute;  encore  une 
deuxième  fois  guérison  apparente  ;  puis  troisième  rechute  I  La 
mortalité  est  cependant  beaucoup  moindre  que  dans  le  typhus  et 
que  dans  la  fièvre  typhoïde. 

L'Europe  est  en  somme  le  pays  des  typhus  :  i°  fièvre  typhoïde; 
2®  typhus;  3^  relapsing  fever.  Voilà  trois  maladies  bien  voisines, 
qui  sont  surtout  européennes  et  qui  valent  pour  TEurope,  au  point 
de  vue  do  la  mortalité,  le  choléra,  la  dysenterie,  la  fièvre  intermit- 
tente, la  fièvre  jaune,  dont  les  foyers  et  les  maxima  sont  ailleurs. 
!\atnre.  —  A  Tautopsie,  on  ne  trouve  pas  d'ulcération  dans 
l'intestin,  comme  dans  le  typhus,  mais  on  rencontre  toujours  une 
lésion  de  la  rate,  qui  est  hypertrophiée,  lésion  exsudative  des 
glomérules  de  Malpighi. 

Eminemment  contagieux,  le  relapsing  fcvtr  suit  aussi  le  chemin 
des  migrations  humaines;  il  a  été  transporté  par  les  Anglais  aux 
Indes. 

Carter  et  Obermeier,  dans  le  sang  des  malades  atteints  defifh:rc 
rêcwrrnte,  oi\[  trouvé  un  champignon  du  genre  spirillum;  ils  sont 
arrivés  à  inoculer  ce  spirillum  à  des  singes  [semnopithecus  et  ma- 
meus),  par  injection  hypodermique  de  sang  humain  défibriné  et 
contenant  des  .s7)/nY/</,  et  ils  ont  vu  ces  spirilla  multiplier  dans  le 
sang  des  animaux.  Déjà  en  1868,  un  parasite  semblable  a  été 
trouvé  dans  le  sang  des  malades  atteints  de  relapsing  fcvfn\  à 
Berlin  ;  pendant  une  épidémie  qui  régnait  à  Nancy,  Engel  a 
trouvé  des  spirilhi  dans  les  eaux  d'égout.  En  1879,  à  Berlin,  chez 
touî>  les  malades,  Kannonherg  a  aussi  trouvé  des  spirilles. 

Les  alternatives  de  guérison  apparente  et  de  rechute  semblent  en 
rapport  avec  l'élimination  par  l'organisme  et  la  reproduction  dans 
le  sang  de  nouvelles  générations  de  parasite.  —  Moczukowsky, 
paisSpitz  ont  constaté  que  le  nombre  des  spirilles  dans  le  sang 
atteint  son  apogée  au  moment  du  maximum  de  Taccès. 

§  9.    TYPHUS    BILIEUX. 

Ici  doit  trouver  place  une  forme  mal  déterminée  encore  du 
typhus,  caractérisée  par  l'ictère  et  anatomiquement  par  une 
double  lésion  du  foie  et  de  la  rate  (Griesinger)i  qui,  doublée  et 
triplée  de  volume,  est  ramollie  avec  hyperplasie  des  corpuscules 
de  Malpighi. 

Le  typhus  icUrocle  ou  bilieux  a  été  observé  sur  tout  le  \\ovi^out 


S5S  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

méditerranéen  et  dans  les  iles  orientales  ;  on  Ta  décrit  sous  le 
nom  de  mediterranean  fever  ;  il  existe  en  Syrie  et  en  Asie  Mineure; 
«n  1821,  dans  TAraérique  du  Nord,  il  sévit  avec  violence  et  fit 
mourir  un  grand  nombre  d'esclaves  nègres. 

C'est  vraisemblablement  à  cette  forme  de  typhus  bilieux  qu  il 
faut  rattacher  les  fièii'es  bilieuses  des  pays  chauds  y  rémittentes, 
infUimmatoires^eXc,  (Mahé). 

§  10.   MÉNINGITE   CÉBÊBRO-SPINALE. 

Oiî  doit  prendre  rang  cette  maladie,  assez  mal  connue  d'ail- 
leurs, qui  a  régné  à  différentes  reprises  en  Europe,  en  Angleterre, 
Allemagne^  Italie,  Espagne,  Suède  et  notamment  en  France,  et 
dans  l'Amérique  du  Nord?  En  Allemagne,  une  épidémie  violente 
fut  observée  en  1863-1865  ;  on  Ta  revue  en  1871  et  1873.  —  Elle 
a  sévi  eu  Grèce  et  en  Asie  Mineure  en  1868. 

Elle  est  apparue  aux  Etats-Unis  en  18i2.  Quelques  cas  avaient 
été  signalés  au  Brésil  vers  1810.  On  Ta  vue  en  Algérie.  La  pre- 
mière mention  semble  en  avoir  été  faite,  en  1805,  à  Genève,  à 
Grenoble  et  à  Strasbourg. 

Elle  sévit  d'une  manière  épidémique,  manifestement  conta- 
gieuse, surtout  sur  les  jeunes  gens  agglomérés  et  par  conséquent 
sur  les  jeunes  soldats.  En  France,  sur  57  épidémies,  39  ont  ré- 
gné sur  des  militaires,  7  sur  la  population  civile,  5  sur  les  deux. 
6  fois  la  maladie  s'est  étendue  de  la  population  militaire  à  la  po- 
pulation civile. 

Les  symptômes  de  la  maladie  sont  ceux  de  la  méningite;  néan- 
moins quchiuc  incertitude  règne  encore  sur  sa  nature.  Tour 
Laveran,  il  s'agit  ici  d'une  forme  larvée  de  scarlatine;  pour  d'au- 
tres, notamment  Czoniczer,  d'une  forme  larvée  de  fièvre  inler- 
miltenle;  Gaucher  croit  cependant  avoir  trouvé  un  parasite  spé- 
cial, un  jnicrococcuSy  s'éliminant  par  le  rein  en  provoquant  une 
néphrite  infectieuse. 

§  11.    PESTE. 

Aucune  maladie  n'a  plus  légitimement  frappé  de  terreur  les 
populations  qui  nous  ont  précédés  sur  la  terre,  que  la  peste,  dont 
le  nom  seul  est  devenu  synonyme  de  grande  mortalité.  Maladie 
très  anciennement  connue,  elle  a  parcouru,  à  une  certaine  épo- 


PESTE.  Î58 

que,  l'Europe  entière  et  semble  aujourd'hui  en  voie  de  dispa- 
raître. Après  une  période  d'augmentation,  elle  présente  donc  une 
période  de  retrait  ou  de  diminution,  mais  ce  serait  s'endormir 
dans  une  sécurité  trompeuse,  que  de  compter  sur  Finsénescence 
naturelle  de  cette  maladie,  comme  si,  usée  en  quelque  sorte,  elle 
n'était  plus  capable  de  frapper  des  coups  aussi  multipliés  ou  aussi 
dangereux.  Le  chemin  qu'elle  a  parcouru,  elle  pourrait,  si  nous 
n'y  prenions  garde,  le  parcourir  à  nouveau,  et,  à  ce  point  de  vue, 
il  est  intéressant  pour  nous  de  connaître  ce  chemin. 

Histoire  et  idéographie.  —  Le  berceau  de  la  peste  nous 
apparaît  au  milieu  de  Tantiquc  civilisation  chaldcenne,  là  où  est 
encore  son  empire,  entre  le  Tigre  et  TEuphrate.  Là  où  lesToura- 
niens,  déjà  mélangés  aux  Kouskitcs  négroïdes,  sous  le  nom  de 
Chaldéens,  pcrsonniGaient  les  maux  et  les  biens  sous  la  forme 
de  bons  et  de  mauvais  génies,  la  peste  était  le  dieu  Idpa.  Les 
premiers  envahissements  de  l'Egypte  sur  la  Chaldée  eurent 
pour  conséquence  son  apport  en  Egypte,  au  milieu  du  butin. 
L'Egypte,  comme  la  Chaldée,  devint  donc  un  foyer  de  peste  per- 
manent. Pendant  la  période  mcmphitique  des  premières  dynas- 
ties égyptiennes,  sous  Semenpsès,  une  terrible  épidémie  décima 
ce  pays;  promenée  par  les  communications  fréquentes,  elle 
étendit  alors  son  foyer  sur  tout  le  pourtour  oriental  de  la  Médi- 
terranée, formant  un  cercle  dont  la  Syrie  est  le  centre. 

Du  côté  du  couchant,  ce  foyer  est  limité  :  au  sud,  par  la  Bar- 
barie; au  nord,  par  la  Moldo-Valachie  ;  du  côté  du  levant,  il 
est  limité  :  au  nord,  par  la  mer  Rouge,  la  mer  Caspienne,  au 
sud,  par  le  golfe  Persique.  A  Test,  il  se  prolonge  jusqu'à  l'Hima- 
laya, où,  endémique,  la  peste  est  connue  sous  les  noms  de 
peste  indienne,  peste  pnerimoniquey  peste  hémoptoique,  peste  de 
Paliy  peste  noire.  C'est  dans  cette  vaste  surface  que  la  peste 
est  encore  endémique  aujourd'hui,  comme  il  y  a  5  000  ans,  pré- 
sentant de  temps  en  temps  des  recrudescences  épidémiques. 
C'est  là  qu'elle  est  connue,  encore  aujourd'hui,  sous  les  noms 
de  la  peste  de  Bagdad,  ville  où  elle  fit,  il  y  a  quelques  années, 
20000  victimes,  de  peste  de  Mésopotamie  et  à  Touest  de  son  em- 
pire de  peste  de  Cyrénaique, 

C'est  de  ce  foyer  qu'à  toutes  les  époques  elle  s'est  déversée  sur 
les  pays  plus  ou  moins  voisins;  mais,  même  dans  ces  excursions, 
il  est  des  limites  qu'elle  n'a  jamais  franchies;  c'est  ainsi  qu'en 
latitude,  elle  ne  dépasse  jamais  au  sud  la  limite  des  cWtaaV^  0\^>\^^^ 


S54  LA  FAUNE  ET   LA   FLORE. 

risotherme  de  -t-  25«,  n'allant  jamais  en  Nubie  et  ne  dépassant 
pas  le  fond  du  golfe  Persique,  tandis  qu'au  Nord,  «lie  a  souvent 
irradié  dans  toute  la  zone  tempérée^  vraisemblablement  jusqu'à 
sa  limite  nord,  l'isotherme  'de  -{-o^-  En  longitude^  elle  est  plus 
restreinte  ;elle  n'a  jamais  dépassé  à  l'ouest  la  longitude  de  i2<^  ; 
elle  n'a  jamais  été  en  Amérique.  A  Test,  sa  limite  incertaine  est 
vers  le  i20<*  longitude  est  :  le  ferment  de  la  peste  craint  donc  Tex- 
trômc  chaleur.  11  y  a  plus  :  dans  la  zone  chaude,  il  fuit  les  lieux  bas 
et  cherche  contre  la  chaleur  un  abri  dans  l'altitude,  comme  dans 
PHimalaya,  le  (Caucase,  l'Arménie,  le  Liban.  La  peste  est  si  peu 
une  maladie  de  la  zone  torride,  qu'un  navire  partant  du  fond  du 
golfe  Persique,  en  pleine  épidémie  de  peste,  pour  contourner 
TArabie  et  revenir  par  Suez,  verrait  la  peste  disparaître  en  che* 
min,  à  mesure  que  la  latitude  deviendrait  plus  chaude.  Cest  pour 
cette  raison  qu'en  Egypte  la  maladie  est  une  maladie  d^'hiver, 
comme  en  Perse,  comme  en  Mésopotamie;  tandis  que  déjà,  à 
Constantinople,  c'est  une  maladie  d'été. 

Le  véritable  foyer  de  la  peste  semble  être,  d'ailleurs,  TAsie. 
Elle  existe  en  effet  en  permanence  dans  le  Yun^Nam  (Midi  ora- 
geux). Cette  contrée,  dit  Rochard,  qui  mesure  300000  kilomètres 
csiTTés  de  surface  et  qui  ne  compte  pas  moins  de  6000000  d'ha- 
bitants, est  bornée  :  au  sud,  par  l'empire  d'Annam,  à  l'ouest,  par 
le  royaume  de  Birnam  ;  au  nord -ouest,  par  le  Thibet;  au  nord- 
est,  par  les  provinces  chinoises  de  Szechuin,  de  Koueî-Chou,  de 
Knangs.  —  Les  lettres  du  pays  affirment  qu'elle  a  été  importée 
de  Birmanie  à  une  époque  qu'ils  ne  précisent  pas  ;  d'autres  pré- 
tendent qu'elle  y  est  entrée  avec  les  Tai-Pingj  venos  du  nord  de 
la  Chine,  lors  de  la  grande  insurrection  de  1856.  Ce  qui  est  cer- 
tain, dit  toujours  le  professeur  Rochard,  c'est  qu'à  cette  époque 
elle  prit  un  redoublement  d'activité  et  qu'elle  ravagea  toute  la 
province.  Depuis  lors,  elle  n'a  pas  cessé  de  régner.  Quand  elle  ne 
fait  que  traverser  une  localité,  elle  tue  4-5  0/0  de  la  population  ; 
mais  lorsqu'elle  s'implante  quelque  part,  les  familles  disparaissent 
les  unes  après  les  autres.  —  La  Birmanie  touche  aux  possessions 
anglaises  de  l'Inde  par  toute  sa  frontière  de  l'ouest,  et  la  peste 
s'est  montrée  bien  des  fois  dans  Tlnde  anglaise.  En  somme,  dit  le 
savant  professeur  que  je  cite,  il  y  a  une  chaîne  de  peste,  qui 
s'étend  du  nord  de  la  Chine  au  littoral  de  la  Méditerranée.  Pour 
le  D' Zuber,  le  foyer  de  la  peste  serait  moins  éloigné  vers  l'est;  ce 
serait  la  région  montagneuse  comprise  entre  les  lacs  de  Van  et 


PESTE.  255 

iTOurmùih.  Le  lac  d'Ourmiah  est  en  Perse,  à  40  kilomètres  sud- 
ouest  de  Tauris. 

La  grande  peste  d'Athènes  est  la  première  peste  européenne, 
dontl'histoire  aitgardé  le  souvenir;  son  origine  est  d'ailleurs  bien 
conforme  à  ce  que  nous  savons  du  foyer  de  cette  maladie;  elle  eut 
pour  point  de  départ  l'armée  des  Perses.  Les  guerres  médiques 
étaient  finies,  la  Grèce  avait  détruit,  à  Salamine,  la  flotte  de 
Xerxès;  ellcnesetrouvaitplusqu'en  contact  pacifique  avecTarmée 
d'Artaxerce  Longue-main,  le  successeur  de  Xerxès  :  or  cette  ar- 
mée, qui  se  recrutait  jusqu'à  TEuphrate  et  qui  venait  de  faire 
la  guerre  à  TEgypte  révoltée,  avait  la  peste,  f  Sans  que  nous 
«  fassions  la  guerre,  on  nous  la  fait  (écrit  Artaxerce  à  un  Grec, 
«  Pœtus),  ayant  pour  ennemi  la  béte  qui  dévaste  les  tioupeaux.  » 
C'est  dans  cette  lettre  célèbre  qu'Arlaxerce  affolé  supplie  Hippo- 
crate  de  venir  à  Sardes,  en  Asie-Mineure,  pour  combattre  le  fléau 
et  lui  promet  Foret  les  honneurs.  Plus  célèbre  encore  est  la  réponse 
d'Hippocrate,  déclarant  «  qu'il  ne  veut,  à  aucun  prix,  soustraire 
f  aux  maladies  les  barbares,  qui  sont  les  ennemis  de  la  Grèce.  » 
On  n'avait  pas  encore  la  notion  de  l'hygiène  internationale,  sans 
quoi  Hippocrate  eût  eu  mieux  à  faire  que  d'écrire,'en  soignant  les 
Perses,  et  surtout  en  profitant  de  la  confidence  du  roi  des  Perses, 
pour  garantir  la  Grèce  de  tout  contact  avec  eux.  Il  n'en  fit  "rien  ; 
aussi,  en  430  avant  J.-C.,   pendant  la   guerre  du  Péloponcsc, 
la  peste,  qui  avait  franchi  TArchipel,  éclata-t-elleà  Athènes. 

Thucydide  nous  a  laissé  de  la-  maladie  une  description  saisis- 
sante ;  il  dépeint  l'agitation,  l'angoisse  des  malades,  leur  peau 
livide,  recouverte  d'ulcères  en  certains  points,  leur  soif  tellement 
inextinguible,  qu'un  certain  nombre  d'entre  eux  se  jettent  dans 
les  puits,  pour  mieux  Tassouvir. 

Ce  grand  historien  nous  montre  la  panique  générale  ;  on  accuse 
les  fontaines  d'être  empoisonnées,  comme  on  le  fit  plus  tard  au 
moyen  âge.  La  crainte  de  la  contagion  éloigne  des  malades  les 
parents  les  plus  proches  ;  les  cadavres  sont  abandonnés,  les  tem- 
ples déserts  ;  l'argent,  dit-il,  ne  tient  plus  dans  les  mains  et 
chacun  s'empresse  de  jouir  ! 

Il  compte  parmi  les  morts  4  400  soldats,  300  chevaliers  et  un 
nombre  considérable  de  serviteurs.  Périclès  fut  une  des  premières 
victimes.  L^épidémie  se  promena  dans  TAttique  pendant  trois 
années. 

?esU  de  Syracuse—  C'est  encore  de  l'Egypte,  peuV-^Vc^vcA^ftA 


256  LA  FAUNE   ET   LA   FLORE. 

de  la  Cyrénaîque  que  vint  en  Sicile  la  deuxième  épidémie  euro- 
péenne; elle  était  apportée,  en  395  avant  J.-C,  parla  flotte  car- 
thaginoise, qui,  sous  les  ordres  d'Amilcar,  faisait  le  siège  de 
Syracuse.  Diodore  de  Sicile,  qui  vivait  au  !•' siècle  avant  J.-C, 
nous  a  raconté  rétrospectivement  cette  épidémie. 

Peste  (TOrosius.  —  i25  ans  après  J.-C,  la  peste  sévit  sur  toute 
la  côte  septentrionale  de  TAfrique,  où  elle  fait  périr  un  million 
d'hommes. 

Peste  antonine.  —  166  ans  après  J.-C,  une  armée  romaine  pst 
envoyée  en  Syrie  ;  elle  en  rapporte  la  peste.  A  Rome,  les  cada- 
vres étaient  si  nomhreux,  qu'on  les  chargeait  en  masse  sur  des 
tombereaux;  Tépidémic  dura  jusqu'en  idO  et  Marc-Aurèle  en 
mourut  ;  mais  la  maladie  de  Syrie  ne  s'arrêta  pas  là  ;  elle  gagna 
les  Gaules  et  s'étendit  jusqu'au  Rhin. 

Peste  de  CypHen.  —  251  ans  après  J.-C,  elle  arrive  encore 
d'Egypte  en  Italie.  Elle  envahit  le  monde  connu  jusqu'aux  der- 
nières limites  occidentales. 

Peste  de  Justinien,  —  En  542,  la  peste  règne  à  Constanti- 
nople;  elle  y  tue  de  5000  à  10000  personnes  par  jour;  clic 
s'étend  en  Grèce,  en  Gaule  (545),  en  Italie. 

Jusqu'ici  nous  avons  vu  la  peste  s'enhardir,  pour  ainsi  dire,  et 
pousser  plus  loin,  à  chacune  de  ses  sorties,  hors  de  son  foyer 
oriental.  A  mesure  que  POccident  nait  de  plus  en  plus  à  la  vie 
orientale,  à  mesure  que  ses  communications  avec  l'Orient  aug- 
mentent, la  peste  agrandit  son  cercle,  à  chaque  fois,  davantage. 
Le  mouvement  des  Croisades  eut  pour  résultat  de  ramener  plus 
d'une  fois  la  peste  ;  mais  elles  ramenèrent  aussi  bien  d'autres 
maladies  graves  et  tout  était  alors  confondu  sous  le  nom  de  peste. 

Peste  noire.  —  Au  xiv*  siècle,  elle  arrive  en  Europe  à  son  apo- 
gée. Un  habitant  de  Plaisance,  Gabriel  de  Mussis,  raconte  qu'il 
était  en  Crimée  (1346)  lorsque  la  peste  y  éclata.  Cette  peste 
n'avait  pas,  comme  les  précédentes,  suivi  le  chemin  jusqu'alors 
unique  de  la  Méditerranée;  elle  venait  directement  de  la  Tar- 
tarie,  de  la  Perse,  du  Caucase,  inaugurant  un  chemin,  qui,  depuis 
lors,  a  été  fréquemment  suivi  par  toutes  les  épidémies  venues 
d'Orient. 

Le  vaisseau  qui  ramenait  en  Europe  Gabriel  de  Mussis  et  les 
autres  fuyards  apporta  la  peste  à  Constantinople,  où  d'ailleors 
10  passagers  seulement  arrivèrent  vivants.  A  Constantinople,  le 
ûlsde  Tempereur  Cantacusène  succomba;  enfin,  en  1348,  elle 


PESTE.  S57 

arrive  en  Italie.  Elle  fait  à  Naples  60000  morts;  à  Gênes,  40  000  ; 
à  Venise,  100  000  ;  à  Florence,  96000.  La  peste  tombe,  non  invi- 
tée, au  milieu  des  fêtes  élégantes  que  Jeanne  de  Naples  donnait  à 
Boccace  et  à  Pétrarque.  Le  tableau  que  nous  a  laisié  Boccace 
rappelle  d^ailleurs  celui   que  Thucydide  a  tracé  de  la   peste 
d'Athènes.  Ici,  comme  là,  on  se  grise  de  plaisir  ;  partout  les 
morts  sont  abandonnés,  les  maisons  vides,  les  troupeaux  errants 
dans  les  champs  !  «  On  avait,  dit  encore  Boccace,  de  grandes 
«  fosses,  où  Ton  entassait  des  corps  par  centaines,  comme  des 
«  marchandises  dans  un  vaisseau.  Oh  !  s'écrie- 1- il,  que  de  belles 
Cl  maisons  restèrent  vides  ;  que  de  fortunes  sans  héritiers  ;  que  de 
«  belles  dames  et  d'aimables  jeunes  gens  dînèrent  le  matin  avec 
«  leurs  amis,  qui,  le  soir  venant,  s'en  allaient  souper  avec  leurs 
«aïeux!  »  En  France, même  spectacle.  Froissard  constate  qu'en 
«  ce  temps,  par  tout  le  monde  généralement,  une  maladie  que 
«Ton  clame  épidémie  courait,  dont  bien  la  tierce  partie    du 
<i  monde  mourut,  d  Et  c'est  tout  !  Le  continuateur  de  Guillaume 
de  Nangis  nous  donne  plus  de  détails.  Il  nous  montre  le  gonfle- 
ment à  raine  et  aux  aisselles,  la  rapidité  foudroyante  de  la  mala- 
die, comme  en  Italie;  la  panique  est  partout,  a  Aussi,  dit-il,  en 
€  plusieurs  villes  petites  et  grandes,  les  prêtres  s'éloignaient, 
<  laissant  à  quelques  religieux  plus  hardis  le  soin  d'administrer 
«  les  malades,  n  Arles  perdit  presque  tous  ses  habitants  ;  à  Nar- 
bonne,  30000  personnes  moururent   en  quelques  semaines  ;  à 
Avignon,  2000  périrent  en  trois  jours,  parmi  lesquelles  Laure  de 
Nofes,  immortalisée  par  Pétrarque  ;  à  Montpellier,  pas  un  méde- 
cia  ne  survécut  ;  enfin,  à  Paris,  50000  à  80  000  personnes  suc- 
combent! 16  000  victimes  à  Saint-Denis  117  000  à  Amiens!  C'est 
alors  que  des  bandes  affolées   croient  implorer  la  miséricorde 
divine  en  se  chargeant  de  coups  ;  elles  parcourent  les  rues  en  don- 
nant le  spectacle  de  la  démence  humaine  ;  ce  sont  les  Flagel- 
lants. En  Allemagne,  en  Suisse,  en  Italie,  en  France,  le  délire  se 
joint  à  la  peste.  Chemin  faisant,  les  flagellants  se  livrent  à  tous 
les  désordres,  à  tous  les  pillages,  à  toutes  les  cruautés,  si  bien 
que  a  seigneurs  et  bourgeois  prennent  le  parti  de  leur  courir  sus 
€  comme  à  des  bêtes  féroces  d.  En  même  temps,  on  brûle   les 
juifs,  qu'on  accuse  sottement  d'empoisonner  les  fontaines.  A 
Strasbourg,  sur  i  884  juifs,  900  furent  brûlés,  les  autres  se  con- 
vertirent. Dans  les  villes  du  Rhin,  une  bande  armée  de  faux, 
sous  prétexte  de  poursuivre  les  juifs,  dévaste  eV  pvW^  \A>>àX\ 
oioG.  Méo.  11 


SB3  LA   FAUNE    ET   LA   FLOEIE. 

12000  juirs,  à  Uayence,  se  tuent  pour  ^happer  aux  percées- 
tioDs!  Sans  doute  c'êlait  bien  l'ignorance  salle  et  le  fAnaiimt 
religieux,  qui  portaient  à  brâler  les  juifs,  mais  c*éiait  titMi 
quelque  chose  de  pire,  si  cela  est  possible  :  les  juifs  prélAÎenl  M 
l'argent  ;  allumer  les  bùcbers,  c'était  donc  une  manière  coœoiode 
de  a'acquiller.  Seule,  Venise,  la  grande  cité  internat ioti^lc  d'iloi» 
inaugura  des  mesures  sanitaires  vraiment  intelligentes.  En  1343, 
elle  établit  3  provéditeurs  de  santé  armés  de  pouvoin  eicepljoa- 
nels  pour  toutes  les  mesures  à  prendre  contre  la  peste.  En  1403. 
Icsprovéditeursétablisscnt  le  premier  lazaret,  dans  unellc  tnisine. 
Gènes  en  fait  autant  en  UG7;  enfin  Marseille  imite  wsm^ 
en  1416. 

En  somme,  Hecker  évalue  à  25  millions  d'habitants  les  perW 
occasionni^es  par  la  peste  noire  de  1318  en  Europe  !  En  Awr,  Is 
même  maliidie  BtS3  millions  de  victimes;  soit  48  miBiom  t^ 
proximalivement! 

Après  une  telle  dévastation,  il  se  produisît 
démographique  constaté  par  le  continuateur  de  Nangîs, 
il  l'avait  clé  par  Thucydide  :  le  Tepeuplement.  ••  Sitôt  que  la  pnte 

■  eut  cessé,  les  hommes  et  les  femmes  qui  restaient  se  niarièTOl 
t  à  l'envi.  Les  épouses  conçurent  outre  mesure  par  tout  le 
a  monde  ;  nulle  ne  ilemeurait  stérile  ;  on  ne  voyait,  par  tous  les 

■  lieux, que  femmes enueiuteset  beaucoup  eufautaient  deux,  voire 
<  trois  enfants  vivants,  e 

Au  reste,  à  partir  de  cette  époque,  la  peste  ne  quitte  plui 
l'Europe;  mais,  comme  toutes  les  fois  qu'une  maladie  k  fixe  sur 
une  population,  elle  devient  moins  grave;  chaque  fois  elle  Attaque 
moins  de  monde  et  devient  moins  meurtrière;  ainsi,  en  13i8,elte 
avait  attaqué  les  S/3  des  habitants,  personne  n'avait  giiériien 
1361,  elle  attaque  ta  1/2  des  habitants,  il  y  a  gucli/wt  gaérisota; 
en  1371,  elle  attaque  le  l/IO  des  habitants,  bmueoup  ^érisscat; 
en  138-2,  elle  attaque  le  1/20  des  habitants,  la  plupart  guérutoit. 
Cependant,  le  xV  siècle  prcsenle  encore  4  épidétoio  en 
Allemagne  :  1449,  1460,  1473,  1482  ;  en  Frauce,  la  peste  se  prv- 
mcne  encore  dans  plusieurs  de  nos  provinces,  noumment  en 
Bourgogne.  En  1414,  Marguerite  du  Bavière,  qui  liubilnit  Dîjou, 
avait  fui  h  Auionne.  C'est  de  la  qu'elle  écrivait  :  «  Chera  et  bien 
t  imés,  pour  ce  qu'il  y  a  maintenant  à  Dijon  pestilence  cl  morta- 
■  Jité  de  bosse  (bubon),  qui  ert  dxtftt  (;tntv&%\«tt»^,  comme  »ou» 
•t  sarez,  nous  voulons  et  vtms  Ti\anàoi\a,  ivoc  Mni-à^toVa  taxiîaft 


PESTE.  159 

(t  notifier  par  bonne  et  gracieuse  manière,  audit  lieu  de  Dijon, 
c  que  les  habitants  d'illecques  se  déportent  de  venir  ni  fréquen- 
c  ter  en  la  ville  d'Âuxonne,  où  nous  et  nos  enfants  nous  sommes 
«  retraits  pour  esciiiver  ladite  pestilence.  » 

En  somme,  du  xi^  au  xv«  siècle,  la  peste  avait  fait  32  appari- 
tions, dont  chacune  avait  duré  en  moyenne  1â  ans. 

Au  xvr  siècle,  elle  se  rallume  ;  on  finissait  en  quelque  sorte 
par  s'y  habituer  ;  en  1530,  Bonivard  écrit  de  Genève  :  c  J*ai  de- 
«  meure  en  ce  pajs,  tandis  que  la  peste  y  brigandoit  en  telle 
•<  sorte,  que  telle  maison  a  été,  qu'elle  n'y  a  laissé  aucun  habitant  ; 
«  ce  nonobstant  vous  eussiez  vu  les  filles  danser  au  virolis  et  chan- 
«  1er  des  airs  de  carême-prenant  et  cependant  voyiez  Tune  d'entre 
«  elles,  que  le  frisson  de  la  fièvre  serroit,  si,  quMl  falloit  l'emporter 
*■  à  sa  maison  et  de  sa  maison  le  matin  au  cimetière,  et  n'inler* 
«  ruinpaientpas  les  au  très  de  leur  danse  pour  cela.oTout  le  monde 
De  prend  cependant  pas  la  chose  aussi  gaiement  ;  car,  au  mois 
d'août  1518,  nous  voyons  le  parlement  de  Dijon  se  sauver  à  Arnay^ 
le-Duc  ;  c'est  de  là  qu'il  écrivait  au  maire  et  échevin,  le  7  décem^ 
bre  1519  :  «  Nous  vous  remercions  de  ce  que  vous  avez  fait  ;  nous 
«  TOUS  prions  y  vouloir  persévérer  et  mettre  on  si  bon  ordre  et 
*  diligence,  que  aucun  inconvénient  ne  nous  advienne.  Vous  nou» 
«  avertirez,  à  la  fôtc  de  S.  Thomas,  comme  Ton  se  portera  audit 
*(  Dijon,  sfOn  que,  en  bref  délai,  nous  y  puissions  retourner,  et 
«  nous  ferez  plaisir,  o  Cela  prouve  moins  la  couardise  du  parlement 
que  rabaissement  des  mœurs  de  ce  temps,  où  manquait  le  grand 
juge  moderne,  l'opinion  publique! 

Au  XVII*  siècle,  la  peste  décroit  en  général,  sauf  quelques  épi- 
démies locales,  à  Bàle  en  1604,  à  Nimègue  et  à  Amsterdam 
«n  1637,  à  Arras  en  1654,  à  Londres,  où;,  de  1665  à  1688,  elle 
enlève  8000  hommes;  Sydenham  lui-même  fuit  ;  ce  grand  médecin 
^l^t  plus  logique  que  courageux,  puisqu'il  regardait  la  peste 
^omm  un  effet  de  la  vengeance  divine  ;  à  Vienne,  en  1675,  en 
I^noce,  en  1648,  les  horreurs  de  la  peste  s'ajoutent  aux  misères 
de  la  Fronde  ;  17000  personnes  succombent  à  Rouen  ;  Rotrou  est 
>u  nombre  des  victimes.  Un  récit  du  temps  nous  raconte  «  que 

<  les  malades  se  trouvaient  8  ou  10  dans  un  même  lit  et  quelque* 

<  fois  un  seul  vivant  au  milieu  de  7  ou  8  corps  morts.  »  En  1650, 
^  Rouen,  «  dans  la  salle  dite  de  la  Santé,  il  y  avait  plus  de  800  ma- 
t  lades,  jetés  et  entassés  les  uns  sur  les  autres.  Il  fallut  mettre  ce 
(  que  celte  salle  ne  pouvait  contenir  dans  la  chapelle,  ou  VeaVùiim 


S60  LA   FAUNE  ET  LA   FLORE. 

«  mourir  dans  la  cour.  H  fallut  même  employer  la  remise  du  chariot 
a  dans  laquelle  on  logea  80  enfants.»  Et  ces  secours,  il  fallait  bien 
les  accepter  ;  car,  en  i633,  Tintendant  de  Champagne,  Isaac  Lafife- 
mas,  ordonne  a  qu*au  moindre  symptôme  de  contagion,  les  men- 
«  diants  et  vagabonds  eussent  à  venir  déclarer  leur  malaise,  sous 
a  peine  d'être  arquebuses!  » 

Tel  était  encore  à  peu  près  l'état  des  esprits,  lorsqu'en  1720  la 
peste  fut  apportée  à  Marseille  par  un  navire  venant  de  Syrie.  Au 
bout  de  quelque  temps,  la  contagion  s'étant  étendue  dans  les 
montagnes  du  Gévaudan,  de  PAuvergne  et  du  Limousin,  tout 
le  pays  était  désert.  Michelet  raconte  qu'un  abbé,  qui  voyageait 
dans  la  voiture  publique,  non  loin  de  Paris,  s'étant  écarté  un  mo- 
ment, fut  happé  par  les  chiens  ;  on  retrouva  ses  os.  Des  villages 
entiers  n'étaient  peuplés  que  de  morts  non  enterrés. 

Depuis  lors  (i720),  la  peste  n'a  plus  reparu  en  France.  A  Mos- 
cou, elle  n*a  pas  reparu  depuis  i770  ;  en  Hollande,  depuis  1797. 
Elle  a  donc  progressivement  quitté  PEurope  et  TAsie  tout  à 
fait  occidentale  ;  mais  elle  ne  s*est  retirée  que  lentement  vers 
Test.  En  1812,  elle  était  encore  à  Malte,  à  Odessa,  à  Bukarost; 
en  1815,  dans  le  royaume  de  Naples,  où  le  1/10  des  habitants 
périt  ;  en  1848,  en  Grèce;  en  1836,  en  Turquie;  en  1848,  dans  la 
régence  de  Tripoli. 

Depuis  lors,  la  peste  n'ë^t  pas  sortie  de  ce  que  nous  pourrions 
considérer  comme  son  ancien  domaine,  où,  toujours  endémique, 
elle  a  de  temps  en  temps  des  recrudescences  épidémiques.  Ainsi, 
en  1831,  près  de  60000  personnes  ont  |)éri  à  Bagdad  ;  en  1863,  le 
désastre  fut  égal  ;  ce  qu'on  nomme  Tlrak- Arabie  est  son  centre 
principal  ;  de  TEuphrate  les  pèlerins  qui  se  rendent  à  la  Mecque 
la  transportent  au  plateau  d'Assyr  en  Arabie ,  où  se  trouve  un 
foyer  secondaire  fort  important  ;  enfm  un  troisième  foyer  existe 
en  Cyrénaïque,  où  il  est  entretenu  par  le  commerce  des  cara- 
vanes ;  c'est  là  qu'a  succombé,  il  y  a  quelques  années,  victime  de 
la  peste,  le  docteur  Laval,  qui  y  avait  été  envoyé  en  mission. 

Mais  ce  serait  une  erreur  de  croire  que  la  peste,  par  une  clé* 
mence  dont  nous  devions  nous  féliciter,  ait  volontairement  et 
spontanément  restreint  son  domaine  ;  elle  n'est  maintenue  dans 
ces  limites  que  par  la  volonté  humaine  ;  mais  le  jour  où  les  efforts 
combinés  des  états  européens  cesseront,  la  peste  franchira  la 
frontière  comme  autrefois. 
C'est  ce  qui  a  failli  arriver  ;  la  peste  régnait  épidémiquement 


PESTE.  S61 

eo  i872  sur  rirak- Arabie^  en  1874  sur  le  plateau  d'Assyr,  en 
1876  en  Syrie,  en  4877  en  Perse  et  c'est  au  milieu  de  ces  con- 
ditions que  Tarmée  russe  franchit  le  Caucase. 

Il  n^en  fallut  pas  davantage  pour  que  la  maladie,  comme  en 
i348y  nous  vint,  soit  par  terre,  soit  par  la  Caspienne,  par  As- 
trakan. C'est  ce  qui  eut  lieu  ;  la  peste  éclata  au  village  de  Wel- 
tianka,  près  d^Astrakan,  au  moment  même  où  arrivèrent  des 
Cosaques  revenant  du  Caucase;  21  pour  100  de  la  population  suc- 
comba ;  mais  le  mal  s'arrêta  devant  la  désinfection  et  devant  le 
cordon  sanitaire;  il  demeura  limité  par  le  Don  et  le  Volga;  nulle 
démonstration  meilleure  ne  peut  être  donnée  des  progrès  de  la 
science  moderne.  11  y  a  deux  siècles  et  même  moins,  on  eut  fait 
des  processions,  on  eût  brûlé  pas  mal  de  juifs  et  PEurope  eût  été 
décimée!  Aujourd'hui,  la  Russie  nous  a  préservés  pour  la  somme 
deoOOOOO  francs.  Voici  en  effet  ce  qu'a  coûté  cette  économie 
d'hommes  que  nous  avons  faite  : 

Cordon  sanitaire 100  000  fr. 

Garde  du  Volga 60  000 

Personnel «îoO  000 

Médicaments i 

ri<.  •    r    »      *  ^       90000 

Désmfectan  t ) 

500  000  fr. 

C'est  pour  rien  ! 

Sympiùmes.  —  La  peste  débute  souvent  avec  une  brusquerie 
extrême;  le  plus  souvent  elle  est  précédée  d'une  lassitude  très 
grande,  de  frissons  et  d'un  mal  de  tète  avec  vertiges  et  éblouis- 
sements  ;  la  station  debout  devient,  en  quelques  heures,  impos- 
sible: la  figure  exprime  l'abattement  et*  la  stupeur;  la  soif  est 
inextinguible,  signe  déjà  noté  par  Thucydide. 

La  fièvre  est  vive  ;  des  vomissements  sanguinolents  survien- 
nent, enfin  apparaissent  quatre  grands  symptômes  inégalement 
développés  :  les  bubons,  les  anthrax,  les  charbons,  les  pétéchies. 
Les  bubons  sont  formés  par  les  ganglions  lymphatiques  de  l'ais- 
selle, du  cou,  de  l'aine,  du  jarret,  qui  deviennent  volumineux, 
durs  et  parfois  suppurent  ;  l'anthrax,  énorme  clou,  apparaît  dans 
le  dos;  son  fond  est  gangreneux  et  la  peau  se  décolle  tout  autour; 
sur  différentes  parties  du  corps  apparaissent  ensuite  de  petites 
vésicules,  qui  rappellent  celles  du  charbon  ou  pustules  malignes, 
qui  s'ulcèrent  et  donnent  naissance,  si  la  mort  alarme  v^ A  ^^ 


ses  LA  FAUNE   ET  LA   FLORE. 

larges  plaies  gangreneuses;  enfin  les  pétéchies  sont  des  taches 
formées  par  le  sang  épanché  sous  la  peau . 

Dans  certains  cas,  la  peste  prend  la  forme  dite  fruste,  Rensa, 
parlant  d'une  peste  qui  ravagea  P  Au  triche  au  xtiii*  siècle^  cite 
des  malades  qui  ne  se  mettaient  point  au  lit,  qui  mangeaient  de 
bon  appétit,  dormaient  et  marchaient,  nettoyaient  et  pansaient 
eux-mêmes  leurs  bubons.  Dans  Tépidémie  de  Marseille,  Chycoi- 
neau  a  rencontré  des  cas  semblables.  Fauvel  pense  que,  dans 
rintervalle  des  manifestations  épidémiques,  des  cas  de  peste  fruste 
se  produisent  de  temps  en  temps,  dans  le  Levant,  sous  cette  forme 
atténuée. 

La  durée  moyenne  de  la  maladie  varie  entre  quatre  et  huit  jours , 
mais  lorsque  la  guérison  a  lieu,  Tintelligence  reste  afiaiblie  et 
longtemps  languissante.  Thucydide  nous  apprend  lui-même  que, 
dans  la  peste  d'Athènes,  a  les  convalescents  ne  reconnaissent  ni 
«  eux-mêmes  ni  leurs!  proches  ».  Dans  répidémie  de  Marseille, 
en  1720,  on  vit  un  certain  nombre  de  cas  absolument  foudroyants. 

Les  épidémies  de  peste  qui  se  sont  montrées  dans  l'antiquité 
avaient- elles  les  mêmes  symptômes  qu'aujourd'hui?  Un  grand 
nombre  d'auteurs  ont  pensé  que  non  ;  ils  se  fondent  sur  ce  que 
Thucydide,  dans  la  description  de  la  peste  d'Athènes,  ne  parle 
pas  des  bubons;  on  a  donc  donné  à  la  maladie  décrite  par  lui 
le  nom  de  peste  antique,  par  opposition  à  la  peste  bubonique. 
Mais  on  peut  faire  une  première  objection  :  le  bubon  a  pu  échap- 
per à  Thucydide  ;  en  outre,  il  a|pu  manquer,  car  si  la  mort  sur- 
vient vite,  le  bubon  ne  se  forme  pas.  Enfin,  Denys  de  Sirta,  qui 
vivait  au  m' siècle  avant  J.-C,  dont  les  œuvres  ont  été  perdues, 
mais  se  retrouvent  en  partie  dans  la  collection  d'Oribase,  parie 
des  bubons  pestilentiels'^  qu'on  observait  de  son  temps  (iii«  siècle 
avant  J.-C.)  en  Lybie,  en  Egypte,  en  Syrie. 

CoDtagloD.  -—  La  maladie  est  éminemment  contagieuse  et  l'on 
peut  dire  qu'elle  n'est  jamais  venue  en  Europe,  à  aucune  époque, 
sans  y  avoir  été  importée  de  son  foyer  d'origine,  PÀsie  occidentale. 
En  1720,  c'est  un  vaisseau  venu  de  Syrie,  qui  amena  la  peste;  six 
hommes  étaient  morts  de  la  maladie  pendant  la  traversée.  En 
i770,  la  peste  de  Moscou  fut  importée  par  des  prisonniers  turcs; 
elle  fit  iOOOOO  victimes.  L'épidémie  de  Malte  fut  importée  par  le 
navire  S<m  Niccolo,  qui  venait  d'Alexandrie,  oi^  régnait  la  peste. 

L'épidémie  de  Naples,  en  1815,  fut  importée  de  la  côte  de  Ual- 
matie.  En  somme,  la  contagion  est  le  seul  transport  du  germe  de 


PESTE.  26t 

la  maladje'et  toutes  les  fois  qu'on  a  pu  éviter  ce  transport,  on  a 
éfité  la  maladie. 

Les  bardes  sont  un  mode  de  contagion.  Une  des  causes  qui  ont 
entretenu  la  peste  en  Europe  et  notamment  en  France,  pendant 
deux  siècles,  a  été  la  vente  ,des  effets  des  pestiférés,  faite   dans 
un  endroit  qu'on  nommait  d'un  nom  significatif:  la  pouillerie, 
BoUrd  s*est  couché  dans  le  lit  de  pestiférés,  il  a  porté   leurs 
chemises  sans  rien  éprouver  ;  mais  les  cas  négatifs  ne  prouvent 
rien  :  au  Caire,  des  condamnés  couchés  dans  les  draps  de  pesti- 
férés moururent  de  peste.  Ce  pouvoir  indiscutable  de  la  contagion  . 
donne,  il  faut  le  reconnaître,  une  certaine  vraisemblance  à  un 
récit  qu'on  a  d'ailleurs  exagéré,  celui  des  semeurs  de  peste.  Ces  se- 
meurs, ou  prétendus  tels,  étaient  accusés  de  répandre  la  matière 
qui  s'échappait  de  l'anthrax  ou  des  bubons  et  de  la  semer  sur  des 
objets  qu'ils  jetaient  ensuite  dans  la  rue  et  que  la  cupidité  faisait 
ramasser.  Un  grand  nombre  furent  brûlés.  SMl  faut  même  en 
croire  les  mémoires  de  La  Roche  Flavin,  «  en  1563,  se  préseu- 
«  tèrent  au  roi  certains  Italiens,  qui  promettaient  faire  mourir 
'<  tous  les  huguenots  de  la  peste.  »  il  ajoute  :  a  qu'en  1681  per- 
(  mission  fut  accordée  aux  Parisiens  de  tuer  les  gens  qui  seme- 
«  raient  des  cornets  dans  la  rue.  »  Je  ne  voudrais  pas  affirmer 
qu'il  y  a  eu  ou  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  semeurs  de  peste ,  mais 
étant  donné  que  l'idée  du  crime  a  poussé  (et  il  est  permis  de  le 
penser),  il  est  évident  que  la  propagation  de  la  peste  par  ce  moyen 
est  possible.  Si  en  Europe  les  juifs  passaient  pour  échapper  à  la 
peste,  c'est  que  leur  vie  sobre  et  recluse  les  mettait  relativement  à 
l'abri  de  la  contagion  et  cette  immunité  réelle  les  a  sans  doute 
fait  accuser  de  semer  la  peste. 

La  peste  est  inoculable;  mais  les  essais  d'inoculation  préven- 
tive qui  ont  été  faits,  sont  loin  d'avoir  été  aussi  heureux  que  ceux 
de  l'inoculation  variolique.  En  1812,  un  médecin  anglais,  White, 
s'ioocula  le  liquide  d'un  bubon  et  mourut  de  la  peste  au  huitième 
jour.  En  1824,  un  pharmacien  nommé  Céruti,  moins  courageux, 
Biais  plus  hardi,  inocula  six  personnes  de  bonne  volonté  :  cinq 
succombèrent.  Desgenettes,  le  médecin  en  chef  de  l'expédition 
d'Egypte,  s'inocula  la  peste  à  Jaffa;  il  accomplissait  cet  acte  héroï- 
que dans  le  seul  but  de  rassurer  les  soldats  sur  les  dangers  de  la 
contagion.  11  n'eut  heureusement  rien;  mais  un  fait  négatif  ne 
prouve  rien  et  de  ce  que  l'inoculation  variolique  ne  prend  pas 
toujours,  personne  ne  conclut  que  la  variole  ne  so\l  v^  VciQ- 


9 


S64  LA  FAUNE    ET   LA   FLORE. 

culable.  A  Thôpital  de  TEsbekié,  aa  Caire,  Gaétany-Bey,  Clot- 
Bey,  Buland  ont  fait  des  inoculations.  Sept  condamnés  à  mort 
furent  livrés  à  Texpérimentation,  un  seul  contracta  la  peste.  — 
Glot-Bey  s'inocule  lui-même  et  ne  contracte  pas  la  maladie.  Ce 
dernier  mode  d'expérimentation  est  à  coup  sûr  plus  noble.  Pas- 
teur a  cependant  donné  un  bon  exemple,  lorsqu'il  a  dit  :  «  On 
«  peut  regretter  que  l'usage  ne  soit  pas  passé  dans  nos  mœurs, 
ff  de  proposer  aux  condamnés  le  choix,  entre  la  mort  immédiate 
«  et  l'inoculation  d'une  maladie  virulente,  avec  certitude  de  la 
«  vie  sauve,  en  cas  de  guérison.  p 

Comme  pour  toutes  les  maladies  contagieuses  et  inoculables, 
une  première  atteinte  confère  une  immunité  presque  absolue. 
Ainsi  en  Orient  les  pestiférés  guéris  sont  connus  sous  le  nom  de 
Mortis;  ce  sont  eux  qui  sont  employés  de  préférence  comme  gar- 
diens auprès  des  pestiférés  et  ils  ne  prennent  aucune  précaution  en 
soignant  les  malades,  enterrant  les  morts  ou  maniant  leurs  bardes. 

iVaturc.  —  La  peste  appartient  donc  aux  maladies  à  ferments, 
dont  elle  est  même  le  type  accompli.  Nous  n'avons  jamais  encore 
trouvé  le  ferment,  mais  nous  connaissons  ses  mœurs,  nous  savons 
qu'une  température  de  +  50»  le  détruit,  car  les  effets  portés  à  cette 
température  perdent  tout  pouvoir  contagieux:  la  désinfection 
par  la  chaleur  acte  également  employée  avec  le  plus  grand  succès 
en  Russie. 

§   12.  CHOLÉRA. 

Histoire,  fl^éographle.  —  Le  point  de  départ  de  cette  ma- 
ladie, son  habitat  permanent  est  le  delta  du  Gange,  ou  mieux  cet 
immense  quadrilatère  alluvionnaire,  formé  par  deux  grandsfleuves: 
le  Brahmapoutra  et  le  Gange.  Les  conditions  telluriques  qui  lui 
donnent  naissance  sont  suilout  réalisées  sur  la  plaine  du  Gange 
inférieur^  qui,  pendant  la  saison  des  pluies  (juin,  juillet,  août),  est 
recouverte  de  5  à  6  pieds  d'eau  dans  un  espace  de  plus  de  30  lieues 
de  chaque  côté  du  fleuve,  sur  50  de  long.  C'est  là  que  le  choléra 
est  connu  depuis  une  époque  reculée,  car  les  manuscrits  tamouis 
antérieurs  aux  Vcdas  et  à  la  conquête  aryenne  de  l'Inde,  parlent 
d'une  maladie  dans  laquelle  les  ongles  et  les  lèvres  sont  noirâtres, 
la  peau  insensible,  les  vomissements  fréquents,  la  voix  éteinte  ;  or 
ce  sont  là  les  symptômes  caractéristiques  du  choléra.  L'auteur  dra- 
vidien  nous  éclaire  d'ailleurs  sur  la  gravité  de  la  maladie  et  ajoute  : 


CHOLÉRA.  f65 

«  quand  le  inalade  est  dans  cet  état,  on  peut  l'emporter  sur  le  bû- 
cher, il  ne  guérira  pas  ». 

Lorsqu^au  tu*  siècle  les  Arabes  envahirent  l'Inde,  leurs  méde- 
cins rencontrèrent  le  choléra  et  le  décrivirent  sous  le  n  om  de 
Eachiasa, 

Au  Yii*  siècle,  Cristoval  d'Acosta  (1d43)  décrit  dans  Tinde 
les  mêmes  symptômes  :  crampes,  cyanose;  la  mortalité  de  Tépi- 
démieà  laquelle  il  assista  était  considérable,  car  sur  100  malades 
10  à  peine  échappèrent. 

Au  xvn*  siècle,  un  médecin  de  la  compagnie  des  Indes,  Bontius, 
assista  à  une  autre  épidémie  violente;  sa  femme  fut  même  au 
nombre  des  victimes.  Enfin  au  xviu*  siècle,  les  Anglais  ont  eu 
par  trois  fois,  en  1757,  1769,  1781,  sérieusement  à  compter, 
dans  l'Inde,  avec  le  choléra.  En  1781  notamment,  5000  hommes 
étaient  en  marche  sous  les  ordres  du  colonel  Pears,  en  une  heure, 
SOO  hommes  tombèrent  foudroyés.  La  maladie  s'appelait  parmi 
les  troupes  d'un  nom  expressif  la  mort-de-chien. 

En  1783,  le  grand  pèlerinage  d'Hurdwaar  fut  Toccasion  d'une 
recrudescence,  qui  fit  périr  plus  de  20000  Hindous  en  8  jours; 
eofin  en  1817  la  maladie  devint  plus  terrible  que  jamais;  la  divi- 
sion du  marquis  de  Hastings,  composée  de  10000  soldats  et 
lk)0OO  valets,  fut  aux  trois  quarts  anéantie;  la  maladie  était  fou- 
droyante, les  sentinelles  tombaient  en  faction  et  il  fallut  employer 
jusqu'à  quatre  hommes  pour  faire  une  faction  de  deux  heures  ! 
Les  hommes  qui  portaient  les  malades  à  Tinfirmerie  tombaient 
eux-mêmes  en  route  ;  en  somme  il  y  eut,  en  cinq  jours,  5000  dé- 
cès. Des  10000  soldats  7000  périrent,  des  80000  valets  8000  pé- 
rirent.  L'Inde  entière  perdit  plus  de  600000  hommes  ! 

Jusqu  alors  le  choléra  était  resté  enfermé  dans  ses  limites  du 
Gange;  pour  la  première  fois  il  en  sortit. 

Première  épidémie,  —  Au  sud,  l'épidémie  se  propage  jusqu'à 
Ccylan  d'un  côté,  de  Fautre  jusqu'à  Sumatra,  Java,  Bornéo,  les 
Philippines,  jusqu'au  Japon  qu'elle  atteint  en  1823;  elle  traverse 
en  même  temps  la  Mélanésie,  la  Polynésie  et  arrive  à  la  Nouvelle- 
Zélande;  au  nord,  elle  envahit  l'Asie  centrale,  le  Thibet  ;  au  sud- 
onesl,  elle  traverse  THindoustan,  atteint  Madagascar  et  gagne  la 
côte  de  Zanzibar;  enfin  à  l'ouest, elle  atteint  successivement  la 
Perse,  la  Mésopotamie,  l'Asie  Mineure,  l'Egypte,  les  bords  de  la  mer 
Caspienne  et  ceux  de  la  mer  Noire.  Elle  est  en  1823  à  Astrakan, 
delà  elle  gagne  Moscou  (1830),  l'Allemagne  du  Nord  (^U3V\.,e\le 


166  LA   FAUNE   BT  LA  FLORE. 

arrive  à  Hambourg,  en  Danemark^  en  Suède,  fait  sa  première 
apparition  en  Norwège  en  1832  et  frappe  1,3  habitant  sur  100  et 
62  O/o  des  malades  meurent.  En  1833,  nouvelle  apparition  ;  gra- 
Yité  :  56  morts  O/q  ;  en  1834,  o5  morU  O/o  ;  1848,en  48  morts  O/o; 
en  1850,  57  morts  O/o  ;  en  1853,68  morts  O/o;  en  1855,  71  morU 
O/o;  en  1866,  55  morts  O/o.  De  là  elle  passe  en  Angleterre  et  en 
Ecosse,  puis  en  Irlande^  traverse  TOcéau,  arrive  à  New-York, 
ravage  TAmérique  du  Nord,  arrive  aui  Antilles  et  de  là  au 
Mexique. 

D'Angleterre  Tépidémie  était  venue  à  Calais  (1832),  de  là  à 
Paris;  traversant  la  France  jusqu'à  Marseille^  elle  y  faisait 
i  00  000  victimes,  gagnait,  de  là,  la  côte  orientale  d'Espagne  et  la 
côte  nord  d'Afrique.  En  même  temps  que  Tépidémie  partait  d'As- 
trakan par  la  mer  Caspienne  et  gagnait  l'Europe,  elle  envahissait 
d'un  autre  côté,  par  la  mer  Noire,  le  cours  du  Danubeet  l'Autriche. 

Deuxième  épidémie.^  En  1848,  le  choléra  quitte  encore  une 
seconde  fois  le  Gange  et  prend  le  chemin  de  l'ouest;  il  arrive  en 
Perse,  en  Mésopotamie,  traverse  la  mer  Caspienne,  arrive  encore 
une  fois  à  Astrakan,  à  Moscou,  envahit  l'Allemagne  du  Nord  (1849), 
Hambourg  et  suit  le  même  chemin  que  l'épidémie  de  1832,  visi- 
tant Londres,  Calais,  Paris,  la  France,  où  il  fait  110000  victimes, 
Marseille,  la  côte  nord  d'Afrique  (1849). 

Troisième  épidémie,  —  En  1851,  un  foyer  mal  éteint  se  ral- 
lume dans  le  nord  de  TAUeniagne,  l'épidémie  gagne  la  Hollande, 
(1854),  lu  France,  qu'elle  traverse  en  faisant  143  000  victimes, 
Marseille,  le  nord  de  l'Algérie  et,  en  même  temps  (1854-55),  se 
dirige  par  la  Sicile  et  par  la  Grèce  sur  Constantinople,  traverse  la 
mer  Noire  avec  la  flotte  anglo- française  et  arrive  à  Scbastopol. 

La  même  épidémie  avait  de  la  France  gagné  l'Angleterre,  Tir- 
lande,  de  là  elle  avait  gagué  New-York  et  les  Antilles,  mais  pour 
la  première  fois,  elle  atteignait  l'Amérique  du  Sud  et  ravageait 
le  Brésil  (1855). 

Quatrième  épidémie,  —  Les  épidémies  précédentes  étaient  ve- 
nues par  la  mer  Caspienne  et  la  mer  Noire,  elles  étaient  entrées 
en  Europe  par  la  Russie.  L'épidémie  de  1865  encore  partie  du 
Gange  arrive  par  la  Mecque,  ou  la  portèrent  les  pèlerins  hindous, 
de  là  elle  gagne  l'Egypte,  le  nord  de  l'Afrique  et  elle  arrive  en 
même  temps  en  Italie,  en  Espagne  et  à  Marseille.  Elle  fait  en 
France  146  000  victimes. 

Cinquième  épidémie.  —  La  cinquième   épidémie  (1873),  sans 


CHOLÉRA.  167 

doDte  Tenue  du  même  point  et  passant  encore  par  la  mer  Cas- 
pienne, ne  sortit  guère  de  l'Europe.  Tout  récemment  le  choléra 
est  Tenu  aui  portes  de  TEurope,  sur  la  mer  Rouge,  mais  il  a  été 
conjuré  par  le  progrès  qu'a  fait,  dans  l'esprit  des  populations 
earopéennes,  le  sentiment  de  solidarité,  en  matière  d'hygiène  au 
moins,  car  cette  notion  si  féconde  et  appelée  à  féconder  dans 
l'avenir  Tunion  de  tous  les  Etats  européens,  n'en  est  qu'à  encore 
ses  débuts.  Les  précautions  sanitaires  internationales  nous  garan- 
tiront complètement  du  choléra,  mais  ce,  à  la  condition  qu'elles 
seront  scrupuleusement  observées  ;  en  pareille  matière,  il  n'y  a 
pas  de  petit  oubli. 

Cauiies.  —  Quelles  sont  les  causes  qui  font  du  Gange  la  source 
permanente  du  choléra?  Sans  parler  des  eaux  si  souvent  débor- 
dées du  fleuve  sacré,  il  faut  ici  mentionner  les  cadavres,  qui  sont 
charriés  par  elles,  la  misère  des  populations,  mais  surtout  les 
grandes  foires  qui  réunissent  chaque  année  des  millions  d'in- 
dividus dans  les  conditions  les  plus  déplorables. 

Ce  qui  s'est  passé  à  la  foire  et  au  pèlerinage  (car  les  fidèles 
unissent  volontiers  le  profane  au  sacré)  d'Hardwaay,se  renouvelle 
chaque  année  à  Juggurnath,  au  nord-ouest  du  golfe  de  Bengale, 
à  CoDjeveram,  au  sud  de  Madras  et  ailleurs  encore.  Sur  ces  divers 
Nots,  i 00  000  ou  200000  individus  arrivent  de  tous  côtés,  à  pied, 
souvent  après  un  trajet  de  plusieurs  centaines  de  lieues  ;  Tagglo- 
mération,  la  fatigue,  le  surmenage,  le  mysticisme,  la  débauche 
préparent  au  choléra  autant  de  proies  faciles. 

Tantum  religio  potuit  suadere  malonim. 

Contagion.  —  Le  choléra  difiere  de  la  fièvre  intermittente  et 
de  la  dysenterie  en  ce  que  ce  poison,  non  content  de  pouvoir  ha- 
biter pendant  un  certain  temps  Torganisme  humain,  s'y  repro- 
duit et  peut,  de  cet  organisme,  passer  à  un  autre  ;  le  choléra  est 
contagieux  et  chaque  malade  devient  un  multiplicateur  de  la  ma- 
ladie. C'est  ainsi  que,  multiplié  et  promené  dans  l'Inde  même,  par 
les  pèlerins,  il  est  transporté  par  les  caravanes  dans  la  haute 
Asie  et  dans  la  Russie  orientale,  par  les  armées  dans  le  Caucase, 
par  les  émigrants  en  Amérique,  enfin  par  les  pèlerins  musulmans 
del'lDde  àla  Mecque,  d'où  il  gagne  l'Egypte  et  de  là  l'Europe.  Les 
populations  de  l'Afrique  centrale  qui  ne  sont  pas  sur  le  passage  du 
ilothumain^échappent  ainsi  au  choléra  ;  partout  eu  eUel  il  marctie 


L 


tes  LA   FACiNE   ET   U   FLORE. 

porté  non  pas  sur  l'aile  dn  vents,  comme  ta  fièvre  paliuin, 
comme  la  grippe,  mais  avec  les  hommes  el  avec  la  mi-me  vitoN 
qu'eux.  La  lapeur  a,  pour  le  choléra  comme  pour  Iburame,  np- 
prochi!  les  distances. 

Longtemps, niée,  la  contagion  ne  fait  plus  aujourd'hui  uican 
doute.  Le  germe  I?j  du  choiera  se  propage,  tant  que  le  milieu  loi 
permet  de  vivre;  or  ce  germe  semble  peu  diflicilc  en  matière  dl 
milieu  extérieur  :  sur  314  épidémies  locales  étudiées  pu  Hincfa. 
la  moitié  appartical  à  l'été;  les  saisons  qui  viennent  ensuite  sont 
le  printemps  et  l'automne;  la  saison  la  plus  rarement  (riaerne 
est  l'hirer.  Dans  les  pajs  chauds,  dans  l'Inde  par  exemple.  U  re- 
crudescence de  l'endémie  correspond  à  la  saison  des  pluies.  D'de 
manière  générale  on  peut  dire  que  le  choléra  s'accommode  d'iu 
température  d'au  moins  +  IS",  mais  que  sa  violence  semUe  être 
en  raison  directe  de  la  température. 

Il  est  .vrai  qu'on  a  vu  le  choléra  sévir  à  Moscou  par— tt* 
Sttint-I'étersbourg  par  —  30' i  mais  il  importe  de  dis^pcr  ici  on 
malentendu  général  au  sujet  de  la  température. 

Sans  doute,  si  la  température  est  assez  basse  pour  détruire  le 
ferment  d'un  marais,  celui-ci  ne  donnera  pas  la  lièvre,  oiosi  que 
cela  a  ilieu  dans  les  marais  des  latitudes  très  septenlrionalcs  ; 
mais  il  eu  est  autrement  des  Tcrments  que  l'homme  porte  dans 
lui,  sur  lui  ou  avec  lui  ;  bien  que  la  température,  dans  le  eu  que 
je  citais  tout  à  l'heure,  fut  dans  les  rues  de  Moscou,  de  —  30< 
Termcnt  était,  en  réalité,  dans  les  habitations,  cultivé  en  serre 
chaude.par  une  tcmpératured'au  moins+âO". C'est  par  degruides 
chaleurs  qu'on  a  vu  mourir  à  ta  Guadeloupe  2'.i  pvnoaoet  par 
jour  sur  une  population  de  18  000  individus  et  â  la  iNonvcUe- 
Orléans  600  personnes  en  19  jours,  sur  uue  population  que  l'^i- 
pation  avait  réduite  i  35OO0  individus. 

lalacnee  da  aal.  —  On  a  voulu  taire  jouer,  dans  la  prodoc- 
lion  du  choléra,  un  râle  êliologiqueA  la  nature  du  sol.  BÔodIn  a 
soutenti  que  le  choléra  se  développait  plutôt  dans  les  terrains  po- 
reux, dans  les  alluvions,  que  dans  les  terrains  compacts.  Cepen- 
dant la  Bretagne,  les  Pyrénées,  les  Cévennes,  pour  nu  parler  qm 
de  la  France,  n'ont  point  été  épai^ées,  et,  i  la  Guadeloupe,  I 
docteur  Walther  a  constaté,  pendant  uncépidémie.fue  la  maladi 
était  plus  violente  sur  la  partie  volcanique,  où  la  mortalité  tutàt 
f  3,il  0/0.  que  dans  la  partie  calcaire,  où  elle  Tut  de  3.70  0/0. 

Certaines  villes  ont  prcseHlé,\cs  wacs  Mnt  ■\TOwiw\\\K,NMkva.VK^ 


CHOLÉRA.  269 

une  aptitude,  aussi  inexpliquées  Tune  que  Tautre  :  Timmunité 
doDt  Lyon  et  Versailles  semblent  jouir,  l'aptitude  que  semblent 
présenter  Berlin  et  Munich  en  sont  des  exemples. 

Qael  est  l'agent  prodaetear  da  eholéra  ?  —  Trois  faits 
sont  hors  de  contestation  :  i<^  cet  agent  réside  dans  le  sol  humide 
de  Tembouchure  du  Gange;  2<»  il  habite  également  les  matières 
rendues  par  les  cholériques,  car  c'est  surtout  en  elles  que  réside 
le  pouvoir  contagieux;  3^  il  s'échappe  de  ces  matières  pour  trans- 
mettre la  maladie. 

En  1849,  Pouchet  (de  Rouen)  signala  Texistence  de  vibrions  en 
quantité  considérable  dans  les  déjections  cholériques.  Le  fait  fut 
confirmé  parDavaine,  par  Rainey  et  Hassall  à  Londres,  en  1857, 
en  Allemagne.  En  i853,  à  la  Charité,  Rayer  trouva  un  nombre  . 
considérable  de  cercomonades  ;  enfin,  en  1867,  Hallier  (d'iéna), 
décrivit  et  figura  un  champignon,  qu'il  avait  trouvé  dans  les  mêmes 
circonstances. 

Il  est  un  critérium  bien  sûr,  qui  permet  de  connaître  et  d'ap- 
précier le  rôle  de  ces  sortes  de  parasites,  dans  la  genèse  du  cho- 
léra; il  suffit  de  s'assurer  si  l'inoculation  de  ces  champignons 
produit  la  maladie.  Or  les  expériences  de  Guyon,  de  Namias,  de 
Magendie,  de  Meyer  sont  demeurées  sans  succès. 

Thienck  (de  Munich)  fut  le  premier  qui  obtint  des  inoculations 
positives;  mais,  au  lieu  d*injccter  à  ses  animaux  le  liquide  intes- 
tinal fraîchement  rendu  par  les  cholériques,  il  attendait  que  ce  li- 
quide fût  rejeté  depuis  plusieurs  jours.  Il  mêla  le  liquide  rendu 
depuis  six  jours  à  Talimentation  d'un  certain  nombre  de  souris, 
taudis  qu'un  certain  nombre  d'autres  souris  recevait,  de  la  même 
manière,  un  liquide  fraîchement  évacué  par  les  malades.  70  souris 
burent  du  liquide  frais,  3î  burent  du  liquide  de  plusieurs  jours  ; 
les  70  premières  ne  présentèrent  aucun  trouble^  les  34  dernières 
forent  toutes  malades  et  12  moururent.  Hallier  (d'iéna)  a  donné 
de  ces  faits  une  explication  :  Si,  dit-il,  le  liquide  cholérique  a 
besoin  d'avoir  cinq  ou  six  jours,  si  les  observateurs  ont  trouvé  dans 
ce  liquide  des  formes  ditTérentes,  c'est  qu'il  s'agit  ici  d'un  fer- 
ment qui  évolue,  qui  parcourt  un  certain  nombre  de  métamor- 
phoses. L'étonnement  des  expérimentateurs  négatifs  serait  donc 
comparable  à  celui  d'un  autre  expérimentateur,  qui,  voulant 
trouver  la  cause  des  cysticerques,  s'étonnerait  de  semer  le  cysti- 
cerque  et  de  récolter  le  ténia,  ou  inversement. 
Il  a  donc  supposé  que  les  formes  adultes,  qui  &e  trou^^tiiV^^^ 


t70  U  FAUNE   ET   LA  FLORE. 

les  déjections  des  cholériques,  ne  propageaient  pas  directement  la 
maladie,  mais  que  ce  rôle  appartenait  aux  spores  que  ces  formes 
adultes  émettaient.  Mais  à  cette  hypothèse  ingénieuse  manquait 
une  vérification  expérimentale  :  si  ces  liquides,  à  formes  adultes^ 
émettaient  dans  Pair  des  formes  embryonnaires  à  pouvoir  conta- 
gieux, il  devait  être  possible  de  les  recueillir  et,  après  les  avoir 
recueillies,  d'inoculer  avec  elles  le  choléra  ;  c'est  ce  qu'ont  réussi 
k  faire  à  Paris  Legros  et  Onimus.  Ils  ont  répandu  des  vapeurs  dans 
une  salle  de  cholériques.  Ces  vapeurs,  ils  les  ont  condensées^  es- 
pérant qu'elles  emprisonneraient  les  spores,  si  spores  il  y  avait, 
qu'elles  opéreraient  dans  Tair  de  la  salle  ce  qu'opèrent,  en  réa- 
lité, les  pluies  dans  Tatmosphcre,  ce  qu'opère  le  collage  par  Tal- 
bumine  dans  nos  tonneaux  de  vin.  Ils  ont  injecté  dans  les  veines 
d'un  chien  ces  vapeurs  condensées,  et  ce  chien  a  présenté  tous  les 
symptômes  du  choléra.  On  s^explique  ainsi  comment  les  fumiga- 
tions de  chlore  faites  dans  une  salle  de  cholériques  peuvent  pré- 
venir la  contagion. 

L'hypothèse  d'Hallier  est  donc  confirmée.  Mais  le  savant  mé- 
decin d'iéna  a  été  plus  loin  encore  :  il  avait  été  frappé  de  la  res. 
semblance  entre  le  champignon  trouvé  dans  les  matières  cholé- 
riques et  certains  champignons  du  genre  urocystis;  or  les  cham- 
pignons du  genre  urocystis  sont  précisément  des  champignons  à 
métamorphoses;  certains  d'entre  eux,  par  exemple,  vivent, 
à  une  certaine  période  de  leur  développement,  sur  le  blé,  sur 
le  riz,  dont  les  grains  sont  alors  envahis  par  des  tubes  de  my- 
célium. 

Voici  donc  ce  qu'il  imagina  :  il  arrosa  des  graines  de  riz,  pen- 
dant leur  germination,  avec  des  déjections  de  cholériques  et  il  est 
arrivé  à  ce  résultat  que  toutes  les  graines  ont  été  envahies  par 
les  tubes  de  mycélium  de  Turocystis. 

Ces  expériences  permettent  de  penser  que  le  parasite  infectieux, 
qui  produit  chez  un  certain  nombre  d'animaux  les  symptômes,  à 
Tensemble  desquels  nous  donnons  le  nom  de  choléra,  subit  plu- 
sieurs métamorphoses  et  qu'à  chacune  d'elles  il  habite  successi- 
vement :  1<^  dans  le  sol  humide  ;  2°  dans  le  riz  ;  3<^  dans  le  sang  de 
l'homme  et  de  plusieurs  autres  animaux.  Nouvel  exemple  propre 
à  montrer  que  dans  la  lutte  pour  l'existence  que  l'homme  doit 
soutenir,  il  n'y  a  pas  de  petit  ennemi. 

A  toutes  ces  expériences  il  convient  d'ajouter  la  relation  d'un 
fait  cité  par  le  docteur  Laveran  :  la  grande  épidémie  de  1817,  celle 


FIÈVRE   JAUNE.  Î71 

qui  a  TU,  pour  la  première  fois,  le  choléra  indien  entrer  en  Eu- 
rope, coïncida  avec  une  maladie  du  riz. 

Une  dernière  conséquence  :  tout  le  monde  a  été  frappé  de  voir 
certaines  épidémies  s'allumer  tout  à  coupen  Europe,  comme  un  in- 
cendie qui  serait  allumé  dans  un  foyer  mal  éteint.  Les  partisans  de 
la  spontanéité  n*ont  pas  manqué  de  voir  là  un  îyrgument  en 
leur  faveur,  tandis  qu'il  est  permis  de  croire,  grâce  à  ce  que  nous 
savons,  d'ailleurs,  de  la  reviviscence  des  germes,  avec  les  doc- 
teurs Tholozan  et  Budd,  qu'il  s'agit  ici  de  germes  cholériques  qui 
ont  conservé  leur  pouvoir,  comme  cela  a  lieu  pour  le  charbon,  ou 
qui  bénéficient  de  la  reviviscence  dans  certaines  conditions  favo- 
rables de  milieu. 

§  43.   FIÈVRE  JAUNE. 

Histoire  et  géographie.  —  Le  foyer  endémique  de  cette 
maladie  est  exclusivement  dans  la  zone  torride  et  mémo  dans 
certains  points  très  limités  de  cette  zone.  Le  golfe  du  Mexique  et 
notamment  les  villes  de  la  Vera-Cruz,  Alvarado,  Tlacotalpam, 
Laguna,  Campéche,  Cuba  d'un  côté  ;  la  côte  du  golfe  de  Guinée 
de  Tautre,  sont  les  deux  seuls  foyers  endémiques.  Elle  est 
inconnue  dans  l'Inde.  L'Afrique  est-elle  ici  tributaire  de  l'Améri- 
que? En  reçoit-elle  la  maladie  ?  Ou,  au  contraire,  est-ce  PAméri- 
que  qui  l'a  reçue  de  l'Afrique?  Les  deux  opinions  sont  soutenues 
mais  sans  preuves  suffisantes.  Ce  qui  est  incontestable,  c'est 
qu  actuellement  il  y  a  deux  foyers  d'endémie.  En  un  mot,  la  fièvre 
jaune  est  endémique  sur  les  deux  rives  torrides  de  l'océan  Atlan- 
tique. 

L'histoire  authentique  de  la  fièvre  jaune  ne  remonte  pas  plus 
loin  que  le  xviu«  siècle  et  encore  !  On  parle  bien  d'une  maladie 
des  Indiens,  le  Matlazakualt,  qui  serait  antérieure  à  la  conquête, 
mais  rien  ne  prouve  que  ce  soit  la  fièvre  jaune,  quoique  cela  sem- 
ble probable.  On  a  dit  qu'au  moment  de  la  conquête  les  Espagnols 
furent  décimés  par  cette  maladie  (Herreira),  mais  cela  n'est  pas 
proové  non  plus.  On  dit  enfin  que  la  naissance  de  la  fièvre  jaune 
en  Amérique  date  de  l'invasion  européenne.  Le  fait  est  possible, 
mais  avec  un  commentaire  :  supposons  que  la  maladie  existât  en 
Amérique  avant  l'arrivée  des  Européens,  il  est  évident  quefarrivée 
d'individus  non  acclimatés  a  dû  donner  un  nouvel  élan  à  une  ma- 
ladie qui  trouvait  ainsi  une  pâture  exceptionneUe.  l\  tCe«\  ^^3^^ 


i72  LA  FAUNE   ET   LA   FLORE. 

pas  étonnant  qu'on  ait  fait  dater  de  la  venue  des  Européens  Texis- 
tence  d^épidémies  mémorables  de  Gèvre  jaune. 

Quoi  qu*il  en  soit,  de  son  foyer  américain,  le  golfe  du  Mexique, 
comme  de  son  foyer  africain,  le  golfe  de  Guinée,  la  maladie  s*est 
répandue  à  diverses  époques  en  dehors  de  ses  limites  normales. 

Dans  chacune  de  ces  épidémies  la  gravité  a  été  parfois  considé- 
rable :  en  1830,  à  Corée,  il  y  eut  144  malades  sur  450  Européens; 
à  Saint-Louis,  328  morts  sur  6S8  individus.  En  1837,  à  Gorée, 
80  malades  sur  160  Européens  et  46  morts  sur  {80  malades.  — 
En  1858,  à  Gorée»  86  morts  sur  122  malades;  en  1866,  83  morts 
sur  178  malades.—  La  dernière  épidémie  a  été  plus  grave  encore, 
et  plusieurs  médecins  de  la  marine,  entre  autres  le  regrette  Bour- 
garel,  ont  été  au  nombre  des  victimes.  Mais  dans  le  Sénégal,  et 
cela  est  utile  à  faire  connaître  pour  l'avenir  de  notre  colonie,  la 
fièvre  jaune  n'a  jamais  pris  naissiance  spontanément,  elle  a  tou- 
jours été  importée;  importée  d'où?  De  Sierra-Leone.  Elle  a  tou- 
jours, au  Sénégal,  marché  du  sud  au  nord.  Le  Sénégal  a  eu  cinq 
grandes  épidémies  :  1830,  1837,  1858,  1878,1881. 

Dans  toute  TEspagne,  de  1800  à  1823,  il  est  mort  de  la  fièvre 
jaune  140  000  personnes.  Dans  la  seule  ville  de  Cadix,  en  1800, 
il  y  a  eu  10  000  décès  sur  48000  habitants. 

En  France,  la  fièvre  jaune,  qui  s'est  montrée  à  plusieurs  re- 
prises, s'est  éteinte  rapidement  et  n'a  jamais  fait  un  nombre  con- 
sidérable de  victimes. 

H  n'en  est  pas  de  même  en  Amérique  :  les  Etats-Unis  ont  été 
éprouvés  par  la  fièvre  jaune  en  88  années  différentes.  Toujours 
rimportation  de  la  maladie  a  été  démontrée.  On  estime  que  la 
dernière  épidémie  a  produit  aux  Etats-Unis  120000  cas  de  fièvre 
et  20000  décès.  Le  congrès  apprécie,  d'une  façon  qui  ne  vise  pas 
d'ailleurs  au  sentimentalisme,  la  perte  causée  par  ces  décès  à 
12000000  de  dollars.  Il  estime  le  préjudice  total  causé  au  pays  par 
la  maladie  à  200000000  de  dollars.  —  De  1756  à  1879,  la  Nouvelle- 
Orléans  a  eu  38  épidémies.  —  Il  n'y  a  pas  longtemps  que  la  Gèvre 
jaune  a  sévi  à  la  Guadeloupe  ;  à  la  Martinique,  la  morbidité  varie, 
suivant  les  épidémies,  de  1  à  50  pour  100  habitants  et  la  morta- 
lité de  14  —  20  —  50  —  80  pour  100  malades. 

11  est  à  remarquer  que  les  épidémies  se  renouvellent  d'autant 
plus  souvent  sur  un  point  que  ce  point  est  plus  rapproché  du 
centre  épidémique.  Les  habitudes  du  germe  de  la  Qèvre  jaune 
semblent  essentiellement  côtières  ;  ni  les  continents  ni  la  pleine 


F!t;Vi 


;    JAUNE. 


'  RWrtir  liiifonticnncnl.  En  1873,  U  malii>)ie  remonte  le  cours  du 
Paraguaj  ^  une  distance  de  200  lieues  jusqu'à  l'Assomption; 
en  1878.  elle  remonte  le  cours  du  Uùsissipi  jusqu'à  Sainl-Louis 
et  le  cours  du  Sénégul  jusqu'à  Bakel.  La  plupart  des  épidémicâ 
ont  d'aillcars  lieu  dans  les  ports.  Sur  291  épidcmies  locales  de 
romito  negro  observées  dans  l'Amérique  du  Nord,.  157  le  furent 
an  bord  dr-  la  mer,  1 33  sur  les  rires  de  fleuves  navigables  ;  S  Tois 
Muleinent  la  maladie  s'éloigna  des  rives  .j  une  distance  de  S  ou 
!0  mitles.  Cependant,  à  mesure  que  les  chemins  de  Tersc  dévelop- 
pent,U  maladie  s'ctend  dans  les  terres.  Faul-il  en  conclure,  avec 
le  proreseeur  Colin,  que  l'ouverture  de  l'isthme  de  Panama  aura 
poor  conséquence  le  passage  de  la  (lèvre  jaune  sur  la  cdtc  du 
l'adfi<iue?  La  chose  est  possible  ;  mais,  serait-elle  certaine,  que 
e*Ia  ne  eerail  pas  un  argument  contre  une  œuvre,  qui  aura 
''■tinmc  cum [Pensât ion  des  avantages  civilisateurs  inconlestuliles. 
i  Ttr  conditioa  indispensable  au  développement  de  la  maladie, 

-;t  relevai  ion  de  la  température;  sa  mojennc  doit  être  d'au 
I  ;i.ins4-S!!«  à  +  SS".  Ainsi,  à  bord  des  navires,  on  a  vu  la 
'ire  jaune  cesser  par  les   froids  du  cap  Horn ,  pour  renaître 

Tiieâurc  que  le  navire  regagnait  des  latitudes  plus  chaudes. 

.  ne  peut  donc  sévir  en  toute  saison  que  dans  les  régions  lor- 
r.le^.  Ainsi  ou  peut  l'observer  à  toute  époi|ue  de  l'année  aui 
Antilles,  en  Guinée,  au  Sénégal;  mais,  dans  les  pajs  uù  la 
RKivenne  de  l'hiver  descend  seulement  à  +  20°,  elle  devient  alors 
wrs'jrtnitVe.  comme  à  la  Nouvelle'^rléans,  à  Mobile  et  dans  tout 
k  «ud  des  Etats-Unis.  Toutefois,  dans  ces  pajs,  l'épidémie  peut 
birn  disparaître  avec  la  saison  chaude,  mais,  l'hiver  doux  étant 
imi,  elle  peut,  et  cela  s'est  vu,  reparaître,  revivre  »ans  nouvelle 
importation,  parce  que  la  gelée,  qui  est  rare  dans  ces  pays,  n'est 
ftt  tenue  détruire  les  germes.  A  ^ew-Yo^k,  au  contraire,  la  ma- 
"s  oe  peut  pas  se  rallumer  sans  une  nouvelle  imporlation, 
fAite  que,  l'hiver  étant  rigoureux,  la  gelée  détruit  les  germes, 
"■loin  de  féquateur  encore,  non  seulement  elle  ne  peut  régner 
~  0  été,  mais  encore  uniquement  dans  la  courte  périoile  oli 
fttempératurc  moyenne  des  24  heures  dépasse  +  20°  ou +  22". 
t  Cette  acbon  de  la  température  a,  pour  nous  autres  Européens, 
l  nu  tc(«  grande  importance  pratique.  Les  saisons  étant  inverses  des 
:  bAIk*  atHlesâous  de  l'équaleur,  il  s'ensuit  que  Texlension  de  la 
I  "**»  jione  dans  l'Amérique  du  Sud  ne  saurait  être  pour  ïiovi^  Mtic 
<  fiwporl3tm),  puisque  les  navires  qui  quiUenl  \e  BïétW  ca 


S74  LA  FAUNE   ET  LA   FLORE. 

été,  au  moment  peut-être  où  sévit  la  Hèvre  jaune,  arrivent  chez 
nous  en  hiver,  à  un  moment  où  elle  ne  pourrait  pas  se  propager, 
il  en  est  de  même  pour  la  partie  sous-équatoriale  de  la  côte 
d^Afrique.  Mais  il  n'en  est  pas  de  même  du  golfe  du  Mexique. 
Aussi  est-ce  de  là,  de  la  Havane  notamment,  que  nous  est  venue 
et  que  pourra  nous  venir  encore  la  maladie  qui  nous  occupe. 

C'est  en  raison  de  rabaissement  de  la  température  que  la  fièvre 
jaune  ne  sévit  pas,  en  général,  même  dans  les  pays  chauds,  sur 
les  altitudes.  Au  Mexique,  elle  ne  dépasse  pas  Cordova  (903**).  Elle 
n'atteint  ni  les  hauteurs  de  Ténériffe,  ni  le  Camp-Jacob  à  la 
Guadeloupe,  ni  les  hauteurs  de  Newcast  à  la  Jamaïque.  Madrid, 
en  1 878,  a  été  atteint  pour  la  première  fois  par  le  vomito  negro  ; 
cette  ville  semble  devoir  sa  presque  immunité  :  i^  à  son  éloigne- 
ment  du  littoral  ;  2»  à  l'absenec  d'une  navigation  pouvant  être 
infectante  sur  le  Mançanarez;  3<^  à  son  altitude  de  675"*.  Toute- 
fois, on  a  vu  une  épidémie,  à  Las  Animas,  à  plus  de  lOCO^d^'altitude. 

Contagion.^  La  maladie  est  absolument  contagieuse  et  la  con- 
tagion présente  ceci  de  remarquable,  qu'elle  semble  se  faire  par  les 
choses  au  moinsaussi  bien  que  parles  hommes.  L'épidémie  de  Saint- 
Nazaire  en  1861  montra  bien  et  la  réalité  de  la  contagion  et  le  rôle 
des  choses,  des  objets  inanimés  dans  cette  contagion.  UAnne-Marie^ 
en  destination  de  Saint-Nazaire,  quitte  la  Havane,  où  régnait  la 
lièvre  jaune,  avec  une  cargaison  de  sucre;  17  jours  après  le  départ, 
la  maladie  éclate;  sur  16  hommes  d'équipage^  5  sont  malades, 
aucun  ne  succombe.  Devant  Saint-Nazaire ,  V Anne-Marie  reste 
10  jours  en  quarantaine  ;  après  ce  temps,  aucun  nouvel  accident 
ne  s'étant  déclaré,  elle  obtient  sa  libre  pratique.  Les  16  hommes 
se  dispersent  dans  leurs  familles,  où  ils  ne  portent  aucun  germe 
morbide.  Pendant  ce  temps,  le  commandant  en  second,  resté  seul 
à  bord,  fait  opérer  le  déchargement  par  17  déchargeurs  de  Saint- 
Nazaire.  A  peine  avail-on  ouvert  la  cale,  qui  était  restée  fermée 
pendant  toute  la  traversée,  que  la  fièvre  jaune  éclate  :  les  2/3 
des  déchargeurs  sont  frappés  ;  6  meurent.  Dans  le  bassin  à  flots, 
un  navire  voisin  est  atteint  :  il  avait  5  hommes,  il  eut  a  morts. 
Trois  autres  navires  voisins  perdent.chacun  2  hommes.  Le  docteur 
Chaillou,  qui  soigne  à  terre  un  des  déchargeursy  prend  de  luiU 
maladie  et  en  meurt.  Le  germe  de  la  fièvre  était  donc  en  réalité 
emmagasiné  dans  les  flancs  du  navire.  Mais  Tépidémie  de  Saint' 
Nazaire  s'arrêta  parce  qu'il  faut  cerlaines  conditions  pour  que  l6 
germe  transporté  vive  et  multiplie. 


FIÈVRE   JAUNE.  Î75 

A  Madrid,  l*épîdémie  a  éclaté  dans  un  quartier  où  étaient 
Yenus  se  Oxer  plusieurs  soldats  licenciés  de  Tarmée  de  Cuba. 
Aucun  n*avait  été  malade,  ni  pendant  la  traversée,  ni  au  port  de 
débarquement,  ni  même  à  Madrid  ;  leurs  hardes  ont  seules  été 
coupables,  car  ce  n'est  qu'après  l'ouverture  de  leurs  malles  que 
répidémie  a  éclaté,  se  bornant  d'ailleurs  à  30  ou  35  victimes  et 
s'éteignant  au  bout  d'un  mois. 

Une  condition  favorable  à  la  propagation  de  la  fièvre  jaune  est 
Vagglomération.On  a  remarqué  que  son  extension  dans  l'Améri- 
que du  Sud  avait  coïncidé  avec  Textension  sociale  de  ce  pays,  où 
beaucoup  de  villages  sont  devenus  de  petites  villes. 

Le  tempérament  joue  un  rôle  :  ici,  à  Tinverse  du  choléra,  mais, 
comme  pour  la  fièvre  typhoïde,  les  tempéraments  robustes  sem- 
blent plus  exposés. 

Les  meilleures  conditions  d'hygiène  ne  préservent  pas  :  ainsi,  à 
Lisbonne,  les  atteintes  ont  été,  dans  l'armée,  de  75  0/0  parmi  les 
offiders  et  de  25  0/0  seulement  parmi  les  soldats. 

Nous  verrons'plus  loin  que  la  fièvre  jaune  atteint  les  noirs  beau- 
coup moins  que  les  blancs  ;  mais,  même  pcmr  les  blancs  et  pour 
leslndiens,  le  séjour  prolongé  dans  le  pays  confère  un  certain  degré 
d'immunité  apparente,  mais  sur  laquelle  il  faut  s'entendre  :  il 
s'agit  en  réalité  d'une  sélection,  d'une  accoutumance^  comme  elle 
tlieu  pour  la  fièvre  typhoïde  chez  un  grand  nombre  de  Parisiens. 
Ainsi,  sur  2  295  cas  de  fièvre  jaune  traités  à  l'hôpital  de  la  Vera- 
Cmz,  les  Espagnols  figurent  pour  355  ;  les  Vera-cruzaniens  pour 
S9  ;  les  Mexicains  des  hautes  terres,  contrée  où  le  vomito  ne  règne 
pas  pour  1 785;  les  étrangers  divers  pour  92. 

Pathologie  eompmrée.  —  Parmi  les  animaux,  un  seul  par- 
tage avec  r  homme  le  privilège  de  prendre  la  fièvre  jaune:  c'est 
^  singe.  Le  docteur  Levvel  assure  que  cet  animal  a  disparu  de 
crains  points  du  Brésil  depuis  que  la  fièvre  jaune  y  est  venue.  Ce- 
pendant le  docteur  Pasqual-Beau ville  (delà  Havane)  a  constaté sui 
^  chiens  et  les  chevaux,  en  même  temps  que  régnait  la  fièvre 
jaone,une  maladie  caractérisée  par  de  la  jaunisse  et  des  épislaxis 
^  rappelle  le  vomito   negro.   La  commission  américaine    a 
<^ndant  fait  des  expériences  sur  4  chiens,  2  chats,  6  lapins,  6 
^bayes,  i  singe,  6  poules,  12  pigeons,  2  oies,  envoyés  de  New- 
York  par  le  steamer  le  Niagara.  Ces  expériences  consistaient 
^  faire  séjourner  des  animaux  pendant  48  heures  dans  un  navire 
infecté  ;  les  6  hommes    de  l'équipage,  durant  ces  4%  \ie>iT^«^ 


276  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

moururent  de  la  fièvre  jaune  ;  aucun  des  animaux  exposés  ne 
fut  atteint,  aucun  ne  fut  malade  les  jours  suivants  au  labo» 
ratoire.  Un  chien  eut  une  attaque  de  fièvre ,  mais  c'était  un 
cas  d'une  maladie  commune  chez  les  chiens  importés  à  Cuba 
et  connue  sous  le  nom  de  romadizo  ;  cette  maladie  est  très 
diflerente  de  la  fièvre  jaune.  Des  injections  pratiquées  dans  la 
veine  fémorale  des  animaux  avec  du  sang  recueilli  sur  des  hommes 
moribonds  en  traitement  à  Thôpital  restèrent  sans  succès;  même 
insuccès  avec  l'enveloppement  dans  des  couvertures  ayant  servi  à 
des  malades,  ou  après  Tusage  exclusif,  pour  boisson,  d'une  eau 
ayant  servi  à  laver  des  couvertures  souillées  par  les  malades.  En 
définitive,  les  tentatives  de  transmission  de  la  fièvre  jaune  aux 
animaux  n'ont  donné  à  la  commission  que  des  résultats  négatifs. 

IKatnre.— Nous  avons  vu  qu'on  parle  dugerme,  du  ferment  de 
la  fièvre  jaune  ;  depuis  longtemps  il  est  enefifet  permis  de  deviner 
qu'il  en  sera  de  cette  redoutable  maladie  comme  du  choléra,  de 
la  fièvre  typhoïde,  du  charbon...  La  façon  dont  l'Anne-Afarie  a 
transporté  la  maladie  rendait  Thypothése  vraisemblable. 

Avec  un  courage  qui  ne  sera  pas  son  moins  beau  titre  de  gloire, 
au  milieu  de  tant  de  belles  découvertes  qui  lui  sont  dues.  Pasteur 
s'est  transporte  au  lazaret  de  Pauillac,  espérant  y  trouver  des  ma- 
lades atteints  de  fièvre  jaune  et  étudier  cette  maladie  contagieuse. 
Malheureusement,  ou  peut-être  heureusement,  tous  les  malades 
étaient  guéris,  lorsque  Pasteur  est  arrivé.  —  Le  docteur  Monard, 
médecin  civil,  a  été  plus  heureux  et  non  moins  courageux  :  parti 
volontairement  pour  le  Sénégal  au  moment  de  la  dernière  épi- 
démie de  fièvre  jaune,  il  fut  assez  heureux  pour  pouvoir  envoyer 
au  laboratoire  de  pathologie  générale  de  la  Faculté  de  médecine 
de  Turinc,  du  sang  et  de  la  sérosité  péricardique,  recueillis  et 
conservés  suivant  la  méthode  et  les  procédés  de  Pasteur.  Les 
docteurs  Capitan  et  Charrin  ont  pu  constater  dans  ces  liquides  de 
très  nombreux  microbes,  consistant  en  micrococcus  isolés  ou 
constituant  des  points  doubles,  de  petits  bâtonnets;  les  tubes  rénaux 
contenaient  aussi  une  albumine  rétractile.  Des  cultures  faites  avec 
les  liquides  reçus  du  docteur  Monard  ont  parfaitement  réussi 
et  des  inoculations  ont  été  faites  à  des  cobayes,  qui  sont  morts. 

Déjà  Tanatomie  pathologique  avait  montré,  dans  la  fièvre  jaune, 
la  présence  dans  le  sang  de  matériaux  de  combustion,  dérivés  im- 
parfaits de  l'urée  et  indices  d'un  ralentissement  de  la  combustion. 
Le  rein  est  profondément  altéré  et  c'est  par  la  néphrite  iofec* 


1 


FIÈVRE   JAUNE.  S77 

tieuse  qu*on  explique  ce  symptôme  douloureux,  accusé  par  les 
malades  et  désigné  sous  le  nom  de  coup  de  barre.  Tous  les  tissus 
sabissent  la  dégénérescence  graisseuse.  Déjà  un  pharmacien  dis- 
tingué de  la  marine,  Cuuisset,  avait  expliqué  ces  faits  par  un 
dédoublement  des  matières  albuminoïdes  en  graisse,  qui  s'accu- 
mule dans  les  éléments  anatomiques  et  en  dérivés  imparfaits  de 
l'urée,  dérivés  qu'on  retrouve  dans  les  liquides  de  l'organisme. 
Il  attribuait  déjà  ce  dédoublement  à  un  ferment  avide  d'oxygène. 
Le  docteur  Carmona  del  Valle  a  découvert  dans  les  urines  des  ma- 
ladesy  dans  le  sang  et  dans  la  sérosité,  un  microbe  qu'il  propose 
d'appeler  peronospora  luten,  La  couleur  du  romito  tiegro  serait 
due  de  même  au  mycélium  coloré.  D'après  lui,  les  spores  de  la 
peronospora  se  retrouveraient  pendant  longtemps  dans  l'urine  des 
personnes  qui  ont  eu  la  fièvre  jaune  et  l'immunité  durerait  tant 
que  persiste  cette  production.  Il  s*est  injecté  à  lui-même  cette 
urine  prophylactique  et  n'aéprouvé  aucun  eilct  fâcheux.  Ses  uiines  ' 
contenaient  néanmoins,  pendant  quelque  temps,  des  granula- 
tions spécifiques.  L'avenir  confîrmera  ou  infirmera  ces  vues;  mais 
Texistence  d'un  microbe  parasitaire  semble  dès  maintenant  ac- 
quise. 

La  prophylaxie  n'avait  pas  attendu  non  plus  cette  conûrmation 
pour  chercher  dans  cette  voie  :  le  docteur  Pi;2[eaux  attribue  Taug- 
mentation  de  la  fièvre  jaune  dans  le  golfe  du  Mexique  à  la  des- 
truction des  tortues,  qui  ne  sont  plus  là  pour  manger  les  produits 
de  décomposition  divers,  absolument  , comme  la  destruction  des 
<Hseaux  augmente  les  ravages  causés  par  les  insectes.  D'après  le 
docteur  Manuel  da  Gama  Lobo  (de  Rio-de-Janeiro),  on  trouverait 
dans  les  eaux  des  localités  infectées  par  la  fièvre  jaune  un  infu- 
soire  spécial,  qu'il  croit  producteur  de  la  maladie,  Vopmma  mexi- 
crfna.  Dernièrement  en  Amérique,  le  docteur  Gibbon  a  proposé 
d*employer  le  froid  contre  ce  qu'il  nomme  le  parasitr  de  lu  fièvre 
jaune.  Cette  induction  est  légitimée,  au  moins  en  théorie,  par 
ce  que  nous  savons  de  l'action  de  l'abaissement  de  la  tem- 
pérature sur  cette  maladie.  La  même  idée  a  été  reprise  par 
le  professeur  Gamgee  (de  Londres),  et  une  dame  généreuse, 
M**  Elisabeth  Thompson,  a  même  offert  de  contribuer  pécuniai- 
rement à  sa  réalisation  :  il  s'agirait  de  construire  un  navire 
frigorifique,  muni  d'un  puissant  ventilateur  qui  injecterait  de 
Tair  froid  dans  tous  les  navires  suspects  de  receler  la  fièvre 
jaune.  Enfin  le  docteur  Humboldt  (de  la  Havane^,  fiVs  deV"\VL>3&Vc^ 


S78  Là  FAUNE   ET   LÀ  fLORE. 

Humboldt,  a  publié  récemment  plusieurs  faits,  qu'il  serait  bien 
intéressant  de  vérifier  !  11  a  prétendu  que  le  poison  de  la  fièvre 
jaune  pouvait  être  combattu  par  un  autre  poison,  le  venin  du 
scorpion.  Confiant  dans  son  procédé ,  il  s'est  servi  du  venin  de 
scorpion  comme  nous  nous  servons  du  vaccin  contre  la  variole. 
11  a  inoculé,  en  temps  d'épidémie,  2i78  hommes  blancs  de  la 
garnison  de  Cuba.  Or  676  seulement  ont  été  atteints  et  seize  seu- 
lement ont  snccombt^!  De  nouveaux  faits  sont  nécessaires,  mais  il 
y  a  là  une  idée  qui  me  semble  digne  de  ne  pas  tomber  dans  l'oubli. 
Le  docteur  Hard  (de  la  Floride)  a,  dans  le  même  ordre  d'idées, 
recommandé  Tacide  sulfureux  ;  il  pense  même  que  des  décharges 
d'artillerie  tirées  pendant  la  nuit,  lorsque  les  germes  sont  répandus 
dans  Tair,  les  détruiraient  en  produisant  de  l'acide sulfureux(  I?). 
Un  capitaine  de  la  marine  marchande  a  fait  une  remarque  sin- 
gulière :  le  navire  qu'il  montait  était  chargé  de  guano.  Aucun  des 
hommes  qui  maniaient  le  guano  en  le  déchargeant  ne  fut  atteint. 
11  est  bon  de  rapprocher  ces  faits  de  ce  que  nous  savons  de  l'ac- 
tion nocive  de  l'hydrogène  sulfuré  sur  les  ferments  et  deTimmu- 
nitc  dont  les  vidangeurs  paraissent  jouir  pour  certaines  épidé- 
mies. 

§  14.    DIPHTUÉRIE. 

Histoire  et  géographie.— Nous  manquons  de  documents  sur 
l'histoire  de  cette  redoutable  maladie  contagieuse.  Hippocrate  la 
connaissait  et  elle  semble  avoir  été  connue  depuis  longtemps  sous 
le  nom  de  mal  syriaque,'  ce  qui  reporterait  son  origine  vers  l'Orient  ; 
mais  il  faut  arriver  au  xvr  siècle  pour  trouver  des  descriptions, 
qui  permettent  de  la  reconnaître  nettement.  Elle  semble,  à  celte 
époque,  avoir  sévi  avec  une  grande  gravité  en  Espagne,  où  elle  por- 
tait le  nom  de  yarrotillo,  en  Italie  (malc  in  canna)  et  en  Allemagne. 
L'Europe  paraît  être  encore  actuellement  son  siège  de  prédilec- 
tion. La  diplithérle  n'a  été  portée  en  Irlande  qu'en  1 856.  El  le  serait 
encore  inconnue  aux  îles  Feroo  (Lombard).  Elle  est  fréquente  en 
Suède  et  en  Norwègc;  en  Finlande,  elle  règne  épidémiquement, 
surtout  dans  les  districts  humides.  Dans  toute  la  Russie,  elle 
est  extrêmement  grave  et  commune,  mais  pas  depuis  un 
temps  fort  long.  Dans  l'automne  1882,  elle  a  causé  à  Saint- 
Pétersbourg  plus  de  400  décès  ;  elle  est  surtout  fréquente  dans 
les  districts  de  Poltava,  à  Kiev  et  à  Tchernigow.   Le  seul  dis- 


DIPHTHÉRIE.  %79 

trict  de  Micgoud,eD  i879-80,a  eu  47000  malades  sur  123000  ha- 
bitants. Dans  un  seul  village  de  rarrondissement  de  Borzna, 
300  enfants  sont  morts  en  2  mois.  Elle  ne  règne  en  Bessarabie 
que  depuis  1872,  mais  elle  a,  depuis  cette  époque,  fait  périr  plus 
de  12000  enfants.  Elle  fait  périr  dans  toute  la  Russie  un  grand 
nombre  d^nfants.  Elle  est  1  fois  1/2  plus  redoutable  que  la  petite 
vérole  et  que  la  scarlatine,  3  fois  plus  que  la  rougeole,  4  fois  plus 
que  le  typhus  et  8  fois  plus  que  la  coqueluche. 

On  peut  dire  que,  dans  toute  une  partie  de  la  Russie,  la  diph- 
thérie  a  fait,  depuis  8  à  10  ans,  autant  de  ravages  que  la  peste  la 
plus  meurtrière  en  a  jamais  faits.  Dans  le  district  de  Novgorod, 
la  population ,  depuis  1875,  a  diminué  de  2  pour  100  par  le  fait 
de  cette  maladie  ;  le  gouvernement  de  Tchernigow  a  été  également 
très  maltraité. 

Une  ancienne  opinion,  dont  je  ne  garantis  pas  Tcxactitude, 
consiste  à  regarder  la  diphthéric  comme  relativement  rare  sur  tout 
le  pourtour  du  bassin  méditerranéen.  On  Tobservc  cependant  en 
Italie  et  elle  a  fait  en  Espagne  de  grands  ravages  ;^elle  existe  en 
Syrie,  en  Asie  Mineure  ;  la  Perse  ne  la  connaît,  parait-il,  que 
depuis  1869.  La  maladie  parait  rare  dans  Tlnde  (Mahé).  La  Chine, 
en  1865,  a  été  ravagée  par  une  épidémie  de  diphthérie,  qui  n'a 
pas  enlevé  moins  de  25000  personnes.  On  la  trouve  en  Poly- 
nésie, en  Afrique.  Elle  est  très  grave  et  très  fréquente  sur  les 
côtes  orientales  des  latitudes  moyennes  de  TAmérique  du  Nord 
(Mahé).  Elle  est  rare  au  Mexique  ;  d'après  Tschudi,  elle  serait  au 
contraire  plus  fréquente  au  Pérou,  dans  les  Andes  que  dans  la 
Costa.  D'une  façon  générale,  c'est  une  maladie  des  latitudes  éle- 
vées, surtout  des  latitudes  moyennes  et  tempérées  de  TEurope  ou 
de  l'Amérique.  Elle  a  fait  récemment  des  ravages  considérables  à 
Ludington,  dans  le  Micbigan. 

rvatnre,  contaiploii.  —  Eminemment  contagieuse,  la  diph- 
thérie est  souvent  communiquée  à  Thomme  par  les  animaux  et 
réciproquement.  Elle  sévit  parfois  sur  les  volailles  et  atteint  alors 
le  personnel  de  la  ferme.  Cela  a  été  vu  notamment  aux  environs 
de  Naples  par  Cozzolino,  par  Nicati  (de  Marseille)  et  par  d'autres 
eocore.  On  a  vu  la  diphthérie  passer  indistinctement  de  l'homme 
à  la  poule,  au  veau  et  à  la  vache,  à  Kilburn,  près  de  Londres,  où  sé- 
vissait sur  les  vaches  laitières  une  épidémie  de  gargot.  Cette  mala- 
die entre  en  efifet  de  plein  droit  dans  la  classe  chaque  jour  grossie 
des  maladies  à  ferment.  Gaucher  a  constaté  la  prèseuc^  d^  m\* 


fiSO  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

crococcus  dans  le  sang  des  diphlhcriques  et  dans  leur  urine  albu* 
mineuse  ;  il  regarde  la  néphrite  qu'on  obsenre  alors  comme  para- 
sitaire et  pense  que  l'organisme  tend  à  se  débarrasser  par 
les  reins  des  microbes  qui  Tinfectent.  M.  Talamon  a  fait  avec 
succès  des  cultures  artificielles  de  ce  microbe.  A  Tétat  de  com- 
plet développement,  ce  ferment  se  présente  sous  la  forme 
de  mycéliums  et  de  spores  caractéristiques.  Les  mycéliums  sont 
tantôt  sous  forme  [de  longs  tubes,  cloisonnés  de  distance  en  dis- 
tance, d'une  réfringence  spéciale,  en  général  très  clairs  ;  ils  ont 
depuis  2  jusqu'à  4  et  5  millièmes  de  millimètre  de  Large.  Quand 
les  conditions  de  croissance  sont  bonnes,  ils  s'allongent  extrême- 
ment, se  bifurquent  de  temps  à  autre  et  les  bouts  bifurques  sont 
par  eux-mêmes  très  caractéristiques;  ils  dessinent,  par  leurs  deux 
branches  légèrement  incurvées,  une  figure  qu'on  ne  peut  com- 
parer plus  exactement  qu'à  une  lyre  ou  à  un  diapason.  D'autres 
ibis  les  mycéliums  ne  s'allongent  pas  ainsi;  tout  en  se  multipliant 
de  manière  à  couvrir  rapidement  la  surface  du  liquide  de  culture, 
ils  restent  courls,  prenant  des  formes  bizarres,  dont  la  plus  com- 
mune peut  être  comparée  à  une  béquille  ;  il  existe  alors  une  foule 
de  bâtonnets  droits,  de  3  à  4  millièmes  de  millimètre  de  large  sur 
i^,  20,  40  millièmes  de  long. 

Les  spores  sont  de  deux  espèces  :  des  spores  rondes  ou  ovales, 
qu'on  peut  appeler  les  spores  de  (jcrminationy  des  spores  rectan- 
gulaires, qui  rcitrôscntcnt  le  dernier  terme  de  développement 
du  champignon  et  qu'on  nomme  des  conidies.  Ces  dernières  ca- 
ractérisent l'espèce  ;  elles  ont  la  forme  de  petits  rectangles,  dont 
la  grandeur  est  très  variable  ;  la  largeur  varie  depuis  i  à  2  jusqu'à 
7  et  8  millièmes  de  millimètre  et  quelquefois  plus  ;  leur  longueur 
varie  de  même  depuis  5  à  6  jusqu'à  10  et  15  millièmes  de  milli- 
mètre. Kilos  sont  tantôt  isolées,  tantôt  réunies  par  2,  3  ;  très  sou- 
vent en  chapelets  de  10,  42,  15  grains,  ou  en  chaînettes  briséeS' 
en  zigzags.  Homogènes  d'abord,  elles  se  remplissent  bientôt  de 
petits  grains  ronds,  très  brillants,  du  volume  des  micrococcus^ 
ordinaires,  qui,  pour  M.  Talamon,  sont  le  véritable  germe  du. 
champignon.  L'inoculation  de  ce  parasite  à  des  lapins,  à  des  co- 
chons dinde,  à  des  oiseaux  et  même  à  des  grenouilles,  les  a  fait* 
périr  et  a  déterminé  chez  eux  des  fausses  membranes  avec  pulla- 
lation  de  l'organi>me  microscopique  semé.  Le  sang,  le  liquide 
péritouéal  et,  chez  les  grenouilles,  le  cœur  lymphatique  contien- 
nent de  nombreux  échantillons  du  microbe.  Â  Ludington,  Wood 


OREILLONS.  181 

et  Fonnad  ont  trouvé  et  cultivé  des  micrococcus  quMls  ont  ino- 
culés avec  succès  à  des  animaux. 

La  vitalité  de  ce  parasite  semble  considérable  et  le  fait  possède, 
au  point  de  vue  de  la  transmission  de  la  maladie,  une  réelle  impor- 
tance :  Un  habitant  de  la  Russie  méridionale  perdit  en  cfiet,  il  y 
a  quatre  ans,  un  enfant  par  suite  de  diphthéric.  On  construisit 
plus  récemment  un  caveau  de  famille  et  le  cercueil  de  Tenfant 
y  fut  transporté  après  exhumation.  Avant  la  fermeture  défmitive 
du  caveau,  le  père,  voulant  s'assurer  que  Tenfant  n'avait  pas  été 
jadis  inhumé  vivant,  fit  ouvrir  la  bière  et  toute  la  famille,  com- 
prenant cinq  enfants,  assista  à  cette  triste  cérémonie.  Le  lende- 
main, les  cinq  enfants  tombèrent  malades  du  croup,  et  Tun  d'eux 
succombait  quelques  jours  après.  Les  expériences  de  Pasteur  sur 
les  germes  de  la  bactéridie  charbonneuse  et  les  connaissances 
que  nous  avons  d'ailleurs  sur  la  reviviscence  de  ces  êtres  donnent 
au  récit  de  ce  fait  une  très  grande  probabilité  d'exactitude.  Les 
écoles,  les  églises  sont  souvent,  par  le  même  motif,  des  lieux  de 
contagion  pour  les  enfants. 

§   13.   OREILLONS. 

Histoire  et  géographie. —  Les  oreillons  paraissent  bien  an- 
^srieurs,  en  Europe,  aux  fièvres  éruptives,  dont  on  les  a,  avec 
^^ison,  rapprochés.  Hippocrate  nous  a  en  effet  laissé,  d'une  épidé- 
mie qu'il  avait  observée,  une  description  non  douteuse,  car  il 
ajoute  à  la  description  des  tumeurs  au  cou  et  aux  oreilles  :  «  Chez 
l«  uns  immédiatement,  chez  les  autres  après  quelque  temps,  il 
survenait  des  phlegmasies  douloureuses  au  testicule  d'un  côté 
^ulenient,  ou  des  deux  à  la  fois.  »  A  cette  description,  il  n'est 
P*5  permis  de  méconnaître  les  oreillons  et  ce  qu'on  a  nommé 
^'^chite  métastatique. 

Hirsch,de  1714  à  1859,  a  fait  une  liste  de  120  épidémies  d'oreil- 
wns  en  Europe  et  en  Amérique;  on  les  connaît  en  Afrique,  en 
Arabie,  en  Syrie,  dans  Tlnde;  ils  y  portent  même  le  nom  de  Pon- 
^^^uvinguy,  ce  qui  veut  dire  :  désir  ardent  de  l'or.  Celte  déno- 
mination étiologique  pourrait  faire  penser  à  une  épigramme,  qui 
baisserait  croire  que  les  oreillons  ont  été  apportés  dans  l'Inde  par 
1^  Portugais,  chez  qui,  comme  chez  tous  les  Européens,  les  Hindous 
^^^  pu  constater  de  bonne  heure  le  désir  ardent  de  l'or .  CaVVfc 


S8i  LA   FAUNE   ET   LA  FLORE. 

maladie  parait,  en  somme,  ubiquitaire.  Elle  sévit  surtout  sur  les 
enfants,  sur  les  agglomérations  d^hommes  jeunes,  dans  les  caser- 
nes, abord  des  navires.  En  1750,  à  Lima,  et  en  noi,  à  Edim- 
bourg, tous  les  soldats  de  la  garnison  furent  atteints.  11  en  fut  de 
même  à  Lyon  en  1779,  à  Paris  en  4847  et  dans  une  ioule  d'autres 
circonstances. 

r%^atare.  —  Les  allures  de  cette  maladie,  son  caractère  épidé- 
mique  et  contagieux,  Timmunité  qu'elle  semble  conférer,  pour 
elle-même,  à  ceux  qu^elle  a  déjà  frappés  une  première  fois,  tout 
autorisait  à  ranger,  à  prtori,  les  oreillons  parmi  les  maladies  à 
microbe.  Ce  qui  était  probabilité  est  devenu  certitude  depuis  les 
recherches  de  Capitan  et  de  Charrin.  Us  ont  en  effet  trouvé,  dans  le 
sang  des  malades  atteints  d'oreillons,  des  microbes,  toujours  iden- 
tiques comme  forme  (petits  bâtonnets  et  micrococcus).  Ces  mi- 
crobes se  sont  multipliés,  toujours  semblables  àeux-mèmes,  dans 
des  cultures  artificielles  faites  dans  du  bouillon  Liebig.  Les  mêmes 
microbes  ont  été  trouvés  dans  la  salive  et  dans  rurine,  ce  qui  ajou- 
terait aux  néphrites  infectieuses  du  professeur  Bouchard  une 
nouvelle  espèce,  la  néphrite  d'oreillons. 

Les  inoculations  faites  jusqu'à  ce  jour  n'ont  pas,  que  je  sache, 
réussi. 

§   16.    COQUELUCHE. 

Bien  que  le  microbe,  qui  caractérisera  quelque  jour  cette  ma- 
ladie épidémique  et  contagieuse,  n'ait  pas  encore  été  découvert, 
c'est  parmi  les  fermentations  et  à  côté  des  oreillons  qu'il  conyient, 
je  crois,  de  la  placer. 

Géographie.  —  Nous  ne  savons  rien  de  son  histoire.  On  pense 
qu'elle  est  rare  dans  les  régions  très  froides  du  Nord  (l^ahé)  ;  elle 
n'aurait  régné  que  trois  fois  en  Irlande  et  aux  îles  Feroë  (Hirsch). 
Elle  semble  avoir  son  maximum  de  fréquence  ainsi  que  de  gravité  au 
centre  et  au  nord  de  l'Europe^en  Ecosse,  en  Irlande.  Elle  est  fré- 
quente dans  l'Asie  Mineure,  rare  en  Chine.  On  l'a  observée  en 
Australie,  en  Polynésie  ;  elle  est  fréquente  et  grave  à  Madagascar  ; 
elle  a,  dit-on,  été  apportée,  pour  la  première  fois,  au  Labrador 
en  1875.  Elle  existe  dans  toute  l'Amérique  du  Sud;  en  somme, 
elle  est  à  peu  près  ubiquitaire. 


TÉTANOS.  t8$ 

§  17.    ÉRYSIPÈLE. 

Géoi^aphle  et  natare.  —  Uérysipèle,  dont  je  parle  ici,  n'est 
pasledermlte  par  insolation,  cen*est  pas  non  plus  la  lymphangite 
parasitaire  des  pays  chauds  dont  je  parlerai  plus  loin,  au  sujet  de 
la  filariose;  il  n'est  question  ici  que  de  Térysipèle  infectieux, 
nosocomialy  éminemment  contagieux. 

Il  est  complètement  ubiquitaire  ;  il  passe  cependant  pour  être 
rare  en  Irlande  et  dans  les  lies  Feroë  ;  il  est  fréquent  et  meurtrier 
ea  Angleterre,  beaucoup  -moins  en  Irlande;  il  passe  pour  très 
rare  en  Birmanie  ;  il  est  très  répandu  dans  le  nord  de  T  Amérique. 
Malgré  toutes  les  probabilités  qui  militent  en  faveur  de  son 
existence,  on  n'a  pas  encore  isolé  d'une  manière  certaine  le  mi- 
crobe  de  Térysipèle.  On  regarde  cependant  comme  tel,  en  Alle- 
magne, une  granulation  sphérique  (micrococcus,  monade,  bactc" 
rium  punctum),  dont  le  caractère,  d'après  Dupeyrat,  serait  l'im- 
mobilité. Orth  a  réussi  à  élever  ce  bactérium  dans  des  liquides  de 
cultures,  mais  ses  expériences  d'inoculation  ne  sont  pas  pleine- 
ment démonstratives,  et  Pillmans,  sur  17  inoculations^  n'a  réussi 
que  3  fois. 

§   18.    SEPTICÉMIE. 

Cette  maladie,  qui  devient  de  plus  en  plus  rare  dans  nos  hôpi- 
^tix,  depuis  que  les  travaux  de  Pasteur,  de  Tyndall  et  de  Lister 
^ni  transformé  la  chirurgie,  est  également  ubiquitaire  ;  elle  sévit 
surtout  dans  les  grands  centres  civilisés  de  l'Europe  et  de  l'Amé- 
''que;  elle  est  rare  dans  l'extrême  Orient  ainsi  que  dans  une 
grande  partie  de  l'Afrique,  de  l'Asie  et  de  l'Océanie  (Mahé) 
Pasteur  a  montré  que  la  septicémie  est  produite  par  le  vibrion  sep- 
tique  et  la  pyohémie  par  le  vibrion  pyogénique. 

§  19.   TÉTANOS. 

Katnre  et  ipéoipraphle.  —  Il  me  semble  absolument  légitime, 
à  l'exemple  de  Roser,  de  classer  le  tétanos  parmi  les  maladies  que 
nous  nommions  infectieuses ,  il  y  a  quelques  années,  et  que  nous 
nommons  à  microbes  aujourd'hui.  Il  semble  difficile  de  ne  pas  se 
résoudre  à  lui  donner  cette  place,  quand  on  son^^  qu'vV  esX  ^vvh^uV. 


/ 

184  LA  FâUNB   et   Là   FLORB. 

épidcmique,  contagieux  et  que  sa  distribution  dans  lemonde  semble 
liée  à  la  distribution  d'un  parasite  inconnu  qui  lui  donnerait  nais- 
sance... Ces  lignes  étaient  écrites  lorsque  j*ai  eu  la  satisfaction  de 
trouver  un  appui  en  faveur  de  mon  opinion  dans  une  communica- 
tion faite  à  la  Société  de  chirurgie  (22  février  i  882),  par  Th .  Anger  ; 
Vhabile  chirurgien ,  signalant  une  petite  épidémie  de  tétanos  qu'il  a 
eu  Toccasion  d'observer  à  rhôpitalCochin  Tannée  dernière  et  dans 
laquelle  il  a  perdu  coup  sur  coup  quatre  malades  de  cette  affec- 
tion, se  demande  s'il  n'y  a  pas  autre  chose  qu*une  coïncidence, 
d'autant  plus  qu'étant  prosecteur  à  Clamart,  il  a  vu  mourir  de 
tétanos  une  chienne  ayec  ses  six  petits  chiens,  qui  habitaient 
dans  une  écurie  où  deux  .chevaux  étaient  aussi  morts  de  tétanos. 
De  son  côté,  Nocard  penche  également  vers  la  doctrine  micro- 
bienne du  tétanos  ;  mais  ses  recherches  dans  ce  sens  et  ses  inocu- 
lations sont  demeurées  jusqu'ici  sans  résultat.  Arloing  a  lui- 
mi^me  injecté  sans  aucun  résultat  à  un  cheval  sain  le  sang 
d'un  cheval  atteint  de  tétanos.  Mais  ces  faits  négatifs  n'auto- 
risent pas  encore  à  renoncer  à  cette  hypothèse. 

En  Europe,  le  tétanos  n'est  pas  très  fréquent  ;  cependant,  pen- 
dant la  guerre  de  4870,  j'ai  vu  mourir  plusieurs  blessés  dans  la 
même  baraque,  comme  cela  s'était  largement  montré  déjà,  en 
Italie,  sur  nos  blessés,  en  1859. 

Convient-il,  à  Texemple  d'un  grand  nombre  d'auteurs,  de  séparer 
d'une  manière  absolue  le  tétanos  dit  traumatiquc  du  tétanos  dit 
spontanf*  ?  Je  serais  porté  à  croire  que  tous  les  deux  sont  de  même 
nature  :  tous  deux  sont  des  tétanos  inoculés;  seulement,  dans  le 
tétanos  dit  spontané,  la  porte  d'inoculation,  la  porte  d'entrée 
est  trop  petite  et  méconnue! 

Le  tétanos  dit  spontané,  comme  l'autre,  est  plus  fréquent,  à 
latitude  égale,  en  Amérique  qu'en  Europe.  11  est  fréquent  surtout 
à  Long-lsland,  près  de  New-York,  dans  la  Caroline  du  Sud  et  dans 
le  golfe  du  Mexique.  Il  est  extrêmement  fréquent  dans  l'Amérique 
équatoriale,  en  Colombie,  à  la  Guyane,  aux  Antilles.  Quelques 
points  de  ces  pays  sont  cependant  épargnés,  sans  qu'on  puisse 
savoir  pourquoi  (Mahé).  Il  apparaît  très  fréquemment  au  Brésil, 
À  la  Plata,  à  Montevideo,  à  Buenos-Ayres. 

L'Afrique  tropicale  est,  après  l'Amérique,  le  foyer  le  plus  con- 
sidérable de  tétanos.  On  le  voit  en  Egypte,  en  Syrie  ;  dans  cer- 
tains districts  de  l'Inde,  sa  fréquence  est  extrême  :  à  Bombay,  en 
particulier,  il  figure  pour  le  quart  des  décès  à  l'hôpital  de  lam- 


EMPOISONNEMENT   PUERPÉRAL.  285 

setjee  (Morhead);  il  est  fréquent  à  Pondichéry;  il  est  rare  en 
Malaisie  et  dans  rindo-Chine  (Mahé). 

Le  trismus  des  noni^eau-néSy  qu'il  faut  rapprocher  du  tétanos, 
sans  confondre  ensemble  ces  deux  maladies,  présente  une  distri* 
bution  géographique  à  peu  près  superposable  à  la  sienne,  pas 
complètement  cependant.  Ainsi,  il  est  fréquent  dans  la  Guyane  et 
dans  TAmérique  centrale,  mais  on  l'observe  surtout  arec  une  re- 
marquable intensité  dans  les  îles  du  Nord  :  Hébrides,  Saint-Kilda, 
Islande  ;  sur  Tilot  de  Westmannoc  il  enlève  parfois  64  O/o  des 
enfants.  En  revanche,  il  est  inconnu  aux  îles  Feroê. 

§   20.    POURRITURE   d'hôpital.  —   PHAGÉDÉNISME 

DES   PAYS   CHAUDS. 

11  me  semble  logique  de  rapprocher  de  la  pourriture  d'hôpital 
une  bonne  partie  de  ce  qu'on  décrit  sous  le  nom  àe  phigédénisme 
des  pays  chauds,  le  reste  étant  du  domaine  de  la  syphilis,  ainsi 
que  nous  le  verrons  plus  loin. 

U  pourriture,  bien  connue  des  anciens,  d'Ambroise  Paré  et  des 
^ieux  chirurgiens,  est  heureusement  à  peu  près  inconnue,  de- 
puis que  la  propreté  est  devenue  la  première  vertu  du  chirurgien  ; 
nous  l'avons  vue  cependant  encore,  pendant  la  guerre,  sur  des 
blessés  abandonnés  pendant  deux  à  trois  jours  après  le  combat 
dans  des  villages  déserts.  Elle  a  été  observée  à  peu  près  partout. 

Dans  les  pays  chauds,  elle  semble,  je  le  répète,  compliquer  les 
ulcères  sordides,  où  le  pus  subit  tant  de  fermentations  variées  et 
^lle  amène  le  phagédénisme. 

§  21.    EMPOISONNEMENT   PUERPÉRAL. 

Géographie.  —  Cette  plaie  de  nos  maternités  a  été  connue, 
sans  doute,  de  tout  temps,  dans  les  agglomérations  ;  elle  semble 
donc,  en  quelque  sorte,  proportionnelle  à  la  civilisation.  Son  maxi- 
mum correspond  en  effet  à  l'Europe,  surtout  à  l'Europe  centrale  et 
septentrionale.  C'est  là  que  sont  les  grandes  villes,  Paris,  Lyon, 
Dublin,  Londres,  Copenhague,  Prague,  Berlin,  Wurtzbourg: 
voilà  en  effet  les  villes  où  la  statistique  dressée  par  Hirsch 
donne  le  plus  grand  nombre  d'épidémies  ;  on  le  voit  cependant 
aussi  au  Groenland,  où  les  conditions  sont  tout  opposées.  On  le 


SS6  LA  FAUNB   BT  LA  PLOIE. 

voit  en  Syrie,  en  Palestine,  en  Asie  Mineure,  en  Perse»  dans 
riDde,en  Australie,  dans  les  deox  Amériqoes.  11  est  Traisemblable 
qu'on  le  toit  partout. 

5iatare.  —  Pasteur  a  trouvé,  dans  les  lochies  et  dans  le  sang 
des  femmes  qui  sont  atteintes  de  ce  qu'on  appelait  encore  hier  la 
fifhre  puerpéral€y  un  organisme  qui  se  présente  sous  forme  de 
chapelets  de  grains  sphériques.  Ces  organismes  recueillis  dans 
les  lochies  ou  dans  le  sang  du  doigt  de  la  malade  ont  pu  être 
ensemencés  et  cultivés  dans  des  bouillons  divers  et  Doleriz  a  pu, 
par  la  présence  de  ces  microbes  dans  les  lochies  ou  dans  le  sang, 
prévoir  les  accidents,  que  rien  ne  faisait  cliniquement  pressentir  et 
qui  allaient  éclater  chez  des  femmes  nouvellement  accouchées. 

§  !22.   RAGE. 

lîatare.  —  Je  voudrais  pouvoir  dessiner  ici  le  microbe  encore 
invisible  de  cette  redoutable  maladie  ;  la  chose  n^est  pas  encore 
iwssible  ;  mais  il  existe,  nous  pouvons  le  présager  ! 

Le  microbe  en  forme  de  8  que  Pasteur  avait  trouvé  dans  la 
salive  d'un  cnfunt  enragé  et  qui,  inoculé  à  des  cobayes,  les  avait 
tués,  s'est  retrouvé  dans  la  salive  d'un  homme  bien  portant.  La 
nouvelle  maladie  découverte  par  Pasteur  n'est  donc  pas  la  rage  ; 
il  est  néanmoins  curieux  de  se  souvenir  que  Wright,  injectant  à 
des  animaux  une  grande  quantité  de  salive,  a  produit  des  sym- 
ptômes ressemblant  à  la  rage.  Mais  ce  n'est  pas  à  dire  que  des 
expériences  ultérieures  no  seront  pas  plus  heureuses:  le  docteur 
Lussana  vit  un  jour  arriver  à  son  hôpital  un  malheureux  confrère 
(|ui,  trois  mois  avant,  avait  été  mordu  par  un  chien  enragé,  le 
docteur  Agostino  Marin,  médecin  aux  environs  de  Padoue;  con- 
naissant le  sort  inéluctable  auquel  il  était  rés«;rvé,  il  attendit  avec 
résignation  l'apparition  des  premiers  symptômes  et  c^est  avec  une 
héroïque  fermeté  qu'il  vint  demander  de  mourir  à  l'hôpital,  loin 
des  siens,  «  pour  ne  pas  les  attrister  par  le  spectacle  épouvantable 
d'une  mort  par  la  rage  ».   Cinq  grammes  de  sang  extraits  du 
malade  au  moyen  de  sangsues  furent  délayés  dans  20  grammes 
d'eau  distillée;  5  autres  grammes  de  sang  recueillis    dans  des 
ventouses  appliquées  sur  les  morsures  des  sangsues  servirent  à 
faire  une  solution  semblable.  Les  deux  solutions  furent  injectées 
dans  la  veine  fémorale  de  deux  chiens,  qui  tous  deux  moururent 
enragés. 


HORVE.  187 

De  son  côté,  Pasteur,  conduit  par  une  observation  judicieuse  de 
Duboué  (de  Pau)  sur  le  siège  du  pouvoir  virulent  dans  les  cen- 
tres nerveux,  car  la  lésion  du  quatrième  ventricule  usi  constante 
dans  la  rage,  porta  directement,  au  moyen  de  la  trépanation, 
le  bulbe  d'un  chien  enragé  dans  le  cerveau  d'un  chien,  qui  mou- 
rut enragé. 

Enfin  Gallier  (de  Lyon)  a  pu  injecter  dans  le  santj  de  plusieurs 
moutons  la  salive  d'un  chien  enragé;  cette  injeefion,  au  lieu  de 
donner  la  rage,  comme  Teût  fait  une  inoculation  sous-cutanée,  a 
eu  pour  effet  de  rendre  ces  animaux  réfractaires  à  la  rage  et  in- 
capables de  devenir  désormais  enragés,  à  la  suite  d'une  inocu- 
lation rabique  :  le  vaccin  de  la  rage  serait-il  donc  trouvé?  La 
science  est  peut- être  sur  la  voie! 

Géographie.  —  La  rage  est  d'ailleurs  commune  à  peu  près 
dans  tous  les  pays;  elle  est  cependant  beaucoup  plus  rare  ea 
Orient,  en  Turquie,  en  Syrie,  où  cependant  les  chiens  abondent 
et  ne  sont  Tobjet  d'aucune  ordonnance  de  police.  Elle  est  extré- 
inement  fréquente  dans  Tlnde:  105  cas  mortels  d'hydrophobie, 
chez  l'homme,  ont  été  constatés  à  Bombay  pendant  une  seule 
^née.  On  peut  dire,  néanmoins,  qu'elle  a  son  minimum  de 
fréquence  dans  les  pays  froids  ainsi  que  dans  les  pays  équato- 
n^ux  et  son  maximum  dans  les  régions  tempérées. 

Dans  tous  ces  pays,  elle  est  transmise  par  le  chien,  le  loup  (les 
inorsures  du  loupenragé  donnent  larageàThomme  66  O/o,  celles 
<*u  chien  enragé  33  O/o),  le  renard,  le  chat,  le  bœuf,  le  mouton, 
1*  chèvre,  le  porc,  le  cheval.  On  a  pu  la  transmettre  expérimen- 
t^ement  au  lapin.  Chez  chacun  de  ces  animaux  la  durée  de  Tin- 
cubaiion  varie;  elle  est  chez  le  chien  de  3,  6,  7,  \0  semaines; 
chez  le  cheval,  de  V6  jours  à  2  mois  ;  chez  le  bœuf,  de  9  jours  à 
^  an  (?},  chez  le  mouton  et  la  chèvre,  de2  à  4  semaines  ;  chez  le 
porc,  de  9  jours  à  plusieurs  mois. 

§  23.    MORVE. 

■istoire.  —  L'antiquité  ne  nous  a  rien  laissé  qui  permette 
d'affirmer  qu'elle  connaissait  la  morve  ;  on  ne  trouve  la  première 
indication  de  cette  maladie  qu'au  iv«  siècle  chez  un  hippiâtre 
grec,  qui  était  vétérinaire  des  écuries  de  Constantin  le  Grand, 
Absyrlhe.  Végèce,  qui  vivait  également  à  la  fin  du  iv«  siècle,  nous 
a  laissé  la  description  du  malleus  humidus,  qui  semble  être  la 


fi88  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

monre.  11  ne  doute  pas  que  le  malleus  humidus  ne  soit  contagten^f 
11  Tant  arriver  ensuite  jusqu'au  xvii*  siècle,  pour  rencontrer  ôfi 
nouveau  une  description  de  la  morte:  en  4582,  un  écuverd^ 
Louis  XIV,  Solleysel,  dans  un  manuel  du  Parfait  Maresrhal^  noC 
seulement  nous  parle  de  la  morve  et  de  son  c  cousin  germain  w 
le  farcin,  mais  1  empirique  artiste  formule  la  théorie  de  la  fer* 
mentaiion  appliquée  aux  maladies  infectieuses  et  virulentes.  11 
semble  se  faire  de  leur  processus  une  idée  très  voisine  de  celle 
que  j'ai  exposée  plus  haut  d'après  les  travaux  contemporains. 
«  Pour  expliquer  en  deux  mots,  dit-il,  ^  que  c'est  que  ce  virus, 
«  est  aura  venenata  ;  ce  sont  des  esprits  corrompus  qui    pénè- 

«  trent  les  parties  du  corps  d'un  cheval Cet  esprit  sert  de 

«  levain,  qui  cause  la  corruption  du  sang,  i» 

Chez  l'homme,  la  morve  ne  fut  reconnue  que  beaucoup  plus 
tard  :  ce  n'est  qu'en  i821  que  Schilling,  chirurgien  militaire  à 
Berlin,  la  vit,  la  décrivit,  mais  sans  la  nommer.  Kn  1822,  Tarozzi, 
sans  reconnaître  non  plus  cette  maladie,  assista,  à  Ostiano,  à  une 
épidémie  de  morve,  qui  Ot  périr  40  personnes  sur  11  qui  pas* 
saient  leurs  veillées,  comme  on  le  faisait  autrefois,  dans  une  éta- 
ble  où  étaient  enfermés  3  vaches  et  2  chevaux  morveux.  Malgré 
ces  faits  et  quelques  autres  qui  suivirent,  c'est  à  Rayer  que  re- 
vient l'honneur  d'avoir  le  premier  reconnu  et  nommé  la  morve 
chez  le  malheureux  Prost  (4837),  charretier  devenu  célèbre.  Le 
docteur  Ramon,  de  Charenton,  se  souvint  alors  d'avoir  observé, 
chez  les  palefreniers  d'Alfort,  des  fièvres  putrides ^  qui  n'étaient 
que  de  la  morve. 

Géoi^raphie.  —  La  morve  semble  répandue  dans  le  monde 
entier.  Elle  n'a  jamais  cependant  été  observée  en  Nouvelle-Calé- 
donie. Elle  passe  pour  fréquente  surtout  en  Irlande.  Elle  est 
aussi  très  fréquente  en  Allemagne.  En  1875,  en  Prusse,  on  a 
dû  abattre  4  715  chevaux  morveux.  Les  indemnités  payées  par 
les  associations  provinciales  et  communales  se  sont  élevées  à 
297  557  marks.  L'Etat  est  intervenu  pour  31 862  marks. 

Nature.  Contagion.  —  Il  n'en  est  pas  de  l'agent  contagieux 
de  la  morve  comme  de  celui  de  la  diphthérie  :  le  pouvoir  viru- 
lent semble  détruit  par  la  dessiccation,  d'après  les  expériences 
de  Renault,  au  kout  de  deux  mois.— Galtier  (de  Lyon)  a  montré 
le  pouvoir  inoculant  de  la  salive  de  cheval  morveux  ;  là  se  trouve 
Texplication  de  la  propagation  de  la  morve  par  l'intermédiaire 
des  abreuvoirs  communs.  —  Ce  pouvoir  contagieux  de  la  salive  a 


PÉRIPNEUICONIE    É?1DÉ1CIQUE.  t89 

même  porté  Galtier  à  demander  à  Tautorité  compétente  la  sup- 
pression de  TabreuToir  commun  dans  les  quartiers  de  cavalerie. 
Comme  on  le  voit,  c'est  la  campagne  contre  la  gamelle  entre- 
prise par  les  vétérinaires  de  Tarmée,  comme  elle  Ta  été  avec 
succès  par  les  médecins.  L^injection  hypodermique  de  la  salive 
transmet  également  la  maladie. 

Quant  au  microbe,  qui  jouerait  le  rôle  actif  dans  la  contagion, 
Christot  etRiener  ont  signalé  dans  le  sang,  en  même  temps  qu'une 
augmentation  considérable  de  globules  blancs,  constatée  également 
par  Trasbot  sur  le  cheval,  la  présence  d'un  grand  nombre  de  bacté- 
ries. ^  Hallier  a  trouvé  sur  la  muqueuse  des  sinus  frontaux  des  mi- 
(Tororrux, qu'il  a  retrouvés  dans  le  sang;  selon  lui,  ils  altéreraient 
les  globules.  11  a  cultivé  les  spores  et  obtenu  un  champignon  spé- 
cial, auquel  il  a  donné  le  nom  de  malleomyces.  Chose  assez  cu- 
rieuse !  il  a  rapproché  les  formes  aifisi  obtenues  de  celles  du 
champignon  de  la  syphilis  et  il  n'a  pu  reconnaître  de  différence 
entre  ces  dem  variétés.  Il  est  digne  de  remarque  que  la  clinique 
et  Tanatomie  pathologiques  ont  fait  déjà  plus  d'un  rapprochement 
entre  la  maladie  morvo-farcineuse  et  la  syphilis.  Bouchard,  Capi- 
tan  et  Charrin  ont  depuis  isolé  ce  microbe.  Tout  cultivé  et  inoculé 
à  des  ânes  ainsi  qu'à  des  cobayes. 

§   Si.    PÉRIP.NEUMONIE   ÉPIDÉMIQUE. 

Hintolre  ei  n^éographle.  —  Cette  maladie  générale^  à  lo- 
calisation sur  le  poumon,  grave,  contagieuse,  inoculable  et  propre 
aux  bêles  bovines^  semble  avoir  son  point  de  départ  en  Asie  :  elle 
apparut  pour  la  première  fois  en  Europe,  venant  de  Russie,  à 
la  fin  du  XVII*  siècle  ;  elle  sévit  depuis  lors,  généralement  avec  vio- 
lence, en  Bohème,  en  Moravie,  en  Autriche.  Ainsi  en  Prusse,  en 
4879,  on  a  abattu  1738  tètes  de  bétail.  Les  associations  provin- 
ciales ont  payé,  comme  indemnité,  357256  marks;  l'Etat  est  in- 
tervenu pour  2651  marks.  —  La  maladie  semble  n'avoir  pénétré 
en  Hollande  qu'en  1833,  mais  elle  y  a  fait  depuis  des  ravages  con- 
sidérables ;  elle  a  été  portée  en  Irlande,  en  1839  et  1841,  par  un 
taureau  allemand.  En  1843,  elle  apparut  en  Ecosse.  Elle  causa  à 
la  même  époque  des  ravages  considérables  en  Angleterre,  dans 
les  fermes  laitières  qui  avoisinent  les  grands  centres,  Londres, 
Manchester,  Birmingham,  Liverpool.  —  En  somme  le  Royaume- 
Uni  a  perdu  depuis  25  ans,  environ  54  millions  par  «lu  à^  \àV 

GÉOOR.  uiD,  i% 


S90  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

de  la  péripneuinonie.  Cette  redoutable  maladie  a  été  portée  efi 
Australie,  en  1858,  par  une  vache  anglaise  de  Tespèce  courtes* 
cornes.  La  Hollande  l*a  donnée  à  la  Suède  vers  1848. 

Aux  Etats-Unis,  elle  a  été  directement  importée  d'Europe, 
Yers  i8i3,  par  une  vache  allemande  et  communiquée  à  une 
étable  dans  Brooklyn,  à  New-York.  Depuis  cette  époqâe,  elle  a 
sévi  plus  ou  moins  dans  King's  County  (Long-Island).  En  1847, 
la  maladie  fit  son  apparition  dans  le  Delaware,  importée  d'Angle- 
terre par  Thomas  Richardson.  Tout  son  stock,  estimé  iOOOO  livres, 
fut  abattu  pour  prévenir  Textension  du  mal.  En  18oi,  le  Delaware 
fut  de  nouveau  envahi  et,  dans  les  trois  années  qui  précèdent 
i870,  les  ravages  de  la  péri  pneumonie  ont  été  considérables  dans 
les  districts  de  Colombie  ainsi  que  dans  les  régions  voisines  du  Ma- 
ryland  etde  la  Virginie.  En  \  859,  la  maladie  fut  importée  à  Belmont 
(Massachussets).  Elle  ravagea  le  Massachussets;  la  Pensylvanie, 
l'Etat  de  New-York.  Il  est  important  de  faire  observer  que,  dans 
tous  les  documents  dont  il  vient  d'être  question,  aucune  men- 
tion n*est  faite  de  Texistence  de  la  péripneumonie  dans  les  États 
situés  à  l'ouest  des  Alleghanys.  On  peut  néanmoins  dire,  avec 
Bouley,  que  c'est  la  maladie  qui,  par  la  continuité  avec  laquelle 
elle  règne,  cause  à  Tagriculturc  les  dégâts  les  plus  considé- 
rables. 

Concafflon,  nature. —  Cette  maladie,  contagieuse  de  rang  en 
rang  ùansTétable,  semble,  dans  certains  cas,  pouvoir  se  commu- 
niquer à  Phomme.  AuziasTurenne  cite  un  fait,  où  des  boutons 
étant  apparus  sur  le  pis  d'une  vache  atteinte  de  |)éripneumoDie, 
une  femme  qui  la  trayait  en  eut  autant  sur  les  mains.  Les 
boucs  semblent  prendre  la  maladie  des  bêtes  bovines  par  conta- 
gion de  voisinage  (Auzias-Turenne).  Le  docteur  Wynter  Bly^th  a 
pu  réunir,  en  outre,  certains  faits  qui  laisseraient  penser  qu'en 
dehors  et  à  côté  de  la  pneumonie  franche  à  frigore,  il  existe  chez 
rhomme  certaines  pneumonies  cpidémiques  et  contagieuses,  qui» 
d'après  Parkes,  auraient  plus  d'un  rapport  avec  la  pneumonie 
contagieuse  des  bètes  à  cornes. 

Cette  maladie  appartient,  on  le  devine,  à  la  classe  nombreuse 
des  nialudicsquej'aicomparéesàune  fermentation.  Du  reste  Weîss 
et  Zurn  ont  trouvé  dans  les  liquides  du  poumon  des  micrococcus 
(mucoi'  muredo)  analogues  à  ceux  que  Hallier  a  trouvés  dans  la 
rougeoie  ;  de  leur  côté,  Bruylants  et  Yerriest  (de  Bruxelles]  ont  ren- . 
contre  dans  le  liquide  de  la  plèvre  des  granulations  très  tenues, 


FIÈVRE   APHTHEUSB,    COCOTE.  291 

qu'ils  regardent  comme  le  Termcnt  particulier  de  lapnemonie. 
Ils  ont  pu  cultiver  ces  organismes  dans  des  solutions  appropriées 
jusqu'à  la  6«  génération  et  les  essais  d'inoculation  avec  ce  microbe 
de  culture  ont  donné  lien  à  des  phénomènes  locaux,  analogues  à 
ceux  qui  se  produisent  à  la  suite  de  Finoculation  du  virus  puisé 
directement  dans  les  organes  malades.  Le  docteur  Wiiicms^  à 
rinstigation  duquel  ces  recherches  ont  été  faites^  rapporte  même 
que  toutes  les  bêles,  au  nombre  de  plus  de  cent,  qui  ont  été  ino- 
culées à  Hasselt,  avec  du  liquide  <io  culture^  ont  présenté,  pour  la 
plupart,  des  phénomènes  moins  graves  que  ceux  qui  se  produisent 
après  Tinoculation  du  liquide  naturel. 

§  25.   nÈVRE   APHTUEUSE,    COCOTE. 

tiéoi^raphle.  —  Cette  fièvre  éruptive,  dont  nous  ignorons 
rhistoire,  s'étend  aujourd'hui  d'une  manière  épidémique  dans  un 
grand  nombre  de  pays.  Elle  semble  sévir  surtout  sur  le  continent 
européen,  notamment  en  France,  dans  la  Nièvre,  en  Allemagne, 
en  Hollande,  en  Angleterre,  notamment  dans  le  pays  de  Galles 
et  dans  le  comté  de  Durham  ;  elle  semble  inconnue  encore  co 
Ecosse  ;  elle  règne  également  aux  Etats-Unis.  Le  docteur  Hulin 
a  rendu  compte  d*une  épidémie  considérable  en  France;  Eggeling 
et  El  len  berger  en  ont  vu  récemment  une  autre  à  Berlin. 

Aptitude. —  Elle  atteint  lebœuF,  le  mouton,  le  porc^  le  cheval, 

les  oiseaux  et  l'homme.  Chez  tous  elle  se  caractérise  par  de  la  fièvre 

et  par  une  éruption    vésiculo>nplitheuse  dans  la  bouche,  entre 

les  doigts,  à  l'origine  de  la  corne,  uu  pis  chez  la  vache,  à  la 

membrane  interdigitale  chez  les  oies,  à  la  crèle  chez  les  poules. 

Elle  n'est  grave  que  chez  les  jeunes  veaux  et  chez  lesjennesenfants, 

mais  aux  animaux  adultes  elle  fait  perdre  poids,  travail,  lait; 

elle  cause  donc  ainsi  des  ravages  financiers  considérables  qui, 

répétés,  finissent  par  équivaloir  à  ceux  de  la  peste,  lesquels, 

au  moins,  sont  intermittents.  Ainsi  Bouley  fait  le  calcul  suivant, 

qui  me  semble  absolument  démonstratif:  en  Angleterre,  en  1871, 

la  cùcote  a  frappé  691565  animaux,  dont  2051  ont  été  abattus; 

5853  sont  morts;  683084  ont  guéri.  Elle  a  fait  7  001  morts,  qui, 

à  250  francs  pièce,  représentent  une  perte  de  1  076000  francs. 

Ce  ii*est  pas  tout.  Un  animal  guéri  perd,  en  moyenne,  50  francs 

de  sa  valeur;  cela  fait  donc  31654200  francs  à  ajouter  aux 

4  976000  précédente.  Total  :  33  630  200  francs. 


S99  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

Les  filles  de  ferme,  les  palefreniers,  les  enfants  qui  Uoitent  le 
lait  de  ranimai  malade  et  les  adultes,  lorsqu*ils  ne  le  font  pas 
bouillir,  ont  souvent  présenté  la  maladie. 

KaCarc.  —  Le  microbe  n*est  pas  encore  connu,  mais  il  est 
permis  de  prévoir  son  existence. 

t;   26.   CUARBON  BACTÉRIOIEN,   FIÈVRE   CUARBONNEUSE. 

CàéocraphJe.  — J'ai  parlé  déjà  du  charbon  dans  les  généralités 
sur  les  fermentations  morbides.  Je  ne  puis  que  renvoyer  à  ce  cha- 
pitre. Cette  redoutable  maladie,  commune  sur  le  bétail  en  France, 
dans  le  pays  chartrain,  dans  toute  FEurope,  notamment  dans  la 
Uussie  méridionale,  dans  l'Amérique  du  Sud,  où  se  trouvent 
d'immenses  troupeaux  de  bœufs  à  moitié  libres,  était  connue  de 
r.else.  Elle  est  transmissible  à  l'homme. 

IVaCare.  —  Elle  est  due  à  la  présence,  dans  le  sang,  de  la  bac- 
t  /'«r//V  de  Da vaine,  dont  les  spores  conservent  dans  le  sol  le  pou- 
voir virulent  à  l'état  latent  et  sont  d'ailleurs  ramenés  à  la  surface 
])ar  les  vers  de  terre  (Pasteur),  sur  le  rôle  général  desquels,  .dans 
la  morpliolugic  superficielle  du  globe,  Darwin  a  récemment  attiré 
l'attention.  On  peut  dans  des  cultures  artificielles  élever  la  bacté- 
I  idic  et  la  semer  ensuite  dans  le  sang  de  lapin,  dans  celui  du  rat. 

S  27.  CUAHBON  SYMPTOMATIQUE  OU  BACTÉRIEN. 

r.elte  autre  forme  de  charbon  |K)ssède  vraisemblablement  une 
aire  d'extension  encore  plus  considérable  que  la  précédente.  Elle 
est  pi-esque  aussi  grave,  car,  dans  le  Bassigny,  Thomas  a  vu,  dans 
une  seule  saison,  périr  de  cette  maladie  70  animaux  sur  400. 

IVatare.  —  Cette  deuxième  variété  de  charbon,  reconnue  par 
(^liabert,  fut  appelée  par  lui  charbon  symptomntique,  parce  qu^elle 
est  caractérisée  par  un  symptôme  objectif  :  l'éruption  de  tumeurs, 
que  s'inspirantde  la  doctrine  hippocratique,  il  considérait  comme 
des  tumeurs  critiques,  c'est-à-dire  comme  Texpression  d'un  effort* 
de  la  nature  pour  se  débarrasser  de  l'humeur  morbide  dont  l'or- 
ganisme était  accablé.  Le  caractère  particulier  de  ces  tumeurs 
propres  au  charbon  symptomatique  est,  dit  Bouley,  d*ètre  très 
rapidement  grandissantes  et  de  devenir  emphysémateuses, 
sans  altération  putride  des  tissus,  qui  en  sont  le  siège,  pbéno- 


PIËVRË    PEUPHIGÛIOË.  101 

mine  siagulier  et  qui  élaJl  raicément  incx|j|iiiué,  taat  que  l.t 
ilk'orie  des rermenlationsnaTsit  pas i;té  trouvée. 

Le  cliarlion  sym|)toinatiqueest(lù,  nonàritnmohilcfca'-fM'tfiV, 
comme  la  fièvre  churbonneiise,  mais  à  la  mobile  ttirrrrû'.qui.  elle, 
est  un  vibrion.  Il  n'y  adonc  aucun  rapport  en  tri?  ksdeuxmaludteâ. 

L'animal  qui  a  acquis  l'immunité  contre  le  rluirbon  symjil— 
mnii'iHc,  par  une  inoculation  Intrd-veineusc,  n'est  pas  pour  cela 
prOsvrté  contre  la  nèvre  charbonncusi!  ;  la  UtHMilk  a  encui'it 
pri«e  sur  lui  et  réciproquement  ta 'ixrdWe  du  charbon  symptoma- 
tique  aencore  prise  sur  l'animal  vaceinÉ  contre  la  hiiHi-ridir, 


^"pWgus;  c' 


—  Gibier  de  Satigny  a  découvert  le  microbe  du  pem- 
igus:  c*est  encore  une  ImcO-rii?  conMilucc,  h  l'élat  adulte,  par 
une  série  d'arlicles  disposés  en  cliapelet,  de  2  millièmes  de  mil- 
limétré de  large  sur  une  longueur  de*  à  40  millièmes  de  millimè- 
tre, composés  de  2  à  20  articles  arrondis,  qui  se  confondent  nu 
niveaudu  point  en  contact.  A  l'clai  jeune  clic  est  furinâe  de  granu- 
lalkins  arrondies,  scmblatiles  à  celles  qui  uonsiitucnt  les  bAtonncls. 
mais  isolées  ou  groupées.  On  Irouvt!  celle  bactérie  dans  le  lii|ui(li' 
âci  bulles  Traielics  de  peniphigus  ainsi  que  dans  l'urine  naiche 
des  malades.  La  culture  de  l'urine  ou  du  Ijiiuidc  des  bulles  )iern>ri 
d'en  obtenir  la  l'cproduction.  La  maladie  inrcclieuse,  que  curau- 
lérise  celle  bactérie,  ne  parait  pas  ce|>endant  iooculatile. 

M4e.  —  Celle  maladie  ciislc  à  l'êtst  conlagieux  cliei  le 

le  ehirii,  le  mnuloii,  dans  la  race  bovine;  chei  l'hutniin: 

S  noté  de  peliles  épidémies  de  pemphigus.  Les  hommes  sur 

JÔS  on  oie  plus  souvent  observé  le  ]H!inphigus  sont  les  charculiei  s 

«t  les  tripiers.  Au  point  de  vue  de  l'oriniue  des  parasite*,  il  \  a 

là,  comme  le  dit  Gibier  de  Savigny,  »  une  piste  *. 


^^  PARASITES  UICROSCOPIQUES. 

A  vrai  dire  il  n'y  a  pas,  entre  les  ferments  qui  viennent  de 
nous  occuper  elles  parasites  dont  nous  allons  parler,  du  dil&reockï 
^^Oodameniale  :  le  parasitisme  est  le  même  îles  liim*  c!»\.«i.  ç;^^*. 
^^Ueqaeition  de  roltime,  eo  réalilé.  ou  du  mums  \es  \i\wvïVk\ft\\ft^ 


194  LA   FAUNE  ET   LA   FLORE. 

aigus,  surtout  caractérises  par  la  chaleur,  que  nous  sommes  habi- 
tués à  rattacher  aux  fermentations ,  manquent  ou  sont  moins  ac- 
cusés. C'est  sur  cette  nwmcc  que  repose  une  division,  dont  je  re- 
connais, comme  à  toutes  nos  divisions,  le  caractère  artificiel. 

Cette  classe  des  maladies  parasitaires  se  grossit  d'ailleurs 
chaque  jour  d'acquisitions  nouvelles.  Félicitons-nous  de  cette  ten- 
dance, car,  ainsi  que  nous  Talions  voir,  nous  sommes  aujourd'hui 
en  mesure,  grdceà  cette  conception  de  parasitisme,  de  comprendre 
plus  d^une  maladie  regardée  jusqu'ici  comme  étrange  et  en 
quelque  sorte  paradoxale. 

î5    i,    BOUTON   DE   DISKRA. 

La  synonymie  de  cette  maladie  :  boiUdU  (TAlep,  bnuton  dr 
Ba<jd(ul,  iU^Mhiy  dtsZihanSydc  Bombay  y  de  Guzerate,chanvrr  du 
Sofun-fiy  utrvre  d'Orient  nous  donne  une  idée  de  Taire  géogra- 
phique qu'elle  occupe. 

<>éoKrapliie.  —  Elle  est  connue  sous  des  noms  divers,  car 
dans  chacun  des  points  où  on  la  rencontre,  elle  passe  pour  être 
spéciale  au  pays;  mais,  en  réalité,  elle  s'étend  dans  une  zone  assez 
Mon  déterminée,  (lui  comprend  :  une  certaine  partie  de  l'Afrique 
septentrionale,  Tile  de  Candie  et  une  partie  de  TAsie  occidentale. 

En  Afri(iue,  on  l'observe:  au  Maroc,  au  sud  de  la  province 
d'Alger,  à  Lagliouat,  au  sud  de  la  province  de  Constantine,  sur- 
tout à  Biskra,  à  /aalcha,  à  Tuggurtli,  dans  une  partie  du  Sahara. 
On  Tobserve  en  Kgypte:  au  Caire,  à  Alexandrie,  à  Suez,  où  elle 
porte  le  nom  de  hinilon  du  y  il.  On  Tobserve  :  dans  Tîle  de  Can- 
die. Enfin  en  Asie,  sous  le  nom  de  bouton  d'Alep  :  à  Alep,  à 
Damas,  à  Uiarbekir,  à  Mossoul.  à  Bagdad,  dans  toute  la  Mésopota- 
mie, à  Tu  mis,  à  Ispahan,  à  Téhéran,  où  elle  porte  le  nom  de  sa- 
icck  eu  wdl  d'un  an  ;  enfin  dans  Tlndc  anglaise,  notamment  à 
Delhi,  elle  est  connue  sous  le  nom  de  bouton  de  Delhi.  Dans  toute 
cette  zone  la  maladie  ne  règne  pas  également  partout;  elle  ne 
peut  être  iudii|uée  sur  une  carte  que  par  des  taches  plus  ou 
moins  étendues,  en  dehors  desquelles  on  la  chercherait  en  vain: 
ainsi  elle  est  connue  depuis  longtemps  à  Delhi,  où  elle  «ifleetait 
jadis  les  troupes  indigènes, qui  y  tenaient  garnison,  mais  les  trou' 
pes  anglaises^  campées  à  2  ou  3  milles  de  la  ville,  avaient  toujours 
échappe;  en  1857,  une  révolte  des  Cipaycs  avait  arraché  Delhi  au 
pouvoir  des  Anglais,  les  Européens  avaient  été  massacres  et  le 


BOUTON   DE  BISKRA.  295 

Grand  Mogol  proclamé  roi  des  Indes;  en  septembre  l8o7,  les  An- 
glais reprirent  Delhi  et  les  troupes  anglaises  roccupèrenl  désor- 
mais; depuis  ce  jour  elles  furent  atteintes  de  la  maladie,  qui  les 
a^ait  toujours  épargnées  à  une  petite  distance  de  la  ville. 

Symptémes.  —  Cette  maladie,  qui,  comme  son  nom  Tindique, 
est  caractérisée  par  Tapparition  de  boutons  sur  certains  points 
du  corps,  débute  par  des  prodromes,  par  un  état  général  fébrile, 
qui  cependant  peut  manquer  ou  au  moins  passer  inaperçu.  Le  doc- 
leur  Villemain  a  cité  plusieurs  enfants,  chez  lesquels  l'apparition 
des  boutons  avait  été  précédée  d'une  fièvre  à  caractère  intermit- 
tent ou  rémittent.  L'éruption  commence  alors  par  une  sensation 
de  prurit  intolérable  sur  le  point  ou  sur  les  points  où  elle  appa- 
raîtra ;  une  nodosité  se  forme  dans  l'épaisseur  de  la  peau  ;  elle 
est  arrondie,  du  volume  d'un  pois,  rouge,  violacée,  peu  dou- 
loureuse. Cette  nodosité  met  quelquefois  plusieurs  semaines  et 
roème  deux, trois  mois  à  doubler  ou  tripler  de  volume;  pendant  ce 
temps,  à  son  niveau,  l'épiderme  se  fendille  et  dcsquamme,  puis 
sur  la  surface,  apparaissent  en  nombre  variable  de  petites  vési- 
<^ules,  qui  laissent  échapper  une  sérosité  transparente  assez  abon- 
dante. Si,  à  ce  moment,  on  introduit  un  stylet  par  l'orifice  de 
chacune  de  ces  vésicules,  on  sent  qu'on  pénètre  dans  une  toute 
petite  cavité.  La  sécrétion  finit  d'ailleurs  par  donner  naissance  à 
une  croûte  dite  ostracéc,  sous  laquelle  les  petites  cavités  se  réu- 
uisscnl  et.  forment  une  ulcération.   Cette  ulcération  finit  par 
mesurer  de  2  à  5  centimètres  de  diamèlre.  Son  fond  est  inégal, 
ntamelonné,  grisâtre  par  endroits;  ses  bords  sont  saillants,  iné- 
gaux, durs,  bosselés.  Une  zone  érysipélateuse  s'étend  tout  autour 
et  dans  certains  cas  même  l'inflammation  se  propage  Jusqu'aux 
vaisseaux  ou  aux  ganglions  lymphatiques  voisins.  Enfin  au  bout 
d'un  certain  temps,  qui  varie  entre  cinq,  sept,  huit,  dix  mois,  les 
^fds  s'affaissent,  le  fond  s'élève,  la  rougeur  s'éteint,  la  cicatri- 
^l>on  se  fait,  mais  il  reste  une  cicatrice  indélébile,  au  niveau  de 
•^quelle  la  peau  est  décolorée,  déprimée,   fine  et  gaufrée.  Le 
"ûmbrc  des  boutons  est  souvent  unique;  on  dit  alors  que  le 
''Onton  est  mdie.  On  nomme  boutons  femelles  ceux  qui   sont 
*^ïulliples;  on  peut  en  voir  quinze,  vingt  chez  le  même  individu, 
^n  en  a  vu  trente,  trente-six  et  môme  soixantedix-scpt. 

Le  siège  de  ces  boutons  varie;  sur  183  boutons,  qui  ont 
^^^  examinés  par  le  docteur  Weber,  il  y  en  avait  87  sur 
*^s  membres  inférieurs,  73  sur  les  membres  supètveut%,  V"l  ^ 


Sf6  U  FAUN&  ET  LA  FLORE. 

la  face,  6  sur  le  tronc.  Eo  générai  c'est  au  Toisinage  des  articu- 
lations qu'ils  apparaissent. 

Aptitade.  —  Le  bouton  semble  atteindre  toutes  les  races. 
La  race  blancbe  semble  cependant  y  être  plus  sujette  que  la  noire, 
car,  sur  400  nègres  examinés  en  1861  par  Castaing,  il  ne  s*eD 
trouvait  que  2  atteints,  tandis  que  sur  un  relevé,  fait  par  le  doc- 
teur Hamel,  de  2275  blancs  ayant  tenu  garnison  à  Biskra  pendant 
lesannées  1844, 18io,  1847,  1851,  on  trouve 232  malades,  soit 
10  0,0  de  Teffectif  ;  mais  cette  proportion  prise  sur  des  troupes 
de  passage  noires  ou  blanches  n^est  pas  exacte  pour  deux  motifs  : 
d*abord  parce  qu'un  certain  nombre  de  soldats  notés  à  Biskra 
comme  exempts  du  bouton  sont  pris  de  la  maladie  plus  tard^ 
après  leur  retour  en  France  ou  dans  le  nord  de  TAlgérie  ;  c^est 
ainsi  que  le  docteur  Raymondaud  en  a  observé  plusieurs  cas  à 
Limoges;  en  second  lieu,  le  temps  de  séjour  des  troupes  n'est 
pas  tdujours  suflisant  ;  enfin  parmi  les  indigènes,  la  nuyonté  a 
eu  le  bouton  pendant  les  sept  ou  huit  premières  années  de  la  vie, 
ce  qui  )a  met  souvent  à  Tabri  d'une  seconde  atteinte. 

L'opinion  des  gens  du  pays  esteneiïet  que  la  maladie  confère 
rimmuiiitc  pour  elle-même  à  ceux  qu'elle  a  déjà  frappés;  néan-. 
moins  les  récidives,  bien  qu'exceptionnelles,  ne  sont  pas  rares. 

Bien  du  reste  n'est  variable  comme  la  durée  de  séjour  néces* 
saire  :  dans  certains  cas  quelques  jours  de  résidence  suffisent  et 
d'un  autre  coté  on  a  vu  des  soldats  pris  de  bouton  plusieurs  mois 
après  leur  retour  en  France. 

Relativement  à  Page,  on  u  observé  le  bouton  de  Biskra  chei  les 
enfants  à  la  mamelle. 

Relativement  à  l'influence  du  milieu  social,  on  Tobserve  dans 
la  garnison  de  Biskra  aussi  souvent  sur  les  officiers  que  sur  les 
soldats. 

La  maladie  atteint  d'ailleurs  les  animaux  comme  Thomme, 
moins  souvent  toutefois.  Elle  a  été  vue  chez  le  cheval,  le  chat, 
le  chien,  chez  qui  elle  siège  presque  toujours  sur  la  partie  nue 
du  museau  ;  elle  a  été  vue  chez  certains  oiseaux  carnivores. 

TenCatlves  d'Inoeuiaiion.  —  Un  certain  nombre  de  méde- 
cins croient  la  maladie  inoculable;  à  Alep,  comme  à  Biskra,  un 
grand  nombre  d'inoculations  sont  restées  négatives.  Le  D^  Weber 
aurait  cependant  réussi,  dans  deux  cas,  à  produire  des  boutons 
de  même  aspect  que  le  bouton  inoculant,  en  déposant  sous 
l'épiderme,  avec  sa  lancette,  la  croûte   réduite  en  poussière  et 


BOUTON   DE    BISKRA.  t97 

délayée  dans  Feau.  On  conclut  donc  que  le  clou  de  Biskra  est 
inoculable  et  que  le  principe  actif  réside  dans  la  croûte  ;  mais  ces 
expériences  ne  me  semblent  pas  encore  concluantes  :  avec  une 
pustule  d'ectbyma  simple,  on  peut  en  effet  reproduire  de  Tecthyma, 
mais  en  prenant  le  liquide  de  cette  première  inoculation  positive, 
peut-on  faire  une  seconde  inoculation  positive  et  spécifique?  Voilà 
ce  qu'on  n'a  pas  fait  encore.  Au  surplus,  la  maladie  ne  semble  pas 
contagieuse  dans  les  hôpitaux  où  les  hommes  atteints  du  bouton 
se  trouvent  mélangés  aux  autres  malades. 

ProBosiie.  —  Le  pronostic  de  la  maladie  n*est  pas  grave,  en 

ce  sens  qu*elle  n'est  jamais  mortelle,  sauf  complication  ;  mais  sa 

longue  durée,  les  souffrances  qu'elle  provoque^  surtout  pendant 

la  nuit,  enfin,  si  les  boulons  sont  nombreux,  l'abondance  de  la 

suppuration  en  font,  en  somme,  une  maladie  redoutable. 

Etloloi^ie.  —  Quelle  est  la  cause  de  cette  étrange  maladie  ? 
Pv  suite  d'une  tendance  naturelle,  !a  même  qui,  dans  lesépi- 
<lénQies,  a,  de  tout  temps,  fait  accuser  les  fontaines,  on  a  accusé 
Teau  des  localités  où  la  maladie  est  endémique  ;  on  a  pensé  que 
l'eau  de  Biskra  était  chargée  de  sel,  que  ce  sel  s'éliminait  par  la 
peau  et  donnait  naissance,  pendant  son  passage  à  travers  celte 
membrane,  à  des  phénomènes  d'irritalion.  Une  analyse  de  Teau 
^  Biskra  faite  à  une  certaine  époque  montrait  en  effet  2s,30 
de  résidu  salin  par  litre,  ce  qui  était  énorme;  mais  aujourd'hui,  à 
Biskra,  il  existe  des  citernes,  dont  Teau  ne  donne  plus  que  09,75  de 
fésidu  salin  par  litre  et  le  bouton  se  produit  avec  la  même  fré- 
quence que  par  le  passé.  Au  surplus,  dans  beaucoup  d'autres  en- 
droits, à  Delhi,  à  Alep  et  ailleurs  encore  Peau  ne  présente  rien  de 
particulier. 

Il  est  permis  de  remarquer  que  la  maladie  qui  nous  occupe  est 
toujours  observée  dans  la  zone  «où  Ton  cultive  le  palmier  dat- 
^^^r*  Les  Zibans,  pluriel  de  Zcb  (oasis),  ne  sont  qu'une  accunm- 
lation  de  bois  ou  de  forêts  de  dattiers,  au  milieu  desquels  se  trou- 
vent les  agglomérations  de  maisons.  On  a  donc  de  bonne  heure 
rapproché,  au  point  de  vue  étiologique,  les  dattes  et  la  ma- 
Mie  ;  cela  était  d'autant  plus  permis,  qu  à  Alep,  aussi  bien 
^ue  dans  les  Zibans,  elle  porte  un  nom  qui  signifie  maladie 
^  datles  et  que  Fépoque  de  son  maximum  de  fréquence 
^rrespond  à  celle  de  la  maturation  de  ces  fruits.  Malheureu- 
^tQent  pour  cette  explication,  beaucoup  d'Européens  qui  ont  le 
^utoD,  iqangent  peu  de  dattes;  enfin  les  cUe\au\,  \e%eYi\^tv&^ 


JM  LA   PAUSE    ET   U    FLORE. 

n'en  mangent  jamais.  l^cJii^eJu  boiitmi  <Jc  tli&bra  i-(ttit  ilo» 
Tort  obscure,  lorsque  priccnt  nuissaocc  un  cerl^iin  noiutiredt  re- 
cherches moilern  es. 

AMstonle  paibolaci^ae.  —  Lorsqu'oo  a  Tuccnsion  de  t>n- 
liquer  une  coupe  du  boulon  de  Biskra,  voici  ce  qu'on  toii; 
le  corps  niuqueux  de  Malpighi  esl  hyperptasitf  par  prolirirrationo 
mulliplicalioti  de  ses  cellules;  les  vaisseaux  lymphatiques  nK 
gorgés  de  suc,  remplis  de  liquide  lymphatique;  enlK  les  cel- 
lules prolirL-rêes  de  la  couche  de  Halpighi  se  troutent  da 
esfnces  clairs,  arrondis  ou  ovoïdes,  séparés  par  des  doison*  cri- 
luïaires  et  plus  ou  moins  remplis  de  globules  blancs.  Cesl  donc 
une  rln-mife,  avec  production  considérable  de  liquide  Ijmfbt- 
tique  et  probablement  hjpcrpinsic  des  vaisseaut  l;nip>is(iquei. 
Mais  celle  dermite  est  s|iccirii)ne.  !.e  docteur  Carier  fde  BomlM}). 
en  IST5,  a  en  etîet  trouve  dans  ce  tissu,  autour  de  gludcs 
sudoi'iparcs  daus  les  vaisseaux  lymphatiques  cl  dans  les  espaces 
pleins  de  globules  blancs,  Aea  xjiires  rryiitoy u mi'itirx  \ttfUM ta- 
lurcescn  brun;  ces  Faits  ont  étii  vérifiés  par  ledocluur  H'eber,  qd 
a  trouvé  le  mime  dcrmopbjtc  sous  la  formu  de  filamcDls  ntre- 
lacOselémetlant  des  spores. 

Nnlarc.  —  La  tumeur  du  boulon  de  Biskra  est  donc,  {Mlbâ- 
bicmcni  une  prodmtioa  pathologique  de  tisxu  animal  nce,  jat 
irritatiou,  autour  d'un  parasite  vê(;étal,  dé|H>sii  dans  le  tlvu.  Or 
tout  te  monde  connull  un  exemple  inverse:  ce  sont  les  gttles  det 
végétaux,  rosier,  cbéne.  Là,  c'est  une  lutocur.  productioopalbo- 
logiqucde  tissu  vi'gétal  née,  par  irritation,  autour  d'uii|liaAc 
animal  (la  larve  de  c;nipsj  déposé  dans  le  tissu  végétal. 

D'où  vient  ici  rc  parasite    végélaiî   II  pourrait,  en  titilSé. 
venir  de  l'eau,   mais  il  semble  prouvé  que  l'usatje  de  l'eitt 
bouillie  et  miïme  bi  privation  conipléle  de  ce  liquide  ne  pnaaitttL 
pas.  Weber  admetcounue  probabteque  ce  parasite  vitsur 
ou  pcut-éire  n  lu  surrace  du  sol.  On  pourrait  alors»  dei 
si  le  parasite  vé^lal  luuibe  directement  sur  la  peiiu,  pênttndll 
son  tissu  pour  donner  naissance  ensuite  au  bouton  ;  un  Uen  1 
lolrvduit  dans  l'économie,  suit  par  la  voie  aérienne,  soil  pu: 
voie digestivc,  ilnechcmincp3s,dans  unbul  J*éliminalioii.lelai 
des  Ijimphatiqucs  jusqu'à  la  surface  cutanée.  Ce  qui  portenBl 
admettre  cette  dernière  hypothèse,  c'est  le  développe  ment  II 
l>outon  longtemps  après  qu'on  a  quitté  le  pajs  où  il  règne,  eum> 
^'il  V  avait  besoin  d'une  sorte  d'évolution  préalable  du  partsilt 


VERUGA   OU    BOUTON    DBS   ANDES.  299 

tfabord  absorbé  ;  ce  sont  en  outre  ces  phénomènes  généraux,  qui 
précèdent  l'éruption  et  qui  l'ont  fait  prendre  pour  une  sorte  de 
fàre  iruptive.  L'apparition  des  boutons  correspondrait  donc  à 
une  étape  ultime  dans  l'évolution  du  parasite,  étape  qui  aurait 
pour  conséquence  sa  mise  en  dehors,  sous  une  forme  durable  ou 
non,  et  la  guérison,  après  une  période  en  rapport  avec  l'évolu- 
tion du  parasite.  Le  bouton  de  Biskra  serait,  en  somme,  produit 
P^r  l'élimination  d'un  parasite  par  la  peau  et  la  maladie,  considérée 
dans  son  ensemble,  serait  plus  comparable  qu'on  avait  cru  à  une 
l»è\rc  éruptive  ;  au  lieu  d'un  ferment  petit,  mais  répandu  par 
tnvriadcs,  capable  de  produire  dans  le  sang  des  phénomènes  de 
transformation  chimique,  il  s'agirait  ici  de  parasites  plus  gros, 
nwins  nombreux,  incapables  d'agir  comme  ferments  chimiques, 
nwis  bien  comme  irritants  physiques,  comme  agents  caustiques, 
virulents,  ou  simplement  mécaniques. 

Il  n'est  pas  jusqu'au  triritement  qui  ne  milite  en  faveur  de  celte 
lïV|)othescî  Eu  ellel,  le  meilleur  traitement,  le  seul  qui  abrège 
la  durée  du  bouton,  c'est  de  promener,  dans  son  centre,  un  crayon 
^^  nitrate  d'argent,  qui  semble  tuer  le  parasite. 

(^n  somme  le  bouton  de  Bii^kra  semble  être  produit  par  un  pa- 
rasite végétal  pris  sur  les  dattes  ou  dans  le  sol,  absorbé  par  les 
inlciiins  ou  parles  poumons,  charrié  par  les  lymphatiques  et  enfin 
'iliniiné  par  la  peau.  Cet  exemple  serait-il  unique?  Cette  interpré- 
tation, que  je  propose,  ne  s'appliquerait-ellc  pasà  une  maladie  plus 
étrange  encore  que  le  bouton  de  Biskra,  la  véruga  ?  J'ai  lieu  de 
'«  penser. 

S  2.  VÉRUGA  ou  BOUTON  DES  ANDES. 

^^grapblo  et  hlKtoire.  —  La  véruga  est  peut-être  la  ma- 
ladie lu  plus  limitée,  dans  son  domaine,  que  nous  connaissions  ; 
^"  aire  géographique  forme  un  quadrilatère  limité  du  N.  au  S. 
ParltîOMat.  S.  elle  11»  lat.  S.  et  de  l'ouest  à  l'est  par  le  75*»  et 
le  Si»  long,  ouest,  dans  une  partie  très  limitée  des  Andes.  Elle 
^  règne  que  sur  le  versant  occidental,  dans  les  vallées  qui,  in- 
clinées de  E.-N.-E.àO.-S.-O.,  descendent  delà  Sierra  et  ont,  elles- 
^^m%,  leur  fond  à  une  altitude  de  i  700  à  2000  mètres.  Ces  val- 
lées sont  des  sortes  d'entonnoirs,  dont  l'ouverture  supérieure 
*°^ure  de  800  à  iiOO  mètres,  dont  la  largeur,  au  fond,  est  de 
^OOà  400  mètres,  dont  la  paroi  verticale  mesure  de  tiOO  ^  %0^  tsùi- 


tOO  LA  FAUNE   ET    LA  FLORE. 

ires  de  haut.  Tandis  que  le  fond  de  ces  vallées  est  couvert  d'une 
végétation  plantureuse,  les  parois  sont  abruptes,  dénudées  et 
dépourvues  de  toute  végétation  ;  elles  donnent  issue  à  des  eaui 
transparentes.  Les  vallées  les  plus  célèbres  pour  la  véruga  sont 
celles  de  San  Bartholomeo,  d'Aqua  da  Yerugas,  Coesta  Blanca, 
Surco»  SanMatteo.  Dans  ces  vallées,  Pendémie  est  tellement  limi- 
tée, que  la  vallée  de  San  Ulaya,  qui  est  renommée  pour  la  fré- 
quence de  la  véruga,  cesse  d'en  présenter  un  seul  cas,  là  où, 
faisant  un  coude,  elle  débouche  brusquement  dans  la  vallée  du 
Rimac. 

Il  y  a  longtemps  que  cette  région  des  Andes  est  connue  pour 
donner  naissance  à  cette  maladie  spéciale,  car  on  en  retrouve  la 
description  dans  l'historien  Zaraste  qui,  en  1548,  écrivait  Fbis- 
toire  de  la  conquête  du  Pérou.  Il  parle  c  d'une  maladie  caracté- 
a  risée  par  une  sorte  de  verrue  (véruga)  ou  de  petit  furoncle 
«  malin  et  dangereux,  qui  apparaît  à  ki  figure  et  dans  d^autres 
«  parties  du  corps,  qui  est  plus  terrible  que  la  petite  vérole  et 
a  presi^ue  autant  que  la  peste  ». 

Symptômes. — Voici  cn  quoi  consiste  cette  maladie  elle  débute, 
plus  souvent  encore  que  le  bouton  de  Biskra,  par  de  la  fièvre  in- 
termittente ou  rémittente,  du  mal  de  tète,  du  malaise;  survient  en 
même  temps  de  lu  dysphagie,  symptôme  caractéristique,  sur 
lequel  beaucoup  d'auteurs  insistent  particulièrement;  puis  appa- 
raissent dos  douleurs  dans  les  membres,  dans  les  os,  douleurs 
nocturnes^  qui  siègent  surtout  au  niveau  des  articulations;  il 
semble  au  malade  qu'on  les  fasse  éclater  avec  un  coin.  Cette  pé- 
riode dure  de  un  à  trois  mois  ;  leruption  se  fait  alors,  petit  à 
petit,  progressivement  et,  à  mesure  qu'elle  se  produit,  il  semble 
qu'il  se  fasse  une  détente  dans  Torganismc. 

La  durée  moyenne  de  cette  seconde  période  est  de  trois  mois. 
Les  points  où  va  se  faire  féruption  sont  (comme  dans  le  bouton 
de  Biskra)  le  siège  de  prurit,  de  démangeaisons,  eulin  Téruptioa 
apparaît.  La  verrue  se  présente  d'abord  sous  la  forme  d'une  petite 
bosse  sessile,  sans  pédoncule,  formant  sous  la  peau  une  nodosité 
rouge,  peu  douloureuse  ;  dans  un  degré  Iplus  avancé,  auquel  elle 
ne  parvient  pas  toujours,  la  saillie  de  la  tumeur  augmente  et  elle 
tend  à  se  pédiculer,  elle  se  pédicule  même  tout  à  fait.  La  gros- 
seur de  la  tumeur  varie  :  elle  passe  progressivement  du  volume 
d'un  grain  de  millet  [miliar)  à  celui  d'une  lentille,  d'une  fram- 
boise, d'un  œuf  de  pigeon,  d'un  œuf  de  poule.  A  mesure  qu*elle 


VÉRUOA  OU    BOUTON   DES   ANDES.  tOt 

grossit,  la  peau  se  tend,  parcourue  par  les  iraisseaux  de  plus  en 
plus  foncés,  qui  rampent  à  sa  surface,  elle  se  colore  en  rouge. 
Elle  prend  une  sorte  de  fluctuation  et  ressemble  à  une  petite 
tumeur  érectile.  En  même  temps  Tépiderme  qui  la  recouvre 
défient  corné,  stratifié  en  couches  épaisses;  c'est  alors  qu'elle 
prend  la  forme  d'une  verrue. 

Mais  arrivée  à  ce  degré,  la  tumeur  présente,  au  moindre  attou- 
chement, un  phénomène  considérable,  Thémorrhagic.  L'écoule- 
ment de  sang  qui  se  produit  parfois  pendant  la  nuit  dans  le  lit  du 
malade,  peut  devenir  considérable*et  atteindre  UOO  grammes.  La 
plupart  des  auteurs  et  surtout  le  docteur  Dounon  <5nt  insisté  sur 
cefait,que  le  défaut  de  pression  des  altitudes  diminuant  la  résis- 
tance atmosphérique  et  facilitant  l'hémorrhagie,  cet  écoulement 
qui  est  le  principal  danger  de  la  maladie,  a  lieu  d'autant  plus  faci- 
lement que  le  malade  est  plus  haut  en  altitude.  Le  véruga  devient 
alors  d'autant  plus  grave,  que  le  malade  reste  davantage  sur  les 
hauteurs;  aussi  la  descente  vers  la  Costa  est-elle  le  premier  pré- 
<^pte  que  doive  suivre  tout  homme  qui  en  est  atteint. 

Constatons  déjà  cette  différence  importante  entre  le  bouton  de 
Biskra  et  la  véruga  :  que,  tandis  que  le  bouton  de  Biskra  donne 
on  écoulement  de  lymphe,  la  véruga  donne  un  écoulement  san- 
^in.  Il  se  forme  ici  une  croûte  sanguine,  qui,  au  lieu  d^ôtre  jaune 
^erdàtre,  ostracée,  comme  dans  le  bouton  de  Biskra,  est  noire, 
fouge  foncé,  sanguine.  Derrière  elle  se  fait,  comme  dans  le  bouton 
de  Biskra,  une  ulcération,  qui,  au  lieu  d'être  remplie  de  globules 
purulents,    est  remplie  d'un  caillot  de  globules  sanguins.  On 
voit  souvent  autour  de  ces  tumeurs  non  plus  la  menace  érysi- 
pélateuse,  non  plus  Tangioleucite,  inflammation  des  vaisseaux 
lymphatiques,'  mais  la  phlébite,  inflammation  des  veines,  avec 
caillot  obturateur  et  souvent  œdème.  Parfois  (mais  rarement)  la 
suppuration  s'empare  de  la  tumeur  et  la  détruit;  le  plus  souvent, 
si,  mincement  pédiculéc,  elle  n'est  pas  tombée  ou  n'a  pas  été  en- 
levée, elle  s'affaisse  au  boutde  deux  ou  trois  mois  et  disparait  par 
résolution.  Elle  laisse  à  sa  place  une  cicatrice  (comme  le  bouton 
de  Biskra)  et  cette  cicatrice  estd*autant  plus  petite,  que  la  tumeur 
était  mieux  pédiculée.  Le  nombre  des  verrues  qui  apparaissent  est 
variable  (encore  comme  le  bouton  de  Biskra)  :  3,  4,  parfois  un 
très  grand  nombre;  elles  se  manifestent  sur  la  face,  sur  les  mem- 
bres, surtout  à  leur  partie  externe,  ce  qui  appelle  encore  le  bouton 
de  Biskra.  Mais  ce  qui  sépare  la  véruga  du  bouton  de  Biskra^  c'e&t 


802  LA   FAUNE   ET   LA  FLORE. 

qu'elle  se  manifeste  aussi  sur  les  muqueuses,  dans  la  gorge, 
dans  le  larynx,  déterminant  ainsi  l'asphyxie  par  œdème  de  la 
glotte,  dans  Testomac,  déterminant  des  hématémcses,  dans  Tin- 
testin,  donnant  lieu  à  du  mclœna,  dans  l'utérus,  donnant  lieu  à 
des  hémorrhagics  utérines^  dans  les  os,  donnant  lieu  à  un  redou- 
blement de  douleurs  ostéocopes.  Tschudy  prétend  avoir  retiré  d'un 
ancien  tombeau  péruvien  le  squelette  et  la  momie  d'un  Inca  qui 
serait  mort  de  vtrugaC!),  Il  fonde  son  dire  sur  ce  que  les  extré- 
mités articulaires  étaient  gonflées  ;  la  substance  du  diploé  hyper- 
trophiée et  que  plusieurs  points  du  squelette  présentaient  des 
exostoses  spongieuses.  Cela  pouvait  bien  être  aussi  un  Inca 
syphilitique. 

Apcitade.  —  Comme  le  bouton  de  Biskra,  la  véruga  semble 
atteindre  toutes  les  races  et  même  la  race  blanche  semble  plus 
sujette  à  cette  maladie  que  la  race  américaine  et  que  la  race 
noire.  A  Tépoque  de  la  construction  récente  du  chemin  de  fer 
transandien  (1872-1874),  qui  fait  communiquer  le  versant  occi- 
dental et  le  versant  oriental  des  Andes,  par  un  tunnel  placé  à 
2  ^00  mètres  d'altitude,  un  grand  nombre  d'ouvriers  européens 
se  trouvèrent  réunis  dans  la  vallée  de  laOroya;  il  y  eut  une  vé- 
ritable épidémie  de  véruga.  Sur  40  marins  anglais  déserteurs  30 
succombèrent.  Tous  les  ingénieurs  du  chemin  de  fer  ont  eu  la 
véruga  et,  sur  10,  5  sont  morts. 

Il  suffit,  dans  certains  cas,  de  quelques  jours  de  résidence  pour 
prendre  la  véruga  (encore  comme  pour  le  bouton  de  Biskra)  et 
elle  se  développe  fatalement  au  bout  de  quelques  semaines  de  sé- 
jour. Les  chiens,  les  chats,  les  mulets,  les  gallinacés  môme  sont 
sujets  à  prendre  la  maladie  ;  ils  présentent  les  verrues,  les  tumeurs 
caractéristiques  et  leurs  cris  montrent  qu'ils  ressentent,  comme 
l'homme,  des  douleurs  dans  les  articulations  et  dans  les  os. 

Il  ne  semble  pas  que  la  maladie  soit  contagieuse  :  à  Lima,  les 
malades  atteints  de  véruga  sont  couchés  à  côté  des  autres,  les 
médecins  manipulent  leurs  verrues  et  aucun  cas  de  contagion  n'a 
été  noté. 

PronoKtIe.  —  Le  pronostic  de  la  maladie  est  beaucoup  plus 
grave  que  celui  du  bouton  de  Biskra;  il  varie,  du  reste,  suivant 
qu'elle  est  simple  ou  compliquée,  suivant  que  l'éruption  est  in- 
terne ou  externe,  selon  qu'elle  se  fait  facilement  ou  difficilement, 
enfin  suivant  la  race  et  suivant  faltitude  ;  ainsi  elle  est  moins 
grave  chez  les  noirs  que  chez  les  blancs.  Chez  les  blancs,  lorsque 


f 


VERUOA   OU   BOUTON   DES   ANDES.  SOS 

Tcruption  se  fait  bien,  la  mortalité  est  de  i2  à  16  0/0.  Si  Térup- 
tionse  fait  surtout  sur  les  muqueuses,  elle  est  de  94  0/0.  Dans 
la  Casta,  la  guérison  est  la  règle  ;  à  Fhôpital  de  Lima,  la  mor- 
talité est  de  5  malades  sur  50,  tandis  qu'à  3000  et  3  500  mètres 
c^est  la  mort  qui  est  la  règle,  précisément  à  cause  des  hémor- 
I  bagics. 

ECIoloi^ie .  —  Ici  encore  on  a  accusé  Peau  de  produire  de 
la  maladie;  on  a  même  donné  à  celle  qui  découle  des  flancs 
dénudés  des  montagnes  qui  encaissent  les  vallées,  le  nom  (Vaqua 
dfi  veiiigas,  Tschudy,  qui  a  contribue  à  répandre  cette  idée  popu- 
laire, cite  même  deux  bataillons,  dont  Tun,  qui  avait  bu  à  une 
source  ^'aqua  da  verugas,  eut  la  vcruga,  tandis  que  l'autre,  qui 
n'avait  pas  bu  de  cette  eau,  n'eut  pas  la  véruga.  Mais  le  docteur 
Dounon  cite  nombre  de  gens,  à  commencer  par  lui-même,  qui  ont 
bu  uniquement  Vaqua  da  vcnigas  et  qui  n'ont  jamais  eu  la  ma* 
ladie.  Les  Indiens,  qui  se  gardent  bien  de  Voqna  da  verugas, 
ont  presque  ,tous  la  véruga.  Enfin  le  docteur  Dounon  cite  un 
moine,  qui  passa  trente  jours  à  Matucana  ;  bien  qu'il  ait  fait  venir 
de  Lima  aliments  et  boissons,  il  partit  bel  et  bien  atteint  de 
Téruga!  J'ajoute  que  Teau  de  véruga  souvent  analysée  est  claire, 
limpide,  transparente,  exempte  de  matière  organique,  puisqu'elle 
sort  de  roches  sans  végétation,  et  qu'elle  ne  présente  aucun 
principe  chimique  particulier. 

Après  Feau  le  grand  accuse  c'est  toujours  le  sol  ;  comme  la 
fièvre  palustre  n'est  pas  rare  dans  quelques-unes  de  ces  vallées, 
on  a  regardé  la  véruga  comme  une  manifestation  palustre.  L^qui- 
page  de  l* Atlante,  allant  visiter  le  chemin  do  fer  de  l'Oroya,  eut 
même  la  prudence  de  prendre,  avant  de  partir,  une  dose  de  sul- 
fate de  quinine! 

•  On  a  été  jusqu'à  accuser  d'innocents  batraciens,  qui  vivent 
dans  les  nappes  d'eau  ! 

AAatomIe  patlioloi^lqne.  —  Lorsqu'on  pratique  une  coupe 
dans  une  véruga,  on  voit,  sous  une  couche  épidermique  cornée, 
épaisse,  le  corps  muqueux  deMalpighi  hypeiplasié;  ce  ne  sont  que 
grosses  cellules  embryonnaires,  séparées  par  de  nombreux  vais- 
seaux. La  lésion  fondamentale  est  la  même  que  dans  le  bouton 
deBiskra;  l'irritation  conjonctive  est  la  même;  seulement,  au  lieu 
des  lacunes  pleines  de  lymphe,  au  lieu  des  vaisseaux  lympha- 
tiques gorgés,  on  voit  une  abondance  de  vaisseaux  sanguins 
dilatés  et  de  nouvelle  formation  ;  au  lieu  d'un  écoulement  séreux 


104  U  FAUNE    ET   LA   FLOBE. 

OU  séro-purulent,  avec  croûte  jaune,  on  a  un  écoulement  sanguin 
atec  croûte  noire.  Cest  donc  encore  une  dcrmite,  avec  hyperplasie 
non  plus  des  vaisseaux  lymphatiques,  mais  des  vaisseaux  san- 
guins. Ce  processus  anatomique  est  néanmoins  sensiblement 
voisin  du  premier  et  je  donnerais  volontiers  à  la  maladie  le  nom 
de  bouton  des  Andes,  pour  impliquer  ses  rapports  avec  le  bouton 
de  Biskra,  d'Alep,  de  Bagdad, 

Nature.  —  Mais  cette  dcrmite  est-elle  spécifique?  A-t-on  jus- 
qu'ici trouvé,  comme  Ta  fait  le  docteur  Carter  pour  le  bouton  de 
Biskra,  le  dermophyte  du  bouton  des  Andes?  Personne  encore  ; 
cependant,  voici  ce  qu*écrit  le  docteur  Dounon  :  a  11  sort,  en  même 
f  temps  que  du  sang,  des  fragments  mous,  transparents,  gélati- 
«  neux,  irréguliers,  qui  ne  sont  autre  chose  que  des  débris  du 
«  stroma  de  la  tumeur.  Placés  sur  une  feuille  de  papier,  ils  se 
f  liquéfient  et  ne  laissent  qu'une  tache  d'un  gris-clair  après  leur 
«  dessiccation.  »  Connaissons-nous  un  seul  élément  anatomique, 
ainsi  amorphe,  transparent,  gélatineux,  déliquescent?  Ne  serait- 
ce  pas  là  la  production  végétale  chercjiée  et  digne  de  faire  pen- 
dant au  dermophyte  du  bouton  de  Biskra?  C'est  là  une  hypo- 
thèse, je  le  sais,  mais  elle  me  semble  digne  d'être  vérifiée  par  les 
médecins,  qui  ont  Toccasion  de  voir  la  véruga  sur  les  lieux. 
L'analogie  avec  le  bouton  de  Biskra  la  rend  légitime. 

D'où  viendrait  ce  végétal  ?  H  ne  viendrait  sans  doute  pas  de 
l'eau,  puisqu'il  est  démontré  qu^on  peut  se  préserver  de  Vaqua 
(la  verugas^  sans  se  préserver  de  la  véruga  !  Je  crois  qu'on  pour- 
rait le  chercher  sur  ces  ro:hes  nues,  que  tous  les  observateurs 
ont  remarquées  dans  les  vallées  de  véruga  et  d'où  sortent  des 
eaux  transparentes,  si  longtemps  incriminées. 

La  présence,  sur  leurs  parois  nues,  d'une  algue  aérienne  dont  les 
spores  seraient  dans  l'air  et  qu'on  cesserait  de  rencontrer  .sitôt  que, 
la  vallée  changeant  de  direction,  la  végétation  vient  la  chasser, 
n'a  rien  d'invraisemblable  :  il  existe,  en  effet,  sur  le  Broken, 
dans  le  Harz,  une  algue  aérienne  microscopique,  le  Chrodepus 
<ijlithus,  qui  donne  à  la  roche  une  couleur  rosée  et  une  forte 
odeur  de  violette,  due  à  l'huile  renfermée  dans  ses  cellules.  EUe 
vit  sur  les  roches,  sans  matière  organique  et  ses  zoospores,  garnis 
de  cils  vibratiles,  sont  chassés  par  le  vent.  Il  se  pourrait  que 
quelque  végétal  du  même  genre  existât  dans  les  Andes.  On  com- 
prendrait alors  son  absorption  par  l'organisme,  les  phénomènes  gé- 
néraux et  l'éruption  qu'elle  détermine;  éruption  analogue  à 


FURONCULOSE.  t05 

celle  du  bouton  de  Biskra^  dont  le  parasitisme  est  déjà  démontré. 
Le  docteur  Dounon  aurait  donc  eu  raison  de  dire:  «  L'économie 
«  semble  infestée d*un  principe  qui  s'élimine  naturellement  parla 
ff  peau.»  Cette  élimination  semble  d'autant  plus  essentielle  à  l'éco- 
nomie, que,  de  tous  les  moyens  médicaux,  ce  sont  ceux  qui  pous- 
sent à  la  peau,  qui  favorisent  Téruption,  qui  réussissent  le  mieux. 

Analogie  du  bouton  de  BIskra  et  du  bonton  des  Andes. 
—  De  tout  ceci  il  résulle  que  le  bouton  de  Biskra  et  la  maladie  que 
je  propose  de  nommer  bouton  des  Andes  sont  sans  doute  deux  ma- 
ladies similaires;  toutes  deux  semblent  dues  à  un  parasite  végétal, 
qui,  absorbé  par  les  muqueuses,  cheminerait  dans  Péconomic  et 
serait  éliminé,  après  évolution,  par  la  surface  cutanée.  Tandis  que 
Tun  a  été  trouvé  déjà  dans  les  lymphatiques,  l'autre  serait  à  cher- 
cher dans  les  vaisseaux  sanguins. 

J'ajouterai  enfin  que  de  ce  processus  dcrmophylique,  peut- 
être  il  faudrait  rapprochei  deux  maladies  peu  coimues  des  Andes: 
rti(a,  caractérisé  par  un  ulcère;  la  carucha,  constituée  par  de 
larges  pustules,  qui  viennent  sur  les  bras,  sur  la  poitrine  et  lais- 
sent une  cicatrice  indélébile. 

§   3.   FUKONCULOSE. 

Xntare.  —  C'est  vraisemblablement  à  ci's  boulons,  qu*on  dési- 
gne aussi  sous  le  nom  de  flous  (de  Biskra),  qu'il  convient  de  ratta- 
cher ces  furoncles  successifs,  épidémiqucs  et  contagieux  (Tras- 
tour),  dont  les  travaux  récents  de  Pasteur  et  de  Lœwenberg  ont 
montre  la  nature  parasitaire.  Il  y  a  longtemps  que  Ton  connaît  cer- 
tains faits,  dont  le  caractère  n'avait  pas  jusqu'ici  pu  être  compris. 
Ainsi,  en  1834  35,  Martin  observa  à  Mauléon  une  épidémie  de  clous 
sur  le  57*  de  ligne.  En  1855,  une  véritable  épidémie  de  clous, 
décrite  par  Hunt,  parcourut  en  dix  ans  successivement  les  deux 
Amériques.  Rien  n'est  fréquent  comme  de  voir  certaines  person- 
nes avoir  des  séries  de  elous  et  le  bon  sens  populaire  a,  depuis 
longtemps,  attribué  ces  séries  à  Vdcret*^  du  sang.  Remplaçons  le 
mot  âcrelé  par  le  mot  levain,  comme  le  vétérinaire  des  chevaux  de 
Louis  XIV  le  fit  pour  la  morve,  ou  par  le  moimierobe  parasitaire^ 
et  nous  serons  bien  près  d'être  d'accord  avec  le  bon  sens  populaire. 
Hoeter  attribuait  déjà  le  furoncle  à  un  schizomycète.  Pasteur  a  dé- 
couvert en  effet,  dans  le  pus  des  furoncles  de  plusieurs  individus 
atteints  de  ce  qu'on  nommait  la  dia thèse  furomuleu^e^  MXi^x^- 
oéooR.  utu.  %^ 


•te  U   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

nisme  foriDc  de  petits  points  sphériques,  réunis  par  couples  de 
deux  grains,  rarement  de  quatre,  mais  fréquemment  associés  ea 
petits  amas.  Cet  organisme 'ensemencé  dans  du  bouiilon  de  poule 
ou  dans  du  bouillon  de  levure  a  proliféré.  Lœvenberg  a  trouvé  le 
même  organisme  dans  plusieurs  furoncles  auriculaires. 

Etlolofle.  —  Ces  parasites  peuvent  facilement  venir  du  dehors, 
soit  de  Teau,  soit  de  Tair. 

Les  vétérinaires  connaissent  depuis  longtemps  certains  anthrau:, 
qu'ils  attribuent  d  Tusage  de  Peau  dans  certaines  vallées  encadrées 
de  tous  côtés.  On  ne  saurait  méconnaître  là  un  certain  rapport  avec 
le  elou  de  Bhkrn  et  surtout  avec  le  Hou  ou  bouton  des  Andes. 


§   i.    PIED  DE   MADt'RA. 

Géo^raplile. — Celte  maladie  n'a  jamais  été  observée  que  dans 
rinde  ;  elle  semble  régner,  par  places  au  moins,  dansVlnde  entière, 
depuis  le  cap  Comorin  jusqu'au  Penjab  ;  elle  règne  notamment 
dans  la  présidence  de  Madras,  à  Pondichéry,  à  Madura  (de  là  le 
nom  de  la  maladie).  Elle  règne  aussi  dans  le  centre,  notamment 
à  Bellary.  On  l'a  vue  dans  la  présidence  de  Bombay,  à  Cochin  (pied 
deCorhin).  Enfm  on  la  trouve  dans  le  nord  de  l'Inde,  à  Bikanir, 
sur  la  frontière  du  Penjab,  dans  tes  déserts  du  nord-ouest,  sur  la 
frontière  du  Cachemire,  dans  le  Radjpoutana.  Ou  ne  Ta  pas  encore 
signalée  dans. le  Bengale.  Elle  est  limitée,  comme  on  le  voit,  dans 
la  zone  torride  de  Tlnde  entre  les  deux  lignes  isothermes  de+2.'><>. 

Elle  n'atteint  que  les  Hindous,  le  plus  souvent  ceux  des  castes 
inférieures  ;  on  ne  l'observe  jamais  chez  les  Européens;  on  ne  l'a 
Vue  qu'une  fois  chez  un  musulman. 

Synptéaies.  —  Elle  siège  toujours  au  pied  ;  à  l'un  des  deux, 
rarement  aux;deux. Dans  quelques  castrés  rares, on  Ta  vue  atta- 
quer latmaiu.  Voici  en  quoi  consiste  la  maladie  :  elle  commence 
par  une  ou  plusieurs  petites  tumeurs,  par  des  nodosités  qui  siè- 
gent sous  la  peau  du  pied,  à  la  plante,  sur  le  dos,  entre  les  doigts. 
D'abord  mobiles,  peu  douloureuses  elles  grossissent,  devien- 
nent fixes,  douloureuses,  finissent  par  se  réunir  entre  elles  et 
par^ifaire  du  pied  tout  entier  une  masse  volumineuse,  bosselée, 
déformée  ;  le  pied  grossit  toujours  et,  au  bout  de  5,  6, 7  années, 
il  acquiert  un  volume  triple  de  son  volume  normal,  de  là  le  nom 
de  ptriknl  (gros  pied),  d'amiikal  (pied  d'éléphant)  que  porte  ea 


PIED   DE   MADURA.  S07 

tamoul  cette  étrange  déformation.  La  peau  est  rugueuse,  dure, 
mamelonnée,  comme  couverte  de  petits  œufs  d'oiseau  ;  aussi,  dans 
certaines  parties  de  Tlnde,  la  maladie  porte-t-cUe  le  nom  de  goul- 
'imt-mnhdi  (réunion  d'œufs);  chacun  de  ces  petits  œufs  s'ouvre  à 
son  centre  et  un  stylet  introduit  pénètre  dans  un  pertuis,  par  lequel 
il  s'enfonce  sans  résistance  jusqu*au  milieu  des  os  mêmes,  qui  sont 
friables,  fongueux,  ramollis.  Un  pus  fétide  s*écoule  de  cette  sorte 
d'épongé  en  laquelle  s'est  en  réalité  transformé  le  pied  tout  entier. 
Avec  un  pareil  appendice,  à  la  fois  volumineux  et  douloureux,  la 
marche  devient  à  peu  près  impossible;  cependant,  même  à  cette 
période,  la  santé  générale  ne  semble  pas  atteinte  et,  si  Ton  pratique 
à  temps  Tamputation ,  qui  est  le  seul  remède,  la  guérison  a  lieu  ; 
mais,  si  Ton  attend  trop  longtemps,  la  suppuration  fmit  par  épuiser 
Torganisme  et  le  malade  succombe  dans  le  dernier  degré  de  ma- 
rasme. 

Aaatomle  patlioloclqne.  —  Lorsqu'on  vient  à  examiner  le 
pas,  qui  s'écoule  de  tous  ces  orifice?,  on  y  rencontre  de  nombreux 
corpuscules,  de  forme  irrégulière,  noirs  ou  gris  ;  lorsque,  après 
Famputation^  on  examine  le  pied,  on  constate  que  le  couteau  en 
pratique  la  section  facilement, sans  aucune  résistance,  comme  il 
ferait  d'un  fruit  mûr;  la  coupe  offre  à  l'œil  l'aspect  d^un  tissu 
homogène,  au  milieu  duquel  les  masses  granuleuses,  qu'on  avait 
vues  dans  la  suppuration ,  sont  groupées  en  conglomérats  plus 
ou  moins  gros,  depuis  le  volume  d'une  épingle  jusqu'à  celui  d'une 
balle  de  fusil.  Les  muscle?  sont  changés  en  une  masse  spongieuse, 
homogène,  gélatineuse  ;  les  os  mômes  sont  complètement  détruits; 
ils  n'offrent  plus  leurs  éléments  normaux  et  sont  creusés  de 
larges  cavités  remplies  par  les  granulations. 

IVatare.  —  Quelle  est  la  nature  de  cette  maladie?  Depuis  long- 
temps les  Hindousont  été  frappés  par  l'aspect  de  ces  paquets  de  gra- 
nulations; ils  les  prennent  pour  autant  de  vers  parasites  et  ils 
nomment  encore  la  maladie  kirinagras  ou  demeure  des  vers.  Le 
W  Ballingall  émit  le  premier,  scientifiquement,  l'idée  que  cette 
maladie  (Maladie  (le  fia/Z/ngra//)  devait  être  parasitaire,  a  les  forma- 
«(^tions nouvelles,  dit-il,  prennent  graduellement  la  place  de  la  sub- 
«  stance  osseuse  normale,  qui  se  détruit  probablement  par  absorp- 
c  tion  ».  Plus  Urd,  le  D' Biddie  et  enGn  le  D'  Van  Dyck-Carter 
(de  Bombay)  constatèrent  qu'il  s'agissait,  en  effet,  d'un  parasite  vé- 
gétal du  genre  éesMyxôsporées.  Les  Myxosporées  ((&»»«»  muco%\\ii^ 
ano^,  graine)  sont  des  moisissures,  qui  subisaenl  UWem^uX \m- 


t08  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

fluence  des  milieux,  que  lorsqu'elles  se  trouvent  dans  certaines 
conditions  mauvaises,  leur  mycélium  cesse  de  fournir  les  organes 
normaux  de  fructification  ;  elles  prennent  alors  la  consistance 
d'une  substance  aréolaire,  ferme,  compacte,  qu'on  nomme  sclero^ 
tia.  La  forme  de  sclérotia  se  maintient  tant  que  le  végétal  reste 
dans  le  même  milieu  défavorable  ;  mais  qu'on  prenne  la  sclérotia 
et  qu'on  la  place  dans  des  conditions  plus  favorables,  alors  elle 
fructiGera  normalement  et  reproduira  l'espèce  qui  a  servi  de  point 
de  départ.  C'est  même  lu,  soit  dit  en  passant,  un  exemple  remar- 
quable du  peu  de  fixité  des  espèces  devant  le  milieu  changeant! 
C'est  ce  qui  arrive  pour  le  végétal  en  question  :  lorsqu'on  vient  à 
prendre,  dans  un  pied  malade,  ces  végétations  en  forme  de  sc/r^ 
rotia  et  qu'on  les  dépose  dans  un  milieu  qui  leur  convienne,  dans 
de  la  colle  de  riz  humide  par  exemple,  alors  on  les  voit  se  dévelop- 
per sous  la  forme  féconde  d'un  mycélium  coloré  en  rouge  :  Ber- 
keley a  donné  à  cette  moisissure  à  l'état  complet  le  nom  de 
Chioniphe  Carterii;  elle  ressemble  d'ailleurs  à  celle  qui  constitue 
la  rouille  d'un  gi'and  nombre  de  végétaux.  Les  médecins  de  l'Inde 
admettent  donc,  avec  Carter  et  Berkeley,  que  le  parasite  du  pied 
de  Madura  n'est  que  la  forme  transitoire,  dans  le  milieu  humain 
défavorable,  du  Chioniphe  Carterii,  qu'ils  ont  pu  cultiver. 

De  l'analogie  entre  cette  moisissure  et  la  rouille  parasite  des 
végétaux  ils  induisent,  que  l'habitat  normal  de  cette  moisissure 
se  trouve  dans  certains  végétaux  de  l'Inde,  peut-être  dans  le  co- 
tonnier. 

Le  pied  de  Madura  serait  donc  un  nouvel  exemple  de  ces  gallcê 
animales  dont  je  parlais  à  propos  du  bouton  de  Biskra. 

Maladies  similaires.  —  L'exemple  d'un  parasite  végétal,  pas- 
sant, comme  le  font  beaucoup  de  parasites  animaux,  par  uneiiérie 
de  métamorphoses,  n^est  pas  unique.  Ainsi,  il  existe,  en  Suisse,  sur 
les  poiriers,  un  champignon  parasite,  une  rouille,  qui  les  fait  mou- 
rir. Or  ce  parasite  n'habite  pas  toujours  le  poirier;  il  subitdes  meta* 
morphoses  et,  à  l'une  d'elles,  il  habile  le  Juniperus  sabina.  Si  bien 
qu'il  suffit,  dans  une  contrée,  d'arracher  les  Juniperus  j^nr  gué- 
rir  les  poiriers.  Il  y  a  de  même  une  rouille  de  céréales,  un  cham- 
pignon qui,  à  l'une  de  ses  métamorphoses,  habite  Vépine-vinette; 
si  bien  qu'il  suffit  d'arracher  l'épine-vinette  dans  un  endroit,  pour 
détruire  cette  sorte  de  rouille  céréale. 

De  même  autour  d'Edimbourg,  dansl^cours  même  et  dans  les 
affluents  de  la  Solway,  une  maladie  grave,  récemment  étudiée. 


ACTINOMYCOSE.  309 

règoe  sur  les  saumons  ;  elle  est  due  à  une  algue  rameuse,  Sapro- 
4é:gnia  ferox,  qui  envahit  les  parties  dépourvues  d'écaillés  (nez, 
front)  ;  de  là,  elle  s'étend  rapidement  aux  parties  voisines  et  le 
poisson  finit  par  succomber,  farci  de  la  production  végétale  et 
«ouvert  d'ulcérations. 

Ctlolocl«.  —  Quand  on  songe  maintenant  que  le  C/Uoniphe 
f'arterii  n'envahit  généralement  que  le  pied,  qu*il  n'atteint  que 
les  Hindous,  les  seuls  qui  marchent  généralement  pieds  nus,  il  est 
permis  de  penser  que  leurs  courses  pieds  nus,  au  milieu  des  four- 
rés, sont  l'occasion  d'une  véritable  inoculation  ;  soit  que  le  para- 
site entre,  comme  le  pense  Hirz,  par  le^  glandes  sudoripares; 
tïoitque  les  blessures,  les  piqiîres,  notamment  celles  qui  sont  pro- 
duites par  une  épine  de  Mimosa ^  fréquemment  accusée,  leur 
ouvrent  la  porte  d*entrée. 

§  5.    ACTINOMYCOSE. 

Amatomle  palholo^lque.  —  Au  pied  de  Madura  doit  être 
rattachée  une  maladie  plus  générale,  étudiée  récemment  par  Ponlick 
ideBreslau),  par  BoUinger  (de  Munich),  par  Vanlair  et  que  le  pro- 
fesseur Corn  il  a  le  premier  fait  connaître  en  France,  Vaciinomycose. 

Cette  maladie  a  été  décrite  chez  le  hœuf^  en  i877,  par  Boilin- 
^er  :  elle  consiste  dans  la  production  dans  lu  mâchoire  ou  dans 
la  langue  d'une  tumeur  blanchâtre  qui,  prenant  naissance  dans 
les  alvéoles  des  molaires  ou  dans  la  substance  spongieuse  de  l'os, 
aaiène  un  gontlement  considérable  et  Tmitleplus  souvent  par  se 
faire  jour  au  dehors,  après  avoir  déterminé  la  chute  des  dents 
et  détruit  les  uns  après  les  autres  tous  les  tissus  interposés. 

La  surface  de  cette  tumeur,  dit  Cornil,  est  ordinairement 
lobulée  et  ses  dimensions  peuvent  atteindre  et  même  dépasser 
celles  d'une  tète  d'enfant.  La  substance  qui  la  compose  est  muUe, 
succulente  et  montre,  à  la  coupe,  une  grande  quantité  de  foyers 
jaunâtres,  puri formes.  Le  slroma  est  formé  d'un  tissu  de  granula- 
tions, tantôt  fibreux,  tantôt  cellulaire  et  les  foyers  sont  constitués 
par  des  dépôts  de  pus,  dont  on  peut  extraire,  par  le  raclage,  de 
petits  grumeaux  du  volume  d'un  grain  de  chenevis,  d'une  nuance- 
jnttnc' soufre,  donnant  au  toucher  l'impression  d'une  substance 
graisseuse.  Ces  grainseux-mèmes,  soumis  à  un  examen  microsco- 
pique approfondi,  apparaissent  comme  des  masses  opaques,  arbo- 
risées,  gUindtdi formes,  rappelant  assez  bien  l'aspect  d'ua^  uv^Va 


tiO  LA  FAUNE   ET   LA  FLORE. 

hydatique  minuscule.  Uoe  légère  pression  suffit  pour  dissocier  ^^ 
masse  et  la  résoudre  en  ses  éléments;  on  voit  alors  netteme^^ 
que  ces  derniers  sont  constitués  par  des  filaments  ténus,  à  stril^' 
ture  homogène,  que  leur  mode  de  division  (bifurcation,  rami(i  ^ 
cation  collatérale,  verticilles)  et  le  renflement  pyriforme  qui  \0^ 
termine,  identifient  manifestement  avec  certaines   végétation^ 
cryptogaaiiques. 

En  raison  de  la  disposition  radiaircdes  filaments  jointe  à  d'autre^ 
caractères,  Harz  a  fait  de  ce  produit  un  champignon  r(iyonnt\  wvt 
nctinomycètc.  —  La  maladie  que  sa  présence  occasionne  chez  le 
bœuf  a  reçu  de  BoUinger  le  nom  d*aHinomycose, 

Les  grains  caractéristiques  ne  se  rencontrent  d'ailleurs  pas  seu- 
lement dans  la  masse  néoplasique  du  maxillaire;  mais  on  les 
trouve  encore  dans  les  productions  secondaires  du  pharynx,  du 
larynx,  de  la  rauququse  stomacale  et  dans  les  glandes  lympha- 
tiques on  relation  avec  ces  organes. 

En  1«78,  Israël  rencontra  la  môme  maladie  chez  rhnmme  : 
Ponfick,  en  1879,  trouva  les  mômes  parasites  dans  un  phlegmon 
pré  vertébral.  On  possède  actuellement  la  relation  de  17  cas 
d'actinotni/cDsia  hominù  : 

«  L  atrection  débute,  dit  Cornil,  le  plus  souvent  par  la  ré- 
gion faciale,  la  partie  supérieure  du  cou,  notamment  par  les  dents 
et  les  alvéoles  dentaires.  De  là,  la  lésion  descend  insensiblement 
vers  la  poitrine,  Tabdomen  et  le  bassin,  en  donnant  lieu  à  des 
péri  et  à  des  parapleurites,  à  des  caries  des  vertèbres  et  des  côtes, 
à  des  psoïtes,  à  des  péritonites, 

a  Elle  détermine  la  formation  de  foyers  métastatiques  dans 
diffcrcnts  viscères,  notamment  dans  le  cœur,  le  foie  et  le  pou- 
mon. 

«  Elle  se  caractérise  localement  par  Texistence  de  véritables 
clapiers  avec  trajets  fistuleux,  qui  diffèrent  par  plusieurs  points 
des  abcès  froids  ordinaires.  Ainsi,  les  orifices  des  fistules  sont 
nombreux,  de  forme  irrégulière  et  entourés  d*une  peau  excessive- 
ment mince,  flasque,  bleuâtre,  ù  dentelures  aiguës,  sans  inflam- 
mation des  tissus  interposés.  Si  Ton  introduit  le  stylet,  on  tombe 
dans  un  labyrinthe  de  fistules,  dont  les  parois  sont  couvertes  de 
granulations  fongueuses  et  tremblotantes.  En  dépit  de  leur  ap- 
parence anémique,  ces  granulations  sont  parsemées  détaches  blanc 
jaunâtre,  qui  représentent  les  vestiges  d'anciennes  extravasations. 
I^  sécrétion  est  séreuse  et  Ton  ne  peut  l'amener  au  dehors  que 


LÈPRE.  SH 

par  des  pressions  réitérées.  C'est  dans  cette  sécrétion  que  l'on 

rencontre  les  grains  caractéristiques. 

f  La  marche  est  ordinairement   lente.  La  durée  moyenne 

est  d'un  an. 

«  Quelques  malades  guérissent,  mais  la  plupart  succombent 

dans  un  état  de  marasme  compliqué  de  dégénérescence  amyloîde; 

d'autres  sont  emportés  par  des  accidents  pyohémiqucs;  d'autres 

encore  par  des  complications  cardiaques,  hépatiques  ou  pulmo- 
naires. 

laocalatioii.  —  Si  les  données  prccédentcs  ne  permettaient 
P^int  encore  de  reconnaître,  dans  un  cas  donné,  raclinomvcosc 
de  l'homme,  on  pourrait  recourir  à  V  inocula  fi  on,  Ponfick  a  dé- 
montré, en  efîet,  quelebœuf  —  ainsi  qu'on  devait  le  supposer  à 
priori  —  était  susceptible  de  contracter  raclinomycose  par  voie 
expérimentale.  L'introduction  du  champignon,  soit  dans  le  tissu 
sous-cutané  ou  intermusculaire,  soit  dans  la  cavité  péritonéale,  a 
donné  ;lieu  chez  le  veau  au  développement  de  nombreuses  tu- 
n^ursactinomycétiques,  qui  se  sont  formées  d'abord  aux  alentonrs 
du  point  inoculé  et  se  sont  ensuite  propagées  au  loin.  Linjection 
dans  le  sang  a  produit  des  foyers  pulmonaires,  il  ne  faut  pas  plus 
d'un  mois  pour  que  les  accidents  deviennent  manifestes.  L'absor- 
Plion  par  la  voie  gastrique  intacte  n'a  produit  aucun  eflet.  Le 
^inet  le  chien  paraissent  inaccessibles  à  Tinfeclion.  n 

l^'atufe.  —  En  somme,  il  s'agit  d'un  organisme  parasitaire 
visible  à  l'œil  nu  ;  cette  maladie  ne  procède  pas  par  voie  inflam- 
oiâtoire,  mais  par  voie  néoplasi(iuc;  Tactinomycose  établit  ainsi 
avec  le  pied  de  Mndura  une  transition  entre  les  maladies  pur  fer- 
fnentatum  €t  les  maladies  plus  simplemerit  parasHnires,  Elle  a  sa 
place  u  cùté  de  la  lèpre. 

§   6.   LÈI'IIE. 

Histoire  et  ^éo^rapliie.  —  Il  semble  que,  lorsqu'on  parle 
de  la  lèpre,  on  ne  fasse,  en  quelque  sorte,  que  de  Tarchéologie 
etqu^on  n'éveille  à  l'esprit  que  le  souvenir  d'une  des  mille  plaies 
du  sombre  moyen  âge.  Nous  allons  voir,  au  contraire^  que  si  la 
lèpre  est  une  des  maladies  les  plus  anciennement  connues,  elle 
n'en  est  pas  moins  une  maladie  actuelle  contemporaine. 

On  s'accorde  généralement  pour  faire  remonter  à  Moïse  la  pre- 
mière description  de  la  lèpre,  mais  le  chapitre  XUl  d\x  L^nvVx^vkVî, 


su  Là   PAU5E   ET   U   FLORE. 

auquel 00  fait  toujocrs  allusion,  englobe éTÎdemment  une  foule  ôa 
maladies  diflerentes,  dont  le  législateur,  en  bon  bjgiéniste,  engage 
le  peuple  à  se  mëûer.  «  LTternel  paria  ainsi  à  Moïse  et  à  Aaron, 
«  disant  :  Lorsqu'il  y  aura  dans  la  peau  de  la  chair  d'un  homme 
«  une  lumeur,ou  de  la  gale,  ou  un  bouton,  ou  ramènera  à  Aaroo 
«  sacrificateur  ou  à  l'un  de  ses  fils  sacrificateurs.  »  L'auteur  du 
lx-%ilique  entre  alors  dans  la  discussion,  par  voie  d*énumcration, 
(les  diverses  maladies  qui  peuvent  répondre  à  cette  première  des- 
cription :  c'est  là,  en  réalité,  un  chapitre  de  ce  que  nous  nomme- 
rions aujourd'hui  la  soméiotique  des  maladies  de  la  peau.  .Apre» 
avoir  énuméré  tous  les  signes  qui  ne  devront  |»as  effrayer  le  sacri- 
ficateur, il  ajoute  :;  «  Si  le  bouton  est  plus  enfoncé  que  la  peau, 
«  s'il  y  a  quelque  tumeur  blanche  dans  la  peau  et  que  le  poil  soit 
M  devenu  blanc  et  qu'il  paraisse  de  la  chair  vive  dans  la  tumeur, 
«  c'est  la  lèpre;  le  sacrificateur  le  jugera  souillé.  »  Voilà  le  dia- 
;:nostic. 

Voici  le  traitement  :  «  1^  lépreux  aura  ses  vêlements  déchirés 
«  et  la  tète  nue  ;  il  se  couvrira  jusque  sur  la  lèvre  de  dessus  et 
»  s'écriera:  Le  souillé!  le  souillé!  Pendant  tout  le  temps  il  sera 
<(  jugé  souillé  !  il  est  souillé  !  Il  demeurera  seul  et  sa  demeure 
u  sera  hors  du  camp,  n»  Si  Ton  passe  au  livre  de  Job,  on  voit  réu- 
nies sur  ce  malheureux  toutes  les  plaies  possibles,  mais  on  ne  peut 
pas  reconnaître  scientifiquement  la  lèpre.  Job  semble  n'être  d'ail- 
leurs qu'un  personnage  idéal,  sur  qui  s'appesantit  la  colère  de 
l'Eternel,  manifestée  par  un  ensemble,  en  quelque  sorte,  schéma- 
tique de  tous  les  maux  physiques,  au  milieu  desquels  la  lèpre  vient 
ù  son  raug.  Ou  recoiinait  les  douleurs  nocturnes  de  la  syphilis 
dans  cette  plainte  :  «  Si  je  suis  couché,  je  dis  :  ^uand  me  lé- 
«  verai-je?  et  quaud  est-ce  que  la  nuit  aura  achevé  sa  mesure? 
«  etjenrinquièlc  cruellement  jusqu'au  point  du  jour.  »  On  recon- 
naît la  scques(rati<»n  déjà  appliquée  ù  la  lèpre  dans  cette  autre 
lamentation  :  «  L'Eternel  a  écarté  de  moi  mes  frères  et  ceux  qui 
«  me  connaissaient  se  sont  éloignés  de  moi  ;  ceux  qui  habitaient 
«  dans  ma  maison  et  mes  servantes  m'ont  tenu  pour  un  inconnu 
•  et  m'ont  réputé  pour  étranger  ;  mon  haleine  est  devenue  odieuse 
«  à  ma  femme,  bien  que  je  la  supplie  par  les  enfants  qui  sont  sortis 
«  de  moi.  Mes  os  sont  attachés  à  ma  peau  et  à  ma  chair  »  et,  trait 
caractéristique  de  la  lèpre  a  à  peine  mes  lèvres  couvrent-elles  mes 
«  dents.  »  Mais  cette  description  symbolique  n'a  pour  but  que  de 
montrer  la  crainte  du  Seigneur  et  sa  toute-puissance,  car,  ce  qui 


LËPRE.  IIS 

n'est  guère  caractéristique  de  la  lôpi'e.  Job,  bL'ni  par  rEltrnel.qui 
lui  dotiiiu  UiHW  lircbis,  rtOOO  chameaux,  I  000  couples  de 
twiiTicl  lOOo  âncsses,  «  eut  K|>t  Tils  et  liois  Hllesd  vùcut  encore 
•  quarante  ang.puis  il  mourut  Ag6  et  rassasié  de  jours».  Il  ressort 
tirantnoins  du  ces  citations  du  Lévitiquc  et  du  livre  de  Job,  que 
\(^  Hébreux  connurent  la  lèpre,  qu'elle  avait,  nous  le  verrons  tout 
à  l'heure,  lesmAmcs  sjmptomes  qu'aujourd'hui  et  qu'elle  iaspi- 
rail  la  iiiânie  horreur. 

Les  Dèbreui  avaienl-ils  pris  celle  maladie  en  Egypte?  Toute 
l'antiquité  l'a  admis  et  Toeitc  dit  :  h  Plurimi  aitctorei  rmtentiitnt 
■  •fta  per  .Egyplum  liibr,  qux  cm-ptirn  fatliirrt,  «  Ce  qu'il  y  a  de 
i^i^rUiii,  c'est  que  Ilippocrate  parle  d'un  mal  terrible,  U-m'iljihê- 
"'ci'Ti,  qui  pourrait  bien  Èlrc  la  [lèpre,  mais  qu'il  ne  décrit  pas 
'Virement.  Arisloie  est  plus  explicite;  il  a  vu.cn  Orient,  une 
"latadic  a  i/iwm  i-iUjnam  appeUamug  ».  Elle  se  caractérise  par 
''^  poussifs,  qui  seront  sur  iliiïérents  points  de  la  race;  la  pbysio- 
^Oat  ressemble  à  celle  d'un  animal,  à  celle  d'un  satyre  entre 
^"'rcs;  c'est  de  même  que  la  comparaison  avec  la  face  du  lion  a 
'''  uaitrc  depuis  le  mot  LiMnliash. 

'■1  comparaison  avec  un  animal  est  du  reste  aussi  générale  que 

'"-'Ci  ce  qu'ArislOte  nommait  Salyrinsis,  ce  que  nous  nommons 

■'*(m»i**,  tes  Grecs    l'appelaient    Elephantianis,  d'où    le  nom 

'^'•^jih<rnti(iWj«  i^sf^'cf,  qui  sert  aujourd'hui  &  différencier  la 

"^l'***]  d'une  autiT  maladie  toute  d'issemblable,  que  nous  désignons 

*<^«  le  nom  A-Eléplvinllath  rfc»  Arabes. 

'-'e»l  sous  le  nom  d'Eléphantiasisque  Pline  nous  décrit  la  Icpre, 
''"'t  après  avoir  cnvabi  l'Egypte,  l'Asie  occidentale,  la  Grèce,  où 
rlle  «Yaitélé  apportée  par  les  conquêtes  d'Alexandre, avait  envahi 
"**lie.  Celte  maladie,  dit  Pline,  ûlail  inconnue  en  Italie,  jus- 
1**'4u  temps  de  Pompée  le  Grand,  qui  la  rapporta  d'Asie  avec  son 
^''■Uiic.  Ce  mal.  qu'il  décrit  à  merveille,  était,  dil-il,  particulier  ù 
Svpte  u  quand  M  attaquait  les  rois,  il  était  Tuncite  au  peuple, 
'  '^r.  pour  les  guMir,  on  leur  TaisBit  prendre  des  Imitis  uii  il  en- 

*  'nii  du  sang  bunialD.  » 

Au  v[i*  siècle,  en  lîil,  ce  n'est  plus  â  Kome  que  nous  voyons 

*  U-pre,  c'est  en  Lombardie:  en  C*3,  une  ordonnance  de  Rulha- 
"*.  roi  des  Lombards,  prescrit  que  les  lépreux  soient  réCugiés 
"^Hs  un  lieu  isolé,  les  déclare  morts  civilement  et  les  dépouille 
*^  leurs  biens.  Elle  passe  ea  France,  où  on  îsoWil  \t&  Xt^teut 
"*  n  Lombardie.  Ea  7j7,  Pépin  autorise  le  à'\iOTce\«'Cï<\>i"  >i«. 


SI 4  LA   FAU5E   ET   LA   FLORE. 

des  époux  devient  lépreux:  en  TdO^Charlemagne  retranche  com- 
plètement ces  malheureux  de  la  société. 

Mais  le  grand  mouvement  des  croisades,  où  tant  de  pauvres 
hères  rappurtcrent  la  lèpre  pour  tout  butin,  porta  à  son  maximum 
le  nombre  des  lépreux  dans  toute  TEurope,  pendant  les  xi«,  xu* 
et  xiii"  siècles.  Cjc  fut  le  mal  de  Lazare  ;  uu  ordre  religieux, 
dont  le  grand  m.aitrc  devait  toujours  être  lépreux  et  qui  subsista 
jusqu'en  I2'»:t,rut  fondé  en  10^8  par  le  pape  Damèse  11  pour  soi- 
gner les  pauvres  ladrf's  ou  mczels,  comme  on  appelait  alors  les 
lépreux. 

Les  pratiques  de  réprobation  inaugurées  par  Moïse  contre  les 
lépreux,  au  nom  de  Thygiènc,  subsistèrent  dans  toute  leur  in- 
tégrité; ces  pratiques  étaient  d'ailleurs  dictées  moins  |)ar  une 
opinion  dérivée  de   Thygiène  que  par  le  sentiment  d'horreur, 
qu'Inspirait  aux  imaginations  naïves  la  marque  aussi  visihk'  de  la 
vengeance  divine.  Ils  s'en  vont  sur  les  roules  *  quérant  leur  vie  w  et 
sont  fobjel  de  décrets  et  d'ordonnances.  «  Mandons,  dit  Charles  Vl> 
(f  et  étroitement  enjoignons  que,  sans  délai,  tous  les  mésraux 
«  hommes,  femmes  et  enfants  qui  ne  sont  nés  en  notre  bonne 
((  ville  et  qui,  par  privilèges,  ordonnances  et  statuts  anciens  d'i- 
<t  celle,  n'y  doivent  être  reçus  es  maladreries  pour  ce  establics, 
^  reparlent  de  noire  bonne  ville.»  Déjà,  sous  le  règne  précédent, 
les  lépreux  avaient  été  brûlés  pour  avoir  empoisonné  les  fon- 
taines, a  N(»us-mème,  dit  un  chroniqueur  du  temps,  nous  avoo» 
«vu  en  Poitou  une  lépreuse  qui  passait  ;  craignant  d'être  prise, 
«  elle  jcla  derrière  elle  un  chiffon  lié  qui  fut  aussitôt  porté  en 
«  justice,  et  Ton  y  trouva  une  tète  de  couleuvre,  des  pattes  de 
«  crapauds  et  comme  des  cheveux  de  femmes.  »  Elle  fut  brûlée  ! 
Tout  le  monde  sait  de  quels  procédés  terribles  le  clergé,  dont 
lo  rùle  eût  été  de  les  secourir,  usait  au  contraire  avec  eux.  On  réci- 
tait devant  le  pauvre  lépreux  loffice  des  Morts,  après  quoi  on  lui 
remettait  une  robe,  deux  chemises,  un  baril,  une  écuelle,  un  en* 
tonnoir,  une  baguette,  des  cliquettes  et  une  crécelle  en  lui  disant  : 
«  Je  te  défends  entrer  es  églises,  marchés,  moulins  et  lieux  è» 
0  quels  il  y  aaffluence  de  peuple  ;  je  te  défends  laver  tes  mains 
((  et  choses  à  ton  usage  es  fontaines,  ruisseaux,  et  si  tu  veulx  j 
tt  boire,  faut  prendre  avec  un  vaisseau  honneste;  je  te  défends 
a  toucher  aucune  chos<'.  que  tu   voudras  acheter  que  avec  une 
«  verge  nette,  pour  la  démon trance  ;  je   te  défends  manger  et 
«  boire  en  autre  compagnie  que  lépreux  et  saches  que  quand  ta 


LÈPRE.  S16 

c     mourras,  tu  seras  enseveli  sous  ta  maison,  si  n'est  de  grâce  qui 
c     ie  sera  faite  par  le  prélat  ou  ses  vicaires.  »   Grâce  accordée 
contre  espèces  SK>nnan tes,  bien  entendu  ! 
.  L,es  léproseries  ou  maladreries  finirent  par  se  remplir,  mais 
elles  ne  se  remplirent  pas  que  de  lépreux;  une  simple  dénoncia- 
tion suffisait  pour  faire  passer  pour  lépreux  un  homme  atteint 
d*une  affection  légère  de  la  peau  et,  comme  le  dit  Voltaire,  a  la 
€  lèpre  était  parfois  quelque  chose,  comme  la  lettre  de  cachet  de 
«  ce  temps-là  ».  Le  sacrificateur  dont  parle  le  Lévitique,  était 
alors  un  employé  subalterne,  qui  jugeait,  à  certains  signes,  s'il 
s^agissait  bien  de  la  lèpre.  Chaque  pays  avait  d'ailleurs  sa  recette, 
son  critérium  infaillible  :  ainsi,  en  Hollande,  on  jetait  de  la  pous- 
sière de  plomb  dansfurine  de  la  personne  suspecte  ;  si  la  poussière 
tombait  au  fond,  on  était  jugé  lépreux  ;on  devine  que  le  contraire 
arrivait  rarement.  La  lèpre  était  une  poudre  de  succession  d'un 
nouveau  genre.  Aux  gens  qui  étaient  déclarés  lépreux  par  leurs 
Iwriliers  se  joignaient,  en  outre,   comme  aujourd'hui  les  faux 
manchots,  les  faux  aveugles  qui  mendient  dans  nos  mes,  les  faux 
li^preia.  Il  y  avait  mèpae  dos  faux  lépreux  patentés,  comme  nous 
(lirions aujourd'hui  ;  ainsi,  la  ville  de  Harlem  autorisait  des  gens 
bien  portants  à  s'habiller  en  lépreux,  pour  qu'ils  puissent  mendier 
plus  lucrativement.  Enfin,  à  coté  des  vrais  et  des  faux  lépreux, 
'^y  avait  tous  ces  pauvres  malades  qui   peuplent  aujourd'hui 
^'^ôpital  Saint  Louis,  atteints  de  lésions  syphilitiques,  de  lupus 
^rofuleux,  de  maladies  de  la  peau  souvent  curables.  Broca,  fouil- 
'*Dt  le  cimetière  d'une  ancienne  léproserie,  a  reconnu  facilement 
alésions  syphilitiques  non  douteuses  sur  un  grand  nombre  de 
crânes;  il  arriva  même  ceci,  c'est  que,  quand  la  lèpre  diminua  et 
^^sparul  môme  à  \)eu  près  delà  France,  il  y  avait  toujours  autant 
"c  malades  dans  les  léproseries!  Si  bien  qu'en  1626,  lorsque  deux 
^^ecins,  David  et  Juste  Laigneau,  furent  chargés  par  Louis  XHI 
^'inspecter  toutes  les  léproseries,  afin  de  voir  si  on  ne  pourrait  pas 
^fï  fermer  quelques-unes,  ils  ne  trouvèrent  pas  un  seul  lépreux; 
bien  qu'elles  fussent  toutes  remj)lies,  on  les  ferma  toutes. 

La  lèpre,  cependant,  existait  encore  en  1782  au  centre  de  la 
France,  depuis  les  environs  du  Mont-Dore  jus«|ue  près  de  Salcrs; 
<^n  l'y  désignait  sous  le  nom  de  mal  de  Saint-Main.  Il  n'en  existe 
plus  que  quelques  rares  échantillons,  sur  la  cote  de  Provence,  le 
long  de  fétang  de  Ber,  à  Martigues,  Yitrol,  Turbie,  Nice,  Toulon 
peut-être. 


tl6  Là   FAUNE   ET   LA  FLORE. 

En  Espace,  après  avoir  diminué,  elle  tend  à  augmenter  de 
nouTeau.  Dans  la  province  de  Valence,  on  acompte,  en  1878, 1 16 
cas  de  lèpre,  dont  71  morts.  On  Vj  nomme  le  mal  du  Mn^ire. 
En  Portugal,  dans  le  district  de  Laloes,  il  existe  environ  3000 
lépreux.  Au  siècle  dernier,  il  y  avait  encore  20  léproseries  en 
Andalousie  et  en  .Vsturio.  La  maladie  règne  encore  en  Catalogne, 
en  Andalousie,  en  Galicie,  en  Asturie  et  à  Grenade. 

En  Grèce,  il  y  avait,  en  1840,  900  lépreux  connus;  mais  leur 
nombre  a  considérablement  augmenté  depuis  cette  époque.  A 
Candie,  il  y  avait,  à  la  même  épot^ue,  900  lépreux  sur  250 000 ha- 
bitants. On  en  compte  un  assez  grand  nombre  dans  les  îles  de 
Cépbalonie,  Eubée,  Andros,  Samos  et  Tenedos.  La  lèpre  n^est  pas 
rare  à  Chio;  elle  a  été  importée  de  Syrie,  en  1720.  En  1737, 
deux  léproseries  ont  été  construites. 

En  Islande»  il  y  avait,  en  18o7,  loO  lépreux  sur  52000  habi- 
tants ;  les  îlesFeroë  avaient,  en  1816.  66  lépreux. 

Elle  exerce  encore  des  ravages  considérables  en  Scandinavie, 
sous  le  nom  de  $p*^daiski\l.  On  compte  en  Norwcge,  dans  le  Fin* 
marck,  f  lépreux  sur  1383  habitants:  dans  le  nord  de  Drotbeim, 
1  sur  1530  :  dans  le  sud  1  sur  %8;  en  Strevangen,  1  sur  871  ; 
en  Nordiand,  1  sur  528;  dans  le  sud  de  Bergen,  1  sur  580;  dans 
le  nord,  1  sur  â72.  Dans  toute  la  Norwège,  on  ne  comptait  plus 
que  2847  lépreux  en  1856  et  que   I  832  en  1874. 

En  Suède  (province  de  Helsingeland),  on  comptait,  il  y  a  quel- 
ques années.  1  lépreux  sur  95  habitants. 

En  Finlande,  en  Esthonie,  en  Courlande,  la  lèpre  est  très  fré- 
quente. Il  en  est  de  même  en  Oimée,  le  long  de  la  mer  dWzow,  au 
Caucase  et  jusqu'à  Astrakan,  sur  les  bords  du  Don.  dans  TOural. 

En  Italie,  on  trouve  la  lèpre  sur  la  cote  orientale,  dans  les  la- 
gunes de  Ferrare  et  dans  le  golfe  de  Gènes  depuis  Chiavari  jusqu'à 
Nice;  en  Sicile.  Faugmentation  du  nombre  des  malades  est  même 
telle,  qu'il  est  sérieusement  question  de  rétablir  des  léproseries. 

La  lèpre  est  fréquente  en  Palestine  :  quand,  dans  un  village^ 
un  homme  devient  lépreux,  il  doit  se  réfugier,  soità  Ramlet,  près 
de  JafTa,  soit  à  Naplouse.  soit  à  Jérusalem,  où  existent,  en  quelque 
sorte,  des  associations  de  lépreux  ;  ils  y  vivent  cantonnés  dans 
une  sorte  de  phalanstère  lépreux,  sous  la  direction  et  l'autorité 
d*un  lépreux,  qui  prend  le  titre  reconnu  de  cheick.  Moyennant 
400  piastres  versées  dans  la  caisse  de  la  communauté,  on  a  droit 
à  son  chez  soi  ;  sinon,  on  est  associé,  dans  une  chambre,  à  oa 


LÈPRE.  tl7 

autre  lépreai.  Dans  la  journée,  celle  cour  des  miracles  se  vide, 
cfaacun  va  mendier  et  parlag^  le  soir  avec  ses  collègues.  Les  ma- 
riages entre  lépreux  n*y  sont  pas  rares  et,  pour  400  piastres,  un 
lépreux  peut  encore  prétendre  à  une  compagne,  hélas,  semblable 
à  lui,  dont  la  principale  fonction,  bien  entendu,  est  de  préparer 
les  aliments.  Il  nait  cependant  quelques  enfants.  Le  mariage  d'un 
lépreux  est  célébré  par  un  immense  diner,  où  prend  place  toute  la 
colonie.  Ces  malheureux  reçoivent,  environ  tous  les  trois  mois, 
la  visite  de  leurs  parents,  qui  leur  apportent  différents  comestibles. 
La  lèpre  existe  en  Perse  ;  elle  existe  à  Samarkand,  sous  le  nom 
de  mukkoto,  Pallas,  au  siècle  dernier,  l'a  décrite  chez  les  Co- 
saques de  Jaîk,  qui  prétendent  qu'elle  leur  a  été  apportée  d'As- 
trakan et  de  Crimée. 

En  Chine,  les  léproseries  sont  très  nombreuses  ;  dans  certaines 
provinces  du  midi  on  en  compte  I  par  1000  habitants.  A  Foottchow^ 
clic  est  également  très  répandue.  Les  lépreux  vivent  dans  quatre 
grades  léproseries;  bien  heureux  quand  on  ne  les  abandonne 
P^  sur  un  bateau  au  cours  du  fleuve,  ce  qui  leur  arrive  beau- 
coup plus  souvent  qu'aux  prétendus  petits  Chinois  !  La  lèpre  est 
Clément  fréquente  au  Japon. 

Dans  certaines  parties  des  Iles  de  la  Sonde,  la  maladie,  qui 
porte  le  nom  de  cascadoè  est  si  fréquente,  que  5  0/0  des  habitants 
^  sont  atteints.  La  lèpre  est  fréquente  à  Malacca,  à  Singapour  ; 
6ile  est  fréquente  à  Java,  à  Bornéo,  à  Sumatra,  aux  Philippines. 
Dans  rinde,  l'hôpital  de  Madras  reçoit  chaque  année  environ 
200  lépreux.  Elle  a  été  récemment  introduite  à  Tranquebar  par 
des  esclaves  africains  ;  elle  s'est  montrée  a  Négapatam  et  se  répand 
dans  les  environs.  Dans  les  environs  de  Belgaum,  on  compte  en- 
viron 4 131  lépreux  sur  900000  habitants. 

A  la  Nouvelle-Zélande,  elle  est  connue  sous  le  nom  de  ygcrcn- 
gère  et  à  Tahiti  sous  celui  de  Oovi. 

Elle  est  fréquente  à  Madagascar,  au  Maroc,  dans  la  vallée  du 
Nil,  au  bord  de  la  mer  Rouge,  en  Abyssinie,  au  Darfour,  en  Séné- 
gambie,  à  Sierra-Leone,  au  Congo,  au  Cap,  à  Mozambique,  à 
Maiurice,  à  la  Réunion,  à  Sainte-Hélène. 

Dans  l'Amérique,  elle  porte  les  noms  de  cacabay,  aux  Antilles  ; 
de  Iota  ou  boasie,  à  la  Guyane  ;  decarate,  à  la  Nouvelle-Grenade» 
au  Venezuela,  à  l'Equateur  ;  de  mal  de  los  pintos^  au  Mexique  ; 
de  morphea,  au  Brésil.  Aux  Etas-Unis,  la  lèpre  existe  et  se  déve- 
loppe toua  les  jours. 


LÈPRE.  lit 

tikspouuentdanilfïs  Tossesnasales,  dans  la  gorge,  dans  les  pou- 
inona.Les  lésions  de  la  peau,  comme  celles  de  l'inlérieur,  s'ulcë- 
renl,  suppurent,  donnent  une  odeur  infecle  et  repoussante,  en 
même  lempsquela  respiration  du  malheureux  est  compromise. 


'^ulcérations  de  ,1a  peau  succèdent  aux  bulles  et  aui  tuber- 

<vtei;  elles  donnent  lieu  il  des  plaies,  qui  se  recouvrent  de  i.'ros- 

H)  croates.   Dans  certains  cas,  on    voit  tomber  des  phalanges, 

do  loenibrcs  entiers,  comme  si  un  chirurgien  malhabile  avait 

fisse  par  1&;  c'est  la  forme  ampulanle,  représentée  chez  le  jeune 

'lipreux  dont  je  donne  le  portrait  emprunlë,  comme  celai  de  la 

lépreuse,  à  Godard.  En  m£me  temps  les  muscles  s'atrophient,  les 

tendons   se  rétractent  et  donnent  parfois  à  la  main  un  aspect  de 

ffri/^e  particulier  et  caractéristique.  Enfin  arrive  ce  qu'on  nomme 

la  phthitie  lépreuse  et  la  mort  survient  dans  le  marasme,  l'intel- 

ligence  assistant  intacte  à  cette  triste  déchéance  de  roTga.avnsft. 


III  U   TklSB   ET   U   FLOU. 

Cn  lerribles  symplûmes  ne  se  déroulenl  pas  itm  une  çnnde 
npidité  :  on  coasiale  des  temps  d'arrêt  ;  t'etl  ainsi  qv'on  toîI 


dei  lépreux  qui  se  marienl  ;  des  médccios  lépreux  onl  pu  con* 
tinuer  leur  fîoteumn.  Il  y  a  surtout  dans  la  première  périodedei 


LÈPRE.  til 

temps  d^arrètsoiiyent  très  prolongés,  pendant  lesquels  un  homme 
porteur  de  macules  anesthésiques  peut  vivre,  co  apparence,  de 
la  vie  de  tout  le  monde.  La  durée  possible  de  la  maladie  varie, 
d^ailleurs,  suivant  la  forme  tuberculeuse  ou  anesthésique  ;  la 
forme  tuberculeuse  peut  durer  de  8  à  10  ans;  la  forme  anesthé- 
sique^  de  i8  à  20  ans! 

Ktî9Î9gie.  —  La  lèpre  disparait  d*Europe,  à  mesure  que  Tali- 
mentation  s'améliore;  elle  a  disparu  de  France,  à  mesure  que  la 
consommation  du  vin  augmentait;  elle  a  disparu  d'Angleterre,  à 
mesure  que  celle  du  cidre  et  de  la  bière  devenait  plus  grande. 
Cela  ne  veut  pas  dire  que  la  mauvaise  alimentation  soit  par 
elle-même  cause  directe  de  la  lèpre,  mais  elle  empêche  dercsister  à 
l'influence  descauses  réelles  qui  produisent  directement  la  maladie. 
Elle  disparait  des  îles  Féroè  à  mesure  que  la  population,  qui  ne 
vivait  que  de  la  pèche,  s'est  adonnée  à  l'agriculture. 

De  tout  temps,  d'ailleurs,  on  a  accusé  spécialement  la  nourriture 
exclusivement  ichtyophage.  En  Birmanie,  on  aaccusé  le (/riappee,  ou 
poisson  pourri,  qui  est  le  plat  favori  des  Birmans  ;  on  s'étayait  d'une 
observation  faite  par  Camper,  qui  relatait  qu*en  Islande,  aux  Or- 
cades,  où  Ton  nourrissait  les  chevaux  et  le  bétail  avec  du  poisson 
séché,  ces  animaux  perdaient  poils^  cornes,  sabots,  etc.;  en  Nor- 
wége,  on  alla  même  jusqu'à  accuser  directement  les  soles  et  les 
truites  de  contenir  un  parasite,  qui  produisait  la  lèpre.  Delioux 
de  Savignac,  le  professeur  Colin  attribuent  la  maladie  à  l'absence 
de  pain  de  froment,  à  l'absence  de  gluten,  s'appuyant  sur  ce  fait 
que  la  lèpre  s'observe  surtout  chez  les  peuples  qui  ne  vivent  que 
de  poiSy  de  lentilles,  de  mais,  de  riz.  Les  Botocudos  eux-mêmes, 
qui  sont  sujets  à  une  sorte  de  lèpre  qui  fait  tomber  les  cheveux  et 
dans  laquelle  la  peau  se  couvre  d'ccailles  ou  d'ulcères,  attribuent 
leur  maladie  à  l'usage  alimentaire  qu'ils  font  de  l'amande  d'un 
Ucylhis  et  des  fruits  du  coco.  Au  Brésil,  on  l'attribue  à  l'usage 
d*un  fruit  très  répandu  dans  la  classe  pauvre,  celui  de  VArau- 
€aria  brasUianay  connu  sous  le  nom  de  pinhiw  ou  pignon.  On  se 
croit  d'autant  plus  autorisé  à  cette  hypothèse,  que  les  porcs  se 
nourrissent,  aussi  eux,  de  ces  pignons  et  qu'ils  sont,  parait-il, 
sujets,  au  Brésil,  à  une  maladie  qui  rappelle  la  lèpre  humaine.  Il 
est  en  somme  démontré  qu'elle  diminue  à  mesure  que  Talimen- 
tation  devient  plus  complète,  plus  saine  et  il  semble  que  l'état 
alimentaire  des  peuples  qui  ne  vivent  que  de  poisson  dispose  à  la 
maladie. 

OÂOGR.  litD,  %V 


»)n  *w  siiiniâU  f  ii-t  jp-,  iL  "ïttaL*n»?r  Jii  ctimat.  car  eîle  eiiste 
iMii>  «■->  -:iiDiLis  cs  )ius  'n>iijs  rjinintf  laas  ies  ptascluo'ls. 

■ewittc»  ~  w.Vr>.*iicL>>r<  ne  Ml  t»'suiii«?*'tr  acoate5t«tf.  Daniels- 
MB  -a  Boe*  «.  iMi  nn  -'.uiiii'  iia^!:?traleni»*nt  le  .fp^'Tyzhk^d  ou 
■ppr^  <<.'M:ir-f/e.;.^  /ijt.  sir  iî.î  tanîus.  tT'a"»**  1S:>  enCints  «le  lé- 
pr»:«ix-  ■£:!  >ian«.«.  ^jJif»"uu  ^ir  'lî  «;pr««x.  d  tp^avè  125  fils  de 
Iet>n:!tix  :  ''it»^«jiitf  ^<i  it!Tn>ntr-e  ars  lettemea:  par  le  fail  sui- 
vaiii  .  idii<  a  «lUvaite  ii!:riiiS4*  nuit  •^labii.  I  j  a  ane  trentaine 
•i*&iint*rs^  jii  uzan^f.  ^r^ant  k  .tfî)m:«ere:«>ft<etiblissenient était 
eutuur^  »ariuatir  rbus  miknnes.  r->is  ie  ces  thbos  refus<.*reiit 
tib>t!iit.-iut:ric  :uut  ~ippi*n  iv*^.*  .e  uzarvt:  ia  «{iiatrieflie*  ia  tribu 
•les  V.,r^  «-.  ^ui  it'*^  -apfoi-S'  iwc  e  iajarec  et  mène  des  rap- 
purs  SI  iiiimtSw  TM^'i  ■.'v>tait.  iuetiTu**<  années  aprè!^.  un  assez 
^prtuM  lutiiDn*  ie  mecs:  jr  .*«»  iirtu^  -fUi Hat  tons  bépreui.  La 
't'pi-*.'  -:?<  uMii"  H*r»î«iUain;.  tu  ut  e  rnuitiie  l  jàntet. 

CnaK^i^a  —  %iis  :r^  <;ile  >Mncu;:'i;u><e?  Ostlà  m  point  d^une 
l^niiiiit:  tiuMnum.'e  unni|u»*  -in  ?r^^nct;  ï\iJi^  oaUdiesi  gra^eet 
-H  il T^ bit:.  \  oette  |ue<tii>u.  :uute  ^iiiCMuite.  «Jefwb  Moïse,  ré- 
putiii  'u  :i  i;:*t  Mt  ■:«jiiM:«4ut?iii.'rf.  !suisioittff  '<;»  riïniettrSf  dont  nous 
vv^Hii>  es  tpirux  jLVJDii.-s«  ?^iitc  :'.>aiiaiiiaabies«  mais  si  elles  ont 
une  -.Acus^.  :  t^  iaos  la  cr*'yjoce  a  Ll  coatasioo.  Or  l'anti- 
«)uice  n.'uc  'ti.-t^rv.  philosophes^  aaturaiist)».  peuple,  a  cru  à  la 
cuiiLi:ro<i.  ijit^upj  but  aième.  les  3»^upies  croient  encore  à  la 
coiiLi^*i;n«  uajs  a  ïûupart  les  tn«;?le*:!  !s  a  ntect.  Cette  nè^tion 
ft'est  cei*eiidj(i  i  pas  z»:t:en!e.  cur.  «en  t  S6î.  une  enquête  officielle 
fVit  ix'le  pa.'  :'  tu^ecerr»;  ia'is  sescvioaies:  U3  questionnaire  sor 
la  CL»nCJL:!i*rt  Tut  a*Jn;<iie  i  t<jiis  'es  tnetiecins.  qui  «.Mit  occasioii  de 
loir  lie*  l*;pn;ai.  Sor  <5i#  raptvrts  «^ui  furent  envoyés.  45  con- 
cluaK.>ot  à  La  noQ-co{i:jj:K^«  ^  o.>ncluai«?at  à  la  contarion,  l:î  dé* 
clanii«?nt  n<  pi.»u^o:r  se  prvntMcer.  Le  R->yil  Collece,  chargé  de 
coili^r  les  rapo«rt$«  de«r{ari  Jooc.  en  vertn  de  art  te  sorte  de 
scrutin,  que  ta  !epre  n*est  pas  contagieuse  et  qu1l  c>r  a  pas  lien 
d'isoler  les  .epreui.  Plus  d'une  voti  sV.e^.  cependant,  sor  cette 
î^n  de  juçer  une  question  scirnt:iîque.  A  la  Guyane  notamment» 
où  Schilling  a^ait  afRimê  la  cootadon.  le  IV  Camcron  l'affirma 
de  nouveau.  Le  D'  Manget  et  le  ïf  Ed^,  euTOTés  par  le  Rojal 
Collège  pour  vérifier  Tasserlion  du  D'  Cameron,  revinrent  ane 
on  rapport  affirmant  la  contagion  ;  néanmoins,  à  la  majorité  des 
^x,le  Royal  Collège  non  convaincu  décréta  encore  qoe  la  lèpre 
n^est  pas  contagieuse  ! 


LÈPRE.  32t 

Une  foule  d*obscrTations  de  contagion  se  produisirent  alors  : 
Le  D'  Cbeckley  (Saint- Vincent)  cite  un  enfant  contaminé  par  le 
contact  d*un  ulcère  lépreux  ;  Rogers(de  la  Barbade)  cite  deux 
cas  semblables;  Stevenson  pense  que  la  maladie  peut  se  commu* 
niquer  par  contact  direct  ;  le  D'  Âquart  cite  le  fait  d'une  jeune 
fille,  qui  prend  la  lèpre,  après  avoir  passé  la  nuit  dans  un  même  lit, 
avec  une  de  ses  amies  lépreuse;  le  D' F'ollard,  à  la  Giivanc,  cite 
deux  enfants  européens,  qui  deviennent  lépreux,  après  avoir  joué 
avec  un  petit  ni'gre  lépreux  ;  ailleurs,  c'est  un  jeune  homme  qui 
a  fumé  dans  la  pipe  d'un  de  ses  amis  lépreux  et  qui  le  devient; 
ailleurs  ce  sont  des  médecins,  une  religieuse  et  des  infirmiers, 
qui  deviennent  lépreux,  après  avoir  pansé  des  ulcères  lépreux. 
Il  y  a  plus  :  un  certain  nombre  de  contagionnistes  voient  dans  les 
faits  d'hérédité, qui,  ceux-là,  sont  admis  par  tout  le  monde,  autant 
de  faits  de  contagion,  alléguant,  non  sans  raison,  que  la  contagion 
ne  s'exerce  nulle  part  aussi  facilement  que  dans  la  vie  de  famille. 
Malgré  tout,  la  plupart  des  médecins  européens  nient  aujourd'hui 
ou  niaient  hier  encore  la  contagion  !  Or  il  est  curieux  de  remar-> 
quer  que  ceux-là  même  qui  nient  cette  contagion  reconnaissent 
cependant  que  la  lèpre  a  passé  d'Egypte  en  Asie,  d'Asie  en  Grèce» 
de  Grèce  en  Italie,  que  les  croisés  l'ont  rapportée  de  la  terre  sainte  ! 
Ib  nient  la  contagion  et  ils  admettent  que  la  maladie  circule  ainsi 
en  suivant  le  courant  humain  des  migrations  ! 

Un  seul  médecin  a  trouvé  un  moyen  terme,  qui,  je  l'avoue,  me 
semble  inacceptable,  c'est  Bazin  :  k  La  lèpre,  dit-il,  a  été  conta- 
f  gicuse,  mais  elle  ne  l'est  plus  !  i  D'autres,  ne  pouvant  nier  que 
toute  l'antiquité  a  affirmé  la  contagion,  disent  :  c  Oui,  Tanti- 
€  quité  l'a  affirmée,  mais  elle  n^y  croyait  pas!  C'est  l'hérédité  que 
f  Moïse  visait,  quand  il  avait  l'air  de  croire  à  la  conUigion  !  En 
f  philosophe,  il  prenait  les  gens  par  l'intérêt  personnel.»  H  faut 
évidemment  avouer  que  tous  les  faits  de  prétendue  contagion,  que 
je  viens  d'énuniérer,  pourraient  s'expliquer,  à  la  rigueur,  autre* 
ment;  on  pourrait  répondre  :  Mais,  cet  enfant  européen  qui 
a  joué  avec  un  nègre  lépreux  et  qui  est  devenu  lépreux,  était 
dans  les  mêmes  conditions  étiologiques  que  lui  !  Je  l'accorde, 
mais  il  n'en  est  plus  de  même  pour  les  faits  que  je  vais  maintenant 
citer  : 

A  la  Trinidad,  la  lèpre,  depuis  quelques  années,  augmente 
beaucoup  dans  les  familles  blanches  :  En  1805,  sur  30000  habi- 
taois,  on  comptait  3 lépreux:  en  1813,  sur  32  000  ha\AVeiv\\a.^CiW 


914  U   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

comptait  73  Icpreux;  en  1878,  sur  120  000  habitants,  on  comptait 
800  lépreux.  La  proportion  des  lépreux  a  donc  marché  plus  Tite 
que  Faccroissement  de  la  population  et  Thérédité  ne  suffit  pas 
à  expliquer  le  fait. 

A  la  Guyane,  même  augmentation,  si  bien  que  le  D'  Laure 
pense  qu'aujourd'hui  le  dixième  de  la  popobtion  a  la  lèpre. 

A  Maurice^ en  1760,ilyaTait  i  lépreux ;en  i781,  il  yenavait?!; 
en  1861»  ils  étaient  plusieurs  milliers.  Ici  encore,  Taccroissement 
de  la  lèpre  a  marche  plus  vite  que  Taccroissement  de  la  popu- 
lation ! 

A  cet  ordre  de  faits,  j'en  veux  joindre  un  antre  :  beaucoup  de 
pays  étaient  exempts  de  la  lèpre,  qui  en  sont  maintenant  atteints 
depuis  Tarrivée  de  populations  ou  de  familles  lépreuses,  qu'on 
|H>umiit  citer.  Les  Varrvw\  dont  j'ai  parlé  tout  à  l^heure,  eurent 
aussi  pour  enfants  des  lépreux,  directs^  non  métis;  or  ils  n^en 
avaient  pas  avant  et  aucune  des  truis  tribus  plus  réservées,  qui 
.(vaiout  fui  le  contact  du  lazaret,  n>n  a  eu.  Ici,  ce  n^est  donc 
plus  rhérédité,  c'est  bien  la  contagion  ! 

Autres  exemples  :  les  Canaries  ont  été  contaminées  au  xiv«  siècle 
par  les  Espagnols;  Madère,  les  Açores,  le  Cap- Vert,  au  xv*  siècle 
par  les  Portugais;  l'Amérique,  au  xiv«,  xv*,xvi*  siècles  par  les  Espa- 
gnols et  par  les  nègres,  ce  qui,  d'ailleurs,  est  admis  par  tout  le 
monde  !  La  Trinidad  a  été  contaminée  en  1800  par  une  impor- 
tation de  Bahama;  le  New-founswick  en  1815  par  une  impor- 
tation de  la  Martinique;  Maurice,  en  1760,  par  une  importation 
de  Mozambique  et  d'individus  malgaches;  TAustralie,  en  1850, 
par  des  Chinois;  Touestdes  Etats-Unis,  en  1853, par  un  bateau 
norwégien. 

•  11  n'y  avait  pas  de  lépreux  aux  Sandwich  avant  1852.  Le  pre- 
mier lépreux  fut  un  Chinois  ;  six  de  ses  voisins  immédiats  devin- 
rent lépreux  ;  ils  ont  été  vus  par  les  médecinsd'Honolulu  ;  en  1864, 
les  6  lépreux  étaient  devenus  250!  en  1876,  on  avait  déjà  compté 
1 570  lépreux  dont  $00  étaient  morts;  il  en  restait  670;  eo  1878, 
le  nombre  des  lépreux  qui  ont  été  connus  dansllle  était  de  5000! 

Enfin,  en  Angleterre,  le  Royal  Collège,  qui  se  refuse  à  admettre 
la  contagion  de  la  lèpre,  dut  bien,  cependant,  constater  un  bit  : 
c^est  que  la  lèpre  devient  de  plus  en  plus  fréquente  dans  la  marine 
anglaise,  ainsi  que  Ta  constaté  le  D'  Laycock  ! 

Le  D' Veyricres  cite  un  fait  où  la  contagion  semble  indiscutable  : 

Une  femme  sans  antécédents  héréditaires,  originaire  de  Nioe, 


LÈPRE.  %%$ 

OÙ  la  lèpre  est  aussi  rare  qu^à  Paris,  épouse  un  homme  également 
de  Nice,  mais  ayant  voyagé.  Le  mari,  déjà  lépreux  peut-être  au 
moment  de  son  mariage,  voit  sa  maladie  suivre  son  cours  et  il  est 
emporté  en  l'espace  de  quinze  à  vingt  ans,  durée  commune  de  la 
lèpre.  La  femme,  bien  portante  jusqu'à  son  mariage,  voitsasanlé 
s'altérer  peu  àpeu;  il  survient  d*abord  des  éruptions  à  caractère 
indéterminé;  plus  tard,  malgré  tous  les  soins  possiblesja  maUdie 
suit  son  cours  ascendant.  Au  moment  où  le  Dr  Veyrière  Tobserva 
à  la  Bourboule,  la  lèpre  était  indiscutable.  Le  D'  Vallin  a  cité  un 
cas  de  lèpre  chez  un  Européen  venant  de  Cayenne,qui  avait  perdu 
de  la  lèpre^  un  an  auparavant,  un  jeune  nègre  de  douze  ans,  avec 
lequel  il  vivait  dans  des  rapports  d'intimité  très  grands.  Le  doc- 
teur Rendu  cite  également  un  soldat  d'inTanterre  de  murine 
atteint  de  lèpre  ;  il  pensait  Tavoir  prise  en  vivant,  pendant  trois 
mois,  à  Haïti,  dans  une  cabane,  avec  une  famille  dont  Tun  des 
membres  était  lépreux  !  Le  D'  Van  Leent,  à  Surinam,  croit  que 
la  contagion  est  fréquente  et  qu*elle  a  sa  source  dans  Tusage  du 
calumet  de  paix^  que  les  tribus  indiennes  échangent  avec  tout 
étranger. 

Fatholofiple  comparée.  —  Il  n*est  pas  jusqu'aux  animaux  eux- 
mêmes  qui  ne  puissent  déposer  en  faveur  de  la  contagion  :  un 
bœuf  d*un  asile  de  lépreux  mourut,  à  Maurice,  avec  tous  les  signes 
de  la  lèpre;  on  parle  de  chats,  de  chiens  qui  seraient  morts  dans 
une  léproserie  avec  des  symptômes  étranges  ;  enfin,  une  perruche, 
qu'un  lépreux  avait  apprivoisée  et  qui,  seul  ami  qui  ne  Teût  pas 
abandonné,  venait  chercher  sa  nourriture  dans  sa  bouche,  mourut 
dans  le  marasme,  avec  des  tubercules  dans  le  bec.  Le  docteur 
Laycock,  celui  qui  a  constaté  les  progrès  de  la  lèpre  chez  les  ma- 
rins anglais,  un  contagion niste,  recommande  avec  raison  Tctude 
de  la  lèpre  au  moyen  des  inoculations  sur  les  animaux. 

Comment  concilier  la  théorie  des  causes  banales,  ou  même 
alimentaires  de  la  lèpre,  avec  la  notion  d'hérédité  et  de  contigion  ? 
La  pellagre  et  Tergotisme  ne  sont  ni  contagieux  ni  héréditaires  ! 

Nature  parasitaire  de  la  lèpre.  —  Toutes  ces  contradic- 
tions disparaissent  devant  les  résultats  des  travaux  contempo- 
rains, qui  font  de  la  lèpre  une  maladie  parasitaire. 

Le  D'  Ârmauer  Hansen,  inspecteur  du  service  de  la  lèpre  à 
Bergen^  avait,  depuis  quelques  années,  trouvé  la  cause  parasi- 
taire de  la  lèpre,  mais  n'avait  encore  rien  publié,  lorsque  les 
mêmes  études  furent  entreprises  par  Eklund  et  poLt  \^ev%A^tk  V^^ 


826 


LA   FAUNE    ET   LA   FLORE. 


Breslau).  Le  parasite  de  la  lèpre  n'est  autre  chose  qu'une  bactérie 
{BncUbis  Irprœ),  parasite  dont  l'existence  est  aujourd'hui  bien  dé- 
montrée et  qui  a  été  vu  depuis  par  Cohn.  par  Cornîl.  par  Gaucher 
et  Hillairel— Lorsqu'on  étudie  les  tubercules  de  la  peau  et  ceux 
des  muqueuses,  on  voit  que  répiderme  qui  recouvre  le  tut>erculc 
lépreux  est  intact;  il  forme  donc  un  vernis  protecteur,  qui  s'oppose 
à  la  contagion,  tant  qu'il  n\v  a  pas  d'ulcération.  Le  derme  est 
rempli  de  grosses  cellules  [rrllulfs  If^iireuses  de  Virchow  j  remplies 
elles-mêmes  de  bactéries, qui  se  meuvent  autant  qu'ellesle  peuvent, 
sous  forme  do  i)ctits  bàtuiinets.  Tout  autour  de  ces  cellules  repré- 
sentées ci-contre  d'après  Cornil,  le  tissu 
cellulaire  est  sclérosé  ;  la  lésion  est  la 
même  dans  la  peau,  dans  les  mu- 
queuses, dans  le  foie,  dans  les  testicu- 
les. —  La  paroi  des  vaisseaux  est  épais- 
sie, le  tiévrilèmc  durci,  ce  qui  explique 
les  troubles  variés,  que  Ton  constate  du 
côté  du  s>stcme  nerveux.  Gaucher,  Hil- 
lairot  et  Vallin  ont  observé  des  bactéries 
libres,  ainsi  que  les  spores  par  lesquelles  elles  se  reproduisent, 
dans  le  satiu  rtu^me  des  lépreux.  Gaucher  et  Hillairet  ont  même 
pu  faire  dvs  lihvafjes,  des  cultures  artificielles.  Les  inoculations 
pratiquées  sur  le  lapin  sont  restées  jusqu'ici  négatives,  mais  il 
est  vraisemblable  qu'elles  aboutiront  quelque  jour.  Van  Leent  a 
conseillé  avec  raison  de  les  pratiquer  sur  le  porc,  qui  passe  pour 
avoir  la  lèpre  aussi  facilement  que  l'homme. 

Déjà,  à  une  époque  très^antérieure,  Uanielssen  et  Boeck avaient 
fait  de  nombreuses  analyses  du  sang  des  lépreux,  et  ils  avaient 
constate  une  diminution  du  sérum,  une  altération  des  globules, 
dont  la  matière  colorante  semble  se  dissoudre  dans  le  séram,  au- 
quel elle  dorme  une  couleur  rose,  une  augmentation  de  Talbu- 
mine,  une  augmentation  de  la  fibrine.  Les  tubercules  leur  avaient 
semblé  constitués  par  des  amas  de  fibrine,  principe  apporté  par 
les  vaisseaux,  qui  sont  en  effet  extrêmement  abondants  à  la  base 
de  chaque  tubercule.  Daiiicissen  et  Boeck  avaient  même  constaté 
quePallérationdu  sang  précédait  féruption  des  tubercules  et  beau- 
coup de  cliniciens  avaient  remarqué  de  leur  côté  qu'un  mieax 
sensible  dans  l'état  général  se  produisait  après  chaque  éruption. 
L'évolution,  la  fixation  et  l'élimination  momentanée  du  parasite 
expliquent  maintenant  tout  cela.  La  physiologie  pathologique 


LÈPRE.  817 

nous  donoe  la  clef  de  beaucoup  d'autres  symptômes  ;  ainsi  les 
deux  médecins  Scandinaves  avaient  montre  que  le  tubercule  lé- 
preux, dans  répaisseur  de  la  peau,  englobe  et  fait  disparaître 
glandes,  follicules  pileux,  rameaux  nerveux;  ils  avaient  montré 
comment  les  nerfs  eux-mêmes,  qui  partent  de  la  moelle,  n'échap- 
pent pas  à  ce  dépôt  d'exsudat  ;  ils  les  avaient  trouvés  emprisonnés 
et  atrophiés  dans  une  gangue  plastique  de  même  nature  que  les 
tut>ercules  cutanés.  La  composition  de  ce  dépôt  plastique  avait  été 
trouvée  riche  en  Hbrine.  Us  avaient  montre  enfin  que  le  système 
nerveux  ganglionnaire  n^échappe  pas  non  plus  à  cette  compression 
et  que,  comme  c'est  lui  qui  préside  à  la  nutrition  des  organes,  il 
n'y  avait  pas  à  s*étonner  des  troubles  trophiques  qui  surviennent, 
non  plus  que  des  éruptions  huileuses  qui  apparaissent,  analo- 
gues à  celles  ({ui  accompagnent  certains  herpès  graves. 

La  présence  des  bactéries  dans  le  testicule  explique  de  même 
Vh'rèfiitJ.  Le  même  motif  qui  faisait  isoler  les  lépreux,  en  vue  de 
se  garantird*unecontagionniéeà  tort  par  la  science,  mais  sentie 
par  le  vulgaire,  avait  vraisemblablement  fait  germer  ridée  de  la 
castration, comme  moyen  de  s'opposer  sûrement  à  l'hérédité  et,  par 
une  altération  fréquente  dans  Tinterprétalion  de  certaines  pra- 
tiques, la  castration  avait  même  fini  par  devenir  un  prétendu  re- 
mède :  ainsi,  dans  une  lettre  du  pape  Innocent  III  à  rarchevéque 
de  Paris,  on  voit  le  signataire  de  la  lettre  permettre  à  un  prêtre, 
chtUré  pour  cause  de  lèprCj  de  continuer  sa  profession  «  par  ex- 
ftception  aux  Canons  de  rËglise,qui  excluent  les  eunuques  des 
«  fonctions  ccclésiastiquei.  »  Etrange  inconséquence  qui  recom- 
mande le  célibat  et  maintient  le  testicule!  Guillaume  deMalmes- 
bury  rapporte,  de  son  côté,  que  l'évoque  Hugo,  étant  devenu 
lépreux,  se  laissa  persuader  de  se  soumettre  à  la  castration.  Il  lui 
advint  ce  qui  arrivait  sans  doute  toujours  en  pareil  cas  :  Oppro- 
bium  spadtjnis  tulit  episcopus,  et  iiullum  invenit  remediumy 
quoad  vixit,  Icprosus, 

C'est  une  opinion  répandue  au  Brésil,  que  la  morsure  du  serpent 
à  sonnettes  guérit  la  lèpre,  mais  rien  ne  le  prouve  Jusqu^à  pré- 
sent. II  faut  cependant  prendre  garde,  que  cette  croyance  n'est  pas 
isolée  :  au  Mexique,  oh  dit  la  même  chose  de  la  tarentule  et  on 
dit  en  Perse  que  le  mal  d'un  an,  bouton  d'Alep,  est  incompatible 
avec  la  lèpre.  Ce  sont  là  des  opinions  similaires  qu'il  sera  bon  de 
vérifier. 


128  Là  Faune  et  la  flore. 

§  7.    TUBERCULOSE. 

Si  on  nous  annonçait  que,  dans  Tannée,  une  maladie  surviendra, 
qui,  sévissant  sur  la  terre  entière,  fera  mourir  plus  de  trois  mil' 
lions  iVindividus,  nous  verrions  les  pays  civilisés  en  proie  à  une 
de  ces  paniques  que  la  peste,  le  choléra  et  tous  les  fléaux,  que  nous 
redoutons  avec  raison,  ont  eu  seuls  jusqu*ici  le  privilège  de  pro- 
voquer ;  or  cette  maladie  existe,  c'est  la  phthisie  pulmonaire  ou 
tuberculose,  la  plus  grave,  à  coup  sûr,  et  la  plus  terrible  de  toutes 
celles  que  nous  connaissons. 

Elle  figure,  à  elle  seule,  dans  nos  pays  civilisés,  pour  le  i/8  et 
même  pour  le  1/5  des  décès  et  elle  choisit  ses  victimes  dans  la 
période  de  15  à  45  ans,  c*est-à-dire  ù  l'âge  du  maximum  de  valeur 
de  rindividu,  pour  la  famille  comme  pour  la  patrie.  Cependant 
nous  vivons  avec  la  phthisie,  non  seulement  sans  nous  inquiéter 
beaucoup,  ce  qui  est  bien,  mais  ce  qui  est  mal,  sans  faire  aucune 
tentative  sérieuse  pour  en  débarrasser  la  société.  Nous  verrons 
pourtant  tout  à  Tbeure,  que  certaines  influences  de  milieu  sont 
capables  de  réduire  ou  d'augmenter  ces  chiffres  de  moitié  et  que 
nous  aurions  mieux  à  faire  que  courber  fatalement  la  tète  devant 
le  fléau. 

Géoi^raphle.— Il  importe  d'abord  de  nous  enquérir  d*une  ma- 
nière précise  de  Pétut  de  la  phthisie  dans  les  différents  pays 
d*Europe:  au  nord  de  TEurope,  sur  les  limites  du  cercle  polaire» 
en  Islande,  dans  ce  pays  froid,  pauvre,  déshérité,  la  phthisie  est 
inconnue  !  Inconnue  également  aux  îles  Féroë.  Dans  le  nord  de 
la  Norwége,  par  delà  le  cercle  polaire,  elle  est  rare  également  ; 
mais  il  n'en  est  pas  de  môme  dans  le  reste  de  ce  pays  :  là» 
elle  n^^ure  pour  le  quart  des  décès,  et  ce  qui  est  remarqua- 
ble, c'est  que  le  midi  de  la  Nonsvége  est  plus  frappé  que  Vest, 
qui  est  plus  fertile,  et  que  l'ouest,  qui  est  plus  riche  en  poissoD. 
En  Angleterre  (de  1838  à  1842},  la  phthisie  figure  pour  plus  de 
i/6  dans  la  mortalité;  elle  tue,  par  an,  plus  de  4  habitants  sur 
i  Ot)0.  En  Belgique, elle  forme  le  1/5  de  la  mortalité  ;  sur  i  000  ha- 
bitants, elle  tue  chaque  année  :  dans  le  Limbourg  belge^  4,9;  dans 
la  Flandre,  4,6;  à  Bruxelles,  4,1;  à  Namur,  2,5.  En  France,  la 
proportion  est  à  peu  près  la  même  qu'en  Belgique  :  la  phthisie 
cause  1/5  des  décès;  sur  1  000  habitants,  elle  tue  :  à  Paris,  4,1  ;  à 
Bordeaux,  3,3.  En  Suisse,  à  (ienève,  du  moins,  la  proportioo 


TUBERCULOSE.  829 

n'est  plus  que  de  2,5  phlhisiques  par  1  000  habiiauts.  En  Alle- 
nia^e,  elle  est  de  4,2  par  1  000  habitants.  Sans  avoir  des  chif- 
fres précis»  il  semble  acquis  que  TEspagne,  Fltalie  et  la  Russie 
ne  s^éloignent  guère  du  chiffre  de  1/5  de  la  mortalité  et  de 
4  phthîsiques  pour  1  000  habitants. 

Sur  TAste  nous  ne  possédons  que  peu  de  renseignements.  Il  en 
est  de  même  pour  l'ensemble  des  payssans  statistique;  nous  n^avons 
sur  eux  que  quelques  renseignements  locaux  :  le  Japon  passe 
pour  être  très  frappé  par  la  phthisie,  qui  y  détruit  surtout  la 
population  infantile. 

En  Amérique,  au  Groenland,  la  maladie  est  très  fréquente,  alors 
pourtant  que  la  latitude  est  plus  élevée,  pour  une  partie  du 
moins,  que  celle  de  Tlsiande  ;  à  Terre-Neuve  et  surtout  à  Mique- 
lon,  elle  cause  les  3/4  de  la  mortalité;  aux  îles  Aléoutiennes,  la 
majeure  partie  des  métis  de  Russes  et  d'indigènes  meurent  de 
phthisie  ;  au  Canada,  elle  atteint  tous  les  métis  d'Anglais  et  d'In- 
diennes, mais  elle  épargne  les  populations  blanches  du  haut 
Canada  ;  aux  Etats-Unis,  d'une  façon  générale,  la  phthisie  est 
moins  fréquente  qu'en  Europe  :  à  Boston,  elle  ne  figure  que  pour 
le  1/6  des  décès.  Cependant  dans  TAraérique  du  Sud,  à  la 
Guyane, elle  enlève  le  i/3  de  la  population;  au  Brésil,  elle  était 
extrêmement  rare  avant  4848  ;  mais  elle  fait  maintenant  dans  tout 
ce  pays  des  ravages  énormes  !  le  1  /5  de  la  population  y  meurt  de 
tubercules  comme  à  la  Guyane.  Au  Pérou,  la  phthisie  est  la  ma- 
ladie dominante;  elle  figure  pour  les  3/10,  parfois  les  5/8  des 
décès. 

En  Afrique,  nous  verrons,  à  propos  des  races,  que  la  phthisie 
est  fréquente  :  je  n'ai  pas  de  chiffres  exacts,  nous  savons  cepen- 
dant.qu'au  Darfour  elle  est  peu  commune  ;  en  Egypte,  elle  est 
fréquente,  surtout  dans  la  basse  Egypte  ;  aux  Açores,  elle  est  rare  : 
on  trouve  2  phlhisiques  sur  465  chroniques.  A  Thôpital,  à 
Madagascar,  elle  est  fréquente. 

En  Australie,  à  Melbourne  notamment,  elle  tue  le  1  /3  de  la  po- 
pulation de  20  à  45  ans  et  près  du  1/4  de  la  populalion  totale. 

Mais  nulle  part  ia  phthisie  n'atteint  une  fréquence  égale  à  celle 
qu'elle  présente  en  Polynésie.  Elle  dépeuple  aujourd'hui  ce  pays 
et  fera  disparaître  d'ici  quelques  années  la  race  polynésienne.  A 
délaut  de  statistique,  il  suffit  de  constater  que  la  plupart  des  cas 
de  mort  ont  lieu  par  phthisie  et  que  le  nombre  des  habitants  dé- 
croit a%ec  une  rapidité  effrayante. 


331  LA    FAINE    ET  LA    FLORE. 


ClrroBsCaBcm  éliol^cHv^s  diverses.  —  La  phthisie  est 
donc^  beaucoup  moins  qu'on  le  croit  généralement,  eo  rapport 
avec  le  clim.it.  A  toutes  les  hUitud-^s  nous  \otods  des  immunités. 
Je  citerai  Tlslande,  les  îles  Fén»ê.  le  nord  de  la  Norwége,  le 
pa\s  des  Kir^hiss,  le  Darfour,  déjà  mentionné,  le  Mexique,  le 
Teias,  les  Aii<lcs,  les  montagnes  du  Harz  et  de  la  Thurînge; 
d'un  autre  c«j lé,  à  toutes  les  latitudes  nous  la  voyons  régner  : 
elle  figure  au  GroèoUnd,  par  exemple,  comme  au  Brésil.  Si  la  lati- 
tude ne  senihle  pas  avoir  d'inQuencc  très  marquée  sursa  produc- 
tion, elle  semble,  au  contraire,  avoir  une  inOuence  incontestable 
sur  sa  marche,  qui  est  plus  lente  dans  les  pays  froids,  plus  rapide 
dans  les  pays  chauds.  C'est  ainsi  que  ce  trouble  de  nutrition  que 
présentent  les  ongles  et  les  extrémités  digitales  dans  la  phthisie 
clironitiue  et  que  nous  connaissons  sous  le  nom  d'ongles  hippocra- 
tûjws,  a  été  noté  comme  n'ayant  pas  lieu  dans  les  pays  chauds  ; 
c'c>l  tout  simplement  parce  qu'il  n'a  pas  le  temps  de  se  produire. 
Dans  un  même  pays  les  saisons  ne  sont  pas  sans  influence;  le 
printemps,  et  non  l'automne  des  poètes,  est  de  beaucoup  la  saison 
par  excellence  de  la  phthisie. 

Il  r.tiit  convenir  cependant  que  FattUuiie  semble  jouer  un  rôle 
plus  iin)tortant  que  la  latitude:  Fuchs  a  trouvé,  en  1853,  pour 
FAlleniaf^nc,  (|u'à  Hambourg,  au  niveau  de  la  mer,  la  phthisie 
ligure  pour  23  0/0  des  décès;  à  i60  mètres  d'altitude,  pour  1*2  0/0 
des  décès;  à  o84  mètres,  pour  9  0/0  des  décès.  Lombard  (de 
Genève)  est  ai  rivé  à  desrésultj\ts  analogues  :  la  phthisie  cause  dans 
les  Iwsses  régions  (200-500«nJ,  12  0/0  des  décès  ;  de  500  à  900*, 
9,4  0/0  des  décès;  dans  les  hautes  régions  (900-1300»),  5,1  0/0.  Au- 
dessus  de  1  OOOm,  la  phthisie  n'existe  plus.  Dans  l'Engadine,  par 
i  7i2"»,  le  docteur  Brugge  constate  que  la  phthisie  est  rare  et 
qu'elle  se  guérit  chez  les  gens  du  pays,  qui,  après  l'avoir  quitté,  y 
reviennent  ;  ù  Briançon,  par  130iiB,  le  docteur  Albert  a  constaté 
rcxtréuic  rareté  delà  phthisie;  à  Lima,  où  elle  est  très  fréquente, 
nous  venons  de  le  voir,  il  est  d'usage  d'envoyer  les  malades  dans 
la  Sierra,  notamment  dans  la  vallée  de  Jauja  (3  200")  et,  d'après 
le  docteur  Fuentes,  79  0/0  d'entre  eux  trouvent  là  la  guérison. 
Nous  avons  vu  déjà,  en  parlant  des  altitudes,  qu'à  l'hôpital  de 
Mexico,  le  \y  Ji menés,  sur  1 1  963  malades  traités  en  24  ans,  avait 
rencontré  S(!ulcnient  143  phlhisiques  et  que  le  0'  Jourdanet,  sur 
30000  visites  faites  à  Mexico,  en  a  marqué  0  seulement  faites  en 
ville  à  des  phthisiques.  Sur  le  plateau  d'Abyssinic,  d'Abbadie  a 


TUBERCULOSE.  ISl 

constate  également  rextrème  rareté  de  la  pbthisie.  Enfin,  aux 
Etats-Unis,  tandis  que  la  moyenne  des  décès  parphthisie  est,  pour 
toute  la  zone  basse»  de  18/100,  elle  est,  dans  la  zone'montagneuse, 
de  6,47/ i 00.  C'est  que  Tair  décomprimé  est  sédatif,  peu  excitant 
pour  le  poumon  et  que  dans  cet  air  décomprimé,  la  gymnastique 
pulmonaire  s'exerce  largement  comme  sans  danger;  or  Texcrcice 
pulmonaire  c^t  un  des  meilleurs  préser>'atirs  de  la  plithisic.  Enfin, 
et  ce  côté  de  la  question  ne  doit  pas  être  négligé,  la  mortalité  in- 
fantile, par  rayonnement  de  calorique,  est  considérable  sur  lef^ 
liauteurs  et  il  se  fait  là  une  véritable  sélection,  la  mort  prenant, 
des  le  berceau,  ceux  qu'elle  eût  fait  tomber  plus  tard  sous  les 
coups  de  la  pbthisie  ! 

La  flrnsiU^  de  la  i)opulation  diminue  comme  l'altitude  aug- 
mente; les  fabriques,  les  usines  diminuent  d'une  façon  inverse  à 
l'altitude.  Sans  préjudice  des  autres  éléments  de  leur  action  com- 
plexe, on  peut  donc  dire  que  les  altitudes  sont  préservatrices  de  la 
plithisie,  parce  que  la  densité  des  populations  leur  est  pro{)ortion- 
nellement  inverse.  Il  est  tellement  vrai  que  la  diminution  dans  la 
densité  des  populations  joue  son  rôle  ici,  que  les  |)opulations  peu 
denses,  mais  sans  altitude,  ont  la  même  immunité.  Voilà  pourquoi 
la  phlhisie  est  aussi  rare  dans  les  plaines  peu  élevées  des  Kirghiss 
nomades  que  sur  les  hauteurs  peu  i>euplées. 

Veut-on  voir  un  exemple  de  l'action  de  la  densité  de  la  popu- 
lation sur  la  pbthisie?  cet  exemple  sera  fourni,  pour  l'Angleterre, 
par  le  D' PearSjau  moyen  d'une  statistique  qui  porte  sur  300000  ha- 
bitants de  3i  districts  du  Devonshire,  observés  pendant  une  pé- 
riude  de  10  ans  (1861-1870). 

Superficie  Dcco«    phlliisiqucn 

DifllricU.  '   en  ni«'trc8 carrés.        par  1  oou  vivaul». 

Tavislsck 80  000  0.37 

Darnslaple 32300  \,M 

Molton ihîHO  1/ij 

Saiiit-Thonias 6470  :£,/i2 

Newton 1738  2.Gi 

Plymoulh 84  2,8.. 

Londres 84  2.S7 

La  pbthisie  est  si  bien  une  maladie  qui  croît  comme  la  densité 
de  la  population,  que  la  mortalité,  qu'elle  provoque  dans  les 
campagnes  même  les  plus  peuplées,  est  toujours  inférieure  à  celle 
qu'elle  occasioime  dans  les  villes  voisines.  On  a  donc  raison  de 
regarder  rémigraliou  des  campagnes,  rexteasiou  Ae  >^\u^m^\.\;\^ 


I8t  LA   FAUNE    ET  LA   FLORE. 

et  les  difficultés  de  la  Tîe  ouvrière  daos  les  grandes  villes  comme 
une  des  causes  de  son  accroissement. 

Un  autre  exemple  bien  remarquable  de  l'influence  de  l'encom- 
brement sur  la  production  de  la  pbthisie  nous  est  fourni  par 
sa  fréquence  incomparablement  plus  grande  dans  la  population 
militaire  que  dans  la  population  civile.  Cet  exemple  a  d^autant 
plus  de  valeur, qu'il  s'agit  ici  d*une  population  préalablement  triée 
par  les  conseils  de  revision  ;  on  élimine,  en  efÎTet,  non  seulement 
les  phthisiques,  mais  ceux  qui  semblent  disposés  à  le  devenir  : 
ainsi,  la  poitrine  étroite  étant  regardée  comme  un  signe  de 
prédisposition  à  la  pbthisie,  on  élimine  en  Angleterre  tous  ceux 
dont  le  périmètre  thoracique,  mesuré  aux  mamelons,  ne  dépasse 
pas  la  demi-taille  d'au  moins  2  centimètres,  si  Tindividu  a  1",60, 
et  de  3  centimètres,  si  l'individu  a  moins  de  1",60.  Eo  Autriche, 
on  élimine  tout  homme  dont  le  périmètre  thoracique  ne  dépasse 
pas  la  demi'taille  de  2  centimètres  1/2  ;  en  Prusse,  on  fait  la  même 
chose,  depuis  1855  ;  en  France,  cette  appréciation  est  laissée  au 
jugement  de  chaque  médecin.  Eh  bien,  malgré  ce  triage,  malgré 
cette  sélection  préalable,  on  arrive  à  voir  se  produire,  chez  ces 
jeunes  gens  relativement  choisis,  qui  passent  4  ans  au  régiment, 
une  mortalité  par  pbthisie  très  supérieure  à  celle  de  la  population 
civile  de  même  âge,  dans  laquelle  ont  été  cependant  refoulées  les 
non-valeurs.  Dans  Tarmée  française,  par  exemple,  tandis  que  le 
nombre  des  réformés  par  le  conseil  de  revision  est  en  moyenne 
de  0,72/1000,  le  nombre  de  ceux  qui  meurent  ou  sont  renvoyés 
du  régiment  pour  pbthisie  est  de  4,55/1000.  Dans  l'armée  an- 
glaise, le  nombre  des  morts  par  pbthisie  ou  renvoyés  phthisiques 
est  de  7,82/1000. 

UencombremctU  est  si  bien  la  cause  de  cette  pbthisie,  qu^il  suffît 
qu'un  régiment  soit  campé,  pour  que  la  pbthisie  diminue.  Cette 
action  de  l'encombrement  est  d'ailleurs  bien  marquée,  quand 
on  examine  la  mortalité  dans  les  ditTérents  corps  :  les  casernes 
d'infanterie  ont  besoin  de  peu  d'espace  relatif;  elles  ont  peu 
de  chevaux,  pas  de  voitures  ;  elles  n'ont  donc  pas  de  grandes 
cours,  comme  celles  que  nécessitent  les  chevaux  ;  or  la  mortalité 
en  France  y  est  de  7/1000,  au  lieu  d'être  de  4/iOOO  comme  dans 
la  population  civile.  L'artillerie  est  dans  des  conditions  contrai- 
res :  elle  a  des  chevaux,  des  canons  à  loger  et  à  faire  évoluer  ; 
elle  dispose  donc  de  beaucoup  d'espace  ;  aussi  la  mortalité  dans 
ce  corps  est-elle  de  4,6/1000. 


TUBERCULOSE.  188 

La  mortalité  par  phthisie  sévit,  en  outre,  dans  les  différents 
corps,  à  proportion  de  l'exercice  que  prennent  les  hommes.  Ainsi, 
en  1845,  alors  que  les  chasseurs  d'Orléans  faisaient  des  exercices 
spéciaux,  leur  mortalité  par  phthisie  était  de' 1J/1(M)0;  aujour- 
d'hui encore  les  pompiers  ont  une  mortalité  par  phthisie  infé- 
rieure à  celle  de  Tinfanterie^  6/iOOO  au  lieu  de  1,  mais  supé- 
rieure cependant  à  celle  de  la  cavalerie. 

La  maladie  sévit  en  outre  en  proportion  de  la  durée  du  service 
militaire  :  en  Angleterre,  là  où  Tinfanterie  présente  une  mor- 
talité phthisique  de  i  0,2/ 1000,  les  gardes,  tous  vieux  soldats, 
ont  une  mortalité  de  13/1000.— A  Paris,  la  garde  dite  de  Paris,  re- 
crutée parmi  les  soldats  ayant  déjà  servi,  présente  une  mortalité 
de  10,66/1000,  au  lieu  de  7/1000,  comme  Tinfanterie,  argument 
considérable  en  faveur  de  la  diminution  de  la  durée  du  service 
militaire, 

La  question  du  service  militaire  et  de  ses  conséquences  sur  la 
santé  est  si  importante,  que  j'ai  tenu  à  m'y  arrêter  ;  mais,  pour  le 
moment,  j'en  veux  seulement  tirer  cette  conséquence  :  production 
de  la  phthisie  par  l'encombrement  et  par  le  défaut  d'exercice. 

D'autres  professions  nous  conduiraient  au  même  résultat.  Ainsi, 
sur  100  décès,  les  bouchers  ont  8,2  par  phthisie  ;  les  cordonniers, 
38,4  ;  les  tailleurs,  39,9. 

CoBtasion,  hMcaJUition.  »  On  se  contenta  de  ces  consi- 
dérations d'étiologie,  jusqu'au  jour  où  devint  adulte  l'idée  de  la 
contagion  de  la  phthisie  pulmonaire  ;  je  dis  :  «devint  adulte»,  car 
la  naissance  de  l'idée  date  sans  doute  de  la  même  époque  que 
la  naissance  de  la  phthisie  elle-même.  Hippocrate  signale  en 
effet  dans  l'île  de  Thasos  une  véritable  épidémie  (Littré,  son  tra* 
ducteur,  emploie  ce  mot)  de  phthisie.  Galien,  Rhazès,  Fracastor 
ont,  toute  leur  vie,  cru  à  la  contagion.  Plus  récemment,  le 
D'  Bowdith  a  fait  une  enquête  sur  la  contagion  de  la  phthisie  ; 
il  a  demandé  leur  opinion  à  210  médecins  de  l'Etat  de  Massa- 
diussets  ;  110  ont  répondu  ont;  —  45  ont  répondu  non;  —  27 
ont  déclaré  ne  pouvoir  se  prononcer  ;  —  28  n'ont  pas  répondu 
du  tout.  La  majorité,  dans  ce  nouveau  plébiscite,  n'en  était  pas 
moins  favorable  à  la  contagion.  Telle  était  d'ailleurs  vaguement 
la  croyance  populaire,  lorsque,  en  1839,  le  D'  Malin  apporta  des 
(aits  d'inoculation  de  la  matière  tuberculeuse  à  des  animaux;  mais 
cela  ne  Gt  aucun  bruit  et  demeura  ignoré;  en  1843,  le  D'  Klenke 
réussit  de  même  à  inoculer  les  tubercules  aux  animaux  ^^w^  o^^^ 


S14  U    FAUNE    ET  LA   FLORE. 

sa  dt'oouurtr  fit  p^u^  de  bruit  que  la  pn-niière  ;  maU,  en  1K6à,  il 
uVn  fut  |ia>  de  même:  le  D'  Yiiicmin  vint  annoncer  à  rAcademic 
dt*  mcditim,  qiie  17  cochons  d*lnde  et  {±  lapins  qui  avaient  reru. 
A\ec  une  lancette,  à  ia  Uaso  de  Toreille,  la  matière  lulierculeuse 
di^  fH»umtins  de  Thomme.  présentaient,  pnur  la  !,i  dVntre  cai, 
dt's  ;;ranul;itii*n»  tuLerculeu>«'<  :  les  faits  semblables  s'accumu- 
lèrent :  Parrot.  liera  rd,  Corn  il  inciculèrcnl  des  tubercules  aui 
lap]n>  t-t  C'>n<«tati.Tent  que  ces  animani  devenaient  tuliorculeux. 

L4>UTt  fil  une  prc-mièri-  critique  en  prétendant  qu^ou  rendait  ces 
animaux  tulicrruleux.  niême  en  leur  injectant  des  matières  non 
tubrrruiruMS.  On  fit.  en  outre,  à  M.  Viik-min,  une  autre  objection 
qui  nVtait  |ias  sans  valeur  :  on  loi  reprisenta  que  ces  animaux 
cniupissant,  de  génération  en  gênëratioti,  au  fond  d*une  boîte 
mal  arrt-e.  sans  e\rrcice.  sans  air,  étaient  déjà  tous  tuberculeux, 
sans  inoTulation  II  arriva  même  encore  d'au  très  expérimentateurs, 
qui,  m«>iitièrent  que  si  l'on  inocule  au  lapin  nMmjiorte  quoi, 
IH'urvti  que  ce  rongeur  timide  ait  de  la  fièvre,  qu'il  suppure  et 
qu'il  «  roiip><o  au  fond  de  sa  boite,  il  ne  demande,  pour  ainsi 
dire,  qij'.i  i\vM  nir  tuberculeux. 

Il  fallait  Mirtir  du  lapin  ;  c^est  ce  qu'a  fait  Chauveau  (de 
l.\f>u  :  il  a  pris  environ  50  botes  :  vaches,  gc-nisses,  chevaux,  en 
pl«'iii  pâtura«:e.  laisstvs  au  grand  air,  dans  les  meilleures  con- 
ditioii^  il'hx^'iene  possible.  A  quelques-unes  il  a  inoculé  la  matière 
tulH  rculfuse  de  Thomme,  à  d*autres,  des  produits  quelconques  de 
putrrfacljon,  h  d'autres  rien  ;  il  a  abattu  toutes  ces  liètcs  ;  les 
premières,  inoculées  avec  les  tubercules,  étaient  toutes  tubercu- 
leuses ;  relies  qui  avaient  été  inoculées  avec  des  produits  quel- 
conques  de  putréfaction  avaient  eu  des  inflammations  locales, 
niais  ne  prés<'nlaient  pas  de  tubercules  ;  le  troisième  lot,  qui  n^avaii 
sulii  Hueiine  inoculation,  n'était  pas  tuberculeux.  Diculafoy  et 
le  regretté  Krishabcr  ont  inoculé  avec  succès  le  tuliercule  à  de 
nouiliH'ux  singes. 

Chauveau  a  fait  mieux  :  après  avoir  montré  que  Tinoculation 
par  la  peau  reproduisait  le  tubercule,  il  s*est  proposé  de  recher- 
chi*r  qu(>lle  était  la  conséquence  de  l'absorption  de  la  viande  tu- 
iMMTuUruse  par  l'intestin;  il  a  nourri  des  veaux,  en  ajoutant  au  lait 
qu'ils  eoiiHimunaient  à  discrétion,  des  boulettes  contenant  des  frag* 
inents  (U\  matière  tuberculeuse  prise  sur  Thomme  et  il  a  vu 
tous  res  veaux  devenir  tul)€rcultux  ;  si  bien  qu*il  a  pu  formuler 
que,  hur  100  veaux  de  lait  issus  de  parents  sains^  il  n'y  en  a  pas 


TUBERCULOSE.  815 

un  seul  qui  présente  des  tubercules,  tandis  que,  sur  100  veaux 
de  lait  issus  de  parents  sains,  tous  seraient  tuberculeux  six  semai- 
nes ou  deux  mois  après  avoir  avalé  de  la  matière  tuberculeuse! 

Deux  faits  ressortent  de  ces  expériences  :  Tinoculation  par  la 
pcauei  l'inoculation  par  V intestin.  Enfin  Trapeiner,  en  Allemagne, 
a  dilué  dans  Peau  des  crachats  de  phthisique,  et,  avec  un 
appareil  à  pulvérisation,  lésa  fait  inhaler  à  il  chiens,  qui  tous 
sont  devenus  tuberculeux.  Nous  pouvons  donc  conclure  à  une 
troisième  conséquence,  Finocnlalion  pulmonaire. 

L'inoculation  de  la  tuberculose  donne  l'explication  d*un  fait 
étrange  :  Laênnec,  dont  le  nom  est  à  jamais  attaché  à  Tétudc  de 
la  phthisie,  s'était  blessé  en  faisant  Tautopsie  d'un  tuberculeux  ;  il 
s*en  était  d'autant  moins  préoccupé,  qu'il  ne  croyait  pas  que  l'ino- 
culation fût  possible  ;  or  ce  grand  médecin  est  mort  tuberculeux. 
Quant  à  l'expérience  de  Trapeiner,  elle  nous  permet  de  com- 
prendre comment  la  présence,  d'ailleurs  constatée  dans  l'air,  de 
produits  sortis  de  la  poitrine  de  phthisiques  peut  inoculer  le  tu- 
bercule et  produire  en  somme  ce  que  nous  regardons  comme  de 
la  contagion.  Que  chacun  cherche  dans  ses  souvenirs  et  je  suis 
sûr  qu'il  trouvera  des  exemples  d'un  ménage,  où  l'un  des  époux 
tuberculeux  a  transmis  la  maladie  à  l'autre,  qui  n'y  paraissait 
nullement  prédisposé.  En  1870,  une  thèse  du  D'Compin  a  réuni 
lit  cas,  où  la  contagion  lui  a  semblé  non  douteuse.  Hermann 
Weber  cite  môme  l'exempled'unhommequiavaiteu  une  hémoptysie 
à  20  ans  ;  il  mourut  phthisique,  api  es  avoir  vu  mourir  successi- 
vement de  la  phthisie  ses  quatre  femmes,  qui  n'étaient  nullement 
prédisposées. 

Nous  pouvons  maintenant  comprendre  comment  les  chances  de 
phthisie  augmententen  proportion  du  nombre  des  hommes  agglo- 
mérés. Déjà  Tholozan  et  d'autres,  frappés  de  voir  combien  l'agglo- 
mération augmentait  la  fréquence  de  la  phthisie,  avaient  songea 
l'hypothèse,  alors  non  encore  démontrée,  de  la  contagion.  Lacnnec 
lui-même  avait  cité  un  couvent,  dont  toutes  les  religieuses  étaient 
atteintes  de  phthisie,  sauf  la  sœur  tourière,  que  ses  fondions  ap- 
pelaient souvent  au  dehors  et  qui,  d'ailleurs,  vivait  plus  isolée. 
Dans  les  étables,  la  contagion  de  bète  à  béte  n'est  pas  moins  évi- 
dente :  il  sufBt  d'une  vache  tuberculeuse,  pour  que  toutes  les  bêtes 
de  retable  le  deviennent. 

On  comprend  comment,  dans  les  villes,  la  valeur  des  causes 
prédisposantes,  mauvais  air,  défaut  d'exercice,  esV^sm^ifct^VX^- 


IS6  LA   FAUKE   ET   Là   FLORE. 

Uemeot  décuplée  par  la  contagion  ;  on  comprend  pourquoi.,  de- 
puis 1844,  l'extension  de  la  phtbisie  ao  Brésil  est  due  à  la  grande 
afflueoce  des  étrangers  et,  en  Daisant  aux  malheureux  Polynésiens 
Tapplication  de  ces  données,  on  est  forcé  de  reconnaître  que  k 
maladie  est  renue  chez  eux  avec  nous,  et  que  son  intensité  est 
proportionnelie  à  notre  nombre;  on  s*eiplique  enfin,  puisqu'il 
s*agit  d'une  maladie  virulente,  comment,  toutes  choses  égales  d'ail- 
leurs, la  chaleur  semble  augmenter  le  pouvoir  contagieux  et  l'in- 
tensité de  la  virulence  de  la  phthisie. 

L'inoculation  par riotestin  nous  intéresse  peut-être  plus  encore, 
tous  personnellement.  Aux  (kits  de  Chauveau  s^en  sont  d'ailleurs 
ajoutés  d'autres  :  Bollinger,  professeur  d'anatomie  pathologique  à 
l'Ecole  de  Munich,  s'est  procuré  une  truie,  qui  avait  8  petits. 
4  furent  nourris  avec  le  lait  d'une  vache  non  tuberculeuse,  4  au- 
tres avec  le  lait  d'une  vache  tuberculeuse.  On  abattit  les  ^  vaches, 
les  8  petits  et  la  truie.  La  vache  présumée  saine,  la  truie,  les  4  pe. 
tits  nourris  par  la  vache  saine  n'avaient  pas  de  tubercules;  au 
contraire,  la  vache   présumée  tuberculeuse  et  les  4  petits  qu'elle 
avait  nourris  de  son  lait  furent  trouvés  tuberculeux.  Le  EN*  Orth, 
dans  une    cage   bien  exposée,   a  mis  5   lapins;  l'un    d'eux, 
nourri  comme  à  l'ordinaire,  devait  servir  de  terme  de  comparai- 
son ;  2  furent  nourris  avec  de  la  matière  purulente  non  tu- 
berculeuse (casécuse);   2  avec  le  tubercule  sous  forme  de  ce 
qu'on  nomme,  chez  les  bètes  à  cornes,  la  matière  perlée;  deax 
seulement,  ceux  qui  avaient  mangé  la  matière  perlée,  furent  troa- 
vés  tuberculeux.  —  La  conséquence  de  (eut  ceci  :  c'est  que  nous  de- 
vons nous  mélicr  du  lait  des  animaux  tuberculeux  et  des  matières 
animales,  qui,  imparfaitement  cuites,  pourraient  contenir  de  la 
matière  tuberculeuse.  Le  professeur  Dcmme,  médecin  de  l'hôpital 
des  Enfants  à  Berne,  a  cité  des  cas  de  turberculisation  par  la 
lait  cru  de  vaches  tuberculeuses  chez  des  enfants  d'abord   bien 
constitués  et  sans  tare  héréditaire. 

Le  microbe  de  la  toberenloae.  —  On  voit,'par  ce  qui  pré- 
cède, que  la  plithisie  a  sa  place  marquée  parmi  les  maladies  in- 
fectieuses et  parasitaires,  qui  nous  occupent  actuellement.  Déjà, 
en  i875,  Klebs  avait  émis  l'hypothèse,  que  dans  la  tubercalose 
vraie  il  ne  serait  pas  impossible  que  l'on  découvrit  un  conlage 
parasitaire  ;  plus  tard,  il  signala  le  Monas  tuberculosum  sous  forme 
d'éléments  accouplés  par  deux  ou  trois,  animés  d'un  mouvement 
très  vif  j  pour  lui  c'est  là  le  parasite  de  la  tuberculose  et  Rein- 


TUBERCULOSE.  837 

stadler  put  confirmer  cette  manière  de  Toir  par  des  cultures  suc- 
oessîTes.  Toussaint  est  arrivé,  de  son  côté,  à  cultiver  un  mtcro- 
eoccus  spécial,  qui,  inoculé,  donne  une  tuberculose  locale  d'abord, 
généralisée  ensuite.  Ce  microbe  est  constitué  pour  lui  |)ar  des  gra- 
nulations petites,  géminées  ou  réunies  en  amas,  qu'il  a  pu  cultiver 
jusqu*à  la  quinzième  génération. 

L'inr»culation  réussit  non  seulement  chez  le  bœuf,  qui  présente 
une  grande  tendance  à  la  tuberculose,  mais  encore  chez  le  chien 
et  le  porc.  On  comprend  comment  les  animaux  peuvent  se  conta- 
gionner  à  Tabreuvoir  ou  à  Tétable  par  le  mucus  nasal  ;  de  même 
dans  la  vaccination  animale,  la  sérosité  vaccinale  peut  transmettre 
la  tul)erculo§e,  résultat  identique  à  celui  que  produit  chez  les 
enfants  et  les  malades  l'usage  de  la  viande  crue  ou  du  jus  de 
muscles,  lorsqu'ils  proviennent  d'animaux  tuberculeux. 

Koch  prétend  avoir  mis  en  évidence,  par  un  procédé  nouveau 
de  coloration  des  éléments  anatomiqucs,  le  parasite  de  la  tuber- 
culose. 11  serait  arrivé  à  l'isoler, à  le  cultiver;  enfin,  en  l'inoculant 
seul  dans  Torganisme,  il  serait  parvenu  à  reproduire  la  maladie 
initiale.  Ce  microbe  n*est  ni  la  monade  si  mobile  de  Klebs  ni  le 
minrororcus  de  Toussaint  ;  c'est  une  bactérie  se  présentant  sous 
forme  de  bâtonnets,  douée  de  mouvements  exclusivement  molé- 
culaires, un  hacillus  analogue  à  celui  de  la  lèpre,  d'une  extrême 
petitesse,  car  son  diamètre  ne  dépasse  jamais  celui  d'un  globule 
rouge  et  peut  être  quatre  fois  moindre.  Ces  bacilli  sont  accumulés 
parti>ut  où  le  processus  tuberculeux  est  à  la  première  période  ;  à 
la  périphérie  des  masses  caséeuses  on  les  trouve  isolés  ;  plus  les 
lésions  sont  anciennes,  plus  le  nombre  en  diminue. 

Koch  a  rencontré  ces  bactéries,  non  seulement  dans  les  granu- 
lations tut>erculeuses  du  poumon,  du  cerveau,  de  l'intesiin,  mais 
encore  dans  les  foyers  de  pneumonie  caséeuse,  dans  les  adénites 
sirumeuses  et  au  milieu  des  fongosités  articulaires  ;  elles  se  re- 
trouvent dans  les  !crachats,  même  desséchés  depuis  longtemps, 
des  phthisiques.  Hiller  a  trouvé  les  bacilli  dans  les  crachats 
bérooptoîques  du  début,  Balmer  et  Fraenzel  dans  les  crachats 
purulents.  Ils  existent  également  dans  la  tuberculose  expéri- 
mentale, ainsi  qu'en  font  foi  des  recherches  qui  ont  porté  sur  plus 
de200animaux,  cobayes,  lapins,  chats.  Enfin  Koch  a  cultivé  ces 
bacilli  et  des  inoculations  faites,  dit-il,  avec  une  rigueur  scienti- 
fique absolue  ont  reproduit,  chez  dirers  animaux,  dans  Tesçace  dvt 
trois  ou  quatre  semaines^  une  tuberculose  généraWsée.  \>3^^\¥ijc^ 
oioan.  méd.  W 


8S8  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

n'hésite-t'il  pas  ù  voir  dans  ce  micro-organisme  Tagent  spécifique 
de  la  tuberculose. Dans  la  tubercuU^se  des  organes  génito-urinaires, 
Babcs,  en  France,  a  trouvé  le  bacillus  dans  Turine. 

Ck)rnila  fait  l'examen  approfondi  de  la  granulation  tuberculeuse. 
«  Si  on  examine,  dit-il,  une  masse  tuberculeuse,  développée 
sur  la  pie-mère,  on  constate  d'habitude,  h  son  centre,  un  vaisseau 
oblitéré  par  de  la  fibrine  et  dans  cette  fibrine  les  bacilles  carac- 
téristiques de  la  tuberculose.  Sur  les  parois  du  vaisseau  et  dans 
son  voisinage,  on  en  rencontre  également  en  plus  ou  moins  grand 
nombre.  Il  est  probable  que  c'est  la  coagulation  fibrineuse  intra- 
vasculaire  qui  est  envahie  la  première.  Lorsque,  à  une  période 
un  peu  plus  avancée,  il  existe  des  granulations  dans  le  tissu  des 
circonvolutions  cérébrales,  les  mêmes  particularités  se  retrouvent 
dans  ces  granulations. 

De  même  pour  la  granulation  pleurale  ;  c'est  également  dans 
les  coagulations  fibrineuses  qui  occu[)ent  les  vaisseaux  et  dans  les 
tubercules  développés  autour  d'eux  que  se  trouvent  les  bacilles. 
On  rencontre  également  des  bacilles  dans  la  pleurésie  chronique 
de  nature  tuberculeuse  ;  seulement  ils  sont  disposés  d^une  façon 
un  peu  différente.  Dans  un  fait  de  pleurésie  chronique  de  cette 
nature,  la  séreuse  était  constituée  par  un  tissu  fibreui  plus  ou 
moins  dense,  semi -transparent,  limitant  des  cavités  d'Stendue 
variable,  dans  lesquelles  il  y  avait  un  liquide  caséeux.  Cest  dans 
ce  liquide  caséeux  que  se  voient  les  bacilles,  principalement  dans 
les  anfractuosités  intermédiaires  qui  unissaient  les  deux  plèvres. 
Le  nombre  de  ces  bacilles  et  leur  dissémination  sont  des  plus 
variables.  Ils  ressemblent  sous  beaucoup  de  rapports  à  ceux  de  la 
lèpre,  ils  eu  différent  surtout  par  leur  habitat,  leur  mode  de  grou- 
pement et  la  façon  dont  ils  se  comportent  en  présence  de  certaines 
substances  colorantes. 

Héréélté.  —  La  phtbisie  n'est  pas  seulement  contagieuse,  elle 
est  héréditaire  et  ainsi  s'explique,  ce  que  la  contagion  directe  se* 
rait  à  elle  seule  impuissante  à  produire,  la  rapide  et  profonde 
extension  de  la  maladie  dans  les  races.  Cette  notion  de  la  conta- 
gion et  de  l'hérédité  ne  détruit  pas,  d'ailleurs,  la  valeur  descauiei 
banales,  prédisposantes,  adjuvantes,  occasionnelles.  C*est  ainsi  que 
la  fréquence  des  refroidissements,  des  rhumes  et  par  conséquent 
un  climat  variable,  une  mauvaise  hygiène  du  vêtement  reo* 
dront  plus  efficace  la  contagion  et  Thérédité,  qui  ne  se  seraieat 
peut-être  jamais  manifestées  sans  cela.  Une  mauvaise  alimeoti- 


SYPHILIS.  8S9 

tioD,  les  excès,  toutes  les  causes  débilitantes,  le  défaut  d'aéra- 
tion, le  défaut  d'exercice  favorisent  également  l'hérédité  et 
la  contagion.  Si  les  climats  chauds,  sans  excès,  comme  la  côte 
d'Algérie»  sont  souvent  utiles,  c'est  parce  qu'ils  permettent 
de  vivre  dehors,  sans  s'exposer  à  avoir  froid.  Si  dans  certains  cas 
les  montagnes,  aujourd'hui  à  la  mode,  sont  utiles,  c'est  qu'elles 
permettent,  dans  un  air  raréfié,  peu  excitant,  Texercice  et  la  gym- 
nastique pulmonaire,  c'est  qu'elles  éloignent  des  agglomérations. 
Cette  gymnastique  pulmonaire  est  si  utile  contre  la  phthisie,  que  le 
silence  prolongé  dans  les  prisons  et  dans  les  couvents  augmente  la 
statistique  de  la  phthisie;  aussi,  dans  les  régiments,  la  mortalité 
pbthis'ique  des  musiciens  est-elle  inférieure  à  celle  des  autres 
soldats. 

La  prophylaxie  de  la  phthisie  doit  être  dominée  par  ces  deux  faits, 
la  contagion,  l'hérédité.  Nous  ne  savons  pour  quel  chiffre  figure 
la  contagion  alimentaire,  mais  nous  pouvons  être  persuadés 
qu'elle  existe;  or  il  est  facile  de  l'éviter  par  le  choix  des  animaux, 
par  la  cuisson.  Quant  à  la  contagion  par  la  voie  pulmonaire,  c'est 
la  plus  fréquente  de  toutes.  La  contagion  de  la  phthisie  n'est 
pas  heureusement  aussi  rapide  ni  aussi  facile  que  celle  de  la  va- 
riole, de  la  scarlatine  ou  du  choléra.  11  faut  une  vie  intime,  inces- 
sante, en  commun  comme  la  vie  en  ménage.  Or  ces  conditions 
normales  en  ménage  sont  exceptionnellement  réalisées  dans  les 
casernes  et  encore  aujourd'hui  le  sont-elles  moins  qu'autrefois. 

§   8.    SYPHILIS. 

Histoire,  géographie.  —  La  syphilis  est  actuellement  répan- 
due à  peu  près  dans  le  monde  entier.  En  Norv^ége,  où  elle  est 
grave,  elle  porte  le  nom  de  radeyzyc;  les  affections  osseuses  y 
sont  nombreuses,  la  mort  en  est  la  terminaison  fréquente.  Elle  est 
très  commune  en  Russie,  surtout  dans  les  gouvernements  de 
&iew,  de  Pultava  ;  le  D'  Codolinski  cite  des  villages,  où  le  tiers 
des  habitants  a  la  syphilis.  Dans  le  village  de  Jarolawka,  sur  420 
familles  qu'il  connaît,  30  sont  syphilitiques,  64  ne  le  sont  pas  ; 
quant  aux  26  autres,  il  ignore  leur  état  de  santé.  Dans  un  autre 
village^  celui  de  Lipianka,  il  a  to  dans  un  seul  été  plus  de  50 
jeunes  filles  de  16-25  ans  syphilitiques.  Il  attribue  ce  fait  à  la 
débauche,  qui  suit  l'embauchage  pour  la  culture  de\a  YieW^iv^^ 


840  LA    FAUNE    ET  LA   FLORE. 

et  la  fabrication  du  sucre.  Dans  certains  districts,  la  syphilis  fait 
de  tels  ravages,  qu'ils  ont  de  la  peine  à  fournir  leur  contingent 
militaire,  notamment  à  Moscou,  à  Odessa»  àTïQis. 

Dans  toute  la  Chinc^  la  syphilis  est  extrêmement  fréquente;  il 
en  est  de  même  au  Japon,  où  elle  est  devenue  k)énigne,  grâce  à  soo 
extrême  diffusion.  Aux  îles  Aléoutiennes,  sa  fréquence  est  grande 
également.  Au  Groenland,  elle  pénètre  de  tem|)sen  temps  jusqu'au 
cercle  polaire  (70^  de  latitude)  avec  les  l>aleiniers. 

Au  Mexique,  d'après  le  D'Libermann,  elle  affecterait  le  quart 
de  la  population.  Au  Chili,  sa  fréquence  est  également  considé- 
rable>  on  trouve  485  syphilitiques  sur  939  malades. 

En  Eg}'pte,  elle  est  aussi  très  commune  ;  on  la  nomme  emito- 
reck  (la  bénite)  ou  le  mal  des  chameaux,  ce  qui  indique  assez 
qu*elie  suit  la  route  des  caravanes.  Elle  est  très  répandue  aussi 
dans  le  Kordofan,  dans  le  Darfour. 

Elle  sembU*  ne  pouvoir  s'acclimater  dans  certaines  régions 
froides;  ainsi,  en  Islande,  en  1756,  quelques  cas  furent  observé» 
chez  les  tisserands  deReijk-Jawick,  mais  en  1763  la  maladie  était 
devenue  rare;  en  1774  elle  n'existait  plus;  en  1837,  le  D'  Thor- 
stensen  écrivait  :  n  Morhus  veneretts  non  existit  in  Ulandia  »; 
aujourd'hui,  elle  n'existe  pas  davantage,  bien  que,  chaque  année, 
80  vaisseaux  danois  et  150  vaisseaux  français  ou  hollandais  abor- 
dent dans  cette  île  !  Cette  étrange  immunité  tient-elle  à  la  race  ? 
Non,  car  1rs  Danois,  les  Suédois  et  les  Norwégiens  ne  se  fontpas 
faute  ailleurs  de  prendre  la  syphilis.  Tient-elle  au  climat  ?  Pas 
davantage,  car  la  température  moyenne  de  Reijk-Jawick  est  de 
-H  4^;  elle  ne  diffère  donc  pas  beaucoup  de  celle  de  -f-  5*  qu'on 
trouve  en  Norwége.  Il  est  probable  que  ce  privilège  tient  à  la 
grande  simplicité  des  mœurs  et  surtout  à  l'absence  de  relatioas 
entre  la  capitale  et  l'intérieur  de  Tile.  La  preuve  que  telle  en  est 
bien  la  cause,  c'est  que  la  même  immunité  existe  au  centre  de 
l'Afrique,  là  où  les  populations  sont  vierges  de  notre  contact. 
La  syphilis,  dans  sa  propagation,  suit  en  eifet  les  voiesde  commo* 
nication  ou  les  armées.  Elle  a  été  importée  aux  îles  Féroë  (1844)» 
aux  ilesEngano  et  Gavantolo  (Sonde)  depuis  1854.  En  Italie,  c*est 
à  ce  grand  attroupement  d'hommes  de  tous  les  pays  qui  eut  lieu 
au  xY'siècle  qu'éclata  la  grande  épidémie  de  syphilis  de  1494. D'où 
venait-elle?  Grande  question,  souvent  débattue  !  Trois  opiniofis 
ont  eu  cours  :  Tune  soutenait  l'origine  moderne  et  autochtone; 
la  seconde  Torigine  américaine  ;  la  troisième  rorigine  ancienne. 


SYPHILIS.  841 

L'origine  moderne  et  autochtone  ne  se  conçoit  guère  ;  il 
faut  reléguer  dans  la  fable  tout  ce  qui  a  été  dit  à  ce  propos, 
sur  rafQoité  avec  la  lèpre,  le  farcin,  sur  la  conjonction  des  astres. 

De  même  que  chaque  peuple  donne  généralement  à  la  syphilis 
ie  nom  de  son  voisin,  le  vieux  monde  pensa  avoir  reçu  la  maladie 
du  nouveau.  Gonzalve-Fernandez  d'Oviedo  écrivait^  en  i535,  à 
son  retour  d*ispaniola  (Saint-Domingue)  :  «  La  vérole  est  commune 
«  dans  ces  pays,  mais,  par  un  effet  de  la  bonté  divine,  on  y  trouve 
«  partout  le  remède  propre  à  guérir,  savoir  le  bois  de  gaïac;  elle 
«  règne  aussi  parmi  les  chrétiens,  mais  seulement  depuis  peu.  i 
Plus  tard, en  1540,  Roderic  Diaz  de  Tlsle  écrivait  à  Jean  III  de  Por- 
tugal :  a  La  vérole  parut  en  1493  à  Barcelone.  Cette  ville  fut  la 
«  première  infectée;  ensuite  TEurope.  La  maladie  venait originai- 
«  rement  de  File  Espagnole,  car  l'amiral  Colomb  ayant  découvert 
c  cette ile,  ses  soldats  gagnèrent  le  mal,  qui  était  contagieux.  > 
D'Espagne  elle  aurait  été  facilement  portée  à  Naples  et  de  là  dis- 
séminée dans  le  monde  entier,  il  est  avéré  qu'elle  a  été  portée  en 
i526  en  Afrique,  où  les  nègres  Tout  transformée  en  pian,  que 
nous  étudierons  plus  loin. 

La  vérole  existait -elle  en  Amérique  avant  la  conquête?  Les  lé- 
gendes mexicaines  rapportent  que  la  syphilis  existait  avant  Tarrivée 
des  hommes  barbus  :  les  Mexicains  l'adoraient  même  sous  le  nom 
de  Nanahualt.  Le  D'  Jourdanet  a  trouvé  dans  les  écrits  de 
Bernard  Diaz  dcl  Castillo  la  preuve  de  Texistence  de  la  vérole  au 
Mexique  avant  la  conquête.  L'auteur  espagnol  en  parle  très  net- 
tement, sous  le  nom  de  Bubas.  Enfin  Parrot  a  fourni  la  preuve  de 
Texistence  de  la  syphilis  héréditaire,  existant  avant  la  conquête 
dans  l'Amérique  centrale,  au  Pérou.  Le  savant  professeur,  étu- 
diant la  syphilis  héréditaire  actuelle,  est  en  effet  arrivé  à  établir 
nettement,  qu'elle  se  localise  souvent  dans  le  crâne.  La  lésion 
consiste  dans  le  dépôt,  sous  le  périoste,  d'ostéophytes  poreux  ;  ces 
ostéophytes  apparai.ssent  dans  les  deux  premières  années  de  la 
vie  ;  ce  sont  de  larges  espaces  médullaires,  à  trabécules  perpendi- 
culaires à  la  surface  de  l'os  et,'comme  ils  siègent  souvent  au  niveau 
des  bosses  pariétales,  ils  produisent  une  déformation  que  Parrot 
nomme  natiformey  qui  rappelle  celle  d'Ancon  et  qui  est  absolu- 
ment caractéristique  de  la  syphilis  héréditaire.  Or  la  même  lésion 
syphilitique  héréditaire  fut  retrouvée  par  lui  sur  3  crânes  anté- 
rieurs à  la  conquête  :  2  crânes  du  musée  Broca  et  i  crâne 
d'adulte  du  Muséum. 


842  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

Les  deui  crânes  du  musée  Broca,  offerts  [var  le  D'  Destmges, 
proviennent  de  Guayaquil  (Equateur).  Ce  sont  des  crânes  d'en- 
fants, qui  présentent  la  lésion  ostéophytique,  poreuse  que  je  viens 
de  décrire.  Ils  ont  été  extraits  d'une  sépulture  certainement  anté- 
rieure à  la  conquête  espagnole. 

Le  troisième  crâne  appartient  au  Muséum  [n^  9,  collection  Cham- 
peaux),  il  a  été  trouvé  à  ('ihancaï,  au  nord  de  Lima,  dans  un 
tombeau  contenant  des  étoffes,  dos  bracelets  en  argent,  des  graines 
de  cacao,  un  sac  à  coca,  tous  objets  qui,  d'après  Hamy  et  plusieurs 
archéologues,  sont  incontestablement  antérieurs  à  la  conquête. 
Les  lésions  de  ce  crâne  sont  également  caractéristiques.  La  sy- 
philis existait  donc  en  Amérique  avant  la  conquête  européenne. 

D'un  autre  côté,  au  xiv^  siècle,  à  Copenhague,  un  manuscrit 
parle  d'un  mal  horrible  qu'on  nomme  le  mal  français.  Au  moyen 
âge,  un  grand  nombre  d'auteurs  parlent  d'ulcérations,  qui  sont 
véoérienne^i  mais  qui  peuvent  n'être  pas  syphilitiques.  Un  seul, 
Géraud,  médecin  du  Berri  au  xin*  siècle,  dit  :  «  Virga  inficHur 
M  et  (iliqnando  totum  corpua.  v  Enfin,  dans  un  précieux  manuscrit 
du  IX'  siècle,  on  parle  également  d'accidents  généraux:  t  Alia 
ff  mnnhra  aordida  vel  maligna  indc  fiant.  » 

A  toutes  ces  preuves  littéraires  de  l'ancienneté  de  la  syohilis 
en  Europe,  Broca  ajouta  la  première  preuve  anatomique  :  en 
fouillant  remplacement  actuel  de  la  rue  de  Bruxelles,  on  trouva 
les  restes  d'une  léproserie,  où  il  trouva  plusieurs  crânes  inconies- 
tablemonl  syphilitiques,  qui,  au  moyen  âge,  avaient  passe  pour 
lépreux,  |la  lèpre  englobant  tout.  Enfin  un  autre  document 
anatomique  nous  permet,  comme  tout  à  Theure  pour  l'Amérique 
avant  la  con(iuête,  de  poursuivre  la  syphilis  dans  notre  pays,  jus- 
qu'au viio  siècle.  11  s'agit  d'une  mâchoire  inférieure,  mérovin- 
gienne, trouvée  à  Breny  (Aisne),  par  M.  Moreau  et  qui  présente 
sur  les  dents  une  lésion  encore  pour  Parrot  caractéristique  de  la 
syphilis  héréditaire,  lésion  formée  par  une  série  de  sillons  et 
de  cupules.  Nous  pouvons  donc  remonter  pour  l'Europe  aa 
moins  jusqu'au  vii»  siècle. 

Dans  Tantiquité,  silence  presque  absolu,  expliqué  toutefois  par 
un  passage  de  Celse  :  a  Ce  n'est  pas  une  entreprise  facile  de  traiter 
c  de  ces  maladies  (vénériennes)  pour  quiconque  veut  garder  les 
€  règles  de  la  pudeur.  )>  Dans  les  satiriques,  on  trouve  cependant 
quelques  passages  qui  sont  significatifs  et  visent  certainement 
la  syphilis. 


SYPHILIS.  843 

Mentnia  quum  doleat  puero,  libi,  Scxvole,  culus  : 
Non  sam  divinus,  sed  scio  quid  facias. 

Martial,  Epigr.,  lib.  III,  71. 

Horace  parle,  dans  ses  Satires,  de  fœdti  ciciUrix,  une  cicatrice 
honteuse  que  porte  au  front  un  débauché  atteint  de  morhuscam- 
fanus^  le  mal  de  Campanie,  comme  on  dit  le  mal  napolitain,  le 
m/f/  français.  Les  partisans  de  la  doctrine  de  i*anti({uitc  de  la 
syphilis  mettent  en  outre  à  leur  actif  un  passage  assez  obscur 
d'Hippocrate  :  «  Beaucoup  eurent  des  aphtes  et  des  ulcérations  à 
«  la  bouche,  Quxions  sur  les  parties  génitales,  ulcérations,  tu- 
«  meurs  dans  les  aines,  ophlhalmies,  carnosités  aux  paupières.  » 
Enfin,  une  découverte  de  Prunières  (de  Marvejols)  vint  assigner 
à  la  syphilis  une  naturalisation  européenne  plus  reculée  qu'on  n'eût 
jamais  pensé  :  en  fouillant  une  sépulture  de  Tépoque  de  la  pierre 
polie,  ce  savant  distingué  a  trouvé  des  crânes  identiques  à  ceux 
du  Pérou  et  à  ceux  que  Parrot  avait  étudiés. 

Dans  le  dolmen  de  Cauqucnos,  dans  celui  de  Boujassac,  des 
lésions  syphilitiques  du  crâne,  trouvées  par  Pruniers,  ont  été  éga- 
lement reconnues  telles  par  Parrot.  Un  crâne  d'enfant  a  reproduit 
exactement  les  lésions  modernes  et  anciennes  de  la  syphilis  dans 
le  Mexique.  Parrot  lui-même  a  regardé  ces  deux  crûnes  comme 
atteints  de  syphilis  héréditaire  et  on  peut  lire  dans  le  procès- verbal 
delà  séance  du  27  août  du  Congrès  de  Paris,  procès-verbal  revu 
parBroca  lui-même  :  «  M.  Broca  adresse  ses  félicitations  à  M.  Pru- 
«  nièrcs  pour  les  découvertes  qu'il  vient  de  faire  connaître;  la  plus 
I  importante  est  assurément  celle  de  la  syphilis;  il  avait  hésité, 
«  dans  le  temps,  à  faire  remonter,  d'après  ces  faibles  documents, 
«  l'existence  de  la  syphilis  à  une  époque  aussi  reculée  ;   mais, 
«  après  les  comparaisons  établies  par  M.  Parrot  et  les  con«:lusions 
«  qu'il  en  tire,  il  ne  peut  plus  hésiter  :  la  syphilis  existait  bien 
a  chez  nous  dés  Pépoque  néolithique .  » 

Dans  l'Inde,  un  livre  qui  remonte  au  commencement  de  Père 
des  chrétiens,  VAgurvedn  de  SuçiUras,  parle  comme  d'une  chose 
honteuse  de  certaines  maladies  de  peau,  d'ulcères,  d'ophlhalmies, 
d'éruptions  «  in  planta,  in  palma  »,  de  pustules  coloi'écs,  de  bu- 
bons. Enfin,  en  Chine,  2637  avant  Jésus-Christ,  l'empereur 
Huang-ty  parle  du  chancre  qu'il  nomme  Yang-nuci-kan,  de  des- 
tructions honteuses  du  nez,  dont  il  fait  cinq  classifications  et  qu'il 
ordonne  de  traiter  par  le  mercure. 


844  LA   FAUNE   ET   U   FLORE. 

la  syphilis  avait-elle  été  apportée  par  une  invasiou  tenant  de 
re.-t?  son  antiquité  dans  l'Asie  nous  indique-t-elle  qu  il  faut 
chercher  là  son  berceau  ?  Nous  Tignorons.  Cette  théorie  pourrait 
b  eta}cr  d'une  [appréciation  récente  du  D'  Re\  :  c  Dans  toute  la 
«  Chine,  dans  les  immenses  plaines  de  la  terre  des  herbeSf  les 
«  populations  paraissent  depuis  longtemps  saturées  de  syphilis.  > 

11  n'y  a,  entre  tous  ces  faits,  rien  d'incompatible  :  la  syphilis 
existait  en  Europe  à  Tépoque  néolithique  ;  elle  existait  en  AmC' 
rii)ue  avant  la  conquête.  Ces  deux  pays  ne  se  sont  rien  donné;  U^ 
ont  fait  échange  de  virus.  Les  mauvaises  conditions  de  la  guerr^ 
d'Italie,  ont,  en  outre,  au  xvi*  siècle,  été  un  terrain  favorable  ai^ 
renforcement  d*un  mal  qui  existait  déjà  ! 

C'est  à  cette  opinion  mixte  qu'il  faut,  selon  moi,  se  rattacher. 
11  est  d'ailleurs  curieux  de  voir  que  la  syphilis  a  surtout  pris  son 
c^sor  au  moment  où  la  lèpre  disparaissait  et  qu'aux  Moluques  on 
croit  encore  que  l'inoculation  de  la  syphilis  (framhœsia)  empêche 
la  lèpre  ! 

Putbologle  eonparée.  —  Les  inoculations  expérimentales 
et  dès  longtemps  celles  qui  ont  été  pratiquées  par  le  1)' Auzîas-Tu- 
reniie,  ont  prouvé  que  la  syphilis  était  transmissible  au  singe,  au 
chat,  au  chien  :  un  expérimentateur  courageux,  Robert  de  Welz, 
s'inoculant  à  lui-même  la  maladie  développée  chex  ces  ani- 
maux, a  pu  constater  qu'il  s'était  inoculé  la  syphilis. 

La  maladie  semble  d'ailleurs  avoir  des  sièges  de  prédilection 
diltérents  chez  chacun  de  ces  animaux.  Le  singe  prend  volontiers 
d(>s  ophlhalmies,  des  manifestations  cutanées,  comme  l'homme, 
des  ganglions  considérables,  comme  l'homme,  mais  surtout 
comme  le  nègre.  Auzias-Turenne  dit  en  propres  termes  :  t  Les 
muqueuses  de  ces  animaux  sont,  moins  souvent  que  la  peau, 
le  siège  de  l'éruption.  »  Nous  ferons  plus  loin  la  même  remarque 
à  propos  du  inan  du  nègre.  Tous  les  singes  ne  prennent  |>as  d'ail- 
leurs la  syphilis  avec  une  égale  facilité  ;  les  Cébiens,  moins  rap- 
prochés de  riiomme  par  leurs  caractères  anatomiques,  la  pren- 
nent plus  difficilement  que  les  Pithéciens,  qui,  dans  Tordre  des 
Primates,  viennent  après  les  Anthropoïdes.  On  a  pu  observer,  sur 
la  face  d'un  singe,  une  éruption  syphilitique,  qui  rappelle  un  peu 
le  itinn.  On  a  constaté  chez  le  singe  des  gommes  multiples  de 
(oie  et  de  poumon.  MM.Martineau  et  Hamonic  ont  réussi  à  inocu- 
ler la  syphilis  au  singe  et  au  porc;  ils  ont  constaté  que  l'évolution 
de  la  maladie  est  plus  rapide  que  chez  l'homme  et  que  l'inocula- 


SYPHILIS.  845 

tioQ  du  porc  à  ud  autre  porc  ou  au  singe  ne  semble  pas  réussir. 
Chez  le  chat,  Vernois  et  Mal^aigne  ont  constaté  des  exostoses 
syphilitiques  ;  un  de  ces  chats  était  un  chat  d'un  hôpital  affecté 
aux  syphilitiques  ;  il  avait  l'habitude  de  manfifer  les  plumasseaux 
de  charpie,  qui  avaient  reposé  sur  les  plaies  ;  c'est  ainsi  qu'il  s'ino- 
cula la  maladie  dont  il  mourut.  Or  les  griffes  jouant,  chez  le  chat, 
un  grand  rôle,  cet  animal  donna  un  exemple  de  l'application  de 
celte  loi,  qui  veut  que,  plus  un  organe  fonctionne,  plus  souvent 
i7  soit  choisi  par  la  maladie  :  les  manifestations  syphilitiques  de 
la  maladie  portèrent  surtout  sur  les  griffes;  il  eut  de  Vonyxis  sy^ 
phUitique. 

Boudin  a  dit  que  le  pian  se  communiquait  aussi  aux  dindes,  aux 
poulets,  aux  pigeons,  qui  cohabitent  côte  à  côte  avec  les  nègres 
malades. 

Il  est  un  autre  animal,  moins  éloigné,  il  est  vrai,  de  Thomme^ 
^ui  contracte  la  syphilis  :  c'est  le  cheval.  La  dourinc,  c'est  le  nom 
qu'on  donne  à  la  syphilis  du  cheval,  se  nomme  encore  morbus  à 
*^Mu;  elle  sévit  notamment  en  Algérie,  où  elle  atteint  les  étalons, 
^juments  et  les  ànesses.  La  syphilis  équine  est  assez  commune 
<^n  Orient  et  elle  a  été  importée  dans  quelques  haras  d'Europe 
par  des  étalons  venus  d'Orient.  Elle  est  encore  inconnue  en  An- 
c'elene,  mais  elle  a  été  observée  en  France,  en  Prusse,  en  Autri- 
che, en  Russie.  Elle  a  été  récemment  étudiée  chez  nous  par  un 
vétérinaire  de  Tarmée,  Laquerrière.  Elle  est  communiquée  par 
Thomme  syphilitique  aux  juments  et  aux  ànesses,  par  suite  de 
certains  actes  de  bestialité,  qui  ne  sont  pas  rares  en  Orient.  11  y  a 
one  raison  à  ce  contage,  une  raison  ethnologique  :  c'est  qu'en 
Algérie  un  triste  préjugé  fait  croire  aux  hommes  qui  ont  la  syphilis, 
qu'ils  ne  guériront  qu'en  la  passant  à  un  cheval  !  Les  étalons  pren- 
nent ensuite  la  maladie  et  les  poulains  l'apportent  en  naissant. 
L'inoculation  ex (>éri mentale,  par  la  lancette  faite  par  Paune- 
cbmidt  et  par  Hertwig,  latransmetd'ailleursd'un  cheval  à  un  autre. 
Les  ulcérations  locales,  celles  qui  frappent  tout  d'abord  ceux  qui 
soignent  les  animaux,  sont  les  seules  qui  apparaissent.  La  maladie 
évolue  ensuite  par  une  série  de  tumeurs  sous -cutanées,  qui  ne 
s'ulcèrent  pas,  puis  elle  gagne  rapidement  les  centres  nerveux  et 
leurs  enveloppes  osseuses.  On  voit  alors  survenir  des  paralysies, 
souvent  limitées  à  la  face,  comme  chez  l'homme,  puis  des  para- 
lysies totales  et  l'animal,  après  une  période  d'amaigrissement  et 
d'émaciaUoD ,  succombe  fatalement  ;  nouvel  exemple  qui  aous 


146  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

montre   combien  la   patholo^Me   étend  la  zone  d^affinité  entre 
rhomme  et  les  autres  animaux  ! 

Le  mlerAbe  de  la  sjphllls.  —  Tout  ce  qui  vient  d^ôtre  dit 
de  la  syphilis  et  tout  ce  que  le  lecteur  en  sait  d*ai Heurs  déjà  nous 
autorisent  ù  présumer  que  la  syphilis  a  sa  place  marquée  dans 
la  class<;  de  maladies  qui  nous  occupe. 

Hallier  (d'Iéna)  Ta  depuis  longtemps  étudiée  à  ce  point  de  vue. 
Klt'bs  a  repris  ces  expériences  et  a  constaté  dans  les  liquides  ino- 
culables des  orp:anismes,qui  se  préf^entent  sous  la  forme  de  granu- 
lations (louées  de  mouvements  très  animés  et  de  bâtonnets  courts, 
de  (liincnsions  assez  considérables.  A  cause  de  la  forme  bélicoïde 
qu'ils  alfeclenl  parfois,  il  les  a  nommés  HH'nomfmfis.  De  ces  hélico- 
monas  il  a  fait  des  cultures  artificielles  et  Tinoculation  de  ces 
cultures  a  reproduit  la  syphilis.  Aufrecht  a,  de  son  côté,  observé 
des  min'nrfK'nts  assez  volumineux;  le  professeur  Bouchard  admet 
égaliMnent  Pexir^tence  d'un  min'ohr  syphUitique,  mais  la  démons- 
tralion  la  pbm  nette  a  été  laite  par  Martincau  et  Hamonic,qui  ont 
trouvé  dans  le  liquidechancreuxuneW^riV?  sous  forme  de  bâton- 
net. Ils  Toril  cultivée  d'après  la  méthode  de  Pasteur  et  ont  fait, 
avec  ces  cultures,  des  inoculations  positives  au  porc.  Le  sang  dos 
porcs  inoculés  présentait  la  bactérie  et  la  reproduisait  par  culture. 

§   0.    HE   OtELQUES    AUTHES   PARASITES    MICROSCOPIQUES. 

1161e  des  nilcro-orKanismcs. — Je  ne  puis  terminer  ce  cha- 
pitre consacré  aux  pseudo-parasites,  inlermédiaires  entre  les  fer- 
ments et  les  parasites  proprement  dits,  sans  insister  sur  leur  rôle 
Considérable  dans  l«.'s  métamorphoses  de  la  matière,  phénomènes 
dont  ils  sont  les  facteurs  nombreux,  actifs  et  longtemps  ignorés. 
Sans  eux,  les  cadavres  des  animaux  et  des  végétaux  infesteraient 
rutinosphère.  Aussi  en  trouve-t-on  parlout  et  s'altaquent-ils 
ù  tout.  Mi(iuel,  au  laboratoire  de  Montsouris,  a  découvert  une 
bactirie  du  ntoutrhouc  mlcanisé,  (jui  le  ronge  en  dégageant  de 
Tacide  sulfhydrique. 

Hnladies  paruslto  -  infectieuses  de»  végélaax.  —  Ils 
s'attaquent  aux  animaux  comme  aux  végétaux  et  sont  pour  les 
uns  comme  pour  les  autres  une  cause  fré(iuente  de.  maladie  et  de 
mort  ;  j'en  citerai  quelques  exemples  : 

La  pouniture  des  vt^gétauxcsi  due  à  un  bacterium,  qu'on  trouve 


PARASITES   VRAIS.  347 

d'abord  dans  les  racines,  ensuite  dans  toute  la  plante  et  qui  se 
communique  aux  autres  végétaux  par  une  véritable  inoculation. 
Cette  maladie  générale,  infectieuse  est  tellement  liée  au  bacterium, 
qu*il  suffit  d'exposer  la  plante  à  une  température  de  -f  ^^**  '^ 
-4-55®,  température  nocive  pour  le  parasite,  pour  qu'elle  guérisse. 
De  même  la  Peronospora  infestans  de  la  pomme  de  terre,  ap- 
portée par  le  vent,  s*abat  sur  sa  victime  comme  une  vciitable  épi- 
démie et  la  détruit  en  pénétrant  dans  les  stomates  des  feuilles  et 
en  rongeant  la  plante  comme  un  cancer. 

Les  laitues  sont  détruites  par  le  mnmier  ;  les  oignons  par  une 
wrocistis  :  la  mauve  par  un  cryptogame  d'Amérique  ;  en  Ligurie 
et  en  Sicile,  les  vieux  arbres  sont  détruits  par  la  cagne  ;  les  citron- 
niers et  les  orangers  par  la  fumagginc;  un  petit  champignon,  la 
pottrridiè  (Rœsleria  hypofjœa)  détruit  les  noyers  dans  certaines 
régions  de  la  Haute-Marne. 

Un  champignon,  sous  forme  de  traînée  de  mycélium  hkmc,  est 
en  train  de  faire  périr  les  chdtnhjnici's  dans  les  Cévcnnes,  dans 
le  Gard,  dans  les  environs  de  Bayonne,  dans  la  haute  Italie  et 
aux  Açores.  Un  parasite  voisin  attaque  les  snfransj  les  pommiers, 
les  abj'icotiers,  les  lilds^  les  marromiiers  d'Inde, 


PARASITES   VRAIS. 

Une  progression  insensible  nous  a  conduit  des  ferments,  en  pas- 
sant par  les  parasites  microscopiques,  aux  parasites  plus  gros  ou 
parasites  vrais,  dont  le  nombre  grossit  tous  les  jours. 

Il  semble  que  cette  sorte  dMnclusion  des  animaux  les  uns  dans 
les  autres,  comme  descornets,  les  plus  petits  dans  les  plus  grands, 
n  a  pas  de  limites,  te  parasite  ayant  souvent  lui-même  son  para- 
site. Ainsi  les  insectes  sont  criblés  de  parasites  et  le  D'  Osman 
Galeb  vient  de  découvrir  rien  que  dans  les  blattes  de  nos  maisons, 
toute  une  faune  bel minthologique  très  riche;  or  ces  helminthes 
étaient  eux-mêmes  habités  par  une  quantité  d'infusoires  et  d'al- 
gues inférieures. 

Parmi  les  parasites,  les  uns  habitent  dans  le  tube  digestif  d'a- 
nimaux supérieurs,  d'autres  dans  le  sang,  d'autres  dans  certaines 
cavités  closes  ou  ouvertes,  d'autres  enfin  sur  la  peau. 


t4ê  Là  7A:m  rr  l&  ntu. 


:£   1.    JL^rETLiXFnjSE   DC0M3(AL 


—  Da  temps  de  U  traite 
^iis  t^An.  ''tié  t^\rriftT^  r«iJ»>iti:est  piMr  leur  beiail  hamaîn  une 
aulaii>i.  ->.i:t  ils  ooco^âsunat  U  xr&iitê  et  loot  ils  >aTaient  lafré- 
t^ueO':»:.  .'ettrî  {nxa.:;-:.  i*^!  le  Bocn tkriTiit  de$  eii^ressàons  roèmes 
•i*.at  ?e  j«:rvii«eaî  l<s  ae^nes  i|ji  en  etAÎeal  attciats.  s'appelait  le 
mfU-T'nfr:  oo  U  iKManiait  tniote  »if  •f'^itùm-^^  ds  ntgrts  oa 
'-'icA'fX'V  'ifriotin-'.  Elle  attA)uiit  ks  oè^re»  ausâi  bien  sur  U 
ctjVt  d'Afri^Q*»  q'iâ  b>.>rd  diîs  transports^  où  un  les  entassait,  ou 
<ians  les  colO{:i«:s,  où  on  les  Ciisoit  travailler. 

Hjwuptém^n  de  la  emrke&ie  Yet^mlBease.  —  Voici  eo  quoi 
«oosistait  U  maladie  :  le  nè^re  devenait  triste,  ahattu«  ses  forces 
d^ciioait'Ut.  il  devenait  inapte  et  malhabile  au  travail;  sa  peau 
se  dccuiuruit,  les  mu<:iaeuses  surtout  deveoaient  blanches  et  l'on 
comprnit  >a  langue,  devenue  froide  et  cxsanjnie,  à  une  langue 
et,  gnnonilU  :  les  malades  finissaieut  par  mourir  souvent  dans 
une  syncope,  après  un  lent  dt:  périsse  ment  qui  avait  souvent  mis 
deux  an^  à  se  fjire.  Ce  qui  frappait  le  plus  chez  eui,  c'était  la 
perversion  de  Tappétit;  on  voyait  les  noirs  refuser  la  nourriture 
qu'on  l*'ur  donnait  et  dévorer  avec  avidité  de  la  terre,  des  poils, 
des  niorf>rau\  de  bois,  du  sable,  du  lin?o,  des  excréments  ;  de 
Jà  le  nom  de  ge^ophagie  par  lequel  on  désignait  aussi  la  maladie. 
Comme  on  soupçonnait  les  nègres  de  mettre  dans  tout  cela  beau- 
coup de  mauvaise  volonté  et  de  subir,  en  quelque  sorte,  la  con- 
tagion de  Texemple,  on  les  traitait  surtout  par  les  coups  de 
bâton  ou  les  coups  de  corde  à  haute  dose!  Ceux  qui,  cependant, 
voulaient  bien  regarder  le  mal-cœur  des  nègres  moins  en  maîtres 
blancs  et  plus  en  médecins,  accusèrent  le  climat  et  nommèrent 
la  maladie  hypohêmie  intertropicale.  Cette  théorie  était  d*autaot 
plus  admissible,  qu'on  observe,  mèmechez  les  blancs,  dans  les  pays 
chauds,  une  anémie  profonde.  On  expliquait  cette  hypohémie  du 
noir  par  le  dur  labeur  auquel  on  le  forçait  dans  un  pays  chaud 
et  on  comprenait  même  pourquoi  elle  attaquait  généralement 
le  nègre  mdle,  celui-ci  étant  Fobjet  de  moins  de  soins  et  de  moins 
de  ménagements  que  la  négresse,  qui,  elle,  fait  un  travail  moins 
dur.  D'autres  rattachaient  la  maladie  au  béribéri;  d'autres  encore 


ANKYLOSTOMB   DUODÉNAL.  B49 

aux  manifestatioDs  palustres,  qui  manquent  cependant  sur  beau- 
coup de  points  où  sévissait  la  maladie. 

Les  choses  en  étaient  là  et  on  regardait  Thypohémie  intertropi- 
cale, le  mal-cœur,  comme  une  maladie  presque  complètement 
propre  au  nègre,  lorsqu^en  4838,  Dubini  (de  Milan)  fit  une  décou- 
verte inattendue  :  chez  un  homme  blanc^  profondément  anémique, 
il  trouva  dans  Pintestin  plusieurs  vers,  de  la  classe  des  nématoides 
(de  vviyLX,  fil).  Cette  découverte  passait  inaperçue,  lorsque  Grei- 
singer,  au  Caire,  faisant  Fautopsie  de  blancs,  qui  étaient  morts 
ivec  une  forme  spéciale  d^anémie,  qu'on  nommaitalors,  en  Egypte, 
thlorose  d'Egypte^  trouva  dans  Tintestin  les  mêmes  vers  que 
Dubini  avait  trouvés  à  Milan.  Enfin,  on  se  prit  à  chercher  dans  Tin- 
testin  de  ces  nègres  qui  succombaient  du  mal-cœur  aux  colonies, 
et  chez  tous  on  trouva  les  mêmes  vers.  Les  docteurs  Wucherer^ 
en  1866^  Silva  Lima,  au  Brésil,  Grenet,  à  Mayotte^  Riou-Kerangal, 
àCayenne  trouvèrent  les  mêmes  vers  chez  des  hommes  de  toutes 
races,  présentant  tous  un  même  degré  d*extrême  anémie. 

Descriptioii  dn  parasite»  mode  d'aetion.  —  C*est  toujours 
dans  le  duodénum  qu^on  rencontre  ces  parasites  ;  leur  nombre  est 
parfois  énorme  :  le  docteur  Sousa-Vaz  en  a  compté  jusqu'à  24 
sur  une  surface  de  deux  centimètres  carrés;  quant  au  ver,  il 
est  long  de  3-4-0  millimètres;  les  mâles  sont  plus  petits  que  les 
femelles  ;  ils  sont,  du  reste,  moins  nombreux  dans  la  proportion 
de  1/3.  Le  ver  est  cylindrique,  transparent;  sa  tète  est  légèrement 
recourbée  et  sa  bouche  s'ouvre  de  côté,  de  là  le  nom  â^anhylo- 
itome  (i7x6Xs;,côté,  oTop.a,  bouclie). Cette  bouche  estarmée  de  quatre 
crochets,  qui  servent  à  l'animal  à  s'implanter  dans  la  muqueuse; 
elle  est  munie  en  outre  de  quatre  ventouses,  au  moyen  desquelles 
il  suce  le  sang  de  la  muqueuse.  A  chaque  point  d'insertion  de 
ces  vers,  on  voit,  en  effet,  une  ecchymose  percée,  souvent  ulcérée 
à  son  centre,  entourée  parfois  d'un  décollement,  qui  est  lui-même 
rempli  par  un  caillot, au  milieu  duquel  est  logé  l'animal. 

L'hémon  hagie  incessante,  entretenue  à  leur  profil  par  ces  êtres, 
est  donc  assez  intense,  ou  du  moins  assez  continue,  pour  amener 
une  décoloration  de  tous  les  tissus.  En  outre,  les  chatouillements 
que  les  vers  exercent  sur  la  muqueuse  du  duodénum  donnent  lieu, 
par  action  rctlexe,  à  des  troubles  sympathiques  de  l'estomac,  à 
du  mal  de  cœur,  à  de  la  pierr,à  de  la  malacia,  comme  cela  se  voit 
dans  beaucoup  d'affections  vermineuses  de  l'intestin.  Les  pi- 
qûres irritent  la  muqueuse  et  y  provoque^  de^  ^vo\&  ^\Tk- 


850  hk   FAUNE    ET    LA   PLORB. 

flammation,  des  ulcérations  même;  de  sorte  que,  non  content  de 
prendre  le  sang,  l'ankylostome  empêche  Talimentation  d'avoir 
lieu  et  Tabsorption  de  ce  qui  a  été  mange  de  se  faire.  Si  le  noiD' 
bre  de  ces  vers  est  peu  considérable,  si  l'organisme  est  TÎgourcoïf 
si  l'alimentation  est  variée,  hygiénique,  abondante ^Vankylostofn^ 
n'éclatera  pas  ou  passera  inaperçue;  c'est  ainsi  que  Greisingef  f 
pu  prétendre  que  le  iji  de  la  population  de  l'Egypte  en  ét^* 
atteinte  sans  s'en  douter.  Mais  si  leur  nombre  est  considérable^ 
si  l'organisme  est  débilité  par  le  climat,  l'excès  de  travail  ou  p^ 
toute  autre  cause,  comme  cela  a  lieu  dans  les  mines  ou  dans  \e^ 
tunnels,    si   l'alimentation  n'est  pas  suffisamment  réparatrice # 
l'ankylostome  donnera  lieu  aux  troubles  les  plus  profonds,  à  cca^ 
de  la  cachexie  africaine. 

Ainsi  s'explique  pourquoi  ce  sont  les  classes  inférieures  plutôt 
que  les  ra4:es  inférieures  qui,  partout^en  sont  atteintes  et, comment 
les  nègres  ont  semblé,  peut  être  non  sans  raison,  avoir  pour  ce 
parasite  une  sorte  de  spécialité. 

PropagAtioB.  —  L'histoire  naturelle  de  Tankylostome  noos 
explique  comment  la  maladie  est  contagieuse  :  les  femelles,  qui 
sont  plus  nombreuses  que  les  mâles,  sont  vivipares;  les  jeunes 
ankylostonies  ne  sont  pas  armés  ;  ils  parcourent  donc  le  tube  diges- 
tif sans  pouvoir  s'y  fixer;  ils  en  sortent  et  tombent,  soit  dans  l'eau 
qui  sera  avalée  en  boisson,  soit  sur  les  légumes  qui  seront  man- 
gés-; ils  reviendront  ainsi  s'accrocher  dans  le  premier  duodénum 
qu'ils  rencontreront.  La  provenance  de  l'ankylostome  peut,  d'ail- 
leurs, résulter  de  plusieurs  conditions  diverses  :  d'après  Bergnion, 
il  passe  la  première  phase  de  son  existence  dans  le  limon  et  dans 
la  vase  des  flaques  d'eau  ;  c'est  en  buvant  de  l'eau  malpropre 
ot  renfermant  de  jeunes  larves  du  parasite  que  l'homme  en 
reçoit  l'infection.  S'il  est  prouvé,  comme  cela  semble  possible,  que 
l'ankylostome  soit  originaire  de  la  côte  d'Afrique,  on  compren- 
drait alors  comment  le  nègre  semble  en  avuir  été  le  premier 
atteint  et  comment  il  a  diffusé  la  maladie  partout  où  il  a  émigré 
et  où  on  l'a  conduit. 

DUtribuiion  fpéofpraphlque.  —  Quoi  qu'il  en  soit,  l'aire  géo- 
graphique de  ce  parasite  et,  parconséquent  delà  maladie  qu'ilpro* 
duit,  semble  s'étendre.  C'est  à  tort  qu'on  Ta  d'abord  crue  limitée 
à  la  zone  torride,  sur  la  côte  ouest  d'Afrique,  Sierra-Leone, 
Côte-d'Or,  Egypte  et  Algérie.  11  est  depuis  longtemps  dans  le 
nord  de  l'Italie,  puisque  c'est  là  qu'il  a  été  découvert  en  1838  par 


AiNKïLÛSTOMË    DUODËNÂL.  351 

l>ubiDi;  il  a  été  trouvé  à  Turia  par  le  docteur  Bozzolo,  chez 
^eux  malades  dont  Tun  n'aTait  jamais  quitté  le  Piémont  et  dont 
^"^aatre  avait  été  en  Sardaigne;  voilà  qu*il  vient  d*ètre  trouvé 
Par  les  docteurs  Goncato  et  Perroncito,  chez  les  ouvriers  qui  tra- 
'^'aillaient  au  percement  du  Gothard.  Des  centaines  d'entre  eux 
sont  atteints  d'ankylustomes  qui  percent  aussi,  eux,  leurs  galeries 
*'ans  leur  intestin.  Ce   n'est  pas  tout  :  Perroncito  est  venu  en 
■•  rancn  et,  comme  Ricmbault  et  Manouvriez,  il  a  montré  que  la 
•^laladie  des  mineurs  de  Saint- Et ictmr  n'était  autre  chose  que 
*  *inémie  produite  par  rankylostome  ;  Losagc,  de  son  côté,  a  pu 
'^  assurer  qne  l'anémie  célèbre  des  mineurs  cTAnzin  est  duc  clle- 
*^Omc  à  la  même  cause  ;  les  mêmes  faits  ont  été  observes  en 
Hongrie,  dans  les  mines  de  Schemnitz  et  du  Kremnitz.  Des  acci- 
^l^nts  semblables  à  ceux  qu'ont  présenté  les  ouvriers  employés 
*ii  percement  du  Gothard,  avaient  déjà  été  observés  à  l'époque 
plus  ancienne  du  percement  du  tunnel  de  Fréjus.  Dans  quel- 
ques cas,  Tanéniie  est  grave  et  mortelle.  Sommes-nous   mena- 
cés de  rankylostome?  la  chose  ne  serait  pas  absolument  impos- 
sible et  je  ne  voudrais  pas  affirmer  que  plus  d'un  torrent   des 
Alpes  ne  charrie  pas,  actuellement,  des  ankylostomes  en  quôte 
ti'un  duodénum  à  leur  convenance.  L'ankylostome  duodénal  n'est 
pas  rare  au  Japon  (Remy). 

DesiraccioB.  —  Les  docteurs  Goncato  et  Perroncito  se  croient 
!>ur  la  voie  d'un  parasilicide,  qui  n'est  autre  que   l'eau  chaude 
à  H-  45  ou  -H46%  seulement  il  faudrait  la  faire  passer  dans  le  duo- 
dénum. 11  y  a  peut-être  un  autre  moyen  :   bien  t]ue,  logé  dans 
le  duodénum,  là  où  afflue  la  bile,  Tankylostomc  n'aimerait  pas  un 
excès  de  ce  liquide,  et  le  docteur  Riou-Kerangal,  à  la^Guyano,  a 
remarqué  que  les  ankylostomes  ne  se  trouvent  jamais  dans  le 
duodénum  des  gens  qui  présentent  des  symptômes  bilieux  avec 
flux  de  bile.  Dans  cette  hypothèse,  les  cholagogues  pourraient 
peut-être  leur  faire  lâcher  prise,  un  peu  comme  les  gardes-ma- 
lades font  lâcher  prise  aux  sangsues  en  les  saupoudrant  de  sel. 
Mais  les  [expériences  faites  sur  les  parasites  en  général,  doivent 
rendre  méfiant  dans  la  recherche  des  parasilicides  propres  à  dé- 
loger l'ankylostomc  duodénal  de  Thomme  :  des  larves  d'œstre 
ont  en  effet  pu  vivre  dans  l'eau  pendant  00  heures,  dans  l'eau 
salée  pendant  i09  heures,  dans  l'alcool  pendant  48  heures,  dans 
rbuile  de  ricin  pendant  108  heures,  dans  Phuile  d'olive  pendant 
10  jours;  elles  résistent  à  Pacide  sulfbydriquey  kVaiCÀ^^  c»i>û^- 


951  LA   PAUNB   ET   LA  PLORB. 

nique,  à  la  stnchnine,  à  la  morphine.  L*extrait  de  fougère  mâle 
et  l*acide  thymique  semblent  toutefois  très  bien  réussir  à  tuer  ks 
ankylostomes. 

PAthoiogie  comparée,  cachexies  Termineasca  chei 
quelques  animaux.  —  Le  docteur  Grenet,  qui  a  observé  Fan- 
kylostome  duodénal  chez  Thomme,  à  Mayotte,  dit  Tavulr  trouié 
dans  le  reuillet  du  hn-uf.  Ce  parasite  produisait  chez  lui  des  hé- 
morrhagics  et  une  anémie  identiques  à  celle  qu'il  produit  chez 
l'homme. 

De  ran«';mie  produite  chez  Thomme  par  l*ankylostomc,  il 
faut  rapprocher  Vanimir  doi  rhiejis  de  meute  due  à  Taction  des 
ankylostomes  (Dothmius  (rigonoee])haliis),  qui  criblent  leur 
intestin  et  y  déterminent  de  petites  h'mnrrhnfjies.  Outre  la  petite 
hémorrhaî^ie  dans  celte  maladie  décrite  parMe^nin,  parTrasIiot, 
par  Haillet,  les  ankylostomes  déterminent  chez  les  chiens  de 
meute  de  la  Saintonge  et  du  Poitou  une  entente  chronique 
amenant  une  anémie  comparable  à  celle  des  mineurs  et  tuant  par 
le  marasme,  souvent  avec  des  êpistnxis. 

Il  importe  cependant  de  différencier  ces  épistaxis  de  Tanémie 
des  chiens  de  meule,  d'autres  épistaxis,  plus  locaux  comme  cause, 
qui  surviennent  également  dans  les  meutes  et  qui  sont  dus  <S 
la  présence  de  prntHsiomes  dans  les  fosses  nasales  ^Trasbot). 

Lankyslfitomie  se  voit  également  chez  le  chat. 

Des  troubles  semblables  sont  produits  dans  le  rumen  du  bœuf,. 
du  mouton^  do  la  rhèire,  par  un  autre  parasite,  VAmphistommn 
conirum. 

Enfin,  une  cachexie  semblableàlacachexie  africaine  peut  se  mon- 
trer chezl^  cheval,  sous  Tinfluence  de  la  larve  de  la  mouche  de  che- 
val ou  (pstride  de  cheval  :  la  mouche  adulte,  qui  tourmente  si  fort  les 
chevaux  en  été  dépose  ses  larves  le  long  des  poils,  notamment  sur 
ceux  des  jambes;  ces  larves,  qui  sont  garnies  de  petites  aspérités 
irritantes,  chatouillent  le  cheval  et  tout  le  monde  a  vu  avec  quel 
acharnement  il  mord  ses  jambes  ;  il  avale  alors  les  larves,  qui,  mu- 
nies de  crochets,  une  fois  dans  Testomac,  s'incrustent  ;  elles  per- 
forent la  muqueuse  et  y  vivent  de  mucus  et  de  sang,  jusqu^au  jour 
où  elles  sortiront  par  l'anus,  sous  forme  de  mouches  parfaites, qar 
semblent,  en  quelque  sorte,  éclore  des  excréments  du  cheval.  Pres- 
quetousles  chevaux  ont  des  larves  dans  l'estomac,  comme  le  1/4 
des  Egyptiens  a  des  ankylostomes  dans  le  duodénum  ;  certains  vé- 
térinaires ont  même  prétendu,  qu'il  était  bon  que  les  chevaux akot 


ANKYLOSTOME   DUODÉNilL.  353 

des  larves,  que  cela  stimulait  la  digestion,  sans  doulc  comme  le 
taenia  chez  TÂbyssinien.  Mais  lorsqu'elles  sont  trop  nombreuses 
(on  en  a  vu  jusqu'à  80  par  décimètre  carré  de  surface  de  Teslomac), 
il  se  produit  des  ulcérations,  des  perforations  même  ;  le  cheval 
ne  mange  plus,  il  ne  digère  plus,  ses  muqueuses  se  décolorent  ; 
il  est  atteint,  lui  aussi,  de  quelque  chose  de  comparable  à  la  ca- 
€heiie  africaine. 

Le  duodénum  du  chien  est  également  habité  par  le  Distoma 
echinatum,  découvert  par  Generali.  Les  travaux  d'Ercolani  ont 
montré  les  métamorphoses  par  lesquelles  passe  cet  eiitozoaire  : 
Generali  et  Ercolani  convinrent  d'administrer  au  chien  des  Cer- 
carifi  echinata^  qui  se  trouvent  en  abondance  dans  les  Paludines, 
afin  de  voir  si,  comme  Ercolani  Tavait  obtenu  dans  le  canard, 
on  obtiendrait  aussi  leur  développement  en  DUtoma  echinatum, 
dans  rintestin  du  chien.  L'expéricnee  réussit  complclement  ;  on 
obtint  des  Distomes  qui  ressemblaient  à  ceux  qu'on  trouve  acci- 
dentellement dans  le  chien. 

Chez  le  mouton^  la  clavéc,  ou  pourriture  ou  cachexie  aqueuse^ 
est  également  produite  par  des  vers  de  Tordre  des  Trématodes, 
Fnsnola  hepatica  et  Distoma  lanceolatum,  qui  se  logent  dans  les 
caaaui  hépatiques.  On  pense  que  les  larves  de  ces  animaux  sont 
des  cercaires,  sans  sexe,  qui,  à  cette  époque  de  la  vie  à  métamor- 
phoses de  ce  parasite,  habitent  l'intérieur  des  limaces  et,  d  après 
Leuckart,  les  tissus  de  jeunes  mollusques  Lymnœm  tninutus, 
L.  pereyer,  L,  paluslris  ou  L.  nuricularis.  Le  mouton  avale  le  mol- 
lusque attaché  aux  herbes  qu'il  broute;  rhclminthe,  avalé  avec  la 
limace,  passe  dans  l'intestin  du  mouton,  en  août  et  septembre; 
en  novembre,  devenu  distome,  il  s'installe  dans  les  canaux  du 
foie;  le  mouton  maigrit,  s'affaiblit  ;  s'il  survit  jusqu'en  mai  ou 
juin,  les  distomes  quittent  le  canal  biliaire,  viennent  s'accoupler 
dans  l'intestin  et  meurent;  leurs  cadavres  sont  expulsés,  mais, 
avec  eux,  tombent  leurs  embryons  qui,  dans  l'herbe,  vont,  jeunes 
cercaires,  habiter  les  limaces,  jusqu'à  ce  que  leur  destinée  les  ap- 
pelle, avec  la  limace  et  le  brin  d'herbe  qui  la  soutient,  dans  Testo- 
macd^un  nouveau  mouton.  Certaines  épidémiesderf/cAextV  aqueuse 
^nt  une  véritable  ruine  pour  Tagriculture,  tuant  non  seulement  les 
moutons,  mais  même  les  bcmfs,  chez  qui,  par  exception,  on  a  vu 
le  parasite  enkysté  dans  le  poumon.  La  maladie  sévit  surtout 
dans  les  terrains  bas,  inondés,  quand  les  troupeaux  se  désaltèrent 
dans  les  fossés  et  dans  les  mares. 

OftOOR.  UEO.  %^ 


ntiiitiin^  mr^  la  niiniiuiiiiUïr  m  W.   >*>  iiiiijiiji-  i  ii*:*jbc. 
LU1H  r-T  iirmi^r^   inm-r--.    a,  loimtonna  »«iit«    a»   ii  Fnart 

•r    le    ir-r-^nii»  *iiil»«'   T.ir-in»r       IttnillÏT   HlPiinUi^  iuai:<».  Lft9â>^<if 

*  mf"^.   'e     I  i!i:»»îrr"*   -»:!»:  -^^  L  •■r'i:r;nHn::   i*^  itîiî  zns*:^  — - 
vnMii*.  .'-«nuLt  '  *.'fi»     '  >  ï?ai!r*-{^jrninr   i  inriu,  aar  «ii  -•*  se  -* 

•  irrif*:  lî  iinifMrr«f.  H'  '  ■»  ti:  *»î-  n*-iiriMi?!-.  Z  inttr'.  a'-f^cju:  f«;ifti 
,•■-*.•  1  V-  •  1-  II»  t  "ni.»  os  -trr  l  îo*  ii-  nnïne  ina:t  Ji  ha0^ 
ttAi.f  -n  \  K.-i::ir  -»t  -:!  ?  .lOinn  C»!  •••  l  i  'S'i.  ■&  cacbeue 
*it;fîi.t»*  T  i  -;i?t  ".li"  >"ir'^  m*  Mi.-T  le  :  Ji»  H»!!  n*  iLyca»  'ioi»  Iti 
fo.iicîur.t-iii-fî:if".n»*,  ••r.  le    M» '?•]••    laiu  .  ft^miut.  Ca  IS3J-t9<^i 

Li   ;.  «x      M   '..le  ?  irLiiTii^  3ii:în»;  1  .  Vais:»*,  cihiei  qei  «Ile  >o 
l'.rîiî'i  "   'j.rriT.e  ".r.fz    •*'*  niinmant'i..  C^i^i  suxi  -i^ake  ésaieoient 

fj»rr  -nut}.  r.of-:  v.vtn'.  Mn»  ;if  l'ii-tiKtium  lu  bisuf^  do  cerf, 
':..  •.h.i;*>r;iii,  -l.i 'îhrîi..  L'un  ■! -îui,  i'i  •j't.irr»iu'fwf  dn  rke» 
■  ■/,••:.  .i^iiri'i.int  m  EjT'pte.'  »*.  ^.a  l>T»?.  iL  61  ptifiir  on  grand 
r.or,,b.-*:  <:r  ':he«j'ii  ;  ;♦»  *enrn»  tla  piifa*iLe  «st  muni  d'un  nombre 

\'tt.t.r  «-n^ri  n»  r.t  k  ct*:^ai  ':o  n]ao;rtr,  de  digcrer  d  le  plongent 
4J11M  !•-  n..jr.i«rT:*;.  O:  (fara.<»itK  *:^t  a.>nez  frtqiicnt  à  U  Giiadelou|ie. 
L»-*  ifruff  ilK-f  .:a-iri>ii^|u»r:»,  i!:ipulM.-s  ùe  fin  test  in.  donnent  des 
l.jr^<-«,  '{lii  Vintrti*iui.v.'ni  dans  t'es  inMCtt-s  <^u  dans  les  liniaces 
d*"^  pr»*.  \  deiri^-nnent  d*s  cercaires  enkystes  et  peuvent  achever 
It-ur  r>cU:  dana  t«;s  AUjt.L*  du  genre  the^al  qui  les  avalent  avec 

§   2.    MAhldlLE    DE    iIirCUI.XCUl.NL. 

La  n:f';nie  «Treur,  qui  avait  fait  d'aburd  attribuer  à  la  race,  au 
f  liniat,  ce  qu^on  nommait  la  'nrht'xit*  h fr haine  et  ce  qui  n*éthit 
que  te  ri'hultat  de  l'œuvre  de  raiikvlostonie  duodénal,  s'est 
|»ro<liiite  |Miur  la  diarihre  de  Cuchiixhine. 

hepuis  que  nos  relations  avec  ce  |)avs  sont  fréquentes,  les 
Kurop<*rns  ont  à  lutter,  dans  ce  climat  diaud,  humide  et  mai- 
haiti,  contre  imc  maladie  redoutable,  la  iimrhèe^  qui  présente, 
depuis  qu'on  Tobserve,  quelque  chose  de  si  particulier,  dans  les 
symptômes  dont  elle  est  accom|)agiiéo,  dans  sa  marche,  dans  sa 
gravité,  dans  son  traitement,  quelle  avait  reçu  depuis  longtemps 
un  nom  spécial,  celui  de  diurrhte  dt'  O.vhiwhinc. 


DIARRHÉE    DE    COCHINCHINB.  33S 

SxaiptùmeB.  —  Les  symptômes  sont  caractérisés  d'abord  par 
le  phénomène  dont  le  nom  s'est  imposé  à  la  maladie,  la  diar- 
rhée;  mais  cette  diarrhée  a  quelque  chose  de  spécial  ;  c*est  d'abord 
une  simple  incommodité,  par  su  Tréquoncc^  et  clic  ne  gène  en 
rien  les  fonctions  de  la  vie  ordinaire;  mais  elle  ne  tarde  pas  à  de- 
venir lientériquc ;  à  partir  de  ce  moment  commence  Tamaigris- 
sement,  dû  à  ce  que  les  repas  n'apportent  plus,  en  somme,  qu'une 
•linientation insuffisante;  l'organisme,  ainsi  déprimé  une  pre- 
mière fois,  se  trouve  alors  dans  un  cercle  vicieux  :  la  faiblesse 
augmente  la  diarrhée  ;  celle-ci  augmente  l'anémie;  la  maigreur 
devient  extrême,  les  joues  sont  enfoncées,  les  yeux  excavés,  la 
voix  faible,  le  ventre  douloureux  ;  l'anémie  devient  grave,  l'œdème 
se  montre  et  la  mort  survient  par  un  afTaiblissemcnt  graduel, 
qui  peut  mettre  deux  ou  trois  ans  à  se  produire. 

Géographie.  —  Malgré  son  nom  de  diarrhée  df*  Cnrhinchinr, 
cette  maladie  n'est  pas  limitée  à  la  Cochinchine;  elle  s'étend  de- 
pois  Singapour  jusqu'à  Chang-Haï  et  même  dans  quelques  îles 
de  la  Malaisie,  Restant  surtout  comprise  dans  la  zone  torride,  entre 
les  deux  isothermes  de  -+-  25°. 

Elle  n'aITtcle  presque  exclusivement  que  les  Européens;  les  in- 
digènes en  sont  presque  complètement  exempts. 

Heseripcion  da  parjisite.  —  C'est  par  l'anatomie  patholo- 
gique qu'en  1876  le  D'  Normand  a  pu  éclairer  la  question  et  Aa 
montrer  sous  un  jour  absolument  nouveau.  Examinant,  au  mi- 
croscope, les  matières  rendues  par  les  malades,  il  trouva  des  quan- 
tités considérables  de  vers;  pratiquant  l'autopsie,  il  a  retrouvé  îles 
quantités  plus  considérables  encore  des  mêmes  vers,  dans  loint 
l'intestin  ;  le  parasite  se  présente  dans  les  matières^  comme  dans 
Tinlestin.  sous  plusieurs  formes  successives,  qui  ne  sont  que  les 
étapes  qu'il  traverse,  dans  l'intestin  même,  avant  d'évo1u(T  jus- 
qu'à la  f(»rme  adulte.  Le  D''  Normand  a  rencontré  successivement 
l'cBuf  contenant  l'embryon,  la  jeune  larve,  un  état  plus  avancé 
où  ranimai  mue,  enfin  l'état  adulte.  A  l'état  adulte,  It^  mâle 
mesure  1  millimètre  de  longueur  et  ^  centièmes  de  millimètre 
de  largeur;  le  corps  est  cylindrique,  renflé  en  avant,  effilé  en 
arrière;  la  bouche,  non  armée,  est  munie  de  trois  lèvres  distinctes; 
la  femelle  contient  environ  trente  œufs,  et  ces  œufs  éclosent  dans 
riotestin.  Le  b'  Normand  estime  à  \  million  le  nombre  de  vers 
qui  peuvent  se  trouver  dans  les  intestins.  Ce  parasite  est  ucv^ 
anguiUule,  voisine  d'une  anguillule  terrestre ,  dccnle  vait\ivV\îi\^\tL 


)S6  LA   PâCXE   et   U   flore. 

SOUS  le  nom  de  HhnbdUis  terricoUt  ;  le  D'  Normand  Ta  nommée 
AnguUlui'i  stnrojnilis. 

Sur  les  cadavres,  tandis  que  les  adultes,  peu  mobiles,  semblent 
fixés  dans  un  points  les  jeunes,  plus  mobiles,  nagent  au  miliea 
des  mucosités.  En  général,  répithélium  manque;  les  lésions  sont 
étendues,  mais  superficielles,  ce  qui  explique  comment,  lorsque  la 
maladie  est  coufenablement  traitée,  elle  guérit  et  ne  laisse  aucna 
reliquat  ;  les  mucosités  sont  d'autant  plus  épaisses  et  abondaates 
que  la  maladie  est  plus  ancienne  ;  la  muqueuse  est  alors  en- 
flammée, par  places,  ulcérée  parfois,  dans  les  cas  très  graTes  et, 
dans  une  phase  très  avancée,  couverte  de  cicatrices. 

La  présence,  dans  l'intestin,  de  cette  population  nombreuse 
surUtiKurfaitemeut  a nousexpliquer  toutes  les  péripéties  de  la  mala- 
die :  par  leur  mouvement,  par  leur  présence,  ces  parasites  irritent 
d'abord  Fintestin  ;  cette  irritation ,  répétée  sur  un  million  de 
points,  amène  une  sécrétion  abondante  de  liquide  glandulaire, 
c'est  la  diarrhic;  cependant,  si  Tindividu  est  sain,  bien  portant, 
si  ses  fonctions  intestinales  se  font  ré^rulièrement,  sMl  mange  co- 
pieusement, le  passage  naturel  des  matières.solides  dans.l'intestin 
sufQt  à  balayer  cette  vermine  indiscrète;  mais  que,  sous  l'in- 
fluence de  conditions  diverses,  les  fonctions  de  ce  même  individu 
viennent  à  languir  et  il  va  devenir  le  plus  faible  dans  la  latte 
qu'il  avait  jusqu'ici  soutenue  vaillamment.  11  est  si  rnx  que  le 
parasite  peut  demeurer  latent,  sans  allumer  de  symptômes,  tant 
que  Texpuision  se  fait  bien,  Torganisme  restant  encore  le  plus 
fort,  que  le  D'  Normand  pense  que  bien  peu  d'Européens  échap- 
pent, en  Cocliinchine,  à  Taflèction  parasitaire;  tous  cependant 
ne  sont  pas  malades  !  La  présence  des  anguillules  reste  sans  con> 
séquence,  jusqu'au  moment  où  une  erreur  de  régime,  une  indi- 
gestion, un  refroidissement,  un  accès  de  fièvre,  vient  faire  faiblir 
l'organisme;  le  parasite  prend  alors,  un  moment,  le  dessus  et  le 
garde  !  Aussi,  la  plupart  des  malades,  peu  observateurs  d'eux- 
mêmes,  oubliant  une  longue  période  de  diarrhée,  font-ils  re- 
monter le  début  de  leur  maladie  à  quelque  accident  de  ce  genre. 

L'inflammation  de  la  muqueuse  est  allumée  et,  quand  bien 
même  le  [larasite  viendrait  à  disparaître,  ia  maladie  de  l'intestin 
n'en  continuerait  pas  moins.  C'est  ainsi  que  Vactarus  de  la  gale, 
maladie  bien  certainement  parasitaire,  allume  parfois  des  ec- 
zémas,qui  durent  longtemps  aprèsia  destruction  du  parasite^eCquî 
font  dire  aux  tonnes  femmes  que  la  gale  est  pasiée  dans  iesang! 


DURRHÉE   DE   COCfllNCHINE.  «57 

■•de  de  pr^paipailon.  ^  Etant  donnée  la  nature  parasitaire 
de  cette  maladie,  son  caradtère  contagieux  s'impose.  Rappe- 
loDS-nous  que  i  million  de  femelles  peuvent  donner  naissance 
à  30  millions  d^individus,  dont»  à  chaque  garde-robe,  une  partie 
sort  de  l'intestin  et  se  répand  au  dehors.  La  première  idée  qui 
Tient  à  Tesprit,  c'est  que  les  eaux  doivent  entraîner  un  grand 
Dombrc  d'anguillules  ;  on  a,  en  effet,  comme  toujours,  accusé 
Feau  ;  'les  eaux  du  Mékong  sont  d'ailleurs  entretenues  dans  un 
état  permanent  de  délK)rdement  pour  les  rizières  ;  aussi»  lorsque 
ces  eaux  ont  été  analysées  récemment  encore  par  le  D'  Lapeyrère, 
ont-elles  donné  un  résidu  de  38  centigrammes  par  litre,  dont 
30  centigrammes  de  matières  organiques.  Sans  doute,  ù  la  tem- 
pérature de  +  29*  ou  4-  32<*,  qui  est  la  leur,  ces  eaux  doivent 
fermenter  ;  elles  contiennent  beaucoup  de  ces  palmclla,  qui  sont 
les  facteurs  de  la  fièvre  intermittente;  mais  elles  n*ont  présenté 
aucune  trace  d'anguillules,  à  aucun  degré  de  leur  développe- 
ment. A  coup  sûr,  il  est  bon  de  les  clarifier  par  Talun,  comme 
font  les  Annamites»  ou  de  les  faire  bouillir,  comme  font  encore 
ces  peuples  qui  ne  boivent  que  du  thé;  cela  est  d'autant  plus  sur, 
que  les  meilleurs  filtres  laissent  passer  une  grande  partie  de  la 
matière  organique;  mais  la  véritable  cause  de^la  propagation  de 
la  diarrhée  parasitaire  de  Cochinchinc  ne  semble  pas  être  là.  Le 
D'  Normand,  obéissant  à  un  préjugé  répandu  parmi  les  Européens, 
n'a  bu  que  de  Teau  d'Europe  et  il  a  été  atteint  de  la  diarrhée  pa- 
rasitaire de  Cochinchine;  il  est  donc  probable  que  ce  sont  les  lé- 
gumes, qui  sont  les  agents  de  la  propagation.  Les  légumes  sont 
arrosés,  par  les  jardiniers  chinois,  avec  de  Vcngrais  humain.  Or 
les  parasites  de  la  diarrhée  de  Cochinchinecontinuent  à  vivre  dans 
les  matières  rendues  par  les  malades  pendant  cinq  ou  six  jours  ; 
ils  ne  meurent  que  lorsque  la  fermentation  s'est  emparée  de  ces 
matières;  ils  peuvent  donc  être  déposés  vivants  par  les  maraî- 
chers chinois.  D'ailleurs  ils  sont  reviviscents  et  si  la  sécheresse  les 
avait  tués  en  apparence,  la  pluie,  l'arrosage  leur  rendraient 
Texistence,  qui  était  demeurée  latente.  On  pourrait  se  demander 
alors  si  le  transport  à  l'hôpital  Saint-Mandrier,  de  Toulon,  d'un 
grand  nombre  de  malades  atteints  de  diarrhée  de  Cochinchine 
D^est  pas  un  danger  pour  la  Provence  ;  car  on  pratique»  là  aussi, 
l'arrosage  avec  l'engrais  humain  !  Mais  il  y  a  deux  raisons  qui, 
fort  heureusement,  empêchent  ici  la  contagion  :  les  paysans 
emploient  des  matière  où  les  liquides  ne  sont  v^^  ^v^t^"^  ^^^ 


S54  LA    PAL'NE  ET   U    FLORE. 

solides;  îl  y  a  ùonc  udc  fi^nnenlation  ammoniacale .  qui  tue  le  (va- 
rasîte;  en  uutre,  les  froids  de  Dotre  hÎTer  le  tuent  également. 

Pailioio;;ie  eoM^rer. —  Que  la  contagion  vienne  de  Teauou 
des  lt'L'unie<,  on  peut  se  demander  si  son  action  s*éteod  aux 
animaux.  Or.  Oibbiili  a  constate  que  le  parasite  se  trouve  dans 
rintcstin  <!♦•<  •  l'ph'inis^  qui,  vu  IVpaisseur  de  leur  muqueuse, 
résistt'nt  (ia\aiitajre  et.  tout  en  ayant  le  parasite,  n*ont  pas,  à 
proprement  park-r.  la  diarrhée  de  Cocliinchiue. 

ArlioB  prophylacciqae  ém  bctrl.  —  Le  rùle  prophylac- 
tique e>t  joué,  en  Cochinchine,  par  une  haliitude  s<*cialc  dont 
j*ai  parle  plus  haut,  le  6'7«/,  substance  à  la  fois  para>iticide,qui  tue 
les  vers,  et  substance  .tannante,  qui  durcit  la  muqueuse,  s'oppose 
à  la  diarrhée,  au  ramollis<eaicnt  et  à  Tulceration. 

Il  y  a  dmic.  dans  rimmunitê  dos  indigènes  pour  la  diarrhcn; 
de  Cochinchine,  non  une  question  de  race,  mais  smiplement  d'hy- 
gioiie  eihniquc.  Cela  démontre  une  fois  de  plus,  qu'il  faut  pren- 
dn;  l<:s  mccurs  des  pays  où  Ton  est  et  que  le  meilleur  préservatif 
que  U's  européens  ftuissent  trouver,  c'est  de  se  mettre,  comme  les 
lii(li^t:ncs,  X  l'usage  du  lu' H  ou  de  quelque  breuvage  analoi^ue. 

Traiiement.  —  Il  semble  que  la  découverte  du  caractère  pa- 
rasitaire d'une  maladie  simplifie  beaucoup  le  traitement  et  qu'il 
ne  s'agisse  plus  que  d'un  moyen  de  permettre  à  un  homme  de 
ti:<'r  un  animal  de  1  millimètre  de  long  I  mais  on  rencontre  ici 
pn.V'tque  toujours  le  môme  écueil  :  le  médecin  est  exposé  à  faire 
comme  cet  ours,  qui  prenait  un  pavé  pour  tuer  une  mouche  posée 
sur  le  nez  de  son  ami.  Telle  substance,  qui  tuera  le  parasite, 
irritera  Tintoslin  ;  toile  nutre,  qui  ménagera  Tintestin,  ne  tuera 
pas  le  parasite  ;  et  cela  est  vrai  cgulemenl  pour  les  ferments,  dont 
nous  pariions  plus  haut.  Tuer  le  ferment  n'est  pas  diflicile;  mais 
ne  pas  tuer  du  niéuie  coup  le  globule  sanguin,  c  est  là  le  dif- 
ficile !  CVst  ainsi  que  Tacide  phénique  était  d'abord  indiqué; 
mais,  û  la  dose  de  80  ceutigranmies  à  1  gramme  par  jour,  à  la- 
quelle ou  le  donne  délayé  dans  Peau ,  il  ménage  Tnitestin  et 
ne  tue  pas  tous  les  parasites,  b'un  autre  ciUé,  le  |>arasite 
étant  enveloppé  dans  du  mucus  échappe  aux  doses  qui  sont  com- 
patibles avec  les  besoins  de  l'intestin  :  la  santonine,  lu  lait  de 
chaux,  le  sublimé,  l'arsenic,  le  grenadier  restent  pour  cette 
raison  inefficaces.  Normand, expérimentant  sur  la  plaque  de  verre 
du  microscope,  a  vu  que  l'huile  tuait  le  parasite;  Thuile  aduDné 
(  u  elfet  d'assez  bons  résultats,  mais  il  faut  que  le  malade  la 


T.fiNIAS.  35» 

digère,  il  faut  qu'elle  n'augmente  pa.<  la  diarrhée  ;  l'huile  de  foie 
de  morue  présenlerait  cet  avantage  d'être  un  parasiticide,  en  même 
•temps  qu'un  reconstituant.  Lon^emps  avant  la  découverte  du 
D^Normand,  l'empirisme  avait  indique  un  moyen  qui  est  encore  col  ut 
qui  réussit  le  mieux,  c'est  le  lait.  Le  D^  Normand  a  remarqué  que 
les  malades  qui  étaient  soumis  au  régime  lacté,  rendaient  un 
grand  nombre  de  parasites  morts.  Or  le  lait  agit  ici  par  la  matière 
grasse  quMl  contient  ;  il  agit  de  plus,  en  constipant,  en  asséchant 
rinlcstin,  ce  qui  gène  les  parasites.  Grâce  au  régime  lacté,  la 
mortalité  est  tombée  de  16/100  à  5-(i/100. 

§  3.    TiENIAS. 

Parmi  les  parasites,  il  n'en  est  pas  de  plus  intéressants 
que  le  t<enia  ou  ver  solitaire.  Aucun  ne  nous  montre  mieux 
rélroite  intimité,  la  fraternité  qui  existe,  au  point  de  vue 
de  la  maladie,  entre  l'homme  et  les  autres  animaux.  Ces  parasites 
ont,  en  etfet,  des  métamorphoses  multiples  et,  à  chacune  d'elles, 
correspond  un  habitat  particulier  ;  or  Fhomme  devient , 
an  même  titre  que  les  autres  animaux,  le  logeur  de  ces  para- 
sites, à  Tune  ou  à  l'autre  de  leurs  métamorphoses.  Cette  évo- 
lution, de  domicile  en  domicile,  d'un  être,  qui  ni  use^  pour  ainsi 
dire,  plusieurs  autres,  dans  le  cycle  qui  constitue  sa  vie,  n'est 
pas  une  anomalie,  c'est  même  un  phénomène  fréquent  :  la  rouilie 
dejf  crréttlcs  {Uredo  rubigo)  vit  bien,  à  l'une  de  ses  métamor- 
phoses, sur  l'épinc-vinette  !  les  taenias  nous  fournissent  un  exempte 
du  même  genre; 

Taenia  Holium  ou  armé.  —  Le  point  de  départ  de  ce  para- 
site est  la  chair  du  porc  Otdrc  :  le  tissu  cellulaire  de  ce  porc  ladre 
contient  un  parasite,  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  cysticerque 
(KioTc;,  vessie  ;  îtipxo;,  queue).  Ce  cysticerque  mesure  de  15  à 
20  millimètres  de  long  sur  5  à  6  de  large.  11  apparaît  sous  la 
forme  d*une  ampoule  ombiliquée,  mais,  sous  cette  forme,  il  est 
rentré  en  lui-même  ;  lorsqu'il  s'étend,  il  est  alors  composé  d'une 
tête,  d'un  cou,  d'une  queue  en  vessie;  la  tête  est  composée  d'une 
masse  renflée,  de  la  proboscide,  d'une  double  couronne  de  32  cro- 
chets, de  4  surEaces  saillantes  appelées  oscules;  quant  aux  cro- 
chets, ils  sont  composés  d'un  mnnrhCy  d'une  {farde,  d'une  griffe. 
Placé  dans  le  tissu  cellulaire,  entre  les  muscles,  le  cysticerque 
ai^MiraU  généralement,  mais  non  toujours,  sous  la  Uu^u^^  ^^\^ 


i«t  LA   r^L5S    El   LA   TUjAL. 

le  WAn  do  Iftngw^jKwrt  *iu  |^j4v.  qn'oo  doone  à  ci^ui  qui  reditf- 
dient  b  la/ii^rie;  le  parasite  se  posseate  soos  U  forme  de  petites 
turaeors  ccrfDine  des  ^rèlijcu,  qoe  ies  Grecs  appeîaieoi  ziàs^%  et  . 
Il»  Latins  fjrnndo^  d*où  le  oom  de  ^-Di'irii^  dooné.  en  français,  à 
ia  maladie. 

Le  cysticcrque  demeurera  soos  cette  forme  dans  le  tissu  cellu- 
laire du  porc,  jusqu^au  j'^ur  où  ce  porc  sera  mangé  par  m 
homme;  il  s'organi«e  at«irs  en  rjmtVi  $-Aium,  La  tète  est  tonte 
armée  p^iur  se  fixer  dans  l'intestin,  le  ver  mbané  se  développe  alors 
éil,  rallongé  d'un  nombre  considérable  d^anneanx,  il  peut  ne- 
!^urer  7,  8,  15  mètres  de  long  et  donner  lieu  à  des  troubles 
varif^s  :  fierversion  de  Tappétit,  boulimie,  pica.  coDTulsîons  épi- 
l<;ptiformes.  Ici,  pour  la  première  fois  sur  l'animal,  apparaissent 
les  organes  sexuels.  Chaque  anneau,  à  la  fois  mâle  et  femelle,  se 
t'éroiide  lui-même,  mais,  chacun  de  ces  anneaux,  qu*(m  nomme 
dr'H  rucurhitins,  en  raison  de  leur  rapport  avec  certaines  graines 
dos  cucurbitacée»,  se  détache  naturellement,  comme  un  fruit  mûr, 
<iu  érnet  au  moins  ses  œufs  fécondés  au  dehors  :  dans  Tun  et 
rantn;  ca«i,  cucurbitins  pleins  d'œufs,  œufs  eux-mêmes  tombent, 
s'iit  sur  le  sol,  soit  dans  l'eau,  soit  sur  les  légumes;  dans  tous  ces 
f:as,  ih  ftonl  ex[)osés  à  être  avalés  par  les  porcs,  chez  qui  ils  don- 
nent de  nouveau  naissance  à  des  cysticerques,  qui,  eux-mêmes, 
deviendront  Uvni/is  solium,  dans  l'iutestin  de  Thomme. 

(jette  transformation  a  été  prouvée  par  des  faits  nombreux  et  bien 
rAtnuus.  Qu^il  me  suffise  de  rappeler  que  Kûcbenmeister  ^de  Zittau), 
rn  iHX'f,  a  fait  avaler  à  une  femme  condamnée  à  mort  75  çysti- 
i:en|ueH  vX  qu'à  Tautopsie,  48  heures  après  la  mort,  on  trouva 
tïmintum  intestin  10  |)elits  tœnias.  Lcuckart  fit  avaler  des  cysti- 
i,en|U(;s  k  un  jeune  homme  qui  s*y  était  prêté  de  bonne  Yolonté, 
t!t  ce  jeune  honinic  eut  plusieurs  tœnias.  Le  D'  Hunibert  (de  Ge- 
nevi:)  a  fuit  mieux,  il  a  opéré  sur  lui-même  :  il  avala  plusieurs 
eysticerques  et  il  eut  le  tienia.  D'un  autre  coté,  rexpérience 
inverse  a  été  faite;  on  a  nourri  des  porcs  avec  des  cucurbitins, 
ou  avec  des  œ.ufs  de  ticnias,  et  ces  porcs  sont  devenus  ladres;  ils 
ont  eu  de»  cynticcrqucs.  L'œuf  contient  en  effet  un  embryon,  qoi 
possède  3  paires  de  crochets  (hexacanthe)  et  qui,  ainsi  armé, 
|H!rcc  rintestin  du  porc,  pour  aller  se  loger  dans  le  tissu  cellu- 
laire de  cet  animal. 

Mais  ce  cycle,  dont  le  porc  et  Thomme  sont  les  deux  termai» 
peut  8*accomplir  chez  Tbomme  seul;  les  recherches  de  Mégnio 


TiENIAS.  S61 

oot  montré  que  l*œuf  du  taenia  de  l'homme  pouvait  devenir  cys- 
tîoerque,  non  seulement  dans  le  porc,  mais  dans  le  tissu  cellu- 
laire de  rhomme  lui-même;  ainsi  s^explique  comment  la  ladrerie, 
c^est-à-dire  Texistence  du  cysticerque  dans  le  tissu  cellulaire,  peut 
se  rencontrer  chez  V homme,  par  auto-infection.  Le  D'  Rathery 
et  le  D'  Duguet  ont  cité  des  cas  de  ladrerie,  chez  des  hommes  qui 
étaient  ou  avaient  été  porteurs  du  tsenia;  d'ailleurs,  le  D'  Redon 
a  eu  le  courage  d*avaler  des  cysticerques  de  Thomme  et  il  a  eu  le 
Umia  armé  ou  solium,  absolument  comme  s*il  avait  avalé  des 
cysticerques  de  pore. 

Habitat  géographique. —  Le  tœnia  solium  de  Thomme  se  trouv(3 
lié  d'une  façon  étroite  avec  les  rapports  de  l'homme  et  de  cet 
animal  depuis  longtemps  domestiqué,  le  porc.  Aussi  ne  trouve-ton 
le  tasnia  solium  ni  dans  les  pays  juifs,  ni  dans  les  pays  musul- 
mans. Néanmoins,  à  part  ces  exceptions,  le  tsenia  solium  semble 
occuper  dans  le  monde  une  aire  géographique  égale  à  celle  du 
porc  lui-même  ;  on  le  trouve  à  peu  près  partout.  On  le  rencontre 
dans  toute  l'Europe  :  en  Irlande,  en  Angleterre,  dans  le  sud  de 
la  Scandinavie,  en  Danemark,  en  France,  surtout  dans  Touest, 
en  Allemagne,  en  Italie,  en  Grèce,  en  Espagne^  dans  l'Amérique 
du  Nord,  surtout  aux  Etats-Unis.  La  fréquence  du  taenia,  enAUe- 
inagne,  correspond  à  la  fréquence  de  la  ladrerie  du  porc.  Ainsi, 
à  Oantzig,  on  compte  1  porc  ladre  sur  66;  à  Kœnigsberg,  i/6t); 
àBreslau,  i/i43;  à  Posen,  i/337;  à  Erfurth,  i/360;  dans  toute 
l'Allemagne,  1/367.  Le  txnia  devrait  même  être  plus  fréquent 
qu'il  n'est  réellement,  si  la  cuisson  ne  détruisait  le  plus  souvent 
les  cysticerques  et  si  les  expériences  ne  nous  avaient  pas  montre 
que,  sur  75  cysticerques  ingérés,  iO  seulement  se  sont  transformes 
en  taenia.  11  n'est  pas  rare  et  Asie  et  en  Cochinchine.  11  semble 
inconnu  aux  Iles  Sandwich. 

TKBlmiBcrine  ou  MeëloeanellaCa.—  Le  porc  n'est  pas  seul 
à  posséder,  dans  son  tissu  cellulaire,  un  cysticerque  capable  de  se 
changer  en  tœnia  chez  l'homme.  Le  bœuf  possède,  lui  aussi,  un 
autre  cestoidc,sous  forme  de  cysticerque.  Mais  la  télc  de  ce  cysti- 
cerque n'est  pas  munie  de  crochets  ;  elle  est  arrondie  et  pourvue 
seulement  de  quatre  ventouses  saillantes.  Lorsque  ce  cysticerque 
arrive^  avec  la  chair  de  bœuf,  dans  l'intestin  de  l'homme,  il  ne 
t'accroche  pas,  puisqu'il  est  inerme,  mais  il  s'applique  contre  les 
parois  de  l'intestin  avec  ses  ventouses,  puis  il  se  développe  en 
▼er  rubané.  Les  anneaux  sont  plus  larges,  plus  épava  (v^t  t^>«^  4>\ 


362  LA    FAUNE    ET  LA   FLORE. 

taenia  arme  ;  les  cucurbitins  sont  plus  vivaces  et  s*cchap|)ent  plas 
racilcment  au  dehors,  sans  la  volonté  du  malade  ;  le  ruban  est 
plus  long; les  cucurbitins  ont  une  raie  au  milieu  (MediocancUaUi), 

Les  symptômes  auxquels  il  donne  lieu  sont  exactement  les 
mûmes;  seulement,  il  est  plus  facile  de  déloger  la  tète,  celle-ci 
irétaiit  pas  retenue  dans  l'intestin  par  des  crochets.  Le  taenia 
inerme  émet  un  nombre  considérable  d'œufs,  qui,  entraînés  par  les 
eaux  ou  déposés  sur  Therbe  des  pâturages,  sont  entraînés  dans  le 
tube  digestif  du  bœuf;  ils  le  quittent  alors,  s'enfoncent  dans  son 
tissu  cellulaire  et  doiment  lieu  chez  lui  à  un  nouTeau  cysticerqoe. 

La  différence  absolue  entre  le  tvnia  nrm^  et  le  txnui  inerme àéié 
bien  démontrée  et  la  transformai  ion  du  taenia  inermeen  cysticerque 
chez  le  seul  bœuf,  a  d'ailleurs  élé  démontrée  expérimentalement: 
toutos  les  fois  qu'on  a  fait  man;::cr  des  ta3niasinermesâdesveaux 
et  à  dos  porcs,  les  veaux  sont  devenus  ladres,  lesporcs  jamais.Toutes 
les  fois  que  le  veau  a  mangé  des  taenias  armés,  il  n'a  rien  éprouvé; 
or,  dans  celte  circonstance,  le  porc  devient  toujours  ladre. 

llihiVit  yrofjrnphif/w.  —  Dans  les  pays  musulmans,  où  Ton  ne 
mange  pas  de  ()orc$,  chez  les  juifs,  fidèles  observateurs  de  leur 
religion,  au  Sénégal,  en  Guinée,  dans  le  Soudan,  en  Egypte,  aa 
Cap,  dans  rin<le,  en  Perse,  on  ne  voit  que  le  taenia  inerme;  de- 
puis qu'en  Russie  la  méthode  de  traiter  la  diarrhée  des  enfants 
par  la  viande  crue  a  été  imaginée  par  le  D^  Weiss,  on  a  vu  les 
cas  de  (Tuid  hifrmr  [de  plus  en  plus  fréquents;  enfin  depais 
qu'en  France  on  fait  aussi  beaucoup  usage  de  la  viande  de  bœaf 
crue,  on  a  vu  le  taenia  inerme  devenir  plus  fréquent  que  le  tœnia 
soliuni;  mais  cette  fréquence  a  surtout  augmenté,  depuis  qu'on 
trouve  sur  les  marchés  français  pas  mal  de  bœufs  d'Algérie,  qui 
sont  très  souvent  ladres.  La  fréquence  du  tœrjia  inorme  en  France, 
en  rapport  avec  la  consommation  du  bœuf  algérien,  s'exprime  en 
un  triangle,  dont  les  côtes  méditerranéennes  seraient  la  base  et 
Paris  le  sommet.  Lu  Provence  notamment,  on  ne  voit  que  du 
tœnia  inerme  et  le  taenia  y  a  tellement  augmenté,  que  rhùpital 
Saint-Mandrier  donne  la  statisti(|ue  suivante  :  1860-1862,  pasuo 
seul  cas  de  taenia;  1862-1863,  i  cas;  1866  1873,  les  casent  aug- 
menté; 1877,  52  cas;  1878,  i)8  cas  ;  4871),  163  cas;  partout  l'aug- 
mentation est  proportionnelle  à  l'importation  des  bœufs  algériens. 

En  Abyssinie,  où  Ton  fait  usage,  comme  plat  national,  d*uM 
bouillie  de  bœuf  cru,  le  brondo,  le  tœnia  est  la  règle.  Tout  homme 
a  son  tœnia  ;  celui  qui  n*en  aurait  pas  se  croirait  maudit.  Oo 


TENIAS.  t6« 

borne  à  rémonder,  à  lui  faire  rendre  quelques  anneaux;  avec  le 
kouxso  tout  disparaît,  sauf  la  tête.  En  Syrie,  le  lœnia  inerme,  dû 
au  cyslicerque  du  bœuf,  est  tellement  fréquent,  que,  dans  notre 
expédition  de  Syrie,  sur  6  000  hommes,  il  y  eut  300  lœnias: 
Téquipagedu  Ducouédic,  nourri  avec  du  bœuf  ladre,  à  son  arrivée 
à  Bt^yrouth,  eut,  deux  mois  après,  19  hommes,  sur  152,  atteints 
du  taenia  ;  les  parasites  expulsés  étaient  des  taenias  incrmes.  De 
même,  aux  Indes,  plusieurs  Hindous,  qui  avaient  mangé  du  bœuf 
ladre,  observés  par  Cobbold,  eurent  le  tœnia  inerme.  Au  Séné- 
gal, le  bœuf  est  aussi  souvent  ladre  ;  il  Test  également  en  Algérie;  il 
Test  dans  les  steppes,  il  l'est  au  Japon.  Le  tœnia  inerme  est  fré- 
quent dans  TAmériquc  du  Sud  et  dans  toute  la  région  de  la  Plata. 
Le  taenia  interne  est  en  somme  plus  répandu  que  le  sulium. 
TKnia  bothrlocépkAlc  OU  Inta.  —  Il  existe,  chez  l'homme, 
unlroisicnie  ver,  c'est  le   bothrincéphale  ou  Ifenh  laia.  Sa  tête 
a  une  forme  spéciale,  d'où  lui  vient  son  nom  (3od?t&;,  fossette, 
«?iXt.,  tète);  elle  porte,  en  effet,  deux  fossettes  qui  sont  l'ouver- 
ture du  canal  digestif,  mais  elle  n'a  ni  crochets  ni  ventouses.  Le 
ruban  se  distingue  par  la  couleur,  qui  est  gris-jaundtre  et  non 
blanche  comme  celle  du  lœnia  armé  ou  du  t«Tnia  inerme,  par  les 
cucurbitins,  qui  sont  plus  larges  que  longs  et  dont  le  pore  géni- 
tal est  situé  au  milieu,  au  lieu  d'être  placé  sur  le  côté. 

Habitat  géographique.  —  Mais  le  bothriocéphale  a  une  aire  géo- 
grapliiquc  beaucoupplus  limitéeque  les  deux  autres  tœnias.  On  le 
trouve  dans  le  2/3  nord  de  la  Scandinavie,  en  Bothnie,  en  Fin- 
lande, sur  tout  le  contour  de  la  mer  Baltique  ;  en  Hollande  ;  au- 
tour du  lac  de  Genève  et  de  différents  lacs  de  Suisse,  dans  le  Jura, 
à  f)eylan,    au    Japon.  C'est,  en    somme,  au  bord  de  la  mer, 
au  bord   de  certains  fleuves  et  au  bord  des  grands  lacs,   que 
s'observe  uniquement  le  ticnia  bothriocéphale  ;  il  est  très  fréquent 
à  Saint-Pétersbourg,  car  15  0/0  des  habitants  en  sont  atteints. 
11  est  donc  permis  de  présumer  que   ses  cysticerques  habitent 
quelques  poissons,  dont  les  populations  riveraines  font  volontiers 
leur  nourriture  :  on  a  soupçonné  les  salmonés;  mais,  en  somme, 
on  ignore  encore  où  habite  le  cysti:erque  du  bothriocéphale.  Ré- 
fiemment  le  L)*'  Braum  (de  Dorpat)  a  soupçonné  le  brochet  (;t 
Tanguille  de  communiquer  ce  ver  à  Thomme.  lia  fait  mangera 
des  chats  plusieurs  de  ces  poissons  infectés  et  ces  chats  ont  eu 
la  bothriocéphalis. 

T»mlm  écltiBoceqae.  —  Jusqu'ici  nous  avons  nu  VVvqvvwsv^ 


S64  LA   rAU5E   ET   LA   FLORE. 

senrir  d*ctape  ultime,  d*étape  U  plus  aTaocée  à  ces  animaai  à 
métamorphoses  ;  il  loge  géDéralemeot  le  Ter  rubané,  dont  1  évo- 
lution antérieure  s*est  faite  ailleurs,  dans  le  porc,  dans  le  bœuf 
ou  dans  certains  poissons  ;  mais  tel  n^esi  pas  toujours  son  rôle  Tis- 
à-vis  d'autres  espèces  de  cestoîdes. 

U  en  est  une,  dont  il  loge  le  cysticerque,  tandis  que  le  ^er  ra- 
bane, sexué,  complet,  habite  un  autre  compagnon  de  rhorome» 
le  chien.  Ces  cysticerques  diffèrent  notablement  des  cysticerques 
du  taenia  soiium  dans  le  porc,  de  ceux  du  tsnia  inerme  dans  le 
bœuf;  les  échinocoques  sout  desTcrs  enfermés  dans  une  Tcssie 
membraneuse;  ils  naissent  des  parois  mêmes  de  cette  vessie,  qui 
forme  un  kyste  et  deviennent  libres  dans  le  liquide  qu*elle  con- 
tient ;  ils  ont  le  volume  d'un  grain  de  millet  et  chacun  d'eux  est 
formé  par  un  animal,  qui  rentre  en  lui-même  et  a  été,  pour  ce 
motif,  con  parc  à  un  hérisson  (îx^^c^  hérisson,  xoxxoc,  graio).  Quand 
ranimai  est  développé,  il  présente  une  extrémité  antérieure  mu- 
nie d^oscules  et  de  crochets,  comme  le  txnia;  il  ressemble,  du 
reste,  beaucoup  à  un  cysticerque  de  tœnia  soiium.  La  grande  diflo- 
rencc,  c'est  que  le  cysticerque  du  porc,  celui  du  bœuf  sont  solitaires. 
Les  échinocoques  dans  leur  kyste  se  multiplient,  au  contraire, 
sans  cesse  par  bourgeonnement.  Us  nagent  librement  dans  le 
liquide  du  kyste  ;  ce  liquide  n'est  pas  albumineux,  tant  que  les 
iK^hinocoques  sont  vivantes  ;  mais  lorsqu'elles  viennent  à  mourir,  le 
kyste  persiste  toujours  au  milieu  des  tissus  et  son  liquide  devient 
albumineux  (Gubler)  ;  cela  tient  à  ce  que,  vivantes,  les  échinocoques 
mangeaient  |>our  ainsi  dire  Talbumine  et  que,  une  fols  qu*elles 
sont  mortes,  le  liquide  séreux,  qui  est  normalement  albumineux, 
ne  loge  plus  aucun  être  qui  consomme  son  albumine.  Ces  kystes  se 
trouvent  dans  les  organes  splanchniques,  fuie,  poumon,  reins, 
cerveau  même  ;  ils  ont  d'ailleurs  un  signe  spécial  :  c'est  la  sensation 
f'instique  que  donne  la  percussion  et  un  frémissement  dit  kydoHque. 

Mode  de  propagation.  Habitat  géographique,  —  On  les  observe 
en  France,  quelquefois  en  Allemagne,  mais  surtout  en  Islande; 
t/7  de  la  population  de  cette  île  en  est  atteint.  On  les  voit  éga- 
lement en  Egypte.  Les  recherches  de  Siebold ,  de  Leuckart,  de 
Krabbe  ont  montré  que  les  échinocoques  naissent  des  œufs  d'un 
t«Tnia  très  fréquent  chez  le  chien,  le  Txnia  cchinococcus.  L'œuf  du 
Tœnia  cchinoeoccus  du  chien,  alors  qu'il  tombe  dans  l'intestin 
de  l'homme,  donne  naissance  à  une  larve,  qui  traverse  les  panus 
de  l'intestiu,  pour  aller  s'enkyster  dans  le  foie,  sous  forme  de  kyste 


TENIAS.  865 

à  échinocoques  ;  mais  cette  lanre  s*est  embarquée  dans  une  im- 
passe. Il  n'y  a  guère  de  chances  en  effet  pour  que  l'échinocoque, 
cysticerqoe  habitant  les  tissus  de  Thomme.  passe  dans  l'intestin 
d'un  chien,  où  elle  pourrait  poursuivre  sa  carrière  et  devenir  à  son 
tour  Tœnia  echinococcus. 

Les  partisans  des  causes  Gnales  n'ont  donc  aucune  excuse  à  al- 
léguer, pour  légitimer  la  fréquence  de  cette  maladie  chez  Tlsian- 
dais,  puisque  simple  accident  sans  avenir,  elle  ne  sert  à  aucun  être. 

L'espèce  de  tœnia  qui  nous  occupe  serait  donc  éteinte  depuis 
longtemps,  si  Phomme  n*avait  pas  un  collègue  dans  le  privilège  de 
loger  la  larve  du  tsnia du  chien  ;  ce  collègue, c'est  le  mouton.  Les 
œufs  du  Txnia  echinococcus  sont  répandus  par  le  chien  partout, 
mais  surtout  dans  Therbe,  où,  repris  par  le  mouton ,  ils  deviennent 
•échinocoques  (cyslicerques).Le  chien  répand  sans  doute  aussi  les 
(Bu(s  de  son  taenia  sur  les  objets  mangés  par  Thomme,  dans  les 
tissus  de  qui  ils  deviennent  cysticerques,  mais  cysticerques  sans 
avenir^  sans  espoir;  or,  les  chiens  mangent  souvent  les  entrailles, 
lacervelle  du  mouton,  et  prennent  Téchinocoque,  qui  devient  Txnia 
*thinococcu8y  tandis  que  ceux-ci  ne  mangent  pas  Thomme  !  On  a 
calculé  qu'en  Islande,  pour  une  population  de  70000 individus,  il  y 
avait  bien  20  000  chiens,  soit  i  chien  pour3. 5  habitants!  Or  ces  chiens 
sont  atteints  de  Tœnia echinococcus  dans  la  proportion  de 28  0/0.  De 
plus,  la  malpropreté  des  habitants  est  extrême.  Ils  vivent  confmés 
avec  leurs  chiens,  dans  une  promiscuité  qui  explique  les  occasions 
de  contagion.  Il  est  si  vrai  que  les  chiens  sont  les  agents  de  la 
transmission,  que  les  pécheurs  de  la  côte,  qui  ont  peu  de  chiens, 
qui  en  ont  toujours  moins  que  la  population  agricole  du  centre  et 
qui  ne  vivent  pas  aussi  conHnés  avec  eux,  ont  beaucoup  moins  de 
kystes  hydatiques  que  les  populations  agricoles. 

T«Bia  ■«rraïa.  —  Le  chien  possède  un  autre  ts^ia,  le  Txnia 
serrata^  dont  la  larve  habite,  sous  forme  de  cysticerque,  Cysticer- 
IMS  pisiformiSf  dans  le  péritoine  des  lapins  et  des  lièvres,  à  qui 
il  arrive  souvent  de  tomber  sous  la  dent  du  chien  !  Chauvcau, 
administrant  les  œufs  du  Taenia  scrrata  à  des  lapins,  a  vu  chez 
tous  se  produire  un  nombre  considérable  de  Cysticercus  pisi- 
formis.  L'ingestion  de  ces  œufs  par  des  moutons  est  au  contraire  ^ 

demeurée  sans  effet. 

Taenia  eceniirafl.  —  Le  loup  et  même  le  chien  possèdent  un 
autre  tœnia,  le  Taenia  ccmurus.  Sa  larve  habite,  sous  forme  de 
cysticerque  (Canurus  cerebralis)  dans  le  cerveau  dvv  tW5>>a\sycv  ^V 


146  LA   FAUNB   ET   LA   FLORE. 

produit  chez  cet  animal  le  phénomène  connu  sous  le  nom  de  ffintr- 
nis.  Tous  les  moutons  auxquels  Chauvcaa  a  donné  des  œufs  de 
Tamia  rœmtrtts  ont  eu  le  tournis,  c'esl-à-dirc  le  Cysticercusnrcbralis, 
Ces  mêmes  œufs,  donnés  à  des  lapins,  sont  demeurés  sans  résultat. 

Taenia  maricinata.  —  Le  chien  possède  un  autre  tsnia,  le 
Tœnin  mmujiwUa,  dont  la  larve,  sous  le  nom  de  Cystirtrcus  teimi- 
roilisy  habite  le  péritoine  des  ruminants  (bœuf,  mouton).  Or  les 
intestins  de  ces  ruminants,  mangés  souvent  par  le  chien,  lui  don- 
nent le  taenia  marginata.  Chauvcau  a  donné  des  œufs  de  t£oia 
marginata  du  chien  à  des  lapins,  qui  n'ont  rien  eu  ;  de  tous  les 
moutons  auxquels  il  en  a  donné,  aucun  n'a  eu  le  tournis,  mais 
tous  ont  eu  le  Cysticercm  tenuicoUis. 

Taenia  nana.  —  I.c  cysticerque  per/'o/m/a  du  cheval  devient, 
dans  Tintestin  du  chien  qui  mange  son  cadavre,  un  f>etit  tirnia, 
le  Tœiiia  nana. 

Tienia  craR»icolis.  —  De  même  le  chat  possède  unlœnia, 
Tcmia  (rassirolis,  dont  le  cysticerque  habite  le  foie  de  la  souris 
et  du  rat. 

Inflacnce  du  milieu  sur  ie  développement  des  taenias.-^ 
Nous  avons  vu,  d'une  part,  le  cysticerque  du  lapin  mangé  devenir 
taMiid  dans  Tinteslin  du  chien  qui  le  mange,  et  d'autre  (lart  Tœuf 
du  taenia  du  cliien  tomber  sur  l'herbe  et  redevenir  c\sticerque  dans 
le  tissu  cellulaire  du  lapin  qui  mange  Therbe  ;  cette  n>gle  est  vraie 
toutes  les  fois  que  le  cysticerque  habite  un  herbivore  et  que  le 
tœnia  habite  un  Carnivore,  lequel  mange  cet  herbivore,  a v«c  son  cys- 
ticerque. Mais  on  doit  alors  se  demander  comment  il  peut  exister 
des  tœnias  chez  les  herbivores,  eux  qui  ne  peuvent  déchirer  de  la 
dent  les  chairs  de  Tan i mal  logeur  du  cysticerque  I  L'œuf  du  tœnia 
peut,  en   cfTet,    dans  certaines  conditions,  devenir  directement 
tsenia^  sans  passer  par  l'état  de  cysticerque  ;  un  exemple  en  a  été 
observé  pour  le  ixnia  bothriocvpfiaie.  Eu  France,  aux  environs  de 
Paris,  une  dame  qui  habitait  un  château  et  qui  ne  l'avait  jamais 
quitte,  avait  le  bolhriocéphale,  lequel  cependant  n'existe  qu'en 
Suisse  ou  sur  les  bordsde  la  mer  Baltique.  Or  on  découvrit  que  cette 
dame  avait,  pour  soigner  son  potager,  un  jardinier  suisse  et  que 
cet  homme  avait  le  bothriocéphale  !  La  filiation  s'explique,  et  dans 
ce  cas,  les  œufs  fécondés  de  tœniaque  le  jardinier  avait  seniéssor  les 
légumes,  s'étaient  développés  directement  en  tœniachezla  dame, 
sans  passer  par  Pétat  de  cysticerque.  11  en  est  de  même  |>our  les 
herbivores  :  ceux-ci  peuvent  parfois  prendre  le  tœnia  directemenl 


OXYURE   VERMICUUIRE.  167 

enavalant  sur  Therbedcsœufs  de  ténia,  quisedéveloppentchez  eux, 
sans  passer  par  Tétai  de  cysticcrque.  Enfin,  les  travaux  de  Mcgnln 
oavri'nt  un  horizon  nouveau  :  pour  lui,  le  même  cyslicerque 
deviendrait  volontiers  tel  taenia  ou  tel  autre,  selon  le  milieu,  se- 
lon l'intestin  on  il  tombe.  Ainsi,  le  Cystirercus  perfoliatus  du 
tissu  cellulaire  du  cheTal,  qui,  dans  Tintcstin  du  chien,  donne  le 
Taenia  narviy  pourrait  tomber  dans  Yintcstin  du  même  cheval  et  de- 
venir là  le  Txniaperfoliata; de  même  le  Cysticercus  pisifœ*mis  du 
lapin,  qui, dans  Tintestindu  chien,  donne  leTa?ma  serrata,  devien- 
drait, dans  l  intestin  même  du  lapin, Ta?72iapec^imf(a.  Pour Mcgnin, 
le  c)sticerque  du  porc  peut  sans  doute  produire  chezlMionnnc  le 
iœnia  armé  ou  solmmy  mais  celui-ci,  se  reproduisant  directement 
chez  rhomme  même,  donnerait  le  Txnia  inci*me. 

Ces  faits  Sont  très  importants;  d'abord  ils  combleraient  une  la- 
cune en  expliquant  l'existence  du  taenia  chez  les  herbivores  ;  en 
outre,  ils  auraient,  au  point  de  vue  de  la  zoologie  philosophique 
une  grande  importance,  puis(|u'ils  nous  donneraient  un  exemple 
remarquable  de  transformation  rapide  des  espèces,  en  présence 
du  milieu.  Mégnin  ne  cite  encore,  il  est  vrai,  que  deux  exemples, 
le  cheval  et  le  lapin. 

§  \.  TRICOCÉPHALE . 

Ces  petits  vers  longs  de  4  à  6  centimètres,  é|)ais  de  2  à  4  mil- 
limètres, sont  fréquents  en  Allemagne,  en  France,  en  Angleterre, 
en  Italie.  Ils  sont  extrêmement  communs  chez  les  enfants  en 
Syrie,  en  Kgypte,  aux  Etats-Unis  et  dans  Tarchipcl  Indien. 

§   5.  ASCARIDE  LOMBRICOIDE. 

Ce  ver  bien  connu  est  d'une  fréquence  extrême  en  Syrie,  en 
Abyssinic,  en  Egypte,  en  Afrique  et  dans  Tlnde.  Il  n'est  pas  rare 
non  plus  en  Europe. 

Les  noirs  semblent  avoir  pour  les  ascarides  lombricoïdcs  une 
aptitude  toute  spéciale,  car  on  en  trouve  dans  leurs  intestins  de 
Téntables  paquets. 

Ils  se  trouve  sous  tous  les  climats,  car  il  est  fréquent  en  Suède. 

§   6.    OXYURE  VERMICULAIRE. 

Il  est  répandu  dans  le  monde  entier  ;  les  oxyures  sont  cependant 
moins  fréquents  qu'ailleurs  dans  la  Plata  et  dans  loule  Vi\S\V^m. 


368  LA  FAUNE   ET   LA  FLORE. 

II.   PARASITES  HABITANT  LES  TlSStiS. 

§    t.  TRICHINE. 

Deseription^  mœurs.  — Cest  encore  dans  le  porc  que  ré* 
side,  pour  Tliommc,  le  germe  de  ce  redoutable  parasite,  la  tri- 
rhint'^  et  de  la  redoutable  maladie  qu'il  produit,  la  Trichinose.  Il 
est  logé  dans  la  fibre  musculaire  de  cet  animal;  au  milieu  même 
de  la  fibre  existent  des  kystes  extrêmement  petits»  dans  chacua 
desquels  se  trouve  une  cavité  relativement  grande,  dans  laquelle 
le  ver,  contourné  endeui  ou  trois  tours  de  spirale  (Trichina  spi- 
raliS'j  est  susceptible  de  se  mouvoir.  Il  est  généralement  seul 
dans  ce  kyste,  mais  il  peut  s'en  trouver  plusieurs;  la  longueur  de 
la  trichine  est  de  cinq  dixièmes  de  millimètre;  le  nombre  de  ces 
kystes,  dans  un  même  porc^peut  atteindre  plusieurs  millions;  sur 
un  morceau  de  porc  gros  comme  une  tète  d'épingle,  Scoutetten 
a  compté  18  kystes,  c'est-à-dire  18  trichines;  une  seule  bouchée 
de  viande  peut  donc  facilement  en  contenir  2000  ou  3000. 

Qu*un  homme  vienne  à  manger  pareille  viande,  le  kyste  est  di- 
^'éré  et  voilà  les  trichines  libres  dans  rintc>tin  ;  elles  grandissent 
alors!  elles  atteignent,  en  quelques  jours,  l"*"',2à  l"",o;  les  or- 
ganes sexuels  a[)paraissent  ;  on  commence  à  distinguer  les  mâles 
et  les  lemellcs;  ce  qui  n'était  jqu^une  larve  devient  un  adulte  par- 
fait ;  raccouplement  se  fait;  les  trichines,  qui  sont  vivipares,  met- 
tent au  monde  leurs  embryons,  qui  mesurent  8  à  i2/100de  milli- 
mètre. Une  seule  femelle  produit  ainsi  jusqu'à  1000  embryons;  à 
peine  sont-ils  nés,  qu'ils  traversent  la  paroi  de  l'intestin;  ils  partent, 
ils  émigrent  vers  «  une  terre  promise  »  la  fibre  musculaire,  choi- 
sissant de  préférence  la  nuque, les  muscles  de  l'épaule,  la  langue, 
le  diaphragme,  les  muscles  du  bras,  le  biceps,  le  deltoïde  ;  parvenus 
In,  ils  s'enkystent,  comme  leurs  mères  étaient  enkystées  dans  les 
muscles  du  porc  et,  si  Thôte  qu'ils  ont  choisi  survit,  ils  peuvent 
vivre  ainsi  pendant  des  années;  après  quoi,  n'ayant  jamais  ren- 
contré un  intestin,  où  ils  pussent  parachever  leur  évolution,  ils 
meurent  ;  le  kyste  s'encroûte  de  matières  calcaires  et  on  ne  trouie 
plus  qu'elles,  bien  des  années  après. 

Le  plus  souvent,  cette  migration  des  jeunes  trichines  ne  se  fiit 
pas  sourdement;  dans  une  première  période,  qui  dure  de  huit  à 
dix  jours,  on  observe  des  signes  d'embarras  gastrique  ;  c'est  pen- 
dant ce  temps  que  s'opèrent  la  destruction  digestive  du  kyste 


TRICHINE.  S69 

la  croissance  des  trichines,  leur  accouplement;  une  seconde  pé- 
riode répond  à  la  naissance  des  embryons,  qui,  jetés  par  millions 
dans  Tintestin,  en  percent  les  parois  et  occasionnent  de  la  ûcvre  ; 
la  troisième  période,  caractérisée  par  des  douleurs  musculaires, 
une  gène  de  la  respiration,  des  douleurs  atroces,  un  aspect  ty- 
pbique^  dure  six  semaines  ou  deux  mois  et  se  termine  souvent 
par  la  mort;  la  quatrième  période,  quand,  par  bonheur,  elle  a 
Ueu,  est  celle  d'amélioration,  delà  guérison  ;  elle  correspond  à 
la  crétification  du  kyste. 

Géofl^raphie.  —  L'aire  géographique  de  la  trichinose  humaine 
correspond  à  Taire  de  cette  maladie  chez  le  porc  :  à  Chicago,  on 
trouve  environ  28  porcs  trichineux  sur  4400,  soit  1/50;  sur210jam- 
•  bons  introduits  d'Amérique  en  Suède,  8  soit  4  0/0,  ont  été  trouvés 
tnchineux  ;  à  Chicago  même,  une  commission,  qui  a  fonctionoc  ré- 
cemment, estime  le  nombre  des  porcs  trichines  à  4/50  ;  en  1 879,  sur 
35 510 jambons  d^Amérique  examinésà  Hambourg,  297  contenaient 
des  trichines.  Sur  44000  quartiers  de  lard,  85  étaient  infectés. 

En  Allemagne,  la  trichinose  humaine  sévit  généralement  par 
épidémies;  de  4860  à  1865  on  n'a  pas  compté  moins  de  40  épidé- 
mies, dans  30  localités  difTérentes.  De  4865  à  4870,  on  y  a 
observé  environ  2000  cas.  D'ailleurs,  la  proportion  des  porcs  tri- 
cbioeux  est  considérable.  A  Braunsweig,  elle  est  de  1/5000;  à 
fialle,  de  4/3  000;  à  Gotha,  4/4  800. 

A  Copenhague,  la  proportion  est  de  4/465;  à  Stockholm,  de 
4/266  et  dans  certaines  contrées  de  Suède,  de  4/63.  En  1877,  le 
nombre  des  porcs  trichines  a  été,  en  Allemagne,  de  172800, 
Dans  le  district  de  Stettin,  98  trichinoses  humaines  ont  été 
constatées,  dont  54  dans  la  ville. 

ProBostie.  —  Cette  maladie  est  loin  d'être  toujours  mortelle , 
cependant,  sa  gravité  est  considérable;  la  plus  bénigne  des  épi- 
dànies,  celle  de  Plaucn,  compte  10  0/0  de  morts  ;  celle  de  Kalbc. 
il  0/0;  celle  de  Hettstaedt,  48  0/0;  celle  de  Burg,  22  0/0;  colle  de 
Hedersleben  (la  plus  grave),  27  0/0. 

M«de  d«  propaffaiioB.  ~  On  ne  comprend  pas  bien  par 
quelle  voie  la  trichine,  qu'on  trouve  dans  les  muscles  du  co- 
Àon,  y  peut  entrer!  Comme  on  a  trouvé  les  rats  el  les  souris 
iarcis  parfois  de  trichines  et  qu'ils  sont  quelquefois  mangés  par  les 
porcs,  on  a  accusé  ces  rongeurs  de  donner  la  trichine  au  porc. 
Mais  qui  la  leur  donne  à  eux-mêmes?  Les  nombreux  essais  d'in- 
fection artificielle  ont  réussi  à  la  transmettre  rarement  avi  cV\\^\\^ 

OiOGR.  MÉD.  ik 


B70  LA    FAUNE    ET   LA  FLORE. 

plus  souvent  au  lapin,  au  veau,  au  renard,  jamais  aux  oiseaox. 
On  a  acciiFé  la  betterave  de  contenir  le  germe  de  la  trichine,  mais 
rien  ne  confirme  cette  opinion.  Il  se  pourrait,  cependant,  que  le 
parasite  provînt  primitivement  d'un  végétal,  car  Hcckel  a  trouté 
des  trichines  dans  les  muscles  d'un  hippopotame,  animal  her- 
bivore, mort  au  Jardin  zoologique  de  Mars^eille;  il  est  vrai  que 
quelque  souris  a  pu  passer  avec  le  foin,  comme  hors-d'œuvre, 
dans  la  gueule  immense  du  pachyderme. 

Utilité  de  la  ciilnson  des  aliments. —  Dans  F  ignorance  où 
nous  sommes  de  la  cause  réelle  de  la  trichine,  nous  n'avons 
qu'un  moyen  de  prophylaxie,  c'est  de  la  détruire  par  une  cuisson 
suffisante;  ce  sont  nos  habitudes  culinaires,  diiTéreutes  de  celles 
des  Allemands,  qui  font  que  nous  n'avons  pas,  comme  eux Ja 
trichinose  chez  nous.  Kn  eifet,  de  petits  morceaux  de  viande 
trichinée,  plongés  pendant  22  minutes  dans  leau  bouillante,' 
contenaient  encore  des  trichines  vivantes;  mais  après  25-30 
minutes,  elles  étaient  toutes  mortes. 

Maladie  des  véig^étaux  voUino  de  la  IrichlBose.  " 
1.C  b'  Jouhert,  au  Brésil,  a  signalé  la  destruction  imminente  des 
caféiers,  à  Cantagallo,  province  de  Uio-de-Janeiro,  à  Sil)eiria,  à 
Serraria  et  dans  la  Fezenda  de  San-Clemente;  les  racines  de  ces 
arbres  se  couvrent  de  nodosités,  qui  contiennent  des  kystes  où 
sont  enfermés  de  petits  vers  néniatoïdcs  de  1/4  de  milUmclrc  de 
long.  Un  pied  de  café  peut  contenir  30000000  di»  ces  parasites. 

§  2.    XÉMATOÏDK    nu    CHEVAL. 

Dans  les  muscles  du  cheval,  Giard  (do  Lille)  et  Viltu  ont  trouvé 
des  kystes  do  plusieurs  millimètres  d'étendue,  par  conséquent 
visibles  à  Tccil  nu  et  offranl  en  général  la  grosseur  et  Taspect 
d'un  grain  de  seigle.  Dans  leur  intérieur  élait  un  nématoîdeen* 
kyste  en  dégénérescence  crétacée  et  ra|)pelant  par  conséquent 
beaucoup  la  trichine  ;  tous  les  muscles  étaient  atteints.  PendaDt 
sa  vie,  le  cheval  n'était  pas  maigre,  mais  se  couchait  volootienel 
dénotait  une  certaine  gène  dans  les  mouvements  du  train  de 
derrière.  C'est  le  premier  parasite  de  celte  sorte,  qu'on  ait  observé 
dans  les  muscles  d*un  solipède. 

§  3.    DISTOME   DES   ÉCnEViSSES.  —  DISMATOSE. 

On  sait  que,  depuis  plusieurs  années,  une  mortalité  considé- 
rable frappe  les  ccrevisses  dans  toute  l'Europe  centrale  :  en  AUice, 


^ILAIRB    DE    MÉDINE    OU    DRAGONNEAU.  fl\ 

n  Allemagne,  ce  crustacc  lend  à  disparaître  de  la  Meuse,  de  la 
»adne,  du  Danube  et  de  l'Oder.  Un  pisciculteur  de  Munich  en  a 
'0  périr  25000  en  moins  dé  quatre  semaines. 

Harz  (de  Munich)  a  reconnu  que  la  cause  de  cette  maladie  était 
e  Disloma  rirrigerum,  qui  habite  le  tissu  musculaire,  où  il  s'en- 
Lj%le.  Ces  distomes  sont  agames  ;  ils  doivent  donc  acquérir  leur 
iéveloppement  complet  dans  un  hôte  difîércnt.  Harz  pense  que 
cet  hôte  doit  être  la  carpe  ou  la  tanche  ;  Zundel  soupçonne  l'an- 
gaiile  ;  d'autres  croient  que  c'est  le  rat  d'eau,  très  friand  d'écre- 
Yisses. 

8    i.    PILAIRE   DE  MÉDINE   OU   DRAGONKEAU. 

Géoipraphle.  Histoire.  —  Plus  de  la  moitié  de  la  po[)ula- 
tion  de  la  côte  des  Esclaves  est  parfois  attaquée  par  ce  parasite; 
il  empêche  parfois  tout  travail;  aussi  a-ton  nommé  la  maladie 
9danto  hlnka  (corde  qui  amarre  le  brave)  !  11  est  surtout  fréquent 
dans  toute  la  zone  tropicale,  dans  le  Kordofan,  le  Darfour,  le 
Seanaar  ;  on  ne  l'observe  môme  en  Egypte,  que  depuis  la  con- 
^ète  du  Sennaar;  ce  sont  des  noirs  qui  Tout  apporté.  On  l'ob- 
serre  enfin  en  Guinée  {ner  de  Guinée)  et  en  Abyssinic  ;  il  est  in- 
connu dans  le  Dahomey  et  dans  le  Soudan.  Il  est  très  commun 
dans  tout  le  pourtour  du  golfe  Persique  ;  la  filaire  de  Mcdine 
atteint  le  i/10  de  la  population  de  Bokkara. 

Dans  certains  terrains  argileux  de  Tlndc,  tous  les  régiments 

anglais  qui  s'y  succédaient  en  étaient  atteints.  Dans  certaines 

plaines  de  cette  contrée,   la  proportion   des  gens  atteints  de 

filaire  est  de  8  ou   10  0/0.   Dans  la  présidence  de  Bombay,  elle 

atteint  3  0/0  et  dans  le  nord  du  Dckan,  5  0/0  de  la  population. 

Portée  en  Amérique  par  les  noirs  elle  est  surtout  fréquente  à 

Curaçao,  où  le  1/i  de  la  population  est  atteint.  Au  Brésil,  elle 

niïte  sous  le  nom  de  6icAo  da  CosVi,  Moins  fréquente  dans  ce 

pays  depuis  que  la  traite  des  noirs  a  cessé,  elle  semble  se  limiter 

à  l'état  endémique  dans  la  province  de  Bahia. 

PJutarque  la  connaissait  déjà  :  «  Les  peuples,  dit-il,  qui  séjour- 
•  nent  près  de  la  mer  Rouge  sont  tourmentés  par  des  accidents 
f  aussi  extraordinaires  qu'inouïs.  Il  sort  de  leur  corps  des  vers  en 
«  forme  de  petits  serpents,  qui  rongent  leurs  bras  et  leurs  jambes; 
fl  quand  on  les  touche,  ils  se  retirent,  s'entortillent  dans  les  mus- 
«  des,  et  causent  des  souffrances  horribles.  % 


37S  LA  FAUNE    ET    LA   FLORE. 

Description.  Slè^e.  Mode  d'action.  —  Cette  description 
n'est  pas  exagérée  ;  le  ver  siège  toujours  sous  la  peau.  On  Toit 
survenir,  chez  les  gens  qui  en  sont  atteints,  des  abcès,  qui  de- 
viennent fistuleux,  qui,  surtout  chez  le  nègre,  ne  tarissent  pas 
et  dont  la  longue  suppuration  Unit  parfois  par  entraîner  la  mort. 
A  chaque  abcès  correspond  un  ver;  or  chaque  malade  en  porte 
!>,  3,  li.  Arlhus  en  cite  12  chez  le  même  individu.  Pouppée-Des- 
portes  cite  un  nègre,  chez  qui  il  en  a  vu  50.  Presque  toujours 
ces  vers  et  les  abcès  qu'ils  déterminent  ont  leur  siège  dans  la 
moitié  inrérieure  du  corps,  aux  jambes  notamment. 

La  structure  de  ce  ver  est  très  simple.  Sa  longueur  varie  de 
10  - 13  -  2o  centimètres  ;  sa  largeur,  de  1  à  15  millimètres.  Son 
corps  filiforme,  ainsi  que  l'indique  son  nom,  est  grêle,  cylin- 
drique et  a  été  comparé  à  une  corde  à  violon.  La  femelle  est 
plus  longue  que  le  mâle  et  elle  est  ovovivipare.  11  semble  que  ce 
ver  soit  susceptible  d'habiter,  pendant  un  certain  temps,  les  tissus 
de  rhomme,  sans  manifester  sa  présence  ;  c'est  ainsi  qu'on  voit 
des  gens  présenter  les  premiers  symptômes  dix  dragonneau^  sii 
mois  et  plus  après  avoir  quitté  les  pays  où  il  est  endémique.  Cette 
période  silencieuse  correspond  évidemment  à  une  phase  particu- 
lière de  la  vie  de  l'animal,  mais  elle  ne  peut  se  prolonger  et  voici 
pourquoi  :  les  larves  du  parasite  ne  sont  pas,  comme  leur  mère, 
faites  pour  vivre  dans  le  milieu  humain  ;  elles  ne  peuvent  vivre 
que  dans  Teau.  L'animal  adulte,  qui  est  entré  par  Tintestin  ou 
par  la  peau,  cherche  donc  une  porte  de  sortie,  pour  la  généra- 
tion qui  lui  succède.  Il  s'achemine  vers  l'extérieur  et  c'est  sa  pré- 
sence sous  la  peau,  à  laquelle  peut-être  s'ajoute  une  sorte  de  tra- 
vail irritatif,  non  pas  souterrain,  mais  sous-cutané, qui  provoque 
l'abcès;  les  œufs  ou  les  larves  s'écoulent  avec  le  pus  et  chercbeol 
un  milieu  favorable. 

Propaffatlon.  —  Beaucoup  de  ces  larves  ne  le  trouvent  pas, 
fort  heureusement,  mais  le  nombre  de  celles  qui  achèvent  leur 
destinée  est  encore  trop  grand,  paraît-il,  puisque  la  maladie  se 
propage  par  l'eau.  On  a  en  effet  signalé,  dans  certains  réserfoin 
de  ilnde,  sous  le  nom  de  Tank  worms  (vers  des  réservoirs),  de 
jeunes  filaircSf  qui,  avalées  avec  les  boissons,  donnent  lieu  à  la 
lilaire  de  Médine.  11  existe  de  même  au  Brésil,  dans  la  province 
de  Bahia,  une  rivière  qui  donne,  dit-on,  la  filaire  de  Médine,  à  tous 
ceux  qui  boivent  son  eau. 

D*après  Tredschenko  (i874),  la  première  phase  de  la  vie  du 


DE   QUELQUES  AUTRES   PILAIRES.  87S 

iiragonncau  se  passerait  dans  le  corps  de  crustacés  microscopi- 
ques, les  Cyclopsy  que  l'homme  avale  avec  Teau. 

DestmeUoii.  —  Les  nègres  et  les  vieilles  négresses  ont  au 
Sénégal  la  spécialité  d'extraire  ce  parasite  indiscret.  Sitôt  qu'au 
fond  de  Tabcès  on  a  reconnu  lafîlairc,  on  attire  une  de  ses  extré- 
mités au  dehors,  on  Tenroule  autour  d'un  bâton  et  Ton  tire 
doucement.  La  tradition  des  matrones  noires  est  que,  si  Ton  vient 
à  rompre  le  ver,  la  maladie  devient  alors  très  grave  et  que  le 
malade  peut  en  mourir.  Cette  tradition  est  absolument  juste  ;  en 
effet,  lever  rompu  meurt;  mort,  il  se  putréfie  et,  putréHé,  il  ex- 
pose le  malade  à  quelque  chose  d^analogue  à  ce  que  nous  nom- 
mons unepi^wre  anatomique, 

^  En  Perse,  on  fait  mieux  :  les  matrones  enroulent  le  ver,  aussi 
elles,  mais  les  médecins  Tanesthésicnt  et  le  tuent  par  le  chloro- 
forme. 

§  5.    DRAGONNEAU   AQUATIQUE. 

Il  existe  une  autre  variété  de  dragonneau,  connu  sous  le  nom 
<1p  Dragonneau  aquatique,  qui  passe  une  moitié  de  son  existence 
<lans  Teau  et ,  moins  ambitieux  que  la  Pilaire  de  M^^dine,  passe 
l'autre  moitié  dans  le  corps  d'un  insecte.  Si  elle  est  moins  noble 
<iue  celle  que  reçoit  la  filaire  de  l'homme,  Thospitalité  forcée  que 
donne  le  corps  de  Piosecte  à  cette  (llaire  est  aussi  plus  sûre,  car 
il  ignore  le  moyen  de  la  détruire  et  de  s'en  débarrasser. 

§  6.   DE  QUELQUES   AUTRES  PILAIRES. 

De  la  filai re  de  Médine  il  faut  rapprocher  une  filaire  qu'on  trouve 
chez  la  gerboise  d'Afrique  et  certaines  filaires  plus  petites,  qui, 
sans  doute  également  avalées  avec  l'eau,  viennent  former  abcès  à 
h  peau  chez  le  mouton,  le  chien,  le  cheval  (Colin,  Baillet).  Cette 
affection  est  notamment  commune  chez  le  cheval  de  Hongrie. 

M.  Fourment  décrit  une  Glaire  recueillie  dans  la  cavité  abdo- 
minale d^un  lémurim  de  Madaga.scar.  Les  détails  anatomiqucs 
qu'il  a  observés  lui  paraissent  caractériser  une  espèce  nouvelle, 
qu'il  propose  d'appeler  Filaria  lepilemuriSy  en  raison  de  son  ha- 
bitat chez  le  lémurien  où  il  Ta  rencontrée. 


d74  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

111.  PARASITES  VIVANT  DANS  LE  SANG. 

Les  parasites  qui  vont  maintenant  nous  occuper  n'habitent  plus 
riiiteslin  ou  les  tissus,  comme  ceux  que  nous  avons  vus  jusqu'ici: 
ils  habitent  les  vaisseaux  sanguins;  on  les  nomme  sanguicoks. 

§   1.    STRONGYLUS  ARMATUS  MINOR. 

Ces  animaux  sanguicoles  ont  été  souvent  observés  chez  le  che- 
val, ràne,  Thémione  :  chez  ces  solipcdes,  un  paquet  de  vers  plus 
ou  moins  nombreux  s'arrête  en  un  point  des  ancres,  souvent  les 
mésentériques,  dilate  et  irrite  ce  point,  et  finit  par  produire  ce 
qu'on  nomme  un  anévrysme  artériel  ;  ces  cas  ont  été  constatés 
par  de  nombreux  observateurs  :  par  Kuysch  le  premier,  puis  par 
ChabcTt  (1725j,  par  Rudolphi,  par  Trousseau  et  Leblanc,  enfin 
par  Rayer.  Le  ver  ainsi  trouvé  est  le  Slromjylus  armatus  minor. 

Ce  strongylus  se  reproduit  dans  le  sang  du  cheval  qu'il  habite 
et  ses  embryons,  qui  ne  sont  pas  destinés  à  vivre  dans  le  sang 
avant  d'être  devenus  adultes  à  leur  tour,  gagnent  la  périphérie, 
la  peau  de  l'animal  sur  laquelle  ils  provoquent  une  éruption. 
Condamiiie  et  Drouilly  ont  toujours  retrouve  la  (ilaire  embryon- 
naire dans  des  boutons  hémorrhagiques  qui  se  développent  sur 
la  peau  des  chevaux,  qui  ren Ferment  le  strongylus  dans  leur 
sang. 

SH^railon.  Propagation.  —  (^est  généralement  sur  des 
chevaux  de  Hongrie  que  la  maladie  a  été  observée.  Voici  com- 
ment elle  est  contagieuse  :  les  boutons  que  le  cheval  porte  à  la 
peau  s'ulcèrent;  au  besoin,  il  les  ouvre  lui-même,  en  se  frottant 
contre  les  arbres  ou  en  se  roulant  dans  Thcrbe  des  prés;  les  jeunes 
iilaires  embryonnaires,  contenues  dans  les  boutons  et,  filles  du 
strongylus  du  sang,  trouvent  alors,  sur  Therbe  humide,  uo  nou- 
veau milieu  favorable-;  elles  y  deviennent  adultes  et  les  femelles 
fécondées,  qui  vont  être  avalées  par  un  cheval  sain,  s*installe« 
ront  à  leur  tour  dans  ses  vaisseaux  ;  les  embryons  qu'elles  pro- 
duiront iront,  comme  firent  leurs  parents,  former  sous  la  peao 
des  tumeurs  analogues  à  celles  d'où  elles  sont  elles-mêmes  sor- 
ties; déposés  dans  Therbe,  ces  embryons  passeront  dans  les  vais- 
seaux d'un  cheval  et  y  deviendront  adultes.  Le  même  cercle 
recommencera  toujours  dans  les  prés  de  la  Hongrie  et  ces  che* 
vaux  seront  longtemps  encore  habités  par  ce  parasite. 


ANOUILLULA   INTESTINALIS.  87S 


§  2.  PILAIRE  DU  MABSOUIN. 

Les  solipèdes  ne  sont  pas  les  seuls  animaux  ainsi  habités  ;  le 
marsouin  possède  souvent,  dans  ses  artères  bronchiques,  un 
Ter  adulte,  analogue  à  celui  que  le  cheval  renferme  dans  ses  ar- 
tères nicsentériques. 

§   3.    PILAIRE   DES   POISSONS. 

Beaucoup  de  poissons  contiennent  des  vers  semblables,  qui 
agissent  de  môme,  habitent  le  sang  et  envoient  leurs  petits  se 
développer  denors. 

§   A.    PILARIA   IMMITIS. 

Chez  le  chien,  ces  parasites  sont  fréquents;  ceux  qui  ont  été 
trouvés  chez  lui,  par  un  grand  nombre  d'auteurs^  dans  ses 
grosses  artères  et  dans  le  cœur  môme,  appartiennent  à  trois  es- 
pèces différentes. 

L'un  de  ces  parasites,  la  Filaria  immilin,  mesure,  pour  la  fe- 
melle» de  7  à  10  tentimctres  de  long  et  i  millimètre  1/2  de  large  ; 
des  paquets  de  ces  vers  plus  ou  moins  nombreux  dilatent  ou 
rétrécissent  les  orifices  du  cœur,  où  on  les  trouve  dans  la  moitié 
des  cas.  Ils  donnent  lieu  kdeîianih}rysm''s  vnrmhieux,  qui  donnent 
aux  chiens  des  étouflements,  des  essoufflements,  des  syncopes. 
On  ne  trouve  souvent  que  3  ou  i  Pilaires,  mais  leurs  embryons,  qui 
mesurent  25/100  de  millimètre  de  long  sur  8/iOOO  de  large,  sont 
extrêmement  nombreux  ;  ils  circulent  dans  le  sang  et  on  a  pu 
estimer  à  220000  le  nombre  des  individus  embryonnaires  en  circu- 
lation dans  le  sang  d'un  môme  chien.  D'autres  fois,  ces  embryons 
s'accumulent  en  grand  nombre  dans  les  parois  d*uQ  organe,  Tœ- 
aophage  par  exemple,  et  donnent  lieu  à  des  nHrécissemnnts  ver- 
mineux;  ou  bien ,  par  le  chemin  des  vaisseaux,  ils  gagnent  les 
centres  nerveux  et  l'animal  présente  alors  des  convulsions,  de 
la  paraplégie,  etc.  En  Chine,  les  3/4  des  chiens  sont,  parait-il, 
atteints  de  ce  parasitisme. 

§   5.   ANGUILLULA  INTESTINALIS. 

1^8  gros  vaisseaux  de  la  grenouille  sont  également  habités  par 
un  ver  ncmatoïde,  VAnguilluUi  int.'Uinalis  de  NaXewWu,  ^viwV.Xv^'î. 


376  LA   KAUNB    ET    LA   FLORE. 

nombreux  embrvons  circulent  avec  le  sang  dans  toutes  les  p^^' 
ties  du  corps. 

§  G.    OLTLQUES   AUTRES   PARASITES  SEMBLABLES. 

Eckor  a  ronslalc  un  même  processus  chez  le  corbeau  et  d^^ 
hémalozoaircs  semblables  chez  le  rat,  le  mulot,  le  phoque^  le  ht:'^ 
run,  le  bmrhrf^  le  .'/ow/o/i,  etc. 

L'homme,  lui-même,  n'est  pas  à  Tabri  du  choix  indiscret  de  cff^ 
parasites. 

S  7.    mSTOME  I) 'EGYPTE  OU  DISTOMA  RfMATOBIUM. 

Hématurie  fliaire   de   Bilharz.    Histoire.   Géof^aphle. 

—  l^n  18.'U,  nilbarz  trouva  plusieurs  lilaires  dans  le  sang  de 
la  veine-porte  ;  leur  inférieur  était  rempli  de  globules  sanguins. 
Gricsinger,  qui  a  observe  également  ce  parasite  et  qui  Ta  nommé 
llisloma  humatoffium,  assurait  que  la  moitié  des  Coptes  et  des 
Fellahs  en  sont  atteints.  Sur  363  autopsies,  il  a  été  trouvé  il  7fois. 
Chez  les  Nubiens,  il  a  été  vu  ;  il  a  été  rencontré  une  seule  fois 
sur  le  nègre  ;  sa  présence  peut  d'ailleurs  passer  facilement  ina- 
perçue pendant  la  vie.  Le  mâle  a  la  grosseur  d*Qn  fil  à  coudre;  il 
mesure  de  7  à  0  millimètres  de  longueur  ;  sa  présence  dans  une 
grosse  veine  passerait  donc  facilement  inaperçue  et  la  consom- 
mation d<;s  globules  qu'il  peut  faire  ne  doit  pas  être  énorme; 
mais  il  est  rarement  solitaire. 

Mode  d'action.  ->  Les  distomes  produisent  un  nombre  con- 
sidérable d'œufs,  qui  peuvent  boucher,  à  la  façon  d'une  embolie, 
les  vaisseaux  de  petit  ou  de  moyen  calibre  et  déterminer,  dans  les 
ramifications  de  la  veine-porte,  où  ils  habitent  surtout,  des  troubles 
variés.  S'aclieminant  dans  les  vaisseaux  du  rein,  les  distomes  ou 
leurs  œufs  augmentent  la  pression  au-dessous  du  point  où  ils  se 
sont  arrêtés  et  donnent  lieu  ù  la  sortie  du  sang  hors  des  vaisseaux. 
Le  sang  du  rein  s'écoule  alors  avec  Turine  ;  c'est  ce  qu'on  nomme 
Vhnnaturir  d'Hffypte.  Cette  hématurie  fks  pays  chauds  s^obserre 
au  Cap,  à  Natal,  à  Madagascar,  à  Bourbon,  à  Maurice.  Au  bordda 
lac  Nyassa  et  dans  tout  le  bassin  du  Zambèse,  beaucoup  d^habi- 
tants  en  sont  atteints  et  attribuent  la  maladie  à  des  vers  qu'ils 
verraient  de  temps  à  autre  sortir  par  le  canal  de  Turèthre  (?). 
Elle  s'observe  en  Amérique  depuis  le  30"  latitude  Nord  jusqu'au 
35"  latitude  Sud,  mais  surtout  au  Brésil. 


PILAIRE   DE   BANCROFT.    FILARIOSE.  877 

Le  Distome  d'Egypte  ou  Pilaire  de  Bilharz,  qui  nous  occupe 
actuellement,  s'engage  aussi  fréquemment  dans  les  parois  de  la 
vessie  ;  les  œufs,  s'échappant  dans  celte  cavité,  d'où  ils  ne  peu- 
Tcnt  sortir,  deviennent  le  noyau  de  pétrifications  calculeuses  ; 
ils  s'entourent  de  végétations,  de  fongosités  et  donnent  lieu 
à  une  cystite  vermineuse  terrible.  Us  peuvent  également  softir  par 
rintestin  et  y  produire  des  fongosités  d'apparence  polypeuse  (Zan- 
carol);  le  singe,  le  bœuf,  le  mouton  peuvent  être  infectés  par  le 
Di^tr^jnfi  hœmatohium.  Ses  embryons  habitent  les  mollusques.  On 
les  trouve  en  abondance  dans  ceux  du  canal  Mahmoudieh. 

§   8.   PILAIRE  DE  BANCROFT.    FILARIOSE. 

Hémato-ehylnrle.  Filalre  de  IVncherer.  Filariose. 
Aselte.  Hydroeèle.  Eléphaniiasis.  —  Il  existe  une  autre 
forme  àlièmaturie;  on  la  nomme  hémato-chyluric  des  pays  chauds  ; 
elle  est  due,  aussi  elle,  à  une  filaire,  mais  cette  filai re  est  autre  ; 
ses  conséquences  sont  plus  graves  encore  ;  elle  est  surtout  fré- 
quente dans  rinde  et  dans  l'Amérique  du  Sud  ;  c'est  la  filaire 
^ff  Wuchernr. 

Dans  un  cas  (Thfimato-chyluric,  le  D'  Wucherer  (de  Dahia), 
voulant  cherchef  la  filaire  que  Bilharz  avait  décrite,  en  4851, 
dans  l'hématurie  d'Egypte,  ne  la  trouva  pas  ;  mais  il  trouva  une 
autre  filaire,  qui  prit  le  nom  de  filaire  de  Wucherer.  La  même 
filaire  fut  trouvée  encore,  dans  l'hémato-chylurie,  par  le  D*"  Cre- 
.  vaux,  à  la  Guadeloupe,  en  1870;  puis,  dans  un  cas  semblable,  par 
le  D'  Cobbold,  non  seulement  dans  les  urines,  mais  dans  le  sang 
des  malades. 

En  somme,  Vhématurie  et  {'hùmato-chyluric  sont  l'œuvre  de  deux 
animaux  sanguicoles  distincts:  en  Afrique, le  Distome  de  Bilharz 
produit  l'hématurie;  en  Asie  et  en  Amérique,  la  filaire  de 
Wucherer  produit  l'hémato-chylurie. 

La  filaire  de  Wucherer  fut  alors  trouvée  dans  bien  d'autres  cas; 
à  Calcutta,  dans  le  sang  d'un  homme  atteint  d'un  de  ces  érysipcles 
du  scrotum  qui  finissent  par  l'éléphantiasis,  le  D'  Lewis  découvrit 
une  filaire,  qu'il  appela  Filarûi  sanguinis  hnminis  et  qui  n'était 
autre  que  la  filaire  de  Wuchertrr,  La  même  filaire  fut  encore  trou- 
vée par  Sonsino  dans  le  sang  d'un  homme  atteint  d'hémato-chy- 
lurie,  en  Australie  ;  elle  fut  retrouvée  dans  le  liquide  d'une  Ascite 
par  le  D'  Winckell.  Enfin,  au  Brésil,  la  môme  filaire  fut  eivc^t^ 


378  L\   FAUNE    ET   LA   FLORE. 

retrouvée  dans  le  sang  du  doigt  de  deux  hommes  atteints  d'élé- 
phantiasis  et  d'un  troisième  atteint  d'hémato-chylurie. 

€rénéalo|(io  de  la  fliaire  dolVaeh«rer.  Pilaire  de  Baa- 
erof t.  —  Tous  ces  observateurs  ne  mcconhaissaient  |>a5  que  les 
filairos  qu'ils  trouvaient  en  grand  nombre  dans  le  sang  de  leurs 
malades  étaient  asexuées  et  présentaient  tous  les  caractères  d'ani- 
maux embryonnaires.  On  en  était  là,  lorsqu'en  t876,  chez  un 
homme  atteint  iVriphantlasis  des  Arabes,  Cobbold  retrouva  les 
mêmes  Pilaires,  mais,  à  côté  d'elles,  un  œuf  dans  te  sang!  La 
même  année,  en  Australie,  le  D^  Bancroft  trouva  Taniroal  adulte, 
le  progénilcur  de  Tœuf  ;  c'est  la  Filarin  BancrofU.  En  1877,  le  D'da 
Silva  Arango  (de  Bahia)  fut  plus  heureux:  il  observait  t:n  homme 
qui  était  atteint  à  la  fois  d'abcès  lymphatique  du  scrotum  avec 
éléphnntiasis  et  de  chylurie;  il  trouva  dans  Turine  la  ftlaire  de 
Wucherer  (l'embryon)  et  dans  le  sang  la  filairedeBancrofi(radalte). 

EnOn  ilexistt^  au  itn^sil  une  maladie  caractérisée  par  des  abcès 
multiples  et  qui  n'atteint,  dit  le  populaire,  que  les  personnes  qui 
se  sont  baignées  dans  la  lagune  de  Feiticeira.  Chez  un  homme  qui 
s'était  bai;^né,  qui  avait  leruption  en  question  et  qui  présentait 
un  abcès  lymphatique,  le  D' Felicio  Sanlos  trouva  à  son  tour  :  dans 
le  sang,  ladlaire,  de  Wucherer  ;  dans  rabeos  même,  lafilaire  de 
Bancroft.  En  somme,  il  serait  mal  aisé  de  réunir  plus  de  preuves 
pour  démontrer  <|ue  Vht'malft-fhyluric,  \\ié})hiintinsi$,  certaines 
hydrorrles,  si  fré«jucnts  dans  l'Inde,  certaines  ascitrs,  qui  accom- 
pagnent CCS  maladies,  sont  la  localisation,  sur  divers  points,  de 
parasites  embryonnaires  (filaircs  de  Wucherer)  produits  dans  le 
sang  par  un  parasite  adulte  (la  Pilaire  de  Bancroft),  parasite  qui 
pourrait  bien  lui-même,  comme  cela  se  voit  chez  le  chien,  être 
pour  (|uelque  chose  dansées  affections  cardiaques,  qu'on  voit  sur- 
venir, en  Chine  et  dan<>  Tlnde,  en  dehors  du  rhumatisme  et  des 
causes  habituelles  des  maladies  du  cœur.  On  désigne  cet  ensem- 
ble de  maladies  sous  le  nom  de  filariosr. 

Mais  i\lrpkantiusis,  la  plus  importante  des  manifestations  de 
la  fUariose,  mérite  une  élude  à  part. 

Histoire.  Géographie  de  réléphantiaMlfi.  «-  La  première 
indication  relative  à  ce  point  de  géographie  médicale  se  trouve 
dans  le  poème  de  Lucrèce.  Le  poète  remarque  que  chaque  climat 
présente  dos  maladies  particulières,  comme  il  présente  des  hom- 
mes de  couleur  et  de  visage  particuliers  ;  comme  exemple,  il  nous 
cite  la  maladie  qui  va  nous  occuper  : 


riLAlRB   DE   BANCROFT.    FILARIOSE.  379 

Est  elephas  morbus  qui,  propter  fluroina  Nili 
GignituriEgypto  in  medio^  neque  praeterea  usqnam. 

Ces  différences  tiennent,  dit-il,  à  Tatmosphère  : 
Varius  concinnat  id  acr. 

Ce  mal  d'éléphant,  elephas  morbus,  avait  donc  fait  iiaitrc  déjà 
dansTespritun  rapport  entre  les  jambes  monstrueuses  et  défurmées 
de  ceux  qui  en  sont  atteints  et  les  pattes  cylindriques  de  Ténorme 
pachyderme  ;  elephiis  morbus  csl  devenu  VelcphantUisis  et,  comme 
la  première  bonne  étude  en  a  été  faite  par  les  médecins  arabes 
Rhazès  et  Avicennes,  le  nom  d'rU^phantiasis  des  Arabes  lui  a  été 
donné. 

Lucrèce  se  trompait  lorsqu'il  disait  que  Vélt'phdnlinsis,  que  nous 
nommons  des  Arabes,  se  trouvait  en  Egypte,  et  au  delà  point,  ne- 
que  prxtcrea  usquam.  On  le  trouve  en  réalité  dans  toute  la  zone 
torride,  môme  dans  la  zone  chaude;  on  le  trouve  dans  une  grande 
partie  de  l'Afrique,  en  Egypte,  en  Abyssinie,  en  Arabie,  et  c'est 
là  que  les  Arabes  l'ont  étudié  ;  on  Tobservc  en  Perse,  mais  seule- 
ment dans  le  midi,  près  du  golfe  Persique.  La  maladie  est  surtout 
fréquente  à  Ceylan,  dans  l'Inde,  sur  la  côte  de  Malabar  surtout; 
on  Tobserve  en  Cochinchine,  en  Chine,  ù  Java,  à  Sumatra,  à 
Bornéo  et  dans  une  bonne  partie  de  TOcéanie,  enfîn  aux  An- 
tilles, à  la  Barbade,  où  la  maladie  a  reçu  un  nom  spécial  ;  c'est  le 
mal  des  Barbades  ou  la  jambe  des  Barbades, 

Dans  tous  ces  pays,  rélé|)hanliasis  ne  sévit  pas  également,  avec 
une  égale  fréquence  sur  tous  les  points.  Nous  venons  de  dire  que, 
dans  rindo,  il  est  plus  fréquent  sur  la  cote  de  Malabar.  11  est  très 
commun  aussi  à  Pundichéry  ;  îi  Ceylun,  il  sévit  surtout  sur  la  cote 
ouest.  Le  D'' Godard,  qui  l'a  étudié  en  Egypte,  dit  qu'il  sévit  dans 
certaines  villes  plus  que  dans  d'autres.  Ainsi  il  sévit  à  Dumictte 
et  à  Rosette  plus  souvent  qu'à  Aleiandrie  et,  dans  ces  villes,  il 
est  plus  fiéqueiit  dans  les  quartiers  bas,  humides,  habités  par  la 
classe  pauvre.  A  Damiette  il  est  beaucoup  plus  fréquent  qu'ailleurs, 
dans  le  quartier  dit  dWcantara,  qui  est  situé  sur  le  bord  du  ca- 
nal. Il  y  a  des  districts  de  l'Inde  où,  d'après  Hirsch,  1/20  de  la 
popula.tion  est  atteint. 

Siège,  —  Le  siège  de  la  maladie  peut  varier  ;  les  jambes  en 
sont  le  plus  habituel  et  généralement  une  seule  jambe  est  prise; 
le  scrotum  et  les  grandes  lèvres  sont  fréquemment  attcinis;  Uis 


3S0  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

seins,  les  bras  et  quelquefois  la  face  sontalteints  également,  mais 
les  jambes  et  le  scrotum  le  sont  beaucoup  plus  que  toutes  les 
autres  régions. 

Sympcùmes.  —  La  maladie  débute  par  delà  douleur,  au  pli  de 
Taille,  parexcmple,  s'il  s'ngitdelajambe;  puis  apparaissent,  sur  la 
penu,  de  petites  traînées  rouges,  qui  sont  identiques  à  ce  que  nous 
connaissons  sous  le  nom  d'angioleuntc  ;  parfois  un  cordon  dur, 
situé  plus  profondément  sous  la  peau,  le  long  du  trajet  d'une 
veine,  dénote  une  phlébilc:  la  rougeur  s'étend  progressivement, 
devient  plus  diffuse  et  varie  d'ailleurs  depuis  le  simple  érythème 
jusqu'à  l'érysi pèle. Ces  phénomènes  sont,  du  reste,  d*autant  moins 
ap[)arents,  qu'on  les  recherche  chez  une  race  plus  colorée.  La 
jambe,  s'il  s'agit  d'elle,  est  visiblement  enflée,  œdéniatiée,  chaude  ; 
ta  peau,  tendue,  brillante,  est  le  siège  d'élancements;  en  roéme 
temps,  il  y  a  des  vertiges,  des  éblouissements,  parfois  des  vomis- 
sements ;  puis,  au  bout  de  quelques  jours,  tout  s'apaise,  tout 
rentre  dans  Tordre;  le  jambe  reste  seulement  un  peu  engorgée; 
mais  ce  n'était  là  qu'un  début  :  au  bout  d'un  temps  variable, 
depuis  quelques  jours  jusqu'à  plusieurs  semaines,  nouvelle 
poussée;  retour  des  vertiges,  des  vomissements,  retour  du  gonfle- 
ment, de  la  douleur  et  de  Tenflure,  qui  dépasse  sa  limite  précé- 
dente et  qui,  lorsque  La  nouvelle  crise  sera  passée,  restera  plus 
considérable  encore  qu'elle  n'était  restée  après  la  première  attaque. 
Au  l)Out  d'un  certain  nombre  de  ces  crises,  qui,  rapprochées, 
constituent,  dans  leur  ensemble,  la  période  aiguë,  Vrh'phnntiasis 
est  constitué  ! 

La  partie  malade  a  fini  par  prendre  et  garder  un  volume  sou- 
vent énorme,  ainsi  que  le  montrent  les  figures  ci-contre  pour  le 
scrotum  et  pour  les  jambes;  les  vaisseaux  ont  change  ce  qu'on 
nommerait,  on  hydraulique,  leur  régime.  Les  uns  sont  oblitérés, 
les  autres  élargis  et  dilatés  ;  la  nutrition  du  membre  est  troublée, 
tous  les  tissus  s'engorgent  et  s'hypertrophient  ;  cette  évolution 
nutritive  se  continue  pendant  la  période  chronique,  accélérée  de 
temps  en  temps  par  de  nouvelles  exacerbations  aiguës,  qui  se  ré- 
pètent à  des  intervalles  variables  et  dont  chacune  donne,  pour 
ainsi  dire,  un  nouveau  coup  de  fouet  à  la  maladie. 

La  peau  et  les  tissus  qui  la  doublent  acquièrent  alors  une 
épaisseur  monstrueuse,  chaque  poussée,  suivant  le  point  où  elle  a 
porté,  marquant  son  passage  par  autant  de  tumeurs,  dont  l'en- 
semble fait  du  membre  une  masse  énorme  et  monstrueuse,  que 


nUlRE  DK   BANCROPT.    FlLAtlIOSE. 


IBI 


le  iDBlbeureDi  malade  est  condamné  à  Iraîner.  Une  Touli^  de 
troubles  superficiels  viennent  s*ajouter  à  cet  ensemble  :  Tépi- 
derme  est  corné,  fendille,  suintant,  durci  en  certains  points, 
ramolli  sur  certains  autres.  Le  membre  ressemble  en  réalité  à 
quelqu'un  de  ces  ormeaux,  qu'on  voit  bossues  sur  leur  tronc 
par  d'énormes  tumeurs  ligneuses,  inégales  et  bosselées  1  Le  malade 
devenu  impotent,  monstrueui,  dirrorme,  s'habitue  en  quelque 
sorte  à  son  borrible  inrirmiié  et  la  mort  ne  semble  pas  souvent 


résulter  directement  de  la  maladie.  Dans  certains  cas,  l'amputa  - 

tlon  a  été  pratiquée,  mais  souvent  alors,  la  maladie  se  reproduit 

ailleurs. 
AB«t*Bl«  p«tlioI«([lqDc.  —  Lorsqu'on  vient  à  examiner  le 

membre  amputé  et  qu'un  pratique  de  larges  coupes  dans  sa 
masse,  on  voit  s'écouler,  des  mailles  de  tissu  cellulaire  comme 
d'un  citron,  nne  sérosité  plus  ou  moins  abondante.  La  coupe 
présente  l'aspect  et  la  consistance  d'une  énorme  couenne  de  lard; 
le  derme  est  épais  et  rappelle,  même  avec  exaeération,  celui  des 
grands  pachydermes.  Le  tissu  cellulaire  qui,  d'ordinaire,  double 
finement  la  peau,  laquelles'en  détache  facilcioenV,tteÎB,\Vv\'i%oïi'Mi 


S82  LA   FALNB    ET   LA   PLORB. 

avec  elle;  tous  deux  sont  souder  par  d'épai.<ses  cloisons  fîbreuses. 
\je  derme  est  lui-m<^me  dur  et  donne,  sous  le  couteau,  la  consis- 
tance d*un  fruit  mal  mûri.  Au  milieu  de  cette  masse  sont  en- 
glolx's  les  vaisseaux,  les  nerfs  et  les  muscles.  Les. vaisseaux  sont, 
les  uns  bouchés  par  un  caillot,  les  autres  dilatés  en  une  sorte 
d'ampoule  pleine  de  sang;  les  nerfs  sont  le  plus  souvent  atrophiés 
et  comme  étoufTés  dans  la  masse  dure,  qui  les  emprisonne  ;  les 
muscles  minces,  atrophiés  sont  aux  trois  quarts  disparus  et  ont 
subi  la  tUtji'w'rescenve  graisseuse  :  les  os  sont  souvent  sains  ;  mais, 
dans  certains  cas,  on  a  vu  le  tibia  triplé  de  volume  et  uni  au 
péroné  par  des  sortes  de  stalactites  osseuses,  qui  lui  donnaient 
un  aspect  bosselé  et  irrégulier. 

Kciologie. —  Quelles  |>euvcut  être  les  causes  de  cette  étrange 
et  redoutable  maladie?  Sa  présence   uniquement  dans  les  pays 
chauds,  devait  naturellement  conduire  à  accuser  d^abord  U  cha- 
leur; un  certain  nombre  do  médecins  se  sont,  en  efTet,  ranges  à 
l'opinion,  qui  voyait,  dans  cette  maladie,  un  effet  de  la  chaleur 
sur  les  glandes  et  sur  les  vaisseaux  lymphatiques.  On  admit  et 
quelques  médecins  admettent  encore,  qu'il  ne  s'agit  là  que  de 
troubles  de  nutrition,  apportés  par  une  s('Tie  de  ce  qu'on  nomme 
des  lymphangites  r^lienlaires  des  jyiys  ehnuds.  Mais  il  est  bon  de 
constater  d'abord  que  les  nègres,  qui,  même  de  Tavis  des  par- 
tisims  de  cette  doctrine,   sont  peu  sujets  à  la  lymphangite  des 
pays  chauds,  sont,  au  contraire,  très  sujets  à  réléphantiasis  des 
Arabes;  d'ailleurs,  si  la  chaleur  était  la  véritable  cause  de  la 
malarlie,  celle-ci  sévirait  dans  tous  les  pays  chauds  également, 
ce  qui  n'est  pas;  elle  y  sévirait  môme  en  raison  et  on  propor- 
tion de  la  chaleur,  ce  qui  n'est  pas;  enfin  elle  attaquerait  les  ré- 
gions découvertes  du  corps  ei  c'est  le  contraire  qui  a  lieu!  force 
est  donc  d'abandonner  la  chaleur.  J'en  dirai  autant  de  Texpli- 
cation    qui  attribue   la  maladie    aux    transitions  brusques  de 
température. 

On  s'est  alors  rejeté  sur  l'alimentation  :  un  grand  nombre  des 
populations  sujettes  à  réléphantiasis  se  nourrissent  en  effet,  très 
habituellement,  de  poissons  sal<^s;  eu  Kgyptc  on  a  accusé  la  chair 
du  marsouin,  celle  d'une  détestable  poule  d  eau,  enfin  l'usage  dei 
fruits  pourris. 

Toutes  ces  explications  ne  sont  pas  absolument  mauvaises,  nous 
le  verrons  bientôt  ;  mais,  outre  ce  que  chacune  d'elles  peut  pré- 
senter de  particulier,  elles  répondent  toutes  à  deux  coadiUont 


FILAIRE    DE    BANCKOFT.    FILARIOSE.  S83 

communes,  le  séjour  au  bord  de  l'eau ,  ou  au  moins  dans  un  lieu 
humide,  et  la  misère.  On  pourrait  peut-être  dire,  que  c'est  peut- 
être  bien  parce  que  toutes  ces  conditions  varient  avec  les  races, 
que  les  races  se  comportent  d'une  manière  différente  devant 
réléphantiasis. 

Modo  d'action  du  pamsice.  —  Cette  maladie  est  aujourd'hui 
rattachée  au  parasitisme  et  nous  venons  de  voir  qu'elle  n'est 
qu'une  des  formes  d'une  même  maladie  parasitaire,  la  filariose. 

Plusieurs  symptômes  de  réléphantiasis  s'expliquent  alors  à 
merveille  :  ces  nausées,  ces  vertiges  du  début,  qui  ne  sont  pas 
en  rapport  avec  l'état  inflammatoire,  trouvent  leur  explication 
dans  les  phénomènes  réflexes,  que  provoquent  les  parasites , 
peut-être  même  dans  leur  passage  dans  les  vaisseaux  du  cerveau 
ou  de  la  moelle  ;  enfin  ces  poussées  périodiques,  qu'on  voit  sur- 
venir dans  la  période  aiguë  et  même  dans  la  période  chronique, 
sont  dues,  vraisemblablement,  à  des  pontes  périodiques  et,  pour 
ainsi  dire,  à  une  marée  montante  de  nouvelles  générations  de 
filaires  de  Wacherer,  11  se  peut  que  plus  tard,  dans  la  période 
tout  à  fait  chronique,  le  parasite  ait  disparu,  mais  il  reste  tou- 
jours le  travail  nutritif  qu'il  a  développé,  ce  qui  pour  le  malade 
est  tout  un. 

Contagion.  R61e  des  moustiques.  —  Il  reste  à  expliquer  le 
mécanisme  ainsi  que  le  modedepropagation  et  de  contagion,  car  un 
grand  nombre  de  faits  démontrent  que  Véléphanliasis  des  Arabes 
est  contagieux  :  leD^Manson,  en  Chine,  a  démontré  expérimenta- 
lement que  l'intermédiaire  oblige  entre  ces  deux  états  d'un  même 
animal,  l'état  de  filaire  de  Bancroft,  animal  adulte  qui  se  trouve 
dans  le  sang  de  Téléphantiasique,  et  l'état  de  filaire  de  Wurherc^', 
embryon  qui  se  trouve  dans  la  partie  malade,  c'était  le  moustique 
00  culex,  si  abondant  dans  les  pays  chauds.  11  s'est  assuré  que, 
lorsque  le  culex  suçait  le  sang  d'un  éléphantiasique  (or  les  mous- 
stiques  le  piquent  à  chaque  instant),  il  avait  l'estomac  rempli  en 
moyenne  de  120  filaires  de  Wucherer.  5  ou  6  seulement  de  ces 
V20  filaires  peuvent,  nouveaux  Jonas,  échapper  à  la  mort;  elles 
achèvent  même  leur  développement  dans  ce  milieu  et  elles  ac- 
quièrent i  millimètre  de  long  sur  5/100  de  millimètre  de  large. 
C'est  précisément  le  moment  où  le  moustique  se  réfugie  sur  l'eau, 
pour  y  pondre  ses  œufs  et  mourir.  La  filaire  de  Wucherer,  de- 
venue adulte,  c'est-à-dire  devenue  filaire  de  Bancroft,  dans  Tes- 
tomac  du  culex,  s'échappe  alors;  elle  est  fécondée  i^ait  X^'^  vcâ\^^ 


884  LA   FAUNE    ET   LA   FLORE. 

et  toute  prête,  si  elle  est  absorbée  par  un  homme  avec  Teaii  des 
boissons,  à  vivre  dans  son  sang  et  à  Pinfester  de  ses  embryons  ou 
filaires  de  Wiœhei'er,  qui,  selon  les  hasards  de  leur  migration, 
feront  de  cet  homme  un  él^hnntiasique,  un  hémato  chylurique, 
un  homme  atteint  d'hydrocélCy  d*ascite,  eto. 

Mais  ce  n'est  pas  tout  :  le  moustique  chargé  de  filaires  de  Wu- 
rherer  peut,  avant  d'aller  pondre  dans  Teau,  sucer  le  sang  d'un 
individu  sain,  y  semer  quelques  filaires,  qui,  soit  qu'elles  restentà 
l'état  embryonnaire  de  fUaire  deWucherery  soit  qu'elles  y  évoluent 
en  filaires  de  Bancj'oft,  pourront  inoculer  l'élephantiasis  et  donner 
raison  au  préjugé  populaire  qui  croit  la  maladie  contagieuse.  On 
comprend  alors  comment  il  se  peut  que  les  nègres  aient,  ainsi 
qu^on  Ta  dit,  importé  l'élephantiasis  en  Amérique  et  comment,  à 
la  Barbade,  la  maladie  a  éclaté  brusquement,  à  la  fin  du  siècle  ; 
on  comprend,  eniin^  comment  la  géographie  médicale  de  Vêlé- 
phantixtsis  est  superposable  à  la  géographie  zoologiquc  du  mous- 
tique, 

§   6.    CRAW-CRAW. 

Géographio.  —  C'est  près  de  la  filariose  qu'il  faut  ranger  cette 
maladie  connue  depuis  longtemps,  à  la  côte  d'Afrique,  sous  le 
nom  de  eraw-eraio  et  qui  consiste  en  une  éruption  vcsiculo-pus- 
tuleuse,  qui  rappelle  la  gale  et  qui  porte  le  malade  à  se  gratter. 

Récemmcnt,en  France,  le  professeur  Nielly  a  observe  un  mousse 
de  Brest,  de  quatorze  ans,  qui  n'avait  jamais  voyagé  et  qui  était 
atteint  d'une  sorte  de  pseudo-gale.  La  présence  de  papules  lui 
a  été  révélée  par  des  démangeaisons.  Le  prurit  était  d'ailleurs 
assez  léger.  Les  papules  et  vésico-pustules  étaient  disséminées 
sur  le  bras  et  l'avant-bras  gauches,  confluentes  sur  le  dos  de  la 
main,  il  n'y  avait  rien  dans  les  espaces  interdigitaux.  Le  membre 
supérieur  droit  était  beaucoup  moins  atteint.  H  y  avait  même 
quelques  papules  sur  le  tronc  et  les  membres  inférieurs.  En 
piquant  le  sommet  d'une  vésico-pustule,  Nielly  trouva  des  nc- 
matoîdes. 

Le  parasite.  —  L'animal  est  facilement  visible  au  micro- 
scope. C^cst  un  ver  incolore,  mesurant  300  millièmes  de  milli- 
mètre de  longueur  et  i  millième  de  millimètre  de  diamètre. 
C'est  une  filaride  ou  une  anguillule, 

Nielly  ignore  d'où  provient  cette  affection.  Les  urines  ne  con- 
tenaient rien  de  particulier.  Le  sang,  au  contraire,  renfermait  oo 


PATHOLOGIE   GÉNÉRALE  COMPARÉE.  885 

grand  nombre  de  ces  animalcules.  «  Il  parait  donc,  disait  Tau- 
«  leur,  exister  en  France  une  dermatose  spéciale,  qui  est  ou  non 
«  le  craw-crawy  mais  absolument  nouvelle  pour  les  observateurs 
«  des  pays  tempérés.  » 

Il  me  semblerait  plus  probable  que  ce  jeune  mousse  aurait 
contracté  la  maladie  en  sUnoculanl,  d'une  manière  ou  d'une 
autre,  à  bord  d'un  navire  arrivant  des  parages  à  filaires,  les  em- 
bryons d'un  animal  sanguicole.  Mais,  tous  renseignements  pris, 
il  était  candidat  mousse  de  l'Aiisterlitz  et  n'avait  jamais  voyagé; 
il  était  berger.  C'est  donc  dans  les  mares  qu'il  aura  peut-être 
pris  une  filaire  du  mouton.  Le  docteur  Nielly  la  nomme  Anguil- 
lula  leptodera. 

§  10.    STRONGYLUS  VASORUM. 

Le  chien  loge  également  dans  son  sang  un  nématoîde  adulte, 
Strongyhis  vasorum,  qui  habite  le  ventricule  droit  et  les  grandes 
divisions  de  l'artère  pulmonaire.  Les  individus  y  sont  réunis  en 
nomLre  tellement  considérable,  qu'ils  forment  des  pelotons  qui 
gênent  le  cours  du  sang.  C'est  là  qu'a  lieu  l'accouplement  ;  mais 
les  embryons  émigrent  vers  les  bronches  de  petit  calibre  ;  de  là, 
ils  sont  expulsés  au  dehors,  pour  être  ensuite  introduits  dans 
l'appareil  digestif  d'un  autre  chien,  dont  [ils  percent  la  paroi 
intestinale  et  dans  le  cœur  duquel  ils  vont  vivre  à  l'état  d'adultes. 

Laulanié  a  montré  qu'autour  des  embryons  bronchiques  du 
Strongylus  vasorum  du  chien  se  développe  un  travail  identique 
à  celui  qui  se  développe  autour  des  tubercules. 

§  11.  PATUOLOGIE  GÉNÉRALE  COMPARÉE. 

Au  point  de  vue  de  la  pathologie  des  êtres  organisés  en  général, 
il  y  a  dans  ces  faits  une  source  de  réflexions  fécondes  :  ce  fait  de 
troubles  nutritifs,  bypertrophiques,  comme  ceux  que  nous  avons 
vus  constituer  Véléphanliasis  dcs^ Arabes,  n'est  pas  unique  en  son 
genre.  Chez  un  coq  de  Houdan,  Mégnin  a  observe  quelque  chose  de 
très  comparable  à  Téléphantiasis  :  un  sarcopte,  le  Sarcoptes  mu- 
tans,  avait  rendu  la  patte  véritablement  monstrueuse  ;  elle  était 
couverte  de  tubercules  blanchâtres,  qui  avaient  quadruplé  son 
diamètre  en  la  rendant  en  même  temps  très  irrégulière  et  rabo- 
teuse ;  ces  tubercules  étaient  constitués  exclusivement  par  des  pro- 

GÉOOR.  MéD.  ^"^ 


186  LA   FAUNE   ET  LA   FLORE. 

ductions  épidermiques  stratifiées,  et  sous  leur  couche  profonde, 
on  Toyait  encliatonnées,  cbacone  dans  une  petite  loge,  comme 
des  perles  microscopiques,  des  myriades  de  femelles  du  S^trcoptes 
mutans  toutes  occupées  à  pondre. 

Chez  les  végétaux,  des  irritations  semblables  produisent  des  * 
effets  analogues,  des  sortes  iVtHêphantiasis  végétaux^  si  Ton  peut 
employer  cette  métaphore  :  sous  Pinfluence  de  la  piqûre  d*OD 
charançon,  la  racine  d'un  certain  chou  devient  globuleuse,  sphé- 
roîdalc:  elle  emmagasine  de  la  matière  cellulaire  et  cette  sorte 
d'élt'pfytnliasis  végétal  rend  comestible  pour  Thomme  une  racine 
atteinte  en  réalité  d'une  maladie,  que  les  Anglais  nomment  club» 
Priliieux  a  montre  que  le  blé  niellé  résulte  d'une  hypertrophie  des 
étamines  du  blé,  à  la  suite  de  leur  piqûre  par  une  anqtdUult, 
Ces  exemples  d'hypertrophie  végétale,  sous  Tinfluence  d'une  ir- 
ritation parasitaire,  sont  fréquents.  11  suffit  de  rappeler  encore 
ici  les  galles  qui  se  développent  chez  les  végétaux  à  la  suite  d^une 
piqûre  de  cynips,  les  tumeurs  qui  se  développent  sur  les  feuilles 
de  rhododendron  des  Alpes,  celles  qui  se  forment  sur  les  racines 
du  lupin  des  jardins,  Michel  Woronine  a  constaté,  au  milieu  du 
suc  qui  baigne  ces  tumeurs,  un  nombre  considérable  de  bactéries 
animées  de  mouvements. 

De  Candolle  avait  déjà  vu  une  action  générale  dans  ce  qu'on 
regarde  le  plus  souvent  comme  un  simple  traumatisme  :  au  sujet 
de  Taction  irritante  de  certains  parasites,  il  avait  émis  Tidée  que 
les  morsures  que  font  aux  racines  des  plantes  certains  animaux, 
tels  que  les  cottrtiliàrs,  les  larves  de  /iAn?ic^07i,  n'expliquaient  pas 
la  mort  de  ces  plantes  par  simple  traumatisme  ;  il  pensait  que 
ces  animaux  doivent  sécréter  une  humeur  toxique,  qui  entraîoe 
rapidement  la  mort  du  végétal.  Descendons  au-delà  des  limites 
qu'assigne  à  nos  connaissances  sur  les  éléments  figures  Timper- 
fection  de  nos  yeux,  et  nous  verrons  des  sucs  irritants  produire  des 
tumeurs  par  l'irritation  qu'ils  déterminent  au  milieu  des  tissus  : 
les  grosses  tumeurs  des  arbres  sont  peut-être  dans  ce  cas  et  dans 
cet  ordre  d'idées,  le  D' Davaine  a  pu  se  demander  si  le  cancer  lui- 
même  n'était  pas  dû  à  la  formation  cellulaire  déterminée  autour 
d'un  stimulus  animé. 

Autrement  dit,  lorsqu'une  épine  est  déposée  dans  les  tissus, 
elle  provoque  autour  d'elle  une  irritation  locale,  non  spéciGque; 
répine  seule  est  spécifique. 


PKMTASTOME   DU  CHIEN.  8«7 

IV.   PARASITES  HABITANT  DANS  CERTAINES  CAVITES. 

>S   I.  CALLIPHORA  ANTHROPOPHAGA  OU  LUCILU  HOMINIVORA. 

Dans  la  république  Argentioe,  dans  le  Venezuela  et  dans 
plusieurs  contrées  de  TAmcrique  tropicale,  au  Mexique  et  à  la 
Guyane,  existe  une  mouche  qui  dépose  dans  les  fosses  nasales  de 
riiomme  un  nombre  énorme  de  larves,  qui,  en  quelques  heures, 
perforent  les  organes,  amènent  les  désordres  les  plus  graves  et 
la  mort.  Cet  animal  porte  au  Mexique  le  nom  de  bicheiro  des 
fosses  nasales.  Il  arrive  parfois  que  Tintroduction  a  lieu  en  flai- 
rant des  fleurs,  sur  lesiiuelles  la  mouche  a  déposé  ses  œufs. 

On  donne  le  nom  de  myasis  à  Fensemble  des  accidents  déter* 
minés  par  le  dépôt  d*œufs  ou  de  larves  que  font  certains  insectes, 
notamment  des  diptères,  dans  les  cavités  naturelles  de  l'organisme. 

§   2.    SANGSUE  DU  CEEVAL.   DEMOPIS   SANGUISUGA. 

Elle  sMnlroduit  dans  la  bouche  de  l'animal  avec  l'eau,  et  de  là 
sur  la  partie  postérieure  du  pharynx,  où  elle  cause  des  hémor- 
rhagies.  Ce  parasite  a  été  trouvé  dans  la  bouche  de  nos  chevaux 
pendant  la  campagne  de  Tunisie  ;  tous  les  ruisseaux  de  TAfrique 
septentrionale  en  contiennent. 

§  3.    PENTASTOME   DU   CDIEN. 

Il  existe,  dans  les  sinus  frontaux  des  carnassiers  (chien,  loup), 
des  parasites  vermiformes,  nomoïés  pentastomes ;  ils  sont  longs  de 
5-10  centimètres,  sont  sexués.  Leurs  œufs,  sortant  par  le  nez, 
tombent  sur  Therbe;  ils  sont  avalés  par  des  herbivores  (lièvre, 
lapin), dans  l'intestin  desquelles  jeunes  pentastomes  passent  leur 
vie  embryonnaire;  ils  s'enkystent  dans  le  foie,  dans  le  poumon, 
et  ne  deviennent  aduKes,  avec  un  sinus  frontal  pour  habitat, 
que  lorsque  le  lapin,  leur  hôte,  a  été  mangé  par  un  chien  ou  par 
un  loup.  J'ai  dit  plus  haut  qu'ils  amènent  souvent  des  épistaxis. 


888  LA   PAUME   ET  LA  FLORE. 

§  4.    ACAROPSE   DE  MÉRICOURT. 

Cet  animal  a  été  trouvé,  par  notre  savant  confrère  de  la  marine, 
dans  Toreille  d'un  officier  qui  arrivait  de  la  Havane.  11  a  été  dé- 
crit et  nommé  par  Moquin-Tandon. 

De  ce  parasite  il  faut  rapprocher  celui  qui  csiuse  VépUepsie  con- 
tagieusc  des  chiais  :  dans  les  cas  d*épilepsie  contagieuse,  M^ia 
a  reconnu  que  les  accidents  épilepti formes  étaient  provoqués,  par 
action  réfleie,  par  un  parasite  irritant  Toreille,  \eChorioptes  scanda- 
tus  ou  ecaitdatus  (Nocard),  commun  chez  le  cAten,  le  chat  et  \e  furet. 
11  provoque  parfois  chez  le  chat  des  accès  de  fureur.  On  rencontre 
chez  le  lapin  les  mêmes  accidents,  provoqués  par  le  séjour  du  Pso- 
Toptes  longirostris  dans  Toreilie;  on  rencontre  également  ce  para- 
site chez  te  cheval.  Tous  ces  parasites  amènent  quelque  chose  de 
comparable  à  la  maladie  de  Meniêre, 

§  5.    MUSCA  CACNALIA. 

Le  docleur  Manez  a  publié  récemment  plusieurs  observations 
de  ce  qu'il  nomme  la  conjonctivite  vermineuse  des  bergers.  Il  s'agit 
d'une  inflammation  du  sac  c»culo-palpébral,  sous  rinfluence  des 
larves  déposées  par  la  Musca  cacnalia  chez  des  gens  endormis  au- 
près des  troupeaux. 

Il  suffit  de  tuer  les  larves  avec  Tessence  de  romarin,  pour  gué- 
rir la  conjonctivite. 

Cette  maladie  se  rencontre  dans  l'Amérique  du  Sud. 

Peut-être  faut-il  rapprocher  de  la  conjonctivite  vermineuse  des 
bergers  Vophthalmie  de  Ceylan,  décrite  par  le  EK  Cameroo,  à 
moins,  cependant,  qu'il  ne  s'agisse  d'une  manifestation  du  pa- 
ludisme. 

§  6.    GRÉGARINES. 

Des  parasites  extrèmementrépandus, qu'on  peut  regarder  comme 
habitant  les  cavités  muqueuses,  ce  sont  les  grégarines,  dont  oo 
trouve  chez  les  oiseaux  ies  colonies  considérables,  enkystées  dans 
le  tissu  conjonctif  sous-muqueux  et  dont  la  présence  et  la  pullu- 
lation  amènent  une  inflammation  intestinale,  de  la  diarrhée  et  la 
mort.  —  Les  grégarines  sont  des  êtres  inférieurs  du  règne  des  Pro- 
tistes (Hcckcl).—  On  les  trouve  chez  un  grand  nombre  d'animaux  : 


DISTOMA  RINGERI.    HâMOPTYSIE   PARASITAIRE.  889 

je  citerai  Gregarina  mie8cherina,cïiei  le  porc,  la  brebis,  la  Tache, 
le  lapin,  le  cheval  ;  G.  atn'tim,  dans  Fintestin  des  poules  ;  G.  mûris, 
chez  le  rat  ;  G,  Lindemanii,  dans  le  rein  de  Thomme  ;  —  G,  mut- 
leriana  (c'est  la  psorospermie  des  poissons).  -^  D'autres  protistes 
se  trouvent  ailleurs  :  le  Cytospermum  viride,  dans  les  cellules  pul- 
monaires du  macaque  ;  C.  Zumiif  dans  l'intestin  du  veau  ;  C.  ranœ, 
chez  la  grenouille;  C.  ^ominû,  chez  l'homme;  C.  canis;  Psoro- 
spermium  avium.  Tous  ces  êtres  ont  été  étudiés  récemment  par 
Rivolta. 

§  7.  SYNGAMUS  TRACnEALIS. 

Histoire,  géof^raphle.  —  Ce  parasite  ou  rcr rouge  se  rencon- 
tre dans  la  trachée  des  faisans  et  des  poulets,  qu'il  fait  périr  actuel- 
lement par  centaines  et  par  milliers  dans  les  faisanderies.  Celte  ma- 
ladie  des  jeunes  faisans,  se  caractérisant  pardcsbàillements  répété!» 
a  reçu  le  nom  de  gape  en  Angleterre  et  en  Amérique,  où  elle  est 
fréquente.  Le  docteur  Crisp  estime  ù  un  demi-million  le  nombre 
des  poulets  que  le  ver  rouge  détruit  en  Angleterre,  sans  compter 
les  faisans  et  les  perdrix.  A  Rambouillet,  chez  M.  de  Rothschild,  on 
trouve  parfois,  le  matin,  douze  cents  faisans  tuôs  par  la  gape.  Cette 
maladie  a,  d'ailleurs,  été  observée  pour  la  première  fois,  en  1799, 
à  Baltimore,  sur  les  poules  et  les  dindons,  par  le  D'  Wiescnthal  ; 
elle  a  été  récemment  étudiée  en  France  par  Mégnin. 

Deseription.  —  Le  ver  mâle,  rouge,  cylindrique,  mesure  2  mil- 
limètres de  long  sur  0™™,20  de  large  ;  la  femelle  mesure  5  milli- 
mètres de  long  sur  0"'»,35  de  large. 

Mode  de  propagation.  —  A  l'état  adulte,  Tanimal  habite  la 
trachée  ;  c*est  là  qu'il  s'accouple.  Les  œufs  et  les  larves,  qui  ont 
Taspect  d*anguillules,  sont  rejetés  en  dehors,  dans  l'eau  ou  dans 
les  pâtées  alimentaires;  là  ils  sont  absorbés  par  les  oiseaux.  Une 
fois  dans  les  voies  digestives,  ils  en  traversent  les  parois  et  se  ren- 
dent dans  les  sacs  aériens  et  dans  les  cellules  pulmonaires,  où  ils 
deviennent  adultes. 

Destraetion.  —  11  suffit  de  mettre  une  certaine  quantité  de 
rue,  d*ail  ou  d'acide  salicylique  dans  la  boisson  et  dans  la  pâtée 
des  oiseaux  pour  détruire  les  jeunes  larves.     • 

§  8.  DISTOMA  RINGERI.  HÉMOPTYSIE  PARASITAIRE. 

Géograpliie.  —  Le  professeur  Baelz  (de  Tokio)  a  montré  le 
premier  la  présence  au  Japon,  chez  Thomme,  d'une  héaio^t^*i»\& 


890  LA  FAUNE   ET   LA   FLORE. 

parasitaire  étudiée  plus  tard  par  Manson  et  signalée  réccmoient 
par  le  D' Remy.  Cette  maladie  n'existe  que  dans  les  régions  toi- 
caniques  du  Japon,  à  Formose  et  sur  la  côte  orientale  d^Asie. 

DeserlptloB  da  parasite.  —  Le  facteur  de  cette  hémoptysiti 
est  le  Disloma  Ringeri  ou  pulmonale  de  la  famille  des  trématodes. 
L'animal  adulte  habite  les  bronches  de  Thomme.  Ses  œufs  sont 
expulsés  au  dehors;  les  larves,  habitant  Teau  où  elles  ont  été  jetées 
avec  les  crachats,  retournent,  avec  les  boissons  ou  les  légumes, 
dans  rhomme,  dont  elles  habitent  l'intestin  d'abord,  comme  tout 
à  rhcure  les  larves  de  Syngamus,  pour  passer  ensuite  dans  les 
bronches. 

SymptùnicB.  —  Leur  présence  dans  les  bronches  amène  des 
hémoptysies.  Au  milieu  du  sang  on  reconnaît  les  œufs. 

Traltenienc.  —  Le  traitement  est  basé  sur  la  nature  parasi- 
taire de  Taffection  :  inhalations  de  vapeurs  émanées  d'infusions 
de  quassia,  de  kousso,  de  solutions  alcooliques  de  térébenthine  et 
de  santonine  ;  inhalations  de  vapeurs  sulfureuses. 

Y.  PARASITES  IIAEITANT  SUR  LA  PEAU. 

g   1.    BERNE. 

On  désigne  au  Brésil,  sous  ce  nom,  un  insecte  qui  se  sert 
de  l'homme  comme  un  cynips  fait  du  rosier,  ou  richneumon 
fait  de  certains  insectes  :  cette  mouche  dépose  ses  œufs  dans 
le  ti&)U  cellulaire  sous-cutané  de  Thommc  et  des  animaux.  Pour 
Martin  Coste,  cet  insecte  n'est  autre  chose  que  l'œtre  du  liœuf, 
Hypodcrma  bovis;  pour  le  D'  Mello  Branduo,  c'est  le  Cutirebrti 
ryanivenlris  ;  il  choisit  le  nègre  de  préférence  au  blanc.  La  larve 
déposée  par  la  mcre  se  développe  et  donne  naissance  à  une  tumeur 
de  2  ou  'A  centimètres  de  diamètre,  qui  provoque  des  déman- 
geaisons, de  la  fièvre,  du  délire  ;  il  suffit  d'ouvrir  la  tumeur,  vé- 
ritable galle  aiiiniale,  pour  voir  sortir  la  larve. 

Les  nègres,  contre  les  accidents  généraux,  emploient  les 
culots  de  pipe  {savro  de  rachimbo)  comme  stupéfiants  ;  ils  font 
sortir  la  larve  par  |)ression  ;  elle  mesure  de  1  à  3  millimètres  de 
long;  ils  ont  soin  d'abord  d'agrandir  l'ouverture  avec  des  feuilles 
de  tabac.  • 

Ce  parasite,  commun  à  Bahia,  à  Rio-Janeiro,  dans  les  ter- 
rains bas  et  humides,  s'attaque  également  aux  bestiaux,  aux 


SIMULIA  MàCULATà  ou   MOUCHE  DE   KOLUMBACZ.       I9i 

cbevaux^aux  chiens  de  dusse.  A  Cayenne,  on  désigne  la  maUdia 
sous  le  nom  de  ver  macaque;  à  la  Nouvelle-Grenade,  c'est  le 
gusano^  la  nuché,  la  suglaram  ;  au  Brésil,  c'est  le  ver  maringouin. 
11  y  faut  joindre  le  wr  de  Cayor,  larve  de  la  mouche  Ochromya 
anthropophaga^  fréquente  au  Sénégal,  surtout  dans  le  Cayor, 
au  pays  de  Thiés. 

§   2.  TARENTULE. 

t 

Bien  qu'on  ait  beaucoup  exagéré  les  symptômes  du  tarcntulisme, 
et  que  sous  ce  nom  se  cachent  plusieurs  maladies  d'ordre  social 
et  qui  n'ont  rien  de  parasitaire,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que 
la  piqûre  de  la  tarentule,  araignée  noire,  fréquente  aux  environs 
de  Tarente  (de  là  le  nom  de  larentisme,  employé  également),  donne 
lieu  à  des  accidents  généraux  du  côte  du  système  nerveux  ;  les  sons 
de  la  guitare  font  sauter,  danser,  hurler  le  malade,  et  ce  trai- 
tement est  excellent,  car  il  fait  transpirer;  c'est  de  la  diaphorôse; 
le  jaborandi  ferait  tout  aussi  bien. 

§   3.   LATRODECTOS  TREDECIHGUTTATOS. 

Cet  insecte,  connu  sous  le  nom  ^craUjw^e  noire,  est  répandu  en 
Corse,  en  Italie;  rare  dans  le  Languedoc,  en  Provence,  où  on  le 
rencontre  cependant,  notamment  dans  le  Gard  ;  il  donne  lieu,  par 
sa  morsure,  à  de  la  céphalalgie,  de  la  dyspnée,  de  la  constriction 
à  la  base  du  thorax,  des  fourmillements,  du  refroidissement  des 
extrémités  et  de  la  syncope. 

§  4.    SCORPION   DE   LA  NOUVELLE-GRENADE. 

A  la  Nouvelle -Grenade,  un  scorpion,  d'après  Posada  Aranjo, 
produit,  outre  la  douleur  locale,  une  plai^ue  érythéniateuse,  avec 
point  ecchymolique  au  centre,  de  Tangoisise,  du  malaise  et  un 
mgourdissetnent  très  marqué  de  la  langue,  une  sorte  de  para- 
lysie incomplète  de  cet  organe.  Tout  guérit  d'ailleurs  en  24  heures, 
sauf  chez  les  enfants  et  les  personnes  alfaiblies,  qui  peuvent  en 
mourir. 

§   5.   SIMULIA  MACULATA   OU  MOUCUE  DE  KOLUMBACZ. 

Cet  insecte  est  ainsi  nommé  parce  qu'il  est  fréquent  aux  environs 
du  vieux  château  de  Kolumbacz,  dans  le  district  serbe  de  Pa&&a.vQ- 


19)  LA  FAUNE   ET    LA  FLORK. 

witz,  sur  la  rive  droite  du  Danube;  il  le  rencontre  en  Hongrie, 
en  Autriche,  en  Moravie,  en  Silésie,  en  Bohème,  dans  le  Mecklem- 
bourg  et  le  Brandebourg.  Ses  essaims  sont  tellement  épais,  qu'ib 
simulent  parfois  de  véritables  nuages.  Leurs  piqûres  nombreuses 
font  mourir  les  bœufs  et  les  chevaui. 

Quelques-uns  des  animaux  attaqués  meurent  aussitôt  après  la 
piqûre;  d'autres  peu  d'heures  après;  d'autres  enûn  la  nuit  sui- 
vante. 

On  a  des  exemples  de  petits  enfants  tués  par  ces  insectes,  ce 
qui  a  lieu  surtout  lorsque  les  mères,  travaillant  aux  champs,  lais- 
sent leurs  nourrissons  couchés  dans  Therbe. 

§  6.   LA  MOUCUE  TSETSÉ.  GLOSSI.NA  MORSITANS. 

Fréquente  dans  certains  points  de  TAfrique,  notamment  en 
Abyssinie,  la  mouche  tsetsé  est  devenue  célèbre.  Dans  toute  rAbique 
équatorialc,  sa  piqûre  fait  périr  les  bœufs,  les  chevaux,  les  ânes, 
les  chameaux  et  les  chiens.  Le  D'  Kirk,  consul  d'Angleterre  à 
Zanzibar,  n'hésite  pas  à  la  regarder  comme  un  des  obstacles  les 
plus  sérieux  à  la  civilisation  de  l'Afrique,  en  raison  des  dangers» 
quelle  fait  courir  au  bétail  et  aux  bètes  de  somme,  dont  elle  rend 
remploi  impossible  dans  les  régions  qu'elle  habite.  «  Les  tsitsés, 
dit  Livingstone,  sont  un  peu  plus  grandes  que  la  mouche  ordinaire, 
mais  plus  petites  que  la  mouche  à  miel.  Elles  sont  d'une  couleur 
terne  et  la  partie  inférieure  de  leur  corps  est  traversée  par  des 
lignes  jaunes;  leurs  ailes  sont  plus  longues  que  leur  corps.  Leur 
blessure  est  sans  danger  pour  Thomme.  Mais  nous  connaissons 
plusieurs  exemples  dans  lesquels  tous  les  bestiaux ,  les  chevaux 
et  les  chiens  d'un  voyageur  ont  été  détruits  entièrement  par  ces 
mouches  venimeuses.  Le  capitaine  V...,  doutant  que  ce  fussent 
les  tsetsés  auxquels  il  fallait  attribuer  la  mort  des  animaux ,  amena 
un  cheval  dans  une  localité  où  se  trouvaient  ces  insectes  ;  50  en- 
viron volèrent  sur  l'animal  et  immédiatement  il  commença  à 
maigrir  ;  il  est  mort  le  onzième  jour.  Nous  avons  perdu,  dans 
cette  excursion,  environ  30  bœufs  par  la  piqûre  des  tsetsés.  Les 
éléphants,  les  bufQes,  les  zèbres,  les  pallahs  (espèce  d'antilope), 
les  porcs  sauvages,  lesjackals,  les  water-bucks,  les  gnons,  etc., 
abondent  dans  les  endroits  où  les  tsetsés  se  trouvent  en  grand 
nombre  et  n'éprouvent  aucun  effet  de  leur  venin.  Bien  plus,  on 
chien  nourri  avec  du  lait  périt  à  la  suite  d'une  piqûre,  tandis  que 


PULBX  PENBTRANS   OU   CHIQUB.  893 

celui  qui  vit  de  chair,  daOB  le  môme  district,  ne  meurt  pas.  »  Je 
laisse  à  Livingstone  la  responsabilité  de  cette  dernière  assertion , 
qui  serait  digne  d'être  vérifiée. 

Lorsque  la  Isetsé  aperçoit  sa  proie,  elle  se  lance  avec  une  grande 
rapidité  sur  sa  victime,  lui  enfonce  la  partie  moyenne  de  sa  trompe, 
qui  se  trouve  composée  de  trois  pièces,  dans  la  peau.  Elle  se  gorge 
de  sang,  son  abdomen  se  gonfle  ;  lorsqu'elle  s'échappe,  l'endroit 
piqué  prend  une  teinte  rouge  foncé,  et  un  léger  prurit  succède  à 
cette  blessure. 

C'est  surtout  le  long  des  fleuves  et  dans  les  marais  que  l'on 
rencontre  cette  mouche  ;  elle  se  tient  dans  les  buissons  et  les 
herbes  aquatiques.  Elle  s'observe  rarement  dans  la  plaine  ;  elle 
est  du  reste  toujours  cantonnée  dans  des  espaces  dont  elle  ne 
semble  jamais  s'écarter. 

En  volant,  elle  fait  entendre  on  bourdonnement  qui  parait  être 
bien  connu  des  animaux  qui  doivent  lui  fournir  son  aliment  :  car, 
dès  qu*ils  l'entendent^  ils  s'enfuient  et  semblent  frappés  d'une 
épouvante  irrésistible. 

Après  s'être  repue  du  sang  de  sa  victime,  la  tsetsé  laisse  écouler 
dans  la  plaie  une  goutte  d'un  venin  sécrété  par  une  glande  placée 
à  la  base  de  sa  trompe. 

Certains  animaux  sont  pris  de  vertige  et  deviennent  aveugles. 

Le  seul  moyen  de  faire  échapper  les  animaux  domestiques  aux 
attaques  des  tsetsés  est  de  leur  faire  traverser  les  cantonnements 
où  se  trouvent  rassemblés  ces  insectes  pendant  la  nuit,  au  clair 
de  la  lune  et  dans  les  saisons  froides.  Les  mouches.sont  alors  en- 
gourdies et  incapables  de  piquer. 

§  7.    PULEX  PENETRANS  OU  CEIOUE. 

DIstrIbatlon  géoi^raphlqae.  —  Ce  parasite  est  fréquent 
dans  le»  terres  basses  du  Mexique,  du  Venezuela,  de  la  Guyane  et  du 
Brésil  (Bicho  do  Pe)  et  rare  dans  les  régions  élevées.  On  le  trouve 
également  aux  Antilles,  où  le  D^  Guillon  a  décrit  les  ulcérations 
qu'il  provoque.  On  le  trouve  au  Congo;  il  a  été  récemment  importé 
au  Gabon. 

Mode  d'aetloB.  —  Cet  animal,  après  s'être  attaché  à  la  peau, 
pompe  le  sang  et  grossit  tellement  de  volume,  qu'il  devient  une 
véritable  tumeur  vivante.  La  chique  du  chien  peut  nous  donner 
une  idée  très  réduite  de  ce  qui  se  passe  alors.  Lorsqu'elle  est 


S94  LA   FAUNE   ET   LA   FLORE. 

tombée,  une  ulcération  s*établit  souteot,  qui,  eutretenue  par 
!a  chaleur,  Phumidité  et  le  défaut  d'hygiène,  devient  rebelle  « 
tout  traitement  ;  lorsque  la  chique  s*introduit  sous  les  ODgles,elle 
donne  lieu  à  un  accident  spécial,  Vonyxis;  celte  sorte  d'onyxiV, 
étudiée  par  le  D'  Maurel  à  Gayenne,  a  donné  lieu,  parmi  les  cod- 
victs,  sur  1 200  hommes,  à  1 079  journées  d'hôpital.  L'ulcération 
s*étend  parfois  à  tout  le  pied,  même  à  toute  une  partie  du  membre 
inférieur  et  peut  causer  la  mort. 

Aptitude.  —  Humboldl  assurait  que  la  chique  s*attaque  rare- 
ment aux  créoles,  et  seulement  aux  nouveaux  venus  de  race 
blanche  ou  noire.  Nous  verrons  plus  loin  que  la  chose  n^a  rien  d'im- 
possible. Le  D'  Brassac  prétend  néanmoins  qu'il  y  a  là  aussi  une 
question  d'habitudes  et  de  propreté.  Il  est  incontestable  qoc 
les  noirs  sont  plus  souvent  piqués  que  les  blancs  et  que  la  piqûre 
est  chez  eux  plus  souvent  qu*ailleurs  le  |K>int  de  départ  d'ulcères 
qui  deviennent  graves  par  le  fait  de  leur  négligence.  Quoi  qu'il  en 
soil,  le  D' Niger  assure  qu'il  y  a  des  individus  dont  on  dit:  «  lU 
du  sang  à  chiques,  »  et  en  effet  ces  individus  ont  toujours  des 
chiques.  Le  D^  Bonnet  remarque  que  ces  gens  sont  souvent 
lymphatiques.  Martin  croit  que  Todeur  du  nègre  attire  les  chiques. 
11  n'y  a  là  rien  d'étonnant  ;  notre  vulgaire  puce  affectionne 
incontestablement  chez  nous  certains  individus  plus  que  d'autres. 
Les  indigènes  de  la  Guyane  ont  quelque  chose  qui  les  met  à  Tabri 
dupulcx:  c'est  Tusage  de  se  peindre  avec  du  rocoit. 

§   8.   ARGAS  PERSICUS. 

Oeseription,  aptitude,  Immnnlté.  — H  se  pourrait  d'au- 
tant plus  que  certaines  immunités  qu'on  raconte  au  sujet  du 
Pulex  penctrans  fussent  vraies,  qu'on  dit  la  môme  chose  d'un 
grand  amrien,  qui  a  la  taille  d'une  forte  punaise  et  qui  se  ren- 
contre en  Perse.  Dans  un  livre  lithographie  à  Téhéran  et  qui  a 
pour  titre  :  Tei^minologie  pharmacvutique  et  anthropologique  fnm- 
çaisc-pcrsanc  sur  les  muladies  endémiques  et  particuliiTcs  les  plut 
Intfressantes  des  habitants  de  la  Perse ^  L.  Schiimmer,  ancien  pro- 
fesseur de  médecine  au  collège  polytechnique  de  Perse,  médecia 
sanitaire  de  Tarmée  persane,  médecin  sanitaire  de  Téhéran  (je  cite 
tous  les  titres  de  Tauteur,  afin  de  montrer  qu'il  doit  évidemment 
connaître  pertinemment  la  Perse),  s'exprime  ainsi  : 

«  Argas  pcrsi'ius,  punaise  de  Mianeh.  Il  est  de  notoriété  pu- 


AROAS   PERSICU8.  t95 

ce  Llique  que  la  punaise  de  Mianeh  se  plaît  à  attaquer  les  élran- 

«  gers  de  passage  et  ne  mord  ou  ne  pique  jamais  les  indigènes  ; 

«  je  crois  qu*on  se  trompe  et  que  tout  habitant  de  Mianeh  doit 

«  avoir  été  mordu  une  fois  de  sa  vie  par  cette  triste  punaise,  sans 

«  s^en  être  aperçu,  comme  enfant  à  la  mamelle  ou  en  bas  âge, 

«  ou  sans  s*en  rappeler,  et  n'est  pas  par  cela  même  susceptible 

«  d'en  éprouver  les  effets  une  seconde  fois,  me  basant  sur  ce  que, 

«  à  mon  premier  passage  à  Mianeb,  je  souffrais  moi-même  de  la 

«  piqûre  et  qu'à  ma  seconde  et  troisième  visite  à  celle  petite 

«  ville,  j'ignore  si  j'en  fus  mordu,  mais  en  tout  cas  je  n'en  fus 

«  pas  le  moins  inquiété  ou  incommode  ;  de  même  que  sur  800  cas 

«  de  piqûre  de  scorpion  en  Perse,  je  n'ai  pas  pu  trouver  un 

V  unique  individu,  qui  pouvait  se  rappeler  d'en  avoir  été  piqué 

«  deux  fois  de  sa  vie  ;  serait-ce  une  espèce  d'inoculation,  qui  ren- 

«  drait  une  seconde  imprégnation  inefûcace,  comme  la  vaccine 

«  détruit  la  susceptibilité  pour  la  variole?  question  curieuse  qui 

*«  mériterait  des  recherches  ultérieures.  En  tout  cas,  les  sym- 

«  ptômes  provoqués  par  la  piqûre  de  Vargas  de  Mianeh  ont  une 

«  analogie  frappante  avec  ceux  d'une  fièvre  rémittente  :  lassitude 

"(  extrême,  dégoût  du  travail,  bâillement  avec  chaleur  et  sueurs 

«  partielles,  mais  sans  trop  de  soif  avec  aggravation  et  soulage- 

*(  ment  à  des  heures  déterminées  de  la  journée  ;  de  telle  sorte  que 

•*  quelques  Européens  sont  d'avis  qua  l'afTection  particulière  qui 

«  frappe  une  grande  partie  des  étrangers,  qui,  en  général,  ne 

«  passent  qu'une  unique  nuit  à  Mianeh,  serait  moins  l'effet  de  la 

*<  piqûre  de  la  punaise  que  celui  de  la  malaria  de  Mianeh  et  de 

*  ses  environs,  qui  influencerait  lesétrangers,  tout  en  épargnant 

*<  les  indigènes.  Je  doute  beaucoup  qu'il  existe  à  Mianeh  quelque 

«  malaria  spéciale,  vu  que  les  indigènes  sont  loin  d'offrir  ce  type 

«  particulier,  qui  distingue  à  la  première  vue  les  habitants  des 

«  contrées  où  les  lièvres  paludéennes  sont  endémiques,  et  je  crois 

«(  bien  plutôt  que  c'est  en  réalité  la  piqûre  qui  fait  tous  les  frais 

«  de  l'afifection,  influençant  de  préférence  les  voyageurs  soumis 

«  à  des  excès  de  fatigue  et  à  des  privations  que  les  voyages  pé- 

«  nibles  et  les  veilles  inabituées  à  dos  de  cheval  entraînent  avec 

«  eux^  vu  qu'à  Dhahroudé  et  Bestham,  sur  la  grande  route  de 

«  Téhéran  à  Khorangan,  l'argas  de  Perse  existe  de  même  et  y 

c  provoque  absolument  les  méa\es  symptômes  sans  quMl  y  ait  là 

K  encore  quelque  malaria.  Quoi  qu'il  en  soit,  j'ai  eu  occasion  de 

K  traiter  cette  affection  en  1858  sur  une  large  échelle^  par  L'ac- 


8U6  LA   FAUNE    ET   LA   FLORE. 

a  rivée  a  Téhéran  du  second  régiment  de /TAo-^e,  dont  400  hommes 
«  environ  se  disaient  piqués,  durant  leur  courte  station  à  ifin- 
«  neh;  plusieurs  déclaraient  ne  pas  même  savoir  Tendroit  da 
<(  corps  où  la  piqûre  aurait  eu  Heu;  mais  tous  souffraient  à  degrés 
a  diflcrents  des  symptômes  mentionnés  plus  haut  et  tous  presque 
«  guérirent  promptement  à  l'aide  de  la  poudre  minérale  de  Bon- 
«  din,  et  dans  les  quelques  cas  rares  rcfractaires,  le  sulfate  de 
tt  quinine  mil  fin  à  tous  les  symptômes  insidieux. 

((  J*avais  presque  oublié  de  dire  que  les  habitants  du  Khoraçao 
a  connaissent  V Argus  pcrsicus,  qu'on  trouve  aussi  à  Dhnhroudé 
«  et  à  Brstkam,  sous  le  nom  de  Bhebguèze,  c'est-à-dire  mordant 
«  la  nuit.  » 

Venins  et  virus. —  J'ai  tenu  à  donner  dans  son  entier  cette 
note  pleine  d'intérêt,  parce  que  Tingénieuse  comparaison  faite  par 
M.  Schlimmer  entre  le  liquide  venimeux  de  VArgas  persicus  et  les 
virus  me  semble  depuis  longtemps  fort  juste.  Les  symptômes  gé' 
ncraux^ qu'allume  dans  Torganisme  la  présence  d'une  petite  quan- 
tité de  venin  dans  le  sang  de  l'homme  mordu,  sont  très  compa* 
râbles  aux  symptômes  généraux  des  maladies  infectieuses,  et  l'of^ 
ne  voit  pas  pour  quelle  raison  les  facteurs  directs  de  la  propriété 
toxique  des  venins  ne  se  comporteraient  pas  dans  le  sang  comme 
les  facteurs  directs  de  la  virulence.  On  comprendrait  alors  que« 
dans  l'un  comme  dans  l'autre  cas,  le  sang  déjà  habité  par  le  venin 
ou  par  le  virus  devînt  impropre  à  lui  servir  une  seconde  fois  dr 
milieu,  absolument  comme  le  sang  dans  lequel  la  bactéridie  char- 
Ivonneuse  a  végété  une  première  fois  est  devenu  impropre  à  lui 
servir  une  seconde  fois.  La  première  piqûre  de  l'argas  aurait  pour 
effet  de  vacciner  en  réalité  non  pas  contre  les  piqûres  ultérieures, 
mais  contre  leurs  effets. 

Le  fait  ne  serait  pas  d'ailleurs  exceptionnel  :  dans  beaucoup 
de  pays,  les  moustiques  passent  pour  s'attaquer  de  préférence 
aux  étrangers  ainsi  qu'aux  enfants,  et  ces  derniers,  n'étant  pas 
encore  vaccinés  par  les  inoculations  antérieures,  éprouvent  des 
accidents  positifs^  tandis  que  les  acclimatés  reçoivent  comme  eux 
l'inoculation  de  Aioustiques,  mais  l'effet  en  est  négatif. 

Quant  à  VArgas  persiciis,  il  serait  intéressant  de  vériQer  d*aboni 
quelle  est  la  nature  du  venin  ;  en  second  lieu,  si  son  action  s'épuise 
sur  le  même  individu,  de  façon  à  ce  que  la  première  inoculation 
devienne  vaccinante. Tholozan  a  signalé  des  accidents  assez  graves 
à  la  suite  de  sa  piqûre.  Mégniu  et  Liboulbène  ont  trouvé  cette 


COLORADO.  «97 

piqûre  innocente;  mais  les  individus  que  Mégnin  possédait  à  Paris 
semblaient  dans  de  mauvaises  condltioirs  de  santé. 
11  existe  en  Colombie  un  autre  argas  analogue  :  argas  chinche, 

§   9.    MOUGUE  DES  SABLES. 

Ce  parasite,  désigné  sous  le  nom  de  sand-fly,  se  rencontre  en 
Perse,  où  sa  piqûre  donne  do  Turticaire  et  un  état  général  qu'on 
désigne  sous  le  nom  de  nabot  el  leyl  ou  de  Ihr,  Elle  attaque,  sur- 
tout en  été;  les  nouveaux  venus.  Les  acclimatés  ne  sont  plus  sen- 
sibles à  ses  atteintes,  nouvel  exemple  d'une  immunité  acquise, 
comparable  à  celle  que  confèrent  pour  elles-mêmes  les  maladies 
infectieuses. 

§  10.   ROUGET. 

Notre  rouget,  larve  du  Trombidium,  peut  passer  pour  un  très 
petit  diminutif  de  la  chique  ;  comme  elle,  il  se  gonQe  de  sang  et 
peut  quadrupler  son  volume  ;  il  reste  implanté  dans  les  canali- 
cales  sodori pares  et  sébacés.  Il  est  surtout  fréquent  dans  Touest 
<le  la  France. 

§    il.    CARRAPATOS. 

Ce  parasite,  Lcodes  rugica,  fréquent  au  Brésil  et  à  Surinam,  s'at- 
taque aux  animaux  et  même  aux  hommes.  Le  D'  Saint-Hilaire  ra- 
conte que,  dans  un  ravin,  son  guide  l'engagea  à  monter  achevai  pour 
éviter  les  morsures  du  carrapatos.  Malgré  cette  précaution,  son 
pantalon  fut  couvert  de  ces  insectes  ;  il  pense  qu'on  avait  fait 
paitre  à  cet  endroit  des  mulets  et  des  chevaux,  car  c'est  dans  ces 
lieux  que  vivent  ces  animaux,  ainsi  que  dans  le  voisinage  des 
habitations.  Il  y  a  deux  sortes  de  carrapatos  :  les  cnrrapaios 
grandes  et  les  carrapatos  mindos  ;  dans  certaines  contrées  de  la 
province  de  Minas,  il  n'y  a  pas  un  seul  brin  d'herbe  qui  n'en  soit 
couvert  ;  quand  on  se  couche  sur  Therbe,  on   est  dévoré  par 
eux.  A  la  côte  de  Mozambique,  où  ce  parasite  existe,  on  désigne 
les  accidenté  généraux  qu'il  provoque,  sous  le  nom  de  fiè\:r€  de 
earrapato, 

§   12.    COLORADO. 

Le  Colorado  est  un  petit  insecte  qui,  dansles  Antilles  espagnoles, 
occasionne  des  ulcères  à  la  surface  de  tout  le  corps. 


198  LÀ   FAUNE   ET  LA   PLORK. 


§   13.    IILTA. 


Ce  parasite  est  fréquent  au  Pérou,  surtout  à  la  qaebrada  de 
Santa  Rosa  de  Quibe,  sur  la  route  de  Lima  aux  mines  de  Gerro 
de  Pasco,  c'est-à-dire  à  une  altitude  de  1  200  à  i  500  mètres.  — 
Il  provoque  des  ulcérations  au  scrotum. 

§    14.  TLASAHUATÉ. 

Au  Mexique,  on  désigne  sous  ce  nom  un  petit  insecte  qui  se 
fixe  aux  paupières,  aux  aisselles,  au  nombril  ;  on  Textrait  avec 
une  aiguille  ou  une  tige  de  graminée.  Il  cause  de  violentes  Jéniin- 
geaisons,  de  la  rougeur,  du  gonflement  et  de  la  suppuration. 

§   i5.    FORMICA  LEO. 

Cet  insecte,  armé  de  pinces  gigantesques,  cause  au  Brésil  des 
morsures  parfois  redoutables.  On  utilise,  en  revanche,  ses  pinces 
comme  serre-fine,  pour  recoudre  les  plaies.  On  fait  pincer  les  deus 
lèvres  de  la  plaie  par  ces  fourmis  vivantes,  après  quoi,  on  coupe 
.  l'animal  en  deux  :  les  pinces  continuent  à  serrer  et  les  lèvres  de 
la  plaie  demeurent  appliquées. 

§  16.  GALE,  ACARUS  ET "^ SARCOPTES. 

Histoire.  —  Je  n'ai  pas  à  insister  ici  sur  cette  maladie  bien 
connue.  Sa  nature  parasitaire  ne  se  discute  plus  et  Devergie  fat 
le  seul  représentant  de  Tantique  croyance  à  la  gale  dans  le  sang. 
Je  ne  devrais  pas  dire  :  antique  croyance,  car  Mégnin  a  trouvé  à 
la  bibliothèque  nationale  (n^  1028,  folio  169,  recto)  une  traduction 
allemande  d'un  manuscrit  d'Avcrroès  (xii*  siècle) où  Tauteurdit, 
à  propos  de  la  gale  :  «  Si  on  soulève  Tépiderme  sur  quelques  points» 
«  on  trouve  un  petit  animal  très  difficile  à  voir.  Les  graines  de. 
a  carthame  et  d*orlie  détruisent  ces  animaux  ;  on  en  fait  aa 
«  onguent  avec  de  Thuile  d'amandes  amères  ou  de  Thuile  de 
«  ricin,  et  on  oint  les  parties  malades.  »  Averroès  connaissait 
donc  la  nature  parasitaire  de  la  gale  et  son  traitement.  On  se 
demande,  par  exemple,  pourquoi  il  ajoutait  un  traitement  ioteme 
dont  une  partie  serait  peu  applicable  à  Thôpital  Saint-Louis  :  «  se 
nourrir  de  perdrix  et  de  pain  fermenté  !  /> 


OÂLE.  199 

Variétés.  —  Il  n*existe  pas  moins  de  sept  espèces  de  gales  sar- 
coptiques,  divisibles  elles-mêmes  en  un  certain  nombre  de  variétés. 
Mégnio  ne  reconnaît  pas  moins  de  six  variétés  dans  Tespèce  Sar- 
copies  scabiei, 

La  première  variété»  suis  (Mégnin),  cause  la  gale  sarcoptique  du 
sanglier  et  du  porc  ;  c*est  la  plus  grande  des  variétés  de  cette  es- 
pèce :  elle  a  près  de  trois  fois  les  dimensions  de  la  plus  petite, 
qui  est  celte  de  Tbomme. 

La  deuxième  variété,  un  peu  inférieure  à  la  précédente  au 
point  de  vue  des  dimeasions  et  qui  vit  sur  les  grands  carnassiers, 
comme  le  lion,  Thyène,  le  loup,  porte  le  nom  de  variété  lupi. 

La  troisième,  la  variété  equi,  appartient  au  cheval  et  aux  autres 
équidés. 

La  quatrième,  ta  variété  ctimeli,  a  été  rencontrée  sur  le  dro- 
madaire, le  lama  et  la  girafe. 

La  cinquième,  la  variété  caprœ,  cause  la  gale  sarcoptique  de 
la  chèvre,  du  mouton,  du  mouflon  et  de  la  gazelle. 

Enfin,  la  sixième  n*est  autre  que  celle  de  l'homme  et  diflère 
peu  de  la  précédente,  qui  est  presque  aussi  petite  qu'elle. 

Le  Sarcoptes  noteodres  habite  le  rat,  le  coati,  le  chat,  le  lapin  ; 
le  S.  nnttans,  les  gallinacés  ;  —  le  Psoroptes  longirostris,  le 
cheval,  le  bœuf,  le  mouton,  le  lapin;  —  le  Chorioptes  spathiferus, 
le  cheval;  le  Chorioptes  satifeniSy  le  boeuf,  la  chèvre,  le  mouton, 
le  renard,  l'hyène  ;  —  le  Chorioptes  ecaudatus.  Te  chat. 

Tous  ces  parasites  ne  se  transmettent  pas  indifféremment  d*un 
hôte  à  un  autre.  11  est  cependant  quelques  échanges  qui  se  font 
souvent  et  Thomme  figure  dans  le  nombre.  Du  cheval,  du  chat  à 
l'homme,  la  contagion  est  fréquente;  pour  la  gale  des  chevaux  no- 
tamment, les  grandes  guerres  sont  toujours  suivies  d'épidémies 
qui  du  cheval  passent  au  cavalier.  On  le  vit  en  1814-1815;  les 
Autrichiens  importèrent  alors  en  France  des  bestiaux  galeux  ;  il 
en  fut  de  même  en  1870. 

Une  gale  grave  de  Thomme,  dite  gale  norwégienne,  est,  selon 
Mégnin,  causée  par  une  variété  de  Sarcoptes  scabiei  propre  aux 
grands  carnassiers  sauvages  ;  elle  atteint  parfois  les  fourreurs. 

Une  variété  semblable  existe  dans  Tinde,  à  Arungabad  et  à  Ma- 
labar. 

Gé«graphi«.  —  La  gale  est  répandue  dans  tous  les  pays:  en 
Scandinavie,  en  Afrique,  dans  Flnde.  Tous  les  domestiques  hindous 
en  sont  affectés  ;  ils  la  transmettent  aux  enfants  de  leurs  iiiQlVt^<9»^ 


499  Là  FAUNE   ET  LA   PLORE. 

chez  qui  prend  alors  oaissaDce  une  éruption  connue  dans  llnde 
sous  le  nom  de  carpang,  La  gale  est  générale  en  Afrique  et  bien 
portée  au  Brésil.  Sous  le  nom  delnrbisch,  au  Sénégal,  on  désigne 
une  sorte  de  gale  fréquente  chez  les  noirs  du  Oualo.  A  laGuyaoe, 
elle  est  fréquente  sous  le  nom  de  maracane;  au  Pérou,  sous  k 
nom  de  carracha  finale. 

Les  végétaux  ont  leur  gale,  et  le  Locus  nitri  est  une  sorte  de  poo 
qui  recouvre  le  citron  d'une  sorte  de  duvet  dans  lequel  il  habite. 

§    17.   POU    D* AGOUTI. 

Ce  parasite  doit  son  nom  à  ce  qu^il  se  rencontre  souvent  sur 
la  peau  de  ce  rongeur.  C*est  un  acarien  microscopique.  Il  estez- 
trémemont  fréquent  à  la  Guyane,  où,  dans  certains  points,  il  est 
impossible  de  s'asseoir  par  terre  sans  être  envahi.  Sa  piqûre  oc- 
casionne des  démangeaisons  insupportables. 

§   18.  LUaLIA  SERINATA. 

Le  VUeqcnziekte  de  Schapens  est  une  maladie  des  moulons,  fré- 
quente en  Hollande  et  causée  par  le  Lncilia  serinnla,  qui  dépose 
ses  œufs  sur  les  parties  où  la  peau  est  la  plus  fine,  notamment  au 
voisinage  de  lanus.  Les  larves  qui  naissent  de  ces  œufs  percent 
la  peau  et,  par  suite  d'un  manque  de  soins,  peuvent  occasionner 
de  grandes  pertes.  Habituellement,  on  trouve  dans  le  voisinage 
de  l'anus,  jusque  sur  lu  croupe,  des  nids  entiers  de  petites  larves 
placées  dans  la  peau,  sous  une  laine  feutrée.  La  peau  est  percée 
comme  une  écumoire.  Par  la  pression,  on  fait  sortir  de  ces  trous 
de  nombreuses  larves,  petites  et  grosses,  qui  rentrent  ausaiiM 
dans  leurs  trous,  lorsque  la  pression  cesse. 

§   19.   TRICnOBECTE  DU  MOUTON. 

Ce  parasite  se  nourrit  de  la  laine  des  moutons  ou  du  poil  des 
chevaux. 

§^20.   TEIGNES. 

Les  champignons  qui  vivent  en  parasites  à  la  surface  de  b 
peau  sont  nombreux  chez  Thomme  et  chez  les  autres  animaux.  U 


TEIGNES.  AOl 

fréquence  de  ces  maladies,  comme  de  toutes  les  affeclions  para- 
sitaires, va  du  reste  en  augmentant  à  mesure  qu'on  se  rapproche 
de  réquateur. 

La  telgae  faveose  (Achorion  Schœnkii)  ne  s'observe  ni  chez 
le  bœuf,  ni  chez  le  cheval,  mais  chez  la  souris,  le  chien,  le  chat; 
elle  s*observe  fréquemment  en  Cochinchine  chez  Thomme;  la 
poule  dite  de  Cochinchine  l'aurait  apportée  en  Europe.  Elle  ne 
s'observe  pas  à  la  Martinique. 

La  tcli^ne  tonsorante  (Tricophyton  tonsurans)  passe  du  cheval, 
du  bœuf  à  Thomme  {herpès  drcinné)  ;  cette  maladie  prend  actuel- 
lement une  extension  considérable.  On  Tobserve  souvent  sur  les 
cavaliers.  A  Londres,  c'est  de  Vherpês  tonsitrant  qui  a  été  décrit 
à  tort  comme  une  maladie  spéciale,  le  ringtvorms.  Elle  est  1res 
fréquente  en  Chine,  au  Japon  dans  les  iles  de  la  Sonde,  notam- 
ment à  Banca.  Dans  certaines  parties  de  Tlnde,  90  0/0  des  habi- 
tants en  sont  atteints. 

La  (i/ir^re  des  veaux  est  due  au  Tricophyton  dccalvans  communi- 
cable  à  Thomme. 

•I^  teigne  pelade  est  extrêmement,  fréquente  aux  Antilles. 

La  telipne  plCyrlasiqne  {Pityriasis  versicolor)  est  très  fréquente 
au  Sénégal. 

Achorion  keraCophaf^as.  —  Des  teignes,  il  faut  rapprocher 
Tachorion  décrit  par  Ercolani  et  nommé  par  lui  h-ratophage, 
parce  qu'il  loge  sous  Fongle  de  Thomme,  qu'il  détruit  et  semble 
manger ;'\\^  trouve  aussi  sur  les  solipèdes,  notamment  chez 
Tàne,  au  sabot.  La  maladie  se  nomme  onyxomycosis  chez  Thomme 
et  fourmis  chez  le  solipède. 

TeiffBe  de  Tokélan  on  Ceigne  Imbriquée.  —  On  désigne 
ainsi  une  affection  parasitaire  qui  règne  à  Samoa,  à  Malacca  et 
dans  la  Malaisie  et  qui  passe  pour  avoir  été  importée  de  l'île  de 
Tokélan.  Elle  consiste  en  une  série  de  plaques  desquamatives,  res- 
semblant, comme  apparence  générale,  à  de  Tichthyose,  mais  dis- 
posées de  façon  à  décrire  des  cercles  concentriques.  Ces  plaques 
occupent  aussi  bien  les  parties  découvertes  et  privées  de  poils  que 
les  parties  pileuses  ;  elles  s'accompagnent  de  rougeurs,  de  dé- 
mangeaisons et  d'irritation  de  la  peau.  Le  caractère  contagieux  de 
cette  affection  est  bien  démontré. 

Le  docteur  Manson  a  trouvé^  dans  les  squames  de  cette  der- 
matose, un  nouveau  parasite,  qu'il  a  pu  même  inoculer;  il  a  vu 
ainsi  que  Tincubation  durait  à  peu  près  neut  '^out%.  Vl  ^^m\. 

OÉOGR.    MXD.  %^ 


401  L£S    HOMMES,    LE    MILIEU    SOCIAL. 

révolution  du  chdmpignon,  qui,  dans  les  premières  phases,  res- 
semble assez  àcelle  du  favus.  Cette  maladie  semble  être  la  mèiot 
que  Mac  Grcgor  a  décrite  chez  les  habitants  des  Nouvelles-Hébri- 
des et  des  lies  Fidji. 

Mal  de  la  piedra.  ~  C'est  enfin  dans  cet  ordre  de  maladies, 
qu'il  faut  ranger  sans  doute  une  uialadie  fréquente  dans  la  pro- 
vince de  Canca,  en  Colombie,  chez  les  indigènes,  don  telle  attaque 
les  cheveux,  la  piedra!  Ce  nom  fait  allusion  aux  petites  coo- 
crétions  qui  sont  attachées  le  long  des  cheveux,  et  qui  ne  sont 
autre  chose,  d'après  le  D'  Desenne,  que  les  tubes  de.  mvceiiuoa 
d'un  parasite  cryptogamique. 


CHAPITRE  IV. 

LES    HOMMES,    LE    MILIEU    SOCIAL. 

Il  est  juste  que  nous  terminions  l'étude  des  rapports  de 
l'homme  avec  les  êtres  vivants  qui  l'entourent,  par  Tétude  des 
conditions  qui  lui  sont  créées  par  les  autres  hommes.  La  vie  en 
commun  constitue  en  effet  un  milieu  non  moins  importantque  les 
autres,  le  milieu  social^  qui,  tout  en  dépendant  du  milieu  faune  et 
flore,  mérite  cependant  les  honneurs  d'un  chapitre  spécial,  et 
dont  nous  allons  étudier  Tinfluence  en  parlant  de  la  citilisatinn 
et  de  son  action. 

Phasefi  de  la  civilisation.— Les  premiers  groupes  humains 
furent  de  peu  d'individus;  un  trop  grand  nombre  de  bouches  eût 
rendu  la  vie  impossible  et  le  partage  des  aliments  rencontre» 
eût  donné  lieu  à  une  part  de  dividende  trop  peu  importante. 

Aujourd'hui  encore,  les  Fuégiens  ou  Pécherais  de  la  terre  de 
Feu  errent  le  long  des  rivages,  par  groupes  fort  peu  nombreux; or 
c'est  par  l'état  du  Fuégien  actuel  qu'a  débuté  Thumanité,  partie 
sans  doute  de  plus  bas  encore,  et  cet  état  est  encore  celuii  non 
seulement  des  Fuégiens,  mais  des  Australiens,  des  Tasmaniens, 
des  Boschimans,  des  Dokos  (d'Abyssinie),  des  Andaman,  des 
Weddahs  (de  Ceyian)  des  Orangs-Benna  (Sumatra)  ;  à  peine  plus 
haut  viennent  les  tribus  sauvages  des  Windhyas,  les  Nogas  delà 
vallée  de  Brahma-Poutra ,  la  plupart  des  Papous  et  un  gnoà 
nombre  de  groupes  brésilo-guaraniei:s.  Tous  ces  peuples  aoot 


LA  CIVILISATION  ET  l'aNATOMIB.  408 

encore  à  Tâge  de  la  pierre  taillée  et,  en  les  contemplant^  nous 
a^oDS  vraisemblablement  une  image  véridiquc  de  ce  qu'étaient 
nos  grands -pères  de  la  vallée  de  la  Somme,  à  Tépoque  paléoli- 
thique ;  là  aucune  idée  générale,  aucune  conception  même  er- 
ronée; une  seule  occupation,  un  seul  besoin,  mnn^fr  ;  c'est  ce 
qu'ion  nomme,  avec  raison,  \ai phase  nutritive  delà  civilisation. 

Dans  une  phase  ultérieure,  Thomme  ressent  les  bienfaits  de 
Tassociation  et  de  la  division  du  travail  ;  il  forme  de  grandes 
tribus  ou  d^importantes  agglomérations  ;  c*est  ce  qu'on  appelle  la 
phase  sensUive,  11  a  déjà  assez  de  loisir  et  assez  de  bien-être,  pour 
adapter  son  système  nerveux  à  autre  chose  qu'au  mouvement 
musculaire  et  à  la  digestion  :  le  fétichisme,  les  conceptions  re- 
ligieuses viennent,  faute  de  mieux,  meubler,  mais  non  remplir 
sa  cervelle  encore  vide.  Les  populations  de  la  Polynésie,  en  pleine 
pierre  polie,  représentaient  cette  période  ali  siècle  dernier.  11  per- 
fectionne ses  instruments  et  les  applique,  soit  à  la  chasse,  comme 
les  Peaux-Rouges,  au  moment  où  nous  les  avons  connus;  soit  à  la 
vie  pastorale,  comme  aujourd'hui  les  Kaffirs  dans  l'Afghanistan,  les 
Mongols  nomades,  les  Tongousses,  les  Bouriates,  les  riverains 
du  lac  Baîkal,  les  Kirghisses,  les  Baskirs,  les  Ostiaks,  les  Hotten- 
tots;  soit  à  Fagriculture,  comme  les  Cafres,  les  monarchies  des- 
potiques du  Soudan,  les  empires  nègres  des  rives  du  Tanganika. 
Plus  haut  enfin  et  plus  tard,  c'est  la  phase  psychique,  celle  des 
grandes  civilisations  classiques,  celle  de  l'Inde,  celle  de  la  Chine, 
avec  ses  grandes  conceptions  polythéistes  ou  monothéistes,  avec 
tout  ce  qui  est  du  domaine  de  la  métaphysique. 

Plus  haut  enfin,  mais  cette  période-là  ne  fait  que  commencer, 
viendrait  la  phase  intellectuelle ^  caractérisée  par  la  décadence  de 
la  métaphysique  et  le  triomphe  de  la  science,  qui  substitue  dé- 
finitivement son  influence  à  celle  des  religions  évanouies  ! 

La  elvilisation  et  ranaiomie.  —  Mais  ces  étapes  ne  se  par- 
courent qu'en  une  longue  série  de  siècles;  elles  sont  en  effet  corré- 
Jatives  de  modifications  anatomiques,  fatales,  inéluctables,  indis- 
pensables; or,  comme  les  modifications  anatomiques  demandent 
un  temps  fort  long  pour  se  fixer  dans  une  race  par  hérédité  et 
par  sélection,  il  en  résulte  qu'on  ne  peut  décréter,  comme  les  t)u- 
ropéens  veulent  trop  souvent  le  faire  avec  les  sauvages,  la  pro- 
motion d'une  population  d'Australiens  à  l'état  de  civilisation  des 
Européens  ;  vous  faites  des  chemins  de  fer,  des  télégravVv^*&^NQ\x% 
habillez  le  sauvage,  vous  lui  donnez  l'alcool,  \a.  p\i^,  kV  vGoXvt  ^^ 


4  04  LES   HOMMES,    LE   MILIEU   SOCIAL. 

Londres,  vous  lui  donnez  même  Tinstruction  classique,  dans  les 
meilleurs  collèges  d'Angleterre  ;  le  sauvage  garde  la  pipe  et 
Talcool,  il  jette  tout  le  reste,  à  commencer  par  son  bagage  péda- 
gogique et  il  court  tout  nu  chasser  le  kangourou  avec  son  boome- 
rang !  Si  vous  insistez,  il  meurt!  Ainsi  font  les  Polynésiens;  aiosi 
font  les  Australiens. 

Ces  modifications  anatomiques  consistent  d*ahord  dans  Taccrois- 
sèment  du  volume  du  cerveau  à  mesure  que  les  siècles  s^écoulent. 
Dans  la  série  animale  même,  qui  fmit  à  Thomme  eiclusivemeot, 
Lartet  a  d'ailleurs  constaté  que,  plus  on  recule  dans  les  temps  géo- 
logiques et  plus  le  volume  cérébral  se  réduit  chez  les  mammifères 
fossiles  ;  pour  ne  parler  que  de  Thomme,  on  commence  au  crâne 
de  Néanderthal,  d'Iilguisheim,  à  la  mâchoire  de  la  Naulette;c*est  la 
race  de  Cansladt,  dont  le  crâne  jauge  1  200.centi  mètres  cubes.  Plus 
tard,  ce  sont  les  crânes  d*Engis,  de  l'Olmo;  à  l'époque  de  Solutré,  le 
crâne  de  Cro-Magnon;  àTépoquede  la  Madeleine,  celui  de  Furfooz. 

Mais  le  cube  n'est  pas  tout.  La  simplicité  des  sutures,  caractère 
des  mtclligences  bornées  se  retrouve  encore  chez  les  peuples  inci- 
vilisés contemporains  et  leur  ossification  se  fait  d'avant  en  arrière 
et  non  d'arrière  en  avant,  comme  dans  les  races  civilisées  et  civi- 
lisables.  Ce  qui  veut  dire  que  chez  les  incivilisés,  les  parties 
antérieures  cessent  de  bonne  heure  de  s'accroître,  tandis  que  les 
parties  postérieures,  moins  nobles,  s'accroissent  longtemps  en- 
core, et  que  le  contraire  s'observe  chez  les  civilisés. 

Ce  mouvement  progressif  se  poursuit  d'ailleurs  jusqu'à  notre 
époque,  et  Broca  a  |)u  constater  que  le  cube  moyen  des  crânes  des 
Parisiens  du  xip  siècle  est  moins  considérable  que  celui  des 
Parisiens  du  xix*.  Si  même  l'on  compare  uniquement  entre 
eux  les  crânes  du  xii*  siècle,  on  voit  que  les  tombeaux  des 
classes  aristocratiques,  alors  plus  instruites,  renferment  des 
crânes  plus  volumineux  que  les  tombeaux  plébéiens;  aujourd^hoi 
c'est  uniquement  à  Taristocratie  intellectuelle,  bien  difTérente  à» 
Tautre,  qu'appartiennent  les  crânes  volumineux  et  Broca,  compa- 
rant d'un  côté  les  infirmiers  de  Bicètre,  de  Tautrc  les  élèves  en 
médecine  et  en  pharmacie,  a  vu  que  ces  derniers  avaient  le  crAne 
plus  volumineux  que  les  premiers  ;  comparant  les  ouvriers  des 
fabriques  de  Clichy  aux  menuisiers,  aux  charpentiers,  tous  ou* 
vriers  plus  intelligents,  il  a  vu  que  le  volume  du  crâne  était  plus 
considérable  chez  ces  derniers;  mais  on  comprend  que  ces  modi- 
fications anatomiques  ne  s'improvisent  pas  dans  une  race  et  que, 


< 


INFLUENCE  DE   LA  CIVILISATION   SUR   LES   MALADIES.    A05 

versât-on  la  civilisation  à  flots  dans  un  pays  sauvage,  c'est  le 
crâne  des  hommes  qui  est  trop  étroit  pour  la  recevoir!  On  peut 
donc  dire  qu'il  y  a  un  équilibre  absolu  et  indispensable  entre  Va- 
nntomie  cérébrale  d'un  peuple  et  sa  civilisation,  ce  qui  est  la  tra- 
duction scientifique  d'un  adage  bien  connu  :  Un  peuple  n'a  jamah 
^(ue  le  gouvernement  qu'il  mérite. 

Civilisation  et  physiologie  soelale.  ^  Cet  équilibre  entre 
Tétai  cérébral  d'un  peuple  et  sa  civilisation  est  si  absolu,  que  les 
phénomènes  sociaux,  auxquels  donne  lieu  la  civilisation,  se  re- 
produisent pour  lui,  chaque  année,  dans  le  môme  nombre. 
Prenons  la  France;  certes,  on  m'accordera. qu'elle  peut  compter 
parmi  les  pays  très  civilisés,  bien  que  son  bilan  laisse  encore  à 
désirer,  car  elle  compte,  sur  508  habitants,  seulement  1  lettre, 
{  savant,  1  artiste,  elle  compte  2i7000  vagabonds  et  71  000  in- 
firmes sans  ressources.  Eh  bien,  si  Ton  étudie  la  statistique  offi- 
cielledes  années  1875,  1874,  1873,  1872,  on  voit,  d'après  Le  Bon, 
que  les  phénomènes  sociaux,  en  apparence  les  plus  fortuits,  s'y 
reproduisent,  chaque  année  en  nombre  invariable.  Je  ne  parle  ici 
ni  des  mariages,  ni  des  naissances,  ni  des  décès,  mais  voici  quelques 
chiffres  : 

I87Ï         i874  «873  187i 

Blessures  involoDtaires 1  092  1  095  i  097  1 128 

Assassinats 243  233  259  251 

Empoisonnements 2u  23  2C  25 

Mendicité 7  152  7  753  7  064  7  437 

Escroqnepies 3  424  3  760  3  582  3  215 

Abus  de  conQance 3  464  3  556  3  793  3  465 

Suicides 5  472  5  617  5  525  5  275 

Faillites 5  361  5  596  5  508  5  30G 

L  INFLUENCE  DE  LA  CIVILISATION  SUR  LES  BCALADIES. 

Chaque  étape  de  civilisation  correspondant  à  un  état  anatomique 
particulier  et  à  un  état  physiologique  particulier  comporte,  par 
conséquent,  un  état  pathologique  particulier.  Malheureusement, 
ce  serait  une  erreur  de  croire  qu'à  mesure  que  le  développement 
cérébral  s'accroît,  le  nombre  des  maladies  décroît. 

Sans  doute,  certaines  maladies  disparaissent,  à  mesure  que  la 
civilisation  augmente  :  les  maladies  de  famine,  les  maladies  ali- 
mentaires sont  dans  ce  cas;  ainsi  on  a  désigné,  sous  le  nom 
^usure  paléontologique  des  dents,  une  usure  qu'on  croyait  s\^é- 


406  LES   HOMMES,    LE   MILIEU   SOCIAL. 

ciale  aux  races  préhistoriques^  qui  présentent  toutes  les  deDts 
usées  ',  mais  cette  usure  se  rencontre  aujourd'hui  encore,  chez 
toutes  les  races  qui,  comme  les  races  préhistoriques,  n'ont  qn*une 
alimentation  grossière;  elle  ne  se  montre  plus  chez  les  civilisés. 
Mais  il  est  juste  d'à  vouer  que  d'autres  maladies  semblent  appa- 
raître ou, du  moins,  se  développent  davantage  :  ce  sont  précisément 
les  mataftics  sociaH^  celles  qui  vont  nous  occuper.  Elles  varient 
selon  certaines  conditions  que  nous  allons  passer  en  revue. 

§    I.   VILLES   ET  CAMPAGNES. 

A  certains  égards,  le  séjour  dans  les  villes  est  producteur 
de  maladies;  Tanémie  urbaine,  ce  qu'on  a  appelé  la  cachexie  m- 
haine,  les  domine  toutes  ;  les  maladies  nerveuses  y  prennent  une 
extension  et  une  importance  inconnues  dans  les  campagnes.  La 
constitution  totale  est  amoindrie  dans  les  villes.  Ainsi,  leD'  Fran- 
cis Galton  a  relevé,  en  Angleterre,  la  taille  et  le  poids  des  en- 
fants de  lians  qui  fréqucnlaicnt  les  écoles  publiques  :  509  étaient 
élevés  ù  Londres,  206  à  la  campagne.  Or  la  taille  des  enfants 
élevés  à  la  campagne  dépassait  celle  des  enfants  des  villes  de 
3  centiini'tres  et  le  poids  des  campagnards  dépassait  celui  des 
citadins  de  3  kilogrammes. 

La  civilisation  et  les  rapports  de  plus  en  plus  fréquents  entrr 
les  hommes  augmentent  le  nombre  des  maladies  contagieuses. 
J'ai  (lit  déjà  plus  haut  (|ue  le  climat  artificiel,  créé,  par  exemple, 
dans  les  pays  froids,  par  la  civilisation,  y  entretient  des  ma- 
ladies que  leur  nature  semble  éloigner  d'un  climat  aussi  froid. 
L'atmoNphêre  artificielle  et  condensée  des  villes  joue  le  même 
rôle,  comparée  à  celle  des  campagnes,  pour  certaines  maladies 
contagieuses,  choléra,  lièvre  jaune,  qui  sont  surtout  des  maladies 
de  villes. 

Cette  règle  n*est  cependant  pas  vraie  pour  toutes  les  maladies; 
ainsi,  dans  les  pays  à  malaria,  la  circonférence  des  villes  est  plus 
prise  que  la  ville,  et  le  centre  de  la  ville  est  indemne,  parce  que 
les  maisons  forment  un  rempart.  Néanmoins,  tout  compte  fait, 
on  meurt  plus  dans  les  villes  que  dans  les  campagnes.  Ainsi,  en 
France,  de  1K61  à  1865,  la  mortalité  des  campagnes  est  de 
2i,5/l  000  habitants  et  dans  les  villes  de  26,1.  En  Suède,  la  dif- 
férence est  encore  plus  marquéo  :  la  mortalité  des  campagnes 
est  de  19,65/1  000;  celle  de  la  ville,  de  26,5/1000. 


DOMESTICATION,   CAPTIVITÉ.  407 

§  2.  ASSOCUTIOX. 

Les  phénomènes  de  protection  qui  résultent  de  Tassociation  ne 
sont  plus  à  démontrer. 

Les  :plantes  sociales  elles-mêmes  en  offrent  l'exemple.  Ces 
plantes  qu'on  voit  rarement  isolées,  qui  se  montrent  par  groupes, 
etqu^ona  pour  cette  raison  nommées  5ocwi^5,  sont  en  effet  mieux 
protégées  contre  le  vent  ;  au  moment  de  la  floraison,  Tensemble 
de  leurs  fleurs  attire  davantage  les  mouches  qui  viennent  butiner 
dans  la  corolle  et  la  fécondation  est  mieux  assurée;  les  herbi- 
vores sont  plus  attirés  et  laissent  plus  d'engrais. 

Des  avantages  du  même  genre,  mais  plus  sensibles  encore, 
sont  évidemment  appréciés  par  les  animaux  qui  vivent  en  société, 
antilopes,  chevaux,  éléphants,  certains  singes,  etc.  Remarquons 
d'ailleurs  que  ce  sont  ceux  [qui  vivent  en  société,  entre  eux  et 
qui  sont  déjà  mûrs  pour  leur  civilisation  à  eux,  qui  sont  aussi 
les  plus  aptes  à  trouver  avantageuse  la  civilisation  humaine, 
c'est-à-dire  à  se  laisser  domestiquer. 

§  3.  DOMESTICATION,  CAPTIVITÉ . 

La  domestication  hàle  la  maturité  ;  ainsi  nos  races  perfection- 
nées  de  moutons  arrivent  plus  vite  que  les  autres  à  maturité. 

La/irowfZ/^^' se  trouve  aussi  accrue  chez  les  animaux  domestiques  ; 
ainsi,  tandis  que  le  lapin  sauvage  a,  par  an,  4  portéesde4-8  petits 
chacune,  le  lapin  domestique  a 6-8  portées  de  chacune 4-11  petits. 
La  femelle  du  sanglier  a  de  4-8  petits  à  chaque  portée  ;  la  truie, 
jamais  moins  de  8.  La  cane  sauvage  pond  8-10  œufs;  la  cane 
domestique  80-100  œufs.  L'oie  sauvage,  de  5-S  œufs;  Poie  do- 
mestique, 13-18.  Les  pigeons  de  volière  sont  plus  proliflques  que 
les  pigeons  de  colombier. 

Au  contraire,  les  animaux  qui  ne  sont  pas  mûrs  pour 
la  sociabilité  entre  eux,  ne  reçoivent  pas  la  domestication  ;  ils 
subissent  h  captivité,  dont  les  effets  sont  tout  différents.  Le  lièvre, 
par  exemple,  peut  subir  -la  captivité,  mais  n'est  pas  domesti- 
qué. Alfred  Audap  a  fait  Texpérience  suivante  :  il  a  pris  un 
couple  de  lièvres  et  l'a  tenu  captif;  la  femelle  a  eu  plusieurs 
portées  qui  étaient  en  décroissance  au  point  de  vue  du  nombre 


A08  LES   HOMMES,    LE    MILIEU   SOCIAL. 

des  petits;  elle  a  eu  d^abord  6  petits,  puis  5,  5^  2,  4,  qui  sont 
morts  en  quinze  jours  ;  f  mort-né,  puisO.  U  a  gardé  i7  petits 
de  la  première  génération  et  4,  près  de  25/100,  sont  demeurés 
stériles.  11  y  a  même  des  animaux  qui,  plus  amis  encore  de  la 
liberté  que  le  lièvre,  ne  se  reproduisent  jamais  en  captivité. 

L'histoire  du  lièvre  et  de  tous  les  animaux  captifs,  mais 
non  domestiques,  est  absolument  celle  des  Australiens,  des  Pcaui- 
Rouges,  des  Polynésiens.  Ils  ne  sont  pas  tout  à  fait  captifs,  mais 
nous  leur  prenons  leur  terre,  leur  liberté,  leurs  habitudes  ;  leurs 
unions  demeurent  stériles,  ils  ont  moins  d'enfants,  leurs  enfants 
vivent  moins  et  la  race  s'éteint. 

§  4.  MOUVEMENT  DE  LA   POPULATION. 

La  civilisation,  pour  l'homme,  comme  la  domestication, pour  les 
animaux,  augmentant  la  protection  et  la  prolifération,  il  en  ré- 
sulte que  l'accroissement  des  populations  est  en  raison  directe  da 
mouvement  ascendant  de  la  civilisation  ;  la  durée  moyenne  de  la 
vie  e>t  en  outre  accrue,  ce  qui  est  dû,  moins  encore  au  grand 
nombre  des  vieillards,  qu'au  plus  grand  nombre  d^enfants  qu'on 
élève.  Ainsi,  sans  remonter  bien  loin,  en  1730,  à  Londres,  les 
2/3  des  enfiints  mouraient  dans  les  deux  premières  années  ;  au- 
jourd'hui il  n'en  meurt  plus  que  le  1/5.  Aussi,  la  densité  de  la  po- 
pulation en  Belgique,  par  exemple,  est  de  151  habitants  par  kilo- 
mètre carré,  tandis  que  celle  de  la  Russie  est  de  3  habitants  par 
kilomètre  carré. 

La  civilisation  n'a  sans  doute  que  de  bons  côtés,  mais  elle 
a  cependant  des  conséquences  moins  avantageuses  que  celles-là: 
dans  la  vie  sauvage^  tout  être  qui  n'est  pas  armé  suffisamment, 
soit  par  ses  muscles,  soit  par  son  intelligence,  pour  la  lutte  pour 
la  vie,  succombe.  La  vie  civilisée,  au  contraire,  secourt  et  élève 
ceux  qui,  par  eux-mêmes,  seraient  trop  débiles  ou  trop  impuis- 
sants pour  lutter.  Llle  leur  permet  de  faire  souche  semblable  à 
eux-mêmes;  elle  conserve  un  plus  grand  nombre  d'individus,  mais 
il  est  certain  que  la  moyenne  de  puissance  de  la  population 
se  trouve  ainsi  diminuée,  la  sélection  n'étant  plus  là  et  l'héré- 
dité continuant  son  action.  Les  anciens  avaient  trouvé  un  moyen 
simple:  ils  tuaient  les  enfants  débiles  ;  Aristote  et  Sénèque  se 
sont  fait  les  défenseurs  de  cette  terrible  doctrine  ;  cela  se  passe 
encore  ainsi  chez  les  Béchuanas  et  cela,  pour  le  prétexte  le  plu^ 


PROFESSIONS.  406 

futile;  un  enfant,  dont  les  incisives  supérieures  poussent  les  pre- 
mières, est  déclaré  Tlolo  et  mis  à  mort  !  Deux  jumeaux  sont  Tlolo 
et  misa  mort!  Les  albinos,  adorés  ailleurs,  sont  ici  Tlolo  et  mis 
à  mort. 

§  6.    RICHESSE   ET   PAUVRETÉ. 

Certaines  conditions  spéciales  changent  d'ailleurs  la  valeur 

du  milieu  social.  Les  pauvres  ne  sont  pas  soumis  aux  mêmes 

maladies  que    les    riches    et    les    mêmes    maladies    prennent 

souvent  chez  eux  un  caractère  différent.  Cette  différence  est 

d'autant  plus  accentuée,  que   le  climat  est    moins    tempéré: 

il  n'y  a  que  dans  les  pays  chauds  que  la  paresse  et  la  pauvreté 

contemplatives    aient  pu,  comme  dans    l'Inde,  être   élevées  à 

la  hauteur  d*un  dogme.  En  Angleterre,  les  enfants  des  misérables 

meurent  dans  la  proportion  de  90  0/0,  les  enfants  des  riches  dans 

ia  proportion  de  10  0/0.  Villermé  a  montré  que  de  son  temps 

(1830),  à  Paris,  la  mortalité  des  quartiers  riches  (Bourse)  était  de 

l3-i6/l  000  habitants,  tandis  que  dans  les  quartiers   pauvres, 

surtout  alors,  des  Buttes-Chaumont,  elle  était  de  25-31/1  000.  A 

lAulhouse,  il  a  trouvé  que  de  1823-1824  la  moitié  des  décès  chez 

l^s    patrons   survenait   avant   28  ans,    tandis   qoe   chez    les 

ouvriers  et  dans  leurs  familles  la  moitié  des  décès  survenait  avant 

10  ans.  Us  sont  donc  purement  philosophiques,  mais  nullement 

Pï'atiques,  ces  vers  du  poète  : 

Pallida  mors  a;quo  puisât  pede,  pauperum  labernas 
Regumque  turres. 

Il  faut  cependant  distinguer:  si  la  pauvreté  semble  malsaine, 
l'extrême  richesse,  lorsqu'elle  engendre  Toisiveté,  ne  semble  pas 
plus  saine.  Ainsi,  en  Angleterre,  où  se  voient  ces  deux  extrêmes, 
la  mortalité  frappe  en  haut  et  en  bas;  Vaurca  mcdiorritas,  qui  tra- 
vaille, est  plus  saine  et,  chez  les  détenteurs  des  grosses  fortunes 
héréditaires  de  TAngleterre,  la  mortalité,  de  15  à  60  ans,  est  plus 
considérable  que  chez  leurs  fermiers. 

§  6.    PROFESSIONS. 

La  nature  des  professions  crée  encore,  dans  un  pays  civilisé, 
des  inégalités  considérables  au  point  de  vue  de  la  çaXVvoV^^vî. 


410  LES   HOMMES,    LE   MILIEU   SOCIAL. 

et  de  la  morlaliié  ;  je  ne  puis  citer  ici  les  professions  dangereuses 
propres  ù  la  seule  civilisation,  celles  où  Ton  travaille  le  mercure^  le 
plomb^  les  mineurs,  les  fabricants  d'allumettes,  les  piqueurs  de 
meules,  les  tisseurs.  D'une  façon  générale,  à  Liverpool,  ville  de  fa- 
briques, la  mortalité  annuelle  est  de  35,25/1 000,  tandis  qu*à  Lon- 
dres, elle  est  seulement  de  25,7/1  000.  Voici  d'ailleurs  un  tableau 
de  la  mortalité  annuelle  en  Angleterre,  pour  cbaque  profes- 
sion pour  1000  vivants: 

Domestiques .*. .  11,67 

Epiciers  et  commerces  qui  s'y  rapportent 13,81 

Valets  de  ferme 14,37 

Mineure ^ 15,78 

Boulangers 16,17 

Ministres  de  toutes  les  religions 17,40 

Cordonniers 18,00 

Nobles  et  rentiers îl,80 

Médecins Î4,30 

Aubergistes,  marchands  de  spiritueux 30,2H 

S   7.    ÉTAT  CIVIL. 

Enfm  rétat  civil  apporte,  dans  la  pathologie  et  dans  la  morta- 
lité d'un  groupe,  de  notables  difTérences.  Les  pays  polygames 
produisent  plus  de  filles  que  de  garçons  et  sont,  par  conséquent, 
certainement  voués  à  la  déchéance.  Dans  les  pays  monoga- 
mes, les  travaux  de  mon  regretté  collègue  et  ami  Bertîllon  ont 
montré  que  les  gens  mariés  meurent  moins  que  les  célibataires. 
Ainsi,  un  aHibataire  de  25  ans  a  autant  de  chances  de  mourir 
qu'un  homme  marié  de  45  ans.  Les  veufs  meurent  dans  des  pro- 
portions énormes,  plus  encore  que  les  garçons  :  un  veuf  de  25  à 
30  ans  a  autant  de  chances  de  mourir  qu'un  garçon  tie  50  ans  ou 
qu'un  homme  marif^  de  57  ans.  Le  suicide,  Taliénation  mentale, 
quoique  disent  les  mauvaises  langues,  sont  plus  fréquents  chez  les 
célibataires  que  chez  les  gens  mariés. 

n.  ICALAOIES  ARTIFIGIEIJLES. 

Il  appartient,  en  outre,  aux  diverses  périodes  de  l'étal  social, 
de  créer  des  maladies  de  toutes  pièces,  véritables  maladies  artifi- 
cielles qu'on   appellerait  volontiers   professionpclles,    si    elles 


DÉFORMATION   POLYSARCIQUE.  41i 

tenaient  à  des  professions  et  non  à  des  coutumes  plus  ou  moins 
al>surde!:. 

Dans  le  bas  de  la  pkfise  nutritive  des  sociélés^  ces  coutumes 
n^existent  pas  encore  ;  elles  semblent  prendre  leur  maximum  dans 
la  i^hnse  sensitive  ;  elles  sont  loin  de  s'éteindre  dans  la  phase  psy- 
chique^ et  je  ne  crois  pas  que  la  phase  intellectuelle  ^en  soit  elle- 
même  exempte. 

Les  mutilations  que  pratiquent  sur  eux-mêmes  certains  peuples 
créent  des  maladies  très  diverses  et  il  est  peu  d'organes  dont  la 
déformation  voulue,  recherchée  ne  soit  de  mode  dans  quelque 
pays. 

§   1.  DÉFOaMATIOX  POLYSARCIQUE. 

On  doit  citer  d'abord  ce  qu'on  pourrait  appeler  la  défor- 
mai ion  totale,  la  déformation  par  Tengraissement,  véritable 
polysarcie;  elle  est  bien  ancienne,  car  elle  existait  en  Egypte  du 
temps  de  la  xii«  dynastie.  En  Egypte,  le  comble  du  bonheur 
était  d'être  gras  et,  ainsi  que  le  montre  Mariettc-Bey,  on  avait 
fini  pur  indiquer  sur  les  hypogées,  par  un  embonpoint  chargé, 
ropulcncc  du  défunt  et  le  bonheur  dont  il  avait  joui  sur  la  terre. 
Une  statuette  de  Saqquarah,  exposée  par  Mariette-Bey,  représen- 
tait un  polysarcique  ;  encore  aujourd'hui  l'embonpoint  est  fort 
prisé  et  le  D'  Franck,  médecin  de  l'armée  d'Orient,  raconte,  dans 
son  rapport  à  Desgenettes,  que  le  rêve  des  femmes  de  Rosette  est 
d'avoir  de  Tembonpoint  et  qu'on  dise  d'elles:  «Elle  est  belle  comme 
«  la  lune.  »  Quant  à  l'origine  de  cette  déformation,  il  est  probable 
qu'elle  est  venue  en  Egypte  du  sud  au  nord.  Le  tombeau  d'un 
haut  fonctionnaire  de  Thoutmès  tll,  découvert  à  Thcbes,  est 
en  effet  décoré  de  bas- relief  qui  représentent  une  sorte  de 
défilé  de  toutes  les  nations  soumises  par  Thoutmès.  Parmi 
les  personnages  de  ce  défilé,  on  voit  figurer  la  reine  de  Poun, 
et  cette  reine  est  polysarcique  ;  ses  jambes  énormes,  surchar- 
gées de  plis  de  graisse,  soutiennent  un  corps  d\in  embon- 
point démesuré,  qui  rappelle  celui  de  la  statuette  de  Saqqua- 
rah. Or  cette  pratique  existe  encore  dans  l'ancien  royaume  de  la 
reine  de  Poun,  sur  les  confins  du  Zanguebar.  Là,  encore  aujour- 
d'hui, l'engraissement  des  femmes,  qui  a  pour  origine  le  désir 
jaloux  de  les  empêcher  de  marcher,  s'obtient  par  la  pratique 
combinée  du  lait  à  Mute  dose  et  de  V immobilité.  Le  capitaiae 


412  LES   HOMMES)   LE   MILIEU   SOCIAL. 

Speke,  présenté  à  la  reine  des  Ounyamounés,  laquelle  était  très 
fière  de  son  embonpoint,  fut  admis  à  Thonneur  de  la  mesurer; 
or  voici  ses  mesures:  tour  du  bras,  57  centimètres;  tour  du 
mollet,  50  centimètres;  tour  de  taille,  l",o2. 

C'est  là  évidemment  une  maladie  artiQcielle,  analogue  à  celle 
que  nos  éleveurs  produisent  sur  les  animaux  de  boucherie,  maladie 
qui  les  laisse  encore  sains,  au  moment  où  on  les  tue^  mais  qui  les 
ferait  à  coup  sûr  succomber,  si  on  les  laissait  vivre  plus  long- 
temps. 

§   2.    TATOUAGE. 

Dans  la  plupart  des  pays,  c'est  surtout  la  peau  qui  est  Tobjet 
de  la  déformation,  soit  par  le^tatouage,  au  moyen  de  substances 
colorantes,  soit  par  des  incisions,  sur  lesquelles  on  tâche  d'obtenir 
une  cicatrice  difforme.  Les  Polynésiens,  les  nègres  et  les  Japo- 
nais fournissent  aujourd'hui  des  exemples  de  ces  différents 
tatouages.  Cet  usage  est  d'ailleurs  la  marque  d'un  état  social 
inférieur.  H  était  très  en  honneur  chez  les  Polynésiens,  qui  le  nom- 
maient TalaoHy  d*où  nous  avons  fait  le  nvot  tatouage;  il  était 
usité  chez  les  populations  préhistoriques  de  la  grotte  d'Aurignac 
(Lartet),  dans  l'ancienne  Egypte  et  chez  les  Huns  d'Attila,  li  se 
retrouve  aujourd'hui  dans  nos  sociétés,  surtout  chez  les  criminels 
et  les  prostituées.  Les  hommes  qui,  encore  aujourd'hui,  se  font, 
chez  nous,  tatouer,  sont  exposés  à  certaines  maladies,  crysipèles, 
inflammations  des  vaisseaux  et  des  ganglions  lymphatiques, 
absorption  de  certains  virus  et  notamment  de  la  syphilis;  un 
médecin  militaire  a  publié  récemment  plusieurs  faits  de  ce  genre. 
Mais  à  combien  d'accidents  plus  nombreux  sont  exposés  les  Poly- 
nésiens et  notamment  les  Maoris,  lorsqu'ils  se  font  pratiquer  leurs 
tatouages  compliqués!  Aussi  un  grand  nombre  meurent-ils  de 
tétanos,  d'éry>ipèle,  d'infection  purulente,  ainsi  que  Ta  constaté 
Lesson  ;  Tépotiue  du  tatouage  est  donc  une  date,  un  événement 
solennel  dans  la  famille.  11  en  est  de  même,  au  point  de  vue  des 
accidents  qu'elles  déterminent,  des  cicatrices  kéloïdien nés  que  les 
nègres  provoquent  en  remplissant  de  sel  les  incisions  ornemen- 
tales quUls  viennent  de  se  faire. 


DÉFORMATIONS   CRANIENNES.  418 

§   3.    DÉFORMATION  DU  PIED  CHEZ  LES  CHINOISES. 

Les  accidents  les  plus  graves  succèdent  encore  à  une  autre  dé- 
formation, celle  du  pied  des  Chinoises.  Pour  retenir  les  femmes 
dans  leur  maison^  les  Chinois  ont  recours,  non  plus  à  Ten* 
graissement  du  corps,  mais  à  l'atrophie  du  pied.  Cette  mons« 
trueuse  déformation,  vieille  de  8-iO  siècles,  a  été  abolie  par  les 
Tartares,  qui  régnent  aujourd'hui  à  Pe-King,  mais,  si  elle  suffit 
aujourd'hui  pour  exclure  une  femme  du  palais,  elle  règne  encore 
dans  la  classe  moyenne,  où  elle  cause  de  fréquentes  maladies. 
Voici  en  quoi  elle  consiste  :  en  emprisonnant  de  honne  heure  le 
pied  dans  une  sorte  d^étau,  on  arrive  à  luxer  le  calcanéum,  qui, 
au  lieu  de  s'articuler  avec  l'astragale  par  sa  face  supérieure,  s'ar- 
ticule avec  cet  os  par  sa  face  antérieure,  pivotant  ainsi  sur  lui- 
même  d'avant  en  arrière  et  de  haut  en  bas,  de  telle  sorte  que  la 
face  supérieure  devienne  postérieure,  la  postérieure  inférieure  et 
queFinférieure,  se  relevant,  devienne  antérieure.  Tous  les  vais- 
seaux du  pied  se  trouvant  ainsi  comprimés,  la  nutrition  de  cet 
organe  ne  se  fait  plus  ;  son  atrophie  et  sa  dégénérescence  graisseuse 
le  réduisent  singulièrement  de  volume;  mais  cela  a  des  consé- 
quences plus  graves:  les  os  de  la  jambe,  de  la  cuisse,  du  bassin 
s'atrophient;  Taccouchement  est  souvent  difficile  et  dangereux; 
en  outre  il  se  produit,  par  l'atrophie  des  nerfs,  le  même  préno- 
mène  que  chez  les  amputés  :  la  moelle  elle-même  s'atrophie;  il  en 
résulte  des  dégénérescences  graves  de  la  moelle.  On  dit  que  la 
vulve  prend,  par  compensation,  un  développement  inverse,  très 
recherché  des  Chinois  ;  mais  le  fait  ne  me  parait  pas  démontré. 

4.  DÉFORMATIONS  CRANIENNES. 

De  toutes  les  déformations,  les  plus  importantes  sont  celles 
qui  portent  sur  le  crâne,  parce  qu'elles  réagissent  sur  le  cerveau, 
Torgane  social  par  excellence. 

Défomation  eoa«^hée  des  Aymaras.  Uéforonation  ton- 
loasalne. — Cet  usage  des  déformations  cràniennesest  bien  ancien, 
carHippocratedit,  parlantd'une  nation  du  Caucase,  lesMacrocépha- 
les:  a  Aucune  nation  n'a  la  tète  conformée  comme  eux  ;  cette  cou- 
«  tume  provient  de  l'idée  de  noblesse  qu'ils  attachent  aux  longues 
«  tètes.  Voici  la  description  de  leur  pratique:  dès  cv\^  >C«^Saxî\ 


414  LKS   UOMMËSy    LE   MILIEU  SOCIAL. 

«  vient  de  naître  et  pendant  que,  dans  ce  corps  si  tendre,  la  tète 
«  conserve  encore  sa  mollesse^  on  la  façonne  avec  les  mains,  et  on 
«  la  force  à  s'allonger  à  Taide  de  bandages  et  de  machines  conve- 
«  nables  qui  en  altèrent  la  forme  sphcrique.  »  Or,  du  côté  de  TOc- 
cident,  cette  déformation  des  Macrocéphales  a  été  retrouvée  de  nos 
jours  en  Crimée,  en  Hongrie,  en  Silésic,  en  Belgique  et  jusqu'en 
France,  dans  les  Deux-Sèvres  et  à  Toulouse  ;  à  Test  du  Caucase, 
elle  se  retrouve,  en  Asie,  à  Malacca,  en  Malaisie,  en  Polynésie, 
enfin  dans  une   partie  de  TAmérique  du  Sud  et  notamment 
au  bord  du  lac  Titicaca.  —  Il  est  donc  permis  de  voir  une  liaison 
entre  la  déformation  des  Aymaras,  au  bord  du  lac  Titicaca,  et  la 
déformation  semblable  qui  se  pratique  dans  certaines  parties  de 
la  France.  Nous  savons  d*ailleurs  que.  ce  sont  les  invasions  des 
Cimmériens  qui  Tont  apportée  de  l'est,  et  qu'une  de  leurs  puis- 
santes tribus,  les  Volskes  Teclosages,  Tout  apportée  dans  les 
Deux-Sèvres  et  à  Toulouse.  Sans  doute  cela  ne  prouve  pas  une 
migration  directe,  mais,  du  moins,  une  imitation,  une  mode, 
dont  la  contagion  s'est  faite  de  proche  en  proche  par  la  Polynésie, 
FAsic,  le  Caucase.  Cette  déformation  couchée  était  jusqu'à  ces  der- 
nières années  si  constante,  qu^elle  a  permis  à  Broca  de  reconnaître 
Torigine  toulousaine  de  gens  qui  en  étaient  atteints. 

Comme  elle  se  pratique  encore,  nous  pouvons  savoir  quelles 
sont  ses  conséquences;  or  Lunier  s'est  assuré  que,  dans  les  Deux- 
Sèvres,  elle  déterminait  souvent  répilepsie;  les  médecins  de  Tou- 
louse ont  remarqué  de  leur  côté  qu'on  la  rencontrait  souvent  chez 
les  aliénés,  qui  entrent  dans  les  asiles.  Enfin  Broca  s'est  assuré 
que  la  déformation  dite  toulousaine  diminue  le  poids  et  le  volume 
du  cerveau  :  une  Toulousaine  examinée  par  lui  cubait  i  043  centi- 
mètres cubes,  et  le  poids  de  son  encéphale  était  de  1 079  grammes. 
Déforniation    ennélfornie  relevée    des  Kahnas.    —  Il 
est  une  autre  déformation  crânienne,  c'est  celle  des  Nabuas, 
caractérisée  par  l'aplatissement  de  la  tète  d'arrière  en  avant. 
Partie  de  la  Floride,  elle  se  retrouve  au  Mexique,  elle  remonte  le 
Mississipi,  et  descend  le  long  de  l'isthme  de  Panama;  on  la  re- 
trouve à  Ancon  ;  celle-là  avait  une  autre  influence,  sur  le  cerveau. 
Onaditque  la  déformation  des  Aymaras  aplatissant  la  région  anté- 
rieure, faisait  des  guerriers,  que  celle  dos  Nahuas  aplatissant  la 
région  postérieure,  faisait  des  penseurs  ;  cette  opinion  n'est  pas 
exacte;  nous  connaissons  du  reste  moins  que  pour  la  déforma- 
tion toulousaine,  les  conséquences  pour  le  cerveau  de  la  déforma- 


DÉFORMATION   DES   DENTS.  415 

tion  des  Nahuas;  ce  que  nous  savons,  c'est  que  Régalia  (de 
Florence)  a  trouvé  sur  les  crânes  déformés  d'Âncon,  de  nom- 
breuses traces  d'ostéite:  24  0/0  des  adultes  portent  des  exostoses 
et  beaucoup  d'enfants  semblent  avoir  succombé  pendant  que 
Tappareil  compresseur  était  appliqué. 

§   5.    DÉFORMATION  DU  NEZ. 

Certaines  populations,  en  Papouasie  et  en  Australie,  dans  le 
Népaul,  dans  PAmérique  du  Nord,  près  du  détroit  de  Bebrin^,  et 
même  en  Nubie,  se  passent  au  travers  de  la  cloison  nasale^  sejHum 
nasale^  soit  un  bâton,  soit  un  os,  soit  un  anneau,  soit  même  un 
tube  de  thermomètre^  légué  par  quelque  navire.  Cet  instrument, 
qui  semble  éminemment  sternutatoire,  porte,  en  Australie,  le  nom 
imitatif  de  ztigau.  En  réalité^  cette  mode  entretient,  dans  la 
cloison  nasale,  une  lésion  qui  rappelle  la  perforation  dont  sont 
presque  tous  porteurs  les  ouvriers  qui  fabriquent  chez  nous  les 
bichromates, 

§  6.    DÉFORMATION  DES  LÈVRES  ET  DES  OREILLES. 

Nous  ne  nous  étonnons  pas  encore  des  anneaux  de  calibre  mo- 
déré que  nos  femmes  portent  aux  oreilles,  que  les  mariniers  et 
quelques  Auvergnats  ont  seuls  conservés  parmi  la  population 
masculine  de  nos  pays;  mais  nous  nous  étonnons  déjà  du  même 
ornement  passé  dans  la  lèvre  inférieure,  qu'il  s'agisse  de  Tépingle 
des  femmes  galibis  ou  de  Pénorme  botoqiie  des  Botonidos  et  de 
certains  peuples  du  détroit  de  Behring  ou  du  Mackensie.  C'est 
un  progrès  dans  nos  mœurs. 

§   7.   DÉFORMATION   DES   DENTS. 

En  Australie,  au  Pérou,  beaucoup  de  tribus  s*arrachent  les 
deux  incisives  médianes  de  la  mâchoire  supérieure  ;  d'autres,  à 
Panama,  au  Brésil,  taillent  leurs  canines  en  pointe  ;  d'autres, 
notamment  en  Mélanésie,  taillent,  sur  la  surface  extérieure  des 
dents,  des  espèces  de  rigoles  ou  de  dessins.  Dans  la  baie  de 
Trinidad,  au  Mackensie,  on  abrase  complètement  certaines 
dents;  au  Yucatan,  on  les  taille  en  scie.  Les  Toltcques  les  per- 
çaient d'un  trou  et  enchatonnaient  parfois  des  pierres  précieuses 
dans  ces  trous. 


41  d  LES   HOMMES,    LE   MILIEU   SOCIAL. 

§  S.    DÉFORMATION  DES  SEINS. 

En  Âbyssinie,  Tidéal  d'une  jeunefille  est  d'avoir  les  seins  longs 
etpendantSi  d'avoir  surtout  un  mamelon  allongé  et  digitirorme. 
Sans  attendre  le  secours  assuré  des  années,  les  élégantes  parvien- 
nent à  leur  but,  en  s'allongeant  le  mamelon  par  le  moyen  d'un 
insecte,  le  Myrmileo  fonnirarinHy  qu'on  attache  par  ses  pinces 
à  cet  organe  qu'il  irrite  et  fait  ainsi  grossir  et  allonger  démesu- 
rément. 

§  9.    DÉFORMATION   DES   DOIGTS. 

En  Polynésie,  «n  Californie  et  au  Paraguay,  il  est  de  bon  ton 
de  se  réséquer  une  des  phalanges  des  doigts  de  la  main  droite, 
A  chaque  deuil  qui  frappe  la  famille.  Le  souvenir  des  morts  de. 
vient  ainsi  ineiTaçable  ;  aussi  voit-on  peu d'adultesqui  jouissent  de 
toutes  leurs  phalanges.  Je  n'ose  pas  faire  un  rapprochement  entre 
cette  coutume  de  s'amputer  les  doigts  en  signe  de  regret  et  notre 
expression  de  se  n  mordre  les  (2oi(;(5,»  employée  comme  synonyme 
de  regretter.  Les  Boschimans  ont  la  même  coutume,  mais  à  titre  de 
simple  mesure  d'hygiène  et  comme  préservatif  de  maladies;  leur 
théorie  ne  vaut  pas  moins  ici  que  celle  des  bonnes  femmes  qui, 
en  Europe,  coupent  la  queue  de  leur  chat,  pour  conserver  la 
santé  de  leur  animal  favori. 

§    10.    DÉFORMATION   DES  ORGANES  GÉNITAUX. 

Matilatlons  chez  la  fcmne.  —  Un  grand  nombre  de  peuples 
^  de  l'Afrique  pratiquent  chez  toutes  les  femmes,  dès  qu^elles  sont 
nubiles,  Texcision  du  clitoris.  D'autres  cousent  les  petites  lèvres  et 
ne  les  décousent  qu'au  moment  du  mariage,  moyen  pratiqua, 
de  conserver  leur  capital,  —  D'autres  déformations  ont  leur 
source  dans  un  autre  ordre  d'idées  :  telles  sont  l'allongement  des 
petites  lèvres,  qui  tombent  et  pendent,  à  la  façon  d'un  tablier, 
chez  les  Hottentotes.  —  Dans  l'Inde,  on  pratique,  dans  certaines 
contrées,  une  prétendue  castration  de  la  femme  ;  mais  il  n'est 
pas  certain  qu'on  enlève  réellement  Tovaire. 

Hatilatlons  chez  rhomne.— En  Australie,  beaucoup  d'hom- 
mes se  font  pratiquer  une  incision  sur  un  côté  de  la  verge,  inci- 
sion qui  pénètre  jusqu'à  l'urèthre  et  qui  crée  un  véritable  hypospa- 
dias^  donnant  à  l'urine  et  au  sperme  une  voie  d'écoulemeot  et 


MALADIES   MENTALES.  417 

d^éjaculation  latérale.  Cette  pratique  semble  avoir  pour  but  de 
rendre  la  fécondation  moins  fréquente. 

Tout  le  monde  connaît  la  circoncision  des  juifs  et  des  anciens 
Egyptiens. 

Certains  peuples  de  l'Afrique  pratiquent  une  demi-circoncision^ 
se  bornant  à  faire  une  fente  longitudinale,  qui  agrandit  le  four- 
reau préputial,  sans  en  rien  enlever. 

La  castraUon  a  été  d'abord  une  déformation  infligée  par  le  vain- 
queur au  vaincu,  dont  il  prenait  les  femmes,  mettant  ainsi  un 
arrêt  forcé  sur  de  légitimes  représailles.  La  reine  Sémiramis 
passe  pour  avoir  poussé  très  loin  ce  procédé  de  despotisme.  —  La 
castration  est  restée  comme  une  conséquence  forcée  de  leur  état 
conjugal  dans  presque  tous  les  pays  polygames.  Elle  n'est  plus^ 
depuis  longtemps,  qu'un  acte  dejfolie  ascétique^  depuis  les  prêtres 
de  Cybèle  jusqu'à  Origène,  qui  se  montrait  au  moins  logique  dans 
cette  manière  radicale  de  comprendre  le  célibat  des  prêtres.  — 
Elle  a  son  dernier  refuge,  dans  les  pays  civilisés,  k  la  cour  de  Rome, 
jalouse  de  doter  la  chapelle  Sixtine  des  plus  élevés  soprani.  — 
Etudiée  au  point  de  vue  biologique,  la  castration  détermine  des 
phénomènes  trophiques  particuliers  sur  les  tissus  et  sur  le  cer- 
veau, phénomènes  qui  se  caractérisent  par  la  rotondité  des  for- 
mes, l'amoindri ssement  du  système  pileux  et  un  certain  degré  de 
féminisme  cérébral.  -^  La  zootechnie  utilise  ces  conséquences  chez 
les  animaux,  que  la  castration  rend  plus  comestibles  |)our  la  bou- 
cherie et  plus  facilement  domptables  pour  le  service  et  la  traction. 

La  demi-castration  est  pratiquée  chez  certaines  populations  de 
l'Afrique  centrale,  qui  s'imaginent  ainsi,  par  une  naïve  compa- 
raison, éviter  d'avoir  des  jumeaux. 

m.  MAUIDIES  BfENTALES. 

Aliénation  mentale.  Fonetlonnement  dn  eervean  dans 
le  mllien  soelal.  —  De  toutes  les  maladies  aucune  n'est  plus 
en  rapport  avec  le  milieu  social  et  avec  le  degré  de  civilisation, 
que  l'aliénation  mentale.  —  Le  cerveau  est,  en  effets  de 
tous  les  organes,  celui  dont  le  développement  et  le  fonctionne- 
ment sont  le  plus  intimement  liés  avec  le  développement  de  la 
civilisation  ;  or  plus  un  organe  fonctionne  et  plus  les  manifesta- 
tions morbides  ont  de  tendance  à  se  porter  sur  loi  !  Le  rhuma- 
tisme articulaire  aigu,  par  exemple,  est,  par  luv-m^me^^v^^^^V 

GéOOB.  UtD,  ¥1 


U8  LES   HOMMES,    LE   MILIEU   SOCIAL. 

atteindre  indifTéremment  toutes  les  articulations  ;  cependant  chez 
les  gens  qui  marchent  beaucoup,il  atteint,  de  préférence,  les  arti- 
culations des  jambes  ;  chez  les  ouvriers  qui  travaillent  surtout 
des  bras,  il  atteint  de  préférence  les  articulations  du  bras;  chez  les 
hommes  qui  pensent  beaucoup,  il  atteint  volontiers  les  enveloppes 
du  cerveau. 

Si  aux  preuves  anatomiques,  que  nous  venons  de  constater,  du 
parallélisme  entre  le  développement  de  la  civilisation  et  celui  du 
cerveau,  il  était  nécessaire  d^ajouter  des  preuves  physiologiques, 
il  me  suffirait  de  rappeler  les  résultats  des  travaux  de  thermo- 
métrie  cérébrale  obtenus  par  Broca.  Entourant  le  crâne  d'une 
couronne  de  thermomètres,  notre  regretté  maître  a  vu  que  les 
régions  frontales  avaient  une  température  supérieure  à  celle  des  ré- 
gions occipitales  ;  que  chez  les  gens  peu  lettrés,  la  simple  lecture 
élevait  la  température  des  régions  antérieures  et  que,  chez  les 
gens  plus  lettrés,  un  calcul  mathématique  quelque  peu  ardu  l'êlevait 
encore  plus.  Le  travail  cérébral  s'accompagne  donc  d*une  plus 
grande  irrigation  sanguine,  d'une  plus  grande  production  de 
chaleur  de  la  part  du  cerveau  et  il  augmente^  par  suite,  les 
chances  d'altérations  consécutives. 

C'est  ainsi  qu'en  Angleterre  les  médecins  ont  décrit  récem- 
ment une  maladie,  qui  serait  fréquente  chez  les  jeunes  gens  qui 
surmènent  leur  cerveau,  la  suractivité  mentale  .(mental  ttrain)^ 
caractérisée  par  Tinsomnic  et  par  un  sentiment  d'exténuation. 

§    1.    ALIÉNATION    MENTALE   INDIVIDUELLE. 

Il  résulte  de  tout  celaque  Taiiénalion  ne  s'observe  guère  dans  cette 
première  phase  de  la  civilisation, que  nousavons  nommée nutrititr, 
comme  celle  où  sont  actuellement  les  Fuégiens  et  les  Boschimans; 
elle  est  rare  chez  tous  les  sauvages  inférieurs;  elle  prend,  au  con- 
traire, un  développement  progressif  dans  les  phases  psychiques  et 
intellectuelles  :  partout  nous  voyons  le  nombre  des  aliénés  croître 
avec  le  mouvement  intellectuel  et  décroître  avec  lui.  Aux  Etats- 
Unis,  par  exemple,  la  statistique  de  1862  a  montré  que  l'aliénation 
mentale  était  beaucoup  plus  rare  chez  le  nègre,  sans  culture 
intellectuelle,  que  chez  le  blanc:  la  proportion  des  fous  est  de 
0.76/1 000  chez  les  blancs  et  de  0.10/ 1  000  chez  les  nègres  esclaves; 
mais,  phénomène  digne  de  remarque,  l'afiyanchissement  des 
nègres,   qui  a  eu  pour  conséquence  de  leur  donner  une  plus 


ALIÉNATION   MENTALE   INDIVIDUELLE.  419 

grande  et  plus  noble  activité  cérébrale,  a  eu  ce  résultat  d*aug- 
menter  l'aliénation  :  tandis  que  les  nègres  esclaves  présentaient 
une  proportion  d*aliénés  égale  à  0.10/1  000,  les  nègres  affranchis 
en  présentent  une  de  O.liji  000,  presque  comme  les  blancs! 

La  couche  sociale  à  laquelle  un  homme  appartient,  dans  une 
société  civilisée,  influe  de  même  sur  ses  chances,  en  quelque 
sorte  sur  ses  droits  à  la  folie.  Ainsi,  en  France,  les  soldats  ont 
une  proportion  de  fous  de  0^33/1 000  ;  les  sous-ofOciers  en  ont  une  de 
0,72/1 000  ;  les  officiers  une  de  \  .05/1 000.  Les  professions  libérales 
donnent  3,10  aliénés  sur  iOOO  sujets;  les  militaires  et  marins 
1.99/1000;  les  commerçants  et  négociants  0^42/i  000. 

On  arriverait  exactement  au  même  résultat  de  classification^ 
si  au  lieu  de  prendre  l'aliénation  comme  Ipoint  de  départ,  on 
prenait  le  volume  du  crâne  ;  si  dans  les  pays  habités  par  plusieurs 
races  l'aliénation  affecte,  pour  chaque  race,  des  chiffres  différents, 
cela  tient  donc  moins  à  la  race  elle-même,  qu*à  son  degré  de 
▼ie  intellectuelle;  ainsi,  à  la  Guyane,  le  nombre  des  aliénés,  pro- 
portionnellement aux  représentants  de  chaque  race,  est  pour 
i  000,  chez  les  créoles  de  l'Inde,  de  0.41  ;  —  chez  les  coolies 
hindous,  de  0.82  ;  —  chez  les  Portugais,  de  i  ;  —  chez  les  Chinois, 
de  i.59. 

11  faut,  d'ailleurs,  lorsqu'on  compare  les  résultats  différents  de 
la  statistique  de  Taliénation  chez  des  peuples  également  civili- 
sés^ tenir  compte  de  conditions  complexes.  Ainsi  on  comptait  en 
Irlande,  on  1861 ,  0.76  aliénés  pour  1  000  habitants  et  en  1871, 
1 ,35  pour  1  000.  L'aliénation  augmente  donc.  Cet  accroissement 
tient  à  deux  causes  :  à  rémigration,  qui  depuis  20  ans,  a  enlevé 
dMrlande  2  000  000  d'habitants  et  qui  a  prélevé  ce  qu'il  y  avait  de 
plus  sain,  de  plus  robuste  et  de  plus  vaillant  dans  ce  pays;  à 
la  misère,  car  il  a  été  constaté  par  les  aliénistes  anglais  et  irlan* 
dais,  que  Taliénation  et  la  misère,  chez  un  peuple  civilise,  mar* 
chent,  comme  ils  le  disent,  la  main  dans  la  main. 

Dans  une  liste  de  fréquence  de  l'aliénation  croissante,  après 
l'Irlande  vient  le  Brésil,  où  le  nombre  des  aliénés  est  de  1.25  sur 
1 000  habitants  ;  puis,  viennent,  dans  un  ordre  croissant,  la  France, 
où  Ton  compte  1  aliéné  sur412  habitants,  soit  2,37/1 000;  la  Prusse 
2,21/1  000;rAngleterre2,62/1  000;  le  grand -duché  d'Oldembourg 
3,61/1 000;  l'Italie,  17,07/1000.  Ce  chiffre  élevé  est  dû  à  la  pellagre 
cause  fréquente  de  la  folie.  Mais  de  tous  les  pays  civilisés,  le  plus 
fra  ppé  est  la  Chine  ;  les  Chinois  cm  igrés  en  Amérique  doïvv\^w\.V  ;s^\v^^ 


4tO  LES   HOMMES,    LB   MILIEU   SOCIAL. 

sur  i40  habitants.  D'une  manière  générale,  Taliénation  augmente 
avec  la  civilisation.  On  admet qu^elle est  moins  fréquente  dans  les 
campagnes  que  dans  les  villes.  Ainsi  elle attein 1 1  habitant  sur  301 
à  Paris  et  1  suri  474  danslescampagnesenvironnantes;  i  surSOOà 
Nancy  et  \  sur  1 438  dans  le  reste  du  département  de  la  Meurtbe. 
D'une  façon  générale,  l'aliénation  augmente  aujourd'hui  partout  : 
en  France,  tandis  que  la  population  s'est  accrue,  de  1835-1869, 
de  11,23/100,  les  aliénés  ont  augmenté  de  nombre  dans  (a  propor- 
tion de  530,87/100,  soit  47  fois  plus  vite  que  la  population.  En 
Angleterre,  de  1846  à  1879,  la  population  a  augmenté  de  45/100, 
tandis  que  le  nombre  des  aliénés  s*est  accru  de  250/100.  D*après 
cette  proportion,  on  a  calculé  qu'en  1912,  le  nombre  des  aliénés 
en  Angleterre  sera  de  un  quart  de  million. 

l\'ostalgie.  —  Il  est  une  forme  spéciale  des  troubles  mentaux 
(lui  varie  proportionnellement  h  Tinstruction,  c'est  la  nostalgie, 
fréquente  chez  les  Lapons,  les  Peaux-Rouges,  les  Australiens.  Nous 
l'avons  vue,  en  France,  sur  les  mobilisés  de  la  Bretagne^  pendant 
la  guerre  de  1870;  elle  est  fréquente  dans  l'armée  italienne-,  avant 
l'unification,  de  1867  à  1870,  elle  donnait  203  malades  à  Thôpital, 
et  8  décès. 

Suicide.  —  Si,  au  lieu  d'étudier  l'aliénation  en  général^  on 
étudie  un  phénomène  qui  n'est  le  plus  souvent  qu*une  de  ses 
formes,  le  suicide^  on  voit  qu'il  correspond  dans  ses  phases  de 
fréquence^  beaucoup  moins  à  une  carte  géographique  des  races, 
qu'à  une  carte  chronologique  ou  géographique  des  situations 
sociales.  Le  nombre  absolu  ne  nous  indique  pas,  en  effet, 
grand'chosc  :  sur  1  000  000  d'individus  on  trouve  : 

Suicides. 

En  Belgique 57 

En  Suède 67 

En  Angleterre 84 

En  France 100 

En  Prusse 108 

En  Norwége 108 

En  Saxe 202 

A  Qenève 267 

En  Danemark 988 

Mais  il  n'en  est  pas  de  même  si  l'on  compare  les  chiffres  de 
deux, périodes.  Dans  les  pays  où  se  sont  passés  de  grands  boule- 
versements politiques,  le  suicide  augmente.  Ainsi,  en  France,  on 


SUICIDE.  421 

trouve  pour  chacune  des  périodes  suivantes,  des  chiffres  crois- 
sants  : 

1836-45 2  762 

1846-55 3  543  (Révolution  de  1848.  Coup  d'EUt.) 

1K56-65 4  331  (Jeu,  fortunes  rapides.) 

1866-75 5  133  (Guerre,  invasion.  Guerre  civile.) 

L'Italie,  bien  qu'elle  ait  fait  pacifiquement  son  unification,  a  vu 
les  suicides  augmenter.  On  en  compte  : 

En  1867 753 

En  1873 975 

En  1874 1015 

Quant  à  la  Russie,  qui  est  à  la  veille  d'une  crise  sociale  considé- 
rable, on  trouve  : 

En  1864 57  suicides 

En  1869 102 

En  1874 167 

La  Prusse,  au  contraire,  semble  avoir  bénéficié,  malgré  Taug- 
roentation  de  la  misère  qui  a  suivi  ses  violentes  conquêtes,  de 
cette  satisfaction  de  soi-même,  de  cet  enivrement  que  donne  la 
victoire.  On  y  \oit: 

En  1869 318G  suicides 

En  1870 2  963      — 

En  1871 2723      — 

En  1872 2  550       — 

Il  est  vrai  qu'elle  a  un  palliatif,  Vcmigrathn. 

D'une  manière  générale,  on  peut  dire  que  les  événements  poli- 
tiques utilisent  les  fous,  les  mettent  en  valeur,  plutôt  qu'ils  ne  les 
créent.  Jeannes  d'Arc,  utopistes  financiers,  électriciens,  politiciens, 
policiers,  sont  les  rôles  que  se  partagent  les  fous,  suivant  les  cir- 
constances sociales  du  moment. 

Si  l'état  politique  et  social  possède  une  influence  considérable 
sur  le  suicide,  l'influence  individuelle  de  Vétat  civil  ne  l'est  pas 
moins.  Le  suicide,  comme  la  mort  naturelle,  frappe  les  gens 
mariés  moins  que  tous  autres,  puis  les  célibataires,  puis  au 
maximum  les  veufs.  Ainsi,  en  Bavière,  on  compte  de  1857  à  1871  : 

1857«1871  Gens  mariés 98  suicidés 

Célibataires 115      — 

Veufs \91      - 


422  LES   HOMMES,    LE   MILIEU   SOCIAL. 

Enfin  les  saisons  ont  aussi  leur  influence  :  les  suicides  sont 
beaucoup  plus  fréquents  au  printemps  qu'en  toute  autre  saison; 
on  voit  d'ailleurs  cette  influence  du  printemps  se  faire  sentir  dans 
un  grand  nombre  d'états  morbides. 

Il  n'y  a  pas  jusqu'au  mode  de  suicide,  que  la  statistique  ne 
montre  diflerent,  dans  les  diflerents  pays  :  en  Danemark,  la  corde 
domine;  en  Suède  et  en  Allemagne,  c'est  le  poison;  en  France, 
ce  sont  Teau  et  le  revolver  ;  en  Chine,  cela  diffère  :  il  appartenaità 
ce  peuple  d'imaginer  le  suicide  à  la  feuille  d*or  :  une  mince 
feuille  dV  fortement  aspirée  vous  étoufle  et  vous  asphyxie 
proprement. 

Dans  toutes  ces  spécialités  de  forme  de  suicide,  l'imitation  joue, 
d'ailleurs,  un  grand  rôle. 

§   2.    FOLIES   EPIDÉMIQUES 

Ce  qui  caractérise  l'aliénation,  dans  la  période  sensitive  de  la 
civilisation,  c'est  son  caractère  épidémique,  contagieux,  imitatif. 

Choréonanle.  —  Ce  qu'il  y  a,  du  reste,  de  remarquable, 
c'est  que  les  premiers  délires  collectifs  sont  des  délires  moteurs^ 
tels  que  la  choréomanie. 

Pour  ne  parler  que  du  passé  de  notre  Europe,  nous  voyons  au 
vn«  siècle,  dans  les  pays  de  Galles,  les  Cicèles,  pour  mieux  hono- 
rer leur  Dieu,  parcourir  les  rues  en  dansant  et  en  sautant,  jusqu'à 
ce  qu'ils  tombent  anhélants  et  épuisés.  En  1021,  en  Allemagne, 
il  passe  par  la  tète  de  douze  paysans  de  troubler  rofGce  de  Noël 
par  leurs  cris  et  leurs  danses  ;  le  prieur  du  couvent  a  la  malen- 
contreuse idée  de  les  maudire,  en  leur  souhaitant  de  danser 
ainsi  pendant  un  an  ;  les  malheureux,  terrifiés,  ne  s'arrêtent  plus 
et  toute  la  population  se  met  à  gambader  !  Au  xiii* siècle,  Vincent 
de  Beau  vais  raconte  absolument  la  même  histoire  :  des  per- 
sonnes se  mettent  à  danser  dans  un  cimetière  ;  le  curé  de  la 
paroisse,  dans  un  mouvement  d'indignation,  les  voue  à  l'ana- 
thèmc  et  voilà  toute  une  population  prise  de  la  fureur  de  la  danse, 
sans  qu'il  lui  soit  possible  de  s'arrêter. 

Mais  c'est  au  xiv*  siècle  que  ces  épidémies  de  choréomanie  pren- 
nent, en  Europe,  leur  plus  grande  extension;  en  1373^ une  grande 
épidémiedechoréomanieséviten  Hollande;  les  gens  iedépouillentde 
leurs  habits,  se  couvrent  de  fleurs  et  se  mettent  à  danser,  à  sauter, 
dans  les  rues,  jusqu'à  épuisement  complet  ;  c'est  le  mal  de  Saint- 


DÉMONOLATRIB  428 

Jean.  Déjà  au  xiv<^  siècle,  en  Italie,  des  landes  d'hallucinés  par- 
couraient les  rues,  à  moitié  nus,  en  s'appliquant  réciproquement 
des  coups  de  fouet  sur  les  épaules  ;  c*étaient  les  flagellants.  Ils  se 
donnaient  eux-mêmes  le  nom  de  dévots ,  ou  de  blancs  battus,  à 
cause  du  manteau  blauc  à  croix  rouge  qu'adoptaient  ceux  qui, 
tous  les  jours,  entraient  dans  la  confrérie  !  On  sait  quelle  exten- 
sion prit  l'épidémie  des  flagellants,  an  moment  où  les  tètes  affo- 
lées par  la  peste  noire  de  i348  ne  demandaient  plus  qu*à  tourner. 

Des  bandes  de  flagellants  existaient  encore,  dans  le  midi  de  la 
France,  au  siècle  dernier  ! 

DémonolAirle. —  Dans  une  période  ultérieure,  le  délire  devient 
plus  intellectuel,  la  croyance  aux  esprits,  aux  anges,  aux  dé- 
mons, farfadets,  follets,  lutins,  gnomes,  dieux  de  tout  rang, 
domine  tous  les  délires.  V anthropomorphisme ,  qui  prête  à  toute 
la  nature  une  forme  humaine  et  une  âme  aussi  peu  démontrée 
que  celle  de  Thomme,  apparaît  de  bonne  heure.  On  croit  que 
les  fous  logent  des  esprits;  or,  pour  les  déloger,  il  y  a  deux 
moyens  :  la  trépanation ,  qu'on  pratiquait  à  Tépoque  de  la 
pierre  taillée,  et  Vexorcisme  par  l'eau  bénite.  La  trépanation 
avait  au  moins  l'avantage  d'être  logique.  Ces  grandes  épidé- 
mies nerveuses  de  choréomanie,  de  flagellation  se  compli- 
quent donc,  en  vertu  du  fétichisme  du  moyen  âge,  de  la  croyance 
aux  df'mons,  aux  incubes,  aux  succubes,  aux  loups-garous,  aux 
vampires,  et  jouent  dans  les  imaginations  des  fous  d'alors  le 
même  rôle  que  la  physique,  l'électricité,  le  fluide  magnétique, 
la  police  et  même  la  politique  dans  l'imagination  des  fous  d'au- 
jourd'hui; seulement,  aujourd'hui  chacun  de  nous  est  mieux 
armé  contre  la  contagion  et  puis,  on  ne  persécute  plus  les  fous, 
ce  qui  est  toujours  un  attrait  de  moins  :  on  les  soigne.  Alors,  au 
contraire,  il  était  défendu  aux  médecins,  sous  peine  d'excommu- 
nication, d'entreprendre  le  traitement  des  possédés  et  plus  tard 
l'honnête  Ambroise  Paré  dira  lui-même  :  «des  sorciers  ne  peuvent 
«  pas  guérir  les  maladies  naturelles,  ni  les  médecins  les  maladies 
«  venues  par  sortilège  ». 

En  Italie,  régnait  depuis  le  xuie  siècle  une  étrange  manie  : 
c^était  dans  la  Fouille,  pays  encore  aujourd'hui  pauvre,  sec, 
mal  nourri,  où  l'aliénation  mentale  est  encore  fréquente  :  des 
populations  entières  prises  de  la  danse  de  Saint-Guy  parcou- 
raient les  campagnes  en  dansant  et  en  gambadant  ;  chacun  avait 
à  la  main  un  objet  rouge  ;  on  s'imaginait  que  ces  malVv<i^>\t^>rL 


424  LES   HOMMES,   LE    MILIEU   SOCIAL. 

avaient  été  piqués  par  le  scorpion,  dont  j'ai  parlé  plus  haut,  la 
tarentule  et  on  nommait  la  maladie  tarentisme. 

En  i436,  tout  le  pays  de  Vaud  fut  en  proie  à  une  monomanie 
épidémique  :  d'honnêtes  cultivateurs^  de  crédules  et  pacifiques 
dévots  venaient  s'accuser  d'avoir  mangetout  crus  10, 15,  20  pe- 
tits enfants  ;  ils  en  dénonçaient  d'autres,  tout  aussi  coupables 
qu'eux  ;  par  centaines  on  les  mettait  à  la  torture  du  chevalet 
et  par  centaines  on  les  brûlait  ;  il  en  venait  toujours  se  confesser 
et  dénoncer! 

Kn  li:)9,  l'Artois  fut  victime  d'une  épidémie  semblable  et  les 
théologiens  ne  doutaient  pas  «  que  le  démon  fût  parvenu  à  impo- 
«  ser  sa  volonté  à  tous  les  habitants  ».  Monstrelet  raconte  «qu'au 
((  pays  d'Artois  advint  un  terrible  cas  et  pitoyable,  que  Ton  nom- 
«  niait  Vattcloisc,  je  ne  sais  pourquoi  ».  Nous  savons,  nous,  pour- 
quoi ;  c'était  on  souvenir  de  Tépidémie  du  pays  (le  Vaud.  Les 
gousse  confessaient  d'être  enlevés  la  nuit  par  les  démons;  ils 
avouaient  qu'ils  se  trouvaient  soudainement  «  es  bois  et  es 
forêts  p,  et  trouvaient    a  illec,  un  diable,  en  forme  d'homme, 

«  qui   leur  tournait  le  dos...  et  leur  faisait  biiiser  son »  On 

extermina,  pour  ce  fait,  des  centaines  de  pauvres  diables,  dans 
1  Artois. 

Certaine  bulle  d'Innocent  Vlll,  en  1484,  nous  indique  que  la 
déuionolàtrie  est  endémique  à  Cologne,  à  Mayence,  à  Trêves,  à 
Brème  et  que  Belzébuth  régne  en  maître  sur  les  bords  du 
Rhin. 

De  1491  à  1494,  les  religieuses  de  Cambrai  furent,  dit  on  chro- 
niqueur, a  vexées  d'une  manière  horrible  par  les  démons  »  ;  on 
voyait  les  possédées  courir^  <<  comme  chiennes  »,  à  travers  la 
campagne,  s'élancer  en  l'air,  <<  comme  des  oiseaux  »,  contrefaire 
les  cris  dos  animaux  et  prophétiser  l'avenir;  les  noms  des  possé- 
dées furent  envoyés  à  Rome  et  lus  tout  haut  par  le  pape,  pendant 
la  messe  ;  rien  n'y  fit;  on  trouva  enfin  le  remède  :  Jeanne  Po- 
thière,  une  pauvre  sœur,  confessa  qu'elle  avait  elle-même 
introduit  Belzébuth  dans  le  cloître  ;  elle  fut  brûlée  ! 

A  mesure  que  les  théologiens,  qui  ont  été,  sans  s'en  douter, en 
matière  d'hystérie  et  de  maladies  nerveuses,  un  peu  ce  que  les 
alchimistes  ont  été  à  la  chimie  actuelle,  accumulent  les  observa- 
tions, on  reconnaît  l'hystérie,  telle  que  Charcot  nous  la  montre  à 
la  Salpêtrière! 

Ainsi  les  inquisiteurs  s'accordent  à  reconnaître  que  le  culte  du 


DÉMONOLATRIE.  425 

diable  est  héréditaire  dans  certaines  familles,  quMl  se  commu- 
nique surtout  «aux  personnes  du  sexe  »,  et  surtout  aux  filles  à  la 
cheYelure  noire  et  abondamment  fournie.  On  peut  donc  dire  que 
les  inquisiteurs  avaient  devancé  les  médecins^  en  matière  de  dia- 
gnostic de  rhystérie  ;  il  est  vrai  qu'en  matière  de  thérapeutique 
ils  en  différaient  notablement  :  aujourd'hui,  on  donne  des  douches 
aux  malades;  à  cette  époque-là,  on  les  mettait  sur  des  bûchers  ! 

Au  xvi*'  siècle^  la  déraison  se  matérialisa  en  quelque  sorte  :  on 
n'est  plus  simplement  emporté  par  le  diable,  on  est  changé  en 
animal  ;  ce  sont  les  grandes  épidémies  de  Lycanthropie.  En  Lom- 
bardie,  de  1504  à  iô'id,  une  foule  de  femmes  s'imaginent  qu'elles 
sont  changées  en  chatte  et  qu'elles  vont,  la  nuit,  sous  cette 
livrée,  manger  les  petits  enfants. 

On  devine  aisément  à  quels  commérages  donnait  lieu,  dans 
un  village^  la  nouvelle  que  telle  voisine  avait  été  changée  en 
chatte!  Plus  d'une,  curieuse^  enviait  secrètement  son  sort;  plus 
d'une  autre  tremblait  d'avoir  à  son  tour  la  visite  de  Satan  et,  la 
nuit  suivante,  c'étaient  10  femmes  qui  avaient  couru  les  toits  sous 
forme  de  chattes!  Le  pape  Jules  II  lui-même  s'en  émiit  et 
Adrien  \I  autorisa  les  dominicains  à  explorer  toute  la  Lombard ie 
et  à  y  poursuivre,  à  outrance,  toute  la  race  des  sorcières.  Les 
dominicains  explorèrent  si  bien,  que  pendant  4  ans  ces  bons 
Pères  firent  brûler  plus  de  1 000  personnes  par  an,  dans  tout 
le  pays  de  Côme. 

L'Espagne^  pays  par  excellence  de  l'inquisition,  ne  devait  pas 
demeurer  en  retard  :  là,  les  femmes  adoraient  un  bouc  noir  ; 
il  suffisait  de  porter  dans  ses  poches  un  peu  de  ses  excréments, 
pour  avoir  le  pouvoir  de  s'envoler  dans  les  airs:  en  1536, 
i  50  femmes  furent  brûlées  pour  ce  fait  à  Saragosse  et  200  furent 
fouettées  sur  les  épaules  nues. 

On  se  demande^  en  vérité,  où  étaient  les  fous!  Parmi Jes  mal- 
heureux qui  s'accusaient  de  tant  de  sottises  ou  parmi  les  bour- 
reaux, qui,  sous  prétexte  de  théologie,  les  martyrisaient? 

Deux  causes  dominent  ici  :  la  misère  physiologique  et  l'imita- 
tion ;  ce  sont  toujours  des  paysans  mal  nourris  ou  des  filles  re- 
cluses: à  la  An  d'un  carême  rigide,  où  les  couvents  n'avaient  eu 
pour  nourriture  que  du  suc  de  rave,  on  vit  les  religieuses  affolées 
dans  le  Brandebourg,  la  Hollande,  l'Italie,  TAllemagne  ;  c'est  ce 
qu'alors  on  nomma  ïà  possession  des  nonnains!  Tantôt,  dans  une 
communauté  de  femmes,  les  nonnes  s'imaginent  que  Belzébuth. 


426  LES   HOMMES,    LE   MILIEU    SOCIAL. 

leur  chatouille  la  plaate  des  pieds  et  toute  la  communauté  est 
prise  d*un  rire  conYulsif  !  Taatôt  une  pauvre  fille,  qu'un  amour 
contrnrv:  a  conduite  au  couvent,  est  prise,  la  première  nuit  qu'elle 
y  passe,  d'une  attaque  d'hystérie  :  les  voisines  en  font  autant, 
et  voilà  toute  la  communauté  en  contorsions  ;  voilà  les  nonnes 
qui  imitent  les  cris  d'animaux  !  Tout  le  monde  connaît  la  célèbre 
histoire  des  Ursulines  de  Louduu  et  d'Urbain  Grandier.  La  ma- 
ladie gagna  les  séculières  de  Chinon,  de  Tours.  Aujourd'hui  encore, 
lorsque,  à  la  Salpètrière^  une  attaque  éclate  dans  les  dortoirs, 
l'hystérie,  comme  une  traînée  de  poudre,  s^allume  de  lit  en  lit 
et  il  faut  le  lendemain,  pour  exorcisme,  une  douche  générale  ! 

Je  n'en  finirais  pas  si  je  voulais  énumérer  toutes  les  épidémies 
locales  d'hystérie  et  de  démonolâtrie,  qui  éclatent  partout  dans  la 
seconde  moitié  du  xvi«  siècle  :  en  i  560,  tout  un  couvent,  à  Cologne, 
est  en  proie  à  la  démonolâtrie  ;  en  1566,  dans  un  couvent  d^enfants 
trouvés,  70  enfants  sont  pris  d'hallucinations  et  se  mettent  à 
courir  la  nuit,  sur  les  toits.  Les  parlements  eux-mêmes  sont  ten- 
tes de  succomber  et  le  Parlement  de  Dôle  autorise  les  paysans  à 
faire  lachasseauxloups-garous  !  Grégoire  de  Toulouse,  alors  pro- 
fesseur de  droit  à  Pont-à-Mousson,  écrit  «  que  les  sorciersqui  furent 
«jugés  à  Toulouse  en  1577  étaient  plus  nombreux,  à  eux  seuls,  que 
«  tous  les  accusés,  non-sorciers,  qui  furent  déférés  à  la  justice  pen- 
«  dant  2  ans.  »  I!  estime  à  400  le  nombre  de  ceux  qui  périrent, 
en  1577,  dans  les  flammes  !  Deson  côté  Nicolas  Rémy,  procureur 
criminel  de  Lorraine,  estime  que  de  1580  à  1595,  on  a  brûlé  plus 
de  900  démonolàtres,  dans  son  pays  !  Dans  la  petite  commune  de 
Saint-Claude,  dans  le  Jura,  près  deFcrnet,  la  future  résidence  de 
Voltaire,  on  brûla  de  1598  à  1600  plus  de  600  lycanthropes. 

Cependant  nous  sommes  déjà  à  une  époque  de  progrès  ;  car  c'est 
en  1598  que  se  produisit  ce  fait  alors  inouï:  un  lycanthrope,  con- 
damné à  mort  par  le  lieutenant  criminel  d'Angers,  fut  envoyé 
par  le  Parlement  de  Paris  dans  un  hospice  de  fous  ! 

Théomanic.  —  Les  guerres  de  religion  vinrent  raviver  la  folie, 
qui  semblait  s'éteindre  devant  les  progrès  du  savoir  humain.  C'est  la 
tht^omunie eiXa  convulsion  prophtUique qui  dominent  àce  moment: 
alors  on  vit  se  renouveler,  comme  chez  les  anabaptistes  d*Allcmagne 
au  XVI*  siècle,  les  nouveaux  Enoch,  les  nouveaux  Elle,  les  nouveaux 
apôtres.  Tel  honnête  et  timide  artisan,  tourmenté  par  sa  femme, 
se  réveillait  prophète  et  trouvait  une  ville  pour  suivre  sa  folie. 
De  même,  au  xvii*  siècle,  les  calvinistes  persécutés  dans  les  Gé* 


CONTAGION  NERVEUSE.  427 

vennes,  dans  le  Dauphiné,  sont  pris  du  délire  prophétique  :  ils 
marchent  en  chantant,  au-devant  des  dragons  de  Louis  XIV  ; 
les  enfants  eux-mêmes  se  mettent  à  prophétiser.  Dans  le 
Labourd,  anjourd^hui  département  des  Basses-Pyrénées,  27  Til- 
lages  se  donnent  au  démon,  dansent,  prophétisent^  confessent  et 
se  font  brûler.  En  4  mois  le  président  Espagnet,  envoyé  i 
Bordeaux,  donne  la  question  à  500  fous  et  en  brûle  80  ! 

Le  xviii<^  siècle  lui-même,  le  grand  siècle  intellectuel,  ne  devait 
pas  échapper  à  cet  étalage  de  la  bêtise  humaine  :  on  y  déterre* 
pour  les  mutiler,  les  morts  qu*on  accuse  de  revenir  sous  forme  de 
mmpires  ;  une  communauté  de  Paris  a  ses  mtau/an^es,  qui  miau- 
lent comme  chattes,  pendant  les  offices  ;  le  confesseur  est  en- 
voyé à  la  Bastille;  les  miaulements  redoublent.  Une  véritable 
encyclopédie  de  démonolàtrie  est  mise,  en  quelque  sorte,  en 
action  sur  le  célèbre  tombeau  du  diacre  Paris,  au  cimetière  de 
Saint-Médard.  La  démonolàtrie  s^organise  avec  discipline.  On  se 
nomme  du  nom  de  frère  et  de  sœur.  On  se  fait  figuriste,  chargé 
d'imiter,  pendant  la  convulsion,  les  diverses  scènes  de  la  passion  ; 
secouriste,  rôle  moins  désagréable,  qui  consiste  à  administrer  aux 
frères  et  aux  sœurs  les  petits  secours,  pour  les  empêcher  de  se 
blesser  et  les  grands  secours  y  qu'on  donne  en  les  frappant  avec  des 
bûches  et  en  piétinant  à  vingt  ou  trente  ensemble  sur  leur  ventre  ! 
De  i  727  à  1 73 1  ,'plus  de  800  attaques  officielles  ont  lieu  sur  le  tom- 
beau ;  la  célèbre  afliche  «  Défense  à  Dieu  de  faire  miracles  en  ce 
lieu  >  ne  lit  pas  tout  cesser  et  le  convulsionnarisme  clandestin  per- 
sista jusqu'en  1762,  époque  où  les  jésuites  cessèrent  de  persécuter 
les  jansénistes.  Mais  nous  sortons  ici  de  la  médecine  pure;  ce 
ne  sont  plus  ici  uniquement  des  malades  :  les  jongleurs  appa- 
raissent déjà  derrière  eux,  et  nous  les  trouverions  en  majorité, 
si  nous  voulions  suivre,  au  xix'^  siècle,  les  disciples  de  l'antique 
sorcellerie. 

ContayloB  nerTense.  —  On  peut  cependant  encore,  même 
au  milieu  de  notre  société  beaucoup  moins  sceptique  qu^on  le  dit^ 
observer,  surtout  il  est  vrai  chez  les  enfants  et  chez  les  ignorants, 
(les  faits  de  contagion  nerveuse  :  En  1848,  dans  un  ouvroir  des 
environs  de  Paris,  où  se  trouvaient  réunies  400  ouvrières,  il  y 
eut,  en  trois  jours,  li5  cas  de  syncopes  convulsivcs.  En  186i, 
dans  une  église  de  Montmartre,  où  iSO  jeanes  filles  faisaient 
leur  première  communion.  Tune  d'elles,  terrifiée  par  les  ser- 
mons, qui  ne  lui  parlaient  que  des  flammes  de  TenCer^  &t[)iv\:^V\^ 


428  LES   HOMMES,   LE   MILIEU   SOCIAL. 

par  la  retraite,  eut  une  syncope  convulsive  ;  au  même  instant, 
comme  part  un  feu  de  peloton,  40  enfants  eurent  la  syncope  codtuI- 
sive.  Tout  récemment,  en  Italie,  à  Verzegnis,  un  père  jésuite 
faisait  à  des  jeunes  filles  un  sermon,  qui  avait  pour  but  de  leor 
inspirer  une  peur  horrible  du  diable  ;  aussitôt  30  enfants  boule- 
versées se  mettent  à  imiter  le  chant  du  coq,  à  miauler,  aboyer, 
hurler,  gesticuler  et  éclater  de  rire  ! 

Le  suicide  devient  quelquefois  épidémique  dans  les  régiments, 
et  tout  le  monde  connaît  Thistoire  d*une  célèbre  guérite,  qu'il 
fallut  faire  changer,  pour  empêcher  le  factionnaire  de  s*y  tuer. 
Dernièrement,  le  82*  de  ligne  prussien  a  présenté,  en  2  ans, 
19  suicides.  Et  nous-mêmes  n'avons-nous  pas  vu  ce  que  peuvent 
donner  l'imitation,  la  contagion  de  la  sottise,  même  chez  un  peuple 
qui  passe  pour  spirituel^  quand  toute  une  ville  comme  Paris  s'est 
mise,  il  y  a  quelques  années,  à  crier  :  Eh  !  Lambert!  Le  courage 
et  la  peur,  cette  dernière  surtout,  sont  manifestement  contagieux. 
Dans  la  foule  d'un  théâtre^  les  applaudissements,  comme  les 
sifflets,  se  communiquent.  Telle  est  l'expHcation  des  paniques  qui 
se  voient  même  chez  les  animaux^  sur  les  champs  de  foire  et  dans 
les  régiments  de  cavalerie.:  en  1870,  tout  un  escadron  de  cava- 
lerie s'emballa  sans  motif  et,  en  Algérie,  2000  chevaux  quittè- 
rent une  nuit  le  bivouac. 

La  Salpécrlére.  —  Mais  si  nous  voulons  voir  se  reproduire 
sous  nos  yeux  la  catalepsie,  la  convulsion,  la  manie  prophétique 
des  xv^,  xvi"  et  xvn«  siècles,  c'est  à  la  Salpêtrière  qu'il  nous  faut 
aller;  là,  le  professeur  Charcot,  au  moyen  d'une  vive  lumière  qui 
excite  leur  système  nerveux,  comme  faisaient  jadis  la  frayeur  ou  la 
persécution,  fait  revivre  les  convulsions  du  vieux  temps;  il  les  fait 
cesser  à  sa  volonté,  par  la  compression  de  l'abdomen,  comme  jadis 
la  même  compression,  faite  au  moyen  d'une  ceinture  ou,  au  besoin, 
du  poids  de  plusieurs  hommes^  les  faisait  cesser.  Seulement,  alors, 
on  croyait  avoir  délogé  le  diable  !  comme  autrefois,  les  théologiens 
et  les  inquisiteurs,  nous  pourrions  constater  l'anesthésie  de  la 
peau;  c'est  ce  qu'ils  nommaient  stigmata  Diaboli,  Tout  ce 
vieux  décor  est  relégué  aujourd'hui  dans  l'hospice,  j'allais  dire 
dans  le  musée  rétrospectif  de  la  Salpêtrière,  et  si  nous  voulons  voir 
des  convulsionnaires  en  action,  comme  au  moyen  Âge,  c'est  hors 
de  notre  pays,  fort  heureusement,  qu'il  faut  aller. 

De  quelques  épidémies  nerveuses.  —  En    Laponie,  on 
observe  un  état  hallucinatoire  épidémique,  qui  sévit  par  les 


DE   QUELQUES   ÉPIDÉMIES   NERVEUSES.  429 

grands   froids,  dans  les  moments  de  misère  et  de  mauvaise 
alimentation  :  c'est  le  ragle  des  neiges. 

On  trouve  encore,  sur  la  côte  de  Guinée,  certaines  associations 
magiques,  dont  les  mystères  nocturnes  ne  peuvent  être  révélés,  dit- 
ODy  sous  peine  de  mort  ;  de  la  côte  d'Afrique,  ils  ont  été  importés 
aux  Antilles  par  les  nègres;  ils  y  existaient  encore,  il  y  a  quelques 
années,  sous  le  nom  de  vaudoux.  Une  victime  est  immolée,  et, 
autour  d'elle,  une  ronde  s*agite,  tourne,  hurle  jusqu'à  pâmoison, 
chacun  venant  frapper  du  pied  sa  tète. 

En  Abyssinie,  le  délire  nerveux  n'est  pas  rare  chez  les  femmes; 
lorsque  Tune  d'elles  est  atteinte,  on  envoie  chercher  les  musiciens 
et,  toute  la  famille,  les  amis  accompagnent,  en  dansant,  la  malade, 
qui  danse  elle-même;  tout  le  monde  finit  par  danser  pour  son  compte. 
Uoeépidémiede  ce  genreareçule  nom  de  tigritier,  Lalycanthropie 
n'est  pas  rare,  non  plus,  dans  ce  pays  :  les  potiers,  les  forgerons 
passent  pour  avoir  le  pouvoir  de  se  métamorphoser  en  hyènes; 
ils  ne  sont  pas  brûlés,  mais  fort  redoutés. 

Dans  diverses  parties  de  l'Ethiopie,  des  délires  semblables  por- 
tent le  nom  d'Asiaragazza, 

A  Madagascar,  en  1863,  le  roi  Radama  se  montrait  plein  de 
confiance  envers  l'Europe  et  il  admettait  volontiers  les  Euro- 
péens; le  parti  arriéré  du  pays  fut  indigné;  de  vieilles  femmes 
virent,  la  nuit,  les  ancêtres  de  Kadama  sommer  leur  pelit-Gls 
de  chasser  les  étrangers.  Conversations,  commentaires,  ampli Q- 
cations,  ne  manquèrent  pas  ;  alors  une  bande  de  fanatiques  se 
mit  à  prophétiser;  cette  bande  devint  une  armée;  ils  couraient 
jusqu'à  la  syncope  et,  l'imitation  grossissant  la  troupe  en  route, 
deux  mille  aliénés  choréiques  parurent  ainsi  devant  Radama.  Le 
roi  envoya  son  fils  pour  calmer  les  manifestants  ;  mais  quel  ne 
fut  pas  rétonnement,  lorsqu'on  vit  le  jeune  Radama,  au  milieu 
de  son  allocution, se  mettre  lui-même  à  danser. 

En  Sibérie,  il  existe,  sous  le  nom  de  tara^  une  maladie  imita- 
tive,  convulsive,  qui  n'attaque  que  les  jeunes  femmes  d'un  même 
district.  Dans  l'Inde,  les  danses  convulsives  atteignent  un  tel  de- 
gré d'exaltation,  que  les  assistants,  insensibilisés,  finissent  par  ma- 
nier des  charbons  ardents.  Une  chorée  imitative  existe  à  Java  et 
dans  une  grande  partie  de  Tarchipel  Indien,  sous  le  nom  de  lata, 

La  période  de  civilisation  dans  laquelle  se  trouvent  actuelle- 
ment les  Peaux-Rouges  de  l'Amérique  du  Nord,  se  prête  à  mer- 
veille à  la  production  des  épidémies  mentales  :  l'hallvxdvx^vSsïGLA'^ 


480  LES  HOmiSS,   LE   MILIEU   SOCIAL. 

monomanie,  sont  fréquentes,  au  dire  du  voyageur  Pinart,  chez 
les  Déné-Dindjé  et  chez  toutes  ces  tribus  du  Nord-Ainérique, 
auxquelles  les  trappeurs  français  ont  donné  les  noms  fort  célèbres 
dans  les  romans  d'une  certaine  époque,  de  couteaux-jaunes,  cas- 
tors, mauvais-monde,  tétes-platesy  pieds-noirs.  11  n'est  pas  jus- 
qu'aux flagellants  qui  ne  se  retrouvent  chez  eux  :  un  vieillard  ad- 
ministre des  coups  à  tous  ceux  qui  se  présentent  ;  on  doit  se  laisser 
rouer  et  déchirer  jusqu'à  la  syncope,  sous  peine  de  passer  pour 
un  lâche  !  On  se  fait  une  idée  du  degré  d'insensibilité  où  peut 
pousser  le  fanatisme,  lorsqu'on  lit  les  récits  contemporains  des 
danses  du  Soleil,  chez  les  Sioux  :  on  danse  pendant  plusieurs  jours 
et  plusieurs  nuits  ;  on  se  coupede  cinquante  à  deux  cents  morceaux 
de  chair;  à  ces  trous,  comme  à  des  sétons,  pendent  des  tètes  de 
bison;  d'autres  portent  ainsi  des  pieux;  on  voit  ces  maiheureiix 
tomber  épuises,  évanouis,  ensanglantés. 

Enfîn,  il  y  a  quelques  années,  ce  n'est  pas  chez  les  Sioux,  mais 
chez  les  Anglo-Saxons,  qu'on  a  pu  voir  des  scènes  semblables  : 
dans  un  camp-meeting  tenu  par  les  méthodistes,  où  dix  mille 
ou  douze  mille  dévots  étaient  réunis,  les  fidèles  se  sont  mis  à 
danser,  à  chanter,  à  rire,  à  pleurer,  à  écumer,  à  se  rouler  et  à 
s'évanouir  par  centaines;  il  n'y  eut  pas  moins  de  huit  cents 
maniaques  en  pâmoison. 

L'état  social,  bien  plus  que  le  climat,  suscite  ces  maladies 
étranges;  car  on  les  observe  sous  tous  les  climats.  II  est  même  à 
remarquer  qu'elles  ont  aujourd'hui  deux  maxima  opposés  :  le 
nord  et  les  tropiques. 

Au  nord,  en  Islande,  en  Sibérie,  certains  Samoyèdes  tombent 
en  convulsion  au  bruit  de  la  musique  ;  la  dcmonomanie  est  endé- 
mique dans  le  nord  de  la  Norwége  ;  on  a  attribué  le  fait  à  Tex- 
citation  nerveuse  due  aux  , longs  jours  polaires  ou,  au  contraire, 
au  pouvoir  hallucinant  des  longues  nuits  polaires.  Mais  la  vraie 
cause  c'est  l'ignorance.  Al'équateur,  tous  les  empires  nègres  nous 
montrent  les  mêmes  exemples. 

La  folie  chez  les  aDimanx.  —  Si  l'association,  si  la  cifi» 
lisation  sont  productrices  de  folie,  en  est-il  de  même  pour  l^asso- 
ciation  et  pour  ce  qui  ébauche  la  civihsation  chez  les  animaux? 
La  réponse  est  non^  pour  ceux  qui,  avec  saint  Thomas,  les  regar* 
dent  comme  de  simples  machines;  elle  est  otit,  pour  ceux  qui,  avec 
saint  Augustin,  avec  Lactance,  croient  qu'ils  ont  une  raison 
et  une  âme.  Pour  nous,  qui  savons  qu'ils  ont  un  cerveau  comme  le 


LA  POLIE   CHEZ    LES  ANIMAUX.  4»! 

nôtre,  mais  moins  parfait,  fonctionnant  comme  le  nôtre,  mais  moins 
finement  et  que  la  vie  et  la  pensée  ne  sont  chez  eux,  comme  chez 
nous,  que  le  résultat  de  phénomènes  physiques,  nous  admettons, 
a  priori^  que  les  troubles  cérébraux  doivent  succéder,  chez  les 
animaux,  comme  chez  nous,  aux  désordres  anatomiques  du  cer- 
veau, mais  que  ces  désordres  doivent  être  d'autant  moins  fré- 
quents chez  eux,  que  leur  cerveau  fonctionne  moins.  Nous  savons, 
en  effet,  que  c'est  chez  les  plus  domestiqués  et,  parmi  eux,  chez 
les  plus  intelligents,  qu'on  observe  la  folie.  Le  délire,  le  rùve,  les 
hallucinations  s'observent  chez  les  animaux,  chez  le  chien,  le  che- 
val. Un  vétérinaire  de  Lausanne,  Levrat,  dit  avoir  souvent  ob- 
servé la  folie  chez  le  cheval  ;  elle  frappe  souvent,  dit-il,  les  che- 
vaux de  race  allemande,  qui  ont  la  tète  étroite  au  front  et  les 
oreilles  rapprochées.  La  folie  puerpérale,  analogue,  identique 
même  a  celle  de  la  femme,  est  fréquente  chez  la  chienne.  Quant 
à  rinfluence  de  Tintelligence,  on  cite  précisément,  comme  ayant 
succombé  à  une  affection  cérébrale,  le  Régent,  cheval  savant 
dressé  par  Franconi  et  certain  cheval  sauvage  des  Landes,  qui, 
grâce  aux  tactiques  habiles,  qui  l'avaient  maintes  fois  servi  et 
sauvé,  portait  le  nom  de  Napoléon  des  chevaux.  Il  fut  pris 
dans  sa  vieillesse  et  mourut  par  le  cerveau. 

L'influence  de  Timitation  n'est  pas  moindre  chez  eux  :  la 
toux,  le  bâillement  sont  imitatifs,  comme  chez  l'homme  ;  le  tic 
des  chevaux  est  imitatif  dans  les  casernes. 

Les  théologiens  et  lesjésuites  ont  d'ailleurs  longtempsjugéque  les 
animaux  pouvaient  être  possédés  comme  l'homme;  voici  quelques 
exemples  qui  prouventd'ailleurs  et  surtout,  que  si  les  animaux  peu- 
vent devenir  fous,  l'homme  le  devient  plus  sou  ven  t  encore  !  En  1 1 20, 
l'évêque  de  Laon  lance  un  bref  d'excommunication  contre  les  che- 
nilles et  les  mulots.  En  i247,  un  prêtre  de  Soissons,  consulte  par 
une  sorcière,  baptise  un  crapaud  et  lui  donna  le  nom  de  Jean, 
Vers  la  même  époque,  un  essaim  d'abeilles,  ayant  tué  un  homme, 
fut  jugé  et  condamné  à  être  briilé.  Le  22  septembre  1543,  dans 
une  assemblée  tenue  par  le  conseil  municipal  de  Grenoble,  un 
conseiller  exposa  que  les  limaces  et  les  chenilles  faisaient  un  tort 
épouvantable;  il  fut  convenu  qu'on  prierait  M.  rofficial  de  vou- 
loir bien  excommunier  lesdites  bêtes.  Le  grand  vicaire  les  (il  as- 
signer devant  lui  et,  après  information  solennelle  et  plaidoirie 
contradictoire^  il  les  condamna  à  sortir  du  diocèse  a  et  à  faute  de 
ce  faire,  les  déclarons  maudites  et  excommuniées  « .  L&  \sv^m^ 


4SS  LES   HOMUtS,   LE   IdiLlËU   SOCIAL. 

fait  se  reproduis! l  encore  au  \viii'  siècle,  à  l>ODt-ilu-ChimD,ii 
Auvergne  et,  ce  qui  est  plus  grave,  c'est  que  ce  Tul  le  jug«  Liiq> 
gui  enjoienit  aux  chenilles  de  se  retirer, 

Pvaphjl«Kie  pKr  I*  science.  —  {H  tous  c<^s  faiti  m 
pouvons  conclure,  que  les  étapes  de  civilisation  {Mnsiiht,  pif. 
rkique),  caractérisées  par  la  foi,  la  superstition,  le  fétichint, 
l'ignorance  sont  un  milieu  favorable  à  la  folie  individnelk  m 
collective.  Nous  pouvons  en  déduire  une  conséquence  tlién(«» 
tique,  c'est  que,  dans  i^phnse  intelkctmlU,  le  dêvcloppi^iDenl  de 
l'instruction  et  la  substitution  du  savoir  au  erotrr  sont  le  mn^ 
et  la  prophjlaiic. 


LIVRE  II 

MILIEU    INTÉRIEUR 


CHAPITRE  I. 

Les  raeesy  ««aiHie  les  IndlTldas*  différent  par  lear 
■illlea  Intériear.  — -  Quel  que  soit  celui  des  milieux  extérieurs 
dont  nous  venons  de  faire  Tétude,  qui  agisse  sur  lui^  chaque 
être  dépend  en  outre  de  son  milieu  intérieur. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  ce  mot  milieu  intérieur  soit  une  image  ; 
c^est  une  réalité,  dont  il  importe  de  se  rendre  compte  :  ainsi  que  le 
faisait  judicieusement  remarquer  Cl.  Bernard^  Tanimal  composé 
d^une  seule  cellule,  la  monade^  qui  nage  dans  Teau,  n'est  pas  im- 
bibée par  cette  eau  ;  elle  est  imbibée  par  un  liquide,  à  elle,  qui  lui 
est  propre,  qui  constitue  ce  que  je  nomme,  avec  Ci.  Bernard,  son 
milieu  intérieur.  Or  les  animaux,  même  plus  élevés,  sont  composés 
d'éléments  histologiques,  de  cellules,  dont  chacune  se  comporte 
comme  la  monade,  dont  chacune  possède  son  milieu  spécial  ;  ces 
éléments  histologiques,  baignés  dans  les  sucs  qui  les  imbibent,  y 
trouvent,  en  quantités  variables,  Toxygène,  Tazote,  Tacide  carbo- 
nique, les  sels  et  c'est  là  qu'ils  «  respirent  directement,  disait  en- 
core Cl.  Bernard,  comme  le  poisson. dans  Teau  ».  Les  conditions 
propres  à  chaque  race  et  à  chaque  individu  tiennent  donc^  en 
réalité,  à  la  structure,  au  nombre,  à  la  qualité  des  éléments 
histologiques,  à  la  composition,  à  la  qualité,  à  la  quantité  des 
sucs,  qui  les  baignent  dans  chaque  race  ou  dans  chaque  individu  ; 
ce  sont  là  autant  de  différences  anatomiques,  que  nous  ne 
connaissons  pas  encore  en  elles-mêmes,  mais  dont  nous  apprécions 

les  effets. 

Nous  savons  bien  que  le  pouls  n'est  pas  le  même,  comme 
nombre,  dans  toutes  les  races  humaines  ;  mais  nous  ne  savons 
pas  pourquoi. 

Nous  ignorons  également,  si,  dans  un  même  milieu  ^t&è^m^^ 

OÉOOR.  MiD.  i& 


4S4  MILIEU  INTÉRIEUR. 

la  température  de  toutes  les  espèces  est  la  même.  Or  nous  avons 
vu  quelle  importance  pouvait  avoir  la  température  dans  le  méca- 
nisme de  Taptitude  ou  de  Timmunité  pathologique  !  des  recher- 
ches  sont  à  faire  dans  ce  sens. 

11  est  un  autre  desideratum  important,  c'est  de  connaître 
la  vitesse  avec  laquelle  les  sensations  périphériques  chemi- 
nent, d'une  manière  centripète,  vers  le  cerveau,  qui  les  appré- 
cie, les  goûte,  et  la  vitesse  avec  laquelle  le  cerveau  renvoie  sa 
réponse,  dans  le  sens  centrifuge,  sous  forme  de  mouvement  voulu. 
Cette  vitesse  varie  non  seulement  suivant  les  races,  mais  suivant 
les  individus  et,  chez  le  même  individu,  suivant  les  circonstances, 
ainsi,  chez  un  homme  qui  a  pris  du  café  cette  vitesse  augmente  ;  il 
parera  plus  vite  un  coup  d'épée  ;  elle  augmente  chez  le  cheval  sous 
rinfluence  de  Tavoine  (Sanson)  ;  il  serait  intéressant  de  mesurer 
ces  différences  suivant  les  races.  Divers  appareils  fort  ingénieux 
ont  été  imaginés  par  les  docteurs  Obcrsteiner  et  Exner,  en  Amé- 
rique, ainsi  que  par  les  docteurs  Lebon  et  Noël,  en  France. 

Ce  que  je  viens  de  dire  des  perceptions  centripètes  reçues  par 
le  cerveau  et  des  mouvements  centrifuges  voulus  et  répondus  par 
cet  organe,  est  également  vrai  pour  la  moelle,  qui,  elle,  ne  veut 
pas,  mais  qui  cependant  renvoie  les  sensations  sous  forme  de 
mouvement,  qui  les  réfléchit  sous  forme  d'action  n^/Uxe.  Or  toute 
la  pathologie  est  là  :  la  variabilité  de  l'action  réflexe,  suivant  les 
races,  est  une  des  causes  de  la  variabilité  des  symptômes  morbides, 
suivant  les  races. 

D'une  façon  générale,  c*est  avec  le  milieu  intérieur  que  varie  ce 
que  Ton  peut  nommer  Vessence  de  la  race,  laquelle  diffère  notable- 
ment d'une  race  à  Tautre.  C'est  à  une  différence  chimique  dans  les 
tissus  que  tiennent  Vodew*  propre  à  chaque  race  et  même  le  gont 
spécial  que  T anthropophage  trouve  àchaqne  race  humaine:  lé  nè- 
gre est,  parait-il,  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  ;  le  blanc  est,  dit-on, dé- 
testable !  Broca  avait  remarqué  que,  dans  les  amphithéâtres,  les 
muscles  du  nègre  se  putréfient  moins  vite  que  ceux  du  blanc. 

Tous  ces  faits  sont  autant  d'exemples  d'une  différence  dans 
la  constitution  physique  ou  chimique  des  tissus,  d'une  différence 
de  densité,  de  température,  d'hydratation  ou  de  concentration  et 
Cl.  Bernard  avait  bien  raison,  lorsqu^il  disait  :  «  Il  y  a  dans  cha- 
ff  que  animal  des  conditions  physiologiques  de  milieu  intérieur 
«  qui  sont  d'une  variabilité  extrême.  Or,  chez  un  animal^  les 
«  phénomènes  vitaux  ne  varient  que  suivant  des  conditions  de 


VAHIABIUTÉ    DE    l'aCTION    TOXIQUE.  485 

a  milieu  intérieur  précises  et  déterminées.  »  Ce  que  nous  nom- 
mons l'essence  de  chaque  race  est  donc  Vensemble  de  ces  condU 
tions  anatomiques  particulières. 

%'AriAblllté  de  rAetion  t«xiqae  saiTant  le  milieu  Inté- 
rlear.  —  C'est  bien  évidemment  à  des  conditions  anatomiques  de 
cet  ordre  que  tiennent  les  différences  entre  les  effets  d'une  même 
substance  toxique,  chez  des  races  ou  des  espèces  distinctes. 

Je  pourrais  en  citer  de  nombreux  exemples  :  la  Rann  escu- 
Imta  et  la  Rana  temporaria  réagissent  différemment  sous  Tin- 
fluence  d'une  même  dose  de  caféine,  —  La  Rana  viridis  est  moins 
sensible  que  les  deux  précédentes  à  l'action  de  la  vrratrine  ;  — 
les  chèvres  mangent*  du  tabac; —  la  thébaine,  bien  tolérée  par 
Xhomme  à  la  dose  de  10  centigrammes,  l'est  mal  parle  chien  ;  — 
la  belladone  est  sans  action  sur  les  rongeurs.  Un  cochon  d'Inde, 
du  poids  de  540  grammes,  a  pu  recevoir,  en  injection,  une  dose 
de  oO  centigrammes  de  cette  substance,  dose  équivalente,  chez 
lui,  à  une  dose  de  24  grammes  chez  un  homme  de  65  kilo- 
grammes; —  d'après  Rabuteau,  l'immunité* des  rongeurs  pour 
les  accidents  provoqués  par  l'atropine  tiendrait  à  ce  que  le  sang 
du  lapin  est  très   alcalin  et  que,   sous  Tinfluence  de   cette 
alcalinité    considérable,    l'atropine    se    dédouble   en   tropine 
et    en  acide  tropique  ;  —  la   morphine  est  pour  le  cheval  un 
violent  excitant  ;  —  Vescargot  demeure  insensible  à  l'action  de 
la  digitale.  Enfin  Darwin  assure  que,  dans  le  Tarcntin,  les  habi- 
tants n'élèvent  que  des  mourons  noirs,  parce  que  VHypericum  nw- 
puniy  qui  y  est  abondant,  tue  les  moutons  blancs;  —  le  coquelicot 
est  pour  les  Bovidés  un  poison  assez  violent  ;  —  le  sucre  est  véné- 
neux pour  les  grenouilles  et  les  vers  intestinaux;  —  la  racine  de 
manioc^  qui  est  un  poison  pour  l'homme,  est  impunément  man- 
gée par  les  rongeurs  et  par  les  porcs,  tandis  qu'elle  tue  les  bœufs, 
les  chevaux  et  les  moutons  ;  —  les  faines,  données  aux  chevaux  et 
aux  ânes,  provoquent  chez  eux  des  inflammations  de  la  muqueuse 
intestinale  ;  elles  n'ont  aucun  effet  nuisible  chez  les  autres  ani- 
maux ;  ~-  les  bourgeons  de  sapin,  de  genévrier,  de  chêne,  de  peu- 
plier, d'aubépine  donnent  des  hématuries  aux  bêtes  bovines;  — 
la  mercuriale  est  très  toxique  pour  les  moutons;  —  le  seigle  er- 
goté  est  très  nuisible  aux  porcs;  il  Test  peu  pour  les  chevaux  et 
pour  les  bètes  bovines  ;  —  d'après  Collin  (de  Balgneville),  le 
lotier  corniculé,  plante  réputée  fourragère,  est  un  poison  pour  les 
soUpèdes  ;  —  le  Sapindus  ^dulis  du  Brésil  tue  V<is  d\tiâiXyô&  ^\.  t^^ 


430  MILIEU   INTÉRIEUR. 

fait  pas  de  mal  aux  autres  oiseaux  ;  —  la  Rubia  noxia^  appelée 
lamjaracn  et  herht'  aux  rats,  produit  sur  les  rats  les  mêmes  eflSels 
que  la  valériane  sur  les  chats  ;  —  une  espèce  d'arnica,  le  Donh 
nicum,  tue  le  chien  et  est,  dit-on,  mangée  sans  iDconvénient,  par 
le  chameau  ;  —  les  Euphorbes  sont  mangées  par  ce  dernier;  —  la 
Salsola  soda  empoisonne  les  chevaux  cl  est  mangée  par  les  cha- 
meaux ;— la  phellandrie  aquatique,  qui  tueles  chevaux,  est  mangée 
par  le  bœuf;  —  Vaconit  est  sans  danger  pour  les  chevaux  et  pour 
les  chèvres  ;  le  porc  supporte  à  merveille  Vnntimoine;  le  mou- 
ton, le  kirmts  ;  —  le  café  tue  le  perroquet  et  ne  fait  rien  aux 
moineaux  ni  aux  corbeaux;  —  la  grive  mange  des  graines  de 
ciguë;  —  le  faisan,  les  graines  de  Datura; —  la  fausse  oronge  est 
inolTensive  pour  les  limaces.  Il  faut  bien  que  les  organes  de  ces 
animaux  présentent  des  différences  anatomiques  que  nous  n*ap- 
précions  pas  encore. 

Un  exemple  de  ce  que  peut  produire  la  prédisposition  orga- 
nique sur  Faction  des  substances  nous  est  fourni  par  les  solanées: 
les  solaw^es  vireuses,  les  consolantes,  comme  on  les  appelait, 
parce  qu'elles  apportent  le  solanum,  Toubli,  la  consolation,  n'agis- 
sent que  parce  que  leur  action  se  porte  sur  le  cerveau,  sur  les 
éléments  histologiques  de  Torgane  de  la  pensée.  Or,  suivant  la 
remarque  de  M.  le  professeur  Bouchardat,  elles  ont  d'autant  moins 
d'énergie  sur  les  animaux,  que  ceux-ci  ont  moins  (Tintelligence. 
C'est,  sans  doute,  pour  la  même  raison,  et  en  vertu  d'une  plus 
ou  moins  grande  excitabilité  cérébrale,  qu'on  voit  des  gens  qui, 
pour  la  moindre  fièvre  ont  le  délire,  tandis  que  d'autres  présen- 
tent rarement  ce  symptôme. 

Gréhant  a  constaté  que,  pour  un  même  poids  et  un  même  vo- 
lume, les  chiens,  selon  leur  race,  résistaient  différemment  à  Tac* 
tion  toxique  de  Voxydc  de  carbone  —  certaines  races  succom 
bent  lorsque  la  proportion  de  ce  gaz  dans  Tair  respiré  s'élève 
à  1/200;  d'autres  à  i/300;  d'autres  à  1/400.  D'après  Darwin^  les 
cochons  noirs  peuvent  manger  impunément  les  racines  du  Lach- 
nantes  tincloria,  qui  occasionne  la  chute  des  sabots  chez  tous  les 
porcs  qui  ne  sont  pas  noirs.  On  aurait,  pour  ce  motif,  renoncé, 
en  Virginie,  à  élever  des  cochons  blancs  ! 

D'après  Cl.  Bernard,  le  curare^  introduit  dans  les  voies  diges- 
lives,  est  inoffensif  pour  les  mammifères  et  tue,  au  contraire,  les 
oiseaux.  Diverses  sortes  de  pêches,  à  chair  jaune,  souffrent  d'une 
maladie  qui  n'atteint  pas  au  même  degré  les  pèches  à  chair 


VARIABILITÉ   DE   l'aCTION   MORBIDE.  4S7 

blanche  (Darwin),  l/illustre  naturaliste  et  philosophe  assure  en- 
core que  le  sarrasin  (Polygonum  fagopyrum)  en  fleurs  est  nuisible 
aux  porcs  blancs  et  non  aux  noirs  ! 

Variabilité  de  l'aetlon  morbide  snlvant  le  mlllen  Inté- 
rieur. —  Le  terrain  sur  lequel  s'exerce  Paction  morbide  elle-même, 
est  quelque  chose  de  tellement  important,  que  les  parasites  les  mieux 
reconnus,  Vacarus  de  la  gale,  Icspoux^  envahissent  de  préférence 
les  individus  malades!  La  canneà  sucrea  pour  ennemi  un  insecte, 
\e  borer.  Lui-même  ne  vient  que  sur  les  cannes  attaquées  par  un 
cryptogame  et  ce  cryptogame  n'envahit  que  les  cannes  malades, 
pour  avoir  été  trop  poussées  en  guano.  Le  lapin  et  le  cobaye,  qui 
sont  cependant  deux  rongeurs  bien  voisins,  se  comportent  tout  dif- 
fféremment  à  la  suite  de  Tinoculation  d'un  miciobe,  qui  n'est  pas 
celui  de  la  rage  et  que  Pasteur  a  trouvé  pour  la  première  fois  dans  la 
salive  d'un  enfant  enragé,  le  lapin  est  tué,  le  cobaye  n'éprouve  rien. 
Cela  peut  tenir,  ainsi  que  Tilluslre  expérimentateur  Ta  lui-même 
supposé,  à  ce  que,  dans  le  sang  d'un  cobaye,  le  microbe  en  question 
.aurait  besoin  d'une  incubation  beaucoup  plus  longue,  autrement 
dit  qu'il  y  multiplierait  moins  rapidement.  Quoi  qu'il  en  soit^  la 
dififérence  dans  la  longueur  de  l'incubation  d'une  même  maladie 
virulente,  chez  desanimaux  voisins,  prouve  déjà  combien  \tuv  milieu 
inU' rieur  est  différent.  Les  moutons  algériens ^  qui  ont  une  immu- 
nité pour  le  sang  (le  rate,  en  ont  une  également  pour  la  clavelée 
{Toussaint).  Ils  apportent  à  nos  moutons,  qu'elle  décime  dans  le 
midi  de  la  France,  cette  maladie,  qui,  pour  eux,  est  inofTensive. 
Boudin  a  montré  que  la  mortalité  des  chevaux  varie  suivant 
leur  provenance  :  ainsi,  les  chevaux  de  Guingamp,  de  Morlaix 
ont  une  mortalité  de  31  0/0,  tandis  que  les  chevaux  de  Caen,  de 
Guéret,  d'Aurillac  et  de  Saint-Maixent  ont  une  mortalité  de  31  0/0, 
et  ceux  d'Auch  et  de  Villers,  de  02  0/0.  Leur  morbidité  varie 
d'ailleurs  comme  leur  mortalité,  témoin  le  tableau  suivant  : 

Sur  1 000  chevaux. 

Maladies 
Localités.  Faroin.  respiratoires.  Morve. 

Saint-Maixent 16,5  11,9  24,4 

Caen 16,2  13,7  19,6 

Auch 14,8  12,9  31,9 

Villers 14,6  16,9  32,3 

Guéret  et  Aurillac 13,2  10,59  96,6 

Guingamp  et  Morlaix....  12,0  12,07  17,5 

Chevaux  étrangers 11,1  B,9V  %^)% 


488  MILIEU   INTÉRIEUR. 

Tous  ces  faits  sont  évidemment  liés  à  des  conditions  anatomi- 
ques  inconnues.  C'est  à  cet  ordre  d'idées  que  faisait  allusion 
Cl.  Bernard  lorsqu'il  écrivait  :  «  J'ai  constaté  dans  plusieurs  races 
de  chiens  et  de  chevaux  des  caractères  physiologiques  tout  à  fait 
particuliers,  qui  sont  relatifs  à  des  degrés  différents  dans  les  pro- 
priétés de  certains  éléments  histologiques,  particulièrement  du 
svstème  nerveux,  o 

Ce  sont  également  des  particularités  anatomiques  par  nous  mé- 
connues que  nous  décèle  le  choix,  que  les  maladies  semblent  faire 
de  telle  ou  telle  race. 

Le  virus  morveux,  par  exemple,  si  actif  chez  le  cheval.  Tàne  et 
rhomine,  ne  produit  souvent  chez  le  chien  que  des  accidents 
locaux. 

La  jhripncumonie  contagieuse  des  bèlcs  à  cornes,  maladie  in- 
fectieuse qui  décime  parfois  les  établcs,  fait,  sur  les  bêles  dVi- 
gine  hollandaise,  beaucoup  moins  de  ravage  que  sur  les  autres. 

Il  ne  suffit  pas  de  semer  une  graine  dans  un  terravu  il  faut 
qu'elle  puisse  vivre  et  germer  dans  ce  terrain  ;  c'est  ce  que  nous 
nommons  en  médecine  la  prédisposition  morbide  individuelh^y 
due  au  tempéraments  au  sexe,  à  l'âge,  à  la  race  :  ainsi  le  profes- 
seur Peter  a  pu,  sims  rien  éprouver,  badigeonner  sa  gorge  avec 
des  fausses  membranes  de  diphthérie  et  cependant  la  maladie  est 
contagieuse  :  absence  de  prédisposition  individuelle!  Il  y  a  des 
gens  qui  sont,  pendant  toute  leur  vie.  réfractaires  à  la  variole,  à 
la  vaccine,  à  la  syphilis.  Cette  question  de  convenance  est  même 
tellement  évidente,  que  s'il  ne  s'agissait  d'ôtres  aussi  infimes  que 
ces  microbes,  on  dirait  qu'il  y  a  choiXy  choix  d'ailleurs  aussi  légi- 
time, que  celui  du  lion  qui  préfère  l'homme  noir  à  l'homme  blanc, 
que  celui  de  la  puce  qui  préfère  le  chien  à  l'homme,  certains 
hommes  à  certains  autres,  ou  que  celui  des  poux  dont  parle  Dar- 
win, qui,  habitués  ù  vivre  sur  la  tête  des  Polynésiens,  mouraient 
sur  la  tète  des  mat»?lots  anglais. 

11  existe  dans  les  fruits  un  acide  qui  se  nomme  Vacide  tor- 
trique.  Toujours  identique  ù  lui-même  pour  le  chimiste,  tantôt 
cet  acide  dévie  à  gauche  la  lumière  polarisée,  tantôt  il  la  dévie  à  . 
droite.  On  distingue  donc  deux  acides  tartriques,  le  droit  et  le 
gauche.  Ces  deux  acides,  chimiquement  identiques  pour  nous, 
sont  susceptibles  de  se  détruire  par  le  fait  d'un  ferment.  Or  le 
ferment  qui  détruit  l'acide  tartrique  droit,  ne  fait  pas  fermenter 
l'acide  tartrique  gauche  et  réciproquement,  et,  dans  Vacide  mcé- 


VARIABILITÉ   DE   INACTION   MORBIDE.  439 

mique^  qui  est  un  mélange  diacide  tartrique  droit  et  d'acide  tar- 
trique  gauche,  si  on  introduit  le  ferment  du  droit,  il  fera  dispa- 
raître tout  le  droit  et  respectera  le  gauche!  Voilà  donc  un 
ferment  qui  sait  mieux  que  nous  faire  la  différence  entre  les  deux 
yariétés  d*acide  tartrique  !  Quoi  d'étonnant  que  des  ferments  sem- 
blables fassent  mieux  que  nous  l'analyse  des  tempéraments  dans 
les  diverses  races  animales,  dans  les  diverses  races  humaines,  et 
que  certaines  espèces  soient  plus  que  les  autres  sujettes  à  certaines 
maladies?  Cest  ainsi  que  le  microbe  du  choléra  des  poules,  inocule 
à  une  poule,  la  tue  certainement,  tandis  qu'inoculé  à  un  cochon 
d'Inde,  il  le  laisse  bien  portant,  sauf  peut-être  un  petit  abcès  local 
qu'il  déterminera.  Certains  parasites  des  végétaux  ne  s'attaquent 
qu'aux  crucifères,  d'autres  qu'aux  labiées,  aux  graminées,  aux 
renonculacées,  aux  ombellifères;  c'est  ainsi  qu'on  voit  la  teigne, 
qui  roussit  les  lilas  (Gi^acillaria  syringclla)  produire  les  mêmes 
dégâts^  causer  la  même  maladie  sur  le  frêne,  sur  le  troène,  plantes 
qui  différent  du  lilas,  mais  qui  appartiennent,  comme  lui,  aux  jas- 
minées.  La  pyrale  de  la  vigne  [Tortrix  pilleriana)  dans  les  pays 
où  il  n'y  a  pas  de  vigne,  vit  sur  la  clrmatilc.  Le  papillon  hHc  de 
mor^  qui  vit  sur  la  pomme  de  terre^  vivait  sur  d'autres  solanées 
avant  l'introduction  de  ce  tubercule.  Le  donjphera  de  la  pomme 
de  terre  vit  également  sur  d'autres  solanées.  C'est  un  choix  que  fait 
la  bacléridie  en  faveur  des  races  hovines  de  Bourgogne  et  de  Fran- 
che-Comté, qui  prennent  plus  facilement  le  charbon  que  celles  de 
Normandie  ou  de  Bretagne  !  C'est  le  résultat  d'un  choix  analogue 
que  la  différence  que  fait  la  bactéridie  charbonneuse  entre  le 
mouton  mérinos,  qui  prend  facilement  le  charbon  et  les  moutons 
algériens,  qui,  même  en  France,  ne  le  prennent  pas!  N'est-ce  pas 
pour  la  même  raison  que  le  microbe  de  la  fièvre  jaune  respecte 
le  nègre  inOniment  plus  que  le  blanc?  Que  l'empoisonnement  pa- 
ludéen est^  de  même,  moins  fréquent  chez  le  noir  que  chez  le 
blanc? 

Comment  les  tissus  d'un  animal  peuvent-ils  offrir  à  une  bacté- 
ridie, une  différence  appréciable  de  milieu?  Lescultures  artificielles 
de  Pasteur  nous  l'apprennent  :  le  bouillon,  l'eau  de  levure,  sont 
les  liquides  où  se  cultivent  le  mieux,  artificiellement^  la  bactéridie 
charbonneuse.  Un  pareil  milieu  ne  convient  pas,  au  contraire,  au 
parasite  du  choléra  des  poules:  le  bouillon  de  poulet  lui  est  mieux 
approprie  ;  l'urine  alcaline  lui  convient  à  merveille  ;  mais  qu'on 
modifie  la  réaction  de  ces  liquides  de  culture  et  les  fermeatâ  s&'^Qi'clV 


440  MILIEU    INTÉRIEUR. 

modifies;  ils  pourront  même  ne  plus  proliférerdu  tout  dans  le  milieu 
ainsi  transformé.  Des  modifications  chimiques  de  même  nature, 
produites  dans  le  sang  des  animaux,  décident  de  même  de  la  facilité 
avec  laquelle  le  ferment  producteur  de  telle  maladie  s'acclimatera 
dans  leur  organisme.  La  température  du  milieu  sanguin  est  elle- 
même  une  condition  des  plus  importantes.  Ainsi  les  oiseaux,  qui 
prennent  si  bien  le  choléra  des  poules,  ne  prennent  pas  le  charbon. 
Pasteur,  notamment,  n'avaitjamais  réussi,  ainsi  que  je  Tai  dit  plus 
haut,  à  inoculer  le  charbon  à  des  poules,  alors  que  l'inoculation  du 
même  liquide  virulent  réussissait  toujours  chez  les  mammi- 
fères. Or,  entre  autres  différences,  il  en  est  une  capitale 
entre  les  mammifères  et  les  oiseaux,  c^est  que  la  tem- 
pérature normale  des  seconds  est  beaucoup  plus  élevée  que  celle 
des  premiers  :  celle  des  oiseaux  est  de  4-  4lo  ou  44®,  celle 
des  mammifères  de  H-  37°.  Pasteur  s'est  donc  demandé  si  le  milieu 
sanguin  des  oiseaux  n'était  pas  un  milieu  trop  chaud  pour  plaire 
à  la  bactéridie  charbonneuse  ;  Texpérience  lui  a  montré  qu'il  ne 
s'était  pas  trompé.  Il  fit  refroidir  une  poule  en  la  plongeant  dans 
un  bain  froid,  de  telle  façon  que  sa  température  normale  cessât 
d'être  supérieure  à  celle  des  mammifères;  il  inocula  alors  la  bac- 
téridie et  la  poule  mourut  du  charbon,  le  sang  étant  rempli  de 
bactéridics.  Inversement,  il  suffit  de  mettre  dans  Teau  chaude 
une  grenouille,  qui,  normalement,  est  réfractaire  au  charbon, 
pour  que,  son  sang  prenant  une  température  égale  à  celle  des 
mammifères,  elle  devienne  susceptible  de  prendre  le  charbon. 
Pasteur  a  fait  mieux  :  chez  une  poule  qui,  refroidie,  avait 
été  inoculée  et  qui  présentait  déjà  les  premiers  symptômes  du 
charbon,  il  lui  a  suffi  de  la  réchauffer  pour  arrêter  la  maladie, 
c'est-à-dire  l'évolution  des  bactéridies.  Il  découle  de  là  une  in- 
duction pratique  :  suffirait-il  d'élever  la  température  d'un  mam- 
mifère au  niveau  de  celle  d'un  oiseau  pour  l'empêcher  de  prendre 
la  maladie  charbonneuse?  Cette  démonstration,  ce  n*est  pas 
Pasteur  qui  Ta  faite,  c'est  un  modeste  vétérinaire  du  Jura,  qui, 
depuis  longtemps,  sans  soupçonner  des  théories  et  des  expé- 
riences qui  n'étaient  pas  encore  nées  ou  faites,  s'est  acquis  une 
célébrité  locale,  dans  le  traitement  du  charbon,  par  des  frictions 
irritantes  et  l'enveloppement  de  l'animal  avec  de  la  paille  ou 
du  foin  arrosés  de  vinaigre  chaud,  ce  qui  revenait  à  élever  la 
température. 
L'aptitude  des  races  à  choisir^  pour  ainsi  dire,  au  milieu  des 


VARIABILITÉ   DE    INACTION   MORBIDE.  44i 

maladies  infectieuses,  ou  plutôt  l'aptitude  de  chaque  ferment  à 
choisir^  à  l'exemple  de  celui  de  Tacide  tartrique  droit  ou  gauche, 
le  milieu  intérieur  qui  sera  pour  lui  le  meilleur  des  milieux  exté^ 
rieurs,  cette  aptitude,  dis-je,  a  été  très  joliment  démontrée  par 
Toussaint  :  à  du  sang  charbonneux  il  ajoute  une  très  petite  quan- 
tité de  sang  septique  et  un  peu  de  sang  d'une  poule  morte  du  cho- 
léra des  poules  ;  il  inocule  le  mélange  à  des  animaux  différents 
et  le  même  sang,  ainsi  inoculé,  fait  périr  les  lapins  de  septicémie, 
les  poulets  du  choléra  des  poules,  les  moutons  et  les  cobayes  du 
charbon.  Chacun  de  ces  animaux  a  été  choisi  par  le  parasite  auquel 
il  convenait,  alors  qu'il  a  été  réfractaire  à  l'action  des  autres. 

On  peut  encore  rapprocher  du  choix  fait  par  le  ferment  de 
l'acide  tartrique,  ce  fait  de  deux  cactus  semblables,  dont  parle 
Dqrwin,  cactus  qui  vivent  dans  l'Inde.  L'un  a  été  importé  de 
Canton,  l'autre  de  l'Amérique  du  Sud  ;  or  la  cochenille^  qui  fait 
entre  les  deux  une  différence  que  nous  n'apprécions  pas,  ne  vit 
que  sur  ce  dernier.  C'est  de  même  que,  toujours  d'après  Darwin, 
les  terriei^s  blancs  sont  plus  sujets  que  les  autres  à  la  maladie  des 
chiens.  Dans  TÂmérique  du  Nord,  les  pruniei's  à  fruits  pourprés 
sont  sujets  à  une  maladie  qui  n'atteint  pas  les  autres  et,  à  Maurice, 
les  cannes  à  sua'e  blanches  sont  atteintes,  depuis  quelques  années, 
d'une  maladie  qui  ne  sévit  pas  sur  la  canne  à  sucre  rouge.  De 
même  les  poussins  blancs  sont  plus  sujets  que  les  autres  aux  pa- 
rasites (Darwin)  ;  à  Malaga,  les  vignes  blanches  plus  souvent 
malades  que  les  noires  (Darwin).  Crevaux,  dans  son  voyage  sur 
rOyapock,  a  remarqué  que  les  poux  des  Indiens  différaient  de 
ceux  du  nègre  et  que  ces  deux  espèces  de  poux  n'étaient  pas  non 
plus  semblables  au  Pedinulus  capitis  de  la  race  blanche. 

Un  autre  exemple  des  différences  du  milieu  intérieur  :  la  bac- 
térie du  charbon  symptomatique,  introduite  dans  le  sang  du 
bœuf,  ne  donne  lieu  qu'à  une  maladie  bénigne,  tout  éphémère, 
qui  a,  cependant,  ce  résultat  durable,  de  revêtir  l'organisme 
d'une  immunité  complète  contre  les  invasions  ultérieures  de  la 
maladie,  par  quelque  voie  que  l'on  tente  de  la  faire  pénétrer. 

Elle  se  comporte  tout  autrement,  quand  on  l'introduit  dans  le 
tissu  cellulaire  et  surtout  dans  le  tissu  musculaire.  Là,  elle  se 
trouve  dans  son  véritable  milieu  de  culture  et  donne  lieu  immé- 
diatement à  des  phénomènes  locaux  de  fermentation,  qui  se 
traduisent  par  un  grand  dégagement  de  gaz. 

Si  le  microbe  du  charbon  symptomatique  se  comv^tVft  ^\  ^\S^v^- 


i'.i  M1L1ËD    INTËniEUR. 

reoimcnt  suivant  qu'il  est  dans  le  sang  ou  dans  les  frarDOdon 
(les  muscles,  cela  dépend,  on  peut  l'admellre,  de  ce  <iu'il  tfjK- 
tient  aux  espèces  auaêrobies.  Le  sang,  par  l'abùndaiice  de  l'on- 
gène  qu'il  runterme,  n'est  pas  un  milieu  conTomte  h  satuton. 
dans  lo  muscle,  au  contraire,  il  maniresle  toutes  ses  actiiilêt  a 
absorbant,  pourles  besoinsde  âanutrilioa,l'oijj;éne  de  cotnptni- 
lioQ  des  tissus  et  en  donnant  lieu  à  un  mouvement  de  tainea- 
latioD,  dont  le  dégagement  du  gaz  acide  carbonique  csl  le  li^ 
indubitable. 

Aplllndes  emamuneB  do  milieu  iBt^ricMr  ûmm»  êet 
raecB  dlffcrenleH,  —  Ccriaines  maladies  parasitaires, »u  aUm 
à  ferment,  s'attaquent  néanmoins  à  un  grand  nombre  d'^prce 
el  du  races  diiïéreriles,  comme  si  leur  Turmoat  était,  e»  ^oéitiK 
sorte,  d'un  acclimatement  Facile  dans  tous  les  milieui  ;  c'otainu 
qu*on  menljonne  un  grand  nombre  d'épizooties  commuocfà  <Ik 
animaux  très  difrérenls  : 

En  1712,  près  d'Augsbourg,  une  épiiootie  rcgnn  sur  ki  ebe- 
Tani,  les  bŒufs,  les  porcs  et  les  oiseaux  de  basse-roar.  En  l'G3, 
une  épizoolie  régna,  en  Europe,  sur  les  chiens  et  les  ^gtoat  :  n 
outre,  un  grand  nombre  d'épizooties  Turent  rn  inéme  teDipsde 
é|)ldémies.  Ainsi,  de  l'an  376  de  notre  êie  jusqu'à  U  (ru  ilu 
XV*  siècle,  les  chroniqueurs  mentionnent  134  épidemiet  «u 
épizooties  et,  dans  ce  nombre,  on  trouve  2D  épidémies,  U  if' 
zoolies  et  G2  épidcmo-zooties,  c'est-à-dire  di  maladies  cuouun» 
aux  hommes  et  aux  animaux. 

Beaucoup  de  maladies  sont  communes  à  un  grand  noobnd'a 
pèces.  Galien  a  décrit  l'hydropisie  du  péricarde  cliet  un  MSp  ;  d 
avait  vu  la  péricardile  chez  le  coq,  sous  Toroïc  d'une  tanKor  du 
cœur,  squirrheuse,  à  plusieurs  Teuillets,  description  dcrnire  b- 
quelle  il  est  aisé  de  reeon naître  la  pérlcardito  mcmbraneuK  tiM- 
sique;  Rajer  également  a  signalé  la  péricardite  ebez  le  004.  <■ 
canard,  le  faisan.  J'en  ai  rooi-mâme  observé  un  d«*  plm  ht»ax 
tjpes  qu'on  puisse  voir,  rappelant  tout  A  fait  la  compar«iKiii,di^ 
sique  enanatomic  pathologique,  avec  du  Uvrre  &Tiui mr  le  fimi 
i^une  assimile,  chez  une  serine,  qui,  pendant  sa  maladie,  avait  k* 
pattes  rouges,  enflées,  douloureuses,  notammeut  au  DiVBia  do 
jointures,  qui,  en  un  mot,  avait  un  véritable  riiumalisne  artiat- 
laire  aigu. 

Le  dUitélc  sucré  a  été  constaté  chez  le  cheml  par  Ledctt. 


VARIABILITÉ   DES   SYMPTOMES.  443 

chez  cet  animal  et  déposé  dans  les  coUeclions  du  laboratoire  des 
haulesétudesàrinstitut  anthropologique  lesfémursetleshumérus 
d'uQ  singe,  qui  sont  renflés  et  rappellent  absolument  une  pha- 
lange métacarpienne  de  Thomme,  qui  serait  atteinte  de  8pina 
vent  osa. 

Les  chevaux  atteints  de  pousse  guérissent  à  Cauterets,  abso- 
lument comme  leurs  maîtres. 

On  sait  combien  \aiblennorrhagieesl  fréquente  chez  le  chien. 

Le  mwjiiet  est  commun  à  Thomme  et  aux  animaux  (agneaux). 

La  stomatite  gangreneuse  de  Thomme  s'observe,  sous  le  nom  de 
glossanthrax^  chez  le  cheval ,  le  bœuf  y  le  chien;  {'anthrax  du  gosiei' 
des  oiseaux  semble  analogue  à  Pangine  gangreneuse  de  Thomme. 

Les  verrues  épithéliales  sont  fréquentes  sur  la  langue  du  chien. 

Nocard  a  observé  la  leucoc)  thémie  chez  le  rhien  ;  tous  les  gan- 
glions étaient  volumineux.  Le  foie  pesait  i  680  grammes,  au  lieu 
de  4G5  grammes,  son  chiffre  normal;  la  rate,  390  grammes, 
au  lieu  de  150.  Les  globules  rouges  étaient  tombés  de  7  000000 
(chiffre  moyen  du  chien)  à  2  000000.  Les  globules  blancs  s'éle- 
vaient à  32585,  soit  1  blanc  et  85  rouges.  Cette  maladie  a  été  vue 
chez  le  cheval  et  chez  le  porc. 

J'ai  dit  plus  haut  que  la  diphlh'vie  s'éicndait  à  de  nombreux 
animaux. 

Certaines  maladies,  tout  en  étant  capables  de  se  diffusera  plu- 
sieurs espèces,  sont  cependant  plutôt  propres  à  telle  espèce  que 
telle  autre.  Ainsi  le  charbon  est  une  maladie  de  la  bête  bovine, 
bien  que  d'autres  espèces  puissent  le  contracter.  L'homme  prend 
le  charbon,  mais  lui  seul  est  suseeptible  de  prendre  parfois  le 
charbon  demeuré  local  (pustule  maligne);  les  autres  animaux 
prennent  de  suile  la  fièvre  charbonneuse.  Bouchard  regarde  éga- 
lement la  phthisie comme  une  maladie  bovine,  La  syphilis  est  spé- 
cialement humaine,  bien  qu'elle  s'étende  aussi  à  d'autres  animaux. 

Les  diverses  espèces  animales  représentent,  pour  chacune  des 
graines  dont  nous  venons  d'étudier  la  répartition  géographique, 
des  terrains  différents  et  la  différence  du  milieu  intérieur  donne 
à  ces  graines  des  destinées  différentes. 

Variabilité  des  symptdmes  d'une  même  maladie, 
suivant  le  milieu  intérieur.  —  Quand  des  races  différentes 
prennent  avec  une  égale  facilité  la  même  maladie,  elles  l'expri- 
ment, du  moins,  par  des  symptômes  différents. 

Ainsi  9  sous  l'influence  de  la  même  bactéridie  chacboaiv<!.vis<^^ 


444  MILIEU   INTÉRIBUR. 

le  lapin,  le  mouton,  le  bœuf,  le  cheval,  présentent  des  symptômes 

différents. 

C'est  ainsi  qu'un  môme  cynips  produit,  sur  différentes  plantes, 
«liflerentes  galles  d'aspect  différent.  Les  Qiœrcus  robur,  jmlunnt' 
hitfi,  sessiflora,  pubcscens,  sous  la  piqûre  du  même  cynips, 
autour  de  la  même  larve,  produisent  quatre  galles  absolument 
dissemblables. 

La  tnhirculosc  de  la  bète  bovine  a  une  forme  lente  ;  celle  du  porc 
rappelle  la  forme  galopante  de  Thomme.  Les  complications  ner- 
veuses des  maladies  sont  moins  fréquentes  chez  les  ruminants 
(]ue  chez  les  chevaux  et  les  chiens. 

En  somme,  comme  Ta  dit  excellemment  M.  le  professeur  de 
Ouatrefages  :  «  A  quelque  règne  qu'elles  appartiennent,  qu'il 
«  s'agisse  des  animaux  ou  des  végétaux,  les  races  ont  leurs 
«  cararttrcs  pathologiques,  aussi  bien  que  leurs  caractères  exté- 
<(  rieurs  ou  anatomiques  propres.  )>  M.  de  Quatrefages  ajoute  : 
tt  L'homme  n'échappe  pas  à  cette  loi.  » 

Avant  d'étudier  les  caractères  pathologiques  des  races  hu- 
maines, voyons  quelques  exemples  de  la  différence  d'expression 
symptomatique  dans  les  diverses  races  animales. 

i5    1.    VARIOLE. 

Variole  dn  slnice.  ^-  La  variole  a  été  observée  chez  le 
singe,  par  Bergmann;  de  son  côté  Valentin,  de  Norfolk  (en  Vir- 
ginie), raconte  que,  pendant  que  la  petite  vérole  régnait  dans  une 
maison,  il  vit  un  singe  familier  en  être  atteint.  Le  plus  grand 
nombre  des  pustules  était  comme  chez  l'homme,  à  la  face,  au 
ventre,  aux  aisselles. 

Cow-pox.  —  La  même  maladie  existe  dans  l'espèce  bovine, 
sous  le  nom  de  cow-poXf  caractérisée  par  une  éruption,  qui  se 
fait  sur  plusieurs  points  du  corps,  mais  notamment  sur  les  trayons 
et  sur  le  pis.  Le  cow-pox  n'est  même  pas  très  rare  à  l'état  épidé- 
mique:  en  i831,  en  1835,  près  de  200  vaches  furent  atteintes  du 
cow-pox,  dans  le  royaume  de  Wurtemberg  ;  en  1833,  une  épidémie 
régna  à  Calcutta;  en  1836,  une  petite  épidémie  fut  observée  à 
Passy;  une  autre  dans  l'Eure-et-Loir.  En  1838,  plusieurs  épizoo- 
lies  de  cow-pox  sévirent  en  Angleterre  et  en  Russie. 

La  variole  sévit  sur  les  chamelles,  dans  Tlnde,  et  en  Laponie, 
sur  les  femelles  du  renne. 


CLâVELÉE.  445 

Hora«-pox«  govroie.  —  Elle  sévit  chez  le  cheYal,  chez  lequel 
elle  donne  lieu  à  une  éruption  surtout  abondante  sur  la  muqueuse 
buccale  et  au  paturon,  qui  suppure;  de  là  le  nom  d'eaux  aux 
jambes,  que  prend  la  maladie  ;  elle  se  nomme  aussi  horse-pox  ou 
grease.  Dans  plusieurs  cas,  des  garçons  de  ferme,  ayant  en  même 
temps  à  soigner  des  chevaux  et  des  vaches,  ont  transmis  le  cow- 
pox  aux  chevaux  ou,  inversement,  le  horse-pox  aux  vaches.  On 
arrive  expérimentalement,  par  Tinoculation,  au  même  résultat; 
c'est  ainsi  que  le  liquide  des  jambes  du  cheval  a  été  inoculé  avec 
succès  à  un  autre  cheval  ;  de  celui-ci  à  une  vache,  à  un  taureau, 
à  un  zébu,  à  une  jument  de  Java,  à  un  cheval  siamois  et  enfin  à 
un  dernier  cheval. 

Les  recherches  de  Trasbot  ont  montré  que  la  gourme  des  jeunes 
chevau  X  n'est  que  de  la  variole .  L'éruption  d  u /lor^e-poo;  est  réru  ption 
essentielle  de  la  gourme  ;  elle  a  lieu  sur  lapituitaire,  dans  la  bouche 
et  sur  la  surface  du  corps;  le  jetage,  le  gonflement  ganglionnaire, 
la  lymphangite  de  la  face,  tous  symptômes  qu'on  regarde  comme 
fondamentaux  de  la  gourme,  ne  sont  que  des  localisations  ampli- 
fiées de  réruption  variolique.  De  même  la  localisation  exagérée 
aux  jambes  et  aux  jointures  donne  de  Tarthrite  et  ce  qu'on 
nomme  les  eaux  aux  jambes;  mais  l'éruption  caractéristique  se 
retrouve  toujours  disséminée  sous  le  poil.  L'inoculation  vaccinale 
empêche  d'ailleurs  la  gourme  de  se  produire  chez  les  chevaux. 
Bouley,  de  son  côté,  depuis  que  son  attention  a  été  attirée  sur  ce 
point  par  Trasbot,  a  toujours  constaté  le  horse-pox  chez  les  che- 
taux  gourmnix, 

11  y  a  bien  des  anné^^  ^  a*un  marchand  de  chevaux  de  Paris  m'a 
raconte  que,  depui'*  .igtemps,  il  préférait  que  ses  jeunes  chevaux 
fissent  leur  gourme  à  son  gré  et  qu'il  n'aimait  pas  que  la  maladie 
apparût  spontanément.  Il  a  l'habitude,  lorsqu'un  jeune  cheval  a  la 
gourme,  de  le  mettre  dans  une  écurie  à  part  ;  quand  ce  cheval  est 
guéri,  il  met  dans  cette  écurie  d'autres  jeunes  chevaux,  qui  con- 
tractent ainsi  la  gourme,  au  moment  qu'il  a  choisi. 

Clav«lé«.—  Chez  le  mouton  la  variole  constitue,  sous  le  nom  de 
ekxveléey  une  épizootie  des  plus  graves,  caractérisée  par  une  éruption, 
qui,  comme  chez  l'homme,  peut  être  hémorrhagique,  confluente, 
gangreneuse. Un  grand  nombre  d'observateurs:  Béale,  1863;  HaU 
lier  et  Zù  rn,  i  867  ;  Chauvcau ,  i  868  ;  enfin  Coze  et  Feltz,  Klebs,  Cris- 
mann,  Cohne,  Kber,  ont  constaté  des  corpuscules  de  mierococcm 
dans  la  sérosité  des  pustules  de  clavelée.—  Sur  les  bot^^  ^^  \>5. 


446  MILIEU   INTÉRIEUR. 

Méditerranée,  en  France,  laclavelée  fait  de  très  grands  ravages  ; 
apportée  par  les  moutons  algériens,  sur  lesquels  elle  est  inoffensive, 
elle  détruit  parfois  60  et  70  pour  iOO  de  nos  moutons.—  Chauveao 
a  recueilli  le  microbe  de  la  clavelée  et  a  fait  des  cultures  artiû- 
cicllcs  ;  il  Ta  obtenu  alors  sous  deux  états  :  celui  de  bactéries  et 
celui  de  spores.  Les  bactéries,  d'abord  petites,  agiles,, grossissent 
et  donnent  une  spore  à  chacune  de  leurs  deux  extrémités.  Avec 
ces  bactéries  de  culture,  Chauveau  a  vacciné  des  moutons. 

Variole  dn  pore.  —  Le  porc^  la  chèvre  prennent  souvent  la 
variole  au  contact  des  moutons  qui  ont  la  clavelée. 

Variole  dn  chien.  Maladie  des  ehlens.  —  Le  chien, 
fidèle  compagnon  de  Thomme,  partage  avec  lui  même  la  variole  : 
en  1792,  un  paysan  du  canton  d'Essex,  pour  donner  à  ses 
enfants  une  variole  préventive,  avait  imaginé  de  leur  faire  man- 
ger des  croûtes  varioliques,  sur  une  tartine  de  beurre  Un  chien 
familier  sMnvita  à  ce  repas,  qui  n'avait  pas  été  préparé  pour  lui  ; 
il  eut,  au  quatrième  jour,  une  éruption  de  variole  et,  au  neu- 
vième jour,  des  pustules  noires.  On  cite,  enfin,  Thistoire  tou- 
chante d'un  chien,  qui  léchait  les  mains  de  son  maître  atteint 
de  variole  et  qui  succomba  quelques  jours  plus  tard,  atteint 
lui-même. 

La  variole  est  d'ailleurs  plus  fréquente  qu'on  le  pense  chez 
le  chien.  Trasbot  a,  en  effet,  démontré  que  ce  qu'on  nomme  la 
maiadic  (les  chiens^  maladie  inoculable,  ne  se  développait  pas 
chez  ceux  à  qui  on  a  inoculé  le  cow-pox  et  que  le  cow-pox  ne 
prenait  pas  sur  ceux  qui  ont  eu  la  maladie  des  chiens. 

Variole  des  oiseaux.  —  Il  n'est  pas  jusqu'aux  oiseaux  qui 
ne  prennent  la  variole  ;  Valentin  raconte  que,  pendant  une  épi- 
démie de  variole  humaine,  il  vit  un  grand  nombre  d'oiseaux  mou- 
rir de  cette  maladie.  Rayer  Ta  observée  sur  les  pigeons.  Holwell 
cite  enfin  un  perroquet,  dont  la  maîtresse  avait  la  petite  vérole; 
le  pauvre  oiseau  mourut  et  à  son  autopsie,  on  trouva  la  gorge, 
Veslomac,  l'intestin  boursouflés  et  couverts  de  pustules,  ainsi 
que  la  surface  du  corps.  Charlieu  cite  enfin  des  poules,  qu'il  a 
vues  mourir  de  variole,  après  avoir  becqueté,  dans  l'écurie,  les 
jambes  d'un  cheval  atteint  de  horse-pox.  J'ai  parlé  plus  haut  des 
expériences  de  Jolyet  sur  les  pigeons. 


FIÈVRE   typhoïde.  447 

§  2.   ROUGEOLE. 

Roa^eole  da  alB^e.  —  La  rougeole  a  été  observée  sur  le 
singe.  Je  ne  possède  pas  de  renseignements  relatifs  aux  autres 
animaux. 

§  3.  PESTE. 

La  peste  atteint-elle  toutes  les  races?  Des  témoignages  nom- 
breux nous  montrent  qu'elle  atteint  certains  animaux  :  Boccace 
nous  donne  un  détail  intéressant  pour  la  pathologie  comparée  : 
a  J'ai  vu,  dit-il,  de  mes  yeux,  deux  porcs,  qui,  dans  la  rue,  se- 
4  couèrent  du  grouin  les  haillons  d'un  mort;  une  petite  heure 
«  après,  ils  tournèrent  et  tombèrent  ;  ils  étaient  morts  eux- 
«  mêmes.  » 

Ce  fait  a  été  signalé  dans  beaucoup  d'épidémies.  Toutes  les  épi- 
démies de  peste  observées  dans  TEgypte  et  dans  l'Inde,  ont  pré- 
senté ce  caractère  remarquable,  que  l'invasion  de  l'épidémie  est 
précédée  d^une  grande  mortalité  parmi  les  animaux  domestiques 
et  même  parmi  les  rats  et  les  souris. 

Le  même  fait  a  été  observé  en  Chine,  sur  les  moutons  et  les 
rhêvres, 

§  4.    FIÈVRE  typhoïde. 

Elle  a  été  observée  chez  un  assez  grand  nombre  d'animaux, 
chez  le  cheval,  chez  le  singe  (Serres),  enfin  chez  le  porc. 

Cette  maladie  du  porc,  récemment  découverte  et  connue  depuift 
longtemps  sous  le  nom  de  mal  rouge  de  porc,  a  été  observée 
récemment  en  Angleterre  par  Klein,  et  à  Mantes  parMégnin. 

En  1882,  cette  maladie  n'a  pas  tué  moins  de  20000  porcs  dans 
la  seule  vallée  du  Rhône.  Elle  est  souvent  épizootique  en  Amé- 
rique où  Klein  l'étudia  en  1877  et  1878,  en  Angleterre  et  en 
Allemagne.  Elle  est  répandue  en  Italie,  où  elle  a  été  étudiée  par 
Perroncito  comme  un  typhus.  Comme  chez  l'homme,  on  trouve, 
chez  les  porcs  qui  succombent,  l'hypertrophie,  puis  l'ulcération 
des  glandes  de  Peyer  et,  dans  le  sang  ainsi  que  dans  la  rate,  des  bac- 
téries en  chapelet  ;  cultivé  dans  des  bouillons  artificiels,  ce  para- 
site a  pu,  à  la  huitième  génération,  reproduire  la  fièvre  typhoïde 
chez  le  porc,  et  cette  maladie  est  si  bien  Panalogi!^  de  la  fièvre 
typhoïde  de  l'homme^  que,  dans  plusieurs  épidémies^  oa  «.hwV^ 


448  MILIEU   INTÉRIEUR. 

mal  rouge  du  porc  coïncider  avec  une  épidémie  de  fièvre  typhcidf 
sur  les  boiumes  de  la  même  ferme. 

Dans  un  grand  nombre  de  cas  observés  surtout  en  Angleterre, 
la  fièvre  typhoïde  des  animaux  a  été  communiquée  à  Tbomme 
par  leur  lait. 

L'échange  de  la  fièvre  typhoïde  entre  l'homme  et  les  animaux  est, 
du  reste,  plus  fréquent  qu'on  le  pense. 

En  1867,  la  fièvre  typhoïde  régnait  sur  les  bords  du  lac  Léman 
et  du  lac  de  Neufchàtel,  on  vit  mourir  des  centaines  de  mille  de 
perches;  leurs  tissus  et  surtout  l'intestin  étaient  remplis  de  bac- 
téries. 

La  maladie,  ainsi  que  s'en  assurèrent  les  D"  Forel  et  du  Plessis, 
était  inoculable  aux  perches,  mais  aux  perches  seules. 

Enfin,  il  y  a  quelque  temps,  à  Bulach,  près  de  Zurich,  après  un 
banquet  où  s'étaient  réunis  700  orphéonistes,  500  eurent  la  fièvre 
typhoïde  ;  on  finit  par  découvrir  que  le  restaurateur  avait  acheté  des 
veaux  atteints  de  fièvre  typhoïde.  Un  chien,  qui  avait  mangé  les 
déchets,  mourut  de  la  fièvre  typhoïde,  et  les  animaux  d*une 
ménagerie,  qui  avaient  eu  leur  part  de  ce  festin,  furent  eux- 
mêmes  malades. 

Le  professeur  Huguenin  raconte,  à  ce  propos,  qu'il  avait 
souvent  vu,  dans  les  fermes,  la  fièvre  typhoïde  des  maîtres  passer 
aux  veaux  et  donner  lieu  chez  eux  à  l'éruption  caractéristique 
des  f)la(iues  de  Peyer. 

§   5.  MÉNINGITE  CÉRÉBRO-SPINALE. 

Elle  a  été  observée  sur  le  cheval  au  Canada  et  aux  Etats-Unis, 
avec  un  caractère  épizootique.  Elle  atteint  surtout  les  juments. 

§  6.    DENGUE. 

Les  animaux  eux-mêmes  n'y  échappent  pas,  ainsi  qu'on  Ta 
constate  à  Cadix,  et,  à  plusieurs  reprises,dansrinde,oùles  vcu^eSy 
les  chevaux,  sont  souvent  atteints. 

§  7.     MORVE. 

Elle  atteint  tous  les  monodactyles,  se  transmet  en  outre  à  U 
chèvre,  au  mouton,  au  lapin  et  à  l'homme;  le  bomf  et  le  porc  se 
sont  montrés  jusqu^ici  réfractaires  ;  le  chien  n'éprouve»  après 


PESTE   BOVINE.  4i9 

l'iooculatioo,  que  des  accidents  locaux;  le  chat,  le  lion,  Vours 
contractent  la  monre  lorsqu'on  les  nourrit  des  débris  d'animaux 
iDoryeuz. 

§  8.    PESTE   BOVINE. 

Géoi^mplile.  —  L'importance  de  cette  maladie  est  considé- 
rable pour  rhumanité  et  notamment  pour  l'Europe  occidentale; 
en  effet,  tandis  qu'en  Russie  le  nombre  des  tètes  de  bétail  va  sans 
cesse  en  augmentant,  si  bien  qu'en  1866  on  comptait  dans  ce 
pays  20  980000  bêtes  bovines,  40700000  moutons  et,  en  1876, 
28600000  bétes  bovines  et  54000000  de  moutons,  au  con- 
traire,  dans  l'Europe  occidentale ,  le  mouvement  est  inverse  et 
l'on  se  plaint  de  ce  que  j'ai  déjà  mentionné  sous  le  nom  de  la 
dépécoration.  Or  les  steppes,  qui  s'étendent  au  sud-est  de  la  Russie 
d'Europe  et  surtout  de  la  Russie  d'Asie,  sont  habitées  par  une 
population  bovine  nombreuse  et  semi-libre  ;  ces  steppes  consti- 
tuent donc  une  source  de  matière  bovine,  de  matière  alimentaire, 
qui  semble  intarissable  et  toujours  prête  à  se  déverser  de  l'est  à 
Touest  sur  l'Europe  ;  c'est  ce  qui  arrive  en  effet,  mais  ces  steppes 
sont  habitées  aussi  par  une  maladie  qui  y  est  endémique  sur  le 
bétail,  le  typhus  bovin;  là,  les  bœufs,  comme  tous  les  animaux 
pour  qui  une  maladie  est  habituelle,  y  sont  sans  doute  sujets, 
mais  elle  est  chez  eux  peu  grave,  tandis  que,  transportée  en  de- 
hors de  ses  foyers  sur  une  population  bovine  qui  ne  la  connaît 
pas,  la  même  maladie  donne  une  mortalité  de  80,  90,  95  0/0. 
Grâce  à  son  voisinage  immédiat  des  steppes,  la  Russie,  malgré  les 
précautions  qu'elle  prend  pour  s'en  prémunir,  perd  chaque  année 
de  2  000  à  4000  têtes  de  bétail  par  le  fait  de  cette  maladie.  A  l'est, 
la  peste  bovine  se  répand  jusque  sur  le  plateau  central  de  l'Asie, 
Tcrs  la  Chine. 

Dans  l'état  actuel  de  la  science,  il  semble  permis  de  rapprocher 
de  la  peâte  bovine,  une  maladie  qui  préoccupe  beaucoup  en  ce 
moment  les  vétérinaires  d'Amérique,  la  fièvre  du  Texas.  La  peste 
€st  observée  également  dans  Tlnde. 

Histoire.  Propagation. —  Le  transport,  constant  dans  This- 
toire,de  la  peste  bovine  à  la  suite  du  bétail  des  steppes  peut  servir 
de  type  de  propagation  des  maladies  contagieuses  et  montre, 
une  fois  de  plus,  l'étroite  solidarité  de  l'homme  et  des  animaux. 

A  l'époque  des  invasions  des  Huns,  la  peste  bovine  vint,  en 
effet,  avec  eux,  du  fond  des  steppes.  Quamvis  sani,  dit  un  contcoL- 

OtOG.  UÈD,  ^^ 


450  MILIEU   INTÉRIEUR. 

porain,  boves  odore  morhidorttm  afflante  pereunt.  Un  peu  plos 
tard,  un  contemporain  la  signale  comme  venue  de  Hongrie,  d'il- 
lyrie;  en  570^  Marius,  évèque  d'Âvranches,  parle  d*un  mal  qvi 
fit  périr  presque  toutes  les  bètes  à  cornes  en  France  et  en  Italie. 
Plus  tard,  les  guerres  de  Charlemagne  avec  des  armées  voisines 
des  steppes,  la  ramenèrent  en  809,  en  850,  en  870,  en  878; 
dans  les  années  940-941-942,  presque  tous  les  bœurs  d'Alle- 
magne, d'Italie  et  de  France  périrent.  Au  xiu*  siècle,  les  moun- 
ments  des  hordes  mongoles,  qui,  sous  Gengiskan,  s'ébranlèrent 
jusque  dans  l'Europe  méridionale,  ramenèrent  encore  une  fois  le 
typhus  bovin.  En  1710,  guerre  de  Charles  XII  contre  la  Russie, 
grande  épidémie,  qui  se  répand  sur  la  Pologne,  la  Bessarabie,  li 
Hongrie,  la  Moldavie,  l'Italie,  l'Allemagne,  la  France.  En  <7M, 
la  peste  traverse  le  détroit  et  passe  en  Angleterre,  après  avoir  en- 
levé 100000  bêtes  en  Silésie,  70000  à  Naples,  300000  aux  Pays- 
Bas,  près  de  1500  000  dstns  TEurope  entière.  En  4740,  nouvelle 
invasion,  qui  coïncide  avec  la  conquête  de  la  Silésie  par  Frédéric. 
De  1735  à  1770,  elle  ne  cesse  de  sévir  sur  l'Europe,  à  laquelle 
elle  enlève  plus  de  3000000  de  bétes;  la  Hollande  seule  perd 
300000  bètcs  en  un  an,  la  France  500000,  le  Danemark  180000 
en  quatre  ans.  Pendant  la  guerre  de  Sept  ans,  la  peste  bovine  est 
continuelle.  De  1792  à  1815,  époque  de  guerres  perpétuelles, 
peste  perpétuelle  !  En  1 827,  guerre  de  la  Russie  et  de  la  Turquie  ; 
peste  bovine!  En  1831,  guerre  de  la  Russie  contre  la  Pologne  ; 
peste  bovine!  En  18V8,  la  Russie  vient  au  secours  de  rAutriche 
dans  sa  lutte  contre  la  Hongrie;  peste  bovine! 

Ce  qui  s'était  produit  de  tout  temps,  se  produisit  donc  en  1870: 
l'armée  prussienne  avait  derrière  elle  des  bœufs  des  steppes  atteints 
de  la  peste;  nous  cilmcs  la  malechance  de  lui  prendre  un  peudeoe 
dangereux  butin  et  la  maladie  se  propagea  chez  nous,  jnsqa^aa 
fond  de  la  Bretagne.  Notre  agriculture  perdit,  cette  année-là, 
plus  de  100000  tètes  de  bétail.  En  résumé,  toutes  les  fois  qu'une 
invasion  vient  de  l'Europe  orientale,  ou  seulement  qu'une  lutte 
s'engage  entre  Toccident  et  l'orient  de  l'Europe,  comme  rarmée 
de  l'Europe  orientale  traîne  toujours  à  sa  suite  le  bœuf  des 
steppes,  elle  amène  infailliblement  la  peste  bovine,  qui  se  propage. 

Mais  la  guerre  n'est  pas  toujours  la  pourvoyeuse  de  la  pote 
bovine  ;  le  commerce,  quand  il  se  fait  avec  les  steppes,  arrive  ab- 
solument au  même  résultat  :  ainsi^  en  1841  et  en  1864,  l'impor- 
tation en  Egypte  de  bestiaux  d'origine  sud-européenne  a  r^MUMiB 


PESTE    BOVINE.  452 

la  peste;  en  1862,  des  bœufs  de  Dalmatie  amènent  la  peste 
boYÎne  à  Naples  et  en  Sicile;  en  1865,  un  troupeau  de  bœufs 
des  steppes  est  embarqué  à  Reye\,  port  de  l'Estbonie,  sur  la  Bal- 
tique, à  destination  d'Angleterre;  il  y  amène  la  peste  bovine  et 
'  on  est  forcé  de  jeter  deux  bêtes  à  la  mer  pendant  la  traversée. 
La  maladie  est  alors,  il  faut  le  reconnaître,  absolument  mécon- 
nue, et,  faute  de  prendre  les  mesures  nécessaires,  on  perd,  en 
Angleterre,  350000  tètes  de  bétail.  L'Irlande  seule  comprit:  elle 
ferma  ses  ports  et  fut  épargnée.  Enfin  le  Parlement,  un  peu 
tard,  se  décide  à  édicter  les  mesures  nécessaires;  il  ordonne 
Tabatage  de  tout  animal  suspect  et  Tépizootie  cesse  sur  V ordre 
du  Parlement! 

Douze  tètes  de  bétail  vinrent,  pendant  ce  temps,  d'Angleterre 
en  Allemagne,  et  Tépizootie  fit  eu  Hollande  150  000  victimes; 
encore  sur  Tordre  du  Parlement,  Tépizootie  s'arrêta. 

En  France,  nous  étions  sur  nos  gardes,  bien  décidés  à  empê- 
cher la  maladie  de  passer.  Nous  perdîmes  43  têtes,  grâce,  on  peut 
le  dire,  au  professeur  Bouley,  dont  Ténergie  sauva  des  sommes 
incalculables  ! 

Récemment  encore  la  peste  bovine  régnait  en  Pologne,  dans 
quelques  localités  d'Autriche,  mais  le  mal  était  circonscrit. 

mature.  Analoj(les.  —  Quelle  est  cette  maladie?  A  quel  titre 
inststé-jc  sur  elle?  C'est  que  ses  lésions  anatomiques  sont  iden- 
tiques à  celles  de  la  fièvre  typhoïde  de  l'homme;  on  trouve,  sur 
les  animaux,  la  lésion  caractéristique  des  glandes  de  Peyer.  Au 
point  de  vue  anatomique,  il  semble  donc  que  le  typhus  bovin  soit 
Tanalogue  de  notre  fièvre  typhoïde,  et  cependant,  alors  que  le 
cheval,  le  porc  présentent,  en  même  temps  que  nos  épidémies  de 
fièvre  typhoïde,  des  épizoolies  de  mal  rouge  ou  de  ftèvre  typhoïde, 
on  ne  voit  point  la  fièvre  typhoïde  de  Thomme  ni  le  mal  rouge  du 
porc  marcher  parallèlement  avec  le  typhus  bovin  ! 

CoBtaffion.  Analyse  patholofl^lqoe  des  races.  —  Le 
typhus  bovin  présente,  en  outre,  quelque  chose  de  très  curieux 
et  de  très  important  pour  nous  :  c'est  son  mode  de  contagion. 
Dans  le  genre  Bos,  il  est  extrêmement  contagieux,  mais  la 
contagion  peut  s'étendre  plus  loin,  ainsi  qu'on  le  vit,  en  1865,  au 
Jardin  d'acclimatation  :  deux  gazelles  lui  furent  alors  expédiées 
d'Angleterre  dans  un  wagon  qui  avait  transporté  des  bœufs  at- 
teints .de  typhus;  ces  deux  gazelles  arrivèrent. au  Jardin  conta- 
minées et  communiquèrent  la  maladie  à  une  anliVopey^^e^  ^^\V%^ 


452  MILIEU    INTÉRIEUR. 

à  des  yacks,  à  des  aurochs,  à  des  zèbres»  à  des  moutons,  à  des  chè- 
vres ;  on  put  alors  constater  que,  chez  tous  ces  animaux,  la  maladie 
était  déjà  moins  grave  que  chez  le  bœuf,  qui  avait  servi  de  point 
de  départ.  Ainsi,  tandis  que  chez  le  bœuf  laguérison  n^a  lieu  que 
7  à  8  fois  sur  0/0,  elle  a  lieu  30  à  39  fois  sur  0/0  chez  le  mouton  et 
chez  la  chèvre  ;  enfin,  on  a  constaté  que  le  ferment  de  cette  ma- 
ladie reconnaissait,  parait-il,  comme  nous  le  faisons  nous-mêmes, 
nous  naturalistes,  un  certain  caractère  commun  à  ce  que  nous  nom- 
mons les  ruminants,  puisqu'il  ne  se  communique  qu'à  eux  seuls. 
11  y  eut  cependant  une  exception  :  il  y  eut  un  animal,  au  Jardin 
d'acclimatation,  qui  prit  le  typhus,  quoique  n*appartenant  pas  aux 
ruminants,  c'est  le  j^tcari.  Or,  il  se  trouve  précisément  que  le  pé- 
cariy  qui  n'appartient  pas  aux  ruminants,  possède  précisément  un 
estomac  à  compartiments,  comme  celui  des  ruminants;  il  pré- 
sente, sous  ce  rapport  anatomique,  une  afCnité  avec  eux.  L'ana- 
lyse faite  par  le  parasite  est  donc  ici  bien  exacte  et  bien  fine,  et 
il  faut  croire  qu'il  lui  trouve  quelque  chose  comme  une  saveur  de 
ruminant  due  à  un  état  chimique  de  ses  humeurs,  comme  nous 
reconnaissons  nous-mêmes  que  sa  conformation  en  fait  presque 
un  ruminant! 

En  dehors  des  ruminants  la  contagion  peut-elle  s  exercer?  Quel- 
ques faits  pourraient  faire  penser  à  l'homme  ;  mais  ces  faits 
sont  bien  peu  nombreux  relativement  au  grand  nombre  d'occa- 
sions de  contagion  qui  se  sont  présentées.  On  parle  cependant 
en  1870,  en  Bretagne,  de  204  mobiles,  qui  furent  occupés  pen- 
dant vingt  jours  à  enfouir  des  bœufs  morts  du  typhus;  on  dit  bien 
que  sur  ces  204  hommes  G  moururent  de  fièvre  typhoïde,  que  12 
restèrent  malades  à  L^inderneau  et  que  plusieurs  ont  eu,  plus 
tard,  la  fièvre  typhoïde.  Hancok,  vétérinaire  anglais,  aurait,  en 
outre,  à  la  Société  pathologique  de  Londres,  pu  montrer,  sur  sa 
propre  main,  une  éruption  spéciale  et  produite  par  l'inoculation 
de  la  peste  bovine;  on  cite  enfin  un  autre  vétérinaire  anglais, qui 
serait  mort  après  avoir  fait  l'autopsie  d'une  vache  atteinte  delà 
peste.  Le  IV  Costello  a  rapproché  de  la  peste  bovine  qui  régnait 
dans  le  Pcnjab,  en  1875,  une  épidémie  de  pneumonie  foudroyante, 
infectieuse,  contagieuse  et  mortelle,  qu'il  a  observée  concurrem- 
iiiciit  sur  les  hommes  d'un  régiment  d'infanterie,  à  Abbotabad. 

Inocnlatlon.  —  Comme  toutes  les  maladies  contagieuses,  la 
peste  bovine  est  inoculable  au  moins  aux  ruminants,  et  Camper 
nous  apprend  qu'on  avait  songé,  dès  le  siècle  dernier,  à  rinociiia- 


CHARBON.  453 

lion  préventive.  11  montre  même  que  cette  méthode  d'inoculation 
a  été  pratiquée  avec  succès  dans  le  duché  de  Brunswick  en  17  46,  en 
Hollande  en  1755,  à  Londres  en  1757,  enfin  par  lui-même  à  Gro- 
ning  en  i7G9.  La  maladie  inoculée  guérit  dans  la  moitié  des 
cas,  tandis  que  la  maladie  non  inoculée  donne  2  cas  sur  7  de 
guérison. 

Abaïa^e.  —  La  méthode  de  Pabatage  immédiat  fait  perdre 
moins  de  bétail  et  est  plus  efficace. 

Le  microbe.  —  Harris  et  Stiles  ont  observé  et  étudié  attenti- 
vement cette  maladie  dans  le  Texas.  Les  auteurs  ont  trouvé,  dans 
le  sang  et  dans  la  bile  des  animaux  atteints  de  peste,  des  éléments 
spéciaux  (ferments),  qu'ils  considèrent  comme  Torigine  du 
mal.  Hallier  a  étudié  et  cultivé  ces  éléments;  il  a  de  plus  suivi 
lui-même  une  épidémie  de  peste  bovine,  qui  s*était  développée  sur 
une  vaste  échelle  à  Landau.  Il  a  obtenu,  à  la  suite  d'essais  nom- 
breux de  culture,  des  formes  de  champignons  auxquelles  il  a 
donné  le  nom  de  Pilobolus  et  Lorduria,  Klebsl  a  décrit  un  Micm- 
coccus  spécial,  Pestis  bovinw, 

Albrecht  décrit  une  maladie  dont  les  caractères  se  rapprochent 
de  la  peste  bovine.  Les  animaux  atteints  avaient  été  nourris  avec 
de  la  balle  d'avoine  mêlée  de  spores  de  Tilletia,  de  Puccinia  et 
de  Pleospora,  Les  fillesde  ferme  qui  avaient  distribué  ce  fourrage 
furent  elles-mêmes  atteintes  d'éruptions  pustuleuses  aux  mains, 
aux  bras  et  aux  pieds. 

§   9.    CUARBON. 

Pour  une  autre  maladie  inoculable,  le  charbon,  les  symptômes 
ne  sont  pas  non  plus  les  mêmes  chez  toutes  les  espèces.  Ainsi,  chez 
le  lapin,  les  symptômes  apparaissent  tardivement;  deux  l..:ures 
avant  la  mort,  on  constate  de  l'inquiétude,  de  Texcitation  ;  le 
nombre  des  respirations  s'élève  à  100.  11  y  a  de  la  somnolence, 
du  coma,  quelques  convulsions. 

Chez  le  mouton,  les  symptômes  sont  plus  accentués  que  chez  le 
lapin;  sa  température  est  déjà  augmentée  de  -j-  1°  à  +2*»,  qu'il 
est  encore  fort  bien  portant  en  apparence  ;  puis  tout  à  coup  en  15 
à  20  minutes,  le  sang  de  rate  éclate;  Tanimal  tombe;  il  a  de 
rhématurie,  des  convulsions,  du  tétanos.  Toussaint  attribue  ces 
symptômes  à  Tanémie  des  centres  nerveux,  dont  les  vaisseaux 
sont  bouchés  par  des  amas  de  bactéridies. 


454  MILIEU    INTÉRIEUR. 

Chez  le  cheval,  les  troubles  cardiaques  ainsi  que  les  coliques  do- 
minent. Un  symptôme  commun  à  toutes  les  espèces,  c'est  Télé- 
vation  considérable  de  la  température.  Le  charbon  n'atteint  pas 
également  toutes  les  races  de  bétail. 

§    iO.    GRIPPE  IKFLUENZA. 

Les  chevaux  sont,  comme  Thomme,  susceptibles  d'être  atteints 
par  la  grippe  ou  influenza.  Elle  sévit  chez  eux  avec  les  mêmes 
symptômes  que  chez  nous,  avec  complication  cependant,  9  fois 
sur  10,  d'une  ophthalmie  interne  concomitante. 

§   11.   TUBERCULOSE. 

Tandis  que  la  tuberculose  suit,  chez  la  bête  bovine,  une  marche 
lente,  elle  prend,  chez  le  porc,  une  forme  qui  rappelle  la  forme 
galopante  de  l'homme. 

S    12.    PARTICULARITES   SYMPTOMATIQUES  DE   QUELQUES   RACES. 

Chez  les  ruminants^  la  plupart  des  maladies  restent  plus  long- 
temps localisées  (R511)  que  chez  les  chevaux  et  chez  le  chien,  à 
cause  de  la  moindre  irritabilité  de  leur  système  nerveux  ;  peu 
d'affections  suivent,  chez  eux,  une  marche  rapide  (RÔll).  Les 
avides  ont  une  grande  tendance  aux  affections  cachectiques,  aux 
maladies  chroniques  de  la  peau  et  aux  parasites  internes  (Roll); 
dans  Tcspèce  caprine,  on  remarque,  au  contraire,  une  grande 
fréquence  des  complications  nerveuses.  D'après  Roll  encore,  la 
tendance  aux  affections  nerveuses  est  plus  grande  chez  ce  qu'il 
appelle  les  races  nobles  (?)  (lisez  :  dégénérées).  Parmi  les  chevaux, 
le  hongrois  est,  dit-on,  plus  disposé  au  farcin;  V allemand  au  t^er^ 
tige;  Vanglais  aux  coliques,  La  suppuration  est  rare  chez  les 
oiseaux. 


RACES  NOIRES.  —  DISTRIBUTION  OfiOORAPHIQUK.      455 


CHAPITRE  II 

PATHOLOGIE   COMPARÉE   DES    RAGES   HUMAINES. 

I.  RACES  NOIRES. 
§   1.  DISTRIBUTION   GÉOGRAPHIQUE. 

On  croit  avoir  séparé  les  races  humaines  en  trois  types  bien 
tranchés,  lorsqu'on  a  fait  la  division  en  races  noire  Jaune,  blanche. 
Mais  on  ne  tarde  pas  à  s*apercevoir  qu'il  y  a,  en  réalité^  plusieurs 
races  noires,  distinctes  par  l'habitat,  par  Tanatomie,  bien  qu'au 
fond  rapprochées  par  bon  nombre  de  caractères  pathologiques.  Je 
donne  à  la  page  suivante  un  tableau  des  races  noires. 

Il  n'est  pas  question  ici  de  nègres  d'Amérique,  puisque,  sauf 
quelques  tribus  marrones  des  bords  de  TOrénoquc,  le  nègre  n'est 
pas  là  à  l'état  naturel  et  qu'il  y  a  été  importé.  L'observation  du 
nègre,  en  Amérique,  nous  a,  il  est  vrai,  beaucoup  appris,  mais 
sur  le  nègre  africain  seulement,  et  encore  sur  le  nègre  africain 
moyen,  les  nègres  venant  de  tous  les  points  de  l'Afrique. 

Je  dis  le  nègre  africain  moyen,  car,  même  en  Afrique,  on  trouve 
encore  de  notables  différences  d'une  population  noire  à  une  autre 
plus  ou  moins  voisine,  et  Broca  a  pu  écrire  :  a  C'est  à  tort  qu'on 
«  a  cru  pendant  longtemps  à  l'existence  d'une  race  éthiopienne, 
c  car  il  y  a,  en  Ethiopie,  des  races  nombreuses,  qui  diffèrent  plus 
«  entre  elles  que  ne  diffèrent  les  races  caucasiques.  » 

E.a  chmiear  et  la  eoalear  noire.  —  Le  pays  par  excel- 
lence de  toutes  les  races  nègres  ce  sont  les  régions  tropicales; 
cela  tient  à  beaucoup  de  raisons  :  d'abord  à  ce  que,  physiolo- 
giquement,  les  races  noires  peuvent  résister  à  la  chaleur  et  cela 
en  raison  même  de  la  couleur  de  leur  peau;  le  noir,  en  effet, 
absorbe,  il  est  vrai,  la  chaleur,  mais  il  l'émet  en  même  temps. 
Piètrement  a  fait  ressortir,  judicieusement,  que  les  anciens  Egyp- 
tiens recherchaient,  comme  plus  propres  au  travail,  sous  leur 
climat  chaud,  les  tHBufs  à  robe  noire.  Aussi,  la  présence  d'un 
escarbot  ou  tache  de  pigment  noir  sur  la  muqueuse  buccale  ren- 
dait ranimai  sacré;  Tescarbot  était  un  des  attributs  du  bœuf  Apis. 


456        PATHOLOOIB  COMPARÉE  DBS  RACB8  HU1IA15B8. 


Sègres  vrais. 


I  Afrique. 


Sahara Tibous. 

IYoloffs. 
Sérèrea. 
Maodingues. 
Bambaras. 

Côtedu Poivre.  I^**^"I^- 

Côte  d'Or jAMinieos. 

(  Ashaotis. 

Côte    des   Es- 
claves      DahomicDs. 

GaboQ Pahouini. 

i  Nègres  Loango. 
—     du  Congo. 
—     d'Augola. 
»     deBenguela. 

SoadtD  ou  Ni-  (  N*«'*«  f  "  ?»'^T 
gritie    supé- 
rieure   


ce 

s 

u 


Nigritie     infé- 
rieure  


—  du  Ouadal. 

—  duBaghinni. 

—  du  Darfour. 
Niam-Niam. 
Tribus  du  Loualaba. 

—  duTaogauiJta 


Cafrt$. 
Hottentots. 


SégriUcs. . . . 


\ 


Loango Babonkot. 

Offovw \^T^- 

r  Akoas. 

Nigritie   supé- 
rieure     Akkas. 

I(  Corumbas. 
Mundan Dekkao |  Khotas. 
>(  Poulleyers. 
Negrito!^ ...A  ConUnenUux. .    Siamangs. 

(  Insulaires Andamans. 

Maiaisis  .    Negritos, . . .     Luçon ACtas. 

...       .     (  Papous, 

<  Australtetis . 
lE  ....  ^  T(isffianiens . 


CARACTÈRES  ANATOMIQUES  DU  NÈGRB.  457 

Le  saYant  vétérinaire,  que  je  viens  de  citer,  en  tire  cette  consé- 
quence, que,  voulant  avoir  des  animaux  noirs,  les  anciens  Egyp- 
tiens savaient  déjà  qu'avec  un  reproducteur  den'importe  quelle 
couleur,  mais  muni  d'un  escarbot,  un  éleveur  intelligent  peut 
obtenir,  en  peu  de  temps  et  par  sélection,  des  bètes  bovines  à 
robe  noire.  En  second  lieu,  nous  verrons  plus  loin  que,  seules,  le» 
races  humaines  noires  peuvent,  par  suite  de  certaines  immunités 
pathologiques,  vivre  dans  certaines  régions  chaudes. 

Maintenant  que  nous  connaissons  Textension  géographique  des 
races  noires,  étudions  leurs  caractères  organiques  généraux. 

Avant  de  rechercher  les  différences  de  tissu,  d'essence,  de  mi- 
lieu intérieur,  d'où  dépendent  les  aptitudes  et  les  immunités  que 
nous  allons  rencontrer,  il  n'est  pas  inutile  de  rappeler^  en  deux 
mots,  les  grosses  particularités  anatomiques  du  nègre  :  cela  nous 
habituera  à  considérer  L'analyse  pathologique  comme  un  élément 
du  même  ordre  que  l'analyse  anatomiquc. 

§  2.  CARACTÈRES  ANATOMIQUES  DU  NÈGRE. 

GrAne  et  a^aelette  en  f^énéral.  —  Le  crâne  du  nègre 
diffère  de  celui  du  blanc;  il  est  plus  allongé,  moins  large; 
il  est  dolichocéphale  ;  il  y  a  cependant  à  cela  des  exceptions  : 
les  nègres  brachycéphales  et  petits  de  taille  de  l'Afrique,  lesiVe- 
grilles  (Hamy),  dont  la  taille  varie  entre  i",35  et  <",40,  et  les 
Négritos,  qui  sont,  eux  aussi,  brachycéphales  et  de  plus  petite 
taille  encore.  La  capacité  du  crâne  noir  est  faible. 

Le  noir  est  platyrhinicn,  autrement  dit,  l'ouverture  des  fosses 
nasales  est  plus  large  par  rapport  à  sa  hauteur  que  chez  le  blanc. 

11  est  prognathe.  Les  dents  sont  saillantes  et  obliques;  notons 
leur  blancheur  et  aussi  leur  bon  état  de  conservation. 

Le  reste  du  squelette  présente  également  des  différences  :  les 
proportions  de  ses  membres  ne  sont  pas  les  mêmes  que  chez  le 
blanc.  La  conformation  du  bassin  diffère.  On  dit  enûn,  mais  le 
fait  est  à  vérifier,  que  les  os  contiennent  plus  de  phosphate  de 
chaux,  qu'ils  sont  plus  blancs  que  ceux  du  blanc.  On  explique 
même  ainsi  la  moins  grande  fréquence  àurachiiisme  et  du  ramol- 
lissement des  os  chez  le  nègre. 

Pean.  —  La  peau,  dans  les  races  noires,  présente  des  teintes 
variées,  depuis  le  noir  d'ébène(Yolofls)  jusqu'au  jaune  (Hottentots), 
Du  reste,  nous  ne  voyons  jamais,  en  Europe,  la  couleur  u«X>w^V\fc 


458         PATHOLOGIE  COMPARÉE   DES  RAGES  HUMAIMES. 

du  oègre  ;  au  sojet  de  sa  coloration  de  la  peau,  je  dois  même  insister 
ici  sur  le  parti  théorique  qu'on  a  voulu  tirer  de  ce  fait,  qu'elle  pâlis- 
sait en  Europe  :  on  a  voulu  donner  une  valeur  considérable  à  ce 
phénomène  de  décoloration  ;  le  fait  est  exact,  mais  Texplication 
qu'on  en  a  donnée  est  fausse.  Si  le  nègre  blanchit  en  Europe, 
a-t-on  dit,  c'est  pour  s'accommoder  au  climat,  et,  par  conséquent, 
s'il  a  noirci  en  Afrique,  c'était  pour  s*accommoder  au  milieu  :  on 
saisit  d'ici  la  manœuvre  monogéniste!  Quelque  convaincu  que 
je  sois  de  la  puissance  du  milieu,  j'avoue  que  cette  explication, 
faite  uniquement  pour  les  besoins  de  la  cause  monc^niste,  ne 
me  satisfait  pas.  Le  nègre  blanchit  en  Europe,  parce  qu'il  y  est 
mal  portant.  Broca  a  pu,  à  l'hôpital,  en  suivant  les  phases  de  la 
maladie  de  poitrine  d'une  négresse,  voir  sa  teinte  décroître  pro- 
gressivement. C'est  par  suite  d'un  même  raisonnement  qu'on  a  dit 
que  les  négrillons  naissaient  blancs  et  que  ce  n'était  que  lorsqu^on 
les  exposait  à  la  lumière,  qu'ils  commençaient  à  noircir.  La  vérité 
est,  et  le  D' Thaly  a  fourni  cette  très  juste  explication,  que  les  né- 
grillons asphyxient  dans  la  case  étroite  où  la  fumée,  les  matrones 
et  les  porteurs  de  grigris  les  étouffent  et  que  lorsqu'on  les  sort 
de  ce  milieu,  ils  respirent  mieux  et  par  conséquent  se  colorent. 

Cheveux.  —  Tous  les  nègres  ont  les  cheveux  noirs  et  crépus, 
sauf  les  Mundas  et  les  Australiens,  qui  ont  les  cheveux  noirs  et 
lisses. 

Haselea.  —  Sur  un  squelette  différent,  à  certains  égards,  s^in- 
sèrent  des  muscles,  qui  sont  eux-mêmes  différents  de  ceux  du  blanc. 
Qu'il  me  suffise  de  rappeler  certaines  différences  dans  l'insertion  du 
muscle  sterno'cléido'fnastoidien ,  dans  un  muscle  moteur  de  la 
langue,  le  styloglosse;  on  a  même  rattaché  à  un  moindre  déve- 
loppement de  ce  muscle  la  difficulté  qu'ont  les  nègres  de  prononcer 
la  lettre  R.  Les  muscles  de  la  face,  au  lieu  d'être  distincts  et  sé- 
parés nettement,  comme  chez  le  blanc,  semblent  fusionnés  en  un 
seul  ;  de  là  la  physionomie  à  la  fois  mobile  et  effacée  du  nègre. 
Plusieurs  autres  muscles,  le  grand  dorsal,  le  grand  droit  de  l'ab- 
domen, \e  petit  psoas^  présentent  des  dispositions  qu'on  rencontre 
chez  le  singe  et  qu'on  ne  rencontre  jamais  ou  rarement  chez 
le  blanc. 

Des  muscles  plus  puissants  que  ceux  du  blanc  meuvent  les 
mâchoires.  Cela  peut  expliquer,  par  suite  de  l'augmentation  de 
la  force  sur  la  résistance,  la  fréquence  plus  grande  chez  le  nègre 
de  la  luxation  du  maxillaire  inférieur. 


GARACTÈRBS  PHYSIOLOGIQUES  DU   NÈQRE.  459 

IX*  —  Je  n'insiste  pas  sur  la  conformation  du  larynx, 
qui  rappelle  en  abrégé  celle  des  sacs  laryngiens  du  singe. 

ExoBiphale.  —  Il  est,  cependant,  un  fait  normal  plutôt  que 
pathologique,  que  je  veux  mentionner  ici,  c^est  non  pas  la  fré- 
quence,  mais  la  constance  de  Vexomphale,  c'est-à-dire  de  la  hernie 
ombilicale,  chez  le  négrillon,  et  cela,  quels  que  soient  les  pro- 
cédés de  section,  de  ligature  ou  de  pansement  du  cordon,  qu'on 
emploie  au  moment  de  la  naissance.  Le  D*"  Corre  pense  qu'une 
dissection  attentive  conduirait  sans  doute  à  reconnaître  chez  le 
noir  un  moindre  développement  des  fîbres  musculaires  lisses 
signalées  par  Richet  autour  de  Tombilic. 

§  3.   CARACTÈRES   PHYSIOLOGIQUES. 

SaBff.  Aetion  thérapeatl^ue.  —  Les  analyses  compara- 
tives du  sang  du  nègre  nous  manquent  encore  ;  les  médecins 
de  la  marine  s'accordent  toutefois  à  reconnaître  que  ce  sang  est 
plus  épais,  plus  noir,  qu'il  ne  jaillit  pas,  sous  la  lancette,  comme 
celui  du  blanc.  Ils  ajoutent,  fait  important,  qu'il  se  coagule  plus 
rapidement  dans  le  vase  où  il  est  versé.  11  présente,  en  un  mot, 
une  plus  grande  plasticité. 

Cela  permet  au  nègre  de  supporter  plus  facilement  que  nous  les 
grandes  pertes  de  sang,  notamment  les  saignées  faites  par  le  mé- 
decin. Cette  grande  plasticité  du  sang  du  nègre  lui  permet  de  sup- 
porter, beaucoup  mieux  que  le  blanc,  un  médicament,  qui  précisé- 
ment diminue  cette  plasticité,  le  mercure.  Les  globules  sanguins, 
comparés  à  ceux  des  autres  races,  paraissent  plus  adhérents  entre 
eux,  mieux  empilés. 

Le  pouls  du  nègre  est,  normalement,  plus  lent  que  celui  du 
blanc  ;  il  ne  faudrait  donc  pas  s'attendre  à  voir  la  fièvre  élever, 
chez  lui,  les  pulsations  autant  que  chez  le  blanc. 

Les  D"  Corre  et  Levacher,  qui  ont  eu  l'occasion  de  soigner 
un  grand  nombre  de  nègres,  s'accordent  à  dire  que,  bien  qu'on 
rencontre  dans  la  race  nègre,  comme  dans  la  race  blanche,  tou- 
tes les  variétés  de  tempéraments,  le  tempérament  sanguin  semble 
dominer  ;  le  tempérament  nerveux  de  notre  race  blanche  n'existe 
pas  ;  le  tempérament  lymphatico-sanguin  me  semble,  en  somme, 
le  plus  fréquent. 

C'est  aussi,  probablement,  à  son  tempérament  sanguin,  peu 
disposé  à  la  syncope  et  à  la  faiblesse  nerveuse,  qu'est  due  la. 


460         PATHOLOGIE   COMPARÉE   DES   RAGES   HUMAINES. 

particularité  qu*il  présente  de  supporter  des  doses  de  tartre  8tibi(^ 
beaucoup  plus  considérables  que  le  blanc. 

Sensibilité. —  Une  certaine  obtusion  de  la  sensibilité  périphé- 
rique existechezlenègre;  cette  o&^tx?toM,  due  à  Tabsencede  finesse 
dans  letoucher,  s'accorde  avec  une  disposition  anatomique  particu- 
lière au  nègre,  Taplatissemcnt  des  coussinets  tactiles.  Or  la  sensibi- 
lité périphérique  est  un  des  modes  par  lequel  nous  communiquons 
le  mieux  avec  le  monde  extérieur  :  la  sensibilité  périphérique  éveille 
Pidéation,  car  a  ni7i*7  est  in  intellectu  quod  prius  non  fucrit  in 
sensu  ».  Il  y  a  donc  là  une  raison  anatomique,  fondamentale  à 
rinfériorité  intellectuelle  de  la  plupart  des  nègres.  A  Tappui  de 
cette  diminution  de  sensibilité,  Livingstone  a  remarqué  que  les 
nègres  supportaient  volontiers ,  sans  sourciller,  les  opérations  les 
plus  douloureuses  ;  or  le  silence  n'est  pas  seulement  une  question 
de  courage  et,  d'ailleurs,  la  sensibilité  plus  ou  moins  marquée 
en  a  bien  sa  part  dans  ce  qu'on  prend  bien  souvent  pour  du 
courage.  Le  D'  Mondière  rapporte  qu'il  a  vu  une  négresse  suppor- 
ter, sans  broncher,  l'amputation  de  la  moitié  du  maxillaire  infé- 
rieur! Dès  que  l'opération  fut  terminée,  avant  le  pansement, 
elle  entonna  un  cantique  d'actions  de  grâces. 

Action  réflexe. —  Cette  fièvre  réflexe,  qui  s'allume  à  la  suite 
des  grandes  plaies,  et  qui  se  nomme  laficvretraumatiqucy  fait  presque 
complètement  défaut  chez  les  nègres;  aussi  obtient -on  chez  eux  des 
succès  chirurgicaux  qu'on  n'obtiendrait  pas  chez  le  blanc,  même 
dans  les  pays  chauds,  aux  Antilles  par  exemple.  Une  des  opérations 
les  plus  graves  chez  le  blanc,  làdt^sarticulation  du  genou,  a  été  pra- 
tiquée deux  fois,  chez  le  nègre,  par  M.  le  D'  Brassac,  et  deux  fois 
avec  le  plus  grand  succès.  Les  plaies  d'armes  ù  feu  guérissent  aussi 
merveilleusement  bien.  11  en  est  de  môme  des  incisions  :  on  voit 
des  Yolotfs s'ouvrir  le  ventre  avec  un  couteau,  pour  essayer  la  vertu 
du  grigri  qui  vient  de  leur  être  donné  par  le  marabout,  puis  rentrer 
paisiblement  leur  intestin  prêt  à  s'échapper  par  la  plaie  et  guérir 
sans  péritonite  et  surtout  sans  cet  état  nerveux,  dépressif  et  parti- 
culier, qui  domine  dans  la  péritonite  et  que  Gubler  a  nommé  le 
péritonisme.  Gela  nous  montre  le  peu  d'intensité  de  faction  ré- 
flexe chez  le  nègre. 

En  voici  une  autre  preuve  dans  un  autre  ordre  d'idées  : 
le  D'  Lichtenstein,  qui  a  séjourné  longtemps  chez  les  Cafres, 
dit  qu'il  ne  les  a  jamais  vus  ni  étemuer  ni  bdiller  ;  or  ce  petit 
fait,  s'il  était  conGrméj  aurait  son  importance  :  on  ne  voit  jamais 


CARACTÈRES  PHYSIOLOGIQUES  DU  NÈGRE.  461 

un  blanc  très  malade  éternuer,  car  il  faut,  pour  que  la  synergie 
réflexe  qui  constitue  réternuement  s'accomplisse,  qu'il  existe  une 
grande  finesse  dans  le  réflexe  ;  aussi  lorsqu'à  la  fin  d'une  maladie 
grave  on  voit  le  malade  éternuer  ou  bâiller,  cela  est-il  bon  signe. 
Eh  bien,  les  affections  internes  du  nègre  trouvent,  comme  les 
passions  morales,  son  organisme  difficile  à  ébranler,  à  mettre  en 
réflexe. 

La  pneumonie,  par  exemple  très  fréquente  chez  le  nègre,  pré- 
sente chez  lui  une  marche  insidieuse  particulière  :  il  a  à  peine 
de  la  fièvre,  à  peine  d'oppression  ;  la  maladie  semble  locale  et 
l'organisme  ne  semble  pas  y  participer,  parce  qu'il  manque  ce  con- 
sensus, je  dirais  volontiers  cette  unité  réflexe^  qui  existe  dans  d'au- 
tres races  et  cependant  le  malade  meurt  inopinément»  sans  que 
son  organisme  ait  eu,  pour  ainsi  dire,  la  force  de  sonner  l'alarme. 

Ce  n'est  pas  uniquement  dans  certaines  races  humaines  qu'on 
voit  des  organismes  aussi  difficiles  à  ébranler  et  qui  supportent 
impunément  les  grands  traumatismes  :  le  chien  est  dans  le  même 
cas  ;  tous  les  grands  chasseurs  savent  avec  quelle  impunité  le  chien 
courant  peut  être  éventré  par  un  sanglier,  sous  la  simple  condi- 
tion qu'un  valet  de  chiens,  ait,  tant  bien  que  mal,  rentré  les 
boyaux.  —  La  chèvre,  le  mouton  et  le  lapin  sont,  au  contraire,  très 
impressionnables  et  meurent  facilement. 

Aleoolisme.  —  Cette  diminution  de  Texcitabilité  nerveuse  fait 
que  le  nègre  est  moins  sensible  que  le  blanc  à  TefTet  de  Valcool,  Sans 
doute  l'alcoolisme  (ce  qu'on  nomme  l'eau-de-vie  de  traite,  le  tafia 
et  autres  aidant)  s'observe  chez  les  noirs  ;  mais  le  nègre,  au  dire 
de  tous  les  marins,  supporte  des  doses  d'alcool  beaucoup  plus 
considérables  que  le  blanc  et  il  en  use  fortement  le  matin,  ce  qui 
s'appelle,  au  Sénégal,  mata-bicho  (mot  à  mot,  tuer  le  re?').  Sous 
ce  rapport,  les  blancs  différent  peu  des  noirs  ! 

Le  D^  Levacher  constate  également  chez  le  nègre  le  peu  d'in- 
tensité de  Wiction  nerveuse.  Ses  muscles  énormes  ne  sont  pas  ani- 
més par  autant  de  force  que  ceux  du  blanc. 

Sapparatlon.  —  Le  nègre  présente  une  grande  tendance  à 
suppurer;  un  chirurgien  lui  coupera  la  cuisse^  sans  qu'il  ait  pour 
ainsi  dire  de  ûèvre,  mais  la  piqûre  d'un  moustique  sera  pour  lui 
l'occasion  d'une  petite  suppuration,  d'une  petite  plaie,  qui  ne  se 
guériront  que  lentement.  Au  contraire,  sur  la  rive  droite  du 
Sénégal,  chez  les  Maures,  où  domine  l'élément  sémite,  le  D' Thaly 
a  constaté  que  les  plaies  guérissaient  sans  sui^wiet. 


46S         PATHOLOGIE   COMPARÉE   DBS   RACES   HUMAIHES. 

Cieatrisation.  Chéloldes.  —  11  présente  une  grande  ten- 
dance à  l'organisation  et  au  développement  du  lissu  cicatriciel  ; 
on  donne  à  ces  cicatrices  fibreuses  le  nom  de  chéloides,  à  cause 
de  leur  ressemblance  avec  les  tumeurs  chêloidesy  qui  elles-mêmes 
doivent  leur  nom  à  ce  que,  bourrelets  saillants,  étoiles^  elles  res- 
semblent à  un  crabe  à  pattes  d*ccrevisse  (xsXt),  pince  d'écrevisse, 
tî^oç,  apparence). 

Les  coups  de  fouet  qu'on  distribuait,  au  temps  de  Tesclavage, 
souscrivaient  sous  forme  de  cicatrices  de  ce  genre  en  traits  sail- 
lants; les  ventouses,  les  scarifications  médicales  et  même  les  coups 
de  couteau  en  font  autant.  Prenant  la  chose  du  bon  côté,  le  nègre 
en  a  même  fait  un  objet  d'ornement  :  le  signe  distinctif  de  chaque 
tribu  nègre  consiste  dans  la  présence,  sur  les  tempes,  les  joues 
ou  les  épaules,  d*un  certain  nombre  de  lignes  cicatricielles,  sail- 
lantes, dont  la  vue  ne  laisse  méconnaître  à  aucun  initié  le  nom 
de  la  tribu  à  laquelle  appartient  celui  qui  les  porte.  Cette  dispo- 
sition à  faire  du  tissu  cellulaire  induré  nous  la  retrouvons  dans  la 
pathologie  nègre  :  les  fibromes  de  l'oreille  ne  sont  pas  rares  chez 
les  négresses,  dont  les  oreilles  sont  chargées  de  lourds  pendants 
et  nous  verrons  que  le  développement  du  tissu  cellulaire  ou  hy- 
perplasie  fibreuse  du  foie  et  de  la  rate  n'est  pas  rare  non  plus.  Le 
D'  Sinéty  donne  lui-même  le  fibrome  ulirin  comme  plus  fréquent 
dans  la  race  noire  que  dans  la  race  blanche. 

Cette  disposition  à  faire  du  tissu  cellulaire  cicatrisé,  induré, 
normale  dans  les  races  noires,  se  voit  parfois,  par  exception,  dans 
la  race  blanche;  elle  y  est  héréditaire. 

Un  travail  analogue  s'observe  chez  plusieurs  végétaux  :  les 
ormes,  notamment,  ne  peuvent  recevoir  une  plaie,  sans  faire  une 
cicatrice  saillante,  purement  fibreuse,  peu  vasculaire. 

Etat  électrique.  —  D'après  une  opinion  ancienne,  les  nègres 
seraient  moins  souvent  frappés  par  la  foudre  que  les  blancs; 
cette  opinion,  qui  mérite  attention,  est  bien  de  nature,  si 
elle  est  fondée,  à  nous  montrer  toute  la  différence  d'essence 
entre  les  tissus  des  noirs  et  les  tissus  des  blancs.  H  ne  faut  pas  toute- 
fois se  dissimuler  qu'il  y  a  de  nombreuses  causes  d'erreur  dans  l'ob- 
servation des  faits  de  ce  genre  ;  cependant  les  nègres,  travaillant 
toujours  dans  les  champs,sont  plus  exposés  à  être  frappés  de  la  fou- 
dre que  le  blanc,  qui  fait  la  sieste  dans  son  humac  le  résultat  de- 
vrait donc  être  contraire  ;  d'ailleurs  il  semble  bien  possible  qu'en 
vertu  d'un  état  électrique  encore  inconnu,  il  y  ait,  dans  une  même 


CARAGTÈRRS  PATHOLOGIQUES  DU  NÈORE.  463 

race,  des  essences  personnelles,  pour  ainsi  dire,  qui  attirent  moins 
que  d'autres  Télectricité  atmosphérique.  On  voit  certaines  per- 
sonnes être  frappées,  par  la  foudre,  plusieurs  fois  dans  leur  vie, 
comme  en  vertu  d*un  état  particulier  d'affinité  de  leurs  tissus  ; 
dans  les  végétaux,  ne  sait-on  pas  que  le  noyer,  par  exemple,  à 
part  son  état  d'isolement  fréquent  dans  nos  champs,  à  part  son 
volume  souvent  plus  considérable  que  celui  des  autres  arbres^  est 
plus  souvent  frappé  de  la  foudre  que  le  peuplier  et  que  le  sapin, 
qui,  par  leur  forme,  seraient  pourtant  plus  aptes  à  jouer  le  rôle  de 
paratonnerres  ?  La  couleur,  à  elle  seule,  a  peut-être  même  une 
influence  qui  se  confond  avec  celle  de  Tétat  électrique  ou  s'ajoute 
à  elle.  Heusinger,  qui  admet,  comme  Boudin,  que  les  nègres  sont 
moins  souvent  frappés  de  la  foudre  que  les  blancs,  rapproche  cette 
immunité  relative  de  ce  fait  que,  dans  les  campagnes,  il  serait 
d'observation  que  les  animaux  à  poil  noir  sont  moins  souvent 
frappés  que  ceux  dont  le  pelage  est  clair  et  qu'enfin,  chez  les  ani- 
maux tachetés,  ce  sont  les  taches  blanches  qui  sont  le  plus  sou- 
vent atteintes  par  le  fluide. 

§   4.    —  CARACTÈRES   PATHOLOGIOUES. 

Hortalité  faible  dans  les  pays  ehaads.  —  La  mortalité  des 
nègres  est  inférieure  dans  les  pays  chauds  à  celle  des  blancs.  Il 
suffit,  pour  l'apprécier,  de  jeter  les  yeux  sur  le  tableau  compare  de 
la  mortalité  des  nègres  et  des  Anglais  aux  colonies,  de  181 7-1 836, 
sur  i  000  : 

AogUis.  Nègres. 

Guyane 84  40 

Trinité 106  39 

Tabago 152  34 

Nouvelle-Grenade...  61  28 

Saint- Vincent 51  36 

Barbades 58  46 

Sain  le- Lucie 122  42 

Dominique 137  35 

Il  semble  probable  qu'ils  jouissent  d'une  grande  longévité  :  aux 
Etats-Unis,  du  moins,  ce  caractère  est  marqué,  car  on  y  compte 
I  centenaire  sur  2448  esclaves  noirs,  tandis  qu'en  France  on 
fîompte  1  centenaire  sur  240  000  blancs. 


4»4      fiam&umz  gompabés  bës  Bios  iinuisKS. 


la  mortalité  vam  <f  ailleon  avec  les  aatsoas  :  à  Caba.  RaoïM 
de  la  Sagra  a  constaté  que  ko  noirs  soccombeot  duis  la  sais» 
froide,  1^  blancs  dans  la  saison  cfaaade  ;  témoin  le  tabkaa  m- 
tant,  sur  100  décès. 

HiTer ±5.60  àT.iî 

Friotemps...  iS.SS  i4  33 

Eté iô.Si  23.98 

Aotomne 23.12  24.25 

■•rbMité  dUaa  les  paj"  «baMis.  -*  U  en  est  de  même  de 

la  mf/rhidiU  :  dans  Teipédition  angtatse,  chez  les  Asbantîs,  les 
blancs  ont  foorni,  sor  100  hommes,  71  malades;  les  noirs,  sur 
100  hommes^  55,5  malades.  Voici  à  ce  snjet  la  statistique  amén- 
caine  : 

BUnes.  5o«n. 

Affections  vermineuses 1  000  7S65 

TéUnot —  4»0« 

lUchitisme —  4739 

InOuenza. -  «795 

Hydropisie —  2  001 

Pneumonie --  1515 

Choléra -  1 055 

Affections  roiasmatiqaes —  958 

Fièvre  intermittente —  955 

Affections  du  système  nerveux —  718 

Cancer —  634 

(iouttc 638 

Hépatite —  843 

DiabMe —  829 

Fièvre  jaune —  190 

Caneer.—  Dés  maintenant  ce  tableau  nous  renseigne  au  sujet 
de  ce  quVm  a  nommé  Fimmunité  du  nègre  pour  le  cancer.  On  y 
voit  qu'aux  Etat^-Unis,  pour  1 000  décès  de  blancs  par  cancer,  on 
compte  seulement  634  décès  de  noirs  par  la  même  cause;  c'est  déjà 
une  diflorence,  mais  son  expression  est  fausse.  Pour  qui  sait,  eu 
diet,  avec  quel  lUiir  les  Américains  savent  reconnaître  le  sang  noir 
dans  son  mélange  avec  le  sang  blanc,  il  est  évident  qu'un  très  grand 
nombre  de  mulâtres  doivent  figurer  sur  ce  tableau,  sous  la  rubri- 
que noir  s  ^  opposés  aux  blancs.  Le  résultat  des  observations  faites, 
dans  l'Afrique  occidentale,  sur  des  noirs  purs,  est  tout  différent: 


CARACTÈRES   PATHOLOGIQUES   DU   NÈORE.  4G5 

au  Sénégal,  Girard  et  Huard  disent  n'avoir  jamais  observé  de 
cancer  dans  la  race  noire;  le  D**  Chassaniol  n'en  a  vu  qu'un  seul 
cas,  c'était  un  cancer  du  sein,  chez  une  négresse.  Le  D^  Landry 
(de  Montréal)  a  vu  également  un  seul  cas  de  cancer  dans  la 
race  noire  et  c'était  précisément  chez  une  mulâtresse. 

Le  cancer  est  donc  très  rare  chez  le  nègre  et  cette  différence 
entre  une  race  humaine  et  les  autres  est  d'autant  plus  remarqua- 
ble, que  le  cancer  est  fréquent  chez  certains  animaux,  le  cheval, 
le  chien,  le  chat. 

Scrofole.  —  La  scrofulejn'est  pas  rare  chez  le  nègre,  mais 
elle  est  surtout  cutanée,  ce  qui  tient  sans  doute  à  l'activité  dont 
la  peau  est  le  siège  chez  lui  et  sous  son  climat.  Les  écrouclles 
sont  moins  fréquentes  qu*eQ  Europe  ;  en  revanche  on  y  observe 
une  sorte  de  lupus,  de  scrofulide  rongeante,  spéciale,  le  roul^ 
fétin. 

Arthricis.  —  L'arthritis  n'est  pas* rare,  mais  on  voit  celte 
diathèse  donner  naissance  au  lumbago,  à  la  jtleurodynie,  plus 
fréquemment  qu'au  rhumatisme  articulaire,  aigu,  franc. 

La  goutte  ne  s'observe  que  rarement;  il  est  vrai  (|ue  le  régime 
des  nègres  d'Afrique  et  celui  des  nègres  transportés  n'ont  rien  de 
commun  avec  la  table  plantureuse  des  riches  goutteux  anglais, 
par  exemple;  mais  à  Haïti,  où  il  existe  des  nègres  fort  riches, 
fort  amis  du  lute  et  vivant  fort  bien,  la  goutte  est  également  rare. 
On  cite  les  Ho  vas  de  Madagascar  comme  souvent  goutteux,  mais 
les  Hovas  sont  des  Malais. 

Une  manifestation  diathésiquebien  connue  dans  la  race  blanche, 
où  elle  se  caractérise  par  de  petits  boutons  spéciaux,  qui  ont  pour 
siège  les  glandes  sébacées  et  qui  apparaissent  à  la  face  et  dans  le 
dos,  à  deux  époques  de  la  vie,  la  puberté  et  la  ménopause,  Vann^ 
sébacé,  ne  se  voit  jamais  chez  le  nègre,  tandis  que,  d'après  le 
D'  Rufz,  eile  apparaît  déjà  chez  le  mulâtre. 

La  calvitie  est  également  moins  fréquente  chez  les  noirs  que 
chez  les  blancs. 

La  gravelle  et  la  pierre  sont  inconnues  chez  les  nègres  et  cela 
non  seulement  en  Afrique,  mais  même  en  Amérique.  Dans  ce 
pays,  on  n'a  jamais  pratiqué  la  lithotritie  sur  un  nègre  :  Livings- 
tone  a  lui-même  été  frappé  de  cette  immunité,  dans  les  régions 
les  plus  calcaires,  où  les  eaux  incrustent  rapidement  les  vases  et 
les  conduites  d'eau.  Le  milieu  histologique  int&ieur  du  nègre 
filtre  donc  les  eaux  autrement  que  le  nôtre. 

O&OGR.  UéD.  \^ 


466        PATHOLOGIE   COMPARÉE  DES   RACES  HUMAINES. 

Tètano*.  —  La  Statistique  américaine  nous  montre  que,  dansle 
même  milieu,  pour  i  000  blancs  qui  meurent  du  tétanos,  il  meurt 
4906  noirs;  je  disais  tout  àTbeure  que  le  chirurgien  pouvait  tout 
oser  dans  la  race  noire;  cela  serait  vrai,  sans  le  tétanos, qm  est  la 
grande  complication  chez  le  nègre  et  cela  sous  tous  les  climats. 
Etant  interne  à  Thôpital  Beaujon,  dans  le  service  de  Gubler,  à 
répoque  du  dernier  choléra  et  chargé  de  la  salle  spéciale  aux 
cholériques,  j'ai  vu  le  tétanos  survenir  une  seule  fois  comme 
complication  de  cette  dernière  maladie,  c'était  chez  un  nègre  ! 

Le  tétanos  paraît  également  assez  fréquent  chez  le  singe;  le 
D'  Morice  en  a  vu  deux  cas  en  Cochinchine,  chez  un  macaque 
et  chez  un  bonnet  chinois.  Il  est  fréquent  chez  le  chien,  chez  qui 
nous  avons  pourtant  noté,  comme  chez  le  nègre,  une  grande  ré- 
sistance aux  traumatismes. 

Trismaa  des  noaveaii-nés.  —  Une  maladie,  non  pas  spé- 
ciale au  nègre,  mais  plus  fréquente  chez  lui  que  dans  toute  autre 
race,  qui  se  caractérise  par  la  contracture  des  mâchoires  chez  les 
jeunes  enfants,  le  trismus  des  nouveau-néSy  enlève,  au  Sénégal, 
pendant  la  saison  froide,  les  2/3  des  nouveau-nés. 

Le  tétanos  des  nouveau-nés  est  également  fréquent  chez  les 
agneaux. 

Ophthalmle.  —  Une  autre  maladie  fréquente,  c'est  TophUial- 
mie  ;  cela  tient  à  plusieurs  causes  :  à  la  poussière  ;  car  on  dit  dans 
le  Soudan,  pour  exprimer  l'intensité  de  la  poussière,  qu'elle  entre 
dfins  les  œufs;  cela  tient  aussi  au  soleil,  à  la  malpropreté,  enfin  à 
Texistence  d'un  vestige  de  membrane  clignotante  ou  troisième  pau- 
pière qu'on  trouve  chez  le  nègre.  Dans  certaines  tribus  du  Sénégal, 
5  0/0  des  noirs  sont  aveugles;  on  voit  des  bandes  d'aveugles  men- 
diants. Les  marabouts  soignent  les  opbthalmies  par  des  scarifica- 
tions temporales,  que  les  Sarracolais  aiment  beaucoup,  parce  que 
la  cicalrice  devient  un  ornement. 

La  cataracte  est  très  fréquente  ;  les  nègres  savent  même  l'opé- 
rer :  le  D'  Cbassaniol  a  vu  un  nègre  opérer  par  abaissement  la- 
téral, avec  une  énorme  épine  de  mimosa. 

Dlphchérle.  —  La  diphthérie  est  rare  chez  le  nègre  ;  le  croup 
surtout  est  rare  chez  le  négrillon. 

Obésité.  —  Je  disais  tout  à  Theure  que  des  différences  sépa- 
raient les  races  noires  les  unes  des  autres  ;  Vobésité  en  est  un 
exemple  :  rare  chez  le  noir  guinéen,  elle  est  fréquente  chez  les 
Cafres  et  chez  les  Zoulous  ;  le  prédécesseur  de  rinfortunéCetivayo, 


CABACTÈRBS  PATHOLOGIQUES  DU  NÈGRE.  467 

le  roi  Panda,  était  extrêmement  obèse;  nous  verrons  toutefois  la 
tendance  à  Tobésité  encore  bien  plus  développée  dans  d'autres 
races. 

Carie  Jentmlre.  -»  La  carie  dentaire  est  rare  dans  les  races 
noires,  et,  sur  les  nombreuses  tètes  de  noirs  du  musée  Broca, 
on  aurait  quelque  peine  à  trouver  des  dents  cariées. 

De  qnelqaes  aatres  earaetérea  patholof^i^nea.  —  Par- 
lerai-je  de  quelques  autres  particularités  physiologiques  ou  pa- 
thologiques? de  l'extrême  rareté  de  la  constipation,  chez  le  nègre, 
quel  que  soit  son  régime  alimentaire?  de  la  rareté  des  varices, 
et  cela,  même  chez  les  femmes  enceintes,  même  chez  les  vieux 
travailleurs  les  plus  surmenés?  de  la  rareté  du  diabète?  Il  est 
vrai  que  ce  symptôme  passe  souvent  inaperçu,  faute  d'être  re- 
cherché. 

En  revanche^  on  note  la  fréquence  des  afifections  du  pancréas, 
qui,  diaprés  le  D'  Chassaniol,  serait  plus  grande  que  chez  le  blanc. 
Il  est  vrai  que  les  maladies  du  pancréas  sont  assez  mal  connues, 
même  chez  nous. 

Ainhaai.  —  Symptômes.  —  C'est  en  1867  que  le  D'  Da  Silva 
Lima  observa  pour  la  première  fois  cette  maladie  chez  un  nègre, 
à  Bahia,  au  Brésil.  Sans  cause  appréciable,  parfois  à  la  suite  d'une 
piqûre  ou  d'un  choc,  le  petit  doigt  d'un  pied  présente,  dans  la  moitié 
de  sa  circonférence,  à  sa  base,  dans  le  pli  qui  sépare  la  première 
phalange  de  la  plante,  un  sillon,  sans  ulcération,  sans  suintement, 
sans  changement  de  couleur;  en  même  temps  le  doigt  grossit, 
is'arrondit  ;  au  bout  d'un  certain  temps,  le  sillon  s'étant  creusé 
de  plus  en  plus  et  le  doigt  ayant  augmenté  de  plus  en  plus  de 
volume,  en  s'arrondissant,  est  devenu  de  la  forme  et  du  volume 
d'une  pomme  de  terre  et  ne  pend  plus  que  par  un  mince  pédicule 
de  4  à  5  millimètres.  Cette  sorte  de  grelot  pendant  s'accroche 
alors  à  tous  les  objets  et  rend  la  marche  douloureuse  et  impos- 
sible. La  maladie  met  un  temps  variable,  de  1  an  à  10  ans,  à 
atteindre  son  summum  et  à  parvenir  à  l'état  où  l'amputation 
du  doigt  devient  inévitable.  Le  mot  «  amputation  »  est  ici  bien 
gros,  car  il  est  aisé  de  sectionner  ce  mince  pédicule,  sans  hé- 
morrhagie. 

Anatomie.  -»  Lorsqu'on  examine  alors  ce  doigt,  on  voit  que 
la  peau  qui  le  recouvre  est  dure,  rugueuse,  épaisse  ;  lorsqu'on  la 
coupe,  on  constate  que  cet  épaississement  se  fait  dans  l'épiderme 
plutôt  que  dans  le  derme  ;  Texamen»  fait  par  ComV»mQTiV\^\i'^ 


468         PATHOLOGIE  COMPARÉE  DES   RACES   HUMAINES. 

tissu  homogène,  où  toute  trace  de  tendons,  de  vaisseaux,  de  nerfs 
et  parfois  d'os  a  disparu  ;  des  globules  de  graisse  se  sont  substi- 
tués, place  pour  place,  aux  éléments  histologiques  normaux  ;  la 
partie  a  subi,  en  d'autres  termes,  la  dégénérescence  graisseuse, 
dans  le  tissu  cellulaire,  comme  dans  le  tissu  cartilagineux,  comme 
dans  le  tissu  osseux.  Quant  à  Tanneau  constricteur,  il  est  formé 
uniquement  de  tissu  fibreux,  sans  mélange  de  fibres  élastiques. 

Aptitude  spéciale  des  noirs,  —  Cette  étrange  maladie,  qui, 
d'ailleurs,  n'altère  pas  la  santé  générale,  n'a  encore  été  observée 
que  chez  des  noirs.  Le  plus  souvent  il  s'agit  de  noirs  d'origine 
africaine,  comme  au  Brésil,  plus  souvent  encore  de  nègres  ha- 
bitant encore  la  côte  occidentale  d'Afrique.  Le  D'  Corre  Ta  vue 
chez  un  nègre  de  Bourbon;  on  l'a  vue  chez  lin  Cafre;  puis  à 
Pondichéry,  sur  des  noirs  Moundas.  Enfin,  elle  a  été  vue  aux  îles 
Gilbert  sur  un  noir  à  cheveux  plats,  par  le  D'  Cuyot,  autrement 
dit  sur  un  métis  de  Papou  et  de  Polynésien.  L'ainhuma  donc  été 
vu  à  peu  près  dans  toutes  les  races  noires;  ce  sont  les  noirs  d'ail- 
leurs qui  ont  créé  le  mot  ainhum  ou  ainhoum,  qu'ils  traduisent» 
lorsqu'ils  veulent  parler  portupfais,  par  le  mot  freira,  qui  signifie 
gerçure.  Un  cas  unique,  sinon  d'ainhum,  au  moins  d'une  maladie 
voisine,  a  été  observé,  en  1863,  chez  une  blanche,  par  le  D' Mi- 
rault  (d'Angers)  :  plusieurs  doigts  s'étranglèrent  par  un  sillon  fi- 
breux, dans  l'espace  de  quinze  ans  ;  seulement,  c'était  à  la  main; 
chez  le  noir,  c'est  presque  toujours  au  pied.  La  main  était  cepen- 
dant prise  chez  un  Canaque  :  le  mal  s'observe  presque  toujours 
au  cinquième  doigt;  le  D'  Corre  a  vu  le  quatrième  malade,  mais 
le  cinquième  se  prenait.  Bérenger-Féraud  a  vu  tous  les  orteils 
amputés  ;  le  D'  Guyot  a  même  retrouvé  des  sillons  constricteurs 
jusque  sur  la  jambe  ou  la  cuisse.  Enfin,  il  atteint  presque  uni- 
quement le  noir  mâle  ;  deux  négresses  seulement  ont  été  obser- 
vées, l'une  par  le  D'  Paterson,  l'autre  par  le  D'Faria.  11  s'observe 
presque  uniquement  chez  les  adultes.  Le  Canaque  observé  par  le 
D'  Guyot  était  une  exception;  chez  lui,  la  maladie  était  congéni- 
tale; elle  avait  débuté  in  utero  et  avait  évolué  depuis.  Les  nègres 
disent  eux-mêmes  que  le  maladie  sévit  à  la  côte  d'AfHque  et 
qu'on  la  voit  souvent  atteindre  les  membres  d'une  même  famille. 

Nature,  —  Est-ce  une  manifestation  de  la  lèpre  et  notamment 
de  lèpre  amputante?  Cette  opinion  est  défendue  par  le  D' Collas. 
Plusieurs  médecins  brésiliens  en  font,  eux  aussi,  l'analogue  de  ce 
qu'on  nomme  la  guigila  ou  ora/etra, sorte  d'éléphantiasis  des  Grecs, 


CARACTÈRES   PATHOLOOIQUES   DU   KÈGRE.  469 

avec  contracture  et  déformation  des  doigts,  production  de  tuber- 
cules à  la  peau  et  d'une  éruption  particulière  qu'on  nomme  le 
pityriasis  Mthiopium.  Mais  cette  dernière  maladie  atteint  égale- 
ment les  deux  sexes;  elle  touche  les  mains  aussi  bien  que  les  pieds  ; 
«lie  s^accompagne  d'anesthésic  et  d'atrophie  musculaire.  L'opi- 
nion qui  semble  provisoirement  la  plus  admissible,  c'est  celle  du 
D' Guimaraès,  qui  regarde  la  maladie  comme  produite,  sous  Tin- 
fluence  de  troubles  nerveux  vaso-moteurs,  par  la  contracture  des 
fibres  lisses  des  vaisseaux.  L'aînhum  se  trouverait  ainsi  voisin 
de  ce  qu'on  nomme  syncope  locale^  asphyxie  locale,  gangrène 
<ies  extrémités  et,  comme  ces  maladies,  il  aurait  une  origine 
centrale.  A  ces  causes  se  joint,  en  outre,  cette  tendance  à  faire 
•du  tissu  fibreux  qui  est  propre  au  nègre  ;  de  sorte  que  l'anneau 
fibreux  lui-même,  conséquence  des  troubles  trophiques,  devien- 
drait cause  à  son  tour;  en  effet,  Moncorvo  a  arrêté  la  maladie 
en  sectionnant  cet  anneau.  Le  D'  Corre  pense  que  Tainhum  est 
^us  rinfluence  d'une  lésion  nerveuse  trophique,  ayant  probable- 
ment son  origine  en  un  territoire  du  système  nerveux  spinal  :  il 
y  a  tout  d'abord  résorption  des  parties  profondes,  soit  au  ni- 
veau d'une  articulation,  soit  au  niveau  d'un  point  quelconque  de 
la  continuité  d'un  os;  —  cette  résorption  appelle  autour  d'elle 
comme  une  sorte  de  travail  cicatriciel,  qui  aboutit  à  la  formation 
du  sillon  scléreux  :  les  parties  situées  au-delà  du  sillon  éprouvent 
nécessairement  des  modifications  dans  leur  nutrition  ;  le  tissu 
graisseux,  qui  s'accommode  d'une  nutrition  languissante,  béné- 
ficie de  l'amoindrissement  des  échanges,  il  tend  à  se  développer 
•davantage,  tandis  que  les  autres  tissus,  de  vitalité  plus  grande, 
s'atrophient  peu  à  peu.  Mais  il  n'y  a  pas,  selon  lui,  dégénéres- 
cence graisseuse,  dans  la  rigoureuse  acception  du  mot,  bien 
moins  encore  gangrène.  Le  D'  Frontan  ne  croit  pas  la  maladie 
^spéciale  au  nègre  :  il  se  résume  ainsi  : 

1<^  La  prétendue  entité  morbide  appelée  aînhum  n'existe  pas, 
en  tant  que  maladie  locale  spéciale  aux  races  colorées  ; 

2^  La  même  affection  se  rencontre  aussi  dans  les  races  blan- 
<;hes,  où  elle  commence  ordinairement  dès  l'époque  congénitale. 
On  peut  la  rencontrer  aussi  à  tout  âge  de  la  vie  ; 

3*  Elle  est  caractérisée  essentiellement  par  un  sillon  constric- 
leur  progressif,  sans  cause  mécanique,  pouvant  aller  jusqu'à  l'am- 
putation et  amenant  secondairement  dans  la  partie  étranglée 
une  dégénérescence  graisseuse  ;  * 


470         PATHOLOGIE  COMPARÉE   DES   RAGES   HUMAINES. 

À^  Cette  maladie  appartient  vraisemblablement  à  la  classe  do 
Iropho- névroses; 

5®  Son  processus  anatomique  est  celui  de  la  sclérodermie  et 
elle  mérite  le  nom  de  sclérodermie  annulaire. 

Ce  processus  semble  très  voisin  de  celui  que  déterminent  les 
amputations  congénitales. 

Maladie  do  sommeil. —  Histoire.  — La  maladie  du  sommeil 
est  encore  une  maladie  étrange  et  qui  passe  pour  être  propre  au 
nègre;  elle  a  été  signalée  pour  la  première  fois  en  1819,  sur  le 
littoral  du  golfe  de  Bénin,  par  Winlerbottorn,  puis  en  1840,  par 
le  D'  Klark,  à  Sierra  Leone,  depuis  lors^  par  un  grand  nombre 
d'observateurs,  au  Congo,  au  Sénégal,  en  Egypte  et  même  aux 
Antilles,  toujours  sur  des  nègres.  La  maladie  se  nomme  aussi 
hypnosic  (iNicolas),  lalangolo  (côte  d'Afrique).  On  le  nomme  aussi 
nHavnn,  mot  qui  veut  dire  dormir  en  yoloff,  et  dadan,  qui  exprime 
la  môme  idée  en  serère.  Cependant,  d'après  plusieurs  médecins, 
le  D' Nicolas  notamment,  le  nélnvan  serait  une  maladie  différente. 

Symptômes.  — Trois  grands  symptômes  dominent  :  céphalalgie 
sus-orbilaire,  chute  progressive  delà  paupière  supérieure,  accès  vé- 
ritables de  sommeil  physiologique.  Le  nègre  devient  leât,  pares- 
seux; on  le  trouve  souvent  endormi,  il  maigrit,  prend  la  diarrhée; 
en  môme  temps  les  accès  du  sommeil  augmentent,  la  langue  reste 
bonne,  Tappélit  est  conservé,  mais  à  peine  le  malade  porte-t-il  à 
sa  bouche  ce  qu*il  veut  manger,  qu'il  8*endort;  on  voit  au  soleil, 
devant  lescases,  des  nègres  endormis,  que  rien  au  monde  ne  ferait 
lever. 

Ils  dorment;  si  on  les  secoue,  ils  vous  regardent,  mais  leurs 
paupières  se  ferment  aussitôt  et  ils  se  montrent,  vis-à-vis  toutes 
les  excitations,  d'une  indifférence  absolue.  Leur  ventre  grossit, 
leurs  yeux  s'injectent,  ils  maigrissent,  la  peau  s'écaille,  parfob 
les  jambes  enflent  un  peu,  des  convulsions  surrienncnt,  ce  serait 
alors,  d'après  Nicolas,  le  nélavan,  forme  différente  de  Thypnosie. 
La  mort  arrive  infailliblement,  en  dormant,  au  bout  de  cinq  ou 
six  mois,  un  an  ;  les  voisins,  les  parents,  dès  le  débat,  savent  à 
quoi  s'en  tenir  et  les  Yoloffs  savent  que  lorsqu'un  Yoisîn  a  le 
nelavan,  les  Serères  savent  que  lorsqu'on  a  le  dadan,  on  finit 
par  jie  plus  se  réveiller. 

Étioloyie.  Spécialité  du  nègre.  —  C'est  généralement  pendant 
rhivernage,  saison  chaude  el  humide,  chez  les  noirs  mal  nourris, 
dans  des  conditions  d'hygiène  déplorables,  surtout  de  18-20  ans, 


CARACTÈRES   PATHOLOGIQUES   DU   NÈORB.  471 

que  se  déclare  la  maladie;  elle  est  commune  au  Sénégal,  notam- 
ment au  bords  de  rio  Nunez,  de  la  Casamance,  de  la  Gambie,  à 
Saint-Louis,  à  Corée,  à  Bakel,  à  Sierra-Leone,  au  Congo,  sur  la 
côte  de  Bénin  ;  les  noirs  prétendent  qu*elle  a  été  apportée  du 
midi  au  nord.  Mais  elle  ne  se  déclare  pas  que  dans  les  conditions 
insalubres  de  Tbivernage,  et  les  navires  qui  faisaient  jadis  la 
traite  étaient  habitués  à  voir  un  certain  nombre  de  passagers 
noirs  s'endormir  du  nélavan,  La  moyenne  de  la  mortalité  par 
somnolence  est  de  5/1200.  On  a  vu  la  maladie  se  déclarer  chez  les 
nègres  depuis  longtemps  (7  ans)  débarqués  aux  Antilles,  mais 
jamais  chez  ceux  qui  y  étaient  nés.  En  tout  cas,  on  ne  l'a  jamais 
observée  que  chez  le  nègre  africain.  Un  seul  cas  a  été  vu  par  le 
D'  Ghassan iol  sur  un  mulâtre. 

Anatomic,  —  Dans  un  cas  le  D'  Griffon,  de  Bellay,  a  noté  à 
l!!autopsie  le  ramollissement  de  la  protubérance  annulaire.  Les 
D'^L'Herminier  et  Gaigneron  ont  observe  la  même  altération,  mais 
la  chaleur  était  excessive;  cela  ne  prouve  donc  rien.  Le  D' Corre  a 
trouvé  une  seule  fois  le  cerveau  induré  et  il  a  pensé  à  une  for- 
mation de  tissu  conjonctif  cérébral,  ù  ce  qu'on  nomme  la  sdtrose 
cérébrale,  d'autant  plus  que  les  nègres  ont,  nous  l'avons  vu,  une 
grande  tendance  à  cette  formation  scléreuse. 

Le  D'  Cuérin  a  trouve  une  fois  une  infiltration  séreuse  des 
méninges.  On  a  trouvé  de  Peau  dans  les  ventricules;  de  là  le  nom 
de  sleepy-dropsy  (hydropisic  somnolente),  que  les  Anglais  ont 
donné  à  la  maladie. 

Dans  tous  les  cas  on  a  trouvé  les  vaisseaux  de  Tencéphale  et  les 
sinus  de  la  dure-mère  gorgés  de  sang.  Du  reste  c'est  là  une  con- 
dition même  du  sommeil  naturel. 

Nature.  —  On  voit  parfois  la  maladie  sévir  sur  les  membres 
de  la  même  famille  et  l  opinion  qu'elle  est  contagieuse  est  assez 
répandue;  elle  passe  môme  pour  héréditaire.  On  en  a  fait  une 
manifestation  de  la  fièvre  intermittente,  mais  on  ne  comprendrait 
pas  alors  qu'elle  se  développât  en  dehors  des  foyers  de  malaria. 

On  en  fait  aussi  une  forme  de  scrofule  cérébrale  ;  il  est  possible 
que  la  scrofule  joue  là  son  rôle  ;  témoin  les  ganglions  gonflés  du 
cou,  ceux  de  Tabdomen,  qui  s'engorgent  aussi.  Le  D'  Corre  voit 
là  quelque  chose  d'analogue  à  ce  que  Bazin  nommait  enccphah- 
palhie  scrofuleuse;  il  va  môme  jusqu'à  dire  que  c'est  la  manière 
da  nègre,  d'être  phthisique  chez  lui. 

Les  nègres  ont  été  frappés  de  ces  ganglions  du  cou  et,  comme 


47i         PATUOLOQiB   COUPARÉB   DES   RACES   HUMAINES. 

à  rexcmple  de  plus  d*un  blanc,  ils  ne  doutent  pas  que  la  Provi- 
dence marque  les  maladies  d'un  signe,  d'une  signature,  qui  rap- 
pelle  leur  cause,  ils  les  attribuent  à  Timprudence  qu'aurait  faite 
le  malade,  de  manger  une  sorte  de  poulet  à  gros  cou  ou  certains 
poissons  dont  les  ouïes  sont  gonûces. 

Dans  le  môme  ordre  d'idées  on  a  attribué  la  maladie  à  la  récolte, 
mais  tout  le  monde  serait  alors  malade  et  Ton  ne  comprendrait 
pas  que  la  maladie  éclatât  en  mer  ;  aux  Antilles,  on  Ta  attribué  aux 
chagrins,  à  l'alcoolisme,  à  Tusagc  du  chanvre  indien ,  au  travail 
cérébral  (?)  exi^é  de  quelques  domestiques  nègres. 

Il  n'était  pas  possible  qu'une  maladie  aussi  mystérieuse  ne  fût 
pas  classée  parmi  les  maladies  à  microbes.  C'est  là  une  tendance 
qui  fut  favorisée  par  h;  fait  suivant  :  le  choléra  des  poules,  maladie 
infectieuse  de  la  volaille^  étudiée  par  Pasteur,  présente  comme 
symptôme  \a.  somnolence.  Le  D'  Talmy  a  donc  pense  que  la  somno- 
lence du  nègre  était  due,  elle  aussi,  à  un  ferment,  à  un  microbe, 
analogue  à  celui  du  choléra  des  poules  ;  on  s'est  alors  souvenu 
que  les  nègres  attribuaient  la  maladie  à  l'usage  de  certains  pou- 
lets. Singulière  coïncidence?  J'ajoute  que  le  D'  Declat,  d''après  le 
P.  Bosch,  missionnaire  à  Dakar,  parle  d'un  cas  de  somnolence, 
guéri  par  l'acide  phénique,  par  la  médication  parasilicide.  Ce  sont 
là  des  faits  à  voir.  Le  D*^  Nicolas  ne  repousse  pas  cette  hypothèse, 
mais  il  ne  l'accepte  que  pour  le  ntf/aiym,  maladie,  selon  lui^absolu- 
ment  difTérenle  de  Vhypnose,  Cette  dernière  caractérisée  unique- 
ment par  le  sowTnei/ serait  sporadique  ;  \c7ul(wan,  au  contraire  *  pa- 
raît infectieux  au premicrchef,  dévastedes  villagescntiers  ;  ailleurs, 
les  habitants  fuient  devant  lui  ;  les  malades  sont  partout  un  objet 
d'effroi;  de  plus  c'est  une  maladie  essentiellement  purulente; 
l'engorgement  ganglionnaire  est  habituel,  et  l'on  dit  que  Tabla- 
tion  des  ganglions  suppures  rétablit  la  santé  d'une  manière  par- 
fois délinitive.  En  outre,  la  somnolence,  qui  est  assez  habituelle, 
lui  donne  un  point  de  ressemblance  de  plus  avec  le  choléra 'des 
poules.  Le  nêlavan  a  toutes  les  allures  d'une  maladie  parasitaire, 
mais  les  symptômes  qui  lui  sont  assignés  sous  la  forme  épidémique 
qa'il  revêt  sur  le  littoral  nord  de  l'Afrique  occidentale  le  distin- 
guent, d'une  manière  essentielle,  de  la  maladie  du  sommeil  ou 
somnoscy  que  j'ai  décrite  d'après  les  cas  observés  au  Gabon,  au 
Congo  et  aux  Antilles  sur  les  uoirs  importés. 

11  existe  aussi,  chez  le  cheval,  une  maladie  qui  n^est  pas  sans 
rapport  avec  la  maladie  du  sommeil  du  nègre  et  sur  laquelle  des 


CARACTÈRES   PATHOLOGIQUES   DU   SÈORE.  478 

études  comparatives  pourraient  peut-être  être  faites  avec  quelque 
utilité.  C'est  Vimmobilité,  Elle  «évit  sur  les  chevaux  de  race  com- 
mune, de  tempérament  lymphatique;  elle  est  occasionnée  par 
une  mauvaise  alimentation ,  par  la  ehaleur  excessive,  par  une 
écurie  insalubre,  chaude  et  humide;  voilà  bien  des  rapports  avec 
la  maladie  du  sommeil  :  le  cheval  devient  indifférent  à  tout  ce  qui 
Tentoure,  somnolent^  hébété;  ses  paupières  sont  à  moitié  fer- 
mées; il  mange  maladroitement,  plus  souvent  encore,  il  oublie 
de  manger,  enfin  il  meurt  avec  des  convulsions,  parfois  avec  des 
symptômes  de  vertige  et  à  Tautopsie  on  trouve  de  Teau  dans  les 
ventricules  du  cerveau. 

^  Tobereolose.  —  La  chaleur  est,  pour  le  nègre,  un  milieu  ab- 
solument nécessaire;  aussi  supporte-t- il  avec  une  grande  difficulté 
le  moindre  abaissement  de  température.  Dans  le  Fezzan,  on  ne 
s^aborde  qu'en  se  souhaitant  o  de  ne  pas  prendre  froid».  Boudin^ 
en  raison  de  ce  fait,  disait  de  la  race  noire,  qu'elle  était  peu 
pliable  et  incapable,  comme  la  race  blanche  ou  la  race  jaune,  de 
s'accommoder  de  tous  les  climats.  Même  dans  la  zone  (orride,  le 
nègre  en  effet  craint,  à  un  haut  degré,  les  refroidissements;  même 
chez  lui,  il  succombe  à  des  affections  de  poitrine.  Sur  la  côte 
de  Sierra-Leone,  tandis  que,  sur  1  000  décès  survenant  dans  la 
garnison  anglaise^  4,9  sont  dus  aux  affections  des  voies  respira- 
toires, les  mêmes  maladies  entrent,  chez  les  nègres,  sur  le  même 
nombre  de  décès,  pour  6,3.  Au  Sénégal,  la  phthisie  est  extrê- 
mement fréquente  chez  le  nègre;  et  il  sufRt  qu^on  le  déplace 
dans  son  propre  pays,  pour  que  la  fréquence  de  cette  maladie 
augmente  encore.  Les  chiffres  comparés  entre  la  mortalité  an- 
(ilaise  et  la  mortalité  des  nègres,  par  phthisie,  dans  les  colonies 
anglaises  de  la  zone  torride,  sont  caractéristiques  ;  témoin  le  ta- 
bleau ci-contre. 

Mortalité  comparée  des  Anglais  et  des  nègres  par  phthisie 

pour  1 000  décès  : 

Anglais.  Nègres. 

Jamaïque 7,5  10,3 

Dominique 8,3  16,8 

Guyane 6,4  17,9 

Ceylan 4,9  10,5 

Gibraltar 5,3  43,0 


474         PATHOLO01E   COMPARÉE   DES   RACES   HUMAIMES. 

Souvent,  à  bord  des  navires,  dans  les  parages  de  la  côte  d'Afri- 
que, on  prend  des  auxiliaires  nègres,  qui  vivent  et  travaillent 
dans  les  mêmes  conditions  que  les  matelots  ;  sitôt  qu'on  navigue 
un  peu  vers  le  nord,  on  les  voit  tousser  et  devenir  phthisiques. 
Si  on  déplace  le  noir  des  zones  chaudes,  pour  le  conduire  vers  les 
régions  tempérées,  les  différences  deviennent  plus  considérables 
encore  :  ainsi,  la  mortalité  des  nègres  par  phthisie,  à  Gilbraltar, 
est  43  pour  \  000  décès,  au  lieu  de  5,3,  chiffre  des  Anglais. 

Partout  où  le  nègre  se  trouve  avec  d'autres  races,  il  est  plus 
disposé  qu'elles  à  la  phlhisic.  C'est  ce  qui  s'observe  bien  à  Ceylan, 
sur  les  troupes  anglaises,  où  plusieurs  races  sont  représentées  : 
là,  sur  1  000  hommes,  la  mortalité  phthisique  s'exprime  ainsi  : 

Indigènes 1,6 

Malais 3,6 

Anglais 4,1 

Nègres 10,5 

Au  Pérou,  où  nous  avons  vu  combien  grande  était  la  Tréquence 
de  la  phthisie,  elle  ne  sévit  pas  non  plus  avec  égalité  sur  les 
diverses  races  :  les  Indiens  sont  le  moins  frappés;  les  Européens 
le  sont  un  peu  plus,  mais  plus  encore  le  sont  les  Espagnols  des- 
cendants de  la  conquête,  nés  de  vieilles  familles  héréditairement 
abîmées  par  le  climat  et  vivant  dans  la  mollesse  ;  enfin  les  nè- 
gres payent  le  plus  lourd  tribut  !  Il  en  est  de  même  au  Brésil  : 

Sur  100  décès  la  phthisie  tue  dans  ce  pays  : 

Indiens 1 ,7 

Métis  blancs "I^qi; 

—    indiens ,.\      ' 

Blancs 34,3 

Nègres 48,5 

Elle  est  également  très  fréquente  chez  les  Australiens. 

La  phthisie  n'est  pas  rare  non  plus  chez  les  animaux  :  les 
races  bovines  montagnardes,  transférées  dans  les  plaines,  devien- 
nent souvent  tuberculeuses.  Mais  de  tous  les  animaux  celui  qui, 
pour  la  facilité  avec  laquelle  il  succombe  au  catarrhe  ou  à  la 
phthisie,  se  rapproche  le  plus  du  nègre,  c'est  le  singe.  Tous  les 
singes  qu  on  amène  en  Europe,  sauf  ceux  qui,  en  petit  nombre, 
vivent  à  Gibraltar,  deviennent  phthisiques.  Le  singe  devient 
phthisique,  même  en  liberté  dans  son  pays;  ainsi  le  naturaliste  et 


GABÂCTÈRES   PÂTHOLOOIQUES  BU   NÈGRB.  415 

vojageur  Rengger  afGrme  qu'au  Paraguay,  le  cebus  azarée  suc- 
combe fréquemment  au  catarrhe  et  à  la  phtbisie  pulmonaire.  Si, 
dans  la  succession  des  races,  la  noire,  qui  paraît  être  la  plus 
ancienne,  est  appelée  à  disparaître,  comme  cela  est  probable,  elle 
disparaîtra  par  la  phtbisie. 

Flévro  palustre.  — <  Les  nègres,  en  revanche,  ont  pu  seuls 
défricher  des  terrains,  où  l'Européen  mourait,  sitôt  qu'il  y  avait 
mis  le  pied.  Aussi  une  foule  de  contrées  d'Afrique,  où  prospèrent 
des  tribus  nègres,  sont-elles,  à  cause  de  Timpaludisme,  inhabi- 
tables pour  l'Européen;  et,  si  nous  avons  pu  dire  que  la  phtbisie 
est  ce  qui  modère  et  empêche  même  Textension  des  noirs  dans 
les  zones  tempérées^  nous  pouvons  dire  maintenant  que  ce  qui 
empêche  l'extension  des  blancs  dans  les  pays  chauds,  c^est  Timpa- 
ludisme,  et  d'une  manière  générale  cette  sorte  de  trilogie  formée 
par  la  fièvre  paludéenncy  la  dysenterie  et  VhépatUe,  Est-ce  à  dire 
que  le  nègre  soit^  comme  on  l'a  cru,  à  tort,  absolument  rcfrac- 
taire  à  Timpaludisme  ou  à  la  fièvre  intermittente?  non  assuré- 
ment. Mais  il  est  atteint  beaucoup  moins  souvent  que  le  blanc, 
et  lorsqu'il  est  atteint,  la  gravité  de  son  mal  est  beaucoup  moin- 
dre. Témoin  le  tableau  suivant  : 

Morlalilé  comparée  des  nègres  et  des  Anglais  par  fièvre  paUidéenne 

pour  1  000  : 

Anglaif.  Nègrei. 

Jamaïque 101,9  8,3 

Guyane 59,2  8,5 

Trinité 61,6  8,ï 

Ceylan 24,6  1,1 

Maurice 1,7  0 

Sierra-Leone 410  2,4 

Ainsi  donc  le  nègre  a  bien  moins  souvent  que  le  blanc  la 
fièvre  intermittente.  Voilà  qui  prouve  une  profonde  différence 
dans  l'organisme  et,  ainsi  que  Ta  écrit  Darwin,  «  cela  prouve 
«  mieux  que  toute  analyse  chimique,  une  différence  dans  le  sang, 
«  le  système  nerveux  ou  les  autres  tissus  o  !  Lorsqu'il  a  d'ailleurs, 
par  exception,  cette  fièvre  intermittente,  il  l'a  autrement  que  le 
blanc  :  l'Européen,  dans  les  contrées  marécageuses,  prend  ce 
qu'on  nomme  le  type  quotidien  ou  le  type  subintrant,  c'est- 
à-dire  que,  une  fois  par  jour  à  la  même  heure,  il  est  pris  de 
frisson,  de  chaleur,  de  sueur,  ou  que  l'accès  revient  plusieurs  fois 


476        PATHOLOGIE  COMPARÉE   DES   RACES   HUMAINES. 

par  jour,  de  façon  qu'une  nouvelle  crise  commence,  quand  la 
première  est  à  peine  terminée.  Chez  le  nègre,  rien  de  semblable; 
le  type  est  tierce,  c'est-à-dire  que  l'accès  revient  tous  les  trois 
jours,  avec  un  jour  d'intervalle,  où  l'on  n*observe  rien.  Quant 
à  la  fièvre  pernicieuse,  cette  Oèvre  qui  emporte  le  malade  au  pre- 
mier, au  second,  au  plus  tard  au  troisième  accès,  elle  est  très 
rare  chez  le  nègre.  Le  D'  Berger  en  a  constaté  deux  cas  ;  c'était 
chez  deui  mulâtres.  Mulâtres  étaient  sans  doute  aussi,  les  nègres 
qui  ont  présenté  la  fièvre  pernicieuse  au  b'  Crevaux,  à  la  Guyane. 

Ces  faits  ne  sont  pas  sans  importance,  lorsqu'il  s'agit  de  recru- 
ter le  personnel  d'une  expédition,  dans  les  régions  marécageuses 
de  la  zone  torride  :  en  1841 ,  trois  navires  anglais  remontaient 
les  eaux  du  Niger.  Ils  étaient  montés  par  145  blancs  et  158  noirs 
Crowmcm.  Un  mois  après,  130  blancs  sur  145  avaient  des  fièvres 
paludéennes  graves,  40  succombèrent;  1 1  noirs  seulement  sur  158 
eurent  de  légères  indispositions,  aucun  ne  mourut.  Il  est  bon  de 
remarquer  que  ces  11  nègres  avaient  tous  habité  l'Angleterre 
pendant  plusieurs  années. 

Pathologie  comparée. —  Il  y  a  également  des  animaux  et  des 
végétaux  parfaitement  acclimatés  au  marais:  féléphant,  le  rbi- 
noccros,  Porang-outang  à  Bornéo,  la  loutre  et  le  rat  d'eau  chez 
nous,  enfin  tous  les  oiseaux  de  marais,  le  héron,  la  bécassine,  le 
canard,  les  courlis,  etc.  Les  bœufs  gris  à  longues  cornes  de  la 
campagne  romaine  vivent  au  uiilieu  des  marais  Pontins,  sans  en 
ressentir  les  effets  et  cependant  il  ne  descendent  pas  du  bœuf  an- 
tique, car  ils  ont  été  importés  de  Podolie  au  iv*  et  au  vi«  siècle. 

En  revanche,  beaucoup  d'animaux  sont  sujets  à  la  fièvre  inter- 
mittente :  le  D'  iMac  Culloch,  cité  par  Darwin,  dit  que  le 
chien  la  prend  volontiers  et,  chose  remarquable,  qu'il  prend,  lui 
aussi,  le  type  tierce.  Le  D'  Grahan  dit  avoir  vu,  dans  le  Dekan, 
des  chevaux  de  cavalerie  pris  de  fièvre,  tout  comme  leurs  cava- 
liers ;  pendant  les  travaux  d'un  chemin  de  fer,  le  D'  Âdenot  a 
observé  un  cheval  de  charroi  qui,  tous  les  deux  jours,  à  la  même 
heure,  était  pris  de  frissons  et  de  tremblements  ;  mais  le  plus 
souvent,  les  animaux  prennent  la  cachexie,  avec  la  grosse  rate  ; 
les  chevaux  de  la  Sologne  ont  tous  la  rate  volumineuse;  ils  sont  pe- 
tits, sans  énergie,  leur  ventre  est  gros;  dans  la  campagne  de  Rome* 
les  chèvres  sont  même  sujettes  à  des  ruptures  spontanées  de  la 
rate.  Cette  observation  est  d'ailleurs  bien  ancienne,  et  les  augures 
ne  cherchaient  pas  autre  chose  que  la  grosse  rate,  lorsqu'atant 


CARACTÈRES   PATHOLOGIQUES  DU   NÈGRE.  477 

rétablissement  d'un  camp  ou  d'une  colonie  dans  une  contrée 
ils  sacriGaient  les  animaux  de  cette  contrée^  pour  observer  leurs 
Tiscères. 

Hjrsenierle. —  Cette  maladie  redoutable  existe  chez  le  nègre  ; 
elle  existe  chez  lui^  même  au  Sénégal  ;  mais  elle  est,  chez  lui^ 
d'abord  moins  fréquente  et  surtout  moins  grave.  Elle  ne  prend 
pas  aussi  souvent,  chez  lui,  ce  caractère  de  malignité  qu'elle 
présente  chez  TEuropéen  ;  l'intestin  s*uicèie  moins  et  les  lésions 
demeurent  pius  superficielles.  On  dit  qu'elle  est  plus  catarrhale. 
11  suffit  de  consulter  le  tableau  suivant  : 

Décès  pour  1 000  hommes. 

Anglais .  Nègres. 

Gayaoe.. 8,9  5,8 

Trinité 17,9  5,5 

Tabago 24,0  4,8 

Saint- Vincent 24,2  4,2 

Barbade 20,8  12,1 

Sainte-Lucie 39,3  7,1 

Dominique 70,3  7,4 

La  difTérence  entre  les  Anglais  et  les  nègres  est  considérable  ; 
elle  Test  moins,  cependant,  que  celle  que  nous  avons  constatée 
au  sujet  de  la  fièvre  intermittente.  La  difTérence  dans  les  tissus 
du  noir  et  du  blanc  s'affîrme  néanmoins  une  fois  de  plus.  On  a 
signalé  de  grands  ravages  faits  par  la  dysenterie  chez  les  Mal- 
gaches; mais  rélément  noir  est  ici  fortement  métissé  de  malais; 
ce  sont  donc  des  mulâtres  malais  et  non  des  noirs. 

Hépatite.  ^  Il  est  une  maladie  qui  complique  souvent  la  dy- 
senterie, bien  qu'elle  apparaisse  aussi  isolément  et  qui  semble 
engendrée  par  des  causes  miasmatiques  bien  voisines,  c'est  Thé- 
patite  ou  inûammation  du  foie,  aboutissant  souvent  à  la  forma- 
tion, dans  cet  organe,  d'abcès  fréquemment  mortels.  L'hépatite 
est,  au  Sénégal,  extrêmement  fréquente;  elle  entre  pour  1/4 
dans  les  décès  des  Européens.  Elle  s'observe,  du  reste,  également 
dans  la  race  nègre;  mais  sa  fréquence  est  encore  moins  grande 
que  celle  de  la  dysenterie.  Boudin  qui,  au  Sénégal,  a  observé 
70  cas  d^hépatite  dans  la  race  blanche,  n'en  a  vu  que  1  cas  chez 
un  nègre.  11  a  exprimé  la  fréquence  comparée  de  cette  maladie, 
chez  le  nègre  et  chez  l'Européen,  dans  les  colonies  anglaises, 
dans  le  tableau  suivant,  rapporté  à  1  000  hommes  : 


478         PATHOLOGIE  OOMPilRÉE   DBS   RACES  HUMAINES. 

Anglais.  Nègres. 

Guyane 1,0  0,3 

Trinité 1,1  0,8 

Tabago 2,0  1,0 

Saint- Vincent 1,6  0 

Barbade 1,4  0,9 

Salnle-Lucie 1,0  0,9 

Dominique 1,7  0,6 

L'hépatite  et  l'abcès  du  foie  sont  néanmoins  assez  Guniliers 
aux  nègres,  pour  que  ceux-ci  aient  imaginé  un  procédé  de  traite- 
ment chirurgical  ;  il  est  identique  au  nôtre,  et  ce  n'est  pas  soq 
moindre  mérite  :  pour  pénétrer  dans  le  foie,  Tinstrument^qui  vient 
du  dehors,  doit  entrer  d^abord  dans  la  cavité  péritonéale  et  la  tra- 
verser pour  ainsi  dire  ;  or  c'est  là  une  source  de  dangers  :  Tiotro- 
duction  de  Tair  du  dehors  dans  le  péritoine  n*est  pas  moins  à 
redouter  que  la  pénétration,  dans  cette  cavité,  du  pus  qu*on  se  pro- 
pose de  faire  écouler  du  foie  au  dehors.  Les  nègres,  malgré  leur 
peu  de  tendance  à  la  péritonite,  ont  reconnu  ce  danger  et  ils  ont 
trouvé  le  moyen  de  l'éviter  :  ils  ont  appris,  par  empirisme,  qu'une 
brûlure  profonde,  faite  à  la  peau  de  Pabdomen,  déterminait,  sur 
)e  point  voisin  du  péritoine,  une  inflammation  qui  a  pour  effet  de 
faire  adhérer  entre  elles  les  deux  parois  de  la  cavité  péritonéale, 
de  supprimer,  en  réalité,  cette  cavité  en  ce  point.  11  suffit,  alors, 
de  pénétrer  dans  le  foie  au  niveau  même  de  ces  adhérences,  là  où 
la  cavité  n'existe  plus,  pour  que  l'opérateur  n'ait  plus  à  redouter 
l'entrée,  dans  le  péritoine  ainsi  fermé,  ni  de  Tair  venu  du  dehors, 
ni  du  pus  venu  du  dedans.  Les  opérateurs  indigènes  savent  tout 
cela  ;  ils  promènent  donc  sur  la  peau,  dans  la  région  du  foie,  au 
niveau  de  l'abcès,  un  fer  rouge.  Deux  jours  après,  quand  ils  pen- 
sent que  l'adhérence  est  faite,  ils  l'ouvrent. 

Fièvre  Jaane. —  Le  nègre  est  incomparablement  moins  flrappé 
que  le  blanc;  on  a  môme  dit  qu'il  avait  une  immunité  complète» 
mais  les  faits  ont  démontré  qu'il  n'en  était  pas  ainsi  ;  il  est  vrai 
qu'en  1830  un  certain  nombre  de  nègres  sont  morts  de  lafiène 
jaune  au  Sénégal,  qu'il  en  a  été  de  même,  en  1878,  à  la  Jamaïque 
et  plus  récemment  au  Sénégal.  Quelques  chiffres  et  quelques  faits 
vont  nous  donner  la  mesure  de  cette  quasi-immunité  :  à  Gorée, 
dans  une  épidémie,  Bérenger-Féraud  a  vu  mourir  32  blancs,  1  noir, 
4  mulâtres.  Remarquons,  comme  toujours,  la  situation  intermé- 
diaire du  mulâtre  ;  dans  l'Amérique  du  Sud,  les  nègres  ont  too« 


CARACTÈRES   PATHOLOGIQUES   DU   NÈGRE.  479 

jours  été  épargnés.  Enfin  tout  le  monde  connaît  Texpérience  dé- 
monstrative qui  a  été  faite  à  la  Vera-Cruz  pendant  la  guerre  du 
Mexique  :  des  453  nègres  du  Darfour  et  du  Kordofan  qui  avaient 
été  prêtés  par  le  vice-roi  d'Egypte  à  Tannée  française^  aucun,  à 
la  Vera-Cruz,  n*a  eu  la  fièvre  jaune  et  notre  bataillon  de  turcos^ 
composé  de  Kabyles,  d'Arabes  et  de  nègres,  a  présenté  un  faii 
remarquable  :  les  Kabyles  et  les  Arabes  succombaient  comme  les 
blancs,  les  nègres  étaient  indemnes.On  peut  donc  admettre  ce  mot 
éQ  D'Nott:  c  un  quart  de  sang  nègre  vaut  mieux  pour  préserver 
«  de  la  fièvre  jaune,  que  la  vaccine  pour  préserver  de  la  varioles. 
Le  danger  de  prendre  la  fièvre  jaune  croit,  en  effet,  pour  les 
métis,  avec  la  quantité  de  sang  blanc  qu*ils  présentent  :  en  i862, 
114  volontaires  (mulâtres  très  clairs)  viennent  de  la  Martinique 
à  la  Vera-Cruz;  quatre  mois  après,  il  n'en  restait  plus  que  57.  La 
même  compagnie  est  reportée  à  i29  (mulâtres  très  clairs),  quatre 
mois  après,  il  n'en  reste  plus  que  47,  puis  35  ;  il  en  revient  4  à  la 
Martinique  ! 

Pathologie  comparée.  —  Nous  avons  vu  plus  baut  que  les 
singes,  ceux  d'Amérique  au  moins,  ne  sont  pas  à  Tabri  de  la  fièvre 
jaune  et  qu'au  Brésil  on  a  même  remarqué  que  leurs  espèces 
avaient  disparu  sur  les  côtes  qui,  depuis  1849  seulement,  sont  visi- 
tées par  la  maladie.  Si  le  fait  n'est  pas  à  l'avantage  de  l'immunité 
de  leur  organisme,  il  est  au  moins  à  l'avantage  de  leur  prudence 
et  de  leur  intelligence.  Je  signale  cette  aptitude  du  singe  pour  la 
fièvre  jaune.  Nous  prenons,  en  effet,  trop  souvent  l'habitude 
d'établir  une  série,'  qui,  de  l'anthropoïde  au  blanc,  passerait  par 
le  nègre;  sans  doute  cela  est  vrai  pour  un  grand  nombre  de 
points:  le  cerveau^les  muscles,  le  prognathisme;  mais  non  pas  pour 
tous  !  Sous  le  rapport  de  l'aptitude  à  la  fièvre  jauue,  le  blanc 
dififere  moins  du  singe  que  n'en  diffère  le  nègre. 

FlèTre  typhoïde.  —  Les  nègres  présentent  une  immunité 
relative  pour  la  fièvre  typhoïde.  D'après  le  docteur  Rufz  de  La- 
vison,  elle  n'atteint  ni  les  nègres  ni  les  mulâtres. 

Cholérm.  —  Toutes  les  races  humaines  ne  prennent  pas  le 
choléra  également  :  de  toutes  les  races,  celle  qui  le  prend  le 
plus  volontiers,  c'est  la  race  nègre:  à  laPointe-à-Pitre,il  a  frappé 
1 304  nègres,  pendant  que  les  blancs  jouissaient  d'une  immunité 
absolue.  Dans  d'autres  épidémies,  où  les  blancs  étaient  frappés,  les 
nègres  Tétaient  toujours  davantage.  Aux  Etats-Unis,  pendant  répî- 
demie  de  1866  et  dans  l'armée,  la  mortalité  des  blancs  ^^V^  \^ 


480         PATHOLOGIE   COMPARÉE   DES   RACES   HUMAINES. 

77/1000  ;  la  mortalilé,  pour  les  troupes  noires,  a  été  de  13o/f000. 
En  1869-1870,  le  choléra  a  sévi,  àNossi-Bc,  sur  une  populatioD 
moitié  cafre  moitié  arabe  ;  or  la  mortalité  des  Arabes  était  de 
76  0/0,  celle  des  Carres  de  83  0/0.  Les  mulâtres,  moins  exposé» 
que  les  noirs,  le  sont  plus  que  les  blancs.  Ainsi,  en  1865,  d*après 
le  D' Walther,  la  mortalité  des  noirs  a  été  de  9,44  0/0,  celle  des 
mulâtres  de  6,32  0/0,  celle  des  blancs  de  4,31  0/0. 

Cette  tendance  au  choléra  s'applique  aussi  bien  aux  noirs  de 
rindc  qu'aux  noirs  africains  ;  le  choléra  étant  endémique,  diof 
rinde,  dans  la  vallée  du  Gange,  cela  a  dû  contribuer  à  la  supré- 
matie du  jaune  d'abord,  du  blanc  ensuite,  dans  l'Inde. 

Peste.  —  La  peste  frappe  également  les  nègres  plus  que  les 
Sémites  et  que  les  blancs. 

11  faut  cependant  tenir  compte  des  habitudes  sociales.  Dans  les 
pays  où  les  nègres  sont  chez  eux,  la  peste,  nous  lavons  vu  plus 
haut,  n'est  pas  commune,  à  cause  de  la  chaleur  ;  elle  ne  les  prend 
que  dans  les  pays  d'Orient,  où  ils  jouent  le  rôle  social  inférieur, 
adonnés  aux  excès,  vivant  dans  de  mauvaises  conditions  d^hygiène. 

Eléphantlmsis  des  Armbes.  —  L'éléphantiasis  des  Arabes 
est  plus  fréquent,  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  chez  les  nègres. 
Cela  est  vrai,  non  seulement  des  nègres  d'Afrique,  car  au  Séuégal 
l'élcphantiasis  est  commun,  ainsi  que  dans  le  nord  de  l'Afrique, 
mais  encore  des  noirs  hindous^  des  Papous  et  des  Néo-Calédo- 
nicns,  généralement  métis  de  Papou  et  de  Polynésien. 

Lèpre.  —  Le  nègre  présente  également  une  prédisposition 
particulière  à  la  lèpre  :  ce  sont  les  nègres  africains  qui  Tont  ap- 
portée en  Amérique.  Ce  sont  encore  les  nègres,  qui  sont  le  plus 
fréquemment  atteints;  après  eux,  leurs  métis,  les  mulâtres. 

IVostaIffle.  —  Il  y  a  une  maladie,  qui  est  très  fréquente,  cbei 
le  nègre,  c'est  la  nostalgie.  Je  ne  sais  plus  quel  est  le  poète  sa- 
tyrique,  qui,  en  parlant  d'un  homme  toujours  triste  et  ennuyé, 
donnait  cette  explication  :  «  C'est  qu'il  s'emporte  toujours  avec 
c  lui.  Y)  Je  ne  veux  pas  médire  de  l'amour  du  pays,  mais  il  est 
bien  certain  que  le  cerveau,  qui  porte  en  soi-même  sa  propre 
pâture,  son  propre  fonds,  s'aperçoit  moins  du  vide  laissé  dans 
ses  souvenirs  par  le  pays  absent  !  Que  le  fait  soit  dû  à  son  état 
social  ou  à  sa  conformation,  le  cerveau  du  nègre  semble  man- 
quer de  ce  fonds.  Sitôt  qu'on  le  déplace,  le  noir  s'ennuie,  devient 
phthisique  et  meurt;  et  cela  à  Tâge  de  vingt-cinq  ans  euviroo. 
Plus  jeune,  son  cerveau  semble  plus  pliable. 


aRACTÈRBS   PÂTHOLOOIQUES  DU   NÈGRE.  481 

L*homme  en  général  et  le  nègre  en  particulier,  ne  présentent 
pas  seuls  ce  phénomène,  car,  autant  il  est  facile  de  faire  oublier  aux 
jeunes  animaux  les  grands  bois  et  le  plein  air,  autant  la  nostal- 
gie souvent  mortelle  s'empare  d'eux  à  l'Age  adulte.  La  fréquence 
de  la  nostalgie  est  grave  pour  la  destinée  d'un  peuple  et  l'Amé- 
rique ne  serait  pas  aujourd'hui  ce  qu'elle  est ,  si  la  race  anglo- 
saxonne  n*était  pas  pour  ainsi  dire  réfractaire  à  cette  maladie. 

Folle.  — Les  troubles  cérébraux  des  peuples  nègres  sont  moins 
individuels  et  plus  collectifs  que  les  nôtres.  Je  m'explique  : 
Chez  les  nègres,  la  faculté  d'imitation  est  très  développée  et 
rimitation  semble  être  une  des  grandes  causes  de  leurs  folies  épi- 
démiques. 

En  Guinée,  l'alcool  aidant,  les  associations  magiques,  avec 
leurs  mystères  nocturnes,  rappellent  tout  à  fait  nos  scènes  de 
démonolàtrie  du  xvi«  et  du  xvii*  siècle,  avec  leurs  hallucinations. 
J*ai  parlé  ailleurs  du  Vaudoux^  de  VAstaragaza  et  du  Ramaniri' 
jana.  La  théomanie  est  fréquente  chez  les  Néo-Calédoniens,  chez 
les  Polynésiens.  Comme  chez  tous  les  peuples,  chez  qui  la  théo- 
maoie  est  fréquente,  si  on  ne  brûle  pas  les  aliénés  et  les  idiots,  on 
les  adore.  C'est  ce  qui  était  arrivé  au  sorcier  d'Atal,  dont  le  crâne, 
ainsi  que  celui  de  son  maître,  est  au  musée  Broca.  Le  comman- 
dant Luguières,  qui  Ta  connu,  m'a  affirmé  qu'il  était  idiot,  et 
qu'il  était  de  plus  atteint  d'un  torticolis  congénital,  que  Broca 
avait  diagnostiqué  par  la  déviation  de  la  face. 

En  dehors  de  ces  folies  contagieuses,  imitatives,  l'aliénation 
mentale,  tndmdue//e,est  moins  fréquente  chez  le  noir  que  chez  le 
blanc!  Cela  pouvait  être  prévu,  en  raison  de  moindre  développe- 
ment du  cerveau  et  du  moindre  développement  des  facultés  céré- 
brales. Nous  avons  vu  précédemment  que  sur  1 UOO  individus,  on 
compte  0,76  blancs  fous  et  0,10  nègres;  il  s'agit  ici  de  nègres  es- 
claves, chez  qui  le  cerveau  travaillait  peu,  car  il  a  suffi,  nous 
l'avons  vu,  d'affranchir  les  nègres,  pour  que  de  0,10  le  chiffre  de 
l'aliénation  passât  à  0,71. 

C'est  là  un  fait  doublement  instructif.  D'abord  il  nous  montre 
que  plus  on  se  sert  de  son  cerveau,  plus  cet  organe  a  de  chances 
d'être  malade;  mais  surtout  cela  nous  montre  ce  que  produit  la 
concurrence  intellectuelle  appliquée  pour  la  première  fois  à  une 
race:  Les  nègres,  libres  du  jour  au  lendemain,  n'étaient  pas  prêts 
pour  la  lutte  ;  un  grand  nombre  ont  succombé  par  le  cerveau, 
d'autres  par  d'autres  organes;  les  observateurs  su^r€LGM.\&  ^twV 

eAoo.  MÉD.  ^V 


4St         FITHOLOGIE  OQK?A&EE  DES   lACES  HUMADIB8. 

dit  alors  :  «  Voos  voyez,  les  nit^rts  sont  faits  pour  êtres  esdaTes.  i 
Mais  tons  It»  focapables  om  fois  elimioés  par  cette  sélection, 
ceux  qaî  resleot  soot  plus  forts! 

PlAB. — Ijorsquoocoasulte  lesTOTageursdusiècle dernier  ouda 
oomineDoeiDeQt  de  oeUii^,OQ  est  frappé  des  descriptions  étranges 
et  effrayantes  qa*ils  font  des  maladies  qu'ils  avaient  observées  chez 
les  nègres,  soit  en  Afrique,  soit  en  Anicriqae.  Ces  maladies  ont  été 
décrites  sous  des  noms  spéciaux  :  c'est  le  yairs  sur  la  cùte  occi- 
dentale de  TAfrique  :  sur  la  côte  orientale  et  au  Brésil ,  ce  sont  les 
boubas:  c'est  le  gallao  sur  la  côte  de  Guinée;  dans  les  eolooies 
d'Amérique,  c'est  le  pian  ;  dans  Tlnde,  c'est  la  frambatsia  ;  à  Am- 
boine,  c'est  le  bouton  d'Amboint:  ailleurs,  le  tonga. 

\jè  pian,  dont  toutes  ces  autres  dénominations  sont  synonymes, 
règne  en  effet  sur  la  côte  occidentale  d*Afri^ue,  depuis  la  rive 
gauche  du  Sénégal  jusqu'au  cap  Négro. 

Il  règne  à  la  côle  de  Mozambique  (bubas)^  à  Madagascar,  aux 
Comores,  à  la  côte  de  Goromandeivsur  les  Indiens  seuls},à  Suma- 
tra, à  Java,  aux  Moluques  ^bouton  (TAmboinéjy  au  snd  des  États- 
Unis,  aux  Antilles,  à  la  Guyane,  dans  l'Amérique  méridionale  et 
centrale,  au  Brésil,  en  Océanie  {tonga). 

Or  on  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  que  les  yaus^les  Imbas^  le  gai* 
lao  et  le  pian  n'étaient,  en  somme,  que  les  tariantes  d'une  même 
maladie,  qui  sévissait  sur  la  race  nègre  et  que  les  noirs  disaient 
eux-mêmes  avoir  apportée  de  la  côte  d'Afrique.  L.e  pwn  n'attaque 
que  les  nègres,  il  attaque  moins  souvent  les  mulâtres  et  jamais 
les  blancs;  il  n'atteint  donc  que  les  races  noires  et  leurs  métis. 
C'est  ainsi  qu'en  Afrique  il  n'atteint  que  les  nègres;  dans  l'Inde, 
que  les  descendants  plus  ou  moins  mélangés  des  noirs  Moundas; 
en  Malaisie,  les  Malais  ne  sont  atteints  qu'en  raison  du  sang  noir 
qu'ils  possèdent  ;  il  en  est  même  en  Océanie,  pour  le  sang  papou; 
partout  c'est  une  maladie  des  noirs.  La  carte  du  pian  correspond 
à  la  carte  des  noirs  et,  par  conséquent,  à  la  zone  torride. 

Symptômes,  —  Voici  ses  symptômes  :  c'est  d'abord  un  état  de 
langueur,  de  fatigue  générale  ;  des  douleurs  vagues  surviennent 
dans  les  articulations  ;  rarement  la  fièvre  apparaît  ;  la  peau  noire 
du  nègre  devient  alors  farineuse^  elle  dcsquamme,  et  c'est  dire 
qu'elle  vient  alors  d'être  le  siège  d'une  éruption  passagère,  d'une 
sorte  de  roséole^  qui  a  passé  inaperçue,  en  raison  de  la  couleur  du 
malade,  tandis  que,  au  contraire,  la  desquammation  furfuracée, 
blanche  de  l'épiderme,  qui  succède  à  la  roséole,  apparaît  mieux 


CARÂCTÈRKS   PATHOLOGIQUES   DU    NÈGRE.  483 

qu^elle  ne  le  forait  sur  la  peau  d'un  blanc.  J*ai  vu  des  nègres  at- 
teints de  rougeole  et  de  leur  éruption  rose  on  ne  voyait  que  les 
suites,  c*est-à-dirc  la  desquammation  blanche  de  l'épidermc.  Plus 
ard  apparaissent  sur  le  front  et  sur  divers  points  du  corps  de  pe- 
tites papules  ;  ces  papules,  sortes  de  verrues,  sécrètent  un  liquide 
îchoreùx;  ce  sont  de  Téritables  plaques  muqueuses.  Leur  suppu- 
ration est  fétide  et  le  fond  de  chaque  petite  plaie  est  lardacé, 
saillant,  semblable  à  une  petite  framboise,  de  là  le  nom  de  fram- 
hsesia,que  la  même  maladie  porte  dansTInde.  Ces  papules  gros- 
sissent, deviennent  des  pustules  recouvertes  d'une  croûte;  cette 
croûte  tombe  plusieurs  fois;  souvent  deux  ou  plusieurs  ulcéra- 
tions voisines  se  réunissent  en  une  seule  et  donnent  lieu  à  un 
gros  bouton,  qu^aux  Antilles,  dans  la  langue  créole,  on  nomme 
la  mère-pian j  la  mama-pidn.  On  donne  aussi  parfois  ce  nom  à  une 
ulcération  large,  indurée,  saillante,  qui  a  été  le  début  de  toute  la 
maladie.  Après  une  éruption  successive  de  petits  pians  ou  de 
petites  pustules,  [on  voit  survenir,  entre  les  doigts,  à  la  planta^ 
des  pieds  et  dans  différentes  parties  du  corps,  de  petits  bourrelets 
de  chair  suintants,  qn*on  nomme  des  guignes  ou  crabes;  d'autres 
fois  dans  la  paume  des  mains  et  à  la  plante  des  pieds  survient 
une  desquamation  épidermique,  sèche,  analogue  au  psoriasis 
palmaire  et  qu'on  nomme  saonaonas;  puis  surviennent  parfois 
des  douleurs  dans  les  os,  surtout  pendant  la  nuit;  on  nomme  cette 
complication  le  mal  aux  os.  Pendant  toute  la  durée  de  la  maladie, 
les  ganglions  de  l'aine,  ceux  du  cou,  se  sont  engorgés;  il  s'y  est 
formé  des  abcès  et  ils  deviennent  le  siège  de  longues  suppura- 
tions. Au  bout  d'une  année  la  maladie  a  parcouru  toutes  ses  pé- 
riodes et  s'éteint.  On  sait  alors  qu^on  est  désormais  à  Tabri  de  ses 
coups,  car  elle  n'attaque  qu'une  fois  le  même  individu. 

Comparaison  du  pian  et  de  la  syphilis  en  général,  —  A  coup 
sûr  ridée  n'a  pas  manqué  de  venir  aux  premiers  observateurs 
de  cette  étrange  et  redoutable  maladie,  qu'elle  présentait  de 
grandes  afGnités  avec  une  maladie  bien  connue  en  Europe,  la 
syphilis;  mais  on  recula  devant  l'identité  et,  de  fait,  que  de 
différences!  La  syphilis,  en  Europe,  donne  lieu  à  des  affections 
graves  de  la  gorge  et  du  nez  ;  le  mal  aux  os,  les  exostoscs,  les 
gourmes  sont  bien  plus  fréquents;  elle  donne  rarement  lieu  à 
des  éruptions  aussi  horribles  et  aussi  multipliées  du  côté  de  la 
peau  ;  le  pian  semble  plus  cutané,  plus  étalé  en  surface  ;  la  sy- 
philis est  plus  profonde,  plus  constitutionnelle  ;  enùu  W  ^\it^  ^^\^ 


484         PATHOLOGIE   COMPARÉE   DES   RACES  HCUAIMES. 

maladie  est  bien  plus  longue  et  puis  il  y  a  d'autres  difTérences, 
qu'on  alléguait  encore  :  la  syphilis,  en  Europe,  n'atteint  guère, 
aujourd'hui,  que  ceux  qui  s'y  exposent,  et  tout  le  monde  sait  quelle 
est  la  façon  de  s'y  exposer  ;  aussi  les  accidents  du  début  siègent- 
ils  dans  des  régions  et  sur  des  organes  tout  à  fait  spéciaux.  Le 
pian,  au  contraire,  sévit  sur  les  enfants,  sur  les  jeunes  filles  les 
plus  chastes,  sur  les  hommes  travaillant  dans  un  même  atelier. 
La  maladie  est  donc  éminemment  contagieuse  ;  elle  l'est,  même  à 
la  façon  spéciale  de  notre  syphilis,  mais  elle  Test  aussi  beaucoup 
plus  souvent  qu'elle  et  de  mille  autres  façons;  on  voit  des  familles 
entières,  depuis  le  père  et  la  mère  jusqu'aux  enfants,  en  être  at- 
teintes. Dans  les  usines,  dans  les  sucreries  notamment,  on  voit 
tous  les  nègres  d'un  même  atelier  atteints  du  pian,  en  même 
temps.  (lomme  la  syphilis,  la  maladie  est  inoculable  et  hérédi- 
taire. 

La  syphilis  et  le  pian  sont  donc  les  transformations  équivalentes, 
loivant  le  milieu  de  la  race,  d'une  même  cause  morbide  :  la  preuve 
^  en  est  dans  ce  fait,  que  des  inoculations  accidentelles  ou  volontaires 
du  pian  du  nègre  sur  le  blanc  ont  produit  la  syphilis  ;  on  semait  le 
pian,  on  récoltait  la  syphilis  !  Malgré  la  grande  autorité  de  Uunter 
il  faut  donc  reconnaître  que  c'est  bien  la  syphilis  modifiée  par  la 
race  ;  nous  avons  d'ailleurs  avec  nous  RoUet,  Rochard  et  tous  les 
médecins  de  la  marine.  Le  peu  de  profondeur  constitutionnelle 
du  pian,  son  caractère  superficiel,  sa  courte  durée  s'accordent 
en  outre  avec  ce  qu'ont  dit  les  voyageurs  de  la  résistance  du  nègre 
à  la  syphilis.  Tous  reconnaissent,  en  effet,  que  la  syphilis,  chez 
le  nègre,  est  plus  bénigne,  moins  tertiaire,  qu'elle  guérit  facile- 
ment seule,  toutes  les  fois  qu'elle  ne  prend  pas  la  forme  de  piao. 
Livingstone  rapporte  même  qu'elle  guérit  seule  et  qu'elle  est  inca- 
pable de  se  fixer  au  centre  de  l'Afrique.  Il  y  a  mieux  :  là  où  les 
nègres  sont  vierges  de  notre  contact,  ils  n'ont  ni  syphilis  ni  pian  ! 
De  sorte  que,  si  le  nègre,  ou  mieux ,  le  noir  a  apporté  avec  lui  le 
pian,  il  n'a  fait  que  faire  produire  et  circuler,  après  l'avoir  fait 
germer  sur  son  terrain  spécial,  une  graine  que  nous  avions  d'abord 
déposée  sur  les  côtes  d'Afrique. 

La  tendance  au  phagédénisme  est  propre  au  nègre;  c^est  mèoie 
l'aspect  que  prennent  les  plaies  sousl'infiuence  du  phagédénisme, 
qui  a  reçu  à  tort  le  nom  de  plaie  d'Yémen,  d^ulcère  de  Mozam- 
bique, Ce  même  phagédénisme  complique  souvent  le  pian.  La 
tendance  aux  longues  suppurations,  que  j*ai  signalée  plus  haut, 


CABACTÈRES   PATHOLOGIQUES   DU   NÉOBE.  485 

fait  que  le  bubon,  qui  est  fréquent  chez  le  nègre,  suppure  sou- 
vent. La  tendance  aux  dépôts  fibreux  donne  naissance  à  Vindu- 
ration,  même  pour  les  accidents  secondaires.  Nous  voyons  enfin, 
qu'au  dire  des  voyageurs,  le  mercure  réussit  moins  bien  contre  le 
pian  que  contre  notre  syphilis.  Qu'est-ce  à  dire,  si  ce  n'est  qu*il 
faut  plus  de  mercure?  Nous  pouvions  nous  y  attendre,  connais- 
sant la  grande  plasticité  du  sang  nègre  et,  par  suite^  sa  tolérance 
pour  un  médicament  qui  diminue  précisément  la  plasticité  du 
sang! 

Le  cachet  si  spécial  imprimé  par  la  race  à  la  syphilis,  se  com- 
plique, en  outre,  de  différences  dans  le  milieu  social  et  dans  le 
climat. 

Rapports  du  pian  avec  la  syphilis  du  moyen  dgre.—  Relativement 
au  milieu  social,  si  Ton  veut  comparer  le  pian  à  la  syphilis,  ce 
n'est  pas  à  notre  syphilis  actuelle  qu'il  faut  le  faire,  mais  à 
celle  du  xvi"  siècle;  c'est  là  une  démonstration  qui  a  été  faite, 
avec  beaucoup  de  talent,  par  un  savant  syphiliographe,  le  D'  RoUel 
(de  Lyon).  La  syphilis,  en  effet,  a  chez  nous  beaucoup  perdu 
de  sa  grarvité  depuis  cette  époque,  et  cela  pour  plusieurs  raisons  : 
d'abord  on  la  soigne  et  on  ne  la  soignait  pas  alors,  pas  plus  que 
les  nègres  soignent  le  pian;  en  outre  il  s'est  produit  ce  qu'on 
nomme  Vaccoutumance^  ce  que  le  D'  Auzias-Turenne  a  fort  jus- 
tement nommé,  devançant  les  découvertes  modernes,  un  fait  de 
syphilisation.  Nous  sommes  devenus,  par  hérédité,  moins  aptes  à 
contracter  la  syphilis,  parce  que  nous  comptons  tous  un  plus 
grand  nombre  d'ancêtres  qui  ont  été  atteints  de  cette  maladie  ; 
elle  sévit,  en  effet,  bien  plus  gravement  sur  les  populations  de  qui 
elle  a  été  jusqu'alors  inconnue  et  les  nègres  semblent  depuis 
moins  longtemps  familiers  avec  le  pian,  que  nous  autres  avec  la 
syphilis,  ce  qui  contre-balance  le  peu  de  tendance  que  possède 
d'ailleurs  leur  organisme  à  contracter  la  maladie. 

Enfin,  depuis  le  moyen  âge,  les  progrès  de  la  civilisation,  ceux 
de  ('individualisme,  par  suite  desquels  op  vit  moins  en  commun, 
plus  chez  soi, ont  diminué  la  fréquencede  ce  qu'on  peut  nommer  les 
contagions  banales.  Les  nègres,  eux,  sont  encore  en  pleine  période 
de  promiscuité,  sans  compter  que  le  fait  de  vivre  nu  augmente 
les  chances  de  contagion . 

Qu'on  n'oublie  pas  ce  qui  est  arrivé  en  Europe  même,  à  une 
époque  de  communications  moins  fréquentes,  lorsque  la  syphilis 
était  moins  diffusée  qu'aujourd'hui,  toutes  Ves  W\s  q^vil^W^  ^\»\\. 


486  PÂTHOLOOIB   COMPARÉE   DES   RACES   HUMAINES. 

son  apparition  dans  un  point  reculé  du  territoire  :  elle  a  toujours 
donné  naissance  à  de  véritables  épidémies,  que  les  enfants,  les 
femmes,  les  hommes  prenaient  en  buvant  dans  le  môme  verre,  en 
se  servant  d'une  même  cuiller  et  autrement  aussi...  Ces  épidé- 
mies  brusques  déjouaient  l'attention  des  médecins  eux-mêmes  et 
recevaient  un  nom  spécial  : 

En  1827,  dans  un  petit  village  nommé  Sainte-Eupbémie,  une 
sage-femme  sypbilise  sa  clientèle  ;  les  femmes  syphilisent  leurs 
enfants,  leurs  maris;  en  quatre  mois,  80  personnes  furent  ma- 
lades. Cette  maladie  méconnue  fut  désignée  sous  le  nom  de  mal 
de  Sainte-Euphémie. 

En  1823,  sur  la  côte  occidentale  d'Irlande,  apparut,  apportée 
par  les  marins,  une  maladie  caractérisée  par  des  ulcérations  à  la 
bouche;  on  la  nommait  bouton  d'Irlande.  Les  D'»  Wallaceet  Cor- 
rigan  montrèrent  que  c'était  la  syphilis! 

Ailleurs,  dans  la  commune  de  Chavane,  en  1815,  un  homme  est 
arrêté  par  les  Autrichiens  et  emmené  à  Montbéliard  ;  là,  il  boit 
dans  le  verre  où  venait  de  boire  un  soldat  qui  avait  mal  aux  lèvres; 
deux  mois  après,  un  grand  nombre  d'enfants,  d'bomu)es  et  de 
femmes  étaient  atteints  d^un  mal  inconnu  dans  le  pays,  qu'on 
nomma  le  mal  de  Chavane;  c'était  la  syphilis  ! 

En  1800  apparut,  à  Fiume,  un  mal,  le  srhcrliero  ou  mal  de 
Fiume,  qui  n'était  autre  que  la  syphilis  et  ({ui  se  répandit  dans 
ristrie. 

Syphilis  encore  la  falcadine,  qui  apparut  en  1786  au  petit 
village  de  Falcado,  dans  la  province  de  Bellune,  limitrophe  du 
Tyrol,  où  elle  fut  introduite  par  une  mendiante,  qui  fut  observée 
par  le  D'  Zecchinelli. 

En  1770  apparut,  dans  la  baie  de  Saint-Paul,  au  Canada,  une 
maladie  inconnue,  avec  boutons,  ulcères;  en  1785,  on  comptait, 
au  Canada,  5  800  malades;  on  rappelait  le  mal  de  la  baie  île 
Saint-PauL  Beaumont,  chirurgien  français,  envoyé  à  Québec,  re- 
connut la  nature  syphilitique  de  la  maladie  méconnue. 

A  Nérac,  un  nourrisson  est  infecté  par  sa  nnurrice,  étrangère 
au  pays  ;  la  nourrice  est  renvoyée  et  en  attendant  celle  qui  lui  succé- 
dait, plusieurs  femmes  donnent  le  sein  à  l'enfant  et  sont  conta- 
minées par  lui.  Elles  donnent^  à  leur  tour,  la  maladie  à  leurs  pro- 
pres enfants;  ceux-ci  aux  personnes  qui  les  embrassent;  celles-là 
à  leurs  maris;  les  objets  de  toilette,  les  vêtements,  tout  devient 
un  sujet  de  contagion;  la  maladie, reconnue  depuis  syphilitique. 


RACES  JAUNES.   DISTRIBUTION    OÉOORAPHIQUB.  487 

^mbla  au  D' Raulin  tellemeat  analogue  aux  descriptions  qu*il 
avait  lues  du  pian,  qu'il  lui  donna  le  nom  impropre  de  pian  de 
Nà'oCy  «  un  mal  qui  a  beaucoup  d'analogie  avec  la  maladie  des 
«  nègres  appelée  pian,  s'est,  dit- il,  manifesté  à  Nérac  x>. 

En  iliO,  un  navire  russe  apporte  en  Norwège  un  mal,  qui  parut 
si  repoussant,  qu'on  le  nomma  mal  immonde  ou  radezyge;  c'est  la 
syphilis,  bien  différente  du  spedalskcd  ou  lèpre. 

Vers  1650,  les  soldats  de  Cromwell  apportent  en  Ecosse  un  mal 
qui  donne  des  boutons,  qui  rappellent  les  framboises  et  qu'on 
nomme  sibbens  { framboise)  ^  mal  évidemment  identique  à  la 
fmmbxsia,  puisque  ses  symptômes  suscitent  dans  deux  pays 
éloignés  la  même  comparaison.  U  attaque  surtout  les  enfants,  qui 
le  transmettent  à  leur  nourrice. 

En  1578,  en  Moravie,  à  Brunn,  un  ventouscur,  qui  appliquait 
des  ventouses  scaritices  avec  un  instrument  contaminé,  répand 
dans  sa  clientèle  la  syphilis,  qui  fut  méconnue  et  qui  prit  le  nom 
de  maladie  de  Brunn;  plus  de  200  personnes  furent  atteintes. 
Voilà  les  effets  d'un  milieu  social  équivalent  à  celui  que  le  pian 
rencontre  aujourd'hui. 

Uuant  au  climat,  il  semble  avoir  également  son  influence; 
comme  Ta  dit  le  D^  Rollet,  il  semble  qu*il  y  ait  deux  syphilis  : 
une  syphilis  du  Nord,  profonde,  osseuse,  durable,  la  radezyge, 
le  sibbens  ;  une  syphilis  du  Midi,  superficielle,  cutanée,  moins 
durable;  le  pian  est  une  des  formes  de  cette  dernière. 

H.   RACES  JAUNES. 

Appliquons  ù  la  race  jaune  le  même  procédé  d^analysc  que 
nous  venons  d'appliquer  à  la  race  noire,  autrement  dit,  voyons 
si,  à  côté  des  caractères  analomiqucs,  nous  sommes  autorisés  à 
placer  des  caractères  pathologiques,  propres  aux  races  jaunes. 

La  manière  de  reconnaître  ces  caractères  pathologiques,  est  de 
voir  comment  la  race  jaune  se  comporte  dans  les  maladies  com- 
munes et  si,  en  outre,  elle  est  susceptible  d'ap(//{((/c5  spéciales  ou 
dUmmunilés  spéciales. 

§   1.    DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQUE. 

Que  faut-il  entendre  par  races  jaunes?  c'est  là  une  appellation» 
à  tous  les  points  de  vue,  beaucoup  moins  nette  que  celle  de  races 
noires.   La  démarcation  par  la  couleur  est  en  effet  tieavic<^M^ 


4«8         PÂTH0L06IB  COMPARÉS   DES   RACBS   HUMAINES. 


moiiis  tranchée  ;  eo  outre  le  métissage,  beaucoup  plus  fréquent, 
est  beaucoup  moins  Tisible.  D'ailleurs,  de  même  qu'il  y  a  plu- 
sieurs races  noires,  il  y  a  plusieurs  races  jaunes;  à  Texemple  de 
Quatrerages,  à  qui  j'emprunte  le  tableau  suivant,  nous  séparerons 
donc,  dans  cette  étude»  la  race  jaune  proprement  dite  de  ce  qu*il 
nomme  les  races  mixtes,  plus  ou  moins  dérivées  du  tronc  jaune. 


Nom. 


Branches.        RamMDX.  Famille. 

4  Samoyède 
,  Ougrien.    {  ,, 
Boréale,  i  I  Vogoule. 

Saùmi.  Lapone. 


(Turque. 
Mongole. 
JAUNES  '  ^~ —    *,,... «...V,.. 


MÉRI- 
DIONALE,     sinique. 


Tongouse. 
Chinoise. 


Populationt. 
Samoyèdes. 

fVogouls. 
Ostiaks. 
Lapons. 

Uhsbeck. 

Osmanlis. 

Nogals. 

Tackouls. 

Kalmouks. 

Mandchouz. 

Chinois. 

,    ,      , .     .      (  Cochiochinois, 
Indo-chinoise.  j  giamois. 

'  Birmans. 

TibéUine.  \  Tibétains. 

'  Népaliens. 


En  somme,  la  race  jaune  pure  se  présente  à  nous  sous  trois 
branches  :  septentrionale,  centrale,  méridionale. 

La  branche  septentrionale  (ougrienne,  boréale)  empiète  sur 
TEurope  où  elle  disparaît  de  jour  en  jour  comprenant  Lapons, 
Yogouls,  Ostiaks^  Samoyèdes;  elle  habite  les  climats  Troids,  où 
elle  se  croise  avec  les  populations  blanches  que  le  professeur 
de  Quatrcfages  nomme  allophyles  (les  Coloutches,  les  Tschoutchis, 
les  Aïnos).  Son  affinité  Tentraine  vers  le  détroit  de  Behring. 

La  branche  centrale  est  celle  qui  semble  avoir  le  plus  d'affinité 
pour  l'Occident;  elle  correspond  aux  Touraniens,  nom  donné  par 
les  populations  iraniennes  ou  indo-européennes  de  la  Perse  aux 
populations  de  TAsie  centrale  et  de  l'Asie  occidentale  avec  les- 
quelles elle  étaient  en  guerre.  Ce  sont  les  Touraniens,  que  les 
anciens  désignaient  sous  le  nom  de  Sq/thes,  peuple  dans  qui  nous 
reconnaissons  les  Scythes  nomades  de  nos  jours,  buvant  le  lait  fer- 
menté de  leurs  juments,  le  koumyss,  déjà  décrit  par  Uippocrate  et 


RACES  JAUNES.    CARACTÈRES  ANATOMIQUES.  489 

par  Hérodote  et  €  dont  le  pays  est  rempli  de  plumes,  »  c^est-à-dire 
de  neige  Yolant  dans  Fair,  de  vouvoies,  comme  disait  le  vieui 
français,  ils  sont  représentés  aujourd'hui  par  les  Mandchoux,  qui 
actuellement  dominent  en  Chine;  par  les  Mongols  proprement 
dits,  qui  ont  envahi  TEurope  à  plusieurs  reprises  ;  par  les  Kal- 
mouks,  fixés  en  Europe,  entre  le  Volga  et  la  mer  Caspienne,  de- 
puis 1630;  par  les  KirghissesKhajas  et  les  Kara-Rirghisses,  qui, 
en  Asie  centrale,  confinent  aux  populations  iraniennes  (Gallchas, 
Tadjicks)  ;  enfin  par  les  Usbecks  et  les  Osmanlis,  qui,  croisés  avec 
rélément  sémile  et  Télément  arien  de  Géorgie,  ont  formé  le  Turc 
actuel. 

La  branche  la  plus  méridionale  est  le  rameau  sinique,  qui, 
surtout  dans  laCochinchine,est  croisé  avec  l'élément  noir  autoch- 
tone. Les  Tibétains,  seuls,  grâce  à  l'altitude,  ont  conservé  leur 
unité. 

§   2.    CARACTÈRES   ANATOMIQUES. 

Le  crdnc  est  généralement  brachycéphale;  la  racine  du  nez  apla- 
tie; l'indice  nasal  est  de  48  (mésorrhiiiie)  alors  que  le  Hottentot  a 
58  et  TEspagnot  44  ;  Vindice  orbitaire  est  mégasème  (93)  ;  la  face 
est  aplatie,  les  pommettes  saillantes,  Vorbite  peu  profonde  ; 

Les  cheveux  sont  noirs,  gros,  droits  ;  peu  de  barbe,  peu  de 
poils  sur  le  corps;  V oreille  est  grande,  le  plus  souvent  écartée  de  la 
télé; 

La  voix  présente  peu  de  différence  dans  les  deux  sexes  ; 

A  Pangle  interne  de  rœi7,  existe  un  repli  vertical,  falci forme, 
débris  de  la  membrane  clignotante  ;  à  l'angle  externe  existe  une 
sorte  de  dédoublement  transversal  de  la  paupière  supérieure,  qui 
est  bridée  ;  Tceil  est  à  fleur  de  tète  ; 

L'homme  de  race  jaune  exhale  une  odeur  spéciale  qui  rappelle 
Ja  paille  humide  ; 

Au  pied,  le  pouce  est  écarté  des  autres  doigts  ;  le  pied  tout  en- 
tier est  petit,  court;  il  n'y  a  pas  de  coude-pied  ; 

Le  sein  est  hémisphérique  chez  la  femme  et  jamais  py  ri  forme. 


90         PATHOLOOIB   COMPARÉE   DBS   RACES   HUMAINES. 


§  3.   CARACTÈRES   PHYSIOLOGIQUES. 

La  puberté  est  précoce  et  cela  dans  les  climats  très  dirers  oà 
habite  la  race  jaune.  La  précocité  de  la  puberté  n'est  donc  pas 
une  affaire  de  climat,  mais  de  race. 

Les  naissances  g^meHaircs  sont  rares;  elles  sont,  au  contraire, 
communes  dans  d'autres  races  ; 

On  cite  dans  un  grand  nombre  de  groupes  de  la  race  jaune,  une 
grande  résistance  à  la  douleur  et,  comme  caractère  physiologi- 
que, peu  ôî'nciion  réflexe,  peu  de  cette  êmotivité  du  grand  sympa- 
thique, qui  fail  rougir  ou  pâlir  sous  Tinfluence  d'une  émotion; 

Un  caractère  tout  à  fait  spécial  de  la  race  Jaune  est  la  tendance 
kVobésUé,  Hippocrate  avait  déjà  remarque  que  les  Scythes  avalent 
une  tendance  à  l'embonpoint.  En  Chine,  on  tire  même  de  son 
embonpoint  une  certaine  vanité;  cela  donne  l\iir  bien  posé. 

§  4.    CARACTÈRES   PATIIOLOGIQUES, 

La  race  jaune  forme  un  groupe  tellement  peu  homogène,  elle 
habite  des  climats  si  variés,  elle  se  trouve  a  des  degrés  de  civili- 
sation si  différents,  enlin  elle  affecte  avec  ses  voisins  des  croise- 
ments si  complexes,  qu'il  en  faut  scinder  Tétude  et  prendre 
successivement  les  trois  branches  septentrionale,  centrale  et 
méridionale. 

I.  Branche  ^icptentrionale. 

Chalcor  des  hablcaclons.  —  !1  ne  faut  pas  s^exagérer  Pim- 
portance  du  climat  exceptionnel  des  régions  boréales  ;  on  aurait  en 
effet  tort  de  croire,  que,  par  cela  seul  qu'une  race  les  habite^elle 
est  àTabri  de  certaines  maladies  infectieuses  ;  car  il  faut  distinguer 
ici,  je  Fai  déjà  dit,  la  température  réelle  de  Tatmosphère  extérieure 
d'avec  la  température  artificielle  et  souvent  très  élevée,  au  milieu  de 
laquelle  les  populations  des  pays  froids  passent  un  temps  d'autaat 
plus  prolongé,  que  le  pays  est  plus  froid.  Cest  ainsi  que  peuvent, 
par  suite  d'une  acclimatation  artificielle  et  en  quelque  sorte  en 
serre  chaude,  s'acclimater  dans  un  pays,  des  maladies  infectieuses 
dues  à  des  germes,  dont  la  nature  semble  ne  se  pas  prêter  à  l'exis- 
tence dans  un  climat  froid.  Les  peuples  septentrionaux  sont  donc 
moins  privés  qu'on  le  pense  de  Texcitation  de  la  chaleur;  souvent 


RACES  JAUNES.   CARACTÈRES   PATHOLOOIOUES.  491 

même  cette  chaleur  est  exagérée.  C'est  là  un  privilège  de  Thomme 
seul  !  Trouvant  la  chaleur  dans  leurs  maisons,  les  peuples  hyper- 
boréens  jouissent  d*un  excitant  analogue  à  ceux  des  peuples  plus 
méridionaux. 

Alcoolisme.  —  Quant  à  Texcitation  cérébrale,  ils  la  deman- 
dent à  ValcooL  Ces  populations  sont  en  train  de  disparaître,  mais 
elles  ne  disparaissent  pas»  comme  on  pourrait  le  croire,  devant  la 
rigueur  du  climat,  ni  même  sous  les  coups  de  la  phthisic,  comme 
on  pourrait  le  penser  ;  elles  disparaissent  par  le  fait  de  VcUcoo^ 
lisme,  qui  leur  est  naturel  et  que  le  voisinage  de  la  civilisation  ne 
fait  qu'accroître. 

Xaladles  ncrveases. — C'est  vraisemblablement  à  Tinfluence 
de  l'alcoolisme  qu'il  faut  attribuer  ces  épidémies  convidsives,  fré- 
quentes dans  ces  contrées,  épidémies  dont  Pallas  nous  a  donné  la 
description  et  qui  ont  été  confirinées  par  plusieurs  voyageurs. 
L'hystérie  prend  souvent  en  Sibérie  la  forme  imitalivc  ;  la  jeune 
ûlle  imitant  tous  les  gestes  qu'on  fait  devant  elle  et  mon  ami  le 
D' Landowski  a  vu  la  crise  provoquée  par  Vodeur  du  tabac,  qui  n'a 
ici  qu'une  valeur  mystique,  parce  qu'il  est  défendu  par  certaines 
sectes  religieuses.  Il  faudrait  aller  dans  les  pays  chauds,  l'Inde, 
l'Abyssinie,  Madagascar,  pour  trouver  une  excitabilité  nerveuse 
pareille  à  celle  que  présentent  ces  Hyperboréens. 

Syphilis. —  La  civilisation  leur  a  enfin  apporté,  comme  tou- 
jours, la  syphilis,  d'autant  plus  grave,,  que  les  soins  hygiéniques 
font  complètement  défaut  et  que  la  promiscuité  est  aussi  grande 
que  possible. 

Pargatifs.  —  Je  dois  signaler  ici  un  phénomène  qui  a  été 
observé  par  plusieurs  médecins  et  qui  tient  au  moins  autant  à 
ralimcntation  qu'au  climat  ou  à  la  race  ;  c'est  la  grande  résistance 
de  la  race  jaune  aux  purgatifs  drastiques.  La  cause  de  celte  ré- 
sistance est  sans  doute  dans  l'usage  fréquent  de  graisses,  qu'elle 
fait  dans  son  alimentation;  c'est  également  pour  cela  qu'elle  a 
l'alcoolisme  sans  présenter  l'ébriété  préalable. 

OpiithainiieB.  —  L'inflammation  des  milieux  de  l'œil  est  sou- 
Tent  produite,  dans  ces  pays  où  le  soleil  fait  trop  souvent  défaut, 
par  l'intensité  de  la  réflexion,  par  la  neige,  de  la  lumière  diffusi'. 


tut         PATHOLOGIE   COMPAHËE   DES   RACES   DCUUHBS. 


11.  Branche  centrale. 

Maladies  orulalres.  —  La  riitaraete  «st  très  fkAilIMBtttl 

cette  tiniDChede  la  raccjaune.  D'après  le  D'Hondiè^TV  ellf  mh-  1 
(juentcde  45  â  SO  ans;  mais  tly  a  là,  peul-ôlre.  autant  onr  h 
ladic  du  race  qu'une  maladie  ducila  réverliéraliouilc  la  Iqdm',  I 
dans  ces  pays  peu  ombragés,  sur  le  IfSt  jaune  qui  I 

La  présence  d'énormes  nuages  de  poussière  ne  c 
peu  à  la  fréquence  de  l'oph/halmie  chez  les  Chint» 
une  autre  cause  qu'il  faut  y  joindre  :  le  Chinois  < 
de  lecteurs,  11  fatigue  souvent  ses  yeux;  il  tes  a  k'i 
lèle,  il  a  peu  de  eils,  pour  les  garantir  des  coips  é 
en  outre,  la  scrofule,  qui  est  très  fréquente  en  Chine.  « 
cause  frcquEute  de  ces  maladies  de?  yeu;c.  Enfia  U  pnoantlé 
de  la  vie  chinoise,  [surtout  dans  le  nord,  pendant  le  n  "  "  " 
facilite  la  contagion.  L'efTcl  est  d'autant  plus  rerUia  qM  W, 
barbier  après  avoir  rasé,  massé,  douché  son  client,  lui  rOMrw 
les  paupières,  et  passe,  sur  leur  muqueuse,  une  peiUttf 
d'ivoire,  ou  mieux  une  canine  de  cliieu  ou  dv  rcsud. H  m 
résulte  que  tout  homme  se  rendant  chei  un  barbier,  tui^nt 
d'une  ophlhalmie,  devient  le  point  de  départ  tl'une  tkitMrtfi- 
demie,  qui  parcourt  toute  la  clientèle  du  barhîer;  In  (lawvitn^ 
aont-elles  saines,  que  ce  raclage  eiercé  presi]ue  rhaqoe  Jimr  m 
leur  partie  interne,  suflil  pour  développer  ces  varices  et  en  pt* 
nulations,  qui  constituent  l'ophlbalmie  chronique. 

Myopie.  —  La  myopie  semble  être  chei  les  ChlaM  | 
fréquente  que  dans  aucune  race.  Du  reste  ce  peuple,  qni  il 
avait  inventé,  inventé  les  lunettes  h  une  époque  où  l'atitiqaiUtlB' 
siquen'y  avait  point  encore  songé.  Je  ne  vcui  pas  pooswrtniM- 
séquencei  de  l'ethnologie  plus  loin  qu'elles  doivent  allir,  mil  > 
me  semble  qu'à  t'examen  des  peintures  chinoises,  où  led«tail  tff** 
une  telle  perfection,  alors  que  la  pcrsprciive  semble  si  «al  em- 
prise, on  eût  pu  deviner,  ce  que  plus  lard  ont  constaté  lemédidn 
européens  eierçant  en  Chine,  la  grande  tTéquenre  de  la  iiijtf*' 

Serofule.  —  Je  donnais,  tout  à  l'Iieure,  la  lavftdt  «■* 
une  des  causes  de  la  fréquence  des  (^bthalmîes;  e'cst  ipi'aid>l 
le  Chinois  en  particulier  passe  pour  le  peuple  lo  plin  wOfMÊÊX 
de  la  terre:  la  race  iaunc  etv^éuétil  doit  même  h  nia  son  ol    " 


r 


RACES  JAUNES.   CARACTÈRES  PATHOLOGIQUES.         49S 

tétanos  est  moins  fréquent  dans  la  race  jaune  que  dans  la  race 
noire,  il  est  dans  la  race  jaune  incomparablement  moins  fréquent 
chez  les  fumeurs  d'opium.  Je  me  suis  expliqué  déjà  sur  ce  point; 
c'est  pour  la  même  raison  que  le  Chinois  résiste  à  Talcoolisme. 

Fréqneaee  de  raUéaatioB  meaUile.  —  Il  est  une  maladie, 
bien  autrement  grave  que  Fophthalmie,  qui  est  très  fréquente 
en  Chine,  c'est  Valiénation  mentale,  fait  qui  semble  à  coup  sûr 
donner  raison  à  ceux  qui  pensent  que  la  fréquence  de  la  folie 
est  chez  un  peuple  en  raison  directe  de  Tancienneté  et  de  Tin- 
tensité  de  la  civilisation.  Elle  n'est  pas  du  reste  fréquente  que 
chez  les  mandarins,  les  lettrés  ou  les  philosophes,  qui  sont  abon- 
dants dans  Tempire  du  Milieu  ;  cette  fréquence  s'observe  même 
dans  la  basse  classe.  Ainsi  dans  la  Nouvelle-Galles  du  Sud  où  abon- 
dent  les  coolies  chinois,  on  compte  ialiénésur  140  Chinois.  L'opium 
et  l'alcool  réunis  n'ont  pas  sur  cette  malaûie  moins  d'influence 
que  la  philosophie,  il  faut  le  reconnaître. 

Solelde.  —  A  titre  d'Asiatique  le  Chinois  professe  pour  la 
mort  un  mépris  absolu.  Il  en  résulte  que  Taliénation  mentale 
prend  volontiers,  chez  lui,  la  forme  suicide;  la  strangulation  est 
le  mode  le  plus  fréquent  ;  vient  ensuite  l'empoisonnement  par 
l'arsenic,  enfin  j'ai  déjà  parlé  d'un  mode  de  suicide,  que  je  crois 
spécial  à  ce  [leuple  raffiné,  c'est  l'asphyxie  par  la  feuille  d'or. 

Il  est  une  catégorie  de  suicides  qui  ne  sont  pas  rares  en  Chine 
et  qui  peignent  bien  jusqu'où  peut  aller  chez  un  Chinois  l'art  de 
compter  :  une  loi  prescrit  que  tout  propriétaire  d'un  terrain,  sur 
lequel  on  aura  trouvé  un  homme  mort,  payera  aux  héritiers  de 
cet  homme  une  indemnité.  Il  en  résulte  que  le  suicide  devient  un 
mode  d'assurance  sur  la  tête  de  ses  enfants.  Enfin,  parfois  dans 
un  but  de  haine  et  conséquemment  pour  attirer  une  mauvaise 
aflDsiire  sur  la  tête  d'un  ennemi,  on  va  se  suicider  chez  lui. 

Xaladle  des  Seyches.—  Une  vésanie  déjà  propre  aux  anciens 
Scythes,  c'est  la  maladie  des  Scythes,  Voici  ce  qu'en  dit  Hippo- 
crate:  «  11  existe  parmi  les  Scythes  beaucoup  d'hommes  impuls- 
ai sants  ;  ils  se  condamnent  aux  travaux  des  femmes  et  parient 
«  comme  elles;  on  les  nomme  efféminés,  avav^ptî;.  Les  indigènes 
€  attribuent  la  cause  de  cette  impuissance  à  la  Divinité  ;  ils  vé- 
f  nèrent  cette  espèce  d'hommes  et  les  adorent,  chacun  craignant 
fl  pour  soi  une  pareille  affliction,  v  Hippocrate  a  soin  d'ajouter 
que  cette  maladie  n'émane  pas  de  la  Divinité,  non  plus  que  les 
autres  ;  noais  l'explication  qu^il  en  donne  est  presque  aussi  oiaM- 


494         PATHOLOGIE  COMPARÉE   DBS  RACES  HUMAIIIES. 

Taise  que  celle  qu'il  réfute  :  elle  consiste  à  incriminer  Hiabitode 
du  cheval  et  les  sai^^nées  fréquemment  pratiquées  derrière  les 
oreilles.  Hérodote,  lui,  ne  met  pas  en  doute  Torigine  divine  de 
cette  étrange  maladie.  11  raconte  comment,  dans  une  des  incur- 
sions des  Scythes,  Psammétique,  roi  d'Egypte,  vint  au  deTantd*eux 
dans  la  Palestine  syrienne  et  les  força  de  revenir  sur  leurs  pas  et 
comment  une  petite  troupe  des  leurs  pilla,  en  passant,  le  temple  de 
Vénus.  La  déesse  irritée  leur  infligea  une  maladie  qui  les  rendait 
semblables  à  des  femmes.  Elle  leur  accorda,  cependant,  une  com- 
pensation :  elle  donna  aux  androgynes  le  don  de  prédire  Pavenir. 
fonction  dont  cette  fois  les  malades  s'acquittaient,  dit  Hérodote, 
fort  bien,  en  s'aidant  d'une  baguette  de  saule  ou  de  tilleul.  Au- 
jourd'hui, dans  les  campagnes  c'est  la  baguette  de  coudrier  qui  a 
le  don  cabalistique. 

A  la  fin  du  siècle  dernier  (1796),  Reinegg  raconta  ce  qu'il 
avait  vu  dans  le  Caucase,  chez  des  tribus,  à  type  mongole  très 
accentué,  les  Nogays.  Il  arrive  souvent,  dit-il,  que  leur  peau  se 
sillonne  de  rides ,  leur  barbe  tombe  et  dans  cet  état  ils  res- 
semblent tout  à  fait  à  des  vieilles  femmes.  Ils  deviennent  impuis- 
sants et  vivent  désormais  au  milieu  des  femmes,  dont  ils  adoptent 
le  costume.  La  môme  remarque  fut  faite  chez  les  mêmes  Tartares 
Nogays,  par  Jules  Klaproth,  en  1812.  Le  fait  semble  donc  exact, 
mais  les  observations  de  quelques  voyageurs  contemporains  per- 
mettent au  moins  de  croire  que  la  maladie  devient  moins  fré- 
quente. Je  pense  que  c'est  cette  idée  supertitieuse  rapportant  jadis 
à  Vénus,  aujourd'hui  à  quelque  malin  esprit  ou  à  Dieu  lui-même, 
Pimpuissance  une  première  fois  constatée,  qui  fait  éclater,  avec  le 
secours  de  l'imitation,  chez  une  masse  d'hommes  ignorants,  une 
monomanie  spéciale,  comme  notre  moyen  âge  nous  en  a  donné 
tant  d'exemples;  cette  spécialité  de  prédire  Pavenir,  dont  parle 
déjà  Hérodote,  est  du  reste  un  trait  fréquent  chez  les  monomanes. 
Plusieurs  auteurs  se  sont  d'ailleurs  rattachés  â  cette  idée  et 
Bogard  entre  autres  a  justement  comparé  cet  état  moral  patho- 
logique à  celui  des  hommes  qui  pensaient  jadis  que  le  démoD 
leur  avait  noué  l'aiguillette ^  comme  on  disait  alors. 

La  maladie  des  Scythes  ne  serait  donc  qu'une  sorte  de  inélan- 
eolie,  dont  les  exemples  étaient  communs  autrefois.  On  connaît 
les  épidémies  de  zoanthropie  qui  n'étaient  pas  rares  an  xv«  el  an 
XVI*  siècle;  on  se  croyait  changé  en  animal;  les  lycanthropes 
notamment  se  croyaient  changés  en  loups  et  en  prenaient  aotaot 


BAGSS  JAUNES.    CARACTÈRES  PATHOIiOOIQUES.  495 

que  possible  les  habitudes  :  ils  marchaient  à  quatre  pattes,  dépe- 
çaient de  leurs  dents  des  chairs  pantelantes  et  croupissaient 
dans  les  bois.  D'autres, mieux  favorisés  parle  démon,  à  coup  sûr, 
se  croyaient  changés  en  femmes  et  en  prena:ent  les  habitudes 
ainsi  que  le  costume.  11  est  curieux  de  retrouver  fixée  dans  le  Cau- 
case, depuis  Tantiquité,  une  si  étrange  vésanie  et  cela  nous  prouve 
une  fois  de  plus  toute  la  force  et  toute  la  pérennité  de  Figno- 
rance  et  de  la  peur  ! 

Bee-de-llèvre.  —  Le  bec- de- lièvre  est,  paraît-il,  extrême- 
ment fréquent;  on  ne  peut,  disent  plusieurs  médecins,  traverser 
les  rues  de  certaines  villes  chinoises,  sans  y  rencontrer,  de  temps 
en  temps,  toutes  les  variétés  de  ce  vice  de  conformation. 

ITarlole. — La  variole,  bien  que  plus  anciennement  connue  on 
Chine  qu'en  Europe,  puisque  cette  maladie  n'est  venue  en  Europe 
qu'au  vil*  siècle,  exerce  encore  aujourd'hui  dans  toute  la  Chine 
de  profonds  ravages  et  cela  en  dépit  de  Tinocuiation  qui  y  est 
connue  depuis  une  haute  antiquité.  Contrairement  à  ce  qui  se 
passe  généralement  en  Europe,  il  n'est  pas  rare  de  voir  un  Chi- 
nois en  être  atteint  plusieurs  fois  ;  la  variole  fait  également  des 
ravages  considérables  chez  les  Kirghisses.  La  terreur  qu'elle  in- 
spire est  telle  que  le  nom  même  eu  est  maudit;  c'est  un  crime  que 
d*eD  parier  et  d'y  faire  allusion.  Une  famille  atteinte  par  la  ma- 
ladie est  une  famille  perdue  et  abandonnée. 

Ckoléra.  —  La  race  jaune  semble  au  contraire  moins  sujette 
au  choUra  que  la  race  blanche.  Ainsi  à  la  Guadeloupe,  d'après 
Walther,  la  mortalité  qui  était,  pour  les  noirs  de  9,44  0/0,  pour 
les  mulâtres  de  6,32  0/0,  pour  les  blancs  de  4,31  0/0^  et  pour  les 
coolies  hindous  de  3,86,  devient  pour  les  jaunes  (Chinois)  2,70  0/0. 
Or  remarquons  ce  fait  qui  nous  montre  l'utilité  de  l'analyse  pa- 
thologique, dans  les  études  anthropologiques:  les  coolies  hindous, 
qui  sont  un  mélange  de  noirs  (Moundas)  et  de  jaunes  (Dra  vidas),  ont 
une  mortalité  de  3,86  0/0,  c'est-à-dire  inférieure  à  celle  des  noirs, 
mais  supérieure  à  celle  des  jaunes. 

Phthiaie.  —  La  race  jaune  semble  peu  disposée  à  la  phthisie; 
certaines  peuplades  même,  soit  par  leur  genre  de  vie  (Kirghisses), 
soit  par  Taltitude  (Tibétains),  en  sont  exemptes. 

Akeès  palmaires.  -»  Une  singularité  remarquable  de  la  pa- 
thologie de  la  race  jaune,  ou  du  moins  de  celle  des  Chinois,  c'est 
la  fréquence  inexpliquée  d'abcès  étendus,  siégeant  à  la  paume  de 
la  nmn  et  entraînant  des  désordres  qui  intéressent  même  le&  qs« 


496        PÂTHOLOOIB  COMPARÉE  DES   RACES  HUMAIIIBS. 

III.  Branche  méridionale. 

Ce  qui  est  vrai  de  la  race  jaune,  lorsqu'elle  est  pure,  ne  Test 
plus  lorsqu'elle  est  mélangée  avec  les  races  noires  de  l'Asie, 
comme  le  sont  les  Annamites. 

Choléra.  —  Nous  avons  vu  que  le  choléra  était  endémique  en 
Cochinchine,  mais  il  sévit  surtout  chez  les  Annamites,  qui  sem- 
blent avoir  comme  les  nègres  une  grande  facilité  à  prendre  la 
maladie.  Chez  TAnnamite  les  symptômes  du  choléra  ont  même 
un  caractère  particulier  :  la  période  dite  algide  est,  diaprés  le 
D'  Morice,  plus  courte  et  moins  grave;  la  période  réaction  estaa 
contraire  plus  longue  et  plus  grave,  que  chez  l'Européen. 

ImpalndUme.  —  Les  Annamites  ont  en  outre  une  immu- 
nité relative  pour  la  fièvre  intermittente  et,  en  cela  encore,  ils 
tiennent  de  l'élément  noir. 

Plaies.  —  Chez  les  Annamites  les  plaies  se  cicatrisent  rapide- 
ment de  ravis  de  tous  les  médecins,  les  D*^'  Rochard,  Morice, 
notamment.  Les  plaies  présentent,  chez  eux,  une  tendance  remar- 
quable à  la  cicatrisation  et  à  la  prompte  réparation  ;  cette  rapidité 
rappelle  encore  ce  qui  se  passe  chez  le  nègre.  On  doit  cependant 
signaler  une  forme  de  phagédénisme  qui  donne  lieu  à  ce  qu'on 
nomme  la  plaie  annamite, 

Caneer.  —  Un  autre  rapport  entre  l'Annamite  et  le  nègre  c'est 
la  rareté  du  cancer  épithélial  ou  cancroîde,  tant  il  est  vrai  que 
Tanalyse  pathologique  vaut  ici  l'analyse  anatomique. 

Deasae.  —  La  dengue  est  également  plus  grave  chez  lui  que 
chez  les  Européens. 

Dyseaierle.  —  Les  Annamites  ne  possèdent,  en  revanche, 
aucune  immunité  pour  la  dysenterie. 

Stomatite.  —  La  stomatite  est  fréquente,  mais  elle  est  due  à 
l'emploi  du  bétel  ou  plutôt  de  la  chaux  qui  raccompagne. 

Uleére  de  Baasae.  —  Le  D'  Mondière  décrit  c^mme  spécial 
à  l'Annamite  ce  qu'il  nomme  Vulcère  de  Bassac;  cela  diflfère  pour 
lui  complètement  autant  de  l'ulcère  de  Cochinchine,  qui  n*est 
que  du  phagédénisme  entretenu  par  l'humidité,  la  malpropreté, 
le  défaut  de  soin ,  que  de  la  syphilis.  Cela  prend  surtoat  le  sexe 
féminin,  de  13  à  43  ans.  La  maladie  occupe  Textension  des 
membres,  le  dos  du  pied,  le  dos  de  la  main,  le  genou,  la  face  anté- 
rieure des  cuisses;  l'éruption  est  symétrique  et  oonstitiiée  par  de 


JAPONAIS.   CARACTÈRES   ANATOMIQUES.  497 

grosses  bolles  pemphigoldes  de  8  à  10  millimètres.  Elle  avait  été 
décrite  par  Cazenave,  comme  une  forme  de  lèpre,  sous  le  nom  de 
Tsarath  aphymatode. 


m.  RACES  mZTES   DERIVEES  DU  TRONC  JAUNE. 

Les  races  mixtes  dérivées  du  tronc  jaune  sont  :  les  Japonais,  les 
MalaiSy  les  Polynésiens^  les  Américains, 

Ce  que  nous  cherchons,  ce  n*est  pas  la  nomenclature  des  ma- 
ladies qui  sévissent  dans  les  pajs  très  divers  habités  par  ces  races  ; 
cela  a  été  Tobjet  de  la  première  partie  de  ce  livre,  où  nous  avons 
étudié  le  milieu  extérieur;  ce  sont  des  caractères  pathologiques 
à  mettre,  en  anthropologie,  à  côté  des  caractères  anatomiqucs 
et  des  caractères  physiologiques. 

I.  JAPOi\AIS. 

Orlglae  des  Japonais.  —  La  population  japonaise  résulte  de 
la  fusion  de  plusieurs  races.  On  retrouve  chez  elle  bon  nombre 
de  caractères  de  la  race  jaune  :  le  cheveu  noir,  droit,  gros;  les 
pommettes  saillantes;  peu  de  barbe;  les  yeux  obliques;  la  peau 
plus  ou  moins  jaune.  L'histoire  nous  signale  en  outre  un  mélange 
avec  les  Ainos,  autochtones  à  peau  blanche,  très  velus,  sous- 
dolicliocéphales  (indice,  76),  aujourd'hui  refoulés  à  l'état  de  pa- 
rias, au  nord  de  Yeso.  Un  autre  mélange  a  eu  lieu  avec  les  Jetas 
ou  Jetoris,  autres  parias,  qui,  au  nombre  de  250000,  mendient, 
disent  la  bonne  aventure  et  semblent  être  venus  de  Tlnde,  comme 
les  Gitanos  ou  Bohémiens  d'Europe.  Un  autre  mélange  a  eu  lieu 
avec  les  noirs  brachycéphales  des  Philippines,  pour  qui  Formose, 
Siou-Khiou  furent  des  étapes  faciles;  autre  mélange  avec  les 
Mongols  d'Asie;  mélange  avec  les  Coréens;  enfm  et  surtout  mé- 
lange avec  les  Malais. 

§   1.   CARACTÈRES  ANATOMIQUES. 

Ainsi  composé  de  pièces  diverses,  le  Japonais  est  petit,  trapu, 
TÎgoureux;  le  mollet  chez  lui  est  très  développé,  la  jambe  présente 
une  courbure  exagérée;  il  est  très  musclé;  sa  force  de  traction  est 
considérable,  ses  membres  sont  courts,  ses  extrémités  petites. 
Habillés  dans  notre  costume,  quMls  affectent  volonlv^t^ ^<^ V^\\&x 

oAOOft.  llftD.  ^1 


I 


4gs         PATHOLOGlii;   COUPARËE   DES    RACES   HUtUlKES. 

contrairement  aux  Cliiaois,  qui  le  repoussent,  les  J«]Mutf  r^ 
pellent  souvent  les  repréuntants,  nombreux  A  Paris,  delà  al»- 
nie  11 ispa no- américaine.  Ce  n'est  pas  là  une  opinion  tantia^ 
ou  tout  au  moins  individuelle,  car  Brocaa'y  tminpa  bd  joai 
atait  remarque  dans  son  service,  parmi  les  nombreux  élèm^« 
suivaient  sa  visite  d'hfipital,  un  jeune  bommc,  brun,  jaune,  pM. 
paraissant  fort  studieux,  fort  silencieux  et  prenant  beauconpi: 
notes.  —  Il  finit  par  lui  demander  s'il  nrtoit  pas  Japona». — 
Non,  monsieur  le  prurcsseur,  lui  répondit  le  jeune  liomoïc,  je  ■» 
du  Brésil,  mais  beaucoup  de  personnes  i  Paris  in'oni  prù^ 
pour  un  Japonais. 


^j    2.    CAHACTÈRES   PBVStOLOOlQUES. 

La  constitution  du  Japonais  est  volontiers  lymphatique,  pour 
ne  pas  dire  plus,  et  en  cela  il  se  montre  bien  dérivé  dé  Ifl  r*er 
jaune,  qui  est  celle  on  la  scrorule  est  lu  plus  développée  :  Cal, 
par  parentlièsc,  à  son  mélange  de  sang  jaune  que  la  RuMieM 
aussi  sa  tendance  à  la  scrorule.  D'après  le  D'  Mai^l,  ka  nuii* 
dies  du  Japonais  ne  sont  pas  francbement  inflamaulMnii' Icf 
lésions  traumatiqucs  les  plus  f^aves  allument,  cfaci  lai.  pc«  te 
réaction.  Il  vieillit  et  se  décrépit  de  Tort  bonne  lit^ure;  c'est  Bbm 
observation  qui  a  été  faite,  non  seulement  au  Japon,  maî^  â  Paru, 
par  U.  le  regretté  Krishaber,  depuis  longtemps  médecin  it  fam- 
bossade  japonaise.  Le  D'  Maget  dit  également  que  le  hpotân 
supporte  mal  nos  grands  médicaments.  Il  aflecle  une  grande  inxn- 
sibilitcà  ladouleurphysiqueet  morale,  semble  avoir  le: 
de  la  température  pou  développé.  Les  femmes  ont  uoe 
gilaclogcne  considérable  et  nourrissent  leur»  cnfaola  JUHb' 


§   3.    CARACTËHES   PATHO LOGIQUES. 

On  sait  quelle  révolution  considérable  a  été  faite  an  JjfW; 
ce  pays  a  maintenant  son  budget;  mais,  comme  toutes  tm  iM- 
lutions,  celle-là  ne  laut  pas  une  évolution  mûre,  normale,  pbjv 
logique.  La  pathologie  japonaise  se  ressent  de  ce  que  ccUi  à<#- 
salion,  hier  xin"  siècle,  aujourd'hui  uUra-iii*  siècle, 


siècle,  prcKOk* 


JAPONAIS.   CARACTÈRES   PATHOLOGIQUES.  499 

et  toutes  les  maladies  du  civilisé.  11  a  de  plus  les  caradères  patho- 
logiques de  tous  les  éléments  dont  il  est  formé. 

Les  maladies  qui  lui  sont  communes  avec  les  Européens  pren- 
nent chez  lui  un  caractère  spécial  :  ainsi  on  observe  dans  la 
Kèvre  typhoïde  une  tendance  au  collapsus.  Les  affections  ner- 
veuses "Boni  fréquentes  et  on  a  observé  une  forme  de  lycanthro- 
pie,  la  maladie  du  rcruird,  où  les  malades  se  croient  changes  en 
renard. 

La  BiorCallcé  InfaiiCtle  est  au  Japon  considérable;  mais  le 
rachitUme  n'y  existe  pas. 

SeorkaC.  —  L'alimentation  dans  les  basses  classes  et  même 
dans  la  moyenne  est  extrêmement  défectueuse;  elle  consiste 
presque  uniquement  en  poisson  séché  et  en  riz.  Aussi  le  scorbut, 
maladie  d'incivilisé,  que  le  civilisé  n'a  pour  ainsi  dire  pas  le  droit 
d'avoir  en  pleine  paix,  est-il  une  maladie  fréquente. 

La  lèpre  est  fréquente. 

La  variole  faisait  récemment  au  Japon  de  ces  ravages  que 
cette  maladie  éminemment  contagieuse  n'exerce  plus  que  parmi 
les  populations  sans  hygiène.  Apportée,  dit-on,  au  viii*  siècle, 
elle  faisait  chaque  année  un  nombre  considérable  d*aveuglcs.  11 
n'en  est  plus  de  même  aujourd'hui  que  la  vaccination  est  obliga- 
toire chez  ce  peuple  éminemment  progressif  et  que  le  gouverne- 
ment a  créé,  depuis.  1874,  un  institut  central  de  vaccination,  qui 
envoie  des  tubes  de  lymphe  dans  toutes  les  villes. 

La  rougeole  ou  fakisa  fait  chaque  année,  parmi  les  enfants, 
un  nombre  considérable  de  victimes,  parce  qu'on  ne  prend  con- 
tre elle,  ni  au  point  de  vue  de  la  contagion,  ni  au  point  de  vue 
des  soins  à  donner  pendant  la  maladie,  aucune  espèce  de  précau- 
tion. 

La  searlocine  et  la  eoqueluehe  sont  au  contraire  des  mala- 
dies peu  communes. 

Gale.  —  Le  peuple  vivant  dans  un  état  d'extrême  aggloméra- 
tion, la  gale  csif  au  Japon,  presque  générale;  on  y  distingue 
d'ailleurs  deux  sortes  de  gales  :  la  gale  vraie  ou  acarienne,  due  à 
l'acarus,  et  ce  qu'on  nomme  chez  nous  la  gale  des  épiciers.  Cette 
maladie  de  la  peau  des  mains  s'observait,  chez  nos  épiciers,  à  une 
époque  où,  avant  que  les  conserves  fussent  aussi  répandues 
qu'aujourd'hui  et  que  la  boutique  de  l'épicier  prit  volontiers  les 
apparences  d'une  officine  de  pharmacien,  les  employés  maniaient 
toute  la  journée  des  substances  salées,  mais,  cej^ad^tiX,  ^\>x'3i  ^>\ 


500        PATHOLOGIE  COMPARÉE   DES  RACES  HUMAINES. 

moins  altérées  et  plus  ou  moins  irritantes  :  c'est  la  même  cause  ' 
qui  agit  sur  les  mains  du  peuple  japonais. 

Voilà  des  maladies  d'incivilisés  ;  mais  les  grandes  maladies  do 
civilisé,  la  syphilis,  la  phthisie,  Vakoolisme,  le  Japonais  les  cod- 
nait  tout  autant. 

La  BTphillB,  bien  qu'elle soitconnue  depuis  longtemps,  acquiert 
au  Japon  une  gravité  exceptionnelle  et  nullement  comparable  à 
ce  qui  se  voit  en  Chine.  En  cela  on  peut  reconnaître  rinfluence 
de  rélément  malais.  Le  sulfure  rouge  de  mercure  est,  du  reste, 
employé  comme  spécifique;  on  a  recours  également  aux  eaux 
thermales  sulfureuses,  qui  sont  fréquentes  au  Japon. 

La  phihisie  est  très  fréquente,  et  même  cette  disposition  du 
Japonais  est  une  exception  dans  la  race  jaune,  qui,  pure,  est  peu 
disposée  à  cette  maladie.  Elle  débute  presque  aussi  souvent  par 
des  péritonites  exsudatives,  qui  guérissent  pour  un  temps,  que 
par  des  pleurésies  (Réray). 

AleoollBine.  —  Le  Japonais  se  distingue  enfm  du  Chinois  par 
la  fréquence  de  Yalcoolisme.  Or  remarquons  que  le  Japonais  ne 
boit  pas  plus  d'alcool  que  le  Chinois;  il  aime,  comme  lui,  Pal- 
cool  de  riz  ou  saki,  mais  il  ne  fume  pas  d'opttim,  et  cela  nous 
prouve  combien  nous  avions  raison  d'attribuer  plus  à  l'opium, 
dont  ils  usent  et  abusent,  qu'à  leur  sobriété,  la  rareté  de  Talcoo- 
lisme  chez  les  Chinois. 

Choléra.  —  Le  choléra  sévit  parfois  durement  sur  les  Japo- 
nais; apporté  à  Kiou-Siou  par  une  jonque  chinoise  en  4822,  il  y 
a  fait  d'importants  ravages.  Encore  sur  ce  points  la  grande  apti- 
tude au  choléra,  le  Japonais  s'éloigne  de  la  race  jaune  pure  et 
se  rapproche  des  races  négroïdes;  dans  la  dernière  épidémie  de 
Tokio,  les  Japonais  étaient  presque  seuls  atteints;  les  Européens 
n'éprouvaient  rien. 

J'en  dirai  autant  de  la  facilité  du  Japonais  à  prendre  le  béri- 
béri ou  kacké. 

Senki.-—  Kœmpfer  a,  en  1713,  décrit,  après  l'avoir  observée  au 
Japon,  une  maladie  absolument  nouvelle,  qu'il  nomme,  d'après  les 
indigènes,  le  senki;  elle  serait  propre  aux  Japonais  et  se  carac* 
tériserait  par  des  douleurs  abdominales,  des  spasmes,  de  la  suf- 
focation et  des  tumeurs  sur  diverses  points  du  corps,  entre  les 
sourcils,  sur  les  parties  génitales.  Cette  maladie  ressemble  sin- 
gulièrement à  la  lèpre,  sous  certains  rapports;  par  d'autres  ^m- 
ptômes^  on  hi  pourrait  confondre  avec  la  colique  sèche. 


JAPONAIS.    CARACTÈRES  PATHOLOGIQUES.  5«1 

Ophchalmlea.  —  C'est  biea  à  son  titre  de  membre  de  la  race 
jaune,  aux  orbites  peu  profondes,  aux  yeux  à  fleur  de  tète,  aux 
paupières  peu  fournies  de  cils,  que  le  Japonais  doit,  comme  le  Chi- 
nois, la  fréquence  des  ophthalmies.  Les  aveugles  sont  extrêmement 
nombreux  au  Japon  :  on  les  entend^  dans  les  villes^  s'annoncer 
bruyamment  au  moyen  d*un  sifflet,  qui  avertit  les  passants. 

Parasites  Intestinaux.  —  Avant  de  quitter  le  Japon,  je  dois 
signaler  la  fréquence  extrême  des  parasites  intestinaux  et  des  pa- 
rasites en  générai,  pour  lesquels  la  constitution  du  Japonais  a 
peut-être  une  aptitude  spéciale;  mais  cette  fréquence  tient  sans 
doute  aussi  aux  procédés  de  culture  du  Japonais  dont  les  champs 
sont  arrosés  d'engrais  humain,  lequel  dépose  ainsi  sur  les  plantes 
qui  se  mangent  crues  des  œufs  de  parasites,  qui  évoluent  dans 
Tintestin  du  consommateur. 

Fièvre  des  fleuves.  —  On  donne  ce  nom  à  une  étrange  ma- 
ladie contagieuse,  qui  sévit,  soit  en  juillet  et  août,  soit  au  prin- 
temps, à  répoque  du  débordement  des  fleuves.  Le  début  de  la 
maladie  a  lieu  6  ou  7  jours  après  le  séjour  dans  les  localités  sus- 
pectes, par  un  accès  fébrile  très  net  (frisson,  perte  d'appétit, 
céphalée,  etc.).  Puis  au  t>out  de  7  jours,  le  malade  ressent  une 
douleur  dans  les  ganglions  de  quelque  partie  du  corps  (aine, 
aisselle,  cou,  etc.),  et  lorsque  Ton  cherche  ù  la  périphérie,  on 
tombe  invariablement  sur  une  eschare,  petite  place  noire  et  sèche, 
de  la  largeur  d'une  pièce  de  50  centimes  à  1  franc,  autour  de 
laquelle  on  ne  remarque  ni  lymphangite,  ni  rien  de  ce  genre.  Au 
sixième  ou  septième  jour,  la  fièvre  continuant,  apparaît  un  exan- 
thème, qui  siège  souvent  au  visage  et  ressemble  beaucoup  à  celui 
de  la  rougeole.  11  dure  de  -4  à  7  jours  et  pendant  ce  temps  les 
phénomènes  fébriles  prennent  une  gravité  qui  les  fait  ressembler 
à  ceux  de  la  fièvre  typhoïde.  Au  bout  de  la  seconde  semaine,  la 
courbe  thermique  présente  de  grandes  oscillations  et  une  crise 
s^établit,  plus  rapide  que  celle  de  la  dothiénentérie,  plus  lente  que 
celle  de  la  rougeole.  Rien  d'anormal  du  côté  des  autres  appareils, 
à  l'exception  d'une  constipation  opiniâtre.  Pas  d'albumine  dans  les 
urines. 

La  nature  de  cette  singulière  affection  n'est  pas  connue.  Les  in- 
digènes la  considèrent  comme  résultant  de  la  piqûre  d'un  insecte 
(Akamushi)  ;  mais  cette  opinion  n'est  pas  soutenable,  quand  on 
examine  de  près  les  choses.  Baelz  pense  qu'il  s'agit  d'une  maladie 
infectieuse,  miasmatique,  spéciale  au  Japon,  préaeTiU\iX/\\^^\.'«t^\< 


50i         PATHOLOGIK    COMPARÉE    DES    RACES    HUMAINES. 

quelques  ressemblances  atec  d'autres  maladies  (le  charbon,  par 
exemple,  ou  la  diphthérie),  mais  qor,  en  somme,  occupe  une  place 
isolée  dans  le  cadre  nosologique. 

En  résumé,  la  pathologie  du  Japonais  nous  montre  remprunte 
de  sa  ciTilisation  à  la  fois  avancée  et  reculée  et  Tempreinte  de  ses 
origines  ethniques  multiples  :  jaune,  malaise  et  négroïde. 


II.   MALAIS. 

Le  Malais  semble  être  actuellement  le  meilleur  exemple  qu*on 
puisse  donner  d'une  race  humaine,  artificielle,  comparable  à  celles 
que  créent  nos  éleveurs.  —  Je  m*explique  :  à  la  façon  de  ces 
races  animales,  où  Thomme  fait  intentionnellement  ce  que  les 
hasards  de  l'histoire  ont  ici  accompli,  la  race  malaise  représente 
actuellement  le  groupement  momentanément  fixé  d^éléments  com- 
posants divers.  Elle  semble  en  effet  résulter  de  la  fusion  d'éléments 
blancs,  jaunes  et  noirs,  en  proportions  inégales  et  variables,  sui- 
vant les  points  de  la  Malaisie.  Ce  mélange  nous  est  démontré  par 
quatre  ordres  de  preuves  :  preuves  anatomiques,  ethnologiques, 
linguistiques  et  pathologiques. 

Origine  den  Malais.  —  La  linguistique  nous  montre  que 
20  mots  sur  iOO  de  la  langue  malaise,  en  rapport  avec  un  état 
social  encore  primitif,  mais  un  peu  développé  cependant,  comme 
les  mots  qui  expriment  Tidée  dVor,  sont  des  mots  tamouls, 
c'est-à-dire  évoquent  des  races  dravidiennes.  — 16  mots  sur  100 
sont  sanscrits  :  —  ce  sont  ceux  qui  représentent  une  idée  plus 
ou  moins  philosophique,  plus  ou  moins  élevée;  ils  évoquent  T idée 
des  blancs  aryens.  Tous  les  mots  qui  expriment  des  idées  simples 
(50  mots  0/0  de  la  langue),  ceux  qui  expriment  les  idées  de 
ciel,  de  terre,  d'eau,  sont  polynésiens,  autrement  dit,  ont  été  im- 
portés avec  eux  par  les  Polynésiens,  dans  leur  exode  vers  l'Orient. 
On  trouve  encore  dans  le  malais  des  mois  arabes  et  même  des 
mots  hollandais,  qui  se  rapportent  aux  choses  du  commerce. 

L'ethnologie  nous  montre  de  même  ce  peuple  essentiellement 
pirate,  entreprenant,  ce  nomade  de  la  mer,  donnant  la  main, 
dans  toutes  les  directions,  aux  populations  les  plus  diverses.  La 
légende  fait  descendre  les  Malais  du  Tibet,  le  long  des  grands 
cours  d'eau,  jusqu'à  la  pointe  sud-orientale  de  TÂsie,  exécutant 
vers  le  sud-est  un  mouvement  analogue  à  celui  que  d'autres  popa- 


MALAIS.   CARACTÈRES  ANATOMIQUES.  503 

latioDS  jaunes  exécutaient,  à  la  même  époque,  vers  TEurope,  dans 
la  direction  du  sud-ouest.  C'est  là  la  légende  ;  —  mais  Thistoire 
ne  les  connaît,  pour  ainsi  dire,  orficiellement  que  vers  Tan  1160, 
alors  qu'une  émigration  malaise,  partie  de  Palcmbang  (Sumatra) 
va  fonder  Singapour,  dans  la  presqu'île  de  Malacca.  —  Depuis 
lors,  leur  empire  s'est  étendu  en  suivant  non  plus  les  fleuves, 
mais  les  grands  courants  marins,  véritables  fleuves  dans  TO'ian 
même.  D'abord  naviguant  de  proche  en  proche,  ils  ont  pénétré 
dans  toute  la  Sonde,  à  Sumatra,  Java,  Timor,  Bornéo,  les  Célèbes, 
les  Moluques.  —  Là,  ils  ont  rencontre  rélément  Négrito.  Suivant 
le  contre-courant  équatorial  d'ouest  à  est,  ils  pénètrent  jusqu'à  la 
côte  de  la  Nouvelle-Guinée,  où  ils  trouvent  l'élément  Papou.  Sui- 
vant vers  le  nord  le  courant  du  Kouro-Siwo,  ils  poussent  jusqu'à 
Formose  et  jusqu'au  Japon,  où  ils  trouvent  les  Ainos;  enfin,  vers 
le  sud-ouest,  suivant  le  courant  du  golfe  de  Bengale,  ils  s'avan- 
cent jusqu'au  canal  de  Mozambique,  en  s'échelonnant  aux  Maldi- 
ves, aux  Seychelles,  et  pénètrent  sous  le  nom  d'Owas  à  Madagas- 
car, au  milieu  de  rélément  cafre  et  de  Télément  arabe.  En  un 
mot,  véritables  Arabes  de  l'Orient,  comme  les  a  justement  nom- 
més M.  de  Quatrefages,  ils  s'étendent  dans  toutes  les  directions, 
promenant  avec  eux  Tislamisme. 

§    1.    CARACTÈRES    AXATOMIOUES. 

Ce  mélange  de  races  que  nous  montre  la  linguistique,  que  nous 
indique  l'histoire ,  l'anatomie  ["enregistre  dans  la  race  malaise 
actuelle.  Sans  doute  certains  détails  anatomiques  sont  propres 
aax  Malais  :  ainsi  la  présence  du  point  basilaire  ou  troisième  con- 
dyle  de  l'occipital,  saillie  qui  s'implante  sur  le  bord  antérieur  du 
trou  occipital  et  s'articule  avec  l'apophyse  odontoïJe  de  l'axis,  est 
une  disposition  fréquente  chez  le  Malais,  tandis  qu'elle  est  rare 
dans  les  autres  races.  La  partie  occipitale  du  crâne,  chez  lui,  est 
aplatie,  raccourcie,  mais  on  reconnaît  surtout  chez  lui  les  éléments 
empruntés  à  diverses  races  :  de  la  ràce  jaune,  le  Malais,  en  géné- 
ral, possède  la  brachycéphalie  ;  29  Javanais  ont  donne  à  Broca  un 
indice  céphalique  moyen  de  81,6;  de  la  race  jaune  il  possède 
encore  la  mésorrhinie  (indice  nasal,  51,47),  la  peau  jaune,  les 
pommettes  saillantes,  l'absence  ou  la  rareté  de  la  barbe,  les  cheveux 
noirs,  droits,  gros,  la  taille  petite,  la  tendance  à  l'obésité.  De  la 
race  noire  il  tient,  tout  en  demeurant  dans  la  mésorrhinie,  une 


&0t         PATHOLOGIE   COMPARÉE   DES  tUCES   BClUtXES. 

lenJance  à  la  platyrrhinie  (l'indice  aastil  SI, 4  est,  ni  cflrl,  iahc 
médiaire  entre  celui  des  Chinois  4S,  et  celui  des  ntpttvA- 
nieDS  b'-i),  le  nez  épalé,  les  nariaes  dilatées,  le  prognsibiiac  «■ 
est  le  plus  prand  qu'on  connaisse  en  ilehondcs  races  miiitt: h 
selD  pirirorme  des  femmes,  enfin  la  couleur  caooctle  de  b  peu. 
sont  des  caractères  einprunlés  &  l'élcnient  noir  compount.  De  I* 
race  Manche  enlin,  certains  Malais,  qui  se  iiommviit  lu  Uali;»- 
Poljnésicns,  tienoenl  la  taille  plusclevéc,  la  tétc  aïoiiti  teidi*- 
cépbale,  la  chevelure  moins  druilu,  p&rTuis  bouclrà,  Ictcia^ 
bulcux  chei  la  femme.  L'inégalité  des  mélangea  anatotui^iMsdoil 
je  «iens  de  parler  permet  d'ailleurs  de  classer  les  UaUis  en  lUn 
branches,  suivant  ta  prédominance  du  Ijpe  jauni;  ou  noir  4'm 
côté,  ou  du  tjpe  blanc  de  l'autre. 

<  Atcbinnis  (uord  de  Sunuiln). 

,,  ,  .  IMaJurWi. 

Mslaia  vrais ( 

/'l'iKals  [l>bllippincs;. 
{  Ow»  (Mada^ucir). 

SBaKAks  (oûle  oeoiJcaUle  de  i!ao«tn:. 
Mscassan  ■Céltbcii|. 
I  DoDjmaiB  (Célèb«*). 
'.  Dtjaki  (BumioJ. 


§   i.    CABaCT^BES   PATItOLOGIOL-EB. 

Les  traces  de  mélange  que  préscnletil  les  caractères  untooi- 
qucs,  ethnologiques  et  litiguisliques  se  relrourent  ici.  U  oiÊK 
uiënie  des  caractères  palhoiouiquci  propres,  comme  J  «nkén 
curaclërcs  aiialomiques  propres. 

SMtelde.  —  Cunime  chez  beaucoup  de  pupulalions  Ue  la  m* 
jaune,  noUmmcnl  chez  les  Chinois,  on  constate  cbei  let  JUIm 
une  fréquente  tendance  au  suirirlr. 

Tjrpc  morbide  ~  Comme  au  Japon,  comme  en  CbitWi,  «■  wé* 
le  (oriKlcrc  peu  iii^ummatoire  iki  maladirs  du  Halai*,  akm^il 
ciMé,  dans  le  même  milieu,  les  Européens  prcaenteot  aa  eancitit 
innammatoire  des  mêmes  maladies,  ce  qui,  par  conséquni,  pf 
met  de  inctirc  de  câlii  l'inRuence  du  climat  ;  le  Ijpe  tnorMt  ■> 
autre.  Le  WaW»,  comme  VJtts.\a4V*»Hi'0iWiit\«3(L\vi««.,wtHi!ti 


1 
MAUIS.    CARACTÈRES   PATHOLOOIQUES.  505 

aux  ophthalmies.  Tandis  que,  par  exemple,  les  kératites,  qui  sont 
fréquentes,  suivent,  chez  l'Européen,  une  marche  aiguë,  elles 
suivent,  chez  le  Malais,  une  marche  chronique. 

Scrofule.  —  La  scrofule,  surtout  dans  sa  Tprme  écrouelleuse, 
est  d'une  fréquence  extrême  à  Sumatra;  or  nous  savons  que  la 
race  jaune  est  la  race  la  plus  scrofuleuse  de  la  terre. 

Arihrliis.  —  Si,  par  les  caractères  pathologiques  qui  précè- 
dent, les  Malais  sont  de  race  jaune,  ils  appartiennent,  en  revan- 
ehe,  à  la  race  blanche  par  la  fréquence  des  affections  cardiaques 
et  du  rhumatisme  articulaire  aigu,  qui  leur  donne  souvent  nais- 
sance. Aussi,  à  titre  de  rhumatisants,  les  Malais  sont-ils  experts 
dans  Tart  du  massage^  des  frictions,  qui  sont  exécutés  avec  raf- 
ûnement  pendant  une  ou  deux  heures,  sous  le  nom  de  pitjil,  par 
les  dois^  habiles  des  vieilles  femmes. 

Tétanos.  —  L'élément  noir,  qui  perce  pour  ainsi  dire  en  lui, 
a  donné  au  Malais,  contrairement  à  ce  que  nous  avons  vu  dans  la 
race  jaune,  une  tendance  extrême  au  tétanos;  le  lecteur  se  sou- 
vient combien  cette  maladie  est  fréquente  dans  les  races  noires. 

Phihlsle.  —  La  phthisie,  que  j'ai  dit  être  peu  fréquente  dans 
la  race  jaune  et  au  contraire  très  fréquente  dans  Les  races  noires, 
est,  chez  les  Malais,  beaucoup  plus  fréquente  que  chez  les  Chinois. 

Fièvre  paladéenne. — Un  caractère  essentiellement  négroïde, 
c'est  une  quasi-immunité  pour  \bl  fièvre  intermittente,  si  fréquente 
chez  les  Européens  qui  traversent  les  districts  lampongs. 

Choléra.  —  Le  choléra  sévit  sur  les  Malais  tout  autant  que 
sur  les  Européens.  Or  si,  comme  jaunes,  ils  devraient  y  être  moins 
exposés,  à  titre  de  noirs  ils  devraient  l'être  davantage.  Nous  voyons 
encore  ici  le  métissage  s'accuser  par  des  caractères  pathologiques 
intermédiaires. 

Sjphllls.  —  En  parlant  de  la  syphilis,  nous  avons  vu  que  le 
pian,  la  frambœsia,  le  bouton  d'Amboine  étaient  propres  aux 
Malais  et  aux  nègres. 

Béribéri.  —  Enfin  il  faut  noter,  comme  un  caractère  propre 
aux  races  jaunes  métissées  de  négroïdes,  comine  le  Malais,  la  ten- 
dance marquée  à  prendre  le  béribéri.  Le  béribéri  est  même  une 
maladie  essentiellement  malaise;  son  aire  géographique  par  excel- 
lence est  constituée  par  la  Malaisie  et  c'est  Télément  malais,  qui 
figure  dans  le  Japonais,  qui  vaut  à  ce  dernier  la  tendance  à  pren- 
dre cette  singulière  maladie.  C'est  au  même  titre  de  maladie  de 
négroïde  que  le  béribéri  appartient  aussi  aux  coolies  de  l'Iade^sM^ 


506        PATHOLOGIE   COMPARÉB   DES   RACES   HUMA1HB8* 

les  côtes  de  Coromandel,  de  Malabar  et  de  Ceylan  ;  ce  soot  les 
coolies  qui,  depuis  1863,  ont  transporté  arec  eux  le  béribéri  ta 
Brésil,  à  Bahia. 

FacBlié  àe  ploBfer. —  Mais  le  Malais  n^est  pas  un  simple  mé- 
lange; pour  employer  une  image  empruntée  à  la  chimie,  ce  n*esl 
pas  un  mélange,  c^est  une  combinaison  :  à  côté  de  certains  des  ca- 
ractères des  éléments  composants  se  trouvent  donc  des  caractères 
propres,  nouveaux,  siii  gcneris.  Ainsi  le  Malais  présente  seul  une 
particularité  physiologique  bien  curieuse,  c'est  celle  de  pouvoir 
plonger  sous  Tcau  pendant  fort  longtemps.  Le  D'  Pooty  a  vu  des 
plongeurs  malais  demeurer  sous  Teau  pendant  4  à  5  minutes, 
après  avoir  pris  la  précaution  de  se  frotter  d*hui1e.  Je  ne  m*explique 
pas. le  motif  de  cette  dernière  pratique;  mais  le  fait  de  pouvoir  de- 
meurer ainsi  sous  Teau  doit  être  en  rapport  avec  une  particularité 
anatomique  encore  inconnue,  qu'il  serait  bon  d'étudier.  Les  canards 
plongent,  on  le  sait,  pendant  fort  longtemps,  et  lorsqu'on  fait  une 
saignée  à  un  canard,  il  perd  d'autant  plus  la  faculté  de  demeurer 
sous  Teau,  sans  respirer,  que  la  saignée  a  été  plus  copieuse,  autre- 
ment dit,  lorsque  le  canard  a  moins  de  globules  qui  emmagasinent 
Toxygèno,  en  se  combinant  avec  lui,  il  a  besoin  de  remonter  plus 
souvent  à  la  surface  de  Teau,  pour  renouveler  sa  provision.  Il  serait 
donc  curieux  d'étudier  le  nombre  des  globules  du  sang  dans  la 
race  malaise,  et  de  voir  si  les  Malai.s,  ou  au  moins  les  plongeurs 
maldis,  n'ont  pas  plus  de  globules  que  nous. 

Des  plongeurs  malais  il  est  curieux  de  rapprocher  le  coureur 
japonais,  qui,  d'une  race  voisine,  parcourt  en  une  seule  journée, 
et  toujours  courant,  des  espaces  considérables. 

Horialicé  et  morbidité.  —  Les  médecins  qui  ont  eu  occasion 
de  voir  les  Chinois  et  les  Malais  côte  à  côte,  dans  le  même  milieu, 
disent  que  le  Malais  est  plus  facilement  malade  que  le  Chinois,  et 
qu'il  meurt  plus  vite.  La  statistique  nous  montre  au  moins  qu  il 
meurt  plus  souvent  :  ainsi  à  Batavia  (Java),  la  mortalité  des  Chi- 
nois est  de  1  sur  16,53  habitants,  tandis  que  celle  des  Malais  est  de 
i  sur  24,80  habitants.  Le  D^  Armand  cite  cependant  de  nombreux 
cas  de  longévité  chez  les  Malais  de  Sumatra  ;  aux  Philippines,  uo 
recensement,  fait  en  1875,  des  individus  de  Manille  compris  entre 
80  et  100  ans,  a  donné  :  4  Espagnols,  226  métis,  2  Chinois, 
5746  Indiens  tagals. 

Maladies  oealalrcs.  —  Comme  particularité  pathologique 
de  la  race  malaise,  on  cite  la  rareté  plus  grande  que  partout 


MALAIS.    CARACTÈRES  PATHOLOGIQUES.  507 

ailleurs  et  surtout  que  chez  les  Chinois ,  des  anomalies  de  la 

VÎSH». 

PneoM^Mle.  —  Je  mentionne  seulement  la  rareté  de  la  pneu- 
monie; en  5  ans,  la  statistique  du  Dr  Van  Leent,  à  Sumatra,  donne  : 
12  661  pleurésies,  2  pneumonies. 

Ta^s  dorsalis.  —  Le  D'  Van  Leent  signale,  en  revanche, 
la  fréquence  extrême  d'une  maladie  bien  connue  chez  nous,  de- 
puis les  travaux  de  Duchenne  (de  Boulogne),  le  taf}es  dorsalis  ou 
atcueie  locomotrice  progressive. 

FléTre  iBtérmliieBte.  —  Si  la  fièvre  intermittente  est  moins 
fréquente  chez  le  Malais  que  chez  TEuropt^en,  elle  existe  cepen- 
dant, mais  elle  est  autre.  Tandis  que  chez  PEuropéen  la  fièvre  per- 
nicieuse est  algide,dans  le  même  milieu,  elle  est  comateuse  chez  le 
Malais.  11  existe  aussi  à  Sumatra  une  forme  syncopale  de  la  fièvre 
pernicieuse,  forme  qui,  d'après  le  D'  Rochas ,  serait  propre  aux 
indigènes. 

Maladies  de  la  pean  t  lèpre,  éléphanClasIs. —  On  signale 
encore  chez  eux  une  grande  fréquence  de  Vichthyose  ou  kikis  ou 
eascadoé,  une  grande  fréquence  de  la  lèpre,  notamment  chez  les 
Dayacks  de  Bornéo,  une  grande  fréquence  de  Vélépluintiasis  des 
Arabes. 

Folles  épldémlqnes.  —  Je  dois  encore  signaler,  chez  les  Ma- 
lais, la  fréquence  de  délires  épidùmiqucs  imitatifs,  contagieux. 
J'ai  parlé  déjà  de  ce  délire  contagieux,  qui  fut  observé  à  Ma- 
dagascar, chez  les  Owas,  la  ramaninjnna  ;  chez  le  Malais  de  Su- 
matra, c'est  le  lata,  délire  imitatif  des  gestes  et  le  mata  glap  ou 
délire  homicide. 

■éiel.  —  Enfin,  pour  terminer  ce  qui  caractérise  le  Malais,  je 
rappelle  le  bétel.  L'habitude  de  mâcher  le  bétel  est  exclusivement 
malaise;  elle  s'est  étendue  de  proche  en  proche  et  règne  actuelle- 
ment depuis  les  Moluques  jusqu'au  llcuve  Jaune  et  jusqu'au  bord 
de  rindus,  c'est-à-dire  :  en  Malaisie,  en  Cochinchine,  dans  le  sud 
de  la  Chine  et  dans  une  partie  de  flnde. 

m.  POLYNÉSIENS. 

L'analyse  d'anthropologie  pathologique  que  nous  venons  d'ap- 
pliquer aux  Japonais  et  aux  Malais,  nous  allons  l'appliquer  aux 
Polynésiens. 


508        PATHOLOOIB  COMPARÉE  -DES  RACES  HUMAINES. 


§  1.  MIGRATIONS,  MÉLANGES,  AIRE  GÉOGRAPHIQUE,  CARACTÈRES 

ANATOMO-PHYSIOLOGIQUES. 

Je  disais  tout  à  l'heure  qu*à  côté  des  Malais  vrais  on  trouTait, 
en  Malaisie,  des  populations  qu'on  a  nommées  malayo-polyné- 
siennes,  et  j'ai  cilé  les  Baltaks  (Sumatra),  les  Macassais,  les  Bcu- 
ghuis  (Célèbes),  les  Dajaks  (Bornéo);  je  citais  ces  populations 
comme  de  taille  plus  haute  que  les  Malais,  aux  pommettes  moins 
saillantes,  au  nez  plus  mince,  moins  aplati,  à  la  barbe  plus  four- 
nie, aux  cheveux  parfois  bouclés,  à  la  tète  moins  brachycépbale, 
enfin  comme  présentant  beaucoup  de  caractères  du  type  blanc; 
les  voyageurs  s'accordent  en  effet  à  reconnaître  un  grand  rap- 
port entre  ces  populations  et  les  Polynésiens  proprement  dits. 
L^histoire  de  Tcthnologie  polynésienne  nous  explique  cette  appa- 
rence. 

Nous  avons  vu  se  former  la  race  malaise  :  nous  avons  vu  ce  qui 
devait  devenir  le  noyau  de  cette  race  suivre  d'abord  les  grands 
fleuves  continentaux  et  descendre  du  Tibet,  vers  la  presqu'île  de 
Malacca  ;  nous  avons  vu  plus  tard  les  Malais  suivre  les  courants 
marins,  ces  véritables  fleuves  océaniens,  et  essaimer  dans  toute  la 
Malaisie  :  vers  le  nord,  le  long  du  Kouro-Siwo,  jusqu'au  Japon, 
vers  le  sud-ouest,  jusqu^à  Madagascar;  cet  écoulement  des  popu- 
lations du  centre  de  l'Asie  vers  la  mer  ne  s*est  pas  fait  d*un  seul 
jet,  mais  à  des  époques  successives,  par  flots  successifs,  dont  Tun 
poussait  l'autre;  suivant  les  époques  où  le  départ  des  futurs 
Malais  avait  lieu,  ils  partaient  plus  ou  moins  chargés  d'élément 
blanc  ou  d^élément  jaune;  suivant  les  points  d'arrivée,  ils  ont  ren- 
contré des  populations  qui,  elles-mêmes,  plus  ou  moins  blanches 
ou  jaunes  ou  noires,  ont  donné  au  type  malais  résultant  un  carac- 
tère particulier,  suivant  ces  points.  Ainsi  l'élément  jaune  domine 
au  Japon;  l'élément  cafre  domine  à  Madagascar;  en  Malaisie,  Télé- 
ment  négroïde  domine,  chez  les  Malais  vrais;  l'élément  blanc 
domine  chez  le  Malayo-Polynésien. 

Ce  jet  de  populations  parti  de  TAsie  et  lancé  au  travers  des 
diverses  populations  autochtones  devait  se  continuer  par  le  même 
chemin  des  courants  marins.  11  existe  un  grand  courant  éqaato- 
rialqui  va  de  Touest  à  Test;  ct^  courant,  la  population  nomade 
dont  nous  parlons  devait  le  prendre.  Le  jet  de  population  qui 


POLYNÉSIENS.  CARACTÈRES  ANATOMO-PHYSIOLOOIQUES.    509 

aurait  IraYersé  les  peuples  autochtones  négritosy  repartit  de  Pile 
Hourou,  entre  les  Célèbes  et  les  Moluques,  et  traversa  les  popu- 
lations des  Papous.  Un  groupe  de  Papous  visiblement  métissé  de 
blanc  et  retrouvé  par  Moresley  est  resté  comme  témoignage,  à  la 
pointe  de  la  Louisiade.  Mais,  suivant  le  même  courant,  ceux  qui 
devaient  devenir  les  Polynésiens  atteignent  les  îles  Samoa,  qu'ils 
trouvent  inhabitées,  les  iles  Fidji,  où  ils  trouvent  les  Papous.  Au 
V*  siècle,  ils  atteignent  les  Marquises  ou  archipel  Nouka-Hiva  ;  en 
ilOO,  Tahiti  ou  les  îles  de  la  Société,  puis  les  Sandwich  ou  Havaï; 
aux  Sandwich,  Pélément  négroïde  reparait,  par  suite  d'une  inva- 
sion venue  des  Carolines.  Le  contre-courant  équatorial  de  Test 
à  Touest,  entre  l'Australie  et  la  Nouvelle-Zélande,  les  amène  dans 
cette  île.  Là ,  ils  trouvent  Télément  noir  australien  ;  aussi  les 
Maoris  sont-ils  très  mêlés  de  noir;  les  femmes  sont  pubères  de 
H  à  42  ans,  elles  sont  très  fécondes. 

On  devine  que  le  type  polynésien  diffère,  suivant  que  Tenvahis- 
seur  a  trouvé  l'Ile  d^rte,  habitée  par  des  noirs,  ou  déjà  peuplée 
par  d'autres  blancs  comme  lui;  d'une  manière  générale,  à  mesure 
que  ce  peuple  envahissant  s'enfonce  vers  l'est,  il  se  dépouille  de 
l'élément  noir  et  l'élément  blanc  domine  de  plus  en  plus.  Les 
chefs  surtout,  qui  se  mêlent  moins  que  le  commun  des  mortels, 
présentent  le  type  blanc  d'une  manière  plus  accusée.  En  i606  on 
trouva  à  Tahiti  un  chef  qui  avait  les  cheveux  rouges;  de  même 
aux  Wallis  en  1767;  de  même  aux  iles  Salomon,  à  Tile  de  Pâ- 
ques. A  mesure  qu'on  s'avance  vers  Test  sur  la  limite  de  leur  aire 
d'extension,  on  voit  surgir  un  autre  type  composant,  le  type  amé- 
ricain. 

Sous  le  rapport  de  l'indice  nasal,  le  type  polynésien  est,  comme 
dans  la  race  jaune,  mésorrhinien  (49,25),  entre  les  Chinois  (48,53), 
les  Mongols  (48,68)  et  les  Australiens  (53),  les  Néo-Calédo- 
niens  (53),  les  nègres  d'Afrique  (54).  Mais  cet  indice  varie  suivant 
les  points  :  c^est  ainsi  que  chez  les  Maoris,  l'élément  australien  a 
fait  monter  l'indice  à  52.  L'indice  céphalique  est  mésaticéphale  : 
tandis  que  l'Australien  a  7i,49,  le  Néo-Calédonien  71,78,  le  Poly- 
nésien a  76,30,  les  Mongols  ont  81,  les  Javanais  81.  Sous  le  rap- 
port de  l'indice  orbitaire  les  Polynésiens  sont  mégasèmes,  comme 
toute  la  race  jaune  (indice,  92),  entre  le  Chinois  (93),  le  Java- 
Dais  (91),  et  le  Nco-Calédonien  (80),  l'Australien  (80).  La  cheve- 
lure du  Maori  est  noire  et  épaisse,  non  laineuse  ;  la  peau  jaune, 
le  nez  épaté,  la  bouche  large,  les  lèvres  épaisses.  Le  crâne  est 


510         PATHOLOOIB  COMPARÉE   DES   RACES   HUMA1HB8. 

renflé  au  niveau  des  bosses  pariétales,  la  crètc  médiane,  en  forme 
de  carène,  se  retrouve  dans  certains  crânes  américains. 

Comme  aspect  extérieur  il  tient  du  type  blanc;  taille  élevée, 
élancée,  élégance  de  manières,  disposition  aux  arts  et  à  la  danse, 
à  la  poésie,  à  la  musique.  Cheveux  pas  toujours  noirs,  fins,  par- 
fois bouclés.  Du  type  jaune  le  Polynésien  tient  une  certaine 
obliquité  des  yeux.,  la  couleur  jaune  de  la  peau,  la  saillie  des 
pommettes  ;  encore  du  type  jaune,  la  tendance  à  Vobésité  précoce  : 
à  Tahiti,  une  femme  de  30  ans  est  obèse.  H  en  est  de  même  de 
Tarchipel  de  la  Louisiade,  où  Tobésilé  est  fréquente,  surtout  chez 
la  femme. 

Au  milieu  de  ces  différences  il  existe  cependant  une  grande 
unité  du  type  polynésien  moyen  :  stature  moyenne,  yeux  grands, 
front  saillant,  nez  effilé,  cheveux  fins  et  plats,  bouche  grande, 
dents  belles,  peu  de  barbe,  cou  long,  extrémités  petites.  Grande 
unité  (le  la  langue  également  :  un  homme  des  Sandwich  comprend 
de  suite  un  Néo-Zélandais.  Unité  de  croyance,  de  coutumes,  témoin 
le  tabou,  qu'on  retrouve  chez  les  Dajaks  de  Bornéo.  Pas  d*arc, 
pas  de  flèches  ;  ces  armes  sont  propres  aux  Papous;  cette  question 
de  Tare  représente  du  reste  un  excellent  réactif  des  races;  à  la 
côte  sud-csl  de  la  Nouvelle-Guinée,  où  commence  la  race  jaune, 
Tare  cesse  :  Tare  cesse  avec  la  plantation  de  Varec  qui  sert  au 
hrtcl;  un  autre  caractère,  c'est  un  grand  amour  du  tatouage! 

§  2.    CARACTÈRES    PATHOLOGIQUES. 

Nous  allons  retrouver  dans  la  pathologie  les  mêmes  traces 
d'hybridité,  mais  aussi  la  même  unité  de  race. 

Arihriila.  »  De  la  race  blanche,  comme  le  Malais,  mais  plus 
encore  que  lui,  le  Polynésien  tient  une  disposition  prononcée  au 
rhumatisme  ;  comme  le  Malais  et  pour  le  même  motif,  il  excelle 
dans  Fart  de  la  fridion,  qu*on  pratique  avec  le  suc  irritant  d'une 
piperacée,  des  fumigations,  qu*on  pratique  en  jetant  dans  Teao 
des  pierres  préalablement  rougies  au  feu,  enfin  du  massage, œmmt 
le  Piljit  des  Malais.  Aux  Sandwich ,  cela  est  tellement  dans  les 
mœurs,  que  la  première  chose  qu'on  offre  au  voyageur,  c'est  un 
bain;  après  le  bain,  une  femme  âgée  vient  le  masser  flomiiomi]* 
Peut-être  est-ce  encore  Tinfluence  blanche,  au  moins  la  fréquence 
de  l'arthritis,  qui  donne  aux  Polynésiens  la  fréquence  de  la  pneU" 
monte.  Je  rappelle  ce  que  j'écrivais  au  contraire  dans  le  cha- 


POLTNà8IRH8.    CARACTÈRES   PATHOLOGIQUES.  511 

pitre  précédent,  de  la  rareté  de  la  pneumonie  chez  les  Malais;  chez 
les  Polynésiens,  la  bronchite  aigué,  la  pneumonie ,  la  pleurésie, 
toutes  les  trois  désignées  sous  le  même  nom  de  hoia,  sont  très 
fréquentes.  Les  indigènes  soignent  ces  maladies  par  un  vomitif  et 
par  la  saignée,  qu^ils  pratiquent  avec  une  lancette  faite  avec  un 
fragment  d'obsidienne. 

Ser«fale.  —  La  fréquence  de  la  scrofule,  de  Vophthalmie  rap- 
pelle jusqu^à  un  cerlain  point  la  fréquence  que  nous  avons  pré- 
cédemment constatée  dans  la  race  jaune;  Tophthalmie  blcnnor- 
rhagique  est  commune. 

Sous  le  rapport  de  deux  maladies,  réléphanclasls,  la  sy- 
philis, on  peut  dire  que,  sous  le  masque  du  blanc,  perce  le  noir 
Papou.  —  Véléphantiasis  des  Arabes  est  en  effet  fréquent  chez  le 
Polynésien  autant  que  chez  les  nègres.  L'éléphantiasis  du  scrotum 
est  très  fréquent,  si  fréquent  que  chaque  famille  possède  un  petit 
appareil,  sorte  de  tabouret,  qui  sert  à  faire  reposer  le  scrotum  de 
réléphantiasique,  comme  ferait  la  tète  sur  un  appuie-tète  de  bois. 

Une  forme  négroïde  de  maladie  est  cette  variété  de  syphilis,  ce 
pian  dont  j'ai  parlé  et  qui,  fréquent  à  Tarchipel  Tonga,  porte  le  nom 
de  ionga;  il  est  caractérisé  par  des  ulcérations  saillantes,  comme 
la  framhmsia;  il  est  contagieux  et  n'atteint  qu'une  fois.  Il  donne 
lieu  à  des  abcès  qu'on  ouvre  avec  une  dent  de  requin.  Chez  les 
Papous  personne  n'y  échappe  ;  dans  les  iles  Polynésiennes,  sa  fré- 
quence diminue,  comme  le  sang  blanc  augmente. 

Uleères  piiagédénlqaes.  —  Notons  encore,  comme  propres 
aui  races  colorées,  la  tendance  à  la  pérennité  des  ulcères  chroni- 
ques des  jambes,  analogues  à  Tulcère  de  Mozambique,  à  rulcère 
de  l'Yemen. 

Fièvre  palndéenne.  —  Parmi  les  caractères  spéciaux  on  se- 
rait tenté  de  noter  comme  précieux  V immunité  pour  la  fièvre 
intermittente,  immunité  qu'on  pourrait  rapprocher  de  la  quasi- 
immunité  de  la  race  noire,  mais  ce  serait  une  erreur  :  ce  n'est 
pas  le  Polynésien  qui  ne  prend  pas  la  fièvre  intermittente,  c'est  la 
Polynésie  qui  ne  la  donne  pas,  bien  que  la  culture  du  taro  donne 
lieu  à  toutes  les  conditions  qui  font  naître  la  malaria!  Le  climat 
de  Tahiti  nous  intéresse  directement,  puisque  c'est  maintenant 
une  colonie  française  :  du  temps  de  Dutroulau,  pendant  huit  ans, 
la  mortalité  de  la  garnison  de  cette  colonie  n'a  jamais  dépassé, 
même  en  temps  de  guerre,  0,98  0/0  de  l'effectif,  elle  est  même 
descendue  en  1850  à  0,39  0/0,  et  cependant  on  défrichait!  Tous 


■  '•-  m  sol,  ei  à  „ll,  di 

■°°'°"-  -  Dan.  cdj 
m«  in.i«die  connue  «m 
*"*"■  °»'  »n«qoe  qnj 

S"*"" '""••""'* 

„*■"?"■'•  — «Mn 

loeomolnct  p,„gpe„i,„l,^ 

■•«  maladins  de  pem    ], 

Wntod.nsloulelePoin, 

<•  de  !.,.„  pin. 

;*"'  *"  11»  S.nd,|eh,  I, 

en  L      """"'■  »""  le  M 
MBén,,a,„,„,s,„j 
■lene,  ,n,  «,.i,  „„„„  ^ooi 


P0LYRÉ811M.  CARACTÈRES  PATHOLOGIQUES.  5tS 

exagéré  la  fréquence  ;  cette  barbare  coutume  existait,  jadis,  dans 
la  secte  des  Arioi,  mais  elle  a  disparu. 

La  vraie  cause  de  la  dépopulation,  c*est  la  phlhisie.  Nulle  part 
cette  maladie  ne  fait  de  plus  grands  ravages,  que  dans  cette  belle 
Polynésie,  qui,  cependant,  donne  en  quelque  sorte  Timage  de 
YEden  de  la  légende.  Le  thermomètre  ne  s'y  élève  jamais  au- 
dessus  de  34*;  il  ne  descend  jamais  au-dessous  de  il^;  on  n*y 
voit  aucune  de  ces  maladies  qui  rendent  les  pays  chauds  si  trom- 
peurs; on  n*y  connaît  pas  la  fièvre  intermittente  ;  la  nourriture 
vient  à  Thomme  sans  autre  peine  que  celle  de  la  cueillir;  Varbre 
à  pot»,  le  cocotier  avec  son  lait,  son  sucre,  son  huile,  les  poissons 
de  rivière  et  de  mer,  les  volailles  rendent  la  vie  douce  et  facile; 
les  Polynésiens  sont  doux,  aimables,  policés  ;  ils  passent  volontiers 
leur  vie  enjeux  et  danses;  ils  n'éprouvent  aucun  des  inconvé- 
nients de  Tencombrement,  et  cependant  ils  meurent  avec  une 
sorte  de  fatalisme  conscientqui  n*est  pas  sans  philosophie. «Comme 
«  le  trèfle  a  tué  la  fougère,  dit  le  Maori,  le  chien  européen,  le 
«  chien  maori ,  comme  le  rat  maori  disparaît  devant  le  rat  eu- 
«  ropéen,  de  même  notre  peuple  sera  graduellement  supplanté 
«  par  les  Européens,  p  H  n'y  a  donc  pas  là  une  affaire  de  climat, 
mais  bien  de  race. 

Un  planteur  de  Taîti  fit  venir  i  200  Chinois;  en  5  ans  112  étaient 
morts  par  suicide,  blessures,  phthisie;  il  fit  venir  alors  des  Poly- 
nésiens des  lies  Gilbert;  ils  moururent  tous  phthi^iques  !  d'ailleurs 
la  phthisie  du  Polynésien  est  spéciale  :  l'amaigrissement  est  rapide; 
on  note  la  fréquence  de  Tenvie  de  dormir,  des  sueurs  profuses^ 
on  n'observe  qu'une  petite  toux  ;  la  durée  est  de  3-4  mois.  C'est 
donc  une  question  de  race  ;  la  preuve,  c'est  que  les  métis  sont 
moins  sujets  à  la  tuberculose,  les  quarterons  moins  encore  que 
les  métis  (D'  Brulfert). 

Dans  tous  les  cas,  voici  une  idée  de  la  dépopulation  en  Poly- 
nésie : 

Aux  Sandvirich,  le  chiffre  de  la  population  est  successivement  : 

En  1778 300  000  habitants 

1850 78  000        — 

1858 70000     *    -- 

1869 53  000        — 

AUX  Marquises,  de  20  000  elle  passe  à  10  000. 
gAoor.  m&d.  ^^ 


514        PATHOLOGIE  COMPARÉE  DES   RACM  HUMAUCES. 

A  Taîti  : 

En  1774 80000  habitants 

1797 16000        — 

1829 8568        — 

1838 8000         — 

1869 7  «12        — 

Aux  Gambier,  elle  tombe  de  1  650  à  600. 

A  Râpa,  de  i  500  à  1 98. 

A  la  Nouvelle-Zélande,  on  compte  : 

En  17G9 500  000  liablUntn 

1840 140  000         - 

1841 107000        — 

1867 45470        — 

1877 38540        — 

Aux  lies  Samoa,  en  1839,  la  population  était  de  56  600;  en  1853, 
elle  devenait,  33  90i. 

Le  Polynésien  meurt  de  pbtbisie  et  cependant  son  pays  déli- 
cieux ne  connaissait  pas  la  phlhisie  au  moment  où  les  Européens 
y  sont  venus  ;  aujourd'hui  même,  dans  chaque  ile>  les  ravages 
de  la  phthisie  sont,  en  quelque  sorte,  proportionnels  au  nombre 
des  Européens.  Un  seul  groupe  dlles  n'est  pas  en  décadence,  en 
Polynésie,  ce  sont  les  îles  Diingcremes  de  l'archipel  Pomotou,  ha- 
bitées par  un  peuple  peu  endurant;  elles  ont  été  jusqu'ici  rela- 
tivement préservées  et  de  nous-mêmes  et  de  la  phthisie. 

Si  le  Polynésien  meurt  phthisique  chez  lui,  il  meurt  également 
phthisique  ailleurs.  En  1863,  un  spéculateur  anglais  introduisit, 
comme  colons,  à  Lima,  2 000  individus  des  Marquises;  en  moins 
de  dix-huit  mois  les  trois  quarts  étaient  morts  de  phthisie. 

Pourquoi  donc  le  Polynésien  meurt-il  invariablement  de  phthi- 
sie? A  cette  question  on  répond  le  plus  souvent  d'une  façon  mys- 
tique, en  disant  :  C'est  le  contact  du  civilisé  et  de  TinciTilisé  qui 
le  veut  ainsi  !  et  cependant  les  conditions  qui  lui  sont  faites  par 
l'Européen  sont  relativement  douces  :  il  meurt  chez  lui,  libre» 
heureux  et  son  sort  ne  ressemble  en  rien  à  celui  du  Peau*Rouge, 
qui  meurt,  parce  qu'il  n'a  plus  de  territoire  de  chasse,  parce  quil 
ne  mange  plus  et  que,  noyé  par  la  civilisation  qui  monte  et  le 
refoule,  il  meurt  de  faim. 

On  ajoute  :  Le  Polynésien,  le  nègre  meurent  phlbisiqnes,  pour 


▲MfiRlflUMS.    CARACTÈRES   ANATOMIOUBS.  515 

la  même  caus«,  qui  fait  que  nos  animaux  domestiques  entassés 
dans  nos  étables  ou  dans  nos  écuries  meurent  phthisiques  ou  delà 
mà\&â\e  pommeliêrc ;  ils  meurent  comme  font  les  singes  que  nous 
amenons  captifs  en  Europe,  ou  que  nous  conservons  simplement 
captifs  dans  leur  propre  pays!  H  est  de  fait  que  les  mammifères 
de? iennent  phthisiques  par  agglomération ,  par  encombrement, 
par  captivité,  absolument  comme  les  hommes;  mais  si  cela  est 
vrai  pour  les  nègres  au  temps  de  la  traite  et  de  l'esclavage,  cela 
n'est  vrai  ni  pour  les  Polynésiens,  ni  pour  les  nègres  au  Brésil. 
On  croit  enfm  avoir  formulé  une  explication  suffisante,  en  disant 
doj^matiquement  :  «  11  faut  que  les  races  inférieures  disparais- 
sent devant  les  races  supérieures,  la  phthisie  est  le  moyen.»  Mais 
cela  ne  veut  absolument  rien  dire. 

En  réalité,  le  Polynésien  meurt  de  phthisie,  parce  que  cette 
maladie  est  contagieuse  et  que  nous  la  lui  avons  apportée.  Quel  que 
soit  le  procédé,  il  y  a  des  races  qui  disparaissent.  C'est  là  un  spec- 
tacle attristant,  mais  il  n'y  a  pas  à  gémir  devant  un  progrès.  H  y  a 
là  des  contrées  salubres;  aux  Européens  de  les  mettre  en  valeur  ! 

IV.   AXEEICAINS. 

Qu'est-ce  que  les  Américains?  Sommes-nous  autorisés  à  réunir 
en  un  seul  groupe  des  populations  aussi  distinctes  que  TEsqui- 
mauy  le  Peau-Rouge,  le  Patagon,  qui  s'échelonnent  du  70^  latitude 
nord  au  55<*  latitude  sud  et  en  altitude,  des  bords  des  deux  océans 
aux  sommets  les  plus  élevés  des  Andes,  par  4000  mètres.  Nous 
sommes  loin,  assurément,  de  Tépoquc  où  Morton  écrivait  :  «  Qui 
a  vu  un  Américain  lésa  vus  tous.  »  Nous  savons  aujourd'hui  qu'il 
existe  des  difTérences  considérables  entre  les  différents  groupes 
de  populations  américaines,  dans  le  crâne  par  exemple  ;  mais 
nous  savons  aussi  que,  sous  ces  différences,  on  reconnaît  cer- 
tains caractères  communs. 

§    1.    ORIGINES.   CARACTÈRES  ANATGMIQUES. 

11  fut  une  époque  où  les  rapports  s'expliquaient  facilement; 
quant  aux  différences,  on  ne  s'en  souciait  pas;  on  pensait  que  le 
nouveau  monde  avait  été  peuplé  par  l'ancien,  qui  s'était  déversé 
sur  lui  par  le  détroit  de  Behring.  Rien  de  plus  simple.  Beaucoup 
se  rattachaient  à  cette  doctrine,  par  la  seule  néces&vVÀ  4^  ^^\^ 


B16        PATHOLOGIE  COMPARÉE   DES   RACES   HUMAINES. 

acte  de  monogénisme.  D'autres  invoquaient  une  raison  scientifi- 
que, qui  n*est  pas  sans  fondement  :  on  était  d'abord  frappe  de  h 
différence  entre  la  faune  et  la  flore  américaines  et  la  faune  et  11 
flore  européennes.  Ne  voyant,  avec  raison,  aucun  motif,  pour  que 
rhomme  échappât  aux  lois  de  la  faune,  on  disait  :  L'homme  est 
un  type  de  l'ancien  monde  ;  on  disait  enfin  :  Les  anthropoïdes  soot 
de  Tancien  monde  :  le  gorille  est  d'Afrique,  le  chimpanzé,  Torang 
le  gibbon,  d'Asie;  on  ajoutait:  Dans  Tancien  monde,  les  singes 
fossiles  sont  déjà  des  anthropoïdes  (ic  gibbon  fossile  de  Lartetà 
Sansan)  ou  au  moins  des  pithéciens,  comme  les  semnopithèques 
de  THimalaya,  de  la  Grèce  (Gaudry);  tandis  que  TAmérique  ne 
renferme  à  l'état  vivant  ou  fossile  que  des  Ccbiens,  famille  plus 
éloignée. 

Mais  tout  cela  ne  prouve  rien  :  une  partie  de  ce  monde  pré- 
tendu nouveau,  le  Brésil,  est  un  des  continents  les  plus  anciens 
de  notre  planète.  Nous  savons,  d'ailleurs,  que  l'homme  quater- 
naire et  peut-être  Phomme  tertiaire  existaient  déjà  en  Amérique. 
Il  faut  donc  admettre  en  Amérique  un  homme,  au  moins  relative- 
ment, autochtone:  Un  crâne  humain  tossile  a  été  trouvé  par  Lund 
au  Brésil,  dans  d'anciens  campements;  dans  des  paraderos  pré- 
historiques de  la  Patagonie,  Moreno  a  trouvé  cinq  crânes  avec 
divers  ossements  d'animaux  disparus;  des  ossements  humains 
ont  été  trouvés  par  Agassiz  dans  un  récif  de  corail  de  la  Floride; 
près  de  la  Nouvelle-Orléans,  un  squelette  humain  tout  entier  a 
été  trouvé  sur  les  rives  du  Mississipi,  enseveli  sous  quatre  forêts 
superposées;  un  bassin  humain,  encore  dans  le  diluvium  du 
Mississipi,  était  accompagné  de  débris  d'espèces  animales  depuis 
longtemps  éteintes;  enfin  un  crâne  humain  a  été  trouvé  dans 
des  terrains  volcaniques  de  la  Californie.  Or  tous  ces  crânes  fos- 
siles américains  sont  très  dolichocéphales  ;  Tindice  des  crânes  de 
M.  Ameghino  est  de  72,02  ;  l'indice  du  crâne  brésilien  de  69,72. 
Nous  pouvons  donc  conclure  qu'une  race  autochtone,  en  Améri- 
que, est  doUchoci^phale  et  qu'elle  a  eu  son  point  de  départ  dans 
ce  que  la  géologie  nous  donne  comme  le  plus  vieux  continent  de 
notre  terre,  l'Amérique  du  Sud. 

D'un  autre  côté  il  existe,  dans  l'Amérique  du  Nord,  entre  les 
Alleghany  et  les  montagnes  Rocheuses,  particulièrement  autour  du 
Mississipi,  des  tertres,  des  tumuli,  qu'on  nomme  mounds;  oT 
ces  mounds  qui  ont  des  formes  variées  d'hommes,  d'animaux, 
contiennent  des  crânes  brachycéphales.  Si  donc,  en  Amérique, 


AMÉRIOAINS.  CARACTÈRES  ANATOMIQUSS.  517 

nous  trouvons  une  race  autochtone,  fossile,  dolichocéphale,  \\  existe 
peut-être  aussi  une  race  immigrée  non  fossile,  brachycéphale, 

11  y  a  mieux  :  un  mélange  ancien  semble  s'être  fait  entre  ces 
populations  braehycépbales  des  mounds-builders  et  la  popula- 
tion autochtone,  préhistorique,  car  le  professeur  Wyman  a  trouvé 
sur  certains  crânes  de  ces  constructeurs  de  mounds  braehycé- 
pbales, le  trou  occipital  très  en  arrière,  comme  chez  le  chimpanzé, 
et  les  tibias  en  lame  de  sabre.  L'existence  aujourd'hui  en  Améri- 
que de  braehycépbales,  de  dolichocéphales  et  de  mésaticéphales, 
de  peaux  de  couleur  différente,  enfin  de  langues  différentes  sont 
rindice  d'un  mélange  incontestable. 

11  suffit  d'ailleurs  de  jeter  les  yeux  sur  une  carte,  pour  com- 
prendre comment  a  dû  se  faire  l'immigration  de  populations  étran- 
gères :  le  détroit  de  Behring,  avec  File  Saint-Diomède  en  son 
milieu,  est  encore  et  fut  de  tout  temps  un  passage  facile  d'Asie 
en  Amérique.  La  chaîne  des  iles  Aléouliennes  complète  encore  ce 
passage  du  Kamtchatka  à  TAlaska.  L'existence  sur  les  deux  rives 
asiatique  et  américaine  de  populationsTchouktchis  est  là  d'ailleurs 
pour  témoigner  de  ce  passage.  Plus  au  sud  existe  un  courant  ma- 
rin, dont  j'ai  déjà  parlé,  le  Kouro-Siwo,  qui  amène  directement  des 
côtes  du  Japon.  Ainsi  depuis  1782,  suivant  les  calculs  de  Brockes, 
41  barques  japonaises  sont  venues  échouer  sur  la  côte  américaine  ; 
28  de  ces  naufrages  ont  eu  lieu  depuis  1852  seulement.  11  serait 
bien  étonnant  que  l'émigration  volontaire  ou  involontaire  n'ait 
pas  suivi  le  même  chemin.  Nous  en  avons  d'ailleurs  des  preuves: 
la  tradition  chinoise  parle  d'un  pays,  le  Fou-sang,  où  Ton  trouve 
de  l'or,  de  l'argent,  du  cuivre,  mais  pas  de  fer.  Ce  n'est  pas  le 
Japon  qui  a  beaucoup  de  fer,  mais  bien  la  Californie  !  Paravay  a 
rapporté  de  Chine  une  vieille  image,  qui  représentait  un  lama, 
animal  américain;  enfin,  preuve  directe,  en  1725,  un  Indien,  Mon- 
cachtapé,  qui  connaissait  les  Européens,  remontant  en  Californie, 
vit  des  hommes  venir  en  barque,  avec  de  grandes  robes,  de  mau- 
vais fusils;  on  lui  dit  qu'ils  venaient  tous  les  ans.  Il  y  a  plus,  ce 
même  courant  de  Kouro-Siwo  a  sans  doute  amené  des  Carolines 
ou  des  Philippines  ces  noirs  Californiens,  que  Cook  a  décrits  comme 
des  nègres  aux  cheveux  plats.  On  ne  voit  pas  pourquoi  le  contre- 
courant  qui  amena  les  Malais  dans  toute  la  Polynésie,  ne  les 
aurait  pas  amenés  en  Amérique. 

Les  mêmes  considérations  s'appliquent  au  versant  atlantique  : 
deux  courants  équatoriaux  ont  pu  amener  les  tvv^^t^^  ^  ^Ân^^^ 


'^™",»'J"«l»'..Vi,l.„, 

Ce  son,  d-,L„^  ,„ 
Er   ""'"""*«* 

■.-(....•«ers 'S 

lacb.r„.d.,A„j  'J 

2'°°',°°"'  «»™"i™.M  m 
""■«sol.  M  larlares,  „c  2 

"..""f"'  •>'  «raclera  qui  te 


AMÉRICAINS.   CARACTÈRES  PATHOLOOIQUES.  519 

le  contre-courant  malayo-polynésien.  Tous  deux  sont  mésaticé- 
pbales  et  ont  un  indice  céphalique  de  78  ;  ils  pratiquaient  les 
défermations.  Leur  thorax  est  bombé;  Dorbigny  a  dit  que  leurs 
œllahs  pulmonaires  étaient  plus  grandes  que  celles  des  Euro- 
péens, ce  qui  n^est  pas  prouvé.  Leur  cornée  est  teintée  de  jaune. 
Enfin,  diaprés  Tchudy  et  Riveiro,  les  crânes  des  Âymaras  seraient 
caractérisés  par  Tos  de  VInca;  mais  cela  se  voit  dans  toutes  les 
races;  leur  indice  nasal  est  également  mésorrhinien  ;  les  Péru- 
viens ont  50,23,  un  peu  moins  que  les  Peaux-Rouges  50,52.  En 
dehors  de  ces  deux  peuples  qui  forment  le  rameau  péruvien  de 
Dorbigny,  tous  les  autres  sont  dolichocéphales;  leur  indice  nasal 
est  moins  mésorrhinien  (48)  ;  le  nez  est  plus  étroit,  TAméricain  du 
Snd  en  bloc  a  48.  Les  plus  dolichocéphales  de  tous  sont  les  Boto- 
cudos  (indice  céphalique,  73),  et  si  on  veut  leur  trouver  un  analogue 
comme  dolichocéphalie,  ce  serait  chez  les  Esquimaux  (indice,  73); 
même  ressemblance  entre  les  Esquimaux  et  les  Botocudos,  sous  le 
rapport  de  Tindice  nasal,  leptorrhinien  (42)  :  Esquimaux  (42), 
Botocudos  (39-43). 

11  semble  donc  que,  tandis  que  Tinvasion  brachycéphale, 
comme  un  coin  à  base  tournée  vers  le  nord,  enfonce  sa  pointe  vers 
le  sud,  la  dolichocéphalie  autochtone,  dans  un  mouvement  con- 
traire, à  base  au  sud  et  pointe  au  nord,  pousse  jusqu'aux  Esqui- 
maux. Les  Botocudos  et  les  Esquimaux,  quoique  fort  éloignés  les 
uns  des  autres,  représenteraient  donc  le  plus  fidèlement  la  race 
autochtone,  malgré  les  croisements.  Il  n'est  pas  jusqu'à  la  boto- 
que,  qu'on  ne  retrouve  tout  à  fait  au  nord  ;  les  uns  devraient 
à  leur  férocité,  les  autres  au  climat  du  Groenland,  leur  pureté 
relative  actuelle. 

A  part  toutes  ces  différences,  les  Américains  ont  beaucoup  de 
caractères  communs  :  cheveux  noirs,  droits,  gros,  pommettes 
saillantes,  peau  jaune,  tendance  à  Tobésité. 

§  2.    CARACTÈRES  PATHOLOGIQUES. 

Dlsp«ritiom  des  Amérlealns.  —  Un  fait  commun  aux  In- 
diens d'Amérique  et  aux  Polynésiens,  c*est  leur  disparition,  mais 
pour  des  motifs  différents  :  au  Pérou,  on  parlait,  il  y  a  quelques 
années,  de  15000  Indiens;  ils  ne  sont  plus  que  4000.  Ils  cessent 
simplement  de  se  reproduire. 


520        PATHOLOGIE   COMPARÉE  DES  RACES  HUMAINES. 

Crevaux,  chez  les  Roucouyennes^  dans  la  Guyane,  a  été  frappé 
du  petit  nombre  des  habitants  :  là  où,  pourtant,  ils  vivent  seuls, 
libres,  sur  les  bords  de  TOyapoc,  ils  ne  sont  pas  plus  de  i  000;  iJ 
faut  7  jours  de  marche  pour  atteindre  le  premier  village  qd  a 
30  habitants,  à  6  jours  plus  loin  on  rencontre  20  habitants,  plus 
loin  5  villages,  ensemble  200  habitants. 

Chez  les  Antisiens,  ceux  qui  rappellent  le  plus  les  Polynésiens, 
et  qui  peuvent  être  venus  par  le  contre-courant^  comme  eux,  oo 
note  la  fréquence  de  V infanticide. 

Le  Peau-Rouge  ne  meurt  pas  phthisique,  comme  le  Polynésien; 
il  meurt  parce  qu'on  lui  prend  son  territoire  de  chasse  et  que 
Talcooiisme  amène  sa  dégénérescence;  il  meurt  aussi  par  les 
ravages  de  la  variole  et  des  autres  fièvres  éruptives;  en  1563,  U 
variole  fit  sur  l*Amazone  périr  30000  Indiens. 

Pathologie  préhlBlorlqne  dams  rAmérlqve  div  Sad.  — 
Nous  sommes  naturellement  peu  éclairés  sur  la  pathologie  fossile; 
cependant  Ameghino,  dans  des  terrains  tertiaires  de  TAmérique 
du  Sud,  a  trouvé  une  femme  petite,  avec  des  lésions  d^arthrite 
sèche  et  de  rhumatisme  chronique. 

Canlcie.  —  L'Américain,  comme  dans  la  race  jaune,  ne  blan- 
chit que  fort  peu  en  vieillissant  ;  le  D'  Forbes  n*a  pas  vu  un  seul 
cas  do  canilie  chez  les  Quichas  ni  chez  les  Aymaras. 

Goitre.  —  Les  Indiens  sont  dans  les  Andes  sujets  au  goitre; 
les  métis  le  sont  moins;  viennent  ensuite  les  blancs,  enfin  les  noirs. 

Maladies  du  système  nerveux. —  On  trouve  chex  les  Gua- 
ranis, comme  chez  les  Malais,  une  grande  fréquence  des  maladies 
à  Vaxe  cMbro- spinal;  à  Rio  de  Janeiro,  elles  figurent  pour  10,OS/iOO 
de  la  mortalité  totale.  Coindet,  au  Mexique,  a  noté  la  fréquence  de 
la  foliCf  comme  en  Chine. 

Géophagle.  —  Humboldt  a  signalé,  dans  toute  la  zone  torride 
américaine,  la  géophagie.LesOttomaques,  au  nord  du  Brésil,  man- 
gent une  argile  ferrugineuse;  au  bord  de  TAmazone  on  mange  de 
la  terre  glaise  ;  les  jésuites  durent  même  parfois  surveiller  leur 
vaisselle!  Ce  n'est  pas  chez  eux  cette  géophagie  pathologique^ 
comme  chez  le  nègre  ;  cela  semble  une  habitude  commune  dans 
la  race  jaune.  Cela  se  fait  en  Chine,  à  Java,  où  Ton  a  même,  à 
tort,  appelé  certaines  ten-es  terres  comestibles. 

Maladies  de  la  peau.  —  Les  maladies  de  peau  sont  firé« 
quentes.  Dans  le  nord  de  TAmérique,  une  gale  fréquente  rappelle 
la  gale  des  épiciers  et  celle  des  Japonais,  c'est  la  gale  des  liiin^is. 


RACES  BLANCHIS.  511 

Daos  rAmérique  du  Sud^  on  voit  fréquemment  une  sorte  de  vitiligo, 
avec  décoloration,  taches  rosées,  diminution  de  la  sensibilité; 
Crefaux  a  observé  cette  maladie  chez  les  Galibis.  Dans  les  Andes,  le 
mal  est  connu  sous  le  nom  de  taches  endémiques  des  Cordillères 
00  carrathes;  au  Mexique  sous  le  nom  de  los  pintos  ou  pinta. 

Typhus.  •—  La  fièvre  typhoïde,  fréquente  chez  les  Européens, 
est  rare  chez  les  Indiens;  en  revanche^  le  typhus  est  fréquent; 
c'est  le  matazahualt  des  Aztèques. 

Fiévrre  |aume.  —  La  fièvre  jaune  attaque  les  Indiens ,  tout 
aussi  bien  que  les  blancs;  toutefois^  comme  les  créoles  blancs^ 
ils  présentent  un  diminutif  de  la  fièvre  jaune^  qui  a  reçu  le  nom 
de  fièvre  rémittente  bilieuse;  néanmoins  le  D'  Bâtes  voyait  là  une 
preuve  de  rétablissement  des  Indiens,  dans  les  contrées  brûlantes 
de  l'Amérique ,  à  une  époque  relativement  moderne  ;  «  leur  con- 
«  stitution,  dit-il,  ne  s'est  pas  encore  bien  acclimatée  !  » 

Fléwre  palvacre. — Les  Indiens  ne  sont  pas  aussi  bien  préser- 
vés de  la  fièvre  palustre  que  les  noirs,  mais  ils  le  sont  en  grande 
partie.  Les  Chinois,  les  Malais  se  rapprochent,  une  fois  de  plus, 
des  Américains  par  la  manière  dont  ils  résistent  aux  émanations 
palustres,  ce  qui  prouve  que  c'est  bien  une  affaire  de  race  et  non 
d'habitude,  ce  qui  prouve  encore  qu'ils  appartiennent  bien  tous  à 
la  même  race  jaune.  D'ailleurs,  la  Floride,  qui  contient  beaucoup 
de  marais,  possède  une  population  qui  résiste  à  merveille,  les 
Séminoles;  mais  il  ne  faut  pas  oublier  qu'il  y  a  eu  là  une  immi- 
gration de  nègres. 

Dans  les  terres  de  Magellan,  on  trouve  des  furoncles  fréquents, 
cela  rappelle  la  façon  dont  à  Sumatra,  d'après  Van  Leent,  se 
montre  parfois  la  fièvre  intermittente  ;  elle  y  prend  la  forme  de 
furoncle. 

PhtliiBie.  —  Au  Pérou,  la  phthisie  est  fréquente ,  mais  sur  le 
blanc  et  le  noir,  et  non  sur  Tlndien  ;  il  résulte  en  effet  des  chiffres 
que  les  Indiens,  au  Brésil  comme  au  Pérou,  semblent  peu  dis- 
posés à  la  phthisie,  que  le  blanc  européen  y  est  au  contraire  très 
disposé  et  qu'il  lègue  cette  tendance  avec  son  s&ng  à  ses  métis. 

IV.  RAGES  BUUVCHBS. 

Nous  allons  passer  en  revue,  successivement,  la  race  lybienne 
oal>erbère,  la  race  sémitique,  la  race  allophyle,  la  race  arienne. 


I 


S3t         PATBOLOGIE:    COVPAnÉE    DEB    RACBS   UUttAinCS. 
I.  BERBÈRES. 
§   1.    AIRE  GÉOGHAPHIQDE.  —  StGBATI05B. 

Le  BcrhSre  ou  Kabyle  est  rcpaadu  dans  l' A^rriijue  septcntriooifc, 
du  golfe  deTripoliârOcéan,  de  la  mer  au  Sahara.  I,es  popoUtàw 
berl)Ëres  sont:  les  Kabjles,  les  Berbères,  les  Touarcg«,  \n  Wotaliw, 
lesShiilahs,  les  anciens  Guanches(Canaries],  quelque*  popoUliau 
du  sud  de  l'Espagne.  Ce  sont  les  anciens  Lj'biens,  <\ue  lei>  E^jf- 
tiens,  3  000  ans  avant  Ji^us-Christ,  connaissaient  comni*  in  no- 
sins  redoutables  et  qu'ils  désignaient  sous  le  nom  de  TomIim. 
Ces  Tamahous  ont  une  large  part  dans  les  origines  cl  iMi  It 
développe  ment  de  la  ciiilisation  ^ptleiine,  mnb  ils  ne  Mst  pH 
resiés  purs  dans  le  nord  de  l'Afrique  et  de  Donibreuses  iataùis 
sont  venues  là  se  superposer.  La  première  grande  bataâmnBt 
vrai  semblob  le  ment  de  l'Europe,  «ers  1 000  ans  avant  Jésu-Chrôt. 
Elle  était  Taiie  par  des  Européens  blonds,  qui  vcoaieni  de  Cifaral- 
tar  par  Tanger,  qui  aTaîcnl  traversé  l'Espagne,  Tenant  de 
haut  encore  et  Tujanl,  eux-mêmes,  devant  une  inviuiaa  de  kw 
pa;s,  peut-être  une  invasion  des  Celtes.  C'étaient  da  ooMinc- 
tions  de  dolmens  et  ce  sont  les  pierres  dressées  par  ni.  sw  h 
cfite  arricainc  qui  nous  occupe,  qui  ont  permis  na  géoénl  ttà' 
dherbe  de  reconstituer  leur  histoire.  Aujourd'hui  eneotv,  la  irte 
kabyle  et  blonde  des  Denhndja  altirmc  qu'elle  descend  te  *■!>• 
ques  constructeurs  de  ces  monuments  mégalJlhiqiiesqu'ottnuT. 
dans  le  pays,  les  tombcaui  des  Djouhala.  La  tribu  de»  Dcahmi 
dresse  encore  des  pierres  symboliques,  qu'elle  nomme  iaffmJL 
En  présence  d'un  malheur  publie,  d'une  défaite,  par  iirfii, 
elle  renverse  ses  S'nobs.  Viennent  des  jours  meilleur»,  cUc  ki 
relève.  Ainsi,  battus  par  nous  en  1835,  les  Dcnhadja  anl  reavoié 
6  s'nobs, qu'ilsont  récdiriés  on  1S38.  Mêlés  aux  Lybiens,  c«s  bUmb 
constituèrent  avec  eui  le  peuple  berbère  et  ont  oncarc  asjo^ 
d'bui  leurs  descendants  dans  les  Berbères  blonds,  aui  ytut  bloh 
des  montagnes  de  la  Kabylie.  Bien  des  invasions  se  sont  MceUt 
sur  celte  couclie  dé^rmais  fondue  de  Berbères  blonds  ou  btM>: 
1500  ans  avant  J.-C,  ce  sont  les  Phéniciens;  150  ans  avant  J.'C< 
les  Romains;  avant  tous,  sans  doute,  des  nègres;  400  âai«^ 
J.^.,  les  VanMe&\  cafnv  IKfi  zxis,  v^'cis^  les  Arabes;  puis  nM* 
nent  au  \n*  s\fec\e  Ves  Tmcs,  4dw\  \ft^  isW'a  v^tMoiiLSk.  wiaA 


BERBÈRES.   CARACTÈRES   PATHOLOOIQUES.  5S8 

Kouloughlis,  les  Israélites,  les  Génois,  qu'on  retrouve  encore  à 
Oran  et  à  Bougie  ;  tout  cela  forme,  on  le  voit,  un  milieu  ethnique 
très  compleiCy  moins  cependant  qu'on  ne  pourrait  le  croire.  Le 
général  Faidherbe  a  apprécié,  dans  ce  tableau,  la  proportion  cen- 
tésimale de  chaque  élément,  dans  la  population  totale  : 

Lybiens  indigèoes,  blonds  du  Nord  (Berbères)...  73  0/0 

Phéniciens 1 

Romains,  leurs  auxiliaires,  Grecs  du  Bas-Empire 

(Bélisaire) 1 

Vandales  (dans  TEst) 0  50 


Arabes 15 

Nègres  (de  tout  pays) 5 

Israélites  (bien  voisins  des  Arabes) 2 

Turcs  et  Européens  renégats 0  50 


■>« 


100  00 

On  comprend  toute  l'importance  de  ces  notions  ethnologiques, 
pour  l'avenir  de  nos  colonies  ;  on  parle  en  effet  presque  toujours, 
jusqu'ici  du  moins,  des  Arabes,  alors  que  ce  sont  les  Kabyles  qui 
sont  eo  majorité;  or  leur  génie  est  tout  différent. 

§   2.    CARACTERES  ANAT0M0-PIIYSI0L0GIQUE8. 

Le  Kabyle  est  brave,  industrieux,  fier,  actif,  passionné,  séden* 
taire  et  cultivateur;  il  tient  à  la  propriété  individuelle  et  la  défend 
avec  son  fusil,  dont  il  se  sert  habilement,  à  pied,  dans  la  mon- 
tagne. 11  est  monogame  et  n'a  pas  d'esclaves.  Sa  taille  est  au- 
dessus  de  la  moyenne;  il  est  muscuieux,  sa  peau  blanche  bru- 
nit à  Tair  ;  ses  cheveux  sont  droits,  noirs  ;  ses  yeux  bruns,  se 
oreilles  écartées.  11  est  dolichocéphale  (74,4],leptorrhinien  (44,3). 
Son  tempérament  est  robuste,  La  femme  accouche  debout,  ce  qui 
ne  l'empêche  pas,  le  lendemain,  de  faire  une  longue  marche. 

§  3.    CARACTÈRES  PATHOLOGIQUES. 

Mésistanee  an  froid.  —  Le  Kabyle  se  distingue  de  TArabe 
par  une  résistance  beaucoup  plus  grande  au  froid,  auquel  il  est 
depuis  longtemps  exposé,  dans  les  montagnes  où  il  s'est  retiré 
au  moment  de  l'invasion  arabe.  Les  Turcos,  qui  étaient  composés 
surtout  de  Kabyles,  ont  à  Paris  beaucoup  mieux  résisté  au  froid 
que  les  spahis,  qui  étaient  des  cavaliers  arabes. 


52  (  PATHOLOGIE   COMPARÉE  DBS  RACES  HUMAINES. 


Type  partienller  de  la  ftérre  lAterMittente.  —  Grande 
difTérence  au  point  de  vue  de  la  6èvre  intermittente  :  partout  où 
l'Européen,  dans  les  mêmes  conditions,  prend  le  type  quatidkiif 
le  Kabyle  prend  le  type  quarte.  Le  D' Chassagne  a  constaté  qa'eo 
Algérie  la  fièvre  quarte  se  montre  sur  l'Européen  i  fois  sur  400, 
chez  le  Kabyle  70  fois  sur  100.  Le  D' Boudin,  sur  249  cas  de  fiène 
chez  des  Kabyles,  a  vu  :  quotidiennes^  36  ;  tierces^  73  ;  quartes,  438. 
Nous  avons  vu  précédemment  que,  dans  d'autres  parties  de  l'Afri- 
que, r Européen  prenait  aussi  là  le  type  quotidien,  ou  subintrant, 
tandis  que  le  nègre  prenait  le  type  tierce,  quand  il  prenait  la  fiè- 
vre. Ainsi  trois  races,  le  nègre,  TEuropéen,  le  Berbère,  ont  trois 
manières  différentes  de  réagir  :  le  type  tierce,  le  type  quotidien, 
le  type  quarte. 

Syphilis.  —  Quant  à  la  syphilis,  nous  ne  retrouvons  plus,  chez 
les  Kabyles,  les  formes  propres  au  nègre  ;  nous  retrouvons  les 
mômes  formes  qu'en  Europe,  mais  plus  graves  et  comme  modifiées 
d'une  façon  qui  rappelle  ce  qu'était  chez  nous,  la  maladie,  au 
moyen  âge.  D'après  le  D' Martin,  sur  lOdécès d*enfants  en  Kabylie, 
6  sont  dus  à  cette  maladie.  Mais  elle  diflere,  en  outre,  de  ce 
qu'elle  est  chez  les  Européens,  par  la  grande  fréquence  des 
lésions  osseuses,  chez  les  Kabyles.  Nous  avons  vu  le  contraire, 
pour  les  nègres.  Les  accidents  cutanés  n'y  sont  pas,  d'ailleurs, 
moins  graves,  et  ce  sont  eux  qu'on  a  décrits  sous  le  nom  de  lèpre 
kabyle.  Les  indigènes  de  l'Algérie  se  distinguent  de  l'Européen  par 
l'absence  presque  complète  d*accidents  blennorhagîques,la  grande 
rareté  des  ulcérations  génitales  primitives,  la  fréfiuence  extrême 
de  la  syphilis  constitutionnelle.  Quant  à  sa  fréquence,  Léon  TAfri- 
cain  écrivait  :  «  et  quant  à  ce  mal  qu'on  appelle  communément 
a  en  Italie,  mal  français,  et  en  France,  mal  de  Naples,  je  me 
a  pense,  que  la  dixième  partie  de  toutes  les  villes  de  Barbarie  eo 
a  sont  infestées,  et  vient  avec  douleurs,  aposthèmes  et  plaies  très 
«  profondes.  » 

II.  SÉMITES. 

Le  type  sémite  est  représenté  par  deux  éléments  :  V Arabe,  l'If- 

raélite. 


ARABES.    CARACTÈRES   PATHOLOGIQUES.  525 

Arahei. 

Les  Arabes  eux-mêmes  ont  deux  divisions  :  ceux  de  TYemen 
(Hymiarites);  ceux  de  THedjaz,  petits-6ls  d* Abraham^  par  Ismaêl 
son  Gis  et  Agar  son  esclave  (Ismaélites). 

§   i.  CARACTÈRES  ANATOMO-PATHOLOGIQUES. 

L^Arabe  n'a  pas  d'industrie  ;  il  est  arrogant,  paresseux  et  fata- 
liste ;  nomade  il  ne  sait  pas  cultiver.  11  ne  comprend  que  la  pro- 
priété collective;  son  cbeval  au  galop,  dans  la  plaine,  est  son  seul 
luxe  et  sa  seule  joie.  11  est  polygame  et  esclavagiste.  Ce  sont  les 
Ismaélites  qui,  longtemps  avant  Mahomet,  ont  introduit  à  la 
Mecque  le  culte  de  la  Kaaba  ou  maison  carrée  d'Abraham  et  d'is- 
maêl  ;  mais  c^est  Mahomet  qui  leur  a  donné  l'impulsion  par  suite 
de  laquelle  ils  ont  envahi  TAfrique  septentrionale,  TEspagne  et  la 
France  elle-tnème.  L'Arabe  s'étend  actuellement  de  TEgyptc  au 
Maroc,  d'Abyssinie  au  pays  des  Foulhes,  du  golfe  d'Aden  à  la  Ca- 
frerie,  sur  le  Tanganycka;  il  s'étend  jusqu^au  Gange,  à  Mada- 
gascar, en  Malaisie,  où  il  se  mêle  à  la  race  jaune.  Il  est  moins 
grand  que  le  Kabyle,  il  est  sec,  nerveux,  peu  musclé;  sa  barbe 
est  fournie,  les  oreilles  rapprochées  de  la  tète,  le  nez  fin,  délié, 
mince,  aquilin;  il  est  dolichocéphale  (74),  Icptorhinien ,  mais 
moins  que  le  Berbère  (45).  11  n'a  aucune  tendance  à  Tobésité. 

§   2.   CARACTÈRES  PATHOLOGIQUES. 

La  sobriété  de  TArabe  est  proverbiale:  il  s'aventure  dans  le 
désert  avec  un  petit  sac  de  farine,  une  outre  d'eau  et  quelques 
dattes;  de  cette  farine  il  pétrît,  dans  une  coupe  de  bois,  cinq  ou 
six  boulettes,  de  la  grosseur  d'une  noix,  qu'il  fait  sécher  au  soleil 
ou  cuire  sur  la  braise  et  avec  quelques  dattes,  cela  lui  suffit  pour 
la  journée.  A  ce  régime,  il  est  d'ailleurs  anémique  et  dans  cer- 
taines contrées  il  accroît  son  anémie  par  la  manie  des  saignées. 

L'Arabe  n'a  pour  s'exciter  que  le  café  et  le  catha  cdulis  ou  thé 
d'Arabie,  qu'il  emploie  en  infusion  et  dont  il  chique  la  feuille 
comme  l'Indien  celle  de  la  coca. 

11  présente  une  grande  tendance  à  la  phihisic,  surtout  lorsqu'il 
quitte  la  vie  nomade  pour  la  vie  sédentaire. 

Il  supporte  mieux  que  le  Kabyle  les  grandes  opérations;  il  est 


5S6        PATHOLOGIE   COMPARÉE   DBS   JUGES   HUMAINES. 

moins  nerveux,  moins  impressionnable  ;  les  pl«iies  guérissent,  cba 
lui,  plus  facilement. 

Quoique  habitant  des  pays  chauds,  il  paye  un  large  tribut  à  U 
dysenterie,  à  Vhépatite  et  aux  abcès  du  foie  ;  la  pneumonie  est 
chez  lui  grave. 

La  fièvre  typhoïde  est  rare  chez  lui  ;  en  cela  il  diflère  notable* 
ment  de  l'Européen. 

On  a  noté  une  fréquence  remarquable  des  hémorrhoides. 

II  est  particulièrement  sujet  à  Ut  variole. 

Israélites. 

§  I.    HISTOIRE  ET  DISTRIBUTION  GÉOGRAPHIQUE. 

La  légende  dit  que  les  Israélites  ou  les  Hébreux  descendent 
d'Abraham  et  de  Sara  par  leur  fils  Israël,  Des  Sémites,  sous  U 
conduite  de  Tharé,  dit  la  Bible,  quittèrent  cette  Chaldée  où  ils 
s'étaient  développés  à  côté  des  Kouschites,  à  côté  d^autres  Sémites 
et  de  Touranions.  Étaient-ils  chassés?  fuyaient-ils  une  nou- 
velle invasion  touranienne?  nous  l'ignorons.  Ils  allèrent  rejoindre 
d'autres  Sémites,  les  Chananéens  en  Mésopotamie,  en  Syrie  ;  ils 
allèrent  jusqu'au  Jourdain,  et  passèrent  en  Egypte.  Ce  fut  sans 
doute  un  long  défllé  que  celui  de  ces  hommes  traînant  derrière  eux 
leurs  chameaux,  leurs  chariots,  leurs  chevaux,  leurs  femmes, 
leurs  troupeaux!  C'était  l'époque  où  TEgypte,  démembrée  sous 
la  XIV*  dynastie,  agonisait  :  la  résistance  fut  nulle  et  le  pillage 
pratiqué  par  les  envahisseurs  ne  connut  pas  de  limites:  les 
Egyptiens  se  bornèrent  à  les  traiter  de  voleurs  (Sous)  et  leur  roi, 
leur  chef,  de  roi  des  voleurs  :  Hic  sous,  Cesk  ce  mot  grécisé  qui 
est  devenu  dans  l'histoire  l'invasion  des  HycsoSy  dite  aussi  inva- 
sion des  pasteurs.  Manéthoo,  Thistorien  de  cette  invasion,  les 
traite  de  race  lépreuse.  Faut-il  en  conclure  qu'elle  apporta  la 
lèpre?  le  fait  n*est  pas  impossible.  Quoi  qu'il  en  soit,  \e%  Hicsos 
régnèrent  150  ans  en  Egypte  et  pendant  ce  temps  un  écoulcmeot 
incessant  de  Sémites  nouveaux  venus  se  fit  en  Egypte,  avec  Abra- 
ham, avec  les  frères  de  Joseph  et  avec  d'autres  encore  !  Après  450 
ans,  l'Egypte  se  releva,  chassa  les  Sémites,  envahit  même  U  Judée, 
et  ceux  qui  restèrent  ne  le  firent  pas  en  maîtres,  mais  en  esclaves. 
L'esclavage  dura  jusqu'au  jour  où,  la  fortune  redevenant  une 
deuxième  fois,  contraire  à  l'Egypte,  Moïse,  sous  le  règne  de  Setilli 


IBRAtLlTES.   CIRAGTÈRES   PATHOLOQIOUES.  517 

pat  emmener  définKifement  son  peuple  et  le  conduire  à  la  con- 
quête de  la  Palestine.  Je  n'ai  pas  à  rappeler  les  é? énements  clas- 
siques du  royaume  de  Judée,  la  captivité  de  Babylone,  le  retour  des 
juife  en  Judée  favorisé  par  Cyrus.  Le  peuple  juif  prend  fin  en  135, 
dispersé  par  Tempereur  Adrien,  qui  vient  de  brûler  Jérusalem  et 
de  faire  massacrer  5(K) 000  juifs;  mais  si  le  peuple  juif  a  disparu 
de  rhistoircy  la  race  juive  disséminée  dans  le  monde  entier,  dans 
les  deux  hémisphères,  conserve  intact  son  cachet  sémitique,  sans 
qu'aucun  des  peuples  au  milieu  desquels  elle  vit,  ait  pu  raltcrer, 
persistance  de  type  qui  est  favorisée  par  Phabitude  fréquente  des 
Israélites,  de  ne  se  marier  qu'entre  eux. 

Quelques  exceptions  apparentes  ont  été  opposées  à  cette  règle 
de  la  persistance  du  type  :  on  a  cité  des  juifs  à  cheveux  roux, 
du  nord  de  l'Allemagne  et  du  nord-est  de  la  France.  On  a  même 
été  jusqu'à  voir,  dans  Tinfluence  prolongée  du  climat  septen- 
trional, la  cause  de  cette  transformation  du  type  de  la  race  d'Is- 
raël, liais  le  climat,  si  puissant  qu'il  soit,  ne  fait  pas,  depuis  que 
l'homme  observe,  du  moins,  de  ces  transformations  radicales; 
ces  exceptions  apparentes  ne  reposent  que  sur  un  oubli  de  This- 
toire,  qui  doit  toujours  être  consultée. 

Les  Juifs  blonds  du  nord  de  l'Europe  ne  sont  que  des  Israé- 
lites métissés  d'Européens,  ou  même  des  juifs  par  la  religion, 
mais  non  des  Israélites  par  le  sang:  vers  le  ix*  siècle,  en  effet^ 
ane  partie  des  peuples  slaves  qui  occupaient  la  Pologne  et  la 
Russie  méridionale  embrassa  le  judaïsme;  au  premier  rang  de 
ces  peuples,  il  faut  citer  les  Chazares,  qui  étaient  blonds;  ils 
furent  convertis  de  deux  côtés  :  par  des  missionnaires  venus  de 
Hongrie  où  les  juifs  étaient  établis  depuis  longtemps,  par  des 
missionnaires  karaîtes  venus  de  Crimée.  Le  judaïsme  continua 
d'ailleurs  de  prospérer  en  Pologne  et  en  Russie,  où  se  firent  de 
nombreuses  conversions  en  sa  faveur.  En  Pologne  surtout  les 
juifs  gardèrent  longtemps  une  grande  influence  ;  il  faut  même 
croire  qu'ils  épousaient  souvent  des  femmes  chrétiennes,  puis- 
qu'en  f  092  le  roi  Ladislas  se  crut  forcé  d'interdire  ces  alliances. 
Les  juifs  blonds  du  nord  de  l'Europe  ne  sont  donc  pas  des  Israé- 
lites, ce  ne  sont  pas  des  Sémites,  ou,  tout  au  moins,  ils  ne  le 
sont  pas  de  race  pure. 

Actuellement  les  juifs,  race  cosmopolite  s'il  en  fut,  s'élèvent 
dans  le  monde  au  nombre  de  4  à  5  millions,  plus  exactement 
4160000,  soit: 


B28        PATHOLOGIE   COMPARÉE   DES  RACES   HUMAINES. 

En  Russie 2  800  000 

En  Autriche 850  000 

En  Allemagne 350  000 

En  Turquie aoo  000 


§   2.   CARACTÈRES  ANATOMO-PnTSIOLOGIQUES. 

L'Israélite  a  le  nez  aquilin,  les  lèvres  un  peu  épaisses,  les  yeui 
beaux.  Gomme  les  Phéniciens,  il  présente  pour  le  négoce  une 
aptitude  bien  connue;  son  aptitude  pour  les  sciences  est  incon- 
testable; enfin,  parmi  ses  aptitudes  marquées,  à  côté  de  celles 
du  négoce  et  des  sciences,  figure  l'aptitude  à  la  musique.  11  suffit 
de  citer  Meyerbeer,  Halévy,  liendelssohn  et  même  Rossini,  qui 
étaient  d'origine  juive. 

Partout  ils  présentent  ce  double  caractère,  une  grande  natalité, 
une  faible  mortalité.  Les  naissances  mâles  prédominent  chez  eux. 
Us  se  marient  en  général  de  bonne  heure,  ce  qui  a  des  chances 
d'augmenter  le  nombie  des  enfants.  Le  nombre  des  naissances 
illégitimes  est  moins  fréquent  chez  eux  qu'ailleurs,  ce  qui  aug- 
mente la  vitalité  des  enfants,  car  Berlillon  a  montré  que  la  mor- 
talité des  enfants  illégitimes  est,  pour  des  causes  variées,  plus 
considérable  que  la  mortalité  des  enfants  légitimes.  A  Francfort, 
la  mortalité  infantile,  de  0  à  5  ans,  est  de  24/100  cbez  les  chré- 
tiens et  de  12,0/100  chez  les  juifs;  le  nombre  des  mort-nés  est 
également  moins  considérable.  Enfin  la  longévité  des  juifs  est 
plus  grande  que  celle  des  populations  au  milieu  desquelles  iU 
vivent;  à  Francfort,  la  vie  moyenne  des  chrétiens  est  de  37  ans  7; 
celle  des  juifs  de  49  ans  9.  Dans  la  même  ville,  d'après  Boadin, 
le  i/4  de  la  population  chrétienne  succombe  à  6  ans  11  mois;  le 
1/4  de  la  population  juive  succombe  à  28  ans  3  mois;  la  i/f  des 
chrétiens  à  36  ans  6  mois;  la  1/2  des  juifs  à  53  ans.  Enfin  les 
3/4  des  chrétiens  à  59  ans  10  mois  ;  les  3/4  des  juifs  à  71  ans. 

En  Algérie,  la  mortalité  des  juifs  est  également  moindre  que 
celle  des  Européens. 

Aussi  leur  accroissement  est-il  plus  rapide  que  celui  d'aucun 
autre  peuple  de  l'Europe. 

Voici  leur  accroissement  pour  100  habitants  pour  une  année: 


ISRAÉLITES.   CARACTÈRES   PATHOLOGIQUES  529 

Hollande 1,4 

Prusse 1,8 

Bavière 2.1 

Suisse 3,1 

Belgique 4,1 

Algérie 6,3 

Sobre,  économe,  travailleur,  ardent  pour  le  négoce,  il  vil  en 
somme  sous  tous  les  climats;  bien  plus,  il  est  le  seul  qui  ait  pu 
fonder  un  empire  prospère  dans  cette  vallée  du  Jourdain,  qui 
à  400  mètres  au-dessous  du  niveau  de  la  mer  est  tellement  in- 
salubre, que  la  plupart  des  savants  européens  qui  ont  voulu  Têtu- 
dier,  elle  ou  son  fond,  la  mer  Morte,  y  ont  succombé. 

§  3.   CARACTÈRES    rATUOLOGIQUES. 

iBiBiunltés  pathologiques.  —  Un  fait  qui  ;i  frappé  à  toutes 
les  époques,  c'est  Fimmunité  des  juifs  pour  la  peste.  Tout  le  moyen 
âge  a  constaté  cette  immunité;  or  de  là  à  les  accuser  d'empoison- 
ner les  fontaines,  il  n'y  avait  pas  loin  pour  le  populaire.  Tschudi, 
un  ancien  historien,  dit  formellement  :  a  Celle  maladie  n^atteint 
jamais  les  juifs.  »  Diger,  pour  l'épidémie  de  dysenterie  qui  sévit 
àNimègue  en  1736,  constate  le  même  fait  d'immunité;  Fracastor 
signale  la  même  immunité,  pour  le  typhus  de  1505;  Ramazzini, 
l)our  les  ûèvres  paludéennes  à  Rome  en  1691.  Pour  comprendre 
ces  faits,  il  faut  tenir  compte  des  mœurs  des  juifs  au  moyen 
âge,  mœurs  sédentaires,  sobres,  calmes,  par  suite  desquelles, 
communiquant  peu  avec  le  dehors,  ils  étaient  moins  exposés  que 
tous  les  autres  à  prendre  les  maladies  régnantes. 

C'est  sans  doute  pour  la  même  raison,  que  les  juifs  ont  passé 
pour  être  moins  souvent  frappés  par  la  foudre.  Occupes  du  négoce, 
au  fond  d'une  boutique  de  lapidaire,  ou  d'orfèvre,  ou  de  préteur, 
ils  avaient  évidemment  moins  de  chances  d'èire  frappés  par  la 
foudre,  que  ceux  de  leurs  contemporains  qui  passaient  leur  vie 
dehors. 

Le  croup  serait,  dil-on,  moins  fréquent  dans  la  race  juive  ;  il  en 
est  de  même  du  goitre. 

Le  tasnia  est  rare,  mais  cela  tient  uniquement  à  ce  que,  pré- 
cisément dans  ce  but,  leur  religion  leur  défend  l'usage  du  porc. 

D'après  Bouchardat,  le  diabète  est  fréquent  chez  les  juifs. 

Aliénation  mentale.  —  Eu  revanche,  d'après  cerU.vi\^%  ^V^- 


530         PATHOLOGIE   COMPARÉE  DES    RACES   HUMAINES. 

tistiqucs,  raliénation  mentale  serait  plus  fréquente  chez  eux  que 
dans  les  autres  races  :  les  songes,  les  hallucinations,  le  don  de 
prophétie  jouent  en  effet  un  grand  rôle  dans  TAncien  Testament 
et  montrent  la  fréquence  considérable,  chez  le  peuple  juif,  des 
phénomènes  cérébraux  d^excitation  :  en  Danemark,  sur  i  000  ha- 
bitants on  compte  3,34  aliénés  chrétiens*  et  5,83  aliénés  juiCs; 
le  suicide  est  rare  chez  eux. 

111.  INDO- EUROPÉENS. 

Les  populations  qu*on  nomme  indo-européennes,  parce  que  la 
légende,  Phistoire,  la  linguistique  nous  montrent  que,  parties  de 
rinde,  elles  se  sont  déversées  de  TAsie  sur  l'Europe,  ces  popula- 
tions blanches,  dites  également  aryennes,  ont  pendant  longtemps 
seules  compté  dans  Tethnologie  européenne  ;  si  bien  que  lorsqu'on 
s'est  décidé  à  compter  avec  les  populations  autochtones  anté- 
rieures aux  Aryens ,  on  les  a  englobées  sous  l'expression  de  Us 
autres  races,  créée  par  Prichard,  allophyles  (de  «XXc;,  autre,  çuXii, 
race).  Il  est  juste  de  rendre  à  ces  populations  dites  allophyles  le 
rang  qui  leur  appartient  parmi  les  populations  européennes; 
nous  allons  commencer  par  elles. 

Race  de  Canstadt. 

§  \ .  EXTENSION.   CARACTKRES  ANATOMIQUES. 

La  race  allophyle  la  plus  ancienne  est  celle  dont  le  crâne  bien 
connu  de  Néanderthal  donne  le  type  ;  elle  s'appelle  encore  race 
de  Canstadt  (Quatrefages  et  Hamy)  ou  dolichoplatycéphale.  Son 
indice  ccphalique  est  de  72.  Son  aire  géographique  semble  aToir 
embrassé  une  grande  partie  de  TEurope  occidentale  et  sa  chro- 
nologie remonte  au  début  de  l'époque  quaternaire.  Des  crânes 
contemporains  analogues  aux  crânes  de  Néanderthal  ont  été  ob- 
servés aux  environs  de  Paris,  en  Hainaut,  dans  le  Loir-et-Cher,  en 
Allemagne.  De  Quatrefages  et  Hamy  sont  convaincus  que  les  po- 
pulations actuelles  «  ne  sont  pas  autre  chose  que  les  descendajitf 
«  de  ces  populations  quaternaires.  » 

§  2.    CARACTÈRES   PATHOLOGIQUES. 

De  sa  pathologie  nous  ne  savons  rien,  bien  entendu,  sinon 
que  sur  le  crâne  de  Bruce  on  remarque  une  lésion,  qui,  si  elle  a*est 
pas  syphilitique,  est  scrofuleuse. 


RACE  DE  PURFOOZ.  CARACTÈRES  ANATOMO-PATHOLOOIQUES.    511 

Race  de  Cro-Hagnon. 

§  I.  EXTENSION.  CARACTÈRES  ANATOMIQUES. 

]a  secoode  race  allophyle  serait  celle  de  Cro-Magnon,  race  en- 
core dolichocéphale,  dont  l'indice  moyen  est  de  73,41^  à  région 
frontale  plus  développée  que  la  précédente,  à  tibia  platycnémique, 
ou  en  lame  de  sahre.  Il  semble  que  ce  soit  le  même  type  (jui  se 
continue  chez  les  Basques  actuels^  chez  les  Guanches,  les  Berbères 
actuels  et  peut-être  chez  les  anciens  Atlantes. 

§  2.   CARACTÈRES  PATHOLOGIQUES. 

On  a  signalé  la  fréquence  de  la  carie  dentaire  dans  ces  races 
préhistoriques^  comme  cela  se  voit  encore  chez  les  Basques  actuels. 

Race  de  Furfoos. 

§  i.   CARACTÈRES  ANATOMIQUES. 

A  la  Gn  de  Tépoque  quaternaire,  apparaît  une  race  brachycé- 
phale,  la  race  de  Furfooz  de  Hamy  et  Quatrefages.  Le  crâne, 
lorsqu*il  était  sans  mélange,  comme  à  Grenelle  ou  à  la  Truchère, 
mesurait  83  d'indice  céphalique;  la  taille  était  petite  :  1™,53  en- 
viron ;  cette  race  vivait  à  Tépoque  glaciaire,  avec  le  renne.  Hamy 
et  Quatrefages  ont  nommé  son  type  laponoide^  parce  qu'ils  pen- 
sent que  les  Lapons  sont  les  descendants  de  cette  race  préhisto- 
rique, dont  les  ancêtres  ont  suivi  le  renne. 

§  2.    CARACTÈRES   PATHOLOGIQUES. 

De  cette  pathologie  préhistorique  nous  ne  connaissons  que  la 
chirurgie,  qui  nous  éclaire  sur  certains  usages  sociaux.  Ainsi  les 
fouilles  du  D'  Prunières  ont  montré  des  pointes  de  flèche  bien 
barbelées,  comme  celles  de  la  pierre  polie,  fichées  encore  dans 
les  os  du  bassin  et  dans  le  fémur  de  la  race  vaincue  ;  les  traces 
d^une  longue  suppuration  indiquent  les  soins  que  recevaient  déjà 
les  malades;  même  une  fracture  du  radius  indique  qu'une  main 
secourable  avait  appliqué  un  appareil.  J'ai  dit,  dans  une  autre 
partie  de  ce  livre,  que  des  traces  de  syphilis  héréditaire  (Parrot) 
avaient  été  vues  dans  la  collection  Prunières. 


532         PATHOLOOIB   COMPARÉE   DES  RACES  HUMAINES.  . 

Lapons. 

§    t.    CARACTÈRES  ANATOMIQUES  ET   PHYSIOLOGIQUES. 

Descendant  de  ces  populations  préhistoriques  le  Lapon  est  au- 
jourd'hui le  seul  peuple  nomade  en  Europe.  C'est  le  plus  bn- 
chycéphale  actuel  (85,6,  Bertillon)  ;  son  crâne,  presque  rond,  i 
reçu  de  Virchow  le  nom  de  troehocéphale.  Sa  face  est  courte  et 
large;  Linné  a  dit  de  lui  :  t  Corpore  parx'o,  capillis  nigris,  brevi- 
bus,  rectis.  »  Les  Lapons  du  Jardin  d'acclimatation,  qui  Tenaient 
de  Norwège,  étaient  blonds,  \uiT  croisement  avec  les  Finnois,  mais 
le  Lapon  est  brun  ;  il  existe  même  un  proverbe  norwégien  qui  dit: 
c  Noir  comme  un  Lapon,  n  Leur  prognathisme  est  extrèmemeot 
faible  ;  c'est  le  plus  faible  avec  celui  des  Basques  et  celui  des  Espa- 
gnols modernes.  La  capacité  crânienne  est  grande  (1492},  plus 
grande  que  celle  du  Parisien  (1i61).  Bertillon  a  été  frappé  des 
dimensions  considérables  du  trou  occipital,  qui,  comparé  à  celui 
des  Parisiens,  est  à  ce  dernier  comme  liS  est  à  100.  Ce  regretté 
collègue  en  concluait,  que  si  le  cerveau  du  Lapon  est  gros^  c'est 
parce  que  la  moelle  est  grosse  ;  en  d'autres  termes,  ce  qui  domine- 
rait, ce  ne  serait  pas  la  cellule  grise^  pensante,  ce  serait  la  moelle. 

§  2.    CARACTÈRES  PATHOLOGIQUES. 

Le  Lapon  aurait  donc  un  système  organique  sensitif  considé- 
rable; cela  serait  en  rapport  avec  la  fréquence  du  dé/îre  impulsif, 
brutal,  bestial,  qui  éclate  brusqucmmt  chez  lui,  comme  en  ictus, 
en  môme  temps  qu'avec  sa  grande  rusticité,  sa  forte  résistance  et 
sa  longévité. 

Son  extrême  bracliycéphalie  a  fait  penser  à  Virchow  que  le  crâne 
lapon  portait  les  traces  d'une  évolution  pathologique  de  nature 
rachitique,  due  à  une  mauvaise  alimentation  et  à  une  mauvaise 
hygiène.  Mais  c'est  là  une  erreur  :  sa  nourriture  est  grossière, 
ses  dents  sont  usées  par  elle  ainsi  que  par  la  préparation  des  peaoi, 
comme  chez  les  races  préhistoriques,  mais  la  chair,  le  lait,  le  saog 
de  renne  lui  fournissent,  avec  le  poisson,  une  nourriture  large- 
ment réparatrice.  Au  reste,  les  Esquimaux,  qui  se  trouvent  dans 
les  mêmes  conditions  et  qui  sont  venus  mourir  à  Paris  de  la  va- 
riole, avaient  tous  le  foie  énorme  et  chargé  de  graisse. 

La  conjonctivite  chronique  est  de  règle  chez  le  Lapon.  C'est  aue 
rare  exception,  que  de  trouver  un  L»apon  q|ii  n'ait  pas  mal  aux 
yeux,  ce  qui  tient  aux  mauvaises  conditions  hygiéniques. 


ARYENS.    CELTES.  53S 

La  lèpre  est  fréquente. 

Actuellement  les  Lapons  sont  relégués  au  nord  de  la  Norwège, 
de  la  Suède  et  de  la  Russie;  ils  sont  limités  par  l'Océan,  la  mer 
Blanche,  le  Cercle  polaire;  leur  nombre  ne  dépasse  pas  26000. 

Finnois. 

Ici  doivent  prendre  place  les  populations  finnoises,  qu'on  range 
parmi  les  ailophyles,  c'est-à-dire,  qu'on  croit  s'être  étendues  jadis 
dans  une  grande  partie  de  l'Europe;  même  après  avoir  été  refou- 
lés, les  Finnois  occupaient  encore  au  début  de  notre  ère  le  pour- 
tour méridional  et  oriental  de  la  Baltique,  la  Poméranie,  l'Es- 
thoDÎe,  la  Courlande;  d'après  de  Quatrefages,  une  partie  de  la 
nation  prussienne  actuelle  serait  issue  de  ces  allophyles.  Aujour- 
dliai,  ils  sont  relégués  dans  la  Finlande  proprement  dite  et  dans 
le  Finmark  norwégien,  où  ils  se  croisent  avec  les  Lapons. 

Ils  sont  blonds  et  rouges,  aux  yeux  gris  ou  verts,  brachycé- 
phales,  petits.  Pennones  corpore  ioroso,  capillis  flavis,  prolixis, 
oculorum  iridibtis  fuscis  (Linné).  Aux  races  finnoises  se  ratta- 
chent les  Hongrois  qui  descendent  en  Dacie  au  i\^  siècle  sous  la 
conduite  d'Arpad.  En  résumé,  les  races  allophyles  s'écartent, 
cèdent  sous  l'entrée,  faite  comme  en  coin,  des  races  venues  d'Asie, 
des  Aryens.  Nous  ne  savons  rien  de  spécial  de  leur  pathologie. 

Aryens. 

Ils  se  composent  des  Iraniens,  des  Celtes,  des  Ligures  et  des 
Kymris;  pour  employer  une  expression  très  juste  de  de  Quatre- 
fages,  c  c'est  du  mélange  de  ces  éléments  brassés  par  la  guerre, 
«  fusionnés  par  les  habitudes  de  la  paix,  que  sont  sorties  les 
«(  populations  européennes  actuelles,  n  Je  ne  parierai  que  des 
Celtes  et  des  Kymris,  n'ayant  rien  à  dire  des  autres. 

Celles, 

§   i.   EXTENSION.   CARACTÈRES  ANATOMIQUES. 

Leur  point  de  départ  semble  être  dans  le  Pamire,  où  Ujfalvy  les 
a  récemment  retrouvés,  chez  les  Galtchas,  les  Tadjicks  de  l'Asie 
centrale.  L'élément  celte  comprend  d'ailleurs  des  populations  très 
diverses  :  Il  comprend  les  Slaves  (Polonais,  Tchèques,  Slovaques, 
Croates,  Bulgares  et  Serbes),  les  Savoyards,  les  Auvergnats,  les 
Bretons,  les  Irlandais^  tous  formant  une  immense  chaîne,  qui  va  de 


M4         PATHOLOGIE  COMPARÉE   DES  RACES  HUMAINES. 

Pancîenne  Àrmorique  par  T Auvergne,  la  Sa? oie,  TAlsace ,  li  Bi« 
▼ière,  la  Croatie,  la  Roumaoie,  jusque  dans  TAsie  centrale.  Tons 
ces  peuples  sont  brachycéphales  et  leur  brachycéphalie  est  d'au- 
tant plus  prononcée,  qu'on  se  rapproche  plus  de  Test,  autrement 
dit,  de  leur  point  de  départ;  foici  leurs  indices  céphaliques  : 

Bretons 8S 

Auvergnats S4 

Savoyards S5 

Serbes,  Croates . .  84,4 

Galtchas 85 

La  poitrine  du  Celte  est  bombée,  les  épaules  larges,  la  tailie 
[letite,  les  cheveux  bruns,  le  corps  très  velu;  la  menstruation 
s'établit  de  bonne  heure,  à  15  ans,  en  moyenne;  le  sein  est 
arrondi,  globuleux,  volumineux. 

§  2.  CARACTÈRES  PATHOLOGIQUES. 

On  rencontre  chez  lui  peu  d'infirmités,  sa  constitution  est  ro- 
buste, énergique,  vigoureuse;  je  n'ai  pas  de  maladie  spéciale  à 
mentionner,  sauf  la  pliquc  des  Slaves  ou  plutôt  des  Polonais 
(Plica  polonica),  qu'Hufeland  regardait  comme  une  maladie  de  la 
race  sarmate. 

Pllqoe  polonaise.  —  Mon  ami  le  D' P.  Landowski  a  bien  voulu 
me  remettre  sur  cette  maladie  des  notes  détaillées,  prises enPologne 
même.  Tout  le  monde  connaît  de  nom  la  plique  polonaise;  on  con- 
naît sa  description  légendaire  et  fabuleuse  :  les  cheveux  sont  agglu* 
tincs,  réunis  par  un  liquide  ;  quand  on  les  coupe,  il  sort  du  sang  ! 

La  maladie  s'observe  depuis  la  Vistule  jusqu'aux  Carpathes, 
dans  le  grand-duché  de  Posen,  en  Lithuanie,  en  Gallicie,  en  Vol- 
hynie,  dans  l'Ukraine  et  aussi  en  Bohème,  dans  la  Souabe  et 
en  Saxe;  en  1808.  elle  était  si  fréquente,  que  Lafontaine  dît  quelle 
atteint  2  ou  3/10  paysans,  2/30  ou  40  nobles.  D'après  le  D'  Sio- 
kalski,  le  nombre  des  plica  variait  en  Pologne,  de  i  10  000  à 
i  50  000  ;  la  vérité  est  qu'on  voyait,  il  y  a  quelques  années  et 
qu'on  voit  encore  des  chevelures,  qui  semblent  réunies  en  une 
seule  masse  dans  laquelle  le  peigne  ne  pourrait  passer,  Téritablei 
forêts  vierges,  repoussantes  d'odeur  comme  d'aspect. 

On  a  beaucoup  écrit  sur  la  plique  polonaise  :  au  moyen  Age  on 
Ta  prise  pour  une  façon  de  syphilis;  cette  idée  a  même  été  reprise 
par  Larrey.  Elle  a  encore  été  regardée,  à  la  même  époque,  comme 


ARYENS.    KYMRIS.  5Sft 

un  effet  de  sorcellerie,  comme  un  méfait  des  juifs,  mais  les  juifs 
avaient  aussi  la  plica  I  En  i844,  Walter  y  trouve  des  champi- 
gnons qu*il  nomme  epiphytes.  En  1848,  Guensburg  découvrit  un 
mycoderme  du  genre  tricophyton;  il  serait  étonnant  qu*on  n^ 
eût  pas  découvert  de  champignons  et  de  poux. 

La  véritable  nature  de  la  plique,  c'était  dans  les  pratiques  du 
peuple  même  quUl  fallait  la  chercher;  c'est  là  que  la  trouvèrent 
Lebrun,  Sokalski  et  Dobriski.  Or  le  peuple  et  le  médecin  croyaient 
et  croient  encore  à  une  diathèse  pliqueuse  :  on  provoquait  la  plica 
comme  exutoire  ;  il  fallait  que  le  mal  sortit  par  les  cheveux  ;  il 
sortait  souvent  par  la  peau,  chez  les  syphilitiques  ;  il  sortait  par 
la  peau,  par  les  ongles,  chez  les  eczémateux,  parfois  môme  par 
la  tète,  grâce  à  la  malpropreté,  à  la  longueur  des  cheveux  ;  c'était 
Teczéma  capitis;  il  n'en  fallait  pas  plus!  On  aidait  donc  la  nature 
avec  du  goudron  et  de  la  cire  bénite  à  l'église.  On  arrivait  ainsi 
à  reproduire  en  nature  la  déûnition  de  la  plique  :  agglutinatio, 
cotnplicatio,  conO>rplicaiio  pilorum  inexpUcahilis,  indissolubilis,  11 
est  tellement  vrai  que  la  maladie  était  artiricielle,  que  quand  elle 
cessa  d'être  une  exemption  du  service  militaire ,  elle  devint  moins 
fréquente;  c'était  donc  une  façon  de  déformation  ethnique,  nne 
mutilation,  une  maladie  arliûcielle,  quelque  chose  comme  la  sec- 
tion de  la  queue  des  chats,  qu'on  pratique  pour  les  empêcher  d'a- 
voir le  ver,  comme  le  respect  et  l'entretien  de  Vimpetigo  du  cuir 
chevelu  des  enfants  (gourme)  destinés  à  leur  donner  la  vue  claire. 

En  Autriche,  on  fit  un  jour  le  recensement  des  pliqueux.  Le  bruit 
courut  alors  qu'on  allait  leur  faire  payer  un  impôt  :  ils  diminuè- 
rent immédiatement!  Néanmoins,  en  1872,  sur  1 000  conscrits  on 
en  trouva  encore  158.  Hirsch  avait  donc  raison  de  dire  en  1872  : 
Cest  une  pseudo-mcUadiCyUnmal  de  lêse-société.Ces^i  en  somme 
une  maladie  artificielle,  qui  a  son  point  de  départ  dans  l'ignorance 
et  peut-être  aussi  dans  le  patriotisme.  Je  m'explique  :  on  dit,  en 
effet,  qu'elle  débuta  en  1281,  à  l'époque  de  l'invasion  desTartares; 
or  les  Tartares  ayant  la  tète  rasée,  il  n'est  pas  impossible  que,  par 
protestation,  la  mode  soit  venue  de  laisser  croître  ses  cheveux  ;  la 
malpropreté  aidant,  un  eczéma  se  déclara;  les  théories  humorales 
se  chargèrent  alors  de  faire  regarder  la  chose  comme  heureuse. 

Kymris, 

Le  type  blond  d'Europe  correspond  aux  Galates,  Cimmériens, 
Belges,  Germains,  Suèves,  Alamans,  Wisigoths,  Burgondes, 


536         PATHOLOOIB   COMPARÉE   DES   RACES   HUMAINES. 

Francs,  Saxons,  Flamands ,  Normands;  il  a  son  roaximam  en 
Islande,  en  Scandinavie,  en  Danemark ,  puis  en  Hollande,  dans 
l'Allemagne  du  Nord,  en  Saxe,  en  Belgique,  aux  Iles-Britanni- 
ques, enûn  dans  le  nord  de  la  France. 

§   i.   CARACTÈRES   ANATOMO-PHTSIOLOGIQUES. 

Le  Kymri  est  grand,  blond,  dolichocéphale  ;  ses  membres  sont 
longs,  il  présente  uno  certaine  prépondérance  des  organes  digestifs 
sur  les  organes  respiratoires  ;  ainsi  les  cuirasses  faites  pour  cette 
race  ont  besoin  d*étre  moins  bombées  que  pour  les  Celtes;  le  tube 
digestif  est  plus  long,  la  tunique  musculaire  plus  épaisse  que  chez 
les  Celtes;  la  puberté  est  tardive  chez  les  Glles,  comme  chez 
les  hommes;  longissima  apud  eos  pueritia  est  (Tacite);  sur 
3840  jeunes  filles  à  Copenhague,  la  puberté  s'est  montrée,  en 
moyenne,  à  16  ans  iO  mois  5  jours;  sur  137  jeunes  filles  de  Gôt- 
tingen,  à  i6  ans  1  mois  4  jours;  le  sein  est  ici  conique,  pyriforme. 

§  S.   CARACTÈRES  PATHOLOGIQUES. 

La  carie  des  dents  est  très  fréquente  ;  le  cancer  est  moins  fréquent 
que  chez  les  Celles;  les  maladies  de  peau  sont  plus  communes. 

Beddoc  avait  déjà  remarqué  qu'en  Angleterre  les  personnes 
blondes  supportaient,  sans  sourciller,  les  plus  grandes  souffrances. 
Longtemps  avant  lui,  Végcce  (iv*  siècle)  conseillait  de  prendre, 
comme  soldats  de  choix,  les  hommes  blonds  du  Nord.  Or,  il  y  a 
quelque  trente  ans,  la  thèse  inaugurale  de  mon  ami  le  D' Topinard 
fit  un  certain  bruit  à  Paris,  lorsqu'il  annonça  que  la  mortalité 
chirurgicale,  dans  les  hôpitaux  anglais,  était  moitié  de  ce  qu'elle 
est  dans  les  hôpitaux  français!  Velpeau  comprit  toute  la  portée 
de  ce  fait  et,  trouvant  le  mot  juste,  formula  :  c  C'est  que  la  chair 
«  anglaise  diffère  de  la  chair  française».  Remplaçons,  si  vous  vou- 
lez, le  mot  chair  par  le  mot  mUieu  intérieur  et  Velpeau  aura 
formulé  la  notion  que  je  cherche  à  démontrer  dans  ce  livre. 

C'est  à  une  sorte  de  prédisposition  spéciale  de  la  chair  anglo^ 
saxonne  que  tient  la  fréquence  du  diabète  et  cela  même  en  Amé- 
rique. C'est  à  la  nature  de  la  chair  anglo-saxonne  que  tiennent  la 
fréquence  des  affections  de  l'aorte  et  du  cœur,  la  fréquence  en 
Angleterre  de  la  goutte,  beaucoup  moins  commune  en  Irlande  et 
en  Pologne  et  à  peine  connue  dans  la  race  jaune. 

Sneite  anglo-saxonne.  —  J*ai,  dans  une  autre  partie  de  ee 


SUBITE   ANOLO-SAZONNE.  S37 

livre,  à  propos  de  la  sueite,  montré  que  cette  maladie  avait  surtout 
sévi  en  Angleterre.  C'est  quelque  chose  de  bien  étrange  que  cette 
prédilection  de  la  suette  pour  TAngleterre,  et  un  médecin  da 
temps,  Jean  Kaye,  qui  se  faisait  appeler  Caius  Britannicus,  avait 
été,  comme  tous  ses  contemporains,  frappé  de  ce  fait  :  a  Cette 
«  maladie  nous  suit,  dit-il,  nous  autres  Anglais,  comme  notre 
«  ombre  ;  elle  atteint  tout  ce  qui  vivendi  raiione  et  consnetudine  fac- 
«  twn  est  britannicum  ».  Les  populations  avaient  été  elles-mêmes 
frappées  de  cette  particularité  inexplicable,  jusqu'au  jour  où,  en 
i529,  la  quatrième  épidémie  de  suette  envahit  le  Hambourg  et  de 
là  se  répandit;  on  la  regarda  dès  lors  comme  une  maladie  propre 
à  tous  les  pays,  mais  nous  pouvons  maintenant  tirer  de  cette  his- 
toire de  la  suette  des  conclusions  différentes. 

Nous  ne  saurions  admettre,  comme  on  Ta  dit^  que  ce  soit  une 
maladie  de  la  race  anglaise,  pour  cette  raison  qu'il  n'existe  pas 
de  race  anglaise,  mais  nous  ne  saurions  cependant  nous  laisser 
détourner,  par  Textension  de  1529,  de  l'idée  de  la  spécificité  de  la 
suette  pour  certaines  races  humaines.  Dans  le  Royaume-Uni,  nous 
voyons  seulement  les  pays  anglo-saxons  être  frappés;  Tlrlande, 
pays  celte,  est  au  contraire  préservée  ;  Textension  se  fait  dans  les 
pays  mêmes  d'où  sont  partis  les  Anglo-Saxons  ;  Tétude  ethnologique 
des  pays  frappés  par  la  suette  anglaise  va  nous  le  faire  comprendre. 

I..es  Angles,  les  Saxons  appartiennent,  en  effet,  ^  au  rameau 
ingévon  de  la  famille  germanique,  rameau  jadis  répandu  dans 
la  Basse-Saxe  et  la  Frise.  Tacite  parle  des  Angles  comme  d'un 
petit  peuple,  sans  avenir,  situé  dans  les  forêts  du  nord  de  la  Ger- 
manie, près  de  l'Océan  (la  Baltique).  Les  Saxons  sont  placés  par 
Ptolémée,  entre  les  bouches  de  l'Elbe  et  ce  que  nous  nommons 
aujourd'hui  le  Schleswig.  Or  ce  sont  ces  Angles  et  ces  Saxons,  qui, 
aux  V*  et  VI*  siècles  de  notre  ère,  envahissent  ce  qui  est  aujourd'hui 
la  Grande-Bretagne,  en  se  limitant  dans  la  moitié  inférieure  de 
nie,  TAngleterre  proprement  dite  ;  enfm  à  ces  Anglo- Saxons  se 
joignent,  aux  ix*,  x*  et  xi*  siècles,  deux  peuples  Scandinaves,  les 
Danois  et  les  Normands;  la  carte  de  l'extension  de  la  suette,  don- 
née plus  haut,  coïncide  avec  la  carte  ethnologique  ci-jointe  des  élé- 
ments anglo -saxons  de  l'Angleterre.  La  suette  anglaise  n'est  donc 
pas,  comme  on  l'a  dit,  une  maladie  de  la  race  anglaise,  mais  de  la 
race  anglo-saxonne  :  ainsi  comprise,  la  localisation  géographique 
de  la  suette  <u)nstitue,  je  le  crois,  un  des  éléments  les  plus  impor- 
tants et  les  plus  curieux  de  notre  étude  des  races  par  la  ^a.\.\;vQVQ%\^« 


6S8   PATHOLOGIE  COMPAREE  DB  LA  POPUUTIO.S  rsUifAlU. 

Seftrlkltno.  —  Il  en  est  presque  de  mâme  pour  In  witllIiM. 
Le  D*  Lombard  (de  Suisse)  a  constaté  que,  métae  en  Suive,  U  ks- 
latine  eft  plus  Tréqucnle  et  plus  grave  cbcz  les  AngUtU  rénâiM 
dan;  ce  pays.  La  scarlatine  semlili;  donc  encore  être  une  auUt 
de  la  race  anglo-saionne  et  de  ses  congi'^nËrcs. 

V.  t>OPULJ^TION  FRAUCAISK. 

La  nature  de  ce  livre  me  permet,  si  je  ne  m'abas«,  it  n'iai- 
ter  un  instant  du  plan  que  j'ai  suivi,  plan  qui  coosisle  à  Mute 
les  races  sans  m'occuper  des  nationalités  et  de  taire  une  tvxjHiM 
pour  la  France,  en  étudiant  spécialement  son  antAropcrfogtc  ft- 
thaloi/ique  ou  la  pulhologie  i-omparée  Je  sa  popuUlian. 

§  1.  ETHNOLOGIE  COHPLE.\E  DE  LA  FRA^ICS. 

Les  Commentaires  de  César  commencent  ainsi  :  La  Carit  (rt 
divisée  en  trois  parties  habitées  par  les  Bvlg»,  Ica  Cdies  d  la 
Aquitains;  ces  trois  peuples  diOcrent,  dit-il,  par  la  tufoc,  la 
institutions,  les  lois;  quant  aui  limites  géograpbiqun,  là  CdW 
sont  séparés  des  Aquitains  par  la  Garonne  et  dn  Bdpxparlt 
Marne  el  la  Seine,  ainsi  que  le  montre  la  carte  ci-joinle.  Ca  tfoâi 
peuples  de  César  eiisteat  encore;  ils  ne  diUcreul  pin»  que  b<t 
peu  par  la  langue,  ils  ne  difTèrcnt  plus  par  les  institiitiMUDi  for 
les  tois>  mais  ils  dilIËrent  encore  par  les  i^^pes  anatonUquc,  ftpio- 
logique  el  pattwlogiquc;  sans  doute  la  E^éqncnce  de  plu  «a  flm 
grande  des  communications  a  amené  la  Tusiun  el  ené  m  ttve 
français  mo^en,  comme  ont  disparu  les  coutumes  proiiorâla  «I 
les  patuis:  mais  derrië»  ce  ty|)e  mo.veu,  ou  reotunail  eaean  la 
origines  ethniques. 

Les  détails  dans  lesquels  je  suis  entre,  au  sujet  des 
de  l'Europe  occidentale,  me  permettent  d'être  bief  dans  l'i 
ration  des  races,  dont  les  alluvions  suecnssivcs  onl  formé  laptT*' 
lation  actuelle  de  nolic  pays.  La  race  de  ISéandetituI,  li  rac  * 
Cro-Magnon,  les  Basques,  les  Ligures,  petit  ipctjt  reroulflfc,na(ii« 
autochtones,  dont  l'cxteusion  a  élé  plus  grande  qu'elle  n'ai  m- 
jourd'hui  ;  les  Celtes,  petits,  bruns,  bracbjcépbiles,  *oul  ik»  ttf 
faiaseurs  très  anciens,  peut-être  de  l'époque  de  U  pierre  polii;!^ 
venus  d'Asie  centrale  (Galtcbas],  se  sont  éjpxa^lciOflj^dB^ 
nube,  datisYXfte«iaï,i\e.4'4'àM)i,     "     '         -     •-        -^- 


FRANCK.   CARACTÈRES  AMAT0B10-PHYSI0L0OIQUB8.       5S1> 

tagne,  aux  Iles-Britanniques.  Les  races  germaniques,  Galates, 
Gimmériens,  grandes^  blondes,  dolichocéphales,  sont  venues  après 
les  Celtes,  qu'elles  ont  refoulés  dans  leurs  montagnes  (Alpes,  Au- 
Torgne»  Bretagne)  ou  en  Irlande.  A  ce  dernier  élément  se  rappor- 
tent les  Belges  de  César,  les  Sue? es,  les  Alamans,  les  Burgondes, 
les  Lombards,  les  Francs,  derniers  envahisseurs  qui  ont  donné 
leur  nom  à  la  France.  Sidoine  Apollinaire  signale  la  chevelure 
blonde  de  ces  Francs,  leurs  yeux  glauques,  terribles^  leurs  mem- 
bres longs,  leur  peau  blanche,  leur  courage  indomptable;  ils 
étaient  dolichocéphales.  Aux  Celtes  et  aux  Germains  ajoutons  les 
races  finnoises,  mongoles,  qui  sous  le  nom  de  Huns  envahirent 
notre  pays,  les  Arabes-Sarrasins,  conquérants  éphémères  qui  ont 
cependant  laissé  quelque  peu  de  leur  sang  dans  le  midi  de  la 
France  ;  je  ne  parle  que  pour  mémoire  de  l'élément  romain. 

§  2.    CARACTÈRES  ANATOMO-PHYSIOLOGIQUES. 

Indice  nasal.  —  Les  variations  de  Tindice  nasal  nous  don- 
nent ridée  de  la  persistance,  de  Vaction  anatomique  d'une  race  ; 
l'indice  nasal  dans  notre  pays,  à  Tépoque  de  la  pierre  polie,  était 
46,93;  à  Tépoque  du  bronze,  46,89;  à  l'époque  gallo-romaine, 
46,74.  Tout  à  coup,  après  l'invasion  des  Francs,  il  devient  48,87. 
11  y  avait  donc  un  élément  mésorrhinien  apporté  par  les  Francs  ; 
au  xii*  siècle,  l'indice  nasal  des  Parisiens  est  encore  48,25  ;  au 
XTi%  il  est  redevenu  47,97;  au  xix%  46,81. 

Taille.— Nous  retrouvons  de  même, dans  la  taille  relevée  sur 
les  registres  de  la  conscription,  la  trace  de  ces  éléments  ethniques. 
Les  pays  peuplés  par  les  Celtes,  petits,  fournissent  en  effet  plus 
d'exemptions  que  les  autres  pour  défaut  de  taille  ;  une  carte  dressée 
par  Broca  sur  les  relevés  de  i  831 -i 860,  e*est-à-dire  à  une  époque 
où  la  taille  qu'il  fallait  avoir  était  de  l'^,56,  montre  quels  sont  les 
pays  où  il  y  a  le  plus  d'hommes  petits  :  dans  tout  le  nord-nord-est, 
peuplé  surtout  par  les  blonds  et  grands  Germains,  puis  dans  les 
Deux-Sèvres,  dans  la  Charente-Inférieure,  peuplées  par  lesAlains, 
grands  et  blonds,  le  nombre  des  exemptions  pour  défaut  de  taille 
est  de  24  à  56  pour  i  000.  Au  contraire  dans  l'ancienne  Gaule  cel- 
tique, dans  la  Bretagne,  l'Auvergne,  la  Savoie,  dans  les  Landes 
le  nombre  des  exemptions  pour  défaut  de  taille  est  de  84  à  174 
pour  i  000  ;  enfin,  dans  la  partie  qui  correspond  aux  pays  habités 
par  les  Aquitains,  les  Ligures,  que  les  historiens  disent  petits  et 


ft40  PATHOLOGIE  COMPARÉS  DE  LA  POPULATION  PRAITÇAISB. 

OÙ,  d'ailleurs,  la  fusion  par  voisinage  avec  les  Celles  a  po  se 
faire,  le  nombre  des  exemptés  pour  défaut  de  taille  est  de  57  à 
8i  pour  1 000,  ainsi  que  le  montre  la  carte  ci-jointe. 

Boudin  avait  fait  une  rediercbe  complémentaire;  il  avait  fait 
une  enquête  sur  les  tailles  sopérieures  à  \^,13f.,  taille  alors  exigée 
chez  les  cuirassiers;  or  les  départements  qui  ont  le  plus  d*hommes 
de  1",73  sont  précisément  ceux  qui  ont  le  moins  d^exemptîons 
pour  défaut  de  taille,  ce  sont  ceux  qui  sont  peuplés  parles  Kymris. 
Le  nombre  des  individus  qui  out  plus  de  i"y732  y  est  de  543  à 
1560  sur  10000  conscrits.  Encore  ici,  les  Deux-Sèvres  et  la  Cha- 
rente-Inférieure ont  beaucoup  de  grandes  tailles,  en  souvenir  des 
Alains.  Un  autre  département,  l'Hérault,  a  également  beaucoup 
d*hommes  grands,  ce  que  Lagneau  attribue  aux  Volces,qui  étaient 
d*origine  germanique  et  qui  sont  venus  s'établir  dans  cette  con- 
trée, il  suffit  de  consulter  la  carte  ci-jointe. 

Cette  inégalité  ethnique  dans  la  taille  porte  avec  elle  une  con- 
séquence grave,  c'est  qu^il  y  a  beaucoup  plus  d'exemptés  pour 
défaut  de  taille  dans  les  départements  celtiques  que  dans  les  dé- 
partements kymriques,  ce  qui  est  une  injustice  ;  en  outre,  tandis 
que  les  hommes  grands  sont  condamnés  au  célibat  et  exposés  à  être 
tués,  les  hommes  petits  se  marient  et  font  des  enfants.  Il  en  ré- 
sulte donc  que  la  taille  doit  diminuer  en  France  et  que  le  type 
celtique  doit  tendre  à  étouffer  le  type  kymrique.  Tenon  disait  déjà 
en  1783  :  «  La  guerre  et  surtout  les  longues  guerres  font  baisser 
«  la  taille  commune,  par  la  consommation  des  hommes  les  plus 
«  hauts  ;  »  en  effet,  on  note  une  grande  proportion  d'exemptés 
pour  défaut  de  (aille,  dans  les  classes  de  1831  à  1836,  qui  corres- 
pondaient, comme  conception,  à  i 811  et  181 6,  époque  où  la  guerre 
fauchait  tout  ce  qui  n'était  pas  trop  petit.  Aujourd'hui  il  se  crée, 
par  suite  de  plus  grande  intensité  de  relations,  une  taille  moyenne, 
qui  est  l'indice  d'une  tendance  à  l'unité  dans  la  nation. 

Les  cheveux  varient  également  :  les  marchands  qui  veulent  des 
cheveux  blonds  vont  en  Allemagne,  en  Flandre,  au  Catelet;  ceux 
qui  veulent  des  cheveux  châtains  vont  en  Bretagne,  en  Anjou; 
les  cheveux  bruns  se  trouvent  en  Auvergne,  dans  la  Haute-Loire* 

De  même  les  cordonniers  de  Strasbourg  savaient  qu'il  faut  des  se- 
melles plus  larges  pour  lespieds  alsaciensque  pour  les  piedsdu  Midi. 

Les  corsetiers  font  le  corset  long,  droit,  haut,  plat  par  derrière 
pour  les  races  blondes;  ils  le  font  court,  cambré,  arrondi  pour 
les  brunes  du  Midi. 


FRANCE.    CARACTÈRBS   ANATOMO-PHYSIOLOOIQUBS.      541 

Le  sein  des  nourrices  flamandes  est  conique,  en  forme  de  pain 
de  sucre,  tandis  que  celui  des  femmes  celtiques  est  arrondi. 

Paberté.  —  Cesi  pour  la  même  raison  que  varie  iëpoque  de 
rétablissement  des  règles  :  ainsi,  à  Marseille,  cette  fonction  ap- 
paraît à  13  ans  949,  près  de  14  ans;  à  Gœtlingen,  à  16  ans  08. 
Ritciborski  attribue  cet  effet  à  la  température  ;  on  alla  même  jus- 
qu'à formuler  cette  loi  que  :  «  chaque  degré  de  latitude  voit  des- 
c  cendre  ou  monter  d'environ  un  mois  l'époque  de  la  puberté, 
«  selon  que  Ton  s'approche  ou  s'éloigne  de  l'équateur  »  ;  à  quoi  on 
peut  répondre  que  chez  les  négresses  à  la  Jamaïque,  comme  chez  les 
Esquimaux  du  Labrador,  Tàge  moyen  de  la  puberté  oscille  entre 
i4  et  i5  ans.  Tilt  se  contente  de  dire  :  Dans  les  pays  chauds  la 
puberté  se  fait  à  13  ans  i6  jours;  dans  les  pays  tempérés,  à 
Î4  ans  4  mois  4  jours;  dans  les  pays  froids,  15  ans  iO  mois  5  jours. 

On  crut  alors  (Brière  de  Beaumont)  que  l'apparition  de  la  puberté 
variait  avec  la  situation  sociale  :  14  ans  10  mois  pour  les  pauvres^ 
i4  ans  5  mois  pour  Vaurea  mediocritas,  13  ans  8  mois  pour  les 
riches.  Or  ni  Tune  ni  Tautre  de  ces  appréciations  exclusives  ne 
résiste  aux  faits  :  à  Marseille  la  puberté  a  lieu  à  13  ans  11  mois 
i  3  jours  ;  à  Gorfou,  à  14  ans  ;  aux  Sables-d'Olonne  (colonie  basque), 
à  14  ans  8  mois  18  jours;  à  Lyon,  à  15  ans  5  mois;  à  Paris,  à 
14  ans  8  mois  14  jours. 

La  vérité  est  que  les  blondes  aux  yeux  bleus  sont  réglées  plus 
tard  que  les  brunes;  les  Kymris  plus  tard  que  les  Celtes.  D'après 
le  D'  Marc  d'Espine,  les  races  blondes  sont  réglées  après  15  ans; 
les  races  brunes  avant  15  ans;  relativement  aux  races  germaniques. 
Tacite  avait  déjà  remarqué  leur  peu  de  précocité  :  «  sera  juvenum 
c  venus  nec  virgines  fcstinanturia ,  Quant  aux  Celtes,  qu'on  voit 
pubères  de  bonne  heure  dans  le  Cumberland  (ancienne  Cambrie), 
au  nord-ouest  de  l'Angleterre,  Hoël  inscrivait  en  940,  parmi  les 
lois  de  leur  pays,  que  la  jeune  fille  arrivée  à  Tàge  de  12  ans  de- 
vait être  pourvue  d'un  mari.  La  race  celtique  était  donc  précoce 
là  où  elle  était  pure,  malgré  le  climat  septentrional  !  En  général, 
pour  la  France,  on  peut  dire  que  les  anciens  pays  ligures  sont 
précoces  :  la  puberté  y  a  lieu  à  14  ans  1  mois  13  jours;  dans  les 
pays  celtes,  à  14  ans  1 1  mois  13  jours  ;  enfm  dans  les  pays  kymris, 
à  15  ans  8  mois  28  jours. 

Un  caractère  des  Celtes  serait  la  lenteur  du  pouls;  le  D'Gros 
avait  déjà  signalé  le  peu  de  rapidité  du  mouvement  du  cœur  chez 
les  Bretons;  le  D'  Regnard,  dans  les  ambulances^  s^tXfôà  \ûsîàv- 


542  PATHOLOGIB  COMPARÉE  DE  LA  POPULATION  rRANÇAISB. 

lises  de  la  Bretagne,  a  constaté  le  même  phénomène.  Le  D'  de 
Ransea  fait  la  même  remarque  :  le  pouls  se  maintenait  à  56-52;  s 
la  fièvre  survenait,  il  montait  à  66-70.  La  température  était  peo 

élevée  (37%5). 

§   3.   CARACTÈRES  PATHOLOGIQUES. 

Morimllté.  —  La  mortalité  générale  en  France,  bien  qu'infloen* 
cée  par  des  conditions  très  diverses,  conditions  da  climat,  condi- 
tions sociales  ou  autres,  semble  varier  dans  un  certain  rapport  avec 
la  race.  Diaprés  Bertillon,  la  vie  moyenne  des  Bretons  (Celtes)  serait 
plus  courte  que  celle  des  Normands  (Scandinaves),  lians  les  pays 
ligures  (méditerranéens),  la  mortalité  infantile  de  0  à  5  ans  est 
énorme  ;  dans  les  départements  d'origine  celtique,  la  mortalité  est 
assez  élevée  aux  âges  moyens  de  la  vie,  de  20  à  40  ans  et  au  delà; 
au  contraire,  dans  le  nord  et  en  Normandie,  là  où  le  peuplement  a 
été  fait  par  les  Danois,  les  Scandinaves,  les  Norwégiens,  ks  North- 
mans,  la  mortalité  est  assez  faible;  précisément  dans  les  pays  Scan- 
dinaves mêmes,  la  mortalité  est  encore  aujourd'hui  faible!  Tai  dit 
que  les  races  Scandinaves,  germaniques,  anglo-saxonnes  présen- 
taient une  grande  résistance  au  traumatisme,  et  j*ai  cité  Beddoè, 
Topinard,  Yelpeau,  or  nous  ne  savons  pas  jusqu*à  quel  point 
cette  résistance  n'a  pas  été  transmise  à  nos  compatriotes  du 
nord.  Lagneau  est  même  tenté  d'attribuer  en  partie  à  la  race  les 
succès  d'ovariotomic  obtenus  par  Koeberlé  sur  les  Alsaciennes. 

8uette  plearde.  —  J*ai  dit  que  la  suette  qu^on  a  nommée 
suette  anglaise  aimait  la  race  blonde  anglo-saxonne;  il  semble  que, 
en  proportion  avec  la  représentation  de  l'élément  kymrique  dans 
notre  population,  la  suette  anglaise  soit  représentée  chez  nous  par 
un  diminutif,  ainsi  de  même  que,  au  milieu  delà  population  kym- 
rique pure,  on  voit  la  suette  anglaise,  de  même  au  milieu  de  nos  po- 
pulations blondes  dérivées  des  Kymris  on  voit  la  suette  picarde; 
c'est  à  Leipzig,  qu'en  i652  apparaît  pour  la  première  fois  cette 
suette  amoindrie,  cent  vingt-trois  ans  après  l'extension  de  la  suette 
anglaise.  Soixante-six  ans  plus  tard,  elle  semble  se  fixer  en  Pi^ 
cardie,  pays  où  domine  l'élément  le  plus  rapproché  des  races  angkh 
saxonnes;  si  bien  qu'on  dit  la  suette  picarde,  comme  on  avait  dit 
la  mette  anglaise.  Petit  à  petit  elle  s'acclimate,  descend  plus  vers 
le  midi  en  France  :  on  la  voit  en  Normandie ,  dans  les  pays  des 
blonds  Burgondes,  la  Franche-Comté,  la  Bourgogne;  de  petili 


FRANCE.   CARACTÈRES   PATHOLOGIQUES.  543 

foyers  éclatent  çà  et  là.  Â  Rottingen,en  i802  (en  Franconie),  ap- 
parition le  25  novembre;  Tépidémie  dura  12  jours,  puis  s^arréta 
brusquement  le  5  décembre,  époque  où  le  thermomètre  s^abaisse 
brusquement.  Petite  épidémie  en  i82i  (Beauvais),  en  1845  (Poi- 
tiers); enûn  en  4835  (Espagne);  en  1849  (nord  de  Htalie);  1856 
(Hollande);  en  1864  (Kissingen).  Mais  ces  épidémies  sont  sans 
gravité,  sans  durée  ;  le  milieu  que  représente  notre  population,  ou 
celui  que  représente  notre  climat,  ne  convient  pas  à  ce  ferment. 

^litlilsle. — La  phtbitie  est  de  même  moins  commune  en  France 
qu'en  Angleterre,  moins  commune  dans  le  midi  qu'au  nord;  or  il 
n'y  a  pas  là  qu'une  différence  de  climat  ;  il  y  a  la  différence  de  race. 

CMe«la*  —  La  maladie  calcuUuse  passe  pour  rare  en  Alsace  ; 
en  revanche  elle  est  très  fréquente  en  Lorraine  ;  le  docteur  Castère 
(de  Lunéville)  fournit  un  tableau  de  1527  calculeux  lorrains 
traités  en  quatre-vingt-dix  ans,  dont  103  de  Nancy  et  90  de  Luné- 
ville.  On  comprend  pourquoi  Stanislas  (de  Pologne)  avait  fondé  à 
Lunéville  on  établissement  pour  les  calculeux  de  la  contrée! 

iBArmllés. —  Boudin  avait  déjà  remarqué  que  les  jeunes  gens 
exemptés  pour  cause  d'infirmités  étaient  moins  nombreux  en 
France  qu'en  Allemagne;  de  même  il  vit  que  l'aptitude  au  service 
militaire  est  moindre  dans  les  départements  du  nord  que  dans  ceux 
du  midi,  dans  les  départements  de  race  kymrique  ou  normande 
que  dans  ceux  de  race  celte  :  ainsi  le  nombre  des  exemptés  pour 
infirmités  est  de  327,8  pour  1  000  dans  les  départements  de  la 
Manche,  du  Calrados,  de  l'Orne,  de  l'Eure,  de  la  Seine-Inférieure  ; 
tandis  qu'il  est  de  216,3  pour  1 000  dans  les  départements  celtes 
du  Finistère,  des  Côtes-du-Nord,  du  Morbihan,  d'Ille-et-Vilaine, 
de  la  Loire-Inférieure  et  de  la  Mayenne,  ainsi  qu'on  le  voit  sur  la 
carte  ci-jointe. 

La  répartition  des  infirmités  en  particulier  à  la  surface  du  terri- 
toire est  essentiellement  en  rapport  avec  la  proportion,  dans  cha- 
que pays,  des  éléments  ethniques  que  nous  venons  de  passer  rapi- 
dement en  vue  : 

,  Mjople. —  Ainsi  la  myopie  est  de  beaucoup  plus  fréquente 
qu'ailleurs  dans  les  départements  aquitains  et  jigures  :  ba  fré- 
quence est  de  517^8  sur  100000  conscrits,  dans  les  départements 
de  la  Gironde,  Lot-et-Garonne,  Gers,  Tarn-et-Garonne,  Haute- 
Garonne,  Hautes-Pyrénées,  Basses-Pyrénées,  Ariège,  Aude,  Pyré- 
nées-Orientales, Hérault,  Gard,  Bouches-du-Rhône,Vaucluse,Var, 
Basses-Alpes  ;  elle  est  de  372  pour  100000  dans  les  déçaxt&\&ft.tl^& 


544    PATHOLOGIE  COMPARÉB  DB  U  POPULATION  FRANÇAISE. 

celles  du  Finistère,  des  Côtes-du-Nord,  du  Morbihan.  d'Hier- 
Vilaine,  Loire-Inférieure,  de  la  Mayenne,  dans  ceux  du  Lot,  Cor- 
rèze.  Cantal,  Creuse,  Puy-de-Dôme,  Haute-Loire,  Jmîre,  Indre-et- 
Loire,  Allier,  Cher,  Nièvre,  Loiret,  Rhône,  Maine-et-Loire,  et 
même  dans  les  départements  normands  de  la  Manche  et  du  Cal- 
vados; enfin  le  nombre  des  myopes  est  seulement  de  i66  à  i73 
pour  iOO  000  dans  les  départements  de  rOrne,  Seine-Inférieure, 
Eure,  Eure-et-Loir,  Seine-et-Oise,  Seine,  Oise,  Somme,  Pas-de- 
Calais,  Nord,  Aisne,  Seine-et-Marne,  Moselle,  Daute-Marne. 

Carie  deatalre.  —  La  carie  dentaire  est  de  beaucoup  plus 
fréquente  chez  les  Kymris-Normands,  puis  chez  les  Ligures,  enâo 
chez  les  Celtes.  Ainsi  le  nombre  des  exemptés  pour  cette  cause 
est  de  1917  sur  100000  dans  les  départcmcnls  de  TAisne,  du 
Pas-de-Calais,  Seine-et-Marne,  Ardennes.  Eure-etrLoir,  Orne, 
Somme,  Calvados,  Seine-el-Oise,  Oise,  Seine-Inférieure,  et  de 
TEure.  Il  est  de  ol9  pour  iOOOOO  dans  les  départements  de  Yau> 
cluse,  Basses-Alpes,  Var,  Bouches-du-Khône  et  dans  la  Dordogoe  ; 
de  124  à  177  pour  i 00000  dans  les  départements  celtes  de  la  Bre- 
tagne et  du  centre  de  la  France  :  Finistère,  Morbihan,  Mayenne, 
Côtes-du-Nord,  lUe-et-Vilaine,  Puy-de-Dôme,  Haute -Loire,  Rhône, 
Cantal,  Corrèze,  Loire,  Drôme,  Allier,  Ain,  Lozère,  Ardècbe, 
Saône-et-Loirc,  Isère,  Hautes-Alpes,  Aveyron,  Nièvre,  Cher. 

Hernies. —  Leshernies  sont  également  plus  fréquentes  chez  les 
Normands  que  chez  les  Celtes  :  le  nombre  des  exemptions  qu'elles 
entraînent  est  de  2 190  pour  100  000,  dans  la  Manche,  le  CaWados, 
la  Seine-Inférieure,  TOrne,  l'Eure,  et  de  i  0^5  à  1  300  pour  iOOOOO 
dans  rille-et-Vilaine,  Morbihan,  Côtes-du-Nord,  Finistère,  Loire- 
Inférieure,  Ardèche,  Aveyron,  Creuse,  Puy-de-Dôme,  Lozère,  Lot, 
Loire,  Haute-Loire,  Indre,  Cantal,  Allier. 

Varices.  —  Les  varices  figurent  pour  3  007  exemptions  sur 
IOOOOO  conscrits  dans  les  départements  normands  de  la  Manche, 
du  Calvados,  de  la  Seine-Inférieure,  de  TOrne,  de  l'Eure;  pour 
1224  à  1370  pour  IOOOOO  dans  les  départements  celtes  delà 
Bretagne,  Morbihan,  Côtes-du-Nord,  Loire-Inférieure,  Finistère, 
llle-et-Vilaine,  Tarn,  Ardèche,  Haute-Loire,  Puy-de-Dôme,  Loire, 
Aveyron,  Lozère,  Haute- Vienne,  Lot,  Allier,  Corrèze,  Greose» 
Dordognc,  indrc,  Vienne,  Cantal. 

¥arleoeéle.  —  La  carte  des  exemptions  pour  varicocèU  est 
presque  identique  et  superposable  à  celle  des  exemptions  pour  va- 
rices :  le  chiffre  des  exemptions  pour  cette  cause  est  de  1 783  pour 


PRANCE.    CàRACTftRES   PATHOLOGIQUES.  ft45 

100000  dans  la  Manche,  le  CaWados,  la  Seine- Inférieure,  TOrne, 
l'Eure,  et  de  453  à  570  pour  100000  dans  les  départements  celtes. 

Dans  une  remarquable  étude  sur  la  géographie  médicale  de  la 
France,  Chervin  a  réuni  un  grand  nombre  de  tableaux  auxquels 
j^emprunte  les  détails  qui  vont  suivre  : 

Faiblesse  de  eoascltailoii.  ~  C'est  surtout  la  Sologne  qui 
fournit  la  plus  grande  partie  des  faibles  de  constitution.  Or,  la 
Sologne  a  été  pendant  longtemps  et  est  encore  aujourd'hui,  quels 
que  soient  les  progrès  réalisés,  un  pays  sablonneux,  insalubre, 
pauvre,  où  la  population  se  nourrit  mal  ;  dès  lors  il  n'y  a  rien 
d'étonnant  à  ce  qu'il  produise  une  population  débile. 

Le  Rhône,  l'Ain  et  l'Isère  forment  un  heureux  groupe  où  les 
exemptés  pour  faiblesse  de  constitution  sont  rares,  tandis  qu'aux 
environs,  surtout  à  l'ouest,  le  département  de  la  Loire  en  compte 
au  contraire  une  grande  quantité. 

GoAvalsIoms.  —  Les  convulsions  sont  fréquentes  dans  deux 
groupes  différents  :  d'une  part  dans  la  Normandie,  d'autre  part 
dans  certains  départements  alpins,  tels  que  la  Savoie,  les  Hautes- 
Alpes,  les  Alpes-Maritimes  et  surtout  les  Basses-Alpes,  auxquels  on 
peut  joindre  le  département  de  Vaucluse. 

Dans  la  Normandie,  le  Coteutin  et  l'Avranchin  à  l'ouest,  le 
pays  de  Caux,  le  Vexin,  le  Lieuvain,  le  paysd'Auche,  les  Marches 
à  l'est  sont  les  plus  frappés,  tandis  qu'entre  ces  deux  groupes  se 
placent  le  Bessin,  le  Bocage  et  le  pays  d'Auge, qui  ont  au  contraire 
une  moyenne  extrêmement  basse. 

Strabisme.  —  Le  strabisme  est  plus  fréquent  dans  le  nord, 
par  exemple  dans  la  Normandie,  l'Artois,  la  Picardie,  la  Champa- 
gne, les  Flandres. 

Bé^aes.  —  Quant  au  bégayemcnt,  dans  lequel  il  est  si  compé- 
tent, Chervin  le  regarde  comme  moins  fréquent  au  nord  qu'au 
midi;  le  nord-est  est  en  particulier  plus  épargné  que  le  sud-est. 

Le  midi  compte  bien  plus  de  bègues  que  le  nord,  parce  que 
dans  les  pays  froids,  les  habitants  sont  plus  réfléchis,  plus  mo- 
dérés, tandis  que  dans  les  pays  chauds,  ils  sont  irascibles,  em- 
portés et  indolents  tout  à  la  fois. 

Toujours  d'après  Chervin,  les  bègues  sont  nombreux  sur  la 
route  des  vents  polaires  :  la  Manche  et  le  golfe  de  Gascogne  ;  plus 
nombreux  encore  sur  la  route  du  mistral  :  vallée  du  Rhône,  côte  du 
Languedoc  et  de  la  Provence. 

De  toutes  les  causes  qui  influent  sur  la  production  d\i  V^^v^^- 
oioGiu  mAd.  ^^ 


546  PATHOLOGIE    GÉNÉRALE  COMPARÉE. 

ment  et  qui  par  conséquent  permettent  d'expliquer  la  distribution 
géographique  de  cette  infirmité,  les  plus  fréquentes  sont  les  causes 
morales,  les  chutes,  les  frayeurs  et  les  émotions  vives,  toutes  choses 
qui  dépendent  en  grande  partie  du  milieu  dans  lequel  on  vit. 
Aussi  voyons-nous  par  exemple  les  départements  où  les  écoles  sont 
le  plus  fréquentées,  présenter  moins  de  bègues  que  dans  ceux 
où  elles  le  sont  peu. 

Snrdl- mutité.  —  La  surdi- mutité  a  son  maximum  (3,i0  à 
3,66  pour  1000)  dans  la  Haute-Savoie,  la  Savoie,  les  Hautes-Alpes, 
puis  dans  le  Cher,  la  Creuse  et  l'Indre-et-Loire. 

Alléaatioa  neatale.  —  L^aliénation  mentale  est  surtout  fré- 
quente (1,35  à  \  ,60  pour  1000)  dans  le  Pas-de-Calais,  la  Somme,  les 
Ardennes,  Loir-et-Cher,  Indre-et-Loire,  Maine-et>lx)ire,  Creuse, 
Puy-de-Dôme. 

Épllepsie.  —  LY'pilepsie  n  de  beaucoup  son  maximum  (5  à 
6  pour  1000)  dans  la  Lozère,  les  Landes,  la  Haute-Garonne. 


CHAPITRE  III. 

PATHOLOGIE    GÉNÉRALE   COMPARÉE 

DES   TEMPÉRAMENTS, 

DES    ÉTATS   PHYSIOLOGIQUES   OU   PATHOLOGIQUES, 

DES    SEXES,    DES   AGES. 

§    I.   TEMPÉRAMENT. 

Si,  au  lieu  de  considérer  la  race  en  bloc,  nous  considérons  dans 
chaque  race  les  individus,  nous  voyons  que  le  milieu  intérieur, 
tout  en  restant  celui  de  la  race,  varie.  Un  exemple  vulgaire: 
chaque  race  a  son  odeur  et  cependant,  sous  cette  commune  odeur, 
le  chien  reconnaît  la  nuance  individuelle  de  son  maître  ;  de  même, 
bien  que  d^une  même  race,  nous  ne  sommes  pas  tous  égalemeot 
propres  à  prendre  les  maladies  :  il  y  a  des  gens  chez  qui  le  vaedn 
n*a  jamais  pris;  il  y  a  des  individus  réfractaires  à  la  syphilis.  H 
y  a  déjà  longtemps  que  Liebig  a  dit  :  «  Le  sang  d'hommes  de  tem- 
«  péraments  dilférents,  quoiqu*habitant  le  même  pays,  émet  une 
«  odeur  différente  »,  mais  ces  différences,  parfois  accessibles  à  nos 


ÉTAT    PHYSIOLOGIQUE.  547 

sens,  sont  plus  visibles  encore  pour  la  chimie,  et  la  réceptiiW, 
morbide  individuelle  varie  suivant  les  individus  d'une  même  race 
avec  TtHat  chimique  des  humeurs,  qui  correspond  à  ce  qu*on  nomme 
le  tempérament;  c'est  ainsi  que  les  teignes,  le  favus  trouvent  chez 
les  enfants  scrofuleux  un  milieu  favorable  et  n'atteignent  guère 
qu*eux.  Virey  a  dit  excellemment  :  «  Parmi  tous  les  individus  d'une 
c  même  race  humaine  il  se  trouve  des  idiosyncrasies  ou  des  natures 
«  particulières  qui  les  difTérencient  (proportion  variable  des  li- 
aquides  et  des  solides,  prédominance  nerveuse,  etc.);  tous  les 
(c  tempéraments  ont  leur  influence  sur  les  actions  de  Tindividu, 
«  commesur  le  gouvernement  des  nations».  Les  tempéraments,  ab« 
solument  comme  les  espèces,  les  races,  les  sexes  et  les  âges,  doi- 
vent donc  leur  aptitude  diverse  aux  maladies,  ù  des  raisons  anato- 
miques;  ces  différences  tiennent  à  des  différences  de  proportion  de 
Talbumine,  de  la  fibrine,  etc.,  dans  le  san^;  c'est  ainsi  que  le  Pt- 
tyiiasis  vcrsicolor  est  surtout  fréquent  chez  les  phthisiques  et 
chez  les  arthritiques  et  que  VérysipHc  atteint  de  préférence  les 
convalescents. 

Qaalilé  des  hamears.  —  L*aptitu(le  morbide  est  si  bien  due 
à  une  question  de  chimie,  qu'il  suffit,  dans  certains  ras,  de  chan- 
ger la  nourriture  d'un  animal,  pour  modifier  complètement  son 
aptitude  morbide.— Ainsi  une  expérience,  répétée  plusieurs  fois  par 
Tesser  (de  Munich),  lui  a  montré  ()ue  les  rais  blancs,  lorsqu'on  les 
nourrit  avec  de  la  viande,  sont  réfractairesauc/iarôon;  chez  ceux 
qui,  au  contraire,  ne  mangent  que  du  pnin,  l'inoculation  réussit, 
et  tel  animal  qui  a  résisté  aux  inoculations,  tant  qu'il  a  mangé 
de  la  viande,  perd  toute  immunité  une  fois  qu'il  n*est  plus  nourri 
que  de  pain.  Cela  nous  montre  que,  pour  que  la  bactéridie  se 
plaise  à  vivre  dans  le  sang,  il  faut  qu'elle  y  trouve  non  seule-* 
ment  une  température  donnée,  mais  un  état  chimique  donné. 

C  est  parce  que  les  tempéraments  varient  que,  dans  une  mémo 
race,  varie  l'aptitude  individuelle.  Ainsi,  le  chien  passe,  à  bon 
droit,  pour  avoir  de  l'aptitude  à  prendre  la  rage,  et  cependant  les 
inoculations  faites  à  cet  animal  ne  réussissent  que  dans  la  propor- 
tion de  2/5  ou  2/3.  Hertu^ig,  dans  l'espace  de  trois  ans,  a  inoculé  le 
même  chien  trois  fois,  sans  succès.  La  morve  n'est  pas,  non  plus, 
fatalement  inoculable  au  cheval  :  dans  la  première  année,  l'ino* 
culation  réussit  même  rarement.  Toutes  ces  différences  tiennent 
à  des  différences  dans  la  qualité  des  humeurs. 


548  PATHOLOGIE   GÉNÉRALE   COMPARÉS. 

§  2.   ETAT  PHTSIOLOGIOUE. 

Jeune.  —  Être  à  jeun  constitue  déjà  une  condition  d^aptitode 
morbide  :  optimum  medicamenttim  cibus  opportunus  (Gelse).  Aussi 
dans  les  pays  à  ûèfres,  est-il  populaire  qu*il  convient  de  ne  jamais 
sortir  sans  avoir  mangé  ;  Talcool  et  tous  les  poisons  s'absorbent 
plus  vite  à  jeun,  et  Celse  disait  avec  raison  :  lUud  ignorari  non 
oportet,  omnis  serpentis  ictum  et  jejuni  et  jejuno  magis  nocere. 
Cl.  Bernard  a  d'ailleurs  montré  que  le  chien,  en  digestion,  sup- 
porte telle  dose  de  curare  qui  le  tuera,  s'il  est  à  jeun. 

Qnaailté  des  humears.  —  A  celte  condition  de  Tétat  de  plé- 
nitude ou  de  vacuité  des  organes  absorbants  il  en  faut  joindre  une 
autre  :  la  masse  du  sang  a  son  influence  sur  Taptitude  et  sur  Tim- 
munité  morbides  des  races  et  des  individus.  Cl.  Bernard  a,  en  effet, 
montré  que  Tabsorption  augmente  ou  diminue  à  mesure  que  la 
masse  du  sang  diminue  ou  augmente  :  il  retire  à  un  chien  une 
demi-livre  de  sang  et  lut  donne  un  poison  violent  ;  tel  effet  qui 
n'aurait  dû  se  produire,  si  on  n'avait  pas  saigné  Tanimal,  qu'après 
deux  minutes,  se  produit  alors  après  trente  secondes;  rabsorption 
s'est  donc  faite  quatre  ou  cinq  fois  plus  vite.  Mais  si  Ton  remplace 
la  demi-livre  de  sang  par  une  demi-livre  d'eau,  la  rapidité  d'ab- 
sorption revient  à  son  taux  normal. 

Rut.  —  Pour  une  même  espèce^  une  même  race,  un  môme 
sexe,  un  même  âge,  un  même  individu,  Vaptitude  morbide  varie 
avec  certains  états  physiologiques  :  chez  la  grenouille  en  rut, 
l'arsenic  n'a  pas  le  même  pouvoir  toxique  que  chez  la  même  gre» 
nouille  à  l'état  normal. 

Grossesse.  —  Pendant  sa  grossesse,  la  femme  n'a  ni  les  mêmes 
aptitudes  ni  les  mômes  immunités  morbides,  qu'avant  ou  apr^ 

La  scarlatine  est  alors  fréquente  chez  elle. 

On  observe  de  môme  chez  les  brebis  pleines  une  aptitude  mor- 
bide spéciale. 

§   3.    ÉTAT  PATHOLOGIQUE. 

L'état  pathologique  antérieur  possède  également  une  influence; 
le  professeur  Verneuil  a  montré  que  les  diathèses  influent  sur  la 
marche  des  blessures  accidentelles  et  des  blessures  chirurgicales  : 
il  a  montré,  en  outre*  que  ces  blessures  sont  souvent,  les  unes  et 
les  autres,  une  cause  d'éclosion  ou  mieux  d'explosion  des  mala- 
dies constitutionnelles.  C'est  ainsi  qu^un  coup  reçu  sur  ïtpied  a 


SEXE.  649 

|.u  déterminer  une  première  attaque  de  goutte;  c'est  pour  la  même 
aptitude  locale  que  deux  hommes,  dont  Tun  sera  boulanger,  se 
serrant  surtout  de  ses  bras,  et  Tautre,  facteur  rural,  se  servant 
de  ses  jambes,  seront  pris,  dans  le  même  courant  d^air,  Pun  d*une 
arthrite  rhumatismale  du  bras,  l'autre  d'une  arthrite  du  genou  ;~ 
si  la  fonction  fait  l'organe,  elle  fait  aussi  la  localisation  morbide. 
Certaines  maladies,  la  scarlatine  par  exemple,  s'attaquent  souvent 
aux  opérés  avec  une  certaine  préférence. 

Le  surmenage  est  une  cause  d'aptitude  morbide  bien  connue  ;  ce 
sont  les  chevaux  surmenés  qui  prennent  le  plus  la  morve  (Bouley), 
et  Galien  avait  déjà  remarqué  la  morbidité  et  la  mortalité  consi- 
dérables des  athlètes.  L'alcoolisme,  la  misère,  le  chagrin,  agis- 
sent de  même;  en  somme,  le  déterminisme  du  terrain  n*a  pas 
moins  d'importance  que  celui  de  la  graine.  Ainsi  le  diabète,  la 
tuberculose,  la  stéatose  du  foie,  sont  des  contre-indications  chi- 
rorgicales  formelles. 

Si  les  états  pathologiques  antérieurs  créent  parfois  laptitude 
pathologique,  ils  peuvent  aussi  amener  l'immunité  ;  i\  me  suftira 
de  citer  ici  Vantagonisme  pathologique  entre  la  tuberculose  et  la 
fièvre  paludéenne. 

§  4.    SEXE. 

La  différence  des  sexes  ne  consiste  pas  uniquement  dans  la  diffé- 
renciation de  certains  organes;  il  y  a  des  caractères  sexuels  dans 
la  proportion  des  membres,  dans  le  crâne,  dans  Taspect  extérieur, 
dans  rintelligence  ;  il  y  a  de  même  des  difTérences  physico-chimi- 
ques, qui  sont  sexuelles  et  qui  font  que  certaines  maladies  infec- 
tieuses prennent  les  femmes  plus  que  les  hommes;  la  scarlatine, 
la  tuberculose,  la  choréc,  la  chlorose,  Tacné  rosé,  les  maladies 
nerveuses  sont  plus  fréquentes  chez  elles;  Faction  des  médica- 
ments est  loin  d'être  la  même  chez  la  femme  que  chez  Thomme. 

Les  eunuques  et  les  animaux  hongres  ont  de  même  des  apti- 
udes  morbides  spéciales  ;  ainsi,  chez  Teunuque,  on  observe  de 
préférence  la  tuberculose,  le  calarrhe  pulmonaire  chronique,  l'em- 
physème, le  pityriasis,  l'iclhyose,  Tobésité  ;  nos  animaux  de  bou- 
cherie en  sont  une  preuve.  Chez  les  castrats,  l'activité  nutritive  est 
augmentée,  tandis  que  les  dispositions  morbides,  qui  sont  sous 
rînfluence  de  la  génération,  s'effacent  naturellement. 

Les  animaux  mâles  qui  ont  une  plus  grande  vigueur  de  l'ap- 
pareil locomoteur,  une  richesse  plus  grande  de  sang,  ont  aus&v 


550  PATHOLOGIE   GÉNÉRALE   COMPARÉE. 

des  maladies  inflammatoires  plus  violentes  ;  chez  les  femelles,  la 
phénomènes  nerveux  dominent. 

§  5.    AGE. 

Depuis  la  naissance  jusqu'à  la  mort,  l'organisme  évolue  en 
suivant  une  marche  de  moins  en  moins  accélérée;  la  première 
dentition,  la  deuxième  dentition,  la  puberté,  Tossification  succes- 
sive des  sutures  du  crâne  constituent  la  ligne  ascensionnelle;  puis, 
en  descendant,  Tàge  de  retour,  caractérisé  par  la  disparition  des 
phénomènes  dont  Téclosion  avait  fait  la  puberté,  le  retard  de  plus 
en  plus  long  de  révolution  jusqu^à  Tarrét  organique,  constituent 
les  étapes  successives  que  nous  nommons  enfance,  adolescence, 
jeunesse,  âge  adulte,  vieillesse.  Or,  les  dispositions  chiraico-aoa- 
tomiques  propres  à  chacune  de  ces  étapes  sont  susceptibles  de 
donner  à  l'individu  des  maladies  spéciales  et  une  conformation 
spéciale  variant  suivant  les  âges.  Il  se  fait  à  chaque  âge,  dans 
Tordre  physico-chimique,  moléculaire,  microscopique,  une  évolu- 
tion parallèle  à  révolution  macro-anatomique.  Ce  sont  des  modi- 
fications anatomiques  bien  réelles,  quoique  pour  nous  invisibles, 
qui  font  que  chaque  âge  a  non  seulement  «  ses  goûts  et  ses  plai- 
sirs», mais  aussi  ses  maladies  :  dans  la  première  enfance  on  ob- 
serve une  grande  sensibilité  au  refroidissement,  qui  tue  chaque 
année  un  si  grand  nombre  de  nouveau-nés;  plus  tard  apparaît  la 
prédominance  du  système  lymphatique  absorbant  ;on  observe  alors 
la  fréquence  de  la  scrofule,  de  la  tuberculose,  des  fièvres  éruptives  ; 
au  développement  cérébral  correspond  la  fréquence  des  méningites. 
D'après  Bertitlon,  de  0  à  5  ans,  on  observe  les  maladies  du  pou- 
mons, du  cerveau,  le  choléra  infantile,  la  scarlatine  ;  de  5  à  10  ans, 
la  scarlatine,  la  fièvre  typhoïde,  la  phthisie;  de  iO  à  20  ans,  la 
phthisie,  la  fièvre  typhoïde;  après  20  ans,  la  phthisie!  La  récepti- 
vité pour  la  variole  et  les  autres  fièvres  éruptives  est  plus  grande 
dans  l'enfance  ;  Woodville  estime  que  les  enfants  sont  réfraclaires 
à  la  variole  dans  la  proportion  de  i  sur  60  et  les  adultes  dans  U 
proportion  de  i  sur  20.  L'aptitude  du  jeune  âge  à  prendre  les 
maladies  infectieuses  n'est  cependant  pas  absolue;  ainsi,  lorsque 
Ton  fait  manger  à  une  poiUe  avec  son  grain  les  microbes  du  du>iéra 
des  poules,  elle  prend  infailliblement  la  maladie;  lorsqu'au  con- 
traire Pasteur  a  fait  la  même  expérience  avec  de  jeunes  poussins 
il  les  a  trouvés  réfractaires!  Us  résistaient  de  même  aux  inocula* 


ÂGE.  651 

tions  sous-cutanées.  La  fièvre  typhoïde  elle-même  fait  bien  plus 
de  victimes  chez  les  adolescents  que  chez  les  jeunes  enfants. 

L'acerolssenieiit  varie  salvanC  les  raees.  —  Mais  cette 
évolution  des  âges  ne  se  fait  pas  du  même  pas  dans  toutes  les 
races.  Les  troubles  de  la  dentition  ne  se  font  pas  dans  toutes  les 
races  à  la  même  époque  et  avec  la  même  intensité.  L'accroissement 
de  ia  taille  ne  se  fait  pas  non  plus  avec  la  même  vitesse  dans  toutes 
les  races,  fait  important  au  point  de  vue  de  la  conscription  mili- 
taire. Ainsi  en  France,  chez  nos  Celtes,  la  croissance  est  lente  et 
n'est  pas  achevée  à  2a  ans  ;  chez  les  Kymris,  la  croissance  est  ra- 
pide, elle  est  achevée  à  25  ans.  Ghampouillon,  en  examinant 
pour  la  garde  nationale  mobile,  en  1868,  des  hommes  qui  avaient 
été  refusés  en  1864-65-66  pour  défaut  de  taille,  vit  donc  que  sur 
iOO  refusés  de  1864  pour  taille,  71  atteignaient  en  1868  la  taille 
réglementaire;  sur  100  refusés  de  1865  il  en  trouva  55  qui  étaient 
arrivés  à  la  taille;  sur  100  de  1866  il  en  vit  45. 

La  durée  et  l'intensité  du  développement  intra-utérin  varient 
chez  le  nègre  et  chez  le  blanc  :  la  durée  de  la  grossesse  est-elle  la 
même?  nous  l'ignorons.  Ce  que  nous  savons,  c^est  que  Pintensité 
de  Taccroissement  intra-utérin  est  plus  grande  chez  le  blanc  que 
chez  le  noir;  d'après  Hamy,  voici  en  effet  les  longueurs  du  blanc 
et  du  noir  au  même  âge  : 

4  mois,  blanc 138  millim. 

—  noir 109      — 

5  mois,  blanc 256      — 

—  noir 201      — 

6  mois,  blanc 814      ^ 

—  noir 250  — 

7  mois,  blanc 380  — 

—        noir 265  — 

8  mois,  blanc 416  — 

—  noir 365      — 

9  mois,  blanc 485      — 

—  noir 420      — 

Ce  fait  a  d'abord  pour  conséquence  la  facilité  des  accouchements 
dans  la  race  noire  ;  il  en  aurait  une  autre  d'après  Meckel,  s'il  faut 
admettre  avec  lui  que  les  premières  étapes  de  l'organisation  sont 
parcourues  d'autant  plus  vite,  que  l'animal  doit  atteindre  un  rang 
plus  élevé;  mais  cela  nous  entraîne  à  un  ordre  de  considérations  qui 
ne  doivent  trouver  place  que  dans  la  troisième  partie  de  ce  volume* 


55t  PATHOLOGIE   GÉNÉRALE   COMPARÉE. 


CHAPITRE  IV. 

DE   l'aptitude   et   DE   l'iMMUNITÉ    MORBIDES, 

VAGGINATION. 

L'aptitude  peut  naître  tout  d*un  coup.  Ainsi  un  parasite,  im 
microbe,  vivait  inaperçu  dans  le  sang  d'un  animal  ;  ce  milieu  lai 
était  peu  favorable  et  l'organisme  de  Tanimal  logeur  ne  présentait 
donc  aucun  trouble;  mais  que  les  qualités  chimiques  de  ce  sang 
viennent  à  changer  pour  une  cause  ou  pour  une  autre  et  Ke  microbe 
va  tout  à  coup  pulluler,  comme  si  le  milieu  lui  convenait  mieux. 

L'existence  de  microbes  latents  a  été  constatée  par  Witticb,  eo 
examinant,  par  hasard,  le  sang  d'un  hamster,  qui  pourtant  parais- 
sait bien  portant.  Quant  au  rôle  favorable  au  parasite,  que  joue  la 
substance  accidentellement  introduite  dans  le  sang,  et  qui  en 
change  les  qualités  chimiques,  Rossbach  a  constaté  le  fait  suivant; 
en  examinant  le  sang  de  lapins  sains,  il  y  trouva  quelques  corps 
immobiles  analogues  à  ceux  du  hamster.  Or,  une  injection  de5  een« 
tigrammes  à  i  gramme  d'une  solution  fraîche  de  papayotine  tua 
ces  lapins  en  moins  d'une  heure,  et  l'autopsie  faite  immédiatement 
permit  de  constaler,  dans  leur  sang,  des  quantités  énormes  de  l>ac- 
téries  sphériques  ou  linéaires  animées  de  mouvements  très  rapides. 
Une  substance  chimique  d'origine  végétale,  non  organisée,  ne 
renfermant  certainement  pas  de  parasites,  modifierait  donc  pro- 
fondément l'organisme  en  communiquant  une  activité  prodigieuse 
aux  bactéries  jusque-là  latentes  que  renfermait  le  sang  normal. 
—  L'introduction  d'une  petite  quantité  du  poison  chimique  suffi- 
rait pour  produire  ce  résultat. 

Du  reste,  déjà  en  1860,  le  professeur  Vulpian  avait  vu  se  déve- 
lopper des  vibrions,  pendant  la  vie,  dans  le  sang  de  grenouilles» 
empoisonnées  par  la  cyclamine;  et  l'inoculation  de  ce  sang  à  des 
grenouilles  saines  avait  produit  sur  celles-ci  les  mêmes  effets. 

L'aptitude  morbide  est  donc  cet  état  de  l'organisme  qui  est  ou 
est  devenu  propre  à  servir  de  terrain  favorable  à  la  graine  patho- 
logique. L*immunité,  c'est  l'état  certain. 

Ce  qui  nous  intéresse ,  c'est  de  savoir  comment  un  indifidu 
peut  acquérir  arUQciellement  l'immunité.  Or  les  travaux  de  Pas- 
teur permettent  de  le  comprendre;  ils  autorisent,  par  exemple^  à 


APTITUDE.    IMMUNITÉ.   VACCINATION.  65t 

reprendre  en  connaissance  de  cause  une  idée  ancienne,  je  veux 
parler  de  remploi  de  la  belladone  comme  prophylactique  de  la 
scarlatine.  Tout  le  monde  sait  qu^on  a  conseillé  de  dissoudre 
iO  centigrammes  d'extrait  de  belladone  dans  32  grammes  d'eau  , 
et  d'en  donner  aux  enfants  2  à  4  gouttes  en  temps  d'épidémie; 
on  trouve  dans  le  tome  II  de  la  Bibliothèque  de  thérapeutique  de 
Bayle  que,  sur  2027  individus  soumis  à  Tadministration  pro- 
phylactique de  la  belladone,  1 948  ont  échappé  à  l'influence  épi- 
démique.   Zeuch,  Sehenk,  Berdost,  Koller,  Dutember  ont  cité 
des  cas  nombreux  en  faveur  de  celte  méthode.  Ce  dernier,  dit 
Grisolle,  pour  rendre  ses  résultats  plus  concluants,  omettait  vo- 
lontairement de  donner  le  préservatif  à  un  enfant  dans  chaque 
famille,  et  celui-là  était  le  seul  qui  fût  atteint;  procédé  qui,  par 
parenthèse,  excellent  dans  un  laboratoire,  est  simplement  une 
mauvaise  action  en  clinique!  Userait  même  arrivé,  parait-il,  que 
certains  individus  qui  n'avaient  pris  que  peu  de  belladone  étaient 
pris  de  la  scarlatine,  mais  d'une  forme  légère,  avortée.  Guersant, 
Delens  à  Paris,  le  D'  Godelle  à  Soissons,  le  D'  Stevenard  à  Valen- 
ciennes,  se  sont  montrés,  dans  le  temps,  favorables  à  cette  mé- 
thode ;  le  D'  Stevenard  a  donné  la  belladone  à  400  personnes, 
toutes  ont  été  préservées;  la  maladie  atteignait  des  individus  de 
la  même  localité,  placés  dans  des  conditions  identiques,  mais  qui 
n'avaient  pas  pris  de  belladone.  Grisolle,  qui  rapporte  ces  faits, 
ajoute  :  a  D'après  tous  ces  faits,  on  ne  saurait  s'empêcher  d'admi- 
ci  nistrer  la  belladone  aux  sujets  qui  sont  exposés  à  la  contagion.  » 
Malgré  l'autorité  de  certains  noms,  la  méthode  prophylactique 
n'eut  pas  de  succès  dans  l'esprit  des  médecins  ;  pratique  empi- 
rique, dont  rien  n'indiquait  la  valeur  logique  possible,  elle  répu- 
gna à  la  plupart  des  esprits,  j'ajoute  même  que,  bien  que  mon 
expérience  personnelle  soit  nulle  à  cet  égard,  j'ai  longtemps  re- 
gardé cette  méthode  comme  indigne  même  d'être  tentée.  La 
façon  dont  nous  comprenons  maintenant  le  rôle  des  microbes 
dans  le  sang  rend  au  contraire  aujourd'hui  l'idée  de  belladoner 
le  sang  très  plausible.  Quand  on  voit  que  le  microbe  du  charbon 
ne  s'acclimate  pas  dans  le  sang  des  oiseaux,  parce  que  ce  liquide 
est  trop  chaud;  qu'il  sufQt  de  refroidir  ce  sang  pour  que  le 
parasite  s'y  acclimate  -,  quand  on  considère  que  l'aptitude  et  l'im- 
munité des  individus  d'une  race  ou  d'une  espèce  pour  une  maladie 
à  ferment,  tiennent  à  ce  que  le  sang  de  cet  individu,  de  cette  race 
ou  de  cette  espèce  présente  des  conditions  physico-chimiGL^es 


654  PATHOLOGIE   GÉNÉRALE   COMPARÉE. 

(cha-eur,  densité,  alcalinité,  etc.)  qui  plaisent  ou  ne  plaisent  pas, 
conviennent  ou  ne  conYÎennent  pas  au  microbe,  l'esprit  admet 
comme  possible  que  la  présence  de  l'atropine  dans  le  sang  fasse 
de  ce  liquide  un  milieu  défavorable  au  microbe  de  la  scarlatine. 

L^expérience  peut  au  moins  être  tentée  dans  des  cultures  artifi- 
cielles et  peut-être  réaliserait-on  ainsi,  non  seulement  une  décoo- 
-verte  prophylactique  contre  la  scarlatine,  mais  une  méthode  nou- 
velle d'immunité  :  à  côté  de  Timm unité  conférée  par  un  microbe 
dégénéré  ou  vaccin,  on  aurait  Timmunité  toxique,  acquise  par 
rintroductioû  dans  le  sang,  d'une  manière  préventive,  d'un 
toxique  du  microbe. 

Le  passé  de  nos  connais&inces  en  fait  de  maladies  épidémiques 
et  contagieuses  nous  semble  aujourd'hui  tellement  éloigné,  grâce 
aux  Pasteur,  aux  Ghauveau  et  aux  Toussaint,  que  nul  n'a  le  droit 
de  douter  des  surprises  que  l'avenir  nous  réserve  !  Nous  n*avons 
plus  le  droit  d'être  incrédules,  maintenant  que  nous  savons  qu^il 
suffit  d'ajouter  à  une  liqueur  de  culture  1/50000  de  zinc  pour  y 
faire  vivre  un  parasite,  Vaspergillus,  et  qu'il  suffit  d'ajouter  à  la 
môme  liqueur  1/1 600000  de  nitrate  d'argent  pour  tuer  cet  asper^ 
yillus.  Si  l'aspergillus  était  un  parasite  vivant  dans  le  sang  humain 
et  donnant  à  l'homme  une  maladie,  il  suffirait  de  mettre  dans 
le  sang  5  milligrammes  de  nitrate  d'argent  pour  le  détruire  et 
guérir  le  malade. 

Pourquoi,  aujourd'hui,  ne  pas  croire  au  pouvoir  du  cuivre 
d'empêcher  le  microbe  de  la  fièvre  typhoïde  et  celui  du  choléra 
de  vivre  dans  le  sang,  alors  que  dans  plusieurs  épidémies  de  l'une 
et  de  Tautre  maladie,  le  D'  Burq  a  été  frappé  de  rimmuniié  pré- 
sentée par  les  ouvriers  qui  travaillent  le  cuivre? 
i  L'Immunité  acquise  rentre  dans  la  même  règle  que  Timmunité 
spontanée  :  on  sait  qu'un  homme  qui  a  eu  la  variole  ne  peut  plus 
l'avoir;  il  en  est  de  même  pour  la  rougeole,  la  scarlatine,  etc. 
Le  milieu  n'est  plus  favorable  et  il  en  est  du  sang  de  ces  individus 
comme  d'un  verre  d'eau  sucrée  dans  lequel  on  a  mis  de  la  levure; 
le  liquide  a  fermenté,  mais  n'est  plus  apte  à  fermenter  de  nou- 
veau, si  on  met  une  seconde  fois  de  la  levure  ;  le  parasite  a,  dans 
ces  cas,  usé  tout  ce  qui  lui  convenait,  il  a  épuisé  le  terrain,  et  il 
faudra  souvent  un  temps  très  long,  qui  pourra  même  être  plus 
long  que  la  vie  de  Tindividu,  avant  que  les  conditions  favorables 
qui  ont  été  utilisées  renaissent.  Il  n'y  a  pas,  du  reste,  que  les  io- 
finiment  petits  qui  agissent  ainsi;  on  pourrait  citer  les  végétaux 


APTITUDE.    IMMUNITÉ.    VACCINATION.  655 

qui  épuisent  le  terrain  et  qui  sont  remplacés  par  d'autres  par  la 
méthode  des  assolements. 

De  la  connaissance  de  rimmunité  conférée  par  une  première 
atteinte  était  née,  dans  tous  les  pays  qui  de  bonne  heure  connu- 
rent la  variole,  l'idée  de  Pinoculation  artificielle  de  la  maladie, 
aux  hommes  et  aux  animaux.  Ainsi,  en  Bessarabie,  l'inocula- 
tion de  la  clavelée  d'une  manière  préventive  se  pralii]ue  sur  les 
moutons  depuis  fort  longtemps.  Les  paysans,  chez  nous,  ont  eux- 
mêmes  fini  par  accepter,  en  temps  d'cpizootie«  la  clavelisation 
de  leurs  troupeaux.  L^inoculation  de  la  variole  à  l'homme  lui- 
même  fut  également  pratiquée  de  hoinic  heure  dans  tous  les  pays 
situés  à  notre  orient,  pays  d'où  nous  est  venue  la  variole.  C*est 
ainsi  qu'en  Abyssinie  elle  se  pratique  depuis  fort  longtemps  : 
une  incision  de  2-3  centimètres  de  long  est  faite  sur  l'avant-bras 
avec  un  rasoir.  Les  Béchuanas  pratiquent  Tinoculation  variolique 
en  faisant  uue  incision  sur  le  front;  on  frotte  dans  cette  incision 
la  matière  prise  sur  un  varioleux.  C'est  à  Constantinople  que  lady 
Montagut,  noble  anglaise,  se  trouvait  en  1717,  lorsqu'elle  y  eut 
connaissance  de  cette  pratique  orientale  de  Pinoculation  ;  voici  ce 
qu*elle  écrivait  :  a  La  petite  vérole  est  ici  une  bagatelle,  par  le 
a  moyen  de  Tinoculation  qu'on  a  découverte.  Il  y  a  une  troupe 
i<  de  vieilles  femmes  dont  Tunique  métier  est  de  faire  cette  ino- 
«  culation.  On  prend  ici  la  petite  vérole,  comme  ailleurs  les  eaux, 
a  par  amusement  !  Je  ne  manquerais  pas  de  l'écrire  à  nos  méde- 
a  cins,  si  je  les  croyais  assez  zélés  pour  sacrifier  leur  intérêt  parti- 
«  culier  au  bien  du  genre  humain,  et  pour  perdre  une  partie 
«  considérable  de  leurs  revenus  ;  mais  je  craindrais  au  contraire 
«  de  m*exposer  à  leur  ressentiment  qui  est  dangereux,  si  j*entre- 
u  prenais  de  leur  faire  un  tort  si  considérable.  »  De  retour  en  An- 
gleterre, lady  Monta^ut  répandit  la  méthode  en  Europe  et  contre 
sou  attente  elle  ne  trouva  pas  de  plus  zélés  partisans  que  les  mé- 
decins; jusqu'en  1841,  on  inoculait  encore  en  Angleterre  et  la 
petite  vérole  avait,  depuis  l'inoculation,  diminué  de  fréquence  ainsi 
que  de  gravité.  Ce  n'était  cependant  pas  une  pratique  exempte 
de  dangers;  il  arrivait  parfois  qu'une  variole  confluente  prenait 
naissance  du  fait  même  de  Tinoculation  et  l'inoculation  était 
mortelle  1  fois  sur  300.  Livingstone  a  observé  un  grand  nombre 
d*accidents  semblables  chez  les  Béchuanas. 

Cette  première  cliente  de  la  variole,  Tlnde,  avait  déjà  trouvé 
mieux  et  cela  du  temps  de  Dhanvaotar  !  on  trempait  ua  QX  ^tt!& 


556  PATHOLOGIE   OàNÉRALB   COMPARÉS. 

le  liquide  des  vésicules  du  cnw-pox  et  on  le  passait,  comme  oa 
selon,  sous  la  peau  du  bras  des  enfants.  Le  même  usage  existe 
de  temps  immémorial  dans  le  Béloucbistao  ;  seulement  il  est  mas- 
qué s6us  la  forme  d'une  pratique  empirique,  pour  guérir  lesooa- 
pures  :  chaque  fois  qu*un  enfant  se  fait,  pour  la  première  fois, 
une  coupure  aux  mains,  on  Tenvoîe,  pour  le  guérir»  traire  une 
vache  atteinte  de  picote. 

11  n'était  pas  possible  que  la  même  observation  ne  fût  pas  faite 
en  Europe  :  en  1774,  un  fermier  de  Glocester,  B.  Jesty,  à  un  mo- 
ment où  rinocdlatioii  était  en  vogue,  convaincu  que  le  cow-pox, 
maladie  peu  grave  de  la  vache,  n*était  qu'une  variole,  eut  Tidée 
d'inoculer  ce  cow-pox  à  ses  enfants;  il  faillit  être  lapidé  ;  plus 
tard  en  1784  un  ministre  protestant  de  Massilargue  près  de  Lunel, 
Rabaul-Pommier ,  frère  du  constituant  Rabaut  Saint -Etienne, 
apprit  de  quelques  pâtres  que  la  picote,  mal  peu  grave  chez  la 
vache,  était  la  variole.  11  songea  donc  à  Tinoculer  ;  il  fit  part  de 
son  idée  à  deux  Anglais  :  Irelnnd,  négociant  de  Bristol,  et  Pugh, 
médecin  à  Londres,  qui  se  promirent  d'en  parler  à  un  médecin  de 
leurs  amis  du  nom  de  Jenner.  Jenner  était  en  effet  déjà  sur  la 
même  piste;  il  avait  souvent  remarqué  que  l'inoculation  ne  réus- 
sissait pas  chez  les  maréchaux  ferrants  et  chez  les  bouviers;  enfin 
la  duchesse  de  Claveland  lui  avait  affirmé  qu'elle  ne  craignait 
pas  la  variole,  ayant  eu  dans  son  pays  une  maladie  qu'elle  avait 
contractée  dans  les  fermes  de  sa  famille  et  qui  l'en  préservait, 
disait-elle.  Jenner  dut  voir  dans  l'idée  de  Rabaut-Pommier,  non 
un  trait  de  lumière  nouvelle,  mais  un  encouragement  et  en  1798, 
il  put  affirmer  que  le  cow-pox  et  le  horse-pox  étaient  la  variole.  La 
vaccination  découverte  depuis  longtemps  ne  fut  donc  établie  que 
depuis  Jenner.  Déjà  en  Laponie  on  prenait,  avant  Jenner,  le  vac- 
cin sur  les  rennes;  aujourd'hui  on  prend  le  vaccin  de  la  vache; 
on  le  prend  aussi  sur  le  cheval  et  un  grand  nombre  de  vaccina- 
tions ont  été  faites  avec  le  liquide  des  eaux  aux  jambes. 

Comme  à  toute  idée  nouvelle  les  détracteurs  ne  manquèrent  pas 
à  la  vaccine  :  on  prétendait  que  les  enfants  vaccinés  prenaient 
une  tète  de  vache,  qu'ils  devenaient  bêtes  et  qu'il  leur  poussait  des 
cornes  !  11  se  trouva  même  un  médecin,  Erkmann  (de  Francfort}, 
qui,  s'appuyant  sur  les  «  Saintes  Ecritures  »,  chercha  à  démontrer 
que  la  vaccine  n'était  autre  chose  que  l'Antéchrist  !  cependant  toutes 
ces  accusations  insensées  durent  se  taire  devant  la  diminution, 
j'allais  dire  roxtinclioii  de  la  variole  à  mesure  que  l'usage  de  la  vac- 


APTITUDE.    IMMUNITÉ.    VACCINATION.  5S7 

eine  se  répandait;  les  détracteurs  se  rejetèrent  alors  sur  la  fièvre 
typhoïde,  qui  augmentait,  disaient-ils,  depuis  la  vaccine.  Il  est 
clair  que  plus  d'un  individu  se  rencontra  qui,  s'il  était  mort  de 
la  variole  à  5  ans,  n'eût  pas  eu  la  fièvre  typhoïde  à  i8  ans;  mais 
on  ne  prétend  pas  rendre  Phomme  immortel. 

Cest  de  la  connaissance  de  l'immunité  conférée  par  une  pre- 
mière atteinte  qu'est  née  l'idée  de  se  procurer  volontairement 
cette  première  atteinte,  mais  il  n'y  aurait  guère  d'avantage  à  se 
procurer  la  petite  vérole,  si  elle  était  aussi  grave  que  celle  qui 
viendrait  seule;  cela  rappellerait  la  légende  trop  connue  de  Gri- 
t)ouille!  Le  problème  est  donc  :  étant  donmie  une  maladie  grave, 
trouver  une  maladie  identique,  mais  légère,  qui  confère  l'im- 
munité; pour  la  variole,  ce  problème  est  résolu  par  la  vaccine; 
autrement  dit,  voici  ce  qui  se  passe  :  le  microbe  de  la  variole 
humaine  trouve  dans  la  vache,  dans  le  cheval,  un  milieu  suffi- 
sant pous  y  vivre  et  produire  le  cow-pox,  les  eaux  aux  jambes, 
mais  il  est  moins  bien  cultivé  là,  que  dans  le  sang  de  Thommc; 
il  s'y  atrophie,  de  telle  sorte  que  si,  de  la  vache,  du  cheval,  il 
retourne  à  l'homme,  il  produira  bien  encore  une  variole,  mais 
une  variole  légère,  avortée,  locale,  maladie  qui,  variole  cepen- 
dant, suffira  pour  garantir  de  la  variole. 

Cette  condition  d'une  vaccine,  Pasteur  l'a  peut-être  trouvée 
pour  toutes  les  maladies  qui  sont  produites  par  un  ferment.  Ainsi 
il  a  pris  le  ferment  du  choléra  des  poules;  il  Ta  cultivé  dans  le 
milieu  artificiel  qui  lui  convient  le  mieux,  le  bouillon  de  poulet, 
et  il  a  vu  que  ce  ferment  ainsi  cultive,  inoculé  à  une  poule,  la 
tuait  infailliblement;  il  a  alors  cherché,  non  plus  le  meilleur 
mode  de  culture,  mais  le  plus  mauvais,  exigeant  cependant  que 
ce  fût  encore  une  culture,  c'est-à-dire  que  le  ferment  multiplie, 
mal  il  est  vrai,  mais  enfin  multiplie  et  vive!  H  a  inoculé  ce  fer- 
ment, toujours  identique  comme  nature,  mais  malingre,  chétif, 
avorté,  et  il  a  vu  que  la  poule  était  encore  malade,  mais  qu'elle 
guérissait  toujours,  et  rapidement.  Or  cette  poule  inoculée  avec 
de  la  mauvaise  culture,  cette  poule  qui  a  pu  guérir,  si  on  Vino- 
cule  de  nouveau,  mais  cette  fois  avec  la  meilleure  culture,  avec 
celle  du  bouillon  de  poulet,  celle  qui  tue  sûrement,  elle  n'éprouve 
absolument  rien. 

Pasteur  a  cherché  pour  chacun  des  ferments  le  plus  mauvais 
mode  de  culture  et  a  obtenu  ainsi  pour  beaucoup  d'entre  eux 
un  ferment  chétif,  capable  de  donner  la  maladie,  et  d'en  préser- 


558  PÂTHOLOOIE    OÉNÉRÂLB   COMPARÉB. 

ver  par  conséquent  dans  l'ayenir,  maïs  capable  seulement  de 
donner  une  maladie  légère.  Nous  sommes  donc  à  la  veille  d'avoir 
autant  de  vaccins  que  nous  connaissons  de  contages,  ou,  da 
moins,  nous  sommes  sur  le  chemin  ! 

Pour  le  charbon,  comme  pour  le  choléra  des  poules,  la  démon- 
stration est  amplement  faite.  Dans  la  ferme  de  PouiUy-le-Fort,  on 
réunit  50  moutons  et  une  dizaine  d'animaux  de  Tespèce  bovine;  la 
moitié  seulement  de  ces  animaux  furent  inoculés  avec  des  baciéri- 
dics  charbon ncuses  obtenues  par  la  culture  de  Pasteur,  bouillon  de 
culture  altcnué  donné  comme  vaccin  ;  l'autre  moitié  ne  reçut  rien  ; 
to  jours  après,  tous  les  animaux,  les  vaccinés  comme  les  non  vac- 
cinés, furent  inoculésavec  les  cultures  les  plus  virulentes.  Au  t>out 
de  48  heures,  les  animaux  non  vaccinés  mouraient,  tandis  que  tous 
les  vaccinés  demeurèrent  en  bonne  santé.  A  Chartres,  la  même 
expérience  fut  faite,  non  plus  avec  des  bactéridies  de  culture,  mais 
avec  des  bactéridies  prises  dans  le  sang  frais  d'un  animal  char- 
bonneux; encore  ici  tous  les  vaccinés  furent  épargnés,  tous  ceux 
qui  ne  relaient  pas  furent  frappes  à  mort,  un  seul  excepté.  Au- 
jourd'hui la  méthode  de  Tinoculation  charbonneuse  préventive 
entre  chaque  jour  dans  la  pratique. 

Il  en  est  (le  môme  pour  la  pfhripneumonie.  C'est  le  D'  Wil- 
lems  qui,  il  y  a  plus  de  trente  ans,  conseilla  Tinaculalion  pré- 
ventive de  la  péripneumonie.  Il  est  bon  de  ne  pas  oublier  ce- 
pendant que,  en  1800,  Odier  (de  Genève)  avait  dit  :  o  Qui  sait 
«  cependant  si  la  pulmonie,  qui  fait  tant  de  ravages  parmi  les 
«  bêtes  à  cornes,  ne  pourrait  pas  être  prévenue  par  quelque 
«  aniHce  semblable  à  la  vaccination?  »  Il  n'en  est  pas  moins 
vrai  que  le  mérite  de  la  méthode  revient  à  Willems.  Or  l'inocula- 
tion préventive  est  aujourd'hui  un  fait  de  pratique  courante  chez 
les  grands  éleveurs  de  Hollande,  de  la  Belgique,  d'Angleterre, 
et  môme  du  nord  de  la  France  et  de  la  Normandie.  La  Hollande 
a  rendu  cette  inoculation  obligatoire  par  une  loi  du  8  août  1878. 
Des  indemnités  sont  accordées  aux  propriétaires  des  animaux  qui 
périssent  par  îfuite  de  l'inoculation,  mais  comme  il  en  périt  en 
somme  beaucoup  moins  que  par  le  fait  de  la  maladie,  et  comme 
les  choses  sont  ici  comparables  à  la  variole  et  à  l'ancien  ne  ino- 
culation variolique,  la  dépense  qui  en  est  résultée  pour  l'Etat  a 
paru  minime  à  côté  de  l'abaissement  de  la  fortune  publique. 
Ajoutons  maintenant  que  l'inoculation  avec  les  microbes  de  cul- 
ture semble  moins  dangereuse  et  tout  aussi  efficace  ;  ce  n'est 


APTITUDE.   IMMUNITÉ.    VACCINATION. 


559 


plus  Tancienne  inoculation  varioliquc,  c^est  la  vaccine  moderne. 

Pasteur  possède  déjà,  dans  son  laboratoire  de  la  rue  d'Ulm,  plu- 
sieurs chiens  qui  sont  yaccinés  contre  la  rage  par  Tantécédence 
d*une  rage  atténuée  qu'il  leur  a  communiquée. 

Pour  la  scarlatine,  Miquel  (d*Amboise)  a,  de  son  côté,  réussi  en 
i834  à  pratiquer  un  grand  nombre  d'inoculations  qui  se  sont 
montrées  préservatrices.  La  fréquence  plus  grande  de  la  scarlatine 
dans  nos  hôpitaux  permettrait  de  renouveler  ces  expériences  de 
laboratoire.  Peut-être  arriverait-on  à  créer  ces  microbes  dégt^nérés 
capables  de  conférer  la  maladie,  mais  de  conférer  une  scarlatine 
assez  peu  grave  pour  éliminer  tout  danger,  et  assez  marquée  ce- 
pendant pour  conférer  Timmunité  pour  l'avenir. 

La  voie  est  trouvée,  et  la  méthode  d*at(énuation  des  virus  par 
la  culture,  par  la  chaleur  ou  autrement,  cette  méthode  de  pro- 
duction de  maladies  bénignes  et  préservatrices,  méthode  dont  Pas- 
teur est  Tauteur^  est  une  des  plus  belles  découvertes  que  le  génie 
de  rhomme  ait  rencontrées. 


LIVRE  m 


CHAPITRE  L 

TRANSFORMATION    DE   L'INDIVIDU  PAR   LE   MILIEU. 

Dans  les  deui  premières  parties  de  ce  livre,  dous  avons  vu  le 
milieu  extérietir  et  le  milieu  intérieur  exercer  sur  le  devenir  de 
rindividu  une  action  considérable  ;  il  nous  reste  maintenant  à 
étudier  non  plus  seulement  l'indifidu  isolé,  mais  la  série  des  in- 
dividus reliés  entre  eux  par  les  liens  de  la  génération,  Vespèee. 

Un  premier  fait  s'impose  à  notre  attention,  comme  résultat  de 
nos  études  ;  c'est  la  transformation  des  individus. 

Les  exemples  de  cette  transformation  abondent,  aussi  bien  dans 
le  règne  animal  que  dans  le  règne  végétal,  lequel  présente  une 
grande  tendance  à  la  variation  ;  on  sait  que  c'est  sur  autant  de 
spécimens  de  vaHation  fixable  par  hérédité  que  les  botanistes  ont 
fondé  les  trop  nombreuses  variétés  qu'ils  ont  cataloguées. 

Le  genévrier  de  la  plaine  se  transforme,  par  des  nuances  in- 
sensibles, en  genévrier  nain  de  la  montagne.  Le  pin  sylvestre  se 
transforme  insensiblement  en  pin  de  montagne.  M.  Gaston  Bon- 
nier  a  profit*^,  récomment  d'un  voyage  qu'il  a  fait  en  Autriche 
et  en  Hongrie,  pour  constater  les  modifications  que  présente  une 
même  espèce^  lorsqu'on  se  déplace  en  altitude:  A  mesure  qu'on 
s^élève,  on  voit  apparaître  plus  fréquemment  la  coloration  rose, 
chez  les  fleurs  ordinairement  blanches  et  peu  colorées;  il  a  con- 
staté au  microscope  que  cela  tient  à  l'augmentation  du  nombre 
des  grains  du  pigment.  De  même,  la  coloration  normalement  rosée 
des  fleurs  de  Thortensia  a  passé  au  blanc  bleuâtre  dans  certains 
terrains.  Mon  illustre  et  regretté  maître,  Gubler,  avait  depuis 
longtemps  fait  la  remarque  qu'au  bord  de  la  mer,  sous  Tinfluence 
du  vent  et  pour  résister  à  l'évaporation,  les  feuilles  des  variétés 
dites  maritimes,  sont  devenues  charnues  et  succulentes,  ou  se 
sont  couvertes  de  poils,  qui  arrivent  au  même  but  par  une  voie 


TRANSFORMATION   DE   l'iNDIVIDU   PAR   LE   MILIEU.      561 

diiïérente.  Beaucoup  de  variétés  marilimes  sont  également  af- 
fectées de  nauisme  et  Gubler  n'avait  pas  laissé  échapper  ce 
fait,  sans  Téclairer  de  son  esprit  éminemment  philosophique  et 
généralisateur. 

Tout  le  monde  sait  que  notre  mouton  transporté  sous  les  tro- 
piques [)erd  sa  laine^  qui  est  remplacée  par  un  poil  droit  et 
raide. 

Certains  crustacés  présentent  des  variations  encore  bien  plus 
curieuses,  sous  l'influence  du  plus  ou  moins  de  salure  de  Teau. 
M.  Schmantrevitchy  dans  les  lagunes  salées  des  environs  d*Odessa, 
la«;unes  qui  présentent,  par  endroits,  de  grandes  différences  dans 
la  salure  et,  par  conséquent,  dans  la  densité  de  l'eau,  a  trouvé 
des  variétés  très  diverses  d'un  même  Daphnis. 

L^adaptation  à  un  milieu  obscur  a  donné  lieu  à  des  phénomènes 
très  curieux  également.  M.  Grimm  a  observé  que  certains  crus- 
tacés, les  amphipodes  du  fond  presque  obscur  de  la  mer  Cas- 
pienne, parent  à  cette  difficulté  par  deux  voies  différentes:  1o  les 
uns  prennent  des  yeux  énormes,  c'est  le  cas  du  Gammaracanthus 
Ca$pius;  2^  chez  d'autres,  Tœil  s'atrophie,  il  tend  à  disparaître 
et  les  organes  du  tact  prennent,  par  compensation,  un  développe- 
ment considérable,  comme  le  toucher  chez  les  aveugles  ;  c'est  le 
cas  du  Niphargius  Caspius .  Dans  le  même  ordre  d'idées,  M.  De- 
larouzée  a  découvert,  dans  certaines  cavernes  obscures  du  dépar- 
tement de  l'Ariège,  un  petit  coléoptèi^c  aveugle,  qu'il  nomme 
Anophtalmus  gallicus.  D'autres  anophtalmes  ont  été  découverts 
depuis  dans  la  même  grotte. 

Un  poisson,  le  callichtes,  étudié  par  M.  Jobert(de  Dijon),  habite 
les  eaux  du  Rio  au  Brésil.  Cet  animal,  comme  tous  les  poissons, 
respire  dans  l'eau  par  des  branchies,  mais  son  tube  intestinal 
est  garni  d'appendices  filiformes,  en  formede  houppes  vasculaires, 
qui  jouent  le  rôle  du  poumon  lorsque,  le  Uio  étant  à  sco,  ce  pois- 
son n'a  plus  d'autre  ressource  pour  respirer  dans  l'air  qu'il  avale. 
Il  s'acclimate  ainsi  grâce  à  cette  sorte  d'hyperhémie  intestinale. 

Les  animaux  à  métamorphose  nous  montrent,  en  quelque  sorte, 
d'une  manière  schématique,  la  réduction  de  ce  que  sont  les  accom- 
modations au  milieu^  la  chenille  étant  faite  pour  les  feuilles  oij 
elle  doit  manger,  la  chrysalide  pour  le  cocon  où  elle  s'endort,  le 
papillon  pour  l'air  où,  de  fleur  en  fleur^  il  doit  aller  s'accoupler. 

Les  métamorphoses  d'un  même  individu,  correspondant  cha- 
cune à  un  milieu  différent,  sont  d'ailleurs  fréquentes  daws  Va. w^- 

GÉOOIl.  MÉD.  ^^ 


StfS      TRANSFORMATION  DE  L*INDIViDU   PAR  LB   MILIEU. 

ture  et  ne  s'observent  pas  que  chez  les  insectes.  Cette  accommo- 
dation est  même  si  intime,  que  si  le  milieu  s'immobilise,  la  forme, 
la  période  correspondante  de  métamorphose  s'immobilisent  égale- 
ment. Ainsi  les  protées,  les  salamandres,  subissent  des  métamor- 
phoses: d'abord  têtards,  ils  respirent  dans  Teau  au  moyen  de 
branchies  et  sont  pourvus  d'une  queue.  Plus  tard,  adultes,  ils 
respirent  dans  Pair  avec  deux  poumons  et  perdent  leur  queue  ;  eh 
bien  !  un  certain  protée  des  grottes  obscures,  qui  ne  peut  quitter 
Teau,  ne  quitte  jamais  Pétat  de  têtard  et,  sous  le  nom  de  protée 
anguiforme,  il  a  été  longtemps  décrit  comme  une  espèce  à  part. 
Autre  exemple  :  la  Sfilamandra  atra  est  vivipare  ;  elle  met  au 
monde  des  petits  tout  pulmonés,  déjà  transformés,  et  qui  ont  été 
têtards  dans  le  ventre  de  leur  mère.  Or  M"<^  Chauvin,  en  forçant 
Taccouchement  à  s'effectuer  dans  Teau,  est  arrivée  à  les  maintenir 
à  rétat  de  têtard,  avec  leurs  branchies  embryonnaires,  pendant 
seize  semaines.  Elle  a  fait  mieux  :  ou  sait  que  les  axolotls  à  bran- 
chies respirent  dans  l'eau  et  se  transforment  plus  tard  en  amblys- 
tomes  pulmonés  respirant  dans  Tair.  Elle  remit  dans  Teau  un 
amblystome  déjà  transformé  par  et  pour  l'air,  déjà  pulmoné  par 
conséquent;  ses  branchies  se  développèrent  de  nouveau^  la  frange 
caudale  se  reforma,  il  redevint  axolotl.  Ce  n'est  pas  tout  :  placé 
dans  l'eau  bouillie,  c'est-à-dire  privée  d'air,  cet  animal  redevint 
encore  amblystome  ! 

Les  travaux  de  Megnin  sur  les  métamorphoses  et  les  migrations 
des  tœnias  ont  montre  toute  l'importance  du  milieu^  en  pareille 
matière.  Nous  avons  vu  plus  haut  que,  suivant  lui,  le  txnia  armé 
et  le  tœnia  inerme  ne  seraient  que  des  variétés  d'un  même  anima 
suivant  le  milieu.  11  pense  que  lorsque,  dans  les  1  issus  d'un  her- 
bivore, un  ver  vésiculaire  rencontre  une  cavité  quelconque  en 
rapport  avec  l'intestin,  il  devient,  dans  son  intestin,  tœnia  armé. 

Quelque  intéressants  que  soient  ces  faits,  ils  sont  rares,  ils  sont 
exceptionnels,  ils  ne  sont  pas,  pour  ainsi  dire,  d'un  maniement 
expérimental  facile.  Les  cultures  artificielles,  que  fait  Pasteur, 
des  microbes  des  maladies  dont  il  cherche  le  vaccin,  vont  nous 
fournir  un  terrain  bien  autrement  commode. 

En  effet,  on  peut  ici  modifier  le  milieu  à  son  gré.;En  outre,  la 
multiplication  de  ces  êtres  se  faisant  avec  une  grande  rapidité,  on 
obtient  en  quelques  jours,  en  quelques  semaines,  autant  de  gé- 
nérations et  même  plus,  que  des  animaux  plus  élevés  en  fourni- 
raient en  plusieurs  siècles. 


TRANSFORMATION   DB   l'INDIVIDU   PAR  LE  MILIEU.      96» 

Pasteur,  cherchant  un  moyen  de  cultiver  le  microbe  du  choléra 
des  poules,  de  manière  à  lobtenir  atténué,  s'aperçut  que  plus 
ses  cultures  étaient  exposées  à  Tozygène,  moins  le  microbe 
était  Tirulent:  Il  tuait  de  moins  en  moins  de  poules,  à  mesure 
qu'il  avait  subi  davantage  l'action  de  Toxygène  ;  il  y  a  mieux  : 
à  mesure  qu'il  perd  de  sa  virulence,  le  microbe  change  de  forme; 
deux  phénomènes  assurément  liés  Tun  à  Tautre  et  qui  nous  don- 
nent un  exemple  de  l'action  du  milieu  sur  Tindividu.  De  son  côté, 
en  Amérique,  James  Law  est  arrivé  au  même  résultat  pour  le 
microbe  de  la  peste  du  porc  (swine  plague).Voxygène  le  détruit, 
après  avoir  altéré  progressivement  sa  virulence.  Jusque-là,  rien 
de  très  étonnant;  mais  si  Ton  prend,  dans  chacune  de  ces  cul- 
tures d'intensité  décroissante,  un  microbe  de  virulence  amoindrie 
et  qu'on  le  sème  dans  un  liquide  encore  vierge,  ce  microbe  se 
reproduit  et  reproduit  des  microbes  d'une  intensité  virulente  égale 
à  la  sienne,  c'est-à-dire  amoindrie  au  même  degré  que  la  sienne. 
On  crée  donc  ainsi  de  toutes  pièces  des  variétés  individuelles,  et 
ces  variétés  sont  fixées  par  l'hérédité.  Voilà  une  espèce  fixée  en 
quelques  heures,  c'est-à-dire,  ici,  en  quelques  centaines  de  géné- 
rations! Voilà  une  espèce  nouvelle  qui  vient  d'être  créée  par  le 
milieu. 

Peut-on  la  régénérer  par  le  milieu  aussi  facilement? 

Pasteur  prend  ce  microbe,  qui  représente,  par  hérédité,  le  der- 
nier degré  de  la  virulence,  le  degré  le  plus  amoindri,  microbe 
qui  ne  tue  plus  une  poule  ;  il  l'inocule  à  un  petit  oiseau,  du  plus 
petit  calibre;  ce  petit  oiseau,  moins  volumineux  que  la  poule,  va 
être  malade  ;  mais  le  sang  de  cet  oiseau  est  un  milieu  favorable 
pour  le  microbe,  qui  s'y  est  pour  ainsi  dire  reconstitué  ;  le  sang 
de  cet  oiseau  va  donc  donner  à  son  tour  des  microbes,  qui,  eux, 
tueront  un  oiseau  plus  gros.  Le  sang  de  celui-ci  ensemencé,  don- 
nera des  microbes  qui  tueront  un  oiseau  plus  gros  encore  ;  et 
voilà  une  espèce  de  microbes  de  plus  en  plus  virulents,  qui  va  être 
de  nouveau  créée  et  fixée,  puisque  chacun  de  ces  microbes  de 
plus  en  plus  virulents^  semé  dans  un  bouillon  de  culture  artifi- 
cielle, reproduira  des  microbes  exactement  au  même  degré  de  vi- 
rulence où  il  est  lui-même  remonté. 

11  se  fait  là,  en  réalité,  un  véritable  acclimatement  du  microbe 
à  son  nouveau  milieu  ;  c'est  une  véritable  évolution,  qui  donne 
naissance  à  des  microbes  de  plus  en  plus  parfaits,  je  veux  dire  de 
plus  ea  plus  virulents. 


564      TRANSFORMATION  DE   L'INDIVIDU   PAR   LE  MILIEU. 

Les  expériences  do  Chauveaa  et  de  Toussaint,  relatires  i 
rinoculation  de  la  tuberculose,  montrent  de  même  que  les  do- 
quièmcs  séries  de  culture  dans  le  sang  de  l'animal,  sont  plos 
abondantes  en  microbes  et  plus  rapides  en  leurs  effets  que  les 
premières  ;  que  les  dixièmes  le  sont  plus  que  les  cinquièmes.  Dans 
ce  dernier  cas,  comme  dans  les  expériences  de  M.  Pasteur,  nous 
sommes  en  présence  d'une  évolution  progressive  d*un  espèce  de 
microbe,  sous  Tinfluence  d'un  milieu  de  plus  en  plus  approprié. 

Nous  venons  de  voir  tout  à  Theure  qu'on  pouvait,  sous  l'action 
du  milieu,  voir  décroître  la  virulence;  cette  virulence  peut  même 
disparaître  et,  parallèlement,  la  forme  du  parasite  peut  être  ab- 
solument changée  par  le  milieu,  témoin  les  expériences  de  Green- 
fleld  et  de  Bûchner  :  une  infusion  fcrmentée  de  foin  ne  tarde  pas> 
dans  les  conditions  ordinaires,  à  se  remplir  de  nombreux  spéci- 
mens d'un  petit  champignon  parfaitement  inoffensif  (le  BacUius 
subtilis)  ;  d'un  autre  côté,  nous  savons  qu'on  trouve  dans  le  sang 
des  animaux  atteints  du  charbon  un  végétal,  la  bactéridie  de  Da- 
vainc,  ou  Bacillus  anthracis,  qui,  inoculé,  donne  le  charbon.  Ces 
deux  végétaux,  similaires  par  la  forme,  autant  que  nous  en  pou- 
vons juger,  diffèrent,  on  le  voit,  d'une  manière  énorme  par  leurs 
effets.  Or  Grecnficld,  cultivant  le  Bacillus  anthracis  (bactéridie 
charbonneuse)  dans  l'humeur  aqueuse,  Ta  destitué  en  six  généra- 
tions de  toute  virulence  et  en  fit  un  inolTensif  Baa7/tis  subtilis  du 
foin.  Bûchner  prit,  à  son  tour,  le  Bacillus  subtilis  inoffensif  du 
foin  et,  au  lieu  de  le  cultiver  au  contact  de  l'air,  dans  une  infusion 
de  foin,  le  cultiva  presque  à  Tabri  de  l'air,  dans  l'extrait  de  viande. 
Il  obtint  le  Banllus  anthracis,  qui  tua  des  souris  et  des  lapins  et 
reproduisit  dans  leur  sang  la  bactéridie  charbonneuse,  avec  toute 
sa  virulence. 

Les  recherches  de  Grawitz  sur  la  végétation  des  champignons 
et  des  moisissures  dans  l'organisme  humain,  lui  ont  également 
montré  qu'en  variant  le  milieu  de  culture,  on  arrivait  à  des  formes 
et  surtout  à  des  propriétés  physiologiques  et  pathologiques  com- 
plètement différentes  ;  ainsi  on  peut,  par  une  culture  prolongée, 
créer  telle  variété  voulue,  et,  partant  de  l'une  des  variétés  obte- 
nues, on  peut  arriver  à  une  autre,  par  une  culture  systématique, 
au  bout  de  douze  à  vingt  générations.  Pour  cela,  il  faut  adap- 
ter, par  une  série  de  cultures,  des  champignons  vivant  à  des  tem- 
pératures variant  entre  H- 8*  et  H- PO**,  à  un  milieu  albuoHiieDX 
alcalin  et  à  une  température  de  -f  38*  à  -1-40».  Pour  lui,  il  est 


TRANSFORMATION    DIS   L'iNDIVIDU    PâR   LE   MILIEU.       565 

aujourd'hui  démontré  qu'une  seule  et  même  espèce  peut  végéter, 
comme  parasite  de  la  putréfaction,  ou  détruire  les  organismes 
animaux  vivanls^  comme  parasite  pathogène  malin.  De  son 
coté,  Kaufmann,  répétiteur  à  l'Ecole  Yétérinaire  de  Lyon,  trans- 
forme les  variétés  de  micropbytes  inoffensives  en  variétés  mali- 
gnes et  infectieuses  en  changeant  la  nature  du  milieu  de  culture. 

Mais  ce  n'est  pas  tout  encore  !  Ce  n'est  pas  seulement  la  viru- 
lence et  par  conséquent  Tétat  anatomique  moléculaire  qui  la 
constitue,  qu'on  peut  modifier  par  le  milieu,  c'est  l'évolution  tout 
entière,  c'est  le  mode  de  reproduction  d'un  être  vivant. 

Le  microbe  du  choléra  des  poules,  comme  la  levure,  ne  se  repro- 
duit pas  par  spores,  mais  par  segmentation,  par  bouture.  Le  mi- 
crobe du  charbon  au  contraire  se  reproduit  par  spores,  par  graines. 
Or,  comme  toutes  les  graines,  ces  spores  ne  sont  pas  altérées 
par  l'oxygène  ;  M.  Pasteur  ne  pouvait  donc  arriver  à  détruire  la 
virulence  de  ces  spores  par  l'oxygène,  comme  il  l'avait  fait  pour 
les  boutures  du  choléra  des  poules,  s'il  ne  détruisait  pas  d'id>ord 
Je  mode  de  reproduction  par  spores,  s'il  ne  créait  en  un  mot  une 
espèce  nouvelle  de  bactéridie,  à  reproduction  analogue  à  celle  du 
microbe  du  choléra  des  poules.  Ce&i  ce  qu'il  fit  : 

A  la  température  de  -f-  16<^  et  à  celle  de  -H  45"*,  le  microbe  du 
charbon  devient  monstrueux,  pyriforme,ce  qui  nous  donne  encore 
un  exemple  de  production  tératologique  sous  l'influence  du  milieu; 
il  cesse  d'émettre  des  spores  et  se  reproduit,  comme  le  microbe 
du  choléra  des  poules,  par  segmentation.  Si  on  le  sème  alors,  il 
donne  naissance  à  une  espèce  qui  affectera  le  même  mode  de 
reproduction  et  sera  dès  lors,  comme  le  microbe  du  choléra  des 
poules,  sensible  à  l'action  de  l'oxygène. 

Oublions,  pour  un  moment,  les  conséquences  pratiques  de 
celte  découverte  et  n'en  retenons  que  ce  fait  :  qu'on  joue  litté- 
ralement avec  les  espèces,  quand  on  opère  sur  ces  êtres  infé- 
rieurs. L'expérimentateur  les  crée,  les  transforme  et  en  dispose  à 
son  gré  ! 

Sans  doute,  il  serait  beaucoup  plus  démonstratif  de  modifier -à 
sa  volonté  les  espèces  et  les  races  supérieures;  mais  n'oublions 
pas  quel  a  dû  être  le  rôle  de  ces  êtres  dans  l'histoire  biologique 
de  notre  planète.  Ce  sont  les  êtres  primordiaux  ;  ils  sont  les  êtres 
par  lesquels  la  vie  a  débuté.  N'oublions  pas  combien  l'espèce  était 
aliMvet  est  encore  instable;  n'oublions  pas  combien  le  milieu  agit 
sur  eux  puissamment  ;  or  de  grands  changements  se  sont  C^\V2k 


566  OBNÈSB   DES   MALADIES   A  MICROll. 

dans  Fatmosphère  aux  diverses  époques  géologiques  et  il  est  frai- 
semblable  que  c'est  grâce  à  la  souplesse  de  ces -êtres  que  s*est 
faite  la  première  étape  sur  la  route  de  révolution  organique. 

Genèse  des  maladies  à  nlerobe.  —  Ce  qui  précède  n'io- 
téresse  pas  seulement  Tbistoire  naturelle,  en  détruisant  le  dogme 
de  la  fixité  de  Tespèce;  on  peut  en  tirer  avec  Pasteur  des  con- 
séquences qui  intéressent  directement  la  i»athologie. 

L'bistoire  nous  enseigne  que  les  maladies  d'un  même  pays, 
d*une  même  race,  ne  sont  pas  les  mêmes  à  toutes  les  époques. 
Ainsi  la  variole,  la  rougeole  étaient  inconnues  des  anciens;  nous 
avons  vu  que  ce  sont  les  Arabes  qui  ont  apporté  ces  maladies  ; 
mais  eux-mêmes  ne  les  ont  pas  toujours  connues;  il  faut  donc 
bien  qu'elles  aient  eu  un  commencement.  11  en  est  de  même 
pour  la  syphilis  !  Cependant  le  microbe^  facteur  de  ces  mala- 
dies, est  un  être  vivant  d'ordre  inférieur,  qui  a  pu  exister  aux 
éiK>ques  géologiques  les  plus  anciennes;  il  a  même  dû  exister, 
sur  notre  planète,  à  une  époque  où  ni  Thomme,  ni  les  mam- 
mifères, ni  peut-être  les  oiseaux,  n'existaient  encore.  On  peut 
penser  que  le  Bacilltis  subtUis,  que  nous  cultivons  dans  les 
infusions  de  foin,  a  pu  exister  depuis  longtemps,  bien  avant 
rhomme  et  les  autres  animaux  élevés  ;  une  infusion  végétale 
quelconque  a  pu  être  son  premier  milieu  et  il  a  pu  demeurer 
ainsi,  jusqu'au  jour  où  le  hasard  a  placé  pour  la  première  fois  un 
Bacillus  subtilis  dans  un  liquide  animal  quelconque.  Ce  jour-là, 
ce  Bacillus  subtilis  est  devenu  la  souche  du  Bacilltis  aniliracis  et 
le  charbon  était  né  ! 

Or  ce  qui  est  vrai  pour  le  charbon  peut  l'être  pour  toutes  les 
maladies  infectieuses,  qui  résultent,  pour  Thomme  et  les  ani- 
maux, du  parasitisme  d'un  microbe  :  sans  doute,  le  microbe  peut 
être  antérieur  à  Thomme,  mais  la  maladie  n^existait  pas,  tant 
que  la  culture  d*un  premier  microbe  dans  son  sang  n'avait  pas 
donné  naissance  à  une  nouvelle  race  de  ce  microbe^  race  en  rap- 
port avec  ce  nouveau  milieu.  11  en  est  de  même  pour  la  variole, 
la  rougeole,  la  morve,  la  syphilis;  leurs  microbes  sont,  sans 
doute,  antérieurs  aux  animaux  que  ces  maladies  attaquent  au- 
jourd'hui; mais  il  est  bien  évident  que  la  maladie,  autrement  dit 
l'appellation  sous  laquelle  nous  désignons  l'action  de  ces  microbes 
sur  les  animaux  qu'ils  attaquent,  n'existait  pas  avant  ces  animaux; 
il  est  certain  que  la  rougeole  humaine  a  pris  naissance  le  jour 
où  un  homme  est  devenu,  pour  le  microbe  de  la  roogeoiev  un 


ATAVISME.  567 

milieu  favorable,  milieu  dans  lequel  ce  microbe,  qui  jusque-là  vivait 
dans  un  autre  milieu,  a  donné  naissance  à  une  espèce  nouvelle 
adaptée  au  milieu  humain  ;  c'est  ainsi  que  le  microbe  du  choléra 
des  poules,  destitué  de  toute  virulence  par  Toxygëne,  devenu  inof- 
fensif, demeurera  tel  pendant  des  siècles,  jusqu*au  jour  où  le 
hasard,  ou  bien  un  eipérimentateur,  le  replaçant  dans  un  milieu 
convenable^  tel  que  le  sang  d'un  oiseau,  lui  rendra  sa  virulence 
première. 

Nous  comprenons  maintenant  la  genèse  des  maladies  virulentes. 
Comme  dans  la  nature  tout  phénomène  qui  a  eu  lieu  aura 
lieu  encore,  nous  assisterons  peut-être  quelque  jour  à  Téclosion 
d'une  maladie  infectieuse  nouvelle  ;  il  suffira  que,  ce  jour-là, 
quelque  microbe,  aujourd'hui  inofTensif,  qui  vit  obscur  je  ne  sais 
où,  rencontre  le  sang  d'un  de  nos  animaux  et  le  nôtre  même, 
s'y  plaise,  s'y  acclimate,  y  prospère  tellement,  qu'il  écrasera  les 
globules  sanguins  de  Tanimal,  dans  la  concurrence  qu'il  leur  fera. 
Ce  microbe  deviendra  donc,  pour  cet  animal,  un  parasite  mortel  ; 
il  deviendra  virulent  dans  son  nouveau  milieu  ;  il  donnera  nais- 
sance à  des  microbes,  qui  hériteront  de  sa  forme  nouvelle  et 
de  ses  qualités  nouvelles.  Une  nouvelle  espèce  de  microbes  sera 
née  du  milieu  infectieux  et  une  nouvelle  maladie  aura  pris  nais- 
sance ! 

Laissons,  pour  un  moment, de  côté  ces  considérations  de  patho- 
logie chronologique  ;  bornons- nous  à  reconnaître  cette  grande  loi 
biologique  en  vertu  de  laquelle  les  êtres  sont,  à  chaque  instant, 
sollicités  par  la  nécessité  de  l'accommodation  au  milieu  dans  cette 
sorte  d'équilibre  instable  où  ils  se  trouvent.  Cette  accommodation 
rend  les  espèces  et  les  races  flottantes  pour  ainsi  dire  au  gré  des 
vents;  mais  elle  i-eprésente  le  progrès,  la  movibilité,  le  change- 
ment, le  nouveau,  l'avenir. 


CHAPITRE  IL 

ATAVISME. 


Contre  la  force  qui  pousse  au  changement  s'en  élève  une 
autre,  tout  opposée,  qui  tend  non  seulement  à  maintenir  le  type 
dans  le  statu  quo  (elle  prend  alors  le  nom  d'hérédUé)^  mais  à  la 


568  ATAVISME. 

ramener  en  arrière,  à  rétrograder;  celte  force  qui,  à  la  roanière 
d*un  sénat  conservateur,  s'oppose  au  progrès,  demande  l'inamo- 
vibilité, le  respect  de  la  tradition,  qui  s*épouvante  du  nouveau  et 
s'accroche  au  passé,  c'est  Vatavisme. 

On  Qommeatavisme  la  réapparition,  dans  un  individu,  de  carac- 
tères positifs  ou  négatifs  que  ses  parents  directs  n'avaient  pas, 
mais  que  possédait  un  de  ses  ancêtres  plus  ou  moins  éloigné;  c*est 
ce  que  Vilmorin  nomme  {'attraction  vers  le  type  de  l'espèce;  eo 
d'autres  termes,  sous  les  masques  divers  que  fespèce  a  employés, 
sous  les  livrées  qu'elle  a  successivement  revêtues,  pour  s^accom- 
moder  au  milieu,  qui  changeait,  perce  tout  d*un  coup  le  type 
primitif,  archaïque,  le  plus  souvent  non  en  harmonie  avec  le  mi- 
lieu actuel.  L'atavisme  diffère,  on  le  voit,  considérablement  de 
l'hérédité,  qui,  elle,  confère  à  un  individu  les  caractères  de  ses 
progéniteurs  directs. 

Que,  chez  un  membre  d'une  famille  depuis  plusieurs  généra- 
tions acclimatée  aux  Antilles,  percent  tout  à  coup  les  caractères 
d'un  ancêtre  reculé,  homme  du  nord  de  TEurope  ;  notre  créole, 
devenu  dès  lors  semblable  à  un  Européen  du  Nord,  sera  person- 
nellement privé  du  bénéfice  de  l'acclimatement,  dont  jouissaient 
ses  parents  directs  et  sur  lequel  il  comptait,  en  énumérant  la 
longue  liste  de  ses  ancêtres  déjà  acclimatés;  ce  sera  là  un  exemple 
d*atavisme.  Aux  maladies  qu'il  prendra,  au  peu  d'aptitude  qu'il 
présentera  pour  le  climat  chaud,  on  reconnaîtra  d'une  manière 
indéniable  son  origine  nord-européenne. 

Les  exemples  d'atavisme  sont  nombreux  dans  la  nature  ;  ils  se 
manifestent  aussi  bien  dans  l'ordre  anatomique  t|ue  dans  l'ordre 
pathologique  ou  dans  l'ordre  intellectuel.  Quelques  exemples,  pui- 
sés dans  l'ordre  anatomique,  montreront  comment  je  comprends 
l'atavisme  pathologique  et  quelle  valeur  philosophique  on  peut  lui 
accorder. 

AiavIsDie  anatoniqoe.  —  Les  graines  de  la  pensée  cultivée 
(Viola  tricolor)y  lorsqu'on  les  sème,  donnent  le  type  ancestral  de 
la  pensée  sauvage.  11  en  est  de  même  des  pommiers,  des  poiriers, 
qui,  par  greffe,  reproduisent  un  être  perfectionné  comme  eux, 
mais  qui,  par  graine,  retournent  au  sauvageon,  leur  ancêtre  sou- 
vent éloigné. 

L'exemple  des  pigeons  est  bien  connu,  grâce  à  Darwin  :  tout  le 
monde  sait,  en  efîet,  depuis  que  Tillustre  naturaliste  a  tant  iaiisté 
sur  ces  faits,  que  les  nombreuses  Tariétés  de  pigeons,  de  toote 


ATWISMB   ANATOMIQUE.  569 

couleur,  de  toute  forme,  de  toutes  mœurs,  retournent  toujours  au 
bizet,  à  la  Columba  livia,  d*ua  bleu  ardoisé,  avec  le  croupion  blanc 
et  les  rémiges  rayées  de  noir. 

Dans  les  races  de  moutons  sans  cornes,  depuis  longtemps  fixées, 
on  Yoit  apparaître  de  temps  en  temps  des  individus  pourvus  de 
corner.  Les  races  bovines  du  Galloway  n^ont  plus  de  cornes  depuis 
cent  cinquante  ans  et  cependant  on  voit,  de  temps  en  temps,  ap- 
paraître parmi  elles  un  veau  qui  a  des  cornes. 

Dans  un  troupeau  depuis  longtemps  composé  uniquement  de 
brebis  et  de  béliers  entièrement  blancs,  il  n'est  pas  rare  de  voir 
apparaître  des  agneaux  tachés  de  noir  ou  même  complètement 
noirs.  Dans  ces  cas,  on  retrouve  toujours  un  ancêtre  noir,  ancêtre 
souvent  fort  éloigné. 

Le  professeur  de  Quatrefages  a  connu  rarrière-petil-fils  du  bailli 
de  Sutfren  ;  il  était  le  portrait  frappant  de  son  ancêtre,  après  quatre 
générations  et  ne  ressemblait  ni  à  son  père  ni  à  sa  mère.  On  voit 
de  même  parfois,  dans  un  ménage  où  ni  le  père  ni  la  mère  ne 
sont  roux,  apparaître  des  enfants  roux,  comme  était  un  de  leurs 
ancêtres  plus  ou  moins  éloignés.  Azara  rapporte  que,  lorsqu'on 
voit  un  Indien  avec  un  peu  de  barbe,  on  peut  être  certain  que, 
parmi  ses  ancêtres,  il  y  a  eu,  du  côté  paternel  ou  maternel, 
une  personne  de  race  européenne.  Enfin,  tout  le  monde  connaît 
le  type  fossile  de  Néandcrthal;  or  il  n'est  pas  rare,  surtout  en 
Allemagne,  de  voir,  par  un  véritable  atavisme ,  reparaître,  de 
temps  en  temps,  ce  type  aussi  bien  caractérisé  que  possible.  Vir- 
chovir  cite  un  avocat  de  Berlin,  dont  le  crâne  est  absolument  néan- 
derthaloîJe. 

L^atavisme  peut  remonter  à  une  époque  encore  plus  reculée  : 
ainsi  Darwin,  se  fondant  sur  la  présence  d'une  robe  Isabelle  ou 
sillonnée  de  rayures  chez  beaucoup  de  poulains,  a  induit  cette 
conclusion,  que  le  cheval  se  rattachait,  par  voie  de  descendance, 
à  un  animal  rayé  comme  le  zèbre  qui  serait  Tancêtre  commun 
du  zèbre,  de  Tàne,  de  Thémioiie  et  de  nos  chevaux  domestiques. 

C'est  encore  par  un  atavisme  très  éloigné  que  de  nombreux 
muscles  apparaissent  anormalement  chez  Thomme  qui  ont  leur 
état  normal  chez  les  animaux  moins  élevés  que  lui,  et  notamment 
chez  le  singe.  Tels  sont,  je  me  borne  à  le  rappeler,  le  stemalis 
tnUonmi,  qu'on  trouve  chez  l'homme  18  fois  sur  600;  VelevcUor 
claviculœ,  qu'on  trouve  1  fois  sur  60  ;  les  muscles  dorso-épitro^ 
chUen,  moteurs  de  l'oreille  et  peauciers. 


570  ATAVIS>IE. 

La  présence  de  canines  chez  Hiomme,  ainsi  que  celle  da  dk»- 
iùmn,  ou  espace  qai  sépare  la  canine  des  cncûtv^^,  est  de  mène 
nn  caractère  que  Thomme,  sortool  cdni  des  races  inférieiires,  pré- 
sente fréquemment  par  un  fait  d^ata^isme  simien.  Darwin  le- 
marque  même,  avec  une  une  pointe  d*ironie,  que  ceux  des  hommes 
qu'une  pareille  pensée  met  en  manvaise  humeur,  n*oot  d'aatie 
manière  d^xprimer  la  colère  que  motiTe  cette  géoéalo^  qui 
n'est  pas  de  leur  g^oût,  que  de  montrer  ces  malheareuses  canines, 
absolument  conime  lait  encore  aujourd'hui  le  singe  contrarié. 

La  dent,  si  ironiquement  nommée  de  sagesse,  ne  serait  elle- 
même  qu'un  hériXagt  phylogénique.  En  eiSet,  TéTolution  de  la  deot 
de  sagesse  se  fait  chez  les  singes  plus  lot  que  chez  l*homnie,  et, 
dans  rhumanité,  chez  les  races  inférieures  plus  tôt  qoe  chez  les 
races  supérieures.  En  Italie,  elle  se  Dût  aujourd'hui,  dit  Mante- 
gazza,  plus  tard  qu^autrefois,  dans  le  même  pays.  Cette  dent  ne 
sert  d'ailleurs  à  rien  ;  elle  se  carie  presque  toujours,  et  c'est 
elle  qui  occasionne  la  stomatite  uleéro-membraneuUf  Jadis  crue 
épidt'mique,  parce  que  tous  les  soldats  ayant  le  même  âge  eo 
étaient  atteints  au  même  moment;  actuellement,  chez  beaucoup 
de  gens,  elle  n'évolue  pas;  si  bien  qu'on  peut  préToir  que  l'homme 
de  l'avenir,  plus  civilisé  sinon  plus  sage,  n'aura  pas  de  dent  de 
sagesse. 

Encore  de  l'atavisme  que  la  persistance  d'une  suture  au  mi- 
lieu de  Vos  mtilairel  Chez  quelques  quadrumanes  et  chez  d'autres 
mammifères,  cet  os  est  composé,  en  effet,  de  deux  parties;  c'est 
également  dans  cet  état  qu'on  le  trouve  chez  le  fcetua  humain 
de  deux  mois  ;  par  exception,  cette  disposition  persiste  parfois  chez 
rhomme,  surtout  dans  les  races  prognathes  inférieures. 

Il  en  est  de  même  de  la  sutwe  métopiqiie  ;  elle  existe  chez 
l'embryon,  chez  Tenfant  et  chez  les  mammifères  inférieurs,  à  Tàge 
adulte;  par  exception  elle  persiste  chez  Tbomme  adulte,  mais  sur 
les  crânes  anciens,  cet  état  s'observe  plus  souvent  que  sur  les 
crânes  récents. 

Encore  de  l'atavisme  que  la  persistance  du  repli  semi-lunaire 
à  l'angle  interne  de  Taeil,  comme  un  vestige  de  la  membrane  cli- 
gnotante 1  Atavisme  l'appendice  vermiforme  du  gros  intestin! 

Les  mamelles  surnuméraires  chez  la  femme,  les  mamelles  par- 
fois même  inguinales,  sont  également  un  cas  de  réversion  ances- 
trale  par  atavisme. 

L'utérus  double  ou  plutôt  divisé  en  deux,  chez  la  femme,  est, 


ATAVISME   INTELLECTUEL.  571 

par  ataTÎsme,  an  souvenir  de  Tutérus  complètement  double  des 
marsupiaux  et  de  Tutérus  à  moitié  divisé  en  deux  des  rongeurs. 
D'ailleurs,  même  à  Tétat  normal,  Tutérus  de  la  femme  et  celui 
des  singes  présentent  un  vestige  de  la  duplication  primitive,  qui 
consiste  dans  Texistence  d'un  léger  repli  interne.  Ce  sont  là, 
comme  le  dit  Darwin,  des  conformations  dormantes,  qui  sont 
fMurfois  rappelées  à  Texistence. 

AtavIsDie  paiholo^qoe. —  Le  raisonnement  est  absolument 
le  même  dans  l'ordre  pathologique  ;  à  côté  des  exemples  précé- 
demment notés  de  ressemblance  des  traits  à  ceux  d'un  ancêtre 
plus  ou  moins  éloigné ,  il  faut  placer  ici  ces  maladies  qu'on  ne 
tient  ni  de  son  père,  ni  de  sa  mère^  mais  d'un  grand-père,  ou  d'un 
aïeul  plus  éloigné  :  le  cancer,  la  goutte,  etc.  On  dit  alors  que  ces 
maladies  sautent  une  ou  plusieurs  générations.  Cest,  en  réalité, 
de  Tatavisme  morbide. 

De  même  que  toutà  Theure,  l'atavisme  reculant  de  plus  en  plus, 
nous  considérions,  dans  l'ordre  anatomique,  l'atavisme  phylogé- 
nique,  qui  permet  de  relier  le  cheval  au  zèbre  et  l'homme  au 
singe,  de  même  l'atavisme  morbide  peut  prendre  une  valeur  pliy- 
logénique  et  se  révéler  par  des  aptitudes  ou  des  immunités  patho- 
logiques :  ainsi,  la  communauté  d'aptitude  que  nous  avons,  pour 
certaines  maladies,  avec  beaucoup  d'animaux,  est  un  titre  de  plus 
à  ajouter  aux  archives  qui  établissent  notre  parenté  avec  eux.  Il 
me  suffit  de  citer  notre  aptitude  à  la  phthisie,  qui  nous  est  com- 
mune avec  le  singe  et  qui  s'observe  surtout  chez  le  nègre  ;  l'apti- 
tude à  la  syphilis  est  commune  au  singe,  au  cheval,  au  chat  et  à 
l'homme,  peut-être  à  tous  les  mammifères.  L'aptitude  à  la  variole 
descend  jusqu'aux  oiseaux  inclusivement. 

On  voit  par  cet  aperçu  que,  dans  ma  pensée,  l'étude  de  la  pa- 
thologie comparée  est  appelée  à  jeter  sur  la  biologie  philosophique 
une  lumière  égale  à  celle  qu'y  projette  l'anatomie  comparée. 

Toutes  ces  aptitudes  morbides  tiennent,  en  somme,  à  des  dis- 
positions anatomiques  d'ordre  moléculaire,  sur  lesquelles  agit 
l'atavisme. 

AlavisBie  intell«etoei.  —  H  en  est  de  même  des  aptitudes 
intellectuelles,  artistiques  ou  manuelles.  Dans  le  cerveau  de  tel 
de  nos  contemporains,  par  suite  de  l'apparition  d'une  conforma- 
tion ancestrale,  apparaissent  des  idées  qui  sont  celles  du  moyen 
âge  et  qui  font  que  ce  contemporain,  fossile  vivant,  est  abso- 
lument inaccessible  aux  idées  modernes.  Parlez  donc  libre  exa.- 


ft7t  TÉBàTOLOGIE. 

men,  libre  échange,  association,  égalité,  pariez  donc  science  à  cet 
homme  du  moyen  âge,  à  ce  réactionnaire  !  il  est  aussi  peu  de  soo 
temps,  cérébralement,  sous  le  masque  de  nos  mœurs  contempo- 
raines, que,  s*il  avait  un  pourpoint  mi-parti  jaune  et  bleu,  il  senût 
peu  de  son  temps,  au  point  de  vue  du  costume. 

Tai  montré  ailleurs  qu'un  grand  nombre  de  criminels  préseD- 
taient  une  conformation  crânienne,  qui  rappelle  celle  de  Tépoque 
préhistorique  ;  ce  sont  des  sauvages,  des  incivilisés,  des  insoumis, 
par  atavisme,  des  déclassés  qui  «  sont  venus  trop  tard  dans  uo 
monde  trop  vieux  ».  Ce  phénomène,  en  vertu  duquel  il  naît  dans 
certaines  familles  civilisées  et  même  honorables  des  gredins,  qui 
ont  tous  les  caractères  des  hommes  préhistoriques,  a  été  si  bieo 
compris  de  tout  temps  du  public  et  si  bien  comparé  à  Tatavisme 
du  mouton,  par  exemple,  que  Darwin  dit  qu'en  Angleterre  une 
expression  populaire  qualifie  de  tels  sujets  de  «  moutons  noirs  de 
la  famille  ». 

Tératologie.  —  En  somme,  partout  on  constate  la  lotte  entre 
CCS  deux  principes  :  le  milieu  qui  veut  le  changement  et  Tata- 
Tismc  qui  veut  maintenir  le  statu  quo  et  revenir  en  arrière.  Cette 
lutte  est,  en  quelque  sorte,  schématisée  dans  un  petit  fait  observé 
par  Mer  et  présenté  par  Duchartre  à  TAcadémie  des  sciences  ;  il  peut 
servir  d'exemple  idéal  :  il  a  vu,  dans  un  lac,  le  Ranuncuius  flam" 
mula;  sur  les  bords  du  lac,  là  où  il  y  a  peu  d'eau,  les  feuilles  sont 
nalantes,  étalées  à  la  surface  de  l'eau  et  présentent,  comme  cela 
est  la  règle,  des  stomates  à  leur  face  supérieure  ou  aérienne; 
dans  le  milieu  du  lac,  là  où  la  profondeur  est  plus  considérable,  les 
feuilles  sont  submergées  ;  elles  ne  présentent  souvent  plus  de  sto- 
mates ;  ces  organes  sont  en  effet  devenus  inutiles  ;  cependant,  un 
grand  nombre  de  feuilles  submergées  apparaissent  de  temps  en 
temps  avec  des  stomates  à  leur  face  supérieure  ;  la  réapparition 
d'organes  qui  étaient  utiles  aux  ancêtres,  mais  dont  ceux  qui  les 
portent  n'ont  que  faire,  c'est  de  l'atavisme  ! 

En  résumé^  se  modifier  avec  les  temps  et  les  lieux,  avec  le  mi- 
lieu, c'est  la  loi  du  progrès  ;  les  organismes  frappes  d'inamovi- 
bilité, arrêtés,  par  conséquent,  dans  leur  développement,  sont 
des  monstres.  —  Aussi  bien  suis-je  amené  à  parler  ici  des  mon- 
struosités et  des  anomalies. 


MONSTRUOSITÉS.    ANOMALIBS  RÉVBRSIYES.  57 S 

CHAPITRE  III. 

MONSTRUOSITÉS,    ANOMALIBS   RÉVERSIVBS. 

Valeur  philosophiqoe  des  moBslrnosités.  —  Les  ètre9 
vivants  qui,  par  atavisme,  présentent  certains  caractères,  qui  ne 
sont  plus  ceux  que  leur  race  présente,  de  leur  temps  et  qui,  par 
consèG|uent,  ne  sont  plus,  comme  Tétaient  leurs  parents  éloignés, 
adaptés  au  milieu  où  ils  doivent  vivre,  prennent  le  nom  de  mons" 
très.  Ainsi,  un  cheval  qui  présente  un  doigt  bifide  et  qui,  au  lieu 
du  caractère  essentiel  dessoUpèdes,  possède  par  atavisme  ce  carac- 
tère qui  nous  montre  son  origine  et  nous  indique  sa  descendance 
de  rhipparion,  est  un  monstre;  un  homme  qui  présente  une  dispo- 
sition du  cœur  ou  des  muscles  propre  aux  quadrupèdes,  porte  une 
monstruosité  denrème  valeur  philosophique  que  le  cheval  au  pied 
biOde.  Ainsi  compris,  le  mot  monstruosité  devient  synonyme 
d*anomalie  et,  dans  le  cas  particulier,  tTanomalie  réversive  ;  je 
m^éloigne  donc  complètement  de  Tusage  adopté  dans  le  langage 
courant,  où  on  attache  an  mot  monstruosité  un  caractère  plus  ou 
moins  grand  de  gravité,  je  m'éloigne  de  la  définition  même  qu'Isi- 
dore Geoffroy  Saint-Uilaire  donne  de  la  monstruosité  :  «  une  ano- 
malie très  grave  ».  Il  est  inutile  d'insister  pour  faire  comprendre 
que  c'est  là  en  effet  une  division  tout  arbitraire.  Le  bec*  de -lièvre 
ne  serait  donc  pas  une  monstruosité?  le  sexdigitisme  non  plus? 
ce  nom  ne  conviendrait-il  qu'à  Tanencéphalie? 

Cest  d'ailleurs  dans  le  sens  d'anomalie  que  Kantiquité  emploie 
le  mot  monstre.  Toute  anomalie  était  une  monstruosité  qui  avait 
pour  effet  et  même  pour  but,  car  la  théorie  des  causes  finales 
date  de  loin,  de  monere^  de  monstrare  quelque  chose  de  l'avenir  : 
le  pied  du  cheval  de  César,  le  célèbre  Buccphale,  prédisait,  pour 
celui  qui  le  montait,  l'empire  du  monde;  chez  les  Chaldéens,  un 
enfant  à  six  doigts  était  destiné  à  vaincre  l'ennemi;  on  augurait 
pour  Tavenir  :  «  Monstra  appellantur  quia  monstrant  »,  dit  Cicé- 
ron.  Pour  nous,  les  anomalies  ont  pour  effet  de  nous  monere,  de 
monstrare  non  plus  l'avenir,  mais  le  passé.  Le  pied  fourchu  d'un 
cheval  ne  nous  indique  plus  que  le  descendant  de  l'hipparion  ;  le 
sexdigitisme,  le  bec-de- lièvre  nous  indiquent  pour  l'homme  une 
origine  plus  éloignée  encore. 

Mais  que  de  temps  il  a  fallu  pour  arriver  à  cette  coiic^<^\.\^\^>V 


ftT4  MOHtTftUOSnrÉS.   ABOHALIBS  RÉTKRSIVKS. 

Les  moaslres  ont  été  r^irdés  ccMDine  refiel  d^an  caprice  de  Dieo, 
oa  des  Dieos,  saîTant  le  nombre ,  eomme  dd  jeu  de  U  luitiire. 
Le  moyen  âge,  imbu  de  Tidée  d^incube  et  de  succube,  y  voit  le 
résultai  d*an  commerce  bestial  et  les  traités  d'embryologie  saerée 
agiteot  la  question  du  baptême  des  monstres;  on  s*arréte  à  U 
formule  :  «  Si  tu  es  un  bomme,  je  te  baptise  »  ;  grâce  à  ce  it,  on 
éritait  de  se  compromettre  !  Comment  les  Uiéologiens  eussent-ils 
ériié  pareille  sottise,  quand  Ambroise  Paré  luinaoème  croit  à  Tin- 
terrention  du  démon  dans  les  destinées  et  à  sa  participation  cha^ 
nelle  à  la  Cibrication  des  monstres?  lorsque  Van  Helmont  est  cod- 
Taincu  des  maléfices  du  diable  et  que  les  astrologues  croient  à 
Tinfluence  du  zodiaque  ou  de  la  lune?  Vers  1200^  Albert  le  Grand 
n*a-t-il  pas  prouvé  que  les  astres  étaient  la  cause  de  la  naissance 
d^un  veau  à  tète  humaine?  Albert  le  Grand  avait,  en  somme,  rela- 
tivement raison  contre  ceux  qui  accusaient  le  berger  d'être  le  père 
du  veau  et,  comme  tel,  le  voulaient  brûler.  Ce  n*est  que  bien 
plus  tard  qu*on  entra  dans  une  période  d^apparence  plus  scienti- 
fique, mais  tout  aussi  erronée. 

La  science  du  développement  des  êtres  partait  en  effet  de  cette 
idée  fausse,  de  la  préexistence,  de  VemboUemeni  des  germes,  qui 
admettait  que  chaque  œuf  contenait  non  seulement  un  individu 
minuscule,  qui  n'avait  plus  qu'à  grossir,  mais  toutes  les  généra* 
lions  de  Ta  venir,  filles  de  cet  individu,  emboîtées  comme  des  cor- 
nets, les  uns  dans  les  autres;  les  noms  de  Swammerdam,  de  Mal- 
pighi  se  rattachent  à  cette  théorie  de  Pierre  Sylvain. 

Régis  Tadapta  à  la  tératologie  :  pour  lui  les  monstres  sont 
préeiistants  ;  le  germe  est  monstre  dès  son  début.  11  est  démontré 
maintenant  que  les  germes  normaux  deviennent  monstrueux  par 
accident,  à  une  époque  plus  ou  moins  éloignée  du  point  de  départ 
de  leur  développement.  Mais  la  tératologie  ne  pouvait  entrer  dans 
la  voie  scientifique  que  lorsque  Wolf  eut  montré  que  les  organes 
de  l'embryon,  au  lieu  d'être  tout  préformés,  s'ajoutaient  succes- 
sivement les  uns  aux  autres,  par  épigénèse;  c'est  alors  que  Le- 
mery  montra  que  les  monstruosités  étaient  des  accidents,  quisor- 
venaient.  Le  terrain  était  en  outre  préparé  par  Goethe,  qui  montra 
Tunité  de  type,  et  par  Etienne  Geoffroy  Saint-Hilaire,  qui  insista 
sur  l'unité  de  composition  organique.  Meckel  et  lui  démontrèrent 
définitivement  que  les  monstruosités  sont  dues  à  un  accident  qoi 
est  venu  arrêter  le  développement  dans  son  évolution.  Etienne 
GeofiDroy  Saint-Uilaire  formula  même  :  «  Les  êtres  anormaui  sont 


ORIOIMB  PATHOLOQIQUE   DBS  MONSTRUOSITÉS.  575 

«  des  embryons  permanents  ;  ils  nous  montrent,  à  leur  naissance, 
«  des  organes  simples,  comme  aux  premiers  jours  de  leur  forma- 
«  tion  ;  comme  si  la  nature  se  fut  arrêtée  en  ciiemin  pour  donner  à 
«  notre  observation  trop  lente  le  temps  et  le  moyen  de  ratteindre,  » 
Déjà  Harvey  avait  écrit  que  la  nature  :  «  iisdem  gradibus  in  forma- 
a  tione  cujuscunque  animalis,  transiens  peromnium  animalium 
«  consUtutiones,  ovum,  vermen,  fœtus  perfectionem  in  singuUs 
«  acquirit  ».  La  doctrine  moderne  qui  nous  montre  Vontogénie, 
ou  développement  de  l'individu,  comme  une  reproduction  en  rac- 
courci, comme  un  diminutif  de  la  phylogénie,  ou  développement 
de  Tespèce,  ne  dit  pas  autre  chose. 

On  sait  aujourd'hui  que  Tembryon  des  animaux  supérieurs,  y 
compris  Thomme,  commence  modestement  par  une  simple  cellule, 
une  amibe,  puis  qu'il  devient  synamibe,  grade  plus  élevé,  qu*il 
monte  ainsi  successivement;  tous  les  êtres  parcourent,  en  somme, 
la  même  voie  ;  mais  tous  ne  vont  pas  jusqu'au  bout  ;  l'homme  seul  va 
jusqu'à  ce  bout,  le  plus  avancé  pour  le  moment;  les  autres  s'arrêtent 
à  des  stations  plus  ou  moins  rapprochées  du  point  de  départ,  sta- 
tions par  où  l'homme  lui  même  a  passé,  mais  où  il  ne  s'est  pas 
arrêté! 

Origine  pathologique  des  monslraosltés. —  Or  la  plupart 
des  maladies  qui  troublent  Tembryon,  plus  ou  moins  localement, 
quelles  qu'elles  soient,  ont  pour  effet  d'arrêter  son  développement 
dans  un  point  plus  ou  moins  étendu,  le  reste  de  l'embryon  ache- 
vant de  parcourir  son  chemin  normal.  Il  en  résulte  qu'une  partie 
de  ranimai  se  trouve  moulée,  pour  ainsi  dire,  surprise  en  flagrant 
délit  d'évolution  et  iixée  dans  un  état  où  elle  ne  devait  que  pas- 
ser; de  telle  sorte  que  l'animal  vient  au  monde  avec  les  caractères 
de  son  espèce,  sauf  sur  un  point ,  où  il  présente  les  caractères 
d'une  espèce  inférieure  et  moins  avancée  dans  l'évolution.  Cet 
animal,  qui  s'éloigne  ainsi  du  type  classique  de  son  espèce  et  de 
sa  race,  est  réputé  monstre  ! 

Les  maladies  du  fœtus  agissent  donc  absolument  comme  les  ma- 
nipulations auxquelles,  dans  son  laboratoire,  Dareste  se  livre  sur 
les  œufs,  en  manipulant  les  œufs  de  poule,  soit  en  les  recouvrant 
de  vernis,  soit  en  les  exposant  à  la  chaleur,  en  les  troublant,  en 
somme,  par  un  procédé  quelconque.  Dareste  trouble  l'évolution  ; 
il  arrête  le  développement  sans  savoir,  au  préalable,  où  il  l'ar- 
rêtera; en  un  mot,  il  enregistre  un  état  fœtal  qui  devient  ainsi 
dterabie  et  permanent. 


B76  UONSTRi:0S[TË3.   ANOHAUES    HeVKBSlVEB. 

Bép»rtltlon  s^asraplilqBe  4e«  «■•■■Éraamll*».  —  fM^ 
livement  ïi  la  rcpartilion  des  uionslres  à  la  surfais  ilii  gMn,' 
ne  faudrait  pas  se  lier  à  un  rer^nsemont  même  approiimMt  ii 
tous  tes  monsin»  vivant  dans  un  pays,  rar  A*ns  iHrauenof  4 
sociëlés  on  les  tuait  et  on  les  lue  encore;  ils  sont  plu^  rr^oHfe 
parmi  les  populations  qui  vivent  par  petits  jn^upM  cl  Tbàr^* 
Tait  comprendre  pouriiuoi,  puis<|ue  ci-s  ^ens  ne  sr.  manenl  fu« 
ainsi  dire  <)u 'entre  parents. 

D'après  le  docicur  Gujot,  les  monstruosités  6er>i«nl  trto  ht- 
quentea  aux  Iles  Gilbert. 

En  ne  tenant  cnmple  quedes  naissances  moii£irueuK«.nflM« 
seraient,  d'après  certains  voyageur»,  plus  rioquenles  en  Etmft 
que  dans  l'Inde;  elles  sont  plus  iTéquentes,  ch<M 
comme  clifz  les  animaux,  dans  les  espèces  domestiquât  :«<les5oat 
plus  frériuentes  chez  le  chnt  que  chci  le  chien,  plus  frë-tuetil'» 
chez  le  bœur  que  chez  le  mouton  ;  en  France,  GeotTin;  Stbnt- 
Hilaire  estimait  leur  nombre  annuel  chez  l'homme  à  3  30D,  ckilTrr 
Ëvidemmetit  trËs  uu-  dessous  de  la  réaliié.  Elles  varient  d*«iUeaif 
suivant  le  milieu  sociul  :  Isidore  GeofTrov  Saint-HiUtra  • 
que  les  Tcmmes  pauvres  qui  sont  obligées  de  travailler 
leur  grossesse  donnent,  plus  souvent  que  d'autres, 
des  monstres. 

Je  n'ai  pas  la  prélenlion  de  passer  ici  en  revue 
monslruosilÉs;  je  me  harnurai  h  dire  un  mol  il<%  pins 
ou  au  moins  des  plus  cékbres  et  des  mieux  cunnuct. 

§  1.    PltOSlSME. 

Un  des  exemples  tes  mieux  connus  de  pilosisme  i^iohi^qac 
a  été  présenlc  par  une  Tamille  birmane  :  un  faomini'.  mm  fih  tlii 
(Ille  étaient  recouverts,  comme  de  véritables  grilToiii  h  poil  lodg 
de  poils  de  Sâ8  pouces  de  longueur;  b  (Itle  eut  cllt^-mim«  qaMir 
filles  dont  une  seule  était  velue;  le  chef  de  cette  dvnastir  rtiil 
lioufTon  &  la  cour  du  roi  de  Birmanie.  11  n'avait  que  3  deats  1  ti 
mâchoire  inrérieurc  cl  i  H  la  supérieure;  à  m  naisuncc» 
oreilles  étaient  velues,  le  poil  avait  alors  }  pouces  dclonf;!* 
structure  de  ces  poils  était  la  môme  que  celle  du  duvet  «■* 
hryonnnire. 

Voilà  certcf  un  exemple  d'hérédité  bien  net  I  SuppoM»  pt 
la  sélection  se  fit  eieccée  ici  comme  pour  nos 


HAMBLLBS   SURNUMÉRAIRES.  B77 

à  la  création  d'un  type  humain  à  coup  sûr  bien  différent  du 
nôtre! 

11  en  était  de  même  de  ce  Busse,  connu  à  Paris  sous  le  nom  de 
VHomme^hien  :  ses  poils  étaient  longs  de  7  à  8  centimètres;  son 
fils  Fédor,  âgé  de  trois  ans,  était  aussi  velu  que  lui  ;  ce  dernier 
n'a  que  o  dents  en  tout  :  4  en  bas,  1  en  haut  et  ne  les  a  eues  qu'à 
dix  sept  ans  !  Fédor  a  0  en  haut  et  4  en  bas.  On  montrait  récem- 
ment à  Londres,  sous  le  nom  de  Krao,  une  fille  de  7  ans  qui  était' 
originaire  de  Laos.  Cette  anomalie  serait-elle  plus  fréquente  dans 
ces  contrées  qu'ailleurs?  Une  danseuse  espagnole  velue,  la  Julia 
Pastrana,  a  été  vue  à  Londres.  Elle  ne  possédait  que  peu  de 
dents  aussi,  elle. 

Il  y  a  là,  d'ailleurs,  un  exemple  peu  rare  de  balancement  orga^ 
nique.  Les  dents  et  les  poils  sont  souvent  en  raison  inverse  les 
ans  des  autres.  Il  y  a  cependant  des  exceptions  à  cette  loi  :  ainsi, 
le  sanglier  qui  devient  cochon  perd  sa  fourrure  et  perd  également 
le  volume  de  ses  dents;  de  même  le  chien  nu  a  peu  de  dents; 
dans  ces  deux  exemples  le  poil  et  les  dents  décroissent  ensemble. 
Cest  le  contraire  le  plus  habituellement  et  c'était  le  contraire 
chez  les  hommes  velus  de  Birmanie  et  de  Russie. 

Valear  da  piiosisme  eomme  earaetère  réTerslf.  — 
Cette  monstruosité  est  une  des  plus  remarquables  au  point  de 
vue  de  la  réversion  :  on  sait,  en  effet,  que  le  poil  est  propre  aux 
mammifères;  on  sait, d'un  autre  côté,  que  le  fœtus  humain  en  est 
couvert  {lanugo),  sauf  à  la  paume  de  la  main  et  à  la  plante  des 
pieds;  ce  lanugo,  qui  tombe  après  la  naissance,  est  donc  un  legs 
d'un  antique  ancêtre  velu  !  aussi  la  femme,  qui  possède  toujours 
plus  de  caractères  embryonnaires  que  l'homme,  présente-t-elle 
habituellement  plus  de  duvel  que  lui. 

>  La  persistance  du  poil  et  d'un  poil  à  caractères  anatomiques 
embryonnaires,  comme  celui  des  sujets  dont  je  viens  de  parler, 
est  en  somme  due  à  la  persistance  d'un  état  fœtal,  lequel  n'est  lui- 
même  que  le  vestige  d'un  état  atavique,  un  souvenir  de  famille,  la 
marque  d'un  rang  inférieur  dans  l'animalité,  par  lequel  l'homme 
révèle  son  origine  plus  antique  que  noble. 

§   2.    MAMELLES   SURNUMÉRAIRES. 

La  présence  de  mamelles  surnuméraires  n'est  pas  très  rare  chez 
l'homme  :  Mitchell  Bruce  en  a  observé  65  cas  en  3  ans.  Sur  3 1  o  iad'vr 

GÉOOR.  MÉD.  ^'X 


I 


S7H  UONSTRUOSITÉa.   ANOMALIES    REVSttSlVES. 

vidus,  7,62  pour  100  présentaient  cette  annin«lic.  Chotc  emtim. 
elle  stirait,  d'a|>ri.'s  lui,  plus  rrL'ijueate  dicz  riionime  que  Asb 
femme. 

Importantio  enafine  «^»ra«16re  rév*»>lr.  —  Pour  birn  nr 
prendretoutela  valcurréver9ivetkceUeiui>nslru.    /        ' 
sidérer  dans  son  ensemble  l'évolution  pbjlog'Jiii', 
en  particulier  i.'L<Ie  la  peau  en  général.  Les  a)i|i.:r 
soDt  en  elTet  une  dii  peu  (lance  de  la  peau:  la  ^l:i'  < 
après  le  pilosisme  est  donc  naturelle. 

A  partir  des  oiseaux,  la  peau,  dans  ta  série.  e*l  povnv  * 
nombreuses  glandes  dites  sébacées,  dont  l'épithéliatn  tuA- 
rainé  par  une  mue  incessante  dans  un  état  lîe  iti^eaitmam 
grai^euse,  c'est  le  svl/iim.  Une  Je  ces  glande»  dm  les  imbki. 
dans  le  voisinage  des  organes  Rcnitaui,  au  croupino,  lucadmte 
un  développement  considérable  et  si-rt,  i.  titre  de  ràtm  dt 
cosmiïlique  pour  lustrer  les  plumes;  elle  a  hrs  dootr  nu 
son  riMe  au  moment  des  amours  et  se  rapprorhe  aiMi  de 
glandes  analogues  qui  .'îc  retrouvent  chez  le  dievrobi  fait- 
musc  cl  chez  bon  nombre  d'autres  mammifères.  Ctwi  ks  n^ 
mifèies  inrérieurs,  chez  l'ornithorliynquc  par  eiemple:,  n  tm- 
tain  nombre  de  glandes  sébacées,  sans  changer  noUUcnmdt 
forme,  sans  faire  plus  de  saillie  que  les  autres,  sccrèirataiiMlMii 
plus  liquide,  plus  gras,  c'est  du  lait  ;  en  réalité,  que}i|«ei  gludu 
sébucéei;  élevées  à  la  dignité  de  glandes  â  lait,  un  peu  it  rliun 
élevé  au  rang  de  lait  et  la  traniJtion  de  l'otsenii 
est  accomplie  !  A  mesure  <iu'on  s'élève  dans  la  série  ie^ 
niifères,  on  voit  le  nombre  des  glandes  à  lait  se  limiter,  Inr 
importance  individuelle  augmenter,  leur  volume  s'accaxr 
saillie  sous  la  peau  ;  on  arrive  enfin  aux  deux  manu-tlet  piil^tif 
qui  ne  se  trouvent  que  chez  les  éléphants,  ]ci  chciroHfm>  l> 
singe  et  l'Iiomme. 

Les  mamelles  surnuméraires  sont  donc  un  retour  aui 
[ères  inférieurs;   la  présence  de  mamelles  h  peine 
disséminées  sur  divers  points  de  la  surface  cutanée  i  I*  taç»l» 
glandes  sébacées,  rappelle  l'nrnithorhynque. 

.S;  3.   EXCÈS  m  PHiMENT.   H(KVVS  PISMEKTAIB». 

On  voit  parfoisle  pigment  s'accumuler  sur  GerUinspoiiM4lk 
peau  et, GonsbVueï  an« ^VxXkA^^^j^ukwj^as. «Ulule. fl* 


KXCES   DE   PIGMENT.    I40EVUS   PIOUENTAIRE.  579 

OU  moins  volumineuse  et  de  couleur  brune  :  le  nœvus  pigmentaire 
diffère  absolu menl  du  nœvus  vasculaire  ou  tumeur  éreclile,  dont 
je  n'ai  pas  ù  parler  ici.  Quand  ils  sont  petits,  on  désigne  vul- 
gairement ces  nœvi  sous  le  nom  de  grains  de  beauté,  Â  coup  sûr, 
ce  n*est  pas  là  une  monstruosité  grave;  cela  est  pourtant  le  signe 
d'une  imperfection  notable  du  réseau  cutané,  aux  premières 
époques  de  sa  formation. 

Anaiomie.  —  Lorsqu'on  a  l'occasion  de  faire  une  coupe  de  ces 
tumeurs  pigmentaires,  au  lieu  de  voir,  comme  dans  la  peau  nor- 
male une  superposition  en  quelque  sorte  géologique  de  Tépiderme, 
du  corps  de  Malpigbi,  du' pigment,  du  derme  et  du  pannicule  grais* 
seux,  on  constate  que  le  derme  est  absent  au  niveau  de  la  tumeur 
et  que  le  pannicule  graisseux  a  fait  hernie,  comme  par  un  trou,  à 
travers  les  mailles  ouvertes  du  derme,  en  refoulant  devant  lui  la 
couche  pigmentaire  épaissie,  le  corps  de  Malpighi  et  Tépiderme 
aminici.  Cela  dénote  donc  une  lésion  en  réalité  assez  grave,  puis> 
qu'il  s'agit  d'un  véritable  arrêt  de  développement  du  derme  qui 
s'est  trouvé  perforé  ;  mais  cela  n'est  pas  tout. 

Symétrie.  Corrc^spondanees  anatomiqoes.—  Ces  tumeurs 
pigmentaires,  ces  grains  de  beauté  sont  souvent  symétrique.^  ;  cela 
dénote  donc  que  cette  sorte  de  perforation  symétrique  du  derme 
est  due  à  une  cause  profonde, qui  a  troublé  le  développement  em- 
bryonnaire du  système  nerveux  central.  Ce  trouble  central  du 
système  nerveux  présidant  à  des  taches  symétriques,  rappelle  ce 
qui  se  passe  chez  un  grand  nombre  d'animaux,  chez  les  oiseaux 
notamment,  qui  sont  généralement  marqués  d'une  manière  ab^ 
solument  symétrique. 

Il  arrive  s«»uvent  que  ces  taches  ne  sont  pas  précisément  symé* 
triques,  mais  qu'une  certaine  correspondance  semble  exister  entr-e 
deux  taches  placées  cbucune  dans  un  point  dilTerent;  si  bien  (|ue 
des  gravures  fort  répandues  à  une  certaine  époque  permettaient^ 
disaient  au  moins  leurs  auteurs,  étant  donné  un  grain  de  beauté 
sur  le  visage  d'une  femme,  de  deviner  qu'elle  en  avait  un  sem^- 
blable  sur  tel  ou  tel  point  plus  secret  de  son  corps.  On  comprend 
de  quelle  ressource  cela  était  pour  la  pornographie  ;  le  fait  n'en 
est  pas  moins  curieux  et  il  rappelle  la  correspondance  que  l'on 
constate  parfois  entre  certaines  taches  blanches  chez  les  chevaux, 
les  baisâmes  et  l'escarbot  par  exemple. 

On  peut  rapprocher  ces  exemples  de  corresponJance  trophique 
entre  deux  points  qui  ne  sont  cependant  pas  symétric^ues^  d^^ 


580  H0M8TRU081TÉ8»   ANOMALIES   RÊYBRS1VB8. 

faits  de  correspondance  ou  de  coojagaison  de  scDsibiliié  signalés 
par  Gubler  :  ce  délical  observateur  avait  remarqué  et  montré  à 
ses  élèves,  pour  mon  compte,  je  Fai  souvent  constaté,  qu^une  pi- 
qûre d^épingie  faite  en  certains  points  de  la  peau  éveillait  souvent 
une  sensation  dans  un  autre  point  non  symétrique  très  éloigné 
et  toujours  le  même.  Au  point  de  vue  pratique,  il  ne  faut  pas 
oublier  que  deux  points  ainsi  conjugués  pour  la  sensibilité  sont 
évidemment  l'un  pour  Fautre  deux  points  de  révulsion  exceUeols. 

§  4.   ALBINISME. 

L*albinisme  consiste  dans  Pabsencede  pigment  sur  une  étendue 
du  corps  plus  ou  moins  grande.  Or  le  pigment  existant  normale- 
ment dans  les  poils,  dans  la  peau,  la  choroïde  et  Fins,  l'albi- 
nisme est  constitué  par  la  décoloration  de  ces  trois  parties. 

Il  faut  éliminer  de  Falbinisme  les  animaux  qui  ont  le  poil 
blanc  tout  en  ayant  la  peau  et  Firis  noirs,  comme  les  chevaui 
blancs.  H  en  faut  éliminer  également  le  blanchiment  accidentel 
des  cheveux.  Tout  le  monde  connaît  le  fait,  toujours  cité,  de  Marie- 
Antoinette  blanchissant  en  une  nuit;  mais  il  est  permis  de  sup* 
poser  que  dans  sa  prison  cette  reine  était  privée  de  quelque  tein- 
ture habituelle.  M.  Clément,  dans  la  Nature^  cite  cependant  le 
fait  d'un  autre  prisonnier,  un  incffensif  chardonneret,  qui,  pris 
par  la  patte,  blanchit  en  un  jour;  tout  différent  est  également  le 
cas  d'une  dame  soignée  par  Gubler  :  cette  dame  était  sujette  à  de 
fréquentes  migraines,  qui  duraient  3  ou  4  jours.  Pendant  ces 
migraines  ses  cheveux  poussaient  blancs;  ils  poussaient  entre 
les  accès  avec  leur  couleur  naturelle;  si  bien  que  les  cheveux  de 
cette  dame  étaient  segmentés  de  blanc,  comme  les  poils  d*un 
porc-épic  et  qu'on  pouvait  compter  le  nombre  de  ses  accès  de 
migraine  par  le  nombre  des  anneaux  blancs  présentés  par  chaque 
cheveu,  il  en  faut  éliminer  également  la  canitie  sénile,  ainsi  que 
la  chlorose  des  plantes,  qui  blanchissent  dans  les  caves,  comme  la 
chicorée.  11  est,  au  contraire,  permis  de  rapprocher  de  Falbinisine 
vrai  les  variétés  végétales  dites  albinos  de  nos  montagnes. 

Le  pigment  n'apparaît  sous  la  couche  de  Malpighi  qu'à  la  Gn 
du  troisième  mois  de  la  vie  embryonnaire;  Valbinisme  cutané  est 
doue  dû  à  un  arrêt  de  développement,  qui  s'est  manifesté  à  cette 
époque  ;  les  cellules  de  la  choroïde  se  remplissant  de  pigment  vers 


ALBINISME.  581 

la  même  époque,  il  s'ensuit  que  la  choroïde  se  trouve,  chez  les 
albinos,  décolorée  comme  la  peau  et  pour  la  même  cause  qu^elle. 

L'arrêt  de  développement  dépasse  souvent  d'ailleurs  les  limites 
de  la  peau  ;  il  s'étend  à  d'autres  organes  :  c'est  ainsi  qu*on  observe 
souvent  chez  les  albinos,  la  persistance  de  la  membrane  pupil- 
laire,  la  persistance  du  duvet  embryonnaire,  diverses  autres  ano- 
malies, enfin  le  sexe  féminin,  qui  lui-même  est  un  .arrêt  de  déve- 
loppement et  plus  sujet  que  le  masculin  aux  monstruosités;  on 
rencontre  aussi  les  pieds  plats,  les  oreilles  mal  conformées;  les 
chats  albinos  sont  toujours  sourds. 

Fréqaenee.  DIsIribatlon  ^éo^raphlqne. —  L'albinisme  se 
voit  dans  une  foule  de  races  et  d'espèces,  chez  Toiseau,  le  lapin, 
le  singe;  Téléphant  albinos  est  adoré  dans  le  Siam,  où  Ton  croit 
qu*il  loge  Tesprit  de  Bouddha.  Les  sultans  de  Java  avaient  à  leur 
conr  des  hommes  albinos;  Montézuma  en  avait  égalemenL  II  se  * 
voit  dans  toutes  les  races  humaines,  mais  avec  une  préférence 
marquée  dans  la  race  noire.  Il  est  vrai  que  c'est  chez  elle  qu'il 
contraste  le  plus  avec  la  couleur  normale.  Les  albinos  ne  sont  pas 
très  rares  au  Brésil,  ctiez  les  nègres;  le  major  Serpa-Pinto,  dans 
son  récent  voyage  en  Afrique,  en  a  signalé  des  tribus  entières. 
L'amiral  Fleuriot  de  Langle  a  signalé  dans  le  Gabon  une  tribu  de 
nègres  blancs,  aux  yeux  bleus  et  aux  cheveux  rouges;  l'albi- 
nisme n'est  pas  très  rare  non  plus  au  Sénégal,  sur  les  côtes  de 
Guinée;  cependant  on  y  tue  presque  tous  les  albinos,  car  ils 
sont  regardés  comme  un  mauvais  présage;  il  est  très  fréquent 
dans  l'Amérique  centrale  et  d'une  façon  générale  on  peut  dire  que 
l'albinisme  s'observe  surtout  dans  les  races  colorées,  dans  une 
zone  de  10^  de  chaque  côté  de  l'équateur.  Les  albinos  sont  connus 
à  Ceyian  sous  le  nom  de  Bedas;  à  Java,  sous  celui  de  chacrelas; 
ailleurs  sous  celui  de  blafards. 

Description.  —  L'albinisme  ne  change  généralement  rien  au 
type  ethnique  :  le  nègre  garde  son  type;  il  prend  seulement  les 
cheveux  rougeàtres  et  la  peau  blafarde;  chez  l'Européen,  les  che- 
veqx  de  Palbinos  sont  blancs;  chez  le  chai  albinos,  qui,  je  l'ai 
dit,  est  toujours  sourd,  les  yeux  sont  bleus  et  non  rouges  ;  le 
serin  jaune  des  Canaries  est  un  albinos;  le  type  normal  de  cet 
oiseau  est  vert;  en  même  temps,  on  observe  assez  souvent  une 
anémie  concomitante  plus  ou  moins  prononcée,  du  rachitisme, 
de  la  scrofule  ;  cependant  cela  n'est  pas  toujours  vrai  ;  on 
observe  quelquefois  de  l'idiotie,  mais  pas  toujours  non  \^lvis^«.vQfik 


itt         aosmcosiTÉs.  Asmun  eéteksitis. 

qaVa  a  été  U  prenre  m  méAtâm  a&isvs»  le  IK  Sachs»  car  U  a 
UifiS'.'  tt  nwMioênptiie  eC  edW  4e  si  smr,  albisos  ëgateiaent 

Tous  les  albiDOf  Mit  Pîm  nMige,  «issi  fmc  chacsa  k  eooslale 
diez les  Upiiis  bUocs; cette  eoloratioc  s*cxpK^oe  aiséfiient  :  Tîm, 
n^'éiaot  pas  doaMê  de  pi^ineot,Uî»e  Toir  les  Ta»eaun  par  traiispt- 
ivtioe.  En  inèfDe  temps,  la  lomière  on  pe«  abondante  aTeo?ie  les 
albinos,  parce  qo'eiie  pttsse,  eomme  par  antaot  de  papilles  «opplé- 
mentairef.  à  traTers  tes  espaces  Ubres,  qvi  séparent  les  fibres 
iDiiscaUJres  Je  l'iris,  espaces  qai  sont  comblés  oonnalement  par 
le  pigment  et  qui  se  trooTent  ïâ  oorerts,  poisqoe  ce  piârroent  est 
chez  eui  absent;  aussi  les  albinos  ne  Toîenl*îK  t»ien  qoe  pen- 
dant la  naît.  CroTaux  a  tu,  chez  les  Roncooyennes  de  U  Gajaoe, 
des  tribus  albinos  qui  ne  chassent  qoe  la  naît  et  donnent  pendant 
le  jour  ;  plusieurs  autres  ▼o\'2gears  rapportent  de  même  qu'on 
élèTe  dans  T Amérique  du  Sud  des  chefaox  albinos,  destinés  eiclo- 
siTcment  à  un  service  de  nuit. 

Les  yeux  des  albinos  présentent  en  outre  généralement  un  Ireoi- 
Mement  particulier,  ou  mieux,  une  oscillation  spéciale,  qui  est 
connue  sous  le  nom  de  nyKtagmtu.  Ils  sont  de  plus  myopes  te 
plus  souvent  et  Broca  a  judicieusement  expliqué  la  cause  initiale 
de  cette  myopie  par  le  besoin  que  ressentent  de  bonne  heure  tes 
albinos  aveuglés  par  la  lumière,  de  faire  ombre  sur  leors  livres 
avec  leur  tète  et  par  conséquent  d*approcher  le  papier  de  leurs 
yeux  autant  que  possible. 

Les  albinos  ne  sont  pas  toujours  impuissants  et  Talbinisme 
ainsi  peut  devenir  héréditaire.  Le  D'  Vincent  cite  un  ménage 
nègre,  où  9  grossesses  ont  donné  : 

1 '*  grosMf se I  garçon  albinos. 

2«  —        2  jumelles  ooires. 

3«  —        1  albinos. 

h*  —        1  noire. 

5«  —        1  noire. 

6«  —        1  albinos. 

?•  —  t  noir. 

8«  —        1  noire. 

9«  — l  albinos. 

Le  D'  Coindre  cite  de  son  côté  un  homme  blanc  alcoolique,  qui, 
de  deux  femmes  différentes,  eut  3  enfants,  tous  les  3  albinos  ;  l'al- 
coolisme parait  avoir  joué  ici  le  rôle  de  cause.  On  a  naturellement 


BEC-DB-LIÈYRB .  58t 

accasé  ailleoTs  la  consanguinité,  mais  la  ?érité  est  que  nous  igno« 
rons  la  cause  de  toutes  les  monstruosités  en  général  et  celle  de 
Talbinisme  en  particulier. 

Je  n'ai  point  à  parler  du  traitement  de  Talbinisme  ;  je  n'en  dirais 
donc  rien,  si  je  ne  tenais  à  relever  l'erreur  où  est  tombé  Living- 
stone  :  frappé  du  grand  nombre  d'albinos  qu'il  rencontrait  en 
Afrique,  le  hardi  missionnaire  avait  conçu  naïvement  Tespoir, 
tout  en  blanchissant  leur  âme,  pensait-il  du  moins,  au  moyen  da 
catholicisme,  de  noircir  leur  peau  au  moyen  du  nitrate  d'argent. 
Hélas!  ce  dernier  moyen  n'était  pas  plus  efficace  que  l'autre.  Sans 
doute  on  voit  parfois  le  nitrate  d'argent,  se  déposant  dans  les  gra- 
nulations du  pigment,  noircir  à  la  lumière  et  donner  aux  cellules 
une  couleur  plus  foncée  que  celle  qui  leur  est  normale;  mais, 
puisque  les  granulations  pigmentaires  manquent  ici,  le  nitrate 
d'argent  ne  saurait  s'y  déposer  pour  y  noircir. 

§  5.   BEC-DELIÈTRE. 

Tout  le  monde  connaît  la  description  sommaire  du  bec-de-lièvre 
et  cette  expression  populaire,  éminemment  pittoresque,  donne  im- 
médiatement ridée  de  la  difformité  dont  je  vais  parler. 

Les  idées  les  plus  singulières  ont  été  de  bonne  heure  émises  sor 
le  mécanisme  qui  concourt  à  sa  formation  :  Jourdain  pensait  que 
le  fœtus  s'était  fait  lui-même  une  déchirure  avec  les  poings  ;  Am- 
broise  Paré  accusait  déjà  un  défaut  de  force  formatrice;  c'est  ce  que 
nous  traduisons  aujourd'hui  par  le  mot  arrêt  de  développemeni. 
Blumenbach  émit  l'hypothèse  que  la  lèvre  supérieure  se  déve* 
loppait  normalement  par  un  certain  nombre  de  points,  qui  ou- 
bliaient de  se  souder  entre  eux;  Meckel  pensait  que  dans  le  bec- 
de-lièvre  la  bouche  persistait  dans  sa  configuration  primitive  et 
que  les  ûssures primordiales  ne  s'oblitéraient  pas.  Il  appartenait  à 
Coste  de  montrer  qu'en  réalité  le  bec-de-lièvre  est  bien  dû  à  un 
arrêt  de  développement. 

Mée»BlsMe  da  bee-de-llévre.  I«'os  intermaxlllalre.— 
Pour  comprendre  le  mécanisme  de  la  formation  du  bec-de-liè- 
vre, il  suffit  de  suivre  pas  à  pas  le  développement  de  l'os  inter- 
maxillaire. L'os  intermaxillaire  est,  ainsi  que  l'indique  son  nom, 
situé  entre  les  maxillaires;  formé  de  deux  pièces  symétriques, 
dont  chacune  porte  deux  incisives,  il  est  constitué,  après  la  fusion 
de  ses  deux  moitiés,  par  un  os  qui  porte  les  quatre  incisives  et  se 


48S  MONSTRUOSITÉS.    ANOMALIES   RÉVERSIVBS. 

qu*en  a  été  la  preuve  un  médecin  albinos,  le  D*"  Sachs,  car  il  a 
laisse  sa  monographie  et  celle  de  sa  sœur,  albinos  également. 

Tous  les  albinos  ont  Tiris  rouge,  ainsi  que  chacun  le  constate 
chez  les  lapins  blancs  ;  cette  coloration  s'explique  aisément  :  Piris, 
n^étant  pas  doublé  de  pigment,  laisse  voir  les  vaisseaux  par  transpa- 
rence. En  même  temps,  la  lumière  un  peu  abondante  aveugle  les 
albinos,  parce  qu'elle  passe,  comme  par  autant  de  pupilles  supplé- 
mentaires, à  travers  les  espaces  libres,  qui  séparent  les  fibres 
musculaires  de  Tiris,  espaces  qui  sont  comblés  normalement  par 
le  pigment  et  qui  se  trouvent  ici  ouverts,  puisque  ce  pigment  est 
chez  eux  absent;  aussi  les  albinos  ne  voient-ils  bien  que  pen- 
dant la  nuit.  Crovaux  a  vu,  chez  les  Roucouyennes  de  la  Guyane, 
des  tribus  albinos  qui  ne  chassent  que  la  nuit  et  dorment  pendant 
le  jour;  plusieurs  autres  voyageurs  rapportent  de  môme  qu'on 
élève  dans  TAmérique  du  Sud  des  chevaux  albinos,  destinés  exclu- 
sivement à  un  service  de  nuit. 

Les  yeux  des  albinos  présentent  en  outre  généralement  un  trem- 
blement particulier,  ou  mieux,  une  oscillation  spéciale,  qui  est 
connue  sous  le  nom  de  nystagmus.  Ils  sont  de  plus  myopes  k 
plus  souvent  et  Broca  a  judicieusement  expliqué  la  cause  initiale 
de  cette  myopie  par  le  besoin  que  ressentent  de  bonne  heure  les 
albinos  aveuglés  par  la  lumière,  de  faire  ombre  sur  leurs  livres 
avec  leur  tète  et  par  conséquent  d'approcher  le  papier  de  leurs 
yeux  autant  que  possible. 

Les  albinos  ne  sont  pas  toujours  impuissants  et  Talbinisme 
ainsi  peut  devenir  héréditaire.  Le  D'  Vincent  cite  un  ménage 
nègre,  où  9  grossesses  ont  donné  : 

ire  grossesse  . .  , 1  gtirçon  albinos. 

2«  —        2  jumelles  noires. 

3«  —        1  albinos . 

4«  —        1  noire. 

5«  —        1  noire. 

6»  —        1  albinos. 

7«  —  1  noir. 

8«  —        1  noire. 

9«  -        1  albinos. 

Le  D'  Coindre  cite  de  son  côté  un  homme  blanc  alcoolique,  qui, 
de  deux  femmes  différentes,  eut  3  enfants,  tous  les  3  albinos  ;  l'ai* 
coolisme  parait  avoir  joué  ici  le  rôle  de  cause.  On  a  naturellemeot 


BEC-DE-LIÈVRB .  588 

accusé  ailleurs  la  consanguinité,  mais  la  vérité  est  que  nous  igno- 
rons la  cause  de  toutes  les  monstruosités  en  général  et  celle  de 
Talbinisme  en  particulier. 

Je  n'ai  point  à  parler  du  traitement  de  Talbinisme  ;  je  n'en  dirais 
donc  rien,  si  je  ne  tenais  à  relever  l'erreur  où  est  tombé  Living- 
stone  :  frappé  du  grand  nombre  d^albinos  qu'il  rencontrait  en 
Afrique,  le  hardi  missionnaire  avait  conçu  naïvement  l'espoir, 
tout  en  blanchissant  leur  âme,  pensait*il  du  moins,  au  moyen  du 
catholicisme,  de  noircir  leur  peau  au  moyen  du  nitrate  d'argent. 
Hélas!  ce  dernier  moyen  n'était  pas  plus  efficace  que  l'autre.  Sans 
doute  on  voit  parfois  le  nitrate  d'argent,  se  déposant  dans  les  gra* 
nulations  du  pigment,  noircir  à  la  lumière  et  donner  aux  cellules 
une  couleur  plus  foncée  que  celle  qui  leur  est  normale;  mais, 
puisque  les  granulations  pigmentaires  manquent  ici,  le  nitrate 
d'argent  ne  saurait  s'y  déposer  pour  y  noircir. 

§  5.   BEG-DE-LIÈVRE. 

Tout  le  monde  connaît  la  description  sommaire  du  bec-de-lièvre 
et  cette  expression  populaire,  éminemment  pittoresque,  donne  im- 
médiatement l'idée  de  la  difformité  dont  je  vais  parier. 

Les  idées  les  plus  singulières  ont  été  de  bonne  heure  émises  sur 
le  mécanisme  qui  concourt  à  sa  formation  :  Jourdain  pensait  que 
le  fœtus  s'était  fait  lui-même  une  déchirure  avec  les  poings  ;  Am- 
broise  Paré  accusait  déjà  un  défaut  de  force  formatrice;  c'est  ce  que 
nous  traduisons  aujourd'hui  par  le  mot  arrêt  de  développement, 
Blumenbach  émit  l'hypothèse  que  la  lèvre  supérieure  se  déve-> 
loppait  normalement  par  un  certain  nombre  de  points,  qui  ou- 
bliaient de  se  souder  entre  eux;  Meckel  pensait  que  dans  le  bec- 
de-lièvre  la  bouche  persistait  dans  sa  configuration  primitive  et 
que  les  ùssures primordiales  ne  s'oblitéraient  pas.  Il  appartenait  à 
Coste  de  montrer  qu'en  réalité  le  bec-de-lièvre  est  bien  dû  à  un 
arrêt  de  développement. 

MéeaAlsme  da  bee-de-lléTre.  I«*os  Interaaxlllalre.— 
Pour  comprendre  le  mécanisme  de  la  formation  du  bec-de-liè- 
vre, il  suffît  de  suivre  pas  à  pas  le  développement  de  l'os  inter- 
maxillaire. L'os  intermaxillaire  est,  ainsi  que  l'indique  son  nom, 
situé  entre  les  maxillaires;  formé  de  deux  pièces  symétriques, 
dont  chacune  porte  deux  incisives,  il  est  constitué,  après  la  fusion 
de  ses  deux  moitiés,  par  un  os  qui  porte  les  quatre  incisives  et  se 


&«4  MONSTRUOSITÉS.   ANOICALIBS  RÉYBRSIVBS. 

limite,  de  chaque  côté,  au  maxillaire  qui  porte  la  canine,  et  en 
haut  à  l'ouverture  des  fosses  nasales. 

Des  discussions  célèbres  se  sont  élevées  sur  cet  os,  qni  a  été 
regardé  comme  propre  aux  animaux  à  Texclusion  de  i*homme.  Oa 
a  même  fait  une  différence  caractéristique  entre  Vhomme  qui  n'eo 
aurait  pas  et  le  singe  qui  en  aurait.  C'est  sur  ce  point  que  se  parta- 
geaient les  avis:Galien,  qui  n'avait  disséqué  que  des  magots,  croyait 
que  rhomme  avait  un  intermaxillaire;  Vesale  était  de  TopinioD 
contraire  ;  Camper  prétendait  que  nous  n'avions  pas  d'os  inter- 
maxillaire; en  revanche,  Gœthe  assure  Tavoirvu;  Vicqd*Azyr  éga- 
lement; Robert  Nesbitt  le  vit  chez  Tembryon  ;  mais  la  question  De 
fut  scientifiquement  étudiée  assez  récemment  que  par  Hamy,  qui 
montra  que  l'os  intermaxillaire  existait  chez  tous  les  animaux, 
même  chez  Thomme,  mais  qu'il  se  «loudait  à  ses  voisins,  les  maiii* 
laires,  de  façon  à  disparaître  complètement.  Cette  fusion  se  fai- 
sant chez  rhomme  au  troisième  mois  de  la  vie  embryonnaire, 
les  intermaxillaires  devenaient  invisibles  à  la  naissance. 

Une  progression  sériaire,  qui  va  des  autres  animaux  à  l'homme, 
montre  du  reste  que  la  soudure  de  Tintermaxillaire  se  fait  de 
plus  en  plus  tôt,  à  mesure  qu'on  approche  de  Thomme.  Un  grand 
nombre  d  animaux  ont  un  intermaxillaire  qui  se  soude  tard, 
parce  qu'ils  en  ont  besoin  pour  prendre  leur  nourriture,  ainsi 
que  l'avait  dit  Gœthe.  On  peut  en  résumé  classer  les  animaux,  au 
point  de  vue  de  la  soudure  de  Tintermaxillaire,  de  la  façon  sui- 
vante :  1®  les  carnassiers,  les  ruminants,  chez  qui  l'os  intermaxil- 
laire persiste  séparé,  non  soudé,  visible  toute  la  vie;  — 2*  les  singes 
inférieurs,  chez  qui  la  soudure  se  fait  tard,  dans  la  vieillesse;  — 
3*  l'orang,  le  gibbon,  le  semnopitbèque,  chez  qui  elle  a  lieu  un 
peu  moins  tard,  dans  lâge  adulte  ;  —  4«  le  gorille  et  le  chimpanzé, 
chez  qui  cette  soudure  se  fait  dans  la  première  jeunesse;  — 
5<>  l'homme  prognathe,  chez  qui  elle  se  fait  à  la  fin  de  Ut  vie  uté- 
rine, de  telle  façon  qu'elle  n'est  pas  toujours  terminée  au  mo- 
ment de  la  naissance  ;  —  6"  enfin  l'homme  blanc,  européen,  chei 
qui  la  soudure  se  fait  au  troisième  mois  de  la  vie  intra-utérine. 

Les  explications  qui  précèdent,  permettent  de  comprendre 
les  combinaisons  suivant  lesquelles  Tabsence  de  soudure  peot 
s'observer  :  chacune  d'elles  correspond  à  nne  forme  de  bec-de- 
lièvre  profond. 

Il  se  peut,  par  exemple,  que  les  deux  intermaxillaires  ne  se 
soudent  ni  entre  eux,  deux  à  deux,  ni  aux  maxillaires  voisins; 


BBC-DB-LIÈVRE.  585 

on  a  alors  trois  fentes  qui  séparent  quatre  bourgeons  :  deux  bour- 
geons latéraux  portant  les  canines,  séparés  par  deux  bougeons 
maxillaires  médians  qui  siiUt  eux-mêmes  séparés.  Cet  état  est 
normal  jusqu'au  troisième  mois  de  la  vie  embryonnaire  ;  sa  per- 
sistance constitue  le  bec-de-lië?re  profond,  compliqué. 

11  se  peut  que  les  deux  intermaxillaires  oublient  de  se  souder 
Tun  à  l'antre,  tout  en  se  soudant  aui  maxillaires  ;  ou  alors  une 
fente  médiane  qui  fait  communiquer  la  cavité  buccale  avec  les 
fosses  nasales,  c'est  le  cloaque  bucco-nasal. 

11  se  peut  que  la  soudure  se  fasse  partout,  excepté  d'un  côté, 
entre  un  intermaxillaire  et  le  maxillaire  voisin.  C'est  le  bec-de- 
liëvre  latéral,  qui  a  généralement  lieu  à  gauche  ;  cet  oubli  peut  se 
présenter  des  deux  côtés,  de  façon  à  laisser  un  bourgeon  médian  ; 
cette  anomalie  semble,  par  sélection,  rendue  fréquente  chez  les 
Orangs-Gargassi,  naturels  des  lies  de  TAmirauté,  qui  regardent  > 
comme  un  ornement  la  saillie  en  avant  des  dents  incisives  atta- 
chées sur  un  bourgeon  spécial,  bien  séparées  des  canines  et  por- 
tées en  avant  comme  une  pelle. 

Il  se  peut  enQn  que  les  os  intermaxillaires  manquent  complète- 
ment; un  hiatus  sépare  alors  les  deux  maxillaires;  les  cavités 
buccales  et  nasales  n'en  font  plus  qu'une  seule;  cette  hideuse 
diiïormité  constitue  la  gueule  de  loup. 

La  fissure  intermaiillaire  se  complique  souvent  d'autres  ano- 
malies :  ainsi,  sur  618  monstres  humains,  Panum  Ta  vue  77  fois; 
au  musée  Dupuytren,sur  170  monstres  humains  elle  figure  24  fois. 

Ce  que  je  viens  de  dire  s'applique  aux  parties  profondes  ;  une 
théorie  analogue  donne  l'explication  des  fiatvres  superficielles, 
qui  n'intéressent  que  les  parties  molles. 

Les  lèvres  supérieure  et  inférieure  se  développent  en  effet  par 
six  bourgeons  :  pour  la  lèvre  supérieure  deux  bourgeons  maxil- 
laires latéraux  et  deux  bourgeons  intermaxillaires  médians  ;  deux 
bourgeons  pour  la  lèvre  inférieure.  Supposons  donc,  pour  la  lèvre 
inférieure,  que  les  deux  bourgeons  ne  se  soudent  pas,  et  Ton 
a  le  bec-de-lièvre  inférieur  médian,  variété  très  rare;  supposons 
que  les  deux  bourgeons  médians  de  la  lèvre  supérieure,  ou  bour- 
geons intermaxillaires  superficiels  oublient  de  se  souder  l'un 
à  l'autre, et  l'on  a  la  conformation  du  lièvre,  anomalie  rare;  que 
le  bourgeon  incisif  gauche  oublie  de  se  sonder  au  bourgeon 
maxillaire  gauche,  et  l'on  a  le  bec-de-lièvre  superficiel  latéral 
gauche,  le  plus  fréquent  de  tous. 


586  MONSTRUOSITÉS.   ANOMALIES  RÉYBRSIVES. 

Fréquence  et  dIsCrIbatlon  ^o^raphlque*    —   La  fré- 
quence du  bec-de-lièvre  varie  avec  les  espèces  : 

Chez  le  bwuf  elle  8e  voit 6  «/o  monstres. 

Chez  le  chien 3,7  Vo 

Chez  la  brebis 3,4  Vo 

Chez  le  poro 3^2  Vo 

Cette  étrange  maladie  est  héréditaire;  Darwin  cite  une  famille, 
qui,  pendant  le  cours  d'un  siècle,  a  présenté  plusieurs  membres 
atteints  de  cette  difformité.  Elle  est  extrêmement  fréquente  en 
Chine,  où  on  en  observe  toutes  les  variétés.  En  France,  elle  a  m 
maximum  constant  qui  varie  de  0,96  à  2,2i  pour  iOOO  conscrits, 
dans  les  départements  qui  correspondent  à  la  Normandie,  le 
Maine,  TAnjou,  la  Touraine,  TOrléanais  et  la  Champagne.  Le 
D^  Chervin  signale  pour  la  France  un  grand  rapport  entre  la 
géographie  du  bec-de-lièvre  et  la  géographie  des  mort-nés. 
D'après  Bertillon,  cette  coïncidence  est  très  remarquable.  Cest 
là  un  fait  qui  vient  à  Tappui  de  ce  que  je  disais  plus  haut,  à 
savoir  que  le  bec-de-lièvre,  comme  toutes  les  monstruosités,  est 
produit  par  une  maladie  du  fœtus,  arrêté  dans  son  développe- 
ment. Il  n'est  donc  pas  étonnant  que,  dans  les  départements  où 
ces  maladies  de  fembryon  sont  le  plus  communes,  elles  occa* 
sionnent  également  le  plus  souvent  sa  mort. 

Caractère  réversif.  —  Il  est  inutile  d*insister  sur  le  carac- 
tère réversif  de  l'anomalie  qui  vient  de  nous  occuper  :  si  la  fissure 
médiane  de  la  lèvre  nous  fait  descendre  au  lama,  au  lièvre,  etc., 
la  division  profonde  du  palais,  qui  constitue  le  cloaque  bucco- 
nasal,  nous  fait  descendre  bien  plus  bas  encore  dans  Téchelle 
zoologique. 

§  6.  POLYDACTYUE  ET  SYNDACTYLIE. 

On  nomme  ainsi  la  présence  chez  un  animal,  à  une  ou  à  plu- 
sieurs extrémités,  d'un  nombre  de  doigts  supérieur  au  nombre 
normal  ;  or  aucun  mammifère,  aucun  oiseau,  aucun  reptile  n'a 
plus  de  5  doigts;  beaucoup  en  ont  moins,  et  Ton  démontre,  en 
anatomie  comparée,  que  cette  réduction  a  lieu  par  soudure  de 
plusieurs  doigts  en  un  seul  :  le  chien,  le  chat  ont  5  doigts  aux 
pattes  antérieures  et  4  aux  pattes  postérieures  ;  le  porc  a  4  doigts 


POLTDACTTLIE   ET   SYNDAOTYLIE.  587 

réunis  2  par  2:  le  bœuf  a  2  doigts  avec  fusion  du  métacarpien  ;  le 
cheval  actuel  n*a  qu'un  doigt  par  fusion  complète  des  3  doigts 
de  son  ancêtre  fossile. 

La  syndactylie  chez  Thomme,  réalise  Tétat  d'emprisonnement 
des  doigts,  qu'on  observe  chez  le  bœuf,  le  cochon,  le  cheval.  Cette 
soudure  s'effectue  au  nom  de  l'attraction  de  soi  pour  soi,  en 
vertu  de  laquelle  les  organes  homologues  tendent  à  se  souder. 

La  polydactylie  commence  donc  chez  le  cheval  du  jour  où 
il  a  2  doigts,  comme  Bucéphale  d'Alexandre  et  pour  l'homme  du 
jour  où  il  a  6  doigts;  c'est  le  sexdigitisme.  Le  polydactylisme  est 
d'ailleurs  complet  ou  incomplet  :  autrement  dit,  l:i  duplicature 
peut  s'étendre  au  métacarpien  et  au  doigt;  au  doigt  tout  entier 
avec  ses  3  phalanges  ;  à  2  phalanges  seulement;  à  i  seulement, 
la  dernière;  ou  même  à  une  moitié  de  cette  dernière  qui  se  trouve 
seulement  bifurquée  à  son  extrémité.  Le  musée  Broca  possède  le 
moulage  du  pied  d'un  Annamite,  qui  présente  cette  bifurcation 
de  la  phalangette  unguéale  du  pouce  ;  dans  le  même  musée  de 
l'institut  anthropologique  se  trouve,  à  côté  de  ce  pied,  une  pha- 
langette nue,  qui  pourrait  passer  pour  le  squelette  du  moulage  voi- 
sin ,  mais  qui  remonte  en  réalité  à  l'époque  préhistorique  (pierre 
polie).  Cette  phalangette  bifurquée  a  été  trouvée  par  Prunlères 
(de  Marvejols)  dans  ses  célèbres  et  fructueuses  fouilles  des  dolmens 
de  la  Lozère. 

Quelques  mots  sur  le  mécanisme  de  ces  anomalies  :  à  une 
époque  où  Broca,  qui,  depuis,  avait  changé  d'opinion,  croyait 
que  la  diplogénèse  tenait  à  la  fissuration  d'un  individu  unique, 
il  regardait  les  faits  de  diplogénèse  locale  dont  le  polydactylisme 
donne  l'exemple,  comme  dus,  dans  certains  cas,  à  des  doigts  fis- 
surés ;  il  reconnaissait  cependant  que,  le  plus  souvent^  le  doigt 
surnuméraire  tient  à  un  bourgeonnement  surnuméraire;  nous 
savons  maintenant  que  ces  cas  de  demi-section  apparente  sont 
des  cas  de  duplicature  avec  demi-fusion  ;  nous  savons  qu'il  s'est 
passé  là,  entre  le  doigt  surnuméraire  et  le  voisin  normal,  ce  qui 
ce  passe  par  syndactylie,  chez  le  cheval,  chez  le  bœuf.  Le  poly- 
dactylisme et  le  syndactylisme  sont  donc  deux  phénomènes  qui,  en 
apparence  opposés,  marchent  au  contraire  souvent  côte  à  côte. 
Broca  citait  lui-même  l'exemple  suivant  d'une  famille  dans 
laquelle  six  générations  consécutives  avaient  présenté,  avec  une 
sorte  d'équivalence,  le  polydactylisme  et  le  syndactylisme  aux 
pieds  ou  aux  mains  : 


588  MONSTRUOnTÉS.   ANOMALUS  RÉVBRSIVBS. 

1  génération  . .  • sezdigititme  maint,  pieds. 

2  —  id. 

3  —  sexdigititme  pied. 

syndaotylisme  main. 

4  — •    sezdigitisme  mains,  pieds. 

5  —  sexdigitisme  main  droite. 

syndactylisme  main  gauche. 

6  —  syndactylisme  i  mains. 

Fréqiieiiee«  dlsCrlbnCloii  Kéoipraplilqiie.  — •  Le  polydacty- 
lisme  s*observe  d'ailleurs,  tantôt  aux  mains,  tantôt  aux  pieds,  tan- 
tôt aux  pieds  et  aux  mains;  les  mains  le  présentent  cependant  plas 
souvent  que  les  pieds,  et  le  pouce  est  le  plus  souvent  le  doigt  sup- 
plémentaire. 11  est  très  fréquent  chez  le  nègre.  M.  le  D'  Napias 
m*a  dit  avoir  été  frappé  du  grand  nombre  de  nègres  sexdigitaires 
qu'il  a  rencontrés  à  la  Guadeloupe,  dans  un  court  séjour  chez 
eux,  «  au  moins  une  douzaine  »  ;  tantôt  (communication  écrite) 
«  il  s'agissait,  chez  un  petit  garçon  de  quelques  mois,  d'une 
«  phalange  supplémentaire  attachée  au  niveau  de  rarticulation 
«  de  la  troisième  phalange  du  petit  doigt  ;  la  phalange  supplé- 
«(  mentaire  avait  un  ongle  et  le  squelette  était  une  phalangette 
«  mal  formée;  tantôt  il  s'agissait  d'un  doigt  supplémentaire 
u  complet  attaché  par  un  pédicule  au  niveau  de  l'articulation 
«  métacarpo-phalangienne  du  petit  doigt  ;  tantôt  le  doigt  sup- 
«  plémentaire  était  implanté  sur  le  5*  métacarpien,  rigide  et 
ff  .sans  articulation,  presque  perpendiculaire  au  5*  métacarpien, 
u  Dans  ce  cas,  qui  m'a  été  signalé  par  un  de  nos  collègues,  le 
((  D'  Maltei,  qui  exerçait  à  la  Guadeloupe,  les  phalanges  supplé- 
ff  mentaires  existaient  aux  pieds  ;  sur  la  face  supérieure  de  cha- 
«  que  pied  existait  une  série  de  4  rangées  de  doigts  supplémen- 
«  taires,  de  volume  décroissant,  imbriqués  les  uns  sur  les  autres, 
a  comme  les  tuiles  d'un  toit,  jusqu'au  milieu  du  cou-de-pied, 
o  Dans  une  famille  de  mulâtres  que  j'ai  connue,  le  mari  et  li 
«  femme  avaient  des  doigts  supplémentaires.  Ils  eurent  5  enfants 
«  qui  eurent  des  doigts  supplémentaires,  un  sixième  naquit  sans 
«  supplément  d'aucune  sorte....  et  le  mari  battit  sa  femme  ». 
A  Rome,  dans  lantiquité,  celte  anomalie  devait  se  montrer  asaei 
fréquemment  avec  un   caractère   d'hérédité,  car  plusieurs  Ci- 
milles  y  portaient  le  surnom  de  Sexdigitati.  Les  sexdigitisme  est 
en  effet  héréditaire  et  Darwin  en  a  cité  des  exemples,  qu'il  avait 
pu  suivre  dans  une  famille,  pendant  5  générations.  M"*  Clémence 


POLTDACTYUE  ET  SYNDACTYLIB.  589 

Royer  a  connu  une  famille  où  les  mâles  avaient  6  doigts.  Cette 
anomalie  peut  même  sauter  une  génération  ;  autrement  dit,  le 
sexdigitisme  peut  être  transmis  par  quelqu'un  qui  ne  Ta  pas  lui- 
même,  par  atavisme  ;  c'est  de  même  qu'un  taureau,  fils  d'une 
vache  bonne  laitière,  transmet  à  ses  GUes  les  qualités  laitières 
que  lui-même  n'avait  pas,  bien  entendu,  mais  que  possédait  sa 
mère.  Dans  certains  cas,  il  semble  que  l'hérédité  accentue  le  sexdi- 
gitisme,  de  génération  en  génération  :  ainsi  le  D'  Struthers  a  vu 
un  doigt  supplémentaire  apparaître  de  la  façon  suivante,  pen- 
dant 4  générations  : 

ire  génération 1  main. 

2*  génération 2  mains. 

.3*  génération 2  mains,  1  pied. 

^     4*  génération 2  mains,  2  pieds. 

C'est  d'ailleurs  grâce  à  l'hérédité  que  se  formeraient  facilement 
des  races  sexdigltaires,  si  la  mode  en  pouvait  naître  :  au  com- 
mencement de  ce  siècle,  dans  Tlsère,  loin  des  communications 
habituelles,  il  y  avait  un  village  de  sexdigitaires;  ces  gens^  qui  ne 
sortaient  jamais  de  chez  eux,  ne  se  mariaient  qu'entre  eux;  il 
a  suffi  de  faire  des  routes  et  de  donner  de  l'expansion  à  la  popu- 
lation, pour  faire  inconsciemment  disparaître  le  sexdigitisme. 

Par  sélection,  un  membre  distingué  de  la  Société  d'anthropo- 
iogie^M.  Martinet,  a  réussi  à  faire  une  race  de  pouletsà  5  doigts; 
il  est  en  chemin  d'en  faire  une  à  6  doigts. 

Cette  anomalie  en  accompagne  souvent  plusieurs  autres;  ainsi 
une  femme  célèbre  dans  l'histoire,  Anne  de  Boleyn,  femme  de 
Henri  VIII  d'Angleterre,  celle  qu'on  appelait  la  Haquenée'd'An- 
gleterre  et  qui  fut  mère  d'Elisabeth,  avait  6  doigts;  elle  avait 
en  outre  une  mamelle  surnuméraire  et  une  dent  de  plus  que  Tétat 
normal  le  comporte. 

Mécmnlsme  i  valeur  comme  caractère  de  réversion. 
—  On  pourrait,  au  premier  abord,  se  demander  comment  la  pré- 
sence d'un  certain  nombre  de  doigts  surnuméraires  constituant 
un  luxe,  un  excès,  peut  être  rattachée  à  un  arrêt  de  développe- 
ment; cependant  la  biologie  montre  que  souvent  le  progrès,  l'évo- 
lution sont  liés  à  la  disparition  de  certains  organes  et  non  à  leur 
augmentation;  ainsi  révolution  ne  grossit  pas  le  thymus,  elle  le 
fait  au  contraire  disparaître. 

Cette  objection  n'aura  plus  d'ailleurs  sa  raison  d'être^  si  nous 


590  MONSTRUOSITÉS.    ANOMAUKS    RÉVERSIVES. 

considérons  que  c'est  moins  Tarrèt  de  développement  qui  fait 
la  monstruosité,  que  la  persistance  de  l'état  fœtal  et  la  persis- 
tance dans  le  haut  de  Téchelle  zoologique  de  caractères  inférieurs 
et  qui  ne  sont  normaux  que  dans  le  bas  de  cette  échelle. 

Voyons  donc  en  quoi  le  sexdigitisme  est  dû  à  lu  persistance 
d'un  état  fœtal  et  en  quoi,  chez  Thomme^  il  est  le  maintien  dans 
le  haut  de  Téchellc  zoologique  d'un  caractère  inférieur  :  aucun 
animal  actuel  (mammifère,  oiseau  ou  reptile)  n'a  plus  de  5  doigts: 
de  plus,  le  type  le  plus  ancien  auquel  il  faille  renoonter  pour  voir 
apparaître  5  doigts,  est  celui  des  amphibies.  Gegenbauer  n'a  pas 
eu  de  peine  à  montrer  que  les  extrémités  pentadactyles  des  am- 
phibies, animaux  qu'on  voit  apparaître  à  la  période  carbonifère 
et  dont  on  trouve  les  empreintes  dans  les  terrains  triasiqucs, 
dérivent  des  nageoires  polydactyles  des  poissons,  nageoirts  qui, 
par  rcduclion  du  nombre  des  doigts,  se  sont  accommodées  à  leur 
nouveau  rôle,  qui  était  de  prendre  un  point  d'appui  sur  la  terre 
devenue  ferme  et  non  plus  sur  Tonde  mobile. 

Or  si  les  cinq  doigts  apparaissent  aux  amphibies,  il  faut,  de 
toute  nécessité,  pour  qu'un  arrêt  de  développement,  par  persis- 
tance d'un  état  fœtal,  donne  six  doigts  ou  plus,  il  faut,  dis-je, 
que  l'embryon  ait  été  arrêté,  saisi,  pendant  cette  phase  ontogé- 
nique  qui  correspond  à  une  étape  phylogéniqne  antérieure  aux 
amphibies,  c'est-à-dire  correspondante  aux  poissons.  La  seule  pré- 
sence d'un  sixième  doigt  a  donc,  on  le  voit  par  l'analyse  que  je 
viens  de  faire,  une  valeur  réversive  considérable;  mais  ce  n'est 
pas  tout. 

Une  particularité  qui  n*est  pas  moins  curieuse,  présentée  par 
les  dofgts  surnuméraires,  qu'on  cherche  souvent  à  enlever,  c'est 
celle  de  repousser  lorsqu'on  les  a  amputés.  Le  D' Whitc  parle  d'un 
enfant  de  trois  ans,  qui  avait  deux  pouces  à  chaque  main  ;  on 
coupa  une  première  fois  Tun  des  pouces,  il  repoussa.  On  l'enleva 
une  deuxième  fois,  il  repoussa  encore  !  Des  cas  semblables  de 
reproduction  d'un  doigt  surnuméraire  amputé  ont  été  cités  par  le 
D'  Strulhers  et  par  le  D'  Falconner.  Or  cette  propriété  présentée 
par  des  tissus  de  rebourgeonner  sous  la  section,  de  repousser,  est 
un  caractère  essentiellement  fœtal,  embryonnaire.  Simpson  cite  en 
effet  le  cas  d'un  fœtus  dont  le  bras  fut  amputé  par  un  repli  mem- 
braneux dans  l'utérus  même  ;  of,  au  moment  de  la  naissance, 
on  voyait,  sur  le  moignon  résultant  de  cette  section  complète  du 
bras,  trois  tronçons,  ou  mieux  trois  bourgeons,  qui  indiquaient 


MICROCÉPHALIE.  5r>l 

la  tendance  des  tissus  du  bras  à  repousser  !  Cette  propriété  de 
repousser,  qui  est  propre  aux  tissus  de  Tembryon  humain,  est 
normale  dans  le  premier  état  des  Batraciens  anoures  avant  leur 
métamorphose;  chez  le  têtard,  la  queue  repousse  en  effet,  tandis 
que  chez  la  grenouille  adulte,  la  patte  amputée  ne  repousse  pas  ; 
c'est  encore  là  un  exemple  de  la  persistance  chez  Tcmbryon  ou, 
dans  les  premières  périodes  de  révolution  ontogcnique,des  carac- 
tères qui  sont  propres  à  certains  animaux  inférieurs,  c'est-à-dire  au 
début  de  l'évolution  phylogénique.  Cette  propriété  persiste  même 
chez  certains  animaux  à  Tétat  adulte  :  Spallanzani  a  coupé  et  re- 
coupé jusqu*à  six  fois  les  pattes  et  la  queue  d'une  salamandre,  six 
fois  ces  organes  ont  repoussé.  Bonnet  a  pu  réussir  jusqu'à  huit 
fois  chez  le  même  individu;  de  leur  côté,  Briggs  et  Buckland, 
après  avoir  coupé  les  nageoires  pectorales  de  certains  poissons, 
nageoires  qui  sont  après  tout  des  membres,  les  ont  vues  repousser 
en  six  semaines. 

En  résumé,  la  propriété  de  repousser  que  possèdent  parfois  les 
doigts  surnuméraires  est  due  à  la  persistance  d'un  état  fœtal 
des  tissus  ;  et  comme  cette  propriété  des  tissus  à  Tétat  fœtal  n'est 
elle-même  que  le  vestige,  que  le  souvenir  d'une  propriété  qui 
était  normale  à  une  étape  inférieure  dans  la  série  phylogénique, 
il  s'ensuit  que  cette  persistance  de  la  propriété  de  repousser  dé- 
note, chez  Tadulte  qui  la  présente,  un  caractère  atavique  très  in- 
férieur, puisque  c'est  là  un  legs  qui  leur  a  été  fait  [lar  nos  ascen- 
dants reculés,  les  vertébrés  les  plus  inférieurs. 

§    7.    MICROCÉPHALIE. 

On  nomme  ainsi  la  réduction  congénitale  du  volume  du  crâne, 
due  à  un  arrêt  de  développement,  il  en  résulte,  comme  consé- 
quence forcée,  une  réduction  proportionnelle  de  rintelligence, 
qui  reste  enfantine. 

La  microcéphalie  n'est  cependant  pas  synonyme  d'idiotie,  car 
si  tous  les  microcéphales  sont  plus  ou  moins  idiots,  tous  les  idiots 
ne  sont  pas  microcéphales. 

CrAne.  —  Ce  qui  frappe  chez  ces  monstres,  c'est  l'opposition 
entre  la  face,  qui  suit  une  évolution  normale,  et  le  crâne,  qui, 
seul,  est  atrophié.  Comme  le  remarque  C.  Vogt,  il  semble  que  le 
crâne,  comme  chez  les  singes,  ait  glissé  en  arrière.  Le  crâne 


592  MICROCÉPHAUE. 

seul  est  resté  simien,  tandis  que  la  face  a  pris  le  type  humain; 
en  effet,  si  sur  une  ligne  horizontale  tangente  au  bord  supérieur 
de  l'arcade  zygomatique,  on  abaisse  une  ligne  perpendiculaire 
passant  par  l'articulation  du  malaire  avec  le  frontal,  on  coupe  une 
partie  notable  du  cerveau  chez  Tbomme,  on  l'entame  de  quel- 
ques millimètres  seulement  chez  le  chimpanzé,  on  ne  Tentaine 
plus  chez  le  gorille.  Or  sous  ce  rapport,  le  microcéphale  est  inter- 
médiaire entre  le  chimpanzé  et  le  gorille. 

La  plupart  des  microcéphales  ont  Poccipital  taillé  à  pic;  eo 
même  temps  on  constate  chez  eux  une  grande  saillie  du  nez,  par 
suite  du  balancement  fonctionnel,  habituel  en  biologie. 

Si,  au  lieu  de  considérer  la  forme  du  crâne,  on  considère  son 
évolution,  son  développement,  voici  ce  qu'on  constate  :  d*après 
les  tableaux  de  Welcker,  la  capacité  crânienne  de  l'enfant  nou- 
veau-né est  le  quart  ou  25  0/0  de  ce  qu'elle  sera  à  Page  adulte.  A 
un  an,  l'enfant  a  déjà,  comme  capacité  crânienne,  atteint  ^  0/0 
de  celle  qu'il  aura  k  Tâge  adulte  ;  à  Tadolescence,  il  a  à  peu  près 
atteint  la  capacité  de  l'adulte.  Chez  le  singe,  le  nouveau-né  a 
déjà  près  de  60  0/0  de  ce  qu'il  aura  à  l'âge  adulte.  Le  microcé- 
phale, lui,  a  déjà  en  naissant  plus  de  60  0/0  de  ce  qu'il  aura  ja- 
mais. Autrement  dit  :  révolution  progressive  du  crâne  se  poursuit 
pendant  plus  longtemps  chez  Thomme  que  chez  le  singe  et  que 
chez  le  microcéphale. 

Un  caractère  essentiel,  c'est  la  réduction  du  cube  crânien,  ré- 
duction d'ailleurs  variable,  qui  a  fait  diviser  ces  monstres  par 
Broca  en  demi-microccphales  et  microcéphales  vrais.  Les  limites 
de  cette  division  varient,  on  le  comprend,  suivant  les  races.  Dans 
la  race  blanche,  les  demi-microcéphales  adultes  ont  un  cube  crâ- 
nien inférieur  à  M 50  centimètres  cubes  et  une  circonférence 
horizontale  moindre  que  480  millimètres  chez  l'homme  et  475  mil- 
limètres chez  la  femme.  Le  microcéphale  vrai  oscille  entre  272  et 
6^2  centimètres  cubes,  ce  qui  est  plus  près  du  gorille  mâle,  500, 
du  chimpanzé,  477,  du  gorille  femelle,  418,  que  de  l'homme,  1400. 
Divers  microcéphales  ont  présenté  285,  401,  403,  462,  490,  505, 
668  centimètres  cubes.  Lorsque  le  microcéphale  cube  plus  de  500, 
il  s'éloigne  plus  du  type  simien  que  de  l'humain.  C'est  le  contraire 
au-dessous  de  500. 

Sutures  erAnienDes.  —  Ce  qui  est  très  intéressant,  c'est  que, 
même  chez  l'adulte,  les  sutures  sont  ouvertes  ;  cela  contredit  for- 
mellement la  théorie  de  Yirchow.  Ce  savant  avait  dit  en  effet  que 


MICROCÉPHALIE.  598 

si  le  cerveau  restait  petit,  c'est  que  la  boite  crânienne  se  fermait 
sur  lui.  Cela  est  faux  ;  la  cause  de  la  microcéplialie  n'est  donc 
pas  crânienne  y  elle  est  cérébrale. 

Gela  diffère  complètement  de  l'arrêt  de  développement  consé- 
cutif à  la  naissance,  qui,  lui^  est  crânien  et  détermine  sur  le  cer- 
veau, qui  demande  à  croître,  des  déformations  spéciales. 

Valeur  eomme  earaetère  réversif.  —  Comme  pour  le 
bec-de-lièvre  et  lesexdigitisme,nous  ne  comprendrions  pas  la  va- 
leur philosophique  de  cette  anomalie  tératologique,  si  nous  ne 
recherchions  quelle  est  révolution  cérébrale  dans  Téchelle  phylo- 
génique,  comme  dans  l'échelle  ontogénique. 

1,  Développement  phylogénique. 

Encéphale, — Chez  les  cyclostomes,  comme  la  lamproie,  Texlré- 
mité  antérieure  du  cylindre  médullaire  commence  à  se  renfler  en 
une  ampoule  pyriforme,  qui  est  le  premier  rudiment  du  cerveau; 
plus  haut  dans  l'échelle,  cette  ampoule  unique  se  divise  en  trois 
renflements,  qui  se  suivent  d*avant  en  arrière  ;  plus  haut  encore, 
le  premier  et  le  troisième  de  ces  renflements  se  divisent  en  deux, 
ce  qui  donne  naissance  à  cinq  ampoules  cérébrales,  qu'on  dé- 
sire d'avant  en  arrière  sous  les  noms  de  cerveau  antérieur,  in- 
termédiaire, moyen,  postérieur  et  arrière-cerveau.  Tous  les  êtres, 
même  Thomme,  passent  par  cette  étape  ;  beaucoup  s'y  arrêtent 
et  restent  munis  de  ces  cinq  ampoules  ;  l'embryon  humain  et  ce- 
lui des  autres  animaux  supérieurs  vont  plus  loin  :  le  cerveau  anté- 
rieur donne  naissance  aux  deux  hémisphères,  au  lobe  olfactif,  au 
corps  calleux,  aux  corps  striés;  le  cerveau   intermédiaire  à  la 
couche  optique  ;  le  cerveau  moyen  aux  tubercules  quadriju- 
meaux  ;  le  cerveau  postérieur  au  cervelet  ;  l'arrière-ccrveau  à  la 
moelle  allongée.  Chez  les  poissons,  les  tubercules  quadrijumeaux 
et  le  cervelet  prennent  un  développement  supérieur  aux  autres 
parties  ;  chez  les  mammifères,  ce  sont  les  deux  hémisphères  et  le 
cervelet  qui  dominent.  Chez  la  plupart  d'entre  eux,  le  cerveau 
n'est  pas  assez  grand  pour  recouvrir  le  cervelet,  (|u'on  aperçoit 
facilement  ;  chez  l'homme  et  les  autres  primates,  le  développe- 
ment du  cerveau  antérieur  est  tellement  considérable,  qu'il  efface 
tout  et  masque  presque  complètement  le  cervelet.  En  outre,  l'ex- 
trémité antérieure  des  hémisphères,  pointue  chez  les  autres  mam- 
mifères et  chez  les  pithéciens,  est  renflée  et  ovalaire  cbiex  V&^^- 

OéOGR.   M  ÉD.  '^>i» 


594  MONSTRUOSITÉS.   AMOMALIBS   RÉVBRSIVES. 

rille,  Porang,  le  chimpanzé,  et  surtout  chez  l'homme.  Enfia,  le  bet 
de  l'encéphale,  cette  partie  inférieure  et  interne  des  hémbphèrea, 
qui  s*engage  dans  la  fosse  elhmoîdale,  tend  à  devenir  un  bee  de 
plus  en  plus  pointu,  à  mesure  qu^on  quitte  les  races  blanches  pour 
passer  aux  races  inférieures  et  qu'on  s*éloigne  de  Phomme  pour 
arriver  au  singe.  Cela  tient  à  la  voussure  plus  grande  de  la  paroi 
orbitaire  et  à  la  plus  grande  profondeur  du  creux  ethmoîdal, 
profondeur  en  rapport  avec  l'importance  du  lobe  olfactif. 

Lobes,  —  Les  dimensions  relatives  des  lobes  varient  également 
dans  la  série  phylogénique.  On  trouve  toujours  le  lobe  antériear 
limité  par  le  sillon  de  Rolando,  le  pariétal  limité  par  le  silloa 
perpendiculaire,  Toccipital  en  arrière  et  le  temporal  limité  par 
la  scissure  de  Sylvius;  mais  plus  on  monte  des  pithéciens  à 
l'homme  et  plus  augmente  le  lobe  frontal,  plus  diminue  Poccipital. 
Ce  dernier  lobe  a  son  maximum  chez  le  cynocéphale,  il  décroît 
chez  le  chimpanzé  et  diminue  encore  chez  Thomme. 

Circonvolutions,  —  Ce  qui  varie  surtout  dans  la  série  des  pri- 
mates, ce  sont  le  nombre  et  la  forme  des  circonvolutions  ainsi  que 
des  sillons  qui  séparent  les  circonvolutions  voisines.  Elles  ont  leur 
maximum  chez  l'homme,  puis  chez  le  chimpanzé  et  Torang,  di- 
minuent chez  le  gorille,  diminuent  encore  plus  chez  les  pithé- 
ciens et  s'effacent  chez  les  cébiens.  Celles  du  lobe  occipital  sont 
nulles  chez  les  macaques  et  chez  le  cynocéphale  ;  ce  lobe  apparaît 
alors  lisse  et  saillant  en  arrière  des  lobes  fronto- pariétaux  plissés 
et  amoindris  qu'il  coiffe  comme  une  calotte.  C'est  le  nom  qu^on 
donne  à  cette  disposition  inférieure  du  lobe  occipital. 

Quant  à  certaines  circonvolutions  en  particulier,  la  circonvo- 
lution de  Broca  est  atrophiée  chez  les  singes  ;  le  pli  courlpc^  très 
développé  chez  les  singes  et  les  anthropoïdes,  diminue  chez 
l'homme. 

Flis  de  passage,  —  On  a,  depuis  Gratiolet,  attaché  une  grande 
importance  aux  plis  de  passage.  On  nomme  ainsi  des  plis  sail- 
lants, véritables  circonvolutions  variables,  qui  s'interposent  entre 
deux  autres  circonvolutions  ordinairement  réunies  ou  mieux  sépa- 
rées par  un  sillon.  Les  plis  de  passage  ne  sont  donc  pas  des  pools 
qui  vont  d'une  circonvolution  à  l'autre  ;  ce  sont  plutôt  des  digues 
formées  par  le  fond  du  sillon,  qui  s'élève  de  plus  en  plus,  de  sorte 
que,  en  écartant  les  deux  circonvolutions  que  le  pli  de  passage 
réunit,  au  lieu  de  voir  le  fond  du  sillon  profondément  situé,  ce  fond 
apparaît  saillant,  à  fleur  de  circonvolution.  On  dislingue  quatre 


MICROCÉPHALIB.  595 

plis  de  passage  :  deux  pariéto-occipitaux  et  deux  temporo-occipi- 
taux.  Gratiolet  avait  cru  trouver  dans  la  disposition  de  ces  plis 
de  passage  une  caractéristique  de  rhomme;  mais  c'est  là  une 
erreur  :  les  deux  inférieurs  (temporo-occipitaux)  sont  constants  : 
minces  chez  les  pithéciens,  iis  grossissent  chez  le  chimpanzé  et 
Torang,  ils  grossissent  encore  plus  chez  Thomme  ;  il  en  résulte 
que  la  partie  inférieure  de  la  scissure  ainsi  comblée  disparait  à 
mesure  qu'on  s'élève  des  pithéciens  à  Thomme.  Les  deux  plis 
supérieurs  (pariéto-occipitaux)  ne  sont  pas  davantage  caractér 
ristiques  de  Thomme  :  profonds  chez  les  singes,  cachés  au  fond  du 
sillon,  ils  ne  font  que  grossir  chez  Thomme  ;  mais  le  premier  et  le 
second  existent  profonds  chez  Torang  ;  le  second  existe  profond 
chez  le  chimpanzé  ;  le  premier  et  le  second  existent  profonds  chex 
la  guenon  ;  enfin  si  le  premier  et  le  second  existent  superficiels 
chez  rhomme,  ce  dernier  lui-même  manque  parfois  du  premier, 
parfois  du  second  pli  de  passage  supérieur. 

II.  Développement  ontogénique, 

L*embryon  humain  commence,  lui  aussi,  par  ses  cinq  ampoules 
cérébrales.  A  deux  mois,  son  cerveau  est  lisse  comme  celui  d'un 
ouistiti.  A  quatre  mois,  la  scissure  de  Sylvius  s'ouvre  et  laisse 
voir  rinsula.  A  cinq  mois,  apparaît  le  sillon  de  Rolando  ;  c'est  le 
cerveau  d'un  cébien.  Jusque-là  le  cerveau  est  demeuré  symétri- 
que :  à  partir  de  ce  moment  il  devient  asymétrique.  A  six  ou  sept 
mois,  le  cerveau  de  l'embryon  humain  est  semblable  à  celui  des 
singes  supérieurs. 

III.  Réversion  chez  les  microcéphales. 

Toutes  ces  étapes  se  retrouvent  chez  le  microcéphale. 

Le  poids  varie  entre  104,283,288,342,438,  600  grammes. 
La  réduction  porte  surtout  sur  les  lobes  frontal  et  pariétal;  l'oc- 
cipital et  le  temporal  sont  souvent  peu  réduits. 

Le  cervelet  est  souvent  découvert,  comme  chez  les  singes  ;  la 
partie  antérieure  des  hémisphères  est  pointue  et  forme  un  ôec, 
comme  chez  eux.  Le  lobe  occipital  lisse,  comme  chez  les  singes, 
forme  calotte;  la  scissure  de  Sylvius  ouverte  laisse  voir  l'insula. 

Quant  aux  circonvolutions,  la  circonvolution  de  Broca  est  atro- 
phiée ;  les  plis  de  passage  sont  minces,  profonds  ou  manquent  ; 
le  pli  courbe  prend  un  développement  inusité  chez  l'homme  ;  le 
cerveau  est  resté  symétrique.  Ne  sont-ce  pas  là  autant  de  carac- 


596  MONSTRUOSITÉS.   ANOMALIBS  RBVBRSIVBS. 

tères  de  réversion,  non  seulement  ontogénique  oa  fœtale,  mais 
même  phylogénique? 

La  preuve  en  est  que,  comme  pour  en  accentuer  la  signiBca- 
lion,  d'autres  caractères  réversifs,  disséminés  sur  différents  or- 
ganeSy  apparaissent  chez  les  microcéphales. 

Leur  poumon  présente  souvent  quatre  lobes  à  droite  et  trois 
lobes  à  gauche  ;  or,  à  Tétat  normal,  le  gorille,  le  chimpanté  et 
rhomme  ont  trois  lobes  pulmonaires  à  droite  et  deux  à  gauche. 
Le  chiffre  de  4  et  3  se  retrouve  au  contraire  chez  les  quadru- 
pèdes ;  il  est  chez  eux  en  rapport  avec  l'attitude  non  bipède, 
un  lobe  pulmonaire  venant  se  loger  entre  la  colonne  vertébrale 
et  le  cœur.  Dans  une  certaine  période  de  révolution  du  fœtns 
humain,  on  retrouve  également  cette  tendance. 

Le  foie  des  mierocéphales  est  souvent  trilobé,  disposition  qu*on 
trouve  chez  les  carnassiers  et  chez  les  pithéciens,  tandis  que  chez 
l'homme  le  foie  est  normalement  à  peine  divisé  par  un  sillon. 

Le  c()/or}  présente  souvent  chez  les  microcéphales  un  méso-côlon, 
c'est-à-dire  qu'il  est  flottant  et  suspendu,  comme  le  bras  d'un 
blessé  dans  son  écharpe,  dans  un  repli  du  péritoine  qui  le  sou- 
tient. Cette  disposition  n'existe  ni  chez  Thomme  ni  chez  les  an- 
thropoïdes; l'attitude  bipède  n'exige  pas  en  effet  cette  précaution; 
le  côlon  est  chez  eux  seulement  appliqué  contre  la  paroi  posté- 
rieure par  le  péritoine,  qui  passe  devant  lui  et  sur  lui,  sans  l'en- 
tourer et  sans  céder  assez  sous  son  effort  pour  lui  faire  une 
écbarpe.  Au  contraire,  la  disposition  fréquente  chez  les  microcé- 
phales se  retrouve  chez  les  quadrupèdes  et  chez  les  pithéciens,  qui 
ont  normalement  un  méso-côlon. 

Le  caecum  présente  également  chez  certains  microcéphales  un 
méso-CiCeum  comme  chez  les  quadrupèdes. 

Quant  à  Vappendice  Uéo-aecal,  cet  organe  inutile,  ce  rudiment 
dégénéré  de  la  poche  ileo-cœcale  des  carnassiers,  il  n'existe 
comme  vestige  du  passé  phylogénique  que  chez  l'homme  et  les 
anthropoïdes.  Or  il  manque  souvent  chez  les  microcéphales. 

Après  tant  de  preuves,  il  me  semble  difficile  de  ne  pas  admettre 
avec  Cari  Vogt,  que  la  microcéphalie  est  un  des  exemples  les  plus 
nets  du  caractère  réversif  des  lésions  tératologiques. 


HÉRÉDITÉ.  597 

CHAPITRE  IV. 

HÉRÉDITÉ. 

Le  type  de  l'espèce  étant  tiré  en  deux  sens  contraires,  en  arrière 
par  V atavisme,  en  avant  par  l'action  modificatrice  du  milieu,  les 
formes  seraient  dans  un  équilibre  absolument  instable  et  Ton 
ne  verrait  jamais  le  fils  ressembler  à  son  père,  si  une  autre  force 
n'était  toujours  présente  :  cette  îorce^fesiV hérédité, en  Yertu  de 
laquelle,  ainsi  que  le  dit  judicieusement  Sanson,  les  ascendants 
transmettent  à  leurs  descendants  les  propriétés  qui  leur  appar- 
tiennent à  un  titre  quelconque  et  cela  aui  points  de  vue  physi- 
que, intellectuel,  moral,  physiologique,  pathologique,  etc. 

C'est  l'hérédité  qui  donne  aux  espèces  cet  aspect  assez  immua- 
ble en  apparence,  pour  que  la  théorie,  cependant  fausse,  de  la 
fixité  de  l'espèce  ait  pu  réunir  un  si  grand  nombre  de  partisans. 
C*e8t  en  vertu  de  l'hérédité,  qu*il  est  vrai  de  dire,  dans  un  cer- 
tain nombre  de  cas,  que  le  père  et  la  mère  se  reproduisent  dans 
leur  enfant,  qui  n'est  en  quelque  sorte  qu'une  nouvelle  édition 
d'une  page  déjà  composée.  En  somme,  quelles  que  soient  les  mo- 
difications qu'impose  le  milieu,  c'est  grâce  à  l'hérédité  que  se 
conservent  les  types  classiques  de  l'espèce;  c'est  grâce  à  l'hérédité 
que  parler  du  type  anglais,  du  type  français,  du  type  teuton, 
n'est  pas  un  non-sens,  bien  que  les  mélanges  ethniques  qui  ont 
constitué  les  Anglais,  les  français  et  les  Allemands  soient  nom- 
breux :  les  Français  ont  conservé  le  caractère  des  Gaulois,  leurs 
ancêtres  ;  c^est  aux  pirates  Scandinaves,  dont  ils  sont  descendus, 
que  les  Anglais  ont  emprunté  leur  activité  ;  les  Allemands  du  Nord 
sont  encore  tels  que  Tacite  nous  les  a  dépeints. 

L'hérédité  fait  que  nous  reproduisons  non  seulement  la  forme 
de  nos  ancêtres,  mais  aussi  leur  évolution.  Nous  passons  par  les 
mêmes  phases  qu'eux  ;  c'est  ainsi  que  l'ontogénie  de  chacun  de 
nous  reproduit,  par  réduction,  la  phylogénie  générale  ;  la  rapidité, 
la  lenteur  du  développement  sont  héréditaires  et  ces  dispositions 
sont  l'apanage  de  certaines  races.  La  longévité  et,  d'une  façon 
générale,  la  durée  de  la  vie  sont,  sous  certains  rapports,  hérédi- 
taires. Il  y  a  plus  :  l'hérédité  semble  se  faire  âge  par  ^e;  ainsi  nous 
présentons,  à  un  certain  âge,  les  phénomènes  que  i\q^  ^^\i^asi\& 


598  HÉRÉDITÉ. 

ont  présentés  au  même  âge;  les  personnes  qui  s^occupent  de 
l'éducation  des  vers  à  soie  savent  que  certaines  graines  présenteot 
des  qualités^  qui  ne  sont  héréditaires  que  pour  la  graine  ;  que 
certains  vers  présentent  des  taches  ou  certaines  particularités  de 
la  mue  héréditaires  pour  le  ver  seulement;  que  la  chrysalide  et 
son  cocon  présentent  également  des  phénomènes  héréditaires  seu- 
lement pour  la  chrysalide  et  le  cocon  ;  cependant,  dans  toutes 
ces  variétés  fixées  par  hérédité  par  Thomme ,  le  papillon  est  tou- 
jours le  même.  De  même,  chez  Thomme  il  y  a  tel  phénomène  que 
le  père  a  présenté  à  cinquante  ans  et  que  le  Gis  ne  présentera 
qu'à  cinquante  ans;  jusque-là  l'hérédité  a  été,  dit -on,  latente; 
c'est  ainsi  qu'on  voit  Tapoplexie  survenir  chez  les  enfants  au 
même  âge  que  chez  leurs  parents  ;  il  en  est  de  môme  du  cancer. 
Les  mêmes  causes  qui  font  que  nous  héritons  des  conformations 
anatomiques  et  des  aptitudes  intellectuelles  de  nos  ancêtres,  font 
aussi  que  nous  héritons  de  leurs  aptitudes  pathologiques  ;  il  n'y  a 
donc  pas  d'hérédité  morbide;  il  y  a  de  l'hérédité,  voilà  tout.  Il  n'y 
a  pas  deux  sortes  d'hérédité,  la  physiologique  et  la  morbide  ;  on 
hérite  ou  on  n'hérite  pas  ;  cela  ne  se  prend  pas  sous  bénéGce  d'in- 
ventaire; cependant  l'hérédité  a  été  niée  par  Louis,  qui,  pous- 
sant le  scepticisme  dans  ses  limites  extrêmes,  déclarait  n'avoir 
entendu  «  sur  ce  sujet  (l'hérédité),  que  des  allégations  vagues, 
«  qu'une  tradition  reçue  aveuglément  et  transmise  de  siècle  en 
«  siècle,  sous  l'autorité  de  quelques  faits  particuliers,  dont  les 
«  différentes  circonstances  paraissent  ne  pas  avoir  été  exactement 
«  observées  ».  Il  voulait  dire  par  là,  par  exemple,  que  si  le  père  et 
le  fils  sont  goutteux,  c'est  que  le  père  et  le  fils  ont  eu  le  même  ré- 
gime qui  donne  la  goutte.  Or  il  n'est  pas  niable  que  la  goutte  se 
transmette  précisément  du  père  au  fils  plus  qu'aux  filles  dans  la 
proportion  de  50  pour  iOO;  sans  doute  cela  légitimerait  en  appa- 
rence ce  que  disait  Louis,  le  fils  étant  plus  adonné  que  la  fille  au 
régime  qui  donne  la  goutte^mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  le 
fils  ressemble  déjà  au  père  par  le  sexe  ;  pourquoi  ne  lui  ressem 
blerait-it  pas  aussi  par  l'aptitude  à  la  goutte?  L'aliénation  men- 
tale est  absolument  héréditaire:  en  1844,  Baillarger,  sur  600  fous, 
en  a  trouvé  453  qui  l'étaient  par  hérédité,  soit  75  pouriOO;  il  eu 
est  de  même  du  suicide.  Le  professeur  Bail  cite  4  frères  dont  i  s'est 
jeté  à  Teau^  1  s'est  pendu,  1  s'est  coupé  la  gorge  avec  un  ra- 
soir, 1  s'est  jeté  par  la  fenêtre.  Un  homme  de  quarante  ans  se 
jette  un  jour  à  l'eau;  on  le  mène  à  Bioâtre  et  voici  ce  qu'on 


HÉRÉDITÉ.  599 

trouve  chez  ses  ascendaDts:  son  grand-père  s^est  pendu,  sa  grande- 
mère  menaçait  toujours  de  se  tuer  comme  sa  sœur,  qui  s'était  jetée 
dans  un  puits;  en  outre,  ce  grand-père  avait  3  enfants,  dont  2  étaient 
par  conséquent  les  oncles  du  malade  de  M.  Bail  et  1  son  père  ;  tous 
trois  se  sont  suicidés.  Enfîn  ses  2  frères,  sans  motifs  plus  que 
lui,  se  sont  tués.  Gela  fait  9  suicides  en  3  générations.  A  la  maison 
centrale  de  Gaillon,  parmi  les  jeunes  détenus  enfermés  pour  leurs 
mauvais  instincts,  le  D'  More!  a  eu  souvent  des  fils  et  des  petits- 
fils  d'anciens  condamnés,  dont  le  souvenir  s'était  conservé  dans 
rétablissement.  Le  docteur  Taguet  cite  un  exemple  curieux  : 
5  sœurs  naissent  à  New-York  d'une  seule  mère;  de  1720  à  1770, 
elles  ont,  en  6  générations,  donné  834  individus;  sur  ce  nombre, 
204  furent  assistés  par  TEtat,  pendant  une  durée  totale  de  830  an- 
nées; 76  furent  condamnés  pour  115  crimes,  vols,  incendies,  et 
firent  116  ans  de  prison  ;  128  furent  prostituées.  Dans  un  ordre 
d'idées  heureusemei^  opposé,  on  pourrait  citer  les  Bernouilli, 
les  Gassini  comme  calculateurs,  les  Bach  comme  musiciens,  car 
on  compte  22  Bach  célèbres;  ce  qui  est  vrai  des  races,  Test  donc 
des  familles,  où  se  perpétue  ce  qu'on  nomme  un  air  de  famille  ; 
exemples:  le  nez  des  Bourbons,  Tœil  à  la  Montmorency;  sur  les 
bords  du  Missouri,  une  tribu  de  Sioux,  les  Mandans,  est  caracté- 
risée par  une  mèche  de  cheveux  blancs,  qui  est  héréditaire.  Il  n'est 
pas  jusqu'à  l'accent  qui  ne  puisse  se  transmettre  héréditairement 
en  dehors  de  toute  imitation,  comme  cela  aurait  lieu,  par  exem- 
ple, chez  un  Provençal  élevé  en  Picardie,  loin  de  ses  parents  et 
qui,  sans  parler,  bien  entendu,  le  provençal,  aurait  un  certain 
accent;  ne  sont-ce  pas  des  dispositions  an  atomiques  et  par  con- 
séquent héréditaires,  qui  font  que  les  Polynésiens  et  les  nègres 
remplacent  les  dentales  d,  t  par  les  gutturales  g,  k. 

Il  y  a  dans  les  familles  des  susceptibilités  thérapeutiques  particu- 
lières pour  le  café,  pour  l'opium,  pour  certaines  odeurs:  les  immu- 
nités, les  aptitudes  patholo^^iques  se  transmettent  de  même.  Tous 
les  nègres  transmettent  à  leurs  enfants  l'immunité  pour  la  fièvre 
jaune,  l'aptitude  pour  le  choléra;  Ghauveau a  vu  que  les  moutons 
algériens  qui  ont  une  immunité  marquée  pour  le  charbon,  le  trans- 
mettent à  leurs  petits.  Il  en  est  de  même  de  l'aptitude:  parmi  un 
grand  nombre  de  bêtes  inoculées,  une  seule  brebis  succomba  ;  or 
son  petit,  inoculé  de  son  côté,  faillit  mourir.  L'immunité  est  donc 
héréditaire  et  héréditairement  proportionnelle  à  celle  de  la  mère. 

Il  y  a  des  familles  où  les  grossesses  gémellaires  sont  hécédv^ 


600  HÉRÉDITÉ. 

taires:  le  nom  de  Besson,  qui  n^est  pas  rare  et  qui  signifie  jtmem 
est  souvent  porté  par  des  familles  où  les  jumeaux  abondent.  Uo 
homme  peut  d'ailleurs  parfaitement  transmettre  la  gémeiliU, 
comme  un  taureau  transmet  les  qualités  laitières  à  sa  mère.  C'eit 
précisément  parce  que  la  gémellité  est  héréditaire  que  le  nom- 
bre des  jumeaux  varie  avec  les  populations  et  qu*il  est  anauelle- 
ment  toujours  le  même  pour  chacune  d'elles.  Ce  nombre  est: 

Ed  Suède,  de 14  pour  1  000 

En  Finlande,  de 13      — 

En  Prusse,  de 13      — 

En  France,  de 9      — 

En  CocliiDchine,  de 1      — 

Alors  que  la  gémellité  semble  rare  dans  la  Cochinchine  consi- 
dérée dans  son  ensemble,  le  D'  Mondière  a  remarqué  que  sur 
lo  cas  de  gémellité  qu'il  a  observés  en  6  ^s,  un  seul  district, 
celui  de  Bentré,  lui  en  a  à  lui  seul  fourni  9. 

D'après  Tchouriloff,  la  gémellité  serait  surtout  fréquente  dans 
les  races  blondes  et  grandes. 

L'hérédité  ne  consiste  pas  toujours  à  transmettre  la  même 
forme  morbide  ;  pour  employer  le  langage  consacré,  elle  n'est  pas 
toujours  isomorphe;  elle  est  aussi  hétéromorphe.  Cela  ne  veut  pas 
dire  que  la  scrorule  n'engendre  pas  la  scrofule  ;  mais  la  forme,  la 
localisation  de  la  scrofule  différeront  chez  les  enfants  de  ce  qu'elles 
étaient  chez  le  père  ;  c'est  de  même  que  Tépilepsie,  le  suicide,  la 
monomauie,  l'ignorance,  la  débauche,  le  génie  même  vont  parfois 
en  alternant  :  a  Des  névroses,  des  excentricités,  des  vices,  des 
A  crimes,  parfois  du  génie,  écrit  le  professeur  Bail,  car  ainsi  que 
«  Ta  si  bien  démontré  mon  excellent  maître  Moreau  (de  Tours), 
«  rien  n'est  plus  fréquent  que  de  rencontrer  dans  la  famille,  des 
«  hommes  de  génie,  des  cas  d'idiotie,  d'imbécillité  ou  d'aliénation 
a  mentale.  »  Le  représentant  de  l'école  réaliste,  M.  Zola,  dans  sa 
célèbre  généalogie  des  Rougon-Macquart,  a  donc  fait  œuvre 
scientifiquement  exacte,  prise  d'ailleurs  dans  Prosper  Lucas.  Il 
semble  même  y  avoir,  dans  la  série  des  générations  qui  dérivent 
Tune  de  Tautre,  une  sorte  d'évolution  morbide,  qui  peut  aller  de 
la  névrose  au  génie,  en  passant  par  l'alcoolisme  et  le  crime.  Cet 
hétéromorphisme  aboutit  d'ailleurs  à  un  type  complexe  de  dé- 
chéance héréditaire  admirablement  décrit  par  le  D'  Morel. 

Lamartine,  lui-même,  dans  un  ordre  d'idées  bien  différent, 


HÉRÉDITÉ*  tiOl 

nVt-il  pas  écrit  :  «  Le  génie  semble  s'accumuler  lentement  ^ 
«  successivement  et  presque  héréditairement ,  pendant  plusieurs 
«  générations,  par  des  prédispositions  ou  des  manifestations  de 
«  talent  plus  ou  moins  parfait,  jusqu'au  degré  où  il  éclôt,  enfin, 
«  dans  sa  perfection,  dans  un  dernier  enfant  de  cette  génération 
«  prédestinée  au  génie.  -*  En  sorte  qu*un  homme  illustre  n'est 
«  en  réalité,  ajoute-t-il,  qu'une  famille  accumulée  et  résumée  en 
a  lui;  le  dernier  fruit  de  cette  sève,  qui  a  coulé,  de  loin,  dans  ses 

«  veines Une  famille  n'arrive  pas  à  la  gloire  du  pre- 

«  mier  coup,  il  y  a  une  croissance  dans  la  famille,  comme  dans 
d  Tindividu.  La  nature  procède  par  développement  successif.  Un 
tt  génie  qui  se  croit  né  de  lui-même,  est  né  du  temps,  m 

Hérédité  des  propriétés  aeqnlses.  —  Mais  il  n'en  est  pas 
toujours  ainsi  et  l'hérédité  peut  transmettre  un  caractère  nou- 
vellement acquis;  sans  cela,  il  n'y  aurait  pas  d'ailleurs  de  mo- 
dificaliori  possible.  On  transmet  à  son  enfant  ce  qu'on  possède 
au  moment  où  on  le  fait  et,  comme  Ta  écrit  Abdel- Kader  :  «  Le 
«  dernier  des  Arabes  sait  que  toutes  les  maladies  qui  sont  inhé- 
«  rentes  aux  os,  aux  tendons,  aux  nerfs,  aux  veines  et  qui  se 
«  trouvent  dans  Tétalon,  au  moment  de  la  monte,  se  perpétuent 
«  dans  son  produit.  »  Ainsi  un  ménage  bien  portant  aura  des 
enfants  sains;  mais  que  le  père  devienne  malade  et  les  enfants 
qu'il  aura  alors  seront  malades. 

I^  tératologie  est  féconde  en  exemples  d*accidents  arrivés  pen- 
dant la  vie  utérine  et  qui  sont  cependant  le  plus  souvent  hérédi- 
taires :  c'est  par  accident  que  la  suture  des  os  incisifs  ne  s'est  pas 
faite,  parce  que  le  fœtus  de  35  jours  a  eu  une  maladie,  et  pour- 
tant le  bec-de- lièvre  ainsi  produit  sera  héréditaire!  C'est  par 
accident  que  le  fœtus  n'a  pas,  vers  3  mois,  pris  de  pigment  et 
voilà  que  l'albinisme  ainsi  produit  va  devenir  héréditaire!  C'est 
par  accident  que  le  polydactytisme  prend  naissance  et  cependant 
il  devient  héréditaire  !  C'est  par  accident  que  naquit,  en  1828,  un 
agneau  avec  une  laine  longue  et  soyeuse,  bien  que  ses  parents 
fussent  des  mérinos  ordinaires;  depuis  lors,  par  sélection  cette 
race  est  fixée  :  ce  sont  les  moutons  Mauchamp,  En  1791  naquit 
en  Angleterre  un  mouton  qui  avait  le  corps  très  long  et  les  pattes 
très  courtes;  cette  disposition,  qui  Tempèchait  de  sauter  aussi 
facilement  que  les  autres  moutons,  par-dessus  les  haies,  fut  appré- 
ciée des  éleveurs,  et  l'hérédité  aidée  de  la  sélection  a  formé,  par 
la  transmission  de  ces  caractères,  les  moutons  Loutres  ou  Ancon. 


602  HÉRÉDITÉ. 

Les  bcBiifs  sans  cornes  du  Paraguay  viennent  d*un  taureau  cpi 
naquit  sans  cornes  en  1770.  De  même  il  existe,  dans  les  Pampu 
de  Buenos-Àyres,  une  race  de  bœufs  camards,  dite  race  Niata;  elle 
remonte  à  une  origine  tératologique  et  son  fondateur  est  un  Tean 
qui  présentait  comme  anomalie  la  mâchoire  inférieure  en  gana- 
che. En  manipulant  les  œufs,  Dareste  produit  parfois  une  hernie 
du  cerveau,  un  monstre  préencéphale;  or  c'est  un  monstre 
semblable,  transmettant  sa  monstruosité  entretenue  par  sélec- 
tion, qui  a  donné  naissance  aux  poules  de  Padoue  ou  Polonaises. 
Naudin,  chez  les  végétaux,  a  montré  que  des  monstruosités  acci- 
dentelles peuvent  devenir  Torigine  de  races  particulières,  et 
Darwin  pensait  que  nos  dogues  et  les  chèvres  de  Nubie,  qui  pré- 
sentent la  mâchoire  en  ganache,  ont  une  origine  sembhible  à 
celle  des  bœufs  Niata, 

Dira-t-on  que  les  mutilations  accidentelles  ne  sont  héréditaires 
que  lorsqu'elles  ont  lieu  pendant  la  vie  intra-utérine?  En  effet, 
nous  ne  naissons  pas  avec  les  oreilles  percées  comme  nos  mères; 
malgré  la  circoncision,  les  juifs  naissaient  avec  un  prépuce  ;  les 
chats  naissaient  avec  une  queue;  le  bouledogue,  avec  une  queue 
et  des  oreilles;  les  amputé;;  ne  donnent  pas  naissance  à  des 
enfants  sans  jambes!  Les  peuples  qui  avaient  Tusage  des  défor- 
mations crâniennes,  ont  conservé  leur  type  crânien  ethnique. 
Il  est  vrai  que  le  D^  Gosse  a  prétendu  que  les  Aymaras  avaient 
fini  par  prendre  ce  caractère,  mais  leurs  crânes  non  déformés 
que  nous  possédons,  prouvent  le  contraire  :  Hippocrate  croyait 
de  même  à  tort  que  la  déformation  des  macrocéphales  était  hé- 
réditaire. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  le  pouvoir  héréditaire  peut  aller  jusqu'à 
transmettre  une  organisation  que  le  procréateur  vient  d'acquérir. 
En  voici  quelques  exemples  empruntés  à  Darwin  :  une  Yache, 
ayant  perdu  une  corne  par  accideot,  donna  ensuite  naissance  à 
3  veaux  auxquels  ta  corne  du  même  côté  de  la  tète  manquait.  Il 
n'est  pas  douteux  pour  Darwin  que,  chez  le  cheval,  les  exostoses 
des  jambes  causées  par  un  excès  de  travail,  soient  héréditaires. 
Blumenbach  cite  un  homme  dont  le  petit  doigt  était  tordu  et  à 
demi  coupé;  ses  enfants  naquirent  ainsi.  Enfin  Daubenton  parle 
d*un  cheval  dont  le  père  avait  reçu  un  coup  de  lance  sur  la 
croupe  et  qui  portait  une  marque  en  ce  point.  Mais  le  phénomène 
le  plus  curieux  est  l'épi lepsie  héréditaire  donnée  par  Brown-Séquard 
èi  des  cochons  d'Inde,  lorsqu'il  pratique  à  leurs  parents  l'hémi-sec- 


HÉRÉDITÉ.  601 

lion  de  la  moelle  ;  plus  récemment  le  savant  expérimentatear  faî* 
sant  à  des  cobayes  des  lésions  de  bulbe,  les  a  tus  donner  naissance 
à  des  enfants  qui  avaient  des  lésions  de  la  cornée,  ou  des  altéra- 
tions profondes  de  Tœil  ;  enfin  dernièrement,  à  la  Société  de  bio- 
logie, il  était  question  d'animaux  dératés  et  guéris,  qui  engen- 
draient des  animaux  à  rate  petite.  Les  chevaux  qu'on  accoutume 
à  marcher  Tamble  donnent  des  poulains  qui  ont  cette  allure. 

Un  organe  s'accoutume  d^ailleurs  peu  à  peu  à  l'état  dans  lequel 
il  est  le  plus  souvent  placé.  La  nutrition,  sans  cesse  agissante,  le 
façonne  peu  à  peu,  de  manière  à  le  mettre  en  harmonie  avec  les 
impressions  les  plus  fréquentes,  à  les  lui  rendre  moins  vives  et,  au 
contraire,  à  le  rendre  plus  apte  aux  réactions  le  plus  fréquemment 
sollicitées.  C'est  ainsi  que  se  transmettent  par  hérédité,  certaines 
aptitudes  manuelles;  les  manouvriers  dont  les  pieds,  les  mains 
surtout  sont  déformés  par  le  travail,  ont  des  enfants  aux  atta- 
ches moins  fines.  C'est  ainsi  également,  que  Pétat  anatomique  de 
notre  cerveau  en  rapport  avec  notre  civilisation,  se  transmet  par 
hérédité.  «  Pour  le  médecin ,  dit  encore  le  professeur  Bail ,  la 
«  civilisation  est  une  disposition  particulière,  du  système  nerveux 
f  acquise  par  de  longs  et  laborieux  efforts  et  dont  les  efiets  sont 
«  accumulés  par  la  transmission  héréditaire.  »  Le  D'  Bail  en  cite 
même  une  preuve,  en  faisant  allusion  à  ces  Australiens  qu'on 
habille  tout  à  coup  en  civilisation  et  qui  fuient  dans  les  bois.  Au 
lieu  de  voir  avec  J.-J.  Rousseau  la  supériorité  de  l'état  de  nature, 
il  ajoute  :  <t  que  ces  changements  anatomiques  n'ont  pas  le  temps 
«  de  se  faire  et  que  la  courte  durée  de  la  vie  humaine  ne  suffit 
«  pas.  »  De  tout  cela,  il  résulte  qu'en  certains  points,  pour  un 
certain  milieu  social,  l'hérédité  des  fonctions  a  sa  raison  d'être  : 
en  Afrique,  il  y  a  des  sorciers,  médecins,  pécheurs,  chasseurs, 
héréditaires  ;  on  pourrait  même  défendre  la  noblesse,  si  à  son 
début,  elle  avait  eu  pour  origine  des  qualités  intellectuelles,  les 
seules  qui  comptent  aujourd'hui.  Il  en  a  au  contraire  été  souvent 
tout  autrement. 

Mécanisme  de  l'hérédité. — Pour  bien  saisir  ce  qu'on  nomme 
le  mécanisme  de  l'hérédité,  il  suffit  de  considérer  que  la  tendance 
à  la  réalisation  d'une  forme  déterminée  se  retrouve  non-seule- 
ment chez  les  végétaux  et  chez  les  animaux,  mais  aussi  dans  le 
monde  inorganique.  Ainsi  dans  une  dissolution  saline,  les  molé- 
cules d'un  sel  déterminé  s'agrègent  suivant  un  plan  déterminé, 
de  manière  à  toujours  reproduire  un  cristal  de  la  même  forme. 


604  HÉRÉDITÉ. 

Dans  les  êtres  TÎTants,  pour  comprendre  le  mécanisme  de  lliérè- 
dite,  il  faut  étudier  la  reproduction»  dans  ses  degrés  inférieurs,  là 
où  elle  ne  nécessite  que  TinterTention  d'un  seul  individu. 

Lorsqu'un  être  inférieur  se  reproduit  par  simple  dédoublement, 
par  scissiparité,  l'hérédité  se  comprend  ;  c'est  toujours  le  même 
individu.  Il  en  est  de  même  de  Thérédité  par  bourgeon  ;  c'est 
k^ujours  en  quelque  sorte  le  même  individu,  qui  se  prolonge  lui- 
même.  Dans  tous  ces  cas.  le  nouvel  individu  résulte  d*un  individu 
unique;  il  n'a  pas  à  choisir  pour  hériter,  puisque  c'est  le  même 
individu  qui  se  continue  avec  ses  habitudes  physiologiques  et  pa- 
thologiques. Tous  d'ailleurs  tant  que  nous  sommes  nous  débutons 
ainsi  :  une  cellule  ovulaire  unique  qui  se  divise. 

Dans  un  type  plus  élevé,  le  nouvel  individu  résulte  de  la  ren- 
contre plus  ou  moins  intime  de  deux  autres  individus.  La  grtfft 
est  le  premier  de  ces  modes  de  reproduction  d'un  individu  nou- 
veau par  deux  autres  individus  préexistants;  l'unification  est  là 
tellement  intime,  que  le  pied  sur  lequel  on  greffe  produit  parfois 
des  feuilles  modifiées  par  Tindividu  qui  a  été  greffé  ;  parfois  même, 
chez  le  châtaignier  notamment,  on  a  vu,  ce  qui  est  plus  naturel, 
l'être  qui  a  été  greffé  prendre  les  aptitudes  morbides,  même  para- 
sitaires de  la  souche  sur  laquelle  on  l'a  greffé.  Il  en  est  peut-être 
de  môme  pour  les  greffes  dermiques,  chez  tes  animaux.  Les  expé- 
riences de  P.  Bert  ont  montré  que  la  greffe  réussissait  entre  rat  et 
chat,  animaux  d'ailleurs  plus  voisins  qu'ils  eu  ont  l'air;  la  greffe  du 
périoste  a  été  faite  avec  succès  par  Patterson,  du  chien  à  l'homme  ; 
mais  tout  cela  n'a  pas  encore  montré  si  une  propriété  patholo- 
gique, une  aptitude  du  tissu  greffé  pouvaient  persister,  tandis  que, 
dans  le  cas  de  greffe  végétale,  il  s'agit  bien  d'une  véritable  trans' 
fusion  de  la  sève  de  la  souche  dans  le  rameau  greffé  ;  l'hérédité 
apparaît  alors  bien  nettement,  comme  un  simple  cas  particulier 
de  la  contagion.  L'hérédité  est  de  même  très  bien  schématisée  dans 
la  pébrine,  dont  les  corpuscules,  siégeant  d'abord  dans  les  organes 
génitaux  du  papillon,  passent  dans  l'œuf,  de  là  dans  le  ver,  de  là 
dans  la  chrysalide.  C'est  en  réalité  de  l'inoculation,  autant  que 
de  l'hérédité.  Il  est  probable  qu'il  en  est  de  même  pour  les  ani- 
maux élevés  :  nous  ne  savons  pas  si,  par  la  transfusion,  lorsqu'elle 
est  possible,  on  ne  modifierait  pas  l'aptitude  morbide  d'une  espèce  ; 
cela  a  été  conseillé  pour  la  fièvre  jaune  et  l'on  a  dit  :  Le  nègre 
ne  prenant  pas  la  fièvre  jaune,  peut-être  que  le  sang  de  nègre 
transfusé  donnerait  au  blanc  l'immunité  du  nègre.  Jolyet  a  va 


MÉTISSAGE.    HYBRIDITÉ.  605 

qu'en  transfusant  le  sang  d'un  mouton  atteint  de  variole  à  un 
autre  mouton,  on  lui  donnait  la  variole.  11  est  probable  qu'en 
transfusant  le  sang  d'un  animal,  qui  aurait  acquis  Timmunité, 
on  ferait  partager  à  cet  animal  la  même  immunité.  Il  y  a  là  toute 
une  série  d'expériences  à  faire.  Ce  serait  un  premier  schéma  du 
mécanisme  de  l'hérédité,  que  la  greffe  du  milieu  intérieur. 

Toute  autre  apparaît  l'hérédité  dans  les  conditions  de  repro- 
duction par  fécondation  sexuelle,  où  s'opère  la  fusion  d'un  élément 
cellulaire  vibratile  mâle  avec  un  élément  cellulaire  pavimenteux 
femelle  ;  alors,  comme  Ta  dit  excellemment  Marc  Lorin  dans'une 
thèse  excellente  sur  Thérédité,  en  2875,  les  attributs  des  êtres  pro- 
créés sont  commandés  par  les  attributs  des  deux  êtres  procréateurs. 

■étIssAce,  hybridllé.  —  Le  produit  apparaît  alors  comme 
une  résultante  entre  deux  forces;  eïicore  faut-il  que  résul- 
tante il  y  ait,  autrement  dit,  que  Taccouplement  soit  fécond.  Or, 
orsqu'il  s'agit  de  croisement  de  deux  êtres  voisins,  mais  cepen- 
dant dissemblables,  on  fait  de  la  fécondité  ou  de  l'infécondité 
de  leur  union,  une  caractéristique  propre  à  décider  si  ces  deux 
êtres  appartiennent  ou  non  à  la  même  espèce.  Deux  êtres  don- 
nent-ils le  plus  souvent  naissance  à  un  produit,  on  déclare  ce 
produit  métis,  et  les  parents  sont  regardés  comme  d'une  même 
espèce  ;  deux  êtres  donnaient-ils  rarement  naissance  à  un  produit, 
ce  produit  rare  est,  quand  il  existe,  nommé  hybride,  et  les  deux 
progéniteurs  sont  placés  dans  deux  espèces  différentes  II  semblait 
jadis  et  il  semble  encore  à  ceux  qui  croient  à  ce  critérium  infail- 
lible, qu'il  y  ait  là  quelque  chose  de  mystique,  alors  que  tout  se 
réduit,  en  somme,  à  une  question  de  volume.  Le  tube  pollinique 
peut-il  pénétrer  dansie  pistil, chez  les  végétaux?  le  spermatozoïde, 
chez  les  animaux,  peut-il  pénétrer  dans  l'ovule  ?  Tout  est  là.  Que 
deux  végétaux  de  même  espèce  soient  faits  de  telle  sorte  que  cette 
pénétration  soit  impossible,  et  Ils  seront  inféconds  ;  que  chez  deux 
végétaux  d'espèce  différente,  cette  pénétration  soit  possible,  et  ils 
seront  féconds.  C'est  ce  qu'avait  parfaitement  compris  Cl.  Bernard 
lorsquMl  disait  :  «  Les  espèces  animales  et  végétales  sont  séparées  par 
«  des  conditions  spéciales,  qui  les  empêchent  de  se  mélanger  par 
<c  fécondation,  par  greffe,  par  transfusion.  Ce  sont  là  des  pro- 
f  blêmes  que  je  crois  abordables  et  susceptibles  d'être  réduits  à 
a  des  différences  de  propriétés  physiques,  chimiques  du  milieu.  >» 
Et  plus  loin  ;  «  Si  la  fécondation  est  empêchée  entre  espèces  dif- 
M  férentes,  c'est  par  des  raisons  physico-chimiques.  »  Tell^  ^^V^ 


e06  HÉRÉDITÉ. 

ainsi  que  je  le  disais  tout  à  Thenre,  la  condition  de  Tolume  cjoe 
doit  présenter  le  spermatozoïde,  pour  pénétrer  dans  ToTule,  en 
traversant  le  chorion  par  le  micropyle. 

D'ailleurs,  Thybridation,  c'est-à-dire  la  copulation  féconde  de 
deux  êtres  réputés  d'espèce  différente,  a  des  degrés  :  c'est  déjà  on 
premier  acheminement,  que  la  seule  tentative  heureuse  ou  non 
de  coït  :  or  en  fait  de  tentative,  que  les  moralistes  nommeraient 
contre  nature ,  hi  captivité,  la  continence  forcée,  amènent  des 
résultats  bien  inattendus!  N'a-t-on  pas  vu  l'accouplement  du  chien 
et  de  la  truie,  du  taureau  et  de  hi  jument,  du  cerf  et  de  la  vache, 
du  coq  et  de  la  cane  !  on  a  même  parlé  de  je  ne  sais  quelles 
amours  entre  un  lapin  et  une  poule  (?)  entre  un  chien  et  une  oie  (?) 
Les  grands  singes  entrent  certainement  en  érection  devant  la 
femme,  enfin  la  mythologie  et  les  arts  ont  enregistré  des  amours, 
aussi  hybrides,  où  Thumanité  tant6t  mâle,  tantôt  femelle,  prenait 
sa  part. 

Broca,  dans  son  remarquable  mémoire  sur  l'hybridité,  a  juste- 
ment distingué  Vhybridité  abortive,  qui  n'aboutit  jamais  à  un 
produit  viable  de  Phybrldité  homogénésique,  c'est-à-dire  féconde. 
Celle-ci  peut  être  unilatérale  ou  bilatérale;  dans  ce  dernier  cas,  en 
exprimant  l'accouplement  sous  une  forme  qui  parle  aux  yeux, 

g  est  aussi  fécond  que  ^  ;  tel  est  Taccouplement  r^^  ==  bardeau, 

;■         rs  mulet.  Dans  l'hybridation  unilatérale,  g  est  fécond, 
.    B       A.    boue  ,    ,.  .     bélier       ^ 

">«"»  Â = •>  •  c;^. = "•"*""•  "*»  chi;;; = ^- 

En  dehors  de  ces  considérations  sur  les  sens  unilatéral  et  bila- 
téral de  l'homogénésie,  Broca  a  justement  divisé  l'homogénésie 
en  agénésique,  dysgénésiquet  para§éné8ique  et  eugénésique. 

Quelques  formules  suivant  la  méthode  que  j'adopte  au  tableau, 
dans  mon  cours,  feront  comprendre  ma  pensée  plus  facilement 
que  de  longues  périphrases. 

1®  Homogénésie  agénésique. 

g  ss  C  (le  produit  de  la  conception), 

C        A 

mais  C  *^ 


MÉTISSAGE.    HTBRIDITÉ.  607 

§=« 

Autrement  dit,  les  produits  sont  inféconds  entre  eux  et  avec 
leurs  parents. 
2*  Homogénésie  dysgénésique. 


Mais 


--  s=  C'  (produit  de  2*  génération.) 

A 

5  =  ^ 


Autrement  dit,  les  produits  sont  inféconds  entre  eux,  mais 
féconds  aTcc  leurs  parents. 
3»  Homogénétie  paragénésique. 

g  =  C  mais  QÎ  =  0 

Autrement  dit,  les  produits  ne  sont  pas  indéfiniment  féconds 
entre  eux. 


Mais 


A  ^^  B  -  ^ 


9!1 

G" 
G'" 


//* 


Les  produits  non  indéfiniment  féconds  entre  eux  sont  donc 
avec  leurs  parents  indéfiniment  féconds. 
4*  Homogénésie  eugénésique. 


A 
B 

= 

G 

G 
G 

ra 

G' 

G 
A 

et 

G 
B 

=s 

C* 

G' 
G'  ' 

=  1 

C" 

G" 

= 

c 

//» 


608  HâRÉDlTÊ. 

Les  produits  sont  donc  indéfiniment  féconds  et  entre  eux  et 
avec  leurs  parents. 

Nous  allons  voir  maintenant  que  des  animaux  très  différents 
peuvent  fournir  des  exemples  d*eugénésie,  et  qu^au  contraire 
des  animaux  très  rapprochés  peuvent  fournir  des  exemples 
d'agénésie.  Comme  exemples  à*eugénésie,  je  citerai  les  formules 
suivantes  : 

ohieo  de  renard     chameau  à  1  bosse     viftoftne 

chien  d'arrêt      chameau  à  S  bosses       lama 

frinicilli».    oie  commune 

frinifiUe,    oie  de  Chine 

"T. — ,  croisement  poussé  par  Buffon  jusqu^à  la  4*  génération; 

.  1^^  -  ,  résultat  digne  d'être  étudié,  car  le  taureau  a  26  cotes 
et  le  bison  30,  et  d'autant  plus  remarquable  que  u'^m  "  =  ^  » 
j'ai  déjà  cité  g^^  =  chabin  ou  ovicapre  ou  pellion  (Chili): 
j'ajoute  le  léporide,  aussi  bien  ^^  (abbé  Gagliari,  1773)  quo 

Il  AoMA 

ii^  (Roux.  i847.  Broca). 
En  revanche  le  cheval  et  Tàne  sont  agénésiques. 

cheval  A         /^  i.     j 

OU  -  =  C  bardeau 

anesse         B 

âne  B         ^         ,  . 

ou  T  ss  C  mulet. 


jument  A 

Le  bardeau  et  le  mulet  sont  inféconds. 

C  Ce 

Autrement  dit,  r;  =  0,  et  souvent  même  7  et  t^  =0 

(>  A  13 

Cest  que  le  plus  souvent  le  mulet  mâle  manque  de  sperma- 
tozoïdes et  que  la  femelle  présente  souvent  des  corps  jaunes  avor- 
tés ;  elle  est  du  reste  plus  souvent  fécondée  par  le  cheval  que 
par  ràne. 

Les  faits  qui  précèdent  montrent  le  peu  de  valeur  de  ce  pré- 
tendu critérium  de  l'espèce,  puisque,  d'après  lui,  le  taureau  et  le 
'  bison,  le  bouc  et  la  brebis,  le  lièvre  et  le  lapin  seraient  de  même 

^  espèce,  tandis  que  Tàne  et  le  cheval  seraient  d'espèce  différente. 

Il  y  a  mieux  :  dans  une  même  espèce  se  trouvent  des  races  qui 


MÉTISSAGE.   HYBRIDITÉ.  609 

ne  sont  pas  fécondes  entre  elles;  le  prétendu  critérium  les  place- 
rait dans  des  espèces  différentes^  ainsi  : 

cochon  d*Inde  civilisé ^ 

cochon  d'Inde  sauvage  ""^ 

chat  du  Paraguay  marron 

oliat  domestique 

A  nie  de  Porto-Santo,  des  lapins  jadis  déposés,  en  1419,  par 
quelques  navires  sont  devenus  sauvages;  ils  ont  pris  des  carac- 
tères particuliers,  sont  devenus  une  espèce,  le  Lepus  Huxleyiù  Or 

lepos  Huxleyii ^ 

lapin 

Qu*est-ce  à  dire?  sinon  que  les  espèces  ne  sont  qtie  des  variétés 
fixées  et  que  les  variétées  sont  les  espèces  de  l'avenir.  Cela  n'em- 
pêche qu'il  y  a  quelque  vingt  ans,  la  question  de  la  modification 
des  espèces  végétales,  par  Thybridation  artificielle,  ayant  été 
portée  devant  la  Société  morphologique  d'horticulture  de  Londres^ 
la  majorité  des  membres  décida  quMl  fallait  écarter  cette  ques- 
tion, comme  impie  et  attentatoire  à  Vœuvre  du  créateur  nécessaire' 
ment  parfaite.  Du  reste  il  ne  faut  pas  s'illusionner  au  point  de 
croire  que  c'était  Thybridation  des  choux  qui  soulevait  si  fort  la 
bonne  âme  de  ces  pieux  horticulteurs;  c'était  Thomme  qu*on 
visait  et  le  prétendu  critérium  de  l'espèce  devait  se  traduire 
ainsi  :  tous  les  individus  de  même  espèce  sont  eugénésiques  ;  or 
tous  les  hommes  sont  eugénésiques  ;  donc  tous  les  hommes  sont 
de  même  espèce^  quod  erat  demonstrandum. 

Malheureusement  le  critérium  Se  retourne  ici  contre  les  mono- 
génistes,  à  qui  nous  serions  en  droit  de  dire  :  Tous  les  hommes 
ne  sont  pas  de  la  même  espèce,  car  ils  ne  sont  pas  eugénésiques. 
Qu'ils  se  rassurent.  Je  ne  leur  retournerai  pas  cet  argument,  at- 
tendu qu'il  ne  vaut  absolument  rien  ;  mais  il  faut  bien  recon- 
naître cependant  que  tous  les  hommes  ne  sont  pas  eugénésiques. 
Les  métis  de  noir  et  blanche  ou  de  blanc  et  de  noire,  quand  ils 
existent,  sont  le  plus  souvent  peu  féconds,  et  le  mot  mulâtre  rap- 
pelle la  comparaison  avec  le  mulet  stérile.  Les  Hollandais  et  les 
Malais  ont  produit  des  métis,  les  Upplapcn.  Or  les  métis  du  l'^sang 
sont  assez  féconds  entre  eux^  ceux  de  la  2°*'  génération  sont 
peu  féconds^  ceux  de  la  3»*'  ne  produisent  plus  que  des  filles.  Ces 
iipplapen  sont  inintelligents.  Dans  la  Caroline  du  Sud,  qui  a  été 
colonisée  par  la  race  anglo-saxOnne,  les  métis  de  nèpes  sk^^\\.x«:^^^ 

OKOOR.  MéD.  V^ 


9 


61 1>  HÉRÉDITÉ. 

chétifs,  peu  féconds  ;  à  la  Jamaïque,  les  mulâtres  ne  se  repro- 
duisent jamais  entre  eux.  Au  contraire,  sur  le  golfe  du  Mexiqœ 
là  où  domine  la  race  espagnole,  les  mulâtres  sont  plus  nombreux. 
plus  robustes,  plus  fécond^'.  Les  métis  dlndien  et  de  nègre  sont 
nombreux  au  Brésil  et  sont  généralement  assez  tigoureux,  mai» 
ces  Zambos  constituent  les  4/5  de  la  population  des  prisons.  A  Pon- 
dichcTv,  la  morialité  des  métis  de  blanc  et  d'Indoue  ou  Topas  t^st 
considérable.  Le  métis  de  Papou  et  de  Polynésien  semble  rénssir. 

A  la  Térité,  il  y  a  des  individus  qui,  dans  la  reproduction,  mar- 
quent plus  que  d^autres  leur  empreinte;  cette  influence  de  la 
personnalité  varie  avec  Tâge  chez  Pindividu;  mais  elle  est  aussi 
une  affaire  de  race;  il  y  en  a,  comme  disent  les  vétérinaires, 
qui  r<rcerU  davantti^c.  Le  D' Nottcitc  un  exemple  de  Pinégalitédcs 
deux  forces  dans  Paccouplemcnt  :  il  possédait  des  lévriers  rapides 
à  la  course  ei  des  terriers  à  Podoral  fin.  il  rêva  une  race  mixte, 
qui  joindrait  à  la  célérité  du  lévrier,  le  nez  du  terrier.  Il  n*y 
arriva  pas  pur  le  premier  croisement,  comme  cela  eût  eu  lieu  s'il 
avait  croisé  deux  forces  égales  ;  il  dut  aller  jusqu'au  métis  qui  avait 
i/8  du  sang  du  lévrier  et  7/8  du  sang  de  terrier.  Donc  le  terrier, 
race  moins,  donne  moins  facilement  son  empreinte,  puisqu'il  a 
fallu  7  fois  plus  de  tnrirr  que  de  lévrier.  Cesi  ainsi  que  dans 
les  métis  où  figure  le  Chinois,  le  type  du  Chinois  a  une  tendance 
à  dominer  chez  le  produit.  De  même  dans  le  croisement  du  Slave 
et  du  Buuriate  (race  jaune),  le  métis  a  invariablement  les  yeu\ 
obliques,  les  cheveux  noirs,  gros,  droits  du  Bouriate. 

Dans  les  croisements,  tantôt  il  y  a  transaction  entre  les  types 
(Quatrcfages),  apparition  de  caractères  intermédiaires,  exemple: 
noir  et  blanc  donnant  un  produit  gris;  tantôt  il  y  a  juxtaposition 
des  caractères  du  |)ère  et  de  la  mère,  exemple  :  noir  et  blanc 
donnant  un  produit  pie.  Du  reste,  dans  cette  ré^ultante  entre  deus 
forces  que  représente  l'hérédité,  tous  les  caractères  ne  se  trans- 
mettent pas  également  :  les  cheveux  du  nègre  sont  ce  qui  persiste 
le  plus  chez  le  métis;  ce  que  le  blanc  transmet  le  plus  volontiers, 
ce  sont  ses  qualités  cérébrales.  Ainsi,  au  siècle  dernier,  vécut  à 
rile  Maurice,  alors  colonie  française,  un  mathématicien  distingué, 
correspondant  de  PAcadémic  des  sciences,  Lislet-Geoffroy  ;  il  était, 
par  sa  mère,  négresse  vulgaire,  aussi  nègre  que  possible  et  n*avait 
pas  même  l'air  d'un  mulâtre.  De  son  père,  qui  était  blanc,  il  tenait 
uniquement  l'intelligence.  Les  Pouls,  en  Afrique,  nous  montrent 
une  juxtaposition  de  caractères  supérieurs  et  de  caractères  ioré- 


MÉTISSAGE.    HYBKIDITÉ.  611 

rieurs;  plus  ils  sont  mclangés  de  noir,  plus  le  goût  de  Tagricul- 
iure  domine  (Faidherbe). 

Ce  que  je  viens  de  dire  des  caractères  anatomiques  des  che- 
veux, de  la  peau,  des  caractères  anatomiques  du  cerveau  (intel- 
ligence), s'applique  aux  caractères  des  tissus»  des  liquides  et  des 
solides,  d'où  dépendent  l'aptitude  et  Timmunité  morbides.  Ainsi 
les  mulâtres  tiennent  du  nègre  une  immunité  pour  la  fièvre 
jaune,  proportionnelle  à  la  quantité  de  sang  noir  qu'ils  possèdent. 
Livingstoir  dit  que  la  syphilis  guérit  seule  chez  le  nègre  ;  il 
ajoute  que  chez  les  Griquas  et  les  Coronas^  qui  ne  sont  p.ts  des 
nègres  purs,  la  syphilis  fait  autant  de  ravages  qu'en  Europe.  J'ai 
eu  déjà  Toccasion  de  dire  que  les  moutons  algériens  présentaient 
une  remarquable  immunité  pour  le  charbon,  or  les  métis  de  ces 
moutons  algériens  ont  cette  même  immunité.  Le  D'  Nott  a  dit  que 
1/4  de  sang  nègre  vaut  mieux  pour  braver  la  fièvre  jaune,  (jue  la 
vaccine  pour  braver  la  variole.  Nous  savons  que  l'odeur  de  noir 
persiste  chez  le  quarteron,  qui  possède  7/8  de  sang  blanc. 

De  ce  que  je  viens  de  dire^  il  résulte  que  le  croisement  de  deux 
races  peut  être  plein  d'avantages  :  ainsi  par  le  croisement  do 
nègre  et  du  blanc,  dans  les  pays  chauds,  le  blanc  donnera  au  pro- 
duit une  plus  grande  intelligence,  le  noir  lui  donnera  Timmunité 
contre  les  maladies  des  pays  chauds;  et  voilà  une  race  mixte  qui, 
plus  intelligente  ((ue  rautochtone,  plus  résistante  que  la  race 
Conquérante,  aura  pour  elle  Tavenir  de  la  colonisation;  c'est  de 
même  qu'on  a  conseillé  l'hybridation  de  la  vigne  pour  la  mettre 
à  l'abri  du  phylloxéra. 

Cette  question  des  croisements  est,  du  reste,  loin  d'être  jugée 
de  la  même  façtm  par  les  meilleurs  esprits.  Les  adversaires  des 
croisements  les  regardent  comme  absolument  pernicieux  /p.9o 
ftiHo,  Gobineau  n'attribue  pas  à  autre  chose  qu'aux  croisements, 
entre  individus  de  race  diflerente,  la  chute  de  l'empire  romain; 
les  civilisations  européennes  périront,  d'après  lui,  pour  la  même 
cause.  Périer,  dans  une  série  de  travaux  remarquables,  s'est  éga- 
lement inscrit  contre  les  croisements;  pour  lui,  un  peuple  qui 
dégénère  est  un  peuple  (|ui  n'a  plus  dans  ses  veines  le  sang  de 
ses  ancêtres.  Enfin  cette  thèse  a  été  soutenue  dernièrement,  non 
sans  talent,  par  mon  collègue  et  ami  le  D'  Daily.  Il  e>t  partisan 
de  la  division  du  travail  et,  trouvant  que  les  choses  sont  pour  le 
mieux,  il  demande  à  rester  blanc,  mais  il  désire  que  Le  noir  reste 
noir.  Chacun  son  nictier,  chacun  sa  couleur  !  Soyez  nè^re  si  c'^'tX 


fit  HÉRÉDITÉ. 

▼otre  métier,  mais  pas  de  croisement  !  Appliquant  ee  colle  di 
pur  sang  aux  races  qui  se  coudoient  et  coudoient  les  nôtres  a 
Algérie,  il  s'élève  contre  la  tendance  qai  rendrait  pratique  dav 
notre  colonie  le  mélange  des  sangs. 

Aux  raisons  de  sentiment,  les  arguments  de  fait  ne  manqneit 
d'ailleurs  pas  de  s'ajouter.  De  même  qu'en  chimie,  en  combioaM 
deux  substances  toxiques  on  obtient  un  composé  inoffensif  ou  ré- 
ciproquement, de  même,  il  se  pourrait  que  la  fécondation,  l'oo 
par  l'autre,  de  deux  inditidus  non  pathologiques,  donne  un  indi- 
vidu voué  à  la  pathologie.  Le  cheik  arabe  Mohamed  £l^-Oma^ 
el-Tourny,  dans  un  ouvrage  remarquable,  dont  nous  devons  k 
traduction  à  Pevron,  dit  :  La  durée  de  la  vie  diffère  d*une  ûlçob 
considérable,  dans  les  enfants  nés  au  Darfour  ;  ceux  qui  naissent 
de  père  forien  et  de  mère  forienne,  sont  vivaces  et  bien  constitués. 
On  trouve  beaucoup  de  familles  de  dix  ou  douxe  enfants.  Il  en  est 
de  même  dans  les  tribus  arabes  de  sang  pur  ;  U  encore  on  meurt 
vieux.  Mais,  ajoute-t-il,  lorsque  le  Forien  prend  une  Arabe  pour 
femme  ou  lorsque  TArabe  épouse  la  Forienne,  il  arrive  toujoun 
que  les  enfants  vivent  peu.  Le  D'  Nott  assure  que  les  mulâtres 
sont  sujets  aux  maladies  chroniques  et  qu'on  rencontre  parmi 
eux  un  ^Tand  nombre  d'infirmes. 

Les  partisans  de  Texcellence  du  croisement  ipso  facto  ne  sont 
pas,  de  leur  côté,  eu  peine  d'arguments  :  Gerdy  avait  commencé 
une  brillante  campagne  ;  de  Quatrefages  la  continue.  On  cite  €1- 
cilomeiit  la  beauté  de  beaucoup  de  mulâtresses.  On  cite  au  Brésil 
une  race  croisée  excellente,  les  Paulistes,  métis  de  Portugais  et 
d'Indiens  ;  les  Cafres,  les  Malais,  les  Japonais  ne  sont-ils  pat  des 
métis,  produits  remarquables  du  mélange  de  plusieurs  races? 

Il  ne  faut  donc  pas  se  dissimuler  que  des  deux  cotés,  adver- 
saires et  partisans,  donnent  d'excellentes  raisons.  La  vérité,  c'est 
qu'il  en  est  du  mélange  ou  de  la  combinaison  des  sangs  comme  dt; 
tous  les  mélanges  et  comme  des  combinaisons  que  nous  présente 
la  chimie.  Il  y  en  a  de  bons,  il  y  en  a  de  mauvais;  il  y  a  des 
combinaisons  fixos,  il  y  en  a  d'instables.  H  faut  en  outre,  dans 
cette  étude,  tenir  compte  des  conditions  mômes  où  s'est  faite 
l'expérimentation,  sur  laquelle  s'appuie  le  raisonnement.  Les 
conditions  sont  toutes  difrérentcs,  quand  il  s'agit  des  croisements 
humains,  de  ce  qu'elles  sont  dans  les  croisements  entre  nos  ani- 
maux. Veut-on  savoir  si  le  loup  et  le  chien,  le  lièvre  et  le  lapio 
donnent  des  métis  ou  hybrides^  comme  on  voudra  les  nommer. 


IMPRÉGNATION.  61) 

▼iables  ?  On  entoure  les  produits  obtenus,  de  toutes  les  précau- 
tions, de  tous  les  soins,  de  tous  les  égards  ;  tandis  que  pour 
beaucoup  de  métis  humains,  notamment  pour  ceux  du  blanc  et 
de  la  négresse,  qui  sont  les  mulâtres  les  plus  fréquents,  c'est  le 
contraire  qui  a  lieu.  En  général  les  sangs  mêlés  sont  méprisés 
par  chacun  des  pur  sang  composants  ! 

Inprégiiatloii. —  Le  croisement,  Thybridation  peuvent  avoir, 
dans  certains  cas,  une  conséquence  bien  singulière  :  le  croisement 
a  été  fécond,  mais  il  a  rendu  la  mère  désormais  stérile.  Ainsi,  dit 
le  D'  Strzelecki,  une  femme  australienne,  qui  est  devenue  grosse 
des  œuvres  d'un  blanc,  est  désormais  stérile  avec  tout  Australien, 
comme  si  la  première  fécondation  par  le  blanc  avait  imprimé  à 
la  femme  australienne  un  cachet,  une  marque  indélébiles,  comme 
si  elle  avait  été  imprégnée  pour  toujours  au  contact  du  blanc.  On 
a  dit  la  même  chose  des  Hurons,  des  Séminols,  des  Araucans,  des 
Polynésiens  et  des  Mélanésiens.  Ces  faits  dHmprégnation  ne  sont 
pas  isolés  :  on  a,  de  tout  temps,  vu  une  femme  veuve  se  remarier 
et  avoir  de  son  deuxième  mari  un  enfant  qui  ressemblait  au  pre- 
mier. D'autres  faits,  plus  suspects  il  est  vrai,  avaient  été  remar- 
qués :  on  avait  vu  un  enfant  incontestablement  adultérin,  ressem- 
bler au  père  par  la  loi,  de  là  cet  axiome  :  fUium  ex  adultéra 
excusare  matrem  a  culpa.  Mais  la  question  est  trop  difQcile,  trop 
compliquée  lorsqu'il  s  agit  de  Tespèce  humaine.  Tout  le  monde  au 
contraire  connaît  le  fait  de  cette  jument,  couverte  par  un  zèbre, 
qui  eut  un  poulain  zébré,  puis  qui,  couverte  par  un  étalon,  eut 
UD  poolain  qui  ressemblait  au  zèbre.  On  ne  peut  plus  ici  donner, 
comme  tout  à  l'heure,  cette  explication,  qui  consistait  à  prétendre 
que  la  femme  avait  pensé,  mal  à  propos,  à  son  premier  mari.  La 
même  influence  d'un  premier  accouplement  sur  les  portées  futures 
est  bien  commune  sur  les  chiennes  et  les  amateurs,  craignant  à 
ce  point  de  vue,  la  mésalliance,  ne  laissent  jamais  couvrir  une 
belle  chienne  par  un  mâle  de  basse  extraction. 

On  comprendrait  difficilement  ces  phénomènes,  si  nous  n'avions 
à  mettre  à  côté  d'eux  quelques  autres  faits  capables  de  faire  la  lu- 
mière. Il  y  a  des  femelles  qui,  après  avoir  été  fécondées  une  pre- 
mière fois,  restent  fécondées  pour  toujours,  sans  accouplement 
nouveau,  comme  si  le  mâle,  dans  son  premier  accouplement,  avait 
imprimé  à  la  femelle  une  fécondation  indélébile,  comme  s'il  Pavait 
imprégnée  pour  toujours.  Ce  phénomène,  normal  chez  les  puce- 
rons, chez  les  abeilles,  porte  le  nom  de  parthénogenèse,  et,  quoique 


G14  HÉRÉDITÉ. 

en  apparence  absolument  opposé  à  celui  de  tout  à  l'heure,  proore, 
comme  lui,  Faction  durable»  imprégnante  d*un  premier  accoi- 
plement  fécond,  sur  la  femelle. 

Cette  modification  par  un  premier  mari  dn  milieu  intérieur  de 
la  femme  est  tout  à  fait  comparable  aux  modifications  d'aptitode 
et  d'immunité,  que  confère  une  première  atteinte,  par  une  mala- 
die virulente,  (|ui  semble  avoir  pour  toujours  imprégné  Porganisme. 
Elle  pourrait  même,  d'après  Gobler,  créer  une  aptitude  morbide 
nouvelle.  Le  cancer  est  rare  dans  la  race  noîre,  or  le  cancer  du 
sein  a  été  observé  par  Gubler,  chez  une  négresse,  qui  avait  ud 
mari  blanc,  dont  elle  avait  un  enfant.  Il  se  demandait  si  cette 
imprégnation,  en  vertu  de  laquelle  il  eût  pu  se  faire  que  volontiers 
cette  négresse  imprégnée  par  un  blanc,  comme  la  jument  par  le 
zèbre,  eût  eu  elle-même  d'un  nègre  un  enfant  mulâtre,  si  cette 
imprégnation,  dis-jc,  qui  afait  blanchi  son  milieu  intérieur,  ne  lui 
a  fait  perdre  l'immunité  naturelle  au  nègre. 

CoBsangnlMlté.  —  Les  partisans  du  croisement  à  outrance, 
convaincus  de  la  nécessité  de  ce  qu'ils  nomment  rafraîchir  le  sang, 
voient  naturellement,  dans  la  méthode  contraire,  la  consanguiniU, 
la  cause  d'une  foule  de  maux  :  de  même  que  tout  à  l'heure  nous 
avons  vu  deux  camps,  ceux  qui  croient  le  croisement  bon  ipso  facto, 
en  princip«;  et  ceux  qui,  aussi  radicalement,  le  croient  mauvais; 
do  même  nous  trouvons  ici  les  partisans  de  la  consanguinité  quand 
même,  comme  bonne  ipso  factx)  et  ses  ennemis  par  principe  !  Or, 
de  même  que  les  croisements  peuvent  être  bons,  peuvent  être 
mauvais,  selon  ce  qu'on  croise  ;  de  même  la  consanguinité  peut 
être  bonne,  peut  être  mauvaise,  selon  ce  que  vaut  le  sang^  qu*en 
accumule  ainsi  sur  lui-même,  in  and  in.  Pour  juger  ce  que  vaut  oa 
ne  vaut  pas  la  consanguinité,  jetons  un  coup  d'œil  sur  la  repro- 
duction en  général. 

Au  bas  de  la  série ,  c'est  la  consanguinité  qui  nous  apparaît 
comme  mode  unique  de  reproduction  :  un  protiste  existe;  il  se 
divise  en  deux  par  scissiparité  et  voilà  deux  protistes;  au  bout  de 
quelque  temps,  par  le  même  mécanisme,  nous  trouvons  4-8-t6  pro- 
tistes, qui  sont  consanguins;  c'est  bien  en  effet  le  même  sang,  si 
sang  il  y  avait,  puisque  c'est  le  même  être!  plus  haut  dans  l'échelle, 
sur  l'animal  ou  le  végétal  polycellulaire  se  forme  un  petit  groupe 
de  cellules;  c'est  un  bourgeon.  Ce  bourgeon  se  détache,  devient 
un  être  semblable  à  celui  qui  Ta  produit;  c'est  en  somme  un  mor- 
ceau du  même  être;  encore  de  la  consanguinité!  plus  haut,  une 


CONSANGUINITÉ.  615 

cellule  unique  se  détache  de  Fétre  producteur;  c^est  une  spore 
(fougères,  cryptogames,  certaines  hydres  inférieures);  dans  la  yas- 
trula  (éponge)  apparaissent  deux  spores  ou  cellules  identiques, 
chargées  de  la  reproduction  ;  ces  deux  cellules  identiques,  char- 
gées de  la  reproduction  dans  la  gastrula,  nous  conduisent  à  un 
point  capital  dans  la  sériation  :  supposons  en  efiet  qu*à  ce  moment 
une  légère  différence  apparaisse  entre  l'une  et  Tautre  de  ces  deux 
cellules,  cette  dififérence  se  fixera  par  sélection  naturelle  et  bientôt 
la  présence  de  deux  eettoles  de  reproduction  différentes  constituera 
deux  sexeë  réunis  sur  le  même  individu.  Les  animaux  hermaphro- 
dites et  les  fleurs  monoïques  auront  ainsi  pris  naissance. 

\}\\  végétal  ou  un  animal  hermaphrodite  peut,  à  coup  sûr,  se  fé- 
conder lui-même,  et  c'est  encore  là  de  la  consanguinité,  c'est  même 
ce  qu'on  pourrait  nommer  le  com6/e  de  la  consanguinité!  Une  or- 
chidée, VOphris  apifera,  la  tomate,  Taubergine.  le  piment,  le  pois 
de  senteur  (Lathyms  odoratus)  ne  se  fécondent  pas  autrement  ; 
parmi  les  animaux  je  citerai  les  vers,  les  hydreii  les  ascidies,  les 
ascarides^  les  colimaçons,  les  sangsues.  Mais  cette  autoféconda- 
tion présente  évidemment  des  chances  d'insuccès  :  la  fonction 
mâle  et  la  fonction  femelle  étant  remplies  par  le  même  iiidiTidu,  * 
ti)utc  faiblesse,  toute  altération  de  cet  individu  unique  est  aussitôt 
fonctionnellement  doublée  ;  cette  absence  de  division  du  travail 
est  évidemment  contraire  à  sa  bonne  exécution,  en  vertu  de  ce 
principe  vulgaire,  qu'il  est  mauvais  de  n'avoir  qu'une  corde  à 
son  arc,  ou  de  mettre  tous  ses  œufs  dans  un  même  panier.  Il  est 
si  vrai  que  Tautofécondation  est  mauvaise,  que  dans  I4p  grand 
nombre  de  cas,  chez  les  végétaux  monoïques,  elle  donne  des 
graines  qui  ne  germent  pas,  ou  peu  de  graines,  ou  même  pas  de 
graines  du  tout.  Il  y  a  plus  :  Fritz  Muller  a  constaté  que  le  pollen 
d'une  fleur  est  parfois  toxique  pour  le  pistil  de  la  même  fleur.  Tan- 
dis qu'il  se  rencontre  tant  d*occasions  diverses  qui  peuvent  faire 
manquer  Tautofécondation  ou  ultra-consanguinité;  au  contraire, 
les  insectes,  butinant  de  fleur  en  fleur,  transportent  le  pollen 
d'une  fleur  sur  le  pistil  d'une  autre  fleur  très  éloignée  ;  ailleurs  ce 
transport  est  eflectué  par  le  vent,  par  les  oiseaux,  par  Peau,  pour 
certains  animaux  ;  de  sorte  que  même  chez  un  être  hermaphrodite, 
qui  pourrait  se  féconder  lui-même,  la  division  du  travail  tend 
forcément  à  être  établie.  Cette  division  qui  fait,  chez  tel  animal 
d'abord  hermaphrodite  fonctionner  uniquement  l'organe  mâle, 
et  chez  tel  autre  également  hermaphrodite,  fonctionner  exclusi- 


616  lÉRSOITÉ. 

Temeot  Torgane  femelle,  amène  bientôt  chei  fan  et  dm  Ttotie 
Tatrophie  de  l'organe  qui  n'a  rien  à  foire,  et  an  boni  d'nn  cortiio 
temps  les  deux  hermaphrodites  détiennent  denx  nnisemés,  Fim 
mâle,  l'autre  femelle. 

Il  y  a  donc  dans  la  nature  une  véritable  sénation  évointrre, 
qui  va  de  raltra-eonsanguinité  an  croisement,  de  Tafleiué  an 
sexué,  de  Thermaphrodisme  à  Funiseinalité.  L^homme  et  tous  ks 
vertébrés,  dans  leur  ontogénie,  eommencent  même  par  rherma- 
pbrodisme,  absolument  comme  dans  la  série  pbylogénique  U 
reproduction  part  de  la  consanguinité  pour  arriver  au  croise- 
ment. 

Ce  qui  est  vrai  de  révolution  organique,  ne  Test  fta  moins  de 
révolution  sociale  :  nous  trouvons  encore  là,  la  consanguinité  à 
la  base,  le  croisement  au  sommet  Prenons  pour  exemples  des 
peuples  à  divers  degrés  d'éfolution  sociale  :  nous  voyons  les  Chip- 
peouayens,  d'après  Heame,  épouser  leur  mère,  leur  sœur,  leur 
fille  ;  le  même  usage  existe  chez  les  Kadiaks  (Bancrofl),  chez  les 
Karens  du  Tenasserin  (Helcr).  Les  rois  du  Gabon,  aQn  de  ne  pas 
altérer  la  pureté  du  sang  royal,  épousent  leurs  filles  et  les  reines 
leurs  fils.  Torquemada  rapporte  qu'en  Amérique,  chez  les  Incas, 
les  mariages  entre  frère  et  soenr  étaient  fréquents.  Il  en  est  de 
même  actuellement  aux  îles  Sandwich,  dans  la  classe  noble;  chez 
les  Malgaches  et  à  Ceylan,  on  épouse  sa  sœur  cadette  ;  chez  les 
Coroados  actuels  du  Brésil,  il  n*est  pas  rare  qu'un  homme  soit 
le  frère  de  son  fUs,  L'infortuné  Crevaux  avait  constaté  le  même 
fait  chezjes  Roucouyennes.  Jadis,  chez  les  Tartares,  les  SejUiei» 
les  Mèdes  et  les  Perses,  le  père  épousait  sa  fille»  le  fib  sa  mère,k 
frère  sa  soBur.  Sisymithrés,  satrape  de  Sogdiane,  avait  épousé  sa 
mère  et  en  avait  deux  filles  ;  maUr,  dit  Quinte-Curce,  eademqua 
conjux.  Saint  Jérôme  dit  que  :  Persa^  Medi,  cum  matribits  et  magis 
cum  fUiabus  et  nepotibus  copulantur,  Cambyse  épousa  sa  sœur. 
Cette  coutume  exista  chez  les  juifs  et  Joseph,  le  père  de  Jésus,  était 
l'oncle  au  troisième  degré  de  Marie.  Les  unions  consanguines  fu- 
rent cependant  rapidement  regardées  comme  criminelles,  et  la 
peste  de  Thèbes  fut  attribuée  par  le  peuple  au  mariage  inces- 
tueux d'GEdipe  avec  sa  mère  Jocaste,  dont  il  avait  quatre  fils.  Mais 
si  eUtt  furent  défendues,  c'est  moins  au  point  de  vue  médical 
que  dans  l'intérêt  des  bonnes  mœurs,  par  respect  pour  le  toit  de  la 
famille.  Au  reste,  tous  les  peuples  qui  défendent  ces  unions,  les 
défendent  entre  parents  par  alliance  aussi  bien  qu'entre  parents 


CONSANGUINITÉ.  617 

par  le  sang.  La  loi  française  les  défend  dans  toute  la  ligne  directe 
et,  en  ligne  collatérale^  entre  parents  du  deuxième  degré  (frères 
et  sœurs),  et  du  troisième  (oncle  et  nièce),  sauf  permission. 

La  question  des  unions  consanguines  fut  posée,  ou  mieux  indi- 
quée, pour  la  première  fois  en  1815,  par  Fodéré,  qui  regardait  les 
unions  au  troisième  degré,  entre  oncle  et  nièce,  comme  tendant 
à  abâtardir  l'espèce  ;  mais  elle  ne  devint  médicale  qu*en  1856, 
époque  où  le  D'  Menière  annonça  que  les  unions  entre  parents 
donnaient  naissance  à  des  enfants  sourds-muets.  Rilliet  (de  Ge- 
nève) soutint  à  son  tour  que  la  stérilité,  Tavortement,  les  mons- 
truosités, répilepdie^  Tidiotie  et  la  surdi-mutité  résultaient  sou- 
vent des  unions  consanguines.  Enfin  Devay  (de  Lyon),  réunissant 
artificiellement,  ainsi  qu'il  le  reconnut  lui-même,  en  déclarant 
qu'il  lies  avait  choisis,  121  mariages  consanguins,  trouva  parmi 
eux  :  1 6  fois  la  stérilité,  6  fois  Tavortement  au  début  de  la  grossesse* 
11  fois  à  la  fin,  S  fois  le  bec-de-lièvre  et  le  pied-bot,  17  fois. la 
polydactylie  ;  en  tout  52  accidents.  Boudin,  de  son  côté,  fit  le  rai- 
sonnement suivant  :  il  y  a  en  France  2/100  mariages  consanguins; 
si  les  sourds-muets  n*ont  rien  à  voir  dans  la  question  et  qu'ils 
soient  également  répartis,  il  y  aurait  2/100  consanguins  sourds- 
muets.  Or,  sur  100  sourds-moeto,  il  y  a  25  consanguins  à  Lyon, 
28  à  Paris,  29  à  Nogent-le-Rotrou,  30  à  Bordeaux  ;  il  formula  donc  : 
si  le  danger  d'avoir  un  enfant  sourd-muet  dans  un  mariage  croisé 
est  de  1 ,  il  est  de  18  entre  cousins  germains  (4«  degré),  de  37  entre 
oncles  et  nièces,  de  70  entre  neveux  et  tantes  (3°  degré).  11  don- 
nait comme  exemple  la  fréquence  relative  des  sourds-muets  chez 
les  catholiques,  les  protestants  et  les  Israélites,  fréquence  quMl  re- 
gardait comme  proportionnelle  à  celle  des  mariages  consanguins 
dans  chacune  de  ces  religions;  sur  10000  mariages  de  chacune 
de  ces  trois  religions,  il  trouve  en  effet  :  chez  les  catholiques 
3,1  sourds-muets;  chez  les  protestants,  6;  chez  les  Israélites,  27. 
Morris  a  établi,  de  son  côté,  la  proportion  suivante  :  les  mariages 
entre  parents  au  8'^  degré  et  entre  cousins,  fils  d'issus  de  germains 
(3*  degré  de  cousinage),  donnent  une  proportion  de  40  infirmes 
pour  100;  entre  issus  de  germains,  ou  parents  au  6«  degré 
(2*  de  cousinage),  la  proportion  est  de  42,5  pour  100;  entre  ger- 
mains (4«  degré), de  67,2  pour  100  ;  entre  oncle  et  nièce  (3*  degré), 
de  81  pour  100;  dans  les  unions  incestueuses  (1*'  degré  direct 
et  2*  collatéral),  de  96  pour  100. 
On  a  également  accusé  la  consanguinité  de  produire  la  réti^ 


6)8  HÉRÉDITÉ. 

ni  te  pigmentairc.  Elle  fournirait,  d'après  Liebreich,  4/2  des  cas; 
de  celle  maladie  ;  1/6  d'après  Hering;  1/9  d'après Mooren.  Mais  les 
faits  de  Liebreich  ont  été  pris  dans  un  établissement  de  sourds- 
muets,  où  les  causes  pathologiques  sont  extrêmement  complexes. 
De  leur  côté,  Galezowski  et  Maurice  Perrin  se  refusent  à  voir 
aucun  rapport  entre  la  rétinite  pigmentaire  et  la  consanguinité. 
Fieuzaly  sur  21  cas  de  rétinite,  a  trouvé  8  consanguins  et  13  non 
consanguins. 

On  a  prétendu  aussi  que  les  sourds-muets  étaient  plus  nom- 
breux en  Amérique  chez  les  noirs  que  chez  les  blancs  :  on  a 
dit  que  cela  tenait  à  une  plus  grande  fréquence,  chez  les  premiers, 
de  mariages  consanguins  ;  on  a  cité  jusqu'à  des  frères  qui,  nés  de 
frères  et  sœurs,  auraient  été  idiots  et  sourds-muets. 

On  a  également  cité  la  stérilité  chez  le  porc  (Àubartia,  ADier), 
sans  songer,  comme  Ta  fait  avec  raison  remarquer  Sanson,  qu'il 
s'agissait  de  porcs  en  dégénérescence  graisseuse. 

Tous  ces  faits  présentent  un  défaut  capital  :  ils  sont  choisis. 
Beaucoup  de  prétendus  exemples,  propres  à  montrer  les  dangers 
de  la  consanguinité,  ont  en  outre  été  pris  en  Suisse,  où  l'idiotie 
reconnaît  le  plus  souvent  une  cause  toute  différente.  On  a  enfia 
comparé  des  populations  très  diverses,  en  supputant  le  nombre  des 
inlirmes  dans  chacune,  sans  tenir  compte  de  l'influence  que  pou- 
vaient avoir  la  race  et  l'état  social.  Il  est  un  autre  fait  auquel  ou 
n'a  pas,  à  mon  avis,  assez  songé  :  la  plupart  des  mariages  entre 
cousins  ont  lieu  enti^  gens  très  jeunes;  quand  un  bomme  épouse 
sa  cousine,  à  laquelle  il  est  souvent  fiancé  dès  l'enfance,  c'est 
généralement  de  20  à  25  ans.  Or  toutes  les  stalisliques  montrent 
que,  lorsque  les  deux  époux,  le  mari  surtout,  sont  très  jeunes, 
l'excès  même  de  l'ardeur  conjugale  est  une  cause  fréquente  de 
fausses  couches  ou  de  troubles  éprouvés  par  l'embryon.  Cela  seul 
suffirait  à  expliquer,  si  elle  était  démontrée,  la  plus  grande  fré- 
quence des  fausses  couches  et  des  accidents  tératologiques  dans 
les  mariages  entre  consanguins. 

On  cherche  toujours  des  exemples  de  surdi-mutité  dans  la  con- 
sanguinité ;  mais  rien  ne  prouve  que  l'une  soit  la  cause  de  l'autre. 
Le  D' Daily  a,  dans  une  discussion  célèbre,  dit  avec  raison  :  Si,  dans 
une  lie  isolée,  vous  placez  un  ménage  consanguin  et  qu'au  bout 
d'un  certain  nombre  d'années,  il  n'y  ait  pas  un  seul  infirme,on  peot 
affirmer  que,  dans  ce  cas,  la  consanguinité  n'a  eu  aucun  incon- 
vénient. Tandis  que  si,  dans  cette  même  ile,  on  voyait  apparaître 


CONSANGUINITÉ.  619 

des  sourJs-rauets,  il  faudrait  prouver  que  c'est  bien  le  fait  même 
de  la  consanguinité  qui  en  est  la  cause.  Or  les  exemples  de  con- 
sanguinité sans  infirmité  ne  manquent  pas  :  à  tous  les  peuples  de 
l'antiquité,  on  pourrait  ajouter  les  Esquimaux.  11  faut  encore  citer 
le  bourg  de  Batz,  où  toiR  les  habitants  se  marient  entre  eux  et  où 
il  n'y  a  pas  d'infirmes;  Voisin  a  étudié  cette  population.  Gubler  a 
étudié  dans  les  Pyrénées  la  population  de  Gaust,  qui  est  superbe  ; 
les  jeunes  gens  ne  s'y  marient  ordinairenent  qu'entre  eux;  il  en 
est  de  même  à  Pauillac  (D'  Ferrie).  Il  existe  enfin,  dans  le  royaume 
du  Dahomey,  100  individus  qui  descendent  d'un  traitaat  portu- 
gais et  de  ses  400  négresses;  ils  se  marient  uniquement  entre 
eux,  ils  sont  déjà  à  la  troisième  génération;  il  n'y  a  parmi 
eux,  dit  le  D''  Thibault,  ni  un  sourd-muet,  ni  un  crétin,  ni  un 
aveugle.  On  cite  toujours,  à  la  Réunion,  un  groupe  d'Européens 
qui  ne  se  recrutent  qu'entre  eux,  les  petits  blancs,  qui  sont  très 
florissants. 

Le  D'  Bourgeois,  qui  était  fils  de  consanguins  et  se  disposait, 
je  crois,  à  épouser  sa  cousine,  a  fait  une  enquête  sur  sa  propre 
famille,  dont  il  est  d'ailleurs  un  brillant  représentant  :  en  160  ans, 
elle  a  compté  416  membres  issus  d'un  couple  consaguin  au  3^  degré. 
11  y  a  eu  16  unions  sur-consanguines;  en  tout  il  y  a  eu  91  allian- 
ces fécondes  et  pas  un  infirme!  La  famille  illustre  des  Séguin  a 
présenté,  avec  la  famille  non  moins  illustre  des  Montgolfier, 
ÎO  unions  consanguines;  on  ne  trouve  pas  un  infirme  dans  Tune 
ni  dans  l'autre. 

Quant  à  la  fécondation  entre  frère  et  sœur  et  même  entre 
parents  directs,  elle  est  fréquente  chez  les  pigeons,  elle  a  été  la 
règle  dans  beaucoup  de  sociétés  humaines.  La  race  bovine  de  Sa- 
1ers  vit,  dans  les  pâturages  de  l'Auvergne,  à  l'état  de  semi-liberté; 
Je  taureau  ne  s'accouple  qu'avec  sa  mère,  ses  tantes,  ses  soiurs, 
ses  filles;  la  race  est  superbe.  La  race  célèbre  de  Durham  est  issue 
d'unions  consanguines;  elle  fut  créée  par  (!h.  Colling  avec  un  tau- 
reau (Hubbach)  qui  avait  une  remarquable  faculté  d'assimilation. 
Favourit,  un  de  ses  fils,  couvrit,  pendant  six  générations,  ses  filles 
et  ses  petites-filles;  de  sa  mère  Phénix,  Favourit  eut  Cornet,  qui 
fut  vendu  26250  francs;  les  produits  consanguins  de  Favourit  et 
de  Cornet,  en  tout  47  bêtes,  furent  vendues  1 77  000  francs.  Notons 
qu'il  eut  bien  pu  arriver  que  le  taureau  Favourit,  en  vieillissant, 
donnât  naissance  à  des  enfants  infirmes  ou  débiles,  ce  qu'on 
n'eût  pas  manqué  de  mettre  sur  le  compte  de  la  consanguinité. 


eiO  HÉRÉDITÉ. 

Les  moutons  de  Mauchamp  sont  également  on  produit  de  la  con- 
sanguinité, tiré  depuis  1828,  par  Graux,  de  la  descendance  d*une 
brebis,  par  le  croisement  consanguin ,  breeding  in  and  in.  Tool 
le  monde  sait  que  les  vainqueurs  du  turf  sont  issus  d'accouple- 
ments entre  consanguins. 

11  n*est  pas  jusqu'aux  végétaux  eux-mêmes,  pour  lesquels  on 
ne  recbercbe  parfois  la  consanguinité,  en  évitant  avec  soin  les 
croisements.  Dans  certaines  provinces  d'Angleterre,  les  cultiva- 
teurs de  choux  disent  qu'il  faut  empêcher  les  choux  «  de  s'amou- 
racher les  uns  des  autres  » . 

De  tout  cela  il  ressort  que  la  consanguinité,  par  elle-même,  ne 
crée  aucune  condition  favorable  à  la  production  de  la  surdi- 
mutité ni  des  autres  infirmités.  Des  recherches  de  Benjeogue, 
dites  en  Russie,  il  ressort  que  la  surdi-mutité  semble  héréditaire, 
que  presque  tous  les  sourds-muets  ont  des  maladies  de  Toreille, 
que  plus  de  la  moitié  ont  des  maladies  cérébrales  héréditaires.  On 
n*a  donc  pas  assez  vu  en  somme  que  tous  ces  gens,  qui  sont  pa- 
rents, ont  une  parenté  morbide  ;  c'est  donc  de  l'hérédité.  Les  éle- 
veurs anglais,  qui  ont  adopté  la  méthode  in  and  in,  savent  qu'elle 
est  la  meilleure  méthode  de  sélection  pour  élever  l'hérédité  à  sa 
plus  haute  puissance.  Aussi  le  regretté  Bertillon  me  semble  avoir 
admirablement  résumé  les  choses,  lorsqu'il  a  dit  :  «  Si  une  famille 
«  est  entachée  d'affections  héréditaires  et  que  les  membres  se 
u  marient  entre  eux,  le  vice  héréditaire  doit  aller  s'aggravanl  et 
«  peut-être  plus  rapidement  encore  qu'il  n'arriverait  par  le  fait 
«  d'un  mariage  entre  deux  familles  étrangères  Tune  à  l'autre, 
«  mais  entachées  l'une  et  l'antre  du  même  vice.  »  Si  au  contraire 
les  familles  sont  saines,  dit-il  :  «  La  consanguinité  apparaît  alors 
«  comme  un  moyen  de  sélection  pour  faire  vite  évoluer  le  fond  et 
«  le  tréfond  organique  (pathologique  ou  sain)  des  familles.  C'est 
«  une  pierre  de  touche,  signalant  tout  de  suite  cerlaines  impuretés 
«  d'un  sang.  Les  familles  indemnes  de  vice  retrempent,  doublent, 
«  au  contraire,  dans  la  consanguinité,  leur  résistance  et  leur  vertu, 
«  et  en  sortent  plus  fécondes,  plus  saines  que  jamais  !  » 


SÉLECTION.    CONCURRENCE   VITALE.  621 


CHAPITRE  V 

8ÉLMTI0N.  —  CONCURRENCE   VITALE. 

Nous  avons  vu>  dans  les  chapitres  précédents,  survenir  chez 
certains  individus,  soit  par  le  fait  du  milieu  extérieur ,  soit  par 
le  fait  !du  milieu  intérieur,  des  modifications  souvent  peu  consi- 
dérables, caractérisées  par  certaines  conformations,  certaines  ap- 
titudes, certaines  immunités  pathologiques  ou  non,  car  on  a  pu 
voir,  dans  le  courant  de  ce  livre,  que  la  pathologie  et  la  physio- 
logie étaient,  à  dessein,  intimement  confondues.  Nous  avons  vu 
que  ces  variations  sont  héréditaires  et  perpétuent,  sous  une  même 
forme,  ce  qu'on  nomme,  par  suite  d'une  convention,  Vespèce.  Les 
croisements*  tendent  à  modifier  ce  que  l'hérédité  avait  fixé,  et  à 
créer  des  espèces  nouvelles,  tandis  que  la  consanguinité,  ou  héré- 
dité renforcée,  agit  en  sens  contraire. 

Ce  sera  la  gloire  de  Lamarck  d*avoir  formulé  cette  théorie  de 
l'instabilité  de  Tespèce  et  de  la  lente  et  graduelle  évolution  des 
types  suivant  le  milieu;  il  est  cependant  juste  de  reconnaître  que 
cette  théorie,  qu'on  pourrait  nommer  lamarckismey  avait  été  déjà 
entrevue  par  Démocrite,  et  transmise  vaguement  de  ranliquité  au 
moyen  âge,  par  les  Arabes.  «  Quand  le  peuple  ignorant,  écrivait 
«  Al-Khazim,  entend  dire  aux  savants  que  l'or  est  un  corps  qui 
«  s'est  formé  par  voie  de  perfectionnement,  il  comprend  qu'il  a 
«  passé  par  la  forme  des  autres  corps  métalliques,  c'est-à-dire  qu'il 
a  était  d'abord  plomb,  puis  étain,  puis  bronze,  puis  argent,  puis 
a  qu'il  est  devenu  finalement  or.  H  ne  sait  pas  que  les  philosophes 
a  veulent  dire,  ce  qu'ils  veulent  dire  aussi  de  l'homme,  quand  ils 
t  avancent  qu'il  est  arrivé  à  l'état  où  il  se  trouve  aujourd'hui 
a  progressivement  et  non  point  par  des  transformations  totales, 
fl  comme  s'il  avait  passé  par  la  figure  du  bœuf,  puis  par  celle  de 
<K  Tàne,  puis  du  cheval,  puis  du  singe,  et  finalement  était  devenu 
0  homme.  »  Celle  théorie,  Gœlhe  en  1790,  en  1796  et  en  1807, 
Oker  en  1809,  l'avaient  comprise.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que 
Lamarck  eut  le  mérite  de  la  formuler  complètement  dans  sa  PhU 
losophie  zoologique  de  1801-1809.  Lyell,  qui  a  montre  toute  l'im- 
portance trop  méconnue  jusqu'à  lui  de  Télément  temps  dans  les 


62i  SÉLBCTION.    CONCURRENCE   VITALE. 

grands  phénomènes  de  la  nature,  Waliace,  Darwin  et  Heckel  n'ont 
fait  que  continuer  sous  ce  rapport  l'œuvre  du  Français  Lamarck. 
Ce  qui  cependant  est  bien  Tœuvre  de  Darwin,  et  ce  qui  con- 
stitue le  Darwinisme ,  c'est  d'avoir  montré  le  mécanisme  de  la 
formation  des  types,  en  faisant  voir  que  la  survivance  appartient 
au  plus  apte.  Cela  détruit  pour  toujours  ta  vieille  et  absurde  théorie 
des  causes  finales,  qui  pense  que  Toiseau  a  des  ailes  pour  voler, 
au  lieu  de  constater  simplement  que  les  ailes  se  sont  développées 
par  la  nécessité  de  voler.  La  gloire  de  Darwin,  c'est  d'avoir  montré 
que  si,  dans  la  nature,  tout  est  pour  le  mieux,  il  ne  faut  pas  oublier 
qu'il  n'en  peut  pas  être  autrement.  Car  la  lutte  pour  la  yie^StruQ" 
gle  for  life,  la  sélection  ne  laissent  subsister  que  ce  qui  est  bien 
et  détruisent,  dès  qu'elles  apparaissent,  les  formes  manquées. 

Cette  idée  de  la  concurrence  vitale,  Darwin  en  avait  été  frappé 
après  la  lecture  de  Malthus.  La  célèbre  théorie  malthusienne  de 
la  progression  arithmétique  des  subsistances  et  de  la  progres- 
sion géométrique  des  individus  lui  avait  fait  chercher  le  moyen 
employé  par  l'implacable  nature  pour  éliminer  ceux  qui  sont  de 
trop  au  banquet  de  la  vie,  et  il  l'avait  trouvé  dans  la  sélection, 
qui  assure  à  tout  individu  qui  porte  un  caractère  avantageux, 
non  seulement  la  victoire  immédiate,  mais  la  transmission  de  ce 
caraclère  avantageux  à  3es  enfants.  Il  en  résulte  que  tout  carac- 
tère utile  dure, que  tout  caractère  inutile  ou  nuisible  disparait; 
si  bien  que  le  progrès  est  forcé  et  qu'il  ne  se  peut  pas  que  tout 
ne  soit  pas  pour  le  mieux.  Que  la  vessie  natatoire  d'un  poisson 
communique  par  accident  avec  Tair  extérieur,  et  voilà  un  pou- 
mon !  Le  poisson  ne  pouvait  vivre  que  dans  l'eau  et  lamphibie 
pourra  vivre  également  hors  de  Teau.  Avoir  de  grands  bois  plats 
en  forme  de  palette,  cela  est  gênant  pour  le  cerf,  mais  ceux-là  seuls 
qui  possédaient  cette  disposition  ont  pu  trouver  leur  nourriture 
sous  la  neige,  parce  que  leur  bois  leur  servait,  comme  une  pelle, 
à  enlever  la  neige,  et  la  nature  prévoyante  (disent  les  causes- 
fiiialieis)  a  donné  de  grands  bois  plais  au  Cervus  mcgaceros. 
L'amour  maternel  lui-même  est  un  produit  de  la  sélection,  car 
supposez  une  femelle  qui  en  soit  privée,  elle  n'élèvera  pas  ses  petits 
et  ne  fera  par  conséquent  pas  souche. 

11  en  est  de  même  d'une  foule  de  caractères.  Vous  admirez  la 
nature  ou  la  providence  qui  ont  eu  la  bonne  idée  de  donner  des 
feuilles  charnues  aux  végétaux  des  pays  secs;  mais  il  eût  fait  beau 
voir  la  nature  ou  la  prétendue  providence  agir  autrement  !  Comme 


SÉLECTION   NATURELLE   CHEZ   L'hOUUE.  62S 

les  végétaux  à  feuilles  charnues  sont  les  seuls  qui  aient  pu  résister 
à  la  sécheresse  et  faire  souche,  il  est  évident  qu'au  hout  d'un 
certain  temps,  il  n*y  a  plus  dans  les  pays  secs  que  des  végétaux  à 
feuilles  charnues,  puisque  tous  ceux  qui  n'ont  pas  ce  caractère 
succombent!  On  pourrait  multiplier  à  Tinfini  ces  exemples  de 
la  sélection  naturêUe.  L'homme  appliquant  aux  animaux  et  aux 
végétaux,  qu'il- élève  ou  qu'il  cultive,  les  procédés  de  la  nature, 
pratique  sur  eux  la  sélection  artificielle,  il  fabrique  pour  ainsi  dire 
et  modèle  les  êtres  vivants  à  son  gré,  suivant  son  caprice  et  ses 
besoins.  Un  éleveur  de  pigeons  disait  un  jour  à  Darv^in  :  ((  En 
f  trois  ans,  je  produis  une  plume  donnée;  il  faut  six  ans  pour 
ff  obtenir  une  tète  ou  un  bec.  i  Les  jardiniers  obtiennent  de 
même  les  fleurs  et  les  fruits  qu'ils  veulent. 

Séleetion  naturelle  ehez  rhomme. —  L'homme  lui-même 
n'échappe  pas  à  cette  double  sélection,  naturelle  et  artiliciclle. 
La  sélection  sexuelle  s'exerce,  à  son  insu,  tout  aussi  impérieuse- 
ment que  chez  les  oiseaux,  et  |)ar  la  prédilection  inconscient'}  qu'il 
accorde  à  tel  ou  tel  type,  il  favorise  la  fréquence  du  tempérament 
qui  correspond  à  ce  type  et  des  aptitudes  ou  immunités  morbides 
qui  en  sont  les  attributs.  Il  est  certain  que  le  rapt  des  femmes, 
qui  a  partout  précédé  la  coutume  des  unions  plus  ou  moins  léga- 
lisées^ a  dû  contribuer  à  améliorer  le  type  au  point  de  vue  de  ce 
que  nous  regardons  comme  la  beauté,  les  plus  belles  filles  ayant 
été  enlevées  de  préférence  à  celles  qui  étaient  laides.  C'est  de 
même  au  sang  des  prêtresses  grejques  de  l'ancien  temple  de  Vénus 
Ericinc  à  Trapani,  qu'est  encore  due  la  beauté  des  femmes  ac- 
tuelles de  ce  pays.  Même  dans  nos  villes,  au  milieu  de  nos  mœurs 
bourgeoises,  la  sélection  sexuelle  s'exerce  plus  qu'on  pourrait  le 
penser.  Lorsque  dans  les  galeries  de  tableaux  de  Londres  on  con- 
sidère les  portraits  de  l'ancien  temps  et  que  l'on  compare  le  type 
qu'ils  représentent  au  type  actuel,  on  est  frappé  de  ce  fait,  que 
les  blonds  semblent  aujourd'hui  moins  fréquents  qu'autrefois. 
Beddoe,  de  son  côté,  a  fait  la  remarque  suivante  :  il  a  noté  la 
couleur  des  cheveux  de  736  femmes  de  20  à  50  ans  ;  il  en  a  trouvé 
367  blondes  et  369  brunes.  Puis  il  a  cherché  quel  était,  dans 
chaque  catégorie  déterminée  par  la  couleur,  le  nombre  propor- 
tionnel des  célibataires  et  il  a  vu  que  ce  nombre,  qui  était  de 
32,5  pour  iOO  pour  les  blondes,  était  de  20  pour  100  pour  les 
brunes.  Les  brunes  sont  donc  plus  recherchées  en  mariage  que  les 
blondes  ;  il  n'est  donc  pas  étonnant  que  cette  sélection  sexuelle,  en 


6S4  SÉLECTION.    CONCURRENCB  YITALB. 

faveur  des  brunes,  rende  le  type  blond  moins  fréquent.  O  qui 
est  vrai  de  cette  couleur  des  cheveux,  Test  évidemment  du  tem* 
périment,  des  aptitudes  et  des  immunités  morbides  qui  l'acoom- 
pagpent. 

Sélection  soelale.  —  Mais  Thomme  subit  une  sélection  qui 
lui  est  presque  complètement  propre,  ou  plutM  qui  s*exerce  sur 
lui  d'une  manière  plus  marquée  que  sur  aucun  autre  animal  et 
avec  des  conséquences  spéciales  :  c*est  la  sélection  sociale  et  une 
de  ses  subdivisions,  la  sélection  militaire. 

L'habitude  encore,  et  plus  que  jamais,  suivie  par  les  pays  civi- 
lisés de  prendre  les  hommes  les  plus  jeunes,  les  plus  forts,  les 
plus  vigoureux,  de  les  empêcher  de  se  marier  et  de  les  tenir 
casernes  en  temps  de  paix,  pour  les  envoyer  sur  les  champs  de 
bataille  en  temps  de  guerre ,  a  pour  conséquence  d'exercer  la 
sélection  en  faveur  des  moins  jeunes,  des  moins  forts  et  des  moins 
vigoureux  et  d'abaisser  ainsi  le  type  de  la  population.  Ainsi  dans 
la  période  1831-1836,  sur  10000  conscrits  examinés  on  en  trouva 
9071  bons;  en  1860,  on  en  trouve  9400,  soit  329  en  plus;  or  la 
période  inférieure  (1831-1836)  correspondait  aux  guerres  de 
l'empire  (1811-1816);  la  seconde  période,  plus  favorisée  cor- 
respondait à  répoque  peu  brillante,  mais  du  moins  pacifique 
de  1840.  Après  20  ans,  Tempire  faisait  encore  sentir  sa  funeste  in- 
fluence !  La  taille  se  relève  en  effet  et  le  nombre  des  exemptions 
diminue  à  mesure  qu'on  s'éloigne  de  cette  époque  funeste  à  tant 
de  titres  pour  notre  pays!  Sur  10000  concrits,  les  exemptions 

pour  défaut  de  taille  étaient  : 

* 

En  1844,  de Sa 

En  1850,  de 781 

En  1864,  de 523 

En  1868,  de 506 

Aujourd'hui,  puisque  moins  que  jamais,  parait-il,  on  ne  peut 
supprimer  la  guerre,  on  devrait  du  moins  rayer  le  défaut  de  taille 
des  causes  d'exemption,  car  les  armes  se  chargeant  par  la  culasse 
il  n'y  a  d'autre  inconvénient  qu'au  point  de  vue  de  l'art  à  ce  que 
le  fusil  soit  plus  grand  que  le  fantassin. 

La  sélection  sociale  a  encore  une  autre  conséquence  :  sous  le 
nom  de  charité,  d'assistance,  la  société  moderne  protège  les  in- 
firmes, les  faibles  d'esprit;  elle  a  de  plus,  dans  ses  nombreux 
cadres,  des  places  toutes  trouvées  où  sans  responsabilité,  sans 


SÉLECTION   SOCIALE.  625 

effort,  sans  lutte,  on  vit  passivement,  n*ayant  qifà  recevoir  ses 
appointements  fixes.  Un  grand  nombre  de  non -valeurs  que  la 
société  protège,  nourrit  et  entrelient,  la  fournissent  ainsi  pour 
l'avenir  d'autant  de  non-valeurs  faites  à  leur  image.  Que  de  mala- 
dies qui,  grâce  aux  soins  dont  Tenfance  est  entourée»  se  perpé- 
tuent assez  longtemps,  non  pour  guérir,  mais  pour  donner,  à 
celui  qu'elles  atteignent,  la  faculté  d'engendrer  des  enfants  mala- 
difs comme  lui.  La  serre  chaude  sociale  mènera  encore  assez  loin 
cet  avorton  pour  lui  permettre  de  se  reproduire  dans  un  avorton 
semblable  à  son  père.  Ainsi  se  perpétuent  et  demeurent  dans  nos 
sociétés  un  grand  nombre  d'états  morbides.  Dans  la  vie  sauvage, 
tout  être  qui  n'est  pas  armé  suffisamment  soit  par  ses  muscles, 
soit  par  son  intelligence,  pour  la  lutte  pour  la  vie,  succombe; 
dans  la  vie  civilisée,  au  contraire,  on  secourt  et  on  élève  ceux 
qui,  par  eux-mêmes,  seraient  trop  débiles  et  trop  impuissants 
pour  lutter.  Les  anciens  avaient  trouvé  un  moyen  simple,  ils 
tuaient  les  enfants  débiles;  Âristote  et  Sénèque  se  sont  même 
faits  les  défenseurs  de  cette  terrible  doctrine.  Cela  se  passe 
encore  ainsi  chez  les  Bechuanas,  et  cela  pour  le  prétexte  le  plus 
futile:  un  enfant  dont  les  incisives  supérieures  poussent  les  pre- 
mières, est  déclaré  Tlolo  et  mis  à  mort.  Les  Albinos,  adorés 
ailleurs,  sont  ici  Tlolos  et  mis  à  mort. 

Cette  conservation  des  faibles  par  la  société  civilisée  mène  à 
une  conséquence  inattendue  :  bien  que  le  Parisien  moderne  soit 
intellectuellement  supérieur  aux  hommes  de  l'époque  préhisto- 
rique^ en  notre  pays,  et  bien  que  le  cerveau  soit,  d'une  manière 
générale,  proportionnel  à  Tintelligence,  cependant,  alors  que  la  ca- 
pacité moyenne  du  crâne  à  Tépoque  préhistorique  est  de  1 606  cen- 
timètres cubes  pour  les  hommes,  elle  est  chez  le  Parisien  moderne 
de  1558.  Différence  de  48  !  Cela  tient  évidemment  à  ce  que  dans 
la  moyenne  des  Parisiens  actuels,  figurent  une  foule  de  cerveaux 
faibles,  qui  suffisent  tellement  quellement  à  leurs  peu  enviables 
possesseurs,  tandis  que  la  moyenne  des  hommes  adultes  de  l'épo- 
que préhistorique  dont  le  crâne  nom$  reste,  était  depuis  longtemps 
débarrassée  par  la  sélection  des  cerveaux  faibles.  Ce  résultat  para- 
doxal au  premier  abord,  peut  être  comparé  à  celui  qu'à  donné 
pour  les  nègres  cette  demi-civilisation  qu'ils  achetaient  malgré  eux 
en  échange  de  la  liberté,  auprès  de  leurs  maîtres  américains. 
Tandis  que  le  crâne  du  nègre  libre,  en  Afrique,  cube  i  371  centi- 
mètres cubes,  le  crâne  du  nègre  esclave,  à  certains  points  de  vue 

GéOGR.  MéD.  *^^ 


6f6  DÉOÉNÉRESCENCB. 

plus  élevé,  cubait  1  323^50;  différence  47,58,  presque  48,  comme 
tout  à  l'heure  ;  cela  prouve  au  moins  que  la  liberté  est  encore  la 
condition  de  développement  le  plus  favorable. 


CHAPITRE  VI 

DÉOÉNéRESCENCB. 

Nous  venons  de  voir,  dans  les  chapitres  précédents,  que  l'héré- 
dité fixait  les  caractères;  que  la  sélection  assurait  la  prépon- 
dérance aux  caractères  utiles  et  avantageux;  nous  en  avons 
conclu  que  le  progrès  est  fatal.  Cela  est  vrai,  d'une  manière 
générale,  pour  Thumanité  tout  entière  :  elle  est  aujourd'hui  plus 
instruite,  plus  morale,  mieux  nourrie,  mieux  portante,  plus  long- 
temps vivante,  meilleure  à  tous  les  points  de  vue,  qu'aux  temps 
passés.  Mais  si  cela  est  vrai  pour  Thumanité  dans  son  ensemble, 
cela  n'est  pas  toujours  vrai  des  peuples  considérés  individuelle- 
ment. Sans  doute  le  flambeau  de  la  civilisation  brille  toujours, 
et  d'un  éclat  de  plus  en  plus  grand,  mais  ce  n'est  pas  toujours  la 
même  main  qui  le  tient  :  les  peuples,  eux  aussi,  qucisi  cursores 
titai  lampada  tradunt.  Que  sont  devenues  les  civilisations  de 
Palanqué,  du  Mexique,  du  lac  de  Titicaca?  Et  celles  du  Cambodge, 
de  Java  ?  Des  ruines  muettes  sont  tout  ce  qui  demeure  debout 
pour  attester  la  grandeur  de  la  civilisation  qui  les  a  élevées,  et  les 
animaux  sauvages  ont  remplacé  les  hommes  qui  avaient  élevé  ces 
monuments!  Nous-mêmes,  si  fiers  de  nos  monuments,  de  nos 
arts,  de  nos  chemins  de  fer,  de  nos  usines,  sommes  nous  sûrs  de 
ne  pas  disparaître  un  jour?  Sommes-nous  certains  de  ne  pas  dégé- 
nérer,ce  qui  est  l'acheminement  vers  la  disparition?  Cela  dépend 
de  nous  ;  cela  dépend  de  Vhygiène  sociale,  qui  seule  peut  pré- 
server les  peuples,  comme  Vhygiène  individuelle  préserve  les 
individus. 

Qu'est-ce  que  dégénérer  ?  D'après  Morel,  c'est  s'éloigner  da 
type  primitif.  Mais  le  type  primitif  de  l'homme  n'a  rien  qui  doive 
exciter  notre  ambition  ;  le  mieux  que  Thomme  ait  à  faire,  c'est 
même  de  s*en  éloigner  le  plus  possible.  Nous  n'admettons  plus 
avec  J.-J.  Rousseau  un  âge  d'or  originel,  ni  avec  les  catholiques 


DÉGÉNÉRESCENCE. 


627 


Climat, 


Soi, 


Alimentation. 
Maladies, 


une  déchéance  de  l'humanité,  depuis  sa  création  (?).  Nous 
savons,  comme  Lucrèce  Tavait  déjà  dit,  que  les  dents,  les  pierres 
et  les  bâtons  furent  les  premières  armes  de  nos  pères  et  Homère 
ne  se  dissimulait  pas  que  €  les  premiers  hommes  n'avaient  pas 
c  d'assemblées,  pour  délibérer;  chacun  donnait  la  loi  à  ses  fem- 
c  mes  et  à  ses  enfants  et  ne  s'inquiétait  pas  des  autres.  »  Dégé- 
nérer, ce  n'est  donc  pas  s'éloigner  du  type  primitif.  Dégénérer, 
c'est  prendre  des  caractères,  qui  amènent  par  les  maladies  la 
mort  de  l'individu  et  par  stérilité  celle  de  la  race. 

Ces  causes  sont  nombreuses,  et,  sans  prétendre  les  nommer 
toutes,  on  peut  tenter  de  les  résumer,  dans  le  tableau  suivant  : 

CAUSES  BB  DÉGÉNÉRESCENCE. 

Défaut  d'acclimatation  dans  un  climat. 

Modification  du  climat  lui-même. 

Impaludisme,  crétinisme  paludéen,  gottre,  crélinisme 
goitreux,  anoxhémie  des  altitudes. 

Famine,  argotisme,  pellagre,  alcoolisme  etc. 

Toules  les  maladies,  mais  surtout  les  maladies  épi- 
démiques  et  contagieuses;  principalement  la  va- 
riole, la  pbthisie,  la  syphilis. 
Causes  sociales.  Changement  dans  les  habitudes,  contact  de  deux  peu- 
ples à  deux  degrés  très  divers  de  civilisation.  Cou- 
tume des  [castes  fermées.  Séjour  dans  les  villes. 
Emigration  des  villes  dans  les  campagnes. 

§    \ .    ACCLIMATEMENT,    DÉFAUT  d'aCGLIMATEMENT. 

La  dégénérescence  peut  être  la  conséquence  des  modifications 
que  présente  le  climat  lui-même.  C'est  sous  l'influence  de  cette 
lente  modification  du  climat,  que  s'éteignent  les  espèces  :  ITr- 
sus  spelœus,  VElephas  primigenius,  le  Cervus  megaceros,  le  renne, 
habitants  successifs  de  notre  pays,  doué  successivement  de  climats 
différents,  ont  successivement  dégénéré. 

Mais  la  dégénérescence  est  plus  souvent  causée,  au  contraire, 
par  l'inaptitude  de  l'organisme,  à  se  plier  à  un  nouveau  climat 
qu'il  est  allé  chercher  au  loin.  Les  races  humaines  diverses  sup- 
portent, du  reste,  inégalement  un  même  climat;  elles  ne  peu- 
vent donc  pas  habiter  indifféremment  tous  les  climats,  ce  que 
Ton  a  traduit,  en  disant  :  L'homme  n'est  pas  cosmopolite.  L'homme 
du  Nord  meurt  en  Algérie;  le  Français  du  Nord  y  est  plus  ex- 
posé à  l'hépatite  que  le  Français  du  Midi,  dans  le  rapport  de 


611t  DÉOÉNÉREftCBNOB. 

138  à  71  (LaTeran  et  Louis).  De  même  les  soldats  du  nord  el 
du  nord-est  sont  plus  exposés  que  ceux  du  midi  de  la  Franee 
aux  accidents  cérébraux  de  Tinsolation.  Dans  nos  colonies  d'Al- 
gérie, les  français  du  Nord  réussissent  beaucoup  moins  bien,  que 
ceux  du  Midi.  Aussi  les  Alsaciens-Lorraina,  qu^on  a  enfojés 
comme  colons  en  Algérie,  ont-ils  rapidement  dépéri.  Les  Espa- 
gnols, les  Maltais,  les  Français  du  Blidi  sont,  au  contraire,  ceux 
qui  réussissent  le  mieux. 

Le  Français  n*cst  pas  acclimaté  davantage  aux  Antilles.  Le 
D'  Rochoux  déclare  que  les  familles  qui  ne  sont  pas  de  temps  en 
temps  retrempées,  s'éteignent  à  la  troisième  ou  quatrième  géné- 
ration. 11  ajoute  que  des  régiments  coloniaux,  qu'on  s'abstiendrait 
de  renouveler,  dans  la  pensée  qu'il  s'acclimateraient,  se  fondraient, 
fait  qu'il  n'est  pas  inutile  de  rappeler  aujourd'hui  qu*on  songe  à 
faire  des  régiments  coloniaux.  En  revanche,  les  Français  ont  rapi- 
dement prospéré  dans  la  Nouvelle-Ecosse,  qui,  bien  qu'à  la  latitude 
de  45<>,  comme  le  midi  de  la  France,  se  trouve  sur  la  même  ligne 
isotherme  que  le  Danemark  +5**  à  +6<^.  Les  400  ou  500  émigrés 
français  partis  en  t671  étaient,  sous  Louis  XV,  devenus  70000. 
De  môme  10000  émigrants  français  qui  passèrent  au  Canada  de 
i€63  à  1760,  sont  devenus  plus  de  1  000000.  La  population  croit 
chaque  année  de  25  à  40  pour  1 000. 

Le  Français  s'acclimate  donc  plus  volontiers  dans  les  pays  plus 
froids  que  le  sien,  que  dans  les  pays  plus  chauds  que  le  sien. 

Les  Anglais  à  Malte,  dans  l'armée,  meurent  beaucoup  plus  que 
les  Maltais  de  l'armée:  on  compte  15,3/1000  décès  anglais  et 
9,5/1000  mallais. 

La  cause  même  de  ces  décès  difière  :  sur  i  000  hommes,  ainsi 
que  le  montre  le  tableau  suivant,  chaque  maladie  tue  : 

Anglais.  Maltais. 

Fièvre 4,79  0,6 

Appareil  respiratoire 7,93  3,8 

Foie 0,76  0,9 

Maladies  gaslro-inleslin^es 5,00  0,9 

Suicide i,«  0,0 

La  mortalité  des  Anglais  à  Sierra-Leone  est  énorme,  soit 
480/1 000  de  reffectif  ;  au  Cap  Coast  elle  est  680/1 000. 

La  race  anglo-saxonne  n'est  pas  acclimatée  non  plus  aux  Antil- 
les. La  vie  moyenne  y  est  raccourcie,  ainsi  que  le  montrent  les 
tables  d'assurances. 


ACCLIMATEMENT,    DÉFAUT   D^ACCLIMATEMENT.  619 

Aux  Indes,  la  mortalilé  Infantile  des  Anglais,  comparée  à  la 
mortalité  des  enfants  de  même  âge  en  Angleterre,  a  été  pendant 
Yingi-neuf  ans  pour  1 000  habitants  et  par  âge  : 

Ages.  Angleterre.  Bengtle. 

De  0  à  5  ao8 67,58  148,10 

5  à  lOans 8,80  17,73 

10  àl5  ans 4,98  11^51 

Les  enfants  qu*on  parvient  à  élever  restent  débiles  à  Tâge 
adulte.  Us  demeurent  yaiétudinaires  et  ne  se  reproduisent  pas. 
Aussi  beaucoup  d*enfants  dont  les  parents  sont  restés  dans  les 
ludes,  sont-ils  élevés  en  Angleterre. 

Pour  les  adultei,  la  mortalité  comparée  des  soldats  anglais  et 
cipayes  pour  1 000  est  environ  : 

AngUit.         Cipayet. 

Bombay 55,3  6,4 

Pouroah 18,7  7,6 

Ahmednagger 16,9  6,6 

Shalapore i0,2  2,1 

Kolapore 80,3  6,9 

beijaum 16,4  7,4 

La  différence  apparaît  encore  micux^  lorsqu'on  compare  la  cause 
des  décès;  ainsi  la  phthisie  dans  la  province  de  Madras,  sur 
1 000  hommes  enlève  chaque  année  : 

Anglais.  Cipayet. 

Littoral 1,4  0,6 

Plaine 0,7  0,6 

Plateaux C,9  0,6 

Cette  maladie  sévit  donc  sur  les  Anglais,  dans  Tlnde,  d'autant 
plus  qu'il  fait  plus  chaud. 

Pour  Vhépatite  sur  1000  hommes,  on  trouve  la  proportion 
suivante  : 

Anglais.  Cipayet. 

Bengale 4,0  0,07 

Bombay 4,1  0,19 

Madras 2,9  0,18 

De  même  pour  la  fièvre  inlermittente  : 

Anglais.  Cipayet. 

Bengale 19,9  5,2 

Bombay 13,7  5,0 

Madras 3,7  8,0 


6ro  DÉGÉMÉRKSCEMCB. 

Et  pour  la  dysenterie  : 

Anglai».  Cip«y»s. 

Bengale iM  1,7 

Bombay 17,1  1,9 

Madras lî,4  1.9 

Od  remarque  également  la  grande  fréquence  d«6  avortemcnu 
chez  les  Anglaises,  dans  Flnde;  on  Tattribue  à  la  àéqaence  des 
métrorrhagies.  En  somme,  les  Anglais  ne  font  pas  '«cache  dans 
rinde.  Le  D'  Wise^  qui  a  passé  trente  ans  dans  ce  pays,  déclare 
qu*il  n'a  jamais  vu  un  individu,  issu  de  sang  européen,  à  la  troi- 
sième génération.  Aussi  nos  voisins  peuvent  domioer  dans  Tlnde. 
mais  ils  ne  la  coloniseront  jamais!  Leurs  chittk^ttiêmes  sont  dans 
le  même  cas;  Darwin  dit  que  les  grands  IMiers  anglais  per- 
dent dans  rinde  leur  type  et  qu*ils  disparaissent  à  la  troisième 
génération  ;  de  même,  les  chevaux  d'Europe  qu'on  emmèoe  à  la 
Côte  d'Or  et  ceux  qu'on  emmène  en  Cochinchine,  ne  tardent  pts 
à  succomber.  Au  contraire,  la  race  bovine  prospère  à  merveille, 
à  la  côte  d'Afrique. 

En  revanche,  la  race  anglo-saxonne  prospère  merveilleusement 
dans  les  Etats-Unis  du  Nord. 

Nous  pouvons  donc  conclure  que,  encore  plus  que  les  Français, 
l'Anglais  aime  le  Nord  et  craint  les  pays  chauds. 

Nous  venons  de  voir  que  c'est  la  race  espagnole  qui  réussit  le 
mieux  en  Algérie  ;  elle  s'acclimate  très  bien  à  Cuba,  et  même  dans 
toute  l'Amérique  du  Sud. 

Le  Chinois  s'acclimate  bien  aux  pays  chauds  ;  quand  on  con- 
sulte la  mortalité  de  diverses  races,  à  la  Martinique  sur  100  indi- 
vidus on  voit  que  la^ortalité  des  Hindous  est  de  12,  tandis  que 
celle  des  Chinois  est  9,66. 

Il  y  a  des  races  animales  qui  sont,  pou)r*ainsi  dire,  can- 
tonnées dans  certains  endroits  et  qui  vivent  mal  ailleurs.  Les 
moulons  dils  cheviotSy  qui  fournissent  les  étoffes  de  ce  nom,  ne 
vivent  que  dans  les  montagnes  d'Ecosse.  Darwin  raconte  qu'il  a 
observé  un  troupeau  composé  de  moutons  de  Linco/iisAtre,  lourds, 
gros,  et  de  Norfolk,  légers,  minces,  tous  élevés  dans  un  même  pâ- 
turage, en  pente;  le  haut  de  ce  pâturage  était  montueux,  sec  ;  le 
bas  était  marécageux.  Or  la  séparation  des  moutons  se  faisait 
seule:  d'eux-mêmes  les  lincolnshires  prenaient  le  bas,  les  norfolks 
le  haut. 


ACCLIMATEMENT,    DÉFAUT  D'aCCLIMATEMEMT.  G3f 

Les  animaux  souterrains  vivent  toujours  dans  un  milieu  à 
température  à  peu  près  constante;  aussi  le  lapin,  le  rat  sont-ils 
très  cosmopolites.  Les  plus  cosmopolites  sont  surtout  les  espèces 
domestiques,  le  cheval,  le  mou  Ion,  la  chèvre,  le  bœuf,  le  porc, 
la  poule,  le  pigeon,  le  chat,  le  chien  ;  c'est  que  pour,  tou»  ces  ani- 
maux, dont  rhomme  prend  soin,  il  y  a,  dans  la  lutte  contre  le 
climat,  un  grand  avantage  ;  l'homme  les  couvre,  les  abrite  con- 
tre le  froid»  les  rafraîchit  contre  la  chaleur.  C'est  de  la  même 
façon  que  Thomme  civilisé  tend  à  effacer  pour  lui-même  les  dif- 
férences des  climats,  et  que  le  civilisé  est  pour  cela  même  plus 
cosmopolite  que  l'incivilisé. 

C'est  vraisemblablement  à  ses  mœurs  que  le  juif  doit  le  cos- 
mopolitisme évident,  dont  fait  preuve  son  histoire  passée,  comme 
son  étal  présent.  En  Egypte,  les  juifs  étaient  tellement  acclimatés, 
ils  multipliaient  tellement,  que  les  Égyptiens  s'en  effrayèrent  et 
iei  chassèrent  ;  en  Palestine,  ils  s'acclimatent  partout,  depuis  la 
profonde  et  malsaine  vallée  du  Jourdain,  jusqu'au  sommet  du 
Liban.  Ils  habitent  aujourd'hui  dans  toute  l'Europe,  même  dans 
le  Nord,  même  au  Canada,  aussi  bien  que  dans  les  pays  chauds. 
Mais  le  juif  travaille  peu  dehors  ;  il  ne  défriche  pas,  il  vit  dans 
les  villes,  se  défendant  contre  le  froid  et  contre  le  chaud,  sans 
s'exposer  aux  intempéries. 

Le  nègre  est  dans  une  condition  opposée;  lui,  il  est  peu  cos- 
mopolite; le  froid  le  tue  surtout  rapidement,  ce  qui  tient  à  son 
état  social.  Quelques  exemples  le  montrent  de  suite  :  il  meurt  de 
froid  à  Gibraltar;  il  est  très  mal  acclimaté  en  Egypte  ;  tout  dépend 
d'ailleurs  des  soins  qu'il  reçoit  ou  recevait.  Les  États  où  l'on 
cultive  le  coton  et  oii,  comme  le  dit  Bertillon.  on  transforme  le 
nègre  en  balles  de  coton,  sont  dits  consommateurs  du  nègre.  Au 
contraire,  dans  ceux  où  on  ne  cultive  pas  le  coton,  où  Ton  fait  du 
nègre,  où  l'on  cultive  le  nègre,  et  qui  sont  producteurs  du  nègre, 
il  prospère. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  ressort  de  tout  ce  que  nous  venons  de  voir, 
que  les  gens  du  Nord  supportent  mal  les  pays  chauds  ;  les  Anglais, 
l'Inde  ;  les  Français  du  Nord,  l'Algérie. 

Ce  qui  est  vrai  de  l'homme.  Test  aussi  des  animaux.  Aux  Antilles, 
les  chiens  de  forte  race  meuriût  avec  des  ulcérations  cutanées; 
leurs  nouveau-nés  sont  également  soumis  à  une  mortalité  exces- 
sive. Le  changement  des  saisons  trouble  et  bouleverse  les  époques 
d'accouplement. 


«92  DÉGÉNÊRBSCKNCB. 

Cependant  Thistoire  de  TEurope,  pour  ne  parler  que  d^lle, 
nous  montre  que  nos  pères  craignaient  moins  que  nous  le  chan- 
gement de  climat.  Commençons  donc  par  constater  de  quels  chan- 
gements de  climat  l'histoire  a  gardé  le  soutenir  ;  nous  verrons 
alors  quels  sont  les  procédés  dont  elle  nous  montre  le  succès  ; 
nous  pourrons  comprendre  le  mécanisme  de  l'acclimatement  et 
nous  pourrons  arriver  à  formuler  les  lois  de  Tacclimatation. 

La  première  et  plus  ancienne  migration  qui  nou^^téresse, 
est  celle  des  Ariens,  nos  pères,  partis  du  plateau  de  TAsie  cen- 
trale, entre  34*  et  41»  de  latitude,  sous  la  même  ligne  isotherme 
que  la  France.  Les  uns  entrent  en  Europe,  deviennent,  après 
bien  des  siècles  et  bien  des  mélanges,  les  Celtes,  les  Pelages,  les 
Hellènes,  les  Slaves,  les  Goths,  les  Germains;  les  autres  vont  au 
midi  et  fondent  dans  le  chaud  Hindoustan,  là  où  les  Anglais  meu- 
rent aujourd'hui,  une  belle  civilisation  ;  ils  y  sont  encore.  Or  quel 
est  le  procédé  suivi  par  eux  ?  Leur  acheminement  a  mis  des  sièeka 
k  se  faire;  il  ne  s'est  fait  que  pas  à  pas,  et  nous  ne  constatons 
qu'une  succession  de  petits  acclimatements.  De  plus,  partout  oà 
il  a  passé,  TArien  s*est  métissé  avec  la  femme  du  vaincu.  Le  mé- 
tissage a  donc  aidé  ici  le  petit  acclimatement.  Comme  le  dit  Ber- 
tillon  :  «  Ainsi  s*est  diversifiée  la  race  indo-européenne,  par  une 
«  migration  de  proche  en  proche,  n'exigeant  de  Torganisme  de 
«  plusieurs  générations,  que  la  modification  peu  profonde  du  pe- 
a  ttt  acclimatement;  par  des  croisements  avec  les  femmes  des 
«  vaincus  aborigènes  et  par  une  longue  sélection,  l'organisme 
«  indo-européen  s'est  coordonné  aux  diverses  latitudes  de  TEu- 
f  rope  et  même  à  l'insalubre  climat  de  Tlnde  et  ainsi  ils  se  sont  ré- 
c  paiidus  en  vainqueurs,  triomphant  à  la  fois  et  des  climats  et  des 
«  habitants,  depuis  le  cercle  polaire,  presque  jusqu'à  Tcquateur.  t 

Cette  race  indo-européenne,  qui  se  montre  si  souple  à  l'accli- 
matement lorsqu'elle  a  pour  elle  la  marche  par  étape,  un  grand 
nombre  de  siècles  et  les  croisements,  perd  au  contraire  cette 
souplesse  lorsqu'elle  opère  brusquement.  Ainsi  le  Romain  vain- 
queur a  eu  beau  coloniser  TAlgérie,  il  n'y  a  rien  laissé,  ni  type 
ni  mœurs,  que  des  ruines,  comme  les  Anglais  dans  Tlnde;  alors 
qu'au  contraire,  dans  tous  les  pays  au  nord  des  Alpes,  son 
empreinte  dure  encore  !  Les  barbares  qui  vinrent  détruire  Tem- 
pire  romain,  étaient  eux-mêmes  des  Ariens,  mais  changés  d^à 
par  leur  habitat  dans  les  pays  du  Nord  et  par  le  métissage.  Là  où 
ils  sont  venus  brusquement,  ils  n'ont  subsisté  que  dans  les  pays 


ACCLIIIATEIIENT,    DÉFAUT   D'aCCLIIIATEIIENT.  63 S 

du  Nord.  Tels,  les  Anglais,  les  Saxons,  les  Normands,  les  Francs, 
les  Bourguignons,  les  Germains;  au  contraire  les  Goths  ont  fondu. 
Comme  le  dit  Ph.  Le  Bas  :  «  Le  climat  du  midi  impitoyable  pour 
f  un  homme  du  Nord,  décime  promptement  cette  armée  con- 
f  quérante,  et  il  ne  fallait  pas  un  siècle,  pour  qu'il  fût  impossible 
t  de  trouver  un  Goth  en  Italie.  »  Les  Wisigoths  ont  eu,  en  Espa- 
c  gne,  un  sort  plus  heureux;  mais  cela  a  été  dû  à  de  nombreuses 
f  et  fréquentes  unions  entre  eux  et  les  Espagnoles,  b  Ce  sont  leurs 
métis  qui,  partis  du  nord  de  la  Péninsule,  repousseront  plus  tard 
les  Maures;  ils  parlent  latin,  dit  Bertillon  :  a  mais  ils  retiennent 
a  les  rudesses  et  les  aspirations  du  gothique.  »  Quant  aux  Yan* 
dales,  ils  fondirent,  tout  seuls,  au  soleil  d'Afrique,  et  Bélisaire  ne 
trouva  plus  que  des  ombres  à  expulser. 

Les  procédés  dont  l'histoire  nous  montre  l'efficacité  sont  donc: 
le  métissage,  le  petit  acclimatement,  la  longue  durée  des  temps  ! 
Les  peuples  qui  n'ont  pas  suivi  ces  lois  ont  rapidement  dégénéré. 
Ainsi  les  Scandinaves  avaient  jadis  fait  une  colonie  au  Groenland  ; 
mais  cette  colonie  n*a  pu  durer.  En  Islande,  la  population  Scandi- 
nave, c'est-à-dire  arienne,  va  toujours  en  diminuant.  Au  con- 
traire, les  peuples  qui  suivent  ces  lois,  s^acclimatent.  Les  Russes 
s'avancent  chaque  jour  davantage  vers  le  Nord,  mais  ces  Russes 
ne  sont  pas  seulement  des  Slaves,  c'est-à  dire  des  Ariens,  mais 
aussi  des  Finnois,  des  Ougriens  et  ils  s'acheminent  lentement.  Si 
les  Espagnols  colonisent  si  bien  dans  les  pays  chauds,  c'est  que  le 
sang  espagnol  est  depuis  longtemps  mélangé  de  sang  sémile,  par 
Tyr,  par  les  Ibères,  par  les  Maures  et  que  l'Espagnol  n'a  pas  hor- 
reur de  la  négresse  même,  comme  le  Français  et  surtout  comme 
l'Anglo-Saxon. 

■éeaaUme  de  l'aecllmatement.  —  Voyons  quels  sont  les 
changements  favorables  ou  défavorables  qui  se  produisent,  lorsque 
l'acclimatement  a  lieu,  ou  au  contraire  lorsque  le  nouveau  venu 
dégénère  ;  voyons  quel  est  le  mécanisme  de  l'acclimatement  et  du 
non -acclimatement.  S'acclimater,  c'est  subir,  sous  l'influence  du 
milieu,  un  certain  nombre  de  modifications,  qui,  dans  ce  milieu 
donné,  sont  utiles,  et  les  transmettre,  par  hérédité,  à  ses  enfants 
pour  qui  on  a  fait  ainsi  les  premiers  pas  dans  la  voie  de  l'accli- 
matement. Sans  doute  ces  modifications,  si  la  race  n'avait  pas 
changé  de  milieu,  seraient  un  désavantage*  mais,  dans  le  milieu 
nouveau,  elles  sont  un  avantage  :  ainsi  perdre  sa  laine,  pour  un 
mouton,  c'est,  sous  les  tropiques,  un  avantage  ;  dans  notre  i^a^s^ 


634  DÉGÉNÉRESCENCE. 

ce  serait  pathologique.  Prendre  une  feuille  charnue,  velue,  pour 
un  végétal  dans  un  lieu  humide,  frais,  abrité  serait  désavanta- 
geux, pathologique;  au  bord  de  la  mer  c*est  un  avantage.  Pren- 
dre un  certain  degré  d*anémie,  un  fonctionnement  spécial  du  foie, 
une  coloration  particulière  de  la  peau,  en  France,  serait  une  ma- 
ladie ;  aux  Antilles,  ce  sera  un  premier  pas  vers  racclimatement. 

Dans  les  pays  chauds,  le  premier  effet  est  une  stimulatioo, 
un  sentiment  de  force;  tout  semble  possible.  Les  habitants  rient 
de  cet  enthousiasme,  qu*ils  savent  par  expérience  n'être  pas 
de  longue  durée  ;  c'est  la  première  période  qui  commence.  Elle 
est  caractérisée  par  l'aptitude  à  la  ûèvre  jaune,  à  la  dysen- 
terie, par  des  troubles  gastro-intestinaux,  par  de  Tanémie  ;  elle 
dure  deux  ou  trois  ans  !  La  deuxième  période  dure  autant  que  le 
colon;  elle  est  caractérisée  par  la  décrépitude,  la  dysenterie, 
riiépatitc,  car  Thabitude  ne  confère  pas  Timmunité.  Ainsi  on  croit 
généralement  qu'un  même  individu  acquiert  d'autant  plus  d'apti- 
tude pour  le  climat  chaud,  qu'il  Thabite  depuis  plus  longtemps; 
c'est  une  erreur  :  il  n'y  a  d'autre  immunité  que  celle  que  confère 
le  t'ait  d'avoir  eu  déjà  la  maladie  et  c'est  à  tort  qu'on  prend  pour 
de  l'immunité  l'état  latent,  ou  mieux  chronique,  de  l'empoisonne- 
ment paludéen,  avec  grosse  rate,  gros  foie  et  troubles  dyspepti- 
ques. Les  Anglais  ont  si  bien  compris  que  Thabitude  ne  sert  à  rien, 
qu'ils  ont  dû  renoncer  à  l'échelonnement  des  garnisons  sur 
la  route  des  climats  insalubres.  Us  ont  dû  avoir  recours  à  la 
création  de  troupes  indigènes  et  à  la  séquestration  des  troupes 
curofiéennes  sur  les  hauteurs  pendant  la  saison  chaude. 

Quoi  qu'il  en  soit,  au  bout  d'un  certain  temps,  grâce  à  la  sélec- 
tion, il  s'est  fait  dans  le  milieu  intérieur  de  l'acclimaté  certains 
cliangenients  en  harmonie  avec  le  climat.  Ces  changements  sont 
tels,  que  les  insectes  peuvent  les  apprécier.  Ainsi,  Darwin  dit  que 
les  blancs,  nés  sous  la  zone  torride,  peuvent  marcher  pieds  nus 
dans  un  appartement,  où  le  blanc  débarqué  d'Europe  sera  envahi 
par  la  chique  (Pulex  penctrans);  c'est-à-dire  que  le  milieu  intérieur, 
les  sucs  du  créole  ont  pris  sous  l'influence  du  climat,  ce  je  ne 
sais  quoi  d'appréciable  pour  le  Pulex  pénétrons.  Ce  choix  fait  par 
un  insecte,  il  est  fait  également  par  les  microbes  des  maladies 
virulentes  ;  c'est  ainsi,  par  une  foule  de  changements  plus  ou 
moins  appréciables,  que  se  fait  l'adaptation  au  milieu.  Jusqu'à 
un  certain  point,  un  certain  degré  d'anémie  n'est  pas  défavorable 
sous  les  tropiques  ;  les  espèces  laineuses  perdent  leur  laine  ;  c'est 


ACCLIMATEMENT,    DÉFAUT   d' ACCLIMATEMENT.  635 

ainsi  que  le  Yankee  prend  un  type  spécial,  caractérisé  par  la  dis- 
parition du  tissu  cellulo-adipeux,  Tamoindrissement  du  système 
glandulaire,  l'allongement  des  formes.  Néanmoins,  il  est  faux  de 
dire  que  le  Yankee  tourne  au  Peau- Rouge. 

Par  une  série  de  mensurations  faites  sur  le  personnel  d'un 
navire^  le  D'  Rattray  a  vu  que  la  capacité  pulmonaire  augmen- 
tait dans  les  pays  chauds  de  12,24/100,  de  ce  qu^elle  était  avant. 
Chez  le  même  équipage,  revenu  des  pays  tropicaux  en  Angle- 
terre, la  capacité  pulmonaire  diminuait.  Dans  toutes  les  races, 
le  phénomène  est  dans  le  même  sens,  mais  la  capacité  pulmo- 
naire du  noir  diminue  davantage  que  celle  du  blanc,  lorsqu'il 
passe  du  chaud  au  froid;  ce  qui  explique  la  tendance  qu'il  pré- 
sente à  la  phthisie. 

Le  nombre  des  respirations  par  minute  diminue  :  il  est  de  i4dans 
les  pays  chauds,  au  lieu  de  17  dans  les  pays  tempérés;  de  sorte 
qu'en  t\n  de  compte  l'absorption  de  Toxygène  est  moins  considé- 
rable. Rattray  estime  à  15  le  nombre  de  pouces  cubes  introduit 
dans  le  poumon,  à  chaque  inspiration,  en  Angleterre,  et  à  16,836 
ce  même  nombre  sous  les  tropiques.  11  fait  alors  le  calcul  suivant: 
15  ><  17  respirations  =  255  pouces  cubes;  16,836  x  14  respi- 
rations =  235,  p.  c.  704.  Soit  une  différence  de  19,296  ou 
7,567  0/0,  en  faveur  des  pays  tempérés. 

Quant  à  la  distribution  du  travail  de  Télimination  de  Teau  par 
les  organes.  Le  tableau  suivant  donne  la  mesure  de  celte  élimi- 
nation par  les  organes  différents  : 

Pays 
tempérés.  Tropiqaes. 

Reind 59,54  de  Teau  totale  éliminée.  4â 

Poumons 26,97  22 

Peau 8,55  30,99 

Intestin 4 ,93  5 

On  voit  que,  dans  les  pays  tempérés,  le  maximum  du  travail 
éliminateur  de  Teau,  appartient  aux  reins,  tandis  que,  dans  les 
pays  tropicaux,  le  maximum  de  ce  travail  est  effectué  après  les 
reins  et  par  la  peau,  ce  qui  nous  explique  la  fréquence  des  ma- 
ladies de  peau  dans  ces  régions. 

Une  autre  action  organique  des  climats  chauds, c*est  la  fonction 
exagérée  des  vaisseaux  lymphatiques  ;  c'est  à  elle  qu'il  faut  attri- 
buer la  lymphangectasie  et  Vérysipèle  lympluttique  rvticulairc 


686  DÉGÉNÉRESCENCE. 

des  pays  chauds.  Dans  certains  cas,  l'hématurie  chyteuse  &i  peut- 
être  rattachable  à  cette  hyperfonction  des  lymphatiques  ;  mais  le 
plus  souvent,  ainsi  que  je  Pai  dit  précédemment,  la  maJadie  est 
parasitaire  et  due  au  Distoma  hematobium. 

Le  cerveau  n'échappe  pas  à  Taction  spéciale  des  pays  chauds  : 
le  D'  Mondière  a  remarqué  que  ces  pays  donnent  à  l'Européen 
une  disposition  nerveuse  spéciale,  par  suite  de  laquelle  l'individa 
le  plus  doux  devient  d'une  irritabilité  extrême,  qui  le  porte  par 
exempte  à  faire  frapper  un  serviteur  maladroit  ;  il  explique  ainsi 
les  mœurs  barbares  trop  souvent  adoptées  par  les  Européens  dans 
ces  contrées. 

L'acclimatement  de  la  race  ne  suit  pas  forcément  racclimale- 
ment  individuel  ;  ainsi  il  faut  compter  avec  la  mortalité  considé- 
rable des  nouveau-nés,  qui  parfois  se  présente  avec  un  acclima- 
tement apparent  des  individus  adultes.  Un  exemple  célèbre  est 
fourni  par  les  Mameloucks  circassiens,  qui,  puissants  en  Egypte,  y 
perdaient  cependant  leurs  enfants  et  ne  se  recrutaient  que  par  un 
arrivage  toujours  nouveau.  Les  individus  qui  ont  échappé  aux 
dangers  qui  attendent  le  nouvel  arrivant,  sont  déjà  choisis,  la 
sélection  a  fait  déjà  son  action  sur  eux  ;  on  observe  bien  encore 
chez  eux  les  formes  ébauchées  des  quatre  grandes  maladies  tropi- 
cales :  Taiiémie,  la  fièvre  palustre,  la  dysenterie  et  Thépatite;  mais 
on  n'observe  que  des  sortes  de  diminutifs  de  ces  maladies,  comme 
le  tonlo  qui,  au  Mexique,  est  un  diminutif  de  la  fièvre  jaune.  La 
sélection  opérant  toujours,  on  finit  ainsi  par  acclimater  des  séries 
d'individus;  mais  pour  que  racclimatement  soit  réel  et  non  pas 
seulement  apparent,  il  faut  qu'après  un  certain  nombre  de  géné- 
rations, le  nombre  des  naissances  soit  supérieur  à  celui  des  décès; 
c'est  ainsi  que  les  Espagnols,  à  Cuba,  bien  qu'ils  soient  très  loin 
d'être  exempts  des  maladies  des  Européens  dans  les  pays  chauds, 
ont  cependant  une  natalité  de  41/1000,  tandis  qu'en  Espagne  la 
natalité  n'est  que  36/1  000.  H  y  a  plus  :  d'après  Ramon  de  la  Sagra, 
leur  mortalité  (24/1 000),  est  moindre  qu'en  Espagne  (27/i  000). 

TransformUme.  —  Dans  tous  ces  cas,  la  transformation  de 
Torganisme  s'est  effectuée  sous  l'excitation  du  climat.  Il  est 
intéressant  de  trouver  dans  Tite-Live,  à  la  fois  un  exemple  et 
une  théorie  de  ces  faits.  Parlant  de  ces  Gaulois  qui,  six  cents 
ans  avant  Jésus-Christ,  traversèrent  la  Germanie  de  l'Ouest  à 
l'Est  et  finirent  par  être  battus  sous  le  nom  de  Galates,  à 
Delphes,  par  Manlius,  il  raconte  que  ce  général  dit  à  ses  sol- 


TRANSFORMISME.  637 

dats  :  a  Ce  ne  sont  plus  les  Gaulois  du  tumultus  gallicus  que 

f  vous  allez  combattre  ;  ceux-là  sont  dégénérés  ;  ils  sont  nés  en 

f  terre  étrangère.  »   Et  il  ajoute:  Sicut   in   frugibus  pecudi-- 

busqué  non    tantum  semina    ad  servandam    indolem    valent, 

quantum    terras   proprietas    cadique  sub    quo  alantur    mutât. 

Autrement  dit,  comme  pour  les  fruits  et  les  troupeaux,  la  valeur 

n'est  pas  seulement  une  affaire  de  race,  c'est  aussi  une  affaire  de 

milieu.  Il  faut  pour  trouver  le  père  de  la  théorie  de  Tinstabilité  de 

l'espèce,  remonter  après  Tite-Live,  à  Bacon.  «  Les  plantes  dé- 

<  génèrent  quelquefois,  dit-il,  jusqu'au  point  de  se  convertir  en 

M  plantes  d'une   autre   espèce.  »  Et  dans  sa  Nouvelle  Atlan- 

tidCy  supposant,  dans  une  île  imaginaire,  tous  les  progrès  réalisés, 

il  place  de  vastes  jardins,  où,  à  Taide  de  méthodes  appropriées, 

«  on  transforme  les  arbres  et  les  plantes  d'une  espèce  en  végé« 

ff  taux  d'une  autre  espèce.  »  Le  transformisme  a  d'ailleurs  pour  lui 

BufTon  (2«  manière),  car  après  une  première  période,  1753-1 756, 

où  partisan  de  l'invariabilité,  il  disait  :  «  Les  espèces  dans  les 

0  animaux  sont  toutes  séparées  par  un  intervalle  que  la  nature 

ff  ne  peut  franchir,  elle  dicte  des  lois  simples,  mais  immuables, 

c  imprimant  sur  chaque  espèce  des  caractères  inaltérables,  »  il 

ajoute  (deuxième  période,  1761-1766):  «  Combien  d'espèces  se  sont 

ff  dénaturées ,  c'est-à-dire  perfectionnées  ou  dégradées  par  les 

c  grandes  vicissitudes  de  la  terre,  et  ne  sont  plus  les  mômes 

a  qu'elles  étaient  autrefois.  On  sera  surpris  de  la  promptitude 

«  avec  laquelle  les  espèces  varient  et  de  la  facilité  qu'elles  ont  de 

a  se  dénaturer  en  prenant  de  nouvelles  formes.  »  Enfin,  «  il  est 

a  une  considération  importante,  c'est  celle  du  chanj^ement  des 

M  espèces  mêmes,  c'est  cette  dégénération  qui  paraît  s'être  faite 

ff  de  tout  temps,  dans  chaque  famille.  »  H  est  vrai  que  dans  une 

troisième  période,  BufTon  adopte  une  opinion  mixte  (1766-1778). 

ff  L'empreinte  de  chaque  espèce  est  un  type  dont  les  traits  prin- 

a  cipaux  sont  gravés  en  caractères  ineflaçables  et  permanents  à 

ff  jamais,  mais  toutes  les  touches  accessoires  varient.  » 

Un  ancêtre  du  transformisme  qu'on  ne  cite  guère,  c'est  Cuvier. 
Pourtant  en  1795,  il  écrivait  :  «  Ce  que  nous  appelons  espèce 
ff  pourrait  bien  n'être  que  les  diverses  dégénérations  d'un  même 
tf  type.  j>  Il  est  vrai  qu'en  1817,  il  décrète  l'inamovibilité,  a  Tous 
ff  les  êtres  appartenant  à  Tune  des  formes  perpétuées  depuis  l'ori- 
«  gine  des  choses,  constituent  ce  qcft  Ton  appelle  une  espèce.  » 

Enfin  à  une  époque  où  Lamarck  croyait  encore  au  dogme  de 


eus  DEOÉNÉRESCENGE. 

rinamovibilité  de  l'espèce,  Geoffroy  Saint-Hilaire  disait  :  c  L^es- 
ff  pèce  est  fixée,  sous  la  raison  du  maintien  de  Tétat  conditionnel 
c  de  son  milieu  ambiant,  elle  se  modifie,  elle  change,  si  le  mi« 
f  lieu  ambiant  varie,  et  selon  la  portée  de  ses  variations,  t  Mais 
c*est  Lamarck  qui  a  dit  :  f  La  variabilité  est  illimitée,  la  nature 
f  par  la  succession  des  générations^  et  à  Taide  de  beaucoup  de 
f  temps  et  d'une  diversité  lente,  mais  constante  dans  les  circon- 
ff  stances,  a  pu  produire  dans  les  corps  vivants  de  tous  les  ordres, 
f  les  changements  les  plus  extrêmes  et  amener  peu  à  peu,  à 
c  partir  des  premières  ébauches  de  Tanimalilé  et  de  la  végétalité, 
ff  l'état  de  choses  que  nous  observons  maintenant.  La  nature 
ff  n'offre  que  des  individus  qui  se  succèdent  les  uns  aux  autres 
fl  par  la  génération,  et  qui  proviennent  les  uns  des  autres  ;  les 
ff  espèces,  parmi  eux,  ne  sont  que  relatives,  et  ne  le  sont  que 
(K  temporairement  ;  la  chétive  durée  de  Thomme  lui  permet  diffi- 
ff  cilement  d^apercevoir  les  mutations  considérables  qui  ont  lieu 
ff  à  la  suite  de  beaucoup  de  temps,  i 

§  â.  SOL. 

J'ai  longuement  décrit  dans  une  autre  partie  de  ce  livre  la 
dégénérescence  palustre  et  le  crétinisme  spécial,  si  bien  décrit 
par  Burdel  (de  Vierzon)  ;  ie  véritable  remède  à  cette  cause  de 
dégénérescence  est  dans  le  dessèchement  par  l'agriculture  et,  pour 
y  arriver  plus  sûrement,  par  plusieurs  routes,  dans  la  division  de 
la  propriété,  il  faut  que  la  terre  appartienne  à  ceux  qui  la  culti' 
vent;  c'est  là  une  conséquence  sociale  inévitable  quelque  dure 
qu'elle  puisse  paraître  aux  classes  qui  se  sont  crues  et  intitulées 
jusqu'ici  dirigeantes.  Sous  Henri  IV,  alors  que  les  protestants  la 
travaillaient,  la  Sologne  était  fertile.  La  république  romaine  elle- 
même  a  péri  par  Tabsence  de  division  de  la  propriété.  Lati- 
fundia perdiderunt  Rempublicam,  Je  n*ai  pas  non  plus  à  revenir 
ici  sur  le  goitre,  ni  sur  Tanémie  des  altitudes. 

§   3.  AUMENTATION. 

Nous  avons  étudié  ailleurs,  les  maladies  d'alimentation: 
famines,  ergotismes,  pellagres,  alcoolisme. 

§  4.   MALADIES. 

Je  n'ai  pas  à  revenir  non "^I us  sur  la  variole,  la  syphilis  et  la 
phthisie  pulmonaire.  11  est  incontestable  que  cette  dernière  ma- 


CAUSES   80CULE8.  639 

ladie  est  une  des  principales  causes  de  la  dégénérescence  des 
races  :  c'est  contre  elle  que  doivent  réagir  ceux  qui  s*occupent 
d'hygiène  individuelle  et  mieux  de  cette  science  naissante  qui 
est  appelée  quelque  jour  à  régir  les  républiques  scientifiques  de 
l'aYenir,  Vhygiène  sociale,  «  La  recherche  de  la  tuberculose,  dit 
€  le  D'  Gueneau  de  Mussy,  se  rattache  à  la  question  de  la  dégé- 
nération des  races,  n  11  serait  intéressant  de  rechercher,  c  quels 
<r  auiiliaires  les  envahissements  de  cette  maladie,  trouvent  dans 
«  notre  état  social  actuel,  dans  nos  institutions,  et  dans  les 
«  erreurs  de  Thygiène  publique.  Le  remède  de  la  phthisie,  dit 
<r  éloquemment  Pidoux,  on  ne  le  trouvera  pas  dans  la  médecine 
((  individuelle,  mais  dans  la  médecine  sociale;  celle  dont  les 
u  bons  esprits  appellent  et  préparent  Tavènement  ;  celle  qui, 
«  prenant  la  race  au  berceau,  la  suivra  dans  son  évolution, 
f  jusqu'au  développement  physique.  Une  part  plus  équitable  dans 
€  l'éducation  de  la  jeunesse  veillera  à  la  salubrité  des  habita- 
«  tiens  et  des  aliments,  combattra  par  l'éducation,  plus  large- 
<{  meut  distribuée,  par  l'enseignement  populaire  de  Tliygiène, 
a  les  vices  destructeurs,  les  erreurs  inévitables  de  l'ignorance.  » 

§  5.    CAUSES  SOCIALES. 

• 

Les  défauts  et  peut-être  les  conséquences  forcées  d'un  état 
social  avancé,  telles  sont,  surtout,  les  causes  capitales  de  la  dégé- 
nération des  races.  Dans  les  familles  aristocratiques,  dans  les 
castes  fermées,  dans  la  noblesse,  le  défaut  de  lutte  pour  la  vie, 
cette  sorte  de  pléthore  financière,  qui  engendre  l'apathie  intellec- 
tuelle et  générale,  ne  sont  pas  moins  préjudiciables  que  le  défaut 
contraire,  l'excès  de  lutte  et  l'anémie  générale  qui  caractérisent 
actuellement  les  classes  militantes,  c'est-à-dire  les  plus  nom- 
breuses. On  brûle  l'existencCf  disent  quelquefois  ceux  qui  la  brû- 
lent le  moins;  le  fait  est  qu'il  y  a  moins  de  vieillards  aujourd'hui 
qu'autrefois.  En  1751,  en  Suède  sur  10000  habitants,  on  comp- 
tait un  nombre  de  vieillards  au-delà  de  90  ans,  égal  à  6,60  pour 
les  hommes  et  10,4  pour  les  femmes.  En  1855,  on  ne  trouve  plur 
sur  10000  que  1,25  pour  les  hommes  et  3,3  pour  les  femmes. 

C'est  qu'une  foule  de  maladies  perpétuées  dans  les  familles  ont 
pour  aboutissant  commun  la  dégénérescence.  On  voit,  dit  Morel  : 
<(  la  terminaison  fatale  d'une  série  d'existences  antérieures,  qui 
«  se  résument  par  leur  côté  maladif,  dans  une  existence  indivi- 


•4t  DtaÉIÉEESCBHCI. 

€  iluelk.  f  Void  eomiiient  cet  obsermleiir  si  original  décril 
celle  e&pèce  de  dégénérés  :  «  Il  existe  des  individus,  qui  réso- 
c  ment  dans  leur  personne,  les  dispositions  organiques  vicieoseï 
c  de  plusieurs  générations  aniérieores;  ces  gens  sont  caracté- 
c  risés  par  des  habitudes  physiques  particulières  :  petitesse  os 
ff  mauvaise  conrormatinn  de  la  tète,  prédominance  d*an  tempéra- 
c  ment  maladif,  difformités  spéciales,  anomalies  dans  la  structure 
c  des  organes,  impossibilité  de  se  reproduire,  aberrations  étnm- 
€  ges  dans  Texercice  des  facultés  intellectuelles  et  des  senti- 
c  ments  moraux,  t 

La  dégénérescence  s*accuse  surtout  dans  les  villes.  Parmi  les 
causes  de  dégénérescence  qui  agissent  sur  la  plus  grande 
partie  des  populations  urbaines  Ûgurent  les  conditions  mal- 
saines où  s'exerce  encore  Tindustrie.  Diaprés  Layet,  tandis  que 
les  départements  agricoles  donnent  8  058  réformés  sur  20  000  con- 
scrits, les  départements  manufacturiers  en  donnent  14451.  Dans 
les  régiments,  la  résistance  des  campagnards  est  supérieure  à  celle 
des  citadins.  Tandis  qu*à  Londres  la  mortalité  est  de  25,7/1 000, 
elle  est  à  Liverpool,  ville  essentiellement  industrielle,  de 
35,25/1  000.  Sans  doute  la  vie  industrielle  sera  toujours  moins 
saine  que  la  vie  agricole,  mais  cette  condition  de  l'industrie  est 
cependant  appelée  à  s'améliorer.  Tant  que  la  force  motrice,  si 
coûteuse,  peu  transportable,  peu  divisible,  a  été  uniquement  aux 
mains  du  capital  argent,  celui-ci  a  dû  Taccumuler  dans  un  foyer 
unique  autour  duquel  viennent  se  grouper  les  travailleurs,  comme 
les  mouches  autour  de  la  lumière  ;  Tusine  caserne  marchant  mili- 
tairement sous  un  maître,  est  une  conséquence  forcée  de  Tétai  de 
la  mécanique  actuel  ;  or  Tusine  caserne  évoque  de  suite  une  série 
de  causes  de  dégénérescence  physique,  intellectuelle,  sociale  en  un 
mot.  Il  n'en  sera  plus  de  même,  le  jour  où,  ainsi  que  les  der- 
nières expériences  de  Munich,  de  Paris  et  de  Grenoble  permet- 
tent de  le  prévoir,  rélcctricité  permettra  non-seulement  de 
transformer  sur  place  en  force  utile,  les  forces  de  la  nature, 
mais  surtout  de  diviser,  de  détailler  la  force  motrice  et  de  la 
transporter  au  loin.  Alors  au  lieu  que  ce  soient  les  ouvriers  qui 
Tiennent  chercher  la  force  motrice  aux  dépens  de  leur  santé  et  de 
toutes  les  conditions  physiologiques  qui  font  la  vie  morale,  ce 
sera  la  force  motrice  qui,  comme  Teau,  comme  le  gaz,  sera  dis- 
tribuée dans  le  ménage  de  l'ouvrier,  qui  Tutilisera  chez  lui,  seul 
ou  associé  avec  quelques  voisins. 


CAUSES   SOCIALES.  4i4t 

En  dehors  des  conditions  industrielles  à  proprement  parler,  les 
villes  présentent  d'ailleurs  de  nombreuses  causes  de  dégénéres- 
cence; tandis  que  dans  les  campagnes,  la  mortalité  est  de  212 
sur  10000  habitants,  elle  est  de  271  dans  les  villes  (Lagneau). 
Dans  les  grandes  villes,  à  Paris,  non-seulement  la  mortalité  est  plus 
considérable,  mais  la  constitution  des  survivants  finit  par  perdre 
de  sa  force  et  de  sa  vigueur  et,  caractère  essentiel  de  la  dégé- 
nérescence, la  race  s*éteint.  Tous  ceux  qui  ont  fait  des  recherches 
dans  ce  sens  s'accordent  en  effet  à  reconnaître  la  rareté,  dans 
la  population  parisienne,  des  natifs  à  la  3*  génération  ;  ils  ne  con- 
stituent que  1/3  de  la  population  totale.  Ceux  de  la  4*  génération 
ne  figurent  dans  la  population  totale  que  pour  1/14  (Lagneau). 
C'est  parmi  les  dégénérés  que  Morel  n'eût  pas  manqué  d'inscrire 
cette  lie  des  grandes  villes,  qui,  victime  de  notre  état  social  autant 
que  de  sa  propre  paresse,  constitue  la  matière  première  avec 
laquelle  la  société  fabrique  les  vagabonds  d'abord,  les  récidivistes 
ensuite. 

La  gravité  de  ces  conditions  est  d'autant  plus  grande  que,  par 
un  mouvement  progressif,  la  population  des  campagnes  tend  de 
plus  en  plus  à  affluer  dans  les  villes.  Lagneau  estime  en  effet  que, 
depuis  26  ans,  les  campagnes  ont  donné  aux  villes  1/15  de 
la  population  totale  du  pays,  soit  66,4  habitants  sur  10000.  Il  cotn- 
pare  cette  situation  à  celle  de  l'empire  romain  au  moment  de 
l'invasion  des  barbares.  La  comparaison  n'est  heureusement  pas 
juste  de  tous  poiuts.  Si  notre  société  présente  ce  même  phé- 
nomène, les  temps  sont  différents  et  les  individus  aussi.  Si  les 
campagnes  sont  désertées,  c'est  qu'elles  n'offrent  pas  encore  aux 
intelligences  d'élite  la  pâture  suffisante  ;  mais  qu'on  y  répande 
l'instruction,  les  lectures,  les  conférences, qu'on  y  développe  sur- 
tout l'enseignement  professionnel  qui  y  manque  à  peu  près  com- 
plètement et  on  aura  plus  fait  pour  enrayer  le  mouvement  que 
nous  déplorons,  que  par  tous  les  discours,  qui  ne  convainquent 
que  ceux  qui  sont  déjà  convaincus  d'avance. 

L'instruction,  l'abandon  de  tous  les  vieux  préjugés,  la  science 
prise  comme  unique  guide  de  la  vie  individuelle  et  de  la  vie  so- 
ciale :  voilà  le  seul  moyen  d'éviter  la  dégénérescence.  Les  temps 
ne  sont  plus  où  la  foi  sauvait  ;  les  sociétés  modernes  ne  doivent 
pas  oublier  qu'il  n'y  a  que  la  Science  qui  puisse  les  conduire. 

FIN. 
OÉOGR.  uto.  KV 


1 


•  *> 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  MATIÈRES 


Abcès  palmaires,  fréquents  en 
Chine,  495. 

—  du  foie,  526. 
Absinthe,  154. 

Acnrus,  choisit  les  sujets  mala- 
des, 437. 
Acclimatement,  8. 

—  dans  les  pays  chauds,  15, 627. 

—  son  mécanisme,  633. 
Accommodation,  8. 
Accroissement  du  corps  suivant 

la  race,  551. 
Acerotherium,  184. 
Achorion  keratophagtts^  401. 

—  Schœnlii,  401. 

Acide  arsénieux,  contre  la  pella- 
gre, 135. 

—  racémique,  438. 

—  sulfureux,  comme  prophy- 
lactique de  la  Oèvre  jaune, 
278. 

—  tartrique,  438. 

—  tartrique  (ferment  spécial  de 
1'),  439. 

Aconit,  mangé  sans  danger  par 
les  chevaux  et  les  chèvres,  436. 

Aconitum  napellus,  5. 

Acrodynie,  136. 

Actinômycète,  310. 

Actinomycosc,  309. 

Actinomvcosis  hominiSf  310. 

Adanto  blaka,  871. 

Affections  miasmatiques,  leur 
fréquence  comparée  chez  lus 
Anglais  et  les  nègres,  464. 

—  nerveuses,  464. 

—  vermineuses,  464. 
Afrique  (mortalité  des  Anglais 

en),  62K. 


Agave,  109. 

Age,   son  influence  sur  Tapti- 

tude  morbide,  550. 
A^rénésie,  608. 
Ail,  son  action  sur  le  mal  des 

montagnes,  71 . 
Aiuhum,  467. 
Alnos,  497. 

Air  (raréfaction  de  T),  56. 
Alamans,  535. 
Albinisme,  580. 

—  distribution    géographique, 
581. 

Albinos,  581. 

Albuminurie,  sa  fréquence  sur 
les  altitudes,  68. 

—  fréquente  chez  le  chat,  69. 
Alcoolisme,  histoire  et  géogra- 
phie, 150. 

—  {inebriate  asylum  contre  Y), 
153. 

—  dans  Tannée,  167. 

—  Dnmkard's  Homes,  160. 

—  cause  de  dégénérescence  so- 
ciole,  160. 

—  (croisade  de    Coffee   tavcm 
Company  contre  1'),  178,  627. 

Algérie  (acclimatement  en),  628. 
Aliénation  mentale,  rare  sur  les 

hauteurs,  66^  417,  418. 
Alimentation,  98. 

—  de  rhomme,  100. 

—  son  influence  sociale,  108. 

—  insuffisante,  139. 

—  sou  influence  sur  l'aptitude 
au  charbon, '547. 

—  son  action  sur  la  dégénéres- 
cence, 627,  638. 

Alkmi  ou  Lakmi,  liqueur  faite 
avec  le  suc  de  palnii&\:>l^V« 
Allophyles,  \&^0. 


644 


TABLE  ALPflABÉTIQUB   DBS  MATIÈRES. 


Alpaca,  analyse  de  son  sang 
sur  les  altitudes,  70. 

Alpentisch,  67. 

Alsace  (rareté  des  calculs  en), 
548. 

Altitude,  son  action  sur  la  tem- 
pérature, 50. 

—  son  action  sociale,  65. 

—  (pathologie  spéciale  des],  66. 

—  (action  des)  sur  la  phthisie, 
930. 

Américains,  leur  origine,  515. 

—  (migration  des),  517. 

—  caractère  pathologique,  519. 

—  caractères  préhistori(iue8,leur 
.   pathologie,  520. 

Ampa,  112. 
Amphipodes,  28. 
Amphistome  du  bœuf,  354. 
Amphistomum  conicum,  352. 
Analkal,  306. 
Androgynes,  494. 
Anémie'pcruicieusc  du  Nord,  20. 

—  des  cnions  de  meute,  332. 
Anes  (action  toxique  des  faines 

sur  les),  435. 
Aneethésie  produite  par  la  chu- 
Ifur,  8. 

—  lépreuse,  818. 
An^vrv8m«»8  vermiueux,  875. 
Aiigioleucite     éléphantiasique, 

380. 

Anglais,  leur  degn^  d'acclimate- 
ment à  Malte,  628. 

Anglo-Saxons,  536. 

—  acclimatés  aux  Etats-Unis, 
630. 

Anguiilula  stercoralis^  356. 

—  intestinaliSy  375. 
Animaux    (phénomènes    com- 
muns aux)  etaux  végétaux,  27. 

Ankylostom(>  duodénol,  348,350. 

—  tfu  bœuf,  352. 

—  du  chat,  352. 
Anomalies  réversives.  573. 
Anophthalmus  gaUicus^  29. 
Anoxhémie   des   hauteurs^   64, 

65,627. 
Anthropomorphisme.  423. 
Antilles    (acclimatement  aux), 

628. 
Antilope  gutturota^  216. 
Antimoine,  passe  pour  être  sans 

action  sur  le  porc,  486. 
Antisiens,  520. 


Aptitude,  8. 

—  de  la  canne  A  sucre  pour  co^ 
taines  maladies  parasitaires, 
437. 

~  morbide,  rarie  saîTant  U 
couleur,  436,  437,  441. 

~  des  indiTidus  malades  poor 
les  parasites,  437. 

—  des  membres  d*une  même 
famille  végétale  pour  on 
même  parasite,  439. 

»  morbide,  547,  548,  549,  552. 

—  morbide  locale,  549. 
Aqua  da  verugas,  803. 
Aquitaine,    538 
Arabes,  523,  525. 

—  leur  caractère  pathologique, 
525. 

—  supportent  les  grandes  opé- 
rations, 525. 

Arak,  bière  de  millet  et  d'orge, 
152. 

Araucaria  brasiliana,  821. 

Arbre  à  la  vache,  109. 
-  à  pain,  513. 

Arc  (usage  de  T),  510. 

Arec,  510. 

Areca  catechu,i^Z. 

Arenga  saccharifera,  109. 

Arevarera,  dermatose  qui  ca- 
ractérise Tavatsme,  178. 

Ariol,  513. 

Arrêt  de  développement,  575. 

Arsenic,  son  action  sur  le  mal 
des  montagnes,  71. 

Arthrite  sèche  en  Amérique,  520. 

Articulation  des  sons,  son  dé- 
but, 82. 

Arum  maculatum,  25. 

Aryens,  538. 

Ascaride  lombricolde,  367. 

Ascite  parasitaire,  377. 

Asctepias  acida^  152. 

—  tuberosOf  109. 
Asparaçine,  26. 
Asphyxie  solaire,  9. 
Association,  407. 
Assolements,  555. 
Astoragazza,  429^  431. 
Atavisme,  567. 

—  anatomique,  568. 

—  intellectuel,  571. 

—  pathologique,  571. 
Athéromes,  93. 
Atmosphère,  i. 


TABLB   ALPHABÉTIQUE   DES   MATIÈRES. 


645 


Atmosphérique  (poussière),  44. 

—  (germes),  46. 

—  (pression),  sadiminution,  52. 

—  (teusion),  6i. 

—  (pression),  son  augmenta- 
tion, 76. 

—  (pression),  son  rôle  dans 
l'évolution  organique,  77. 

Auvergnats,  533. 

Avaisme,  173. 

Aveugles  (animaux)  par  adap- 
tation au  milieu,  561. 

Avortement,  fréquent  dans 
rinde  chez  les  Anglaises,  630. 

Aymaras,  413,  518. 


B 


BacUlus  malariêg,  200. 
-  typhoswi,  247. 

—  leprx,  326. 

—  de  la  phthisie,  337. 

—  suùtilis,  564. 

—  anlhracitf  564. 
Bacti^ridie  charbonneuse  (action 

de  la  chaleur  sur  la),  2. 
Bacteridium  bi^unneum,  200,  292. 

—  punctunij    dans    l'érysipèle, 
28.1. 

Bactérie  du  charbon,  293. 

—  du  pemphigus,  293. 

—  de  la  phthisie,  337. 

—  de  la  syphilis,  346. 

—  du  caoutchouc  vulcanisé,  346. 
Bactet'ium    punctum    dans     la 

scarlatine,  238. 
Balancement  organique,  577. 
Bananier,  163. 
Bang,  sorte  du  cannabis  indicay 

174. 
Barbades,   mortalité   comparée 

des  Anglais  et  des  nègres,  463. 
Bec  de  Tencéphale,  594,  595. 

—  de-lièvre,  583. 

—  de-lièvre,     sa     distribution 
géographique,  586. 

Bechuanas,  555. 
Bedas,  581. 
Belges,  535. 

Belladone,  sans    action  sur  les 
rongeurs,  431. 

—  sou   emploi   prophylactique 
contre  la  scarlatine,  553. 

Berbères,  522. 

Béribéri,  géographie,  137. 


Béribéri,  prédilection  pour  cer- 
taines races,  138. 

—  causes  et  symptômes,  139. 

—  nature  etanatomie,  140. 

—  (micrococcus  de),   140,   141. 

—  pathologie   comparée,    141. 
Béribérique  (barre),  139. 
Bétel,  182. 

—  son  rôle  prophylactique  con- 
tre la  diarrhée  de  Cochin- 
chine,  358. 

Beurre  de  montagne,  112. 
Bichoda  Costa,  371. 
Bicho  da  taquera,  105. 
Bière,  154. 
Bilirubine,  26. 
Bitter,  154. 
Blafards,  581. 
Blancs  battus,  423. 

—  petits,  619. 
Blennorrhagie  (inoculation  du 

microbe  de  la),  225. 
Boasie,  317. 
Bodik,  liqueur  de  Malaisie  faite 

avec  le  riz,  153. 
Bœufs  (action  des  altitudes  sur 

les),  69. 

—  hollandais,  ont  peu  d'apti- 
tude pour  la  péripneumonie, 
438. 

—  niata,  602. 
Bohémiens,  30. 

fiooza,  liqueur  faite  avec  Torge, 

150. 
Botocudos,  415,  519. 
Botoque,  415. 
Bothrops  lanceofatut,  184. 
Boubas,  482. 
Bougainvillœa,  23. 
Bouhou,  241, 512. 
Bourbouilles,  12. 
Bouton  d'Alep,  294,  304. 
--  d'Amboine,  482,  505. 

—  des  Andet,  299. 

-  de  Bagdad,  294,  304. 

—  de  Biskra,  294,  304. 

-  de  Bombay,  294. 
~  de  Delhi,  294. 

—  de  Guzerate,  294. 

—  d'Irlande,  486. 

—  du  Nil,  294. 

—  des  Zibaus,  294. 
Bovidés,  craigucut  le  coqueli- 
cot, 435. 

Brandy,  154. 


6^6 


TABLS  ALPHABÉTIQUE   DBS  MATIÈRES. 


Brassica  japoniea,  103. 

Bretons,  533. 

Brom,  aliment  fermenté  et  usité 

eu  Malaisie,  153. 
Bronchite,    fréquente     sur    les 

hauteurs,  67. 
—  capillaire    épidémique    des 

armées,  236. 
Brondo,  362. 

Brosimum  galactodendron  ,109. 
Bubas,  341. 

Bubons  pestilentiels,  262. 
Bulgares,  533. 
Burgondes,   535. 
Buming  of  the  feet,  137. 


Cacabay,  317. 

Cachexie  africaine,  848,  354 . 

—  aqueuse  chez  le  mouton  et 
chez  le  bœuf,  353. 

—  ossifrage,  91. 

—  paludéenne,  194. 

—  urbaine,  406. 

—  vermineuse,  348,  352. 
Cactus  (aptitude    différente   de 

deux)  voisins  pour  une  même 
maladie  parasitaire,  441. 

Csecum,  ses  anomalies  chez  les 
microcéphales,  596. 

Café,  486,  525. 

Caféine,  son  action  différente 
sur  deux  espèces  de  grenouil- 
les, 435. 

Cagnc,  maladie  des  arbres,  347. 

Calcaires,  leur  action,  90. 

Calculs,  93. 

Calenture,  10. 

Calotte,  disposition  spéciale 
d'une  partie  de  Tencéphaïe 
chez  les  singes  et  chez  les 
microcéphales,  695. 

Calumet,  ses  coniéquences  chez 
les  Peaux-Rouges,  325. 

Campagnes,  leur  action,  406. 

—  (abandon  des),  627. 

—  fréquence  de  Tathérome^ 
94. 

Cancer ,  fréquence  comparée 
chez  les  Anglais  et  chez  les 
nègres,  464. 

Canitie  en  Amérique,  520. 

Cannabine,  174. 

Cannabis  in&ica,  173. 


Caprines  (espèces),  leurs  aptitu- 
des pathologiques,  454. 

Captivité,  son  action,  407. 

Caracha,  305. 

Carate,  317. 

Cardiopathies  parasitaires,  37S. 

Carie  dentaire  chez  les  OuoloSs, 
due  à  la  noix  de  Kola,  171. 

—  fréquente  à  la  Guyane,  90. 

—  fréquente  chez  les  popula- 
tions préhistoriques,  531. 

—  fréquente  chez  les  popula- 
tions kymriques,  5J6. 

Carrathes,  521. 

Cascadoé,  317,  507. 

Cassave  (pain  de),  sa  mastica- 
tion, 154. 

Castes,  leur  action,  627. 

Castration,  proposée  contre  la 
lèpre.  327. 

—  cnez  la  femme,  416. 

—  chez  l'homme,  417. 

—  (demi-),  417. 

—  son  action  sur  les  aptitude 
pathologiques,  549. 

Catha  eduiis,  525. 

Caussenards,  95. 

Ceinture  contre  la  faim,  112. 

Celtes,  533,  541. 

Cercaria  echinata,  353. 

Cerf  (analyse  de  son  sang   sur 

les  altitudes),  70. 
Cerveau,  action  de  la  lumière 

sur  lui,  38. 
•^  action  de   la  décompression 

atmosphérique,  58. 

—  lenteur  de  ses  fonctions  sur 
les  altitudes,  65. 

—  son  volume  varie  avec  l'état 
de  civilisation,  404. 

Cbacrelas,  581. 
Chalaub,  son  emploi,  151 . 
Chaleur,  son  action  sur  les  êtres 
inférieurs,  2. 

—  son  action  sur  les  organis- 
mes complexes,  5. 

—  son  action  sur  la  germina- 
tion, 5. 

—  résistance  variable  des  ani- 
maux à  sang  froid  et  des 
animaux  à  sang  chaud,  6. 

—  comment  elle  tue,  7. 

—  (eoup  de),  9. 

—  son  action  dans  les  pays 
chauds,  12. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE   DES   MATIÈRES. 


647 


Chaleur,  cause  de  mortalité  in- 
fantile, 14. 

—  son  action  sur  l'évolution 
sociale,  15. 

—  influence  de  la  couleur  noire, 
455. 

—  dans  les  habitations,  490. 

—  son  action  sur  la  respira- 
tion, 635. 

Chameau,    immunité    toxique, 

436. 
Chancre  du  Sahara,  294. 
Chandoo,  préparation  d'opium 

usitée  en  Chine,  176. 
Charbon   bactéridien,  292. 

—  symptomatique,  292. 

—  b'actérien,  292. 

—  (sang  dans  le),  441,  458,558. 
Chat  (fréquence  do  Talbuminu- 

rie  chez  le),  69. 
Chauiage  des  blés,  sa  nécessité 

en  Cochinchine,  93. 
Cheiropodalgie.  137. 
ChenoDodium  cninoa,  163. 
Cheval  (action  des  altitudes  sur 

le),  69. 

—  ses  maladies  en  Cochin- 
chine, 92. 

—  aptitude  toxique,  435,  436. 

—  (action  de  la  morphine  sur 
le),  435. 

—  présente  une  mortalité  qui 
varie  suivant  sa  provenance, 
437. 

—  sujet  au  diabète  sucré,  442. 
-  guéri  de  la  pousse  à  Caute- 

rets,  443. 

—  sujet  à  la  dengue,  448. 

—  (méningite  cérébro-spinale 
du),  448. 

—  présente  une  forme  spéciale 
dn  charbon,  454. 

—  sujet  à  la  grippe,  454. 
Cheveux   (nature  des)  dans  la 

race  jaune,  489. 
Chèvre,  mange  le  tabac  et  Ta- 

conit,  435,  436. 
Chica,    bière   d'ananas    et   de 

mais,  154. 
Chien  (ankylostomie  du),  353. 

—  son  rôle  dans  le  transport  du 
tœnia  échinocoque,  364 « 

—  aptitudes  toxiques,  4Sit,  436. 

—  résiste  plus  ou  moins  à 
l'oxyde  de  carbone,  436. 


Chien,  son  peu  d'aptitude  pour 
la  morve,  438. 

—  blennorrhagie,  448. 

—  (verrues  épithéliales  sur  la 
langue  du),  443. 

—  (leucocytnémie  chez  le),  443. 

—  (maladie  des),  446. 

—  sa  résistance  aux  traumatis- 
mes,  461. 

—  anglais,  mal  acclimaté  dans 
rinde,  630. 

Chinois,  leur  tolérance  pour  les 
anesthésiques,  178. 

Chioniphe  Carterii^  dans  le  pied 
de  Madura,  308. 

Chlorophylle  (action  de  la  lu- 
mière sur  la),  26. 

Chlorose  d'Egypte,  349. 

Choléra,  sa  limite  en  altitude,  75. 

—  fréquence  comparée  chez  les 
Anglais  et  chez  les  nègres, 464. 

—  fréquent  chez  les  nègres,  479. 

—  des  poules,  224,  441, 472^  550, 
557. 

Choréomanie,  422. 

Chrooleput  o^/iYAuj,  304 . 

Cicètes,  422. 

Ciguë,  immunité  de  quelques 
animaux  pour  ses  effets,  436. 

Cimmériens,  585. 

Circoncision,  417. 

Circonvolutions  cérébrales  (dé- 
veloppement phylogénique 
des),  594. 

Civilisation,  sorte  de  zone  équa- 
toriale  i>our  l'homme,  16. 

—  son  action,  402. 

—  ses  phases,  403. 

—  (anatomie  et),  403. 

—  son  influence  sur  les  mala- 
dies, 405. 

—  rapport  de  ses  phases  avec 
les  maladies  artificielles,  411. 

—  son  actlflu  sur  les  peuples 
incivil isés,  627. 

Clavée,  maladie  parasitaire  du 
mouton,  358. 

Clavelée,  immunité  des  mou- 
tons algériens.   437,  445. 

Clavelisation,  555. 

Clift,  518. 

Climat,  son  influence  sur  la  dé- 
générescence, 627. 

Clou  de  Biskra,  365. 

aoud-Ring,  191. 


64S 


TABLE  ALPHABÉTIQUE   DES  MATIÈRES. 


CSons,  S05. 

Coca,  71. 

Cocaïer,  16«. 

Cocaïne,  164. 

Cocalsme,  168. 

Cocales,  16t. 

Cochinchine  (maladie  des  che- 
vaux en),  92. 

Cocos  nucî  fera,  109. 

Cocote,  291. 

Cocotier,  513. 

Cocoum,  liqueur  des  Antilles, 
154. 

Cœnurus  cerehralis,  365. 

Colique  sèche,  193. 

Colonies  animales,  5. 

Côlon,  ses  anomalies  chez  les 
microcéphales,  596. 

Concurrence  vitale,  621 . 

Consanguinité,  614. 

Contagion  nerveu8e,228,î29,427 . 

Convulsion  prophétique,  426. 

Coquelicot,  son  action  sur  les 
bovidés,  435. 

Coqueluche,  282. 

Coqucro,  168,  183. 

Coulfetin,  465. 

Coup  de  barre,  ilans  la  fiôvre 
jaune,  277. 

Cow-pox,  444,  556. 

Crabes,  483. 

Crâne,  ms  déformation:*,  413. 

—  dans  la  race  jaune,  489. 

—  chez  les  microcéphales,  591. 
Craw-craw,  384. 
Crétinisme  aigu,  218. 

—  paludéen,  196,  627. 

—  goitreux,  196.  205,  627. 
Croâtos,  533. 

Croisements,  609  et  suiv. 
Cuisson,  son  utilité  dans  la  tri- 
chinose, 870. 

Culex,  son  rôle  dans  la  trans- 
mission de  Téléphantiasis, 
3S3. 

Cultures,  mrthode  Pasteur,  224. 

—  artificielle,  534. 

Curare,  diff^'-rence  d'action  chez 
les  mammifères  et  les  oi- 
seaux, 436. 

Cyclamioe,  552. 

Cyclops,  leur  influence  dans  le 
transport  du  drngonneau,  373. 

Cysticercus  perfoliatuSy  366, 367. 

—  pitiformis,  866,  367 . 


Cysticercus  tenuieoUis,  366. 
Cystite  vermiueuse,  877. 


Dadan,  470. 

Dalko,  103. 

Dandy,  synonyme  de  dengue, 
242. 

Danse  de  Saint-Cuy,  423. 

Dartre  des  veaux,  401. 

Darwinisme,  622. 

Dattier,  109. 

Datura,  son  action  sur  les  lah 
sans,  486. 

Davanes ,  préparation  du  has- 
chisch. 174. 

Déformation,  totale  ou  polysar- 
cique,  411. 

—  du  pied,  eu  Chine,  413. 

—  du  crâne,  418. 

—  toulousaine,  411. 

—  natiforme,  841. 

—  du  nez,  415. 

—  des  lèvres.  415. 

—  des  oreilles,  415. 

—  des  dents,  415. 

—  des  seins,  416. 
•^  des  doigts,  416. 

—  des  organes  génitaux,  416. 
Dégénérescence,     ses     causes, 

626,  627. 

—  causes  sociales,  639. 
Déglutition,  son  rùle  dans  les 

cloches  à  plongeur,  81 . 
Délire  (aptitude  au),  436. 

—  épidémique,  422. 

—  —  à  Mulhouse,  155. 

—  —  chez  les    Cosa- 
ques, 158. 

Démonolâtrie,  423. 

Démons,  423. 

Dengue,  240. 

Densité  de  la  population,  son 

rôle,  321. 
Dents,  leur  déformation,  413. 

—  de  sagesse,  570. 

—  usure  paléontologique,  405. 
Dépécoration,  108,  449. 
Dessèchement  des  marais,  202. 
Dètenuiuisme  anatomique,  19. 
Dévote,  423. 

Diabète,  crée  une  aptitude  mor- 
bide spéciale,  549. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  MATIÈRES. 


649 


Diabète ,  flréqnence  comparée 
chez  les  Anglais  et  les  nègres, 
464. 

Diarrhée  de  Cochinchine,  354. 

Diathèse  furonculeuse,  305. 

—  (influence  des)  sur  la  marche 
des  plaies,  548. 

Digitale,  immunité  de  quelques 
animaux  pour  ses  effets,  435. 

Dindon,  aptitude  toxique  spé- 
ciale, 435. 

Diodon,  109. 

Dioscorta  japonica^  103. 

Diphthérie,  224,278. 

Distoma  tchinatum,  353. 

—  cirngerumj  371. 

—  hœmatobiumf  376. 

—  lanceolatunij  353. 
Distomatose,  370. 
Distome  des  écrevisses,  370. 

—  d'Egypte,  376. 

Dochmius  trigonocephnltts^  352. 
Doigts  (déformation  des),  416. 
Domestication,  407. 
Dominique  (mortalité  comparée 

des  Anglais  et  des  nègres  à 

la),  463. 
Doronicum,  toxique   pour    les 

chiens,  436. 
Dourine,  345. 
Douve,  354. 
Drngonneau,  371. 

—  aquatique,  373. 

Drnm,    sorte   de    rhum    de    la 

Guyane,  154. 
Drosera,  27. 

Dufjoisia  Hopwoodiif  173. 
Duboisine,  173. 
Dysenterie,  niortnlité  comparée 

'des  Anglais  et  des  nègres,  477. 

—  mortalité  comparée  des  An- 
glais et  des  Hindous,  190,  219, 
526,  630. 


Eau  (vapeur  d),  41,  52. 

—  de  végétation,  146. 

Eaux  aux  jambes,  445,  557. 

Ecchymoses  scorbutiques,  145. 

£c  couine,  164. 

Efl'eminés,  493. 

Egypte  (fréquence  de  la  pierre 

en),  94. 
Electricité,  38. 


Eléphant  (diarrhée  de  Cochin- 

chine  chez  T),  358. 
Eléphantiasis  des  Arabes,  313, 

877,  878. 

—  des  Grecs,  313. 
Elephcu  morbuSy  379. 
Emoareck,  nom  de  la  syphilis 

en  Egypte,  34v. 
Emigration,  421. 
Encéphale,  594,  595. 
Encéphalopathie       scrofuleuse 

chez  les  nègres,  471. 
Encombrement,  sou   rôle  dan» 

le  typhus,  249. 

—  son  rôle  dans  la  phthisie,  332. 
Engrais  humain,   ses    dangers 

en  Cochinchine,  357. 
Entomophtora,  224. 
Epidémie  de  Kau,  223. 
Epidémique  (génie),  228. 
Epigénèse,  574. 
Epilepsie  héréditaire,  60f . 
Epistaxis  contagieuse  des  chiens, 

352. 
Ergot  de  seigle,  125. 
Ergotisme,  121,  627. 

—  influence  des  habitudes  ali- 
mentaires sur  sa  forme,  126. 

—  expérimental,  126. 

—  convulsif,  12-^. 

—  gangreneux,  121. 
Erigeron  canadensiSy  46. 
Erysipèle,  224,  283. 

--  aptitude  des  convalescents, 
547. 

—  lymphatique  réticnlaire  des 
pavs  chauds,  635. . 

Erythème  solaire  dans  la  pella- 
gre, 133. 

Ei'yihroxylum  coca,  162. 

Escargot,  immunité  toxique, 
435. 

Espagnols,  leur  acclimatement 
dans  les  pays  chauds,  630. 

Espèce,  ses  modifications  sous 
1  influence  de  la  chaleur,  3. 

—  ses  modiflcations  sous  Tac- 
tiou  de  la  lumière.  28. 

—  ses  variations  suivant  l'alti- 
tude, 51. 

—  suivant  le  régime  alimen- 
taire, 98. 

—  (doctrine  de  r),621,  609. 
Esprit  de  Mescal,  109. 
Esquimaux,  23,  511. 


650 


TABLK   ALPHABÉTIQUB  DBS  MATIÈRES. 


Eftsence  de  niaonli,  son  rôle  en 
Polynésie,  5t2. 

Etat  civil,  son  action  sur  les  phé- 
nomëne8dëmographique8,410, 
4ti. 

Eth/Tisme,  16i. 

Ethniques  (usages),  en  rapport 
avec  le  milieu,  li. 

Eucalyptus,  son  rôle  en  Poly- 
nésie, 512. 

—  son  action  fébrifuge,  198. 

Eugénésie,  608. 

Evolution,  ses  débuts,  4. 

~  frôle  de  la  pression  atnios- 
pnérique  sur  1  ),  77,  56S. 

Exorcisme,  423. 


Faines  (aptitude  de  certains 
animaux  pour  les  effets  toxi- 
ques des),  435. 

Faisan,  ses  immunités  toxiques, 
486. 

—  (maladie  des  pattes  des  jeu- 
nes), 92. 

Fakisa,  235,  499. 
Falcadine,  486. 
Falgo,  monnaie  de  sel,  110. 
Famine,  110. 

—  dans  les  Flandres,  117. 
•-  dans  rinde,  118. 

—  en  Irlande,  118. 

—  en  Silésie,  118. 

—  en  Russie,  119. 

—  en  Chine,  119. 

—  en  Asie,  119. 

—  en  Algérie,  119. 

—  (action  des)  sur  le  mouve- 
ment des  populations,  120,627. 

Farcin,  224,  288. 

—  aptitude  de  certains  che- 
vaux, 437. 

Fardoia  hepatica,  853. 
Febrii  piedota,  242. 

—  gaditana,  24. 

Fécondité  accrue  par  la  domes- 
tication, 407. 

Fermentation  putride,  n'a  pas 
lieu  sur  les  altitudes,  75. 

—  zymotique,  88,  97. 

—  pathologique,  222. 
Ferments,  222. 

—  leur  rôle  en  pathologie,  225. 

—  leur  rôle  dans  le  sang,  226. 


Ferments,  leur  mode  d*actioD. 

228. 
Feu  sacré,  122. 
Fever  mediterranean,  152. 
Fièvre  aphtheuse,  291. 

—  bilieuse,  mélanurique  au  Sé- 
négal, 193. 

—  bilieuse  des  pay^  chauds,  232. 

—  charbonneuse,  292. 

—  courbaturale,  240. 

--  inflammatoire  des  pays 
chauds,   252. 

—  furonculeuse,  521. 

—  ictéro-hémorrhagique,  193. 

—  jaune,  75,  271,  273. 

—  jaune,  chez  les  animaux, 275. 

—  jaune,  son  microbey277, 464, 
521. 

—  maligne,  248. 

—  paludéenne,  son  tvpe  chez 
les  Kabyles,  192,  521,  524. 

—  paludéenne,  comparée  chei 
les  Anglais  et  les  Hindous,  629. 

—  paludéenne,  comparée  chez 
les  Anglais  et  les  Maltais,  628. 

»  pernicieuse  bovine  en  Algé- 
rie, 191. 
--  paludéenne,  à  Sumatra,  521. 

—  paludéenne,  immunité  d*uD 
grand  nombre  d  animaux , 
476. 

—  paludéenne,  comparée  chez 
les  Anglais  et  les  nègres,  464. 

—  paludéenne,  chez  les  nègres, 
475. 

—  pemphigolde,  224,  286,  293. 
--  puerpérale,  238. 

—  putride,  243. 

^  pourprée  épidémique,   237. 

—  rémittente  bilieuse,  521. 

—  rémittente  des  pays  chauds, 
252. 

—  récurrente,  250,  231. 

—  typhoïde,  inconnue  sur  les 
Cordillères,  75,  242,  248. 

—  chez  les  animaux,  447. 

—  chez  les  nègres,  479. 

—  chez  les  Arabes,  526. 

—  des  Aztèques,  68. 

--  épidémique  de  Calcutta,  240. 

—  du  Caucase,  190. 

—  de  ChanghaT,  250. 

—  de  Chypre,  193. 

—  de  Cnmée,  190. 

—  de  Dacie,  190. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE   DES   MATIÈRES. 


651 


Fièvre  de  dattes,  240. 

—  de  foin,  75. 

—  des  fleuves,  501. 

—  de  Hong-KoDg,  250. 

—  éruptive  de  rinde,  240. 

—  des  jungles,  191. 

—  des  moutagnes  Rocheuses, 
244. 

—  de  Salem,  67. 

—  de  Tauris,  190. 

—  du  Texas,  449. 
Filaire  de  Bancroft,  377. 

—  de  Bilharz,  876. 

—  de  la  gerboise,  373. 

—  du  marsouin,  375. 

—  de  Médine,  371. 

—  des  poissons,  375. 

—  de  Wucherer,  377. 
Filaria  immitis,  375. 

—  lepilemuriSt  373. 

—  sanguinis  hominis,  377. 
Filaride  du  craw-craw,  884. 
Filariose,  377. 

Finnois,  30,  533. 
Flagellants,  257,  423. 

—  chez  les  Sionx,  430. 
Flamands,  536. 

Foie,  sa  fonction  dans  les  pays 
chauds,  13. 

—  ses  anomalies  chez  les  micro- 
céphales, 596. 

—  (mortalité  comparée  des  An- 
glais et  des  Maltais  par  mala- 
dies de),  628. 

Folie  pellagreuse,  130. 

—  épidémique,  422. 

—  chez  les  animaux,  430,  481. 

—  fréquente  au  Mexique,  520. 
Foudre  (aptitude  des  races  pour 

la,)  462. 

—  prétendue  immunité  des 
juifs,  529. 

Fourmis,  maladie  des  solipèdes, 
401. 

Fracture,  leur  mauvaise  conso- 
lidation à  la  Guyane,  90. 
Frambœsia,  344,  482,  505,  511. 
France,  536. 

—  aliénation  mentale,  S46. 

—  bégaiement,  545. 

—  calculs,  543. 

—  cambrure  dorso-lombaire, 
540. 

—  carie  dentaire,  544. 

—  faiblesse  et  constitution,  645. 


France,  convulsions,  545. 

—  couleur  des  cheveux,  540. 

—  épilepsie,  546. 

—  ethnologie,  538. 
~  hernies,  544» 

—  -  indice  nasal,  539. 

—  mfirmités,  543. 

—  mortalité,  542. 

—  myopie,  643. 

—  phthisie,  543. 

—  pied,  540. 

—  population,  538. 

—  puberté,  541. 

—  seins,  541. 

—  strabisme,  545. 

—  surdi-mutité,  546. 

—  taille,  539. 

—  varices,  544. 

—  varicocèle,  544. 
Froid,  son  action,  17,  18. 

—  résistance  des  races,  19,  523. 

—  cause  de  congestions  viscé- 
rales, 21. 

—  son  action  sociale,  22. 

—  prophylactique  de   la  fièvre 
jaune,  277. 

Fumagffine,  3 kl. 

Furoncles,  fréquents  à  la  terre 

de  Magellan,  521. 
Furonculose,  305. 


G 


Gabelle,  110. 
Galates,  585. 
Gale,  225. 

—  des  épiciers,  499. 

—  des  Illinois,  520. 
Gallao,  482. 

Galles  animales,  308. 

Galtchas,  533. 

Gambier  (dépopulation  de  l'ar- 
chipel), 514. 

Gammaracanthui  caspius^  29. 

Gangrène,  fréquente  dans  les 
pays  froids,  21 . 

Gargot  des  vaches,  279. 

Garrotillo,  278, 

Gastrai^ia  matica,  170. 

Gastrodisque  du  cheval,  354. 

Gaudes,  136. 

Gelures,  21. 

Gémellité,  sa  distribution  géo- 
graphique, 600. 

Génois,  523. 


est 


T4BLS  ALPHABETIQUE   DK8  MATIÈRES. 


Géophagie    en  Amérique,  5t0. 

—  cneï  les  nègres,  348. 
Germains,  533. 
Germes,  574. 

Ginn,  154. 

Gitanos,  497. 

Glandes  sébacées,  leur  évolu- 
tion, 578. 

Globules  sanguins ,  altération 
dans  la  fièyre  paludéenne,  202. 

Glossanthrax,  443. 

Goitre,  géographie,  205. 

—  aigu,  216. 

—  chez  les  animaux,  216. 

—  prophylaxie,  218. 

—  dans  les  Andes,  520. 
Gourme,  445. 
Gourou,  170. 

Goutte,  fréquence  comparée  chez 
les  Anglais  et  les  nègres,  464. 

~  (aptitude  à  la),  549. 

Grain  d'^Vinërique,  132. 

Grand ine,  ladrerie  du  porc,  360. 

Grease,  445. 

Grecs,  523. 

Greffe,  604. 

Grenouilles,  aptitude  toxique, 
435. 

Grippe,  39. 

Grossesse,  détermine  certaines 
aptitudes  morbides,  548. 

Guano,  son  action  prophylacti- 
que contre  la  fièvre  lauue, 
278. 

Guebrabunde,  142. 

Gueule  de  loup,  585. 

Guignes,  483. 

Gunjah,  sorte  du  cannabis  in- 
dica,  174. 

Guyane,  rareté  du  calcaire  dans 
le  sol,  90. 

—  mortalité  comparée  des  An- 
glais et  des  nègres,  468. 

H 

Hachaschins,  174. 
Hachiasa,  265. 
Hachisch,  173. 
Helicomoucis,  346. 
Hématine,  26. 
Hémato-chylurie,  377. 
Hématurie,  376. 
Héméralopie,  147. 


Hémorrhagie  utérine,  fréquente 
sur  les  altitudes,   68. 

HémorrhoTdes,  fréquentes  dan» 
certaines  races,  526. 

Hépatite,  fréquence  comparée 
chez  les  Anglais  et  les  nè- 
gres, 464,  478. 

—  fr<'>quence  comparée  chez  les 
Anglais  et  les  Hindous,  627. 

—  chez  les  Arabes,  626. 
Herba  brUannica,  143. 
Herbe  aux  rats,  436. 
Hérédité,  567,  597,  598,  600,601. 
Hermaphrodisme,  615. 
Heraie,  ft^quente  chez  les  cré- 
tins, 211. 

—  ombilicale,  fréquente  chez 
les  Nè^s,  459. 

Herpès  circinné,  401. 
Hibernation,  29. 
Hill-diarrhea,  67. 
llill-fever,  192. 

Hinchazon  de   los  Negros.  138. 
Hollandais  au  cap    de    Bonne- 
Espérance,  30. 
Homme  tertiaire,  95. 

—  laction  de  l'homme  sur  T). 
402. 

—  préhistorique  en  Amérique 
516. 

—  chien.  577. 
Homogénésie.  606,  607. 
Horse-pox,  445,  556. 

Hota,  nom  de  plusieurs  mala- 
dies chez  les  Polynésiens.  511. 

Humeurs,  547,  548. 

Hura  crépitons,  109. 

Hybridité,  605,  606. 

Hycsos,  526. 

Hydrocèle  parasitaire,  377. 

Hydropisie,  fréquence  comparée 
chez  les  Anglais  et  les  nè- 
gres, 464. 

Hygiène  sociale,  626,  639. 

Hygrine,  164. 

Hypericum  crispum,  son  action 
sur  les  moutons  noirs,  435. 

Hypnosie,  470. 

Hypohémie  intertropicale,  348. 

Hypospadias  artificiel,  416. 

I 

Iléo-cœcal  (appendice),  ses  ano- 
malies chez  les  microcépha- 
les, 596. 


TABLE   ALPHABETIQUE   DES   MATIÈRES. 


C6S 


tlex  Paraguay ensis^  169. 
Iiniuûbiliti'  du  chvul,  472. 
Immimit/*  morbide,  352,  554. 
Impaludisioe,  187,  627. 
Impréç;nation,  613. 
Inanitiou,  110. 
Incubation,  2i6,  S34. 
Incubes,  423. 
Indes    (mortalité    des    Anglais 

aux),  629. 
Indices  dans  les  races,  489. 
Indo-Européens,  530. 
Indiens    (fréquence    de   l'athé- 

rouie  chez  les),  94. 
Infanticide  en   Amérique,   520. 
influenza,  39. 

—  sa  fréquence  comparée  chez 
les  Anglais  et  chez  les  nègres, 
464. 

Inoculation,  228. 

—  -  variolique,  555. 
Insolation,  10. 

Iode,  son  action  contre  l'endé- 
mie crétino-goltreuse,  218. 

Irlandais,  533. 

Islande,  absence  de  la  syphilis, 
340. 

Israélites,  5^3,  526. 

—  leur  cosmopolitisme,  527. 

-  leur  faible  mortalité,  528. 

-  leur  forte  natalité,  528. 

-  leur  longévité,  528. 

-  leurs  immunités    pathologi- 
ques, 529. 

—  leurs  aptitudes  pathologi- 
ques, 529. 

—  leur  facile  acclimatement, 
631. 


Jambe  des  Barbades,  379. 
Japonais,  leur  origine,  497. 

—  caractères  anatomiaues,  497. 

-  caractères      physiologiques, 
498. 

—  caractères  pathologiques,498y 
500,  501. 

—  mortalité    infantile,  499. 

-  coureurs,  606. 
Jetas.  497. 
Jetoris,  497. 

Jeûne,  son  action  sur  Taptitude 

pathologique,  548. 
Juifs  (voyez  Ist^aélites), 


Jumeaux,   rares  d&DS   la  race 
jaune,  490. 


Kabyles,  30,  522,  523. 

—  manière  d*accoucher,  523. 

—  caractères  pathologiqueB,523. 
Kacké,  137,  500. 

Kamsin,  49. 

Kawa-kawa,  172. 

Kawine,  172. 

Kératophage,  401. 

Kermès,  son  action  sur  le  mou- 
ton, 436. 

Kikis,  507. 

Kin-ni,  préjparation  d'opium 
usitée  en  Chine,  176. 

Kirinagras,  307. 

Kouloughlis,  523. 

Koumyss,  151,  152. 

Kouro-siwo,  108. 

Kymris,  535. 

— ^  leur  faible  mortalité  chirur- 
gicale, 536. 

Kystes  hydatiques,  365. 


Lachnantes  tinctorial  son  action 

sur  les  cochons  noirs,  436. 
Ladrerie  chez  le  porc,  359. 

—  chez  l'homme,  361. 
Ladres,  314. 

Lait,  dans  la  diarrhée  de  Co- 
chinchine,  359. 

—  son  emploi  dans  la  déforma- 
tion polysarcique,  411. 

Lalaugolo,  470. 

Lama,  analyse  de  son  sang  sur 

les  altitudes,  70. 
Lamarkisme,  621. 
Lambwine,  liqueur  faite  avec  le 

riz,  152. 
Laminaria  saccharina,  103. 
Langue  de  grenouille,  848. 
Lanugo,  577. 
Lapin  (action  des  altitudes  sur 

le),  69. 

—  aptitudes  morbides  différen- 
tes de  celles  du  cobaye,  437. 

—  (forme  spéciale  du  charbon 
chez  le),  453. 

»  peu  de  résistance  aux  tr^^- 
maU&m^%,  k^V. 


654 


TABLB  ALPHABÉTIQUE   DBS  MATIÈRB8. 


Lapoue,  30,  53f . 

—  caractères  pathologique8,5S2. 
Lata,  délire  à  Java,  177,  429,507. 
Latitude,  son  action  en   patho- 
logie, 330. 

Laurus  sassafras  y  5. 

Lecythis,  321. 

Légumes  Chollet,  146. 

Légumistes,  107. 

Léoutiasis,  313,  318. 

Lèpre  des  Asturies,  128. 

~  cellules  lépreuses,  311,  326. 

—  tuberculeuse,  318. 

—  phvmatode,  318. 

—  apuymatode,  318. 

—  amputante,  319. 

»  (griffe  dans  la),  319. 

—  Scandinave,  32i. 

—  clioz  les  animaux,  325. 

—  en  Laponie,  533. 

—  aptitude  du  nègre,  480. 
Lépreux  (faux),  315. 

—  analyse  du  sang,  326. 
Less,  8o*n  iulluence  sur  la  vue, 

492. 
Lèvres,   leur  déformation,  415. 

—  petites,  leur  suture,  410. 
Licneii  esculentiis,  112. 
Limaces,   immunités    toxiques, 

436. 

Limo-juice,  146. 

Limnophysalis  hyalina,  son  ri^le 
dans  la  malaria^  200. 

Lipplapen,  609. 

Lliptn,  chique  de  chaux,  asso- 
ciée à  la  coca,  162,  183. 

Lobes  de  rencéphul»*,  leur  dé- 
veloppement phvlogéniqne, 
694. 

Lorraine  (fréquence  des  calculs 
en),  543. 

Loto,  317. 

Lotier  corniculé,  toxique  pour 
les  solipèdes,  435. 

Loui>s-garous.  423. 

Lumière,  action  biologique,  23. 

—  action  sur  les  végétaux,  24. 

—  rayons  trophiques,  35. 
Lutte  pour  l'existence,  97,184. 
Lybiens.  523. 
Lycanthropie,  425,  499. 
Lymphangectasie      des      pays 

chauds,  635. 
Lymphangites  pernicieuses  de 
Rio-Janeiro,-lo,  193,' 382. 


M 


Macules  de  la  lèpre,  318. 
Mais,  181,  136. 

—  mastiqué  en  Bolivie,  154. 
MaTsine,  134. 

Mal  d*un  an,  294. 
~  des  ardents,  122. 

—  de  la  baie  de  Saint-Paul,  486. 

—  des  Barbades,  379. 

—  de  Campanie,  343. 

—  de  Ccylan,  137. 

-  rouge* de  Guyenne,  318. 
—-  des  chameaux,  340. 

-^  de  Chavane,  486. 

—  cœur,  348. 

—  d'estomac  des  Nègres,  34s. 

—  de  Fiume,  486. 
^  français,  342,  343. 

—  immonde,  487. 

—  du  Maure,  816. 

—  des  montagnes,  55. 

—  di  Monte,  137. 

—  napolitain,  343. 

-  aux  os,  483. 

—  del  padrone,  128,  139. 
-•  de  la  piedra,  402. 

—  de  los  pintos.  317. 

-  de  la  Rosa,  127, 

-  rouge  du  porc,  447. 

—  de  Saiute-Ëuphémie,  486. 

—  de  Saint-Jean,  422. 

—  de  Saint-Main,  315. 

—  des  Sandwich,  512. 

—  di  sole,  128. 

—  syriaque,  278. 
Maladie  mentale,  417. 

—  du  sommeil,  470, 

—  du  système  nerveux,  520. 
—  à  microbe,  566. 

—  leur  action  sur  la  dégéné- 
rescence des  races,  627. 

—  de  l'appareil  respiratoire, 
comparées  chez  les  Anglais  et 
les  Maltais,  628. 

—  artificielles,  410. 

—  de  Ballingall,  307. 

—  de  Brunn,  487. 

—  des  dattes,  297. 

—  du  Golhard,  351. 

—  de  Gotlingen,  243. 

—  des  mineurs  d'Anzin  et  de 
Saint-Etienne,  351. 

—  paralytique  du  jeune  âge,  91. 
^  du  renard  au  Japon,  499. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE   DES   MATIÈRES. 


655 


Maladies  sociales,  406. 

—  d«*s  Scythes,  .^93. 

—  des  vaisseaux  irlandais,  248. 
Malais  (origine  des),  50â. 

—  caractères  physiologiques, 
506. 

—  caractères  pathologiques,  504, 
505,  50t»,  507. 

Malaria,  349. 

—  sa  nature,  197. 
Maie  in  canna,  278. 
Malleo  myces,  389. 
Maliens  humidus,  287. 
Mamelles  surnuméraires,  577. 
Mameloucks,  636. 

Manioc,  inolTensif  pour  les  ron- 
gfurs  et  pour  les  porcs,  435. 

Manne  des  Hébreux,  112. 

Mapouchari,  préparation  do 
hachisch,  174. 

Marigots,  leur  rôle  dans  Tétio- 
logie  de  la  dysenterie.  220. 

Marquises,  diminution  du  uom- 
br<^  de  leurs  habitants,  513. 

Mastic,  5,  151,  182. 

Masticatoires.  182. 

Mata-glap,  délire  spécial  en 
Malaisie,  177,  507. 

Matuzahuatl,  68,271,  52t. 

Maté,  ir.9. 

Matéisme,  170. 

Maturité,  hAtée  par  la  domesti- 
cation, 407. 

Maxillaire  inférieur,  fréquence 
de  sa  luxation  chez  le  nègre, 
458. 

M'dagamonté,  nom  de  la  dcn- 
gue,  5»A0. 

Mégathérium,  184. 

Meialeuca  leucodendron^  198. 

—  cajeputi,  198. 

—  son  nMe  en  Polynésie.  512. 
Méningite  cérébro-spinale,  252. 
Mrntal  strain,  418. 
Mercuriales    toxique   pour    les 

moutons,  435. 
Mrn'-pian,  483. 
Métissage,  605. 
Meunier,  3*7. 
Mexiijue,  65. 
Mezels,  314. 
Miaulantes,  427. 
Microbes  (action  de  la  chaleur 

sur  les),  2. 

—  (reviviscence  des),  44. 


Microbes  (action  de  Taltitude  sur 
les),  75. 

—  de  la  fièvre  jaune,  277. 

—  des  oreillons,  282. 

—  de  l'érysipèle,  283. 

—  dans  les  lochies,  286. 

—  de  la  péripneumonie,  289. 

—  de  la  morve,  289. 

—  de  la  tuberculose,  386. 

—  leur  rôle  dans  la  nature,  S46. 

—  de  la  syphilis,  346. 
— >  latents,  552. 

—  dégénérés,  559. 
Microcéphalie,  591. 
Micrococcus  vaccins^  2S4. 

—  de  la  rougeole,  236. 

—  de  la  scarlatine,  239. 

—  de  la  méningite  cérébro-spi- 
nale, 252. 

—  de  la  fièvre  jaune,  276. 

—  de  la  diphtherie,  280. 

—  de  la  phthisie,  387. 

—  pe$tis  bovina,  433. 

—  de  la  clavelée,  445. 
Mikiak,  104. 

Miliar,  forme  de  veruga,  800. 
Milieu  extérieur,  1 . 

—  (adaptation  au),  sur  les  alti- 
tudes. 69. 

—  épidémique,  228,  229. 

—  son  influence  sur  le  déve- 
loppement du  tœnia,  866. 

—  social,  402. 

—  intérieur,  433. 

»  intérieur,  cause  de  rnptitudc 
et  de  rimmunité  pauiologi- 
ques,  437. 

—  entraine  des  aptitudes  com- 
munes dans  des  races  diffé- 
rentes, 442. 

—  cause  de  transformisme,  560. 
Militaire  (conséquences  du  ser- 
vice), 332,  333. 

Mimétisme,  32. 
Monas  tuberculosum^  336. 
Monstres  marins,  réalité  des  lé- 
gendes à  leur  endroit,  80. 
Monstruosités,  573,  575,  576. 
Morbus  campanusj  343. 

—  hungaricus,  190,  248. 
Morphea,  317. 
Morphine,  179. 

—  son  action  sur  le  [cheval, 
435. 

Morphiomaiûe,  Vî^. 


§56 


TABLE   ALPHABÉTIQUE   DES   MATIÈRES. 


MorUlité,  13,  14. 
Mort-de-chien,  265. 
Mortis,  264. 

Mort-nés,  répartition,  586. 
Morve,  224,  287,  448. 

—  aptitudes  spéciales  de  cer- 
tains chevaux,  437. 

Mounds,  516. 

Moustiques,  leur  rôle  dans  la 

transmission  de  Téléphantia- 

sis,  383. 
Mouton,  analyse   de  son   ^ng 

sur  les  altitudes,  70. 

—  (ankylostome  du),  353. 

—  (tilaire  du),  373. 

—  aptitudes  toxiques  spéciales, 
4H5,  436. 

—  immunité  des  Algériens  pour 
la  clavelée,  437. 

—  leur  immunité  pour  le  sang 
de  rate,  437. 

—  (forme  spéciale  du  charbon 
chez  le),  453. 

—  ancon,  601. 

—  mauchamp,  601. 

—  loutre,  601. 

—  cheviot,  630. 

M'rogni,  synonyme  de  dengue, 
24Ô. 

Mucor  mucedo  de  la  péripneu- 
nionie,  290. 

--  de  la  coqueluche,  236. 

Mukkow,  nom  de  la  lèpre  à  Sa- 
markand, 317. 

Mulâtres,  609. 

Mycélium  do  la  diphthérie,  2«0. 

My{>ljne,  son  altération  dons  le 
coup  de  chahnir,  7,  11. 

Myrmiieo  formicariuSf  son  em- 
ploi, 416. 

Myxosporée  dans  U:  pied  de 
Madura,  307. 

Mzir,  liqueur  faite  avec  le  mil- 
let, 151. 


N 


Nahuas,  leur  déformation   crA- 

nienne,  414. 
Nanahualt,  341. 
Nanisme,  chez  les  végétaux,  48, 

51. 
—  sur  les  altitudeSi  74. 
Kécrohémie,  220. 


Nègre,     caractères      pathologi- 
ques, 460,  461,  462,  463,  464, 
465,  466,  467.    468,     469,    471,  • 
471,  472,   473,  474,    475,    476. 
477,  478.  479,  480. 

—  caractères  auatooiiques,  457, 
458,  459. 

Négrilles,  457. 
Négritos,  457. 
Nelavan.  470. 
Nelumbrium,  2S. 
NématoTde,  349. 

—  du  cheval,  370. 

Nez  (déformation  du),  415. 
Ngerengerè.  317. 
Niaouli,  198. 
Sicotiana  tabacum,  \H{. 
Nitrification,  185,  197. 
Nœvus  pigmentaire,  578. 
Noix  d'Arec,  183. 

—  de  Kola,  170. 

—  de  coco,  321. 
Normands,  536. 
Nostalgie,  420. 

—  fréquente  cliez  le  nègre, 
480. 

Nouvelle  -  Zélande,  mortalité 
comparée  des  Anglais  et  des 
Nègres,  463. 

Nystagmus  chez  les  albinos, 
582. 


0 


Obésité.  490. 

Obscurité,  son  action  sur  les 
animaux,  29. 

Odeur,  varie  dans  chaque  race, 
489. 

OEstride  du  cheval,  352. 

Oiseaux,  mécanisme  de  leur 
accommodation  aux  change- 
ments d'altitude,  73. 

—  (rhumatisme  articulaire  chez 
les),  442. 

—  (variole  des),  446. 

—  leurs  aptitudes  pathologi- 
ques, 454. 

Ombène,  170. 

Omok,  délire  thébalque  en  Ma* 

laisie,  177. 
Ongles,  330. 
Ontoçénie,  575. 
Onyxis    syphilitique     chez     le 

chat,  845. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE   DES  MATIÈRES. 


657 


Oni/xomycosiSy  401. 

Oovi,  ;il7. 

Ofihf/o.ri/lon  set^pentinum^  109. 

nphthaiiuio  iutorue  du  cheval, 

4- 1 
O  I. 

—  d«;  >Ia<lii;;îisr*îir,  193. 
-  piirulmte.  'iG. 

—  i'*pi».lriniqu(',  45. 

—  «lu  SuliJira,  45. 
d»»s  in'ijr»'S,  35. 

Opium,  t'oii  artiou  sur  Ioî»  ulti- 
tudop,  (>7,  175. 

—  «Ml  dliiu»',  175,  177. 

—  iClul)  d«*s  Uiaujjrriirs  d").  à 
Paris,  179. 

-  abus   ipi'on   »>u  fait  chez  li*s 
l'iifants  v\\  Aujxl».'t«'iT»\  179. 

Opmtsia  nirrictuia,  8«»n  riM»» 
daus  Irthilojrir  t\(*  In  tièvn» 
jaiiiH*,  :i77. 

(Mrliitr  nn'la.-tatique,  :i8l. 

(h'.'ili.'s,  l.ur  «It'formntiou,  415. 

(Mt'illous.  is\. 

ih'iit'  [Wii'vo  d««  vin  vi   d"i,    150. 

Oi'ini^'»'  faiissi*,  l5i. 

Os,  |»Mir  rainoIIisst'UHMit  fir- 
«pn'Mt.  rhfz  lo  uèfçre.  457. 

—  d«'  riiira,  519. 

—  iiit«Tuia\dlair<>,  5i>3. 

—  ijialairi'.  57». 
Ost'iUiina  malariœ^  199,  iOi. 
()sl»';«M'iasi«*.  91. 
0>t«'-oiiij||îiri«.'  du  liidaii,  91. 

di's  f'Miiuii.'s  «Ml  couches,  91. 

-  d«»s  vieillards,  \M. 

—  di*s  ji'uui's  verli'bré;».  9:*. 
(.)>sitlcatii>u,    su     h'utiiur  ii    la 

(ia\jnie.  90. 
Ouir.sou  évolution  dans  la  b6- 

rii*  aiiiiualt^  81. 
Onsv^ak  f!  Ard,  11:^. 
ovidi's.    liMu-s  aptitude.^)    palho- 

l(>;zi<|iifri,  45i. 
liv<|iii'nci'    du    tétanos    d»*s 

nouv»'au-ués,  466. 
Oxliruii*»,  67. 
Uxvur.'  v<'rniirulair»'.  3G7. 
Ozoïn».  3s. 


I» 


Palniellérs.   Ifur    l'Aie   danî"   la 

malaria,  199. 
Palo  de  li'che.  109. 
Paludation,  197. 

QiiOOH.  MÉD, 


Palustre  (catarrhe),  en  Abyssi- 

nie,  193. 
Panaris,  frrquent  en  Chine,  178. 
ï^apavotinc,   552. 
Paraplcjçie,  chez    les  chevaux, 

142. 
Parasitaire  (inclusion),  347. 
Parasites»,  leur  rùle  eu  patholo- 

ti'u\  âi3. 
--  micro.-c«»piquep,  293. 

—  de  la  veruiza,  304. 

—  de  l'épine-vinette,  30H. 

—  ilu  junipertis  xaàina^  308. 

—  dos  châtaigniers,  347. 

—  <le  la  lèpre',  3i5. 

—  du  tube  di«e.*tif,  348. 

—  dos  tisti^us,  368. 
du  san;;,  374. 

Parthénogenèse.  613. 
Pauvreté,  son  action    daus   la 

production  des  maladies,  40t. 
Pavot,  a!)us  qu'on  en  fait  chei 

les  enfants  dans  le  midi  de  la 

France,  179. 
Peau,  intluenc»*.  d»?   î^a  couleur 

sur   rai»titude  pathologii|ae, 

30. 

—  dans  les  races  noires,  457. 

—  sa  ftmction   dans   le»    pajr» 
rhnmls.  M. 

Peaux-lltJUges,  519. 

Priirine,  224. 

Pécari,    son   aptitude   pour  la 

peste  bovine,  452. 
Pelade,  135. 
Pelatina,  136. 

Pellagre,  127,  129,  133, 134,  687. 
Pellagrozéine,  134. 
Pi'umiican,  104. 
Pemphigus  lépreux,  318. 

—  chez  les  animaux,  293. 
IVutastome  du  chien,  352. 
Périkal,  306. 
Péripneuniouie     des    bètCB    à 

corne,  289,  438,  558. 
Perouosporn.  277,  347. 
Pérou  (fré(pience  de  la  phthîsie 

au),  521. 
Peste,  limiti;  eu  altitude,  75,  25<. 

—  indienne,  253. 

^  pneumoniqui-S  253. 

—  némoptoïque,  253. 
-  de  Pâli,  253. 

—  de  Bagdad,  253. 

Vi. 


658 


T4BLS   ALPHABÉTIQUE   DES  MATIÈRES. 


Peste  noire,  253. 

^  de  Cyrénaïque,  253. 

—  d'Athènes,  253. 

—  de  Syracuse,  255. 

—  d'Orosius,  256. 
<—  autouine,  256. 

—  Doire,  256. 

—  de  JustinicQ,  236. 

—  de  Cyprien,  236. 

—  frustre,  262. 

—  antique.  262. 

—  bubonique,  2C2. 

—  (semeurs  de),  268. 

—  chez   les  animaux,  447,  563. 

—  bovine,  449. 

—  (aptitude  des  nègres  pour 
la),  480. 

Pétéchies,  145. 

Phagédénisnie  des  pays  chauds, 
285,  484. 

— >  dans  la  race  jaune,  496. 

Hiellandrie  acpiatique,  son  ac- 
tion   sur    h's    chi'vaux,    436. 

Phénicirus,  5^3. 

Phlegoion  palmaire^  fréqutuit 
en  Chine,  i7K. 

Phonation,  conditions  physi- 
ques qui  lui  sont  ])ropres.*Ki. 

Phthisie,  rare  sur  les  hauteurs^ 
68. 

—  l«>preuse,  319. 

—  pulmonaire,  3:28. 

—  chez  len  Polynésiens,  513. 

—  fréquente  au  Pérou,  uil. 

— >  aptitude  inégale  des  Anglais 

et  des  Hindous,  627,  629. 
Phyloftéuie,  575. 
Physiologie  sociale,  405. 
Phylohémie,  2iO. 
Pian,  344,  482,  505,  511. 

—  de  Nérac,  487. 
Pieu,  349. 
Picottr,  ii34. 

Pied,  sa  déformation,  413. 

—  dans  diverses  races,  489. 

—  de  Coehin,  306. 

—  de  Madura,  306. 
Pigment.  578. 
Pignon,  3âi. 
Pilocarpine,  99. 
Pilosisme,  576. 
Pinhao,  321. 
Pinta,  521. 
Pintos  (los),  521 . 
P^*  betle,  183. 


Piper  methysthum^  172^  183. 

—  siriboa^  183. 
Pistacia  lentiscut,  5,  182. 
Pilbury,  173. 
Piljut.503. 

Pityriasis  venicolar^  aptitudes 
de  certains  tempérament^, 
401,  5'i7. 

—  celtriopium,  469. 
Plaie  annamite,  496. 

—  d'Yémen,  484. 
Plantes  sociales,  407. 
Pleurésie,    fréquente    sur     les 

hautinira,  67. 
Pleuritis  pestilcns,  67, 
Pli  courbe,  59 i,  595. 

—  de  passage.  594,  595. 
Pli({ue  polonaise.  534. 
Pluies,  leur  action  sur  Fatmos- 

plière.  47. 

—  d«*  sanjç,  46. 

Pneumonie,  fréquence  compa- 
rer chez  les  Anglais  «*t  les 
nègres,  464. 

chi'z  l'Arabe,  526. 

—  fréquente  sur  l«'s  liautiMirs, 
67. 

P(Mssous.   uni»    des    causes    d».* 

leurs  migrations,  54. 
Polentii,  131. 
Politique,  son  rôle  dans  la  pro- 

durtion  de  la  folie.  4i1. 
Polonais,  533. 
Polvilactylie,  SHii. 
Polynésiens,   507,  509-312. 
Pul'yffi/numf'agopirum,  103,  437. 
Ponimrlière  imaladic),  515. 
Pomotou  (ih's»,  population.  514. 
PonnoucouviuMuy,      synonyme 

di's  oreillons,  *:i81. 
Population  (uiouv^'uient  de   la), 

408. 
Pore,  innnunité  toxique  et  opti- 

tude,  435,  436. 

—  analyse  de  son  sang  sur  les 
hauteurs,  70. 

Possession  des  nonnaius,  425. 
Pol-au-noir,  101. 
Pouillerie,  263. 

Pouls   (action  d»    l'air  déconi- 
*    primé  sur  le),  59. 
Poumon  (action  des  pays  chauds 
sur  le).  13. 

—  (anomalies  du)  chex  les  mi- 
crocéphales, 596. 


TAULE   ALPHABÉTIQUE   DRS  MATIÈRES. 


650 


PiHirrnlii*.  S'i?. 
I^oiirrilni'i'  «l'iiùpilnl.  4X5. 

ili-  vr|jr«''tîni\,  :\M\. 
—  iii.ilatiii'  ili's  moulons.  JaS. 
|*nii.>l/;i.  lUo. 

IMvfncit"'  «'M  ZnntiM'hllii*.  Ul». 

l*r»''iMii"-"'ni"  i\r  riiiiinuit',  î».i. 
Pi''<li:^|H»>irnni  uu*rl»i«l«'.  i;JS. 
I»rij.!i>,  \\\1. 

Pi  «>l".-rioiis,  N'Ui-  îH*tinn,333, 400. 
l*ri.|t'cti«»ii.  rniis/'<|nPin*i'  ili»  Vii<- 

«-•M'iîitioii.  '»07. 
I^fftfnr'iri  i/s  /fnrhifills,  40, 
Prot"f  ;iii^nir«»niif.  :ÎS. 
Pu.'l>l.»-.  r»is. 
Piii-rp/ral    i  ••iiipoisoiiin'iiUMil) , 

Puil>  ;ï  ^oiti»',  iil4. 
lMil<|n«'',  li«|inMir  faite  «v«'c  l'a- 
l(M"r,  loi. 


() 


«Jii'f.  ^ynoiiynn'  «riijfliH'nzn,  40. 
Hliirljas.  .'ils. 
nuiii([iiiiiM,  iO'i. 

K 

ll.K.'cr   j)rn|ti'i'''t''-  «!«'',  61  fl. 
I{a<"<'S  jaun»'S.  raraiir-iTs  |»îitln»- 

l.ij^i/|ii<s,    4s7.  'i.vj,  4i»0,    4yi, 

4'.ii.  iHii.  '.l>... 
Harps    .a{)ti(n«i«'    «Ifs'i   jionr   If 

i)r'.iilMTi.  i:iK. 
aiialw"  ]iallii>lnirii|Ui',  4i>i*. 

—  paliiiilfiîiit'    coiiipuivp.     <!«•}:) 
hiiiiiMincs.  \:'i'\, 

—  hlaiirlu'.    'M], 

—  blnmlf.  ;i4l. 

—  .!'•  Caii.-hhlt,  ."ioO. 

—  ili"  (!ro-.Mairiioii.  o3l. 

—  «1.'  l'iirfno/,  3;JI. 

—  jaun.',  4n7.  'ihU,  ?.»0,  401,  492. 

\\)\.  V.ry,  \'M',. 

iioirT,  4.».»  «'t  sniv. 
Hariiitisiinr.    l'n'MiiH'in'if    chftZ  l<^ 
jirj-'Fi'.  4i>7. 

—  fiv«[Mi'lirr  r(nnj>aivp  rlii'z  \t'> 
Anglais  l't  Ifs  î!r«.'irs.  4t)4. 

Ka«l«'z>^'.\  XVJ.  iS7. 
Ilailiatioii  molaire.  41. 
}\(F.<li.'i'ni  hi/pngda,  347, 
KaV.',  -JKfi.'o39. 

Kdki,  131. 


Raiiiaiiinjaiia.  4?0,  481,  507. 
Uapn  (ilrpopulntiitii  de  rili>),5i4. 
lifi/inania  m/tystira,  i'M. 
Uu|)lmni«s  li3,  i:n. 
Hnjihanua  vaphanistrum,  125. 
llat>.  aptiluii»!  toxiipn-,  43ri. 
jla/î:i.  i!Oii(iimoiit  ueito  iii  Ma- 

Urlli'X»'  (ilr»  rai.lion)  suivant  loi* 

racfs.  4!M). 
R«'fri»iiliss»'inpnt.   na    fivf|ui»iirtî 

dans   It's   iv^iuu:>   tropicalc^i 

14. 
Ri'Iapsiii^  fiîwr,  230, 
HepcupIftiuMit  apr^s  1g>«  grau- 

(li'S  rpi(ii'ini(.>s,  238. 
K<>pri>du('tion  (U>rt  doi;;!:^  sumn- 

iiif'rain':?  auipiitrs,  5!M. 
U<''tn';ci>Bioment  veriuiiieux.  975. 
Jli'.vivisrLMic»',  43. 

-  fins  pTuiort  d«  luularia,  197. 
—  <li'.-i  jLreniiPS  df  la  diphtii6rie, 

281. 
tlhaluliiis  inrrirola,  336. 
Uhlf/oijuit  îiiqricans  Ehrenhergii^ 

•j:-.o. 
iîlium,  154. 

lîhnm.itiruu'  m  Am^M'iqiio,  5i0. 
iUrhi'?si',  pon  action,  40'.>. 
Ihn^wniuis.  401. 
Jîiz.  .->  1   luusticiition  à  ForuiosCi 

lînui.uti/o.  maladif^  de:)  chieDS 

(pruu  oliHiTvi'.  à  Cuba,  S27G. 
lldUiainr,  3i3. 
jlniiutiirr,  aptitudes    toxiques, 

'i33. 
UoUCnUVriiUi-S,  320. 
llouîicnlf,  Ja4,  235. 
Rou^roL  du  poTT,  ii4. 
Houill».'  des  vi'-f^i'-taux,  808,  359, 
liuhin  jio,via^  43(î. 
iluiuinanto,  aptitudi-s   patholo- 

^i«[urs  pour  la  pr^t(',  43:2,  454. 
Kut.sou   arlion  sur   Ird  aptito- 

d'.'S  morbides,  548. 


S 


Sairoovir,  lOi). 

Saisons,  lear  action  f^ur  la  folie^ 
Mi. 

—  iniortalit*'  «'imiparéi'  «les  An- 
glais ctded  iiègred  tw^U^^SLV.^^ 


TABLI   ALPHABtTIIinE   DES  H^TIËABS. 


060 

S«ki.  m.  500. 

Semoa  (Iks),  il'' population,  $14. 
Satui'hoo,  a|r>)iit  de  sorgho,  iSj. 
gaiidwich  {ne*],  dépopulation, 

SIS. 
guig  (uialyi'c  du)  sur  tes  alti- 

tvifl  -de  l'ftlc,    imninnit^    de» 
moutons  iilici^rii'ii».  137.  K$3. 


I.  iM 


h* 


SâçinduM   edulis,  ncltiin 

dhiduiie,  439. 
&^rolegma  /W-ox,  3D9. 
fiatyria«is.  3)3. 
Sauriens,    cause»  de  leur  nn- 

BWnj'ardr,  iti. 

Buons,  SIB. 

•Hrhktin?  .  %ii.  137.  ^51.  5r,9. 

—  Iptitudi!  d<-8  Aupliiie.  538. 

—  pendant  la  (jrossi'i'iii'.  âtï. 

—  uuUtiidP  lies  op<>rés,  ïtU. 
SdérodiTiun;  JUJttitoï'O,  47U. 
Sd*ro»e  c^.'ivbrule,  471. 
SeleruhcioHiniuiin,  1311. 
Scorb       3 

Scorbul&If  ia,  lie.  m.  lU,  1 15. 
ficroriil^,  530. 
Séanlais.  9â. 

Sem  (lil^formatioa*   artificietk.' 

dn],  41S. 
SAlei'lion,  Gjl,6i3. 

—  WM-i;ilp.  flS4. 
SénôteK,  iH. 
Senh,  500. 

Septiréuiic,  1,  iH.  tts.  4(1. 

B«sdi)tttl>imi>.  ."itiK. 

Sest'     iiiptitml.'     patholo^iiqiic 


-  fr<''i|Ufnri>  dp  la  KMulf.  4  M 

-  (rioi^i'olf  do).  447. 

-  frt'-iiut'ui-e  du  ti-tanii?.  108. 


Sol,  89,  9S.  617.638. 
Solauêp».  Ipiirai-tiou   ci'Ti'-iir,ilp 
proport ioauplh:      û    l'iiiUlli- 

•il  (L-oiipdt),    0. 
Solip^des,   dptitildi^ii    loxiiiui^,: 

iî5. 

Somnolence,  t7ï. 
Sorroehe,  55,  7*.  163. 
Sppclre  eolain-,  33.  TH. 
Sprdiilskpd.  31fi,  3îi,  ^117. 
Spirillum  danii   le  l'i'liipiiiiifi  f.j- 

Sploeîl.  3S. 

Spoillnii'-iir  def   inntaili>>s,    iïO. 
Sléutus>'du  foif.  SI*). 
SIemilùi  ariiminata.  170. 
—  lomeiiiima.  171. 
Stt^rilili'-,  an. 
Sligmita  liiaioli  41?. 
Stoinilili'.  ulcère  membraneux 
fpidùmlquï,  570. 


'.  53S. 
Suicide.  410,  6ïK. 
Siilfuration,  186,  197. 
Suppuration  [!•'»  races  uiit   nue 

Icndaurf  ïui^tfnlo  à  ln<.  454. 
fiur««tivil^jiieutiil[;  41S. 
SuiYti-uiulit-'-  frfqueute  chi't  Ira 

cr<^tin«,  il  . 
SuruiPiDi^''.  rri^e  des  apliludes 

PHlholu^ii|U(>it  spt'-cialfi'.  5)9. 
8uliir<'ii  iTdiiii'iiiies.  leurïiupli- 

citA.  404. 

—  li-ur  ossilii'sitiou.  404. 
~  iniHcipiciue,  570. 

—  molaire.  5TD. 
■Swiiii^plntdle  du  poi'ft,  77. 
Syaiétric  ji.'  ceiiuiaeâ   dii')irtsi- 

tiOlu  anBloiliiqura  et  de  riT- 

tnines  lissions,  £7U. 
S;uptâiUD«.    Tariont    «uivant 

les  races.  441.  44t. 
Syncope,  fr^qm-ute  sur  le«  slti- 

S,vii.l;i 


TABLE  ALPHABÉTIQUE   DES   MATIÈRES. 


661 


Svjihilis  .111  nuïVPJi  jlffc,  485. 

—  |Mvhistori«|u«»,  oJO,  531. 

—  siiiv.iiil  h's  raci?:*,  bi4. 
Syphilisjitiou,  4.s5. 


T.ilKir.  IHl. 

—  SI  ni   iu'tinii  î*iir  l«*s  oh«»vn.'s, 
■'i;;.). 

TiiliM^o.uiurtiililr  «'ouipurée  des 
Anglais  et  (les  nègres,  463. 

T.jIxhi.  .'iio. 

T.irhf  «'ini»''iniqiH*  dos  CordilW»- 
n's,  iïil. 

Ta.Iji.ks,  H:i3. 

TiiMiia.  .i.iO. 

—  iiitliii'iiri»  du  milit'u  Hur  hou 

df'VclojipciIliMlt.  366. 

—  l)ollirn>côphal«*  ou  lula,  36'i, 
.sert. 

—  r/"axs';Vo//i.s*,  .<GG. 

—  (;(:hiuoroi]n<>,  363. 

—  inrnij»\  3t>7. 
mavf/huita,  366. 

—  mffdiocanrilata,  361. 

—  ;ïaM(i,  3rir>,  367. 
pet'tÎTmtii^  367. 

—  perfoliata.  367. 

—  serrata^  3ti5,  367. 

—  S'Uium,  3.>î>,    367. 
ïnfia.  134. 

Taille  action  de:»  villes  Hur  la), 

Taili.  sa  di'*popalatioii,  514. 

Taiiiahoiis.  Mt. 

Tançai  ara ,  î36. 

Ta  pana,  liipii'ur  dt»  la  Guvanc, 

i:i4. 
Tara  df  Siln'H»',  4Î9. 
Tari'iitiil»*,  4i'i. 
Tari'ntisiiii>,  4i4. 
Tartn*  stihi»'*,  tidi'Taiico  du  uô- 

pN».  460. 
Ta  taon,  412. 
TatnuafZfî.  41i.  510. 
Ti'liaoniicu,  *orUs  do  bière  usitée 

«•n  Chine,  132. 
TilHMpi.-s,  33». 
Tfi^Mi»*  fjiv«'us»»,  401. 

—  iiid)ri(pit'>e,  401. 

—  prlad»',  401. 

—  pitvrinâique,  401. 

—  de'^Tukélan,  401. 


Tcij^no  tonsurante,  401. 
Tt'inpéranif'ut.    son     inQuenee 

sur  l'aptituili!  morbide,  546. 
T«mpératun»,  1. 

—  du  milieu  inlérieur.  440. 
Tension  do  l'oxy^^ène  atmosphé- 

riqu«',  13. 
TiTatolofirio,  372. 
Terrain  pathoIof;;i({UP,  532. 
Terre  des  herbi's,  344. 

—  Comestible,  520. 
Tétanos.  31. 

—  rare  rli.^z  los  Chinois  qui  fu- 
ment l'opium,  17k,  283. 

—  fréciuiMtee  compar(>e  chez  les 
Anf?fais  et  les  nègres,  464. 

Thébalne,   mal  toléjrée  par    les 

ehieus,  435. 
ThéliHïsme,  173. 
Théobroma,  171,  426. 
Théouiani(>,  426. 
Thériakisme,  175. 
Thermométrie.  cérùbralo,  418. 
Thibet  (population  du),  65. 
Tif;ritier.  42i». 
Tilletin  scarlatinota,  239. 
Tlolo,  coutume  de  sélection,  409. 
Toesvak,  vin  de  coco,  109. 
Ton^a.  482. 

—  forme  du  pian,  511. 
Topas,  610. 
Touaregs,  45. 

Tournis  chez  le  mouton,  866. 
Transformation   dus    êtres  aux 
époques  géologiques,  79. 

—  lio.  Vindividu  pur  le  milieu, 
560. 

Transformisme,  560. 

—  rapide  chez    les  ioftoiment 
petits,  364,  636. 

Transfusion  du  sang,  247. 
Travail  (divisiou    da)   dans  la 

nature,  23. 
Trépanation,  hîA, 
Trichine,  368. 
Trichinose,  368. 

—  (maladie  des  végétaux,  Toi- 
sine  do  la),  370. 

Tricocéphalô,  867. 
Tricophyton,  533. 

—  deLWvans,  401. 

—  ton,turans,  401. 

Trinité,  mortalité  comparée  des 

An^daÎA  et  des  nègres,  463. 
Trismus  desQov(«^>^-^^>^K^* 


66S 


TABLE   ALPHABÉTIQUE   DES  MATIÈRES. 


Tsarath  nphsrmotode,  497. 
Tubprciilosp,  328. 

—  f;l  luarcho  suivant  Ica  races, 
4ri4. 

—  (mortalité  c<»iiip.'iri'*p  dos  Au- 
jrlJiij»  «'t  «los  ih'^ros  par  la),  473. 

—  (aptitu«l»'rt     morbides   créées 
par  la/.  5il). 

Turcs.  5i3. 
Typhus,  247. 

—  altitud»'?ld«'i«,  68. 

—  (Ml  Aiiiériquc,  521. 
---  bilieux,  251. 

—  bovin,  449. 

—  ictérode,  251. 

U 

Ulcèro  de  Bas.<ac,  49(i. 

—  de  Mozambique,  484. 

—  d'Orient.  294. 
Urée,  26. 

Uredo  caries,  137. 
--  rut)it/o,  359. 
Urocysiis  des  oi^uons,  347. 
Uta,  305. 


Vaccination,  559. 
Vaccine,  224,  îi."i5. 
Vampires,  4:*3. 
Vandales,  523. 
Variatinu  des  espèces,  560. 
Variétés.  560,  609. 
Variole,  224,231,627. 

—  ch»*z  l'Aralx',  526. 
--  chez  \o  chien,  446, 

—  en  Chine,  495. 

—  chex  le  pon\  *46. 

—  chez  le  ëiuge,  444. 
Varrow,  S84. 
Vaudoise,  494. 
Vttudoux.  429.  481. 
Végétaux  (maladie    infectieuse 

parîisitaiix-  des),  3i6. 
Venin.  5. 

—  de  scorpion  contre  la  tiùvro 
Jaune,  278. 


Vent,  4  4,  47. 

Ver  de  iininéi;,  371. 

Vératrine,  inunuuités  et  aptitu- 
des de  certains  animaux,  433. 

Verd*'ranic,   133. 

Viîrdet,  13:î. 

Veru^'a,  sa  limite  en  altitude. 75. 
299. 

Vibrion  pyop'uique.  2s3. 

—  septi<|Uc.  283. 
Vidangeurs,      leur      inininuiié 

p«uir  certaines  maladies,  ^78. 
Vie  (condili<»ns  de  la),  89. 
Vigogne,  analyse  de.   son  sang 

sur  les  nltituiles.  70. 
Villes,  leur  actii>n    en  pnthol'>- 

j:ie,  4UG,  64«. 

-  -  (.séjour  dans  les'i.  627. 

Vincent  (Saint-'î.  mortalité  com- 
parée des  Anglais  et  des  ni'- 
gres,  463. 

Visache,   analyse    de   sou  saufi 

sur  les  altitude^,  70. 
Vision  des  couleurs.  37. 
Voix,  suivant  les  races,  489. 
Vomissements    lileus     dans  la 

lièvre   palustre  d  la   llavant^ 

:i00. 
Vomito  negro,  273, 


W 


Wisigoths.  535. 
Wiskoy,  153. 


Yawo,  482. 
Yerba  (la),  169. 


Z 


Zanibos,  610. 

Zélandeî Nouvelle^,  sa  dépopula- 
tion, ;>I4. 

Zooglen.  leur  rôle  dans  la  mala- 
ria. 2U0. 

Ztigau  eu  Australie,  415. 

Zrthus,  150. 


DU  MÊME  AUTEUR  : 


Ji'pid^jnîr  rhol-rlquc  d*'  IfiûO  fï  l'hôpital  Bt'aujon.  —  Pari».  Assfîlin,  18Ô7. 

/tr  r>'niplni  tta  f^phiftjiauijraphc  dum  C étude  det  agents  thérapeutique».  —  Paris. 

IlriiniiNiM',  l'^'-S. 
Des  vj-fs  v'jstt-iifil/'urs.  —  P.iris.  Loricrc,  lf*fi!». 

JJe  l'i  fj'f/iiisurir  iia.ix  lu  roin-niesn-ncr  df's  inuhidU't  aigUf'x.  Piri^.  Assclin,  1868. 
Af'fr'tiu'  lArti'-li-  ilii    Dii-tintiD'iin.i  i'iu-y>'l«tpi''«Jnpnî  des  i^cioDCCii  mi'dicalos),  en 

•■■•llili'ir.iiii.ii  .ivi'u*  CïuM.'P.  —  P;iri"».  Mansuii.  lK7i. 

A''r/''is/'/"/iyu>'v  lAi-'.i^lr*  <lii  LJi<\iiMiDa[ri:  •.■ncyoIopûdiqucdcB  ficiencc!)  médicales). 
--  V  iiis.  M.i»-iiiii,  l'»7:{. 

fh'  l'rlii"\nnil'in  dt'<  niv'iirumentu.  —  Parirt.  Ilennuyor,  ls73. 

/;-  I ntfho'W'-  dti  iujriiUiii'ij  »/'■  la  jirt!sswn  atinosphi^ri*iue  sur  Vêvnlution  orgU' 
..i,/ir.      -  l'.'nib.  M.'iSMiri,  l'»77. 

Z''<  /'\'/iii'ii'iii.r  nu  Jin'din  d'orrUtuntiitinu,  —  Pnris.  Manaon,  1S77, 

yiiiit  w//-  !>■<  é//.'fs  ri.in'nti'/ti'"(  du  pi'fiftixydr  d'asnte.  •■•  Paris.  Mn^iioi],  1877. 

Tiiifn/i.'f'fn  n  t-t  1rs  bui'dt  du  luc  Titivncu  (iu  DuUclini*  du  la  Société  d'anthropo- 


l^: 


/ . 


Jh\  I  iitifis(itlfin<  ri'r''hrafi'.^  {iu  Rrvui;  d'anthropnlogiû,  1H77). 

/ii*,t::-  ti'ini  jioiir  l'if'-  ilr  Afndiiijfi>!rar,  ^-  P:iriri.   Maisniii.  1K7'<, 

/.'•^  finucho^  >iu  Jardin  d'acclimatriti'jn[iii  I;iilli:liii^  de  la  Soi-iéto  d'anllirupologie, 

/.-'v  Lii-nui  au  Jnrditi  d'ntHimatation  (in  lUillulirid  de  la  Si.iciétû  d'aiiiliroimlMgie 
\^~~ }. 

Ii>-  i  tt^'ii/i-  de  l'arc  vt  */'•<  êihasst'»  en  Oci'nnie  (id.*:. 

I  '  Cji'",it."H  di'x  sci^'V KS  unthrt'ftnluyitfues.  —  P;iri^.  Uciiiwald,  lî«7>'. 

/  ■'^f.-'C-t  nii^  jniui'  laMalatsit  (in  Itullclin^  de  la  Sufirté  d'autlin^ixilugic,  137'J). 

/i.^iit-'  liiius  fni'r  fn  J.'tpnnit'  Ad]. 

l'i'idi' sur  unr  s-rit'  du  frûnei   d'assaitsins.  ~--  Paris.  Masfon,  1870;   2'   C'ditîoD, 

.V'>^•''  •!>■  ;i'i(/i  ,/(.(7.i»  ej-'dl'fite.  —  /.'■  Jhiutnn  df  lUsh'a  et  la  Xeroqa  [Utiuton  d**a 
\  .-/...  .   _  j.-l;.  Util  h.  I.-.  is^o. 

l!iy;,>-it  4»*r  il-  urijc  tindirl  wm  nullitiiis*  ili*  lu  Siirit-lc  d*aii(hr<.)pol<>gic,  IS^*!). 

ti  ^.,  :ri  ,ti,-  ri'ff-.iit,i:ij.!:!>-  dii  .\f.n!:ensit:  (ït\.).  l'y!?!. 

/».    •  iiii/il.id-'  •'■  ;  l•(^■'■^  f.hi.i-li\  d'  l'i'.unipi'  pour  In  .S!//*//e  (iJ.,  lb>l)i 

./.',!  '    .'  A  't  Mr.ùu:    .-.  Il  Ml.'  (r:i;itliii>ii>>liiL'ii*.   H!'81^ 

.\    !■•■•'  ..';r  ■'•:  '■  .':     Hnfi   d'nnthrn-.ijltif/ir  prfhistoriqut  du  Muxtfuiil  d'kiftoitÊ no^ 

tu,--li>-  d,-  tii:  .ii.h'c.    —  (Jr'iii'liji;.    i>iipout,   l!<^l. 

A  :.i.  .-'•iiit-'  '/il-' ./  ////..•:'  tt  d-nunt  hi  science.  —  tiroiuililiî.  Ihipont,  188i. 
/.  !  .11  !■  n'-r  il  If.  f^hc.itiiiii  du  travail.  —  (iiCUôMc.  hu[>oii'..  l>si. 

/•"•»/i,M/-f  li  .1/.  li-  .-ffiii-''  '/•■  firriifi/d'  sur  nnr  crpt-ricncc  de  trantpoH  de  la  furet 
„!';/.  ■.•''.'  nu  1.1  nj.-n  •/■'  l'i'li-tncd:'.  Gruoiiblo.  l>iipuat,  lï^3. 

A!-:.!  il  -  :  ^'iiv:.  f\,nditran'ji'.  —  Fer.  —  Musc.  — Xirntianine.  —  «Yiro/mr. 
^J,ln^\irl.  —  Itnij'-rt.  -  H-'fidrilifM. —.  Santal.  — ScnntMOnt'c. — 'f^C.  (in  Dic- 
l  ••iiiiain:  L'ucyrlnp.  dinui:  dl.'^»  s>'iiMu*v:«  inrdii'alesî.  —  P.iris.  Mmssod. 

Arl!'!""»:  A// u««  <///•'. —  Ai'/' rie.  litrif-rri.  —  /Jrtutnn  Ji* /IoAto-  —  Choléra. 
—  Ih t/tifi-rcKt'uirc    ifi  l'ictuinnairo  de.- ':ciûnrcs  anUirûpulogiilucs).  —  ParU- 

Diiiil. 

l'.i->  Mil  ;  II)  Jdvmnl  dr ihcraptrutique  de  Huiler.  —  Dulletin  de  th-rapeutique.^  — 
ti-  -c  \ii.',iii/iqw.  —  Jte*ut'  interfiatitntnle  d>'$  sc.ienBtê.  —  Archvc^  de  mt'de- 
'  i' .  —  A/t/»»i'.'5  de  inrdeciih'  navaie.  —  La  fiazrttehfhdomndaiivdc  mcdecine 
ti  'I-  I  /nrurçir.  ~  Jiullctini  delà  So'irté  anatouiique.  —  DuUetmt  de  la  Société 
de  th''i'apfutiqnr.  —  Uulletins  de  la  Société  d'uni hropoloqie.  —  La  Xatwê.  ^ 
fc  !^'ational  —  le  Républicain  4e  l'Isère.  —  le  Jtèvnfdu  Ikn^kmé^^^^ 


i-. 


-»    ....   •   .^  j| 


Sv*. 


-^'"^^^'^-  MiMilMiiTti^-i